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Full text of "Société de l'histoire de France"

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LA CHRONIQUE 



DU BON DUC 



LOYS DE BOURBON 



Oôa.y^ Cao^LCer <d Orv»ne. 



LA CHRONIQUE 



DU BON DUC 



LOYS DE BOURBON^ 



PUBLIÉE 

poum LA sociiii de l'histoi&k de frange 
PAR A.-M. CHAZAUD, 

ARCHIVISTE DE l/ ALLIER. 




À PARIS 

LIBRAIRIE RENOUARD 

HENRI LOONES, SUCCESSEUR 
LIBRAIRE DE LA SOGléTÉ OE l'hISTOIRB DE FRANGE 

RUE OE TOURNON, N« 6 

MDCCCLXXVÏ. xT- 



■ ,f< 



EXTRAIT DU RÈGLEMENT. 

Ait. 4 a, — Le Conseil désigne les ourrages à publier, et 
choisit les personnes les plus capables d'en préparer et d'en 
suivre la publication. 

Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire 
responsable, chargé d'en sur?eiilcr Texécution. 

Le nom de l'éditeur sera placé à la tête de chaque volume. 

Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société 
sans l'autorisation du Conseil, et s'il n'est accompagné d'une 
déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail 
lui a paru mériter d'être publié. 



Le Commissaire responsable soussigné déclare que r édition de 
LA Chkorique du BON DUC LoTS, préparée par M. A. -M. Chazaud, 
lui a paru digne d'être publiée par la Société de l'Histoiee 
DE Feance. 



Fait à Parût, le 4*' avril 4876. 



Signé H. BORDIER. 



Certifié, 

Le Secrétaire de la Société de l'Histoire de France» 

J. DESNOYERS. 



a 



INTRODUCTION. 



I. 



ha Chronique du bon due loffs. — DeseripOon de VédiUan de 1612, 
et des tnanuscrUs de SaM^Pëtersbaurg, Bmxeiles et Paris, 



La chronique du bon duc Loys de Bourbon, par Jehan 
Cabaret d*0rville, est loin d'être inconnue : la première et 
seule édition, publiée en 1612, par Jean Masson, archidiacre 
de Bayeux, d'après un ms. de la bibliothèque de son frère, 
Papire Masson, forésien, assez connu par divers ouvrages 
relatifs à Thistoire et à la géographie de la France, est deve- 
nue fort rare, et atteint assez souvent dans les ventes un 
prix assez élevé. C'est un volume in-8^, achevé d'imprimer 
le 25 janvier 1612, par et pour François Huby. Il se com- 
pose de 409 pages, de 29 lignes chaque, plus dix feuillets 
préliminaires non chiffrés. 

Titre : « Histoire de la vie faicts héroïques et voyages 
« de très chevalereux prince Louys, III^ duc de Bour^ 
« bouj arrière^etit fils de Robert comte de Clermont 
« en Beauvoisis, baron de Bourbon, fils de Sainct-Louis^ 
« en laquelle est comprins le discours des guerres des Fran- 
« çois contre les Anglois, Flamands, Âffricains et autres na- 
« cions sous la conduicte dudict duc pendant les règnes de 
« Jean, Charles V et Charles VI roys de France; imprimée 

\ . Tiers. 



\ 



ij INTRODUCTION. 

«■ sur le mss. trouvé en la bibliothèque de feu M. Papirius 
« Masson Forésien, advocat en la court de Parlement. 

« Au très chrestien roy de France et de Navarre, 
4c Loys XIII, à Paris, de rimprimerie de François Huby 
« rue S' Jacques au Soufflet vert , devant le collège de 
« Marmoutiers, et en sa boutique au Palais, en la galerie 
« des prisonniers. MDCXII, avec privilège du roy. » 

Les dix feuillets préliminaires non chifirés contiennent : 
le 1** r** le titre ; le 2* et le 3* r** : « Au roy, par l'éditeur Jean 
« Masson, archidiacre de Bayeux, frère de feu Papire » ; le 3® 
v^ et 4® r^ : 4c Avis du même au lecteur » ; il l'informe qu'il a 
ajouté, à la fin, la dédicace de la traduction du de Senectute, 
par Laurent Preunar (c'est-à-dire Laurent de Premier fait) ; 
le 4^ V®, deux pièces de vers adressées l'une à J. Masson, 
l'autre au lecteur, par P. Descayeul, conseiller du roy; la 
table des 97 chapitres occupe les fol. 5 à 8 r" et v®. Au 
9* r^, se trouve le privilège du roy pour six ans, signé 
Combault, le 18 décembre 1611, cédé par J. Masson à 
François Huby, avec cette mention : achevé d'imprimer le 
25 janvier 1612. Le v** du fol. 9 et le 10° r** et v® sont occu- 
pés par le prologue. 

Cette édition a été, en 1841 , reproduite mot pour mot dans 
la collection des Chroniques françaises de M. Buchon (Pan- 
théon littéraire). Malheureusement, le texte donné par l'ar- 
chidiacre de Bayeux est très-loin d'être satisfaisant ; non- 
seulement il offre bien des lacunes que n'ont pas signalées 
les éditeurs, peut-être parce qu'ils n'en soupçonnaient pas 
l'existence, mais de plus les noms de lieux et de personnes y 
sont tellement défigurés, qu'il est parfois sinon impossible, 
du moins très-difflicile de les corriger à première vue. 

Nous ne connaissons de la chronique de Cabaret que 
trois mss. , que nous avons tous les trois colla tionnés pour 



nmiODucTiON. îij 

cette édition, savoir : un k la bibliothèque de Saintr-Péters- 
bourg, n^ 46 desniss. français, que nous désignerons par 
la lettre A; un autre, à la bibliothèque de Bruxelles, 
n^ 10239 (B) ; enfin un troisième (C) k la Bibliothèque na- 
tionale, n^ 5064 du fonds français (anciennement n® 9684). 

Le ms. Â, aujourd'hui & la bibliothèque de Saint-Pé- 
tersbourg, est ainsi décrit dans le catalogue des mss. fran- 
çais de l'Ermitage, sous le n* 5. * (^) f 

« Chroniques de Lots de Bourbon, par Jehan d'Oron- 
« ville, son secrétaire, dit Cabaret, in-4® de 176 fol. vélin 
« (0",271 de haut sur 0",192 de large), 14 miniatures 
« avec entourage orné de devises, initiales en couleurs. 

« Très beau ms. exécuté pour Anne de Bourbon, dame 
« de Beaujeu, régente de France, dont les armes et la devise 
« espérance sont reproduites dans les encadremens des mi- 
« niatures ; ces miniatures, représentant surtout des faits de 
« guerre, offrent beaucoup d'intérêt pour l'histoire de l'é- 
€ poque : les vues de villes sont d'une délicatesse d'exécution 
« et d'un pittoresque fort remarquable. » 

€ Reliure en velours rouge. » 

« Nota. Ce mss. porte un ancien n® 2193 qui manque 
« dans le catalogue de la collection Colbert. Montfaucon, 
« tome II, p. 955. » 

Le volume comptait originairement 179 feuillets de par- 
chemin, y compris la table : il n'en reste plus que 176, les 
folios cotés I, LI et LIX ayant été arrachés. Le folio pri- 
mitivement coté XXYII, maintenant 6, a été, par erreur, 
mis à la place du fol. 1 en déficit après la table. Des dix- 
sept miniatures qui ornaient primitivement ce ms. , il n'en 
reste plus que quatorze. Les trois feuillets en déficit devaient 
être ornés chacun d'une miniature, comme on peut en juger 
par ce qui reste du folio LIX. Le volume est couvert de 



iv INTRODUCTION. 

velours rouge, avec une feuille de drap d'or sur le plat inté- 
rieur, le tout en parfait état de conservation. De l'avis d'un 
juge excellent en ces matières, M. J. Quicherat, le savant 
directeur de l'École des chartes, ces miniatures peuvent être 
attribuées à un artiste de l'école de Tours, illustrée par Jean 
Fouquet, et ne manquent pas de mérite : les costumes, ceux 
de la dernière miniature surtout (f* 171 v^. Le duc sur son 
lit de mort), et aussi un peu ceux de la seconde (P v r*", 
Le duc jetant au feu le livre peloux)^ semblent tout^à- 
fait dénoter les premières années du règne de Charles VIIL 
Il en résulte que notre manuscrit aurait été écrit sur la an 
de la vie du duc Jean II, mort le l^ avril 1488, prince lettré 
et protecteur des écrivains et des artistes. Quant au n* 2193, 
vainement cherché dans le catalogue de la collection Golbert 
par le rédacteur du livret de l'Ermitage, c'est celui que por^ 
tait notre ms. à la bibliothèque de Saint-Germain des Prés, 
dans le catalogue de laquelle S écrit par D. Poirier, nous 
trouvons, sous ce n** 2193, une < Vie de Robert j comte de 
Clermont, arrière petit fils de Saint Louis. » Le savant 
bénédictin s'en est sans doute rapporté trop aisément, et sans 
vérifier sur le volume même, au catalogue de la Bibliothèque 
de Mgr de Coislin, imprimé dans Montfaucon, où notre vo- 
lume est intitulé (Tome II, col. 1071, A) : Histoire de la 
pie et des faits héroïques de Robert, comte de Cler-- 
mont, baron de Bourbon, arrière petit fils de Saint 
Louis. On sait par Montfaucon lui-même que le catalogue 
de la Bibliotheca Coisliniana n'est pas des mieux rédigés; 
peut-être ne faut-il voir là qu'une altération maladroite du 
titre primitif, dont l'édition de 1612 nous aurait conservé la 
rédaction originale dans toute son intégrité. 

1. N- 292 des Catalogues ms8. de la Bibl. nat., fol. 108 r*. 



INTRODUCTION. V 

Une chose bien œrtaine, en tout cas, c'est que ce précieux 
volume n'a pu être exécuté, vers la fin du xv* siècle, que 
pour la maison de Bourbon, dont on retrouve les armes et 
les emblèmes pour ainsi dire à chaque feuillet, dans la guir- 
lande qui en encadre les marges. Il est plus que probable, 
par conséquent, que c'est bien lui qui est indiqué en ces 
termes dans Y inventaire des livres estons en la librairie 
du chasteau de Malins, dressé et signé par maîtres P. An- 
thoine et Espinette, le 19 septembre 1523 ^ 

Au tuiut du dit pulpitre (le IIIP du costé du jardin) : 

Les croniques du bon duc Loys de Bourbon. 

Peut-être n'est-il pas sans intérêt de rechercher comment 
ce ms., si éminemment français à tous égards, est arrivé à 
la Bibliothèque de l'Ermitage, d'où il a passé dans celle de 
Saint-Pétersbourg, collection Dubrowski. Un autre volume 
de la même collection, décrit dans le livret de l'Ermitage, 
sous le n° 5, 2, 42 des manuscrits français, contient, je 
crois, de quoi nous aider à trouver la solution de ce petit 
problème. C'est un ms. des premières années du xvf siècle, 
que j'intitulerai faute de mieux : « Les enseignemens de 
la duchesse de Bourbon Anne de France, à sa fille Sun 
sonne. » Sans plus nous arrêter à la description de ce vo- 
lume unique', dont la valeur est encore augmentée par les 
portraits des deux princesses qui en occupent le premier 
feuillet, attachons-nous à examiner deux inscriptions ano- 
nymes placées l'une et l'autre sur la feuiUe de garde à la 
fin du volume. 

Elles ont été, toutes les deux, raturées avec soin dans 



1. Bibliothèque nationale, fonds Dupuy, vol. 488, fol. 214 r*. 

2. Nous espérons le publier avec un fac-nmUe des miniatures 
dans le cours de cette année. 



vj INTRODUCTION. 

rintention bien évidente de n'en pas laisser connaître le 
contenu. Peut-être aussi récrivain a-t-il eu honte lui-même 
des lignes rimées qui composent la, première, et qu'on ne 
peut appeler des vers qu'avec beaucoup de bonne volonté, 
malgré la rime. Heureusement pour les curieux, nous n'a- 
vons là qu'un exemple de plus de la précaution inutile.: 
l'encre ancienne se détache en noir sous les ratures, et rien 
n'est plus facile que de lire les deux inscriptions en présen- 
tant le feuillet sur lequel elles sont inscrites à la lumière du 
jour ou k celle d'une bougie. En voici le texte : 

1^ Au haut du feuillet : « Ce dernier jour du moys et an 

« 1632, j'ai reçu ce présent 
« livre que Monsieur Baillet , 
« hostedeSainte-Barbe,m'afaict 
« tenir en toute firanchise. » 
2^ Et au-dessous : « Dans Paris , rue du Chantre : 

« Ce dernier jour du mois et an 

« mil six cents trente deux, j'ay receu 

« le présent livre que M. B. de S^ 

« Barbe [à Dreux] * m'a faict tenir icy 

« en toute franchise. Loué soit Dieu ! » 

Le problème, ce semble, commence à s'éclaircir : ce ms. 

provient évidemment des dépouilles du Connétable, comme 

celui des Croniques du bon duc Loys de Bourbon, bien qu'il 

ne soit pas inscrit comme lui au catalogue de la librairie du 

château de Moulins qui paraît avoir été, dès le principe, 

transportée en bloc à Fontainebleau. Plus tard, ces deux 

volumes ont pu être offerts par le Roi à Diane de Poitiers, 

et passer ainsi dans la bibliothèque du fameux château 



i. Ajouté en interligne : on lit de plus en marge : 8^ Barbe à 
Dreux, le tout raturé comme le reste. 



î 



INTRODUCTION. vij 

d*Ânet, où les a dû trouver ce M. Baillet de Dreux, qui en 
a successivement gratifié son correspondant de la rue du 
Chantre, pour ses étrennes. Des mains de ce dernier, nos 
deux mss. seraient passés dans celles du chancelier Séguier, 
si amateur de beaux livres , à moins toutefois qu'on ne se 
hasarde à reconnaître le chancelier lui-même dans le Biblio- 
phile de la rue du Chantre, à qui M. Baillet, Thoste de 
Sainte-Barbe à Dreux, faisait de si beaux cadeaux. C'est là 
du reste, hâtons-nous de l'avouer, une pure hypothèse, que 
nous soumettons pleinement à l'appréciation du lecteur, 
sans 7 tenir plus que de raison. 

M. L. DeMe, dans le savant ouvrage qu'il a consacré au 
cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, nous 
apprend conunent de la bibliothèque du chancelier Séguier, 
nos deux mss., après avoir appartenu à Mgr de Coislin, 
archevêque de Rouen, sont enfin entrés à Saint-Germain 
des Prés, d'où un vol les ayant fait sortir en 1791, ils ont 
fini par arriver jusqu'à Saint-Pétersbourg, avec la collec- 
tion de P. Dubrowski (probablement le Browiski de la note 
de Leprinoe). Yoy. Delisle, ubi supra, p. 48, n. 8. 

n. Le ms. B, conservé aujourd'hui à la bibliothèque 
publique de Bruxelles, est décrit sous le n^ 10239, de la 
manière suivante, dans le Catalogue des mss. de la bi- 
bliothèque des ducs de Bourgogne, publié par 14. le baron 
de Reifienberg (BruxeUes, inf ), 1840-1842, t. II, p. 319. 
DoRviLLE, dit Cabaret. (Titre) : La cronique du duc 
Loys de Bourbon. Fin : Explidt la cronique du duc 
Loys de Bourbon et d^Auvergne^ comte de Forêt et 
seigneur de Beaujeu. iNCiprr. Très noble seigneur 
Charles, ms. firançais, in-folio du 1*^' tiers du xv* siècle. 

On lit sur la feuille de garde : « Ce volume, enlevé de la 
« bibliothèque royale de Bourgogne après la prise de 



viij INTRODUCTION. 

« Bruxelles en 1746, et qui depuis a été placé dans la 
« bibliothèque du rai à Paris, a été restitué par la 
« France, et replacé à Bruxelles dans la bibliothèque 
« de Bourgogne, le 7 juin 1770. » C'est un yolume de 
201 feuillets (papier, 0»,294 de haut sur 0»,193 delai^e), 
avec une reliure en maroquin rouge, aux chiffre et armes 
de Louis XY , en tout semblable à celle de bien des mss. de 
la Bibliothècpie nationale : cette reliure est aujourd'hui re- 
couverte de grosse toileverte. L'écriture est bien du xv^ siècle, 
mais rien n'indique absolument qu'on doive l'attribuer pré- 
cisément au premier tiers : c'est la minuscule courante q^e 
l'on retrouve dans tous les mss. jusqu'au commencement du 
xyi® siècle. 

III. Reste enfin le ms. de la Bibliothèque nationale de 
Paris (C). C'est un volume de 138 fol. (papier, 0,285 de 
haut sur 0,195 de lai^), écriture de la fin du xv^ siècle ou 
des premières années du xvi*, et qui a dû appartenir à l'un 
des juges du présidial de Moulins, peut-être André Feydeau, 
longtemps châtelain de cette ville avant la création du pré- 
sidial (1551), que C. Dumoulin, dans une note sur l'art. 105 
de la Coutume du Bourbonnais (édition in*S® de Lyon, chez 
Vincent, 1572, page 32), appelle « doctissimvset œquis- 
simus Molinensium praetor Andréas Foedœus castel- 
lanus vocatus. » En tout cas, il n'y a pas à douter que 
notre ms. n'ait appartenu vers la moitié du xvf siècle à un 
juge de Moulins, comme en fait foi la note suivante : La 
paroisse ce appelle Plène Jugon, et en Van P L, au 
moys de Jung ay jugé ung procès de Jacques LeMoyne, 
escuyer, dudict lieu de Bretaigne, contre dame Su-- 
zanne de Vitry, femme du seigneur de Mortillon 
(chap. XV, fol. 14 r^, page 42 de cette édition). On lit en- 
core au fol. 20 r^ (chap. XXI, p. 57, lig. 29-30 de cette 



INTRODUCTION. IX 

édition) : pietcis dandni ducis Ludomci erga templa 
deor. Ces deax notes paraissent de la même écriture, et c'est 
très-vraisemblablement le même personnage qui, après avoir 
mis un n^ à tous les chapitres, l'a ensuite changé pour cha- 
cun d'eux. Dans ce ms., le prologue porte le n^ I, et les 
chapitres I à IV, les n^ II à V. Ce n'est qu'au chapitre VI 
(notre chapitre. V), que le numérotage conmience à être 
double. Dans l'original, dont le ms. C n'est qu'une copie 
relativement récente, le chapitre I^ suivait sans doute le 
prologue, qui était sans n® d'ordre, et qui n'a été plus tard 
compris dans la série des chapitres et pourvu d'un n^ que 
par inadvertance. C'est le texte de ce ms. C, ou du moins 
une copie de ce texte, arrivée nous ne savons trop comment 
entre les mains de Papire Masson, qui a dû servir pour l'édi- 
tion de 1612. On remarque, en effet, dans l'imprimé, les 
mêmes lacunes, les mêmes variantes de rédaction que dans 
le ms. C; seulement l'imprimé a de plus des manières de 
défigurer les noms de personnes et de lieux qu'on ne retrouve 
pas dans le ms. ; et, en maint endroit, il rajeunit les mots 
du xv^ siècle tombés sans doute en désuétude au xvn®, de 
sorte qu'on peut se croire en droit de conclure avec quelque 
apparence de raison, que l'éditeur de 1612 a dû prendre 
pour base sinon notre ms. C, du moins une copie peu 
correcte d'un texte à peu près semblable. 

Les trois manuscrits de la chronique de Cabaret, tout en 
gardant chacun son caractère propre, son individualité à 
part, ne nous offrent cependant qu'un seul et même texte : 
les variantes, qui sont assez nombreuses, peuvent s'expli- 
quer toutes de la même façon par le désir qu'ont eu succes- 
sivement les copistes de rendre la chronique du bon duc plus 
iacile à lire : ils ont cherché, comme Cabaret lui-même, 
« pour que la lecture plût davantage auco liseurs et 



X INTRODUCTION. 

escouteurs, à mettre l' histoire en assez commun par^ 
1er. » Cest-à-dire que chacun d'eux cédant, peut-être sans 
le vouloir, au goût du jour et à l'habitude, a substitué çà et 
là au mot vieilli du xiv^ siècle, tombé en désuétude, l'expres- 
sion à la mode, et comprise de tous. Cette tendance est vi- 
sible surtout dans le ms. Â, où l'on trouve par exemple 
demeurer au lieu de remanoir^ entreprise au lieu de 
reise, et où cette phrase : un qui avoit bonne mémoire, 
est devenue un qui avoit bonne renommée. Le ms. de 
Bruxelles est à peu près identique à celui de Paris, sauf les 
lacunes dont il ne présente qu'une seule, celle du cha- 
pitre XCYI, page 311 de cette édition. C'est le texte fourni 
par les deux mss. de Paris et de Bruxelles que nous avons 
préféré, en le complétant et le corrigeant par une comparai- 
son perpétuelle avec celui du ms. de Saint-Pétersbourg. On 
trouvera au bas des pages l'indication des lacunes du ms. C 
et de l'édition de 1612. 



II. 



Lei auteurs de la chronique du due Louis II : Jehan Cabaret, 
d*OrviUe, et Jehan de Chdteaumorand. 



Le rédacteur de notre chronique se fait connaître dans son 
prologue (page 2), comme étant « Jehan d'Orreville, pi- 
card, nommé Cabaret, pouvre pèlerin. » D avoue de 
plus que, chargé de « compiler et descripre les œuvres 
â! armes et chevaleries, vertus, bonnes meurs, belle vie 
et bonne fin » d'un si grand prince, il n'a pu, au moment 
d'aborder une tâche si ardue, lui qui se répute de petit sa- 
voir, se défendre de certaines appréhensions, à cause « de 
l'insuffisance de son petit engin et de son rude lan- 



mTRODUGTION. xj 

gage. » Heureusement, on est venu à son aide : un véné- 
rable chevalier, ancien compagnon du duc Louis, s*est 
chargé de raconter au futur historien la vie de son héros, de 
sorte que, ses notes prises et sa minute fiaite. Cabaret n'a plus 
eu qu'à décrire et grosser par chapitres les louables £aits du 
bon duc, en prenant soin de mettre l'histoire en assez com- 
mun parler, pour que la lecture en plaise aux liseurs et es- 
conteurs. Ce travail de rédaction commencé le 29 mars 1429, 
' après Pâques, était déjà bien avancé le 4 mai S et a dû être 
terminé peu de jours après, en deux mois au plus. 

Voilà tout ce que nous savons de Cabaret et de son œuvre. 
Originaire d'Orreville, qu'on écrit plus communément au- 
jourd'hui Orville, village et commune du Pas-de-Calais, 
canton de Pas, arrondissement d'Arras, il est néanmoins 
fondé à se dire picard, car Orville était du bailliage d'Amiens. 
Notre auteur était-il parent, et à quel degré, d'un autre Jehan 
Cabaret, dit Poussart, tué antérieurement à 1359, à Norrem 
(chef-lieu de canton de l'arrondissement de Béthune (Pas- 
de-Calais), par un certain Jacques li Parmentier * : c'est ce 
qu'il n'est guère possible de déterminer avec certitude. 
Â-tr-il été secrétaire du comte de Clermont, plus tard duc de 
Bourbon sous le nom de Charles l^, par l'ordre duquel a été 
rédigée la chronique de Louis II ? Jean Masson l'affirme 
dans le titre de l'édition de 1612, mais sans apporter aucune 
preuve à l'appui : on a depuis répété de confiance cette as- 
sertion toute gratuite ; pour nous, nous n'avons rien trouvé 
dans les archives du Bourbonnais ni pour ni contre, et nous 
serions tout disposé à ne pas attribuer à notre auteur un 
titre qui ne lui ^t donné dans aucun de nos trois manus- 



4. Voy. chap. LXXXV, pag. 266, lig. 18-19. 
2. Reg. JJ. 116, n' 240, aux Archives nationales. 



xij imrRODUGTION. 

crits, et dont il nous semble qu'il n*eût pas manqué de se 
parer lui-même, s'il s'y fût reconnu le moindre droit. 

Quant à son collaborateur, les renseignements nous font 
un peu moins début, quoiqu'ils ne soient pas fort nombreux. 
Jehan de Châteaumorand était le second fils d'Hugues de 
Ghâtelus, seigneur de Châteaumorand, auquel notre chro-* 
nique rend ce témoignage « que oncques en sa vie ne fit 
voyaige se non à ses despens, ne aussi n'ot cure de de-- 
more¥ en cour de seigneur » (page 231). . 

Avec lui disparut ce nom de Ghâtelus porté pendant près 
de deux siècles par une puissante famille féodale, vassale à 
la fois et des comtes de Forez et des sires, plus tard des 
ducs de Bourbon. Hugues de Ghâtelus avait épousé une des 
héritières de la famille de la Porte, et fut en conséquence 
seigneur de la moitié des terres de Sanceaux, Raimond et 
Lugny pour lesquelles il fit aveu au duc Louis II en 1366, 
au nom de sa femme Marguerite de la Porte, et de leurs trois 
enfants Guichard, Béatrix et Jean. Ge fut ce dernier qui 
recueillit plus tard la succession de son père : Guichard, 
après avoir, ainsi que son père et son frère, longtemps servi 
le duc Louis II, mourut à Gênes, au retour de l'expédition 
en Barbarie (1390), et Jehan se trouva seul héritier du nom 
et des fiefis tant paternels que maternels. 

Nous le voyons en effet prendre successivement le titre de 
seigneur de Poligni en 1397, et de seigneur de Ghâtelus et 
de Ghâtealimorand en 1407 et 1412. Il avait épousé, nous 
n'avons pu découvrir à quelle date, Marie de Frolois, dont 
il n'eut qu'une fille, nommée Agnès, qu'il donna en mariage, 
suivant contrat du 14 janvier 1423 {Invent, des titres de 
la maison de Bourbon, n** 5187), au second fils de Phi- 
lippe de Lévis, comte de Villars, Brémond, qui porta tour à 
tour les surnoms d'Ânduse, de la Youte, et enfin de Poligni 



INTRODUCTION. xiij 

et de Ghàteaumorand. Gomme c'est dans un acte du 5 février 
1440 que ce dernier titre lui est donné, l'on peut croire qu'il 
l'a pris comme héritier de son beau-père récemment décédé, 
supposition qui prolongerait la vie de Jehan de Ghàteaumo- 
rand jusqu'en 1439 à peu près, ce qui n'a rien que de très- 
vraisemblable. Je vois en effet dans un ancien inventaire 
des titres de Poligni (aujourd'hui Lévi, commune de Lurci- 
Lévi, Allier), que, le 13 mai 1438, le duc de Bourbon, 
Charles I*^, accorda à noble honmie Jehan de Giâteaumo- 
rand la permission de faire fortifier et entourer de fossés son 
Ueu, place du Breuil-e»-Chaps S sis en la châtellenie d'Ainai, 
qu'il tenait en fief de l'abbaye de Saint-Sulpice de Bourges, 
comme seigneur de Bannegon et de Poligni. 

Ghàteaumorand est, de tous les chevaliers du duc Louis, 
celui qui tient, à beaucoup près, le plus de place dans notre 
chronique, et cela se conçoit : le bon chevalier, en racon- 
tant les hauts faits d'un maître aimé, n'a garde d'oublier de 
se faire honneur, lui aussi, de la part qu'il y a prise, en y 
mettant du reste toute la discrétion et la réserve imaginables. 
Partout où les hasards de sa vie militaire ont conduit le bon 
duc, Ghàteaumorand l'a suivi*, d'abord comme écuyer por- 
tant le pennon ducal ; puis, à partir du siège de Nantes, 
comme chevalier commandant une compagnie de gens 
d'armes. Au banquet solennel qui fut donné le jour du sacre 
deGharles VI (4 novembre 1380), Ghàteaumorand fut l'é- 
cuyer au giron duquel le roi tint ses pieds (pag. tl 9-120), 
et doit avoir été compris par conséquent au nombre de ceux 

1. Commune de Bannegon, à 18 kilomètres environ de Saint- 
Amand (Cher). Ce nom de lieu a été bien défiguré. L'inventaire 
de Poligni récrit : Bonnelly aux camps, Gassini : Le bruit au ckatj 
^i la carte de Tétat-major : Brot au chat. 

*2. Voir surtout pag. 33, 57, 95, 101, 148-151, 169-171 et 199. 



Xiv INTRODUCTION. 

des défenseurs de Nantes qui furent alors armés chevaliers 
pour le honneur du sacre, ce qui (par parenthèse) per- 
mettrait de placer sa naissance vers 1355. Le nouveau che- 
valier avait fait ses premières armes vers 1371, à la dé- 
trousse de Michelet La Guide, l'aventureux partisan anglais 
(p. 24). 

Chàteaumorand ne se contenta pas de suivre partout son 
maître, et de le servir avec autant de fidélité que de bra- 
voure et de dévouement : lui aussi il avait pour devise de 
« quérir honneur par armes », et pour ambition de « bour- 
ter avant Fhosteî dont il estoit sailli ». On le trouve mêlé 
avec son maître à la plupart des grands événements de son 
siècle ; et si quelquefois il s'éloigna du duc Louis, ce ne fut 
guère que pour prendre part, de son aveu, à de glorieuses 
expéditions entreprises le plus souvent par des princes ou des 
généraux français. C'est ainsi que nous le voyons successi- 
vement dans notre chronique au siège de Ghâteauneuf-de- 
Randon, où mourut Duguesclin, le 13 juillet 1380 (pag. 116- 
118), et à celui de Nantes, où il commanda, avec son cousin 
le Barrois, les gens du duc de Bourbon (pag. 120-127); à 
Vannes, où eut lieu le duel des cinq Français contre cinq 
Anglais (p. 132-135); devant Gourbies les Granges et 
Montvalent, où il achève la délivrance du Poitou com- 
mencée par le duc Louis (p. 153-156); enfin à Gênes, 
avec Boucicaut (pag. 305-309). 

Chàteaumorand s'est donné une large place dans la vie de 
son maître; mais, en ne s'oubliantpas lui-même, il a eu soin 
d'y mettre plus que de la réserve et du bon goût, il y a mis de 
la modestie : il n'a pas chanté ses propres louanges; et, parlant 
de lui-même, il a su s'arrêter à temps, et n'en pas dire trop 
long. Si l'on s'en veut rapporter à Froissart et à la chro- 
nique de Boucicaut, Chàteaumorand aurait joué un rôle qui 



INTRODUCTION. XV 

a son importance dans ce qu'on pourrait déjà nommer au 
XV* siècle la question d'Orient. Ce fut lui que Charles VI 
chargea d'accompagner Jacques de Helly, pour négocier 
avec Bajazet la libération définitive des prisonniers de Nico- 
polis^ C'est à lui enfin qu'en partant pour conduire en 
France l'empereur Manuel Paléologue, Boucicaut confia la 
défense de Constantinople^ contre Bajazet. 

Froissart, dont le récit n'est pas absolument conforme à 
celui de la chronique de Boucicaut, quant à ce qui concerne 
la négociation, fait un grand éloge du négociateur, qu'il 
nous représente comme un « chevalier pourveu de sens 
et de langage, froid et attrempé en toutes manières. » 
Le duc Louis, son maître, eut aussi grande confiance en ses 
lumières, et on le vit un des trois chevaliers choisis par le 
sire de Norris, quand il fut question de régler définitivement ' 
les comptes du duc de Bourbon, lorsqu'il abandonna défini- 
tivement la Cour pour se retirer dans ses domaines. Châ- 
teaumorand montra au service de son maître non-seulement 
la bravoure et les qualités militaires de sa race et de sa con- 
dition, mais aussi les aptitudes et le mérite politique d'un 
véritable homme d'état : c'est lui que le duc de Bourbon 
chargea le plus habituellement des négociations qu'il eut à 
poursuivre avec diverses puissances; c'est lui qu'il envoya, 
à deux reprises différentes, en Achaïe et en Morée, puis enfin 
en Aragon, pour prendre, avec les ministres du roi Louis, 
les derniers arrangements relatifs au départ du duc pour 
Naples d'abord, et puis pour Chypre et Jérusalem. 

Si nous nous sommes arrêté, peut-être un peu longuement, 
sur la vie de notre chevalier, c'est qu'en réalité c'est lui que 

1. Froissart, édition Buchon, hv. IV, chap. LUI, pag. 273 et 
suivantes. Ghroniq. de Boucicaut, chap. XXVII. 

2. Ghroniq. de Boucicaut, chap. XXXIII et XXXIV. 

b 



X\J ETTRODUCTION. 

QOtts cansidàrons comme l'auteur réel de la chronique du 
duc Louis. 

Cabaret n'est, à vrki dire, que l'éditeur, le scribe chargé 
de rédiger et mettre au net les récits du vieux compagnon 
du bon duc. De là, l'explication toute naturelle des nom- 
breuses erreurs reprochées de tout temps à notre chronique. 
Châteaumorand, armé chevalier en 1380, a dû naître vers 
1355, et avoir par conséquent en 1429 bien près de 75 ans. 
Faut-il donc tant s'étonner qu'à cet âge, tous les détails des 
faits accomplis dans sa première jeunesse, et auxquels par 
suite il n'a pas dû prendre personnellement une part très-im- 
portante, sesoient trouvés quelque peu obscurcis, embrouillés 
et confus dans sa mémoire après ce long espace de plus de 
cinquante années ? Pour tout le règne de Charles V, c'est- 
à-dire pour toute la première partie de la chronique du bon 
duc, Châteaumorand n'a dû bien souvent parler que par 
ouï-dire, n'ayant pas été témoin oculaire des faits, ou ne les 
ayant connus, quoique présent, que d'une manière très-im- 
parfaite, à cause de son jeune âge, et de la situation très- 
inférieure où cet âge le réduisait. L'assertion si précise du 
prologue, qu'il parlait « pliLS de voir que d'àïr, > ne doit 
pas être en tout et partout prise au pied de la lettre. Or, ne 
l'oublions pas : c'est uniquement à cette première période de la 
vie du bon duc antérieure à 1380, que s'appliquent tous les 
reproches adressés à notre chronique. Est-on bien en droit 
de les faire remonter à Cabaret î Peu1>-on reprocher à un 
chroniqueur du xv* siècle de n'avoir pas compulsé soigneu- 
sement les archives, et consulté toutes les sources? Poser 
la question, à mon avis, c'est la résoudre. 

D'après dom Turpin *, on conservait encore à Moulins en 



i. Ciollection Morbau à la Bibl. nationale, vol. 340, fol. 107 ss. 



INTRODUCTION. Xvij 

1768, aux archives de la Voûte, relativement à l'histoire de 
Louis II, les comptes de ses menues dépenses depuis 1363, 
celui de sa rançon lorsqu'il fut prisonnier en Angleterre 
(1368), celui des dépenses du château de Moulins (1375), 
celui des contributions pour le voyage que Mgr le duc a fait 
en Barbarie (1390) ; enfin tous les titres de l'établissement 
des Célestins à Vichi (1374-1408). 

Notre ambition eût été de reprendre, au xix° siècle, la 
tâche délaissée au xV par le pauvre pèlerin picard. Nous 
avons espéré un instant qu'il nous serait possible de retrou- 
ver et d'utiliser pour nos études ces documents étudiés, 
analysés, et peut-être copiés, par D. Turpin au xvnf siècle, 
décrits et inventoriés dans un catalogue en trois volumes 
in-folio, dont il a existé plusieurs copies, par un sieur Fon- 
taine, longtemps conmiis à l'administration des afiaires de 
S. Â. S. Mgr le prince de Ck)ndé, en Bourbonnais. Qiargé 
en 1744, par le conseil du prince, de dresser l'inventaire 
général de tous les titres de la Voûte qui étaient dans la 
dernière confusion, il y travailla cinq années, et envoya 
son travail en double exemplaire, l'un au conseil du prince, 
l'autre au Roi. Un troisième, resté à Moulins, ne s'est pas 
retrouvé aux archives de l'Allier, qui n'ont conservé de 
celles de la Voûte que les terriers des châtellenies non 
engagées, et encore à partir seulement du xv^ siècle. 

Toutes nos recherches étant restées sans résultat, il ne 
nous reste plus qu'à promettre au lecteur, si par hasard une 
découverte inattendue nous mettait en face, soit des copies 
de D. Turpin, soit de l'inventaire Fontaine, de £aire tout ce 
qu'il dépendra de nous pour que les documents retrouvés 
reçoivent le plus tôt possible toute la publicité qu'ils mé- 
ritent. 

Un travail de même nature, mais beaucoup plus vaste, 



Xviij INTRODUCTION. 

puisqu'il embrassait à la fois toute la série des sires d'abord, 
et puis des ducs de Bourbon , a bien été rédigé, et peutp-être 
même publié dans le premier tiers du xv o*^ siècle ; c'est un 
livre introuvable, et sur lequel, malgré tous nos efforts, il 
ne nous a pas été possible de mettre la main. L'auteur, natif 
d'Aigueperse, nommé le 23 février 1603 conseiller au pr^ 
sidial de Moulins, eut pour successeur, le 27 septembre 1631 , 
son fils Jean. Son ouvrage a pour titre : « Éphemérides 
Bourbonnaises, ou histoire Journalière des princes, 
ducs, comtes et autres seigneurs de la royale maison 
de Bourbon; ou extrait des chartes, titres, contrats et 
autres papiers qui sont es chambres des comptes de 
Paris et de Moulins, et des journaux de la chambre 
aux deniers des ducs de Bourbonnois, par Noël 
Cousin, conseiller pour le roi en la sénéchaussée et 
siège présidial de Bourbonnois à Moulins. » 

Ce volume est mentionné par Lenglet-Dufresnoy, dans 
son Catalogue des Historiens, et Duchesne (pag. 258 de 
la seconde édition de sa Bibliothèque des Historiens de la 
France) assure qu'il devait être bientôt mis en lumière à 
Paris, mais, ajoute le P. Lelong, à qui nous empruntons 
ces détails, il n'a pas paru (Bibl. hist. de la France, t. II, 
Ti9 24969). Févret de Fontette, au contraire, dans son sup- 
plément à la Bibliothèque du P. Lelong, le cite sous le 
n° 37484* (tom. IV, pag. 400, col. 2«), comme étant de 
format in-18, pai: conséquent imprimé. 

En tout cas, une chose bien certaine, c'est que nous 
n'avons pu même constater l'existence d'un seul exemplaire. 
Peut-être ont-ils été tous rigoureusement supprimés, soit 
par Fauteur lui-même, soit par d'autres. Un écrivain mou- 
linois du xvn® siècle, J. Mégret, nous fournit à cet égard, 
dans un de ses recueils intitulé Illustres viri Borbonii 



INTRODUCTION. XIX 

aut nostra, atitpatrum memoria (Bibl. nat., fonds latio 
n» 17616, fol. 23 v*), des détails qui ont leur intérêt. Noël 
Cousin, nous dit-il, plein de passion pour la justice et 
réquité, finit par afiaiblir la bonne opinion qu*il avait 
d'abord fait concevoir de ses lumières, en voulant se mon- 
trer trop sévère et trop difScile dans ses Recherches sur 
les Ephémérides des Archembaud» c'est-à-dire de la 
famille des anciens sires de Bourbon, avant l'époque de son 
alliance avec la famille royale. Son travail n'a servi ni à 
lui-même, ni à d'autres^ Comment interpréter cette der- 
nière phrase? Mégret a-t-il voulu dire que le livre était trop 
mauvais pour être utile, ou trop rebutant et trop difficile à 
lire pour obtenir un succès de bon aloi et une popularité 
réelle ? C'est là une question que l'examen seul de l'ouvrage 
pourrait aider à résoudre. Qu'il nous soit permis d'espérer 
qu'un jour un hasard favorable nous permettra de mieux 
connaître et d'apprécier avec connaissance de cause l'cBuvre 
si fortement critiquée du vieil érudit qui essaya le premier 
d'écrire, d'après les sources authentiques, les annales de la 
maison de Bourbon. 



III. 



VaUnÊT de la Chronique au poM de vue hittorique et littéraire. 

La chronique du bon duc Loys a été sinon composée et 
écrite, du moins compilée et grossée par chapitres en 1429, 



i. Natalis Gousinus justi aequique vindex, quam de se 

concitaverat opinionem imminuit, dum se Ephemeridanim £r- 
kembaidics familiae, sive antiquorum dynastarum Borbonensium, 
priusquam réglas jungeretur, indagatorem scrutatoremque nimium 
exhibera vult. Quod opus née profuit auctori nec uUi. 



XX INTRODUCTION. 

sur les souvenirs et les indications de Jehan de Chàteaumo- 
rand, qui devait avoir alors 75 ans environ. Commencée le 
29 avril après Pâques (pag. 3), elle était parvenue le 4 mai 
suivant (pag. 266) à son quatre-vingt-cinquième chapitre 
sur quatre-vingt-dix-huit, d'où Ton peut inférer sans in- 
vraisemblance qu'elle a dû être achevée avant la fin de mai ; 
Cabaret n'aurait donc employé que deux mois au plus ^ la 
rédiger, après avoir, il est vrai, consacré d'abord plus ou 
moins de temps à écouter et mettre par écrit les récits inté- 
ressants, mais peut-être un peu confus du bon chevalier 
€ qui parlait plus de voir que cPoïr. » A-t-il puisé à 
d'autres sources d'information que les mémoires qu'il nous 
apprend avoir eus du vénérable compagnon d'armes du bon 
duc ? Rien n'autorise à le supposer ; le seul chroniqueur 
antérieur à lui, qu'il nomme dans son ouvrage, c'est Frois- 
sart, dont il cite le récit de la bataille de Rosebecque 
(pag. 171), uniquement pour y renvoyer ceux qui désire- 
raient de plus amples détails sur la part prise à l'action par 
d'autres que le duc de Bourbon et les siens. Il affirme de 
plus fort nettement en t^t endroit n'avoir en vue dans sa 
chronique que le duc de Bourbon seul, comme il l'a déjà 
dit dans son prologue ; et, s'il mentionne dans un dernier 
chapitre (pag. 322), avec « la sépulture honnorable du 
bon duc, les escripts qui pour mémoire de lui sont 
fais, » rien dans tout son texte ne paraît indiquer suffi- 
samment qu'il ait jamais eu l'idée de s'en aider pour son 
travail. Il n'a songé ni à rectifier les dates, ni à contrôler 
l'exactitude des souvenirs dont il s'inspirait : son unique 
envie étant de faire un livre d'une lecture agréable à la 
mode de son temps; il n'a choisi pour modèles ni l'amusant 
et ingénieux Froissart, ni la savante Christine de Pisan, 
mais plutôt les auteurs anonymes des chroniques de Dugues- 



INTRODUCTION. XXJ 

din et de Boucicaut. Gomme ceux-ci, il a négligé et la 
chronol(^e, et les faits généraux qui n'avaient pas un rap- 
port immédiat et direct à la personne et aux actions du prince 
dont il s*était chargé de raconter les hauts faits. Ce qu'il 
s'est proposé de faire, ce n'est ni une véritable chronique, 
les dates ne lui importent guère, et sont rarement exactes 
pour toute la première période de la vie de Louis II ; ni une 
histoire, le moyen-âge n'ayant pour ainsi dire pas connu ce 
genre de composition ; ce serait plutôt un essai de panégy- 
rique officiel, une sorte de cyrofèàie française du xV siècle, 
dont l'auteur se montre aussi peu soucieux que son devan- 
cier athénien de tout ce qui n'est pas absolument personnel 
à son héros, et aussi empressé que lui à célébrer dans son 
prince l'exemple et le modèle de tous les talents et de toutes 
les vertus*. 

La chronique de Louis II a été écrite sur l'ordre du comte 
de CHermont et pour lui, entre la fin de mars après Paquet, 
et la fin de mai 1429 ; le comte de Qermont était alors en 
Bourbonnais, et deux actes analysés dans Vinventaire des 
titres de la maison de Bourbon nous attestent sa pré- 
sence le 20 avril 1429 à Riom, et le 19 mai suivant à Can- 
nât. Jehan de Châteaumorand étant seigneur de Poligni, 
aujourd'hui Lévi, dans la commune de Lurci, à 40 kilo- 
mètres 0. de Moulins, c'est donc en cette ville, selon toute 
apparence, qu'il a dû raconter à son auditeur enthousiasmé 
la vie du bon duc. 

Quoi qu'il en soit, nous avons là une chronique officielle, 
la légende peut-être un peu flattée, mais sincère après tout, 
d'un prince auquel la postérité a cru devoir maintenir le 



i. Voir notamment pages il, 38-39, 82, 85-86, 99-100, 157-174, 
267 et 317-322. 



XXij INTRODUCTION. 

surnom de bon. Cabaret, tout nous porte à le croire, a fidèle- 
ment reproduit, sinon les termes mêmes, à coup sûr le sens 
et certainement l'esprit des récits du vieux chevalier. Il nous 
£ait connaître, en gros, l'opinion dominante parmi les con- 
t^nporains de Charles YI (la noblesse du moins, et l'entou- 
rage des princes), sur les événements mémorables, en bien 
conmie en mal, advenus sous ce règne, ainsi que sur la con- 
duite des grands personnages qui s'y sont trouvés mêlés. On 
sait par lui que le duc de Bourbon, si peu de part qu'il ait 
voulu prendre aux entreprises des autres princes des fleurs 
de lys, n'en partageait pas moins leurs préventions contre 
Montaigu et les autres chefs des Marmousets (Y. pag. 362 
et 292). 

Cabaret, comme Froissart, se montre grand ami delà no- 
blesse, au milieu de laquelle il a dû passer sa vie à la Cour 
du duc de Bourbon : la noblesse, surtout la chevalerie, sont 
tout pour lui ; c'est en elles que se trouve la vraie force et 
l'honneur du pays (voy. pag. 11 à 15), le reste n'est que 
communes et villenaille, assez inutile àla guerre(voy. p. 80), 
que le prince se doit à lui-même de remettre à leur place 
quand ils sont assez osés pour en sortir (pag. 11), sauf à leur 
pardonner après avoir rudement châtié leurs écarts (p. 302), 
et à les protéger et faire instruire quand ils paraissent digïies 
des secours dont ils ont besoin (pag. 17). Du reste, au nombre 
des vertus dont la pratique est reconmiandée au bon cheva- 
lier, et prêchée d'exemple par le bon duc, il ne faut pas trop 
compter l'humanité envers les vaincus, et le respect de la 
vie himiaine. Si Louis II fait grâce aux gentilshommes du 
duc de Savoie pris à Ambérieu, et à leur chef Amé de Yiry, 
livré par son maître (pag. 299 à 302), s'il s'oppose à la mort 
de Perrot de Lignaige, anglo-gascon, vaincu en duel par le 
bâtard de Glarains (pag. 99), on le voit en revanche, à 



INTRODUCTION. XXllj 

Brîves-la-Gaillarde, faire couper la tête aux traîtres qui 
avaient accueilli les Anglais (pag. 57), à Sainte-Sévère tuer 
Anglais à desroi (pag. 34), de manière à n'en laisser que 
cinq en vie : encore un des cinq, le capitaine Foudrigay, 
estr-il presque aussitôt mis à mort par un des amis du bon 
duc, le maréchal de Sancerre, « pour aucuns desplaisirs 
qu'il lui avoit fais à la tour de Vesvres. > Il serait trop 
long, et d'ailleurs ce n'est pas ici le lieu, de relever tous les 
traits de ce genre que l'on rencontre dans notre Chronique. 
L'acteur a reproduit, sans y rien changer, les récits qui 
l'ont charmé dans la bouche du vieux chevalier son colla- 
borateur ; comme lui, il aime et admire, et voudrait faire 
aimer et admirer au lecteur le bon duc aïeul de son maître, 
et il est sincère et véridique dans son admiration, autant 
que Châteaumorand dans ses récits. Ils nous ont à eux deux 
conservé et transmis le récit des faits, l'un comme il les 
avait vus, comme il se rappelait les avoir appris quand U 
n'en avait pas été témoin oculaire ; l'autre, comme ils lui 
ont été contés. De là, les erreurs de dates, de noms de lieux 
et de personnes ; enfin, les inexactitudes de toute nature que 
l'on a depuis longtemps remarquées dans la chronique du 
bon duc. C'est une imperfection que nous n'avons jamais 
songé à dissimuler, et à laquelle nous aurions voulu parer 
de notre mieux, en donnant à la fin de cette introduction un 
tableau chronologique de la vie de Louis II, telle qu'elle 
nous est racontée par son chroniqueur. Nous avions eu d'a- 
bord le projet de refaire à nouveau la. vie du bon duc, mais 
nous avons reculé devant l'étendue que menaçait de prendre 
notre travail, et surtout devant l'inconvénient de présenter 
deux fois au lecteur un récit qui, en fin de compte, n'aurait 
pas été au fond très-différent de celui de Cabaret, et qui 
n'eût pas gardé le charme particulier, la saveur archaïque 



XXIV INTRODUCTION. 

de cette langue du xv^ siècle, si saine et si franche avant 
qu'elle n'eût été remaniée et gâtée comme à plaisir par les 
beaux esprits peut-être un peu pédants de la Renaissance. 

Car nous croyons bien, n'en déplaise à ces délicats « qui 
ont le goût trop difficile, » que notre pèlerin picard, 
« qui tant aima gentillesse, » n'est pas absolument dé* 
pourvu de tout mérite littéraire, quoiqu'il ait cru devoir, 
dans son humble préface^ parler de petit savoir de rude 
langage et de l'insuffisance de son petit engin (pag. 1 et 2). 
Il n'a sans doute pas désiré qu'on le prenne au mot ; et, du 
reste, ce ne serait pas tout-à-fait conforme à la justice dont 
il ne faut pas violer la règle cuique suum^ à. chacun 
son dû. 

Or, sans faire de notre pouvre pèlerin ni un JoinviUe, 
ni un Commines, on peut, je crois, demander pour lui une 
petite place dans la série des Chroniqueurs français, au- 
dessous de ceux-là et au-dessus des auteurs anonymes des 
Chroniques de Duguesclin et de Boucicaut, au-dessus même 
de la docte et parfois un peu pesante Christine de Pisan. 

Il a rencontré dans certaines occasions ce qu'on trouve 
si rarement dans les panégyriques officiels et faits sur com- 
mande : je veux dire la note juste et l'émotion vraie. Qu'on 
rdise la réponse de Duguesclin aux deux ducs et sa justifi- 
cation contre les injustes soupçons du roi (pag. 113-115), 
le récit de la mort du jeune Loys, et de la visite du duc de 
Berri à celui de Bourbon (pag. 273-275), et enfin la vivante 
peinture (pag. 316-317) des élans spontanés de deuil et d'a- 
mour, avec lesquels les populations bourbonnaises accueil- 
lirent partout sur son passage le cortège funèbre conduisant 
à Souvigni le corps du bon duc, et je me trompe fort , ou 
l'on se laissera toucher à l'éloquence naïve et sans apprêt de 
sentiments élevés et sympathiques. L'on ne pourra s'em- 



INTRODUCTION. XX V 

pêcher, je crois, de partager une émotion qui n*est si corn- 
municative, après tout, que parce qu'on la sent à la fois 
profonde et sincère. 

