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Full text of "Société de l'histoire de France"

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J 


I 

I 


CHRONIQUES 


DE 


J.  FROISSART 


I. 


9924.  —  PARIS,  TYPOGRAPHIE  LAHURE 

Rne  de  FlenniSy  9 


^^ 


1 


I 


CHRONIQUES 


DE 


J.  FROISSART 


PUBLIÉES  POUR  LA  SOCIÉTÉ  DE  L'hISTOIRB  DE  FRANCE 


PAR  SIMEON  LUGE 


TOME  QUATRIEME 

1346-1356 

(dSPUIS   le   SIÉGB  DB   CALA»  JUSQu'il  LA   PB1SB  DB   BBBTBUIL 
ET  AUX  PBÉLmiKAIBES  DE  LA  BATAILLE  DB  POITIBBS) 


A  PARIS 

.CHEZ  H"  y*  JULES  RENOUARD 

UBBAIRE  DB.  LA  SOCI6TË  DB  l'hISTOIRB  DB  FRANCE 

■m  !>■  TOOMON,  M*  6 

HOCCCUXOI  4U 


EXTRAIT  DU   RÈGLBHEIIT. 


Aat.  14.  Le  Conseil  désigne  les  ouvrages  à  publier,  et  choisit 
les  personnes  les  plus  capables  d'en  préparer  et  d'en  suivre  la 
publication. 

U  nomme,  pour  chaque  ouvrage  à  publier,  un  Commissaire 
responsable  chargé  d'en  surveiller  l'exécution. 

Le  nom  de  l'Éditeur  sera  placé  en  tête  de  chaque  volume. 

Aucun  volume  ne  pourra  paraître  sous  le  nom  de  la  Société 
sans  l'autorisation  du  Conseil,  et  s'il  n'est  accompagné  d'une  dé- 
claration du  Commissaire  responsable,  portant  que  le  travail  lui 
a  para  mériter  d'être  publié. 


Le  Commissaire  responsable  soussigné  déclare  que  le 
tome  IV  de  V Édition  des  Chroniques  de  J.  Fboissart, 
préparée  par  M.  Siméon  Luce,  lui  a  paru  digne  cCêtre  pu- 
blié par  la  Société  de  l'Histoire  de  France. 

Fait  à  Paris,  le  1  novembre  1872. 


Si^nè  :  L.  DELISLE. 


Certifié, 

Le  Secrétaire  de  la  Société  de  l'Histoire  de  France, 

J.  DESNOYERS. 


SOMMAIRE 


SOMMAIRE. 


GHilPITRE  LXI. 

nCTZmSBDIXHT  BT  SIÈGE  DK  CALAIS;   nODUiBB  F^IIODK  :  OU  3  AO^ 

jLVkwanE  D^dMBBx  1346  ^  (§§  288  à  291). 

Edouard  III  investit  Calais  *,  dont  la  garnison,  composa  surtout 
de  cheraliers  de  l'Artois,  a  pour  capitaine  Jean  de  Vienne,  d'une 


1.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques^  t.  Il,  chap.  ixxxa  et  lxxiy,  p.  95 
k  103. 

2.  D'après  Michel  de  Northbiirgh,  chapelain  et  confessenr  d'E- 
douard III,  qui  accompagnait  ce  prince  dans  Pexpëdition  de  1346)  les 
Anglais arrirèrent  derant  Calais  le  2  septembre  1346.  (Hisi.  Ed,  UlyfAT 
Robert  de  Aresbnrj,  p.  140  et  141.)  Ainsi  le  roi  d'Angleterre  mit  le  siëge 
derant  cette  place  forte  une  semaine  seulement  après  sa  victoire  de  Crécj. 
On  nous  permettra  de  citer  ici  une  pièce  d'une  importance  capitale, 
relative  à  l'incident  le  plus  décisif  de  cette  dernière  tiataille,  que  nous 
avons  connue  postérieurement  à  la  publication  du  troisième  volume 
de  notre  édition.  En  novembre  1375,  des  lettres  de  rémission  furent 
octroyées  à  Pierre  Coquet,  âgé  de  cinquante  ans,  de  1  Étoile  (Somme, 
mrr.  Amiens,  c.  Picquigny);  c  du  fait  de  la  mort  des  Geneuoiz  et  autres 
estningiers  qui,  après  k  desordenance  qui  fu  sur  la  rivière  de  Somme 
quant  Edwart  d'Angleterre  nostre  adversaire  et  ses  alliez  passèrent  la 
Blanche  Tache,  et  au  retour  du  conflict  de  la  bataille  de  Crecy, 
trente  ans  a  ou  environ,  avint  en  plusieurs  lieux  ou  pais  de  Picardie, 

VOUm  es  QUE  BEKOUMÈR  KT  VOIX  PUBUQUB  COUBOrT     QUB   TCEULX   GeHB- 
VOIS    XT     KSTBAMGIB&S    AVOIBST    TRAT    LB    BOT   PHBUPPB  ITOtrBB    AYKUI., 

€pie  Dieu  absoille,  nostre  dit  ayeul  fesist  dès  lors  gênerai  remission  et 
aboiicion....  de  ce  que  ou  temps  dessus  dit  ot  aucuns  des  diz  Geneuoys 
au  autres  estrangîers  occis  ^  en  la  ville  de  PEstoille  sur  la  dite  rivière  de 
Somme ,  à  une  lieue  de  Lone  en  Pontieu  ou  environ  oit  il  demouroit  et  en" 
cote  demoure^  par  les  habitant  d^ieelle.  (Arch.  nat.,  sect.  hist.,  JJIO?, 
f'  150,  p.  310.) 


li 


fv  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

famille  de  Bourgogne  *■ .  Entre  les  remparts,  la  rivière  *  et  le  pont 
de  Nieulej  *,  le  roi  anglais  fait  construire  une  véritable  ville  pour 
y  loger  son  armëe.  Le  plan  des  assiégeants  est  d^affamer  cette 
place  qu'ils  n'espèrent  point  prendre  d'assaut.  Jean  de  Vienne,  de 
son  côté,  donne  Tordre  de  sortir  à  tous  ceux  des  habitants  de 
Calais  qui  ne  sont  point  suffisamment  approvisionnés  pour  un  long 
siège  ;  le  roi  d'Angleterre  laisse  passer  généreusement  ces  mal- 
heureux à  travers  son  armée  après  les  avoir  fait  manger  et  leur 
avoir  distribué  quelque  argent.  P.  1  à  3,  201  à  20S. 

Sur  ces  entrefaites  ,  Philippe  de  Bourgogne  *  meurt  d'une 
chute  de  cheval  au  siège  devant  Aiguillon,  que  Jean,  duc  de 
Normandie,  lève  par  l'ordre  de  son  père,  à  la  suite  du  désastre 
de  Crécy.  Le  capitaine  de  la  garnison  d'Aiguillon,  Gautier  de 
Mauny,  en  harcelant  la  retraite  des  Français,  fait  prisonnier  un 
des  chevaliers  de  l'entourage  du  duc  de  Normandie  nommé  Gri- 
mouton  de  Ghambly  ^  ;  informé  par  ce  chevalier  de  la  victoire  des 


1 .  D'après  la  plupart  des  manuscrits  de  Froissart,  Jean  de  Vienne 
aurait  appartenu  à  une  famille  de  Champagne  ;  mais  c'est  une  erreur  : 
le  défenseur  de  Calais  descendait  d*une  des  plus  illustres  familles  de 
Bourgogne.  Jean  de  Vienne,  de  la  branche  des  seigneurs  de  Pagny  et 
de  Seignelay,  Pun  des  quatre  fils  de  Jean  de  Vienne  et  de  Jeanne  de 
Genève,  seigneur  de  Pollans  et  de  Rothelanges,  reçut  le  Ik  novembre 
1338  une  pension  sur  le  tr^or  royal  de  cent  livres  portée  à  trois  cents  le 
17  septénaire  1340  et  à  six  cents  en  1348;  il  mourut  à  Paris  le  k  août 
1361  (Ansehne,  hist,  géntal,^  t.  VII,  p.  806).  Il  faut  bien  se  garder  de 
confondre  le  héros  du  siège  de  Calais  avec  Jean  de  Vienne,  amiral  de 
France  sous  Charles  V,  de  la  branche  des  seigneurs  de  RoUans,  de 
Clairvaux  et  de  Listenois. 

2.  Il  s'agit  sans  doute  ici  de  la  rivière  de  Hem  qui  passe  à  Guines 
et  vient  se  jeter  dans  la  mer. à  Calais. 

3.  Le  pont  de  Nieuley  se  trouvait  près  de  l'emplacement  qu'occupe 
aujourd'hui  le  fort  de  Kieuley,  au  sud- ouest  de  Calais,  dans  le  voisi- 
nage de  la  basse  ville ,  du  côté  de  Sangatte  ;  il  était  jeté  sur  la  rivière 
de  Hem. 

4.  Le  siège  d'Aiguillon  fut  levé  dès  le  20  août  (v.  t.  III  de  notre  édi- 
tion, sommaire,  p.  xxxn,  note  2)  ;  et  Philippe  de  Bourgogne  ne  mou- 
rut que  le  22  septembre  1346.  Par  conséquent  si  Grimouton  de  Cham- 
biy  fut  fait  prisonnier  avant  le  26  août,  il  ne  put  donner  à  Gautier 
de  Mauny  des  nouvelles  de  la  journée  dé  Crécy.  Froissart  se  trompe 
en  attribuant  à  Philippe  le  titre  de  duc  de  Bourgogne.  Philippe,  mané 
en  1338  &  Jeanne,  comtesse  d'Auveigne  et  de  Boulogne,  était  simple- 
ment le  fils  et  l'héritier  présomptif  du  duc  Eudes  IV  qui  ne  mourut 
qu'en  1350. 

5.  Philippe  de  Chambly,  dit  Grismouton,  était,  comme  le  dit 
Froissart,  un  des  favoris  du  duc  de  r^ormandie.  Par  lettres  datées 


•    •       • 


• 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  292-294.  v 

ApglaU  à  Crécjy  il  promet  de  le  mettre  en  liberté  sans  rançon,  si 
Grimouton  réussit  à  obtenir  du  duc  un  sauf-conduit  qui  permette 
à  Gautier  de  Mauny  de  chevaucher  à  travers  la  France  avec  une 
escorte  de  vingt  compagnons,  poiur  aller  rejoindre  à  Calais  le  roi 
d'Angleterre,  son  maître.  Jean  accorde  de  très-bonne  grâce  le 
sauf-conduit,  moyennant  quoi  Grimouton  de  Ghambly  recouvre  sa 
liberté  ;  mais  au  moment  où  Gautier  de  Mauny,  muni  de  ce  sauf- 
cooduity  traverse  la  France,  il  est  arrêté  à  Orléans*  et  amené 
prisonnier  à  Paris  par  l'ordre  de  Philippe  de  Valois  qui  veut  le 
faire  mettre  à  mort.  Le  chevalier  anglais  doit  son  salut  à  l'inter- 
vention chaleureuse  du  duc  de  Normandie  en  sa  faveur;  il  est 
mis  en  liberté  et  dine  à  l'hôtel  de  Nesle  à  la  table  du  roi,  qui  lui 
fait  au  départ  de  magnifiques  présents  ;  Gautier  les  renvoie,  sur 
rinvitation  de  son  souverain ,  aussitôt  après  son  arrivée  à  Calais. 
P.  3  à  iO,  205  à  218. 


CHAPITRE  LXn. 

4346.  CHEVÀvrciiÉB  du  comtk  db  dbbbt  bm  SAcrroifGB 
BT  BN  roiTou'  (§§  292  à  294). 

Le  comte  de  Derby,  qui  s'est  tenu  à  Bordeaux*  pendant  le 
siège  d'Aiguillon  par  les  Français,  aussitôt  qu'il  apprend  que  le 
duc  de  Normandie  vient  de  lever  ce  siège,  entreprend  de  faire 


d'Arras  en  aoôt  1347,  Jean,  duc  de  Normandie,  céda  à  son  amé  et  féal 
cheralier  Philippe  de  Chambly,  dit  Grismonton,  frère  de  Bon  amé  et 
féal  Pierre  de  Chambly,  cheralier,  moyennant  1000  liyres  tournois, 
une  rente  de  100  livres  sur  les  halles  et  moulins  de  Rouen  achetée 
1000  lirres  de  Pierre  de  Chambly  et  donnée  par  Philippe  de  Valois  à 
son  fils  aiué  (Arch.  nat.,  sect.  hist.,  JJ68,  p.  198,  f^  108). 

1.  Nous  apprenons  par  une  lettre  de  Derby  (Robert  de  Avesbury, 

&143)  qu'ayant  le  20  septembre  des  gens  de  la  suite  de  Gautier  de 
a«my  avaient  été  arrêtés,  malgré  leur  sauf-conduit,  à  Saint-Jean- 
d*Angëly  d'où  Gautier  lui-même  s'était  sauvé  a  grand'peine  avec  deux 
compagnons. 

2.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques^  t.  II,  chap.  lxxt,  p.  106  à  108. 

3.  Le  comte  de  Derby  ne  se  tint  pas  a  Bordeaux,  au  moins  pen- 
dant le  dernier  mois  du  siège  d'Aiguillon.  Le  12  août  134^6,  il  partit 


Ti  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

une  chevauchée  '  en  Saintonge  et  en  Poitou  à  la  tète  de  douze 
cents'  hommes  d*armes,  de  deux  mille  archers  et  de  trois  mille 
piétons.  P.  10  et  il,  218  et  219. 
^  Prise  de  Mirabel*^  d'Aulnay  *,  de  Surgères  '  et  de  Benon  '  ;  — 
assaut  infructueux  de  Marans  ^  ;  —  prise  de  Mortagne-sur-mer  *; 
—  assaut  infructueux  du  château  de  Lusignan*;  —  prise  de 
TaiUebourg-sur-Charente*°;  —  arrivée  des  Anglais  devant  Saint- 
Jean-d'Angély.  P.  11  et  12,  219  et  220. 

Après  un  assaut,  Saint-Jean-Kl'Angély  se  rend  aux  Anglais,  qui 
y  restent  quatre  jours";  —  Derby  est  repoussé  devant  Niort, 
place  très-forte  et  bien  fortifiée,  dont  la  garnison  a  pour  capi- 

de  la.  Kéoie  pour  Bergerac ,  et  il  reçut  dans  cette  ville  des  messagers 
du  duc  de  Normandie,  qui  venaient  lui  demander  une  trêve;  il  ne 
voulut  pas  l'accorder,  parce  qu'il  venait  d'apprendre  le  débarquement 
d'Edouard  III  en  Normandie,  et  c'est  sans  doute  la  nouvelle  de  ce  d^ 
barquement  qui  força  le  fils  du  roi  de  France  à  lever  précipitamment 
le  siëge  d'Aiguillon.  Robert  de  Avesbury,  H'ut.  Ed.  III  ^  p.  141 
et  U2. 

1.  Le  12  septembre  1346,  Derby  inaugura  cette  chevauchée  en  Sain- 
tonge  par  la  prise  d'Aubeterre  (Aubeterre-sur^Dronne,  Charente,  arr. 
Barbezieux)  suivie  de  celle  de  Chateauneuf-sui^harente  (Charente, 
arr.  Cognac).  Robert  de  Avesbury,  Hut,  Ed.  III ^  p.  142  et  143. 

2.  Derby  dit  dans  sa  lettre  déjà  citée  qu'il  avait  seulement  mille  hom- 
mes d'armes.  /&i</.,  p.  242. 

3.  Peut-être  Mirambeau  (Charente-Inférieure,  arr.  Jonzac).  D'après 
Jean  le  Bel,  dont  Froissart  reproduit  ici  la  narration,  en  intervertissant 
Tordre  des  faits  d'une  manière  trè»-malheureuse,  Derby  prit  successi- 
vement Taillebourg,  Surgères,  Aulnay,  Sain t- Jean -d'Anffély,  Niort, 
Saint-Maixent,  Lusignan,  Vivonne,  Montreuil-Bonnin,  Poitiers. 

4.  Aujourd'hui  Aulnay-de-Saintonge,  Charente-Inférieure,  arrond. 
Saint-Jean-d'Angély. 

5.  Charente-Inférieure,  arr.  Rochefort-sur-Mer. 

6.  Charente-Inférieure,  arr.  la  Rochelle,  c.  Courçon. 

7.  Charente-Inférieure,  arr.  la  Rochelle. 

6.  Mortagne-sor-Gironde ,  Charente-Inférieure  ,  arr.  Saintes ,  c. 
Cozes. 

9.  L'assaut  de  Lusignan  précédé  et  suivi  de  la  prise  de  Mortagne  et 
de  Taillebourg  semblerait  indiquer  Saint-Germain-de-Lusignan  (Cha- 
rente-Inférieure,  arr.  et  c.  Jonzac);  mais  on  voit  par  la  lettre  de 
Derby  que  le  Lusignan  qui  fut  pris  par  les  Anglais  est  le  célèbre  Lu- 
signan au  Poitou  (Vienne,  arr.  Poitiers). 

10.  Charente-Inférieure,  arr.  Saint-Jean-d'Angély,  c.  Saint-Sa- 
vinien. 

11.  La  prise  de  Saint- Jean-d'Angély,  qui  suivit  celle  de  Saintes 
{Grandes  Chroniques^  éd.  in- 12,  t.  V,  p.  464  et  465),  eut  lieu  vers  le 
21  septembre  1346  ;  Derby  resta  huit  jours  dans  cette  ville.  Robert  de 
Avesbmy,  Eut.  Ed,  III,  p.  143. 


SOMMIIRB  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  2^2-294.       m 

taîne  Gnichard  d* Angle; — il  emporte  d'assaut  Saint-Maixent  ^  et 
Montreuil-Bonnin  ^  P.  12  à  14,  220  à  222. 

Les  Anglais  attaquent  Poitiers  et  sont  repousses  à  un  premier 
assaut;  ils  se  rendent  maîtres*  de  cette  vaste  cité  en  donnant 
l'assaut  par  trois  côtes  à  la  fois.  Poitiers  est  mis  à  sac  *,  à  feu  et 
à  sang.  Derby,  après  s'y  être  reposé  douze  *  jours,  reprend  à 
petites  journées  le  chemin  de  Saint-Jean-d'Angély  ;  puis  il  re- 
tourne à  Bordeaux,  d'où  il  ne  tarde  pas  à  s'embarquer  pour  Lon- 
dres*. P.  14  à  17,  222  à  226. 

1.  Dcox-Sèrres,  air.  Niort. 

2.  Vienne,  arr.  Poitiers,  c.  Vouillé.  Il  n'est  question  dans  la  lettre 
de  Derby  ni  de  Tattaque  de  Niort  ni  de  la  prise  de  Saint-Maixent  et 
de  Montreuil-Bonnin.  Henri  de  Lancastre  dit  seulement  qu'en  cheran- 
cfaant  de  Saint-Jéan-d'Ansély  vers  Poitiers,  il  s*empara  du  château  de 
Losignan,  l'un  des  plus  forts  de  France  et  de  Gascogne,  et  qu'il  y 
laissa  une  garnison  de  cent  hommes  d'armes,  sans  compter  les  gens  de 
pied./*fW.,  p.  143  et  144. 

3.  D'aprâ  la  lettre  de  Dèrby,  Poitiers  tomba  au  pouvoir  des  Anglaii 
<  le  proschein  mersquerdy  aprèi  le  Seint  Michel  »,  c  est-à-dire  le  4  oc- 
tobre 1346.  làid.,  p.  144. 

4.  L'ëvéque  de  Poitiers  et  quatre  barons  qui  avaient  essayé  de  ré- 
sister aux  envahisseurs,  s'étant  sauvés  à  la  prise  de  la  ville,  les  Anglais 
firent  main  basse  sur  tout  ce  qu'ils  trouvèrent.  Harbert  Bellant,  l'un 
des  seize  hommes  d'armes  de  la  garnison  de  Poitiers,  fut  dépouillé  de 
tous  ses  biens  meubles  évalués  six  mille  livres.  (Arch.  nat.,  sect.  hist., 
JJ81,  p.  450.)  c  ....  apparuit  episcopum,  capitula,  coUegia  et  alias 
gentes  ecclesie  ville  Pictavis,  in  capcione  facta  per  inimicos  nostros  de 
dicta  villa,  omnia  bona  que  tune  habebant,  libros,  calices,  vestimenta, 
vasa  argentea  ....  amisisse....  »  Il  résulte  d'une  enquête  faite  en  1351 
que  les  parties  du  diocèse  de  Poitiers  qui  souffrirent  le  plus,  tant  de  la 
chevauchée  de  Henri  de  Lancastre  en  1346  que  de  la  peste  de  1348, 
ce  furent  les  archiprétrés  et  lieux  <£e  Lisigmaco  (Lusignan,  Vienne,  arr. 
Poitiers),  de  Sanxaio  (Sanxay,  Vienne,  arr.  Poitiers,  c.  Lusignan),  de 
j9oyito  (Bouin,  Deux-Sèvres,  arr.  Melle,  c.  Chef-Boutonne),  de  Âoffiaeo 
(Rouifiac-d'Aubeterre ,  Charente,  arr.  Barbezieux,  c.  Aubeterre),  de 
Âomio  (Rom,  Deux-Sèvres,  arr.  Melle,  c.  Lezay),  de  Chauniaco  (Cfaau- 
nay.  Vienne,  arr.  Civray,  c.  Couhé),  </«  ExoJuno  (Issoudun,  Creuse  y 
arr.  Anbusson,  c.  Chénérailles],  et  partie  des  archiprétrés  et  lieux  de 
Gencajo  (Gençay,  Vienne,  arr.  Civray)  et  de  Melle.  JJ80,  778. 

5.  Derby  dit  qu'il  resta  à  Poitiers  huit  jours  seulement,  après  quoi 
il  revint  à  Saint-Jean-d'Angély  d'où  est  datée  la  curieuse  lettre  qui 
contient  le  récit  de  son  expédition.  Aux  conquêtes  de  Derby  mention- 
nées plus  haut,  des  pièces  du  Trésor  des  Chartes  nous  %utonsent,  à 
ajouter  Tonnay-Charente  (JJ76,  p.  321),  le  château  de  Soid)ize  (JJ81, 
p.  147),  les  chatellenies  de  Loudun  (JJ80,  p.  577),  de  Soubize,  de 
TaiUebourg(JJ77,  p.  34)  et  Ja  plupart  des  K>rteresses  de  Saintonge, 
Poitou  et  Périgord  (JJ77,  p.  51). 

6.  Derby  était  de  retour  à  Londres  le  14  janvier  1347,  jour  où  il 
s'entretint  à  la  Tour  avec  David  Bruce,  roi  d'Ecosse. 


TOI  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT. 


/ 


CHAPITRE  LXm. 

1346.  nrvAsioN  des  icossiis  bn  anolbtbbbb;  vigtoisb  des  anglais 

A  nbtill's  cboss*  (§§  295  à  299). 

David  Bruce,  roi  d'Ecosse,  à  l'instigation  du  roi  de  France, 
son  allié  ',  profite  de  l'absence  d'Edouard  III  retenu  au  siëge  de 
Calais  pour  envahir  l'Angleterre  à  la  tête  d'une  puissante  armée. 
Le  rassemblement  se  fait  à  Edimbourg  :  les  forces  des  Écossais 
s'élèvent  à  trois  mille  armures  de  fer',  sans  compter  trente  mille 
d'autres  gens  tous  montés  sur  haquenées  selon  l'usage  d'Ecosse. 
David  Bruce,  laissant  derrière  lui  Roxburgh  *,  la  forteresse  la  plus 
avancée  de  l'Angleterre  du  côté  de  l'Ecosse,  dont  la  garde  a  été 
confiée  à  Guillaume  de  Montagu,  entre  en  Northumberland,  et, 
après  une  halte  entre  Percy  *  et  Urcol  •,  sur  une  ri^ère ,  vient 
camper  à  une  journée  de  Newcastle-upon-Tyne.  P.  17  à  20,  226 
à  231. 

1.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques^  t.  Il,  chap.  lxxti,  p.  109  à  114. 

2.  Les  ÉcoMais,  qui  araient  été  compris  dans  la  trére  de  Malestroit 
du  18  janvier  1343  comme  alliés  de  la  France  (Ârch.  nat.,  sect.  l|ist., 
J.  636 ,  no  17),  furent  aussi  compris  au  même  titre  dans  la  trêve  de 
Calais  du  28  septembre  1347  (J  636,  n»  2i).  Dans  le  poème  de  Lau- 
rent Minot  sur  la  campagne  qui  aboutit  à  la  victoire  des  Anglais  à 
Nevill^s  Cross,  le  poète  prête  a  David  Bruce  des  paroles  où  le  roi  d'E- 
cosse, vaincu  et  prisonnier,  attribue  son  malheur  aux  conseils  de  Phi- 
lippe de  Valois  et  de  Jean  son  fils. 

3.  Un  clerc  du  diocèse  d'York,  nomme  Thomas  Samson.  dans  une 
lettre  conservée  à  la  Bibliothèque  Bodlëienne ,  à  Oxford ,  qm  est  rela- 
tive à  la  bataille  de  Durham  ou  de  Nevill's  Gross  et  contemporaine  de 
cet  ëvënement,  Thomas  Samson,  dis-je,  fait  ainsi  le  dénombrement 
des  forces  écossaises  :  «  baronets,  chivalers  et  gents  d'armes  noumbrés 
entour  deux  mille,  et  altères  armés  envirun  vingt  mille,  et  des  comu- 
nés  ou  lances,  haches  et  arcs,  près  de  quarante  mille.  »  Kervjn  de 
Lettenhove,  OEuvres  de  Froissart^  t.  Y,  p.  489. 

4.  Old  Roxburgh,  château  aujourd'hui  détruit,  non  loin  de  Kelso, 
près  du  confluent  des  rivières  de  Teviot  et  de  Tweed. 

.  5.  Aujourd'hui  Alnwick,  dans  le  Northumberland,  entre  Berwick- 
upon-Tweed  et  Newcastle-upon-Tjme.  Ce  fief  devint  au  commence- 
ment du  quatorzième  siècle  la  propriété  de  lord  Henri  de  Percjr,  et 
prit  le  nom  de  cette  illustre  famiUe  normande,  tige  des  ducs  de  North- 
umberland. 

6.  Sot  Urcol^  roy,  le  tome  I  de  notre  édition,  sommaire,  p.  glxx, 
note  1. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  295-299.        ne 

Philippe  de  Hainaut,  reine  d'Angleterre,  chargée  de  la  défense 
du  royaume  en  Tabsence  de  son  mari,  fait  les  plus  grands  pré- 
paratifs pour  repousser  l'invasion  des  Écossais  et  rassemble  ses 
forces  à  Newcastle-upon-Tyne.  Elle  divise  son  armée  'en  quatre 
corps  *  :  le  premier  est  commandé  par  Févêque  de  Durham  et  le 
sire  de  Pei*cy,  le  second  par  l'archevêque  d'York  et  le  sire  de 
Nevill,  le  troisième  par  l'évèque  de  Lincoln  et  le  sire  de  Mow- 
bray,  le  quatrième  par  Edouard  Baillol,  gouverneur  de  Berwick 
et  l'archevêque  de  Gantorbéry.  Écossais  et  Anglais  en  viennent 
aux  mains,  à  quelque  distahce  de  Newcastle-upon-T3me ',  le 
mardi  après  la  Saint-Michel'  1346.  Les  Écossais  sont  vaincus  et 
laissent  quinze  mille  des  leurs  sur  le  champ  de  bataille.  David 
Bruce  est  fait  prisonnier  par  Jean  de  Copeland,  écuyer  de  North- 
umberland*,  qui  se  hâte  d'emmener  le  roi  d'Ecosse,  de  peur 
qu'on  ne  lui  dispute  sa  capture,  loin  du  champ  de  bataille»  et 
l'enferme  dans  un  château  appelé  Chastel  Orgueilleux  *. 

Du    côté    des    Écossais  ,    les    comtes   de    Fife  *,    de   Bu« 


1 .  D'après  la  lettre  de  Thomas  Samson,  citée  plus  haut,  l*armée  an- 
glaise, composëe  de  mille  hommes  d'armes,  de  mille  kobbiliers  ou  cava- 
bers  armés  à  la  légère,  de  dix  mille  archers  et  de  vingt  mille  gens  des 
communes,  fut  divisée  en  trois  corps  ou  échelles  ;  la  première  sous  les 
ordres  des  seigneurs  de  Percy  et  de  Nevill,  la  seconde  que  comman- 
dait l'archevêque  d'York  en  personne,  la  troisième,  qui  formait  l'ar^ 
rière-garde,  sous  la  conduite  du  seigneur  de  Mowbray. 

2.  La  bataille  se  livra,  non  dans  les  environs  de  Newcastle,  comme 
Froissart  semble  Pindiquer,  mais  beaucoup  plus  au  sud  et  tout  près  de 
Durham,  en  un  lieu  de  la  banlieue  méridionale  de  cette  ville,  appelé 
Nevill's  Cross  :  ad  crueem  Nevjrle  in  campo  juxta  Durham^  dit  Robert  de 
Avesbnry.  Aussi  tous  les  historiens  anglais  désignent-ils  cette  bataille 
sous  le  nom  de  bataille  de  Durham  ou  de  Neviirs  Cross. 

'3.  D'après  Thomas  Samson,  Bobert  de  Avesbury  et  Knyghton,  la 
bataille  de  Durham  ou  de  Nevill's  Cross  se  livra  le  17  octobre  1346, 
veille  de  Saint>Luc.  Robert  de  Avesbury,  Uist.Ed.  III,  p.  145. 

4 .  Le  château  de  Copeland  ou  Coupland ,'  qui  appartenait  à  cet 
écuyer,  est  situé  dans  le  comté  de  Northumberland  et  le  district  de 
Kirk-Nevrton,  sur  la  rivière  de  Glen  ;  il  a  été  rebâti  par  les  Wallace  an 
conmiencement  du  dix-septième  siècle. 

5.  Aujourd'hui  Ogle  ou  Ogles,  dans  le  comté  de  Northumberland, 
an  nord  de  Newcastle  et  au  sud- ouest  de  Morpeth;  on  voit  encore  les 
ruines  du  château  à  motte  féodale  où  Jean  de  Copeland  mit  en  sâreté 
sa  royale  capture. 

6.  Le  comté  de  Fife,  en  Ecosse,  est  bonié  au  nord  par  le  golfe  de 
Tay,  à  Test  par  la  mer  du  Nord,  au  sud  par  le  golfe  de  Forth,  a  Ponest 
par  les  comtés  de  Perth,  de  Kinross  et  de  Qackmann.  Duncan,  comte 
de  Fife,  ne  fut  pas  mé,  comme  le  dit  Frobsart,  mais  seulement  fait 


X  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT. 

chan*,'  de  Sutherland',  de  Strathdeam',  de  Marr*,  Jean*  et 
Thomas  de  Douglas,  Simon  ^  Fraser  et  Alexandre  de  Ramsey  ^ 
sont  tués  ;  les  comtes  de  Murray  '  et  de  March  ^,  Guillaume  *^ 
et  Archibald  de  Douglas,  Robert  de  Vescy,  les  évêques  d'Aber* 
deen  et  de  St-Andrews  sont  faits  prisonniers.  P.  20  à  24,  231 
à  239. 

<c  Et  moi  Jean  Froissart  ^S  auteur  de  ces  Chroniques  et  Histoires, 
je  fis  un  voyage  en  Ecosse  en  1365,  et  je  fus  de  l'hôtel  de  David 
Bruce  pendant  quinze  semaines.  Ma  très-honorée  dame,  la  reine 
Philippe  d'Angleterre,  m'avait  donné  des  lettres  pour  le  roi  et 
les  barons  d'Ecosse,  qui,  à  sa  recommandation,  me  firent  très- 

Çrisonnier;  et  ordre  fut  donné  le  8  décembre  1346  de  le  conduire  à  la 
'onr  de  Londres.  Rymer,  Fatdera^  vol.  III,  p.  95. 

I.  L'ancien  comté  de  Buchan  formait  autrefois  une  des  quatre  sub- 
divisions du  comté  d*Aberdeen  ;  il  correspond  aux  districts  actuels  de 
Deer  et  d'Ellon. 

3.  Le  comté  de  Sutherland  est,  comme  chacun  sait,  à  la  pointe  sep- 
tentrionale de  l'Ecosse.  Walsingham  et  Boethius  disent  que  le  comte 
de  Sutherland  fut  fait  prisonnier. 

3.  Ancien  comté ,  aujourd'hui  district  des  comtés  de  Naim  et  d'In- 
▼emess,  en  Ecosse,  à  l'ouest  du  comté  d'Elgin  ou  de  Moray.  Maurice 
de  Murray,  comte  de  Strathdearn,  fut  tué  a  Nerill's  Cross,  au  té/noi- 
gnage  non-seulement  de  Froissart,  mais  encore  de  Robert  de  Avesbuiy 
(p.  14)  et  de  Thomas  Samson. 

4.  La  seigneurie  de  Marr,  à  laquelle  était  attaché  le  titre  de  comte, 
est  un  ancien  district  du  comté  d'Aberdeen ,  en  Ecosse. 

5.  Jean  de  Douglas  ne  fut  pas  tué,  mais  fait  prisonnier  par  Robert 
de  Ogle  et  Robert  Bertram.  Rymer,  vol.  III,  p.  95. 

6.  Ce  fut  Guillaume  Fraser,  et  non  Simon  Fraser,  qui  fut  tué  à  la 
bataille  de  Nerill's  Cross.  Voyez  Annals  of  Scotland  by  lord  Hailes, 
éd.  de  1797,  toI.  in,  p.  108. 

7.  Alexandre  de  Ramsey  ne  fut  pas  tué,  mais  fait  prisonnier  par 
Jean  de  Ever.  Rymer,  vol.  III,  p.  95. 

8.  Jean  ou  John  Randolph,  comte  de  Murray,  fut  tué  et  non  fait 
prisonnier.  Robert  de  Avesbury,  But,  Ed,  JIl^  p.  145. 

9.  Il  s^agit  ici  de  Patrick,  comte  de  Dunbar  et  de  March.  Dunbar, 
siège  d'un  comté  et  forteresse  très-importante  au  moyen  âge,  est  au- 
jourd'hui une  ville  du  comté  de  Haddington,  en  Ecosse.  Patrick  de 
Dunbar,  comte  de  March,  ne  fut  pas  tué,  mais  fait  prisonnier  par  Raoul 
de  Nevill.  (Rymer,  vol.  III,  p.  95.) 

10.  Guillaume  de  Douglas  t'ainé  fut  en  effet  fait  prisonnier  par  Guil- 
laume Deincourt.  (Rymer,  vol.  III,  p.  95.)  Thomas  Samson  mentionne 
un  autre  Guillaume  Douglas  qu'il  appelle  c  monsir  William  Douglas 
le  frère  »  et  «  monsir  Henri  Douglas,  le  frère  monsir  William  »  comme 
ayant  été  faits  prisonniers  à  NeYill*s  Cross. 

II.  Ce  curieux  passage  ne  se  trouve  que  dans  la  rédaction  de 
Rome. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LITRE,  gg  295-299.         xi 

bon  accueil,  spécialement  le  roi,  qui  parlait  fort  bien  français,  car 
il  avait  été  dès  sa  jeunesse  élevé  en  France,  ainsi  qu'il  a  été  dit 
plus  haut  en  cette  histoire  ;  et  j'eus  cette  bonne  fortune  que,  tout 
le  temps  que  je  fus  auprès  de  lui  et  de  son  hôtel,  il  visita  la  plus 
grande  partie  de  ^on  royaume.  J'appris  ainsi  à  connaître  l'Ecosse 
en  l'accompagnant  dans  ses  excursions,  et  je  l'entendis  souvent 
parler,  ainsi  que  plusieurs  gens  de  sa  suite ,  de  la  bataille  où  il 
avait  été  fait  prisonnier.  Il  y  avait  là,  entre  autres  chevaliers  qui 
avaient  combattu  à  Nevill's  Cross,  messire  Robert  de  Vescy,  qui 
y  fut  fait  prisonnier  par  le  seigneur  de  Sees  en  Northumberland, 
messire  Guillaume  de  Glaudigevin,  messire  Robert  Bourme  et 
messire  Alexandre  de  Ramsey  ;  quant  aux  comtes  de  Douglas  et 
de  Murray  que  je  trouvai  en  Ecosse ,  ils  étaient  les  fils  de  ceux 
qui  avaient  été  à  la  bataille.  Je  dis  ceci,  parce  que  le  roi  d'Ecosse 
avait  encore  à  la  tête  la  pointe  de  la  flèche  dont  il  fut  atteint  ;  et 
à  toutes  les  nouvelles  lunes,  il  avait  coutume  de  soufi&ir  beau- 
coup à  la  partie  de  la  tête  où  le  fer  était  resté  ;  il  n'en  vécut  pas 
moins  encore  douze  ans  après  mon  voyage  d'Ecosse  :  il  porta 
donc  ce  fer  trente-deux  ans.  »  P.  235  et  236. 

La  reine  d'Angleterre,  qui  s'est  tenue  à  Newcastle  ^  pendant  la 
bataille,  informée  que  le  roi  d'Ecosse  a  été  pris  par  un  écuyer 
nommé  Jean  de  Copeland,  écrit  à  celui-ci  pour  l'inviter  à  lui 
amener  son  prisonnier.  Jean  de  Copeland  répond  qu'il  ne  livrera 
David  Bruce  qu'au  roi  d'Angleterre  lui-même  ;  il  est  mandé  par 
Edouard  et  se  rend  à  Calais.  P.  24  à  26,  239  à  244. 

Edouard  III  comble  Jean  de  Copeland  de  félicitations^  et 
d'honneurs  ;  il  l'invite  à  livrer  à  la  reine  son  prisonnier,  lui  as- 

1 .  Cette  mention  de  la  présence  de  Philippe  de  Hainaut  à  Newcastle 
pendant  que  se  lirrait  la  bataille  de  Neviirs  Cross  est  une  erreur  que 
Froissait  a  enmruntëe  à  Jean  le  Bel  (Chroniques^  t.  Il,  p.  110).  La  reine  ' 
d'Angleterre  dut  passer  la  mer  vers  le  10  septembre ,  car  des  lettres 
de  sauTegarde  furent  délirrëes  à  quatre  personnes  qui  deyaient  rac- 
compagner dans  son  voyage  sur  le  continent,  et  ces  lettres  devaient 
avoir  leur  effet  depuis  le  10  septembre  jusqu'à  Noël  1346.  (Ry- 
mer,  Foederoj  vol.  III,  p.  90).  On  conserve  d'ailleurs  aux  archives  de 
Mons  une  charte  qui  prouve  que  le  jour  même  où  se  livrait  la  bataille 
de  Nevill's  Cross,  c'est-à-dire  le  17  octobre  1346,  Philippe  de  Hainaut 
se  trouvait  à  Ypres  avec  sa  sœur  l'impératrice  Marguerite. 

2.  Des  lettres  de  fëlicitation  et  de  remercîment ,  datées  de  la  Tour 
de  Londres  le  20  octobre  1346,  furent  adressées  à  l'occasion  de  la  vic- 
toire de  Nevill's  Cross  par  Lionel,  régent  du  royaume  en  l'absence  du 
roi  son  p^e,  à  Gnillaume  de  la  Zouche,  archevêque  d'York,  et  à  onze 


VI  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

signe  dnq  cents  livres  ^  sterling  de  pension  annuelle  et  l'attache  à  son 
service  personnel.  Philippe  de  Hainaut  fait  enfermer  à  la  Tour  de 
Londres  David  Bruce  et  le  comte  de  Murray  *,  met  des  garnisons 
à  Berwick,  à  Roxburgh,  à  Durham ,  à  Newcastle  et  en  général 
dans  toutes  les  forteresses  des  frontières  d'Ecosse  dont  elle  con- 
fie la  garde  aux  seigneurs  de  Percy  et  de  Nevill  ;  puis  elle  passe 
la  mer  avec  une  nombreuse  suite  de  dames  et  ^e  damoiselles 
pour  aller  rejoindre  son  mari;  elle  débarque  à  Calais  trois  jours 
avant  la  Toussaint  :  le  roi  Edouard  célèbre  cette  fête,  à  l'occasion 
de  la  venue  de  sa  femme,  avec  un  éclat  inusité.  P.  26  à  29,  244 
à  247. 


CHAPITRE  LXIV. 

1347.    Sn&GS   DB  CALAIS  ;    seconde   PÉBIODB  :    DE   LA   riN  DE  1346    À 

XAi  i347.  —  Loms,  coim  de  rLAND&B,  poussé  contre  son 

6&i  PAB  LES  FLAMANDS  DANS  L  ALUANGB  DU  BOI  d'aNGLETEBEB 
dont  IL  A  FIANCÉ  LA  HLLB ,  SB  EiFUOIB  AUPBÂS  DU  BOI  DE 
FBANCE*  (§§  300  à  303). 

Calais  résiste  victorieusement  à%  toutes  les  attaques  des  Anglais  ; 
mais  les  habitants  commencent  à  souffrir  de  la  famine,  car  ils  ne 
reçoivent  des  vivres  que  subrepticement,  grâce  à  deux  intrépides 
marins  d'Abbeville,  Marant  et  Mestriel.  Les  assiégeants  ont  à 
soutenir  de  continuelles  escarmouches  contre  les  garnisons  fran- 
çaises de  Guines  *,  de  Hames  *,  de  Nesles  •,  d'Oye  ',  de  Bayen- 

seîgneurs  du  nord  de  l'Angleterre  parmi  lesquels  figure  Jean  de  Gope- 
land.  Rymer,  Fœdera,  vol.  III,  p.  91  et  92. 

1.  Le  20  janvier  1347,  le  roi  d'Angleterre  assigne  à  son  amé  Jean 
de  Copeland,  qui  lui  a  livré  David  Bruce,  roi  d'Ecosse,  son  prisonnier, 
cinq  cents  livres  de  rente  annuelle  et  perpétuelle  sur  les  ports  de  Lon- 
dres et  de  Berwick  et  en  outre  cent  livres  de  rente  annuelle  et  viagère 
sur  le  port  de  Newcastle  pour  son  service  de  banneret.  Rymer,  Fœ^ 
dera,  vol.  III,  p.  102  et  103. 

2.  Ce  n'est  pas  le  comte  de  Murray  tué  à  la  bataille,  mais  les  comtes 
de  Fife  et  de  Menteith  qui  furent  enfermés  à  la  Tour  de  Londres. 

>  3.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques^  t.  II,  chap.  Lxxvn,  p.  115  à  118. 

4.  Pas-de-Calais,  arr.  Boulogne-sur-Mer. 

5.  Auj.  Hames-Boucres,  Pas-de-Calais,  arr.  Boulogne-sur-Mer,  c. 
Gaines. 

6.  Pas-de-Calais,  arr.  Boalogne-sur>Mer,  c.  Samer, 

7.  Pas-de-Calais,  arr.  Saint-Omer,  c.  Audrnicq. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §$  300-303.      xin 

ghemS  de  Fiennes',  de  la  Montoire*,  de  Saînt-Omer,  de  Thé- 
rouanne  *  et  de  Boulogne.  P.  29  et  30,  247  à  249. 

Pendant  l'expédition  d'Edouard  III  en  Normandie,  les  Fla- 
mands, alliés  du  roi  d'Angleterre,  avaient  assiégé  Béthune  S  d'où 
ils  avaient  été  repoussés  par  Geofiroi  de  Chamy,  Eustache  de  Ri* 
bemont,  Beaudouin  d'Annequin,  Jean  de  Landas,  que  le  roi  de 
France  avait  mis  à  la  tête  de  la  garnison.  Dès  le  commencement 
du  siège  de  Calais,  le  roi  d'Angleterre  négocie,  de  concert  avec 
les  communes  flamandes,  un  mariage  entre  sa  fille  Isabelle  et  le 
jeune  comte  Louis'.  Ce  projet  est  combattu  par  Jean,  duc  de 
Brabant,  qui,  voulant  faire  épouser  sa  propre  fille  au  comte  de 
Flandre,  parvient  à  mettre  le  roi  de  France  dans  ses  intérêts'. 
Par  l'entremise  du  duc  de  Brabant  et  du  roi  de  France  ',  le 
comte  de  Flandre  se  réconcilie  avec  ses  sujets  et  retourne  dans 

1.  Anj.   Bayenghem-Iez-Eperlecqaea ,   Pas-de-Calais,   arr.   Saint- 
Omer,  c.  Ardres. 
3.  Pas-de-Calais,  arr.  Boologne-sur-Mer,  c.  Gnines. 

3.  Anj.  hameau  de  Zutkerqiie,  Pas-de-Calais,  arr.  Saint*^mer^ 
c.  Andmicq. 

4.  Pas-de-Calais,  arr.  Saint-Omer.  c.  Aire-sur-la-Lys. 

5.  Philippe  de  Valois  fait  sans  doute  allusion  à  ce  siège  dans  une 
charte  d^aTril  1347,  où  il  amortit  mille  livres  de  terre  en  faveur  des 
hôpitaux  et  maladreries  de  Bëthune  «  pour  ce  que  nos  amez  les  esche- 
vins,  prevost,  maieur  et  comunauté  de  la  ville  de  Betune  ont  esté  moult 
domagîet  C9ste  présente  armée  pour  cause  de  noz  guerres  et  leurs  mai- 
sons arses.  9  (Areh.  nat.,  sect.  hist.,  JJ68,  p.  168.)  D'autres  pièces  du 
27  octobre  1346  (JJ81,  p.  944),  de  janvier  1347  (JJ81,  p.  950),  de  fé- 
vrier 1347  (JJ81,  p.  945,  946  et  948),  de  mars  1347  (JJ81,  p.  947),  de 
juillet  1347  (JJ68,  p.  331  et  JJ81,  p.  949)  contiennent  des  confirma- 
tions ou  concessions  de  privilèges  en  faveur  des  habitants  de  Bëthune. 
La  plus  importante  de  ces  donations  est  celle  de  la  ville  de  la  Gorgue 
(Nord,  arr.  Hazebrouck,  c.  Merville)  situëe  au  nord  de  Bëthune  entre 
cette  ville  et  Armentières  (JJ81,  p.  948). 

6.  Louis ,  III  du  nom,  dit  de  Maie,  comte  de  Flandre,  de  Nevers 
et  4e  Rethel,  baron  de  Donzj. 

7.  Mahieu  Legier  de  Mouy  fut  le  nëgociateur  employé  par  le  roi  de 
France,  avant  le  lo  janvier  i347i  pour  ses  «  besoignes  sécrétez  es  par* 
ties  de  Brebant  ».  Arch.  nat.,  JJ68,  p.  ia8. 

8.  Par  lettres  de  janvier  i347  (°*  ^^*)i  1^  '^^  ^®  France  autorise  le 
comte  de  Flandre  à  aUer  et  venir  en  Flandre,  espërant  aue  «  pour  la 
présence  de  lui  en  son  pais  de  Flandre  les  habitans  et  sungez  aHcellui 
se  porteront  et  auront  envers  lui  comme  bons  et  vrais  subgez....  en  se 
retraiant  et  délaissant  de  leurs  simples  et  indeues  emprises  et  asseoH 
blëes.  t  (Arch.  nat.,  s^ct.  hist.,  JJ77,  p.  4*.)  Louis  de  Maie  fit  sa  pre- 
mière entrée  à  Bruges  le  s3  janvier  i347«  i^^^^'ù'^  ^  Archives  de 
Bmgtesy  m-4»,  Bruges,  1871,  p.  5oo. 


XYi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

de  cette  trêve,  la  guerre  se  rallume  :  Edouard  III  expëdie  en 
Bretagne  un  renfort  de  deux  cents  hommes  d'armes  et  de  quatre 
cents  archers  sous  la  conduite  de  Thomas  de  Dagworth'  et  de 
Jean  de  Hartsel.  Ces  deux  chevaliers  font  souvent,  en  compagnie 
d'un  vaillant  homme  d'armes  breton  nomme  Tannegui  du  Châtel, 
des  chevauchées  contre  les  gens  de  Charles  de  Blois.  P.  38,  39, 
260. 

Thomas  de  Dagworth,  Jean  de  EUurtsel  et  Tannegui  du  Châ- 
tel s'emparent  de  la  Roche-Derrien  ^  au  nom  de  la  comtesse  de 
Montfort.  P.  39,  40,  261,  262. 

A  cette  nouvelle,  Charles  de  Blois  rassemble  à  Nantes  une 
armée  de  douze  cents  armures  de  fer,  de  quatre  cents  chevaliers, 
dont  vingt-trois  bannerets,  et  de  douze  mille  hommes  de  pied  '  et 
.  vient  mettre  le  siège  devant  la'  Roche-Derrien.  Il  fait  dresser 
trois  engins  dont  le  jet  incommode  fort  la  garnison  de  cette  for- 
teresse *.  La  comtesse  delSdontfort  ^  charge  Thomas  de  Dagworth, 


1.  Le  lo  îanvier  i347v  Edouard  m  nomme  son  amé  et  féal  Thomas 
de  Dagworth  lieutenant  et  capitaine  dans  le  duché  de  Bretagne.  Ry- 
mer.  Feulera^  toI.  III,  p.  loo. 

2.  C6tes^u-Nord,  ar.  Lannion.  Froissart,  reproduisant  une  erreur 
de  Jean  le  Bel  (r.  p.  194),  dit  que  la  forteresse  de  la  Roche-Derrien 
fut  prise  par  Thomas  de  Dagworth,  ce  qui  reporterait  la  date  de  cet 
érénementà  la  fin  de  jauTier  i347  '^  pl^*  ^6t  ;  en  Tabsence  d'actes  à 
date  certaine,  il  y  a  lieu  de  proférer  aux  données  vagues  et  incertaines, 
quand  elles  ne  sont  pas  inexactes,  de  Jean  le  Bel  et  de  Froissart,  le  ré- 
cit très-précis  et  très-circonstancié  des  Grandes  Chroniques  d'après  le- 
quel le  château  de  la  Roche-Deirien  se  rendit  à  Guillaume  de  Bofaun, 
comte  de  Northampton,  en  décembre  i345.  Voyez  l'édit.  de  M.  P.  Pa- 
ris, in-is,  t.  y,  p.  443  et  444. 

3.  D'après  une  lettre  adressée  en  Angleterre  par  Thomas  de  Dae- 
worth,  qui  est,   comme  nous    dirions  aujourd'hui ,  le  bulletin  de  la 

^bataille  i^digé  par  le  vainqueur,  l'armée  de  Charles  de  Blois  se  compo- 
sait de  douze  cents  chevaliers  et  écuyers,  de  six  cents  autres  gens  d'ar- 
mes, de  six  cents  archers  du  pays  et  de  deux  mille  arbalétriers,  sans 
compter  les  gens  de  commune.  Robert  de  Avesbury,  Bisi.  Ed,  III  ^ 
p.  159. 

4.  D'après  les  Grandes  Chroniques  (t.  V,  p.  472),  ces  engins  étaient 
au  nombre  de  neuf,  dont  un,  d'une  dimension  énorme,  lançait  des 

Sierres  pesant  trois  cents  livres.  Du  reste,  tout  le  récit  ae  la  bataille 
e  la  Roche-Derrien  dans  les  Grandes  Chroniques  (p.  471  à  478),  par 
l'étendue  des  développements,  par  l'abondance  des  détails  et  des  parti- 
cularités, par  la  précision  des  indications  locales  qu'il  renferme,  sem- 
ble écrit  par  un  témoin  oculaire  ou  du  moins  sous  sa  dictée. 

5.  n  y  a  tout  lieu  de  penser,  selon  l'observation  de  dom  François 
Plaine,  que  la  comtesse  ae  Montfort,  qui  s'était  retirée  en  Angleterre 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  304-30S.     xm 

Jean  de  Haitsel  et  Taimegui  du  Chttel  de  marcher  au  secours 
des  assièges  à  la  tète  de  mille  armures  de  fer  et  de  huit  mille 
hommes  ^  de  pied.  Une  première  rencontre  entre  l'armée  de 
Charles  de  Blois  et  la  moitié  des  forces  de  Thomas  de  Dagworth 
a  Uen  au  milieu  de  la  nuit;  Thomas  de  Dagworth  y  est  grièye- 
ment  blessé  et  fait  prisonnier,  après  avoir  perdu  la  plus  grande 
partie  de  ses  gens.  Au  moment  où  Jean  de  Hartsel  et  Tannegui 
du  Chitel  se  préparent  à  effectuer  leur  retraite  dans  la  direction 
d'Hennebont,  Gamier,  sire  de  Cadoudal,  arrive  avec  un  renfort 
de  cent  armures  de  fer  et  les  décide  à  recommencer  le  combat; 
ils  surprennent,  vers  le  lever  du  soleil,  l'armée  de  Charles  de 
Biois  OKdormie  et  que  ne  garde  aucune  sentinelle  *,  Cette  armée 
est  taillée  en  pièces  :  deux  cents  chevaliers  et  bien  quatre  mille 
hommes  restent  sur  le  champ  de   bataille'.   Les  Anglais  re- 

vrwc  son  fili,  après  la  trêre  de  Malestroit,  ne  se  trouTait  pas  alors  en 
Bretagne.  Voyez  la  brochure  intitulée  :  De  PautorUé  de  Frousart  comme 
kutonen  des  guerres  de  Bretagne^  Nantes,  1871,  p.  29  à  31. 

1 .  Dans  le  huUetin  de  sa  rictoire ,  dont  nous  avons  parlé  pins  haut , 
Thomas  de  Dagworth  prétend  qa*Û  n'avait  qne  quatre  cents  hoDunes 
d'armes  et  trois  cents  archers,  sans  compter  la  garnison  de  la  Roche- 
Derrien  qui  vint  au  secours  des  Anglais  et  tomba  sur  les  derrières  de 
Farmée  de  Charles  de  Blois,  dès  que  le  jour  fut  levé.  L*hahi]e  capitaine 
•Dglaîs  avait  eu  soin  de  donner  a  ses  hommes  un  mot  d*ordre  qui  leur 
permit  de  se  reconnaître  dans  la  confusion  de  cette  mêlée  de  nuit; 
note  de  cette  précaution,  il  arriva  aux  gens  de  Charles  de  Blois  de 
ecnnbattre  les  uns  contre  les  autres,  et  de  faire  eux-mêmes  la  besogne 
des  Ai^S^.  Robert  de  Avesbury,  Hist.  Ed.  III^  p.  158  à  160. 

S.  La  bataille  de  la  Roche-Derrien  se  livra  le  20  juin  1347,  suivant 
le  témoignage  de  Thomas  de  Dagworth  :  c  le  vingtième  jour  de  juyn, 
environ  le  quarter,  devaunt  le  jour.  >  Robert  de  Avesbury ,  Hist,  Ed,  ///, 

p.  159. 

3.  D'après  Thomas  de  Dagworth ,  six  ou  sept  cents  chevaliers  et 
éeajen  périrent  à  la  Roche-Derrien.  Le  capitaine  anglais  cite,  parmi 
les  morts,  Alain,  vicomte  de  Rohan,  les  seigneurs  de  Laval ,  de  Cha- 
teaubriand, de  Malestroit,  de  Qnintin,  de  Rougé,  de  Derval^  le  fils  et 
hériti^  de  ce  dernier,  Raoul  de  Montfort;  et,  parmi  les  prisonniers, 
Charies  de  Blois,  Gui  de  Laval,  fils  du  sire  de  Laval,  les  seigneurs  de 
Sochefort,  de  Beaumanoir,  de  Lohéac,  de  Tinteniac  (Robert  de  Aves- 
bvy,  p.  160).  Le  seigneur  de  Rougé,  qui  fut  tué  a  la  Roche-Derrien, 
s'appelait  Guillaume.  Le  12  mai  1361,  Charles  de  Blois  donna  la  châ- 
teUeme  de  Pontealeuc  à  Bonabbé,  seigneur  de  Rougé  et  de  Derval, 
«  fils  de  Guillaume,  seigneur  de  Rougé,  qui  morut  à  la  Roche  Derian 
pour  la  défense  de  nostre  droit,  quant  pnns  fumes  de  nos  ennemis,  s 
(Arch.  nat.,  sect.  hist.,  JJ90,  p.  13).  Avant  de  se  rendre  aux  Anglais, 
Charles  de  Biois  s'était  battu  comme  un  lion  et  avait  reçu  dix-sept 
blcssttres;  on  écuyer  de  sa  compagnie,  fait  prisonnier  avec  son  maître, 

b 


xna  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

prennent  Thomas  de  Dagwoith;  Charles  de  Blois,  fait  prison- 
nier pendant  la  bataille,  est  enferme  au  château  d'Hennebont,  et 
le  siëge  de  la  Roche-Derrien  est  lève.  Les  hostilités  n'en  conti- 
nuent pas  moins  entre  Jeanne  de  Penthièvre,  femme  de  Charles  de 
BI0ÎS9  qui  dirige  les  opérations  au  lieu  et  place  de  son  mari,  et 
les  partisans  de  Jeanne  de  Flandre,  comtesse  de  Montfort.  P.  40 
à  44,  Î6î  à  269. 


CHAPITRE  LXYI. 

1347.  SIÈGE  DB  GAI1AI8,  TEoisiàitB  piEeioob  :  DB  MAI  A  Aoirr  1347. 

ARRIVÉE   FRÂS   DB    CALAIS    ET  RETRAITE    SANS   COMBAT    DB    PHI- 

UPPB  DB  VALOIS  A  LA  TiTB  d'uNE  NOMBREUSE  ARlfiE.  —  REDDI* 
TION  DE  CALAIS  (3  AOUT);  DÉVOUEUENT  d'eUSTACBE  DB  SAINT- 
PIERRE  ET  DB   CINQ  AXITRB8  BOURGEOIS^  (§§  306  à  314). 

Philippe  de  Valois  entreprend  de  réunir  une  armée  pour  mar- 
cher au  secours  de  Calais  ;  il  donne  rendez-vous  à  ses  gens  à 
Amiens*  pour  le  jour  de  la  Pentecôte.  Il  n'adresse  son  mande- 
ment qu'aux  gentilshommes ,  car  il  pense  que  les  gens  des  com- 
munautés, à  la  guerre,  ne  sont  qu'un  obstacle  et  un  encombre- 
ment :  ces  gens-là  fondent  dans  une  mêlée  comme  la  neige  au 
soleil,  ainsi  qu'on  l'a  vu  à  Caen,  à  Blanquetaque,  à  Grécy  et  dans 
toutes  les  affaires  où  ils  ont  figuré.  Le  roi  de  France  n'en  veut 
plus  avoir,  excepté  les  arbalétriers  des  cités  et  des  bonnes  villes. 
Il  veut  bien  leur  or  et  leur  argent  pour  subvenir  aux  frais  et 


nommé  Michel  de  Chamaire,  fut  taxé  par  les  Anglais  à  si  forte  rançon 
que,  pour  la  payer,  il  dut  se  mettre  au  serrice  de  Foulque  de  Mathas, 
cneralier  de  Saintonge,  comme  simple  archer.  JJ85y  p.  113. 

1.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques,  chap.  lxxx  et  lxxxi,  p.  127  à  lk2. 

2.  Philippe  de  Valob  était  à  Montdidier  le  27  arril  1347  (Bibl.  nat., 
dép.  des  mas.,  Chartes  rojrales,  t.  III,  p.  70  ;  Ârch.  nat.,  JJ68,  p.  281); 
il  était  à  Moreuil ,  entre  Montdidier  et  Amiens,  au  mois  de  mai  (J J68, 

Î>.  140);  il  passa  la  plus  grande  partie  du  mois  de  mai  à  Amiens 
JJ68,  p.  167);  il  quitta  cette  Tille  avant  la  fin  de  mai,  car  plusieurs 
actes  qui  portent  la  date  de  ce  mois  sont  donnés,  soit  sur  les  champs 
entre  Èeauquesne  (Somme,  arr.  et  c.  Doullens,  entre  Amiens  et  Dooi- 
lens]  et  Lucneux,  soit  à  Lucheux  (Somme,  arr.  et  c.  Doullens,  entre 
Doullens  et  Arras)  JJ68,  p.  272,  137,  301. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  306-314.      xix 

payer  les  gages  des  gentilshommes  :  voilà  1;out.  Qu'ils  se  conten- 
tent de  rester  chez  eux  pour  garder  leurs  femmes  et  leurs  en- 
fimts,  labourer  la  terre  et  faire  le  commerce  :  le  métier  des 
armes  n'appartient  qu'aux  gentilshommes  qui  l'ont  appris  et  s'y 
sont  formés  dès  l'enfance^.  Jacques  de  Bourbon,  comte  de  Pon- 
thieu,  connétable  de  France  par  intérim  en  l'absence  du  comte 
d'Eu,  prisonnier  en  Angleterre,  les  seigneurs  de  Beaujeu  et  de 
Montmorency,  maréchaux  de  France,  le  seigneur  de  Saint-Te- 
nant, maître  des  arbalétriers,  sont  à  la  tête  des  forces  françaises 
remues  à  Amiens.  On  n'y  compte  pas  moins  de  douze  mille 
heaumes,  ce  qui  fait  soixante  mille  honmies,  car  chaque  heaume 
suppose  au  moins  cinq  honmies,  et  en  outre  vingt-quatre  mille 
arbalétriers  génois ,  espagnols  et  hommes  des  cités  et  bonnes 
villes.  P.  44,  269  à  272. 

Le  roi  de  France,  qui  voudrait  bien  envoyer  une  partie  de  ses 
gens  du  côté  de  Gra  vélines  *  et  qui  a  besoin  pour  cela  du  con- 
cours des  Flamands,  essaye  de  détacher  ceux-ci  de  Talliance 
d'Edouard  III  ;  il  n'y  réussit  pas  et  se  décide  alors  à  se  diriger 
du  côté  de  Boulogne.  —  Informé  de  ces  préparatifs  de  son  ad- 
versaire, le  roi  d'Angleterre  redouble  d'efforts  pour  réduire  Calais 
par  la  famine  ;  il  Hat  construire  sur  le  bord  de  la  mer,  à  l'en- 
trée du  havre,  un  énorme  château  muni  d'espringales,  de  bom- 
l>ardes,  d'arcs  à  tour,  et  il  y  établit  soixante  hommes  d'armes  et 
deux  cents  archers  :  aucune  embarcation  ne  peut  entrer  dans  le 
port  de  Calais  ni  en  sortir  sans  s'exposer  à  être  criblée  par  l'ar- 
tiUerie  de  ce  château.  En  même  temps,  les  Flamands,  à  l'instiga- 
tion d'Edouard  III,  viennent,  au  nombre  de  cent  mille,  mettre  le 
siège  devant  Aire  '  ;  ils  brûlent  tout  le  pays  des  environs,  Saint- 


1.  Ce  curieux  passage,  où  ron  yoit  si  bien  les  préventions  passion- 
nées de  Philippe  de  Valois  et  de  sa  noblesse  conU*e  Temploi  des  vil- 
^ins  à  la  guerre,  ne  se  trouve  que  dans  la  rédaction  de  Rome  (p.  270 
et  â71  de  ce  volume].  Des  trois  combats  cités,  il  y  en  a  un  au  moms  où 
les  yillains  firent  très-bonne  figure,  c'est  celui  de  Caen,  dont  les  bour- 
geois, d'après  les  propres  paroles  d'Edouard  III  lui-même,  «  se  defen- 
derent  mult  bien  et  événement ,  si  que  la  m  elle  fat  très  fort  et  bmg  du- 
rant, j»  Voyez  Jules  Delpit,  CoUection  générale  des  documents  français 
fd  se  trouvent  en  Angleterre^  in-4<',  1847,  p.  71. 

2.  Nord,  arr.  Dunkerque,  à  Pest  de  Calais. 

3.  Aire«ui^la-Lys,  Pas-de-Calais,  arr.  Saint-Omer,  au  sud-est  de 
Calais  et  de  Saint-Omer,  entre  Thérouanne  à  Touest  et  Saint-Venant  à 
l'est.  £n  novembre  1348»  Philippe  de  Valois  accorda  aui  maire,  ëche* 


XX  ŒRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Venant  ^  Merville*,  la.  Gorgue*,  Estaires*,  Laventie*,  localités 
situées  sur  une  marche  qu'on  appelle  Laleu*,  et  ils  se  répandent 
jusqu'aux  portes  de  Saint-Omer  et  de  Thérouanne.  —  Sur  ces 
entrefaites,  Philippe  de  Valois  vient  camper  à  Arras  '  et  envoie 
Qiarles  d'Espagne  tenir  garnison  à  Saint-Omer.  P.  45,  46,  272 
à  274. 

Philippe  de  Valois  apprend  que  la  position  des  habitants  et  de 
la  garnison  de  Calais  est  de  plus  en  plus  critique  *;  il  quitte  Ar- 

vins  et  oommtme  d*Aire,  en  réoompente  de  lenr  fidélité,  des  privilèges 
confirmés  en  1350  par  le  roi  Jean  (JJ80,  p.  97).  En  novembre  1353,  le 
roi  Jean  accorda  à  la  ville  d'Aire  an  comté  d'Artois,  en  considération 
de  ce  qa'elle  avait  souffert  pendant  les  guerres,  one  foire  annuelle 
durant  quatre  jours ,  à  partir  du  lundi  avant  la  Pentecôte  (JJ82 , 
p.  151). 

1.  Pas-de-Calais,  arr.  Béthune,  c.  LUlers. 

3.  Nord,  air.  Haiebrouck. 

3.  Nord,  arr.  Haiebrouck,  c.  Merville. 

4.  Nord^  arr.  Hazebrouck,  c.  Merville. 

5.  Pàs-de-Calais,  arr.  Béthune. 

6.  Le  pays  de'  Laleu,  au  diocèse  d*Arras,  était  situé  k  peu  près  au 

S  oint  de  jonction  de  ce  diocèse  avec  ceux  de  Saint-Omer,  d'Ivres  et 
e  Tournai. 

7.  Philippe  de  Valois  et  son  fils  Jean  passèrent  à  Arras  la  plus 
grande  partie  du  mois  de  juin  (JJ68,  p.  170,  300,  323);  le  roi  de 
France  était  à  Hesdin  à  la  fin  de  ce  mois  (JJ68,  p.  335). 

8.  Le  roi  de  France  reçut  sans  doute  à  Arras  radmirable  lettre  que 
lui  adressa  Jean  de  Vienne  dans  le  courant  du  mois  de  juin  1347.  Les 
Anglais  interceptèrent  une  copie  de  cette  lettre  le  26  juin,  et  voici 
dans  quelles  circonstances.  Le  lendemain  de  la  Saint-Jean  (25  îuin  1847), 
les  comtes  de  Northampton  et  de  Pembroke  surprirent,  à  la  hauteur 
du  CrotoY,  une  flotte  de  quarante-quatre  vaisseaux  français  envoyés 
pour  ravitailler  Calais  et  la  mirent  en  déroute.  Le  26,  A  Paube  du 
jour,  les  Anglais  s^emparèrent  d'une  embarcation,  montée  par  des 
Génois,  qui  essayait  de  sortir  du  port  du  Crotoy.  Ije  Génois  qui  com* 
mandait  cette  embarcation,  n*eut  que  le  temps  de  jeter  à  la  mer,  at- 
tachée à  une  hache,  une  lettre  très-importante  adressée  par  Jean  de 
Vienne,  capitaine  de  Calais,  an  roi  de  France,  pour  lui  exposer  sa 
détresse  et  celle  des  habitants  de  Calais;  on  la  retrouva  A  marée  basse, 
c  SachiÀ,  disait  Jean  de  Vienne,  que  ly  m  ad  riens  qui  ne  soit  tut 
mangé  et  lez  chiens  et  le*  ckates  et  le»  chipoux  si  qe  de  nvere  nous  ne 
poions  pluis  troper  en  la  pille  si  nous  ne  mangeons  enars  des  gentx,  ^o* 
antrefois  vous  avez  escript  que  jeo  tendroy  la  ville  taunt  que  yaueroit 
i  mangier  :  sy  sûmes  i  ces  points  qe  nousn'avoms  dount  pluis  vivere. 
Sî  avons  pris  accord  entre  nous  que,  si  n^apoms  en  brief  soeour^  que  nous 
issiroms  hors  de  la  pille  tautz  à  champs  pour  comAatre  ^  pour  vtpre  ou  pour 
morir^  qar  nous  avoms  meulz  à  morir  as  champs  honourablement  que 
manger  Tnn  l'autre.  »  (Robert  de  Avesbury,  ffist,  Md.  lil^  p.  157 
et  là.)  Si  Ton  songe  que  ces  lignes  étaient  écrites  dès  le  mob  de  juin 


SOMMAHUB  DU  PREfillER  LIVRE,  SS  306-314.      xxt 

m  et  prend  le  chemin  de  Hesdin  *,  où  3  s'arrête  pour  attendre 
ceux  de  ses  gens  d'armes  qui  ne  Tont  pas  encore  rejoint  ;  puis  il 
passe  à  Blangy  \  à  Fanquembergue',  à  Thëronanne  \  traverse  le 
piys  qn'<m  appelle  VJlequine^^  et  vient  camper  sur  la  hauteur  de 
SangatteS  entre  Wissant  et  Calais,  p!  46,  47,  274  à  276. 

Les  assiégeants  ont  eu  soin  d'établir  leurs  campements  dans 
une  situation  si  favorable  à  la  défense  qu'on  ne  peut  s'approcher 
d'eux,  pour  les  attaquer,  que  par  trois  côtés  :  ou,  par  le  grand 
diemin^  qui  va  tout  droit  à  Calais,  ou  par  les  dunes  qui  bordent 


et  que  Calais  se  rendit  seulement  le  3  août,  on  ne  saurait  trop 

h  rétUtance  vraiment  héroïque  de  Jean  de  Vienne,  de  la  gamiion  et 

des  bourgeois  de  Calais. 

1.  Philippe  de  Valois  s'arrêta  en  effet  assez  longtemps  à  Hesdin 
(auj.  Vicil-Hesdin,  Pas-de-Calais,  air.  Saint-Pol-sur-Temoise,  c.  le 
Pana);  car,  arrivé  dans  cette  ville  dès  la  fin  de  juin  (JJ68,  p.  335),  il 
J  était  encore  le  10  juillet  (JJ68»  p.  331),  il  campa  ensuite  près  d^Au- 
cfaj  (aaj.  Auchj-l^Hesdin,  au  nord-est  de  Hesdm;  JJ68,  jp.  337),  et 
il  étsit  devant  Ut  CoupeU  (aaj.  Coupelle-vieille,  Pas-de-<Jalais,  atr. 
MontreoilHsar-Mer,  c.  Fruges,  entre  Hesdin  au  nord  et  Fauquember- 
gnean  sod)  les  17  et  18  juillet  (JJ68,  p.  288  et  289). 

S.  Anj.  Blan^-sur-Temoise,  Pas-de-Calais,  arr.  Saint-Pol-sur-Ter- 
Boiae,  c.  le  Parcq. 

S.  Pas-de-Calais,  arr.  Sain^Onler•  Philippe  de  Valob  était  campé 
près  de  Fanquembergue  le  20  millet  (JJ68,  p.  316). 

4.  Pas-de-Calais,  arr.  Saint-Omer,  0.  Airensur-la  Lvs. 

5.  Alquines  est  aujourd'hui  un  village  du  Pas-de-Calais,  arr.  Saint- 
QoMr,  c.  Lumbres.  F^isaart  se  sert,  en  plusieurs  passages  de  ses  Chro- 
oiqoes,  du  mot  JUqume  pour  désigner  rancien  pays  des  Morins.  Phi- 
lippe de  Valois  était  près  d'Ausques  (auj.  Nordausques,  Pas-de-Calab, 
irr.  Saint-Omer,  c.  Ardres,  sur  la  voie  romaine  de  Leulingne,  au 
nerd-ouest  de  Saint-Omer  et  au  sud-est  de  Guines),  le  2^  juillet  f  JJ68, 
p.  299*  et  310],  le  même  jour  entre  Ansques  et  Tomnehem  (JJ68, 
^.  299*),  enfin  près  de  Gaines  (Pas-de-Calais,  arr.  Boulogne-snr-Mer, 
a  trois  Heues  environ  an  sud  de  Calais)  le  26  juillet  (JJ68,  p.  261). 

6.  Pas-de-Calais,  arr.  Boulogne-sur-Mer,  c.  Calais,  à  10  kil.  de  cette 
^e.  Ce  que  Froissart  appelle  le  mont  de  Sangtau  est  une  falaise  hante 
h  13^  mètres,  située  entre  la  mer  et  de  vastes  marécages,  aujourd'hui 

V^    ^chés  en  partie.  Puisque  Philippe  de  Valois  était  encore  à  Gaines 
'  V'^f  il  ne  put  arriver  à  Sancatte  que  le  vendredi  27  juillet  an  plus 
4t  :  c'est  du  reste  la  date  donnée  par  Edouard  m  lui--méme  dans 
le  lettre  rapportée  par  Robert  de  Avesburj  :  t  ceo  darrein  vendredjr 
-oschein  devant  le  goal  d*aust.  b  Hîst.  Ed.  ili^p,  Ï63. 

7.  Froissart  veut  sans  doute  désigner  ici  l'antique  voie  de  commu- 
iication,  marquée  sur  la  carte  de  Qissini  comme  Chemin  de  Letdmgue^ 

t\eieniu  route  des  Bowtaûu ,  qui  aboutit  à  Sangatte  et  dont  une  pro- 
ngation  va  tout  droit,  comme  dit  le  chroniqueur,  de  Sangatte  à 
Calais. 


xzB  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

le  rivage  de  la  mer,  ou  par  Gaines*,  Marck^  et  Oye^  mais  les 
routes  qui  vont  en  ligne  directe  de  ces  trois  forteresses  àCSalab  sont 
impossibles  à  suivre,  tant  elles  sont  coupées  de  fossés ,  de  fon- 
drières et  de  marécages.  Du  côté  le  plus  accessible,  il  n'y  a  qu'un 
pont  où  l'on  puisse  passer,  qu'on  appelle  le  pont  de  Nieuley^.  Le 
roi  d'Angleterre  fait  ranger  en  ligne  tous  ses  navires  sur  la  grève 
et  charge  les  bombardiers,  les  arbalétriers,  les  archers  qui  mon- 
tent ces  navires,  de  garder  le  passage  des  dunes.  Quant  au  pont 
de  Nieuley,  le  comte  de  Derby  en  garde  l'entrée  à  la  tète  d'une 
troupe  de  gens  d'armes  et  d'archers,  afin  d'en  interdire  l'accès 
aux  Français  et  de  ne  leur  laisser  d'autre  moyen  d'approche  que 
des  marais  impraticables.  En  même  temps,  à  l'appel  d'Edouard  III, 
les  Flamands  du  Franc,  de  Bruges,  de  Gourtrai,  d'Ypres,  de 
Gand,  de  Grammont,  d'Audenarde,  d'Alost  et  de  Termonde,  pas- 
sent la  rivière  '  de  Gravelines  et  se  postent  entre  cette  ville  et 
Calais.  Grâce  à  ces  mesures,  l'investissement  est  si  complet  qu'un 
oiselet  n'aurait  pu  s'échapper  sans  être  aussitôt  arrêté  au  passage. 
P.  47,  48,  276,  277. 

Entre  la  hauteur  de  Sangatte  et  la  mer  s'élève  une  haute  tour, 
entourée  de  doubles  fossés ,  où  se  tiennent  trente-deux  archers 
anglais  pour  interdire  le  passage  des  dunes  aux  Français.  Les 
gens  de  la  conmiunauté  de  Tournai  aperçoivent  cette  tour,  s'en 
emparent  après  un  assaut  meurtrier,  et  la  jettent  par  terre  aux 
applaudissements  des  Français.  P.  48,  49,  277,  278. 

Les  seigneurs  de  Beaujeu  et  de  Saint-Venant,  qui  sont  allés, 
aussitôt  après  l'arrivée  des  Français  à  Sangatte,  examiner  la  po- 
sition des  Anglais,  déclarent  au  roi  que  cette  position  leur  paraît 
inexpugnable.  Philippe  de  Valois  envoie  le  lendemain  Geoffroi  de 
Chamy,  Eustache  de  Ribemont,  Gui  de  Nesle  et  le  seigneur  de 
Beaujeu,  offrir  la  bataille  au  roi  d'Angleterre  en  tel  lieu  qui 


1.  Gaines  est  aa  sad  de  Calais;  Marck  et  Oye  sont  à  l'est  de'^eul 
ville,  du  côté  de  la  Flandre.  Vtui 

2.  Pas-de-Calais,  arr.  Boulogne-siir>Mer,  c.  Calais. 

3.  Pas-de-Calais,  arr.  Saînt-Omer,  c.  Andmioq. 

4.  Le  pont  de  Nieuley  devait  être  situe ,  comme  nous  l'aTons  d| 
plus  haut,  non  loin  de  l'emplacement  du  fort  actuel  de  Nieuley, 
sud-ouest  de  Calais,  près  ae  la  èasse  tdlle,  du  côté  de  Sangatte. 
pont  était  jeté  sur  la  rivière  de  Hem  qui,  des  environs  d'Ardres 
elle  prend  sa  source,  passe  à  Guines  et  vient  se  jeter  dans  la  mer 


Calais. 


5.  La  rivière  de  Gravelines  est  TAa. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  Sg  306-314.     xxxn 

rait  choisî  par  quatre  chevaliers  de  l'un  et  l'autre  parti.  Edouard 
refuse  d'accepter  cette  proposition  ^  P.  49  à  51,  278  à  âSi. 

Grâce  à  la  médiation  de  deux  cardinaux  envoyés  '  par  le  pape 
Clément  VI,  les  ducs  de  Bourgogne  et  de  Bourbon,  Louis  de  Sa- 
voie et  Jean  de  Hainaut*,  du  côté  des  Français^  les  comtes  de 
Derby  et  de  Northampton,  Renaud  de  Cobham  et  Gautier  de 
HiMmy  ^,  du  côté  des  Anglais,  passent  trois  jours  en  conférence^ 

1 .  D'après  la  lettre  d'Edouard  III  dëjà  citée,  ce  dëfi  ne  fat  port^ 
que  le  mardi  31  juillet,  après  trois  jours  de  négociatiouB  infructueuses. 
«  Et  puis  le  marsdi  vers  le  ve^re,  viendrent  certajms  graunts  et  chira- 
1ers  de  part  nostre  adversarie ,  à  la  place  du  tretë,  et  offrirent  à  nos 
gentz  la  bataille  de  part  nostre  adversarie  susdit  par  ensy  que  nos 
vousîasoms  venir  hors  le  marreis,  et  il  nous  durroit  place  convenable 
pur  combatre,  quele  heure  qe  nous  pleroit,  entre  celé  heure  et  ven- 
oredy  à  soir  proschein  suaunt  (3  août)  ;  et  vorroient  que  quatre  chiva- 
1ers  de  noz  et  aultrè  quatre  de  lor  esleirent  place  covenable  pur  l'une 
partie  et  pur  l'autre,  a  Le  roi  d'Angleterre  prétend  qu'il  fit  répondre 
àè*  le  lendemain  mercredi  !•'  août  à  Philippe  de  Valois  qu'il  accep- 
tait son  défi  ;  Jean  le  Bel  (t.  Il,  p.  130  et  131)  et  Froissart  rapportent 
le  contraire.  U  y  a  lieu  de  croire,  comme  l'ont  pensé  Bréquigny  (Afi- 
Uoires  de  F  Académie  de*  inscriptions^  t.  L,  p.  611  à  614)  et  Dacièr 
(p.  846  de  son  édition  de  Froissart,  note  1)  qu'Edouard  m  dut  accep- 
ter en  principe  le  défi  du  roi  de  France  :  le  point  d'honneur  chevale- 
resque exigeait  impérieusement  cette  acceptation  qui  au  fond  n'enga- 
éeait  à  rien  le  roi  anglais,  puisqu'il  lui  restait  mille  moyens  d'éluder 
lu  de  difKérer  le  combat,  quand  on  en  viendrait  à  la  mise  en  pratique, 

i  Tezécution.  U  semble,  à  vrai  dire,  que  le  défi  n'avait  guère  été  porté 
dus  sérieusement  par  Philippe  qu'il  ne  fut  accepté  par  Edouard  ;  et  le 
pi  de  France  ne  proposa  sans  doute  la  bataille  à  son  adversaire  que 
loor  dérober  sa  retraite  ou  du  moins  se  ménager  une  explication  ho- 
korable. 

2.  Ces  deux  légats  étaient  Annibal  Ceccano,  évêque  de  Frascati,  et 
Itienne  Aubert,  cardinal  prêtre  du  titre  des  Saints  Jean  et  Paul.  Du 

ste,  Clément  VI  n'avait  pas  cessé,  depuis  le  commencement  de  la 

lerre,  d'intervenir  pour  la  conclusion  d'une  paix  entre  les  deux  rois. 

avait  même  adressé  des  reproches  assez  vifs  au  roi  d'Angleterre, 

ir  lettres  datées  d'Avignon  le  15  janvier  1347,  au  sujet  du  peu  d'é- 

trd  que  ce  prince  avait  eu  à  la  médiation  des  légats  du  saint-si^e. 

'oyez  Robert  de  Avesbuiy,  p.  146  à  153  et  Rymer,  vol.  III,  p.  100 

101. 

d.  Les  plénipotentiaires  français  étaient,  d'après  la  lettre  d'Edouard, 
^s  ducs  de  Bourbon  et  d'Athènes,  le  chancelier  de  France  (qui  était 
alQrs  Guillaume  Flotte,  sire  de  Revel),  Gui  de  Nesle,  sire  d'Offémont, 
et  GeofBroide  Chamy. 

k.  D'après  la  lettre  d'Edouard,  les  plénipotentiaires  anglais  étaient 
bien  ceux  indiqués  par  Froissart  ;  il  y  faut  ajouter  seulement  le  mar- 
quis de  Juiliers  et  Barthélémy  de  Burghersh,  chambellan  du  roi  anglais. 
Voyez  Robert  de  Ave«bury,  p.  1$4. 


XXIV  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

pour  traiter  de  la  paix,  mais  ces  nëgociations  restent  sans  résul- 
tat. Philippe  de  Valois,  qui  ne  voit  aucun  moyen  de  faire  lever  le 
âëge  de  Calais  ni  d'en  venir  aux  mains  avec  les  Anglais,  prend 
le  parti  de  décamper  bnisquement  ^  et  de  reprendre  le  chemin 
d'Amiens.  Ce  départ  précipité  de  l'armée,  dont  ils  attendaient 
leur  délivrance,  met  les  habitants  de  Calais  au  'désespoir,  tandis 
que  les  assiégeants  qui  poursuivait  les  Français  dans  leur  retraite 
font  un  grand  butin.  P.  5i  à  53,  S81  à  283. 

Le  départ  du  roi  de  France  vient  de  faire  perdre  aux  habi- 
tants de  Calais  leur  dernier  espoir^  et,  pendant  ce  temps,  la  fa- 
mine, qui  sévit  avec  une  rigueur  croissante,  est  arrivée  à  tel  point 
que  les  riches  eux-mêmes  ne  sont  pas  épargnés.  C'est  pourquoi 
les  assiégés  prient  Jean  de  Vienne  de  s'aboucher  avec  les  Anglais 
pour  traiter  de  la  reddition  de  la  ville.  Le  gouverneur  de  Calais 
fait  signe,  du  haut  des  remparts,  aux  assiégeants  qu'il  a  une  com- 
munication à  leur  faire.  Le  roi  d'Angleterre  charge  Gautier  de 
liauny  de  recevoir  les  ouvertures  des  Calaisiens.  Jean  de  Vienne 
propose  de  rendre  la  ville  à  la  condition  que  la  garnison  et  la  po\* 
pulation  auront  la  liberté  et  la  vie  sauves.  Gautier  de  Mauny  réV 
pond  que  la  volonté  bien  arrêtée  d'Edouard  est  que  les  assiégés^ 
se  rendent  sans  conditions.  Le  capitaine  de  Calais  s'élève  cou 
une  telle  prétention,  et  l'envoyé  anglais  s'engage  à  user  de  tou 
son  influence  pour  obtenir  des  conditions  moins  dures.  De  retou 
auprès  du  roi  son  mattre,  Gautier  de  Mauny  plaide  avec  ta 
d'habileté  et  de  chaleur  la  cause  des  habitants  de  Calais  qu'l^- 
douard,  se  relâchant  de  ses  premières  exigences,  promet  de  fairOs 

1.  Edouard  dit  que  Philippe  de  Valois  décampa  précipitamment  ]|e 
jeadi  (2  aoÂt)  de  grand  matin  :  «....  jeosdi,  devaunt  le  joor....  s*elii 
départi  od  toutes  ses  genu  auxi  comme  disconfit,  et  hasterent  tauiyt 
qu'ib  ardèrent  lor  tentes  et  graunt  partie  de  lor  hemeys  à  lor  depaip- 
tir;  et  noz  gentz  lez  pursnerent  bien  près  à  la  cowe  :  issint,  à  l*escr3- 
Tere  de  cestes,  n'estoient  ils  mve  unqore  rcYenuz....  »  {Ibid,^  p.  1661. 
Nous  devons  dire  que  la  date  des  actes  émanés  de  Philippe  de  Valois, 
au  commencement  d*aoât,  s*accorde  bien  arec  le  témoignage  du  r^i 
anglais.  Plusieurs  pièces  ont  été  données  derant  Calais  (JJ68,  p.  297) 
on  près  de  Sanptte  (JJ68,  p.  132)  «  ou  mois  d'aoust  »  c'est-à-dire  te 
1«  aoât;  mais  il  résulte  de  deux  actes  (JJ68,  p.  122  et  283)  que,  dè^ 
U  3  *u>àt ,  le  roi  de  FVance  était  à  Lnmbres  (Pas-de-Calais,  ar.  Saint-f 
Orner,  au  sud-ouest  de  cette  Tille),  après  aroir  passé  (JJ68|  p.  290)  i 
Ausqnes  (auj.  Nordausqnes,  Pas-de-Calais,  ar.  Saint -Orner,  c.  Ardres  ou 
Zndansques,  c.  Lumbres),  et  que  le  7  aoât  il  était  à  Hesdin  (JJ68| 
p.  271)  après  aroir  pané  à  Fauquembergoe  (JJ68,  p.  299  et  907). 


SOMBfAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  306-314. 

grSœ  aux  habitants  de  Calais  à  ]a  condition  que  six  des  plus  no- 
tables bourgeois  viendront,  tète  et  pieds  nus,  en  chemise,  la  corde 
au  cou,  lui  présenter  les  clefs  de  leur  ville  et  se  mettre  entière- 
ment à  sa  discrétion,  P.  53  à  57,  283  à  287. 

Gautier  de  Mauny  retourne  porter  à  Jean  de  Vienne  l'ultima- 
tum du  roi  d'Angleterre  qui  plonge  dans  la  consternation  les  Ga- 
laisiens.  A  la  vue  de  l'affliction  gâiérale,  un  des  plus  riches  bour- 
geois, nommé  Eustache  de  Saint-Pierre,  n'hésite  pas  à  exposer 
sa  vie  pour  sauver  ses  concitoyens  :  il  s'offre  le  premier  pour 
(tre  Tune  des  six  victimes;  et  bientôt  Jean  d'Aire,  Jacques  et 
Pierre  de  Wissant,  Jean  de  Fiennes  et  André  d'Ardres,  entraînés 
par  l'héroïque  exemple  d*£ustache,  veulent  bien  se  joindre  à  lui 
et  s'associer  à  son  dévouement  ^.  Ces  six  bourgeois  se  mettent 


1.  Cet  épisode  du  dérouement  des  six  bourgeois  de  Calais  est  em- 
pnmté  à  Jean  le  Bel  {^Chroniques ^  t.  II,  p.  135  et  136).  Un  savant 
académicien  du  dernier  siècle,  Bréquiany,  a  éler^  des  doutes  sor 
l'exactitude  du  récit  de  Froissart  dans  deux  dissertations,  l'une  rda- 
tiTe  à  des  recherches  sur  l'histoire  de  France  faites  à  Londres  {Mé" 
moires  de  t Académie  des  inscriptions^  t.  XXXVII,  p.  538  à  540),  l'autre 
eoasacrée  au  si^e  et  k  la  prise  de  Calais  par  Edouard  III  {Ihid^  t.  L, 
p.  618  i  621).  &équigny  se  fonde,  pour  mettre  en  doute  le  dévoue- 
ment d'Eustache  de  Saint-Pierre  et  ae  ses  compagnons,  sur  les  quatre 
actes  suivants  qu'il  avait  eu  le  mérite  de  découvrir  dans  les  Archives  de 
Londres  et  de  sînialer  le  premier  :  1**  Une  concession  à  vie  faite  le 
24  aoât  1347  à  Philippe,  reine  d'Angleterre,  des  maisons  que  Jean 
d'Aire  possédait  à  Calais  avec  leurs  dépendances  (Cales.  Roi.  pat.,  an. 
91  Ed.  m,  memb.  2)  ;  —  2<>  une  pension  de  40  marcs  sterling  consti- 
uée  le  8  octobre  1347  au  profit  d'Eustache  de  Saint-Pierre  «  pro 
>no  servicio  nobis  pro  custodia  et  bona  disposicione  ville  nostre  Ca- 
[esii  impendendo,  pro  sustentaeione  sua..,,  quousque  de  statu  ejusdem 
stacii  aliter  duxerimus  providendum.  »  (Rymer,  vol.  m,  p.  138.) 
3<>  La  restitution  faite  le  8  octobre  1347  au  dit  Eustache  die  Saint- 
4erre  de  quelques-unes  des  maisons  qu'il  possédait  à  Calais  et  qui 
ivaient  été  connsquées  «<  dum  tamen  eiga  nos  et  heredes  nostros  [Ens- 
achius  et  sui  heredes]  bene  et  fideliter  se  gérant  et  pro  salva  custodia 
>t  municione  dicte  ville  faciant  débite  quod  debebunt  »  (Ibid.)  ;  «- 
b«  la  concession  faite  à  Jean  de  Gerwadbjr  en  date  du  29  juillet  1351 
les  biens  situés  &  Calais  qui  avaient  appartenu  à  Eustache  de  Saint- 
Pierre  et  qui  avaient  été  confisqués  après  sa  mort  sur  ses  héritiers 
M  que  per  forisiactum  heredum  ipsîus  Eustachii,  qui  adversariis  nostris 
Francîe  contra  nos  adhérentes  existunt,  ad  manus  nostras  devene- 
mnt....  »  (Rot.  Franc,  an.  25  Ed.  III,  memb.  5).  Bréqoigny  aurait 
pu  ajouter  que  le  jour  même  où  Edouard  restituait  à  Eustache  quel- 
ques-uns de  ses  biens,  c'est4-dire  le  8  octobre  1347,  il  distribuait  en- 
core à  trois  Anglais,  à  Jean  Goldbeter,  à  Jean  Qerc  de  Londres,  i  Jean 
le,  des  propriétés  qui  avaient  appartenu  à  ce  même  Eustache 


xzvi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

tête  et  pieds  nns,  en  chemise,  la  corde  au  cou,  comme  Va  or- 
domië  le  vainqueur;  puis,  au  milieu  de  toute  la  population  de 
Calais  qui  leur  fait  cortège  et  éclate  en  sanglots,  ils  se  rendent, 
dans  cet  appareil,  jusqu'aux  remparts.  Là,  ils  sont  livrés  par 
Jean  de  Vienne  à  Gautier  de  Mauny,  qui  les  amène  en  présence 
d'Edouard.  Ils  se  prosternent  devant  le  roi  d'Angleterre,  lui  pré- 
sentent les  clefs  de  Calais  et  le  supplient  à  mams  jointes  d'avoir 
pitié  d'eux.  Edouard  reste  sourd  à  leurs  prières  et  donne  Tordre 
de  leur  faire  trancher  la  tète,  malgré  les  représentations  de  Gau- 
tier de  Mauny.  La  reine  Philippe,  qui  est  enceinte  et  assiste  tout 
en  larmes  à  cette  scène,  se  jette  alors  aux  pieds  de  son  mari,  et, 
à  force  d'instances,  parvient  à  lui  arracher  la. grâce  des  six  bour- 
geois ;  elle  distribue  ensuite  des  vêtements  à  ces  malheureux,  les 
fait  dîner  à  sa  table  et  les  renvoie  en  donnant  à  chacun  six  no- 
bles. P.  57  à  63,  287  à  293. 

C'est  ainsi  que  la  ville  de  Calais,  qui  avait  été  assiégée  au  mois 
d'août^  4346,  vers  la  fête  de  la  Décollation  de  Saint-Jean,  fut 
prise  dans  le  courant  de  ce  même  mois  d'août  de  l'an  1347.  — 
Par  l'ordre  du  roi  d'Angleterre,  Jean  de  Vienne  et  tous  les  gen- 
tilshommes de  la  garnison  sont  faits  prisonniers,  tandis  que  Ton 
somme  les  autres  gens  d'armes,  venus  là  comme  mercenaires,  et 
tous  les  habitants,  hommes,  femmes  et  enfants,  d'évacuer  la  vill< 
que  l'on  veut  repeupler  de  purs  Anglais.  On  ne  garde  *  qc 


de  Saint-Pierre.  H  suffit  de  citer  les  arguments  de  Brëquignj  poi 
montrer  qu'ils  n'infirment  nullement  le  témoignage  de  Jean  le  Bel  ej 
de  Froissart.  Eustache  de  Saint-Pierre,  agë  de  soixante  ans  lors  de  U 
capitulation,  puisque  dans  un  acte  de  1335,  où  il  figure  comme  témoin] 
il  déclare  avoir  quarante-huit  ans,  aura  voulu  mourir  dans  sa  rille  natale] 
dans  cette  ville  qui  lui  avait  inspiré  son  dévouement  :  en  quoi  cela  c 
il  en  contradiction  avec  le  récit  de  Froissart  ?  Voyez  l'excellent  lii 
de  U.  Auguste  Lebeau,  intitulé  :  Dissertation  sur  le  dévouement  itEus^ 
tache  de  Saint^Pierre  et  de  ses  compagnons  en  1347,  Calais,  1839,  in-lj 
de  232  pages. 

1.  Comme  l'a  fait  observer  Dacier  (p.  354  de  son  ëd.  de  Frois- 
sart, note  1],  cette  date  n'est  pas  tout  à  lait  exacte  :  c'est  une  des 
nombreuses  erreurs  empruntées  par  Froissart  à  Jean  le  Bel  (t.  II, 
p.  139).  La  tète  de  la  décollation  de  Saint-Jean  tombe  le  29  août,  et 
te  roi  d'Angleterre,  au  rappoit  de  Robert  de  Avesbury  [Uist.  Ed,  III^ 
p.  1^0)  n'arriva  devant  Calais  que  le  3  septembre.  D'après  le  même 
nistorien  {Ibid.^  p.  166],  cette  ville  se  rendit  le  vendredi  3  août,  le 
lendemain  du  décampement  de  Philippe  de  Valois  et  de  son  armée  : 
le  siège  avait  duré  par  conséquent  juste  onze  mois. 

2.  «  Dominus  rex,  semper  misericors  et  benignus,  on^is  et  reientis 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  306-314.    zxvii 

prêtre  et  deux  autres  personnes  âgées  et  expérimentées,  dont  le 
vainqueur  a  besoin  pour  se  renseigner  sur  les  propriétés,  les  lois 
et  ordonnances.  Edouard  fait  son  entrée  solennelle  à  Calais  dont 
il  va  habiter  le  château  et  où  la  reine  sa  femme  met  au  monde 
une  fille  qui  a  nom  Marguerite.  En  même  temps,  le  roi  an- 
glais donne  quelques-uns  des  plus  beaux  hôtels  de  la  ville  à  Gau- 
tier de  Mauny,  à  Renaud  de  Gobham,  à  Barthélémy  de  Burghersh, 
au  baron  de  Stafford  et  à  d'autres  chevaliers  de  son  entourage. 
P.  63  à  65,  293  à  297. 
Les  habitants  de  Calais  ne  reçoivent  aucun  dédonmiagement  * 


paucis  de  majorihus^  comtnunitatem  dictas  vîllœ  cum  bonis  suis  omnibus 
graciose  permisit  abire,  dictamque  villam  sno  retinuit  imperio  aubju- 
gatam.  »  (Robert  de  Ayesbury,  p.  167.)  D'après  Gilles  li  Muisis, 
Edouard  ni  laissa  à  Calais  ringt-deux  des  plus  riches  bourgeois  c  pour 
rensegnier  les  hiretages  »,  selon  Texpression  de  Froissart.  Eastache  de 
Saint^Pierre  était  désigné  par  sa  position  de  fortune  et  la  considéra- 
tion qui  Tentonrait  pour  être  l'un  de  ces  vingt-deux  ;  ainsi  s'expUquent 
les  faveurs,  très^relatiwes ,  d'Edouard  en  faveur  d'Eustache  :  c  . . . .  pro 
hona  dispositione  vîllm  CttUiii,  quousque  de  statu  ejusdem  Eustachii 
duxerimuB  providendum.  » 

1.  Cette  erreur  a  été  empruntée  par  Froissart  à  Jean  le  Bel  (t.  II, 
p.  140).  Philippe  de  Valois,  par  une  ordonnance  antérieure  au  7  sep* 
tembre  1347  et  qui  fut  renouvelée  en  septembre  1349  (Arch.  nat. , 
JJ78,  p.  162  et  169)  fit  don  de  toutes  les  forfaitures  qui  viendraient  à 
échoir  dans  le  royaume  aux  habitants  de  Calais  chassés  de  leur  ville 
par  les  Anglais;  le  7  septembre  1347,  il  accorda  aux  dits  habitants,  en 
considération  des  pertes  que  leur  avaient  fait  éprouver  les  ennemis, 
tous  les  offices  dont  la  nomination  lui  appartenait  ou  au  duc  de  Nor^ 
nandie,  son  fils  aine  (Arch,  nat..  Kl 87,  liasse  2,  p.  97;  une  copie  de 
cette  pièce  originale  :  JJ68,  p.  245,  est  datée  d'Amiens  le  8  septem- 
bre). Enfin  le  10  septembre  suivant,  il  leur  octroya,  par  une  nou- 
velle ordonnance,  un  grand  nombre  de  privilèges  et  franchises  qui 
furent  confirmés  sous  les  règnes  suivants  (Recueil  des  Ordonnances ,  t.  IV, 
p.  606  et  suivantes).  Ces  promesses  ne  restèrent  pas  a  l'état  de  lettre 
morte  ;  un  grand  nombre  d'actes  authentiques  attestent  qu'elles  furent 
tenues.  En  mai  1348,  le  roi  de  France  donne  une  maison  sise  à  Pro- 
vins à  Thomas  de  Hallangues ,  bourgeois  et  habitant  de  Calais  (JJ76, 
p.  10);  en  septembre  1349,  il  concède  les  biens  confisqués  d'un  nsu-. 
rier  lombard ,  sis  au  bailliage  de  Vitry,  à  Colart  de  Londeners ,  jadis 
bourgeois  de  Calais,  c  en  considération  de  ce  qu'il  a  souffert  au  siège 
de  cette  ville  »  (JJ68,  p.  390);  le  9  mars  1350,  il  indemnise  Mabille, 
veuve  d'Ënguerrand  dit  Ëstrecletrop  et  Marguerite,  fille  de  feu  Lenoir, 
scBurs,  lesquelles  avaient  perdu  leurs  biens  durant  le  siège  de  Calais 
(,M80,  p.  226).  En  juillet  1351,  Jean  de  Boulogne,  comte  de  Montfort, 
lieutenant  du  roi  Jean,  son  neveu  es  parties  de  Picardie  et  sur  les 
frontières  de  Flandres,  donne  à  Jean  du  Fresne  le  Jeune,  fils  de  Jean 
du  Freane,  à  présent  prévôt  de  Montreuil,  jadis  bourgeois  de  Calais^ 


xxmi  CHRONIQUBS  DB  J.  FR0IS8ÂRT. 

du  rrâ  de  France  pour  qui  ils  ont  tout  perdu  ;  la  plupart  d'entre 
eux  se  retirent  à  Saint-Omer. — Grâce  à  la  médiation  du  cardinal 
Gui  de  Boulogne  *,  lëgat  du  Saint-Siëge,  une  trêve  de  deux  ans 
est  conclue  entre  les  rois  de  France  et  d'Angleterre  :  la  Bretagne 
seule  est  exceptée  de  cette  trêve.  —  Edouard  repasse  en  Angle- 
terre, après  avoir  confié  la  garde  de  sa  nouvelle  conquête  à  un 
Lombard  nommé  Aimeri  de  Pavie  ^  ;  il  ne  se  contente  pas  d'en* 
voyer  à  Calais,  qu'il  veut  repeupler  ',  trente-six  riches  bourgeois 
anglais,  dont  douze  de  Londres  {  il  octroie  à  cette  ville  de  grandes 
libertés  et  frandiises  *  pour  y  attirer  des  étrangers.  —  Charles  de 
Blds,  fait  prisonnier  à  la  Roche-Derrien,  et  Raoul,  comte  d'Eu , 
tombé  à  Caen  au  pouvcnr  des  Anglais,  que  l'on  détient  alors  à  la 


des  biens  m  à  Bouvines  et  en  U  comté  de  Gninet  confisqués  sur 
Gillebert  d^Aire  qoi  est  allé  demeurer  à  Calais  arec  les  Anglais.  JJ82', 

p.  271. 

1.  Gui  de  Boulogne  n'eut  aucune  part  à  ces  trêres  qui  furent  con- 
clues le  28  septembre  1347.  Les  médiateurs  furent  les  cardinaux  An- 
nibal  Ceccano  et  Etienne  Aubert.  La  trére  ne  derait  durer  que  quinze 
jours  après  la  fête  de  Saint-Jean-Baptiste  de  Tannée  1348,  c*est-a-dire 
enTÎron  dix  mois,  et  non  pas  deux  ans,  comme  TaTanee  le  chroniqueur 
trompé  sans  doute  par  les  prolongations  accordées  à  différentes  re- 
prises. Froissart  se  trompe  aussi  en  disant  que  la  Bretagne  fîit  exceptée 
de  ces  tréTes.  ifiymm,  Fœderm,  vol.  III,  p.  136  à  138.)  Dacier  arait  déjà 
rectifié  FVoissart  sur  tous  ces  points.  Voyez  son  édit.  de  Froissart,  p.  356, 
note  2. 

2.  C'est  Jean  de  Montgommery,  et  non  Aimeri  de  Parie,  qui  fut 
nommé  capitaine  de  Calau,  arant  le  départ  du  roi  d*An^eterre,  le 
8  octobre  1347  (Rymer,  vol.  III,  p.  138).  Jean  de  Montgommery  fut 
remplacé  le  1*'  décembre  de  cette  même  année  par  Jean  de  Chiveres- 
ton  \lM.j  p.  142).  C^est  seulement  le  24  avril  1348  qu^Èdouard  nomme 
son  amé  Auneri  de  Parie,  non  capitaine  de  Calais,  mais  capitaine  et 
oonduiseur  de  ses  galées  et  de  tous  les  arbalétriers  et  mariniers  mon- 
tant les  dites  galées  {Ihid,^  p.  159V  Aimeri  de  Parie,  chargé  sans 
doute  comme  capitaine  des  «dées  ae  défendre  les  approches  de  Ca- 
lais du  côté  de  la  mer,  remplit-il  en  outre  par  intérim  ou  autrement 
les  fonctions  de  gouverneur  de  cette  rille  ?  On  en  est  réduit  sur  ce 
point  à  des  suppositions. 

3.  Le  12  aoât  1347,  le  roi  d'Angleterre  fit  annoncer  par  tout  son 
royaume  qu'il  concéderait  des  maisons,  des  rentes  et  ferait  toute  sorte 
d'arantages  a  ceux  de  ses  sujets  qui  roudraient  s'établir  à  Calais  avant 
le  l*'  septembre  suirant.  Y.  Rymer,  roi.  III,  p.  130« 

4.  Le  3  décembre  1347,  Edouard  confirma  les  statnts  donnés  à  la 
rille  de  Calais  en  1317  par  Mahant,  comtesse  d'Artois.  (Rymer,  roi.  m, 
p.  142  à  144.)  Les  dispositions  que  le  roi  arait  ajoutées  à  ces  statuts 
dès  le  8  octobre  1347  sont  relatirement  libérales.  [Ihid,  p.  139.)  V.Bré- 
qnigny,  Mém,  de  VAcûdénue  des  InseriptionSf  t.  50,  p.  623  à  627. 


SOMBIAIRE  DU  PREBUER  LIVRE,  SS  3i»-316.     xin 

Toar  de  Londres  avec  David  Bruce,  roi  d'Écoase,  et  le  comte  de 
Miirrey,  sont  traites  avec  beaucoup  de  courtoisie  ',  Charles  de 
Bloîs,  à  la  prière  de  la  reine  d'Angleterre,  sa  cousine  germaine  ', 
Raoul  d'Eu,  parce  qu'il  a  su  gagner  par  sa  galanterie  les  bonnes 
grâces  de  toute  la  cour.  P.  65  à  67,  297  i  209. 


CHAPITRE  LXVn. 

1348.  BAVAon  hbs  bbigauds  nr  UMomm  n  izr  Banioin;  ixrLom 

DB  BÂOOZr  BT  DB  CBOQUABT*   (§5  315  Ct  3i6). 

Guillaume  Douglas,  retire  dans  la  forêt  de  Jedburgh,  continue 
de  fiure  la  guerre  aux  Anglais,  même  après  la  prise  du  roi 
d'Ecosse  et  maigre  les  trêves  entre  l'Angleterre  et  la  France  *. 
P.  67. 

Les  trêves  ne  sont  pas  observées  davantage  en  Gascogne,  Poi- 
tou, Saintonge  et  Limousin.  Dans  ces  pays  de  frontière,  les  pau* 
vres  gens  d'armes  exercent  le  brigandage  comme  un  métier  et 
s'y  enrichissent  avec  une  promptitude  merveilleuse  ;  il  y  en  a  qui 
font  des  fortunes  de  quarante  mille  ëcus.  Voici  comment  ils  pro- 
cèdent. Rassemblés  par  bandes  de  vingt  ou  trente,  ils  épient 
pendant  quelque  temps  un  riche  village  ou  un  fort  château  situé 
dans  les  environs  ;  puis  un  beau  jour,  de  très-grand  matin,  ils  y 
pénètrent  furtivement  et  mettent  le  feu  à  une  maison.  Les  habi- 
tants, qui  croient  avoir  affaire  è  mille  armures  de  fer,  s'enfuient 
affolés  de  teireur  ;  les  brigands  pillent  le  village  ou  le  château, 
après  quoi  ils  se  retirent  chargés  de  butin.  Us  font  ainsi  à  Don- 


1 .  Le  témoîgnaae  de  FroÎMart  est  cont^edit  par  George  de  Lemea, 
médedD  de  Charies  de  Blois,  et  Olirier  de  Bignon ,  son  ralet  de 
diambre,  qui  déclarent,  dans  l'enqnéte  faite  ponr  la  canonisation  de 
ce  prince,  qae  les  Anglais  le  soumirent  à  une  captiritë  très-dure. 
V.  dom  Monce,  Bisi,  de  Bntûgnty  t.  II  des  Preuves^  p.  6  et  7. 

2.  Charles  de  Blois  était  fils  de  Marguerite,  et  Philippe  de  Hainaut 
ëtait  fille  de  Jeanne,  toutes  deux  sours  de  Philippe  de  Valois. 

3.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chnmiques,  t.  II,  cha|>.  i.xxxn,  p.  143  à  145. 

4.  Les  Ecossais  étaient  cependant  conipris  dans  ces  trêres  comme 
alliés  de  la  Fnuaoe.  V.  Ardu  Nat.,  sect.  hist.,  J636,  n*  SI. 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT. 

lenac^  et  ailleurs;  ils  s'emparent  des  châteaux  et  les  reyendent. 
Un  de  ces  brigands  emporte  par  escalade  le  château  de  Gom- 
born  ',  en  Limousin.  Le  vicomte  de  Gombom,  fait  prisonnier 
dans  son  château ,  ne  recouvre  la  liberté  qu'en  payant  une  ran- 
çon de  vingt -quatre  mille  écus.  Ce  brigand,  nomme  Bacon, 
après  avoir  vendu  le  château  de  Combom  à  Philippe  de  Valois 
moyennant  vingt  mille  écus ,  devient  huissier  d'armes  '  du 
roi  de  France,  qui  le  comble  de  faveurs.  P.  67  à  69,  299  à 
302. 

En  Bretagne,,  un  autre  brigand  nommé  Croquart,  ancien  page 
du  seigneur  de  Herck  en  Hollande,  gagne  bien  soixante  mille 

1.  Coirèze,  air.  Brire,  on  peu  aa  nord  de  cette  rille,  à  peu  près  à 
ëgale  distance  des  deux  riyières  de  Corrèze  et  de  Vëzère.  £n  1355,  le 
fiU  de  Guiraud  de  Ventadour,  seigneur  de  Donzenac,  nommé  Bernard 
de  Ventadour  et  châtelain  de  Beyssac  (auj.  château  de  Saint- Augustin, 
Corrèze,  arr.  Tulle,  c.  Corrèze]  joua  un  tour  du  même  genre  à  Pierre 
de  Mulceone^  seigneur  de  Bar  (Corrèze,  arr.  Tulle,  c.  Corrèze] •  Il  s'in- 
troduisit dans  le  château  de  Bar  avec  seize  hommes  armés  en  disant 
que  les  Anglais  établis  à  Beaumont  (Corrèze,  arr.  Tulle,  c.  Seilhac]  le 
poursuivaient  et  y  vola  deux  mille  sommées  de  blé,  soixante  lards  et 
six  mille  cinq  cents  deniers  de  bon  or  à  Vange^  au  pavillon^  à  la  chaire^ 
à  Vagneau.  kVécu  (Arch.  nat.,  X*«  6,  f»*  416  à  424).  Le  15  mars  1362, 
Guiraud  de  Ventadour,  seigneur  de  Donzenac,  prêta  serment  de  fidé^ 
lité  au  roi  d'Angleterre  représenté  par  Jean  Chandos,  TÎcomte  de 
Saint-SauYeur,  lieutenant  audit  roi;   il  s'engagea  en  outre  à   faire 

Srêter  serment  à  tous  ses  tenanciers  et  à  rapporter  leurs  noms  à  Chan- 
os  ou  à  son  sénéchal.  V.  Bardonnet,  Procès^erhal  à  Jean  Chandos  des 
piaees  françaises  abandonnées  par  le  traité  de  Brétigny,  Niort,  1870,  in-8, 
p.  115. 

2.  Combom,  autrefois  siège  d'une  ricomté,  est  aujourd'hui  un  châ- 
teau ruiné  de  la  commune  d'Orgnac,  Corrèze,  arr.  Bnve,  c.  Yigeois;  ce 
château  est  situé  sur  la  rive  droite  de  la  Vézère.  Le  23  octobre  1363, 
à  Poitiers,  en  l'église  Saint-Maixent,  Archambaud,  vicomte  de  Combom^ 
prêta  serment  de  fidélité,  tant  en  son  nom  qu'au  nom  de  Marie  sa 
temmç,  à  Edouard,  fils  aîné  du  roi  d'Angleterre,  prince  d'Aquitaine  et 
de  Galles,  duc  de  Cornouaille  et  comte  de  Chester.  Y.  Delpit,  />oca- 
ments  français  conservés  en  Angleterre ^  p.  114. 

,  3.  Ce  Bacon  est  peut-être  Jean  Bacon,  écuyer,  fils  de  Guillaume 
Bacon,  seigneur  du  Molay  (Calvados ^  arr.  Bayeux,  c.  Balleroy),  exé- 
cuté pour  crime  de  lèse-majesté,  au  commencement  de  l'année  1344. 
Comme  les  biens  de  sa  famille  avaient  été  confisqués,  Jean  Bacon 

Sut  être  plus  vivement  tenté  de  refaire  aa  fortune  par  le  brigan- 
age  ;  et  la  guerre  en  Limousin  entre  les  partisans  de  Jeanne  de  Pen- 
thièvre.  et  ceux  de  Jeanne  de  Montfort  lui  en  fournissait  l'occasion. 
Comme  il  faisait  cette  guerre  de  partisan  au  service  ou  du  moins  sous 
le  couvert  de  la  maison  de  Blob,  le  roi  de  France  le  combla  de  fa- 
veurs. 


SOMMAIRB  DU  PREMIBR  LIVRB,  $$  317-321. 

^Gus;  il  figure  à  la  bataille  des  Trente  *  du  côté  des  Anglais  et  se 
montre  le  plus  brave.  Le  roi  de  France  lui  oflGre  une  pension  de 
deux  mille  livres,  s'il  veut  se  faire  Français,  mais  il  meurt  d'une 
chute  de  cheval.  P.  69,  70,  302,  303. 


CHAPITRE  LXVin. 

1349  et  i350.  TBrrATiTB  MAmuBRUSB  db  gbofteoi  db  ghaaut 

VOm  RBPBBKDEB  CALAIS  AUX  ANGLAIS  (§§  317  à  321). 

Geoffroi  de  CSiamy  ^,  capitaine  de  Saint-Omer,  conclut  secrè- 
tem^t  une  convention  avec  un  Lombard,  nommé  Aimeri  de  Pa- 

1.  Croquait  figure  en  effet  le  premier  sur  la  liste  des  quinse  gens 
d'armes  qai,  réunis  à  sept  cheyaliers  et  à  huit  écuyers,  composaient  les 
trente  champions  du  parti  anglais. 

2.  Geoffroi  de  Chamj,  seigneur  de  Pierre-Perthuîs,  de  Montfort 
et  de  SaToi^,  arait  serri,  en  qualité  de  bachelier,  avec  six  écvtyen 
dans  la  bataille  de  Raoul,  comte  d'En,  connétable  de  France,  du 
9  mars  1339  au  l**"  octobre  1340,  sur  les  frontières  de  Flandre;  il  était 
Tenu  de  Pierre-Pcrthuis  sous  Vézelay  (Yonne,  arr.  Ayallon,  c.  Véze- 
ky;  —  De  Camps,  portef.  83,  f*  317,  à  la  Bibl.  nat.).  Le  2  aoât 
1346,  Geoffroi  promu  cheralier  était  au  siège  devant  Aiguillon  où,  par 
acte  daté  de  Port- Sainte-Marie,  il  donnait  quittance  de  150  lirres  sur 
ses  gages  et  ceux  des  gens  d'armes  de  sa  compagnie  (Anselme,  hist. 
généai.^  t.  Vill,  p.  202)  ;  le  6  janvier  1352,  il  était  chcTalierde  Tordre 
de  rÉtoile  de  la  première  promotion  (Pannier,  hist,  de  Saint-Oueifp 
p.  95  et  96)  ;  le  10  septembre  1352,  il  était  à  Tabbaye  d'Ardres  où  il 
faisait  payer  50  livres  à  Robert  de  Yarennes,  capitaine  de  la  bastide 
de  Guines  (Anselme,  Ihid,^  p.  203]  ;  en  octobre  1353,  dans  un  acte  où 
il  est  qualifié  c  conseiller  du  roi  > ,  il  obtenait  l'amortissement  do 
62  livres  10  sous  tournois  pour  la  dotation  d'une  chapelle  ou  église 
coU^iale  dont  il  avait  projeté  la  fondation  dès  1343  dans  son  manoir 
de  Lirey  (Aube,  arr.  Troyes,  c.  Bouilly  ;  — JJ83,  p.  28];  en  juillet  1356 
ii  était  gratifié  par  le  roi  Jean  de  deux  maisons  confisquées  sur  Joceran 
de  Biacon  et  sises  à  Paris,  Tune  en  face  l'église  Saint-Eustache,  et 
l'autre  à  la  Yille-rÉvéque,  et  cette*  donation  était  confirmée  le  21  no- 
vembre 1356,  à  la  requête  de  Jeanne  de  Vergy  sa  veuve,  par  Charles 
duc  de  Normandie,  en  faveur  de  Geoffroi  de  Charny,  fils  mineur  du 
dit  Geoffroi  c  tué  à  la  bataille  livrée  dernièrement  près  de  Poitiers.  » 
(Arch.  nat.,  JJ84,  p.  671.)  Geoffroi  de  Charny  avait  été  choisi,  en  effet, 
le  25  juin  1355,  pour  porter  l'oriflamme,  et  il  se  fit  tuer  à  Poitiers  en 
couvrant  le  roi  Jean  de  son  corps.  Comme  Boucicaut,  comme  le  petit . 
sénéchal  d'£n,  comme  Jean  de  Saintré  et  la  plupart  des  chevaliers  de 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

vie,  auquel  Edouard  III  a  confie  la  garde  du  château  de  Calais; 
Aimeri  s'engage  à  livrer  ce  château  moyennant  vingt  mille  ëcus. 
Le  roi  d'Angleterre  est  informe  de  cette  convention;  il  mande  à 
Londres  Aimeri  de  Pavie,  et,  après  une  scène  de  viOs  reproches, 
.il  promet  le  pardon  au  Lombard  à  condition  que  celui-ci  fera 
semblant  de  poursuivre  le  marche  :  Edouard,  prévenu  à  temps, 
aura  soin  de  se  trouver  en  force  à  Calais  le  jour  où  Geoffroi  de 
Chamy  viendra  pour  prendre  livraison  du  château,  et  ainsi  les 
Français  seront  pris  au  piëge  qu'ils  ont  voulu  tendre.  —  Geoffroi 
de  Chamy,  de  son  côté,  ne  confie  son  secret  qu'à  quelques  che- 
valiers de  Picardie,  et  met  sur  pied  cinq  cents  lances  en  vue  du 
coup  de  main  projeté.  Il  est  entendu  avec  le  capitaine  du  château 
de  Calais  que  le  marché  recevrai  son  exécution  dans  la  nuit  du 
Si  décembre  1349  au  1^  janvier^  1350.  Aussitôt  que  le  jour  est 
fixé,  Aimeri  envoie  à  Londres  son  firère  prévenir  le  roi  d'Angle- 
terre. P.  70  à  73,  303  à  806. 

Edouard  se  rend  aussitôt  à  Calais  avec  une  troupe  de  tnns 
cents  hommes  d'armes  et  de  six  cents  archers  placés  en  apparence 
sous  les  ordres  de  Gautier  de  Mauny,  car  le  roi  veut  qu'on  ignore 
sa  présence.  Au  jour  dit,  c'est-à-dire  le  31  décembre  1349, 
Geoffroi  de  Chamy,  à  la  tête  de  cinq  cents  lances,  arrive  vers 
minuit  en  vue  du  château  de  Calais,  ainsi  qu'il  a  été  convenu.  Il 
passe  le  pont  de  ^euley  dont  il  confie  la  garde  à  Moreau  de 
Fiennes,  au  sire  de  Crésecques,  aux  arbaléti^ers  de  Saint-Omer 
et  d'Aire,  tandis  qu'il  prend  position  entre  ce  pont  et  Calais,  en 
face  de  la  porte  dite  de  Boulogne.  Puis  il  envoie  en  avant  Oudart 
de  Renty  avec  onze  autres  chevaliers  et  cent  armures  de  fer  por- 
ter à  Aimeri  de  Pavie  les  vingt  nulle  écus  promb  et  prendre 
possession  du  château.  Oudart  de  Renty  et  ses  compagnons  trou- 

son  temps,  Geoffroi  de  Charay  était  lettré  ;  il  est  Tauteur  d'un  ou«> 
TTage  en  prose  intitnlë  :  c  Demandes  ponr  le  tonmoy  que  je,  Geoffroi 
de  Chanu,  fais  à  haut  et  paissant  prince  des  cheraliers  de  Nostve 
Dame  de  la  Noble  Maison.  >  (Galfand ,  Mérn,  de  tMaJ.  des  Inicrio^ 
tiûiUj  t.  U,  p.  739.)  M.  Léopold  Pannier  a  bien  touIu  nous  signaler 
en  outre  dans  le  ms.  n*  25447  du  fonds  français,  à  la  Bibliothèque  na- 
tionale, une  pièce  de  vers  inédite  dont  Tauteur  est  un  Geoffroi  de 
Channr. 

1.  (Jette  date,  confirmée  par  les  Grandes  Chromaues  de  France  (éd.  P. 
Paris,  t.  V,  p.  491)  et  par  Robert  de  Aresbuiy  (181),  est  donnée  par 
vingt  manuscrits  de  la  première  rédaction  proprement  dite  (p.  313)  qui 
sont  ici  plus  exacts  que  ceux  de  la  premiore  rédaction  reruée. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §S  317-3Î1.  zxxiii 

vent  le  pont-levis  abaisse  pour  leur  livrer  passage  ;  mais  à  peine 
ont-ils  pénétré  dans  la  cour  du  château  et  remis  entre  les  mains 
d'Aimeri  un  sac  contenant  la  somme  convenue  qu'à  un  signal 
donné  le  roi  d'Angleterre  S  son  fils  et  Gautier  de  Mauny,  suivis  de 
deux  cents  combattants,  se  précipitent  sur  les  Français  au  cri 
de  :  <c  Mauny,  Mauny,  à  la  rescousse  I  »  Oudart  et  les  siens  n'ont 
pas  même  le  temps  de  se  reconnaître  et  sont  faits  prisonniers. 
Puis  les  Anglais  montent  à  cheval  et  courent  attaquer  Geofifroi 
de  Charny  qui  ne  se  doute  de  rien  et  commence  à  s'impatienter 
en  ne  voyant  pas  revenir  Oudart  de  Renty.  Avant  d'engager  cette 
seconde  action,  Edouard,  qui  veut  couper  la  retraite  aux  Fran- 
çais, dépêche  en  toute  hâte  un  fort  détachement  composé  de  six 
bannières  et  de  trois  cents  archers,  contre  les  arbalétriers  des 
sires  de  Fiennes  et  de  Crésecques  préposés  à  la  garde  du  pont 
de  Pfîeuley.  Plus  de  cent  vingt  Français  sont  tués  ou  noyés  en 
défendant  ce  pont  ;  mais  les  seigneurs  de  Fiennes,  de  Crésecques, 
de  Sempy,  de  Longvillers  et  de  Mametz  parviennent  à  se  sauver. 
P.  73  à  79,  306  à  311. 

Le  fort  de  l'action  s'engage  là  où  GeofiRroi  de  Charny  combat 
en  personne;  il  voit  tomber  à  ses  côtés,  frappés  mortellement, 
Henri  du  Bos  et  Pépin  de  Wierre  ;  il  est  fait  lui-même  prisonnier, 
ainsi  que  Jean  de  Landas,  Hector  et  Gauvain  de  Bailleul,  le  sire 
de  Gréquy  et  tous  ses  autres  compagnons,  après  avoir  fait  des 
prodiges  de  valeur.  Toutefois,  l'honneur  de  la  journée  est  pour 
Eustache  de  Ribemont,  qui  se  rend  au  roi  d'Angleterre  contre  qui 
il  a  soutenu  une  lutte  acharnée,  sans  le  connaître.  P.  79  à  81, 
311  à  313. 

La  nuit  du  jour  de  l'an ,  Edouard  offre  en  son  château  de  Ca- 
lais un  magnifique  souper  à  ses  compagnons  d'armes  et  aux  che- 
valiers français  prisonniers.  Après  le  repas,  il  donne  devant  tous 
les  assistants  son  propre  chapelet  ^  (chapeau)  enrichi  de  perles  à 

1.  L*affaire  fut  chaude,  et  le  roi  d* Angleterre  y  fut  serré  de  près, 
car  quinze  jours  après  cet  engagement,  le  15  janvier  1350,  on  le  voit 
donner  deux  cents  marcs  de  rente  annuelle  à  Gui  de  Bryan  «  consi- 
dérantes grata  et  laudabilia  obsequia  nobis  per  dilectum  et  fidelem 
nostrum  Guidonem  de  Bryan  a  dîu  multipliclter  impensa  ac  bonum 
gestum  suum,  in  uUimo  conflictu  in  ter  nos  et  quosdam  inimicos  nos- 
tros  Francis  i^ud  Caiesium  habito^  vexiUum  nostrum  ib^^em  contra  dictas 
inimicos  nostros  prudenter  deferendo  et  illud  erectum  sustinendo  strenue  et 
patenter.,.,  »  Rymer,  Fadera,  vol.  IH,  p.  195. 

2.  Les  princes  et  les  grands  seigneurs  portaient  à  cette  époque  de 


XXXIV  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Eustacbe  de  Ribemont  comme  au  plus  brave,  en  accompagnant 
ce  présent  des  ëloges  les  plus  flatteurs  ;  puis  il  rend  la  liberté  au 
chevalier  français,  sans  exiger  aucune  rançon^.  P.  81  à  84,  313 
à  317. 

Mort  de  Jeanne,  fille  de  Robert,  duc  de  Bourgogne  *,  mariée  à 
Pbilippe  de  Valois,  et  de  Bonne',  fille  de  Jean  de  Luxembourg , 
roi  de  Bohême,  mariée  à  Jean,  duc  de  Normandie.  Philippe  et 
Jean  se  remarient  bientôt  après,  le  premier  à  Blanche  ^,  fille  de 
Philippe  d'Évreux,  roi  de  Navarre,  le  second  à  Jeanne  ^,  comtesse 
de  Boulogne,  veuve  de  Philippe  de  Bourgogne,  mort  devant  Ai- 
guillon. P.  84,  85,  317,  318. 

chapeaux  ou  chapelets  du  plus  grand  luxe.  En  1359,  le  comte  d'É- 
tampes,  empruntant  de  Guillaume  Marcel,  changeur  et  bourgeois  de 
Pans,  mille  moutons  d*or,  à  raison  de  quatre  cents  moutons  a*intërêt 
pour  six  semaines,  afin  de  racheter  aux  Anglais  le  pays  d'Étampes 
qulls  occupaient,  donne  à  son  préteur,  en  gage  du  payement  de  cet 
intérêt,  son  t  chapeau  d'or  du  pris  de  deux  cenz  moutons».  Arch.  nat., 
sect.  hist.,  JJ91,  p.  399. 

1.  Edouard  Toiuut  sans  doute  se  rattraper  de  cet  acte  de  gëncfrosité 
chevaleresque  sur  ses  autres  prisonniers.  Il  est  certain  du  moins  qu'il 
soumit  Geoflroi  de  Chamy  à  une  rançon  énorme,  puisque  le  roi  Jean, 

Sour  aider  ce  cheralier  à  la  payer,  lui  fit  donner,  le  31   juillet  1351, 
ouze  mille  écus  d'or.  Anselme,  Hist.  gén.^  t.  VIII,  p.  201. 

2.  Jeanne,  fille  de  Robert  II,  duc  de  Bourgogne,  mourut  le  samedi 
12  décembre  1349,  d'après  les  Grandes  Chroniques  de  France  (éd.  de 
M.  P.  Paris,  in-12,  t.  Y,  p.  490].  Les  Bénédictms  se  sont  trompés  en 
fidsant  mourir  cette  reine  le  12  septembre  1348. 

3.  D'après  l'épitaphe  qu'on  voyait  sur  le  tombeau  de  cette  princesse, 
dans  l'abbaye  de  Maubuisson,  Bonne  de  Luxembourg  mourut  le 
11  septembre  1349.  (Dacier,  édit.  de  Froissart,  p.  366,  note  2,  et 
VArt  de  vérifier  les  dates,  t.  I,  p.  600.)  Elle  serait  morte  le  vendredi 
11  août  1349,  d'après  les  Grandes  Chroniques  de  France  (t.  V,  p.  490). 

4.  Le  29  janvier  1350,  d'après  VJrt  de  périfier  Us  dates  (t.  I,  p.  597), 
le  mardi  11  janvier  1350,  d'après  les  Grandes  Chroniques  de  France 
(t.  y,  p.  491),  Philippe  de  Valois  se  remaria  à  Blanche,  fille  de  Phi- 
lippe d'Évreux,  roi  de  Navarre. 

5.  Jean,  fils  aîné  du  roi  de  France,  duc  de  Normandie,  se  remaria  à 
Jeanne,  comtesse  de  Boulogne,  le  mardi  9  février  1350,  d'après  les 
Grandes  Chroniques  de  France  {Ibid.,  p.  492),  et  non  le  19  février  1350, 
comme  on  l'a  imprimé  par  erreur  dans  VArt  de  vérifier  les  datesy  t.  I, 
p.  600. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §  322. 


CHAPITRE  LXK. 

1347.   MABIAOE  DE  LOUIS,  COMTE  DE  FLAITDBE,  AVEC  lUBOUEAITE 
FILLE  DE  JEAN,   DUC  DE  BEABANT  *   (§  322). 

Il  a  été  dit  plus  haut  que  Louis,  comte  de  Flandre,  après  avoir 
fiance  à  Bergues  Isabelle,  fille  d'Edouard  III,  s'était  réfugié  en 
France  pour  échapper  à  la  conclusion  de  ce  mariage.  Le  duc 
Jean  de  Brabant  ouvre  aussitôt  des  négociations  auprès  du  roi 
de  France,  afin  d'obtenir  la  main  du  comte  de  Flandre  pour  sa 
fille  Marguerite.  Philippe  de  Valois,  auquel  le  duc  de  Brabant 
promet  d'engager  les  Flamands  dans  l'aUiance  française,  conseille 
à  Louis  de  Maie  '  d'agréer  les  ouvertures  de  Jean  III.  Quant  aux 
bonnes  viUes  de  Flandre ,  le  duc  de  Brabant  les  menace ,  si  elles 
ne  lui  sont  pas  favorables,  de  leur  faire  la  guerre.  A  la  suite  de 
conférences  tenues  à  Arras  entre  le  jeune  comte  de  Flandre  et  les 


1 .  Ce  chapitre  appartient  en  propre  à  FroiBsart  et  ne  se  tronve  pas 
dans  les  Chroniques  de  Jean  le  Bel. 

2.  Dès  le  17  mai  1347,  à  G>nfians  près  Paris,  Loois  de  Maie  élisait 
certains  procureurs  pour  traiter  de  son  mariage  avec  Marguerite,  fille 
de  Jean,  duc  de  Brabant  (Ârch.  nat.,  Transcripta,  JJC,  f°  118  v^);  à  Saint- 
Quentin,  le  6  juin,  il  promettait  d*étre  le  marai  26  juin  à  Lewre  en  Brabant 
(auj.  Leeuw-Saint-Pierre,  prov.  Brabant,  à  13  kil.  de  Bruxelles^  pour 
accomplir  le  dit  mariage  (Arch.  nat.,  JJC,  f^  135  v>,  p.  64),  et  û  assi- 
gnait a  sa  femme  6000  livres  en  terre  sur  le  comté  d^Alost  (JJC,  f>  1 28 
▼«).  De  son  côté,  Jean,  duc  de  Brabant,  le  18  mai  1347,  à  Bruxelles, 
nommait  certains  procureurs  pour  traiter  du  mariage  entre  son  fils 
aine  Henri  et  Jeanne,  fille  du  duc  de  Normandie,  et  entre  son  fils  Go- 
defroi  et  Bonne,  fille  du  duc  de  Bourbon  (JJC,  (^  123^;  à  Saint-Q  uen-* 
tin,  le  2  juin,  il  s'engageait  à  rompre  le  plus  tôt  possible  son  alliance 
areC  les  Flamands  et  le  comte  de  Hainaut  (JJC,  f**  1 19)  ;  il  promettait  au 
dit  Saint-Quentin,  le  6  juin,  d^aider  le  comte  de  Flandre  a  se  faire 
olM^ir  des  Flamands  (JJC,  f^  1 1 8)  ?  il  déclarait  n'être  aucunement  Pallié 
du  roi  d'Angleterre  (JJC,  f^  116);  enfin,  il  signait  une  alliance  aTec  le 
roi  de  France  dans  la  maison  des  Frères  Prêcheurs  (JJC,  f<>  139  to).  En 
retour,  Philippe  de  Valois,  par  lettres  aussi  datées  de  Saint-Quentin,  le 
6  juin  1347,  promettait  que  Jeanne  de  Normandie  et  Bonne  de  Bour- 
bon se  trouveraient  au  château  de  Vincennes  le  19  juin  pour  leurs  ma- 
riages ayec  Henri  et  Godefroi  de  Brabant,  et  que  Louis,  comte  de 
Flandre,  se  trouverait  à  Leeuw  en  Brabant  le  26  juin  pour  son  ma- 
riage avec  Marguerite  de  Brabant  (JJC,  (^140  v*). 


XXXVI  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSARï. 

envoyés  de  Jean  III,  Louis  de  Maie  s'engage  solennellement  à 
prendre  Marguerite  en  mariage,  puis  il  vient  en  Flandre  où  il 
rentre  en  possession  de  tous  ses  droits  seigneuriaux,  et  bientôt 
après  il  épouse  la  fille  du  duc  de  Brabant.  Une  clause  secrète  du 
contrat  fut  que  Malines  ^  et  Anvers,  après  la  mort  de  Jean  III, 
feraient  retour  au  comte  de  Flandre.  —  L'irritation  que  le  roi 
d'Angleterre  ressent  de  ce  mariage  dans  le  premier  moment  ne 
l'empêche  pas  au  bout  de  peu  de  temps  de  faire  sa  paix  avec  le 
duc  de  Brabant  et  le  comte  de  Flandre  >.  P.  85  à  88,  3i8  à  320. 


CHAPITRE  LXX. 

1350.  DÉFArri  dks  espagnols  dans  une  bataille  havale  livb^e 

EN  VUE  DE  WINCHELSEA  COUTBX  LES  ANGLAIS.  1352.   XXicCTION 

d'aimebi  de  favir  a  saint-omee'  (S§  323  à  329). 

Edouard  III  apprend  que  les  Espagnols,  dont  la  marine  s'est 
|K>rtëe  naguère  à  des  actes  d'hostilité  contre  les  Anglais  *,  sont 

1.  Par  cet  acte  date  de  Saint-Quentiiiy  le  5  février  1347,  Philippe  de 
Valois  garantit  le  comte  de  Flandre  contre  révéoue  et  le  chapitre  de 
Liëge  au  «ujet  de  Malines  cëdée  par  ledit  comte  a  Henri,  fils  du  duc 
de  Brabant,  à  l'occasion  de  son  mariage  avec  Jeanne,  fille  dû  duc  de 
Normandie.  (Arch.  nat.,  sect.  hist.,  JJC,  f^  133.)  Par  un  autre  acte 
rendu  aussi  à  Saint-Quentin  le  5  juin,  le  roi  de  Navarre  donne  au 
comte  de  Flandre  cina  mille  livres  de  terre  en  échange  de  la  cession 
de  Malines  a  Henri  de  Brabant  (Ibid.,  f^  131).  Philippe  de  Valois 
achève  de  dédommager  Louie  de  Maie  en  érigeant  en  pairie,  par  lettres 
patentes  du  27  août  13<!i7,  les  comtés  de  Nevers,  de  Rethel  et  la  ba- 
ronnie  de  Donzjr.  V.  Blanchard,  Compilation  chronologique^  col.  105 
et  106. 

2.  Un  traité  fut  conclu  entre  le  roi  d'Angleterre  et  le  comte  de 
Flandre  dans  les  premiers  jours  de  décembre  1348.  Par  ce  traité, 
Edouard  III  et  Louis  de  Maie  ratifient  les  articles  arrêtés  par  leurs  dé- 
putés et  renouvellent  Talliance  entre  TAngleteire  et  la  Flandre.  Henri, 
comte  deLancastre,  est  chargé  de  recevoir  l'acte  d'hommage  du  comte 
qui  s'engage  à  pardonner  aux  villes  de  Gand  et  de  Bruges  tout  ce 

Qu'elles  ont  fait  contre  lui  pendant  leurs  rébellions.  Ce  traité  fut  ratl- 
é  par  Louis  de  Maie,  le  k  décembre  1348  (Archives  du  Nord ,  fonds 
de  la  Chambre  des  Comptes  de  Lille,  orig.  parch.)  et  par  Edouard  III 
le  10  décembre  suivant.  V.  Rymer,  Foedera^  vol.  lU^-p.  178  et  179. 

3.  Ce  chapitre  ne  se  trouve  pas  dans  les  Chronique*  de  Jean  le  Bel. 

4.  Vers  la  Toussaint,  c'est-à-dire  au  commencement  de  novembre 
1349,  les  Espagnols  s'étaient  emparés,  à  l'embouchure  de  la  Gironde, 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  UVRE,  §§  323-329.  xxivii 

allés  avec  de  nombreux  vaisseaux  acheter  des  draps,  des  toiles  et 
autres  marchandises  en  Flandre;  il  ne  veut  pas  laisser  échapper 
cette  occasion  de  se  venger  de  ses  ennemis.  Il  équipe  une  flotte 
paissante,  dont  les  navires  sont  montés  par  l'élite  de  sa  noblesse  ; 
il  en  prend  le  commandement  et  va  croiser  entre  Douvres  et 
Calais.  P.  88  à  90,  320,  321 . 

Les  Espagnols,  de  leur  côté,  informés  des  projets  du  roi  d'An- 
gleterre, ont  fait  leurs  préparatifs  pour  soutenir  la  lutte  ;  ils  ont 
muni  d'artillerie  leurs  quarante  gros  vaisseaux  et  pris  des  bri- 
gands à  leur  solde.  —  Au  moment  où  Edouard  III,  monté  sur  un 
navire  appelé  La  Salle  du  Roi,  dont  Robert  de  Namur  est  capi- 
taine, fait  exécuter  par  ses  ménestrek  un  air  de  danse  que  Jean 
Chandos  vient  de  rapporter  d'Allemagne,  tout  à  coup  une. senti- 
nelle placée  au  haut  du  mât  annonce  que  les  Espagnols  sont  en 
vue  :  le  roi  fait  aussitôt  sonner  le  branlebas  de  combat';  les  navi- 
res se  rapprochent  pour  former  une  ligne  très-serrée;  ]$douard  et 
ses  chevaliers  boivent  du  vin,  revêtent  leurs  armes  en  toute  hâte, 
et  la  bataille  commence.  P.  90  à  92,  321  à  324. 

Les  navires  espagnols  et  anglais  s'accrochent  les  uns  aux  au- 
tres, deux  par  deux,  avec  des  crampons  et  des  chaînes  de  fer,  et 
Ton  se  bat  à  l'abordage.  Après  diverses  alternatives,  le  roi  d'An- 
gleterre et  le  prince  de  Galles,  son  fils,  montent  sur  deux  vais- 
seaux ennemis  qu'ils  ont  conquis  après  une  lutte  acharnée;  ils 
sont  forcés  d'abandonner  leurs  propres  navires  qui  ont  été  horri- 
blement maltraités  et  font  eau  de  toutes  parts.  La  Salle  du  Roi 
allait  être  emmenée  par  les  Espagnols,  qui  l'avaient  accrochée, 
sans  le  dévouement  d'un  valet  «de  Robert  de  Namur,  nommé 


de  plusieurs  navires  anglais  qui  portaient  une  cargaison  de  vin  en  An- 
gleterre et  avaient  tuë  les  équipages,  f  Robert  de  Avesburv,  Hiit. 
JSd.  Illf  p.  18^  et  185.)  Édouarci  se  plaint  amèrement  des  pirateries 
des  Espagnols,  dans  une  lettre  adressée  le  10  août  1350  à  Tarchevéque 
de  Cantorbërj  pour  demander  des  prières  publiques  ;  on  y  trouve  ce 
passage  :  c  Jamque  in  tantam  erecti  sunt  (Hispani)  superbiam  quod, 
immensa  classe  in  partibus  Flandriae  per  ipsos  congregata  et  gentibus 
armatis  vallata,  nedum  se  navigium  nostrum  in  totum  velle  destruere 
et  mari  anglxcano  dominari  jactare  prsesumunt,  sed  regnum  nostrum 
invadere  populumque  nobis  subjectum  exterminio  subdere  velle  ex- 
presse comminantur.  >  V.  Rymer,  vol.  III,  p.  202. 

1 .  Cette  bataille  navale  se  livra  en  vue  de  Winchelsea,  le  jour  de 
la  fête  de  la  décollation  de  Saint-Jean,  c*est-a-dire  le  29  août  1350. 
L'armement  de  la  flotte  anglaise  s'éuit  fait  à  Sandwich.  V.  Robert  de 
Aveabary,  p.  185. 


zxxYui  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Hennequin,  qui,  en  sautant  à  bord  du  navire  ennemi,  parvient  à 
couper  les  cordes  qui  soutiennent  les  voiles.  Le  vaisseau  espagnol 
ne  peut  plus  avancer,  et  Robert  de  Namur  le  prend  à  l'abordage. 
Bref,  les  Espagnols  perdent  quatorze  *■  de  leurs  navires  ;  les  au- 
tres parviennent  à  se  sauver.  La  flotte  victorieuse  rentre  à  Rye 
et  à  Winchelsea.  Edouard  va  rejoindre  sa  femme  qui  l'attend 
dans  un  château  situé  à  deux  lieues  de  là  et  qui  est  fort  inquiète, 
car  les  habitants  de  cette  partie  des  côtes  d'Angleterre  ont  vu  le 
combat  du  haut  des  falaises.  P.  92  à  98,  824  à  328. 

Geofiroi  de  Giarny  surprend  Aimeri  de  Pavie  dans  un  petit 
château  de  la  marche  de  Calais,  nommé  Frethun*,  qui  lui  avait 
été  donné  par  le  roi  d'Angleterre,  et  le  fait  mettre  à  mort  à  Saint- 
Omer,  pour  le  punir  de  sa  trahison.  P.  98,  99,  328  à  330. 


CHAPITRE  LXXI. 

1348.    EAVAOKS  DB   LA   PBSTB.  1349.    DinONSTRATIOHS   DR  Pfoa- 

TENGB    DBS    FLAGBLLANTS  ;     BXTBBMINATION    DBS    2Vm    DAVS     TOUS 
LBS   PAYS   DB  l'bUBOPB   BXGEPTâ  A  AVIGNON  BT   SUB   LB  TBBBFrOIBB 

PAPAL»  (S  330). 

En  ce  temps  éclaté  une  peste  qui  fait  mourir  le  tiers  de  la  po- 
pulation *•  Pour  apaiser  la  colère  de  Dieu,  il  surgit  alors  en  Alle_^ 

1.  D'après  Robert  de  Avesbury  (p.   185),  lea  Espagnols  perdirent 
Tmgt-gnatre  vaisseaux  à  la  bataille  navale  de  Winchelsea. 

2.  ras-de-Calais ,  an*.   Boulogne-sur-Mer,   c.   Calais.  Geoffroi  de 
Chaxvijr  était  encore  prisonnier  en  Angleterre  le  20  décembre  1350 

SAymer,  Tol.  III,  p.  212);  et  le  parfait  payement  de  sa  rançon  dut 
tre  réglé  uu  mois  d'août  1351  au  plus  tôt  (▼.  plus  haut,  p.  xxxnr, 
note  1)  D'un  autre  côté,  ce  chevalier,  après  sa  mise  en  liberté,  ne  fut 
envoyé  de  nouveau  sur  la  frontière  de  Calais  qu'en  février  1352  (Bibl. 
nat.,  Titres  scellés^  vol.  29).  Par  conséquent,  si  ce  fut  Geoffroi  qui  sur- 
prît à  Frethun  Aimeri  de  Pavie,  cet  événement  eut  lieu  sans  doute  au 
commencement  de  1352. 

3.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques^  t.  II,  p.  15(i. 

4.  La  peste  de  1348  fut  un  de  ces  nombreux  cas  de  peste  asiatique 
qui  sont  venus  à  diverses  reprises  fondre  sur  l'Europe.  «  Dicta  autem 
mortalitas,  dit  Jean  deVenetle,  inter  incredulos  inchoavU,  deinde  ad 
Italiam  venit;  postea  montes  pertransiens  ad  Avinionem  accessit....  » 
{G.  de  Nangit^  édit.  Géraud,  t.  II,  p.  212.)  Simon  de  Covins,  astronome 
du  temps,  attribua  cette  peste  à  l'influence  des  astres  (voyez  un  article 


S03dMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §  330.        xxxix 

magne  ^  une  secte  dont  les  adeptes  se  fouettent  le  dos  et  les 
^Mules  jusqu'au  sang  avec  des  courroies  garnies  d'aiguillons  de 
fer;  d'où  on  les  appelle  flagellants.  Ils  chantent  des  complaintes^ 
snr  la  Passion,  et  vont  de  ville  en  ville,  en  faisant  pénitence,  pen- 
dant trente-trois  jours,  parce  que  Jésus-Christ  alla  sur  terre 
pendant  trente-trois  ans.  Ces  pénitences  font  cesser  les  ravages 
de  la  peste  en  beaucoup  d'endroits  ;  mais  le  roi  de  France  interdit 
aux  flagellants  l'entrée  de  son  royaume,  et  le  pape  lance  des 
bulles  d'excommunication  contre  eux.  — -  On  arrête  alors  les  Juifs 
par  toute  l'Europe,  on  les  brûle  et  on  confisque  leurs  biens, 
excepté  à  Avignon  et  en  la  terre  de  l'Église,  sous  les  ailes  du 
pape.  Une  prédiction  avait  annoncé  aux  Juifs,  cent  ans  auparavant, 
qu'ils  seraient  détruits  quand  on  verrait  apparaître  des  gens  ar- 
més de  verges  de  fer.  L'apparition  des  flagellants  explique  le  sens 
de  cette  prédiction.  P.  100,  101,  330  à  332. 

de  M.  Littré,  BibL  de  P École  des  Chartes,  t.  II,  p.  208  et  suir.).  Dans 
le  nord  de  la  France,  la  peste  s^yit  d*ahord  à  Aoissy  (Seine-et-Oise, 
aiT.  Pontoise,  c.  Gonesse);  elle  fit  périr  cinquante  mille  personnes  à 
Paris  et  seize  mille  à  Saint-Denis ,  et  continua  ses  ravages  pendant 
on  an  et  demi  [Grandes  Chroniques^  t.  V,  p.  485  et  486).  £n  Angle- 
terre comme  en  France,  la  peste  commença  par  le  sud;  elle  éclata 
d'abord  Ters  le  l^  août  1348  dans  le  comté  de  Dorset  ;  elle  exerça 
ensuite  de  tels  ravages  à  Londres  que,  de  la  Purification  k  Pâques 
1349,  on  enterra  deux  cents  cadavres  par  jour  dans  un  nouveau  cime- 
tière près  de  Smiethfield  sur  remplacement  duquel  s'élève  aujourd'hui 
Técole-hospice ,  jadis  couvent,  de  Charterbouse.  De  Londres,  la  peste 
gagna  le  nord  ae  TAngleterre  et  TÉcosse  où  elle  ne  cessa  ses  ravages 
que  vers  la  Saint-Michel  1349  (Robert  de  Avesburj,  HUt.  Ed.  III, 
p.  177  à  179).  Comme  il  arrive  toujours,  la  peste  de  1348  frappa  sur^ 
tout  les  classes  nécessiteuses.  La  plupart  des  ouvriers  et  domestiques 
étant  morts  de  la  peste,  ceux  qui  avaient  sqrvécu  eurent  l'idée  de  pro- 
fiter de  leur  petit  nombre  pour  se  faire  donner  des  gages  et  des  salai- 
res pins  élevés.  Edouard  III  mit  bon  ordre  à  ce  qu'il  considérait 
comme  un  abus,  par  ordonnance  du  18  novembre  1350  (Rymer, 
vol.  ni,  p.  210  et  211).  La  Faculté  de  Médecine  de  Paris  rédigea 
en  1349  un  mémoire  sur  la  peste  de  1348  ;  il  est  conservé  au  dép.  des 
mss.  de  la  Bibl.  nat.,  fonds  latin,  n»  11227.  M.  le  docteur  Michon  a 
publié  en  1860  sur  cette  épidémie  un  travail  capital  intitule  ;  Doeu" 
memts  inédits  sur  In  grande  peste  de  1348  {consultations  de  la  Faculté  de 
Paris  y  d^un  médecin  de  Montpellier,  description  de  G.  de  Machaut),  par 
L.  A.  Joseph  Michon,  in-8^,  99  p.,  Paris,  J.  B.  Baillîère. 

1.  La  Hollande,  la  Flandre  et  le  Brabant  furent  le  berceau  de  la 
secte  des  flagellants.  Cf.  Robert  de  Avesbury,  p.  179;  Grandes  Chroiû'- 
fues,  t.  V,  p.  492  et  493;  G.  de  Nangis,  t.  II,  p.  216  à  218. 

9.  Voyez  deux  chansons  des  flagellants  dans  Le  Roux  de  Lincy, 
Beeueil  des  ehant^  historiques  français,  première  série,  p.  237  et  snîv. 


XL  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 


CHAPITRE  LXXn. 

1350.  AyÉstïïMtar  du  boi  jkan.  —  i351.  victoims  dbs  ànolais  mte 

DB  TAILLSBOUBO;  SIÉGB  KT  PKISB  DB  SAINT -JBIN-d'anGIÎLT  P1& 
U8  nUNÇAM.  -»  COMBAT  DBS  TKBNTX.  —  BSCAEMOUCHX  d'abDBBS 
BT  MOBT  d'ÏOOUABD  DE  BBAUIBU.  —  i352.  AVÈNEMENT  d'iNNO- 
GBNT  VI.  — -  1350.  EXÉCUTION  DE  BAOUL,  COMTE  d'bU  ET  DE 
GUINBS  —  1352.    VENTE   DU  CHÂTEAU  DE  GUINBS  AUX  ANGLAIS.  

•    1351.  FONDATION  DE  l'obdbe  DE  l'ïtoile  ^  (§§  331  à  342). 

Mort  de  Philippe  de  Valois,  avënement  du  roi  Jean  '.  Le  nou- 
veau roi  *,  aussitôt  après  son  couronnement  à  Reims,  fait  mettre 

1.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques ^  t.  H,  chap.  lxxxv  à  lxixvii,  lxxxix, 
p.  157  à  168,  173  à  175. 

2.  Philippe  de  Valois  mourut  le  dimanche  22  aoât  1350  à  Nogeht- 
le-Roi  prec  Coulombs  (auj.  Nocent-Eure-et-Loir,  ar.  Dreux).  Jean  II 
fut  couronne  à  Reims  le  dimanche  26  septembre  suivant  (p.  400  de  ce 
volume).  Le  château  de  Nogent-le-Roi  appartenait  au  roi  de  Navarre, 
mais  Philippe  de  Valois  mourut  sans  doute  à  Pabbaye  de  Coulombs 
d^ou  le  roi  Jean  a  daté  des  lettres  de  rémission  du  mois  d'août  1350 
(JJ80,  p.  31). 

3.  Quelques-uns  de  nos  lecteurs  s*étonneront  peut-être  des  dévelop- 
pements que  nous  donnons .  a  ces  notes.  C^est  que  malheureusement 
beaucoup  des  erreurs,  même  grossières,  que  nous  relevons  dans  les 
Chroniques  de  Froissart  se  retrouvent  dans  les  ouvrages  les  plus  esti- 
més. Il  faut  bien  le  dire,  Thistoire  du  quatorzième  siècle,  dans  ses 
deux  parties  essentielles,  la  chronologie  et  la  géographie,  reste  encore 
en  grande  partie  à  faire.  U  n'entre  pas  dans  notre  plan  de  signaler 
les  erreurs  qui  ont  pu  échapper  à  nos  prédécesseurs  ;  nous  croyons 
seulement  qu'il  importe  de  dfonner  une  fois  pour  toutes  l'idée  de  ces 
lacunes  dont  nous  parlons  ;  à  ce  titre,  nous  citerons  les  lignes  sui- 
vantes que  les  auteurs  de  Vjért  de  vérifier  les  dates  (t.  I,  p.  598)  ont 
consacrées  aux  deux  premières  années  du  règne  du  roi  Jean  :  «  Nos 
armes  n'avaient  aucun  succès  contre  les  Anglais.  Cette  même  année 
(1351),  ils  se  rendirent  maîtres  de  Guines  au  mois  de  septembre  par 
la  trahison  de  Beaucaurroy,  lieutenant  de  la  place,  qui  expia  ce  crime 
par  une  mort  honteuse.  Aimeri  de  Pavie,  commandant  de  Calais,  qui 
avait  séduit  Beancaurroy,  voulut  surprendre  Tannée  suivante  Saint-Omer 
où  commandait  Chamy.  II  est  pris  lui-même  dans  une  embuscade, 
et  Chamy  le  fait  écarteler.  Le  roi  d'Angleterre  n'avait  pas  ainsi  traité 
Chamy,  comme  on  Ta  vu,  lorsqu'ayant  engagé  l'an  1348  ce  même 
Aimen  à  lui  livrer  Calais,  U  fut  surpris  au  moment  où  il  allait  s'em- 
parer de  la   place.    Edouard   lui   ayant  pardonné   généreusement, 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  331-342.       xu 

en  liberté  ses  cousins  Jean  et  Charles  d'Artois,  fils  de  Robert 
d'Artois,  détenus  en  prison,  et  comble  de  faveurs  ses  deux  cou- 
sins germains,  Pierre,  duc  de  Bourbon,  et  Jacques  de  Bourbon, 
comte  de  la  Marche.  Il  quitte  Paris  avec  un  train  magnifique, 
prend  le  chemin  de  la  Bourgogne,  et  se  rend  à  Avignon  ^  où  le 
pape  Clément  VI  et  le  sacré  collège  donnent  des  fêtes  en  son 
honneur..  D* Avignon,  il  va  passer  une  quinzaine  de  jours  à  Mont- 
pellier' d'où  il  se  dioge  vers  le  Poitou'.  Il  convoque  à  Poitiers 
ses  gens  d'armes  placés  sous  les  ordres  de  Charles  d'Espagne, 
connétable,  d'Edouard  de  Beaujeu  et  d'Arnoul  d'Audrehem  *,  ma* 


Chamy,  par  reconnaissance,  devait  user  de  la  même  gënérositë.  »  Les 
Bénëdictins  ont  commis  dans  ce  peu  de  lignes  presque  autant  d'erreurs 
qu'ils  ont  avancé  de  faits.  Ce  n'est  pas  au  mois  de  septembre  1351, 
mais  en  1352,  entre  le  6  et  le  22  janvier,  que  les  Anglais  s'emparèrent 
par  surprise  du  château  de  Guines.  C'est  Robert  de  Herle,  et  non 
Aimeri  de  Pavie,  qui  était  capitaine  de  Calais  lorsque  le  Lombard, 
devenu  simple  châtelain  de  Frethun,  fut  surpris  à  son  tour  par  Geoffroi 
de  Chamy.  Enfin,  la  tentative  de  ce  dernier  contre  Calais  eut  lieu, 
non  en  1348,  mais  dans  la  nuit  du  31  décembre  1349  au  1»  janvier  1350. 

1.  Le  roi  Jean  se  mit  en  route  pour  Avignon  dans  les  derniers  jours 
de  novembre  1350.  Le  dernier  jour  de  novembre,  i)  passait  à  Château- 
neuf-sur- Loire  (Loiret,  ar.  Orléans)  ;  il  était  arrivé  a  Villeneuve-lès- 
Avignon  (Gard,  arr.  Uzès,  sur  la  droite  du  Rhône)  le  23  décembre 
(JJ80,  p.  867;  JJ81,  p.  166,  167.  237,  760,  203,  460). 

2.  Le  roi  de  France,  arrivé  de  Beaucaire  à  Montpellier  le  7  janvier 
1351,  tînt  le  lendemain  8  dans  cette  ville  les  états  généraux  de  la  pro- 
vince où  avaient  été  convoqués  les  prélats,  barons  et  communes  des 
sénéchaussées  de  Toulouse,  Carcassonne,  Beaucaire  et  Rouergue,  les 
évéques  d'Agde,  Béziers,  Lodève,  Saint-Papoul,  Lombez  et  Comminges 
(dom  Vaissette,  Hist,  du  Languedoc,  t.  IV,  p.  272).  La  présence  de 
Jean  à  Montpellier  du  9  au  21  janvier  est  attestée  par  divers  actes  (JJ80, 
p.  466,  761,  149,  759,  269,  532,  763,  356,  456,  457,  458).  Le  roi  de 
France  fit  une  excursion  à  Aigues-Mortes  le  22  janvier  et  jours  suivants 
(JJ80,  p.  463,  459,  749,  771);  il  éuit  le  26  (JJ80,  p.  318,  455,  476) 
de  retour  à  Villeneuve,  où  il  donnait  un  tournoi  magnifique  et  séjour- 
nait de  nouveau  jusque  vers  les  premiers  jours  de  février  (jJ80,  p.  476, 
472,  587, 568). 

3.  Le  roi  Jean  ne  se  dirigea  pas  vers  le  Poitou,  mais  il  regagna  di- 
rectement Paris,  où  le  rappelaient  les  états  généraux  de  la  Languedoil 
et  de  la  Languedoc  convoqués  pour  le  16  février  1351,  convocation 
qui  fut,  il  est  vrai,  prorogée  au  15  mars  suivant.  Au  retour,  il  passa 
par  Lyon,  où  il  se  trouvait  le  7  février  (JJ80,  p.  216,  372);  il  était  ren- 
tré à  Paris  le  19  février  au  plus  tard  (JJ80,  p.  212). 

4.  Froissart  a  conîmis  une  erreur  en  donnant  dès  cette  époque  à  Ar- 
nonl  d'Audrehem  le  titre  de  maréchal  de  France.  Le  sire  d'Audrehem 
prit  en  effet,  comme  le  dit  notre  chroniqueur,  une  part  active  à  la 
campagne  des  Français  en  Saintonge  pendant  la  première  moitié  de  1351, 


zui  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

réchaux  de  France,  et  vient  mettre  le  siëge  devant  Saint- Jean- 
d'Angëly,  dont  les  habitants  appellent  à  leur  secours  le  roi  d'An- 
gleterre. P.  100  à  103,  332  à  334. 

Jean  de  Beauchamp  ^  et  quarante  autres  chevaliers  anglais,  en- 
voyés au  secours  de  Saint-Jean-d'Angély,  débarquent  à  Bordeaux 
à  la  tête  de  trois  cents  hommes  d'armes  et  de  six  cents  archers. 
Ces  forces,  réunies  à  celles  des  seigneurs  d'Albret,  de  Mussidan 
et  des  autres  chevaliers  gascons  du  parti  anglais,  s'élèvent  à 
cinq  '  cents  lances,  quinze  cents  archers  et  trois  mille  brigands  à 
pied.  Gascons  et  Anglais  franchissent  la  Garonne,  passent  à  Blaye 
et  arrivent  à  une  journée  de  distance  de  la  Charente,  en  vue  du 
pont  de  Taillebourg.  Les  Français,  qui  assiègent  Saint-Jean- 
d'Angély,  ont  envoyé  un  détachement  garder  ce  pont  sous  les 
ordres  de  Jean  de  Saintré,  de  Guichard  d'Angle,  de  Boucicaut  et 
de  Gui  de  Nesle  '•  A  la  vue  de  ce  détachemeQt,  les  Anglais  veu- 


maîs  il  n'était  alors  que  capitaine  du  comté  d'AngouIéme  pour  Charles 
d'Espagne.  Nous  avons  des  lettres  données  à  Angouléme  le  5  janvier 
1350  par  Amoul  d'Andrehem,  chevalier  du  roi  et  capitaine  souverain  de^ 
puté  ou  comté  <tÂngoulesme  (JJ78,  p.  87),  et  le  24  avril  1351  par  le  même 
Amçul  d'Audrehem,  capitaine  et  gouverneur  du  comté  tCAngouUsme  pour 
Charles  é^Ef pagne  (JJ84,  p.  224).  Fait  prisonnier  au  combat  de  Saintes, 
Amoul  d'Auorehem  fut  nommé  maréchal  de  France  après  Ja  mort 
d'Edouard  de  Beaujeu,  entre  le  21  et  le  30  juin  1351.  Il  avait  éxé  mis 
en  liberté  et  se  trouvait  à  Paris  dès  le  25  mai,  jour  où  dans  l'hôtel  des 
hoirs  feu  Vincent  du  Castel,  près  la  porte  Saint-Honoré,  lui  et  Jeanne 
de  Hamelincourt  sa  femme  se  firent  une  donation  entre  vifs  de  tous 
leurs  biens  meubles  et  immeubles  ;  il  n'est  encore  qualifié  dans  cet  acte 

Sue  noble  homme  et  puissant  M9^  Amoul  d'Odeneham^  chevalier  y  seigneur 
u  dit  lieu,  et  dans  la  confirmation,  en  date  du  21  juin  suivant,  de  la 
dite  donation,  on  l'appelle  simplement  dilectum  et  fidelem  militemet  con^ 
siliarium  nostrum  (JJ80,  p.  495).  Mais  dans  une  donation  que  le  rot  Jean 
lui  fit  à  Saint-Ouen  au  mois  de  juin  1351  de  la  ville  et  du  château  de 
Wassigny  (Aisne,  ar.  Vervins),  on  donne  déjà  4  Amoul  d'Audrehem 
le  titre  de  maréchal  de  France  (JJ81,  p.  110).  Le  P.  Anselme  s'est 
donc  trompe  en  faisant  dater  la  promotion  d'Amoul  d'Audrehem 
comme  maréchal  de  France  du  mois  d'août  1351.  V.  Hist,  généai., 
t.  VI,  p.  751  et  752. 

1 .  D'après  Robert  de  Avesbury,  les  forces  anglo^gasconnes,  envoyées 
au  secours  de  Saint-Jean-d'Angélv,  étaient  commandées  par  le  sire 
d'Albret.  Hist.  Ed.  ///,  p.  186. 

2.  L'historien  du  règne  d'Edouard  III,  qui  tend  à  diminuer  l'effectif 
des  forces  anglaises,  toutes  les  fois  qu'il  s'agit  d'une  affaire  où  elles  ont 
donné,  ne  prête  que  six  cents  hommes  d'armes  au  sire  d'Albret.  Ihid, 

3.  Nous  avons  des  lettres  de  Gui  de  Nesle,  sire  de  Mello,  maréchal 
de  France,    lieutenant  du  roi  en  Poitou,  Limousin,  Saintonge,  An- 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  331-342.     xuii 

ent  rebrousser  chemin,  mais  les  Français  s'ëlancent  à  leur  pour- 
suite. Un  combat  s'engage  qui  tourne  à  l'avantage  des  Anglo- 
Gascons.  Tous  les  Français  sont  tues  ou  pris*.  Les  Anglais  qui 
ne  se  sentent  pas  en  mesure,  malgré  ce  succès,  de  faire  lever  le 
siège  de  Saint-Jean-d'Angély,  retournent  à  Bordeaux  avec  leur 
butin  et  de  bons  prisonniers  tels  que  Gui  de  Nesle,  dont  par  la 
suite  ils  ne  tirèrent  pas  moins  de  cent  mille  moutons.  P.  103  à 
108,  334  à  336. 

Le  roi  Jean  apprend  à  Poitiers^  la  déconfiture  de  Taillebourg; 


gonmoîs  et  Pérîgord  par  deçà  Dordogne,  datées  de  Niort  le  4  novem- 
bre 1349  (JJ78,  p.  87),  le  18  décembre  1350  (JJ80,  577),  de  Chiié 
Kux-Sèirrea,  arr.  Melle,  c.  Brioax)  le  19  février  1351  (JJ81,  p.  118). 
acte  daté  de  Paris  le  16  mars  1351  c  présente  domino  constabu- 
lario  >  (Charles  d^Ëspagne),  le  roi  Jean  donne  à  son  amé  et  fëal  cb"'  et 
c"'  Gui  de  Nesle ,  maréchal  de  France,  mille  livres  toamois  de  rente 
annuelle  sur  les  forfaitures  qui  viendront  à  échoir  ;JJ83,  p.  344). 

1.  D'après  Robert  d^Avesburj,  ce  combat  se  livra  près  de  Saintes, 
le  8  avril  1351,  et  trois  cents  chevaliers  français  y  furent  faits  prison- 
nier» {HUt,  Ed,  III ^  p.  186  et  187).  D'après  les  Grandes  Chroniques 
de  France  fv.  p.  401  de  ce  volume),  cette  affaire  eut  lieu  le  1*'  avril 
1351  ;  et  Gui  de  Nesle,  maréchal  de  France,  Guillaume  son  frère, 
Amoul  d'Audrehem  tombèrent  au  pouvoir  des  Anglais.  Ce  qui  est  cer- 
tain, c'est  que  le  combat  de  Saintes  eut  lieu  avant  le  mois  de  juin  1351, 
puisque  Gui  de  Nesle  avait  déjà  recouvré  sa  liberté,  sous  caution  ou 
autrement,  à  cette  date,  comme  on  le  voit  par  des  lettres  du  roi  Jean 
données  à  Paris  en  juin  1351,  présenté  Guidone  de  Nigella  marescallo 
Francie  (JJ80,  p.  552).  On  lit  dans  d'autres  lettres  datées  du  Val  Co- 
quatrix  le  15  juillet  1351    que  le  roi  Jean  donne  à  Gui  de  Beaumont, 

Sour  Taider  à  payer  sa  rançon,  trente  huit  arpents  de  bois  dans  la  forât 
e  Halate  c  cum  praedictus  miles  nuper  cum  dilecto  et  fideli  milite  et 
marescallo  nostro  Guidone  de  Nigella ,  cujus  dictus  Guido  de  fiello- 
monte  marescallus  erat ,  in  nostro  servicio  in  partibus  Xantonensibus 
per  regni  nostri  inimicos  captus  fuerit  et  adhuc  eorum  prisonarius  exis- 
tât 1  fJJSO,  p.  719).  D'un  autre  côté,  ce  combat  se  livra,  comme  le  dit 
Robert  d'Avesburj,  près  de  Saintes,  car  nous  lisons  dans  des  lettres  de 
.rémission  accordées  par  Gui  de  Nesle  le  24  septembre  1351  à  Renoul 
de  Saint-Pardoulf,  écuyer,que  le  dit  Renoul  avait  été  pris  darrainement 
en  la  hatàiUe  de  Sainctes  (JJ81,  p.  62).  Sismondi,  M.  H.  Martin  et  tous 
es  historiens  contemporains  se  trompent  donc  à  la  suite  de  Froissart 
en  plaçant  l'affaire  de  Saintes  à  l'époque  où  le  roi  Jean  vint  en  Poitou 
et  en  Saintonge  pour  renforcer  le  siège  de  Saint-Jean-d'Angély,  c'est- 
à-^ire  au  mois  d'août  1351.  Y.  Sismondi,  t.  X,  p.  392  et  393,  et 
M.  H.  Martin,  éd.  de  1839,  t.  V,  p.  450. 

2.  L'affaire  de  Saintes  eut  lieu,  comme  nous  venons  de  le  voir,  dans 
les  premiers  jours  d'avril  1351 ,  et  le  roi  Jean  n'était  pas.  alors  à  Poi- 
tiers. Il  est  même  fort  douteux  que  le  siège  fât  déjà  mis  devant  Saint- 
Jean-d'Angély  à  cette  date.   La  noblesse  de  la  sénéchaussée  de  Beau- 


XLiv  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

il  est  fort  irrite  à  cette  nouvelle  et  vient  en  personne  devant  Saint- 
Jean-d'Angëly  pour  renforcer  le  siëge.  Les  assièges  sollicitent  et 
obtiennent  une  trêve  de  quinze  jours,  à  la  condition  qu'ils  se  ren- 
dront, s'ils  ne  sont  pas  secourus  dans  cet  intervalle.  A  l'expiration 
de  cette  trêve,  le  7  août^  1354,  Saint- Jean-d'Angély  ouvre  ses 
portes  au  roi  de  France.  P.  108,  109^  337. 

Après  la  reddition  de  Saint- Jean-d'Angëly,  le  roi  Jean  re- 
tourne à  Paris,  tandis  que  Jean  de  Beauchamp  et  les  siens  repas- 
sent en  Angleterre  où  ils  emmènent  leurs  prisonniers.  De  retour 
à  Londres,  Jean  de  Beauchamp'  est  nomme,  en  récompense  du 
succès  qu'il  a  remporté  près  de  Taillebourg,  capitaine  et  gou- 
verneur de  Calais.  Le  roi  de  France,  de  son  côté,  envoie  à  Saint* 
Omer  Edouard,  seigneur  de  Beaujeu*,  pour  garder  la  frontière 
contre  les  Anglais.  P.  110,  337. 

Caire,  placée  sous  les  ordres  de  Guillaume  Rolland,  sénéchal  de  ce  pays, 
ne  servit  en  Poitou^  sous  Charles  d'Espagne,  connétable  de  France,  que 
de  la  mi'judlet  à  la  mi-septembre  1351  (dom  Vaîssette,  Hut,  du  Lan" 
guedoc ^  t.  rV,  p.  27^).  Nous  avons  des  lettres  de  Charles  d'Espagne, 
connétable  de  France,  lieutenant  du  roi  entre  Loire  et  Dordogne,  datées 
de  ses  tentes  devant  Saint- Jean-d^jingéljr^  le  26  juillet  1351  (JJ81,  p.  575), 
du  siège  devant  Saint-Jean^ jingéijr^  le  30  août  1351  (JJ82,  p.  202). 

1.  La  dernière  pièce,  citée  dans  la  note  précédente,  prouve  que  la 
reddition  de  Saint-Jean-d'Angély  n'a  pu  avoir  lieu  le  7  août,  puisque 
Charles  d^Espagne  assiégeait  encore  cette  ville  le  30  août  1351.  Dans 
tous  les  cas,  cette  reddition  n'aurait  pu  être  faite  au  roi  Jean,  qui  était 
encore  à  Chanteloup  (auj.  hameau  de  Saint- Germain-lès^Arpajon , 
Seine -et-Oise,  ar.  Corbeil,  c.  Arpajon)  le  10  août  1351  (JJ81,  p.  160). 
Le  roi  de  France  ne  dut  arriver  devant  Saint-Jean-d'Angély  qu'a  la 
fin  d'août  ;  il  délivra  des  lettres  de  rémission  le  29  août  1351  a  Jean 
de  Pontallier,  chevallier,  in  tentis  nostris  ante  Sanetum  Johannem  Àngelia- 
eensem  (JJ81,  p.  917).  Diaprés  les  Grandes  Chroniques  (v.  p.  401  de  ce 
volume),  Saint-Jean-d'Angély  se  rendit  au  mois  de  septembre.  La 
reddition  de  cette  ville  dut  avoir  lieu  entre  le  29  août  et  le  5  septem- 
hre  ;  à  cette  dernière  date,  le  roi  de  France  avait  déjà  repris  le  chemin 
de  Paris,  comme  on  le  voit  par  des  lettres  datées  de  Niort  le  5  septem- 
bre 1351,  auxquelles  Jean  fit  apposer  le  sceau  de  son  cousin  Cbarles 
d'Espagne  in  nostrorum  magni  et  secreti  abseneia  (JJ81,  p.  145).  Jean 
était  de  retour  à  Paris  au  plus  tard  le  17  septembre  (JJ81,  p.  935). 

2.  Jean  de  Beauchamp  était  capitaine  du  château  de  Calais  dès  le 
19  juillet  1348  (Rymer,  vol.  III,  p.  165).  Fait  prisonnier  à  l'affaire 
d'Ardres,  au  commencement  de  juin  1351,  il  fut  remplacé  le  20  de  ce 
mois  par  Robert  de  Herle  {Jhid.^  p.  222>. 

3.  Edouard,  sire  de  Beaujeu,  marécnal  de  France  depuis  1347  par 
la  démission  de  Charles,  sire  de  Montmorency,  ne  fut  pas  envoyé  à 
Saint-Omer  après  la  reddition  de  Saint-Jean-d^Ansély,  puisque,  comme 
nous  le  verrons,  il  était  certainement  mort  avant  le  30  juin  1351. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  331-342.       xlv 

Combat  des  Trente.  Trente  gens  d'armes,  bretons  et  français, 
|>artisans  de  Charles  de  Rlois,  sous  les  ordrjes  de  Robert  de  Beau- 
manoir,  châtelain  de  Josselin,  se  battent  en  vertu  d'une  conven- 
tion et  dans  des  conditions  réglées  à  l'avance  contre  trente  sou- 
dojers  anglais,  allemands  et  bretons,  partisans  de  la  comtesse 
de  Montfort,  commandés  par  Bramborough,  châtelain  de  Ploêr- 
mel  *.  A  la  première  passe,  quatre  Français  et  deux  Anglais  sont 
tués.  On  suspend  la  lutte  pour  prendre  quelques  instants  de  re- 
pos; puis  le  combat  recommence.  A  la  seconde  passe,  les  Fran- 
çais prennent  le  dessus  :  Bramborough  est  tué  avec  huit  de  ses 
compagnons;  les  autres  se  rendent.  Robert  de  Beaumanoir  et  les 
Français  survivants  emmènent  leurs  prisonniers  à  Josselin  et  les 
mettent  à  rançon  courtoise,  dès  que  leurs  blessures  sont  guéries, 
car  il  n'y  a  personne,  d'un  côté  comme  de  l'autre ,  qui  n'ait  été 
blessé.  P.  iiO  à  115,  338  à  340. 

«Vingt-deux  ans*  après  le  combat  des  Trente,  ajoute  Froissart, 
je  vis  assis  à  la  table  du  roi  Charles  de  France  un  chevalier  qu'on 
appelait  Yvain  Charuel.  Comme  il  avait  pris  part  à  ce  combat, 
on  l'honorait  par-dessus  tous  les  autres.  On  voyait  bien  du  reste, 

1 .  Ce  combat  passe  pour  s'être  livré  le  27  mars,  quatrième  dimanche 
de  carême  1351,  sur  le  territoire  de  la  commune  de  la  Croix-Helléan 
(Morbihan,  ar.  Ploêrmel,  c.  Josselin,  à  10  kil.  de  Plo&'mel).  Une  py- 
ramide de  granit  a  été  élevée  en  1823  en  remplacement  du  Chine  dé 
JâivoUy  à  150  mètres  environ  de  Tendroit  où  se  livra  le  combat.  Une 
croix,  reconstruite  après  la  Révolution  avec  les  débris  d'une  croix  plus 
ancienne,  porte  une  vieille  inscription  commémorative  de  ce  fait  d'ar- 
mes (art.  de  M.  Rosenzweig  dans  le  Dictionnaire  de  la  France  de 
M.  A.  Joanne).  Le  combat  des  Trente  a  donné  Heu  à  un  curieux 
po^me,  publié  en  1819  par  Fréminville,  en  1827  par  Crapelet,  et  enfin 
par  Buchon.  V.  l'ouvrage  intitulé  :  Le  Combat  de  trente  Bretons  contre 
trente  Anglais^  d'après  les  documents  originaux  des  quatorzième  et  qtûn- 
zième  siècles^  suivi  de  la  biographie  et  des  armes  des  combatt€Mtt^  par  Poi 
de  Courcy.'  Saint-Brieuc,  1857,  impr.  Prud'homme,  in-4<'y  76  p. , 
3  pi. 

2.  Ce  curieux  passage  est  emprunté  au  ms.  B6  dont  le  texte  est  très- 
corrompn.  Peut-être  le  copiste  a-t-il  mis  un  X  de  trop,  et  faut-il  lire  : 
«  XII  ans  puîssedy  >  au  lieu  de  :  a  XXII  ans  puissedy,  »  ce  qui  pla- 
cerait ce  séjour  de  Froissart  à  Paris  vers  136^ ,  au  lieu  de  1374.  d'est 
précisément  en  cette  année  1364  que,  diaprés  un  fragment  de  compte 
découvert  par  M.  CafBaux,  Froissart  rapporta  de  Paris  des  nouvelles 
d'un  procès  de  la  ville  de  Valenciennes  pendant  devant  le  Parlement 
c  ....pour  yaus  moustrer  les  nouvielles  que  Froisars  avoit  rapportées 
an  prouvost  et  as  jurés  dou  plait  que  li  viûe  a  à  Paris  à  l'encontre  Mon- 
seigneur. XL  Compte  de  1364.  V.  liicole  de  Dury^  par  H.  CafBaux,  Ya- 
enciennes,  1866,  in-12,  p.  34  et  100. 


xLvi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

à  son  visage,  qu*il  savait  ce  que  valent  coups  d'ëpées,  de  haches 
et  de  dagues;  car  il  ëtait  très-balafirë.  Il  me  fut  dit  vers  ce  même 
temps  que  messire  Enguerrand  de  Hesdin  avait  été  lui  aussi  Tun 
des  Trente,  et  que  c'était  là  Torigine  de  la* faveur  dont  il  jouis- 
sait auprès  du  roi  de  France.  Ce  glorieux  fait  d'armes  se  livra 
entre  Ploêrmel  et  Josselin  le  27  juillet  1351.  >  P.  341. 

Escannouche  d'Ardres^.  Edouard,  sire  de  Beaujeu,  maréchal 
de  France,  envoyé  à  Saint-Omer  après  la  reddition  de  Saint- 
Jean-d'Angély  *,  est  tué  entre  Ausques  •  et  Ardres  en  poursuivant 
les  Anglais  de  Calais,  qui  sont  venus  un  matin  faire  une  incur- 
sion et  recueillir  du  butin  jusqu'aux  portes  de  Saint-Omer.  En 
revanche,  Jean  de  Beauchamp,  gouverneur  de  Calais,  et  vingt 


1.  Sismondi  (t.  X,  p.  398),  M.  Henri  Martin  (ëdit.  de  1839,  t.  Y, 
p.  457)  et  tous  les  historiens  placent  l'affaire  d' Ardres  en  1352;  c*est 
une  erreur  qu^ils  ont  empruntée  à  Froissart  (v.  p.  115  de  ce  to- 
lume).  Un  érudit  distingué,  M.  René  de  Belleyal,  s'écarte  un  peu 
moins  de  la  Tërité  en  disant  que  ce  combat  suivit  immédiatement 
la  reddition  de  Saint-Jean-d'Angély  {La  grondé  guerre^  Paris,  Durand, 
1862,  in-8,  p.  48,  note  1).  Le  sire  de  Beaujeu  était'  certainement 
mort  avant  le  30  juin  1351,  puisqu'à  cette  date  Toflicial  de  Ljon  et 
le  juge  ordinaire  de  Beaujeu  font  citer  les  témoins  qui  ont  souscrit 
le  testament  d^Édouard ,   sire  de  Beaujeu ,  ainsi  que  les  principaux 

Sarents  et  amis  du  défunt,  à  comparaître,  le  lundi  après  l'octave 
e  Saint-Pierre  et  Saint-Paul,  à  Villefranche,  pour  assister  à  la  pu- 
blication et  à  l'ouverture  du  testament  dudit  Edouard  (Arch.  nat., 
orig.  lat.  sur  parchemin  jadis  scellé,  sect.  adm..  Pi 362*,  cote  1498. 
V.  Huillard-Bréholles ,  Titres  de  la  maison  de  Bourbon^  t.  I,  p.  449). 
Edouard,  sire  de  Beaujeu,  est  mentionné  comme  décédé  dans  un  acte 
du  8  juillet  1351  :  c  dilectum  et  fidelem  nostrum  Eduardum ,  domi- 
num  de  Bellojoco,  tune  viventem.  »  (JJ80,  p>  504).  Le  combat  d' Ardres 
dut  même  se  livrer  avant  le  20  juin  1351,  car  Robert  de  Herle  fut 
nommé  à  cette  date  capitaine  du  château  de  Calais  en  remplacement 
de  Jean  de  Beauchamp,  fait  prisonnier  dans  cette  rencontre  (Rymer, 
vol.  m,  p.  222). 

2.  Edouard  de  Beaujeu  était  mort  depuis  trois  mois  environ  lorsque 
Saint-Jean-d'Angély  se  rendit  aux  Français.  Le  sire  de  Beaujeu  n'avait 
d'ailleurs  pris  aucune  part,  quoi  qu'en  dise  Froissart,  à  la  campagne 
des  Français  en  Saintonge  pendant  la  première  moitié  de  1351.  U  se 
tenait  pendant  ce  temps  à  Saint-Omer  et  à  Guines  en  qualité  de  gar- 
dien de  la  frontière  et  de  lieutenant  du  roi  es  parties  de  Picardie,  tan- 
dis que  Pierre,  duc  de  Bourbon,  comte  de  Clermont  et  de  la  Marche, 
chambrier  de  France,  résidait  au  même  titre  à  Arras  (JJ80,  p.  607). 

3.  Auj.  Nordausques,  Pas-de-Calais,  ar.  Saint-Omer,  c.  Ardres  et 
Zndausques,  Pas-de-Calais,  ar.  Saint-Omer,  c.  Lumbres,  au  nord-ouest 
de  Saint-Omer  et  au  sud- est  d' Ardres,  sur  la  route  de  Saint-Omer  a 
Calais,  passant  par  Ardres. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  331-342.    xlvii 

autres  chevaliers  anglais  sont  faits  prisonniers  par  les  Français, 
grâce  à  un  renfort  de  cinq  cents  brigands  de  la  garnison  de 
Saint-Omer,  qui  surviennent  vers  la  fin  de  l'action.  En  même 
temps,  le  butin  fait  par  les  Anglais  est  repris  par  le  sire  de  Eou- 
velinghem,  les  trois  frères  de  Hames  *■  et  les  garnisons  françaises 
de  Hames ,  de  la  Montoire  '  et  de  Guines  '.  —  Arnoul  d'André- 
hem  ^  est  envoyé  à  Saint-Omer,  et  succède  à  Edouard  de  Beaujeu 
comme  gardien  de  la  frontière  contre  les  Anglais.  D'un  autre 
côté,  le  comte  de  Warwick  '  est  nommé  par  Edouard  III  gouver- 
neur de  Calais  en  remplacement  de  Jean  de  Beauchamp  qui  vient 
d'être  fait  prisonnier  ;  celui-ci ,  toutefois ,  ne  tarde  pas  à  recou- 
vrer sa  liberté  :  les  Français  l'échangent  contre  Gui  de  Nesle  ' 
pris  par  les  Anglais  à  l'afTaire  de  Taillebourg.  P.  115  à  122,  341 
à  346. 

Mort  de  Clément  VI;  avènement  d'Innocent  VP.  Grâce  à  la 
médiation  du  cardinal  Gui  de  Boulogne,  légat  du  nouveau  pape, 
une  trêve  *  est  conclue  pour  deux  ans  entre  les  rois  de  France  et 
d'Angleterre.  P.  122,  123,  346. 

1.  Hames  fut  cédé  aux  Anglais  en  1360  par  le  traite  de  Brëtiçny;  et 
le  roi  Jean,  par  acte  daté  de  Hesdin  en  novembre  1360»  pour  indem- 
niser ses  amés  et  féaux  Guillaume,  seigneur  de  Hames,  et  Enguerrand 
son  frère,  leur  assigna  cinq  cents  livrées  de  terre  en  rente  perpétuelle 
sur  sa  recette  d'Amiens.  JJ118,  p.  92. 

2.  Voy.  plus  haut,  p.  xiii,  note  3. 

3.  Voy.  plus  haut,  p.  xi(,  note  4. 

Si  le  combat  d'Ardres  avait  eu  lieu  en  1352,  comme  Tavancent 
tous  les  historiens,  la  garnison  de  Guines  ne  serait  pas  venue  au  se- 
cours des  Français,  puisque  cette  forteresse  tomba  au  pouvoir  des  An- 
glais dès  le  commencement  de  janvier  de  cette  année. 

4.  Ce  fut  Jean  de  Boulogne,  qui  succéda  à  Edouard  de  Beaujeu  et 
fut  envoyé  à  Saint-Omer  dès  le  mois  de  juillet  1351  comme  lieutenant 
du  roi  es  parties  de  Picardie  et  sur  les  frontières  de  Flandre  (JJ82, 
p.  276). 

5.  Ce  ne  fut  pas  Thomas  de  Beauchamp,  comte  de  Warwick,  qui 
succéda  à  Jean  de  Beauchamp  son  frère  ;  Robert  de  Herle  fut  nommé 
capitaine  du  château  de  Calais  le  20  juin  1351  (Rymer,  vol.  lU,  p.  222). 

6.  Jean  de  Beaucbamp  ne  fut  pas  échangé  contre  Gui  de  Nesle;  il 
était  encore  prisonnier  le  4  décembre  1351  (Rymer,  vol.  UI,  p.  236). 

7.  Etienne  Aubert,  ancien  évêque  de  Clermont,  cardinal  d'Ostie,  fut 
élu  pape  sous  le  nom  d'Innocent  VI  le  18  décembre  1352  en  rempla- 
cement detZlément  YI  mort  le  6  décembre  précédent. 

8.  Une  trêve  fut  en  effet  conclue,  grâce  a  la  médiation  du  cardinal 
Gai  de  Boulogne,  entre  le  château  et  la  bastide  de  Guines,  le  10  mars 
1353  (n.  st.);  elle  devait  durer  jusqu'au  1«'  août  suivant  (Rymer, 
vol.  m,  p.  254). 


xLviii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Raoul,  comte  d'Eu  et  de  Guincs,  connétable  de  France,  peu 
après  son  retour  d'Angleterre  ^  où  il  a  passe  quatre  ans  en  prison, 
est  mis  à  mort  sans  jugement  par  Tordre  du  roi  Jean  qui  donne 
les  biens  de  la  victime  à  Jean  d'Artois,  comte  d'Eu;  et  cette  exé- 
cution excite  de  violents  murmures  en  France  comme  aussi  au 
dehors  du  royaume.  P.  423  à  125,  346,  347. 

Quelque  temps  après  l'exécution  du  comte  de  Guines,  et  durant 
la  trêve  ^  conclue  avec  le  roi  d'Angleterre,  un  traître  vend  et 

1.  Raoul  deBrienne,  comte  d*Eu  et  de  Guines,  connétable  de  France, 
fait  prisonnier  à  la  prise  de  Caen  par  les  Anglais  le  26  juillet  1346« 
était  encore  en  Angleterre  le  20  octobre  1350,  jour  où  Edouard  oc- 
troya des  lettres  de  sauTeffarde  à  quinze  personnes  envoyées  en  France 
pour  rassembler  l'argent  destiné  à  la  rançon  du  connétable  (Rymer, 
Tol.  III,  p.  206).  Le  8  novembre  1350,  Raoul  d'Eu  était  encore  dans 
les  bonnes  grâces  du  roi  Jean  qui  ordonna,  f  "^r  un  mandement  en  date 
de  ce  jour,  d'exproprier  Jean  Morier,  chtngeur,  qui  avait  pris  la  fuite, 
emportant  quatre  cents  deniers  d^or  à  Técu  qui  appartenaient  à  son 
très  cher  et  féal  cousin  le  connétable  de  France  du  lait  de  sa  cbarge 
(JJ80,  p.  312).  Il  dat  être  exécuté  le  18  novembre  au  matin,  car  il  est 
déjà  mentionné  comme  défunt  dans  un  acte  de  ce  jour  par  lequel  le 
roi  Jean  donne  à  Gautier  duc  d'Athènes,  marié  à  Jeanne  d'Eu,  sœur 
du  connétable,  Thôtel  que  Raoul  d'£u  possédait  à  Paris  dans  le  quar- 
tier Saint- Paul  (JJ80,  p.  168).  Sauf  le  château  et  la  châtellenie  de 
Beaurain  concédés  le  23  décembre  1350  à  Robert  de  Lorris  (JJ81, 
p.  220),  le  comté  d'Eu  donné  en  février  1351  à  Jean  d'Artois  (JJ81, 
p.  282)  et  la  reprise  en  mars  1351  (JJ80,  p.  348)  par  Catherine  de  Savoie, 
ulle  de  feu  Louis  de  Savoie  et  veuve  de  Raoul  d'Eu,  d'un  apport  dotal 
de  quatre  mille  florins  d'or  assis  sur  la  terre  de  Sauchay  (Seine-Infé- 
rieure, arr.  Dieppe,  c.  Envermeu),  le  reste  de  la  succession  de  Raoul 
passa,  en  vertu  de  -donations  faites  par  le  roi  Jean  en  février  (JJ80, 
p.  368)  le  16  mars(JJ80,  p.  659)  et  le  26  septembre  1351  (JJ80,p.  464), 
a  Gautier  de  Brienne-Cnâtillon ,  duc  d'Athènes,  comte  de  Braisne, 
beau-frère,  et  à  Jeanne  d'Eu,  duchesse  d'Athènes,  sœur  de  l'infortuné 
connétable.  Villani  dit  (1.  II,  c.  50)  que  le  roi  Jean  fit  mettre  à  mort 
Raoul  d'Eu  parce  que,  n^ayant  pu  se  procurer  l'énorme  somme  exigée 
pour  sa  rançon,  le  comte  de  Guines  promit  de  livrer  au  roi  d'Angle- 
terre en  échange  de  sa  liberté  le  comté  et  la  forteresse  de  Guines.  Ce 
qui  rend  la  version  du  chroniqueur  florentin  très-vraisemblable,  c'est 
que  Jean  confisqua  au  profit  ae  la  couronne  et  ne  donna  à  personne 
le  comté  de  Guines. 

2.  Cettre  trêve  fut  conclue  entre  Guines  et  Calais  le  soir  du  11  sep- 
tembre 1351  et  devait  durer  jusqu'au  matin  du  12  septembre  1352 
(Rymer, vol.  III,  p.  232).  Diaprés  les  Grandes  Chroniques  de  France 
QV.  p.  401  de  ce  volume)  et  la  Chronique  des  Valois  (p.  24),  le  château 
de  Guines  fut  pris  par  les  Anglais  pendant  la  première  fête  de  l'Étoile  à 
laquelle  s'était  rendu  le  sire  de  Bouvelinghem,  capitaine  de  ce  château. 
Or  cette  fête  se  tint  le  6  janvier  1352.  Le  rédacteur  des  Grandes  Chro- 
niques rapporte,  il  est  vrai,  la  lête  dont  il  s'agit  au  mois  de  novembre 


SOAIMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  g§  331-342.     xux 

livre  le  château  de  Guines  aux  Anglais.  Jean  de  Beauchamp,  gou« 
vemeur  de  Calais,  répond  à  toutes  les  réclamations  du  roi  de 
France  au  sujet  de  ce  marché  que  l'achat  d'un  château  ne  con- 
stitue pas  une  infraction  à  la  trêve.  P.  125,  126,  347,  348. 

Le  roi  Jean  fonde  ^,  à  l'imitation  de  la  Table  Ronde  du  roi 
Arthur,  un  ordre  de  chevalerie  composé  des  trois  cents  cheva- 
liers les  plus  preux  de  France,  et  appelé  l'ordre  de  l'Etoile,  parce 
qu'il  a  pour  signe  distinctif  une  étoile  d'or,  d'argent  doré  ou  de 
parles  qu'on  porte  par-dessus  le  vêtement.  Les  membres  de  l'or- 
dre doivent,  à  toutes  les  fêtes  solennelles,  se  réunir  à  la  Noble 
Maison  construite  exprès  pour  cet  objet  près  de  Saint-Denis  ;  c'est 
là  que  le  roi  dent  cour  plénière  au  moins  une  fois  l'an,  et  que 
chaque  compagnon  vient  raconter  ses  faits  d'armes  enregistrés 
sous  sa  dictée  par  des  clercs.  On  ne  peut  être  admis  dans  la  con- 
frérie qu'avec  l'assentiment  du  roi  et  de  la  majorité  des  compa- 
gnons ;  on  fait  serment,  en  y  entrant,  de  ne  jamais  fuir  dans  une 
bataille  plus  loin  que  quatre  arpents,  au  risque  d'être  tué  ou  fait 
prisonnier;  on  jure  aussi  de  se  porter  secours  les  uns  aux  autres 
en  toute  occasion.  Si  un  compagnon  de  l'Etoile  se  trouve  sans 
ressource  sur  ses  vieux  jours,  la  Noble  Maison  lui  ofifre  un  asile 
où  0  est  assuré  d'un  train  de  vie  honorable  pour  lui  et  pour  deux 
varlets. — Peu  après  la  fondation  de  Tordre  de  l'Etoile,  la  guerre 
redouble  en  Bretagne  où  le  roi  d'Angleterre,  allié  de  la  comtesse 
de  Montfort,  expédie  des  forces  considérables.  Gui  de  Nesle,  sire 
d'Offémont^,  et  plus  de  quatre-vingt-dix  chevaliers  de  l'Étoile, 

1351  :  mais  il  aura  confond  a  sans  doute  Tordonnance  de  fondation  en 
date  du  16  norembre  1351  avec  la  première  fête  de  TOrdre  qui  eat 
lien,  comme  nous  Tenons  de  le  dire,  le  6  janvier  1352.  D'un  autre 
côte,  Robert  de  Âvesbury  place  la  prise  de  Guines  vers  la  Saint-Vincent 
(22  janvier)  1352  :  tune  instante  festo  Saneti  Fincent'ii  {Eut,  Ed,  III, 
p.  188).  D'où  il  suit  que  la  prise  de  Guines  par  les  Anglaisent  lieu  du 
6  au  22  janvier  1352.  Un  archer  anglais ,  nommé  Jean  de  Dancaster, 
8*empara't-il  de  ce  château  par  surprise,  suivant  le  témoignage  de 
Robert  de  Avesbury;  ou  la  forteresse  française  fut-elle  livrée  par  la  tra- 
hison de  Guillaume  de  Beaucaurroy,  suivant  la  version  de  la  plupart 
des  chroniqueurs  français?  C'est  ce  que  le  silence  des  actes  ne  nous 
permet  pas  de  décider. 

1.  L^ordonnance  de  fondation  est  du  16  novembre  1351,  et  la  pre- 
mière fête  se  tint  le  6  janvier  1352.  Du  reste,  pour  tout  ce  qui  con- 
cerne Tordre  de  l'Étoile,  il  nous  suffit  de  renvoyer  à  l'excellent  ou- 
vrage de  M.  Lëopold  Pannier,  La  NohU  Maison  de  Saint^Ouen^  Paris, 
1872,  in-12,  p.  84  à  127. 

2.  Froissart  désigne  ici  le  combat  de  Mauron  (Morbihan,  arr.  Ploêr- 

d 


L  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSABT. 

envoyés  par  le  roi  de  France  au  secours  de  la  comtesse  de  Blois, 
trouvent  la  mort  dans  une  embuscade  que  les  Anglais  leur  avaient 
tendue;  ils  auraient  pu  se  sauver,  mais  ils  venaient  de  s'engager 
par  serment,  en  vertu  des  statuts  de  la  nouvelle  confrérie  »  à  ne 
jamais  fuir.  Un  aussi  malheureux  début  et  plus  encore  les  désas- 
tres qui  s'abattent  ensuite  sur  la  France  ne  tardent  pas  à  amener 
la  ruine  de  Tordre  de  l'Étoile.  P.  i26  à  128,  348,  349. 


CHAPITRE  LXXm. 

1354.  ASSASSIlfAT  DB  CHÀBLB8  o'bSPAGNB;  BUPTUBE  BlfTaB  LB  BOI  DE 
HAVÀBRB  ET  SES  FBÈBES,  INSTIGATEUBS  DB  CET  ATTEIfTAT,  ET  LB  BOI 
DE    FBANCB.  — 1355.     EXPIRATION    DES  TBÊVBS   ET    OUVEETUBE    DBS 

HOSTILTHÎS  ENTBB  LA  FBANCB  ET  l'aNGLETERBB. MOBT   DB  JEAN, 

DUC  DB   BBABANT,    ET  AVENEMENT  DE  JEANNE,   MABD^B  A  WENGB8LA8 
DE   LUXEHBOUBG.  1356.  OI7BBBB  ENTBE  FLANDRE  ET  BBABANT  * 

(SS  3^3  et  344). 

Le  roi  Jean,  non  content  d'avoir  fait  après  l'exécution  du  comte 
d'Eu  Charles  d'Espagne  connétable  de  France,  le  comble  de 
biens  ^  et  lui  donne  notamment  une  terre  que  le  roi  de  Navarre  et 

mel ,  au  nord-est  de  Ploërmel ,  à  Test  de  Rennes  et  de  Montfort-sur- 
Mea\  liYrë  le  \k  août  1352.  où  Gantier  de  Bentlej,  capitaine  ponr  le 
roi  d'Angleterre  en  Bretagne,  à  la  tête  de  trois  cents  hommes  a' armes 
et  d'un  égal  nombre  d'archers ,  battit  Gui  de  Nesle ,  sire  d'Offémont, 
maréchal  de  France,  qui  se  fit  tuer  ainsi  que  le  sire  de  Bricquebec  et 
Gui  de  Nesle,  châtelain  de  Beaurais.  Robert  de  Ayeshury  cite  en  outre 
parmi  les  morts,  du  côté  des  Français,  le  Ticomte  de  Rohan,  Jean 
Frère,  les  seigneurs  de  Quintin,  de  Tinténiac,  de  Rochemont,  de 
Montauban ,  Renaud  de  Montauban ,  Robert  Raguenel ,  Guillaume  de 
Launay,  etc.,  en  tout  quatre-vingts  cheraliers  et  cinq  cents  écujers. 
V.  Goândes  Chroniques,  p.  402  de  ce  volume,  et  Robert  de  Avesbury, 
p.  189  à  191. 

1.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques,  t.  II,  chap.  Lxxxvni,  p.  169  à  171. 

2.  Charles  de  CastUle,  dit  d'Espagne,  fils  d'Alphonse  de  la  Cerda, 
seigneur  de  Lunel,  fut  fait  connétable  de  France  en  janvier  1351  en 
remplacement  de  Raoul  de  Brienne,  II  du  nom,  comte  d'Eu  et  de 
Gnines,  exécuté  le  18  novembre  1350.  Dès  le  23  décembre  1350,  le 
roi  Jean  fit  don  à  Charles  d'Espagne,  son  cousin,  du  comté  d^An- 
gooléme  (Aroh.  nat.,  sect.  hist.,  JJ80,  p.  768),  et  ce  don  fut  renou- 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §$  343-344.         u 

ses  firères  prëtendent  leur  appartenir.  A  dater  de  ce  moment,  les 
enfants  de  Navarre  vouent  au  favori  une  haine  mortelle.  Pour 
assouvir  leur  vengeance,  ils  ont  recours  à  un  guet-apens  :  ils 
surprennent  une  nuit  le  connétable  dans  un  petit  village  situe 
près  de  Laigle  ^  et  le  font  mettre  à  mort  par  une  bande  que  com- 
mande leur  cousin  le  Bascle  de  Mareuil.  A  la  nouvelle  de  l'assas- 
sinat de  Charles  d'Espagne,  Jean  confisque  le  comté  d'Évreux  et 
tout  ce  que  le  roi  de  Navarre  possède  en  Normandie  ;  il  fait  aussi 
envahir  la  Navarre  par  les  comtes  de  Gomminges  et  d'Armagnac, 
mais  le  comte  de  Foix,  allié  du  roi  de  Navarre  son  beau-frère, 
porte  la  guerre  en  Armagnac.  P.  129  à  131,  349,  350. 