C*est au moment même de l'apparition de Jeanne d'Arc 
que notre auteur écrivit : la date est significative, et l'œuvre 
porte la marque des émotions du jour. Le chapitre LXXXV, 
qui est daté du 4 mai 1429, le jour même de l'arrivée à Or- 
léans du convoi venu de Blois, contient (pag. 267), sur les 
malheurs de la France « navrée de plaie cruelle » et les 
dissensions des princes, des réflexions et des conseils que 
Cabaret, pour plus de sûreté, met dans la bouche de son 
héros, mais auxquels peut-être il se fut bien donné garde, 
en d'autres circonstances, de laisser un libre cours. Dans 
son dernier chapitre, enfin, après avoir en son nom personnel 
payé au bon duc de Bourbon un dernier tribut d'^oges et de 
regrets, il termine en le félicitant d'être mort assez tôt pour 
ne pas voir les horribles maux advenus en France après lui, 
maux qu'il eût peut-être été possible d'éviter « si France 
eust eu encore beaucoup de tels deffendeurs. >► Souvent 
le salut de tous n'a été que l'œuvre d'un seul. Or, le plus 
ancien de nos trois manuscrits, celui de Bruxelles, qui est 
peutr-être contemporain de l'auteur, rapproche dans son 
eœplicit, non sans intention peu1>^tre, du nom du pauvre 
pèlerin picard celui de Jehanne la bonne Lorraine. 



SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. 



Naissance du duc Louis II (4 août 1337). — Il succède à son 
père Pierre I*', tué à Poitiers (19 sept. 1356). — Son départ pour 
l'Angleterre comme otage pour le roi Jean (l®' août 1360), cha- 
pitre I, p€ige 4. 

Son retour et sa libération définitive (octobre 1366), ch. u, pag. 6. 

Reprise des châteaux forts occupés en Bourbonnais par les An- 
glo-Gascons (1367-1368), ck, y-yi, pag. 15-21. 

Louis de Sancerre nommé maréchal de France (Noël 1368), 
ch, XV, pag. 41. 

Projet de descente en Angleterre ; campagne en Normandie du duc 
Louis sous les ordres du duc de Bourgogne (juin 1369), ch. xxvi, 
pag. 72-73. 

Captivité dlsabeau de Valois, duchesse de Bourbon, môre du duc 
Louis, prise à Belleperche par des Anglo-Gascons (fin août 1369), 
ch. xxvii, pag. 74-77. 

Reprise de Belleperche par Louis II (hiver de 1369-1370), ch. 
xxvm-xxiz, po^. 77-86. 

Duguesclin connétable de France (2 octobre 1370); défaites des 
Anglais à Pontvalain, Bresuuire et Saint-Maur-sur-Loire (oc- 
tobre-novembre 1370), ch. ix-x, pag. 24-29. 

Mariage de Louis II avec Anne Dauphine, héritière du Forez (août 
1371), ch. vn, pag. 22. 

Campagne des ducs de Berry et de Bourbon en Guyenne, sous 
les ordres de Duguesclin (avril-octobre 1372), ch. xxx-xxxi^pag. 
86-93. 

Délivrance d'Isabeau de Valois à la tour de Brou par le duc 
Louis n, son fils, et Duguesclin, ch. xxxi, pag. 92-93. 

Bataille de Chizé (21 mars 1373), campagne de Bretagne, siège de 
Brest, ch, xiv-xvi, pag. 37-48. 



XXVm SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. 

Grande chevauchée de Lancastre ; la Barrière amoureuse, com- 
bats à Troyes, Sens, etc. (1374), ch, xvm-xxu, pag. 50-59. 

Pierre de Norris, lieutenant-général du duc Louis II (1374), ch. 
Liii-Liv, pag. 160-165. 

Campagne de Louis II en Auvergne ; prise de la Roche-8ena- 
doire, Ambur, Tracros, etc. (1375), ch. xxxn-xxxv, pag. 93-104. 

Première expédition d'Espagne (1376), ch. xxxvi-xxxvm, pag. 105- 
102. 

Prise et sac de La Rye (28 juin 1377), ch. xxv, pag. 69-74. 

Expédition de Normandie; prise des châ,teaux de Gharles-le- 
Mauvais (avril-juillet 1378), ch. xxiv, pag. 66-69. 

Disgrâce de Duguesclin; Louis II à Angers (1379), ch. xxwm^pag. 
112-115. 

Mort de Duguesclin devant Ghâteauneuf de Randon (13 juillet 
1380). Mort de Charles V (16 septembre 1380), ch. xxxix, pag. 
115-119. 

Couronnement et sacre de Charles YI (4 novembre 1380). Siège 
de Nantes (hiver de 1380 à 1381), ch. xliu-xlv, pag. 119-127. 

Joutes à Vannes (1381), ch. xLm-xhv^pag. 127-136. 

Campagne de Flandres ; — Rosebecque, etc. (novembre 1382), 
ch. LV-LVi, pag. 165-175. 

Retour à Paris (janvier 1383); •— prise d'Ypres (automne 1383), 
ch. LVii-Lvni, pag. 175-179. 

Expédition en Guyenne (1385). — Sièges de Montléun, Taille- 
bourg, Le Faon, Yerteuil, etc. (15 septembre), ch. xlvi-li, pag. 
136-157. 

Secours donnés à Févêque de Metz, Pierre de Luxembourg (mars- 
juillet 1386), ch. Lxxxix, pag. 280-284. 

Expédition en Valais (1386), ch. xc.pag. 284-289. 

Seconde expédition. d'Espagne, conduite par Gautier de Passac et 
Guillaume de Neullac (1386); — le duc Louis II, allant les re- 
joindre, passe à Montpellier le 19 juin 1387, et revient ensuite 
par Orthez et Toulouse (5 octobre 1387).. 

Guerre contre les ducs de Gueldres et de Juliers (1388), ch. lxvi- 
Lxyii, pag. 202-207. 

Voyage de Charles VI en Languedoc, à Lyon, en octobre, et à 
Montpellier, le 15 novembre 1389, ch. lxxi, pag. 215-218. 

Expédition d'Auffricque (1390), ch. lxxii-lxxxii, pag. 218-257. 



SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. XXIX 

Expédition contre la Bretagne ; — folie de Charles VI (1392), ch. 
Lxxxni, j>a^. 263-266. 

Pèlerinage de Charles YI au Puy; il passe par Gannat (1395), 
ch. Lxxi, pag. 218. 

Mariage de Jean de Bourbon avec Marie de Berry (15 janvier 
1400), ch. Lxxi, po^. 218. 

Mort de Louis, second fils du duc Louis II (12 septembre 1404), 
ch. Lxzzvi, pag, 270. 

Assassinat du duc d'Orléans (23 novembre 1407), ch, lzxxvi, 
p€Lg. 271. 

Invasion d'Ame de Yiry en Bresse (printemps de 1409), ch. xcu- 
xciii, pag. 294-302. 

Secours envoyés à Boucicaut à Gênes (1409), ch. xciv-xcv, fog, 
302-309. 

Mort de Louis II (19 août 1410), ch. xcvri, pag. 313-317. 



PROLOGUE. 



Très-noble seigneur Charles, conte de Glermont, 
ainsné fils de puissant prince Jehan, duc de Bourbon 
et d'Âuver^e, conte de Forez et seigneur de Beaujeu, 
qui avez la garde gouvernement et administration de 
ses seigneuries en son absence, et estes lieutenant du 
roi de France en ses guerres, pour ce que vous enten- 
dez droitement à bien user de vostre dignité, vous 
recordez des proesses et vaillances de vos prédéces- 
seurs, et, pour le grant désir que avez leurs voies 
ensuivir, vous a pieu commander à compiler et des- 
cripre ung livre de leurs fais, et par spécial les oeuvres 
d'armes et chevaleries, vertus , bonnes meurs, belle 
vie, et bonne fin de hault et excellent prince très 
renommé, le duc Loys de Bourbon, vostre ayeul. Et 
comme à moi, qui me reppute de petit savoir, ayez 
daigné me ordonner ceste descripcion, et que ce seroit 
Tung des singuliers plaisirs que je peusse à vous et a 
vostre hostel faire, j'ai voulentiers obéï à vostre com- 
mandement, combien que ce me ait esté chose greveuse 

1 



s PROLOGUE. 

de si haults fais entreprendre, pour Tinsuffisance de 
mon petit engin, et aussi de mon rude langaige. Mais, 
pour ce que la lecture plaise aux liseurs et escouteurs, 
j'ai mis l'histoire en assez conunun parler, par le décret 
et mémoire de honnoré chevalier, messire Jehan de 
Ghastelmorand, qui, à mon advis et selon vérité, par- 
loit plus de voir que d'oïr ; et singulier délit prenoie 
en escoutant par sa parole la honnorable vie du duc 
Loys» pour les très grans biens que le chevalier me 
disoit avoir de lui receus, et aussi l'honneur que avoit 
eu en sa compaignie. Si eusse bien pou prouffité en 
cest volume, si le vaillant chevalier ne m'eust aidié en 
celle besongne, qui les fais de bataille avoit fréquen- 
tés. Pour tant plus asseuréement, je Jehan d'Orreville, 
picard, nommé Cabaret, pouvre pèlerin, après les 
mémoires de lui eues, et la minute par moi faicte, 
emprins à descripre et grosser par chappitres, les 
louables fais d'icelui duc et très-noble baron, le mardi 
XXIX* de mars, l'an mil nn^ xxix, après Pasques, et 
voulentiers commençai et ensuivi du livre la matière 
qui est telle. 



LÀ CHRONIQUE 



DU BON DUC 



LOYS DE BOURBON. 



I. Comment le duc Loys de Bourbon alla en hostaigey 
pour le roi Jehan ^ en Angleterre. 

C'est rhîstoire de très excellent puissant et très 
noble prince, le duc Loys de Bourbon, conte de Gler- 
mont, grant chamberier et pair de France, duquel je 
considère Texcellence et la noblesse, pour ce que selon 
la droite ligne de génération, ou degré de consangui- 
nité, il est descendu par généalogie de très glorieux 
Saint Loys, jadis roi du temporel royaume de France, 
comme vous orrez. Icelui seigneur roi Saint Loys ot de 
la roine sa fenmie plusieurs fils, dont l'un nommé 
Robert, fut conte de Glermont, lequel espousa la 
baronnesse de Bourbon ; et de Robert issit Loys pre- 
mier duc en Bourbonnois. Car Sainct Loys celle baron- 
nie eslevaen duchié\ après son retour de Damiette. £t 



i. Erreur : le retour de saint Louis étant de 1254, le mariage 
de Robert de 1276, et Férection du Bourbonnais en ducbé de 
décembre 1327. 



4 LOUIS n OTAGE EN ANGLETERRE. 

prist à femme ioelui Loys dame Marie de Hainault, 
seur au conte Guillaume. Desquels Loys et Marie des- 
cendit le duc Pierre, qui espousa la seur au roi de 
France nommé Philippe. Et de Pierre et Isabel, sa 
fenmie, fut fils Loys de Bourbon \ le tiers duc, dont 
cestui livre est fait. Lequel duc fut requis pour aller 
en Angleterre, après la prise du roi Jehan, qui fut prins 
devant Poictiers, en bataille, laquelle obtint le prince 
de Galles contre lui, l'an mil m° lvi. Si obéît le duc 
Loys de Bourbon, et y alla', et si firent maints autres 
princes de ce royaume de France, du sang royal, 
comme les ducs d'Anjou, de Berri, et autres, et mon- 
toit la plégerie du duc pour quoi il estoit en ostaige, 
la sonune de cent mille frans d'or, et laroine d'Angle- 
terre qui lors vivoit, fenmie du roi Edouard, de 
l'hostel de Hainault, estoit sa parente, à cause de la 
mère au duc, aussi estant du lignage de Hainault ; et, 
pour la vaillance et belle jeunesse que la roine remira 
au duc de Bourbon, son parent, qui estoit ung moult 
bel chevalier et gracieulx, et qui aimoit l'honneur sur 
toute rien ; regardant aussi les bonnes meurs dont il 
estoit plain, et le sien lignaige, et qu'il estoit ung che- 
valier fort amoureux , premièrement envers Dieu , 
après envers toutes dames et damoiselles, plein de 
gracieuses paroles, et ne pouvoit estre en lieu ou il 
oïst dire mal de dames ne de damoiselles, et ce a usé 
tout son temps, comme à plain est escript en aucuns 
livres, qui sont fais de lui : dont ses vertus furent tant 
agréables à la roine d'Angleterre, et aux dames du 



1. Né le 4 août 1337. 
i. Le 31 octobre 1360. 



SES ALLIANGES DE FAMILLE. 5 

pays, et à tous autres chevaliers et escuyers de hon- 
neur, que le duc Loys alloit par tout le royaume, à son 
plaisir, et venoit souventes fois devers la roine, à la 
court, ou s'esbatoit aucunes fois au jeu des dés, ou la 
roine passoit temps voulentiers. Et celle grâce d'aller 
et venir par toutes festes et esbanois, avoit le duc Loys 
par sa gracieuseté, joieuse parole, et bel vivre, ce que 
nul, tenant les hostaiges, n'avoit, et tant, que par le 
royaume d'Angleterre les dames et damoiselles, les 
chevaliers et escuyers Tappelloient le Roi de honneur 
.et de léesse. Et demoura le duc Loys de Bourbon en 
cellui hostaige, à ses propres cousts frais et despens, 
pour son souverain seigneur, l'espace de sept ans 
complis, montant la despense la somme de quarente 
mille frans passés, sans le principal, qui montoit cent 
mille frans d'or ; lesquels cent mille frans ses pays de 
Bourbonnois et Beauvoisin payèrent comptant, avec 
toute sa despense ; car en ce temps-là le roi Charles 
de France, qui vivoit, fils du roi Jehan, qui mort estoit 
en Angleterre, avoit tant à faire en son royaume, 
tant pour les esmotions d'aucunes ses communes, 
appelles Jacques et Maillets, conune pour le roi de 
Navarre, et d'autres grandes compaignies, qui lui 
estoient contraires, que le roi n'avoit peu aidier au 
duc, non obstant que le roi de France ot espousée sa 
seur aisnée à femme, et le roi Piètre d'Espaigne 
l'autre ; et l'autre de ses seurs ot par mariaige le conte 
Vert de Savoye, ung grant seigneur et vaillant. La 
quarte espousa le conte de Harcourt , la cinquiesme, 
le seigneur de Labreth, et la sixiesme fut priouresse 
de Poissy ; et ot la tante du duc Loys por mari le Roi 
de Behaigne. 



6 RETOUR D'AJfGLETERRE. 

II. Comment le duc Loys de Bourbon repaira d'Angle- 
terre en son duchié de Bourbonnois^ et qu'il dit à ses 
chevaliers. 

Le duc Loys de Bourbon, après la mort du roi 
Jdian, paya toute sa finance dont il estoit pleige, et 
eut plaine quictance du roi d'Angleterre. Puis passa 
la mer, et s'en revint en France, et l'en amenna ung 
grant chevalier d'Angleterre, appelle messire Hue de 
Gaverlay à Clermont en Beauvoisin, et là demoura le 
duc l'espace de deux mois, pour payer aucuns restas, 
qu'il devoit encores en Angleterre. Et venirent Bichat 
de Nade^ et Lorin de Pierrepont, qui tous temps avoient 
bien et deuement servi le duc Loys en Angleterre, et 
despuis en de grans fais ; lesquels portèrent la finance 
que le duc devoit en Angleterre, et aussi l'argent pour 
s'en venir en Bourbonnois. Et de Clermont partit le 
duc Loys, et s'en vint en son duchié de Bourbonnois à 
Souvigni, ou il arriva deux jours devant Noël, l'an de 
grâce mil m^Lxnj*, et de son eagel'anxxvnj. Car il avoit 
grant dévocion à deux corps saints, Mayol et Odille, 
gisans illec honnourablement ou prioré, et y séjourna 
voulentiers, pour ce que c'estoit l'une des bonnes villes 
de son pays. Et là venirent par devers lui ses cheva- 
liers et escuyers, qui bien sceurent sa venue, au jour 
de lafeste, moult lieset joyeulxdurepairementdeleur 

1. Philippe de Gbanvignyoa deChouvigny, dit Bichat, seigneur 
deNades et de Saint-Geran de Vaux. (Areh. Nat., P. 456, c. 184; 
P. 459, c. 211, et P. 1374, c. 2383.) 

2. Cette date, que donnent les trois mss., est inexacte; pour la 
faire cadrer avec l'âge donné au duc Louis il faut lire m cgg lzv, 
cf. p. 1, note 1. 



hetour d*an(»leteh]ib. 



seigneur. Et vint là messire Griffon de Montaigu, et 
meaeire Guy son frère, messire Guichart Daulphin, le 
aire de Cbastelmorand, et le sire de La Palice, le sire 
de Ghaseuil , messire Guillaume de Yichy aire de Bu»- 
set, le sire de Ghaslel de Montaigne, messire Lordin 
de Saligny, messire Regnault de Baserne seigneur de 
Ghamproux, et maints autres chevaliers et escuyers 
du pays de Bourbonnois, et n'estoit point de bonne 
heure né qui n'y venoit. Et à la ville de Souvigni, le 
jour de Noël, Fen de main, et l'autre, fut menée la 
plus grant vie que Ten pcust faire, et le quart jour des 
festes dit aux chevaliers le duc en riant, [qui fort estoit 
joyeulx et plaisant de la belle noblesse qu'il véoit à sa 
compaignie illec venus de si grant affection et vouloir, 
pomprasement, et en grant estât de richesse] ^ : € je ne 
vous vueil point mercier des biens que vous m'avez 
fais, car se maintenant je vous en mercioie, vous 
vous en vouldriez aller, et ce me seroit une des 
grans desplaisances que je peusse avoir, car des- 
puis sept ans je ne fus aussi lie comme je me treuve 
entre vous, car je suis en la compaignie ou je vueil 
vivre et morir. Et vous prie à tous que vous vueillez 
estre en ma compaignie le jour de l'an, en ma ville 
de Molins,et là je vous vueil estrener de mon cueur 
et de ma bonne voulenté que je vueil avoir avec 
vous, et vueil aussi que vous m'estrenez de vostre 
bonne voulenté, et ce seront unes riches estrenes 
au plaisir de Dieu. Car j'ai espérance de me gouver- 
ner par vous, et par vostre bon conseil, es choses 



1. Le passage entre crochets, qui manque dans les mss. G. et 
B., ainsi que dans Timprimé, est restitué d*après le ms. A. 



8 



CRÉATION DE L*ORDRE 



c qui toucheront mes pays et le bien de ce royaume, 
c esquelles je me vueil employer à mon povoir, à 
c vostre bomie aide, en vous priant, si acertes conune 
c plus puis, que vous me vueillez aidier à recouvrer le 
c temps que j'ai perdu, et bouter avant Thostel dont 
c je suis sailli. Car j*aile cueur et le vouloir de non 
c estre oiseux. Et de ceci je vous prie avec les autres 
c biens que vous m'avez faits que vous me vueillez 
c aidier, car je vueil vivre et mourir o vous, et je pense 
c que aussi faites vous avec moi. Et pour le bon espoir 
c que j'ai en vous, après Dieu, d'ores en avant je pour- 
c terai pour devise une seincture ou il aura escript 
c ung joyeulx mot : Espérance. > Â celle heure lés 
belles paroles du duc finées, la baronie qui là estoit, 
chevaliers et escuyers, ploroient de joie en disant : 
c benoist soit Dieu ! car nous avons seigneur et 
c maistre. > 



III. Comment le duc de Bourbon donna à plusieurs 
chevaliers son ordre de VEscu d^or^ le jour de Tan; 
et commuent Huguenin Chauveau , ou le duc estoit 
lougiéj lui présenta le livre peloux qu'il avoit faict 
contre les nobles j et que le duc en fit. 

L'an qui couroit Mil m^ Lxm, conune dict est, advint 
que la veille du jour de l'an fut le duc Loys en sa ville 
de Molins, et sa chevalerie après lui ; et se longea en 
la dicte ville en l'hostel d'ung de ses bourgois appelle 
Huguenin Chauveau, qui estoit grant procureur de 
Bourbonnois. Et le jour de l'an, bien matin, se leva le 
gentil duc, pour recueillir ses chevaliers et gentils 
hommes, pour aller à l'esglise Nostre Dame de Molins. 



DE l'ECU d*or. 9 

Et avant que le duc partîst de sa chambre, les voulut 
estrener d'une belle ordre qu'il avoit faite, qui s'appe- 
loit l'escu d'or. Et en celui escu d'or estoit une bande 
de perles ou il avoit escript : ALLEN. Et premier de 
celle ordre fut estrené le sire de la Tour, messire 
Henry de Montaigu, fils de messire Gille Âicelin. Le 
second fut messire Guichard Daulphin ; le tiers mes- 
sire Griffon de Montagu; messire Hugues de Ghas- 
tellus sire de Chastelmorand ; le sire de Ghastel de 
Montaigne' ; le sire de la Palice' ; messire Guillaume de 
Vichi, sire de Busset; messire Phelippes desSerpens'; 
^messire Lordin de Saligni; le siredeChantemerle^; 
messire Regnault de Baserne, sire de Gbamproux, le 
sire de Veaulce ; le sire de Blof^; messire Guillaume de 
la Mothe; messire Pierre de Fontenai, du pays de 
Berri, et plusieurs autres chevaliers, qui receurent 
l'ordre de l'escu d'or, et s'en tenoit chascun à moult 
honnouré de le recevoir, et non sans cause. Et en 
baillant la dicte ordre, commença à dire le duc de 
Bourbonnois à ung chascun : c Messeigneurs , ceste 
c ordre de l'escu d'or que j'ai faite signifie maincte 
€ chose honnourable pour tous chevaliers et autres, 
c lesquelles je vous dirai après le service divin , et 
€ que nous aurons disné, afin que nous les jurons et 
€ promettons tous ensemble. > De laquelle chose le 

i. Guillaume de Ghatel-Montagne. (Arch. Nat., P. 457, c. 35 
et 36.) 

2. Imbert de La Palice, sire de Lubié. (Arch. Nat., P. 456, 
c. 125.) 

3. Ou d'Isserpent. (Arch. Nat., P. 456, c. 106, et P. 469, c. 93.) 

4. Pierre de Ghantemerle. (Arch. Nat., P. 455, c. 75 et 235.) 

5. Jean de Ghouvigny. (Arch. Nat., P. 456, c. 70 et 180, et 
P. 457 bù, c. 13.) 



f LES PREMIERS CBEVALIERS DE l'ÉGU d'OR. 

mercièrent moult humblement « et pour k responoe de 
tous les chevalfers, parla messire Guillaume Dames S 
sire de Vichy eo partie : c Très hault et puissant 
c prince, et nostre très redoubté seigneur, véea>d 
c vos chevaliers qui vous mercient très humblement 
c de la belle ordre et grans dons que vous leur avez 
< donnés. Lesquels ne vous savent que donner à ce 
€ jour, fors qu'ils vous offrent leurs corps et leurs 
c biens, et ce que Dieu leur a donné ; qu'il vous plaise 
c les recevoir de bonne estrène à cestui premier jour 
c de l'an, nonobstant qu'ils y sont obligés à le faire ; 
c mais leur cueur est ferme, et leur voulenté pareille. » 
Le duc Loys, oïes les paroles du chevalier, les mercia 
bien chièrement de leur très bonne voulenté, et leur 
dit plainement : c J'ai aujourd'hui receu les plus belles 
c estrènes que seigneur peust recevoir, quant j'ai 
c receu les cueurs de si nobles chevaliers , car 
c je tien que vous estes pour venir à l'entencion 
€ que je désire. » Et sur ce se partirent, et alla 
le duc olr messe, ou estoient en sa compaignie huit 
barons, et bien jusques à quarente gentils honunes 
de nom. La messe célébrée, tint court le duc avec- 
queS ses barons, et lui revenu en la sale ou il avoit bon 
feu alumé, se présenta Huguenin Ghauveau, et apporta 
ung livre de demi-pié de hault, qu'il avoit fait secrè*- 
tement contre tous les nobles de Bourbonnois, cheva- 
liers et escuyers. Lequel Ghauveau vint devant le duc 
disant : c mon très-redoubté seigneur, vous estant en 
c Angleterre, où vous avez demeuré longue saison, je 
c me sui prins garde de vostre justice et des fais de 

1. Dit aassi Dalmas. (Arch. Nat., P. 457 bû, c. 32 et 35.) 



LE LIVRE PELOUX BB HUGUENm GHAUVEÀU. \ 1 

c vostre païs, et ai mis par escript tous les forfeis et 
c désobétesanoes que les chevaliers escuyers et nobles 
c d'arrière-fiefs ont fais, qui sont si grans qu'ils ont 
c confisqué tous leurs biens, et aucuns en y a, les 
c corps. Et pour ce, à ce jour de Tan, je le vous 
c donne, et vous fai la plus belle offre que vous fut 
c faite despuîs que vous partistes d'Angleterre. Et ai 
c mis sept ans à le faire, et s'appelle mon livre : le 
€ Pelloux. Si vous prie, mon très redoubté seigneur, 
c que vous le faites exécuter, et ce sera ung trésor à 
€ TOUS. » Le duc Loys de Bourbon; qui ot escouté 
son hoste Ghauveau et considérant sa malice, tant 
sagement et attrempéement lui fit responce en telle 
manière : c Hoste, vous avez mis longue estude et 
grant poine, en sept ans que j'ai demeuré en Angle* 
terre, à deffaire ma chevalerie et la noblesse de mon 
pays, dont vous avez fait comme œuvre de mauvais 
viUain, et bien ressemblez la nature dont vous estes 
issu. Car quant seigneur vous prent en son service, 
ven Testât dont vous estes, vous vous descongnois- 
sez, et ne regardez point à la fin de vostre commen- 
cement, qui n'estes riens, se non par le prince esleu 
en celui office ou il vous met. Et quant est de ce, 
Ghauveau, que vous me dictes, que vostre livre 
Pelloux soit exécuté, enbrief il sera fait devant vous. 
Gertes, il me semble que vous n'avez mie descript 
en vostre livre les biens que m'ont fais mes barons, 
qui m'ont getté hors de prison, mais pour me cui- 
der esmouvoirS y avez mis les grans haines que 



!. Ces quatre mots, empruntés au ms. A., manquent dans les 
deux autres et dans les imprimés. 



18 BUT ET DEVISE 

c VOUS avez à eulx, comme telles gens de vostre estât 
c ont. > Finie la parole du duc, ilprinst le livre Pelloux 
de la main de Gbauveau entre ses mains, appela ses 
barons et leur dit : < Mes amis, tirez vous près, venez 
< et véez ce que je ferai de ce livre que cestui hoste 
c m'e présenté. » Lesquelz y venirent, et adonc le duc 
rua le livre au feu, ou il fut ars devant Ghauveau, qui 
cuidoit obtenir audience contre les nobles pour les 
faire destruire, dont les chevaliers et escuyers mercie- 
rent humblement le duc de la grande franchise qu'ils 
virent en lui, et fit ceci si franchement que la renom- 
mée en dura tant qu'il vesquit, et en durera cent ans 
après sa mort. Et grant léesse fut à tous ses barons, 
car plusieurs en y avoit qui se doubtoient en estre 
chargés. 



IV. Comment le duc de Bourbon expousa la signifiance 
de Vescu d'or aux chevaliers , et comment messire 
Phelipes des Serpens parla pour tous, et quelles 
paroles le duc lui répliqua. 

Pour la solempnité du jour de l'an, après la messe 
solempnelle, se assist le duc à table, et (ut grant le 
disner et plain de joie de la noble chevalerie et escuie- 
rie, qui là estoit. Et après disner, grâces dites à Dieu, 
prononça le duc Loys de Bourbon à ses barons et 
chevaliers l'ordre de i'escu d'or, lequel avoit ung bel 
chappel vert en sa teste et dit : c Mes seigneurs, je 
c vous remercie trestous de mon ordre que avez prinse, 
€ après ma venue d'Angleterre. Si vous vueil dire que 
c l'ordre signifie et porte : La dite ordre signifie que 



DE l'ordre de l'ECU d'or. 1 3 

tous nobles qui Font et qui la portent doivent estre 
tous comme frères, et vivre etmorir Tung avec l'autre 
en tous leurs besoings. C'est assavoir en toutes 
bonnes oeuvres que chevaliers de honneur et nobles 
hommes doivent mener. Et oultre qu'ils ne soient en 
lieu à oïr blasphémer Dieu, qu'ils le puissent eschi- 
ver. Et prie à tous ceulx de l'ordre , qu'ils vueillent 
honnorer dames et damoiselles, et ne sueffrir en oïr 
mal dire. Car ceubc qui mal en dient font petit de 
leur honneur : ils dient d'une femme, qui ne se puet 
revengier, ce qu'ils ne oseroient dire d'ung homme, 
dont plus en acrott leur honte; et des fenmies, 
après Dieu, vient une partie de l'honneur de ce 
monde. Le second article de ceste ordre si est, que 
ceulx qui le portent ne soient janglères ne mesdi- 
sans l'ung de l'autre, qui est une laide chose à tout 
gentil honune, mais porter foy l'ung à l'autre, comme 
il appartient à tout honneur et chevalerie. Et mes 
amis, » dit le duc, c au travers de mon escu d'or 
est une bande ou il a escript : c ALLEN >. Allen 
est à dire : allons tous ensemble au service de Dieu, 
et soyons tous ung en la deffense de nos pays, et 
là ou nous porrons trover et conquester honneur 
par fait de chevalerie. Et pour ce, mes frères, je vous 
ai dit que signifie l'ordre de l'escu d'or, laquelle 
ung chascun à qui je l'ai baillée le doit jurer et 
promettre de le tenir, et moi le premier. > Lors se 
agenouillèrent les chevaliers tous devant lui, et lui 
dirent que c'estoit la plus belle ordre dont ils oïssent 
mais parler, et le mercièrent moult humblement de 
ce qu'il lui avoit pieu les mettre en cellui nombre de 
son ordre, et lui firent tous le serement en sa main. 



14 BOT ET DEVISE 

Et les seremens faits parla ung chevalier de Bourbon- 
nois, nommé messire Phelippes des Serpens, ung des 
meillem^ chevaliers du royaume, qui dit au duc : 
Très-hault et puissant prince, et nostre très redoubté 
seigneur, véez-<ci vostre chevalerie qui est tant lie 
et joyeuse, que ou monde porroit estre, de la grâce 
que Dieu leur a faite, qui les a ostés des ténèbres ou 
ils avoient demeuré quinze ans ; et regracient Dieu 
qui leur a donné la voie de honneur et de clarté. » 
£t sur ce respondit le duc Loys : c Messire Phelippe 
des Serpens, je remercie à mes bons loyaulx servi- 
teurs les choses qu'ils me dient, mais non obstant la 
douleur et courroux qu'ils ont eu de ma demeure se 
sont montrésbons et féaulx subgets . Car j'avoie en mon 
pays plus de douze places qui destruy oient mes hom- 
mes, lesquelles vous avez deslivrées de mes ennemis, 
dont je vous sai bon gré, et sontcestes : YerrièresS 
Bleth% yeros% le Bourg des Barres \ Sainct Âmand 
l'ailiierS Montrond% Sainct Geran-le-Pui% PuifoP, 



i . Château, commune et canton de Nérondes, arrondissement 
de Saint- Amand (Cher). 

2. Commune du canton de Nérondes, arrondissement de Saint- 
Amand (Cher). 

3. Aujourd'hui Veraux, commune du canton de Sancoins, 
arrondissement de 8aint-Amand (Cher). 

4. Cours-les-Barres (?), commune du canton de la Guerche, 
arrondissement de Saint- Amand (Cher). 

5. Chef-lieu d'arrondissement (Cher). 

6. Château ruiné près Saint-Aiàand (Cher). 

7. (Commune du canton de Yarennes, arrondissement de La 
Palice (Allier). 

8. Château, commune de Cindré, canton de Jaligny, arrondis- 
sement de La Palice (Allier). 



Ds l'ordre de l'ECU b'or. 



45 



Les BorbesS Bor^le-comte', Baignols% et Ghante- 
merie^. Auxquelles places vous tous, mes loyaulx 
serviteurs et subgets vous estes tellement employés 
en mon absence, que la plus grant part d'icelles 
ont esté deslivrées, moi estant prisonnier. A laquelle 
deslivrance vous, beau cousin, messire Guichard 
Dauphin, et messire Griffon de Montagu, le sire de 
Chastelmorand, messire Erard de L'Espinace, mes- 
sire Lordin de Saligni, Dames de TEspinace, le sire 
de Griffé, le sire de Blot, et messire Guillaume de 
la Mote, avez puissament aidié ; lesquels vous autres 
ici nonunés aviez tous jours gens en vos maisons 
pour vostre garde et deffense du pays, et les autres 
chevaliers et escuyers bien à vostre commandement, 
qui vous suivoient pour la vaillance de vous, et avez 
tant fait dont je suis tenu à vous. > De celle parole 

se hontoyèrent les chevaliers et dirent qu'il comman- 

dast , car ils estoient prests de obéïr. 



V. Comment le duc de Bourbon manda ses gens y et se 
arma premièrement pour prendre certaines places en 
son pays que les Anglois tenoient ; et comment y pour 



1. La Bourbe, ancien château, commune de Lenax, canton du 
Donjon, arrondissement de La Palice (Allier). 

2. Autrefois du Bourbonnais, cliàtellenie des Basses-Marches, 
aujourd'hui commune du canton de Marcigni, arr. de Gharolles 
(Sa6ne«et-Loire). 

3. Bagneuz, commune de l'arrondissement et canton ouest de 
Moulins (Allier). 

4. Ancien château et fief, communes de Monétai-sur-Loire et 
de 6aii|;ny, canton de Dompierre , arrondissement de Moulins 
(Allier). 



\ 6 REPRISE DE PLUSIEURS PLAGES 

rhonneur de DieUj il avait de couatutne de faire ung 
enfant raij et comment il mit ordonnance en son 
hostel. 

Le duc qui vit et congneut la bonne voulenté de ses 
nobles hommes, leur dit encores : € Mes amis, je n'ai 
c trouvé en mon pays que trois places qui me sont 
c bien encores sur le cueur : c'est assavoir la Roche- 
c sur-AUier^qui fait tant de maulx conune vous savez, 
c car elle occupe la rivière d'un lé à l'autre. » L'autre 
des places estoit Beauvoir', ou les Anglois orent com- 
passé une fosse nommée enfer; et là ils gectoient les 
gens qui ne se povoient ou ne voloient raençonner. Et 
la tierce si estoit Montescoth^, ou il n'y avoit que lieue 
et demie de l'une à l'autre, et des Anglois qui tenoient 
les places, en estaient capitaines Le Bourg, Camus et 
Guillaume Pot, qui là estoient demourés, dès l'heure 
que le prince de Galles passa par France, c Si vous 
€ requier, i fit le duc, t mes très vrais bons servi- 
c teurs et subgets que le quinziesme jour après la feste 
c des Rois vous vueilliez estre ensemble, à toute la 
c puissance de Bourbonnois, chevaliers et escuyers et 
c autres gens de guerre, pour aller en aucun lieu ou 
c je me vueil employer à ma venue en vostre bonne 



1. Ancien château au milieu de la rivière d'Allier, vis-à-vis 
Villeneuve, dont les ruines ont conservé jusqu'à présent le nom 
significatif de MalemoUe, défiguré sur la carte de Gassini en celui 
de lia Marmotte, et sur celle de TËtat-major, en celui de La 
Molinotte. 

2. Beauregard (?), château commune de Montilli, arr. et canton 
ouest de Moulins (Allier). 

3. Peut-ôtre Montesche (?), commune de Neuilli-le-Réal, chef- 
lieu de canton de Tarrondissement de Moulins (Allier). 



DU BOURBONNAIS SUR LES ANGLAIS. 1 7 

c oompaignie, et je vous despartirai de tels biens que 
c Dieu m'a donnés. > Âdonc les chevaliers le remer- 
dèrent humblement, et lui dirent qu'ils estoient appa- 
reillés de acomplir son bon vouloir, et de vivre et 
morir à son bon conunandement, et qu'ils avoient 
assez de biens à despendre à son service ; si les com- 
manda le duc à Dieu, et eulx, prins congié de lui, se 
partirent, et s'en allèrent amasser leur assemblée. Et 
demeura le duc Loys à Molins, qui fit faire habillemens 
secrets, et amasser gens à grant foison, et vaisseaulx, 
pour aller assiéger la dite Roche, qui estoit au milieu 
de la rivière d'Allier, et aussi eschielles, et ordonna 
trois vaisseaulx en chastelets. Les gens partis de court, 
vint le jour des Rois ou le duc de Bourbon fit grant 
feste et lie chière, et fit son roi d'ung enfant en l'eaige 
de huit ans, le plus povre que l'en trovast en toute 
la ville, et le faisoit vestir en habit royal en lui baillant 
tous ses officiers pour le gouverner, et faisant bonne 
chière à cellui roi en révérence de Dieu. Et l'endemain 
disnoit cellui roi à la table de honneur ; après venoit 
son maistre d'hostel, qui faisoit la queste pour le povre 
roi, dont le duc Loys de Bourbon donnoit conmiuné- 
ment quarante livres pour le tenir a l'escole, et tous 
les chevaliers de la court chascun ung franc, et les 
escuyers ung chascun demi-fi^anc. Si montoit la somme 
aucunes fois près de cent frans, que l'en bailloit au 
père et à la mère, pour les enfans qui estoient rois à 
leur tour, à enseigner à l'escole sans autre œuvre, 
dont maints d'iceulx en venirent à grant honneur, et 
ceste belle coustume tint le vaillant duc Loys de Bour- 
bon tant comme il vesquit. L'endemain des rois fit le 
duc Loys de Bourbon l'ordonnance des officiers qu'il 



1 8 PRISE DE LA ROCHE d' ALLIER , 

voloit avoir en son hostel. Et premièrement de scmi 
corps. Et entre les autres print messire Jehan de 
Demoret, qui estoit un saige chevalier et vieil ; si le 
retint son mestre d'hosteU et messire Goussaut de 
Thoury pour son conseillier ; et voult que Barberié» qui 
l'avoit servi en Angleterre, iust son escuyer tranchant, 
et qu'il portast son pennon, et le sire de Ghampropin 
escuyer d'escuierie, et son pannetier ung escuyer 
appelé Jehan de Gonfès. Et fit de ses offices ung chas- 
cun double, et haulsa son estât bel et grant, non mie 
comme on le fait au jour d'hui, mais par bel arroi et 
bonne mesure. Et retint ung chevalier qu'il amoit 
moult, pour les belles condicions dont il estoit plain, 
et pour les grans biens que le duc en avoit ouï dire, 
l'envoya querre, et le fit son mareschal ; et l'appelloit- 
on messire Jehan de TÂye, qui le servit moult longue- 
ment et honnourablement, et ne fit mie grant retenue 
de gens pour celle fois. 



VI. Comment la Roche d'Allier fut prinse par le duc^ et 
par- ses capitaines ^ Beauvoir ou estoit enfer j et Mon- 
tescoth^ et Vordonnance que fit le duc. 

Ou temps de quinze jours, que le duc de Bourbon 
eust ordonné à ses gens de venir par devers lui, ils n'y 
faillirent mie, mais à cellui jour furent tous montés et 
armés moult gentement : si alla une partie à Molins, 
l'autre à la Villeneufve-ès-Bresdiars \ et l'autre entre 



1. Commune de rarrondissement et canton oaest de Moulins 
(AUier). 



DE MONTESGOTH ET DE BEAUVOIR. 49 

Belleperche^ et Baignols. Le second jour après fit 
mectre le duc de Bourbon son mareschal, messire 
Jeban de FÂye, et messire Lordin de Saligni, Dames 
de FEspinace, Gomin Buret, pour les mander devant, 
es vaisscaulx en chastellets, et au cousté en terre, 
messire Griffon de Montagu, le sire de Ghastelmorand, 
messire Guillaume de la Mote, le sire de Blot, et mes- 
sire Erard de l'Espinace. Et de l'autre cousté deçà 
Baignols estoit le duc Loys en sa bannière, et grant 
foison de chevalerie, qui avoient navie pour aller à la 
place quant ils vouloient, et ne demeura le duc en sa 
compaignie que trois jours devant la Roche d'Allier, 
qu'elle ne fust prinse par force, et mors et prins tous 
les Auglois qui estoient dedans, et la dicte place rasée, 
dont la muraille y pert encore. Et au despartir de là, 
se retrahirent tous ensemble à la Villeneufve-ès-Bres- 
chars, et eulx tous assemblés estoient moult lies et 
joieubc de ce que avoient exploicté, et dirent au duc 
leur seigneur, qu'il leur avoit fait une belle deslivrance. 
Et leur respondit alors le duc : c Mes seigneurs, nous 
€ n'avons riens fait, se nous ne faisons encores mieulx. 
c Nous avons encores ici deux autres places , l'une 
c appelée Beauvoir, et l'autre Montescoth que tient le 
c Boui^ Gamus, et ont fait une fosse à Beauvoir, que 
c quant ils ont prins aucuns prisonniers, qui ne se 
€ veulent ou peuvent raençonner, ils disent : menez- 
€ les en enfer! > et là estoient gectés en celle fosse 
plaine de feu, de quoi le monde estoit si espoventé, 
que quant aucun estoit prisonnier, il bailloit ce que 



1. Ghâteaa miné près Ba^neux, commune de l'arrondissement 
et canton ouest de Moulins (Allier). 



SlO PRISE DE BEAUyOm. 

avoit vaillant, pour peur d'estre gecté en enfer. Et 
pour ce requist le duc Lbys à celle compaignîe, que 
tous tirassent celle part, qui lui respondirent : c Nostre 
c très-redoubté seigneur, nous sommes prests d'aller 
€ ou il vous plaira, et ne désirons aultre chose. Mais 
c nous vous prions humblement, qu'il vous plaise que 
c vostre personne n'y aille point ; car ce seroit trop 
c de honneur à eulx, à telles gens que ce sont, que 
c ung tel prince que vous estes y deust aller. Car ils 
c sont excommeniés de sentence de pape, et sont gens 
c de compaignie, et sans adveu ; mais, se vous plaist, 
c vous ordonnerez d'entre nous que aillons là. > Âdonc 
le duc leur accorda, et à grant peine, conune celui qui 
tous jours vouloit estre avecques eulx. Si fut ordonné 
que messire Lordin de Saligni qui avoit tous jours 
gens, le sire de Ghastelmorand, messire Erard de l'Es- 
pinace, et mains autres iroient là, et que le duc se 
retrairoit à Molins, ensemble messire Guichard Dau- 
phin, messire Henri de Montagu, et messire Griffon 
son frère, messire Guillaume de Yichi , messire Guil- 
laume Dames, messire Phelippe des Serpens et autres 
chevaliers de son hostel, pour avoir avis et conseil sur 
tous les grans affaires que avoit le duc après sa venue 
en son pays ; et les autres dessus nommés iroient 
devant les places, et ainsi fut ordonné pour non perdre 
temps. Et s'en alla le duc à Molins, et les capitaines 
avec leurs gens devant les places, lesquelles asségiè- 
rent, et furent prinses par force en unze jours, et mors 
tous ceulx qui estoient à Beauvoir, excepté le capi- 
taine nommé le Bourg Camus qu'ils menèrent à 
Molins, et les autres furent gectés en leur enfer. Et 
venirent les nouvelles au duc, dont il fut moult esjoui, 



CRÉATION DU CONSEIL DE BOURBONNAIS. 21 

et tout le pays, par manière qu'il sembloit que Dieu y 
fiist. Après la prinse des places allèrent les capitaines 
à Molins, devers le duc, qui les receut liement, et en 
leur présence fit de belles ordonnances. Tout premiè- 
rement, il retint quatre chevaliers pour l'ordonnance 
de ses affaires et de son pays, qui furent esleuz, pre- 
mier messire Jehan le bastart de Bourbon, sire de 
Rochefort, messire Phelibert de TEspinace, messire 
Pépin Ghailleu ; et lors fit le duc le mariage^ de messire 
Jehan le Bastart et de la fille messire Pépin, qui depuis 
a esté appellée dame de Rochefort. Le quart chevalier 
on nomma messire Goussaut, sire de Thoury, et 
estoient iceulx chevaliers moult vieulx, et ne suivoient 
plus les armes. Et retint messire Lordin de Salignî 
qui estoit ung appert et vaillant chevalier, pour son 
compaignon d'armes, et tous les autres chevaliers 
retint pour soi, quelque part qu'il allast en armes, 
qui depuis ne faillirent d'estre en sa compagnie, en 
tous ses fais, qui ont esté grans. 



VIL Comment le duc de Bourbon alla à Paris ^ 
vers le roi Charles, et la duchesse sa femme. 

Le roi Charles de France, fils du roi Jehaji, quant il 
eut sceu comment le duc Loys de Bourbon, duquel il 
avoit la seur à femme, avoit, après sa venue d'Angle- 
terre, recouvrées ses places par fait d'armes, et tenoit 
moult belle compaignie de chevaliers et de escuyers, 



i. Le contrat est du 26 septembre 1361. Arch. Nat. P. 1378>, 
c. 3086. 



22 MARIAGE DU DUC LOUIS 

fiit moult joieux de ces nouvelles, oomme celui qui en 
avoit bienbesoing, et lui mandate roi ung sien escuyer 
d'escuyerie, nommé Philippot de Santueil par lequel 
il lui mandoit que sur tous les plaisirs que le duc de 
Bourbon lui povoit faire, qu'il fust par devers lui à la 
feste de la Chandeleur. Si se excusa le duc, car il ne 
povoit nullement, pour ce qu'il avoit fiancée S comme 
le roi savoit, la fille au conte Dauphin qui, de droit, 
devoit estre contesse de Forez, non obstant ce que 
messire Regnaud de Forez eut vendu la conté au duc 
d'Anjou, mais pour tant ne laissa pas le duc Loys de 
Bourbon à tenir sa promesse de mariage, et recouvra 
le duc, despuis, la conté de Forez, par les beaulx ser- 
vices qu'il fit au roi et au duc d'Anjou son frère. Et 
prestement se partit le duc Loys de Bourbon pour 
aller espouser la duchesse sa femme, et furent les 
espousailles et nopces ou Dauphiné d'Auvergne, en la 
ville d'Ardes^, et se hastoit fort le duc d'aller au roi. 
Mais après le tiers jour de ses espousailles revint ung 
chevalier, de par le roi, lui apportant lectres de 
créance, et le duc, oïe la créance du chevalier, et les 
lectres vehues, comme le roi lui prioit et requeroit 
qu'il se hastast à venir en court devers lui, et qu'il fist 
venir la duchesse sa femme, pour accompaigner et 
demeurer avecques la roine, et ainsi le fit comme le 
roi lui manda, qui en fut moult lies quant il les vit en 
son hostel, et demeura la duchesse longuement avec 



i. Le 19 août 1371 à Vodable, commune des canton et arrondis- 
sement dlssoire (Puy-de-Dôme). Arch. Nat. P. 1370 >, c. 1925. 

2. Chef-lieu de canton, arrondissement d'Issoire (Puy-de- 
Ddme). 



AVBG ANIVE DÀUPHINE. 23 

la roine, nonobstant ce que ]e duc allast tousjours en 
armea pour le bien du royaume. 



YIII. Comment messire L&ys de Sancerre dit au duc de 
Bourbon qu'il parlast au roi de aller devant Saincte 
Sévère. 

Demeurant le duc de Bourbon à Paris devers le roi 
son souverain seigneur, advint que messire Loys de 
Sancerre et messire Jehan de Yillemur, qui sentoient 
le duc Loys moult chevalereux, lui requirent qu'il 
pleust au roi de le mander à Saincte Sévère ^ qui des- 
truisoit Poictou, Berri et Bourbonnois, et eulx avec- 
ques lui. Mais le roi ne le voult, en respondant qu'il 
actendoit son conestable de France, qui estoit en 
Espaigne, lequel il avoit envoyé querre, et gecté de 
prison. Mais à eulx dit le roi qu'il lui sembloit bon que 
l'en mist garnison sur les pays pour réparer au mal 
que faisoient les Anglois estans à Saincte Sévère. Si 
fut ordonné par le roi que le duc de Bourbon bailleroit 
à messire Loys de Sancerre cent hommes d'armes, 
dievaliers et escuyers, pour aller fournir les frontières 
de Berry, et ainsi fut fait. Si se partit messire Loys de 
Sancerre de Paris, et alla garnir les frontières, et mit 
quarante hommes d'armes des gens au duc de Bour- 
bon à Bomiers' et à Orsan ' qui est ung prioré, et en mit 



i. Ghef-liea de canton, arrondissement de La Châtra (Indre). 

2. Gominnne du canton et arrondiseement d'Issondun (Indre). 

3. Éc. commune de Maisonnais, arrondissement de Saint-Amand 
(Cher). 



24 MIGHKLET LA GUIDE EST FAIT PRISONNIER. 

autres quarante à BerthenousS et dix à Pruniers^ et 
messire Loys de Sanœrre mit de ses gens en establie 
à Puy agu', des meilleurs qu'il eust, dont ceulx de 
Saincte Sévère n'osèrent despuis chevaucher es pays 
dessus nommés, sinon ung Ânglois grant aventurier, 
qui s'appelloit Michelet la Guide, qui vint chevaucher 
de bois en bois, lui septiesme , jusques à Souvigni ^, 
près des portes* Et ung bien matin, comme à heure 
de tierce, Michelet rencontra au dehors ung gentil- 
homme de Bourbonnois, frère du prieur de Souvigni, 
monté sur ung bel courssier, avec ung autre pareille- 
ment monté , et nommoit-on Tescuyer Lancellot de 
Ghenillat, père de la Regnaulde, qui tous deux furent 
prins ; mais en s'en retournant Michelet avec sa prinse 
il fut rencontré des gens du duc de Bourbon, qui 
alloient d'une garnison à autre, et pouvoient estre 
huit, messire Guichard de Ghastelmorand, Jehan son 
frère, escuyer, Perrin d'Ussel, Odin de RoUat, et 
autres quatre gentils hommes qui destroussèrent 
Michelet la Guide, et de fait le prist Jehan de Ghastel- 
morand. 

IX. Comment il eut ung pou de rumeur entre le cones^ 
table et messire Loys de Saneerre pour la prinse du 
mareschal d'Angleterre. 

En cellui termine courut le bruit en Berri comment 

- — - - — - — - — - — - ■ - ^ 

i. La Brethenoue, commune de Saint-Christophle, canton de 
Ghàteau-Meillant, arrondissement de Saint-Amand (Cher). 

2. Canton et arrondissement d'Issoudun (Indre). 

3. Château détruit, jadis fief de la famille Pot, non loin d'Or- 
san, en Berri. 

4. Chef-lien de canton, arrondissement de Moulins (Allier). 



COMBAT DE PONT-YALAIN. 35 

le bon conestable de France, nommé messîre Bertrand 
du Guesclin (alias Glaquin) , venoit d'Espagne devers 
le roi en France, et serroit gens en grant amassement, 
pour amener avec lui, en s'en revenant pour combatre 
les Anglois qui orent esté devant Paris, et estoit leur 
capitaine messire Robert GanoUe. Et lors messire Loys 
de Sancerre, qui sceut le conestable devoir combatre 
contre les Anglois, desfit toutes ses frontières, et les 
mena après lui, ensemble les gens du duc de Bourbon 
et tous autres, et ne fîna de tirer jusques il vint à 
Yendosme S et là ou il se disnoit lui vindrent nouvelles 
que les Anglois n'avoient osé attendre' le bon cones- 
table à PontrYalain', mais s'en fouyoient, une partie 
c'est assavoir messire Robert GanoUe à DervaP, le 
mareschal d'Angleterre appelle messire Fitz Watier 
qui se cuidoit retraire, à l'abbaye de Sainct Maur-sur- 
Loire^. Mais il rencontra messire Loys de Sancerre avec 
les gens au duc de Bourbon et les siens près de l'ab- 
baye de Vas ^, et se bouta le mareschal dedans, pour se 
cuider saulver, ou lurent faites de belles armes à le 
prendre. Si furent tous les Anglois mors ou prins, 
bien le nombre de trois cens combatans, et le mares- 
chal d'Angleterre prisonnier, qui fut prins par mes- 
sire Jehan d'Azay, séneschal de Thoulouse. Et environ 



i. Ghef-lieu d'arrondissement (Loir-et-Gher). 