Pierre,  duc  de  Rourbon  et  Henri,  duc  de  Lancastre,  envoyés  à 
Avignon  pour  traiter  de  la  paix,  ne  parviennent  pas  à  s'entendre 
malgré  tous  les  efforts  du  pape  Innocent  VI;  et  comme  la  trêve 
vient  d'expirer  ',  la  guerre  recommence  entre  la  France  et  l'An- 

▼elé  en  octobre  1352  (JJ81,  p.  464).  En  norembre  1352,  Charles 
d'Espagne  est  gratifié  da  château  et  de  la  chatellenîe  d'Archiac  (JJ81 , 
p.  452).  En  janTier  1353,  le  roi  de  France  unit  diverses  terres  a  la 
haronnie  de  Lune!  en  faveur  de  Charles  d'Espagne  (J166,  n»  28).  Le 
17  juillet  1353«  le  roi  Jean  concède  à  Chanes  d'Espagne  les  ville, 
château  et  chatellenie  de  la  Roche  d'Agoux  (Puj-de-Dôme,  ar.  Riom, 
c.  Poinsat)  donnés  naguère  par  Philippe  de  Valois  au  connétable  Im- 
bert  de  Beaujeu,  seigneur  de  Montpensier  (JJ81,  p.  767). 

1.  Charles  d'Espagne  fut  assassiné  le  6  janvier  1354.  Charles,  roi 
de  Navarre,  Philippe  et  Louis  de  Navarre,  frères  du  dit  roi,  in- 
stigateurs de  cet  assassinat  (JJ82,  p.  278),  eurent  pour  complices 
Jean  Malet,  seigneur  de  Graville  (JJ82,  p.  226),  Guillaume  de  Ittaine- 
mares,  dit  Maubue,  chev.  (JJ82,  p.  469),  Colard  Doublel,  écuyer 
^J82,  p.  511),  Jean  dit  de  Fricamps,  chev.  (JJ82,  p.  183),  le  seigneur 
de  Clèies  (JJ82,  p.  477),  le  seigneur  d'Aulnaj,  chev.  (JJ82,  p.  468), 
Ancel  de  Villiers,  chev.  (JJ82,  p.  466),  le  seigneur  de  Morbecque, 
chev.  (JJ82,  p.  467),  Jean  de  Champgerboust  (JJ82,  p.  443),  Gillet  de 
Banthelu  (JJ82,  p.  445),  Jean  de  Belangues  (JJ82,  p.  446),  Jean  de 
Gramoue  (JJ82,  p.  447),  Henri  de  Mucy  (JJ82,  p.  463),  Philippe  de 
Boutanvilliers  (JJ82,  p.  464),  Drouet  de  Lintot  (JJ82,  p.  465),  Jean 
Du  Quesne  (JJ82,  p.  474),  Geffroi  de  Marson  (JJ82,  p.  475),  Henr 
Du  Bois  (JJ82,  D.  476),  Guillaume  de  Mantevllle  (JJ82,  p.  510),  écujers, 
qui  obtinrent  des  lettres  de  rémission  le  4  mars  1354. 

Des  lettres  de  rémission,  octroyées  au  roi  de  Navarre  sur  le  fait  du 
meurtre  du  connétable  Charles  d*£spagne,  furent  entérinées  au  parle- 
ment, en  séance  du  roi,  le  4  mars  1354.  Arch.  nat.,  U  524,  t.  33,  f^  61. 

2.  La  trêve,  conclue  es  tentes  devant  Guines  le  6  avril  1354,  devait 
expirer  le  6  avril  1355.  Les  pleins  pouvoirs  donnés  par  Edouard  à 
Gniliaume,  évéque  de  Norwich,  à  Michel  évéque  élu  de  Londres,  à 
Henri  duc  de  Lancastre,  àlUchard  comte  d^Arundel,  à  Barthélémy  de 
Burghersh,  chambellan  du  roi,  à  Gui  de  Bryan  seigneur  de  Laghem. 


Lii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

gleterre. — Mort  de  Jean*,  duc  de  Brabant.  Le  duché  de 
Brabant  échoit  à  Jeanne,  fille  ainée  de  Jean,  mariée  à  Wenceslas, 
duc  de  Luxembourg,  fils  de  Jean  de  Luxembourg,  roi  de  Bohême, 
et  d'une  sœur  de  Pierre,  duc  de  Bourbon.  Wenceslas  est  encore 
jeune,  mais  il  gouverne  par  le  conseil  de  son  oncle  Jacques 
de  Bourbon  '.  Louis,  comte  de  Flandre,  marié  à  Tune  des  filles 
de  Jean  de  Brabant,  réclame  Malines  et  Anvers  conmie  devant 
faire  retour  au  comté  de  Flandre  après  la  mort  de  son  beau-père, 
en  vertu  d'une  convention  consentie  par  le  feu  duc  de  Brabant. 
Une  guerre  terrible  éclate  au  sujet  de  cet^e  réclamation  entre 
Flandre  et  Brabant  ;  elle  ne  dure  pas  moins  de  trois  '  ans.  Cette 
guerre  prend  fin  grâce  à  l'arbitrage  de  Guillaume  de  Hainaut  *, 
fils  de  l'empereor  Louis  de  Bavière,  qui  adjuge  fiialines  et  Anvers 
au  comte  de  Flandre.  P.  i32,  133,  350,  351. 


■ont  datés  de  Westminster  le  28  août  1354  (Rymer,  vol.  IIl,  p.  283;. 
Le  roi  leur  adjoignit  des  auxiliaires,  le  30  octobre  suirant,  pour  le  cas 
où  un  traité  serait  conclu  (Jb'id,^  p.  289].  Les  plénipotentiaires  du  roi 
de  France,  Pierre  I,  duc  de  Bourbon  et  Pierre  de  la  Forêt,  archeTê- 
que  de  Rouen,  chancelier  de  France,  partirent  pour  Arignon  dans  le 
courant  du  mois  de  norembre  1354.  Les  négociations,  qui  remplirent 
les  mois  de  janxier  et  de  février  1355,  n^eurent  d'autre  résultat  que  la 
prolongation  de  la  trére  jusqu'au  S4  juin  suivant. 

1.  Jean  III,  dit  le  Triomphant,  duc  de  Brabant,  mourut  le  5  dé- 
cembre 1355.  Il  avait  épousé  en  1314  Marie,  seconde  fille  de  Louis 
comte  d'Évreux,  décédée  le  30  octobre  1335,  après  lui  avoir  donné 
trois  fils  morts  sans  lignée  avant  leur  père,  et  trois  filles  :  Jeanne,  ma- 
riée à  Wenceslas  de  Luxembourg,  qui  lui  succéda  ;  Marguerite  mariée 
a  Louis  de  Maie  comte  de  Flandre  ;  Marie  femme  de  Renaud  duc  de 
Gueldre.  Jean  laissait,  en  outre,  dix-sept  bâtards,  sept  garçons  et  dix 
fiUes. 

2.  Wenceslas,  marié  en  1347  à  Jeanne  de  Brabant,  veuve  de  Guil- 
laume II  comte  de  Hainaut,  comte  de  Luxembourg  à  la  fin  de  1353, 
fait  duc  par  Tempereur  Charles  IV  son  frère  le  13  mars  1354,  était 
fils  de  Jean  de  Luxembourg,  roi  de  Bohême,  tué  à  Crécy,  et  de  sa  se- 
conde femme,  Béatrix,  fille  de  Louis  I^'',  duc  de  Bourbon.  Wenceslas 
se  trouvait  donc,  comme  le  dit  Froissart,  neveu  de  Jacques  de  Bourbon, 
comte  de  la  Marche,  frère  cadet  de  sa  mère. 

3.  Cette  guerre  ne  dura  guère  quW  an  et  demi,  et  non  trois  ans  ; 
elle  ne  commença  qu*en  1356,  et  fut  signalée  par  la  bataille  de  Scheut 
près  Bruxelles  (auj.  écart  d'Anderlecht,  prov.  Brabant,  c.  Molenbeek- 
Saint-Jean,  à  4  kil.  de  Bruxelles),  gagnée  le  18  août  1356  par  les  Fla- 
mands sur  les  Brabançons.  Le  traité  de  paix  qui  mit  fin  à  cette  guerre 
est  daté  du  3  juillet  1357. 

4.  Guillaume  III,  dit  l'Insensé,  fils  de  Louis  I»  de  Barière,  empe- 
reur d'Allemagne,  et  de  sa  seconde  femme,  Marguerite  de  Hainaut, 
succéda  à  sa  mère  dans  le  comté  de  Hainaut  le  26  février  1357. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  3^5-351.       un 


CHAPITRE  LXXIV. 

1355.  Tmirn  d'alliabcb  bntee  les  rois  db  fbangb  et  db  mavarbb. 

CSEVÂUGKÉB  DU  ROI  d'aU GLBTERRB  BN  BOULONNAIS  BT  EN  ARTOIS  ; 

COHCSNTRATIOlf  A  AMIBNS  BT  MARCHE  DBS  FRANÇAIS  CONTRE  l'eNVA- 

HISSBUR.  PRISE    DU    CHATEAU    DE    BBRWICX.    PAR     LES    ÉCOSSAIS  ; 

RETOUR  d'ÏDOUARD  A   CALAIS  ^    (§§  345  à  351). 

Les  frères  de  Navarre  se  rendent  en  Angleterre  où  ils  con- 
claent  une  alliance  offensive  et  défensive  avec  Edouard  contre  le 
roi  de  France  ^  ;  à  leur  retour  en  Normandie,  ils  mettent  en  ëtat 
de  défense  les  châteaux  d'Ëvreux,  de  Breteuil  et  de  Couches.  Le 
roi  d'Angleterre  lève  trois  armées  à  la  fois  :  la  première,  com- 
posée de  cinq  cents  hommes  d' aimes  et  de  mille  archers  sous  la 
conduite  du  duc  de  Lancastre,  doit  opérer  en  Bretagne  contre 
Charles  de  Blois  qui  vient  de  recouvrer  sa  liberté  moyennant  une 
rançon  de  quatre  cent  *  mille  écus  ;  la  seconde,  dont  Feffectif  ne 

1.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques^  t.  Il,  chap.  xc,  p.  177  à  183. 

2.  Les  actes  ne  font  aucune  mention  de  ce  voyage  du  roi  de  Na- 
varre et  de  son  frère  en  Angleterre.  On  voit  seulement  par  la  déposi- 
tion en  date  du  5  mai  1356  de  Friquet,  gouTemeur  de  Caen  pour  le 
roi  de  Nararre,  que  le  duc  de  Lancastre,  qui  ëtait  alors  en  Flandre, 
fit  offrir  à  Charles  le  Mauvais  le  secours  de  son  cousin  Edouard  contre 
la  Tengeance  du  roi  Jean,  que  le  roi  de  Navarre  se  réfugia  aussitôt 
auprès  du  pape  à  Avignon  d'où  il  se  rendit  en  Navarre,  et  que  ce  fut 
de  là  qu'il  expédia  un  de  ses  agents,  nommé  Colin  Doublet,  en  An- 
ffleterre  pour  annoncer  au  roi  quMl  se  rendrait  par  mer  avec  des  troupes 
a  Cherbourg  afin  de  recouvrer  ses  places  occupées  par  le  roi  de  France. 
Cette  déposition  de  Friquet  a  été  publiée  par  Secousse,  Preuves  de 
P histoire  de  Charles  le  Mauvais ^  p.  49  à  57. 

3.  Les  lettres  de  sauvegarde  aonnées  par  le  roi  d'Angleterre  à  Charles 
de  Blois  pour  aller  en  Bretagne  assister  au  mariage  de  sa  fille  Mar- 
guerite avec  le  connétable  Charles  d'Espagne  et  chercher  l'argent  de  sa 
rançon,  sont  datées  du  10  novembre  1354  (Rymer,  vol.  III,  p.  290). 
Des  lettres  de  sauf-conduit  furent  aussi  délivrées  le  même  jour  à  seize 
seigneurs  bretons  qui ,  après  avoir  accompagné  Charles  sur  le  conti- 
nent, devaient  revenir  en  Angleterre  se  constituer  otages,  en  cas  de  non- 

{>ayement  de  la  rançon,  si  Charles  lui-même  n'était  pas  de  retour  avant 
e  24  juin  1355.  Parmi  ces  seigneurs  figurent  Jean,  vicomte  de  Rohan, 
banneret,  Thibaiid,  sire  de  Rochefort,  banneret,  Bonabbé  de  Rougé, 
sire  de  Derval,  banneret,  Jean  de  Beaumanoir,  Yvain  Charnel,  Ber- 


Lrr  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT. 

s'ëlève  pas  à  moins  de  mille  hommes  d*armes  et  de  deux  mille 
archers,  est  dirigée  sur  la  Guienne  et  placée  sous  les  ordres  du 
prince  de  Galles^  et  de  Jean  Chandos;  la  troisième  enfin,  forte  de 
deux  mille  hommes  d'armes  et  de  quatre  mille  archers,  est  com- 
mandée par  le  roi  d'Angleterre  en  personne  et  doit  débarquer  en 
Normandie.  P.  133  à  136,  351  à  354. 

Edouard  s'embarque  à  Southampton'  et  fait  voile  vers  Gierbourg' 
où  l'attend  le  roi  de  Navarre  ;  mais  les  vents  contraires  l'obligent 
à  relâcher  quinze  jours  à  l'île  de  Wight,  puis  à  Guemesey.  Le 
roi  de  France  est  informé  de  ces  préparatifs  ainsi  que  de  la  pro- 
chaine descente  des  Anglais  en  Normandie;  il  envoie  à  Cherbourg 
l'évèque  de  Bayeux  et  le  comte  de  Saarbruck  qui  parviennent  à 
détacher  le  roi  de  Navarre  de  l'alliance  d'Edouard  et  le  décident 
à  faire  la  paix*  avec  Jean  son  beau-père;  toutefois  Philippe 
de  Navarre  reste  attaché  au  parti  anglais.  P.  136  à  138,  354 
à  356. 

A  la  nouvelle  de  la  défection  de  son  allié,  le  roi  d'Angleterre 
renonce  à  descendre  en  Normandie  et  débarque  à  Calais.  Il  en- 


trand  duGnesclin.  En  même  temps,  par  acte  daté  du  11  novembre  1354, 
il  fut  convenu  qu'il  y  aurait  trêve  en  Bretagne  entre  les  Anglais  et  les 
partisans  de  Charles  de  Blois  jusqu^au  24  juin  1355  {Jhid,^  p.  290  et 
291).  Le  8  février  1355,  Thomas  de  Holland  avait  élé.  nommé  pour 
un  an  capitaine  et  lieutenant  en  Bretagne  (p.  295),  mais  Edouard  lui 
notifia,  le  14  septembre  suivant,  qu'il  eût  à  livrer  les  places  fortes  à 
Henri,  duc  de  Lancastre,  appelé  a  le  remplacer  dans  le  commande- 
ment de  cette  province  et  des  pays  adjacents  {Ibid.^  p.  312). 

L  Dès  le  27  avril  1355,  Edouard  donne  des  ordres  pour  rassembler 
la  flotte  qui  doit  transporter  en  Guienne  le  prince  de  Galles  et  son  ar- 
mée ;  le  6  mai  il  fait  préparer  pour  l'expédition  de  son  fils  deux  mille 
cinq  cents  claies  et  quinze  équipages  de  ponts  (Rymer,  vol.  UI,  p.  298 
et  299). 

2.  Le  l*'  juin  1355,  le  roi  d'Angleterre  demande  des  prières  k  l'ar- 
cbevêque  de  Cantorbéry,  primat  du  royaume,  à  l'occasion  de  la  guerre 
contre  la  France  qui  va  recommencer  (Jbid.^  p.  303)  ;  le  1<^  juillet  sui- 
vant, il  nomme  gardiens  du  royaume  pendant  son  absence  Thomas 
son  fils,  les  archevêques  de  Cantorbéry  et  d'York,  l'évêqiie  de  Win- 
chester, Richard  comte  d'Arundel  et  Barthélémy  de  Burghersh  (Jbld,^ 
p.  305). 

3.  Un  traité  fut  conclu  à  Valognes  le  10  septembre  1355  entre 
Charles  II ,  roi  de  Navarre,  et  le  roi  Jean  ;  il  avait  été  négocié  au  nom 
du  roi  de  France  par  Jacques  de  Bourbon,  comte  de  Ponthieu,  conné- 
table de  France,  et  par  Gautier,  duc  d'Athènes,  comte  de  Braine.  Ce 
traité  a  été  publié  par  Secousse,  Preuve*  de  ChUtoire  de  Charles  te  Jfoti- 
(vif,  p.  582  k  595. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  345-354 .        ly 

treprend  une  chevauchëe  à  travers  la  France,  passe  devant 
Ardres  *  et  la  Montoire  ',  court  devant  Saint-Omer,  dont  Louis  de 
Namur  est  capitaine ,  et  s'avance  tellement  dans  la  direction  de 
Hesdin  que  les  habitants  d'Arras  s  attendent  à  être  assiégés  par 
les  Anglais  *,  —  Le  roi  de  France,  de  son  côté,  fdt  de  grands 
préparatifs  pour  repousser  Tenvahisseur  ;  il  appelle  à  son  secours 
ses  bons  amis  de  l'Empire,  entre  autres  Jean  de  Hainaut;  il 
convoque  à  Amiens  tous  les  chevaliers  et  écuyers  depuis  quinze 


1.  Ardre^r^n-CalaisÎB,  Pas^e- Calais,  ar.  Saint-Omer. 

2.  Auj.  hameaa  de  Zatkerque,  Pas-de-Calais,  ar.  Saint-Omer, 
c.  Andmicq. 

3.  D*apré«  Robert  de  Avesbuiy,  Edouard  fit  crier  dans  les  met  de 
Londres  le  11  septembre  que  tons  chevaliers,  gens  d'armes  et 
archers  se  tinssent  prêts  à  partir  le  29  septembre  de  Sandwich  pour 
Calais  ;  le  15  et  le  26  de  ce  mois,  il  défendait  de  faire  sortir  des  ports 
aucun  naTire  jusqu'à  la  Saint- Michel  (Rjmer,  toI.  Ill,  p.  313).  Grdoe 
a  ces  mesures,  une  armée  de  plus  de  trois  mille  hommes  d'armes,  ayeo 
deux  mille  archers  à  cheval  et  un  grand  nombre  d  archers  à  pied, 
était  réunie  à  Calais  avant  la  fin  d'octobre.  Ce  qui  avait  dëtermmé  le 
roi  d'Angleterre  à  lever  des  forces  si  considérables,  c'était  sans  doute 
la  célèbre  ordonnance  par  laquelle  le  roi  Jean  son  adversaire  avait  con- 
voqué à  Amiens,  dès  le  17  mai  de  cette  année,  le  ban  et  Parrière-ban, 
c'est-à-dire  tous  les  hommes  valides  depub  dix-huit  jusqu'à  soixante 
ans  (Arch.  nat. ,  sect.  hist.,  K47,  n9  35);  mais  nous  apprenons  par 
des  lettres  de  rémission,  octroyées  en  décembre  1355  aux  nabitants  de 
Paris,  que  les  contingents  des  communes,  outre  qu'ils  étaient  très-incom- 
plets, n'arrivèrent  pas  en  temps  (JJ84,  p.  456).  S'il  fallait  en  croire  Ro- 
iMert  de  Avesburjr  (v.  p.  205  à  207),  Edouard  serait  entré  en  campagne  et 
aurait  marché  sur  Saint-Omer  le  2  novembre.  Le  roi  Jean,  arrivé  dans 
cette  ville  avec  une  puissante  armée,  n'aurait  osé  attendre  les  Anglais 
et  se  serait  retiré  devant  eux  en  ajant  soin  d'enlever  tous  les  approvi- 
sionnements pour  les  affamer.  La  disette  de  vivres  seule  aurait  forcé 
Edouard  à  s'arrêter  à  Hesdin  et  à  regagner,  par  la  route  de  Boulogne, 
Calais,  où  il  serait  rentré  après  dix  jours  de  chevauchée  le  jour  de  Saint* 
Martin  d'hiver  (11  novembre).  L'itinéraire  du  roi  Jean,  que  nous  avons 
dressé  d'après  les  actes,  prouve  que  le  récit  du'chroniqueur  anglais  est 
de  toute  fausseté,  du  moms  en  ce  qui  concerne  la  marche  de  l'année 
française.  Le  roi  de  France,  en  effet,  est  à  l'abbaje  de  Saint-Fuscien 
(Somme,  ar.  Amiens,  c.  Sains)  le  28  octobre  (JJ84,  p.  352],  à  Amiens 
le  5  (JJ84,  p.  335)  et  le  7  novembre  (JJ  84,  p.  412),  à  Coisj  près 
Amiens  (Somme,  ar.  Amiens,  c.  Villiers-Bocage)  en  novembre  (JJ84, 

ÎK  419),  à  Lucheux  (Somme,  ar.  et  c.  Doullens,  sur  les  confins  de 
'Artois]  le  9  novembre  (JJ84,  p.  445],  à  Aire  et  à  Saint-Omer  en 
novembre  (JJ84,  p.  371,  233,  330,  365).  On  voit  par  ces  étapes  que,  du 
2  au  11  novembre,  le  roi  Jean,  loin  de  se  retirer  devant  les  Anglais  en 
s'enfujant  de  Saint-Omer  à  Amiens,  ne  cessa  au  contraire  de  s'avancer 
à  leur  rencontre. 


LTi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

jusqu'à  soixante  ans;  il  se  rend  lui-même  dans  cette  ville  avec 
s^  quatre  fils ,  le  roi  de  Navarre  son  gendre ,  le  duc  d' Orléans 
son  frère  et  l'élite  de  la  noblesse  du  royaume;  il  parvient  à 
réunir  sous  ses  ordres  une  armée  de  douze  mille  hommes  d'armes 
et  de  trente  mille  gens  des  communautés.  P.  138  à  141,  356 
à  359. 

Sur  ces  entrefaites,  les  Ecossais,  qui  reçoivent  des  renforts  du 
roi  de  France  ',  profitent  de  l'absence  d'Edouard,  du  prince  de 
Galles  et  du  duc  de  Lancastre,  pour  attaquer,  sous  les  ordres  de 
Guillaume  de  Douglas,  Roxburgh  et  Berwick;  ils  échouent  de- 
vant Roxburgh ,  mais  ils  s'emparent  du  château  de  Berwick  '  et 
sont  sur  le  point  de  prendre  la  cité  elle-même  dont  les  bourgeois 
demandent  du  secours  au  roi  d'Angleterre.  P.  141  à  143,  359 
à  361. 

Dans  le  même  temps,  un  chevalier  français  nommé  Boucicaut, 
prisonnier  des  Anglais,  qui  lui  ont  permis  seulement  d'aller  quel- 
ques mois  dans  son  pays  mettre  ordre  à  ses  affaires,  vient  re- 
joindre le  roi  d'Angleterre  devant  Blangy,  beau  château  et  fort 
du  comté  d'Artois.  Edouard  met  Boucicaut  en  liberté  sans  rançon, 
à  condition  qu'il  ira  de  sa  part  ofi&îr  la  bataille  au  roi  de  France  ' 
qui  se  tient  toujours  à  Amiens  où  il  achève  de  rassembler  ses 
forces.  P.  143  à  146,  361  à  363. 

Le  roi  Jean  laisse  sans  réponse  le  défi  de  son  adversaire.  Ce 
que  voyant,  Edouard  rebrousse  chemin  à  travers  le  comté  de 
Fauquembergue,  passe  à  Licques*  dans  le  pays  d'Alquines,  con- 
tourne la  bastide  d'Ardres,  et,  par  le  beau  chemin  de  plaine  dit 
de  Leulingue,  rentre  tout  droit  à  Calais.  Amoul  d'Audrehem, 

1 .  Diaprés  la  Seala  Chronica^  le  roi  de  France  avait  envoyé  en  Ecosse 
le  sire  de  Garanciéres  avec  cinquante  hommes  d*armes  et  une  somme 
de  dix  mille  marcs  à  partager  entre  les  barons  d'Ecosse ,  à  condition 
qu'ils  violeraient  la  trive. 

2.  D'après  Robert  de  Avesbury  fp.  209],  les  Écossais  s'empirèrent 
par  surprise,  le  6  novembre,  de  la  viJJe  de  Berwick,  et  non  du  château, 
qui  resta  au  pouvoir  des  Anglais.  Il  ne  fallait  pas  moins  de  trois  jours 
pour  faire  parvenir  cette  nouvelle  à  Edouard  ;  et  en  effet  le  roi  d'An- 

Sleterre,  interrompant  sa  marche  en  avant  à  travers  PArtois ,  se  mit  en 
evoir  de  regagner  Calais  dès  le  9  novembre. 

3.  Robert  de  Avesbury  prétend  (p.  206)  que  Jean  fut  effrayé  en  ap- 
prenant par  Boucicaut,  qu  il  appelle  c  ^re  Bursyngaud  »,  combien  était 
forte  l'armée  anglaise  qui  marcnait  en  bon  ordre,  divisée  en  trois  ba- 
tailles. 

4.  Pas-<le-Calais,  arr.  Boulogne-sur-Mer,  c.  Guines. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  352-35S.      lvii 

capitaine  d'Ardres  ^,  se  jette  sur  l'arrière-garde  anglaise  et  fait 
dix  ou  douze  prisonniers.  Jean  fait  défier  à  son  tour  Edouard  par 
Boncicaut  et  Amoul  d'Audrehem;  mais  les  mauvaises  nouvelles 
reçues  d'Ecosse  empêchent  le  roi  d'Angleterre  d'accepter  ce  défi  '. 
Le  roi  de  France  licencie  son  armée.  —  Au  retour  de  cette  expé- 
dition, Jean  de  Hainaut  meurt  dans  la  nuit  de  la  Saint-Grégoire 
en  son  hôtel  de  Beaumont;  il  est  enterré  en  l'église  des  Corde- 
liers  de  Yalenciennes.  Il  laisse  pour  héritiers  ses  petits-fils  Louis, 
Jean  et  Gui,  fils  du  comte  de  Blois  tué  à  Grécy  et  de  Jeanne  de 
Beaumont.  P.  146  à  iSO,  363  à  368. 


CHAPITRE  LXXV. 

1356.  EXPEDITION  d'^ouabd  hi  xn  teossK  '  (§§  352  à  355). 

Le  roi  d'Angleterre  quitte  Calais  dont  il  confie  la  garde  au 
comte  de  Salisbury,  repasse  en  Angleterre  et  se  dirige  tout  droit 
vers  l'Ecosse  *.  Gautier  de  Mauny,  qui  marche  à  l'avant-garde  de 

1.  Amoul  d*Audrehem,  maréchal  de  France,  qui  avait  été  nommé, 
le  1*' janvier  1355,  lieutenant  es  parties  de  Picardie,  d'Artois  et  de 
Boulonnais  (Arch.  nat.,  JJ84,  p.  181)  tenait  habituellement  garnison  à 
Saint-Omer  (JJ85,  p.  132)  ou  a  Ardres  (JJ84,  p.  dôl).  Philippe,  duc 
d'Orléans,  avait  été  nomme  aussi  lieutenant  du  roi  es  dites  parties  le 
6  juiUct  1355  fJJ84,  p.  499). 

2.  Robert  de  ATesbury  raconte  aussi  que  le  lendemain  du  retour 
d'Edouard  à  Calais,  c'est-à-dire  le  12  novembre,  le  connétable  de 
France  et  d'autres  seigneurs  vinrent  au  bout  de  la  chaussée  de  Calais 
offrir  la  bataille  pour  le  mardi  suivant  16  novembre  ;  mais  le  duc  de 
Lancastre,  le  comte  de  Northampton  et  Gautier  de  Mauny,  chargés  de 
s'entendre  avec  les  envoyés  français,  répondirent  à  ceux-ci  par  des 
faux-fuyants,  de  telle  sorte  que  l'entrevue  n'aboutit  à  aucun  résultat. 
Robert  de  Avesbury,  HUt.  Ed,  III,  p.  207  à  209. 

3.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques^  t.  II,  chap.  xci,  p.  185  et  186. 

4.  Edouard,  qui  repassa  en  Angleterre  oans  la  seconde  quinzaine  de 
novembre,  octroya,  le  3  décembre  suivant,  à  Westminster,  des  lettres 
de  rémission  à  des  seigneurs  qui  avaient  chassé  avec  Edouard  Baillol 
dans  sa  forêt  d'Inglewod  en  Cumberland  ;  dès  le  22  décembre,  il  était 
à  Dnrham  où  il  convoqua  à  Newcastle-upon-Tyne,  pour  le  l""  janvier 
1356,  au  plus  tard,  tous  les  hommes  valides  entre  seize  et  soixante 
ans;  il  était  à  Newcastle  le  6  et  le  9  janvier  1356  (Rymer,  vol.  III, 
p.  314  et  315).  Le  13  janvier,  il  arriva  devant  Berwick  où  il  rejoignit 
Gantier  de  Mauny  qui  Pavait  précédé  pour  prendre  le  commandement 


LTni  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT. 

Texpëditîon,  parvient  à  reprendre  le  château  de  Berwick  aux 
Ecossais  avant  Tarrivëe  d'Edouard  dans  cette  ville.  P.  150  à  153, 
368,  369. 

Les  Anglais  occupent  Edimbourg  qui  est  une  ville  ouverte;  le 
roi  habite  la  maison  d'un  bourgeois  auquel  David  Bruce  avait 
promis  naguère  de  le  faire  maire  de  Londres;  il  met  le  siëge  de- 
vant le  château.  P.  153,  154,  369,  370. 

La  famine  menace  bientôt  les  assiégeants^.  On  est  au  fort  de 
l'hiver.  Les  Écossais,  pour  affamer  les  envahisseurs,  ont  emporte 
vivres  et  bétail  de  l'autre  côté  de  la  rivière  de  Tay  ;  et  une  hor- 
rible tempête  force  la  flotte  qui  apporte  des  provisions  aux  An- 
glais à  rentrer  dans  le  port  de  Berwick  *.  Edouard  reçoit  à  Edim- 
bourg la  visite  de  la  comtesse  de  Douglas  qui  habite  le  château 
de  Dalkeith ,  à  la  prière  de  cette  dame,  il  s'engage  à  ne  pas  brû- 
ler la  capitale  de  TÉcosse.  Pendant  ce  temps,  Guillaume  de  Dou- 
glas*, mari  de  ladite  comtesse,  garde  avec  cinq  cents  armures 
de  fer  des  défilés  par  où  les  ennemis  doivent  passer  pour  retour- 
ner chez  eux.  P.  155,  156,  370,  371. 

Aussi,  les  envahisseurs,  à  leur  retour  en  Angleterre,  sont  at- 
taqués à  i'improviste  par  Guillaume  de  Douglas  au  moment  où 

du  château  et  qui  avait  fait  miner  les  remparts  de  la  ville,  dont  les 
habitants  se  rendirent  le  jour  même  (Robert  de  Avesbury,  p.  228  et 
229).  Les  prélats  et  barons  d*Écosse  tenaient  un  grand  conseil  à  Perth, 
le  17  janvier,  pour  traiter  de  la  délivrance  de  Robert  Bruce  (Rjmer, 
vol.  ni,  p.  317).  Trois  jours  plus  tard,  le  20  janvier,  à  Roxburgh, 
Edouard  III  se  faisait  cëaer  solennellement  par  Edouard  Baillol  tous 
les  droits  de  ce  prétendant  sur  le  trône  d'Ecosse  (Jèid,,  p.  317  à  320). 

1.  D'après  Robert  de  Avesbury  (p.  235  et  236),  Tarmée  anglaise  se 
composait  de  trois  mille  hommes  d'armes,  de  dix  mille  sondoyers,  de 
plus  de  dix  mille  archers  à  cheval  et  d'un  égal  nombre  d'archers  à 
pied  ;  elle  avait  un  front  de  vingt  lieues. 

2.  <  Flores  naves,  de  Anglia  versus  ipsum  regem  cum  victualibus 
venientes,  adeo  fuerant  per  tempestates  maris  hoiribiliter  agitatœ  quod 
quœdam  earum,  ut  dicebatur,  perierunt  ;  et  qusedam  ad  portus  diver- 
SOS  Angliœ  redierunt  per  tempestatem  compulsée,  et  qusedam  ad  partes 
exteras  transvehebantur.  >  Robert  de  Avesbury,  p.  237. 

3.  D'après  Robert  de  Avesbury  (p.  236  à  238),  Guillaume  de  Dou- 
glas aurait  sollicité  et  obtenu  du  roi  de  l'Angleterre  une  trêve  de  dix 
jours,  en  promettant  d'attirer  les  prélats  et  barons  d'Ecosse  dans 
l'obéissance  d'Edouard  ;  mais  au  lieu  de  tenir  sa  promesse,  il  n'aurait 
profité  de  cette  trêve  que  pour  faire  transporter  tous  les  vivres  et  ap- 
provisionnements dans  ses  places  fortes  ou  dans  des  cachettes  souter^ 
raines  et  pour  se  mettre  en  sâreté  lui  et  les  siens  dans  des  forêts  inac- 
cessibles. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LITRE,  §§  356-362.       lix 

îb  traversent,  morcelas  en  petits  pelotons,  les  défilés  de  Gheviot 
d'où  sort  la  Tweed  qui  forme  la  limite  entre  les  deux  royaumes. 
Edouard  ne  se  trouve  pas  dans  le  détachement  qui  est  ainsi  sur- 
pris et  ne  doit  son  salut  qu'à  cette  circonstance  ;  toutefois,  les 
Écossais  ne  se  retirèrent  pas  sans  emmener  des  prisonniers  par** 
nû  lesquek  se  trouvent  six  Brabançons  ^  P.  157  à  i59,  374. 


CHAPITRE  LXXVI- 

m 

1355.  BxnbiTiON  du  prince  db  galles  bn  langubdoo  * 

(SS  3^6  ^  362). 

A  peine  débarqué  en  Guyenne  '  avec  mille  hommes  d'armes  et 
deux  mille  archers,  le  prince  de  Galles  entreprend  de  faire  une 
chevauchée  en  Languedoc  et  convoque  à  Bordeaux  les  princi- 
paux seigneurs  de  Gascogne.  P.  i  59  à  461,  371,  372. 

L'armée  anglo-gasconne,  forte  de  quinze  cents  lances,  de  deux 
mille  archers  et  de  trois  mille  bidauds,  passe  à  gué  la  Garonne 
au  Port-Sainte-Marie*  et  marche  sur  Toulouse.  Les  habitants  de 


1 .  Robert  de  ATeabuiy  dit  seulement  que  Guillaume  de  Douglas  ne 
cessa  d'épier  les  Anglais  pendant  leur  retour  d'Ecosse  en  Angleterre 
et  qu'il  surprit  un  jour  dans  un  manoir  écarté  Robert  Erlee  chevalier 
et  ▼ingt  hommes  de  sa  suite. 

2.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques^  t.  II,  chap.  xcii,  p.*  187  à  189. 

3.  Le  prince  de  Galles  débaïqua  en  Gujenne  après  le  16  juiU 
let  1355,  car  c'est  la  date  du  mandement  par  lequel  Edouard  ordonne 
de  réunir  une  flotte  pour  transporter  en  Gascogne  le  prince  et  son  ar- 
mée. V.  Rjmer,  Fadera^  vol.  III,  p.  308  et  309. 

k.  Lot-et-Garonne,  ar.  Agen,  entre  Aiguillon  au  nord-est  et  Agen  au 
sud -est.  Comme  le  prince  oe  Galles  commença  sa  chcTauchée  par  une 
incursion  dans  le  comté  d'Armagnac,  il  put  faire  passer  la  Garonne  à 
son  armée  au  Port-Sainte-Marie,  qui  n'est  pas,  comme  le  dit  Froissart, 
à  trois  lieues  de  Toulouse,  mais  entre  Aiguillon  et  Agen.  Les  Anglais 
raTagèrent  ensuite  les  comtés  d'Astarac  et  de  Comminges;  ils  restèrent 
sur  la  rire  gauche  de  la  Garonne  jusqu'à  une  lieue  en  amont  de  Tou- 
louse où  ils  passèrent  ce  fleuve  non  loin  de  son  confluent  avec  l'Ariége. 
Le  prince  de  Galles  lui-même  a  pris  soin  de  raconter  son  expédition 
dans  une  lettre  adressée  de  Bordeaux ,  en  date  de  Noël  (  25  décem- 
bre) 1355,  à  i'érêque  de  Winchester  ;  il  faut  joindre  à  ce  document 
capital  deux  lettres  de  Jean  de  Wingfield,  cheyalier,  l'un  des  conseil- 


Lx  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

cette  ville,  alors  presque  aussi  grande  que  Paris,  mettent  le  feu 
à  leurs  faubourgs  par  Tordre  du  comte  d'Armagnac*  leur  capi- 
taine ;  ils  sont  quarante  mille  honmies  sous  les  armes  et  font  si 
bonne  contenance  du  haut  de  leurs  remparts  que  les  Anglais 
n'osent  les  attaquer  et  se  dirigent  vers  Garcassonne.  Leur  pre- 
mière halte  est  Montgiscardj'.  Cette  petite  place,  situëe  dans  un 
pays  où  la  pierre  *  fait  défaut,  n'est  fermée  que  de  murs  de  terre. 
Les  Anglais  l'emportent  d'assaut  et,  après  l'avoir  livrée  aux 
flanmies,  chevauchent  vers  Avignonet^,  gros  village  ouvert  de 
quinze  cents  maisons,  où  l'on  fabrique  beaucoup  de  draperie.  Au- 
dessus  de  ce  .village  s'élève  un  château  en  amphithéâtre  où  les 
riches  bourgeois  ont  cherché  un  refuge.  Les  Anglo-Gascops  s'en 
emparent,  mettent  tout  au  pillage  et  prennent  le  chemin  de  Cas- 
tehuudary.  P.  161  à  i64,  372  à  374. 

La  ville  et  le  château  de  Castelnaudary  ',  qui  ne  sont  entourés 
que  de  murs  de  terre ,  sont  pris  et  pillés  ainsi  que  le  bourg  de 
Villefranche  '  en  Carcassonnois.  Ce  pays  est  un  des  plus  riches  du 
monde.  Des  draps  et  des  matelas  garnissent  les  chambres;  les 
écrins  et  }es  coffres  sont  remplis  de  joyaux.  Les  envahisseurs,  et 


len  principaux  du  prince ,  datées  la  première  de  Bordeaux  le  mer- 
credi avant  Noël  1355,  la  seconde  de  Liboume  le  22  janTÎer  1356. 
V.  Robert  de  Avesbury,  Hut.  Ed,  III,  éd.  de  1720,  p.  210  à  227. 

1.  Le  prince  de  GaUes  {Ibld.^  p.  214)  et  Jean  de  Wingfield  (p.  219) 
disent  qu^au  moment  du  passage  des  Anglais  à  une  lieue  en  amont  de 
Toulouse,  Jacques  de  Bourbon,  connétable,  Jean  de  Clermont,  maré- 
chal de  France,  Jean  comte  d*Armagnac  étaient  enfermés  dans  cette 
ville. 

2.  Haute-Garonne,  ar.  Villefiranche-de-Lauraguab,  a  21  kil.  au  sud- 
est  de  Toulouse,  sur  la  route  de  Toulouse  à  Garcassonne. 

3.  Les  plateaux  du  Lauraguais  sont  en  effet  boueux  aux  environs 
de  Montgiscard.  Encore  aujourd'hui,  beaucoup  de  constructions  sont 
en  briques. 

4.  Haute-Garonne,  ar.  et  c.  Villefranche-de-Lauraguais,  à  42  klI. 
au  sud-est  de  Toulouse,  sur  la  route  de  Toulouse  à  Garcassonne.  Le 
prince  de  Galles  mentionne  dans  la  lettre  déjà  citée  la  prise  d^Avigno- 
net  ce  qu'estoit  bien  graunt  et  fort,  m  La  ville  est,  selon  la  description 
fort  exacte  de  Froissart,  pittoresquemement  bâtie  en  ampbitliéâtre. 

5.  Castelnaudary  fut  pris  par  les  Anglais  la  veille  de  la  Toussaint 
(31  octobre)  1355.  Ibid,,  p.  214. 

6.  Nous  ne  connaissons  aucune  localité  du  nom  de  Villefranche  entre 
Castelnaudary  et  Garcassonne.  Si  Froissart  a  voulu  parler  de  Ville- 
franche-de- Lauraguais,  il  aurait  dâ  citer  cette  ville  après  Montgiscard, 
car  on  la  trouve  avant  Avignonet  et  Castelnaudary  quand  on  va  de 
Toulouse  à  Garcassonne. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §S  3S6-362.       lxi 

smtoat  les  Gascons,  qui  sont  très-avidesy  font  main  basse  sur 
tout.  P.  i64,  465,  374. 

La  ville  de  Carcassonne  est  situëe  au  milieu  d'une  plaine,  sur 
le  bord  de  la  rivière  d'Aude  ;  à  la  main  droite,  en  venant  de  Tou- 
louse, la  cité,  dont  les  remparts  sont  hérissés  de  tours,  couronne 
le  sommet  d'une  haute  falaise  et  domine  la  ville.  Les  habitants  de 
Carcassonne*  ont  mis  en  sûreté  dans  cette  cité  leurs  femmes  et 
leurs  enfants,  avec  ce  qu'ils  ont  de  plus  précieux;  néanmoins,  aidés 
d'un  certain  nombre  de  bidauds  à  lances  et  à  pavais,  ils  entre- 
prennent de  défendre  la  ville  elle-même,  dont  ils  barrent  chaque 
rue  au  moyen  de  chaînes.  Deux  chevaliers  du  Hainaut,  Eustache 
d'Auberchicourt  et  Jean  de  Ghistelles,  se  distinguent  à  Tassant  de 
ces  chaînes.  La  ville  est  conquise  rue  par  rue,  et  c'est  à  peine  si 
quelques-uns  de  ses  défenseurs  parviennent  à  se  sauver  dans  la 
dté.  Les  vainqueurs  mettent  à  sac  toutes  les  maisons  ',  au  nombre 
de  près  de  sept  mille,  et  à  rançon  les  plus  riches  bourgeois;  ils 
cherchent  ensuite  pendant  deux  nuits  et  un  jour  de  quel  côté  ils 
pourront  assaillir  la  cité,  mais  elle  est  imprenable.  P.  i65  à  167, 
374,  375. 

Cette  cité,  jadis  appelée  Carsaude  et  fondée  par  les  Sarrasins, 
résista  sept  ans  à  Charlemagne  *.  —  Les  Anglo-Gascons  franchis- 
sent l'Aude  sur  le  pont  de  Carcassonne,  passent  à  Trèbes  ^  et  à 


1.  La  Tiile  de  Carcassonne  y^ropr^men/  dite,  ou  Tille  basse,  qae  TAude 
sépare  de  la  cité,  n'arait  pas  alors  de  fortifications.  L'enceinte,  dont 
une  partie  subsiste  encore,  fiit  ëlerée  de  1355  à  1359  par  les  soins  de 
Thibaad  de  Barbazan ,  sénéchal  de  Carcassonne ,  aux  frais  des  habi- 
tants de  cette  ville,  qui  s'imposèrent  pour  cela  une  taille  extraordinaire 
en  ayril  1358.  Arch.  nat.,  sect.  hist.,  JJ90,  p.  141. 

2.  Le  prieure  des  religieuses  de  Saint-Augustin,  situé  dans  la  ban- 
lieue de  Carcassonne,  fut  détruit  par  les  Anglais  et  rebâti  plus  tard  dans 
la  Tille  (Arch.  nat.,  sect.  hist.,  JJ82,  p.  353,  JJ86,  p.  24;  JJ144, 
p.  445).  Par  acte  daté  de  Toulouse  en  juin  1359,  Jean,  fils  de  roi  de 
France  et  son  lieutenant  es  parties  de  Langue  d'Oc,  comte  de  Poitiers, 
accorde  des  privilèges  aux  bouchers  de  Carcassonne  «  propter  cur- 
snm  principis  Gallorum  et  concremacionem  dieti  loci  »  f  Arch.  nat., 
JJll^,  p.  351).  Carcassonne  devait  surtout  sa  richesse  a  la  fabrica- 
tion du  drap.  JJ69,  p.  41  ;  JJ70,  p.  51,  476;  JJ143,  p.  8. 

3.  Jean  le  Bel,  si  Tersé  dans  l'histoire  poétique  de  Charlemagne,  n'a 
pas  mentionné  cette  légende  que  Froissart  emprunte  aux  poèmes  che- 
valeresques. 

4.  Aude,  ar.  Carcassonne,  c.  Capendu,  a  8  kilomètres  à  Test  de 
Carcassonne ,  sur  la  route  qui  Ta  ae  cette  Tille  à  Béziers  et  à  Nar- 
bonne. 


I.ZIZ  GHAONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Homps  *■  que  l'on  épargne  à  la  prière  du  seigneur  d' Albret  moyen- 
nant le  payement  d'une  rançon  de  douze  mille  écus,  et  arrivent 
à  Capestang  ',  gros  bourg  situé  près  de  la  mer,  dont  les  salines 
sont  une  source  de  richesses  pour  ses  habitants'.  Ceux-ci  se  ran- 
çonnent à  quarante  mille  écus,  qu'ils  s'engagent  à  payer  dans  cinq 
jours  ;  mais  après  le  départ  des  Anglais,  les  bourgeois  de  Capes- 
tang reçoivent  de  Jacques  de  Bourbon,  connétable  de  France,  qui 
se  tient  à  Montpellier  ^,  un  renfort  de  cinq  cents  combattants,  que 
leur  amène  Arnaud  de  Cervole,  dit  l'Archiprêtre  ;  ils  fortifient 
leur  bourg  et  refusent  de  payer  la  somme  promise.  P.  167  à  170| 
375  à  377. 

Narbonné  se  compose,  comme  Carcassonne,  d'une  cité  et  d'un 
bourg.  Le  bourg,  situé  sur  le  bord  de  l'Aude,  est  une  ville  ou- 
verte ;  la  cité,  attenante  au  bourg,  est  défendue  par  une  enceinte 
munie  de  portes  et  de  tours.  Aimeri  de  Narbonné  s'est  enfermé 
dans  la  cité  avec  une  garnison  ^  de  gens  d'armes  de  ^a  vicomte 
et  de  l'Auvergne;  cette  cité,  qui  regorge  de  richesses,  possède 
une  église  de  Saint-Just  ',  dont  les  canonicats  valent  par  an  cinq 
cents  florins.  Les  Anglais  occupent  le  bourg  et  le  pillent,  mais  la 


1.  Nous  identifions  Ourmes  de  Froiuart  avec  Homps,  Aude,  ar. 
Narbonné,  c.  Lézignan,  à  Test  de  Trèbes,  sur  la  route  de  Carcassonne 
à  Capestang  et  à  Béziers. 

2.  Hérault,  ar.  Bëziers,  entre  Homps  à  l^ouest  et  Béziers  a  l'est,  à 
12  kil.  au  nord  de  Narbonné,  sur  le  bord  septentrional  d*im  étang  que 
PAade  met  en  communication  arec  la  mer. 

3.  M.  Cauvet,  avocat  à  Narbonné,  a  fait  gagner  un  procès  relatif  à 
la  possession  de  ces  salines,  en  s*appnyant  principalement  sur  ce  pas- 
sage de  Froissart. 

4.  Jacques  de  Bourbon  ne  se  tenait  pas  à  Montpellier  ;  il  était  venu 
de  Toulouse  à  Carcassonne  (Robert  de  Avesbury,  p.  221)  et  inquiétait 
l'armée  anglaise  sur  ses  derrières.  C'étaient  les  milices  de  la  sénéchaus- 
sée de  Beaucaire  qui  s'avançaient  par  Montpellier  et  qui ,  combinant 
leurs  mouvements  avec  ceux  du  comte  d'Armagnac  et  de  Jacques  de 
Bourbon,  tendaient  à  envelopper  les  Anglo-Gascons. 

5.  Le  prince  de  Galles  dit  (p.  215)  que  le  vicomte  de  Narbonné  avait 
sous  ses  ordres  cinq  cents  hommes  d'armes.  C'est  a  Narbonné  que  le 
prince  reçut  du  pape  une  demande  de  sauf-conduit  pour  deux  évéques 
envoyés  en  négociation,  mais  il  refusa  d'accorder  aux  deux  légats  les 
lettres  de  sauf-conduit. 

6.  L'église  Saint-Just,  commencée  en  1272,  ne  consiste  que  dans  un 
chœur  dont  les  voûtes  s'élèvent  à  kO  mètres  ;  elle  était  la  cathédrale 
des  archevêques  de  Narbonné,  primats  du  Languedoc.  La  paroisse  de 
Narbonné  qui  souffrit  le  plus  du  passage  des  Anglais  fut  oeUe  de  Saint- 
Étienne  ;  elle  resta  longtemps  déserte. 


SOM^IÂIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  3S6-362.     lxiii 

cité  résiste  à  tous  leurs  assauts.  A  la  grande  joie  des  habitants  de 
Bëziers  *,  de  Montpellier,  de  Lunel  et  de  Nltaes,  les  Anglo-Gas- 
cons vident  après  une  semaine  de  sëjour  le  bourg  de  Narbonne, 
non  sans  y  avoir  mis  le  feu,  et  reprennent  le  chemin  de  Carcas- 
sonne.  Sur  leur  route,  ils  pillent  limoux^  où  Ton  fabrique  des 
draps  renommes  pour  leur  beauté;  en  passant  par  Carcassonne, 
ils  incendient  une  seconde  fois  la  ville  et  emportent  d'assaut 
Montréal  ^  ;  puis  ils  gagnent  les  montagnes  dans  la  direction  de 
Fougax  *  et  de  Rodes  *  ;  enfin,  ils  repassent  la  Garonne  au  Port- 
Sainte-Marie.  L'inaction  du  comte  d'Armagnac  dans  tout  le  cours 
de  cette  incursion  occasionne  une  émeute  à  Toulouse;  le  comte 


1 .  Jacques  Mascaro,  historiographe  de  la  commune  de  Bëziers ,  nous 
a  laissé  une  chronique  qui  ra  de  1347  k  1390  où  on  lit  le  curieux  pas- 
sage qui  soit  :  «  L'an  1335«  davan  las  Totz  Sanz,  renc  en  aquest  pays 
lo  prmcep  de  Galas;  et  vengueron  los  coredos  entro  à  Bezes.  Mais 
quand  el  saup  que  en  Bezes  ayia  grands  gens  d'armas,  ne  tolc  pus  avant 
passar  ;  et  venc  tant  gran  neu  que  si  no  s'en  fos  tomat,  non  y  a  guera 
Engies  no  fos  remangut  en  las  plassas.  »  BuUetin  de  la  société  archéolo- 
gique de  Béziers,  t.  1,  p.  81. 

2.  Montrëal-de-PAude,  Aude,  ar.  Carcassonne,  au  sud-ouest  de  cette 
fille. 

3.  Fongax-et-Barrineuf,  Ariëge,  ar.  Foix,  c.  Lavelanet. 

4.  Aujourd'hui  château  de  la  Bastide-de-Sérou,  Ariëge,  ar.  Foix.  Le 
prince  de  Galles  s^en  alla  par  un  autre  chemin  qu'il  n'ëtait  venu  ;  il 
opéra  sa  retraite  par  les  montagnes  des  diocèses  de  Carcassonne,  de  Pa- 
miers  et  de  Rieux,  soit,  comme  il  l'affirme,  qu'il  poursuivît  les  Français 
qui  reculaient  devant  lui  dans  cette  direction,  soit  qu'il  craignît  de  ne 
plus  trouver  dans  le  pays  qu'il  avait  ravage  en  venant  de  Toulouse  à 
Carcassonne  de  quoi  nourrir  son  armée.  Quoi  qu'il  en'  soit,  il  repassa  la 
Garonne  à  Carbonne  (Haute-Garonne,  ar.  Muret)  ;  il  campa  une  nuit 
sur  la  rive  droite  de  la  Save  qui  le  séparait  du  comte  d'Armagnac,  du 
connétable  de  France  et  du  maréchal  deQermont  dont  on  apercevait  les 
feux  de  l'antre  côté  de  la  rivière  à  Lombez  et  à  Sauveterre  (Gers,  ar. 
et  c.  Lombez).  Il  poursuivit  l'ennemi  jusqu'à  Gimont  (Gers,  ar.  Auch) 
où  l'armée  française  se  débanda,  tandis  que  ses  chefs  s'enfermaient 
dans  cette  place  forte.  Gimont  ou  Francheville ,  situé  «  in  inimicorum 
fronteria»,  avait  été  pourvu  d'une  enceinte  avant  janvier  1351.  date 
d'une  charte  où  Jean  concède  l'encan  aux  habitants  (JJ80,  p.  155).  Sur 
la  route  de  Gimont  à  Bordeaux,  le  prince  de  Galles  réduisit  six  villes 
fermées,  le  Port-Sainte-Marie,  Clairac  (Lot-et-Garonne,  ar.  Marmande, 
c.  Tonneins),  Tonneins.  (Lot-et-Garonne,  arr.  Marmande),  Bourg  Saint- 
Pierre,  Castelsagrat  (Tam-et  Garonne,  ar.  Moissac,  c.  Valence-d'Agen), 
Brassac  (Tam-et- Garonne,  ar.  Moissac,  c.  Bourg-de-Visa)  et  dix-sept 
châteaux.  Le  bâtard  de  Tlsle,  capitaine  de  Castelsagrat,  fut  tué  à 
l'assaut  de  cette  forteresse  par  Jean  Chandos,  James  a'Audley  et  Re- 
naud de  Cobham.  Cette  chevauchée  avait  duré  deux  mois,  en  octobre 
et  novembre  1355. 


LxiY  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

est  assiège  dans  le  château  et  réduit  à  se  sauver  par  une  fenêtre. 
Jacques  de  Bourbon  et  le  comte  d'Armagac  opèrent  la  jonction 
de  leurs  forces  trop  tard  pour  pouvoir  couper  la  retraite  aux  An- 
glais. De  retour  à  Bordeaux,  le  prince  de  Galles  licencie  son  ar- 
mée, qui  rapporte  de  cette  expédition  un  butin  immense.  P.  170 
à  174,  377  à  382. 


CHAPITRE  LXXVII. 

1356.    TBOUBLB8    ▲    ABRAS    ET    BN    NORMAND»    A   l'oCCASION    DB    LA 
OABBLLB  OU  IMPÔT  SUB  LB  SEL  ;  ABBBSTATION  DU  BOI  DB  NAVABBB  A 

BOUBN,  BXÉCUTION  DU    COMTE  DB  HABCOUBT.    GUBBBB   ENTBB  LB 

BOI  DE  FBANCB  ET  LES  FBÈEES  DB  NAVABBB  QUI  FONT  ALLUNCE  AVEC 
LB  ROI  d'aNGLBTEBBB  ;  CHEVAUCHibl   DU   DUC   DB  LANCASTBB  ET  DBS 

HAVARRAIS  EN  NOBMANDIE. SltOB  ET  FBI8B  D*ÉVBBUX,  DE  RHOTES 

ET  DE  BRBTBUIL  PAR  LE  BOI  DE  FBANCB*   (§§  363  à  370). 

L'impôt  de  la  gabelle'  excite  à  Ârras  une  révolte  des  petites 
gens  qui  tuent  quatorze*  des  plus  riches  bourgeois;  le  roi  de 
France  fait  pendre  les  meneurs.  —  En  Normandie ,  le  roi  de  Na- 


1.  Cf.  Jean  le  Bel,  Chroniques,  cbap.  xcni,  t.  II,  p.  191  à  194. 

2.  Cet  impôt  et  celui  de  huit  deniers  pour  liyre  araient  été  décrétés 
par  la  célèbre  ordonnance  du  28  dëcembre  1355  tenue  à  la  suite  de  la 
réunion  des  Etats  Généraux  à  Paris  le  30  norembre  précédent.  L'impo- 
pularité de  ces  taxes  détermina  l'assemblée  qui  se  réunit  de  nouveau 
le  l*'  mars  1356  à  les  remplacer  par  une  sorte  d'impôt  sur  le  revenu  ou 
de  capitation  qui  frappait  mégalement  les  nobles,  les  clercs  et  les  non* 
nobles. 

3-  Le  nombre  de  dix-sept,  donné  par  les  Grandes  Chroniques  de 
France,  est  confirmé  par  les  lettres  de  rémission  octroyées  à  Ârras  le 
28  avril  1356  aux  habitants  de  ladite  ville  par  Amoul  d'Audrehem, 
maréchal  de  France,  lieutenant  du  roi  es  parties  de  Picardie,  d* Artois  et 
de  Boulonnais  :  ^  Comme  plusieurs  commocions,  rebellions,  a^mblées 
et  monopoles  eussent  esté  faites  en  la  ville  d'Aras,  et  encores  de  ce  fust 
ensivi  uns  fais  piteux  ouquel  Willaumes  U  Borgnes,  Jaquemart  Lou- 
chart ,  esquievin ,  Andrieu  de  Mouchi ,  bourgois  de  le  dite  ville ,  et 
plusieurs  autres,  jusques  au  nombre  de  dix-sept  personnes,  furent  ochiz 
en  le  maison  du  dit  Willaume,  et  aucuns  d'iceulx  jeté  jus  inhumaine- 
ment en  le  Gauchie  par  les  fenestres  du  dit  hostel,  et  le  ministre  de  le 
Trinité  de  l'Ordre  Saint  Mathelin  et  un  autre  navré  mortelment,  et  de- 
puis au  tiers  jour  deux  autres  mis  k  mort  par  voie  de  fiiit...  i  Amoul 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  Sg  363-370.       txf 

varre,  comte  d'Évreuz,  le  comte  de  Harcourt,  Godefroi  de  Har- 
court,  Jean  de  Graville  et  plusieurs  autres  seigneurs  s'opposent 
aussi  à  la  levée  de  la  gabelle  sur  leurs  terres.  Le  roi  Jean,  furieux 
de  cette  résistance,  saisit  la  première  occasion  de  s'en  venger  : 
Un  jour  que  le  roi  de  Navarre  et  le  comte  de  Harcourt  dînent  au 
diâteaa  de  Rouen  à  la  table  de  Charles,  duc  de  Normandie,  fils 
atoé  du  roi  de  France,  celui-ci  survient  à  Fimproviste  ^  pendant  le 
repas;  le  roi  de  Navarre  est  arrête  séance  tenante  malgré  les 
supplications  du  jeune  duc  dont  il  est  Thôte  ;  le  comte  de  Har- 
court, Jean  de  Graville',  Maubue*  de  Mainemares  et  Golinet 
Dooblel*  ont  la  tète  tranchée.  P.  174  à  180,  382  à  386. 

A  la  nouvelle  des  événements  de  Rouen,  Philippe  et  Louis  de 
Navarre,  firères  du  roi  Charles,  Godefroi  de  Harcourt,  oncle  et 


d^Andrehem  fit  décapiter  en  ^  présence  quatorze  des  coupables,  jeter 
leurs  cadaTxes  k  la  voirie  et  suspendre  les  têtes  aa-dessns  des  portes  de 
la  ville  (Arch.  nat.,  sect.  hist.,  JJ84,  p.  528,  f^  274  yo  et  275).  Des  lettres 
de  rémission  furent  accordées  en  octobre  1356  à  André  de  Mouchi, 
ch*,  pour  aToir  tué  Henri  Wion  d'Arras ,  accusé  d'avoir  provoqué  la 
sédition  et  le  meurtre  du  p^  du  dit  André.  JJ84,  p.  808. 

1.  La  tragique  scène  de  Rouen  eut  lieu  le  mardi  5  avril  1356,  d*aprèf 
des  lettres  de  Charles  dauphin  du  12  décembre  1357  (JJ89,  p.  289)  et 
les  Grandes  Chroniques  de  France  (v.  p.  414  de  ce  volume).  On  lit  par 
eirenr  :  c  Le  mardi  sixietme  jour  d  avril  »  dans  l'édition  de  M.  P.  Pa- 
ris, in-12,  t.  VI,  p.  26. 

2.  Le  seigneur  de  Préaux  fut  exécuté  avec  Jean,  comte  de  Harcourt, 
et  Jean  Malet,  sîre  de  Graville  (Table  de  Lenain,  U524,  t.  XXX,  f»  64). 
Le  5  juin  1356,  le  roi  Jean  échangea  une  terre  située  dans  le  comté 
d'Alençon ,  provenant  de  la  confiscation  des  biens  de  feu  Jean  Malet, 
sire  de  Graville,  contre  un  manoir  que  Marie  d'Espagne,  comtesse 
d'Alençon,  possédait  à  Saint-Ouen  (Arch.  nat.,  J169,  n»  32).  Le 
13  juin  1356,  le  roi  de  France  fit  présent  à  la  dite  comtesse  d'Alençon, 
pour  elle  et  ses  enfants,  des  biens  ajant  appartenu  à  Jean  Malet  à  Séez  , 
et  à  Bernai  (V.  Desnos,  Hitt,  d^Alen^on,  t.  I,  p.  388). 

3.  Maubue  était  un  surnom  de  ce  chevdder,  dont  le  prénom  était 
Guillaume  (JJ83,  p.  469);  Jean  de  Mainemares,  écujer,  frère  aîné 
de  Guillaume,  obtmt  des  lettres  de  rémission  en  jaimer  1358  (JJ89, 
p.  215). 

4.  Cet  écujer,  désigné  par  Froissart  et  les  autres  chroniqueurs  sous 
le  nom  de  DouhUt^  est  appelé  DoubUl  dans  les  registres  du  Trésor  des 
Chartes  (JJ82,  P.  511  et  JJ85,  p.  30).  En  janvier  1357  (n.  st.)  le  roi  Jean 
donne  à  Jean  du  Saussaj,  écujer,  huissier  d^armes  du  duc  de  Norman- 
die, la  maison  de  Raffetot  (Seine-Inférieure,  ar.  le  Havre,  c.  Bolbec), 
avec  50  livres  tournois  de  rente,  confisquée  pour  la  forfaiture  de  feu 
Colinet  Doublel  (JJ85,  p.  30).  D'autres  biens  de  Colin  Doublel  furent 
donnés  en  décembre  1357  à  son  frère  messire  Jean  Doublel  (JJ89, 
p.  330). 

IV  —  c 


Lxvi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

[Jean]  de  Harcourt,  fils  aine  du  fea  comte  de  Harcoort,  l'héritier 
de  Jean  de  Graville,  Pierre  de  Sacquenville  et  bien  vingt  cheya- 
liers  défient  le  roi  de  France.  Le  roi  de  Navarre,  détena  d'abord 
au  château  du  Louvre,  est  bientôt  transféré  dans  la  forteresse  de 
Grèveconir  en  Gambrésis.  P.  180  à  183,  386,  387. 

Louis  de  Harcourt,  l'un  des  familiers  du  duc  de  Normandie, 
firère  du  comte  de  Harcourt  exécuté  à  Rouen,  refuse,  en  dépit 
des  instances  et  des  menaces  de  son  oncle  Godefroi,  de  prendre 
parti  contre  le  roi  de  France*.  Philippe  de  Navarre*  et  Godefroi 
de  Harcourt,  laissant  leurs  forteresses  de  Normandie  sous  la 
garde  de  Louis  de  Navarre  et  du  Bascle  de  Mareuil,  vont  à  Lon- 
dres pendant  la  session  du  Parlement  solliciter  l'appui  du  roi 
d'Angleterre.  Edouard  s'engage  à  les  soutenir  et,  non  content  de 
leur  fournir  cent  hommes  d'armes  et  deux  cents  archers,  sous  le 
commandement  des  seigneurs  de  Ross  et  de  Nevill,  il  donne 
l'ordre  au  duc  de  Lancastre  qui  guerroie  en  Bretagne  de  secon- 
der les  frères  de  Navarre  avec  toutes  les  forces  dont  il  dispose. 
P.  183  à  186,  387,  388. 

Le  duc  de  Lancastre,  qui  a  sous  ses  ordres  le  fameux  Robert 
KnoUes,  vient  de  Pontorson  à  Évreux  rejoindre  Philippe  de  Na- 


1.  En  mai  1359,  Charles  régent  donne  à  Lonis  de  Harcourt,  Ticomte 
de  Châtellerault,  les  terres  et  châtellenîes  de  Vibraye  et  de  Bonnétable 
dans  le  comté  da  Maine,  Tenues  à  hëritage  à  Jean,  comte  de  Harcourt, 
du  chef  de  sa  mère,  et  confisquées  sur  ledit  Jean,  neveu  de  Louis, 
complice  du  roi  de  Navarre.  JJ90,  p.  112. 

2.  Philippe  de  Navarre  ne  perdit  pas  de  temps,  car  la  tragique  scène 
de  Rouen  avait  eu  lien  le  mardi  5  avril  1356,  et  dès  le  commencement 
du  mois  suivant  des  négociations  étaient  ouvertes  avec  le  roi  d* Angle- 
terre, vers  lequel  Philippe  de  Navarre  et  Godefroi  de  Harcourt  avaient 
député  Jean,  sire  de  Morbecque  et  Guillaume  Carbonnel,  sire  de  Bre- 
vands.  Ces  négociateurs  avaient  rempli  leur  mission  dès  le  12  mai,  date 
du  sauf-conduit  qui  leur  fut  délivré  pour  revenir  en  Normandie  (Ry- 
mer*  ▼ol.  ni,  p.  328,  329).  Le  24  juin,  Edouard  envoyait  à  Philippe 
de  Navaire  et  a  Godefroi  de  Harcourt  un  sauf-conduit  pour  venir  à  sa 
cour  {ihîd,^  p.  331).  Mais  Godefroi  de  Harcourt,  occupé  dès  le  22  juin 
à  guerroyer  en  Normandie  en  compagnie  du  duc  de  Lancastre  (Robert 
de  Avesburj,  p.  247),  n'eut  pas  le  temps  de  se  rendre  en  Angleterre  ; 
et  son  voyage  resta,  quoi  qu*en  dise  Froissart,  à  Fétat  de  projet.  Quant 
à  Philippe  de  Navarre,  il  alla  bien  à  la  cour  d^Édouard ,  mais  posté- 
rieurement à  la  campagne  du  duc  de  Lancastre  à  laquelle  il  avait  prii 
part,  comme  il  résulte  de  deux  lettres  d^Édouard  des  20  et  24  août  1356 
(Rymer,  vol.  HI,  p.  338,  339),  et  du  traité  de  Clarendon  du  4  sep- 
tembre 1356  (/^Mf.,  p.  340).  V.  Léopold  Delisle,  Histoire  du  château 
etdeeevreâ  de  Saittt^auveur^'Fieomte,  p.  84  et  85. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §S  363-370.    lxvu 

varre  et  Godefroi  de  Harcourt,  aussitôt  après  leur  retour  d'An- 
gleterre. L'armée  auglo-nayarraise  s'élève  à  douze  cents  lances, 
seize  cents  archers  et  deux  mille  brigands^  à  lances  et  à  pavais; 
elle  occupe,  pille  et  brûle  successivement  Acquigny,  Pacy,  Ver- 
non,  Verneuil'  et  les  faubourgs  de  Rouen.  A  cette  nouvelle,  le 
roi  de  France,  accompagné  de  ses  deux  maréchaux  Jean  de  Cler- 
mont  et  Amoul  d'Audrehem,  vient  à  Pontoise,  à  Mantes,  à  Rouen; 
il  rassemble  une  armée  de  dix  mille  hommes  d'armes,  ce  qui  fait 
trente  ou  quarante  mille  combattants ,  et  marche  contre  les  An- 
glo-Navarrais.  Ceux-ci,  qui  se  sentent  inférieurs  en  nombre,  se 
retirent  précipitamment  dans  la  direction  de  Pontorson  et  de 
Cherbourg.  Les  Français  les  poursuivent  et  parviennent  à  les  join- 
dre à  peu  de  distance  de  Laigle  *  ;  le  duc  de  Lancastre  n'évite  la 
bataille  qu'à  la  faveur  d'un  habile  stratagème.  L'armée  anglo-na- 
varraise  se  disperse  :  Jean  Carbonnel  s'enferme  à  Évreux  avec 


1.  Le  dac  de  Lancastre  arait  en  tont  neuf  cents  hommes  d'armes 
et  quatorze  cents  archen.  Les  cinq  cents  hommes  d^armes  et  huit  cents 
archers  qa*il  ayait  primitiTement  sous  ses  ordres  sVtaient  grossis  des 
cent  hommes  d'armes  de  Philippe  de  Navarre  et  de  Godefroi  de  Har 
court  et  de  trois  cents  hommes  d^armes  et  cinq  cents  archers  amenés 
par  Robert  Knolles  de  Carentoir  en  Bretagne  (Morbihan,  ar.  Vannes, 
c.  la  Gacilly).  L'abbaye  de  Montebourg,  et  non  Evreux,  avait  été 
choisie  comme  quartier  général.  La  petite  armée  se  mit  en  marche  le 
22  juin;  elle  était  de  retour  à  Montebourg  le  13  juillet.  Ces  détails 
sont  tirés  d'une  lettre  écrite  à  Montebourg  Te  16  juillet  1356  qui  donne 

{'our  par  jour  l'itinéraire  suivi  par  le  duc  de  Lancastre  (▼.  Robert  de  Aves- 
inry,  p.  2^6  à  251).  Le  but  principal  de  cette  expédition  était  de 
forcer  les  Français  qui  assiégeaient  le  Pont-Audemer  sous  les  ordres  de 
Robert  de  Houdetot  à  lever  le  siège  de  cette  viUe  occupée  par  les  Navar- 
rais.  Les  dates  extrêmes  de  ce  siège  nous  sont  fournies  par  des  lettres 
de  rémission  de  mai  1357, en  faveur  de  Guillaume  l'Engigneur  de 
MangrevUU  mr  U  Ponteaudemer  (auj.  MannevilIe-sur-Risle),  où  on  lit 
que  «. . .  nostre  amé  et  féal  messire  Robert  de  Houdetot  et  plusieurs 
gens  d'armes  eztans  sous  son  gouvernement  venissent  tenir  siège  devant 
le  dit  chastel,  et  y  fussent  depuis  Pasques  1356  jiuques  à  la  Saint  Jehan 
(2^  }vàn)  ensivant...  t  Arch.  nat.,  sect.  hist.,  JJ85,  p.  120. 

2.  Le  4  juillet,  le  duc  de  Lancastre  surprit  et  pilla  Vemeuil ,  où  il 
se  reposa  trois  jours. 

3.  Le  roi  Jean  attendait  les  Anglais  à  une  petite  lieue  de  Laigle,  à 
TnboBuf  (Orne,  ar.  Mortagne,  c.  Laigle),  avec  son  fils  aine  Charles, 
)e  duc  d'Orléans  son  frère,  une  armée  de  huit  mille  hommes  d'armes 
et  de  quarante  mille  arbalétriers  et  autres  gens  des  communes.  Le  roi 
de  France,  au  lieu  de  tomber  sur  les  Anglais,  envoya  deux  hérauts  offrir 
U  bataille  au  duc  de  Lancastre,  qui  profita  de  cet  avertissement  pour 
s'échapper.  V.  Robert  de  Avesbury,  p.  249  et  250. 


hxna  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT. 

Goillauine  Bonnemare  et  Jean  de  Sëgur,  Foadrigais  à  Gonches, 
Sanson  Lopin  à  Breteuil  en  compagnie  de  Radigot  et  de  Frank 
Hennequin,  tandis  que  le  duc  de  Lancastre  et  les  Anglais  rega- 
gnent la  forte  marche  de  Cherbourg.  P.  186  à  491,  388  à  390. 

Évreux  se  compose  d'un  bourg,  d'une  cite  et  d'un  château,  et 
il  y  a  des  fortifications  particulières  pour  chacune  de  ces  trois 
parties  de  la  ville.  Le  roi  Jean^  assiège  cette  place  et  rëduit  suc- 
cessivement le  bourg  et  la  cite  à  se  rendre  ;  le  château  lui-même, 
confié  à  la  garde  de  Guillaume  de  Gauville  et  de  Jean  Carbon- 
nel,  capitule  au  bout  de  quelques  semaines  :  la  garnison  a  la  vie 
sauve  et  peut  se  retirer  à  Breteuil.  Pendant  ce  temps,  Robert 
KnoUes  essaye  de  s'emparer  du  château  de  Domfront.  P.  191  à 
193,  390  à  392. 

Après  la  prise  d'Évreux  et  du  château  de  Rothes  ^,  le  roi  de 
France,  dont  l'armée  est  forte  de  soixante  mille  chevaux,  met  le 

1 .  Le  siège  d'Ëvreux  ne  fut  pas  fait  par  le  roi  Jean  en  personne  ; 
ce  siëge,  comme  celui  du  Pont-Audemer,  suivit  immédiatement  l'ar- 
restation du  roi  de  Navarre  :  il  est  antérieur  à  la  chevauchée  du  duc 
de  Lancastre.  Évreux  s'était  rendu  aux  Français  avant  le  20  juin,  jour 
où  Guillaume,  abbé  de  Saint-Taurin ,  fit  remise  à  Jean  de  Montigny, 
aumônier,  et  à  Adam  de  Pinchemont,  infirmier  de  ladite  abbaye,  qui 
s'étaient  enfermés  dans  la  cité  et  église  d'Évreux  pour  mettre  en  su* 
reté  les  joyaux  de  leur  abbaye,  de  la  peine  qu'ils  pouvaient  avoir  en- 
courue en  prenant  les  armes  et  en  concourant  à  la  défense.  Ces  lettres 
de  rémission  furent  confirmées  le  ]2  août  1356  par  le  roi  Jean  : 
c  Comme  depuis  que  nous  eusmes  fait  prendre  ou  chastel  de  Rouen 
le  roy  de  Navarre  et  conte  d'Evreux ,  nostre  filz  et  homme ,  et  mettre 
en  prison  fermée  pour  certainnes  causes,  plusieurs  personnes  se  soient 
mis  et  requeulis  en  la  cité  d*£vreux  et  icelle  tenue  a  force  par  certain 
temps  contre  nostre  volenté  et  la  puissance  de  certainne  quantité  de 
gens  d*armes  que  nous  y  avions  envoie ,  jusques  à  tant  que  certain 
traictié  et  accort  fu  fait  de  nostre  congié  et  consentement  entre  noz 
dictes  gens  et  les  gens  estans  en  la  dicte  cité  :  par  lequel  traictié  et  ac- 
cort iceulx  de  la  dicte  cité  rendirent  à  noz  dictes  gens  pour  nous 
icelle  cité,  sauf  leurs  corps  et  leurs  biens,  et  par  certaines  autres  con- 
dicions  contenues  plus  plainnement  es  diz  traictié  et  accort  sur  ce 
fais...  »  (Arch.  nat.,  JJ84,  p.  638).  Jean  </e  Torpo,  d'Évreux,  poisson- 
nier du  roi  de  Navarre,  avait  approvisionné  de  poisson  salé  le  château 
où  il  s'enferma  pendant  le  siège  ;  et  nous  voyons  dans  des  lettres  de 
rémission  qui  lui  furent* délivrées  en  octobre  1356,  que  Roberge,  sa 
femme,  munie  d*un  sauf-conduit  du  comte  de  Tancarville,  connétable 
de  Normandie,  alla  se  retirer  avec  la  femme  de  Pierre  de  Sacquenville, 
après  la  reddition  d*Évreux,  dans  le  château  de  Breteuil.  JJ85, 
f^67  v«. 

2.  Auj.  Saint-Léger-de-Rothes  ou  Saint-Léger-du-Boscdel,  Eure, 
aiT.  et  c.  Bernai. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  Sg  363-370. 

siëge  devant  Breteail,  tin  des  plus  forts  châteaux  assb  en  plaine 
qn'il  y  ait  en  Normandie;  ce  fut  le  plus  beau  siëge  qja'oa  eût  vu 
depuis  celui  d'Aiguillon. — A  ce  moment,  le  comte  de  Douglas 
d'Ecosse  et  Henri  de  Castille,  bâtard  d'Espagne  et  comte  de 
Transtamare,  viennent  offrir  leurs  services  au  roi  Jean,  qui 
les  accueille  courtoisement  et  assigne  à  Douglas  cinq  cents  livres 
de  revenu  annuel.— -Les  assiégeants  font  construire  un  chat  ou 
atoumement  d'assaut,  monte  sur  quatre  roues,  crënelë  et  cui- 
rasse, compose  de  trois  étages,  dont  chacun  peut  contenir  deux 
cents  combattants.  On  comble  pendant  un  mois,  avec  des  fascines, 
les  fosses  du  château  de  Breteuil,  à  l'endroit  où  l'on  veut  donner 
Tassant,  et  l'on  parvient  ainsi  à  amener,  au  moyen  des  roues,  cette 
énorme  machine  contre  les  remparts  ;  mais  les  assiégés  ont  eu 
soin  de  se  pourvoir  de  canons  qui  vomissent  du  feu  grégeois  *■  :  ce 

1.  Tout  le  monde  sait  qa^îl  était  d^usage  dès  cette  époque  d'em- 
ployer Partillerie  au  siège  des  places  fortes  ;  ce  que  l'on  ignore  géné- 
ralement, c'est  que,  dès  le  règne  de  Charles  Y,  et  peut-être  auparavant, 
on  ayait  l'habitude  de  tirer  le  canon  à  Paris  pendant  les  représenta- 
tions du  mystère  de  la  Passion.  C'est  ce  qui  résulte  de  lettres  de  ré- 
mission que  nous  aTons  dëcourertes  et  que  nous  publions  ici  pour  la 
première  fois.  Ces  lettres  sont  datées,  il  est  Trai,  ae  1380  ;  mais  eUea 
constatent  que  l'usage  de  tirer  le  canon  dans  cette  circonstance  était 
établi  depuis  longtemps.  Nous  prions  les  historiens  de  l'artillerie  et  de 
notre  théâtre  au  moyen  âge  de  nous  pardonner  cette  publication  qui 
est  ici  un  hors-d'œuTre. 

«  Charles,  etc.  Savoir  faisons  à  touz  presens  et  à  venir  à  nous  avoir 
esté  exposé  de  la  partie  de  Guillaume  Langlois  que,  comme,  le  mardi 
après  Pasqnes  damin  passées,  es  jeux  qui  furent  faiz  et  ordenex  en 
i'onneur  et  remembrance  de  la  Passion  Nostre  Seigneur  Jhesucrit 
en  nostre  bonne  ville  de  Paris,  par  aucuns  des  bourgois  et  autres 
bonnes  genz  d'icelle,  le  dit  exposant  eust  esté  requis,  prié  et  ordené 
de  cenlx  qui  es  diz  jeux  faisoient  les  personnages  des  figures  des  enne- 
mis et  deables,  de  estre  aux  diz  jeux  pour  getter  des  canons ,  quant 
temps  seroit,  afin  que  leurs  personnages  fussent  mieulz  faiz,  si  comme 
es  dit  jeux  on  a  acoustumé  à  faire  par  chacun  an  à  Paris,  Et  lors  avint 

2ue  avec  le  dit  exposant  vint  et  s'embati  illec  amiablement  Jehan 
lemon,  varlet  d'estuves,  pour  lui  cuidier  aidier  à  jouer  et  faire  getter 
des  diz  canons,  quant  lieu  et  temps  seroit,  comme  autre ffoU  on  a  aeous^ 
tumé  à  faire.  Et  il  soit  ainsi  que  ilz  ordenèrent  et  mistrent  à  point 
icenix  canons  pour  getter  et  faire  bruit  sur  l'appointement  et  arrôy 
du  Gruxifiement  que  on  a  acoustumé  à  faire  en  iceulx  jeux  en  remen- 
brance  de  la  mort  et  passion  de  Nostre  Seigneur  Jhesucrit.  Et  pour  ce 
que  illec  où  les  diz  exposanz  et  Jehan  Hemon  estoient,  fu  mise  une 
broche  chaude  et  boutée  en  un  canon  estant  ou  dit  lieu,  la  cheville 
d'ioellni  canon  par  force  de  feu  s'en  issy  et  sailli  plus  tost  et  autrement 
que  ne  cuidoient  et  pensoient  yceulx  exposanz,  et  Hemon,  par  tèle 


ux  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

feu  embrase  le  toit  de  la  machine,  et  les  gens  d'annes  qai  la  mon- 
tent sont  obliges  de  se  sauver.  Les  assiégeants  entreprennent  alors 
de  combler,  dans  toute  leur  étendue,  les  fosses  qui  entourent  les 
remparts,  et  ils  emploient  à  ce  travail  quinze  cents  terrassiers. 
P.  493  à  196,  392,  393. 

Pendant  que  le  roi  de  France  assiège  ainsi  Breteuil,  le  prince 
de  Galles,  informe  de  l'alliance  conclue  entre  son  père  et  les 
Navarrais,  veut  faire  une  diversion  en  faveur  de  ses  nouveaux 
alliés;  c'est  pourquoi,  il  part  de  Bordeaux  aux  approches  de  la 
Saint-Jean  à  la  tête  d'une  armée  de  deux  mille  hommes  d'armes 
et  de  six  mille  archers  et  il  se  dirige  vers  la  Loire  à  travers 
l'Agenais,  le  Limousin  et  le  Berry. — A  la  nouvelle  de  cette 
incursion ,  le  roi  Jean  presse  le  siège  de  Breteuil  avec  plus  de 
vigueur  encore  qu'auparavant^.  Les  assiégés  font  prisonnier 
Robert  de  Montigny,  chevalier  de  TOstrevant,  qui  s'est  aven- 
turé trop  près  du  rempart,  et  tuent  Jacquemart  de  Wingles  son 
écuyer.  Sept  jours  après  cet  incident ,  le  capitaine  de  Breteuil 
nommé  Sanson  Lopin,  écuyer  navarrais,  qui  résiste  depuis  sept 
semaines  ^  aux  efforts  d'une  armée  tout  entière ,  se  voit  con« 


manière  que  le  dit  Hemon  d'icelle  cheville  fu  fera  et  attaint  d'aven- 
ture  en  Tune  de  ses  jambes.  Et  aussi  fu  le  dit  Guillaume  par  la  force 
du  feu  qui  en  yssi  embrasé  et  brûlé  parmi  le  risage  et  fu  en  grand 
doubte  et  en  aventure  d*estre  mort  ou  affolé  de  touz  poins.  Après 
lesquèles  choses  ainsi  avenues,  le  dit  Hemon  ^  qui  estoit  bon  et  vray 
ami  d'icellui  exposant ,  et  qui  ne  vouloit  que,  pour  la  bleceure  qu*il 
avoit  ainsi  de  la  cheville  du  dit  canon ,  il  fust  aucunement  dommagié 
ne  poursuy....  Donné  à  Paris  Tan  de  erace  mil  trois  cens  et  quatre 
vins,  ou  moys  d'avril  et  le  dix  septième  ae  nostre  règne.  »  Arch.  nat., 
•ect.  hist.,  JJ116,  p.  264,  f»*  152  vo  et  153. 

1.  Cf.  Chronique  des  quatre  premiers  Valois^  p.  42  à  46.  D'après  cette 
chronique,  le  roi  Jean  aurait  fait  venir  le  roi  de  Navarre  du  Château- 
Gaillard,  afin  que  Charles  ordonnât  lui-même  à  ses  capitaines  de  Bre- 
teuil et  du  Pont-Audemer  d'évacuer  ces  places,  démarche  qui  n'abou- 
tit i  aucun  résultat. 

S.  On  peut  dresser  sârement  d'après  les  actes  l'itinéraire  du  roi  Jean 
dans  le  cours  de  cette  expédition  ae  Normandie.  Le  jour  même  où  le 
duc  de  Lancastre  entrait  en  campagne,  c'est-à-dire  le  22  juin,  le  roi  de 
FHnce  était  à  Dreux  (Arch.  nat.,  JJ84,  p.  554),  après  avoir  passé  le 
7  juin  à  Saint- Amoul -en «Yvelines  fSeine->et-Oise,  ar.  Rambouillet, 
c.  Dourdan),  et  au  Gué-de-Longroi  (Eure-et-Loir,  ar.  Chartres,  c.  An- 
neau); le  8  juillet,  il  se  trouvait  a  Tubœuf  près  Laiele  où  il  laissa 
échapper  le  duc  de  Lancastre  et  les  Anglais.  L^  siège  de  Breteuil  dut 
suivre  immédiatement  cette  poursuite  infructueuse,  car  nous  avons  un 
très-grand  nombre  de  lettres  du  roi  Jean  et  de  son  fils  Charles  datées 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  363-370.    xjos 

traint  de  rendre  la  forteresse  mojeimaiit  que  la  garnison  aura  la 
vie  sauve  et  pourra  se  retirer  au  château  de  Cherbourg.  Le  roi 
Jean  rentre  à  Paris  et  fait  ses  préparatifs  pour  marcher  à  la  roi- 
contre  du  prince  de  Galles.  P.  196  à  198,  393  à  398. 


jinte  BritoUum  in  liormannia  anno  Domini  1356  »  mêiue  Juui  (JJ84, 
p.  788.  Cf.  JJ84,  p.  566,  567,  570,  587,  606,  788).  D'autres  lettres 
•ont  datées  :  In  exercUu  nostro  ante  BriioUum^  même  Aucutn  (JJ84, 
p.  571,  574,  582,  586,  602  à  604,  680,  681,  720).  Cet  pièces  men- 
tionnent la  présence  au  siëge  du  connétable  Gautier  de  Brienne,  duc 
d'Athènes,  des  maréchaux  d'Audrehem  et  de  Qermont,  de  l*arche- 
▼êque  de  Sens,  de  i'éréque  de  Chalons,  des  comtes  d'Eu,  de  Tancai^ 
▼ille  et  de  Yentadour,  de  Geoffroi  de  Chamj,  de  Boucicaut  et  d'Aubert 
de  Hangest.  Le  1 2  août,  le  roi  Jean  datait  encore  ses  lettres  :  En  noz 
tentes  devant  Bretueil  (JJ84,  p.  638)  ;  mais  dès  le  19  il  était  au  château 
de  Tremblav-le-Vioomte  (Eure-et-Loir,  ar.  Dreux,  c.  Châteannenf- 
en-Thjmerais)  et  se  préparait  à  marcher  contre  le  prince  de  GaUes 
(JJ84,  p.  633).  La  reddition  du  château  de  Breteuil  eut  lieu  par  con- 
séquent entre  le  12  et  le  19  aoât  1356. 


CHRONIQUES 

DE  J.  FROISSART. 


LIVRE  PREMIER. 


§  288.  De  le  ville  de  Calais  estoit  chapitainne  ans 
gentilz  et  vaillans  chevaUers  de  Campagne  as  armes, 
qui  s'appelloit  messires  Jehans  de  Yiane.  Avoeoques 
lui  estoient  pluiaeur  bon  chevalier  d'Artois  et  de  le 
oontë  de  Ghines,  telz  que  messires  Ërnoulz  d'Audre-  5 
hen^  messires  Jehans  de  Surie,  messires  Bauduins  de 
Belleborne^  monsigneur  Jofiroi  de  le  Motte,  monsi- 
gneur  Pépin  de  Were  et  pluiseur  aultre  chevalier  et 
escuier,  liquel  trop  loyaument  en  tous  estas  dou  gar* 
der  s'en  acquittèrent,  si  com  vous  orés  .recorder  en*-  10 
sievant. 

Quant  li  rois  d'Engleterre  fu  venus  premièrement 
devant  le  ville  de  Calais,  ensi  que  cilz  qui  moult  le 
desiroit  à  conquerre,  [il]  le  assega  par  grant  manière 
et  bonne  ordenance.  Et  fist  bastir  et  prdonner  entre  15 
le  ville  et  le  rivière  et  le  pont  de  Nulais  hostelz  et 


2  CHRONIQUES  DE  h  FBOISSART.  [1346] 

maisons^  e.t  carpenter  de  gros  mairlens^  et  couvrir 
les  dittes  maisons^  qui  estoient  assises  et  ordonnées 
par  rues  bien  et  faiticement^  d'estrain  et  de  genes- 
tres^  ensi  que  donc  que  il  deuist  là  demorer  dix  ans 
i"  ou  douze.  Car  tèle  estoit  se  intention  qu'il  ne  s'en 
partiroit^  ne  par  ivier  ne  par  esté^  si  l'aroit  conquis, 
quel  temps  ne  quel  painne  qu'il  y  deuist  mettre  ne 
prendre.  Et  avoit  en  ceste  noeve  ville  dou  roy  toutes 
coses  nécessaires  apertenans  à  une  host  et  plus  en^ 

10  cores^  et  place  ordonnée  pour  tenir  marchiet  le  mer- 
kedi  et  le  samedi.  Et  là  estoient  merceries,  bouceries^ 
halles  de  draps  et  de  pain  et  de  toutes  aultres  néces- 
sités^ et  en  recouvroit  on  tout  aisiement  pour  son 
argent.  Et  tout  ce  leur  venoit  tous  les  jours,  par  mer^ 

15  d'Sngleterre  et  ossi  de  Flandres^  dont  il  estoient  con- 
forté de  vivres  et  de  marcheandises. 
<    Avoech  toul  ce^  les  gens  le  roy  d'Engletei^re  cou- 
roient  moult  souvent  sus  le  pays  en  le  conté  de 
Ghîpes^  en  Tierenois^  et  jusques  as  portes  de  Saint 

20  Qmer  et  de  Boulongne;  si .  oonqua:t>ient.  et  rame- 
nôient  en  leur  host  grant  iîiison  de  proie:  dont  il 
estoient  rafireschi  et  ravitailliez  Et  point  ne  Êdsoit  li 
dis  rois  ses  gens  assallir  le  ditte  ville  de  Calais,  cat 
bien  savoit  que  il  perderoit  se  painne  et  qu'il  s'i  tra- 

35  vèilleroit  en  vain.  Si  espargnoit.  ses  gens  et  se  artil^ 
lerie^  et  disoit  que  il  les  affameroit,  com  londi  terme 
que  il  y  deuist  mettre,  se  li  rois  Phelippes  de  recief  nie 
le  venoit  combatre  et  lever  le  siège. 

Quant  messires  Jehans  de  Yiane,  qui  chapitainne 

80  estoit  de  Calais,  vei  que  li  rois  d'Engleterre  s'ordon-^ 
noit  et  amanagoit  pour  là  tenir  le  siège,  et  que  c'es- 
toit  tûut  acertes,  si  fist  une  ordenanœ  dedens  le  ville 


[1346]  UVRE  PREMIER,  §  289.  8 

de.  Calais^  tèle  que  loute[s]  manières  de  menues  gens^ 
qui  pourveances  n'avoient^  vuidaissent  sans  point 
d'arrest.  Si  en  vuidièrent  et  partirent  sus  un  merkedi 
au  matin^  que  hommes,  que  femmes^  que  enfans^ 
plus  de  dix  sept  cens^  et  passèrent  parmi  l'ost  dou    5 
roy  d'Engleterre,  Et  leur  fu  demandé  pourquoi  il  vui- 
doient;  il  respondirent  que  il  n'avoient  de  quoi  vivre. 
Adonc  leur  fîst  li  rois  grasce  que  de  passer  et  aler 
parmi  son  host  sauvement;  et  leur  fîst  tous  et  toutes 
doimer  à  disner  bien  et  largement^  et  apriès  disnei^  à  IQ 
çascun  deux  estrelins  :  laquèle  grasce  et  aumosne  on 
recommenda  à  moult  belle,  ce  fu  bien  raisons.  Or 
nous  soufiferons  nous  un  petit  à  parler  dou  siège  de 
Calais,  et  retourrons  au  duch  de  Normendie  qui  seoît 
devant  Aguillon.  15 

$  289.  Li  dus  de  Normendie  se  tenoit^  devant 
Aguillon^  et  dedens  avoit  assegiés  les  bons  chevaliers 
d'Eogleterre  ^  monsigneur  Gautier  de  Mauni  et  les 
aultres,  qui  si  vaillamment  s'i  estoient  tenu  et  tinrent 
toutdis^  le  siège  pendant  et  durant,  et  qui  tant  de  so 
belles  apertises  d'armes  y  fisent,  si  com  "chi  dessus 
est  recordë  :  pour  lesquelz  grans  apertises  li  dis  dus 
avoit  parlé  si  avant  que  point  ne  s'en  partiroit^  si 
aroit  pris  le  forterèce  et  chiaus  qui  dedens  estoient. 

Or  avint,  ce  siège  estant,  environ  le  mi  aoust,  que  25 
Une  escarmuce  se  fist  devant  le  ehastiel  d'Aguillon, 
et  se  monteplia  telement,  par  convoitise  d'armes,  que 
le  plus  grant  partie  dechiaus  de  l'ost  y  alèrent.  Adonc 
estoit  là  venus  nouvellement  en  l'ost  messires  Phe- 

1.  Bfa».  RI,  3, 4  :  équité  tenoit. »  Mauvaise Ufo», 


4  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1346] 

lippes  de  Bourgongne,  pour  ce  temps  conte  d'Artois 
et  de  Boulongne^  et  cousins  germains  au  dit  duch  de 
Normendie,  liquelz  estoit  uns  moult  jones  chevaliers 
et  de  grant  volentéy  ensi  que  là  le  moustra.  Car  si  tretos 
5  que  li  escarmuce  fîi  commenciez  il  ne  volt  pas  estre 
des  darrains^  mes  se  arma  et  monta  sus  un  coursier 
fort  et  rade  malement,  et  de  grant  haste,  pour  plus 
tost  estre  et  venir  à  l'escarmuce.  Li  dis  messires  Phe- 
lippes  prist  une  adrèce  parmi  les  camps,  et  brocha 

10  coursier  des  esporons,  liquelz  coursiers^  qui  estoit 
grans  et  fors^  s'escueilla  au  cours  et  emporta  le  che- 
valier maugré  lui  :  si  ques,  en  traversant  un  fosset,  li 
coursiers  trébucha  et  chei  et  jetta  le  dit  monsigneur 
Phelippe  desous  lui.  Onques  il  ne  peut  estre  aidiés  ne 

15  secourus  si  à  tans  que  il  ne  fust  si  confroissiés  que 
onques  puis  n'eut  santé^  et  morut  de  ceste  bleceure  : 
dont  li  dus  de  Normendie  fu  durement  courouciës , 
ce  fu  bien  raisons. 

Assés  tost  apriès  ceste  aventure  et  le  trespas  de 

*30  monsigneur  Phelippe^  les  nouvelles  vinrent  en  Fost 
de  le  desconfîture  de  Creci.  Et  remandoient  li  rois  et 
la  royne  de  France  leur  fil  le  duch  de  Normendie, 
et  U  enjoindoient  très  especialment  que^  toutes  pa- 
rqlles  et  ensongnes  mises  jus,  il  se  partesist  et  deffe- 

S5  «ist  son  siège  et  retoumast  en  France^  pour  aidier  à 
garder  son  hiretage  que  li  Englès  li  destruisoient.  Et 
encores  li  segnefioient  il  clerement  le  grant  damage 
des  nobles  et  proçains  de  son  sanc  qui  demoret 
estoient  à  Creci. 

30  Quant  li  dus  de  Normendie  eut  leu  ces  lettres^  si 
pensa  sus  moult  longement^  et  en  demanda  conseil 
as  contes  et  as  barons  qui  dalès  lui  estoient^  car  moult 


[1346]  LIVRE  PREHIER,  $  289.  » 

envis  se  partoit,  pour  le  cause  de  ce  que  il  avoit 
parlé  si  avant  dou  siège  tenir.  Et  ossi  il  n'osoit  aler 
contre  le  mandement  et  ordenance  dou  roy  son  père. 
Et  me  samble  que  adonc  il  fu  si  consilliés  des  plus 
espeeiaulz  de  son  conseil  que^  ou  cas  que  li  rois  ses  i^ 
pères  le  remiandoit  si  especiaument,  il  se  pooit  bien 
partir  sans  nul  fourfait.  Si  fu  adonc  ordonné  et  ar- 
resté  que  à  l'endemain  on  se  deslpgeroit  et  s'en  re- 
tourroit  on  en  France.  Quant  ce  vint  au  point  doiî 
jour^  on  9e  commença  à  deslogier  et  à  tourser  tentes  10 
et  très  et  toutes  aultres  ordenances^  et  à  recueillier 
moult  hasteement  et  mettre  à  voie  et  à  chepain. 

Li  compagnon,  qui  dedens  Âguillon  se  tenoient, 
forent  durement  esmervilliet  pour  quoi  si  soudaine-».   ' 
ment  li  Françob  se  deslogoient.  Si  se  coururent  ar-   15 
mer  au  plus  tost  qu'il  peureht^  et  montèrent  sus  leurs 
chevaus^  le  pennon  monsigneur  Gautier  de  Maunî 
devant  yaus  ;  et  s'en  vinrent  bouter  en  l'ost  le  duch, 
qui  tout  n'estoient  mies  encores  deslogié  .ne  mis  à 
voie.  Si  en  ruèrent  par  terre  pluiseur^^  et  occirent  et  20 
decopèrent^  et  lisent  un  grant  esparsin,  et  en  prisent 
d'uns  et  d'aultres  plus  de  soixante,  que  il  ramenèrent 
arrière  ep  leur  forterèce. 

Et  entre  les  aultres  prisonniers^  il  y  eut,  un  grant 
chevalier  de  Normendie^  cousins  dou  duc^  et  moult  S5 
{»x>çain  de  son  conseil^  auquel  messires  Gantiers  de- 
manda pour  quel  cause  li  dus  de  Normendie  si  sou- 
.dainnement  se  partoit,  et  quel  cose  estoit  avenu  là 
entre  yaus.  Li  chevaliers  moult  à  envis  le  dist.  Toutes 
fois  il  fil  tant  aparlés  et  démenés  dou  dit  monsigneur  30 
Gautier^  que  il  recorda  la  besongne  ensi  comme  elle 
aloit,  et  comment  li  rois  d'Engleterre  estoit  arrivés 


•  CHRONIQUES  Iffi  J.  FROISSART.  [iS46] 

ea  Normendie^  et  tout  le  voiage  que  il  avoit  fait^  et 
ies  passages  où  il  avoit  passés,  et  en  le  fin  à  Creci 
en  Pontieu  desconfi  le  roi  de  France  et  toute  se  pois- 
sance.  Et  li  compta  par  nom  les  princes  et  les  signeurs 

b  qui  mort  y  estoient>  et  comment  enoores,  en  fin  de 
voiage,  li  rois  d'Ëngleterre  ot  assis  le  forte  ville  de 
Calais.  Quant  messire9  Gantiers  de  Mauni  entendi  ce, 
si  en  fo  grandement  resjoïs;  et  ossi  furent  tout  li 
compagnon,  et  en  fisent  pour  ces  nouvelles  milleur 

10  compagnie  à  leurs  ^pris<mniers.  Et  li  dus  de  Normen? 
die  s'en  revint  en  France  devers  le  roy  Phelippe  son 
père  et  la  royne  sa  mère,  qui  moult  volentiers  le 
veirent. 

§  290.  Depuis  ne  demora  gaires  de  temps  que  li 

15  dis  messirQS  Gantiers  de  Mauni^  qui  grant  désir  avoit 
de  venir  devant  Calais  et  de  veoir  son  signeur  le  roy 
d'Engleterre,  mist  en  parolle  le  chevalier  normant 
qu'il  tenoit  pour  son  prisonnier^  et  li  demanda  quèle 
quantité  d'argent  pour  sa  raençon  il  poroit  paiier. 

20  Cilz  respondi,  ensi  comme  cilz  qui  volentiers  veist 
sa  délivrance^  que  jusques  à  trois  mille  esous  paieroit 
il  bien.  Dont  dist  messires  Gantiers  moult  courtoi- 
sèment  :  «  Sire,  je  sçai  bien  que  vous  estes  dou  sanck 
dou  duch  de  Normendie,  et  moult  amés  de  lui  et  très 

25  especiaulz  en  son  conseil  :  si  vous  dirai  que  vous  fe- 
rés.  Je  vous  recrerai  sus  vostre  foy,  et  vous  partirés 
de  ci,  et  irés  devers  le  duch  vostre  signeur,  et  me 
impeterés  un  saufconduit,  pour  moi  vingtime  tant 
seulement,  à  chevaucier  parmi  France,  paiant  cour- 

30  toisement  tout  ce  que  je  despenderai.  Et  se  ce  me 
poés  impetrer  dou  duch  ou  dou  roy,  je  n'ai  cure 


[1346]  LIVBJB  BREUIER,  S  *^^-  ^ 

douquel  j  je  vous  quitterai  vostre  raençon  et  vous  en 
sarai  gré.  Car  je  désire  tant  à  veoir  mon  chier  signeur 
le  roy  d'Ëngleterre  que  ce  me  tourra  à  grant  plai- 
sanee^  se  le  saufconduit  vous  me  raportés.  Et  que  bien 
l'entendes^  je  ne  voeil  jesir  en  une  ville  que  une  seule  .  s 
nuit^  tant  que  je  serai  venus  devant  Calais.  Et  se  ce 
vous  ne  poës  &ire^  vous  revenrés  dedens  un  mois 
tenir  prison  en  oeste  forterèce.  » 

Li  chevaliers  respondi  qu'il  en  teroit  son  plain 
pooir;  si  se  parti  de  Aguillon.  Et  le  recrut  li  dis  10 
messires  Gantiers  sus  sa  foy.  Si  chevauça  tant  li  dis 
chevaliers  que  il  vint  à  Paris^  là  où  il  trouva  le  duch 
de  Normendie^  son  signeur^  qui  11  fist  grant  cière  et 
li  demanda  de  son  estât,  et  comment  il  avoit  finet. 
Li  chevaliers  li  conta  toute  la  besongne,  et  comment  15 
messires  Gantiers  de  Mauni  li  voloit  quitter  sa  raen- 
^n  y  mes  que  il  ewist  un  «aufconduit  que  il  peuist 
paisieulement ,  lui  vingtime^  chevaucier  parmi  le 
royaume  de  France  jusques  à  Calais.  Li  dus  li  acorda^ 
et  li  fist  escrire  tout  tel  que  il  le  volt  prendre  et  so 
avoir;  et  le  prist  disons  le  seelé  dou  dit  duch  et 
s*en  passa  atant.  Et  esploita  depuis  tant  par  ses  jour- 
nées que  il  retourna  en  Aguillon ,  et  moustra  au  dit 
monsigneur  Gautier  tout  ce  que  il  avoit  fait  et  esploi- 
tié.  Douquel  esploit  et  saufconduit  messires  Gautiers  25 
de  Mauni  eut  grant  joie ,  et  quitta  tantost  le  dit  che- 
vaUer  nonnant  de  sa  foy  et  de  sa  raençon,  et  se  or- 
donna  pour  passer  parmi  le  royaume  de  France  sus 
le  confort  de  sa  lettre. 

$  291.  Aisés  tost  apriès,  se  parti  li  dis  messires  30 
Gautiers  de  Mauni  de  le  ville  et  dou  chastiel  d'A- 


_J 


s  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  fl84«] 

guillon  à  .tout  vingt  ohevaus  seulement ,  ensi  que  sa 
lettre  parloit^  et  se  mist  au  chemin  parmi  Auverg^ne» 
En  chevauçant  le  royaume ,  ii  gentilz  chevaliers  ne 
se  faisoit  point  celer,  mes  se  nommoit  partout.  Et 
5  quant  il  estoit  arrestés ,  il  moustroit  sa  lettre  et  tan- 
tost  estoit  délivrés.  Ensi  chevauça  il  tant  que  il  vint 
jusques  à  Orliens  ^  et  fu  là  arrestés ,  et  ne  pe^t  estre 
desarrestés  pour  lettres  que  il  moustrast;  mes  fu 
amenés  à  Paris  et  là  mis  en  prison  en  Chastelet^ 

10  comme  cilz  qui  estoit  des  François  grandement  hays^ 
poiMT  les  grans  proèces  dont  il  estoit  renommés. 

Quant  li  dus  de  Normendie  le  sceut^  il  en  fu  dure- 
ment courouciés;  si  s'en  ala  tantost  par  devers  le  roy 
son  père  y  et  li  requist  si  acerte^  qu'il  peut^  que  ii 

15  volsist  le  chevalier  délivrer  pour  l'amour  de  lui ,  ou 
il  seroit  deshonnourés.  Et  diroit  on  que  il  l'aroit 
trahi  ^  car  il  l'a  voit  asseguret  par  bonnes  lettres  see* 
léea  de  son  seel,  par  tel  raison.  Et  compta  li  dis  dus 
au  roy  la  cause,  ensi  que  vous  l'avés  oy.  Li  rois  n'en 

sa  volt  riens  faire^  pour  requeste  ne  pour  priière  que  li 
dus  ses  filz  en  fesist  ;  mes  respondi  que  il  le  feroit  mettre 
à  mort^  et  qu'il  le  tenoit  pour  son  trop  grant  anemi. 
Dont  respondi  li  dus^  se  il  en  faisoit  ensi^  il  fust  cer- 
tains que  il  ne  s'armeroit  jamais  contre  le  roy  d'En- 

S5  gleterre^  ne  tout  cil  qui  destourner  il  en  poroit.  Et 
eut  adonc  en  Ire  le  roy  de  France  et  le  duch  de  Nor- 
mendie grosses  parolles,  et  s'en  parti  li  dus  par 
mautalent.  Et  dist  li  dus,  au  partir,  que  jamès  en 
l'ostel  dou  roy  il  n'enteroit,  tant  que  messires  Gau- 

30  tiers  de  Mauni  seroit  en  prison. 

Ensi  demora  ceste  cose  un  grant  temps,  et  pouiv 
caçoit  le  dessus  dit  uns  chevaliers  de  Haynau,  uns 


[1346]  LITIUS  PREMIER,  $  291.  9 

siens  cousins,  qui  se  appelloit  messires  Mansars 
d'Esne.  Cils  en  eut  moult  de  painne  et  de  travel 
pour  aler  et  pour  venir  devers  le  duch  de  Normen- 
die.  En  le  fin^  li  rois  de  France  fu  si  consilliés  que  il 
délivra  le  dit  monsigneur  Gautier  de  prison^  et  li  fi^t  5 
paiier  tous  ses  frès.  Et  le  volt  veoir  li  rois;  et  disna 
messires  Gantiers  de  Mauni  dalès  lui ,  en  l'ostel  de 
*Nielle  à  Paris.  Et  li  fist  adonc  li  rois  presens  de  dons 
et  de  jeuiaulz  qui  bien  valoient  mil  florins.  Li  dis 
messires  Gantiers^  pour  l'onneur  dou  roy  qui  li  Êdsoit  10 
présenter,  les  rechut  par  condition  que^  lui  vènut 
devant  X!^lais^  il  en  parleroit  au  roy  d'Engleterre  son 
signeur;  et  se  il  4i  plaisoit,  il  les  retenrott^  ou  aul- 
irement  il  les  renvoieroit.  Geste  response  plaisi  bien 
au  roy  de  France  et  au  duch  de  Normendie^  et  di-  15 
sent  que  il  avoit  parlé  comme  loyaus  chevaliers. 

Depuis  ce  fait ,  il  prist  congiet  d'yaus  et  chevauça 
tant  par  ses  journées  que  il  vint  en  Haynau.  Si  se 
rafreschi  en  Valenciènes  trois  jours^  et  puis  s'en  parti 
et  esplbita  tant  que  il  vint  devant  Calais^  où  il  fîi  3o 
receus  à  grant  joie  dou  roy  et  de  tous  les  barons^  ce 
fu  bien  raisons.  Et  là  leur  recorda  toutes  ses  avenues^ 
depuis  que  partis  s'estoit  d'Aguillon.  Et  remoustta 
au  roy  son  signeur  les  biaus  jeuiaùs  que  li  rois  de 
France  li  avoit  fait  présenter.  Et  demanda  fiablement  S5 
au  roy  quel  cose^en  estoit  bonne  à  faire;  car  il  les 
avoit  receus  par  manière  que ,  se  il  plaisoit  à  lui ,  il  * 
les  retenroit ,  ou  aultrçment  il  les  renvoieroit.  Si  me 
samble  que  li  rois  d'Engleterre  li  dist  adonc  :  «  Mes- 
sire  Gautier^  vous  nous  avés  tous  jours  loyaument  30 
servi  jusques  à  drès  j  et  ferés  encores,  si  com  nous 
espérons  :  renvoiiés  au  roy  Phelippe  ses  presens  ; 


10  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i346] 

vdos  n'avés  nulle  cause  dou  retenir.  Nous  avons  ^ 
Dieu  merci  I  aâsés  pour  nous  et  pour  vous  ;  et  sons 
en  grant  volenté  de  vous  bien  faire ,  selonch  le  bon 
service  que  fait  nous  avés.  i^  —  «c  Monsigneur^  ce 
5  respondi  messires  Gantiers^  grans  mercis  I  » 

Tantost  apriès  ces  paroUes^  il  prist  tous  ces  jeuiaus 
et  presens^et  carga  à  son  cousin  monsigneur  Mansart, 
et  li  dist  :  «  Chevauciés  en  France  devers  le  roy  et 
me  recommendés  à  lui  moult  de  fois  ;  et  li  dittes  que 

10  je  le  mercie  grandement  4cs  biaus  presens  que  il  m'a 
présenté.  Mais  ce  n'est  mies  li  grés  ne  la  pais  ^  dou 
roy  d'Ëngleterre^  mon  signeur,  que  je  les  retiegne.  » 
Ce  dist  messires  Mansars  :  h  Tout  ce  ferai  je  volen- 
tiers.  M  Si  se  parti  atant  de  monsigneur  Gautier  et 

15  dou  siège  de  Calais^  les  dis  jeuiaus  avoecques  lui. 
Et  esploita  tant  par  ses  Journées  qu'il  vint  à  Paris  ;  si 
fist  son  message  bien  et  à  point.  Li  rois  ne  volt 
nulles  nouvelles  oïr  de  reprendre  les  jeuiaus^  mes 
les  donna  y  ensi  qu'il  estoient^  au  dit  monsigneur 

20  Mansart,  qui  en  remercia  le  roy,  et  n'eut  nulle  vo«- 
lente  contraire  dou.  prendre. 

§  292.  Vous  avés  bien  chi  dessus  oy  recorder  com- 
ment li  contes  Dérbi  s'estoit  tenus  toute  le  saison  en 
le  cité  de  Bourdiaus^  le  siège  pendant  des  François 
25  devant  Aguillon.  Si  tost  qu'il  sceut  de  vérité  que  li 
dus  de  Normendie  avoit  défiait  son  siège  et  estoit 
retrais  en  France^  il  s'avisa  que  il  feroit  une  che- 
vaucie  en  Poito;  si  fist  son  mandement  de  tous  les 
barons,  les  chevaliers  et  les  escuiers  de  le  Gascongne 

1.  Mm.  B  (i,  3  :  «  li  aise  ne  li  plaisir.  »  P^  129  r**. 


[f345]  UVKE  PREMIER,  g  2d2.  Il 

qui  pour  Englès  se  tenoient^  et  leur  assigna  journée 
à  estre  à  Bourdiaus.  A  le  semonse  et  mandement  dou 
dit  conte  vinrent  li  sires  de  Labret^  li  sires  de  Les- 
pare^  li  sires  de  Rosem^  li  sires  de  Moucident,  li 
sires  de  Pumiers^  li  sires  de  Courton^  li  sires  de  Lon-  5 
guerem^  messires  Aymeris  de  Tarste  et  pluiseur 
aultre.  £t  fist  tant  li  contes  Derbi  qu'il  lurent  bien 
douze  cens  hommes  d'armes^  deux  mil  arciers  et 
troi  mil  piétons. 

Si  passèrent  toutes  ces  gens  le  rivière  de  Garone^   10 
entre  Bourdiaus  et  Blaves.  Quant  il  furent  tout  oultre^ 
il  prisent  le  chemin  de  Saintonge  et  chevaucièrent 
tant  que  il  vinrent  à  Mirabiel;  si  assallirent  le  ville^ 
si  tost  qu'il  furent  venu^  et  le  prisent  de  force  et 
Ofisi  le  chastiel^  et  y  misent  gens  pour  yaus.  Et  puis  15 
chevaucièrent  vers  Ausnay;  si  conquisent  le  ville  et 
le  ohastiel^  et   puis  Surgières  et  Benon;  mes  au 
chastiel  de  Marant^  à  quatre  liewes  de  le  Rocelle^  ne 
peurent  il  riens  four&ire.  Et  vinrent  à  Mortagne  sus 
mer  en  Poito^  et  là  eut  grant  assaut,  et  le  prisent  ;  et  ao 
y  misent  et  laissièrent  gens  en  garnison  de  par  yaus. 
Et  puis  chevaucièrent  vers  I^uzegnon  ;  si  ardirent  le 
ville  desous^  mes  au  chastiel  ne  peurent  il  riens 
fourfaire.  En  apriès,  il  vinrent  à  Taillebourch^  sus  le 
rivière  de  Charente  ;  si  conquisent  le  pont^  le  ville  25 
et  le  chastiel;   et  oecirent  tous  ceuls  qui   dedens 
estoient^  pour  tant  que^  en  yaus  assallant^  il  leur 
avoient  mort  un  chevalier  des  leurs  ^  apert  homme 
d'armes  durement.  Et  puis  passèrent  oultre,  pour 
venir  devant  le  ville*  de  Saint  Jehan  l'Angelier.  30 

Et  saciés  que  tous  li  pays  estoit  adonc  si  efiraés  de 
la  venue  dou  conte  Derbi  et  des  Englès  que  nulz 


i%  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i846] 

n'avoit  contenance  ne  arroy  en  soy  meismes;  mes 
fuioient  devant  yaus  et  s'endooient  ens  es  bonnes 
villes  et  laissoient  tout  vaghe,  hostelz  et  maisons^  et 
n'i  avoit  aultre  apparant  de  deffense.  Neis  li  che- 
5  valier  et  escuier  de  Saintonge  et  de  Poito  se  tenoient 
ens  leurs  fors  et  ens  leurs  garnisons^  et  ne  mous- 
troient  nul  samblant  de  combatre  les  Englès. 

$  293.  Tant  esploitièrent  li  contes  Derbi  et  leurs 

•     routes  que  il  vinrent  devant  le  bonne  ville  de  Saint 

10  Jehan  TAngelier^  et  si  ordonnèrent  tout  à  mettre  y 

siège.  A  ce  jour,  quant  li  Englès  y  vinrent^  il  n'y 

avoit  dedens  nulles  gens  d'armes^  chevaliers  et  es- 

cuiers^  pour  aidier  à  garder  le  ville  et  consillier  les 

bourgoisy  qui  n'estoient  mies  bien  coustumier  de 

15'  guerriier.  Si  furent  durement  effraé  li  dit  bourgois 

quant  il  veirent  tant  d'Englès  devant  leur  ville^  et  qui 

leur  livrèrent  de  venue  un  très  grant  assaut;  et  doub- 

tèrent  à  perdre  corps  et  biens,  fenmaes  et  enfans^  car 

il  ne  leur  apparoit  secours  ne  confors  de  nul  costë. 

30  Si  eurent  plus  chier  à  trettier  devers  les  Englès  que 

plus  grans  maulz  leur  sourvenist.  Apriès  cel  assault 

que  li  Englès  eurent  fait  devant  Saint  Jehan^  et  que 

il  se  furent  retrait  en  leurs  logeis  pour  yaus  reposer 

celle  nuit^  et  avoient  bien  entention  que  de  assallir 

S5  à  l'endemain ,  li  maires  de  le  ville^  que  on  appelloit 

sire  Guillaume  de  Rion,  par  le  conseil  de  le  plus 

saine  partie  de  le  ville,  en  voilèrent  •  devers  le  conte 

Derbi  pour  avoir  un  saufconduit,  alant  et  venant^  six 

de  leurs  bourgois,  qui  dévoient  porter  ces  trettiës. 

30  Li  gentilz  contes  leur  acorda  legierement,  à  durer 

celle  nuit  et  l'endemaiti  toute  jour.  Quant  ce  vint  au 


[1346}  LIVRE  PREMIER,  S  S<^3.  13 

a 

matinet  à  heure  de  prime,  li  dit  boui^ois  de  Saint 
Jehan  vinrent  ens  ou  pavillon  dou  conte  et  parlèrent 
à  lui  quant  il  [eut*]  oy  messe. 'Et  me  samble  que 
traittiés  se  porta  en  tel  manière^  que  il  se  misent  dou 
tout  en  Tobeissancë  dou  conte  et  rendirent  leur  ville^  5 
et  jurèrent  à  estre  bon  Englès^  de  ce  jour  en  avant^ 
tant  que  li  rois  d'Engleterre^  ou  personne  forte  de 
par  lui^  les  voroit  ou  poroit  tenir  en  pais  devers  les 
François.  Sus  cel  estât  et  ordenance  les  reçut  li 
contes  Derbi  et  entra  en  le  ville  et  en  prist  le  foy  et  lo 
Fommage^  et  devinrent  si  homme. 

Si  se  rafreschirent  li  contes  Derbi  et  li  Englès 
quatre  jours  en  le  ville  de  Saint  Jehan  ;  et  au  cinq- 
quime  il  s'en  partirent  et  chevaucièrent  devers  Miorthi  " 
une  très  forte  ville  et  bien  fremëe^  de  laquèle  mes-  15 
sires  Guiçars  d'Angle,  uns  très  gentilz  chevaliers, 
estoit  chapitains  et  souverains  pour  le  temps.  Si  y 
fîsent  li  Englès  jusques  à  trois  assaus^  mes  riens  n'i 
conquisent;  si  s'en  partirent  et  chevaucièrent  par 
devers  le  cité  de  Poitiers.  Mais  ançois  qu'il  y  venis-'  so 
sent,  il  trouvèrent  le  bourch  de  Saint  Maximiien; 
si  le  prisent  de  force,  et  furent  tout  cil  mort  qui 
dedens  estoient.  Et  puis  chevaucièrent  à  le  senestre 
main,  et  vinrent  devant  Moustruel  Bonin,  où  il  avoit 
pour  ce  temps  plus  de  deux  cens  monnoiiers,  qui  là  35 
forgoient  et  faisoient  le  monnoie  dou  roy.  Et  liquél 
disent  que  trop  bien  il  se  deffenderoient;  si  ne  se 
veurent  rendre  à  le  requeste  des  Englès,  et  moustrè-^ 
rent  grant   samblant  d'yaus  deffendre.   Li   contes 
Derbi  et  ses  gens,  qui  estoient  coustumier  de  assallir,  8a 

.  J.  Ms.  B  3,  0>  1^*7,  — *  Msft.  B  ],  4  :  «eureot.  »  âfùuiwise  Uéon, 


«4  CHRONIQUES  DE  J.  FROISffîLRT.  [1346] 

» 

assaOûreiit  à  ce  commencement  de  grant  façon.  Et 
estoient  arcier  tout  devant^  qui  traioient  as  deffendans 
si  ouaiement  que  à  painnes  osoit  nulz  apparoir 
as  deffenses.  £t  tant  s'avancièrent  li  dit  Englès  et  si 

5  bien  s'i  esprouvèrent  ^  que  de  force  il  conquisent 
Moustruel  Bonin.  Et  furent  tout  cil  mort  qui  dedens 
estoient  :  onques  homs  n*i  fu  pris  à  raençon.  Et 
retinrent  le  chastiel  pour  yaus^  et  le  rafreschirent  de 
nouvelles  gens. 

10  Et  puis  chevaucièrent  oultre  vers  Poitiers^  qui  est 
ilioult  grande  et  moult  esparse.  Si  fisent  tant  que  il 
y  parvinrent,  et  le  assegièrent  à  l'un  des  lés  ;  car  il 
n'estoient  mies  tant  de  gens  que  pour  le  assegier  de 
tous  costés.  Si  tost  que  il  furent  parvenu  devant^  il 

1&  se  misent  à  l'assallir  de  grant  volenté^  et  cil  de ,  le 
ville  à  yaus  deffendre,  qui  estoient  grant  fuison  de 
menues  gens  peu  aidables  en  guerre;  et  encores  pour 
le  temps  de  lors  il  ne  savoient  gueriier.  Toutes  fois^ 
de  ce  premier  assault  ^  il  se  portèrent  si  bien  et  si 

so  vaillamment^  que  li  Englès  ne  leur  peurent  riens 
finiriaire}  et  se  retraisent  à  leurs  logeis  tous  lassés 
et  tous  traviUiés^  et  se  reposèrent  celle  nuit.  Quant 
ee  vint  à  l'endemain ,  aucun  chevalier  dou  conte 
Derhi  s'armèrent  et  montèrent  as  chevaus^  et  chevau- 

35  otèrent  autour  de  le  ville  dou  plus  priés  qu'il  peu- 
rent^ pour  aviser  et  imaginer  là  où  elle  estoit  plus 
foible.  Si  trouvèrent  bien  tel  lieu  par  leur  avis  qui 
n'estoit  mies  trop  fors  à  conquerre,  car  encores  n'i 
avoit  dedens  nul  gentil  homme  qui  seuissent  que 

SQ  c'estoit  d'armes  ;  si  en  fisent  leur  raport  au  conte  de 
tout  ce  que  il  avoient  veu  et  trouvé.  Si  eurent  ce 
soir  conseil  que  à  l'endemain  on  assaurroit  en  trois 


[t34«]  UYEB  P&EMIPI,  S  ^^^  *S 

lieus^  et  que  il  mdtteroient  le  grigoour  partie  de 
leurs  gens  d'armes  et  arciers  à  l'endroit  où  il  &isoit 
le  plus  foible^  ensi  qu'il  fisent  à  Fendemain  apriès 
soleil  levant.  Et  livrèrent  li  dit  Englès  trois  assaus 
en  trois  parties  à  chiaus  de  Poitiers.  La  cité  de  Poi^  5 
tiers  est  grande  et  esparsë^  et  n'estoit  mies  adonc  fui-* 
sonnée  de  gens;  si  ne  pooient  tost  aler  ne  courir  de 
Pun  à  l'autre  :  par  lequel  meschief  et  dur  assaut  .elle  . 
fu  par  le  plus  foible  lés  prise  et  conquise,  et  entr^eat 
li  Englès  dedens.  lo 

Quant  li  homme  de  Poitiers  se  veirent  pris  et  con^ 
quis^'si  vuidièrent  et  se  partirent  au  plus  tosi' qu'il 
peurent  par  aultres  portes^  car  il  y  a  pluiseuis  issues; 
mais  il  ne  s'en  alèrent  mies  si  à  point  que  il  n'en 
demorast  mors  et  oeds  plus  de  six  cens.  Et  mettoient  15 
li  Englès  tout  à  l'espée^  fenpnes  et  enÊuas^  dont  c'es^* 
toit  pités.  Si  fu  la  ditte  cités  courue;  toute  pillie  et 
robée.  Et  y  trouvèrent  et  conquisent  li  dit  EngUs 
trop  'fier  avoir  ^  car  elle  estoit  maleipent  riche  e€ 
trop  plainne  de  grans  biens^  tant  dou  leur  meismes^  20 
que  de  ceulz  dou  plat  pays ,  qui  s'estoient  pour  le 
doubtance  des  Englès  retrait  et  recueilliet^  et  qui 
le  leur  y  avoient  amenet.  Si  ardirent,  briderait  et 
destniisirent  li  dit  Englès  grant  fuison  de  ^lises^  et 
y  fisent  moult  de  desrois  :  de  quoi .  li  contes  Deibi  S5 
fu  durement  courouciés  pour  les  graùs  violenses 
que  on  y  fist,  et  euist  encores  fait^  se  il  ne  fust  aies 
au  devant.  Mes  il  deffendi  sus  le  hart  que  nulz  ne 
boutast  feu  en  ^lise  ne  en  maison  qui  y  fust^ 
car  il  se  voloit  là  tenir  et  reposer  dix  où  douze  30 
jours.  Nulz  n'osa  son  commandement  brisier.  Si  fur 
rent  cessé  ^1  partie  li  mal  à  &ire^  mes  encores  en 


16  CHRONIQUES  DE  h  FROISSART.  [iS4«] 

fist  on  assés  en  larecin ,  qui  point  ne  vinrent  à  cog* 
nissanoe. 

§  294.  Ensi  prist  et  conquist  li  contes  Derbi^  le  roy 
d'Engleterre  séant  devant  Calais^  le  cite  de  Poitiers. 

.5  Et  le  tint  douze  jours,  et  plus  Teuist  encores  tenu, 
se  il  volsist,  car  nuls  ne  li  venoit  calengier;  mes 

.  trambloit  tous  li  pays  jusques  à  le  rivière  de  Loire 
devant  les  Englès.  Quant  il  eurent  courut  tout  le 
pays  de  là  environ  et  pillié  et  robe,  et  que  riens 

10  n'esioit  demoré  dehors  les  fors  et  les  grandes  gar- 
nisons, li  contes  Derbi  eut  conseil  que  il  se  retràiroit 
et  lairoit  Poitiers  toute  vage,  car  elle  n'estoit  point 
tenable,  tant  estoit  elle  de  grant  garde.  Si  se  ordon- 
nèrent li  Englès  au  partir,  mais  à  leur  département 

15  il  emportèrent  tout  l'avoir  de  le  cité  que  trouvé 

avoient;  et  si  cai^é  en  estoient  que  il  pe  faisoient 

compte  de  draps,  fors  d'or  et  d'argent  et  de  pennes. 

Si  s'en  retournèrent  à  petites  journées  à  Saint  Jehan 

.  l'Angdier .  Là.  fu  li  contes  Derbi  des  bourgois  et  des 

30  dames  de  le  ville  receus  à  grant  joie  et  à  haute  hon- 
neur. Si  se  reposèrent  li  contes  Derbi  et  ses  gens  el 
rafrescirent  en  le  ditte  ville  de  Saint  Jehan  une  espasse 
de  temps.  En  ce  séjour,  li  dis  contes  acquist  grant 
grasce  et  grant  amour  as  boui^is,  as  dames  et  as 

a^-damoiselles  de  le  ville,  car  il  leur  donna  et  départi 
largement  grans  dons  et  biaus  presens  et  biaus 
jeuiaus.  Et  fist  tant  que  il  disoient  communalement 
que  c'estoit  li  plus  nobles  princes  qui  peuist  chevau- 
cier  sus  palefiroy.  Et  donnoit  as  dames  et  damoiselles 

30  li  contes  Derby  priés  que  tous  les  jours  disners  et 
soupers  grans  et  biaus,  et  les  tenoit  toutdis  en  reviel. 


[1346]  LIVBE  PREBflER,  §  295.  17 

Quant  il  eut  là  séjourné  tant  que  bon  U  fa,  il  se 
ordonna  au  partir  et  toutes  ses  gens^  et  prist  congiet 
as  bourgois  et  as  dames  de  le  ville^  et  leur  commanda 
le  ville  à  garder.  Et  fist  au  dessus  dit  mayeur  et  as 
plus  riches  hommes  de  le  ville  renouveler  leur  siere-  5 
mens  que  il  tenroient  et  garderoient  le  ville  bien  et 
souffissamment  ensi  que  le  bon  hyretage  dou  roy  d'En- 
gleterre  :  il  l'eurent  ensi  en  couvent.  Adonc  s'en 
parti  li  dis  contes  o  tout  son  arroy^  et  s'en  chemina  à 
petites  journées  devers  le  cité  de  Bourdiaus  par  les  10 
forterèces  que  conquis  avoit,  et  fist  tant  que  il  [y  ^] 
parvint.  Et  là  donna  congiet  à  toutes  gens  d'armes^ 
Gascons  et  aultres;  et  les  remercia  grandement  de 
leur  bon  service.  Assés  tost  apriès^  il  s'ordonna  pour 
monter  en  mer  et  venir  devant  Calais  veoir  le  roy  15 
d'Engleten*e  son  gentil  signeur.  Or  nous  soufferons 
nous  à  parler  de  lui  et  parlerons  dou  roy  d'Escoce. 

§  295.  Je  me  sui  longement  tenus  à  parler  dou  roy 
David  d'Escoce^  mais  jusques  à  maintenant  je  n'ai  eu 
nulle  cause  de  parler  eut;  car^  si  com  ci  dessus  il  est  20 
contenu,  les  triewes  qu'il  prisent  et  donnèrent  par 
acord  li  un  à  l'autre  furent  bien  tenues,  sans  enfrain- 
dre  ne  brisier  de  nulles  des  parties.  Or  avint  que, 
quant  li  rois  d'Engleterre  eut  assegiet  le  forte  ville  de 
Calais,  li  Escot  s'avisèrent  que  il  feroient  guerre  as  25 
Englès  et  contrevengeroient  les  grans-  anois  que  il 
leur  avoient  fais,  car  leur  pays  estoit  maintenant  vuis 
de  gens  d'armes,  pour  le  cause  de  ce  que  li  rois  en 
tenoit  fuison  devant  Calais.  Et  si  en  avoit  ossî  en 


1.  Mê.hk,^  131.  —  Ms.  B  1,  t.  u,  f>  13  (kciine). 

nr— .2 


18  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

Bretagne^  en  Poito  et  en  Gascongne.  A  ceste  guerre 
et  esmouvement  adonc  rendi  grant  painne  li  rois 
Phelippes  de  France,  qui  avoit  grans  alliances  au  roy 
d'Escoce^  car  il  voloit^  se  il  pooit^  si  ensonniier  les 

S  Englès  que  li  rois  d'Ëngleterre  brisast  son  sige  de  de- 
vant Calais  et  s'en  retournast  en  Engleterre.  Si  fist  li 
rois  d'Escoce  son  mandement  tout  secrètement  à 
estre  en  le  ville  de  Saint  Jehan  sus  Taye  en  Escoce. 
Si  vinrent  là  tenir  leur  parlement  li  conte^  li  prélat 

10  et  li  baron  d'Escoce;  et  furent  tout  d'un  acord  que^  au 
plus  hastievement  que  il  poroient  et  au  plus  effor- 
ciement  ossi^  il  enteroient  en  Engleterre  au  lés  devers 
Rosebourch^  si  fort  et  si  bien  pourveu  que  pour  com- 
battre la  poissance  de  tout  le  demorant  d'Ëngleterre^ 

15  qui  pour  le  temps  de  lors  estoit  ens  ou  pays.  A  cel 
acord  lurent  avoec  le  roy  tout  li  baron  ^  li  prélat,  li 
chevalier  et  li  escuier  dou  royalme  d'Escoce  où  plus 
a  de  cinquante  mil  combattans^  uns  c'autres;  et  fîsent 
leur  assemblée,  tout  quoiement^  pour  plus  grever  leurs 

90  ennemis.  Et  fu  adonc  priiés  et  mandés  Jehans  des 
Adultilles^  qui  gouverne  les  Sauvages  Escos^  qui  obéis- 
sent à  lui  et  non  à  autrui ,  que  il  vosist  estre  en  leur 
armée  et  chevaucie  :  il  s'i  acorda'legierement,  et  y 
vint  à  trois  mil  hommes^  tous  des  plus  outrageus  de 

25  son  pays. 

Onques  li  rois  d'Escoce  ne  li  baron  de  ce  royalme 
ne  sceurent  si  secrètement  faire  leur  mandement  ne 
leur  assamblée,  que  madame  la  royne  Phelippe  d'Ën- 
gleterre^ qui  se  tenoit  ou  I^orth  sus  les  marches  de 

30  Evruich^  n'en  fiist  toute  enfourmée^  et  que  elle  y 
pourveist  de  remède  et  de  conseil.  Si  tost  que  la  très 
bonne  dame  sceut  ce,  elle  fii  toute  consillie  de  escrire 


[1346]  LIVRE  FREBIIER,  $  296.  19 

et  de  priier  ses  amis  et  de  mander  tous  chiaus  qui 
tenoient  dou  roy  d'Engleterre  son  signeur.  Et  s'en 
vint  la  bonne  dame^  pour  mieulx  moustrer  que  la 
besongne  estoit  à  lui  ^  tenir  en  le  cité  d'Iorch  que 
on  dist  Evruich.  En  le  contrée  de  Northombreland^     5 
quant  lî  rois  d'Engleterre  passa  oultre^  estoient  de- 
moret  li  sires  de  Persi^  li  sires  de  Ros,  li  sires  de 
Nuefrille  et  li  sires  de  Montbrai^  quatre  grant  baron , 
pour  aidier  à  garder  le  pays^  se  il  touchoit.  Si  furent 
lantost  cil  signeur  pourveu  et  avisé,  quant  il  seurent  10 
le  mouvement  des  Escos,  et  s'en  vinrent  à  Evruic  de- 
vers leur  dame  qui  les  reçut  à  grant  joie.  Dou  mande- 
ment la  vaillans  dame,  qui  s'estendi  jusques  à  le  cité  de 
Londres  et  oultre^  s'esmurent  grant  fuison  de  bonnes 
gens  d'armes  et  arciers  qui  estoient  ens  ou  pays.  Et  i5 
se  prist  cescuns  dou  plus  priés  qu'U  peut,  pour  estre 
à  celle  journée  contre  les  Escos.  Car  tèle  estoit  li  in- 
tention de  le  royne  et  li  teneur  de  son  mandement 
que  li  Escot  seroient  combatu,  et  que  cescuns  pour 
se  honneur  se  hastast  dou  plus  que  il  peuist,  et  s'en  20 
venist  devers  le  Nuef  Chastel  sur  Thin,  là  où  li  man- 
démens  se  faisoit. 

§  296.  Entrues  que  la  royne  d'Engleterre  faisoit 
sen  assamblée,  li  E^ot^  qui  estoient  tout  pourveu  de 
leur  Élit,  se  partirent  de  Saint  Jehanston  en  grant  ar-  25 
roi  et  à  grant  route.  Et  s'en  vinrent  ce  premier  jour 
logier  à  Donfremelin,  et  l'endemain  passèrent  un 
petit  brach  de  mer  qui  là  est.  Et  li  rois  s*en  vint  à 
Struvelin;  là  passa  il  à  l'estroit  l'aiguë,  et  le  second 
jour,  il  vint  en  Uaindebourch.  Là  se  recueillièrent  et  ao 
rassamblèrent  tout  li  Escot.  Si  estoient  trois  mil  ar- 


20  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13M] 

meures  de  fier^  chevaliers  et  escuiers^  et  bien  trente 
mil  hommes  d'autres  gens^  et  tous  montés  sus  hage- 
nées^  car  nulz  ne  va  à  piet  en  Escoce^  mes  tout  à 
cheval.  Si  esploitièrent  tant  que  il  vinrent  à  Rose- 
5  bourch,  la  première  forterèce  d'Engleterre  à  ce  costé 
de  là^  laquèle  messires  Guillaumes  de  Montagut  avoit 
en  garde  et  en  gouvrenance^  et  jadis  l'avoit  basti 
contre  les  Escos.  Li  chastiaus  de  Rosebourch  est 
durement  biaus  et  fors^  et  ne  fait  mies  à  prendre  si 

10  legierement.  Si  passèrent  li  Escot  oultre  et  point  n'i 
assaUirent^  et  s'en  vinrent  logier]  entre  Persi  et  Urcol^ 
sus  une  rivière  qui  là  est.  Et  commencièrent  à  des- 
truire  et  ardoir  le  contrée  de  Northombrelant  moult 
villainnement.  Et  coururent  leur  coureur  jusques  à 

15  Bervichy  et  ardirent  tout  ce  qui  dehors  les  murs  estoit 
et  tout  contre  val  le  marine;  et  puis  revinrent  à  leur 
grant  host^  qui  estoit  logie  à  une  journée  dou  Noef 
Chastiel  sur  Thin. 

§  297.  La  royne  d'Engleterre,  qui  desiroit  à  def- 
20  fendre  son  pays  et  garder  de  tous  encombriers,  pour 
mieus  moustrer  que  la  besongne  estoit  sienne,  s'en 
vint  jusques  en  le  bonne  ville  dou  Noef  Chastiel  sur 
Thin,  et  là  se  loga  et  attendi  toutes  ses  gens.  Avoech 
la  bonne  dame  vinrent  en  le  d(tte  ville  li  archeves- 
25  ques  d'Yorch,  li  archevesques  de  Cantorbie,  li  eves- 
ques  de  Durem  et  li  evesques  de  Lincolle,  et  ossi  li  sires 
de  Persi,  li  sires  de  Roos,  li  sires  de  Montbray  et  li 
sires  de  Nuefville.  Et  se  logièrent  cil  quatre  grant  ba- 
ron et  cil  quatre  prélat  dedens  le  ville  et  li  plus  grant 
30  partie  de  leurs  gens.  Et  toutdis  leur  venoient  gens 
des  marces  dou  North  et  dou  pays  de  Northombrelant 


[1346]  LIVRE  PREMIER,  S  ^^'^'  21 

et  de  Galles ,  qui  marcissent  assés  priés  de  là  ;  car 
cescuns  qui  segnefiiés  estoit  se  prendoit  priés  de 
Venir  contre  les  Escos  pour  l'amour  de  la  bonne 
royne  leur  dame ,  qui  les  prioit  si  doucement  que 
pour  garder  leur  pays  à  leur  pooir  de  tout  villain  5 
destourbier. 

IJ  rois  d'Ëscoce  et  ses  gens^  qui  efforciement  es- 
toient  entré  en  Engleterre^  entendirent  de  vérité  que 
li  Englès  se  assambloient  en  le  ville  dou  Noef  Chastel 
pour  venir  contre  yaus;  si  en  furent  grandement  res-  10 
joy  et  se  traisent  tout  de  celle  part^  et  envoiièrent 
leurs  coureurs  courir  devant  le  ville.  Et  ardirent  cil 
qui  envoiiet  y  furent^  à  leur  retour,  aucuns  hamelés 
qui  là  estoient^  tant  que  les  lumières  et  flamesches  en 
avolèrent  dedens  le  Noef  Chastiel^  et  que  li  Englès  se  15 
rastinrent  à  grant  malaise,  et  voloient  issir  hors  sou- 
dainnement  sus  eiaus  qui  cel  oultrage  faisoient,  mes 
lor  souverain  ne  les  laissièrent.  A  l'endemain^  li  rois 
d'Escoce  et  toute  son  host,  où  bien  avoit  quarante 
mil  hommes,  uns  c'autres^  s'en  vinrent  logierà  trois  20 
petites  liewes  englesces  dou  Noef  Chastiel  sur  Thin , 
en  le  terre  le  signeur  de  Nuefville.  Et  mandèrent, 
ensi  que  par  grant  presumption^  à  chiaus  qui  dedens 
le  Noef  Chastiel  estoieni ,  que^  se  il  voloient  issir  hors^ 
il  les  attenderoient  et  les  combateroient  volentiers.   25 
Li  prélat  et  li  baron  d'Engleterre  furent  avisé  de  res- 
pondre  et  disent  que  oil^  et  qu'il  enventurroient  leurs 
vies  avoeoques  l'iretage  de  leur  signeur  le  roy  d'En- 
gleterre. Si  se  traisent  tout  sus  les  camps  et  se  trou- 
vèrent environ  douze  cens  hommes  d'armes,  troi  mil  30 
arciers  et  cinq  mil  autres  hommes  parmi  les  Galois. 
Li  Escot^  qui  bien  sa  voient  leur  poissance ,  les  ami- 


2t  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

roient  moult  petit,  ne  prisoient,  et  disoient  que^  se  il 
estoient  quatre  tans  de  gens^  se  seroient  il  combatu. 
Et  se  rengièrent  un  jour  sus  les  eamps  devant  yaus^ 
et  se  misent  en  ordenance  de  bataille^  et  li  Englès 

5  ossi  d'autre  part. 

Quant  la  bonne  dame  la  royne  d'Engleterre  en- 
tendi  que  ses  gens  se  dévoient  eombatre^  et  que  li 
affaires  estoit  si  approciés  que  li  Escot  tout  ordonné 
estoient  sus  les  camps  devant  yaus,  elle  se  parti  de 

10  le  ville  dou  Noef  Chastiel  et  s'en  vint  là  où  ses  gens 
se  tenoient^  qui  se  rengoient  et  ordonnoient  pour 
mettre  en  arroi  de  bataille.  Si  fu  là  tant  la  ditte  royne 
que  leurs  gens  furent  tout  ordonné  et  mis  en  quatre 
batailles.  La  première  gouvrenoit  li  evesques  de  Du- 

15  rem  et  li  sires  de  Persi;  la  seconde^  li  archevesques 

d'Iorch  et  li  sires  de  Nuefville;  la  tierce,  li  evesques 

de  Lincolle  et  li  sires  de  Montbray;  la  quatrime, 

'  messires  Edowars  de  Bailluel^  gouvrenères  de  Ber- 

vich^  et  li  arcevesques  de  Cantorbie.  Si  eut  en  cas- 

20  cune  bataille  se  droite  portion  de  gens  d'armes  et 
d'arciers^  selonch  leur  aisément.  Et  là  estoit  la  bonne 
royne  d'Engleterre  en  mi  eulz^  qui  leur  prioit  et 
amonnestoit  de  bien  faire  la  besongne  et  de  garder 
l'onneur  de  son  signeur  le  roy  et  dou  royalme  d'En- 

35  gleterre^  et  que  pour  Dieu  çascuns  se  presist  priés 
de  estre  bien  combatans.  Et  par  especial  elle  recom- 
mendoit  toute  la  besongne  en  le  garde  des  quatre 
barons  qui  là  estoient  et  des  quatre  prelas.  Cil  qui 
envis,  pour  leur  honneur,  se  fuissent  faint,  eurent  en 

30  couvent  à  le  bonne  dame  que  il  s'en  acquitteroient 
loyaument,  à  leur  pooir^  otant  ou  mieulz  que  donc 
que  li  rois  leurs  sires  y  fust  personelment.  Lors  se 


[i346]  LIYBE  FREBOER,  S  ^^T-       ^  23 

départi  de  ses  gens  la  ditte  royne  et  s'en  retourna 
arrière  au  Noef  Ghastiel  sur  Thin,  et  les  recom- 
menda  à  son  département  en  la  garde  de  Dieu  et  de 
saint  Joi^e. 

Assés  tost  aprîès  ce  que  la  bonne  dame  se  fu  par*    5 
tie^  les  batailles  qui  se  desiroient  à  trouver^  et  par 
espeeial  li  Escot^  s'encontrèrent.  Lors  commencièrent 
li  arcier  l'un  à  l'autre  traire ,  mes  li  trais  des  Escos 
ne  dura  point  grant  fuison.  LÀ  estoient  cil  arcier 
d'Engletèrre  able  et  legier^  et  qui  traioient  par  art  et  lO 
par  grant  avis ,  et  de  tel  ravine  que  grans  hideurs 
seroit  au  regarder.  Si  vous  di  que^  quant  les  batailles 
se  furent  mises  et  approcies  toutes  ensamble,  il  y  eut 
ossi  dure  besongne^  ossi  forte  et  ossi  bien  combatue 
que  on  avoit  veu  ne  oy  parler  de  grant  temps.  Et  15 
commença  la  balaille  environ  heure  de  tierce^  et  dura 
jusques  à  haute  nonne.  Si  poés  bien  croire  que  là  en 
dedens  il  y  eut  &it  tamaintes  grans  apertises  d'ar- 
mes,  mainte  prise  et  mainte  belle  rescousse ,  car  cil 
Escot  tenoient  haces  dures  et  bien  trençans^  et  en  SO 
donnoient  trop  biaus  horions.  D'autre  part^  Englès 
se  prendroient  priés  d'iaus  defFendre ,  pour  garder 
leur  pays  ^  et  pour  acquerre  le  grasce  dou  roy  leur 
signeur,  qui  pas  n'estoit  là.  Et  &isoient  tant^  au  jus- 
tement  considérer^  que  li  plus  petis  valoit  bien  un  S5 
bon  chevalier.  Et  tant  se  penèrent  li  uns  pour  l'autre^ 
ensi  que  par  envie^  que  en  le  fin  il  desconfisent  leurs 
ennemis;  mes  grandement  leur  côusta  de  leurs  gens. 
Toutes  fois  il  obtinrent  le  place.  Et  y  demorèrent 
mort  sus  le  ditte  place^  des  Escos^  li  contes  de  Fi^  li  30 
contes  de  Boskem^  li  contes  Patris^  li  contes  de  Sur- 
lant^  li  contes  d'Astredeme^  li  contes  de^  Mare,  mes- 


t4  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4346] 

sires  Jehans  de  Douglas  [messires  Thumas^  de  Du- 
glas],  messires  Symons  Fresiel  et  messires  Âiixandres 
de  Ramesay,  qui  poVtoit  la  banière  dou  roy,  et 
pluiseur  aultre  baron  et  chevalier  et  escuier  d'Es- 
5  coce.  Et  là  fu  li  rois  pris  qui  vaillamment  se  com- 
batif et  durement^  au  prendre,  navrés  d'un  escuier 
de  Northombreland ,  qui  s'appelloit  Jehans  de  Co- 
peland^  apert  homme  d'armes  durement.  Cils  Je- 
hans^ si  Iretost  que  il  tint  le  roy  d'Escoce,  sage- 

10  ment  il  en  ouvra^  car  il  se  bouta  au  plus  tost  qu'il 
peut  hors  de  le  presse^  lui  vingtime  de  compagnons 
qui  estoient  de  sa  carge,  et  chevauça  tant  que  ce 
jour  il  eslonga  le  place  où  la  besongne  avoit  esté  en- 
viron quinze  [lieues '].  Et  vint  chiés  soy  en  un  chas- 

15  tiel  qui  s'appelle  Chastiel  Orghilleus,  et  dist  bien  que 
il  ne  le  renderoit  à  homme  ne  à  femme,  fors  à  son 
signeur  le  roy  d'Engleterre.  Encores  en  ce  jour  furent 
pris  li  contes  de  Mouret,  li  contes  de  le  Marce,  mes- 
sires Guillaumes  de  Duglas,  messires  Archebaus  de 

SO  Duglas,  messires  Robers  de  Versi,  li  evesques  d'A- 
bredane  et  li  evesques  de  Saint  Andrieu  et  pluiseur 
aultre  baron  et  chevalier.  Et  en  y  eut  mors,  uns 
c'autres,  sus  le  place,  environ  quinze  mil^  et  li  demo- 
rant  se  sauvèrent  au  miex.  qu'il  peurent.  Si  fu  ceste 

25  bataille  assés  priés  dou  Noef  Chastiel  sus  Thin  l'an 
mil  trois  cens  quarante  six^  le  mardi  proçain  apriès 
le  jour  Saint  Michiel. 

» 
§  298.  Quant  la  royne  d'Engleterre,  qui  se  tenoit 


1.  Bis.  B  4,  f^  183  To.  -.  Mm.  B  1,  3,  t.  H,  P>  15  to  (lacune). 
S.  Mm.  B  4,  3,  f>  132  to.  —  Ms.  B  1,  t.  H,  f>  15  to  ^cane). 


[1 346]  UVRE  PRliaE& ,  S  2^^-  28 

au  Noef  Chastiel^  entendi  que  la  journée  estoit  pour 
li  et  pour  ses  gens^  si  en  fu  grandement  resjoïe^  ce 
fu  bien  raisons.  Et  monta  tantost  sus  son  palefroy, 
et  s^en  vint  dou  plus  tost  qu'[elle  *]  peut  sus  le  place^ 
là  où  la  bataille  avoit  esté.  Li  quatre  prélat  et  li  troi  5 
baron  ^  qui  chief  et  ordeneur  de  eeste  besongne 
avoient  esté,  reçurent  la  noble  royne  moult  douce- 
ment et  moult  joieusementy  et  li  recordèrent  assés 
ordonneement  comment  Diex  les  avoit  visetés  et  re- 
gardés, que  une  puignie  de  gens  qu'il  estoient,  il  lo 
avoient  desconfi  le  roy  d'Escoce  et  toute  sa  poissance. 
Lors  demanda  [la  roine]  dou  roy  d'Ëscoce  que  il  estoil 
devenus.  On  li  respondi  que  uns  escuiers  d'Engle- 
terre^  qui  s'appelloit  Jehans  de  Copeland^  l'avoit  pris 
et  mené  avoech  lui^  mes  on  ne  savoit  à  dire  où  ne  quel  15 
part.  Donc  eut  la  royne  conseil  que  elle  escriroit 
devers  le  dit  escuier  et  li  manderoit  tout  acertes  que 
il  li  amenast  son  prisonnier  le  roy  d'Escoce^  et  que 
mies  bien  à  point  n'avoit  fait  ne  au  gret  de  lui^ 
quant  ensi  l'en  avoit  mené  hors  des  aultres  et  sans  30 
congié.  Ces  lettres  furent  escrites  et  envoiies  par  un 
chevalier  de  madame.  Entrues  que  li  dis  chevaliers 
fist  son  voiage^  se  parordonnèrent  li  Englès  et  se 
tinrent  tout  ce  jour  sus  le  place  que  gaegnie  vaillam- 
ment avoient^  et  la  royne  avoech  eulz,  qui  honnouroit  25 
et  festioit  grandement  les  bons  et  vaillans  chevaliers 
qui  à  ceste  besongne  avoient  esté.  Là  li  furent  pré- 
senté li  contes  de  Mouret^  li  contes  de  le  Marce  et 
tout  li  aultre.  Et  retournèrent  à  lendemain  à  grant 


1.  Mu.  B  3,  4,  f^  140.  —  Ma.  B  1 ,  t.  n,  P»  15  To  :  «  il.  »  Maupaue 


te  CaraONIQUES  l»  J.  RLOISSâRT.  [1346] 

joie  la  royne  et  tout  li  signeur  en  le  ville  dou  Noef 
Chastiel  sur  Thin. 

Or  vous  parlerons  de  Jehan  de  Copelant^  comment 
il  respondi  as  lettres  et  au  message  que  madame 

5  d'Engleterre  li  envoia.  C'estoit  se  intention  que  le  dit 
roy  d'Eseooe  son  prisonnier  il  ne  renderoit  à  homme 
nul  n^  à  femme ,  fors  à  son  signeur  le  roy  d'Engle- 
terre^ et  que  on  fust  tout  segur  de  lui^  car  il  le  pen- 
soit  si  bien  à  garder  que  il  en  renderoit  bon  compte. 

10  Madame  d'Engleterre  à  ceste  fois  n'en  peut  aidtre 
cose  avoir.  Se  ne  se  tint  elle  pas  pour  bien  contente 
de  l'escuier  ;  et  fist  tantost  lettres  escrire  et  seeler^  et 
les  envoia  à  son  chier  signeur  le  roy  d'Engleterre 
qui  seoit  devant  Calais.  Par  ces  lettres  fu  li  rois  en- 

15  fourmes  de  tout  l'estat  d'Engleterre  et  de  le  prise  le 
roy  David  d'Escoce.  Si  eut  grant  joie  en  soi  meismes 
de  la  belle  fortune  que  Diex  avoit  envoiiet  à  se[s] 
gens.  Si  ordonna  tantost  li  rois  pour  aler  querre  ce 
Jehan  de  Copeland^  et  le  manda  bien  acertes  que  il 

20  venist  parler  à  lui  devant  Calais.  Quant  Jehans  de 
Copeland  se  vei  mandés  de  son  signeur  le  roy  d'En- 
gleterre^ si  en  fu  moult  resjoïs^  et  obey.  Et  mist  son 
'prisonnier  en  bonnes  gardes  et  segures  en  un  fort 
chastiel  sus  le  marce  de  Northombreland  [et  de  Gal- 

25  les'],  et  se  mist  au  chemin  parmi  Engleterre.  Et  fist 
tant  qu'il  vint  à  Douvres,  et  là  passa  le  mer^  et  vint 
devant  Calais  et  ou  logeis  dou  roy. 

§  299.  Quant  li  gentilz  rois  d'Engleterre  vei  l'es- 
cuier et  il  sceut  que  c'estoit  Jehans  de  Copeland,  se 

1.  Mm.  B  4,  3,  F>  133.  ^  Mt.  B 1,  t.  U,  F>  16  (kciine). 


[1346]  UYRB  FRSHIKR,  $  2^*  ^7 

li  fist  grant  cière  et  le  prist  par  le  main  et  li  dist  : 
«  A  bien  viegne  mon  escuier,  qui  par  sa  vaillance  a 
pris  nostre  adversaire  le  roy  d'Ëscoce  !»  —  «  Mon- 
signeur^  dist  Jehans,  qui  se  mist  en  un  jenoul  devant 
le  roy^  se  Diex  m'a  volut  consentir  si  grant  grasce  que  5 
il  m'a  envoiiet  entre  mes  mains  le  roy  d'Escoce  et 
je  l'aie  conquis  par  bataille  et  par  fait  d'armes^  cm 
n'en  doit  pas  avoir  envie  ne  rancune  sur  mi.  Car 
ossi  bien  poet  Diex  envoiier  sa  grasce  et  sa  fortune^ 
quant  il  eschiet^  à  un  povre  escuier  que  il  Êdt  à  un  10 
grant  signeur.  £t^  sire^  ne  m'en  voeilliés  nul  mal 
gré  se  je  ne  le  rendi  tantost  à  madame  la  royne^  car 
je  tieng  de  vous  et  mon  sierement  ay  de  vous,  et  non 
à  li^  fors  tout  à  point.  »  Dont  respondi  li  rois  et  dist  : 
a  Jehan,  Jehan^  nennil.  Li  bons  services  que  vous  15 
nous  ^vés  fait  et  la  vaillance  de  vous  vault  bien  que 
vous  soiiés  excusés  de  toutes  coses.  Et  honnit  soient 
cil  qui  sur  vous  ont  envie  I  Jehan  ^  dist  encores  li 
rois,  je  vous  dirai  que  vous  ferés.  Vous  retournerés 
en  vostre  maison  et  prenderés  vostre  prisonnier  et  SO 
le  menrés  devers  ma  femme.  Et  en  nom  de  rémuné- 
ration^ je  vous  donne  et  assigne  au  plus  priés  de  vostre 
hostel  que  aviser  et  regarder  on  pora,  cinq  cens  livres 
à  l'estreUn  par  an  de  revenue,  et  vous  retieng  escuier 
de  mon  corps  et  de  mon  hostel.  »  25 

De  ce  don  fu  Jehans  moult  resjoys,  ce  fu  raisons^ 
et  l'en  remercia  grandement.  Depuis  demora  il  deux 
jours  dalés  le  roy  et  les  barons  qui  moult  l'onnerèrent, 
ensi  que  bien  faire  le  savoient,  et  que  on  doit  faire 
un  vaillant  homme*  Et  au  tierch  jour  s'en  départi  et  30 
retourna  arrière  en  Engleterre,  et  esploita  tant  par 
ses  journées  que  il  vint  chiés  soy.  Si  assambla  ses 


28  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i346] 

amis  et  ses  voisins,  et  recorda  tout  ce  que  il  avoit 
trouvet  ou  roy  son  signeur^  et  le  don  que  il  li  avoit 
fait,  et  comment  li  rois  voloit  que  li  rois  d'Ëscoce 
fîist  menés  devers  madame  la  royne  qui  se  tenoit 

5  encores  en  le  cité  de  Evruich.  Chil  qui  assamblé  là 
estoient  furent  tout  appareilliet  d'aler  avoech  Jehan 
et  li  faire  compagnie.  Si  prisent  le  roy  d'Escoce  et 
le  montèrent  bien  et  honourablement ,  ensi  comme 
à  lui  apertenoit^  et  l'en  menèrent  jusques  en  le  cité 

10  dessus  ditte.  Si  le  présenta  de  par  le  roy  d'Engleterre 
li  dis  Jehans  à  madame  la  royne^  qui  en  devant  avoit 
esté  moult  couroucie  sus  Jehan.  Mais  la  pais  en  fu 
lors  Êdte^  quant  elle  vei  le  roy  d'Escoce  son  prison- 
nier^ avoech  ce  que  Jehans  s'escusa  si  sagement  que 

15  madame  la  royne  s'en  tint  bien  dou  tout  à  contente. 

Depuis  ceste  avenue^  et  que  madame  d'Engleterre 

eut  entendu  à  pourveir  bien  et  grossement  le  cité  de 

Bervich^  le  chastiel  de  Rosebourch^  le  cité  de  Du- 

rem,  le  ville  dou  Noef  Chastiel  sur  Thin  el  toutes  les 

SO  garnisons  sus  les  frontières  d'Escoce^  et  là  laissié  ou 
pays  de  Northombreland  le  signeur  de  Persi  et  le 
signeur  de  Nuefville,  comme  gardiiens  et  souverains^ 
pour  entendre  à  toutes  besongnes  y  elle  se  parti  de 
Evruich  et  s'en  retourna  arrière  vers  Londres ,  et  en- 

25  mena  avoecques  lui  le  roy  d'Escoce  son  prisonnier^ 
le  conte  de  Mouret  et  tous  les  barons  qui  à  le  bataille 
avoient  esté  pris.  Si  fist  tant  la  ditte  dame  par  ses 
journées  que  elle  vint  à  Londres^  où  elle  fu  recheute 
à  grant  joie^  et  tout  cil  qui  avoecques  lui  estoient^  qui 

30  à  le  bataille  dessus  ditte  avoient  esté.  Madame  d'En- 
gleterre^  par  le  bon  conseil  de  ses  hommes^  fist 
mettre  ens  ou  chastiel  de  Londres  le  roy  d'Escoce, 


[1346]  LIVRE  PREMIER,  g  300.  29 

le  conte  de  Mouret  et  les  aultres^  et  ordonna  bonnes 
gardes  sus  yaus.  Et  puis  entendi  à  ordonner  ses  be* 
songnes^  ensi  que  celle  qui  voloit  passer  mer^  et  venir 
devant  Calais^  pour  veoir  le  roy  son  mari  et  le  prince 
son  fil  j  que  moult  desiroit  à  veoir.  Et  se  hasta  dou  5 
plus  que  elle  peut^  et  passa  le  mer  à  Douvres,  et  eut 
bon  vent.  Dieu  merci  !  et  fu  tantos  oultre.  Si  fu 
recheue,  ce  poet  on  croire  et  savoir^  à  grant  joie  et 
logie  tantost  moult  honnourablement^  toutes  ses  da- 
mes et  ses  damoiselles  ossi  largement  comme  elles  lo 
fuissent  à  Londres  :  ce  fu  trois  jours  devant  la  Tous« 
sains.  De  quoi  li  rois  d'Engleterre,  pour  l'amour  de 
la  royne,  tint  court  ouverte  le  jour  de  le  Toussains^ 
et  donna  à  disner  à  tous  signeurs  qui  là  estoient  et  à 
toutes  dames  prmcipaument;  car  la  royne  en  avoit  15 
d'Engleterre  grant  fuison  amenet  avoecques  lui^  tant 
pour  soy  acompagnier  que  pour  venir  veoir  leurs 
maris  et  leurs  pères,  frères  et  amis^  qui  se  tenoient 
au  siège  devant  Calais. 

§  300.  Cils  sièges  se  tint  longement  devant  Calais;  20 
et  si  y  avinrent  moult  de  grandes  aventures  et  des 
belles  proèces,  d'un  costé  et  d'autre,  par  terre  et  par 
mer,  lesquèles  je  ne  poroie  mies  toutes,  non  le  qua- 
trime  partie,  escrire  ne  recorder.  Car  li  rois  de 
France  avoit  fait  establir  si  bonnes  gens  d'armes  [et  S5 
tant  par  toutes  les  fortreschcs  qui  sont  et  estoient 
pour  ce  tamps  en  le  marche  des  contés  de  Ghines^], 
d'Artois  et  de  Boulongne,  et  autour  de  Calais,  et  tant 
de  Geneuois  et  de  Normans  et  d'autres  maronniers  sus 

1.  Bis.  B  4,  f>  13^.  —  Ms.  B  1,  t.  II,  f»  17  (Uoane). 


30  CHRONIQUES  DE  J.  F&OISSAIIT.  [1346] 

mer;  que  li  Englès  qui  voloient  hors  issir^  à  cheval  ou 
à  piet;  pour  aler  fourer  ou  enventurer^  ne  Tavoient 
mies  davantagey  mes  trouvoient  souvent  des  rencon- 
tres durs  et  fors.  Et  ossi  y  avoit  souvent  pluiseurs 
5  paietis  et  escarmuces^  entours  les  portes  et  sus  les 
fosses,  dont  point  ne  se  partoient  sans  mors  et  sans 
navrés.  Un  jour  perdoient  li  un^  et  l'autre  jour  ossi 
perdoient  li  aultre,  ensi  que  on  voit  souvent  avenir 
en  telz  besongnes.  Ossi  li  rois  d'Engleterre  et  ses  con- 

10  saulz  estudioient  nuit  et  jour  à  faire  engiens  et  in- 
strumenS;  pour  chiaus  de  Calais  mieulz  apresser  et 
constraindre.  Et  cil  de  le  ville  de  Calais  contrepen- 
soient  le  contraire^  et  faisoient  tant  à  l'encontre  que 
cil  engien  ne  cil  instrument  ne  lor  pcx^toient  nul  da- 

15  mage.  Ne  riens  ne  les  grevoit  ne  les  pooit  tant  gre- 
ver que  li  afiamers  ;  mes  nulles  pourveances  ne  leur 
pooient  venir^  fors  en  larecin^  et  par  deux  maronniers 
qui  estoient  mestre  et  conduiseur  de  tous  les  aultres^ 
lesquels  on  nommoit  l'un  Marant  et  Pautre  Mestriel. 

80  Et  estoient  cil  demorant  à  Abbeville.  Par  ces  deux 
maronniers  estoient  cil  de  Calais  souvent  conforté^ 
mes  c'estoit  en  larrecin  et  par  eulz  hardiement  en- 
venturer.  Et  s'en  misent  par  pluiseurs  fois  en  grant 
péril,  et  en  ftirent  moult  de  fois  caciet  et  priés  atrapé 

25  entre  Boulongne  et  Calais;  mes  toutdis  escapoient  il^ 
et  fisent  tamaint  Englès  morir^  ce  siège  durant. 

5  301 .  Tout  cel  yvier  demora  li  rois  d'Engleterre 

à  siège  à  tout  son  host  devant  le  forte  ville  de  Calais. 

Et  y  avinrent  grant  fiiison  de  mervilleuses  aventures^ 

30  d'une  part  et  d'autre^  et  priés  que  çascun  jour.  Et 

toutdis^  ce  siège  pendant,  avoit  U  dis  rois  grant  ima- 


[1346]  LIVRE  PREBIIER,  $  301.  31 

ginatîon  de  tenir  les  communautés  de  Flandres  en  ' 
amisté^  car  vis  li  estoit  que  parmi  yaus  il  pooit  le 
plus  aise  venir  à  sen  entente.  Si  envoioit  souvent  par 
devers  yaus  grans  prommesses;  et  leur  disoit  et  Êd- 
soit  dire  que^  se  il  pooit  parvenir  à  sen  entente  de    5 
Calais^  il  leur  recouveroit  sans  doubte  Lille^  Douay 
et  les  appendances  :  si  ques  par  telz  prommesses  li 
Flamench  s'esmurent  en  ce  temps^  et  sus  le  saison  que 
li  rois  d'Engleterre  estoit  encor  en  Normendie^  dou- 
quel  voiage  il  vint  à  Creci  et  à  Calais^  et  vinrent  10 
mettre  le  siège  devant  Bietune.  Et  estoit  pour  ce  temps 
leur  chapitains  messires  Oudars  de  Renti^  car  il  estoit 
banis  de  France.  £t  tinrent  moult  grant  siège  devant 
la  ditte  ville^  et  moult  le  constraindirent  par  assaus  ; 
mais  il  y  avqit  dedens  en  garnison ,  de  par  le  roy  15 
Phelippe^  quatre  bons  chevaliers^  qui  très  bien  le 
gardèrent  et  en  pensèrent  :  monsigneur  Joffiroi  de 
Chargniy  monsigneur  Ëustasce  de  Ribeumont,  mon- 
signeur Bauduin  Danekin  et  monsigneur  Jehan  de 
Landas.  Si  fu  la  ditte  ville  de  Bietune  si  bien  deffen-  80 
due  et  poursongnie  que  li  Flamench  n'i  conquestè- 
rent  riens  ^  mes  s'en  retournèrent  en  Flandres  sans 
riens  faire. 

Nequedent^  quant  li  rois  d'Engleterre  fu  venus 
devant  Calais,  il  ne  cessa  mies  de  envoiier  devers  les  25 
communautés  de  Flandres  grans  messages ,  et  de 
faire  grans  prommesses  pour  détenir  leur  amisté  et 
abatre  l'opinion  dou  roy  Phelippe^  qui  trop  fort  [les  ^] 
pressoit  d'yaus  retraire  à  sen  amour.  Et  volentiers 
euist  li  rois  d'Engleterre  veu  que  li  jones  contes  Loeis  8o 

L  Ml.  B  %  f»  Ikl  10.  ^  Mm.  B  1,  4  (kcime). 


3t  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

de  Flandres,  qui  point  n'avoit  quinze  ans  d'aage^ 
volsist  sa  fille  Ysabiel  espouser.  Et  tant  procura  li  dis 
rois  que  li  dis  communs  de  Flandres  s'i  acorda  enti- 
rement  :  dont  li  rois  d'Engleterre  fu  moult  resjoïs^ 
5  car  il  li  sambloit  que,  parmi  ce  mariage  et  ce  moiien, 
il  s'aideroit  des  Flamens  plus  p^innement.  Et  ossi  il 
sambloit  as  Flamens  que,  se  il  avoient  le  roy  d'En- 
gleterre et  les  Englès  d'acort^  il  poroient  bien  résister 
as  François;  et  plus  leur  estoit  nécessaire  et  pourfi- 

10  table  li  amour  dou  roy  d'Engleterre  que  dou  roy  de 
France.  Mais  leurs  sires,  qui  avoit  esté  nouris  d'en- 
fance entre  les  François  et  les  royaus  et  encores  y 
demoroit,  ne  s'i  voloit  point  acorder  ;  et  disoit  firan- 
chement  que  jà  n'aroit  à  femme  la  fille  de  celi  qui 

15  li  avoit  mort  son  père. 

D'autre  part,  li  dus  Jehans  de  Braibant  pourcaçoit 
adonc  fortement  que  cilz  jones  contes  de  Flandres 
vosist  prendre  sa  fille  ^  et  li  prommetoit  que  il  le 
feroit  joïr  plainnement  de  la  conté  de  Flandres,  par 

20  amours  ou  aultrement.  Et  faisoit  li  dis  dus  entendant 
au  roy  de  France  que,  se  cilz  mariages  de  sa  fille  se 
faisoit,  il  feroit  tant  que  tout  li  Flamench  seroient  de 
son  acord  et  contraire  au  roy  d'Engleterre.  De  quoi 
par  telz  prommesses  li  rois  de  France  s'acorda  au 

25  mariage  de  Braibant. 

Quant  li  dus  de  Braibant  eut  l'acort  dou  roy 
de  France,  il  envoia  tantos  grans  messages  en  Flan- 
dres devers  les  plus  souffissans  bourgois  des  bonnes 
villes;  et  leur  fist  dire  et  remoustrer  tant  de  belles 

80  raisons  coulourées  que  li  consaulz  des  bonnes  villes 
mandèrent  le  jone  conte  leur  signeur^  et  li  fisent 
croire  et  à  savoir  que  il  vosist  venir  en  Flandres 


[1346]  LIVRE  PREMIER,  S  3^^-  93 

et  user  par  leur  conseil  :  il  seroient  si  bon  amit  et 
subjet  y  et  li  renderoient  et  deliveroient  toutes  ses 
justices  et  juridicions  et  les  droitures  de  Flandres, 
ensi  ou  plus  avant  que  nulz  contes  y  ewist  ewes.  Li 
Jones  contes  eut  conseil  que  il  l'assaieroit;  si  vint  en  5 
Flandres  et  y  fu  receus  à  grant  joie.  Et  li  furent  pre^ 
sente  de  par  les  bonnes  villes  grans  dons  et  biaus 
presens. 

Si  tretos  que  li  rois  dnSngleterre  sceut  ces  nouvelles, 
il  envoia  en  Flandres  le  conte  de  Norbantonne.  le  10 
conte  d'Arondiel  et  le  signeur  de  Gobehen,  liquel 
parlementèrent  tant  et  pourchacièrent  as  commu- 
nautés de  Flandres,  que  il  eurent  plus  chier  que  leurs 
sires  presist  à  femme  la  fille  dou  roy  d'Engleterre 
que  la  fille  au  duch  de  Braibant.  Et  en  requisent  et  15 
priièrent  afiectueusement  leur  jone  signeur,  et  li  re- 
moustrèrent  pluiseurs  belles  raisons  pour  lui  attraire, 
que  merveilles  seroit  à  recorder,  et  tant  que  li  bour- 
gois  qui  portoient  le  partie  dou  duch  de  Braibant 
n'osoient  dire  le  contraire.  Mais  Loeis  li  jones  contes  so 
ne  s'i  voloit  aucunement  consentir,  par  parolles  ne 
par  raisons  que  on  li  desist;  ains  disoit  toutdis  que  il 
n'aroit  jà  à  femme  la  fille  de  celi  qui  li  avoit  son  père 
occis,  et  li  deuist  on  donner  la  moitié  dou  royalme 
d'Engleterre.  Quant  li  Flamench  oirent  ce,  il  disent  25 
que  cilz  sires  estoit  trop  François  et  mal  consilliés, 
et  que  il  ne  leur  feroit  jà  bien,  puisque  il  ne  voloit 
croire  leur  conseil.  Si  le  prisent  et  misent  en  prison 
courtoise,  et  bien  li  disent  que  jamais  n'en  isteroit 
se  ilz  ne  creoit  leur  conseil;  car  bien  disoient,  se  30 
messires  ses  pères  n'euist  tant  amet  les  François, 

mais  ewist  creu  leur  conseil,  il  euist  esté  li  plus  grans 

nr  —  8 


y 


34  CHRONIQUES  DE  J.  FAOISSâHT.  [1340] 

sires  des*  Crestiiens^  et  euist  recouvré  Lille^  Douay 
et  Bietime^  et  fust  encores  en  vie. 

§  302.  Ce  demora  ensi  une  espasse  de  temps*  Et 
li  rois  d'Engleterre  tint  toutdis  son  siège  devant  Ca- 
5  lais^  et  tint  grant  court  et  noble  le  jour  dou  Noël.  Le 
quaresme  ensievant^  revinrent  de  Gascongne  U  contes 
Derbi^  li  contes  de  Pennebruch  et  li  contes  de  Ken- 
fort  et  grant  fuison  de  chevaliers  et  d'escuiers  qui 
passet  avoient  la  mer  avoech  yaus^  et  arrivèrent  de- 
10  vaut  Calais.  Si  furent  li  très  bien  venu  et  liement  re- 
cueilliet  et  conjoy  dou  roy,  de  la  royne^  des  signeurs 
et  des  dames  qui  là  estoient.  Et  se  Ipgièrent  tout  cil 
signeur  tantost^  et  leurs  gens,  devant  Calais  :  de  tant 
fu  li  sièges  renforciés. 
15       Or  revenons  au  pourpos  dont  je  parloie  mainte- 
nant^ dou  jone  conte  de  Flandres  et  des  Flamiens. 
Longement  fit  li  jones  contes  ou  dangier  de  chiaus 
de  Flandres  et  en  prison  courtoise^  mais  il  li  anoioit^ 
car  il  n'avoit  point  ce  apris.  Finablement  il  mua  son 
20  pourpos^  ne  sçai  se  il  le  fist  par  cautèle  ou  de  vo* 
lente  \  mais  il  dist  à  ses  gens  que  il  creroit  leur  con- 
seil, car  plus  de  biens  U  pooient  venir  d'yaus  que 
de^  nul  aultre  pays.  Ces  parolles  resjoïrent  moult  les 
Flamens ,  et  le  misent  tantost  hors  de  prison  ;  se  li 
25  acomplirent  une  partie  de  ses  déduis^  tant  que  d'aler 
en  rivière.  A  ce  estait  il  moult  enclins^  mais  il  y  avoit 
toutdis  sus  lui  bonnes  gardes^  afin  que  il  ne  leur 
escapast  ou  fust  emblés^  qui  Favoient  empris  à  garder^ 
sur  leur  tiestes,  et  qui  estoient  dou  tout  de  le  faveur 
30  dou  roy  d'Engleterre^  et  le  gettoient  si  priés  que  à 
painnes  pooit  il  aler  pissier.  Ceste  cose  se  procéda 


[1847]  LI¥RB  PRBMIEa,  $  90S.  i!i 

et  approça.  Et  eat  li  jones  contes  de  Flandres  en 
couyent  à  ses  gens  que  volentiers  il  prenderoit  à 
femme  la  fille  don  roy  d'Ëngleteire.  Et  ensi  li  Fk- 
jnench  le  s^^nefiièrent  au  roy  et  à  le  royne ,  qui  se 
tenoient  devant  Calais,  et  que  il  se  vosissent  traire  s 
devers  Berghes  et  venir  en  l'abbeye  et  là  amener  leur 
jEille^  car  il  y  amenroient  leur  signeur;  et  là  se  oon-  ' 
cluroit  cilz  mariages.  !" 

Vous  devés  savoir  que  li  rois  et  k. royne  furent  de 
ces  nouvelles  grandement  resjoy^  et  disent  que  li  Fk-  lo 
mench  estoient  bonnes  gens.  Si  fu  par  acord  de  toutes 
parties  une  journée  assignée  à  estre  à  Beighes  sus  le 
mer,  entre  le  Nuef  Port  et  Giavelines.  Là  vinrent  li     « 
plus  notable  homme  et  plus  autentike  des  bonnes 
villes  de  Fkndres,  en  grant  estât  et  poissant,  et  y  15 
amenèrent  leur  jone  signeur  qui  courtoisement  s*en- 
clina  devers  le  roy  d'Engleterre  et  k  royne,  qui  jà 
estoient  venu  en  très  grant  arroy .  Li  rois  d'Engleterre 
prist  le  dit  conte  par  le  main  droite  moult  douce- 
ment^  et  le  conjoy  en  parlant,  et  puis  s'escusa  moult .  90 
humiement  de  k  m<x*t  son  père.  Et  dist,  se  Diex  li 
peuist  aidier,  que  onques,  tout  le  jour  de  le  bataille 
de  Creci  ne  à  l'endemain  ossi,  il  ne  vey  ne  oy  parler 
dou  conte  de  Fkndres.  Li  jones  contes,  par  sambknt, 
se  tint  de  ces  escusances  assés  à  contais  ;  et  puis  fîi  25 
.  parlé  dou  mariage.  Et  eut  k  certains  articles  et  trettiés 
Eus,  jettes  et  acordés  entre  le  roy  d'Engleterre  et  le  jone 
conte  Loeis  [et  le  pais^]  de  Flandres,  sus  grans  con- 
fédérations et  allknces,  et  toutes  pronunises  et  jurées 
à  tenir»  Là  jura  et  fiança  li  dis  contes  madame  Ysa-  30 

I.  Mps.  B  4, 3,.^  135.  r-  Ma.  B  1,  u  H,  f»  19  (laeune)» 


36  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1847] 

biel^  b  fille  dou  roy  d'Engleterre,  et  si  le  prommist 
à  espouser.  Si  ta  ceste  journée  relaxée  jusques  à  une 
aultre  fois  que  on  aroit  plus  grant  loisir.  Et  s'en  re- 
tournèrent U  Flamench  en  Flandres,  qui  en  remenè- 
5  rent  leur  signeur#  Et  moult  amiablement  se  partirent 
dou  roy  d'Engleterre  et  de  la  royne  et  de  leur  conseil^ 
et  li  rois  d'yaus,  liquelz  s'en  retourna  devaiit  Calais. 
Ensi  demorèrent  les  coses  en  eel  estât.  Et  se  pourrei 
et  fîst  pourveir  li  rois  d'Engleterre ,  si  grandement 

10  que  merveilles  seroit  à  recorder,  pour  tenir  celle  feste 
très  estoifeement,  et  ossi  de  biaus  et  de  riches  jeuiaulz 
pour  donner  et  départir  au  jour  des  noces;  et  la 
royne  ossi,  qui  bien  s'en  voloit  acquitter,  et  qui  d'on- 
neur  et  de  larghèce  passa  à  son  temps  toutes  dames. 

15  Li  Jones  contes  de  Flandres,  qui  estoit  revenus  en 
son  pays  entre  ses  gens,  aloit  toutdis  en  rivière,  et 
moustroit  par  samblant  que  cilz  mariages  as  Englès 
li  plaisoit  très  grandement.  Et  s'en  tenoient  li  Fla- 
mench ensi  que  pour  tout  asseguré;  et  n'i  avoit  mes 

90  sur  lui  si  grant  regart  comme  en  devant.  Il  ne  cognis- 
soient  pas  bien  encores  la  condition  de  leur  signeur. 
Car,  quel  samblant  qu'il  moustroit  deforainnement^ 
il  avoit  dedentrainnement  le  corage  tout  fiiançois, 
ensi  que  on  l'esprouva  par  oevres.  Car  un  jour  il 

95  estoit  aies  voler  en  rivière;  et  fu  en  le  propre  sep- 
mainne  que  il  devoit  espouser  la  dessus  ditte  la  da* 
mdiselle  d'Engleterre.  Et  jetta  ses  &uconniers  un 
faucon  apriès  le  hairon,  et  li  contes  ossi  un.  Si  se 
misent  cil  doy  faucon  en  cange,  et  li  contes  apriès , 

30  ensi  que  pour  le[s]  lorier  ',  en  disant  :  hoie  !  hoie  !  Et 


1.  Hf.  B  4  :  c  loTiier.  i  F*  135  t«.  — Bb.  B  S  :  c  lenmr.  i  F*  148. 


[IS47]  UVBB  PKKIOEa,  $  SOS.  S7 

quant  il  fil  un  peu  eûoïïffés,  et  qu'il  eut  l'avantage 
des  camps  y  il  feri  cheval  des  esporons  et  s'en  ala 
toutdis  avant,  sans  retourner^  par  tel  manière  que  ses 
gens  le  perdirent.  Si  s'en  vint  li  dis  contes  en  Ar- 
tois^ et  ]à  fu  à  segur;  et  puis  vint  en  France  devers  le  5 
roy  Phelippe  et  les  François^  asquelz  il  compta  ses 
aventures  et  com^  par  grant  soutilleté^  il  estoit  escapés 
ses  gens  et  les  Engiès.  Li  rois  de  France  en  eut  grant 
joie  et  dist  que  il  avoit  trop  bien  ouvret  ;  et  otant  en 
disent  tout  li  François.  Et  li  Engiès^  d'autre  part^  lo 
disent  que  il  les  avoit  trahis  et  deceus. 

Mes  pour  ce  ne  laissa  mies  li  rois  d'Engleterre  à 
tenir  à  amour  les  Flamens^  car  il  savoit  bien  que  li 
contes  n'avoit  point  ce  fait  par  leur  conseil^  et  en  es- 
toient  moult  courouciet;  et  l'escusance  que  il  en  15 
fisent^  il  le  crei  assés  l^ierement. 

§  303.  En  ce  temps  que  li  siges  se  tenoit  devant 
Calais,  venoient  veoir  le  roy  et  la  royne  pluiseur  ba- 
ron et  chevalier  de  Flandres^  de  Braibant,  de  Haynau 
et  d'Alemagne.  Et  ne  s'en  partoit  nulz  sans  grant  so 
pourfit,  car  li  rois  et  la  royne  d'Engleterre^  d'onneur 
et  de  larghèce  estoient  si  plain  et  si  afiectuel  que 
tout  il  donnoient,  et  par  celle  virtu  conquisent  il  le 
grasce  et  le  renommée  de  toute  honneur. 

En  ce  temps  estoit  nouvellement  revenus  en  le  35 
conté  de  Namur,  dou  voiage  de  Prusce  et  dou  Saint 
Sépulcre^  cilz  gentilz  et  vaillans  chevaliers  messires 
Robers  de  Namur.  Et  l'avoit  li  sires  de  Spontin  £ût 
chevalier  en  le  Sainte  Terre.  Messires  Robers  estoit 
pour  ce  temps  moult  jones^  et  n'avoit  encores  esté  30 
priiés  de  l'un  roy  ne  de  l'autre.  Toutes  fois  il  estoit 


38  *  GHaONIQDES  1»  3.  FROISSART.  [1846] 

plus  encKns  assés  à  estre  Englès  que  François^  pour 
l'amour  de  monsigneur  Robert  d'Artob ,  son  oncle , 
que  li  rois  d'Engleterre  avoit  moult  amet.  Si  se  avisa 
que  il  venroit  devant  Calais  veoir  le  roy  d'Ëngleterre 

5  et  la  royne  et  les  signeurs  qui  là  estoient.  Si  se  or- 
donna selonch  ce^  et  mist  en  bon  arroi  et  riche^  ensi 
comme  à  lui  apertenoit  et  que  toutdis  il  a  aie  par  le 
chemin.  Si  esploita  tant  par  ses  journées  que  il  vint 
au  siège  de  Calais^  honnourablement  acompagniés  de 

10  ^chevaliers  et  d'escuiers^  et  se  représenta  au  roy,  qui 
liement  le  reçut;  et  ossi  fist  madame  la  royne.  Si 
entra  grandement  en  leur  amour  et  en  leur  grasce^ 
pour  le  cause  de  ce  que  il  portoit  le  nom  de  mon- 
signeur Robert  son  onde^  que  jadis  avoient  tant  amé 

15  et  ouquel  il  avoient  trouvé  grant  conseil. 

Si  devint  en  ce  temps  li  dis  messires  Robers  de 
Namur  homs  au  roy  d'Engleterre.  Et  li  donna  li  dis 
rois  trois  cens  livres  à  Testrelin  de  pension  p^  an^ 
et  li  assigna  sus  ses  coffires  à  estre  paiiés  à  Bruges. 

so  Depuis  se  tint  li  dis  messires  Robers  dalés  le  roy  et 
la  royne^  au  sige  de  Calais,  tant  que^la  ville  fu  garnie, 

'  '  ensi  comme  vous  orés  en  avant  recorder. 


§  304.  Je  me  sui  longement  tenus  à  parler  de 
monsigneur  Charle  de  Blois^  duch  de  Bretagne  pour 

S5  ce  temps  ^  et  de  la  contesse  de  Montfort.  AÎais  ce  a 
esté  pour  les  triewes  qui  furent  prises  devant  la  cité 
de  Venues^  lesquèles  furent  moult  bien  gardées.  Et 
joîrent^  les  triewes  durant^  oescune  des  parties  assés 
paisieuvlement  de  ce  que  il  tenoit  en  devant.  Si  tost 

30  comme  elles  furent  passées^  il  commencièrent  à 
gueriier  fortement^  li  rois  de  France  à  conforter 


[It46j  LnrBB  PRraOER,  s  304.  99 

monsigneur  Charle  de  Blois  son  neveu^  et  li  rcHs 
d'Engleterre  madame  la  oontesse  de  Moatfort^  ensî 
qae  prommis  et  en  couvent  li  avoit.  Et  estoient  venu 
en  Bretagne^  de  par  le  roy  d'Engleterre^  doy  moult 
grant  et  moult  vaillant  chevalier,  et  parti  dou  siège  5 
de  Calais,  à  tout  deux  cens  hommes  d  armes  et  qua- 
tre cens  arciers  :  ce  estoient  messires  Thumas  d'Au* 
goume  et  messires  Jehans  de  Hartecelle;  et  démo- 
rèrent  dalés  la  ditte  contesse  en  la  ville  de  Haimbon. 
Avoecques  eulz  avoit  un  chevalier  breton  bretonnant,  lo 
durement  vaillant  et  bon  homme  d'armes^  qui  s'ap- 
pelloit  messires  Tanguis  dou  Chastief.  Si  fiiisoient 
souvent  cil  Englès  et  cil  Breton  des  chevaucies  et  des 
issues  CQUtre  les  gens  monsigneur  Gharle  de  Blois^  et 
sus  le  pays  qui  se  tenoit  de  par  lui  ;  et  les  gens  mon-  15 
signeur  Charle  ossi  sur  yaus.  Une  heure  perdoient  li 
un,  aultre  heure  perdoient  U  aultre.  Et  estoit  li  pays 
par  ces  gens  d'armes  courus,  gastés  et  essilliés  et 
rançonnés,  et  tout  comparoient  les  povres  gens. 

Or  avint  un  jour  que  cil  troi  chevalier  dessus  ao 
nommet  avoient  assamblet  grant  fuison  de  gens  d'ar- 
mes à  cheval  et  de  saudoiiers  à  piet.  Et  alèrent  asse- 
gier  une  bonne  ville  et  forte  et  un  bon  chastiel  que 
on  claime  le  Roce  Deurient,  et  le  fisent  assaUir  par 
pluiseurs  fois  fortement.  Et  cil  de  le  ville  et  dou  S5 
chastiel  se  deffendirent  vassaument  qu'il  n'i  perdi*^ 
rent  riens.  En  la  garnison  avoit  un  chapitainne ,  de 
par  monsigneur  Charle^  escuier,  qui  s'appelloit  par 
nom  Thassart  de  Ghines ,  apert  homme  d'armes  du- 
rement. Or  y  eut  tel  meschief  que  les  trois  pars  des  80 
gens  de  la  ville  estoient  en  coer  plus  Englès  assés  que 
François.  Si  prisent  leur  chapitainne  et  disent  qu'il 


40  GHRONIQUBS  MB  J.  FBOISSAKT.  [1347] 

l'ociroient ,  se  ilz  avoech  yaus  ne  se  toumoît  englès. 
Tassars  à  ce  donc  ressongna  le  mort  et  dist  que  il 
feroit  tout  che  que  il  vorroient.  Sus  oel  estât  il  le 
laissièrent  aler^  et  conunencièrent  à  trettiier  devers 

5  les  dessus  dis  chevaliers  englès.  Finablement^  trettiës 
se  porta  telz^  que  il  se  tournèrent  de  le  partie  la  con- 
tesse  de  Montfort.  Et  demora  li  dis  Tfaassars^  comme 
en  devant^  chapitains  de  la  ditte  ville.  Et  quant  li 
Englès  s'en  partirent  pour  retourner  vers  Hembon , 

10  il  li  laissièrent  grant  fiiison  de  gens  d'armes  et  d'ar- 
ciers^  pour  la  ditte  forterèce  aidier  à  garder. 

Quant  messires  Charles  de  Blois  sceut  ces  nouvelles 
que  la  Roce  Deurient  est  oit  tournée  englesce^  si  fîi 
durement  courouciés^  et  dist  et  jura  que  ce  ne  de- 

15  morroit  pas  ensi.  Et  manda  partout  les  signeurs  de 
sa  partie  en  Bretagne  et  en  Normendie ,  et  fist  un 
grant  amas  de  gens  d'armes  en  le  cité  de  Nantes^  et 
tant  qu'il  furent  bien  seize  cens  armeures  de  fier  et 
douze  mil  hommes  de  piet.  Et  bien  y  avoit  quatre 

90  cens  chevaliers^  et  entre  ces  quatre^  cens,  vingt  trois 
banerés.  Si  se  départi  de  Nantes  li  dis  messires  Char- 
les et  toutes  ses  gens.  Et  esploitièrent  tant  que  il  vin- 
rent devant  le  Roce  Deurient;  si  le  assegièrent^  toute 
la  ville  et  le  chastiel  ossi.  Et  fisent  devant  drecier 

95  grans  engiens  qui  jettoient  nuit  et  jour  et  qui  moult 
travUloient  [ciaulz']j  de  la  ville.  Si  envoiièrent  tan- 
tost  messages  devers  la  contesse  de  Montfort^  en  re- 
moustrant  comment  il  estoient  constraint  et  assegiet^ 
et  requeroient  que  on  les  confortast^  car  on  leur 

30  avoit  eu  en  couvent,  se  il  estoient  assegiet.  La  con- 


1.  Mt.  B  è,  f»  136  T«.  —  Ml.  B 1,  t.  n,  (^  30  ^  (Ucane). 


[4847]  LIVRE  PBIMIIR,  $  304.  41 

tesae  et  li  troi  chevalier  dessus  nommé  ne  Feuissent 
jamais  laissiet.  Si  envoia  partout  la  ditte  eontesse  ses   - 
messages  où  elle  pensoit  avoir  gens ,  et  fist  tant  que 
elle  eut  en  peu  de  temps  mil  armeures  de  fier  et  huit 
mil  honmies  de  piet.  Si  les  mist  tous  ou  conduit  et    5 
en  le  garde  de  ces  trois  chevaliers  dessus  nommés 
cpii  baudement  et  volentiers  les  rechurent;  et  li  di* 
sent  au  département  que  il  ne  retourroient  mes ,  si 
seroient  la  ville  et  li  chastiaus  desassegiés^  ou  il  de- 
morroient  tout  en  le  painne.  Puis  se  misent  au  che-  10 
min,  et  s'en  alèrent  celle  part  à  grant  esploit;  et 
fisent  tant  que  il  vinrent  assés  pries  de  l'ost  monsi- 
gneur  Charle  de  Blois. 

Quant  messires  Thumas  d'Agourne^  messires  Je- 
hans  de  Hartecelle  et  messires  Tangis  dou  Chastiel ,   15 
et  li  aultre  chevalier  qui  là  estoient  assamblé^  furent 
parvenut  à  deux  liewes  priés  de  l'ost  des  François, 
il  se  logièrent  sus  une  rivière ,  à  celle  entente  que 
pour  combattre  à  l'endemain.  £t  quant  il  furent  lo- 
giet  et  mis  à  repos^  messires  Thumas  d'Agoume  et  so 
messires  Jehans  de   Hartecelle  prisent  environ  la 
moitié  de  leurs  gens^  et  les  fisent  armer  et  monter  à 
cheval  tout  quoiement.  Et  puis  se  partirent  et^  droit 
à  heure  de  mienuit,  il  se  boutèrent  en  l'ost  de  mon- 
signeur  Charle^  à  l'un  des  costés;  si  y  fisent  grant  da«  25 
mage^  et  occirent  et  abatirent  grant  fuison  de  genSé 
Et  demorèrent  tant^  en  ce  fidsant,  que  toute  li  hos  fii 
estourmis^  et  armé  toutes  manières  de  gens^  et  ne 
se  peurent  partir  sans  bataille.  Là  furent  il  enclos  et 
combatu  et  rebouté  durement  et  asprement^  et  ne  30 
peurent  porter  le  fitis  des  François.  Si  y  fu  pris  et 
moult  dolereusement  navrés  messires  Thumas  d'A- 


U  CHEOinQUES  DK  J.  FAOISSART.  [1847] 

gcnime*  Et  se  sauva  au  mieulz  qu'il  peut  li  dis  mes- 
sfaies  Jehans  de  Harteoelle  et  une  partie  de  ces  gens^ 
mes  la  grigneur  partie  y  demorèrent  mort.  Ensi 
tous  desconfis  retourna  li  dis  monsigneur  Jehan  à 

h  ses  aultres  compagnons,  qui  estoient  logiet  sus  le 

rivière^  et  trouva  monsigneur  Tangb  dou  Chastiel 

et  les  aultres,  asquelz  il  recorda  sen  aventore.  Dont 

'il  furent  moult  esmervilliet  et  esbahit^  et  eurent 

conseil  qu'il  se  deslogeroient  et  se  retrairoient  vers 

10  Hembon. 

§  305.  A  celle  propre  heure  et  en  cel  estat^  en- 
trues  que  il  estoient  en  grant  conseil  de  yaus  deslo- 
gier^  vint  là  uns  chevaliers  de  par  le  contesse^  qui 
s'appelloit  Garnier,  sires  de  Quadudal^  à  tout  cent  ar- 

15  meures  de  fer,  et  n'avoit  pout  plus  tost  venir.  Si  tost 
qu'il  sceut  le  convenant  et  le  parti  où  il  estoient^  et 
comment  par  leur  emprise  perdu  il  avoient,  si 
donna  nouviel  conseil.  Et  ne  fu  noient  efiraés,  et  dist 
à  monsigneur  Jehan  et  à  monsigneur  Tangis  :  «  Or 

so  tos  armés  vous,  et. faites  armer  vos  gens  et  monter  as 
chevaus  qui  cheval  [a*];  et  qui  point  n'en  a,  si  viegne 
à  piet^  car  nous  irons  veoir  nos  ennemis.  Et  ne  me 
doubte  mies^  selonch  ce  que  il  se  tiennent  pour  tous 
assegurés^  que  nous  ne  les  desconfisons  et  recouvrons 

i5  nos  damages  et  nos  gens.  »  ^ 

Cilz  consaulz  fu  creus^  et  s'armèrent^  et  disent  que 
de  recief  il  s'enventurroient.  Si  se  départirent  cil  qui 
à  dieval  estoient  tout  premiers,  et  cil  à  piet  les  sic- 


1.  Ms.  B  4,  (^  136  ▼<>.  —  Ms.  B  1,  t.  H,  f^  21  t<»  Gacime).»M8.  B  3  : 
c  qui  en  auoit.  a  F»  156  ^. 


[1347|  UVRl  PREBOER,  $  305.  48 

voient.  Et  s'en  vinrent^  environ  soleil  levant,  ferir  en 
l'ost  monsigneor  Charion  de  Blois,  qui  se  donnoient 
et  reposoient^  et  ne  cui^oient  avoir  plus  de  destour- 
bier.  Cil  Breton  et  cil  Englès  d'un  costé  se  commen* 
cièrent  à  haster  et  à  abatre  tentes  et  trës  et  pavil*  5 
lons^  et  à  occire  et  à  decoper  gens  et  à  mettre  en 
grant  meschief.  Et  forent  si  souspris^  car  il  ne  fai- 
soient  point  de  ghet^  que  oncques  ne  se  peurent  ai- 
dier.  LÀ  eut  grant  desconfiture  sus  les  gens  de  mon-* 
signeur  Charle,  et  mors  plus  de  deux  cens  chevaliers  10 
et  bien  quatre  mil  d'aultres  gens^  et  pris  li  dis  mes- 
sires  Charles  de  Blois  et  tout  li  baron  de  Bretagne  et 
de  Normendie  qui  là  avoecques  lui  estoient^  et  res- 
cous  messires  Thumas  d'Augourne  et  tout  leur  com- 
pagnon. Onques  si  belle  aventure  n'avint  à  gens  15 
d'armes,  qu'il  avint  là  as  Englès  et  as  Bretons,  que  de 
desconfire  sus  une  matinée  tant  de  nobles  gens  :  on 
leur  doit  bien  tourner  à  grant  proèce  et  à  grant  aper- 
tise  d'armes. 

Ensi  fu  pris  messires  Charles  de  Blois  des  gens  le  20 
roy  d'Engleterre  et  la  contesse  de  Montfort,  et  toute 
la  fleur  de  son  pays  avoecques  lui;  et  fu  amenés 
ens  ou  chastiel  de  Hembon^  et  li  sièges  levés  de  la 
Roce  Deurient.  Si  fu  la  guerre  de  la  contesse  de 
Montfort  grandement  embellie.  Mes  toutdis  se  tin-  35 
rent  les  villes^  les  cités  et  les  forterèces  de  monsi- 
gneur  Charle ,  car  madame  sa  femme ,  qui  s'appel- 
k>it  duçoise  de  Bretagne^  prist  la  guerre  de  grant 
volenté.  Ensi  fu  la  guerre  de  ces  deux  dames*  Vous 
devés  savoir  que,  quant  ces  nouvelles  furent  venues  30 
devant  Calais  au  roy  d'Engleterre  et  as  barons^  il 
en  furent  grandement  resjoy,  et  comptèrent  laven- 


44  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1847] 

'  ture  moult  belle  pour  leurs  gens.  Or  parlerons  nous 
dou  roy  Phelippe  et  de  son  conseil  et  dou  siège  de 
Calab. 

§  306.  Li  rois  Phelippes  de  France^  qui  sentoit 

5  ses  gens  de  Calais  durement  constrains  et  apressés 
selonch  ce  que  il  estoit  enfourmés^  et  veoit  que  li  rois 
d'Engleterre  ne  s'en  partiroit  point,  si  les  aroit  con- 
quis^ estoit  grandement  courouciés.  Si  se  avisa  et 
dist  que  il  les  vorroit  conforter,  et  le  roy  d'Engle- 

10  terre  combatre,  et  lever  le  siège^  se  il  pooit.  Si  com- 
manda par  tout  son  royaume  que  tout  chevalier  et 
escuier  fuissent  >  à  la  feste  de  le  Pentecouste ,  en  le 
cité  d'Amiens  ou  là  priés.  Chilz  mandemens  et  com- 
mandemens  dou  roy  de  France  s'estendi  par  tout 

15  son  royaume.  Si  n'osa  nulz  laissier  qu'il  ne  venist 
et  fust  là  où  mandés  estoit,  au  jour  de  le  Pente- 
couste ,  ou  tost  apriès.  Et  meismement  li  rois  y  fu 
et  tint  là  sa  court  solennèle,  au  dit  jour,  et  moult 
de  princes  et  de  haus  barons  dalés  li^  car  li  roiau- 

so  mes  de  France  est  si  grans ,  et  tant  y  a  de  bonne  et 
noble  chevalerie  et  escuierie^  que  il  n'en  poet  estre 
desgarnis.  Là  estoient  li  dus  de  Normendie  ses  filz^ 
li  dus  d'Orliens  ses  mai[n]snés  filz^  li  dus  Oedes  de 
Boui^ongne^  li  dus  de  Bourbon,  li  contes  de  Fois^ 

SS  messires  Loeis  de  Savoie^  messires  Jehans  de  Hay- 
nau,  li  contes  d'Ermignach^  li  contes  de  Forés ^  li 
contes  de  Pontieu^  li  contes  de  Yalentinois^  et  tant 
de  contes  et  de  barons  que  merveilles  seroit  à  re- 
corder. 