2. Chef-lien de canton, arrondissement de la Flèche (Sarthe). 

3. Chef- lien de canton, arrondissement de Ghàteambriant 
(Loire-Inférieure). 

4. Anj. village de la comm. de Saint-Georges-le-Thonreil, cant. 
de Gennes, arrond. de Saumur (Maine^t-Loire). 

5. Aujourd'hui Vaas, commune du canton du Mayet, arrondis- 
sement de La Flèche (Sarthe). 



26 PRISE DU MARÉCHAL D'ANGLBTERRE. 

trois heures, sur le vespre, survint le oonestable de 
France, en bataille ordonnée, qui les chassoit, et vit la 
desoonfiture des Anglois, dont il fut moult courroucié, 
qu'il n'y avoit esté, et demanda qu'estoit devenu le 
mareschal d'Angleterre. L'en lui dit qu'il estoit prison- 
nier, entre les mains messire Loys de Sancerre. Si 
manda le conestable à messire Loys, par le seigneur 
de Mailly , qu'il lui envoyast le mareschal d'Angleterre, 
car il lui appartenoit de l'avoir, conune il disoit, à 
cause de son office* A laquelle parole respondit mes* 
sire Loys de Sancerre que le mareschal estoit prison- 
nier d'ung très gentil chevalier, et qu'il ne lui feroit 
point de tort. Le sire de Mailly parla orguilleusement 
disant que le conestable auroit le prisonnier et cour- 
rouceroit cellui qui l'avoit prins. Si reprint la parole 
messire Loys à Mailly que ce n'estoit mie guerdon à 
payer tels gens, comme le chevalier estoit, et preste- 
ment dit à messire Jehan d'Azay, présent le sire de 
Mailly, qu'il en menast son prisonnier. Pourquoi meut 
ung pou de riote entre le conestable, à sa venue, et 
messire Loys de Sancerre, et ne parlèrent point 
ensemble d'une pièce. 



X. Comment Anglois furent desconfis devant Bressuire 
en Poictoupar messire Loys de Sancerre j et comment 
le conestable prist la bastie de Sainct Maur sur Loire. 

Ung chevalier nommé messire Jehan de Troux, qui 
avoit herdoié les Anglois, et savoit ou ils se estoient 
retrais, par advis, s'en vint à messire Loys de San- 
cerre, et lui dit : c Monseigneur, fait il, se vos gens ne 



DÉFAITE DES ANGLAIS A BRESSUIRB. 27 

fussent las et gastés, je vous enseignasse la phis belle 
adventure que vous eussiez, passé a long temps. Car 
j'ai veu bien trois cens combatans, qui sont eschappés 
de Pont-Yalain pour la paour du conestable, et se sont 
boutés en une meschante ville nommée GoursillonS. 
et n'y a d'ici que quatre lieues petites. » Adonc lui 
demanda messire Loys s'il le guideroit bien, c Certes, 
monseigneur, oui! » dit le chevalier. Lors manda mes- 
sire Loys de Sancerre aux capitaines de sa compaignie, 
que tous montassent à cheval secrètement, et venis- 
sent en une place qu'il leur monstra, ou ils trouveroient 
lui et son estendart. Si obéïrent à son commandement. 
Puis il se mit à chemin toute la nuit, et se trouva après 
minuit à Goursillon, ou le chevalier les mena, et ne 
trouva point les Anglois, car il n'y avoit mie deux 
heures qu'ils s'estoient de là partis, et s'en fuyoient 
comme gens qui savoient bien qu'on les chassoit. Et 
furent en Poictou, en une ville que l'en disoit Bressuire ', 
à laquelle ville venirent les Ânglois pour cuider entrer 
ens. Et barguignoient fort à ceubc de Bressuire, qu'ils 
les recueillissent . Et à cellui barguignement vint messire 
Loys de Sancerre, o sa gent, à la Croix dessus Bres- 
suire, qui est loing de trois traits d'arc. Et quant les 
Anglois virent les François d'eulx approucher, requi- 
rent fort à ceulx de la ville, qu'ils les missent dedans, 
lesquels n'en vouldrent rien faire. Et ce voyant les 
Anglois se retrahirent ensemble en ung parquet qui 



i. Goursillon, village et château rainé 'non loin du confluent et 
dans l'angle formé par la jonction des deux rivières de Gravot et 
Lon, commune de Dissay-sous-Goursillon, canton de Ghàteau-du- 
Loir, arrondissement de Saint-Galais (Sarthe). 

2. Ghef-lleu d'arrondissement (Deoz-Bèvres). 



88 DÉFAITE DES ANGLAIS A SAmT-HAUR-SUR-LOÏRE. 

estoit devant la porte. Lors messire Loys de Sancerre, 
avec les gens de Bourbonnois et les siens, venirent 
mettre pié en terre, entour le parquet, et le combatti- 
rent fort, et là y ot fait de belles armes, car les Ânglois 
se deffendirent fort, et y furent fort assaillis. Mais les 
Français emprirent la besongne si acertes qu'ils gai- 
^nèrent le parquet ou ils entrèrent par force, et se 
combattoient les ungs aux autres main à main. Mais 
en ce poigneïs furent tous mors les Anglois sans en 
eschapper nul plus hault de quatre. Et après celle des- 
confîture, ne tarda pas trois heures que le conestable 
de France survint, à toutgrant gent en la place, dont 
messire Loys de Sancerre s'estoit parti, (c'est assavoir 
à la Croix devant Bressuire,) qui fut doulent et cour- 
roucié de ce qu'il n'avoit esté à celle destrousse, et 
tourna tout court lui et ses gens, pour aller prendre là 
bastie de Saint Maur sur Loire, que tenoient les Anglois, 
qui povoient estre quatre cens combattans, et destrui- 
soient le pays. Le conestable estant devant la bastie, 
vouldrent faire les Anglois traictié à lui d'euhc en aller 
et laisser le lieu, mais il ne leur voult accorder pour le 
courroux qu'il avoit de ce que jà deux fois ne les avoit 
trovés. Si fit assaillir le fort de toutes pars, et lui le 
premier estoit au front devant, et tant s'efforça à 
l'aide de ses gens qu'il gaigna la bastie de Saint-Maur 
à force d'armes et de assaillir, et fut deslivré le pays 
de celle gent, qui là douloureusement fut desconfite. 
Messire Loys de Sancerre, qui ne vouloit mie estre 
oiseux, avec les gens de Bourbonnois et autres; s'en 
alla tirant à la Ferté Sainte Fosse*, entre Berry et Orlé- 

; — ' 

i. Aujourd'hui La FeKé-Saint-Gyr, ou Baint-Aignau, ou Beau- 



RÈGLEMENTS MILITAmES DE CHARLES Y. 89 

nois, OU estoient aussi Anglois qui faisoient moult de 
maux, et povoient bien estre deux cens combattans. 
Et si aigrement combattit messire Loys, à l'aide des 
siens , celle place, que à force elle fut prinse ; et là 
messire Loys fit faire de belles charbonnées, car il en 
estoit bon maistre. 



XL Comment le rai de France fit de belles ordonnances 
sur le fait de ses guerres , et de ses pays ; et comment 
le duc de Bourbon et le conestable s'entre-amoient. 

Le roi Charles, qui bien savoit les belles armes que 
son conestable de France et messire Loys de Sancerre 
avec leurs gens faisoient chascun jour, en augmentant 
son honneur, et qu'ils avoient prinses plusieurs places 
sur les Anglois, et les orent mors et desconfis, les 
manda pour faire et ordonner aucunes belles ordon- 
nances et bonnes sur lé fait de ses guerres et de son 
pays, qui despuis durèrent bien longuement. Et fut le 
vouloir du roi bailler à chascun les charges selon qu'il 
devoit avoir. Premièrement bailla au conestable de 
France, quant il fut venu, mil et cinq cens hommes 
d'armes, de quoi il avoit en ce nombre Tung des mares- 
diaulx et le maistre des arbalestiers. Et fiit ordonné 
le duc Loys de Bourbon à huit cens honmies d'armes 
et deux cens arbalestiers, qui estoit le nombre de 
mille combattans ; et avec le duc estoit le conte de la 
Marche. Messire Loys de Sancerre ot en charge cinq 



harnais, commune du canton de Neang-sur-Beuvron, arrondis- 
sement de Romorantin (Loir-et-Cher). 



30 AUTIÉ DU DUC LOUIS POUR DUGUESGLIN. 

cens hommes d'armes. Ordonna aussi le roi cinq cens 
hommes d'armes sur la frontière de Calais, que ot en 
conduicte le sire de Sempy. Et encores fit le roi une 
ordonnance que le duc Loys de Bourbon et le cones- 
table ensemble auroient la charge de la duchié de 
Guyenne. De rechief ordonna le roi que, au jour de 
Noël venant, tous les seigneurs capitaines et officiers 
se trairoient devers lui à celle feste, pour estre gran- 
dement acompaigné de chevalerie, et aussi pour bailler 
les ordonnances, que chascun devoit faire pour Fan- 
née. Et commanda le roi que toutes gens fussent sus 
àrissuedemars, et ordonna les trésoriers des guerres, 
à chascun selon qu'il estoit, pour paier de mois en 
mois. Si fiit baillé pour trésorier au duc de Bourbon 
et au conestable le Flament, et es autres grans capi- 
taines certains trésoriers, et fut conclud que l'en paie- 
roit les gens d'armes de mois en mois jusques à cinq 
mois, que l'hiver viendroit que l'en asserroit les fron- 
tières, et que la grant puissance seretrairoit. 

Les ordonnances complies, le duc Loys de Bourbon 
regardoit amiablement messire Bertrand de Glaiquin 
conestable de France, et l'amoit moult, pour ce que 
le dit conestable estoit repairié d'Espaigne, ou il avoit 
vengié la mort de la roine d'Espaigne, seur au duc 
Loys, que le roi Piètre, son mari, ot fait morir, 
laquelle estoit une très dévote et sainte dame. Et 
l'amoit le duc aussi pour la bonne chevalerie dont plain 
estoit le conestable, et pareillement le conestable 
amoit le duc, et ainsi s'entramoient de bonne ^ amour. 



1. De fine amour, ms. A. Seot, ms. G. 



SIÉàK IKB SAnfTE^SÉVÈRB. 31 

Car le duc de Boi]ii>on amoit honneur et tous vaillans 
chevaliers. 



XII • Comment par le duo de Bourbon et le coneatable 
messire Bertrand, et messire Loys de Sancerre fut 
guignée et prinse Sainte Sévère en Limoein. 

En Tan de grâce mil trois cens soixante et douze, 
tint le roi Charles, à Paris, la feste de Noël grande et 
solemnelle. Car les capitaines de guerre et offiders 
vindrent par devers le roi, ainsi conune ordonné 
estoit, et à cellui jour servit le conestable de France le 
roi à table, la verge en la main et le chaperon hors 
de la teste, et aussi firent les maresdiaubc, le maistre 
des arbalestiers, et chascun selon son endroit ; et (ut 
Fordonnance tenue de servir en court jusques après 
le jour de l'an. Et le jour de Tan passé, furent pro* 
noncées les ordonnances devant dites, et que chascun 
capitaine deust aller ou il estoit assigné. Et pleut au 
roi que le duc de Bourbon, le conestable messire 
Bertrand, messire Loys de Sancerre, et toute la puis- 
sance iroit en Guyenne, devant la cité de Poictiers, 
chief de Poictou, laquelle tenoient les Ânglois. Ce 
entendu, le duc Loys de Bourbon respondit, oyant le 
roi, à ceulx qui prononçoient, que, à son advis, il lui 
sembloit que le premier voyaige qu'ils dévoient faire, 
estoit devant Saincte Sévère, et puis à Poictiers. Et les 
raisons pour quoi disoit le duc. Car nuls capitaines 
ne doivent rien laisser derrière eulx qu'ils ne mènent 
tout par ordre, et Sainte Sévère siet deçà Poictiers 
dix-huit lieues. Si feroit bon de y aller premièrement, 



3S SIÈGE DE SAINTB*8ÉYÈRE, 

pour despechier le chemin, et non perdre temps. 
Après le duc de Bourbon parla le conestable de France, 
qui dit : c  dieu le veu, monseigneur de Bourbon dit 
c vrai . Car tous vaillans capitaines ne doivent rien laisser 
c chose de conqueste arrière-dos, et en allant à Poictiers 
c nous verrons que les gars de Saincte Sévère vouldront 
c dire. » Lors prindrent concluement de chevaulcher 
devant Saincte Sévère, et puis à Poictiers, et s'en 
allachascun capitaine faire son assemblée. Et au jour 
nonuné se vindrent trouver tous les seigneurs et capi- 
taines, sur les marches de Berry et de Montluçon, et 
eulx assemblés, s'en allèrent devant Saincte Sévère, 
jusques au nombre de trois mille hommes d'armes et 
de huit cens arbalestiers génois. Et euk venus devant 
Saincte Sévère, à heure de prime, fit parler le cones- 
table de France aux Ânglois estans dedans, qu'ils se 
rendissent, lesquels ne vouldrent rien respondre. 
Âdonc le duc de Bourbon, le conestable, et messire 
Loys de Sancerre, orent advis sur ce que en estoit de 
faire : Si dit le conestable : c A Dieu le veu, monsei- 
c gneur de Bourbon, puisque ces gars ne nous sonnent 
c mot, je loue que vous et vos gens alliez vous tenir en 
c une partie de la ville près des murs, et mon frère de 
c Sancerre soit aussi, avec ses gens, en ung autre lé, 
c et moi, avec mes Bretons et autres gens que j'ai, en 
c l'autre; et soient les gars assaillis. » La parole finée et 
le conseil déterminé, alla le duc de Bpurbon en son 
cousté, le conestable au sien, et messire Loys de San- 
cerre au sien, et, comme à ung cri s'entendissent, 
conunença l'assault grant et fort. Ores les Anglois 
tenant Saincte Sévère, véans les François estre assiégés 
devant eulx, et que jà se approuchoient des murs, 



ASSAUT DE SAim^E-SÉYÈRE. 33 

pour Tassault commencer, se fièrent en leur force, et 
pour plus estre asseurés de leur povoir, jurèrent les 
dis Ânglois en la main de leur capitaine, ung serement 
tel, qu'ils se deSendroient vigoureusement, et que, de 
leur place ou ils seroient establis, ils ne se mouveroient, 
ains y mourroit chascun, avant qu'il la perdist. Si fut 
l'assault des François moult grant et bien ordonné, et 
du cousté du duc de Bourbon vint son pennon auprès 
du mur, lequel portoit Jehan de Ghastelmorand , et 
prestement, ensemble le pennon, fut ung bastard 
appelé Bois vert\ et Ploton de Ghastellus, bel escuyer, 
et messire Guillaume de Yichi, et le remenant du 
foussé fut plain de gens d'armes du duc de Bourbon, 
et firent quatre hommes d'armes la mine et parfons 
pertuis ou mur, ou bien peussent entrer trois hommes 
d'armes, mais nul n'estoit si osé de y entrer, pour le 
repoulséis des lances que les Ânglois leur faisoient ; et 
de là jusques au coing de la ville estoit l'assault du 
conestable, qui estoit belle chose à veoir, car on y 
combatoit en six lieux en eschielles, et y avoit autres 
six mines, mais toutesfois par le cousté du duc de 
Bourbon furent ses gens qui dedans la ville entrèrent 
premiers, et par les autres mines du conestable et de 
messire Loys de Sancerre entrèrent moult de gens 
d'armes, pour ce que, par les eschielles, n'y povoit 
entrer nul, pour le aspre et fort defendéïs et belles 
armes que faisoient ceulx de dedans. L'assault longue- 
ment et grandement duré de toutes les trois parties, 
sembloit à chascun des seigneurs en leur assault que 



4. Ou platôt Boisvair, de Bosco varia. Cf. Arch. Nat. P. 493, 
c. 27, 75, 86, etc. 

3 



34 PRISE DE SAmTE-SéVÈRE. 

leurs gens deussent les premiers entrer, et là peusU 
on veoir fortement assaillir et fièrement deflPendre, et 
ne se prenoient garde de leurs gens qui sur les murs 
estoient rampes, jusques à tant qu'ils virent les gens 
au duc de Bourbon, qui estoient ens entrés, jusques à 
deux cens, qui tirèrent envers k mote ou est le chas- 
tel, ou Tune des parties des Anglois se retrahirent, et 
pesle-mesie entrèrent ens, ensemble le pennon et les 
gens au duc de Bourbon, en tuant Anglois à desroi, et 
ainsi Ait gaigné le chastel et ocds tout ce qui y fut 
attaint. Et à l'heure les gens du conestable qui 
combatoient en leur lé, et aussi ceulx de messire Loys 
de Sancm^, quant ils virent le pennon dudit duc de 
Bourbon sur le chastel, accoururent à monter sur les 
murs de la ville, ou les Anglois estaient t restons cha&- 
cun en sa garde, sans eulx movoir comme ils Tavoient 
voué, et est merveilleuse chose à compter : car les 
François estans dedans se combatirent main à main 
aux Anglois, qui pour mourir ne se voloient partir de 
leur estre, mais là faisoient de belles armes en eulx 
deffendant fièrement, et dura ce mesléïs plus d'une 
heure, mais Anglois ne peurent plus résister, ainçois 
morurent vaillamment, chascun en sa garde. Et est 
vérité que, de toute l'establie des Anglois tenant 
Saincte Sévère, n'en eschappa que cinq seulement, le 
capitaine, appelé Hennequin Foudrigay, autres trois, 
et Robin de Nieuton que Ghastelmorand prist , lequel 
Robin se advoha pour le duc de Bourbon , affermant 
qu'il l'avoit servi en Angleterre, quant il estoit en hos- 
taige, de ses provisions. Si le présenta Jehan de 
Ghastelmorand au duc son seigneur, qui lui fit bonne 
chière, en lui sauvant la vie. Et messire Loys de San- 



PRISE DE BELLABRE, ANGLE ET GHAITVIGNY. 35 

. oerre fit roorir Foudrigay, pour aucuns desplaisirs 
qu'il lui avoit fais à la tour de la Vesvre. Et saichent 
tous que Fung des beaulx assaults que l'en veïst pièça 
en ce royaume, ne guières ailleurs, fut la prinse de 
Saincte Sévère, mieulx assailli, ne mieulx deffendu. 



XIII. Comment pltisieurs places furent primes en 
PoictaUj par le duc de Bourbon^ et comment le duc 
de Berri vint au pays. 

Estre Saincte Sévère prinse, Tendemain bien matin 
deslougièrent les seigneurs pour tirer leur chemin 
devant Poictiers ; mais ils oïrent dire qu'il y avoit une 
place près leur chemin de Poictiers appelé Bellabre^ que 
tenoit Poqueron, et estoit moult forte, et quant l'en 
fut devant, on leur demanda ouverture : ils se tindrent 
ung peu, mais leur advis fut par délibération qu'ils 
deslivrèrent les clefs de leur fort aux seigneurs, et 
rendirent la place. De là chevauchèrent les seigneurs, 
avec leurs gens, devant Angle' qui ne se osa tenir, 
mais firent obéissance. Et ce fait tirèrent les seigneurs 
à Ghauveigny^, qui est ung tel cbastel que chascun 
puet savoir, ou ils demourèrent cinq jours, car le duc 
de Berry leur escripst unes lettres qu'ils l'attendissent; 
et ainsi le firent, et vint le duc de Berry à eulx au 
terme, à notable compaignie ; et pendant ce, ils beson- 



i. Chef-lien de canton, arrondissement du Blanc (Indre). 

2. Commune du canton de Saint-Savin , arrondissement de 
Montmorillon (Vienne), sur la rive droite de TAnglin. 

3. Chef-liea de canton de l'arrondissement de Montmorillon 
(Vienne). 



tv 



36 PRISE DE MORTEMAR, DE FOUfTENAI-L' ABATTU 

gnèrent tellement que Ghauveigny se rendit, ou ils 
l'eussent prins d'assault, et le trouva le duc de Berry 
rendu quant il arriva. Les ducs de Berry et de Bour- 
bon, le conestable, messire Loys de Sancerre et leurs 
gens sedeslougièrentde Ghauveigny, et allèrent auprès 
de Poictiers, et sembloit au duc de Berry que ceulx 
de Poictiers lui obéïroient. Si n'en firent riens, et 
demoura Fen ung jour et demi devant eulx, bien le 
nombre de mi"' hommes d'armes, et sur ce eurent 
advis les seigneurs qu'estoit de faire. Si déterminèrent 
qu'ils iroient devant une grant ville nommée Vivonne^ 
pour eulx là longer. Si le firent, et l'endemain allèrent 
à ung bel chastel clamé Mortemar'. Si fut assailli et pris 
d'assault; et le premier qui dedans entra fut ung 
cscuyer du duc de Bourbon, que l'on nommoit Hugue- 
nin de la Terrasse ; et prist cellui Huguenin le nepveu 
de messire Âimery de Rochechouart , qi^i estoit seigneur 
dudict chastel et de Yivonne. Et après la prinse du 
chastel fut ordonné d'aller devant Niort pour le cuider 
prendre qui pourroit. Si se deslougea l'en bien matin 
pour s'en aller lougier à Fontenai-I'abbatu ^, qui est au 
plus près, lequel on prit par assault. Mais ung cheva- 
lier capitaine d'Ânglois nommé messire Yaultier Spur- 
ton, qui bien avait trois mille combatans, s'estoit mis 
dedans Niort, lequel savoit la venue des seigneurs 
François, et leur vint cellui messire Yaultier avec ses 
Ânglois, entre mares, en lieu fort, présenter la 

1. Ghef-lieu de canton de rarrondissement de Poitiers (Vienne). 

2. Commune de Lhommaizé, canton de Lussac, arrondissement 
de Montmorillon (Vienne). 

3. Aujourd'hui Frontenai, ou Rohan-Rohan, chef-lieu de cant., 
arrondissement de Niort (Deux-Sèvres). 



\ 



ET DE FONTENAI-LE-CONTE. 37 

bataille. Si allèrent tous les seigneurs et gens d'armes 
là pour oombatre : mais ne peust estre remède qu'il 
n'y eust eu grande perte, car les Ânglois estoient en 
très forte place, et ne pou voient François à leur aise 
joindre à eulx : et demourèrent ung jour et une nuit 
François et Ânglois les ungs devant les autres. Et les 
seigneurs estans en telle adventure qu'ils ne pouvoient 
assembler aux Anglois, pour les fors marescaiges ou 
ils s'çstoient fortiflSés, leur vinrent nouvelles que le 
duc de Bretaigne, à grant povoir, se venoit joindre 
avec les Ânglois pour les combatre. Si eurent advis 
les seigneurs, par meure deslibération, que delà se 
partiroient pour lui aller au devant ; car ils avoient 
plus chier le rencontrer que les Ânglois. Et se allèrent 
lougier les seigneurs devant Fontenai-le-conte^ ung 
des beaulx chasteaulx de Poictou et des fors, et eulx 
estans devant, il leur fut denuncié que une partie de 
la garnison de Fontenai estoit issue pour aller gaigner 
sur François. Pour ce chevauchèrent les seigneurs 
hastivement pour trouver la place despourveue, et 
ainsi le firent, car il fut prins d'assault, et moult y ot 
gaigné dedans de richesses. 



XIY. Comment la duchesse de Bretaigne fut prinse^ et 
le duc de Bourbon la deslivra; et comment aucuns 
barons bretons s'allièrent au roi; et comment le 
conestable desconfit les Anglois devant Chisech. 

Quant les seigneurs orent pris Fontenai-le-conte, 

1. Chef-lieu d'arrondiss. du département de Vendée. 



38 LE DUC LOUIS ET LA DUCHESSE DE BRETAGNE. 

celle nuit roesme, se deslougièrcnf pour tirer jour et 
nuit à rencontrer le duc de Bretaigne, qui estoit 
lougé à Breschesac ou est le bel estang. Mais quant il 
sentit la venue des seigneurs François, il se deslougea 
à grant haste, et le faillirent les seigneurs à trouver, 
et dèspartit le duc des Bretons ses gens par les places ; 
et les François, qui toujours en avoient nouvelles, par- 
tirent des marches de Poictou, et tirèrent jour et nuit 
.en Bretaigne, par devant Rennes, la cité au duc; et 
quant les seigneurs y parvinrent, ils trouvèrent que 
la duchesse de Bretaigne estoit partie, ung pou devant 
qu*ils venissent, pour s'en aller à Venues. Si mandè- 
rent le duc de Bourbon et le conestable bien cinq cens 
hommes d'armes après, et la prirent à quatre lieues 
de là. Et fut prinse la duchesse par les gens de Thos- 
tel au duc de Bourbon, qui estoient bien montés, et 
son carriaige aussi. Et la menèrent vers le duc de 
Bourbon et le conestable. Laquelle s'esjouit assez quant 
elle vit le duc de Bourbon, et dit la dame au duc : 
c Ha, beau cousin, suis-je prisonnière? » Si lui res- 
pondit le duc de Bourbon : c Nenni, ma dame, car 
c nous n'avons point de guerre aux dames, mais nous 

< avons bien guerre au duc de Bretaigne, vostre 
f mari, qui se gouverne estrangement envers le roi, 

< son droit seigneur, et fait folle emprinse, qu'il ne 
c pourra mettre à fin. » Et lors fit le duc de Bourbon 
crier en l'ost, et pareillement le conestable de France, 
que, tout honune qui auroit rien prins de la duchesse, 
fust tout apporté en la place, sur peine de la hart. Si 
obéît chascun à leur commandement, et prestement 
fut rendu à la dame, duchesse de Bretaigne, tout ce 
qu'elle povoit avoir perdu, fors aucunes lettres d'al- 



SOUMISSION BU SIRE BE RIEUX 39 

lianoe des Anglois et du duc de Bretaigne, qui lui furent 
trouvées, qui depuis servirent bien pour le roi de 
France, et mal pour le duc de Bretaigne^ car la mau- 
vaistié fut monstrée par les lettres à aucuns barons de 
Bretaigne, qui despuis ne le voulurent servir. Et après 
le duc de Bourbon donna congié à la duchesse de Bre- 
taigne, lui et le conestable, et lui baillèrent gens à la 
conduire pour aller seurement elle et ses biens à cinq 
lieues de là à ung sien chastel appelé Loheach*. La 
quelle mercia moult humblement le duc de Bourbon 
de rhonneur que fait lui avoit, et que Dieu lui avoit 
faite belle grâce, quant elle estoit encheue es mains 
d'un tel chevalier conmie il estoit. Ainsi s'en alla la 
duchesse son chemin, et Tendemain deslougièrent 
le duc de Bourbon et le conestable ensemble messire 
Loys de Sancerre, et s'en allèrent devant Redon*, qiii 
estoit au seigneur de Rieux, ung baron vaillant, che- 
valier preudhomme de Bretaigne, lequel vint parler 
aux seigneurs à seureté devant sa place, et incontinant 
ils lui monstrèrent les lettres des alliances que le duc 
de Bretaigne avoit au roi Anglois dont il fut moult 
esbahi ; et dit plainement le sire de Rieux que jamais 
ne serviroit le duc de Bretaigne son seigneur, tant 
qu'il tiendrait cellui chemin contre le roi. Et après ung 
peu envoyèrent le duc de Bourbon le conestable et 
messire Loys de Sancerre au conte de Penthièvre la 



1. Tout ce passage entre les deux répétitions du mot Bretagne 
manque dans le ms. G et dans Timprimé, sans doute par suite 
d'un bourdon. 

2. Commune du canton de Pipriac, arrondissement de Redon 
(nie^et-Vilaine). 

3. Chef-lieu d'arrondissement (lUe-et- Vilaine). 



40 ET DU COMTE DE PENTmÈYRE. 

copie des lectres, de quoi le conte s'esbahit moult 
fourment de les voir, et renvoya le conte de Penthièvre 
devers les seigneurs ung des beaulx chevaliers du 
duchié de Bretaigne, appelle le Roux de Piédreuch, 
pour leur certiffier que tant comme le conte de Pen- 
thièvre vivroit, ne serviroit le duc de Bretaigne à tenir 
la voie qu'il tenoit ; et ainsi fît ung baron, le sire de la 
Hunaudoie. Et pendant ceci apporta l'en nouvelles au 
duc de Bourbon, et au conestable, de par le roi, pour 
ce que jà bien estoit avant en la saison que le duc se 
traïst vers le roi, et que le conestable allast establir les 
places qu'ils orent prinses avec une partie des gens au 
duc de Bourbon. Si fut fait ainsi, et mena le duc de 
Bourbon en sa compaignie au roi à Paris, le seigneur 
de Rieux, qui depuis fut mareschal de France, et y 
mena aussi Le Roux de Piédreuch, de par le conte de 
Penthièvre, et le seigneur de la Hunaudoie, tous à 
seurté ; et fist le roy grant feste et chière au duc de 
Bourbon , quant il le vit , pour les belles besongnes 
qu'il avoit faites, et tenoit jà le roi que la duchié de 
Bretaigne fîist demi conquise. Le conestable s'en alla 
en Poictou mettre ses frontières, et trouva une place 
appelle Ghisech^ qui moult de maulx faisoit au païs, et 
y mit le conestable le siège en personne, et y fut près 
d'un mois, et à la fin d'icellui mois s'assemblèrent les 
Ânglois de leurs garnisons voisines, et vindrent pré- 
senter la bataille au conestable de France qui s'estoit 
clos en son siège. Mais quant le conestable les regarda 
estre devant lui rengiez pour combatre, il conunanda 



1. Aujourd'hui Ghizé, commune du canton de Brioux, arrond. 
de Melle (Deux-Sèvres). 



BATAHiLE DE GHIZÉ . 41 

à ses gens ruer par terre leur cloisure S et saillir en 
belle bataille, et ainsi le firent : et alla le conestable et 
ses gens y en bon arroi, les requerre loing de sa place 
plus d'une arbalestée, et ot la victoire de la bataille, 
et furent que mors que prins devant Ghisech bien huit 
cens anglois de la garnison de Niort, et fut le pals de 
Poictou fort allegié d'ennemis. Et assit le conestable 
ses frontières, et s'en alla à Paris, pour ce que en celle 
saison estoit près de Noël, ou il y eut moult grant 
chière, et fut bien venu, et liement festié du roi et des 
autres seigneurs : car il estoit commune parole en 
court que lui et le duc de Bourbon avoient fort entamé 
et bouté les ennemis hors des païs de Bretaigne et de 
Guienne, et par espécial du conté de Poictou. 

XY. Comment messire Loys de Sancerre fut fait mares- 
chai de France; et comment le duc de Bourbon et 
le conestable allèrent en Bretaigne guerroyer par 
le commandement du Roi^ et quelles places ils 
prindrent. 

Le roi de France, comme il ot de coustume, tint les 
festes de Noël solempnelles ; et après les festes, 
ordonna ce qu'estoit de faire pour la saison advenir : 
laquelle ordonnance fut que le duc de Bourbon et le 
conestable iroient par conqueste en la duchié de Bre- 
taigne, que le roi avoit moult à cueur. Et à celle feste 
de Noël fut mareschal de France, messire Loys de 
Sancerre, après la mort du mareschal d'Audenehan, 
lequel Sancerre mareschal, fut ordonné qu'il allast en 

1. Le ms. G. porte, ainsi que rimprimé : crier par terre^ leur 
courre,,. 



42 PRISE DE JUGON, BROON, TINTÉNUC, 

Poictou, sur les frontières, la guerre entretenir pour 
œlle saison. Et les autres seigneurs partirent au mois 
de mars pour aller parachever la conqueste de Bre- 
taigne. Et fut leur assemblée à Angiers et au pont de 
de Séz^, de deux mille chevaliers et escuyers, et de 
huit cens hommes de traict. Et à Angiers dit le cônes- 
table de France au duc Loys de Bourbon : c A dieu le 
c veu fai! il y a ung chastel, l'ung des beaufac et des 
c fors qui soit en la duchié de Bretaigne, (fui est au 
c duc et Tappelle-on Jugon*, et s'il puetestre prins, le 
c duc aura fait une grande perte, car on dit en pro- 
c verbe parmi Bretaigne que 

c Qui a Bretaigne sans Jugon 
f II a chape sans chaperon. • 

c et je me suis pensé, fait le conestable, que le duc 
.< qui est effroyé n'aura advis de y pourveoir, si aurons 
€ bon loisir de l'avoir. > Adonc se partirent, et allèrent 
devant Jugon, ou ils ne trouvèrent fors les gens de la 
ville, et le capitaine appelle Robert de Guitry, qui 
avoit ung fils le plus bel luicteur que on peust trouver. 
Auquel Robert on monstra les lettres devant pourpar- 
lées. Si firent tant les seigneurs qu'il leur rendit 
Jugon, et se bien l'eust voulu deffendre, si ne l'eust il 
peu à force tenir, car il n'avoit nulles gens de defiense. 
De Jugon partirent les seigneurs, et allèrent devant la 
tour de Broon', qui tost fut rendue au duc de Bourbon 
et au conestable, et d'icelle tour allèrent poser les 



1. Aujourd'hui les Ponts-de-Gë, chef-lieu de canton, arrond. 
d'Angers (Maine-et-Loire). 

2. GheMieu de canton, arrond. de Dinan (Côtesniu-Nord). 

3. Chef-lieu de canton, arrond. de Dinan (Gùtes-du-Nord). 



FOUGIÈRES, DINAN, SAINT-MAHÉ, 43 

seigneurs le siège devant Tinténiac S une bonne petite 
ville, qui estoit à messire Olivier de Mauny, lequel 
estoit dedans, et disoit l'en que c'estoit ung des vaillans 
chevaliers de Bretaigne ; et par le compromis qu'ils 
orent ensemble, messire Olivier rendit sa place, et fit 
obéïssance au roi, et se mit avec le duc de Bourbon 
lui et sa puissance. De Tinténiac allèrent les seigneurs 
à Fougières-la-Rons ' ou l'en fait les draps, et, venus 
les premiers coureurs de l'ost, ceulx de la ville issirent, 
dont mal leur prinst, car d'iceulx y eust bien mors 
six vingts, et entrèrent les gens de l'ost avecques 
eulx en leur ville. Ainsi fut Fougières prinse, et de 
tire chevauchèrent les seigneurs devant Dinan, qui est 
l'entrée de Bretaigne bretonnant, ou dedans estoit 
messire Morice de Terriguedis, le plus vaillant cheva- 
lier de Bretaigne, car il fut l'ung des chiefs de la ba- 
taille des trente, et avec lui estoit son nepveu le sire de 
Prustallet. Et requirent les seigneurs à messire Morice 
l'ouverture de Dinan, et lui monstrèrent les lettres 
dessus dictes. Et sur ceci messire Morice de Terrigue- 
dis, qui avoit grant part en la ville, lui et les Prustallés 
rendirent la ville de Dinan, au nom du roi de France, 
au duc Loys de Bourbon, qui retint messii*e Morice, 
et son nepveu de Prustallet, lesquels l'ont despuis honno- 
rablement et bien servi toute leur vie, en tous les lieux 
ou fut le duc de Bourbon ; et estoit messire Morice de 
Terriguedis à pension du duc de Bourbon, dont le duc 
se tenoit bien honnoré. Dinan être rendu se partirent 



1. Gommane des canton et arrondissement de Saint- Malo (Ille- 
et- Vilaine). 

2. Ghef'lieu d'arrondissement (Ilie-et-Vilaine). 



44 LE GONQUET, QUIMPERLÉ, QUDIPER-CORENTIN. 

* les seigneurs, et allèrent à Saint Mathieu de Fine-terreS 
une grant ville sur la marine regardant Angleterre. Et 
eulx venus devant, la virent ung peu mal emparée, si 
Fassaillirent prestement, et fust prinse, ou furent les 
compaignons bien raffréschis et Tendemain partirent 
de Saint Mathieu, et allèrent devant ung bel chastel 
appelle Gons' dont estoit capitaine ung escuyer anglois 
nommé Jennequin Pel qui ne voult, pour riens, rendre 
la place. Si fut asprement assaillie, et y ot faict un bel 
assault, et combatit Himbert de Couture, escuyer du 
duc de Bourbon, en Teschielle au dit Jennequin Pel, et 
firent de belles armes les assaillans et les deffendans ; 
mais, nonobstant leur deflPence, fut la place prinse par 
force d'armes, et Jennequin Pel prisonnier. Puis se 
partirent les seigneurs , et tirèrent devant ung bel 
chastel et demi-ville nommé Quipernay ^, qui aux sei- 
gneurs fut tost rendu, et delà se transportèrent devant 
Quimpercorentin * assez près de Brest : Les seigneurs 
leur requirent ouverture, mais ils ne vouldrent, pour 
ce que le duc de Bretaigne, leur seigneur, estoit à 
Brest, près d*eubc, dont ils se tenoient orguilleux. 
Quant les seigneurs virent ce, ils firent la place assail- 
lir, qui fut prinse d'assault, et y moururent des gens 
de la ville une grant partie. 

1. Tous les mss., ainsi que l'imprimé, portent Fine-posteme, La 
correction est bien certaine toutefois, et c'est là une des méprises 
habituelles reprochées à bon droit à notre chroniqueur; il a voulu 
désigner ici Saint-Mahé ou Saint-Mathieu de Fine-Terre, près le 
Gonquet, à l'extrémité du cap Finistère. 

2. Aujourd'hui le Gonquet, commune du canton de Saint- 
Renan, arrondissement de Brest (Finistère). 

3. Quimperlé, chef-lieu d'arrondissement (Finistère). 

4. Chef-lieu du Finistère. 



EXPÉDITION A JERSEY ET GUERNE8EY. 45 



XVI. Comment le duc de Bourbon, le conestable, et le 
mareschal prinrent les isles de Jarsée, et de Grené- 
sie devant Bretaigne , et comment ils assiégèrent 
Brest j et quels mots mandoit messire Robert Çanolle 
au conestable, et comment on partit de Brest. 

Le duc de Bretaigne qui savoit comment moult de 
ses places avoit perdues, et véoit que les seigneurs le 
suivoient si de près, se partit bastivement de Brest, 
lui et la duchesse sa femme, seur du roi Edouard, et 
s'en passa en Angleterre, et laissa dedans Brest mes- 
sire Robert GanoUe. Les seigneurs, cuidans qu'il fust 
encores dedans, partirent de Quimper Gorcntin pour 
aller devant Brest, à vouloir donner la bataille au duc, 
et quant ils furent là venus, trouvèrent qu'il fut parti. 
Si assaillirent gens d'armes le havre, et gaignèrent 
quatre vaisseaulx, puis s'en retournèrent à Quimper 
Gorentin qui estoit une place dont on voyoit ' les isles 
de Jarsée et de Grenesie qui confrontent entre Angle- 
terre et Bretaigne, et faisoit grant mal aux seigneurs 
François qu'ils ne y povoient passer. Et sur ce eurent 
les seigneurs advis de faire armer les quatre vaisseaux 
qu'ils avoient gaignés au havre de Brest, et aultres 
qu'ils tenoient à Saint Mathieu, pour passer oultre es 
isles de Grenesie et de Jarsée, et les vaisseaux appa- 
reillés vouldrent les seigneurs mander de leurs gens 
es isles. Mais le duc de Bourbon dit au conestable, 



1. Encore une erreur du rédacteur de notre chronique. Il y a 
ici probablement confusion de noms et de souvenirs. 



46 EXPÉDITION A JERSEY ET GUERinCSEY. 

au mareschal et autres, que point n'estoit chose hon- 
norable, se eulx-mesmes n'y alloient, à quoi le cones- 
table respondit : c A Dieu le veu, fait il, monseigneur, 
vous avez raison. > Ce dît, entrèrent les seigneurs es 
vaisseaulx à tout deux mille hommes d'armes, et six 
cens hommes de trait, en grand péril, car ces vais- 
seaulx ne valoient guières. Et arrivèrent en Tisle de 
Jarsée, ou il a deux chasteaulx, devant lesquels se 
mirent le duc de Bourbon et ses gens devant Tung, et 
le conestabie et le mareschal avec leurs gens devant 
l'autre. Et Tendemain par matin les assaillirent, et 
prinst le duc de Bourbon le sien ou il séoit par l'ef- 
fort de ses gens, et le premier qui entra dedans fut 
Barberié. La place estre prise se partit le duc, et alla 
devers le conestabie et le mareschal, qui encores 
n'avoient niie prinse leur place ; mais ceulx de dedans 
quant virent venir le duc de Bourbon avec sa puis- 
sance, se rendirent au conestabie. El de l'isle de Jarsée 
passèrent les seigneurs en l'isle de Grenesie, ou il a 
ung chastel qui ne s'osa tenir, quant ceulx qui le gar- 
doient virent les autres prins ; et si estoit le plus fort ; 
et promirent les gens des isles de Jarsée et de Grenesie 
d'estre bons et loyaulx au roi de France, comme ils 
furent, tant que le bon admirai de Vienne vesquit. Et 
fiirent mis pour garde des isles de Jarsée et Grenesie, 
à les rendre au roi ou à son admirai, messire Jehan 
de Hangest et Thiébault son frère. Et de là repassèrent 
les seigneurs à Quimper Corentin, et à Hennebont\ ou 
ils avoient laissé leurs chevaulx et leur carriaige, et là 
prirent les seigneurs advis ensemble avecques aucuns 

i. Chef-lieu de canton, arrondissement de Lorient (Morbihan). 



SIÈGE DE BREST 47 

des barons de Bretaigne, qu'il serait belle cbose d'al- 
ler mettre le siège devant Brest. Car comme ils affer- 
moient, messire Jehan de Montfort, duc de Bretaigne, 
n'avoit guières plus riens en son pays sur la marine 
fors Brest, et s'en estoit ailé en Angleterre. Et sur 
cela, furent d'accord les seigneurs, et assiégèrent 
Brest , ou estoit messire Robert GanoUe à peu de gens 
demeuré en garnison. Et n'estoit pas la dicte place 
moult bien advitaillée , ainsi que l'on disoit, et pour 
prindrent les seigneurs Tendron de Brest par la terre, 
car ils n'avoient mie navie pour l'assiéger par mer ; et 
demeurèrent le duc de Bourbon, le conestable de 
France messire Bertrand, et le mareschal messire 
Loys de Sancerre, quarante jours devant Brest ; et en 
cellui temps pleut continuellement si fort que oncques 
on ne vit cheoir tant de pluie, et au pays de Bretaigne 
bretonnant n'avoit nuls vivres pour chevaulx, dont les 
seigneurs orent grant perte, et mesmes messire Robert 
Ganolhe n'avoit que manger dedans Brest, mais man- 
geoit ses chevaulx, et manda au conestable de France 
comment il se tenoit mal content, qu'il ne pouvoit 
lever le siège que le duc de Bourbon, lui, et le mares- 
chal tenoient devant Bresth, ou l'avoient assiégé, mais 
pou y comptoitS pour ce qu'il savoit que moult estoient 
affaiblis les chevaulx de l'ost pour la pluie ; et en ce 
se reconfortoit que aussi pou avoient les seigneurs à 
manger conome lui, et que point ne s'effréoit ' de leur 
assault. Et manda encores au conestable : c Vous 
« m'avez faict manger mes chevauU en ce chastel de 



i. Pou loi en chaloit. Ms. A. 
2. S'esbayssoit. Ms. A. 



48 LEVÉ PAR LES FRANÇAIS. 

c Brest, comme je fis à vous les vostres, au siège de 
c Rennes ; ainsi, » dit-il, c va le changement de for- 
c tune et de guerre. > Les seigneurs durant le siège 
virent venir d'Angleterre six vaisseaux garnis de 
vivres, que le duc de Bretaigne mandoit à Brest son 
chastel, ou il n*avoit riens laissé, et advisèrent entre 
eulx que le chastel ne pouvoient ils prendre par force, 
et par famine ne Tauroient point, pour les vivres qui 
dedans leur venoient, et aussi que Tost n'avoit guières 
que manger. Si se conseillèrent les seigneurs, le duc 
de Bourbon, le conestable, et le mareschal avecques 
les barons de Bretaigne, et furent d'accord que tous 
se tirassent devers le roi, car il n'y avoit plus en celles 
marches de Bretaigne que Brest, qui ne povoit porter 
dommaige. Et là dirent aucuns des barons que jà 
pieçà avoient oui dire au duc que, s'il povoit passer en 
Angleterre, toute la puissance du royaume il amène- 
roit une fois en France avecques la sienne, et s'il le 
dit, ainsi le fit l'année après. 



XYII. Comment le duc de Bourbon partit de Brest , et 
mena o soi aucuns barons bretons à Paris j lesquels 
il retint de son hostely et firent serement au roi. 

Puis que orent ce dit les barons de Bretaigne, de 
devant Brest se despartirent le duc de Bourbon , le 
conestable, et le mareschal, pour aller devers le roi 
lesquels avoient fait une belle saison grant et honno- 
rable, et amena le duc de Bourbon avec lui à Paris en 
les retenant de son hostel le sire de Rieux, le sire de 
Loheach, le sire de Piédreuch, le sire de Garssélio, 



FÊTES A PARIS. 49 

messire Hervé de Mauny , car messire Olivier s'en vou- 
lut aller avec le duc d* Anjou en Gascongne, o le bon 
congié du duc de Bourbon. Et ensemble les barons 
dessus nommés amena le duc messire Morice de Terre- 
guedis, le sire de Prustallet et le sire de la Suze, les- 
quels il avoit retenus de son hostel pour le bien d'eulx. 
Et estant le duc de Bourbon à Paris, le conestable et le 
mareschal, Dieu scet quelle chière leur fut faite ; et n'es- 
toit de bonne heure né qui ne venoit les voir, pour ce 
que Torgueil de Bretaigne par eulx estoit tombé. Et 
furent les barons de Bretaigne grandement receus et 
festoies du roi , et leur fut donné de grans dons, et 
firent le serement au roi, et Tout tenu toute leur vie. 
En iceulx jours rapporta on nouvelle au roi de France 
que le duc de Bretaigne Jehan de Montfort estoit allé 
en Angleterre faire une grant armée pour passer en 
France, Tannée advenir, laquelle fut vraie. Et ende- 
mentiers que les seigneurs estoient à Paris devers le 
roy, se pourparla le mariaige du duc Phelippe de 
Boui^ongne, frère du roi de France, et de la fille au 
conte de Flandres, lequel mariaige se accomplit, qui 
estoit une chose moult désirée, car Ton tenoit que par 
celle alliance on conquesteroit Angleterre, et en advint 
beaucoup de choses qui s'ensuivent ci-après. Le noël 
passé, environ la Chandeleur, vindrent nouvelles au 
roi que les Anglois faisoient grant armée, et le duc de 
Bretaigne, pour passer en France, et que Tarmée deb- 
voit estre preste à passer entour la Saint Jehan, la plus 
grosse que l'on vist oncques venir en France. Si ot le 
roi de France conseil à ses barons, qu'il envoyast 
querre le duc d'Anjou, son frère, à tout la puissance 
qu'il pourroit trouver, et aussi les ducs de Berry et de 

4 



60 LES ANGLAIS EN CHAMPAGNE. 

Boui^ongne, ses autres frères, et tous autres cheva- 
liers, mareschaulx, et conestable, et que tous fussent 
la sepmaine de Saint-Jehan à Troye en Champaigne, 
ou leroiseroit pour estre au devant de Tarmée. Et 
fut ordonné par meur conseil de tous les capitaines 
que Ten ne combatroit point les Anglois, pour les 
périls qui en pou voient advenir. Et oultre disoit le 
duc de Bourbon, qu'il suffisoit les herdoyer et costoyer, 
par manière que par ou ils passeroient ne trouvassent 
nuls vivres, et que c'estoit la plus seure voie par quoi 
plus tost se partiroient. Ce conseil fut loué de tous, 
et toutes fois fiA l'assemblée du roi à Troye venue à 
jour nonmié, comme mandé estoit, et séjournèrent 
illec par aucuns jours. 



XYIII. Comment le duc de Bourbon envoya de ses gens 
à Plancifj et qu'ils firent contre les Anglois à la 
barrière amoureuse. 

Jehan de Montfort, duc de Bretaigne, qui trop avoit 
à cueur la perte que ot faite de ses terres, pour les 
recouvrer et résister au pouvoir des François, lui qui 
estoit passé en Angleterre, requist tant et si souvent 
le roi Edouart, duquel le duc avoit la seur espousée, 
qu'il lui octroya secours ; et en son aide esleut le roi 
Edouart son oncle le duc de Lancastre, pour passer 
en France en l'ayde au duc de Bretaigne, et tantost 
après partit l'armée d'Angleterre, qui passa à Calais, 
et povoient estre, tant d' Anglois, de Hennuyers, 
coname d'Allemans et Bretons, le nombre de seize mil 
combatans, et prinrent leur chemin droit vers Troye 



LA BARRIÈRE AMOUREUSE A PLANCV. 51 

en Champaigne, où estoit le roi de France les seigneurs 
de son sang et sa puissance. Et deux journées avant 
que les Anglois venissent devant Troye, manda audit 
duc de Bourbon ung gentilhomme , nonmié Jehan de 
Nedonchel, capitaine de Plancy ', disant : c Se vous, mon 
c redoubté seigneur, me voulez mander le nombre de 
c cinquante hommes d'armes gentils honunes, je vous 
c ferai avoir une belle advanture, car il faut que les 
< Ânglois passent par cette ville pour la rivière. » Et ce 
ouï, le duc de Bourbon tantost fit monter à cheval ceulx 
de son hostel qu'il amoit le mieux pour y aller. C'est 
assavoir Jehan de Ghastelmorand , qui portoit son 
estendart, son frère le sire de l'E^pinasse, le Borgne 
de Yeaulce, le sire de Montaigut, le sire de Ghaugy 
son chambellan, Himbert de Couture, Bertrandon 
Ernaud, Baulseurre, et plusieurs autres des gens de 
son hostel, et allèrent à Plancy où ils demeurèrent 
deux jours avant que les Ânglois venissent, et firent 
les gens du duc de Bourbon devant la porte, la plus 
belle barrière que l'en vist pièça, et la nommèrent La 
Barrière amoureuse, et convenoit que les Anglois pas- 
sassent au plus près. Si advint que, passés deux jours, 
les Anglois vindrent passer devant Plancy, et tous les 
compaignons estoient armés dehors leur barrière, et 
les Anglois les regardans mirent pied à terre pour les 
venir combatre, et ce voyant ceulx de la garnison de 
Plancy, pour ce que trop estoient Anglois contre eulx, 
se retrahirent dedans leur barrière où ils estoient bien 
porvus de trait, et incontinent les Anglois se advan- 



i. Commune du canton de Méry-sur-Seine , arrondissement 
d'Arcis-sur-Aobe (Aube). 



52 LÀ BARRIÈRE AMOUREUSE A PLANGY. 

Gèrent pour Guider gaigner la barrière, el ceulx de 
Plancy, et du duG de Bourbon à eulx vigoureusement 
deffendre de leur trait et de lances, et là pt fait de 
moult belles armes, qui durèrent près de deux heures; 
Gar quant oeulx d'entre la barrière voioient leur advan- 
taige, ilz yssoient à cop, et se plongoicnt parmi les 
Ânglois, et leur poindre achevé à leur honneur, se 
retrahoient ens, et à ces issues que faisoient ceulx de 
la barrière, occirent desÂnglois sept hommes d'armes, 
et pour le trait y ot d'autres bleciés grant foison, et 
en soustenant ce toUéïs, morurent à celle barrière des 
gens au duc de Bourbon Himbert de Couture, et aussi 
Baulseurre et Jehan Foucault ; et Bertrandon Ernaud 
fut féru d'une flesche soulz la mamelle, dont il perdit 
les yeulx, et vesquit depuis longuement. Et pour ce 
que jà estoit nuit , les Ânglois se retrahirent d'un 
cousté, et les gens du duc à Plancy, et entour trois 
heures de nuit se partirent les gens du duc de Bour- 
bon de Plancy pour aller devers lui ; et eux en allant 
rencontrèrent des Anglois qui faisoient escoutes entre 
l'ost de Troye et le leur. Si férirent les gens au duc 
parmi eulx, et les mirent en fuye , et là morurent 
quinze Anglois, et sept en y ot prins, qu'ils menèrent 
dedans Troye à leur maistre, et furent les plus cer- 
taines nouvelles que les seigneurs de France eussent 
que par les gens au duc de Bourbon ; car les Anglois 
n'avoient eu destourbier despuis Calais jusques là. 

XIX. Comment le duc de Lancastre présenta sa bataille 

devant Troye. 

La grâce de Fan qui pour lors couroit, l'en comp- 



LE SIÈGE DE TROYE LEVÉ PAR LES ANGLAIS. 53 

toit mil trois cens soixante treze\ et estoit le mois de 
Jung que le roi Charles de France estoit en sa cité de 
Troye, et les ducs ses frères, et autres de son rang. En 
icelle saison le duc de Lancastre conduiseur de la gent 
Ângloise à l'esmotion du duc de Bretaigne qui o lui 
estoit, accompaigné de moult de Bretons, se ordonna 
en belle bataille, et se présenta devant Troye. Si voul- 
drent le roi de France et les seigneurs, que nul ne 
saillist de Troye, se non aucunes gens, qui à ce estoient 
ordonnés, c'est à dire cinquante des gens au duc de 
Bourbon et cinquante du sire de Glisson, qui saiUi- 
roient pour faire l'escarmouche, et ainsi fut ordonné. 
Et quant le duc de Lancastre, qui toute jour s'estoit 
tenu en bataille, regarda que les seigneurs françois 
qui estoient à Troye, à bien im"' hommes d'armes, 
ne yssoient point, il fit advancier ses gens qui se 
férirent sur les fossés des faulxbourgs de Troye qui 
point n'estoient clos, et quant ils apperceurent que 
nul ne issoit contre eulx à deffendre les fossés, ils s'en 
entrèrent es faulxbourgs qui mieulx mieulx, et lors, 
tout à ung cop, par le congié du roi et des seigneurs, 
de Troye, saillirent bien n"* honunes d'armes sur eulx 
illec ; et là les François repoulsèrent vaillamment les 
Anglois par les fossés, tant qu'ils en occirent bien vi" 
largement, et im'^ en y ot de pris, et demoura prison- 
nier ung capitaine Anglois appelle messire Jehan Bulle 
et trois Bretons qui eurent les testes copées. Et celle 
nuit se retrahirent les Anglois, et se logèrent à demie 
lieue de Troye, et lendemain deslogerent bien matin, 
pour tirer devers Sens en Bourgongne, et dedans 



i. Ms. A. XII, B. zvii. 



*( 



54 LES ANGLAIS, DÉTROUSSÉS PRÈS SENS, 

Troye fit le roi, présens les seigneurs, une ordonnance 
que chascun des ducs, Anjou, Berry, Bourgongne et 
Bourbon, envoyeroit cent hommes d'armes pour che- 
vaulcher tous les jours à garder les Âi^Iois de avi- 
tailler, et dirent les vaillans chevaliers que l'en ne les 
povoit plus bel desconfire. Si fut ordonné que les 
grans capitaines, comme le conestable et les mares- 
chaulx, iroiént à cousté une journée d'eulx pour gar- 
der que on ne les recuillist sur les marches de Limosin 
et de Poictou, et que riens ne s'y perdist. 



XX. Comment le seigneur de Clisson destroussa partie 
des Anglois, es faulx bourgs de Sens, et comment 
Anglois chevaulchèrent par Bourbonnois. 

Tant allèrent Ânglois qu'ils se logèrent es faulx* 
bourgs de Sens, et eulx estre logiés fit une emprise le 
sire de Clisson avec une partie des gens du duc de 
Bourbon et d'autres des seigneurs, et allèrent mectre 
une grosse embusche à deux lieues de Sens de mille 
honmies d'armes, et près de Sens, à une lieue, de deux 
cens hommes d'armes, et manda le sire de Clisson 
ses coureurs, à ceux de la première embusche, qu'ils 
fissent semblant de fuir jusques en la grosse première 
embusche, et ainsi fut fait. Si advint que les Anglois 
chassèrent les coureurs jusques en la première em* 
busche, et ceulx de la première embusche les voyans 
venir commancèrent à fuir ; ce regardant les Anglois 
se desboutèrent et suivirent la trace des fuyans, cui- 
dans que plus n'y eust embusche, et celle première 
embusche de deux cens combatans se vint retraire à 



SE RETIRENT A BRIVE-LA-GÀILLàRDE. 55 

coite d'esperons en Tembusche du sire de Clisson, ou 
ils estoient bien douze cens combatans. Âdonc se 
descouvrit le sire de Glisson de son agait, o sa com- 
paignie, et courut férir sur les Ânglois, qui venoient 
à desroi et follement. Iceulx rebouta le sire de Glisson 
par force d'armes jusques en leur logeis, ou lui et ses 
gens se férirent bien avant, et en ce lieu occirent des 
Ânglois jusques au nombre de six cens, et y eurent 
de bons prisonniers, et fut la plus grosse destrousse 
que les Ânglois eussent en cellui voyaige. Car oncques, 
puis celle destrousse, les Ânglois ne chassièrent, pour 
nulles gens qui venissent devant euk, et orent moult 
de pertes de leurs gens en chemin, par parties, non 
mie tous ensemble. Et quant le duc de Lancastre et le 
duc de Bretaigne virent chascun jour leurs gens des- 
croistre, chevauchèrent par leurs journées jusques à 
Brive-la-Gaillarde en Limosin, ou ils furent receus par 
ceux de la ville, qui furent traitres au roi de France. 
Et là estimèrent les Ânglois le nombre qu'ils povoient 
estre illec despuis leur descendue de Calais, ou ils 
estoient en nombre xvï^ combatans, et à Brive ne se 
trouvèrent se non huit mille, dont la moitié estoit à 
pied, car les autres a voient esté tous mors ou pris en 
chemin. Et lors les gens aux seigneurs de France 
regardans la trahison de Brive, se partirent du pont, 
pour ce qu'il approchoit Noël, et s'en tirèrent chascun 
vers leur maistre, c'est assavoir ceux du mareschal, 
du duc de Bourgongne, du duc de Berry, du duc de 
Bourbon qui poursuivoient tous jours les Ânglois ; 
iceulx chevaliers, portèrent, chascun à son maistre la 
trahison des gens de Brive, qui avoient receus les 
Ânglois. 



56 SIÈGE DE BRIVE-LA-GAILLARDE 



JCXI. Comment le duc de Bourbon^ o ses gens et 
les Angevins print Brive la Gaillarde et autres 
places. 

Le duc Loys d'Anjou, frère du roi de France, qui 
entendit le recetement que ceuix de Brive avoient fait 
aux Ânglois, fut mal content, et pour le plus tost 
recouvrer, ne tarda pas gramment qu'il envoya ung 
sien chevalier, nommé messire Jehan de Bueilh au duc 
de Bourbon lui priant et requérant, sur affinité de 
lignaige , qu'il lui pleust d'estre au mois de mars 
ensuivant par devers lui, à vm^ ou mil honmies 
d'armes, car les pays d'Anjou et du Maine se dévoient 
joindre soubs messire Jehan de Bueilh avec le duc de 
Bourbon, lesqueulx s'assemblèrent à la mi-mars tous 
à BusençaiS sans le duc d'Anjou qui ung pou se sentoit 
deshaitié, et de là allèrent le duc de Bourbon et les 
Angevins, l'an mil m^ Lxxm, en Limosin devant Brive- 
la-Gaillarde, dont les Anglois estoient partis ung mois 
avant. Et s'en estoit allé le duc de Lancastre à Bour- 
deaulx, à ce peu de gens qui lui estoit demeuré, et le 
duc de Bretaigne à Derval, en ses marches, et ne lais- 
sèrent dedans Brive que cinquante combatans, vingt 
cinq hommes d'armes, et vingt-cinq archiers. Le duc 
Loys de Bourbon qui s'en apperceust, fit assiéger 
Brive, et lui mesmes establit les gens en leur endroict, 
et s'alla lougier es Cordeliers devant la porte, et fit 
dire le duc à ceux de Brive qu'ils rendissent la ville, et 



1. Chef-lieu de canton, arrondissement de Ghàteauroux (Indre). 



PAR LES DUCS H^ BOURBON ET d' ANJOU. 57 

baillassent le traitre qui Tavoit rendue aux Ànglois, 
les queulx ne vouldrent obéïr au duc. Et en ce parla- 
menteis du traictié, les Anglois tirèrent des flesches et 
blecièrent des gens du duc ; et sur ce commanda l'as- 
sault qui fut commancié fort et aspre du cousté du duc 
de Bourbon, et de Tautre cousté des Angevins. Lequel 
assault fut fort et grant, et dura trois heures, et y fut 
moult vaillant homme le sire de Ghalencon, et bien le 
firent les Angevins, pareillement les Bourbonnois, et 
fièrement se défendoient ceulx de Brive, mais au fort 
l'en rompit le pont ; si vint l'en dessoubs la porte ou il 
ot faict de belles armes, et fit le duc dressier ung 
estaudis, que de la tour on ne povoit blessier ceulx 
qui assaiUoient la porte. Et tandis que à force on rom- 
poit la porte, monta Jehan de Ghastelmorand, qui por- 
toit le pennon du duc de Bourbon, sur une faulse 
braye, ou il n'avoit pas à monter sur les murs plus de 
cinq pieds, et là un faulconnier du duc apporta ungs 
degrés, que on mit sur la faulse braye, à monter au 
mur, par ou entra le pennon au duc de Bourbon, et 
cellui qui le portoit, et maints autres après lui. Ce 
voyant les Anglois se mirent en deffense, mais bien 
virent que pou estoient pour eulx tenir, et furent si 
oppressés que plus ne se peurent deffendre : lors, 
pour garentir leurs vies, s'en fuirent en l'esglise. Adonc 
de tous lés entrèrent gens d'armes à force. Si fut 
prinse Brive-la-Gaillarde , et mis à l'espée tous les 
Anglois que on y trouva ; et ouvrit on la porte de 
Brive, ou entra le duc de Bourbon, qui fit crier que 
nul ne pillast les esglises, et que les traitres lui fussent 
amenés, auxquels il fit coper les testes. Lendemain se 
partit le duc de Bourbon et sa compaignie, pour tirer 



58 REDDITION DE MARTEL, GHASTEL-GERVIS 

à Martel S et avoit laissié une partie de ses gens à 
Brive, que on ne la pillast, et s'en alloit avecques ses 
chevaliers devant, à trois cens hommes d'armes, pour 
repaistre à une lieue de Brive en attendant ses gens. 
Et en s'en allant il rencontra les Anglois-gascons, qui 
chevauchoient pour cuider entrer en Brive-la-Gail- 
larde, et férit le duc et les siens parmi les Ânglois à 
desroi ; et le duc de Bourbon, qui estoit monté d'avan- 
taige sur un bel coursier, le premier se plongea parmi 
eulx, et porta par terre deux hommes d'armes en la 
chasse, desqueulx le sire de Prustallet prist la foi pour 
le duc de Bourbon. De quoi messire Morice de Terre- 
guidis, messire le Barrois, messire Guy le Baveulx, 
messire Gauchier de Passac, et messire Jehan de 
Bueilh, qui suivoient le duc à desroi en celle chasse, 
quant ils le orent attainct, le blasmèrent bien fort, 
disant que ce n'estoit point fait d'un tel seigneur 
comme il estoit, de tout seul si chassier et eschaussier 
ses ennemis à desroi, et se ung povre capitaine le fai- 
soit, il lui seroit tourné à blasme. Et cestes paroles 
disoient ces bons chevaliers au duc voulentiers pour 
la conséquence, mais ils savoient bien en leur cueur 
que c'estoit oeuvre de grant hardiesse à tout cheva- 
lier. De là s'en allèrent droit à Martel, qui fut rendu 
par composicion, et voult le duc de Bourbon qu'il 
fust mis es mains du duc d'Anjou. Si le bailla es mains 
de messire Jean de Bueilh en garde, qui pour lui là 
estoit. Et rendu Martel, tirèrent lougier à Ghastel- 
Gervis', et là vint messire Amoul de Marie au duc de 



1. Ghef-liea de canton de l'arrondissement. de Gourdon (Lot). 

2. Anjourd'hui Ghàteau-Ghervis, commune da canton de Saint- 



ET AIGUILLON. PRISE DE PORT-SÂmTE-MARIE. 59 

Bourbon, de par le duc d'Anjou, lui mercier sa venue 
et la belle compagnie qu'il amenoit, et les belles 
œuvres qu'il avoit fait en chemin en Limosb, en lui 
priant qu'il se voulsist traire devant Aguilhon ^ à ung 
jour que on nomma, ou là trouveroit le duc d'Anjou. 
Si se hasta le duc de Bourbon, et tira celle part, et y 
parvint deux jours avant que le duc d'Anjou fiist venu, 
et se approucha le duc de Bourbon si près de la place 
que ceulx d' Aguilhon lui baillèrent les clés avant que 
le duc d'Anjou vinst, et quant il fut venu le duc de 
Bourbon lui fit grant feste et grant chière à sa venue ; 
et estoit belle chose de voir leur compaignie : car 
quant ils estoient ensemble, on les povoit bien esti- 
mer à m°> chevaliers et escuyers et mille hommes de 
trait. 



XXII. Comment le duc de Bourbon aida au duc d'Anjou 
de sa guerre en Guyenne^ et les places qu'ils prin- 
drentj et les dons que fit le dv4^ d'Anjou au duc de 
Bourbon. 

Avoir esté Aguilhon rendu, se partirent les ducs 
d'Anjou et de Bourbon, et s'en allèrent au Port sainte 
Marie , et firent par leurs gens assaillir ung faulx- 
bourg qu'ils avoient fortiffié, lequel fut prins, et y 
morut ung des enfans de Nades, et sur ce la ville se 



Germain-les-Belles-Fillefi, arrondissement de Saint- Yrieix (Hante- 
Vienne). 

1. Gonunnne du canton de Ste-Marie^a-Port, arrondissement 
d'Agen (Lot-et-Garonne). 



60 PRISE DE PLUSIEURS VILLES 

rendit, et y mit garnison le duc d'Anjou. Du Port 
sainte Marie partirent les ducs et chevauchèrent devant 
laRéolIe, à sept lieues de Bourdeaux, qui fut assiégée, 
et si estoit Tune des fortes places du pays. Et devant 
la RéoUe avoit fait mener le duc d'Anjou Tune des 
grandes bombardes que l'on sceust nulle part, et 
furent au siège les ducs neuf jours. Et estoit le duc 
de Bourbon o les gens de son pays logié vers les Gor- 
deliers sur les vignes, ou il avoit une porte, et le duc 
d'Anjou sur la grève, vers la rivière, ou estoient ses 
truyes et bombardes. Et, ung jour, de la Réolle sail- 
lirent les Anglois par leur maie advanture sur le gait 
du duc de Bourbon, qui furent reboutés si lourde- 
ment, que pesle-mesle on entra avec eulx aux Gorde- 
liers, dedans la ville; et par celle prinse furent perdus 
les vivres qu'ils ne pouvoient raffreschir le chastel. Et 
ne se tint le chastel que trois jours, que ne se rendist 
au duc d'Anjou, qui fut une des grans joies que le duc 
peust avoir : car c'estoit la place qu'il désiroit le plus. 
Et pour non faire long conte priât ceste année le duc 
d'Anjou, le duc de Bourbon estant avec lui. Penne 
d'Agenois ^ et Penne d'Albigeois ', et Saint Mackaire', 
LangonS la cité de Gondom^, Florence®, Jenne'', tous 



1. GheMiea de canton de Tarrondissement de Villeneuve (Lot- 
et-Garonne). 

2. Ciommune du canton de Yaonr, arrond. de Gailiac (Tam). 

3. Ghef-lieu de canton de Parrondiss. de La Héole (Gironde). 

4. Ghef-lien de canton de Tarrondissement de Bazas (Gironde). 

5. Chef-lieu d'arrondissement du G^rs. 

6. Commune du canton de Poujols, arrondissement deLiboume 
(Gironde). 

7. Aujourd'hui Gênas, éc. de Pellegrue, chef-lieu de canton de 
l'arrondissement de La Réole (Gironde). 



ES PARTIES DE GUYENNE ET DE GASCOGNE. 61 

en Gascongne, et puis allèrent les ducs, ensemble leur 
compaignie, en Bigorre devant le chastel de Lourde. 
Et tant assaillit-on par sou ventes fois la ville, qu'elle 
fîit prinse, et le chastel rendu au duc d'Anjou, par 
promesse qu'il ot entre eulx. Et par ainsi se passa la 
saison, pour l'hiver qui commençoit, et licencia le duc 
d'Anjou ses gens, et s'en vint à Thoulouse pour hiver- 
ner ; et là, le duc de Bourbon lui demanda congié pour 
s'en retourner, nonobstant ce que le duc d'Anjou le 
vouloit bien retenir, qui le mercia du service que 
faict lui avoit, et avec ce fit le duc d'Anjou au duc de 
Bourbon moult de beaulx dons, en lui donnant trente 
mille frans d'or sur ce que l'en debvoit au duc d'Anjou 
pour la conté de Forez, laquelle jadis il avoit achap- 
tée : lequel droict il donna au duc de Boui4>on pour 
les beaulx, bons, et agréables services qu'il lui avoit 
fais es guerres ou il avoit esté continuellement, es 
parties de Guienne et de Gascongne, pour le roi et le 
duc d'Anjou. Oultre paya ses gens pour ung mois, et 
donna le duc d'Anjou de beaulx dons aux chevaliers 
qui estoient avec le duc de Bourbon, de vaisselle d'ar- 
gent et draps de soie, et donna au seigneur de Beaujeu, 
qui estoit avec le duc de Bourbon , ung coursier et 
deux mille escus d'or. Ainsi se partirent le duc de 
Bourbon, le seigneur de Beaujeu, et leur compaignie, 
du duc d'Anjou, et s'en allèrent à Montpeslier, ou le 
seigneur de Beaujeu prinst le mal de cours de ventre, 
de quoi il morut ; dont le duc de Bourbon fut moult 
courroucié et doulent, et fut ung grand dommaige, 
car il estoit ung des beaulx chevaliers de ce royaume. 



62 LE DUC LOUIS EN SAVOIE. 



XXIII. Comment le duc de Bourbon alla en Savoie 
visiter sa sosur la contessej et comment aucuns des 
siens allèrent en Prusse. 

Après les obsèques fais et l'enterrement du seigneur 
de Beaujeu, se partit le duc de Bourbon de Montpes- 
lier, et s'en alla en Savoie visiter sa seur la contesse, 
et donna congié aux gens d'armes, et ne retint fors 
ceulx de son hostel, dont il avoit toujours grant com- 
paignie et passa par Nissy' du conté de Genève, ou il 
trouva le cardinal de Genève, qui puis fut pape, et 
belle compaignie de dames et de damoiselles; et le 
tint le cardinal quatre jours, ou il le festoya liement, 
et donna le cardinal au duc de Bourbon, l'ung des 
beauhc destriers d'adoncques. Et de Nissy alla le duc 
de Bourbon à Chambéry en Savoie, à sa sœur qui l'at- 
tendoit à la feste de Tous saints, ou le duc demeura 
six jours avec le comte Yerd de Savoie, mari de sa 
seur, ou fut menée feste grant et joyeuse, et en tant 
que le duc de Bourbon séjournoit en Savoie, le roi de 
France s'esbahissoit qu'il ne venoit vers lui, car il 
savoit sa despartie du duc d'Anjou; pour ce, lui 
manda plusieurs messaiges qu'il se hastast de venir, 
et fust à lui à Noël ou avant. Si obéit le duc de Bour- 
bon, et au despartir qu'il faisoit de Savoie, aucuns de 
ses gentilshommes lui requirent qu'il lui pleust leur 
donner licence de aller dehors pour cellui hiver, c'est 
assavoir en Prusse, ou, pour celle reise accomplir et 

1. Aujourd'hui Annecy, cheMieu du département de la Haute- 
Savoie. 



REISE DES BOURBONNAIS EN PRUSSE. 63 

suivir, alloient maints chevaliers de plusieurs pays. Et 
fut le duc dé Bourbon moult lie de la bonne voulenté 
qu'ils avoient, et leur demanda en riant : c Avez-vous 
argent? i — c Oui, > dirent<-ils, c assez, car nous avons 
bien faites nos besongnes es voyages dont vous venez, 
et monseigneur le duc d'Anjou nous a donné de son 
or et de la vaisselle. > Ces paroles escoutées le conte 
Vert dit au duc de Bourbon : c Beau frère, vous avez 
bonnes gens, car ils ne cèlent point les biens qu'ils ont, 
mais les veulent employer honnorablement. > Geulx 
de l'hostel au duc de Bourbon qui lui requirent congié 
furent Jehan de Ghastelmorand, messire Âymard de 
Marcilly, messire Odin de RoUat, messire Ouldray de 
la Forest, messire Jehan de Saint-Priest, messire Pierre 
de la Bussière, Saint Porgue, Perrin d'Ussel, Guyon 
Gouffier, et Jehan Goudelin, breton. Ainsi prindrent 
les compaignons congié du duc leur maistre, qui leur 
enchargea, sur tant qu'ils le cremoient à courroucier, 
qu'ils fussent vers lui assez tost après Pasques. Et à 
leur partir, la contesse de Savoie, seur au duc de 
Bourbon, donna à chascun des compaignons allant en 
Prusse, ung dyamant dont ils furent moult joyeulx du 
don des dames, et de Savoie se partirent les compai- 
gnons, passèrent par Lorraine et Allemaigne , et tirè- 
rent en Boesme à Prague, ou ils trouvèrent la roine 
tante au duc de Bourbon, qui les vit voulentiers et de 
bon cueur en leur donnant de ses dons ; et en celle cité 
estoient plusieurs chevaliers de l'hostel du roi de 
France, qui s'entrefirent grand joie pour ce qu'ils 
tenoient le chemin de Prusse. Le premier messire 
Hutin de Vermeilles, le Borgne de la Heuse, le bastard 
d'Âussy et autres, et cheminèrent tant par leurs jour- 



64 PAIX ENTRE l'ordre DE PRUSSE 

nées qu'ils entrèrent es glaces gelées des palus de 
Prusse, et tant se tramèrent par les glaçons, comme 
il est delà la coustume, qu'ils vindrent à Mariembourg, 
le grant hostel de la religion des chevaliers de Prusse, 
ou le hault maistre d'icelle ordre les receut voulen- 
tiers. Et là les gens du duc de Bourbon trouvèrent 
messire Jehan de Roye, messîre Patroulhart de Renty, 
messire Robert de Ghalus, messire Jean Le Maingre 
dit Boucicaut, qui, par sa chevalerie, fut despuis 
mareschal de France, et, par son bon sens, gouver- 
neur de la cité de Gennes ; messire Jehan de Bonne- 
bault, messire Gaultier de Passât, messire l'Hermite 
de la Faye, et moult d'autres des nations que je ne sai 
nonuner, qui estoient venus si bien à point que mer- 
veilles. Car le roi de Letho\ sarrasin, a voit fort emprins 
de grever et conquester l'ordre de Prusse, et, pour 
estre plus fort, s'estoit adjoint au roi de Norgalles', 
qui par devers la marine guerrioit le maistre de Niffe- 
lant^, deffenseur de sa religion, et protecteur de Prusse, 
qui est tout ung. Et pour ce que au propos de ceste 
histoire du duc de Bourbon ne affiert mesler autres, le 
hault maistre de Prusse, par le secours des chevaliers 
et autres nobles hommes de plusieurs nations qu'il 
avoit en sa compaignie, se porta si vaillamment qu'il 
conquist le chastel d'Endrach sur eulx, et les chassiè- 
rent es grans fourests de Prusse, qui durent plus de 
huit journées , esquelles sont les bestes hermines , 
létisses, gris et martres sebellines, dont les riches 



1. Lithuanie ou Esthonie. 

2. Nordland (?) en Suède. 

3. Livonie, Lie/land, en allemand. 



ET LES SARRASINS DE LETHO ETNORGALLES. 65 

foarreures sont apportées par les provinces du monde. 
Et tant firent chrestiens que les sarrasins furent tous 
lies d'eulx en realler en leur pays, parmi Tordonnance 
faite que, de certain temps, les Sarrasins de Letho ne de 
Norgalles ne pilleroient nulles esglises des chrestiens 
ne les brusleroient, ne aussi les chrétiens, chevaliers 
de la religion, tant de Prusse, conmie de Niffelant, en 
leur pays de Letho ou es marches, n'arderoient les 
saints bois (que ainsi ils appellent) des pins, ou ils 
consumoient les corps de leurs morts par feu, et en 
faisoient sacrifice. Si fut octroyé d'une part et d'autre, 
et par ainsi fut la paix criée par les provinces ; et le 
hault maistre de Prusse qui vit que celle reise^ s'estoit 
si bien portée à l'honneur de soi, ung jour de la feste 
Nostre dame Chandeleur, festoya la chevalerie qui o lui 
estoit moult haultement, et pour l'honneur du jour, le 
service divin accompli, en son chastel de Mariembourg' 
fit couvrir la table d'honneur, et voult que à celle 
table fussent assis douze chevaliers de plusieurs 
royaumes; et du royaume de France y séïrent ou 
hault dois messire Hutin de Vermeilles, et messire 
Tristan de Magneliers, que toutes gens clamoient le 
bon chevalier, et des autres païs deux jusques à xn, 
par l'ordonnance du maistre, qui furent servis, pour 
la haultesse du jour, ainsi qu'il leur appartenoit. Et 
grâces dictes à Dieu, à iceulx douze devisa l'en l'ordre 
de la table, et comme elle fut establie. Et puis, ung 
des chevaliers frères de la religion à ung chascun 
bailla ung mot par escript en lettres d'or sur leurs 



i. Ghevanchée, reise en aHemand. 

2. Ville murée, à 12 kil. sud-est de Dantzick. 

6 



66 EXPÉDinOIf DE N01i]IAin>IB, 

espaules t Honneur vainc tout ! » Et Ten demain les 

chevaliers prindrent congié du hault j 

et s'en retourna ung diascun en sa contrée. 



XXiy. Comment le roi Charles ordonna le due de 
Bourgoigne et le duc de Bourbon aller guerroyer en 
Normandie contre le roi de Navarre. 



Tandis que ces gens de Thostel de Bourbon alloient 
en Prusse, le duc se partit de Savoie et alla devers le 
roi qui le hastoit fort, et avoit grant désir de le veoir, 
pour les grans biens que le duc ot fait celle année, et 
quant le roi le vit, le bienveigna et lui dit : c Beau 
cousin, je suis moult lie et joyeulx de votre venue, 
car nous sommes informés comment le roi de 
Navarre veult mettre les Anglois dedans ses places 
qu'il a en Normandie, comme vous savez quelles elles 
sont, et ce seroit la destruction de nostre royaume. 
Et pour ce est nostre intention, tantost la chaude* 
leur passée, que beau firère de Bourgoigne et vous 
le conestable et l'admirai aillez en armes devant ces 
places ; car c'est l'ung des grans affaires que nous 
ayons, en quoi nous voulons mettre toute nostre 
puissance, et ce que pourrons finer pour en venir à 
chef, et le désirons plus que des Ânglois propre. » 
Âdonc respondit le duc de Bourbon au roi qu'il estoit 
prest d'aller à l'ordonnance qu'il lui avoit baillée, et 
ainsi le fit. Et le mois de mars ensuivant partirent les 
ducs de Bourgongne, de Bourbon, le conestable, et 
leur compaignie pour chevaucher en Normandie, ou 
conté d'Evreux terre du roi de Navarre, devant Mor- 



SIÈGES DK MOBTAGlnE, ÉTREUX, 67 

taigoe fort chastel et belle ville, et dedans treize jours 
après qu'ils Forent assiégée, prindrent la ville d'assault 
et aussi le chastel, ou ils gaignèrent moult de biens. 
De là se partirent les seigneurs, et allèrent devant la 
cité d^Evreux, ou estoit ung capitaine pour le roi de 
Navarre, appelle Ferrandon, qui ne se osa fier à 
demourer à Èvreux, quand il vit les seigneurs approu- 
cher à tout leur ost, pour assiéger la cité. H laissa 
tout, et s'enfuit à Gavré^ hastivement, le chastel ou 
estoit le trésor du roi de Navarre son maistre. Et ceulx 
de la dté, qui virent leur capitaine s'en partir d'eulx, 
firent obéïssance, et rendirent la cité aux seigneurs 
pour le roi de France. Et de la ville d'Evreux se partit 
le duc de Bourgongne, qui s'en alla, pour cause de 
l'année qu'il devoit faire en Angleterre. Et le duc de 
Bourbon, le conestabïe et l'admirai allèrent o leurs 
gens devant Gavré, le plus bel chastel de Normandie» 
et y mirent leur siège, et eulx estant devant, Ferran- 
don, qui estoit parti d'Evreux, se tenoit dedans cellui 
chastel; advint qu'ung jour il faisoit revisiter la 
pouldre des canons et l'artillerie dedans une tour, si 
survint qu'en la revisitant, une chandelle allumée 
cheut sur la pouldre qui brusla à Ferrandon tout le 
visage, dont il morut, et deux autres avec lui. Pour- 
quoi ceux de léans furent tous esperdus, et durant 
cellui espouventement à ceulx du chastel le duc de 
Bourbon fît tant que ses gens prindrent unes faulses 
brayes par devers une porte au dessoubs du chastel, 
ou il lougea cent hommes d'armes ; le conestabïe et le 
mareschal estoient longiez de l'autre part de la mon- 

1. Auj. Gavray, ch.-l. de cant., arr. de Ckintanoas (Manche). 



68 GAYRÉ, REINEVILLE, 

taigne, qui les tenoient moult court, et tous les jours 
les gens du duc de Bourbon parlementoient avecques 
eulx, qu'ils se rendissent, lesqueulx pour riens ne le 
vouloient faire, se le trésor du roi de Navarre, qui 
estoit dedans, ne lui fust porté et rendu, ou il avoit 
trois moult riches couronnes d'or et de pierreries, 
qui avoient esté des rois de France, et oultre soixante 
mille francs d'or, ainsi le recongneurent ceulx de 
Jeans. Et tantost le duc de Bourbon et le conestable 
mandèrent au roi, à Paris, la sceue de ce trésor, dont, 
au bout de trois jours, par devers les seigneurs, vint 
le sire de la Rivière, hastivement, pour la convoitise 
dudit trésor porter. Lequel de la Rivière hastoit fort le 
traictié affîn qu'il emportas! l'argent, mais le duc de 
Bourbon, le conestable et le mareschal ne le vouldrent 
advancier, tant qu'ils eussent la place pour le bien du 
roi. Et tant firent les seigneurs, que par assaillir et 
forte guerre, dedans trois jours après, se rendirent 
ceux du chastel au duc de Bourbon et au conestable, 
et baillèrent au sire de la Rivière le trésor qu'il dési- 
roit fort. Puis rasèrent le chastel, comme ils orent fait 
à Mortaigne, ainsi comme le roi ot commandé aux 
seigneurs, s'ils le prenoient de force. Et prins Gavré, 
allèrent le duc de Bourbon le conestable et le mares- 

• 

chai à Reineville^ qui estoit bien avant en Normandie, 
qui se rendit quant ils seurent que les autres places 
estoient prinses et rasées. Et orent les habitants leur 
vie saulve, mais ils s'en allèrent tous ailleurs habiter, 
et firent les seigneurs raser la ville comme les autres. 



1. Auj. Regnéville, comm. da cant. de Montmartin-snr-Mer, 
arr. de Goutances (Manche). 



POlfT-AUDEMER. 69 

XXV. Comment V admirai de Vienne print Pontheau de 
mer par F aide des gens au duc de Bourbon^ la Rye^ 
en Angleterre j et le prieur de Léaux. 

Le duc de Bourbon, le conestable et le mareschal se 
partirent de Normandie pour aucuns affaires que le 
roi de France ot adoncques; mais afïin que place 
entière ne remansist au roi de Navarre, qui s'estoit 
allié aux Anglois, voult le duc de Bourbon que se 
parachevast ce qui en estoit à conquester ; et pour ce 
faire, lui et le conestable envoyèrent messire Jehan de 
Vienne, admirai de France, à Pontheau-de-mer, qui 
pour le roi de Navarre se tenoit, qui estoit belle ville 
et gros chastel, et bailla le duc de Bourbon la plus 
part de ses gens à Tadmiral, et pareillement le cones- 
table, et mena l'admirai grosse gent pour ce que c'es- 
toit à aller sur la frontière de la mer de Angleterre. 
Et manda on à messire Renier de Grimaud chevalier*, 
de Gennes, lequel estoit à Rouen, ou il faisoit faire 
gallées pour le roi, qu'il amenast quatre gallées à vau 
Saine', pour contre assiéger Pontheau-de-mer, qu'il ne 
leur venist secours d'Angleterre, et ainsi le fit, et fut 
assiégé Pontheau-de-mer par mer et par terre, et dura 
le siège six sepmaines, ou il ot fait de beaulx fais 
d'armes, tant par les assaillants, comme par les def- 



1. Ville du comté de Susses, une des cinq-ports. 

2. De Pillastre famille des Grimaldi de Gônes, qui avait déjà 
en 1304 fourni à la France un amiral du même nom, Rainier 
Grimaldi, célèbre par la défaite et la prise du comte Gui de Flan- 
dres, sur les côtes de la Zélande. 

3. A val Seine, en descendant la Seine, L'imprimé porte Baisâmes. 
Les mss. donnent : Â. vau sayne^ B. Bausaine^ et G. vaiulsame. 



70 PRISE ET PILLAGE DE LA RIE. 

fendàns : car les gens du duc de Bourbon et ceulx du 
conestable avoient désir que leurs seigoeurs, qui mie 
n'estoient là, oïssent d'eulx bonne nouvelle, et aussi 
l'admirai de Vienne les admonestoit fort, qui vaiUau- 
ment lui et ses gens se mainctenoient. Pareillement 
messire Renier de Grimaud en ses gallées avec ses 
arbalestiers Gennois qui si espois tiroient* quarriaulx, 
que ceux du fort ne se osoient monstrer. Et tant s'ef- 
forcèrent de continuellement combatre et assaillir, 
que à la longue fut pris le dit Pontheau-de-mer par 
mines, et le chastel eschellé combatu et prins par 
force, ou tous morurent ceulx du dedans. Après la 
prinse du Pontheau-de-mer parla messire Renier de 
Grimaud, qui estoit un vaillant honmie de mer, à Tad- 
mirai de France en disant : c Sire, vous voyez d'ici en 
c Angleterre, ou il n'a guières de voie par mer, une 
c ville non close, et qui est très-grosse, et dient les 
c gens de cette ville que on la appelle par son nom la 
c Rye, et afferment ceulx d'ici qu'il ne semble point 
c à ceulx de la Rye que l'en osast descendre de là 
c vers euh:. Pour quoi, sire, > dit messire Renier de 
Grimaud, c s'il vous semble bon, je tramectroie une 
€ gallée à Rouen, pour amener cinq huissiers ^ qui là 
€ sont au cay *, à porter deux cens chevaulx, aussi 
c ferai venir d'autres vaisseaulx à rèmes pour passer 
c beaucop de vos gens de pié. > De ces paroles le 
mercia moult l'admirai, en lui priant que ainsi le fîst, 
et tôt à l'heure se partit messire Renier, à sa gallée. 



1. Vaisseau de transport au moyen-àge, ainsi nommé de la 
porte (Aaiiff) percée sur le côté, au-dessus de la flottaison. 

2. Ancrés, ms. A, 



LE PRIKDR M LÉAUX. 71 

à aller amener la navie, laquelle hastivement il amena, 
et en Tattendant Tadmiral fit abattre le ehastel de 
Pontheau-de-mer. Estre venu messire Renier de Gri- 
maud , touchant les choses qu'il avoit . promises , 
devers Tadmiral, mirent leur armée sus à passer oultre 
à nombre de OGGC chevaubc et deux mille combatans , 
que gens d'armes que de traict, et allèrent arriver en 
Angleterre, ou les Ânglois de celle frontière cuidèrent 
dcffendre la descendue ; mais riens ne leur valut, car 
Tadmiral et sa compaignie descendirent, et les chassiè- 
rent bien une lieue et plus jusques en la Rie, et en 
celle chasse y ot mors moult d' Anglois. Et adonc fut 
prinse et courue la Rye, et arse cellui jour, ou il ot 
grant occision de gens, et assez mené es vaisseaulx 
de prisonniers, et gaigné foison de draps et autres 
richesses de mainte sorte. Et ung riche prieur d'Âoe- 
gleterre, nonuné le prieur de Léaux' qui ot sceu Teffroi 
par les fuyans de la Rye en son monastère, qui séoit 
près de là, ot amassé grant gent pour deschasser les 
François, s'il povoit. Et pour ce, au soir, vint cellui 
prieur à bien cinq cens combatans, des meilleurs gens 
qu'il eust ; mais l'admirai, qui estoit sage, et bien se 
doubtoit d'aucune venue, ot mis une grant embusche 
de trois cens chevaulx des plus esleus. Si les virent 
venir de loing, et laissèrent Ânglois approucher, puis 
saillirent de l'aguet, si férirent parmi, les desconfirent 
et prindrent leur chef, qui estoit armé d'unes plates', 
couvertes de veloux vermeil ; et fut le prieur de Léaux 



i. Lewes, ville d'Angleterre, comté de Snssex, près La Hye. 
2. Cuirasse en fer, sur laquelle on portait d'ordinaire un juste- 
«a-corps annoyé. Voy. Ducange, éd. Henschel, t« m, p. 69, ool. 3 . 



7SI PROJET DE DESCENTE 

prisonnier de l'admirai, pour sa part du butin, qui 
despuis le garda ung an, et en ot icellui admirai vn" 
nobles. De la Rye en Angleterre se retraïst l'admirai 
en son navie honnorablement sans perte, et ala à Paris 
devers le roi. Et fut ung grant bruit de lui et des 
gens au duc de Bourbon et du conestàble, de l'em- 
prise qu'avoient faite en Angleterre, car oncques mais 
François n'avoient fait donunaige en Angleterre, qui 
fust de souvenance. 

XXVI. Comment le duc de Bourgoigne fut esleu pour 
passer en Angleterre, et pourquoi V armée ne se 
tint. 

Charles, roi de France s'esjoï moult, qui voyoit ses 
ennemis assez au bas, tant en Guyenne comme en 
Normandie, subjugués par l'effort du duc de Bourbon, 
de son conestàble, et d'autres ses bons serviteurs ; et 
pour monstrer sa puissance , ordonna en son conseil 
que le duc Philippe de Bourgongne, son frère, o le 
navie de Flandres et les galées du roi, iroit en Angle- 
terre, par conqueste, l'année ensuivant, et le pouvoir 
de France ; et se feroit l'armée à Rouen. Et le duc de 
Bourgoigne, qui ot pris congé de son frère le roi, 
s'en tira à Rouen, à grant nombre de bonnes gens, 
jusques à trois mille honmies d'armes, et le duc de 
Bourbon alla o lui, qui en mena huit cens. Et l'admi- 
rai de France, messire Jehan de Vienne, et l'un des 
mareschaulx appelle le Bauldrain de la Heuse, les sui- 
virent à tout sept cens, et messire Renier de Grimaud 
avoit huit cens bons arbalestiers gennois pour fournir 
ses galées ; et oultre y estoit le maistre des arbalestiers 



EN ANGLETERRE. 73 

qui avoit belle compaignie de Picardie, et le conte de 
Flandres debvoit faire aller de sept à huit mille fla- 
mens par la mer d'aultre part. Et furent les monstres 
des seigneurs au Pont-de-l' Arche, jouxte Rouen, et là 
les receut le Bauldrain de la Heuse , et furent paies 
tous les gens d'armes pour deux mois. Et tandis que 
Tarmée de France espéroit à passer oultre, vindrent 
nouvelles au roi de France, que Tarmée des Anglois 
estoit en grant nombre descendue à Calais, pour venir 
tirer à Saint-Omer, et en Picardie, et d'icelle armée 
estoit capitaine messire Jehan Jouel, et estoit ceste 
armée faite pour rompre celle des seigneurs françois. 
Et ce oui , le roi manda aux seigneurs et gens d'armes 
qu'ils tirassent vers Calais pour obvier aux Anglois, 
et deffendre le pays : si le firent, et ainsi fut le passage 
d'Angleterre, qui moult avoit cousté à mettre sus, 
rompu, et chevaulchèrent les seigneurs vers Saint- 
Omer. Si trouvèrent que les Anglois estoient jà entre 
Liques^ et Ardres*, et les seigneurs de France estoient 
à tous leurs gens au dessus de Liques en une petite 
montaigne, laquelle on nommoit Tournehcn, et les 
Anglois se tenoient bas es mares, pour ce qu'ils n'es- 
toient mie assez fors pour combatre, dont ils se 
tenoient plus voulentiers en place forte. Et demeurè- 
rent François et Anglois les ungs devant les autres 
trois sepmaines, ou il ot de belles escarmouches tous 
les jours. Et envoya le conte de Flandres au duc de 
Bourgongne son fils à dix mille communes; et quant les 



1. Gomm. da cant. de Guines, arr. de Saint-Omer (Pas-de- 
Calais). 

2. Ch.-I. de cant. do Tarr. de Saint-Omer (Pas-de-Calais). 



74 FBI8B 

ÀDgloift apperceureut tant de gens, ils estoieot asaes 
près delà mer, et eo leur mardiey la conté de Gumes^ : 
ils s'en repairèrent arrière en leur païs, et aussi les 
seiffneurs de France se retrahirent. 



XXVn. Comment le duc de Bourbon seeut nouvelles de 
la prinse de Belleperche par les Anglois^ ou la 
duchesse sa mère fut prinse. 

Messire Robert GanoUe', anglois, qui par moult de 
fois avoit traversé le royaume de France, quant il fut 
hors de Brest, qui estoit au duc de Bretaigne, loua 
Dieu que les François ne Tavoient illec attrapé, veu la 
disette ou il estoit. Si s'en passa en Angleterre, et 
torna par mer en Bourdelois, et reconquist aucunes 
places que les seigneurs de France avoient conquises 
en Guienne, lesquelles il trouva despourvues de 
garde. Si se mit ens, et les tint; esquelles il mit ses 
capitaines et soudoyers à les garder pour le roi 
Anglois. Et par espécial voult que la ville de Niort en 
Guienne, qui encores ne s'estoit rendue aux François, 
fust chambre et recept des Anglois , qui passeroient 
mer, et aussi des pactis. Si avoit laissé messire Robert 
GanoUe à Niort, pour capitaine, messire Thomas de 
Hanthonne à belle compaignie de gens d'armes et 
d'archiers. Et durant le temps que le duc de Bourbon 
estoit en la compagnie du duc de Bourgongne en 
France, ou il guerroyoit contre les Anglois, deux hom- 

1. Gh.-l. de cant. de Farr. de Boulogne-sur-Mer (Pas-de- 
Calais). 

2. En anglais Knowles. 



DE LÀ DUGHB86E DE BOURBON 75 

mes d'armes de Gascongne, Tun appelle Giquot de la 
Saigne, et Tautre Ortingo d'Ortenie qui bien avoient 
six vingts combatans, et deux œns archiers, eulx 
voyans que jà la guerre s'anientoit en celle part, 
requirent à leur capitaine de Niort, messire Thomas 
de Hanthonne, comment il les laissast aller o leur com- 
paignie à leur adventure, et ne se doubtast, car ils 
pensoient faire chose que lui vienroit à plaisir, et qui 
feroit honneur au roi d'Angleterre et prouffit à eulx. 
Si leur octroya voulentiers. Adonc de Niort se parti- 
rent Giquot de la Saigne et son compaignon Ortingo 
d'Ortenie o leurs gens garnis de bons escheleurs ; et 
tant par nuit comme par jour chevauchèrent jusques 
ils furent en Bourbonnois, ou par espies advisèrent le 
chastel de Belleperche qui estoit au duc de Bourbon, 
ou demouroit la duchesse sa mère, et y tenoit son 
tinneP. Si y vindrent si à point, que la place prinrent 
par la porte, en guise de villains, et y entrèrent leurs 
gens d'armes, et destinrent la dame prisonnière, sans 
lui faire nulle laidenge. Mais, pour ce que le fort 
estoit bien garni de vivres, tant pour hommes comme 
pour chevaulx, s'en firent maistres, et le tinrent; 
dont bien tost ces nouvelles vindrent au duc Loys de 
Bourbon, comment la duchesse sa mère estoit prinse 
des Anglois, ensemble Belleperche, et oultre avoient 
prins La Bruyère l'Aubespin. De ce fut moult doulent 
courroucié et marri le duc de Bourbon, et de la prinse 
madame sa mère, tant que c'estoit grant merveille, et 

1. C'est-à-dire sa cour. Voy. Ducange yy. iinnulus et Tindhu : 
anla magoa vulgariter dicta lo Tind. — et alla au palais tenir 
son tinel (de tuna^ cour). Être dn tinel d'un prince, c'est aToir chez 
lui bouche à cour. 



76 A BELLEPERGHE. 

s'en alla le duc tirant jour et nuit à Paris devers le roi qui 
lui aidast, ou il trouva pou d'aide, car le roi estoit moult 
troublé de son armée qui estoit rompue. Et le duc de 
Bourbon voyant qu'il n'avoit nul secours du roi, pour 
ce qu'il avoit moult la besongne à cueur, fit partir ses 
gens pour tirer en son pays à le garder jusques à sa 
venue, c'est assavoir messire Guichard Daulphin, 
messire Griffon de Montagu, messire Guillaume de 
Vichy, et les gens de Bourbonnois et de Forez, jusques 
à quatre cens, qui s'en tirèrent jusques à Saint-Pierre- 
le-Moustier, à trois lieues de Belleperche. Et la nuit 
les dis capitaines et gens d'armes de Bourbonnois allè- 
rent mectre une embusche auprès de Belleperche, et 
là trouvèrent jusques à deux cens Anglois qui venoient 
de la Bruyère à Belleperche. Si férirent parmi, les 
mirent en fuite et en prindrent aucuns qu'ils destin- 
drent. Et le jour d'avant avoit esté prins des Ânglois 
messire Robert de Chasius, et le commandeur de la 
Marche^ à trente hommes d'armes, à Monteillis près 
de Molins. Si demeurèrent les gens de Bourbonnois 
près d'un mois sur le pays, en attendant leur seigneur, 
et pendant ce vint le conte de Sancerre le mares- 
chai sur la frontière, et orent advis ensemble les gens 
de Bourbonnois qu'il estoit de faire. Si fut accordé 
d'aller assiéger la Bruyère, affin que, quant le duc 
leur seigneur seroit venu, il n'eust à faire que ung 
siège. Et par ainsi fut la Bruyère assiégée, ou le com- 
mun de Bourbonnois alla au siège, qui bien estoient 
deux mille; et rompit l'en les foussés, et l'eaues'en 



1. Ancienne commanderie, anj. écart delà comm. deCharroux, 
cant. de Chaatelle, arr. de Gannat (Allier). 



8IÉGfi DE BELLEPBRGHE 77 

courut, et firent les bonnes gens tant de fagos qu'ils 
comblèrent les foussés ; et fit on un chat pour aller 
au pié du mur qui fut miné, et après on gecta feu dedans, 
qui ardoit tout : par quoi furent prins tous les plus 
grans capitaines de léans, messire Richard Mauverdin, 
et Jacques Sadellier ; et tout le remanant des Ânglois 
qui estoient dedans on livra aux conununes, qui en 
firent de grosses charbonnées. 

XXYin. Comment le duc de Bourbon assiégea Belle- 
perche y et comment le conte de Boucquinquam le 
cantr' assiégea. 

L'an mil m^ LXIX^ le duc Loys de Bourbon, 
qui fort estoit troublé de la prinse de la duchesse, sa 
dame de mère, se hasta de chevaulcher à venir en son 
pays, pour remédier aux besongnes qu'il avoit à faire. 
Mais conune il s'en venoit lui fut denuncié conune par 
ses gens, que devant il ot mandés, o le fort de ses 
communes, et le pouvoir du conte de Sancerre, estoit 
la Bruyère reprinse et gaignée sur les Ânglois , les 
capitaines prisonniers, la ville arse, et les Anglois 
occis; dont un pou s'esjoït le duc, et ne fina tant qu'il 
se trouva en son pays, et promptement, avec les gens 
qu'il trouva, et ceux qu'il ot amenés, mit le siège 
devant Belleperche, au temps de l'hiver, à huit cens 
hommes d'armes et deux cens arbalestiers, pour ce 
qu'il savoit que les capitaines Giquot de la Saigne et 
Ortingo de Ortenye estoient léans, à bien six vingts 

i. Les mss. donnent cette date d'une manière différente: A. et 
B. M. me Lxxvm, et G. m. m« mizz m. Buchon donne mil trois 
cens septante trois : la date exacte est 1369. 