80  Quant  tout  furent  venu  et  assamblé  à  Amiens  et 
là  en  le  marce^  si  eut  li  rois  de  France  pluiseurs 


[1347]  UVRE  PREMIER,  $  806.  4^ 

consaulz  par  quel  costé  il  poroit  sus  courir  et  corn- 
batre  les  Englès.  Et  euist  volentiers  veu  que  li  pas 
de  Flandres  li  fuissent  ouvert;  si  euist  envoiiet  au 
costé  devers  Gravelines  une  partie  de  ses  gens,  pour 
rafreschir  chiaus  de  Calais  et  combatre  les  Englès  à  5 
ce  costé  bien  aisiement  par  la  ville  de  Calais.  Et  en 
envoia  li  dis  rois  en  Flandres  grans  messages ,  pour 
trettier  envers  les  Flamens  sus  cel  estât.  Mais  li  rois 
d'Engleterre,  pour  ce  temps,  avoit  tant  de  bons  amis 
en  Flandres  que  jamais  ne  li  euissent  otriiet  ceste  lo 
courtoisie.  Quant  li  rois  Phelippes  vei  ce  que  il  n'en 
poroit  venir  à  coron/  si  ne  volt  mies  pour  ce  laissier 
se  emprise,  ne  les  bonnes  gens  de  le  ville  de  Calais 
mettre  en  non  caloir^  et  dist  que  il  se  trairoit  avant 
au  lés  devers  Boulongne.  15 

Li  rois  d'Engleterre^  qui  se  tenoit  là  à  siège  et 
estoit  tenus  tout  le  temps^  ensi  que  vous  savés^  et  à 
grans  coustages^  estudioit  nuit  et  jour  comment  il 
peuist  chiaus  de  Calais  le  plus  constraindre  et  gre- 
ver; car  bien  avoit  oy  dire  que  ses  adversaires  li  rois  20 
Phelippes  feisoit  un  grant  amas  de  gens  d'armes^  et 
que  il  le  voloit  venir  combatre.  Et  si  sentoit  la  ville 
de  Calais  si  forte  que,  pour  assaut  ne  pour  escar- 
muce  que  ilz  ne  ses  gens  y  feissent^  il  ne  les  pooient 
conquerre  :  dont  il  y  busioit  et  imaginoit  souvent.  S5 
Mais  la  riens  del  monde  qui  plus  le  reconfortoit^ 
c'estoit  ce  que  il  sentoit  la  ville  de  Calab  mal  pour- 
veue  de  vivres  :  si  ques  encores,  pour  yaus  clore  et 
toUir  le  pas  de  le  mer^  il  fist  faire  et  carpenter  un 
chastiel  hault  et  grant  de  Ions  mairiens^  et  le  fist  80 
faire  si  fort  et  si  bien  breteskiet  que  on  ne  le  pooit 
grever.  Et  jGist  le  dit  chastiel  asseoir  droit  sus  le  rive 


'46  CHROHIQDBS  DB  J.  FRQISSART.  [1847] 

de  le  mer^  et  le  [fist*]  bien  pourveir  d'espringalles^ 
de  bombardes  et  d'ars  à  tour  et  d'autres  instrumens. 
Et  y  establi  dedens  soixante  hommes  d'armes  et 
deux  eens  arciers,  qui  gardoient  le  havene  et  le  port 
5  de  Calais,  si  pries  que  riens  n'i  pooit  entrer  ne  issir 
que  tout  ne  fust  confondut;  ee  fîi  li  avis  qui  plus  fist 
de  contraires  à  ehiaus  de  Calais,  et  qui  plus  tost  les 
fist  affamer. 
En  ce  temps  exhorta  tant  li  rois  d'Engleterre  les 

10  Flamens^  lesquelz  li  rois  de  France^  si  com  ci  dessus 
est  dit^  voloit  mettre  en  trettiés,  que  il  issirent  hors 
de  Flandres  bien  cent  mil^  et  s'en  vinrent  mettre  le 
siège  devant  la  bonne  ville  d'Aire.  Et  ardijrent  tout 
le  pays  de  là  environ^  Saint  Venant^  Menreville,  le 

15  Gorge^  Estelles^  le  Yentie,  et  une  marce  que  on  dist 
Laloe,  et  jusques  ens  es  portes  de  Saint  Omer  et  de 
Tieruane.  Et  s'en  vint  li  rois  logier  à  Arras,  et  ehvoia 
grans  gens  d'armes  ens  es  garnisons  d'Artois^  et  par 
especial  son  connestable  monsigneur  Charle  d'Es- 

20  pagne  à  Saint  Qmer^  car  li  contes  d'Eu  et  de  Ghines^ 
qui  connestables  avoit  estet  de  France^  estoit  prison- 
niers en  Engleterre,  ensi  que  vous  savés.  Ensi  se 
porta  toute  celle  saison  bien  avant,  et  ensonniièrent 
li  Flamench  grandement  les  François,  ançois  que  il 

35  se  retraissent. 

§  307.  Quant  li  Flamench  fiirent  retrait  et  il  eu- 
rent courut  les  basses  marces  en  Laloe^  donc  s'avisa 
li  rois  de  France  qu'il  s'en  iroit  à  toute  son  grant  host 


1.  Mm.  B  4,  3,  (^  137.  —  flff.  B 1 ,  t.  H,  f^  22  ¥«  :  c  fisent.  >  Mou- 


[1347]  LIVRE  raSBIIER,  $  808.  47 

devers  Calais  pour  lever  le  siège^  se  il  pooit  aucu- 
nemaiit,  et  combatre  le  roy  d'Ëngleterre  et  toute  se 
poissance  qui  si  longhement  avoient  là  séjourné  ;  car 
il  sentoit  monsigneur  Jehan  de  Yiafbe  et  ses  compa- 
gnons et  les  bonnes  gens  de  Calais  durement  astrains^  5 
et  avoit  bien  oy  dire  et  recorder  comment  on  leur 
avoit  clos  le  pas  de  le  mer^  pour  laquèle  cause  la  ville 
estoit  en  péril  de  perdre.  Si  s'esmut  li  dis  rois  et  se 
parti  de  le  cité  d'Arras  et  prist  le  chemin  de  Hedin, 
et  tant  fist  qu'il  y  parvint;  et  tenoit  bien  son  host  ]0 
parmi  le  charoy  trois  grans  liewes  de  pays.  Quant 
li  rois  se  fil  reposés  un  jour  à  Hedin^  il  vint  l'autre  à 
Blangis^  et  là  s'arresta  pour  savoir  quel  chemin  il 
feroit.  Si  eut  conseil  d'aler  tout  le  pays  que  on  dist 
l'Âlekine;  dont  se  mist  il  à  voie^  et  toutes  gens  apriès,  15 
où  bien  avoit  deux  cens  mil  hommes^  uns  c'autres. 
Et  passèrent  li  rois  et  ses  gens  parmi  le  conté  de  Fau- 
kemberghe,  et  se  vinrent  droitement  sus  le  mont  de 
Sangates,  entre  Calais  et  Wissant.  £t  chevauçoient 
cil  François  tout  armé  au  der,  ensi  que  pour  tantost  so 
combatre^  banières  desploiies;  et  estoit  grans  biau- 
tés  au  veoir  et  considérer  leur  poissant  arroy.  Quant 
cil  de  Calais,  qui  s'apooient  à  leurs  murs^  les  veirent 
premièrement  poindre  et  apparoir  sus  le  mont  de 
Sangates^  et  leurs  banières  et  pennons  venteler,  il  S5 
eurent  moult  grant  joie,  et  cuidièrent  certainnement 
estre  tantost  dessegiet  et  delivret.  Mais  quant  il  vei- 
rent que  on  se  logoit^  si  furent  plus  courouciet  que 
devant,  et  leur  sambla  uns  petis  signes. 

$  308.  Or  vous  dirai  que  li  rois  d'Ëngleterre  fist  30 
et  avoit  jà  fait,  quant  il  sceut  que  li  rois  de  France 


48  GHROHIQUBS  DE  J.  FROISSAET.  [1347] 

venoit  à  si  garant  host  pour  lui  combatre  et  pour 
dessieger  la  ville  de  Calais ,  qui  tant  li  avoit  ooustë 
d'avoir^  de  gens  et  de  painne  de  son  corps;  et  si  sa- 
voit  bien  que  ii  avoit  la  ditte  ville  si  menëe  et  si 

5  astrainte  que  elle  ne  se  pooit  longement  tenir  :  se  li 
venroit  à  grant  contraire  ^  se  il  l'en  couvenoit  ensi 
partir.  Si  avisa  et  imagina  li  dis  rois  que  li  François 
ne  pooient  venir  à  lui  ne  approcier  son  host  ne  le 
ville  de  Calais^  fors  que  par  l'un  des  deux  pas,  ou  par 

10  les  dunes  sus  le  rivage  de  le  mer,  ou  par  dessus  là  où 
il  avoit  grant  fuison  de  fossés ,  de  croleis  et  de  ma- 
res* Et  n'i  avoit  sur  che  chemin  que  un  seul  pont 
par  où  on  peuist  passer  ;  si  l'appelloit  on  le  pont  de 
Nulais.  Si  fist  li  dis  rois  traire  toutes  ses  naves  et 

15  ses  vaissiaus  par  devers  les  dunes,  et  bien  garnir  et 
furnir  de  bombardes,  d'arbalestres^  d'arciers  et  d'es- 
pringalles ,  et  de  telz  coses  par  quoi  li  hos  de  Fran- 
çois ne  peuist  ne  osast  par  là  passer.  Et  fist  le  conte 
Derbi  son  cousin  aler  logier  sus  le  dit  pont  de  Nu- 

20  lais,  à  grant  fuison  de  gens  d'armes  et  d'arciers^  par 

quoi  li  François  n'i  peuissent  passer^  se  ilz  ne  pas- 

soient  parmi  les  mares,  liquel  sont  impossible  à 

passer. 

Entre  le  mont  de  Sangates  et  le  mer,  à  l'autre  les 

^  devers  Calais,  avoit  une  haute  tour  que  trente  deux 
arcier  englès  gardoient,  et  tenoient  là  endroit  le  pas- 
sage des  dunes  pour  les  François  ;  et  l'avoient  à  leur 
avis  durement  fortefiiet  de  grans  doubles  fossés. 
Quant  li  François  furent  logiet  sur  le  mont  de  San- 

30  gâte,  ensi  que  vous  avés  oy,  les  gens  des  communau* 
tés  perchurent  celle  tour.  Si  s'avancièrent  cil  de  Tour- 
nay,  qui  bien  estoient  là  quinze  cens  combatant^  et 


[i347]  LmiB  PRBBflER,  $  309.  49 

alèrent  de  grant  yolentet  celle  part.  Quant  cil  qoi 
dedens  estoient  les  veirent  approcier^  il  traisent  à 
yaus^  et  en  navrèrent  aucuns.  Quant  cil  de  Tournay 
veirent  ce,  si  furent  moult  courouciet,  et  se  misent 
de  grant  volenté  à  assallir  celle  tour  et  ces  Englès;  5 
et  passèrent  de  force  oultre  les  fossés,  et  vinrent  jus- 
ques  à  le  mote  de  terre  et  au  piet  de  le  tour  à  pik 
et  à  hauiaus*  L)à  eut  grant  assaut  et  dur,  et  moult  de 
chiaus  de  Tournay  bleciës;  mais  pour  ce  ne  se  re- 
firaindirent  il  mies  à  assallir^  et  fisent  tant  que ,  de  10 
force  et  par  grant  apertise  de  corps,  il  conquisent 
ceUe  tour.  Et  furent  mort  tout  cil  qui  dedens  estoient, 
et  la  tour  abatue  et  reversée  :  de  quoi  li  François 
tinrent  ce  Eût  à  grant  proèce. 

§  309.  Quant  li  hos  des  François  se  fîi  logie  sus  15 
le  mont  de  Sangates^  li  rois  envoia  ses  maresdbaus, 
le  signeur  de  Biaugeu  et  le  signeur  de  Saint  Venant, 
pour  regarder  et  aviser  comment  et  par  où  son  host 
plus  aisiement  poroit  passer,  pour  approcier  les  En- 
glès et  yaus  combatre.  Cil  doy  signeur,  mareschal  de  90 
France  pour  le  temps ,  alèrent  partout  regarder  et 
considérer  les  passages  et  les .  destrois,  et  puis  s'en 
retournèrent  au  roy  et  li  disent  à  brief  parole  qu'il 
ne  pooient  aviser  que  il  peuist  nullement  approcier 
les  Englès  que  il  ne  perdesist  ses  gens  davantage.  Si  S5 
demora  ensi  la  cose  cesii  jour  et  la  nuit  ensiewant. 

A  l'endemain  apriès  messe,  li  rois  Phelippes  envoia 
grans  messages,  par  le  conseil  de  ses  hommes,  au  roy 
d'Engleterre.  Et  passèrent  li  message  [par  congiet*] 

1.  lus.  B  4,  a,  f>  las.  —  Us.  B  1,  t.  n,  f>  S8  ^  (UMae). 


M  CHRONIQUES  IX  J.  FROISSART.  [i347] 

dou  conte  Derbi  au  pont  de  Nulais  :  ce  furent  mes- 
sires  Jofirois  de  Chai^i^  messires  Eustasses  de  Ri- 
beumont^  messires  Guis  de  Neelle  et  U  sires  de  Biaugeu. 
En  passant  et  en  chevauçant  celle  forte  voie,  cil  qua- 

5  tre  signeur  avisèrent  bien  et  considérèrent  le  fort  pas- 
sage^ et  comment  li  pons  estoit  bien  gardés.  On  les 
laissa  paisieuvlement  passer  tout  oultre^  car  li  rois 
d'Engleterre  l'avoit  ensi  ordonné.  Et  durement  en 
passant  prisièrent  l'arroy  et  l'ordenance  dou  conte 

10  Derbi  et  de  ses  gens ,  qui  gardoient  ce  pont  parmi 
lequel  il  passèrent.  Et  tant  chevaucièrent  que  il 
vinrent  jusques  à  Fostel  dou  roy,  qui  bien  estoit  pour- 
veus  de  grant  baronnie  dalés  lui.  Tantost  tout  quatre 
il  misent  piet  à  terre ,  et  passèrent  avant  et  vinrent 

15  jusques  au  roy  :  il  l'encUnèrent;  et  li  rois  les  recueilli^ 
ensi  comme  il  apertenoit  à  faire.  Là  s'avança  messires 
Ustasses  de  Ribeumont  à  parler  pour  tous;  et  disent  : 
«  Sire^  li  rois  de  France  nous  envoie  par  devers  vous 
et  vous  segnefîe  que  il  est  ci  venus  et  arrestés  sus  le 

80  mont  de  Sangates  pour  vous  combatre;.mais  il  ne 
poet  veoir  ne  trouver  voie  comment  il  puist  venir 
jusc'à  vous  :  si  en  a  il  grant  desir^  pour  dessegier  sa 
bonne  ville  de  Calais.  Si  a  il  fait  aviser  et  regarder 
par  ses  gens  comment  il  poront  venir  jusc'à  vous, 

85  mes  c'est  cose  impossible.  Si  veroit  volentiers  que 
vous  volsissiés  mettre  de  vostre  conseil  ensamble.  et 
il  metteroit  dou  sien,  et  par  l'avis  de  chiaus ,  aviser 
place  là  où  on  se  peuist  combatre^  et  de  ce  sommes 
nous  cargié  de  vous  dire  et  requerre.  » 

30  Li  rois  d'Engleterre,  qui  bien  entendi  ceste  pa- 
rolle,  fil  tantost  consilliés  et  avisés  de  respondre,  et 
respondi  et  dist  :  m  Signeur,  j'ay  bien  entendu  tout 


[1347]  UVRS  PREMIER,  $  310.  81 

ce  que  vous  me  requerés  de  par  mon  adversaire,  qui 
tient  mon  droit  hiretage  à  tort^  dont  il  me  poise.  Se 
li  dires  de  par  mi^  se  il  vous  plaist^  que  je  sui  ci  en- 
droit^ et  y  ay  demoret,  depuis  que  je  y  vinc^  priés 
d'un  an.  Tout  ce  a  il  bien  sceu;  et  y  fust  bien  venus  5 
plus  tost^  se  il  volsist.  Mais  il  m'a  ci  laissiet  demorer 
si  longement  que  jou  ay  grossement  despendu  dou 
mien.  Et  y  pense  avoir  tant  fait  que  assés  tempre- 
ment  je  serai  sires  de  le  ville  et  dou  chastiel  de  Ca- 
lais. Si  ne  sui  mies  consilliés  dou  tout  faire  à  sa  de*  10 
vise  et  se  aise,  ne  d'esïongier  ce  que  je  pense  à  avoir 
conquis  et  que  j'ay  tant  desiret  et  comparet.  Se  li 
disés^  se  ilz  ne  ses  gens  ne  poeent  par  là  passer^  si 
voisent  autour  pour  quérir  la  voie.  »  Li  baron  et 
message  dou  roy  de  France  veirent  bien  que  il  n'en  15 
porteroienl  aultre  response;  si  prisent  congiet. 

Li  rois  leur  donna  qui  les  fist  convoiier  jusques 
oultre  le  dit  pont  de  Nulais.  Et  s'en  revinrent  en 
leur  host^  et  recordèrent  au  roy  de  France  tout  ensi 
et  les  propres  paroles  que  li  rois  d'Engleterre  avoit  20 
dittes.  De  laquèle  response  li  rois  de  France  fu  tous 
courouciés^  car  il  vei  bien  que  perdre  li  couvenoit  la 
forte  [ville  ^]  de  Calais^  et  se  n'i  pooit  remediier  par 
nulle  voie. 

§  310.  Entrues  que  li  rois  de  France  estoit  sus  le  S5 
mont  de  Sangate^  et  qu'il  estudioit  comment  et  par 
quel  tour  il  poroit  combatre  les  Englès  qui  si  s'es- 
toient  fortefiiety  vinrent  doy  cardinal  en  son  host, 
envoliés  en  légation  de  par  le  pape  Clément  qui  re*^ 

1.  BIm.  B  4,  3,  ^  13€l  ^.  —  Bb.  B  1,  t.  n,  1^  S4  T*  (lacune). 


M  CHRONIQUES  DB  J.  FRCHSSâRT.  [18M]j 

gooit  pour  ce  temps.  Cil  doi  cardinal  se  misent  tan- 
toftt  en  grant  painne  d'aler  de  l'une  host  à  Tautre^  et 
Tolentiers  euissent  veu  que  li  rois  d'£ngleterre  euist 
brisiet  son  siège,  ce  que  il  n'euist  jamais  fait.  Toutes 
5  fois,  sus  certains  articles  et  trettiés  d'acort  et  de  pais^ 
il  procurèrent  tant  que  uns  respis  fu  pris  entre  ces 
deux  rois  et  leurs  gens,  là  estans  au  siège  et  sus  les 
camps  seulement.  Et  misent  par  leurs  promotions,  de 
toutes  parties,  quatre  signeurs  ensamble  qui  dévoient 

10  parlementer  de  le  pais.  De  le  partie  dou  roy  de 
France  y  furent  li  dus  de  Bouii^ongne,  li  dus  de 
Bourbon,  messires  Loeis  de  Savoie  et  messires  Jehans 
de  Haynau;  et  dou  costé  des  Englès,  li  contes  Derbi,  li 
contes  de  Norhantonne,  messires  Renaulz  de  Go-* 

"15  behem  et  messires  Gantiers  [de  Mauni'].  Et  li  doi 
cardinal  estoient  trettieur  et  moiien,  alant  de  l'un 
lés  à  l'autre.  Si  furent  tout  cil  signeur  les  trois  jours 
la  grigneur  partie  dou  jour  ensamble  ;  et  misent  plui* 
seurs  devises  et  pareçons  avant,  desquèles  nulles  ne 

SO  vinrent  à  effect. 

Entrues  que  on  parlementoit  et  ces  triewes  durant, 
li  rois  d'Engleterre  faisoit  toutdis  efforcier  son  host 
et  &ire  grans  fossés  sus  les  dunes,  par  quoi  li  Fran- 
çois ne  les  peuissent  sousprendre.  Et  saciés  que  cilz 

25  parlemens  et  detriemens  anoioit  durement  à  chiaus 
de  Calais  qui  volentiers  euissent  veu  plus  tost  leur 
délivrance,  car  on  les  Êiisoit  trop  juner.  Cil  troi  jour 
se  passèrent  sans  pais  et  sans  acort,  car  li  rois 
d'Engleterre  tenoit  toutdis  sen  oppinion  que  il  se- 

30  roit  sires  de  Calais,  et  li  rois  de  France  voloit  que 

1.  Hm.  B  4,  3,  f»  138  v«.  —  bu.  B  1,  t.  II«  ^  Sfc  t«  (lacue). 


eOe  li  demorast.  En  cel  estri  se  départirent  les  par* 
ties^  ne  on  ne  les  peut  rassambler  depuis  ;  si  s'en  te- 
tournèrent  li  cardinal  à  Saint  Orner. 

Quant  li  rois  Phelippes  vei  ce  que  perdre  li  cou- 
venoit  Calais^  si  fu  durement  courouciés;  à  envis    5 
s'en  partoit  sans  aucune  oose  faire.  Et  si  ne  pooit 
traire  avant  ne  combatre  les  Englès  qu'il  ne  fuissent 
tout  perdu  davantage  :  si  ques,  tout  considère^  li  se- 
journers  là  ne  li  esloit  point  pourfitable  ;  si  ordonna 
au  partir  et  à  deslogier.  Si  fist,  à  l'endemain  au  ma-  10 
tin  que  li  parlemens   fu  finës^  recueillier  en  grant 
haste  tentes  et  très  et  tourser^  et  se  mist  au  chemin 
par  devers  la  cité  d'Amiens,  et  donna  congiet  toutes 
manières  de  gens  d'armes  et  de  commugnes.  Quant 
cil  de  Calais  veirent  le  deslogement  de  leurs  gens^  si  l& 
furent  tout  pardesconfi  et  desbaretë.  Et  n'a  si  dur 
coer  ou  monde  que,  qui  les  veist  démener  et  dolouser, 
qui  n'en  ewist  pité.  A  ce  deslogement  ne  perdirent 
point  aucun  Englès  qui  s'aventurèrent  et  qui  se  feri- 
rent  en  la  kewe  des  François,  mes  gaegnièrent  des  » 
kars,  des  sonmiiers  et  des  chevaus,  des  vins  et  des 
pourveances  et  des  prisonniers  qu'il  ramenèrent  en 
Post  devant  Calais. 

§  34 1  •  Apriès  le  département  dou  roy  de  France 
et  de  son  host  dôu  mont  de  Sangates,  chil  de  Calais  as 
veirent  bien  que  li  secours  en  quoi  il  avoient  fiance 
leur  estoit  fallis  ;  et  si  estoient  à  si  très  grant  des- 
trèoe  de  £unine  que  li  plus  poissans  et  plus  fors  se 
pooit  à  grant  malaise  soustenir.  Si  eurent  conseil  ;  et 
lemr  sambla  qu'il  valoit  mieulz  yaus  mettre  en  le  vo-  80 
lente  dou  roy  d'Engleterre,  se  plus  grant  merci  n*i 


M  cBBomqinËS  smi.  fsoissart.       hwi] 

pooient  trouver,  que  yaus  laissier  morir  Fun  apriès 
Tautre  par  destrèce  de  fimune^  car  ii  pluiseur  en 
poroient  perdre  eorps  et  ame  par  rage  de  fiaûm.  Si  priiè- 
rent  tant  à  monsigneur  Jehan  de  Yiane  que  il  en 
5  Yolsist  trettier  et  parler^  que  il  s'i  acorda  ;  et  monta 
as  crestiaus  des  murs  de  le  ville^  et  fist  signe  à  chiaus 
de  dehors  que  il  voloit  parler. 

Quant  li  rois  d'Engleterre  entendi  ces  nouvelles^ 
il  envoia  là  tantos  monsigneur  Gautier  de  Mauni  et 

10  le  signeur  de  Basset.  Quant  il  furent  là  venu^  li  dis 
messires  Jehans  de  Yiane  lor  dist  :  «  Chier  signeur, 
TOUS  estes  moult  vaillant  chevalier  et  usé  d'armes^ 
et  savés  que  li  rois  de  France,  que  nous  tenons  à  si* 
gneur,  nous  a  ceens  envoiiet  et  commandé  que  nous 

15  gardissions  ceste  ville  et  ce  chastiel,  si  que  blasme 
n'en  euissions^  ne  ilz  point  de  damage  :  nous  en 
avons  &it  nostre  pooir.  Or  est  nos  secours  fallis.  Et 
vous  nous  avés  si  astrains  que  nous  n'avons  de  quoi 
vivre  :  si  nous  couvenra  tous  morir  ou  esragier  par 

M  fiuEnine^  se  li  gentibs  rois  qui  est  vos  sires  n'a  pité  de 
nous,  Chier  signeur^  se  li  voelliés  priier  en  pité  qu'il 
voeUe  avoir  merci  de  nous^  et  nous  en  voelle  laisûer 
aler  tout  ensi  que  nous  sommes ,  et  voelle  pren- 
dre le  ville  et  le  chastiel  et  tout  l'avoir  qui  est  de- 

S5  dens  :  si  en  trouvera  assés.  » 

Adonc  respondi  messires  Gantiers  de  Mauni  et 
dist  :  «  Messire  Jehan^  messire  Jehan^  nous  savons 
partie  de  l'intention  nostre  signeur  le  roy  d'Engle- 
terre, car  il  le  nous  a  dit.  Saciés  que  ce  n'est  mies 

80  se  entente  que  vous  en  peuissiés  aler  ensi  que  vous 
avés  ci  dit  ;  ains  est  sa  volenté  que  vous  vos  metés 
tous  en  se  pure  volenté ,  ou  pour  rançonner  ehîaus 


[t347]  LITBB  PREMIER,  $  311.  W 

qu'U  li  jABin,  ou.pour  &ire  morir;  car  cil  de  Calais  li 
ont  tant  &it  de  contraires  et  de  despis^  le  sien  fait 
despendre  et  grant  fiiison  de  ses  gens  [fidt  ^]  morir  : 
dont^  se  il  l'en  poise^  ce  n'est  mies  merveilles.  » 

Adonc  respondi  messires  Jehans  de  Yiane  et  dist  :     5 
«  Ce  seroit  trop  dure  cose  pour  nous,  se  nous  con- 
sentions ce  que  vous  dittes.  Nous  sommes  un  petit 
de  chevaliers  et  d'escuiers  qui  loyaument  à  nostre 
pooir  avons  servi  nostre  signeur^  ensi  cqmme  vous 
fériés  le  vostre^  en  samblant  cas  ;  et  en  avons  enduré  10 
mainte  painne  et  tamainte  mesaise.  Mais  ançois  en 
soufferions  nous  tèle  mesaise  que  onques  gens  n'en* 
durèrent  ne  souffirirent  la  parelle^  que  nous  consen<> 
tissions,  que  li  plus  petis  garçons  ou  variés  de  le  ville 
eoist  aultre  mal  que  li  plus  grans  de  nous.  Mais  nous  15 
vous  prions  que  vous  voelliés  aler  par  vostre  humi-    • 
lité  devers  le  roy  d'Ëngleterre ,  et  li  priiés  que  il  ait 
pité  de  nous  :  si  ferés  courtoisie ,  car  nous  espérons 
en  lui  tant  de  gentillèce  que  il  ara  merci  de  nous.  » 
—  «  Par  ma  foy,  respondi  messires  Gantiers,  mefr-  so 
sire  Jehan,  je  le  ferai  volentiers.  Et  vorroie^  se  Diex 
me  vaille,  qu'il  m'en  vosist  croire  mes  :  vous  en 
vaoniés  tout  mieulz.  » 

Lors  se  départirent  U  sires  de  Mauni  et  li  sires  de 
Basset^  et  hdssièrent  monsigaeur  Jehan  de  Viane  85 
apoiant  as  murs,  car  tantost  dévoient  retourner;  et 
s'en  vinrent  dévers  le  roy  d'Ëngleterre  qui  les  atten* 
doit  à  l'entrée  de  son  hostel  et  avoit  grant  désir  d'oiir 
noa:veUes  de  chiaus  de  Calais.  Dalés  lui  estoient  li 

1.  Ms.  B3,  f^I58^.  —  Mm  B  1,4,  i^aS^o:  «faire.  »  Hmtfms9 


86  GHEONIQUBS  I»  J.  FROISSART.  [i347] 

contes  Derbi^  li  contes  de  Norhantonne^  li  contes 
d*Arondiel  et  pluiseur  hault  baron  d'Engleterre.  Mes- 
sires  Gantiers  de  Mauni  et  li  sires  de  Basset  enclinè- 
rent  le  roy,  et  puis  se  traisent  devers  lui.  Li  sires  de 
5  Mauni,  qui  sagement  estoit  enlangagiés,  commença  à 
parler,  car  li  rois  souverainnement  le  volt  oïr,  et  dlst  : 
c  Mon  signeur^  nous  venons  de  Calais  et  avons  trouvé 
le  chapitainne,  monsigneur  Jehan  de  Yiane,  qui  lon- 
gement  a  parlé  à  nous.  Et  me  samble  que  ilz  et  si 

10  compagnon  et  li  communaultés  de  Calais  sont  en 
grant  volenté  de  vous  rendre  la  ville  et  le  chastiel  de 
Calais  et  tout  ce  qui  dedens  est^  mes  que  leurs  c(Nrps 
singulerement  il  en  peuissent  mettre  hors.  » 

Dont  respondi  li  rois  :  «  Messire  Gautier,  vous  sa^- 

15  vés  la  grigneur  partie  en  ce  cas  de  nostre  entente  : 
quel  cose^  en  avés  vous  respondu?  »  —  «  En  nom 
Dieu^  monsigneur,  dist  messires  Gantiers^  que  vous 
n'en  fériés  riens^  se  il  ne  se  rendoient  simplement  à 
vostre  volenté,  pour  vivre  et  pour  morir,  se  il  vous 

so  plaist.  Et  quant  je  leur  ay  ce  remoustré^  messires 
Jehans  de  Viane  me  respondi  et  cogneut  bien  qu'il 
sont  moult  constraint  et  astraint  de  Êunine  ;  mais, 
ançois  que  il  entrassent  en  ce  parti,  il  se  venderoient 
si  chier  que  onques  gens  fisent.  «  Dont  respondi  li 

S5  rois  et  dist  :  «  Messire  Gautier^  je  n'ai  mies  espoir 
ne  volenté  endont  que  j*en  face  aultre  cose.  »  Lors 
se  retrest  avant  li  gentilz  sires  de  Mauni  et  parla 
moult  sagement  au  roy,  et  dist  pour  aidier  chiaus  de 
Calais  :  «  Monsigneur^  vous  poriés  bien  avoir  tcurt, 

30  car  vous  nous  donnés  mauvais  exemple.  Se  vous  nous 
voliiés  envoiier  en  aucunes  de  vos  forterèces,  nous 
n'irions  mies  si  volentiers^  se  vous  faites  ces  gens 


[1347]  UYRB  FRElflER,  $  8it.  57 

mettre  à  mort,  ensi  que  vous  dittes^  car  ensi  feroit 
on  de  nous  en  samblant  cas.  » 

Cilz  exemples  amolia  grandement  le  corage  dou 
roy  d'Engleterre^  car  li  plus  des  barons  qui  là  estoient 
l'aidièrent  à  soustenir.  Dont  dist  li  rois  :  «  Signeur^  je    5 
ne  Yoeil  mies  estre  tous  seulz  contre  vous  tous,  Gau- 
tier^ vous  en  irés  à  chiaus  de  Calais,  et  dires  au  cha- 
pitainne,  monsigneur  Jehan  de  Viane,  que  vous  avés 
tant  travilliet  pour  yaus^  et  ossi  ont  tout  mi  baron , 
que  je  me  sui  acordés  à  grant  dur  à  ce  que  la  plus  lo 
grant  grasce  qu'il  poront  trouver  ne  avoir  en  moy, 
c'est  que  il  se  partent  de  le  ville  de  Calais  six  des 
plus  notables  bourgois,  en  purs^  les  chiés  et  tous  des- 
chaus^  les  hars  ou  col^  les  clés  de  le  ville  et  dou 
chastiel  en  leurs  mains.   Et  de  chiaus  je  ferai  ma  15 
volenté^  et  le  demorant  je  prenderai  à  merci.  »  —  . 
«  Monsigneur^  respondi  messires  Gantiers,  je  le  ferai 
volentiers.  )i 

§  312.  A  ces  parlers  se  départi  li  gentilz  sires  de 
Mauni ,  et  retourna  jusques  à  Calais  là  où  messires  30 
Jehans  de  Yiane  l'attendoit;  se  li  recorda  toutes  les 
paroles  devant  dittes^  ensi  que  vous  les  avés  oyes. 
Et  dist  bien  que  c'estoit  tout  ce  que  il  en  avoit 
pout  impetrer.  «  Messire  Gautier^  dist  messires  Je- 
hans^ je  vous  en  croi  bien.  Or  vous  prie  je  que  vous  25 
Toelliés  ci  tant  demorer  que  j'aie  remoustré  tout  cel 
afaire  à  le  communaulté  de  le  ville^  car  il  m'ont  chi 
envoiiet,  et  à  yaus  en  tient^  ce  m'est  avis^  dou  res- 
pondre.  »  Respondi  li  sires  de  Mauni  :  «  Je  le  ferai 
volentiers.  »  30 

Lors  se  parti  des  crestiaus  messires  Jehans  de  Viane, 


58  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [1847] 

et  vint  ou  marchié,  et  fist  sonner  la  cloche  pour  as- 
sambler  toutes  manières  de  gens  en  le  haie.  Au  son 
de  le  cloche  vinrent  il  tout^  hommes  et  femmes, 
car  moult  desiroient  à  oïr  nouvelles,  ensi  que  gens 
5  si  astrains  de  famine  que  plus  n'en  pooient  porter. 
Quant  il  furent  tout  venu  et  assamblé  en  le  place, 
hommes  et  femmes,  messires  Jehans  de  Yiane  leur 
remoustra  moult  doucement  les  paroles  toutes  tèles 
que  chi  devant  sont  recitées,  et  leur  dist  bien  que 

10  aultrement  ne  pooit  estre,  et  euissent  sur  ce  avis  et 
brief  response.  Quant  il  oïrent  ce  raport,  il  com- 
mencièrent  tout  à  criier  et  à  plorer  telement  et  si 
amèrement  qu'il  ne  fust  nulz  si  durs  coers  ou 
monde,  se  il  les  veist  et  oïst  yaus  démener,  qui 

15  n'en  euist  pité,  et  n'eurent  en  l'eure  pooir  de  res- 
pondre  ne  de  parler.  Et  mesmement  messires  Jehans 
de  Yiane  en  avoit  tel  pité  que  il  en  larmioit  moult 
tenrement. 

Une  espasse  apriès,  se  leva  en  pies  li  plus  riches 

30  bourgois  de  le  ville ,  que  on  clamoit  sire  Ustasse  de 
Saint  Pière,  et  dist  devant  tous  ensi  :  «  Signeur,  grans 
pités  et  grans  meschiés  seroit  de  laissier  morir  un 
tel  peuple  que  ci  a,  par  famine  ou  autrement,  quant 
on  y  poet  trouver  aucun  moiien.  Et  si  seroit  grant 

35  aumosne  et  grant  grasce  à  Nostre  Signeur  qui  de  tel 
meschief  les  poroit  garder.  Je,  endroit  de  moy,  ay  si 
grant  espérance  d'avoir  grasce  et  pardon  envers 
Nostre  Signeur,  se  je  muir  pour  ce  peuple  sauver, 
que  je  voeil  estre  li  premiers.  Et  me  metterai  volen- 

30  tiers  en  pur  ma  chemise ,  à  nu  chief  et  à  nus  piés^ 
le  hart  ou  col,  en  le  merci  dou  gentil  roy  d'Engle- 
terre.  » 


[iS47]  .  UVBB  PREMIER,  S  ^i^- 

Quant  sires  Ustasses  de  Saint  Pière  eut  dit  œste 
parole^  oescuns  l'ala  aourer  de  pité,  et  pluiseurs 
hommes  et  femmes  se  jettoient  à  ses  pies  tenrement 
plorant  :  c'estoit  grans  pités  dou  là  estre,  yaus  otr  et 
regarder.  5 

Secondement,  uns  aultres  très  honnestes  boui^ois 
et  de  grant  afaire,  et  qui  avoit  deux  belles  damoi- 
selles  à  fiUes^  se  leva  et  dist  tout  ensi^  et  qu'il  feroit 
compagnie  à  son  compère  sire  Ustasse  de  Saint  Pière; 
on  appelloit  cesti^  sire  Jehan  d'Aire.  10 

Apriès  se  leva  li  tiers^  qui  s'appelloit  sire  Jakemes 
de  Wissant^  qui  estoit  riches  homs  de  meuble  et 
d'iretage^  et  dist  que  il  feroit  à  ses  deux  cousins  com- 
pagnie. Ensi  fîst  sire  Pières  de  Wissant  ses  frères,  et 
puis  li  cinquimez  et  li  siximez.  Et  se  desvestirent  là  15 
cil  six  bourgois  tout  nu^  en  pur  leur  braies  et  leurs 
chemises,  en  le  haie  de  Calais^  et  misent  hars  en  leurs 
colz^  ensi  que  ordenance  se  portoit.  Et  prisent  les  clés 
de  le  ville  de  Calais  et  dou  chastiel;  cescuns  des  six 
en  tenoit  une  puignie.  SO 

'  Quant  il  fiirent  ensi  apparilliet^  messires  Jehans  de 
Viane^  montés  sus  une  petite  haghenée,  car  à  grant 
Bpuilaise  pooit  il  aler  à  piet^  se  mist  devant  et  prist  le 
chemin  de  le  porte.  Qui  donc  veist  hommes^  les 
femmes  et  en&ns  de  chiaus  plorer  et  tordre  leurs  S5 
mains  et  criier  à  haulte  vois  très  amèrement^  il  n'est 
si  durs  coers  ou  monde  qui  n'en  euist  pUé.  Ensi 
vinrent  il  jusques  à  le  porte,  convoiiet  en  plaiûs^  en 
cris  et  en  plours.  Messires  Jehans  de  Yiane  fîst  .ou- 
vrir le  porte  toute  arrière,  et  se  fîst  enclore  dehors  30 
avoecques  les  six  bourgois,  entre  le  porte  et  les  bar- 
rières; et  vint  à  monsigneur  Gautier  qui  là  l'atten- 


60  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [1347] 

doit,  et  li  dist  :  «  Messire  Gautier^  je  vous  délivre, 
comme  chapitains  de  Calais,  par  le  consentement 
dou  povre  peuple  de  celi  ville,  ces  six  bourgois.  Et 
vous  jur  que  ce  sont  au  jour  d'ui  et  estoient  li  plus 
5  honnourable  et  notable  de  corps^  de  chevance  et 
d'ancisserie  de  le  ville  de  Calais  ;  et  portent  avoech 
yaus  toutes  les  clés  de  le  dit  te  ville  et  dou  chastiei. 
Si  vous  pri^  gentilz  sires^  que  vous  voelliés  priier 
pour  yaus  au  gentil  roy  d'Engleterre  pour  ces  bon- 

10  nés  gens  qu'il  ne  soient  mies  mort.  »  —  a  Je  ne  sçai, 
respondi  li  sires  de  Mauni^  que  messires  li  rois  en 
vorra  faire^  mais  je  vous  ay  en  couvent  que  j'en  ferai 
mon  devoir.  » 

Adonc  fîi  la  barrière  ouverte.  Si  s'en  alèrent  li  six 

15  bourgois,  en  cel  estât  que  je  vous  di,  avoech  monsi* 
gneur  Gautier  de  Mauni  qui  les  amena  tout  bellement 
devers  le  palais  dou  roy^  et  messires  Jehans  de  Yiane 
rentra  en  le  ville  de  Calais. 

Li  rois  estoit  à  celle  heure  en  sa  cambre ,  à  grant 

so  compagnie  de  contes^  de  barons  et  de  chevaliers.  Si 
entendi  que  cil  de  Calais  venoient  en  l'arroy  que  il 
avoit  deviset  et  ordonnet;  si  se  mist  hors  et  s'en 
vint  en  la  place  devant  son  hostel,  et  tout  cil  signeur 
après  lui  et  encores  grant  fuison  qui  y  aourvinrent , 

S5  pour  veoir  chiaus  de  Calais  ne  comment  il  fineroient. 
Et  meismement  la  royne  d'Engleterre^  qui  moult 
enchainte  estoit^  sievi  le  roy  son  signeur.  Evous  venu 
monsigneur  Gautier  de  Mauni  et  les  bourgois  dalés 
lui  qui  le  sie voient^  et  descendi  en  la  place^  et  puis 

30  s'en  vint  devers  le  roy  et  li  dist  :  «  Monsigneur^  veci 
le  représentation  de  le  ville  de  Calais^  à  vostre  orde- 
nance.  »  Li  rois  se  taiai  tous  quois  et  regatrda  moult 


[1347]  LIVRE  PREBUKR»  S  3^<-  ^i 

fellement  sur  chiaus;  car  moult  haoit  les  habitans  de 
Calais,  pour  les  grans  damages  et  contraires  que  dou 
temps  passet  sus  mer  li  avoient  fais. 

Cil  six  bourgois  se  misent  tantost  en  genoulz  par 
devant  le  roy,  et  disent  ensi  en  joindant  leurs  mains  :     5 
c  Gentilz  sires  et  gentilz  rois ,  ves  nous  chi  six  y  qui 
avons  esté  d'ancisserie  bourgois  de  Calais  et  grans 
mareeans.  Si  vous  aportons  les  clés  de  le  ville  et  dou 
chastiel  de  Calais,  et  les  vous  rendons  à  vostre  plai- 
sir^ et  nous  mettons  en  tel  point  que  vous  nous  veés,    lo 
en  vostre  pure  volenté,  pour  sauver  le  demorant  dou 
peuple  de  Calais;  si  voelliés  avoir  de  nous  pité  et 
merci  par  vostre  très  haute  noblèce.  »  Certes  il  n'i 
eut  adonc  en  le  place  signeur,  chevalier  ne  vaillant 
homme ,  qui  se  peuist  abstenir  de  plorer  de  droite  15 
pité,  ne  qui  peuist  en  grant  pièce  parler.  Li  rois  re- 
garda sus  yaus  très  ireusement^  car  il  avoit  le  coer  si 
dur  et  si  espris  de  grant  courons  que  il  ne  peut  par- 
ler; et  quant  il  parla^  il  commanda  que  on  leur  co- 
past  les  tiestes  tantost.  Tout  li  baron  et  li  chevalier  90 
qui  là  estoient,  en  plorant  prioient  si  aoertes  que  faire 
le  pooient  au  roy  qu'il  en  vosist  avoir  pité,  merci  ; 
mais  il  n'i  voloit  entendre. 

Adonc  parla  messires  Gantiers  de  Mauni  et  dist  : 
ff  Ha  !  gentilz  sires ,  voelliés  rafrener  vostre  corage.  S5 
Vous  avés  le  nom  et  le  renommée  de  souveràinne 
gentillèce  et  noblèce.  Or  ne  voelliés  donc  faire  cose 
par  quoi  elle  soit  noient  amenrie,  ne  que  on  puist 
parler  sur  vous  en  nulle  manière  villainne.  Se  vous 
n'avés  pité  de  ces  gens ,  toutes  aultres  gens  diront  30 
que  ce  sera  grant  cruaultés,  se  vous  &ites  morir  ces 
honnestes  bourgois,  qui  de  lor  propre  volenté  se 


«f  CHRONIQUES  DE  J.  FEOISSART.  [1347} 

sont  mis  en  vostre  merci  pour  les  aultres  sauver.  » 
A  ce  point  se  grigna  li  rois  et  dist  :  «  Messire  Gau- 
tier^ souffres  vous^  il  ne  sera^aultrement^  mes  on 
face  venir  le  cope  teste.  Chil  de  Calais  ont  fait  morir 

5  tant  de  mes  hommes ,  que  il  convient  chiaus  morir 
ossi.  » 

Adonc  fist  la  noble  royne  d'Engleterre  grant  hu- 
milité^  qui  estoit  durement  enchainte,  et  ploroit  si  ten- 
rement  de  pité  que  on  ne  le  pooit  soustenir.  Elle  se 

10  jetta  en  jenoulz  par  devant  le  roy  son  signeur  et  dist 
ensi  :  «  Ha  I  gentilz  sires,  puis  que  je  apassai  le  mer 
par  deçà  en  grant  péril  ^  si  com  vous  savés,  je  ne 
vous  ay  riens  rouvet  ne  don  demandet.  Or  vous  prî 
jou  humlement  et  requier  en  propre  don  que^  pour 

15  le  fil  sainte  Marie  et  pour  l'amour  de  mi,  vous  voel« 
liés  avoir  de  ces  six  hommes  merci.  » 

Li  rois  attendi  un  petit  de  parler  et  regarda  la 
bonne  dame  sa  femme,  qui  moult  estoit  enchainte  et 
ploroit  devant  lui  en  jenoulz  moult  tenrement.  Se  li 

20  amolia  li  coers^  car  envis  Teuist  couroucie  ens  ou 
point  là  où  elle  estoit  ;  si  dist  :  «  Ha  I  dame^  je  amaisse 
mieulz  que  vous  fîiissiés  d'autre  part  que  ci.  Vous  me 
priiés  si  acertes  que  je  ne  le  vous  ose  escondire  ;  et 
comment  que  je  le  face  envis,   tenés,  je  les  vous 

25  donne  :  si  en  faites  vostre  plaisir.  »  La  bonne  dame 
dist  :  «  Monsigneur,  très  grans  mercis.  » 

Lors  se  leva  la  royne  et  fist  lever  les  six  bourgois, 
et  leur  fist  oster  les  chevestres  d'entours  les  colz,  et 
les  amena  avoecques  lui  en  sa  cambre,  et  les  fist  re- 

30  vestir  et  donner  à  disner  tout  aise  ;  et  puis  donna  à 
çascun  six  nobles,  et  les  fist  conduire  hors  de  Tost  à 
sauveté. 


[i347]  LIVRE  PREMIER,  S  ^^^*  03 

§  31 3.  Ensi  ta  la  forte  ville  de  Calais  assise  par  le 
roy  Edowart  d'Engleterre ,  Fan  de  grasce  mil  trois 
cens  quarante  six ,  environ  le  Saint  Jehan  deeolasse  y 
ou  mois  d'aoust^  et  fu  conquise  Fan  de  grasce  mil 
trois  cens  quarante  sept,  en  ce  meismes  mois.  5 

Quant  li  rois  d'Ëngleterre  eut  fait  sa  volenté  des  six 
bourgois  de  Calais^  et  il  les  eut  donnés  à  la  royne  sa 
femme^  il  appella  monsigneur  Gautier  de  Mauni  et  ses 
deux  mareschaus,  le  conte  de  Warvich  et  le  baron  de 
Stanforty  et  leur  dist  :  «  Signeur,  prendés  ces  clés  de  10 
le  ville  et  dou  chastiel  de  Calais  :  si  en  aies  prendre  le 
saisine  et  le  possession.  Et  prendés  tous  les  cheva- 
liers qui  laiens  sont  et  les  metés  en  prison,  ou  faites 
leur  jurer  et  fiancier  prison;  ils  sont  gentil  homme  : 
je  les  recrerai  bien  sus  leurs  fois.  Et  tous  aultres  sau-  l& 
doiiers ,  qui  sont  là  venu  pour  gaegnier  leur  argent, 
faites  les  partir  simplement^  et  tout  le  demorant  de 
le  ville^  honunes  et  femmes  et  en£sins^  car  je  voeil  la 
ville  repeupler  de  purs  Englès.  » 

Tout  ensi  [fu  fait  ^]  que  li  rois  commanda  et  que  so 
vous  poés  oïr.  Li  doi  mareschal  d'Engleterre  et  li  sires 
de  Mauni^  à  cent  hommes  tant  seulement^  s'en  vin- 
rent prendre  le  saisine  de  Calais;  et  fisent  aler  eus 
es  portes  tenir  prison  monsigneur  Jehan  de  Viane  j 
monsigneur  Ernoul  d'Audrehen^  monsigneur  Jehan  S5 
de  Surie,  monsigneur  Bauduin  de  Belleboume  et  les 
aultres.  Et  fisent  li  mareschal  d'Engleterre  aporter  les 
saudoiiers  toutes  armeures  et  jetter  en  un  mont  en 
le  halle  de  Calais.  Et  puis  fisent  toutes  manières  de 
gens^  petis  et  grans,  partir;  et  ne  retinrent  que  trois  80 

1.  Mm.  B,  4,  3,  f>  141.  —  Ab.  B 1,  t.  Il,  f^  28  (lacune). 


64  CHRONIQUES  DR  J.  FROISSART.  [1347] 

hommes^  un  prestre  et  deux  aultres  aneiiens  hommes^ 
bons  coustumiers  des  lois  et  ordenances  de  Calais, 
et  fu  pour  rensegnier  les  hiretages.  Quant  il  eurent 
tout  ce  fait  et  le  chastiel  ordonné  pour  logier  le  roy 

5  et  la  royne,  et  tout  li  aultre  hostel  furent  widié  et 
appareillié  pour  rechevoir  les  gens  dou  roy ,  on  le 
segnefia  au  roy.  Adonc  monta  il  à  chevaly  et  fîst  mon- 
ter la  royne  et  les  barons  et  chevaliers,  et  chevau- 
cièrent  à  grant  glore  devers  Calais;  et  entrèrent  en 

10  le  ville  à  si  grant  fuison  de  menestraudies,  de  trompes, 
de  tabours  et  de  muses,  que  ce  seroit  merveilles  à 
recorder.  Et  chevauça  ensi  li  rois  jusques  au  chastiel, 
et  le  trouva  bien  paré  et  bien  ordonné  pour  lui  rece- 
voir et  le  disner  tout  prest.  Si  donna  li  dis  [rois  ^],  ce 

15  premier  jour  que  il  entra  en  Calais,  à  disner  ens  ou 
chastiel  les  contes,  les  barons  et  les  chevaliers  qui  là 
estoient ,  et  la  royne  j  les  dames  et  les  damoiselles , 
qui  au  siège  estoient  et  qui  le  mer  avoient  passet 
avoecques  li  ;  et  y  furent  en  grant  solas,  ce  poet  on 

20  bien  croire. 

Ensi  se  porta  li  ordenance  de  Calais.  Et  se  tint  li 
rois  ou  chastiel  et  en  le  ville  tant  que  la  royne  fu  re- 
levée d'une  fille,  qui  eut  nom  Margherite;  et  donna  à 
aucuns  de  ses  chevahers,  ce  terme  pendant,  biaus 

S5  hostelz  en  le  ville  de  Calais,  au  signeUr  de  Mauni,  au 
baron  de  Stanfort,  au  signeur  de  Gobehen,  à  mon- 
signeur  Bietremieu  de  Brues ,  et  ensi  à  tous  les  aul- 
tres, pour  mieulz  repeupler  la  ville.  Et  estoit  se  inten- 
tion, lui  retourné  en  Engleterre,  que  il  envoieroit  là 

80  trente  six  riches  bourgois,  leurs  femmes  et  leurs  en- 

1.  Bfi.  B  4,  ^  141.  ~  Ml.  B  1,  t.  n,  f>  2S(koime). 


[1347]  LIVRE  PREMIER,  $  314.  65 

fensy  demorer  de  tous  poins  en  le  ville  de  Calais.  Et 
par  especial  il  y  aroit  douze  boui^ois,  riches  hommes 
et  notables  de  Londres;  et  feroit  tant  que  la  ditte  ville 
seroit  toute  repeuplée  de  purs  Englès  :  laquèle  inten- 
tion il  accompli.  Si  fu  la  noeve  ville  et  la  bastide^  5 
qui  devant  Calais  estoit  faite  pour  tenir  le  siège^  toute 
deffîiite^  et  li  chastiaus  qui  estoit  sur  le  havene  aba- 
tus,  et  li  gros  mairiens  amenés  à  (Valais.  Si  ordena 
li  rois  gens  pour  entendre  as  portes^  as  murs,  as  tours 
et  as  barrières  de  le  ville.  Et  tout  ce  qui  estoit  brisiet  lo 
€tt  romput  y  on  le  iîst  rappareillier  :  si  ne  fu  mies  si 
tost  fait.  Et  furent  envoiiet  en  EngleterrCi  ains  le  dé- 
partement dou  roy,  messires  Jehans  de  Yiane  et  si 
compagnon  ;  et  furent  environ  demi  an  à  Londres,  et 
puis  mis  à  raençon.  15 

§  314.  Or  me  samble  que  c'est  grans  a[n]uis*  de 
piteusement  penser  et  ossi  considérer  que  cil  grant 
bourgois  et  ces  nobles  bourgoises  et  leurs  biaus  en- 
fans  ,  qui  d'estoch  et  d'estration  avoient  demoret,  et 
leur  ancisseur,  en  le  ville  de  Calais,  devinrent  :  des  20 
quelz  il  y  avoit  grant  fuison  au  jour  que  elle  fu  con- 
quise. Ce  fu  grans  pités,  quant  il  leur  convint  guerpir 
leurs  biaus  hostelz  et  leurs  avoirs,  car  riens  n'en  por- 
tèrent; et  si  n'en  eurent  oncques  restorier  ne  recou- 
vrier  dou  roy  de  France ,  pour  qui  il  avoient  tout  25 
perdu.  Je  me  passerai  d'yaus  briefînent  :  il  fisent  au 
mieulz  qu'il  peurent  ;  mes  la  grignour  partie  se  trai- 
sent  en  le  bonne  ville  de  Saint  Qmer. 


1.  Mf.  B  4  :  f  Or  m'est  adris  cpie  c'est  grans  anis.  »  F<>  141  ^  — 
Bfs.  B  3  :  «  Or  m'est  il  adris  qae.  •  F»  160  vo. 

IV  —  5 


66  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1347] 

Eaoores  se  tenoit  li  rois  d'Engleterre  à  Calais  pour 
entendre  le  plus  parfailement  as  besongnes  de  le 
ville^  et  li  rois  Phelippes  en  le  cité  d'Amiens.  Si  estoit 
dalés  lui  li  cardinaulz  Guis  de  Boulongne^  qui  venus 

5  estoit  en  France  en  légation  :  par  laquel  promotion 
il  pourcaça  une  triewe  à  durer  deus  ans.  Et  fu  ceste 
triewe  acordée  de  toutes  parties;  niais  on  excepta 
hors  la  terre  et  ducé  de  Bretagne^  car  là  tenoient  et 
tinrent  toutdis  les  deus  dames  guerre  Tune  contre 

10  l'autre. 

Si  s'en  retournèrent  li  rois  d'Engleterre,  la  royne 
et  leur  enfant  en  Engleterre.  Et  laissa  li  dis  rois  ^  à 
son  département  de  Calais,  à  chapitainne  un  Lombart 
que  moult  amoit  et  lequel  il  avoit  avanciet,  qui  s'ap- 

15  pelloit  Aymeri  de  Pavie;  et  li  recarga  en  garde  toute 

la  ville  et  le  chastiel,  dont  il  Ven  deubt  estre  priés 

mescheu,  ensi  que  vous  orés  recorder  temprement. 

Quant  li  rois  d'Engleterre  fu  retournés  à  Londres, 

il  mist  grant  entente  de  repeupler  le  ville  de  Calais 

20  et  y  envoia  trente  six  riches  bourgois  et  sages  hom- 
mes, leurs  femmes  et  leurs  enfans,  et  plus  de  quatre 
cens  aultres  hommes  de  mendre  estât.  Et  toutdis 
croissoit  li  nombres,  car  li  rois  y  donna  et  seela  li- 
bertés et  franchises  si  grandes  que  cescuns  y  vint 

S5  volentiers. 

En  ce  temps  fii  amenés  en  Engleterre  messires 
Charles  de  Blois,  qui  s'appelloit  dus  de  Bretagne,  qui 
avoit  esté  pris  devant  le  Roce  Deurient,  ensi  que  chi 
dessus  est  contenu;  si  fu  mis  en  courtoise  prison 

30  ens  ou  chastiel  de  Londres ,  avoecques  le  roy  David 
d'Escoce  et  le  conte  de  Mouret.  Mes  il  n'i  eut  point 
esté  longement  quant,  à  la  priière  madame  la  royne 


[1348]  UYRE  PREBOER,  S  3^^-  ^ 

d'Engleterre  ^  qui  estoit  sa  cousine  germainne,  il  fii 
recreus  sus  sa  foy.  Et  chevauçoit  à  sa  volenté  au  tour 
de  Londres  ;  mes  il  ne  pooit  jesir  que  une  nuit  de- 
hors^ se  il  n'estoit  en  le  compagnie  dou  roy  d'Engle- 
terre  et  de  la  royne.  5 

En  ce  temps  estoit  prisonniers  en  Engleterre  li 
contes  d'Eu  et  de  Ghines ,  mes  il  estoit  si  friches  et 
si  joli  chevaliers ,  et  si  bien  li  avenoit  à  faire  quan- 
qu'il  Êdsoit ,  que  il  estoit  partout  li  bien  venus  dou 
roy,  de  la  royne^  des  dames  et  des  damoiselles  d'En-  lo 
gleterre. 

§  315.  Toute  celle  anée  que  celle  triewe  fîi  acor- 
dée  que  vous  avés  oy,  se  tinrent  li  doy  roy  à  pais  li 
uns  contre  l'autre.  Mes  pour  ce  ne  demora  mies  que 
messires  Guillaumes  Douglas^  cilz  vaiUans  chevaliers  15 
d*Escoce  f  et  li  Escoçois  qui  se  tenoient  en  le  forest 
de  Gedours^  ne  guerriassent  toutdis  les  Englès  par 
tout  là  où  il  les  pooient  trouver,  quoique  li  rois  d'Es- 
coce  leurs  sires  fust  pris.  Et  ne  tinrent  onques 
triewes  que  li  rois  d'Engleterre  et  li  rois  de  France  20 
euissent  ensamble. 

D'autre  part  ossi^  cil  qui  estoient  en  Gascongne, 
en  Poito  et  en  Saintonge  ^  Gant  des  François  comme 
des  Englès^  ne  tinrent  onques  fermement  triewe  ne 
respit  qui  fust  ordenée  entre  les  deux  rois;  ains  25 
gaegnoient  et  conqueroient  villes  et  fors  chastiaus 
souvent  li  uns  sus  l'autre^  par  force  ou  par  pourcas, 
par  embler  ou  par  eschieller  de  nuit  ou  de  jour.  Et 
leur  avenoient  souvent  des  belles  aventures^  une  fois 
as  Englès^  l'autre  fois  as  François.  Et  toutdis  gae-  30 
gnoient  povre  brigant  à  desrober  et  pillier  les  villes 


M  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1348] 

et  les  ohastiaus^  et  y  conqueroient  si  grant  avoir  que 
c'estoit  merveilles.  Et  en  devenoient  li  aueun  si 
riehe^  qui  se  faisoient  maistre  et  chapitain  des  aul- 
très  brigans^  que  il  en  y  avoit  de  telz  qui  avoient 
5  bien  le  finance  de  quarante  mil  escus.  Au  voir  dire 
et  raconter,  c'estoit  grans  merveilles  de  ce  qu'il  fid- 
soient.  Il  espioient,  tèle  fois  estoit  et  bien  souvent^ 
une  bonne  ville  ou  un  bon  chastiel^  une  journée  ou 
deux  loing.  Et  puis  si  s'assambloient  vingt  brigant  ou 

10  trente ,  et  en  aloient ,  par  voies  couvertes ,  tant  de 
nuit  que  de  jour  qu'il  entroient  en«  celle  ville  ou  ce 
chastiel  que  espiiet  avoient ,  droit  sus  le  point  dou 
jour,  et  boutoient  le  feu  en  une  maison.  Et  cil  de  le 
ville  cuidoient  que  ce  fuissent  mil  armeures  de  fier^ 

15  qui  volsissent  ardoir  leur  ville;  si  en  fuioient  que 
mieulz  mieulz.  Et  cil  brigant  brisoient  maisons,  cof- 
fres et  escrins,  et  prendoient  quanqu'il  trouvoient; 
puis  en  aloient  leur  chemin ,  tout  cargiet  de  pillage. 
Ensi  fisent  il  à   Donsonak  et  en  pluiseurs  aultres 

20  villes;  et  gaagnièrent  ensi  pluiseurs  chastiaus,  et  puis 
les  revendirent. 

* 

Entre  les  aultres,  eut  un  brigant  en  le  marce  de  le 
langue  d'ok ,  qui  en  tel  manière  avisa  et  espia  le  fort 
chastiel  de  Ck>mbourne,  qui  siet  en  Limozin,  en  très 

35  fort  pays  durement.  Si  chevauça  de  nuit  avoecques 
trente  de  ses  compagnons,  et  vinrent  à  ce  fort  chas- 
tiel, et  l'eschiellèrent  et  le  gaegnièrent,  et  prisent  ens 
le  signeur  que  on  appelloit  le  visconte  de  Corn- 
boume.  Et  occirent  toutes  les  mesnies  de  laiens ,  et 

30  misent  en  prison  le  signeur  en  son  chastiel  meismes; 
et  le  tinrent  si  longement  qu'il  se  rançonna  à  vingt 
quatre  mil  escus  tous  appareilliés.  Et  enoores  détint 


[I3i8]  LIVRE  PRSMIER,  $  316.  69 

li  dis  brigans  le  dit  chastiel  et  le  garni  bien ,  et  en 
gaerria  le  pays.  Et  depuis,  pour  ses  proèces,  li  rois  de 
France  le  volt  avoir  dalés  lui ,  et  achata  son  chastiel 
vingt  mil  escus  ;  et  fu  huissiers  d'armes  au  roy  de 
France,  et  en  grant  honneur  dalés  le  roy.  Et  estoit  5 
appelles  cilz  brigans  Bacons,  et  estoit  toutdis  bien 
montés  de  [biaux  courssiers*],  de  doubles  ronchis  et 
de  gros  palefrois ,  et  ossi  armés  ensi  c'uns  contes  et 
vestLs  très  ricement,  et  demora  en  cel  bon  estât  tant 
qu'il  vesqui.  10 

§  31 6.  En  tèle  manière  se  maintenoit  on  ou  ducée' 
de  Bretagne ,  car  si  fait  brigant  conqueroient  et  gae- 
gnoient  villes  fortes  et  bons  chastiaus,  et  les  roboient 
ou  tenoient,  et  puis  les  revendoient  à  chiaus  dou 
pays  bien  et  chier.  Si  en  devenoient  li  aucun,  qui  se  15 
&isoient  mestre  deseure  tous  les  aultres ,  si  rice  que 
c'estoU  merveilles. 

Et  en  y  eut  un  entre  les  aultres,  que  on  damoit 
Crokart,  qui  avoit  esté  en  son  commencement  uns 
povres  garçons,  et  lonc  temps  pages  au  signeur  d'Er-  20 
de  en  Hollandes.  Quant  cilz  Crokars  commença  à 
devenir  grans,  il  eut  congiet;  si  s'en  ala  eus  es 
guerres  de  Bretagne  et  se  mist  au  servir  un  homme 
d'armes;  si  se  porta  si  bien  que,  à  un  rencontre  où 
il  furent,  ses  mestres  fu  tués.  Mes  par  le  vasselage  de  25 
lui,  li  compagnon  le  eslisirent  à  estre  chapitainne  ou 
liu  de  son  mestre,  et  y  demora.  Depuis,  en  bien  peu 
de  temps,  il  gaegna  tant  et  acquist  et  pourfîta  par 

1.  Mm.  B  4i,  8,  f»  142.  —  Ms.  B  1,  t.  II,  f>  29  t«  (lacune). 

2.  Mt.  B  4  :  c  ducyaume.  »  F*  142.  —  Ma.  B  3  :  «  dnchi^.  » 
F«16lT«  • 


70  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1349] 

raençons^  par  prises  de  villes  et  de  chastiaus^  que  il 
devint  si  riches  que  on  disoit  que  il  avoit  bien  le  fin 
de  soissante  mil  escus^  sans  ses  chevaus,  dont  il 
avoit  bien  sus  son  estable  vingt  ou  trente  bons  cour- 

5  siers  et  doubles  roncins.  Et  avoech  ce  il  avoit  le  nom 
de  estre  li  plus  apers  homs  d'armes  qui  fust  ens  ou 
pays.  Et  fu  esleus  pour  estre  à  le  bataille  des  Trente  ; 
et  fil  tous  li  mieudres  de  son  costé,  de  le  partie  des 
Englès^  où  il  acquist  grant  grasce.  Et  li  fu  prommis^ 

10  dou  roy  de  France  que,  se  il  voloit  devenir  françois, 
li  rois  le  feroit  chevalier  et  le  marieroit  bien  et  rice- 
ment ,  et  li  donroit  deus  mil  livres  de  revenue  par 
an^  mes  il  n'en  volt  riens  faire.  Et  depuis  li  meschei 
îlj  ensi  comme  je  vous  dirai. 

15  Chilz  Crokars  chevauçoit  une  fois  un  jone  coursier 
fort  enbridé  j  que  il  avoit  acaté  trois  cens  escus ,  et 
l'esprouvoit  au  courir.  Si  Fescaufa  telement  que  li 
coursiers ,  oultre  sa  volenté ,  l'emporta  :  si  ques ,  au 
sallir  un  fosset,  li  coursiers  trébucha  et  rompi  son 

SO  mestre  le  col.  Je  ne  sçai  que  ses  avoirs  devint,  ne  qui 
eut  l'ame;  mes  je  sçai  bien  que  Crokars  fina  ensi. 

§  31 7.  En  ce  temps  se  tenoit  en  le  ville  de  Saint 
Omer  cilz  vaillans  chevaliers  messires  Joffrois  de  Char- 
gni.  Et  l'avoit  li  rois  [de  France^]  là  envoiiet  pour  gar- 
35  der  les  frontières;  et  y  estoit  et  usoit  de  toutes  coses 
touchans  as  armes^  comme  rois.  Cilz  messires  Jofirois 
estoit  en  coer  trop  durement  courouciés  de  le  prise 
et  dou  conques  de  Calais;  et  l'en  desplaisoit^  par 
samblanty  plus  c'a  nul  aultre  chevalier  de  Pikardie. 

1.  Bfii.  B  4,  3,  f>  U2  to.  —  Ms.  B  1,  t.  n,  f>  30  (laonne). 


[4349]  LIVRE  PREMIER,  $  317.  7i 

Si  metoit  toutes  ses  ententes  et  imaginations  au  re- 
garder comment  il  le  peuist  ravoir.  Et  sentoit  pour 
ce  temps  un  capitainne  en  Calais ,  qui  n'estoit  mies 
trop  haus  homs  ne  de  l'estration  d'Ëngleterre. 

Si  s'avisa  li  dis  mesires  Jofïrois  que  il  feroit  assaiier    5 
au  dit  chapitainne,  qui  s'appelloit  Aymeris  de  Pavie; 
se  pour  argent  il  poroit  marchander  à  lui^  par  quoi 
il  reuist  en  se  baillie  la  ditte  ville  de  Calais.  Et  s'i 
enclina,  pour  tant  que  cilz  Aymeris  estoit  Lombars^ 
et  Lombart  sont  de  leur  nature  convoiteus.  Onques  lo 
de  ceste  imagination  li  dis  messires  Joffrois  ne  peut 
issir  ;  mes  procéda  sus  et  envoia  secrètement  et  cou- 
vertement  trettier  devers  cel  Aymeri,  car  pour  ce 
temps  triewes  estoient.  Si  pooient  bien  cil  de  Saint 
Omer  aler  à  Calais^  et  cil  de  Calais  à  Saint  Omer  ;  et  i^ 
y  aloient  les  gens  de  Tun  à  l'autre  faire  leurs  mar 
chandises.  Tant  fu  trettiet^  parlé,  et  li  afiaires  déme- 
nés secrètement  que  cilz  Aymeris  s'enclina  à  ce  mar- 
chiet;  et  dist  que,  parmi  vingt  mil  escus  qu'il  devoit 
avoir  au  livrer  le  chastiel  de  Calais  dont  il  estoit  SO 
chastelains^  il  le  renderoit.  [Et  se  tint  li  dis  messires 
Jofirois  de  Cargni  pour  tous  asseurs  de  ce  marchiet']. 

Or  avint  ensi  que  li  rois  d'Ëngleterre  le  sceut,  je 
ne  sçai  mies  comment  ne  par  quèle  condition  ;  mais 
il  manda  cel  Aymeri  qu'il  venist  à  lui  parler  à  Lon-  25 
dres.  Li  Lombars,  qui  jamais  n'euist  pensé  que  li 
rois  d'Ëngleterre  sceuist  cel  afaire,  car  trop  secrète- 
ment l'avoient  demenet ,  entra  en  une  nef  et  arriva 
à  Douvres ,  et  vint  à  Londres  à  Wesmoustier  devers 
le  roy.  30 

*  1.  Mm.  B  i^,  3,  f>  142  ▼«.  —  Mi.  B  1,  t.  O,  6>  30  to  (lacune). 


71  GHROmQUES  DE  J.  FROISSART.  [1349] 

Quant  li  rois  vei  son  Lombart  y  il  le  tmist  d'une 
part  et  dist:  aAymeri,  vîen  avant.  Tu  scès  que  je 
t'ay  donnet  en  garde  la  riens  ou  monde  que  plus 
ayme  apriès  ma  femme  et  mes  enfans^  le  chastiel  et 
5  le  ville  de  Calais;  et  tu  l'as  vendu  as  François  et  me 
voelz  trahir  :  tu  as  bien  desservi  mort.  »  Aymeris  fu 
tous  esbahis  des  paroles  dou  roy^  car  il  se  sentoit 
fourfais;  si  se  getta  en  genoulz  devant  le  roy  et  dist, 
en  priant  merci  à  mains  jointes  :  «  Ha  1  gentilz  sires^ 

10  pour  Dieu  merei^  il  est  bien  voirs  ce  que  vous  dittes. 
Mes  encores  se  poet  bien  li  marchiés  tous  desrompre^ 
car  je  n'en  receu  onques  denier.  » 

Li  gentilz  rois  d'Ëngleterre  eut  pité  dou  liOmbart, 
que  moult  avoit  amet,  car  il  l'avoit  nouri  d'enfance; 

15  si  dist  :  a  Aymeri,  se  tu  voes  faire  ce  que  je  te  dirai , 
je  te  pardonrai  mon  mautalent.  »  Aymeris^  qui  gran- 
dement se  reconforta  de  ceste  parole,  dist  :  «  Mon- 
signeur,  oil.  Je  ferai,  quoique  couster  me  doie,  tout 
ce  que  vous  me  commanderés.  »  —  «  Je  voeil,  dist 

so  li  rois^  que  tu  poursieves  ton  marchiet;  et  je  serai  si 
fors  en  le  ville  de  Calais,  à  le  journée^  que  li  François 
ne  l'aront  mies,  ensi  qu'il  cuident.  Et  pour  toy  aidier 
à  escuser,  se  Diex  me  vaille^  j'en  sçai  pieur  gré  mes- 
sire  Joffroy  de  Chargni  que  toy,  qui  en  bonnes  triewes 

25  a  ce  pourchaciet.  » 

Aymeris  de  Pavie  se  leva  atant  de  devant  le  roy^ 
qui  en  genoulz  et  en  grant  cremeur  avoit  esté;  si 
dist  :  ce  Chiers  sires ,  voirement  a  ce  est[é]  par  son 
pourcac,  non  par  le  mien,  car  jamais  je  n'i  cuisse 

30  osé  penser.  »  —  k  Or  va,  dist  li  rois,  et  fai  la  be* 
songne  ensi  com  je  t'ay  dit;  et  le  jour  que  tu  deve- 
ras  délivrer  le  chastiel,  si  le  me  segnefîe.  » 


[1849]  LIVRE  PREIOER,  S  ^^^'  73 

En  cel  estai  et  sus  le  parole  dou  roy  se  départi 
Aymeris  de  Pavie^  et  retourna  arrière  à  Calais.  Et  ne 
fist  nul  samblant  à  ses  compagnons  de  cose  que  il 
euist  empensé  à  faire.  Messire  Jofirois  de  Chai^i^ 
qui  se  tenoit  pour  tous  assegurés  d'avoir  le  chastiel  5 
de  Calais^  pourvei  l'argent.  Et  oroy  que  il  n'en  parla 
onques  au  roy  de  France^  car  li  rois  ne  li  euist  jamàds 
oonsilliet  à  ce  faire^  pour  la  cause  des  triewes  qu'il 
euist  enfraintes.  Mes  li  dis  messires  Jofirois  de  Char- 
gni  s'en  descouvri  bien  secreteoient  à  aucuns  cheva-  10 
Uers  de  Pikardie,  qui  [tous  *]  furent  de  son  acort^  car  la 
prise  de  Calais  lor  touchoit  trop  malement^  et  à  telz 
que  monsigneur  de  Fiennes^  à  monsigneur  Ustasse  de 
Ribeumont,  à  monsigneur  Jehan  de  Landas,  au  si- 
gneur  deKreki^  à  monsigneur  Pépin  de  Were^  à  monsi-  15 
gneur  Henri  dou  Bos  et  à  pluiseurs  [aultres  '].  Et  avoit 
sa  cose  si  bien  apparillie  que  il  devoit  avoir  cinq  cens 
lances;  mes  la  grigneur  partie  de  ces  gens  d'armes  ne 
savoient  où  il  les  voloit  mener^  fors  tant  seulement 
aucun  grant  baron  et  bon  chevalier,  as  quelz  il  en  30 
touchoit  bien  dou  savoir.  Si  fu  ceste  cose  si  approcie 
que,  droitement  le  nuit  de  Tan,  la  cose  fu  arrestée  de 
estre  faite.  Et  devoit  li  dis  Aymeris  délivrer  le  chas- 
tiel de  Calais  en  celle  nuit  par  nuit.  Si  le  segnefîa  li 
dis  Aymeris ,  par  un  sien  frère ,  ensi  au  roy  d*Engle-  25 
terre. 

§  318.  Quant  li  rois  sceutces  nouvelles  et  le  cer- 
tainneté  dou  jour  qui  arrestës  y  estoit^  si  manda 


1.  Mas.  B  4,  3,  f>  143.  —  fifs.  B  1,  t.  U,  P>  31  (lacune). 
3.  Mm.  B  4,  3.  —  Mt.  B  1  (lacime), 


74  CHRONIQUES  DE  J.  FBOISSART.  [1349] 

monsigneur  Gautier  de  Mauni,  en  qui  il  avoit  grant 
fiance,  et  pluiseurs  aultres  chevaliers  et  escuiers^  pour 
mieulz  furnir  son  fait.  Quant  messires  Gantiers  fîi 
venus^  il  li  compta  pour  quoy  il  l'avoit  mandé^  et 
5  que  il  [le  *]  voloit  mener  avoecques  lui  à  Calais.  Mes- 
sires Gantiers  s'i  acorda  legierement. 

Si  se  départi  li  rois  d'Engleterre ,  à  trois  cens 
hommes  d'armes  et  six  cens  arciers,  de  le  cité  de  Lon- 
dres y  et  s'en  vint  à  Douvres  j  et  emmena  son  fil  le 

10  jone  prince  avoecques  lui.  Si  montèrent  li  dis  rois 
et  ses  gens  au  port  de  Douvres,  et  vinrent  sus  une 
avesprée  à  Calais;  et  s'i  embuschièrent  si  quoiement 
que  nuls  n'en  sceut  riens  pour  quoi  il  estoient  là 
venu.  Si  se  boutèrent  les  gens  le  roy  ens  ou  chastiel, 

15  en  tours  et  en  cambres^  et  li  rois  meismes.  Et  or- 
donna et  dist  ensi  à  monsigneur  Gautier  de  Mauni  : 
ce  Messire  Gautier^  je  voeil  que  vous  soiiés  chiés  de 
ceste  besongne^  car  moy  et  mes  filz  nous  coml>ate- 
rons  desous  vostre  banière.  d  Messires  Gantiers  res- 

30  pondi  et  dist  :  «  Monsigneur^  Diex  y  ait  part  :  si  me 
ferés  haulte  honnour.  » 

Or  vou^  dirai  de  monsigneur  JoflGroy  de  Chargni, 
qui  ne  mist  mies  en  oubli  l'eure  que  il  devoit  estre  à 
Calais,  mes  fist  son  amas  de  gens  d'armes  et  d'arba- 

25  lestriers  en  le  ville  de  Saint  Orner,  et  puis  parti  dou 
soir  et  cbevauoa  avoech  sa  route ,  et  fist  tant  que  à 
priés  de  mienuit  il  vint  assés  priés  de  Calais.  Si  at- 
tendirent là  li  uns  l'autre.  Et  envoia  li  dis  messires 
Jofirois  devant  jusques  au  chastiel  de  Calais,  deus  de 

30  ses  escuiers,  pour  parler  au  chastelain,  et  savoir  se  il 

1.  BIis.  B  4,  3,  f*  \kZ.  —  Ms.  B  1  (lacnne). 


[1850]  liVRE  PREBflER,  S  318.  75 

estoit  heure^  et  se  il  se  trairoient  ayant.  Li  escuier 
tout  secrètement  chevaucièrent  oultre,  et  vinrent  jus- 
ques  au  ohastiel,  et  trouvèrent  Aymeri  qui  les  atten* 
doit  et  qui  parla  à  yaus^  et  leur  demanda  où  mes- 
sires  Jofl&^ois  estoit.  U  respondirent  que  il  n'estoit  5 
point  loing,  mais  il  les  avoit  envoiiés  là  pour  savoir 
se  il  estoit  heure.  Messires  Aymeris  li  Lombars  dist  : 
a  Oil^  aies  devers  lui,  et  se  le  faites  traire  avant  :  je 
li  tenrai  son  couvent^  mes  qu'il  me  tiegne  le  mien.  » 
Li  escuier  retournèrent  et  disent  tout  ce  qu'il  avoient  lo 
veu  et  trouvé. 

Adonc  se  trest  avant  messires  Jofirois ,  et  fist  par 
ordenance  passer  toutes  gens  d'armes  et  les  arbales- 
triers  ossi^  dont  il  y  avoit  grant  fuison  ;  et  passèrent 
tout  oultre  le  rivière  et  le  pont  de  Nulais ,  et  appro-  15 
cièrent  Calais.  £t  envoia  devant  li  dis  messires  Jof- 
firois  douze  de  ses  chevaliers  et  cent  armeures  de  fer, 
pour  prendre  le  saisine  dou  chastiel  de  Calais.  Car 
bien  li  sambloit  que,  se  il  avoit  le  chastiel,  il  seroit 
sires  de  le  ville ,  parmi  ce  que  il  estoit  assés  fors  de  20 
gens;  et  encores  sus  un  jour  il  en  aroit  assés,  se  il 
besongnoit.  Et  fist  délivrer  à  monsigneur  Oudart  de 
Renti  y  quij  estoit  en  celle  chevaucie ,  les  vingt  mil 
escus ,  pour  paiier  à  Aymeri.  Et  demora  tous  quois 
avoecques  ses  gens  li  dis  messires  Jofirois^  sa  banière  25 
devant  lui^  sus  les  camps,  au  dehors  de  le  fille  et  dou 
chastiel.  Et  estoit  sen  entente  que  par  la  porte  de  le 
ville  il  enteroit  en  Calais  :  autrement  n*i  voloit  il 
entrée. 

Aymeris  de  Pavie^  qui  estoit  tous  sages  de  son  fsdt^  30 
avoit  avalé  le  pont  dou  chastiel  de  le  porte  des  camps; 
si  mist  ens  tout  paisieuvlement  tous  chiaus  qui  en- 


76  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1350] 

trer  y  vorrent.  Quant  il  furent  amont  ou  chastiel^  il 
cuidièrent  que  ce  deuist  estre  tout  leur.  Adonc  de- 
manda Aymeris  à  monsigneur  Oudart  de  Reiiti  où.  li 
florin  estoient.  On  li  délivra  tout  prest  en  un  sach  ; 

5  et  li  fu  dit  :  «c  II  y  sont  tout  bien  compté  :  comptés 
les^  se  vous  volés.  »  Aymeris  respondi  :  u  Je  n'ay 
mies  tant  de  loisir^  car  il  sera  tantost  jours.  »  Si  prist 
le  sach  as  florins  et  dist ,  en  jettant  en  une  cambre  : 
a  Je  croy  bien  qu'il  y  soient  »  ;  et  puis  recloy  Fuis 

10  de  la  cambre.  Et  dist  à  monsigneur  Oudart  :  «  At- 
tendes moy  et  tout  vo  compagnon  :  je  vous  vois  ou- 
vrir celle  mestre  tour^  par  quoi  vous  serés  plus  asse- 
gur  et  signeur  de  ceens.  »  Et  se  traist  celle  part  et 
tira  le  veriel  oultre  ;  et  tantost  fu  la  porte  de  la  tour 

15  ouverte.  En  celle  tour  estoit  li  rois  d'Engleterre  et  ses 
filz  et  messires  Gantiers  de  Mauni,  et  bien  deus  cens 
combatans  qui  tantost  sallirent  hors^  les  espées  et  les 
haces  en  leurs  mains^  en  escriant  :  «  Mauni,  Mauni^ 
à  la  rescousse  I  »  et  en  disant  :  «  Guident  donc  cil 

20  François  avoir  reconquis^  et  à  si  peu  fait^  le  chas- 
tiel  et  le  ville  de  Galais  !  » 

Quant  li  François  veirent  venir  sus  yaus  ces  Englès 
si  soubdainement^  si  furent  tout  esbahi,  et  veirent 
bien  que  deffense  n'i  valoit  riens;  si  se  rendirent 

25  pour  prisonniers  et  à  peu  de  fait;  De  ces  premiers 
n'i  eut  gaires  de  bleciés;  se  les  fist  on  entrer  en 
celle  tour  dont  li  Englès  estoient  partie  et  là  furent 
enfremé.  De  chiaus  là  furent  li  Englès  tout  asseguré. 
Quant  il  eurent  ensi  fait^  il  se  misent  en  ordenance , 

30  et  partirent  dou  chastiel,  et  se  recueillièrent  en  le 
place  devant  le  chastiel.  Et  quant  il  furent  tout  en- 
samble^  il  montèrent  sus  leurs  chevaus^  car  bien  sça- 


[1350]  LITRE  PREMIER,  $  318.  17 

Toient  qae  li  François  avoient  les  leurs,  et  misent 
leurs  arciers  tout  devant  yaus,  et  se  traisent  en  cel 
arroy  devers  le  porte  de  Boulongne.  Là  estoit  mes- 
sires  Jofirois  de  Chargni,  se  banière  devant  lui,  de 
geules  à  trois  escuçons  d'argent,  et  avoit  grant  désir  5 
d'entrer  premiers  en  le  ville.  Et  de  ce  que  on  ouvroit 
la  porte  si  longhement,  il  en  avoit  grant  merveille, 
car  il  volsist  bien  avoir  plus  tost  fait;  et  disoit  as 
chevaliers  qui  estoient  dalés  lui  :  a  Que  cil  I^ombars 
le  fait  longe  :  il  nous  fait  si  morir  de  froit.  p  —  «  En  10 
nom  Dieu,  sire,  ce  respondi  messires  Pépins  de 
Were,  Lombart  sont  malicieuses  gens  :  il  regarde  vos 
florins  se  il  en  y  a  nul  faulz,  et  espoir  ossi  il  y  sont 
tout.  » 

Ensi  bourdoient  et  gengloient  là  li  chevalier  l'un  à  15 
l'autre,  mais  il  [oyrent^]  tantost  aultres  nouvelles. 
Car  evous  le  roy  desous  le  banière  le  signeur  de 
Mauni  et  son  fil  dalés  lui,  et  ossi  aultres  banières 
dou  conte  de  Stafort,  dou  conte  d'Akesufforch ,  de 
monsigneur  Jehan  de  Montagut,  firère  au  conte  de  30 
Sallebrin,  dou  signeur  de  Biaucamp,  dou  signeur 
de  Bercler  et  dou  signeur  de  le  Ware.  Tout  cil  ess 
toient  baron  et  à  banière,  et  plus  n'en  y  eut  à  celle 
journée.  Si  fu  tantost  la  grande  porte  ouverte  arrière^ 
et  issirent  li  dessus  dit  tout  hors.  25 

Quant  li  François  les  veirent  issir,  et  il  oïrent 
escriier  «  Mauni,  Mauni,  à  le  rescousse  I  »  si  cogneu- 
rent  bien  qu'il  estoient  trahi.  Là  dist  messires  Jof- 
frois  de  Chargni  une  haute  parole  à  monsigneur  Us- 


1.  lÎM.  B  J^,  3,  F>  Ikk,  —  Mf.  B  1,  t.  n,  f>  39  :  t  oront.  i  Hau^ûUê 


78  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1350] 

tasse  de  Ribeumont  et  à  monsigneur  Jehan  de  Lan- 
dasy  qui  n'estoient  pas  trop  loing  de  li  :  «  Signeur^  li 
fiiirs  ne  nous  vault  riens;  et  se  nous  fuions^  nous 
sommes  perdu  davantage.  Mieus  vault  que  nous*  nos 
5  deffendons  de  bonne  volenté  contre  chiaus  qui  vien- 
nent que^  en  fuiant  comme  lasque  et  recréant^  nous 
soions  pris  et  desconfi.  Espoir  sera  la  journée  pour 
nous.  »  —  «  Par  saint  Jorge,  respondirent  li  doi 
chevalier,  sire,  vous  dittes  voir,  et  mal  dehait  ait 

10  qui  fuira  I  » 

Lors  se  recueillièrent  tout  cil  compagnon  et  misent 
à  piet,  et  cacièrent  leurs  chevaus  en  voies,  car  il  les 
sentoient  trop  foulés.  Quant  li  rois  d^Engleterre  les  vei 
ensi  faire,  si  fist  arrester  tout  quoi  la  banière  desous 

15  qui  il  estoit ,  et  dist  :  a  Je  me  vorrai  ci  adrecier  et 
combatre  :  on  face  la  plus  grant  partie  de  nos  gens 
chevaucier  avant  viers  le  pont  et  le  rivière  de  Nu- 
lais,  car  j'ay  entendu  que  il  en  y  a  là  grant  fuison  à 
piet  et  à  cheval.  » 

20  Tout  ensi  que  li  rois  ordonna,  il  fti  feit.  Si  se  dé- 
partirent de  se  route  jusques  à  six  banières  et  trois 
cens  arciers,  et  s'en  vinrent  vers  le  pont  de  Nulais 
que  messires  Moriaus  de  Fiennes  et  li  sires  de  Cre-' 
sekes  gardoient.  Et  estoient  li  arbalestrier  de  Saint 

25  Omer  et  d'Aire  entre  Calais  et  ce  pont,  liquel  eurent 
ce  premier  rencontre.  Et  en  y  eut  occis  sus  le  place 
[que  noiiés  *]  plus  de  six  vingt ,  car  il  furent  tantost 
desconfi  et  caciet  jusques  à  le  rivière.  Il  estoit  encores 
moult  matin,  mes  tantost  fu  jours.   Si  tinrent  ce 

30  pont  li  chevalier  de  Pikardie,  li  sires  de  Fiennes  et  li 

1.  Mm.  B  4,  3,  f>  Ikk.  ^  Ms.  B  1,  t.  H,  1^  33  to  (lacune). 


[432(0]  IITRE  PREiilER,  §  349.  79 

aiiltre^  un  grant  temps.  Et  là  eut  fait  tamaintes  grans 
apertises  d'armes^  de  l'un  les  et  de  lautre.  Mes  II  dis 
messires  Moriaus  de  Fiennes,  li  sires  de  Kresekes  et 
li  aultre  chevalier  qui  là  estoient^  veirent  bien  que 
en  le  fin  il  ne  le  poroient  tenir;  car  li  Ënglès  crois-  5 
soient  toutdis^  qui  issoient  hors  de  Calais^  et  leurs 
gens  amçnrissoient.  Si  montèrent  sus  leurs  coursiers 
cil  qui  les  avoient,  et  moustrèrent  les  talons^  et  li 
Englès  apriès  en  cace. 

Là  eut  à  celle  journée  grant  encauch  et  dur,  et  lo 
maint  homme  reversé  ;  et  toutefois  li  bien  monté  le 
gaegnièrent.  Et  se  sauvèrent  li  sires  de  Fiennes^  li  sires 
de  Cresekes^  li  sires  de  Saintpi^  li  sires  de  Loncvillers, 
li  sires  de  M aunier  et  pluiseur  aultre.  Et  si  en  y  eut 
moult  de  pris  par  leur  oultrage^  qui  se  fîiissent  bien  15 
sauvet^  se  il  volsissent.  Mes  quant  il  fu  haus  jours^  et 
il  peurent  cognoistre  l'un  l'autre^  aucun  chevalier  et 
escuier  se  recueillièrent  ensamble  et  se  combatirent 
moult  vaillamment  as  Englès,  et  tant  qu'il  en  y  eut 
des  François  qui  en  cace  prisent  des  bons  prison-  so 
niers^  dont  il  eurent  honneur  et  pourfit. 

§  319.  Nous  parlerons  dou  roy  d'Engleterre  qui  là 
estoit^  sans  cognissance  de  ses  ennemis^  desous  le 
banière  monsigneur  Gautier  de  Mauni^  et  compte- 
rons comment  il  persévéra  ce  jour.  Tout  à  piet  et  25 
de  bonne  ordenance,  il  se  vint  avoech  ses  gens  re- 
querre  ses  ennemis  qui  se  tenoient  moult  serré^  leurs 
lances  retaillies  de  cinq  pies  par  devant  yaus.  De 
premières  venues,  il  y  eut  dur  encontre  et  fort  bou- 
teis.  Et  s'adreça  li  rois  dessus  monsigneur  Ustasse  de  30 
Ribeumont^  liquelz  estoit  moult  ^ors  chevaliers  et 


80  CXmONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13S0] 

moult  hardis  et  de  grant  emprise,  et  qui  recueilli  le 
roy  moult  chevalereusement^  non  qu'il  le  cognuist» 
ne  il  ne  savoit  à  qui  il  avoit  à  faire.  Là  se  combati  li 
rois  à  monsigneur  Ustasse  moult  longement,  et  mes- 

5  sires  Ustasses  à  lui^  et  tant  que  il  les  faisoit  moult 
plaisant  veoir.  Depuis^  tout  en  combatant,  fu  lor  ba- 
taille rompue,  car  deux  grosses  routes  des  uns  et  des 
aultres  vinrent  celle  part  qui  les  départirent. 

Là  eut  grant  estour  et  dur  et  bien  combatu.  Et  y 

10  furent  et  François  et  Englès^  cescuns  en  son  conve- 
nant, très  bons  chevaliers.  Là  eut  fait  pluiseurs  grans 
apertises  d'armes.  Et  ne  s'i  espai^a  li  rois  d'Engle- 
terre  noient^  mes  estoit  toutdis  entre  les  plus  drus  ; 
et  eut  de  le  main  ce  jour  le  plus  à  faire  à  monsigneur 

15  Ustasse  de  Ribeumont.  Là  fu  ses  filz^  li  joncs  princes 
de  Galles,  très  bons  chevaliers.  Et  fîi  li  rois  abatus 
en  jenoulz,  [si  com  je  fuis  infourmés^,]  par  deux  fois, 
dou  dessus  dit  monsigneur  Ustasse;  mes  messires 
Gantiers  de  Mauni  et  messires  Renaulz  de  Gobehen^ 

30  qui  estoient  dalés  lui,  l'aidièrent  à  relever.  Là  furent 
bon  chevalier  messires  Jofirois  de  Chargni ,  messires 
Jehans  de  Landas,  messires  Hectors  et  messires  Gau- 
vains  de  BaiUuel^  li  sires  de  Creki  et  li  aultre.  Mais 
de  tout  les  passoit,  de  bien  combatre  et  vaillamment, 

S5  messires  Ustasses  de  Ribeumont. 

Que  vous  feroi  je  lonch  recort?  La  journée  de- 
mora  pour  les  Englès.  Et  y  furent  tout  pris  ou  mort 
cil  qui  avoech  monsigneur  Joffroy  estoient  au  dehors 
de  Calais.  Et  là  furent  mort^  dont  ce  fut  damages, 

80  messires  Henris  dou  Bos  et  messires  Pépins  de  Were^ 

1 .  Mm.'B  k,  3,  f  144  v<».  —  fijb.  B  1,  t.  U,  f>  33  (Iftcone). 


[i380]  LITRE  PREMIER,  S  ^^O.  89 

doi  moult  vaillant  chevalier^  et  pris  messires  JoflQx>is 
de  Chai^^ni  et  tout  li  aultre.  Et  tous  li  daarainniers 
qui  y  fu  pris,  et  qui  ce  jour  y  fist  moult  d'armes,  ce 
fti  messires  Ustasses  de  Ribeumont;  et  le  conquist  li 
rois  d'Engleterre  par  armes.  Et  li  rendi  li  dis  mes-  5 
sires  Ustasses  sen  espée,  non  qu'il  sceuist  que  ce  fust 
li  rois;  ains  cuidoit  que  ce  fust  uns  des  compagnons 
monsigneur  Gautier  de  Mauni.  Et  se  rendi  à  lui  pour 
celle  cause  que  ce  jour  il  s'estoit  continuelment 
oombatus  à  lui.  Et  bien  veoit  messires  Ustasses  ossi  lo 
que  rendre  ou  morir  le  couvenoit.  Si  bailla  au  roy 
sen  espée  et  li  dist  :  «  Chevaliers^  je  me  rens  vostre 
prisonnier.  »  Et  li  rois  le  prist  qui  en  eut  grant  joie. 
Ensi  fu  ceste  besongne  achievée^  qui  fu  desous 
Calais,  en  l'an  de  grasce  Nostre  Signeur  mil  trois  15 
cens  quarante  huit^  droitement  le  darrain  jour  de 
décembre. 

§  320.  Quant  ceste  besongne  fu  toute  passée^  li 
rois  d'Engleterre  se  retraist  en  Calais  et  droit  ou 
chastiel^  et  là  fist  mener  tous  les  chevaliers  prison-  20 
niers.  Adonc  sceurent  bien  li  François  que  li  rois 
d'Engleterre  avoit  là  esté  en  propre  personne,  et  de- 
sous le  banière  à  monsigneur  Gautier  de,  Mauni.  Si 
en  furent  plus  joiant  tout  li  prisonnier,  car  il  espe- 
roient  qu'il  en  vaurroiént  mieulz.  Si  leur  fist  dire  li  35 
rois  de  par  lui  que^  celle  nuit  de  l'an^^  il  leur  voloit 
tous  donner  à  souper  en  son  chastiel  de  Calais^  ce 
lor  vint  à  grant  plaisance.  Or  vint  li  heure  dou  sou- 
per que  les  tables  furent  couvertes^  et  que  li  rois  et 
si  chevalier  furent  tout  appareilliet  et  fricement  et  so 
richement  revesti  de  noeves  robes^  ensi  oemme  a 

nr  — 6 


n  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [iSM] 

yaus  apertenoit>  et  tout  li  François  ossi  qui  Êiisoient 
grant  chière^  quoiqu'il  fiissent  prisoimier^  mes  li  rois 
le  voloit. 

Quant  li  soupers  fii  appareilliés^  li  rois  lava,  et  [fist 
5  laver  tous  ces  chevaliers  françois;  si  s'assist  à  table, 
et  les  fist  seoir  dalés  lui  moult  honnourablement.  Et 
les  servirent  do^i  premier  mes  li  princes  de  Galles  et 
li  chevalier  d'Engleterre^  et  au  second  mes  il  alèrent 
seoir  à  une  aultre  table.  Si  furent  servi  bien  et  à  pais 

10  et  à  grant  loisir. 

Quant  on  ot  soupe  ^  on  leva  les  tables.  Si  demora 
li  dis  rois  en  la  salle  entre  ces  chevaliers  françois  et 
englès.  Et  estoit  à  nu  chief,  et  poptoit  un  capelet  de 
fins  perles  sus  son  chief.  Si  commença  à  aler  li  rois 

15  de  l'un  à  l'autre,  et  à  entrer  en  paroles.  Si  s'en  vint 
sa  voie  et  s'adreça  sus  monsigneur  Joffix>i  de  Char- 
.  gni.  Et  là,  en  parlant  à  lui,  canga  il  un  peu  conte- 
nance ,  car  il  le  regarda  sus  costé  en  disant  :  a  Mes- 
sire  Jofiroi^  messire  Jofiroi^  je  vous  doi  par  raison 

SO  petit  amer^  quant  vous  voUés  par  nuit  embler  ce  que 
j'ay  si  comparet,  et  qui  m'a  coustet  tant  de  deniers. 
Si  sui  moult  liés^  quant  je  vous  ay  mis  à  Tëspreuve. 
Vous  en  voliés  avoir  milleur  marchiet  que  je  n'en  ay 
eu^  qui  le  cuidiés  avoir  pour  vingt  mil  escus;  mais 

25  Diex  m'a  aidiet,  que  vous  avés  falli  à  vostre  entente. 
Encores  m*aidera  il^  se  il  li  plaist,  à  ma  plus  grant 
entente.  » 

A  ces  mos  passa  oultre  li  rois  et  laissa  ester  mon- 
signeur Joffh>i^  qui  nul  mot  n'avait  respondu;  et 

30  s'en  vint  devers  monsigneur  Ustasse  de  Bibeumont, 
et  li  dist  tout  joieusement  :  «  Messire  Ustasse^  vous 
estes  li  chevaliers  del  monde  que  je  veisse  onques 


[1350]  LIYBE  FREBfEBR,  $  8M.  83 

mieus  ne  plus  vassaument  assallir  ses  ennemis  ne 
sen  corps  deffendre.  Ne  ne  trouyai  onques^  en  ba- 
taille là  où  je  fuisse,  qui  tant  me  donnast  à  faire > 
corps  à  corps^  que  vous  ayés  hui  fedt  :  si  vous  en 
donne  le  pris;  et  ossi  font  tout  li  chevalier  de  ma  s 
court  par  droite  sieute.  » 

Adonc  prisi  li  rois  le  chapelet  qu'il  portoit  sus  son 
chiefy  qui  estoit  bons  et  riches^  et  le  mist  et  assist 
sus  le  chief  à  monsigneur  Ustasse ,  et  li  dist  ensi  : 
c  Messire  Ustasse^  je  vous  donne  ce  chapelet  pour  le  lo 
mieulz  combatant  de  toute  la  journée  de  chiaus  de 
dedens  et  de  hors^  et  tous  pri  que  vous  le  portes 
ceste  anée  pour  l'amour  de  mi.  Je  sçai  bien  que 
vous  estes  gais  et  amoureus^  et  que  volentiers  vous 
vos  trouvés  entre  dames  et  damoiselles.  Si  ditles  15 
partout  là  où  vous  venés  que  je  le  vous  ay  donnet. 
Et  parmi  tant ,  vous  estes  mon  prisonnier  :  je  vous 
quitte  vostre  prison;  et  vous  poés  partir  de  matin,  se 
il  vous  plest.  » 

Quant  messires  Ustasses  de  Ribeumont  oy  le  gentil  90 
roy  d'Engleterre  ensi  parler^  vous  poés  bien  croire 
qu'il  fu  moult  resjois.  Li  une  raison  fii,  pour  tant 
que  li  rois  li  faisoit  grant  honneur^  quant  il  li  don- 
noit  le  prix  de  le  journée  et  li  avoit  assis  et  mis  sur 
son  chief  son  propre  chapelet  d'argent  et  de  perles  25 
moult  bon  et  moult  riche^  voiant  tant  de  bons  che- 
valiers qui  là  estoient.  Li  aultre  raison  fîi,  pour  tant 
que  li  gentilz  rois  li  quittoit  sa  prison.  Si  respondi 
li  dis  messires  Ustasses  ensi^  en  endinant  le  roy 
moult  bas  :  <c  Gentilz  sires^  vous  me  &ites  plus  d'on-  30 
neur  que  je  ne  vaille.  Et  Diex  vous  puist  remerir 
la  courtoisie  que  vous  me  fiûtes  I  Je  sui  uns  povres 


64  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13B0] 

homs  qui  désire  mon  avancement^  et  vous  me  don- 
nés bien  matère  et  exemple  que  je  traveille  volen- 
tiers.  Si  ferais  chiers  sires^  liement  et  appareilliement 
tout  ce  dont  vous  me  cargiés.  Et  apriès  le  service  de 
5  mon  très  chier  et  très  redoubté  s^eur  le  roy,  je  ne 
sçai  nul  roy  qui  je  serviroie  si  volentiers  ne  si  de  coer 
comme  je  feroie  vous,  t»  —  «  Grans  mercis^  Ustasse^ 
respondi  li  rois  d'Engleterre^  tout  ce  croy  je  vrai- 
ment. »  Âssés  tost  apriés  y  aporta  on  vin  et  espisses. 

10  Et  puis  se  retrest  li  rois  en  ses  cambres;  si  donna 
congiet  toutes  manières  de  gens. 

A  l'endemain  au  matin ,  li  rois  fist  délivrer  au  dit 
messire  Ustasse  de  Ribeumont  deux  roncins  et  vingt 
escus  pour  retourner  à  son  hostel  ;  si  prist  congiet  as 

15  chevaliers  de  France  qui  là  estoient  et  qui  prisonnier 
demoroienty  et  qui  en  Engleterre  s'en  alèrent  avoec- 
ques  le  roy,  et  il  retourna  en  France.  Si  disoit  par- 
tout où  il  venoit  ce  dont  il  estoit  enjoins  et  cargiës 
de  faire  ^  et  porta  le  chapelet  toute  l'anëe^  ensi  que 

so  li  rois  li  avoit  donnet. 

* 

§  321  •  En  celle  anée  trespassa  de  ce  siècle  la  royne 
de  France^  femme  au  roy  Phelippe  et  suer  germainne 
au  duch  Oede  de  Bourgongne.  Ossi  fist  madame 
Bonne  ^  duçoise  de  Normendie^  fille  au  gentil  roy  de 

25  Behagne  qui  demora  à  Creci.  Si  furent  li  pères  et  li 
fik  veves  de  leurs  deus  femmes. 

Assés  tost  apriès,  se  remaria  li  rois  Phelippes  à  ma- 
dame Blanche,  fille  au  roy  Loeis  de  Navare  qui  mo- 
rut  devant  Ai^esille.  Et  ossi  se  remaria  li  dus  Jehans 

30  de  Nonnendie ,  fils  ainnés  dou  roy  de  France ,  à  la 
contesse  de  Boulongne  qui  veve  estoit  de  monsigneur 


[1350]  MTRE  PREBIIBR,  $  3n.  8tt 

Phelippe  de  Boui^ongne,  son  cousin  germain^  qui 
mors  avoit  esté  devant  Âguillon  en  Gaseongne.  Com- 
ment que  ces  dames  feussent  moult  proçainnes  de 
sanc  et  de  linage  au  père  et  au  fil ,  si  fii  ce  tout  fait 
par  le  dispensation  dou  pape  Clément  qui  r^;noit  5 
pour  ce  temps. 

§  322.  Vous  avés  ci  dessus  bien  oy  compter  com- 
ment li  Jones  contes  Loeis  de  Flandres  fiança  en  l'ab- 
beye  de  Berghes  madame  Ysabiel  d'Engleterre ,  fille 
au  roy  Ëdouwart,  et  comment^  malicieusement  et  par  lo 
grant  avis,  depuis  qu'il  fu  retournés  en  France  où  il 
fil  receus  liement^  [il  ^]  li  fii  dit  dou  roy  et  de  tous 
les  barons  qu'il  avoit  trop  bien  ouvret  et  très  sage- 
ment^ car  cilz  mariages  ne  li  valloit  riens^  ou  cas  que 
par  constrainte  on  li  voloit  fitire  faire.  Et  li  dist  li  15 
rois  que  il  le  marieroit  bien  ailleurs,  à  son  plus  grant 
honneur  et  pourfit.  Si  demora  la  cose  en  cel  estât  un 
an  ou  environ. 

De  ceste  avenue  n'estoit  mies  courouciés  li  dus 
Jehan  de  Braibant  qui  tiroit  pour  sen  ainnée  fille^  so 
excepté  une  qui  avoit  eu  le  conte  de  Haynau^  à  ce 
jone  conte  de  Flandres.  Si  envoia  tantost 'grans  mes- 
sages en  France  devers  le  roy  Phelippe ,  en  priant 
que  il  volsist  laissier  ce  mariage  au  conte  de  Flan* 
dres  pour  sa  moyenne  ^  et  il  li  seroit  bons  amis  et  25 
bons  voisins  à  tousjours  mes ,  ne  jamais  ne  [s'arme- 
roit'],  ne  en&nt  qu'il  euist^  pour  le  roy  d'Ëngle- 
terre. 

1.  BUm.  B  :  «  et.  >  Ml.  B  1,  t.  II,  f»  34  to. 

2.  m».  B  4,  3,  P»  145  vo.  '■^  Ms.  fi  1,  t.  n,  f>  34  T«  :  c  f'aoMroit.  > 
MauvaUê  Ufon, 


86  CHRONIQUES  DE  J.  FROIâSART.  [i350] 

Li  rois  de  France^  qui  sentoit  le  duc  de  Braibant 
un  grant  signeur,  et  qui  bien  le  pooit  nuire  et  aidier^ 
se  il  voloit^  s'enclina  à  ce  mariage  plus  que  à  nul 
aultre.  Et  manda  au  duch  de  Bruant ,  se  il  pooit 

5  tant  Élire  que  li  pays  de  Flandres  fust  de  son  acord, 
il  veroit  volentiers  le  mariage  et  le  conseilleroit  entiè- 
rement au  conte  de  Flandres  son  cousin.  Li  dus  de 
Braibant  respondi  que  oil,  et  de  ce  se  faisoit  il  fors. 
Si  envoia  tantost  li  dus  de  Braibant  en  Flandres 

10  grans  messages  par  devers  les  bonnes  villes^  pour 
trettier  et  parlementer  de  ce  mariage.  Et  prioit  li 
dus  de  Braibant,  Fespée  en  le  main;  car  il  leur  faisoit 
dire^  se  il  le  marioient  ailleurs  que  à  sa  fille  ^  il  leur 
fefoit  guerre;  et  se  la  besongne  se  faisoit ,  il  leur 

15  seroit^  en  droite  unité,  aidans  et  confortans  contre 
tous  aultres  signeurs.  Li  consaulz  des  bonnes  villes 
de  Flandres  ooient  les  prommesses  et  les  paroUes 
que  li  dus  de  Braibant  leurs  voisins  leur  offroit.  Et 
veoient  que  leurs  sires  n'estoit  mies  en  leur  volenté, 

20  mes  en  l'ordenance  dou  roy  de  France  et  de  ma- 
dame sa  mère.  Et  ossi  leurs  sires  avoit  tout  entire* 
ment  le  coer  firançois.  Si  regardèrent  pour  le  milleur, 
tout  considéré^  ou  cas  que  li  dus  de  Braibant  l'avoit 
si  encargié^  qui  estoit  pour  le  temps  uns  très  puissans 

35  sires  et  de  grant  emprise,  [que^]  miëulz  valoit  que 
il  le  mariaissent  là  que  aultre  part^  et  que  par  ce 
mariage  il  demorroient  en  paix  et  raroient  leur  si- 
gneur  que  moult  desiroient  à  ravoir  :  si  ques  finà- 
blement  il  s'i  acordèrent. 


1.  BIm.  B  4,  3,  f^  146.  — >  Ms.  B  1 ,  t.  H,  f>  35  :  c  qui.  »  Mawntê 

UfOH. 


[1880]  LIVRE  PREMIER,  $  ^2.  87 

Et  furent  les  eoses  si  approcies,  que  li  jones  contes 
de  Flandres  fii  amenés  à  Arras.  Et  là  envoia  li  dus 
de  Braibant  monsigneur  Godefroy^  son  ainsnet  fil^ 

^  le  conte  des  Mons^  le  conte  de  Los  et  tout  son  con- 

I  '  seil.  Et  là  furent  des  bonnes  villes  de  Flandres  tout    5 

li  conseil.  Si  y  eut  grans  parlemens  sus  ce  mariage 
et  grans  alliances.  Finablement^  li  jones  contes  jura, 
et  tous  ses  pays  pour  lui^  à  prendre  et  espouser  la 
fiUe  au  duch  de  Braibant,  mais  que  li  église  s'i  acor- 

,  dast.  Oil^  car  li  dispensation  dou  pape  estoit  jà  faite,   lo 

Si  ne  demora  mies  depuis  lonch  terme  que  li  dis 
contes  vint  en  Flandres.  Et  li  rendi  on  fiefs,  hom- 
mages^ francises^  signouries  et  juriditions  toutes  en- 

9  ûeves,  otant  [ou  ^]  plus  que  li  contes  ses  pères  en  avoit 

à  son  temps ^  en  sen  plus  grant  prospérité^  goy  et  i5 
possessé..  Si  espousa  li  dis  contes  la  fille  au  dessus 
dit  duch  de  Braibant. 

En  ce  mariage  faisant ,  deurent  revenir  la  bonne 
ville  de  Malignes  et  celle. d' An wiers^  apriès  le  mort 
dou  duch^  au  conte  de  Flandres.  Mes  ces  couvenen«  20 
ches  furent  prises  si  secrètement  que  trop  peu  de 

>  gens  en  seurent  parler.  Et  de  tant  acata  li  dus  de 

Braibant  le  conte  de  Flandres  pour  sa  fiUe.  Dont 
depuis  en  vinrent  grans  guerres  entre  Flandres  et 
Braibant^  si  com  vous  orés  touchier  çà  en  avant;  25 

'  *  mais  pour  ce  que  ce  n'est  point  de  ma  principal  ma- 

tère^  quant  je  serai  venus  jusques  à  là^  je  m'en  pas- 
serai assés  briefînent. 

De  ce  mariage  de  Flandres,  pour  le  temps  de  lors, 
fu  li  rois  d'Engleterre  moult  courouciés  sus  toutes  30 

1.  Mu.  B  ^  3,  (^  1^6.  —  Ms.  B  1,  t.  II,  f»  35  (lacune). 


88  CHRONIQUES  I»  J.  FROISSâRT.  [1380] 

les  parties  au  duc  de  Braibant  qui  ses  cousins  ger- 
mains estoit^  quant  il  li  ayoit  tolut  le  pourfit  de  sa 
fille  que  li  contes  de  Flandres  en  avant  avoit  fian* 
cie^  et  sus  le  conte  de  Flandres  ossi,  pour  tant  que 
5  il  li  avoit  falli  de  couvent.  Mais  li  dus  de  Braibant 
s'en  escusa  bien  et  sagement  depuis,  et  ossi  fist  li 

contes  de  Flandres. 

»  , 

§  323.  En  ce  temps  avoit  grant  rancune  entre  le 
roy  d'Ëngleterre   et  les  Espagnolz,  pour  aucunes 

10  maleÊiQons  et  pillages  que  li  dit  Espagnol  avoient  fiiit 
sus  mer  as  Englès.  Dont  il  avint  que^  en  celle  anée, 
li  Espagnol,  qui  estoient  venu  en  Flandres'  pour  leurs 
marcheandises^  lurent  enfourmé  que  il  ne  poroient 
retourner  en  leur  pays  qu'il  ne  fuissent  rencontré 

15  des  Englès.  Sur  ce  eurent  conseil  li  Espagnol  et  avis, 
qui  n'en  fîsent  mies  trop  grant  compte.  Et  se  pour- 
veirent  bien  et  grossement^  et  leurs  nefs  et  leurs 
vatssiaus^  à  l'Escluse,  de  toutes  armeures  et  de  bonne 
artillerie^  et  retinrent  toutes  manières  de  gens^  sau- 

so  doiiers,  arciers  et  arbalestriers^  qui  voloient  prendre 
et  recevoir  leurs  saudées.  Et  attendirent  tout  l'un 
l'autre;  et  fîsent  leurs  emploites  et  marcheandises, 
ainsi  qu'il  apertenoit. 

Li  rois  d'Ëngleterre^  qui  les  avoit  grandement 

25  enhay^  entendi  qu'il  se  pourveoient  grossement  ;  si 
dist  tout  hault  :  «  Nous  avons  maneciet  ces  Espa- 
gnolz^  de  lonch  temps  a ,  et  nous  ont  fais  pluiseurs 
despis  ;  et  encores  n'en  viènent  il  à  nul  amendement^ 
mais  se  fortefient  contre  :  si  &ult  qu'il  soient  re« 

30  cueilliet  au  rapasser.  »  A  celle  devise  s'acordèrent 
legierement  ses  gens,  qui  desiroient  que  li  Espagnol 


[1380]  UTRB  FREIOER,  $  323.  89 

foissent  combatu.  Si  fist  li  dis  rois  un  grant  et  espe* 
mal  mandement  de  tous  ses  gentiiz  hommes  qui  pour 
le  temps  estoient  en  Engleterre^  et  se  parti  de  Lon- 
dres, et  s'en  vint  en  le  conté  d'Exesses  qui  siet  sus  le 
mer^  entre  Hantonne  et  Douvres^  à  l'encontre  dou  5 
pays  de  Pontieu  et  de  Dieppe.  Et  vint  là  tenir  son 
hostel  en  une  abbeye  sus  le  mer^  et  proprement  ma- 
dame la  royne  sa  femme  y  vint. 

En  ce  temps  vint  devers  le  roy,  et  là  en  ce  propre 
lieu,  cilz  gentiiz  chevaliers  messires  Robers  de  Namur,   lo 
qui  nouvellement  estoit  revenus  d'oultre  mer;  se  li 
chei  si  bien  qu'il  fu  à  celle  armée.  Et  fu  li  rois  d'En- 
gleterre  moult  resjoïs  de  sa  venue. 

Quant  li  rois  dessus  nommés  sceut  que  poins  fu  et 
que  li  Espagnol  dévoient  rapasser^  il  se  mist  sus  mer  15 
à  moult  belle  gent  d'armes^  chevaliers  et  escuiers^  et 
à  plus  grant  quantité  de  haus  signeurs  que  onques 
ewist  en  nul  voiage  c[ue  il  fesist. 

En  celle  anée  avoit  il  fait  et  créé  son  cousin ,  le 
conte  Henri  Derbi^  duch  de  Làncastre^  et  le  baron  so 
deStanfort^  conte  de  Stanfort;  si  estoient  avoecques 
li  en  celle  armée,  et  si  doi  fil^  li  princes  de  Galles  et 
Jehans^  contes  de  Ricemont  :  mes  cilz  estoit  encores 
si  Jones  que  point  il  ne  s'armoit^  mais  l'avoit  li 
princes  avoecques  lui  en  sa  nef,  pour  ce  que  moult  25 
l'amoit.  Là  estoient  li  contes  d'Arondiel,  li  contes 
de  Norhantonne,  li  contes  de  Herfort^  li  contes  de 
Sufforch^  li  contes  de  Warvich^  messires  Renaulz  de 
Gobehen^    messires   Gantiers   de   Mauni^   messires 
Thumas  de  Hollandes^  messires  I<ioeis  de  Biaucamp^  30 
messires  James  d'Audelée,  messires  Bietremieus  de 
Brues^  li  sires  de  Persi,  li  sires  de  Moutbrai^  li  sires 


90  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [I3»0] 

de  NuefVille^  li  sires  de  Clifford ,  li  sires  de  Ros^  li 
sires  de  Grastoch ,  ii  sires  de  Bercler  et  moult  d'aul- 
tres.  Et  estoit  li  rois  là  acompagniés  de  quatre  eens 
chevaliers;  ne  onques  n'eut  tant  de  gi^ns  signeurs 
5  ensambie,  en  besongne  où  il  fust^  comme  il  ot  là.  Si 
se  tinrent  li  rois  et  ses  gens  sus  mer  en  leurs  vais- 
siaus^  tous  frétés  et  appareilliés  pour  attendre  leurs 
ennemis;  car  ilz  estoient  enfoiumé  que  il  dévoient 
rapasser^  et  point  n'attenderoient  longement;  et  se 
10  tinrent  à  l'ancre  trois  jours  entre  Douvres  et  Calais. 

§  324.  Quant  li  Espagnol  eurent  fait  leur  emploite 
et  leur  marcheandise^  et  il  eurent  cargiet  leurs  vais- 
siaus  de  draps^  de  toilles  et  de  tout  ce  que  bon  et 
pourfitable  leur  sambloit  pour  remener  en  leur  pays, 

15  et  bien  sa  voient  que  il  seroient  rencontré  des  En- 
glès^  mais  de  tout  ce  ne  faisoient  il  compte^  il  s'en 
vinrent  en  le  ville  de  l'Escluse,  et  entrèrent  en  leurs 
vaissiaus.  Et  jà  les  avoient  il  pourveus  telement  et 
si  grossement  de  toute  artillerie  que  merveilles  seroit 

20  à  penser^  et  ossi  de  gros  barriaus  de  fer  forgiés  et 
fais  tous  faitis  pour  lancier  et  pour  effondrer  nefs^ 
en  lançant  de  pières  et  de  cailiiaus  sans  nombre. 
Quant  il  perçurent  qu'il  avoient  le  vent  pour  yaus^ 
il  se  desancrèrent.  Et  estoient  quarante  grosses  nefs 

25  tout  d'un  train^  si  fortes  et  si  belles  que  plaisant  les 
faisoit  veoir  et  regarder.  Et  avoient  à  mont  ces  mas 
chastiaus  breteskiés^  pourveus  de  pières  et  de  cail- 
iiaus pour  jetter^  et  brigant  qui  les  gardoient.  Là 
estoient  encores  sus  ces  mas  ces  estramières  armoiies 

30  et  ensegnies  de  leurs  ensengnes  qui  baulioient  au 
vent  et  venteloient  et  freteloient  :  c'estoit  grans  biau- 


[iSSO]  LIVRB  PREMIER,  $  324.  91 

tes  dou  veoir  et  imaginer.  Et  me  samble  que^  se  li 
Englès  avoieût  grant  désir  d'yaus  trouver^  encores 
Favoient  il  grignom*,  ensi  que  on  en  vel  l'apparant^ 
et  que  je  vous  dirai  ci  apriès.  Cil  Espagnol  estoîent 
bien  dix  mil,  uns  c'autres^  parmi  les  saudoiiers  que  5 
il  avoient  pris  et  retenus  à  gages  en  Flandres.  Si  se 
sentoient  et  tenoient  fort  assés  pour  combatre  sus 
mer  le  roy  d'Engleterre  et  se  poissanee.  Et  en  celle 
entente  s'en  venoient  il  tout  nagant  et  singlant  à 
plain  vent^  car  il  l'avoient  pour  yaus^  par  devers  10 
Calais. 

Li  rois  d'Engleterre^  qui  estoit  sus  mer  avec  sa 
navie^  avoit  jà  ordonné  toutes  ses  besongnes  et  dit 
comment  il  voloit  que  on  se  combatesist  et  que  on 
fesist;  et  avoit  monsigneur  Robert  de  Namur  &it  15 
maistre  d'une  nef,  que  on  appelloit  La  Sale  dou  Rojr^ 
où  tous  ses  hostek  estoit.  Si  se  tenoit  li  rois  d'En*^ 
gleterre  ou  chief  de  sa  nef,  vestis  d'un  noir  jake  de 
veluiel;  et  portoit  sus  son  chief  un  noir  capelet  de 
[bièvre*],  qui  moult  bien  li  seoit.  Et  estoit  adonc,  so 
selonch  ce  «que  dit  me  fu  par  chiaus  qui  avoec  lui 
estoient  pour  ce  jour,  ossi  joieus  que  on  ]e  vei  on- 
ques.  Et  faisoit  ses  menestrelz  corner  devant  lui  une 
danse  d'Âlemagne,  que  messires  Jehans  Chandos,  qui 
là  estoit,  avoit  nouvellement  raporté.  Et  encores  par  S5 
ebatement  il  feisoit  le  dit  chevalier  chanter  avoech 
ses  menestrelz,  et  y  prendoit  graat  plaisance.  Et  à 
le  fois  regardoit  en  hault,  car  il  avoit  mis  une  gette 
ou  chastiel  de  sa  nef,  pour  noncier  quant  li  Espa- 
gnol venroient.  30 

1.  BIm.  B  3,  4,  P>  167.  —  Mt.  B  1  :  I  berenet.  >  Mmmaue  iefon. 


M  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1380] 

Ensi  que  li  rois  estoit  en  ce  déduit ,  et  que  tout  li 
cheyalier  estoit  moult  liet  de  ce  que  il  ,[le]  veoient 
si  joieusy  li  gette,  qui  perçut  nestre  la  navie  des 
Espagnolz,  dist:  «  Ho!  j^en  voi  une  venir,  et  me 
5  samble  une  nef  d'Espagne.  »  Lors  s*apaisièrent  li 
ménestrel;  et  li  fu  de  recief  demandé  se  il  en  veoit 
plus.  Assés  tost  apriès,  il  respondi  et  dist  :  a  Oil^  j'en 
voi  deus,  et  puis  trois,  et  puis  quatre.  »  Et  puis  dist, 
quant  il  vey  la  grosse  flote  :  «  J'en  voy  tant^  se  Diex 

10  m'ayt,  que  je  ne  les  puis  compter.  »  Adonc  cogneu- 
rent  bien  li  rois  et  ses  gens  que  c'estoient  li  Espa- 
gnol. Si  fîst  li  rois  sonner  ses  trompètes,  et  se  re- 
misent et  recueillièrent  ensamble  toutes  leurs  nefs 
pour  estre  en  milleur  ordenance  et  jesir  plus  segu- 

15  rement,  car  bien  savoient  que  il  aroient  la  bataille, 
puisque  li  Espagnol  venoient  en  si  grant  flote.  Jà 
estoit  tard ,  ensi  que  sus  Feure  de  vespres  ou  envi- 
ron. Si  fist  li  rois  aporter  le  vin,  et  but,  et  tout  si 
chevalier,  et  puis  mist  le  bacinet  en  la  tieste,  et  ossi 

80  fîsent  tout  li  aultre.  Tantost  approcièrent  li  Espagnol 
qui  s'en  fuissent  bien  aie  sans  combatre,  se  il  vol- 
sissent^  car  selonch  ce  que  il  estoient  l^ien  frété  et 
en  grans  vaissiaus  et  avoient  le  vent  pour  yaus,  il 
n'euissent  jà  parlé  as  Englès,  se  il  vosissent;  mes,  par 

S5  orgueil  et  par  presumption ,  il  ne  daignièrent  passer 
devant  yaus  qu'il  ne  parlaissent.  Et  s'en  vinrent  tout 
de  fait  et  par  grant  ordenance  commencier  la  ba- 
taille. 

§  325.  Quant  li  rois  d'Engleterre,  qui  estoit  en  sa 

30  nef,  en  vei  la  manière,  si  adreça  sa  nef  contre  une 

nef  espagnole  qui  venoit  tout  devant,  et  dist  à  celui 


[1350]  LIVRE  PREMIER,  $  325.  03 

qui  gouvrenoit  son  vaissiel  :  a  Àdreciés  vous  contre 
ceste  nef  qui  vient,  car  je  voeil  jouster  contre  li.  » 
li  maronniers  n'euist  jamais  oset  faire  le  contraûrey 
puisque  li  rois  le  voloit.  Si  s'adreça  contre  celle  nef 
espagnole,  qui  s'en  venoit  au  vent^  de  grant  randon.  5 
La  nef  dou  roy  estoit  forte  et  bien  loiie^  aultrement 
celle  euist  esté  rompue  ;  car  elle  et  la  nef  espagnole^ 
qui  estoit  grande  et  grosse ,  s'encontrèrënt  de  tel  ra- 
vine que  ce  sambla  uns  tempestes  qui  la  fust  cheus* 
Et  dou  rebombe  qu'il  fîsent ,  li  chastiaus  de  la  nef  lo 
dou  roy  d'Engleterre  consievi  le  chastiel  de  la  nef 
espagnole  par  tel  manière ,  que  li  force  dou  mas  le 
rompi  amont  sus  le  mas  où  il  seoit^  et  le  reversa 
en  le  iner.  Si  furent  cil  noiiet  et  perdu  qui  ens 
estoient.  15 

De  cel  encontre  fii  la  nef  dou  dit  roy  si  estonnée 
que  elle  fu  crokie^  et  faisoit  aiguë  tant  que  li  cheva- 
lier dou  roy  s'en  perçurent;  mes  point  ne  le  dirent 
encores  au  roy^  ains  s'ensonnièrent  de  widier  et 
d'espuisier.  Âdonc  dist  li  rois,  qui  regarda  la  nef  30 
contre  qui  il  avoit  jousté  qui  se  tenoit  devant  lui  : 
«  Acrokiés  ma  nef  à  ceste,  car  je  le  voeil  avoir.  » 
Dont  respondirent  si  chevalier  :  a  Sire,  laissiés  aler 
ceste  ^  vous  ares  milleur.  »  Ceste  nef  passa  ouUre,  et 
une  aultre  grosse  nef  vint;  si  acrokièrent  à  cros  S5 
de  fer  et  de  kainnes  li  chevalier  dou  roy  leur  nef  à 
celle. 

Là  se  commença  bataille  dure^  forte  et  fière^  et 
arcier  à  traire^  et  Espagnol  à  yaus  combatre  et  def- 
fendre  de  grant  volenté,  et  non  pas  tant  seulement  30 
en  un  lieu^  mes  en  dix  ou  en  douze.  Et  quant  il  se 
veoient  à  jeu  partie  ou  plus  fort  deleurs  ennemis. 


94  CHRONIQUES  DE  J.  FEQISSART.  [13M] 

il  s'acrokoient  et  là  faisoient  merveilles  d'armes.  Si 
ne  l'avoient  mies  li  Englès  d'avantage.  Et  estoient  cil 
Espagnol  en  ces'rgrosses  nefs  plus  hautes  et  plus 
grandes  assés  que^[les  nefs  englesces  ne  fuissent;  si 
5  avoient  grant  avantage  de  traire,  de  lancier  et  de 
getter  grans  bariaus  de  fier  dont  il  donnoient  moult 
à  souffrir  les  Englès. 

Li  chevalier  dou  roy  d'Engleterre,  qui  en  sa  nef 
estoient,  po^r  tant  que  elle  estoit  en  péril  d'estre 

10  effondrée,  car  elle  traioit  aiguë,  ensi  que  chi  dessus 
est  dit,  se  haitoient  durement  de  conquerre  la  nef 
où  il  estoient  acrokiet.  Et  là  eut  fait  pluiseurs  grans 
aper lises  d'armes.  Finablement,  li  rois  et  chil  de  son 
vaissiel  se  portèrent  si  bien  que  ceste  nef  fu  con- 

15  quise,  et  tout  chil  mis  à  bort  qui  dedens  estoient. 

Adonc  fil  dit  au  roy  le  péril  où  il  estoit,  et  com- 
ment sa  nef  faisoit  aiguë,  et  que  il  se  mesist  en  celle 
que  conquis  avoit.  Li  rois  crut  ce  conseil,  et  entra 
en  le  ditte  nef  espagnole,  et  ossi  lisent  si  chevalier 

20  et  tout  chil  qui  dedens  estoient.  Et  laissièrent  l'autre 
toute  vuide,  et  puis  entendirent  à  aler  avant  et  à 
envaïr  leurs  ennemis  qui  se  combatoient  moult  vas- 
saument,  et  avoient  arbalestriers  qui  traioient  qua- 
riaus  de  fora  arbalestres  qui-  moult  travilloient  les 

25  Englès. 

§  326.  Geste  bataille  sus  mer  des  Espagnolz  et  des 
Englès  fu  durement  forte  et  bien  combatue;  mais 
elle  commença  tart.  Si  se  prendoient  li  Englès  priés 
de  bien  faire  la  besongne  et  desconfîre  leurs  ennemis. 
30  Ossi  li  Espagnol,  qui  sont  gens  usé  de  mer  et  qui  es- 
toient en  grans  vaissiaus  et  fors^  s*acquittoient  ioyau- 


[1350]  LIVIUB  PREMIER,  $  327.  95 

ment  à  leur  pooir.  Iâ  jones  princes  de  Galles  et  cil  de 
sa  carge  se  combatoient  d'autre  part.  Si  fu  leur  nefs 
acrokie  et  arrestée  d'une  grosse  nefe  espagnole.  Et  là 
eurent  li  princes  et  ses  gens  moult  à  souffrir^  car 
leur  nef  fu  trawée  ^  et  pertruisie  en  pluiseurs  lieus  :  5 
dont  li  yawe  entroit  à  grant  randon  dedens  ;  ne  pour 
cause  que  on  entendesist  à  l'espuisier,  point  ne  de- 
moroit  que  elle  n'apesandesist  toutdis.  Pour  laquel 
doubte  les  gens  dou  prince  estoient  en  grant  an- 
gousse,  et  se  combatoient  moult  aigrement  pour  con-  lo 
querre  la  nef  espagnole  ;  mais  il  n'i  pooient  avenir^  car 
elle  estoit  gardée  et  deffendue  de  grant  manière. 

Sus  ce  péril  et  ce  dangier  où  li  princes  et  ses 
gens  estoient^  vint  li  dus  de  Lancastre  tout  arifSant, 
en  costiant  la  nef  dou  prince.  Si  cognent  tantost  que  15 
il  n'en  avoient  mies  le  milleur,  et  que  leur  nefs  avoit 
à  faire^  car  on  gettoit  aiguë  hors  à  tous  lés.  Si  ala 
autour  et  ^'arresta  à  la  nef  espagnole^  et  puis  escria  : 
a  [D]erbi,  à  le  rescousse  1  »  Là  furent  cil  Espagnol  en- 
vay  et  combat u  de  grant  façon ,  et  ne  durèrent  point  20 
depuis  longement.  Si  fu  leur  nefs  conquise^  et  yaus 
tout  mis  à  borty  sans  nuUui  prendre  à  merci.  Si 
entrèrent  li  princes  de  Galles  et  ses  gens  dedens  ;  à 
painnes  eurent  il  si  tost  fait  que  leur  nefs  effondra.  Si 
considérèrent  adonc  plus  parÊdtement  le  grant  péril  25 
où  il  avoient  esté. 

§  327.  D'autre  part,  se  combatoient  11  baron  et  li 
chevalier  d'Engleterre,  cescuns  selonch  ce  que  or*- 
donnés  et  estabUs  estoit.  Et  bien  besongnoit  qu'il 

1.  Us.  B  ky  fo  Ikl  To  :  c  trauëe.  •  —  ]|fs.  B  3  :  «  tron^.  »  P>  168. 


96  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1380] 

fuissent  fort  et  remuant,  car  il  trouToient  bien  à  qui 
parler.  Ensi  que  sus  le  soir  tout  tart^  la  nef  de  Lol 
Sale  dou  Roy  d'Engleterre,  dont  messires  Robers  de 
Namur  estoit  chiés^  fu  acrokie  d'une  grosse  nef  d'Es- 
5  pagne^  et  là  eut  grant  estour  -et  dur.  Et  pour  ce  que 
li  dit  Espagnol  voloient  celle  nef  mieulz  mestriier  à 
leur  aise^  et  avoir  chiaus  qui  dedens  estoient,  et 
l'avoir  ossi^  il  misent  grant  entente  que  il  l'en  menais- 
sent  avoec  yaus.  Si  traisent  leur  single  amont^  et  pri- 

10  sent  le  cours  dou  vent  et  l'avantage^  et  se  partirent 
maugré  les  maronniers  de  monsigneur  Robert  et 
chiaus  qui  avoech  lui  estoient;  car  la  nef  espagnole 
estoit  plus  grande  et  plus  grosse  que  la  leur  ne  le  fust  : 
si  avoient  bon  avantage  dou  mestriier.  Ensi  en  alant 

15  il  passèrent  devant  la  ^ef  dou  roy  ;  si  disent  :  «  Res- 
coués  La  Sale  dou  Rojr!  »  Mais  il  ne  furent  point 
entendu^  car  il  estoit  ja  tart  ;  et  s'il  furent  oy ,  si  ne 
furent  il  point  rescous. 

Et  croy  que  cil  Espagnol  les  en  euissent  menés  à 

30  leur  aise^  quant  uns  variés  de  monsigneur  Robert, 
qui«s'appelloit  Hanekin^  fist  là  une  grant  apertise 
d'armes;  car^l'espée  toute  nue  ou  poing,  il s'escueilla 
et  salli  en  la  nef  espagnole,  et  vint  jusques  au  mast  et 
copa  le  cable  qui  porte  le  voile,  par  quoi  li  voiles 

S5  chei  et  n'eut  point  de  force.  Car  avoech  tout  ce^  par 
grant  apertise  de  corps^  il  copa  quatre  cordes  souve- 
rainnes  qui  gouvrenoient  le  mas  et  le  voille^  par  quoi 
li  dis  voilles  chei  en  la  nef.  Et  s'arresta  la  nef  toute 
quoie,  et  ne  peut  aler  plus  avant.  Adonc  s'avanciè- 

30  rent  messires  Robers  de  Namur  et  ses  gens  quant  il 
veirent  cel  avantage^  et  salirent  en  la  nef  espagnole 
de  grant  volenté,  les  espées  toutes  nues  ens  es  mains; 


[1350]  LIVRE  PREMIER,  S  3t8.  07 

et  requisent  et  envièrent  chiaus  que  là  dedens  il  trou- 
vèrent, telement  qu'il  furent  tout  mort  et  mis  à  bort, 
et  la  nef  conquise. 

§  328.  Je  ne  puis  mies  de  tous  parler  ne  dire  : 
«  Cilz  le  fist  bien^  ne  cilz  mieulz  »  ;  mais  là  eut,  le  5 
terme  que  elle  dura,  moult  forte  bataille  et  moult 
aspre.  Et  donnèrent  li  Espagnol  au  roy  d'Engleterre 
et  à  ses  gens  moult  à  faire.  Toutes  fois,  finablement, 
la  besongne  demora  pour  les  Englès,  et  y  perdirent 
li  Espagnol  quatorze  ne&;  li  demorant  passèrent  oui-  lo 
tre  et  se  sauvèrent.  Quant  il  furent  tout  passet^  et 
que  li  dis  rois  et  ses  geos  ne  se  savoient  à  qui  com- 
batre,  il  sonnèrent  leurs  trompètes  de  retrette;  si 
se  misent  à  voie  devers  Engleterre,  et  prisent  terre  à 
Rie  et  à  Wincenesée,  un  peu  apriès  jour  falli.  15 

A  celle  propre  heure,  issirent  li  rois  et  si  enfant,  li 
princes  et  li  contes  de  Ricemont,  li  dus  de  Lancas- 
tre  et  aucun  baron  qui  là  estoient,  hors  de  leurs  ne£i, 
et  prisent  chevaus  en  le  ville,  et  chevaucièrent  de- 
vers le  manoir  la  royne  qui  n'estoit  mies  deus  liewes  20 
englesces  loing  de  là.  Si  fu  la  royne  grandement  res- 
joie,  quant  elle  vei  son  signeur  et  ses  enfans  ;  et  avoit 
en  ce  jour  tamainte  grant  angousse  de  coer,  pour  le 
doubtance  des  Espagnolz.  Car  à  ce  lés  là  des  costes 
d'Engleterre,  on  les  avoit,  des  montagnes,  bien  veu  25 
combatre,  car  il  avoit  fait  moult  der  et  moult  bel.  Si 
avoit  on  dit  à  la  royne,  car  elle  Tavoit  voulu  savoir, 
que  li  Espagnol  avoient  plus  de  quarante  grosses 
nefs.  Pour  ce  fu  la  royne  toute  reconfortée,  quant 
elle  vei  son  mari  et  ses  enfans.  Si  passèrent  celle  30 
nuit  li  signeur  et  les  dames  en  grant  reviel,  en  par- 

!▼  —  7 


M  GHR(»nQU£S.OE  J.  FROISSART.  [1350] 

É 

lant  d'armes  et  d'amours.  Â  Pendemain ,  revinrent 
devers  le  roy  la  grignour  partie  des  barons  et  cheva- 
liers qui  à  le  bataille  avoient  esté.  Si  les  remercia  li 
rois  grandement  de  leur  bienfait  et  de  leur  service^  et 
5  puis  prisent  congiet^  et  s'en  retourna  cescuns  chiés 
soy. 

§  329.  Vous  avés  ci  dessus  bien  oy  recorder  com- 
ment Aymeris  de  Pavie^  uns  Lombars,  deut  rendre 
et  livrer  le  chastiel  et  le  forte  ville  de  Calais  as  Fran* 

10  çois  pour  une  somme  de  florins^  et  comment  il  leur 
en  chei.  Yoirs  est  que  messires  Joffrois  de  Chargni 
et  li  aultre  chevalier^  qui  avoecques  lui  furent  menet 
en  prison  en  Engleterre,  se  rançonnèrent  au  plus  tost 
qu'il  peurent ,  et  paiièrent  leurs  raençons  y  et  puis 

15  retournèrent  en  France.  Si  s'en  vint  comme  en 
devant  li  dis  messires  Joffrois  demorer  en  le  ville 
de  Saint  Omer^  par  le  institution  dou  roy  Phe- 
lippe  de  France.  Si  entendi  li  dessus  dis  que  cilz  Ix)m- 
bars  estoit  amasés  en  un  petit  chastiel  en  le  marce 

20  de  Calais^  que  on  dist  Fretin^  que  li  rois  d'Engle- 
terre  li  avoit  donnet.  Et  se  tenoit  là  tous  quois  li  dis 
Aymeris  et  se  donnoit  dou  bon  temps^  et  avoit  avoeo- 
ques  lui  une  trop  belle  femme  à  amie  que  il  avoit 
amenet  d'Engleterre.  Et  cuidoit  que  li  François  euis- 

S5  sent  oubliiet  la  courtoisie  qu'il  leur  avoit  fait^  mes 
non  avoient^  ensi  que  bien  apparut.  Car  si  tretost 
que  messires  Joffrois  sceut  que  li  dis  Aymeris  estoit 
là  arrestés ,  il  enquist  et  demanda  secrètement  à 
phiaus  dou  pays^  qui  cognissoient  celle  maison  de 

30  Fretin^  se  on  le  poroit  avoir  ;  il  en  fu  enfourmés  que 
oil  trop  legierement.  Car  cilz  Aymeris  ne  se  tenoit 


[1380]  LIVRE  PREMIER,  S  ^^'  M 

ea  nulle  double,  mes  ossi  segur  en  son  chastiel,  sans 
garde  et  sans  get ,  que  donc  qn'il  fust  à  Londres  ou 
en  Calais. 

Âdonc  li  messires  Joffirois  ne  mist  mies  en  non  ca- 
loir  ceste  besongne,  mes  fist  en  Saint  Orner  une  as-    5 
samblée  de  gens  d'armes  tout  secrètement,  et  prist  les 
arbalestriers  de  le  ditte  ville  avoech  lui ,  et  se  parti 
de  Saint  Orner  sus  un  vespre;  et  chemina  tant  toute 
nuit  ayoecques  ses  gens  que,  droitement  au  point  dou 
jour,  il  vinrent  à  Fretin.  Si  environnèrent  le  chastelet  lo 
qui  n'estoitmies  grans;  et  entrèrent  chil  de  piet  ens  es 
fossés,  et  fisent  tant  qu'il  furent  oultre.  Les  mesnies  de 
laiens  s'esviilièrent  pour  le  friente ,  et  viirent  à  leur 
mestre  qui  se  dormoit,  et  li  disent  :  a  Sire,  or  tos  le- 
vés vous  sus,  car  il  y  a  là  dehors  grans  gens  d'armes  15 
qui  mettent  grant  entente  à  entrer  ceens.  »  Aymeris 
fu  tous  effraés ,  et  se  leva  dou  plus  tost  qu'il  peut  ; 
mes  il  ne  sceut  onques  si'  tost  avoir  fait  que  se  cours 
fîi  plainne  de  gens  d*armes.  Si  fii  pris  à  mains,  et  sen 
amie  tant  seulement  :  on  ne  viola  onques  de  plus  SO 
riens  le  chastiel,  car  triewes  estoient  entre  les  Fran- 
çois et  les  Englès.  Et  ossi  messires  Jofirois  ne  voloit 
aultrui  que  cel  Aymeri  ;  si  en  ot  grant  joie,  quant  il 
le  tint  et  le  fist  amener  en  le  ville  de  Saint  Omer. 
Et   ne    le  garda   gaires .  depuis  longement ,  quant  25 
il   le  fist  morir  à. grant  martire  ens  ou  marchiet, 
présent  les  chevaliers  et  escuiers  dou  pays  qui  mandé 
y  furent  et  le  commun  peuple.  Ensi  fîna  Aymeris  de 
Pavie,  mes  sen  amie,  n'eut  garde,  car  il  le  descoupa 
à  le  mort,  et  depuis  se  mist  la  damoiselle  avœoques  30 
un  escuier  de  France. 


iOt  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [1354] 

Afais  avant  toutes  coses^  ançois  que  il  se  partesist  de 
Paris^  et  tantost  apriès  le  trespas  dou  roy  Phelippe 
son  père,  il  fîst  mettre  hors  de  prison  ses  deus  cou- 
sins germains^  Jehan  et  Charle^  jadis  filz  à  monsigneur 

5  Robert  d'Artois^  qui  avoient  este  en  prison  plus  de 
quinze  ans^  et  les  tint  dalés  lui.  Et  pour  ce  que  li  rois 
ses  pères  leur  avoit  tolut  et  osté  leurs  hiretages^  il  leur 
en  rendi  assés  pour  yaus  déduire  et  tenir  bon  estât 
et  grant.  Cilz  rois  Jehans  ama  moult  grandement  ses 

.0  proçains  de  père  et  de  mère^  et  prist  en  grant  chiérté 
ses  deus  aultres  cousins  germains  monsigneur  Pière^ 
le  gentil  duch  de  Bourbon,  et  monsigneur  Jakeme  de 
Bourbon  son  frère^  et  les  tint  toutdis  les  plus  espe- 
ciaulz  de  son  conseil.  Et  certainnement  bien  le  va- 

15  loient^  car  il  furent  sage^  vaillant  et  gentil  chevalier 
et  de  grant  providense. 

Si  se  parti  lirois  Jehans  de  Paris  en  grant  arroy  et 
poissant,  et  prist  le  chemin  de  Bourgongne^  et  fîst 
tant  par  ses  journées  qu'il  vint  en  Avignon.  Si  fu  re- 

90  cens  dou  pape  et  dou  collège  joieusement  et  gran- 
dement, et  séjourna  là  une  espasse  de  temps.  Et  puis 
s'en  parti  et  prist  le  chemin  de  Montpellier;  si  sé- 
journa en  la  ditte  ville  plus  de  quinze  jours.'  Et  là  U 
vinrent  foire  hommage  et  relever  leurs  terres  li  conte^ 

S5  li  visconte^  li  baron  et  li  chevalier  de  le  langue  d'ok^ 
desquelz  il  y  a  grant  fuison.  Si  y  renouvela  li  rois  se- 
neschaus^  baillius  et  tous  aultres  officiiers^  desquelz  il 
en  laissa  aucuns^  et  aucuns  en  osta.  Et  puis  chevauça 
oultre^  et  fist  tant  par  ses  journées  que  il  entra  ou 

80  bon  pays  de  Poito.  Si  s'en  vint  reposer  et  rafreschir 
à  Poitiers,  et  là  fist  un  grant  mandement  et  amas  de 
gens  d'armes.  Si  gouvrenoit  l'offisce  de  le  connesta- 


[4391]  UVhE  PREBOER,  $  332.  103 

blie  de  France^  pour  le  temps  d'adonc^  li  eheyaliers 
del  monde  que  le  plus  il  amoit^  car  il  avoient  esté 
ensamble  nouri  d'enfance^  messires  Charles  d'Espa» 
gne.  Et  estoient  mareschal  de  France  messires  Edo- 
^^ars^  sires  de  Biaugeu^  et  messires  Ernoulz  d'Au-  5 
drehen. 

Si  vous  di  que  li  rois  en  se  nouveleté  s'en  vint 
poissamment  mettre  le  siège  devant  le  bonne  ville 
de  Saint  Jehan  l'Angelier.  Et  par  especial  li  baron  et 
li  chevalier  de  Poito^  de  Saintonge^  de  Ango,  [du  lo 
Maine  *] ,  de  Tourainne ,  y  estoient  tout.  Si  environ- 
nèrent, ces  gens  d'armes ,  le  ville  de.  Saint  Jehan 
telement  que  nulz  vivres  ne  leur  pooient  venir.  Si 
s'avisèrent  li  bourgois  de  le  ville  qu'il  manderoient  se- 
cours à  leur  signeur  le  roy  d'Engleterre^  par  quoi  il  15 
volsist  là  envoiier  gens  qui  les  peuissent  ravitaillier, 
car  il  n'avoient  mies  vivres  assés  pour  yaus  tenir 
oultre  un  terme  que  il  y  ordonnèrent;  car  il  avoient 
partout  aie  et  viseté  cescun  hostel  selonch  son  aisé- 
ment. Et  ensi  le  segnefiièrent  il  autentikement  au  roy  so 
d'Engleterre  par  certains  messages^  qui  tant  esploi- 
tièrent  qu'il  vinrent  en  Engleterre  et  trouvèrent  le 
roy  ens  ou  chastiel  de  Windesore;  se  li  baillièrent 
les  lettres  de  ses  bonnes  gens  de  le  ville  de  Saint 
Jehan  l'Angelier.  Si  les  ouvri  li  dis  rois  et  les  fîst  75 
lire  par  deus  fois,  pour  mieus  entendre  la  miatère. 

§  332.  Quant  li  rois  d'Engleterre  entendi  ces  nou- 
velles que  li  rois  de  France  et  li  François  avoient 
assegiet  le  ville  de  Saint  Jehan,  et  prioient  qu'il  fuis- 

1.  Mt.  B  3,  f^  170.  —  Mss.  B  1/4  :  c  de  Hnmaîime.  »  Mauvaise  Ufom, 


104  CBŒIONIQUES  DE  J.  FROISSâRT.  [Î3M] 

sent  reconforté  et  ravitailliet^  si  respondi  li  rois  si 
bault  que  tout  l'oïrent  :  «  C'est  bien  une  requeste 
raisonnable  et  à  laquèle  je  doy  bien  entendre.  »  Et 
respondi  as  messages  :   «  J'en  ordonnerai  tempre- 

5  ment.  »  Depuis  ne  demora  gaires  de  temps  que  li 
rois  ordonna  d'aler  celle  part  monsigneur  Jehan  de 
Biaucamp^  monsigneur  Loeis  et  monsigneur  Rogier 
de  Biaucamp^  le  visconte  de  Byaucamp^  monsigneur 
Jame  d'Audelée,  monsigneur  Jehan  Chandos^  mon- 

10  signeur  Bietremieu  de  Brues^  monsigneur  Jehan  de 
LUle^  monsigneur  Guillaume  Fil  Warine,  le  signeur 
de  Fil  Watier,  monsigneur  Raoul  de  Hastinges,  mon- 
signeur Raoul  de  Ferrières^  monsigneur  Franke  de 
Halle  et  bien  quarante  chevaliers.  Et  leur  dist  que  il 

]5  les  couvenoit  aler  à  Bourdiaus^  et  leur  donna  cer* 
tainnes  ensengnes  pour  parler  au  signem*  de  La- 
breth^  au  signeur  de  Mouchident^  au  signeur  de 
Lespare  et  as  signeurs  de  Pommiers^  ses  bons  amis, 
en  yaus  priant  de  par  lui  que  il  se  volsissent  priés 

so  prendre  de  conforter  la  ville  de  Saint  Jehan  par  quoi 
elle  fust  rafireschie. 

Cil  baron  et  chevalier  dessus  nommet  furent  tout 
resjoy,  quant  li  rois  les  voloit  emptoiier.  Si  s'ordon- 
nèrent dou  plus  tost  qu'il  peurent  et  vinrent  à  Han- 

25  tonne,  et  là  trouvèrent  vaissiaus  et  pourveances 
toutes  appareillies  :  si  entrèrent  ens;  et  pooient  estre 
environ  trois  cens  hommes  d'armes  et  six  cens 
arciers.  Si  singlèrent  tant  par  mer,  que  il  ancrèrent 
ou  havene  de  Bourdiaus;  si  issirent  de  leurs  vais- 

30  siaus  sus  le  kay.  Et  furent  grandement  bien  receu 
et  recueilliet'  des  bourgois  de  le  cité  et  des  cheva- 
liers gascons  qui  là  estoient  et  qui  attendoient  ce 


[I35i]  LIVRB  PREMIER,  $  332.  105 

secours  venu  d'Engleterre.  li  sires  de  Labreth  et  li 
sires  de  Mouehident  n'i  estoient  point  pour  le  jour; 
mes  si  tost  qu'il  sceurent  le  flote  des  Englès  venue, 
il  se  traisent  celle  part.  Si  se  conjoïrent  grandement 
quant  il  se  trouvèrent  tout  ensamble  ;  et  fisent  leurs  5 
ordenances  au  plus  tost  qu'il  peurent,  et  passèrent 
la  Garone  et  s'en  vinrent  à  Blaves.  Si  fisent  cai^ier 
soixante  sommiers  de  vitaille  pour  rafreschir  chiaus 
de  Saint  Jehan,  et  puis  se  misent  au  chemin  celle 
part;  et  estoient  cinq  cens  lances  et  quinze  cens  ar--  10 
ciers  et  trois  mille  brigans  à  piet.  Si  esploitièrent  tant 
par  leurs  journées  que  il  vinrent  à  une  journée  priés 
de  le  rivière  de  Carente. 

Or  vous  dirai  des  François  et  comment  il  s'es- 
toient  ordonné.  Bien  avoient  il  entendu  que  li  En-  15 
glès  estoient  arivet  à  Bourdiaus^  et  faisoient  là  leur 
amas  pour  venir  lever  le  siège  et  rafreschir  la  ville  de 
Saint  Jehan.  Si  avoient  ordonné  li  mareschal  que  mes- 
sires  Jehans  de  Saintré ,  messires  Guichars  d'Angle , 
messires  Boucicaus,  messires  Guis  de  Neelle^  li  sires  de  20 
Pons,  li  sires  de  Partenay,  li  sires  de  Puiane^  li  sires 
de  Tannai  Bouton,  li  sires  de  Surgières,  li  sires  de 
Crusances^  li  sires  de  Linières,  [li  sires  de  Matefelon  ^] 
et  grant  fuison  de  barons  et  de  chevaliers  jusques  à 
cinq  cens  lances,  toutes  bonnes  gens  à  l'eslite,  s'en  35 
venissent  garder  le  pont  sus  le  rivière  de  le  Cha- 
rente par  où  li  Englès  dévoient  passer.  Si  estoient  là 
venu  li  dessus  dit  et  logiet  tout  contreval  le  rivière. 
Et  avoient  pris  le  pont  li  Englès;  et  li  Gascon  qui 
chevauQoient  celle  part  ne  savoient  riens  de  cela,  30 

1.  Mm.  B  4,  3,  fi  150.  —  M§.  B  1,  t.  n,  ^  kl  (lacune). 


i06  CHRONIQUES  DE  J.  FBKHSSÂRT.  [iSM] 

car,  se  il  le  sceuissent^  il  euissent  ouvré  par  aultre 
ordenanee;  mes  estoient  tout  conforté  de  passer  le 
rivière  au  pont  desous  le  chastiel  de  Taillebourch. 
Si  s'en  venoient  une  matinée  par  bonne  ordenanee^ 
5  leur  vitaille  toute  arroutée^  par  devant  yaus^  et  che- 
vaucièrent  tant  que  il  vinrent  assés  priés  dou  pont^ 
et  envoiièrent  leurs  coureurs  courir  devers  le  pont. 
Si  reportèrent  chil  qui  envoiiet  y  furent^  à  leurs  si- 
gneurs^  que  li  François  estoient  tout  rengiet  et  or- 

10  donnet  au  pont,  et  le  gardoient  telement  que  on  ne 
le  pooit  passer. 

Si  furent  li  Englès  et  li  Gascon  tout  esmervilliet  de 
ces  nouvelles.  Et  s'arrestèrent  tout  quoi  sus  les  camps, 
et  se  conseillièrent  un  grant  temps  pour  savoir  com- 

15  ment  il  se  maintenroient.  Si  regardèrent^  tout  consi- 
deret^  que  nullement  il  ne  pooient  passer^  et  que  cent 
homme  d'armes  feroient  plus  maintenant^  pour  gar- 
der le  pont^  que  cinq  cens  ne  feroient  pour  les  assal- 
lir  :  si  ques^  tout  consideret  «  et  peset  le  bien  contre 

20  le  mal^  il  regardèrent  que  mieulz  leur  valoit  retour* 
ner  et  ramener  arrière  leur^  pourveances ,  que  aler 
plus  avant  et  mettre  en  nul  dangier.  Si  se  tinrent 
tout  à  ce  conseil^  et  fisent  retourner  leurs  pour- 
veances et  leurs  sommiers,  et  se  misent  au  retour. 

25  Cil  baron  de  France  et  de  Poito^  qui  estoient  au 
pont  et  qui  le  gardoient^  entendirent  que  li  Englès  se 
mettoient  au  retour,  et  leur  fu  dit  qu'il  s'enfuiôient. 
De  ces  nouvelles  furent  il  tout  resjoy;  et  furent  tan- 
tost  consilliet  que  il  les  sievroient  et  combateroient^ 

30  car  il  estoient  [grant*]  gens  et  fors  assés  pour  com- 

1.  Mm.  B  4,  3f  r  150.  —  Mt.  B  1,  t.  H,  P  41  (lacune). 


[1851]  LIVRB  PREBUER/S  33S.  107 

batre.  Si  furent  taatost  monté  sus  leurs  coursiers  et 
chevaus^  car  il  les  avoient  dalés  yaus^  et  se  misent 
ouhre  le  rivière  ou  froais  des  Englès^  en  disant  : 
a  Vous  n'en  irés  mies  ensi^  signeur  d'Ëngleterre  :  il 
vous  fault  paiier  vostre  escot.  »  5 

Quant  li  Englès  se  veirent  ensi  si  fort  poursievi 
des  François^  si  s'arestèrent  tout  quoi,  et  leur  tour- 
nèrent les  fiers  des  glaves^  et  disent  que  à  droit 
souhet  il  ne  vosissent  mies  mieulz^  quant  il  les  te- 
noient  oultre  le  rivière.  Si  fisent  par  leurs  variés  ca-  10 
cier  tout  adies  avant  leurs  sommiers  et  leur  vitaille^ 
et  puis  si  s'en  vinrent  d'encontre  et  de  grant  volenté 
ferir  sus  ces  François.  Là  eut  de  commencement  des 
uns  as  aultres  moult  bonne  joiiste  et  moult  rade^  et 
tamaint  homme  reversé  à  terre,  de  une  part  et  d'au-  15 
tre.  Et  me  samble^  selonch  ce  que  je  fui  enfourmés^ 
que  en  joustant  li  François  s'ouvrirent^  et  passèrent  li 
Englès  tout  oultre.  Au  retour  que  il  fisent^  il  sachiè- 
rent  les  espées  toutes  nues^  et  s'en  vinrent  requerre 
leurs  ennemis.  20 

Là  eut  bonne  bataille  et  dure  et  bien  combatue^  et 
fait  tamainte  grant  apertise  d'armes^  car  il  estoient 
droite  fleur  de  chevalerie ,  d'un  costé  et  d'aultre.  Si 
furent  un  grant  temps  tournoiant  sus  les  camps  et 
combatant  moult  ablement^  ançois  que  on  peuist  sa-  25 
voir  ne  cognoistre  liquel  en  aroient  le  milleur^  et  li- 
quel  non.  Et  fu  tel  fois  que  li  Englès  branlèrent^  et 
furent  priés  desconfi^  et  puis  se  recouvrèrent  et  se 
misent  au  dessus^  et  desrompirent^  par  bien  combatre 
et  hardiement^  leurs  ennemis^  et  les  desconfirent.  Là  30 
furent  pris  tout  cil  chevalier  de  Poito  et  de  Saintonge 
dessus  nommé,  et  messires  Guis  de  Neelle.  Nulz  homs 


0 
i08  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i351] 

d'onneur  ne  s'en  parti.  Et  eurent  là  li  Englès  et  li 
Gascon  de  bons  prisonniers  qui  leur  vallirent  cent 
mille  moutons,  sans  le  grant  conques  des  chevaus  et 
des  armeures  que  il  avoient  eu  sus  le  place.  Si  leur 

S  sambla  que,  pour  ce  voiage,  il  en  avoient  assés  fait.  Si 
entendirent  au  sauver  leurs  prisonniers^  et  que  la  ville 
de  Saint  Jehan  ne  pooit  par  yaus^  tant  c'a  celle  fois^ 
estre  ravitaillie  et  rafreschie.  Si  s'en  retournèrent 
vers  le  cité  de  Bourdiaus^  et  fisent  tant  par  leurs  jour- 

10  nées  que  il  y  parvinrent;  si  y  furent  recueillie t à  grant 
joie. 

§  333.  Vous  devés  savoir  que  li  rois  Jehans  de 
France^  qui  estoit  en  le  cité  de  Poitiers^  au  jour  que 
ses  gens  se  combatirent  au  dehors  dou  pont  de  Tail- 

15  lebourch  sur  le  Charente^  fu  durement  courouciés 
quant  il  sceut  ces  nouvelles  :  que  une  partie  de  ses 
gens  avoient  ensi  esté  rencontré  et  ruet  jus  au  pas- 
sage de  le  rivière  de  Charente,  et  pris  la  fleur  de  la 
chevalerie  de  son  host,  messires  Jehans  Saintré^  mes- 

20  sires  Guiçars  d'Angle^  messires  Bouchicaus  et  li  aultre. 
Si  en  fu  li  rois  durement  courouciés^  et  se  parti  de 
Poitiers^  et  s'en  vint  devant  Saint  Jehan  TAngelier^ 
et  jura  l'ame  de  son  père  que  jamais  ne  s'en  partiroit 
s'aroit  conquis  la  ville. 

25  Quant  ces  nouvelles  furent  sceues  en  le  ville  de 
Saint  Jehan^  que  li  Englès  avoient  esté  jusques  au 
pont  de  le  Charente  et  estoient  retourné^  et  en  avoient 
remené  leurs  pourveances,  et  ne  seroient  point  ravi- 
tailliet^  si  en  furent  tout  esbahi,  et  se  consillièrent 

30  entre  yaus  comment  il  se  maintenroient.  Si  eurent 
conseil  que  il  prenderoient^  se  avoir  le  pooient^  une 


[1351]  LIVRE  PREMIER,  S  3S3.  i09 

souffi'anoe  à  durer  quinze  jours.  Et  se  dedens  ce  jour 
il  n'estoient  conforté  et  li  sièges  levés^  il  se  rende- 
roient  au  roy  de  France^  salve  leurs  corps  et  leurs 
biens. 

Cilz  consaulz  fu  tenus  et  creus^  et  commencièrent  à  5 
entamer  trettiés  devers  le  roy  de  France  et  son  conseil 
qui  passèrent  oultre.  £t  me  samble  que  li  rois  Jehans 
de  France  leur  donna  quinze  jours  de  respit;  et  là  en 
dedens^  se  il  n*estoient  secourut  de  gens  si  fors  que 
pour  lever  le  siège,  il  dévoient  rendre  le  ville  et  10 
yaus  mettre  en  l'obéissance  dou  roy  de  France.  Mes 
il  ne  se  dévoient  nullement  renforcier  non  plus  qu'il 
estoient^  et  pooient  leur  estât  partout  segnefîier  oh 
il  lor  plaisoit.  Ensi  demorèrent  il  à  pais^  ne  on  ne 
leur  fist  point  de  guerre.  Et  encores,  par  grasce  es«  15 
pecialy  li  rois^  qui  les  voloit  attraire  à  amour^  lor  en- 
vola^ celle  souffiance  durant^  des  vivres  bien  et  lar- 
gement pour  leurs  deniers  raisonnablement  :  de  quoi 
toutes  manières  de  gens  li  sceurent  grant  gré,  et  tin- 
rent ce  à  grant  courtoisie.  20 

Cil  de  Saint^Jehean  segnefiièrent  tout  leur  estât  et 
leur  trettiés  par  certains  messages  as  chevaliers  englès 
et  gascons  qui  se  tenoient  en  le  cité  de  Bourdiaus^  et 
sus  quel  estât  il  estoient.  Et  me  samble  que  on  laissa 
les  quinze  jours  espirer^  et  ne  furent  point  secourut  35 
ne  conforté.  Au  seizisme  jour,  li  rois  de  France  entra 
en  le  ville  de  Saint  Jehan  à  grant  solennité.  Et  le 
recueillièrent  li  bourgois  de  le  ditte  ville  moult  lie- 
ment^  et  li  lisent  toute  feaulté  et  hommage^  et  se 
misent  en  se  obéissance.  Ghe  fu  le  septime  jour  30 
d'aoust  Fan  mil  trois  cens  cinquante  et  un. 


ifO  CHRONIQUES  DE  J.  FR0IS8ART.  [1351] 

§  334.  Apriès  le  reconquès  de  Saint  Jehan  PAn* 
gelier^  si  oom  chi  dessus  est  dit^  et  que  li  rois  de 
France  s'i  fu  reposés  et  rafreschis  sept  jours,  et  eut 
renouvelé  et  ordené  nouviaus  officiiers^  il  s'en  parti 

5  et  retourna  en  France ,  et  laissa  en  le  ville  de  Saint 
Jehan  à  chapitainne  le  signeur  d'Argenton  de  l^oito^  et 
donna  toutes  manières  de  gens  d'armes  congiet^  et 
revint  en  France.  Ossi  se  départirent  li  Englès  de 
BourdiauSy  et  retournèrent  en  Éngleterre;  si  menèrent 

10  là  leurs  prisonniers,  dont  li  rois  d'Engleterre  eut  grant 
joie.  Et  fu  adonc  envoiiés  messires  Jehans  de  Biau- 
camp  à  Calais,  pour  estre  là  chapitains  et  gouvrenères 
de  toutes  les  frontières.  Se  s'i  vint  li  dessus  dis  tenir, 
et  y  amena  en  se  compagnie  des  bons  chevaliers  et 

15  escuiers  et  des  arciers. 

Quant  li  rois  de  France  sceut  ces  nouvelles^  il  en- 
voia  à  Saint  Omer  ce  vaillant  chevalier,  monsigneur 
Edowart^  signeur  de  Biaugeu,  pour  estre  là  chapi- 
tains de  toutes  gens  d'armes  et  des  frontières  contre 

so  les  Englès.  Si  chevauçoient  à  le  fois  ces  deus  chapi- 
tainnes  et  leurs  gens  l'un  sus  l'autre;  mes  point  ne  se 
trouvoient  ne  encontroient^  dont  assés  leur  desplai* 
soit.  Et  se  mettoient  il  grant  entente  à  yaus  trouver^ 
mes  ensi  se  portoit  li  aventure. 

25  §  335.  En  celle  propre  saison,  avint  en  Bretagne 
uns  moult  haus  fais  d'armes  que  on  ne  doit  mies  ou- 
bliier^  mes  le  doit  on  mettre  avant  pour  tous  bace- 
1ers  encoragier  et  exempliier.  Et  afin  que  vous  le 
puissiés  mieus  entendre,  vous  dévés  savoir  que  tout- 

30  dis  estoient  guerres  en  Bretagne  entre  les  parties  des 
deus  damesy  comment  que  messires  Charles  de  Blois 


[i3M]  LIVRE  PREBilER,  $  33S.  iii 

fust  emprisonnés.  Et  se  guerrioient  les  parties  des 
deas  dames  par  garnisons  qui  se  tenoient  ens  es  chas- 
tiaus  et  ens  es  fortes  villes  de  l'une  partie  et  de 
l'autre. 

Si  avint  un  jour  que  messires  Robers  de  Biauma-    5 
noir^  vaillant  chevalier  durement  et  dou  plus  grant 
linage  de  Bretagne ,  et  estoit  chastelains  d'un  chas- 
tiel  qui  s'appelle  Chastiel  Josselin^  et  avoit  avoecques 
lui  grant  fuison  de  gens  d'armes  de  son  linage  et 
d'autres  saudoiiers^  si  s'en  vint  par  devant  le  ville  et  10 
le  chastiel  de  Plaremïel^  dont  chapitains  estoit  uns 
homs  qui  s'appelloit  Brandebourch  ;  et  avoit  avoec 
lui  grant  fuison  de  saudoiiers  alemans^  englès  et  bre- 
tons^ et  estoient  de  la  partie  la  contesse  de  Montfort. 
Et  coururent  li  dis  messires  Robers  et  ses  gens  par  15 
devant  les  barrières^  et  euist  volentiers  veu  que  cil 
de  dedens  fuissent  issu  hoi*s^  mes  nulz  n'en  issi. 

Quant  messires  Robers  vei  ce^  il  approça  encores 
de  plus  près^  et  fis!  appeller  le  chapitainne.  Cilz  vint 
avant  à  le  porte  parler  au  dit  monsigneur  Robert,  et  20 
sus  assegurances  d'une  part  et  d'autre.  «  Brande- 
bourchy  dist  messires  Robers,  a  il  là  dedens  nul  homme 
d'armes,  vous  ne  aultre,  deus  ou  trois,  qui  volsissent 
jouster  de  fers  de  glaves  contre  aultres  trois,  pour 
l'amour  de  leurs  amies?  »  Brandebourch  respondi  et  25 
dist  que  leurs  amies  ne  vorroient  mies  que  il  se  fesis- 
sent  tuer  si  meschamment  que  de  une  seule  jouste, 
car  c'est  une  aventure  de  fortune  trop  tost  passée.  Si  en 
acquiert  on  plus  tost  le  nom  d'outrage  et  de  folie  que 
renommée  d'onneur  ne  de  pris.  30 

a  Mais  je  vous  dirai  que  nous  ferons,  se  il  vous 
plaist.  Vous  prenderés  vingt  ou  trente  de  vos  compa- 


lis  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1351] 

gnons  de  vostre  garnison,  et  j'en  prenderai  otant  de 
la  nostre  :  si  alons  en  un  biei  camp ,  là  où  nulz  ne 
nous  puist  empeecier  ne  destourber.  Et  commandons 
sus  le  hart  à  nos  compagnons^  d'une  part  et  d'aultre^ 
5  et  à  tous  chiaus  qui  nous  regarderont  j  que  nulz  ne 
&ce  à  homme  combatant  confort  ne  aye.  Et  là  en* 
droit  nous  esprouvons  et  faisons  tant  que  on  en 
parle  ou  tamps  à  venir  en  sales^  en  palais^  en  plaches 
et  en  aultres  lieus  par  le  monde.  Et  en  aient  la  for- 

10  tune  et  l'onneur  cil  à  qui  Diex  l'aura  destiné.  »  — 
et  Par  ma  foy^  dist  messires  Robers  de  Biaumanoir^  je 
m'i  acord^  et  moult  parlés  ores  vassaument.  Or  soiiés 
vous  trente  :  nous  serons  nous  trente^  et  le  créante 
ensi  par  ma  foy.  »  —  «  Ossi  le  créante  jou^  dist  Bran- 

15  debourchy  car  là  acquerra  plus  d'onneur  qui  bien 
s'i  maintenra  que  à  une  jouste.  » 

Ensi  fu  ceste  besongne  afiremée  et  creantée,  et 
journée  acordée  au  merkedi  apriès ,  qui  devoit  estre 
li  quars  jours  de  l'emprise.  Le  terme  pendant,  ces- 

30  cuns  eslisi  les  siens  trente,  ensi  que  bon  li  sambla. 
Et  tout  cil  soixante  se  pourveirent  d*armeures,  ensi 
que  pour  yaus,  bien  et  à  point. 

§  336.  Quant  li  jours  fu  venus ,  li  trente  compa- 
gnon Brandebourch  oïrent  messe  ^  puis  se  fisent  ar- 

25  mer,  et  s'en  alèrent  en  le  place  de  terre  là  où  la  ba- 
taiUe  devoit  estre.  Et  descendirent  tout  à  piet,  et 
deffendirent  à  tous  chiaus  qui  là  estoient  que  nuls 
ne  s'entremesist  d'yaus,  pour  cose  ne  pour  meschief 
que  il  veist  avoir  à  ses  compagnons.  Et  ensi  fisent  li 

30  trente  compagnon  à  monsigneur  Robert  de  Biauma- 
noir.  Cil  trente  compagnon ,  que  nous  appellerons 


[iSM]  UVRE  PREBOSR,  $  336.  113 

Englès^  à  oeste  besongne  attendirent  longement  les 
auitres  que  nous  appellerons  François. 

Quant  li  trente  François  furent  venu^  il  descendi- 
rent à  piet  et  fîsent  à  leurs  compagnons  le  comman* 
dément  dessus  dit.  Aucun  dient  que  cinq  des  leurs  5 
demorèrent  as  chevaus  à  l'entrée  de  le  place  ^  et  li 
vingt  cinq  descendirent  à  piet  ^  si  com  li  Englès  es- 
toient.  Et  quant  il  furent  Fun  devant  l'autre^  il  par- 
lementèrent un  petit  ensamble  tout  soixante;  puis  se 
retraisent  arrière^  li  uns  d'une  part  et  li  auitres  lo 
d'autre.  Et  lisent  toutes  leurs  gens  traire  en  sus  de  le 
place  bien  loing.  Puis  fist  li  uns  dVaus  un  signe  ^  et 
tantost  se  coururent  sus  et  se  combatirent  fortement 
tout  en  un  tas;  et  rescouoient  bellement  li  uns  l'au- 
tre^ quant  il  veoient  leurs  compagnons  à  meschief.      15 

Assés  tost  apriès  ce  qu'il  furent  assamblé ,  fu  occis 
li  uns  des  François.  Mes  pour  ce  ne  laissièrent  mies  li 
aultre  le  combatre;  ains  se  maintinrent  moult  vas- 
saument  d'une  part  et  d'aultre,  ossi  bien  que  tout 
fuissent  RoUans  et  Oliviers.  Je  ne  sçai  à  dire  à  le  ve-  SO 
rite  :  «  cil  se  maintinrent  le  mieulz,  et  cil  le  lisent  le 
mieulz,  »  ne  n'en  oy  onques  nul  prisier  plus  avant 
de  l'aultre;  mais  tant  se  combatirent  longement 
que  tout  perdirent  force  et  alainne  et  pooir  entire- 
ment.  35 

Si  les  convint  arester  et  reposer,  et  se  reposèrent 
par  acord^  li  uns  d'une  part  et  li  auitres  d'aiultre.  Et 
se  donnèrent  trièwes  jusques  adonc  qu'il  se  seroient 
reposet^  et  que  li  premiers  qui  se  releveroit  rappel- 
leroit  les  auitres.  Adonc  estoient  mort  quatre  Fran-  30 
çois  et  deus  des  Englès  :  il  se  reposèrent  longement, 
d'une  part  et  d'aultre.  Et  telz  y  eut  qui  burent  dou 

IT  —  8 


114  CHRONIQUES  D£  J.  FROISSÂRT.  [1351] 

vin  que  on  leur  aporta  en  bouteilles  y  et  restraindi- 
rent  leurs  armeures  qui  desroutes  estoient^  et  four- 
birent leurs  plaies. 

§  337.  Quant  il  Auvent  ensi  ra£reschi^  li  premiers 

5  qui  se  releva  fist  signe  et  rappella  les  aultres.  Si  re- 
commença la  bataille  si  forte  comme  en  devant,  et 
dura  moult  longement.  Et  avoient  courtes  espées  de 
Bourdiaus  roides  et  agues ,  et  espois  et  daghes ,  et  li 
aucun  haces;    et  s'en   donnoient  mervilleusement 

10  grans  horions.  Et  li  aucun  se  prendoient  as  bras  à  le 
luitte  et  se  frapoient  sans  yaus  espargnier.  Vous  poés 
bien  croire  qu'il  fisent  entre  yaus  mainte  belle  aper- 
tise  d'armes,  gens  pour  gens,  corps  à  corps  et  main 
à  main.  On  n'avoit  point  en  devant,  passet  avoit 

15  cent  ans^  oy  recorder  la  cause  pareille. 

Ensi  se  combatirent  comme  bon  campion^  et  se 
tinrent  ceste  seconde  empainte  moult  vassaument. 
Mais  jGmtablement  li  Englès  en  eurent  le  pieur;  car^ 
ensi  que  je  oy  recorder^  li  uns  des  François^  qui  de- 

20  morés  estoit  à  cheval^  les  debrisoit  et  defouloit  trop 
mesaisiement  :  si  ques  Brandebourc  leurs  chapitains 
y  fu  tués  et  huit  de  leurs  compagnons.  Et  li  aultre  se 
Tendirent  prisons,  quant  il  veirent  que  leurs  deffen* 
dres  ne  leur  pooit  aidier^  car  il  ne  pooient  ne  de- 

25  voient  fuir.  Et  li  dis  messires  Robers  et  si  compa- 
gnon^ qui  estoient  demoret  en  vie^  les  prisent  et  les 
emmenèrent  ou  Chastiel  Josselin  comme  leurs  pri- 
sonniers^ et  les  rancenèrent  depuis  courtoisement, 
quant  il  furent  tout  resanet;  car  il  n'en  y  avoit  nulz 

30  qui  ne  fust  fort  blechiés^  et  otant  bien  des  François 
comme  des  Englès. 


fi35i]  UVRB  FREUUSR,  S  ^38.  ii5 

Et  depuis  je  vi  seoir  à  le  table  dou  roy  Charle  de 
France  an  chevalier  breton  qui  esté  y  avoit,  qui 
s'appelloit  messires  Yewains  Charuelz  ;  mais  il  avoit 
le  viaire  si  detailliet  et  decopet  qu'il  moustroit  bien 
que  la  besongne  fu  bien  combatue.  Et  ossi  y  lu  mes-  5 
sires  Engherans  du  Edins,  uns  bons  chevaliers  de 
Pikardie ,  qui  moustroit  bien  qu'il  y  avoit  esté  ^  et 
uns  aultres  bons  escuiers  qui  s'appelloit  Hues  de 
Raincevaus.  Si  fîi  en  pluiseurs  lieus  ceste  avenue 
comptée  et  recordée.  Li  aucun  le  tenoient  à  proèce^  10 
et  li  aucun  à  outrage  et  grant  outrecuidance. 

§  338.  Nous  parlerons  d'un  aultre  fait  d'armes 
qui  avint  en  celle  saison  en  le  marce  de  Saint  Omer, 
assés  priés  de  la  bastide  d'Arde.  Vous  avés  bien  chi 
dessus  oy  parler  comment ,  apriès  le  reconquès  de  15 
Saint  Jehan  TÂngelier^  li  rois  de  France  envoia  à 
Saint  Omer  ce  gentil  chevalier,  le  signeur  de  Biaugeu, 
pour  estre  regars  et  souverains  de  toutes  gens  d'ar- 
mes et  gouvrenères  dou  pays.  D'autre  part  estoit  à 
Calais  uns  moult  vaillans  chevaliers  de  par  le  roy  20 
d'Engleterre,  qui  s'appelloit  messires  Jehans  de  Biau- 
camp.  Ces  deus  chapitainnes  avoient  fuison  de  bons 
chevaliers  et  escuiers  desous  yaus^  et  mettoient  grant 
painne  que  il  'peuissent  trouver  et  rencontrer  l'un 
l'autre.  S5 

Or  avint  que  ^  droitement  le  lundi  de  le  Pente« 
couste^  l'an  mil  trois  cens  cinquante  deus^  messires 
Jehans  de  Biaucamp  se  départi  de  Calais  à  trois  cens 
armeures  de  fier  et  deus  cens  arciers.  Et  avoient  tant 
chevauciet  de  nuit  que^  droitement  ce  lundi  au  80 
matin ,  il  furent  devant  Saint  Omer^  environ  soleil 


116  CHRONIQUES  DB  J.  FROBSART.  [I3M] 

levant,  et  se  misent  en  ordenance  de  bataille  sus  un 
terne  assés  priés  de  là.  Et  puis  envoiièrent  leurs  oou* 
reurs  descouvrir  et  prendre  et  lever  le  proie  qui  es» 
toit  issue  de  Saint  Orner  et  des  villages  là  environ^  et 
5  le  recueillièrent  toute  ensamble  :  si  y  avoit  il  grant 
proie. 

Quant  il  eurent  courut  et  fait  leur  emprise^  il  se 
commencièrent  à  retraire  moult  sagement,  et  prisent 
leurs  gens  de  piet  qui  les  sievoient^  et  vingt  hommes 

10  d'armes  et  soissante  arciers ,  et  leur  disent  :  «  Re- 
traiiés  vous  bellement  viers  Calais ,  et  cachiës  ceste 
proie  devant  vous  :  nous  le  sieurons  et  le  condui- 
rons. »  Tout  cil  qui  ordonné  furent  de  cela  faire,  le 
fisent^  et  li  chevalier  et  escuier  se  remisent  ensamble, 

15  et  puis  chevaucièrent  tout  le  pas. 

Les  nouvelles  estoient  jà  venues  en  Saint  Omer,  et 
au  signeur  de  Biaugeu  qui  gisoit  en  le  porte  de  Bou- 
longue^  que  li  Englès  chevauçoient.  Et  avoient  leurs 
coureurs  esté  jusques  as  barrières  et  en  menoient  le 

so  proie  :  de  quoi  li  sii*es  de  Biaugeu  estoit  durement 
courouciés.  Et  avoit  fait  sonner  sa  trompeté  et  aler 
aval  le  ville,  pour  resvillier  chevaliers  et  escuiers  qui 
là  dormoient  à  leurs  hosteulz;  si  ne  furent  mies  si 
tdst  armé  ne  assamblé.  Mais  li  sires  de  Biaugeu  ne* 

S5  les  volt  mies  tous  attendre;  ançois  se  partie  espoir  ' 
li  centime ,  montés  bien  et  faiticement,  et  fist  sa  ba- 
nière  porter  et  passer  devant  lui.  Si  issi  de  le  ville, 
ensi  que  je  vous  di;  et  li  aultre  compagnon,  ensi  que 
il  avoient  fait,  le  sievoient  caudement.  A  ce  jour  e^ 

30  toient  à  Saint  Omer  li  contes  de  Porciien,  messires 
Guillaumes  de  Bourbon ,  messires  Bauduins  Denne- 
kins ,  messires  Drues  de  Roie ,  messires  Guillaumes 


[1851]  IJVRE  PRBBilBR,  $  338.  ii7 

de  Cran,  messires  Oudars  de  Renti^  messires  Guil- 
laumes  de  BaiUuel,  messires  Hectors  Kierés^  messires 
Hues  de  Tx>ncval,  li  sires  de  Sains^  messires  Bauduins 
de  Bellebourne  ^  li  sires  de  Saint  Digier^  li  sires  de 
Saint  Saufliu^  messires  Robers  de  Basentin^  mes-  » 
sires  Bauduins  de  Cuvilers^  et  pluiseur  bon  chevalier 
et  eseuier  d'Artois  et  de  Yermendois. 

Si  sievi  premièrement  li  sires  de  Biaugeu  les  esclos 
des  Englès  moult  radement^  et  avoit  grant  doub- 
tance  qu'il  ne  li  escapaissent^  car  envis  les  euist  lais-  lo 
siés  sans  combatre.  Toutes  ces  gens  d'armes  et  li 
brigant^  desquelz  il  avoit  bien  cinq  cens  à  Saint 
Omer,  n'estoient  mies  encores  avoech  le  signeur  de 
Biaugeu.  Et  cilz  qui  le  sievoit  plus  priés  derrière^ 
c'estoit  messires  Guichars  ses  frères ,  qui  ne  s'estoit  15 
mies  partis  avoecques  li  ne  de  se  route.  Ensi  chevau- 
çoient  il  li  un  et  li  aultre^  li  Englès  devant  et  li 
François  apriès.  Et  prendoient  toutdis  li  Englès  l'a- 
vantage d'aler  devant  en  approçant  Calais  ;  mes  leurs 
chevaus  se  commençoient  moult  à  fouler^  car  il  es«  so 
toient  travilliet  de  le  nuit  devant  que  il  avoient  fort 
chevauciet. 

Si  avint  que  li  Englès  avoient  jà  eslongiet  Saint 
Qmer  quatre  liewes  dou  pays^  et  avoient  passet  le  ri- 
vière d'Oske^  et  estoient  entre  Arde  et  Hoske;  si  re-  95 
gardèrent  derrière  yaus  et  veirent  le  signeur  de  Biau- 
geu et  se  banière,  et  n'estoient  non  plus  de  cent 
hommes  d'armes.  Si  disent  entre  yaus  :  «  Nous  nos 
faisons  cacier  de  ces  François  qui  ne  sont  c'un  petit; 
arrestons  nous  et  nos  combatons  à  yaus  :  ossi  sont  -  ao 
nostres  chevaus  durement  foulé.  »  Tout  s'acordèrent 
à  ce  conseil  et  entrèrent  en  un  prêt,  et  prisent  l'avan- 


il8  OœiONIQDES  0B  J.  FROISSART.  fiSM] 

tage  d'un  lai^e  fosset  qui  là  estoit  environ  oe  prêt  ; 
et  se  misent  tout  à  piet^  les  lances  devant  yaus^  et 
en  bonne  ordenance. 

Evous  le  signeur  de  Biaugeu  venu^  monte  sus  un 

5  coursier^  et  sa  banière  devant  lui^  et  s'arreste  sus  ce 
fossé  à  rencontre  des  Englès  qui  faisoient  là  visage^ 
et  toutes  ses  gens  s'arrestent.  Quant  il  vei  que  il  ne 
passeroit  point  à  sen  aise ,  il  commença  à  tourniier 
autour  dou  fosset  pour  trouver  le  plus  estroit^  et  tant 

10  ala  qu'il  le  trouva.  Mais  à  cel  endroit  li  fossés  estoit 
nouvellement  relevés  :  si  estoit  la  hurée  trop  roiste 
pour  sallir  son  coursier;  et  se  il  fust  oultre,  pour  ce 
n*i  estoient  mies  li  aultre.  Si  eut  avis  de  descendre  à 
piet^  et  ossi  fisent  toutes  ses  gens.  Quant  il  furent  à 

15  piet,  li  sires  de  Biauge[u]  prist  son  glaive  en  son  poing 
et  s'escueilla  pour  sallir  oultre^  et  dist  à  celui  qui 
portoit  sa  banière  :  «  Avant ,  banière ,  ou  nom  de 
Dieu  et  de  saint  Joi^e  I  j»  En  ce  disant  il  salli  oultre 
de  si  grant  volenté  que  par  dessus  le  hurée  dou  fos< 

iO  set;  mais  li  pies  li  gUça  tant  que  il  s'abusça  un  petit 
et  qu'il  se  descouvri  par  desous. 

Là  fîi  uns  homs  d'armes  englès  apparilliés  qui  li 
jetta  son  glave  en  lançant,  et  le  consievi  ou  fusiel 
desous^  et  li  embara  là  dedens  ;  se  li  donna  le  cop  de 

S5  le  mort  :  dont  ce  fut  pités  et  damages.  Li  sires  de 
Biaugeu^  de  la  grant  angousse  qu'il  eut^  se  tournia 
deus  tours  ou  pret^  et  puis  si  s'arresta  sus  son  costé. 
Là  vinrent  deus  de  ses  chevaliers  de  son  hostel  qui 
s*arrestèrent  sur  lui^  et  le  commencièrent  à  deffendre 

30  moult  vaillamment.  Li  aultre  compagnon  y  chevalier 
et  escuier^  qui  veoient  leur  signeur  là  jesir  et  en  tel 
parti,  furent  si  foursené  que  il  sambloit  que  il  deuis- 


[i35l]  LITRE  PREMIER,  §  338.  il9 

sent  issir  dou  sens.  Si  se  commença  li  hustins  et  li 
estekeis  de  toutes  pars.  Et  se  tinrent  les  gens  le  si- 
gneur  de  Bîaugeu  une  espasse  en  bon  couvenant; 
mes  finablement  cil  premier  ne  peurent  souffrir  ne 
porter  le  fais^  et  furent  desconfi^  et  pris  la  grigneur  S 
partie.  Et  là  perdi  messires  Bauduins  de  Cuvilers  un 
oel  et  fu  prisonniers ,  et  ossi  furent  tout  li  aultre.  Et 
se  li  Englès  euissent  eu  leurs  chevaus^  il  se  fuissent 
tout  parti  sans  damage;  mais  nennil  :  dont  il  per 
dirent.  10 

Evous  venu  achevauçant  moult  radement  monsi- 
gneur  Guichart  de  Biaugeu  et  se  route  qui  estoit  tout 
devant  les  aultres,  le  trettié  d'un  arc  ou  plus.  Quant 
il  fu  venus  sus  le  place  où  li  desconfi  estoient^  et  où 
ses  frères  gisoit^  si  fîi  tous  esmerveilliés  ;  et  feri  che-  15 
val  des  esporons^  et  salli  oultre  le  fosset.  Et  ossi  li 
aultre,  en  venant  cescuns  qui  mieux  mieux ^  en 
sievant  le  bon  chevalier^  fisent  tant  qu'il  furent  oultre. 
La  première  voie  que  messires  Guiçars  fist,  ce  fu 
qu'il  s'adreça  sus  son  frère ,  pour  savoir  comment  il  11  ao 
estoit.  Encores  parloit  li  sires  de  Biaugeu  et  recogneut 
bien  son  frère;  se  li  dist  :  <r  Biaus  frère ,  je  sui  na- 
vrés à  mort  y  ensi  que  je  le  sent  bien  :  si  vous  pri 
que  vous  relevés  le  banière  de  Biaugeu  qui  onques 
ne  fui^  et  pensés  de  moy  contrevengier.  Et  se  de  ce  S5 
camp  partes  en  vie  ^  je  vous  pri  que  vous  songniés 
d'Antoine  mon  iil^  car  je  le  vous  recarge.  Et  mon 
corps  faites  le  reporter  en  Biaugeulois ,  car  je  voel 
jesir  en  ma  ville  de  Belleville  :  de  lonch  temps  a^  y 
ai  jon  ordonné  ma  sépulture.  »  30 

Messires  Guiçars^  qui  oy  son  frère  ensi  parler  et 
deviser^  eut  si  grant  anoy  que  à  painnes  se  pooit  il 


iiO  GHKONIQUES  DE  J.  FROISSAET.  [I35|] 

sottstenir^  et  li  aoorda  tout  de  grant  affection.  Puis 
s'en  vint  à  le  banière  son  frère,  qui  estoit  d^at  à  un 
lyon  de  sable  couronnet  et  endentet  de  geules^  et 
le  prist  par  le  hanste  et  le  leva  contremont,  et  le 

5  bailla  à  un  sien  escuier  des  siens,  bon  homme  d'ar- 
mes. Jà  estoient  venu  toutes  leurs  gens  à  cheval  et  pas- 
set  oultre  ou  pré  ;  si  estoient  moult  courouciet  quant 
il  veirent  leur  chapitainne  là  jesir  en  tel  parti,  et  il 
oïrent  dire  que  il  estoit  navrés  à  mort.  Si  s'en  vin- 

10  rent  requerre  les  Englès  moult  fièrement  en  escriant 
«  Biaugeu  I  »  qui  s'estoient  retrait  et  mis  ensamble 
par  bonne  ordenance,  pour  le  force  de  François  que 
il  veirent  venir  sus  yaus. 

§  339.  Tout  à  piet  devant  les  aultres  s'en  vint 

15  messires  Guiçars  de  Biaugeu,  le  glave  ou  poing,  as- 
sambler  à  ses  ennemis  et  commencier  la  bataille* 
Là  eut  fort  bouteis  et  estecheis  des  lances,  ançois 
que  il  peuissent  entrer  l'un  dedens  l'autre.  Et  quant 
il  y  furent  entré,  si  y  eut  fait  pluiseurs  grans  aper- 

80  tises  d'armes.  Là  se  combaLoient  li  Englès  si  vail- 
lamment que  mervelles  seroit  à  recorder.  Si  s'en 
vint  li  dis  messires  Guiçars  de  Biaugeu  assambler 
droitement  desous  le  banière  messire  Jehan  de  Biau- 
camp,  et  là  fîst  grant  fuison  d'armes,  car  il  estoit 

25  bons  chevaliers,  hardis  et  entreprendans;  et  ossi 
son  hardement  li  estoit  doublés  pour  le  cause  de  son 
frère  que  il  voloit  contrevengier.  Si  s'abandonna  à 
ce  commencement  li  dis  chevaliers  si  folement  que 
il  l'en  deubt  priés  estre  mesavenu;  car  il  fu  enclos 

30  des  Englès  et  si  fort  assaliis  que  durement  bleciés  et 
navrés.  Mais  à  le  rescouse  vinrent  li  contes  de  Por- 


[IS8I]  LIVRE  PREMIER,  $  339.  iSl 

siien^  messires  Guillaumes  de  Bourbon^  messires 
Bauduins  Danekins  et  pluiseur  aultre  bon  chevalier 
et  escuier.  Si  fa  messires  Guiçars  rescous  et  mis 
hors  de  le  presse ,  pour  lui  un  petit  rafireschir^  car  il 
estoit  tout  essannés.  5 

8i  vous  di  que  li  Englès  se  combatirent  si  bien  et 
si  vassaument  que  encores  euissent  il  desconfis  chiaus 
qui  là  estoient  venu^  se  n'euissent  esté  li  brigant  qui 
vinrent  là  au  secours  plus  de  cinq  cens^  as  lances  et 
as  pavais^  tous  bien  armés^  frès  et  nouviaus.  Si  ne  lo 
peurent  avoir  durée  li  Englès^  quant  il  furent  recar- 
giet  de  ces  gens  là  nommés  brigans^  car  il  estoient 
tout  lasset  et  hodet  de  longement  combatre.  Ensi 
fîsent  li  brigant  la  desconfiture.  Si  y  furent  pris  mes- 
sires Jehans  de  Biaucamp,  messires  Loeis  de  Glifort^  15 
messires  Oliviers  de  Baucestre^  messires  Phelippes 
de  Biauvers^  messires  Loeis  Tuiton^  messires  Âlixan- 
dres  Ansiel  et  bien  vingt  chevaliers^  tous  de  nom  et 
ossi  tout  li  escuier.  Et  furent  rescous  tout  li  aultre 
prisonnier  françois  qui  pris  estoient  en  devant.  Si  SO 
fîist  trop  bien  la  besongne  alée  pour  les  François^  se 
li  sires  de  Biaugeu  n'euist  esté  là  mors;  mes  U  gentilz 
chevaliers,  qui  si  vaillans  homs  fu  et  si  preudons^ 
dévia  là  sus  le  place:  de  quoi  tout  li  compagnon 
furent  durement  courouciet^  mes  amender  ne  le  peu-  S5 
rent.  Si  fu  cargiés  et  raportés  à  Saint  Omer  ;  et  ossi 
fu  messires  Guiçars  ses  frères ,  qui  si  navrés  estoit 
qu'il  ne  pooit  chevaucier.  Si  retournèrent  tout  li 
compagnon  à  Saint  Omer  et  là  ramenèrent  leurs  pri- 
sonniers. 30 

Or  vous  dirai  de  le  proie  de  Saint  Omer  que  li 
Englès  avoient  pris  devint.  Entre  Bavelinghehen  et 


IÎ2  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [I35i] 

Hames^  li  sires  de  Bavelinghehen  et  li  troi  frère  de 
Hames^  qui  èstoient  moult  bon  chevalier^  et  cil  de 
le  garnison  de  Ghines  et  de  le  Montoire  se  misent 
en  embusce  :  si  èstoient  bien  trois  cens  armeures  de 

5  fier.  Si  rencontrèrent  ces  Englès  qui  le  proie  emme- 
noiént^  et  leur  vinrent  au  devant  et  leur  coururent 
seure.  Yraiement  li  Englès  se  tinrent  et  deffendirent 
tant  qu'il  peurent  durer^  mes  en  le  fin  il  furent  des- 
confit^  tout  mort  ou  pris^  et  la  proie  rescousse^  et  fu 

10  là  sus  les  camps  départie  à  chiaus  des  garnisons  cpii 
au  conquerre  avoient  esté.  Onques  cil  de  Saint  Orner 
n'en  eurent  nulle  restitution.  Si  en  fisent  il  bien  de- 
puis question,  mes  on  trouva  par  droit  d'armes  qu'il 
n'i  avoient  riens;  ançois  estoit  à  chiaus  qui  l'avoient 

15  gaegniet.  Si  leur  convint  porter  et  passer  ce  damage 
au  plus  biel  qu'il  peurent. 

Or  fu  li  sires  de  Biaugeu  embausmés  et  aportés  en 
son  pays  de  Biaugeulois  et  ensepelis  en  Tabbeye  de 
BelleviUe,  ensi  que  deviset  l'avoit. 

20  Si  fu  messires  Ernoulz  d'Audrehen  envoiiés  à  Saint 
Omer  pour  là  faire  frontière  contre  les  Englès^  et  li 
contes  de  Warvich  à  Calais^  ou  lieu  de  son  oncle 
monsigneur  Jehan  de  Biaucamp;  mes  il  fu  délivrés 
en  celle  anée  en  escange  pour  monsigneur  Gui  de 

25  Neelle.  Si  se  rançonnèrent  li  compagnon  d'une  part 
et  d'autre^  ensi  que  Englès  et  François  ont  eu  entre 
yaus  toutdis  bon  usage. 

É 

§  340.  En  ce  temps  trespassa  à  YiUenove  dalés 

Avignon  papes  Clemens;  si  fu  Innocens  papes.  Assés 

30  tost  après  le  création  dou  pape  Innocent,  s'en  vint 

en  France  et  à  Paris  messires  Guis  li  cardinaulz  de 


[IS5f]  UVRS  PREBOER,  S  ^^0.  123 

Boulongne;  si  fu  reçeus  et  conjoîs  grandement  dou 
roy  Jehan^  ce  fu  bien  raisons.  Et  estoit  envoiiés  en 
France  U  dis  cardinaulz  pour  trettier  unes  trièwes 
entre  le  roy  de  France  et  le  roy  d'Engleterre.  Et  l'a- 
Yoit  en  celle  istance  li  papes  Innocens  là  envoiiet  en  5 
légation^  liquels  papes  par  ses  bulles  prioit  douce- 
ment à  l'un  roy  et  à  l'autre  que  il  vosissent  faire 
comparoir  leurs  consaulz  devant  lui  et  le  collège  de 
Romme  ens  ou  palais  en  Avignon;  et,  se  on  pooit 
nullement ,  on  les  metteroit  à  pais.  10 

Si  esploita  si  bien  li  dis  cardinaulz ,  qui  fu  sages 
boms  et  vaillans^  avoech  les  lettres  dou  pape^  que 
unes  trièwes  furent  données  entre  les  deux  rois  des- 
sus nommés  et  tous  leurs  aherdans^  excepté  Bretagne 
(chilz  pays  là  y  f u  réservés)^  à  durer  deus  ans.  Et  15 
furent  les  trièwes  données  et  seelées  sus  certains  ar- 
ticles qui  dévoient  estre  remoustré  de  toutes  parties 
devant  le  pape  et  les  cardinaulz.  Et  se  à  Dieu  il  plai- 
soity  on  y  trouveroit  aucun  moiien  par  quoi  pais  se 
feroit;  si  demora  la  cose  en  cel  estât.  SO 

Vous  avés  bien  oy  et  sceu  comment  li  contes  de 
Ghines^  connestables  de  France^  fu  pris  des  Englès 
jadis  en  le  ville  de  Kem  en  Normendie^  et  li  contes 
de  Tankarville  avoecques  lui.  Et  furent  envoiiet  pri- 
sonnier en  Engleterre  où  il  furent  un  grant  temps^  2S 
et  par  especial  li  contes  Raoulz  d'Eu  et  de  Ghines^ 
car  on  le  voloit  trop  hault  rançonner.  En  ce  conte 
Raoul  d'Eu  et  de  Ghines  et  connestable  de  France 
avoit  un  chevalier  durement  able^  gay,  frice^  plaisant, 
joli  et  legier;  et  estoit  en  tous  estas  si  très  gracieus  30 
que  dessus  tous  aultres  il  passoit  route.  Et  le  temps 
qu'il  demora  en  Engleterre,  il  e^hei  grandement  en 


4S4  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1380] 

le  grasce  et  amour  dou  roy  et  de  la  royne,  des  si- 
gneurs  et  des  dames  dont  il  avoit  le  cognissanoe.  Et 
procura  tant  li  dis  contes  devers  le  roy  d'Engleterre 
qu'il  se  mist  à  finance,  et  deubt  paiier  dedens  un  an 
5  soissante  mil  escus  ou  retourner  en  le  prison  dou 
roy. 

Sus  cel  estât  se  départi  li  dis  contes  de  Ghines  et 
retourna  en  France.  Quant  il  fu  venus  à  Paris^  il  se 
traist  devers  le  roy  Jehan,  de  qui  il  cuidoit  estre 

10  moult  bien  amés^  ensi  que  il  estoit^  ançois  qu'il  fîist 
rois^  et  l'enclina  de  si  lonch  que  il  le  vei  et  le  salua 
humlement  ;  et  en  cuidoit  estre  bien  venus,  par  tant 
que  il  avoit  esté  cinq  ans  hors  dou  pays  et  prison- 
niers pour  lui.  Si  tost  que  li  rois  Jehans  le  vei,  il  re- 

15  garda  sur  lui  et  puis  li  dist  :  «  Contes  de  Ghines^ 
sievés  moy  :  j'ay  à  parïer  à  vous  de  conseil.  »  Li 
contes^  qui  nul  mal  n'i  pensoit^  respondi  :  «  Monsi- 
gneur^  volentiers.  »  Lors  l'en  mena  li  rois  en  une 
cambre  et  li  moustra  unes  lettres^  et  puis  li  demanda  : 

so  N  Contes  de  Ghines^  veistes  vous  onques  mes  cestes 
aultre  part  que  ci?  »  Li  contes^  si  com  il  me  fu  dit^ 
fil  durement  assouplis  et  pris  deventrainnement,  quant 
il  vei  la  lettre.  Adonc  dist  li  rois  Jehans  :  «  Ha  1  ha  1 
mauvais  trahitres,  vous  avés  bien  mort  desservie;  se 

S5  n'i  faurrés  mies,  par  l'ame  de  mon  père,  m  Si  le  fist 
li  dis  rois  tantos  prendre  par  ses  sei^ns  d'armes  et 
mettre  en  prison  en  le  tour  dou  J^uvre  dalés  PariSj 
là  où  li  contes  de  Montfort  fii  mis. 

li  signeur  et  baron  de  France  dou  linage  le  con- 

80  nestable  et  aultre^  fiirent  durement  esmervilliet  quant 
il  sceurent  ces  nouvelles/car  il  tenoient  le  conte  pour 
loyal  et  preudomme  sans  nulle  lasqueté*  Si  se  traisent 


[1350]  liVRX  PREMIER,  $  ^i.  iU 

devers  le  roy,  en  priant  moult  humlement  que  il  leur 
Tolsist  dire  pour  quoi  ne  à  quel  cause  il  avoit  empri- 
sonné leur  cousin^  un  si  gentil  chevalier^  et  qui  tant 
aToit  perdu  et  travilUet  pour  lui  et  pour  le  royaume. 
Li  rois  les  oy  bien  parler^  mes  il  ne  leur  volt  onques  5 
dire;  et  jura^  le  secont  jour  qu'il  fu  mis  en  prison, 
oant  tous  les  amis  dou  connestable  qui  prioient  pour 
lui,  que  jamais  ne  dormiroit  tant  que  li  contes  de 
Ghines  fust  en  vie.  De  ce  ne  falli  il  point,  car  il  li 
fist  secrètement  ou  chastiel  dou  Louvre  oster  la  teste  :  10 
de  quoi  ce  fa  grans  damages  et  pitës  se  li  chevaliers 
le  desservi;  mais  je  le  tieng  si  vaillant  et  si  gentil 
que  jamais  il  n'euist  pensé  trahison.  Toutes  fois,  fust 
à  droit  y  fiist  à  tort,  il  morut;  et  donna  sa  terre  li  rois 
Jehans  à  son  cousin  le  conte  d'Eu,  monsigneur  Jehan  15 
d'Artois.  De  ceste  justice  fu  li  rois  durement  bksmés 
en  derrière  de  pluiseurs  haus  barons  dou  royaume  de 
France  et  des  dus  et  des  contes  marcissans  au  dit 
royaume. 