78 PAR LE DUC DE BOURBON. 

coinbatans et plus, qui tenoient la duchesse en dan- 
gier. Pour ce fit incontinent le duc de Bourbon six 
engins qui tiroient jour et nuit léans : mais la duchesse, 
sa dame de mère, estoit moult espouventée quant on 
tiroit ens ; laquelle manda au duc son fils qu'il ne fist 
plus tirer. Si en ot pitié, et plus ne fit batre le lieu 
d'engins. Et dura le siège que le duc de Bourbon 
tenoit trois mois entiers par le plus froit de Thiver, ou 
moult souvent estoient faites par ceulx de l'ost d'aigres 
escarmouches, d'aspres assaulx, et aussi d'apertes 
saillies par ceulx de deens. Si avoit vouhé le duc de 
Bourbon que jà mais du siège ne se moveroit, se n'au- 
roit rescous sa dame de mère, ou prins la ville à force ; 
dont le conte de Sancerre le mareschal messire Loys, 
les chevaliers, escuyers et gens d'armes de ses pays 
de Bourbonnois, Forez et Beaujolois, avec la cheva- 
lerie qui de moult de lieux estoit là embatue à desli- 
vrer la dame, s'esjoïrent grandement, veu que le plus 
fort de l'hiver, à leur semblant, avoient passé, si que 
le remanant du temps peussent mieulx et plus lie- 
ment besongner. Et quant ils oïrent celles paroles 
dire au duc, ils s'en contentèrent moult. Adonc le 
duc ordonna ung basti autour de soi, ou enclouit son 
host, le fossoyant ung pou, et y mit bonnes gardes 
aux entrées, si que ceulx de Belleperche ne l'offendis- 
sent, ne aussi se aucuns en povoir venoient contre 
lui, ne le trouvassent despourveu, et qu'il ne laissast 
le siège honteusement. Giquot de la Saigne, qui tous 
les jours perdoit de ses gens, voyant qu'il estoit 
assiège, et que, pour quel temps qu'il fist, le duc de 
Bourbon ne se leveroit, mais plus s'enforçoit de gens 
et de vivres, manda ung messaige en Guienne, aux 



iCHBG DU GOMTB DE BOUGQmNQUAM . 79 

AnglcMs qui là estoient, que pour Dieu le vinssent 
secourir, car le duc de Bourbon avoit jà sis devant lui 
bien trois mois. Ne tarda guières que la puissance d'An- 
gleterre, qui estoit en Guienne, vint devant le duc de 
Bourbon : c'est assavoir le conte de Bouoquinquam 
qui avoit bien vu"' combatans, et contre assiégèrent le 
duc de Bourbon, que bien le cuidoient avoir dommai- 
gié : car sa bastie n'estoit close que de menus pauls 
du gros d'ung bras, et le hault d'ung homme, et ung 
petit foussé, que ung homme povoit saillir. A la venue 
du conte de Bouçquiquam, vint devers le duc de 
Bourbon, messire Mathieu de Goumay^ cellui cheva-* 
lier qui Tôt amené en France d'Angleterre, et volt 
parler à lui à seurté ; si en fut content le duc de Bour-' 
b<»i, car il l'amoit moult. Et quant le chevalier 
Goumay vint au duc, il lui fit bonne chère, et dit cellui 
chevalier au duc de Bourbon que, pour Dieu, il se 
ostast de cellui péril ou il estoit. c Car, monseigneur, 
c vous voyez bien que vostre place est mal em point 
c pour tenir, et ne vault rien. » Finie la parole du 
chevalier anglois, lui respondit le duc de Bourbon : 
c Messire Mathieu, dictes à vostre maistre que je suis 
c en mon pays et en ma terre, et pour le bien de 

< madame ma mère. Et puis lui direz que je suis 

< prest et appareillé de aclendre toute sa puissance, 
c et tout ce qu'il pourroit faire, et que je mourrai et 
c vivrai avec ceste chevalerie, » ou ils estoient bien 
deux cens chevaliers entour le duc ; messire Mathieu 
de Goumay, qui voyoit le couraige du duc, sur ce se 
partit, et alla vers son maistre, auquel relata les 



4. Appelé Hae de Gaveriay, an chapitre II. Voj. plus haut, p. 6. 



80 ÉGHEG 

paroles du duc de Bourbon, telles comme il les lui 
avoit dictes. 



XXIX. Comment le due Lays de Bourbon recouvra 
Belleperchej et comment le conte de Boucquinquam 
s'en partit^ et puis retourna; et comment le grant 
David fut mort. 

Le conte de Boucquinquam anglois qui, à grant 
nombre de gens, avoit contre assiégé devant Belleperche 
le duc de Bourbon, savoit conmie le duc y séoit pour 
espérance de reconquester son chastel et deslivrer la 
duchesse, sa mère, qui ens estoit; et le conte y refai- 
soit son povoir de lever le duc du siège, et secourir 
ses gens qui la forteresse tenoient. Quant il entendit 
son chevalier, messire Mathieu de Gournay, qui lui 
reféroit les paroles du duc de Bourbon, que c pour 
rien de là ne partiroit » , tantost le conte de Boucquin^ 
quam, cellui soir, commanda à ses Anglois à faire fagos 
et grant attraict de merrien pour Tendemain assaillir,/ 
et le duc de Bourbon grant ordonnance pour soi bien 
deffendre. Et avant que le conte de Boucquinquam 
venist, avoit le duc de Bourbon licencié le plus des 
gens inutiles et des communes , et n'ot retenu fors 
gens d'eslite en nombre , et pour ce , quant il se vit 
contre assiégé, ordonna que chascun homme d'armes 
aroit sa brasse à garder à la bastie ou il n'avoit que huict 
cens brasses, et aroit entre deux hommes d'armes ung 
arbalestier gennois; et par ainsi le duc de Bourbon vou- 
loit que ses gens se peussent deffendre de leurs ennemis, 
en leur commandant que, pour rien, nul ne se partist 
de sa deffence. Et oultre fit le duc de Bourbon mettre 



DU GOHTE DE BOUGQUINQUAM. 81 

avant les grosses arbalestes de Ghantelle^, au devant de 
la bataille des Ânglois, lesquelles estoient moult belles, 
et firent moult de biens, comme vous orrez. Et encores 
le duc de Bourbon fit semer, bien tard, autour de son 
palis, quatre tonneaulx de chauldes trappes, à deux 
lances entour près de son parc. Et l'endemain, par 
matin, de ses tentes vint le conte de Boucquinquam, et 
ses Ânglois en bataille rangiée, en ung grant champ 
devant la bastie du duc de Bourbon. Et lui estant en 
bataille, Thomas le Gennois et Dommiges firent traire 
la grosse arbaleste de Ghantelle droit en la bataille du 
conte, qui tua deux hommes, dont furent esbahis les 
Anglois, car oncques n'avoient veu si gros traict. Et 
après de la bastie laissèrent aller, par traict, six arba- 
lestes d'ung tenant, qui firent si grant dommaige en la 
bataille que c'estoit merveilles, et pareillement les 
canons. Et adoncques la bataille se retrahit le gect de 
deux piarres, pour une pièce, et après une espace, le 
conte de Boucquinquam fit crier que tout homme allast 
à l'assault, et qu'ils s'efforceassent de gaigner, et prendre 
celle chetive cloison, et que chascun portast ung fagot, 
et ainsi le firent ; mais ils ne peurent approcher le palis 
de la longueur de trois lances, qu'ils ne se férissent es 
chauldes trappes, ou ils tumboient comme pluie ; et, 
d'autre part, le traict des Gennois qui au palis estoient, 
fut si grant et si espois, que oncques gens ne furent si 
bien servis, ne bleciés tant de gens, comme il ot des 
Ânglois, lesquels se retrahirent honteusement. Et à 
leur retraicte, le duc de Bourbon fit saillir de sa bastie 



4. La réputation des grosses arbalètes de Ghantelle était encore 
populaire au temps de Rabelais, cf. Pantagruel^ liv. Il, chap. V. 

6 



82 ÉCHEC 

l'estendart à Tescu d'or, à cinquante hommes d'armes 
et cinquante arbalestiers, et férir parmi les derniers 
reti'ayans, en une navière qui là estoit, où il morut des 
Ànglois bien trente deux personnes. Lie conte de 
Boucquinquam, lui estant retrait dedans la forest en 
son lougis, envoya un hérault devers le duc de Bourbon, 
lui mandant que il vuidast la place, ou il enuneneroit 
sa mère, et par force raseroit son cbastel devant lui 
et son palis. Adonc le duc de Bourbon par cellui 
hérault lui remanda que sa mère en povoit il bien 
mener, qui estoit sa parente, et le chasteau raser, 
mais quant de la bastië, certes, il n'en auroit point, 
se par l'espée non, c et quant à ce. Conte, que vous 
c me mandez à venir demain, à l'avoir par force, 
c venez quant il vous plaira, et vous trouverez qui 
c vous recevra. > Et celle nuit propre se deslougea le 
conte de Boucc}uinquam, à heure de minuit, et manda 
quérir la duchesse mère au duc de Bourbon, au cbastel, 
pour l'amener à son lougis, et puis y boutèrent le feu. 
Et quant le duc de Bourbon et ses gens virent le feu 
pris au cbastel, ils seurent que les Anglois debvoient 
deslouger ; à l'heure print le duc de Bourbon vingt six 
varlets et treize eschielles, et les fit aller devers le jardin , 
pour entrer au cbastel, s'ils po voient, et que le premier 
qui léans entreroit, auroit cent francs. Si se hastèrent 
moult les varlets pour gaigner, et trouvèrent que les 
Anglois s'en partoient, et entrèrent eus par eschielles, 
qui fut une saige entreprinse, et reffermèrent les varlets 
la poterne du cbastel, par ou les Anglois estoient 
saillis ; si estaindirent le feu, que ne fist mie grant 
donunaige, et vindrent crier que l'en envoyast des 
gens, car ils avoien bien tout; dont grant léesse fut au 



DU COMTE DE BOUGQUINQUAH. 83 

duc et à œulx de la bastie. Et tantost envt)ya le duc 

de Bourbon cinquante hommes d'armes au chastel , 

et uog de ses estandars. Et Tendemain, quant le jour 

apparut, regardèrent les Ânglois qui se deslougoient 

Testandart du duc de Bourbon sur la tour du chastel 

de Belleperche, et les creneaulx plains de bacinets» dont 

ils cuidarent esrager, et dirent qu'ils estoient les plus 

deshonnorés gens du monde. Mais eulx ce disant prin- 

^nt leur chemin pour aller en Guienne eulx lougier 

à six lieues de là à Limoise ' et Pouzy ', et là ot grant 

débat entre eulx, car ils disoient au conte de Boucquin- 

quam qu'il estoit le plus deshonnoré chevalier que l'en 

seust, et eulx tous avec lui : carie duc de Bourbon avoit 

recouvert son chastel et leur avoit fait un grant dom- 

maige, et ilz ne lui en avoient point fait , de quoi le 

conte de Boucquinquam se tint pour deshonnoré. Et 

adonc lui et ses gens retournèrent arrière, à Belleperche; 

et en eulx venant se chargèrent d'huis et portes de 

granges, et n'en laissèrent nul que tous n'apportassent 

pour assaillir, et en firent ung grant moncel devant la 

bastie, car ils se tenoient tous à vergondés, de ce que 

si peu de gens estoient les Bourbonnois en leur palis, 

et disoient: c Sainct George, millort de Boucquinquam, 

€ bien nous esbahissons, et grant honte est à nous, 

c que avons sis devant ceste triste bastie par tant de 

c jours, et riens n'y avons faict, ne un pal par force 

c de leur palis peu esracher ; ains ont assez de nos 

< hommes occiz et plaiez du fort traict qu'ils ont. > 

c Mais puisque ainsi il va, » dirent les Anglois à leur 



i et 2. Gommuies du cant. de Loiei-Lévi, arr. de Moulins 
(Allier). 



84 MORT 

maistre le conte, c que cy sommes retournés, faisons 
^ c par manière qu'il appère que nous y ayons esté. > Le 
conte de Boucquinquam qui entendit ses gens, leur en 
seul bon gré, et ordonna à tous habillemens pour à 
Tendcmain fièrement assaillir. Et le duc Loys de 
Bourbon qui, pour la reconqueste de son chastel, de 
son lougis ne s'estoit meu , quant il vit les Anglois 
retourner, il alla tout autour de son palis par les def- 
fences, ainsi comme il les avoit ordonnées, et admo- 
nesta chascun de soi bien deffendre, et se tenir ferme- 
ment en son lieu, et leur dit le duc encores, en les 
nommant par leurs noms, c Mes amis, gardez que ce 
c travail ne vous vaincque : en cestui poinct est le 
c grant besoing. Les Anglois sont moult dôulens du 
c chastel que nous avons reprins sur eux, et qui pis 
c leur est, c'est qu'ils ne nous ont, la Dieu merci ! peu 
c grever ; faites par manière que nous n'y ayons dom- 
€ oiaige. Je suis cellui qui ai mon espoir par dieu et 
c par vous traire ma dame de mère de leurs mains : 
c Se maintenant la tiennent, autre fois la lairont. Je sai 
c moult bien que de vous deffendre vous (eréz vos 
c debvoirs. > Lors chascun des chevaliers dirent au 
duc que pour mourir ne lui fauldroient ; si gardèrent 
leurs deffenses gaillardement, et estoient appareillés 
d'eulx deffendre, qui les eut assaillis. Et les Anglois qui 
à l'endemain orent proposé les François assaillir et 
faire leur pouvoir de eulx gecter de leur bastie, celle 
nuit mesme advint qu'il chéïst une si terrible neige que 
l'espesseur en estoit de deux piez et plus ; de quoy les 
Anglois au jour se déslougèrent, et allèrent bien dix 
lieues eulx lougier, pour tirer vers Montluçon. Et lors 
fut ordonné que les gentils hommes de Bourbonnois 



DE DAVID 0LB6RÈVB. 85 

et Fourez monteroient à cheval avec le mareschal de 
Sancerre, et iroient après les Ânglois, et le duc se 
retrahiroit à Molins, et ainsi le firent ; et pour la forte 
neige que adonc faisoit, on trouvoit les Ânglois espar^ 
pillés par le païs, desquels on en tuoit tant que on en 
actaignoit. Et tirèrent les Ânglois à Montiuçon, qui 
pour lors estoit près de Guyenne : et en un villaige 
près de Montluçon estoit lougié ung de leurs capitaines 
appelle le grant David Olegrève, qui estoit l'ung des 
grans hommes que on peust veoir et des orgueilleux, et 
portoit deux espées, une seinte, et l'autre à Tarçon de 
la selle. Si allèi^ent férir, à une aulbe de jour, le ma- 
reschal de Sancerre et les gens du duc de Bourbon à 
sonlougis, et fut le lougis destroussé, et mors quant qu'il 
y ot d'Ânglois, qui bien estoient trois cens hommes 
d'armes ; et là mesme fut mort ce capitaine, le grant 
David, par la main du mareschal de Sancerre\ et y ot 
une des belles destrousses que l'en oïst parler en ce 
temps-là, et plus dommaigeable au païs de Guyenne. 
Et de sept mille combatans que estoient les Anglois 
avec le conte de Boucquinquam, ils en perdirent bien 
trois mille à venir à Belleperche, selon que ont despuis 
rapporté Pocqueron et le Borgne Foulcault, qui lors 
estoient Ânglois, et despuis ont esté François. Et lors 
fut grant bruit, par le royaume de France, à Paris et 
autres pars, et par la duché de Guyenne, plus grant 
que l'en eust ouï dire passé longtemps, que le duc 
Loys de Bourbon avoit attendu sept mille combatans, 



1. C'est à ce fait que Barailon, dans ses Recherches sur Néris, 
pag. 180 et suivantes, n^* 116-118, rattache la burlesque institution 
du chevau fug, à Montluçon. 



86 EXPÉDinœv DU DUC L0Y8 

qui n'en avoH que huit cens, et ftit le duc contrassiégé, 
et ot siège sur siège devant Belleperdie, ce que l'en 
ne veïst oncques en ce royaume , et recouvra le duc 
de Bourbon son chastel, présens les Ânglois, et y en ot 
de mors ou païs du duc de Bourbon, bien vn^honmies 
d^armes, tant devant Belleperche, conune de la des- 
trousse du grant David. 



XXX. Cùmment le rai bailla la charge au duc de Baur^ 
ban de la canqueste de Paictau; et comment le sire 
de Clisêan fut secouru; et comment Mantcantour fut 
prins. 

Après bien pou de terme que le duc de Bourbon eut 
demeuré en son hostel , et visité ses païs, ne tarda guières 
que le roi de France ne Tenvoyast quérir, en lui priant 
et requérant que, sur tous les plaisirs qu'il lui vouloit 
faire, venist parler à lui. Si n'y alla point le duc à celle 
fois, et se fit mander trois ou quatre fois, avant qu'il 
y voulsist aller, dont le roi fut mal content ; mais moult 
le désiroit pour la grant renommée qu'il voyoit en lui. 
Au fort, la chevalerie du duc de Bourbon, dont il 
avoit de belle, lui conseilla, comment que fust, qu'il y 
allast, et que à ce ne se debvoit poinct reffuser, 
nonobstant la petite aide que le roi lui ot faite. Si y 
alla le duc ; et lui estant devers le roi, lui dit le roi de 
belles paroles, et loua moult les grans choses qu'il avoit 
faites, et s'excusa le roi vers lui de sa petite aide, pour 
les grans affaires qui lui survenoient tous les jours. A 
laquelle chose respondit le duc de Bourbon humble- 
ment : c Mon très-redoubté Seigneur, dit le duc. 



KN POITOU. 87 

VOUS m'avez assez fait, et je sois content de vous, 
et le doi estre ; mais il y a bien tel en votre service 
dont je ne suis content, et dieu lui rende ! si ne lui 
meffis-je oncques rien ; par ma foi, j'ai bonne vou- 
lenté en vos besongnes. » Le roi entendit assez ou 
duc vouloit aller, et lui dit : € Beau cousin, je vous 
prie, n'ayez nulle desplaisance en rien, car, par ma 
foi, j'ai bonne voulenté en voz beson^es, et le doi 
bien avoir ; et vous ai à faire une requeste, que je 
vous prie que me vueillez octroyer, avecques les 
autres plaisirs que vous m'avez fais. C'est assavoir 
que vous vueillez entreprendre estre en chef à aller 
à Poictiers, vous et le conestable en votre compai- 
gnie, et aucuns officiers. » Â laquelle chose respon- 
dit au roi le duc de Bourbon : c Sire, je vous voul- 
droie obéïr toujours, mais ceste chose me vient 
très-mal en point , que moi et les pouvres gentils 
hommes de mon pals, qui m'ont servi en mes grans 
besoings, sommes en petit point de vous bien servir : 
car ils ont despendu le leur en mon service, et 
aussi ai-je le mien, qui n'ai point heu d'aide. » 
— c Ha! a ! beau frère de Bourbon, dit le roi, je 
vous prie, ne parlez point de cela : car je vous c&y 
tiffie que je les reffireschirai bien, et vous et eubc, et 
que riens ne vous fauldra. > De laquelle office le duc 
de Bourbon le merda humblement, et lui dit : c Sire, 
je vous remercie, car je vous assure que je seroie en 
bien pouvre point, quant je fauldroie à vous obéir. > 
Je le sai bien, beau frère, dit le roi, et vous le me 
montrez. > Ainsi fut lors empris le voyaige de Poic- 
tiers, ettantost en mars chevauchèrent le duc de Bour- 
bon ^t le conestable, en Poictou, à trois mille hommes 



88 PRISE DE MONTOONTOUR, 

d'armes, et huit cens hommes de traict. Et eulx estans 
devant Poictiers, ou ils traictoient à oeulx de la Ville 
qui estoient bien durs, vindrent nouvelles au duc de 
Bourbon et au conestable, à mi nuit par ung gentil- 
homme et ung hérault, que le sire de Glisson leur 
mandoit à grant haste qu'ils chevauchassent auprès de 
Montcontour^ vers lui, ou il estoit perdu. Car messire 
Vaultier Spurton, Ânglois, était parti de Niort, et venu 
devant lui à plus de gens la moitié qu'il n'avoit ; et ne 
pouvoit avoir le sire de Glisson nuls vivres, pour ce 
que les Ânglois le tenoient trop court. Si partirent le 
duc de Bourbon et le conestable à mi nuit pour tirer 
celle part, et allèrent repaistre à Lodun, et n'arrestè- 
rent guières les seigneurs pour la paor qu'ils avoient 
de Glisson, et furent cellui jour auprès de Montcontour 
entre vespres et le souleil couchant, dont fut moult 
joyeulx Glisson, des seigneurs qui l'estoient venus 
secourre. Et celle nuit messire Vaultier Spurton, qui 
vit l'ost des seigneurs approucher, se deslougea, et 
s'en aUa à Niort à grant coite, et lendemain assaillit- 
on Montcontour, ou fut l'ung des beaulx assaulx que 
on peust guières voir après Saincte Sévère. Gar le duc 
de Bourbon et le conestable semonnoient leurs gens 
et souldoiers de bien faire, lesquelz point ne se faigni- 
rent, mais s'effbrçoient de gravir aux murs par crocs 
de fer, et miner, monter par eschielles, traire et lan- 
cier, emplir les foussez et faire toute œuvre qui en tel 
cas appartient, et loist à guerre. Et tant firent qu'ilz 
prindrent la basse court parmi l'église Nostre dame de 



i. Gh.*l. de caat. arr. de Loudun (Vienne). 



DE POITIERS, 89 

Montcontour, et rendemain assaîDit on le chastel for- 
tement, qui fut bien assailli et combatu aux escliielles 
en deux ou trois lieux : et le premier qui entra dedans 
fut messire Ghatard de Gléaux, qui estoit de Thostel 
^du duc de Bourbon, et un escuyer appelle Marrago qui 
servoit messire Jehan de Digoine. Ainsi fut le chastel 
de Montcontour prins, et encores durant Fassault le 
capitaine de léans, qui estoit Anglois, avoit appelle le 
conestable de France parjure, et qu'il avoit menti sa 
foi de sa prison deNadres^ en Espaigne, et Tappeloit on 
Jehannequin Louet. Et quant le chastel fut prins, le 
connestable fît pendre ledit Jehannequin Louet, armé 
de toutes pièces, le bacinet en la teste, aux créneaux 
du chastel. 



XXXI. Comment Poictiers se rendit au duc de Bourbon 
au nom du Roi^ et autres places comme La Rochelle; 
et comment à Benon furent tous tués par le canestor 
ble; aussi comment la duchesse^ mère au duc, fut 
deslivrée j et comment le captai de Buch fut prins. 

Sitost que Montcontour fut prins, le duc de Bourbon 
et le conestable de France, à tous leurs gens, s'en 
retournèrent devant Poictiers, eulx longer en la place 
dont ils estoient partis, pour traicter à ceulx de la 
ville, lesquels furent plus doux que n'avoient été par 
devant, pour la prinse de Montcontour, et aussi de 
messire Yaultier Spurton, qui estoit leur umbre , et 



i . Ancien nom en France de Najara on Nairarette, bataille où Da- 
gnesclin avait été fait prisonnier par les gens du prince de Galles. 



90 DE LA TOUR DE GITIU, DE PONT-l'ABBÉ, 

leqod laidement s'estoit retraict. Et firent ceuix de 
Poictiero au duc de Bourbon leur pactis, qu'ils ren- 
droient obéissance à lui au nom du roi, en tant que le 
duc de Bouii>on leur promit et jura que, avant que lui 
ne ses gens partissent de la ville, ils prendroient le 
chastel, car autrement les Anglois qui le tenoient les 
destruiroient. Ainsi leur promit le duc que jamais ne 
bougeroit de la ville se non seroit le chastel es mains du 
roi. Adonc ouvrirent les portes, et y entrèrent les sei- 
gneurs à ung lundi. Et le dimanche après assaillit-on le 
chastel par grant appareil que on ot fait en la ville, et 
n'estoient en la forteresse se non dix huit Anglois ; et, 
à la prinse du chastel, entra le premier messire 
Guichard de Ghastelmorand ou il gaigna de belles 
chambres angloises et les seaulx de la duché de 
Guienne, qu'il bailla au duc de Bourbon son seigneur. 
Et lors fut la ville de Poictiers moult joyeuse qui vit ce 
que le duc de Bourbon lui avoit promis; et lui requéirent 
plus avant, comment de une place près de là appellée, 
la Tour de GitriS qui leur faisoit forte guerre, il les 
voulsist deslivrer. Auxquels le duc de Bourbon dit 
qu'il feroit son debvoir de la prendre, et y envoya 
tantost les gens de son hostel, qui y demeurèrent sept 
jours, et puis le prindrent, dont ceulx de Poictiers ne 
furent oncques si lies ; et donnèrent au duc de Bourbon 
deux cens marcs d'argent pour les bons services qu'il 
leur avoit faits. De Poictiers deslougèrent les seigneurs, 
et s'en allèrent devant Ponb-l'Abbé*, laquelle ville ne se 

1. Aujourd'hui Ghitré, oomm. du cant. et arr. de Poitiers 
(Vienne). 

2. Gomm. du cant. de Saint-Porchaire, arr. de Saintes (Charente- 
Inférieure). 



DE SURGIÈilES, BKNON, LA ROCHELLE, 94 

osa tenir ; mais le chastel estoit moult fort, et le tenoit 
messire Bertrand de Gaselis. Et assaillit-on le chastel 
si roidement que, en Tespaoe de huit heures il fut prins; 
et s'enfuit messire Bertrand de Gaselis en une tour es 
mares ou il n*avoit que mangier : si se rendit aux sei- 
gneurs et fut prisonnier. Et de là allèrent les seigneurs 
devant Surgières^ ou il a moult bel chastel, et le prin- 
drent de plain assault; puis allèrent à Benon ', à trois 
Ueues de la Rochelle, et là perdit le conestable quatre 
de ses gentibs hommes qui gouvemoient tout son 
faiet, lesquels estoient en leur lougis, en leur lict où 
ils dormoient. Si eurent laissé d'aventure l'huis ouvert 
leurs varlets, qui jouoient aux dés, et furent tués les 
gentils hommes par ceulx de la garnison de Benon, 
qui fut le plus grant courroux que le conestable eust 
en France ; et pour cellui despit l'endemain fut assailli 
Benon où ils estoient trois cens habitans, et dura 
l'assaut presque tout le jour, mais au fort furent prins, 
et fit tout tuer le conestable sans en espargner ung 
pour le courroux de ses gens. De Benon chevauchèrent 
les seigneurs devant la Rochelle, ou ceulx de la ville 
firent muser les seigneurs trois jours, et, en ce muse- 
ment toudis les habitans abbatoient le chastel, affin 
que jà mais ne fust maistre de la ville. Puis firent 
ouverture aux seigneurs, qui leur reprochèrent ce 
qu'ils orent fait, lesquels depuis ont esté bons et loyaulx 
au roi, et fut grant dommaige au roi d'Angleterre, car 
c'estoit le port à secourir toujours Guyenne. Rendue la 



1. Gbarente-Inférieare, ch.-l. de cant. de l'arr. de Rochefort. 

2. Gomm. du cant. de Coarçon, arr. de La Rochelle (Gharente- 
L[iférieare). 



9S ET DE LA TOUR DE BROU. 

Rochelle, allèrent les seigneurs devant Saint Jehan 
d'Angelis qui tantost fit ouverture et obéissance au 
roi en la main du duc de Bourbon. Puis allèrent à 
Xainctesqui obéit comme Saint Jehan d'Angeiis. Gestes 
choses faictes et le pays rendu au roi de France, 
requist le duc de Bourbon au conestable qu'il lui fist 
compagnie à aller devant la tour de Brou ^ ou estoit la 
duchesse sa mère prisonnière, ou il n'avoit de là que 
sept lieues ; et en celle tour l'avoit laissée le conte de 
Boucquioquam à son retour de Belleperche, en garde 
et chièrement reconmiandée à Ciquot de la Saigne, son 
escuyer, pour lors capitaine des gens d*armes qui 
avoient prins Belleperche et la dame, et maintenant 
tenoit icelle tour. Le conestable en fut moult lies et dit : 
c  dieu le veu. Monseigneur, et par les yeulx Dieu ! 
c cesterequesteestbiendefaire.Ortost, allons deslivrer 
€ la bonne dame ! » Adonc tantost montèrent à cheval : 
si y allèrent, et mirent le siège devant la Tour. Et là, 
Ciquot de la Saigne, qui se vit mal emparé, et que 
loing estoit de secours, rendit au duc de Bourbon la 
tour de Brou et la duchesse sa mère, laquelle se loua 
moult au duc son fils de Ciquot. Par quoi le duc l'en 
envoya lui et tous ses gens francs, et lui donna du 
sien. Quant la Tour de Brou fut rendue, les gens du 
duc de Bourbon s'en allèrent courre devant Sebise*. Et 
le captai de Buch avait mis une embusche de ses gens, 
ou meismes estoit, entre Sebise et la tour de Brou. 



1. La tour de Broo, comm. de Baint-Somin, cant. de Saint- 
Agnant, arr. de Marennes (Gharente-Inférieore). 

2. Aujourd'hui Soubise, cant. de Baint-Agnant, arrond. de 
Marennes (Charente-Inférieure). 



DÉLIVRANGB DE LA DUCHESSE DE BOURBON. 93 

Si s'entrecontrèrent les gens de Bourbon et le captai, 
et se counirent sus les ungs aux autres, et tourna le 
pieur au captai, qui fut prins, et rendu au duc de 
Bourbon, qui puis le mena à Paris, et le rendit au roi. 
Le duc de Bourbon, qui ot sa mère, moult fut joyeulx, 
et après se despartirent de Poictoului et le conestable, 
et chevauchèrent par leurs journées à Paris au roi, qui 
les receut liement, et festoya pour les beaulx faits que 
eurent faits en deslivrant grant partie de la duché de 
Guienne de ses ennemis, et 1 avoient mis en son 
obéissance. 



XXXn. Comment le duc de Bourbon ot charge j par le roi 
et le duc de Berry^ de aller guerroyer en Auvergne ; 
et quelles places il ot, et comment il fit rendre les calices 
aux esglises. 

Estans le duc de Bourbon et le conestable à Paris 
devers le roi, celle année mesmes que l'on comptoit 
mil trois cens septante et cinq^ requistle duc de Berry 
au roi son frère, qu'il lui pleust à lui bailler le duc de 
Bourbon, lequel se voulsist travailler à chevaucher en 
Auvergne, où il y avoit sept ou huit forteresses, que 
moult destruisoient le païs; et par espécial en y ot une, 
ou estoit ung capitaine Ânglois, qui bien avoit trois 
cens hommes d'armes en une place dessus Glermont, 



i. Les mss. portent : A. m ccc lxxvui, et G. m gcg qnatre- 
mgts cinq. La date Téritable est 1375, qne donne l'édition de 
Buchon. 



94 EXptfDrnoN m Auvergne. 

à deux lieues, que Ton appeloit la Roche Senadoire^ 
et le capitaine anglois messire Robert Ghannel. Autres 
places y avoit et autres capitaines ; la Roche dessus 
Aiguesparse', Amburs', Tracros^, dont Gourdinot 
avoit la garde, Saint-AngeP, Gharlieu-Ie-pailhoux^, et 
Gharlieu-Ghampniagois''. A ceste emprise faire pour 
aller en Auvergne guerroier contre les anglois fut le duc 
Loys de Bourbon chargé par le roi et le duc de Berry , 
qui l'en pria. Si se partit le duc o ses gens, et s'en vint 
en Bourbonnois, passa en Auvei^ne, et alla devant la 
Roche dessus Aiguesparse, et n'y geïst le duc que une 
nuit, que l'endemain ne fust prinse d'assault par force, 
et occis tous ceuhc qui estoient dedans. Puis alla le duc 
devant Amburs, moult belle place, ou estoient bien 
quatre vings combatans, et à la venue ot grosse escar- 
mouche, car ceulx de léans issirent, et y ot bel escar- 
mouchéïs de lances et d'espées des deux coustés ; et 
là fut blessé messire Girart de Grantvau qui estoit bon 
homme de son corps, et Jehan le bastart de Ghastel- 
morand, mort. Mais en ceUe escarmouche, y furent 



1. La Roche-Senadoire , commune et canton de Rochefort , 
aiT. de Glermont (Pay-de-Dûme). 

2. La Roche, chAteau en ruines près Chaptuzat, commune 
du canton d'Aigueperse, arrondissement de Riom (Puy-de- 
Dôme). 

3. Château en ruines, oomm. de Bt-Jacques d'Ambur, cant. de 
Pont-Gibaut, arr. de Riom (Puy-de-Dôme). 

4. Ck)mm. de Geiles, cant. de Rochefort, arr. de Glermont (Puy- 
de-Dôme). 

5. Commune du canton de Manzat, arrondissement de Riom 
(Puy-de-Dôme). 

6 et 7. Châteaux en ruines , non loin des sources de la Dor- 
dogne, canton de Rochefort, arrondissement de Glermont (Puy-de- 
Dôme). 



PRISE DS TRÀGR08. 95 

prins de ceuk du fort huit hommes d'armes, qui plus 
orent voix, et quatre mors, lesquels huit le duc de 
Bourbon Tendemain fit amener devant lui pour leur 
faire couper les testes, s'ils ne rendoient la place, et 
ils le povoient bien faire, car ils Tavoicnt en garde, 
lesquels amèrent plus vivre que mourir si faitement. 
Si rendirent Amburs au duc de Bourbon, leurs corps 
et la place. Et tantost dedans une heure fit partir le 
duc de Bourbon de ses gens pour aller devant Tra- 
cros ; et celles gens qu'il envoya devant rencontrèrent 
les Anglois de Tracros, les plus grans adventuriers, 
qui venoient gaigner sur eux, et furent rués jus par 
les gens du duc, qui allèrent hastivement devant la 
place, et estoit tard quant on y arriva. Et celle nuit 
le duc de Bourbon, qui là estoit venu, fit asseoir le 
guect des gens de son hostel, et dit à Jehan de Ghastel- 
mofand : c Prenez mon pennon, et allez environner la 
c place, si que nul n'en saille. > Lequel fit son com- 
mandement, et la nuit ot mainte parole des gens du 
duc à ceuhc du fort qu'ils se rendissent, ou quant l'en 
en prendroit on les pendroit par les gueules, pour ce 
cpi'ils estoient gens de maie renommée. Si parla-on 
tant que Gourdinot gardcur de la place se rendit à 
Jehan de Chastelmorand , escuyer, qui portoit le 
pennon du duc de Bourbon; et à celle heure, que 
n'estoit mie jour, fut mandé au duc, si lui plaisoit, le 
traictié qu'avoient faict les gens de son hostel ; si 
respondit que bien lui plaisoit, pour ce qu'il avoit 
encores de grans faiz à faire. Et cellui qui parloit de 
ce au duc c'estoit Chastelmorand, qui lui pria de vouloir 
donner les meubles de la forteresse aux gens de son 
hostel, laquelle chose fit le duc frandiement, et que 



96 SIÈGE 

Gourdinot, qui à lui s'estoit rendu, lui demourast pri- 
sonnier, et ce encores lui octroya. El Tendemain au 
matin vindrent Gourdinot et les siens de Tracros, qui 
n'estoient que seze hommes d'armes, qui furent tous 
prisonniers. Et avoit léans deux cens marcs d'argent, 
dont les cent estoient en calices d'esgUses qu'ils avoient 
robbés partout. Si dit le duc qu'il vouloit avoir les 
calices, et récompenseroit bien les compaignons. Et le 
duc de Bourbon, mcu de pitié, manda les calices en la 
cité de Clermont, faisant crier par toutes les esglises 
qui avoient leurs calices perdus, que on venist à Cler- 
mont, et on les rendroit, et ainsi fut faict. 



XXXIII. Comment le duc de Bourbon araisonna les sein 
gneurs d'Auvergne d'assiéger la Roche Senadoire 
qu'il assiégea. 

Le duc Loys de Bourbon qui ot deslivré Tracros 
se partit à tout son host, et s'en alla à Clermont, ou il 
n'a que deux lieues jusques à la Roche Senadoire , 
et manda le duc, les seigneurs d'Auvergne, le comte 
Daulphin, le sire de la Tour, le sire de Montravel, et 
les autres grans seigneurs, et ung appelle le sire de 
Laqueulhe, ung des vaillans hommes d'Auvergne, et 
leur dit le duc de Bourbon : c Messeigneurs, j'ai desli- 
c vré trois places, et près d'ici est celle qui déserte 
c tout le païs, car il y a quatre capitaines et trois cens 
c hommes d'armes, et la place est non prenable, se 
< n'estoit par la grâce de Dieu. » Adonc respondirent 
les seigneurs d'Auvergne, et dirent au duc : c Monsei- 
c gneur, vous nous requérez de ce que nous vous deus- 



DE LA ROCHE SENÂDOIRE. 97 

€ sioDS requérir à mains jointes. Car celle place destruit 
c tout Âuvei^ne, et courent tous les jours devant ceste 
c ville. > Lors ordonna le duc de Bourbon que les Auver- 
gnats allassent d'un cousté, et lui et ses gens de l'autre, 
asségier la Roche Senadoire, et fut commandé que les 
paysans amenassent des vivres au siège, et tous habille- 
mens que l'en pourroit trouver pour assaillir . Ainsi fut dit 
et fait ; et l'endemain se deslougea le duc de Bourbon, 
et o ses gens s'en alla en sa place la plus forte, où il fit 
tendre ses tentes et pavillons. Et la nuit que le duc se 
lougeoit, ceuhc de la Roche Senadoire firent emprise 
de faire saillir leurs chevaulx hors, et en gectèrent bien 
soixante pour eulx en cuider aller. Mais le duc de 
Bourbon, qui tousjours faisoit ses faiz par belle ordon- 
nance, avoit ordonné son guect si à droit que ces 
soixante chevaulx furent gaignés, ou il n'y avoit que 
cinq honunes d'armes, et le remenant n'estoit que 
pages, mais c'estoit fleur de chevaulx. Les Anglois qui 
virent leur place la Roche Senadoire assiégée de deux 
pars, l'une par le duc de Bourbon, et l'autre par les 
seigneurs d'Auvergne, et grant foison de Gonununes, 
se doubtèrent fort qu'ils ne montassent par force entre 
les deux places, et, pour ce, firent ung palis bas entre 
les deux montaignes, qui avoit cent brasses de long ; 
et fut fait si hault en leur montaigne, que à peine une 
arbaleste y eust peu tirer au hault. Et faisoient des 
Anglois chascune nuit le guect cent hommes d'armes, 
dedans ce palis, affin que l'en ne peust monter à eulx 
sur la montaigne. 

XXXiy. Comment j présent le duc de Baurbonj en son 
osty se combatit le bastart de Glarains^ pour la 

7 



98 DUEL tSTTKR PERROT DE LIGNAGE 

querelle du sire de Mantravel^ contre un gascon 
AngUns. 

Entre tant que le duc de Bourbon advisoit et iiâagi- 
Doit comment on porroit prendre la place, advint que 
ung vespre, au guect, ung Ânglois gascon et ung des 
gens du duc de Bourbon orent paroUes ensemble, et 
nonmioit-on le gascon Perrot de Lignaige, et cellui de 
Bourbon on clamoit le bastartde Glarains. Car Lignaige 
disoit que le sire de Montravel, qui estoit son prison- 
nier, lui avoit mentie sa foi. Et que se le contraire 
vouloit dire, venist avant, et il le combatroit, ou que 
s'il avoit nulillecqui le voulsist maintenir, pareillement 
le combatroit. A ce respondit le bastart de Glarains : 
€ Je ne sui n'ami ne parent du seigneur de Montravel, 
c mais se tu as si grant talent de combatre comme tu 
c monstres, demain je te combatrai devant Honsei- 
c gneur le duc de Bourbon, en telle querelle que se 
c je te desconfis, tu seras mon prisonnier, et se tu me 
c desconfîs je serai le tien ; et ce tu ne dois mie reffuser, 
c se tu as vouloir de combattre, car c'est le mestier 
c d'armes. » Et sur ce l' Anglois dit que de ceste chose 
il parleroit à messire Robert Ghennel, son capitaine, 
et puis qu'il lui feroit response. Et le bastart de Gla- 
rains respondit qu'il se tenoit bien seur de son très- 
redoubté seigneur, leduc de Bourbon, qu'il lui plairoit 
bien, car le duc ne lui reffuseroit riens, qui au bastart 
touchast son honneur : Ainsi, pour celle fois, despar- 
tirent l'ung de l'autre. Et devoit faire responce cellui 
Perrot de Lignaige au bastart de Glarains, dedans 
midi ou vespres, lequel le fit ; et qu'il avoit licence de 
son capitaine à combatre au troisiesme jour, mais que 



ET LE BATARD DE GLARAINS. 99 

le bastart de Glarains Tasseurast. Lequel lui manda 
seurté et sauf conduit, de par le duc de Bourbon, pour 
lui, et xnn compaignons, et en tant fit faire le duc de 
Bourbon les lices, et le tiers jour vint Perrot de Li- 
guaige anglois, et le fit recueillir le duc de Bourbcn 
grandement, et honnorablement, pour ce que la chose 
estoit devant lui, et trouva Lignaîge sa belle ^ tente 
tendue es lices , pour le désarmer, et recueillir ses 
compaignons qui estoient venus avec lui, et le bastart 
pareillement, et chascun sa chaière. Et eulx estans en 
leurs chaières on leur demanda s'ils vouloient plus rien 
dire, ils dirent que non. Adonc fut crié parles héraults : 
c Faites vos devoirs ! > Si vinrent assembler, et firent 
de belles armes quatre coups Tun sur Tautre, après le 
giet des lances, de leurs espées ; mais le bastart de 
Glarains reculla son adversaire Perrot de Lignaige 
bien six pas loing en combatant de Tespée, et, au fort, 
le bastart gecta jus s'espée, et alla prendre Lignaige 
Tanglois aux poings, et le tenant fort, le porta par 
terre le bastart, et se gecta sur lui, et lui leva la 
visière, en lui donnant trois coups de gantelet sur le 
visaige, et lors l'anglois qui se sentit féru et mal atourné 
se rendit, criant si hault qu'on le povoit bien oïr. Mais 
nonobstant le bastart tira l'espée de Tanglois , et l'en 
vouloit tuer, quant le duc de Bourbon dit qu'il sufB- 
soit, et que assez en a voit fait. Et sur ce les fit oster 
de ce point : car il ne vouloit mie que F Anglois morust, 
pour ce que la besongne avoit été faite devant lui ; de 
quoi celle bonté fut tournée à hault honneur au duc 



1. Lacune d'un feuillet dans le ma. A, depuis ce mot jusqu'au 
commencement du chapitre XXXV. 



1 00 PRISE 

de Bourbon. Et pendant ce gaige, Tung des capitaines de 
léans nommé Nolimbarbe, qui gardoit Tune des tours, 
traictoit comme ses compaignons et lui s'en peussent 
aller, eulx et leurs chevaulx. Et maints y ot des sei- 
gneurs d'Auvergne et autres, qui avoient voulenté d'en 
estre deslivres, qui conseilloient au duc l'allée des 
Anglois ; mais il n'en voult rien faire, ains jura que 
jamais de là ne se partiroit , si auroit la place à sa 
voulenté, et les Anglois en son povoir ; et ainsi le fit, 
comme vous orrez. 



XXXV. Comment le duc de Bourbon print honnorable^ 
ment la Roche Senadoire, et autres places j qu'il 
rendit au duc de Berry ^ 

Estre affinée la querelle des deux souldoiers, ou 
le bastart de Glarains avoit oultré son contraire, ot 
advis le duc Loys de Bourbon à ce palis, qui estoit en 
hault, car il avoit jà tenu son siège devant la Roche 
Senadoire trois sepmaines; et pour soi plus tost 
deslivrer, il fit renforcer son guect par l'espace de trois 
jours', chascun jour de cinquante hommes d'armes, et 
au bout de trois jours, devers le soir bien tard, manda 
le duc de Bourbon aux seigneurs d'Auvergne, qu'ils 
fussent tous armés à l'aube du jour avec leurs gens, 
et prests à monter la montaigne de leur cousté, car 
son intention estoit que lui, à toute sa puissance, vouloit 



i. Fin de la lacane dn ms. A. 

2. Les douze mots qui suivent manquent dans Pimprimé et 
dans le ms. G. 



DE LA ROCHE SENADOmE. 101 

de fait combatre le palis à celle heure ; et qu'ils fissent 
leur fait si secret qu'on ne les apperceust, car il vouloit 
faire gésir ses gens tout armés, pour soi joindre avec 
son guect, que pour ce avoit ordonné. La nuit passée, 
Fendemain par matin saillit chascun des tentes et pa- 
villons pour eux joindre au guect, et de leur guect au 
paUs, ou il ot fait de moult belles armes ; caries Anglois 
estoient de leur guect bien œnt combatans, qui aspre- 
ment et fièrement se deffendoient. Mais toutèsfois le 
palis n'estoit guières fiché en terre pour la roche, et 
là ot grant et fier poulséïs de lances d'une part et 
d'autre, et fut la besongne si aspre, que nos gens, à 
force, prindrent le palis à tirer à eulx, et tant que les 
gens d'armes en ruèrent par terre bien dix brasses. 
Et quant les capitaines anglois, qui deffendoient le 
palis, veirent que le nombre d'euix amenuisoit, tant 
estoient les assaulx griefs et aspres, et qui plus les 
angoissoit, c'estoit qu'ils avoient jà main à main les 
Bourbonnois, auxquels le duc amonnestoit qu'ils se 
peinassent de bien asprement assaillir, et accueillissent 
le chastel isnellement. Après celles paroles eurent en 
pou d'heure le palis conquis, et gaigniée la montaigne, 
tant que ceulx de léans en furent tout esbahis. Et là, 
le duc de Bourbon voyant ses chevaliers et escuyers de 
son hostel et pays, et gens d'armes, qui s'appareil- 
loient à toutes adventures soubstenir, desrompre palis 
et garnison, et passer outre par force, en estoit moult 
joyeux. Et durant ce touUéïs, parmi la bresche du 
palis passa le pennon du duc de Bourbon, que conti- 
nuellement portoit Jehan de Ghastelmorand, o ceubc 
qui le suivoient. Lors ne sceurent les Anglois que faire, 
qui ce virent, fors de penser eux retraire vers le fort, 



102 PRISR 

et en eulx retrayans, se férit en avant le pennon avec 
les vaillans hommes ; et à oelle retraicte des Ânglois, 
qui s'en fuyoient, fiirent que mors que prins, bien 
nn" des meilleurs hommes d'armes de léans, fors les 
capitaines, dont en Tune des deux places, Noiimbarbe 
se retrahit à la main dextre, et en l'autre à la main 
senestre, qui estoit la plus forte, tira soi retraire 
messire Robert Ghennel, Jacques Bardenay, le fils 
messire Jehan Jouel, Thomelin Maulevrier, messire 
Richard Credo, fils du maire de Londres. Et en eulx 
retrayant de certaines longes qui estoient en hault, pour 
aller à leur fort, le pennon du duc de Bourbon o les 
gens de son hostel les chargièrent de si près, que ainsi 
comme ils entroient en la tour, le pennon du duc de 
Bourbon se ferit parmi eulx moult bien accompaigné, si 
que ceubs: Ânglois ne peurent clorre Thuis de la tour, et 
ainsi se rendirent^ à cellui qui portoit le pennon du duc de 
Bourbon. Et furent les prisonniers qui se rendirent à 
lui messire Robert Ghennel capitaine, le fils messire 
Jehan Jouel, messire Richard Credo, fils du maire de 
Londres, et Thomelin Maulevrier, et par ainsi fut desli- 
vrée la plus forte place. Et de là tira le pennon du duc 
avec ses compaignons, c'est assavoir messire le Bar- 
rois, Bonnebault, messire Gaulchier de Passac, le sire 
de Gordebeuf, le borgne de Veaulce, messire Odin de 
Rollat, messire Phelippe Choppart, le sire de Billy, Je- 
han, sire de Chaugy, Phelippe Berault, Michaille, le bas- 
tart de Glarains, et cinq ou six autres de l'hostel du duc 
de Bourbon, avec son pennon, tirèrent à l'autre des 



i. Les seize mots suivants manquent dans l'imprimé et dans 
le ms. G. 



DB LA ROCHE 8ENAD0IRE. 1 03 

toursouilstrouvèrentdesjàdevantuDegrandepartiedes 
Auvergnats qui y estoient montés, c'est assavoir le sire 
de Montmorin qui estoit vaillant chevalier, et qui avoit 
belle compaignie, et Géraud, sire de Laqueuilhe, acom- 
paigné de bonne gent, et qui estoit vaillant homme, le 
sirède la Fayete et autres qui s'estoient advancés par le 
louement des seigneurs, lesquels tenoient moult de près 
les Ânglois quant on y arriva, tant que Anglois ne leur 
povoient fuir. Mais quant Ânglois regardèrent le pennon 
du duc de Bourbon approucher vers eulx, se rendit 
Nolimbarbe capitaine, et tous ses compaignons au 
duc de Bourbon : ainsi fut la Roche Senadoire prinse 
sans mentir de mot. Et au partir de là, envoya le duc 
de Bourbon à Glermont six capitaines anglois, pour 
les mectre en la tour de la Monnoye prisonniers, de 
quoi ceulx de Glermont furent moult Hes et joyeubc. 
Et chevaucha. le duc o ses gens et ceux d'Auvergne 
devant Saint Angel, une place qui faisoit moult de 
maubc, et là demeurèrent ung jour pour cuider traicter 
à eulx, mais ceulx du chastel n'y vouidrent entendre, 
et sur ce on se advisa que Tabbaye estoit couverte 
d'aissilS et firent tirer le feu dedans par plusieurs 
fusées, tant qu'il se prist partout le moustier de l'ab- 
baye, et furent ars tous les chevaulx des Anglois, et 
une partie de leurs vallets ; et se retrahirent les gens 
d'armes en une tour qui là estoit, ou il n'avoit guières 
que manger, et se essaya-on se l'en les porroit prendre 
par force, car elle estoit moult belle ; auquel essai fut 



1. Toitare composée de petits ais de bois (asies^ tdueUa); on 
en Toit encore quelques-unes dans TAllier et le Cher, où on leur 
donne le nom de bardeoMx, 



104 DE GHARLIEU-LE-PÂILHOUX BT GH.-GHAMPMÀGOIS. 

mort UDg chevalier du duc de Bourbon qu'il amoit 
bien, nommé messire Jehan de Digoine, qui git à Gler- 
mont. A la parfin ceulx de la tour se rendirent au duc 
de Bourbon leurs vies saulves : si les y prist le duc, 
qui manda par Ghastelmorand son pennon sur la tour, 
et envoya-on les Ânglois chascun ung baston en la 
main; et s'en alla lé duc devant Gharlieu-le-pailhoux, où 
les seigneurs d'Auvergne avoient demeuré quatre mois 
pieça, et ne l'a voient prins, et tenoient ladicte place 
Jehan d'Ussel, et le commandeur de Belle Ghassaigne. 
Si se longea le duc, qui avoit grosse gent, à l'ung des 
coustés, et les Auvergnats, qui estoient gens assez, à 
l'autre cousté. Et le premier jour fit faire le duc 
de Bourbon habillemens sur charrettes, et ceulx 
d'Auvergne pareillement, ausquels le duc avoit monstre 
la manière ; et le second jour fut l'assault grant et fort, 
par trois fois le jour, par manière qu'on prist la place 
de plain assault. Et fut prins dedans le nepveu de 
Jehan d'Ussel, le plus mal homme que l'en peust 
trouver, et qui plus avoit faict de maulx au pals d'Au- 
vergne, et que le duc de Berry désiroit plus à avoir ; 
et pour ce le duc de Bourbon lui en fit présent, si fut 
mis en la tour de Riom. Après celle prinse se tira le 
duc de Bourbon à Gharlieu Ghampmaigois que tenoit 
Bérengon de Ghirat, qui le rendit au duc de Bourbon 
franchement, et s'en alla en son pals. Ainsi deslivra le 
duc de Bourbon tout le païs d'Auvergne des Anglois, 
et le rendit franc au duc de Berry, qui lui en sceut 
très grant gré. 