§  341.  Assés  tost  apriès  le  mort  dou  conte  de  80 
Ghines,  dont  toutes  manières  de  bonnes  gens  furent 
courouciet,  fu  pris  et  emblés  li  fors  et  li  biaus  chas- 
tiaus  de  Ghines,  qui  est  uns  des  biaus  chastiaus  dou 
monde.  Et  fu  acatés  à  bons  deniers  se[c]s  de  monsi- 
gneur Jehan  de  Biaucamp,  chapitainne  de  Calais,  et  S5 
délivrés  de  chiaus  qui  le  vendirent  as  Englès,  qui  &i 
prisent  le  saisine  et  possession,  et  ne  l'euissent  rendu 
pour  nul  avoir. 

Quant  les  nouvelles  en  vinrent  à  Paris,  li  rois  de 
France  en  fu  durement  courouciés,  ce  fu  raison,  car  ao 
de  force  il  n'estoit  mies  à  reprendre.  Si  en  parla  à 


it6  ŒRONIQIJES  DE  J.  FROISSAAT.  [1851] 

son  cousin  le  cardinal  de  Boulongne^  en  priant  que 
il  volsist  mander  à  chiaus  de  Calais  qu'il  avoient  mal 
fait^  quant  dedens  trièwes  il  avoient  pris  et  emblet  le 
chastiel  de  Ghines^  et  que  par  ce  Êdt  il  avoient  les 

5  trièwes  enfraintes. 

Li  cardinaulz  à  Tordenance  dou  roy  obei^  et  en* 
voia  certains  et  especiaus  messages  à  Calais  devers 
monsigneur  Jehan  de  Biaucamp^  en  li  remoustrant 
que  il  avoit  trop  mal  &di,  quant  il  avoit  consenti  à 

10  faire  tel  cose  que  prendre  et  embler  en  trièwes  le 

chastiel  de  Ghines ,  et  que  par  ce  point  il  avoit  les 

trièwes  enfraintes;  se  li  mandoit  que  ce  fust  deffiiit  et 

li  chastiaus  remis  arrière  en  le  main  des  François. 

Messires  Jehans  de  Biaucamp  fu  tantost  consilliés 

15  dou  respondrCy  et  respondi  qu'il  n'eskiewoit  nul 
homme  en  trièwes  et  hors  trièwes  acater  chastiauS| 
terres^  possessions  et  hyretages;  et  pour  ce  ne  sont 
mies  trièwes  enfraintes  ne  brisies.  Il  n'en  peurent 
chil  qui  envoiiet  y  furent  aultre  cose  avoir.  Si  demora 

30  la  cose  en  cel  estât,  et  obtinrent  li  Englès  le  fort 
chastiel  de  Ghines,  qu'il  n'euissent  rendu  pour  nul 
avoir. 

§  3A2.  En  ce  temps  et  en  celle  saison ,  devisa  et 
ordonna  li  rois  Jehans  de  France  une  belle  compa- 

95  gnie  grande  et  noble  ^  sus  le  manière  de  le  Table 
Reonde  qui  fu  jadis  au  temps  dou  roy  Ârtus  :  de  la- 
quèle  compagnie  dévoient  estre  trois  cens  chevaliers^ 
li  plus  vaillant  as  armes  et  li  plus  souffissant  dou 
royaume  de  France.  Et  dévoient  estre  appelle  cil  che- 

80  valier^  li  chevalier  de  l'Estoille.  Et  devoit  cescuns 
chevaliers  de  le  ditte  compagnie  porter  une  estoille 


[135!]  UVRE  PREMIER,  $  342.  ft? 

d'or  ou  d'ai^ent  dorée,  ou  de  perles,  sus  son  deseu- 
rain  vestement^  pour  recognissance  de  le  compagnie* 

Et  eut  adonc  en  couvent  li  rois  Jefaans  as  compa- 
gnons de  faire  une  beUe  maison  et  grande ,  à  son 
coust  et  à  son  fret^  dalés  Saint  Denis^  là  où  tout  li    5 
compagnon  et  confrère  dévoient  repairier  à  toutes 
les  festes  solennèles  de  l'an,  chil  qui  seroient  ens  ou 
pays,  se  il  n'avoient  trop  grant  ensongne  qui  les  escu-, 
sast^  ou  à  tout  le  mains  cescuns  une  fois  Tan.  Et  de- 
voit  estre  appellée  li  noble  maison  de  l'Estoille.  Et  y  lo 
devoit  li  rois,  au  mains  une  fois  l'an,  tenir  court  ple- 
nière  de  tous  les  compagnons.  Et  à  celle  court  devoit 
cescuns  des  compagnons  raconter  toutes  les  aven* 
tures,  sus  son  sierement,  qui  avenues  li  estoient  en 
l'an,  ossi  bien  les  honteuses  comme  les  honnou-  15 
râbles. 

Et  li  rois  devoit  establir  deus  ders  ou  trois  sour 
ses  couls^  qui  toutes  ces  aventures  dévoient  mettre 
en  escript,  et  Ëiire  de  ces  aventures  un  livre^  afin  que 
ces  aventures  ne  fuissent  mies  oubliées^  mes  raportées  so 
tous  les  ans  en  place  par  devant  les  compagnons^ 
par  quoi  on  peuist  savoir  les  plus  preus,  et  honnou- 
rer  cescun  selonch  ce  qu'il  seroit.  Et  ne  pooit  nulz 
entrer  en  celle  compagnie^  se  U  n'avoit  le  consent 
dou  roy  et  de  la  grignour  partie  de  compagnons,  et  se  S5 
il  n'estoit  sans  diffame  de  reproce.  Et  leur  couvenoit 
jurer  que  jamais  il  ne  fiiiroient  en  bataille  plus  lonch 
que  de  quatre  arpens  à  leur  avis  ;  ançois  morroient  ou 
se  renderoient  pris,  et  que  cescuns  aideroit  et  secour- 
roit  l'autre  à  toutes  ses  besongnes  comme  loyaus  30 
amis,  et  pluiseurs  aultres  estatus  et  ordenances  que 
tout  li  compagnon  avoient  juret. 


Iî8  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13M] 

Si  fîi  la  maison  priés  que  faite^  et  encores  est  elle 
assés  priés  de  Saint  Denis. 

Et  se  il  avenoit  que  aucun  des  compagnons  de  l'Es- 
toille  en  viellèce  euissent  mestier  de  estre  aidiet,  et  que 

5  il  fiiissent  affoibli  de  corps  et  amenri  de  chavance^  on 
li  devoit  &ire  ses  frès  en  le  maison  bien  et  honnoura- 
blement,  pour  lui  et  pour  deus  variés^  se  en  la  maison 
voloit  demorer,  à  fin  que  le  compagnie  fîist  mieulz 
détenue.  Ensi  (îi  ceste  cose  ordenée  et  devisée. 

10  Or  ayint  que^  assés  tost  apriès  ceste  ordenance 
emprise^  grant  fuison  de  gens  d'armes  issirent  hors 
d'Engleterre  et  vinrent  en  Bretagne,  pour  conforter 
la  contesse  de  .Montfort.  Tantost  que  li  rois  de 
France  le  sceut^  il  envoia  celle  part  son  mareschal  et 

15  grant  fuison  de  bons  chevaliers ,  pour  contrester  as 
Englès. 

En  celle  chevaucie  alèrent  fuison  de  ces  chevaliers 
de  l'Estoille.  Quant  il  furent  venu  en  Bretagùe,  li 
Englès  fisent  lor  besongne  si  soutievement  que,  par 

20  un  embuschement  qu'il  lisent,  li  François,  qui  s'ern*- 
bâtirent  trop  avant  folement^  furent  tout  mort  et 
desconfi.  Et  y  demora  mors  sus  le  place  messires 
Guis  de  Neelle^  sires  d'Aufemont  en  Yermendois: 
dont  ce  fu  damages^  car  il  estoit  vaillans  chevaliers 

35  et  preùs  durement.  Et  avoecques  lui  demorèrent 
plus  de  quatre  vingt  et  dix  chevaliers  de  l'Estoille^ 
pour  tant  qu'il  avoient  juret  que  jamais  ne  fuiroient; 
car  se  li  sieremens  n'euist  esté,  il  se  fuissent  retret  et 
sauvet.  Ensi  se  desrompi  ceste  noble  compagnie  de 

30  l'Estoille  avoecques  les  grans  meschiés  qui  avinrent 
depuis  en  France^  si  com  vous  orés  recorder  avant 
en  l'ystore. 


[I3Î$4]  LIVRE  PREMIER,  §  343.  129 

§  343.  En  ce  temps  et  en  celle  saison  avoit  li  rois 
de  France  dalés  lui  un  chevalier  que  durement  amoit^ 
car  il  avoit  esté  avoecques  lui  nouris  d'enfance  :  c'es- 
toit  messires  Charles  d'Espagne.  Et  l'avoît  li  rois  fait 
son  connestable  de  France^  et  l'avançoit  en  quan- 
qu'il  pooit  de  donner  terres,  possessions  et  hiretâges^ 
or  et  argent  et  tout  ce  qu'il  voloit.  Se  li  donna  li 
rois  de  France  une  terre  qui  longement  avoit  esté  en 
débat  entre  le  roy  de  Navare  le  père  et  le  roy  Phe- 
lippe  son  père.  \  10 

Quant  li  rois  Charles  de  Navare  et  messires  Phe- 
lippes  ses  frères  veirent  que  li  rois  Jehans  leur  eslon- 
goit  leur  hyretage,  et  l'avoit  donnet  à  un  homme  qui 
ne  leur  estoit  de  sanc  ne  de  linage^  si  en  furent  du- 
rement courouciet^  et  en  manecièrent  couvertement  15 
le  dit  connestable  ;  mais  il  ne  li  osoient  faire  nulle 
felonnie^  pour  le  cause  dou  roy  qu'il  ne  voloient 
mies  couroucier^  car  li  rois  de  Navare  avoit  sa  fille 
à  femme  y  et  savoit  bien  que  c'estoit  Pomme  dou 
monde,  apriès  ses  enfans,  que  li  rois  amoit  le  mieulz.  20 
Si  se  couva  ceste  hayne  un  grant  temps. 

Bien  sentoit  messires  Charles  d'Espagne  que  li  rois 

de  Navare  l'avoit  grandement  contre  coer,  et  s'en 

tenoit  en  bien  dur  parti,  et  l'avoit  remoustré  au  roy 

de   France.  Mais  li  4X)is  l'en  avoit  asseguré  et  di-   25 

soit  :  <x  Charle^  ne  vous  doubtés  de  mon  fil  de  Navare; 

il  ne  vous  oseroit  couroucier ,  car  se  il  le  faisoit^  il 

n'aroit  plus  grant  ennemi  de  moy.  »  Ensi  se  passa  li 

temps,  et  s'umelioît  toutdis  li  connestables  de  France 

envers  les  enfans  de  Navare^  quant  d'aventure  il  les  30 

trouvoit  en  l'ostel  dou  rov  France  ou  ailleurs. 

Pour  ce  ne  demora  mies  que  li  enÊmt  de  Navare 

nr  —  9 


190  CHRONIQUES  DE  1.  FROISSAAT.  [1354] 

n'en  feissent  leur  entente.  Car  messires  C3iarles  d'Es* 
pagne  estoit  une  fois  à  l'Aigle  en  Normendie  :  si  ques^ 
ensi  que  de  nuit  il  gisoit  en  un  petit  village  assés 
pries  de  TAigle  en  Normendie^  il  fu  là  trouvés  des 

5  gens  le  roy  de  Navare  qui  le  demandoient,  et  qui 
avoient  fait  et  bastis  agais  sur  lui^  desquelz^  tant  qu'à 
ceste  fois  et  à  ce  Ëdt^  uns  cousins  des  enfans  de  Na- 
vare^ qui  s'appelloit  li  Bascles  de  Maruel^  estoit  sou- 
verains et  chapitainne.  Si  fu  li  dis  connestables  là 

10  pris  et  assallis  en  sa  cambre  et  occis. 

  ce  fisdt  pour  estre^  en  fii  priiés  de  ses  cousins  les 
en&ns  de  Navare  li  contes  Guillaumes  de  Namur, 
qui  pour  ce  temps  se  tenoit  à  Paris  ;  mais  il  s'en  con- 
silla  à  son  cousin  le  cardinal  de  Boulongne ,  qui  li 

15  dist  :  fc  Vous  n'irés  points  il  sont  gens  assés  sans  vous*  » 
Et  si  trestost  que  li  Êûs  fîi  avenus  et  que  li  dis  cardi- 
naulz  le  peut  savoir^  il  manda  son  cousin  le  conte  de 
Namur  et  li  remoustra  le  péril  où  il  en  poroit  estre 
dou  roy  Jehan^  qui  estoit  soudains  et  hastieulz  en 

so  son  aïr;  se  li  consilla  à  partir  dou  plus  tost  qu'il 
peuist.  li  contes  de  Namur  crei  ce  conseil;  si  se 
parti  de  Paris  sans  prendre  oongiet  au  roy^  et  fist 
tant  par  ses  journées  qu'il  se  trouva  en  son  pays  da- 
tés madame  sa  femme  :  onques  depuis  ne  retourna  à 

35  Paris. 

•Quant  li  rois  de  France  sceut  le  vérité  de  son  con- 
nestable  monsigneur  Charle  d'Espagne,  que  li  rois  de 
Navare  avpit  fait  morir^  si  en  fu  trop  durement  cou- 
rouciés ,  et  dist  bien  que  ce  seroit  trop  chierement 

30  comparet  ;  et  trop  se  repentoit  que  onques  li  avoit 
donnet  sa  fille  par  mariage.  Si  envoia  tantost  li  dis 
rois  grans  gens  d'armes  en  Normendie  pour  saisir 


[1384]  UVRE  PREMIER,  §  344.  131 

la  conté  d'Evrues,  qui  estoit  hiretages  au  dit  roy  de 
Navare;  et  furent  repris  en  oe  temps  une  partie  des 
chastiaus  que  li  rois  de  Navare  tenoit< 

D'autre  part^  li  rois  Jehans^  qui  prist  ceste  cose  en 
grant  despit,  esploita  tant  devers  le  conte  d'Ermignach    5 
et  le  conte  de  Commignes  et  aucuns  barons  de  le 
haute  Gascongne ,  qu'il  fisent  guerre  au  roy  de  Na- 
vare ;  et  entrèrent  par  les  montagnes  en  son  pays^  et 
li  ardirent  aucunes  povres  villes.  Mes  plente  ne  fu  ce 
mies ,  car  li  contes  de  Fois ,  qui  seroui^es  estoit  au  10 
roy  de  Navare,  ala  au  devant  et  se  allia  avoech  le  dit 
roy,  et  entra  à  grans  gens  d'armes  en  le  conté  d'Er- 
mignach  :  par  quoi  il  convint  que  ceste  cose  se  ces- 
sast  et  que  li  contes  d'Ermignach  et  li  aultre  qui 
avoecques  lui  estoient  retoumaissent  et  venissent  15 
garder  leur  pays. 

§  344.  En  ce  temps  vinrent  en  Avignon  li  esleu 
dou  roy  de  France  et  dou  roy  d'Engleterre  yaus  com- 
paroir devant  le  pape  Innocent  et  les  cardinaulz.  Et 
si  especiaulz  personnes  y  vinrent  que ,  de  par  le  roy  30 
de  France,  ses  cousins  germains  messires  Pières,  dus 
de  Bourbon,  uns  très  gentilz  et  vaillans  chevaliers; 
et  de  par  le  roy  d'Engleterre,  ses  cousins  germains 
ossi  li  dus  Henris  de  Lancastre.  Si  furent  cil  doy 
signeur  en  Avignon  un  grant  temps,  et  y  tinrent  35 
grant  estât  et  noble.  Et  là  eut  grans  parlemens  et 
grans  trettiés  de  pais,  et  pluiseurs  coses  proposées  et 
parlementées  devant  le  pape  ;  mais  à  ce  donc  on  n'i 
peut  onques  trouver  moiien  de  pais,  et  brisa  li  ar^    ' 
tides  de  Bretagne,  ensi  que  il  a  Êdt  aultre  fois,  gran-  30 
dément  le  pais.  Si  demora  la  cose  en  cel  estât,  et 


13S  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4388] 

s'en  retournèrent  li  Englès  en  Engleterre^  et  li  Fran- 
çois en  France.  Si  fu  la  triewe  inspirée  et  la  guerre 
renouvelée  plus  forte  assés  que  devant. 
En  ce  temps  trespassa  li  dus  Jehans  de  Braibant, 
5  qui  poissamment  et  sagement  avoit  regnet  contre 
tous  ses  voisins.  Si  reschei  la  terre  et  la  ducé  de 
Braibant  à  madame  Jehane,  se  ainsnée  fille^  car  mes- 
sires  Godefrois  ses  filz  estoit  mors.  Si  fu  ceste  dame 
duçoise  de  Braibant  y  et  espousa  mo.nsigneur  Win- 

10  celin  de  Boesme ,  filz  jadis  au  gentil  roy  de  Boesme 
et  de  le  soer  monsigneur  le  duch  de  Bourbon.  Si 
estoit  cilz  sires  pour  ce  temps  moult  jones;  mais  il 
estoit  consilliés  de  son  bel  oncle  monsigneur  Jake- 
mon  de  Bourbon  quiscntendoit  à  ses  besongnes,  et 

15  jà  estoit  il  dus  de  Lussembourch.  Si  fist  en  sa  nou- 
veleté  à  ce  jone  duch  de  Braibant  et  de  Lussem- 
bourch li  contes  Loeis  de  Flandres  grant  guerre, 
pour  la  cause  de  madame  sa  femme  y  qui  fille  avoit 
esté  au  duc  de  Braibant  pour  avoir  ses  pareçons.  Et 

so  par  especial  il  demandoit  à  avoir  Malignes  et  Anwers 
et  les  appendances.  Et  disoit  et  proposoit  et  remous- 
troit  li  dis  contes^  par  seelés^  que  li  dus  Jehans  de 
Braibant^  quant  il  prist  sa  fille  en  mariage^  li  avoit 
donnet  et  acordet  à  tenir  apriès  son  deciès. 

25  Ces  demandes  venoient  à  grant  contraire  à  ma- 
dame Jehane ,  duçoise  de  Braibant ,  et  au  jone  duch 
son  mari^  et  à  tous  les  barons  dou  pays  et  les  bonnes 
villes  ossi  ^  car  il  n'en  savoient  parler.  Et  l'avoit  li 
dus  Jehans  fait  secrètement;  car,  si  com  ci  dessus  en 

do  celle  hystore  est  dit,  quant  li  dus  de  Braibant  maria 
sa  fille  au  conte  de  Flandres^  il  acata  le  mariage. 
Pour  lesquèles  demandes  grans  guerres  en  ce  temps 


[1355]  LIVRE  PREMIER,  §  345.  133 

s'esmurent  entre  les  pays  de  Braibant  et  de  Flandres^ 
et  y  eut  ptuiseurs  batailles  et  rencontres,  et  durèrent 
trois  ans  ou  environ.  Finablement ,  li  contes  Guil- 
laumes  de  Haynau^  filz  à  Loeis  de  Baivière  le  roy 
d'Alemagne^  y  trouva  un  moiien  parmi  le  bon  con-  5 
seil  qu'il  eut.  £t  fîst  loiier  toutes  les  parties  telement 
qu'il  en  fu  dou  tout  à  son  dit  ;  si  en  détermina  sus 
le  marce  de  Flandres^  de  Braibant  et  de  Haynau^  et 
ordonna  adonc  bonne  pais  entre  les  pays  de  Flandres 
et  de  Braibant;  mais  Malignes  et  Anwiers^  qui  sont  lo 
deus  grosses  villes  et  de  grant  pourfit^  demorèrent 
au  conte  de  Flandres.  Je  me  sui  de  ceste  matère 
passés  assés  briefînent^  pour  tant  que  elle  ne  touche 
de  riens  au  fait  de  ma  principal  matère^  des  guerres 
de  France  et  d'Engleterre.  15 

§  3A5.  Li  rois  de  France  avoit  pris  en  si  grant 
hayne  le  fait  de  son  connestable,  que  li  enfant  de 
Navare  avoient  fait  morir^  que  il  n'en  pooit  issir; 
ne  li  enÊint  de  Navare^  pour  amendes  qu'il  en  seuis- 
sent  offrir  ne  présenter,  li  rois  de  France  n'i  voloit  20 
entendre,  mais  les  faisoit  guerriier  de  tous  costés. 
Quant  il  veirent  ce,  si  s'avisèrent  qu'il  se  trairoient 
en  Engleterre  et  se  fortefieroient  des  Englès ,  et  les 
metteroient  en  leurs  chastiaus  en  Normendie;  aul- 
trement  il  ne  pooient  venir  à  pais,  se  il  ne  faisoient  25 
guerre.  Si  se  départirent  de  Chierebourch ,  et  mon- 
tèrent en  mer  et  arrivèrent  en  Engleterre.  Si  fisent 
tant  que  il  vinrent  à  Windesore,  où  il  trouvèrent  le 
roy  et  grant  fuison  de  signeurs  j  car  c'estoit  à  une 
feste  de  Saint  Gorge  que  il  festioient.  30 

Si  fu  li  rois  de  Navare  grandement  bien  venus  et 


134  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1355] 

conjoîs  dou  roy  dnËiigleteiTe  et  de  tous  les  barons^ 
et  ossi  fil  messires  Phelippes  ses  firères.  En  celle  Visi- 
tation que  li  rois  de  Navarre  et  ses  firères  fisent  en 
Engleterre,  eut  grans  trettiés  et  grans  alliances  en- 
5  samble;  et  devoit  li  rois  d'Engleterre  efforciement 
ariver  en  Normendie  et  prendre  terre  à  Chiere- 
bourch.  Et  li  rois  de  Navare  li  devoit,  à  lui  et  à  ses 
gens^  prester  ses  forterèces  pour  guerriier  le  royaume 
de  France. 

10  Quant  toutes  ces  coses  fiirent  bien  faites  et  ordon- 
nées à  leurs  ententes  ^  et  li  enfiint  de  Navare  eurent 
séjourné  dalés  le  roy  et  le  royne  environ  quinze 
jours  ^  il  se  départirent  et  s'en  retournèrent  arrière 
en  le  conte  d'Evrues.  Si  fisent  pourveir  et  garnir 

15  leurs  chastiaus  bien  et  grossement^  et  par  especial  la 
cité^  [la]  ville  et  le  chastiel  d'Evrues^  le  fi)rt  chastiel 
de  Bretuel  ^  Ronces  et  tous  aultres  chastiaus  qui  dou 
roy  de  Navare  se  tenoient. 

li  rois  d'Engleterre  ne  mist  mies  en  non  caloir  son 

90  pourpos,  et  dist^  puisque  pais  ne  s'estoit  pout  fidre  en 
Avignon^  que  il  ne  fist  onques  si  forte  guerre  en 
France  que  il  feroit.  Et  ordonna  en  celle  saison  de 
faire  trois  armées^  l'une  en  Normendie^  et  l'autre  en 
Bretagne^  et  la  tierce  en  Gascongne.  Car  de  Gascon- 

S5  gne  estoient  venu  en  Engleterre  li  sires  de  Pumiers^ 
li  sires  de  Rosem  ^  li  sires  de  Lespare  et  li  sires  de 
Muchident^  qui  prioient  au  roy  que  il  lor  volsist  bail- 
lier  et  envoiier  ens  es  parties  par  de  delà  son  fil  le 
prince  de  Galles^  et  il  li  aideroient  à  fiiire  bonne 

80  guerre. 

Li  rois  d'Engleterre  fu  adonc  si  consilliés  qu'il 
leur  acorda.  Et  deut  li  dus  de  Lancastre  aler  en  Bre- 


[1355]  LIVRE  PREfiilER,  $  345.  135 

tagne  à  tout  cinq  cens  hommes  d^armes  et  mil  ai^ 
chiers,  car  messires  Charles  de  Blois  estoit  revenus 
ou  pays^  qui  faisoit  grant  guerre  à  la  contesse  de 
Montfort^  car  il  s'estoit  rançonnés  quatre  cens  mil 
escus  qu'il  devoit  paiier^  et  en  nom  de  cran  il  en  5 
avoit  envoiiés  deus  de  ses  filz^  Jehan  et  Gui^  en  En* 
gleterre.  Et  li  rois  d*Engleterre^  à  deus  mil  hommes 
d'armes  et  quatre  mil  arciers,  [ariveroit^]  en  Nor- 
mendie  sus  la  terre  dou  roy  de  Navare. 

Si  fist  li  dis  rois  faire  ses  pourveances  grandes  et  10 
grosses  pour  toutes  ces  besongnes  parfumir,  et  manda 
partout  gens  d'armes  là  où  il  les  peut  avoir.  Si  se  dé- 
partirent d*Engleterre  en  trois  parties^  et  arrivèrent 
en  trois  pors  ou  havenes^  auques  en  une  saison^  ces 
trois  hos.  Li  princes  de  Galles  s'en  aia  devers  Bour-  15 
diaus  à  mil  hommes  d'armes  et  deux  mil  arciers  et 
toute  fleur  de  chevalerie  avoecques  lui.  Première- 
ment de  se  route  estoient  li  contes  de  Sufforch^  li 
contes  d*Askesuffbrch  ^  li  contes  de  Warvich  et  li 
contes  de  Sallebrin,  messires  Renaulz  de  (jobehen^  le  30 
baron  de  Stanfort^  messires  Jehans  Chandos,  qui  jà 
avoit  le  renommée  d'estre  li  ims  des  milleurs  cheval- 
liers de  toute  Engleterre^  de  sens^  de  force^  d'eur^  de 
fortune^  de  haute  emprise  et  de  bon  conseil  ;  et  par 
especial  li  rois  avoit  son  fil  le  prince  recommendé  à  95 
lui  et  en  sa  garde.  Là  estoient  li  sires  de  Bercler^ 
messires  James  d'Audelée  et  messires  Pières  ses  frères, 
messires  Bietremieus  de  Brues^  li  sires  de  le  Ware^ 
messires  Thiunas  et  messires  Guillaumes  de  Felleton^ 
li  sires  de  Basset^  messires  Estievenes  de  Gonsenton,  30 

1.  Bis.  B  4.  f^  154.  —  Mts.  B  1,  3  :  c  arrÎTerment.  •  Mau9àuê  %»«. 


136  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

messires  Edowars^  sires  Despensiers^  li  sires  de  Wil- 
lebi^  messires  Ustasses  d'Âubrecicourt  et  messires 
Jehans  de  Ghislelies^  et  pluiseur  aultre  que  je  ne  puis 
mies  tous  nommer. 
S  Si  me  tairai  dou  prince  et  de  ses  gens  j  et  ossi  dou 
duch  de  Lancastre  qui  ariva  en  Bretagne,  et  parlerai 
dou  roy  d'Engleterre  et  de  sen  armée  qui  en  ce  temps 
volt  venir  en  Normendie.  sus  la  terre  dou  roy  de  Na- 
vare. 

10  $  346.  Quant  li  rois  d'Engleterre  eut  Êdt  toutes 
ses  pourveances^  il  monta  en  mer  ou  havene  de 
Hantonne  à  tout  deus  mil  hommes  d'armes  et  quatre 
mil  arciers.  Si  estoient  en  se  compagnie  li  contes 
d'Arondiely  li  contes  de  Norhantonne,  li  contes  de 

15  Herfort^  li  contes  de  Stafort^  li  contes  de  le  Marce»  li 
contes  de  Hostidonne^  li  contes  de  Cornuaille^  li 
evesques  de  Lincolle  et  li  evesques  de  Wincestre^ 
messires  Jehans  de  Biaucamp^  messires  Rogiers  de 
Biaucamp,  messires  Gantiers  de  Mauni^  li  sires  de 

30  Manne^  li  sires  de  Montbray^  li  sires  de  Ros^  li  sires 
de  Persi^  li  sires  de  NuefVille^  messires  Jehans  de  Mon- 
tagut^  li  sires  de  Grastoch^  li  sires  de  Clifort,  mes- 
sires Symons  de  Burlé^  messires  Richars  de  Penne- 
bruge^  messires  Âlains  de  Bouqueselle^  et  pluiseurs 

25  aultres  barons  et  chevaliers  desquels  je  ne  puis  mies 
de  tous  Élire  mention.  Si  s'adrecièrent  li  rois,  ces 
gens  d'armes  et  ceste  armée^  devers  Normendie  pour 
prendre  terre  à  Chierebourch,  où  li  rois  de  Navare 
les  attendoit. 

30  Quant  il  furent  entré  en  mer  et  il  eurent  single  un 
jour^  il  eurent  vent  contraire^  et  les  convint  retour- 


[1385]  LIVRE  PREMIER,  S  ^46.  i37 

ner  en  l'isle  de  Wiske^  et  là  furent  quinze  jours.  Et 
quant  il  s'en  partirent^  il  ne  se  peurent  adrecier  vers 
Chierebourc^  tant  leui*  estoit  li  vens  contraires;  mais 
prisent  terre  en  Tisle  de  Grenesée,  à  rencontrée  de 
Normendie^  et  là  furent  un  grant  temps,  car  il  ooient  5 
souvent  nouvelles  dou  roy  de  Navare^  qui  se  tenoit 
à  Chierebourch. 

Bien  estoit  li  rois  de  France  enfourmés  de  ces  ar- 
mées que  li  rois  d'Engleterre  en  celle  saison  avoit 
mis  sus^  et  comment  il  tiroit  à  venir  et  ariver  en  lo 
Normendie^  et  que  li  rois  de  Navare  s'estoit  alliiés  à 
lui^  et  le  voloit  et  ses  gens  mettre  en  ses  forterèces. 
Si  en  fu  dit  et  remoustret  au  roy  de  France^  par 
grant  délibération  de  conseil,  que  ceste  guerre  de 
Normendie  li  pooit  trop  grever^  ou  cas  que  li  rois  de  15 
Navare  possessoit  des  villes  et  des  chastiaus  de  le 
conté  d'Evrues^  et  que  mieuls  valoit  que  il  se  dis- 
simulast  un  petit  et  laissast  à  dire  devers  le  roy  de 
Navare  que  donc  que  ses  royaumes  fust  si  malement 
menés  ne  grevés.  20 

Li  rois  de  France^  qui  estoit  de  grant  conception 
hors  de  son  aîr^  regarda  que  ses  consauls  le  consilloit 
loyaument;  si  se  rafrena  de  son  mautalent  et  laissa 
bonnes  gens  ensonniier  et  convenir  de  lui  et  dou  roy 
de  Navare.  Si  furent  envoiiet  à  Chierebourch  li  eves-  25 
ques  de  Bayeus  et  li  contes  de  Salebruce^  qui  parlè- 
rent si  doucement  et  si  bellement  au  roy  de  Nayare^ 
et  li  remoustrèrent  tant  de  belles  raisons  coulourées^ 
que  li  dis  rois  se  laissa  à  dire  et  entendi  à  raison^ 
parmi  tant  ossi  qu'il  desiroit  le  pais  à  son  grant  si-  SO 
gneur  le  roy  Jehan  de  France.  Mais  ce  ne  fu  mies  si 
tost  Élit;  ançois  y  eut  moult  de  paroUes  retournées 


138  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT.  [1355] 

ançois  que  [la]  pais  venist  et  que  li  rois  de  Navare  vol* 
sist  renoncier  as  trettiés  et  as  alliances  qu'il  avoit  au 
roy  d'Ëngleterre.  Et  quant  la  pais  entre  lui  et  le  roy 
de  France  fii  acordée  et  seelée ,  et  qu'il  renonça  en 
5  lui  escusant  moult  sagement  as  alliances  qu'il  avoit 
au  roy  d'Engleterre,  si  demora  messires  Phelippes  de 
Navare  ses  firères  englès,  et  sceut  trop  mauvais  gré  au 
roy  son  frère  de  ce  qu'il  avoit  travilliet  le  roy  d'En- 
gleterre de  venir  si  avant^  et  puis  avoit  brisiet  toutes 
10  ses  couvenences. 

§  347.  Quant  li  rois  d'Engleterre^  qui  se  tenoit 
sus  les  frontières  de  Normendie  en  l'isle  de  Grene- 
sée  et  estoit  tenus  bien  sept  sepmainnes^  car  là  en  de- 
dens  il  n'avoit  oy  nulles  nouvelles  estables  dou  roy 

15  de  Navare  pourquoi  il  euist  eu  cause  de  traire  avant, 
entendi  que  li  rois  de  Navare  estoit  acordés  au  roy 
de  France  et  que  bonne  pais  estoit  jurée  entre  yaus, 
si  fu  durement  courouciés;  mes  amender  ne  le  peut 
tant  qu'à  celle  fois^  et  li  couvint  souffrir  et  porter  les 

20  dangiers  son  cousin  le  roy  de  Navare.  Si  eut  volenté 
de  desancrer  de  là  et  de  retourner  en  Engleterre, 
ensi  qu'il  fist^  et  s'en  revint  o  toute  sa  navie  à  Han- 
tonne.  Si  issûrent  là  des  vaissiaus  et  prisent  terre  li 
rois  et  leurs  gens,  pour  yaus  rafreschir  tant  seulement, 

25  car  il  avoient  estet  bien  douze  sepmainnes  sus  le  mer, 
dont  il  estoient  tout  travilliet.  Si  donna  li  rois  d'En- 
gleterre grasce  à  ses  gens  d'armes  et  arciers  de  retraire 
vers  Londres  ou  en  Engleterre,  là  où  le  mieulz  leur 
plaisoit,  pour  yaus  rafreschir  et  renouveler  de  ves- 

30  teure,  d'armeures  et  de  tous  aultres  ostilz  necces- 
saires  pour  leurs  corps,  car  aultrement  il  ne  donna 


[4355]  LIVRE  PREMIER,  §  347.  139 

nullui  congiet^  anoois  avoit  entention  d'entrer  en 
France  au  lés  devers  Calais.  Et  fist  li  dis  rois  venir  et 
amener  toute  sa  navie^  où  bien  avoit  trois  cens  vais- 
siaus^  uns  c'autres^  à  Douvres  et  là  arester. 

Quant  li  rois  d'Engleterre  et  li  signeur  se  furent  5 
raireschi  environ  quinze  jours  sus  le  pays^  il  se  trai- 
sent  tout  en  le  marce  de  Douvres;  si  fîsent  passer 
tout  premièrement  leurs  chevaux^  leur  harnois  et 
leur  menues  coses ,  et  venir  à  Calais.  Et  puis  passè- 
rent li  rois  et  si  doi  fil^  Lyons  contes  de  Dulnestre  et  10 
Jehans  contes  de  Ricemont^  et  se  commençoient  jà  li 
enfant  à  armer.  Si  vinrent  à  Calais^  et  se  loga  li  rois 
et  si  enfant  ens  ou  chastiel^  et  tous  li  demorans  en  le 
ville. 

Quant  li  rois  d'Engleterre  eut  séjourné  en  le  ville  15 
de  Calais  un  petit  de  terme^  si  eut  volenté  de  partir  et 
de  chevaucier  en  France.    Si   fist  connestable  de 
toute  son  host  le  conte  de  Sallebrin^  et  mareschaus 
le  signeur  de  Persi  et  le  signeur  de  Nuef^ille.  Si  se 
départirent  de  Calais  moult  ordonneement  en  grant  20 
arroy^   banières   desploiies^    et  chevaucièrent  vers 
Saint  Omer.  Et  passèrent  devant  Arde  et  puis  de- 
vant le  Montoire^    et   se   logièrent  sus   le  rivière 
d'Oske.  Et  à  lendemain  li  marescal  de  Thost  le  roy 
coururent  devant  Saint  Omer^  dont  messires  Loeis  25 
de  Namur  estoit  chapitains.   Si  vinrent  jusques  as 
barrières,  mes  il  n'i  fîsent  aultre  cose. 

Li  rois  de  France^  qui  bien  avoit  entendu  que  li 
rois  d'Engleteire  toute  celle  saison  avoit   fait   ses 
pourveances  grandes  et  grosses^  et  qu'il  s'estoit  te-  80 
nus  sus  mer^  supposoit  bien  que  li  rois  dessus  nom- 
més^ quoique  les  alliances  de  lui  et  dou  roy  de  Na* 


140  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

varre  fussent  brisies^  ne  se  tenroit  point  à  tant  que 
il  n'emploiast  ses  gens  où  que  fust.  Et  quant  il  sceut 
que  il  estoit  o  toute  son  host  arrivés  à  Calai^^  si  en- 
voia  tantost  grans  gens  d'armes  par  toutes  les  forte- 

5  rèces  de  Pikardie  en  le  conté  d'Artois.  Et  fîst  un 
très  grant  et  espeeial  mandement  par  tout  son 
royaume  que  tout  chevàBer  et  escuier,  entre  l'eage 
de  quinze  ans  et  de  soissante^  fuissent  à  un  certain 
jour  que  il  y  assista  en  le  cité  d'Amiens  ou  là  environ^ 

10  car  il  voloit  aier  contre  les  Englès  et  yaus  combatre. 
En  ce  temps  estoit  connestables  de  France  li  dus 
d'Athènes^  et  mareschal  messires  Ernouk  d'Audrehen 
et  messires  Jehans  de  Clermont. 

Si  envoia  encores  li  dis  rois  de  France  devers  ses 

15  bons  amis  en  l'Empire ,  et  par  espeeial  monsigneur 

Jehan  de  Haynau  en  qui  moult  se  confioit  de  sens^ 

de  proèce  et  de  bon  conseil.  Li  gentilz  chevaliers  ne 

volt  mies  fallir  à  ce  grant  besoing  le  roy  de  France^ 

^  mes  vint  vers  lui  moult  estoffeement^  ensi  que  bien 

20  le  savoit  Êtire^  et  le  trouva  en  le  cité  d'Amiens. 

Là  estoient  dalés  le  roy  de  France  si  quatre  en- 
fant :  premièrement  Charles  l'ainnet ,  duch  de  Nor- 
mendie  et  dalphin  de  Yiane^  messires  Loys^  li  se- 
cons  apriès,  contes  d'Ango  et  du  Mainne^  li  tiers 

25  messires  Jehans  contes  de  Poitiers^  et  li  quars  mes- 
sires Phelippes.  Et  quoique  cil  quatre  signeur  et  en- 
fant fuissent  avoech  le  roy  leur  père,  il  estoient 
pour  ce  temps  encores  moult  jone;  mais  li  rois  les  y 
menoit  pour  aprendre  les  armes.  Là  estoit  li  rob 

30  Charles  de  Navarre^  li  dus  d'Orliens  frères  dou  roy 
Jehan,  li  dus  de  Bourbon^  messires  Jakemes  de  Bour- 
bon contes  de  Poitiers  ses  frères^  li  contes  de  Forès^ 


[1359]  LIVRE  PREMIER,  S  ^^8.  141 

messires  Jehans  de  Boulongne  contes  d'Auvei^e,  li^ 
contes  de  Tankarville^  li  contes  d'Ëu^  messires  Charles 
d'Artois  ses  frères^  li  contes  de  Dammartin^  li  contes 
de  Saint  Pol^  et  tant  de  contes  et  de  barons  que  grans 
tanisons  seroit  à  recorder.  5 

Si  eut  li  rois  en  le  cité  d*Amiens  bien  douze  mil 
hommes  d'armes^  sans  les  communautés  dont  il  avoit 
bien  trente  mil.  Et  quoique  li  dis  rois  de  France 
fesist  son  amas  de  gens  d'armes  et  ses  pourveances 
si  grandes  et  si  grosses  pour  chevaucier  contre  les  lO 
Englès^  pour  ce  ne  sejournoit  mies  li  rois  d'Engle- 
terre  d'aler  toutdis  avant  ou  royaume  de  France^ 
car  nulz  ne  li  aloit  au  devant;  et  chevauçoit  vers 
Hediuy  dont  il  avoient  si  grant  paour  en  le  cité  d'Ar- 
ras^  que  merveilles  seroit  à  penser,  car  il  cuidoient  15 
que  li  rois  d'Engleterre  deuist  mettre  le  siège  devant 
leur  ville  et  leur  cité. 

Or  vous  lairons  nous  un  petit  à  parler  dou  roy 
d'Engleterre  et  dou  roy  de  France,  et  vous  parlerons 
de  une  haute  emprise  et  grande  que  messires  Guil-  20 
laumes  Douglas  et  li  Escot  lisent  en  Engleterre^  en- 
trues  que  li  rois  Edowars  estoit  en  ce  volage  de 
France.  . 

§  348.  Messires  Guillaumes  de  Douglas^  cils  bons 
chevaliers  d'Escoce^  guerrioit  toutdis  à  son  pooir  les  25 
Englès^  quoique  li  rois  David  d'Escoce  fust  prison- 
niers^ ensi  que  vous  savés;  et  estoit  chiés  de  tous  les 
Escos^  leur  confors  et  leur  ralloiance^  et  se  tenoit  en 
le  forest  de  Gedours.  Si  avoit  avoecques  lui  pluiseurs 
chevaliers  et  escuiers  d'Escoce  et  de  France  que  li  30 
rois  Jehans  y  avoit  envoiiés^  liquel  faisoient  guerre 


i4t  CHRONIQUES  DE  J.  FB.OISSÂRT.  [1858] 

avoecques  lui  as  Englès.  Et  comment  qu'il  ne  fuis* 
sent  c'un  petit  de  gens^  se  donnoient  il  à  faire  moult 
les  EnglèSy  et  les  ressongnoient  durement  cil  dou 
pays  de  Northombrelande.  Cils  messires  Guillaumes 

5  de  Douglas^  par  proèce  et  par  vasselage^  depuis  le 
prise  dou  roy  d*£scosse^  avoit  reconquis  sus  les  En- 
glès  sept  bonnes  forterèces  qu'il  tenoient  des  Escos^ 
et  avoit  mis  chiaus  de  son  pays  assés  au  dessus  de 
leur  guerre. 

10  Or  entendi  il  ensi  que  li  royaumes  d'Engleterre 
estoit  durement  eswidiés  de  gens  d'armes  et  d'ar- 
ciers^  et  que  il  estoient  tout  ou  en  partie  avoecques  le 
roy  d'Engleterre  ou  son  fil  prince  de  Galles^  ou  le 
duch  Henri  de  Lancastre.  Si  s'avisa  li  dessus  dis  mes^ 

15  sires  Guillaumes  avoecques  ses  compagnons  que  il 
feroient  secrètement  une  cbevaucie  en  Engleterre  et 
venroient  eschieller  le  fort  chastiel  de  Rosebourch 
qui  siet  sus  le  rivière  de  Tuide,  et  le  ville  et  le 
chastiel  de  Bervich  séant  sus  celle  meisme  rivière, 

20  Si  fisent  leur  besongne  et  leur  ordenance  tout  quoie- 
ment;  et  s'en  vinrent^  pourveu  d'eschielles  et  aviset 
de  leur  fait^  à  un  ajournement  en  deus  batailles  à 
Rosebourch  et  à  Bervich.  Les  gardes  de  Rosebourch^ 
qui  estoient  toutdis  en  doubte  et  en  cremeur  pour 

25  les  Escos^  faisoient  bon  gait;  et  fallirent  li  Escot  à 
leur  entente  de  prendre  et  eschieller  Rosebourch. 
Mais  cil  qui  vinrent  à  Bervich  ne  fallirent  mies;  an- 
çois  assenèrent  de  prendre  et  eschieller  le  chastiel  et 
tuèrent  toutes  les  gardes  qui  dedens  estoient. 

30  Li  chastiaus  de  Bervich  siet  au  dehors  de  le  cite, 
et  y  a  murs^  portes  et  fossés  entre  deus.  Et  toutdis, 
quoique  on  garde  le  chastiel  de  Bervich^  ossi  est 


[4355]  LIVRE  PREBIIER,  §  349.  143 

on  moult  songneus  de  garder  le  cite.  Si  oïrent  les 
gardes  de  le  porte  l'efiroy  qui  estoit  eus  ou  chastiel; 
si  sallirent  tantost  sus  et  alèrent  rompre  les  planées^ 
par  quoi  li  Escot  soubdaionement  ne  peuissent  Tenir 
plus  avant.  Et  esyillièrent  ceulz  de  le  ville  qui  tan-  5 
tost  s'armèrent  et  alèrent  celle  part  et  deffendirent 
leur  ville.  Jamais  li  Escot  ne  l'euissent  eu,  puisqu'il 
en  estoient  mancevi.  Toutes  fois  li  chastiaus  demora 
as  Escos. 

Si  eurent  avis  li  boui^ois  de  Bervich  qu'il  le  segne-  lo 
fieroient  au  roy  d'Engleterre^  car  encores  li  sires  de 
Grastoch^  uns  grans  barons  de  Northombrelande^ 
qui  avoit  tout  ce  pays  en  gouvrenance^  estoit  avoec- 
ques  le  roy  d'Engleterre  en  ce  voiage  en  France.  Si 
escripsirent  cil  de  Bervich  lettres,  et  segnefiièrent  ens ,  15 
tout  leur  estât,  et  comment  li  Escot  avoient  esploitié, 
desquelz  messires  Guillaumes  Douglas  estoit  menères 
et  souverains.  Ançois  que  ces  lettres  et  ces  nouvelles 
venissent  au  roy  d'Ëngleterre,   fîst  li  dis  messires 
Guillaumes  une  partie  de  son  emprise,  si  com  vous  so 
orés  compter  ensiewant. 

§  349.  Tant  ala  li  rois  d'Engleterre  que  il  vint  de- 
vant Blangis,  un  biau  chastiel  et  fort  de  la  conté 
d'Artois^  et  estoit  pour  le  temps  au  jone  duch  de 
Bourgongne.  Si  s'arresta  li  rois  d'Engleterre  par  de-  35 
vant^  dont  cil  de  Hedin  furent  tout  esbahi^  car  c'est 
marcissant  à  deus  petites  liewes  pries.  Et  couroient 
li  Englès  le  pays  à  leur  volenté  jusques  bien  avant  en 
le  conté  de  Saint  Pol  et  d'Artois. 

Entrues  que  li  rois  d'Engleterre  se  tenoit  là,  vint  so 
en  son  host  uns  moult  bons  chevaliers  de  France  des 


ikk  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART..  [I3S5] 

basses  marces  qui  s'appelloit  Bouchicaus,  et  estoit 
prisonniers  au  roy  d'Engleterre  de  le  prise  de  Poito, 
et  avoit  bien  esté  trois  ans.  Se  li  avoit  li  rois  d'Engle- 
terre  fait  grasce  d^estre  retournés  en  .France  et  en 
5  son  pays  pour  mettre  ses  besongnes  à  point;  si  de- 
Yoit  dedens  le  jour  Saint  Michiel  restre  en  le  prison 
dou  roy  dessus  dit.  Qlz  messires  Boucicaus  estoit  uns 
vaillans  homs^  grans  chevaliers  et  fors^  et  durement 
bons  compains,  et  bien  en  le  grasce  et  amour  dou 
10  roy  d'Engleterre  et  des  Englès^  tout  par  sens  et  par 
biau  langage  qu'il  avoit  bien  apparilliet.  Si  trouva 
sus  les  camps  d'aventure^  entre  Saint  Pol  et  Hedin^ 
les  mareschaus  dou  roy  d'Engleterre  qui  tantost  [le  *] 
recogneurent  et  qui  li  fîsent  grant  cière,  car  il  sa- 
is voient  bien  qu'il  estoit  prisonniers;  se  leur  demanda 
dou  roy  où  il  estoit.  Il  li  respondirent  qu'il  l'i  [men- 
roient']  tout  droite  car  ossi  aloient  il  celle  part.  Si  se 
nist  li  dis  messires  Bouchicaus  en  leur  compagnie; 
et  lisent  tant  qu'il  vinrent  devant  Blangis  où  li  rois 
20  estoit  logiés. 

Messires  Boucicaus  se  trest  tantost  devers  le  roy, 

que  il  trouva  devant  son  pavillon^  et  regardoit  une 

luitte  de  deus  Bretons. 

Messires  Boucicaus  se  traist  vers  le  roy^  et  l'enclina 

25   tout  bas^  et  le  salua.  Li  rois,  qui  desiroit  à  oïr  nou- 

'  velles  de  son  adversaire  le  roy  Jehan^  dist  ensi  :  «  A 

bien  viègne  Boucicaus!  »  Et  puis  li  demanda  :  <  Et 

dont  venés  vous,  messire  Boucicau?  »  —  «  Monsi- 

gneuTy  respondi  li  chevaliers ,  je  vieng  de  France  et 

1.  Mss.  B  ^,  3,  fo  158.  —  Ms.  B  1,  t.  II,  (^  53  :  c  les.  i  Maupoûe 
leçon, 

2.  Biat.  B  4,  3.  —  Ms.  B  1  :  c  mer^îent.  »  Mauvmu  iefon. 


[i3S5]  LIVRE  PREMIER,  $  349.  145 

tout  droit  de  le  cite  d'Amiens,  où  j'ay  là  laissiet  le  ro^ 
monsigneur  et  grant  foison  de  noble  chevalerie  :  dont 
je  espoir  que  vous  orés  temprement  nouvelles.  » 

Li  rois  d'Engleterre  pensa  un  petit ,  et  puis  dist  : 
M  Messire  Boucicau^  qu'es  cou  à  dire^  quant  mon  ad-  5 
versaire  scet  que  je  sui  logiés  en  son  pays^  et  ay  jà 
esté  par  trois  jours  à  siège  devant  uns  de  ses  chas- 
tiaus,  et  si  a  tant  de  chevaliers  que  vous  dittes,  et  si 
ne  me  vient  point  combatre?  »  Messires  Bouchicaus 
respondi  moult  aviseement,  et  dist  :  «  Monsigneur^  de  10 
tout  che  ne  sai  je  riens^  car  je  ne  suis  mies  de  son 
secret  conseil;  mes  je  me  vieng  remettre  en  vostre 
prison  pour  moy  acquitter  envers  vous.  » 

Adonc  dist  li  rois  une  moult  belle  paroUe  pour  le 
chevalier  :  <k  Messire  Boucicau^  je  sçaibien  que^  se  je  15 
vous  voloie  plenté  presser ,  j'aroie  bien  de  vous  deus 
ou  trois  mil  florins;   mais  je  vous  dirai  que  vous 
ferés  :  vous  en  irés  à  Amiens  devers  mon  adversaire, 
et  li  dires  où  je  sui^  et  que  je  l'i  ay  attendu  trois 
jourS|  encores  l'i  attenderai  je  cinq,  et  que  là  en  de-  SO 
dens  il  traie  avant;  il  me  trouvera  tout  prest  pour 
combatre.  Et  parmi  tant  que  vous  ferés  ce  message^ 
je  vous  quitte  vostre  prison.  »  Messires  Boucicaus  fu 
tous  resjoïs  de  ces  nouvelles  et  dist  :  «  Monsigneur^ 
vostre  message  ferai  je  sans  fallir  bien  et  à  point  ;  et  95 
vous  me  faites  grant  courtoisie  :  Diex  le  vous  puist 
meriri  » 

Assés  tost  apriès  ces  paroUes^  (a  il  heure  de  sou* 
per.  Si  soupa  li  rois  et  si  chevalier  et  messires  Bouci- 
caus avoec  yaus.  Quant  ce  vint  au  matin^  messires  30 
Boucicaus  monta  à  cheval  et  se  mesnie,  et  se  mist  au 
retour  au  plus  droit  qu'il  peut  devers  Amiens^  et  fist 


146  CHRONIQUES  DE  J,  FROISSAET.  [1355] 

tant  qu*il  y  parvint.  Si  trouva  là  le  roy  de  France  et 
grant  fuison  de  dus,  de  contes^  de  barons  et  de  ehe- 
yaliers.  Si  fu  li  bien  venus  entre  yaus  ;  et  eurent  grant 
merveille  de  ce  qu'il  estoit  si  tost  retournés  :  si  leur 
6  conta  sen  aventure.  Et  fist  au  roy  tout  premièrement 
son  message^  ensi  que  li  rois  d'Ëngetérre  li  mandoit; 
et  li  dist^  presens  grant  fuison  de  haus  signeurs.  Et 
puis  dist  messires  Bouchicaus  tout  en  riant  :  ce  Li 
lewiers  de  ce  message  est  telz  que  li  rois  d'Engle* 
10  terre  m'a  quitté  ma  prison^  qui  me  vient  trop  bien  à 
point.  »  Li  rois  de  France  respondi  :  «  Bouchicau^ 
vous  avés  pris  pour  vous,  et  nous  y  entenderons 
pour  nous^  quant  bon  nous  samblera,  jion  à  l'aise 
ne  ordenance  de  nos  ennemis,  ji 

15       §  350.  Ensi  demora  la  cose  en  cel  estat^  et  li  rois 

de  France  encores  à  Amiens  ;  ne  point  ne  se  meut  si 

tretos  pour  le  mandement  dou  roy  d'Engleterre,  car 

toutdis  li  venoient  gens  et  encores  en  attendoit  il. 

Quant  li  rois  d'Engleterre,  puis  le  département  de 

30  monsigneur  Boucicau^  vei  que  li  rois  Jehans  ne  trai- 
roit  point  avant,  et  que  li  jour  estoient  passet  que 
ordonné  il  y  avoit^  il  eut  conseil  de  deslogier  et  de 
lui  retraire  vers  Calais^  car  pour  celle  saison  il  en 
avoit  assés  fait.  Si  se  desloga  li  dis  rois^  et  se  deslo- 

25  gièrent  toutes  ses  gens^  et  puis  se  misent  au  chemin 
toute  l'Alekine^  un  biau  plain  chemin  que  on  dist 
Leueline^^  qui  s'en  va  tout  droit  devers  Calais;  si 
passèrent  parmi  la  conté  de  Faukemberghe. 

Quant  li  rois  de  France^  qui  se  tenoit  à  Amiens, 

1.  Ms.  B  3  :  c  Laueline.  »  F»  181  r>. 


[i355]  UVRE  PREMIER,  $  350.  147 

sceut  que  li  rois  d'Engleterre  s'en  retournoit  vers 
Calais,  o  primes  se  desloga  il;  et  fu  tous  courouciés 
sur  chiaus  qui  l'avoient  là  tant  tenu^  car  on  l'avoit 
enfourmé  que  li  rois  d'Engleterre  yenroit  mettre  le 
siège  devant  Arras^  et  là  le  voloit  il  trouver  et  com-  5 
batre.  Si  se  hasta  li  dis  rois  durement  et  s'en  vint 
jesir  ce  premier  jour  à  Saint  Paul  à  Tierenois^  et  Ten- 
demain  à  Tieruane.  Et  li  Englès  estoient  oultre  à 
Faukemberge^  et  l'avoient  toute  robée  et  piUie. 

À  Pendemain  s'en  parti  li  rois  d'Engleterre  et  toute  10 
son  host^  et  passèrent  à  Liques  et  desous  Arde^  et 
rentrèrent  ce  jour  en  le  ville  de  Calais.  Messires  Er- 
noulz  d'Âudreben^  qui  alant  et  venant  avoit  toutdis 
costiiet  les  Englès^  et  tenus  si  cours^  que  li  arrière* 
garde  ne  s'estoit  onques  oset  dessouchier,  poursievi  15 
les  Englès  de  si  priés  que^  au  rentrer  en  Calais,  il  se 
feri  en  le  kewe  et  parti  à  leur  butin^  et  eut  de  leurs 
chevaus  et  de  leur  pillage  et  bien  dix  ou  douze  pri- 
sonniers; et  puis  s'en  retourna  en  le  bastide  d'Ârde, 
dont  il  estoit  ehapitains.  80 

Ce  propre  jour  ^nt  li  rois  de  France  jesir  à  Faukem- 
berghe,  et  toute  son  host  là  environ^  où  bien  avoit  plus 
de  cent  mil  hommes.  Si  se  tinrent  là  li  François  celle 
nuit.  Et  l'endèmain  au  matin  vint  U  mareschaus  de 
France,  messires  Emoulz  d'Audrehen,  qui  aporta  25 
nouvelles  au  roy  que  li  Englès  estoit  retrait  en  le 
ville  de  Calais.  Quant  U  rois  de  France  entendi  ces 
nouvelles^  si  demanda  conseil  quel  cose  il  feroit.  On 
li  dist  que  de  chevaucier  plus  avant  contre  les  En- 
glès il  perderoit  se  painne^  mes  se  retraisist  vers  30 
Saint  Omer  et  là  aroit  nouvel  avis. 

A  ceste  ordenance  s'aoorda  li  rois^  et  se  retrest 


148  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

vers  .Saint  Orner  et  toutes  ses  gens  ossi.  Et  se  loga  li 
dis  rois  en  Pabbeye  de  Saint  Bertin ,  qui  est  abbeye 
royaus.  Là  manda  li  rois  tous  les  barons  et  les  plus 
especiaulz  de  son  conseil  à  savoir  comment  de  ceste 

5  chevaucie  il  poroit  issir  à  son  honneur,  car  il  estoit 
enfourmés  que  li  rois  d'Engleterre  estoit  encores  ar- 
restés  à  Calais.  Si  fu  adonc  li  rois  consilliés  qu'il  en- 
voiast  monsigneur  Ernoul  d'Audrehen  et  monsi- 
gneur  Bouchicau  devers  le  roy  d'Angleterre^  lesquelz 

10  deus  chevaliers  il  cognissoit  assés  bien ,  et  li  deman- 
dassent bataille  de  cent  à  cent ,  ou  de  mil  à  mil ,  ou 
de  pooir  à  pooir,  «  et  que  vous  li  liverés  place  et 
pièce  de  terre  par  Favis  de  six  de  vos  chevaliers  et 
de  six  des  siens.  » 

15  Li  rois  tint  ce  consseil  à  bon  ;  et  montèrent  li  doi 
chevalier,  et  se  départirent  de  Saint  Omer,  et  che- 
vaucièrent  vers  Calais.  Et  envoyèrent  devant  un  hi- 
raut  pour  empêtrer  un  saufconduit,  pour  aler  parler 
au  roy  d'Engleterre.  Li  hiraus  s'esploita  tant  que  le 

90  saufconduit  il  leur  raporta  à  Arde  y  dont  chevauciè- 
rent  li  dessjas  dit  chevalier  oultre,  et  vinrent  jusques 
à  Calais. 

En  ce  propre  jour  au  matin  estoit  arrivés  ou  ha- 
vene  de  Calais  cllz  qui  aportoit  les  nouvelles  de  Ber- 

S5  vich,  comment  li  Escot  avoient  pris  le  chastiel  de 
Bervich  et  volut  eschieller  Rosebourch.  Si  en  estoit 
encores  li  rois  tous  pensieus  et  merancolieus,  et  en 
avoit  parlé  ireusement  au  signeur  de  Grastoch,  qui  la 
terre  de  Bervich,  le  cité  et  le  *dit  chastiel  avoit  en 

30  garde,  quant  il  s'en  estoit  partis,  telement  que  il  n'i 
avoit  mis  si  bonnes  gardes  que  nulz  damages  ne  l'en 
fust  pris,  et  de  ce  l'avoit  il  grandement  blasmé.  Mais 


[1355]  UVRE  PREMIER,  $  351.  iW 

li  sires  de  Grastoch  s'estoit  à  son  pooir  escusés,  en 
disant  qu'il  y  avoit  laissiet  gens  assés;  mais  qu'il  en 
euissent  bien  songniet.  Si  avoit  li  rois  ordenet  de  re* 
tourner  en  Engleterre  et  dit  ensi  que  lui  venut  à  Dou* 
vres^  il  ne  giroit  jamais  en  une  ville  que  une  nuit,  si  5 
aroit  esté  à  Bervich  et  atourné  tel  le  pays  que  on  di- 
roit  :  «  Ci  sist  Escoce.  » 

Non  obstant  ce  et  l'ordenance  que  il  avoit  mis  de 
retourner  en  Engleterre^  quant  il  sceut  que  li  che- 
valier de  son  aversaire  le  roy  Jehan  voloient  parle-  10 
menter  à  lui^  il  cessa  de  sen  ordenance  tant  que  il  les 
euist  oys,  et  les  fist  venir  avant  devant  li.  Et  ne  leur 
fist  nul  samblant^  en  langage  ne  aultrement,  que  il 
vosist  partir  si  soudainnement  ne  retourner  en  En- 
gleterre. 15 

§  351 .  Quant  messires  Ernoulz  d'Audrehen  et  mes* 
sires  Boucicaus  furent  venu  devant  le  roy,  il  l'encli- 
nèrent  et  saluèrent  bien  et  à  point ,  ensi  que  il  le 
sceurent'bien  faire  et  c'a  lui  apartenoit.  Et  puis  li  re- 
moustrèrent  pourquoi  il  estoient  là  venu  en  reque-  ^ 
rant  la  bataille^  ensi  que  ci  dessus  est  contenu  et  qu'il 
estoient  chargiet  dou  dire.  Li  rois  d'Engleterre  res- 
pondi  à  ce  briefînent^  en  regardant  sus  monsigneur 
Boucicau  et  leur  dist  :  a  Dou  temps  que  j'ay  chevaucié 
en  France  et  logiet  devant  Blangis  bien  dix  jours^  je  ^ 
li  mandai ,  ensi  que  vous  savés ,  que  je  ne  desiroie 
aultre  cose  que  la  bataille.  Or  me  sont  venu  aultres 
nouvelles  pourquoi  je  ne  me  combaterai  mies  à  l'or- 
denance  de  mes  anemis^  mes  à  le  volenté  de  mes 
amis.  9  ^ 

Ce  (u  la  response  finable  que  il  en  peurent  don 


i«0  CHRONIQUES  HB  J.  FROISSâRT.  [i35Sq 

roy  avoir  et  porter.  Si  prisent  congiet  et  se  partirent 
de  Calais  et  retournèrent  arrière  à  Saint  Orner;  et  re- 
cordèrent au  roy  de  France  et  à  son  conseil  la  res- 
ponse^  tout  ensi  que  il  l'avoient  entendu  et  retenu 

5  dou  roy  d'Engleterre.  Si  eurent  li  François  sur  ce 
avis^  et  veirent  bien  que  pour  celle  saison  il  ne  se 
combateroient  point  as  Ënglès.  Si  donna  li  rois  de 
France  toutes  manières  de  gens  d'armes  congiet,  et 
de  communaultés  ossi;  si  s'en  retournèrent  cescuns 

10  en  leurs  lieus.  Ilz  meismes  s'en  retourna  en  France^ 
mais  à  son  département  il  laissa  ens  es  garnisons  de 
Pikardie  grant  iuison  de  bonnes  gens  d'armes.  Et  de- 
mora  messires  Ernoulz  d'Audrehen  en  le  bastide 
d'Arde^  pour  garder  les  frontières. 

15  Si  retourna  messires  Jehans  de  Haynau  arrière  en 
le  conté  de  Haynau^  quant  il  eut  pris  congiet  au  roy 
de  France.  Ce  f u  la  darrainne  chevaucie  où  li  gentilz 
chevaliers  fu^  car  le  quaresme  ensievant,  droitement 
le  nuit  Saint  Grigore^  il  trespassa  de  ce  siècle  en 

30  l'ostel  de  Byaumont  en  Haynau;  et  fu  ensepelis  en 
Teglise  des  Cordeliers  en  le  ville  de  Yalenchiènes  :  là 
gist  il  moult  reveramment.  Si  furent  hi^etier  de  toute 
sa  terre  li  enfant  le  conte  de  Blois  qui  demora  à 
Creci  ^  car  il  estoient  enfant  de  sa  fiUe  :  ce  furent 

35  Loeis^  Jehans  et  Guis. 

§  352.  Nous  parlerons  dou  roy  d'Engleterre  qui 
n'avoit  mies  mis  en  oubli  le  voiage  d'Escoce^  et 
compterons  comment  il  persévéra.  U  se  départi 
adonc  de  Calais  à  tout  ses  gens  d'armes  et  arciers^  et 
30  entra  en  ses  vaissiaus,  et  prist  le  chemin  de  Douvres. 
A  son  département,  il  institua  le  conte  de  Sallebrin 


[485Sq  LIVRE  PREBOER,  $  382.  481 

à  cent  hommes  d'armes  et  deus  cens  arders ,  à  de- 
morer  en  le  ville  de  Calais,  pour  garder  le  ville  contre 
les  François  ■  qu^il  senloit  encores  à  Saint  Orner. 
Quant  li  rois  d'Engleterre  et  ses  gens  furent  arrivet  à 
Douvres,  il  issirent  des  vaissiaus  et  s'i  tinrent  ce  jour  5 
et  le  nuit  ensievant ,  pour  ravoir  leurs  chevaus  et 
leurs  hamas  hors  des  nefs.  Et  à  l'endemain  li  dis 
rois  se  parti  et  vint  à  Cantorbie^  et  fist  là  sen  offrande 
au  corps  saint  Thumas.  Et  disna  en  le  ville  ^  et  puis 
passa  oultre,  et  toutes  ses  gens  ossi;  et  ne  prist  10 
mies  le  chemin  de  Londres,  mes  les  adrèces  pour 
venir  jusques  à  Bervich. 

Or  vous  dirai  .d'une  haute  emprise  et  grande  que 
messires  Gantiers  de  Mauni,  cilz  vaillans  et  gentilz 
chevaliers,  fist  en  ce  voiage.  Il  prist  congiet  dou  roy  15 
et  dist  qu'il  voloit  chevaucier  devant  pour  ouvrir  les 
chemins.  Li  rois  li  oitria  assés  legierement.  Si  che- 
vauça  li  dis  messires  Gantiers  o  chiaus  de  sa  carge 
tant,  par  nuit  et  par  jour,  qu'il  vint  devant  Bervich 
et  entra  en  le  ville,  quant  il  eut  passet  le  rivière  de  )0 
Tuyde  qui  keurt  devant.  Et  fîi  grandement  conjoïs 
de  chiaus  de  Bervich  et  liement  recueillies.  Si  de- 
manda à  chiaus  qui  là  estoient  dou  convenant  des 
Escos  et  de  chiaus  dou  chastiel.  On  li  dist  que  li  Escot 
tenoient  le  chastiel,  mes  il  n'estoient  point  fuison  de  S5 
gens  dedens.  «  Et  qui  est  leur  chapitains?  »  dist  mes- 
sires Gantiers  de  Mauni.  a  II  l'est,  respondirent  chil, 
uns  chevaliers  escos,  cousins  au  conte  de  Douglas, 
qui  s'appelle  messires  Guillaumes  Asneton.  »  —  «  En 
non  Dieu ,   dist  messires  Gantiers ,  je  le  cognois  30 
bien  :  c'est  uns  bons  homs  d'armes.  Je  voeil  qu'il 
sente,  et  ossi  tout  si  compagnon ,  que  je  sui  ci 


I5Î  CHRONIQUES  DE  J,  FROISSART.  [1355] 

yenvB  devant  pour  prendre  les  logeis  dou  roy  d'En- 
gletenre.  » 

Âdonc  messires  Gantiers  de  Manni  mist  ouvriers 
en  oevre^  et  avoit  usage  que  il  menoit  toutdis  qua- 

5  rante  ou  cinquante  mineurs  :  si  ques  ces  mineurs  il 
les  fist  entrer  en  mine  à  l'endroit  dou  chastiel.  Cil 
mineur  n'eurent  gaires  minet  quant  ^  par  dessous  les 
murs,  ils  trouvèrent  uns  biaus  d^és  de  pière  qui 
avaloient  aval  et  puis  remontoient  contremont  par 

10  desous  les  murs  de  le  ville  et  aloient  droitement  ou 
chastiel.  Et  euissent  li  Escot  sans  faute  esté  pris  par 
celle  mine^  quant  il  se  perçurent  que  on  les  minott. 
Et  furent  s^[nefîiet  ossi  que  li  rois  d'Engleterre  o 
tout  son  effort  venoit.  Si  eurent  conseil  entre  yaus 

15  qu'il  n'attenderoient  mies  ces  deus  perilz^  l'aventure 
de  le  mine  et  le  venue  dou  roy*  d'Engleterre.  Si  tour- 
sèrent  tout  ce  que  il  avoient  de  bon  une  nuit^  et 
montèrent  sus  leurs  chevaus^  et  se  partirent  dou 
chastiel  de  Bervich  et  le  laissièrent  tout  vaghe.  Et 

90  yolentiers  l'euissent  ars  au  partir^  et  s'en  misent  en 
painne^  mais  li  feus  ne  s'i  volt  onques  prendre.  Ensi 
reconquist  messires  Gautiers  de  Mauni  le  chastiel  de 
Bervich  ançois  que  li  rois  ses  sires  i  peuist  venir  et 
l'en  fist  présent  des  clés.  Et  li  raconta  sus  les  camps^ 

515  en  venant  celle  part ,  comment  il  l'avoit  reconquis 
et  l'aventure  de  le  bonne  mine  qu'il  avoit  trouvé.  Si 
l'en  sent  li  rois  d'Engleterre  grant  gré,  et  le  tint 
pour  grant  vasselage.  Si  entra  en  le  ville  de  Bervich 
à  grant  ordenance  de  menestraudies.  Si  le  recueil- 

30  lièrent  moult  honnourablement  li  bourgois  de  le 
ville. 


[IS55]  LIVRE  PREBŒR,  $  353.  453 

§  353.  Apriès  le  reconquès  de  Bervich^  si  com 
vous  avés  oy^  et  que  li  rois  et  ses  gens  se  furent  ra- 
firesci  en  le  cité  et  en  le  marée  cinq  jours,  li  dis  rois 
ordonna  d'aler  plus  avant  ou  pays  et  dist  que,  ains 
son  retour,  il  arderoit  tout  le  plain  pays  d'Escoce  et    5 
abateroit  toutes  les  forterèces.  Et  pour  ce  mieus  es- 
ploitier,  il  avoit  fait  cargier  sus  le  rivière  de  Hombre, 
en  grosses  nefs ,  grant  fuison  d'engiens   et  d'esprin- 
galles  pour  ariver  en  le  mer  d'Escoce ,  desous  Hain- 
debourch,  et  tout  premièrement  abatre  le  fort  chas-  lo 
tiel  d'Aindebourch.  Et  disoit  li  rois  que  il  atourneroit 
tèle  Escoce  qu'il  n'i  lairoit  chastiel  ne  forte  maison 
en  estant.  Avoech  tout  ce,  pour  ce  que  li  rois  d'En- 
gleterre  savoit  bien  que   il  ne  trouveroient  mies 
pourveances  à  leur  aise  ens  ou  royaume  d'Escoce,    15 
car  c'est  pour  gens  d'armes  aforains  uns  moult  po- 
vres  pays,  et  que  li  Escot  avoient  tout  retret  ens  es 
forés  inhabitables,  li  dis  rois  avoit  fait  cargier  bien 
quatre  vingt  nefs  de  blés ,  de  farines ,  de  vins ,  de 
chars^  d'avaines  et  de  chervoises,  pour  soustenir  20 
l'ost,  car  il  estoit  jà  moult  avant  en  l'ivier . 

Si  se  départirent  li  rois  d'Engleterre  et  ses  gens , 
et  chevaucièrent  avant  ou  pays  en  approçant  Hain- 
debourdi.  Et  ensi  que  il  aloient,  li  mareschal  de 
l'host  et  leurs  banières  couroient,  mais  il  ne  trou-  S5 
voient  riens  que  fourer.  Si  chevaucièrent  tant  li  rois 
et  ses  gens  qu'il  vinrent  en  Haindebourch  et  se  lo- 
gièrent  à  leur  volenté  en  le  ville,  car  elle  n'est  point 
fremée.  Si  se  loga  li  rois  en  l'ostel  de  le  monnoie, 
qui  estoit  grans  et  biaus.  Et  demanda  li  rois  se  c'es-  30 
toit  li  hostelz  dou  bourgois  d'Aindebourch  qui  avoit 
dit  qu'il  seroit  maires  de  Londres;  on  li  dist  :  c  oil.  » 


154  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

Si  en  eut  li  rois  bons  ris^  et  dist  là  à  ses  chevaliers  le 
conte^  ensi  qu'il  aloit. 

cr  Quant  li  rois  David  d'Escoce  entra  en  nostre 
pays  de  Northombrelande ,  et  il  vint  devant  le  Noef 

5  Chastiel  sur  Thin^  le  temps  que  nous  estions  devant 

Calais  y  il  avoit  avoeeques  li  un  homme  qui  estoit 

sires  de  eel  hostel;  si  disoit^  et  ossi  disoient  pluiseur 

Eseot^  que  il  conquerroit  tout  nostre  royaume  d'En- 

<  gleterre  :  si  que  cilz  homs  demanda  par  grant  sens 

10  un  don  au  roy  d'Escoce,  en  rémunérant  les  services 
qu'il  li  avoit  fais.  Li  rois  d'Escoce  li  acorda  et  li  dist 
qu'il  demandast  hardiement^  et  qu'il  li  donroit^  car 
il  estoit  trop  tenus  à  lui.  Cilz  homs  dist  :  «  Sire, 
quant  vous  ares  Engleterre  conquis  et  vous  depar- 

15  tirés  les  terres  et  les  pays  à  vos  gens^  je  vous  pri  que 
je  puisse  estre  vos  maires  de  Londres,  car  c'est  uns 
moult  biaus  offisces.  Et  en  toute  Engleterre  je  ne 
désir  aulti*e  cose.  »  Li  rois  d'Escoce  li  acorda  legie- 
rementy  car  ce  lui  coustoit  peu  à  donner.  Si  fupris 

30  li  rois,  ensi  que  vous  savés  et  qu'il  gist  encores  en 
nostre  prison  ;  mais  je  ne  sçai  que  li  homs  est  deve- 
nus ,  s'il  est  mors  ou  vis  :  je  le  saroie  volentiers.  » 
Li  chevalier,  qui  avoient  oy  le  conte  dou  roy,  eurent 
bon  ris  et  disent  :  «  Sire,  nous  en  demanderons.  » 

S5  Si  en  demandèrent  et  reportèrent  au  roy  qu'il  estoit 
mors  puis  un  an. 

Si  passa  li  rois  oultre  ce  pourpos,  et  entra  en  un 
aultre,  que  de  faire  assallir  le  fort  chastiel  d'Ainde- 
bourch  à  l'endemain;  mais  ses  gens,  qui  l'avoient 

30  avisé  et  imaginé  tout  environ  à  leur  pooir,  l'en  res- 
pondirent  que  on  s*en  travilleroit  en  vain,  et  qu'il 
ne  faisoit  mies  à  reprendre,  fors  par  force  d'engiens. 


[1355]  UVRE  PREMIER,  S  354.  i55 

§  354.  Ensi  se  tint  li  rois  d'Engleterre  en  Hain- 
debourch  bien  douze  jours;  et  attendoit  là  ses  pour- 
veances,  vivres  et  artillerie,  dont  il  avoient  grant 
nécessité^  car  de  bleds ^  de  farines  et  de  chars  trou- 
voient  il  petit  ens  ou  pays.  Car  ii  Escot  avoient  5 
caciet  tout  leur  bestail  oultre  le  mer  d'Escoce  et  le 
rivière  de  Taye ,  où  li  Englès  ne  pooient  avenir.  Et 
se  il  sentesissent  que  li  Englès  venissent  avant  ^  il 
euissent  tout  caciet  ens  es  bois  et  ens  es  forés.  Et 
avoient  bouté  le  feu  ens  es  gragnes^  et  tout  ars  bleds  10 
et  avainnes^  par  quoi  li  Englès  n'en  euissent  aise. 

Pour  celle  deffaute  couvint  le  roy  d'Engleterre  et 
ses  gens  retourner ,  car  il  n'a  voient  nul  vivre ,  se  ii 
ne  leur  venoient  d'Engleterre,  et  la  grosse  navie  dou 
roy  qui  estoit  cargie  sus  le  Hombre,  où  bien  avoit  15 
quatre  vingt  gros  vaissiaus  de  pourveances  ;  mais 
onques  il  ne  peurent  prendre  terre  en  Escoce^  là  où 
il  tiroient  à  venir^  car  c'est  uns  dangereus  pays  pour 
ariver  estragniers  qui^ne  le  cognoissent.  Et  y  eut,  si 
com  je  fui  adonc  enfourmés,  par  tempeste  de  mer,  20 
douze  nefs  peries  et  desvoiies,  et  les  aultres  retour- 
nèrent à  Bervich. 

Entrues  que  li  rois  d'Engleterre  se  tenoit  en  le 
ville  de  Haindebourch,  le  vint  veoir  la  contesse  de 
Douglas,  une  moult  noble,  frice  et  gentil  dame,  suer  25 
au  conte  de  Le  Mare  d'Escoce.  La  venue  de  la  dame 
resjoy  moult  le  roy  d'Engleterre,  car  il  veoit  volen- 
tiers  toutes  frices  dames.  Et  Ja  bonne  dame  avoit  jà 
envoiiet  le  roy  de  ses  bons  vins,  car  elle  demoroit  à 
cinq  liewes  de  Haindebourch,  en  un  fort  chastiel  30 
que  on  dist  Dalquest  :  de  quoi  li  rois  l'en  savoit  bou- 
gre. La  plus  especiaulz  cause  pour  quoi  la  bonne 


156  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1356] 

dame  vint  la,  je  le  vous  dirai.  £Ue  a  voit  oy  dire  que 
li  rois  d'Engleterre  avoit  fort  maneciet  d'ardoir  à 
son  département  le  plainne  ville  d'Aindebourch  où 
eHe  retoumoit  à  le  fois,  car  c^est  Paris  en  Escooe^ 

5  comment  que  elle  ne  soit  point  fremée  :  si  ques  la 
contesse  Douglas^  quant  elle  eut  parlé  au  roy,  et 
li  rois  l'eut  recueilliet  et  conjoy,  ensi  que  bien  le 
savoit  faire^  elle  li  demanda  tout  en  riant  que  il  li 
volsist  faire  grasce.    Li  rois  li  demanda  de  quoi^ 

10  qui  jamais  ne  se  fust  adonnés  que  la  dame  fîist  là 
venue  pour  tel  cause.  Et  la  dame  li  dist  que  il  vo- 
sist  respirer  de  non  ardoir  le  ville  d'Aindebourch 
pour  l'amour  de  lui.  a  Certes^  dame,  respondi  li  rois, 
plus  grant  cose  feroi  je  pour  l'amour  de  vous.  Et  je 

15  le  vous  accorde  liement  que,  pour  moy  ne  pour  mes 
gens,  elle  n'ara  jà  nul  mal.  »  Et  la  contesse  l'en  re- 
mercia pluiseurs  fois,  et  puis  prist  congiet  au  roy  et 
as  barons  qui  là  estoient;  si  s'en  retourna  en  son 
chastiel  de  Dalquest. 

30  Saciés  que  messires  Guillaumes  Douglas  ses  maris 
n'estoit  mies  là,  mes  se  tenoit  sus  le  pays  eus  es  bois, 
à  tout  cinq  cens  armeures  de  fier,  tous  bien  montés, 
et  n'attendoit  aultre  cose  que  le  retour  dou  roy  et 
des  Englès,  car  il  disoit  que  il  leur  porteroit  con- 

25  traire.  Avoecques  lui  estoient  li  contes  de  Mare,  li 
contes  de  Surlant,  li  contes  de  Boskentin,  li  contes 
d'Astrederne ,  messires  Arcebaus  Douglas  ses  cou- 
sins, messires  Robers  de  Yersi,  messires  Guillaumes 
Asneton  et  pluiseur  bon  chevalier  et  escuier  d'Es- 

30  coce  qui  estoient  tout  pourveu  de  leur  fait  et  sa- 
voient  les  destrois  et  les  passages,  qui  leur  estoit  grans 
avantages  pour  porter  contraire  à  leurs  ennemis. 


[1356]  LIVRE  PREMIER,  S  ^^^'  ^^^ 

§  355.  Quant  li  rois  d'Engleterre  vei  qae  ses 
pourveances  ne  venroient  points  et  si  n'en  pooient 
ses  gens  recouvrer  de  nuUes  ens  ou  royaume  d'Es- 
coce^  car  il  n'osoient  chevaucier  trop  avant  ou  pays^ 
si  eut  conseil  qu'il  s'en  retourneroit  arrière  en  En-  5 
gleterre.  Si  ordonna  à  deslogier  d'Aindebourch^  et 
de  çascun  mettre  au  retour.  Ce  fu  une  cose  qui 
grandement  plaisi  bien  à  la  grignour  partie  des  En- 
glès^  car  il  gisoient  là  moult  malaisiement.  Et  fist  li 
rois  commander  sus  le  hart  que  nulz  nie  ftist  si  har-  lo 
dis  y  qui  au  département  boutast  ne  mesist  feu  en  le 
ville  de  Haindebourh.  Cilz  commandemens  fu 
tenus. 

Adonc  se  misent  au  retour  li  rois  et  ses  gens  pour 
râler  en  Engleterre.  Et  vous  di  que  il  chevauçoient  15 
en  trois  batailles  et  par  bonne  ordenance.  Et  tous 
les  soirs  faisoient  bons  gais,  car  il  se  doubtoient 
moult  à  estre  resvilliet  des  Escos.   Et  bien  suppo- 
soient  que  li  Escot  estaient  ensamble^  mais  il  ne  sa- 
voent  où  ne  de  quel  costé.  Et  avint  un  jour  que,  au  so 
destroit  d'une  montagne  oui  li  Engiès  et  toute  leur 
host  dévoient  passer^  li  Escot  qui  cognissoient  ce  pas* 
sage^  s'estoient  mis  en  embusce.  Et  chevauçoient  li 
Engiès  par  le  destroit  de  le  montagne  et  le  malaisiu 
chemin  en  pluiseurs  routes;  et  ne  cuidaissent  jamais  25 
que  li  Escot  se  fuissent  mis  sus  ce  chemin^  mais  si 
estoient.  Et  savoient  bien  que  li  rois  et  toute  sen  host 
dévoient  rapasser  par  là. 

Ce  propre  jour  faisoit  lait  et  froit  et  plouvieus,  et 
si  mauvais  chevaucier^  pour  le  vent  et  pour  le  fifoit,  30 
que  il  ne  pooit  faire  pieur.  Li  Engiès,  qui  chevau- 
çoient par  routes»  ne  savoient  mies  que  li  Escot  fuis- 


158  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  \iZW] 

sent  si  priés  d'yaus  mis  en  embusce.  Et  laissièrent  li 
Escot  passer  le  première,  le  seconde  et  le  tierce 
route ,  et  se  boutèrent  en  le  quarte ,  en  escriant  : 
c(  Douglas  I  Douglas  I  »  Et  cuidoient  certainnement 
5  que  li  rois  d'Engleterre  ftist  en  celle  compagnie,  car 
leur  espie  leur  avoit  dit  qu'il  faisoit  le  quarte  ba- 
taille. Mais  le  soir  devant,  li  Englès^  par  soutilleté^ 
avoient  renouvelé  leurs  ordenances;  et  avoient  &it 
sept  routes  pour  passer  plus  aise  ces  destrois,  qu'il 

10  appellent  ou  pays  les  destrois  de  Tuydon.  Et  de  ces 
montagnes  nest  la  rivière  de  Tuyde^  qui  ancienne- 
ment suelt  départir  Escoce  et  Engleterre;  et  tournie 
celle  rivière  en  pluiseurs  lieus  en  Escoce  et  en  En- 
gleterre. Et  sus  se  fin,  desous  Bervich,  elle  s'en  vient 

15  ferir  en  le  mer^  et  là  est  elle  moult  grosse. 

Li  contes  Douglas  et  se  route,  où  bien  avoit  cinq 
cens  armeures  de  fier,  s'en  vinrent,  ensi  que  je  vous 
di^  ferir  d'un  rencontre  sus  ces  Englès,  où  il  avoit 
pluiseurs  haus  barons  et  chevaliers  d'Engleterre  et 

20  de  Braibant.  Là  furent  cil  Englès  reculé  et  rebouté^ 
et  en  y  eut  pluiseurs  rués  par  terre,  car  il  chevau- 
çoient  sans  arroi.  Et  se  il  euissent  attendu  l'autre 
route^  il  fuissent  venu  à  leur  entente,  car  li  rois  y 
estoit  qui   fu   tantos  enfourmés  de  ce   rencontre. 

35  Âdonc  sonnèrent  les  trompettes  dou  roy,  et  se  re- 

cueillièrent  toutes  gens  qui  ces  montagnes  avoient  à 

passer.  Et  vint  là  li  arrie[re]garde,  li  contes  de  Salle- 

\  brin  et  li  contes  de  Le  Marce,  où  bien  avoit  cinq 

cens  lances  et  mil  arciers.   Si  ferirent  chevaus  des 

30  esporons  et  s'en  vinrent  dalés  le  roy;  si  boutèrent 
hors  leurs  banières.  Tantost  li  Escot  perçurent  qu'il 
avoient  falli  à  leur  entente ,  et  que  li  rois  estoit  der- 


[1356]  LIVRE  PREMIER,  S  356.  459 

rière.  Si  n'eurent  mies  conseil  de  là  plus  attendre^ 
ançois  se  partirent;  mais  il  en  menèrent  pluiseurs 
bons  chevaliers  d'Ëngleterre  et  de  Braibant  pour  pri- 
sonniers y  qui  là  leur  cheirent  en  es  mains.  Il  iîirent 
tantost  esvanui;  on  ne  sceut  qu'il  devinrent,  car  il  se  5 
reboutèrent  entre  les  montagnes  ens  ou  fort  pays.  Si 
fa  li  sires  de  Baudresen  priés  atrapés,  car  il  estoit 
en  celle  compagnie;  mais  il  chevauçoit  tout  derrière, 
et  ce  le  sauva,  mais  il  y  eut  pris  six  chevaliers  de 
Braibant.  10 

§  356.  Depuis  ceste  avenue  chevaucièrent  toutdis 
li  Englès  plus  sagement  et  mieulz  ensamble,  tant 
qu'il  furent  en  leur  pays,  et  passèrent  devant  Rose- 
bourch  et  puis  parmi  la  lerre  le  signeur.  de  Persi.  Et 
fisent  tant  qu'il  vinrent  au  Noefchastiel  sur  Thin^  15 
et  là  se  reposèrent  et  rafreschirent.  Et  donna  li 
rois  d'Engleterre  congiet  à  toutes  manières  de  gens 
pour  retraire  çascun  en  son  lieu.  Si  se  misent  au  re* 
tour ,  et  li  rois  proprement  ossi ,  qui  petit  séjourna 
sus  le  pays  ;  si  fu  venus  à  Windesore,  où  madame  la  20 
royne  sa  femme  tenoit  l'ostel  grant  et  estofièt. 

Or  nous  reposerons  nous  à  parler  une  espasse 
dou  roy  d'Engleterre,  et  parlerons  de  son  ainsnet  fil 
monsigneur  Edowart,  prince  de  Galles,  qui  fist  en 
celle  saison  et  mist  sus  une  grande  et  belle  chevau-  25 
cie  de  gens  d'armes  englès  et  gascons,  et  les  mena 
en  un  pays  où  il  fisent  grandement  bien  leur  pour- 
fit,  et  où  onques  Englès  n'avoient  esté.  Et  tout  ce 
fu  par  l'enort  et  ordenance  des  Gascons,  que  li  dis 
grinces  avoit  dalés  lui  de  son  conseil  et  en  sa  com-  30 
pagnie» 


160  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSâRT.  [i35S] 

Vous  avës  bien  chi  dessus  oy  recorder  comment 
aucun  baron  de  Gascongne  vinrent  en  Engleterre^ 
et  fisent  priière  au  roy  d'Ëngleterre  qu'il  leur  volsist 
baillier  son  fil  le  prince  de  Galles  pour  aler  en  Gas- 

5  congne  avoech  yaus^  et  que  tout  cil  de  par  de  delà^ 
qui  pour  englès  se  tenoient,  en  seroient  trop  gran- 
dement resjoï  et  réconforté^  et  comment  li  rois  leur 
acorda  et  délivra  à  son  fil  mil  hommes  d'armes 
et  deus  mil  arciers^    où  il  avoit  grant  fuison  de 

10  bonne  chevalerie^  desquelz  de  nom  et  de  sournom  et 
les  plus  renommés  j'ay  fait  mention  :  si  ques^  quant 
li  princes  fu  venus  à  Bourdiaus,  ce  fu  environ  le 
Saint  Michiel^  il  manda  tous  les  barons  et  chevaliers 
de  Gascongne  desquelz  il  pensoit  à  estre  servis  et 

15  aidiés  :  premièrement  le  signeur  de  Labreth  et  ses 
firères^  les  trois  frères  de  Pumiers,  monsigneur  Je- 
han^ monsigneur  Helye  et  monsigneur  Aymemon^ 
monsigneur  Aymeri  de  Tarste^  le  signeur  de  Muci- 
dent^  le  signeur  de  Courton^  le  signeur  de  Longhe- 

20  ren,  le  signeur  de  Rosem^  le  signeur  de  Landuras^ 
monsigneur  Bemardet  de  Labreth^  signeur  de  Ge- 
ronde  ^  monsigneur  Jehan  de  Graili,  captai  de  Beus^ 
monsigneur  le  soudich  de  Lestrade  et  tous  les 
aultres. 

25  Quant  il  furent  tout  venu  à  Bourdiaus,  il  leur  re« 
moustra  sen  entente^  et  leur  dist  qu'il  voloit  chevau- 
cier  en  France^  et  qu'il  n'estoit  mies  là  venus  pour 
longement  séjourner.  Cil  signeur  respondirent  qu'il 
estoient  tout  appareilliet  d'aler  avoecques  lui^  et  que 

30  ossi  en  avoient  il  grant  désir.  Si  jettèrent  leur  avis 
l'un  par  l'autre^  que  en  ceste  chevaucie  il  se  trai- 
roient  vers  Thoulouse^  et  iroient  passer  la  rivière  de 


[id85]  LIVRE  PREMIER,  $  357.  161 

Garone  d'amont  desous  Thoulouse^  au  Port  Sainte 
Marie  ^  car  elle  estoit  durement  basse  et  li  saison 
belle  et  sèche  :  si  £adsoit  bon  hostoiier. 

§  357.  A  ce  conseil  s'acordèrent  li  Englès,  et  fist 
cescuns  son  appareil  dou  plus  tost  qu'il  peut.  Si  se  5 
départi  li  princes  de  Bourdiaus  à  belles  gens  d'armes  ; 
et  estoient  bien  quinze  cens  lances^  deux  mil  ar- 
ciers  et  trois  mil  bidaus,  sans  les  Bemès  que  li  Gas- 
con menoient  avoecques  yaus.  Si  n'entendirent  ces 
gens  d'armes  à  prendre  ne  à  assallir  nulle  forterèce^  10 
jusques  à  tant  que  il  eurent  passet  le  Garone  au  Port 
Sainte  Marie^  à  trois  liewes  priés  de  Thoulouse^  et  le 
passèrent  adonc  à  gué  ;  ne^  passet  avoit  vingt  ans,  cil 
dou  pays  ne  l'avoient  veu  si  petite  que  elle  fu  en  celle 
saison.  15 

Quant  li  Englès  et  li  Gascon  furent  oultre  et  logiet 
ou  pays  thoulousain^  cil  de  Thoulouse  se  commenciez 
rent  durement  à  esbahir  quant  il  sentirent  les  Englès 
si  priés  d'yaus.  En  ce  temps  estoit  en  le  cité  de  Thou- 
louse li  contes  d'Ermignach  ouquel  cil  de  Thoulouse  20 
avoient  granl  fiance^  et  c'estoit  raisons;  aultrement  il 
fuissent  trop  desconforté  et  à  bonne  cause^  car  il  ne 
savoient  adonc  que  c'estoit  de  gerre.  Pour  ce  temps 
la  cité  de  Thoulouse  n'estoit  mies  gramment  meure 
que  la  cité  de  Paris;  mes  li  contes  d'Ermignach  fist  fd 
abatre  tous  les  fourbours^  où  en  un  seul  lieu  il  avoit 
plus  de  trois  mil  maisons.  Et  le  fist  pour  ce  qu'il  ne 
Yoloit  mies  que  li  Englès  s'i  venissent  logier  ne  bouter 
les  feus. 

Ce  premier  jour  que  li  Englès  eurent  passet  la  ri-  30 
vière  de  Garone^  li  princes  et  toute  son  host  se  logiè 

nr  — Il 


les  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT.  [1355] 

rent  dessus  le  pays  en  un  très  biau  vignoble^  et  li 
coureur  vinrent  courir  jusques  as  barrières  de  Thou- 
louse.  Et  là  y  eut  forte  escarmuce  des  uns  as  aultres^ 
des  gens  le  conte  d'Ërmignach  et  des  Englès.  Et  quant 
'  5  il  eurent  fait  leur  emprise ,  il  retournèrent  à  leur 
host  et  enmenèrent  aucuns  prisonniers;  si  passè- 
rent celle  nuit  tout  aise^  car  il  avoient  bien  trouvé 
de  quoi.  " 
A  Tendemain  au  matin  ^  li  princes  et  tous  li  baron 

10  de  l'host  et  leur  sievant  s'armèrent  et  montèrent  as 
chevaus  et  se  misent  en  ordenance  de  bataille,  et  che- 
vaucièrent  tout  arreement^  banières  desploiies^  et  ap- 
procièrent  le  cité  de  Thoulouse.  Lors  cuidièrent  bien 
cil  de  Tboulouse  avoir  l'assaut^  quant  il  veirent  ensi 

15  en  bataille  les  Englès  approciar.  Si  se  misent  tout  en 
ordenance  as  portes  et  as  barrières^  par  connestablies 
et  par  mestiers.  Et  se  trouvoient  bien  de  commu- 
naulté  quarante  mil  hommes ,  qui  estoient  en  grant 
volenté  de  issir  hors  et  de  combatre  les  Englès  ;  mes  li 

20  contes  d'Ërmignach  leur  deffendoit  et  leur  aloit  au  de- 
vant. Et  disoit  que^  se  il  issoient  hors^  il  s'iroient 
tout  perdre^  car  il  n'estoient  mies  usé  d'armes  ensi 
que  li  Englès  et  li  Gascon^  et  ne  pooient  faire  milleur 
esploit  que  de  garder  leur  ville.  Ensi  se  tinrent  tout 

35  quoi  cil  de  Tboulouse^  et  ne  veurent  désobéir  au 
commandement  dou  conte  d'Ërmignach  qu'il  ne  leur 
en  mesvenist^  et  se  tinrent  devant  leurs  barrières. 

Li  princes  de  Galles  et  ses  batailles  passèrent  tout 
joindant  Tboulouse  et  veirent  bien  une  partie  dou 

30  convenant  de  chiaus  de  Tboulouse  que^  se  on  les  assal- 
loit^  il  se  deffenderoient.  Si  passèrent  oultre  tout  pai- 
sievlement  sans  riens  dire^  et  ne  furent  ne  tret  ne 


[1355]  LIVRE  PREMIER,  S  3^7-  463 

bersety  et  prisent  le  chemin  de  Montgiseart^  à  trois 
liewes  avant^  en  alant  vers  Charcassonne.  Si  se  logiè- 
rent  ce  secont  jour  li  Englès  et  li  Gascon  assés  priés 
delà^  sus  une  petite  rivière.  Et  l'endemain  bien  matin 
se  deslogièrent  et  approcièrent  le  forterèce  qui  n*es-  5 
toit  fremée ,  fors  de  murs  de  terre  et  de  portes  de 
terre  couvertes  d'estrain,  car  on  recuevre  ens  ou  pays 
à  grant  dur  de  pière.  Nequedent  cil  de  Montgiscart 
se  cuidoient  trop  bien  tenir^  et  se  misent  tout  à  def- 
fense  sus  les  murs  et  sus  les  portes.  Là  s'arrestèrent  10 
li  Englès  et  li  Gascon,  et  disent  que  celle  ville  estoit 
bien  prendable.  Si  l'assallirent  fièrement  et  vistement 
de  tous  lés.  Et  là  eut  gisant  assaut  et  dur,  et  pluiseurs 
hommes  bleciés  dou  tret  et  dou  jet  des  pières.  Fina- 
blement^  elle  fu  prise  de  force^  et  li  mur  rompu  et  15 
abatu  ;  et  entrèrent  tout  chil  ens  qui  entrer  y  veurent. 
Mes  li  princes  n'i  entra  point  ne  tout  li  signeur^ 
pour  le  feu ,  fors  que  pillart  et  robeur.  Si  trouvè- 
rent en  le  ville  grant  avoir;  si  en  prisent  douquel 
qu'il  veurent,  et  le  remanant  il  ardirent.  Là  eut  grant  20 
persécution  d'ommes,  de  femmes  et  d'enËins  y  dont 
ce  fu  pités. 

Quant  il  eurent  fait  leur  entente  de  Montgiscart,  il 
chevaucièrent  devers  Avignonlet,  une  grosse  ville  et 
marcheande,  et  où  on  fait  fuison  de  draps.  Et  bien  y  25 
avoit  à  ce  donc  quinze  cens  maisons,  mais  elle  n'es- 
toit  point  fremée.  Et  au  dehors  sus  un  terne  avoit 
un  chastiel  de  terre  assés  fort,  où  li  riche  homme  de 
le  ville  estoient  retret;  et  cuidoient  estre  là  bien  à 
segur,  mais  non  furent,  car  on  les  assalli  de  grant  30 
randon.  Si  fîi  li  chastiaus  conquis  et  abatus,  et  cil 
que  dedens  estoient  prisonnier  as  Englès  et  as  Gas- 


464  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1358] 

cons  qui  venir  y  peurent  à  temps.  Ensi  (ut  Avignon- 
let  prise  et  desCruite^  où  il  eurent  grant  pillage  ;  et 
puis  chevaueièrent  devers  le  Noef  Chastiel  d'Auri. 

§  358.  Tant  esploitièrent  li  Englès  que  il  vinrent 

5  à  Chastiel  Noef  d'Auri,  une  moult  grosse  ville  et  bon 
chastiel,  et  raempiie  de  gens  et  de  biens;  mais  elle 
n'estoit  fremée  ne  li  chastiaus  ossi,  fors  de  murs  de 
terre,  selon  l'usage  dou  pays.  Quant  li  Englès  furent 
venu  devant,  il  le  commeneièrent  à  environner  et 

10  assallir  fortement ,  et  cil  qui  dedens  estoient  à  yaus 
deffendre.  Cil  arcier  qui  devant  estoient  arouté, 
traioient  si  fort  et  si  ouniement  que  à  painnes  se  osoit 
nulz  apparoir  as  deffenses.  Finablement,  cilz  assaus  fu 
si  bien  continués,  et  si  fort  s'i  esprouvèrent  Englès, 

15  que  la  ville  de  Noef  Chastiel  d'Auri  fu  prise  et  con- 
quise. Là  eut  grant  occision  et  persécution  d'ommes 
et  de  bidaus.  Si  fu  la  ville  toute  courue,  pillie  et  ro- 
bée,  et  tous  li  bons  avoirs  pris  et  levés  ;  ne  li  Englès 
ne  faisoient  compte  de  draps  ne  de  pennes,  fors  de 

20  vaisselle  d'argent  ou  de  bons  florins.  Et  quant  il  te- 
noient  un  homme,  un  bourgois  ou  un  paysant,  il  le 
retenoient  à  prisonnier  et  le  rançonnoient,  ou  il  li  &i- 
soient  meschief  dou  corps,  se  il  ne  se  voloit  rançon- 
ner. Si  furent  la  ditte  ville  et  li  chastiaus  dou  Noef 

25  Chastiel  d'Anri  tout  ars  et  abatu,  et  reversé  les  murs 
à  le  terre. 

Et  puis  passèrent  oultre  li  Englès  devers  Charcas- 
sonne ,  et  cheminèrent  tant  que  il  vinrent  à  Yille- 
france  en  Carcassonnois,  une  bonne  ville  et  grosse 

30  et  bien  seans,  et  où  il  demoroient  grant  fuison  de 
riches  gens. 


[i3S5]  LIVRE  PREMIER,  §  359  165 

Saciës  que  cilz  pays  de  Charcassonnois  et  de  Nerbon- 
nois  et  de  Thoulousain ,  où  li  Englès  furent  en  celle 
saison^  estoit  en  devant  uns  des  cras  pays  dou  monde^ 
bonnes  gens  et  simples  gens  qui  ne  savoient  que  c*es- 
toit  de  guerre^  car  onques  ne  furent  guerriiet^  ne  5 
n'avoient  esté  en  devant,  ançois  que  li  princes  de 
Galles  y  conversast.  Si  trouvolent  li  Englès  et  li  Gas- 
con le  pays  plain  et  drut^  les  cambres  parées  de 
kieutes  et  de  draps,  les  escrins  et  les  cofires  plains 
de  bons  jeuiaus  ;  mes  riens  ne  demoroit  de  bon  de-  lo 
vant  ces  pillars  :  il  en  portoient  tout^  et  par  especial 
Gascon  qui  sont  moult  convoiteus. 

Cilz  bours  de  Villefrance  fu  tantos  pris^  et  grans 
avoirs  dedens  conquis.  Se  s'i  logièrent  et  reposèrent 
demi  jour  et  une  nuit  li  princes  et  toutes  ses  gens  ;  à   15 
l'endemain^  il  s'en  partirent  et  cheminèrent  devers  le 
cité' de  Carcassonne. 

§  359.  La  ville  de  Carcassonne  siet  sus  une  rivière 
que  on  appelle  Aude,  et  tout  au  plain  ;  un  petit  en 
sus^  à  le  droite  main  en  venant  de  Thoulouse^  sus  un  30 
hault  rocier^  siet  la  cités^  qui  est  belle. et  forte  et  bien 
fremée  de  bons  murs  de  pière^  de  portes^  de  tours^ 
et  ne  fait  mies  à  prendre.  En  le  cité  que  je  di,  avoient 
cil  de  Carcassonne  mis  le  plus  gmnt  partie  de  leur 
avoir^  et  retrait  femmes  et  enfans.  Mais  li  bourgois  25 
de  le  ville  se  tenoient  en  le  ville^  qui  pour  celi  temps 
n'estoit  fremée  que  de  chainnes^  mais  il  n'i  avoit  rue 
où  il  n'en  y  eust  dix  ou  douze;  et  les  avoit  on  levées^ 
par  quoi  on  ne  pooit  aler  ne  chevaucier  parmi.  Entre 
ces  kainnes^  et  bien  à  segur,  par  batailles^  se  tenoient  30 
li  homme  de  le  ville^  que  on  appelle  ens  ou  pays  bi- 


i66  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÀRT.  [4355] 

daus  à  lances  et  à  pavais^  et  tout  ordonné  et  arresté 
pour  attendre  les  Englès. 

Quant  li  doi  mareschal  de  l'host  yeirent  celle 
grosse  ville^  où  bien  par  samblant  avoit  sept  mil  mai- 
5  sons^  et  le  contenance  de  ces  bidaus  qui  se  voloient 
defFendre,  si  s'arrestèrent  en  une  place  devant  le 
ville,  et  consillièrent  comment  à  leur  plus  grant 
pourfit  il  poroient  assallir  ce^  gens  :  si  ques,  tout 
consideret,  consillief  et  avisé,  il  se  misent  tout  à  piet, 

10  gendarmes  et  aultres,  et  prisent  leurs  glaves  ;  et  s'en 
vinrent,  ceseuns  sires  desous  sa  banière  ou  son  pen- 
nom ,  eombatre  parmi  ces  chainnes  à  ces  bidaus  qui 
les  recueillièrent  ossi  faiticement  as  lances  et  as  pa- 
vais. Là  eut  fait  pluiseurs  grans  apertises  d'armes, 

15  car  li  jone  chevalier  englès  et  gascon,  qui  se  desi- 
roient  à  avancier,  s'abandonnoient  et  se  mettoient  en 
painne  de  sallir  oultre  ces  kainnes  et  de  conquerre 
leurs  ennemis. 

Et  me  samble  que  messires  Ustasses  d'Aubreci- 

20  court,  qui  pour  ce  temps  estoit  uns  chevaliers  moult 
ables  et  moult  vighereus  et  en  grant  désir  d'acquerre, 
fu  uns  des  premiers,  selonch  ce  que  je  fui  adonc  en- 
fourmés,  qui  le  glave  au  poing  salli  oultre  une 
chainne,  et  s'en  vint  eombatre,  ensonniier  et  recu- 

25  1er  ses  ennemis.  Quant  il  fu  oultre,  li  aultre  le  sievi- 
rent  et  se  misent  entre  ces  kainnes,  et  en  conquîsent 
une,  puis  deus,  puis  trois,  puis  quatre;  car  avoech 
ce  que  gens  d'armes  s'avançoient  pour  passer,  arcier 
traioient  si  fort  et  si  ouniement  que  cil  bidau  ne  sa- 

30  voient  auquel  entendre.  Et  en  y  eut  de  telz  qui 
avoient  leurs  pavais  si  cargiés  de  saiettes  que  mer- 
veilles seroit  à  recorder.  Finablement,  ces  gens  de 


[4355]  LIVRE  PREMIER,  S  360.  167 

Carcassonne  ne  peurent  darer^  mes  furent  reculet^ 
et  leurs  kaînnes  gaegnies  sur  yaus^  et  bouté  tout 
hors  de  leur  ville  et  desconfî.  Si  en  y  eut  pluiseur 
qui  se  sauvèrent  par  derrière^  quant  il  veirent  le  des- 
confiture^  et  passèrent  le  rivière  d'Aude  et  s'en  aie-  5 
rent  à  garant  en  le  eité. 

Ensi  fu  li  bours  de  Carcassonne  pris  et  grant  avoir 
dedenS;  car  les  gens  n'avoiént|  mies  tout  widiet;  et 
par  especial  de  leurs  pourveances  n'avoient  il  riens 
widiet.  Si  trouvoient  Englès  et  Gascon  ces  celiers  lo 
plains  de  vins;  si  prisent  desquelz  qu'il  veurent,  des 
plus  fors  et  des  milleurs  :  des  petis  ne  faisoient  il 
compte.  Et  ce  jour  que  li  bataille  y  fu,  il  prisent 
pluiseurs  riches  boui^ois  que  il  rançonnèrent  bien 
et  chier.  15 

Si  demorèrent  li  princes  et  ses  gens  en  le  ville  de 
Clarcassonne^  pour  les  grosses  pourveances  qu'il  y 
trouvèrent^  deus  nuis  et  un  jour,  et  ossi  pour  yaus 
et  leurs  chevaus  rafreschir^  et  pour  aviser  comment 
ne  par  quel  voie  il  poroient  faire  assaut  à  le  cité  qui  so 
leur  fust  pour  fi  tables;  mais  elle  siet  si  hault  et  s'est 
si  très  bien  fremée  de  grosses  tours  et  de  bons  murs 
de  pière  que^  tout  consideret^  il  ne  pooient  trouver 
voie  que  à  l'assallir  il  ne  deuissent  plus  perdre  que 
gaegnier.  25 

§  360.  Geste  cités  de  Carcassonne  dont  je  vous  pa- 
rolle  fu  anciennement  appellée  Garsaude^  car  la  ri- 
vière d'Aude  s'i  keurt  au  piet  desous  ;  et  le  fîsent 
fremer  et  edefiier  Sarrasin.  Onques  depuis  on  ne  vei 
les  murs  ne  le  maçonnement  desmentir;  et  est  ceste  ao 
où  li  grans  rois  de  France  et  d'Alemagne,  Char- 


168  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

lemainne,  sist  sept  ans,   ançois  que  il  le  peuist 
avoir. 

Quant  ce  vint  au  matin,  à  heure  de  tierce,  que  li 
princes  et  li  signeur  eurent  oy  messe  et  beu  un  cop^ 
5  il  montèrent  à  ebevaus  et  se  misent  en  ordenance 
pour  passer  le  pont  et  le  rivière  d'Aude^  car  il  voloit 
encores  aler  avant.  Si  passèrent  tout  à  piet  et  à 
cheval  et  assés  priés  ^  à  le  trettie  d'un  arcb  de  le 
cité  de  Carcassonne.  Au  passer,  on  leur  envoia  des 

10  bastions  de  le  forterèce  en  kanons  et  en  esprin- 
galles^  quariaus  gros  et  lons^  qui  en  blecièrent  au- 
cuns en  passant^  car  d'artillerie  la  cités  estoit  bien 
pourveue.  • 

Quant  li  princes  et  tout  sen  host  furent  oultre^  il 

15  prisent  le  chemin  de  Cabestain;  mais  il  trouvèrent 
ançois  deus  villes  fremées,  Ourmes  et  Tèbres^  seans 
sus  une  meisme  rivière  qu'il  pooient  passer  et  rapas- 
ser  à  leur  aise.  Ces  deux  villes  estoient  bien  fremées 
de  bons  murs  et  de  bonnes  portes^  et  tout  à  plainne 

20  terre.  Si  furent  les  gens  qui  dedens  estoient  si  efireé 
des  Englès^  qui  avoient  pris  Carcassonne  et  pluiseurs 
villes  en  devant^  que  il  s'avisèrent  que  il  se  racate- 
roient  à  non  ardoir  et  à  assallir  :  si  ques^  quant  li 
coureur  furent  venu  à  Ourmes,  il  trouvèrent  aucuns 

25  bourgois  de  le  ville  qui  demandèrent  se  li  princes 
ou  si  mareschal  estoient  en  leur  route.  Cil  respondi- 
rent  que  nennil.  «  Et  pour  quoi  le  demandés  vous?» 
—  Pour  ce  que  nous  volons  entrer  en  trettiés 
d'acort,  se  il  v  voloient  entendre.  » 

30  Ces  paroUes  vinrent  jusques  au  prince.  Si  envoia  li 
db  princes  le  signeur  de  Labreth,  qui  vint  jusques  à 
là^  et  en  fist  la  composition,  parmi  douze  mil  escus 


[1385]  LIVRE  PREMIER,  g  360.  169 

qu'il  deurent  paiier  au  prince^  dont  il  livrèrent  bons 
hostages.  Et  puis  chevaucièrent  vers  Tèbres,  qui  se 
rançonnèrent  ossi.  Et  tous  li  plas  pays  d'environ  es- 
toit  ars  et  bruis  sans  nul  déport. 

Et  sachiés  que  eil  de  Nerbonne,  de  Besiers  et  de  5 
Montpellier  n'estoient  mies  bien  à  segur^  quant  il 
sentoient  les  Englès  ensi  approcier.  Et  par  especial  cil 
de  Montpellier^  qui  est  ville  poissans^  rice  et  mar- 
cheande^  estoient  à  grant  angousse  de  coer ,  car  il  n'es- 
toient point  fremet.  Si  envoiierent  li  riche  homme  10 
la  grigneur  partie  de  leurs  jeuiaus  à  sauveté  en  Avi- 
gnon ou  ou  fort  chastiel  de  Biaukaire. 

Tant  esploitièrent  li  Englès  que  il  vinrent  à  Cabes- 
tain^  une  bonne  ville  et  forte^  seans  à  deus  liewes  de 
Besiers  et  à  deus  de  Nerbonne.  Et  vous  di  que  ceste  15 
ville  de  Cabestain  est  durement  riche^  seans  sus  le 
mer^  et  ont  les  salines  dont  il  font  le  sel  par  le  vertu 
dou  soleil.  Si  doubtèrent  ces  gens  de  Cabestain  à  tout 
perdre^  corps  et  biens^  car  il  estoient  faiblement  fremet    • 
et  muret.  Si  envoiierent  au  devant  dou  prince  et  de  20 
son  host  pour  trettier  que  il  les  laissast  en  pais^  et  il 
se  racateroient  selonch  leur  poissance.  Li  sires  de  La- 
breth^  qui  cognissoit  auques  le  pays^  faisoit  ces  tret- 
tiés  quant  li  princes  y  voloit  entendre.  Si  se  rençon- 
nèrent  cU  de  Cabestain  à  paiier  quarante  mil  escus ,   25 
mes  que  il  euissent  cinq  jours  de  pouveance,  et  de' 
ce  livi'èrent  il  ostages.  Depuis  me  fu  dit  qu'il  laissiez 
rent  perdre  leurs  hostages  et  ne  paiièrent  point  d'ar- 
gent^ et  se  fortefiièrent  telement  de  fossés  et  de  palis 
que  pour  attendre  le  prince  et  toute  son  host.  Je  ne  30 
sçai  de  vérité  comment  il  en  ala^  se  il  paiièrent  ou 
non;  mais  toutesfois  il  ne  furent  point  ars  ne  assalU. 


i70  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

Et  s'en  vinrent  li  Englès  à  Nerbonne^  et  se  logièrent 
au  boureh. 

§  361 .  A  Nerbonne  a  cité  et  boureh.  Le  boureh 
pour  le  temps  estoit  une  grosse  ville  non  fremée^ 
5  seans  sus  le  rivière  d'Aude^  qui  descent  d'amont  de- 
vers Carcassonne  ;  et  desous  Nerbonne^  à  trois  liewes^ 
elle  chiet  en  le  mer  qui  va  en  Cippre  et  par  tout  le 
monde. 

La  cité  de  Nerbonne^  qui  joint  au  bourc^  estoit 

10  assés  bien  fremée  de  murs^  de  portes  et  de  tours.  Et 
là  dedens  est  li  hostelz  le  conte  Avmeri  de  Nerbonne, 
qui^  pour  ce  temps  que  li  princes  de  Galles  et  li  En- 
glès se  vinrent  logier  où  boureh^  y  estoit,  et  grant  fui- 
son  de  chevaliers  et  d'escuiers  dou  pays  nerbonnois 

15  et  d'Auvergne,  que  li  dis  contes  y  avoit  fait  venir  pour 
aidier  à  garder  sa  cité.  En  le  cité  a  canonneries  moult 
grandes  et  moult  nobles,  et  sont  en  une  église  que 
on  dist  de  Saint  Just^  et  valent  par  an  bien  cinq  cens 
florins. 

20  Geste  marce  de  Nerbonne  est  uns  des  bons  et  des 
cras  pays  dou  monde.  Et  quant  li  Englès  et  li  Gascon 
y  vinrent,  il  le  trouvèrent  durement  riche  et  plain. 
Voirs  est  que  cil  dou  bourg  de  Nerbonne  avoient  re- 
trait en  le  cité  leurs  femmes  et  leurs  enfans  et  partie 

25  de  leur  avoir.  Et  encores  en  trouvèrent  li  Englès  et 
li  Gascon  assés. 

Quant  li  Englès  eurent  conquis  le  boureh  de  Ner- 
bonne sus  les  Nerbonnois,  desquelz  il  y  eut  mors  et 
pris  assés,  il  se  logèrent  à  leur  aise  dans  ces  biaus 

30  hostelz ,  dont  il  y  avoit  à  ce  jour  plus  de  trois  mil. 
Et  trouvèrent  ens  tant  de  biens,  de  belles  pour- 


[i3S5]  LIVRE  PREMIER,  S  36i.  f7i 

veances  et  de  bons  vins,  qu'il  n'en  savoient  que  faire. 
Et  estoit  li  intention  dou  prince  que  de  faire  assallir 
le  cité,  ensi  qu'il  fîst,  et  dou  prendre,  car  dit  li  fu 
que,  s'il  le  prendoient,  il  trouveroient  tant  d'or  et 
d'argent  dedens^  de  bons  jeuiaus  et  de  riches  prison-  5 
niers  que  li  plus  povres  des  leurs  en  seroit  riches  à 
tous  jours.  Et  ossi  li  princes  attendoit  le  rédemption 
de  chiaus  de  Cabestain  et  d'aucunes  villes  et  chastiaus 
en  Nerbonnois  qui  s'estoient  rançonné  à  non  ardoir. 
Et  si  se  tenoient  tout  aise  sus  celle  belle  rivière  d'Aude,  10 
yaus  et  leurs  chevaus;  et  buvoient  de  ces  bons  vins 
et  de  ces  bons  muscades,  et  t'outdis  en  espoir  de  plus 
gaegnier. 

Si  devés  savoir  que  ces  cinq  jours  que  li  princes  fu 
ou  dit  bourch  de  Nerbonne,  il  n'y  eut  onques  jour   15 
que  li  Englès  et  Gascon  ne  fesissent  et  livrassent  cinq 
ou  six  assaus  à  chiaus  de  le  cité  si  grans,  si  fors  et  si 
merviUeus  que  grant  merveilles  seroit  à  penser  com- 
ment de  çascun  assaut  il  n'estoient  pris  et  conquis. 
Et  l'euissent  esté,  il  n'est  mies  doubte,  se  ne  ftiissent  20 
li  gentil  homme  qui  en  le  cité  estoient  ;  mais  cil  en 
pensèrent  si  bien  et  s'i  portèrent  si  vassaument  que  li 
Englès  ne  li  Gascon  n'i  peurent  riens  conquerre.  Si 
s'en  partirent  li  princes  et  toutes  ses  gens;  mes  à  leur 
département  li  Englès  varlet  et  pillart  paiièrent  leur  25 
hoste,  car  il  boutèrent  en  plus  de  cinq  cens  lieus  le 
feu  ou  bourch,  par  quoi  il  fu  tous  ars. 

Si  chevaucièrent  li  princes  et  ses  gens  en  retour- 
nant vers  Carcassonne,  car  il  avoient  tant  conquis 
d'avoir  et  si  en  estoient  cargié,  que  pour  celle  saison  30 
il  n'en  voloient  plus.  De  quoi  cil  de  Bediers,  de  Mont- 
pellier, de  Luniel  et  de  Nimes,  qui  bien  cuidoient 


i7i  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

avoir  l'assaut^  en  furent  moult  joiant  quant  il  sceu- 
rent  que  li  Englès  leur  tournoient  le  dos. 

Et  vinrent  li  Englès  en  une  bonne  et  grosse  ville^ 
par  delà  la  rivière  d'Aude^  car  il  l'avoieht  passet  au 
5  pont  à  Nerbonne  en  Carcassonnois^  que  on  appelle 
limous;  et  y  fait  pines  plus  et  milleurs  que  d'autre 
part.  Geste  ville  de  Limous,  pour  le  temps  d'adonc, 
estoit  faiblement  fremée;  si  fu  tantost  prise  et  con- 
quise et  grant  avoir  dedens.  Et  y  eut  ars  et  abatu  à 

10  leur  département  plus  de  quatre  mil  maisons  et  biaus 
hosteuz^  dont  ce  fu  grans  damages. 

Ensi  fu  en  ce  temps  cilz  bons  pays  et  cras  de  Ner- 
bonnois^  de  Charcassonnois  et  deThoulousain  pilliés^ 
desrobés^  ars  et  perdus  par  les  Englès  et  par  les  Gas- 

15  cons.  Yoirs  est  que  li  contes  d'Ermignach  estoit  à 
Thoulouse  et  faisoit  son  amas  de  gens  d'armes  à  che- 
vaus  et  à  piet  pour  aler  contre  yaus^  mes  ce  fu  trop 
tart  ;  et  se  mist  as  camps,  à  bien  trente  mil  hommes^ 
uns  c'autres,  quant  li  Englès  eurent  tout  essilliet  le 

20  pays.  Mais  li  dis  contes  d'Ermignach  attendoit  mon- 
signeur  Jakemon  de  Bourbon,  qui  faisoit  son  amas  de 
gens  d'armes  à  Limoges  et  avoit  intention  d'enclore 
les  Englès  et  Gascons,  mais  i]  s'esmut  ossi  trop  tart, 
car  li  princes  et  ses  consaus,  qui  olrent  parler  de  ces 

25  deus  grandes  ehevaucies  que  li  contes  d'Ermignach 
et  messires  Jakemes  de  Bourbon  faisoient,  s'avisèrent 
selonch  ce,  et  prisent  à  leur  département  de  Limous 
le  chemin  de  Charcassonne ,  pour  rapasser  le  rivière 
d'Aude.  Et  tant  fisent  qu'il  y  parvinrent;  si  le  trou- 

30  vèrent  en  l'estat  où  il  le  laissièrent,  ne  nulz  ne  s'i 
estoit  encores  retrais.  Si  fu  telement  pararse  et  des- 
truite des  Englès  que  onqiies  n'i  demora  de  ville 


[1355]  LIVRE  PREMIER,  $  362.  473 

pour  herbeiçîer  un  cheval;  ne  à  painnes  savoient 
li  hiretier  ne  li  manant  de  le  ville,  rassener  ne  dire 
de  voir  :  «  Chi  sist  mes  hiretages  »  ;  ensi  (u  elle 
menée. 

§  362-  Quant  U  princes  et  ses  gens  eurent  rapasset    5 
le  rivière  d'Aude,  il  prisent  leur  chemin  vers  Mont- 
royal,  qui  estoit  une  bonne  ville  et  fremée  de  murs 
et  de  portes,  et  siet  en  Carcassonnois.  Si  l'assallirent 
fortement  quant  il  furent  là  venu,  et  le  conquisent  de 
force,  et  grant  pillage  dedens  que  cil  dou  pays  y   lo 
avoient  attrait  sus  le  fiance  dou  fort  liu.  Et  là  eut 
mors  grans  fuison  de  bidaus  hommes  de  le  ville, 
pour  tant  qu'il  s'estoient  mis  à  deffense  et  qu'il  ne 
s'estoient  volut  rançonner.  Et  (îi  au  département  des 
Englès  la  ville  toute  arse.  Et  puis  prisent  le  chemin   15 
des  montagnes,  ensi  que  pour  avaler  vers  Fougans  et 
vers  Rodais,  toutdis  ardant  et  essillant  pays  et  ran- 
çonnans  aucune[s]  villes  iremées  et  petis  fors  qui  n'es- 
toient  mies  tailliet  d'yaus  tenir.  Et  devés  savoir  que 
en  ce  voiage  li  princes  et  ses  gens  eurent  très  grant  so 
pourfît. 

Et  rapassèrent  li  Englès  et  li  Gascon  tout  paisie- 
vlement  desous  le  bonne  cité  de  Thoulouse  au  Port 
Sainte  Marie  la  rivière  de  Garone,  si  chargiet  d'avoir 
que  à  jpainnes  pooient  leur  cheval  aler  avant.  De  quoi  25 
cil  de  Tholouse  furent  durement  esmeu  et  couroucié 
sus  les  gentilz  hommes,  quant  il  sceurent  que  li  En- 
glès et  Gascon,  sans  yaus  combatre,  avoient  rapasset 
la  rivière  de  Garone  et  s'estoient  mis  à  sauveté,  et  en 
parlèrent  moult  villainnement  sus  leur  partie.  Mais  ao 
tout  ce  se  passa  :  les  povres  gens  le  comparèrent  qui 


174  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [1355] 

en  eurent  adonc^  ensi  qu'il  ont  encores  maintenant^ 
toutdis  dou  pieur. 

Ces  chevaucies  se  desrompirent,  car  li  princes  s'en 
'  retourna  à  Bourdiaus  et  donna  une  partie  de  ses  gens 

5  d'armes  congiet,  et  especialment  les  Gascons,  pour 
aler  viseter  les  villes  et  leurs  maisons.  Mais  tèle  estoit 
li  intention  dou  prince,  et  se  leur  disoit  bien  au  par- 
tir que,  à  Testé  qui  revenoit,  il  les  menroit  un  aultre 
chemin  en  France,  où  il  feroient  plus  grandement 

10  leur  pourfit  qu'il  n'avoient  fait,  ou  il  y  remetteroient 
tout  ce  qu'il  avoient  conquis  et  encores  dou  leur  as- 
sés.  Li  Gascon  estoient  tout  conforté  de  faire  le  com- 
mandement dou  prince  et  d'aler  tout  partout  là  où 
il  les  vorroit  mener. 

15  §  363.  Nous  nos  soufferons  un  petit  à  parler  dou 
prince,  et  parlerons  d'aucunes  incidenses  qui  avinrent 
en  celle  saison,  qui  trop  grevèrent  le  royaume.  Vous 
avés  bien  oy  compter  ci  dessus  comment  messires 
Charles  d'Espagne  fu  mors  par  le  fait  dou  roy  de  Na- 

ao  vare  :  dont  li  rois  de  France  fii  si  courouciés  sus  le 
dit  roy,  quoiqu'il  euist  sa  fille  espousé,  que  onques 
depuis  ne  le  peut  amer,  comment  que  par  moiiens 
et  par  bonnes  gens  qui  s'en  ensonniierent,  li  rois  de 
France,  pour  eskiewer  plus  de  damage,  en  celle  anée 

25  li  pardonnast. 

Or  avint  que  li  consaus  dou  roy  Jehan  l'enortè- 
rent  à  ce  que,  pour  avoir  ayde  sus  ses  guerres,  il  me- 
sist  aucune  gabelle  sus  le  sel  où  il  trouveroit  grant 
reprise  pour  paiier  ^es  soudoiiers  ;  se  l'i  mist  li  rois, 

30  et  fu  acordé  en  trop  de  lieus  en  France,  et  le  levèrent 
li  impositeur.  Dont  pour  celle  imposition  et  gabelle 


[i355]  LIVRE  PREMIER,  $  363.  i7S 

il  avint  uns  grans  meschiés  en  le  cité  d'Arras  en  Pi- 
kardie;  car  li  communauté  de  le  ville  se  révélèrent 
sus  les  riches  hommes  et  en  tuèrent  sus  un  samedi^ 
à  heure  de  tierce^  jusques  à  miedi^  quatorze  des  plus 
souffîssans .  Dont  ce  fu  pités  et  damages^  et  est  quant  5 
meschans  gens  sont  au  dessus  des  vaillans  hommes. 
Toutes  fois  il  le  comparèrent  depuis^  car  li  rois  y  en- 
voia  son  cousin  monsigneur  Jakemon  de  Bourbon^  qui 
fist  prendre  tous  chiaus  par  lesquels  li  motion  avoit 
estet  faite^  et  leur  fist  sur  le  place  coper  les  tiestes.      10 

J'ay  de  ceste  gabelle  touchiet  un  petite  pour  tant 
que,  quant  les  nouvelles  en  vinrent  en  Normendie, 
li  pays  en  fu  moult  esmervilliés ,  car  il  n'avoient 
point  apris  de  paiier  tel  cose.  En  ce  temps  y  avoit 
un  conte  en  Harcom't^  qui  siet  en  Normendie^  qui  15 
estoit  si  bien  de  chiaus  de  Roem  qu'il  voloit  :  si  ques 
il  dist  ou  deubt  avoir  dit  à  chiaus  de  Roem  qu'il 
seroient  bien  serf  et  bien  meschant,  se  il  s'acordoient 
à  celle  gabelle,  et  que,  se  Diex  le  pooit  aidier,  elle 
ne  courroit  jà  en  son  pays;  ne  il  ne  trouveroit  si  20 
hardi  homme  de  par  le  roy  de  France  qui  l'i  deuist 
faire  courir,  ne  sergant  qui  en  levast,  pour  le  inno- 
bediense,  amende,  qui  ne  le  deuist  comparer  dou 
corps. 

Li  rois  de  Navare,  qui  pour  ce  temps  se  tenoit  en  25 
le  conté  d'Evrues,  en  dist  otretant,  et  dist  bien  que 
jà  ceste  imposition  ne  courroit  en  sa  terre.  Aucun 
baron  et  chevalier  dou  pays  tinrent  leur  oppinion, 
et  se  alliièrent  tout,  par  foy  jurée,  au  roy  de  Navare, 
et  li  rois  avoech  yaus.  Et  furent  rebelle  as  comman-  30 
démens  et  ordenances  dou  roy,  tant  que  pluiseqr 
aultre  pays  y  prisent  piet. 


176  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1356] 

Ces  nouvelles  vinrent  jusques  au  roy  Jehan  ^  qui 
estoit  chaus  et  soudains^  comment  li  rois  de  Navare^ 
li  contes  de  Harcourt^  messires  Jehans  de  Graville  et 
pluiseur  aultre  chevalier  de  Normendie  estoient  con- 
5  traire  à  ces  impositions  et  les  avoient  deffendues  en 
leurs  terres.  Li  rois  retint  ceste  cose  en  grant  orgueil 
et  grant  presumption^  et  dist  qu'il  ne  voloit  nul 
mestre  en  France  fors  lui.  Ceste  cose  se  couva  un 
petit  avoecques  aultres  haynes  que  on  y  atisa^  tant 

10  que  li  rois  Jehans  fu  trop  malement  dur  enfourmés 
sus  le  roy  de  Navare  et  le  conte  de  Harcourt  et  ossi 
monsigneur  Godefroy  de  Harcourt,  qui  devoit  estre 
de  leur  alliance  et  uns  des  principaus. 

Et  fu  dit  au  roy  de  France  que  li  rois  de  Navare 

15  et  cil  de  Harcourt  dévoient  mettre  les  Englès  en  leur 
pays,  et  avoient  de  nouviel  fait  alliance  au  roy  d'En- 
gle terre.  Je  ne  sçai  se  c'estoit  voirs  ou  non,  ou  se  on 
le  disoit  par  envie;  mais  je  ne  croi  mies  que  si  vail- 
lant gent  et  si  noble  et  de  si  haute  estralion  vosissent 

20  faire  ne  penser  trahison  contre  leur  naturel  signeur. 
Il  fu  bien  vérités  que  le  gabelle  dou  sel  il  /le  veurent 
onques  consentir  que  elle  courust  en  leurs  terres.  Li 
rois  Jehans ,  qui  estoit  legiers  à  enfourmer  et  durs  à 
oster  d'une  oppinion^  puis  qu'il  y  estoit  arrestés,  prist 

S5  les  dessus  dis  en  si  grant  hayne  que  il  dist  et  jura 
que  jamais  n'aroit  parfaite  joie  tant  que  il  fuissent 
en  vie. 

En  ce  temps  estoit  ses  ainsnés  filz,  messires  Charles, 
en  Normendie  dont  il  estoit  dus^  et  tenoit  son  hostel 

30  ens  ou  chastiel  de  Roem  et  ne  savoit  riens  des  ran- 
cunes mortèles  que  li  rois  ses  pères  avoit  sus  le  roy 
de  Navare  et  le  conte  de  Harcourt  et  monsigneur 


[id56]  LIVRE  PREMIER,  §  363.  177 

Godefroy  son  oncle  ^  mes  leur  faisoit  toute  le  bonne 
compagnie  qu'il  pooit^  l'amour  et  le  [vicinage^].  £t 
avint  que  il  les  fist  priier  par  ses  chevaliers  de  venir 
disner  avoecques  lui  ou  chastiel  de  Roem.  Li  rois  de 
Navare  et  li  contes  de  Harcourt  ne  li  vorrent  mies  5 
escondire^  mes  li  acordèrent  liement.  Toutes  fois^  se 
il  euissent  creu  monsigneur  Phelippe  de  Navare  et 
monsigneur  Godefroy  de  Harcourt ,  il  n'i  fuissent  jà 
entré.  Il  ne  les  crurent  pas^  dont  ce  fu  folie;  mes 
vinrent  à  Roem,  et  entrèrent  par  les  camps  ou  chas-  10 
tiely  où  il  furent  receu  à  grant  joie. 

Li  rois  Jehans^  qui  tous  enfourmés  estoit  de  ce  fait 
et  qui  bien  savoit  l'eure  que  li  rois  de  Navare  et  li 
contes  de  Harcourt  dévoient  estre  à  Roem  et  disner 
avoec  son  fil,  et  devoit  estre  le  samedi ,  se  départi  le  15 
venredi  à  privée  mesnie;  et  chevaucièrent  tout  ce 
jour,  et  fu  en  temps  de  quaresme^  le  nuit  de  Pasques 
flories.  Si  entra  ens  ou  chastiel  de  Roem^  ensi  que 
cil  signeur  seoient  à  table  ^  et  monta  les  degrés  de 
la  sale^  et  messires  Emoulz  d'Audrehen  devant  lui,  20 
qui  traist  une  espée  et  dist  :  «  Nulz  ne  se  mueve 
pour  cose  qu'il  voie,  se  il  ne  voelt  estre  mors  de  celle 
espée  l  9 

Vous  devés  savoir  que  li  dus  de  Normendie,  li 
rois  de  Navare ,  li  contes  de  Harcourt  et  cil  qui  S5 
seoient  à  table ,  furent  bien  esmervilliet  et  esbahi , 
quant  il  veirent  le  roy  de  France  entrer  en  le  salle  et 
faire  tel  contenance,  et  vosissent  bien  estre  aultre 
part.  Li  rois  Jehans  vint  jusques  à  la  table  où  il 


1.  Mm.  B  4,  3,  f^  165.  —  Ms.  B  1,  t.  H,  f»  63  :  c  rinage.  »  Moupmm 
leçon, 

IT— li 


i7S  CHRONIQUES  DE  J.  FR0I8SART.  [1356] 

seoient.  Adonc  se  levèrent  il  tout  contre  lui,  et  li 
cuidièrent  faire  le  reverensce,  mais  il  n'en  avoit  dou 
recevoir  nul  talent.  Ançois  s'avança  parmi  la  table 
et  lança  son  brach  dessus  le  roy  de  Navare  et  le  prist 

5  par  le  kevèce,  et  le  tira  moult  roit  contre  lui,  en  di- 
sant :  <K  Or  sus^  traittres^  tu  n'i  es  pas  dignes  de  seoir 
à  la  table  mon  fil.  Par  l'ame  à  mon  père,  je  ne  pense 
jamais  à  boire  ne  à  mengier^  tant  com  tu  vives,  n 
Là  avoit  un  escuier^  qui  s'appelloit  Colinet  de 

10  Bleville^  et  trençoit  devant  le  roy  de  Navare  :  si  fîi 
moult  courouciés  ^  quant  il  vei  son  mestre  ensi  de- 
'  mener;  et  trest  son  baselaire^  et  Faporta  en  la  poi- 
trine dou  roy  de  France^  et  dist  qu'il  l'occiroit.  Li 
^rois  laissa  à  ces  cops  le  roy  de  Navare  aler  et  dist  à 

15  ses  sergans  :  «  Prendés  moy  ce  garçon  et  son  mestre 
ossi.  »  Macier  et  sergant  d'armes  sallirent  tantost 
avant  ^  et  misent  les  mains  sus  le  roy  de  Navare  et 
l'escuier  ossi^  et  disent  :  «  Il  vous  fault  partir  de  ci, 
quand  li  rois  le  voelt.  » 

30  Là  s'umelioit  li  rois  de  Navare  grandement,  et 
disoit  au  roy  de  France  :  «  A 1  monsigneur,  pour 
Dieu  merci I  Qui  vous  a  si  dur  enfourmé  sur  moy? 
Se  Diex  m'ayt,  onques  je  ne  fis,  salve  soit  vostre 
grasce,  ne  pensay  trahison  contre  vous  ne  monsi- 

25  gneur  vostre  fil,  et  pour  Dieu  merci,  voeilliés  enten- 
dre à  raison.  Se  il  est  homs  ou  monde  qui  m'en 
voelle  amettre,  je  m'en  purgerai  par  l'ordenance  de 
vos  pers,  soit  dou  corps  ou  aultrement.  Yoirs  est 
que  je  fis  occire  Charle  d'Espagne,  qui  estoit  mon 

30  adversaire;  mais  pais  en  est,  et  s'en  ay  fait  la  peni- 
tance.  »  —  «  Aies,  trahitres,  aies ,  respondi  li  rois  de 
France.  Par  monsigneur  saint  Denis,  vous  sarés  bien 


[1356]  LIVRE  PREMIER,  §  363.  179 

preeoier  ou  jewer  d'enfaumenterie^  se  vous  m*es- 
capés.  » 

Ensi  en  fu  li  rois  de  Navare  menés  en  une  cambre 
et  tirés  moult  villatnnement  et  messires  Friches  de 
FrichanSy  uns  siens  chevaliers,  avoecques  lui,  et  Co-  5 
linés  de  Bleville;  ne  pour  cose  que  li  dus  de  Nor- 
mendie  desist,  qui  estoit  en  jenoulz  et  à  mains  jointes 
devant  le  roy  son  père^  il  ne  s'en  voloit  passer  ne 
soufirir.  Et  se  disoit  li  dus^  qui  lors  estoit  uns  jones 
enfes  :  «  Ha  1  monsigneur^  pour  Dieu  merci ,  vous  10 
me  deshonnourés.  Que  pora  on  dire  ne  recorder  de 
moy,  quant  j 'a voie  le  roy  et  ces  barons  priiés  de 
disner  dalés  moy,  et  vous  les  trettiés  ensi  ?  On  dira 
que  je  les  arai  trahis.  Et  si  ne  vi  onques  en  eulz  que 
tout  bien  et  toute  courtoisie.  »  —  «  Souflrés  vous ,  15 
Charle^  respondi  li  rois  :  il  sont  mauvais  trahiteur, 
et  leur  fait  les  descouveront  temprement.  Vous  ne 
savés  pas  tout  ce  que  je  sçai.  » 

A  ces  mos  passa  li  rois  avant ,  et  prist  une  mace 
de  sei^nt  et  s'en  vint  sus  le  conte  de  Harcourt ,  et  20 
li  donna  un  grant  horion  entre  les  espaules  et  dist  : 
«  Avant^  trahittres  orguilleus^  passés  en  prison  à  mal 
estrine.  Par  l'âme  mon  père,  vous  sarés  bien  chan- 
ter,  quant  vous  m'escaperés.  Vous  estes  dou  linage 
le  conte  de  Ghines  :  vo  fourfait  et  vos  trahisons  se  35 
descouveront  temprement.  »  Là  ne  pooit  escusance 
avoir  son  lieu  ne  estre  ove,  car  li  dis  rois  estoit  en- 
fiâmes  de  si  grant  aïr  qu'il  ne  voloit  à  riens  entendre^ 
fors  à  yaus  porter  contraire  et  damage. 

Si  furent  pris  à  son  commandement  et  ordenance  30 
li  dessus  nommet  y  et  encores  avoech  yaus  messires 
Jehans  de  Graville,  et  uns  aultres  chevaliers  qui  s'ap* 


i80  CHRONIQUBS  DE  J.  FROISSART.  [i356] 

pelloit  ïnessire  Maubue^  et  bouté  en  prison  moult 
yillainnement.  De  quoi  li  dus  de  Normendie  et  tous 
li  hostelz  fu  durement  tourblés,  et  ossi  furent  les 
bonnes  gens  de  Roem^  car  il  amoient  grandement  le 
5  conte  de  Harcourt ,  pour  tant  qu'il  leur  estoit  pro- 
pisces  et  grans  consillières  à  leurs  besoings.  Mais 
nulz  n'osoit  aler  au  devanl  ne  dire  au  roy  :  a  Sire, 
vous  faites  mal  d'ensi  trettier  ces  vaillans  hommes.  » 
Et  pour  ce  que  li  rois  desiroit  le  fin  des  dessus 

10  nommés^  et  qu'il  se  doubtoit  que  li  communautés 
de  Roem  ne  l'en  fesissent  force  ^  car  bien  sçavoit 
qu'il  avoient  grandement  à  grasce  le  conte  de  Har- 
court ,  il  fist  venir  avant  le  roy  des  ribaus  et  dist  : 
«  Délivrés  nous  de  telz;  »  Chilz  fu  tous  appareilliés 

15  au  commandement  dou  roy.  Et  furent  trait  hors  dou 
chastiel  de  Roem  et  mené  as  camps  li  contes  de 
Harcourt^  messires  Jehans  de  Graville,  messires  Mau- 
bue  et  Ck)linés  de  Bleville.  Et  furent  decolé  sans  ce 
que  li  rois  volsist  souffrir  que  oncques  fuissent  con- 

20  fessé  y  excepté  l'escuier^  mes  cesti  fist  il  grasce.  Et  li 

fu  dit  qu'il  mor[r]oit  ^  pour  tant  que  il  avoit  tret  son 

baselaire  sus  le  roy.  Et  disoit  li  dis  rois  de  France 

que  trahiteur  ne  dévoient  avoir  point  de  confession. 

Ensi  fu  ceste  haute  justice  faite  dehors  le  chastiel 

25  de  Roem^  au  commandement  dou  dit  roy  :  dont 
depuis  avinrent  pluiseurs  grans  meschiés  ou  royaume 
de  France,  ensi  que  vous  orés  recorder  avant  en 
l'y  store. 

§  364.  Ces  nouvelles  vinrent  jusques  à  monsigneur 
30  Phelippe  de  Navare  et  à  monsigneur  Godefroi  de  Har- 
court, qui  n'estoient  mies  lonch  de  là.  Si  furent^  ce 


[13K6]  LIVRE  PREMIER,  g  365.  181 

poés  VOUS  bien  croire^  grandement  esbahi  et  courou- 
ciet.  Tantost  messires  Phelippes  de  Navare  fist  escrire 
unes  lettres  de  deffianees  et  les  bailla  à  un  hiraut,  et 
li  commanda  de  l'aporter  au  roi  Jehan,  qui  se  tenoit 
encores  ens  ou  ehastiel  de  Roem.  Li  hiraus  aporta  5 
les  lettres  de  par  monsigneur  Phelippe  de  Navare  au 
roy  de  France ,  laquèle  lettre  singulerement  disoit 
ensi  :  a  A  Jehan  de  Valois ,  qui  s'escript  rois  de 
France,  Phelippes  de  Navare.  A  vous,  Jehan  de  Valois, 
segnefions  que,  pour  le  grant  tort  et  injure  que  vous  lo 
faites  à  nostre  très  chier  signeur  de  frère  monsigneur 
Charle^  roy  de  Navare,  que  de  son  corps  amettre  de 
villain  fait  et  de  trahison,  où  onques  ne  pensa  aucu^ 
nement,  et  de  vostre  poissance,  sans  loy,  droit  ne 
raison ,  l'avés  démené  et  mené  villainnement  :  de  15 
quoi  moult  courouciés  sons.  Et  le  fourfet  venu  et  né 
de  par  vous  sur  nostre  très  chier  frère,  sans  aucun 
title  juste,  amenderons,  quant  nous  porons.  Et  sa- 
chiés  que  vous  n'avés  qfte  faire  de  penser  à  son  hy- 
retage  ne  au  nostre  pour  lui  faire  morir  par  vostre  20 
cruèle  opinion,  ensi  que  jà  fesistes  pour  le  convoitise 
de  sa  terre  le  conte  Raoul  d'Eu  et  de  Ghines ,  car 
jà  vous  n'en  tenrés  piet.  Et  de  ce  jour  en  avant  vous 
défiions  et  toute  vostre  poissance,  et  vous  ferons 
guerre  mortèle  si  très  grande  comme  nous  porons.  35 
En  tesmoing  de  laquèle  cose  averir,  nous  avons  à  ces 
présentes  fait  metti*e  nostre  see}.  Données  à  Conces 
sus  Yton,  le  dix  septime  jour  dou  mois  d'avril,  l'an 
de  grasce  Nostre  Signeui*  mil  trois  cens  cinquante 
cinq.  »  30 

§  365.  Quant  li  rois  Jehans  vei  ces  lettres,  et  il 


189  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSA&T.  [1356] 

les  eut  oy  lire^  il  fîi  plus  pensieus  que  devant;  mais 
par  samblant  il  n'en  fist  nul  compte.  Toutefois  li 
rois  de  Navare  demora  en  prison.  £t  ne  fist  mies  11 
dis  rois  tout  ce  qu'il  avoit  empris;  car  on  li  ala  au 

5  devant,  aucun  de  son  conseil,  qui  un  petit  li  brisiè- 
rent  son  aïr.  Mais  c'estoit  bien  se  intention  qu'il  le 
tenroit  en  prison  tant  comme  il  viveroit,  et  li  retor- 
roit  toute  la  terre  de  Normendie. 

Encores  estoit  li  dis  rois  Jehans  ou  chastiel  de 

10  Roem,  quant  aultres  lettres  de  deffiances  li  vinrent 
de  monsigneur  Loeis  de  Navare ,  de  monsigneur 
Godefroi  de  Harcourt^  dou  jone  fil  ainnë  le  conte 
de  Harcourt^  qui  s'appelloit  Guillaumes^  de  l'oîr  de 
Graville,  de  monsigneur  Pière  de  Sakenville  et  bien 

15  de  vingt  chevaliers.  Or  eut  li  rois  plus  à  faire  et  à 

penser  que  devant^  mais  par  samblant  il  passa  tout 

*  legierement  et  n'en  fist  compte,  car  il  se  sentoit 

grans  et  fors  assés  pour  résister  contre  tous  et  yaus 

destruire.  Si  se  départi  li  dis  rois  de  Roem,  et  li  dus 

20  de  Normendie  avoecques  lui,  et  s'en  retournèrent  à 
Paris. 

Si  fîi  li  rois  de  Navare  en  celle  sepmainne  ame*- 
nës  à  Paris  à  tout  grant  fuison  de  gens  d'armes  et 
de  sergans  et  mis  ou  chastiel  dou  Louvre,  où  on  li 

25  fist  moult  de  malaises  et  de  paours^  car  tous  les 
jours  et  toutes  les  nuis,  cinq  ou  six  fois,  on  li  don- 
noit  à  entendre  que  on  le  feroit  morir,  une  heure 
que  on  li  trenceroit  la  teste,  l'autre  que  on  le  jette- 
roit  en  un  sac  en  Sainne.  Il  li  couvenoit  tout  oïr  et 

30  prendre  en  gré,  car  il  ne  pooit  mies  là  faire  le  mes- 
tre.  Et  paloit  si  bellement  et  si  doucement  à  ses 
gardes,  toutdis  en  li  escusant  si  raisonnablement, 


[1356]  LIVRE  PREMIEE,  $  3M.  183 

que  cil  qai  ensi  le  demenoient  et  trettioient,  par  le 
commandement  dou  roy  de  France^  en  avoient  grant 
pité.  Si  fu  en  celle  saison  translatés  et  menés  en 
Cambresis  et  mis  ens  ou  fort  chastiel  de  Grievecoer. 
et  sur  lui  bonnes  et  especiaulz  gardes ,  ne  point  ne  5 
vuidoit  d'une  tour  où  il  estoit  mis,  mais  il  avoit 
toutes  cos^  apertenans  à  luî^  et  estoit  servis  bien 
et  notablement.  Si  le  commença  li  rois  de  France  à 
entroublier;  mais  si  frère  ne  l'oubliièrent  point,  ensi 
que  je  vous  dirai  ensievant.  10 

§  366.  Tantost  apriès  les  deffiances  envoiies  des 
enfans  de  Navare  et  des  Normans  dessus  nommés 
au  roy  de  France^  il  pourveirent  leurs  villes,  leurs 
chastiaus  et  leurs  garnisons  bien  et  grossement  de 
tout  ce  qu'il  apertient,  sus  entente  de  faire  guerre  au  15 
royaume  de  France. 

En  ce  temps  se  tenoit  messires  Loeis  de  Harcourt, 
fi^ères  au  conte  de  Harcourt  que  li  rois  de  France 
avoit  fait  morir^  dalés  le  duch  de  Mormendie;  et 
n'estoit  de  riens  encoupés  ne  retés  en  France  ne  en  so 
l'ostel  dou  roy  ne  dou  duch ,  de  nulle  maie  ùçon. 
Dont  il  avint  que  messires  Godefrois  de  Harcourt  li 
segnefia  sen  entente,  et  li  manda  qu'il  retournast 
devers  lui  et  devers  son  linage,  pour  aidier  à  contre- 
vengier  le  mort  dou  conte  son  firère,  que  on  avait  fait  S5 
morir  à  tort  et  sans  cause^  dont  ce  leur  estoit  uns 
grans  blasmes. 

Messires  Loeis  de  Harcourt  ne  fîi  miea  adonc  con* 
silliés  de  lui  traire  celle  part,  mes  s'en  escusa;  et  dist 
qu'il  estoit  homs  de  fief  au  roy  de  France  et  au  duch  30 
de  Normendie,  et  que,  se  il  plaisoit  à  Dieu^  il  ne  guer- 


184  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSA&T.  [13tt6] 

rieroit  son  naturel  signeur  ne  iroit  contre  ce  qu'il 
avoit  juret. 

Quant  messires  Godefrois  ses  oncles  vei  ce,  si  fu 
durement  courouciés  sus  son  neveu  ^  et  li  manda 
5  que  c'estoit  uns  homs  fallis  et  que  jamais  il  n'avoit 
que  faire  de  tendre  ne  de  penser  à  hiretage  qu'il  te- 
nist^  car  il  l'en  feroit  si  eiLcnt  que  il  n'en  tenroit  den- 
rée; et  tout  ce  que  il  li  prommist^  il  le  tint  bien^  si 
com  je  vous  irecorderai. 

10  Si  tretost  que  li  dessus  dis  messires  Phelippes  de 
Navare  et  messires  Godefrois  de  Harcourt  eurent 
garni  et  pouryeu  leurs  vUles  et  leurs  chastiaus,  U 
s'avisèrent  qu'il  s'en  iroient  en  Engleterre  parler  au 
roy  Edouwart^  et  feroient  grans  alliances  à  lui^  car  aul- 

15  trement  ne  se  pooient  il  contrevengier.   Si  ordon- 
nèrent monsigneur  Loeis  de  Navare  à  demorer  en 
Normendie^  et  avoech  lui  le  Basde  de  Maruel  et  au- 
cuns chevaliers  navaroîs,  pour  garder  les  frontières 
,  jusques  à  leur  retour.  Et  vinrent  à  Chierebourch,  et 

20  là  montèrent  il  en  mer,  et  esploitièrent  tant  par 
leurs  journées  qu'il  vinrent  à  Hantonne  :  là  prisent 
il  terre  en  Engleterre.  Et  puis  issirent  de  leurs  vais- 
siaus^  et  se  rafreschirent  en  le  ville  un  jour.  A  l'en- 
demain  j  il  montèrent  sus  leurs  chevaus  et  chevau- 

S5  cièrent  tant  que  il  vinrent  à  Cènes,  oit  li  rois 
d'Engleterre  se  tenoit,- assés  priés  de  Londres,  car 
tous  ses  consaulz  estoit  adonc  à  Londres. 

Vous  devés  savoir  que  li  rois  reçut  à  grant  joie 
son  cousin  monsigneur  Phelippe  de  Navare  et  mon- 

30  bigneur  Godefroi  de  Harcourt,  car  il  estoit  jà  tous 
enfourmés  de  leur  matère  :  si  en  pensoit  bien 
mieulz  à  valoir^  en  fortefiant  sa  guerre.  Li  dessus  dit 


[1356]  UVRB  PREBOER,  g  366.  185 

fisent  leur  plainte  au  roy,  li  uns  de  le  mort  de  son 
neveu^  et  li  aultres  de  le  prise  et  dou  grant  blasme^ 
et  sans  cause,  ce  disoit,  que  on  faisoit  à  son  frère. 
Si  s'en  traioient  par  devers  le  roy  d'Ëngleterre 
comme  au  plus  droiturier  signeur  de  toute  cres-  5 
tienté^  pour  avoir  vengance  et  amendement  de  ce 
Élit  qui  regardoit  à  trop  grant  cose.  Et  ou  cas  que 
ilz  les  en  vodroit  adrecier^  conforter  et  consillier^  il 
li  raportoient  et  mettoient  çn  ses  mains  cités^  villes 
et  chastiaus  que  il  tenoient  en  Normendie^  et  que  li  lo 
rois  de  Navare  et  li  contes  de  Harcourt  y  tenoient  au 
jour  de  leur  prise. 

li  rois  d'Ëngleterre  n'euist  jamais  reftiset  ce  pré- 
sent, mais  leur  dist  que  volentiers  les  aideroit  et 
feroit  aidier  par  ses  gens.  «  Et  pour  ce  que  vostre  15 
fait  demande  hastieve  expédition,  et  que  veci  la  sai- 
son qu'il  fait  bon  guerroiier,  mon  biau  cousin  de 
Lancastre  est  sus  les  frontières  de  Bretagne.  Je  li 
escrirai  et  manderai ,  especialment  que^  à  tout  ce 
que  il  a  de  gens,  il  se  traie  devers  vous.  Et  encores  y  30 
envolerai  je  temprement,  tant  que  pour  faire  bonne 
guerre  à  vos  ennemis.  Si  conunencerés  à  guerrier  celle 
saison;  et  toutdis  vous  croistera  et  venra  devant  le 
main  force,  ayde  et  poissance.  »  —  «  Chiers  sires,  res- 
pondirent  li  dessus  nommet,  vous  nous  offres  tant  35 
que  par  raison  il  nous  doit  et  poet  bien  souflBj^;  et 
Diex  le  vous  puist  merir  1  » 

Apriès  ces  alliances  et  ces  confirmations  d'amour, 
li  dessus  dit,  qui  tiroient  de  retourner  en  Normen- 
die,  ne  séjournèrent  point  plenté;  mais  ançois  leur  30 
département,  il  alèrent  veoir  madame  la  royne  d'Ën- 
gleterre qui  se  tenoit  à  Windesore,  laquèle  leur  fist 


186  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAHT.  [I3M] 

grant  feste^  et  ossi  fisent  toutes  les  aultres  dames  et 
damoiselles. 

Apriès  ces  honneurs  et  ces  conjoissemen^  Eus,  li 
dessus  dit  se  misent  au  retour,  grandement  bien  con- 

5  tenté  dou  roy  et  de  son  conseil.  Et  leur  furent  bail- 
liet  cent  hommes  d'armes  et  dèus  cens  arciers^  des- 
quelz  li  sires  de  Ros  et  li  sires  de  I^uefville  estoient 
chapitainne.  Si  fisent  tant  qu'il  arrivèrent  sans  péril 
et  sans  damage  ou  havene  de  Chierebourch,  qui  est^ 

10  ensi  que  Calais,  une  des  fortes  places  dou  monde. 

§  367.  Depuis  ne  demora  gaires  de  temps  que  li 
dus  de  Lancastre,  qui  se  tenoit  viers  Pontourson^  fil 
segnefiiés  dou  roy  d'Ëngleterre^  son  signeur  et  son 
cousin^  que  tout  le  confort  et  ayde  que  il  pooit  faire 

15  as  enfans  de  Navare  et  à  chiaus  de  Harcourt  et  leurs 
aUiiés^  il  le  fesist^  en  contrevengant  les  despis  que 
son  adversaire  de  Valois  leur  avoit  fais.  Li  dus  de 
Lancastre  se  tint  tantost  pour  tous  enfourmés  de  ceste 
besongne  et  volt  obéir  au  commandement  son  ^i- 

20  gneur  le  roy^  ce  fu  raisons;  et  recueiUa  toutes  ses 

gens^  où  il  avoit  bien  cinq  cens  lances  et  mil  ar- 

ciers.  Si  se  mist  au  chemin  par  devers  Normendie  et 

devers  Chierebourch. 

En  se  route  estoit  messires  Robers  CanoUe,  qui  se 

25  commençoit  jà  grandement  à  faire  et  à  avancier;  et 
estoit  moult  renommés  ens  [es]  guerres  de  Bretagne 
pour  le  plus  able  et  soubtil  homme  d'armes  qui  fîist 
en  toutes  les  routes,  et  le  mieulz  amés  de  tous  po- 
vres  compagnons,  et  qui  plus  de  biens  leur  faisoit. 

30  Li  dus  de  Lancastre^  messires  Phelippes  de  Na- 
vare,  messires  Godefrois  de  Harcourt  et  leurs  gens  se 


[4356]  UnUB  PREMIER,  S  3B7.  187 

misent  tout  ensamble^  et  li  sires  de  Ros  et  li  sires  de 
NuefVilley  qui  avoient  passet  le  mer  avoech  yaus  ;  et 
firent  tant  qu'il  se  trouvèrent  douze  cens  lances^ 
seize  cens  archiers  et  deus  mil  brigans  à  lances  et  à 
pavais^  et  fisent  leur  assamblée  en  le  cité  d'Eyrues.     5 

Là  estoient  messires  Loeis  de  Navare^  li  jones  contes 
de  Harcourt^  messires  Robers  CanoUes,  messires  li 
Bascles  de  Maruel^  messires  Pières  de  Sakenville^  mes- 
sires Guillaumes  de  Gauville^  messires  Jehans  Car- 
beniaus^  messires  Sanses  Lopins,  messires  Jehans  10 
Jeuiel  y  messires  Guillaumes  Bonnemare ,  messires 
Foudrigais^  Jehans  de  Segure^  Fallemont^  Hanekin 
François  et  pluiseurs  bons  chevaliers  et  escuiers^ 
appert  homme  d'armes  y  qui  ne  desiroient  fors  que 
le  guerre.  Si  se  départirent  ces  gens  d'armes  d'E-  15 
vrues  en  grant  ordenance^  et  bon  arroi^  banières  et 
pennons  desploiiés  ;  et  chevaucièrent  devers  Vernon. 
Si  passèrent  à  Aquegni  et  puis  à  Pasci^  et  commen- 
cièrent  à  pillier^  à  rober  et  à  ardoir  tout  le  pays  par 
devant  yaus^  et  à  faire  le  plus  grant  essil  et  le  plus  20 
forte  guerre  dou  monde.  ^ 

Li  rois  de  France^  qui  n'en  attendoit  aultre  cose, 
et  qui  avoit  jette  son  avis  et  imagination  à  entrer 
efforciement  en  le  conté  d'Evrues  pour  saisir  villes 
et  chastiaus^  avoit  fait  son  mandement  par  tout  son  S5 
royaume^  ossi  grant  et  ossi  fort  que  pour  aler  contre 
le  roy  d'Engleterre  et  se  poissance.  Si  entendi  li  dis 
rois  que  li  dus  de  Lancastre^  Englès  et  Navarois,  che- 
vauçoient  vers  Roem  et  mettoient  le  pays  en  grant 
tribulation^  et  que  li  Englès  dou  temps  passé  n'i  30 
avoient  point  fait  tant  de  despis  que  chil  qui  à  pré- 
sent y  estoient  y  faisoient^  par  l'enort  et  confort  des 


i88  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1386] 

Navarois.  Âdonc  li  rois  de  France,  esmeus  de  contre- 
vengier  ces  despis,  se  parti  de  Paris  et  s'en  vint  à 
Saint  Denis  ^  où  là  l'attendoit  grant  fuison  de  gens 
d'armes^  et  encores  l'en  venoient  tous  les  jours. 

5  Li  dus  de  Lancastre  et  li  Navarois^  qui  chevau- 
çoient  en  grant  route  et  qui  ardoient  tout  le  plat 
pays^  s'en  vinrent  à  Vrenon,  qui  estoit  bonne  ville 
et  grosse  ;  si  fu  toute  arse  et  toute  robée  :  n'i  demora 
que  li  chastiaus.  Et  puis  chevaucièrent  vers  Yrenuel, 

10  et  fisent  tant  qu'il  y  parvinrent.  Si  fu  la  ditte  ville 
toute  arse^  et  ossi  furent  les  fourbours  de  Roem. 

Adonc  s'esmut  li  rois  de  France  et  s'en  vint  à  Pon- 
toise,  où  si  doi  mareschal  estoient^  messires  Jehans  de 
Qermont  et  messires  Ernoulz  d'Audrehen.  Et  toutes 

15  ses  gens  d'armes  s'en  vinrent  celle  part  et  le  sievoient 
à  effort.  Li  rois  s'en  vint  à  Mantes  pour  aprendre 
dou  convenant  des  Englès  et  des  Navarois;  si  entendi 
qu'il  se  tenoient  entours  Roem^  et  ardoient  et  des- 
truisoient  le  plat  pays.  Adonc  li  rois^  esmeus  et  cou- 

20  rouciës^  se  desparti  de  Mantes^  et  chevauça  tant  qu'il 
vint  à  Roem;  si  y  séjourna  trois  jours. 

En  ce  terme  furent  toutes  ses  gens  venues^  où  plus 
avoit  de  dix  mil  hommes  d'armes,  sans  les  aultres  de 
mendre  estât  ;   et  estoient  bien  trente  mil  comba- 

35  tans^  uns  c'autres.  Si  entra  li  rois  ou  droit  esclos  des 
Englès  et  des  Navarois^  et  dist  que  jamais  ne  retour*- 
neroit  à  Paris ,  si  les  aroit  combatus^  se  il  l'osoient 
attendre. 

Li  dus  de  Lancastre^  messires  Phelippes  de  Navare^ 

30  messires  Godefrois  de  Harcourt  et  messires  Robers 
Canolles^  qui  gouvrenoient  leurs  gens^  entendirent 
et  sceurent  de  vérité  que  li  rois  de  France  et  li  Fran- 


[1356]  LIVRE  PREMIER,  S  367.  189 

çois  venoient  sus  yaus^  si  efforciemenl  que  à  qua- 
rante mil  chevaus.  Si  eurent  conseil  que  petit  à  pe- 
tit il  se  retrairoient^  et  point  en  forterèce  qui  fust  en 
Normendie  ne  en  Constentin  ne  s'encloroient.  Si  se 
retraisent  tout  bellement  et  prisent  le  chemin  de  5 
PAigle,  pour  aler  devers  Pontourson  et  viers  Chie- 
rebourch. 

Li  rois  de  France^  qui  grant  désir  avoit  d'yaus 
trouver  et  combatre^  les  sievoit  moult  aigrement^  et 
avoit  grant  compassion,  ensi  qu'il  chevauçoit,  de  son  lo 
bon  pays  qu'il  trouvoit  ars^  perdu  et  destruit  trop 
malement.  Si  prommetoit  bien  as  dis  Navarois  que 
chierement  leur  feroit  comparer  ce  fourfait^  se  il  les 
pooit  attaindre.  Tant  s'esploita  li  rois  et  si  fort  les 
poursievi  que  si  coureur  trouvèrent  les  leurs  assés  15 
priés  de  l'Aigle  en  Normendie^  où  li  dit  Englès  et 
Navarois  estoient  logiet  et  arresté;  et  moustroient 
par  samblant  contenance  et  visage  qu'il  se  vorroient 
combatre. 

Et  tout  ensi  fu  raporté  au  roy  de  France,  qui  en  so 
eut  grant  joie,  quant  il  oy  ces  nouvelles  ;  et  chevauça 
avant  et  commanda  toutes  gens  à  logier  et  à  prendre 
place,  car  il  voloit  combatre  ses  ennemis.  Si  se  lo- 
gièrent  li  François  ens  lins  biaus  plains,  et  estoient 
quarante  mil  hommes.  Là  estoit  toute  la  fleur  de  9& 
la  chevalerie  de  France ,  et  tant  de  grans  et  de  haus 
signeurs  que  merveilles  seroit  au  recorder. 

Que  vous  feroi  je  lonch  compte  de  ceste  beson- 
gne?  Li  rois  de  France  et  li  François  cuidièrent  bien 
ce  jour  combatre  leurs  ennemis,  car  li  Englès  et  li  80 
Navarois  avoient  ordonné  leurs  batailles.  Et  pour  ce 
ossi,  d'autre  part,  li  François  ordonnèrent  les  leurs. 


190  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSâAT.  [i8S6] 

Et  furent  tout  ce  jour  en  œl  cistat  Tun  devant  l'autre 
que  point  n'assamblèrent.  Et  faisoient  trop  bien 
mousse  ^  U  Englès  et  li  Navarois^  et  ordenance  de 
bataille;  et  puis  se  faindoient  et  point  ne  traioient 

5  avant^  car  il  ne  se  veoient  à  juste  pareçon  contre  les 
François. 

Si  se  retraisent  li  dit  François  pour  ce  soir  en 
leurs  logeis  et  fisent  grant  ghet^  car  il  cuidoient  bien 
estre  escannuciet^  pour  tant  que  li  Navarois  ne  s'es<- 

10  toient  ce  jour  point  tret  avant.  Moult  fii  ceste  orde- 
nance des  Englès  et  des  Navarois  sagement  et  belle* 
ment  démenée^  car  au  soir  il  ordonnèrent  deus  cens 
des  leurs  ^  tous  des  mieulz  montés  ^  à  faire  à  l'ende- 
main  monstre  et  visage  contre  les  François  jusques  à 

15  heure  de  nonne^  et  puis  les  sievroient  ;  si  leur  disent 
où  il  les  trouveroient. 

Ensi  qu'il  fu  ordonné ,  fîi  il  fait.  Quant  ce  vint 
environ  mienuit^  li  dus  de  Lancastre ,  messires  Phe- 
lippes  de  Navare  et  tout  li  demorant  de  l'ost  montè- 

ao  rent  et  se  partirent  et  prisent  le  chemin  de  Chiere- 
bourch  y  excepté  aucuns  chapitains  navarois  qui  se 
retraisent  vers  leurs  garnisons^  dont  en  devant  il  s'es- 
toient  parti.  Si  s'en  retournèrent  à  Evrues  messires 
Jehans  Carbeniaus ,  messires  Guillaumes  Bonnemare 

S5  et  Jehans  de  Segure ,  à  Conces  messires  Foudrigais , 
messires  Martins  de  Spaiçne,  Fallemont^  Richars 
Frankelins  et  Robins  Lescot^  à  Bretuel  messires  San* 
ses  Lopins,  Radigos  et  Hennekins  François,  et  ensi 
tout  li  compagnon  :  cescuns  se  retrest  en  sa  garnison* 

80  Et  li  dus  de  Lancastre  et  li  aultre  se  retraisent  en 
celle  forte  marce  de  Chierebourch. 
Or  vous  compterons  dou  roy  de  France  qui  à  l'en- 


[1396]  LIVRE  PREMIER,  $  368.  191 

demain  cuidoit  avoir  la  bataille;  si  fist  au  matin 
sonner  ses  trompètes.  Si  s'armèrent  toutes  gens  et 
montèrent  à  chevaus,  banières  et  pennons  devant 
yaus^  et  se  traisent  tout  sus  les  camps ,  et  se  misent 
en  ordenaace  de  bataille.  Et  veoient  devant  yaus  au  5 
dehors  d'une  haie  ces  deus  cens  Navarois  tous  ren- 
giés.  Si  cuidoient  li  dit  François  que  ce  fust  des  leurs 
une  bataille  à  cheval  qui  s'arrestassent  là  contre 
yaus.  Si  les  tinrent  cil  Navarois  ensi  jusques  à  nonne^ 
et  puis  ferirent  chevaus  des  esporons  et  se  par-  lo 
tirent. 

Li  rois  de  France  enyoia  ses  coureurs  jusques  à  là, 
à  savoir  que  ce  volôit  estre.  Si  chevaucièrent  cil  qui 
envoiiet  y  furent  jusques  à  la  haie  ^  et  raportèrent 
que  il  n'avoient  nullui  trouvet.  Assés  tost  vinrent  15 
nouvelles  en  l'ost,  des  gens  dou  pays,  que  li  Englès 
et  li  Navarois  pooient  bien  estre  eslongié  quinze 
liewes^  car  il  estoient  parti  très  le  mienuit.,  Adonc  fii 
dit  au  roy  que  de  yaus  plus  poursievir  il  perderoit 
se  painne,  mes  presist  un  aultre  conseil.  Lors  se  con-  90 
seilla  li  rois  à  chiaus  qui  dalés  lui  estoient  où  il  avoit 
le  plus  grant  fiance  y  à  ses  cousins  de  Bourbon  et  à 
ses  cousins  d'Artois  et  à  ses  deus  mareschaus. 

§  368.  Li  rois  de  France  fu  adonc  consiUiés,  ou 
cas  que  il  avoit  là  si  grans  gens  d'armes  et  toutes  S5 
ses  ordenances  prestes  pour  guerriier^  que  il  se  trai- 
sist  devant  la  cité  d'Evrues  et  y  mesist  le  siège  ;  car 
mieulz  ne  pooit  il  emploiier  ses  gens  que  d'aler 
devant  celle  cilé^  et  fesist  tant  que  il  l'euist^  et  puis 
tous  les  fors  et  les  chastiaus  dou  roy  de  Navare.  Ce  80 
conseil  tînt  li  rois  de  France  à  bon  y  et  s'en  retourna 


19S  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [1396] 

vers  Roem,  et  fist  tant  que  il  y  parvint.  Et  comment 
que  il  euist  laissiet  le  poursieute  des  Englès  et  des 
Navarois^  si  ne  donna  il.  nullui  congiet. 

Quant  li  rois  fu  venus  à  Roem^  il  n'i  séjourna  point 
5  lonch  temps  ^  mes  se  trest  o  toutes  ses  hoos  par 
avant  le  cité  d'Evrues^  et  là  mist  le  siège  fortement 
et  durement.  Et  fist  achariier  et  amener  avoecques 
lui  de  le  cité  de  Roem  tous  les  engiens  pour  drecier 
devant  le  ville  et  le  cité  d'Evrues,  et  encores  en  fist 

10  il  faire  assés. 

A  Evrues^  a  bourch^  cité  et  chastiel,  et  tout  fermé 
à  par  lui.  Si  se  loga  li  rois  de  France  devant  le  bourch 
et  y  fist  faire  pluiseurs  assaus.  Finablement^  cil  de  le 
ville  doubtèrent  à  perdre  corps  et  biens ,  car  il  es- 

15  toient  moult  apressé  d'assaus  que  li  François  leur 
faisoient.  Si  entrèrent  en  grans  trettiés  que  d'yaus 
rendre^  salve  leurs  corps  et  leurs  biens.  Li  rois 
Jehaos  fu  si  consilliés  qu'il  le  prist.  Si  ouvrirent  li 
boui^ois  d*Evrues  les  portes  de  leur  ville  et  misent 

20  les  François  dedens  ;  mes  pour  ce  ne  furent  il  mies 
en  le  cité^  car  elle  estoit  et  est  ossi  bien  fremée  de 
murs ,  de  portes  et  de  fossés  comme  li  bours  est. 
Toutes  fois  li  rois  de  France  fist  logier  son  connesta- 
ble  et  ses  mareschaus  et  le  plus  grant  partie  de  son 

25  host  en  le  ditte  ville^  et  il  tint  encores  son  logeis  as 
camps^  ensi  comme  il  avoit  fait  en  devant. 

Les  gens  le  roy  de  France^  quant  il  se  fiirent  logiet 
ou  bourch  d'Evrues^  commencièrent  à  soutillier 
comment  il  poroient  conquerre  la  cité.  Si  fisent  em- 

30  plir  les  fossés  au  plus  estroit  et  mains  parfont ,  tant 
que  on  pooit  bien  aler  jusqu'à  murs  pour  combatre 
main  à  main.  Quant  cil  qui  en  le  cité  demoroient  se 


[1356]  LIVRE  PREMIER,  S  ^69.  193 

veirent  ensi  apressé^  si  se  commencièrent  à  esbahir^ 
et  eurent  conseil  que  d^yaus  rendre,  salve  leurs  vies 
et  leurs  biens.  On  remoustra  ces  trettiés  au  roy  de 
France^  se  il  le  voloit  faire;  il  fîi  adonc  si  consilliés 
que  il  les  prist  à  merci.  & 

Ensi  eurent  li  François  le  bourch  et  le  cité;  mes 
pour  ce  n'eurent  il  mies  le  chastiel  qui  estoit  en  le 
garde  de  monsigneur  Jehan  Carbiniel  et  de  monsi- 
gneur  Guillaume  de  Gauville.  Ançois  y  sist  li  rois 
de  France  plus  de  sept  sepmainnes  devant  qu'il  le  ^^ 
peuist  avoir.  Et  quant  il  l'eut,  ce  fu  par  compo- 
sition tèle  que  tout  li  chevalier  et  escuier  qui  de- 
dens  estoient  s'en  partirent^  salve  le  leur  et  leurs 
corps  ;  et  se  pooient  sauvement  traire  là  où  il  leur 
plaisoit.  Si  se  traisent^  si  com  je  fui  enfourmés^  ens  ^^ 
ou  chastiel  de  Bretuel^  qui  est  uns  des  biaus  et  des 
fors,  seans  à  plainne  terre  ^  qui  soit  en  toute  Nor- 
mendie. 

Si  fist  li  rois  Jehans  de  France  prendre  le  saisine 
et  possession  par  ses  mareschaus  dou  chastiel  d'E-  ^^ 
vrues^  et  en  ot  grant  joie  quant  il  en  fii  sires;  et 
dist  bien  que  jamais  de  son  temps  ne  le  renderoit 
as  Navarois.  Ensi  eut  li  rois  de  France  le  bourch^  le 
cité  et  le  chastiel  d'Evrues;  mais  moult  li  cousta 
d'or  et  d'argent  en  saudoiiers^  et  le  fist  depuis  bien  ^^ 
garder  à  son  pooir.  Mais  encores  le  reut  li  rois  de 
Navare,  par  le  fût  de  monsigneur  Guillaume  de 
Gauville^  ensi  que  vous  orés  recorder  avant  en 
l'istore. 

§  369.  Âpriès  le  conques  d'Evrues,  si  com  ci  des-  ^^ 
sus  est  dit  j  li  rois  de  France  et  toute  son  host  s'en 

IV—  13 


IM  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1356] 

partie  et  se  traist  par  devant  le  ehastiel  de  Bretuel^ 
et  là  mist  le  siège.  Si  avoit  bien  en  son  host  sois- 
sante  mil  chevaus  ;  et  eut  devant  Bretuel  le  plus 
biau  siège  et  le  plus  plentiveus^   et  le  plus  grant 

5  fuisoiï  de  chevaliers  et  d'escuiers  et  de  haus  signeurs 
que  on  avoit  veu  en  France  ensamble  devant  forte- 
rèce  séant  à  siège^  depuis  le  siège  d'AguiUon. 

Là  vinrent  veoir  le  roy  de  France  pluiseur  signeur 
estragnier^  telz  que  li  contes  de  Douglas  d'Escoce^  à 

10  qui  li  rois  de  France  fîst  grant  cière^  et  li  donna  cinq 
cens  livrées  de  revenue  par  an  en  hiretage  séant  en 
France.  Et  de  ce  devint  li  dis  contes  homs  au  roy  de 
France^   et  demora  toute  la  saison  avoecques  lui. 

.    Ossi  vint  en  Fost  dou  dit  roy  de  France  dan  Henri 

15  de  Chastille^  qui   s'appelloit  bastars  d'Espagne  et 

contes  de  Tristemare,  et  amena  avoecques  lui  une 

grant  route  d'Espagnolz^  qui  furent  tout  receu  à  sans 

et  à  gages  par  le  commandement  dou  roy  de  France. 

Et  saciés  que  li  François,  qui  estoient  devant  Bre- 

20  tuel ,  ne  sejoumoient  mies  de  imaginer  et  soutiUier 
pluiseurs  assaus^  pour  plus  grever  chiaus  de  le  gar- 
nison. Ossi  li  chevalier  et  escuier^  qui  dedens  es- 
toient ^  soutilloient  nuit  et  jour^  pour  yaus  porter 
contraire  et  damage.    Et  avoient  cil  de  l'host  Eût 

S5  lever  et  drecier  grans  engiens  qui  jettoient  nuit  et 
jour  sus  les  combles  des  tours,  et  ce  moult  les  travil- 
loit.  Et  fîst  li  rois  de  France  faire  par  grant  fuison 
de  carpentiers  un  grant  berfroit  à .  trois  estages^  cpie 
on  menoit  à  roes^  quel  part  que  on  voloit  :  en  çascun 

30  estage  pooient  bien  entrer  deus  cens  hommes  et  tous 
yaus  aidier;  et  estoit  breteskiés  et  cuiriés,  pour  le 
tret^  trop  malement  fort.  Et  Tappelloient  li  pluiseur 


[1356]  UVRE  PREMIER,  §  369.  195 

un  cat^  et  li  aultre  un  atournement  d'assaut.  Si  ne 
fu  mies  si  tost  fais^  carpentés  ne  ouvrés.  Entrues 
que  on  le  carpenta  et  appareilla ,  on  fist  par  les  vil- 
lains  dou  pays  amener^  aporter  et  achariier  grant 
foison  de  bois,  et  tout  reverser  ens  es  fossés,  et  es-  5 
train  et  terre  sus  pour  amener  le  dît  engien  sus  les 
quatre  roes  jusques  as  murs,  pour  combatre  à  chiaus 
de  d'ens.  Si  mist  on  bien  un  mois  à  emplir  les 
fossés,  à  Fendroit  où  on  voloit  assallir,  et  à  faire  le 
chai.  Quant  tout  fu  prest,  en  ce  bierefroi  entrèrent  10 
grant  fuison  de  bons  chevaliers  et  escuiers  qui  se 
desiroient  à  avancier.  Si  fu  cis  berfrois  sus  ces  quatre 
roes  aboutés  et  amenés  jusques  as  murs. 

Cil  de  le  garnison  avoient  bien  veu  faire  le  dit 
berfroi,  et  savoient  Fordenance  en  partie  comment  15 
on  les  devoit  assallir.  Si  s'estoient  pourveu,  selonch 
ce,  de  kanons  jettans  feu  et  grans  gros  quariaus,  pour 
tout  desrompre.  Si  se  misent  tan  tost  en  ordenance, 
pour  assallir  cel  berfroi,  et  yaus  defiendre  de  grant 
volenté.  Et  de  commencement,  ançois  que  il  fesis-  20 
sent  traire  leurs  canons ,  il  s'en  vinrent  combatre  à 
chiaus  dou  berfroi  francement ,  main  à  main  ;  la  eut 
fait  pluiseurs  grans  apertises  d'armes.  Quant  il  se  fu- 
rent plenté  esbatu,  il  conunencièrent  à  traire  de 
leur  kanons  et  à  jetter  feu  sus  ce  berfroi  et  dedens,   25 
et  avoecques  ce  feu  traire  espessement  grans  qua- 
riaus  et  gros  qui  en  blecièrent  et  occirent  grant 
fuison;  et  telement  les  ensonniièrent  que  il  ne  sa- 
voient auquel  entendre.  Li  feus,  qui  estoit  grigois, 
se  prist  ou  toit  de  ce  berfroi,  et  convint  chiaus  qui  30 
dedens  estoient  issir  de  force  ;  aultrement  il  euissent 
esté  tout  ars  et  perdu. 


«96  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1356] 

Quant  li  compagnon  de  Bretuel  veirent  ce^  si  eut 
entre  yaus  grant  juperie,  et  s'escriièrent  hault  : 
((  Saint  Joi^e  I  loyauté  !»  et  a  Navare  !  loyauté  1  » 
Et  puis  disent  :  «  Signeur  irançois^  par  Dieu^  vous 
5  ne  nous  avés  point ,  ensi  que  vous  cuidiés.  »  Si  de- 
mora  la  grigneur  partie  de  ce  berrefroi  en  ces  fossés^ 
ne  onques  depuis  nulz  n'i  entra;  mes  entendi  on  à 
emplir  les  dis  fossés  à  tous  lés^  et  y  avoit  bien  tous 
les  jours  quinze  cens  hommes  qui  ne  faisoient  aultre 
10  cose. 

§  370.  En  ce  temps  que  li  rois  de  France  tenoit 
le  siège  devant  Bretuel^  se  départi  li  princes  de 
Galles  de  Bourdiaus  sus  Garone^  où  tenus  s*estoît 
tout  le  temps  ^  et  avoit  fait  faire  ses  pourveances  si 

15  belles  et  si  grosses  [qu'il  avoit  peu  *],  car  il  voloit  che- 
vaucier  en  France  bien  avant,  espoir  venir  jusques 
e^  Normendie  et  sus  les  frontières  de  Bretagne  pour 
conforter  les  Navarois;  car  bien  estoit  enfourmés  et 
segnefiiés  que  li  rois  ses  pères  et  li  enfant  de  Navare 

20  et  cil  de  Harcourt  avoient  grans  alliances  ensamble. 
Si  estoit  li  dis  princes  de  Galles  partis  en  celle  istance 
de  Bourdiaus,  à  tout  deus  mil  hommes  d'armes  et 
six  mil  arciers  parmi  les  brigans.  Et  tout  chil  baron 
et   chevalier  y  estoient,   especiaument  qui  furent 

25  avoecques  lui  en  le  chevaucie  de  Carcassonne  et  de 
le  langue  d'ok;  se  n'ont  que  faire  d'estre  maintenant 
nommet* 
Si  chevauçoient  li  dis  princes  et  cil  signeur  et  leurs 


1.  M».  B  3,  f>  182  To.  —  Ms.  B  1,  t.  II,  f»6d  :  t  qu'à  parer,  i  — 
Ms.  B  4,  f>  162  :  c  préparer.  » 


[i3»61  LIVRE  PREMIER,  $  370.  197 

gens  ordonneement  ^  et  passèrent  la  rivière  de  Ga- 
rone  à  Br^erach^  et  puis  oultre^  en  venant  en  Roerge^ 
le  rivière  de  Dourdonne.  Si  entrèrent  en  ce  pays  de 
Roerge^  et  commencièrent  à  guerriier  fortement^  à 
rançonner  villes  et  chastiaus  ou  ardoir^  à  prendre  5 
gens^  à  trouver  pourveanees  grandes  et  grosses^  car 
li  pays  estoit  lors  pourveus^  et  demoroit  tout  brisiet 
et  essilliet  derrière  yaus.  Si  entrèrent  en  Auvergne^ 
et  passèrent  et  rapassèrent  pluiseurs  fois  le  rivière 
d'Allier^  ne  nulz  ne  lor  aloit  au  devant.  Et  prisent  10 
leur  adrèce  en  Limozin ,  pour  venir  en  ce  bon  et 
gras  pays  de  Berri^  et  trouver  celle  rivière  de  Loire. 
Des  vivres  qu'il  trouvoient ,  faisoient  il  grans  super- 
fluités^  car  ce  qui  leur  demoroit  il  ardoient  et  exil- 
loient.  15 

Les  nouvelles  en  vinrent  au  roy  de  France,  qui  se 
tenoit  à  siège  devant  Bretuel,  comment  li  princes 
efforciement  chevauçoit  en  son  royaume,  si  en  fu 
durement  esmeus  et  courouciés.  Et  volentiers  euist 
veu  que  cil  de  Bretuel  se  fuissent  rendu  par  compo-  20 
sition  ou  aultrement,  pour  chevaucier  contre  les  En- 
glès  et  deffendre  son  pays  que  on  li  ardoit,  et  toutdis 
entendoiton  à  emplir  les  fossés  de  tous  lés.  Et  jet- 
toîent  engien  nuit  et  jour  à  le  forterèce  pières  et 
mangoniaus  :  ce  les  esbahissoit  plus  c'autre  cose.        25 

Or  avint  à  un  chevalier  de  Pikardie,  qui  s'appel- 
loit  messires  Robers  de  Montegni  en  Ostrevant,  à  ce 
siège  y  une  dure  aventure,  car  ilz  et  uns  siens  escuiers, 
qui  se  nommoit  Jakemars  de  Wingles ,  tout  doi  ap- 
pert homme  d'armes,  malement  s'en  alèrent  un  jour  30 
au  matin  sus  les  fossés  que  on  a  voit  raemplis,  pour 
regarder  le  forterèce.  Si  furent  perceu  de  chiaus  de- 


198  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT.  [1356] 

dens;  si  issirent  hors  jusques  à  sept  compagnons 
par  une  posteme^  et  s'en  vinrent  sus  le  chevalier  et 
Pescuier^  et  furent  assalli  fièrement.  Il  se  deffendi- 
rent^  car  il  avoient  leurs  espées.  Et  se  il  euissent  esté 

5  conforté  de  chiaus  de  l'ost  d'otant  de  gens  que  cil 
estoient^  il  se  fuissent  bien  osté  de  ce  péril;  mais 
nennil^  car  onques  nuls  n'en  sceut  riens.  Si  fu  li  dis 
chevaliers  pris  et  menés  ou  chastiel^  et  navrés  parmi 
le  jenoul^  dont  il  demora  afolés^  et  li  escuiers  mors 

10  sus  le  place^  dont  ce  fu  damages.  Et  en  fu  li  rois  de 
France  bien  courouciés^  quant  il  le  sceut. 

Au  septime  jour  apriès7  entrèrent  li  compagnon 
de  Bretuel  en  trettiés  devers  le  roy  de  France  pour 
yaus  rendre  ;  car  li  engien^  qui  nuit  et  jour  jettoient^ 

15  les  travilloient  malement^  et  si  ne  leur  apparoit  con- 
fors  de  nul  costé.  Et  bien  savoient  que^  se  de  force 
il  estoient  pris^  il  seroient  tout  mort  sans  merci.  Li 
rois  de  France  y  d'autre  part  j  avoit  grant  désir  de 
chevaucier  contre  les  Englès  qui  ardoient  son  pays  ; 

20  et  estoir  ossi  tous  tanés  de  seoir  devant  le  forterèce^ 
où  bien  avoit  ^  et  à  grant  fret^  esté  et  tenu  soixante 
mil  hommes.  Si  les  prist  à  merci;  et  se  partirent, 
salves  leurs  vies  et  ce  qu'il  en  pooient  porter  devant 
yaus  tant  seulement.  Si  se  retraisent  li  chevalier  et 

S5  li  escuier  de  Bretuel  à  Chierebourch  ;  jusques  à  là 
eurent  il  conduit  dou  roy.  Si  fist  li  dis  rois  prendre 
le  saisine  dou  biau  chastiel  de  Bretuel  et  remparer 
bien  et  à  point.  Et  se  desloga  et  retourna  vers  Paris^ 
mais  il  ne  donna  nuls  de  ses  gens  d'armes  congiet, 

30  car  il  les  pensoit  bien  à  emploiier  aultre  part. 

nu   DU  TEXTE  DU  TOHS  QUATRIËHB. 


VARIANTES. 


4 


VARIANTES. 


S  M8.  Page  1,  ligne  I  :  De  le  ville.  —  Ms,  dAndens:\Ieùr 
demain,  il  (le  roi  d'Angleterre)  s'em  parti  de  Wissan  et  s'en  vint 
devant  le  forte  ville  de  Gallaix  et  l'assega  de  tous  poîns,  et  dist 
qu'il  ne  s'en  partiroit,  par  3rvier  ne  par  esté^  si  l'aroit  à  se 
vollentë,  com  forte  qu'elle  fust,  se  U  roys  Phelippes  ne  se 
venoit  de  rechief  combattre  à  lui,  et  l'en  levast  par  force.  Et 
pour  tant  que  la  ditte  ville  de  Callais  estoit  si  forte  et  qu'il  avoit 
dedens  grant  fuisson  de  bonnes  gens  d'armes,  tels  que  monsei- 
gneur Jehan  de  Vianne,  qui  cappittaine  en  estoit,  messire  Emoul 
d'Audrehen,  monseigneur  Jehan  de'  Surie,  monseigneur  Pépin 
de  Were,  monseigneur  Henry  dou  Bos  et  pluisseurs  autres,  il  ne 
vot  oncques  conssentir  que  ses  gens  d'armes  l'assaillissent,  car 
il  y  pewissent  plus  perdre  que  gaegnier  ;  ains  fist  tantost  faire 
son  hostel,  grande  salle,  cambres  et  chou  qu'il  y  appertenoit 
de  planées  et  de  mairiiens,  et  bien  couvrir  d'estrain  pour  de- 
mourer  y  tout  celui  yvier  et  l'estet  enssic,  ou  plus,  se  mestier 
faisoit,  et  fist  faire  grans  fosses  tout  autour  de  son  host,  par 
quoy  on  ne  les  pewist  ^nbnssier  ne  destourber. 

GaBcuns  des  autres  seigneurs  et  li  chevalier  et  chacuns  autres, 
seloncq  son  estât,  fist  faire  se  loge  au  mieux  qu'il  peult,  li  ungs 
de  bois,  li  autres  de  genestres,  li  autre  d'estrain,  tant  que  en 
assës  petis  de  tamps  il  fissent  là  endroit  une  bonne  forte  ville  et 
grande;  et  y  trouvoit  on  à  vendre  tout  ce  qu'il  besongnoit  pour 
vivre  à  grant  marchiet.  Et  si  y  avoit  boucerie,  mercerie,  hallez 
de  draps  et  de  touttes  mercandises,  ossi  bien  comme  à  Arras 
ou  à  Amiens,  car  il  avoient  les  Flammens  de  leur  accord  :  dont 
tous  li  biens  leur  venoit.  Si  leur  en  venoit  il  ossi  partie  d'En- 
gleterre,  par  le  mer  qui  n'est  mies  là  grande  à  passer;  encorres 
leur  en  venist  plus  grant  fuison,  se  ne  fuissent  Geneuois  et  autres 
maronniers  qui  gisoient  sus  le  mer  et  alloient  souvent  waucrant 
par  le  mer  avant  et  airière,  pour  destourber  les  allans  et  les  ve* 


202  CEŒIONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

Dans  à  l'ost  des  Englès,  et  en  appelloit  on  l'un  Marant  et  l'autre 
Mestriel.  Et  avoient  souvent  grant  compaignie  d'autres  maron- 
niers  qui  faisoient  grans  anois  et  grans  destourbiers  as  Englès, 
et  souvent  gaegnoient  des  vàîssiaux  chargiés  de  pourveanches, 
dont  il  desplaisoit  moût  au  roy  englès  et  à  chiaux  de  l'ost,  et  à  le 
fob  estoient  rencontre,  si  perdoient.  Et  souvent  avoit  paletb  et 
escarmuches  contre  le  ville,  là  où  li  pluisseur  volloient  mouslrer 
leur  appertise,  de  chiaux  de  hors  contre  chiaux  de  dedens  ;  si  y 
avoit  souvent  des  mors  et  des  navres,  d'une  part  et  d'autre. 

Et  souvent  chevauchoient  li  marescal  aval  le  pays  d'entours 
Calais  à  grant  fuisson  de  gens  d'armes  et  d'archiers  pour  aven- 
turer, un  jour  deviers  Saint  Orner,  l'autre  deviers  Tieruanne, 
puis  deviers  Bouloîngne,  pour  quère  grosses  bestes  et  menues 
pour  avîtaillier  leur  host,  et  essilloient  tout  le  pays  d'entours 
yaux.  Ossi  il  y  avoit  dedens  Saint  Omer  bonne  garnison  de  gens 
d'armes,  car  là  se  deffendoient  et  faisoient  frontière  contre  les 
ennemis,  ossi  en  le  Montoîre,  en  Guines,  en  Oye,  en  Merk,  en 
likes,  en  Fiennes,  en  Bonloingne,  en  Tieruanne,  en  Aire,  en  Bie- 
tune,  en  Saint  Venant,  en  Hames,  en  Arde  et  en  tous  les  fors  là 
environ.  Et  y  avenoit  auvent  tout  plain  d'aventures  et  d'en- 
contres  aventureulx,  dont  li  ung  perdoient  et  li  autre  gaegnoient, 
enssi  que  telles  aventures  aviennent  en  si  faittes  guerres  et  en 
telx  sièges.  Si  m'en  passerai  tant  c'a  ores  assés  brefïnent,  car  je 
y  pensse  bien  à  recouvrer,  ains  que  li  sièges  soit  conclus  ;  mes 
je  voeil  parler  d'une  grant  courtoisie  que  li  roys  «nglès  fist  as 
povres  gens  de  Calais,  le  siège  pendant. 

Quant  chil  de  le  ville  de  Callais  virent  que  li  Englès  ne  se 
partiroient  mies  de  ce  siège  et  que  lors  pourveanches  de  vivres 
amenrissoient  durement,  il  eurent  consseil  qu'il  envoieroîent  hors 
les  povres  gens  dont  il  ne  se  pooient  aidier.  Si  en  envoiièrent 
hors  bien  six  cens  povres  hommes  mal  pourveus,  et  les  fissent 
passer  tout  parmy  l'ost  des  Englès.  Si  tost  que  li  roys  Edouwars 
le  sceut,  il  les  fist  tous  arrester  et  venir  devant  lui,  et  leur  fist 
tous  dounner  à  boire  et  à  mengier  plentiveusement  en  se  grande 
salle  de  bois  qu'il  avoit  là  fait  faire,  et  fist  à  chacun  dounner 
troix  vies  estrellins  pour  Dieu;  et  avoecq  chou,  il  les  fist  conduire 
sauvement  hors  de  son  host  :  laquelle  cose  on  retint  à  grant  au- 
moonne  et  à  grant  noblèce.  Or  me  tairay  un  petit  à  parler  dou 
siège  de  Calais  et  retouray  au  siège  de  Aguillon,  là  où  je  le 
laissay  quant  je  conmmençay  à  parler  dou  dit  roy  qui  ariva  en 


[1346]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  288.         203 

Nonnendie,  et  vous  diray  ooommeiit  li  departemens  s'en  fist.  F^ 
9»  V*  et  96. 

—  Ms.  de  Borné:  Qant  IL  rois  d'Engleterre  et  toutes  ses  gens 
forent  là  venus,  il  se  boutèrent  et  amanagièrent  en  une  grande 
place  nide,  qui  sdet  au  dehors  de  Calais,  et  conmenchièrent  là  à 
faire  et  à  darpenter  maisons  et  logis  petit  à  petit.  Et  estoient  les 
Englois  signeûr  dbu  Havene  et  envoioient  lor  navie,  qant  il  lor 
plaisoit,  en  Engléterre,  dont  vivres  et  pourveances  lor  venoient 
par  mer.  Et  aussi  li  coureur  englois  courirent  toute  la  conte  de 
Boulongne  et  le  conte  de  Ghines ,  et  le  pais  jusques  à  Saint 
Orner  et  Aire  et  Tiemane,  né  il  ne  trouvoient  qui  lor  alast  au 
devant.  Si  fii  envoiiës  mesures  Jehans  de  Viane,  uns  chevaliers  de 
Campagne  et  de  Bourgohgne,  à  estre  chapitainne  de  Calais,  et  s'i 
bouta  de  nuit  à  toute  sa  carge  par  le  sabelon,  et  cevauça  de 
Wisan  jusques  à  là.  Si  le  requellièrent  tout  li  honme  de  la  ville, 
et  en  furent  moult  resjol  de  sa  venue;  et  s*i  porta  li  dis  chevaliers 
vaillanment  et  sagement.  Par  la  voie  de  la  marine  fu  la  ville  de 
Calais  plus  de  demi  an  confortée  et  rafiresqie  de  vivres;  et  s'i  vin- 
rent  bouter  par  ce  cemin  meismes,  mesires  Amouls  d'Andre- 
hem,  mesires  Jehans  de  Surie,  mesires  Banduins  de  Belleboume, 
mesires  Joflfrois  de  la  Mote,  mesire  Pépins  de  Were^  mesires 
Ckrars  de  Werières,  qui  adonc  estoit  joues  esquiers,  et  pluisseurs 
aultres  chevaliers  et  esquiers,  qui  tout  i  furent  très  honnoura- 
blement. 

Qant  li  rois  d'Engleterre  îa  venus  premièrement  devant  la  ville 
de  Calais,  ensi  que  chils  qui  moult  le  desiroit  à  conquérir,  il  le 
asega  par  grant  manière  et  par  bonne  ordenance.  Et  fist  bastir 
et  ordonner  entre  la  ville  et  la  rivière  et  le  pont  de  Nulais  hos- 
tels  et  maisons,  ouvrer  et  carpenter  de  grans  mairiiens  et  cou- 
vrir les  dittes  maisons,  qui  estoient  asisses  et  ordonnées  par  rues, 
bien  et  faiticement,  de  ros,  d'estrain  et  de  genestres  et  de  ce  dont 
on  puet  recouvrer  là  ou  pais,  ensi  que  il  vosist  là  demorer  diis  ou 
douse  ans;  car  li  intension  de  li  estoit  telle  que  de  là  il  ne  s'en 
partiroit,  si  l'aueroit  conqub  par  force  ou  par  tretië.  Et  avoit  en 
ceste  nove  ville  dou  roi,  toutes  coses  nécessaires,  apertenans  à 
un  boost  et  plus  encores,  et  place  ordonnée  pour  tenir  marchiet 
le  merquedi  et  le  samedi.  Et  là  estoient  halles  de  draps  et  de  mer- 
chiers  et  aussi  estas  de  bouciers  et  de  boulengiers.  Et  de  toutes 
coses  on  i  pooit  recouvrer  aussi  largement  comme  à  Bruges  ou 
à  Londres,  et  tavernes  de  tons  vins  de  Grenate,  de  Grec,  de  Ma- 


204  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

levisie,  de  Rivière,  de  vins  de  Gascongne,  de  Poito,  de  France 
et  de  Rin,  bons  cabarès  et  bien  pourveus  de  chars,  de  volilles, 
de  poissons.  Et  lor  venoient  de  Flandres  les  marceandises  toutes 
prestes  de  Hollandes^  de  Zellandes  et  d'Alemagne,  et  tout  par 
mer.  Et  en  i  avoit  là  plûisseurs  ouvriers  juponniers,  parmentiers, 
corduaniers,  peletiers,  cabareteur,  foumiers  et  tavreniers,  qui  i 
gissoient  assés  mieuls  à  lor  plaisance  et  pourfit  que  donc  que  il 
fuissent  chiës  leur.  Et  furent  biencourouciet  qant  U  sièges  se  des- 
fîst  et  que  Calais  fu  conquise,  car  il  perdirent  le  flour  de  lor  wa- 
gnage. 

Qant  mesures  Jehans  de  Tiane  îa  venus  en  Calais,  et  il  ot  veu 
et  considère  le  siège  et  conment  les  Englois  estoient  amasë,  ensi 
que  pour  demorer  vint  ou  trente  ans  là  devant  au  siège,  et  il  ot 
fait  viseter  lapoisance  des  vivres  qui  estoient  en  la  ville,  il  enfist 
un  jour  widier  et  partir  plus  de  vint  sept  cens  honmes,  fenmes  et 
enfansy  pour  alegerir  la  ville.  Qant  chils  peuples  issi  hors  pre* 
mierement  de  Calais,  tous  en  blans  qamises,  et  portoient  confa- 
nons  de  moustiers  en  signe  de  humelite,  auquns  Englois  quidièrent, 
qant  il  les  veirent  issir,  que  il  les  venissent  courir  sus.  Si  se  as- 
samblèrent  à  rencontre  de  euls  les  archiers,  et  les  fissent  requler 
jusques  eus  es  fossés  de  la  ville.  Là  i  ot  entre  ces  Englois,  auquns 
preudonmes  piteus,  qui  congneurent  tantos  que  ce  n'estoient  pas 
gens  pour  faire  nul  contraire.  Si  fissent  cesser  les  aultres  de  euls 
courir  sus,  et  lor  demandèrent  où  il  alpient.  Il  respondireut  que 
on  les  avoit  bouté  hors  de  Calais,  pour  tant  que  il  cargoient  trop 
la  ville  et  le  fouUoient  de  vivres  et  en  aloient  ailleurs  à  l'aventure 
quérir  lor  mieuls,  ensi  que  povres  gens  qui  avoient  tout  perdu 
sans  nul  recouvrier. 

Ces  nouveUes  vinrent  au  roi  d'Engleterre  et  as  signeurs  que 
chils  povres  peuples  de  Calais  estoit  là  ensi  à  merchi.  li  rois, 
meus  en  pité,  les  fist  entrer  en  l'oost,  et  conmanda  que  tout  et 
toutes  fuissent  bien  disné;  il  le  furent.  Avoecques  tout  ce,  au 
départir  et  issir  de  Thoost^  il  fist  à  casqun,  grant  et  petit,  don- 
ner et  délivrer  un  estrelin  d'Engleterre.  Et  depuis  ces  povres  gens 
se  départirent  et  s'espardirent,  pour  avoir  lor  vivre  et  lor  ca- 
vance.  Par  ces  gens  orent  la  cong^sance  li  rois  d'Engleterre  et 
ses  consauls,  que  li  vivres  afoiblissoient  grandement  en  la  ville 
de  Calais  :  si  n'en  furent  pas  courouchiet.  Or  retournons  au  duch 
de  Normendie  et  au  siège  qui  se  tenoit  devant  Agillon.  F**  124  v* 
et  125. 


[1346]      VABIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  289.         205 

P.  4,1.  i  et  2  :  uns  gentilz  et  vaillans  chevaliers  de  Campa- 
gne as  armes.  —  Mss.  ^  i  ^  6  :  un  gentil  chevalier  de  Gham- 
paigne  vaillant  aux  armes.  F®  152.  —  Mss.  ^  7  à  10  :  un  gen- 
til et  vaillant  chevalier  de  Champaigne  aux  armes.  F*  136.  — 
Mss.  A  11  à  14  :  ung  chevalier  de  '  Champaigne  vaiUant  aux 
armes.  F**  144  v«  et  145.  —  Mss^A  15  <2  17  :  un  gentil  et 
vaillant  chevalier  de  Champaingne  aux  armes.  F®  151  v®.  «^ 
Mss.  .^  20  À  22  :  ung  vaillant  et  hardy  chevalier.  F*  217  v«.— 
Mss,  utf  23  à  29  :  ung  chevalier  de  Champaigne.  F»  169  v«.  — 
Mss,  ^  30  <^  33  :  ung  chevalier  de  Bourgoigne.  F*  190  v®.  — 
Ms,  B  3  :  ung  vaillant  gentilhomme  chevalier  du  pais  de  Cham- 
paigne. F»  135  V*. 

P.  1,  1.  5  et  6  :  d'Audrehen.  —  Mss.  ^  11  a  14  :  d'Autre- 
hen.  F>  145. 

P.  1,  1.  7  :  de  le  Motte.  —  Mss.  ^  30  a  33  :  de  la  Mente. 
P»  190  v«.  ^ 

P.  1,  1.  8  :  Were.  —Mss.  A  \  h  \%  x  Werie.  F>  152.  — 
Mss.  A  10  à  22,  30  ^  33  :  Verre.  F»  169  v^. 

P.  1,  1.  16  :  Nulais.  —  Mss,  ^  1  à  6,  11  ^  19,  B  3  :  Milais. 
F«  152.  —  Mss.  ^  20  à  22  :  MuUais.  F«  218.  —  Mss.  ^  23  à 
29  :  Calays.  F«  169  V».  —  Mss.  A  30  à  33  :  Calaiz.  F»  190  v«. 

P.  2,  1.  3  et  4  :  d'estrain  et  de  genestres.  —  Ms.  £  6  :  d'es- 
train  ou  de  banque.  F*  343. 

P.  2,  1.  4  et  5  :  dix  ans  ou  douze.  — *  Ms.  B  6  :  quarante 
ans.  P»  343. 

P.  2,  1.  12  et  13  :  nécessités.  -*  Le  ms,  B  6  ajoute  :  taver- 
nes de  toutes  manières  de  vins  osy  bien  que  che  fust  à  Londres. 
F«  343. 

P.  2,  1.  19  :  Tierenois.  —  Mss.  ^   1  <^  6,  18  à  22  :  The- 

rouennois.  ¥•  152 Mss.  A  7  à  iO  :  Therenbis.  F*  136  v«.  — 

Mss.  ^  11  1^  14  :  Theuoroilenois.  F»  145.  —  Mss.  ^  23  à  29  : 
Temois.  F»  169  v«.  —  Mss.  ^  30  à  33  :  Tirenoiz.  F»  190  v«. 
—  Ms.  B.  3  :  Tiemois.  F*  135  v*». 

P.  3,  1.  1  :  menues  gens.  —  Ms.  ^  6  :  qui  tout  se  vivotent 
de  la  mer.  F»  344. 

P.  3,  L  11  :  deux  estrelins.  —  Ms.  J?.  6  :  six  estrelins. 
F>344. 

g  989.  P.  3,  I.  16  :  U  dus.  —  Ms.  d Amiens  :  Tout  ce 
tamps  de  le  moiiennë  d'avril  jusques  à  le  moiiennë  de  septembre. 


S06  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i346] 

demora  U  dus  de  Normendie  à  siège  devant  le  fort  castîel  d'A- 
guillon,  en  Gasooiogne,  et  y  fist  maintes  fois  assaillir  par  dî- 
viersses  mannierres,  et  moût  y  eut  de  bonne  chevalerie  et  de 
noble  avoecq  lui.  Et  y  mist  grant  coustages  d'engfaiens  et  d'an* 
très  instrummens  et   atoumemens   d'asaut,  desquels    messirea 
Loeis  d'Espaingne,  chilx  bons  chevaliers  de  qui  vous  avës  oy 
parler  eus  es  guerres  de  Bretaingne,  estoît  souverains  et  ordon^ 
nères,  car  lî  dis  dus  avoit  plus  de  fianche  en  lui  et  en  son  cons- 
seil,  que  il  n'emst  en  tout  le  demorant  de  son  host.  Si  y  trouva 
li  dis  mesdres  Loeis  d'Espaiogne,  le  siège  durant,  maint  nouviel 
et  soutil  en^en  dont  on  n'avoit  oncquez  veu  user  devant  che, 
pour  chiaux  de  le  ditte  fortrèche  grever   et  adammagier  ;  mes 
dedens  avoit  si  bonne  bachelerie  que  il  se  deffendoient  bien  contre 
tout  et  deffendirent,  si  comme  vous  avés  chy  dessus»  oy.  End^- 
mentroes  que  dlz  sièges  se  tenoit  devant  Agnillon  et  que  tous  les 
jours  priés  y  avoit  asjault  et  escarmuches,  ungs  assauz  se  fist 
de  chianx  de  l'ost  à  cldaux  de  dedens,  et  y  eut  pluisseurs  bettes 
appertisses  d'armes   faittes.   Avint  que  messires  Phelippes  de 
Bourgoingnot  filz  au  duc  de  Bourgoingne  et  cousins  germains 
au  duc  de  Normendie,  et  qui  estoit  li  ungs  des  biaux  chevaliers 
de  toutte  l'ost  de  son  eage,  et  qui  voUentiers  s'avanchoit  en  ar- 
mes, entendi  de  cel  assaidt  qui  jà  estoit  coummenchiëz;  si  s'arma 
vistement  et  monta  sus  un  courssier  durement  appert,  pour  son 
corps  avanchier  et  pour  plus  tost  venir  à  l'assaidt,  et  le  feri  des 
espérons.  li  courssiers  qui  estoit  durement  fors  et  rades  et  or* 
gidlleus,.  se  mbt  au  cours  et  s'abusça  parmi  un  fosset ,  et  chei 
en  lui  touillant  sus  le  dit  monsigneur  Phelippe  de  Bourgoingne, 
et  le  confroissa  et  bleça  tellement  que  li  chevaliers  n'eut  oncques 
puis  bonne  sancté,  mes  morut  assës  briefinent,  dont  li  dus  de 
Normendie  fu  trop  durement  courouchîës  :  che  fîi  bien  raisons, 
car  c'estoit  li  plus  puissans  de  linaige,  d'iretaige  et  de  riooise  de 
toutte  Franche. 

Assës  tost  apriès  ceste  aventure,  vinrent  les  nouvellez  au  dit 
ducq  de  le  bataille  de  Grechi  et  de  le  grant  desconfiture  qui  y 
avoit  estet.  Et  remandoit  li  roys  son  fil  le  duc  de  Normendie,  et 
li  senefioit  qu'il  s'en  revenist  en  Franche  et  deffësistson  siège  de 
devant  Aguillon.  De  ces  nouvellez  fu  li  dus  de  Normendie  dure- 
ment Gourouchiës,  che  fu  bien  drois,  car  il  avoit  juret  le  siège  et 
dit  qu'il  ne  s'em  partiroit,  si  aroit  le  castiel  à  se  voUenté;  mes 
li  mandement  dou  roy  son  père  escusoient  et  dispenssoient  son 


[1346]      YARIAJMTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  289.         207 

sierement.  Non  obstantce,  ces  lettrez  veues,  0  manda  en  sa  tente 
tous  lez  grans  seigneurs  de  l'ost  qui  là  estoîent,  le  ducq  de 
Bourgoingne,  le  duc  de  Bourbon,  monsigneur  Jaqueme  de  Bour- 
bon, le  comte  de  Fores,  le  daufin  d'Auviergne,  le  comte  de  Yen- 
dosme,  le  comte  de  Laille,  le  comte  de  Ventadour,  le  comte  de 
Bouloingne,  le  comte  de  Nerbonne,  monseigneur  Loeys  d'Es- 
paingne  et  monseigneur  Carie  d'Espaigne,  son  fil,  seigneur  de 
Partenay,  le  seigneur  de  Grain  et  pluisseurs  autres  bannerès  et 
chevaliers  qui  là  estoient,  et  leur  compta  lez  nouvelles  que  on 
leur  avoit  apportées,  et  le  mandement  que  li  roys  ses  pères  li 
faisoit.  Si  leur  pria  amiablement  que  sour  ce  il  li  volsissent  cons- 
sillier  bonnerablement.  Tout  cbil  seigneur  furent  durement  cou- 
rouchiet  et  dolant  de  ces  nouvelles  et  de  le  desconfiture  de  Grechi^ 
che  fil  bien  raisons,  car  li  courounne  de  Franche  esto^t  moult 
afoiblie  de  haulte  honneur,  et  ce  ne  fu  mies  merveiUez  ;  n^ke- 
dent  il  conssillièrent  au  dit  duc,  tout  d'un  acort  et  d'une  vois,  et 
li  dissent  que  se  plus  haute  honneur  seroit  et  estoit  dou  raller 
deviers  le  roy  son  père,  qui  le  mandoit,  que  là  demourer»  seloncq 
che  que  avenu  estoit  et  seloncq  Testât  dou  royaume  qui  à.  lui 
parvenir  devoit.  Adonc  fîi  ordounné  et  coummandé  que  chacuns 
toursast  et  deslogast  au  matin  et  sieuwist  les  bannierrez. 

Quant  ce  vint  au  matin,  chacuns  se  hasta  de  toursser  et  de 
deslogier  et  sieuwir  les  bannierres.  Chil  qui  estoient  dedens 
Aguillon,  perchurent  tantost  que  li  hos  se  deslogoit  et  s'en  alloit 
en  voiez.  Sitos  que  messires  Gauti^s  de  Mauny  vit  chou,  il  se 
courut  armer  et  fist  tous  ses  compaignons  armer  et  monter  sour 
lors  chevaux,  et  passèrent  parmi  le  pont  qui  fisiis  y  estoit,  et  vin- 
rent as  loges.  Si  trouvèrent  des  gens  assës  qui  derière  estoient 
atargiës  ;  si  leur  coururent  sus  et  en  ocirent  grant  pleatë.  li  dis 
messires  Gantiers  ne  se  vot  mies  là  arester,  ains  fist  son  pignon- 
del  chevauchier  avant  jusques  à  Tarière  garde,  qui  les  darrains 
volloit  rataindre  et  garder,  et  dont  messires  Caries  d'Espaingne, 
qui  portoit  les  armes  de  CastiUe  à  un  quartier  de  France,  estoit 
chiës.  Là  coummencha  ungs  hustins  très  grans  et  très  durs,  et  y 
eut  pluisseurs  chevaliers  et  escuiers  d'un  les  et  d'autre  reverssës. 
Touttesfois,  Englès  et  Gascon  s'i  portèrent  si  bien  que  il  obtin- 
rent le  plache.  Et  fii  desconfite  ceste  arrière  garde,  et  pris  ungs 
bons  chevaliers  de  Normendie,  moût  amis  et  prochain  dou  duc, 
qui  se  clamoit  messires  Grimoutons  de  Cambli.  Et  retourna  mes- 
sires Gauders  de  Mauny  avoecq  ses  ccMnpaignons  dedens  Aguîl- 


208  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

Ion  et  ramenèrent  des  pourveances  et  don  harnas  .assës  des 
Franchois  avoecq  pluisseurs  prisonniers. 

Quant  li  compaignon  de  Aguillon  eurent  fait  leur  chevauchie, 
enssî  connue  vous  avés  oy,  et  il  furent  rentres  à  tous  leurs  pri- 
sonniers et  lor  gaing  ou  dit  castiel,  il  demandèrent  bellement  et 
sagement  à  aucuns  gentilz  hommes  -  qu'il  tenoient  pour  prison- 
niers, pourquoi  li  dus  s'estoit  deslogiës  si  soudainnement.  A  envis 
le  disoient,  mes  on  les  examina  et  pria  tant  qu'il  le  dissent,  et 
recordèr^it  touttes  les  avenues  qui  estoient  avenues  au  roy  englès 
et  à  ses  gens,  et  commuent  il  avoit  à  Crechi  desconfit  le  roy  de 
Franche  et  se  puissance,  et  leur  recordèrent  le  grant  cantitet  des 
prinches  et  des  seigneurs  qui  demouret  y  estoient,  et  coumment 
li  roys  englès  avoit  assegiet  le  forte  ville  de  Callais.  De  ces  nou- 
velles furent  li  compaignon  de  Aguillon  durement  Uet,  et  en 
firent  à  leurs  prisonniers  milleur  compaignie  et  toutte  le  bonne 
chière  qu'il  peurent.  A  l'endemain,  ils  départirent  leur  butin. 
Si  eschei  messires  Grimoutons  de  Gambli  en  le  part  de  monsei* 
gneur  Gautier  de  Mauny,  parmi  un  restorier  qu'il  ûat  as  compai- 
gnons,  etdemourases  prisonniers.  F^  96. 

—  Ms.  de  Borne  :  Li  dus  Jehans  de  Normendie,  toute  la  saison, 
avoit  tenu  son  siège  devant  Agillon,  et  là  dedens  enclos  les  bons 
chevaliers  d'Engleterre,  messire  Gautier  de  Mauni  et  les  aultres 
qui  si  vaillanment  s'i  estoient  tenu  et  porte,  et  tenoient  enoores 
que,  pour  asaut  que  on  lor  fesist,  onques  ne  s'esbahirent,  mais 
Âurent  trois  jours  tous  reconfortés,  non  que  li  dus  de  Normendie 
se  tenist  là  pour  cose  que  li  castiaus  de  AgiUon  vausist,  fors  que 
par  droite  herredrie  et  merancolie  ;  car  on  euist  fait  quatre  tels 
castiaus  que  Agillon  est,  pour  ce  que  li  sièges  cdustaau  roiaulme 
de  France.  Et  encores  avint  uns  grans  mesciés  entre  les  Fran- 
çois, ensi  que  je  vous  recorderai,  et  environ  la  moiienné  d'aoust 
que  li  rois  d'Engleterre  passoit  parmi  le  roiaulme  de  France.  11 
avint  que  une  escarmuce  se  fist  devant  le  chastiel  d' Agillon,  des 
chevaliers  et  esquiers  de  l'hoost  à  rencontre  de  ceuls  de  dedens 
qui  vaillanment  les  requelloient,  toutes  fois  qantes  fois  que  il 
estment  requis  et  assalli. 

Assës  nouvellement  estoit  venus  en  l'oost  mesires  Phelippes  de 
Bourgongne,  fils  au  duch  Oede  de  Bourgongne,  pour  ce  temps, 
contes  d'Artois  et  de  Boulongne,  et  cousins  germains  au  duch  de 
Normendie.  Ghil  mesuras  Phelippes  de  Bourgongne  estoit  uns  moult 
Jones  chevaliers  et  de  grant  volentë,  ensi  que  là  le  moustra  ;  car 


[1346]     YARLàlVTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  289.         209 

si  tretos  que  li  escarmuce  fu  conmenchie,  3  ne  volt  pas  estre  des 
dairains,  mais  se  fist  armer  et  monta  sus  un  coursier  fort  et  rade 
durement  et  de  grant  haste,  pour  plus  tos  venir  à  Fescarmuce.  Li 
dis  mesires  Phelippes  de  Bourgongne  prist  une  adrèce  parmi  les 
camps,  et  broca  coursier  des  esporons,  liquels  estoit  grans  et 
fors,  et  qui  se  esquella  au  cours  et  enporta  le  chevalier,  tout 
maugrë  lui  :  siques,  en  traversant  et  sallant  un  fosset,  li  coursiers 
trebusça  et  cei  et  jetta  le  dit  mesire  Phelippe  desous  lui.  Onques 
il  ne  pot  estre  aidiës  ne  seqourus,  mais  fu  si  confroissiës  que 
onques  depuis  n'ot  santë ,  et  morut  dedens  trois  jours  apriès  : 
dont  li  dus  de  Normendie  et  tout  U  jsigneur  furent  durement 
courechiet  et  à  bonne  cause. 

Assës  tos  apriès  ceste  aventure  et  la  mort  dou  dit  mesire  Phe- 
lippe de  Bourgongne,  vinrent  les  nouvelles  en  Poost  de  la  de&« 
confiture  de  la  bataille  de  Crechi.  Et  remandoient  li  rois  de 
France  et  la  roine,  lor  fil,  le  duch  de  Normendie ,  et  li  enjoin- 
doient  expresseement  et  especiaiunent,  toutes  paroles  et  ensongnes 
misses  arrière,  il  se  partesist  et  deffesist  son  siège,  et  retoumast 
en  France  pour  aidier  à  deffendre  et  garder  son  hiretage.  Et 
avoecques  tout  ce  encores  li  segnefioient  il  le  grant  damage  que 
li  noble  du  roiaulme  de  France  avoient  pris  et  eu  par  celle  ba<- 
taille  de  Cred.  Quant  li  dus  de  Normendie  ot  leu  tout  au  lonc 
ces  lettres,  si  pensa  sus  moult  longement,  et  en  demanda  consel 
as  contes  et  as  barons,  qui  dalés  lui  estoient,  car  moult  à  envis 
se  departoit,  pour  la  cause  de  ce  que  il  en  avoit  parle  si  avant* 
li  signeur  li  dissent  que  tout  estoit  réservé,  puisque  père  et  m^ 
le  mandoient,  et  que  bien  et  par  son  honnour  il  se  pooit  dépar- 
tir. Si  fu  adonc  ordonné  et  aresté  que,  à  Tendemain,  on  se  des- 
logeroit,  et  retoumeroient  toutes  gens  en  France  :  des  quelles 
nouvelles  la  grignour  partie  de  ceuls  de  Toost  furent  moult  resjol, 
car  chils  sièges  lor  avoit  esté  trop  lontains  et  moult  pesans.  La 
nuit  passa.  Qant  ce  vint  au  point  dou  jour,  on  se  conmença  à 
deslogter  et  à  tourser  tentes  et  très  et  tout  mettre  à  charoi  et 
à  voiture.  Et  se  hastoit  et  delivroit  casquns  dou  plus  tos  conme  il 
pooit;  et  se  missent  tout  au  cemin  environ  solel  levant.  Li  com- 
pagnon,  qui  dedens  Âgillon  estoient,  perchurent  cel  affaire  que 
on  sedeslogoit;  si  en  furent  tout  esmervilliet. 

Les  nouvelles  en  vinrent  à  mesire  Gautier  de  Mauni,  qui  tous 
jours  estoit  des  premiers  levés  et  des  darrains  couchiés,  Sitos 
que  il  le  soeut,  il  fu  armés  et  apparilliés,  et  aussi  furent  tout  li 

XV  — 14 


210  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

ccMiipagiKXi,  et  montèrent  as  chevaus:  «  Or  tos,  dist  il,  li  Fran- 
cis s'en  vont  sans  dire  adieu.  Il  fault  que  il  paient  lor  bien  allée 
en  auqune  manière,  et  fault  que  il  aient  auqunes  noilvellesqui  lor 
soient  venues  de  France,  car  li  rois,  nostres  sires,  est  deçà  la 
mer;  et  poroit  avenir  que  ils  et  ses  gens  aueroient  combatu 
les  François,  et  i  poroit  avoir  eu  une  grande  desconEture.  Il  nous 
en  fault  sçavoir,  conment  que  ce  soit,  la  venté;  car  c'est  tout 
acertes  que  il  se  deslogent  pour  celle  saison.  »  Adonc  se  dépar- 
tirent euls  de  le  forterèce  de  Agillon  en  grant  volenté,  et  estoient 
bien  trois  cens,  messires  Gantiers  de  Mauni  tout  devant.  Et  s'en 
vinrent  ferir  et  firaper  en  la  qoue  de  ces  François  qui  s'en  aloient; 
et  trouvèrent  d'aventure  un  chevalier  de  Normendie,  mestre 
d'ostel  dou  duch,  et  de  son  consel,  et  estoit  demorés  derrière, 
pour  faire  haster  le  clutDi  et  le  somnage  :  ils  et  tout  chil  qui 
avoecques  lui  estoient,  furent  pris,  et  biaucop  encores  d'aultres. 
Et  retournèrent  messires  Gantiers  de  Mauni  et  les  Englois  dedens 
Agillon,  et  i  ramenèrent  tout  le  butin  et  les  prisonniers. 

Par  ce  chevalier  de  Normendie  sceut  li  dis  mesires  Gantiers  de 
Blauni  tout  ce  qui  avenu  estoit  en  France,  et  conment  li  rois 
d'Eagleterre  avoit  pris  terre  en  Normendie  et  estoit  venus  tout 
son  cemin,  ardant  et  essillant  le  pais,  et  avoit  passet  la  rivière  de 
Sainne  et  de  Sonme,  maugré  tous  ses  nuisans,  et  arestés  à  Gre- 
chi  en  Pontieu,  et  là  atendu  deux  jours  le  roi  de  France  et  sa 
poissance  et  combatu  et  desconfi  et  cachiet  en  voiles.  Et  i  estoient 
mort  et  demoret  sus  la  place  onse  chiés  de  pais,  quatre  vins 
banerès  et  douze  cens  chevaliers  et  plus  de  trente  mille  honmes 
d'autres  jgens.  Et  apriès  tout  ce,  il  estoit  aies  mettre  le  siège 
devant  la  forte  ville  de  Calais.  De  ces  nouvelles  fu  li  dis  messires 
Gantiers  de  Mauni  si  resjols  que  il  n'en  vosist  pas  tenir  cent  mille 
fraos,  et  dist  au  chevalier,  lequel  on  nonmoit  mesire  Mouton  de 
CambeU  :  «  CazAbeli,  des  rices  et  bonnes  nouvelles  que  vous  avés 
dites,  vous  en  vaudrés  grandement  mieuls.  »  F*  125. 

P.  4, 1.  8  :  Li  dis  messires.  —  Ms.B  6  :  Messires  Phelipfies, 
pour  eulx  veoîr,  demanda  «on  coursier,  comme  a  ung  grant  sei- 
gneur qui  plniseurs  en  avoit;  on  luj  amena  ung  jone  poulain,  que 
nouvellement  on  luy  avoit  envoiet  et  sur  lequel  il  n'avoit  oncques 
monté.  Quant  on  lui  ot  amenet,  il  le  refiisa,  pour  che  que 
oncques  ne  ravoitchevauchiet.Et  ensy  que  on  en  aloit  quérir  ung 
aultre,  vey  queches  escarmuches  estoient  trop  belles.  Adonc  messires 
Phelippes,  qui  eult  grant  désir  de  veoir ,  dist  :  «  Aniène  me  che 


[1346]     VARUNTES  DU  PREBŒR  LIVRE,  $  SOO.         îll 

coursier.  Jemonteray  desus  ;  chis  anltres  vient  trop  longement.  » 
Il  monta  sas  et  le  fery  des  esporons  et  le  hasta  moult.  Ghe  poullain, 
qui  les  esporons  ne  connisoit,  se  commencha  à  enorguillîer  et  à  se 
mentenir  merveilleusement  et  assallir  et  atreper  diversement.  Bt 
messires  Phelippes,  pour  lui  aprivisier,  le  feroit  des  espcntms 
aigrement.  Che  coursiës  enporta  son  seigneur  de  telle  fachon  que 
il  n'en  peult  estre  maistre,  et  l'enporta  parmy  ung  fosset  où  il 
trebuscha  li  uns  dessus  l'autre.  Oncques  il  ne  pot  estre  à  tamps 
aidiës  qu'il  ne  Aist  blechiës  et  sy  froisiés  que  oncques  puis  il 
n'eut  sanctë,  mais  morut  dedens  quinze  jours  :  dont  tous  les  sei- 
gneurs furent  durement  courouchiësy  car  c'estoit  le  plus  riches  et 
le  plus  grant  de  linaige  du  royaume  de  Franche.  F*  345  et  346. 

Dans  les  mss.  Ai  à^^  ii  à  14,  18,  19,  ie  chapitre  ne  se  ier^ 
mine  pas  À  .*  «  Aguillon  \  ^  et  la  phrase  se  continue  ainsi:  et  qui 
dedens  avoit  assiegië  les  bons  chevaliers  d'Angleterre,  messire 
Gaultier  de  Mauny....  F»  152  v*. 

P.  5,  1.  7 :  fourfait.  —  Ms.  £6:  sj  ques  le  duc  de  Normen- 
die  ne  fut  mies  adonc  maistres  de  son  argu.  F*  347. 

P.  5, 1.  15  :  deslogoient.  —  Ms.  S  6  i  Et  yssirent  hors  et 
ferirent  en  la  keue;  et  y  prirent  des  chevaliers  et  des  escuiers 
qui  s'estoient  trop  tart  levet  et  des  chevaulz  et  du  hamast. 
F«  347. 

P.  5, 1.  22  :  soixante.  —  Mss.  A  20  ^-32  :  quarante.  F*  219. 

S  SOO.  P.  6, 1.  14:  Depuis.  —  Ms.  £  Amiens:  Avint  ung  peu 
apriès  que  messires  Gantiers  de  Mauny  dist  à  sen  prisonnier,  qui 
K  offroit  trois  mil  vies  escns  pour  se  raenchon  :  «  Grimouton, 
Grimouton,  je  say  bien  que,  se  je  vous  volloie  presser,  vous  me 
paieriez  bien  de  raenchon  cinq  mil  ou  sii  mil  escus,  car  vous, 
estes  nngs  grans  chevalierz  en  Normendie  et  forment  amet  dou 
duc.  Si  vous  diray  que  vous  ferës:  vous  yrës,  sur  vostre  foy,  par 
deviers  le  duc  vostre  seigneur,  de  qui  Unage  et  consseil  vous 
estes,  et  me  pourcacheréz  que  j'aye  une  lettre  ouverte,  seellëe 
de  son  seel  ou  don  seel  le  roy  de  Franche,  son  pèfe,  que  je 
puisse  cevauder  seurement  pahny  le  royaumme  de  Franche  à 
vingt  chevaux  tant  seuUement,  mon  escot  payant  raisonnablement 
de  ville  en  ville,  d'ostel  en  ostel,  tant  que  je  sqie  venus  devant 
Calais  deviers  le  Iroy,  mon  seigneur,  que  je  désir  moult  à  veoir, 
et  ne  vorai  jesîr  en  nulle  ville  que  une  nuit  et  bien .  paner  mon 
escot  ;  et,-  s»  ce  ne  me  poës  impetrer,  vous  revenrës  cfay  dedens 


2iS  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSâRT.  [134(11 

ung  mois.  »  Li  chevaliers  li  creanta  loyaument  qu'O  en  feroit 
son  pooir.  Si  se  parti  dou  signeur  de  Matmy  et  vint  en  France 
deviers  le  duc  de  Normendie,  et  impetra  de  lui  un  sauf  conduit 
pour  le  dit  seigneur  de  Mauni,  et  le  raporta  arrière  en  Agoillon, 
où  il  fu  recheu  à  grant  joie.  F»  96  v*. 

—  Ms.  de  Borne:  Depuis  ne  demora  gaires  de  temps  que  li  dis 
mesures  Gantiers  de  Mauni ,  qui  très  grant  désir  avoit  de  venir 
devant  Calais  et  de  veoir  son  signeur  le  roi  d'Engleterre,  mist 
en  parole  le  chevalier, et  li  dist  :  «  Camheli,  je  sçai  bien  que  vous 
estes  moult  proçains  dou  duch  de  Normendie,  et  je  désire  à  aler 
devant  Calais  et  veoir  mon  naturel  signeur  le  roi  d'Engleterre. 
Se  vous  poés  tant  faire  et  esploitier,  sus  une  relaxion  que  je  vous 
ferai,  qui  sera  telle  :  je  meterai  en  soufirance  votre  prise,  et  vous 
recrerai  courtoisement  sus  vostre  foi,  tant  que  vous  serës  aies 
deviers  le  duc  vostre  signeur  et  enpieterës,  ou  nom  de  moi,  un 
bon  sauf  conduit,  que  je  puisse  passer  et  cevauchier  parmi  le 
roiaulme  de  France,  et  aler  devant  Calais,  moi  vintime  tant 
seullement,  et  point  dormir  en  une  ville,  non  plus  de  une  nuit, 
se  trop  grande  nécessite  ne  le  fait,  et  bien  paiier  partout.  Et  en- 
tendes li  sauf  conduis  soit  tels  que  je  m'i  puisse  bonnement  ase- 
gurer,  et  vous  retourne  deviers  moi,  ou  cas  que  vous  le  m'apcH^ 
terés,  je  vous  ferai  de  vostre  raençon  si  bonne  compagnie  que 
vous  vodrés.  » 

Li  chevaliers  ot  grant  joie  de  ceste  parole  et  respondi  :  «  Chiers 
sire,  vous  devés  sçayoir  que  ma  ligance  veroi  je  volentiers,  et  je 
m'en  meterai  en  painne.  Vous  ferés  un  ject  sus  quel  fourme  vous 
vodrés  avoir  le  sauf  conduit,  et  nonmerés  tous  ceuls  que  vous 
vodrés  avoir  en  vostre  compagnie  ;  et,  sus  Tescript  que  vous  me 
baillerës,  je  ordonnerai  ma  requeste  et  priière.  »  Mesires  Gantiers 
respondi  :  <c  Vous  dites  bien.  »  Il  fist  escrire  tantos  une  lettre  qui 
contenoit  auques  la  manière  don  sauf  conduit,  et  puis  le  bailla  au 
chevalier,  et  li  dist  :  ce  Cambeli,  tenés,  qant  vous  venës  par  de 
delà,  si  le  faites,  par  un  clerc  qui  s'i  congnoise,  groser  sus  la 
fourme  et  ordenance  que  on  a  en  France  ;  et  le  faites  faire  si  bien, 
se  li  dus  le  vous  voelt  acorder,  que  il  me  puist  partout  sus  mon 
cemin  valoir.  »  —  «  Certes,  sire,  respondi  li  chevaliers,  je  en 
ferai  en  toutes  manières  bien  mon  acquit.  » 

Li  chevaliers  se  départi  de  Agillonet  cevauça  tant  par  ses  jour- 
nées que  il  vint  à  Paris  et  trouva  le  duch  de  Normendie,  son  sei- 
gneur, qui  fu  moult  resjols  de  sa  venue,  et  li  demanda  tantos 


[i346]     VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  291.         213 

conment  il  avoitfiuiet.  Li  chevaliers  li  compta  la  founne  el  matère» 
ensi  que  chi  desus  est  contenu.  li  dus  tantos  li  acorda  et  li  dist  : 
«c  Faites  le  escripre  dou  mieuls  que  vous  poës  ;  nous  le  saiellerons. 
Ce  nous  monte  petite  cose,  qant  ils,  li  vintime  tant  seuUement, 
voelt  courtoisement  passer  parmi  le  roiaulme  de  Franche.  Et  se  de 
vous  riens  n'estoit,  il  est  bien  si  gentils  chevaliers  et  si  loiaus,  que 
là  ou  il  m'en  requerroit  ou  prieroit,  je  li  acorderoie,  car  ce  ne 
nous  touce  à  nul  préjudice*  »  Li  chevaliers  fu  tous  resjols  de  ceste 
response,  car  il  en  pensoit  grandement  mieuls  valoir,  ensi  que  il 
fist.  Et  fu  li  sauf  conduis  escrips  et  grosses  dou  mieuls  que  on  le 
pot  ne  sceut  faire  à  l'usage  et  setille  de  France,  ne  riens  n'i  ot 
oubliiet,  qui  i  fesist  à  mètre.  Li  dus  de  Normendie  le  fist  sceller  et 
le  bailla  au  chevalier,  qui  tantos  se  mist  au  retour,  et  cevauça  tant 
par  ses  journées  que  il  retourna  en  Agillon. 

De  sa  venue  et  dou  sauf  conduit  que  il  aportoit;  fu  mesires 
Gantiers  de  Mauni  tous  resjols,  et  le  fist  lire,  et  li  sambla  très 
bons  et  très  bien  fais,  ensi  que  il  estoit,  et  aussi  fist  il  à  tout  son 
consel.  Si  dist  ensi  au  cevalier:  «  Cambeli,  vousavës  bien  exploi- 
tiez à  ma  plaisance,  et  je  vous  tenrai  vostre  pronmesse.  Je  vous 
quite  vostre  prise  et  vostre  foi,  et  poes  partir  toutes  fois  que 
vous  voles.  »  —  «  Sire,  dist  li  chevaliers,  grant  merchis;  je 
nieuise  ose  avoir  demande  si  avant.  »  Depuis  ne  séjourna  li  che- 
valiers que  un  jour.  H  se  mist  au  retour  en  France,  quites  e% 
délivrés  de  sa  prison.  Considérés,  je  vous  pri,  la  vaillance  et  la 
bonté  de  messire  Gautier  de  Mauni,  et  la  grande  afiection  que  il 
avoit  à  veoir  son  signeur  le  roi  d'Engleterre,  car  il  euist  eu  dou 
chevalier  que  il  quitta  cinq  ou  siis  mille  florins,  se  il  vosist,  et  il 
le  laissa  aler  legierement,  par  la  manière  que  dit  vous  ay.  F*"  125 
V*  et  126. 

P.  6,  1.  21  :  trois  mille.  —  Ms.  BS  :  deux  mille.  P  348. 

%  S9t.  P.  7,  1.  30:  Assés.  —  Ms.  it Amiens  :  Sus  le  con- 
duit dou  duc  de  Normendie,  se  mist  [en  voie]  li  sirez  de  Mauny 
à  vingt  chevaux  seullement,  et  passa  parmy  Franche  sans  mil 
empecement  et  vint  jusques  à  Orliiens.  Là  fu  il  arestéz  et  ne  peut 
estre  desarestés  pour  lettres  quHl  moustrast.  Si  fu  amenés  à  Paris 
deviers  le  roy,  et  là  fu  il  en  grant  péril  et  en  grant  dangier  ;  et 
voUoient  li  plus  dou  consseil  dou  roy  que  on  li  coppast  le  teste 
pour  ses  grans  baceleries,  tant  estoit  il  fort  hays.  Finablement,  H 
dus  de  Normendie,  sus  quel  conduit  il  alloit,  exploita  tant  pour 


ti4  CHRONIQUES  DK  J.  FROISSART.  [1346] 

lui  qu'O  fil  délivrés  sans  nul  danunaige.  Et  vint  li  gentils  che- 
valiers devant  Calais,  où  il  fa  grandement  bien  festiîÀ  don  roj 
d'Engleterre  et  de  tous  les  seigneurs.  F*  96  v^. 

— -  M$,  de  Borne:  Messires  Gantiers  de  Mauni  ordonna  ses  be- 
songnes  et  s'en  vînt  à  liebonme,  où  li  contes  Derbi  se  tenoit,  et  li 
remoustra  conment  il  voloit  cevauchier  parmi  France^  et  aler  de- 
vant Calais  veoir  le  roi  son  signeur  et  le  prince  de  Galles,  son 
fil,  et  les  signeurs  et  cevaliers  d'Engleterre. 

A  tont  ce  s'acorda  assés  li  contes  Derbi  et  escripsi  lettres,  qui 
dévoient  venir  au  roi,  et  les  bailla  à  mesîre  Gautier  de  Mauni, 
liquels  s'en  carga  de  l'aporter.  Assés  tos  apriès,  toutes,  ses  be- 
songnes  furent  prestes  et  se  départi  d'Aquitaines,  lui  vintime, 
ensi  que  son  sauf  conduit  parloit,  et  se  mist  au  cemin,  et  passa 
Agens  et  Agenenois  et  Limosin.  Et  par  tout  les  chités  et  bonnes 
villes  où  il  venoit,  il  moustroit  son  sauf  conduit  ;  pour  l'onnour 
don  duch  de  Nonnendie,  il  estoit  partout  délivres  et  passa  ensi 
sans  nul  empecement,  tant  que  il  vint  en  la  chitë  d'Orluens. 

Quant  il  fil  là  venus,  il  se  traist  à  ost^l  et  se  ordonna  là  à  de- 
morer  dou  disner  et  don  souper,  pour  lui  rafresqir  et  ses  gens, 
et  faire  refierer  ses  cevaus,  et  pour  partir  à  l'endemain.  On  11  soof- 
fri  à  prendre  toutes  ses  aises.  Au  matin,  qant  U  ot  oy  messe,  li 
ballieus  d'Orliiens  vint  deviers  li  et  mist  un  arest  sus  lui  de  par 
le  roi  de  France.  Tantos  mesires  Gantiers  de  Mauni  moustra  son 
sauf  conduit  et  se  quida  délivrer  parmi  che,  mais  non  peut.  Et 
dist  li  baillieus  que  il  li  estoit  conmandé  estroitement  que  il  le 
menast  à  Paris.  Force  ne  esqusance  ne  sauf  conduit  ne  aultre 
cose  ne  valli  riens  à  messîre  Gautier  de  Mauni.  Et  fu.  li  baillieus 
fors  de  li,  et  amena  à  grant  cevauchie  de  gens  d'armes  le  dit 
messire  Gautier  tout  courtoisement,  et  ses  gens,  à  Paris.  Euls  là 
venu,  on  mist  les  gens  et  les  chevaus  de  messire  Gautier  à  bos- 
tel  ;  et  le  chevalier,  on  le  bouta  en  la  prison  de  Chastellet.  Et  li 
fil  délivrée  une  cambré  as&ës  honeste,  et  avoit  de  ses  variés  deus 
ou  trois  avecques  li,  qui  li  aminîstroient  toat  ce  que  à  lui  aper- 
tenoit. 

Qant  la  congnisance  en  (ii  venue  au  duch  de  Normend&e  coiw 
ment  mesires  Gantiers  de  Mauni,  sus  se  asegurance  et  sauf  oon- 
duit,  avoit  celle  painne  et  desplaisance  que  estoit  pris  et  mis  ea 
prison,  en  ChasteUet,  là  où  on  met  et  bpu^  les  larrons,  ^  en  fii 
durement  courouchiés,  et  s'en  vint  deviers  le  roi,  son  père,  et  li 
demanda  pourquoi  il  l'avoit  fait  prendre,  qant  il  li  avoit  donné» 


[1346]      VARIAMTBS  DU  PREMIER  LIVRE,  S  291.  118 

sus  son  sedéj  sauf  conduit  pour  li  vintime  seullement,  et  il  pas- 
soit  courtoisement  et  paioit  partout  bien,  ne  nuls  ne  se  (^Indoit 
de  li.  Li  rois  de  France,  qui  haioit  mortdment  le  chevalier  pour 
ses  grandes  vaillances,  respondi  à  son  fil  et  dist  :  ce  Jehan,  je  l'ai 
Êdt  prendre  voirement.  Vous  n'avës  pas  ens  ou  roiaulme  de  Fran- 
ce, encores  tant  que  je  vive,  si  grande  poissance  que  pour  don«- 
ner  ne  seeler  sauf  conduit  à  mes  adversaires;  et  pour  ce  que 
vous  vos  en  estes  avanciés,  je  le  ferai  pendre  par  le  col  :  se  si 
exemplieront  li  aultre.  »  —  «  Monsigneur,  respondi  li  dus,  se 
TOUS  faisiës  ce  faire,  jamais  en  toute  ma  vie  je  ne  m'armeroîe 
pour  la  guerre  de  France  à  rencontre  des  Englois,  ne  tout  chU 
qui  destourner  je  poroie;  et  en  feroie.  pendre  tant  de  ceub  qui  ce 
consel  vous  donnent  et  qui  par  envie  grieuvent  le  chevalier  que 
aussi  tout  li  aultre  s'i  exempUeroient*  »  Et  se  départi  adonc  li 
dus  de  Normendie,  par  grant  mautalent,  de  la  cambre  le  roi  son 
père,  et  se  tint  bien  quinse  jours  que  point  n'aloit  deviers  le  roi. 
Li  rois  disoit  à  le  fois  que  y  le  feroit  pendre,  et  en  estoit  grant 
nouvelle  dedens  Paris.  Et  par  trois  ou  quatre  samedis,  moult 
grant  peuple  s'asamblpit  devant  Ghastellet,  et  couroient  vois  et 
renonmée  :  «  On  pendera  Gautier  de  Mauni;  alons  le  veoir*  » 

ÎÀ  gentils  chevaliers  estoit  en  prison  en  Chastellet  et  npn  à  sa 
plaisance,  car  il  sentoit  le  roi  de  Fi:ance  durement  crueuls  et 
liauster,  et  son  consel  desraisonnable  :  si  ques,  qant  telles  imagi- 
nations li  venoient  devant,  il  avoit  grande  angousse  de  coer,  et 
iaisdit  chanter  messe  dedens  Chastellet  tous  les  jours  devant  lui, 
et  dcmner  tous  les  jours  Taumonne  de  l'argent  de  sib  esqus.  de 
PheUppe.  Et  prioient  les  povres  gens  pour  lui,  et  vosissent  bien, 
pour  la  convoitise  de  Targent  et  avoir  laumonne,  que  il  demorast 
un  grant  tempore  en  prison. 

Uns  chevaliers  de  Hainnauet  de  Cambresis,  qui  se  nonma  m^s- 
sires  Mansars  d'Esne,  et  son  cousin,  si  tos  que  il  .^^ce^t  1a  prise 
de  mesire  Gautier,  il  vint  à  Pans  et  poursievi  le  duch  de  Nor- 
mendie caudement.  Et  bien  voloit  li  dus  que  il  en  fust 
poursievois,  car  ce  estoit  la  cose  dou  monde  qui  pour  ces  jours 
li  aloit  plus  pries  dou  coer,  et  disoit  bien  à  ceuls  qui  le  dit  che- 
valier pourcaçoient  :  «  Ne  vous  esbahissiës.  en  riens  de  Gautier  de 
Mauni,  car  il  n'i  a  si  osé  en  France,  réserve  monsigneur  mon 
père,  qui  Tose  jugier  à  mort  ne  mettre;  et  monsigneur  brisera 
uns  de  ces  jours  son  air,  et  le  rauerës  quite  et  délivré.  »  En  ce 
dangier,  péril'  et  aventure  fu  messires  Gantiers  de  Mauni  bien 


ftl6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

5ept  semainnes.  Et  aussi  li  dus  de  Normeudie  n'esiongoit  point 
Paris,  mais  petit  antoit  Tostel  dou  roi,  et  tant  que  chil  qui  le  plus 
avoient  apressé  le  chevalier,  furent  chil  qui  dissent  au  roi:  a  Sire, 
il  vous  fault  brisier  de  ce  Englois  qui  vous  tenés  en  prison,  car 
monsigneur  de  Normendie,  vostres  fils,  l'a  encargiet.  Et  au  voir 
.dire  et  à  considérer  raison,  petit  puet  il  faire  ne  avoir  en  Fran* 
che,  se  il  ne  puet  donner  un  sauf  conduit.  Et  se  vous  aueriez  fait 
morir  le  chevalier,  pour  ce  ne  seroit  pas  vostre  guerre  achievée 
deviers  les  Englois,  ne  pour  un  cent  de  tels  ;  et  se  i  prenderoit 
vostres  fils  si  grant  desplaisanoe  que  il  le  mousteroit  de  fait,  et 
jà  en  veons  nous  les  apparans.  » 

lirois  conchut  et  eutendi  ces  paroles  bien  parfaitement  et  sâi- 
ti  assës  que  on  li  disoitveritë,  et  que  il  n'avoitque  faire  de  nonrir 
nulle  haine  deviers  son  hiretier,  pour  un  chevalier.  Si  fist  li  rois 
mettre  hors  de  Castelet  messire  Gautier  de  Mauni,  et  mener  par 
mesire  Bouchicau  et  par  mesire  Guichart  d'Angle,  qui  lors  estoient 
jone  chevalier,  mesire  Gautier  de  Mauni  à  son  hostel  où  ses  gens 
estaient  logiet.  Et  avoient  tout  dis  esté,  depuis  que  il  fu  mis  en 
prison,  au  Chastiel  Festu,  à  le  Crois  en  Tiroi;  et  fii  là  laissiés  des 
chevaliers.  Et  sus  le  soir  on  li  vint  dire,  de  par  le  roi,  que  à  l'en- 
demain  li  rois  voloit  que  il  venist  disner  à  Tostel  de  Nielle,  où  il 
se  tenoit  conmunement;  et  mesires  Gantiers  Tacorda.  Qant  ce  vint 
à  Tendemain,  li  rois  l'envoia  quérir  moult  notablement  par  ses 
chevaliers,  qui  l'amenèrent  tout  au  lonc  des  rues  de  Paris  et  mon- 
tés sus  cevaus,  et  passèrent  Grant  Pont  et  Petit  Pont  et  venirent 
à  Nielle  dalés  les  Augustins;  et  là  fu  il  receus  moult  honnoura- 
blement  de  tous  les  chevaliers  dou  roi.  Et  fu  li  asisse  adonc  de 
la  table  dou  roi,  li  arcevesques  de  Sens,  premiers,  et  puis  le  roi, 
et  desous,  mesire  Jaquemes  de  Bourbon  et  mesire  Gautier  de 
filauni  :  plus  n*en  i  ot  à  celle  table* 

Et  là  sus  la  fin  dou  disner,  on  présenta  à  mesire  Gautier  de 
Mauni,  de  par  le  roi,  moult  rices  jeuiauls  d'or  et  d'argent,  et 
furent  mis  et  assis  devant  lui  sus  la  table.  lA  chevaliers,  qui 
fu  moult  sages  et  moult  honnerables,  remercia  gruidement  ceuls 
qui  jeuiauls  avoient  aportés  :  ce  f u  li  sire  de  Biaujeu  et  mesire 
Carie  de  Montmorensi.  Qant  li  heure  vint  de  lever  la  table,  en- 
cores  estoient  li  jeuiel  sus  la  table.  Ondistàmesire  Gautier  :  «  Sire, 
faites  lever  ces  jeuiauls  par  vostres  gens,  car  il  sont  vostre*  » 
Mesire  Gautier  respondi  et  dist  :  «  Je  n'ai  pas  deservi  à  recevoir 
dou  roi  de  France  si  grans  dons;  et  qant  je  li  auerai  fait  serrice 


[1346]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  ^^l*         Si 7 

(fui  le  vaille,  je  prenderai  bien  ce  don  ou  aultres.  »  On  detria  sus 
cel  estât  un  petit.  lirois  volt  sçavoir  quel  cose  il  avoit  respondu. 
On  11  dist.  li  rois  pensa  sus  et  puis  dist  :  «  Il  est  frans  homs  et 
loiaus.  Or  li  demandes  de  par  nous  conment  il  les  voelt  prendre, 
car  nous  volons  que  il  li  demeurent.  »  On  retourna  à  mesire 
Gautier  de  Mauni,  et  li  fîi  dite  la  parole  dou  roi.  Il  respondi  à  ce 
moult  prudentement  et  dist  :  a  Je  les  prenderai  par  condition 
tèle  que  je  les  ferai  porter  avoecques  moi  devant  Calais,  et  en 
parlerai  au  roi  mon  signeur;  et  se  il  li  plaist  que  je  lesretiengne, 
je  les  retenrai,  et  aultrement  non.  »  Geste  parole  (a  recordëe  au 
roi.  li  rois  l'en  sceut  bon  gré  et  dist:  «  Faites  li  lever  sus.  Nous 
le  volons.  »  Donc  fist  lever  sus  les  jeuiauls  messires  Gantiers  de 
Mauni,  par  mesire  Mansart  d'Esne,  son  cousin,  et  valoient  bien 
mille  florins. 

Ce  disner  fait,  messires  Gantiers  prist  eongiet  au  roi;  li  rois  li 
donna.  Et  se  départi  de  Nielle  et  fu  raconvoiiés<ies  cevaliers  don 
roi  à  son  hostel  et  là  laissiés.  Mais  au  souper,  li  dus  de  Normen« 
die  l'eut,  et  toutes  ses  gens,  et  lor  fist  très  IxHine  chière,  et  don- 
na à  casqun  ou  coupe  ou  hanap  d'argent,  et  fu  raconduis  À  se» 
hostel  des  chevaliers  dou  duch.  Et  fist  li  rois  de  France 
compter  et  paiier  tout  ce  que  il  avoit  fraiiet  à  Paris,  tant  en 
prison  conme  aillours,  là  où  on  le  pot  sçavoir.  Et  qant,  au  matin, 
messires  Gantiers  de  Mauni  deubt  monter  achevai,  li  dus  de  Nor- 
mendie  li  envoia  une  hagenée  ambkns,  et  un  coursier  bon  ou  pris 
de  mille  livres.  Ensi  se  deparâ  mesires  Gantiers  de  Mauni  de 
Paris,  et  cevauça  depuis  toute  la  frontière  de  France  en  segur 
estât,  tant  que  il  vint  devant  Calais  et  en  la  ville  nove  dou  roi. 

De  la  venue  messire  Gautier  de  Mauni  furent  li  rois  et  li  prin* 
ces  son  fil  et  tout  li  signeur  de  l'oost  moult  resjol,  car  bienavoient 
ol  parler  dou  péril  et  dou  dangier  où  il  avoit  esté.  Assés  tos 
apriès  ce  que  il  fu  là  venus,  et  que  il  ot  parle  au  roi  de  pluisaeurs 
ooses,  il  li  remoustra  par  paroles  moult  sagement,  conment,  sa 
délivrance  faite,  on  l'avoit  honnouré  à  Paris,  et  que  li  rois  de 
France  li  avoit,  seans  à  table,  fait  présenter  moult  riches  dons  et 
jeuiauls  ;  mais  nuls  n'en  avoit  retenus,  fors  par  condition  se  il  li 
plaisoit,  et  non  aultrement.  li  rois  d'Engleterre  respondi  à  ce  et 
dist  :  a  Gautier,  nous  avons  assës  pour  vous  donner;  renvoiiësti. 
Nous  ne  volons  que  vous  en  retenés  nuls.  »  Sm  ceste  parole, 
mesires  Gantiers  prist  tantos  les  jeviauls  ceuls  que  li  rois  U  avoit 
£ttt  présenter,  et  dist  à  sob  cousin,  mesire  Mansart  d'Esne  :  <c  II 


218  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART,  [1346] 

vous  fouit  GeTaacIiier  viers  PariS)  et  rendre  au  roi  ou  à  ses  con- 
mis  ces  jeuiauls  ;  car  li  rois  mon  sigaenr  ne  vQelt.  point  que  je  en 
retiengne  nuls.  »  Mesîres  Mansars  d!£sne  Ai  tous  apariliés  défaire 
ce  mesage  et  se  ordonna  sur  ce,  et  se  départi  4ou  siège  de  Ca* 
lais  et  esploita  tant  par  ses  journées  que  il  vint  à  Paris.  Qant  il  fii 
là  venus,  ils  qui  estoit  assés  congneus  en  l'ostel  dou  roi,  car  on 
li  avoit  veu  pluisseurs  fois,  se  traist  avant  et  fist  tant  que  il  fu  me- 
nés devant  le  roi,  pour  faire  son  message,  et  le  fist  bien  et  sage- 
ment, et  remercia  grandement  le  roi  de  par  mesire  Gautier  de 
Mauni;  mais,  tant  que  des  jeuiauls,  il  les  avoit  ri^rtés.  Donc  de- 
manda li  rois  où  li  jeuiel  estoient;  il  dist:  «c  Sire,  il  sont  ceens  et 
tous  près  de  mettre  là  ou  vous  le  conmanderés.  »  li  rois  regarda 
sus  le  chevalier  et  dist:  «Va,  va;  je  le  tes  donne.  Nous  en  avons 
encores  des  aultres  assës,  »  Ensi  fu  enrichis  mesires  Mansars  d'Es- 
ne,  des  jeuiauls  dou  roi.  Nous  lairons  un  petit  à  parler  de  ces 
besongnes  ichi,  et  retournerons  à  celles  de  Gascongne.  F"  IM 
V  à  127  v«. 

P.  8,  1.  32  :  de  Hajnan.  —  £e  ms^  B  6  ajoute:  et  de  €am- 
bresis.  F»  350. 

P.  9,1.  d  :  frès.  —  Mss.  ^tf  20  à  22:  que  à  cause  de  Tarrest 
avoit  eu.  P  220. 

P.  9,  1.  8  :  Nielle.  —  Msm.  A  \  à  ti  Neelle.  P  154.  —  M4. 
B.  3  :  Nesle  F*  137. 

P.  9,U  9  :  jeuiaulz.  —  Ms.  B  6  :  à'ot  et  d'argent.  F*  350. 

P.  10,  1.  20:  le  roy.  '—Ms*  BZ:  car  n'osa  refuzer  de  lespren* 
dre.P»137v«. 

P.  10, 1.  21  :  dou  prendre.  •—  Mss.  A  18,  19  :  au  prendre. 
F*  154.  —  Mss.  ^  30  tf  33  :  du  reprendre.  P>  191  v«. 

S  S9a.  P.  10,  1.  22  :  Vous  avës.  —  Ms.  d Amiens  :  En  ce 
meisme  tamps,  mist  H  comtez  Derbi,  qui  se  tenoit  à  Bourdiauz  et 
«■toit  tenus  toutte  le  saison,  une  chevauchie  sus  de  Gascons  et 
d'Englèz,  et  passa  à  Blaves,  et  Ji  tout  ses  gens  d'armes  entra  en 
Bwto.  F*  96  v«. 

— j|f#.  de  Rome  :  Vous  avez  bien  ol  recorder  conment  li  confies 
Derbi,  les  François  séant  devant  AgiUon,  s'estoit  tenus  à  Bour- 
diaus  sus  Geronde  ou  à  Liebourne.  Assës  tos  apriès  que  messires 
Gantiers  de  Manni  'se  fu  departb  de  li  et  du  pais,  sus  la  fourme 
que  vous  avez  ol,  li  dis  contes  s'avisa,  et  dist  que  trop  avoit 
séjourné,  et  que  il  voloit  &ire  une  cevauchie  en  Poito  et  en  Sain* 


[1346]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  298.         219 

tongle.  Si  fist  son  mandement  sus  tons  ceuls  desquels  il  pensmt 
à  estre  aidiës,  et  asigna  journée  à  estre  à  Bourdiaus.  A  ce  man* 
dément  vinrent  de  Gasconjgne  li  sires  de  Labret,  li  sires  de 
Mouchident,  li  sires  de  Copane,  ii  sires  de  Pumiers  et  mesures 
HeHes  son  frère,  li  sires  de  Lespare,  li  sires  de  Rosem,  li  sires 
de  Duras,  li  sires  de  Landuras,  li  sires  de  Courton,  li  sires  de 
Labarte,  li  sires  de  Taride,  li  sires  de  Gervols  et  de  Caries,  li 
sires  de  Longeren,  et  tant  que  il  furent  bien  douse  cens  lances 
et  deus  mille  gros  varies  à  lances  et  à  pavais. 

Si  passèrent  toutes  gens  d'armes  et  aultres  la  grose  rivière  de 
la  Geronde  et  prissent  le  chemin  de  Mirabiel.  Qant  il  furent 
venu  jusques  à  là^  il  asallirent  la  ville  et  le  prisent  d'asaut;  mais 
au  chastiel  ne  porent  il  riens  fourfaire,  car  il  est  trop  fors  et 
s'est  bien  gardés  tous  jours  par  usage,  pour  tant  que  il  fait  fron- 
tière sus  la  Giane.  Et  puis  chevauchièrent  deviers  Aunai  et 
conquissent  ville  et  chastiel  et  puis  Surgières  et  Benon.  Et  vin- 
rent devant  Marant,  à  quatre  lieues  de  la  Rocelle,  mais  il  le 
trouvèrent  si  fort  que  point  n'i  tournèrent  pour  le  asallir.  Et 
passèrent  oultre,  et  puis  vinrent  à  Luzegnen  et  ardirent  la  ville, 
mais  au  chastiel  il  ne  fourfissent  riens  et  laissièrent  derière  euls 
Pons  en  Poito  et  Saintes;  mais  pour  tant  que  elles  estoient  fortes 
et  bien  pourveues,  ils  n'i  livrèrent  nuls  assaus.  Et  laissièrent 
Niorth  et  Chiset  et  point  n'i  assalirent  ;  et  vinrent  à  Taillebourc 
sus  la  Carente  :  si  conquissent  la  ville  et  le  castiel,  et  prisent 
tout  et  ardirent  et  desemparèrent.  F**  127  v*  et  128. 

P.  11, 1.  2  :  A  le  semonse.  .*-  Ms.  M  :  U  prist  le  signeur 
de  Labreth,  le  sire  de  Lespine,  le  signeur  de  Machident,  le  sè- 
gneur  de  Gaumont,  le  segneur  de  Pumers,  le  signeur  de  Condon, 
le  seigneur  de  Tarse  et  pluiseurs  aultres  chevaliers,  gascmis  et 
englès  du  pais  bourdelois.  F®  351  et  352. 

P.  11,1.  4:Rosem.  — Jlfxf.^1  à  ik,  t8à22  :Rostin.  F«154 
v».  —  Mss.  ^  30  à  33  :  Rosam.  F»  191  V*.  —  Ms.  B  3  :  Ro- 
san.  F*  137  v». 

P.  11, 1.  5  et  6  :  Longuerem.  —  Msa.  ^  15  à  17  :  Langoran 
Fo  154.  —  Mss.  ^  23  à  29  :  Bougueton.  F*  171  v«.  —  M$s.  A 
30  à  33  :  Bouqneton.  F»  191  ^.  —  Ms.  B  3  :  Langorren 
F*  137  v«. 

P.  11 ,  1.  6  :  Aymeris*  —  Mss^  ^  20  «  23  :  Aymon,  Aymond. 
F*  154  v«. 
_P.  11,  1.  6  :  Tarste.  -^  Mss.  >  1  à  6  :  Tarsse.  F»  154  v«.  ^ 


tSO  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1346] 

Mss.A^Z  à  29  :  Traste.  F*  171  y».  —  Mss.  utf  20  i22  :  Ta- 
ride.  P221. 

P.  11,  1.  8  :  douce  cens.  —  Ms.  £  3  :  deux  cens.  F*  137  v«. 

P.  11,  1.  9  :  piétons.  —  Mss.  ^^  15  A  17:  brigans  à  piet. 
P 154.  —  Mst.  ^  20  à  22  :  compaignons  de  piet.  F>  22. 

P.  11, 1.  10  :  passèrent  :  —  Ms,  B  6  :  et  passa  la  mer  et  la 
rivière  de  Gironde  desous  Blaves.  Et  puis  chevaucha  tant  qu'il 
vint  à  Taillebourcq  et  le  conquist,  puis  entra  ens  ou  pais  de 
Poitou  et  conquist  le  bonne  ville  de  Messières,  après  conquist 
Surgières,  Ausnay  et  puis  Mirabel  et  puis  Mortaigne  sur  la  mer. 
F*  352. 

P.  11,  L  13  :  MirabieK  —  Ms.  JB  3  :  Miranbel.  P  137  v» 

P.  11,  I.  16  :  Ausnay.  —  Mss.  ^  20  à  22  :  Aukiay.  F«  221. 
—  Mss.  ^  23  â  29  :  Ausnoy.  F*  172.  —  Mss.  J  i^  k  17,  30 
à  33  :  Annoy.  F»  154.  —Ms.JB3  :  Annay.  F*  137  v*. 

P.  11 ,  1.  17  :  Benon.  —  Mss.  utf  20  à  22  :  Vemon.  F»  221. 

P.  11,  1.  18  :  Marant.  —  JlfM.  Jiù  à2%  :  Maurant.  F»  22i. 

P.  11, 1.  18  :  quatre.  —  Mss.  J  30  à  33  :  trois.  F*  191  v*. 

P.  11,  1.  22  :  Luzegnon.  —  Mss.  Ji  1  à  iO  :  Luzegnen. 
F>  138  v«.  —  Mss.  A  18  à  22  :  Luzignen,  Lusignen.  F»  158 
V®.  ^  Mss,  A  1  tf  6,  11  À  14,  15  à  17  :  Lizignen,  Lisignem. 
P»  154  vo.  —  Mss.  ^  30  à  33  :  Luzenen.  P  191  v«.  —  Ms.  B 
3  :  Lesignen.  F^"  221 . 

S  S93.  P.  12,  1.  8  :  Tant.  — Af/.  d Amiens  :  Et  vint  (le  comte 
de  Derby)  assegier  le  ville  de  Saint  Jehan  TAngelier,  et  y  sist 
quatre  jours  et  y  fist  pluisseurs  assaus.  Li  bourgois  de  le  ville, 
qui  doubtoient  à  perdre  corps  et  avoir,  se  rendirent  à  lui  et  ou- 
vrirent leurs  portez  et  li  jurèrent  feaultë  et  hoummaige.  Puis  s'em 
parti  li  dis  comtez  et  chevaucha  à  esploit  devers  Monstroel  Bon- 
nin.  Si  le  assaillirent  fortement  quant  il  furent  là  venu.  Et  y  avoit 
dedens  bien  trois  cens  monnoiiers  qui  là  ouvrcnent  monnoie,  qui 
ne  se  veurent  rendre,  mes  dissent  quil  se  tenroient  trop  bien; 
finablement,  il  furent  pris  et  concquis  par  assaut,  et  tout  mort 
chii  qui  dedens  estoient,  et  mis  le  castiaux  en  le  saisinne  dou 
comte  Derbi,  qui  y  ordonna  gens  de  par  lui;  et  de  là  il  vinrent 
devant  le  cité  de  Poitiers,  qui  estoit  pour  le  tamps  rice  et  puis- 
sante. Si  l'environnèrent  li  Englèz  et  li  Gascon,  et  bien  Tavisèrent, 
et  regai*dèrent  que  elle  n'estoit  point  tenable.  Si  l'assaillirent  fort- 
ment  en  quatre  pars  et  le  prissent  de  forche.  Si  le  coururent 


[1346]      VARIANTES  DU  PREBŒR  LIVRE,  $  293.^        ni 

toatte  et  robèi^nt,  et  y  ardirent  pluisseiirs  grans  edefficez  et 
beUez  et  bonnes  églises,  dont  il  y  avoit  grant  fîiisson,  et  y  cono- 
qoissent  si  grant  avoir  que  sans  nombre  :  dont  il  furent  si  char- 
giet  que  il  ne  faisoient  compte  de  pennes  ne  de  draps,  fors  d'or 
et  d'argent.  P»  96  v*  et  97. 

—  Ms.  de  Rome  :  Et  passèrent  (les  Anglais)  la  rivière  et  vin* 
rent  devant  la  vOle  de  Saint  Jehan  l'Angelier,  et  se  ordonnèrent 
pour  le  assegier.  A  ce  jour  que  les  Englois  vinrent  là,  il  n'i  avoit 
dedens  nulles  gens  d'armes.  Et  tout  li  chevalier  et  esquier  de 
Poito  et  de  Saintonge  estoient  retrait  en  lors  forterèces,  et  les 
gardoient  au  mieuls  que  il  pooient;  ne  nulle  asamblëe  il  ne  fai- 
soient, mais  estoit  li  pais  ensi  que  tous  desconfis.  Qant  chil  de 
Saint  Jehan  veirent  que  il  aueroient  le  siège,  si  doubtèrent  le 
lour  à  perdre,  fenmes  et  enfans,  et  lor  ville  arse,  et  ne  lour  ap- 
paroit  confors  de  nul  costé.  Si  tretiièrent  deviers  les  Englois  à 
euls  rendre  et  mettre  en  lor  obeisance,  salve  lors  corps  et  lors 
biens.  Li  Englois  entendirent  as  lors  trettiés,  et  entrèrent  en  la 
ville  de  Saint  Jehan,  et  en  furent  signeur  et  prissent  les  fois  et 
la  seguretë  des  hommes  de  la  ville.  Et  s'i  rafiresqirent  trois  jours 
et  puis  passèrent  oultre,  et  prissent  Je  cemin  de  Poitiers,  et  tant 
esploitièrent  que  il  i  parvinrent.  Qant  chil  de  la  chitë  de  Poitiers 
entendirent  que  les  Englois  venoient  ensi  sus  eub,  si  furent  tout 
esbahi. 

li  contes  Derbi  et  les  Gascons  et  Englois,  qui  en  sa  compagnie 
estoient,  avant  que  il  parvenissent  à  Poitiers,  il  vinrent  devant 
Monstmei  Bonnin,  où  il  avoit  pour  ce  temps  plus  de  deus  cens 
monnouersy  qui  là  forgoient  et  faisoient  la  monnoie  dou  roi.  Et 
estoient  chil  monnoieur  de  pluiseurs  nations  et  dissent:  «  Entre 
nous  sons  en  forte  place  assës  ;  trop  bien  nous  nos  deffenderons.  » 
Qant  les  Englois  et  Gascons  furent  là  venu,  il  envoiièrent  dire  à 
ces  ouvriers  de  monnoie  que  il  se  vosissent  rendre,  ou  il  aueroient 
l'assaut.  Il  respondirent  orguilleusement  que  il  ne  faisoient  compte 
de  lors  manaces.  Qant  les  Englois  entendirent  ce,  si  furent  tout 
courechiet,  et  dissent  que  il  ne  se  departiroient  point  ensi.  Si  con- 
menchièrent  à  asallir  la  forterèce  de  Monstmei  Bonnin,  moult  ^as- 
prementy  pour  le  convoitise  de  le  gaegnier;  car  il  i  esperoient  k 
trouver  grant  argent,  pour  tant  que  li  monnoiier  i  estoient  et  le 
tenoient.  Ce  premier  jour,  il  ne  le  porent  conquérir;  mais  au  se- 
cont  jour,  toutes  gens  alèrent  à  l'asaut  de  si  grande  volentë  et 
si  bien  se  esprouvèrent  que  de  force  il  le  prissent.  Et  entrèrent 


âSS  CHRONIQUES  DE  1.  FROISSART.  [1B46] 

dedens  Englois  et  Gascons  et  ocirent  tout  cenls  que  3  i  trouvè- 
rent, et  i  conquissent  grant  finance  en  monnoie  appariUie;  et  en- 
cores  ne  vint  pas  tout  à  congnissance.  Qant  il  se  deubrent  départir 
de  Monstruel  Bonnin,  il  ardîrent  la  ville,  mais  i  retinrent  le  castel 
pour  euls  et  i  laissièrent  quarante  archiers,  pour  le  garder,  et  lor 
baillièrent  un  capitaine  qui  se  nonmoit  Richart  Fouque  ;  et  puis 
passèrent  oultre  et  chevauchièrent  viers  Poitiers. 

Les  hommes  de  la  chitë  de  Poitiers  estoient  tout  segnefiiet  de 
la  venue  des  Englois,  et  conment  sus  lor  cemin  il  avoient  pris  vil- 
les et  castiaus.  Si  en  estoient  tant  plus  esbahi,  et  ne  sentoient  pas 
lor  ville  forte  assës;  mes  sus  la  fiance  de  auquns  chevaliers  et  es- 
quiers  dou  pais  qui  dedens  s'estoient  boutet  et  requelliet,  tels  que 
li  sires  de  Tannai  Bouton,  li  sires  de  Puissances  et  li  sires  de 
Cors  et  lorsgens,ilseconfortoient.Nequedent,  11  plus  riche  avoient 
widiet  lors  coses  les  miUours  et  envoiiet  oultre  à  Cbasteleraut  et 
d'autre  part ,  et  lors  femnes  et  lors  en£ams,  pour  estre  à  sau- 
veté. 

Vous  devës  savoir  que  Poitiers  est  une  très  grande  chité^  et 
de  forte  garde  et  perileusse,  et  moult  raemplie  d'églises  et  de 
moustiers.  Et  très  que  les  Englois  se  départirent  de  Bourdiaus, 
avoient  ils  jette  lor  visëe  de  venir  à  Poitiers,  et  de  euls  mettre  en 
painne  dou  prendre,  sus  la  fiance  de  avoir  i  un  très  grant  pourfit. 
Qant  il  fiirent  venu  par  devant,  et  li  signeur  Forent  avisée,  et  oon* 
ment  elle  estoit  de  grant  garde,  si  dissent  que  elle  estoit  trop  bien 
prendable.  Si  se  logièrent  ce  premier  jour  devant,  sans  faire  nul 
samblant  de  Tasalir,  et  envoiièrent  lors  coureurs  tout  autour  sus 
le  pais  et  trouvèrent  assës  à  fourer,  car  li  pais  estoit  raemplis  de 
vivres,  et  les  gragnes  plainnes  de  tons  biens,  de  bleds,  de  fains 
et  d'avainnes,  et  les  celiers  plains  de  bons  vins.  Si  prendoient 
les  Englois,  desqueb  que  il  vdioient,  et  le  demorant  laissoient. 

Qant  ce  vint  à  Tendemain,  il  se  départirent  en  siis  pars,  et 
envoiia  li  contes  Derbi  asallir  en  siis  lieus  les  Englois  et  les  Gas- 
cons. Et  estoient  en  casqune  de  ces  batailles,  les  archiers  partis 
ouniement.  Et  tout  à  une  fois  les  siisassaus  conmenchièrent,  dont 
ohil  de  la  ville  furent  tout  esbahit,  car  il  ne  sceurent  auquel  les 
entendre.  Li  gentilhomme  qui  dedens  Poitiers  estoient,  se  missent 
au  deffendre  vaillanment,  mais  il  ne  porent  pas  partout  entendre. 
Et  ces  archiers  traioient  si  ouniement  que  nuls  ne  s'osoit  bouter 
en  lor  trait,  fit  entrèrent  de  deus  assaus  la  première  fois  dedens 
Poitiers  :  ce  furent  fi  sires  de  Ck>pane  et  sa.  banière,  et  li  sires  de 


[1346]      VARIÂIÎTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  ^93.         223 

Pcmmiers  et  sa  banière.  Qant  li  chevalier  et  esipiier  veireiit  que 
on  les  avoit  efforciéSf  et  que  lors  ennemis  entroient  ens,  si  se  r^ 
traisent  au  plas  tos  que  U  porent  deniers  le  chastiel,  et  se  bou- 
tèrent dedens.  Et  aussi  S''i  requellièrent  grant  foisson  de  ceols  de 
Poitiers.  Et  moult  de  hommes,  de  fenmes  et  de  enfans  prissent 
les  camps  par  deus  portes  qui  forent  ouvertes,  et  se  sauvèrent. 
Et  chil  qui  demorèrent  furent  ens  ou  dangier  de  lors  ennemis  qui 
n'en  avoient  nulle  pitë,  mais  i  ot  ce  jour  grande  odsion.  P*  128. 

P.  12,  1.  10:  l'AngeHer.  —  Mss.  Ai  à  H,  18  à  33,  B  3: 
d'Angeli.  F»  15».  —  Mss.  ^  15  ^  17  :  d'Angele.  F*  154  v«. 

P.  12,  L  26:  deRiom.  —  ilfr.  ^  3:  du  Bïcm.  F"  138. 

P.  13,  1.  16:  chevaliers.  —  Les  Mss»  A  15  ^17  ajoutent:  et 
moult  vaillant  homme  d'armes,  f^  155. 

P.  13,  1.  21:  Saint  Maxhniien.  —  Ms.  J?3:  Saint  Maixent. 
F*  138. 

P.  13,  1.  23:  estoient.  —  Ms.  B  6:  Après  il  (le  comte  Derby) 
s'en  ala  par  devers  Luzegnen  ;  sy  prirent  la  ville,  car  les  bourgois 
se  redirent  par  acord  et  se  racatèrent  pour  une  somme  de  flo- 
rins; mais  au  chastiel  n'aprochèrent  il  point,  car  il  est  trop  fort: 
il  eussent  perdu  leur  paine  à  l'asallir.  Puis  s'en  vint  à  Baionne, 
mais  il  n'i  firent  point  de  damaige,  car  les  bourgois  et  les  hom- 
mez  de  la  ville  se  composèrent  au  dit  conte.  Après  les  Englès  s'en 
alèrent  par  devers  Monstreau  Bonin,  là  où  on  forgoit  grant  foison 
de  monnoie  de  par  le  roy  de  Franche:  sy  y  pensoient  les  Englès 
de  y  trouver  grant  finanche.  Monstreul  Bonin  est  ung  bieau  cas- 
tîeau  et  fors.  P»  353  et  354. 

P.  13,  1.  24:  Mottstruel  Bonin.  —  Mss.  A  \  à^x  Monstereul 
Bonin.  F«  155  v«.  —  Mss.  AlO  àî^:  Monstrueil  Boinin.  P»222. 
*-  Mss.  ^  23  À  29  :  Montereul  Bonnin.  F»  172.  —  Mss.  A  ZO  à 
38:  Monstruel  Boyvin.  F*  192.  —  Ms.  B  3:  Montereul  Bonin. 
P»  138, 

P.  14,  1.  9:  gens.  —  Ms.  A  29:  Quant  li  contes  Derbi  eut 
conquis  les  chasteaux  et  forteresses  dessus  déclarées,  il  conclud 
de  venir  à  tout  son  ost  assiéger  la  cite  de  Poictiers,  laquelle  es- 
toit  lors  grande  et  esparse,  et  y  avoit  assez  de  terre  labourée  à 
la  fermeté.  TàutefoysÛ  l'assiégea  à  l'mTdes  lés,  car  il  n'avoitpas 
tant  de  gens  que  pour  l'assiéger  de  tous  costés.  Si  commanda 
incontinent  que  l'assaut  y  fîist  donné.  Et  ceux  de  la  ville,  qui  es- 
toyent  un  grand  nombre,  de  gens  et  la  pluspart  populaires  et  mal 
aîdables  en  tel  cas,  se  défendirent  si  bien  que  pour  ce  jour  te 


2t4  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [I3M] 

gens  du  conte  ne  peurent  rien  conquérir  sur  la  dvé  ;  ainçois  moult 
las  et  travailles,  à  tout  plenté  de  fort  blecés,  ils  se  retrairent  sur 
le  soir  à  leur  logis.  Quant  vint  le  matin,  aucuns  des  chevaliers 
du  conte,  qui  moult  desiroient  à  gaigner,  se  firent  armer  et  mon- 
tèrent à  cheval,  puis  chevauchèrent  autour  de  la  viUe,  pour  aviser 
où  elle  se  pourroit  plus  tost  gangner  d'assault.  Et  quant  ils  eu- 
rent partout  avise,  ils  raportèrent  au  conte  ce  qu'ils  avoient  veu 
et  trouvé,  lequel  trouva  en  son  conseil  d'assaillir  le  lendemain  la 
cité  en  trois  Ueux  et  mettre  la  greigneur  partie  de  ses  gens  d'ar- 
mes et  archers  en  un  endroit  où  il  faisoit  le  plus  foible,  et  ainsi 
fut  faict.  Mais  il  n'y  avoit  adonc  en  la  ville,  nul  gentilhomme  de 
nom,  qui  sceut  que  c'estoit  d'armes  ;  et  aussi  n'estoit  elle  mie 
fort  artillée,  ne  haut  murée  en  maint  lieu,  ne  ordonnée  tellemoit 
qu'on  peust  tost  aller  d'une  deffense  à  l'autre.  Les  Angloys  com- 
mencèrent à  assaillir  par  grand  randon,  et  ces  archers  à  tirer  sans 
arreste  :  si  que  les  bourgeoys  et  manans  ne  se  savoyent  où  tenser, 
pour  les  saiettes  qui  mallement  les  navroyent,  comme  gens  mal 
armés  et  mal  paveschés  lapluspart  qu'ils  estoyent.  Et  si  fut  si  bien 
continué  cel  assault,  que  les  gens  du  conte  entrèrent  en  la  cité 
par  le  plus  foible  quartier. 

P.  15,  1.  10:  dedens.  —  Ms.  u^  29:  Si  tost  que  les  Poitevins 
se  veirent  ainsi  conquis  par  les  Angloys,  ils  se  mirent  en  fuite, 
sans  autre  résistance  monstrer,  au  plus  tost  qu'ils  peurent,  par 
aucunes  des  portes  ;  car  en  la  cité  il  y  avoit  plusieurs  yssues, 
mais  il  en  demoura  de  tués,  que  uns  que  autres,  plus  de  trois 
cens  de  venue,  et  depuis  plus  de  quatre  cens,  car  les  gens  du 
conte  mettoient  tout  à  l'espée,  hommes,  femmes  et  enfiins.  Si  fut 
ce  jour  la  cité  toute  courue  et  robée  de  toutes  parts,  qui  estoit 
pleine  de  grandes  richesses  et  de  tous  biens,  tant  de  bourgeois, 
marchans  et  habitans,  comme  de  ceux  du  plat  pais  qui  en  la  cité 
s'estoyent  retraicts.  Si  destruirent  iceux  gens  du  conte  Derbi 
plusieurs  églises,  et  y  firent  de  moult  grans  desroys,  et  plus  eus- 
sent faict  ;  mais  le  dict  conte  commanda  sus  la  hart  que  nul  ne 
boutast  feu  en  église  ne  en  maison,  car  il  se  vouloit  là  tenir  dix 
ou  douze  jours.  Lors  cessèrent  en  partie  les  maux  à  faire  par  la 
cité,  mais  encores  en  fit  on  par  les  maisons  assez  en  larrecin.  Si 
tint  le  conte  la  dté  douze  jours,  et  plus  l'eust  tenue  s'il  vouâst 
car  personne  du  monde  ne  luy  venoit  caleoger  ;  mais  trembloit 
tout  le  pays  à  l'environ,  que  rien  n'estoit  demouré  dehors  les 
grandes  garnisons. 


^ 


[1346]      VARIANTES  DU  PREMISa  LIVRE,  S  294.         215 

P.  45,  1.  15:  six  cens.  —  Ms.  j9  6:  bouchiers  et  aultres  gens 
de  mestier,  et  toute  la  chitë  courue  et  robée,  et  maisons  brisies, 
et  églises  et  femmes  et  pucelles  violées.  Dont  che  fu  grant  pité, 
mais  en  fait  de  guerre  n'y  a  nui  remède  ne  point  de  merchy.  P* 
354  et  355. 

S  S94.  P.  i6,  1.  3:  Ensi.  —  Ms.  ^ Amiens:  Si  se  avisèrent 
li  Englès  et  li  Gascon,  Tun  par  Fautre,  que  il  avoient  assës 
esploitié  pour  ce  voiaige  et  n'iroient  plus  avant,  mes  retouroient 
et  metteroient  le  leur  à  sauveté.  Si  retournèrent  et  vinrent  à 
Saint  Jehan  l'Angelier,  et  là  se  reposèrent  il  et  rafresquirent,  et 
puis  retournèrent  à  Rourdiaux,  dont  il  estoient parti;  et  se  dépar- 
tirent touttes  ces  gens  d'armes.  Et  assés  tost  apriès,  s'ordonna  li 
comtez  Derbi  pour  venir  à  Calais.  Y^  97. 

^^Mtn  de  home:  Ensi  orent  en  ce  temps  les  Englois  et  les  Gas- 
cons la  chitë  de  Poitiers,  et  i  fissent  che  que  il  vorrent.  Elle  fu 
toute  courue;  et  grandement  i  pourfitèrent  les  Englois  et  i  séjour- 
nèrent quatre  jours.  Et  qant  il  se  départirent,  tout  cargiet  d'or  et 
d'argent,  de  draps,  de  planes  et  de  jeuiauls,  il  boutèrent  le  feu 
dedens,  car  il  n'orent  pas  consel  de  le  tenir  :  liquels  feus  fu  si 
grans  et  tant  mouteplia  que  pluisseurs  églises  furent  arses  et 
peries,  dont  ce  fu  pités  et  damages. 

Et  s'en  retournèrent  les  Englois  viers  Rourdiaus  par  un  aultre 
cemin  queU  n'estoient  venu,  et  rentrèrent  en  Rourdiaus  tout  rice 
et  toursé  de  bonnes  coses.  Et  orent  sus  ce  voiage  les  Ekiglois  et 
les  Gascons  plus  de  quatre  cens  prisonniers,  lesquels  ils  rançon- 
nèrent, qant  il  furent  venu  à  Rourdiaus,  tout  à  lor  plaisance;  et 
en  recrurent  courtoisement  les  auquns  sus  lors  fois,  qui  depuis 
paiièrent  à  lor  aise,  car  en  tels  coses  Englois  et  Gascons  ont  esté 
moult  courtois.  Qant  li  contes  Derbi  fu  retournés  à  Rourdiaus,  il 
donna  à  toutes  gens  d'armes  congiet,  et  se  ordonna  de  monter 
sus  mer,  et  de  venir  devant  Calais  veoir  son  signeur  et  cousin  le 
roi  d'Engleterre  que  moult  desiroit  à  veoir;  et  fistses  pourveances 
de  nefs,  de  vassiaus  et  de  balenghiers  sus  la  rivière  de  Geronde, 
devant  la  bonne  chité  de  Rourdiaus.  Nous  retournerons  as 
besongnes  d'Engleterre,  et  parlerons  dou  roi  David  d'Escoce  et 
des  Escocois,  qui  fist  en  celle  saison  une  grande  asamblée  en 
Escoce,  pour  entrer  en  Engleterre  et  destruire  le  pais.  F*  129. 

P.  16,  1.  5  :  douze.  —  3fx.  ^  6  :  quinze.  F»  355. 

P.  16,  1.  6:  nub.  — >  Les  mss.  Ai  à^  ajoutent:  ne  lui  me- 

tv--15 


tt6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

noit  guerre.  P>  156.  — Mss.  u^  10^  22:   n'y  mettcât  quelque 
empeschemenl.  F®  223. 

P.  16, 1.  6  :  calengier.  — Mss.  ^  1  à  6,  30  a  33  :  chaleogier. 
F»  156.  —  Mss.  u^  23  à  29  :  au  devant.  P»  172  V».  ~  Jlfo.  B  3  : 
empescher.  F®  139. 

P.  16,  1.  8  :  Englès.  —  Ms.  B6  :car  tous  les  joursil  oouroient 
jusques  au  Casteleraut  et  jusques  à  Chauvegni,  pillant  et  robant 
villes  et  villaiges  et  tout  che  qu'ils  trouvoient,  et  revenoient  au 
soir  dedens  la  chité  de  Poitiers.  F®  355. 

P.  16,  1.  10  :  demorë. — Ms.  B  3  :  dedens  les  fors  et  grandes 
garnisons.  F*  139, 

P.  16,  1.  10:  dehors.  —  Mss.  A  i  à  6,  11  ^  14,  18,  19: 
fors  les  forts.  F»  156. 

P.  16, 1.  13:  de  grant  garde.  —  Mss.  ^  20  à  22  :  de  grant 
tour.  P»  223.  —  Ms.  B  3:  grande.  F»  139. 

P.  16,  1.  17:  compte.  —  Ms.  j9  6:  de  blanche  monnoie. 
F«  355. 

P.  16, 1,  19  :  TAngelier.  —  Ms.  B  6:  Quant  le  conte  Derby 
et  toute  sa  route  fot  revenue  à  Saint  Jehan,  on  les  rechut  à 
grant  joie,  les  plus  par  forche,  et  les  mains  par  amour.  F*  355. 

P.  16, 1.  31  :  soupers.  —  B  3  ajoute:  et  banquets.  F*  139. 

P.  16,  1.  31  :  les  tenoit.  —  Mss.  ^  1  à  6,  18  à  22  :  se  tenoit. 
F»  160  v«. 

P.  17,  1.  1:  séjourne.  '^  Ms,  B  6:  envu*on  quinze  jours. 
F*  356. 

P.  17,  1.  4  :  le  viUe.  —  Ze  ms.  B  3  ajoute:  et  fit  maire  le 
plus  riche  homme  d'icelle.  F»  139. 

P.  17, 1.  7  :  le  bon.  —  Zes  mss.  ^  15  à  17  ajoutera:  et  droit. 
F»  155  V. 

P.  17,  1.  9  :  parti.  — -  Ms.  B  6  :  mais  il  laissa  bien  deux  cens 
Eng]ès  par  les  fortressez  qu'il  avoit  conqub  et  ung  chevalier  à 
cappitaine  que  on  clamoit  monseigneur  Richart  de  Hebedon. 
F»356. 

P.  17, 1.  13:  Gascons.  —  Ms.  B  6:  et  bidaults.  F*  356.  — 
Mss.  ^  20  à  22  :  et  Anglois.  P  223  v«. 

P.  17,  L  15  :  devant.  —  Mss.  A  i  à  &^  \%  à  ili  devers. 
F»  160  V*. 

P.  17,  1. 17:  roy.  —  Ms.Ji  6  :  David.  F*  356. 

S  S8iS.  P.  17,  1.  18 1  Je  me  sui.  ~  Ms.  dJmiem:  En 


[1346]      VARIANTES  DU  FREBflER  LIVEE,  g  295.         SS7 

tamps  que  U  rois  d'Engleterre  seoit  devant  Calais,  s'esmorent  li 
Esoot  et  entrèrent  en  Engleterre  moult  efforceement  aprestë  pour 
tout  ardoir,  et  passèrent  entre  Bervich  et  Rosebourcq.  Si 
estoient  en  le  compaignie  dou  roy  d'Escoce  li  comtes  Patrie,  li 
contes  de  Moret,  li  contes  de  Douglas,  li  contes  de  Surlant,  li 
contes  de  Mare,  li  contes  de  Fi,  messires  Robiers  de  Verssi,  mes- 
sires  Simons  Fresel,  Alixandrez  de  Ramesai  et  pluisseur  autre,  et 
estoient  bien  deux  mil  hommes  d'armes  et  vingt  mil  d'autrez 
gens.  Li  roynne  d'Engleterre,  qui  pour  le  temps  se  tenoit  sus  les 
marches  de  Northombrelant,  entendi  que  li  Escot  avoient  fait  ung 
grant  mandement  et  voUoient  entrer  en  Engleterre.  Si  fist  une 
semonsce  de  gens  d'armez  par  tout  le  royaumme  d'Engleterre,  là 
où  elle  penssoit  qu'il  fuissent,  et  leur  mist  journée  àestre  au  Noef 
Castiel  sur  Thin,  pour  résister  contre  les  Escos.  lâ  pays  estoit 
adonc  moût  nds  de  gens  d'armes,  car  il  estoient  avoecq  le  roy 
devant  Gallais ,  et  ossi  avoecq  le  comte  Derbi  en  Gascoingne,  et 
s'en  y  avoit  ossi  en  Bretaingne,  qui  là  faisoient  gherre.  Nonpour- 
quant,  la  bonne  damme  assambla  de  gens  ce  qu'elle  en  peult 
avoir,  et  s'en  vint  au  Noef  Castiel  sur  Thin.  Et  là  se  requeillièrent 
et  assamblèrent  li  Englès,  et  se  missent  sour  lez  camps  pour  com- 
battre les  Escos,  qui  estoient  assës  priés  de  là.  F^  97. 

— J£r.  de  Borne  :  Qant  li  rois  de  France  et  ses  consauls  veirent 
que  li  rois  d'Engleterre  et  les  Englois  estoient  aresté  devant  Ca- 
lais et  tellement  fortefiiet  et  ordonné  que  on  ne  lor  pooit  porter 
contraire  ne  damage  ne  lever  le  siège,  si  en  furent  moult  courou- 
chié  ;  car  de  perdre  une  telle  ville  que  Calais  est,  ce  pooit  estre 
trop  grandement  aublame  et  ouprejudice  dou  roîaulme  de  France, 
et  par  especial  des  marces  et  frontières  de  Piqardie.  Si  jettèrent 
Vx  visée  K  François  que  il  feroient  le  roi  d'Escoce  et  les  Escoçois 
resvillier,  et  entrer  à  poissance  au  lés  deviers  euls,  ens  ou 
roiaulme  d'Engleterre,  et  ardoir  et  essillier  tout  devant  euls  .  Il 
n'i  veoient  aultre  remède,  car  qant  les  Englois  aueroient  ces  nour 
velles,  pour  obviier  à  l'encontre,  il  se  departiroient  dou  siège  de 
devant  Calais  et  s'en  retoumeroient  en  Engleterre. 

li  rois  d'Engleterre,  qui  seoit  devant  Calais,  avoit  bien  imaginet 
et  consideret,  et  son  consel  aussi,  toutes  ces  besongnes,  et  que 
▼drement  les  Escoçois  qui  desiroient  à  contrevengier  les  damages 
et  despis  que  les  Englois  lor  avoient  fais,  poroient  entrer  en 
Engleterre  et  faire  i  un  grant  damage.  Et  sin'estoit  pas  li  pais  bien 
pourveus  pour  le  delTendre  et  garder  à  l'encontre  des  Escoçois  ; 


Si8  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [1346] 

car  il  tenoit  là  au  siège  devant  Calais  toute  la  flour  de  la  bonne 
chevalerie  d'Engleterre  ;  et  aussi  son  cousin  li  contes  Derbi  en 
avoit  grant  fuisson  en  sa  compagnie  en  Gascongne  :  si  ques,  pour 
toutes  ces  doubtes  et  inconveniens  qui  pooient  avenir,  le  roi 
d'Engleterre,  venu  devant  Calais,  et  basti  son  siège  en  la  fourme 
et  manière  que  vous  avës  ol  recorder,  il  ordonna  que  li  sires  de 
Persi,  li  sires  de  Noefville,  li  sires  de  Roos  et  li  sires  de  Lussi 
retoumeroient  en  Engleterre,  à  tout  deus  cens  lances  et  cinq 
cens  archiers,  et  iroient  en  Norhombrelande  garder  la  frontière 
contre  les  Escocois. 

Encores  demoroient  gens  assés  au  roi  d'Engleterre  pour  fîiniir 
et  tenir  son  siège,  parmi  le  moiien  de  ce  que  nuls  ne  pooit  venir 
sus  euls,  tant  estoient  il  bien  fortefiiet.  Et  aussi  les  Flamens  de 
Flandres  escripsoient  et  envoioient  souvent  deviers  le  roi  d'Engle- 
terre, en  li  remoustrant,  conme  si  soubject,  amie  et  aloiiet,  que, 
qant  il  les  vodroit  avoir  et  ils  leur  segnefieroit,  il  le  venroient  dou 
jour  à  Tendemain  servir  à  soissante  mille  hommes.  li  rois  d'En* 
gleterre  ne  renonçoit  pas  à  ce  comfort,  mais  les  tenoit  à  amour 
moult  grandement  :  si  ques,  sus  lor  fiance  et  confort,  ils  s'estoit 
priés  pris  de  renvoiier  ces  quatre  barons  desus  iionmés  en  Engle- 
terre. Et  qant  il  i  furent  venu,  il  trouvèrent  la  roine  Phelippe 
d'Engleterre,  qui  n'estoit  pas  esbahie,  mais,  conme  vaillans  dame, 
requelloit  et  asambloit  gens  de  toutes  pars  ;  et  estoit  la  bonne 
dame  traite  en  la  chité  de  Evruich,  que  on  dist  lorch. 

Si  fu  la  dame  moult  resjole  de  la  venue  des  quatre  chevaliers 
desus  dis  et  des  bonnes  nouvelles  que  elle  ot  de  son  signeur  et 
mari ,  le  roi  d'Engleterre.  Et  se  ordonnèrent  tout  l'un  parmi 
l'autre,  atendans  le  roi  d'Escoce  et  les  Escocois  qui  estoient  issu 
d'Escoce  et  jà  entré  eus  es  frontières  de  Norhombrelande,  et  ar- 
doient  et  essilloient  à  lor  pooir  tout  le  pais.  Et  estoient  plus  de 
quarante  mille;  ne  nuls  n'estoit  demorës  derrière,  de  qui  on  se 
peuist  aidier.  F»  429  r®  et  V>. 

P.  17,  1.  21  :  prisent.  —  Ms,  i?  6  :  à  durer  trois  ans.  F*  356. 

P.  18,  1.  21  :  Adultilles.  —  Ms.  S  3:  Adulailles.  F»  139  v*. 

P.  18,  1.  29:  qui  se  tenoit. —  Ms.  £  6  :  adonc  en  Nothingen. 
F*  358. 

P.  18,  1.  29  et  30  :  de  Evruich.  —Mss.  ^  15  à  17  :  d'Euricb. 
F»  156.  —  Mss.  ^  23  a  29:  de  Bervich.  F»  173  v«,  —  Ms.  BZ  : 
de  Everuich.  F*  139  v«. 

P.  18,  1.  30  :  enfourmée.  —  Ms.  B  6:  car  tous  jours  avoit 


[1346]      VARUimS  DU  PREBflER  LIVRE,  S  296.         2t9 

die  ses  espies  sur  les  marches  d'Escoche,  et  en  estoit  moult  soi- 
gneuse, pour  tant  que  \y  rois  ses  sires  n'estoit  mies  ou  pais. 
Quant  la  roine  entendy  que  \y  Escos  estoient  assemblez  pour  en- 
trer ou  pais,  elle  se  party  hastivement  de  Nothingen  et  s'en  vint 
devers  le  Neuf  Gastel  sur  Thin  et  envoia  par  tout  le  pais  de 
Northonbreland  et  par  toute  le  province  d'Iorc  et  de  Camtorbie 
as  chevaliers  et  as  escuiers  qui  demorës  estoient  en  Engleterre, 
as  evesques  et  as  abbés,  à  contes  et  gens  qui  valloir  povoient. 
F*  358. 

P.  19,  1.  4  :  d'Iorch.  —  Mss.  A  \\  à  14:  de  Diorch.  F»  149. 
—  Mss.  A%Zà  29,  30  à  33  :  d'Ebruich.  P>  1 74  v«. 

P.  19,  1.  5  :  Evruich.  —  Mss.  ^  1  à  6,  18  à  22  :  Bervich. 
P»157. 

P.  19,  1.  10  :  signeur.  —  Ms.  A  29  :  qu'à  tout  ce  qu'ils 
pof  oient  recouvrer  de  gens  d'armes,  ils  vinssent  vers  elle. 

P.  19,  1.  11  :  Evruic.  —  Mss.  A  i  à6i  Bervich.  F*  157,  — 
Mss.  A  i^  à  17:  Ewruich.  F»  156.  —  Mss.  A  iS  à  22,  i?  3; 
Bervich.  F*  224. 

P.  19,  1.  21  :  Nuef  Ghastel,  —  Mss.  ^  15  à  17:  Neuf  Chas- 
teau.  F>  156  v*. 

Sg  996  à  S99.  P.  19  à  29  :  Entrues.  —  Ms.  d'Amiens  :  Si 
reooummanda  la  ditte  roynne  touttes  ses  besoingnes  et  ses  gens 
d'armes  et  archiers  en  le  garde  de  quatre  prelas  et  quatre  barons 
qui  là  estoient  :  Tarcevesque  de  Cantorbie,  l'arcevesque  d'Iorch, 
l'evesque  de  Durem  et  l'evesque  de  Uncolle;  et  les  barons  :  le 
seigneur  de  Persi,  le  seigneur  de  NuefviUe,  le  seigneur  de  Mout- 
hray  et  le  seigneur  de  Luzi.  Si  se  traissent  ces  gens  d'armes 
d'Engleterre  et  chil  archier,  qui  n'estoient  non  plus  de  huit  mil 
hommes,  ungs  c'autres,  sus  les  camps  et  ordonnèrent  trois  batail- 
lez bien  et  faiticement,  les  archiers  sus  elle,  enssi  que  bien  sèvent 
faire»  et  les  gens  d'armes  apriès.  Là  eut  grande  bataille  et  dure, 
car  Escot  sont  moût  bonne  gens  et  dure,  et  qui,  pour  ce  tamps, 
heoient  trop  les  Englès  pour  les  grans  dammaigez  qu'il  leur 
avoient  fais;  et  si  estoient  adonc  là  grant  fuisson:  si  les  ami- 
roient  petit.  Là  eut  otant  de  grans  appertisses  d'armez  faittez 
que  on  ^wist  oy  parler  de  grant  tamps.  Et  se  prendoient  li  En- 
glès, qui  n'estoient  que  ung  peu  de  gens,  moult  priés  de  bien 
faire,  et  fissent  tant  par  leur  proèce  et  hardement  que  il  obtin- 
rent le  place.  Et  fîi  là  pris  li  roys  David  d'Escoce  d'un  escuier 


Î30  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSâRT.  [1S46] 

englèz  qui  s'appielloit  Jehans  de  Gopelant,  à  qui  li  roys  d'En» 
gleterre  fist  depuis  grant  prouffit,  et  li  donna  toutte  la  terre 
que  li  sîrez  de  G>uchi,  pour  le  temps,  tenoit  en  Engleterre.  Et 
furent  là  mort  et  pris  tout  li  plus  grant  partie  des  seigneurs 
d'Escoche.  Geste  bataille  fii  assës  pries  dou  Nuef  Gastiel  sur  Tin, 
l'an  de  grasce  Nostre  Seigneur  mil  trois  cens  quarante  six,  par  un 
mardi,  l'endemaîn  dou  jour  de  Saint  Mikiel,  en  septembre.  Si 
devës  savoir  que  li  roys  d'Engleterre  sceut  grant  gret  à  ses 
gens  qui  là  avoient  estet  et  qui  si  bien  s'i  estoient  porté  que 
desconfi  ses  ennemis  et  pris  le  roy  d'Escoce  son  adversaire.  De 
la  joie  qu'il  en  eult,  ne  vous  voeille  je  mies  longement  parler, 
mes  nous  retourons  au  siège  de  Calais.  F^  97. 

P.  19,  1.  23  :  Entrues.  —  Ms.  de  Rome:  Entmes  que  laroyne 
d'Engleterre  avoit  fait  son  asamblëe  et  faisoit  encores  en  la 
marce  et  la  firontière  d'Iorch,  li  rois  David  d'Escoce  et  les  Esco- 
çois,  à  trois  mille  armeures  de  fier,  chevaliers  et  esquiers,  et 
bien  trente  mille  de  aultres  gens,  tout  homme  de  guerre  et  en 
pourpos  de  courir  toute  Engleterre,  car  il  le  sentoient  desnuëe 
de  gens  d'armes  et  d'archiers,  entrèrent  an  lés  deviers  Rose- 
bourch,  en  la  terre  le  signeur  de  Persi.  Et  vinrent  un  jour  à 
Annuich,  mais  au  chastiel  ils  ne  peurent  riens  fourfaire  ;  et  pas-* 
sèrent  oultre  pour  passer  à  gué  la  rivière  de  Thin,  pour  venir 
devant  Durâmes  et  lorch  et  entrer  en  la  plainne  Engleterre. 
F»  129  v«. 

P.  19,  1.  25  :  Saint  Jehanston.  —  Mss.  Ai  à  17  :  Saint 
Jehan.  F*  157  v*.  —  Mss.  ^^  23  à  29  :  Saint  Jehan  surTaye. 
F*  173  V. 

P.  19,  1.  27  :  Donfremelin.—Jlfj*.  J  \  à  6,  ii  à  ik  :  Dour- 
fremelin.^F»  157  V».  —  Mss.  ^^  20  4  22  :  Destrumelin.  F«224 
V*.  —  Mss.  u^  30  à  33  :  Donfremesnil.  F*  1 92  v». 

P.  19,  1.  29  :  Struvelin.  —  Mss.  ^^  1  à  10,  15  ^  19.  Stru- 
melin.  P>  157  v«.  —  Mss.  A  10  à  ^f  :  Estrumelin.  F»  224.  ~ 
Mss.  A  13  à  19  :  Sturmelin.  F»  173  v*.  —  Mss.  ^  30  à  33  : 
Esturmelin.  F*  192  v». 

P.  19,  1.  31  :  tout  li  Escot.  —  Ms.  B  Q  :  Se  fist  le  (tit  roy 
son  especial  mandement  et  une  grant  asamblée  à  y  estre  à  le 
Saint  Jehan  ensuivant  tous  à  celle  assamblée.  Et  y  furent  cil  si- 
gneur que  je  nommeray  :  premiers  le  conte  Patris,  le  conte  de 
Moret,  le  conte  de  Douglas,  messire  Archebaus  Duglaz  ses  cou- 
sins, messire  James  Douglas  leur  oncle,  le  conte  d'Qrquenay,  le 


[t346]     VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  297.         231 

conte  d'ABtrederne,  le  conte  de  Rose,  le  conte  de  Fy,  le  conte 
de  Surlant,  le  comte  de  Bosqnem,  messire  Robert  de  Versy,  mes* 
sire  Simon  Fresiel,  Alixandre  de  Ramesay,  tant  qu'il  furent  bien 
deux  mille  lances  et  dix  sept  mille  hommes  sur  hagenées,  car 
toutes  les  basses  gens  d'Escoche  ont  haghenëes,  quant  ils  vont 
en  l'ost.  F»  357  et  358. 

P.  19,  1.  31  :  trois  mil.  —  Ms.  £  Z  :  quatre  mil.  F»  139  V. 

P.  20,  1.  10  :  legierement.  —  Ms.  ^^  29  :  Et  quant  les  Es- 
cossoys  l'eurent  regarde,  ils  passèrent  oultre  sans  y  assaillir,  car 
c'estoit  peine  perdue. 

P.  ^0,  1. 11  :  Urcol.  —  Mss.  ^  1  ^  14,  18  à  22,  B  3  :  Vicol. 
F>  157 v«.  —  Mss.  jii^àil  i  Nichol.  F»  156  v«.  —  Mss.  A 
23  à  33  :  lincol.  F»  173  v«. 

P.  20,  1.  13  :  Northombrelant.  —  Ms.  S  3  :  Notombrelant. 
F*  140. 

P.  20,  1.  15  :  Bervich.  —  Mss.  ^^  23  iz  29  :  Ebruich.  F<>  173 
▼•.  —  Mss.  ^  30  à  33  :  Bruicb.  192  v«. 

P.  20,  1.  17  et  18  :  Noef  Cbastiel.  —  Ms.  B  3  :  Mareschal 
sur  Tin.  F*  140. 

S  S07.  P.  20, 1.  19  :  La  royne.  —  Ms,  de  Borne  :  Sus  celle 
entente  le  faisoient  il  (les  Écossais]  et  ne  quidoient  pas  que  nuls 
lor  deuist  aler  au  devant  ne  résister  lor  cemin,  tant  estoient  il 
orguilleusetpresomptieus;  mais  si  fissent,  car  si  U*etos  que  les 
nouvelles  vinrent  à  la  roine  d'Engleterre,  qui  se  tenoit  à  lorch, 
et  qui  là  avoit  asamblë  ce  que  elle  pooit  avoir  de  gens,  [et  que 
elle]  sceut  que  li  rois  d'Escoce  et  les  Escoçois  estoient  entré  en 
Norbombrelande  et  ardoient  et  essilloient  le  pais,  pour  mieux 
montrer  que  la  besongne  estoit  sienne,  eUe  se  départi  de  Evruich 
à  ce  que  elle  avoit  de  gens,  le  conte  de  Honstidonne ,  que  elle 
avoit  fait  connestable  de  toute  son  hoost,  et  le  signeur  de  Mout*- 
brai,  marescal,  en  sa  compaignie.  Et  là  estoient  li  archevesques 
de  Cantorbie,  li  archevesques  d'Iorch,  li  evesques  de  Londres,  li 
evesques  de  Harfort,  li  evesques  de  Nordvich,  li  evesques  de 
lincole  et  li  evesques  de  Durâmes;  car  en  Engleterre,  qant  li 
besoins  est,  tout  Û  prélat  et  li  clergiës  s'arment  pour  aidier  à 
deffendre  et  garder  leur  pais.  li  rois  d'Escoce  et  les  Escoçois 
esploitièrent  tant  q[ue  il  vinrent  logier  à  trois  petites  lieues  dou 
Noef  Chastiel  sur  Thin,  où  la  roine  d'Engleterre  estoit  venue.  Et 
pas  ne  savoient  les  Escoçob  que  elle  fust  là  ne  en  celle  assamblée 


33S  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1346] 

des  An§^ois,  et  ne  le  tènoient  pas  à  si  vaillant  fenme  que  elle 
estoit  et  que  il  le  trouvèrent. 

Bien  sçavoient  les  Escocois  que  les  Englois  estoient  requelliet 
en  la  ville  dou  Noef  Ghastiel  sur  Thin;  si  ques,  qant  il  furent 
venu  et  arestë  à  trois  petites  lieues  englesces  priés  de  là,  il  leur 
mandèrent  par  un  hiraut  que,  se  il  voloient  traire  hors  et  venir 
sur  les  camps,  il  trouveroient  les  Escocois  tous  près,  qui  les 
combateroient  ;  et,  se  il  ne  venoient,  il  fuissent  tout  conforte  que 
il  les  venroient  requerre  dedens  le  Noef  Ghastiel.  ÎA  baron  de 
Northombrelande  et  li  contes  de  Hostidonne,  as  quels  les  paroles 
et  resquestes  adrechièrent,  respondirent  \qae  il  isceroient  bien, 
qant  bon  lor  sambleroit,  non  à  la  volentë  de  lors  ennemis.  Qant 
ceste  response  lu  oie,  li  Escocois  dissent  ensi  ensamble  :  «  Ces 
Englois  nous  doubtent.  Il  ne  sont  que  un  petit  de  gens  ;  il  n'ose- 
ront issir  hors  du  Noef  Ghastiel.  Se  nous  les  voulons  avoir,  il  les 
nous  convient  là  aler  querre.  Nous  les  assegerons;  il  seront 
nostre.  Nous  tenons  les  camps  en  Engleterre.  Avant  que  li  rois 
d'Engleterre  et  sa  poissance  qui  sont  à  siège  devant  Calais, 
soient  chi  venu,  nous  auerons  fait  nostre  fait  et  desconO  tout  le 
pais.  Nous  sçavons  bien,  honmes  pour  honmes,  que  nous  sonmes 
siis  contre  un,  car  U  pais  d'Engleterre  est  à  présent  tout  wis  ;  et 
ont  encores  avoecques  euls  grant  fuisson  de  dergiet,  liquel  n'aue- 
ront  nulle  durée  contre  nous,  car  il  ne  sont  point  fait  de  la  guerre.  » 

Ensi  se  devisoient  li  Escocois  et  comptoient  les  Englois  pour 
tous  desconfis;  maïs  li  Englois  ne  Tentendoient  pas  ensi.  Ançois 
missent  ils  en  lors  arrois  sens,  ordenance,  avis,  et  moustrèrent 
corage  de  vaillance.  Et  furent  consilliet,  sus  la  response  que  il 
avoient  faite  as  hiraus  qui  lor  avoient  aportë  la  bataille,  que  il 
n'atenderoient  pas  que  les  Escos  les  venissent  requerre  ne  en- 
clore dedens  la  ville  dou  Noef  Ghastiel  sur  Thin,  mais  se  depar- 
tiroient,  le  bon  matin,  tout  aprestë  pour  tantos  combatre,  se  il 
besongnoit,  et  se  meteroient  sus  les  camps  et  prenderoient  cel 
avantage,  et  ensi  esbahiroient  ils  lors  ennemis.  Sus  la  fourme  et 
manière  que  il  proposèrent,  ensi  le  fissent  ils.  Ce  prope  soir,  li 
contes  de  Hostidonne,  connestables  de  l'oost,  et  li  sires  de 
Moutbrai,  marescaus,  envoiièrent  nonchier,  d'ostel  en  ostel, 
parmi  la  ville  dou  Noef  Ghastiel  sus  Thin  que  au  point  dou  jour, 
au  son  de  la  tronpette,  casquns  fust  près  pour  monter  à  cheval 
et  pour  sievir  Toost  là  où  les  banières  chevauceroient.  Tout 
Facordèrent. 


[1346]      VABIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  297.         233 

Qant  ce  vint  au  point  dou  jour,  les  tronpètes  sonnèrent; 
toutes  manières  de  gens  se  resvillièrent.  Au  second  cop  de  la 
tronpète,  tout  s'armèrent;  et  au  tîerch  son  de  la  tronpète,  tout 
montèrent  as  chevaus,  voires  chil  qui  cheval  avoient.  Et  chil  de 
piet  furent  tous  près  aussi  pour  partir  et  euls  poursievir  ;  et  issi- 
rent  tout  dou  Noef  Chastiel  et  se  traissent  sus  les  camps,  et  ce- 
minèrent  tout  droit  deviers  les  Escoçois.  Et  là  estoit  la  bonne 
roine  d'Engleterre,  la  très  vaillans  dame,  de  quoi  tous  estoient 
plus  rencoragiet  assës,  de  ce  que  il  le  sentoient  avoecques  euls. 

Les  Escos  ne  se  donnèrent  de  garde  au  matin,  qant  les  nou- 
veUes  lor  vinrent.  Et  leur  fu  dit  ensi  :  «  Vechi  les  Englois  :  il 
nous  viennent  courir  sus  et  combatre.  »  De  ces  paroles  furent 
ils  moult  esmervilliet,  et  ne  le  voloient  li  auqun  croire;  et  i  en- 
voiièrent  lors  coureurs  pour  descouvrir  et  sçavoir  se  ces  nou- 
velles estoient  vraies.  Cbil  qui  i  furent  envoiiet  raportèrent  que 
il  avoient  veu  les  Englois  qui  tout  s'estoient  ordonné  au  lonch 
de  une  haie  et  mis  en  bataille,  et  les  archiers  sus  deux  elles. 
Donc  demandèrent  li  contes  Douglas  et  li  contes  de  Moret,  en  la 
(Nresence  du  roi  d'Escoce,  se  il  estoient  grant  fuisson.  Chil  res- 
pondirent  sagement  et  disent  :  «  Nous  ne  les  poons  avoir  tous 
nombres,  car  il  se  sont  couvert  et  fortefiiet  de  la  haie.  Se  ne 
savons  se  il  en  i  a  otretant  delà  la  haie  que  nous  en  avons  veu 
dechà.  3>  Donc  fu  dit  et  devise  entre  les  Escos  :  «  Or  les  lai- 
sons  en  ce  parti  où  il  sont  ;  il  n'osent  traire  avant,  car  il  ne  se 
sentent  pas  fort  assës.  Il  se  taneront  et  hoderont,  et  jà  sus  le 
soir,  nous  les  irons  combatre,  se  il  nous  vient  bien  à  pomt.  » 
Chils  consauls  fu  tenus,  et  se  tinrent  les  Escoçois  tout  quoi;  et 
n'estoit  nuUes  nouvelles  de  euls  ne  fu  jusques  à  haute  nonne  : 
dont  les  Englois  furent  tout  esmervilliet  de  ce  que  il  ne  traioient 
avant. 

En  celle  detriance  se  consellièrent  li  baron  et  li  prélat  d'En* 
gleterre  et  regardèrent  pour  le  millour  et  le  plus  segur  que  la 
roine,  lor  dame,  retoumeroit  au  Noef  Chastiel  :  si  aueroient  mains 
de  carge  et  de  songne;  et  remoustrèrent  cel  avis  et  lor  consel  à 
la  roine,  et  le  péril  aussi  que  ce  pooit  estre  de  li,  car  pour  le 
millour  on  l'avoit  consilliet.  La  bonne  dame  ne  volt  pas  brisier 
lor  consel,  quoique  volentiers  elle  fust  demorëe  dalés  ses  gens. 
Qant  ce  vint  au  départir,  elle  lor  pria  de  bon  coer  et  par  grande 
affection  que  tout  vosissent  entendre  au  bien  conbatre,  se  la  ba- 
taille avoient  ;  et  tout  li  fianchèrent,  par  la  foi  de  lor  coer,  que 


^ 


134  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSAAT.  [1846] 

jà  ne  se  fainderoient,  mais  feroient  tant  qae  il  aueroient  honnour 
et  pourfit.  Adonc  se  départi  la  roine  de  la  place,  et  retourna 
deviers  le  Noef  Ghastiel  et  laissa  ses  gens  convenir. 

Qant  la  roine  fii  départie,  li  signeur  et  li  prélat  se  remissent 
ensamble  en  consel;  et  dissent  chil  liquel  estoient  le  plus  usé 
d'armes  :  «  Se  nous  atendons  jusques  à  la  nuit,  ces  Escoçois,  qui 
sont  grans  gens,  nous  poront  venir  courir .  sus  et  porter  trop 
grant  damage.  Si  seroit  bon  que  nous  envolons  viers  euls  jusques 
à  cinq  cens  lances,  pour  euls  atraire  hors  de  lors  logeis,  et  que 
li  nostre  se  lacent  cachier,  tout  au  lonch  de  celle  haie,  là  où 
nostre  archier  seront  mis  et  aresté.  Et  se  les  Escos  viennent 
soudainement  après  nos  gens,  ensi  que  il  sont  bien  tailliet  de  ce 
foire,  car  il  sont  chaut,  bouUant  et  orguilleus,  et  tant  que  pour 
l'eure  il  prisent  moult  petit  nostre  affaire,  nostres  archiers,  qui 
sont  frès  et  nouviauls,  trairont  sus  euls  et  entre  euls  ;  et  nous 
aussi,  gens  d'armes,  les  requellerons  ensi  conme  il  aperdent  à 
faire  :  par  ce  parti  porons  nous  bien  avoir  bonne  aventure.  Et  se 
il  se  voellent  tenir  lâ  où  il  sont,  il  donront  à  entendre  que  il 
nous  vodront  venir  courir  sus  de  nuit,  mais  nous  nos  départirons 
avant  et  nous  retrairons 'dedens  le  Noef  Ghastiel,  car  pas  ne  nous 
seroit  pourfitable  à  chi  atendre  et  logîer  le  nuit.  » 

Chils  consauls  fu  tenus,  et  chil  ordonne,  liquel  iroient  veoir  les 
Escos.  Et  se  départirent  tout  en  une  brouse,  bien  cinq  cens 
lances,  tous  as  chevaus  ;  et  cevauchièrent  tant  que  U  vinrent  sua 
le  logeis  des  Escoçois  :  liquel  avoient  aussi  de  lors  gens  sus  les 
camps,  pour  savoir  le  convenant  des  Englois.  Si  tretos  que  ces 
chevauceours  d'Escoce  les  veirent  cevauchier,  il  se  hastèrent  de 
retourner  viers  lors  gens  et  de  euls  nonder  les  nouvelles.  Les 
Escoçois  se  conmenchièrent  à  estourmir  et  à  armer,  chil  qui 
désarme  estoient  et  avoient  lors  chevaus  tous  près.  Evous  les 
Englois  venus  en  une  brousse,  et  vinrent  faire  une  course  devant 
les  Escos.  Qant  les  Escoçois  les  veirent  venus,  tantos  ils  furent 
prest  de  monter  à  chevaus  et  de  prendre  leurs  glaves  et  de  venir 
sus  ces  Englois,  liquel  n'atendirent  pomt,  mais  se  missent  au 
retour  tout  sagement.  Qant  les  Escos  les  veirent  fuir,  ^  conmen- 
chièrent  à  juper  et  à  criier  moult  hault  et  à  brochier  de  l'esporon 
apriès  euls.  Les  Englois,  qui  estoient  aviset  de  ce  que  il  dévoient 
foire,  passèrent  tout  au  lonch  de  la  haie  où  lor  archier  estoient; 
et  qant  les  Escos  furent  venu  jusques  à  celle  haie,  les  archiers 
englois  conmenchièrent  à  traire  moult  fort  et  moult  roit,  et  à 


[1346]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  297.         235 

enpaller  hommes  et  cevaus  et  à  mettre  à  grant  meschief  «  €es 
cinq  cens  lances  d'Englès  retournèrent  tout  à  un  fais  et  mous- 
trèrent  visage,  et  encores  plus  de  mille  lances  qui  estoient  tout 
pourveu  et  aviset  de  lor  fait. 

Ensi  se  conmença  li  bataille  qui  fa.  grande  et  grose,  et  issirent 
tous  les  Escoçois  de  lors  logeis.  Et  les  archiers  d'Engleterre 
s'estendirent  au  lonc  et  donnèrent  moult  grant  confort  as  gens 
d'armes  de  lor  costë  et  grant  painne  as  Escoçois,  liquel  se  con- 
fioient  grandement  en  lor  poissance.  Et  pour  ce  que  les  Englois 
sentoient  bien  que  il  estoient  grans  gens,  et  que,  se  la  journée 
estoit  contre  euls,  il  i  prenderoient  si  grant  damage  que  jamais 
ne  seroit  recouvré,  car  toute  Engleterre  seroit  courue  tant  que 
dou  plat  pais,  ne  jà  li  rois  d'Engleterre,  qui  tenoit  son  siège  de- 
vant Calais,  n'i  poroit  venir  à  temps.  Et  tout  ce  lor  avoit  bien 
et  sagement  la  ditte  roine  remoustrë  avant  que  elle  se  departesist 
de  euls,  et  que  toute  l'onnour  dou  roiaulme  d'Engleterre  gisoit  en 
celle  journée.  Et,  au  voir  dire,  Englois  moustrèrent  bien  là,  et 
aussi  ont  il  fait  aillours,  en  toutes  places  où  il  se  sont  trouvé,  que 
ce  sont  vaiUans  gens  et  de  grant  corageet  conforté  en  lors  beson- 
gnes;  et  tant  plus  voient  de  sanch  espars  et'espandu,  et  tant  sont 
il  plus  hardi  et  outrageus. 

Che  jour,  ensi  que  de  la  belle  aventure  que  li  rois  d'Engleterre 
et  ses  gens  orent  de  la  bataille  de  Grechi  et  que  euls  quinze  mille 
hommes  en  tout  en  desconfirent  cent  mille,  parellement  à  la  ba- 
taiUe  dont  je  vous  parole  présentement,  un  petit  de  gens  que  les 
Englois  estoient  ou  regart  des  Escos,  desconfirent  lors  ennemis. 
Et  fu  pris  li  rois  qui  moult  vaillanment  se  combati  et  fo  navrés 
en  venant  en  la  bataille,  ou  chief,  de  deus  saiètes  :  de  quoi,  au 
traire  hors,  les  fiers  li  demorèrent  entre  lés  tes  et  le  quir;  et  de- 
puis par  puissons  on  l'en  fist  l'une  des  saiètes  issir  hors  par  le 
nés,  et  li  aultre  li  demora  tant  que  il  vesqi.  ^i  le  porta  il  moult 
lonc  temps,  car  il  fu  pris  l'an  de  grâce  mil  trois  cens  quarante  siis. 

Et  je  Jehans  Froissars,  actères  de  ces  croniques  et  histores, 
fîii  eus  ou  roiaulme  d'Escoce  l'an  de  grâce  mil  trois  cens  et 
soissante  cinq ,  et  de  Fostel  le  dit  roi  quinse  sepmainnes,  car  ma 
très  honnourée  dame,  madame  la  roine  PheUppe  d'Engleterre, 
m'escripsi  deviers  li  et  deviers  les  barons  d'Escoce,  qui  pour 
l'amour  de  ma  dame  me  fissent  tout  bonne  chière,  et  especiaul- 
ment  li  rois,  et  scavoit  parler  moult  biau  françois,  car  il  fu  de  sa 
jonèce  nouris  en  France,  ensi  que  il  est  contenu  ichi  desns  eo 


\ 


t86  GHRONIQUBS  DB  J.  FROISSÂRT.  [1346] 

nostre  histore  ;  et  euch  l'aTenture,  de  tant  que  je  fiii  avoecqoes 
lui  et  de  son  hostel,  que  il  viseta  la  grignour  partie  de  son 
roiaulme.  Si  le  vei  tout  et  considérai  par  estre  en  ses  cevanchies, 
et  moult  de  fois  li  oy  parler  et  deviser  à  ses  gens  qui  là  estoient 
[et]  à  auquns  chevaliers,  de  la  bataille  et  de  sa  prise.  Et  là  i 
estoient,  qui  furent  à  la  bataille,  mesires  Robers  de  Yersi,  et  i  fu 
pris  dou  signeur  de  Sees  en  Northombrelant,  et  mesires  Guillaumes 
de  Glaudigevin,  et  messire  Robert  Bourme  et  mesires  Âlizan- 
dres  de  Ramesai  ;  mais  li  contes  de  Douglas  et  le  conte  de  Moret 
que  je  trouvai  en  Escoce,  ce  fu  lors  pères  qui  avoient  este  à  celle 
besongne.  Et  le  di  pour  tant  que  li  rois  d'Escoce  avoit  encores  le 
fier  de  la  saiette  ou  chief  ;  et  qant  la  lune  se  renouvelloit,  il  avcHt 
par  usage  le  chief  moult  dolereus,  et  vesqi  depuis  que  je  07  esté 
en  Escoce,  plus  de  douse  ans.  Ensi  appert  il  que  il  porta  ce  fier 
enfieret,  bien  trente  deus  ans. 

Or  retournons  à  la  bataille  dont  je  parloie  présentement,  et  re- 
cordons oonment  elle  se  persévéra,  et  la  grâce  que  Dieus  fist  ce 
jour  as  Englois,  car  vous  devës  sçavoir  que  Escoçois  en  bataille 
sont  mallement  fort,  appert,  dur  et  hardi.  A  fiûre  une  telle  bataille 
et  là  où  li  rois  est  navrés  et  pris,  il  convient  que  il  i  ait  des  grans 
apertisses  d'armes  faites.  Ces  Escos  portent  haces  par  usage,  dont 
il  donnent  et  frapent  trop  biaus  horions;  et  n'est  homs,  tant 
soit  bien  armes,  se  il  en  est  atains  de  bon  brac,  qui  ne  soit  cou- 
chiës  par  terre.  La  bataille  des  Englois  branla  deux  ou  trois  fois, 
et  furent  les  Englois  sur  le  point  de  estre  tout  desconfi;  et 
l'enissent  [este],  se  Dieus  et  fortune  et  bonne  aventure  ne  les 
euist  aidiës.  li  evesques  de  Durâmes,  oncles  au  signeur  de  Persi, 
qui  là  estoit,  uns  moult  vaillans  homs,  tenoit  une  bataille  sus  èle, 
qui  reconfortoit  les  branlans  ;  et  ce  leur  fist  trop  de  biens,  et  li 
trais  des  archiers.  Finablement,  les  Escoçois  furent  là  desconfis, 
mort  et  pris  et  tournes  en  voies,  et  tantos  fii  tart.  Si  ne  dura 
point  la  cace  longement. 

Et  escei  li  rais  eus  es  mains  d'un  esquier  de  Norhombrelande, 
liquels  se  nonmoit  Jehans  de  Qopelant.  Chils  prist  le  roid'Escooe 
par  vaillance  de  corps  et  d'armes,  et  ot  son  gant  et  Je  fist  fian- 
cier  à  lui.  Chils  Jehans  de  Qopelant,  qant  il  congneut  que  il 
avoit  si  grande  aventure  et  si  belle  que  pris  le  roi  d'Escoce,  il  se 
doubta  que  on  ne  li  vosist  rescourre  ou  efforcier  ;  car  il  i  avoit 
là  des  grans  barons  et  chevaliers  d'Engleterre  trop  plus  grans 
que  il  ne  fust,  et  que  les  envies  en  ce  monde  sont  grandes  et  les 


[1346]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  297.         S37 

convoitises:  si  destoumale  roi  d'Escoce  et  ne  le  mena  pas  deviers 
la  roîne  d'Engleterre  an  Noef  Gastiel,  mais  aillours  en  un  chastiel 
assës  fort  et  d'un  sien  grant  ami.  Et  dist  bien  Jehans  de  Qopelant 
que  il  ne  le  renderoit  à  nul  honme  dou  monde,  fors  au  roi  qui 
estoit  son  signeur,  et  de  qui  il  tenoit  son  hiretage.  P"  129  v®  à 
131  V*. 

P.  20,  1.  23  :  ses  gens.  —  Ms.  J?  6  :  A  che  mandement  vint 
l'archevesque  d'Iorch,  Farcheyesque  de  Gantorbie,  Tevesque  nou- 
viaulx  de  Lincole,  Tevesque  de  Duram,  qui  nouvellement  estoit 
revenu  du  siège  de  Calais.  Et  amena  chacun  prélat  tout  che  qu'il 
pot  de  gens  d'armes  et  d'archiers  et  de  gens  de  piet.  Là  vint 
messire  Edouart  de  Railleul,  le  sûre  de  Montbray,  le  sire  de  Persy 
et  le  sire  de  Nuefville  et  pluiseurs  aultres  chevaliers  et  esquiers, 
et  tant  qu'il  furent  douze  cens  à  cheval  et  cinq  mille  archiës  et 
bien  neuf  mille  hommes  de  piet.  F®  3S9. 

P.  20,  1.  24  à  26:  li  archevesques....  Lincolle.  —  Ms.  B  3  : 
les  evesques  d'Iorc,  de  Durem  et  de  Lincole.  F^  140. 

P. 20,1.  26  :  d'Yorch.—  ^w.  ^  1  à  6:  de  Diorth.  F»  157  V. 

P.  20, L  30:  gens.  —  Mss.  ^  1  à  6,  11  à  29,  ^  3:  es  mar- 
ches de  north  et  du  pais  de  Northombrelande  et  de  Galles  qui 
marchissent  assez  près  de  là.  F»  1 57  v«. 

P.  21,  L  S  :  se  prendoit.  —  Mss.  ^^  1  â  6,  11  àik  :  se  penoit. 
P140. 

P.  21,  1.  15  et  16:  se  rastinrent.  —  Mss.  A  iti  à  17:  se 
abistindrent.  P  157.  —  Mss.  J  ±0  à  22:  se  retindrent.  ¥•  225. 
—  Ms,  ^  3  :  se  boutèrent.  F»  140. 

P.  21,  L  31  :  hommes.  —  Les  mss.  ^  15  à  17  ajoutent:  toffes, 
grueliers,  bomules,  termulons  et  tacriers.  P  157. 
P.  22,  1.  18  :   de  fiailluel.  —  Mss.  A  20  h  22  :  de  Ros. 
P  225  v^.  —  Les  mss.  A  t3  à  33  ajoutent  :  le  sire   de  Ros. 
P174V», 

P.  22, 1.  20  :  li  arcevesques.  —  Mss.  A  iS  à  il:  monseigneur 
Guillaume  arcevesque....  P  157. 

P.  23,  1.  7  :  s'encontrèrent.  —  Ms.  B  6:  Les  Escochois,  qui 
estoient  sur  les  camps  assës  près  des  Englès,  se  ordonnèrent  et  se 
rengièrent  et  firent  quatre  batailles  :  en  chacune  avoit  six  mille 
hommes.  Et  se  mirent  tous* à  piet  et  leur  chevaulx  derrière  yaulx. 
En  la  prumière  bataille  estoit  le  sire  de 'Douglas,  en  le  seconde 
le  conte  de  Moret,  le  conte  Patris,  le  conte  de  Mare  ;  en  le 
tierche,  le  conte  d'Qrkenay,  le  conte  de  Rose  ;  en  la  quatrième , 


S38  CEOIONIQDES  DE  J.  FROISSÂ&T.  [1346] 

le  roj  David  d'Escoche,  le  conte  d'Astrederne,  le  conte  de  Fy,  le 
ooDte  de  Boskem,  le  conte  de  Surlant,  Tevesque  d'Abredane, 
Tevesque  de  Saint  Andriea,  messire  Robert  de  Versy,  messire 
Simon  Fresiel.  Et  estoient  ces  dea$  chevaliers  delés  le  roy  et  à 
son  frain.  Et  portoit  à  ce  donc  le  souveraine  banière  du  rqy 
Alixandre  de  Ramesay,  ung  très  bon  et  vaillant  homme  d'armes. 
Et  vous  dy  que  les  Escochois  estoient  bien  ordonnez  et  avoient 
mis  devant  leur  bataille  che  qu'il  avoient  d'archiers.  Et,  d'aultre 
part,  les  Englès,  qui  n'estoient  pas  sy  grant  nombre,  avoient 
ausy  ordonné  quatre  batailles,  mis  en  chacune  quinze  cens  archiés, 
trois  cens  homes  d'armes  et  deux  mille  piétons.  F»  361  et  362. 

P.  23,  1.  8:  l'autre.  -—  Ms,  ^  29:  à  tirer  ces  saiettez,  qui 
voloient  aussi  espessement  que  neige. 

P.  23,  1.  10  :  able.  —  Mss.  ^  7  À  19:  habilles.  F>  141.  — 
Mss.  ^  20  À  22  :  habilliez  legierement.  F»  225  y. 

P.  23, 1.  21  :  donnoient.  ^-  Les  mss.  A  11  à  14  ajoutad  : 
aux  Godons  dis  Anglois.  F*  150  V*. 

P.  23,  L  21  :  horions.  —  Ms.  utf  29  :  si  grands  qu'ils  pourfen- 
doyent  testes  et  bacinets,  et  abatoyent  bras  et  poings. 

P.  23, 1.  22  :  se  prendoient.  —  Mss.  A  i  à  %^  \i  à  14,  18  à 
22  :  se  .penoient.  F*  158  v«.  —  Mss.  Al  àiO^BZisit  pre- 
noient.  F*  141  v*.  —  Mss.  ^  15  à  17  :  se  prenoient  près  garde. 
F»  157  r*. 

P.  23, 1.  30  :  de  H.  —  Mss.  A  1  ^  14,  18,  19,  23  0  29  :  de 
Fii.  —  ilfw.^15^17:  deFye.  Fo  157  Vi— ilfr/.^20  ^22: 
de  Zii.  F*  226.  —  Mss.  ^  30  <^  33  :  deSiz.  F»  193. 

P.  23, 1.  31  :  Boskem.  —  Mss.  ^  23  à  29  :  Oskem.  ^  175.  — 
Mss.  ^  30  à  33  :  Oske.  P>  193. 

P.  23, 1.  32  :  Astredeme.  —  Mss.  A  18,  19,  23  à  33  :  Astre- 
deru.  F*162v«. 

P.  24, 1. 1  :  Thumas.  —  Mss.  ^  20  0  22  :  Guillame.  P  226. 

P.  24,  1.  2  :  Fresiel.  —  Mss.  ^133  à  29  :  Fresnel.  F*  162  v*. 

P.  24,  1.  6  :  navres.  —  Ms.  JB  6  :  ou  corps  et  ou  chief,  dont 
il  y    parut,  tant  qu'il  vesquy.  F*  363. 

P.  24,  1.  7  et  8 :  Gopeûnd.  — -  Ms.  £  %\  q/à  mist  grant 
painne  à  le  garder,  car  les  Englès  le  voUoient  tuer  entre  ses 
mains.  F»  363. 

P.  24,  1.  12  :  carge*  -^  Ms.  3  6  :  Et  fist  le  roy  David  son 
prisonnier  monter  sur  ung  pallefroy,  et  l'enmena  secrètement 
hors  de  Tarmée.  Et  puis  dievau^a  fort  et  fist  tant  que  il  vint  en 


[1346]      VA&IANIES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  298.         S39 

uDg  sien  castiel,  qae  on  appelloit  le  Castiel  Orguilloos,  qay  siet 
sur  la  rivière  de  Tin,  à  vingt  cinq  lieuesdu  Neuf  Castiel  où  la  ba- 
taille «voit  esté.  F"  364. 

P.  24,  1.  i9:  Ârchdïaus.  •—  Msi.  Ai  à  6,  il  A  14:  Dassam- 
baut.  F*  158  v«.  —  Mss.  A  18, 19  :  Arsambault,  F»  162  v«.  — 
MsB.  ^  20  ^  22  :  Arquembault.  F*  226.  —  Mss.  A  ±Z  à  29, 
30  À  33:  Archembault.  F<>  175. 

P.  24,  1.  20  :  Versi,  —  Mu.  ^  20  à  22  :  Persy.  F*  226. 

P.  24,  1.  20  et  21  :  d'Abredane.  —  Mu.  ^  1  ik  6  :  de  Rre- 
dant.  —  Mss.  ^  20  ^  29,  j9  3  :  de  Bredane. 

P.  24, 1.  26  :  six.  —  Mss.  ^  20  A  22  :  cinq.  F*  226. 

P.  24,  1.  26  :  le  mardi.  —  Mu.  ^  23  à  33  :  le  samedy. 
F*  175. 

S  S98.  P.  24, 1.  28  :  Quant  la  royne.  —Ms.  de  Rome:  Qant 
la  roine  d'Engleterre,  qui  se  tenoit  au  Noef  Ghastiel,  entendi  que 
la  joumëe  estoit  pour  li  et  pour  ses  gens,  si  en  f u  grandement 
resjole,  et  ce  fu  raisons.  Or  vinrent  ses  gens,  les  uns  apriès  les 
aultres,  ensi  que  on  se  départ  de  tèles  besongnes,  le  conte  de 
Honstidonne,  connestable  de  Toost,  le  signeur  de  Moutbrai,  ma- 
rescal,  le  signeur  de  Persi,  le  signeur  de  Noefville,  les  prelas, 
les  barons  et  les  chevaliers.  Et  ensi  que  il  rentroient  en  la  ville,  la 
bonne  roine  lor  estoit  au  devant,  et  les  requelloit  doucement  et 
Kement,  et  les  prioit  et  disoit:  «  Vous  venrës  souper  avoecques 
moi;  vous  l'avës  bien  gaegniet.  »  Ghil  signeur  li  acordoient;  et 
tant  fu  la  bonne  dame  là  sus  son  palefroi  avoecques  ses  damoih 
selles,  que  tout  li  signeur  ou  auques  priés  furent  rentret. 

Or  avoit  on  dit  i  la  roine  que  li  rois  d'Escoce  estoit  pris,  si  ques 
la  bonne  dame  demandoit:  a  Et  qant  verai  je  mon  prisonnier,  le 
roi  d'Escoce,  et  celi  qui  Fa  pris  aussi  ?  »  Qant  elle  vei  que  point 
on  ne  Tamenoit,  si  dist  as  chevaliers  qui  estoient  dalés  li  :  «  Et 
pourquoi  ne  me  amainne  cliib  qui  a  pris  le  roi  d'Escoce  mon  ad- 
versaire, son  prisonnier,  et  je  le  veroie  jà  moult  volentiers.  »  — - 
a  Madame,  respondirent  li  chevalier,  où  que  il  soit,  il  est  vostres 
et  est  bien  :  n'en  aies  nulle  soiqieçon  ;  espoir  le  vous  amenra  il  jà 
au  souper,  pour  vous  plus  honnourer  et  conjoir.  »  La  roine  s'a- 
paisa tant  et  vint  à  son  hostel,  et  fîi  li  soupers  apparilliés  très 
grans  et  très  biaus.  Et  i  furent  tout  li  chevalier,  vobres  chil  qui  i 
vodrent  estre  ;  auquns  en  i  avoit  des  bleciës  et  des  navrés  et  des 
lassés  qui  demwèrent  à  lors  hostek,  pour  euls  aisier. 


t40  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [1846] 

Qant  la  roine  vei  que  Jehans  de  Qopelant  n'amenoit  point  le 
roi  d'Escoce,  si  fu  toute  merancolieuse  et  se  contenta  mal  de  li. 
Mais  li  chevalier  le  rapaisièrent  et  li  dissent  :  a  Madame,  où  que 
li  rois  d'Escoce  soit,  c'est  Tostres  prisonniers.  Jehans  en  fera 
bonne  garde.  »  Ensi  se  passa  la  nuit.  Qant  ce  vint  à  l'endemain, 
nouvelles  vinrent  à  la  roine,  car  on  en  avoit  fait  bonne  enqueste, 
que  Jehans  de  Qopelant  en  avoit  menet  le  roi  d'Escoce  en  un 
chastiel  assës  pourHc,  et  que  ce  estoit  se  intension  que  là  le  ten- 
roit  il  et  garderoit,  tant  que  li  rois  d'Engleterre,  ses  sires,  retour- 
neroit  au  pais,  et  ne  le  deliveroit  à  honme  ne  à  fenme,  fors  au 
roi  meismes  ou  à  son  conmant.  La  roine  d'Engleterre,  pour  sa- 
voir mieuls  le  intension  de  ce  Jehan  de  Qopelant,  envoia  le  con- 
te de  Honstidonne  et  de  ses  chevaliers  parler  à  lui.  Et  cevauchièrent 
tant  que  il  vinrent  au  chastiel  où  Jehans  estoit,  et  aussi  li  rois 
d'Escoce  son  prisonnier;  et  parlèrent  à  lui  et  li  remoustrèrent  con- 
ment  sa  dame,  la  roine  d'Engleterre,  les  envoioit  là,  et  li  remous- 
trèrent tout  au  lonc,  ensi  que  la  matère  requeroit. 

Jehans  de  Qopelant  ne  fii  pas  esbahis  de  respondre  et  dist: 
«  Mi  chier  signeur,  je  congnois  assës  que  ce  que  vous  me  re- 
monstres,  vous  le  me  dittes  pour  mon  bien, et  le  deveroie  faire; 
mais  dittes  ensi  à  ma  très  redoubtëe  dame,  madame  d'Engleterre, 
que  mon  prisonnier  le  roi  d'Escoce,  je  l'ai  encores  peu  garde  ; 
et  qant  la  congmssance  en  sera  venue  à  mon  très  redoublé  si- 
gneur, monsigneur  le  roi  d'Engleterre,  que  je  l'aie  assës  garde, 
et  que  je  le  rende  et  mette  là  où  il  l'en  plaira  à  ordonner,  je  le 
ferai,  et  non,  de  ma  volentë  oultre,  se  on  ne  le  m'esforce.  Mais 
je  prench  si  très  grande  plaisance  à  lui  veoir  que  je  m'i  consoole 
tous.  Et  m'est  avis  que  j'en  doi  rendre  trop  grans  grâces  à  Nos- 
tre  Signeur,  qant  à  moi  qui  sui  uns  povres  bacelers,  entre  tant  de 
vaillans  honmes,  chevaliers  etesquiers  dou  roiaulme  d'Engleterre 
qui  ont  este  à  celle  journée,  Dieus  le  m'a  envoiiet.  Et  m'est  avis 
que  nuls  n'en  doit  estre  couroudés,  ne  n'en  doit  avoir  envie.  Et, 
mi  signeur,  ensi  que  vous  pores  dire  à  madame  la  roine,  j'en 
ferai  bonne  garde  et  renderai  bon  compte;  et  de  ce  elle  ne  soit, 
ne  nuls,  en  doubte  ne  en  soupecon.  Avoecques  tout  ce,  il  est  ble- 
ciës  et  ne  poroit  soufrir  le  cevauchier  ne  le  cariier,  ne  prendre 
nul  air.  Et  dient  chil  qui  l'ont  en  garde,  tant  que  pour  le  mede- 
ciner  et  purgier  dou  mal  dou  chief,  il  seront  plus  de  trois  mois, 
avant  que  il  puisse  issir  de  la  cambre.  Et  se  il  me  moroit  par  ma 
coupe,  otant  que  je  sui  resjols  de  sa  prise,,  seroi  je  conrouchiés 


[i346]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  298.         S41 

de  sa  mort,  et  à  bonne  cause.  Et  toutes  ces  raisons  que  je  vous 
remoustre  en  espice  de  bien,  Toelliés  dire  et  moustrer  sus  bonne 
fourme  à  madame  la  roine,  et  je  tous  en  prie  ;  car,  se  tous  ne 
fuissiés  ichi  venus,  si  euissë  jou  euToiië  deTiers  li,  ou  je  i  fuisse 
aies  en  prope  personne  pour  moi  escuser,  car  je  me  Todroie  ao- 
quiter  deviers  madame  et  deviers  le  roiaulme  d'Engleterre,  loiau- 
ment.  Et  on  n'a  point  veu  le  contraire  en  moi,  ne  ne  Tera  on  jà 
tant  que  je  vive,  et  Dieus,  qui  a  bien  conmenchiet,  dont  je  l'en 
regratie,  me  doinst  tousjours  bonne  persévérance.  » 

«  Ce  face  !  Jeban,  »  ce  respondi  li  contes  de  Honstidonne,  qui 
avoit  proposé  toutes  les  paroles  :  «  Et  je  vous  escuserai,  dist  li 
contes,  taîit  que  madame  et  son  consel  se  contenteront  de  vous, 
mais  je  vous  pri,  se  on  puet  veoir  ce  roi  d'Escoce,  que  je  le  voie.  » 
—  <c  Oil^  »  respondi  Jehans  de  Qopelant.  U  li  fist  veoir  qant  il 
fu  heure,  et  le  mena  dedens  la  cambre  où  il  se  gissoit  sus  une 
couce.  Et  parla  li  rois  au  dit  conte,  et  li  contes  à  lui,  et  li  dist 
que  madame  d'Engleterre  l'avoit  là  envoiiet,  pour  lui  veoir  et  vi- 
seter.  Li  rois  s'en  contenta  et  li  dist  :  «  Salués  moi  la  roine  d'En- 
gleterre.  Quoi  que  je  me  tiengne  ichi  et  en  la  garde  de  Fesquier 
qui  m'a  créante,  je  me  tieng  à  son  prisonnier.  »  —  ce  Sire,  dist 
li  contes,  pensés  de  vostre  santé,  et  ne  vous  merancoliiés  point, 
tant  que  vous  en  valés  mains;  car  tous  jours  finerés  vous  bien. 
Et  considérés  le  bon  moiien  que  vous  avés  en  vostre  querelle, 
c'est  que  madame  la  roine  d'Escoce  est  serour  germainne  de  nos- 
tre  signeur  le  roi  d'Engleterre.  »  Donc  respondi  li  rois  d'Escoce 
et  dist  :  €<Ck>ntes  de  Honstidonne,  je  vosisse  bien  aultrement  se  il 
deuist  estre,  et  tant  que  ma  santé,  j'en  passerai  ;  mais  je  vous  pri  : 
dites  à  la  roine  qui  chi  vous  envoie,  que  elle  me  face  viseter  par 
bons  fîisesiiens  et  médecins,  car,  se  je  moroie  an  uit,  les  Escoçois 
feroient  demain  un  roi  en  Escoce.  » 

A  toutes  ces  paroles  respondi  li  contes  de  Honstidonne  moult 
doucement  au  roi  d'Escoce,  et  dist  que  il  le  feroit  vôlentiers  et 
prist  congiet  à  lui ,  et  li  rois  li  donna.  Et  prist  congiet  li  db 
contes  à  Jehan  de  Qopelant  et  à  ceuls  dou  chastiel,  et  puis  s'en 
départi  et  retourna  au  Noef  Chastiel  sus  Thin,  où  la  roine  d'En- 
gleterre estoit  et  tout  li  signeur.  là  contes  de  Honstidonne  fist  si 
seneement  la  response  de  toutes  ces  coses  desus  dittes,  que  la 
roine  et  tout  li  signeur  s'en  contentèrent.  Et  fu  la  roine  consillie 
que  d'escrire  tout  Testât  de  la  besongne  et  le  prise  dou  roi,  et 
de  tantes  ces  nouvelles  envoiier  deviers  son  ^signeur  et  mari,  le 

IV  — 16 


S4Î  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

rm  d'Engleterre.  Qerc  forent  mis  en  besongne  ;  la  roine  escripsî 
au  roi,  à  son  fil  et  as  barons  d'Engleterre  qui  deYant  Calais  se 
tenoient.  Le  lettres  escriptes  et  seelëes,  honme  bien  esploitant  fo- 
rent cargiet  de  faire  ce  message  et  se  missent  à  voie,  et  chevau- 
dèrent  tant  quoitonsement  de  nuit  et  de  jour  que  il  tinrent  à 
Douvres.  £t  tantos  entrèrent  en  un  vassiel  et  forent  oultre  de  une 
marëe,  et  vinrent  deviers  le  roi  premièrement,  et  baillièrent  lors 
lettres  de  par  la  roine.  Li  rois  les  ouvri  et  lissi  tout  au  lonc.  Et 
qant  il  ot  entendu  tonte  la  substance  de  la  lettre  et  la  prise  don 
roi  d'Escoce,  son  serouge  et  son  adversaire,  et  l'ordenance  de  la 
bataille  et  les  noms  des  mors  et  des  pris,  des  honmes  d'onnour, 
qui  à  la  bataille  avoient  esté,  et  conment  Jehans  de  Qopelant, 
esquiers  de  Northombrelande,  Tavoit  pris  et  le  tenoit  en  un  chas- 
tiel,  et  ne  le  voloit  rendre  à  nul  honme  ne  fenme  ne  à  la  roine 
sa  femme  meismement,  et  toutes  ces  coses  et  nouvelles  la  roine  li 
specifioit  clerement,  vous  devës  savoir  que  il  ot  grant  joie,  et  ap- 
peUa  tantos  mesire  Godefiroi  de  Harcourt  qui  estoit  dalés  lui,  et 
li  lissi  les  lettres  tout  au  lonch.  De  ces  nouvelles  fo  mesires  Go- 
defirois  moult  resjols  et  dist  :  «Sire,  madame  la  roine  d'Engleterre 
est  une  vaillans  fenme  ;  c'est  une  noble  paire  de  vous  deus.  pieus 
est  en  vostres  oevres  et  mains.  Persévères  tousjours  avant  :  vous 
venrës  à  chief  ou  en  partie  de  vostres  ententes  et  calenge.  Et  se 
vous  avës,  ensi  que  vous  auerës,  celle  ville  de  Calais,  vous  auerës 
un  grant  avantage,  et  porterës  les  clefs  dou  roiaulme  de  Erance 
à  vostre  çainture.  Et  à  bonne  heure  passai  la  mer  pour  vous,  car 
je  vous  ai  resvilliet  ;  à  très  grant  painne  vous  amenai  je  par  de 
deçà.  Considères  le  biau  voiage  que  vous  avés  fait,  et  desconfi 
vostres  ennemis.  Et  d'autre  part  et  tout  une  saison  vostre  fen- 
me a  eu  une  telle  journée  pour  lui  que  pris  le  roi  d'Escoce  et 
toute  la  flour  de  celi  roiaulme.  Jamais  de  vostre  eage  ne  se  relè- 
veront les  Escoçois.  Vostres  coses  vous  viennent  à  plain  et  pur 
souhet.»  —  «  Godefroi,  dist  lirois,  vous  dittesverité.  Et  je  sui 
grandement  tenus,  et  aussi  est  tous  mes  roiaulmes,  de  rendre 
grâces  à  Dieu  qui  ce  nous  a  envoiiet.  » 

Qant  ces  nouvelles  furent  esparses  en  l'oost  devant  Calais,  de 
la  prise  le  roi  d'Escoce,  et  que  la  poissance  des  Escoçois  avoit 
tout  netement  esté  ruée  jus  par  fait  de  bataille  assés  priés  dou 
Noef  Chastiel  sur  Tin,  toutes  manières  de  gens  furent  très  resjol 
et  à  bonne  cause,  et  mieuls  amée  des  Englois  la  roine  assés  que 
devant.  Et  dissoient  en  l'oost  generaument  :  «  Vive  la  bcmne  Phe- 


[1346]      VARUNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  298.         248 

lippe  de  Hainnau,  la  roine  d'Engleterre,  nostre  chière  et  redoub- 
tëe  dame,  car  elle  amena  et  aporta  entre  nous  et  en  Engleterre, 
honnour,  pourfit,  grâce  et  tranqillitë;  et  tant  conme  elle  vivera, 
biens,  honnours,  larguèces  et  poorfis  nous  habonderont.  Et  elle 
[est]  de  un  si  bon  pais,  si  doub,  si  courtois  et  si  amiable  et  raem- 
pli  de  bonnes  gens,  et  qui  dou  tout  s'enclinent  à  nous  amer  et 
honnourer;  et  fu  fille  de  si  bon  signeur  et  si  sage  et  si  vaillant, 
que  elle  ne  poroit  que  tous  bien  faire.  y>  Ensi  couroit  vois  et  re- 
nonmée  conmunement  entre  les  Englois  devant  Calais,  et  non  pas 
là  tant  seullement,  mais  parmi  tout  le  roiaulme  d'Engleterre. 

ÏÀ  rois  d'Engleterre  fii  consilliës  que  de  escrire  à  Jehan  de  Qo- 
pelant,  et  de  li  mander  que  il  venist  parler  à  lui  devant  Calais. 
Si  escripsi  li  rois  à  la  roine  sa  fenme  et  à  Jehan  de  Qopelant,  et 
li  manda  que  ces  lettres  veues,  sans  quérir  nulle  esqusance,  il 
venist  devant  Calais,  car  il  le  voloit  veoir.  Ces  lettres  escriptes 
et  seelées,  li  rois  les  fist  délivrer  à  ceuls  mebmes  qui  là  estoient 
venu  de  par  la  roine,  liquel  se  missent  au  retour  dou  plus  tos 
que  il  porent  et  rapassèrent  la  mer,  de  Calais  à  Douvres,  et  puis 
cevauchièrent  tant  que  il  vinrent  deviers  la  roine  qui  se  tenoit 
encores  es  parties  de  Northombrelande.  Se  li  baillièrent  les  let- 
tres que  à  lui  apertenoit,  et  puis  cevauchièrent  deviers  Jehan  de 
Qopelant;  et  tant  fissent  que  il  le  trouvèrent  et  parièrent  à  lui, 
et  fissent  lor  message  de  par  le  roi  et  li  délivrèrent  les  lettres 
que  li  rois  li  envoioit.  Jehans  les  lissi  tout  au  lonch  et  respondi 
à  celles  et  dist  que  il  obeiroit  volentiers  au  mandement  dou  roi, 
car  il  i  estoit  tenus,  et  fist  les  messagiers  dou  roi  très  bonnecière; 
et  pub  ordonna  ses  besongnes  don  plus  tos  que  il  pot  et  recon- 
manda  le  roi  d'Escoce  son  prisonnier  en  bonnes  gardes.  Et  puisse 
départi  et  cevauça  tant  par  ses  journées  que  il  vint  à  Douvres,  et 
là  monta  en  mer  en  un  vassiel  passagier,  et  fist  tant  que  il  vint 
devant  Calais.  Se  issi  dou  vassiel  et  se  mist  sus  terre,  et  ala  de- 
viers le  roi.  F»»  131  v*  à  133. 

P.  25,  1.  11  :  poissance.  —  Mt.  BSi  Celle  meisme  nuitlaroyne 
demoura  avec  yaulx  sur  le  camp.  Et  Tendemain  montèrent  il  tous 
à  cheval,  et  s'en  vinrent  avecque  leur  dame  à  Neuf  Chastel.  L'e- 
vesque  de  Durem,  qui  pris  avoit  le  conte  de  Moret,  le  présenta 
à  la  royne,  et  riiarima  ensy  son  prisonnier.  La  dame  leur  en  seut 
bon  grë.  F*  365. 

P.  25,  1. 14:  Gopeland.  —  Mss.  ui  i  à  e-,  Coupelant.  F*  159. 
—  JUs.  A  7:  Copelant.  F*  151.  —  Mss.  A  18,  19:  Compelant. 


f44  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

F»  163.  ^  Mss.  ^  23  ^  29  :  Copiant.  F*  1 75.  —  iiff .  S  4  :  Go* 
polant.  F"  133. 

P.  26,  1. 12:  escrire.  —  Le  ms.  A  29  ajoute:  par  son  cban 
celier. 

P.  26,  1.  18  :  gens.  —  M$.  B  6  :  car  le  roy  d'Escoche  estoit 
oelay  de  ses  ennemis  que  il  doubtoit  le  plus.  F®  367. 

P.  26,  1.  24  :  le  marce.—  M$.  ^  3:  la  rivière.  E»  141  v«. 

P.  26,  1.  24  et  25:  Galles.  —Les  Mss.  ^  15  ^  17  ajoutent: 
nomme  le  Chastel  Orgueilleux.  F^  158. 

P.  26,  1.  27  :  dou  roy.  «^  Le  ms,  A  7  ajoute  :  d'Engleterre. 
F>  161. 

S  998.  P.  26,  1.  28  :  Quant  li  gentilz.  —  Ms.  de  Borne  : 
Tous  devés  sçavoir  que,  qant  les  Englob  sceurent  que  Jèhans  de 
Qopelant  estoit  venus,  il  i  ot  grant  priesse  à  lui  veoir,  car 
moult  en  i  avoit  en  Toost  qui  onques  ne  l'avoient  veu  ;  et  moult 
le  desiroient  à  veoir  pour  la  renonmée  de  ce  que  il  estoit  si  vail- 
lans  homs,  que  il  avoit  pris  le  roi  d'Escoce.  Qant  il  fu  venus  jus- 
ques  au  logeis  dou  roi  d'Engleterre,  moult  grant  fuisson  des  si- 
gneurs  d'Engleterre  estoient  là  venu  et  assamblë  pour  li  veoir. 
Li  rois  meismes  ]^s  avoit  mandes  et  le  desiroit  à  veoir. 

Qant  Jehans  de  Qopelant  fu  devant  le  roi,  il  se  mist  en  un 
jenoul  et  dist  :  <c  Très  chiers  sires,  vous  m'avés  escript  et  mandé 
que  je  venise  parler  à  vous.  Je  sui  venus,  car  je  vous  doi  toute 
obeisance.  Très  chiers  sires  et  redoubtés,  se  Dieus  m'a  volut  con- 
sentir si  grant  grâce  que  il  m'a  volut  envoiier  et  mis  entre  mes 
maios  le  roi  d'Escoce,  et  je  l'ai  conquis  en  bataille  par  fait  d'ar- 
mes, on  n'en  doit  point  avoir  envie  ne  ranqune  sus  moi.  Aussi 
puet  bien  Dieus  envoiier  sa  grâce  sus  un  povre  baceler  de  bonne 
volentë,  que  il  fait  sus  un  grant  signeur.  »  — -  «Vous  dites  venté, 
Jehan,  respondi  li  rois,  je  vodroie  bien  en  mon  roiaulme  avoir 
assés  de  teb  bacelers  que  vous  estes.  Vous  m'avés  fait  service 
moult  agréable,  et  je  vous  ai  mandé,  non  pour  mal  que  je  vous 
voelle,  mais  tout  pourfit  et  avancement  ;  et  onques  mes  ne  vous 
avoie  veu  que  je  vous  commisse.  Se  sui  resjols  de  vostre  venue, 
et  en  vaudrés  mieuls.  » 

Adonc  le  prist  li  rois  par  le  main  et  le  fist  lever.  Tantos  li 
contes  de  Warvich  et  mesires  Renauk  de  Gobehen  et  mesires 
Richars  de  Stanfort  et  mesires  Jehans  Candos  et  li  chevalier  d'En- 
gleterre s'aquintièrent  de  lui  et  le  missent  en  paroles.  A  painnes 


[1346]     VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  299.         242{ 

pooit  li  rois  oster  ses  ieuls  de  li,  et  en  parloit  à  mesure  Godefiroi 
de  Harcourt  et  à  messire  Gautier  de  Mauni,  et  disoit  :  «cRegardës 
les  aventures  d*armes,  conment  uns  povres  bacelers  a  pris  en  ba- 
taille et  conquis  par  armes  le  roi  d'Esooce.  »  —  a  Sire,  respondi- 
rent  à  ceste  parole  li  doi  chevalier,  Dieus  li  a  envoiiet  celle  grâce 
et  cel  eur.  Se  l'en  devës  bien  rémunérer,  et  tellement  que  tout 
aultre  baceler,  chevaliers  et  esquiers  qui  vous  servent,  s'i  puis- 
sent exempliier.  »  —  <c  Cest  moult  bien  nostre  intention,  »'  res- 
pondi  li  rois.  Ensi  fu  Jehansde  Qopelant  requelliës  et  conjols  dou 
roi  et  des  signeurs,  et  eslevés  de  grâce  et  de  renonmée  et  hon- 
nourës  de  tous. 

Qant  Jehans  de  Qopelant  eut  este  dalës  le  roi,  tant  que  bon  li 
fu  et  au  roi,  ensi  li  rois  li  dist:  «  Jehan,  vous  retoumerés  en 
Engleterre  et,  vous  venu  chiës  vous,  vostre  prisonnier,  le  roi 
d'Escoce,  vous  le  presenterës  à  ma  fenme  et  l'en  ferës  don.  Vous 
estes  tous  esqusës  de  ce  que  vous  l'avez  tenu  et  gardé.  Et  pour 
vostre  service  que  nous  tenons  à  grant  et  à  agréable,  nous  vous 
retenons  pour  nostre  corps  et  de  nostre  cambre,  parmi  dnq' cens 
livres  à  i'estrelin  de  revenue,  par  an,  que  vous  auerés.  Et,  nous 
reloumë  en  Engleterre,  nous  vous  en  ferons  asignation,  telle  que 
bien  vous  devera  souffire.»  De  ce  don  remercia  Jehansde  Qopelant 
le  roi  d'Engleterre.  Encores  avoecques  tout  ce  et  ces  lettres, 
qant  Jehans  se  départi  dou  roi  et  des  signeurs,  on  li  donna  une 
lettre  de  par  le  roi  à  prendre  deus  miUe  marcs  en  deniers  appa- 
rilliës  sus  Testaplier  des  laiimes.  Ensi  se  départi  Jehanâ  de 
Qopelant  dou  roi  et  retourna  en  Engleterre.  Et  qant  il  Ai  venus 
chiës  soi,  et  que  li  rois  d'Escoce  peut  souffiîr  le  cevauchier,  il  le 
prist,  et  bien  acompagniës,  il  l'amena  à  la  roine  d'Engleterre,  ensi 
quq^dit  et  cargiet  U  estoit  dou  roi.  La  roine,  qui  fîi  dame  pourveue 
de  sens  et  d'onnour,  rechut  Jehan  de  Qopelant  doucement  et  belle- 
ment, ne  onques  ne  li  moustra  parole  nulle  de  duretë,  ne  que 
elle  euist  eu  merancolie  sus  li  ;  et  avoecques  tout  ce,  elle  conjol 
le  roi  d'Escoce,  ensi  que  à  faire  apertenoit. 

Depuis  que  Jehans  de  Qopelant  ot  rendu  le  roi  d'Escoce  à  la 
roine  d'Engleterre,  et  que  elle  s'en  tint  saisie,  ne  demora  elle 
gaires  ou  pais  de  Northombrelant,  mais  ordonna  ses  besongnes 
et  recarga  toute  la  terre  à  quatre  barons  desus  nonmës,  liquel 
sont  grant  hiretier  en  Northombrelande;  et  puis,  bien  aconpagnie, 
elle  s'en  retouma  viers  Londres  et  enmena  avoecques  li  le  rot 
d'Escoce,  et  fist  tant  par  ses  joumëes  qu'elle  vint  à  Londres.  Qant 


246  CHRœnQUBS  DE  J.  FROISSART.  [i346] 

U  Londriien  sœorent  la  venue  de  la  roînev  ^  <iu^  ^^  lor  ane- 
noh  le  roi  d'Escooe,  si  se  esfordèrent  toat  generaolment  de  li 
requellier  honnonrablement,  ensi  que  h  loi  apertenoit;  et  indiè- 
rent  un  jour,  qant  elle  deubt  entrer  en  Londres,  plus  de  dens 
mille  chevaus  à  l'enoontre  de  li.  Et  fu  amende  la  roine  tout  au 
lonc  de  Londres,  et  le  roi  d'Escooe  en  sa  compagnie,  à  grant  fuis- 
son  de  menestrandiesy  jusques  au  palais  de  Wesmoustier.  Et  là- 
desoendirent  la  roine  et  li  rois  d'Eseoce.  Depuis  ceste  ordenance, 
li  rois  d'Eseoce  fu  amènes  par  une  barge  sus  la  Tamise  eus  ou 
fort  chastiel  de  Londres,  et  là  enclos  sus  bonnes  gardes,  qjae  an 
mist  dalës  lui  ;  car  la  ditte  roine  avoit  intension  que  de  passer 
proçainement  la  mer  et  venir  devant  Calais  veoir  son  signeur,  le 
roi  d'Engleterre,  et  se  ordonna  à  ce  et  grant  fuisson  des  dames 
d'Engleterre  aussi,  qui  toutes  avoient  grant  désir  de  veoir  lors 
maris,  qui  estoient  avœcques  le  roi  devant  Calais.  Si  se  ordon* 
nèrent  à  ce,  et  pour  passer,  la  roine  et  les  dames  ;  et  envoiièrent 
lors  ponrveances  devant  par  la  rivière  de  la  Tamise,  qui  rentre 
dedens  la  mer  à  Mergate.  Et  depuis  la  ditte  roine  et  les  dames, 
montées  sus  hagenées  amblans,  cevauclùèrent  par  terre  jusques 
en  la  cité  de  Gantorbie,  et  fissent  lors  offrandes  au  beneoit  corps 
saint  Tomas.  Et  puis  vinrent  à  Douvres,  et  entrèrent  eus  es  vas- 
sîaus  et  passèrent  ogltre  et  vinrent  devant  Calais  :  de  quoi  toute  li 
hoos  fu  grandement  resjole  de  lor  venue.  Et  vint  là  la  roine  envi- 
ron la  Toussains,  et  tint  court  ouverte,  le  jour  de  la  Toossains, 
de  tous  signeurs  et  de  toutes  dames.  F*  133. 

P.  26,  L  29  :  Copeland.  —  Ms.  JS  6  :  qm  estoit  bieaulx 
escniers,  fors  et  drois,  saiges  et  bien  avisez.  F>  367. 

P.  27,  1. 17  :  coses.  —  Ms,  i?  6  :  et  voel  que  vous  soies  che- 
valier. F>  368. 

P.  27, 1.  27 :  grandement.  —  Ms.  B  6i  k  l'endemain  il  fut 
chevalier.  P*  368  et  369. 

P.  27,  1.  30:  au  tierch.  —  Ms.  ^  6:  an  sixième.  P  369. 

P.  28,  1.  1  :  amis.  —  Ms.  A  29:  parens. 

P.  28,  1.  5  :  Evruich.  —  Mss.  ^  8  ^  10,  20  à  22  :  Bervidi. 
P  142  v«.  —  Mss.  Al,i\  h  14,  18,  19,  30  à  33  :  Ebruich. 
P  151  V.  —  Mss.  A\^hilx  Ewrich.  P  \^%  V.  —  Mss.  A  23 
h  29  :  Vervich.  P  176.  —  ilf#.  j5  4  :  Ewruich.  P  133  v». 

P.  28, 1. 8  :  montèrent.  —  />  m^.  ^  29  iyouie:  sur  un  petit 
cheval. 

P.  i8,  1.  10:  dessus  ditte.  — >  Ms.  £  ^i   JSX  prist  (Jean   de 


[i346]     VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  S  3^0.         2» 

Gopeland)  le  roy  d'Escoche  son  prisonnier  et  l'amena  et  bien  con- 
duit de  gens  d'armes  jusques  à  Londres,  et  le  présentai  la  royae 
d'Engleterre  qui  en  ot  grant  joye.  Si  le  fist  la  dame  mettre  en 
son  cbastel  à  Londres  et  le  conte  de  Moret  et  le  conte  de  Ghines, 
connestable  de  France,  et  le  conte  de  Tanquarville.  F^  369. 

P.  28,  L  18  :  Bervich.  —  Mss.  ^  15  à  17  :  Ewruich.  F«158  v«. 
—  Mu.  A  18,  19  :  Ebruich.  F»  164.  —  Mss.  ^  23  à  33: 
Bruich.  F*  176.  —  Ms.  B  3:  Everuicb.  F^"  142.    . 

P.  28,  1.  18  :  Rosebonrch.—  Mss.  ^  15  à  17.  Rosembourch. 
FM58v«. 

P.  28, 1.  24:  Evruicb.  —  Mss.  A\  à^\  Bervich.  F""  160.— 
Msi.  Al,  11 1^  14:  Ebruich.  F  151  v«.  —  Mss.  A  iti  à  il  : 
Ewrich.  F*  158  V.  —  Mss.  A  23  à  33  :  Bruich.  P>  176.  — 
Ms.B3  :  Vruich.F»  142.  --'  Ms.  £  k  :  Ewruich.  F*  133  v«. 

P.  29,  1.  6  :  à  Donyreis.  -**  Ms,  £  6i  Sy  passa  la  mer  en 
grant  péril  et  en  grant  aventure,  car  toudis  y  avoit  robeurs  de 
sus  la  mer,  normans  et  geneuois,  qui  faisoient  grant  destourbier 
as  Englès.  F»  169. 

P.  29, 1.  13  :  Toussains.  —  Ms.  B  6  :  il  '  i  ot  bien  sept  cens 
chevaliers  et  d'autres  seigneurs  à  grant  foison  que  on  ne  les  po- 
voit  à  paine  servir,  qui  estoient  plus  venus  pour  veoir  la  royne 
que  aultre  cose.  Et  le  gentille  royneappella  ces  chevaliers  en  leur 
faisant  si  bonne  chière,  et  les  araisonnoit  et  festioit  sy  gracieuse- 
ment que  c'estoit  ung  grant  déduit  de  le  regarder.  Sy  donna 
adonc  la  bonne  royne  grant  foison  de  joiaulx  à  ceulx  où  elle  les 
tenoit  pour  bien  enploiet.  Et  demora  longtemps  par  delés  le  roy 
son  seigneur  en  grant  revel  tant  que  le  siège  dura.  Et  avoit  amené 
foison  de  dames  et  damoiselles.  Si  y  prendoient  les  chevaliers  et 
aultres  compaignons  grant  solas  et  grant  déport,  quant  il  leor 
plaisoit,  en  toutes  bonnes  manières;  et  li  rois  les  veoit  volentiers 
et  les  honnouroit  tant  qu'il  pooit.  F®  370. 

P.  29,  1.  19  :  Galais.-^X^n».  i?8a/oitfe«*  car  cesiège  yde- 
moura  longuement.  F*  142. 

S  800.  P.  29,  1.  20  :  Gis  sièges.  —  Ms.  dT Amiens  :  U 
sièges  fil  longement  devant  Callais,  et  si  y  avinrent  moult  d'aven- 
turez  et  de  bêliez  proècez  d'un  costé  et  d'autre,  par  terre  et  par 
mer,  lesquelles  je  ne  puis  mies  toattez  ne  le  qarte  partie  recorder  ; 
car  li  roys  de  Franche  avoit  fait  establir  si  bonnes  gens  d'armes 
et  tant  par  touttez  les  fortrècez,  que  li  Englès,  qui  volloient  hors 


Î48  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

jssir  à  ceval  <m  à  piet  pour  aler  fourer  ou  aventurer,  ne  l'avoient 
mies  d'avantage,  mes  trouvoîent  souvent  des  rencontrez  durs  et 
fors.  Et  ossi  il  avoient  souvent  pluisseurs  paletis  et  escarmuches 
entour  lez  portez.  Un  jour  perdoit  li  ung,  l'autre  jour  perdoit  li 
autre;  et  avoit  un  maronnier  sur  mer,  qui  s'apelloit  Marans,  qui 
oonforta  grandement  par  pluisseurs  fois  ciauz  de  Calais.  F*  97. 

—  Ms,  de  Borne  :  Chils  sièges  .se  tint  longement  devant  Calais, 
et  si  i  avinrent  des  grandes  aventures  et  des  belles  proèces  de  l'un 
costë  et  de  l'autre,  par  terre  et  par  mer,  lesquelles  je  ne  puis  pas 
toutes,  non  la  moitié,  escripre  ne  recorder.  Car  li  rois  de  France 
avoit  fait  establir  si  bonnes  gens  d'armes  sus  les  frontières  d'Ar- 
tois, de  Boulenois  et  en  la  conte  de  Ghines,  qui  pour  ce  temps 
se  tenoit  toute  françoise,  et  aussi  mis  et  establi  sur  la  mer,  Ge- 
neuob,  Normans  et  Espagnols,  que,  quant  les  Englois  voloient 
issir  hors  de  lor  siège,  il  couvenoit  que  il  fuissent  trop  bien 
acompagniet,  se  il  n'estoient  reboutë  ;  et  qant  il  estoient  plus 
fors  de  lors  ennemis,  il  les  reboutoient  ens  es  forterèces,  en 
Ghines,  en  Hames,  en  Niele,  en  Oie,  en  Bavelingehen,  en  Fien- 
nes,  en  la  Montoire,  en  Saint  Omer,  en  Heruane  et  en  Boulon- 
gne,  car  li  Englois,  seans  devant  Calais,  couroient  bien,  pour 
fouragier,  jusques  à  là. 

Et  vint  adonc  devant  Calais  li  sires  d'Aughimont,  sires  dou 
Rues  en  Hainnau,  voires  son  temps  durant,  veoir  le  roi  d'fingle- 
terre  et  devint  son  honme  parmi  deus  cens  livres  à  l'estrelin, 
que  li  rois  d'Engleterre  H  donna  de  revenue  par  an,  asignés  sus 
ses  cofiBres.  Et  en  fu  li  sires  d'Aughimont  bien  paiiës,  tant  que 
il  volt  estre  et  demorer  ou  service  des  Englois.  Et  pour  le  temps 
il  estoit  fors  et  jones,  hardis  et  entreprendans  chevaliers,  et  fa 
nonipës  Emouls,  et  fist  des  belles  cevauchies  avoecques  les  En- 
glois et  des  grans  apertises  d'armes,  par  lesquelles  il  i  acquist 
grant  grâce  et  l'amour  des  Englois.  Et  estoient  acompagniet  li  et 
messires  Renauls  de  Gobehen,  et  ne  chevauçoient  point  l'un  sans 
l'autre.  F*  134. 

P.  29,  1.  27  :  le  marche.  —  Ms.  ^  3  :  en  la  subjection. 
F»i42. 

P.  30, 1.  17  :  larecÎD.  —  Les  nus.  ^  15  à  17  afouteni  :  et  en 
tapinaige.  F*  159. 

P.  30,  1. 19  {  Mestriel.  —  Mss.  ^  1  à  6,  11  ^  14  :  Menes^ 

trcul.  F»  160  ^. Mss.  -rf  15  à  17  :  Mestrisel.  F»  159.  — 

Mu.  A  18  ^19  :  Mestniel.  P  164  v«. 


[i346]      VARIAMES  DU  PREMIER  UVRE,  §  301.         249 

P.  30,  1.  26  :  fisent...  morir.  —  Ms,  B  3  :  firent  noier  et 
morir  plusieurs  Anglois.  F*  142  y«.  —  Ms,  B  4  :  firent  tamaînt 
Englès  morir  et  noiier.  F*  134. 

P.  30,  1.  26  :  durant.  —  Les  mss.  A  i  à  il,  H  à  14,  20  à 
22  ajoutent  :  devant  Calais.  F*  160  v«.  —  Les  mss.  A.  18,  19 
ajoutent  :  devant  la  ville  de  Calais.  F®  164  v®.  —  Les  mss.  A 
15  à  17  ajoutent:  dont  le  roy  estoit  moult  durement  courrocië. 
P 159  V. 

S  SOI .  P.  30, 1.  27  :  Tout  ce!  yvier.  —  Ms.  ^ Amiens  :  Enssi 
demoura  là  l'ivier  tout  chil  siège.  Et  passa  le  mer  et  vint  d'entre 
Calais  li  comtes  Derbi  ;  et  ossi  la  roynne  d'Engleterre  environ  le 
Noël  y  vint;  si  y  fu  rechupte  à  grande  joie,  ce  fu  bien  raissons. 

Et  estoient  conforte  ossi  li  Englèz  si  grandement  dé  le  commu- 
naltë  de  Flandrez,  car  li  roys  englès  les  tenoit  à  amoiu*  te  qu'il 
pooit  ;  et  estoit  adonc  en  le  garde  de  ciaux  de  Gand  li  jouènes 
Loeis,  filz  au  comte  leur  seigneur.  De  quoy  li  dus  de  Braibant  li 
volloit  dounner  se  fille  et  proumetoit  au  roy  de  France  que,  se  II 
mariage  adrechoit,  il  le  meteroit  à  se  entente  dez  Englès.  Quant 
li  roys  d'Engleterre  entendi  ce,  il  envoia  grans  messaiges  en 
Flandres,  le  comte  de  Norhantonne  et  autrez,  qui  donnèrent  et 
présentèrent ,  de  par  le  roy  leur  seigneur,  au  pays  de  Flandres 
pluisseurs  dons  et  presens,  pour  yaux  oster  de  celle  opinion.  Et 
proumetoient  que  s'il  acordoit  leur  signeur  à  sa  fille,  qu'il  leur 
recouveroit  sus  lez  Franchois  liile,  Bietune  et  Douay  et  touttez 
lez  appendancez  :  li  Flammencq  estoient  trop  plus  enclins  sans 
comparison  au  roy  d'Engleterre  que  au  roy  de  Franche.  F*  97. 

—  Ms.  de  Rome  :  Tout  cel  ivier,  demora  li  rois  d'Engleterre  à 
siège  devant  Calais;  et  estudioient  ils  et  ses  gens,  conment  il 
peuissent  avanchier  lor  besongne,  et  constraindre  le  plus  ceuls 
de  Calais.  Et  rendoit  li  rois  d'Engleterre  grant  painne  pour  tenir 
à  amour  la  conmunautë  dou  pais  de  Fandres,  car  avis  li  estoit 
que  parmi  euls  le  plus  aise  il  poroit  venir  à  ses  ententes.  Et  en- 
voioit  souvent  deviers  euls  grans  pronmesses,  et  leur  faisoit  dire 
et  leur  disoit  aussi,  qant  il  le  venoient  veoir  au  siège,  que,  se  il 
le  voloient  aidier  tant  que  il  peuist  venir  à  son  entente  de  la  ville 
de  Calab,  il  lor  recouverroit  sans  doubte  Lille,  Douai  et  Bietune 
et  toutes  les  apendances  qui  anciennement  s'estoient  tenues  des 
resors  de  Flandres;  si  ques,  par  tels  pronmesses,  li  Flamenc 
s'esmurent  en  ce  temps  et  vinrent  mettre  le  siège  devant  Bie- 


280  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1346] 

tune.  Et  avoient  à  chapitainne  un  chevalier  d'Artois  qui  se  non- 
ma  messires  Oadars  de  Renti,  liquels  estoit  bams  de  France  et 
ne  s'i  osoit  tenir;  car  se  on  l'i  euist  tenu,  on  l'euist  pendu  :  si 
s'en  vint  en  Flandres.  Et  le  requellièrent  li  Flamenc  et  en  fissent 
lor  chapitaione,  car  Jaquemes  d'Artevelle,  ensi  que  vous  savës, 
estoit  mors;  et  estoient  li  Flamenc  devant  Bietune  bien  soissante 
mille. 

Si  estoient  par  dedens  la  ville,  pour  le  garder  et  deffendre, 
quatre  vaillant  chevalier,  messires  Joffrob  de  Gargni,  messires 
Ustasses  de  Ribeumont,  mesires  Jehans  de  Landas  et  messires 
Bauduins  d'Enneqins;  et  avoient  bien  deus  cens  lances  desous 
euls,  chevaliers  et  esquiers.  Et  bien  besongna  à  Bietune  que 
droite  gens  d'armes  i  fuissent  et  entendesissent  à  euls,  car  par 
trop  de  fois,  la  vîUe  euist  esté  prise,  se  lor  bonne  pourveance  et 
diligense  n'euist  esté  ;  car  les  Flamens  i  fissent  moult  de  grans  et 
orible^  assaus,  et  i  furent  les  Flamens  onse  sepmainnes  que  riens 
n'i  conquissent.  Qant  il  veirent  ce  que  la  ville  estoit  si  bien  gar- 
dée et  defiPendue,  ils  se  tanèrent  et  rompirent  lor  siège  et  re- 
tournèrent en  Flandres  et  casquns  en  son  tien.  li  quatre  cheva- 
liers desus  nonmé  acquissent  grant  grasce  de  ce  que  si  bien  il 
avoient  gardé  et  defiendu  Bietune  à  lencontre  des  Flamens. 

Moult  volentiers  euist  veu  li  rois  d'Engleterre  que  li  jones 
Lois  de  Maie  et  hiretiers  de  Flandres  euist  pris*à  fenme  sa  fille 
Issabiel;  et,  pour  ce  et  pour  aultres  coses,  tenoit  il  moult  à  amour 
tout  le  pais  de  Flandres.  Et  tant  fist  et  tant  procura  par  dons, 
par  pronmesses  et  par  bons  moiiens,  que  li  pais  de  Flandres  s'i 
acorda  entièrement  :  dont  li  rois  d*Engleterre  fut  moult  resjols, 
car  il  li  sambloit  que,  parmi  ce  mariage  et  ce  moîien,  il  s'aide- 
roit  des  Flamens  plus  plainnement.  Et  aussi  il  sambloit  as  Fla- 
mens que,  se  il  avoient  le  roi  d'Engleterre  et  les  Englois  de  lor 
acort,  il  poroient  bien  résister  as  François  ;  et  plus  lor  estoit  né- 
cessaire et  pourfitable  li  amour  dou  roi  d'Engleterre  que  dou  roi 
de  France.  Mais  lors  jones  sires.  Lois  de  Maie,  qui  avoit  esté 
nouris  entre  les  roiaids  de  Frapce  et  encores  i  estoit  il,  ne  s'i 
voloit  point  accorder;  et  disoit  financement  que  jà  n'aueroit  à 
fenme  la  fille  de  celj  qui  li  avait  mort  son  père. 

D'autre  part,  li  dus  Jehans  de  Braibant,  quoi  que  il  fust  cou- 
sins germains  au  roi  d'Engleterre,  rendoit  grant  diligense  et 
pourcaçoit  adonc  moult  fort  que  chils  jones  contes  de  Flandres 
vosist  prendre  par  mariage  Margehte,  sa  fille  ;  et  li  pronmetoit 


[1846]      VAIUANIES  DU  PREBIIEEI  LIVRE,  §  30i.         S5I 

qae,  se  il  req)ousoit,  il  le  feroit  joir  plainnement  et  pasieavlement, 
Âist  par  force  ou  autrement,  de  la  conte  de  Flandres.  Et  faisoit 
li  dus  de  Braibant  entendant  au  roi  de  France  que,  se  chils  ma- 
riages se  faisoit  de  sa  fille  au  jone  conte  de  Flandres,  il  feroit 
tanjt  que  tout  li  Flamenc  seroient  de  son  acord  et  contraire  au 
roi  d'Êngleterre  :  de  quoi,  par  ces  pronmesses,  li  rois  de  France 
s'acorda  au  dit  mariage  de  Braibant. 

Qant  li  dus  de  Braibant  eut  lacort  dou  roi  de  France,  il  en» 
voiia  tantos  grans  messages  en  Flandres  deviers  les  plus  soufissans 
bourgois  des  bonnes  viUes  de  Flandres,  et  leur  fist  dite  et  re- 
moustrer  tant  de  belles  paroles  coulourëes  que  li  consauls  des  bon- 
nes villes  mandèrent  le  jone  conte,  lor  signeur,  et  li  fisent  asavoir 
que,  [se]  il  vosist  venir  en  Flandres  et  user  par  lor  consel,  il 
seroient  si  bon  amie  et  subject,  et  li  renderoient  et  deliveroient 
toutes  ses  justiches  et  juridicions  et  les  droitures  de  Flandres, 
ensi  ou  plus  avant  que  nuls  contes  de  Flandres  euist  onques  en. 
Li  Jones  contes  fu  consilliës  par  .ceuls  qui  le  gouvrenoient  et  par 
madame  sa  mère,  que  il  venist  en  Flandres  et  cruist  ses  honmes, 
pub  que  il  li  presentoient  amour  et  subjection.  Et  vint  sus  cel 
estât  en  Flandres,  et  i  fu  receus  à  grant  joie  et  ala  et  chevauça 
de  bonne  ville  en  bonne  ville;  et  li  furent  donne  et  présente  grans 
dons  et  biaus  presens. 

Si  tretos  que  li  rois  d'Engleterre,  qui  se  tenoit  devant  Calais, 
sceut  ces  nouvelles,  il  envoia  en  Flandres  le  conte  de  Norhan» 
tonnCy  le  conte  d'Arondiel  et  mesire  Jehan  Candos  et  mesure  Re- 
nault de  Gobehem,  liquel  parlementèrent  tant  et  pourcachièrent 
as  communautés  de  Flandres  que  il  eurent  plus  chier  que  leurs 
sires  presist  à  fenme  la  fille  dou  roi  d'Engleterre  que  la  fille  an 
duch  de  Braibant.  Et  en  requissent  et  priièrent  leur  jone  signeur, 
et  li  remoustrèrent  pluisseurs  belles  raisons  pour  lui  atraire,  et 
tant  que  li  bourgois  qui  avoient  nus  avant  le  fait  le  duch  de  Brai- 
bant n'osoient  parler  ne  contredire  à  ceuls  qui  proposoient  le 
fait  le  roi  d'Engleterre.  Mais  Lois,  li  jones  contes,  ne  s'i  voloit 
nullement  acorder,  et  disoit  que  jà  n'aueroit  à  fenme  la  fille  de 
celi  qui  avoit  son  père  mort,  et  li  deuist  li  rois  d'Engleterre  don- 
ner la  moitié  de  son  roiaulme. 

Qant  li  Flamenc  olrent  ce  et  le  veirent  en  cel  estât,  si  forent 
tout  courouchie,  et  dissent  que  chils  sires  estoit  trop  François,  et 
qae  jà  il  ne  lor  feroit  bien,  et  que  trop  pries  il  s'endinoit  as  opi- 
nions de  son  père,  et  que  jà  il  necreroit  oonsel  qui  bien  li  vosist» 


252  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4346] 

Si  le  prissent  chil  de  Gant  et  le  missent  en  prison  courtoise,  et 
bien  ti  disent  que  jamais  n'en  isceroit,  se  il  ne  creoit  lor  consel  ; 
et  bien  disoient,  si  messires  ses  pères  n'euist  tant  amet  les  Fran- 
çois, et  euist  oavrë  par  lor  consel,  il  l'euissent  fait  un  des  grans 
signeurs  des  crestiiens,  et  euist  recouvre  Lille,  Douai  et  Bietune. 
F- J34  et  135. 

P.  31,  1.  6  :  Douay.  —  Ms,  B  6  ajoute  :  et  Bietune.  F*  372. 

P.  3i,  1.  i8:  Ribeumont.  —  Mss.  ^  15  à  17,  23  à  29  et  B 
3:  Ribemont.  F*  159  v«.  —  Mss.  ^  20  i^  22:  Ribeaumont. 
P>  228  v«. 

P.  32,  1.  2:  Ysabiel.  —Ms.B3:  Ysabeau.  F*  142  v«. 

P.  32, 1.  2:  espouser*  -—  Mss.  A  18,  19  :  quiavoit  nom  Heli- 
zabeth.  F»  165. 

P.  33,  1.  10:  Norhantonne.  —  Mss.  A  15  ^17:  Northantonne. 
F»  160.  —  Mss, \A1  et  B  kl  Norhanton.  Fo  134  v«.  —  Ms.  B 
3:  Norantonne.  Fo  143. 

P.  33,  1.  20:  contes. —  Les  mss.  ^  20  à  22  ajoutent:  forment 
contredisoit.  P>  229. 

P.  34,  1.  1  :  des  Crestiiens.  —  Mss,  ^  20  à  22  :  qu'oncques 
fust  en  Flandres.  F«  229  v«. 

P.  34, 1.  2:  Bietune.  —Les  mss.  utf  20^  22  ajoutent:  Orchies. 
F»  229  V. 

5  SOfi.  P.  34,  1.  3:  Ce  demora.  —  Ms.  de  Rome:  Ce  demora 
une  espasce  de  temps,  et  li  rois  d'Engleterre  tint  toutdis  son  siège 
devant  Calais,  et  tint  grant  court  et  noble  le  jour  dou  Noël.  Le 
quaresme  ensievant,  retournèrent  de  Gascogne  li  contes  Derbi, 
li  contes  de  Pennebruq  et  li  contes  de  Quenfort  et  grant  fuisson 
de  chevaliers  etd'esquiers  en  lor  compagnie,  et  ancrèrent  devant 
Calais.  Si  furent  li  rois  et  li  signeur  et  toutes  gens  resjol  de  lor 
venue,  et  se  restraindirent  auquns  signeurs  pour  euls  logier,  et  de 
tant  (h  li  hoos  renforcie. 

Or  retournons  à  la  matère  dont  je  parloie  présentement  dou 
jone  conte  Lois  de  Flandres,  que  ses  gens  tenoient  en  prison 
courtoise.  Nonobstant  ce,  il  ne  prenoit  point  la  prison  à  agréable, 
mais  à  grant  desplaisance,  et  point  ne  le  pooit  amender.  Si  estoit 
il  soubtils  et  moult  imaginatis,  et  consideroit  à  le  fois  son  estât 
et  son  afaire,  et  disoit  en  soi  meismes  :  «  Je  sui  uns  grans  sires 
assës,  et  se  n'ai  point  de  poissance,  se  mes  gens  ne  le  me  donnent. 
U  me  fault,  voelle  ou  non,  brisier  mon  coer  et  dissimuler,  car  je 


[1347]      VARIAMES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  30S.         tSS* 

ai  bien  tant  de  congnissance  que  mon  peuple  m'ainme  et  amera,* 
se  je  les  sçai  tenir,  et  me  acompliront  toutes  mes  volentës.  Enco- 
res  vault  il  trop  mieuls  que  je  me  brise  et  dissimule  un  temps 
que  je  soie  ichi  tenus  en  prison,  quoi  que  je  m'encline  assës  plus 
à  la  fille  de  Rraibant  que  d'Engleterre  ;  car  par  Braibant,  ou 
temps  à  venir,  pueent  avenir  très  grandes  alianoes  à  Flandres. 
Et  se  je  avoie  fait  ce  mariage  en  Braibant,  oultre  la  volentë  de 
auquns  de  mes  bommes,  qui  me  remoustrent  que  li  mariages  en 
Engleterre  m'est  plus  pourfitables  et  nécessaires  que  il  ne  sôit  en 
Braibant,  et  je  fuisse  en  Braibant  ou  en  la  conté  de  Nevers  et  de 
Retels,  et  li  rob  d'Engleterre  fiist  retournes  en  son  pais,  li  doi 
pais,  Flandres  et  Braibant,  se  racorderoient  ensamble,  et  li  rois 
d'Engleterre  marieroit  sa  fille  ailleurs,  et  je  retoumeroie  en  paix 
entre  mes  gens;  si  ques  je  me  laisserai  consillier  et  leur  dirai  par 
couvreture  que  je  les  voel  croire  et  entendre  à  lors  volentës.  » 

Et  trouva  li  jones  contes  celle  cautelle,  et  manda  cheuls  qui  la 
plus  grande  domination  avoient  sur  li,  tant  que  de  sa  garde,  et 
par  lesquels  on  usoit  le  plus  en  Flandres,  et  leur  dist:  «  Je  qui 
sui  vostres  sires,  vous  me  tenës  en  dangier,  lequel  je  n'ai  point 
apris,  car  à  painnes  puis  je  aler  pissier  que  trois  ou  quatre  gardes 
ne  soient  sur  mi.  Je  considère  mon  estât  et  l'ai  considère  à  grant 
loisir,  ce  temps  que  je  ai  chi  séjourne.  Dur  me  seroit  d'estriver 
contre  l'agillon.  Il  m'est  avis  que  vous  m'amës  et  amës  l'onnour 
de  mon  pais  de  Flandres,  qui  me  volés  marier  à  la  fille  le  roi 
d'Engleterre.  Je  voel  bien  procéder  avant  en  ce  mariage,  mais  que 
sainte  Eglise  s'i  asente.  » 

Qant  ses  gens  l'olrent  parler  sus  celle  fourme,  laquelle  il  desi-* 
roient  à  olr,  si  furent  resjol,  et  le  missent  tantos  hors  de  prison, 
et  li  acordèrent  une  partie  de  ses  déduis,  tant  que  d'aler  des  ois- 
siaus  en  rivière.  Ace  estoit  il  moult  enclins,  mais  il  i  avoit  toutdis 
sur  li  bonnes  gardes,  à  la  fin  que  il  ne  lor  escapast  ou  fiist  emblës; 
et  l'avoient  les  gardes  empris  à  garder  sus  l'abandon  de  lors 
testes.  Si  en  estoient  tant  plus  songneus,  et  si  estoient  les  gardes 
dou  tout  de  la  favour  le  roi  d'Engleterre,  et  le  gettoient  si  pries 
que  à  painnes  pooit  il  aler  pissier. 

On  segnefia  au  roi  d'Engleterre  cel  estât,  et  que  li  jones  contes 
de  Flandres  estoit  hors  de  prison  et  en  volentë  de  prendre  sa  fille 
par  mariage.  De  ces  nouvelles  fu  li  dis  rois  tous  resjols,  et 
renvoia  en  Flandres  l'evesque  de  Harfort,  le  conte  de  Norhan- 
tonne  et  messire  Jehan  de  Biaucamp.  Et  vinrent  à  Bruges  en 


254  CHRONIQUES  DE  J.  FR0I6SAAT.  [1347] 

grant  estât,  et  furent  liement  recea  des  signeurs  de  la  ville;  et  de 
là  il  cevauchièrent  à  Gant,  aaqnns  bourgeois  de  Brages  des  plus 
notables  en  lor  compagnie.  Cfail  qui  gouvrenoient  pour  ce  temps 
le  jone  conte  de  Flandres  et  la  viJle  de  Gant,  requellièrent  toute 
celle  compagnie  liement;  et  i  furent  fais  et  moustrës  grans  apro- 
cemens  d'amour. 

La  conclusion  fu  telle  que  li  contes  fu  tellement  mènes  de  pa- 
role^, tant  de  ses  gens  que  de  ces  signeurs  d'Engletere,  que  il 
s'acorda  à  ce  et  dist  de  bonne  volentë,  par  samblant,  que  volentiers 
il  procederoit  avant  ou  mariage,  mais  que  sainte  Eglise  s'i  aseo:- 
tesist,  car  il  estoient  moult  proçain  de  linage.  Les  Englès  se  fis- 
sent fort  et  se  cargîèrent  de  cela,  et  dissent  que  jà  pour  la 
dispensation,  li  mariages  ne  se  laisseroit  à  faire;  et  retournèrent, 
qant  il  orent  este  bien  festoiiet,  arrière  devant  Calais,  et  recor- 
dèrent tout  ce  que  il  avoient  trouve,  ol  et  veu  en  Flandres  au  roi 
et  à  son  consel  :  desquèles  coses  li  rois  se  contenta  grandement, 
et  moult  amoit  cheuls  de  Flandres,  et  disoit  que  il  estoient  bien 
si  ami.  Ceste  cose  se  procéda  et  aproca  sus  les  couvenances  que 
Lois,  li  Jones  contes  de  Flandres,  avoit  eu  as  ambassadeurs  de  par 
le  roi  d'Engleterre,  et  à  ses  gens,  aussi  en  la  ville  de  Gant.  Et 
forent  escript  et  segnefîiet  li  rois  et  la  roine  d'Engleterre  noto- 
rement  par  tous  les  consauls  des  bonnes  villes  de  Flandres  et 
don  tieroit  dou  Franc ,  escript  et  seelet  conjointement  ensamble, 
que  il  vosbsent  estre  et  leur  fille  en  la  ville  de  Berghes,  entre 
Saint  Omer  et  Bourbourch,  et  que  là  il  seroient  à  rencontre  de 
li,  et  aueroient  leur  signeur  tel  que  li  mariages  se  concluroit  là. 

Vous  devës  sçavoir  que  li  rois  et  la  roine  d'Engleterre  furent 
grandement  resjol.  Et  ne  fîi  riens  espargniet  pour  estas  tenir  à 
celle  journée.  Et  vinrent  au  Noef  Port  les  Flamens,  et  encores 
plus  priés  en  une  aultre  bonne  ville  priés  des  dunes,  que  on  dist 
Vome.  Tous  li  pais  de  là  environ  fu  raempHs  des  bonnes  gens 
sus  la  poissance  de  Flandres,  tant  de  par  le  roi  d'Engleterre  com- 
me de  par  le  pais  de  Flandres.  Et  vinrent  li  plus  notable  homme 
et  li  plus  autentiqe  des  bonnes  villes  de  Flandres,  en  grant  estât 
et  poissant,  en  la  ditte  viUe  de  Berghes,  et  i  amenèrent  lor  si- 
gneur le  jone  conte,  qui  par  samblant  faisoit  très  bonne  chière; 
et  qant  il  fii  parvenus  jusques  au  roi  d'Engleterre,  il  s'enclina 
tous  bas,  et  aussi  fist  il  à  la  roine.  Li  rois  d'Engleterre  prist  le 
jone  conte  par  la  main  destre  moult  doucement,  et  le  leva  sus  et 
puis  le  conjol  et  requdlide  paroles,  et  s'escusa  moult  hnmlement 


[1347]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  302.         255 

de  la  mort  de  son  père.  Et  dist,  se  Dieux  le  peuist  aidier,  que 
onqaes  tout  le  jour  de  la  bataille  de  Creci  il  ne  le  vei  ne  oy  par- 
ler, et  que,  se  il  l'euist  veu,  il  Teuist  pris  sus  ;  mais  tels  cas  sont 
aventures  de  batailles  :  <t  Tous  les  fault,  biaus  fils,  passer  et 
oublier.  »  li  jones  contes,  par  samblant,  se  tint  de  ces  escus- 
sauces  assës  à  contens. 

Et  puis  fu  parlé  dou  mariage;  et  là  ot  certains  tretiés  aleghiës 
et  proposés.  Et  là  jfu  empris  Û  mariages  dou  joue  conte  Lois  de 
Maie,  conte  de  Flandres,  et  de  madamoiselle  Isabiel  d'Engleterre, 
Et  jurèrent  les  parties  à  procéder  avant  et  sus  grans  misses  de 
repentises.  Et  à  ce  se  oblïgièrent  les  bonnes  villes  de  Flandres  et 
Il  rois  d'Engleterre  pour  sa  fille,  mais  il  couvenoit  envoiier  en 
Avignon  pour  la  dispensation.  De  ce  se  cargoient  par  acord  lirois 
d'Engleterre  et  les  bonnes  [villes]  de  Flandres.  Et  fu  la  journée 
de  espouser  relaxsée  jusques  à  une  autre  fois,  et  là  en  dedens  la 
dispensation  seroit  aceptée  et  impetrée.  Et  se  départirent  de 
Berghes  toutes  gens,  et  retournèrent  li  rois  d'Engleterre  et  la  roine 
au  siège  devant  Calais,  et  enmenèrent  lor  fille,  et  li  Flamenc,  lor 
ûgneur  en  Flandres. 

De  toutes  ces  avenues  estoient  trop  bien  enfourmé  li  rois  de 
France  et  ses  consauls  et  n'en  savoient  que  imaginer,  fors  tant 
que  il  esperoient  bien  que  li  contes  de  Flandres,  com  jones  que 
il  fust,  avoit  sens  et  soutilleté  assés,  pour  li  délivrer  de  ces 
dangiers,  et  tout  par  couvreture  et  par  li  sçavoir  dissimuler. 

Qant  li  contes  fu  retournés  en  Flandres,  et  ses  gens  veirent 
que  il  voloit  ouvrer  par  lor  consel....^  et  li  furent  mis  au  large 
tous  ses  déduis  et  esbatemens,  et  n'avoit  mes  sus  lui  si  fort  regard 
que  il  i  avoit  eu,  pour  tant  que  il  avoit  juret  et  fianchiet  la  fille 
au  roi  d'Engleterre,  et  de  espouser  au  jour  qui  ordonnés  i  estoit, 
mais  toutdis  reservoit  il  et  avoit  réservé  la  dispensation  dou 
pape. 

li  rois  d'Engleterre  et  la  roine,  quoi  que  il  fuissent  à  siège 
devant  Calais,  se  apparilloient  de  grant  poissance,  et  metoient 
ouvriers  en  oevre;  et  n'i  avoit  riens  espargniet  de  cambres,  d'abis, 
de  rices  jeuiauls,  pour  donner  au  jour  des  espousailles.  Et  aussi 
tout  signeur  et  toutes  dames,  qui  là  estoient  au  siège,  s'en  efibr- 
çoient  pour  estre  en  ces  jours  en  grant  estât  et  estofé  oultre 
mesure. 

1*  Lacune* 


2M  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1347] 

Li  Jones  contes  de  Flandres,  liquels  estoit  revenus  en  pais  en- 
tre ses  gens,  ensi  que  vous  savés,  aloit  tous  les  jours  en  rivière 
et  moustroit  par  samblant  que  chils  mariages  à  Isabiel  d'Engle- 
terre  li  plaisoit  très  grandement  bien.  Et  s'en  tenoient  li  Flamenc, 
ensi  que  pour  tout,  asegurë  ;  et  n'i  avoit  mes  sus  li  si  grant  re- 
gard comme  en  devant.  Qant  chils  contes  vei  que  la  journée  apro- 
çoit  que  il  devoit  retourner  à  Berghes  et  pour  espouser  la  fille 
d'Engleterre,  laquelle  cose  il  ne  voloit  nullement  faire,  quoique 
juré  et  promis  l'euist  par  foi  fianchie,  il  se  apensa  que  i^  meteroit 
tout  pour  tout. 

Et  avint  que  un  jour  il  estoit  aies  rivoiier,  et  jetta  son  fau* 
connier  un  faucon  apriès  le  hairon,  et  li  contes  aussi  un.  Et  se 
missent  chil  doi  faucon  en  cange,  et  li  contes  apriès  en  quoitant 
son  ceval  et  moustrans  que  il  le  vosist  ravoir  ;  et  disoit  en  ce- 
vauçant  :  «  Hoie  I  hoie  1  »  Et  qant  il  fu  eslongiés  et  que  il  ot 
l'avantage  des  camps,  il  feri  cheval  des  esporons  et  cevauça  tout- 
dis  avant,  sans  retourner,  par  telle  manière  que  ses  gardes  le 
perdirent.  Point  ne  sçai  se  de  ce  fait  il  furent  coupable,  mais  il 
en  fissent  moult  l'esfraë  et  le  courouchië;  et  n'osèrent  retourner 
en  Flandres,  tant  que  les  coses  furent  remises  en  aultre  estât.  Li 
Jones  contes  de  Flandres,  qant  il  se  f u  ensi  emblés,  s'en  vint  à 
Saint  Venant  et  trouva  le  signeur  qui  li  fist  très  bonne  chière; 
car  il  avoit  esté  son  mestre  et  l'af  oit  plus  introduit  ens  es  ois- 
siaus  que  nuls  aultres.  Et  fu  li  sires  de  Saint  Venant  moult  resjols 
de  ce  que  il  estoit  ensi  issus  des  dangiers  le  roi  d'Engleterre  et 
des  Flamens,  et  l'amena  bien  acompagniésà  Pieronneen  Vermen- 
dois  deviers  le  roi  de  France  qui  là  se  tenoit. 