EXPÉDITION EN ESPAGNE 1 05 



XXXVI. Comment le due de Bourbon se mit en ordon^ 
nance pour aller en Espaigne la première fois^ pour 
cuider voyaiger en Grenade. 

L'an de grâce M. m® septante et cinq estoit entré, 
que le duc de Bourbon ot deslivré Auvergne des enne- 
mis du royaulme, lequel avoit de coustume ^n tous ses 
fais de louer Dieu, et trè&-dévot estoit à la vierge 
Marie ; et pour ce, après la prise des places, s'en alla 
en pellerinage à Nostre Dame d'OrcivaP, et illec offrit 
son pennon, qui encores y est, lequel il avoit voué 
quant il le vit premier sur la Hoche Senadoire, pour 
ce que c'estoit la première place près de là aourée de 
Nostre Dame, et là fonda le duc une messe perpétuelle. 
Et faicte son oblation, se partit et alla à Ârdes', vers le 
conte Daulphin, qui le festoya moult grandement et 
d'Ardes alla au Puy-nostre-Dame', ou il s'estoit voué. 
Et lui estant au Puy à son pellerinage, et jà y ot 
demouré deux jours pour sa devocion, vint à lui ung 
herault honnorable, de par le roi Henri d'Espaigne, 
qui apporta lettres au duc de Bourbon, les plus belles 
qu'on peust voir, ou ledit roi Henri prioit et requé- 
roit au duc de Bourbon qu'il lui pleust de venir en 
Espaigne, et que le duc y avoit bien son venir : car 
la seigneurie de Bourbon l'avoit fort aidé à conquester 



1. Comm. du canton de Rochefort, arr. de Clennont (Pay-de- 
Ddme). 

2. Gh.-l. de cant. arr. dlssoire (Pay-de-Dôme). 

3. Le Puy, ch.-l. du dép. de la Haate-Loire. 



1 06 RÉSOLUE MALGRÉ CHARLES V. 

son royaume, c'est assavoir le conte de la Marche, qui 
estoit du sang et des armes de Bourbon : c Et pour la 
c grant renommée, bonne chevalerie, preudhoomiie 
c et sagesse que j*ai oui dire de vous, je vous envoyé 
c monespécial héraultMoniquot, vouscertiffiantparmes 
c lettres patentes que mon intention et mon emprinse est, 
c à l'aide de Dieu, entrer en Grenade en la saison nou- 
c velle, à toute la puissance d'Espaigne, et sur toute 
c rien désirerois vostre compaignie. Â laquelle chose 
c je vous prie que ne me vueillez faillir ; et vous plaise 
c amener avecques vous deux ou trois cens chevaliers 
c et escuiers, et je vous promects que je vous despar- 
c tirai de mes biens tout ce que vous en vouidrez 
< prendre. > De quoi le duc Loys de Bourbon fut moult 
He et joyeulx, et lui sembloit que Dieu Temportoit, 
quant il véoit chose honnorable en quoi à la saison 
nouvelle il se peust employer. Et sur cela deslivra le 
duc de Bourbon le hérault du roi nonmié Moniquot, 
et lui donna un escusson de ses armes, et de riches 
vestures de drap d'or, et sa devise, et l'en envoya ; et 
escript le duc ses honnorables lettres par ledict hérault 
au roi d'Espaigne : que, au plaisir de Dieu, il seroit 
devers lui, dedans la fin de mai ; et sur ce s'en revint 
le duc en son païs de Bourbonnois pour mettre en 
ordonnance à fere son voyaige. Et estant le duc en son 
païs, fut le roi de France moult courroucié, et tous ses 
amis, du voyaige qu'il avoit emprins, et lui manda et 
requist fort le roi qu'il n'y allast point. Â laquelle chose 
fist le duc de Bourbon responce au roi, qu'il avoit 
escript au roi d'Espaigne par son hérault, qu'il y îroit, 
et qu'il l'en avoit acertené, et que c'estoit le service de 
Dieu, car par les lettres avoit sceu que le roi d'Espai- 



VISITE AU PAPE 107 

gne espéroit passer par conqueste au royaume sairazin 
de Grenade, et il ne vouloit perdre le voyaige. Âdonc 
assembla le duc de Bourbon ses gens, pour aller en 
grant ordonnance par de là. Et quant vint la saison 
qu'il estoit t^mps . de partir, pour aller au voyaige, 
vindrent à lui tous ceulx qui estoient mandés, en la ville 
de Brioude S pour tirer en Avignon, le plus droict. Et 
mena le duc de Bourbon cent gentilshommes cheva- 
liers et escuiers de son hostel, ou il avoit es cent gen- 
tilshommes sept bannerés, lesquels estoient messire 
Guichard Daulphin, messire Griffon de Montagu, le 
seigneur de Chastelmorand , le sire de Rochefort, 
bastart de Bourbon, messire Guillaume de Vichy, 
messire Girart de Bourbon, et messire Lionnet d'Arai- 
nes, de Beauvoisin, estansen la compaignie que le duc 
Loys de Bourbon mena avecques lui. 



XXXVn. Comment le duc de Bourbon alla en Avignon^ 
visiter le pape^ et faisant son chemin, le roi Xkron 
gon le festoya; comment le roi Henri d'Espaigne lui 
fit grant chère j et comme il s'en repaira^ pour ce que 
le voyaige de Grenade ne se tenait. 

Remirant le duc Loys de Bourbon la noble compai- 
gnie de chevaliers et escuyers qui Testoient venu 
servir et accompaigner pour aller en Grenade, comme 
la renommée en voloit, s'esléessa moult, et leur dit : 
c Mes seigneurs, frères et amis, au plaisir de Dieu, 



1. Gh.-l. d'axT. du dép. de la Haate-Loire. 



108 GRÉGOIRE XI. 

c VOUS avec moi, et moi avec vous, irons en son sainct 
c service, contre les mescréans, dont tous nous deb- 
c vous csjoïr : car meilleur maistre ne povons avoir : 
c tout soit faict en l'honneur de lui, ce que nous ferons. > 
Alors respondit la compaignie : c Vous dictes bien, 
c mon Seigneur. > Âdonc se partit de Brioude le duc 
de Bourbon o sa compaignie, pour aller en Avignon, 
et pour y estre à certain jour, pour ce que pape Gré- 
goire unzesme, de Thostel de Beauffort, vouloit partir 
d'Avignon pour s'en aller à Rome. Si chevaucha le 
duc, et y fut deux jours avant que le pape se partist. 
Si fit le Pape grant chière au duc de Bourbon , et le 
bénit en lui donnant absolution de peine et de coulpe 
pour le voyaige des mescréans ou il alloit. Et du palais 
mena le duc de Bourbon au dextre lé par la bride du 
destrier blanc, le pape jusques hors d'Avignon, avec- 
ques le preffect de Rome, qui là estoit en court. Et 
hors de la porte, tantost le pape commanda au duc de 
monter à cheval, qui le fit, et le convoya le duc hors 
d'Avignon, une lieue, 6ù ils parlèrent de plusieurs rai- 
sons ensemble, et, à prendre congé, donna le pape sa 
benéïsson au duc, qui retourna, cellui vespre, dormir 
en Avignon. Et Tende main s'en alla le duc de Bourbon 
avec ses gens, par journées, enArragon, ou il trouva le 
roi Don Jehan, qui moult amoit les ménestrels, lequel 
reçeut le duc si grandement que c'estoit merveilles, 
en sa cité de Barcelone et pria cellui roi au duc de 
Bourbon, qu'il lui pleust estre aux nopces de son fils, 
le conte damp Martin, et de la contesse de Lune, qui 
estoit à tenir son chemin d'aller en Espaigne, à ung 
chastel appelle Mousson des hospitaliers, àdemievoye 
de Barcelone et de Sarragouce. Si lui octroya voulen- 



ARRIVÉE EN ESPAGIfB. 1 09 

tiers le duc, et y alla, et mena l'espousée; et durèrent 
les nopœs trois jours, et au partir de la feste, alla le 
duc de Bourbon à Nostre Dame de Mouserrat^ qui 
est ung moult dévot et bel pellerinaige, puis à Léride', 
où est au dehors Tabbaye de Popellet', en laquelle 
gisent les rois d'Ârragon ; et puis à la cité royale de 
Sarragouce% et au partir que fit le duc Loys de Sarra- 
gouce tira à main senestre, et entra en Espaigne et se 
lougea à Saint Domingo de la Gaussade^, et ne voult le 
duc entrer en Navarre, pour la discension que avoit le 
roi de France au roi de Navarre. De Saint Domingo 
alla le duc à FHospital la reine, ou toute personne qui 
passe pellerin a sa reffection pour trois jours, et 
de l'argent quant il se part, est à quatre lieues de 
Burgues*, et là le roi Henri d'Espaigne lui envoya au 
devant bien cinq cens chevauLc, et avec ce l*homme 
que mieubiL aimoit, et qui gouvemoit son faict, nommé 
Piètre Macé, ensemble ung grant seigneur espaignol, 
appelé messire Piètre Ferrandon de Yalasque, seigneur 
de Bru^sque, qui conduirent le duc de Bourbon à 
Burgues au roi Henri, qui lui manda au devant de ses 



1. Abbaye à mi-côte du Monserrat, à 40 kilomètres ouest de 
Barcelone. 

2. Lérida, intendance de Barcelone, sur la Sègre, à 20 kil. 
8.-0. de Balagaer. 

3. Pobledo (Populetmn), abbaye cistercienne, fondée vers 
1178. 

4. Bourdon des neuf mots suivants dans l'imprimé et dans le 
ms.- G. 

5. Ban Domingo de la Galzada (Galceata), pays de Rioja, à 
3 lieues de Najara. 

6. Burgos, sur TAlanzon, à 213 kil* nord de Madrid. Gh.-l. 
d'intendance dans la GastiUe- Vieille. 



110 LES ENFAirrS DE PIERRE LE CRUEL. 

plus privés, et des plus grans de son païs, et le receut 
et conjoy grandement comme oellui qui estoit moult 
lie de sa venue. Et demoura le duc Loys de Bourbon 
à Bui^es, avec le roi Henri, l'espace de dix jours, et 
durant ce terme fut fait le mariaige de la seur du roi 
Henri d'Espaigne, et du jeune roi Charles de Navarre, 
et aussi furent les nopces de l'infant d'Espaigne, fils 
du roi Henri, à la fille du roi d'Ârragon ou il ot moult 
grant feste, selon le païs, et quatre jours passés, pria 
le roi d'Espaigne au duc de Bourbon qu'il voulsist 
venir en son chastel de Ségovie ou il verroit chose qui 
lui plairoit, et avec ce beau desduict de chasse. Et 
quant le roi Henri et le duc Loys de Bourbon furent 
ou chastel^de Ségovie, le roi mena le duc monstrer les 
enfants du roi Dom Pietro , lesquels il tenoit en une 
caige dé fer, et y furent mis en l'eaige de huict ans, et 
à celle heure jà y orent esté bien vingt huict ans^ Et 
dict le roi Henri au duc de Bourbon : < Yéez-là les 
c enfants de cellui qui fit morir vostre seur, et si vous 
c les volez faire morir, je les vous deslivrerai. » Â 
celle paroUe respondit le duc de Bourbon tout court : 
€ Je ne seroie mie voulentiers consentant de leur 
c mort, car de la maie voulenté de leur père, ils n'en 
c peuvent mais. > Et celle parole fut ouie de maincts 
chevaliers et escuyers tant espaignols que françois, 
qui le tindrent à grant vaillance, et l'en de main fit 
chasser le roi Henri ung ours à l'entour du chastel de 
Ségovie ou il ot en la chasse beau desduict et grant 



1. Encore ane erreur de date. Pierre le Gmel avait été tué en 
1369, seulement six ans auparavant. 



\ 






RETOUR Kff FRAUCB DU BUG LOYS. 1 1 1 

plaisance. Au partir du chastel de Ségovie demanda 
le duc de Bourbon par grâce au roi Henri ung cheval- 
lier de Touraine qui longtemps avoit esté illec prison- 
nier, Tun des bons chevaliers du monde, appelé mes- 
sire Guichard d'Angle, et ung escuyer, nommé Jacques 
Sadellier, lesquels de bon cueur il lui donna. Estant à 
Burgues le roi d'Ëspaigne, on lui annonça que le roi 
de Portugal l'avoit deffié, en lui movant guerre, par 
quoi il convenoit que son armée de Grenade cessast, 
dont ce fut grant dommaige à lui et à la chrestienté, 
etgrant courroux à toute la compaignie. Et voyant que 
le voyaige ne se tenoit, demanda congié le duc de 
Bourbon au roi d'Espaigne, lequel ne lui vouloit don- 
ner, mais lui prioit que il envoyast quérir des gens. 
Si lui respondit le duc : c Que veu comme Temprise 
de Grenade ne se tenoit, le roi de France en estoit 
certain ; pour ce lui mandoit que brièfvement se retra- 
hist devers lui, veu que de dix jours ou douze, avoit 
nouvelles de lui. Adoncques le roi Henri d'Espaigne 
voyant que le duc de Bourbon de son gré ne vouloit 
remanoir, le licencia à grant peine, en lui priant que 
il se voulsist travailher , pour son amour, de paciffier le 
jeune roi de Navarre, qui sa seur avoit par femme, 
devers le roi de France. Si lui dit le duc qu'il en feroit 
son pouvoir, et au despartir fit présenter le roi Henri 
au duc de Bourbon or, argent et vaissellement, mais 
de tout ce ne voult riens prandre, sinon chiens nom* 
mes Âllans, cuirs figurés, et tappis vellutés , et six 
beaubL chevaulx genests et à chascun des bannerés 
donna ung genest, et son ordre de la bande. Ainsi se 
partit le duc Loys de Bourbon du roi Henri d'Espaigne, 
qui lui pria s*il le mandoit et en avoit besoing, qu'il 



9 
■ 
» 



/ 



1 1 % DISGRÀGK DE DUGUESCUN. 

venist devers lui. Si s'enclina le duc, et s'en partit de 
bonne alliance, et alla visiter Tesglise de Sainct Jacques 
en Gompostelle par pellerinaige , puis s'en retourna 
en son pays , et licencia ses gens , les remerciant 
grandement. Et avec les gens de son hostel s'en tira 
en France, ou il trouva petites nouvelles ; car le sire 
de la Rivière avoit mis discencion entre le roi et le 
bon conestable, faisant entendre au roi que le cônes- 
table, messire Bertrand de Glaiquin, estoit de la bande 
du duc de Bretaigne ; et tout ceci faisoit la Rivière, 
pour faire le sire de Glisson conestable. 



XXXVm. Comment les ducs d'Anjou et de Bourbon ne 
peurent détenir le conestable Claiquin plus au ser- 
vice du roi. 

Ce vaillant chevalier, messire Bertrand de Glaiquin, 
qui tantes chevaleries ot faictes tant que par sa 
prouesse estant conestable de France , fut trop mal 
content des paroles qu'on lui rapporta, et en ot moult 
grant dueilh, car il estoit chevalier de grant cueur, et 
dit : < Puis que le roi me tient pour souspeçonneux, 
c qui l'ai loyaulment servi, je ne demeurerai jà mais 
c en son royaume, ains m'en vois en Espaigne, ou 
c j'ai ma vie très-honnorable, car je y suis duc, et 
^c lui renvoyé son espée. > Dont pour ce vint ung si 
grand bruit en ce royaume, que ce fut merveilles pour 
le sire de la Rivière ; et tant que tout le monde le com- 
mença à haïr, et monstrèrent au roi Gharles tous les 
grans seigneurs pour quoi il le mouvoit de débouter 
ce vaillant chevalier, messire Bertrand de Glaiquin, 



\ 



SA RUPTURE AVEC CHARLES Y, 113 

qui si bien Tavoit servi, et estoit mauvais exemple 
aux autres. Et sur ce le roi de France, Charles, se 
advisa, et voult réparer la chose, et envoya les ducs 
d'Anjou et de Bourbon en Bretaigne, pour apaiser le 
oonestable du courroux qu'il avoit ; lesquels allèrent à 
PontrOrson, et là mandèrent le conestable, qui à eubc 
vint voulentiers. Et estre là venu, dit le duc d'Anjou : 
Conestable, > fait il, c monseigneur le roi nous 
envoie à vous, moi et beau cousin de Bourbon, pour 
ce que vous avés esté mal content d'aucunes paroles 
qu'il vous a mandées, c'est assavoir qu'on lui avoit 
donné à entendre que vous teniez la partie du duc 
de Bretaigne, et devez bien estre lie et joyeux, 
quant telles choses vous mande, lesquelles le roi 
ne creut oncques. Yéez-cy l'espée d'honneur de 
vostre office : reprenez-là, le roi le veult, et vous 
en venez avecques nous. » Les paroles finées du duc 
'Anjou respondit le bon conestable : c Mon très- 
redoubté seigneur, je vous remercie humblement 
des paroles que me dictes, et des paroles que vous 
m'avez aussi dit, que le roi ne les creut oncques, 
dont je remercie le roi, non obstant le grant bruit 
qu'en a couru. Et vueil bien, monseigneur, que le 
roi saiche que je l'ai servi bien et loyaument, 
conmie preudhonmie et ne lui fis oncques trahi- 
son ; car si je servoie le duc de Bretaigne, qui est 
contre lui, je seroie traistre envers lui, qui est le 
plus grant roi qui vive, et ce peu d'honneur que 
j'ai conquis en ce monde, je ne le vouldroie pas 
perdre, pour quelque chose qui vive. Et dictes au 
roi que j'aime plus mon honneur que toutes les 
seigneuries et biens qu'il me pourroit donner, et 

8 



414 



G(HfS(»iMÉB MALGRÉ LES EFFORTS 



cela je lui certiffie. Si vous regracie de l'espée que 
vous m'avez apportée. Je ne la reprendrai point, 
baillez là à ung autre qui lui plaira. Car pour le 
oster de souspeçon et lui et tous autres, je m'en- 
vois en Espaigne, et vous jure, par ma foi, que jà 
mais en ce royaume, je ne demeurerai. > Dont le 

duc d'Anjou fut moult courroucié, et dit au conestable : 
Ha! ha! beau cousin, ne faictes pas ce, et ne le meo- 
tez point en vostre teste. > Âdonc parla le duc de 
Bourbon après et lui dit : c Beau cousin cones- 
table, je vous prie que ne faictes ce que vous dictes ; 
car monseigneur le roi vous veult moult grant bien, 
et vous l'avez bien desservi, et feriez mal de le 
laisser en ceste manière. » Et lors respondit le bon 

conestable : c Ha! ha! monseigneur de Bourbon, j'ai 
esté en vostre compagnie en tous les plus grans 
fais de ce royaume et vous et moi si avons chassie 
le duc de Bretaigne de son païs, qu'il n'y avoit que 
ung chastel ; il est mal à croire que je me fusse ralié 
avec lui. Et quant ad ce que vous me requérez de 
demeurer, vous estes le seigneur du royaume qui 
plus m'a fait de plaisir, et que je croiroie plus vou- 
lentiers, et à qui je suis plus tenu, après le roi ; 
mais je vous jure et promets par ma foi, de ce que 
j'ai dict, vous n'en trouverez point le contraire ; 
vous suppliant que l'amour que avez eue toujours à 
moi, vous ne la veuillez point oublier, car où que je 
soie je vous servirai de corps et de cbevance, et ne 
oublierai jamais les plaisirs que vous m'avez fais. Et 
vous prie que vous aiez souvenance de cellui qui 
m'a brassé ceci, car vous sçavez les tours qu'il vous 
a fais et fait tous les jours, et ne tardera deux mois 



BE6 DUCS d'àNJOU ET BE BOURBOlf . 1 1 5 

c que je passerai à belle compaignie en vostre pays', 
€ et verrez que je ne ra*en irai mie seul. > — A tant 
s*en allèrent les ducs d'Anjou et de Bourbon rapporter 
au roi les paroles de son conestable, que pour nulle 
rien plus ne le pouvoient convertir à faire demourer, 
dont le roi fut moult courroucié et doulent. Et dit le 
bon duc Loys de Bourbon en la présence du roi devant 
tous, après ce que ot parlé le duc d'Anjou : c Mon 
c Seigneur, vous faites aujourd'hui l'une des grans 
c pertes que vous fissiez, pièça longtemps, car vous 
c perdez le plus vaillant chevalier et le phis preu- 
c d'homme que je cuidasse oncques mais voir de son 
c estât, et ont mal fait ceulx qui ont commencié ceci. » 
A tant s'en tait l'acteur et retourne à parler du bon 
conestable. 



XXXIX. Comment le conestable messire Bertrand se 
partit de Bretaigne, sur Vespoir de s'en aller en 
Espaigne , passa par BourbonnoiSj ou le duc le fes- 
toiaj et alla devant Chastelneuf de Randonj ou il 
moruty et ot le chastel. 

Jà couroit l'an de grâce M. m^ LXX et neuf, que 
le bon conestable messire Bertrand de Glaiquin meut 
du païs de Bretaigne pour vuider le païs et royaume 
de France, comme il avoit promis aux ducs d'Anjou 
et de Bourbon ; et, pour son bon los, à l'accompaigner 
et servir se présentèrent plusieurs barons et seigneurs 
de moult de parties, lesquels il regracia de celle offre, 

1. Lacune du feuillet lix dans le ms. A. 



116 PASSAGE DE DUGUESCLIN A MOULINS. 

et ne voult mener o lui, pour son allée accomplir, fors 
trois cens hommes d'armes. Et bien ordonnée son 
affaire, se mit au chemin pour s'en aller demourer en 
Espaigne, et avec sa compaignie vint passer par Bour- 
bonnois, où le duc Loys estoit, qui le festoya grande- 
ment, et de rechief le cuida convertir de le retenir, 
conmie cellui qui avoit grant regret en son allée ; mais 
le duc n'y peut oncques mectre remède ; et à son des- 
partir, lui donna ung bel hanap d'or, esmaillé de 
ses armes, lui priant qu'il y voulsist boire tousjours 
pour l'amour de lui, et lui donna aussi une belle seino- 
ture d'or, très-riche , de son ordre d'Espérance , 
laquelle il lui mit au col, dont le conestable le mercia, 
et en fut moult joyeux. Ainsi prindrent congié l'ung de 
l'autre, et lui bailla le duc de Bourbon dix gentilz 
hommes de son hostel, pour le conduire quatre jour- 
nées, lesquels furent Jehan de Ghastelmorand, qui 
portoit l'enseigne du duc de Bourbon, Gauvain, 
Michaille, Perrin d'Ussel, messire Odin de RoUat, 
Ghampropin, le bastart de Glarams, le borgne de 
Yeaulce, et autres. Et estoient gens que le conestable 
amoit moult, et qu'il congnoissoit ; et le convoyèrent 
au Puy-nostre-Dame, ou les citoyens lui supplièrent que, 
pour Dieu, il voulsist aller devant Ghastelneuf-de- 
Randon^ qui destruisoit le païs, et que, ainçois qu'il 
se partist du royaume, le deslivrast des Anglois ; et 
que ce lui seroit louable mémoire avec les biens qu'il 
avoit fais. Si leur octroya le conestable; et après 
qu'il ot visité l'esglise Nostre-Dame, et fait son pelleri- 
naige, il dit aux compaignons qui le conduisoient : 

i. Gh.-l. de cant. de l'arr. de Mende (Lozère). 



IL Y REÇOIT l'ordre d'BSPÉRANGE. 1 1 7 

c Vous mes chiers oompaignons , frères et amis , de 
€ Thostel de mon bon seigneur et maistre le duc de 
c Bourbon, puis qu'il n'a guières jusques-là, je vous 
c prie, faictes moi compaignie devant la place, si ver- 
€ rez que nous ferons, car à Dieu le veu, nous les 
c arons, les gars; et se le souleil y entre, nous y 
c entrerons ! » De celle paroUe se rirent les compai- 
gnons, et dirent que de bon cueur le conduiroient. 
Âdonc se partit du Puy le conestable o sa compaignie, 
et chevaucha devant Ghastekeuf-de-Randon, où il mit 
le siège ; mais avant ot dit à ceulx du Puy : c Mes 
c amis, c'est la dernière place angloise que je saiche 
€ en mon chemin pour m'en aller. Mais ainçois que je 
c parte, à Dieu le veu, je l'aurai. > Et quant le cones- 
table ot visitée la place, il mist son siège en belle ordon- 
nance, et commanda à ceulx du Puy comment ils gar- 
nissent le siège de vivres, d'artillerie, et aussi de man- 
gonneaulx et autres engins à gecter léans : si le firent. 
Et y sist le conestable trois sepmaines, et illec furent 
faictes de belles emprises d'armes de ceulx du siège, 
et y estoient plusieurs des seigneurs d'Auvergne et 
du Yelai, qui moult voulentiers entendoient à deslivrer 
cette place, et en tant que les assaultz se faisoient de 
ceulx de l'ost à ceulx du chastel par plusieurs jours, 
eulx voyans que guières ne se povoient tenir , advint 
que, au quinziesme jour que le conestable ot assiégé 
cellui chastel, lui print une maladie dont il morut^; et 

1. Pour rejeter en bloc tout ce récit, on a invoqué le témoignage 
de du Guesdin lui-même, qui, dans le codicille ajouté le 10 juillet 
1380 à son testament en date de la veille, aurait conservé le titre 
de connétable de France. Pourquoi donc, aiorsf aurait-il omis de 
le prendre dans son testamentméme, dont voici les premiers mots : 
c Nous Bertran du GuetcUn, comte de LongueviUe^ sain de nostre 
< pensée^ etc.. t ? ce titre ne se lit que dans la rubrique latine du 



1 1 8 SIÈGE DE CHATEAUNEUF-DE-RANDON. 

les ÂDgiois, qui dedans estoient, voyans que nul 
remède n'avoit en leur fait, que à la longue ne fus- 
sent prins par force, se rendirent au bon conestable, 
que poinct ne sçavoient qu'il fust mort, et s'en allè- 
rent ou bon leur sembla. Si fut grant grâce de Dieu 
au bon conestable, que oncques n'assist place que à 
lui ne se rendist, vif ou mort. Ghastelneuf-de-Randon 
rendu, au roi fut seue la mort du vaillant et preux 
conestable, dont pleurs, cris et gémissemens furent de 
ses gens et par la contrée. Si le firent les nobles 
hommes du duc de Bourbon appareiller et embasmer, 
et l'amenèrent par Forez à Molins-en-Bourbonnois, ou 
le duc Loys lui fît faire moult solennel obsèque en 
l'esglise de Nostre Dame, ou de nouvel le duc avoit 
fondé ung collège de chanoines perpétuel. Et par 
avant avoit mandé le duc de Bourbon au roi Charles, 
la mort de son bon conestable, de laquelle il fut moult 
marri. Et pour ce que le roi se recordoit des agréables 
services que son conestable messire Bertrand de 
Glaiquin lui avoit fais en sa vie, le voult recongnoistre 
après sa mort. Car le roi ordonna que, après son 
décès ledit conestable fust ensevely honnorablement à 
ses piedz, à Saint Denis, ou les rois de France repo- 

notaire, en tête de la copie du testament, et dans le codicille, qui 
ne nous est connu que par un vidimus^ daté d'Angers le 16 août 
1380. Est-il donc impossible que le notaire ait cru devoir honorer 
du Guesclin après sa mort, même malgré lui, du titre qu'il avait 
porté dix ans avec gloire, et dont ses contemporains s'accordaient 
tous à le proclamer le plus digne ? Il nous semble bien dilBcile de 
ne pas admettre, en cette circonstance, l'exactitude et la précision 
des souvenirs de Gh&teaumorand, qui atteste avoir accompagné du 
Guesclin devant Ghàteauneuf-de-Randon, et qui était dès lors un 
homme fait, puisqu'on lui confia, sur la fin de cette année même, 
le commandement d'une partie des troupes envoyées à Nantes 
pour la défendre contre les Anglais. 



MORT DE DU6UE8CXIN ET DE CHARLE8 Y. 119 

sent. Pareillement le bon mareschal de Sancerre, qui 
servi l'avoit loyaulment; et ainsi fat fait, et illec 
gisent. Et ne demoura guières après, que Tannée en- 
suivant, trespassa de cest siècle le roi Charles de 
France cinquiesme de ce nom, qui tant vaillamment et 
saigement avoit son règne gouverné ; lequel fîna Tan 
de grâce nostre Seigneur mil m' mi", et pour ce en 
royal lictière à Saint Denys est sevelli si haultement 
conmie il appartient à tel prince, et durèrent les 
obsèques quinze jours. 



XL. Comment les princes et ducs en France j du sang 
royal menèrent le jeune roi Charles couronner à 
Reims y et de ceulx qui furent mandés à Nantes à le 
garder des AngUns. 

En l'an de grâce que Ton comptoit mil m® im" et 
ung les princes du sang royal, le duc de Berry, le duc 
de Bourgongne, et le duc de Bourbon, menèrent le 
jeune roi Charles, fils du defiîinct, couronner à Reims, 
et hastoient fort le sacre, pour ce que les Ànglois, qui 
estoient passés devant Paris, s'en alloient en Bretaigne, 
et pour ce conduisirent le jeune roi à Reims ou il ot 
grant chevalerie et moult belle feste. Et après la une- 
tion du sacre fut le roi assis à sa haulte table d'hon- 
neur, et bailla le duc de Bourbon qui estoit per et 
chamberier de France, trois de^ ses chevaliers, dont 
l'un estoit à dextre, et l'autre à senestre, et le tiers 
derrière son dos, et ung escuier aux piez ; quant le 
roi estoit assis, il tenoit ses piez au giron de Tescuyer. 
Les trois chevaliers furent messire Guichart Daulphin, 



120 COURONNEMENT DE CHARLES VI. 

messire Guy Le Baveulx, et messire Jean de L*Âye, et 
rescuyer, qui estoit soubz la table ou le roi teaoit ses 
piez, estoit Jehan de Chastelmorand : ainsi fut Tas- 
siette du roi. Et le vespre, comme au soleilh couchant, 
vindrent trdis chevaucheurs, Tun après Tautre, dénon- 
cier au roi et aux seigneurs, que la puissance des 
Ânglois qui estoient bien sept mille combatans, s'en 
alloit devers Nantes, ou le duc de Bretaigne, les 
devoit bouter. Si ot grant conseil entre les seigneurs, 
et ordonnèrent que Chastelmorand et Le Barrois, 
qui avoient quatre cens hommes d*armes en la fron- 
tière de Pouencé, près d'Angiers, menassent leurs 
gens dedans Nantes, et qu'ils se hastassent avant que 
les Ânglois y parvenissent, et qu'ils chevauchassent 
jour et nuit. Ainsi le firent, et furent à Nantes premiers 
que les Anglois quelques trois heures, et allèrent Chas- 
telmorand et Le Barrois o leurs gens à la Tour neufve, 
dont estoit capitaine, Guillaume Leet, qui leur ouvrit 
moult voulentiers, et leur dit qu'ils se prinssent garde 
de ceulx de la ville, qui ne actendoient fors les Anglois. 
Et tantost que les François entrèrent ens, mirent sur 
les quatre portes de la ville, à chascune vingt cinq 
hommes d'armes , et le demeurant en la place, ou 
milieu de la ville, en belle ordonnance; et demandè- 
rent tantost les dis capitaines les clefs des portes, 
mais ils ne trouvèrent homme saichant pour vrai qui 
les tenoit. Et lors Guillaume Leet vint à Chastel- 
morand, et lui dit secrètement à l'oreille : c Allez 
vous-en en l'esglise cathédral, et prenez ung grant 
viUain chanoine vieil, riche, et plain, qui est léans, 
c ou il s'en est fouy, et est le plus grant de léans, et 
c suis certain que vous lui trouverez les clefs soubs 



c 
c 



NAinVS MENACÉE PAR LES ANGLAIS. 1 SI 

c son surpellis. Et se vous ne les lui trouvez, prenez^le, 
c et le mectez dehors. > Ainsi entrèrent Ghastelmo- 
rand et Le Barrois dedans Tesglise, ou ils perçeurent 
le vieil chanoine, comme Guillaume Leet leur avoit dit. 
Si le prindrent parmi la gorge. Adonc print à dire le 
chanoine : c Ha, messeigneurs ! gardez que vous ferez, 
c vous estes excommuniés !» — c Avant, prebstre, 
c rendez les cleFs ! > Lequel dit que mie ne les avoit. 
Adonc le cherchèrent, et lui trouvèrent les clefs de la 
ville, soubs sa robe, en une gibessière. Si prinrent le 
chanoine, et le menèrent aux compaignons qui estoient 
en la place, et leur dirent : c Messeigneurs faictes 
c bonne chière, car véez-ci le traistre qui avoit vendu 
c la ville aux Anglois, et celloitles clefs. > Si fut mené 
comme infâme, par la ville; et puis attaché à ung 
arbre, en son pourpoint, sans chapperon, affin que 
chascun le venist voir. Et cependant estoient à grant 
force les Anglois venus devant Nantes, ou ils se longè- 
rent tout à l'entour, en trois places, c'est assavoir en 
Richebourg, en la Saulsaye, et en la Fosse ou l'en met 
le sel : ce sont les trois places devers la terre, car par 
les ponts ne povoient assiéger encores, et furent moult 
esbahis de ce qu'ils avoient failli à leur emprinse. Si 
mirent ceulx qui estoient dedans Nantes, moult bonne 
ordonnance en eulx ; c'est assavoir deux cens hommes 
d'armes de guet en la place qui est au milieu de la 
ville , et cinquante honmies de traict et vingt cinq 
hommes de cheval à guetter tout autour de la ville, et 
vingt cinq arbalestiers ; et, de jour, avoit en la place 
cent hommes d'armes, et cinquante hommes de trect, 
et bien les portes garnies. Et cela faict, renvoyèrent 
dire au roi par messaige Ghastelmorand et Le Barrois, 



1 22 PIERRE DE BUEIL, CHEVALIER d'âKJOU, 

oomment ils avoient recouvré la ville de Nantes, et 
Tordoiuiaiice qu^ils y orent mise. 



XLI. Comment messire Pierre de Bueil d'Anjou alla 
à Nantes se joindre avec les gens du duc de 
Bourbon. 

Les oncles du jeune roi de France nouvellement 
couronné, quant ils entendirent Nantes estre bien 
garnie de leurs geùs, en furent très contens, et pour 
ce qu'ils voyoient la requeste de ceulx qui la tenoient 
estre raisonnable, se traïrent vers le roi, et lui dirent 
que bien estoit besoing que iceulx tenens Nantes 
eussent secours et aide, car ils estoient assiégés d'une 
grosse gent. Ausquels respondit le roi : c Beaulx 
c oncles, vous savez mieulx que ce faict monte, que 
< je ne fais; ordonnez en comme il vous plaira. » 
Adonc les seigneurs advisèrent pour le mieulx de y 
envoyer le sire de Glisson, lequel au sacre du roi avoit 
esté faict conestable de France, auquel ils dirent 
conunent Ghastelmorand et Le Barrois leur acerte- 
noient que les Anglois estoient longés en trois sièges, 
et que l'un ne povoit bonnement secourir à l'autre, et 
que s'il y alloit à povoir de gens, on pourroit faire de 
belles choses. Et pour ce disoient les seigneurs au 
conestable de Glisson, qu'il se hastast, auquel ils desli- 
vrèrent finances pour mener gens ; et oultre, Le Barrois 
et Ghastelmorand avoient mandé au duc de Bourbon, 
leur seigneur, car ils estoient de son pays et de son 
hostel, les ordonnances pareilles, lui requérant qu'il 
leur voulsist envoyer leurs compagnons, les gens de 



VA SE JOINDRE AUX DÉFENSEURS DE NANTES. 123 

son hostel : car plus honnorablement ne porroîent ils 
estre. Si obtempéra le duc de Bourbon à leur requeste, 
et fit prestement partir de son hostel ses gens pour y 
venir, au nombre de soixante hommes d'armes, et ne 
retint que deux escuyers pour soi servir. Et en tant 
que le sire de Ghsson se mectoit sus, comme l'en 
disoit, ung chevalier d'Anjou, moult vaiHant honome, 
appelle messire Pierre de Bueilh, serroit gens partout, 
pour aller à Nantes en l'aide des François , contre les 
Ânglois, qui devant tenoient le siège, et desjà estoit à 
Angiers à deux cens honmies d'armes. Si le mandèrent 
quérir Ghastelmorand et Le Barrois, et que briefve- 
ment s'en venist, et qu'ils le mectroient seurement lui 
et ses gens parmi les pons dedans la ville de Nantes. 
Ainsi s'en vint comme ils lui mandèrent, et cellui che- 
valier, nonuné messire Pierre de Bueilh, quant il fut 
en la ville, et ses gens longés, et ses chevaulx envoyés, 
orent conseil ensemble, Ghastelmorand et Le Barrois 
et lui, qu'il leur sembloit estre bon de faire, car 
Bueilh avoit espié devers le chastel, conmie le sire de 
Gusenton, Anglois, qui estoit lougé auprès du chastel, 
et avoit l'ordonnance des guets , que en leur lougeis 
n'avoit mie bonne ordonnance, et qui sailliroit sur 
eulx, on leur feroit ung grant dommaige. Et voloit le 
sire de Bueilh, que tantost on férist sur eulx : mais les 
autres ne le vouldrent, car ils actendoient leurs com- 
paignons de Thostel leur seigneur, le duc de Bourbon, 
en disant que, eulx venus, on essayeroit à faire aux 
Anglois toute nuisance. Si vindrent les compaignons 
de là à deux jours, et entre temps on espia ou l'on 
porroit férir. 



1 24 SIÈGE DE NAITTES . 



XLII. Comment les gens est ans à Nantes 
pour le roi de France, se contindrent contre les Anglois. 

De jour ne de nuit, ne oessoient les gens d'armes 
mandés à Nantes pour le roi de France, et le duc de 
Bourbon, ensemble messire Pierre de Bueilh, d'imagi- 
ner conunent ils pourroient grever les Ânglois qui les 
tenoient assiégés. Si advint ung jour, que parmi le 
chastel toute la compaignie du duc de Bourbon et le 
sire de Bueilh issirent , et allèrent férir sur le guet de 
TÂnglois, messire Ëstienne de Gusanton, qui estoit au 
lougeis de la Saulsaye, devers le matin, en changeant 
.son guet; et férirent François parmi, qui bien estoient 
d'Ânglois cent et cinquante honunes d'armes, et de Fran- 
çois autant, dont en cellui encontre, l'une partie des 
Ânglois fut prinse, et l'autre s'enfouit, et retint l'en 
pnns le capitaine messire Ëstienne de Gusanton, ung 
moult vaillant chevalier d'Angleterre, et trente six 
hommes d'armes des siens; et y ot bien soixante 
mors. Et courut l'en dedans le lougeiz bien avant. Et 
se meirent Anglois en conrroy devant, qui pou leur 
valut, car les compaignons les repoussèrent ens, et 
franchement emmenèrent à Nantes leurs prisonniers, 
et soixante chevaulx de cariaige ; et y ot gagné de bon 
bagaige, et fut la première saillie qui fut faicte à 
Nantes. Et devers le lougeis des Hennuyers qui 
estoient à l'autre des portes, ou il avoit de vaillans 
gens, c'est assavoir le sire de Yertains, le chanoine 
de Robessart, Thierry de Semain, le bastart de Ver- 
tains, et les enfans de Maubeuge, qui bien estoient 



DÉFAITE DBS BENNUYERS . 1 25 

trois cens oombatans et lougiés près des douves en 
fortes maisons de bourgeois, commancèrent une 
mine, pour ce que les Hennuyers sont de coustume 
bons mineurs, et minèrent bien par l'espace de dix 
jours, si contreminèrent François à rencontre, et 
estoient les mines si pareilles que les ungs parloient 
aux autres. Â les mines continuer, advint que cellui 
jour estoit la veille de Noël, si orent prins aucuns de 
ceux de Nantes un gascon qui dit aux capitaines Fran- 
çois conmie les Hennuyers n'entendoient pour celle 
nuit à autre chose, se non à jouer aux dés en Thostel 
au sire de Vertains. Si oi>-on ad vis de ouvrir la porte 
qui estoit près d'eulx, pour aller férir dedans, et ainsi 
fut fait. Et celle voille de Noël à heure de minuit, les 
compaignons de Nantes , qui bien estoient sept , cens 
oombatans férirent hardiement ou lougeis des Hen- 
nuyers, qui encores jouoient aux dés, et les descon- 
firent, et destroussèrent, et fut mort Thierry de 
Semain, et Tung des enfans de Maubeuge, et le 
bastard de Vertains, et bien soixante hommes d'armes 
et prins vingt six bons prisonniers. Et de ceulx de 
dedans y morut messire Macé des Ymaiges, et fut 
prins messire Tristan de la Jaille et Pierre de Sury , 
de rhostel du duc de Bourbon, et Robert Guy ; et se 
retrahirent les Hennuyers en ung hault hostel à garant, 
et leur lougis fut couru et y ot moult de bleciés des 
gens au duc de Bourbon, mais tout fut gaigné, etadonc 
vint le jour. Si se retrahirent les compaignons dedans 
Nantes : car pour celle fois, n'allèrent plus avant et 
l'endemain recouvrèrent leurs prisonniers pour autres, 
et fut leur mine rompue, que plus n'en firent de cellui 
cousté. Et delà à quatre jours le mareschal de Savoie, 



4 36 DE GHÂLAIfT VIEirr SECOURIR LES FRANÇAIS . 

messire Boniface de Ghalantescripst unes lettres à Gha^ 
telmorand et au Barrois, qu'ils le receussent en leur 
compaignie, car il avpit trente hommes d'armes gentils 
hommes, et pour ce qu'ils le savoient bon chevalier, 
l'envoyèrent quérir, et fut belle compaignie emmi la 
ville. Et estre venu messire Boniface, se prinrent d'ad- 
viser le sire deBueilh, Ghastelmorand, messire le Barrois 
et les autres ayans conduite, comment ils porroient faire 
dommaige ou lougeis du comte de Boucquinquam con- 
duiseur et principal capitaine de celle gent, qui estoit 
lougié près de la porte en Richebourg, et avoit faite sa 
barrière de deux chariots, pour ce que quant les 
Ânglois voyoient ouvrir la porte, ils se retrahoient 
tantost en leur barrière, et quant on ne l'ouvroit, ils 
se tenoient en leur maison pour le trect. Si advisèrent 
ung jour ceulx de dedans de faire une mine soubs la 
porte, affin que les Anglois ne vissent baisser le pont, 
et que beaucoup de leurs gens se peussent tappir es 
douves sans la vue des autres. Si fut fait, et ung jour, 
après diner, se boutèrent es douves des foussés, 
quatre cens hommes d'armes, et trois cens bons arba- 
lestiers de la garnison de Nantes, par manière d'em- 
busche, et vint-on baisser le pont, en faisant saillir 
cent h(»nmes d'armes, pour faire semblant d'aller 
escarmoucher à la barrière , comme ce estoit acoustumé . 
Et tantost les Ânglois vindrent à leur barrière, et à 
leurs chariots, pour chasser iceulx hommes d'armes 
dedans la porte, et sur ce saillit tost l'embusche fran- 
çoise des douves sur Ânglois, qui estoit im® hommes 
d'armes, et cent arbalestiers, qui les reboutèrent hors 
de leur barrière, et bien avant en la rue, ou il morut 
des Ânglois six banneretz, et beaucoup d'autres ; et 



LEVÉE DU BSÉGE DE ICArrTBS t87 

furent les bannerés Ânglois messire Hue Suverin, 
messire Guillaume Glintoo, messire Jehan Burle, 
messire Fitz Watier, messire Jehan Franc, et messire 
Thomas Trevet. Et y ot de oeulx de la garnison bien 
bledés, mais nul n'y morut, se non que fut prins Robert 
Guy de Riom ; et quant il se fut désarmé, les Anglois qui 
se douloient de leur perte, ne se prindrent garde de 
lui ; si se partit Robert Guy d'euk, et s'en vint aux 
douves, puis entra avec les compaignons, qui de ce 
commencèrent à rire, et alors les Ânglois furent moult 
desconfortés pour leurs barons qui mors estoient, et 
leurs gens qui se perdoient aux escarmouches, qu'ils 
ne sça voient que faire. Et de mal en pis sourdit en leur 
ost une maladie de cours de ventre, qui fort les acoura : 
car là leurs gens mouroient espoissément de cellui 
mal ; et ils avoient tenu le siège devant Nantes dès ven- 
danges, jusques auprès de Noël, qui jà avoit duré trois 
mois et vingt jours. 



XLm. Comment le conte de Boucquinquam se leva de 
devant Nantes, et comment les quinze Anglois ne 
firent leurs armes aux quinze François. 

Charles, le roi de France, pour le honneur de son 
sacre, fit moult de chevaliers, desquels plusieurs en 
avoit à Nantes, qui grandement eulx et leurs compai- 
gnons se maintenoient contre les Anglois. Le conte de 
Boucquinquam qui vit celle enfermeté entre ses gens, 
et qui riens n'approuffitoit à tenir plus son siège devant 
Nantes, ot propos de soi lever pour celle raison ; mais 
il leretardoitauounttnent, pour ce que quinze honnnes 



1 28 PAR LE œMTB DE BOUGQUOfQUAll. 

d'armes de Thostel du duc de Bourbon avoient emprise 
une bataille en Tisle près de Nantes, à autres quinze 
hommes d'armes Anglois, de Thostel du conte de 
Boucquinquam, à combatre à oultrance, et qu'il n'y 
aurait juges, se non deux héraults, l'un de France, et 
l'autre d'Angleterre. Et fut la chose promise et jurée, 
que faillit aux Anglois comme vous orrez. Et cousta 
celle emprise au duc de Bourbon trois mille francs de 
harnoys et de habillemens qu'il manda à ses gens, 
tous les jours, par l'espace de trois sepmaines ; et les 
quinze, qui estoient de l'hostel du duc de Bourbon, ne 
faisoient que requérir les Anglois à tenir celle journée, 
mais les Anglois les menoient par paroles, et leur 
disoient : c Actendez, actendez, nous le vous dirons 
c bien à point. > Sur ce le conte de Boucquinquam 
voyant trop perdre de ses Anglois par flux de ventre, 
à ung soir se deslougea et toutes ses gens, et à l'ende^ 
main par matin les quinze Anglois mandèrent par un 
hérault aux quinze François de l'hostel du duc de 
Bourbon, qu'ils ne tiendroient point la journée là, 
mais s'ils vouloient venir à Venues, où leur maistre le 
conte alloit, ils accompliroient leurs armes. Autre 
responce ne firent les quinze du duc de Bourbon, se 
non dire au hérault que se le duc de Bretaigne leur 
vouloit donner bonne seurté, qu'ils les iroient faire et 
accomplir là. Ainsi se partit du siège de Nantes, sans 
riens avoir fait de son prouffict, le conte de Boucquin*- 
quam, et ses Anglois à chevaucher vers Vennes. Et, 
après eulx, saillirent les capitaines François, messire 
Jehan de Ghastelmorand, messire le Barrois, messire 
Pierre de Bueil, et le mareschal de Savoie, qui bien 
estoient huit cens honunes d'armes, qui herdoièrent et 



RETRAITE DES ANGLAIS A YAI^^S. 1 29 

tindrent les Anglois de près, et gaignèrent beaucoup 
de leur cariaige, avant qu'il fussent à Vennes. Et se 
retrahirent les François à Ghastel-Jousselin, ou le sire 
de Glisson, nouvel conestable de France, estoit venu, 
et lui demandèrent congié ceulx de la garnison de 
Nantes, pour eulx en aller vers leurs maistres. Le co- 
nestable leur dict de non, en leur priant qu'ils acten- 
dissent que les Anglois fussent montés en mer, et entre- 
tant les quinze de Fhostel du duc de Bourbon qui 
estoient retournés à Nantes en leur establie avec les 
autres, mandèrent aux quinze Anglois qu'ils estoient 
appareillés d'accomplir leur promesse, et que sur ce 
leur envoyassent bonne asseurance du conte de Bouc- 
quinquam leur maistre et du duc de Bretaigne, et là ils 
iroient voulentiers. Si apporta un Hérault les sauf con- 
duis à messire Jehan de Ghastelmorand, au Barrdis et 
à leurs compaignons, et que avec eulx peussent mener 
cinquante gentilshommes pour eulx accompaigner, et 
baillèrent voulentiers les sauf conduis, cuidans que les 
quinze François n'y dussent point aller ; mais, nonobs- 
tant les sauf conduis, mandèrent les quinze Gordellier 
de Gironne, escuier d'escuierie du roi de France, pour 
l'asseurance au conte de Boucquinquam et au duc de 
Bretaigne, qui l'apporta, et s'en allèrent les quinze 
compaignons avec Gordellier, à Vennes, au duc de 
Bretaigne, et au conte de Boucquinquam eulx présents, 
et leur notiffier que ce qui avoit esté promis, ils 
estoient venus tout prests de l'accomplir l'en de main 
après leur messe. 



1 30 COMBAT DE CINQ FRANÇAIS 



XLiy. Comment cinq nobles hommes François firent 
armes, à Vennes, contre cinq nobles hommes Anglais, 
et qu'il en fut. 

Le conte de Boucquinquam voyant que c'estoit 
acertes, ot grant conseil avec le duc de Bretaigne, 
qu'en estoit de faire : et la responce que fit le conte 
de Boucquinquam, si fut que ses gens n'estoient mie 
bien en point, et qu'il avoit ung an qu'il estoit parti 
d'Angleterre, et aussi que lui et ses gens avoient esté 
à siège devant Nantes, trois mois, par quoi leur har^ 
nois estoit moult empirié : pour ce louoit de non faire 
armes, espéciallement à oultrance ; mais il avoit sentu 
d'aucuns de ses serviteurs que s'il y avoit aucun de 
l'hostel au duc de Bourbon qui voulsist faire armes 
nommées, ad ce il entendroit voulentiers. Si furent 
moult esbahis les compaignons des paroles, et bien 
courrouciés, cuidans qu'ils ne deussent point batailler. 
Si advisèrent qu'il ne tenoit pas à eulx, mais seroit 
bon d'en faire aucune chose por quoi ils estoient là 
venus, et qu'ils prendroient ce que les Anglois leur 
offroient. Les armes que les Anglois vouloient que 
l'en fist, c'estoit cinq coups de lance, cinq d'espée, 
cinq de hache, cinq de dague, et tout à pié : et on 
leur octroya. Et l'en de main bien matin, François estre 
au champ, ne furent les Anglois que cinq qui voul- 
sissent faire armes, et des gens du duc de Bourbon 
autres cinq : c'est assavoir messire Jehan de Ghastel- 
morand, messire Le Barrois, le bastart de Glarains, le 
viconte d'Aunai, messire Tristan de la Jaille; et les 



GOITTRE CINQ ANGLAIS A VANNES. 1 31 

dnq Anglois estoient messire Waultier Gloppeton, 
Edouard de Beauchamp, messire Thomas de Henne- 
fort, Brisselai, et messire Jehan de Traro. Estans tous 
les cimipaignons en champ, où le duc de Bretaigne, et 
le conte de Boucquinquam estoient accompaignés de 
leurs gens, le premier qui fit armes des François fut 
messire Jehan de Ghastelmorand contre messire Waul- 
tier Gloppeton, anglois, lesquels ne firent que trois 
coups de lance à pié, car messire Waultier Gloppeton 
fut blessé de la lance tout oultre, entre les lames et la 
pièces et passa oultre tant qu'il cheust à terre, et d'eulx 
deux n'y ot que ces trois coups, car on emporta Glop- 
peton. Messire Le Barrois qui estoit armé, entra au 
champ à faire armes, contre son compaignon Thomas 
de Hennefort, qui y entra pareillement, et firent leurs 
cinq coups de lance bien chevalereusement ; et quant 
ce vint aux espées, du premier coup d'espée qulls 
assemblèrent, blessa Le Barrois l' Anglois entre la pièce ' 
et le garde bras, et faulsa la maille, et lui persa Tes- 
paule tout outre, tant qu'il en convint mener l'Ânglois 
sans plus faire armes. Après vint le bastart de Giarains 
et Edouard de Beauchamp, et quant ce vint à l'assem- 
bler des lances, Edouard de Beauchamp toumoit ung 
pou l'espaule, et tant que le bastart de Giarains deux 
fois le porta à terre, de deux coups de lance, nonobs- 
tant qu'il fust grant de corps, et bien gentilhomme : et 
lors les Anglois dirent que Beauchamp estoit dronch^ 

1-2. G'es^-à-dire an défaut de la cuirassé. Voyez VioUet-le-Duc, 
Dictionnaire du mobilier^ tome V, verbis do$$ière et garde-bras; 

la pièce, c'est une partie de Tarmure de plates : celle de devant 
ou pansière, dans le premier cas, celle de derrière ou dossière 
dans le second. 



1 32 COMBAT DE G. FAfiINTOIfNB 

c*esl>4-dîre ivre. Si le relevèrent, et remmenèrent. 
Lors vint messire Tristan de la Jaille à son compai- 
gnon Ânglois, et accomplirent toutes leurs armes jus- 
ques aux haches ; et quant ce vint à férir, messire 
Tristan de la Jaille rua jus son Ânglois au second coup 
de hache, et le blessa fort, et plus n'en fut. Le viconte 
d'Aunay rentra au champ à son compaignon, qui firent 
belles armes : mais le viconte blessa FÂnglois du der- 
nier coup de lance, entre Tavant-bras et le garde bras, 
et ot percé le bras tout oultre, tant que FAnglois n'en 
fit plus. Ainsi furent les armes acomplies cellui jour, 
que les cinq honunes nobles, compaignons François, 
en eurent le meilleur, et les cinq nobles hommes 
Anglois le pire, conune on puet voir dessus. 



XLY . Comment les armes accomplies msssire Guillaume 
Farintonne^ Anglois^ et messire Jehan de Chastelnuh 
rand firent armes j qu'il en fut; et comment le chevor^ 
lier fut en prison^ et comment Chastelmorand dit de 
belles paroles. 

Le duc de Bretaigne et le conte dé Boucquinqùam 
qui orent veu les armes, se retrahirent en leurs mai- 
sons, et les François pour eulx désarmer ; et pour ce 
que près estoit de nuit, le duc de Bretaigne, par ung 
sien chevalier mestre d'hosteU les envoya semondre, 
qu'ils allassent soupper avec lui. Si lui octroyèrent, 
comme ceulx qui estoient en sa ville, et vindrent au 
soupper, tous ceulx qui avoient fait armes, et leur fit 
le duc de Bretaigne grant honneur, en les faisant tous 
asseoir à sa table, et servir moult grandement. Et sur 



CONTRE J. DE CHASTELMORAND. 1 33 

le lever de table, vint ung chevalier appelé messire 
Guillaume Farintonne, bel chevalier et grant, qui 
requit Ghastelmorand de vouloir parfaire les armes 
que messire Waultier Gloppeton, son cousin germain, 
n'avoit peu accomplir. Si lui accorda Ghastelmorand, 
s'il plaisoit au duc de Bretaigne, mais le duc ne le 
voult accorder, et se courrouça moult felonneusement 
à son chevalier Anglois, qui de ce Testoit venu requé- 
rir à sa table. Mais Ghastelmorand pria tant le duc de 
Bretaigne que Ten de main, à souleil levant, il fut 
armé en champ, encontre cellui qui Tavoit requis, 
pour acomplir ce, et plus oultre qu'il ne lui avoit 
demandé, pour ce qu'il falloit que ses compaignons 
montasssent l'en de main à cheval. Si furent au matin 
les deux chevaliers, messire Jehan de Ghastelmorand, 
et messire Guillaume Farintonne en champ, présent le 
duc de Bretaigne, pour faire ce qui estoit empris. Et 
quant ils furent ensemble en champ, le chevalier 
Ânglois messire Guillaume Farintonne n'avoit point de 
hamois de jambes, car il avoit mal en un genouil, pour 
quoi il ne s'en povoit armer, et envoyèrent requérir 
à Ghastelmorand, par Gordellier de Gironne, que n'eust 
plus de hamois de jambes l'un que l'autre, et qu'ils 
s'asseurassent de non férir à découvert. Ge fait, les 
deux chevaliers en champ assemblèrent es lances, et 
de cellui gect firent moult bien leur debvoir ; au second 
coup vindrent fort l'un à l'autre, et l'Anglois, messire 
Guillaume Farintonne, assenna messire Jehan de Ghas- 
tehnorand ou bras, et Ghastelmorand l'Anglois soubs 
la brayère, et tant que messire Guillaume Farintonne 
cheust d'un genouil, et mist la main à terre ; et le tiers 
coup de lance joindrent fort l'ung à l'autre, mais, 



I ! 



1 34 COMBAT DE G. FARINTONNB 

m 

quant ce vint sur l'assembler, messire Guillaume 
Farintonnë baissa sa lance bas, et se accroupit un peu, 
de quoi il perça à messire Jehan de Ghastelmorand 
la cuisse tout oultre, et Ten convint porter à son hostel ; 
dont, pour ce coup, il fut ung grant cri à la compai- 
gnie qui estoit là, veu que le chevalier Anglois ot pro^ 
mis de non s'essaier par armes en lieu descouvert, 
par espécial es jambes. Et lors le duc de Bretaigne et 
le conte de Boucquinquam, qui orent veu celle descon- 
venue, firent prendre TAnglois, messire Guillaume 
Farintonnë, et le désarmer en petit pourpoint, et le 
firent ruer en prison, et dirent au Barrbis, cousin ger- 
main de Ghastelmorand : c Allez vous en à Ghastelmo- 
rand, et lui dictes que nous sommes très-mal contens 
et courrouciés de ce que ce mal chevalier a faiUi de ce 
qu'il avoit promis, et le lui rendons pour son prison- 
nier, à le mettre à telle finance comme il lui plaira, et, 
entre vous ses amis, si Ghastelmorand meurt, faictes 
du chevalier à votre vouloir. » Que fut réputé à grant 
justice des seigneurs, pour entretenir leurs seurtés et 
sauf conduis. Si oït Ghastelmorand la responce par Le 
Barrois et Gordellier de Gironne, ausquels respondit 
Ghastelmorand, qu'il remercioit chèrement au conte 
de Boucquinquam et au duc de Bretaigne, la bonne 
raison et justice qu'il trouvoit eu leurs seigneuries, et 
qu'il aimoit mieulx que Farintonnë eust foulé son hon- 
neur sur soi, que se Ghastelmorand l'eust foulé sur 
lui. Et quant ad ce que me faictes assavoir qu'il 

< soit mon prisonnier, je vous remercie humblement, 

< et vous plaise savoir que quant nous sommes venus 
c par deçà, devant vous, pour faire armes, à vostre 
c seurté et sauf conduit, mes compaignons ne moi n'y 



GOITTRE J. DE OHASTELMORAim. 1 35 

c venismes point par avarice ni convoitise; et me 
c seroit tourné à deshonneur de vouloir prendre 
c finance de vostre chevalier, pour lequel je vous sup- 
c plie que le gectez de prison, et en faictes ce que 
< vous plairra, car le faict d*arnies est tel qu'il va à 
c Tadventure. Et povez assez penser que monseigneur 
c le duc de Bourbon, à qui nous sonmies, qui nous 
c donne ce que nous est besoing, et qui nous mande 
c parle monde pour acquérir honneur, seroit mal con- 
c tent de celle convoitise. » Et celles parolles tindrent 
les Ânglois et les Bretons à ung grant honneur, 
et envoia le conte de Boucquinquam à Ghastelmorand 
ung hanap d'or et cent et cinquante nobles; mais 
Ghastelmorand lui renvoya l'or monoié, lui faisant 
savoir, que pour ses affaires assez avoit de finance. 
Si retint le hanap à boire, pour honneur de lui. Et lors 
Ghastelmorand dit à ses compaignons que point ne 
retardassent à chevaucher pour lui, car il ne se sen- 
toit mie si mal attourné qu'il ne les suivit à leur trot. 
Ainsi doncques se partirent les François de Venues, et 
allèrent à Ghastel-Josselin, et les Anglois se partirent, 
et allèrent au chastel de l'Ermine^ pour monter en mer. 
Gar de six mille combatans qu'ils estoient au des- 
cendre à venir devant Nantes, ne se trouvèrent se 
non trois mille au chastel de l'Ermine, pour eulx en 
realler en Angleterre. Et les gens du duc de Bourbon 
à Ghastel-Josselin prindrent congié du conestable 
Glisson pour eulx en aller à leur seigneur, mais il ne 
leur vouloit mie donner, car il doubtoit fort ung grant 

1. Château du duc de Bretagne à Vannes, bâti au xrv« siècle, 
il était déjà en ruines au xvn«. 



1 36 EXPÉDITION DU DUC DE BOURBON 

débat qui estoit sours entre le duc de Bretaigne, et le 
conte de Penthièvre : car le conte de Penthièvre avoit 
espousée la fille au seigneur de Glisson, si dirent les 
gens au duc de Bourbon au conestable que pour rien 
ne lairroient qu'ils ne allassent devers leur maistre. 
Et quant ce vit le conestable, il pria moult aus capi- 
taines qu'ils laissassent leurs gens avec lui, et eulx 
allassent vers le duc de Bourbon, leur seigneur. Si le 
firent, et s'en allèrent les capitaines à Paris, vers le 
duc de Bourbon leur maistre, qui les vit voulentiers, 
et les festoya, comme on doibt faire à tels gens, qui 
qui ont acoustumé bien faire. 



XLVI. Comment le duc de Bourbon entreprit la charge 
pour le roi et le duc de Berry, pour la seconde fois^ à 
aller guerroyer en PoictoUj et comment il ot Taille- 
bourg. 

Les gens au duc de Bourbon, quant furent vers lui, 
trouvèrent que, à celle heure, estoient venus les Poio- 
tevins devers le roi, et le duc de Berry, c'est assavoir le 
sire de Partenay , le sire de Poulsauges, le sire de Torsay , 
le sire de Gouhé requérir au roi et au duc de Berry, 
qu'ils leur voulsissent donner aide et secours, car tout 
Poictou estoit destruit pour cinq ou six places qui là 
estoient angloises : premièrement Taillebourg , bel 
chastel et port de mer, Bourg-Charente, Le Faon, 
Monléun, et Yertueil. Si pria le duc de Berry, qui 
estoit conte de Poictou, au duc de Bourbon, sur 
lignaige, qu'il lui pleust de prendre celle commission. 
Si ne la vouloit bonnement emprendre le duc de 



EN POITOU. 137 

Bourbon, disant au duc de Berry que c'estoit trop 
grant chose pour lui, veu qu'il faudroit grant finance, 
et que les chasteaux estoient moult fors, car il le savoit 
bien. Â quoy lui respondit le duc de Berry : € Beau 
€ cousin, ne vous souciez de finance, car véez ci les 
c barons de Poictou qui vous demandent fort au roi 
€ et à moi ; et, à vostre venue, ils mettront sus ung 
€ fouaige qui montera soixante mille frans. » Et ad ce 
respondit ung bon homme, clerc, qui gouvemoit le 
&ict du duc de Berry, et qui, puis, fut évesque de 
GlermontS et dict au duc de Bourbon : c Monseigneur, 
€ prenez hardiment ceste conunission, et ne vous 
c esmayez d'argent, car, en tant que vous amasserez 
c vos gens, baillez moy deux hommes de vostre hos- 
c tel, ung chevalier et ung honmie de finance, et vous 
c trouverez vostre argent prest à ce que monte ledit 
c fouaige, c'est assavoir la somme de soixante mille 
c frans. > Et sur ce le duc de Bourbon dit au duc de 
Berry qu'il lui feroit voulentiers plaisir, mais ceci 
ne vouloit mie faire sans le sceu du roi, et bon congié. 
Si alla tantost le duc de Berry au roi, lui prier qu'il lui 
pleust donner licence au duc de Bourbon, pour aller 
en Poictou. Si en fut le roi content, et lors ordonna le 
duc de Bourbon Ghastelmorand, pour ung chevalier^ 
et Séguin, son trésorier, pour aller en Poictou, lever 
cellui fouaige, et furent moult lies les Poictevins, 
quant seurent que le duc de Bourbon venoit en Poic- 
tou. Si levèrent leur fouaige, qui fust prest en trois 
sepmaines, et le duc de Bourbon, qui avoit ses gens 
sur les champs, se mit au chemin, et s'en alla en Poio- 

i. de fitt le &meax Martin Goage. 



1 38 PRISE 

tou, et avoit donné jour à ceulx de Poictou, qu'ils 
fussent assemblés, lesquels estoient belle chevalerie, 
bien six cens hommes d'armes. Et lui avoir faict les 
monstres des siens, et des Poictevins, il s'en alla 
devant Taillebourg, le plus bel chastel de Poictou, et 
longea les Poictevins devers la rivière, et le duc se lon- 
gea en hanlt avecques ses engins, et habillemens que 
ceulx de Poictou avoient faict faire, qui tiroient jour 
et nuit dedans le ch£\stel; mais ceulx du chastel, qui 
estoient grosse gent, faisoient souvent de grosses 
escarmouches aux Poictevins, et spécialement à celle 
« heure, que ceux du chastel cueiUoient l'eaue pour 
eulx et leurs chevaulx, qui n'en avoient point, s'ils ne 
la prenoient en la rivière. Si fut advisée la manière 
que ceulx du chastel tenoient, et, pour ce, ordonna le 
duc de Bourbon, ung jour, que trois cens hommes 
d'armes, que conduiroit messire Blain Loup, mares- 
chai de Bourbonnois, vaillant chevalier, iroient de 
nuit longer es tentes et es pavillons des Poictevins, 
avec ceulx qui y estoient, affin que, quant ceulx du 
chastel sailliraient, que l'en saillist des tentes sur eux, 
et que on les chassast, si que on peust gaigner la basse 
court, et leur tollir l'eaue. Si advint que.ainsi fut faict. 
Et le jour que l'embusche ot esté mise la nuict, com- 
mença l'escarmouche l'en demain, conmie acoustumé 
avoit esté, et jà ceulx du chastel chargeoient fort les 
Poictevins, mais à celle heure saillirent des tentes à 
l'escarmouche les gens que le duc de Bourbon y ot 
faict mettre, qui estoient ordonnés pour rompre la 
dicte escarmouche, et aller en la basse court, auprès 
de la porte, à leur tollir le pas, par quoi ils n'eussent 
plus d'eaue, et ainsi le firent. Car chascun deaBour- 



DB TAILL^BOURG. 1 39 

bonnois suivoit voulentiers le pennon que portoit Chas- 
telmorandy en bien faisant leur debvoir, et gaillarde- 
ment se porta le sire de Beauvoir, messire Blain Loup, 
mareschal, Bliombéris son frère, messire Robert de 
Vendat, messire Oudray de la Forest, Tachon de Glené, 
Guichard Le Brun, et tous le firent si bien, que là ot 
faict de belles armes. Si furent les Anglois rompus, et 
y morurent de ceulx du chastel dix-sept Ânglois, et 
des Poictevins deux hommes, et fut prins le cones- 
table de léans par messire Blain Loup, lequel on appe- 
loit Bertrannet de Lirisson, et gaignées la basse court 
et la tour du Pont, par quoi ils ne peurent plus avoir . 
d'eaue, dont la joie fut grande en Tost. Car on voyoit 
bien que, sans eaue, guières ne se pourroient tenir. 
Hais non obstant oeulx du chastel se tindrent trois 
jours, et au bout de trois jours, firent leur traictié, 
qu'on les laissast aller francs, leurs chevaulx et leurs 
harnois, et ils rendroient le chastel. Si ne le voulut 
point accorder le duc de Bourbon, sans le vouloir des 
seigneurs de Poictou, lesquels il manda querre, et ot 
conseil avecques eubc, et leur demanda : c Beauix sei- 
gneurs, que vous semble de ceste chose de traictié? » 
qui respondirent au duc : c Pour Dieu, monseigneur, 
c nous vous prions, ne le reffusez poinct, car cestui 
c chastel est clef de Poictoù, et port de mer, et la 
c place dont il pourroit venir plus de maulx, car de 
c la mer les Anglois peuvent entrer dedans, sans dan* 
c gier de gens. > A l'heure ordonna le duc de Bour- 
bon à messire Guillaume de NeuUac, et à messire 
Jehan de l'Aye, et messire Blain Loup, ses mares- 
<^uhc, de les aller &ire vuidw par le tnedctié, et bailla 
le duc à messire Guillaume de NeuUac le chastel de 



140 PRISE DE BOURG DE CHARENTE. 

Taillebourg en garde, ou nom du roi et du duc de 
Berry. 



XLYII. Comment le duc de Bourbon ot Bourg Charente^ 
le Faon ou fut fendu le Cordelier, et Montléun où il 
fit le mal temps. 

Rendu Taillebourg, deslougea le duc de Bourbon o 
ses gens et les Poictevins, à grant joie et liesse, et 
disoient: loué soit Dieu, véez-ci bon commenoement ; 
et allèrent devant Bourg-Charente, ung moult bel 
chastel, qui estoit au sire de la Roche-Foucault. Si fut 
assiégé le chastel de tous coustés, et y demeura on 
unze jours à siège devant, et durant les dis unze jours, 
fut faicte une belle sotilleté de guerre. Car il y avoit 
aucuns de la garnison qui estoient du païs, et venoient 
aucunes fois en l'ost parler à leurs amis, et tel y estoit 
qui y avoit son cousin germain. Si fist parler le duc 
de Bourbon à ceux qui avoient leurs amis au chastel, 
comme leur feroit pardonner tout le mal que pourroient 
avoir faict, et oultre ce ils auroient leur, eulx quatre 
qui parloient à ceulx de hors, chascun cent frans, s'ils 
emplioient le puis de léans, par nuict, s'ils le povoient 
faire, lesquels se firent fors de le combler, par ainsi 
que l'on leur tenist vérité, et quant ils auroient empli 
le dict puis, parla garde qui leur estoit commise, ils 
s'en descendroient, requérans que on ne leur fit point 
de mal. Tout ce leur fut promis. Si rentrèrent les 
quatre ou chastel, et à leur heure convenable, com- 
blèrent le puis de chiens qu'ils tuèrent, celle nuit, et 
de terres, ordures, et autres punaisies, par quoi ceulx 



PRISE DU FAON. 444 

de léans n'eurent point d*eaue, et furent moult esba- 
his les Ânglois du chastel, oonune ceulx qui avoient 
été trahis, et vouldrent traicter à messire Guillaume 
de NeuUac duquel ils estoient bien accoinctés, que, pour 
Dieu, il traictast avec le duc de Bourbon , comment 
ils s'en allassent seurement, et que la place fust ren* 
due au sire de la Roche-FoucaulL Si le fit messire 
Guillaume de Neullac, qui estoit parent du sire de la 
Roche, qui en supplia le duc de Bourbon : ainsi eusl- 
on Bourg-Charente. De là partirent le duc de Bourbon 
et les Poictevins, et allèrent devant une place appellée 
le Faon, qui n'estoit poinct close de fossés, ou il eust 
eaue. Si fut assaillie bien roiddement la place, et de 
cellui jour ne fut prinse, fors seullement la basse court, 
ou il y ot blessiés moult de bonnes gens : car il y avoit 
léans ung cordelier qui faisoit merveilles de tirer de 
dondaines, et tant qu'il tua quatre gentilshonames, et 
disoitron qu'il estoit le plus fort arbalestier de Poictou, 
et estoit armé. Et l'en de main assaillirent Poictevins 
et Bourbonnois le donjon, ou il y ot fier assaultet fort, 
et ceulx du fort à eubc d^endre, et le cordelier de 
traire, mais on s'efibrcea par manière qu'il fut pris de 
bel assault, et tua on tant qu'il y avoit de hommes 
dedans, excepté le cordelier^arbalestier qui ot prins 
son habit, et s'en estoit foui au moustier. Et lors 
chascun de l'ost demandoit ou est le cordelier : si fut 
accusé qu'il étoit en l'église à genouhc devant l'autier. 
Âdonc messire Jehan de Roye courut celle part, pour 
ce que le cordelier avoit tué de son trect ung de ses 
escuyers, et print le cordelier avec son habit, et l'alla 
lui-mesme pendre à ung arbre, et se mussa fort que 
le duc de Bourbon ne le sceust. Et du Faon se partit 



lis pmsB 

le duc de Bourbon, et alla devant une belle ville et 
fort chastel nonuné Montléun, où le duc mit son siège, 
lui et toutes ses gens, par manière que nul n'en povoit 
saillir. Et y demoura le duc trois jours devant la ville, 
pour faire de beaubc habillemens à l'assaillir, et trois 
jours passez fut assaillie de tous lés, et par assault prise 
ioelle ville. Et fit longer le duc de Bourbon tout son 
ost dedans, et faire gros guect à Tentour du diastel, 
qui estoit moult fort, et séoit surung roch. Et ordonna 
le duc de Bourbon d'envoier quérir tous les œgins de 
Poictou, car il lui estoit ad vis que on ne pourroit ieivoir 
le chastel, sinon par bsAtemens d'engins. Si advint que 
le cinquiesme jour après que le duc de Bourbon ot 
prins la ville de Montléun, et qu'il aclendoit sesaigins, 
vint une tempête du ciel souldaine, qui commença entre 
vespres et souleil couchant, si terrible que à peines 
sembloit que on vist goûte : car il faisoit merveilleux 
tonnoires, et ecclistres espois dont l'en estoit fort espo- 
venté. Et après se leva le plus grant vent que on peust 
jamais voir, si horrible qu'il portoit les maisons à 
terre, tant qu'il les convenoit abandonner, et à deux 
heures de nuit tant de piarres cheurent de la gresle, 
qui à merveilles estoient grosses, qu'elles abbatirent 
les arbres es bois et es champs. Et de celle tempeste 
furent tués bien plus de cent chevaulx des gens au duc 
de Bourbon, et aucuns paiges, par les maisons, des 
pierres qui cheurent sur eulx. Si advint que d'iodle 
tempeste terrible, au chastel, qui séoit bien en haut 
lieu, ne demoura bretesche, mantel, ne couverture, 
qui ne chettst, et ung grant pan de la muraille, de quoi 
il advint que ceulx de léans étoient moult espaourés 
et esbahis, et leur fit-on parler qu'ils se rendissent ; les- 



DE uomÂuju. lis 

quels respondirent orgueilleus^nent pour oe qu'il leur 
sembloit que» se tous les murs estoient abbatus, on 
ne peust prendre la place. Si leur respondit le mares- 
chai de Bourbonnois, puisqu'ils ne se vouloient con- 
descendreà raison de rendre le fort, qu'il n'oseroit jamais 
parler de ce traictié , et s'ils estoient prins, que on 
en feroit telle pugnidon que les autres y prendroiecrf; 
exemple : car le duc de Bourbon les feroit tous pendre 
par les gorges. Et de celle parole que dist le mares* 
dial, ot division entre eux grant, et tel que dedans 
trois heures, ils vindrent recueillir traictié. Si ordonna 
le duc de Bourbon qu'ils fussent oïs de ce qu'ils 
vouldroient dire : les choses que ceulx du chastel 
requirent, si estoient qu'ils s'en peussent aller les leurs 
personnes, leurs chevaulx, et leurs harnois, frans, et 
avec ce, qu'ils peussent enunener tous les biens qui 
estoient léans, et qu'ils eussent deux jours d'espace à 
les tirer dehors. Et fut ceste chose rapportée au duc 
de Bourbon qui le mit en conseil des chevaliers de 
Poictou, qui dirent au duc : c Monseigneur, pour 
< Dieu, prenez le traicté, et les en laissez aller, car 
c c'est une des périlleuses places de Poictou, veu 
€ qu'elle siet à douze lieues de Bourdeaux. Et n'en 
c serons jamais deslivrés, se par vous n'est. Et, 
c monseigiifeur, nous vous supplions , avant que le 
c traictié ne s'accomplisse, laissez leur hardiement 
c emporter leurs vivres, car nous avons besoing que 
c vous y mectez gens à le garder à nos despens, et 
f l'advitaillerons bien. » Si leur respondit le duc de 
Bourbon : c Vous requérez que je mecte là sus ou 
c chastel garnison à vos despens, et que vous l'avi- 
€ taillerez bien. Mais se je laisse emporter les vivres, 



1i& SIÈGE 

€ par adventure, avant que vous Teussiez avitaillée, 
c oeulx de Bourdeaux la vous pourroient avoir tol- 
c lue. Pour quoi, sans faille, je ne vueil que s'en 
c emportent nuls vivres. » Si fit le maréchal de Bour- 
bonnois, messire Jehan de TÂye, la responce aux com- 
pagnons, que comment qu'il fust, le duc vouloit qu'ils 
n'emportassent nuls vivres, mais qu'ils s'en partissent 
eulx, leurs chevaulx, et leurs harnois^ dont ils furent 
contents; et par ainsi fut le chastel de Montléun des- 
livré; et mit le duc de Bourbon garnison dedans, à la 
requeste des Poictevins, et bailla la place en garde au 
Bouteillier, au nom du duc de Berry. 



XLYIII. Comment le duc de Bourbon assiégea Vertueil^ 
et comment la mine y fut ordonnée à faire. 

Pour ce que la plus forte place estoit encores à des- 
livrer, sembloit au duc de Bourbon, qu'il n'eust rien 
fait, s'il n'avoit celle qu'on appelloit Yertueil. Laquelle 
à noble compaignie de Bourbonnois, Poictevins, et 
François, alla assiéger, qui estoit une des belles places 
et des fortes que on peut voir, et assise en hault 
rochier; et estoient dedans quatre vingts hommes 
d'armes, Anglois et Gascons, et bien quinze bons arba- 
lestiers ; et d'icellui chastel de Yertueil estoit capitaine 
ung escuyer gascon, nommé Bartholomieu de Montpri- 
vat, homme de grant entreprinse, qui pour lors n'es- 
toit mie là. Et avec le duc de Bourbon estoient à celui 
siège, le sire de Parthenai, le sire de Poulsauges, et le 
sire de Torsay, messire Guy seigneur de Cousant , 
messire Regnaud de Roye, messire Robert de Ghaslus, 



DE VEHTUEIL. 145 

messire Gaultier de Passac, Le Borgne de Yeaulce, mes- 
sire Bouciquaut, THermitedelaFaye, sesmareschaulx, 
messire Jehan de TAyeet messire Blain Loup, Ghastel- 
morand, messire Regnaud de BressoIIes, messire Jehan 
de Tilly, messire Robert de Damas, qui en son temps 
porta la bannière au duc de Bourbon y messire Pierre 
de Fontenoi, Guichard Le Brun, Bertier de Nasselles, 
Tachon de Glené, que, pour ses bonnes coutumes, on 
appella le bon bailli de Bourbonnois : et y estoit Mi- 
chaille, et autres en grant nombre. Si se lougea le duc 
de Bourbon et les siens d'ung cousté, et les Poictevins 
de l'autre, et eulx estans longés, ot le duc de Bourbon 
advis avec les seigneurs de Poictou et ses conseillers 
sur le fait de celle place, en leur demandant par quelle 
manière on se y debvoit gouverner, ou par eschielles ou 
par mine. Et nonobstant ce, alla le duc à Tenviron de 
la place, à cheval, et bien Tavoir advisée, sembloit à 
tous que on ne la pourroit nullement avoir, se non par 
mine. Et à cellui advis, respondit le duc de Bourbon, 
qu'il lui sembloit bien qu'ils disoient vrai, c Mais 
c beaulx seigneurs, fait le duc, ceste mine, fault 

< qu'elle soit en roche, qui est moult longue, et seroit 

< de grant coustaige , et y demoureroit-on longuement , 
c avant qu'elle venist à Bn. » Si respondirent les sei- 
gneurs de Poictou : c Monseigneur, pour Dieu, ne crai- 
c gnez point la mise, que avec les autres biens que 
c vous nous avez fais, vous n'aiez cette place avant 
c que vous partez, c'est la plus périlheuse qui soit en 
c ces marches, car la garnison, avant que vous venis- 
c siez couroit toujours à Gouhé, et à Poictiers, et des* 
c truiroient tout s'ils demouroient. > Et lors fit le 
duc de Bourbon visiter le lieu ou se feroit la mine, et 

10 



4 46 siéGB 

mist deux capitaines pour gouverner ladicte mine, et 
à chascun dix hommes d'armes soubs eulx, et furent 
les capitaines le sire de Torsay, et Le Borgne de Yeaulce 
qui firent faire habillemens et grans matereaulx devant 
le front de leur mine, laquelle fut prestement conmien- 
cée, et pour mieulx estre en poinct avoit mis le duc 
de Bourbon l'ung de ses mareschaulx, messire Blain 
Loup, à tout cent hommes d'armes, devant la porte 
du chastel, pour ce que dedans y avoit grosse gent; et 
dura la mine à faire six sepmaines, avant qu'elle fust 
crevée, et aussi ceulx du chastel contreminoient fort 
à rencontre. Et dedans les trois sepmaines que le duc 
de Bourbon estoit là, l'envoya le roi quérir par trois 
messages : qu'il laissast tout, et vint par devers lui, 
pour ce que le roi avoit sceu conunent le roi d'Angle- 
terre avoit emprins de prendre le chastel assis en la 
mer, à l'Escluse en Flandres, que de nouvel avoit fait 
édifiSer l'oncle du roi de France, Phelippe, duc de 
Bourgogne, au nom du roi, qui fust garde du port à 
l'entrée du royaume en celle partie. Et plus oultre 
convoitoient Icsdis Anglois la ville de l'Escluse , s'ils 
la peussent avoir, pour tenir en leur garde et subjeo- 
tion comme Calais. Et à accomplir leur intention, 
avoient Anglois mis sus une armée assez grosse, en 
mer, pour venir devant l'Escluse, dont avoit la charge 
et capitainerie ung chevalier Anglois, nommé messire 
Jacques d'Andeléc, qui fort s'empléoit à faire le com- 
mandement le roi son seigneur. Et pour la doubte 
que le roi de France avoit que le chastel et ville de 
l'Escluse ne fussent prins de ses ennemis, veu que les 
Flamens n'estoient mie bien d'accord au conte Loys de 
Flandres, duquel le duc Phelippe de Boui^ongne avoit 



I 



DE VERTUEÏL. 147 

la fille pour femme, pour y remédier y vouloit aller 
en personne le roi. Donc pour ce mandoit le roi au 
duc de Bourbon, qui tenoit le siège devant Vertueil, 
cestes paroles, disans : < Vous savez , beaulx oncle, 
c si TEscIuse étoit prinse, ce seroit la destruction de 
c nostre royaulme : pour quoi ne nous vueillez faillir, 
c et venez incontinent. > Et Dieu set si le duc de 
Bourgongne à qui touchoit la chose, hastoit le roi. 

XLIX. Comment le duc de Bourbon se contentoit mal 
de laisser le siège de Vertueil, et pour cela soi envoya 
excuser au roi. 

Le duc de Bourbon qui à grans cousts et missions, et 
de bon vouloir, se tenoit au siège devant Yertueil, 
affin que honnorablement le peust avoir, otes ces 
nouvelles, de par le roi, fut entreprins et fort pensis, 
et appella de ses privés chevaliers et serviteurs, et leur 
dit : c Véez ci une des grans desplaisances que j'eusse 
c pieça. Car elle touche mon honneur en deux manières : 
c Tune, se je laisse ceste place, je la laisse à mon très- 

< grant déshonneur ; et, se je n'obéïs à mon seigneur le 
c roi, aucunes gens pourroient dire que ce seroit mal 
c fait, par quoi, en ces choses, j'ai beaucop de pensées, 
c etnonsanscause. lEtoultreditleducàseschevaliers, 
à qui il se conseilloit : € Je vous dirai de quoi je me 
c suis pensé : s'il vous semble bon, et pour le plus 
c honnorable, à mon advis, j'envoyerai deux cheva- 
€ liers devers monseigneur le roi, pour lui mons- 
c trer que j'ai grant désir de accomplir son comman- 

< dément, et lui dire que j'ai assez douleur et desplai- 
c sance de moi partir de devant cette ville et chastel 



1 48 LE DUC DE BOURBON 

€ de Yertueil si honteusement, qui touche fort à mon 
c honneur. » Et pour celle ambassade fournir, allèrent 
de par le duc de Bourbon, au roi à Paris, messire Jehan 
de Ghastelmorand et l'Hermite de la Faye, qui reffé- 
rirent au roi la parole et les regrets de leur seigneur ; 
de quoi le roi prit bien en gré leur venue ; et leur 
dit le roi qu'il falloit que son oncle le duc de Bourbon 
s'en venist, toutes choses laissées, et respondirent les 
deux chevaliers au roi : c Sire, vous savez que ce seroit 
c déshonneur à ce seigneur, s'il laissoit celle place, 
c sans la prendre; et aussi à mener les Poictevins, 
c qui sont grosse gent, il n'a mie bien de quoi à les 
c conduire. Si advisez sur ce qu'en est de faire; car 
c les Poictevins ont à leurs despens faict la guerre, 
c dont monseigneur vostre oncle, le duc de Bourbon, 
c est chef. » Et ceci disoient les chevaliers au roi pour 
donner allonge, affin que leur seigneur, le duc de 
Bourbon, fist sa besongne, en prenant le chastel de 
Yertueil, et s'en peust venir honnorablement devers 
le roi. Si respondit le roi aux chevaliers: c Ha! ha! 
c dea ! pour argent ne demourera pas ! car avant que 
c vous partez, je envoyerai par vous, à bel oncle, la 
c finance, par quoi il s'en pourra venir. > Si furent 
les chevaliers joieulx de la responce du roi, laquelle, 
tantost, ils miandèrent au duc à son siège de Yertueil, 
et qu'il se hastast le plus que pourroit de prendre 
celle place, car ils eurent seu par le roi conunent 
besoing estoit qu'il s'en retournast. Mais tant orent 
fait les chevaliers, envers le roi, que le duc auroit 
d'espace trois sepmaines, pour l'argent que le roi leur 
avoit dit qu'ils porteroient : c'est assavoir quinze jours 
avant que fust receu l'argent, et huit jours devant 



I 



EST RAPPELÉ PAR CHARLES VI. 149 

qu'ils fussent à lui ; mais lui mandoient les chevaliers : 
c Hastez-vous de vostre œuvre, par manière que 
c quant nous serons par delà, vous en puissiez venir. » 
Le duc de Bourbon oïe la relation de ses chevaliers , 
se hasta moult, et mit doubles ouvriers à parfaire la 
mine, et advint que quant les chevaliers vindrent au 
siège, à toute la finance, ils relatèrent au duc comme 
le roi et le duc de Bourgongne s'estoient partis de 
Paris, et pouvoient jà estre à TEscluse, pour remédier 
encontre l'armée des Anglois, qui là estoit descendue. 
Et en tant que les chevaliers au duc orent mis à venir 
vers lui, il ot tant exploictié qu'il ne s'en failloit mie 
deux jours que la mine ne fust parachevée. 

L. Comment le duc de Bourbon se combatit en la mine 
à Vertueilj et comment il ot le chastel. 

La mine estre mise à fin, pour y entrer seurement 
et combatre, les chevaliers Torsay et le Borgne de 
Veaulce, gardes d'icelle, allèrent au duc de Bourbon 
lui disant : < Monseigneur, la mine est preste, venez 
c y quant il vous plaira. » Bien, dit le duc. Mais l'en- 
demain par matin, les Anglois de léàns, qui virent la 
mine estre percée, pour la cuider estoupper, firent 
une saillie dessus le guect du duc de Bourbon. Si furent 
iceulx Anglois repoulsés si lourdement par ceulx du 
guect, que pris en y ot cinq hommes d'armes, et 
quatre mors ; et de nostre cousté fut mort le sire de 
Marueil et le sire de Treignat blecié, tant qu'il l'en 
convinst porter, et deux escuiers de Poictou mors, et 
y ot fait de belles armes. Ainsi fut l'escarmouche, et 
cellui jour mesme, print le duc de Bourbon, douze 



è 



1 50 COMBATS 

chevaliers et aucuns escuyers avec lui, disant : Je vueil 
aller voir la mine ; et cela ne faisoit-il se non à l'espé- 
rance de y combatre. Si alla le duc en se mettant tout 
le premier, et mit Le Borgne de Yeaulce devant lui en 
lui disant : c Borgne, allez devant, qui cognoissez les 
c gens de ce chaslel, et dictes à ceulx de léans s'il y a 
c point de chevalier, viengne avant, et il trouvera qui le 
c recevra pour combatre à la mine. » Lors appella Le 
Borgne de Yeaulce : s'il y avoit point de chevalier qui 
voulsist faire armes. Si lui dirent que non, mais bien 
avecqucs eulx estoit ung hault gentilhomme, qui avoit 
belle compaignie léans, et lieutenant du capitaine, qui 
bien estoit prest et appareillé de faire armes à qui- 
conque Vouldroit venir. Et sur ce respondit Le Borgne 
de Yeaulce : < mecte soi avant, car véez ci qui est tout 
c prest, » sans vouloir nommer son maistre. Et à l'heure 
s'advançale duc de Bourbon, en sa mine, et aussi fit 
cellui escuier que disoient ceulx du chastel, lequel on 
clamoit Regnaud de Montferrand, d'autre part, et 
férirent le duc et lui à pouiséïs de leurs espées l'ung à 
l'autre, et entre deux eust aucuns qui ne se peurent 
tenir de dire : Bourbon ! Bourbon ! Nostre-Dame ! dont 
cellui escuier Regnaud de Montferrand fut moult esbahi, 
et se recula, et dit : c Et comment mes seigneurs, est cil 
€ monseigneur le duc de Bourbon?» — c Oui certes! » ce 
dit Le Borgne de Yeaulce, « c'est-il en personne. > Lors 
dit Regnaut de Montferrand : c Je doi bien louer Dieu, 
c quant il m'a aujourd'hui fait tant de grâce et d'hon- 
c neur d'avoir fait armes à ung si vaillant prince, et 
€ vous, Borgne de Yeaulce, lui dictes que je lui requier 
< qu'il lui plaise qu'en ceste honnorable place ou il 
c est, il me face chevalier de sa main, car je ne le 



DANS LA MINE DE YERTUEIL. 1 51 

c puis jamais estre plus honnorablement. Et pour 
c rhonneur et vaillance de lui je suis prest à lui rendre 
c la place. » Et de ceci parla Le Borgne de Yeaulce 
au duc de Bourbon, qui regarda que toutes ces choses 
estoient à son très grant honneur, disant qu'il estoit 
bien content, mais que Montferrand lui apportast les 
clefs, au pertuis de sa mine. Si lui accorda Montfer- 
rand, qui les lui bailla, et les clefs rendues, illec 
mesmes le fit chevalier le duc ; et lui requist le dict 
Montferrand, à son partir, qu'il lui voulsist donner 
les prisonniers qui orent esté prins à Tescarmuche ou 
morutMarueil, et le duc de Bourbon en fut très con- 
tent, et fut ordonné que Montferrand rendroit la place 
le jour de l'en de main passé « Et oultre fut faite une 
ordonnance que les chevaliers et escuiers, qui là avec 
le duc de Bourbon estoient, feroient armes, l'en de 
main, dedans leur mine, à ceulx du chastel, les ungs 
contre les autres, que garderoit messire Jehan de 
l'Aye, mareschal, affin que chascun fust content d'avoir 
combatu en la mine. Et les chevaliers et escuiers qui 
firent armes à ceulx de dedans, furent le sire de Par- 
thenai, le sire de Gousan, messire Regnaud de Roye, 
messire Robert de Chaslus, messire Jehan de Ghastel- 
morand, Le Borgne de Yeaulce, le sire deTorsai, mes- 
sire Guillaume de la Fourest, messire Blain Loup, 
mareschal de Bourbonnois, messire l'Hermite de la 
Paye, messire Jehan de Sainct-Priest appelle le petit 
mareschal, messire Bouciquault, et les escuyers 
Michaille, La Jaille, Perrin d'Ussel, Bliombéris Loup, 
Tachon de Glené, Guichart Le Brun, et autres, et ne 
povoient faire armes que d'espées, pour ce que le per- 
tuis n'avoit que pié et demi de quarreure ; mais bien 



f 



1 52 REDDITION DE VERTUEIL. 

• 

faisoit chascun son debvoir, l'ung après Tautre, selon 
le lieu, qui estoit estroict, et pour ce que la nuit se 
obscuroit, s'en retournèrent les compaignons aux 
tentes. Et l'en de main envoya le duc de Bourbon 
l'ung de ses mareschaulx messire Jehan de l'Aye au 
chastel à Montferrand, lieutenant de Bartholomieu de 
Montprivat, qui encore n'estoit mie repairié d'Angle- 
terre, le semondre de rendre la place, laquelle il ren- 
dit ainsi qu'il avoit prorais, et saillit hors à toutes ses 
gens armés et montés en belle ordonnance, et vint 
devant le Pavillon du duc de Bourbon descendre, qui 
estoit bien accompaigné de chevaliers. Si s'agenoilla 
Regnaud de Montferrand devant le duc, et lui dit: 
c Mon très redoubté seigneur, je vous remercie moult 
€ humblement les biens et honneurs qui me sont 
c venus de vous, d'estre chevalier par la main d'un 
c si hault et vaillant prince comme vous estes ; si est 
c honneur à moi et à tout mon lignaige pour tous- 
€ jours mais. » Après lui respondit le duc, < messire 
< Regnaud la chevalerie est bien employée à vous, 
c car vous estes ung vaillant homme et de bon 
c lignaige. » Et incontinent envoya quérir le duc ung 
bel coursier, qui estoit tout prest, qu'il lui donna, et 
fit apporter par messire Guillaume de la Pierre, son 
chambellan, une grosse ceinture dorée, poisant dix 
marcs d'argent, qu'il lui donna aussi, dont messire 
Regnaud de Montferrant se tint à moult honnoré, et 
dit devant tous, que jamais de sa personne ne s'arme- 
roit et ne seroit à l'encontre du duc de Bourbon. A 
donc se partit messire Regnaud, et print congié du 
duc, lequel mit ou chastel pour garde au nom du duc 
de Berri, le sire de Torsai, et vingt-<;inq hommes 



DÉPART DU DUC DE BOURBON. 1 53 

d'armes, et ainsi eu Yertueil, se partit le duc à toute 
sa compaignie, et alla à Pôictiers, désirant de tirer 
vers le roi. Et lui estant à Pôictiers lui requirent les 
Poictevins : c Monseigneur, nous vous requérons en 
« l'honneur de Dieu, avecques les biens que vous 
c nous avez fais, puis que ainsi est vous despartir, 
€ que vous nous vueillez laisser la moitié de vos gens ; 
c car il y a trois places entre Limosin et Poictou' sur la 
c rivière de Dordonne qui destruisent le païs, et en 
c sont capitaines' Bernard Douât et Gabillon , et sont les 
€ trois places Courbies, Les Granges et Montvalent . » Et 
lors respondit le duc de Bourbon aux seigneurs de Poic- 
tou : € Vous estes six cens hommes d'armes, et j'en ai 
c autres six cens de mon hostel que j'en mènerai, et 
€ vous six cens prendrez bien celles trois places. » 
Si dirent les Poictevins au duc : c Nous ne pouvons 
€ rien faire sans vos gens, baillez nous capitaine à 
c conduire cestui fait : ils seront bien payés. Et nous 
c laissez vostre enseigne, et des gens de vostre hostel 
c six ou sept. » Alors fit le duc de Bourbon sou ordon- 
nance, qu'il lahroit de ses gens deux cens hommes 
d'armes, et deux cens qu'il emmèneroit des Poicte- 
vins, pour s'en aller devers le roi. Ainsi laissa le duc 
de Bourbon six cens hommes d'armes en Poictou , et 
pour les conduire demeurèrent messire Jehan de Chas- 
telmorand, qui portoit l'enseigne du duc, messire 
Regnaud de Roye, messire Boucicault, le petit mares- 
chal, le Borgne de Yeaulce, messire Regnauld de Bres- 
solles, messire Pierre de Fontenai, messire Robert de 



1. Erreur. Il faudrait dire : entre Limosin et Querci. 
2. 1] manque ici le nom du capitaine de Courbies. 



\ 54 PRISE 

Damas, messire Robert de Yendat, messire Ouidrai 
de la Fourest, ensemble Michaille, Guyon Goufïier, 
Bliombéris Loup, tous de l'hostel du duc, qui accom- 
pagnoient son pennon, et les autres estoient du pays 
de Bourbonnois. Et le duc de Bourbon se partit avec 
six cens honmies d'armes, et s'en alla de tire vers 
le roi à l'Escluse, ou il estoit. 

LI. Comment le^ gens du duc de Bourbon, en son absence^ 
et les Poictevins conquestèrent CourbieSy les Granges, 
et Montv aient. 

Tandis que le duc de Bourbon qui s*estoit parti de 
Poictou s'en alloit au roi, pour ordonner des besongnes 
sur le fait de TEscluse, advint que les Poictevins ne 
vouldrent perdre temps, ne aussi les gens que le duc 
de Bourbon leur a voit laissés. Si dirent les Poictevins 
aux Bourbonnois : il y a une place à vingt deux lieues 
d'ici appellée Gourbies, que qui pourra aller de tire, sans 
qu'ils en saichent rien, il a auprès une abbaye au trect 
d'ung arc, ou ils viennent oïr l'office de Noël ; et qui 
mectra illec une embusche, on ne fauldra point à 
prendre les meilleurs de la garnison, et ne fault à ce 
faire que cent hommes d'armes [à y aller de tire. 
Et d'ici à Noël n'a que trois jours , pour quoi 
la chose vient bien à point. Si se serrèrent, et 
esleurent des gens de l'hostel du duc de Bourbon 
cent hommes d'armes^] ou estoient en chief mes- 
sire Regnaud de Roye, messire Jehan de Ghastelmo- 



1. Lacune de trente-cinq mots par suite de bourdon dans l'im- 
primé et le ms. C, restituée d'après les mss. A et B. 



DE GOURBIES. 1 55 

rand, portant le pennom du duc, messire Boucicault, 
et messire Robert de Damas, qui estoient tous bien 
montés. Et chevauchèrent en ung jour et une nuit les 
xxn lieues, par les guides du païs qui les menoient, et 
mirent leur embusche en ung bois deux> heures avant 
jour. Et celle veille de Noël, ung pou après soleil levant, 
saillit le capitaine de Gourbies, sa femme, et la pluspart 
des gens de léans, pour aller en Tabbaye oïr le service. 
Et au plus fort de l'office saillit Tembusche des gens au 
duc de Bourbon, qui estoient au bois, et prindrent le 
capitaine, sa femme, et les aultres gens, et les ame- 
nèrent devant la place pour la faire rendre, ou leur 
faire couper les testes. Et incontinent le capitaine fut 
d'accord à la rendre, mais qu'ils fussent saufs lui et sa 
femme, qui le furent. Adonc il rendit la place aux cent 
hommes d'armes, qui detindrent les autres prisonniers. 
Et monta le ' butin de Gourbies aux cent hommes 
d'armes, tant des prisonniers comme de la robe, bien 
quatre mille frans, et firent les hommes d'armes raser 
la place, et s'en retournèrent vers les compaignons, 
où ils les avoient laissiés, auxquels de leur gaing ils 
firent bonne part. Et eulx assemblés, tous d'ung 
accord avec les Poictevins, allèrent mettre le siège 
devant les Granges, qui estoient en plain pays, dont 
estoit capitaine Gabillon, qui bien avoit quatre vingts 
combatans. Et estoit la place toute de bricque, qu'avoit 
fait faire le cardinal de Limoges, et n'estoient mie 
parachevés les foussés d'un cousté. Et firent tantost 
les Poictevins et Bourbonnoîs habillement de bois 
pour venir au pié du mur d'une grosse tour qui là 
estoit, et là commença on à miner. Si n'osoient saillir 
ceulx de la garnison, et aussi ne pou voient, pour ce 



\ 56 PRISE DES GRANGES ET DE MONTYALENT. 

que tout en tour estoient des Poictevins et Bourbonnois 
enclos, et se deffendoient de la tour le mieulx qu'ils 
pouvoient. Mais on mina par si bonne entente que en 
deux jours et deux nuits fut minée la tour, et estayée 
à y bouter le feu, et la faire tomber. Et le tiers jour 
bouta l'en le feu en la mine ; si cheust la moictié de la 
tour, qui tua bien vingt personnes des gens de léans, 
et ceulx qui estoient ou remanant de la tour en hault, 
joignoient les mains à ceulx de hors et qu'on les prist 
à merci. Si fit l'en, fors que les traistres, dont il y en 
avoit quatre, qui orent les testes coupées. Ainsi fut 
deslivré les Granges, et baillés Gabillon et les prison- 
niers anglois, qui les avoient destruis, par ceulx de 
Bourbonnois aux seigneurs de Poictou, qui baillèrent 
aux compaignons, pour leur bel service , trois mille 
francs. Et tirèrent les compaignons de Bourbonnois et 
de Poictou, à Montvalent, que tenoit Bernard Douât, 
mais quant Bernard Douât les sentit venir, il se partit 
de la ville pour aller amasser gens, et gaigner sur 
l'ost, s'il povoit, et laissa en la ville, pour la gai*de, 
quelque trente combatans. Mais quant l'ost vint devant 
eulx, ils orent conseil entre eulx disant : c Nulle place 
c n'arreste devant les gens du duc de Bourbon, et 
c ils béent nostre capitaine mortellement, pour la 
c prinse de la duchesse sa mère, où il fut ; et se nous 
c sonmies prins, nous serons tous mors pour celle 
€ raison. Si vault mieulx que nous nous rendions à 
c monseigneur le duc de Bourbon. » Et, ainsi le 
firent, et fut mis pour garder Montvalent Bernard Bres- 
chard, capitaine pour le duc de Bourbon, qui le garda 
bien. Et de Montvalent prindrent congié les gens du 
duc de Bourbon aux seigneurs de Poictou, pour eulx 



LE DUC DE BOURBON A l'eSGLUSE. 1 57 

en aller vers leur maistre, veu ce qu'ils avoient ache- 
vée la conqueste qu'ils deb voient faire. Et au partir 
les mercièrent moult les seigneurs de Poictou de 
leur bonne aide, et les payèrent pour ung mois oultre 
leur salaire, lesquels s'en allèrent de belle tire vers 
leur prince qu'ils désiroient moult à voir; et en chemin 
trouvèrent plusieurs messaiges qui forment les has- 
toient, car fort désiroit tousjours le duc de Bourbon 
les gens de son hostel, et ceux de son pais. Si chevau- 
chèrent les compaignons par leurs jom'nées tant qu'ils 
vindrent à l'Ëscluse, ou le duc de Bourbon leur 
maistre estoit avec le roi, et trouvèrent que les Ân- 
glois à grant povoir estoient descendus devant l'Es- 
cluse, et tenoient le siège, à force de vaisseaulx, par 
devant le chastel neuf de l'Escluse, assis en la mer, 
que le duc Phelippe de Bourgogne avoit édifïié. Si fut 
la compaignie bien recueillie et festoiée du duc de 
Bourbon, car les gens du roi et eulx povoient bien 
estre mil cinq cens hommes d'armes, et disoit tout 
honmie de valeur, parmi l'ost du roi, le duc de Bour- 
bon a fait la plus belle deslivrance d'ung chastel qui 
fut faite pieça ; car en combatant à la mine en personne 
à Vertueil contre noble honmie Regnaud de Montfer- 
rand, qui le gardoit au nom du roi anglois, a rendu le 
dit Regnaud au duc de Bourbon icelle place , en lui requé- 
rant Regnaud qu'il fust chevalier de sa main. De quoi on 
disoit par l'ost : Yéez ci belle chose, car le duc de 
Bourbon avoit là en Poictou six cens honunes d'armes 
qui ont pris trois belles places, et sont venus assez à 
temps pour faire armes contre les Ânglois. 