Qant  li  rois  Phelippes  vei  son  cousin,  le  conte  de  Flandres,  et 
il  l'ot  oy  parler  conment  il  avoit  lobé  les  Englois  et  les  Flamens, 
et  issus  de  lors  dangiers  par  grande  soutilleté,  si  en  fii  moult 
resjols  et  dist  :  a  Biaus  cousins,  vous  estes  li  bien  venus  :  vous 
avés  trop  bien  esploitié.  Laissiés  ces  Englois  et  nostre  adversaire 
marier  sa  fille  ailleurs.  Vous  n'en  avés  que  faire.  Je  vous  marierai 
en  Braibant.  Ce  mariage  là  vous  sera  mieuls  à  la  main  et  plus 
propisces  et  pour  véstre  pais  aussi,  que  ne  seroit  chils  d'Engle- 
terre. »  li  Jones  contes  de  Flandres  acorda  au  roi  toute  sa  pa- 
role et  li  dist:  «  Monsigneur,  pour  tant  que  je  m'encline  plus  au 
mariage  de  la  fiUe  au  duch  de  Braibant  que  à  ceste  d'Engleterre, 
ai  je  fait  ce  que  je  ai  fût,  et  me  sui  départis  de  mon  pais  et  de 
mes  gens  sans  congiet.  Je  ne  sai  mais  qant  je  i  retournerai.  » 


[1347]     VARUNTES  DU  PREBilER  LIVRE,  $  302.        287 

Respondi  li  rois  :  «  Vous  avës  très  bien  fait,  et  tous  en  sçai  bon 
gré^  et  aussi  doient  faire  tout  chil  qui  vous  ainment  et  vostre 
honnour.  » 

Ensi  demora  li  jones  contes  de  Flandres  un  grant  temps  dalës 
le  roi  de  France,  et  ne  levoit  nulles  rentes  ne  revenues  dou  pais 
de  Flandres.  Et  se  tenoient  li  Flamench  à  deceu  de  ce  que  il  ne 
l'avoient  mieuls  garde.  Et  afin  que  li  rois  d'Engleterre  ne  se  me- 
rancoliast  sus  euls,  car  trop  le  doubtoient  à  courouchier,  les 
consauk  des  bonnes  viles  de  Flandres,  liquel  avoient  este  as  con- 
venances prendre  et  jurer  dou  mariage  de  lor  signeur  et  de  la 
fille  le  roi  d'Engleterre,  s'en  vinrent  devant  Calais  euls  esquser 
au  roi  desus  nonmë;  et  moustrèrent  de  fait,  de  parole  et  de  sam- 
blant,  que  il  estoient  moult  courouchië  de  ce  que  lors  sires  defalloit 
ensi  sur  ce  qu  il  avoit  couvenenchië  et  jure.  Li  rois  d'Engleterre, 
qui  voloit  tenir  à  amour  les  Flamens,  car  à  venir  à  son  entente 
de  Calais  il  le  pooient  trop  grandement  valoir,  tint  lors  escu- 
sances  à  bonnes  ;  et  dist  bien  que  de  tout  ce  que  li  contes  avoit 
fait,  et  de  sa  foi  que  il  avoit  mentie  à  tout  le  mains  il  estoit  en 
procès  dou  mentir,  il  tenoit  bien  je  pais  de  Flandres  pour  esqusë. 
De  ceste  response  remerciièrent  li  Flamenc  le  roi  d'Engleterre, 
et  se  ofinrent  àestre  apparilliet  au  roi,  et  de  venir  devant  Calais, 
trois  jours  apriès  ce  que  il  en  seroient  requis  et  semons.  Li  rois 
d'Engleterre  ne. renonça  pas  à  ces  offres,  mais  les  tint  à  très  bon* 
nés  et  les  en  remercia.  Chil  Flamenc  prissent  congiet  au  roi, 
et  puis  il  s'en  retournèrent  en  Flandres,  et  li  rois  demora  devant 
Calais. 

Vous  àevés  savoir  que  li  dus  de  Braibant,  qui  tendoit  et  avoit 
tendu  un  lonc  temps  à  marier  sa  fille  Margerite  au  joue  conte  de 
Flandres,  fu  trop  grandement  resjols,  jà  fust  il*  cousins  germains 
au  roi  d'Engleterre,  qant  il  sceut  la  veritë  conment  li  caates  de 
Flandres  avoit  tronpé  le  roi  d'Engleterre  et  les  Flamens,  et  avoit 
briûet  le  mariage  de  la  fille  d'Engleterre,  et  n'avoit  nulle  affec- 
tion de  le  prendre,  mais  pour  l'eslongier,  en  estoit  volés  en  France 
et  se  tenoit  dalës  le  roi  de  France  et  madame  sa  mère  qui  trop 
fort  haioit  les  Englois,  et  li  disoit  moult  souvent:  «  Lois,' se  vous 
euissiés  procédé  avant  ou  mariage  d'Engleterre  et  pris  la  fille  de 
celi  qui  vous  a  vostre  père  mort,  je  fuisse  très  tos  morte  d'anoi, 
ne  jamais  en  ce  monde  de  vous  n'euissiés  eu  honnour.  »  — 
«  Madame,  respondoit  li  contes,  jamais  je  ne  m'i  fuisse  acordës; 
et  ce  qui  en  a  este  ùdt  à  la  promotion  de  mes  gens,  c'a  esté  par 

XV— 17 


858  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART«  [1347] 

force  et  par  constrainte.  Si  me  couvenoit  trouver  voie  et  cao- 
telle,  conment  je  me  peaisse  de  eiils  délivrer.  Or  Tai  fait,  et  pour 
perdre  rentes  et  revenues  en  Flandres,  jamais  en  ce  dangier  je 
ne  me  meterai.  » 

Ensi  apaisoit  li  jones  contes  de  Flandres  sa  dame  de  mère.  Et 
li  dus  de  Braibant,  qui  tiroit  à  venir  à  son  entente,  procuroît 
trop  fort  par  tous  les  bons  moiîens  que  il  pooit  avoir  deviers  le 
roi  de  France,  que  sa  fille  Margerite  peuist  venir  par  mariage  au 
conte  de  Flandres  ;  et  lui  prometoit,  là  où  li  mariages  se  feroit, 
que  il  romperoit  et  briseroit  le  pourpos  des  Alemans,  que  jamais 
n'en  seroit  grèves  ne  guerriiés,  et  aideroit  mesire  Carie  de  Boes- 
me,  roi  d'Alemagne,  à  parvenir  à  la  pwfection  de  l'Empire.  li 
rois  de  France  recevoit  toutes  ces  paroles  en  bien,  et  rescripsoit 
doucement  deviers  le  duch  de  Braibant,  et  li  donnoit  à  entendre 
que  li  jones  .contes  de  Flandres  prenderoit  sa  fille.  F^"  435 
et  136. 

P.  34,  1.  37  :  gardes.  —  Ms.  B  6  :  mais  il  (les  Flamands)  en- 
Toieroient  tondis  trente  de  leurs  hommes  bourgois  qui  sy  près  le 
gaiteroient  que  à  paine  poroit  il  aller  pisser;  et  n'avoit  de  son 
consail  privet  que  deus  chevaliers  :  encores  estoient  il  Flamens. 
F»  376. 

P.  34,  1.  31  et  P.  35,  1.  1  et  2:  Ceste...  en  couvent.  — 
Mts.  Aià  Ij  i\  à  14,  18  à  38  :  Ceste  chose  se  procéda  et  du- 
ra tant  que  le  jeune  conte  ot  en  convenant.  F^  164. 

P.  35, 1.  20:  conjoy.  —Ms.BZi  froissoit.  P»  143  v*. 

P.  36,  1.  22  et  23:  quel  samblant...  dedentrainnement.  — 
Mss.  Ai  ^  6,  11  A  14,  15  ^  17  :  quelque  samblant  qu'il  mons- 
trat  au  dehors,  il  avoît  dedens.  F*  162  V.  —  Mss.  A  8  à  10: 
quel  semblant  qu'il  monstroit  au  dehors ,  il  ^voit  dedens.  — • 
Mst.  ^  23  à  29  :  quelque  semblant  qu'il  monstrast  forafamement, 
il  avoit  dedens.  F^  178  ^.  —  Mss,  u^  30  à  33  :  quelque  semblant 
qu'il  monstrast  au  dehors,  il  avoit  ens.  F*  195  v®.  —  Mss.  ^18, 
19  :  quelque  semblant  qu'il  monstrast  deforainement,  il  avoit  în- 
teramement.  F^  166  v^.  —  Ms,  B  3  :  quelque  semblant  qu'il 
monstrast  dehors,  il  avoit  en  son  courage  toujours  les  Françob. 
F»  144. 

P.  36,  1.  25:  en  rivière.  —  Mss.  udT  23  A  29  :  sur  l'eaue. 
F*  230  V*. 

P.  36,  1.  25  :  en.  —  Mss.  ^^  30a  33,  B  3:  sur  la.  F'i95  v«. 

P.  36,  1.  29:  cil  doy  faucon.  —  Ms.  B  6  :  l'un  de  ses  fau* 


[1347]      VâRIAMTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  303.         289 

consala  chargieraucange,  et  ses  fauconniers  après  pour  le  loirer. 
F*  377  et  378. 

P.  36,1.29:  en  cange.—Mss.  ^1^  33  :  en  chace.F<>  162v«. 
—  Ms»  £  3  :  en  champs.  P*  444. 

P.  36, 1.  30  :  les  lorier.  —  Mss.  ^  1  à  7,  il  à  i4:  le  loirier. 
Mss.  jiSàiO:  les  loirrer.  F»  144  V.  —  Mss.  ^  15  à  17  :  les 
loirer.  F*  161.— ilf«.  ^  18,  19:  le  loirier.  F*  iS^V.  —  Mss.A 
20  a  22  :  le  loirer.  F*  230  v^.  —  Mss.  urf  23  «  29  :  le  lorier. 
F»  178  v*.  —  Mss.  JZOàZS:  les  suir.  F»  195 v«.  —  Ms.  BZ: 
les  leurrer.  F*  144.  —  Ms.  i?  4:  le  loyrier.  F®  135  V. 

P.  37, 1. 11  :  deceus. — Ms.Bd:  Mais  pour  ce  ne  demora  mie 
que  les  Flamens  ne  confortaissent  tondis  les  Englès,  et  vidèrent 
pluiseurs  fois  hors  et  furent  devant  Aire  et  devant  Saint  Omer; 
et  ardirent  tout  le  pais  d'environ  et  le  bonne  chitë  de  Terouané, 
et  toudis  en  confortant  les  Englès.  F^  378. 

§  503.  P.  37,  1.  17:  En  ce  temps.  —  Ms.  de  Rome:  Ensi 
demorèrent  les  coses  en  cel  estât  un  lonch  temps,  et  li  sièges  se 
tenoit  devant  Calais. 

En  ce  temps  estoit  nouvellement  revenus  dou  voiage  dou  Saint 
Sépulcre  et  dou  mont  de  Signal  et  de  Sainte  Kateline,  chik  gen- 
tils chevaliers,  messires  Robers  de  Namur  ;  et  l'avoit  fait  cheva- 
lier au  Saint  Sépulcre  li  sires  de  Spontin. 

Qant  messires  Robers  de  Namur  fii  retournes  de  ce  voiage  en 
la  conte  de  Namur,  il  entendi  que  li  rois  d'Engleterre  seoit  de- 
vant Calais  ;  si  se  ordonna  à  là  venir  et  i  vint  moult  estofeement, 
et  se  mist  au  serviche  dou  roi  d'Engleterre.  Et  le  retint  li  rois 
parmi  deus  cens  livres  à  Testrelin  que  il  li  donna  de  revenue  par 
an  ;  et  en  fu  bien  paiiës,  tant  que  il  vesqi.  F®  137. 

P.  37,  1.  22  :  affectuel.  —  Mss.  A  i  à  Z3:  afifetiez.  —  Ms.  B 
4:affeitië.  F»  135  v«. 

P.  37,  1.  28  :  Robers  de  Namur.  — Ms.B  6  :  filz  jadis  au  con- 
te Jehan  de  Namur.  F*  378. 

P.  37,  1.  30  :  Jones.  —  Ms.  B  6  :  ossy  il  n'avoit  encores  est^ 
mandes  ne  prié  du  roy  Phelippe  :  sy  povoit  bien  par  honneur 
traire  devers  lequel  roy  que  mieulx  luy  plaisoit,  car  il  ne  tenait 
riens  de  l'un  ne  de  l'autre;  et  toutes  fois  il  estoit  plus  enclin  au 
roy  d'Engleterre  que  au  roy  de  France.  Sy  se  party  'le  conte  de 
Namur  en  bon  arroy,  ensy  que  toudis  a  fait  honnorablement  par 
k  pais  et  par  le  monde,  et  passa  parmy  Flandres,  et  esploita  tant 


i60  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT.  [1346] 

qu'il  vint  devant  Calais.  Sy  ala  devers  messire  Gautier  de  Maunj, 
faainuier,  lequel  l'acointa  du  conte  Derby  et  de  messire  Henry  de 
Lenclastre.  Et  cheulx  le  menèrent  devers  le  roy  et  la  royne,  quy 
forent  moult  resjols  de  sa  venue  et  le  rechurent  liement.  Et  mes- 
sire Robert  de  Namur  estoit  grandement  en  la  grâce  du  roy  et 
de  la  royne  pour  le  cause  de  son  oncle,  messire  Robert  d'Artois, 
de  qui  il  portoit  tel  nom.  Si  le  retint  le  roy  d'Engleterre  et  luy 
donna  par  an  trois  cens  livres  à  Testrelin,  qui  vaUent  dix  huit 
cens  frans  de  Franche  ;  et  luy  donna  par  telle  condision  que  on 
luy  pairoit,  tant  que  il  vivroit,  la  dite  revenue  prendre  aulx  canges 
à  Bruges.  Adonc  fist  hommaige  le  dit  conte  au  roy  d'Engleterre 
et  le  baisa  en  la  bouche,  et  demoura  devant  Calais  tant  que  la 
«  ville  fut  rendue.  Après  la  ville  rendue,  il  s'en  ala  en  Engleterre 
avecques  le  roy  et  la  royne  juer  et  esbatre  et  veoir  le  pais,  et 
ossy  pour  aprendre  à  congnoîstre  les  seigneurs  et  les  dames  du 
royalme  d'Engleterre,  dont  il  desiroit  moult  de  avoir  Tacointanche. 
F>  379  v«  et  380. 

P.  37,  1.  31  :  priiës.  —  Ms.  B  4:  près.  F«  135  v*. 

P.  38,  1.  18  :  trois  cens.  —  Mss,  ^  20  à  22  :  cinq  cens. 
P>231. 

§  504.  P.  38,  1.  23  :  Je  me  sui.  —  Ms,  d Amiens:  Le  siège 
estant  devant  Callais,  tondis  guerioient  en  Bretaingne  enssamble 
messires  Caries  de  Blois  et  la  comtesse  de  Montfort.  li  roys  de 
France  confortoit  monseigneur  Carie,  son  nepveu,  et  la  ditte 
comtesse  confortoit  li  roys  d'Engleterre. 

Or  estoient  en  Bretaingne  venu,  de  par  le  dit  roy  d'Engleterre, 
doy  moult  vaillant  chevalier  avoec  une  cuandtë  de  gens  d^armes 
et  d'archiers,  dont  on  noummoit  l'un  messire  Thummas  d'An- 
goume,  [et  l'autre]  monseigneur  Jehan  de  Harteceile;  si  se 
tenoient  en  le  ville  de  Hainbon.  Avoecq  eulx  avoit  un  autre  che- 
valier, breton  bretonnant,  qui  s'apelloit  messires  Tangis  dou 
Castiel.  Si  assamblèrent  chil  troy  chevalier  dessus  noummet  un 
jour  ce  qu'il  peurent  avoir  de  gens,  en  instance  que  pour  aller 
assegier  une  ville  et  un  castiel  qui  s'apelle  le  Roce  Deurient  :  si 
en  estoit  cappitainne  Tassars  de  Ghinnes,  ungs  moult  appers 
escuierz. 

Quant  li  Englès  et  li  Breton  furent  là  venu  par  devant,  il  asse- 
gièrent  le  Roce  Deurient  tout  environ,  et  le  assaillirent  forte- 
ment. Or  y  eut  tant  de  meschief  que  cil  de  le  ville  estoient 


[1346]      VAIOANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  304.         261 

mieux  de  Tacort  la  comtesse  de  Montfort  que  de  monsîgnear 
Carie.  Si  se  tournèrent  deviers  la  comtesse  et  li  escuiers  ossi,  et 
demoura  cappittainne. 

Quant  messire  Carie  de  Blois  le  seut,  si  en  fu  moût  courouc- 
cbiës,  et  manda  partout  gens  où  il  les  peut  avoir,  et  par  especial 
grant  iiiisson  de  chevalerie  en  Bretaingne  et  en  Normendie.  Si 
vint  à  seize  cens  armurez  de  fier  et  quatre  cens  chevaliers  et  bien 
douze  mil  hommez  de  piet  mettre  le  siège  devant  le  Roce  Deu- 
rient,  et  comnmenchièrent  le  ville  à  assaillir  fortement  et  le  as- 
trainssent  grandement. 

Ces  nouvellez  vinrent  à  la  comtesse  et  as  chevaliers  englès  et 
bretons  comment  on  avoit  le  Roce  Deurient  assis.  Si  se  pourvei 
tantost  la  dite  contesse  et  manda  gens  partout  où  elle  les  peut 
avoir,  et  eult  bien  mil  armurez  de  fier  et  quinze  mil  hommez  de 
piet.  Si  s'esmurent  ces  gens  d'armes  et  aprochièrent  les  Fniir- 
chois.  Quant  il  furent  à  deux  lieuwes  priés  de  Thost  monsigneur 
Carie,  il  se  logièrent  sus  une  rivierre  celle  nuit,  à  l'entente  que 
de  combattre  à  lendemain.  Et  quant  il  furent  logiet  et  mis  à 
repos,  monsigneur  Thummas  d'Anghoume  et  messires  Jehans  de 
Hartecelle  prissent  le  moitiet  de  leurs  gens  et  les  fissent  armer 
et  monter  à  cheval,  et  s'en  allèrent  devant  mienuit  ferir  en  l'ost 
monseigneur  Carie  à  l'un  des  costéz,  et  y  fissent  moult  grant 
dammaige. 

Adonc  s'estourmy  li  hos,  et  furent  tantost  tout  arme.  ÏA  En- 
glès et  li  Breton  arestèrent  si  longement  qu'il  ne  se  peurent  re- 
traire, et  furent  enclos  et  combatu  dez  gens  monsigneur  Carie, 
et  tellement  combatu  que  mort  et  pris  le  plus  grant  partie.  Et  y 
fu  pris  et  navrés  durement  messires  Thumas  d'Anghoume  ;  et 
messires  Jehans  de  Hartecelle  se  retraist  au'  mieux  qu'il  peut  et 
revint  si  comme  tous  desconfis  à  leur  host,  et  leur  conta  se 
aventure.  ?•  97  v*. 

—  Ms.  de  Rome  :  Je  me  sui  longement  tenus  à  parler  des 
gerres  de  Bretagne  et  de  mesure  Carie  de  Blois  et  de  la  contesse 
de  Montfort.  La  cause  pourquoi  je  m'en  sui  soufiers,  c'a  este 
pour  les  trieuves  qui  furent  prisses  devant  la  chitë  de  Vennes, 
lesquelles  furent  moult  bien  tenues  et  gardées.  Et  joirent  assés 
pasieuvlement  toutes  les  parties,  casquns  et  casqune,  de  ce  que 
sien  estoit  et  que  en  devant  il  tenoit.  Et  sitos  que  elles  furent 
passées,  il  conmenchièrent  à  guerriier  fortement,  li  rois  de 
France  à  conforter  mesire  Carie  de  Blois  son  neveu,  et  li  rois 


962  GBRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1347] 

dllngleterre,  la  contesse  de  Mcmtforty  ensi  que  pronmis  et  oon- 
venenchiet  li  avoit« 

Et  estoient  venu  en  Bretagne,  de  par  le  roi  d'Engleterre,  doi 
moult  vaillant  chevalier,  et  départi  dou  siège  de  Calais,  k  tout 
deus  cens  hommes  d'armes  et  quatre  cens  archiers.  Les  noms  des 
chevaliers  furent  tel  :  mesire  Thomas  d'Agoume  et  mesire  Jehan 
de  Hartecelle  ;  et  se  tenoient  dalës  la  ditte  contesse  en  la  ville  de 
Hainbon.  Avoecques  euls  avoit  un  chevalier  breton  bretonnant, 
moult  vaillant  honme,  qui  se  nonmoit  mesires  Tangis  dou  Chas- 
tiel.  Et  faisoient  souvent  ces  Englois  et  ces  Bretons  des  issues  et 
cevauchies  contre,  les  gens  mesire  Carie  de  Blois  et  sus  le  pais 
qui  se  tenoit  de  sa  partie,  et  les  gens  à  mesire  Carie  aussi  sus 
euls.  Une  ^eure  perdoient  les  uns,  et  une  autre  fois  gaegnioient. 

Et  avint  un  jour  que  chil  troi  chevalier  desus  nonmet  avoient 
mis  ensamble  grant  fuisson  de  gens  d'armes  et  de  saudoiiers  à 
piet,  et  alèrent  mettre  le  siège  devant  une  ville  que  on  dist  La 
Roce  Deurient,  qui  se  tenoit  de  messire  Carie  de  Blois,  et  par 
pluisseurs  fob  i  fissent  livrer  des  assaus.  Chil  qui  dedens  estoient, 
se  deffendoient  vaillanment,  tant  que  riens  n'i  perdoient.  Et 
estoit  chapitainne,  de  par  le  dit  mesire  Carie,  de  la  ditte  garnison» 
uns  esquiers  de  Piqardie  qui  se  nonmoit  Tassars  de  Chines,  ap- 
pert homme  d'armes  durement.  Or  i  ot  un  grant  meschief,  car  li 
homme  de  la  ville,  les  trois  pars  estoient  plus  pour  la  contesse 
de  Montfort  que  pour  messire  Carie.  Et  prissent  chil  homme  lor 
chapitainne,  et  qant  il  en  furent  saisi,  il  dissent  que  il  l'ociroient, 
se  il  ne  se  toumoit  à  lor  opinion.  Tassars,  qui  se  vei  en  dur 
parti,  pour  eslongier  la  mort,  leur  dist  que  il  feroit  tout  ce  que 
il  vodroient.  Sus  cel  estât,  il  le  laissièrent  alef ,  et  leur  souffi 
ceste  parole  ;  et  conmencièrent  à  tretiier  deviers  ces  chevaliers 
d'Epgleterre.  Trettiés  se  porta  que  tout  se  tournèrent  de  la  par- 
tie la  contesse  de  Montfort,  et  demora  li  dis  Tassars  de  Ghines, 
capitains  de  la  Roce  Deurient,  comme  en  devant.  Ce  fait,  li 
sièges  des  Englois  se  deffist,  et  retournèrent  li  chevalier  deviers 
la  contesse  de  Montfort  à  Hainbon,  qui  toute  resjole  fîi  de  ce 
que  ses  gens  avoient  si  bien  esploitië. 

Les  nouvelles  vinrent  à  messire  Carie  de  Blois,  qui  se  tenoit 
en  la  chitë  de  Nantes,  que  la  ville  de  la  Roce  Deurient  estoit 
tournée  englesce,  et  la  manière  conment  Tassars  de  Ghines  avoit 
esté  menés  et  pris  de  fait  et  de  force  ;  et  vosist  ou  non,  aultre« 
ment  il  euist  esté  mors,  il  li  convint  faire  ce  marchiez»  Qant  mesires 


[1347}      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  304.         ^63 

Caries  entendi  ces  paroles,  si  fa  durement  oourouchiës  et  dist  et 
jura  que  jamais  n'entenderoit  à  aultre  cose,  quoique  couster  li 
deuist,  si  aueroit  repris  la  Roce  Deurient  et  castoiiet  cheuls  qui 
ces  trettiés  avoieut  fais,  et  pris  si  crueuse  venganche  que  tout  li 
aultre  s'i  exemplieroient.  Et  fist  tantos  un  très  grant  mandement 
partout,  et  s'estendirent  ses  priières  jusques  en  Normendie.  Et  fist 
son  amas  de  gens  d'armes  en  la  chitë  de  Nantes  et  là  environ; 
et  furent  bien  seise  cens  hommes  d'armes,  dont  il  estoient  quatre 
cens  chevaliers  et  plus,  et  environ  douze  mille  hommes  de  piet 
parmi  les  arbalestriers.  Entre  ces  quatre  cens  chevaliers  avoit 
vingt  trois  banerès. 

Si  départi  li  dis  messires  Caries  en  grant  arroi  de  la  chité  de 
Nantes,  et  tout  chil  signeur  et  ces  gens  en  sa  compagnie  ;  et  es- 
ploitièrent  tant  que  il  vinrent  devant  la  Roce  Deurient,  et  bas- 
tirent  là  le  siège  grant  et  fort.  Et  fissent  li  signeur  drechier  grans 
enghiens  devant,  qui  jettoient  nuit  et  jour  :  dont  chil  de  dedens 
furent  tout  esbahi  et  considérèrent  Tafaire,  et  de  ceuls  qui  asegiës 
les  avoient  et  lor  poissanche  ;  et  congneurent  bien  que  durer  ne 
poroient  longement,  se  il  n'estoient  conforte.  Si  segnefiièrent 
lor  estât  à  la  contesse  de  Montfort  et  as  chevaliers  d'Engleterre 
et  de  Rretagne,  qui  en  Hainbon  se  tenoient,  et  leur  mandoient  que 
il  fuisent  aidië,  ensi  que  en  convenant,  quant  il  se  tournèrent, 
lor  avoient. 

La  dite  contesse  et  li  troi  chevalier  desus  nonmé ,  qant  il  en- 
tendirent ce,  jamais  pour  leur  honnour  ne  l'euissent  laissiet.  Et 
envoia  partout  la  contesse  ses  lettres  et  ses  messages,  là  où  eUe 
pensoit  à  avoir  gens,  ses  soubjès  commandoit  et  ses  amis  prioit; 
et  fist  tant  que  elle  ot  en  petit  de  temps  mille  armeures  de  fier, 
tous  bien  armés  et  montes  à  cheval,  et  huit  mille  hommes  de  piet. 
Qant  il  furent  tout  venu,  la  contesse  les  reconmenda  et  mist  en 
la  garde  et  conduit  des  trois  chevaliers  desus  nonmës,  qui  volen- 
tiers  en  prisent  la  carge  et  le  faix.  Et  se  départirent  sus  celle  en- 
tente que  pour  lever  le  siège  des  François  qui  seoient  devant  la 
Roce  Deurien;  et  esploitièrent  tant  que  il  vinrent  à  deus  petites 
lieues  priés  de  la  Roce  Deurient,  et  se  logièrent  sus  une  petite 
rivière.  Et  riens  ne  savoit  mesires  Caries  de  Blois  de  lor  cou- 
venant. 

Qant  messires  Thomas  d'Angoume,  messires  Jehans  de  Har- 
tecelle  et  messires  Tangis  dou  Chastiel  et  tout  h  chevalier  et 
esquier  de  lor  route,  qui  là  estoient  assamblé,  furent  parvenu  à 


264  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSâRT.  [13471 

deus  lieues  pries  de  l'oost  des  François,  ils  se  logièrent  au  lonch 
de  cette  rivière,  sus  l'entente  que  pour  demorer  là  tonte  la  nuit 
et  à  Fendemain  aler  combatre  lors  ennemis.  Qant  il  orent  soupe 
assës  legierement,  il  considérèrent  lor  fait  et  emprise,  et  dissent 
entre  euls  li  troi  chevalier  :  «  Nous  ferons  armer  une  partie  de 
nostres  gens  et  monter  as  chevaus,  et  nous  en  irons  veoir  l'oost 
des  François  droit  sus  le  point  de  mie  nuit;  et  enterons  en 
euls  et  lor  porterons  par  ce  fait  très  grant  damage,  et  porons 
mieuls  pourfiiter  par  celle  manière  que  demain  dou  jour  venir  sus 
euls  en  bataille,  car  il  sont  grant  gent  et  de  nobles  et  rices  si- 
gneurs  grant  fuisson.  Si  poroit  bien  avoir  demain  si  grant  sens 
entre  euls  et  si  bonne  ordenance  que  nous  n'i  ferions  riens.  » 

Chils  consauls  bi  tenus,  et  ordonne  tout  chil  qui  se  départi- 
roient  et  chil  qui  demorroient.  Et  s'armèrent  et  montèrent  as 
chevas  ou  conduit  des  trois  chevaliers  desus  nonmés  et  cevau- 
cièrent  tout  quoiement;  et  droit  à  l'eure  de  mie  nuit,  il  se 
boutèrent  en  l'oost  de  mesire  Carie  de  Blois  à  l'un  des  costës,  et 
i  fissent  de  premières  venues  grant  damage,  et  ocirent,  mehagniè- 
rent  et  abatirent  biaucop  de  gens.  li  hoos  se  conmença  à  es- 
tourmir  ;  et  se  courirent  armer  tout  chil  qui  le  plus  apparilliet 
estoient,  et  à  venir  à  force  sus  ces  Englois  et  Bretons  :  liquel  se 
quidièrent  partir,  qant  il  veirent  l'oost  toute  estourmie  et  retraire 
arrière,  mais  il  ne  porent  ;  car  il  furent  enclos  de  trois  costés  et 
combatu  et  rebouté  durement  et  asprement,  et  ne  porent  porter 
ne  soustenir,  tant  que  pour  celle  heure,  le  fait  des  François.  Et 
y  fu  pris  et  moult  dolereusement  navrés  mesîres  Thomas  d'An- 
goume,  et  se  sauva,  au  mieuls  que  il  pot,  raessires  Jehans  de 
Hartecelle,  et  aussi  fist  messires  Tangis  dou  Chastiel,  et  se  dépar- 
tirent de  la  bataïQe;  mais  il  i  laissièrent  une  partie  de  lors  gens 
mors  et  pris.  F^  137. 

P.  39,  1.  6  et  7  :  quatre  cens.  —  Mss.  ^  8  a  10  :  trpis  cens. 
F*  145. 

P.  39,  1.  7  et  8  :  d^Augoume.  ^^Mss.  u/  20  à  22  :  de  Gomî. 
P»  221  V*. 

P.  39, 1.  8  :  Hartecelle.  —Mss.  J  i  à  6,  ii  à  14,  20  à  22  : 
Artevelle.  ¥^  163.  —  Mss.  A  15  à  17  :  Harcelée.  P  161  v«.— 
Mts.  A 18,  19  :  Bartavelle.  F»  167.  —Mss.  utf  20  à  33  :  Harte- 
velle.  F»  179.  —  if*.  B  3  :  Artecelle.  F*  144  v«. 

P.  39,  1. 12  :  Tanguis.  —  Mss.  AU  à  14,  18,  19  :  Tanne- 
guy.  F»  154. 


[1347]      VAMANTES  DU  PRElflER  LIVRE,  S  305.         265 

P.  39,  1.  24  :  le  Roce  Deurient.  —  Mss.  Ai  à  e,  i^  à  il  : 
la  Roche  Derien.  F*  463.  —  Ms.  A  1  :  la  Roche  Derian. 
F»  154  v«.  —  Mss.  A  a  à  14,  23  à  33  :  la  Roche  Darien. 
F»  154.  —  Mss,  ^  18  À  22  :  la  Roche  Darian.  —  Ms.  B  Z  : 
Rochebriant.  P>  144  v®.  < 

P.  40,  1. 18  :  seize  cens.  —  Mss.  udf  15  ^  17  :  dix  huit  cens. 
F» 162. 

P.  40,  1.  19  :  douze  mil.  —  Mss.  A  ii  à  14,  18  à  22  :  deux 
mil.  P  154. 

P.  40,  1.  20  :  cheyaliers.— JlfjTJ.u^l  a  6  :  archers.  F*  163  v*. 

P.  41,  1.  4:  mil.  —  Ms.  B  6  :  lanches  et  quinze  mille  hom- 
mes à  piet  et  quinze  cens  archiës.  P*  383. 

P.  41 ,  1.  4  :  armeures  de  fier.  —  Mss.  j9  3,  4  :  honmies 
d'armes.  F*  144  v*. 

P.  41,  1.  4  et  5  :  huit  mil.  —  Mss.  A  i  à%,ii  à  14,  18  à 
22  :  huit  cens.  F*  163  v«. 

P.  41,  1.  25  :  à  l'un  des  costës.  —  Ms.  ^  29  :  Et  prindrent  à 
coupper  cordes  et  abbatre  trefs,  tentes  et  pavillons  et  à  occir  et 
mehaingnier  gens  en  grand  nombre  ;  et  tellement  se  contindrent 
et  si  longuement  en  ce  faisant,  que  l'ost  des  François  et  Bretons 
fust  de  toutes  parts  estourmi  et  mis  en  armes,  grands  et  petits. 
Et  lors  chascun  se  retrait  dessous  son  enseigne,  par  ainsi  la 
meslëe  ne  se  povoit  d'illecq  partir  sans  battaille.  Là  furent  iceulx 
Àngloys  assez  tost  enclos  et  combattus  moult  asprement  par  les 
Françoys  et  Bretons,  dont  ils  ne  purent  soutenir  le  fais  pour  la 
grant  multitude  qui  les  environnoit.  Et  là  iîit  prins,  très  doulou- 
reusement nayrë,  monseigneur  Thomas  d'Agome  ;  et  se  sauva  le 
mieux  qu'il  peut  le  dit  monseigneur  Jehan  d'Artecelle  et  une 
partie  de  ses  gens.  Mab  la  greigneur  partie  y  demoura  morts  ou 
prins.  Et  retourna  monseigneur  Jehan  avecques  ceux  qui  eschap- 
per  povoyent  ;  si  raconta  à  monseigneur  Tanegui  du  Chastel  et 
aux  autres  son  aventure,  dont  tous  furent  moult  dolens.  Lors  ils 
eurent  conseil  qu'ils  retoumeroyent  devers  Haimbont. 

P.  41,  1.  31  et  p.  42,  1.  1  :  d'Agoume.  —  Ms.  B  3  ajoute  : 
luy  vingtième  de  bons  compaignons.  F*  384. 

S  30tt.  P.  42,  1.  11  :  A  celle.  —  Ms.  d! Amiens:  A  celle 
heure  estoit  là  descendus,  à  tout  cent  armurez  de  fier,  ungs 
mont  vaillans  chevaliers  englès  qui  dist,  se  il  en  estoit  creus,  il 
cevauceroit  deviers  les  ennemis  et  rescouroit  ses  compaignons. 


266  GHRONIQUBS  DE  J.  FROISSART.  [1347] 

oailparperderoit  tout;  il  en  fa  creus:  il  prist  le  demourant  de 
Tost  et  se  parti  à  celle  heure,  et  vint  ferir  en  l'ost  messire  Carie, 
environ  soleil  levant. 

Li  Franchois,  qui  cuidoient  avoir  tout  desconfi,  dormoient  en 
leurs  logeis  et  estoient  tout  désarme  ;  si  furent  tout  esbahi,  quant 
il  olrenC  criier  :  «  A  l'arme!  »  Nonpourquant  il  s'armèrent  dou 
plus  tost  qu'il  peurent  ;  mais  ainschois  qu'il  fuissent  tout  recueil- 
liât,  li  Breton  et  li  Englès  leur  portèrent  tel  dammaige,  qu'il 
rescoussent  leur  compaignons  et  desconfirent  monseigneur  Carie 
de  Blois,  et  y  fu  pris.  Et  mors  que  prb  y  eut  ce  jour  plus  de  deux 
cens  chevaliers,  dont  il  en  y  avoit  vingt  trois  à  bannierre  ;  et  y 
eut  bien  mors  troi  mil  hommez,  et  li  demourans  s'enfuirent,  et 
gaegnièrent  tentes  et  très  et  tout  ce  qu'il  avoient  là  amenet  et 
achariiet.  Si  retournèrent  li  Englès  à  tout  leur  concquès  à  Hain- 
bon  deviers  la  contesse,  qui  leur  fist  grant  feste.  Si  âi  li  dis  mes- 
sire Cariez  envoiiës  en  Engleterre.  F*  97  v*. 

«-  Ms,  de  Rome  :  Et  retournèrent  chil  doi  chevalier  sus  lors  lo- 
geis, ensi  que  tous  desconfis,  et  furent  sus  un  estât  que  de  tantos 
départir  de  là  et  retourner  arrière,  qant  evous  descendu  et  venu 
entre  eqls  un  vaillant  cavalier  breton  bretonnant,  qui  se  nonmoit 
messires  Garniers  de  Quadugal,  et  amenoit  en 'sa  compagnie  cent 
lances  de  bonnes  gens,  tous  à  élection.  Si  tretos  que  U  fu  venus, 
li  compagnon  encrent  grant  jbie ;  mais  non  obstant  sa  venue,  en* 
cores  se  voloient  ils  départir  de  la  place,  et  ne  se  tenoient  pas 
bien  aseguret. 

Qant  messires  Garniers  de  Quadugal  les  vei  en  cel  efiBroi^  si  leur 
demanda  que  il  lor  falloit.  Li  doi  chevalier,  qui  retourne  estoient 
de  la  besongne,  li  recordèrent  sus  briefs  paroles  com  il  avoient 
cevauchiet  devant  la  Roce  Dorient  et  conment  il  avoient  esté 
met  jus,  et  estoit  demorés  prisonniers  mesires  Thomas  d'Agoume 
et  encores  pluisseurs  autres  chevaliers  et  esquiers:  a  Et  ne  veons 
point  de  rescouse  en  cela,  et  pour  ce,  nous  volons  nous  retraire 
et  retourner  en  Hainbon.  Se  nous  perdons  la  Roce  Deurient  pour 
celle  fois,  une  aultre  fois  venra  que  nous  le  recouverons.  Il  n'a 
pas  deus  mois  que  nous  le  conquesimes.  Une  fois  desoos  et  l'autre 
desus,  ce  sont  li  estât  de  geire.  » 

Qant  messires  Garniers  les  ot  ol  parler,  il  fu  moult  esmervillià 
et  considéra  en  se  moi  meismes  tout  lor  estât  et  ces  paroles,  et 
pensa  sus  un  petit;  et  puis,  ensi  comme  inspirés  de  grant  proèce, 
dist  :  «  Biau  signeur  et  mi  compagnoui  metës  aultre  arroi  et 


[1347]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  305.         267 

ordenance  en  Vous,  et  me  crées  de  ce  que  je  vous  dirai,  et  grans 
biens  vous  en  venra.  Nous  ferons  armer  et  monter  à  cheval  tons 
ceuls  qui  chevaus  ont;  et  cbeuls  de  piet  nous  les  ferons  sievir. 
Vous  dites  que  il  n'i  a  que  deus  petites  lieues  de  chi  en  Toost  des 
François.  Nous  les  courrons  sus  de  grande  volentë  ;  il  quident 
avoir  tout  achievë,  et  se  tient  tous  asegurés,  ou  il  donnent  et  se 
reposent  ou  il  menguent  et  boivent  :  il  sont  si  raempli  de  glore, 
pour  tant  que  il  vous  ont  met  jus,  que  il  ne  font  point  de  gait,  et  sont, 
par  le  parti  que  je  vous  di,  moult  legier  à  desconfire  et  à  ruer  jus.  » 

Qant  li  doi  chevalier  olrent  parler  messire  Gamier,  tantos  il 
s'acordèrent  à  son  pourpos.  Et  fu  conmandë  à  tout  homme  que 
il  fust  armés  et  appariUiës,  et  que  on  sievist  les  trob  pennons  des 
trois  chevaliers,  quelle  part  que  il  vosissent  aler.  Tout  se  armè- 
rent à  cheval  et  à  piet,  et  se  missent  au  cemin,  en  grant  volenté 
de  lors  corps  aventurer,  et  messires  Gamiers  et  messires  Jehans 
de  Hartecelle  tout  devant;  et  messires  Tangis  conduissoit  ceuls  de 
piet  et  les  hastoit  ce  que  il  pooit. 

Taût  ceminèrent  que,  droit  sus  le  point  dou  jour,  il  entrèrent 
eus  es  logeis  de  messire  Carie  de  Blois  et  trouvèrent  que  il  i  fai- 
soit  aussi  quoit  que  tout  fuissent  endormi,  et  aussi  estoient  il  le 
plus  et  sans  gait;  car,  ensi  que  dit  avoit  messires  Gamiers,  il 
estoient  si  resjol  de  l'aventure  que  il  avoient  eu ,  et  de  ce  que  il 
avoient  met  jus,  ce  lor  sambloit,  lors  enemis,  et  retenu  lor  capi- 
tainne,  que  il  ne  se  doubtoientde  nului,  et  par  ce  furent  il  deceu* 
Car  il  chil  qui  vinrent  sus  euls,  frès  et  nouviaus,  les  envairent 
tellement  et  les  prissent  si  sus  un  piet  que  il  n'eurent  loisir  ne 
espasse  de  eub  armer  ;  mais  s'espardirent  ces  gens  bretons,  tant 
à  piet  comme  à  cheval,  tout  contreval  Tost,  et  conmenchièrentà 
ruer  jus  tentes  et  trefs  et  à  reverser  l'un  sus  l'autre  et  à  abatre 
hommes,  mehagnier  et  ocire.  Et  trouvèrent  ces  grans  barons  de 
Bretagne  et  de  Normendie,  les  auquns  qui  estoient  couchiës,  les. 
autres  qui  se  tostoient  devant  les  feus  en  lors  logeis  tous  désar- 
mes, euls  et  lors  gens.  Là  furent  il  pris  à  petit  de  fait  et  de 
deffense.  Finablement ,  la  besongne  se  porta  si  mal  pour  mesiA 
Carie  de  Blois  et  ses  gens  et  si  bien  pour  ceuls  qui  les  envairent, 
que  messires  Caries  fu  pris  et  fiandës  :  aultrement  il  euist  eslë 
mors ,  et  la  plus  grant  partie  des  barons  et  des  chevahers  fran- 
çois  et  normans.  EU  [fu]resqous  messires  Thomas  d'Agoume  qui 
gissoit  tous  navres  sus  une  quouce  en  la  tente  messire  Carie  de 
Blob,  et  resqous  tout  chil  qui  pris  estoient. 


268  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [1347] 

Ensi  YODt  les  aventures,  mais  ceste  fu  trop  grande  ;  et  furent 
desconfi  et  mis  en  cace  tout  chil  qui  devant  la  Roce  Deuriant  se 
t^iKoient.  Et  orent  les  Englois  et  les  Bretons  très  grans  conques, 
et  en  donnèrent  largement  et  laissièrent  prendre  à  ceuls  de  la  gar- 
nison, et  retournèrent  à  tout  lor  pourfit  et  prisonniers  à  Hainbon 
deviers  la  contesse  ;  mais  mesires  Jehans  de  Harteoelle  ne  mena 
point  là  mesure  Carie  de  Blois,  son  prisonnier,  mais  d'aultre  part, 
où  il  en  fil  mieuls  mestres  que  il  n'euist  este.  Toutes  fois,  la  con- 
tesse de  Montfort  laissa  bieUement  convenir  ses  gens  de  lors  pri- 
sonniers ,  et  avoit  fait  tous  jours  en  devant.  Aultrement  il  ne 
Teuissent  point  servi,  car  ce  que  il  prendoient  estoit  lour;  et  qant 
il  estoient  pris,  il  se  rachetoient.  Mais  laditte  contesse  de  Mont* 
fort  fu  trop  grandement  resjole  de  la  prise  de  son  adversaire. 
Carie  de  Blois,  car  elle  imagina  que  sa  guerre  en  seroit  plus  belle, 
et  que  li  rois  <l'Engleterre  le  vodroit  avoir  et  le  acateroit  au  che- 
valier englès  qui  pris  Tavoit. 

Se  la  contesse  de  Montfort  fu  resjole,  la  fenme  à  messire  Carie 
de  Blois,  qui  se  tenoit  en  Nantes  et  qui  se  nonmoit  ducoise  de 
Bretagne,  fu  durement  courouchie  et  à  bonne  cause,  car  elle  se 
veoit  eslongie  de  consel  et  de  comfort.  Nequedent  elle  prist  et 
requelli  le  frain  aux  dens  et  moustra  corage  d'onme  et  de  lion,  et 
retint  tous  les  compagnons,  chevaliers  et  esquiers,  qui  de  sa  par* 
tie  estoient,  et  fist  le  visconte  de  Rohem  et  messire  Robert  de 
Biaumanoir,  capitainnes  et  regars  de  sa  chevalerie.  Et  qant  che- 
valiers et  esquiers  vendent  deviers  li  en  son  service,  elle  lor 
moustroit  deus  biaus  fils  que  elle  avoit  de  messire  Carie  de  Blois 
son  mari,  Jehan  et  Gui,  et  disoit  :  «  Vechi  mes  enfans  et  hiretiers. 
Se  lors  pères  vous  a  bien  fait,  je  et  li  enfant  vous  ferons  encores 
mieuls.  »  Et  cevauça  li  ditte  dame  de  ville  en  ville  et  de  for- 
terèce  en  forterèce  qui  pour  li  se  tenoient,  en  rafresqissant  et 
en  rencoragant  ceuls  que  mesires  Caries  de  Blois,  son  mari,  i 
avoit  mis  et  establis.  Et  fist  la  dame  aussi  bonne  gerre  et  aussi 
forte  à  rencontre  de  la  contesse  de  Montfort  et  de  ses  gens, 
cAnme  en  devant  mesires  Caries,  son  mari,  et  ses  gens  avoient 
fait.  Ausi  li  rois  Phelippes,  qui  oncles  estoit  de  mesire  Carie  de 
Blois,  qui  bien  l'ama  et  qui  trop  fii  courouciés  de  ceste  aventure 
qui  avenue  estoit  devant  la  Roce  Deurient,pour  conforter  sa  cou- 
sine, i  envoia  tous  jours  gens  en  Bretagne,  pour  garder  le  pais  et 
deffendre  contre  les  Englois. 

Qant  les  nouvelles  vinrent  devant  Calais  au  roi  d'Engleterre  et 


[4347]      VARIANTES  DU  PREBilER  LIVRE,  $  306.         269 

as  signeurs  que  mesires  Caries  de  Blois  avoit  este  rues  jus  en  Bre- 
tagne devant  la  Roce  Deurient,  et  U  sceurent  la  fourme  de  Forde- 
nance  conment,  il  tinrent  le  fait  à  grant  et  à  notable  et  ravenlure 
à  belle.  Et  escrîpsi  tantos  li  rois  à  mesire  Jehan  de  Hatecele  et  li 
manda  que,  dou  plus  tos  que  il  peuist,  il  le  venist  veoir  devant 
Calais  et  menast  messire  Carie  de  Blois,  son  prisonnier,  en  Engle- 
terre.  Li  cevaliers  obéi  as  lettres  dou  roi  son  signeur,  ce  fii  rai- 
sons, et  mena  mesire  Carie  de  Blois  en  Engleterre  et  le  mist  eus 
ou  chastiel  à  Lopdres  avoecques  le  roy  David  d'Escoces;  et  là 
jeuoient  ils  et  s'esbatoient  as  escès  et  as  tables.  Et  puis  s'en  vint 
mesures  Jehans  de  Hartecelle  par  mer  devant  Calais  veoir  le  roi 
d'Engleterre  et  la  roine  et  les  signeurs,  qui  li  fissent  très  bonne 
chière.  Or  parlerons  nous  dou  roi  Phelippe  de  France.  F^  138. 

P.  42,  1.  11  et  12:  entnies.  —  Ms.  A  7  :  entrementières. 
F*  155. 

P.  42,  1.  14  et  15:  armeures  de  fer.  —  Ms,  B  4  :  hommes 
d  armes.  F*  136  v«. 

P.  43, 1.  7  :  meschief.  —  Ms.  A  29  :  Ainsi  fn  l'ost  de  France 
surprins  tellement  que  la  plupart  n'eurent  loisir  d'eulx  armer  ne 
traire  aux  champs  ;  et  si  y  furent  occis  le  plus  en  leurs  tentes  et 
logis  de  la  partie  de  monseigneur  Charles  de  Bloys,  plus  de  deux 
cens  chevaliers  et  escuyers  et  quattre  mille  autres  gens.  Là  fu  pris 
le  dit  monseigneur  Charles,  et  tous  les  barons  de  Bretaigne  et 
de  Normendie,  qui  avec  luy  estoyent  en  celle  besongne.  Et  fu  là 
resGous  monseigneur  Thomas  d'Agorne  et  tous  ceux  qui  en  celle 
nuit  avoient  este  prins  par  lesFrancoys. 

P.  43,  1.  19  :  d'armes.  —  Af/.  B^  \  Sy  fut  messires  Charles 
de  Blois  envoiiës  en  Engleterre  comme  prisonniers  au  roy  englès , 
qui  en  ot  grant  joie,  qOant  il  en  oit  les  nouvelles  devant  Calais 
où  il  seoit.  Ceste  bataille  de  Roche  Deuriant  fu  Fan  de  grâce  mille 
trois  cens  quarante  sept,  le  septième  jour  du  mois  de  may.  F*  385. 

P.  43,  1.  28  :  Bretagne.  —  AKr.  A  29  :  et  estoit  de  grant 
emprinse. 

§  506.  P.  44,  1.  4  :  Li  rois.  —  Ms.  d  Amiens  :  li  rois  de 
Franche,  qui  sentoit  ses  bonnes  gens  de  le  ville  de  Callab  dure- 
ment astrains,  s'avisa  et  dist  qu'il  les  voroit  comforter  et  com- 
battre le  roy  d'Engleterre  et  lever  le  siège.  Si  coummanda  par 
tout  son  royaunune  que  tout  chevalier  et  escuier  fuissent  à  le  feste 
de  le  Pentecouste  en  le  dtë  d'Amienz  ou  là  pries.  Chils  mande- 


270  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAIT.  [1347] 

mens  s'estendi  partny  son  royaumme,  et  y  furent.  Si  y  eut  grant 
fuisson  de  prinches,  de  comtez,  de  barons,  de  chevaliers  et  d'es- 
coiers.  Si  eut  là  en  la  cité  d'Ammiens  grans  conssaulx  et  grans 
parlemens,  coumment  on  voroit  lever  le  siège  de  Callais;  car  on 
disoit  bien  au  roy  de  Franche  que  ii  Englès  estoient  en  si  fort 
lieu,  que  on  ne  les  pooit  avoir.  Si  se  tînt  là  li  roys  de  France 
iing  grant  temps  sans  aller  plus  avant,  et  tondis  li  croissoient 
gens. 

Li  roys  d'Engleterre,  qui  se  tenoit  devant  Calais,  avoit  bien 
entendu  que  cil  de  Calais  ne  se  pooient  longement  tenir,  car  il 
estoient  durement  astraint  de  vivrez,  et  se  ne  leur  en  pooit  venir 
nul  de  nul  costë.  Encorres  fist  il  clore  le  pas  de  le  mer  dont  en 
larecin  il  leur  venoit,  et  fist  faire  un  castiel  de  bois  sus  le  rivaige 
assës  pries  de  Calais,  et  celi  ponrveir  de  canonâ  et  d'espringalles 
et  d'archiers,  que  nulz  n'osoit  entrer  ne  yssir  par  là  à  Calais. 
P»97  V». 

—  Ms.  de  Rome  :  Li  rois  Phelippes  de  France,  qui  sentoit  ses 
hommes  qui  enclos  estoient  dedens  la  ville  de  Calais,  moult  as- 
trains  et  opressés,  et  veoit  que  li  rois  d'Engleterre  ne  s'en  de- 
partiroit  point,  se  à  force  on  ne  l'en  levoit  dou  siège,  et  que  li 
rois  d'Escoce  estoit  pris  et  toute  la  poissance  de  TEscoce  ruée 
jus,  dont  il  avoit  eu  espérance  que  par  la  guerre  que  les  Escos 
enissent  fait  en  Engleterre,  li  rois  englois  se  fost  levé  don  siège 
de  devant  Calais,  or  estoit  tout  dou  contraire,  et  bien  trouvoît 
qui  li  disoit  :  «  Chiers  sires,  il  vous  fault  ces  bonnes  gens  con- 
forter, car  se  vous  perdes  la  forte  ville  de  Calais,  ce  vous  sera 
mis  trop  grans  prejudisses  et  à  vostre  roiaubne,  et  aueront  les 
Englois  trop  biel  à  venir  et  à  ariver  à  Calais  et  courir  en  France 
et  là  retraire  et  retourner  en  lor  pais.  »  Li  rois,  qui  fu  uns 
moult  vaillans  homs  et  moult  usés  d'armes,  car  de  sa  jonèce  il  les 
avoit  acoustumées  et  continuées,  consideroit  bien  toutes  ces 
coses,  et  sentoit  aussi  que  on  li  disoit  vérité  ;  si  en  respondoit 
ensi  et  disoit  :  «  Par  m'ame  et  par  mon  corps,  vous  avés  cause 
de  tout  ce  dire,  et  no  uy  pourverons;  car  il  nous  toumeroit 
voirement  à  trop  grant  blâme  et  damage,  se  nous  perdions 
Calais.  » 

Et  avint  que,  sus  l'espoir  de  reconforter  ceuls  de  Calais  et  lever 
le  siège,  H  rois  de  France  fist  un  très  grant  mandement  de 
chief  en  qor  son  roiaulme,  et  dist  que  il  ne  voloit  fors  gnerriier 
des  gentils  hommes  dou  roiaume  de  France,  et  que  des  conmu* 


[1347]      VARIAIfTES  DU  PRESHER  LIVRE,  S  306.         271 

nauttfs  amener  en  bataille,  ce  n'est  que  tonte  perte  et  empece- 
mens,  et  que  tels  manières  de  genz  ne  font  que  fondre  en 
bataille,  ensi  conme  la  nive  font  au  solel;  et  bien  avoît  apam  à 
la  bataille  de  Greclii,  à  la  Blanqe  Taqe,  à  Kern  en  Normendie  et 
en  tous  les  lieus  où  on  les  avmt  menés,  et  que  plus  il  n'en  voloit 
nuls  avoir,  fors  les  arbalestriers  des  chitës  et  des  bonnes  villes. 
Bien  voloit  lor  op  et  lor  argent  pour  paiier  les  coustages  et  sau- 
dëes  des  gentib  honmes,  et  non  plus  avant  ;  il  deinorassent  as 
hostels  et  gardaissent  lors  fenmes  et  lors  enlans,  il  devoit  souf<- 
fire,  et  fesissent  leur  labeur  et  marceandise,  et  les  nobles  use- 
roient  dou  mestier  d'armes,  dont  il  estoient  estruit  et  introduit. 

JÀ  rois  de  France,  en  istance  que  pour  conforter  la  ville  de 
Calais  et  ceuls  qui  dedens  estoient^  aproça  les  marces  de  Piqar^ 
die  et  s'en  vint  en  la  chitë  de  Amiens.  Et  fu  là  le  jour  de  la  Fan* 
tecouste  et  toutes  les  festes,  et  estendi  ses  mandemens  et  con- 
mandemens  parmi  tout  son  .roiaulme ,  et  mandoit  et  conmandoît 
très  estroitement  que  tout  venissent  sans  nul  ddai ,  ses  lettres 
veues,  en  la  chitë  d'Amiens  bu  là  environ.  Pour  ces  jours  estoit 
connestables  de  France  et  usoit  de  l'office  messires  Jaquemes  de 
Bourbon,  conte  de  Pontieu;  et  estoient  mareschal  H  sires  de 
Biaugeu,  qui  se  nonma  Edouwars,  et  li  sires  de  Montmorensi,  et 
mestres  des  arbalestriers ,  li  sires  de  Saint  Venant.  Et  n'estent 
mais  nulle  nouvelle  en  France  de  messire  Godemar  dou  Fai, 
mais  estoit  retrais  en  Normendie,  sa  nation,  et  là  se  tenoit  sus  le 
sien,  ne  point  il  n'estoit  en  la  grâce  dou  roi. 

Au  mandement  dou  roi  de  Franoe  obéirent  tout  chil  qui  furent 
escript  et  mandé,  et  vinrent  li  signeur  en  grant  arroi,  premio^ 
ment  li  dus  de  Bourgongne,  li  dus  de  Bourbon,  li  contes  de  Sa- 
voie, mesires  Lois  de  Savoie,  son  frère,  messires  Jehans  de 
fiainnau,  li  contes  de  Namur,  li  comte  de  Forois,  le  daufin  d'Au- 
vergne, le  conte  de  Boulongne,  le  conte  de  Nerbonne,  le  conte  de 
Pieregorth,  le  conte  de  Valentinois,  le  conte  de  Saint  Pol,  et  tant 
de  hauls  barons  et  sif^urs  que  mervelles  seroit  à  penser  et  de- 
triance  au  nrauner.  Et  ne  sambloit  point,  quoi  que  la  bataille  de 
Greci  euist  esté  en  oeUe  année,  que  li  roiaulmes  de  France  ne 
fust  ausi  raemplis,  apriès  que  devant,  de  noble  et  poissans  cheva- 
lerie, et  estoient,  qant  il  forent  tout  asamblé  et  nombre,  douse 
mille  hiaumes. 

Considérés  la  grant  noblèce  de  gentils  hommes ,  car  casquns 
hiaumes  doit  dou  mains  avoir  cinq  hommes  dalés  li;  et  estoient 


%n  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1347] 

vingt  quatre  mille  arbalestriers  geneuois,  espagnols  et  hommes 
des  chitës  et  bonnes  villes  don  roiaulme  de  France,  tout  en 
compte.  Qant  il  furent  venu  sus  le  Mont  de  Sangate,  à  deus 
lieues  priés  de  Calais,  il  se  trouvèrent  plus  de  cent  mille  hom- 
mes. Si  ne  furent  pas  sitos  venus  ne  asamblës,  car  il  vinrent 
gens  de  Gascongne,  tels  que  le  conte  d'Ermignac,  le  conte  de 
Fois,  le  conte  de  Berne,  le  conte  de  Quarmain.  Et  tous  les  si- 
gneurs  manda  et  pria  li  rois  de  France,  desquels  il  pensa  à  estre 
aidiés,  car  ce  estoit  se  intension  que  il  leveroit  le  siège  et  comn 
bateroit  les  Englois,  et  pourtant  ^soit  il  si  grandes  pourveances. 

Et  envola  li  rois  de  France  des  prelas  de  France  et  des  che- 
valiers pour  tretiier  as  Flamens  que  il  vosissent  venir  dalés  leur 
signeur  le  conte  et  faire  à  lui  ce  que  il  dévoient,  car  voirement 
estoit  li  Jones  contes  de  Flandres  en  celle  assamblée  dou  roi.  là 
Flamenc  li  remandèrent  par  ses  gens  meismes  que  il  n'avoient 
point  de  signeur,  puisque  il  se  absentoit  de  euls  et  ne  les  voloit 
croire,  ne  que  pour  li  il  ne  feroient  riensi  ne  des  rentes  et  reve- 
nues de  Fandres  il  n'en  porteroit  nulles;  et  se  avoir  les  voloit,  il 
les  Yesmi  bellement  et  courtoisement  despendre  ou  pais,  et  ouvrer 
par  lor  consel ,  mais  il  n'avoit  pas  encores  bien  conmencbiet  ;  et 
se  il  voloit  persévérer  en  ces  opinions,  il  trouveroit  lès  Flamens 
plus  durs  et  plus  hausters  que  onques  n'eubt  fait  son  père. 

Qant  li  rois  de  France  entendi  ces  paroles  et  les  responses  des 
Flamens ,  si  les  laissa  ester,  et  considéra  assés  lor  manière  et  vei 
bien  que  ils  n'en  aueroit  aultre  cose,  et  que  point  n'enteroît  en 
euk  sus  cel  estât  pour  ratraire  à  sa  volentë,  fors  par  le  moiien 
dou  duch  de  Braibant  ;  mais  pour  le  présent,  ils  et  ses  consauls 
estoient  cargiet  de  si  grant  cose  que  à  ceste  des  Flamens  il  ne 
pooit  entendre.  Si  mist  li  rois  de  France  ceste  cose  en  soufirance 
tant  que  à  une  aultre  fois,  et  entendi  à  voloir  lever  le  siège  de 
Calais. 

li  rois  d'E^leterre,  qui  se  tenoit  devant  Calais  à  siège  et 
estoit  tenus  tout  le  temps,  ensi  que  vous  savës,  et  à  grans  oous- 
tages,  estudioit  nuit  et  jour  conment  il  peuist  chiaus  de  Calais 
le  plus  constraindre  et  grever;  car  bien  avoit  oy  dire  que  ses 
adversaires,  li  rois  Phelippe  de  France,  faisoit  un  très  grant 
amas  de  gens  d'armes,  et  que  il  le  voloit  venir  combatre;  et  si 
sentoit  la  ville  de  Calais  si  forte  que ,  pour  asaut  ne  escarmuce 
que  ils  et  ses  gens  y  fesissent,  ils  ne  le  poroient  conqnerre,  et 
ces  pensées  et  imaginations  le  metoient  sovent  en  abusions.  Avoeo- 


[1347]      VARWmSS  DU  PREMIER  LIVRE,  §  306.         273 

qnes  ce,  sus  son  réconfort,  il  sentoit  la  ville  de  Calais  mal  pour- 
▼ene  de  tous  vivres,  car  là  dedens  il  en  i  avoit  ensi  que  riens. 

Et  encores,  pour  euls  clore  et  tolir  le  pas  de  la  mer,  il  fist 
faire  et  carpenter  un  chastiel  hault  et  grant  de  Ions  mairiens  et 
de  gros,  lesquels  on  aloit  coper  en  la  forest  de  Boulongne,  et  à 
force  de  gens  les  dis  mairiens  on  amenoit  et  à  force  de  cevaus  à 
Wisan  ou  là  pries,  et.  estoient  là  boute  dedens  la  mer  et  acon- 
voiiet  jusques  sus  le  sabelon  devant  Calais.  Et  là  fu  fais  et  car- 
pentés  li  dis  chastiaus,  et  fîi  si  fors  et  si  bien  bretesqiés  que  on 
ne  le  pooit  grever.  Et  qant  li  chastiaus  fii  tous  ouvrés,  li  rois 
et  ses  consauls  le  fissent  asseoir  et  lever  droit  sus  l'entrée  dou 
havene,  en  l'enbouqure  de  la  mer,  et  fu  pourveus  d'espringalles , 
de  bonbardes,  d'ars  à  tour  et  d'aultres  instrumens  bons  et  soub- 
tieus.  Et  furent  ordonné,  pour  garder  le  havene  et  le  chastiel,  à 
la  fin  que  nuls  n'entrast  ou  dit  havene  oultre  lor  volenté,  sois- 
sante  honmes  d'armes  et  deux  cens  archiers.  Ce  fîi  li  ordenance 
qui  plus  constraindi  ceuls  de  Calais,  et  qui  plus  tos  les  fist 
afamer. 

En  ce  temps  enorta  li  rois  d'Engleterre  les  Flamens,  lesquels 
li  rois  de  France  voloit  mettre  en  tretié  deviers  li  et  le  jone 
conte,  leur  signeur,  ensi  que  chi  dessus  est  contenu,  que  il  vosis- 
sent  issir  hors  et  faire  guerre  avoecques  lui.  Et  issirent  des  bonnes 
villes  de  Flandres  et  dou  tieroit  dou  Franch  bien  cent  mille  Fla- 
mens, et  vinrent  mettre  le  siège  devant  la  ville  d'Aire,  et  ardirent 
et  destruisirent  tout  le  pais  de  là  environ,  Saint  Venant,  Meure- 
ville,  le  Gorge,  Estelles  et  le  Ventie,  le  Bassée  et  tout  le  pais  que 
on  dist  l'Aleue.  De  quoi  li  rois  de  France,  qui  faisoit  son  amas 
de  gens  d'armes,  en  envoia  grant  fuisson  en  garnison  à  Saint 
Omer,  à  Lille  et  Bietune  et  par  tous  les  chastiaus,  sus  les  fron- 
tières d'Artois  et  Boulenois,  car  on  ne  sçavoit  que  les  Flamens 
avoient  en  pensé.  Mais  li  Flamench  se  retrairent  petit  à  petit, 
qant  il  orent  fait  lor  escaufée,  et  retournèrent  tous  en  lors  lieus. 
F»-  139  et  140. 

P.  44,  1.  22  :  desgamis.  —  Ms,  ^  6  :  Là  estoit  le  duc  de 
Bourgongne,  le  duc  de  Bourbon,  le  conte  de  Poitiers,  le  conte 
de  Fois,  le  duc  de  Normendie,  aisné  filz  du  roy,  le  conte  d'Ermi- 
gnach,  le  conte  de  Savoie,  messire  Lois  de  Savoie  ses  frères, 
messire  Jehan  de  Ha3mau,  le  conte  de  Namur,  le  conte  de  Forés, 
le  conte  daufin  d'Auveme,  le  conte  de  Vendomme.  F^'  386 
et  387. 

nr  — 18 


274  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART,  [1347] 

P.  45,  1.  95  :  bosicnt.  —  Ms.  Al  :  musoit.  F>  156. 

P.  46, 1.  3  :  soixante.  —  Mss.  ^  8  ^  10,  15  ^  17  :  quarante. 
P  146  V*. 

P.  46,  1.  12  :  Flandres.  -~  Mi.  B  6  :  environ  le  Saint  Jehan 
Baptiste  Tan  mil  trois  cens  quarante  sept.  Et  vinrent  devant  Ayre 
et  y  mirent  le  siège.  Sy  y  couvint  le  roy  de  Franche  envoier 
gens  d'armes.  Sy  envoya  de  Saint  Orner  le  duc  de  Bourbon,  le 
conte  daulpfin  d'Auvergne  et  messire  Charles  d'Espaigne ,  et  de- 
dens  Aire  le  conte  de  Danmartin,  le  conte  de  Poursien,  messire 
Gui  de  Nielle,  le  sire  de  Raineval  et  messire  Joffiroy  de  Digon; 
et  ensy  en  toutes  les  fortresses  d'Artois  mist  bonnes  gens  d'ar- 
mes pour  les  garder  et  deffendre  contre  les  dis  Flamens  qui 
furent  pluiseurs  fois  bien  reboutés.  Et  exillèrent  aâonc  les  Fran- 
chcHS  ung  parc  sur  yeaulz  que  on  clamoit  la  Boe.  Et  s'en  vint  le 
roy  de  France  demorer  à  la  bonne  chitë  d'Aras,  pour  mieulz  en- 
tendre à  deffendre  le  conté  d'Artois.  F»  388  et  389. 

P.  46, 1. 14  et  15  :  le  Gorge.  —  Ms.  ^  7  :  la  Gorge.  F^"  156. 
—  Mss.  ^  20  À  22  :  la  Gorgue.  F»  234. 

P.  46,  1.  15  :  Estelles.  —  Mss.  u^  15  ^  17  :  Estoilles,  — 
Mss.  ^  20  à  22  :  Esterres.  F"  234. 

P.  46,  L  15  :  le  Ventie.  —  Mss.  A  15  <^  17  :  la  Ventre. 
F*  163  V*.  —  Mss.  ^  23  tf  33,  B  3  :  le  Ventre.  F»  181. 

P.  46,  1.  16  :  i'Aloe.—  Mss.  ^  20  à  22  :  l'Aleue.  P  234.— 
Ms.  B  3  :  l'Alues.  P»  146.  —  Ms.  B  4  :  l'Aleues.  P  137  v*. 

P.  46, 1.  17  :  Tieruane.  —  Ms.  A  29  :  Quant  le  roy  Philippe 
entendi  ces  nouvelles,  il  en  fîi  tout  courrouce. 

S  507.  P.  46,  1.  26  :  Quant  li  Flamaich.  —  Ms.  J  Amiens: 
Et  envoiièrent  à  grant  meschief  li  chevalier  qui  dedens  Calais  es- 
toient,  messirez  Jehans  de  Vianne,  messires  Jehans  de  Suirie  et 
messires  Emoulx  d'Audehen,  leur  povreté  segnefiier  au  roy  de 
France,  et  en  lui  mandant  qu'ils  fuissent  secouru  et  conforté, 
ou  autrement  il  les  couvenoit  rendre.  Adonc  se  parti  li  roys  de 
Franche  d'Amiens ,  et  coummanda  à  touttez  manierez  de  gens  à 
aprochier  Calais.  Si  chevauchièrent  et  esploitièrent  tant  qu'il 
vinrent  sus  le  mont  de  Sangates,  à  deux  lieuwes  de  Calais.  Si  se 
logièrent  là  li  roys  et  les  seigneurs  bien  et  souffisamment;  et  di- 
soit  on  adonc  que  li  roys  de  Franche  avoit  bien  deux  cens  mil 
hommez  en  son  host.  P*  97  v^  et  98. 

—  Ms.  de  Rome  :  Quant  il  (les  Flamands)  furent  retrait,  li  rois 


[i347]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  307.         275 

de  France  se  départi  d'Amiens  et  aproça  les  marches  de  Calais, 
en  istance  de  ce  que  pour  conforter  messire  Jehan  de  Viane  et 
les  bons  chevaliers  et  esquiers  qui  dedens  Calais  estoient  enclos. 
Et  vint  li  rois  à  Hedin,  et  là  s'aresta  pour  atendre  ses  hoos,  et 
avoit  peuple  sans  nombre.  Qant  tout  furent  venu  ceuls  de  qui  il 
se  pensoit  aidier,  il  se  départi  de  Hedin  et  cemina  viers  la  chitë 
de  lieruane  et  là  fu  deux  jours.  Et  puis  s'en  départi  et  cemina 
tout  ce  plain  pais,  que  on  dist  l'Alequine,  et  vint  logier  entre 
Calais  et  \^sant,  droit  sus  le  mont  de  Sangates. 

Qant  chil  de  Calab ,  liquel  estoient  ens  ou  chastiel  et  sus  les 
murs  de  la  ville,  les  veirent  premièrement  aparoir  sus  le  dit  mont 
de  Sangates,  pennons  et  banières  venteler,  il  eurent  moult  grant 
joie  et  quidièrent  tantos  estre  deslogiet  et  delivret  don  dangier 
des  Englois;  mais  qant  il  veirent  que  on  se  logoit,  il  furent 
plus  courouchiet  que  devant,  et  leur  sambla  que  point  on  ne  se 
combateroit,  et  ne  savoient  que  dire  de  celle  venue.  F*  140. 

P.  47,  1.  4  :  il  sentoit.  —  Ms,  B  6  :  Entreus  que  le  roy  de 
Franche  estoit  à  Aras  et  ses  gens  entendoient  à  guerrier  les  Fia- 
menS|  messagiers  chertains  ly  vinrent  de  par  ses  gens  qui  cô- 
toient dedens  Calais  asegiës,  dont  messire  Jehan  de  Vianne,  mes- 
sire Jehan  de  Surie,  messire  Emoul  d'Audrehem,  messire  Pépin 
de  Wère,  messire  Henry  du  Bois,  qui  estoient  chiefiE,  et  encore 
aultres  bons  chevaliers  et  escuiers  ;  et  prioient  le  roy  en  caritë 
qu'il  les  volsist  hastivement  secourir,  car  vitaille  leur  estoit 
falie,  et  ne  se  povoîent  longement  tenir.  F*  389. 

P.  47,  1.  il  :  pays.  —  Ms.  B  6  :  Quant  le  roy  de  Franche 
eut  este  à  Heddin  environ  sept  jours,  il  s'en  party  à  tout  son 
grant  host  et  s'en  vint  par  devers  Fauquemberghe  et  s'y  loga  une 
nuit.  Et  puis  s'en  party  et  vint  l'endemain  logier  entour  Ghines 
où  tout  le  pais  estoit  gastë;  mais  prouveanches  le  sievoient  de 
tous  costës  et  à  grant  foison.  A  l'endemain  il  se  desloga  et  vint 
logier  droit  sur  le  mont  de  Sangate  qui  estoit  asës  près  de  Calais 
et  assés  près  de  l'ost  du  roy  d'Engleterre  :  sy  ques  on  les  po- 
voit  bien  veoir  derement  de  Fost  des  Englès  et  de  la  ville  de 
Calais.  Et  sachi^s  que  le  roy  de  Frandie  avoit  grant  ost  et  grant 
train  de  seignourie,  de  gens  d'armes  et  d'aultres  gens,  que  on  les 
nombroit  à  deus  cens  mille  hommes.  P  390. 

P.  47,  1.  14  :  tout  le  pays.  —  Mss.  ^  15  ^  17  :  tout  le  che- 
min. F*  163  V>. 

P.  47,  1.  15  :  l'Alekine.  —  Mss,  ^  8  à  10,  15  à  17,  ^  3  t 


276  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4347] 

l'Alequine.  P  146  y*.  —  Ms$.  ^  20  <^  22  :  de  l'Aleyii, 
F«  234  v«. 

P.  47,  1.  16  :  deux  cens  mil.  —  Ms$.  ^  20  à  22,  ^  3  :  cent 
mille.  F»  234  vo. 

P.  47,  1.  22  :  arroy.  —  Ls  ms.  A  7  ajxmte  :  on  ne  se  peust 
saouler  d'eulz  regarder.  F*  1 56  vo. 

§  508.  P.  47,  1.  30  :  Or  vous  dirai. — Ms.  d Amiens  :  Or  vous 
diray  que  li  roys  d'Engleterre  fist,  quant  il  seut  que  li  roys  de 
France  venoit  là  à  si  grant  host  pour  combattre  à  lui  et  pour 
deslogier  de  devant  Calais,  qui  tant  li  avoit  coustet  de  paynne  de 
corps  et  de  mise  d'argent.  Il  avisa  que  li  Franchois  ne  pooient 
venir  à  lui,  ne  aprochier  son  host  ne  le  ville  de  Calais,  fors  que 
par  Tun  des  deux  pas,  ou  par  les  dunes  sus  le  rivaige,  ou  par  de- 
seure  là  où  il  avoit  grant  fuisson  de  fosses,  de  crolièrez  et  de 
mares;  et  n'y  avoit  que  ung  seul  pont  par  où  on  pewist  passer  :  si 
l'apelloit  on  le  pont  de  Nulais.  Si  fist  traire- ses  naves  et  ses  vais- 
siaux  par  deviers  cez  dunez  et  bien  garnir  et  pourveir  de  bonbar- 
des,  de  gens  d'armez  et  d'archiers,  par  quoy  li  faos  de  France 
n'osast  ne  pewist  par  là  passer;  et  fist  le  comte  Derbi,  son  cousin, 
aller  logier  sour  le  dit  pont  de  Nulais  à  grant  fuisson  de  gens 
d*armes  et  d'archiers,  par  quoy  li  Franchois  ne  pewissent  passer 
parla. 

Entre  le  mont  de  Sangatte  et  le  mer,  avoit  une  haute  tour  que 
trente  deus  Englès  gardoient  ;  si  le  aUèrent  veoir  chil  de  Tour- 
nay,  si  le  concquissent  et  abatirent,  et  ochirent  tous  ceux  qui 
dedens  estoient.  F*  98. 

— Ms,  de  Rome  :  Or  vous  diray  que  li  rois  d'Engleterre  fist  et 
avoit  jà  fait,  qant  il  sceut  que  li  rois  de  France  venoit  à  si  grande 
hoost  pour  li  combatre  et  pour  dessegier  la  ville  de  Calais ,  qui 
tant  li  avoit  coustë  d'avoir,  de  gens  et  de  painne  de  son  corps  ; 
et  si  sçavoit  bien  que  il  avoit  la  ditte  ville  si  menée  et  si  astrainte 
que  elle  ne  se  pooit  longement  tenir  :  se  li  toumeroit  à  grant 
contraire,  se  il  le  couvenoit  ensi  de  là  départir.  Si  avisa  et  ima- 
gina li  dis  rois  que  U  François  ne  pooient  venir  à  lui,  ne  apro- 
chier son  hoost  ne  la  ville  de  Calais,  fors  que  par  une  voie,  la- 
quelle venoit  tout  droit  le  grant  cemin,  ou  par  les  dunes  de  la 
mer,  ou  par  deviers  Ghines,  Melq  et  Oie,  où  il  avoit  grant  fuis- 
son de  fossés  et  de  lieus  impossibles,  pour  si  grant  hoost,  à  pas- 
^r.  Et  le  lieu  et  le  pas  par  où  11  François  pooient  venir  le  plus 


[i347]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  308.         277 

apparliement,  il  i  a  un  pont  que  on  dist  Nulais,  et,  de  une  part  et 
d'aultre  dou  cemin,  marescages  et  croleis  si  grans  et  si  parfons 
que  il  ne  font  point  à  passer. 

Si  fist  li  rois  d'Engleterre  traire  toutes  ses  naves  et  ses  vas- 
siaus  par  deviers  les  dunes  et  bien  garnir  et  fumir  de  bonbardes 
et  d'archiers  et  de  tous  tels  atoumemens  de  deffenses,  par  quoi 
li  hoos  des  François  ne  peuist  ne  osast  passer  par  là.  Et  fist  son 
cousin  le  conte  Derbi  logier  sus  le  pont  de  Nulais  à  grant  fîiisson 
de  gens  d'armes  et  d*archiers,  par  quoi  li  François  n'i  peuissent 
passer,  se  il  ne  passoient  parmi  les  mares  qui  sont  impossible  à 
passer.  Ensi  se  fortefia  li  rois  d'Engleterre  contre  la  venue  dou 
roi  Phelippe. 

Encores  ayœcques  tout  ce,  li  rois  d'Engleterre,  qui  tenoit  à 
amour  les  Flamens  ce  que  il  pooit,  les  envoia  priier  et  requerre, 
sur  certainnes  aliances  et  convenances  que  il  avoient  Tun  avoec- 
ques  l'autre,  que  il  vosissent  venir  si  estofeement  au  lés  deviers 
lor  costé,  entre  Gravelines  et  Calais,  et  là  logier,  et  ils  leur  en 
saueroit  très  bon  gré,  et  de  tant  seroit  il  le  plus  tenus'  deviers 
euls.  li  Flamens,  pour  ce  temps,  furent  tout  apparilliet  de  obéir  à 
la  plaisance  dou  roi  d'Engleterre,  car  tous  les  jours  il  avoient 
mestier  de  li;  si  s*esmurent.  Et  vinrent  premiers  chil  dou  tieroit 
dou  Franc,  et  passèrent  la  rivière  de  Gravelines,  et  se  logièrent 
assés  priés  de  Calais,  et  estoient  environ  vint  mille.  Apriès  vin- 
rent chil  de  Bruges,  chil  de  Courtrai  et  de  Ippre,  et  puis  chil  de 
Gant  et  de  Granmont,  d'Audenarde,  d'Alos  et  de  Tenremonde. 
Et  passèrent  toutes  ces  gens  la  rivière  de  Gravelines  et  de  Calais, 
et  se  logièrent  et  amanagièrent  entre  ces  deus  villes.  Ensi  fu  Ca- 
lais assegie  de  tous  les,  ne  uns  oizellës  ne  s'en  peuist  pas  partir, 
que  il  ne  fiist  veus  et  congneus  et  arestés. 

Entre  le  mont  de  Sangates  et  la  mer,  à  l'autre  lés  deviers  Ca* 
lais,  avoit  une  haute  tour  que  trente  deux  archiers  gardoient,  et 
tenoient  là  endroit  le  passage  des  dunes  pour  les  François;  et 
avoient  li  dit  englois  archier,  à  lor  avis,  grandement  fortefiiet 
de  grans  doubles  fossés.  Qant  li  François  furent  logiet  sus  le 
mont  de  Sangates,  ensi  que  vous  avés  ol  compter,  chil  de  Tour- 
nai, liquel  estoient  venu  servir  le  roi  de  France,  et  pooient  estre 
environ  quinze  cens,  perchurent  celle  tour.  Si  se  traissent  de 
celle  part ,  et  l'environnèrent  et  la  conmenchièrent  à  asallir,  et 
les  Englois  qui  dedens  estoient  à  euls  deffendre;  et  conmenchièrent 
à  traire  à  euls  de  grant  randon  et  à  blecier  et  navrer  les  auquns. 


t78  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i347] 

Qant  li  compagnon  de  Tounui  veirent  ce,  si  farent  tout  cou- 
rouchiet  et  se  missent  de  grant  volentë  à  asallir  celle  tour  et  ces 
Englois,  et  passèrent  de  forche  oultre  les  fossés,  et  vinrent  jus- 
ques  à  la  mote  de  terre  et  au  piet  de  la  tour  as  pils  et  as  hau- 
iauls.  Là  ot  grant  assaut  et  dur,  et  moult  de  chiaus  de  Tournai 
bledës,  mais  pour  ce  ne  se  reiraindirent  il  pas  à  assallir,  et  fissent 
tant  que,  de  force  et  par  grant  apertise  de  corps,  il  conquissoit 
celle  tour.  Et  furent  mort  tout  cil  qui  dedens  estoient,  et  la  tour 
abatue  et  reversëe  ens  es  fosses  :  de  quoi  li  Françcns  tinrent 
ce  fait  à  grant  proèche,  et  en  furent  grandement  reconmendë. 
F*  140. 

P.  49,  1.5:  —  Ms.  B  %  i  sans  commandement  des  mari- 
sauk.  F"  392. 

P.  49,  1.  7  :  pik.  —  Ms.  A  1  :  pilz.  P  157.  —  Ms.  A  k  i 
pib.  F*  138. 

P.  49,  1.  8  :  hauiaus.  —  Ms.  B  4  :  heuiaulx.  P  138. 

P.  49,  I.  12  :  estoient.  —  Ms.  jf  29  :  car  ainsi  Tavoient  les 
marescfaaux  ordonne. 

S  SOO.  P.  49,  1.  15  :  Qant  li  hos.  —  Ms.  d Amiens  :  li  rois 
de  Franche  envoya  ses  marescaux,  le  seigneur  de  Biaugen  et  le 
seigneur  de  Saint  Venant,  pour  regarder  et  considérer  par  où 
son  host  plus  aisiement  poroit  passer.  Cil  doy  baron  chevauchiè- 
rent  de  celle  part  et  avisèrent  bien  tout  le  lieu,  et  raportèrent  an 
roy  que  on  n'y  pooit  aler,  fors  par  une  voie,  et  celle  voie  estoit 
bien  gardëe,  et  n'y  pooient  que  quatre  hommez  de  froncq  cevau- 
ehier.  Ces  nouvellez  ne  furent  mies  bien  plaisantes  au  roy  de 
France;  si  y  envoya  de  rechief  monseigneur  Jofiroy  de  Chargny 
et  le  seigneur  de  Montmorensi,  et  allèrent  sus  conduit  parler  an 
roy  d'Engleterre.  Ghil,  au  passer  par  le  pont  de  Nulais,  considé- 
rèrent bien  le  passage  et  vinrent  jusques  au  roy  d'Engleterre,  et 
li  disent  que  li  rois  de  Franche  les  envoiioit  à  lui,  et  li  mandoit 
qu'il  estoit  là  venus  pour  dessegier  la  ville  de  Calais  que  assegiet 
avoit,  et  à  grant  tost,  mes  il  s'estoit  si  emforchiës  de  fors  pas- 
saiges,  que  on  ne  pooit  venir  jusquez  à  lui.  Se  li  requeroit  que 
il  volsist  livrer  passaige  par  où  il  et  ses  gens  aisiement  pewissent 
passer,  et  il  le  combateroit.  Et,  se  ce  faire  ne  volloit,  li  roys  de 
Franche  se  retrairoit  anîère  et  li  liveroit  place  et  terre.  A  ces 
^arolles  respondi  li  roys  d'Engleterre  et  dist  qu*il  n'en  feroit 
riens;  mes,  si  li  roys  Phelippes  ne  pooit  passer  par  là,  si  alast  au 


[i347]      VAAIAJVTES  DU  PREBilER  LIVRE,  $  309.         S79 

tour  pour  querre  le  voie.  Celle  responsce  raportèrent  li  doy  che* 
valier  arrière  en  l'ost  au  roy  de  France.  F°  98. 

—  Ms.  de  Rome  :  Qant  li  hoos  des  François  se  fîi  logie  sus  le 
mont  de  Sangates,  li  rois  de  France  envoia  ses  mareschaus  et  le 
mestre  des  arbalestriers  pour  aviser  et  regarder  conment  et 
par  où  son  hoost  plus  aisiement  poroit  passer  pour  aprochier  les 
Englois  eteub  combatre.  Chil  chevalier  chevauchièrent  et  alèrent 
partout  regarder  et  considérer  les  passages  et  les  destrois,  et  puis 
retournèrent  au  roi  de  France  et  li  recordèrent  à  brief  paroles 
que  il  ne  pooient  veoir  ne  aviser  que  nullement  il  peuist  apro- 
chier les  Englob,  non  que  il  ne  perdesist  ses  gens  davantage.  Si 
demora  la  cose  ensi  tout  ce  jour  et  la  nuit  ensieuvant. 

Quant  ce  vintàfendemain,  li  rois  Phelippes  ot  consel  de  envoiier 
deviers  le  roi  d'Engleterre  et  i  envoia  grans  messages.  Et  pas- 
sèrent li  signeur  qui  envoiiet  i  furent  par  le  pont  de  Nulais  par  le 
congiet  dou  conte  Derbi  qui  le  gia*doit.  Les  signeurs,  je  les  vous 
nonmerai;  il  furent  quatre  :  premièrement  messire  Bdouwart,  si- 
gneur de  Biaugeu,  messire  Ustasse  de  Ribeumont,  messire  JeSroi 
de  Cargni  et  messire  Gui  de  Neelle. 

En  passant  et  en  cevauchant  celle  forte  voie  et  le  cemin  où  dou 
plus  il  ne  pueent  aler  que  euls  quatre  de  firont,  se  il  ne  se  vœl- 
lent  perdre,  car  ce  sont  tous  marescages  à  deus  costés,  chil  signeur 
de  l^ance  avisèrent  et  considérèrent  bien  le  pont  et  le  fort  pas- 
sage qui  dure  bien  le  quart  de  une  lieue,  et  conment  li  pons  de 
Nulais  estoit  gardes  de  gens  d*armes  et  d'archiers,  et  prissièrent 
en  euls  meismes  moult  grandement  ceste  ordenance.  Qant  il  furent 
tout  oultre  le  pont,  il  trouvèrent  les  chevaliers  dou  roi  tels  que 
messire  Jehan  Gandos,  messire  Richart  Sturi,  messire  Richart  la 
Vace  et  pluisseurs  qui  là  estoient  moult  ordonneement  et  les  aten- 
doient;  et  les  enmenèrènt  tout  droit  deviers  l'ostel  dou  roi,  qui 
bien  estoit  pourveus  de  grande  baronnie  et  de  vaillans  hommes, 
dont  il  estoit  acostés  et  acompagniës. 

Chil  quatre  baron  de  France  descendirent  de  lors  chevaus  de- 
vant Tostel  dou  roi,  et  puis  les  chevaliers  d'Eçgleterre  les  menè- 
rent deviers  le  roi,  et  le  trouvèrent  acostë  et  adestré,  ensi  que  je 
vous  di,  de  moult  vaillans  hommes.  Qant  il  furent  parvenu  jusqnes 
au  roi,  il  l'enclinèrent;  et  li  rois  les  requelli  assës  ordonneement 
de  contenance  et  de  parole.  Messires  Ustasses  de  Ribeumont  s  a- 
vança  de  parler  et  dist  :  «  Sire,  li  rois  de  France  nous  envoie  par 
deviers  vous  et  vous  segnefie  que  il  est  chi  venus  et  arest^s  sus  le 


280  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1347] 

mont  de  Sangates  pour  vous  combatre  ;  mais  il  ne  puet  veotr  ne 
trouver  Toie  conment  il  puist  venir  jusques  à  vous.  Si  en  a  il 
grant  désir  pour  dessegier  sa  bonne  ville  de  Calais,  et  a  fait  avi- 
ser, taster  et  regarder  par  ses  honmes  conment  il  poroit  venir 
jusques  à  vous;  mais  c'est  cose  imposible  à  faire,  ce  li  ont  re- 
porté si  honme.  Si  veroit  volentiers  que  vous  vosissiés  mettre 
de  vostre  consel  ensamble,  et  il  i  meteroit  dou  »en,  et  par  l'avis 
de  ceuls ,  aviser  place  raisonnable  là  où  on  se  peuist  com- 
batre. 'Et  de  ce  sonmes  nous  cargiet  de  vous  dire  et  remous- 
trer.  Si  nous  en  voelliës  respondre  de  par  vous  ou  de  par  vostre 
consel.  » 

Li  rois  d'Engleterre,  qui  bien  entendi  ceste  parole,  fu  tantos 
consiltiës  et  avises  de  respondre  et  dist  :  «  Signeur,  je  ai  bien  en- 
tendu tout  ce  que  vous  me  requerës  de  par  mon  adversaire,  qui 
tient  mon  droit  hiretage  à  tort,  dont  il  me  poise.  Se  li  dires  de 
par  moi,  se  il  vous  plest,  que  je  sui  chi  endroit,  et  j'ai  demoret 
pries  d'un  an.  Tout  ce  a  il  bien  sceu,  et  i  ftist  bien  venus  plus  tos, 
se  il  vosist;  mais  il  m'a  chi  laissiet  demorer  si  longement  que  je 
ay  grossement  despendu  dou  mien,  et  i  pense  avoir  tant  fait  que 
assës  temprement  je  serai  sires  de  la  ville  et  dou  chastiel  de  Ca- 
lais. Et  ne  sui  pas  consilliës  dou  tout  faire  à  sa  devise  ne  à  se 
aise,  ne  de  eslongier  ce  que  je  pense  à  avoir  conquis;  et  que  je 
ai  tant  desiret  et  comparet.  Se  li  dires,  se  ils  ne  ses  gens  ne 
pueent  par  là  passer,  si  voissent  autour  pour  quérir  la  voie.  » 

Li  chevalier  de  France  veirent  bien  que  ils  n'aueroient  auitre 
response,  si  prissent  congiet.  Li  rois  lor  donna,  qui  ]es  fist  con- 
duire par  les  chevaliers  meismes  de  sa  cambre  qui  amène  les 
avoient  jusques  à  lui,  et  montèrent  sus  lors  chevaus.  Et  les  ame- 
nèrent chil  jusques  au  pont  de  Nulais,  là  où  li  contes  Deriû  et  ses 
gens  estoient;  et  puis  retournèrent  li  chevalier  dou  roi  en  l'oost. 
Et  li  chevalier  françois  passèrent  oultre,  et  enchnèrent  en  passant 
le  conte  Derbi,  et  cevauchièrent  tout  le  cemin  sans  nul  empece- 
ment;  et  s'en  vinrent  sus  le  mont  de  Sangate  et  as  tentes  dou  roi 
de  France.  Et  li  comptèrent,  presens  pluisseurs  hauls  barons,  tout 
ce  que  il  avoient  veu  et  trouve,  et  la  response  dou  roi  d'Engle- 
terre, de  laquelle  li  rois  de  France  fu  tous  merancolieus;  car, 
qant  il  vint  là,  il  quidoit  par  bataille  recouvrer  la  ville  de  Calais, 
et  n'i  pooit  obviier  ne  pourveir  par  auitre  voie,  fors  que  par  la 
bataille  et  avoir  eut  la  victore.  F^'  140  v^  et  141. 

P.  50,  1.  1  :  Nulais.  —  Ms.  ^  6  :  Et  fut  messire  Jofifroj  de 


[1347]    Variantes  du  premier  livre,  §  310.      281 

Cargni,  le  sire  d'Aubegni,  messire  Gui  de  Nelle  et  le  sire  de 
Oiastelvelin.  F*  393. 

P.  50,  1.  2  et  3  :  Ribeumont.— ^j.  A  4  :  Ribemont.  F*  i38. 

P.  50,  I.  7  :  paisieuvlement.  — Ms,  B  4  :  paisivlement.  F*  133. 
-^Ms*  A  7  :  paisiblement.  F»  157. 

P.  50, 1.  24  :  ses  gens.  ^  Jlfj#.  u^  11  à  19  :  ses  mareschaus. 

P.  51,  1.  18  :  Nulais.  —  Mss,  A  1  et  B  k  i  Milais.  F»  157  v«. 

S  310.  P.  51,  1.  25  :  Entrues.  —  Ms.  ^Amiens  :  Quant  il  (le 
roi  Philippe)  vi  qu'il  n'en  aroit  autre  cose,  il  se  parti  de  là  et 
compta  le  ville  de  Callais  pour  perdue,  et  se  retraist  à  Arras  et 
donna  touttes  mannierrez  de  gens  d' armez  congiet,  et  laissa  chiaux 
de  Callais  finner  au  mieux  qu'il  peurent.  P  98. 

-^  Ms.  de  Rome  :  Entrues  que  li  rois  de  France  estoit  sur  le  mont 
de  Sangates,  et  que  il  estudioit  conment  et  par  quel  tour  il  poroit 
combatre  les  Englois  qui  fortefiiet  estoient,  ensi  que  ichi  desus 
vous  avës  oy  recorder,  vinrent  doi  cardinal  en  son  hbost,  le  car- 
dinal d'Espagne,  uns  moult  vaillans  et  sages  homs,  et  li  cardi- 
nanls  d'Oten,  envoiiës  là  en  légation  de  par  le  pape  Clément,  qui 
resgnoit  pour  ce  temps.  Cil  doi  cardinal,  ensi  que  il  estoient  car- 
giet,  se  missent  tantos  en  grant  painne  d'aler  de  l'une  hoost  en 
l'autre  ;  et  volentiers  euissent  veu  par  lors  promotions  que  li  rois 
d'Engleterre  euist  brisiet  son  siège,  laquelle  cose  il  n'euist  jamais 
.fait.  Toutes  fois  il  parlementèrent  tant  et  alèrent  de  l'un  à  l'autre 
que,  sus  certains  articles  et  tretti^s  d'acord  et  de  paix,  ils  procu- 
rèrent que  uns  respis  fa  pris  entre  ces  deus  rois  et  lors  gens  là 
estans  au  siège  et  sus  les  camps,  à  durer  tant  seuUement  trois 
jours.  Et  furent  ordonne  [par]  euls,  huit  nobles  àgneurs,  quatre 
de  par  le  roi  de  France,  et  quatre  de  par  le  roi  d'Engleterre  :  de 
par  le  roi  de  France,  li  dus  Oedes  de  Bourgongne,  li  dus  Pières 
de  Bourbon,  messires  Jehans  de  Hainnau  et  mesires  Lois  de  Sa- 
voie; et  dou  costé  les  Englois,  li  contes  Derbi,  li  contes  de  Nor- 
hantonne,  messires  Renauls  de  Gobehen,  et  messires  Gautiers  de 
Mauni.  Et  li  doi  cardinal  estoient  traitieur  et  moiien  et  alant  de 
l'un  à  l'autre.  Si  furent  chil  signeur,  les  trois  jours  durans.  la  gri- 
gnour  partie  dou  jour  en  conclave  ensamble,  et  missent  pluisseurs 
devises  et  pareçons  avant,  des  quelles  nulles  ne  vinrent  à  effet. 

Entrues  que  on  parlementoit  et  le  respit  durant,  li  rois  d'En- 
gleterre faisoit  toutdis  efforcier  son  hoost  et  faire  grans  fosses  sus 
les  dunes,  par  quoi  li  François  ne  les  peuissent  sousprendre.  Et 


282  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1347] 

sadiiës  que  cbils  parlemens  et  detriemens  anoicHt  diiremeiit  à  oeuls 
de  Calais,  qui  volentiers  euissent  yen  plus  tos  lor  délivrance,  car 
on  les  Êdsoit  trop  juner.  Chil  troi  jour  se  passèrent  sans  paix  et 
sans  acord,  car  li  rois  d'Engleterre  tenoit  tout  dis  son  opinion  et 
metoit  en  termes  que  point  ne  se  delairoit  que  il  ne  fust  sûres  de 
Calais,  et  li  rois  de  France  iroloit  que  elle  li  demorast.  En  cel 
estri  se  départirent  les  parties,  ne  li  cardinal  ne  les  peurent  puis 
rasambler,  liquel,  qant  il  veirent  ce  que  on  ne  voloit  attendre  à 
enls,  il  se  départirent  et  retournèrent  à  Saint  Orner. 

Qant  li  rois  Phelippes  vei  ce  que  perdre  li  couvenoit  Calais,  û 
ia  durement  oourouchiës  :  à  envis  le  laisoit  perdre.  Et,  tout  ooih 
sidéré,  ils  ne  ses  gens  n'i  savoient  conment  aidier  ne  adrecfaier; 
car  de  aler  de  fait  sus  l'oost  le  roi  d'Engleterre,  c'estoit  cose  îm- 
posible,  pour  les  grans  marescages  qui  sont  tout  autour  de  Calais 
et  la  mer  qui  estoit  fort  gardée.  Avise  fu  et  proposé  en  Toost  de 
France  que  il  retoumeroient  à  Saint  Orner  et  venroient  dou  costé 
de  Bergbes  et  de  Bourbourch  ;  mais  qant  il  regardoient  le  pasage 
de  Gravelines  et  les  destrois  et  mauvais  et  perilleus  passages  que 
il  aueroient  à  passer,  et  conment  bien  soissante  mille  Flamens 
gisoient  de  ce  lés  devant  Calais,  il  rompaient  et  anulioient  lors 
imaginations  et  disoient  :  «  Toutes  nostres  pensées  sont  vainnes. 
Il  nous  fault  perdre  Calais.  Mieuls  nous  vault  une  ville  à  perdre 
que  de  mettre  en  péril  euls  cent  mille.  Se  nous  le  perdcms  celle 
fois,  une  aultre  fois  le  porons  nous  bien  recouvrer.  Il  n'est  aven- 
ture qui  n'aviegne.  On  en  a  petitement  songniet  dou  temps  passé, 
car  on  le  deuist  avoir  pourveue  pour  tenir  dis  ans  ou  vint,  sekmch 
la  force  dont  elle  est  et  la  belle  garde,  ou  on  le  deuist  avoir  aba- 
tue  et  mise  tout  par  terre  ;  car  avant  que  on  le  puist  ravoir,  eUe 
fera  mouit  de  mauls  au  roiaulme  de  France.  » 

Ensi  se  devisoient  et  parloient  li  François,  qant  il  veirent  que 
li  trettié  furent  falli,  et  li  cardinal  retoumet  à  Saint  Orner.  Un 
jour,  il  fîi  ordonné  au  départir  et  au  deslogier  de  là,  et  de  retraire 
casqun  là  où  mieuls  li  plaisoit.  Si  se  deslogièrent  un  matin,  et 
montèrent  li  signeur  sus  lors  cevaus  ;  et  variés  demorèrent  en- 
cores  derrière,  qui  entendirent  au  requellier  tentes  et  trefs  et  à 
tourser  et  à  mettre  à  charoi  et  à  voiture.  Là  i  ot  des  vitalliers  de 
l'oost  pluisseurs  atrapés  qui  perdirent  chevaus  et  pourveances, 
car  Englois  sallirent  hors  de  l'ost  pour  gaegnier.  Si  prissent  des 
prisonniers  et  conquissent  des  chevaus  et  des  sonmiers,  des  vins 
et  des  pourveances,  et  tout  ramenèrent  en  l'ost  devant  Calais.  Et 


[1347]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  311.         283 

li  signeiir  de  France  et  li  François  retournèrent  en  lors  liens. 
F>  141  V*. 

P.  51 9  1.  25  :  Entmes.  —  Ms.  J.  1  y  Entrementières. 
F» 157  V. 

P.  52,  1.  6  :  tant.  •—  Ms.  B  6  :  qu'il  otriast  une  triève  trois 
jours.  iP»  395. 

P.  52,  1.  8  et  9  :  misent...  ensamble.  '^^Mss*  u^  2  à  6,  11  ^ 
14,  18,  19  :  ordonnèrent  des  deux  parties  quatre  seigneurs  en- 
semble. 

P.  52,  1.  11  :  furent.  —  Ms,  B  6  i  le  duc  de  Bourbon,  mes- 
sire  Jehan  de  Haynau,  le  sire  de  Biaugeu  et  messire  Jofroy  de 
Gargny.  F"  395. 

P.  52, 1.  19  :  pareçons.  —  Ms.  A  7  :  parechons.  F®  158. 

P.  53,  1.  16  :  desbaretë.  —  Ms.  A  7  :  desbaratës.  F*  158. 

P.  53,  1.  20  :  kewe.  —  Ms.  B  6  :  des  deslogeurs.  Sy  en 
trouvèrent  de  dûaus  et  assës  qui  avoient  trop  tart  dormy. 
P»396. 

$  311.  P.  53, 1.  24  :  Apriès.  —  ilf^.  a  Amiens  :  Quant  chil  de 
Callais  virent  que  point  ne  seroient  secouru,  et  que  li  roys  de 
France  estoit  partb,  si  furent  durement  esbahy.  Adonc  commen- 
cièrent  il  à  entrer  en  grans  tretiës  deviers  monseigneur  Gautier 
de  Mauny,  qui  en  portoit  pour  Dieu  et  par  aumousne  les  pa- 
roUez.  Nullement  il  ne  pooit  abrisier  le  roy  d'Bngleterre  qu'il  les 
presist  à  merchy,  mes  les  volloit  tous  faire  morir,  tant  Favoient 
il  courouchiet  don  tamps  passet.  Y^  98. 

—  Ms*  de  Rome  :  Apriès  le  département  don  roi  de  France  et  de 
son  hoost  don  dit  mont  de  Sangate,  chil  de  Calab  veirent  bien 
que  le  secours  en  quoi  il  avoient  eu  fiance,  lor  estoit  fallis  ;  et  si 
estoient  à  si  très  grande  destrèce  de  famine  que  li  plus  poissans 
et  li  plus  fors  se  pooient  à  ^ant  malaise  soustenir.  Si  orent 
consel  et  lor  sambla  que  il  valloit  mieuls  euls  mettre  en  la  volentë 
dou  roi  d'Engleterre ,  se  plus  grant  merchi  n'i  pooient  trouver, 
que  euls  laissier  morir  Tun  apriès  l'autre  par  destrèce  de  famine, 
car  li  pluiseur  en  poroient  perdre  corps  et  ame  par  rage  de  fiiin. 
Si  priièrent  generaulment  à  mesire  Jehan  de  Viane,  lor  chapi- 
tainne,  que  il  en  vosist  tretiier  et  parler.  li  gentils  chevaliers  lor 
acorda  et  monta  as  crestiaus  des  murs  de  la  ville ,  et  fist  signe 
as  cheuls  de  dehors  que  il  voloit  parler  à  euls.  On  i  envoia.  Il 
pria  que  on  vosist  donner  à  sentir  au  roi  d'Engleterre  que  il  en- 


284  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1347] 

yoiast  homme  notable  parler  à  lui,  car  il  voloit  entrer  en  trettié. 
On  le  fist  tantos  et  sans  délai. 

Qant  li  rois  d'Engleterre  entendi  ces  nouvelles,  il  fist  yenir 
mesire  Gautier  de  Mauni  devant  lui.  Qant  U  fu  venus,  il  li  dist  : 
«  Gautier,  aies  veoir  que  ces  gens  de  Calais  voellent  dire  :  il  me 
font  requerre  par  lor  chapitainne  que  je  envoie  parler  à  euls.  » 
Mesures  Gantiers  respondi  et  dist  :  <x  Sire,  volentiers.  »  Âdonc  se 
départi  il  don  roi  et  s'en  vint  tout  à  cheval,  assës  bien  acompa- 
gniës  de  sa  famille  seuUement,  et.  vint  as  barrières  de  Calais,  et 
trouva  messire  Jehan  de  Viane  qui  se  apoioît  sus  une  baille,  et 
estoit  issus  hors  de  la  porte  par  le  guichet. 

Qant  li  doi  chevalier  se  veirent,  il  se  recongnurent  assës,  car 
aultres  fois  il  s'estoient  veu.  «  Mesire  Gautier,  dist  mesire  Jehan 
de  Viane ,  vous  estes  uns  vaillans  homs  et  moult  uses  d'armes. 
Si  devés  tant  mieuls  entendre  à  raison.  Li  rois  de  France,  moi  et 
mi  compagnon  qui  ichi  dedens  sonmes  enclos,  nous  a  ichi  en- 
voiiet,  ensi  que  faire  le  puet,  car  il  est  nostres  sires,  et  nous 
sonmes  si  subject,  et  nous  conmanda  estroitement  au  départir  de 
li  que  nous  gardisions  la  ville  et  le  chastiel  de  Calais  si  que  blâme 
n'en  euissions,  ne  ils  point  de  damage.  Nous  en  avons  fait  nostre 
pooir  et  diligense  jusques  à  chi ,  et  tous  les  jours  nous  avions 
espérance  de  estre  delivret,  et  li  sièges  levés.  Or  est  avenu  que 
nostres  espoirs  est  fallis  de  tous  poins,  et  nous  fault  esceir  ou 
dangier  de  vostre  signeur  le  roi  d'Engleterre;  car  nous  sonmes 
si  astrains  que  nous  n'avons  de  quoi  vivre,  et  nous  couvenra  tous 
morir  de  maie  mort,  se  li  gentils  rois,  qui  est  vos  sires,  ne  prent 
pité  de  nous.  Si  vous  suppli  chierement,  messire  Gautier,  que 
vous  voelliës  aler  deviers  lui  et  li  priier  pour  nous  et  remoustrer 
conment  loiaument  nous  avons  servi  nostre  signeur  le  roi  de 
France  conme  si  saudoiier  et  si  soubject,  et  [pour]  les  povres 
gens  de  ceste  ville  aussi  qui  n'en  pooient  ne  osoient  aultre  cose 
foire,  et  nous  laise  partir  hors  de  la  ville  nous,  chevaliers  et  es- 
quiersy  qui  ichi  dedens  sonmes  enclos,  et  prende  en  merchi  et  en 
pité  le  povre  peuple  de  Calais,  plenté  n'en  i  a  pas,  et  nous  laise 
partir  et  isir  et  aler  ailleurs  querre  nostre  mieuls,  et  prende  la 
ville  et  le  chastiel,  l'or  et  l'argent  et  tout  ce  que  il  i  trouvera.  » 

  ces  paroles  respondi  mesires  Gantiers  de  Mauni  et  dist  : 
«  Mesire  Jehan,  mesire  Jehan,  je  sçai  assës  de  l'intension  et  vo» 
lente  le  roi  nostre  sire,  et  bien  sachiës  que  c'est  se  entente  que 
vous  n'en  irës  pas  ensi  que  vous  avës  chi  dit;  ains  est  sa  volentë, 


[1347]      VAIilANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  ^^^^         285 

et  intension  que  vous  vos  metës  dou  tout  en  sa  pure  volentë,  on 
pour  rançonner  ceuls  qui  il  li  plaira  ou  pour  faire  morir.  Car  chil 
de  Calais  li  ont  tant  fait  de  contraires  et  de  damages  et  despis,  et 
ocis  de  ses  honnnes  et  fait  despendre  si  grant  fuisson  d'avoir  au 
seoir  devant  celle  ville  dont  moult  l'en  est,  ce  n'est  pas  mervelles  ; 
et  ne  sçai  pas ,  en  Talr  et  argu  où  il  est  et  l'ai  veu  tous  jours 
jusques  à  ores,  se  vous  pores  passer  pour  raençon,  que  il  ne 
voelle  avoir  vos  vies.  » 

Donc  respondi  messires  Jehans  de  Viane  et  dist  :  «Mesire 
Gautier,  ce  seroit  trop  dure  cose  pour  nous  et  grant  cruautés 
pour  le  roi  d'Engleterre,  se  nous/ qui  chi  sonmes  envoiiet  de  par 
le  roi  de  France,  on  nous  fesist  morir.  Nous  avons  servi  nostre 
signeur,  ensi  que  vous  fériés  le  vostre,  en  cas  semblable.  Si  con- 
sidérés nostre  estât,  et  nous  vous  en  prions,  il  li  doit  soufiBre,  se 
il  a  nostres  corps  pour  prisonniers,  et  la  ville  et  ]e  chastiel  en 
son  conmandement,  que  tant  a  désiré  à  avoir,  et  le  povre  peuple 
de  Calais,  il  laise  partir  et  aler  lor  cemin.  »  Donc  se  rafrena  un 
petit  mesires  Gantiers  de  Mauni  et  considéra  les  humles  paroles 
de  mesire  Jehan  de  Viane  et  dist  :  «  Certes,  mesire  Jehan,  pour 
l'onnour  de  chevalerie  et  Tamour  de  vous,  j'en  parlerai  et  prierai 
si  acertes  que  je  porai;  mes  je  sçai  bien  que  li  rois  d'Engleterre 
est  moult  courchiés  sus  vous  tous,  et  ne  sçai  pas  conment  on  le 
pora  brisier  ne  amoderer.  Vous  demorrés  chi;  je  retournerai 
tantos  et  vous  ferai  response.  » 

Adonc  s'en  retourna  li  dis  messires  Gantiers  de  Mauni,  et  vint 
deviers  le  roi  qui  l'atendoit  devant  son  hostel.  Et  là  estoient 
grant  fuisson  de  signeurs,  li  contes  Derbi,  son  cousin,  le  conte 
d'Arondiel,  le  conte  de  Norhantonne,  mesire  Renault  de  Gobehen, 
mesire  Richart  de  Stanfort  et  pluisseur  hault  baron  d'Engleterre, 
lesquels  li  rois  avoit  tous  mandés  pour  olr  et  sçavoir  que  chil  de 
Calais  voloîent  dire*  Bien  supposoit  li  rois  que  il  se  voloient  ren- 
dre, mais  il  ne  sçavoit  pas  la  fourme  conment;  si  le  desiroit  à 
savoir. 

Qant  mesires  Gantiers  de  Mauni  fu  venus  jusques  à  Tostel  dou 
roi,  il  descendi  de  son  palefroi.  Tout  chil  chevalier  se  ouvrirent 
à  sa  venue  et  li  fissent  voie.  Il  vint  devant  le  roi  et  l'enclina. 
Tantos  que  il  ot  fait  reverense  au  roi,  li  rois  li  demanda  : 
«  Mesire  Gautier,  que  dient  chil  de  Calais  ?»  —  «  Très  chiers 
sires,  respondi  li  chevaliers,  il  se  voeUent  rendre,  et  longement 
et  assés  sus  cel  estât  je  ai  parlé  à  la  chapitainne,  mesire  Jehan  de 


288  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1347] 

en  croi  bien.  Or  vous  pri  je  qae  voos  yoelliés  chi  tant  demorer 
que  je  aie  remoostré  tout  cel  afiaire  à  la  conmunautë  de  la  ville, 
car  il  m'ont  chi  envoiiet;  et  en  euls  en  tient,  ce  m'est  avis,  doa 
faire  et  dou  laissier.  »  Donc  respondi  li  aires  de  Mauni  et  dist  : 
a  Je  le  ferai  volentiers.  » 

Lors  se  départi  messires  Jehans  de  Viane  des  barrières  et  vint 
sus  le  marchië,  et  fist  sonner  la  doce  pour  assambler  toutes  ma- 
nières de  gens  en  la  halle.  Au  son  de  la  cloce  vinrent  ils  tous, 
honmes  et  fenmes,  car  moult  desiroient  à  olr  nouvelles,  ensi  que 
gens  si  astrains  de  famine  que  plus  ne  pooient.  Qant  il  furent 
tout  venu  et  assamblë  en  la  place,  honmes  et  fenmes,  messires 
Jehans  de  Viane  lor  remoustra  moult  doucement  les  paroles  toutes 
itelles  que  chi  devant  sont  dittes  et  recitées;  et  leur  dist  bien  que 
aultrement  ne  pooit  estre,  et  euissent  sur  ce  avis  et  brief  consel, 
car  il  en  couvenoit  faire  response.  Qant  il  olrent  ce  raport,  il 
conmenchiërent  tout  et  toutes  à  criier  et  à  plorer  si  tenrement  et 
si  amèrement  que  il  ne  fust  si  durs  coers  ou  monde,  se  il  les  veist 
et  oist  euls  démener,  qui  n'en  euist  pité.  Et  n'orent  pour  l'eure 
nul  pooir  de  respondre  ne  de  parler;  et  meismement  mesires 
Jehans  de  Viane  en  avoit  telle  pitë  que  il  en  larmioit  moult  ten- 
rement. 

Une  espace  apriès,  se  leva  en  pies  li  plus  rices  bourgois  de  La 
ville  de  Calais  et  de  plus  grande  reconmendation,  que  on  cla- 
moit  sire  Ustasse  de  Saint  Pière,  et  dist  devant  tous  et  toutes  ensi  : 
<K  Bonnes  gens,  grans  pitës  et  grans  meschiës  seroit  de  laissier 
morir  un  tel  peuple  que  chi  a,  par  famine  ou  aultrement,  qant  on 
i  puet  trouver  auqun  mouen;  et  si  seroit  grande  ausmonne  et 
grant  grâce  enviers  Nostre  Signeur,  qui  de  tel  mesciës  les  poroit 
garder  et  esqiever.  Je,  endroit  de  moi,  ai  si  grande  espérance 
d'avoir  grâce  et  pardon  enviers  Nostre  Signeur,  se  je  muir  pour 
che  peuple  sauver,  que  je  voel  estre  li  premiers  ;  et  me  meterai 
volentiers  en  purs  ma  cemise,  à  nu  chief  et  a  nu  pies,  la  hart  ou 
col,  en  la  merchi  doa  gentil  roi  d'Engleterre.  » 

Qant  sires  Ustasses  de  Saint  Pière  ot  dit  ceste  parole,  tout 
honme  le  alèrent  aourer  de  pité,  et  pluisseurs  honmes  et  fenmes 
se  jettèrent  en  genouls  à  ses  pies,  tendrement  plorant.  Ce  estoit 
grans  pités  de  là  estre  et  euls  olr  et  regarder. 

Secondement,  uns  aultres  très  honestes  bourgob  et  de  grant 
a£sdre,  et  liquels  avoit  deus  damoiselles  à  filles,  jones,  belles  et 
gratieuses,  se  leva  et  dist  tout  ensi,  et  que  il  feroit  compagnie  en 


I 


[1347]      VARIAMES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  312.         289 

ce  cas  à  son  compère  et  cousin  sire  Ustasse  de  Saint  Pière,  et  se 
nonmoit  li  dis  boorgois  Jehans  d'Aire. 

Apriès  se  leva  li  tiers  bourgois  de  Calais  qui  se  nonmoit  sires 
Jaquemes  de  Wisant,  qui  moult  estoit  rices  homs  de  meubles  et 
d'iretages  dedens  Calais  et  au  dehors  de  Calais,  et  se  ofiri  aler  en 
lor  compagnie  ;  et  aussi  fist  sire  Pières  de  Wisant,  son  frère.  Li 
chienqimes  fu  sire  Jehans  de  Fiennes  et  li  sisimes  sires  Andrieus 
d*Ardre. 

Tout  chil  siis  bourgois  avoient  esté  en  la  ville  de  Calais  li  plus 
rice  et  li  plus  manant,  et  qui  plus  avoient  d'iretage  eus  et  hors 
Calais,  et  dont  la  ville  par  mer  et  par  terre  s'estoit  le  plus  estofée  ; 
mais  pour  pitë  et  pour  sauver  lors  fenmes  et  lors  enfans  et  le  de- 
morant  de  la  ville,  il  se  ofi&irent  tout  de  bonne  volentë  et  dissent 
à  lor  chapitainne  :  «  Sire,  délivres  vous  et  nous  enmenës  deviers 
le  roi  d'Engleterre,  ou  point  et  en  Testât  que  vostres  trettiës  de- 
vise; car  nous  volons  tout  morir  se  nous  sonmes  à  ce  destiné,  et 
prenderons  la  mort  en  bon  gré.  » 

Messires  Jehans  de  Viane  avoit  si  grant  pité  de  ce  que  il  veoit 
et  ooit,  que  il  ploroit  ausi  tenrement  que  donc  que  il  veist  tous 
ses  amis  en  bière.  Toutes  fois,  pour  abregier  la  besongne,  puisque 
faire  le  couvenoit,  il  les  fist  desvestir  en  la  halle  en  purs  lors 
braies  et  lors  cemisses,  nus  pies  et  nus  chiefs  ;  et  là  furent  apor- 
tées  toutes  les  clefs  des  portes  et  des  guicès  de  la  ville  de  Calais 
et  celles  dou  chastiel  ensi.  Et  furent  à  ces  siis  honestes  bourgois 
mis  les  bars  ou  col  ;  et  en  cel  estât  tout  siis  il  se  départirent  de 
la  halle  et  dou  marchiet  de  Calais,  mesire  Jehan  de  Viane  qui 
ploroit  moult  tendrement  devant  euls,  et  aussi  faisoient  tout  li 
chevalier  et  li  esquier  qui  là  estoient,  de  la  grande  pité  que  il 
avoient.  Honmes  et  fenmes  et  enfans  honestes  de  la  nation  de  la 
ville  les  sievoient  et  crioient  et  braioient  si  hault  que  ce  estoit 
grans  pités  au  considérer.  li  siis  bourgois,  par  avis  assés  liement, 
en  aloient  et  avoient  petite  espérance  de  retourner,  et  pour  re- 
conforter le  peuple,  il  disoîent  :  «  Bonnes  gens,  ne  plorés  point. 
Ce  que  nous  faisons,  c'est  en  istance  de  bien,  et  pour  sauver  le 
demorant  de  la  ville.  Trop  mieuls  vault  que  nous  morons,  puis 
que  il  fault  qu'il  soit  ensi,  que  toutes  les  bonnes  gens  de  la  viUe 
soient  péri,  et  Dieus  auera  merchi  de  nos  âmes.  » 

Ensi  en  plours  et  en  cris  et  en  grans  angousses  de  cuers  dole- 
reus  les  amena  mesires  Jehans  de  Viane  jusqaes  à  la  porte  et  [le 
fist  ouvrir.  Et  qant  ils  et  li  siis  bourgois  furent  dehors,  il  le  fist 

rr  — 49 


890  CHRONIQUES  DE  J.  FEOISSAET.  [1347] 

reclore  et  se  mist  entre  les  bailles  et  la  porte*  et  là  trouva  mesire 
Gautier  de  Mauni  qui  Tatendoit,  et  liquels  s'apoioit  sus  les  bailles 
par  dedens  la  ville  de  Calais.  Avoit  et  ot,  qant  on  vei  issir  des 
portes  ces  sus  bourgois,  et  il  se  retournèrent  deviers  la  ville  et 
les  gens  et  il  dissent  :  t  Adieu,  bonnes  gens,  priiës  pour  nous  3», 
et  la  porte  ia  reclose,  si  très  grande  plorrie,  brairie  et  criie  des 
fenmes  et  enfans  et  des  amis  de  ces  bonnes  gens  que  grans  his- 
deurs  estoit  à  Tolr  et  considérer;  et  meismement  messires  Gan- 
tiers de  Mauni  en  entendi  bien  la  vois  et  en  ot  pité. 

Qant  mesires  Jehans  de  Viane  fu  venus  jusques  à  lui»  il  li  dist  : 
«  Mesire  Gautier,  je  vous  délivre  conme  chapitainne  de  Calais, 
par  le  consentement  dou  povre  peuple  dlceli  ville,  ces  sus  bour- 
gois, et  vous  jure  que  ce  sont  et  estoient  aujourd'ui  li  plus  hon- 
nourable  et  notable  honme  de  corps,  de  cavanche  et  d'ancesserie 
de  la  ditte  ville  de  Calais,  et  portent  avoecqnes  euls  toutes  les 
defs  de  la  ville  et  don  chastiel  de  Calais.  Si  vous  pri,  obiers  sires, 
en  nom  d'amour  et  de  gentillèce,  que  vous  voelliés  priier  pour 
euls  au  gentil  roi  d'Engleterre,  à  la  fin  que  il  en  ait  pitë  et  com- 
padon,  et  que  il  ne  soient  point  mort.  »  Donc  respondi  messires 
Gantiers  de  Mauni  et  dist  :  ce  Je  ne  sçai  que  li  rois  mon  signeur 
en  vodra  faire;  mais  je  vous  créance  et  convenence  que  je  en  ferai 
mon  pooîr.  » 

Adonc  fil  la  barrière  ouverte,  et  passèrent  oultre  li  siis  bour» 
gob  et  en  alèrent  en  cel  estât  que  je  vous  di,  avoecques  mesire 
Gautier  de  Mauni,  liquds  les  amena  tout  bellement  jusques  à  l'ostel 
dou  roi.  Et  messires  Jebans  de  Viane  rentra  en  la  ville  de  Calais 
par  le  guicbet. 

Li  rois  d*Engleterre  estoit  à  celle  heure  en  la  salle  de  son  hos- 
tel,  bien  acompagniës  de  contes  et  de  barons,  liquel  estoient  là 
venu  pour  veoîr  Tordenance  de  ceuls  de  Calais;  et  meismement 
la  roinei  vint,  mais  ce  ne  fu  pas  si  tos.  Qanton  dist  au  roi  :  «  Sire, 
vechi  mesire  Gautier  de  fiiauni  qui  amainne  ceuls  de  Calais,  1» 
adonc  issi  li  rois  de  son  bostel  et  vint  en  la  place,  et  tout  cbil 
signeur  apriès  lui,  et  encores  grant  fîiisson  qui  i  sourvinrent,  pour 
veoir  ceuls  de  Calais  et  conment  il  finneroient;  et  la  roine  d'En- 
gleterre,  qui  moult  ençainte  estoit,  sievi  le  roi  son  signeur.  Evous 
messire  Gautier  de  Mauni  venu  et  les  bourgois  dalës  li^  qui  le 
sievoient,  et  descendi  de  une  basse  hagenëe  que  il  cevauçoit.  En 
la  place  toutes  gens  se  ouvrirent  à  Tencontre  de  li.  Si  passèrent 
oultre  messires  Gantiers  et  li  siis  bourgois,  et  s'en  vint  devant  le 


[1347]      VAMàlVTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  312.         291 

roi  et  li  dist  en  langage  englois  :  «  Très  chiers  sires,  vechi  la  re- 
présentation de  la  ville  de  Calais  à  vostre  ordenance.  »  Li  rois  se 
taisi  tous  quois  et  regarda  moult  fellement  sus  euls,  car  moult  les 
haioit  et  tous  les  habitans  de  Calais,  pour  les  grans  damages  et  con- 
traires que  dou  temps  passet  li  avoient  £sdt. 

Chil  siis  bourgois  se  missent  tantos  en  genouls  devant  le  roi,,  et 
dissent  ensi  en  joindant  lors  mains  :  «c  Gentils  sires  et  nobles  rois« 
veés  nous  chi  siis,  qui  avons  este  d'ancesserie  bourgois  de  Calais 
et  grans  marceans  par  mer  et  par  terre,  et  vous  aportons  les  clefs 
de  la  ville  et  dou  chastiel  de  Calais,  et  les  vons  rendons  à  vostre 
plaisir,  et  nous  mettons  en  tel  point  que  vous  nous  veës  en  vostre 
pure  volenté,  pour  sauver  le  demorant  dou  peuple  de  Calais  qui 
souffert  a  moult  degrietés.  Si  voelliés  de  nous  avoir  pitë  et  merchi 
par  vostre  baute  noblèce.  »  Certes  il  n'i  ot  adonc  en  la  place, 
conte,  baron,  ne  chevalier,  ne  vaillant  honme  qui  se  peuist  aste- 
nir  de  plorer  de  droite  pitë,  ne  qui  peuist  parler  en  grant  pièce. 
Li  rois  regarda  sus  euls  très  crueusement,  car  il  avoit  le  coer  si 
dur  et  si  enfellonniiet  de  grans  courons,  que  il  ne  pot  parler;  et 
qant  il  parla,  il  oonmanda  en  langage  englois  que  on  lor  copast 
les  testes  tantos.  Tout  li  baron  et  li  chevalier  qui  là  estoient,  en 
plorant  prioient,  si  acertes  que  faire  pooient,  an  roi  que  il  en 
vosist  avoir  pile  et  merchi;  mes  il  n'i  voloit  entendre. 

Adonc  parla  li  gentils  chevaliers  mesires  Gautier»  de  Mauni  et 
dist  :  ce  Haï  gentils  sires,  voelliës  rafrener  vostre  oorage.  Vous 
avës  le  nom  et  renonmëe  de  souverainne  gentiUèce  et  noblèce.  Or 
ne  voelliës  donc  faire  cose  par  quoi  elle  smt  noient  amemie,  ne 
que  on  puist  parler  sur  vous  en  nulle  cruantë  ne  vilennie.  Se  vous 
n'avës  pitë  de  ces  honmes  qui  sont  en  vostre  merchi,  toutes  aul- 
tres  gens  diront  que  ce  sera  grans  cruaultës,  se  vous  faites  morir 
ces  lu>nestes  bourgois,  qui  de  lor  propre  volentë  se  aont  mis  en 
vostre  ordenance  pour  les  aultres  sauver.  »  Adonc  se  grigna  li 
rois  et  dist  :  «  Mauni,  Mauni,  soufres  vous.  U  ne  sera  aultrement.  » 
Mesires  Gantiers  de  Mauni*. ...  et  n'osa  plus  parler,  car  li  rois  dist 
moult  ireusement  :  «  On  Cache  venir  là  cope  teste.  Chil  de  Calais 
ont  fait  morir  tant  de  mes  honmes  que  il  couvient  ceuls  morir 
aussi*  3» 

Adonc  fist  la  noble  roine  d'Engleterre  grande  humelitë,  qui 
estoit  durement  enchainte,  et  ploroit  si  tendrement  de  fâtë  qu^  on 

1.  Laoone. 


292  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1347] 

ne  le  pooit  soustenir.  La  vaillans  et  bonne  dame  se  jetta  en  ge- 
nouls  par  devant  le  roi  son  signeor  et  dist  :  «  Ha!  très  chiers 
^es,  puis  que  je  apassai  par  deçà  la  mer  en  grant  péril,  ensi  que 
vous  savés,  je  ne  vous  ai  requis  ne  don  demandet.  Or  vous  prie 
je  humlement  et  reqier  en  propre  don  que,  pour  le  Fil  à  sainte 
Marie  et  pour  l'amour  de  mi,  vous  vœlliës  avoir  de  ces  siis  honmes 
merchi.  3» 

lÀ  rois  atendi  un  petit  à  parler  et  regarda  la  bonne  dame  sa 
fenme  qui  moult  estoit  enchainte  et  ploroit  devant  lui  en  genouls 
moult  tenrement.  Se  li  amolia  li  coers,  car  envis  Teuist  courou- 
cbiet  ens  ou  point  là  où  elle  estoit;  et  qant  il  parla,  il  dist  :  a  Ha! 
dame,  je  amaisse  trop  mieuls  que  vous  fuissiës  d'autre  part  que 
chi.  Vous  priiës  si  acertes  que  je  ne  vous  ose  escondire  le  don 
que  vous  me  demandes  ;  et  conment  que  je  le  face  envis,  tenés,  je 
les  vous  donne,  et  en  faites  vostre  plaisir.  »  La  vaillans  dame  dist  : 
et  Monsigneur,  très  grant  merchis.  » 

Lors  se  leva  la  roine  et  fist  lever  les  siis  bourgois,  et  lor  fist 
oster  les  cevestres  d'entours  lors  cols,  et  les  enmena  avoecques 
lui  en  son  hostel  et  les  fist  revestir  et  donner  à  disner  et  tenir 
tout  aise  ce  jour.  Et  au  matin  elle  fist  donner  à  casqun  sus  nobles 
et  les  fist  conduire  hors  de  l'oost  par  mesire  Sanse  d'Aubrecicourt 
et  mesire  Paon  de  Ruet,  si  avant  que  il  vorrent,  et  que  il  fu  avis 
as  deus  chevaliers  que  il  estoient  hors  dou  péril  ;  et  au  départir  il 
les  conmandèrent  à  Dieu.  Et  retournèrent  li  chevalier  en  l'oost,  et 
li  bourgois  alèrent  à  Saint  Omer.  F^  143  à  144  v^. 

P.  57,  1.  31  :  crestiaus.  —  Ms.  J  i  à  6,  H  à  14,  15  à  17, 
18  À  22  :  creneauk.  F*  168  v^.  —  Mss.  ^  8  à  10  :  creniauz. 
P»  149.  —  Ms.  A  7  :  carniaux.  F*  159.  — Ms.  B  3  :  cameaux. 
P»149. 

P.  58,  1.  11  :  response.  —  Ms^  A  29  :  Lors  commencèrent  à 
plorer  moult  amèrement,  à  crier  et  à  souspirer,  à  détordre  leurs 
mains  et  à  faire  maints  piteux  regrets,  toutes  manières  de  gens, 
et  à  démener  tel  dueil  qu'il  n'est  si  dur  coer,  qui  les  veist  ou 
ouist,  qu'il  n'en  eust  grant  pitië;  et  mesmement  monseigneur 
Jehan  de  Vienne  en  larmoyoit  tendrement.  Quand  monseigneur 
Jehan  de  "^enne,  capitaine  de  Calais,  eut  déclare  au  peuple  de 
CSalais  ce  qu'on  povoit  exploitter  de  grâce  au  roy  d'Engleterre, 
après  se  leva.... 

P.  58,  i.  30  :  en  pur.  —  Mss.  u^  1  à  6  :  en  pour.  P 169.  — 
Mss.  ^  15  à  17  :  en  pure.  P»  166  V.  —Ms.  BZ  :  en.  P  149. 


[1347]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  313.  293 

P.  59, 1.  8  :  filles.  —  Les  mss.  ^  15  à  17  ajoutent  :  mais  que 
maigres  estoient  de  faim.  F*  166  v^. 
P.  59,  1.  10  :  d'Aire.  —  Mss.  ^  8  i  10  :  d'Ane.  F»  149  v». 

—  Mss.  ^  15  à  17  :  d'Ayres.  F*  166  v*. 

P.  59,  1.  11  :  Jakemes.  —  Mss.  A  \  à  ik  i  Jaqaes.  F»  169. 

—  Mss.  ^  15  à  17  :  Pierres,  F»  166  ▼•. 

P.  59, 1.  14  :  Pières.  —  Mss.  ^  15  «  17  :  Jaqaes. 

P.  60,  1.  6  :  d'ancisserie.  —  Ms.  B  3  :  d'anciemietë.  F*  149. 

P.  61,  1.  1  :  fellement.  —  Mss.  A  i  à  ^  -.  felomieusement. 
F»  169  v«.  —  Mss.  ^  15  à  17  :  felomiessement.  F»  166  V>.  — 
Ms.  B  3  :  felomiement.  F»  149  v«. 

P.  62,  1.  2  :  grigna.  —  Mss.  ^  20  <^  29  :  grigna  le  roy  les 
dens.  F«  239  v^.  —  Mss.  A  1,  ZO  à  33  :  grigna.  F»  198  v*.  — 
Ms.  B  Z  :  se  renga.  F^  150. 

P.  62,  1.  31  :  six  nobles.  —  Ms.  B  6  :  quarante  cinq  estre- 
lins.  F>  406. 

P.  62,  1.  32  :  sauvetë.  —  Les  mss.  AiHàil  ajoutent  :  et  s'en 
alèrent  habiter  et  demeurer  en  plusieurs  TÎlles  de  Picardie. 
F»  166  V*. 

S  515.  P.  63,  1.  1  :  Ensi  fîi.  —  Ms.  d'Amiens  :  Si  envoya  li 
rois  (d'Angleterre)  prendre  le  saisinne  de  Callais  par  ses  mares- 
eaux.  Et  furent  pris  prisonnier  tout  li  chevalier  qui  là  estoient, 
et  envoiiet  en  Engleterre.  Et  li  roy  s  et  la  royne  entrèrent  en  Cal- 
lais à  grant  feste.  Si  furent  boute  hors  de  Callais  touttez  mannier- 
rez  de  gens,  hommes,  femmez  et  enfans  ;  et  perdirent  tout  le  leur 
et  leur  hiretaiges,  et  allèrent  demorer  là  où  il  peurent.  Et  le  re- 
peupla li  roys  englèz  de  nouvellez  gens  d'Engleterre.  F®  98. 

— Ms.  de  Rome  :  Ensi  fu  la  forte  ville  de  Calais  assegie  par  le  roi 
Edouwart  d'Engleterre  en  l'an  de  grâce  Nostre  Signeur  mil  trois 
cens  quarante  siis,  environ  la  Saint  Jehan  decolasse,  ou  mois 
d'août;  et  fu  conquise  en  l'an  de  grâce  Nostre  Signeur  mil  trois 
cens  quarante  sept,  ou  mois  de  septembre. 

Qant  li  rois  d'Engleterre  ot  fait  sa  volent^  des  siis  bourgois  de 
Calais  et  il  les  ot  donnes  à  la  roine  sa  fenme,  ensi  que  chi  desus 
est  dit,  il  appella  messire  Gautier  de  Mauni  et  ses  mareschaus  le 
conte  de  Warvich  et  mesire  Richart  de  Stanfort  et  leur  dist  : 
<c  Signeur,  prenës  ces  clefs  de  la  ville  et  dou  chastiel  de  Calais. 
Si  en  aies  prendre  la  saisine  et  posession,  et  prenës  tous  les  che- 
valiers qui  là  dedens  sont  et  les  metës  en  prison  ou  faites  leur 


Î94  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1347] 

jurer  et  fiander  prison.  Il  sont  gentilhonme,  on  les  recrera  bien 
sus  lors  fois  ;  et  tout  le  demorant,  saudoiiers  et  aultres,  faites  les 
partir  :  je  les  quite.»  Ghil  doi  baron,  ayoecques  mesire  Gautier 
de  Mauni,  respondirent  :  «  Il  sera  fait.  » 

Si  s'en  tinrent  li  doi  marescal  et  mesires  Gantiers  de  Mauni,  à 
cent  hommes  et  deus  cens  archiers  tant  seullement,  en  la  yille  de 
Calais,  et  trouvèrent  mesire  Jehan  de  Viane,  mesire  Emoul  d'Au- 
drehen,  mesire  Jehan  de  Surie  et  les  chevaliers,  qui  les  atendoient 
à  rentrée  de  la  porte,  qui  estoit  toute  close,  horsmis  le  guicet. 
Chil  chevalier  firanoois  requellièrent  ces  chevaliers  d'Engleterre 
bellement  et  lor  demandèrent  des  siis  bornais  conment  il  avoient 
finet,  et  se  li  rois  les  avoit  pris  à  merchi.  Il  respondirent  :  «  OÙ, 
à  la  priière  madame  la  roine  d'Engleterre.  »  De  ce  furent  il  tout 
resjol. 

Les  portes  et  les  baïQes  de  Calais  forent  ouvertes  :  les  Englois 
entrèrent  dedens  et  se  saisirent  de  la  ville  et  don  chastiel.  Et  fo- 
rent mis  en  prison  courtoise  mesires  Jehans  de  Viane  et  tout  li 
chevalier  de  France,  et  toutes  aultres  gens,  honmes,  fenmes,  en- 
fsms,  mis  hors.  Chil  qui  passèrent  parmi  l'ost  d'Engleterre,  li  che- 
valier englois  et  li  vaillant  honme  en  avoient  pité  et  lor  donnoient 
à  disner,  et  encores  de  l'argent  à  lor  département;  et  il  s'en 
aloîent,  ensi  que  gens  esgarës,  pour  quérir  lors  mieuls  aillours.  Il 
en  i  ot  aussi  auquns  qui  passèrent  parmi  l'ost  des  Flamens  qui 
gissoient  entre  Gravelines  et  Calais.  Aussi  les  Flamens  par  pîté 
lor  fissent  des  douçours  et  des  courtoisies  assës.  Ensi  s'espardi- 
rent  ces  povres  gens  de  Calais,  mais  la  grignour  partie  se  retrais- 
sent  à  Saint  Omer,  et  orent  là  biaucop  de  recouvrances. 

Les  marescaus  d'Engleterre  et  mesires  Gantiers  de  Mauni,  qui 
forent  envoiiet  de  par  le  roi  en  la  ville  de  Calais,  le  fissent  toute 
et  tantos,  et  le  chastiel  aussi,  netoîier,  ordonner  et  apparillier,. 
ensi  que  pour  le  roi  et  là  roine  recevoh*.  Qant  il  orent  tout  ce  fait 
et  le  chastiel  ordonne  pour  logier  le  roi  et  la  roine,  et  tout  li 
aultre  hostel  furent  widië  et  apparilliet  pour  recevoir  les  gens 
•  dou  roi,  on  le  segnefia  au  roi.  Âdonc  monta  il  à  ceval  et  fist 
monter  la  roine  et  leur  fil  le  prince,  les  barons  et  les  chevaliers; 
et  oevauchièrent  à  grant  glore  deviers  Calais  et  entrèrent  dedens 
la  ville  à  si  grant  foisson  de  menestrandies,  de  troupes,  de  ta- 
bours,  de  claronchiaus,  de  muses  et  de  canemelles  que  grant 
plaisance  estoit  à  considérer  et  regarder.  Et  chevaucièrent  ensi 
jusques  au  chastiel;  et  là  descendirent  li  rois,  la  roine,  li  princes, 


[1347]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  313.         295 

Ë  contes  Derbi  et  li  sign/eur.  Les  auquns  demorèrent  avoecques 
le  roi,  qui  logîet  on  chastiel  estoient  ;  et  les  aultres  se  traissent  as 
hostels,  lesquels  on  avoit  ordonné  pour  euls. 

Et  donna  U  rois,  ce  premier  jour  que  il  entra  en  Calais,  à  dis- 
ner  ens  ou  chastiel  de  Calais,  la  roine,  les  dames  et  les  damoi* 
selles,  les  contes,  les  barons  et  les  chevaliers,  et  non  pas  de 
pourveances  de  la  ville,  mais  de  celles  de  lor  hoost  qui  lor  estoient 
venues  et  venoient  encores  tous  les  jours  de  Flandres  et  d'Engle- 
terre.  Et  devës  savoir  que,  le  siège  estant  devant  Calais,  il  vinrent 
en  Toost  le  roi  d'Engleterre  moult  de  biens  et  de  larguèces  par 
mer  et  par  terre  dou  pais  de  Flandres  ;  et  euissent  eu  les  Engïois 
des  defautes  assës,  se  les  Flamens  n'euissent  esté.  Ghe  jour  furent 
toutes  les  portes  de  Calais  ouvertes,  et  vinrent  moult  de  Flamens 
veoir  Testât  dou  roi  d'Engleterre.  Et  estoient  toutes  les  cambres 
dou  chastiel  de  Calais,  la  salle  et  les  alëes  encourtinées  et  parées 
de  draps  de  haute  lice,  si  ricement  conme  as  estas  dou  roi  et  de 
la  roine  apertenoit.  Et  aussi  estoient  les  hostels  des  contes  et  des 
barons  d'Bngleterre,  qui  se  tenoient  en  la  ville,  et  persévérèrent 
ce  jour,  en  grant  joie  et  en  grant  reviel. 

Le  second  jour,  aprîès  que  li  rois  d'Engleterre  entra  en  Calais, 
il  donna  à  disner  ens  ou  chastiel  de  Calais  tous  les  plus  notables 
bourgois  de  Flandres  des  conmunautés  des  bonnes  viles,  par  la- 
quelle promotion  les  honmes  de  Flandres  estoient  là  venu  servir 
le  roi.  Et  fil  li  disners  biaus  et  grans  et  bien  estofés;  et  au  congiet 
prendre  au  roi,  li  dis  rois  les  remercia  grandement  dou  service 
que  fait  li  avoient.  Et  retournèrent  les  Flamens  en  lor  hoost,  et  à 
l'endemain  il  se  départirent  tout  et  retournèrent  en  leurs  liens. 
Ensi  se  portèrent  les  besongnes  de  Calab.  Et  donna  li  rois  d'En- 
gleterre  congiet  à  toutes  manières  de  gens  d'armes  et  archiers  pour 
retourner  en  Bngleterre,  et  ne  retint  que  son  fil,  le  prince  de 
Galles,  et  son  consel,  et  sa  fenme  la  roine,  dames  et  damoiselles 
et  lor  estât,  et  son  cousin  le  conte  Derbi. 

Et  donna  li  rois  as  pluisseurs  de  ses  barons  des  biaus  hostels  de 
Calais,  à  casqun  selonc  son  estât,  pour  euls  tenir,  demorer  et  lo- 
gier,  qant  il  vodrolent  passer  la  mer  d'Engleterre  à  Calais.  Et 
forent  les  dons,  les  auquns  à  hiretage,  et  les  aultres  à  la  volenté 
dou  roi.  Et  furent  tout  li  manant  en  la  viUe  de  Calais,  au  jour  que 
elle  fu  rendue,  bouté  hors.  Et  ne  furent  retenu  tant  seullement 
que  euls  trois  anciiens  honmes,  lesquels  savoient  les  usages  et  les 
coustumes  de  la  ville,  entre  lesquels  il  i  avoit  un  prestre  pour 


296  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1347]  ' 

rasener  les  maniemens  des  hiretages,  ensi  conme  il  se  portoîe&t.  ^^ 

Car  ce  estoit  li  intension  don  roi  et  de  son  consel  que  elle  seroit 
redefie  et  raemplie  de  purs  Englois,  et  que  on  i  envoieroit  de  la 
chitë  de  Londres  douse  bonrgois  notables,  rices  honnies  et  bons 
marceans,  et  encores  des  chités  et  bonnes  villes  d'Engleten^ 
vingt  quatre  bourgois  et  avoecques  ces  trente  siis,  fenmes,  enfims 
et  toutes  lors  familles,  et  en  desous  de  euls,  aoltres  honmes,  ou- 
vriers de  tous  estas,  par  quoi  la  ville  se  refourmeroit  toute  de 
purs  Englois.  Et  seroit  à  Calais  li  estaples  des  lainnes  d'Engleterre, 
dou  plonc  et  de  Festain;  et  se  venroient  ces  trois  maroeandises 
coustumer  à  Calais,  et  feroient  là  le  qai  et  le  havene. 

li  rois  d'Engleterre,  pour  toutes  ces  coses  ordonner  et  mettre 
à  lor  devoir,  se  tint  à  Calais  sans  retourner  en  Engleterre  bien 
un  quartier  de  un  an,  et  tant  que  la  roine  sa  fenme  i  fu  acouchie 
et  ralev^  de  une  belle  fille,  laquelle  ot  nom  Margerite,  et  fii 
depuis  contesse  de  Pennebruq,  mais  elle  morut  jone.  Le  roi  d'En- 
gleterre estant  à  Calais,  tout  fu  remparet  et  raparilliet  ce  qui 
desemparet  estoit.  Et  furent  envoiiet  en  Engleterre  mesures 
Jehans  de  Viane  et  mesires  Emouls  d'Audrehen  et  les  cbevaHers 
qui  dedens  Calais  estoient  au  jour  que  elle  fu  rendue,  et  avant 
que  li  rois  d'Engleterre  se  departesist  de  Calais.  F^  144  v^ 
et  145. 

P.  63,  1.  3  :  decolasse.  —  Ms.  f  6  :  à  l'isue  du  mois  d'auoust. 
F»  406. 

P.  63,  1.  8  :  femme.  —  Mt.  ^  9  :  il  envia  ses  marisaulx 
monseigneur  Gautier  de  Mauny,  messire  Renault  de  Gobehen. 
F»  406. 

P.  63,  1.  9  :  le  baron.  —  Mss.  ^  1  i^  6,  11  a  14,  18  à  33  : 
le  conte.  F»  170  v». 

P.  63,  1.  17  :  partir. — Mt.  J?  6  :  en  leurs  simples  draps  sans 
plus.  F*  406. 

P.  63,  1.  24  :  Viane.  —  Les  mss.  A  omettent  :  Emoul  d'Au- 
drehen. 

P.  63,  1.  26  :  Bauduin.  —  Mss.  ^  20  à  22  :  Baudin.  F"  240. 
—  Mss,  ^  23  â  33  :  Jehan.  F>  185. 

P.  64,  1.  3  :  hiretages.  —  Ms,  A  29  :  Quand  le  peuple  de 
Calais,  hommes,  femmes  et  enfans,  eurent  vuidë  la  ville,  les  troys 
chevaliers  firent  très  honnestement  ordonner  le  chastel  pour 
loger  le  roy  et  la  royne,  puis  vindrent  sur  le  marche;  et  si  ap- 
pareillèrent tous  les  bons  hostels  pour  loger  les  comtes,  barons 


[i347]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  3i4.         297 

et  chevaliers,  chascun  selon  son  estât.  Et  ainsi  fut  ordonné  pour 
recevoir  en  Calais  le  roy  et  sa  chevalerie.  Quant  ce  fut  fait,  le 
roy  monta  à  cheval  et  fit  monter  la  royne  sur  son  chariot,  qui 
fut  moult  grandement  acom|>agnëe  de  dames  et  damoiselles;  puis 
montèrent  snr  bons  destriers,  comtes ,  barons ,  chevaliers  et  es- 
cuyers. 

P.  64, 1.  11  :  tabours.  —  Ltt  mss.  Jl  iàl.iî  à  14, 18  à  33 
ajouient  :  de  nacaires.  F*  170  v*».  — Les  mss,  ^  8  à  10  ajoutent: 
de  nacaires,  de  chalemies.  F*  150  v<*.  —  Les  mss,  ^  15  à  17 
ajoutent  :  de  nacaires,  de  chalemies,  de  vieUes,  cistolles  et  autres 
talleraires.  F*  168.  —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  de  menestriers,  de 
trompâtes,  tabourins,  chalumelles  et  tous  autres  instrumens  qu'on 
pourroit  nommer.  —  />  ms.  B  4  ajoute  :  de  canemelles.  F*  141. 

P.  64,  1.  27  :  Bietremieu  de  Brues.  — Mss,  A  i  à  ^  \  Berthe- 
lemi  de  Brunes.  F<*  171.  —  Ms.  A  7  :  Bertremieu  de  Breuues. 
P>  161.  —  Mss.  ^  8  ^  10  :  Berthelemi  de  Bruhes.  P>  151.  — 
Mss.  ^  11  ^  14,  18,  19  :  Berthelemi  de  Breuues.  F*  159  v«.  — 
Mss.  ^  15  à  17  :  Berthelemieu  de  Brunes.  F*  168. — Mss.  A  20 
à  22  :  Bartholomieu  de  Brunes.  F*  240  v«.  —  Mss.  ^  28  ^  33  : 
Berthelemy  de  Brunes.  F*  185  v«.  —  Ms.  B  3  :  Bartolemy  de 
Bruges.  F»  150  v<>.  —  Ms,  B  4  :  Bertremieu  de  Bruhes.  F°  141. 

P.  65 ,  1.  7  :  deffaite.  —  Ms.  ^  6  :  et  fist  abatre  et  oster  le 
grant  castiel  de  bos  qui  estoit  sur  les  dunes  à  Tendroit  du  havre. 
F»  407. 

P.  65, 1.  12  :  fait.  —  Ms.  2^  6  :  Et  demora  là  à  tout  grans  gens 
d'armes  par  l'espasse  de  trois  sepmaines.  F*  407. 

P.  65,  1.  13  :  Viane.  —  Le  ms.  A  29  ajoute  :  monseigneur 
Jehan  de  Surie. 

P.  65,  1.  15  :  raençon.  —  Les  mss,  ^15^17  ajoutent  :  assez 
courtoise.  F»  168. 

S  S14.  P.  65,  1.  16  :  Or  me  samble.  —  Ms.  iT Amiens  :  En 
celle  annëe  fii  acordée  une  trieuwe  entre  le  roy  de  France  et  le 
roy  d'Engleterre,  à  durer  deus  ans,  par  le  pourcach  don  cardinal 
de  Boulongne,  qui  estoit  en  Franche.  Et  retourna  li  roys  d'En- 
gleterre arrière  en  son  pays,  quant  il  eut  bien  pourveu  le  ville  de 
Cailais,  et  la  roynne,  sa  femme,  avoecq  lui.  F°  ^8. 

—  Ms.  de  Borne  :  Or  m'est  avis  que  c'est  grande  imagination 
de  piteusement  penser  et  osi  considérer  que  chil  grant  bourgois 
et  ces  nobles  bourgoises  et  lors  biaus  enfans,  qui  d'estoc  et  d'e^ 


298  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1347] 

tration  avoient  demoret,  et  lor  predicessour,  en  la  viOe  de  Calais» 
devinrent,  des  quels  il  î  avoit  grant  fuisson,  au  jour  que  elle  fîi 
rendue.  Ce  fu  grans  pitës,  qant  il  lor  convint  guerpir  lors  biaus 
hostels  et  lors  fairetages,  lors  meubles  et  lors  avoirs ,  car  riens 
n'enportèrent;  et  si  n'en  orent  onques  restorier  ne  recouvrîer 
dou  roi  de  France  pour  qui  il  avoient  tout  perdu.  Je  m'en  pas- 
serai de  euls  briefinent  à  parler  :  il  fissent  au  mieuls  que  il  po- 
rent,  mais  la  grignour  partie  de  euls  se  traist  en  la  viDe  de  Saint 
Omer. 

Encores  se  tenoit  li  rois  d'Engleterre  à  Calais,  pour  entendre 
le  plus  parfaitement  as  besongnes  de  la  ville,  et  li  rois  Phelippes 
de  France,  en  la  bonne  chitë  d'Amiens.  Et  estoit  dalës  lui  nou- 
vellement venus  uns  siens  cousins  cardinauls,  mesires.Gms  de 
Boulongne ,  en  très  grant  estât.  Et  l'avoit  papes  Clemens ,  qui 
resgnoit  pour  ce  temps,  envoiiet  d'Avignon  en  France.  Et  tenoit 
chib  dis  cardinauls  trop  grandement  biel  estât  et  estofet,  et  aloit. 
sus  les  biens  de  l'Eglise  à  plus  de  deus  cens  cbevaus.  Onques 
sains  Pières,  ne  sains  Pois,  ne  sains  Andrieus  n'i  alèrent  ensi; 

Chîls  cardinauls  de  Boulongne,  à  sa  bienvenue  deviers  le  roi 
de  France,  quist  voie  et  moiien  et  amis  deviers  le  roi  d'Engleterre 
conment  il  vint  à  Calais;  et  lui  là  venu,  il  procura  tant  deviers 
le  dit  roi  et  son  consel  le  conte  Derbi,  mesire  Renault  de  Gobe- 
bem,  mesire  Richart  de  Stanfort  et  mesire  Gautier  de  Mauni,  que 
unes  trieuves  furent  prises  entre  les  deus  rois  de  France  et  d'En- 
gleterre et  de  tous  lors  abers  et  aidans ,  à  durer  deus  ans  par 
mer  et  par  terre.  Et  fiirent  reservet  et  exceptet  en  celle  trieuve 
les  deus  dames  de  Bretagne,  la  fenme  à  mesire  Carie  de  Blois  et 
la  contesse  de  Montfort;  et  tinrent  toutdis  ces  deus  dames  en 
Bretagne  la  guerre  li  une  contre  l'autre. 

Ces  trieuves  acordëes  et  jurées  à  tenir  le  terme  de  deus  ans 
tant  seullement,  li  cardinaus  de  Boulongne  retourna  à  Amiens 
deviers  le  roi  de  France.  Et  li  rois  d'Engleterre  ordonna  ses  be- 
songnes et  s'en  retourna  en  Engleterre,  et  i  remena  la  roine  sa 
fenme  et  tous  lors  enfans  et  lor  estât,  dames  et  damoiselles,  et  ne 
laissièrent  nului  derrière;  et  ordonna  à  demorer  en  Calais  et  à 
estre  chapitainne  un  chevalier  lombart,  lequel  on  nonmoit  mesire 
Ameri  de  Pavie.  Et  estoit  li  dis  chevaliers  très  grandement  en  la 
grâce  et  amour  dou  dit  roi,  car  il  l'avoit  servi  un  lonch  temps. 
Et  bien  se  confioit  li  rois  en  li ,  qant  il  li  bailloit  en  garde  le 
jeuiel  ou  monde  à  ce  jour  que  il  amoit  le  mieuls  :  c'estoit  la  ville 


[1847]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  315.         «99 

et  le  castiel  de  Calais.  Se  l'en  deobt  estre  priés  mesvenUy  ensi 
que  vous  orës  recorder  en  l'istore.  F*  145  V*  et  146. 

P.  65,  1.  16  :  Or....  anuis.  —  Mss.  ^  1  à  6,  15  ^  17  :  Or 
m'est  advis  qae  c'est  grand  advis.  F*  171. ^ilf^.  ^  7  ^  10,  18, 
19  :  Or  m'est  avis  que  c'est  grant  avis.  F*  151 .  —  Mss.  J  M  à 
14  :  Or  m'est  advis  que  c'est  grant  avis.  F*  159  v<*.  —  Mss.  A  20 
À  22  :  Or  me  samble  que  c'est  grant  annuy.  F*  249  v*.  — 
Mss.  ^  23  À  33  :  Or  m'est  avis  que  c'estoit  grant  pitié. 
F»  185  V». 

P.  65,  K  28  :  Saint  Omer.  —  Ms,  i?  6  :  Et  en  Flandres  et  en 
Artois  et  en  Boulenois  et  aultre  part.  Les  aucuns  les  plaindoient 
et  les  antres  non ,  car  en  devant  le  siège  le  ville  de  Calais  avoit 
le  renommée  de  tous  cheulx  qui  le  congnoissoient  et  antoient,  que 
c'estoit  l'eune  des  villes  du  monde  le  plus  plaine  de  pechiés,  où  le 
plus  de  roberies  et  de  choses  mal  acquises  demoroient  et  conver- 
tisoient.  Sy  disoient  les  aulcuns  qui  les  congnoissoient  que  Dieu 
les  avoit  paiiet  seloncq  leur  déserte,  car  à  paine  povoient  nulz 
gens  aller  par  mer,  s'U  n'estoient  trop  bien  acompaigniés,  qui  pas- 
soient  devant  le  havre  qu'il  ne  fussent  mourdris  ou  desrobés.  Et 
pour  che  les  haioit  le  roy  englès.  F^  408. 

P.  66»  l.  4  :  Boulongne.  —  Les  mss,  ^  1  ^  6, 11  ^  14',  18  à 
22  ajovunt  :  son  cousin.  F*  171 . 

P.  66,  1.  5  :  légation.  —  Ms»  B  6  :  Tant  alèrent  (les  deux 
cardinaux)  de  l'un  à  l'autre  que  unes  trièvez  furent  prisez  entre 
les  deux  rois  et  leur  gens,  et  devoit  durer  jusques  à  le  Saint 
Jehan  Baptiste  qui  seroit  Tan  de  grâce  mil  trois  cens  quarante  huit. 
F»  409. 

P.  66,  1.  10  :  l'autre.  —  Ms.  A  29  :  Quant  la  dame  eut  esté 
un  mois  en  gesine  en  la  ville  de  Calais. 

P.  66,  L  21  et  22  :  quatre  cens.  ^Mss.  Ai  à  14,  18  ^  38  : 
trois  cens.  F*  171  v*. 

P.  66, 1.  24  :  si  grandes.  —  Ms,  A  29  :  que  plusieurs  beaux 
et  bons  mesnages  s'y  vindrent  amasser  voulontiers. 

§  515.  P.  67,  1.  12  :  Toute.  —  Ms.  de  Rome:  Quoi  que  les 
trieuves  fuissent  bien  tenues  entre  le  roi  de  France  et  le  roi 
d'Engleterre,  tant  que  de  lors  personnes  et  de  ceuls  où  lors  pois- 
sances  et  semonces  et  conmandemens  se  pooient  estendre,  se 
conmençoient  jà  à  courir  pluisseurs  enventureus  brigans  et  p3- 
lars  ens  es  lontainnes  marces  de  France ,  eus  es  lieus  où  Q  sen- 


300  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [1348] 

toient  les  chevaliers  foibles  et  non  fait  de  la  guerre,  et  pren- 
doient  lors  villes  et  lors  castiaus;  car  il  se  queUoient  ensamble 
une  qantitë  de  tels  gens  d'armes,  alemans  ou  autres,  qui  sus 
l'ombre  de  la  guerre  faisoient  lors  fais  et  lors  emprises,  et  ne 
lor  aloit  nuls  au  devant.  Et  voloient  bien  li  auqun  dire  *que  il 
estoient  porte  couvertement  et  souffert  des  offîciiers  dou  roi  et 
des  chevaliers  et  esquiers  dou  pais  où  il  conversoient,  et  que 
chil  estoient  participant  à  lors  butins  et  pillages.  Dont  je  vous  di 
que,  depuis  toutes  teb  coses  et  apertises  d'armes,  furent,  parmi 
le  roiaulme  de  France,  escoles  de  toutes  iniquités  et  mauvestés; 
car  trop  fort  se  moutepliièrent,  par  le  laisseur  et  amplèce  que  il 
orent  de  conmencement,  ensi  que  vous  orés  recorder  avant  en 
l'istore. 

Il  i  eut  un  brigant  pillart,  et  croi  que  il  fa  alemans,  qui  trop 
fort  resgna  en  Limosin  et  en  la  Lange  d'Oc,  lequel  on  nonmoit 
Bacon.  Chils  avoit  aultres  brigans  desous  lui,  et  le  tenoient  à 
mestre  et  à  capitainne,  pour  tant  que  il  estoit  le  pieur  de  tous 
les  aultres  et  li  plus  outrageus,  et  bien  les  paioit  de  mois  en  mois, 
et  fu  trop  malement  apers  et  soubtieus  à  embler  et  esqieler  villes 
et  forterèces.  Et  cevauçoient,  tels  fois  estoit,  ils  et  ses  compa- 
gnons, vint  ou  trente  lieues  de  nuit  par  voies  couvertes,  et  ve- 
noient,  sus  le  point  de  un  ajournement,  là  où  il  voloient  estre,  et 
esqielloient  le  lieu  où  il  avoient  jetë  et  asis  leur  visée  ;  et  qant  il 
estoient  dedens  une  ville,  ils  boutoient  le  feu  en  cinq  ou  en  siis 
maisons.  Les  gens  de  celi  ville  estoient  esbahi  et  gerpisoient  tout 
et  s'enfuioient.  Et  chil  pillart  ronpoient  cofres  et  escrins  et  pren- 
doient  ce  que  de  bon  il  trouvoient  dedens,  et  aussi  des  plus  rices 
honmes  à  prisonniers,  et  les  rançonnoient.  Et  vendoient  les  villes 
que  pris  avoient  as  honmes  dou  pais  et  à  ceuls  meismes  lesqueb 
boutes  hors  il  en  avoient,  et  en  prendoient  grant  argent,  selonch 
ce  que  il  se  pooient  composer.  Et  par  tels  cas  asamblèrent  chil 
pillart  trop  malement  grant  finance.  Et  prist  chils  Bacons  la  ville 
de  Dousenach  en  Limosin  et  le  pilla  toute,  et  encores  le  vendi 
ilss  en  deniers  apparilliés,  qant  il  s'en  départi,  diis  mille  esqus. 

Apriès,  chils  Bacons  et  ses  gens  prisent  le  ville  et  le  chastiel  de 
GomJxtme  et  le  visconte  et  la  contesse  et  lors  enfans  dedens,  et 
les  rançonna  à  vingt  quatre  mille  esqus  et  retint  le  chastiel  et 
trouva  cautelle  et  action  de  guerrier  le  pais,  pour  tant  que  chils 
viscontes  de  Gomborne  s' estoit  armés  pour  la  contesse  de  Mont- 
fort,  car  chils  Bacons  estoit  de  la  partie  à  la  fenme  mesire  Carie 


[1348]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  315.         301 

de  Blois.  En  la  fin  il  vendi  le  chastiel  an  roi  de  France,  et  en  ot 
en  deniers  tous  apparilliës  vingt  quatre  [mille]  esqus,  mais  on 
les  fist  paiier  le  plat  pais.  Et  fist  chils  viscontes  de  Gonboume  sa 
paix  au  roi  de  France.  Et  li  rois  volt  avoir  ce  Bacon  dalës  li,  et 
fu  wisiers  d'armes  don  roi  et  bien  en  la  grâce  don  roi  Phelippe 
et  dou  roi  Jehan,  et  tous  jours  bien  montés  de  coursiers,  de  ron- 
cins  et  de  hagenëes  ;  et  avoit  assés  grant  finance  d'or  et  d'argent, 
et  demora  en  bon  estât  tant  que  il  vesqui.  F>  146. 

P.  67,  1.  30  et  31  :  gaegnoient.  —  Ms,  B  3  :  pauvres  gens 
de  guerre  et  brigans.  P»  151  v«. 

P.  68,  1.  5  :  quarante  mil.  —  Mss.  ^  8  ^  10,  15  à  17  : 
soixante  mil.  F®  151  v®. 

P.  68,  1.  5  :  escus.  —  Ms.  B  ^  :  florins.  F«  411. 

P.  68,  1.  9  :  s'assembloient  —  Ms.  B  6  :  trente  brigans  ou 
quarante.  P*  411. 

P.  68, 1.  13  :  maison.  —  Les  mss.  J  i  àe,  ii  à  14,  16  àll 
ajoutent:  ou  en  deux.  P  172. 

P.  68, 1.  19  :  Donsonak.  —  Mss.  Aiàl,i\  à  14,  23  à  29  : 
Donsenok,  Dousenok.  F»  172.  —  Mss.  A  %  à  \(i  :  Donsenac. 
F*  151  V».  —  Mss.  ^  15  à  17.  :  Dondenach.  P»  169.  — 
Mss.  A  \%,  19  :  Dousenach.  F»  176.  —  Mss.  ^  20  à  22  :  Don- 
zenork«  F>  242.  —  Mss.  ^  30  à  33  :  Dousenos.  P>  199  v». 
—  Ms.  B  3  :  Donzenac.  F*  151  v*.  -^  Ms.  B  4  :  Dousenak. 
Fol42. 

P.  68,  1.  24  :  Gomboume.  —  Mss.  .^  18,  19  :  Gombom. 
F»  176.  ^  Ms.Al  :  Couboume.  F«  162  —  Ms.  B  3  :  Gom- 
bort.  F 151  v«. 

P.  68,  1.  24  :  en  Limozin.  —  Ms.  B  6  :  assës  près  de  limo- 
ges. F»  412. 

P.  68,  1.  27  :  prisent.  —  Ms.  ^  6  :  sur  son  lit.  P»  412. 

P.  68,  1.  28  :  appelloit.  —  Mss.  A  29  :  monseigneur  Jehan. 

P.  68,  1.  31  et  32  :  vingt  quatre.  —  Ms.  B  6  :  vingt  trois. 
P»412. 

P.  69,  1.  4  :  vingt  mil.  — -  Mss.  A1(S  à  ^%  et  B  ^ -.  trente 
mille.  P>  242. 

P.  69,  1.  4  et  5  :  au  roy  de  France.  —  Mss.  ^  20  à  22  :  au 
dit  roy  Phelippe. 

P.  69, 1.  6  :  Bacons.—- ilfr.  ^6  :  Bâchons.  F»412.  — ilf«.  A  1 
à  14  :  Bacon.  F"»  172.  —  Mss.  ^  15  ^  17  :  Guillaume  Bacon 
F  168. 


302  CmiONIQU£S  DB  J.  FROISSAET.  [1348] 

P.  69,  1.  iO  :  vesqpi*  —  Les  nus»  ^  20  â  22  ajoutent  •*  en  ce 
monde.  F*  242. 

§  S16.  P.  69, 1.  il  :|  En.  —  Ms.  de  Rome  :  Parenement 
et  de  ce  temps  ot  un  homme  d'armes ,  en  Bretagne  y  alemant 
que  Ton  clama  Grokart,  liqueb  avoit  este  en  son  commen- 
cement uns  varies  au  signeur  d'Erde  en  Hollandes,  mais  il  se 
porta  si  bien  ens  es  guerres  de  Bretagne  par  prises  de  villes  et 
de  chasdaus  et  des  racas  fais  et  de  raençons  de  gentils  honmies 
que,  qant  il  ot  assës  menet  celle  ruse  et  il  fu  tanés  de  guerriier 
et  de  mal  faire,  il  raporta  la  finance  de  soissante  mille  vies 
esqus.  Et  fîi  chib  Grokars  uns  des  chiaus  qui  forent  arme  avoec- 
ques  les  Englois  en  la  bataille  des  Trente,  et  fu  tous  li  mieudres 
de  son  costë;  eti  acquist  tel  grâce  que  li  rois  Jehans  de  France 
li  manda  que,  se  il  voloit  relenqir  les  Englois  et  devenir  Fran- 
çois, il  le  feroit  chevalier  et  li  donroit  fenme  et  mille  esqus  de 
revenue  par  an.  Il  refosa  à  ce. 

Chib  Grokars  vint  en  Hollandes  en  grant  estât,  et  pour  ce  que 
il  vei  que  li  signeur  qui  le  congnissoient,  n'en  faisoient  point  de 
compte,  il  retourna  en  Bretagne,  en  ce  temps  que  li  dus  de  Lan- 
castre,  Henris  qui  chi  desus  est  nonmës  contes  Derbi,  seoit  à 
siège  devant  la  chitë  de  Rennes.  li  dus  li  fist  grant  chière  et  le 
retint  de  son  hostel  à  douse  chevaus,  et  avint  de  Grokarf  ce  que 
je  vous  en  dirai. 

Une  fois,  il  cevauçoit  un  coursier,  liqueb  li  avoit  cousté  trois 
cens  esqnsy  et  l'avoit  tout  nouviel  et  le  volt  asaiier  pour  veoir  et 
scavoir  conment  il  s'en  poroit  aidier,  se  il  li  besongnoit  ;  et  ferit 
ce  coursier  des  esporons,  liqueb  estoient  fors  et  rades  et  mal 
enbouqiës,  et  vint  asallir  un  fosset.  Li  coursiers  tresbusca  et 
rompi  son  mestre  le  col.  Ensi  fina  Grokars.  F<*  146  v^. 

P.  69, 1.  il  :  En  tèle.  —  Msi.  Ai  à  ik,  i8,  i9,  30  à  33  : 
En  autelle.  F»  172.  —  ilf^.  ^  4  :  En  otelle.  po  142. 

P.  69,  1.  19  :  Grokart.  —  Mss.  ^  1  ^  6,  11  à  14,  18,  19  : 
Grokat.  F>  172.  —  Mss.  ^  8  à  10,  15  ^  17,  20  à  33  :  Gro- 
quart.  F»  152.  —  Mss.  A  18,  19  :  Groquat.  F»  176.  —  Ms. 
B  3  :  Grocart.  F"  151  V».  —  Ze  nu.  ^  29  ajoute  :  natif  du 
comté  de  Flandres. 

P.  69,  1.  20  et  21  :  Ercle.  —  Mss.  A  i\^  à  il  :  Herdeh. 
po  169  V>.  — .  Mss.  ^  20  â  22  :  Arcles.  F»  242. 

P.  69,  1.  25  :  le  vasselage.  •»  Mss.  Ai  à  il^  ii  à  14» 


[1349]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  317.         808 

18  à  33  :  la  prouesce.  F»  17S.  —  Ms.  ^  3  ;  la  vaillantise. 
F*  182. 

P.  70,  \.  S  :  le  fin.  —  Mu.  ^  1  à  14,  18  ^  22  :  la  finance. 
F"»  172. 

P.  70,  1.  3  :  soissante  mil.  —  Mss.  ^  15  à  17  :  cent  mille. 
F>  169  v<>.  —  Mst.  u/  20  à  33  :  quarante  mille.  F>  242  y«. 

P.  70,  1.  7  :  Trente.  —  M$.  i?  6  :  et  fu  li  uns  des  prins  à 
celle  bataille  avoecques  les  aultres.  F®  414.  —  leM  Mss.  Ai^^ 

19  ajoutent  :  contre  Trente.  F®  176  y®. 

P.  70,  1.  8  :  li  mieudres.  —  Jdss.  Ai  àl.iià  14,  18,  19, 
23  ^  33  :  le  meilleur  oombatant.  F»  172.  —  Mst.  A  ^àiO,  15 
À  17  :  le  mendre.  F*  152.  —  Ms.  B  ^  :  le  meilleur.  F^"  152. 

P.  70,  1.  16  :  trois  cens.  —  Mss,  A  i  à  Q  :  trois  mille. 
P  172  y».  —  ilf^.  i?  3  :  quatre  cens.  F*  152. 

P.  70,  1.  19  :  trébucha.  —  M^.  J^  6  :  Sy  se  brisa  le  dit  Gro- 
kars  le  haterieU  F^  414. 

P.  70,  1.  21  :  ensi.  —  Ms,  B  ^  i  Sy  brigans  montepljèrent 
puissedy  tant  que  maint  damaige  en  avint  en  pbiiseors  marches 
par  le  royalme  de  Franche.  P  414. 

S  517.  P.  70,  1.  22  :  En  ce  temps.  —  Ms.  d'Amiens  :  Celle 
trieuwe  fîi  assës  bien  tenue,  mais  il  avint  en  celle  année  que  mes- 
sires  Jolfirois  de  Ciargny,  qui  se  tenoit  à  Saint  Qmer  et  à  qui  du- 
rement anuioit,  et  à  aucuns  chevaliers  de  Picardie,  de  le  prise  de 
dallais,  tretièrent  tant  deviers  monseigneur  Ainmeri  de  Pavie,  un 
chevalier  lombart,  cappittaine  de  dallais,  que  pour  argent  il  leur 
eut  en  couvent  de  rendre  et  livrer  dallais,  à  un  certain  jour  qui 
mis  y  fu,  parmy  vingt  mil  escus  qu'il  en  dévoient  paiier.  Qr  avint 
que  li  roys  d'Ebgleterre  seut  ce  markiet,  je  ne  say  oumnent,  et 
manda  à  Londres  monseigneur  Ainmeri  et  Tespoenta  bien.  Tout» 
tesfois,  finablement,  il  li  dist  qu'il  poursieuvist  son  marchiet  et 
qu'il  seroit  à  le  journée,  et  parmy  tant  il  li  pardonroit  tout  son 
fourfet.  Messires  Aiomeri,  qui  cuida  hien  estre  mors,  li  eut  en 
couvent  et  vint  de  redef  à  dallais.  F*  98. 

— Ms.  de  Borne  :  Or  retournons  à  la  matère  dont  je  parloie,  qant 
je  oonmençai  à  parler  de  Racon  et  de  drokart.  Vous  devés  sça- 
voir  que  en  la  ville  de  Saint  Omer  se  tenoit  uns  moult  vaillans 
chevaliers  firançois,  liquels  se  nonmoit  mesires  Joffirois  de  dargni, 
et  croi  que  il  soit  as  armes  dampegnob.  dhib  mesires  JoflBrois  es- 
toit  en  coer  trop  grandement  cooronchiés  de  la  prisa  et  don  ooo- 


304  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1349] 

quès  de  la  ville  et  dou  chastiel  de  Calais ,  que  les  Englois  te- 
noient,  et  metoit  tontes  ses  ententes  et  imaginations  au  regarder 
conment  il  le  peuist  ravoir,  et  sentoit  pour  ce  temps  un  chapî- 
tainne  en  Calais,  qui  n'estoit  pas  trop  haus  homs,  ne  de  Testra- 
tion  d'Engleterre.  Si  se  avisa  mesires  Jofi&x>y  de  Cami  que  il 
feroit  asaiier  au  dit  chapitainne,  qui  se  nonmoit  mesires  Ainmeris 
de  Pavie,  se  pour  argent  pronmetre  et  donner,  il  poroit  mar- 
ceander  à  lui  par  quoi  il  peuist  avoir  Calais.  Et  se  enclina  en  ceste 
pensée  le  plus,  pour  tant  que  mesires  Ainmeris  estoit  Lombars  et 
de  nation  estragne  ;  car  se  il  fîist  Englois  ou  Hainnuiers,  il  ne  se 
fîist  jamais  avanchiës  de  faire  ce  que  il  fist.  Et  envoia  secrètement 
tretier  deviers  cel  mesire  Ainmeri  par  un  Lombart  demorant  [à 
Paris]  qui  se  disoit  son  cousin. 

Ainmeris  entendi  à  ces  tretdës  et  se  dissimula  trop  fort,  ensi 
que  il  apparu,  car  il  fist  entendant  à  ce  Lombart  parisiien  que  on 
nonmoit  Ambrosin ,  que  il  renderoit  Calais  as  François  pour  vint 
mille  esqus ,  car  il  estoit  tanës  de  servir  le  roi  d'Engleterre  et 
voloit  retourner  en  son  pais.  Et  tout  che  que  il  disoit,  estoit 
bourde,  car  jamais  ne  l'euist  fait  ;  et  bien  le  creoient  de  ses  paro- 
les AmbrosÎDS  et  mesires  JoflSrois.  Et  furent  les  coses  si  aprochies 
que  jours  mis  et  asis  que  de  rendre  et  livrer  as  François  le  chas- 
tiel de  Calais,  et  par  le  chastiel  on  enteroit  en  la  ville.  Et  de  ce 
se  tenoient  tout  à  segur  et  à  conforte  mesires  Joffrois  et  ses  con- 
sauls.  Et  s'en  vint  li  dis  mesires  Joffrois  de  Cami  à  Paris,  et  re- 
mostra  ce  marchiet  et  ce  trettiet  as  plus  proçains  dou  roi.  li 
auqun  le  voloient  croire  et  li  aultre  non  ;  et  disoient  que  ce  estoit 
une  barterie  couverte,  et  que  jamais  pour  vint  mille  esqus,  on 
ne  retoumeroh  à  avoir  Calais.  li  aultre  disoient,  qui  desiroient 
à  veoir  le  marchiet  acompli,  que  si  poroit  bien  Caire.  Mesires 
Joffirois  afremoit  les  coses  si  acertes  que  il  en  fu  creus.  Et  furent 
ordonné  et  délivre  par  le  trésorier  de  France  li  vint  mille  esqus  ; 
et  furent  envoiiet  et  aportë  en  l'abeie  de  Saint  Bertin  à  Saint 
Omer.  Messires  Jofifrois  de  Cargni  fist  une  semonse  et  priière  se- 
crète de  gens  d'armes  en  Artois,  en  Boulenois  et  là  environ;  et  ne 
sçavoient  nuls  encores  pour  où  c'estoit  à  aler. 

Entrues  que  mesires  Joffrois  de  Cargni  entendoit  de  grant  désir 
et  volenté  au  procurer  ses  besongnes,  mesires  Ainmeris  de  Pavie, 
d'autre  costë,  qui  les  voloit  décevoir,  monta  en  mer  et  vint  en 
Angleterre.  Et  trouva  le  rot  à  Eltem,  et  li  remostra  toute  la  beson- 
gne,  conment  elle  aloit  et  démenée  elle  estent.  Li  rois  entendi  à 


[1349]     VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  3i7.  305 

ces  paroles,  qui  fu  moult  esmervilliës  de  ce,  et  pensa  sus  un  petit. 
Et  apella  mesire  Gautier  de  Mauni  qui  pour  ces  jours  estoit  dalës 
li,  et  fist  à  mesure  Ainmeri  de  Pavie  recorder  toute  la  marcean- 
dise,  conment  elle  aloit;  et  en  demanda  consel,  quel  cose  en  estoit 
bonne  à  faire.  Mesires  Gantiers  en  respondi  son  entente  et  dist  : 
CK  Sire,  li  François  folient  et  abusent  trop  grandement,  qui,  en 
bonnes  trieuves  jurées  et  données,  marceandent  de  vous  trahir, 
et  voeUent  avoir  la  ville  et  le  chastiel  qui  tant  vous  ont  cousté  : 
il  ne  fait  point  à  souffrir.  Vous  m'avés  demandé  consel  et  je  vous 
consillerai.  Vous  envoierés  là  à  Calais  des  bonnes  gens  d'armes 
assés  et  par  raison,  pour  résister  à  l'encontre  des  François,  et 
dires  à  Ainmeri  que  il  procède  avant  en  son  marchié,  et  bien  se 
garde  que  de  son  lés  il  n'i  ait  fraude  ne  traison ,  car  vous  vos 
estes  confiiés  en  li  et  vous  confiierés  encores.  »  —  «c  Gautier, 
respondi  li  rois,  vous  dites  bien,  et  je  le  ferai  ensi  et  vous  institue 
à  estre  souverains  de  celle  armée.  Traiiés  vous  viers  Douvres  et 
celle  marce  là,  et  je  vous  envoierai  gens  assés.  »  Mesires  Gautiers 
de  Mauni  respondi  au  roi  :  «  Sire,  je  le  ferai  volontiers.  »  Puis 
appella  li  rois  Ainmeri  de  Pavie  et  li  dist  à  part  :  ce  Je  voel,  dist 
li  rois,  que  tu  poursieves  ton  marchiet.  Gautiers  de  Mauni  re- 
tournera avoecques  toi,  et  de  tout  ce  que  il  te  conselle,  uses  apriès 
son  consel.  »  11  respondi  et  dist  :  «  Volentiers.  »  F®«  1 46  v«  et  1 47. 

P.  70,  1.  22  :  En  ce  temps.  —  Ms.  ^  6  :  en  l'an  de  grâce  mil 
trois  cens  quarante  huit.  F<»  414. 

P.  70, 1.  26  :  touchans.  —  Mss,  Ai  ^  6,  8  à  19  ajoutent:  fait 
d'armes.  F"  172  v«.  —  Ms.  ^  3  :  le  fait  d'armes.  F*  152. 

P.  71,  1.  10  :  convoiteus.  —  Ms.  B  3  :  ambicieux.  F"  152. 

P.  72,  1.  2  :  part.  —  Ms.  ^  29  :  et  lui  demanda  des  nouvelles 
de  Callais  :  c  Chier,  sire,  respondit  le  Lombart,  je  n'y  sache  que 
tout  bien.  »  Adonc  il  le  traict  à  part,  si  lui  dit  :  c  Tu  sçais  que 
pour  la  grant  fiance  que  j'ay  eu  en  toy,  je  t'avoye  donné  en 
garde.  » 

P.  72,  1.  3  :  la  riens.  —  Mss.  ^  1  à  6,  8  ^  22  ^<  ^  3  :  la 
chose.  P»  173.  — ilf*.  ^  7  :  la  rien.  F»  162  V. 

P.  72,  1.  23  :  se  Diex  me  vaille.  —  Mss.  ^  1  «^  22  :  se  Dieu 
me  vueille  aidier.  F<*  173. 

P.  73, 1.  4  :  empensé.  —  Mss.  ^  15  A  17,  20  à  22  :  en  pen- 
sée. F»  170.  —  Ms.  BZi  pensoit.  F*  152 v«. 

P.  73, 1.  13 :  monseigneur  de  Fiennes.  —  Mss.  A  i  à%  :  mes- 

sire  Morel  de  Fiennes.  F«  173. 

IV  — 20 


306  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1849] 

P.  73,  1.  14  :  Ribeumont.  ^  Mss.  ^  20  à  22  :  Bibeaimont. 
F*  243  V". 

P.  73,  1.  15  :  Kreki.  —  Mss.  ^  20  à  22  :  Creci. 

P.  73,  1.  15  :  Were.  —  Mss.  ^  20  «  22  :  Ware. 

P.  73,  1.  16  :  dou  Bos.  —  Mss.  Al  à  M  .an  Boys.  F»  163. 

P.  73,  1.  24  :  par  nuit.  —  Ce  mots  manquent  dans  les  mss.  A 
i^  6,  8  À  14.  —  Ms,  ^  3  :  à  ce  jour,  de  nuyt.  F>  152  V" 

5  SI8.  P.  73,  1.  27  :  Quant  li  rois.  —  Ms.  éC Amiens:  li  roys 
d'Engleterre  ne  mist  mies  en  oubli  ce  que  faire  yolloit,  mes  se 
bouta  à  mil  hommez  d'armes  de  nuit  secrètement  en  le  yUle  de 
Gallais.  Au  jour  que  li  dis  messire  Ainmeris  dubt  délivrer  le  ville 
de  Callais,  y  vinrent  messires  JofiQroix  de  Cargny,  messires  Mo- 
raux de  Fiennez,  messires  Jehans  de  Landas,  messires  Ustasses 
de  Ribeumont,  messires  Pépins  de  Were,  messires  Henris  dou 
Bos,  U  sîrez  de  Kikempoi  et  pluisseurs  autres  d'Artois,  de  Vei^ 
mendois  et  de  Picardie,  et  fissent  ung  secret  mandement.  Si  furent 
mis  en  le  ville  de  Gallais  de  nuit.  Dont  saillirent  li  Englès  bors  et 
envairent  les  Francbois ,  et  les  reboutèrent  hors  de  la  ville.  Et 
là  eut  grant  bataille  et  crueuse,  car  li  Francbois  se  reqaeillièrent, 
qui  estoient  grant  fuisson.  F*  98. 

— Ms,  de  Home  :  Adonc  se  départirent  dou  roi  d'Engleterre  me- 
sires  Ainmeris  et  mesires  Gauders  et  vinrent  à  Douvres,  et  là  pas- 
sèrent la  mer  et  vinrent  sus  un  tart  à  Calais.  Depuis  envoia  li 
rois  d'Engleterre  gens  d'armes  et  archiers  d'Exsesses  et  de  Sou- 
sexses  et  de  la  conte  de  Kent  viers  Douvres  et  viers  Zandvich, 
et  passèrent  petit  à  petit  la  mer  et  se  boutèrent  couvertement  à 
Calais  et  tant  que  la  ville  en  fu  bien  pourveue.  Et  droit  sus  le 
point  dou  darrain  jour,  de  quoi  à  l'endemain  li  marchiés  devoit 
estre  Uvrës  à  l'entente  des  François,  li  rois  d'Engleterre  en  prope 
personne  vint  à  Calais,  non  congneus  de  plentë  de  gens  :  de  quoi 
mesires  Gautiers  de  Mauni  fu  moult  esmervilliés  qant  il  le  vei; 
nequedent  il  se  fissent  bonne  chière.  Et  dist  li  rois  :  «  Gautier, 
je  voel  veoir  et  connoistre  quels  gens  vendront  pour  moi  tofir 
Calais,  que  je  ai  tant  comparet.  Je  le  voel  aidier  à  defiendre  et  à 
garder;  mais  je  me  meterai  desous  vostre  pennon,  ensi  conme 
uns  de  vostres  chevaliers,  ne  je  ne  voel  pas  que  toutes  mes  gens 
sachent  que  je  soie  ichi  venus  maintenant  pour  tèle  côse.  »  — 
«  Sire,  respondi  mesires  Gautiers,  vous  avës  raison.  Or  en  ordon- 
nés à  vostre  ordenance,  car  bien  me  plaist.  » 


[1350]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  318.         307 

Moult  des  gens  le  roi  d'Engleterre  ne  sçavoient  pour  quoi  il 
estoient  venu  et  furent  boute  en  cambres  et  en  celiers  ens  ou 
chastiel  ;  et  cheuls  liquel  estoient  en  la  viUe,  se  tinrent  tous  qois  en 
lors  hostels.  Et  leur  fu  dit  :  «  Ne  tous  bougies  de  chi,  tant  que 
vous  auerës  aultres  nouvelles.  »  Tout  se  acordèrent  à  l'ordenanoe 
que  on  les  volt  mètre. 

Geste  besongne  estoit  poursievoite  moult  aigrement  et  couver- 
tement  de  mesire  JofiBroi  de  Garni,  et  ne  quidoit  point  fallir  à 
ravoir  Galab;  si  fort  se  confioit  il  ens  es  paroles  et  convenances 
de  mesire  Ainmeri  de  Pavie ,  et  avoit  segnefiiet  à  pluisseurs 
bons  chevaliers  et  esquiers  d'Artois,  de  Boulenois  et  de  Piqardie, 
à  tels  que  à  mesire  Jehan  de  Landas,  à  mesire  Ustasse  de  Ri- 
beumont,  à  mesire  Pépin  de  Were,  au  visconte  des  Qènes,  au 
chastelain  de  Biauvais,  au  signeur  de  Greqi,  au  signeur  de  Gre- 
sèques,  au  signeur  de  Brimeu,  au  signeur  de  Santi,  au  signeur 
de  Fransures  et  à  moult  d'aultres.  Et  qant  il  furent  venu  ^n  l'a- 
beie  de  liques,  il  dist  as  capitainnes  de  l'ordenance  de  la  mar- 
ceandise  que  il  avoit  à  cel  Ainmeri  de  Pavie.  Li  auqun  suppo- 
soient  assës  que  Ainmeris,  pour  tant  que  il  estoit  Lombars, 
prenderoit  les  deniers  et  renderoit  le  chastiel  de  Galais,  et  se  il 
avoient  le  chastiel],  il  aueroient  la  ville.  Et  li  aultre  creoient 
mieuls  ie  contraire  que  le  fait,  et  doubtoient  fort  traison;  et 
chil  qui  estoient  de  celle  opinion,  se  tenoient  tous  jours  derière. 

Mesires  Jofrois  de  Garni,  liquels  avoit  fait  son  amas  de  gens 
d'armes  et  d'arbalestriers,  remist,  sus  un  ajournement  qui  fii  le 
nuit  de  Fan  mil  trob  cens  quarante  huit,  toutes  ces  gens  d'armes 
ensamble  et  aproça  Galais  ;  et  cevauehièrent  de  nuit  et  vinrent 
sus  un  ajournement  assës  priés  de  Galais,  ensi  que  devise  se  por- 
toit.  Et  envoia  li  dis  mesires  Jofrois  de  Gargni  deus  de  ses  varies 
devant,  pour  parler  à  mesire  Ainmeri  et  pour  sçavoir  le  couve-> 
nant  de  Galais.  Li  varlet  trouvèrent  à  la  porte  don  chastiel,  à 
celle  qui  oevre  sus  la  mer,  mesire  Ainmeri,  et  leur  dist  :  «  Oil. 
Faites  les  traire  avant.  >  li  varlet  retournèrent  et  recordèrent 
toutes  ces  paroles  k  mesire  Joffiroi  qui  de  ce  fu  grandement  res- 
jols,  et  dist  as  chevaliers  qui  là  estoient  dalës  li  :  c  Galais  est 
nostre.  Sievés  me  tout  le  pas,  car  je  m'en  vois  prendre  la  sasine 
dou  chastiel.  »  Il  le  fissent  et  estoient  bien  euls  cinq  cens  en  une 
brousse,  sans  les  arbalestriers  qui  venoient  derrière.  Âdonc  se 
ravisa  mesires  Jofrois  et  dist  à  mesire  Oudart  de  Renti  liquels 
estoit  dalës  li  :  t  Oudart,  prenës  les  florins;  portes  leSt  Vous 


308  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1350] 

ferës  le  paiement.  Je  voel  entrer  en  Calais  par  la  porte  toute 
ouverte.  Je  nH  enterai  jà  par  le  guichet,  ne  moi,  ne  ma  ba- 
nière.  > 

Mesires  Oudars  de  Renti  s'i  acorda  et  prist  les  florins  qui 
estoient  en  deus  bouges  et  les  fist  encargier  par  ses  varies  ;  et 
vint  deviers  le  chastiel  et  trouva  le  guichet  de  la  porte  ouvert, 
et  mesire  Ainmert  à  l'entrée.  Et  entrèrent  tout  chil  qui  entrer 
vorrent  adonc,  et  chil  qui  ordonné  estoient  de  aler  pour  prendre 
la  sasine  don  chastiel.  Si  tos  que  il  furent  tout  entré  dedens,  mesires 
Aimmeris  fist  reclore  et  barer  le  guicet  :  de  quoi  mesires  Oudars 
de  Renti  li  dist  :  «  Pourqoi  serrés  vous  le  guichet?  il  apertient 
que  il  soit  ouvers.  Si  enteront  nostres  gens  dedens.  »  Donc  dist 
mesires  Ainmeris  :  «  Il  n'i  enteront  meshui  fors  que  par  la  porte 
toute  ouverte,  et  tantos  le  sera ,  mais  que  je  aie  recheu  les  de* 
mers  que  je  doi  avoir.  Vous  estes  gens  assés.  «  Et  puis  dist  par 
couvreture  :  «  Vous  veés  bien  que  vous  estes  signeur  dou  chas- 
tiel. » 

Mesires  Oudars  de  Renti  s'apaisa  de  ceste  parole  et  sievi  me- 
sire Ainmeri  ;  et  aussi  fissent  tout  li  aultre ,  et  trouvèrent  le  pont 
dou  castel  avalé  et  la  porte  ouverte.  Il  passèrent  sus  et  oultre, 
et  ne  veirent  pas  samblant ,  ne  olrent  honme  ne  fenme.  Mesires 
Ainmeris  enmena  mesire  Oudart  de  Renti  en  la  chambre  dou 
portier,  à  l'entrée  de  la  porte,  et  li  dist  :  «  Metés  ichi  les  deniers.  • 
Mesires  Oudars  de  Renti  le  fist  à  sa  resqueste.  Il  furent  mis  sus 
une  table.  Et  dist  messires  Ainmeris  :  «  I  sont  il  tout?  >  —  «  Oil, 
par  ma  foi,  dist  mesires  Oudars.  'Mesires  Jofrois  de  Cargni  le 
mes  a  ensi  fait  prendre.  »  •&-  «  Je  vous  en  croi  bien ,  dist  messires 
Ainmeris.  Or  vous  tenés  ichi  un  petit ,  je  voi  quérir  les  clefs  des 
poites  de  la  ville,  car  je  les  fis  her  soir  toutes  aporter  ichi  de- 
dens. 9  Mesires  Oudars  de  Renti  le  crei  bien  de  ceste  parole. 
Mesires  Ainmeris  entra  dedens  une  salle  qui  estoit  toute  plainne 
de  gens  d'armes.  Si  tretos  que  elle  fu  ouverte ,  tout  à  une  fois  il 
sallirent  hors,  et  ausi  chil  de  la  grose  tour,  où  li  rois  d'Engle- 
terre  estoit.  En  mesire  Oudars  de  Renti  et  en  ses  gens  qui  là 
estoient  venu ,  n'ot  point  de  deffense,  car  il  lurent  pris  as  mains 
et  tout  boutés  en  tours  et  en  prisons. 

Je  vous  dirai  que  mesires  Ainmeris  de  Pavie  avoit  fait  pour 
resjoir  les  François.  Il  avoit  bouté  hors  dou  chastiel  les  banières 
dou  roi  de  France  ;  mais  si  tretos  que  ceste  aventure  fu  avenue 
que  pris  chil  qm  estoient  aie  devant  pour  saisir  le  chastiel,  il  osta 


[1380]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  %  348.         300 

ces  banières  et  mist  cestes  don  roi  d'Engleterre.  Il  estoit  encores 
moult  matm,  environ  solel  levant. 

Qant  li  François,  cfui  estoient  sus  le  sabelon  devant  Calais,  vei- 
rent  ce  convenant,  il  congneurent  tantos  que  il  estoient  trahi. 
Mesires  Jofrois  de  Garni,  qui  grant  désir  avoit  d'entrer  ens  ou 
chastiel  et  liquels  estoit  avoecques  ses  gens  et  desous  banière, 
regarde  viers  une  porte  et  le  voit  ouvrir,  et  issir  à  brousse  grant 
fuisson  de  gens  d'armes  et  d'archiers  et  venant  le  bon  pas  sur 
euls,  et  dist  à  mesire  Ustase  de  Ribeumont  et  à  mesire  Jehan  de 
Landas  qui  n'estoient  pas  trop  lonch  de  li  :  «  Signeur  et  compa* 
gnon,  nous  sonmes  trahi.  Chils  fans  Lombars  m'a  deeeu,  et  je  vous 
ai  bouté  en  ce  dangier,  ce  poise  moi,  se  amender  le  pooie;  et 
puisque  combatre  nous  fault,  moustrons  que  nous  sonmes  gens  de 
volenté  et  de  deffense.  »  —  «  Sire ,  respondirent  il ,  c'est  bien 
nostre  intention.  »  Lors  se  missent  ces  trois  banères  ensamble  et 
requellièrent  lors  gens  par  bonne  ordenance  et  apuignièrent  les 
glaves  et  moustrèrent  visage. 

Evous  les  Englois  venus,  le  pennon  mesire  Gautier  de  Mauni 
tout  devant,  et  le  roi  d'Engleterre  desous  celi;  et  savoient  trop 
petit  de  gens  de  son  costé  que  li  rois  fust  là.  Les  Englois  avoient 
retailliet  lors  lances  jusques  à  cinq  pies  de  lonc  et  s'en  vinrent  le 
bon  pas  et  entrèrent  en  ces  François  et  conmenchièrent  à  pousser, 
et  les  François  à  euls.  Et  là  ot  très  fort  pousseis  avant  que  il 
peuissent  entrer  l'un  dedans  l'autre  ;  et  trop  bien  se  tinrent  en 
estât  sans  perdre  ne  gaegnier  terre,  une  longe  espasse.  Li  Fran^ 
cois  estoient  là  grant  fuisson,  et  se  tout  euissent  monstre  corage 
et  deffense,  ensi  que  li  troi  chevalier  desus  nonmet  fissent,  il  euis- 
sent espoir  mieuls  besongniet  que  il  me  fissent  ;  car  [qant]  chil 
qui  estoient  derrière  et  qui  recranment  traioient  avant,  entendi- 
rent que  il  estoient  trahi  et  que  lors  gens  se  combatoient ,  il  se 
missent  grant  fuisson  au  retour.  Et  chil  qui  voloient  aler  avant 
ne  pooient,  car  il  estoient  sus  un  cemin  destroit  que  il  ne  pooient 
dou  plus  aler  ou  cevauchier  que  euls  quatre  de  front.  Se  les  cou- 
venoit  requler  avoecques  les  esbahis  et  les  fiiians,  vosissent  ou 
non.  Et  auquns  vaîllans  hommes,  qant  il  se  trouvèrent  au  large 
sus  les  camps,  et  bien  savoient  que  mesires  Joffrois  de  Garni, 
mesires  Ustasses  de  Ribeumont  et  mesires  Jehans  de  Landas 
estoient  devant,  s'arestoient  et  atendoient  là  l'un  l'autre  et  disoient, 
tels  que  mesires  Pépins  de  Were,  mesires  Henris  de  Qreqi,  li 
sires  de  Reli  :  «  Se  nous  en  alons  sans  nostres  chapitainnes  qoi 


3i0  ŒRONIQtlES  DE  J.  FROISSAAT.  [I3»0] 

sont  encores  derrière  et  qui  se  oonbatent,  nous  sonmes  deshon- 
nouret  à  tous  jours  mes.  »  Et  par  la  parole  et  monitions  des 
bons  et  vaillaus  honmes  s'en  requellièrent  plus  de  sept  cens  qui 
tout  Yoloient  tourner  les  dos.  Or  parlerons  dou  pouseîs  et  de  la 
bataille  qui  lu  devant  Calais.  F^  147  à  148  y*. 

P.  74,  1.  7  :  trois  cens.  —  Mss.  A  i^  à  il  i  quatre  cens. 
F»  170  y». 

P.  74,  1.  24  :  Calais.  —  Ms.  ^  6  :  à  tout  grant  bachelerie  et 
grant  foison  de  gens  d'armes  et  bien  dix  mille  hommes  de  pîet. 
P»417. 

P.  74, 1.  26  et  27  :  à  priés  de  mienuit.  —  Mss.  ^  1  à  14,  18, 
19  «I  i?  3,  4  :  après  mienuit.  F*  173  v^".  ~  Mss.  ^  15  à  17  : 
après  la  mienuit.  F*  170  v*.  —  Mss.  A  10  à  22,  30  à  33  :  envi- 
ron heure  de  mynnit.  Fo  244.  —  Mss.  ^  23  à  29  :  environ  my- 
nuit.  Fo  188. 

P.  74,  1.  27  !  vint.  —  Ms.  J  19  :  k  une  lieue. 

P.  76,  1.  4  :  sach.  —  Ms.  A  29  ajoute:  de  cuir. 

P.  76,  1.  14  :  veriel.  —  Mss.  A  i  àB  :  verroil.  F»  174.  — 
Mss.  ^  8  À  10, 15  à  19,  23  À  33  :  yerroul.  F»  153  v«.  —  Mss.  A 
7,  11  à  14,  20  À  22  :  verrouil.  P^"  164.  —  Ms.  B  3  :  verroux. 
F»  153  v«.  —  Af#.  Bk  :  vcrueil.  F»  143  v». 

P.  77,  1.  8  et  9  :  as  chevaliers.  —  Ms.  B  3  :  aux  archiers. 
F»  153  y^. 

P.  77,  1.  12  :  Were.  —  Mss.  A  li  à  14,  20  ^  22  :  Wastre. 
F»  162.  —  Mss.  A  18,  19  :  Wasère.  F»  178  v«.  —  Mss.  A  23 
à  29  :  Ware.  ¥•  189.  —  ilf«.  ^  3  :  la  Were.  F»  153  y*. 

P.  77,  1.  12  :  sont.  —  Ms.  A  29  :  par  usage,  gens  subtils, 
avarîcieux  et  pleins  de  grand  malice. 

P.  77,  1.  17  :  evous.  —  Mss.  ^  1  ^  6,  11  à  14  :  veez  ci  ve- 
nir. F*  174.  —  Mss.  ^  15  ^  17  :  atant  va  venir.  F*  171.  — 
Mss.  ^  20  À  22  :  veës  vous  yci  venir.  F*  245. 

P.  77,  1.  19  :  Akesufforch.  —  Ms.  B  Z  :  d'Aque.  P»  153  v«. 
^  Ms.  B  k:  d'Eskesuforch.  F*  144. 

P.  78,  1.  8  :  par  saint  Jorge.  —  Mss.  ^  18  a  22  :  par  saint 
Denis.  F>  178  V». 

P.  78,  1.  9  :  mal  dehait  ait.  —  Mss.  ^  15  a  22  :  mal  ait. 
F*  171  V*.  —  Ms.  B3  :  maudit  soit.  F*  154. 

P.  78,  1.  14  :  tout  quoi.  —  Mss.  Ai  à  22  :  tantost.  P»174  v*. 
—  Ms.  B  3  :  tout  court.  F*  154. 

P.  78, 1. 20  :  fait.  ^  Ms.  ^  6  :  Et  vs^v  le  roy  par  le  porte  et  tous 


[1380]     VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  319.         3il 

les  aultres  après,  et  coanirent  vistement  sas  messire  loScoy  et  ses 
gens  d'armes,  dont  il  y  ayoit  grant  foison  de  Picardie,  d'Artois  et 
de  Boalen(»s  avecq  messire  Jofiroy,  telz  que  le  seigneur  de  Fié- 
nés,  le  seigneur  de  Cresecke,  le  seigneur  de  Bassentin,  le  seigneur 
de  Jocourt,  le  seigneur^  de  Crekj,  monseigneur  Ustasse  de  Ribe- 
mont,  monseigneur  Henry  du  Bois,  messire  Pépin  de  Werre,  mon- 
seigneur Jehan  de  Landas,  messire  Oudart  de  Renty  et  pluiseurs 
autres.  Quant  chil  seigneur  perchurent  qu'il  estoient  decheu  et 
trahis,  sy  furent  tous  esbahis  et  se  retrairent  che  qu'il  peurent. 
Et  se  recuellèrent  les  aucuns,  et  ly  aucuns  montèrent  sur  leurs 
chevaulx  et  s'en  partirent  le  plus  tost  qu'il  porent.  Là  eult  dure 
mellée  et  grant  hustin,  car  les  Englès,  gens  d'armes  et  archiers, 
qui  s'estoient  enbuschiet  en  ches  muraiUes  et  en  ces  maisons  dç 
Calais^  sallirent  hors  yistement  si  trestost  qu'il  olrent  sonner  ung 
cors,  qui  leur  estoit  signe  de  envair  ches  Franchois,  et  les  enval- 
rent  moult  radement.  Et  ches  chevaliers  de  Franche  entendoient 
à  yaulx  deffendre  ;  mais  les  Englès  recullèrent  les  gens  de  piet 
jusques  à  une  grose  rivière  qui  queurt  au  quart  d'une  lieue  ou 
pau  mains  desous  Callais.  Et  là  y  eult  grant  foison  de  noiiés  et  de 
mors  sur  le  rivière  et  sur  le  rivaige  entre  Calais  [et]  la  rivière. 

Tant  s'ensonnièrent  ly  chevaliers  et  escuiers,  d'un  costë  et 
d'aultre,  que  le  jour  vint  et  qu'il  commenchièrent  à  recongnoistre 
l'un  l'autre.  Sy  se  requellèrent  avoecques  monseigneur  Godeffiroy 
de  Gargny  aulcun  bon  chevalier  quy  envis  s'enfuioient  sans  luy, 
telz  que  messire  Ustasses  de  Ribemont,  messire  Jehan  de  Landas, 
messire  Pépins  de  Werre,  messire  Gavain  de  Bailleul,  messire 
Henry  du  Bos,  le  sire  de  Creky,  messire  Oudart  de  Renty  et  plui« 
seurs  autres.  F*'  4I8  et  4i9. 

P.  79,  1.  3  :  Kresekes.  —  Mss.  J  i  à  Q  et  B  3  :  Gresques. 
F»  174  V*  —  ilfj.  ^  7  :  Krekes,  F*  164  v«. 

P.  79,  1.  13  :  Saintpi.  —  Mss.  ^  1  à  6,  8  ^  14,  18,  19  : 
Gempy.  F*  175.  —  Mss,  ^  23  à  33  i?f  ^  3, 4  :  Sempy.  F»  189  v«. 

P.  79,  1.  13  :  Loncvillers.  —  Mss.  ^  1  <è  6,  8  à  14,  18,  19  : 
Longvillier.  F«>  175.  -^  Ms.  A  1  :  Lonchvileis.  F*  164  v*.  — 
Ms.  B  3  :  Loncvilliers.  F»  154.  —  Mss.  ^  23  à  33  :  Lonchim- 
berth.  F»  189  v«. 

P.  79, 1.  14  :  Maunier.  —  Mss.  ^  15  ^  17  :  Maumer.  F«  171 
v«.  —  Ms.B3  :  Nanni».  F»  154. 

S  818.  P.  79, 1.  22  :  Nous  parlerons.  —  Ms.  tt Amiens  :  Et 


312  CHRONIQUBS  DB  J.  FROISSART.  [4350] 

se  combati  ce  jour  11  roys  d'Engleterre  desoubs  le  bannière  mes- 
sire  Gautier  de  Mauny.  Et  y  fu  très  bons  cbevaliers,  dou  costet 
des  Franchois,  messires  Ustassez  de  Ribeumont.  Touttezfois,  H 
Franchois  furent  tout  desconfi,  tout  mort  et  tout  pris,  et  ranunené 
au  soir  en  le  ville  de  Callais.  F^  98  v^. 

— Ms,  de  Rome  :  Bien  moustra  là  li  gentis  rois  Edouwars  que  il 
avoit  grant  désir  de  conbatre  et  amour  as  armes,  qant  il  s'estoit 
mis  en  tel  parti  et  tant  humeliiës  que  desous  le  pennon  mesire 
Gautier  de  Mauni,  son  chevalier.  Et  s'en  vint  li  rois  conbatre 
main  à  main  à  mesire  Ustasse  de  Ribeumont,  et  escremirent  de 
lors  espëes  et  jettè)*ent  pluisseurs  cops  l'un  sus  l'autre,  une  longe 
espace  ;  car  tout  doi  en  savoient  bien  jeuer  et  escremir,  et  mieuls 
assës  li  rois  d'Engleterre  et  de  plus  soutiens  tours  ne  fesist  li  dis 
messire  Ustasse,  car  il  l'avoit  apris  d'enfanche.  Mesires  listasses 
ne  savoit  à  qui  il  se  conbatoit;  mais  li  rob  le  sçavoit  bien,  car  il* 
le  recongnissoit  par  ses  armes.  Et  li  rois  estoit  armes  simplement 
ensi  que  uns  aultres  chevaliers  ;  et  toutes  fois  il  estoit  gardes  d'au- 
quns  chevaliers  et  esquiers  qui  là  estoient  ordonne  pour  son  corps, 
à  la  fin  que  il  ne  fîist  trop  avant  sourquis.  Tant  issirent  de  gens 
d'armes  de  Calais  que  li  Françob,  qui  là  estoient  sus  le  sabelon 
et  requlë  en  la  place  où  l'anëe  devant  H  rois  d'Engleterre  avoit 
mis  son  siège,  ne  porent  souffiâr  celle  painne  ;  et  en  i  ot  grant 
fuisson  de  mors  et  de  pris,  et  par  especial  li  troi  chevalier  là  de- 
morèrent.  Et  prist  li  rois  d'Engleterre  mesire  Ustasse  de  Ribeu- 
mont, et  se  rendi  à  lui  et  le  fiança  :  de  quoi  li  dis  chevaliers  fu 
moult  resjols  depuis,  qant  il  sceut  que  li  rois  d'Engleterre  l'avoit 
oombatu  et  pris  à  prisonnier.  Là  furent  pris  mesires  Jofrois  de 
Garni  et  mesires  Jehans  de  Landas,  et  trop  petit  se  sauvèrent  de 
ces  premiers. 

Adonc  montèrent  pluisseurs  Englois  as  chevaus  que  il  avoient 
tous  apparilliës,  et  passèrent  delivrement  la  rivière,  les  auquns  à 
guë,  car  elle  estoit  basse,  et  les  aultres  au  pont,  et  se  missent  en 
cace  et  sus  les  camps  apriès  les  François  ;  et  là  trouvèrent  il  les 
bons  chevaliers  entre  Hames  et  Calais,  tels  que  mesire  Henri  dou 
Bob,  mesire  Pépin  de  Were,  le  signeur  de  Qreqi,  le  signeur  .de 
Reli,  le  signeur  de  Brimeu,  le  signeur  de  Fransures  et  pluissieurs 
aultres  qui  moustrèrent  visage  et  deffense  moult  vaiUanment.  Et 
descendirent  les  auquns  à  piet  pour  mieuls  combatre  ;  car  pour  ce 
jour  et  pour  ce  que  il  faisoit  grant  relin,  les  terres  estoient  si 
molles  que  ceval  ne  s'en  pooient  ravoir.  Et  fu  là  uns  pousseis  et 


[1350]      VARIANTES  DU  PREBilER  LIVRE,  S  320.         313 

uns  esteqeis  moult  grans  et  bien  soustenus  et  vaillanment  des 
François,  mais  finablement  il  les  couvint  perdre;  car  lors  honmes 
se  esclardsoient  toutdis  et  les  Englois  mouteplioient.'Là  furent 
mort,  dont  ce  fu  damages,  mesires  Pépins  de  Were  et  mesires 
Henris  dou  Bois,  et  pris,  li  sires  de  Qreqi  et  li  sires  de  Reli.  Et  se 
sauvèrent  par  estre  bien  montés  mesires  Moriauls  de  Fiennes,  li 
sires  de  Cresèqes,  li  sires  de  Santi,  li  yiscontes  des  Qènes,  li  chas- 
telains  de  Biauvais  et  li  sires  de  Fransures  et  moult  d'aultres,  et 
s'en  alèrent  bouter  ens  es  forterèces  proçainnes;  et  les  Englois 
retournèrent  et  n'alèrent  plus  avant. 

Geste  besongne  avint  droitement  le  nuit  de  l'an  mil  trois  cens 
quarante  huit  ;  et  en  fu  grant  nouvelle  en  France  et  en  Engleterre, 
pour  tant  que  li  rois  d'Engleterre  i  avoit  este.  F**  148  v*  et  149. 

P.  70, 1.  31  :  Ribeumont.  —  Ms.  B  3  :  Ribemont.  P  154  v<*. 

P*  80, 1.  5  :  Ustasses.  —  M$.  ^  29  :  au  roy  que  il  ne  cognis- 
soit. 

P.  80,  1.  22  et  23  :  Gauvains  de  Bailluel.  —  Mss.  J  H  àik: 
Gauvain  de  Bailleul.  —  Ms.  B  3  :  Gauvaing  de  Ballouel.  F»  1 54  v«. 
—  Ms.  B  4  :  Gavains  de  Bailluel.  F»  144  v«. 

P.  80,  1.  23  :  Greki.  —  Mss.  ^  1  i^  6,  8  à  33  :  Crequi. 
F*154  v<». 

P.  81,  1.  2  :  aultre.  —  Ms.  B  6  :  Et  dura  le  cache  moult 
longement  jusques  entre  Ghines.  Là  en  dedens  en  y  eult  moult  de 
mors,  d'affolës  et  de  navres.  Et  y  eult  bien  mors  de  cheaulx  de 
Saint  Omer  seullement  quatre  cens  hommes  parmy  les  arbalestriës. 
F*  420. 

P.  81, 1.  16  :  quarante  huit.  — -  Mss.  u^  1  à  6,  8  ^  22  :  qua- 
rante neuf,  droitement  le  premier  jour  de  janvier.  F^  1 75  v^. 

S  390.  P.  81,  1.  18  :  Quant.  —  Ms.  d'Amiens  :  Et  donna  li 
roys  d'Engleterre  à  soupper  les  chevaliers  franchois  prisonniers  ; 
et  là  donna  il  de  sa  main  à  messire  Ustasse  de  Bibeumont  le 
cappelet  d'argent  pour  le  mieux  combatant  de  son  costet,  et  li 
quita  sa  prison  et  li  fist  encorres  délivrer  deux  cevaux  et  vingt 
escus  pour  retourner  en  se  maison.  F^  98  v^. 

—  Ms,  de  Borne  :  Qant  toute  ceste  besongne  fu  passée  et  les 
cachans  retournes  et  tous  rentres  dedens  Calais,  et  les  chevaliers 
prisonniers  là  menés  et  mis  en  la  tour  et  en  belles  cambres  avoec- 
ques  mesire  Oudart  de  Renti  et  auquns  aultres  qui  pris  avoient 
esté  en  devant,  ensi  que  vous  savés,  adonc   s'espandirent  les 


314  CHRONIQUES  DE  J.  FROBSART.  fl350] 

nouvelles  en  ploisseurs  liens  aval  la  ville  àe  Calais  qne  li  rois 
d'Engleterre  avoit  este  en  celle  besongne.  Li  auqun.le  creoîent  et 
li  aultre  non  ;  et  en  la  fin  ton  le  crurent  Englois  et  Françob,  car 
il  le  sceurent  de  veritë. 

Ensi  que  mesures  Joffrois  de  Cargni,  mesires  Jehans  de  Landas, 
mesires  Ustasses  de  Ribeumont  et  li  aultre  estoient  tout  ensam- 
ble  en  une  cambre,  et  se  devisoient  et  parloient  conment  chil 
fauls  chevaliers  lombars,  mesires  Aînmeris  de  Pavie  les  avoit 
trahis  et  deceus  fausement  et  couvertement,  evous  venu  messire 
Gautier  de  Mauni  en  la  cambre,  lui.quatrime  tant  seuUement;  et 
se  aquinta  de  paroles  à  ces  chevaliers  moult  sagement  et  leur 
dist  :  «  Biau  signeur,  faites  bonnes  chière.  Li  rois  d'Engleterre, 
nostres  sires,  vous  voelt  avoir  à  nuit  au  souper.  » 

Chil  chevalier  françois  furent  tout  esmervilliet  de  ceste  pa- 
role et  regardèrent  l'un  l'autre,  car  il  ne  quidoient  pas  que  li 
rois  d'Engleterre  fust  à  Calais.  Messires  Gantiers  de  Mauni  s'en 
perchut  bien  que  il  s'en  esmervilloient  ;  si  leur  dit  de  rechief  : 
c  II  est  ensi.  Vous  le  verés  ce  soir  seoir  au  souper,  et  vous  fera 
à  tous  bonne  chière,  car  je  li  ai  oy  dire  ensi,  quoique  vcmis  li 
avés  volut  embler  Calais  que  il  ainme  tant.  »  —  Donc  respondi- 
rent  il  :  «  Dieus  i  ait  part,  et  nous  le  verons  volentiers.  »  Lors 
prist  ccmgiet  li  dis  mesires  Gantiers  de  Mauni  à  euls  et  se  dé- 
parti, et  il  demorèrent,  ensi  que  chil  qui  en  furent  tout  resjol, 
car  ils  en  espérèrent  grandement  mieuls  à  valoir. 

Qant  li  heure  du  souper  fu  venue,  et  que  tout  fu  q>parilliës  et 
les  tables  couvertes,  li  rois  d'Engleterre  envoia  quérir  par  mesire 
Gautier  de  Mauni  ces  chevaliers  françois  prisonniers,  liquels  bien 
acompagniés  les  vint  quérir  là  où  il  estoient  et  les  enmena 
avoecques  lui  ;  et  trouvèrent  le  roi  qui  les  atendoit  et  fiiisson  de 
chevaliers  d'Engleterre  dalës  lui.  Qant  il  le  veirent  enmi  la  sale 
devant  le  dreçoir,  et  grant  fiiisson  de  cerges  et  de  tortis  tout  au- 
tour de  li,  il  l'approchièrent  et  l'enclinèrent  bien  bas.  Il  les  fist 
tous  lever  sus  pies  l'un  apriès  l'autre  et  leur  dist  :  c  Bien  ve- 
nant. »  Et  tantos  chevaliers  aportèrent  l'aige,  et  lava  li  rois  et 
puis  esquiers  d'offisce,  et  donnèrent  à  laver.  Si  s'asist  li  rois  et 
fist  seoir  d'encoste  li  et  à  sa  table  tous  les  chevaliers  prisonniers. 
Si  furent  servi  bien  et  à  paix  et  à  grant  loisir. 

Qant  on  ot  soupe,  on  leva  les  tables,  et  demora  li  rois  en  la 
salle  entre  ces  chevaliers  françois  et  englois,  et  estoit  à  nu  chief 
et  portoit  un  capelet  de  fins  perles  sus  ses  cheviaus  qui  estoient 


[1350]      VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  S  3t0.  3i5 

plus  noirs  que  meure.  Et  conmença  U  rois  à  aler  de  l'un  à  l'autre 
et  entra  en  paroles  joieuses,  tant  à  ses  gens  conme  as  François  et 
s'adreça  sus  mesire  Jofroy  de  Cargni;  et  là,  en  parlant  à  lui,  il 
canga  un  petit  contenance,  car  il  regarda  sus  costë  et  dist  :  «  Me* 
sire  Jofroi,  mesire  Jofroî,  je  tous  doi,  par  vostre  déserte,  petit 
amer,  qant  vous  voliës  par  nuit  embler  ce  que  j'ai  si  comparet,  et 
qui  m'a  coustet  tant  de  deniers.  Si  sui  moult  liés,  qant  je  vous  ai 
pris  à  Fesprueve.  Vous  en  voliës  avoir  millour  marchiet  que  je 
n'aie  eu,  qant  vous  le  quidiës  avoir  pour  vint  mille  escus  ;  mais 
Dieus  m'a  aidië  que  vous  avës  falli  à  vostre  entente.  Encores  m'ai- 
dera il,  se  il  li  plaist,  je  i  ai  bien  fiance,  maugrë  en  aient  tout  mi 
ennemi.  »  Mesires  Joffrois  fîi  tous  honteus  et  ne  respondi  mot. 

Et  U  rois  passa  oultre  et  s'en  vint  devant  mesire  Ustasse  de 
Ribeumont  et  li  dist  tout  joieusement  :  «  Mesire  Ustasse,  vous  estes 
li  cbevaliers  del  monde  où  en  armes  je  me  sui  jusques  à  chi  le 
plus  esbatus  de  l'espëe ,  et  je  vous  ai  veu  moult  volentiers ,  et 
vous  tieng  pour  la  journëe  pour  le  mieuls  asallant  et  requérant 
ses  ennemis.  Et  de  la  bataille  je  vous  en  donne  le  pris,  et  aussi 
font  tout  li  cevalier  de  ma  court  par  droite  sieute.  » 

Adonc  prist  li  rois  le  chapelet  lequel  il  portoit  sus  son  chief, 
qui  estoit  bons  et  riches,  et  le  mist  et  asist'  sus  le  chief  à  mesire 
Ustasse,  et  li  dist  ensi  :  «  Mesire  Ustase,  je  vous  donne  ce  capelet 
pour  le  mieuls  combatant  de  toute  la  journëe  de  ceuls  de  dedens 
et  de  ceub  de  dehors,  et  vous  pri  que  vous  le  portes  ceste  anëe 
pour  l'amour  de  mi.  Je  sçai  bien  que  vous  estes  gais  et  amoureus, 
et  que  volentiers  vous  vos  trouves  entre  dames  et  damoiselles.  Si 
dittes  partout  où  vous  venës  que  je  le  vom  ai  donne,  et  parmi 
tant  je  vous  quite  vostre  prison.  Vous  estes  mon  prisonnier,  et 
vous  poës  partir  demain,  se  vous  voles,  s» 

li  chevaliers  fii  tous  resjoTs  de  ces  deus  dons,  le  premier  de 
l'onnour  que  li  rois  d'Engleterre  li  faisoit  de  donner  si  rice  jeuiel 
que  le  chapelet  que  il  portoit  sus  son  chief,  et  l'autre  don  de  ce 
que  il  li  quitoit  sa  prison.  Si  se  volt  engenoullier  devant  le  roi, 
mais  U  rois  ne  le  volt  souffrir.  Et  le  remerchia  grandement  li  dis 
mesire  Ustasse  et  dist  :  «  Très  chiers  sires  et  nobles  rois,  je  ferai 
tout  ce  dont  vous  me  cargiës.  »  Adonc  fîi  là  aportë  vins  et  espis- 
ces,  et  en  prist  li  rois  et  li  chevalier,  et  puis  casquns  ala  en  son 
retret  et  passèrent  la  nuit. 

Qant  ce  vint  à  lendemain,  par  le  congiet  dou  roi,  mesires  Us- 
tasses  de  Ribeumont  se  départi  de  Calais  quites  et  délivres  et  à 


ai  6  CHRONIQUES  DE  J,  FROISSART.  [1350] 

son  honnour,  ensi  que  vous  savës,  et  prist  congiet  à  ses  compa- 
gnons. Et  s'en  retourna  en  France  devîers  le  roi  Phelippe  et  le 
duch  de  Normendie  qui  moult  Famoit,  et  leur  recorda  son  aven- 
ture. Et  toute  celle  anée  il  porta  ce  capelet  de  perles  sus  son  chief, 
de  quoi  il  furent  grandes  nouvelles  en  France  et  en  aultres  pais. 

Et  li  rois  d'Engleterre  se  départi  de  Calais,  mais  à  son  dépar- 
tement il  institua  mesire  Jehan  de  Biaucamp  à  estre  capitainne 
et  gardiien  de  Calais,  et  en  osta  mesire  Ainmeri  de  Pavie,  et  li 
donna  terre  ailleurs  en  la  chastelerie  de  Calais,  une  forte  maison 
que  on  dîst  Fretun.  Et  puis  entra  en  mer  avoecques  ses  gens  et 
enmena  avoecques  lui  en  Engleterre  ses  prisonniers;  et  vinrent  à 
Londres  et  trouvèrent  là  le  conte  de  Ghines,  le  conte  de  Tanqar- 
ville,  mesire  Carie  de  Blois  et  des  aultres  barons  et  chevaliers  de 
France  qui  avoient  esté  pris  en  Bretagne  et  en  Gascongne  et  ail- 
leurs, ensi  que  les  armes  amennent.  Si  se  conjoirent  et  festiièrent 
l'un  l'autre,  ne  onques  ne  furent  mis  en  prison  serrëe,  mais  recreu 
sus  lors  fois  courtoisement,  et  pooient  par  tout  Londres  aler, 
jeuer  et  esbatre. 

Et  mesire  Caries  de  Blois,  li  contes  de  Ghines  et  li  contes  de 
Tanqarville  aloient  voler  des  faucons  et  des  lanerés  au  dehors  de 
Londres  et  esbatre  sus  le  pais,  qant  il  voloient.  Et  pooient  demo- 
rer  quatre  jours  hors,  et  au  chienqime  retomner  à  Londres;  et 
qant  il  s'estoient  remoustré  un  jour,  ils  s'en  pooient  partir  à  l'en- 
demain  et  retourner  arrière  en  lors  esbas.  F®  149. 

P.  81, 1.  18  :  Quant.  —  Le  §  320  manque  dans  les mss.  jiià6^ 
P»  175  v«,  dans  les  mss.  ji  S  à  iO,  i^  154,  dans  les  mss.  A  i\  à 
14,  f»  163,  dans  les  mss.  Ai^  à  17,  f»  172,  dans  les  mss.  A  18, 
19,  P»  179  v«,  enfin  dans  les  mss.  A  ^0  à  22,  f»  246  v*.  —  Xff 
§  320,  dans  lems.  u^  7,  f*  165  v*,  s* arrête  à  ces  mots  :  îa,  moult 
resjols  (p.  83,  1.  22),  et  dans  les  mss.  A  ±d  à  33,  f'  190,  à  ces 
mots  :  demain  s'il  vous  plaîst  (p.  83, 1.  18  et  19). 

P.  81,  1.  18  :  Quant.  ^  Ms.  B  6  :  Quant  la  bataille  fut  finée 
et  la  chasse  cessée  et  tout  le  camp  délivré,  et  que  les  Englès  ne 
savoient  point  à  qui  combatre,  car  les  cappitaines  des  François 
estoient  que  mors  ou  pris  pour  celle  bataille,  excepté  aulcuns  si- 
gneurs  qui  se  sauvèrent,  messire  Moriaulx  de  Fi[e]ne,  le  sire  de 
Rely,  le  sire  de  Cresekes  ;  et  laissèrent  mors  le  sire  de  Quiquen*- 
pois,  monseigneur  Pépin  de  Werre  et  le  sire  du  Bos  et  des  aultres 
chevaliers  :  donc  se. retrait  le  roy  en  la  ville  de  Calais.  F"*  420  et 
421. 


[1350]      VARUNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  321.         317 

P.  81,  1.  19  :  se  retraist.  —  Ms.  J9  3  :  se  tira.  F*  154  y*. 

P.  83, 1.  6  :  par  droite  sieute.  —  Mss,  ^^  23  a  29  :  par  droite 
sentence.  F»  190  v*.  —-Mss.  J  30  à  33:  par  droit  science.  F"  201 
▼•.  —  Ms,  B  3  :  par  droicte  raison.  F*  155.  —  Ms,  ^  4  :  par 
droite  science.  F®  145. 

P.  83,  1.  8  :  chief.  —  Ms,  B  6  :  bien  richement  ouvre  de 
grandes  perles  et  grosses.  P  422. 

P.  83,  1.  10  :  chapelet.  —  Ms.  B  6  :  cappiel.  F*"  422. 

P«  83,  1.  17  :  prisonnier.  —  Ms.  j9  6  :  je  vous  quiteray  pour 
l'amour  des  dames  et  demoyselles  vostre  prison.  F*  422. 

P.  84,  1.  14  :  escus.  —  Ms.  B  6  :  florins.  P  423. 

§  3SI.  P.  84,  1.  21  :  En  celle  anëe*.  —  Ms.  d! Amiens  : 
En  ceste  annëe  trespassa  de  ce  siècle  la  roynne  de  France,  femme 
au  roy  Phelippe  et  suer  au  duc  Oede  de  Bourgoingne.  Ossi  fist 
madamme  Bonne,  la  duçoise  de  Normendie,  fille  au  roy  de  Be- 
haingne  :  si  furent  li  pères  et  li  filz  vesvëz  de  lors  deux  femmes. 
Assës  tost  apriès,  se  remaria  li  roys  Phelippes  à  madamme  Blance 
de  Navarre,  fille  au  roy  Carie  de  Navarre.  Et  ossi  se  remaria  li 
dusJehans  de  Normendie  à  la  comtesse  de  Boulongne,  duçoise  de 
Bourgongne.  Si  se  tinrent  toudis  lez  trieuwez  entre  le  roy  de 
Franche  et  le  roy  d'Engleterre  eus  es  marcez  de  Picardie,  mes 
ens  es  lontains  pays  non  ;  car  toudb  se  herioient  il  et  guerioient 
en  Poito,  en  Saintonge  et  sur  les  finontièrez  d' Acquitaine.  P*  98  vo. 

—  Ms,  de  Rome  :  En  celle  prope  anëe  trespassa  de  ce  siècle  la 
roine  de  France,  fenme  au  roi  Phelippe  et  soer  germainne  au  duch 
Oede  de  Bourgongne.  Aussi  fist  madame  Bonne,  duçoise  de  Nor- 
mendie, qui  fille  avoit  este  au  gentil  roi  de  Behagne.  Si  furent  li 
pères  et  li  fils  vevës  de  leurs  deus  fenmes. 

Assës  tos  apriès  se  remaria  li  rois  Phelippes  de  France  à  ma- 
dame Blance,  fille  au  roi  de  Navare  ;  et  aussi  se  remaria  li  dos  de 
Normendie  à  la  contesse  d'Artois  et  de  Boulongne,  qui  veve  estoit 
et  avoit  esté  fenme  à  mesire  Phelippe  de  Bourgongne,  fil  au  duch 
Oede  de  Bourgongne. 

1.  A  partir  de  ce  §  321  jusqu^aa  %  370  inclntiTement,  les  mss.  A 
on  mss.  de  la  première  rëdaction  proprement  dite  présentent  un  texte 
complètement  différent  de  celui  des  mss.  B  ou  mss.  de  la  première 
rédaction  révisée  :  ce  texte  des  mss.  A  est  un  fragment  emprunté  aux 
Grandes  Chroniques  de  France  ;  on  le  trourera  reproduit,  comme  sup* 
plément  à  nos  variantes,  à  la  fin  de  oe  Tolome. 


318  CHRONIQUES  DE  J.  FAOISSART.  [1347] 

Et  estoit  chils  mesires  Phelippes  mors  devant  Âgnillon,  ensi  que 
chi  desus  il  est  contenu  en  nostre  histore.  Et  estoit  demorés  de  li 
uns  fils  qui  se  nonma  Phelippes  et  morut  jones;  mes  il  fu  avant 
maries  à  la  fille  le  conte  de  Flandres  :  douquel  conte  je  parlerai 
assés  tos,  pour  un  tant  que  il  fiança  et  jura  en  i'abeie  de  Berghes 
en  Flandres  que  il  espouseroit  madame  Isabiel  qui  fille  ettoit  au 
roi  d'Engleterre,  et  point  ne  procéda  avant  ou  mariage. 

Et  estoit  ceste  contesse  d'Artois  et  de  Boulongne,  cousine  ger- 
mainne  au  duch  Jehan  de  Normendie  et  conmère  deus  fois  ;  mais 
de  toutes  ces  proismetës  dispensa  papes  Clemens  qui  resnoit  pour 
ce  temps.  F"  149  v«  et  150. 

P.  84,  1.  Ï3  :  Oede.  —  Ms.  B  3  :  Odes.  P»  153  v«. 

P.  84,  h  25  :  demora  à  Creci.  —  Ms.  B  3  :  fut  tuhé  devant 
Crecy. 

P.  84,  l.  26  :  vevés.  —  Ms.  B  3  :  vefvës.  —  Ms.  B  4  :  ves- 
vés.  F»  145  v«. 

.P.  84,  1.  29  :  ArgesiUe.  —  Ms.B^  :  Àgresille.  F>  358. 

P.  85,  L  2  :  devant.  —  Le  ms.  B  5  ajoute  :  le  chastel. 

P.  85,  1.  5  et  6  :  regnoit  pour  ce  temps.— Af'. il? 3  :  presidoit 
en  sainte  église. 

§  S9S.  P.  85,  1.  7  :  Vous  avës.  —  Ms.  de  Rome  :  Vous  avés 
bien  chi  desus  ol  conter  conment  Lois,  li  jones  contes  de  Flan- 
dres, fiança,  ensi  que  je  disoie  maintenant,  la  fille  au  roi  d'En- 
gleterre et  conment,  malescieusement  et  par  grant  avis,  il  se 
départi  de  Flandres  et  vint  en  France,  et  se  tint  dalës  le  roi  Phe- 
lippe  et  madame  se  mère. 

De  toutes  ces  coses  fu  enfourmës  li  dus  Jehans  de  Braibant.  Si 
n'en  estoit  pas  courouchiësi  mais  resjols,  ensi  que  chils  qui  avoit 
sa  fille  à  marier  ;  mes  bien  veoit  que  à  ce  mariage  par  nul  moiien 
il  ne  pooit  venir^  fors  par  le  roi  de  France.  Si  envoia  11  dis  dus 
grans  messages  à  Paris  deviers  le  roi,  en  li  priant  que  i)  vosist 
consentir  que  li  joues  contes  de  Flandres  espousast  sa  fille,  et  il 
demorroit  dalës  lui  et  bons  François  à  tous  jours  mes,  et  feroit 
tant  par  force  ou  par  amours  que  la  conte  de  Flandres  seroit  en 
l'obesance  de  li,  et  aideroit  la  ville  de  Calais  à  recouvrer,  et  mist 
moult  de  belles  proumesses  et  de  grandes  avant,  pour  atraire  à 
ses  volentés  le  roi  Phelippe. 

Qant  li  rois  de  France  se  vei  priiés  et  si  acertes  dou  duch  de 
Braibant,  et  que  si  il.s'umelioit  enviers.lui^  si  se  laissa  à  dire  el 


[1347]      VARIAMfiS  DU  PREMIEa  UVRE,  $  322.         319 

crei  son  ccmsel.  Et  li  fu  dit  que  li  dus  de  Braibant  estoit  uns  grans 
sires  et  de  grans  poorcas,  et  que  moult  il  pooit  brisier  le  fait  des 
Alemans  par  li  et  par  son  pais  et  moult  grever  les  Flamens  ;  si 
se  acorda  à  ce  mariage.  Et  fu  li  jones  contes  envoiiës  à  Arras,  et 
là  fu  amenée  la  fille  de  Braibant;  et  là  ot  grans  parlemens  et  tret* 
tiés  secrès  entre  le  duch  de  Braibant  et  le  jone  conte  de  Flandres 
et  son  consel.  Et  trop  grandement  en  ce  mariage  i  fii  bien  gardes 
li  contes  de  Flandres,  car  on  fist  escrire  et  seeler  au  ducb  de 
Braibant,  pour  tant  que  on  le  veoit  chaut  et  désirant  à  procéder 
en  ce  mariage  que,  se  il  moroit,  la  ville  de  Malignes  et  la  ville 
d' Anwiers  et  toutes  les  apendances  et  signourîes  par  icelles  à  elles 
retoumeroient  à  tous  jours  mes  au  conte  et  as  contes  de  Flan- 
dres. Et  seela  li  dus  et  se  obliga  si  fort  par  serement  mis  et  jures 
en  la  main  dou  roi  de  France  et  de  ses  conmis  et  sus  tabelion» 
nages  pubHques,  que  les  convenances  souflSrent  bien  au  conte  de 
Flandres  et  à  son  consel.  Et  parmi  tant  li  mariages  se  passa,  et 
espoussèrent  en  la  chitë  d' Arras  ;  et  furent  dispensé  tout  li  article 
que  li  contes  de  Flandres  avoit  eu  et  les  convenances  au  roi 
d'Engleterre.  Encores  fu  on  tous  resjol  de  ce  que  il  l'avoit  de« 
oeu,  et  que  par  malisce  il  lor  estoit  escapës.  Et  dissent  li  papes 
et  les  cardinaus  que  bons  sens  naturels  H  avoit  tout  ce  fait  faire. 

Et  qant  la  oongnissance  en  vint  an  roi  d'Engleterre  que  li  dus 
de  Braibant,  qui  ses  cousins  germains  estoit,  avoit  mariet  sa  fille 
au  jone  cimte  de  Flandres  par  le  moiien  don  roi  Phelippe  et  des 
Francis,  et  devoit  avoir  grans  aliances  dou  dit  duc,  parmi  ce 
mariage  faisant,  as  François,  si  se  contenta  moult  mal  du  duc  et 
dist  que  jamais  il  n'aueroit  parfaite  fiance  en  li,  et  porta  son  anoi 
au  plus  biel  que  il  pot,  et  dist  bien  que  Lois  de  Maie  seroit  en- 
cores uns  baretères.  F*  150. 

P.  85,  l.  Il  :  en  France.  —  Ms$.  J?  3  er  4  :  en  Flandres,  il  se 
partit  de  ses  gens  et  s'en  vint  en  France.  F®  155  v®. 

P.  85,  1.  14  :  ou  cas  que.  —  Mss,  B  S  et  ^  :  veu  que. 

P.  85,  l.  20  :  tiroit.  —  Ms.  B  3  :  traictoit. 

P.  85,  1.  21  et  22  :  excepte....  Flandres.  — «  Mi.  ^  3  :  car  le 
conte  de  Haynaut  avoit  eu  l'autre. 

P.  85,  l.  24  :  laissier.  —  Le  ms,  BZ  ajoute  :  traicter.  —  Xe 
ms.  B  4  ajoute  :  passer.  F»  145  v*. 

P.  86, 1.  6  :  veroit.  —  Ms.  B  3  :  feroit.  —  Ms.  B  4  :  voroit. 
F»146. 

P.  86,  1.  12  :  en  le  main.  —  Ms.  B  :  au  poing. 


8i0  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1350] 

P.  86,  1.  16  :  li  consaulz.  —  Ms.  B  3  :  les  oodsuLb.  P  156. 

P.  86,  1.  23  :  ou  cas.  —  Jlf/«  J?  3  :  es  condicions. 

P.  86,  1.  27  :  raroient.  —  Mi,  B  3  :  recouvreroienU 

P.  87,  1.  3  et  4  :  monsigneur....  des  Mons. —  Ms.  B  3  :  mes- 
sire  Godefroy,  conte  de  Mons. 

P.  87, 1.  15  et  16  :  goy  et  possessë.  —  Ms.  B  3  :  joyt  et  pos- 
séda. 

P.  87, 1.  22  :  seorent.  —  Ms»  B  3  :  sauroient. 

P.  87,  1.  28  :  brieiinent.  —  Ms,  B  3  :  legierement. 

P.  87,  1.  29  :  pour  le  temps  de  lors.  —  Ms»  B  3  :  par  lors. 

P.  88,  1.  7  :  Flandres.  —  Ms.  B  3  ajoute  :  son  fils. 

§  585.  P.  88,  1.  8  :  En  ce  temps.  —  Ms.  de  Rome  .*  En  ce 
temps  avoit  grant  ranqune  entre  le  roi  d'Engleterre  et  les  Espa- 
gnols, pour  auqunes  malles  Csiçons  et  pillages  que  les  dis  Espa- 
gnols avoient  fait  sus  mer  as  Englois.  Et  avint  que  dedens  cel  an 
li  Espagnol,  qui  estoient  venu  en  Flandres  «i  lor  marceandisses, 
furent  enfourmë  que  nullement  il  ne  pooient  retourner  arrière 
que  par  le  dangier  des  Englois,  et  que  on  lor  avoit  clos  la  mer  par 
samblant.  Li  Espagnol  n'en  fissent  nul  compte  et  parlèrent  en- 
samble  à  Bruges  et  aillours  là  où  il  se  trouvèrent,  et  se  requelliè- 
rent  et  atendirent  l'un  l'autre  et  se  pourveirent  moult  grandement 
de  tout  che  qui  nécessaire  estoit  pour  li  defiendre  de  chanons,  de 
barriaus  de  fier  aguissiés,  d'ars,  arbalestres  et  d'arbalestriers,  et 
engagièrent  plus  de  chienq  cens  Flamens,  François  et  HoUandois. 
Tout  estoient  retenu  as  saudëes  gens  qui  lor  venoient. 

Qant  li  rois  d'Engleterre,  qui  avoit  ses  espies  en  Flandres, 
sceut  que  poins  fu,  et  que  li  Espagnol  dévoient  rapasser  et  retour- 
ner en  lors  pais,  ils  se  mist  sus  mer  à  moult  belle  gent  d'armes, 
chevaliers  et  esquiers,  et  moult  ot  de  grans  signeurs  en  sa  com- 
pagnie. En  celle  anëe  avoit  il  fait  et  crée  son  cousin  le  conte 
Derbiy  duch  de  Lancastre,  et  le  baron  de  Stanfort,  conte  de 
Stanfort.  Et  estoient  là  en  celle  armée  avoecques  li,  si  doi  fil,  li 
princes  de  Galles  et  Jehans,  contes  de  Ricemont,  mab  chils  estoit 
encores  moult  jones  ;  et  l'avoit  li  princes  amené  avoecques  li 
pour  mostrer  les  armes,  car  moult  l'amoit.  Là  estoient  li  contes 
d'Arondiel,  li  contes  de  Herfort,  li  contes  de  Norhantonne,  li 
contes  de  Sasleberi,  li  contes  de  Suforc,  li  contes  de  Warvich, 
messires  Renauls  de  Gobehen,  messires  Gantiers  de  Mauni,  me- 
sires  Robers  de  Namur,  bien  acompagniés  de  chevaliers  et  d'< 


[1350]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  324.  321 

quiers  de  son  pais,  li  sires  de  Basset,  messires  Thomas  de  Hollan- 
des, messires  Guis  de  Briane,  li  sires  de  Manne  et  pluisseurs 
aultres  que  je  ne  puis  pas  tous  nonmer.  Et  se  tinrent  li  rois  et 
lors  gens  en  lor  vassiaus  tous  croissiés  sus  la  mer,  atendans  les 
Espagnols.  P»  150  v*». 

P.  88,  1.  8  :  rancune.  —  Mss.  B  3  et  k  :  hayne.  F®  156. 

P.  88, 1. 17  et  18  :  et  leurs  nefs  et  leurs  vaissiaus.—  Ms,  B  3  : 
en  leurs  navires  et  vaisseaux.  F®  1 56  v®. 

P.  88,  1.  22  :  leurs  emploites.  —  Aïs.  B  d'i  leur  exploict.' — 
Ms  B  kl  leurs  exploites.  ¥^  146  v«. 

P.  88,  l.  25  :  enhay.  —  Mss.  B  3  et  k  :  en  hayne. 

P.  88,  1.  29  :  contre.  —  Les  mss.  B  3  et  k  ajoutent  :  nous. 

P.  88, 1.  29  et  30  :  recueilliet.  —  Ms.  B  3  :  recueilliz. 

P.  89,  1.  4  :  d'Exesses.  —  Ms.  B  2  :  d'Exestre. 

P.  89, 1.  8  :  sa  femme.  —  Ms.  J9  3  :  sa  mère. 

P.  89, 1.  21  :  Stanfort.  —  Ms.  B  3  :  Stafort. 

P.  89,  L  22  :  li  princes  de  Galles.  —  Ms.  j?  5  :  le  patriche  do 
GaUes.  F«  359. 

P.  89,  1.  26  :  l'amoit.  —  Ms.  j9  6  :  Là  eetoient  avecques  luy 
ses  filz  le  prinches  de  Galles,  le  conte  Derby,  le  conte  de  Stan- 
fort, le  conte  de  Norhantone,'  le  conte  de  Warvich,  1^  conté  de 
Suforty  le  conte  d'Askessufort,  le  conte  de  Salbry,  messire  Re- 
nault de  Gobehen,  messire  Gautier  de  Mauny,  messire  Jehan 
Camdos  et  toute  le  fleur  des  barons  et  des  chevaliers  d'|Sngle- 
terre.  Y^  424. 

P.  89,  ].  31  et  32  :  Bietremieus  de  Brues.  — >  Ms.  B  3  :  Barte- 
lemy  de  Bruges.  —  Ms.  B  4  :  Betremieux  de  Bruhes.  —  Ms.  B  5  : 
Bertelemy  de  Bruves. 

P.  90,  1.  9  :  n  attenderoient.  —  Ms.  B  3  :  n'attendirent.    ' 

g  524.  P.  90,  1.  11  :  Quant  li  Espagnol.  —  Ms.  Je  Rome  : 
Qant  li  Espagnol  orent  fait  l«iir  emploite  et  lor  murceandise,  et  il 
orent  cargiet  lors  vassiaus  de  draps  et  de  toiJles,  et  de  tout  ce 
que  bon  et  pourfitable  lor  sambloit  pour  retourner  en  lor  pais,  et 
bien  supposoient  que  il  soroient  rencontf^  des  Englqis ,  mais  de 
tout  ce  il  ne  faisoient  point  grant  compte,  puis  ^ue  il  estoient 
pourveu  d'artelerie  et  de  chanons.  Et  Vous  di  que  Espagnols  se 
confient  grandement  en  fors  vassiaus,  lesquels  il  ont  grans  et 
fors  trop  plus  que  le^  Englois  n'aient,  e/.  tout  s'asamblèrent  de- 
vant TEscluse.  Qant  il  veirent-que  temps  Tu  de  départir,  et  que 

IV  —  21 


322  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÀRT.  [1350] 

tout  par  ordenAnce  il  entendirent  à  entrer  en  lors  vassiaus,  il  se 
desancrèrent  et  se  départirent  tout  de  une  flote  et  estoient  belle 
compagnie,  bien  soissante  gros  vassiaus,  et  prissent  le  parfont  et 
les  bendes  d'Engleterre.  Et  dient  li  auqun  que  il  s'en  fuissent 
bien  aie,  se  il  vossissent,  et  que  jà  il  n'euissent  eu  nul  rencontre 
des  Englois  ;  mais  orgoels  les  surmonta  et  outrequidance,  et  qui- 
dièrent  bien  desconfire  le  roi  d'Engleterre  et  ruer  jus  les  Englois, 
et  disoient  que  il  estoient  fort  assës  pour  tout  cela  faire.  Toutes 
fois,  il  donnèrent  au  roi  d'Engleterre  et  à  ses  gens  otant  à  faire, 
par  hardiment  asambler  et  combatre,  que  onques  aultres  gens  li 
donnassent  painne,  ensi  que  je  vous  recorderai  assës  briefment. 

Li  rois  d'Engleterre  qui  estoit  sur  mer  o  tout  sa  navie,  avoit 
jà  ordonne  toutes  ses  besongnes  et  devisé  conment  on  se  comba- 
teroit;  et  avoit  mesire  Robert  de  Namur  fait  mestre  et  gouvreneur 
de  une  nef  que  on  appelloit  la  Sale  dou  Roi^  là  où  tous  11  hostels 
dou  roi  estoit.  Et  se  tenoit  li  rois  d'Engleterre  ou  chief  de  sa  nef, 
vestis  d'un  noir  jaque  de  veluiel,  et  portoit  sus  son  chief  un  noir 
chapelet  de  beveres  qui  bien  li  seoit  ;  et  estoit  adonc,  selonch  ce 
que  di|.me  fu  par  ceuls  quiavoecques  lui  estoient,  ausi  joieus  que 
onques  on  l'avoit  veu.  Et  fist  ses  ménestrels  coumer  devant  li 
une  danse  d'^lemagne  que  mfessires  Jehans  Camdos  qui  là  estoit 
presens,  avoit  nouvellement  raporté;  et  encores  par  esbatement 
il  faisoit  le  dit  chevalier  chanter  avoecques  ses  menestrès,  et 
prendoit  en  ce  grant  plaisance.  Et  à  le  fois  regardoit  en  hault,  car 
il  avoit  mis  une  gette  ou  chastiel  de  sa  nef,  pour  anonchier  qant 
li  Espagnol  venroient. 

Ensi  que  li  rois  estoit  en  ce  déduit,  et  que  tout  si  chevalier 
estoient  moult  liet  de  ce  que  il  le  veoient  si  joieus,  la  gaitte  qui 
perchut  la  navie  des  Espagnols  venir  fillant  aval  vent,  dist  :  «  Ho! 
je  vois  une  nef  venant,  et  croi  que  elle  soit  d'Espagne.  »  Lors 
cessèrent  li  ménestrel,  et  fu  à  la  ditte  gaitte  assës  tos  apriès  de- 
mande se  il  en  veoit  plus  :  «  ûil,  respondi  il,  j'en  voi  deus  et 
puis  trois  et  puis  quatre,  »  et  puis  dist  :  «  Je  voi  la  flote,  et  s'a- 
procent  durement.  »  Donc  sonnèrent  trompètes  ens  es  vassiaus,  et 
claronchiaus  :  grant  plaisance  estoit  à  l'olr.  Et  lors  se  requel- 
lierent  toutes  nel's  dou  costë  le  roi  d'Engleterre  et  se  missent  en 
ordenance,  ensi  comme  il  dévoient  aler.  Et  estoit  li  contes  de 
Warvich  amirauls  de  la  mer,  de  par  les  Englois;  et  jà  estoit  tart 
qant  li  Espagnol  aprochèrent.  Et  fist  li  rois  aporter  le  vin  et  but, 
et  tout  SI  chevalier  qui  en  sou  vassiel  estoient;  et  pms  mist  li  rois 


[1350]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  324,         323 

le  bachinet  en  la  teste,  et  aussi  fissent  toat  li  aultre.  Tantos  apro- 
chièrent  li  Espagnol,  qui  bien  s'en  fuissent  aie  sans  combatre,  se 
il  vosissent;  car,  selonc  che  que  ils  estoient  bien  frété  et  en  grans 
vassiaus,  et  avoient  le  vent  pour  euls,  ils  n'euissent  jà  parlé  as 
Englois,  se  il  vosissent.  Mab  orgoels  et  outrequidance  les  fist 
traire  avant,  et  par  samblant  de  grant  volenté  conmenchier  la  ba- 
taille et  par  bonne  ordenance.  F^'  d50  v®  et  i5i. 

P.  90, 1.  11  :  emploite.  —  Ms.B  k\  exploite.  F«  146  v». 

P.  90,  1.  12  :  marcheandise.  —  Ms.  ^  6  :  en  Flandres,  en 
Haynau  et  en  Brabant.  F*  424. 

P.  90,  1.  12  et  13  :  vaissîaus.  —  Ms,  B  6  :  dont  il  avoient 
plus  de  cent.  F^  424. 

P.  90,  1.  16  :  ne  faisoient  il  compte.  —  Ms,  i?  3  !  ne  faisoient 
il  pas  grant  compte.  F*  157. 

P.  90,  1.  17  :  TEscluse.  —  Ms.  B  k  x  TEscuze.  F»  147. 

P.  90,  1.  18  :  vaissiaus.  — Ms.  B  6  :  environ  le  mois  de  sep- 
tembre. F"  324. 

P,  90,  1.  19  :  artUlerie.  —  Ms,  B  3  :  d'arbalestriers,  canons 
et  grandes  coulouvrines.  F*  157.  —  Mss,  B  k  et  5  i  quarriaux 
d'arbalestres,  de  canons  et  de  grant  artillerie. 

P.  90,  1.  21  :  tous  faitis.  —  Ms.  B  3  :  expressément. 

P.  90,  1.  21  :  effondrer.  —  Ms.  B  3  :  fondre. 

P.  90,  h  22  :  cailliaux.  —  Ms.  B  3  :  caillots. 

P.  90,  1.  29  :  estramières.  — -  Jfi.  B  3  :  estandars. —  Ms.  i?5  : 
enseignes.  F**  359. 

P.  90,  1.  30  :  ensegnies.  —  Ms.  B  3  :  signets. 

P.  91,  1.  5  :  dix  mil.  —  Ms.  B3  :  quarante  mil. 

P.  91 ,  1.  10  :  vent.  —  Ms.  B  3  :  tref. 

P.  9!,  1.  10  :  par  devers.  —  Ms.  B  3  :  pour  aller  à. 

P.  91,  1.  17  :  ses  hotelz.  —  Ms.  B  3  :  son  logiz. 

P.  91,  1.  19  :  veluiel.  —  Ms.  B  3  :  vieil  veau.  —  Ms.  B  5  : 
vermeil.  F*  359. 

^,P.  91, 1.  20  :  bièvre.  —Ms.Bk:  beuvres,  F»  147.  —  Ms. 
B  5  :  beneves. 

P.  91,  1.  23  :  menestrelz.  —  Ms.  B  3  :  menestriers.  — ,  Ms. 
B  4  :  menestreux. 

P.  91 ,  1.  23  :  corner.  —  Ms.  B  3  :  jouer. 

P.  91,  1.  26  :  chanter.  —  Ms.  B  4  :  canter. 

P.  91,  1.  27  et  28  :  à  le  fois.  —  Ms.  B  3  :  aucunes  fois. 

P.  91, 1.  28  :  gette.  —Ms.  B  3  :  gaitte.  -^  Ms.  B  k  :  guette. 


I 


324  GHIiONIQUES  D£  J.  FROISSART.  [1350] 

P.  91, 1.  29  :  noncier,  —  Ms,  B  3  :  annimcier.  —  ilfr.  B  4  : 
nonchier. 

P.  92,  J.  3  :  li  gette.  —  Ms,  B  6  ajoute  :  qui  estoit  sur  la 
hune.  F»  245. 

P.  92, 1.  16  :  ilote.  —  Là  estoit  messire  Robert  de  Namur  qui 
'  fu  ordonnes  de  par  le  roy  d'Eogleterre  à  estre  mestre  de  se  salle. 
F«  425  v\ 

P.  92, 1.  24  :  vosissent.  —  Ms.  B  3  :  eussent  volu.  F»  157  v*. 

§  525.  P.  92,  1.  29  :  Quant  li  rois.  —  Jlfr.  de  Rome  :  Qant  li 
rois  d*£ngleterre  qui  estuit  en  sa  nef,  en  vei  la  manière,  si  fist 
adrechier  '  son  vassiel  contre  une  nef  espagnole  qui  venoit  tout 
droit  vi^rs  li,  et  dist.ii  celi  qui  gouvrenoit  sa  nef.  «  Adrèce  noos  à 
celi  qui  vient,  car  je  vœl  jouster  à  lui.  »  Et  chils  le  fist.  Si  se  en- 
contrèrent  de  grant  randon  les  deus  nefs,  car  elles  estoient  gran- 
des et  foftes  et  bien  esquellies;  et  fu  mervelles  que  elles  ne  se 
.  esquartelèrent  dou  cop  que  elles  se  donnèrent.  li  mas  de  la  nef 
dou  roi  à  tout  le  chastiel  consievi  le  cbastiel  de  la  nef  espagnole 
où  dedens  il  avoit  douse  hommes.  Li  chastiaus  fii  rompus  et  les 
hommes  voles  en  la  mer  et  noiiës. 

Et  la  nef  dou  roi  fà  croqie  et  faisoit  aige  tant  que  li  chevalier 
dou  roi  s'en  perchurent,  mais  point  ne  le  dissent  encores  au  roi, 
et  s'ensonaiièrent  les  auquns  à  le  tiidier.  Donc  regarda  li  rois  la 
nef  contre  qui  il  avoit  joustë,  et  li  plaisi  grandement  et  dist  : 
«  Acroqons  nous  à  celle  nef  et  entrons  dedens  ;  elle  est  plus  forte 
que  la  nostre.  »  Donc  respondirent  si  chevalier  :  «  Sire,  laissiés  le 
aler.  vous  en  anerës  une  millour.  »  Geste  nef  espagnole  passa 
oultre;  une  ault^  vint,  qui  estoit  grose  et  belle  et  bien  garnie. 
Si  acroqièrent  li  cbevalier  lor  nef  à  ceste  à  cros  et  à  chainnes 
de  fier. 

Lors  se  conmençal)ataille  forte  et  fière  durement  «t  archiers  à 
traire  as  Espagnols,  et 'Espagnols  au  traire  et  lanchiar  de  grande 
volentë  et  non  pas  tant  seullement  en^un  Heu,  mais  en  vint  ou  en 
trente.  Et  se  acroqoient  lés  nefs  unes  as  aultres  pour  euls  mieuls 
combatre.  Et  vous  di  gue  les  Englois  ne  l'avaient  pas  d'van- 
lage;  car  Espagnols  jettoi«Dt  pières  de  faix  et  grans  barriaus  de 
fier  dont  il  estoient  bien  pourveu,  car  lors  nefs  estoient  hautes  : 
si  avoient  grant  avantage  à  euls  bien  defiendré^ 

T^a'  nef  Espagnole  où  li  rois  d'Engleterra  et  si  chevalier  •stoient 
acroquiet  fut  moult  bien  defiendue,  tant  que  elle  pot  durer  $  mais 


[i350]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  32G.  385 

finablement  elle  fu  conquise,  et  tout  mis  à  bort  chil  qui  decjens 
estoient.  Et  entrèrent  dedens  li  rois  et  si  chevalier,  et  les  varies 
entendirent  à  widier  lors  coses  de  la  nef  croqie  et  remettre  en  ce 
fort  vassiel  ;  et  qant  elle  fu  toute  widie,  il  le  descroqièrent  et  le 
laissièrent  aler  à  Tenventure.  Je  croi  bien  que  elle  se  eafoadra 
quelque  part,  car  elle  traioit  moult  fort  aige,  et  riens  n'en  savoit 
li  rois. 

Se  li  dissent  si  chevalier,  et  le  péril  où  il  avoit  este,  pois  en- 
tendirent à  aler  avant  et  à  combatre  lors  ennemis  les  JSspagnols 
qui  se  combatoient  durement  bien  et  ne  faisoient  nul  compte  de^ 
Englois,  à  che  que  il  moustroient;  et  avoient  arbalestriers  qui 
traioient  quariaus  de  forts  arbalestres,  et  ce  travilloient  moult  les 
Englois.  FM  SI. 

P.  93,  1,  6  :  loiie.  —Ms.  B  3  :  lyëe. 

P.  93,  1.  9  :  uns  tempestes.  Ms.  ^  3  :  la  tempeste  y  fîist 
tumbée. 

P.  93,  1.  10  :  dou  rebombe.  —  Ms.  ^  3  :  du  rebonst. 

P.  93,  1.  il  :  consievi.  —  Ms^  B  4  :  consivi.  P»  147  v«  — 
Ms,  B  3  :  confondit. 

P.  93,  1.  14  :  mer.  —  Ms.  -B  6  :  et  ot  plus  de  quatorze  hom- 
mes qui  dedens  estoient,  qui  furent  tout  noies.  F^  426'. 

P.  93,  1.  17  :  crokie. —  Ms.  B  3  :  acrochée. 

P.  93,  1.  19  :  widier.  —  i»fj.  ^  4  :  huidîer. 

P.  93,  1.  20  :  espuisier.  —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  l'eaue. 

m 

§  526.  P.  94,  1.  26  :  Geste  bataille.  —  Ms.  de  Rome  t  Geste 
bataille  sus  mer  des  Espagnols  et  des  Englois  fu  moult  dure  ;  car 
ces  deux  nations  sont  toutes  gens  marins  et  qui  bien  sèvent  con- 
ment  on  s'i  doit  et  poet  maintenir.  Mais  die  conmença  trop  tart; 
car  se  li  aventure  euist  donné  que  dou  matin  avoecques  la  marée 
il  se  fuissent  trouvé,  avant  que  il  euLst  «sté  tart,  U  euissent  fait 
plus  grant  conquest  l'un  sur  l'autre,  que  il  ne  fesissent. 

Li  Jones  princes  de  Galles  et  clûl  de  aci  carge  se  combattent 
bien  en  sus  et  avoient  lorst  nefs  acrbquies  à  vassiaus  espagnols  on 
moult  avoit  de  fors  hommes  et  de  durs,  qui  grant  fuisson  faisoient 
d'appertîsses.  Et  fu  la  nef  df^u  prince  tellement  fourmenée  do 
grans  barriaus  de  fier  aguissiés  que  li  Espagnol  Ihnçoient  contre 
les  assielles,  que  elle  fu  petruîssée  en  trois  ou  quatre  ligues  et  ren- 
doit  grant  aige  \  et  ne  Fen  pooient  garder  chil  qui  i  entendoicnt, 
dont  if  Mtoient  tout  esbghi,*  car  la  nef  apesandisoit  fort. 


326  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT.  [1380] 

Li  dus  de  L&ncastre,  assés  pries  de  là,  se  combatoit  à  Espa- 
gnols et  oy  criier  en  englois  :  «  Rescouse,  rescouse  au  prince  de 
Galles  !  »  Si  dist  à  ses  chevaliers  :  «  Alons  deviers  mon  cousin  le 
prince  ;  je  voi  bien  que  il  a  à  faire.  »  Donc  chil  qui  tenoient  le 
gouvrenal  de  sa  nef,  le  fissent  tourner  à  force,  et  li  aultre  esten- 
dirent  lor  single  contremont;  et  tout  combatant,  vosissent  ou  non 
li  Espagnol,  il  vinrent  jusques  à  la  nef  du  prinche  que  li  Espa- 
gnol tenoient  à  dangier.  Et  qant  li  dus  fu  venus,  li  prinches 
failli  en  sa  nef;  et  aussi  fissent  tout  si  chevalier,  et  là  se  comba- 
tirent  et  moult  longement  à  ces  deus  nefs  espagnoles  :  desquelles 
li  une  fil  conquise  par  bien  combattre  et  tout  chil  mis  à  bort  qui 
dedens  estoient,  et  li  aultre  se  sauva  et  s'en  ala  à  plain  voille  sans 
damage.  F""  151. 

P.  94,  1.  28  et  29  :  se  prendoient.,..  de. —  Ms.  ^  3  :  se  pre- 
noîent  à.  F»  158. 

P.  94,  1.  30  :  usé  de  mer,  —  Ms,  B  3  :  expers  sur  mer. 

P.  93,  1.  1  et  2  :  de  sa  carge.  —  Ms,  B  3  :  soubz  sa  carge. 

P.  95,  1.  5  :  pertruisie.  —  Ms.  B  3  :  persée.  —  Ms.  B  4  : 
pertrausie.  F*  147  v®. 

P.  95,  1.  11  :  espagnole.  —  Lesmss.  B^etBk  ajoutent:  qui 
estoit  acrochëe  {B  4  :  acroquie)  à  la  leur. 

P.  95, 1,  14  :  li  dus  de  Lancastre. — Ms.  B6  :  le  conte. Derby. 
F»  427. 

P.  95,  1.  14  :  ariflflant.  —  ilfjr.  B  3  :  astivement.  —  ilfj.  B  5  : 
riflaht.  F»  359  v». 

P.  95,  1.  18  :  s'arresta.—  Ms.  B  2  :  s'acrocha.  —  Ms,  B  4  : 
s'acroka» 

S  527.  P.  95, 1.  27  :  D'autre  part.  —Ms.  de  Rome  :  D'autre 
part,  se  comWoient  li  baron  et  li  chevalier  d'Engleterre,  cas- 
quns  en  son  vassiel  et  ordonnenche,  ensi  que  à  faire  apertenoit. 
Et  Bien  couvenoit  que  il  fuissent  fort  et  remuant  et  de  grant  em- 
prise, car  il  trouvèrent  dure  gent  et  qui  petit  les  prisoient.  Toutes 
fois,  qant  il  les  orent  assailés  et  veirent  et  congneurent  que  tant 
de  vaiUans  hommes  i  avoit,  il  se  combatoient  en  passant  ensi 
comme  Fescoufle  vole;  et  ne  reioumoient  point,  puis  que  il 
avoîent  fait  lor  emprise. 

Messires^Robers  àe  Namur  estoit  mestres  de  la  Salle  don  Bm, 
et  avint  que  deus  groses  nefs  espagnoles  le  vinrent  environner  et 
le  conmenchièrent  à  asalir  et  Tacroqièrent  de  fait  et  de  force  ; 


[iZW]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  3J8.         3«7 

et  renmenoîent  et  euissent  menet  sans  dangier,  qant  chil  qui  de- 
dens  estoient  conmenchièrent  h  criier  en  hault  :  ccRescoués,  res- 
couës  la  Saie  dou  Roi  I  »  La.  vois  fu  oie ,  et  vinrent  li  sires  de 
Biaumont  en  Engleterre  et  li  sires  de  Basset  à  la  rescouse. 

Encores  i  ot  fait  une  grande  apertise  d'armes  des  uns  des  var- 
iés au  dit  mesire  Robert  ;  car,  qant  il  vei  que  lor  nef  estoit  acroqie 
et  que  li  aultre  nef  Feumenoit  aval,  Tespëe  toute  nue  en  sa  main, 
il  salli  de  sa  nef  en  la  nef  espagnolle  et  vint  coper  les  mestres 
cordes  qui  gouvrenoient  le  single  :  par  quoi  il  chei  aval,  et  ne 
pot  la  nef  aler  plus  avant.  Et  par  ensi  vinrent  H  desus  nonmë 
chevalier  et  lors  gens  tout  à  point  à  la  rescouse  ;  et  furent  ces 
deus  nefs  espagnolles  assallies  de  grant  manière  et  conquises,  et 
tout  mis  à  bort  chil  qui  dedens  estoient.  F®  151  v». 

P.  95,  1.  29  :  besongnoit  —  Le  ms,  B  3  ajoute  :  car  on  les 
gardoit  bien  de  séjourner.  P*  158. 

P.  96  1.  5  :  estour.  —  Ms.  B  3  :  esfort. 

P.  96,  1.  14  :  dou  mestriier.  —  Ms,  i9  3  :  du  maistre. 

P.  96,  1.  22  et  23  :  s'escueilla  et  salli  en.  —  Ms.  B  3  :  entra 
dedens. 

P.  96,  1.  24  :  cable.  —  Ms.  B  ^  :  chable.  F«  359  V». 

P.  96,  1.  24  :  le  voile.  —  Ms.  B  ^  :  le  single.  P  427. 

P.  96,  1.  31  :  cel  avantage.  «-  Ms.  B  3  :  ceste  aventure. 
F»  158  V». 

§  S98.  P.  97,  1.  4  :  Je  ne  puis.  —  Ms,  de  Rome  :  Moult  de 
apertisses  d^armes  se  fissent  en  pluisseurs  liens,  lesquels  ne  vin- 
rent pas  tous  à  congnisance.  Che  soir  furent  les  envales  et  ba- 
tailles fortes  des  Espagnols  as  Englois  sus  la  mer;  et  en  i  ot 
grant  fuisson  de  mors  et  de  bleciés,  de  une  part  et  d'anltre ,  et 
plus  assés  des  Espagnols  que  des  Englois,  ensi  comme  il  fu  appa- 
rans,  car  il  i  laissièrent  quatorse  nefs  et  les  hommes  et  l'avoir 
qui  dedens  estoient.  Et  qant  il  veirent  que  les  Espagnols  estoient 
tous  passes,  car,  que  bien  vous  sachiés,  tous  n'asamblèrent  pas,  il 
tournèrent  les  singles  viers  Engleterre  et  vinrent  prendre  terre  en 
Exsesses. 

La  roine  d'Engleterre  estoit  logie  en  une  abbeie  en  Exsesses  et 
avoit  ses  variés  devant  envoiiés,  pour  olr  nouvelles  ue  son  si- 
gneur  le  roi  et  de  ses  enfans,  et  sçavoit  bien  que  à  celle  heiu*e  là 
il  se  combatoient.  Si  estoit  en  orissons  à  Dieu  que  il  lor  vosist 
donner  et  envoiier  victore.  Nouvelles  li  vinrent  que  li  rois  et  si  doi 


328  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAHT.  [1350] 

fil,  li  princes  et  li  contes  de  Richemont,  venoient  et  que  la  beson- 
gne  avoit  este  pour  euls  :  si  en  fu  grandement  resjoTe  et  fist  tan- 
tos  alumer  fallos  et  tortis  et  widier  gens  à  force  pour  aler  contre 
son  signour  et  ses  enfans  et  les  aultres  qui  venoient,  qui  mieuls 
mieiils,  car  là  où  il  estoient  arrivet,  il  n'i  a  ne  port  ne  haverne 
accoQstumé  d'ariver,  fors  à  Taventure. 

Quant  li  rois  vint  en  Tabeie  où  la  roine  estoit,  il  pooient  estre 
bien  deus  heures  en  la  nuit  ;  si  se  conjoîrent  grandement,  ce  fu 
raisons.  Le  plus  des  signours  et  des  hommes  demorèrent  en  lor 
navie,  toute  l^  nuit,  et  se  aisièrent  de  che  que  il  orent;  mais  li 
rois  fu  dalës  la  roine.  Et  à  Tendemain  si  ménestrel  furent  revesti, 
par  cause  de  nouvelleté,  de  cotes  de  draps  de  Valenchiennes  que 
U  Espagnol  en  remenoient  en  lors  pais,  Flaiolet  de  Chimai,  Jehan 
et  Perrinde  Savoie.  Quant  ce  vint  à  lendemain,  toutli  baron  etli 
chevalier,  qui  à  la  besongne  avoient  este,  vinrent  deviers  le  roi 
et  Tabeie.  Si  les  requellièrent  liement  et  doucement  li  rois  et  la 
roine  et  les  remerciièrent  dou  bon-  service  que  fait  avoient  ;  et 
puis  prissent  congiet,  et  retourna  casquns  en  son  lieu.  Et  li  rois 
et  la  roine  se  départirent  et  vinrent  à  Londres,  ?**•  151  v« 
et  152. 

P.  97,  1.  4  :  tous.  —  Ms.  B  3  ':  tout.  F»  158  v». 

P.  97.  1.  7  :  aspre.  —  Ms.  B  6  :  car  sur  mer  Espaignos  sont 
malle  gent  et  ont  grans  vasseaulr  et  fors,  et  chil  bateaulx  estoient 
tout  à  Teslite  et  bien  proveus  d'artillerie.  Et  jettoient  en  passant 
ou  en  arestant  et  en  combatant  chil  Espaignos  de  leurs  nefs 
grande[s]  pières  de  fais  et  gros  baraulx  de  fer.  F^  428. 

P.  97, 1.  15  :  Wincenesée.  —  Ms,  B,  3  :  Vincestre.  —  Ms,  B 
5  :  Wincenesse.  F«  360. 

P.  97,  1,  17  :  princes.  —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  de  Galles. 

P.  97,  1.  24  :  Espagnolz.  —  Ms.  -ff  6  :  car  madame  d'Engle- 
terre  et  son  hostel  estoit  en  le  conte  d'Exesses,  en  Tabeie  de 
Liaus.  F~  424  et  425. 

P.  97,  1.'31  :  reviel.  —  Ms,  B  3  :  réveil.  -^  Ms,  B  k  :  re- 
vel.  P  148  v«. 

P.  97,  1.  16  à  p.  98,  1.  6  :  A  celle....  soy.  -^Cet  alinéa  map^ 
que  dans  le  ms,  B  5,  f^  360. 

§  529.  P.  99,  1.  V  :  Vous  avés.  —  Ms.  de  Borne:  Vous  avés 
bien  ichi  desus  oy  recorder  conment  Aimneris  de  Pavie,  uns 
Lombars,  deubt  rendre  et  livrer  as  Frjtnçois  le  chastiel  et  la  forte 


[1350]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  329.  329 

ville  de  Calais,  et  conment  il  en  chei  à  ceuls  qui  là  alèrent,  et 
qui  la  marceandise  avoient  pour  cachiet. 

Messires  Joffrois  de  Garni,  pour  ce  temps,  se  tenoit  à  Saint 
Orner  et  entendi  que  chils  Lombars  desus  nonmës  estoit  amasés  en 
une  petite  belle  maison  non  pas  trop  forte  dalës  Calais,  que  li  rois 
d'Engleterre  li  avoit  donnet,  laqueUe  maison  on  nonmoit  Fretun, 
et  se  donnoit  là  dou  bon  temps,  et  avoit  en  partie  moult  de  ses 
déduis,  car  il  avoit  une  très  belle  damoiselle,  fenme  englesce,  en 
sa  compagnie.  Et  ne  quidoit  pas  que  jamais  il  deuist  olr  nouvelles 
des  François  ;  mais  si  fist,  car  messires  Joffrois  de  Carni  ne  pooit 
oubliier  la  traison  que  chils  Ainmeris  de  Pavie  li  avoit  fait.  Qant 
il  senti  que  il  estoit  là  arestés,  il  fist  secrètement  un  mandement 
des  chevaliers  et  esquiers  de  là  environ  et  pnst  tous  les  arbales- 
triers  de  Saint-Omer,  et  se  partirent  de  nuit,  et  cevauchièrent 
tant  que,  droit  sus  le  point  dou  jour,  il  vinrent  à  Fretun  et  l'en* 
vironnèrent. 

Qant  ce  vint  au  cler  jour,  chil  qui  le  chastiel  gardoient,  veirent 
gens  d'armes  et  arbalestriers  tous  apparilliës  environ  euls  pour 
asalir.  Si  furent  tout  esbahi,  et  le  nonchièrent  tantos  à  lor  mestre 
en  disant  :  «  Sire,  avisés  vous.  Vechi  les  François  qui  vous  sont 
venu  à  ce  matin  veoir,  et  sont  plus  de  cinq  cens.  Et  est  messires 
Joffrois  de  Carni,  ce  nous  est  avis,  chiës  de  ceste  assamblée, 
car  nous  avons  veu  sa  banière  de  geuUes  à  trois  esquçons  d'ar- 
gent. » 

Qant  messires  Ainmeris  de  Pavie  oy  parler  de  messire  Joffroi 
et  des  François,  se  li  revinrent  toutes  angousses  au  devant;  et  li 
ala  souvenir  dou  vendage  que  fait  avoit  dou  chastiel  de  Calais,  et 
les  avoit  decheus.  Si  ne  sceut  que  dire  et  se  leva  tantos,  car  à 
celle  heure,  il  estoit  encores  en  son  lit  dalés  son  amie  qui  si  belle 
estoit  que  à  mervelles;  et  dist  en  li  levant  :  «  Margerite,  je  croi 
bien  que  nostre  compagnie  se  desfera,  car  je  n'ai  pas  chastiel  pour 
moi  tenir  tant  que  fuisse  confortés.  »  La  damoiselle  à  ces  mos 
conmença  moult  tendrement  à  plorer;  li  chevaliers  se  leva  et 
vesti  et  arma  et  fist  armer  ses  variés,  et  tout  compté  ils  n'estoient 
que  euls  douse.  Lor  deffense  ne  dura  point  longement,  car  il  y  i 
avoit  là  bien  cent  arbalestriers  et  cinq  cens  hommes. 

Tantos  li  maison  de  Fretun  fu  prise,  et  messire  Ainmeris  de 
Pavie  dcdens,  et  la  damoiselle  aussi,  et  tout  amenèrent  à  Saint 
Orner.  Et  là  fut  decolés  li  dis  Lombars  et  mis  en  quatre  quartiers 
as  portes  :  et  les  auquns  des  variés  au  dit  Ainmeri  furent  pendut. 


330  CHRONIQUES  DE  J.  FROÏSSART.  [1349] 

et  li  aultre  non.  La  damoiselle  n'ot  garde  :  li  signeur  en  orent 
pitë  ;  aussi  elle  n'estoit  en  riens  coupable  de  ce  fait.  Et  le  rouva 
uns  esquiers  de  là  environ,  lequel  on  nonmoit  Robert  de  Frelant  : 
on  li  donna;  et  demora  depuis  avoecques  li,  tant  que  elleyesqi. 
Pi52. 

P.  98, 1.  18  et  19  :  cilz  Lombars  estoit  amasës.  —  Ms.  B  3  : 
ces  Lombars  estoient  assemblez.  F^  158  v^. 

P.  98,  1.  20  :  Fretin.  —  Mss,  3  à  5  :  Fretun. 

P.  99,  1.  12  :  mesnies.  — Ms,  B  3  :  serviteurs.  F*  159. 

P.  99,  1.  13  :  le  friente.  —  Ms.  Jî  3  :  le  bruit.  —  Ms,  B  5  : 
la  frainte.  F»  360. 

P.  99,  1,  16  :  entente.  —  Ms.  B  3  :  dilîgense. 

P.  99,  1.  19  :  à  mains.  —  Ms.  B  :  3  pour  le  moins. 

P.  99,  1.  26  :  ens  ou  marchiet.  —  Ms.  B  3  :  dedens  le 
marche. 

P.  99,  1.  29  :  le  descoupa.  —  Ms.  J?  3  :  la  descoulpa. 

§  550.  P.  100,  1.  1  :  En  Tan.  —  Ms.  de  Rome  :  En  Tan  de 
grâce  Nostre  Signeur  mil  trois  cens  quarante  neuf,  alèrent  li 
penant  et  issirent  premièrement  d' Alemagne  ;  et  furent  honmes 
ïiquel  faisoient  penitances  publiques,  et  se  batoient  d'escorgies  à 
neus  durs  de  quir  farsis  de  petites  pointelètes  de  fier.  Et  se  fai- 
soient li  auqun  entre  deus  espaules  sainier  moult  vilainnement; 
et  auqunes  sotes  fenmes  avoient  drapelès  apparilliés,  et  requel- 
loient  ce  sanc  et  le  metoient  à  lors  ieuls  et  disoient  que  c'estoit 
sans  de  miracle.  Et  chantoient,  en  faisant  lors  penitances,  can- 
çons  moult  piteuses  de  la  Nativité  Nostre  Signeur  et  de  sa  sainte 
souffrance. 

Et  fu  emprise  ceste  penitance  à  faire  pour  faire  priière  à  Dieu 
pour  cesser  la  mortalité,  car  en  ce  temps  de  la  mort  ot  boce  et 
epedimie.  Les  gens  moroient  soudainnement,  et  morurent  bien  en 
ce  temps  par  univers  monde,  la  tierce  partie  dou  peuple  qui  pour 
lors  resgnoient.  Et  ces  penans  des  quels  je  parloie  maintenant, 
aloient  de  ville  en  ville  et  de  chite  en  chité  par  compagnies,  et 
portoient  sus  leurs  chiës  Ions  capiaus  de  fautre,  casqune  compa- 
gnie de  une  coulour.  Et  ne  dévoient  par  droit  estatut  et  orde- 
nance  dormir  en  une  ville  que  une  nuit,  et  avoient  terme  d'aler  : 
trente  trois  ans  et  demi  ala  Dieus  Jhesu  Cris  par  terre,  ensi  que 
les  saintes  Escriptures  tesmongnent;  et  il  alèrent  casqune  com- 
pagnie trente  trois  jours  et  demi,  et  adonc  ils  rentroient  ens  es 


[J349]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  330.  331 

villes  et  chités  ou  chastîaus  dont  il  estoîent  issu.  Et  ne  despen- 
doient  point  fuisson  dou  lour  sus  lors  journées  faisans;  car  les 
bonnes  gens  des  villes  et  chitës  où  il  s'enbatoient  les  prioient  de 
disner  et  de  souper.  Et  ne  gisoient  que  sus  estrain,  se  force  de 
maladie  ne  lor  faisoit  faire.  Et  qant  il  entroient  dedens  la  maison 
des  gens,  là  où  il  dévoient  disner  ou  souper,  il  se  mettoient  en 
genouls  devant  le  suel  par  humelité  et  disoient  trois  fois  la  pâtre 
nostre  et  Ave  Marie,  et  ensi  et  en  tel  estât  qant  il  s'en  departoient. 
Moult  de  belles  paix  se  fissent,  les  penans  alans  entre  les  honmes, 
tant  que  de  cas  d'ocisions  liquel  estoient  avenu  et  desquels  cas 
en  devant  on  ne  pooit  venir  à  paix  ;  mais  par  le  moiien  de  Tafaire 
des  penans  on  en  venoit  à  paix. 

En  lors  ordenances  avoît  plusieurs  coses  assës  raisonnables  et 
traitables  et  là  où  nature  humainne  s'enclinoit  que  de  Taler  ou 
voiage  et  de  faire  la  penitance,  mais  point  n'entrèrent  ens  ou 
roiaulme  de  France,  car  papes  Innocens  qui  pour  ce  temps  res- 
gnoit  et  qui  en  Avignon  se  tenoit,  et  11  cardinal  considérèrent  cel 
afaire  et  alèrent  au  devant  trop  fort,  et  proposèrent  à  rencontre 
de  ces  penans  que  penitance  puble  et  prises  de  li  meismes  n'es- 
toient  pas  licite  ne  raisonnable.  Et  furent  esquemeniiet  de  lor  fait, 
et  par  especial  le  clergiet  qui  avoecques  euls  estoit  et  s'acompa- 
gnoit.  Et  en  furent  pluisseurs  curet,  chanonne  et  capelain,  qui  lor 
oppinîon  tenoient,  privet  de  lor  benefisce;  et  qui  absolution  voloit 
avoir,  il  le  couvenoit  aler  quérir  en  Avignon.  Si  se  degasta  ceste 
ordenance  et  ala  toute  à  noient,  qant  on  vei  que  li  papes  et  li 
rois  de  France  lor  estoit  contraires  et  rebelles,  et  ne  passèrent 
point  oultre  Hainnau  ;  car  se  il  fuissent  aie  à  Cambrai  ou  à  Saint 
Quentin,  on  lor  euist  clos  au  devant  les  portes. 

Si  tretos  que  ces  penans  aparurent  et  que  les  nouvelles  en  vin- 
rent, li  sexste  des  Juîs  considérèrent  et  imaginèrent  lors  destruc- 
tions, et  avoicnt  sorti  plus  de  deus  cens  ans  en  devant  et  dit  par 
figure  :  <c  II  doivent  venir  chevaliers  qui  porteront  mailles  de  fier 
et  seront  moult  crueuls;  mais  il  n'aueront  point  de  chiefs,  et  ne 
s'estenderont  point  lors  poissanches  ne  lors  oeuvres  hors  de 
l'empire  d'Alemagne  ;  mais  qant  il  seront  venu,  nous  serons  tous 
destruis.  »  Lors  sors  averirent,  car  voîrement  ftirent  en  che 
temps  tous  les  Juis  destruis,  et  plus  en  un  pais  que  en  aultre;  car 
li  papes,  li  rois  d'Espagne,  li  rois  d'Arragon  et  li  rois  de  Navare 
en  requellièrent  grant  fuisson  et  les  tinrent  à  treu  desous  euls. 


332  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1350] 

P.  100,  !.  2  :  peneant.  —  ifcff.  B  4  :  penant.  F»  149.  —  Ms.  B 
3  :  penitens.  F»  159.  —  Ms,  B  5  :  penitanciers.  F"  360. 

P.  100,  1.  3  :  d'Alemagne.  —  Ms,  ^  6  :  et  resgnèrent  ens  es 
marches  de  Flandres,  de  Hainau  et  de  Brabant  et  n'entrèrent 
oncques  ou  royalme  de  Franche,  car  li  église  leur  fii  contraire 
pour  tant  que  il  avoient  empris  ceste  cose  à  faire  sans  le  sent  de 
leur  prelas  et  de  leurs  curés.  F*  429. 

P.  100,  1.  4  :  se  batoient.  —  Ms.  B  6  :  d'escorgies  de  cuir,  à 
neuls  de  cuir,  à  pointe  de  fer.  F»  429. 

P.  100,  1.  4  :  d'escorgies.  —  Ms.  B  5  :  descorgées. 

P.  100, 1.  14  :  humilité.  —  Les  mss.  B  Z  et  k  ajoutent:  et  cou- 
venance. 

P.  100,  1.  21  :  par.  — -  Le  ms,  B  3  ajoute  :  aucuns. 

P.  100,  1.  26  :  vaille.  —  Ms.  B  3  :  valeur. 

P.  100,  1.  27  :  de  raison.  —  Ms.  ^  3  :  et  raisons. 

P.  101, 1.  3  :  è\es.  —  Ms.  B  3  :  ailes.  F*  159  v«.  —  Ms.B^  : 
esles.  F«»  350  v«. 

P.  101,  1.  3  :  pape.  —  Ms.  B  6  :  car  U  église  ne  trouve  mies 
que  on  les  deuist  mettre  à  mort,  pour  tant  que  il  seroîent  saulvés 
se  il  se  voUoient  retourner  à  no  foy.  F**  430. 

P.  101,  1.  5  :  à  là.  —  Ms.  j9  3  :  en  Avignon. 

P.  101,  1.  5  :  garde  de  mort.  —  Ms.  B  3  :  point  paour  de 
mourir. 

P.  101,  1.  6  :  sorti.  —  Ms.  B  3  :  deviné  par  leur  sort. 
F°  159  v«. 

P.  101,  l.  9  :  exposition.  —  Ms.  B  5  :  oppinion. 

§  33t.  P.  101,  1.  12  :  En  l'an.  —  Ms.  dt Amiens:  En  l'an  de 
grâce  Nostre  Seigneur  mil  trois  cens  cinquante,  trespassa  de  ce 
siècle  li  roys  Phelippes;  si  fu  tantost  couronnés  li  dus  de  Normen- 
die  sez  filz,  à  grant  solempnité,  en  le  chyté  de  Rains,  et  fist  grâce 
à  ses  deux  cousins  germains,  monseigneur  Jehan  d'Artois  et  mon- 
seigneur Carie,  que  li  roys,  ses  pères,  avoit  tenu  en  prison  bien 
seize  ans  et  plus;  et  les  mist  dallés  li  et  avança  grandement. 
Fo  98  v«. 

—  Ms.  de  Rome:  En  l'an  de  grâce  Nostre  Sîgneur  mil  trois  cens 
et  cinquante,  trespassa  de  ce  siècle  li  rois  Phelippes  de  France,  et 
^u  enseupelis  à  grant  solempnité  en  l'abeie  de  Saint  Denis  en 
Francç.  Et-  puis  fu  Jehans,  ses  ainnés  iils,  dus  de  Normendie, 
r^oîs,  et  sacrés  et  couronnés  en  l'eglLse  de  Nostre  Dame  de  Rains 


[1351]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  331.  333 

à  très  haute  solempDitë.  Tantos  apriès  son  couronnement,  il  s'en 
retourna  à  Paris  et  entend!  à  faire  ses  pourveances  et  ses  beson- 
gnes,  car  les  trieuwes  est[oient*].  P  152  v«. 

P.  101,  1. 19  :  pourveances.  —  Ms,  B  3  :  provisions.  F®  160. 

P.  101,  1.  26  :  la  langue  d'och.  -—  Ms.  i?  3  :  ce  bon  pais  de 
Languedoc. 

P.  101, 1.  29  :  FAngelier.  —  iiff.  ^  3  :  d'Angely.  —  Ms.Bki 
l'Anglier.  Fo  149. 

P.  102,  1.  3  et  4  :  cousins  germains.— iftfr.i? 6  :  cousins ger- 
main[s]  ossi  as  enfans  de  Haynau,  as  enfans  de  Blois  et  as  enfans 
de  Namur.  F«  430. 

P.  102,  1.  5  et  6  :  plus  de  quinze  ans.  —  Ms.  B  3  :  par  l'espace 
de  quinze  ans. 

P.  102,  1.  12:  Jakeme.—  Ms.  B  3:  Jacques.—  Ms.  B  4: 
Jaqme.  F»  149v«. 

P.  102, 1. 13  et  14:  les  plus....  conseil. — Ms,  i?  5:  lez  lui  et 
à  son  especial  conseil.  F*  360  v«. 

P.  102,  1. 16:  providense.  —  Mss.  BZ  et  k:  prudence. 

P.  102,  1.  19  :  Avignon.  —  Les  mss.  i?  3  à  5  ajoutent  :  et  se 
logea  à  Villenove  dehors  Avignon. 

P.  102,  1.  21  :  là. —  Ms.  B  6  :  environ  six  sepmaines.  F^  431. 

P.  102,  1.  23  :  plus  de  quinze.  —  Ms.  B  3  :  quinze. 

P.  102,  1.  23:  jours. —  Ms,  B  6:  puis  ala  à  Besiers,  puis  à 
Nerbonne,  puis  à  Carquasonne,  puis  à  la  bonne  cite  de  Toulouse. 
F«431. 

P.  102,  1.  28  :  en  osta.  —  Ms,  B  3  :  déposa.  —  Ms.  B  6  ajoute: 
Sy  s'en  revint  par  Roherge,  par  Limosin  et  par  le  pais  de  Brie  et 
de  là  arière  en  Franche.  P»  431. 

P.  103,  1.  3  et  4  :  d'Espagne.  —  Ms.  B  6:  filz  à  messire  Lois 
d'Espaigne  qui  tant  a  voit  este  bons  chevaliers  en  Bretaigne. 
F°  431 . 

P.  103,  1.  5  et  6  :  d'Audrehen.  — •  Ms.  ^  6  :  En  ceste  meisme 
annëe,  il  envoia  ses  deux  marisaulx,  monsigneur  Edouart,  signeur 
de  Bieaugeu  et  monsigneur  Guy  de  Nelle  et  grand  foison  de  bons 
chevaliers  de  Franche  et  de  Poitou  et  de  Saiatonge  par  devant 
Saint  Jehan  d'Angely.  F""  431 . 


1 .  Ici  finit  le  manuscrit  de  Rome  dont  les  tfoîs  derniers  feuillets  ont 
été  lacères.  Voy.  riotrodnction  au  I**  Uyre ,  en  tdte  da  tome  premier    • 
de  cette  édition,  p.  ixxv  et  lxxtx.    • 


\ 


3Zk  CEDflONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [13S1] 

P.  403,  1.  7  :  nouveleté. —  Ms.  B  3  :  nouvelle  venue.  — Ms. 
£  4  :  nouvelle  arivëe.  F«  149  v».  1 

P.  103,  1.  19  :  hostel.  — 2>  ms.  B  ^  ajoute  :  et  les  provisions 
qu'ilz  avoient.  F*  160  v*. 


I 


I 


§  559.  P.  103,  1.  27  :  Quant.  —  Ms.  d Amiens  :  Quant  chil 
de  le  ville  Saint  Jehan  TAngelier  se  virent  asegiet  dou  roy  de 
Franche  et  que  nulx  oomfors  de  nul  costé  ne  leur  aparoit,  â  en 
furent  durement  esbahy,  et  cnvoiièrent  messaigez  en  Engleterre 
deviers  le  roy,  en  priant  que  il  lez  volsist  secourir  et  comforter, 
car  il  en  avoient  grant  mestier.  Tant  esploitièrent  li  messaige 
qu'il  vinrent  en  Engleterre  deviers  le  roy,  et  li  moustrèrent  les 
lettrez  qu'il  portoient  de  par  ses  gens  de  le  ville  de  Saint  Jehan. 

Quant  li  roys  oy  ces  nouvelles,  si  dist  que  voUentiers  les  re- 
çomforteroit  il,  car  c'est  raisons.  Si  coumanda  à  messire  Jehans 
de  Biaucamp  et  à  pluisseurs  autrez  qu'il  se  volsissent  traire  de 
celle  part.  Dont  se  pourveirent  messires  Jehans  de  Biaucamp  et 
si  compaignon,  se  partirent  d'Engleterre  et  nagièrent  tant  par  | 

mer  qu'il  arrivèrent  à  Bourdiaux.  Si  se  rafreskirent  là,  et  priiè- 
rent  au  seigneur  de  Labreth ,  au  signeur  de  Lespare,  au  signeur 
de  Pumiers,  au  signeur  de  Muchident  et  as  autres  Gascons,  qu'il 
se  volsissent  appareillier  de  aller  avoecq  liû  aidier  à  rafreschir  le 
ville  de  Saint  Jehan,  et  que  li  roys  d'Engleterre,  leurs  sirez,  leur 
mandoit. 

Ghil  seigneur  furent  tout  appareilliet  à  l'ordonnanche  de  mon- 
seigneur Jehan  de  Biaucamp,  et  se  pourveirent  tost  et  hasteement, 
et  se  départirent  de  Bourdiaux.  Si  estoient  en  nombre  cinq  cens 
armures  de  fier,  quinze  cens  archiers  et  troi  mil  bidaus,  et  as- 
samblèrent  grant  fuisson  de  bleds,  de  vins  et  de  chars  salléez  tout 
en  soummiers,  pour  rafreschir  chiaux  de  Saint  Jehan,  et  chevau- 
cièrent  en  cel  arroy  tant  qu'U  vinrent  à  une  journée  pries  de  Saint 
Jehan. 

Nouvellez  vinrent  en  Tost  des  Franchoîs  que  li  Englès  venoient 
rafrescir  le  ville  de  Saint  Jehan.  A  ce  donc  estoit  retrais  li  roys 
Jehans  à  Poitiers,  et  avoit  laissiet  ses  gens  et  ses  marescaux  là  au 
siège.  Si  eurent  consseil  li  Franchois  que  une  partie  de  leurs  gens 
îroient  garder  le  pont  de  le  rivierre  de  Charente ,  et  li  autre  de- 
morôient  au  siège.  Si  se  partirent  messires  Guis  de  Neelle,  ma- 
rescaux de  France,  li  sires  de  Pons,  li  sires  de  Parthenay,  li  sires 
de  Tannai  Bouton,  li  sires  d'Argenton^  messires  Guichars  d'Angle 


[135i]      VARIAMES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  332.         335 

et  bien  quatre  cens  chevaliers,  et  estoient  bien  mil  hommes  d'ar- 
mes, de  bonne  estofife.  Si  se  avanchièrent  et  vinrent  desoubz  Tail- 
lebourcq^  au  pont  de  le  Charente,  tout  premiers,  ainschois  que  li 
Englès  y  pewissent  venir.  Si  se  logièrent  bien  et  biel  sus  le  rivierre 
et  furent  signeur  dou  pont. 

A  Tendemain  au  matin,  vinrent  là  li  Englèz  et  li  Gascon  qui 
furent  tout  esbahi  quant  il  virent  là  ces  seigneurs  de  France  là 
logiés  enssi,  et  perchurent  bien  qu'il  estoient  decheu  et  qu'il 
a  voient  falli  à  leur  entente.  Si  se  consiilièrent  grant  temps,  car  à 
envis  retoumoient,  et  envis  sus  le  pont  se  mettoient.  Tout  consi- 
dère il  se  missent  au  retour  et  fissent  touttes  leurs  pourveanches 
et  leurs  soummiers  retourner. 

Quant  chii  seigneur  de  France  en  virent  le  mannière  et  que 
li  Englèz  s'en  ralloient  :  «  Or  tos  passons  le  pont  ;  car  il  nous 
fault  avoir  de  leurs  vitaiUes.  »  Dont  passèrent  il  outre  commu- 
naument  à  grant  esploit,  et  tondis  s'en  alloient  li  Englès.  Quant 
il  furent  tout  oultre  et  li  Englès  en  virent  le  mannierre,  si  dis- 
sent entr'iaux  :  «  Nous  ne  demandons  autre  cose  ;  or  tos  allons 
les  combattre.  3»  Lors  se  missent  il  en  bon  arroy  de  bataille,  et 
retournèrent  tout  à  ung  fès  sur  les  Franchois. 

Là  eut  de  premières  venuez  grant  hurteis  et  fort  lanceis,  et 
maint  homme  reverssé  par  terre.  Finablement,  li  Englès  et  li 
Gascon,  par  leur  proèche,  obtinrent  le  place.  Et  furent  là  des- 
confi  li  Franchois,  tout  mort  et  tout  pris  ;  oncquez  homme  d'on- 
neur  n'en-  escappa.  Si  retournèrent  li  dit  Englès  et  Gascon  deviers 
Bourdiauz  à  tout  ce  gaaing,  et  en  remenèrent  arrierre  leur  pour- 
veanches. F"  98  v«  et  99. 

P.  104,  1.  7  :  Biaucamp.  —  Ms,  B  3  :  Beaumont  F"  160  v*. 

P.  104,  1.  8  :  Byaucamp.  —  Mts.  ^3^5:  Beaumont. 

P.  104,  1.  9  :  Jame.  —  Ms.  B  3  :  Jehan. 

P.  104,  I.  10  :  Brues.  —  Ms.  B  3  :  Bruges.  —  Ms.  B  4  : 
Bruhes.  F»  149  v«.  —  ilfj.  i?  5  :  Brunes.  F*  360  V>. 

P.  104,  1.  29  :  havene.  —  Ms.  B  3  :  havre. 

P.  104,  1.  30  :  kay.  —  Ms.  B  3  :  chays. 

P.  103,  1.  7  :  Blaves.  —  Ms.  B  %\  Blaye.  ^  Ms.  B  k\ 
Bloves.  P»  180. 

P.  105, 1.  10  :  cinq  cens.  —  Mss.  J9  3  à  5  :  six  cens. 

P.  105,  1.  11  :  brigans.  —  Ms.  B  6  :  bidaus.  P»  433. 

P.  105,  1.  13  :  Carente.  —  Ms.  B  3  :  Gharante. 

P.  105, 1.  17  :  amas.  —  Mss.  B  ^  et  kti  armée. 


«S36  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1351] 

P.  i05,  1.  18  :  Jehan.  —  Ms,  B  6  i  Sy  s'acordèrent  à  chou 
que  le  sire  de  Bieaugeu  demor[r]oit  au  siège  tout  cois  à  tout  le 
moitié  de  l'ost;  et  messire  Guy  de  Nielle,  marisaulx  de  Franche, 
messire  Renault  de  Pois,  ung  vaillant  chevalier,  messire  Guichart 
d'Angle,  le  sire  de  Partenay,  le  sire  de  Matelin  et  pluiseurs 
aultres  grant  barons  et  chevaliers,  qui  là  estoient  à  tout  l'autre 
moitié  de  Tost,  iroient  garder  le  pont  de  la  forte  rivière  de  Qua- 
rente  :  par  lequel  pont  il  couvenoit  ces  Englès  passer,  s'il  vol- 
loient  venir  en  la  ville  de  Saint  Jehan,  et  se  n'y  avoient  que  cinq 
lieues.  F<>  433  et  434. 

P.  405,  1.  19  :  Saintrë.  —  3f^.  B  3  :  Santerrë. 

P.  105,  1.  21  :  Puiane.  —  Ms.  B  3  :  Puyarne.  —  Ms.  B  4  : 
Pivaire. 

P.  105,  1.  22  :  Tannai  Bouton.  —  Ms^  B  3  :  Tonnay  Bou- 
ton. 

P.  406,  1.  16  :  passer.  —  Ms.  B  6  :  car  otant  voldroît 
soixante  hommes  au  delà  le  pont,  si  comme  il  disoient,  par  de- 
viers  les  Franchois,  comme  feroient  dix  mille  de  leur  costé. 
F»  434. 

P.  106,  1.  48  et  19  :  les  assallir.  —  Ms.  B  3  :  l'assallir. 
F>16i. 

P.  406,  1.  30  :  gens.  —  Ms,  B  3  :  nombre. 

P.  107,  1.  3  :  ou  froais.  —  Ms.  ^  3  :  au  froy.  —  Ms.  B  4  : 
de  froais. 

P.  107,  1.  8  :  droit.  —  Ms.B^i  fin. 

P.  107,  1.  25  :  ablement.  —  Ms.  B  3  :  asprement. 

P.  107,  1.  30  :  desconfirent.  —  Ms.  B  6  :  mais  il  détinrent 
le  camp  et  prinrent  le  marescal  du  roy  monseigneur  Gui  de 
Ndle,  monseigneur  Guichart  d'Eagle,  che  bon  chevalier,  mon- 
seigneur Renault  de  Pons,  le  seigneur  d'Esprenay,  monseigneur 
Bouchicau,  monseigneur  Emoul  d'Audrehem,  le  sire  de  Matelin 
et  pluiseurs  bons  chevaliers  de  Poitou  et  de  Saintonge  et  ossy 
de  Vermendois  et  de  Franche  qui  estoient  là  aies  avec  le  mares- 
cal,  tant  qu'il  eurent  bien  soixante  bons  prisonniers,  et  se  logè- 
rent celle  nuit  en  celle  plache.  Bien  le  sceut  le  sire  de  Biaugeu, 
mais  il  n^osoit  laissier  le  siège  que  cil  de  Saint  Jehan  ne  se  ravi- 
taillaissent.  F«  436. 

P,  407,  1.  ^2  ;.  Neelle.  —  Les  nus.  B  3  et  ik  ajoutent  :  et 
groxfc  iûson  de  bons  chevaliers  et  escuiers  de  Picardie  qui  furent 
tons  prins  ou  tuez.  F®  ^((4.  , 


[1351]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  334.         337 

g  385.  P.  108,  1.  12  :  Vous  devës.  —  Ms.  d Amiens  :  Ces 
nouvelles  vinrent  en  l'ost  que  messires  Guis  de  Neelle,  mares- 
eaux  de  France,  li  sirez  de  Pons,  li  sirez  de  Partenay  et  tout  li 
baron  et  H  chevalier  qui  là  [estoient]  avoient  estetpris  ;  si  le  segne- 
fiièrent  au  roi  de  Franche  qui  se  tenoit  à  Poitiers,  qui  en  fa 
moult  courouchiéz,  mes  amender  ne  le  peult,  tant  c  à  ceste  fois. 
Si  renvoia  nouvelles  gens  d'armes  au  siège,  et  ne  veult  mies  que 
on  s'en  departesist  enssi: 

Quant  chil  de  Saint  Jehan  TAngelier  entendirent  ces  nouvel- 
lez,  que  leur  secours  estoit  per4us  et  que  point  n'en  aroient,  ne 
que  ravitaillië  ossi  point  ne  seroient,  si  furent  plus  esbahi  que 
oncques  mes  ,  car  il  estoient  durement  astraint;  si  eurent 
consseil  de  tretiier  à  ces  seigneurs  de  Franche  qui  là  estoient.  Si 
tretiièrent  sus  cel  estât  que ,  s'il  n'estoient  comfortë ,  dedens 
un  mois,  de  gens  fors  assës  pour  lever  le  siège,  il  se  rende- 
roient.  Li  sires  de  Riaugeu  envoya  ce  tretîet  deviers  le  roy  de 
France  qui  se  tenoit  à  Poitiers,  assavoir  se  il  le  vorroit  faire,  ou 
non.  Il  l'acorda  et  se  parti  de  Poitiers  et  vint  en  l'ost  dalles  ses 
gens;  et  pour  tant  qu'il  savoit  que  li  deffaulte  de  viiares  estoit  si 
grans  en  le  ville  de  Saint  Jehan,  qu'il  moroient  de  famine,  il  y 
envoya  de  tous  vivrez,  bien  et  largement,  tant  qu'il  en  furent 
tout  raempli  :  laquel  cose  il  tinrent  à  grant  courtoisie.  Li  roys 
Jehans  tint  là  sa  journée  bien  et  puissamment,  ne  oncques  nus 
n'aparut  pour  lever  le  siège. 

Si  convint  que  cil  de  Saint  Jehan  se  rendesissent,  car  à  che 
estoient  il  obligié,  et  en  avoient  livre  bon  ostaigez.  Si  furent 
franchois  comme  en  devant,  et  jurèrent  feaulté  et  hoummaige  à 
devoir  et  à  palier  au  roy  de  Franche.  Si  y  mist  li  roys  de  recief 
offidiers  de  par  lui,  et  y  fist  ung  senescal  dou  pays  d'un  che- 
valier que  on  appelloit  messire  Jehan  de  Montendre.  Et  puis  s'en 
parti  li  dis  roys  et  dounna  touttez  ses  gens  congiet,  et  retourna 
en  France  et  vint  séjourner  à  Paris.  F»  99. 

P.  108,  1.  18  :  et  pris.  —  Ms.  j9  3  :  et  presque  toute. 
F»  161  V». 

P.  108,  1.  19  :  Saintrë.  —  Hîs.  B  ^  i  Santres. 

S  534.  P.  110,  1.  11  :  envoiiés.  —  Le  ms.  B  4  ajoute  :  du 
roy  d'Engleterre  et  de  son  conseil.  P»  151. 

P.  110,  1.  12  :  Calais.  —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  qui  estoit  de 
sonconseU.  F^162. 

IV  —  Î2  • 


338  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1851] 

$  S3tt.  P.  iiO,  1.  25  :  En  celle. —  Ms.  dC Amiens  :  En  oeste 
meysme  saison  que  li  sièges  fu  par  devant  Saint  Jehan  TÂngelîer, 
ayint  en  Bretaingne  ung  moult  mervilleux  fait  d'armes  que  on  ne 
doibt  mies  oubliier,  mes  le  doit  on  mettre  avant  pour  tous  baoe- 
1ers  encorragier.  Et  affin  que  vous  le  puissiës  mieux  entendre» 
vous  devés  savoir  que  tondis  estoient  guerres  en  Bretaingne  entre 
les  parties  des  deus  dammes,  ooumment  que  messires  Cariez  de 
Blois  fust  eprisonnës.  Et  se  guerioient  les  partiez  des  deus  dam- 
mes par  garnisons  qui  se  tenoient  en^  es  castiaux  et  es  fortes  vil- 
les de  l'une  partie  et  de  l'autre. 

Si  avint  ung  jour  que  messires  Robers  de  Bianmanoir,  vaillant 
chevalier  durement  et  don  plus  grant  linage  de  Bretaingne,  estoit 
castelains  don  Castiel  Joselin,  et  avoit  avoec  lui  grant  fuisson  de 
gens  d'armez  de  son  linage  et  d'aultres  saudoiiers,  et  s'en  vint 
courir  par  devant  le  ville  et  le  castiel  de  Plaremiel^i  dont  il  estoit 
castelains  ungs  saudoiiers  allemans  que  on  clammoit  Blandebonrch, 

avoit  avoecq  lui  grant  fuisson  de  saudoiiers  allemans,  englès, 
bretons  et  d'autrez  pays,  et  estoient  de  le  partie  de  la  contesse 
de  Montfort. 

Quant  li  dis  messires  Robiers  vit  que  nuls  de  le  garnison  n'i^ 
troit,  il  s'en  vint  à  le  porte  et  fist  appeller  ce  Blandebonrch  sus 
asegurancez,  et  li  demanda  se  il  avoit  layens  nul  compaignon, 
deux  ou  trois,  qui  vobissent  jouster  de  fiers  de  glaves  oioontre 
autres  troix  pour  l'amour  de  leurs  dammez.  Blancquebourcq 
respondi  et  dist  que  leurs  dammez  ne  voroient  mies  que  il  se 
fesissent  tuer  si  simplement  que  d'une  seulle  jouste,  car  c'est  une 
aventure  de  fortune  trop  tost  passée. 

«  Mes  je  vous  dirai  que  nous  ferons ,  se  il  vous  plaist.  Nous 
prenderons  vingt  ou  trente  de  nos  compaignons  de  nostre  garni- 
son et  nous  metterons  à  plains  camps,  et  là  nous  combaterons 
tant  que  nous  porons  durer  :  si  en  ait  le  milleur  à  qui  Dieux  le 
vorra  donner  1  »  —  c  Par  ma  foyl  respondi  messires  Robiers  de 
Biaumanoirs,  vous  en  parlés  en  bonne  manierre,  et  je  le  voeil 
enssi;  or,  prendés  journée.  »  Elle  fîi  prise  au  merquedi  prochain 
venant,  et  donnèrent  là  entr'iaux  certainnez  trieuwez  jusques  ad 
ce  jour,  et  retournèrent  mesirez  Robiers  et  ses  gens  sus  cel  estât. 
Si  se  pourveirent  de  trente  compaignons,  chevaliers  et  escuiers, 
et  les  prissent  en  leurs  garnisons,  et  Branquebourch  ossi  de  trente 
autrez  compaignons  tous  à  eslite.  F®  99. 

P.  110, 1. 28  :  exempliier.— Jf#.  £  3  :  donner  exemple.  F*  162. 


[1381]      VAiOANrES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  336.         839 

P.  m,  1.  li  :  Plaremiel.  -^  Ms.  B  b  :  Paremiel.  F^  361. 

P.  iliy  1*  11  :  uns.  —  Les  mss.  ^  4,  3  a/otOent  :  uns 
bons  escuiers  alemant,  hardis  homs  d'armes  malement.  F*  151. 
—  Le  ms»  B  5  ajoute  :  un  escuier  alemant. 

P.  111,  1.  24  :  de  fers  de  glaves.  —  Ms.  /?  3  :  de  pointes  de 
lances. 

P.  111,  1.  25  :  amies.  —  Ms,  B  3  :  dames. 

P.  112,  1.  4  :  sus  le  hart.  —  Ms,  ^  3  :  à  peine  de  la  hart. 
F»  162  ▼•. 

P.  112,  1.  13  :  créante.  —  Ms.  B  5  :  créance. 

P.  112,  1.  14  :  créante  jou.  —  Ms,  j9  3  :  je  le  prometz. 

P.  112,  1.  22  :  yaus.  —  Le  ms.  B  3  €i/o£i/^  ;  mettre. 

§  5S6.  P.  112,  l.  23  :  Quant  li  jours.  —  Ms.  dAmieru:  Quant 
li  jours  fu  venus,  li  trente  compaignon  Eranquebourck  olrent 
messe,  puis  se  fissent  armer  et  s'en  allèrent  en  le  pièce  de  terre 
là  où  li  bataille  devoit  y  estre.  Et  descendirent  tout  à  piet  et 
coummandèrent  à  tous  ciauz  qui  là  estoient,  que  nulx  ne  fuist  si 
hardis  qui  s'entremesist  d'iaux,  pour  cose  ne  pour  mescief  qu'il 
veist.  Et  ensi  fissent  li  trente  compaignon  de  monseigneur  Ro- 
bert de  Biaumanoir.  Ghil  trente  compaignon  que  nous  appellerons 
Englèz,  à  ceste  besoingne  atendirent  longement  lez  autrez  trente 
que  nous  appellerons  Franchois. 

Quant  il  furent  venu,  il  descendirent  à  piet,  et  fissent  adonc  le 
coummandement  dessus  dit.  Et  quant  il  furent  l'un  devant  l'autre, 
il  parlementèrent  un  petit  enssamble  tout  soissante,  puis  se  re- 
traissent  un  petit  arrière,  li  ungs  d'une  part  et  li  autre  d'autre 
part.  Et  fissent  touttez  leurs  gens  traire  arrière  de  le  place,  bien 
loing.  Puis  fist  li  ungs  d'iaux  ung  signe,  et  tantost  se  coururent 
seure,  et  se  combatirent  fortement  tous  en  ung  tas.  Et  rescouoient 
bellement  H  ungs  l'autre,  quant  il  veoient  leurs  compaignons  à 
mescief. 

Assës  tost  apriès  ce  qu'il  furent  assamblë,  fu  ochis  li ,  ungs 
dez  Franchois.  Mes  pour  ce  ne  laissièrent  mies.li  autre  le  com- 
battre ;  ains  se  maintinrent  moult  vassaument  d'une  part  et  d'au- 
tre, ossi  bien  que  tout  fuissent  RoUans  et  Oliviers.  Je  ne  say  dire 
à  le  veritë  :  «  Ghilz  s'i  maiotint  le  mieux,  ne  chilz  autrez  ;  »  mes 
tant  se  combatirent  longement,  que  tout  perdirent  force  et  alainne 
et  pooir  entirement. 

Si  les  convint  arester  et  reposer,  et  se  reposèrent  par  acort 


340  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1351] 

li  uns  d'une  part  et  li  autre  d'autre.  Et  s'en  donnèrent  trieuwes 
jusques  adonc  qu'il  se  seroient  repose  et  que  li  premier  qui  se 
releveroit,  rapelleroit  les  autrez.  Adonc  estoient  mort  quatre 
des  Franchois  et  deux  des  Englès.  Il  se  reposèrent  longement 
d'une  part  et  d'autre.  Et  telz  y  eult  qui  burent  dou  vin  que  on 
leur  aporta  en  boutaillez,  et  restraindirent  leurs  armures  qui 
desrouttez  estoient ,  et  fourbirent  leurs  plaies  et  rebendelèrent, 
F»  99. 

P.  113, 1.  5  :  des  leurs.  —  Ms.  ^  3  :  des  François.  F*  162. 

P.  113,  1.  13  :  se  coururent  sus.  —  Ms,  B  5  :  s'entrecou- 
rurent  sus.  F*  361  v*». 

P.  113,  1.  Î2  :  plus  avant,  —  Ms.  B  3  :  mieulx.  F»  16Î  v«. 

P.  114,  1.  2  et  3  :  leurs  armeures....  plaies. — Ms,  B  3  :  leurs 
amois  qui  estoient  gastez  et  nestoiarent  leurs  playes.  F  162  v**. 

§  357.  P.  114,  1.  4 :  Quant.— ilfr.  dAmiens\  Quant  il  furent 
assës  repose,  K  premiers  qui  se  releva,  fist  signe  et  rapella  les 
autres.  Si  recoummencha  li  bataille  si  forte  comme  en  devant,  et 
dura  moult  longement;  et  se  tinrent  ceste  seconde  enpainte  moult 
vaillamment.  Mes  finablement  li  Englès  en  eurent  le  pieur;  car, 
enssi  que  je  oy  recorder  chiaux  qui  les  virent,  li  ungs  des  Fran- 
chois, qui  estoit  à  cheval,'  les  debrisoit  et  defouloit  laidement  :  si 
ques  Blandebourch ,  leur  cappittainne,  y  fii  tues,  et  huit  de  leurs 
compaignons.  Si  les  enmenèrent  messires  Robiers  de  Biaumanoir 
et  li  sien  en  leur  garnison»  Enssi  alla  il  de  ceste  besoingne. 
F*  99. 

P.  1 14,  1.  8  :  et  espois  et  daghes.  —  Ms.  ^  3  :  et  espoisses  da- 
gues. F»  163. 

P.  114,  1. 18 :  le  pieur.  —  Ms,B^\àxy  pire.  F»  163. 

P.  114,  1.  20  :  les.  —  Le  ms,  B  3  ajoute:  Anglois. 

P.  114,  1.  21  :  mesaisiement.  —  Ms.  B  4  :  mesaisement. 
F«  1 51  V*. 

P.  114,  1.  22  :  huit.  —  Jlfj.  i?  6  :  vingt.  F  445. 

P.  114,  1.  24  :  aidier.  —  Les  mss,  BSetk  ajoutent  :  qu'il  ne  les 
couvint  rendre  ou  mourir. 

P.  114,  1.  28  :  rancenèrent.  —  Ms,  B  4  :  ranchonnèrent. 
F»  152. 

P.  1 14,  1.  29  :  resanet.  —  Ms.  B  3  :  gueriz. 

P.  114,  1.  31  :  Englès. —  Ms.  B6:  Je  n'oys  oncques  mais  dire 
ne  raconter  que  sy  Êdte  astine  ne  entreprise  ne  fust  pour  recom« 


[4351]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  338.  341 

mander,  et  partout  là  où  il  venroient,  cheulx  qui  y  furent  et  qui 
en  escapèrent  en  vie.  Et  osy  furent  il ,  il  n*est  pas  doubte ,  car 
bien  fingt  deus  ans  puissedy  j'en  vich  ung  seoir  à  la  table  du  roy 
Charle  de  Franche ,  que  on  apelloit  monseigneur  levain  Caruiel. 
Et  pour  chu  que  il  àvoit  este  Teun  des  Trente,  on  Tonnouroit  de« 
seure  tous  aultres.  Et  ousy  il  moustroit  bien  à  son  viaire  qu'il 
sçavoit  que  cops  d'espëes,  de  dagHes  et  de  haches  valloient,  car 
il  estoit  moult  plaiîës.  Et  ossi  oy  jou  dire  de  che  tamps  que  mes- 
sires  Engherans  d'Uedins  avoit  este  avoecques  en  Felection,  et 
pour  che  estoit  il  sy  honnourës  et  amés  dou  roy  de  Franche.  Se 
che  fu  voir,  il  en  valy  mieulx,  et  tout  chil  qui  y  furent ,  car  che 
fut  ung  honnourable  fait  d'arme,  et  avint  entre  Plaremiel  et  Gas- 
tiel  Josselin  l'an  de  grâce  mil  trois  cens  cinquante  un,  le  vingt 
septième  de  jullet.  F®  445  et  446. 

P.  145, 1. 1  a  11  :  Et....  outrecuidance.—  Cet  alinéa  manque 
dans  le  ms.  ^  5,  1*  361  v«. 

P.  115,  1.  3:  Yewains.—  Ms.  J?  3:  Gauvain.  P  163.—  Ms. 
B  4  :  Jovains.  F*  152. 

P.  115, 1.  3  :  Charuelz.  —  Ms.  B  3  :  Garuel.  —  Jf/.  B  4  :  Ke- 
rnels. 

P.  115, 1.  7  :  bien.—  Ms.  B  3  ajoute:  les  enseignes. 

§  558.  P.  115,  1.  12:  Nous  parlerons. — Ms.  iP Amiens :A.pnhs 
le  département  dou  siège  de  Saint  Jehan  l'Angelier,  et  que  li 
roys  de  France  fut  retrèz  à  Paris,  il  envoya  son  marescal,  le 
seigneur  de  Biaugeu,  à  Saint  Orner,  pour  là  garder  lez  frontières 
contre  les  Englès.  A  ce  donc  estoit  cappittainne  de  Calais  mes- 
sires  Jehans  de  Biaucamp,  et  avoit  grant  ftiison  de  bons  compai- 
gnons  avoecq  lui,  qui  souvent  yssoient  et  couroient  sus  le  pays, 
d'une  part  et  d'autre.  Dont  il  avint  une  fois  qu'il  se  partirent  de 
Callais  à  trois  cens  armurez  de  fer  et  quatre  cens  archiers,  et 
vinrent  à  un  ajournement  courir  devant  Saint  Omer  et  queillirent 
le  proie  et  l'enmenoient  devant  yaux. 

Ces  nouvellez  vinrent  au  seigneur  de  Biaugeu  que  les  Englès 
chevauchoient  et  avoient  estet  jusques  ens  es  fourbours  de  Saint 
Omer.  Tantost  il  fist  sounner  ses  trompettes  et  armer  touttes  man- 
nierres  de  gens  d'armes  qui  laiiens  estoient,  dont  il  avoit  grant 
fuison  ;  et  tous  premiers  se  parti  à  ce  qu'il  avoit  de  gens ,  sans 
atendre  les  autres ,  et  vint  sus  les  camps  et  fist  desvoleper  se 
bannierre.  Si  pooient  y  estre  en  ceste  premierre  routte  environ 


342  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART«  [1351] 

six  vingt  armures  de  fier,  et  tondis  yeno[ient]  gens.  Si  poursoî- 
wirent  les  Englès  bien  quatre  lieuwez,  et  tant  que  assés  pries 
d'Arde  il  les  raconssuirent.  Li  Englèz  ne  veurent  plus  fuir,  mes  se 
requeillièrent  et  entrèrent  en  un  prêt.  F®  99  V*. 

P.  115,  1.  28  :  trois  cens.  —  Ms,  B  6  :  quatre  cens.  F*  446. 

P.  115, 1.  31  :  Saint  Orner.  —  Ms.  B  6  :  entre  Arques  et  Saint 
Orner.  F»  446. 

P.  116,  1.  2  :  terne.  — ilf^.  B  3  :  tertre.  F*  163.  —  Ms.  B  k  : 
tieme.  FM  52. 

P.  116,  1.  8  :  retraire.  —  Ms,  B  3  :  eulx  retirer. 

P.  116,  1.  28  et  29  :  ensi....  fait.  —  Ms.  B  3  :  quant  ilz  furent 
prestz.  F>  163  v«. 

P.  116,  1.  29  :  caudement. — Ms,  B  3  :  hastivement. 

P.  116,  1.  32:  Drues.  —  Ms,  5  3:  Drieuvez. 

P.  117,  1. 1  et  2  :  Guillaumes.  —  Mss,  ^  3  et  4  :  Gauvaing. 

P.  1 17,  1.  6  :  Cuvilers.  —  Ms.  B  4  :  Giviliers. 

P.  117,  1.  7  :  Yermendois.  —  Ms,  ^  6  :  Et  sy  avoît  bien  six 
cens  bringans  à  pavais ,  dont  Anbrose  Bonnefin  et  Gorge  de 
Pistoie  et  Franchois  de  Rose  estoient  meneurs  et  capitaines.  Si 
gardoient  et  defifendoient  le  pais  à  leur  pooir.  Si  chevauçoient 
une  fois  devers  Calais  pour  quérir  leur  aventurez,  et  chil  de  Ca- 
lais aloient  ung  aultre  jour.  Ensy  aloient  il  de  l'un  à  Vautre;  et 
tondis  le  comparoient  les  povres  gens.  F<^  439  et  440. 

P.  117,  1.  27  :  cent.  —  Ms,  B  6  :  quatre  cens.  F«  447. 

P.  118, 1.  4:  Evous.  — Jlfj.  B  3  :  Et  vint. 

P.  118,  1,  4 :  venu.  —  Ms,  B%:  et  ceulx  de  son  ostel  tant  seu- 
lement, et  vint  jusques  au  prêt,  montés  sur  son  coursier,  se  ba- 
nière  devant  luy,  et  monseigneur  Oudart  de  Renty,  monseigneur 
Bauduin  d'Ennequin,  messire  Baudart  de  Cuvillers,  le  seigneur  de 
Haveskerke  ossy  delës  luy.  Et  tondis  ly  venoient  gens,  mais  en- 
cores  n'estoient  point  venu  le  conte  de  Porsiien  et  sa  banière  ne 
messire  Gilles  de  Bourbon  ne  messire  Gicart  de  Biaugeu  son 
frère. 

Quant  le  sire  de  Biaugeu  fu  venus  jusques  as  Englès,  et  il  les 
vit  eus  ou  prêt,  tantost  imagina  leur  afaire  et  dist  à  ses  gens  : 
<c  A  piet,  à  piet  1  Nous  ne  les  poons  combattre  aultrement.  » 
Adonc  se  mist  il  à  piet;  ossi  firent  tous  ly  aultres.  Quant  il  fu  à 
piet,  il  regarda  entour  luy  et  se  vit  en  petite  compaignie.  Sy  de- 
manda à  messire  Bauduin  de  Cuvillers  :  «  Où  sont  tous  nos 
gens?»  Respondy  le  chevalier:  cil  vous  sievent,   et  vous  vos 


[131]      VARIANTES  DU  PRSBOER  LIVRE,  §  338.         343 

estes  trop  hastës.  Ghe  seroit  bon  que  d'ieaux  atendre  :  il  venront 
tantost;  et  vous  n'avës  pas  gens  pour  chy  asallir  à  yaulx  à  jeu 
party.  » 

Adonc  se  retourna  le  sire  de  Biaugeu  et  dist  par  mautalent  s 
«  Baudart,  Baudart,  se  vous  avës  paour,  sy  retournés  et  les  aten- 
dës.  9  —  «  Sire,  nanil,  dist  le  chevalier;  ains  vous  sievray,  mes 
je  vous  le  disoie  pour  bien.  » 

Adonc  fist  le  sire  de  Biaugeu  cheiuy  qui  portoit  sa  banière 
passer  oultre  le  fosset;  et  il  mesmes  prit  sa  lance  et  en  apoiant 
il  sally  oultre.  Et  à  che  qu'il  sally,  il  vint  ung  Englès  qui  le  re- 
queUy  de  sa  glave,  et  le  fery  par  desous  ou  fusiel,  car  il  n'estoit 
point  armes  de  braies,  de  mailles,  ne  d'aultire  armure  deffensable 
à  chel  endroit.  F»  448  et  449. 

P.  118,  1.  8  :  tourniier. —  Ms.  B  3  :  tournoier. 

P.  118,  1. 11  :  hurëe.  — ilfj.  i?  3:  levée.  F»  163  v». 

P.  118,  1.  12  :  sallir.  — Xtf  ms.  £3  ajoute:  à.  F>  164. 

P.  118,  1.16:  s'escueilla.^-ilfi.  i?3:  se  reculla. -^ ilfj .  ^ 4 : 
s'esqueUia.  P»  152  v«. 

P.  118,  h  17:  banière.  —  ilfr. B  3  :  estandart. 

P.  118,  1.  20:  s*abus^.  —  Ms.  B3:  trébucha. 

P.  1 18,  1.  24  :  embara.  —  Ms.  B  3  :  l'abatit.  —  Ms.  B  4  :  em- 
bati. 

P.  118,  1.  30  :  vaillamment. —  Ms,  B  6  :  Adonc  s'avanchèrent 
les  deus  chevaliers  et  aultres  qui  estoient  là  venus  avecques  luy, 
messire  Oudart  de  Renty,  messire  Bauduin  d'Annekin,  le  sire 
de  Mannier,  le  sire  de  Haveskerque,  messire  Lois  d'Ecalles, 
messire  Bauduin  de  Cuvillers,  et  y  firent  mervelles  d'armes. 
F*  450. 

P.  118,  1.  32:  foursené.  —  Ms.  B  3  :  forcennez.  F»  164. 

P.  119,  1.  2  :  estekeis.  —  Ms.  B  3  :  estry. 

P.  Ii9,  1.  6  et  7 :  un  oel.  —  Ms.  B  3  :  Jehan  Oel. 

P.  119,  1. 13  :  le  trettië.  —  Ms.BZ  :  le  trait.  F*  164.  —  Ms. 
B k:  h  traittiée. 

P.  H9,  1. 15  :  esmerveilliës.  —  Ms.  B  3  :  esbay. 

P.  119,  1.  28  :  reporter.  —  Ms.  B6i  «  ....  ensevelir  en  nostre 
paisy  en  Tabeie  de  Belleville  là  où  nostre  anciseur  gisent.  >  Son 
frère  tout  en  plorant  ly  eult  en  couvent.  Oncques  depuis  ces  pa- 
rolles  le  sire  de  Biaugeu  ne  parla;  là  morut.  Dieu  en  ait  l'ame, 
car  il  fut  moult  vaillant  chevalier  et  preudons  et  bien  congneu 
en  pluiseurs  pais.  Meismement  le  roy  Englès  et  les  seigneurs 


344  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1351] 

d'Engleterre  en  furent  oonrchiës  de  sa  mort  pour  le  proescke  et 
le  bien  de  luy.  P>  451  et  452. 

P.  120,  1.  3  :  geules.  —  Lm  mss.  BZ^k  ajouteni:  à  trois  lam- 
baux  [B  4  :  labiaus.  P  153)  de  gueules.  F*  164. 

P.  120, 1. 10  :  requerre.  —  Ms.  B  3  :  oonquerre. 

S  539.  P.  120,  1.  14  :  Tout  à  piet.  —  Ms.  d! Amiens  :  U 
sires  de  Biaugeu,  qui  estoit  chaux  et  boullans  de  combattre,  des- 
cendi  à  piet  et  fist  descendre  les  siens,  et  alla  autour  de  ce 
prêt;  et  n'y  pooit  entrer  à  sen  aise  pour  un  fosset  qui  y  estoit, 
si  ques  par  mautalent  il  prist  son  glaive  et  sailli  oultre.  En  sai^- 
lans,  uns  Englès  li  bouta  son  glaive  ou  fusiel  où  point  n'estoit 
armes,  et  li  embara  ou  corps  et  là  l'abati  navret  à  mort. 
Quant  ses  gens  virent  le  grant  mescief,  il  saillirent  oultre  qui 
mieux  mieux.  Et  là  eult  deus  chevaliers  qui  se  fissent  tuer  sus  le 
corps  le  signeur  de  Biaugeu.  Si  ne  durèrent  li  Franchois  qui  là 
estoient,  point  longement,  et  furent  tout  mort  et  tout  pris  chil 
premiers. 

Evous  venant  grant  secours  de  Saint  Omer,  messires  Guiehart 
de  Biaugeu,  frère  au  dessus  dit,  le  comte  de  Porsiien,  messire 
Guillaumme  de  Bourbon  et  bien  trois  cens  armures  de  fier  ;  si  se 
boutèrent  en  cez  Englès.  Et  là  eut  de  rechief  grant  bataille  et  dure, 
et  maint  homme  reverssë  d'une  part  et  d'autre.  Et  vous  di  que  li 
Franchois  ne  Favoient  mies  d'avantaige,  car  li  Englès  s'i  esprou- 
voient  trop  vaillamment:  et  ewissent,  enssi  que  on  suppose,  esté 
desconffi,  se  li  brigant,  bien  sept  cens,  ne  fiiusent  là  venu,  mes 
chil  parfissent  le  besoingne  et  desconfirent  les  Englès.  Si  furent 
tout  mort  et  tout  pris,  et  rescous  cil  qui  pris  estoient,  et  li  proie 
ossi  rescousse;  car  li  sires  de  Bavelingehen,  par  où  li  foureur  les 
menoient,  yssi  hors  de  se  fortrèce,  et  ossi  fissent  chil  d'Àrde.  Si 
le  rescoussent  et  furent  tout  mort  et  tout  pris  chil  qui  le  menoient, 
mes  li  sirez  de  Biaugeu  morut  là  sus  le  place,  dont  tous  li  Fran- 
chob  furent  moult  courouchiet;  si  le  ramenèrent  à  Saint  Omer. 
Si  le  fist  messires  Guichars,  ses  frères,  enbausoummer  et  mettre 
en  un  sarqu,  et  le  renvoya  en  son  pays  arrierre  en  Biaugeulois. 
Si  fu  assës  tost  apriès  envoiiës  à  Saint  Omer  messires  Emoulx 
d'Audrehen,  et  fais  marescaux  de  Franche.  Ghilx  garda  ung  grant 
tems  le  frontière  contre  lez  Englès.  F»  99  v^. 

P.  120,  1.  26  :  son  hardement.  —  Ms.  B  3  :  l'ardiesse. 
F*  164  yo. 


[i35i]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  339.         345 

P.  i2i,  1.  5  :  essaimes.  —  Ms,  B  3  :  lasse.  —  Ms.  B  4  :  en- 
sannës.  F"  153. 

P.  121,  1.  9  :  plus  de  cinq  cens.  — *  Ms.  ^  6  :  six  cens. 
F»453. 

P.  121,  1.  10  :  pavais.  —  Ms.  B  3  :  pennons. 

P.  121,  1. 13  :  hodet.  —  Ms.  B  3  :  ennuyez. 

P.  121,  1.  17  :  Riauvers.  —  il/#.  B  3  :  Rauvères.  —  Ms.  B  5  : 
Reauvais.  P»  361  v«. 

P.  121,  1.  17  :  Tuiton.  —  Ms.  B  4  :  Tuton. 

P.  121,  1.  24  :  dévia.  —  Ms.  B  3  :  trespassa. 

P.  121,  1.  24  :  place.  —  Le  ms.  B  5  ajoute  :  Dieux  pardoint  à 
tons  trespassës  et  à  nous  tous  nos  pechiës. 

P.  121,  1.  31  :  le  proie.  —  Ms.  ^  3  :  la  prise. 

P.  121,  1.  32  :  devint.  —  Mss.  i?  3,  4  :  de  nuyt. 

P.  122,  1.  4  :  embusce.  —  Ms.  J?  6  :  Et  estoient  bien  six  vingt 
hommes  d'armes  et  trois  cens  à  piet  et  mis  en  ung  bosquet  entre 
Ardre  et  Ghines.  F*  454. 

P.  122,  1.  4  et  5  :  armeures  de  fer.  ^-  Ms.  B  4  :  honunes 
d'armes. 

P.  122,  1.  11  :  Saint  Omer.  —  Mss.  i?  3,  4  ajoutent  :  où  on 
l'avoit  levée. 

P.  122,  1.  16  :  peurent.  — Ms,  B  6  :  Geste  bataille  fu  Fan  de 
,grace  mil  trois  cens  cinquante  un,  le  septième  jour  de  septembre 
entre  le  bastille  d'Ardre  et  le  ville  de  Hoske.  Après  le  desconfi- 
ture, les  Franchois  retournèrent  à  Saint  Omer  et  enmenèrent  leur 
prisonniers  monseigneur  Jehan  de  Riaucamp  et  les  aultres  et  rap- 
portèrent le  seigneur  de  Riaugeu  tout  mort,  dont  che  fu  pitë,  et 
monseigneur  Guichart  son  frère  moult  fort  navre,  et  ensevelirent 
les  mors  et  entendirent  as  navrés.  Assés  tos  après  fut  fait  ung 
escange  de  monseigneur  Jehan  de  Riaucamp  et  d'un  aultre  che- 
valier englès,  que  on  nommoit  messire  Olivier  de  Clitfort,  pour 
monseigneur  Guy  de  Nelle,  mariscal  de  Franche,  et  pour  monsei- 
gneur Emoul  d'Audrehen.  Si  s'en  râlèrent  cilz  chevaliers  à  Calais, 
et  li  aultres  revinrent  en  Franche.  Sy  fu  assés  tos  après  esleu  à 
y  estre  mariscal  de  Franche  ou  lieu  de  monseigneur  de  Riaugeu 
et  fu  envoie  à  Pontorson ,  car  là  avoit  une  grosse  route  d'Englès 
qui  couroient  le  pais  et  venoient  de  le  marche  de  Rretaigne.  Sy 
se  tint  là  messire  Emoul  d'Audrehen  ung  grant  temps  en  garnison, 
et  avoit  grant  plenté  de  chevaliers  et  d'escuiers  qui  gardoient  et 
defflmdoient  le  pais  de  Normendie  à  che  chosté.  F®'  454  et  455. 


346  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [i3S0] 

P.  123, 1.  21  :  faire  frontière.  —  Ms.  B  Z  :  fortifier. 
P.  122,  1.  26  :  d'autre.  —  Les  mss.  B  Z  et  k  ajoutent  :  cour^ 
toisement. 

§  340.  P.  122, 1.  28  :  En  ce  t^mps.  —  Ms.  é Amiens  :  Voos 
avés  bien  oy  recorder  coumment  li  comtez  de  Ghines,  connesta* 
blez  de  Franche,  fu  pris  à  Kern  en  Normendie,  et  li  comtez  de 
Tancarville,  et  prisonnier  en  Engleterre.  li  dis  connestabiez  de 
Franche  acqoist  grant  grâce  en  Engleterre  don  roy  premièrement, 
de  le  roynne  et  de  tous  les  seigneurs,  car  il  estoit  doulx  et  cour- 
tois chevaliers  durement^  Si  fii  là  prisonniers  Tespasse  de  cinq  ans 
et  plus,  et  se  mist  à  finanche  à  soissante  mil  escns.  Et  le  recrut 
li  roys  englès  sus  se  foy  à  renvoiier  se  raenchon  dedens  ung  jour 
qui  mis  y  fii,  ou  de  revenir  tenir  prison  en  Engleterre. 

Si  rapasa  le  mer  li  dis  comtes  de  Ghines,  et  vint  en  France  et 
se  traist  deviers  le  roy,  dont  il  quidoit  estre  moult  bien  [amés],  et 
le  salua  et  enclina  enssi  comme  son  seigneur.  li  roys  Jehans  li 
dist  :  <c  Comtes  de  Ghinnez,  sieuwës  nous.  »  Adonc  se  partirent 
de  là  et  entrèrent  en  une  cambre.  Se  li  moustra  une  lettre,  et  li 
dist  :  a  Veistes  vous  oncques  mes  ces  lettrez  chy  ?  »  li  connes- 
tables  îxx  durement  souspris  et  mua  couleur  quant  il  vi  la  lettre, 
che  dist  on.  Quant  li  roys  le  vi  abaubi,  se  li  dist  :  «  Ha  !  ha  f 
mauvais  traistres,  vous  avés  bien  mort  deservi  ;  si  morës,  foy  que 
je  doy  à  Tame  à  mon  père.  »  Si  le  fist  tantost  prendre  et  mettre 
en  prison. 

Cescuns  fu  dolens  et  esmervilliës  dou  connestable  qui  enssi  en 
fîi  menés,  car  il  estoit  durement  ammés.  Et  si  ne  savoit  nulx 
pensser  ne  adeviner  pourquoy  ly  roys  le  faisoit.  Et  comment  que 
ce  fiist,  li  roys  jura  à  Tendemain,  par  devant  lez  amis  dou  con- 
nestable qui  prioient  pour  li,  que  jammais  ne  dormiroit  se  li 
aroit  fait  copper  le  teste,  ne  jà  pour  ung,  ne  pour  autre,  ne  l'en 
respiteroit  ;  si  ques  le  nuit  meysmes  li  connestables  eut  la  teste 
coppée  en  le  tour  dou  Louvre  :  dont  li  roys  en  fu  durement 
blamméz,  mes  on  n'en  eult  autre  cose.  F*"*  99  v*  et  100. 

P.  122,  1.  29  :  Clemens.  —  Le  ms.  B  3  ajotae  :  siziesme. 
F«  165. 

P.  123, 1.  2  :  Jehan.  -^Les  mss.  B  Z  et  k  ajoutent  :  qui  moult 
Tamoit. 

P.  123,  1.  8  :  et.  -^  Ms.  B  k  :  en.  F»  153  v«. 

P.  123,  1.  8  et  9  :  de  Romme.  — -  Ms,  ^  3  :  des  cardinaux. 


[I35i]      VABIANTES  DU  PREBIIER  LIVRE,  S  341.         347 

P.  123,  1.  14  :  aherdans.  —  Mss.  i?  3,  5  :  adherens. 

P.  123,  1.  23  :  Kern.  —  Ms.  B  5  :  Caen.  F""  362. 

P.  123,  1.  26  :  d'Eu  et.  —  Le  ms.  B  Z  ajoute  :  le  conte. 

P.  123,  1.  29  :  able.  —  Mss.  ^  3,  5  :  habile. 

P.  123, 1.  29  :  frice.  —Ms.Bk:  frische.  —  Ms.BZ:  fris- 
que. 

P.  124, 1. 11  :  l'enclina.  —  Ms,  B  3  :  s'enclina. 

P.  124,  1.  22  :  assouplis.  —  Mss,  i?  3,  5  :  esbay. 

P.  124,  1.  22  :  et  pris  deventrainnement.  — -  Ms,  ^  3  :  et 
transy.  / 

P.  125,  1.  4  :  royaume.  -*  Le  ms.  B  5  ajoute  :  et  tenu  prison 
pour  cinq  ans.  F®  362. 

P.  125,  1.  5  :  onques.  —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  riens.  P  165  v«« 

P.  125»  1.  10  :  teste.  — »  Ms.  B  6  :  sans  loy  et  sans  jugem^it, 
et  le  fist  le  roy  faire  de  sa  puissanche.  Je  ne  say  se  che  fut  à 
droit  ou  à  tort,  car  de  leur  secret  ne  de  leurs  parlers  ne  de  leur 
afaire  je  ne  voel  mie  parler  trop  avant  ;  j'en  poroie  bien  mentir  : 
se  vault  mieux  que  je  m'en  taise  que  j'en  die  chose  que  j'en  soie 
repris.  F"  456  et  457. 

P.  125,  1. 12  :  je  le  tieng.  —  Ms.  B  Z  .  A  estoit. 

P.  125,  1.  12  :  vaillant.  —  Ms.B  3:  noble. 

§  S4t.  P.  125,  1.  20  :  Assës  tost.  —  Ms.  et  Amiens  .-  En  ce 
tamps  estoient  trieuwez  en  Franche  par  le  pourcach  dou  cardinal 
de  Bouloingne,  qui  se  tenoit  en  le  cite  de  Paris,  dallés  le  roy.  Or 
avint  que  ungs  escuiers  de  Pikardie,  qui  gardoit  le  fort  castiel  de 
Ghines,  s'acorda  si  bien  as  Englès  et  à  monseigneur  Jehan  de 
Biaucamp,  cappittainne  de  Gallais,  que,  parmy  une  somme  d'ar- 
gent et  de  florins,  il  délivra  as  Englès  le  castiel  de  Ghinnes.  Et 
en  furent  boute  hors  à  une  journée  chil  qui  le  gardoient,  et  en 
eurent  li  Englès  le  possession. 

Ces  nouvellez  vinrent  à  Paris  au  roi  de  Franche,  comment  li 
fors  castiaus  de  Ghinnes  estoit  perdus.  Si  en  fu  11  roys  durement 
courouciés,  et  s'en  complaindi  au  cardinal  de  Bouloingne  coum- 
ment  li  Englès  en  trieuwes  avoient  pris  et  emblé  se  forterèce.  li 
cardinaux  en  escripsi  à  monseigneur  Jehan  de  Biaucamp,  et  li 
manda  que  il  avoit  les  trieuwez  enfraintez  et  c[ue  ce  fust  deffait 
et  qu'il  remesist  le  castiel  arrière.  Messirez  Jehans  de  Biaucamp 
respondi  et  rescripsi  enssi,  et  dist  que  U  n'eschievoit  nul  homme 
en  trieuwez  et  hors  trieuwez  à  vendre  et  achater  maisons,  terrez 


348  ŒRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [i35i] 

et  hiretaiges.  Si  demora  la  cose  en  cel  estât,  et  n'en  peurent  li 
Franchois  avoir  autre  cose.  F"  iOO. 

P.  125,  1.  20.  :  Assës.^  Ms.  B  6  :  Encores  endementiers  que 
ly  cardinaulx  de  Boulongne  estoit  à  Paris,  le  roy  de  Franche  qu^ 
avoit  saisy  le  conté  d'Eu  et  de  Ghines,  avoit  donné  le  conté  d'Eu 
à  monseigneur  Jehan  d'Artois,  son  cousin  germain,  et  le  conté 
de  Ghines  tenoit  il  encore.  Et  avoit  mis  dedens  le  castiel  de  Ghi- 
nes ung  castelain,  escuier,  que  on  nommoit  de  Bielconroy.  Dont 
il  avint  que  messire  Jehan  de  Biaucamp,  qui  estoit  gardien  et  sou- 
verain de  Calais  de  par  le  roy  d'Engleterre,  fist  tant  parlementer 
à  che  castelain  de  Ghines  qu'il  ly  eult  en  couvent  de  livrer  le  cas- 
tiel à  certain  terme.  Et  me  samble  que  che  de  voit  estre  par  nuit, 
quant  tout  les  compaignons^dormyroient,  parmy  une  somme  de 
florins,  mais  ne  say  quelle.  Et  l'argent  fut  paiiet,  et  ly  castieau 
Kvrés.  Et  y  vinrent  chil  qui  entrèrent  par  batiel  et  par  derièro 
sus  les  mares  qui  sont  grant  et  large  d'iauve  :  il  n'y  fait  oncques 
sy  secq  qu'il  n'y  ait  tondis  plus  de  deux  lieues  d'iaves  de  large. 
Les  Englès  entrèrent  dedens  baudement  et  trouvèrent  tout  les 
saudoiiers  qu'il  estoient  encores  en  leur  lit.  Il  ne  leur  firent  nul 
mal,  car  la  chose  estoit  faite  ensy,  mais  il  leur  disoient  :  «  Or  sus, 
or  sus,  seigneurs,  vous  avés  trop  dormy  ;  levés  vous,  et  sy  vidiés 
le  castiel,  car  cheens  ne  demor[r]és  plus.  » 

Les  sauldoiiers  furent  moult  esbahis,  quant  il  virent  ces  Englès 
en  leur  cambre  entrer  :  il  volsissent  bien  estre  en  Jherusalem.  Et 
lors  s'armèrent  et  se  partirent  de  laiens  le  plus  tost  qu'il  porent 
tout  desconfis  et  barretés.  Et  estoient  entre  aulx  moult  esmer- 
villiés  de  ceste  aventure  ;  sy  se  mespensèrént  de  che  Hue  de  Biel* 
coroy ,  pour  che  que  pluiseurs  fois  puis  huit  jours  il  avoit  esté 
plus  de  fois  hors  que  les  aultres  fois  acoustumé  n'estoit  :  si  le  pri- 
rent, car  il  estoit  adonc  avoecques  yaus  et  li  mirent  seur  le  trai- 
son  et  oncques  ne  s'en  seult  escondire  ne  escuser.  Et  fat  menés 
à  Saint  Aumer  et  délivré  à  messire  Joffroy  de  Gargny,  qui  pour 
le  tamps  gouvrenoit  la  ville  de  Saint  Omer  et  les  frontières  d'ileuc 
de  par  le  roy  de  Franche  :  liquelx  mit  à  mort  ce  Hue  de  Bielco- 
roy,  seloncq  la  congnoissance  qu'il  fist.  F®"  460  et  461. 

P.  125,  1.  26  :  de.  —  ilfj.  ^  4  :  à.  F«»  154. 

P.  126, 1,  15  :  n'eskiewoit.  —  Ms.BZ\  creignoit,  F»  155  v». 
—  Mi.  B  4  :  n'esqueroit.  F®  1 54. 

S  34S.  P.  127, 1. 1  et  2  :  deseurain.— ^#.  B  3  :  derrain.  F""  166. 


[1354]      VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  S  343.         349 

P.  427,  1.  8  :  ensongne.  —  Ms.  B  3  :  exoîne. 
P.  127,  1.  18  :  couls.  —  Ms.  £  4  :  cousis.  P  154  V». 
P.  127,  1.  24  :  consent.  -—  Ms.  B  3  :  consentement. 
P.  127,  l.  26  ;  nestoit.  —  Les  mss.  B  d  et  B  k  ajoutent: 
souffisant. 

P.  128,  1.  1  :  maison.  —  Les  mss.  B  3  et  k  ajoutent  :  noble. 
P.  128, 1.  9  :  détenue.  —  Ms.  B  3  :  entretenue. 

§  545.  P.  129,  1. 1  :  en  ce  temps.  —  Ms.  éP Amiens  :  En  ce 
tamps  et  en  celle  saison  avoit  li  roys  de  France  un  chevalier 
dalles  luy,  que  durement  il  amoit,  avoecq  qui  il  avoit  estet  non- 
ris  d'enfance,  que  on  clammoit  monseigneur  Carie  d'Esp.iigne, 
et  estoit  ses  compains  de  touttez  coses,  et  le  creoit  devant  tous 
autrez.  Et  le  fist  li  roys  Jehans  connestablez  apriès  le  mort  dou 
comte  de  Ghines,  et  li  dounna  une  terre  qui  avoit  estet  en  débat 
entre  le  roy  son  père  et  le  roy  de  Navarre,  dont  par  Tocquoison 
de  celle  terre,  grant  envie  et  hajnone  s'esmurent  entre  les  enfans 
de  Navarre  et  monseigneur  Carie  d'Espaigne.  Li  connestables 
s'afioit  si  en  le  puissance  dou  roy  et  en  s'amour,  qu'il  n'amiroit 
de  riens  le  roy  de  Navare.  Dont  il  avint  un  jour  qu'il  estoit  en 
Normendie  entre  l'Aigle  et  une  autre  ville,  si  fu  là  espiiësy  et  le 
trouvèrent  les  gens  le  roy  de  Navarre,  et  fu  ochis  en  son  lit 
d'un  Navarois  qui  s'appelloit  le  Bascle  de  Maruel.  Ces  nouvellez 
vinrent  au  roi  de  France  que  ses  connestablez  estoit  mors;  si  en 
fil  trop  durement  courouchiés  sus  le  roy  de  Navarre,  et  le 
enqueilli  en  si  grant  haynne,  quoyque  il  ewist  sa  fille  espousée, 
que  oncques  puis  ne  l'amma,  si  comme  vous  orës  reoorder  avant 
en  l'istoire.  F^  100. 

P.  129,  1.  17  :  felonnie.  ^  Ms.  B3  :  villennie.  F«  166  v«. 

P.  129,  1.  21  :  temps.  —  Ms.  B  6  :  Ceste  hayne  ne  peult 
oncques  yssir  de  son  cuer,  quelconque  samblant  que  il  moustra, 
mais  tous  jours  pensoit  à  luy  faire  contraire  et  s'en  descouvry  à 
aulcuns  de  son  consail.  Ung  jour  s'avisa  le  roy  de  Franche  qu'il 
le  manderoit  qu'il  venist  parler  à  luy  à  Paris  à  ung  certain  jour 
et  qu'il  ne  le  laissa  nullement.  Qr  avint  que  dedens  che  mande- 
ment aulcuns  du  secret  consail  du  roi  de  Franche  s'en  descouvry 
en  confession  au  cardinal  de  Boulongne  en  grant  bien  et  ly  re- 
ghey  aulcune  chose  de  L'intencion  du  roy  son  seigneur,  pour  tant 
qu'il  doubtoit  que  grant  mal  n'en  venist. 

Quant  le  cardinal  entendy  che  que  le  roy  Jehan  avoit  vollentë 


350  CHRONIQUES  OE  J.  FROISSAAT.  [1354] 

de  faire,  il  le  fist  sçavoir  au  roy  de  Navare  son  cousin  tout  se- 
crètement qu'il  ne  yenist  mie  au  mandement  du  roy,  car  il  doub- 
toit  que  mal  ne  l'en  yenist  :  si  ques  par  che  point  le  roy  de  Na- 
yare  ne  ly  yenist  point  au  jour;  mais  il  se  tint  tous  garnis  et 
prouyeus  en  le  conte  d'Eyrues  pour  attendre  le  roy  de  Franche 
ou  ses  gens,  se  il  le  yolloient  guerier. 

Quant  le  roy  de  Franche  yit  che,  il  fut  moult  couroudùës,  et 
ymagina  et  apensa  que  messire  Robert  de  Lorris  ayoit  reyelié 
son  consail  et  che  qu'il  yolloit  faire.  Sy  en  fut  le  dit  messire  Ro- 
bert ung  grant  tamps  en  le  maUeyyolense  du  roy,  et  l'en  conyint 
yidier  du  royalme  de  Franche.  En  che  tamps  reyint  le  cardinal 
de  Eoulongne  en  Ayignon.  F~  466  et  467. 

P.  129,  1.  23  :  grandement.  —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  en 
hayne. 

P.  129,  1.  24  :  dur  parti.  —  Ms.  B  3  :  grant  soucy. 

P.  129, 1.  26  :  doubtës.  —  Ms,  B  3  :  soucyës. 

P.  129,  1.  28  :  n'aroit.  —  Le  ms.  B  3  ajoiue  :  au  monde. 

P.  129,  h  28  :  de.  —  Ms,  B  3  :  que. 

P.  130,  1.  1  :  leur  entente.  —  Ms,  B  3  :  k  leur  yolentë. 

P.  130, 1.  5  :  demandoient.  —  Ms.  B  3  :  poursuiyoient. 

P.  130,  1.  5  et  6  :  et  qui....  sur  lui.  —  il/5,  f  3  :  et  qui 
ayoient  conspire  sa  mort  contre  lui. 

P.  130,  1.  11  :  pour.  —  Le  ms,  B  5  ajoute  :  y. 

P.  130,  1.  20  :  air.  —  Ms.  B  b  :  haïr.  F*  362  y*. 

P.  130,  1.  23  et  24  :  dalës.  —  Ms.  B  3  :  ayec. 

P.  131,  1.  9  et  10  :  yilles....  mies.  —  Ms.  B  3  :  yillages, 
mais  plainctz  ne  furent  mye.  F®  167. 

g  544.  P.  131, 1.  25  :  un  grant  temps.  —  Ms.  B  6  :  bien 
dix  sepmaines.  F®  467. 

P.  131,  1.  29  et  30  :  li  articles.  —  Ms.  ^  3  :  les  articles. 
F»  167. 

P.  132,  1.  2  :  France.  —  Ms.  ^  6  :  Ce  fu  enyiron  après  Pas- 
ques,  et  à  le  Saint  Jehan  Baptiste  ensieyant  deyoit  fallir  le  respit 
entre  le  roy  de  Franche  et  le  roy  d'Engleterre.  En  che  meisme 
tamps,  yint  le  roy  de  Nayare  en  Ayignon  et  se  complaindy  au 
pape  et  à  aulcuns  cardinaus  du  roy  de  Franche  qui  ensy  le 
hayoit,  et  se  luy  sambloit  qu'il  ly  faisoit  grant  tort.  Après  se 
party  le  roy  de  Nayare  et  s'en  reyint  en  son  pais.  F'  467  et  468. 

P.  132, 1.  2  :  inspirée.  <-*  M^-  B  3  :  expirée. 


[1385]      VARIANTES  DU  PREBilER  LIVRE,  $  345.         351 

P.  132,  1.  6  :  reschei.  —  Ms.  B  3  :  escheut.  —  Ms.  B  4  : 
eachci.  F<»155V. 

P.  132,  1.  19  :  au  duc.  —  Le  ms.  B  5  ajoute  :  Jehan. 
P363. 

P.132, 1. 19  :  pareçons.  —  Ms.  B  3  :  portions.  —  Ms.  B  4  : 
parcbons.  —  Ms,  B  5  :  part. 

§  548.  P.  133,  1.  16  :  Li  rois.  —  Ms,  d Amiens  :  Vous  avés 
chi  dessus  bien  oy  recorder  coumment  li  roys  de  France  hayoit 
en  coer  le  jone  roy  de  Navare  et  ses  frères,  pour  le  mort  de  son 
connestable  messire  Cariez  d'Espaingne.  Oncquéz  ceste  haynne  ne 
li  peult  yssir  dou  coer,  quel  samblant  qu'il  li  moustrast,  et  s'en 
descouvri  à  aucuns  de  son  consseil. 

Or  avint  que  li  roys  de  Franche  le  manda  ung  jour  que  il  ve- 
nist  parler  à  lui  à  Paris.  Li  roys  de  Navare,  qui  nul  mal  n'y 
penssoit,  se  mist  au  chemin  et  s'en  venoit  à  Paris  droitement. 
Sus  sa  voie  li  fii  segnefiiet  que,  se  il  alloit  à  Paris  deviers  le  roy, 
il  aroit  à  souffrir  dou  corps.  Si  retourna  li  roys  de  Navare  à 
Chierebourcq,  dont  il  estoit  partis,  et  grant  hiretaige  en  Normen- 
die  qu'il  tenoit  de  par  sa  femme. 

Li  roys  sceut  ces  nouvelles  coumment  il  estoit  retournez  ;  si 
en  souppeçonna  aucuns  de  son  consseil  qu'il  ne  l'ewissent  revelë, 
et  en  fù  dou  tout  mescrus  messires  Robers  de  Loris.  Et  l'en 
convint  wuidier  France  et  aller  demorer  en  Avignon  dallez  le 
pappe,  tant  que  li  roys  ewist  passes  son  mautalent. 

Quant  li  roys  de  Navarre  et  si  frère  se  virent  en  ce  parti  et 
que  li  roys  de  France  les  haioit  couvertement,  si  se  coummen- 
dèrent  à  doubter  de  lui,  pour  tant  qu'il  estoit  trop  crueulx.  Et 
se  pourveirent  d'autre  part  et  fissent  grans  allianches  au  roy 
d'Engleterre,  qui  leur  jura  à  aidier  et  conforter  contre  le  dit  roy 
de  Franche,  et  pourveirent  leurs  castiaux  et  leurs  garnisons. 
F»  100. 

P.  133,  1.  17  :  hayne  le  fait.  —  Ms.  B  3  :  indignation  la 
mort.  F*  107  vo. 

P.  133,  1.  18  :  pôoit.  -^  Ms.  B  k  :  pooient.  P  155  vo. 

P.  133,  1.  21  :  costés.  — Ms.  B  6  :  Quant  le  roy  de  Navare 
eult  este  et  vissetë  son  royalme  de  Navare  bien  ung  an,  il  en- 
tendy  que  le  roy  de  Franche  avoit  envoiiet  puissance  de  gens 
d'armes  sus  les  frontières  d'Evrues  pour  ardoir  et  essillier  son 
pais.  Sy  se  mist  Je  roy  de  Navare  en  mer  à  tout  grant  foison  de 


352  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [1355] 

gens  d'armes  et  arriva  en  Normendie  à  Chierbourch  qui  se  te- 
noit  pour  luy.  Sy  pounrey  ses  fortresses  du  mieulx  qu'il  pol 
pour  contrester  contre  les  Franchois. 

Assës  tost  après  s'apensèrent  les  deux  frères  de  Navare  qu'il 
s'aliroient  au  roy  d'Engleterre  pour  estre  plus  fors  en  leur  guerre, 
ou  cas  qu'il  ne  pooient  avoir  pais  au  roy  de  Franche.  Et  eurent 
chertains  couvenanches  ces  deux  rois  ensamble.  Et  devoit  le  roy 
d'Engleterre  le  saison  après,  à  grant  puissance  de  gens  de  gherre, 
ariver  en  Normandie  sur  le  pooir  du  roy  de  Navare  et  par  là 
entrer  en  Franche. 

Et  bien  supposoit  le  jroy  de  Franche  aulcune  cose  dont ,  affin 
qu'il  fust  plus  fors  et  mieulx  amës  en  Normendie,  et  que  plus  y 
euist  d'amis,  il  pardonna  à  sire  Godefroy  de  Harcourt  tout  son 
mautalent  et  cheaulx  qui  son  père  le  roy  y  avoit  eus,  et  ly  rendy 
toute  sa  terre  de  Goustentin.  Et  revint  le  dit  messire  Godefroy  en 
Franche  en  grant  honneur  et  y  fut  moult  conjoys  de  tous  les 
seigneurs  et  les  barons  de  Normendie  où  il  avoit  moult  grant 
linage. 

Ensy  se  démenèrent  ces  choses  couvertement.  Et  avoît  le  roy 
Jehan  encuelliet  en  grant  hajme  les  enfans  de  Navare,  et  n*estoit 
nulz  qui  en  peuist  faire  le  pais.  Quant  che  vint  en  may  l'an  mil 
trois  cens  cinquante  cinq,  le  roy  d'Engleterre  tint  une  moult 
grose  feste  et  moult  noble  en  la  cite  de  Londrez.  À  chelle  feste 
eult  moult  grant  foison  de  chevahers  et  de  seigneurs,  de  da- 
mes et  demoiselles,  et  dura  la  feste  quinze  jours.  Et  y  eult 
moult  de  belles  joustes,  et  belle  feste  de  tout  poins.  En  fin  de  la 
feste,  il  y  eult  grant  parlement  ;  et  y  fu  messires  Phelippes  de 
Navare ,  qui  parconfruma  les  alianches  du  roy  son  frère  au  roy 
d'Engleterre.  Et  eult  le  roy  englès  en  couvent  au  dit  monsei- 
gneur Phelippe  que  moult  eCTorchiement  à  la  Saint  Jehan  Bap- 
tiste ensievant  se  meteroit  en  mer  et  yroit  prendre  terre  en  Nor- 
mendie sur  le  pooir  du  roy  de  Navare.  Et  le  roy  de  Navare  ly 
devoit  délivrer  ses  fortresses  qu'il  tenoit  en  Normendie ,  pour 
mieulx  grever  Franche  et  constraindre  ses  ennemis. 

Encores  fu  là  ordonné  ly  mariage  du  jouene  conte  Jehan  de 
Monfort  et  de  l'une  des  fiUes  du  roy  d'Engleterre,  parmy  tant 
que  le  roy  d'Engleterre  eult  en  couvent  au  dit  conte  cpi'il  luy 
aideroit  à  poursievir  sa  guerre  contre  la  fème  à  monseigneur 
Charles  de  Blois  qui  s'en  tenoit  hirtière  et  qui  moult  forte  y  estoit 
de  villes,  de  cites  et  de  fortresses  et  ossy  de  grande  banmnie 


[1355]      VÀRUNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  345.         353 

et  de  bonne  chevalierie,  Bretons,  qui  estoient  de  son  acord. 
Et  y  faisoit  tondis  la  damme  bonhe  guerre  et  forte,  quoyque 
son  marit  messire  Qiarles  de  Blois  fîist  prisonniers  en  Engieterre. 
P*  468  à  471 . 
P.  134, 1.  17  :  Ronces.  —  Hfs.  B  3  :  Couches. 

-  P.  134,  1.   26  Rosem.  —  Ms.  B  3  :  Rozan.  —  Ms.  B  5  : 
Ros.  F*  363  V*. 

P.  135, 1. 1  :  cinq  cens.  —  Ms,  ^  4  :  six  cens.  F^  156. 

P.  135,  1.  5  :  en  nom  de  cran.  —  Ms,  B  3  :  pour  le  creancer. 

—  Ms.  B  k  '  en  nom  de  craon. 

P.  135,  1.  16  :  mil.  —  Mss.  i?  3,  6  :  deux  mille. 

P.  135,  1.  16  :  deux  mil.  —  Jlf^.  ^  6  :  six  mille.  F>  471. 

P.  135,  1.  17  :  lui.  —  Ms,  B6  :  Et  che  fu  acordet  à  le  re- 
queste  et  prière  d'aucuns  barons  de  Gascongne,  qui  là  estoient 
venu  veoir  le  roy  leur  seigneur,  tels  que  le  seigneur  de  Labreth, 
messire  Jehan  de  Pumiers,  messire  Elies  de  Pumiers,  le  sire  de 
Lespare,  le  sire  de  Ghaumont,  le  sire  de  Muchident  et  messire 
Aymers  de  Tharse.  P  471 . 

P.  135,  1.  18  :  li  contes. —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  de  Quenfort. 
F*168. 

P.  135,  1.  21  :  le  baron  de  Stanfort.  —  Ms.  B  6  :  Richard 
de  Stanfort.  F*  168. 

P.  135,  1.  22  :milleurs.  —  Ms.  B  3  :  merveilleux. 

P.  135,  1.  24  :  d'eur.  —  Ms.  ^  5  :  de  honneur. 

P.  135,  1.  26  :  et.  —  Le  ms,  B  Z  ajoute  :  mis. 

P.  135,  1.  26  :  Là  estoient.  —  Ms.  B  6  :  ossy  le  sire  de  le 
Ware,  le  sire  de  Willeby,  messire  Guillaume  filz  à  Wervic,  le 
sire  de  Despensier  et  sy  doy  frères,  Thomas  et  Hues,  qui  devin- 
rent chevaliers  en  che  voiage,  le  sires  de  Felleton,  messire  Ber- 
themieulx  de  Bruch,  messire  Estievenes  de  Gensesenton,  le  sires 
de  Bercler,  le  sire  de  Briseton,  messire  Noël  Loruich,  messire 
Richart  de  Poncardon,  messire  Daniaus  Pasèle,  messire  Denis  de 
Morbecque,  messire  Ustasse  d'Auberchicourt,  messire  Jehan  de 
Gistellez  et  pluiseurs  aultres,  que  je  ne  puis  mie  tout  nommer. 
Dont,  environ  le  Saint  Jehan,  tout  ches  seigneurs  chevaliers  et 
toutes  gens  d'armes  et  archiers  se  partirent  d'Engleterre  et  mon- 
tèrent à  Hantone  bien  pourveu  de  gros  vaisseaulx  et  de  belle 
navire  et  allèrent  devers  Gascongne.  F®  472. 

P.  135,  1.  28  :  Brues.  —Ms.Bk:  Brouhes.  F»  156. 

P.  135,  1.  30  :  Estievenes.  —  Ms.  B  5  :  Estienne.  F»  363  v*. 

IV  — 23 


354  GHRONIQUJ^  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

P.  136,  1.  2  :  Ustasses.  —  Ms.  B  2  :  Ytasse.  —  Âù.  B  k  i 
Wistaches. 

§  546.  P.  136,  1.  10  :  Quant  li  rois  *-  Ms.  if  Amiens  ;  Et 
ayint  que  li  rois  d'Eiig|,eterre,  sus  le  confort  dou  roy  de  Navare, 
fist  ung  très  grant  mandement  par  tout  son  royaumme,  et  eut  bien 
quatre  cens  vaissiaux  appareilliez  sus  mer.  Si  entrèrent  ens  touttes 
mannierrez  de  gens  d'armes  et  d'archiers ,  et  s'en  vinrent  un- 
g^t  pour  arriver  en  Normendie;  mes  li  vens  leur  fu  toudis  si 
contrairez  que  bien  six  sepmainnez  qu'il  furent  sus  Taige,  il  ne 
peurent  prendre  terre  à  Chierebourch,  làoùil  tiroient  et  t^adoîent 
à  ariver. 

Li  roys  de  France,  qui  estoit  enfourméz  de  l'armée  dou  roy 
d'Engleterre  et  des  alliances  qu'il  avoit  au  roy  de  Navarre,  fu 
adonc  si  cojisilliëz  parmi  bonnes  gens  qui  s'en  ensonniièrent,  et 
par  especial  li  cardinaux  de  Bouloingne,  que  on  les  mist  à  acord. 
Et  fu  ensi  dit  au  roy  de  Franche  que  il  valloit  trop  mieux  que  il  se 
laisast  à  dire  et  refirennast  son  coraige  que  donc  que  ses  royaum- 
mes  fust  nullement  fouliez  ne  grevés. 

Si  descendi  adonc  li  roys  de  France  à  l'ordonnance  de  ses 
gens,  et  fist  paix  au  roy  de  Navare.  Et  li  pardonna  li  roys  de 
France,  par  samblant,  tous  ses  mautalens.  Et  dubt  li  roys  de 
Navarre  adonc,  par  paix  faisant,  defHier  le  roi  d'Engleterre; 
mais  il  n'en  fist  riens  et  s'en  sent  bien  dissimuler.  F^  100. 

P.  136,  1.  11  :  en  mer.  —  Ms.  J?  6  :  sur  le  rivière  de  Ta- 
misse.  P  473. 

P.  136,  1.  12  :  deus  mil.  —  Ms.  B  6  :  trois  mille. 
F*  473. 

P.  136,  1.  12  et  13  :  quatre  mil.  —  Ms.  J  6  :  dk  mille  ar- 
chiés  et  cinq  mille  hommes  de  piet,  Gallois  et  aultres,  quy  ont 
usaige  de  suir  les  genres.  Là  estoient  des  seigneurs  englès 
avecques  le  roy,  le  duc  de  Lenclastre,  son  cousin,  et  ung  des 
filz  du  roy,  que  on  appeloit  Jehan  conte  de  Richemont,  et  povoit 
estre  en  l'eaige  de  seize  ans,  le  conte  de  Pennebrucq,  le  conte 
d'Arondel,  le  conte  de  Northonne,  le  conte  de  Renfort,  le  conte 
de  Comuaille,  le  conte  de  la  Marche,  le  sires  de  Persy,  le  sires 
de  Ros,  le  sires  de  Grisop,  le  sire  de  Noefville,  mesirre  Richart 
de  Bennebruge,  l'evesque  de  LincoUe  et  chilz  de  Duren,  le  sire 
de  Monbray,  le  sire  de  Fillvastre,  mesire  Gautié  de  Mauny,  le 
sire  de  Multonne,  mesire  James  d'Audelée,  messire  Pière  d'Au- 


[1355]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  346.         355 

delëe  frères,  le  sire  de  Lantonne  et  pimseurs  anltres  barons  et 
chevaliers,  bien  en  point  de  servir  le  roy. 

Sy  se  partirent  du  havre  de  Londres  sur  la  Tamise  et  vinrent 
à  chdle  pnunière  marëe  gésir  à  Gravesaindez,  et  lendemain  au 
soir  à  Mergate.  Quant  il  se  furent  de  là  desancrës  à  l'autre  marée, 
il  entrèrent  en  mer  et  costioient  Engleterre  et  Boulongne  et  tout 
le  Pontieu,  en  approchant  de  Normendie.  Bien  estoient  veu  des 
costes  de  Franche,  mes  mies  ne  sçavoient  quelle  part  il  voUoient 
traire. 

Dont  ces  nouvelles  furent  raportées  au  roy  de  Franche  et  à 
son  consail  que  le  roy  d'Engleterre,  &  plus  de  deux  cens  vai»- 
siaulx,  que  uns  que  aultres,  et  estoit  sur  mer,  et  prendoit  le 
chemin  de  Normendie.  Sy  vimrent  aulcun  grant  seigneur  de 
Franche,  telz  que  le  duc  de  Bourbon,  mes^e  Jacques  de  Bour- 
bon frères,  le  duc  d'Athènez,  connestable  de  Franche,  le  conte 
d'Eu  messire  Jehan  d'Artois  et  plniseurs  aultres  grant  seigneur 
du  conseil  du  roy  qui  seurent  les  couvenenches  et  les  traitiës 
qui  estoient  entre  le  roy  d'Engleterre  et  le  roy  de  Navare.  Sy 
considérèrent  que  parmy  chel  acord  le  roialme  de  Franche  pou- 
roit  estre  destruit.  Sy  parlèrent  au  roy  Jehan  et  ly  remoustrèrent 
tant  de  raisons  souffîsans  qu'il  convint  qu'il  s'enclinast  à  leur 
conseil,  combien  que  che  fust  contre  son  coraige.  F°*  473  à 
475. 

P.  436,  1.  15  :  Stafort.  —  Mss.  -ff  4,  5  :  Stanfort.  F»  156  v*. 

P.  136,  1.  15  :  le  Marce.  —  ilfr.  JB  3  :  la  Mare.  F«  168. 

P.  136,  1.  16  :  Hostidonne.  —  Ms.BS  :  Antiton. 

P.  136,  1.  23  :  Symons  de  Burlë.  —  Ms$.  ^  3,  5  :  Symon 
Burlë. 

P.  137,  1.  4  :  à  rencontrée  de  —  Ms.  B  k  z  k  l'encontre.  — 
Ms,  iS  5  :  qui  est  contre.  F*»  364. 

P.  137, 1.  15  :  li  pooit  —  Ms.  ^  3  :  le  pourroit. 

P.  137,  1.  15  :  ou  cas  que. —  Ms.  ^  3  :  si  d'aventure. 

P.  137,  1.  16  :  possessoit  des  villes  et  des  chastiaus,  —  Ms. 
B  3  :  mettoit  les  Anglois  es  villes  et  chasteaux. 

P.  137,  1.  17  :  valoit.  —  Ms.  B  3  :  seroit. 

P.  137,  1.  18  :  laissast  à  dire.  —  Ms.  B  3  :  envoiast.  —  Ms. 
B  k  :  se  laissast  à  dire. 

P.  137,  1.  21  :  conception.  —  Le  Ms.  B  3  ajoute  :  et  qui  jà 
estoit. 

P.  137,  l.  22  :  air.  —  ilf^.  i?  3  :  ire. 


356  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

P.  137,  1.  23  :  se  rafrena.  —  Ms.  B  3  :  refréna. 

P.  437,  1.  23  h  25  :  et  laissa...  Navare.  —  Ms.  B  3  :  embe- 
soigna  de  ses  gens  devers  le  roy  de  Navarre. 

P.  137,  1.  25  :  Chierebourch.  —  Le  Ms.  B  4  ajoute  :  devers 
le  roy  de  Navare. 

P.  137,  1.  25  et  26  :  li  evesques  de  Bayeus.  —  ilfjr.  ^  6  :  H 
dfchevesques  de  Sens.  F^  475. 

P.  137,  1.  32  :  retournées.  — Ms.B  3  :  remoustrëes. 

P.  138,  1.  3  :  d'Engleterre.  —  Af/.  B  6  :  Tant  fiit  traitiéetpar- 
lementë  entre  le  roy  Jehan  de  Franche  et  le  roy  de  Navare  que 
une  joumëe  fut  prinse  de  faire  Tacord  entre  Paris  et  Evreus,  et 
convint  adonc  que  le  roy  de  Franche  venist  hors  de  Paris  pour 
parlementer  au  roy  de  Navare.  A  che  parlement  fut  acordet  que 
le  roy  Jehan  renderoit  au  roy  de  Navare  toute  [s]  les  terres  qu'U 
avoit  devant  donne  à  monseigneur  Charles  d'Espaigne  :  pour 
quoy  il  fut  ochis,  et  dont  le  hainç  venoit,  et  ly  rendy  tous  les 
hirta^es  et  les  proufis  que  il  et  le  roy  son  père  en  avoient 
levet  pas  Tespasse  de  vingt  ans,  qui  povoit  monter  plus  de  six 
*">iQgt  mille  florins*  Et  parmy  chou  bonne  pais,  et  devoît  estre 
le  roy  de  Navare  establis  de  donc  en  avant  au  roy  Jehan  et  au 
royahne  de  Franche  et  contremander  les  couvenanches  du  roy 
d'Engleterre  toutes  .telles  que  il  les  i  avoit.  Et  encores  avoecq 
che,  le  roy  de  Navare  et  ses  frères  povoient  chevauchier  par 
tout  le  royalme  de  Franche  à  tout  cent  bachinës  ou  cent  glaives, 
sans  meffaire,  s'il  leur  plaisoit.  Et,  toutes  ces  choses  ordenées  et 
confermëes  et  saillëes,  le  roy  de  Franche  retourna  à  Paris,  et  le 
roy  de  Navare  et  ses  frères  retournèrent  à  Evreus.  P  476. 

g  S47.  P.  138,  1.  11  :  Quant  li  rob.  —  Ms.  d Amiens  :  U 
roys  d'Engleterre  fu  enfourmés  de  celle  paix,  qui  gisoit  sur  mer 
à  l'ancre  à  l'encontre  de  Tille  de  Grenesie;  si  se  retraist  adonc 
vers  Engleterre  ;  mes  pour  ce  que  U  avoit  ses  gens  assamblës,  il 
lez  vot  emploiier  et  fist  tourner  toutte  se  navie  à  Calais,  et  là 
ariva.  Si  yssirent  li  Englès  de  lors  vaissiaux  et  sen  vinrent  logier 
à  Callais,  et  li  roys  ou  castiel. 

Ces  nouvellez  vinrent  en  Franche  que  li  roys  d'Engleterre  et 
ses  hoos  estoient  arivet  à  Calais,  et  suposoit  on  que  il  feroit  une 
chevauchie  en  France.  Si  envoya  tantost  li  dis  roys  de  Franche 
grant  fuisson  de  gens  d'armes  à  Saint  Omer,  desquelx  messire 
Lœys  de  Namur  et  li  comtez  de  Porsiien  furent  cappittainne  ;  et 


[1355]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  347.  357 

fist  ung  coumandement  par  tout  son  royaumme  que  touttes  gens 
fuissent  pries  as  armes  et  as  chevaux  pour  résister  contre  leurs 
ennemis.  Enoorres  envoya  U  roys  de  Franche  grant  gent  d'armes 
à  Arde,  à  Bouloingne,  à  le  Montoire,  à  Bavelingehen,  à  Oudruich, 
à  Hamez  et  ens  es  garnisons  françoisses  sus  lez  firontierres  de 
Callais. 

Quant  li  roys  d'Engleterre  et  ses  gens  se  furent  cinq  jours 
reposet  et  rafiresci  à  Callais,  il  s'ordonnèrent  pour  partir  et  de 
chevauchier  en  Franche.  Si  se  départirent  de  Callais  en  grant 
arroy  et  grant  fuisson  de  chars  et  de  sommiers,  et  estoient  en- 
viron deus  mil  hommes  d'armes  et  quatre  mil  archiers.  Si  prissent 
le  chemin  de  Tieruanne,  et  coururent  li  Englès  le  premier  jour 
jusques  à  Moustroel  sus  Mer  et  environ  Saint  Pol  et  Tierrenob. 
Si  ardirent  tout  le  pays  là  environ,  puis  retournèrent  à  leur  grant 
ost.  F»  100. 

P.  138,  1.  19  et  20  :  les  dangiers.^  Ms,  J9  3  :  le  dangier. 
F»  168  V. 

P.  138,  1.  28  :  ou  —  2>  ms.  B  5  ajouie  :  aillieurs.  F«  364. 

P.  138,  1.  29  et  30  :  vesteure.  — Ms.  B  3  :  vestemens. 

P.  138,  1.  30  :  ostilz.  —  Jlfr.  B  3  :  choses.  -— ilfr.  B  4  :  esUs. 
P  157. 

P.  139,  1.  2  :  au  les.  —  Ms,  i?  3  :  du  coUstë. 

P.  139,  1.  10  :  Lyons.  —  Ms.  i?  4  :  li  uns. 

P.  139, 1.  18  :  Sallebrin.  —  Ms.  B  Z  :  Salebry. 

P.  139, 1.  23  :  le  Montoire.  —  Ms.  i?  3  :  la  Motoire. 

P.  140,  1.  2  :  où  que  fust.  —  Ms.  ^  3  :  en  quelque  part  que 
ce  fust.  F*  169. 

P.  140,  1.  2  :  fust.  —  Ms.  J?  6  :  Et  sceult  (le  roi  de  France) 
tantost  par  ses  garnisons  de  Boulongne  et  d'ailleurs  que  le  roy 
d'Engleterre  estoit  arivés  à  Calais  ;  lors  fist  ung  moult  grant  man- 
dement à  yestre  à  Amiens,  car  il  voloit  aller  à  rencontre  du  roy 
d'Engleterre  et  deffendre  son  pais.  Sy  envoia  le  dit  roy  monsei- 
gneur Lois  de  Namur  son  cousin  à  Saint  Omer  à  tout  deux  cens 
lanches  pour  estre  capitaine  de  la  dite  ville  et  des  frontières  par 
delà.  Et  envoia  son  marisal,  messire  Emoul  d'Audrehem,  en  le 
bastille  d'Ardre,  à  tout  deux  cens  armes  de  fer,  pour  le  garder 
et  deffendre  à  tous  venans.  Et  envoia  le  jouene  conte  de  Saint  Pol 
en  la  chitë  de  Terouane,  à  tout  deux  cens  lanches  pour  le  garder, 
et  les  gamy  bien  et  soufisanment,  et  Boulongne  et  Monstreul, 
Heddin»  Saint  Pol  et  toutes  les  fortresses  de  là  entour.  Et  le  roy 


358  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

meismes  se  party  de  Paris  et  le  duc  de  Normendie  son  filz,  le 
duc  d'Orliens  ses  frères,  le  duc  de  Bourbon,  le  conte  de  Pou- 
tieu,  le  conte  d'Eu,  le  conte  de  Dammartin,  le  conte  de  Tancar- 
ville,  le  conte  de  Vaudemont  et  de  Genville,  le  conte  de  Monpensé 
et  de  Ventadour,  le  conte  de  Nerbonne  et  pluiseurs  aultres  barons 
et  seigneurs;  et  chevauchèrent  devers  Amiens.  Et  d'autre  part 
vinrent  de  l'Empire  messire  Jehan  de  Haynau,  sire  de  Bieaumont 
et  de  Ghymay,  en  très  grant  aroy,  car  le  roy  Jehan  l'amoit  dure-> 
ment  et  avoit  en  luy  très  grant  fiance.  Et  y  vint  le  conte  de  Na- 
mur  nomë  Gillame,  le  conte  Jehan  de  Nanso,  le  conte  de  Qèves, 
l'evesque  de  Mes,  l'evesque  de  Verdun  et  grant  foisons  de  che- 
valiers d'Alemaigne.  Et,  d'autre  part,  se  asambla  le  roy  de  Navare 
ly  troisième  de  frères,  messire  Phelippes,  messire  Lois,  à  tout 
grant  foisons  de  saudoiers,  pour  venir  [à]  Amiens  où  le  roy  de 
Franche  faisoit  son  mandement. 

Sy  se  party  le  roy  d'Engleterre  de  Calais  en  moult  grant  arroy 
et  avoit  adonc  avecques  luy  deus  de  ses  enfans,  monseigneur  Lois 
et  monseigneur  Jehan,  et  le  duc  de  Lenclastre  son  cousin,  le  duc 
de  Norhantone  et  de  Herfort,  le  conte  d'Arondel,  le  conte  de 
Pennebourcq,  le  conte  de  Renfort  et  le  plus  grant  parde  des 
contes  et  des  chevaliers  qu'il  avoit,  quant  il  cuida  ariver  en  Nor- 
mendie sus  le  povoir  du  roy  de  Navare.  Et  estoit  connestable  de 
toute  son  armée  le  conte  de  la  Marche,  et  marescal  le  sire  de 
Noefville  et  messire  Jehan  de  Bieaucamp. 

Sy  vint  le  roy  englès  ce  pmmier  jour  entour  Fiènes  ;  et  y  eult 
ung  très  grant  assault  au  castiel,  mab  riens  n'y  fourfirent,  car  il 
estoit  bien  gamy  de  bonnes  gens  d'armes  qui  bien  le  tinrent  et 
deffendirent  tant  qu'il  n'y  perdirent  riens.  Adonc  s'en  partirent 
les  Englès  en  celle  entente  que  pour  venir  devant  le  chitë  d'Arras 
et  le  assegier,  se  le  roy  n'ot  aultre[s]  nouvelles.  Sy  chevauchèrent 
l'endemain  devers  Saint  Pol  en  Temois,  et  coururent  les  coureurs 
des  Englès  environ  Monstreul,  mais  point  ne  passèrent  la  rivière. 
Et  s'en  vint  le  roy  englès  à  tout  son  ost  logier  à  Blangy  de  lès 
Heddin,  et  là  se  (int  tout  cois  sans  aler  plus  avant,  car  il  entendy 
que  le  roy  de  Franche  estoit  [à]  Amiens  et  faisoit  là  sen  asam- 
blëe  de  gens  d'armes.  F<^  478  à  480. 

P.  140,  1.  5  :  Pikardie.. —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  en  la  conté  de 
Boulonnois.  F*  169.  —  Les  mis.  JEf  4,  5  ajoutent  :  en  le  conté  de 
Boulongne.  F"  i57. 

P.  140,  1.  9  :  y  assist.  —  Ms.  B  3  :  assigna. 


[1355]      VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  §  348.         359 

P.  140,  1.  15  :  especial.  —  Le  ms,  B  3  ajoute  :  devers.  — 
Le  ms.  B  4  ajoute  :  à. 
.    P.  140,  1.  24  :  du  Maine.  —  Ms.  B  H  :  d'Auvergne.  F«  364. 

P.  140,  1.  32  :  Poitiers.  —Ms.BZ  :  Ponthieu.  —  Ms.  B  k  i 
Pontiu. 

P.  141, 1.  5  :  tanisons.  —  Mss.  iî  3,  5  :  ennuy.  —  JIff.  B  4  : 
merveilles. 

P.  141,  1.  7  :  les.  — Mss.  Jî  3,  4  :  ses. 

P.  141,  1.  8  :  trente  mil.  —  Le  ms,  B  3  ajoute  :  hommes. 

P.  141,  1.  14  :  avoient.  —  Ms.  B  3  :  avoit. 

P.  141, 1.  21  et  22  :  entrues.  —  Ms.  B  3  :  cependent. 

§  548.  P.  141,  1.  31  :  faisoient.  —  Ms.  B  3  ajoute  :  grande. 
F»  169. 

P.  142,  1.  3  :  resongnoient.  —  Ms.  B  3  :  ensonnyoient. 
Fo  169,  v«. 

P.  142,  1.  5  :  vasselage.  —  Ms.  B  3  :  vaillance. 

P.  142,  1.  7  :  sept.  —Ms.Bti:  huit.  F»  364  V». 

P.  142,  1.  7  :  des.  —  Ms.  B  3  :  devant  les. 

P.  142,  1.  14  :  Lancastre.  —  Ms.  B  6  :  Sy  s'avisa  ou  prmnier 
il  feroit  son  enprise  et  s'en  descouvry  à  son  serouge  qui  sa  seur 
il  avoit,  le  conte  de  le  Mare,  et  à  ung  sien  cousin,  monseur  Ar- 
chebault  Douglas,  vaillant  homme  ;  et  leur  dist  qu'il  avoit  aviset 
d'esquieller  et  de  prendre  par  fait  d'armes,  tout  en  une  nuit,  le 
bonne  chitë  de  Bervich  et  le  castiel  de  Rosebourcq  qui  jadis  fîi 
de  leur  yretaige.  Chil  deus  chevaliers  et  messire  Robîert  de  Versy 
avecques  yaulz  sy  s'acordèrent.  Et  deult  le  dit  messire  Guillaumes 
Douglas  et  messire  Archebaus  son  cousin  avecques  leur  route  ve- 
nir à  Bervich,  et  le  conte  de  la  Mare  et  messire  Robert  de  Versy 
allèrent  à  Rosebourcq  en  celle  meismes  nuit.  Et  sy  s'ordonnèrent 
si  bien  leur  besoigne  et  sy  couvertement  que  il  vinrent  de  jour  en 
leur  embusque.  Et  le  dit  messire  Guillaumes  et  son  cousin  messire 
Archebaut  se  boutèrent  en  ung  bosquet  assës  près  de  le  cite  de 
Bervich,  sans  che  qu'il  fuissent  de  nuluy  apercent  et  là  se  tin- 
rent jusques  à  bien  avant  en  la  nuit  ;  et  pooient  [estre]  environ 
trois  cens  hommes  de  guerre.  Sy  se  partirent  de  leur  embusque 
environ  minuit  et  vinrent  tout  coiement  jusques  à  Bervich.  Et  en- 
vo[ièrent]  devant  trois  de  leurs  variés  pour  sçavoir  se  chil  de 
Bervich  faisoient  point  de  gait  sur  les  murs  ;  il  raportèrent  à  leur 
mestres  que  nanil.  Adonc  s'avanchèrent  il  et  vinrent  sur  les  fosses 


360  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

et  avoient  eschelles  cordées.  Sy  passèrent  oultre  les  fossés,  en 
portant  leurs  eschelles,  au  plus  foible  lieu  et  où  il  n'i  avoit  point 
d'iaue.  Et  jettèrent  leurs  eschelles  et  montèrent  contremont,  et 
entrèrent  en  la  ville  environ  deux  cens.  Et  vinrent  tout  coiement 
à  la  porte  que  cil  de  la  cité  ne  s'en  perchurent  riens  jusques  à 
tant  que  de  haches  et  de  cuignies  il  busquèrent  au  fiaiel  pour  le 
coper.  Aulcuns  gens  qui  estoient  en  leurs  lis  se  esvillèrent  pour 
le  busquement.  Sy  se  levèrent  et  vinrent  à  leur  fenestre  et  se 
commenchèrent  à  estourmir  ;  mais  anchois  qu'il  fussent  levés  et 
armet  ne  asamblé,  le  porte  fut  ouverte  par  forcbe,  et  tout  les  Es- 
cochois  entrèrent  dedens  la  ville.  Et  decopoient  tous  cheulx  qui 
encontre  eulx  venoient  à  main  armée.  Et  fyrent  tant  qu'il  furent 
maistre  de  la  cité  et  que  les  bourgois  se  rendirent  à  yaulx,  saulve. 
leurs  vies  et  leurs  biens;  mais  il  ne  porent  avoir  le  castiel  qui  est 
assés  près,  car  le  gait  oy  la  noize.  Sy  esvilla  le  castelain  et  les 
compaignons  qui  gardoient  ledit  chastiel  ;  et  jamais  de  forche  les 
Escochois  ne  l'euissent  eut. 

Or  vous  dirons  de  leurs  aultres  compaignons  qui  dévoient  Ro- 
chebourch  esceller.  Il  ne  demora  mie  en  leur  defaulte  qu*il  ne 
fesissent  leur  aproches  saigement  ;  mais  il  fallirent,  car  le  gait  du 
dit  chastiel  villoit  et  s'apoioit  à  crestieaulx  qu'il  les  virent  sus  les 
murs  du  dit  chastiel.  Sy  entendy  le  bruit  des  Escochois  murmu* 
rer  ensamble  ;  sy  coury  moult  tost  esviilier  le  chastelain  et  les 
compaignons  de  laiens  et  se  pourveirent  de  leur  fait  et  vinrent  as 
garites.  Quant  les  Escochoiz  les  virent,  il  retournèrent  arière  tout 
esbahy,  et  virent  bien  qu'il  avoient  fally  à  leur  emprinse.  Sy  se 
retirèrent  devers  Bervich  et  trouvèrent  messire  Guillame  Dou- 
glas et  leur  compaignie  qui  tenoient  la  cité  comme  le  leur.  Si  en 
furent  tous  joieulx  ;  sy  prirent  consail  ensamble  qu'il  asegeroient 
le  dit  chastiel.  Sy  Tasegèrent  de  tous  costés,  car  à  l'un  des  lés  il 
marchist  à  le  ville.  Ches  nouvelles  vinrent  en  Engleterre  que  les 
Escochois  avoient  reprins  Bervich.  Sy  en  furent  les  Englès  moult 
courouchiés,  mab  amender  ne  le  peurent  tant  que  à  celle  fois. 
F-  481  à  484. 

P.  142,  1.  i8  :  siet.  —  Ms.  ^  3  :  est  assis. 

P.  142,  1.  24  :  cremeur.  —  Ms.  B  3  :  crainte. 

P.  142,  1.  27  :  Bervich.  —  le  ms*  B  5  ajoute  :  qui  siet  sur 
la  dicte  rivière.  F»  364  v«. 

P.  142,  1.  28  :  assenèrent.  —  Ms.  B  3  :  essaièrent. 

P.  142,  1.  32  :  quoique.  —  Mi.  JEf  3  ;  et  qui. 


[1355]      VARUISTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  349.  36i 

P.  i43,  l.  7  :  puisqu'il.  —  Ms.  B  3  :  puisque  les  Anglois. 

P.  143,  1.  8  :  mancevi.  —  Ms,  B  3  :  advertiz.  —  Ms.  B  4  : 
manchevi.  P»  157  v®. 

P.  i43, 1.  9  :  Escos.  —  Le  ms,  B  3  ajoute:  dont  toute  la 
marce  estoit  en  doubtance,  et  point  n'y  avoit  gens  au  pais  pour 
faire  un  siège  ne  résister  aux  Escos.  —  Le  ms.  B  k  ajoute  :  de 
quoi  toute  lé  marche  estoit  en  grant  doubtance,  et  point  n'y  avoit 
gens  ou  pais  pour  faire  siège  ne  résister  as  Escos.  F^  157  v*. 

P.  143,  1.  10  :  Bervich.  —  Ms.  B  3  :  Vervich.  F»  169  v«. 

P.  143,  1.  lî  ;  Grastoch.  —  Ms.  B  3  :  Grascop.  —  Ms.  B  4: 
Grascok.  F*  157  v«. 

P.  143, 1.  13  :  gouvernance.  —  Mss.  B3  etk  :  gouvernement. 

P.  143,  1.  17  :  Guillaumes  Douglas.  —  ilfr.  B  3  :  Jehan  de 
Douglas.  —  Ms.  B  4  :  Guillaumes  de  Douglas. 

P.  143,  1.  17  :  menères.  —  Ms,  B  3  :  conducteur.  —  Ce  mot 
manque  dans  le  ms,  B  4. 

g  549.  P.  143,  1.  22  :  Tant  ala.^—  Ms,  d Amiens  :  A  Tende- 
main  chevauça  li  roys  d'Engleterre  et  vint  logier  à  Blangi,  à  deus 
lieuwez  de  Hedin,  et  point  ne  passa  adonc  oultre,  et  dist  qu'il 
atenderoit  là  le  roy  de  Franche. 

Li  roys  de  Franche  estoit  avalez  à  Pieronne  en  Vermendois,  et 
avoit  fait  ung  si  grant  mandement  partout  que  merveilles  seroit  au 
deviser,  et  s'en  vint  en  le  chitë  d'Arras,  et  touttes  mannierres  de 
gens  le  sieuvoient,  et  avoit  bien  soissante  mil  hommes.  Là  estoit 
dalles  lui  messires  Jehans  de  Haynnau  o  grant  routte  de  gens 
d'armes,  et  ouvroit  li  dis  roys  de  France  en  partie  par  son  cons- 
seil. 

Or  avint  que  messires  Bouchicaus,  ungs  chevaliers  de  Poito, 
qui  pour  le  tamps  estoit  prison  au  roy  d'Engleterre,  et  l'avoit  li 
dis  roys  recreu  sus  sa  foi  le  tierme  de  huit  mois,  si  s'en  revenoit 
messires  Bouchicaus  deviers  le  roy  d'Engleterre  pour  li  remettre 
en  se  prison,  enssi  que  couvens  portoit,  et  vint  ung  soir  à  Blangi, 
là  où  Û  roys  englès  estoit  logiës.  Quant  U  roys  le  vi,  se  li  de- 
manda tout  eii  hault  :  <c  Et  dont  revient  Bouchicaux  ?»  —  «  En 
nom  Dieu,  dist  il,  sire,  de  France  et  de  deviers  le  roi  de  Fran- 
che. »  —  «  Et  que  dist  ly  roys  de  France  ?  ce  dist  li  roys  d'En- 
gleterre ;  me  venra  il  point  combattre  ?  »  -^  «  En  non  Dieu,  sire, 
dist  il,  de  cela  ne  sai  je  riens,  ne  je  ne  sui  mies  de  son  consseil  si 
avant.  » 


362  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

Adonc  musa  li  roys  d'Engletef re  ung  petit  et  puis  dist  ;  «  Mes- 
sire  Bouchicau,  je  poroie  avoir  de  vous  deus  mil  ou  trois  mil  flo- 
rins, se  je  volloie  ;  mes  je  lez  vous  quitteray,  se  vous  voUéz  alkr 
deviers  mon  adverssaire,  vostre  roy,  et  lui  dire  de  par  my  que 
je  Tatens  droit  cby,  et  l'ai  attendu  et  attenderay  encorrez  trois 
jours,  se  il  voelt  traire  avant  pour  combattre,  et  de  ce  me  venrës 
vous  faire  le  responsce.  »  ^-  «  Saint  Jorge  I  sire,  dist  messires 
Boucicaus,  vous  me  offices  grant  courtoisie,  et  je  le  voeil  faire  et 
di  grant  merchis.  »  Ghilx  soirs  passa  ;  l'endemain  au  matin ,  il 
monta  à  cheval  et  vint  à  Arras,  et  là  trouva  le  roy  de  Franche  ; 
se  fist  son  message  bien  et  à  point. 

JÀ  roys  de  Franche  respondi  et  dist  :  c  Messîre  Bouchicaux, 
puisque  en  couvent  avës  de  raller  par  delà,  vous  dires  à  nostre 
adverssaire  que  nous  nos  partirons,  quant  bon  nous  samblera,  et 
non  pas  par  se  ordonnance.  »  F*  iOO. 

P.  143,  1.  21  :  ensiewant.  —  Ms,  ^  6  :  Or  revenons  au  rôy 
d'Engleterre ,  qui  estoit  à  Blangy  delés  Heddin.  Entreus  que  le 
roy  englès  estoit  à  Blangy,  coururent  ses  maiisaulx  ens  on  pais 
de  Ternois  et  d'Artois  et  vinrent  à  Saint  Pol.  Et  y  eult  ung  jour 
moult  grant  assault  ;  mais  chil  qui  dedens  estoient  le  gardèrent 
bien  et  vaiUanment  et  tant  que  les  Englès  ne  firent  point  de  da- 
maige.  F®  484. 

P.  143,  1.  23  :  Blangis.  ^  Ms.  B  3  :  Blangy.  F»  169  v«. 

P.  143,  1.  30  :  entrues  que.  —  Ms.  B  3  :  cependent  que. 

P.  143,  1.  30  :  vint,  —  Ms.  B  6  ajoute  :  sur  ung  soir.  F*  484. 

P.  143,  1.  31  :  bons.  —  Ms.  B  3  :  vaillant. 

P.  144,  l.  2  :  de  le.  —  ilfx.  -ff  3  :  dès  la.  F»  170. 

P.  144,  1.  3  :  et.  —  Xe  mx.  i?  3  ajoute:  y. 

P.  144,  1.  6  :  restre.  —  Ms.  B  3  :  revenir. 

P.  144, 1.  7  à  20  :  Cilz....  logiës.  —  Ce  passage  manque  dans 
le  ms.  ^  5,  f>  365. 

P.  144,  1.  10  et  11  :  teut....  langage.  —  Ms.  B  3  :  tant  par 
son  beau  et  doulx  langaige. 

P.  144,  1.  11  :  apparilliet.  •—  Ms,  B  3  :  plaisant  que  par  ses 
autres  prouesses. 

P.  144,  1.  14  :  grant  cière.  —  Ms.  B  3  :  bonne  chière. 

P.  144,  1.  15  :  estoit.  —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  en  la  grâce  du 
roy  et  son. 

P.  144,  1.  21  :  se  trest.  — Ms.  i?  3  :  se  tira. 

P.  144,  1.  22  :  devant.  --  Ms.  B  3  :  dedens. 


[4355]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  350.  363 

P.  144,  1.  23  :  laite  de  deux  Bretons.  —  Ms.  B  5  :  Initier 
deux  Bretons.  F*  365. 

P.  144,  1.  24  :  Tenclina.  —  Ms,  ^  3  :  se  enclina  : 

P.  144,  1.  26  :  Jehan.  —  Le  ms,  B  Z  aj0ute  :  de  France. 

P.  145, 1.  3  :  temprement.  —  Ms.  B  3  :  en  brief. 

P.  145,  1.  4  à  13  :  Li  rois...  vous.  —  Ce  passage  manque  dans 
le  ms.  B  5. 

P.  145,  1.  5  :  cou  -^  Ms.  B  Z  :  ce.  —  Ms.  B  4  :  chou. 
P>158. 

P.  145,  1.  16  et  17  :  deus  ou  trois  mil  florins.  —  Ms.  B  6  : 
trois  ou  quatre  mille  escus.  F>  485. 

P.  145, 1.  22  :  combatre.  —  Ms.  B  6  >et  se  response  vous  me 
lair^s  savoir  par  ung  hirault  des  nostres,  que  je  vous  cergeray  à 
vostre  département.  F^  485  et  486. 

P.  145,  1.  22  :  message.  •—  Le  ms,  B  3  ajoute  :  bien  à  point, 
vous  me  ferez  service,  et  je  vous  quicteray  vostre  prison. 

P.  145,  1.  24  :  resjols.  —  Ms.  B  3  :  esjoy. 

P.  145,  1.  30  :  yaus.  —  Ms.  B  3  :  luy. 

P.  145,  1.  31  :  mesnie.  —  Ms.  B  3  :  compaignîe. 

P.  145,  1.  32  :  retour.  —  Ms.  B  6  :  ung  hirault  o  luy  que  on 
apelloit  Faucon.  F^  486. 

P.  146,  1.  9  :  lewiers.  —  Ms.  B  3  :  louyer.  F*  170.  —  Ms.  B 
4  :  leuiers.  F*  158  v*.  —  Jlf*.  ^  5  :  louier.  F»  365. 

P.  146,  1.  12  :  avës.  —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  premier. 

P.  146,  1.  14  :  ennemis.  —  Ms.  i?  6  :  la  response  du  roy  fu  telle 
par  Faucon  le  hirault,  qui  le  aporta  arrière,  que  c'estoit  bien  Fin- 
tencion  du  roy  de  Franche  que  de  aller  devers  ses  ennemis  et 
plus  avant,  mais  que  ses  gens  fussent  tout  venus  qu'il  avoit  man- 
det.  F*  486. 

§  3^.  P.  146,  1. 15:  Ensi  demora.  —  Ms.  et  Amiens:  Sus  cel 
estât  se  parti  messires  Bouchieaus,  et  -vint  arrière  à  Blangi  et  re- 
corda au  roy  d'Engleterre  le  responsce  que  vous  avës  oy. 

Quant  li  roys  entendi  ce,  si  eult  sur  ce  avis,  et  dounna  à  mon- 
seigneur Bouchicau  congiet  et  le  quita  de  sa  foy  et  puis  se  des- 
loga  dedens  un  jour  apriès  et  retourna  vers  Saint  Omer.  Et  en- 
trèrent ses  gens  en  le  comte  de  Fauckenberghe;  si  le  ardirent 
moult  villainnement.  Et  enssi  que  li  Englès  chevauchoient,  mes- 
sires Hemoulx  d'Audrehen,  marescaux  de  Franche,  à  deux  cens 
armurez  de  fier,  les  costioit  et  leur  porta  plusseurs  dammaiges. 


364  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

Quant  li  roys  de  Franche  sceut  par  monsigneur  Bouchîcau  que 
li  roys  d'Engleterre  estoit  deslogiës  et  qu'il  s'en  raUoit  vers  Cal- 
lais,  si  se  départi  adonc  à  grant  esploit  de  le  chité  d'Arras,  et 
chevaucha  viers  Saint  Orner  et  vint  gésir  à  Tieruane.  Et  li  roys 
d'Engleterre  ce  jour  vint  à  Eske  sus  le  rivierre,  et  là  se  loga.  Et 
l'endemain  li  roys  de  Franche  le  poursui.  Et  li  roys  d'Engleterre 
s'en  rentra  dedens  Callais.  F*  100  v*. 

P.  146,  1.  15  :  cel.  —  ;if*.  B  4  :  tel.  F»  158  v*. 

P.  146,  1.  23  :  lui  retrairc.  —  Ms.  i?  3  :  se  retirer.  P  170. 

P.  146,  1.  27  :  Leueline.  —  ^^.  B  3:  Laueline.  F»  170  v».  — 
Ms.Bk:  Leveline.  F«  158  V>.  —  Jlfj.  ^  5 :  Liveline.  F»  365. 

P.  146,  1.  27  :  devers.  —  Ms.  B3  ik. 

P.  146,  1.  28  :  Faukemberghe.  —  Aff.  i?  6  :  Sy  tost  que  le  roy 
de  Franche  sceut  que  le  roy  Englès  estoit  deslogiet  et  qu'il  se 
tiroit  et  retraioit  arière,  il  se  party  de  la  ville  d'Amiens  et  s'en 
vint  à  Aras  et  fist  commandement  que  toutes  manières  de  gens  à 
cheval  et  à  piet  le  sievissent.  Et  envoia  devant  son  connestable, 
messire  Jaques  de  Bourbon,  en  le  chité  de  Terouane,  à  tout  trois 
cens  lanches,  pour  le  garder  contre  les  Englès,  se  nul  assault  y 
fasoient.  Le  roy  Englès  et  son  host,  yauls  party  de  Heddin  et  de 
là  environ ,  chevauchèrent  et  passèrent  assés  priés  de  Terouane, 
mais  point  n'y  assallirent,  car  il  entendirent  que  elle  estoit  gar- 
nie de  bonnes  gens  d*armes.  Se  passèrent  les  Englès  oultre  et 
vinrent  logier  droit  à  Alekine  et  sus  celle  rivière  qui  Jceurt  desous 
le  castiel  de  Maunier  et  qui  vient  à  Arques.  Et  messire  Emoul 
d'Audrehem,  marisal  de  Franche,  à  tout  cinq  cens  compaignons 
bien  montés,  les  poursievy  et  se  logea  celle  nuit  moult  près 
d'ieaulx  sus  le  mont  de  Herfault,  et  tant  qu'il  veoient  bien  l'un 
l'autre.  Et  l'endemain  se  desloga  le  roy  et  passa  desous  le  mont 
de  Herfault  et  s'en  vint  devers  Fauquemberghe,  qui  estoit  une 
bonne  ville  et  grose  et  où  on  faisoit  grant  draperie.  Sy  fa  la  dite 
ville  prinse  des  Englès,  car  il  n'y  avoit  point  de  deffense,  et  fu 
toute  pillie  et  robée  et  à  leur  département  toute  arse.  Et  le  roy 
de  Franche  s'en  vint  che  mesme  jour  à  Terouane,  et  tout  son  ost, 
et  avoit  bien  cent  mille  hommes,  que  uns,  que  aultres.  L'ende- 
main, se  party  le  roy  englès  de  Fauquemberghe  et  passa  à  Lie- 
ques  et  desoubz  Ardre,  et  fist  tant  qu'il  rentra  en  Calais.  P  487 
et  488. 

P.  147,  L2:  o  primes  se  desloga  il.  —  MsnB3i  et  qu'il  se 
deslogeoit.  P>  170  v«. 


[i355]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  350.         365 
P.  147,  1.  3:   sur.  —  Ms.  B  3:   contre.  —  Ms.  B  4:   sor. 

P.  147,  1.  7  :  Ticrenois.  —  Mss.  ^  3  «  5  :  Hernois. 

P.  147,  1.8  :  Tieruanc  — ilfj.  B  3  :  Therouanne.  — Ms.  B  4  : 
Tierewane. 

P.  147,  1.  8  et  9  :  estoient...  Faukemberge.  ->  Ms.  B  5  :  avoient 
passe  Fauquenbergue.  F®  365. 

P.  147,  1. 11  :  Liques.  —  Mss,  i?  3  et  5  :  Lîsques.  —  Ms,  B  4  : 
licques. 

t^.  147,  1.14:  costiiet.  —  Ms,  B  3  :  coustoië. 

P.  147,  1.  15  :  dessoucbier. — jlf  j.  B  4  :  defiTouchier.  F>  158  v^. 
—  Ms,  B  3  :  bouger  pour  poursuir  les  Anglois. 

P.  147,  1. 19  :  en  le  kewe. — Ms.  ^  3  :  à  la  queue.^  Ms.  B  4  : 
à  la  keue. 

P.  147,  1.  19  :  le  bastide.  —  Ms.  i?  3  :  la  bastille. 

P.  147,  1.  20  :  chapitains.  —  Ms,  B  6  :  Che  prope  jour,  vint  le 
roy  de  Franche  à  Fauquenberghe  et  là  se  loga  sur  la  rivière,  et 
cuidoit  que  les  Englès  fussent  là  environ,  et  les  avoit  tout  le  jour 
poursievy  à  l'avis  des  fumières  qu'il  faisoient. 

Or  advint  que,  entreulx  que  le  roy  de  Franche  et  les  seigneurs 
estoient  là  logiet,  ung  grant  remous  et  moult  felle  s  entreprist 
entre  les  gens  de  monseigneur  Jehan  de  Haynau  et  le  commun  de 
Toumay.  Et  fu  la  chose  bien  ordonne  de  mal  aler,  car  il  furent 
rengiës  ly  uns  devant  l'autre.  Et  y  eult  pluiseurs  de  chiaulx  de 
Toumay  ochis  et  blechiës,  dont  il  estaient  moult  ayret.  Et  en- 
cores  euissent  il  rechut  plus  grant  damaige,  se  ly  rois  n'y  eust 
envoiet  et  mis  defifense  sur  yaulx  et  yaulx  appaisiet,  car  grans 
foisons  de  bons  chevaliers  et  escuiers  se  tournoient  et  tiroient  de* 
vers  monseigneur  Jehan  de  Haynau  à  l'encontre  de  cheaulx  de 
Toumay.  Sy  fu  la  chose  ensy  départie  :  qui  plus  y  eult  mis  plus 
y  eult  perdu.  Chil  de  Toumay  plouroient  leur  damaige  :  che  fu  le 
reconfort  qu'il  en  eurent. 

Assës  tost  après  ceste  advenue,  vint  le  marescaus  de  Franche, 
messire  Emoul  d'Audrehem  devers  le  roy,  et  ly  dist  que  les  En- 
glès estoient  entrés  à  Calais.  Quant  le  roy  de  Franche  entendy 
che,  sy  eult  consail  de  luy  retraire  à  Saint  Omer  et  se  party  à 
tout  son  ost  et  s'en  vint  en  sa  bonne  ville  de  Saint  Omer  et  là  se 
tint.  Et  demanda  conseil  à  monseigneur  Jehan  de  Haynau,  en 
quy  il  avoit  fiance,  coment  il  poroit  persévérer  à  son  honneur 
de  ceste  armëe;  il  luy  dist:  «  Sire,  se  vous  envoierës  quatre 


B66  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

chevaliers  à  Calais  devers  le  roy  d'Engletenre,  et  lay  manderës 
que  vous  l'avës  poursievy  au  plus  bastivement  que  vous  avës 
peult  depuis  les  nouvelles  que  vous  eustes  de  messire  Bou- 
chicault  et  qu'il  vide  hors  de  Calais,  et  vous  luy  bailierés 
plache  là  où  il  le  voldra  prendre  et  eslire ,  et  là  le  comba- 
terës.  » 

A  che  consail  le  roy  entendy  voUentiers.  Et  furent  les  quatre 
chevaliers  nommes  et  ordonnes  qui  yroient  ce  messaige  faire;  et 
furent  messires  Emoul  d' Audrehem ,  messire  Guichart  de  Biau* 
geu,  messire  Bouchicault  et  le  sire  de  Saint  Venant.  Et  cheulx  y 
alèrent  et  ung  hirault  avecques  eulx  jusques  à  Calais  pour  parler 
au  roy  d'Engletenre.  Quant  il  furent  venus  assës  près  de  Calais, 
il  envoièrent  leur  hirau  dedens  la  ville  dire  et  senefier  au  toy  en- 
glès  que  là  estoient  quatre  chevaliers  firanchois  pour  parler  au 
roy  d'Engleterre  de  par  le  roy  de  Franche,  mais  que  il  eussent 
sauconduit.  Le  roy  respondy  au  hirault  qu'il  n'avoient  que  faire 
de  entrer  en  la  ville  de  Calais;  mais  il  envoiroit  de  son  consail 
pour  parler  à  yaulx  et  sçavoir  quelle  chose  il  voUoient  dire.  Sj  i 
envoia  son  cousin  le  duc  Henry  de  Lendastre  et  messire  Gautier 
de  Mauny  et  deux  aultres  chevaliers.  Sy  chevauchèrent  tant  que 
il  vinrent  là  où  les  quatre  chevaliers  de  Franche  lés  atendoient. 
Sy  les  saluèrent  courtoisement  et  leur  demandèrent  qu'il  leur 
plaisoit.  Messire  Emoul  d'Audrehem  prist  le  paroUe  et  dist  qu'il 
estoient  là  envoiet  de  par  )e  roy  de  Franche  pour  requerre  au 
roy  d'Engletenre  qu'il  volsist  yssir  hors  de  Calais  et  venir  en 
ung  biel  camp,  car  il  se  volroit  combattre  à  luy.  Le  duc  de  Lan- 
castre  respondy  que  ly  roy  Jehan  avoit  eut  assés  tamps  et  losir 
de  venir  jusques  à  yauls,  s'il  volsist,  car  il  avoit  séjourné  au  pais 
de  l'Artois  bien  onze  jours,  où  le  roy  son  seigneur  l'avoit  atendut 
et  luy  avoit  mande  bataille  «  par  vous  monseigneur  Bouchicault 
qui  chy  estes  presens.  Sy  vous  respondons  de  par  le  roy  nostre 
seigneur  qu'il  n*est  pas  consilliës  dé  faire  che  que  vous  ly  reque- 
rës,  car  jà  le  moitié  de  ses  gens  en  sont  raUet  leur  voie,  et  ly 
aultres  sont  moult  travilliet.  Se  ly  venroit  mal  à  point  de  com- 
batre  au  plaisir  et  à  l'aise  du  roy  de  Franche  et  à  tous  les  bons 
poins.  »  Là  endroit  furent  pluiseurs  raisons  dites  entre  yauls,  dont 
je  m'en  tais,  car  riens  n'en  fut  accordé.  Sy  se  partirent  atant 
les  chevaliers  de  Franche  et  vinrent  à  Saint  Omer  raporter  au  roy 
de  Franche  leur  response,  et  ly  chevaliers  d'Engletenre  s'en  râlè- 
rent à  Calais.  F~  488  à  492. 


[1355]      VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  $  351.         367 

P.  147,  1.  26  :  li  Englès  estait.^ Ms.  J?  3  :  les  Anglois  estoient. 
—  Ms.  B  k:\y  EDglès  estoient. 

P.  148,  1.  3  :  royaus.  —  Ms,  B  3  :  roialle. 

P.  148,  1.  5  :  chevaucie.  —  Ms.  B  3  :  chevauchëe. 

P.  148, 1. 13  :  pièce  de  terre.  —  Ms.  B3:  terre» 

P.  148,  1.20:  Arde.  — iiff.  Jî3:  Ardre.  P»  171  v*. 

P.  148,  1.  23  et  24  :  havene.  —  Ms.  B  3  :  havre. 

P.  148, 1.  24  et  25  :  Bervich.  —  Afo.  B  3  :  Vervich.  P»  172. 

P.  148, 1.  26  :  Rosebourch.  —  Le  ms.B^  ajoute:  et  fally. 

P.  148, 1.  27  :  pensietis.  —  Mss.  i?  3,  5  :  pensif. 

P.  148,  1.  28  :  Grastoch.  —  Ms.  B  3  :  Grastop.  —  Ms.  B  4  : 
Grascok.  F»  159.  —  Jlfj.  j5  6  :  Grisep.  F>  492. 

P.  149,  1.  3  :  eussent...  songniet.  —  Mss.  ^  3,  4  :  eussent  esté 
bien  soigneux.  F*  172. 

P.  149,  1.  3:  songniet.  —  ^#«  B  6:  Adonc  se  mirent  les  sei- 
gneurs d*Èngleterre  entre  le  roy  et  le  chevalier,  et  dirent  : 
«  Monseigneur,  il  sera  bien  amende.  »  Lors  soupa  le  roy  moult 
petit  et  fist  là  venir  tout  son  consail  après  souper  en  sa  chambre. 
Sy  fu  dit  et  ordonné  que,  à  heure  de  minuit,  quant  la  marée  ven- 
roit,  que  il  entraissent  tous  en  leurs  batieaulx  et  s'en  yroient  en 
Engleterre;  et  ne  dormiroit  jamais  en  une  ville  que  une  nuit,  sy 
serait  venu  devant  Bervich.  Ensi  fu  il  segnefiet  et  criet  parmy  la 
ville  de  Calais.  Et  fu  tout  toursé,  et  les  chevaulx  mis  en  es  ba- 
tieaulx devant  minuit,  et  à  chelle  heure  le  roy  entra  en  son  batiel 
et  toute[s]  ses  gens;  et  furent  Fendemain,  à  heure  de  prime,  à 
Douvres.  Sy  dessendirent  et  mirent  tout  leur  baghes  hors,  et  puis 
montèrent  à  cheval,  et  prirent  le  chemin  de  Londres.  Et  fist  com- 
mandement le  roy  par  toute  son  ost  que  nulz  ne  presist  aultre  che- 
min que  chely  d'Escoche.  F*  493. 

P.  149,  1.  6  :  tel.  —  Ms.BZi  tellement.  F>  172. ^Ms.Bki 
atoumé  telle  paix. 

P.  149, 1.  7  :  sist.  —  ilfo.  ^  3,  4  :  fat.  P»  172. 

S  Sttt.  P.  149,  1.  16  :  Quant  messires.  —  Ms,  d Amiens  : 
Et  li  rays  de  Franche  vint  logier.  sus  le  mont  de  Sangate, 
et  envoya  à  Gallais  monseigneur  Emoul  d'Audrehen  parler 
au  roy  d'Engleterre  pour  atraire  hors  ;  mes  il  s'escuza  et 
dist  que  il  n'en  feroit  pour  celle  saison  plus.  Enssi  se  des- 
rompi  ceste  chevauchie ,  et  retourna  li  roys  Jehans  en  Franche. 
P  100  v*. 


368  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

P.  149, 1.  17  et  18  :  renclinèrent.  —  Mt.  B  9  :  s'aclinèrent. 
P172. 

P.  149,  1.  18  :  bien....  point. — Ms:  B  3  :  bien  honnestement. 

P.  149,  1.  27  :  la  bataille.  -^  Ms.  B  Zi  batailler. 

P.  149, 1.  31  :  finable.  —  Ms.  B  ^  :  finale. 

P.  150,  ].  11  :  en  ses.  — Mss.  B,  3  et  k  :  en  ses. 

P.  150,  1.  13  et  14  :  le  bastide  d'Arde.  —  Ms.  2^.  5  :  la  ville 
d'Ardre. 

P.  150, 1.  21  :  Yalenchiènes.  -—  Ms,  B.  6  :  delés  le  boin  conte 
Guillaume  de  Haynau  son  frère  :  Dieu  leur  faiche  pardon  !  Car 
le  gentil  chevalier  resgna  moult  vaillamment  et  fu  en  son  vivant 
moult  amës  de  ses  amis  et  redoubtés  de  ses  ennemis.  Sy  s'en  râla 
son  hirtaige,  tout  che  qu'il  en  tenoit,  as  enfans  monseigneur  le 
conte  Loys  de  Blois,  qui  furent  filz  de  se  fille,  et  qui  adonc  estment 
moult  jouene  :  Loys,  Jehan  çt  Guis.  Chil  resgnèrent  moult  hon- 
nourablement  et  moult  loyaument,  si  comme  vous  orës  recorder 
chy  avant  en  ceste  matère.  F*  494. 

P.  150,  1.  25  :  —  Guis.  —  Le  ms.  B  5  q/oute  :  de  Blois. 
F»  365  v^. 

S  5ttS.  P.  151 .  1.  1  :  à  cent.  —  Ms.  B  3  :  avec  cent. 
F»  172  V*. 

P.  151,  l.  13  :  emprise.  —  Ms.  B  3  :  entreprinse. 

P.  151,  1.  18  :  Gantiers.  —  Ms.  B  6  :  avecques  luy  soixante 
compaignons  bien  montés  et  bien  armes.  P  495. 

P.  151,  1.  19  :  Bervich.  —  Ms.  B  ^  :  et  se  bouta  ou  cfaastel 
.qui  se  tenoit  Englès  et  qui  siet  delës  la  cité.  Et  adonc  messire 
Thomas  Kol  esloit  chastelain.  Quant  le  sire  de  Mauny  fut  venu 
jusques  à  là,  il  avisa  et  ymagina  comment  le  plus  tost  il  pouroit 
faire  ouvraige  qui  apparust  pour  constraindre  cheàulz  de  Ber- 
vich. Il  avoit  avec  luy  sept  mineurs  de  l'esvesquiet  de  Liège,  car 
tondis  les  menoit  il  vollentiers  avoecq  luy,  puis  qu'il  pensoit  à 
£ure  siège  ne  assault  à  une  fortresse.  Si  les  appella  et  leur  dist  : 
«  Regardés  entre  vous  se  par  nûne  nous  porimes  entrer  en  ceste 
cité.  »  Il  respondirent  :  «c  Sire,  oil.  »  —  «  Or  vous  aparliés  et 
vous  esploitiés,  adonc  dist  le  sire  de  Mauny.  Mettes  vos  hos- 
tieus  en  euvre,  car  se  nous  poons  entrer  par  mine,  je  vous  feray 
tous  riches.  » 

Âdonc  se  ordonnèrent  et  commenchèrent  à  miner  à  l'endroit 
de  une  grose  tour  qui  estoit  sur  les  murs  et  respondant  à  le 


[1355]      VARIAM'ES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  353.         369 

dtè  et  servoit  à  l'enoontre  du  dit  castiel.  Et  commenchèrent  à 
fouir  moayant  en  Fenprise  du  chastiel.  Il  n'eurent  gaire  minet 
ne  aie  avant  quant  il  trouvèrent  bieau[x]  degrés  bien  assis  et 
bien  mâchonnés  et  une  croûte,  toute  vantée  à  manière  de  ung 
chelier,  qui  s'en  aloit  vers  le  cité  de  Bervich  par  desous  les 
murs. 

Advint,  entreuz  que  ces  mineurs  minoient,  chil  de  la  cité  s'en 
perchurent  bien.  Et  bien  savoient  ly  aucuns  anchiens  bonunes  que 
là  en  che  contour  il  devoit  avoir  crouste  et  chelier  qui  aloit  de 
la  ville  ou  castiel.  Sy  se  doublèrent  et  esmaièrent  durement 
qu'il  ne  fussent  par  là  pris,  et  le  remoustrèrent  à  aulcuns  che- 
valiers d'Escoche  qui  là  estoient  pour  garder  la  cité  ;  et  leur  di- 
rent qu'il  s'avisaissent,  car  il  estoient  en  grande  volenté  que  de 
yaus  rendre  à  monseigneur  Gautié  de  Mauny,  et  anchois  que  le 
roy  englès  y  peuist  venir  ne  qu'D  fust  pris  par  forche. 

Quant  les  Escochois  qui  1^  estoient  entendirent  che  langaige  et 
perchurent  le  coraige  des  bourgois  de  Bervich,  sy  se  doubtèrent 
que  mauls  ne  leur  en  venist.  Si  se  consillèrent  et  avisèrent  entre 
yaulx  sur  che,  et  toursèrent  tout  che  qu'il  pourent  et  qui  leur 
estoit,  et  se  partirent  ung  jour  et  rentrèrent  en  leur  pais.  Et  à 
Tendemain,  ung  traitiet  se  fist  entre  cheaus  de  Bervich  et  mon- 
seigneur Gautié  de  Mauny  qu'il  se  rendroient,  sauve  leurs  corps 
et  leurs  biens.  Et  les  devoit  le  sire  de  Mauny  parmy  tant  apaisier 
au  roy  d'Engleterre,  ensy  qu'il  fist  ;  car  le  roy  i  entra  le  second 
jour  après  à  grant  joie.  F^  495  à  497. 

P.  i5i,  1.  29  :  Asneton.  —  Ms.  £  3  :  Anreton.  F*  i72  v«.— 
Ms.  B.  4  :  Ameton.  F*  159  v«. 

P.  151,  1.  32  :  sente.  *  Ms.  B  3  :  sache. 

P.  152,  1.  15  :  perilz.  '^Ms.  B  3  :  dangiers. 

P.  152,  1.  16  et  17  :  toursèrent.  —  Ms.  B  3  :  troussèrent. 

P.  152, 1. 19  :  vaghe.  —  Ms.  B  3  :  vuide.  —  Ms.  B  4  :  vage. 

P.  152, 1.  28  :  vasselage.  —  Ms.  B  3  :  vaillance. 

P.  152,  1.  29  :  menestraudies.  —  Ms.  B  3  :  menestri^.  — 
Ms.  B  4  :  menestreuz.  P  159  v*. 

S  8tt3.  P.  153, 1. 11  :  Aindebourch.— ilf^.  B  3  :  Andebourg. 
F- 173. 

P.  153,  1.  12  :  tèle.  —  Ms.  B  Z  :  tellement. 
P.  153,  1.  18  :  estant.  —  Ms.  B  3  :  esUt. 
P.  153, 1.  16  :  aforains.  —  Ms.  B  Z  :  forains. 

IV  —  24 


370  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [1355] 

P.  i53,  1.  23  et  24  :  Haindebourch.  —  Ms.  i?  6  :  la  souve- 
raine ville  d'Escoche.  F^  498. 

P.  153,  1.  23  à  26  :  en  approçant....  fourer.  —  Ms.  ^  5  :  et 
en  approchant  Haindebourc,  couroient  les  fourriers,  mais  ilz  ne 
trouvoient  néant.  F®  366. 

P.  153, 1.  26  :  fourer.  —  Ms.  B  3  :  fourrager. 

P.  153,  1.  29  :  li  rois.  —  M$.  ^  6  :  en  le  souveraine  abeye 
dehors  la  ville,  et  le  plus  grant  partie  de  ses  gens  en  la  ville,  car 
elle  n'estoit  point  frummëe.  Mais  il  y  a  ung  chastel,  qui  siet  an 
desoubz  sur  une  roche  haulte  et  belle,  et  est  très  bi^i  fruméz  ;  et 
adonc  y  avoit  dedens  de  bons  chevaliers  et  escuiers  pour  le  gar- 
der. F»  498. 

P.  154,  1.  3  :  nostre.  —  M$.  B  5  :  vostre. 

P.  154,  1.  8  :  il.  •—  Ms.  ^  5  :  le  roy  d'Escoce. 

P.  154,  1.  10  :  en  rémunérant  les.  —  Ms.  B  3  :  pour  rémuné- 
ration des. 

P.  154,  1.  16  et  17  :  uns...  offisces.  —  Ms*  B  3  :  une  belle 
office. 

P.  154, 1.  21  :  nostre.  —  Ms.  B  5  :  vostre. 

S  554.  P.  155,  1.  2  et  3  :  pourveances.  ^^Ms.  J?  6  :  et  se 

navire,  qui  le  devoit  sieuvir  par  mer,  mais  point  ne  vinrent,  car  ils 
eurent  vent  toudis  sy  contraire  qu'il  ne  porent  oncques  à  celle  fois 
aprochier  Escoche.  Quant  le  roy  englès  vit  che  que  ses  pourvean- 
ches  ne  venoient  pas,  ne  le  grant  engien  dont  il  devoit  assallir 
Handebourch  et  les  aultres  fortresses,  sy  eut  consail  qu'il  retour- 
neroit  en  ardant  le  plat  pais  d'Escoche.  F^  499. 

P.  155,  1.  3  à  13  :  dont...  vivre.  —  Ce  passade  manque  dans 
le  ms.  ^6,  f»366  v«. 

P.  155,  1.  10  :  ens  es  gragnes.  —  Ms,  B  3  :  dedens  les  gran- 
ges. F»  173  V*.  —  Ms.  B  k  :  eos  es  granges.  F»  160. 

P.  155,  1.  15  :  le  Hombre.  —  Ms.  ^  3  :  le  avre. 

P.  155,  1.  22  et  p.  156,  1.  19  :  Entrues...  Dalqaest.  —  Cet 
alinéa  est  résumé  en  une  phrase  dans  le  ms,  B  5. 

P.  155,  1.  29  :  le.  —  Ms.  -fi  3  :  au. 
.  P.  1 55,  1.  32  :  plus  especiaulz.  —  Ms.  B  3  :  principale. 

P.  156,  1.  4  :  retoumoit...  fois.  —  jUs»  B  3  :  repairoit  aucunes 
fois. 

P.  156,  1.  12  :  respirer.  —  Mss.B  Z  et  k  i  respiter. 

P.  156,  1.  17  :  fois.  —  Ms.  i?  6  :  Et  le  fist  le  roy  reconduire 


[1355]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  356.         371 

jusques  à  Dalquest  par  deux  de  ses  chevaliers,  le  seigneur  de 
Montbray  et  le  seigneur  de  Noef^ille  :  et  fu  commande  au  deslo- 
gier  que  nulz,  sur  le  hart,  ne  boutast  le  lu  ne  aultrement  à  le  ville 
de  Haindebourch.  F»  499  et  500. 

P.  156,  1.  27  :  Arcebaus.  —  Mss.  £  3  et  ^  :  Archambault. 
P  173  v«. 

P.  156,  1.  29  :  Asneton.  —  Mss.  i?  4,  5  :  Assaeton.  F"  160  v«. 

§  S5S.  P.  157,  1.  24  :  malaisiu.  —  Ms.  B  3  :  malaisé. 
P  173  v*.  —  Ms.  B  4  :  malaisieu.  F»  160  v». 

P.  157,  1.  30  :  froit.  —  Ms.  B  6  :  ensj  que  il  fait  en  yvier 
envers  le  Noël.  F*  500. 

P.  158,  1:  7  :  soutilleté.  -^  Ms.  B  ^  i  subtilitë.  F»  174.  — 
Ms.  B  k:  soustilletë.  FM  61. 

P.  158,  1.  9  :  aise.  —  Ms.  B  3  :  aiseement. 

P.  158,  1.  10  :  Tuydon.  —  Ms.  B  Z  :  Tuyde.  —  Jlf/.  i?  5  : 
Tuydein.  F>  366  v«. 

P.  158,  1. 14  :  se  fin.  —Ms.  ^  3  :  la  fin.  —  ^^.  ^  4  :  le  fin. 

P.  158,  1.  16  :  Li  contes  Douglas.  —  Ms.  B  6  :  messire  Guil- 
laumez  Duglas,  maris  à  le  contesse  dessus  dite,  qui  se  faisoit  chief 
de  tous  les  Escochois  et  estoit  moult  vaillant  et  saiges.  F^  500. 

P.  158, 1.  21  :  rues.  —  Ms.  B  3  :  boutez. 

P.  158,  1.  22  :  arroi.  —  Ms.  B  6  :  Alors  fu  le  duc  de  Lan- 
clastre  très  bon  chevalier,  et  bien  le  couvenoit,  et  y  fist  de  la  main 
mainte  apertise  d'armes.  F*  501 . 

P.  158, 1.  24  :  ce.  —  Ms.  B  3  :  ceste. 

P.  159,  1.  2  :  menèrent.  —  Ms,  B  6  :  jusques  à  quinze  bons 
prisonniers,  dont  il  eurent  des  chevaliers  de  Brabant,  et  les  aultres 
furent  Englèz;  et  s'en  retournèrent  en  la  forest  et  entre  les  mon- 
tjûgnes,  de  coy  il  faisoient  leur  fortresse.  F"  502. 

P.  159,  1.  5  :  esvanui.  — Ms.  B  3  :  esvanoys. 

P.  159, 1.  7  :  Baudresen. — Ms.  B  3  :  Andrehen.  —  Jlfr.  B  4  : 
Baudresem.  P  161. 

P.  159,  1.  9  :  six.  —  ilff.  -»  3  :  unze.  F»  174. 

5  556.  P.  159,  1.  11  :  Depuis.  —  Ms.  et  Amiens  :  Et  envoya 
(le  roi  Jean)  une  partie  de  ses  gens  d'armes  avoecq  son  connes- 
table,  messire  Jaqueme  de  Bourbon,  devers  le  Langhe  d'ock  ;  car 
li  prinches  de  Galles  y  estoit  entrés  à  tout  grant  fuisson  de  gens 
d'armes  de  Gascoingne  et  d'Engleterre  :  de  laquelle  cevaucie  nous 


372  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1358] 

parlerons  maintenant,  car  elle  fii  moult  honnerable  et  de  grant 
emprise. 

Li  prînches  de  Galles,  en  celle  saison,  estoit  yssus  de  Boordians 
à  deus  mil  lanches,  Englès  et  Gascons,  et  quatre  mil  archiers  et 
grant  fiiisson  de  gens  de  piet.  Et  vint  passer  le  Garonne  à  Brege- 
rach,  et  fist  tant  que,  sus  le  conduit  dou  seigneur  de  Labreth, 
qui  là  estoit  parsonelment,  dou  seigneur  de  Pumiers,  dou  seigneur 
de  Muchident,  dou  seigneur  de  Lespare,  dou  seigneur  de  Cour- 
ton,  dou  seigneur  de  Cendren,  dou  seigneur  de  Rosem  et  de  cesti 
de  Landuras  et  dou  captai  de  Beus,  il  entra  en  France  et  vint 
passer  au  Port  Sainte  Marie  dalles  Toulouse,  et  entra  ou  pays 
toulousain.  ¥•  100  v«. 

P.  159,  1.  11  :  avenue.  —  Ms.  B  3  :  aventure.  F"  174. 

P.  159,  1.  21  :  grant  et  estoffet.  —  Ms.  B  3  :  grandement 
estoffë. 

P.  160,  1.  15  :  de  Labreth.— Jlfi.  B  3  :  d'Albret.  F*  174  v*. 

P.  160,  1.  17  :  Aymemon.  —  Ms*  B  3  :  Aymond. 

P.  160, 1.  18  :  Tarste.  —  Ms.  B  6  :  Tharse.  F»  503. 

P.  160,  1.  18  :  Aymeri  de  Tarste.  —  Ms.  B  3  :  Aymon  de 
Castre. 

P.  160,  1. 18  et  19  :  Mucident.  —  Ms.  ^  6  :  le  sire  de  Cou- 
don,  messire  Jehan  de  Caumont.  F^  503. 

P.  160,  1.  19  et  20  :  Longheren.  —  Ms.  B  3  :  Lengoiren. 

P.  160,  1.  20  :  Rosem.  —  Ms,  B  3  :  Rosan. 

P.  160,  1.  21  et  22  :  Geronde.  —  Ms.  B  4  :  Gironde. 
F*  161  y. 

P.  160,  L  21  :  Bemadet  de  Labreth.  —  Ms.  B  3  :  Bemardel 
d'Albret. 

P.  160,  L  22  :  Beus.  —  Ms.  B  Z  i  Buch. 

P.  161,.  1.  3  :  hostoiier.  —  Ms.  B  k  i  hostier.  F»  161  v».  — 
Ms.BZ  :  passer.  F*  174  v«. 

S  Stt7.  P.  161,  1.  4  :  A  ce  conseil.  —  Ms.  d Amiens  :  Et 
passèrent  [le  prince  de  GaUes  et  les  Anglais)  assës  pries  de 
le  bonne  chité  de  Thoulouse,  et  y  vinrent  si  marescal  escarmu- 
chier,  et  boutèrent  le  feu  ens  es  fourbours.  Et  puis  passèrent  oul- 
tre,  et  s'en  vinrent  logier  à  Montgisart,  une  bonne  viUe  et 
grosse,  mais  elle  n'estoit  adonc  point  firemmëe  :  si  fu  de  ces 
Englès  arsse,  courue  et  robée.  Et  de  là  il  vinrent  à  Avignoulet, 
qui  estoit  fremmëe  de  murs  de  terre.  Si  se  missent  li  homme  de 


[1 355]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  357.  373 

dedens  à  deffensce  ;  mes  chil  archier,  qui  traioient  si  roit  et  si 
dur,  ne  les  laissoient  aprochier  à  garittes.  Si  fu  la  ditte  ville  de 
Avignoolet,  prise,  concquise  et  toutte  arse^  et  y  eut  grant  occi- 
sion  d'ommez  et  de  femmez.  P  100  v*. 

P.  iOi,  1. 7  :  lances.  •—  Ms.  B  %  \  ti  deux  mille  bidauls  à  piet 
parmy  les  Bernes  et  trois  mille  archiés.  F^  503. 

P.  161,  1.  8  :  Bemès.  —  Mss.  -ff  3,  4  :  Bornés.  F»  174  ^.— 
Ms.  B  5  :  Biemois.  F»  367. 

P.  161,  1.  13  :  guë.  —  Ms.  ^  6  :  et  puis  entrèrent  en  che 
biau  plain  et  cras  pais  de  Toulouse.  F*  503. 

P.  161,  L  24  et  25  :  n'estoit....  Paris.  —  Ms.  B  3  :  n'estoit  pas 
grandement  murëe  ne  que  Paris.  F®  174  v*. 

P.  161,  I.  29  :  feus.  —  Ms.  J?  6  :  car  point  n'y  avoit  de  fru- 
metë.  Et  fist  tantost  lettres  escrîpre  et  messaigiers  monter  pour 
senifier  Testât  des  Englès  à  monseigneur  Jaques  de  Bourbon,  con- 
nestable  de  Franche,  qui  se  tenoit  à  Limoge  et  là  faisoit  son 
asamblée  de  gens  d'armes  pour  aler  contre  les  Englès  et  defifen* 
dre  le  pais.  Mais  anchois  qu'il  y  peuist  parvenir,  ly  Englès  et  les 
Gascon  eulrent  villaînement  escardë  le  bon  pais  de  Toulonsein,  le 
senescaudie  de  Carquasonne,  le  terre  de  limous  et  le  viscootë  de 
Nerbonne,  sy  comme  vous  orës  chy  après.  F*  503  et  504. 

P.  162,  1.  22:  use.  —  ATf.  ^3:  rusez.  F*175.  — Jlf#.  i?5: 
maniers.  F*  367. 

P.  162,  1.  26  :  d'Ermignach.  —  Le  ms.  B  Z  ajoute  :  pour 
doubte. 

P.  163,  L  2  :  Charcassonne.  —  Ms.  B  4  :  Garcasone.  F^  162. 

P.  163,  1.  7  :  recuevre.  —  Ms.  B  4  :  recouvre. 

P.  163,  1.  7  :  d'estrain.  —  Ms.  ^  3  :  de  paille. 

P.  163,  1.  8  :  à  grant  dur.  —  Ms.  B  Z  \  k  grant  peine. 

P.  163,  1,  12  :  prendable.  —  Ms.  B  3  :  prenable. 

P.  163,  1.  16  :  veurent.  —  Ms.  ^  6  :  et  estoit  le  marîsal  de 
l'ost  le  conte  de  Wervich  et  messire  Jehan  de  Caumont  de  Gas-< 
congne,  car  les  Gascons  les  conduisoient  qui  congnisoient  le  pais. 
F*  505. 

P.  163,  1.  18  :  pour  le  feu.  —  Ms.  B  3  :  pourpaour  du  feu. 

P.  163,  1.  24  :  Avignonlet.  —  Mss.  ^  3,  5,  6  :  Avignolet. 

P.  163,  1.  27  :  un  terne.  ^»  Ms.  B  3  :  une  petite  montaigne. 

P.  163, 1.  29  et  30  :  à  segnr.  —  Mss.  J9  3,  4  :  asseur. 

P.  164,  1.  3  :  Noef  Chastiel  d'Auri.  ^  Ms.  B^  :  Chastel  Neuf 
d'Arry.  F*  175  v*. 


874  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART,  [1355] 

S  SiS8.  P.  164,  1.  4  :  Tant  e^loitièrent.  —  M$.  djmieiu  : 
Tant  chevaucièrent  li  Englès  et  li  Gascon,  ardant  et  essîllant  tout 
le  pays,  et  concquerant  villes  et  castiaoz,  qu'il  vinrent  jusques  à 
le  cite  de  Gharcasonne.  F*  100  v«. 

P.  164, 1.  30  :  seans.  —  Jlfj.  -ff  3  :  assise.  F»  175  V.  —  Ms. 
B  4  :  saians.  F»  162. 

P.  165,  I.  3  :  cras.  —  Ms.  B  3  :  gras. 

P.  165,  1.  9  :  kieutes.  —  Ms.  B  4  :  keutes.  — Ms.  B  3  :  coitis. 

P.  165.  1.  17  :  Garcassonne.  —  Ms.  B  6  ajouie  :  qui  est  chief 
de  tout  le  pais.  F"  505. 

S  Stt9.  P.  165, 1.  18  :  La  ville.  —  Ms.  dJmiesis:  La  ville 
de  Garcasonne  siet  sus  une  rivierre  que  on  a[^lle  Aude,  et  est 
une  moult  grosse  viUe  et  grande,  et  estoit  adonc.  Au  dessus  de  la 
yille,  oultre  le  rivière ,  sus  une  montaigne  imprendable ,  sciet  la 
chitë  qui  est  forte  et  bipn  fremmëe.  Et  là  avoient  les  gens  de  Gar- 
casonne retrait  le  plus  grant  partie  de  leurs  fenunes  et  en£uis  ;  et 
estoient  tout  rengiet  au  devant  des  Englès  et  avoient  tendu  kain- 
nés  au  loing  des  rues. 

Quant  li  princhez  et  ses  gens  forent  là  venu,  et  il  eurent  con- 
sidéré Testât  de  ces  hommes  qui  moustroient  samblant  de  yaux 
deffendre,  se  missent  piet  à  terre  et  ordonnèrent  leurs  archiers 
et  fissent  passer  devant.  Ghil  archier  coummenchièrent  à  traire 
de  grant  mannierre  sus  ces  gens  qui  là  estoient  mal  arme.  Si  tosi 
que  il  sentirent  ces  saiettez,  il  resongnièrent  et  coummenchièrent 
à  perdre  terre  et  à  laissier  leurs  kainnes. 

Là  fo  messires  Ustasses  d'Aubrecicourt  bons  chevaliers,  car  il 
sailli  oultre  deus  ou  iroix  de  ces  kainnes  et  les  concquist  à  Vesçét 
sus  yaulx.  Que  vous  feroie  je  loing  parlement  ?  Ges  kainnez  fo- 
rent concquises,  et  cil  qui  les  gardoient,  cachiet  en  voies.  Et  y 
eut  bien  deus  mil  de  ces  bons  hommes  mors  et  ochis  sus  le  place. 

Enssi  fo  la  ville  de  Garcassonne  prise,  courue  et  robée  ;  et  à 
Tendemain,  au  département  don  prince,  elle  fo  si  netement  arse, 
que  oncquez  n'y  demoura  ostel  ne  maison.  F<^  101. 

P.  165, 1.  18  :  siet.  —  Ms.  B  3  :  est  assise.  F*  175  v«. 

P.  165,  1.  19  :  Aude.  —Ms.B^i  Oude.  P»  367  v^. 

P.  165,  1.  19  :  au  plain.  — Ms  ^  3  :  en  plain. 

P.  165,  1.  20  :  de.  —  Ms.  B  3  :  devers. 

P.  165,  1.  21  :  rocier.  —  Ms.  B  6  :  outre  le  rivière,  à  deux 
trait[s]  d'un  arc,  siet  la  chité  de  Garcasonne,  qui  est  une  des  for- 


[i385]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  360.         375 

te[8]  chitë[s]  du  monde,  car  elle  est  asise  hault  si  comme  le  mont 
de  Lan,  et  tout  sur  une  roche,  bien  frumëe  de  pière,  de  grès,  de 
tours,  de  murs,  de  portes....  Dedens  le  chitë  estoit  adonc  le  se- 
nescal,  ung  moult  vaillant  chevalier,  et  avoit  avecques  luy  grant 
foison  de  bonnes  gens  d'armes.  Et  quojque  la  ville  de  Carca- 
sonne  fuist  grande  et  remplie  de  bourgois  et  de  bidauls  du  pays, 
li  riche  et  ly  saiges  hommes  avoient  leurs  femmes  et  leurs  enOms 
et  leurs  corps  meismes  enfrumës  en  la  cité.  Et  tout  chil  qui  ensy 
firent  furent  saige.  P  S06. 

P.  165,  1.  23  :  ne  fait  mies.  -*  Ms,  J?  3  :  est  forte.  P  175  v<». 

P.  165,  1.  Ï6  :  ceU.  —  jiff.  -fi  4  :  ce.  F>  16Î  V. 

P.  165,  1.  27  :  chainnes.  —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  de  fer. 

P.  165, 1.  30  :  à  segur.  —  Ms.  B  4  :  asseur. 

P.  166,  1.  i  :  pavais.  —  Ms.  B  3  :  pavois.  F>176. 

P.  166,  1.  19  et  20  :  d'Aubrecicourt.  —  Ms.  B  4  :  d'Aubregi- 
court.  F*  162  V*. 

P.  166,  1.  20  :  chevaliers.  — -  Ms,  B  5  :  jeune  bacelcr. 
F*  368. 

P.  166,  1.  21  :  ables.  -^  Ms.  B  3  i  abile.  F»  176. 

P.  166,  1.  23  :  le  glave.  —  Ms.  B  k  :  la  glave.  F»  162  v«. 

P.  166,  1.  24  et  25  :  reculer.  —  Ms.  B  4  :  requellier. 

P.  166,  1.  25  :  ennemis.  —  Ms.  B  6  :  Assës  tost  après  se  lan- 
cha  oultre  ung  aultre  chevalier  de  Haynau,  messire  Jehan  de 
Ghistelle,  vaillant  chevalier  durement  de  grant  voUentë.  Et  adonc 
compaignons  ensamble  chil  doy  chevaliers  assallirent  ces  bidauls 
fièrement  et  y  firent  mervelles  d'armes,  car  il  estoient  jouene  et 
amoureus  et  moult  hardis.  P  508  et  509. 

P.  166, 1.  31  :  saiettes.  —  Ms.  B  3  :  flèches.  F»  176. 

P.  167, 1.  6  :  à  garant.  —  Ms.  B  5  :  garantir. 

P.  167,  1.  18  :  trouvèrent.  — Ms.  B  6  ajoute:  par  Tespasse  de 
trois  jours.  F""  508. 

P.  167,  1.  18  :  nms.—Ms.  B  3  :  moys.  P»  176. 

5  360.  P.  167, 1.  26  :  ICeste  dtës.  —  Ms.  et  Amiens  :  Si  che- 
vaucièrent  li  Englès  le  chemin  de  Nerbonne,  et  vinrent  par  de- 
viers  une  ville  que  on  appelle  Tèbres.  Si  se  logièrent  11  Englès 
de  haulte  heure  sus  celle  rivierre  de  Terres,  et  robèrent  et  ardi- 
rent  toutte  le  ville  et  le  pays  d'environ.  Et  puis  chevauchièrent 
viers  le  ville  de  Cabestan,  qui  siet  à  deus  lieuwez  de  Nerbonne. 

Quant  chil  de  Besiers  et  de  Monpelier  entendirent  que  li  prin- 


376  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAILT.  [1355] 

chez  de  Galles  cevancoit  û  effordement  et  approcboit  leurs 
mettes,  et  avoit  pris  en  son  venant  tant  de  villes  et  de  casdaox, 
si  forent  grandement  e£Braé ,  et  envoiièrent  le  plus  grant  partie 
de  leurs  Uens  en  Avigncm  à  sauf  garant  et  on  castel  de  Aîge- 
morte  et  de  Biauquaire. 

Tant  esploitièrent  li  Englès  qu'il  vinrent  devant  Kabestain,  une 
ville  durement  rice  et  où  on  fait  tout  le  sel  que  on  alenwe  en  ce- 
lui pays  ;  n  l'environnèrent  «t  se  appareillièrent  pour  le  assaillir. 
Quant  chil  de  le  ville  virent  venu  le  prinche  et  ses  gens  devant 
leur  ville,  si  forent  moult  esbahy  et  donbtèrent  tout  à  perdre, 
corps  et  avoir.  Si  se  avisèrent  sagement  et  demandèrent  trieuvea 
au  prince,  et  que  il  pewissent  parler  au  seigneur  de  Labreth.  li 
prinches  leur  acorda.  Àdonc  se  traist  li  sirez  de  Labreth  avant, 
et  demanda  qéfil  voUoient  dire.  U  dissent  que  c'estoient  povres 
gens  et  mal  use  de  gueriier,  et  que  li  prinches  ewist  fûtë  d'iaux, 
parmy  tant  que  ce  voiaige  il  lez  volsist  respiter,  et  il  U  donroîent 
vingt  mil  florins.  li  sires  de  Labreth  dist  et  respondi  qu'il  en 
parleroit  vollentiers  au  prince.  Si  en  parla,  et  en  pria  p<mr  tant 
que  il  l'avoient  demandé  par  fianche«  Li  prinches  eult  consseil 
que  il  lez  prenderoit  et  leur  donroit  trieuwez  pour  celle  saison, 
parmi  vingt  mil  florins  que  il  dévoient  envoiier,  où  que  li  prin- 
chez  fost,  dedens  quatre  jours,  et  de  ce  délivrèrent  il  bons  hos- 
taiges. 

Apriès  ce  fait  et  ordonne,  li  princes  et  ses  gens  se  départirent 
de  Kabestain  et  prissent  le  chemin  de  Nerbonne,  et  ne  veurent 
adonc  aller  plus  avant  en  aprochant  Montpelier,  car  on  leur  dist 
que  li  connestablez  de  Franche  y  estoit,  qui  feisoit  U  ung  grant 
amas  de  gens  d'armes,  et  ossi  li  comtez  d'Ermignach  d'autre  part 
à  Toulouse.  F»  101. 

P.  167,  1.  27  :  Carsaude.  —Ms.Bki  Charsaude.  F»  163. 

P.  167,  1.  30  :  maçonnement.  —  Ms,  B  3  :  maçonnerie. 

P.  168,  1.  6  :  et  le.  —  Mss.  J?  4,  5  :  de  le. 

P.  168,  1.  10  :  bastions.  —  Mis.  i?  3,  4  :  biens. 

P.  168,  1.  18  :  aise.  •—  Le  ms.  É  3  ajoute  :  quant  ilz  vou- 
loient.  F*176v». 

P.  168,  1.  23  :  à  non  ardoir.  —  Ms.  B  3  :  affin  qu'ilz  ne  fus- 
sent ars  ne  assaillis. 

P.  168,  1.  26  :  route.  —  Ms.  B  3  :  compaignie. 

P.  169, 1.  4  :  bruis.  —  Ms.  B  Z  :  brouys.  F»  176  v*.  —  Ms. 
^4:brulës.F^163. 


[1885]      YARIANTBS  DU  PRBlimR  LIVRE;  $  361.         877 

P.  169, 1.  7  :  à  segur.  —  Ms.  B  8  :  asseurés.  ^  Jlf/.  B  4  : 
•asenr. 

P.  169,  1.  IS  :  Biankaire.  —  Afx.  J?  3  :  Beikaîre. 

P.  169,  1. 17  :  le  sel.  —  Ms.  J?  6  :  de  quoy  tout  le  pais  de 
environ  vit.  F*  509. 

P.  169, 1.  25  :  quarante  mil  escus.  —  Ms.  B  6  :  vingt  cinq 
mille  moutons.  F*  509. 

P.  169, 1.  26  :  pourveance.  — Ms.  B  8  :  terme.  F*  176  v*.  — 
Ms.  B  4  :  pourveancfae.  F^  163. 

P.  169,  1.  32  :  assalli.  —  Ms,  J?  6  :  Sy  passa  oultre  (le  prince 
de  Galles),  et  alèrent  ses  coureulx  jusques  à  fiesiers  et  jusques  à 
Saint  Thiberi,  et  point  ne  passèrent  la  rivière  de  delà ,  et  prist 
son  chemin  devers  Nerbonne.  Àdonc  estoit  le  connestable  de 
Francbey  messire  Jaques  de  Bourbon,  venu  à  Menpellier  à  grant 
foison  de  gens  d'armes,  et  enoores  Fen  venoit  il  tout  les  jours.  Et 
atendoit  le  conte  de  Erminach,  le  conte  de  Gommignes ,  le  conte 
de  Pieregort,  le  conte  de  Laille,  le  visoonte  de  Quarmain  et  grant 
foison  de  bons  chevaliers  de  Gascongne,  de  Roherge,  d'Agens  et 
de  Toulouse  qui  estoient  mis  as  camps.  Sy  entendy  le  dit  cong* 
nestable,  entreus  qu'il  estoit  à  Monpellier,  que  ly  bourgois  de 
Kabestain  s'estoient  rachète  devers  le  prinche,  mais  ilz  n'avoient 
point  encore  paiiës  les  deniers.  Sy  s'aresta  le  dit  connestable  sur 
che  et  dist  à  l'Archeprestre  :  «Prendës  jtisques  à  cinq  cens  com* 
batans  et  en  aies  à  Kabestain,  et  aydiës  à  conforter  la  ville.  Et  se 
ly  Englès  y  reviennent,  sy  le  tenez  contre  yaulx,  et  je  vous  con- 
forteray,  comment  qu'il  soit.  » 

Adonc  se  party  ly  Archeprestre,  et  grant  foison  de  bons  che- 
valiers et  esGuiers  avecques  luy,  du  pais  d'Auvergne  et  de  Limo- 
sin,  et  se  vinrent  mettre  en  la  ville  de  Kabestain.  Et  fist  tantost 
les  hommes  de  la  ville  entendre  à  yaulx  forteiier  et  faire  grans 
fosses  et  parà>ns.  Et  y  ouverèrent  nuit  et  jour  plus  de  quatre 
mille  hommes  comme  à  foss^  et  as  portes  et  as  gantes,  et  moult 
le  renforchèrept.  De  tout  die  ne  savoit  riens  le  prinche  qui  se 
tenoit  an  bourcq  de  Nerbonne ,  et  ùdsoit  la  chitë  de  Neihonne 
moult  fort  assallir,  et  sejoumoit  là  en  atendant  son  paiement, 
mais  il  estoit  mal  aparliës.  F>*  509  et  510. 

P.  170,  1.  2.:  *att  bourch.  —  Ms.  B  3  :  aux  fouhc  bourgs. 
F»  176  V». 

S  561.  P.  170,  1.  3  :  A  Neri)ODne.  — Jlfr.  dAmiau:  Or  vint 


378  GHRONIQUIS  DE  J.  FROISSAUT.  [1385] 

li  |iriiicb6%  de  Galles  à  tout  son  eflPort  devant  Nerbonne,  [où]  il 
y  a  ville  et  cite.  Adonc  estoit  la  ville,  qui  sciet  sus  le  rivière 
d'Aude,  foiblement  fremmëe.  Si  furent  tantost  li  Englès  dedens, 
et  moult  petit  dura  contre  yaux.  Les  bonnes  gens  de  le  ville 
avoient  retrait  le  plus  grant  partie  dou  leur  en  le  cité,  femmes 
et  enfans.  Et  là  estoit  li  viscontez  de  Nerbonne  et  fuison  de  che- 
liers  et  d'escuiers  que  il  y  avoit  assamblëz  pour  aidier  à  garder 
et  d^endre  le  chité. 

Sachiës  que  li  Englès  ne  reposèrent  gaires  ou  bourcq  de  Ner- 
bonne, quant  il  y  forent  venu;  mes  se  traissent  tantost  à  l'as- 
sault  à  la  dite  cité  de  grant  voll^itë.  Et  séjourna  li  prinches  et 
touttes  ses  gens  ou  dit  bourcq  cinq  jours,  mes  tous  les  jours  il  y 
eult  cinq  ou  six  assaux  à  le  chitë.  Si  le  deffendirent  li  gentih 
hommez  qui  là  estoient,  si  vaillamment  que  riens  n'y  perdiroit; 
autrement  elle  ewist  estet  concquise.  Là  en  dedens  aportèrent  chil 
de  Kabestain  leur  raençon,  et  paiièr^it  as  gens  dou  princbe  et 
eur«it  leurs  hostaiges. 

Quant  li  pnnches  et  ses  gens  virent  que  point  il  ne  cooquer- 
roient  la  chitë  de  Nerbonne,  où  il  tendoient  à  venir  et  au  cono- 
querre,  si  «urent  consseil  de  partir  et  se  deslogièrent.  Au  dealo- 
gement  du  princbe,  li  bours  de  Nerbonne  fu  tous  ars.  Si  cbevau* 
chièrent  le  chemin  de  Lymous,  qui  est  une  bonne  ville  et  grosse,  en 
le  marce  nerbcmnâse  ;  si  le  prissent  et  ftlstèrent  et  y  conquissent 
grant  avoir,  et  puis  Villefrance  et  Montroial  et  pluisseurs  autres 
grosses  villes  en  celi  pays.  Et  avoient  tant  d'avoir  que  li  varies 
ne  faisoient  compte  de  draps  ne  de  pennes,  fors  d'or  et  d*argent 
et  de  vaissiel  d'argent.  F^  i  01 . 

P.  170,  1.  3:  Nerbonne  a. —  Ms.  B  3:  par  lors  avoit. 
F»  176  V». 

P.  1 70, 1.  7  :  Gppre.  —  Ms.Bk  :  Napple.  F>  163  v«. 

P.  170,  1. 11  :  Nerbonne.  —  Ms.  ^  6:  et  messire  Engasoons 
ses  frères  et  ung  de  leurs  oncles  bon  chevalier.  F"  511 . 

P.  170,  1. 16:  canonneries.  —  Ms.  B  3:  chanoynies.  P177. 
Mi.  B  5  :  chanoinenies.  F>  368  v«. 

P.  170,  1. 19  :  florins.  -*-  ^j.  i?  5  :  livres.  F>  368  v*. 

P.  170,  1.  îl  :  cras.  —  Ms.BS  :  fertilz.  F»  177.    • 

P.  170,  1.  30.  :  trois  mil.  —  Ms.  B  3  :  quatre  mil. 

P.  171,  1.  7:  jours. —  Ms,  B  6:  Quant  che  vint  au  sixième 
jour,  le  princbe  demanda  à  son  consail  se  on  n'avoit  oyt  nulles 
nouvelles  de  cbaus  de  Gabestain;  on  ly  respondy  que  nannil.  De 


[1355]      VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  $  361.  37« 

che  fîit  le  prinche  tous  esmervilliés.  Adonc  fist  il  partir  Fauchon 
le  hirault,  et  luy  dist  qu'il  chevauchast  jusques  à  là  et  demandast 
à  chiaus  de  Cabestain  pour  quoy  il  avoient  fally  de  oouyeneaches 
et  qu'il  marchandoient  de  eulx  faire  tous  ochire  et  exillier.  Le 
hirault  se  party  et  chevaucha  tant  qu'il  vint  à  Cabestain.  Sy 
trouva  comment  chil  de  la  ville  estoient  fortifie  de  grans  îoaséè 
et  parfons  et  de  bons  pallis.  Sy  fist  son  messaige  à  cheaus  qu'il 
trouva  à  le  barière.  Il  luy  respondirent  tout  promptement  que 
an  princh^  n'avoit  que  faire  de  séjourner  pour  che  eus  ou  pays, 
car  d'argent  n'aroit  il  point.  Che  fût  toute  le  response  qu'il  firent 
et  qu'il  raporta  arière  à  son  maistre. 

Quant  le  prinche  entendy  che,  sy  fut  moult  courouchiés  et  fist 
moult  tost  partir  ses  marescaus  à  tout  cinq  cens  hommes  d'ar- 
mes et  trois  mille  archiës,  et  leur  dist  qu'il  mesissent  Cabestain 
en  fil  et  en  flame  et  sans  déport,  et  toutes  les  gens  à  l'espée  sans 
merchy.  Et  tant  chevauchèrent  les  gens  du  prinche  qu'il  vinrent 
devant  Cabestain.  Sy  le  trouvèrent  trop  renforcie  et  bien  garnie 
de  bonnes  gens  d'armes  et  d'artillerie  qui  commenchèrent  fort  à 
traire  contre  les  Englès.  Quant  il  les  virent  aprochier  et  abro* 
chier  leurs  chevaulz,  adonc  se  retirèrent  ung  poy  arrière  les 
deux  marisaus  englès  qui  là  estoient  et  le  sires  de  Labreth,  et 
firent  retraire  leur  gens.  Sy  avisèrent  et  ymaginèrent  le  forche 
de  chiaus  de  Cabestain  et  le  foison  de  gens  d'armes  qui  dedens 
estoient.  Sy  dirent  bien  entre  aulx,  tout  consideret,  que  à  l'a- 
sallir  on  pouroit  plus  perdre  que  gaignier.  Il  s'en  paitirent  et 
s'en  retournèrent  à  Nerbonne  devers  le  prinche  et  ly  recordèrent 
tout  che  que  il  avoient  veu  et  trouve.  Et  adonc  se  tint  le  prinche 
pour  decheus  de  ehiaulx  de  Cabestain  et  demanda  consail  à  ses 
chevaliers  quel  chose  il  en  feroit,  sy  il  chevaucheroit  plus  avant 
ou  pais  et  se  il  lairoient  Nerbonne,  car  à  assallir  le  chitë  ne  po- 
roit  gaire  conquerre,  car  trop  estoit  forte  et  bien  gardée. 

Sy  fut  dit  et  conseiUiet  pour  le  milleur  et  pJus  honourable,  à 
Favis  des  plus  saiges,  que  il  se  retrairoient  tout  bellement  et  sair 
gement,  car  pour  celle  saison  il  avoient  assés  avant  chevauchiet 
ens  ou  pais,  et  sy  estoient  chergiet  durement  de  grant  avoir  qu*il 
avoient  conquis^  tant  que  cars  et  sommiers  en  estoient  chergiet, 
et  ossy  de  bons  prisonniers  dont  il  en  orent  grant  rainchon.  Sy 
£aisoit  bon  tout  che  mettre  en  garde  et  à  sauveté.  D'aultre  part, 
il  avoient  entendu  que  le  connestable  de  Franche,  le  conte  de 
Forés,  le  conte  d'Enôinac  et  tous  les  barons  et  chevaliers  du  pais 


380  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1355] 

•*asaniibloient.  Sy  pourroient  bien  tant  demorer  que  [à]  leur  re- 
tour le  chemin  leur  seroit  estroit,  et  que  chil  seigneur  de  Franche 
dessus  nommes  leur  tauroîent  leur  passaige  de  le  Geronde  par 
où  il  leur  couvenoit  passer  :  sy  quez,  tout  pourpeset  et  oonsi- 
déret,  le  prinche  regarda  que  on  le  consilloit  loyaument.  Sy  fist 
ung  jour  crier  et  assavoir  en  son  ost  que  tout  fut  tourset  et  cher- 
giet,  car  au  matin  il  voUoit  partir. 

Celle  nuit  entendirent  toutes  manières  de  gens  à  yaulx  ordon- 
ner et  apparelier  selonc  le  cry  du  prinche,  et  se  deslogèrent  au 
inatin  :  dont  chilz  de  Nerbonne  furent  moult  joienlx,  car  il  avoient 
este  six  jours  en  grant  esmay.  Sy  chevauchèrent  les  Englès  de- 
vers une  bonne  ville ,  que  on  clame  Limous ,  où  on  fait  les  pines, 
mig  aultre  chemin  qu'il  n'estoient  point  venus  devers  Toulouse. 
Quant  il  parfurent  venu  devers  Toulouse  et  qu'il  furent  jusques 
à  là,  sy  trouvèrent  la  dite  ville  de  Limous  bien  garnie  et  bien 
pourveue  selonc  l'usaige  du  pais.  Poiu*  che  ne  demora  mie  que  il 
ne  l'assallisent  fièrement.  Et  chil  qui  dedens  estoient  se  deffen*- 
dirent  che  qu'il  porent  selon  leur  povoir,  et  se  tinrent  du  matin 
jusques  à  heures  de  viespres  ;  mais  finablement  elle  fîit  prise  et 
toute  robëe  et  gastëe  sans  déport.  Et  y  gaignèrent  ly  Englès  et  ly 
Gascons  moult  grant  avoir  et  plmseurs  bons  prisonniers. 

Che  mesme  jour  vinrent  ly  conte  d'Erminac,  le  conte  de  Piere- 
goth,  le  conte  de  Laille,  le  conte  de  Comminges,  le  vies  conte  de 
Quarmaing,  le  conte  de  Yillemur,  le  vies  conte  de  Thalar,  le  vies 
conte  de  Murudon,  le  sire  de  Labarde  et  pluiseurs  aultres  grans 
seigneurs  de  Gascongne,  en  Tost  de  monseigneur  Jaques  de  Bour- 
bon, connestable  de  Franche,  qui  estoit  venus  à  Besiers  à  tout 
son  grant  ost.  Quant  tout  ces  contes  furent  asamblë,  il  furent 
grant  gens  yaub  bien  trente  mille,  c'uns  que  aultres,  et  eurent 
oonsail  qu'il  yroient  au  devant  des  Englès  et  les  encloroient  entre 
le  Geronde  et  les  montagnes  de  Roherge.  Sy  se  mirent  tous  à 
camps  à  grant  esploit  et  vinrent  l'endemain  à  Cabestain.  P*  511 
à  515. 

P.  171,  1.  7 :  rédemption.  —  Mf.Bd:  rençon.  F»n7. 

P.  171, 1.  9  :  Â  non  ardoir.  —  Ms.  B  3  :  pour  paour  d'estre  ars. 

P.  171,  l.  31  :  Bediers.  —  Ms.Bl^i  Besieres.  F*  163  v». 

P.  172,  1.  5  :  pont.  —  Mi.  B  3  :  port. 

P.  172,  l.  6:  fait.  — 1>  ms.  B  4  ajoute:  on. 

P.  172,  1.6:  pines.  —  Ms.  B  3:  pignes.  — ilf#  B  4:  pures. 
F»  163  V».  . 


[1355]      VARIANTES  DU  PREBilBR  UVRE,  $  362.         381 

P.  172,  L  21  :  Jakemon.  —  Ms.  B  3  :  Jacques. 
P.  172,  1.  28  :  Charcassonne.  —  Ms.  B  3  :  Gabansonne.  —  M$. 
B  5  :  Terrascon.  F*  369. 

g  ses.  p.  173,  1.  5  :  Quant  li  princes.  —  Ms.  âJmimu  :  Si 
se  retraist  adonc  li  prinches  à  tout  son  concquès  en  Bourdeloîs, 
sans  avoir  nul  rencontre.  Ne  oncques  li  connestablez  de  France  ne 
li  comtez  d'Emûgnach  ne  li  empechièrent  son  voiaige  ;  mes,  se  il 
fuissent  un  peu  plus  demorë,  sans  faulte  il  Pewissent  combatu, 
car  il  avoient  et  eurent  sus  les  camps  à  une  journée  plus  de  trente 
mil  armures  de  fier.  Mes  li  prinches  et  ses  gens  se  retraissent  si 
à  point  que  oncqnez  il  ne  virent  Tun  l'autre.  Enssi  se  deflBst  et 
desrompi  celle  grosse  chevauchie.  Et  parlerons  des  aucunez  av^ 
nues  qui  avinrent  en  celle  saison  ou  royaumme  de  Franche,  qui 
durement  le  grevèrent  et  afoiblirent.  F"  101. 

P.  173,  1.  5  :  Quant.  —  Ms.  B  6  :  Et  ly  Englès  se  partirent 
de  le  ville  de  limous  che  meismes  jour  et  s'en  vinrent  à  Montaral, 
où  il  avoit  assës  bonne  ville  et  forte  ;  mais  pour  che  que  elle  seoii 
en  leur  chemin,  il  ne  le  volloient  pas  espargnier.  Sy  l'asallirent 
et  prirent  par  forche  et  le  pillèrent  toute,  et  s'y  logèrent  le  jour 
et  le  nuit.  Et  là  seurent  il,  par  les  prisonniers  qu'il  prirent,  que  le 
connestable  de  Franche  et  le  conte  d'Erminac  et  tout  grant  puis- 
sanche  les  sievoient  à  grant  pnisanche,  et  estoient  plus  de  trente 
mille  hommes  à  cheval,  sans  les  bidaus  qui  estoient  i  piet  i  tout 
gravelos  et  pavais. 

Adonc  se  consillèrent  les  Englès  et  Gascons  quel  chose  il  fe- 
roient,  se  il  les  atenderoient  ou  se  il  retoumeroient  arière  en  leur 
pais.  Sy  trouvèrent  en  leur  consail,  tout  considère  et  ymaginet, 
que  il  se  retoumeroient  au  plus  tost  que  il  pouroient  et  metteroient 
leur  avoir  conquis  et  leurs  prisonniers  à  sauvetë  au  plus  hastive- 
ment  qu'il  pouroient,  et  n'entenderoient  à  nule  ville  à  asallir.  Se  se 
partirent  de  Montaral  et  prirent  le  chemin  des  montaignes  et  s'en 
vinrent  vers  Fougans.  Et  les  Franchois  passèrent  le  rivière  d'Aude 
à  Carquasonne  et  s'en  vinrent  après  yaulz  à  grant  esploit;  mais 
<mcques  ne  se  peurent  tant  esploitier  que  les  Englès  ne  furent  deus 
journées  devant  yaulz.  Et  passèrent  le  Pont  Painte  llarie  desoubz 
Toulouse  la  rivière  de  Geronde,  et  s*en  revinrent  en  leur  pais 
tous  sauvement  en  Bourdelois,  et  y  amenèrent  leur  grant  avoir. 

Quant  le  connestable  de  Franche,  le  conte  de  Forés,  le  conte 
d'Erminac  et  les  aultres  seigneurs  de  Franche  et  Gascons  virent 


aSt  CHRONIQUES  DE  J«  FROISSART.  [1355] 

qae  les  Eoglès  en  estment  allet  et  repasset  la  rivière  de  Geronde, 
et  qae  ponrsievir  ne  leur  valloit  riens,  il  se  retrairent  tout  belle- 
ment. Et  donna  le  connestable  toate[s]  les  gens  d'armes  congiet, 
car  il  veoit  bien  que  pour  celle  saison  il  n'en  avoit  plus  à  faire  et 
ordonna  que  chascun  signeur  ralast  en  son  lieu.  Et  il  meismes 
s'en  revint  en  Franche,  et  le  conte  d'Erminac  à  Toulouse  :  ensj 
sedeparty  celle  grose  armëe. 

Or  avint  ung  pan  après  que,  quant  ces  ôhoses  furent  nng  pau 
apaisies  et  les  seigneurs  revenut  en  leur  maisons,  le  conte  d'Er- 
minac,  qui  se  tenoit  à  Toulouse,  estoit  moult  fort  en  hayne  de 
chiaus  de  Toulouse,  pour  tant  que  ly  Englès  avoient  passé  et  râ- 
passe le  Geronde  sans  estre  combatus.  Et  tant  se  mouteplia  cheste 
murmure  que  ung  jour  tout  ly  chitoiiens  de  la  ville  s'armèrent  et 
assamblèrent  et  s'en  vinrent,  tout  d'un  acord,  au  castiel  de  Tou- 
louse, pour  le  prendre  à  forche,  et  le  conte  d'Erminac  qui  dedens 
se  tenoitt  et  y  livrèrent  moult  grant  assault.  Le  conte  d'Erminac, 
qui  dedens  estoit  à  privée  maignie,  entendy  comment  les  hommes 
de  le  ville  estoient  là  venu  pour  luy  prendre  à  forche  et  ochire. 
Sy  (iit  moult  esbahis  et  se  fist  hors  mettre  en  une  corbaille  par 
une  des  fenestre[s]  sur  les  camps  ens  es  fosés,  et  ung  seul  sien 
escuier  avecq  luy  ,et  se  sauva  par  celle  manière.  Tant  asallirent 
chil  de  la  chité  le  castiel  qu'il  i'enforchièrent  et  entrèrent  dedens. 
Et  prirent  les  gens  du  conte  d'Erminac  et  en  ochirent  douze,  des- 
quelz  il  volrent.  Entre  lesquelz  il  y  eult  quatre  bons  chevaliers  du 
consail  et  du  pais  au  dessus  dit  conte,  qui  adonc  n'en  peult  avoir 
aultre  chose.  Mais  le  dit  conte  depuis  deffia  chiaus  de  Toulouse  et 
les  greva  tellement  qu'il  furent  tous  joieulx  que  il  luy  porrent 
amender  che  meffait  à  se  vollenté  plainement.  F~  515  à  5i8. 

P.  473,  1.  7  :  estoit.  —  Ms.  É  ^  -,  est.  F*  477  V». 

P.  173, 1.  11  :  sus  le  fiance.  —  Ms.  B  3  :  pour  la  seurté. 

P.  173,  1.  ii  :  eut.  —  Ms.  B  3  :  avoit. 

P.  173,  1.  i6  :  Fongans.  — Ms.  B  3  :  Fouganx.  — Ms.  B  4  : 
Fougians.  F*  164.  —  /Kfr.  ^  5  :  Fondans.  F»  369. 

P.  178,  1.  17  :  Rodais.  —  Ms.  B  3  :  Rodés. 

P.  174, 1. 1  :  adonc.  —  Ms.  B  3  :  alors. 

P.  174,  1.  2  :  toutdis  dou  pieur. — Ms.  B  3  :  tousjours  du  pire. 

P.  174,  1.  6  :  les.  —  Ms.  B  3  :  leurs. 

P.  174,  1.  8  :  mem*oit.  —  Le  ms.  B  ^  ajoute  :  par. 

S  S68.  P.  1 74, 1.  15  :  Nous  nos.  —  Ms.  d'Amiens  :  Vous  avés 


[1356]      YARIAI9TES  DU  PHBMISR  LIVRE,  $  363.         383 

bien  chy  dessus  oy  reoorder  comment  li  roys  de  France  hayoit  en 
coer  le  jone  roy  de  Navare,  quel  samblant  qu'il  li  moustrast,  pour 
le  cause  de  son  connestable.  Si  avint,  assës  tost  apriàs  que  ceste 
cevauchie  fu  faite  dou  prinche  de  Gallez  en  le  Langhe  d'ock,  que  li 
roys  de  France  fu  trop  mallement  dur  enfoormës  contre  lui.  Et 
seurent  adoac  moult  peu  de  gens  dont  chilx  nouviaux  mautalens 
venoit,  mes  il  fu  trop  grans  et  trop  menrilleux,  et  moult  cousta 
puisedi  au  royaumme  de  Franche. 

Ung  jour,  en  quaresme,  environ  Pasquez,  estoit  Caries,  dus  de 
Normendie,  ainnës  filz  dou  roy  Jehan,  eus  ou  castiel  de  Roem,  et 
là  donnoit  à  disner  le  dit  roy  de  Navare,  son  serourge,  le  comte 
de  Harcourt,  le  signeur  de  Graville  et  pluisseurs  autres.  Et  y  de* 
voit  y  estre  messires  Phelippes  de  Navarre  et  ossi  messires  6o« 
deffiroit  de  Harcourt,  mes  point  n'y  furent. 

Ensi  que  on  seoit  à  table,  H  roys  Jehaos  entra  en  la  salle,  lui 
trentime  de  gens  tous  armez  et  messires  Emoulx  d'Àudrehen  de- 
vant lui,  qui  traist  son  espëe  et  dist  enssi  si  hault  que-  tout  l'olrent  : 
«  Nulz  ne  se  mueve  pour  cose  qu'il  voie,  ou  je  le  pourfenderai 
de  ceste  espée.  »  li  signeur  qui  là  estoient,  quant  il  virent  le  roy 
de  Franche  venu  si  alrë,  furent  moult  esbahi. 

Àdonc  se  traist  li  roys  de  Franche  deviers  le  roy  de  Navaire, 
et  s'avancha  parmi  la  table  et  le  prist  par  le  kevech  de  sa  cote,  et 
li  dist  :  <K  Sus,  mauvais  traistres,  tu  n'es  pas  dignes  de  seoir  à  la 
table  de  mon  fil.  »  Et  le  tira  si  roit  à  lui  qu'il  li  pourfendi  jusques 
en  le  poitrinne.  Là  fu  pris  de  sergans  d'armez  et  de  machiers  li 
dis  roys  de  Navarre,  et  boutez  en  une  cambre  en  prisson  et  li 
eomtez  de  Harcourt  d'autre  part,  et  messires  Jehans  de  Graville, 
et  messires  Maubuës  et  Collines  de  Blevilie  qui  trençoit  deyant  le 
dit  roy  de  Navarre. 

Tantost  apriès  disner,  li  roys  de  Franche  fist  décoller  sondainne* 
ment  le  comte  de  Harcourt,  le  signeur  de  Graville,  monsigneur 
Maubuë  et  ce  Golinet,  sans  entendre  à  homme,  ne  à  sen  fil  le  duc 
de  Normendie,  qui  moult  en  prioit,  ne  à  autrui;  et  fist  de  nuit 
amener  moult  villainnement  le  jouene  roy  de  Navarre  à  Paris  et 
bouter  en  Castelet,  et  avoecq  lui  ung  chevalier  que  on  appelloit 
messire  Fricket  de  Frikans.  F*  101. 

P.  174, 1.  15  :  soufferons.  —  Afr.  J?  3  :  tairons.  V 177  v«. 

P.  174,  1.  16  :  d'aucunes  inddenses.  —  Ms,  B  3  :  d'aucuns 
incidens. 

P.  174,1.  23  :  et  par.  —  Ifi.  J?  3  :  de.  F*  178. 


N 


884  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1356] 

P.  174,  1.  29  :  reprise.  —  ilf.  i?  3  :  prinse. 

P.  174,  L  30  :  levèrent.  —  Mss.  J?  3«  4  :  levoient. 

P.  175,  1.  2  :  se  révélèrent.  —  ^f.  J?  4  :  se  rebellèrent.  F*  164 
V*.  —  Ms,  ^  3  :  8e  rebella. 

P.  175,  1.  4  :  à  heure.  —  Ms.  B  3  :  depuis  l'eure.  F"  178. 

P.  175,  1.  8  :  Jali^mon.  —  Ms.  B  3  :  Jaques. 

P.  175,  1.  9  :  li  motion.  —  Ms,  i?  3  :  la  commotion. 

P.  175,  1.  14  :  tel  cose.  -*  Ms.  B  3  :  telz  succides. 

P.  175,  1.  15  :  en  Harcourt.  —  Ms.  ^  3  :  à  Arecourt. 

P.  175,  1.  16  :  Roem.  —Ms.  B  3  :  Rouen. 

P.  175,  1.  26  :  otretant.  •—  Ms.  B  3  :  autant.  —  Ms.  B  4  : 
autretant.  P  164  v«. 

P.  176,  1.  2  :  soudains.  —  Ms.  B  3  :  boullant. 

P.  176,  1.  6  :  retînt.  —  Ms.  B  3  :  extima. 

P.  176,  1.  7  :  voloit.  —  Le  ms.  B  3  ajouu  :  avoir. 

P.  176,  1.  8  :  fors.  —  Les  mss.  ^  3,  4  ajoutem  :  que. 

P.  176,  1.  Il  :  sus.  — Ms.  B  3  :  contre. 

P.  176,  1.  17  :  voirs.  —  Ms.  B  3  :  vray. 

P.  176,  1.  19  :  estration.  —  Ms.  B  3  :  lignée. 

P.  176,  1.  21  :  veurent.  —  Ms.  B  3  :  vousirent. 

P.  176,  1.  23  et  24  :  legiers  à  enfourmer  et  durs  à  oster.  — 
Ms.  ^  3  :  de  legière  créance  et  fort  à  oster.... 

P.  176,  l.  26  :  fuissent.  —  Ms.  B  3  :  seroient. 

P.  176,  1.  30  :  ens  ou.  —  Ms.  B  3  :  dedens  le. 

P.  177,  1.  2  :  l'amour  et  le  vicinage.  —  Ms.  B  3  :  pour  l'a- 
mour du  voisinage.  F*  178  V*. 

P.  177,  1.  4  :  Roem.  -—  Ms.  B  6  :  Ung  jour  de  qnaresme, 
environ  Pasque  florie,  l'an  mil  trois  cens  cinquante  cinq,  Charles, 
aisnés  filz  du  rpy  de  Franche,  duc  de  Normendie,  estoit  en  son 
castel  à  Roem  et  donnoit  à  disner  le  roy  Charlon  de  Navare,  le 
conte  de  Harcourt,  le  signeur  de  Graville,  et  pluiseurs  barons  et 
chevaliers  de  Normendie.  F*  51^. 

P.  175,  1.  5  et  6  :  ne  li  vorrent  mies  escondire.  -»  Ms.  B  3  : 
ne  le  voulurent  pas  escondire.  F*  178  v*. 

P.  177,  1.  6  :  li.  —  ilfx.  ^  3  :  le  lui. 

P.  177,  1.  15  :  se  départi. —  Ms.  B  6  ti^oute  :  secrètement  de 
Paris  environ  à  cent  hommes  d'armes.  F*  519. 

P.  177,  1.  16  :  à  privée  mesnie.  —  Ms.  B  Z  i  ï.  peu  de  gens 
ses  privez. 

P.  177,  1.  18  :  Roenu  —  4^'.  B  6  :  armés  d'un  jaque  de  noir 


[4356]      VAJaiÂNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  363.         385 

velours,  \y  vingtième,  et  monta  les  degrés  de  le  salle*  là  où  le 
disner  se  fasoit.  Sy  tos  que  le  roy  de  Navare  le  vit  entrer  dedens, 
il  dist  :  <e  Sire,  sire,  venës  boire.  »  Et  osy  firent  tous  ly  aultres. 
Et  se  levèrent  tout  contre  sa  venue,  che  fu  bien  raison  :  amours 
ne  chière  nient  ment.  <c  Signeurs,  ne  vous  mouvës,  et  ne  soit  nuls 
qui  se  mueve  sur  le  hart!  »  Tantost  messires  Emouls  d'Andrehem 
saça  son  espée  hors  du  fourel  et  dist  :  <c  Or  y  parra  qui  se  mou- 
vra. »  Et  tantost  après  che  mot,  le  roy  Jehan  se  lancha  au  roy 
de  Navare  et  le  prist  par  le  quevèche  et  le  tira  parmi  le  table 
môult  vilainnement  et  luy  dist  :  «  Certes,  mauvais  traites,  or  vous 
convient  morir.  » 

;  Le  duc  de  Normendie,  son  aisnë  filz,  dist  :  «  Ha!  chier  sires, 
que  es  che  chou  que  vous  voilés  faire!  Jà  savës  vous  qu'il  est  en 
ma  compaignie  et  en  mon  ostel.  » 

Le  roy  Jehan  li  commanda  qu'il  se  soufiresist,  et  fist  mener 
moult  rudement  le  roy  de  Navare  en  une  cambre.  Et  fist  prendre 
le  conte  de  Harcourt  et  monseigneur  Jehan  de  Graville  et  monsei- 
gneur Maubuë  et  Colinet  de  Bleville,  ung  escuier  qui  trenchoit 
devant  le  roy  de  Navare  et  les  fist  tout  quatre  décoller.  Et  prist 
encore  ung  moult  vaillant  chevalier  qui  estoit  au  rôy  de  Navare, 
que  on  apelloit  monseigneur  Frichet  de  Fricamps,  mais  cestui  ne 
fist  il  point  morir.  Et  les  fist  amener  en  Chastelet  à  Paris.  De 
ceste  prise  et  de  ceste  justiche  fu  le  roialme  de  Franche  de  re- 
chief  encore  moult  esmervilliës  et  moult  tourblës,  car  nul  ni 
savoit  à  dire  à  quelle  cause  ne  raison  le  roy  l'avoit  fait.  F**  520 
et  5Î1 . 

P.   177,    1.   28   :  vosissent.  —  Ms.  B  3  :  eussent  volu. 
F»  i78  v«. 

P.  178,  1.  1  :  contre.  — Ms,  B  3  :  envers. 

P.  178,  1.  3  :  table.  —  Ms.  B  3  :  bataille. 

P.  178,  1.  5  :  kevèce.  —  Ms,  B  3  :  chevesse.  —  Ms.  B  4  : 
koueto.  F*  165.  —  Ms,  B  5  :  keute.  F»  370. 

P.  178,  1.  5  :  roit.  —  Ms,  B  3  :  rudement. 

P.  178,  1.  22  :  dur.  —  Ms,  B  3  :  malement. 

P.  178,  1.  22  :  sur.  —  Ms,  B  3  :  contre. 

P.  178,  1.  26  et  27  :  m'en  voelle  amettre.  — Ms.  ^  3  :  le  me 
vueiile  mettre  sus. 

P.  1 79,  1.  d  et  5  :  Friches  de  Frichans.  —  Ms.  B  5  :  Friquet 
de  Friquant.  F"  370. 

P.  179,  1.  16  :  trahiteur.  —  Ms.BZx  traittres.  F^"  179. 

IV  — 25 


386  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSiLRT.  [1356] 

P.  179,  1.  17  :  descouveront  temprement.  —  Ms.  B  3  :  des- 
ooayrent  à  présent. 
P.  179,  1.  33  :  estrine.  — Ms,  B  3  :  estraine. 
P.  179,  1.  25  :  v^.  —  Ms.  B  3  :  voz. 
P.  179,  1.  26  :  escusance.  —  Ms.  B  3  :  escusation. 
P.  179,  1.  27  et  28  :  enflâmes.  —  Ms.  B  3  :  enflambe'. 
P.  179,  1.  29  :  contraire.  —  Ms,  B  3  :  contrariété. 
P.  180, 1.  12  :  à  g^rasce.  —  Ms,  ^  3  :  en  grant  amour. 
P.  180,  1.  43  :  le  roy  des  ribaus.  —  Ms,  i?  3  :  le  bourreau. 
P.  180,  1.  20  :  cesti.  —  Ms,  ^  3  :  à  cellni  là. 
P.  180,  1.  22  :  baselaire.  —  Ms,  B  3  :  badelaire. 

§  564.  P.  180,  1.  29  :  Ces  nouvelles.  —  Ms.  d Amiens  : 

Encorres  estoit  li  roys  de  France  à  Roem  quant  ces  nouvelles 
vinrent  à  monsigneur  Phelîppe  de  Navarre  et  à  monsigneur  Go- 
defroy  de  Harcourt,  qui  furent  moût  courouchiés  de  ceste  ave- 
nue, et  envoiièrent  tantost  deffiier  le  roy  de  Franche.  Et  li  manda 
li  dis  messires  Phelippes  de  Navarre  ensi  que  il  se  gardast  bien 
que  il  ne  fesist  morir  son  frère,  et  que  jammais  n'aroit  paix  à 
lui,  et  que  point  ne  penssast  à  avoir  les  villez  et  castîaux  Me 
Normendie  que  il  tenoit,  ensi  que  il  avoit  euv  la  terre  au  comte 
de  Ghinnez  que  il  avoit  fait  morir  sans  raison,  car  nulz  n'en  aroit. 
F»  101  v«. 

P.  180,  1.  30  et  31  :  Godefroi  de  Harcourt.  —  Le  ms.  B  ^ 
ajoute  :  oncle  du  dit  conte  de  Harcourt.  ¥^  370. 

P.  181,  1.  12  :  amettre  de.  —  Mss,  ^3,5:  mettre  à. 
F»  179  v<». 

P.  181 9 1.  13  et  14  :  aucunement.  —  Mss.  B  3,  4,  5  :  viUaî- 
nement. 

P.  181,  1.  16  :  sons.  —  Mss.  -ff  3,  4  :  sommes.  F®  179  v«. 

P.  181, 1.  20  :  ne  au  nostre.  —  Ms,  ^  5  :  ne  autre.  F"  370  v«. 

P.  181,  1.  30  :  cinq.  —  Ms,  ^  3  :  six. 

S  56».  P.  182, 1.  1  :  pensieus.  —Ms.B^:  pensif.  F*  179  v«. 

P.  182,  1.  5  et  6  :  brisièrent  son  air.  -»  Ms.  B  3  :  refrénèrent 
son  yre. 

P.  182,  1.  6  :  se.  —  Ms.  B  3  :  son. 

P.  182,  1.  7  et  8  :  retorroit.  —  Ms.  B  3  :  retiendroit.  — 
Ms,  B  k  i  roteroit.  P»  166. 

P.  182,  1.  8  :  la.  —  Ms.  ^  3  :  sa. 


[13^56]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  366.  387 

P.  i82, 1.  13  :  l'oir.  —  Ms.  B  3  :  Feritier. 

P.  182,  1. 14  :  SakenviUe.-^ilfr.  J9  3  :  Saqueville.  —  ilfr.  ^  4  : 
Sakeville.  F«  166.  —  Ms.B^-.  SUukeville.  F^  370  V. 

P.  182,  l.  16  :  passa.  —  Ms.  B  ^  :  portoit.  P»  179  v«.  — 
Ms.  B  4  :  porta.  F»  166. 

P.  182,  1.  25  :  malaises.  —  Ms,  B  3  :  meschief. 

P.  183,  1.  5  :  et  sur  lui....  gardes.  —  Ms,  ^  3  :  et  mis  en 
bomies  et  seures  gardes. 

P.  183,  I.  9  :  entroublier.  —  Ms.  B  3  :  mettre  en  obly. 

§  566.  P.  183,  1.  11  :  Tantost.  —  Ms.  et  Amiens  :  Tantost 
apriès  ces  deffaultez ,  messires  Phelippe  de  Navarre  et  messires 
Ghodeffiroix  de  Harcourt  fissent  grant  guerre  et  forte  en  Normen- 
die,  et  saisirent  tous  les  castiaux  que  li  roys  de  Navarre  y  tenoit, 
et  y  missent  gens  de  par  yaux  ;  et  puis  passèrent  le  mer  et  vin- 
rent en  Engleterre  compter  leur  fait  au  roy  d'Engleterre ,  et 
fissent  grans  allianchez  à  lui^  et  li  rois  à  yaux.  Et  fu  adonc  or- 
donnes li  dus  de  Lancastres  que  il  passeroit  le  mer  à  une  quan- 
tité de  gens  d'armes  et  d'archiers  et  venroit  anver  en  Gonstentin  ; 
et  se  metteroient  enssamble  li  Englès  et  li  Navarrois,  et  feroient 
guerre  aspre  et  dure  au  royaumme  de  France,  en  contrevengant 
lez  despis  que  on  avoit  fais  au  dit  roy  de  Navare  et  au  comte  de 
Harcourt.  Si  retournèrent  li  dit  seigneur  de  Normendie  à  Saint 
Sauveur  le  Viscomte,  et  fissent  encore  en  Normendie  pluisseurs 
alianches  as  autres  seigneurs  de  leur  linaige.  F^  101  v^. 

P.  183,  1.  13  :  pourveirent.  —  Ms,  B  3  :  pourveurent. 
F»  179  V». 

P.  183,  1. 15  :  sus  entente.  —  Ms,  i?  3  :  en  entencion. 

P.  183,  1.  17  :  Harcourt.  —  Ms,  B  6  :  biel  chevalier,  lequel 
estoit  adonc  chevalier  et  compains  au  duc  de  Normendie  et  ly 
uns  des  plus  privés  qu*il  euist.  P*  521 . 

P.  183,  1.  19  :  dalës.  —  Ms.  B  3  :  avec.  F"  180. 

P.  183,  1.  20  :  encoupés.  —  Ms.  B  3  :  encoulpez. 

P.  i83, 1.  26  et  27  :  leur....  blasmes.  —  Ms.  B  3  :  leur  venoit 
à  grant  deshonneur. 

P.  183,  1.  29  :  lui  traire.  —  Ms.  B  Z  \  se  tirer.  P»  180.  — 
Ms.  iî  4  :  lui  retraire.  P»  166  v®. 

P.  184,  1.  4  :  sus.  —  Ms,  B  3  :  contre.  F*  180. 

P.  184,  1.  7  et  8  :  denrée.  — Ms.  2?  6  :  et  prist  les  enfans  du 
dit  conte  de  Harcourt;  trois  jone  filz  demoret  en  estoient.  F*  522. 


388  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1356] 

P.  185,  1.  1  :  li  uns.  —  Ms.  ^  3  :  les  uns.  F""  180. 

P.  185,  1.  2  :  li  aultres.  —  Ms.  ^  3  :  les  autres. 

P.  185,  1.  13  et  14  :  ce  présent.  —  Ms.  B  3  :  cest  ofire. 

P.  185,  1.  29  :  tiroient.  —  Ms.  B  3  :  traictoient.  F>  180  v«. 

P.  186,  1.  3  :  oonjoissemens.  —  Ms.  B  3  :  conjonctions. 
f  180  V. 

P.  186,  1.  5  :  conseil.  —  Ms.  ^  6  :  Et  fu  adonc  ordonne  et 
acordë  que  le  duc  de  Lencastre  passerait  la  mer  à  cinq  cens 
honunes  d'armes  et  quinze  cens  archiés  et  s'en  yroit  en  Normen- 
die  avecq  les  dessus  diz  seigneurs  pour  faire  guerre  au  roy  de 
Franche.  A  ches  paroUes  entendy  et  fist  faire  ung  mandement  et 
délivra  au  duc  de  Lenclastre  son  cousin  cinq  cens  hommes  d'ar- 
mes et  quinze  cens  archiës.  Et  là  estoient  avecques  luy  d'Engle- 
terre  le  conte  de  la  Marche,  le  conte  de  Pennebourc,  messire 
Jehan  le  visconte  de  Biaumont,  messire  Gautiet  de  Mauny,  le 
sire  de  Moubray,  le  sire  de  Ros,  le  sire  de  Fil  Watier,  messire 
Jehan  Boursier,  messire  Jehan  de  Vanthone  et  pluiseurs  aultres 
chevaliers  et  escuiers.  Sy  montèrent  en  mer  et  vinrent  ariver  en 
Normandie  en  Constantin  sur  le  pooir  de  messire  Godefroy  de 
Harcourt.  Sy  commenchèrent  bien  avant  en  Normendie,  et  ar- 
doient  villes  et  maisons,  et  firent  moult  forte  guerre  envers  l'As- 
sension  Tan  mil  trois  cens  cinquante  six.  F*  523. 

5  567.  P.  186,  1.  11  :  Depuis.  —  Ms.  £  Amiens:  Entroes  se 
pourvei  li  dus  de  Lancastre  de  gens  d'armes  et  d'archiers,  et 
avoit  en  se  route  quatre  cens  hommez  d'armes  et  huit  cens  ar- 
chiers.  Là  estoient  avoecq  lui  d'Engleterre  li  comtez  de  le  Marche, 
li  comtes  de  Pennebruc,  messires  Jehans,  visoomtez  de  Biaumont, 
messires  Baucestre,  messires  Jehan  de  Lantonne  et  pluisseur  aul- 
tre.  Si  montèrent  en  mer  à  ung  port  d'Engleterre  que  on  dist 
Wincesëe,  et  arivèrent  en  Normendie  et  droit  à  Chierebourc. 

Là  estoient  messires  Phelippes  de  Navarre,  messires  Godefroix 
de  Harcourt  et  bien  mil  hommez  d'armes.  Si  se  conjoirent  cil 
seigneur  grandement  quant  il  se  trouvèrent,  et  rafresquirent  là 
quatre  jours.  Entroes  il  se  appareillièrent  et  envouèrent  leurs 
coureurs  devant;  si  coummenchièrent  à  faire  une  forte  guerre, 
et  vinrent  ces  gens  d'armes  faire  frontière  à  Ewruez. 

Quant  li  roys  Jehans  de  Frauce  eut  entendu  que  li  dus  de 
Lancastre  estoit  arivés  en  Normendie,  et  là  venu  sus  le  conduit 
à  monseigneur  Phelippe  de  Navarre  et  à  monseigneur  Godefifroî 


[i3b6]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  367.         389 

de  Harcourt,  et  aboient  jà  leurs  gens  chevauchiet  et  ars  et  des- 
trait  dou  pays  de  Normendie  environ  Kern  et  en  Tevesquië  d'E- 
wrues ,  si  y  vot  poui*veir  de  remède ,  et  fist  tantost  et  sans  delay 
ung  très  especial  et  graut  mandement  à  estre  à  Biauvais  et  à 
Poissi  sus  Sainne,  et  que  nuls  ne  s'escusast  sus  se  honneur  et  à 
perdi^e  corps  et  avoir  ;  car  il  voUoit  cevaucier  sus  les  Englèz  et 
les  Navarois  qu'il  tenoit  pour  ennemis,  et  yaux  combattre. 

Au  mandement  dou  roy  obéirent  tout  chevalier  et  escuier,  ce 
fu  bien  raisons;  et  montèrent  amont  viers  Biauvais,  où  li  mande- 
ment se  faisoient,  d'Artois,  de  Vermendois,  de  Cambresîs,  de 
Flandrez,  de  Haynnau  et  de  Pikardie.  D'autre  part,  il  revenoient 
de  Campagne,  de  Barrois,  de  Lorainne ,  de  Braibant  et  de  Bour- 
goingne. 

Meysmement  li  roys  se  parti  de  Paris  cointousement  avoecq 
ses  marescaux,  monsigneur  Emoul  d'Andrehen  et  monsigneur 
Bouchicau,  et  s'en  vint  à  Mantez  sus  Sainne  pour  mieux  mous- 
trer  que  la  besoingne  li  touchoit.  Et  envoya  adonc  le  roy  de  Na- 
vacre,  que  il  avoit  fait  tenir  en  prison  dedens  Castelet  à  Paris,  à 
Grievecoeur  en  Cambresis,  une  très  forte  place,  et  le  délivra  as 
bonnes  gardes  et  leur  recarga  sus  leur  honneur. 

Quant  le  roy  de  France  eut  tous  ses  gens  assamblëz,  si  en  eut 
bien  soissante  mil,  ungs  c'autrez,  et  estoit  en  grant  vollenté  de 
trouver  sez  ennemis  et  d'iaux  combattre.  Si  se  mist  as  camps 
efforciement  au  lés  deviers  Ewruez,  car  on  li  dist  que  li  annemis 
chevauçoient  et  avoient  jà  passe  Vrenuel  et  Vrenon. 

Quant  li  dus  de  Lancastre  et  li  autre  entendirent  cez  nouvelles, 
que  li  roys  de  Franche  venoit  sus  yaux  quoitousement  et  avoit 
en  se  routte  plus  de  soissante  mil  hommes  as  armez,  si  se  avisè- 
rent et  consillièrent  enssamble,  et  dissent  entr'iaux  qu'il  n'estoient 
mies  fors  assés  ]Mir  atendre  tel  numbre  de  gens  d'armes  que  li 
rois  menoit;  si  se  retraissent  tout  bellement  deviers  Constentin. 
Et  les  pourssuiwirent  li  roys  et  li  Franchob  par  trois  jours,  et 
venoient  tondis  au  soir  là  où  il  avoient  disnë.  F"  lOi  v«  et  102. 

P.  186,  1.  i2  :  dus.  —  Let  mss,  ^  3  à  S  ajouteni  :  Henri. 

P.  186,  1.  20  :  recueilla.  —  Ms.  B  ^  \  recueillit.  F*  ISO^v*". 
—  Mss,  B  4  :  requella.  F«  167. 

P.  186,  1.  22  et  23  :  et  devers.  —  Ms.  B  3  :  pour  venir. 

P.  187,  1.  9  :  Gauville.  —  Jlf/.  ^  3  :  Graville.  F«  180  V. 

P.  187,  1.  9  et  10  :  Carbeniaus.  —  Ms.  B  3  :  Carbonneau.  — 
Ms,  B  4  :  Caiiwnniaux.  —  Mt.  B  5  :  Carboniau.  P»  371 


390 

P.  137 
P.  187 
P.  187 
P.  187 
P.  187 
P.  187 

toit. 
P.  187 
P.  188 
P.  188 
P.  188 

savoir  des 
P.  188 

entour.  P* 
P.  188 
P.  189 
P.  189 
P.  180 
P.  189 

plain. 
P.  190 
P.  190 
P.  190 
P.  190 
P.  190 
P.  190 
P.  190 
P.  191 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 


[1356] 


.  12  :  Foudrigais.  —  Ms,  B  3  :  Foudrigas. 
.  12  :  de  Segure.  —  Ms,  ^  3  :  de  Seure. 
.  13  :  François.  —  Ms.  B  4  :  Franchois.  F*  167. 
.  18  :  Aquegni.  —  Ms,  B  3  :  Aquegnyes. 
.  20  :  essil.  —  Ms^  B  3  :  exil. 
22  :  qui  n'en  attendoit.  —  Ms,  J?  3  :  qui  ne  doub- 

.  23  :  jette.  —  Ms,  B  3  :  mis. 
.  7  :  Vrenon.  —  Mss.  J?  3,  4  :  Veraon,  F«  181. 
.  9  :  Vrenuel.  —  Ms.  B  3  :  Vemueil. 
.  16  et  17  :  aprendre  dou  convenant.  —  Ms,  B  3  : 
nouvelles.  F<'181. 

.  18  :  entours.  —  Ms,  B  3  :  autour  de.  —  Ms.  B.  4  : 
67  v«. 

.  25  :  ou  droit  esclos.  —  Ms,  B  3  :  tout  es  flotz. 
.  9  :  aigrement.  —  Ms,  B  3  :  hastivement. 
.  13  :  comparer.  —  Ms,  B  3  :  comprer. 
.  16  :  l'Aigle.  ^  Ms.  B  Z  i  l'Agle. 

•  24  :  en  uns  biaus  plains.  —  Ms,  i?  3  :  en  ung  beau 

•  2  :  trop.  —  Ms,  B  3  :  très. 

.  24  :  Carbeniaus.  —  Ms.  B  3  :  Carbonneau. 

.  25  :  de  Segure.  —  Ms,  ^  3  :  de  Seure. 

.  25  :  Foudrigais.  —  Ms.  B  4  :  Soudrigans.  F*  168. 

.  26  :  de  Spargne.  —  Ms.  B  3  :  d'Espaigne.  F*  181  v«. 

.  26  :  Fallemont.  —  Ms,  B  k  :  Sallemont.  F^"  168. 

.  28  :  Radigos.  —  Ms.  B  4  :  Rodiges. 

.  18  :  très.  —  Ms.  B  Z  \  dès.  F»  181  v«. 


§  568.  P.  191,  1.  24  :  li  rois.  --  Ms.  et^iens  :  Quant  li 
roys  de  Franche  vei  que  nuls  n'en  aroit  et  qinl  fuioient  devant 
lui,  si  laissa  le  cache  et  s'en  vint  mettre  le  siège  devant  le  ville 
et  le  chitë  d'Ewruez.  A  Ewnies  a  ville,  chitë  et  castiel,  qui  pour 
le  tens  se  tenoit  dou  roy  de  Navarre.  £t  en  estoit  chappittaione 
ungs  chevaliers  de  Navare,  qui  s'appelloit  messires  Jehans  Carbe- 
niaux,  apers  hommes  d'armes  durement.  Si  assega  li  roys  de 
France  enssi  Ewruez  et  y  fist  pluisseurs  grans  assaux  et  fors,  et 
constraindi  moult  chiaux  de  le  ville. 

En  ce  tamps  que  li  siégez  se  tenoit  devant  Ewruez,  chevau- 
choit  en  le  Rasse  Normendie,  environ  Pontourson,  messires  Ro- 


[13S6]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  368.         39i 

bers  CanoUez,  qui  jà  estoit  moût  renoumméz,  et  tenoit  grant  route 
et  tiroit  à  venir  deviers  le  duch  de  Lancastre  pour  renforchier 
leur  armée,  et  avoit  bien  trois  cens  combatans  eng]ès,  allemans  et 
gascons,  qui  li  aidoient  à  gueriier.  Quant  il  entendi  que  li  dus  de 
Lancastre  estoit  retrès,  et  messires  Phelippes  de  Navare,  si  se 
retraist  ossi  et  s'en  vint  asegier,  entre  Bretaingne  et  Normendie, 
un  castiel  que  on  appelloit  Danfronth. 

li  roys  Jehans  de  Franche,  qui  se  tenoit  devant  Ewruez,  fist 
tant  que  cil  de  le  ville  d'Ewruez  li  ouvrirent  leurs  portez,  et  en- 
trèrent ses  gens  dedens,  mes  pour  ce  n'eurent  il  mies  le  chité 
nei  le  castiel  ;  car  les  gens  d'armes  navarois  se  retfaissent  layens 
et  se  deffendirent  mieux  que  devaut,  et  s'i  tinrent  depuis  moult 
longement,  tant  qu'il  coummenchièrent  moult  à  afoiblir  de  pour- 
veances.  Quant  il  virent  qu'il  ne  seroi^dt  reconforté  de  nul  oosté, 
et  que  li  roys  de  France  ne  se  partiroit  point  de  là,  si  les  aroit, 
si  counmienchièrent  à  tretiier  deviers  les  marescaux.  Et  se  por- 
tèrent tretiet  enssi  que  il  se  partiroient,  cil  qui  partir  se  voroient, 
le  leur  devant  y  aux,  et  non  plus  ne  autrement,  et  se  trairoient 
quel  part  qu'il  voroient.  Li  roys  de  Franche,  qui  là  se  tenoit  à 
grant  frait,  leur  acorda,  car  encorrez  y  avoit  fuisson  de  castlaux 
à  prendre,  dont  se  partirent  messires  Jehans  Carbeniaux  et  li  Na- 
varroix,  et  se  traissent  tout  dedens  le  fort  castiel  de  Bretoeil.  Et 
li  roys  de  Franche  fist  prendre  le  possession  de  Evrrues  par  ses 
marescaux.  F®  102. 

P.  191,  1.  27  :  devant.  —  Mss.  i?  3,  4  :  devers.  F»  181  v«. 

P.  191,  1.  27  :  d'Evmes.  —  Mss.  ^  4,  5  :  d'Ewrues.  F*  l68. 

P.  192,  1.  2  :  le  poursieute.  —  Ms.  i?  3  :  la  poursuite. 

P.  192,  1.  6  :  avant.  —  Mss,  i?  3,  4  :  devant. 

P.  192,  1.  10  :  assés.  —  Le  ms,  B  3  ajoute  :  de  nouvelle. 

P.  192,  1.  15  :  apressé. —  Ms,  B  3  :  oppressez.  —  Ms.  Bk  : 
appressés,  F*  168. 

P.  192, 1.  18  :  le.  —  Ms.Bk:  les. 

P.  192, 1.  18  :  si....  prist.  —  Ms,  B  3  :  conseillé  de  les  pren- 
dre à  mercy. 
*P.  193,  1.  1  :  apressé.  —  Ms,  B  3  :  oppressez.  F*  182. 

P.  193, 1.  8  :  Carbiniel.  ^  Mss,  ^  3,  4  :  de  Carbonnel. 

.  P.  193,  1.  9  :  Guillaume  de  Gauville.  —  Ms.  J?  6  :  Et  trop 

bien  le  garda  et  le  deffendy  messîre  Garbeniaus,  et  ossy  messire 

Pière  de  Sakenville,  qui  y  sourvint  à  tout  quarante  lanches.  En- 

cores  estoit  le  duc  de  Lenclastre,  messire  Phelippe  de  Navare  et 


392  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1356] 

messires  Godefrois  de  Haroourt ,  en  Ncurmendie  ;  et  gerrioîent  le 
pais  vers  Pontoise  et  devers  Bretaigne,  et  y  6rent  en  ce  tamps 
moult  de  damaige.  D'aultre  part,  avoît  une  grant  guerre  sur  le 
pais  de  Bretaigne,  entre  Auvergne  et  Limosîn,  qui  se  commença  à 
monter,  que  on  appelloit  Robert  Canolle,  et  gerrioit  et  ranconnott 
durement  le  pais.  F*  528. 

P.  193,  1.  9  :  Gauville.  —  Ms.  B  3  :  Graville.  V  182. 

P.  493, 1.  9  :  sist.  —  Ms.  B  3  :  demoura. 

P.  193, 1.  14  :  sauvement  traire.  -^Ms.  B  3  :  aller  à  sauveté. 

P.  193,  1.  26  :  reut.  —  Jkts,  B  3  :  reeut. 

P.  193,  1.  28  :  Gauville.  —  itfi.  j9  3  :  Graville. 

$  569.  P.  193,  1.  30:  Àpriès. ^  iiff .  d Amiens:  Et  puis  alla 
(le  roi  Jean)  par  devant  le  castiel  de  Routtez;  se  n'y  furent  que 
six  jours  quant  il  se  rendirent.  Et  de  là  endroit  li  roys  de  Fran- 
che et  ses  gens  vinrent  devant  le  fort  castiel  de  Bretuel;  si  le  as- 
segièrent  de  tous  costëz,  car  on  le  poet  bien  faire  pour  tant  qu'il 
siet  à  plainne  terre.  Si  y  fist  li  roys  de  France  amener  des 
grans  enghiens  de  le  chitë  de  Roem,  et  les  fist  lever  devant  le 
forterèche.  Et  jettoient  chil  enghien  jour  et  nuit  au  dit  castiel  et 
moult  le  grevèrent,  mèz  cil  qui  dedens  estoient,  se  tinrent  comme 
vaillans  gens. 

Don  dit  castiel  de  Bretuel  estoit  souverains  et  cappittainnes,  de 
par  le  roy  de  Navarre,  uns  très  bons  escuiers  navarois  qui  s'ap- 
pelloit  Sansses  Lopins.  Chilz  tint,  deffendi  et  garda  la  fortrèce 
contre  lez  Franchois  plus  de  sept  sepmainnez.  En  ce  terme  et 
priés  chacun  jour  y  avoit  pluisseurs  assaux  et  moult  d'escarmu- 
ches  et  des  grans  appertisses  d'armes  faittes.  Et  furent  tout  em- 
pli li  fosse  de  environ  le  fortrèce,  de  bos  et  de  velourdez  que  on 
y  fist  par  les  villains  dou  pays  amenner  et  chariier  rés  à  rës  de 
la  terre.  Et  quant  on  eut  cela  fait,  on  fist  lever  et  carpenter  ung 
grant  escaufaut  et  amener  à  roez  jusquez  as  murs  dou  dit  castel; 
et  avoit  dedens  deux  cens  qui  se  vinrent  combattre  main  à  main 
à  chiaux  de  dens.  Là  veoit  on  tout  le  jour  grans  appertisses 
d'armes.  Finablement,  chil  de  dens  trouvèrent  voie  et  enghien, 
par  quoy  chilz  escauffaux  fu  tous  desrous;  et  y  eut  perdu  de 
chiaux  de  dedens  pluisseurs  bonnes  gens  d' armez,  dont  cbe  fii 
dammaigez.  Si  les  laissa  on  ester  de  cel  assaut,  et  lez  constraindî 
on  d'autrez  enghiens  qui  jettoient  pierres  et  mangonniaux  nuit  et 
jour  à  le  dite  fortrèce.  P 102. 


[4356]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  370.  393 

P.  194,  1.  i  :  par  devant.  —  Ms,  £  3  :  par  devers. 

P.  i94,  1.  2  :  siège.  —  Ms.  B  6  :  Dou  dit  castiel  de  Bretuel 
estoit  souverain  capitaine  de  par  le  roy  de  Navare  ung  très  bon 
escuiers  navarois,  qui  s'apelloit  Sanses  Lopins.  Chil  deffendy  et 
garda  le  fortresse  plus  de  douze  sepmaines.  F**  5i5. 

P.  194,  L4:  plentiveus.  —  ilfj.  B  3:  plantureux.  F>  182. «- 
Ms,  B  4  :  plentureux.  F»  168  v». 

P.  194,  1. 11  :  livrées.  —  Mss.  i?  3,  4:  livres. 

P.  194,  1. 12  :  homs.  — Ms.  B  3  :  vassal  et  homme  subget. 

P.  194,  1.  14:  dan.  —  Ms.  B  3  :  damp. 

P.  194,  1. 15  :  Chastille.  —  Mss.  ^  3,  4  :  Castille. 

P.  194,  1.  17  :  sans.  —  Ms.  B  3  :  saultz.  —  Ms.  B  4  :  sauls. 

P.  194,  1.  20  :  soutillier.  —  Ms.  B  3  :  subtilizer. 

P.  194,  1.  23:  yaus.  —  Ms,  i?  3  :  à  leurs  adversaires. 

P.  194,  1.  20  :  berfroit.  —  Ms.BZ-,  beufroit.  —  Ms.Bk  :  bie- 
refroit.  --Ms.BH  :  beffroy.  F»  372  v«. 

P.  195,  1. 1  :  cat.  —  Jftff.  B  3  :  chat. 

P.  195,  1.  2 :  Entrues.  —  Jlfj.  ^3:  Gependent.  F*  182  v"*. 

P.  195,  1.  5  :  reverser.  —  Ms.  B  3  :  renverser. 

P.  195,  1.  5  et  6  :  estrain.^  ^j.  B  3  :  paille. 

P.  195,  1. 10 :  bierefroi—  Ms.B^:  beufroy. 

P.  195,  1. 1 9 :  cel  berfroi. ^Ms.Bk:  ce  biaufroy .  F*  169. 

P.  195,  1.  29  et  p.  196,  1. 10:  Et  de....  coae.  — Toute  cette  fin 
du  §  369  manque  ilans  le  ms.  B  5. 

P.  195,  1.  28  :  ensonniièrent.  —  Ms.  B  3  :  mirent  en  nec- 
cessitë. 

P.  195,  1.  30 :  ou  toit. :—  Ms.  B  3:  slvl  cuyr.  —  Ms.  B  k:  ou 
cuier. 

P.  196,  1.  8 :  à  tous  les.  —  Ms.  B  3:  de  tous  coustés. 

§570.  P.  196,  1.  11  :  En  ce  temps.  — Ms.  d Amiens  :  Li 
prinches  de  Galles  se  tenoit  en  le  chitë  de  Bourdiaux  et  eut  désir 
de  chevauchier  en  Franche  si  avant  que  de  passer  le  rivierre  de 
Loire,  et  de  venir  en  Normendie  deviers  son  cousin  le  duc  de 
Lancastre,  qui  faisoit  la  guerre  pour  les  Navarrois,  car  bien 
estoit  informés  et  segnefiés  que  il  avoit  grans  aliances  entre  le 
roy  son  père  et  monaeigneur  Phelippe  de  Navarre.  Si  fist  tout  le 
temps  ses  pourveancez  de  touttez  coses.  Et  quant  li  Sains  Jehans 
aprocha,  que  li  bleds  sont  sur  le  meurir  et  qu'il  fait  boin  hos- 
toiler,  il  se  parti  de  Bourdiaux  à  belle  compaignie  de  gens  d'ar- 


394  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1356] 

mes,  trois  miUe  armures  de'  fier,  chevaliers  et  escuiers,  tant  d'En- 
gleterre  comme  de  Gascoingne,  car  destraigniers  y  eut  petit, 
et  estoient  quatre  mille  archiers  et  six  mille  brigans  de  piet. 

Or  vous  voeil  compter  les  plus  grant  partie  des  seigneurs  qui 
en  ceste  chevauchie  furent,  et  premièrement  d'Engleterre  :  li 
comtez  de  Warvich,  li  comtes  de  Sufforch  (chil  estoient  li  doy 
marescal  de  l'hoost),  et  puis  li  comtes  de  Saliebrin  et  li  comtes 
d'Âskesufforch,  messires  Rénaux  de  Gobehen,  messires  Richars 
de  Stamfort,  messires  Jehans  Gamdos,  messires  Bietremieux  de 
Broues,  messires  Edouars  Despenssiers,  messires  Estievenes  de 
Gouseigon,  li  sires  de  le  Warre,  messirez  Jamez  d'Audelée,  mes- 
sires Pières  d'Audelëe,  ses  frèrez,  messires  Guillaumez  Fil  Wa- 
rine,  li  sirez  de  Berder,  U  sîrez  de  Basset,  li  sires  de  Willebi; 
Gascons  :  li  sires  de  Labret,  lui  quatrime  de  frèrez,  messires  Er» 
naut,  messires  Ainmemon,  et  Bemardet  li  mainnës,  li  sirez  de 
Pumiers,  lui  tiers  de  frèrez,  messires  Jehans,  messires  Helies  et 
messires  Ainmemons,  li  sirez  de  Ghamnmont,  li  sirez  de  TEs- 
pare,  li  sirez  de  Muchident,  messires  Jehans  de  Grailli,  cappit- 
tainnes  de  Beus,  messires  Aimerîs  de  Tarse,  li  sirez  de  Rosem, 
li  sirez  de  Landuras,  li  sirez  de  Gourton.  Et  encorres  y  furent 
d'Engleterre  messires  Thummas  de  FeJleton  et  GniUaummes,  ses 
frères,  et  li  sirez  de  Braseton.  Et  se  y  furent  li  sires  de  Salich 
et  messires  Danniaux  Pasèle;  et  de  Haynnau:  messires  Ustasses 
d'Aubrechicourt  et  messires  Jehans  de  Ghistellez.  Encorrez  y  eut 
pluisseurs  chevaliers  et  escuiers  que  je  ne  puis  mies  tout  noum- 
mer.  Si  se  départirent  de  le  chitë  de  Bourdiaux  à  grant  arroy, 
et  avoient  très  grant  charroy  et  grosses  pourveandies  de  tout 
ce  que  il  besongnoit  à  gens  d'armes.  Et  chevauçoient  li  seigneur 
à  l'aise  de  leurs  cevaux  trois  ou  quatre  lieuwez  par  jour  tant  seu- 
lement, et  entrèrent  en  ce  bon  pays  d*Aginois  et  s'adrechièrent 
pour  venir  vers  Rochemadour  et  en  limozin,  ardant  et  essillant 
le  pays.  Et  quant  il  trouvoient  une  crasse  marce-,  il  y  sejour- 
noient  trois  jours  ou  quatre,  tant  qu'il  estoient  tout  rafresci  et  leurs 
chevaux.  Et  puis  si  chevauchoient  plus  avant  et  envoioient*  leurs 
coureurs  courir  et  fourer  le  pays  entours  yaulx  bien  souvent 
dix  lieuwez  de  large  à  deux  costés.  Et  quant  il  trouvoient  bien  à 
fourer,  il  demoroient  deux  jours  ou  troix  et  ramenoient  en  leur 
host  grant  proie  de  touttez  bestes,  dont  il  estoient  bien  servi;  et 
largement  trouvoient  de  vins  plus  qu'il  ne  leur  besongnast,  dont 
il  faisoient  grant  essil.  Ensi  chevaucièrent  tant  par  leurs  journées 


[1356]      VARIANTES  DU  PREMIER  LITRE,  §  370.         395 

qu'il  entrèrent  en  Limozin;  si  trouvèrent  le  pays  bon  et  gras,  car, 
en  devant  ce,  il  n'y  avoit  euv  point  de  guerre. 

Ces  nouvellez  vinrent  au  roy  de  France,  qui  se  tenoit  devant 
Evrues,  coumment  li  Englèz  li  ardoient  et  essilloient  son  pays. 
Si  en  fu  durement  courouchiëz,  et  se  hasta  moult  d'assaillir  et 
constraindre  ciaux  du  castîel  d'Evruez,  affin  que  plus  tost  il 
pewist  chevauchier  contre  ses  ennemis.  Tant  lez  appressa  li  roys 
Jehans,  que  messires  Jehans  Carbiniaux,  cappitaines  d'Evrues, 
rendi  le  dit  castiel  parmy  che  qu'il  s'en  pooit  partir,  lui  et  li 
sien,  sauvement  et  sans  penl,  et  portèrent  tout  ce  qui  leur  estoit. 
A  ce  tretië  s'acorda  li  roys  Jehans  plus  legierement  pour  ce  qu'il 
volloit  chevauchier  ailleurs;  si  pnst  le  fort  castiel  d'Evrues  et 
envoya  dedens  son  marescal  monseigneur  Ernoul  d'Audrehen 
pour  ent  prendre  le  saisinne,  et  mist  ung  chevalier  à  cappittainne 
de  par  lui,  de  Kaus,  qui  s'appelloit  messire  Toumebus.  Et  puis 
deffist  son  siège  et  s'en  revint  à  Roem,  et  ne  donna  à  nullui  con- 
giet,  car  il  volloit  ses  gens  emploiier  d'autre  part.  Si  ne  séjourna 
gairez  à  Roem,  mèz  s'en  vint  à  Paris.  F*  i02  v®. 

Or  avint  que  li  sirez  de  Montegny  en  Ostrevant,  qui  s'appelloit 
Robers,  li  et  uns  siens  escuiers  qui  se  noummoit  Jakemez  de  Win- 
clez  allèrent  un  jour  à  heure  de  relevée  esbattre  sus  ces  terrëez 
autour  dou  castiel  pour  adviser  et  regarder  le  fortrèce.  Si  allèrent 
trop  follement,  car  il  furent  apercheu  de  ciaux  de  le  garnison;  si 
yssirent  hors  aucuns  compaignons  par  une  posteme  qui  ouvroit 
sus  lez  fossés.  Là  fiirent  assailli  li  sirez  de  Montegny  et  sez  es- 
cuiers, et  combatu  tellement  que  pris  li  sirez  et  mors  li  escuiers  : 
de  laquelle,  prise. li  ipys  Jehans  fu  durement  courouchiës,  mes 
amender  ne  le  peult  tant  qu'à  ceste  fois.  Ne  demeura  gairez  de 
tamps  apriès  que  chil  de  dedens  eurent  consseil  d'iaux  rendre, 
sauve  leurs  viez  et  le  leur,  car  il  virent  bien  qu'il  ne  seroient 
secouru  ne  comfortë  de  nul  costé.  Si  tretiièrent  deviers  le  roy 
Jehan  si  doucement  qu'il  lez  prist  à  merchy,  et  se  partifent  sans 
danmiaige  du  corps,  mes  il  n'enportèrent  riens  dou  leur,  et  si 
rendirent  tous  leurs  prisonniers  :  parmy  ce  rendaige  fu  li  sirez 
de  Montegny  délivrés.  Enssi  eult  li  roys  Jehans  le  fort  castel  de 
Bretuel,  que  li  Navarois  avoient  tenu  contre  li  moult  vaillamment. 
Si  emprist  li  dis  roys  le  saisinne  et  possession,  et  le  fist  remparer 
et  y  mist  gens  et  gardez  de  par  lui,  et  puis  se  retraist  devers  le 
chité  de  Chartrez  et  touttes  ses  hoos  pour  yaux  rafrescir.  Or  par- 
lerons dou  prince  de  Galles,  et  d'un  grant  esploît  d'armez  et 


ê 


396  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1356] 

haute  emprise  qu'il  fist  en  celle  saison  sus  le  royaumme  de  France. 
F»  iOî. 

P.  i96f  1.  12  :  se  départi.  —  Ms.  j9  6  :  Le  prinche  de  Galles 
se  tenoit  à  Bourdiau  et  eult  désir  de  chevauchier  en  Franche  et 
sy  avant,  che  disoit,  que  de  passer  la  rivière  de  Loire  et  venir  en 
Normendie  devers  son  cousin  le  duc  de  Lenclastre  et  mon- 
seigneur  Phelippe  de  Navare,  pour  aydier  à  reconquerre  les  cas- 
tiaulx  perdus  que  le  roy  Jehan  avoit  pris  sur  l'irtaige  du  roy  de 
Navare.  Sur  celle  entente  et  en  celle  meisme  saison  que  le  roy 
de  Franche  avoit  mis  le  siège  devant  Bretuel,  environ  le  Saint 
Jehan  Baptiste  l'an  mil  trois  cens  cinquante  six  que  les  blës  et 
les  avaines  sont  meurs  à  camps  et  qu'il  fait  bon  ostoiier  pour 
hommes  et  pour  chevaulx,  sy  party  le  dit  prinche  de  Bourdiaus 
à  belle  compaignie  de  gens  d'armes,  trois  mille  lanches  de  che- 
valiers et  d'escuiers  de  Gascongne  et  de  Engleterre  et  quatre 
mille  archiës  et  cinq  mille  bidaus  et  brigans  de  piet. 

Or  vous  voel  jou  nommer  la  plus  grant  partie  des  signeurs  qui 
en  che  voiaige  furent,  et  prumiers  :  d'Engleterre ,  le  conte  de 
Wervich,  le  conte  de  Sallebry,  le  conte  de  Sufort,  le  conte 
d'Asquesoufibrt,  messire  Renaus  de  Gobehem,  messire  Richart 
de  Stanfort,  messire  Jehan  Gandos,  messire  Bertran  de  Bruch,  le 
droit  sire  Despensier,  messire  Edouart,  messire  Estiène  de  Gon- 
senton,  messire  GiUame  Fil  Warine,  messire  James,  messire  Pières 
d'Àudelëe,  le  sire  de  le  Ware,  le  sire  de  Willeby,  le  sire  de 
Berclo,  messire  Thomas  et  messire  Guillaume  de  Fellton,  le  sire 
de  Brasertons;  et  de  cheulx  de  Gascongne  :  le  sire  de  Labret, 
luy  quatrième  de  frères,  messire  Emault,  messire  Amemons  et 
Bemaudet  le  maisnë,  le  sire  de  Pumiers,  luy  troisième  de  frères, 
messire  Jehan,  messire  Helies  et  messire  Ammemons,  le  sire  de 
Gaumont,  le  sire  de  Lespare,  messire  Jehan  de  Grailly  le  capital 
de  Beus,  messire  Aimery  de  Tharse,  le  sire  de  Muchident,  le  sire 
de  Condon,  le  sire  de  Salich,  messire  Daniaus  Pasèle;  et  deus  che- 
valiers de  Haynau  :  messire  Eustasses  d*Aubrechicourt,  messire 
Jehan  de  Ghistellez ,  et  pluiseurs  aultres  chevaliers  que  escuiers, 
que  je  ne  puis  mies  tous  nommer.  Et  se  partirent  de  Bourdiaus 
en  grant  arroy  et  en  bonne  conduite.  Et  esloient  marisal  de  l'ost 
le  conte  de  Wervich  et  le  conte  de  SufTort,  et  avoient  très  grant 
caroy  et  très  belles  pourveanches.  Si  chevauchèrent  chil  signeurs 
et  leur  ost  à  petite[s]  journées  à  l'aise  de  leurs  chevaulx,  et  s  es- 
ploitèrent  tant  qu'il  entrèrent  en  Berry,  où  il  trouvèrent  bon  pais 


[1356]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  370.  397 

et  cras;  se  s  y  arestèrent  et  sy  commenchièrent  à  faire  moult  de 
desroy.  P»  528  à  530. 

P.  496,  1.  i3  :  sus  Garone.  —  Ms,  i?  3  :  sur  Gironde. 
FM82v«. 

P.  196,  1.  14  :  poorveances.  — -  Ms.  B  3  :  provisions. 

P.  196, 1.  17  :  et....  Bretagne.  —  Ms.  B  3  :  devers  les  fron- 
tières de  Navarre. 

P.  196,  1.  19  :  li  rois.  —  Le  ms.  B  3  ajtmte  :  d'Angleterre. 

P.  196,  1.  21  :  istance.  —  Ms,  B  3  :  entention. 

P.  196,  1.  23  :  parmi.  —  Ms.  B  3  :  sans. 

P.  197,  1.  2  :  Bregerach.  —  Ms.  B  3  :  Bragerac. 

P.  197,  1.  2  :  et  puis....  Roerge.^JIfi.  ^  3  :  et  puis  entrèrent 
ou  pais  de  Rouergue. 

P.  197,  1.  8  :  essilliet.  —  Ms.  B  3  -.  exillé. 

P.  197,  1.  8  :  Auvergne.  —  Ms.  B  4  :  Avergne.  F®  169. 

P.  197,  1.  10  :  d'Allier.  —  Jlfj.  -ff  5  :  d'Aliec.  F»  372  y. 

P,  197,  1.  13  :  Des....  trouvoient.  —  Ms.  i?  4  :  De  vivres  re- 
couvroient  tant  li  Englès  et  li  Gascon  que  il.... 

P.  197,  1.  18  :  efforciement.  —  Ms.  ^  3  :  à  grant  puissance. 
F*  183. 

P.  197,  1.  27  :  Montegni.  —  Ms.  B  3  :  Montigny. 

P.  197,  1.  27  :  Ostrevant.  —  Ms»  B  6  ajoute  :  qui  estoit  biau 
chevalier,  preu  et  hardb.  F^  525. 

P.  197,  1.  31  :  au  matin.  —  Ms.  B  3  :  devers  le  matin. 

P.  197,  1.  32  :  perceu.  —  Ms»  B  3  :  aparceuz.  —  Ms.  B  4  : 
percheu.  F»  169  v«. 

P.  198,  1.  3  et  4  :  deffendirent.  —  Le  ms.  B  3  ajoute  :  vail- 
lamment. 

P.  198,  1.  5  :  conforte.  —  Ms.  B  3  :  âecouruz. 

P.  198,  1.  6  :  péril.  —  Ms.  B  3  :  dangier. 

P.  198,  1.  8  :  parmi.  —  Ms.  i?  6  :  le  roielle  du  genoul. 
F»  526. 

P.  198,  1.  15  et  16  :  confors.  —  Ms.  B  3  :  secours. 

P.  198,  1.  20  :  tanës.  —  Ms.  B  3  :  ennuyé.  F*  183.  —  Ms.  B 
5  :  tennë.  F'  373. 

P.  108,  1.  24  :  yaus.  —  Ms.  ^  6  :  sur  leur  chevaufac.  Et  ensy 
fu  le  castiel  de  Bretuel  pris,  et  rendirent  le  sire  de  Montigny  qui 
niaisement  avoit  esté  poursongniés  et  medechinës  de  se  biechure 
en  prison  :  dont  il  demora  afollés  d'une  gambe,  tant  qu'il  vesqni. 
F*  527. 


398  CHRONIQUES  DE  J.  FROiSSART.  [1386] 

P.  198,  1.  25  :  Ghierebourch.  —  Ms.  B  3  :  Cherbourg. 
P.  498,  1.  26  :  conduit.  —  Ms,  B  3  :  leur  saufconduit. 
P*  198, 1.  27  :  le  saisine.  —  Ms.  ^  3  :  la  possession. 
P.  198,  1.  30  :  les  pensoit....  part.  —  Ms,  B  5  :  avoit  enten- 
cion  de  les  emploier  assez  briefînent.  F*  373. 


SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES, 


Le  texte  que  nous  publions  ci-après  comme  supplément 
aux  variantes  de  ce  volume,  est  fourni  par  les  mss.  A  ou 
mss.  de  la  première  rédaction  proprement  dite*;  il  cor- 
respond à  cette  partie  des  mss.  B  ou  mss.  de  la  première  . 
rédaction  revisée  où  Froissart  raconte  les  événements 
compris  entre  les  années  1350  et  13d6,  c'est-à-dire  aux 
paragraphes  321  à  370  inclusivement.  Ce  texte  n'est  que 
la  reproduction,  parfois  abrégée*,  le  plus  souvent  litté- 
rale*, des  Grandes  Chroniques  de  France,  à  tel  point  que 
le  savant  qui  voudra  donner  un  jour  une  édition  critique 
de  ce  dernier  ouvrage,  devra  comprendre  cette  partie  des 
mss.  A  dans  son  travail  de  classification  et  de  collation. 
Toutefois,  comme  le  fragment  emprunté  aux  Grandes 
Chroniques  par  les  mss.  A,  qui  sont  au  nombre  de  40,  est 
devenu  en  quelque  sorte  partie  intégrante  de  ces  manu- 
scrits, comme  il  figure  à  ce  titre  dans  les  éditions  de  Vé- 
rard,  de  Sauvage,  de  Dacier,  et  même  dans  la  première  édi- 
tion de  Buchon,  il  a  semblé  indispensable  de  le  reproduire, 
au  moins  comme  supplément,  dans  une  édition  complète 
des  Chroniques  de  Froissart. 

1 .  Voyez  rintroduction  an  premier  liTre,  en  tête  da  t.  I  de  notre 
édition,  p.  xxxi  à  xuai. 

2.  Cf.  l'édition  de  M.  P.  Paris,  in-19,  Paris,  Techener,  1837  et 
1838,  t.  y,  p.  k^l,  493,  494  et  495. 

3.  Cf.  rëdition  précitée,  t.  VI,  p.  1  à  31. 


400  SUPPLEMENT  AUX  VARIANTES.  [4350] 

5§  Sfii  à  570.  —  Mss,  A  '  :  En  Tan  mil  trois  cens  cinquante, 
en  l'entrée  du  mois  d'aoust,  se  combati  monseigneur  Raoul  de 
Gaours  et  plusieurs  autres  chevaliers  et  escuiers  jusques  au  nom- 
bre de  six  vingt  honunes  d'armes  ou  environ,  contre  le  capitaine 
du  roy  d'Engleterre  en  Rretaigne  appelle  messire  Thomas  d'Au- 
gorne,  anglois,  devant  un  chastel  appelé  Auroy.  Et  fu  le  dit  mes- 
sire Thomas  morl,  et  toutes  ses  gens  jusques  au  nombre  de  cent 
hommes  d'armes  ou  environ. 

Item,  au  dit  an  trois  cens  cinquante,  le  dymenche  vingt 
deuxième  jour  du  dit  mois  d'aoust,  le  dit  roy  de  France  mourut 
à  Nogent  le  Roy  près  de  Coulons;  et  fu  apporté  à  Nostre  Dame 
de  Paris.  Le  jeudi  ensievant,  fut  enterré  le  corps  à  Saint  Denis, 
au  costé  senestre  du  grant  autel  ;  et  les  entrailles  en  furent  enter- 
rées aus  Jacobins  de  Paris;  et  le  cuer  fu  enterré  à  Rourfontaine 
en  Valois. 

Item,  ou  dit  an,  le  vingt  sixième  jour  de  septembre,  un  jour 
de  dimenche,  fu  sacré  à  Reins  le  roy  Jehan,  ainsné  filz  du  dit 
roy  Phelippe.  Et  aussi  fu  couronnée  le  dit  jour  la  royne  Jehanne, 
femme  au  dit  roy  Jehan.  Et  là  fist  le  dit  roy  chevaliers,  c'est  as- 
savoir Charles  son  ainsné,  dalphin  de  Vienne,  Loys,  son  second 
filz,  le  conte  d'Alençon,  le  comte  d'Estampes,  monseigneur  Jehan 
d'Artoys,  messire  Phelippe,  duc  d'Orliens,  frère  du  dit  roy  Jehan 
et  duc  de  Bourgoingne,  filz  de  la  dite  royne  Jehanne  de  son  pre- 
mier mari,  c'est  assavoir  de  monseigneur  Phelippe  de  Bourgoin- 
gne, le  comte  de  Dampmartin  et  plusieurs  autres.  Et  puis  se 
parti  le  dit  roy  de  la  dite  ville  de  Reins  le  lundi  au  soir  et  s'en 
retourna  à  Paris  par  Laon,  par  Soissons  et  par  Senlis.  Et  entrè- 
rent les  diz  roy  et  royne  à  Paris  à  très  belle  feste  le  dimanche 
dix  septième  jour  d'octobre  après  ensievant  après  vespres  ;  et  dura 
la  feste  toute  celle  sepmaine.  Et  puis  demora  le  roy  à  Paris  à 
Neelle  au  Palais  jusques  près  de  la  Saint  Martin  ensievant,  et  fist 
l'ordenance  de  son  parlement. 

Item,  le  mardi  seizième  jour  de  novembre  après  ensievant, 
Raoul,  conte  d'Eu  et  de  Guines,  conestable  de  France,  qui  nou- 

1 .  Le  texte  qui  suit  est  établi  d'après  le  ms.  A  7  (n«  2655  de  la  Bibh 
nat.),  que  nous  considërons  comme  l'un  des  plus  anciens  et  meilleurt 
manuscrits  de  la  première  rédaction  proprement  dite  ;  dans  les  passages 
défectueux ,  nous  l'avons  collationnë  arec  le  ms.  des  Grandes  Chroni- 
ques de  France  qui  a  appartenu  à  Charles  V  (n»  2813  de  la  Bibl.  nat.). 


[1350-51]       SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  401 

vellement  estoit  venu  d'Engleterre,  de  sa  prison  en  laquelle  il 
avoit  esté  depms  Tan  quarante  six  qu'il  avoit  este  pris  à  Caen, 
fors  tant  qu'il  avoit  este  eslargi  pour  venir  en  France  par  plu- 
sieurs fois,  fil  pris  en  Tostel  de  Neelle  à  Paris,  là  où  le  dit  roy 
Jehan  estoit,  par  le  prevost  de  Paris,  du  commandement  du  roy; 
et  ou  dit  hostel  de  Neelle  fu  tenu  prisonnier  jusques  au  jeudi  en- 
sievant  dix  huitième  jour  du  dit  mois  de  novembre.  Et  là,  à 
heures  de  matines  dont  le  vendredi  adjouma,  en  la  prison  là  où 
il  estoit,  fu  décapité,  presens  le  duc  de  Bourbon,  le  conte  d'Ar- 
mignac,  le  conte  de  Monfort,  monseigneur  Jehan  de  Boulongne, 
le  seigneur  de  Revel  et  plusieurs  autres  chevaliers  et  autres  qui, 
du  commandement  du  roy,  estoient  là  :  lequel  estoit  au  Palais. 
Et  fil  le  dit  connestable  décapité  pour  très  grans  et  mauvaises 
traisons  qu'il  avoit  faites  et  commises  contre  le  dit  roy  de  France 
Jehan,  lesquelles  il  confessa  en  la  présence  du  duc  d'Athènes  et 
de  plusieurs  autres  de  son  lignage.  Et  en  fu  le  corps  enterré  aus 
Augusdns  de  Paris  hors  du  moustier,  du  commandement  du  dit 
roy,  pour  l'onneur  des  amis  du  dit  connestable. 

Item,  ou  mois  de  janvier  après  ensuiant,  Charles  de  Espaigne, 
à  qui  le  dit  roy  Jehan  avoit  donné  la  conté  d'Angolesme,  fu  fait 
par  celui  roy  connestable  de  France. 

Item,  le  premier  jour  d'avril  après  ensuiant,  se  combati  mon- 
seigneur Guy  de  Neelle,  mareschal  de  France,  en  Xantonge  à 
plusieurs  Anglois  et  Gascons;  et  [fu*]  le  dit  mareschal  et  sa 
compaignie  desconfiz.  Et  y  fu  pris  le  dit  mareschal,  messire 
Guillaume  son  frère ,  messire  Emoul  [d' Audrehen  ']  et  plusieurs 
autres. 

Item ,  le  jour  de  Pasques  flouries  qui  fiirent  le  dixième  jour 
d'avril  l'an  mil  trois  cens  cinquante,  fu  présenté  à  Gille  Rigaut 
de  Roici ,  qui  avoit  esté  abbé  de  Saint  Denis,  et  de  nouvel  avoit 
esté  fait  cardinal,  le  chappeau  rouge,  au  Palais^  à  Paris,  en  la  pré- 
sence du  dit  roy  Jehan,  par  les  evesques  de  Laon  et  de  Paris, 
et  par  mandement  du  pape  fait  à  eulz  par  bulle  :  ce  qui  n'avoit 
point  acoustumé  à  estre  faiz  autres  foiz ,  mais  fu  par  la  prière  du 
dit  roy  Jehan. 

Item,  en  ycelui  an  mil  trois  cens  cinquante  un,  ou  moys  de 
septembre,  fu  recouvrée  des  François  la  ville  de  Saint  Jehan 

1.  Sis.  2813,  f^  393  r>.  ~  Ms.  2655,  f>  166  :  •  fust  ». 

2.  Ms.  2813.  —  Ms.  2655  :  c  d'Audechon  » 

IV— 26 


402  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.        [135I-5S] 

d'Angeli  que  les  Anglois  avoient  tenae  cinq  ans  oa  environ;  et 
fu  rendue  par  les  gens  du  roy  anglois,  pour  ce  qu'ilz  n'avoient 
nulz  vivres,  et  sans  bataille  aucune. 

Item,  en  ycelui  an  mil  trois  cens  cinquante  un ,  ou  mois  d'oc- 
tobre, fu  publiée  la  confrairie  de  la  No^le  Maison  de  Saint  Qîn 
près  de  Paris  par  le  dit  roy  Jehan.  Et  portoient  ceulz  qui  en 
estoient  chascun  une  estoiUe  en  son  chaperon  par  devant  [ou  *]  en 
son  mantel. 

Item,  en  ycelui  an  cinquante  un,  fu  la  plus  grant  chiertë  de 
toutes  choses  que  homme  qui  vesquist  lors  eust  onques  veue,  par 
tout  le  royaume  de  France,  et  par  especial  de  grains;  car  un 
sextier  de  firoment  valoit  à  Paris  par  aucun  temps  en  la  dite  an- 
née huit  livres  parisis,  un  sextier  d'avoine  soixante  sous  parisis, 
un  sextier  de  pois  huit,  et  les  autres  grains  à  la  value. 

Item,  en  ycelui  an,  ou  dit  mois  d'octobre,  le  jour  que  la  dite 
confrarie  seist  à  Saint  Oin,  comme  dit  est,  fu  prise  la  ville  de 
Guines  des  Anglois  durans  les  trêves. 

Item,  en  ycelui  an,  fu  fait  le  mariage  de  monseigneur  Charles 
d'Espaigne,  lors  connestable  de  France,  auquel  le  dit  roy  Jehan 
avoit  donné  la  conté  d'Angolesme,  et  de  la  fille  de  monseigneur 
Charles  de  Blois  duc  de  Bretaigne. 

En  l'an  mil  trois  cens  cinquante  deux,  la  veille  de  la  Nostre 
Dame  en  aoust,  se  combad  monseigneur  Guy  de  Neelle,  seigneur 
d'Offemont,  lors  mareschal  de  France,  en  Bretaigne.  Et  fu  le  dit 
mareschal  occis  en  la  dite  bataille,  le  sire  de  Briquebec,  le  chas- 
tellain  de  Beauvais  et  plusieurs  autres  nobles,  tant  du  dit  pais  de 
Bretaigne  comme  d'autres  marches  du  royaume  de  France. 

Item,  en  ycelui  an  trois  cens  [cinquante  deux  '],  le  mardi  qua- 
trième jour  de  décembre,  se  dot  combatre  à  Paris  un  duc  d'Ale* 
maigne  appelle  le  duc  de  Bresvic  contre  le  duc  de  Lencastre, 
pour  paroles  que  le  dit  duc  de  Lencastre  devoit  avoir  dittes  du 
dit  duc  de  Bresvic  :  dont  il  appella  en  la  court  du  roy  de  France. 
Et  vindrent  le  dit  jour  les  deux  ducs  dessus  nommez  en  champ 
touz  armés  pour  combatre  en  unes  lices  qui  pour  celle  cause  fu- 
rent faites  ou  Pré  aus  Clers,  l'Alemant  demandeur  et  l'Anglob 
<leffendeur.  Et  jà  soit  ce  que  le  dit  Anglois  fust  ennemi  du  dit  roy 
Jehan  de  France,  et  que  par  sauf  conduit  il  fiist  venu  soy  corn- 

1.  Ms.  2813,  P>  393  y^.  —  Ma.  2655,  f»  166  r>  (lacnne). 

2.  Ms.  2813,  f>  39(1.  —  Ms.  2655,  f>  166  to  (lacune). 


[1354]  SUPPLÉMENT  AUX  VARIiJNTES.  403 

batre  pour  garder  son  honneur,  toutesvoies  le  dit  roy  de  France 
ne  souffri  pas  qu'i[l]  se  combatissent.  Mais  depuis  qu'ilz  orent 
fait  les  seremens,  et  qu'ilz  furent  montes  à  cheval  pour  assem- 
bler, les  glaives  es  poings,  le  roy  prist  la  besoingne  sur  lui  et  les 
mist  à  acort. 

Item,  en  icelui  an  trois  cens  cinquante  deux,  le  jeudi  sixième 
jour  de  décembre,  mourut  le  pape  Clément  VI*  à  Avignon,  lequel 
estoit  en  l'onzième  an  de  son  pontificat. 

Item,  le  mardi  du  dit  mois  de  décembre,  fu  esleu  en  pape, 
environ  heure  de  tierce,  un  cardinal  limosin  que  l'on  appeloit 
par  son  tiltre  [de  cardinal*]  le  cardinal  d'Ostie;  mais  pour  ce  qu'il 
avoit  este  evesque  de  Cleremont,  l'en  appeiloit  plus  communément 
le  cardinal  de  Clermont.  Et  fu  appelle  Innocent;  et  par  son  propre 
nom  estoit  appelé  messire  Estienne  Aubert. 

Item,  l'an  mil  trois  cens  cinquante  trois,  le  huitième  jour  de 
janvier,  assés  tost  après  le  point  du  jour,  monseigneur  Charles, 
roy  de  Navarre,  et  conte  d'Evreux,  fist  tuer  en  la  ville  de  l'Aigle 
en  Normendie^  en  une  hosteUerie,  monseigneur  Charles  d'Es- 
paigne,  [lors  ']  connestable  de  France.  Et  fu  le  dit  connestable 
tué  en  son  lit  par  plusieurs  gens  d'armes  que  le  dit  roy  de  Na- 
varre y  envoia  :  lequel  demora  en  une  granche  au  dehors  de  la 
dite  ville  de  l'Aigle  jusques  à  ce  que  ceulz  qui  firent  le  dit  fait 
retournèrent  par  devers  lui.  Et  en  sa  compaignie  estoient,  si 
comme  l'en  disoit,  messire  Phelippe  de  Navarre  son  frère,  mes- 
aire  Jehan  conte  de  Harecourt,  son  frère  messire  Loys  de  Hare- 
court,  messire  Godeffroy  de  Harecourt  leur  oncle,  et  pluseurs 
chevaliers  et  autres  de  Normendie  comme  Navarrois  et  autres. 

Et  après  se  retraist  le  roy  de  Navarre  et  sa  compaignie  en  la 
cité  d'Evreux  dont  il  estoit  conte,  et  là  se  garni  et  enforça.  Et 
avec  lui  se  alièrent  pluseurs  nobles,  par  especial  de  Normendie, 
c'est  assavoir  les  dessus  nommés  de  Harecourt,  le  seigneur  de 
Hambuie,  messire  Jehan  Malet  seigneur  de  Graavile,  messire 
Amalry  de  Meulent  et  pluseurs  autres. 

Et  assés  tost  après  se  transporta  le  dit  roy  de  Navarre  en  sa 
ville  de  Mante,  qui  jà  paravant  avoit  envoie  lettres  closes  à  plu- 
seurs des  bonnes  villes  du  royaume  de  France  et  aussi  à  grant 
conseil  du  roy,  par  lesquelles  il  escripvoit  qu'il  avoit  fait 
mettre  à  mort  le  dit  connestable  pour  pluseurs  grans  meffais  que 

1.  Ms.  2813,  f^  394  yo.  —  2.  Ibid. 


404  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  [1354] 

le  dit  connestable  lui  avoit  fais,  et  envoia  le  conte  de  Mamur  par 
devers  le  roy  de  France  à  Paris. 

Et  depuis  le  roy  de  France  envoia  en  la  dicte  ville  de  Mante  par 
devers  le  roy  de  Navarre  pluseurs  grans  hommes,  c'est  assavoir 
messire  Guy  de  Bouloingiie  cardinal,  monseigneur  Robert  Le  Coq 
evesque  de  Laon,  le  duc  de  Bourbon,  le  conte  de  Yendosme  et 
pluseurs  autres  :  lesquielx  traitièrent  avec  le  dit  roy  de  Navarre 
[et]  son  conseil.  Car  jà  soit  ce  que  icelui  roy  eust  fait  mettre  à 
mort  le  dit  connestable,  si  comme  dessus  est  dit,  il  ne  lui  souffisoit 
pas  que  le  roy  de  France  de  qui  il  avoit  espousë  la  fille  lui  par- 
donnast  le  dit  fait,  mais  faisoit  pluseurs  requestes  au  dit  roy  de 
France  son  seigneur. 

Et  cuida  l'en  bien  ou  royaume  de  France  que  entre  les  deux 
rois  dessus  dis  deust  avoir  grant  guerre;  car  le  dit  roy  de  Na* 
varre  avoit  fait  grans  aliances  et  grans  semonces  en  diverses  ré- 
gions, et  si  gamissoit  et  enforçoit  ses  villes  et  chasteaulz.  Fîna- 
blement,  après  pluseurs  traittiez,  fii  fait  accort  entre  les  deux 
roys  dessus  dis  par  certainnes  manières  dont  aucuns  des  poins 
s'ensuient.  C'est  assavoir  que  le  dit  roy  de  France  bailleroit  au 
dit  de  Navarre  vingt  huit  [mil]  livres  à  tournois  de  terre,  tant 
pour  cause  de  certainne  rente  que  ledit  de  Navarre  prenoit  sur 
le  trésor  à  Paris  comme  pour  autre  terre  que  le  dit  roy  de 
France  lui  devoit  asseoir  par  certains  traittiez  faiz  lonc  temps 
avoit  entre  les  deux  prédécesseurs  des  deux  roys  dessus  dis  pour 
cause  de  la  conte  de  Champaigne,  tant  aussi  pour  cause  de  ma- 
riage du  dit  roy  de  Navarre,  qui  avoit  espousë  la  fille  du  dit 
roy  de  France  :  par  lequel  mariage  lui  avoit  este  promise  cer- 
tainne quantité  de  terre,  c'est  assavoir  douze  mil  livres  à  tour- 
nois. Pour  lesquelles  trente  huit  mille  livres  de  terre  le  dit  roy 
de  Navarre  veult  avoir  la  conté  de  Beaumont  le  Rogier,  la  terre 
de  Breteul  en  Normendie,  de  Couches  et  d'Orbec,  la  vicomte  de 
Pont  Audemer  et  le  balliage  de  Costantin.  Lesquelles  choses  lui 
furent  accordées  par  le  roy  de  France,  jà  soit  ce  que  la  dicte 
conté  de  Beaumont  et  les  terres  de  Couches,  de  Bretueil  et  d'Or- 
bec  fussent  à  monseigneur  Phelippe,  frère  du  dit  roy  de  France, 
qui  estoit  duc  d'Orléans  :  auquel  duc  le  dit  roy  bailla  autres  terres 
en  recompensacion  de  ce. 

Oultre  convint  accorder  au  dit  roy  de  Navarre,  pour  paix 
avoir,  que  les  dessus  dis  de  Harecourt  et  tous  ses  autres  aliei 
entreroient  en  sa  foy,  se  il  leur  plaisoit,  de  toutes  leurs  terres  de 


[1354]  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES. ,  405 

Navarre,  quelque  part  qu'elles  fussent  ou  royaume  de  France  ;  et 
en  aroit  le  dit  roy  de  Navarre  les  hommages,  se  ilz  vouloient, 
autrement  non.  Oultre  lui  fu  accorde  que  il  tendroit  toutes  les 
dictes  terres  avec  celles  qu'il  tenoit  paravant  en  partie,  et  pour- 
roit  tenir  eschiquier  deux  fois  l'an,  se  il  vouloit,  aussi  noblement 
comme  le  duc  de  Normendie.  Encore  lui  fu  accordé  que  le  roy 
de  France  pardonrroit  à  tous  ceulz  qui  avoient  este  à  mettre  à 
mort  le  dit  connestable,  la  mort  d'icelui.  Et  ainsi  le  fist,  et  pro- 
mist  par  son  serement  que  jamais,  pour  occasion  de  ce,  ne  leur 
feroit  ou  feroit  faire  vilenie  ou  dommage.  Et  avec  toutes  ces 
choses  ot  encores  le  dit  roy  de  Navarre  une  grant  somme  d'es- 
eus  d'or  du  dit  roy  de  France.  Et  avant  ce  que  le  dit  roy  de 
Navarre  voulsist  venir  par  devers  le  roy  de  France,  il  convint 
que  l'en  lui  envoiast  par  manière  d'ostage  le  conte  d'Anjou,  se- 
cond filz  du  dit  roy  de  France. 

Et  après  ce  vint  à  Paris  à  grant  foison  de  gens  d'armes,  le 
mardi  quatrième  jour  de  mars  ou  dit  an  trois  cens  cinquante 
trois,  vint  le  dit  de  Navarre  en  parlement  pour  la  mort  du  dit 
connestable,  comme  dit  est,  environ  heure  de  prime,  et  descendi 
ou  Palais.  Et  puis  vint  en  la  dicte  chambre  de  parlement,  en  la- 
quèle  estoit  le  roy  en  siège  et  pluseurs  de  ses  pers  de  France 
avec  ses  gens  de  parlement  et  pluseurs  autres  de  son  conseil,  et 
si  y  estoit  le  dit  cardinal  de  Bouloingne.  Et  en  la  présence  de 
tous  pria  le  dit  roy  de  Navarre  au  roy  que  il  lui  voulsist  par- 
donner le  dit  fait  du  dit  connestable  ;  car  il  avoit  eue  bonne  cause 
et  juste  d'avoir  fait  ce  qu'il  avoit  fait  :  laquelle  il  estoit  prest  de 
dire  au  roy  lors  ou  autres  fois,  si  conmie  il  disoit.  Et  oultre  dist 
lors  et  jura  que  il  ne  l'avoit  fait  en  [contempt  *]  du  roy  ne  de  son 
office,  et  qu'il  ne  seroit  de  riens  si  courroucië  comme  d'estre  en 
l'indignacion  du  roy. 

Et  ce  fait  monseigneur  Jacques  de  Bourbon,  connestables  de 
France,  du  commandement  du  roy,  mist  la  main  au  dit  roy  de 
Navarre;  et  puis  si  le  fist  Ten  traire  arrière.  Et  assës  tost  après 
Jehanne,  ante,  et  la  royne  Blanche,  seur  du  dit  voy  de  Navarre, 
laquelle  Jehanne  avoit  este  femme  du  roy  Charles,  et  la  dicte 
Blanche  avoit  este  femme  du  roy  Phelippe  derrenier  trespâssés, 
vindrent  en  la  présence  du  roy,  et  lui  firent  la  révérence,  en 
eulz  endinant  devant  lui.  Et  adonc  monseigneur  Regnaut  de 

1.  M».  2813,  ^  395.  ^  1^.  2655,  (^  167  vo  :  «  comptent  >. 


i 


406  SUPPLÉMENT  AUX  YARIAMIUS.  [4354] 

Trie,  dit  Patroulart,  se  agenoulla  devant  le  roy  et  lui  dist  tèles 
paroles  en  substance  :  «  Mon  très  redoubtë  seigneur,  veez  cy 
mes  dames  la  royne  Jehanne,  Blanche,  qui  ont  entendu  que 
menseigneur  de  Navarre  est  en  vostre  maie  grâce,  dont  elles 
sont  forment  courrouciëes.  Et  pour  ce  sont  venues  par  devers 
vous  et  vous  supplient  que  vous  lui  vueilliez  pardonner  vostre 
mautalent;  et,  se  Dieu  plaist,  il  se  portera  si  bien  envers  vous 
que  vous  et  tout  le  pueple  de  France  vous  en  tenrés  bien  con- 
tens.  » 

Les  dictes  paroles  dictes,  les  dis  connestable  et  mareschalx 
alèrent  querre  le  dit  roy  de  Navarre  et  le  firent  venir  de  re- 
chief  devant  le  roy,  lequel  se  mist  ou  milieu  des  dictes  roynes. 
Et  adonc  le  dit  cardinal  dist  les  paroles  qui  ensnient  en  sub- 
stance :  «Monseigneur  de  Navarre,  nul  ne  se  doit  esmerveillier 
se  le  roy  monseigneur  s'est  tenu  pour  mal  content  de  vous  pour 
le  fait  qui  est  avenu,  lequel  il  ne  convient  jà  que  je  le  die;  car 
vous  l'avez  si  publié  par  vos  lettres  et  autrement  partout  que 
chascun  le  scet.  Car  vous  estes  tant  tenu  à  lui  que  vous  ne  le 
deussiés  avoir  fait  :  vous  estes  de  son  sanc  si  prochain  comme 
chascun  scet;  vous  estes  son  homme  et  son  per,  et  se  avez  es- 
pousëe  madame  sa  fille ,  et  de  tant  avës  plus  mespris.  Toutes- 
voies,  pour  l'amour  de  mes  dames  les  roynes  qui  cy  sont,  qui 
moult  afiPectueusement  Fent  ont  prie,  et  aussi  pour  ce  qu'il  dent 
que  vous  Tavés  fait  par  petit  conseil,  il  le  vous  pardonne  de  bon 
cuer  et  de  bonne  voulentë.  »  Et  lors  les  dictes  roynes  et  le  dit  roy 
de  Navarre,  qui  mist  le  genoul  à  terre ,  en  [mercièrent  *]  le  roy. 
Et  encore  dist  lors  le  dit  cardinal  que  aucun  du  lignage  du  roy 
ou  autre  ne  se  aventurast  d'ores  en  avant  de  faire  telz  fais  comme 
le  dit  roy  de  Navarre  avoit  fait;  car  vraiement  s'il  avenoit,  et 
feust  le  filz  du  roy  qui  le  feist  du  plus  petit  officier  que  le  roy 
eust,  si  en  feroit  il  justice.  Et  ce  fait  et  dit,  le  roy  se  leva  et  la 
court  se  départi. 

Item,  le  vendredi  devant  la  mi  quaresme  après  ensuivant  vingt 
unième  jour  de  mars,  un  chevalier  banneret  de  basses  marches, 
appelle  messire  Régnant  de  Prissegny,  seigneur  de  Marant  près 
de  la  Rochelle,  fu  trainë  et  puis  pendu  ou  gibet  de  Paris  par  le 
jugement  de  parlement  et  de  pluseurs  du  grant  conseil  du  roy. 

Item ,  Tan  .mil  trois  cens  cinquante  quatre ,  environ  le  mois 

1 .  Ma.  S813,  f»  395  v».  —  Ms.  2655,  ^  168  :  c  merciant  i». 


[1354]  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  407 

d'aoust,  se  recoasilièrent  au  roy  de  France  les  dis  conte  de  Ha» 
recourt  et  monseigneur  Loys  son  frère,  et  lui  deurent  moult  ré- 
véler de  choses,  si  comme  l'en  disoit;  et  par  especial  luy  de«* 
voient  révéler  tout  le  traittié  de  la  mort  du  dit  monseigneur 
Charles  d'Espaingne,  jadis  connestable  de  France,  et  par  qui  ce 
avoit  esté. 

Et  assës  tost  après,  c'est  assavoir  ou  mois  de  septembre,  se 
parti  de  Paris  le  dit  cardinal  de  Bouloingne  et  s'en  ala  à  Avi- 
gnon. Et  disoit  l'en  communément  qu'il  n'estoit  point  en  la  grâce 
du  roy,  jà  soit  ce  que  para  vaut,  bien  par  l'espace  d'un  an  qu'il 
avoit  demourë  en  France,  il  eust  este  tous  jours  avec  le  roy  si 
privé  comme  povoit  estre  d'autre. 

Et  en  ce  temps  se  départi  messire  Robert  de  Lorris,  chambel- 
lan du  roy,  et  se  absenta  tant  hors  du  royaume  de  France  conune 
autre  part.  Et  disoit  l'en  communément  que,  se  il  ne  se  feust  ab- 
senté, il  eust  villenie.et  dommage  du  corps;  car  le  roy  estoit 
courroucié  et  moult  esmeu  contre  luy,  mais  la  cause  fa  tenue  si 
secrète  que  pou  de  gens  la  sceurent.  Toutesvoies  disoit  l'en  qu'il 
devoit  avoir  sceu  la  mort  du  dit  connestable  avant  qu'il  feust  mis 
à  mort,  et  qu'il  devoit  avoir  révélé  au  dit  roy  de  Navarre  aucuns 
consaulz  secrès  du  roy,  et  que  toutes  ces  choses  furent  révélées 
au  roy  par  les  dis  conte  de  Harecourt  et  messire  Loys  son 
frère. 

Item,  assés  tost  après,  c'est  assavoir  environ  le  moys  de  no- 
vembre, l'an  cinquante  quatre  dessus  dit,  le  dit  roy  de  Navarre 
se  parti  de  Normendie  et  se  ala  latitant  en  divers  lieus  jusques  en 
Avignon. 

Item,  en  ycelui  moys  de  novembre,  partirent  de  Paris  Farce- 
vesque  de  Rouen,  chancellier  de  France,  le  duc  de  Rourbonnès 
et  pluseurs  autres,  pour  aler  en  Avignon.  Et  y  alèrent  le  ,duc  de 
Lencastre  et  pluseurs  autres  Anglois,  pour  traittier  de  paix  de- 
vant le  pape  entre  les  roys  de  France  et  d'Engleterre. 

Item,  en  ycelui  mois  de  novembre,  l'an  dessus  dit,  parti  le  roy 
de  Paris  et  ala  en  Normandie  et  fu  jusques  à  Gaen  et  fist  prendre 
et  mettre  toutes  les  terres  du  dit  roy  de  Navarre  en  sa  main  et 
instituer  officiers  de  par  luy  et  mettre  gardes  es  chasteaulz  du  dit 
roy  de  Navarre,  excepté  en  six,  c'est  assavoir  Evreux,  le  Pont  Au- 
demer,  Gherebourc,  Gavray,  Avranches  et  Mortaing  :  lesquelz  ne 
lui  furent  pas  rendus  ;  car  il  avoit  dedens  Navarrois  qui  respon- 
dirent  à  cenlz  que  le  roy  y  envoia  que  ilz  ne  les  rendroient,  fors 


408  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  [1355] 

au  roy  de  Navarre  leur  seigneur  qui  les  leur  avoit  bailliës  en 
garde. 

Item,  ou  moys  de  janvier  ensuivant,  vint  à  Paris  le  dit  messire 
Robert  de  Lorris  par  sauf  conduit  qu^ii  ot  du  roy  et  demoura 
bien  quinze  jours  à  Paris  avant  qu'il  eust  assës  de  parler  au  roy. 
Et  après  y  parla  il,  mais  il  ne  fu  pas  reconsilië  à  plain  ;  mais  s*en 
retourna  en  Avignon  par  l'ordenance  du  conseil  du  roy  pour  estre 
aus  traittiez  avec  les  gens  du  roy.  Et  assés  tost  après,  c'est  assa- 
voir vers  la  fin  de  février  ou  dit  an,  vindrent  nouveUes  que  les 
trêves,  qui  avoient  este  prises  entre  les  deux  roys  jusques  en  avril 
ensuivant,  estoient  esloingniées  par  le  pape  jusques  à  la  Nativité 
Saint  Jehan  Baptiste,  pour  ce  que  le  dit  pape  n' avoit  peu  trouver 
voie  de  paix  à  laquelle  les  dis  tracteurs  qui  estoient  en  Avignon, 
tant  pour  l'un  roy  que  pour  l'autre,  s'i  voulsissent  consentir.  Et 
envoia  le  pape  messages  par  devers  les  dis  roys  sur  une  autre 
voie  de  traittië  que  celle  qui  avoit  este  pourpalëe  autres  fois  entre 
les  dis  tractteurs. 

Item,  en  cel  an  mil  trois  cens  cinquante  quatre,  ou  moys  de 
janvier,  fist  faire  le  roy  de  France  florins  de  fin  or  appelles  flo- 
rins à  l'aignel,  pour  ce  que  en  la  palle  avoit  un  aignel,  et  estoient 
de  cinquante  deux  ou  marc.  Et  le  roy  en  donnoit  lors. qui  furent 
fais  quarante  huit  pour  un  marc  de  fin  or,  et  defiendi  l'en  le 
cours  de  tous  autres  florins. 

Item,  en  ycelui  an,  ou  dit  moys  de  janvier,  vint  à  Paris  mes- 
sire Gauchier  de  Lor,  chevalier,  comme  messoge  du  dit  roy  de 
Navare,  car  devers  le  roy  et  parla  à  luy,  et  finablement  s'en  re- 
tourna ou  moys  de  février  ensuivant  par  devers  le  dit  roy  de 
Navarre  et  emporta  lettres  de  saufconduit  pour  le  dit  roy  de  Na- 
varre juiques  en  avril  ensuivant. 

Item ,  en  ycelui  an ,  le  soir  de  karesme  prenant  qui  fu  le  dix 
septième  jour  de  février,  vindrent  pluseurs  Anglois  près  de  la 
ville  de  Nantes  en  Bretaingne,  et  en  entra  par  eschielles  environ 
cinquante  deux  dedens  le  chastel  et  le  pristrent.  Mais  messire 
Guy  de  Rochefort,  qui  en  estoit  capitainne  et  estoit  en  la  dicte 
ville  hors  du  dit  chastel,  fist  tant  par  assault  et  eSbrt  que  il  le  re- 
couvra en  la  nuit  meismes  ;  et  furent  tous  les  dis  cinquante  deux 
Anglois  que  mors  que  pris. 

Item,  à  Pasques  ensuivant  qui  furent  l'an  mil  trois  cens  cin- 
quante cinq,  le  dit  roy  de  France  Jehan  envoia  en  Normandie 
Charles  dalphin  de  Viennes,  son  ainsnë  filz,  son  lieutenant,  et  y 


[1355]  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  409 

demeura  tout  l'esté.  Et  luy  ottroièrent  les  gens  du  pais  de  Nor- 
mandie deux  nul  hommes  d'armes  pour  trois  mois.  Et  ou  mois 
d'aoust  ensuivant  ou  dit  [an]  cinquante  cinq,  le  dit  roy  de  Na- 
varre vint  de  Navarre  et  descendi  ou  chastiel  de  Cherebourc 
en  Goustentin,  et  avec  luy  environ  deux  mil  hommes,  que  uns 
que  autres.  Et  furent  pluseurs  traittiës  entre  les  gens  du  roy  de 
France,  duquel  le  dit  roy  de  Navarre  avoit  espousë  la  fille,  et 
le  dit  roy  de  Navarre.  Et  envolèrent  par  pluseurs  fois  de  leurs 
gens  l'un  des  dis  roy  s  par  devers  l'autre. 

Et  cuida  [l'en*],  telle  fois  fu,  vers  la  fin  du  dit  mois  d'aoust, 
qu  ilz  deussent  avoir  grant  guerre  l'un  contre  l'autre.  Et  les 
gens  du  dit  roy  de  Navarre,  qui  estoient  ou  chasteau  d'Evreux. 
du  Pont  Audemer,  en  faisoient  bien  semblant,  car  ilz  tenoient  et 
gardoient  moult  diligemment  les  dis  chasteaulx,  et  pilloient  le 
pais  d'environ  conune  ennemis.  Et  en  vint  aucun  ou  chastel  de 
Couches  qui  estoit  en  la  main  du  roy,  et  le  pristrent  et  garnirent 
de  vivres  et  de  gens.  Et  pluseurs  autres  choses  firent  les  gens  du 
dit  roy  de  Navarre  contre  le  roy  de  France  et  contre  ses  gens. 
Et  finablement  fu  fait  acort  entre  eulz.  Et  ala  le  dit  roy  de  Na- 
varre par  devers  le  dit  daulphin  ou  chastel  du  Val  de  Reul  là  où 
il  estoit,  environ  le  seizième  ou  dix  huitième  jour  de  septembre 
ensuivant  ;  et  de  là  le  dit  daulphin  le  mena  à  Paris  devers  le  roy. 
Et  le  jeudi  vingt  quatrième  jour  du  dit  mois  de  septembre,  vin- 
drent  à  Paris  devers  le  roy  ou  chastel  du  Louvre.  Et  là,  en  la 
présence  de  moult  grant  quantité  de  gens  et  des  roynes  Jehanne, 
ante,  et  Blanche,  seur,  du  roy  de  Navarre,  fist  ycelui  roy  de 
Navarre  la  révérence  au  dit  roy  de  France,  et  s'escusa  par  de- 
vers le  roy  de  ce  qu'il  s'estoit  parti  du  royaume  de  France.  Et 
avec  ce  dit  l'en  lui  avoit  rapporte  que  aucuns  le  dévoient  avoir 
blasmë  par  devers  le*  roy  :  si  requist  au  roy  qu'il  luy  voulsist 
nommer  ceulz  qui  ce  avoient  fait.  Et  après  jura  moult  forment 
que  il  n'avoit  onques  fait  chose,  après  la  mort  du  connestable, 
contre  le  roy  que  loyaulx  homs  ne  peust  et  déust  faire.  Et  noient 
moins  requist  au  roy  qu'i[l}  luy  voulsist  tout  pardonner,  et  le 
voulsist  tenir  en  sa  grâce,  et  luy  promist  que  il  luy  seroit  bons  et 
loyaubc,  si  comme  filz  doit  estre  à  père  et  vassal  à  son  seigneur. 
Et  lors  luy  fist  dire  le  roy  par  le  duc  d'Athènes  que  il  luy  par- 
donnoit  tout  de  bon  cuer. 

1.  Bfs.  2818,  ^  396.  —  Ms.  2655,  t^  169  (lacane). 


4i0  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  ['J355] 

Ilem,  en  ycdui  an  mil  trois  cens  cinquante  cinq,  ala  le  prince 
de  Galles,  ainsnë  filz  du  roy  d'Engleterre,  en  Gascœngne,  on 
moys  d'octembre,  et  chevaucha  jusqnes  près  de  Thoulouse  et  puis 
passa  la  rivière  de  Garonne  et  ala  à  Carcassonne,  et  ardi  le 
bourc;  mais  il  ne  pot  forfaire  à  la  cité,  car  ellefu  defiendue. 
Et  de  là  ala  à  Nerbonne,  ardant  et  pillant  le  pais. 

Item,  ycelui  an  cinquante  cinq,  descendi  le  roy  [d'Engle- 
terre*]  à  Calais  en  la  fin  du  mois  d'octembre,  et  chevaucha 
jusques  à  Hedin,  et  rompi  le  parc  et  ardi  les  maisons  qui  es- 
toient  ou  dit  parc;  mais  il  n'entra  point  ou  chastel  ne  en  la 
ville.  Et  le  roy  de  France,  qui  avoit  fait  son  mandement  à 
Amiens,  tantost  qu*il  ot  oy  nouvelles  de  la  venue  du  dit  Anglob, 
se  parti  de  la  dicte  ville  d'Amiens  où  il  estoit,  et  les  gens  qui  y 
estoient  avec  lay,  pour  aler  contre  les  Anglois.  Mais  il  ne  l'osa 
attendre  et  s'en  retourna  à  Galaiz,  tantost  qu'il  oy  nouvelles  que 
le  roy  de  France  aloit  vers  luy,  en  ardant  et  pillant  le  pais  par 
lequel  il  passoit.  Si  ala  le  roy  de  France  après  jusques  à  Saint 
Orner  et  luy  manda  par  le  mareschal  [d'Odeneham']  et  par  plu- 
seurs  autres  chevaliers,  que  il  se  combatroit  au  dit  Anglois ,  se 
il  vouloit,  corps  à  corps  ou  pooir  contre  pooir,  à  quelque  jour 
que  il  voudroit.  Mais  le  dit  Anglois  refusa  la  bataille  et  s'en  re- 
passa la  mer  en  Angleterre  sans  plus  faire  à  celle. fois,  et  le  roy 
s'en  retoma  à  Paris. 

Item,  en  ycelui  an  cinquante  cinq,  ou  mois  de  novembre,  le 
prince  de  Gales,  après  ce  qu'il  ot  couru  le  pais  de  Bordeaux 
jusques  près  de  Thoulouse  et  de  là  jusques  à  Nerbonne,  et  ars, 
gasté  et  pillié  tout  environ,  s'en  retorna  à  Bordeaux  à  toute  la 
pille  et  grant  foison  de  prisonniers,  sans  ce  qu'il  trouvast  qui  au- 
cune chose  luy  donnast  à  faire.  Et  toutes  voies  estoient  ou  paiz 
pour  le  roy  de  France  le  conte  d'Armignac,  lieutenant  du  roy  en 
la  Langue  d'joc  pour  le  temps,  le  conte  de  Foix,  messire  Jaques 
de  Bourbon,  conte  de  Pontieu  et  connestable  de  France  et  messire 
Jehan  de  Germont,  mareschal  de  France,  à  plus  grant  compai- 
gnie  la  moitié,  si  comme  l'en  disoit,  que  n'estoit  le  dit  prince  de 
Galles  :  si  en  parla  l'en  forment  contre  aucuns  des  dessus  nom- 
més qui  là  estoient  pour  le  roy  de  France. 

Item,  en  la  Saint  Andri,  en  ycelui  an,  furent  assemblés  à  Paris, 

1.  Mi.  2813,  f»  396  ▼«.  —  Ms.  2655,  ^  169  (lacune;. 

2.  Ms.  28L3.  —  Ms.  2655,  f>  169  :  c  de  Douchan.  »  Mauvtâse  leçm. 


[1355]  SUHPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  4il 

par  le  mandement  du  roy,  les  prelas,  les  chapitres,  les  barons  et 
les  bonnes  villes  du  royaume  de  France  ;  et  leur  fist  le  roy  expo- 
ser en  sa  présence  Testât  des  guerres,  le  mercredi  après  la  dicte 
Saint  Andri,  en  la  chambre  de  parlement,  par  maistre  Pierre  de 
la  Forest,  lors  arcevesque  de  Rouen  et  chancellier  de  France.  Et 
leur  requist  le  dit  chancellier  pour  le  roy  qu'ilz  eussent  advis  en- 
semble quel  aide  ilz  pourroient  faire  au  roy  qui  feust  souffisant 
pour  faire  le  fait  de  la  guerre.  Et  pour  ce  qu'il  avoit  entendu  que 
les  subgiës  du  royaume  se  tenoient  forment  à  grevez  de  la  muta- 
cion  des  monnoies,  il  o£Qri  à  faire  fort  monnoye  et  durable,  mais 
que  l'en  luy  feist  autre  aide  qui  fust  suffisant  pour  faire  sa  guerre. 
Lesquelz  respondirent,  c'est  assavoir  le  clergié  par  la  bouche  de 
monseigneur  Jehan  de  Craon,  lors  arcevesque  de  Reins,  les  no- 
bles par  la  bouche  du  duc  d'Athènes,  et  les  bonnes  viSles  par  la 
bouche  de  Estienne  Marcel,  lors  prevost  des  marchans  à  Pans, 
qu'ilz  estoient  tous  prests  de  vivre,  de  mourir  avec  le  roy  et  de 
mettre  corps  et  avoir  en  son  service,  et  [requistrent^]  deliberacion 
de  parler  ensamble,  laquelle  leur  fu  octroyëe. 

Item,  en  yceiui  an,  le  lundi  veille  de  la  Concepcion  Nostre 
Dame,  donna  le  roy  la  duchié  de  Normandie  à  Charles,  son  ainsnë 
filz,  daulphin  de  Viennes  et  conte  de  Poitiers.  Et  le  lendemain 
jour  de  mardi  et  jour  de  la  dicte  feste,  luy  en  fist  le  dit  Charles 
homage  en  l'ostel  maistre  Martin  de  Merlo,  chanoine  de  Paris,  ou 
cloistre  Nostre  Dame. 

Item,  après  la  deliberacion  eue  des  trois  estas  dessus  dis,  ilz 
respondirent  au  roy,  en  la  dicte  chambre  de  parlement,  par  les 
bouches  des  dessus  nommes,  que  ilz  luy  feroient  trente  mil  hom- 
mes d'armes  par  un  an  à  leurs  fraiz  et  despens  :  dont  le  roy  les  fist 
mercier.  Et  pour  avoir  la  finance  pourpaier  les  dis  trente  mil  hom* 
mes  d'armes,  laquelle  fu  estimée  à  cinquante  cens  mille  livres 
parisis,  les  trois  estas  dessus  dis  ordenèrent  que  l'en  [leveroit*] 
sur  toutes  gens,  de  quelque  estât  qu'ilz  fussent,  gens  d'église, 
nobles  ou  antres,  imposicion  de  huit  deniers  parisis  pour  livre  de 
toutes  denrées,  et  que  gabelle  de  sel  courroit  par  le  royaume  de 
France.  Mais  pour  ce  que  l'en  ne  povoit  lors  savoir  se  les  dictes 


1 .  Ms.  2813,  f^  397.  —  Ma.  2655,  f»  169  t«  :  «  requièrent.  >  MawaUê 
leçon. 

2.  Mb.  2813,  f»  397.  —  Ms.  2655,  f>  169  v<»  :  c  lerèrent.  »  Mauvaise 
leçon. 


412  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  [1355] 

imposicions  et  gabelle  souffisoient,  il  fa  lors  ordenë  que  les  trois 
estas  dessus  dis  [retoumeroient']  à  Paris  le  premier  jour  de  mars 
ensuivant  pour  [veoir'J  Testât  des  dictes  imposicion  et  gabelle  et 
snr  ce  ordonner,  ou  de  autre  aide  faire  pour  avoir  les  dictes  cin- 
quante cens  mille  livres,  ou  de  laissier  courir  les  dictes  imposicion 
et  gabdle.  Auquel  premier  jour  de  mars,  les  trois  estas  dessus  dis 
retournèrent  à  Paris,  exceptées  pluseurs  grosses  villes  de  Picardie, 
les  nobles  et  pluseurs  autres  villes  de  Normandie.  Et  virent  ceulz 
qui  y  furent  Testât  des  dictes  imposicion  et  gabelle  ;  et  tant  pour 
ce  qu'elles  ne  sou£Bsoient  pas  pour  avoir  les  dictes  cinquante  cens 
mille  livres  tournois,  comme  pour  ce  que  pluseurs  du  royaume  ne 
s'i  vouloient  accorder  que  les  dittes  imposicion  et  gabelle  courus- 
sent en  leur  pais  et  es  villes  là  où  ilz  demouroient,  [ordenèrent  *] 
nouvîau  subside  sur  chascune  personne  en  la  manière  qui  s'ensuit  : 
c'est  assavoir  que  tout  homme  et  personne,  fust  du  sanc  et  lignage 
du  roy,  et  autre  clerc  ou  lay,  religieux  ou  religieuse,  exempt  et 
non  exempt,  hospitaliers,  chiefs  d'églises  ou  autres,  eussent  rentes 
ou  revenues,  office  ou  admînistracion;  femmes  vesves  ou  celles 
qui  faisoient  chiefs,  enfans  mariés  et  non  mariés  qui  eussent  au- 
cune chose  de  par  eulz,  fussent  en  garde,  bail,  tutelle,  cure, 
mainbumie  ou  administracion  quelconques;  monnoiers  et  tous 
autres,  de  quelque  estât,  auctorité  ou  privilège  que  ilz  usassent 
ou  eussent  usé  bu  temps  passé,  —  qui  auroit  vaillant  cent  livres  de 
revenue  et  au  [dessus],  feust  à  vie  ou  à  héritage,  en  gages  à  cause 
d'office,  en  pensions  à  vie  ou  à  voulenté,  feroit  aide  ou  subside 
de  quatre  livres -pour  le  fait  des  dictes  guerres  :  de  quarante  livres 
de  revenue  et  au  dessus,  quarante  sous  :  de  dix  livres  de  revenue 
et  au  dessus,  vingt  sous.  Et  au  dessoubs  de  dix  livres,  soient  [en- 
fans  *J  en  mainbumie  au  dessus  de  quinze  ans,  laboureurs  et  ou- 
vriers gaaingnans,  qui  n'eussent  autre  chose  que  de  leur  labou- 
rage, feroient  aide  de  dix  sous.  Et  se  ilz  avoient  autre  chose  du 
leur,  Uz  feroient  aide  comme  les  autres  serviteurs  mercenaires  ou 
alloiiés  qui  ne  vivoient  que  de  leur  service  ;  et  qui  gaaingnast  cent 
sous  par  an  ou  plus  [feroit]  semblable  aide  et  subside  de  dix  sous, 
k  prendre  les  sommes  dessus  dictes  à  parisis,  ou  pais  de  pariais,  et 


ri 


^  '  ï 


1.  Ms.  2813,  f»  397.  —  Mb.  2655,  f^  169  v«  :  c  retoumèreni  •.  U^. 

2.  Mft.  2813.  —  Ms.  2655,  f^  170  (lacune).  C9 

3.  M».  2813,  ^  397  v».  —  M».  2655,  f>  170  (laôtrne). 

4.  Ms.  2813,  ^  397  r>.  -  Ms.  2655,  f>  170  (Ucune). 


[1355]  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  413 

à  tournois,  ou  pais  de  tournois.  Et  se  les  dis  serviteurs  ne  gaain* 
gnoient  cent  sous  ou  au  dessus,  ilz  n'aideroient  de  riens,  se  ilz 
navoient  aucuns  biens  equippolens,  ouquel  cas  ilz  aideroient  comme 
dessus.  Et  aussi  n  aideroient  de  rien  mendians  ne  moines  ne  dois» 
triers  sans  ofiGce  ou  administracion,  ne  enfans  en  mainbumie  soubs 
Taage  de  quinze  ans  qui  n'eussent  aucune  chose  comme  dessus,  ne 
nonnains  qui  n'eussent  en  revenue  au  dessus  de  dix  livres,  ne 
aussi  femmes  mariées,  pour  ce  que  leurs  maris  aidoient;  et  estoit 
et  seroit  compte  ce  que  elles  aroient  de  par  elles  avec  ce  que 
leurs  maris  avoient. 

Et  quant  aus  clercs  et  gens  d'église,  prelas,  abbës,  prieurs, 
chanoines,  curez  et  autres  comme  dessus,  qui  avoient  vaillant  au 
dessus  de  cent  livres  en  revenue,  fuissent  bénéfices  de  sainte 
église,  en  patrimoine  ou  en  l'un  avec  l'autre,  jusques  à  cinq  mille 
livres,  feroieut  aide  de  quatre  livres  pour  le[s]  premiers  cent  li- 
vres, et  pour  chascunes  autres  cent  livres  jusques  aus  dictes  cinq 
mille  livres,  quarante  sous;  et  ne  feroient  de  riens  aide  au  dessus 
des  dictes  cinq  mille  livres  ne  aussi  de  leurs  meubles;  et  les  re- 
venues de  leurs  bénéfices  seroient  prises  et  estimes  selonc  le  taux 
du  disiesme,  ne  ne  s'en  pourroient  franchir  ne  exempter  par  quel- 
conques privilèges,  ne  que  ilz  feissent  de  leurs  disiesmes,  quant 
les  disiesmes  estoient  ottroiés. 

.  Et  quant  aus  nobles  et  gens  [des  *]  bonnes  villes  qui  auroient 
vaillant  au  dessus  de  cent  livres  de  revenue,  les  dis  nobles  feroient 
ayde  jusques  à  cinq  mille  livres  de  revenue  et  noient  oulU*e,  pour 
chascun  cent  quarante  [sous'],  oultre  les  quatre  livres  pour  les 
premiers  cent  livres;  et  les  gens  des  bonnes  villes,  par  semblable 
manière,  jusques  à  mille  livres  de  revenue  tant  seulement.  Et 
quant  aus  meubles  des  nobles  qui  navoient  pas  cent  livres  de 
revenue,  l'en  extimeroit  leurs  meubles  que  ilz  auroient  jusques  à 
la  valeur  de  mille  livres  et  non  plus.  Et  des  gens  non  nobles  qui 
n'a  voient  pas  quatre  cens  [livres  ']  de  revenue,  l'en  extimeroit  leurs 
meubles  jusques  à  la  value  de  quatre  mille  livres,  c'est  assavoir  cent 
livres  de  meubles  pour  dix  livres  de  revenue  ;  et  de  tant  feroient 
ayde  par  la  manière  cy  dessus  devisëe.  Et  se  il  avenoit  que  aucun 
noble  n'eust  vaillant  tant  seulement  jusques  à  cent  livres  de  re- 


1.  M».  2813,  P>  397  vo.  -  M».  2655,  f>  170  t«  :  c  le»  ». 

2.  Ma.  2813,  P»  397  y».  —  Ma.  2655,  f»  170  ▼«  :  t  soub»  >. 

3.  Ms.  2813.  —  Ms.  2655  (lACune). 


414  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  [4356] 

venue,  ne  en  meuble  purement  jusques  à  mille  livres,  ou  que  au- 
cun noble  ne  eust  seulement  de  revenue  quatre  cens  livres,  ne  en 
meubles  purement  quatre  mille  livres,  et  ilz  [eust]  partie  en  re- 
venue et  partie  en  meubles,  l'en  regarderoit  et  extimeroit  sa  re- 
venue et  son  meuble  ensemble  jusques  à  la  somme  de  mille  livres, 
quant  aus  nobles,  et  de  quatre  mille  livres  quant  aus  non  nobles, 
et  non  plus. 

Item,  le  samedi  cinquième  jour  de  mars,  Tan  mil  trois  cens 
dnquante  cinq  dessus  dit,  s'esmut  une  discencion  en  la  ville 
d'Arras  des  menus  contre  les  gros.  Et  tuèrent  les  menus  le  dit 
jour  dix  sept  des  plus  nobles  de  la  dicte  ville,  et  le  lundi  ensui- 
vant en  tuèrent  autres  quatre,  et  pluseurs  en  bannirent  qui  n'es- 
toient  pas  en  la  dicte  ville.  Et  ainsi  demeurèrent  les  dis  menus 
seigneurs  et  maistres  d'icelle  ville. 

Item,  le  mardi  cinquième  jour  d'avril  ensuivant,  fust  le  mardi 
après  la  miquaresme,  le  roy  de  France  se  parti  à  matin  avant  le 
jour  de  Meneville  tout  arme,  accompaignië  environ  de  cent  lances, 
entre  lesquelz  estoient  le  conte  d'Anjou  son  filz,  le  duc  d'Orliens 
son  frère,  messire  Jehan  d'Artois  conte  d'Eu,  messire  Charles 
son  frère,  cousins  germains  du  dit  roy,  le  conte  de  Tanquarville, 
messire  Emoul  [d'Odeneham  *]  mareschal  de  France  et  pluseurs 
autres  jusques  au  nombre  dessus  dit.  Et  vint  droit  au  chastel  de 
Rouen  par  Tuis  derrière ,  sans  entrer  en  la  ville ,  et  trouva  en  la 
salle  du  dit  chaste!  assiz  au  disner  Charles  son  ainsnë  [fils'],  dilc 
de  Normandie,  Charles  roy  de  Navarre,  Jehan  conte  de  Harecourt, 
les  seigneurs  de  Préaux,  de  Gra ville  et  de  Clère  et  de  pluseurs 
autres.  Et  là  fist  le  roy  de  France  Jehan  prendre  les  diz  roy  de 
Navarre,  le  conte  de  Harecourt,  les  seigneurs  de  Préaux,  de  Gra- 
ville  et  de  Clere,  messire  Lois  et  messire  Guillaume  de  Harecourt, 
frères  du  dit  conte,  messire  Forquet  de  Friquant,  le  seigneur  de 
Toumebu,  messire  Maubue  de  Mainesmares,  tous  chevaliers,  Co- 
linet  Doublet  et  Jehan  de  Bantalu,  escuiers,  et  aucuns  autres. 

Et  les  fist  mettre  en  prison  en  diverses  chambres  du  dit  chastel, 
pour  ce  que,  depuis  leur  reconciliacion  faite  par  le  roy  de  la  mort 
du  dit  connestable  de  France,  le  dit  roy  de  Navarre  avoit  ma- 
chine et  traittië  pluseurs  choses  ou  dommage,  deshonneur  et  mal 
du  roy  et  de  son  dit  ainsné  filz  et  de  tout  le  roiaume.  Et  aussi 


1.  Ms.  2813,  f>  398.  —  Ms.  2894  :  c  de  Douchan  >. 

2.  Mb.  2813,  ^  398.  —  Bis.  2655  (lacune). 


1356]  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  4i5 

le  conte  de  Harecourt  avoît  dit  aa  chastel  du  Val  de  Reul,  où 
estoit  faite  assemblée  pour  ottroier  estre  faite  aide  au  roy  pour 
sa  guerre  en  la  duchië  de  Normandie,  pluseurs  injurieuses  et  or- 
'guilleuses  paroles  contre  le  roy,  en  destourbant  de  son  pooir 
icelle  aide  estre  acordée  et  mise  à  execucion ,  combien  que  le  dit 
ainsnë  filz  du  roy,  duc  de  Normandie,  et  le  dit  roy  de  Navarre 
l'eussent  acordëe  au  roy. 

Et  tantost  après  ala  disner  le  dit  roy  de  France.  Et  quant  il  ot 
disnë,  il  et  tous  ses  enfans  son  frère  et  ses  diz  cousins  d'Artois 
et  pluseurs 'des  autres  qui  estoient  venuz  avec  li,  montèrent  à 
cheval  et  alèrent  en  un  champ  derrière  le  dit  chastel  appelle  le 
Champ  du  Pardon.  Et  là  furent  menez  en  deux  charrètes  par  le 
commandement  du  roy  les  diz  conte  de  Harecourt,  le  seigneur 
de  Graville,  monseigneur  Maubue  et  Golinet  Doublet;  et  là  leur 
furent  le  dit  jour  les  testes  copëes.  Et  puis  furent  tous  quatre 
trainez  jusques  au  gibet  de  Rouen  et  là  furent  pendus,  et  leurs 
testes  mises  sur  le  dit  gibet.  Et  fu  le  dit  roy  de  France  présent  et 
aussi  ses  diz  enfans  et  son  frère  à  coper  les  dictes  testes,  et  non 
pas  au  prendre.  Et  ce  jour  et  lendemain  jour  de  mercredi  délivra 
le  roy  pluseurs  autres  qui  avoient  este  pris  ;  et  finablement  ne  de- 
morèrent  que  trois  :  c'est  assavoir  le  dit  roy  de  Navarre,  le  dit 
Friquet  et  le  dit  Bantalu,  lesquelz  furent  menez  à  Paris,  c'est 
assavoir  le  dit  roy  de  Navarre  au  Louvre,  et  les  autres  deux  en 
Chasteliet.  Et  depuis  fut  le  dit  roy  de  Navarre  mis  en  Ghastellet, 
et  li  furent  bailliez  aucuns  du  conseil  du  roy  pour  le  garder.  Et 
pour  ce  messire  Phelippe  de  Navarre,  frère  du  dit  roy  de  Na- 
varre, [fist  garnir  de  gens  et  de  vivres  pluseurs  des  chasteaux 
que  le  dit  roy  de  Navarre  ']  avoit  en  Normandie.  Et  jà  soit  ce 
que  le  roy  de  France  mandast  au  dit  messire  Phelippe  qu'i[l] 
li  rendist  les  dis  chasteaux,  toutesvoies  ne  le  vouloit  il  pas  faire. 
Mais  assemblèrent  ilz  et  messire  Godefroy  de  Harecourt,  oncle 
du  dit  conte  de  Harecourt ,  pluseurs  ennemis  du  roy  ;  et  les 
firent  venir  ou  paiz  de  Gostentin,  lequel  pais  ilz  tindrent  contre 
le  dit  roy  de  France  et  ses  gens. 

Item,  le  mercredi  vingt  septième  jour  du  dit  moys  d'avril,  et 
fu  le  mercredi  après  Pasques  qui  furent  Fan  mil  trois  cens  cin- 
quante six,  car  Pasques  furent  lors  le  vingt  quatrième  jour  d'avril, 
messire  Emoul  [d'Odeneham],  lors  mareschal  de  France,  ala  en 

1.  Ms.  3813,  f»  398  to.  ~  Ms.  2655, 1 171  (Ucune). 


416  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  [4356] 

la  ville  d'Arras,  et  là,  sagement  et  sans  effort  de  gens  d'annes,  fist 
prendre  pluseurs  personnes  jusques  au  nombre  de  cent  et  de  plus 
de  ceulz  qui  avoient  mise  la  dicte  ville  en  rébellion  et  murdri 
pluseurs  des  gros  bourgois  d'icelle  ville,  dont  dessus  est  faite 
mencion.  Et  Tandemain  jour  de  jeudi  fist  le  dit  mareschal  copper 
les  testes  à  vingt  des  dessus  diz  qu'il  avoit  fait  prendre,  ou  mar- 
chië  de  la  dicte  ville,  et  les  autres  fist  tenir  en  prison  fermée 
jusques  [ad  ce  que  ^]  le  roy  ou  li  en  eussent  [ordené  ']  autrement. 
Et  par  ce  fu  mise  la  dicte  ville  en  vraie  obéissance  du  roy  ;  et  de- 
morèrent  paisiblement  les  bonnes  gens  en  icelle,  si  comme  ilz  fai- 
soient  avant  la  dicte  rébellion. 

Item  ou  dit  an  cinquante  six,  en  la  fin  du  mob  de  juing,  des- 
cendi  le  duc  de  Lencastre  en  Gostantin  et  s'assembla  avecques 
messire  Phelippe  de  Navarre ,  qui  s'estoit  rendu  ennemi  du  roy 
pour  cause  de  la  prise  du  roy  de  Navarre  son  frère  qui  encore 
estoit  en  prison.  Et  avecques  le  dit  duc  et  messire  Phelippe 
estoit  messire  Godefroy  de  Harecourt  dessus  nommé,  oncle  du 
conte  de  Harecourt  qui  avoit  eue  la  teste  copée  à  Rouen.  Et  se 
mistrent  à  chevauchier,  et  estoient  environ  quatre  mille  com- 
batans;  et  chevauchièrent  à  lisieux,  au  Bec,  au  Ponteaudemer, 
et  raffreschirent  le  chastiel  qui  avoit  esté  assegié  par  Tespace  de 
huit  ou  neuf  sepmaines.  Mais  messire  Robert  de  Hodetot,  lors 
maistre  des  arbalestriers,  qui,  avoit  tenu  le  siège  devant  le  chas- 
tel  dessus  dit,  et  en  sa  compaingnie  pluseurs  nobles  et  autres  se 
partirent  du  dit  siège,  quant  ilz  sceurent  la  venue  des  dis  duc 
messire  Phelippe  et  messire  Godefroy,  et  laissièrent  les  engins 
et  l'artillerie  qu'i[l]  avoient;  et  ceulz  du  dit  chastel  pristrent  tout 
et  mbtrent  tout  dedens  le  dit  chastel.  Et  après  chevauchièrent 
les  diz  duc  et  messire  Phelippe  et  leur  compaingnie  jusques  à 
Breteul,  en  pillant  et  robant  les  villes  et  le  pais  par  où  ilz  pas- 
soient,  et  raffreschirent  le  chastel.  Et  pour  ce  qu'ilz  trouvèrent 
que  la  cité  et  le  chastel  d'Evreux  avoient  esté  de  nouvel  renduz 
aus  gens  du  roy,  qui  longuement  [avoit ']  esté  assiégé  devant, 
et  avoit  esté  la  dicte  cité  toute  arse  et  Teglise  cathedral  aussi 
pilliée  et  robée  tant  par  les  Navarrois  qui  rendirent  le  dit  chastel, 
lequel  fu  rendu  par  composicion,  comme  par  aucuns  des  gens 

1.  M«.  2813,  f»  398  ▼«.  —  Ms.  2655,  P>  171  t«  (lacune).    * 

2.  Ms.  2813.  —  Ms.  2655  (lacune). 

3.  Mft.  2813.  —  Ms.  2655  (lacune). 


[1356]  SUPPLÉMENT  AUX  VARIANTES.  .    417 

du  roy  qui  estoient  au  siège,  les  dis  duc  et  messire  Phelippe  et 
leur  compaignie  alèrent  à  Verneul  ou  Perche,  et  pristrent  la  ville 
et  le  chastel ,  et  pillèrent  et  robèrent  tout,  [et]  ardirent  partie 
de  la  dicte  ville. 

Et  le  roy  de  France  qui  avoit  fait  sa  semonce,  tantost  qu'il  oy 
nouvelles  du  dit  duc  de  Lencastre,  aloit  après  à  moût  grant  com- 
paignie de  gens  d'armes  et  de  gens  de  pié,  et  les  suy  jusques  à 
Gondé  en  alant  droit  vers  la  dicte  ville  de  Verneul  là  où  il  les 
cuidoit  trouver.  Et  quant  il  fu  au  dit  Condë ,  il  oy  nouvelles  que 
les  dis  duc  et  messire  Phelippe  s' estoient  partis  celuy  jour  de  la 
dicte  ville  de  Verneul  et  s'en  aloient  vers  la  ville  de  l'Egle.  Et  les 
suivy  le  roy  jusques  à  Tuefbuef  à  deux  lieues  ou  environ  de  la 
dicte  ville  de  l'Egle.  Et  là  fut  dit  au  roy  <[u'i[l]  ne  les  pourroit 
aconsnivir,  car  il  y  avoit  grans  forests  là  où  ilz  se  boutèrent  sans 
ce  qu'i[l]  les  peust  avoir.  Et  pour  ce  s'en  retourna  le  roy  à  tout 
son  host.  Et  vindrent  devant  un  chastel  appelle  Tyllères,  que  l'en 
disoit  estre  en  la  main  des  Navarrois;  et  le  prist  le  roy  et  y  mist 
gardes.  Et  après  ala  devant  le  dit  chastel  de  Breteul,  ouquel  avoit 
gens  de  par  le  roy  de  Navarre.  Mais  pour  ce  qu'ilz  ne  [le  ']  voul- 
drent  rendre,  le  roy  et  tout  son  ost  y  mistrent  siège  et  y  demou- 
rèrent  environ  huit  sepmaines.  Et  finablement  fut  rendu  le  dit 
chastel  au  roy  par  composicion;  et  s'en  alèrent  ceuls  qui  estoient 
dedens  le  chastel  là  où  ilz  voudrent,  et  emportèrent  leurs  biens. 

1.  Ms.  2813,  f^  399.  —  Ma.  2655,  f>  161  ▼«  (lacune). 


riN   DES   VABUHTES   DU   TOXB   QUÀTKIEMB. 


IV  — 27 


TABLE. 


CHAPITRE    LXI. 

Inyestissement  et  siège  de  Calais;  première  période  :  da  3  août  à  la 
fin  de  décembre  1346.  —  Somnuûre^  p.  ni  à  y.  —  Texte^  P-  ^  ^  10. 
—  rariantesj  p.  201  k  218. 

CHAPITRE  LXH. 

Cheyanchëe  du  comte  de  Derby  en  Saintonge  et  en  Poitou.  —  Som- 
maire^ p.  Y  à  Yn.  —  Texte,  p.  10  â  17.  —  Fanantes^  p.  218  à  226. 

CHAPITRE  LXIU. 

Inyasîon  des  Écossais  en  Angleterre  ;  Yictoire  des  Anglais  à  NeYilPs 
Cross.  —  Sommaire,  p.  Yin  à  xn.  —  Teste^  p.  17  à  29.  —  rariantes, 
p.  226  à  247. 

CHAPITRE  LXIV. 

Siège  de  Calais;  seconde  période  :  de  la  fin  de  1346  à  mai  1347.  — 
Louis,  comte  de  Flandre,  poussé  contre  son  gré  par  les  Flamands 
dans  Talliance  du  roi  d'Angleterre  dont  il  a  fiancé  la  fille,  se  réfugie 
auprès  du  roi  de  France.  —  Sommaire,  p.  xn  à  xy.  — -  Texte,  p.  29 
à  38.  —  Variante*  y  p.  247  à  260. 

CHAPITRE  LXV. 

Prise  de  la  Roche-Derrien  par  les  Anglais.  *-  Siège  de  cette  forteresse 
par  Charles  de  Blois,  qui  est  yaincu  et  fait  prisonnier  par  Thomas 
de  Dagworth  à  la  bataille  de  la  Roche-Derrien.  -^  Sommaire ,  p.  xy 
à  XYin.  —  Texte,  p.  38  à  44.  —  Variantes,  p.  360  à  269. 

CHAPITRE  LXVI. 

Siège  de  Calais,  troisième  période  :  de  mai  à  août  1347.  Arrivée  près 
de  Calais  et  retraite  sans  combat  de  Philippe  de  Valois  à  la  tête 
d*ane  nombreuse  armée.  Reddition  de  Calais  ;  dévonemeut  d*Eusta- 
che  de  Saint- Pierre  et  de  cinq  autres  bourgeois.  —  Sommaire, 
p.  XYUi  à  XXIX.  ^  Texte,  p.  44  à  67.  —  Vananies^  p^  269  à  299. 


420  TABLE. 

CHAPITRE  LXVn. 

Rayaget  des  brigands  en  Limousin  et  en  Bretagne  ;  exploits  de  Bacon 
et  de  Croquart.  —  Sommaire ,  p.  xxix  à  xxxi.  -—  Texte^  p.  67  a  70. 
-^  rarUmtet,  p.  299  à  303. 

CHAPITRE  LXVin. 

Tentatire  malheorease  de  Geoffroi  de  Chamy  pour  reprendre  Calais 
aux  Anglais.  —  Sommaire^  p.  xxxi  à  xxxiy.  •—  Texte  ^  p.  70  à  85. 
-r-  rarianies,  p.  303  à  318. 

CHAPITRE  LXIX. 

Mariage  de  Louis,  comte  de  Flandre,  avec  Marguerite,  fille  de  Jean, 
duc  de  Brabant.  —>  Sommaire,  p.  xxxv  et  xxzn.  —  Texte,  p.  85 
k  88.  —  rariantes,  p.  318  à  320. 

CHAPITRE  LXX. 

Défaite  des  Espagnols  dans  une  bataille  navale  livrée  en  vue  de  Win- 
cbelsea  contre  les  Anglais.  —  Exécution  d*Aimeri  de  Pavie  à  Saint- 
Orner.  —  Sommaire,  p.  xxxvi  à  xxxvm.  —  Teste,  p.  88  à  99.  — 
Fariatites,  p.  320  à  330. 

CHAPITRE  LXXI. 

Ravages  de  la  peste.  —  Démonstrations  de  pénitence  des  flagellants  ; 
extermination  des  Juifs  dans  tous  les  pays  de  l'Europe  excepté  a 
Avignon  et  sur  le  territoire  papal.  —  Sommaire,  p.  xxxvm  et  xxxix. 
—  Texte,  p.  100  et  101.  —  Fanantes,  p.  330  a  332. 

CHAPITRE  LXXII. 

Avènement  du  roi  Jean.  —  Victoire  des  Anglais  près  de  Taillebourg  ; 
siège  et  prise  de  Saint-Jean-d*Angé]j  par  les  Français.  ^  Combat 
des  Trente.  — -  Escarmouche  d*Ardres  et  mort  d'Edouard  de  Beau- 
jeu.  —  Avènement  d'Innocent  VI.  —  Exécution  de  Raoul,  comte 
d*Eu  et  de  Guines.  —  Vente  du  château  de  Guines  aux  Anglais.  — 
Fondation  de  l'ordre  de  l'Étoile.  —  Sommaire ,  p.  xl  à  l.  — -  Texte, 
p.  101  à  129.  —  Fartantes,  p.  332  à  348. 

CHAPITRE  LXXin. 

Assassinat  de  Charles  d'Espagne;  rupture  entre  le  roi  de  Navarre  et 
ses  frères,  instigateurs  de  cet  attentat,  et  le  roi  de  France.  —  Expi- 
ration des  trêves  et  ouverture  des  hostilités  entre  la  France  et  l'An- 
gleterre. —  Mort  de  Jean,  duc  de  Brabant,  et  avènement  de  Jeanne, 
mariée  à  Wenceslas  de  Luxembourg.  —  Guerre  entre  Flandre  et 


TABLE.  42i 

Brabant.  —  Sommaire^  p.  l  à  m.  —  Texie^  p.  129  à  133.  —  Ta* 
riantes  f  p.  3^9  à  351. 

CHAPITRE  LXXIV. 

Traite  d'alliaDce  entre  les  rois  de  France  et  de  NaTarre.  —  Gheran- 
chëe  du  roi  d'Angleterre  en  Boulonnais  et  en  Artois  ;  concentration 
à  Amiens  et  marche  des  Français  contre  l'enTahissenr.  —  Prise  du 
château  de  Bemick  par  les  Écossais  ;  retour  d'Edouard  à  Calais.  — 
Sommaire^  p.  un  à  ltii.  —  Texte  ^  p.  133  à  150.  —  Fantmtes  ^ 
p.  351  à  368. 

CHAPITRE  LXXV. 

Expédition  d'Edouard  III  en  Ecosse.  —  Sommaire^  p.  ltii  à  ux.  -* 
Textey  p.  150  à  159.  —  yariantês^  p.  368  à  371. 

CHAPITRE  LXXVI. 

Expédition  du  prince  de  Galles  en  Languedoc.  —  Sommaire^  p.  ux  à 
uiT.  —  Texie^  p.  159  à  174.  —  Vtarianteê^  p.  371  à  382. 

CHAPITRE  LXXVn. 

Troubles  à  Arras  et  en  Normandie  à  l'occasion  de  la  gabelle  ou  impôt 
sur  le  sel  ;  arrestation  du  roi  de  Navarre  à  Rouen ,  exécution  du 
comte  de  Harcourt.  —  Guerre  entre  le  roi  de  France  et  les  frères 
de  Navarre  qui  font  alliance  arec  le  roi  d'Angleterre  ;  cherauchée 
du  duc  de  Lanoastre  et  des  Nararrais  eu  Normandie.  —  Siège  et 
prise  d'Érreux ,  de  Rhotes  et  de  Breteuil  par  le  roi  de  France.  — 
Sommaire  y  p.  i.xiy  à  x.xxi.  —  Texte  ^  p.  174  à  198.  -^  Fartantes^ 
p.  382  k  398. 

Supplément  aux  Tariantes,  p.  399  à  417. 


nV  DM  LA  TABLI  OU  TOXB  QUATmiàMS 


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