458 ' LEVÉE DU SIÈGE 



LU. Comment par le sens et advis du duc de Bourbon 
les Anglois se levèrent de devant VEscluse. 

Après la prinse de Vertueil, que l'an de grâce cou- 
roit mil trois cens quatre vingts et deux, et estoit le 
roi de France à TEscluse, ensemble ses oncles, les 
ducs de Bourgongne et de Bourbon, pour obvier .à 
rencontre de l'armée des Anglois, qui en terre en celle 
partie estoient descendus, à conquester le chastel de 
l'Ëscluse et la ville, de laquelle estoit maistre et capi- 
taine messire Jaques d'Andellée, qui jà avoit faict ses 
vaisseaulx ancrer, et son siège mis par terre, comme 
par vaisseaulx, si que par la mer nul n'en pouvoit 
issir, ne par la terre aussi entrer, pour ce que c' estoit 
tous palis ; et le duc Phelippe de Bourgogne qui vèoit 
cestui inconvénient, et avoit paour de son chastel et 
de la ville du roi, commença à dire, présent le roi, au 
duc de Bourbon : c Beau cousin, vous avez bien beson- 
c gnè en Poictou , et vos gens aussi, et ne semblez 
€ prince désert, car vous avez belle compaignie. » 
Lors lui respondit le duc de Bourbon : c Monseigneur, 
c moi et ma compaignie sommes au commandement 
c du roi, et de vous, et ad ce sonmies venus. Mais, 
c monseigneur, il me semble que le roi et vous estes 
c bien taillés de demourer ici longuement, qui ne 
c labourera autrement. Vous voyez que les Anglois 
c sont desmontés à terre, et ont assiégé vostre chastel 
« et la ville, et si, n'y avez encores pourveu. > Adonc 
dit le duc de Bourgongne : < Que vous semble, beau 
c cousin, que se doit faire? » — Monseigneur, il 



DE l'esgluse. 1 59 

< m'est advis que vous debvriez sarrer toutes les 
c gens de mer, dont il y a de bons et aucuns de Tisle 
c de Gagen\ qui est vostre, pour savoir si en icelle 
c isle a nuls vaisseaulx, et d'ici là n'a guières. > Se dit 
le duc de Bourgongne, présent le roi, que c'estoit 
bien dit, et sur ce fut emprins le conseil, ou fut rap- 
porté par ceulx de la marine, que en l'isle de Gagen 
avoit huit vaisseaulx, et deux de par deçà ou havre 
de l'Escluse, comme à sec. Et fut conclud en conseil 
d'avoir cinq cens hommes d'armes et quatre cens 
arbalestiers en Tisle de Gagen, et que on mist aux deux 
vaisseaulx de l'Escluse deux cens honunes d'armes et 
cent arbalestiers, que l'on feroit grand donmiaige à 
ceste armée, pour ce que des Ânglois les plusieurs 
estoient à terre descendus vers le chastel, ou ils avoient 
encommencié la mine, et estoiç^it plus aises en terre 
que en mer. Si dit le duc de Bourgongne au duc de 
Bourbon : c Beau cousin, envoyons en icelle nostre 
c isle, les cinq cens hommes d'armes, vous deux 
c cens cinquante, et moi autant ; ensemble les arba- 
c lestiers, et qu'ils s'en viennent ici dedans deux jours, 

< et aillent férir et combatre les vaisseaulx des Ân- 
€ glois qui flotent en mer deyant le chastel, pour ce 
c que les Anglois gisent en terre, et sont ententifs en 
c faisant ouvrer en leur mine. Et avecques ceulx de 
c l'isle seront en leur aide les gens de nos deux vais- 

< seaulx qui sont ici pour les reconforter ; > et ainsi 
fut accompli. Gar les ducs de Bourgongne et de Bour- 
bon mandèrent en l'isle de Gagen cinq cens hommes 
d'armes et cinq cens hommes de trect, auxquels fut 

-i_aj I I - -_ — -1 — ■ — -.— ^-^— ^^-^^^-.^ — ^„ — ^_^_ ^ » 

i. Gadsant. 



4 60 LEVÉE DU SIÈGE DE l'eSGLUSE. 

dit que le second jour à Taube venissent, comme on 
leur avoit enchargié, férir en la chaine ou les vais- 
seaulx des Ânglois estoient arrangiés entre les deux 
tours. Si se hastèrent les compaignons, qui alloient en 
Fisle, et se apprestèrent, et cellui soir firent grosse 
garde les gens des seigneurs ducs de Bourgongne et 
de Bourbon avec ceulx du roi, et à l'heure que aux 
gens d'armes estoit ordonnée, partirent de Tisle de 
Gagen, et vindrent férir à la chacune que avoient ten- 
due les Anglois d'une tour à l'autre. Et quant messire 
Jacques d'Andellée vit ce, commanda à ses Anglois 
eulx lever de terre, et se recuillirent en leurs vais- 
seaulx en grand effroi. Mais si tost ne se peurent 
recuillir que nos gens, qui partis estoient de l'isle, 
n'eussent féru en une partie de leurs vaisseaulx, en y 
boutant le feu. Et en ^ ot que prins que bruslés jus- 
ques à seize vaisseaulx, et furent les Anglois moult 
esbahis de ceste perte. Si se sarrèrent tous ensemble, 
à quatre heures firent voiles pour eulx en aller leur 
chemin, dont il fut grande léesse à l'ost du désempa- 
rement des Anglois de leur allée ; et ordonna le roi, et 
les seigneurs, du fait de l'Escluse grandement, pour 
crainte du retour des Anglois. 



LUI. Comment le duc de Bourbon retint en son service 
au gouvernement de ses pays^ le sire de Norris. 

Avoir ordonné le roi de France la garde de FEscIuse, 
se partit avec ses oncles, et s'en vint à Paris, ou de 
nouvel estoit sourse une conjuroison, rébellion, et 
murmure contre les nobles, et aussi estoit elle en 



LE SIRE DE NORRIS 1 61 

Flandres pareillement. Mais, en celle de France, le roi 
se porta par manière que, la Dieu merci, elle ne vint 
point avant, et la murmure pacifiée, estant le roi à 
Paris fit de grans ordonnances, et les ducs ses oncles 
de Berry et de Bourgongne, lesquels ordonnèrent Tes- 
tât du roi se grandement tenir, et cellui de son frère, 
le duc d'Orléans, qui estoit jeune, raisonnablement. 
Et oultre ordonnèrent que le duc Loys de Bourbon 
auroit la garde de la personne du roi, sans s'en bouger, 
comme grant chamberier et per de France qu'il estoit ; 
et eulx auroient le régiment du royaume, et des 
finances, après la personne du roi, et là establirent 
les pensions, selon que chascun devoit avoir. Et après 
icelles ordonnances voyant le duc de Bourbon qu'il le 
falloit remanoir et entendre à la garde du roi, se pensa 
de mectre ordonnance en ses pays, et que ad ce con- 
venoit ung chevalier saige, qui représentast sa per- 
sonne au gouvernement de ses pays, et en imaginant 
ad ce dit le duc de Bourbon aux gens de son conseil : 
€ J'ai trop fort oï louer ung chevalier de Nivernois 
c apellé le ^re de Norris, et suis informé qu'il est bel 
c chevalier, preudhomme et moult saige, et en ai oui 
c dire beaucoup de biens au seigneur de Mesonconte, et 
c au sire de Montmort . » Et dit le duc de Bourbon au sire 
de Montmort : c II est ton voisin, je te vueil envoyer 
c là, affin qu'il viengne parler à moi, car je désire 
< moult de le voir. > Si respondit Montmort : c Mon- 
c seigneur, je suis prest à faire ce qu'il vous plaira me 
c commander. » Lors se partit le sire de Montmort, 
vint en Nivernois, et relata au sire de Norris ce que 
il avoit sentu du duc de Bourbon son seigneur, et 
avec Montmort alla voulentiers le sire de Norris à 

11 



162 



LIEUTENANT DU DUC LOYS. 



Paris au duc de Bourbon, pour les grans biens qu'il ot 
oï dire de lui. Le sire de Norris estant à Paris [lui fit 
touchier aucuns fais le duc de Bourbon par aucuns de 
ses chevaliers, et les raisons pourquoi le duc Tavoit 
envoyé quérir; mais non obstant ce les lui voult dire 
le duc de sa bouche, et lui dit^] : < Sire de Norris, pour 
le sens et preudhonunie de vous, je vous ai envoyé 
querre, pour vous bailler le gouvernement de mes 
pays, ou j'ai bien besoing d'un bon gouverneur. » 
Âd ce respondit le sire de Norris. < Monseigneur, 
ceulx qui vous ont parlé de mon sens, ils en sont 
mal informés : mais quant à preudhomie, je voul- 
droie toujours estre preudhomme, et croi bien que 
le petit fait qui est mien, je le gouverne à mon 
povoir, le plus léaulment que je puis : mais à vos 
fais qui sont si grans, ce me seroit trop grant charge : 
car je me doubte que je ne la seusse mie bien faire. > 
Adonc lui dit le duc de Bourbon : < Sire de Norris, si 
ferez bien, car je me confie tant en vostre sens, 
loyaulté et preudhonunie que vous en viendrez 
bien à chef. Et j'ai de par delà deux ou trois loyaubc 
officiers, qui sont preud'hommes, et qui bien vous 
serviront, et vous monstreront tout Testât de mon 
pays. > Ainsi retint le duc de Bourbon le sire de 
Norris, qui fit au duc le sèrement, et l'envoya le duc 
en son pais. Si orrez ci après les belles ordonnances 
que fit le sire de Norris lui estant ou pais de Bourbon- 



nois. 



1. Ce passage manque tout entier dans Timprimô p. 202, et dans 
le ms. de Paris (fol. 62 r«). 



SON ADMINISTRATION EN BOURBONNAIS 1 63 



LIV. Comment le sire de Norris exploicta au service du 

duc de Bourbon, et qu'il fit. 

Messire Pierre de Norris, quant il fut à Molins, print 
le gouvernement en sa main comme le duc lui avoit 
enchargié et la première ordonnance qu'il fit si fut que 
toutes les finances du duc de Bourbon se recueillissent 
par un homme tout seul , et ad ce faire mit le sire de Nor- 
ris Lorin de Pierrepont qui estoit ung preudbomme, et 
qui savoit les coustumes des pays, et qui loyaulment 
avoit servi le duc. Et ordonna le sire de Norris en la 
chambre des comptes ung qui avoit bonne mémoire 
appelle Gaiget, et qu'il eust ung clerc avec lui, et estoit 
cellui Gaiget un moult subtil homme, et bon coustu- 
mier. Et par ces ordonnances que le sire de Norris fit, 
les finances du duc de Bourbon estoient tous jours 
ensemble. Et après que le sire de Norris ot mis le 
pals en bonne ordonnance, tant sur les finances que 
sur la justice, il fit [cloure Yillefranche en Bourbon- 
nois, qui estoit une belle ville sans closure, qui fut 
grant prouffît ou païs. Et aussi fit fermer Feurs en 
Forez, qui estoit une grosse ville marchande sans cloi- 
sure, et par les façons et manières qu'il savoit trouver, 
il ne coustoit riens au duc de Bourbon, et estoit au gré 
du peuple, car il se faisoit amer de tous gens. Et avec 
ce, estoit large du sien, et vivoit grandement et tenoit 
moult bonne table. Et aussi fit ^] commencier le chastel de 
Montluçon, et vousdi bien que avant qu'ilôt demeuré 



1. Lacune par bourdon, dans l'imprimé et dans le ms. G, res- 
tituée d'après les mss. A et B. 



1 64 ET EN BEAUYOISIS. 

neuf ans ou service du duc de Bourbon, le sire de Norris 
trouva voie et manière que son maistre, le duc de 
Bourbon, ot Ghastel-Ghinon, ung des beaulx chasteaulx 
de la duchié de Bourgongne, et vault bien v ou vi" 
livres de rente, et en récompensation fut baillé à la 
roine Blanche Créel, qui ne valoit de prise que m^ 
livres de rente, laquelle le vendit au roi. Item fit recou- 
vrer le sire de Norris la terre de Gombraiihe qui valloit 
ti^ livres de rente ; laquelle avoit acheptée messire 
Pierre de Giac, chancelier de France, et avoit esté 
vendue ladicte terre jadis pour le mariage de la roine 
de France et du Dauphin de Viennois, lequel chance- 
lier en avoit baillé vingt cinq mil francs d'or. Si trouva 
voie et manière le sire de Norris que les gens de Bour- 
bonnois furent contens de payer la dicte finance au 
chancelier, et par ainsi Teut quitte le duc de Bourbon 
son maistre qui fut bien servi. Et pendant tous ces ser- 
vices fut la grant rumour commencée de ceulx de 
Flandres, et une partie de ceulx de France, que encores 
le roi n'avoit mie bien peu appaiser. Et pour ce que le 
duc de Bourbon fut plus asseur à la garde et personne 
du roi ou il estoit, manda au sire de Norris qu'il lui 
envoyast les nobles de son païs, armés et montés, et 
ceux qui en feroient refus, qu'il les pugnist. Si le fit le 
sire de Norris, et les mena au duc lui mesme, conune 
cellui qui vouloit estre en la bataille, si point on en 
faisoit. Et quant le sire de Norris fut à Paris, le duc 
de Bourbon lui dit qu'il avoit faite bonne diligence de 
lui amener ses gens, c mais quant est de vous qui 
c estes ici, je en sui bien liés, car on m'a tant rapporté 
c en bien de vos œuvres, qu'il m'en est moult bel. 
€ Gependant de présent vous ne pouvez venir avec- 



SÉDITIONS EN BEAUYOISIS. 



165 



ques moi, car j'ai sentu une grant rumour qu'il y a 
à Glermont en Beauvoisin, ou en celle part convient 
que vous alliez, et que vous prengniez de mes gens 
pour estre bien accompaigné xxv ou trente, car 
vous savez que ceulx de Beauvoisin sont voulen- 
tiers coustumiers de faire mal et mouvoir quelque 
rébellion, et voyez que ceste ville de Paris se mur- 
mure en tout mal, et ont jà les Flamens chacié leur 
seigneur le conte, qui est bien taillé de tout perdre, 
se le roi ne se haste de l'aller secourir. Et sont alliés 
ceulx de Flandres ensemble ceulx de Paris, qui est 
commune renommée. > Et sur ce s'en alla le sire de 
Norris par le commandement de son maistre en Beau- 
voisin, à grant regret de le laisser, qui par son sens 
apaisa les gens d'icelle contrée, et tant par justice 
comme par doulces paroles, les mit en la bonne grâce 
et obéissance du duc de Bourbon leur seigneur. 



LV. Comment le roi de France emprint le voyaige 

d'aller en Flandres. 

L'an courant mil trois cens quatre vingts et trois 
n'estoit mie acomplie encores, que une conjuroison 
s'estoit meue en Flandres, des communes contre leur 
seigneur le conte, et la meute fut telle. Car les maires 
et eschevins des villes ayans la garde des privilèges 
de leurs franchises, monstroient comme le conte Loys 
leur seigneur les fouloit et oppressoit en ce cas, et ne 
les laissoit jouir des coustumes ordinaires et acoustu- 
mées, dont ils usoient, mais les avoit rompues et 
mises au néant, comme ils disoient, et que tout deb- 
voit estre sien, et vouloit que de lui eussent les lois et 



1 66 GUERRE 

coustumes qu'ils debvoient maintenir, et toute la 
police de justice vouloit le conte que de lui fust exer^ 
cée» en y mettant ses officiers, pour quoi moult grief 
sembloit aux communes qui acoustumé avoient à vivre 
par loi de ville, et estre subjects à leur seigneur par 
raison ; et pour ce sentans estre trop aggravez de sa 
maie seigneurie, se rebellèrent tous à une voix contre 
ui, et le gectèrent hors du conté, en eslisant ung de 
eurs complices à les soubstenir appelle Jacques^ d'Ar- 
evelle, en lui disant : c Le conte Loys a aigrement 
prins envers nous aatine' de nous suppéditer et 
tenir en servaige ; dont il lui meut, nous le savons : 
il a jà sa fille mariée en France ; pour quoi bon est 
d'aviser comment nous nous gouvernerons, car, sans 
failUr, le conte est allé là. » Auxquels respondit 
acques : c Pour tant que nous soyons d'accort, nous 
sommes assez puissants de résister contre lui. Dé- 
fendons nous de ceux qui encontre nous viendront, 
et je suis cellui qui, de bon cœur, emprens la 
charge et Toffice de vous defifendre et garder à mon 
povoir. » Âdonc toutes les villes de Flandres ordon- 
nèrent leurs dixainiers à lever tailles, garnir leurs 
villes, et mettre sus une grosse gent sur les champs, 
pour combattre quiconque les viendroit assaillir. Et en 
tant que les Flamens se mettoient en point, le conte 
Loys, leur seigneur deschacié par eulx, se partit du 
pays, s'en passa en Artois, et alla à Hesdin, cuidant 
trouver le duc Phelippe de Bourgongne, qui avoit sa 
fille pour femme. Si lui fut dit qu'il estoit vers le roi à 



1. Non pas Jacques, mais Philippe, son Qls. 

2. Lutte, combat, du verbe aatir. 



DE FLANDRES. 



167 



Paris. Âdonc y alla le conte, ou il trouva le roi et le 
duc de Bourgongne, son fils, ausquels il dit : c Mon 
€ souverain et très redoubté seigneur, monseigneur 
c le roi, la terre seigneurie et conté de Flandres qui 
c est mienne, je le tien de vous de fief et souveraineté, 
c dont à cause de ce je suis per de France, et le doyen 
c des pers qui est ici, vostre oncle, le duc de Bour- 
c gongne, a espousé ma fille. Or est ainsi que les geifs 
c de mon païs se sont rebellés contre moi et m'ont 
c chacié dehors, non mie par ma coulpe, mais par la 
c leur, qui ne peuvent souffrir aisé : ils sont si riches 
c et plains que rien ne peuvent endurer. Et m'est 
€ advis que s'ils avoient grant povoir, puis qu'ils m'ont 
€ gecté du païs, ils s'efforceroient à en gecter d'autres, 
c et oonquester leurs terres. Pour quoi mon souve- 
c rain et redoubté seigneur, je suis venu à vous et à 
c vostre oncle, mon fils, à reffuge, que vous doiez 
€ remédier ad ce, et me remectre en ma seigneurie, 
c conune doibt bon seigneur faire à son loyal vassal. > 
Si prinst à l'heure la parole le duc de Bourgongne et 
dit au roi : c Monseigneur, mon beau père de Flandres 
c dit bien ; mandez vos gens et allons combattre celle 
c villenaille. » — c Vous avez raison, beauhc oncle, 
c dit le roi, et pour ce que plus tost nous suivent, 
c demain nous en irons d'ici, et tirerons en Flandres. > 
Celle nuit mesmes manda le roi de France ses lettres 
à ses gens d'armes, qui en plusieurs parties se tenoient 
auprès de lui, qu'ils le suivissent, et que tous se trou- 
vassent ensemble au pont de GonuninesS à la rivière 



1. A 13 kil. N. de Lille, sur la Lys, qui la traverse par le 
milieu, et sépare la France (rive droite) de la Belgique. 



1 68 COMBAT DU POIO* DE GOMMINES 

par ou Ton entre en Flandres. Ainsi donc, quant tous 
les capitaines oïrent ce dire , se hastèrent fort pour 
aller devers lui. C'est assavoir le maréchal de San* 
cerre qui avoit belle compaignie plus de vi^ hommes 
d'armeSy le sire de Clisson, conestable de France qui 
avoit grant gent, le sire de Sempy, le sire de Saveuse, 
le sire de Renty, le sire d'Âussy, le sire de Fosseux, 
et le sire de Longue val, tous de Picardie, et mains autres 
capitaines, tant que le roi ot bien six mil hommes 
d'armes, lequel estoit lougié en ses tentes au long 
d'icelle rivière, près du pont de Gommines, et le duc 
de Bourgongne et le conte de Flandres estoient avec la 
personne du roi, et le duc de Bourbon à grant gent au 
plus près, et son commun estoit lougié au pont de 
Gommines avec l'Evesque de Langres, qui fut «moult 
vaillant homme, et avoit belle compaigm'e. Et pendant 
cela icellui Jaques d'Artevelle dessusdict, conduiseur 
de la commune de Flandres à rencontre de son sei- 
gneur, manda ung de ses séquaces, appelle Piètre du 
Bos, louger devers eulx, au bout du pont de Gommines, 
afin que les François ne le peussent passer ; et avec 
Piètre estoient bien dix mil hommes. Mais celle nuit 
il advint, comme le mareschal de Sancerre estoit lou- 
gié sur la rivière, que ses gens, qui n'estoient point 
oiseux, trouvèrent ung bon honune qui leur enseigna 
jusques à trois petis vaisseaulx, estans en l'eaue enfon- 
drés. Si les fit tirer de l'eaue le mareschal, et passer 
ses gens toute la nuit, bien six cens hommes d'armes, 
et à l'aube du jour alla férir aux Flamens que condui- 
soit Piètre du Bos, qui entendoient à la garde du pont, 
et de ce ne se prenoient garde. Et les gens du duc de 
Bourbon, dont estoit chevetaine messire Robert de 



SUR LA LYS. 169 

Ghasius, ensemble messire Gaulchier de Passac, mes- 
sire Jehan de Ghastelmorand, le sire de Sainct-Priest, 
le petit mareschal, messire Bouciquault, messire Robert 
deDamasetaultres, avecTévesquedeLangres, del'hos- 
tel de Rougemont, qui tous estoient armés , sa voient 
l'emprise du mareschal. A Theure que Je mareschal 
férit aux Flamens, ceulx de Bourbon baissèrent leur 
pont qu'ils gardoient, et se férirent ens de l'autre lez, 
qui bien estoient six cens hommes d'armes, et à celle 
empainte les férirent tellement que des Flamens en y 
otbien noyés deux mil et quatre mil mors, tant en 
ung pré ou estoit le mareschal de Sancerre, que sur 
le pont, par l'effort des gens du duc de Bourbon, du 
bon mareschal, et de l'évesque de Langres ; et s'enfuit 
Piètre du Bos, à tout quatre mil hommes seulement, 
vers Jaques d'ArtevelIe son capitaine, tout débaresté. 
Si furent portées les nouvelles au roi de France, au duc 
de Bourgogne, au duc de Bourbon, et au conte Loys, 
en leurs tentes, qui en furent moult liés, et louèrent 
Dieu de si bon commencement. 

LVI. Comment par le bon advis du duc de Bourbon et 
du sire de Coud, le roi de France ot la bataille contre 
les Flamens en Rosebecque. 

Le roi Gharles de France, qui ot sceu comment ses 
gens orent besongné la nuit passée contre les Flamens, 
s'esjoït moult; et pour ce l'en de main se deslougea 
du lieu où il estoit, et avec toutes ses gens passa le 
pont de Gommines, et s'en alla devant Ypres, lesquels 
lui firent ouverture et fut lougié le roi dedans Ypres, 
et son host à l'entour. Estant le roi à Ypres fit mes- 



1 70 BATAILLE 

sire Guillaume de Neullac une emprise, ensemble les 
gens du duc de Bourbon, ou estoient mcssire Gaulcher 
de Passac, messire Blain Loup, mareschal de Bour- 
bonnois, messire Jehan de Ghastelmorand, et messire 
Guichard son frère, le sire de Sainct Priest, le petit 
mareschal messire Jehan de Sainct Priest, messire 
Robert de Damas, messire Robert de Vendat, messire 
Ouldrai de la Fourest, messire Pierre de Fontenay, 
Michaille, Guyon Gouffîer, Tachon de Glené, et mains 
autres de chevaucher toute la nuit pour aller courre 
une ville, qui de rien ne se prenoit garde, ou il n'avoit 
que cinq lieues, et nommoit-on la ville Poperingues. 
Si arrivèrent là Neullac et les Bourbonnois une heure 
après mi-nuit, et trouvèrent le guet d'icelle ville qui 
gardoit la barrière. Si allèrent les compaignons férir 
baudement parmi le guet, que bien en tuèrent la moic- 
tié, et le remenant s'en fouit, et en y ot bien mors, que 
du guet que de ceulx de la ville, qui fut'courue, quatre 
mil personnes, et furent tous riches des joyaulx des 
femmes, de vaisselle d'argent, de draperie et d'autres 
biens qu'ils y trouvèrent, que ce fut merveilles. Si s'en 
repairèrent arrières, à tout le gain, devers le roi qui 
leur fît bonne chière, et l'en de main d'Ypres se des- 
lougea le roi pour tirer vers Bruges, mais il ne fut que 
trois lieues loing es plaines de Rosebecque, que Jacques 
d'Ârtevelle ; qui bien savoit sa venue, ne fust en hault, 
en la montagne de Rosebecque, à tout quarante mil 
hommes d'armes. Ce voyant les François, comme les 
communes s'aprestoient pour eulx combatre, rangiè- 
rent leurs batailles, et se mirent en bonne ordonnance, 
dont ils en firent trois : en l'avant-garde estoient le cone&- 
table de France, Glisson, et le mareschal de Sancerre, 



DE R08EBEGQUE. 471 

bien acompaignés de bonne gent ; et en la bataille du roi 
qui estoit en la main dextre, furent ordonnés pour sa 
garde les ducs de Boui^ongne et de Berry, et le conte 
Loys avec leurs gens ; et à la tierce estoient le duc de 
Bourbon et le sire de Gouci, à belle compaignie, bien 
entalentés de bien faire. Mais quant les batailles furent 
arrangées pour combatre les Flamens, dit le duc de 
Bourbon au sire de Gouci : c Beau cousin, véez ci le 
€ conestable et les mareschaulx qui sont devant : nous 
c ne pouvons aller assaillir nos ennemis se non parmi 
€ eulx, qui est une chose bien merveilleuse, i Lors 
dit Gouci : c Monseigneur, vous dictes bien vrai ! Et me 
c semble que se nous allions entre la bataille du roi, 
c à manière d'une aile, et prinssions la montaigne, 
c nous ferions aujourd'hui une belle journée, au plai- 
< sir de Dieu. » Adonc dit le duc de Bourbon : c Beau 
cousin, c'est bon ad vis. » Et lors la bannière du duc 
que portoit messire Robert de Damas se mit devant, et 
le duc de Bourbon et le sire de Gouci, à toutes leurs 
gens après, et allèrent tant qu'ils montèrent la mon- 
taigne au derrière de la bataille des Flamens, et pres- 
tement à grant poulséis de lances, à coups de haches et 
ferréis d'espées vinrent assembler parmi eulx, età cel- 
lui commencement les serrèrent tellement François 
qu'ils reculèrent Flamens en leur avant garde, laquelle 
se recula plus de six brasses. Mais pour ce que en 
Froissart on treuve la vaillance des adurés chevaliers, 
escuyers, et leurs noms, tant du roi, comme des sei- 
gneurs les ducs ses oncles, ensuivant du conestable et 
des mareschaulx, et du sire de Gouci, qui à là besongne 
vaillamment se portèrent, n'est jà besoing que plus en 
die. Mais à venir au duc Loys de Bourbon, de qui 



1 72 BATAILLE 

ceste cronicque est faicte, sont à nommer aucuns qui 
avec lui estoient en cellui chambel : messire Guy, sire 
de Cousant, messire Hugues de Ghastellus, sire de Ghas- 
telmorand, ensemble ses fils Guichard et Jehan, che- 
valiers, messire Le Barrois, messire Robert de Ghaslus, 
messire Blain Loup, mareschal de Bourbonnois, 
Bliombéris son frère, le sire de Sainct Priest, messire 
Gaulchier de Passac, messire Boucicault, THermite de 
la Paye, Robinet de Yendat, et Oudrai de la Fourest, 
chevaliers, messire Robert de Damas, qui tenoit la ban- 
nière, messire Regnault de Bressolles, le sire de la 
Fayette, le sire de Ghaugi, et escuyers, Guichard Le 
Brun, Michaille, Guyon Gouffier, Perrin d'Ussel, Ta- 
chon de Glené, le bastart de Glarains, Phelippe 
Beraud, BaudequinMeschin, et autres en bon nombre, 
qui felonnessement faisoient aux Flamens accoinc- 
tance, et si bien au pougnéïs se contenoient, qu'il n'y 
avoit que redire. Ore doncques le duc de Bourbon et 
le sire de Gouci qui à toutes leurs gens envahirent les 
Flamens par derrière sur le mont de Rosebecque, aigre- 
ment se contindrent à l'assembler : mainte lance y ot 
brisiée, et maint haulbert rompu, et faulsé. Là peust 
on voir maint homme verser, et testes casser, et des- 
rompre heaulmes, poings couper, et voler enuni le 
champ. De moult grant force se combatoient François 
et Flamens, et y fit le duc de Bourbon merveilles 
d'armes : d'une hache qu'il tenoit il feroit à dextre et 
à senestre Flamens, et qui il assénoit, jà ne le sceust 
on relever. Et tant se plongea entre Flamens le vail- 
lant prince, qu'il fut rué par terre et blecié, mais tost 
fut secouru par les bons chevaliers et escuyers dessus 
nommés, et autres qui se peinèrent de le redrecier en 



DE ROSEBEGQUE. 173 

soubstenant le fais et ociant Flamens. Si fut f élevé le 
bon duc par le sire de Ghastelmorand et Michaille, et 
de rechief, plus fièrement se remist en la bataille. Et 
qui là véïst le sire de Gouci desrompre la presse et 
abattre Flamens, les occire et destrancher, il lui peust 
remembrer de vaillant chevalier. Et là tant firent les 
deux seigneurs par l'effort de leurs gens qui vigoureu- 
sement se combatoient, que leurs ennemis tournèrent 
en fouie, lesquels s'estoient tenus au plus asprement 
qu'ils peurent. Si en firent grant occision, et tant en y 
avoit que les ungs destourboient les autres à fouir. Si 
fut le capitaine Jacques d'Ârtevelle mort, et sa ban- 
nière abatue, que portoit une femme armée, appellée 
la grant Margot, qui illec demoura morte. Et fut com- 
mune renommée que par le duc de Bourbon et le sire 
de Gouci, à l'aide de leurs gens, la bataille fut gaignée 
contre Flamens, pour ce qu'ils les avoient enchassiés 
hardiement par derrière. Et à celte bataille, sur le 
mont de Rosebecque, furent mors de Flamens de seize 
à dix-huit mil, et le "demeurant s'en fuyoit. Et quant 
les seigneurs de Bourbon et de Gouci et leurs gens 
orent assez occis de Flamens, ^et oultrée la batailhe, ils 
firent venir leurs chevaulx, sur lesquels eulx et leurs 
gens montèrent hastivement, et coururent après en la 
chasse, et en tuèrent bien ii"' en chassant, et mil qui 
furent noyez en ung estang ; et chassèrent tant oultre 
le duc et Gouci qu'ils attaindrent Piètre du Bos, qui 
estoit en ung petit bosquet àbien trois mil hommes. 
Et là lui coururent sus, et l'envahirent aigrement ; et 
Piètre du Bos et ses gens Flamens se vendoient chiè- 
rement, et se defiendoient hardiement, pour la con- 
fiance du lieu où ils esloient. Gelle meslée fut aspre et 



1 74 PRISE DE œURTRAI. 

griefve : car les seigneurs de Bourbon et Gouci, en- 
semble leurs gens, s'effbrceoient de les gecter hors du 
bosquet, et ad ce faire plus s'entremettoient pour ce 
qu'ils orent desconfi plus de gens sur le mont de 
Rosebecque. Et tant vaillamment s'embatirent qu'ils 
les gectèrent à force du bosquet, et en orent le meil- 
leur. Et là, pour ce que Piètre du Bos fut tué, per- 
dirent les Flamens leur vertu, et furent si plains de 
paour, que oncques puis n'y ot coup féru de par eulx, 
ains furent là^ que mors que pris, quatre mil hommes, 
et n'y perdit le duc de Bourbon que trois des siens qui 
furent mors, et Michaille griefvement blecié. Et à l'heure 
que le duc de Bourbon s'en repairoit de celle besongne 
avec le sire de Gouci, lui vint le bastart de Flandres 
au devant, en criant; c Ha! monseigneur de Bourbon, 
c le remanant des Flamens qui sont eschappés s'en 
c vont à Gourtrai, baillez-moi de vos gens, et les 
c poursuivrons! > Adonc, dit le duc de Bourbon, 
c messire Jehan de Ghastelmorand, prenez mon en- 
c seigne, et vous tels et tels (comme il disoit,) allez 
c après. » Si se mirent à la poursuite ses gens ensemble 
le bastard ; et le duc de Bourbon et le sire de Gouci 
s'en tournèrent devers le roi, qui estoit en sa bataille, 
au pied de Rosebecque, lequel de joyeulx vouloir 
accola les seigneurs de Bourbon et de Gouci, en louant 
Dieu de la victoire que par eulx et leurs gens il lui 
avoit donnée. Et les gens des seigneurs de Bourbon et 
de Gouci chevauchèrent vistement après Flamens, dont 
ils trouvèrent grans routes parles chemins, sien tuèrent 
assez, et entrèrent en Gourtrai François et Flamens en- 
semble, et prinrent les gens du duc de Bourbon, après 
l'occision faite, la grant rue du Pont, où estoient les 



CHARLES VI A GOURTRAI. 1 75 

plus belles maisons de la ville, ou ils se lougèrent, et 
gaignèrent moult de biens, et envoyèrent dire au duc de 
Bourbon, leur seigneur, ce que avoient fait, dont il 
fut très-joyeulx, et leur manda le duc que ne se meus- 
sent de là où ils estoient, et ainsi le firent ; car avec la 
victoire de la bataille, le duc de Bourbon ot le bruit 
d'avoir prins Gourtrai, et trouva son logis grandement 
fourni quant il y vint. Et l'en de main vint le roi Charles 
à Gourtrai, et le duc de Bourgongne et son beau-père 
de Flandres, aussi le duc de Bourbon, qui trouva son 
logis bien fait, et grand foison de vivres. Et demeura le 
roi de France deux jours à Gourtrai, ou l'en trouva au 
beffroi de la ville trois cens espérons dorés des che- 
valiers du conte de Valois que Flamens avoient tués. 
Et sur ce ot on grand conseil de abatre la ville. Mais le 
duc de Bourgongne pria que non, car c'estoit l'une des 
bonnes villes de Flandres, et n'en povoient mais ceulx 
qui là demouroient. Adonc les ambassadeurs des com- 
munes de Flandres, selon leurs villes, vindrent requé- 
rir à- leur seigneur, le conte Loys, merci de leur forfait 
en la présence du roi, qui le pacifiia à son peuple, et 
le remit en sa plaine seigneurie. 



LVU. Comme le roi, à son retour de Flandres, entra à 
Paris, ou premier entra le duc de Bourbon. 

L'an renouvelle que l'en comptpit mil in^ mi" m ans 
le roi de France, après la bataille de Rosebecque en 
Flandres, et avoir restitué le conte de Flandres son 
vassal en sa seigneurie entière, se partit du païs, en- 
semble le duc de Bourbon à toutes leurs gens, et dbe- 



1 76 RENTRÉE DE CHARLES VI 

vaucha le roi liement par ses journées, tant qu'il s'en vint 
devant Paris, pour cause de la rébellion ; et le duc de 
Bourgongne, avec son beau père le conte et sa corn- 
paignie, s'en allèrent à Bruges, pour faire mettre la 
ville en point. Si fut le roi en belle bataille devant sa 
cité de Paris, et avoit doubte d'entrer dedans, car il y 
avoit encores en la ville bien dix huit mille harnois 
poiu» s'armer encontre lui. Si fut ordonné que le duc 
de Bourbon y entreroit le premier, à tout huit cens 
hommes d'armes, pour ce qu'il estoit aimé de ceulx de 
la ville, et y ecitra le duc, à avant-garde, à belle 
bataille et arrière - garde ; et oultre envoya le duc 
certaines gens par les carrefours de la ville, pour quoi 
il n'y eust point de assemblée. Et s'en alla tout droit le 
duc de Bourbon au palais en celle manière, et puis au 
Louvre, ou il mit gens, et pareillement à la Bastille 
Saint Anthoine, et les bonnes gens s'agenoilloient 
devant le duc de Bourbon, comme devant Dieu, de 
quoi il avoit grant pitié. Ainsi s'en retourna le duc de 
Bourbon devers le roi, et lui dit : € Sire, entrez en 
c Paris, votre bonne ville, quant il vous plaira, car 
€ on vous y verra voulentiers, et s'il y a dix ou douze 
c qui aient mal fait, les autres n'en peuvent mais. » 
Alors se mit le duc de Bourbon devant, en l'ordon- 
nance comme il estoit entré premièrement, et le roi 
après, en belle bataille, qui ala descendre au Palais, et 
le duc de Bourbon passa oultre, avec ses gens en la 
cité, pour savoir s'il y avoit riens mal mis ; et celle 
nuit, on ordonna certains capitaines, pour aller toute 
nuit, parmi la ville, à trois cens hommes d'armes. Lres 
trois capitaines furent Le lïallois d'Âunay, Ghastelmo- 
rand, et Le Barrois, qui firent le guet celle nuit. Et en 



A PARIS. 177 

partant du palais, ou ils avoient assemblé leui^ guet, 
venant à Ghastellet, et de Ghastellet allant à Sainct 
Paul, furent chiez Cudoe, ou il avoit entré deux 
ribaulx bretons. Si oïrent femmes lesquelles crioient 
léans : à la mort ! Ce oyant le guet descendirent , et 
entrèrent ens, et furent prins les deux ribaulx chaînés 
de robes de fenmies, d'ai^ent, et de joyaulx, par espé- 
cial Tung, car l'autre n'avoit point fait de mal, conmie 
les fenmies le disoient : et cellui qui estoit chargé de 
robes. Le Gallois d'Aunai, Ghastelmorand et Le Bar- 
rois le pendirent aux croisées^ de la fenestre, et à 
Tautre couppèrent Toreille et Ten envoyèrent; et 
demoura le ribaud pendu deux jours, et le venoit 
chascun voir, disant que c' estoit la plus belle justice 
qu'ils eussent pieça veu faire à gens d'armes. Et s'en 
allèrent les capitaines vers Saint-Paul, et vers la Bas- 
tille Saint Anthoine, et s'en retournèrent vers Sains 
Innocens, et en la grant rue Saint Denis. Là, leurs 
valets, qui alloient devant, trouvèrent ung valet, qui 
avoit desrobé une mercière de chapeaulx, de bien 
deux cens livres de joyaulx. Si fut prins le malfaio- 
teur, et les joyaulx sur lui, et estoit le ribaud à la Gal- 
lée, et le trouvèrent saisi Ghastelmorand, Le Barrois, et 
Le Gallois d'Aunai, et eulx-mesmes le pendirent celle 
nuit à l'eschielle du Temple, où il pendit trois jours ; et 
fut le bruit si grant par Paris, de la justice que on 
avoit faite, que c'estoit merveilles. Et fut l'en de 
main ordonné, en quelle part l'en trouvast ribaux 
faisans mal, que on les pendist tantost en la place, 
sans les mener au gibet. 

1. Gonures, nu. A. — Genores, nu. B. 

12 



178 DÉS ARMEMEIfr DE PARIS. 



LYIII. Comment les armeures de Paris furent portées 
au Louvre^par le commandement du roi^ et qui les 
receut; et comment le duc de Bourbon parla au sire 
de Norris beaulx mots. 

Pour ce que plus asseur iust le roi de France en sa 
ville de Paris, et que les habitants n'eussent cause 
d'eulx esmouvoir à faire conjuroisons, et eulx rebeller, 
fut, de par le roi, crié après son retour de Flandres, 
que tout honune qui auroit harnois, Tapportast au 
Louvre, sur peine d'estre faubc et traistre envers le 
roi. Et l'en de main que la criée eust esté faite. Le 
Barrois, Ghastelmorand, et Le Gallois d'Aunai, furent 
au disner du roi, qui loua moult ce qu'ils avoient fait, 
et leur donna à eulx trois le roi, sur les forfaitures, 
mil et cinq cens frans d'or, et leur pria le roi qu'ils 
allassent au Louvre, voir à recepvoir les harnois, et 
qu'ils en sceussent le nombre. Lesquels y allèrent, et 
y furent deux jours, par le commandement du roi. 
Si vous certiffie que dedans trois jours ot apporté 
au Louvre quinze mille harnois à armer, sans les 
mécomptes. Et, en tant que on recepvoit ces 
armeures, furent faites les informations de ceux qui 
estoient consentans de la rébellion, lesquels on fit 
trainer parmi Paris, et trancher les testes jusques à 
douze ; et fut monstre au roi et dit qui tailleroit les 
testes à tous les defiaillans, qu'il y en aroit trop ; et 
dirent ceulx des finances, qu'il valloit mieulx que le 
roi fist une composicion pour la despence que il ot 
faite en Flandres , que plus procéder oultre en cas 



NORRIS ET LE DUC DE BOURBON. 1 79 

criminel. Si creut le roi le conseil , et fut la compo* 
sicion de deux cens mil frans d'or, et donna le roi 
congié pour celle fois aux gens d'armes. Et le sire de 
Norris qui sceut que le duc de Bourbon estoit à Paris, 
se partit de Glermont, et alla vers lui, et se acom- 
plaignit fort au duc de ce qu'il lui a\oit fait perdre 
celle belle journée de Flandres, c Ne vous chaille, i si 
dit le duc de Bourbon, € vous en serez en des autres ! 
c Et je avoie bien besoing de vous, là où vous estes 
c allé. > Et lui demanda le duc, comme se portoit Beau- 
voisin : c Bien, Monseigneur, > ce dit Norris, c et je vous 
c y ai acquis vi^ livres de rente que ne vous a riens 
< cousté, c'est assavoir laHérelle ; et ai commencié ung 
c estang, qui ne sera mie moins grant de Gouvieulx, 
c mais qu'il soit achevé. » Si fut le duc moult joyeulx, et 
pria au sire de Norris qu'il s'en allast bastant en Bour* 
bonnois, et que amassast argent à desroi : car le roi qui 
avoit fait tant de choses, espéroit en faire de plus 
grandes. Si se partit le sire de Norris, vint en Bout- 
bonnois, en son office, et le duc demoura à Paris à la 
garde de la personne du roi, comme il y estoit commis. 



LIX. Comment le duc Phelippe de Bourgongne emprinst 

lepassaige d'Angleterre. 

Charles, roi de France, et Loys duc d'Orléans, frères, 
qui estoient deux jeunes princes en cellui temps, se 
donnoient liesse et joie de la victoire que contre les 
Flamens avoient eue ; et, en Paris la cité, à l'esglise 
cathédral, au Palais, et en la Sainte-Chapelle, pour 
icelle victoire, le roi et les princes du sang royal firent 



4 80 PROSPÉRITÉ DE LA FRANCE. 

à Dieu oraisons, offrandes et louanges , ensuivant à 
Saint-Denis, ou gisent les corps des très crestiens rois 
de France. Et non obstant ce que le roi fust de jeune 
aaige, lui et les bien advisés princes les seigneurs ducs, 
ses oncles, Berry, Bourgongne et Bourbon , avoient 
ordonné si sain et meur conseil, tant en la court de 
parlement, comme es poestés des offices du royaume, 
aussi es refformacions, pour quoi la chose publicque 
estoit bien gouvernée, et aussi se contentoient moult 
le roi et les seigneurs de Dieu et de la paix que par sa 
grâce leur avoit envoyée, véu que, moyennant ton 
aide , estoient deschassés , et comme du tout hors du 
royaume, les Anglois, leurs ennemis anciens; et, 
conmie il apparut après, aux estats, qu'ils prindrent à 
amenuer, leur sembloit que fortune leur feust comme 
mère et doulce en ses tours. Et en icelle prospérité, la 
gloire de France se contint Tespace de trois ans , ou 
de toutes pars venoient à regarder la majesté du roi, 
tant pour la renonmiée qui partout en voloit, comme 
pour venir à refiîige, et avoir secours de lui, pareille- 
ment les constitucions royales drois et ordonnances 
qui en son parlement se plaidoient, lesquelles ils 
voyoient voulentiers, et se gouvernoient en leurs 
terres selon icelles ; et les ambassadeurs qui en France 
venoient de maintes régions, pour le sens preudhom- 
mie et honneur qu'ils savoient au duc Loys de Bour- 
bon, se tiroient tous vers lui, car il avoit l'administra- 
tion et la garde de la personne du roy, lesquels il 
faisoit expédier selon leurs fais en brief, et moult se 
contentoient de sa parole. Durant icelle prospérité le 
duc Phelippe de Bourgongne, ce vaillant prince qui 
tant de belles choses emprinst, conmie la bataille 



PROJET DE DESCENTE EN ANGLETERRE. 



181 



de Flandres, et le fait de TEscluse, qui voyoit le roi de 
France, son nepveu, croistre, et avoir force etaaige 
d'homme, se recorda des conquestes prouesses et vail- 
lances que orent fait les jadis rois de France, en soubs- 
tenant leur droit, et, sur ce, ung jour entre les autres, 
à Paris, alla au Palais le duc de Bourgongne, où il y 
a voit moult de seigneurs qui estoient là, et commença à 
dire au roi : c Monseigneur, dit-il, les rois vos prédé- 
c cesseurs ont fait de belles choses maintes, tant en 
c accroissant le royaume, que en gardant et deffen- 
€ dant leur droit, et pour ce en ce temps dé paix que 
c nous avons, vous et nous de vostre sang, povons 
< faire amassement de gens d'armes et provisions, si 
c que nul ne nous offende. > Dont dit le roi au duc de 
Bourgongne : < Vous dictes bien, beaulx oncle, mais 
c pourquoi le dictes vous? i — c Monseigneur, i dit le 
duc, c je le vous dirai : Il me semble que ce n'est 
c point faits qui ne fait plus fort. Ces Anglois ont 
c guerroyé monseigneur vostre père, longuement, et 
€ VOUS, et ne font que passer souvent deçà , et ne 
c sont que pou de gens. Laissons ester toutes petites 
c emprises, et en soit faicte une telle qu'il en soit 
c mémoire perpétuelle ! Vous estes le plus grant roi 
c qui vive, et qui avez plus de gens, et me suis pencé 
c maintes fois pourquoi nous ne faisons une emprise 
c à passer en Angleterre pour abattre le grant orgueil 
c de ces Anglois. Et pour ceci faire, monseigneur, est 
c besoing mander à tous vos vassaulx et subjects qui 
c sont loyaulx serviteurs, et aussi à vos alliés et pen- 
c sionnaires, et premier le conte de Hainault, le duc 



1. Rien fait (ma. A) —point fort (ms. C). 



182 



PROJET DE DESGEIfTE 



de Juliers, le duc de Bretaigne, qui a une grande 
puissance, et vous viendra voulentiers servir, et 
vostre beau cousin le conte Âmé de Savoie, fils au 
conte Vert et de la sœur à beau cousin le duc de 
Bourbon, qui de joyeulx cueur vous servira. Et je 
me charge que, dedans demi-an, je ferai venir au 
port de TEscluse vaisseaulx pour passer dix mille 
hommes d*armes, mais, monseigneur il faut que 
vous mandez au hault l^aistre de Prusse , qui bien est 
vostre allié, qu'il vous envoie ce nombre qu'il pourra 
de vaisseaulx, et je sai bien que avec vous beau 
cousin de Hainault, et beau cousin de Bretaigne, en- 
semble la puissance de Flandres, nous ne faul- 
drons point. » Si fut ceste parole du duc de Bour- 
gongne au conseil du roi, moult bien oïe, et prinse 
en gré de tous vaillans chevaliers et preudhommes 
qui là estoient ; et dirent tous à une voix au roi : c Sire, 
c véez-ci une haulte trèsrhonorable et juste entre- 
€ prinse et moult vaillant, comme vous a dit monsei- 
c gneur de Bourgongne, et que, à l'aide de vous, se 
c peut mieulx faire par lui que par nul autre : car il 
c est ung hault et puissant prince, et est grant sei- 
c gneur sur la mer en la province de Flandres. > Et 
dit le conte de Tancarville au conseil qui parla après, 
qu'il lui sembloit bon que le roi et le duc de Bourgon- 
gne esleussent jusques à huit chevaliers pour mettre 
ceste besongne en bonne ordonnance, et qu'elle fust 
exécutée, et que on amassast toutes les finances du 
royaume pour ce conduire à effet, qui estoit ung des 
plus fors poins de la besongne, et fussent mises en 
mains seures, que point ne fussent despendues, se non 
en celle armée, et ouitre fut dit que le roi mandast 



VN ANGLETERRE. 1 83 

par tous pays que quiconque en armes en cellui voyaige 
le vouldroit servir, et prendre ses souldées, se traissist 
devers lui à l'Escluse, et là on le contenteroit plaine- 
ment : car il vouloit que partout on sceust que c'estoit 
pour passer et conquester Angleterre. Et prinst le roi 
de France terme de huit mois, et que tous ceulx de 
son mandement se trouvassent vers lui à TEscluse, 
comme il estoit ordonné. Et dirent les chevaliers au 
duc de Bourgongne, qu'il se traissist vers son pays de 
Flandres, pour assembler la navire, qui estoit le plus 
fort ; qui respondit au roi en son conseil, que bien se 
faisoit fort du navye, et d'une grant partie de gens, «et 
c vous, sire, et les autres qui ci demeurez, mectez dili- 
« gence, chascun selon son^fait, que, au jour nonuné, 
c on soit en point : car par de£fault de vaisseaulx, ne 
c demourera mie que le voyaige ne se accomplisse. » 
Ainsi fut emprise l'allée pour conquester Angleterre à 
passer oultre ; et se partit le duc Phelippe de Bour- 
gongne, pour aller en Flandres, et les ducs de Berry 
et Bourbon demeurèrent devers le roi, pour mectre 
le remenant en ordonnance, ensemble les huit cheva* 
liers, qui en conseil pour ce estoient esleus. Et en cellui 
conseil avoit esté dit que le duc de Berry auroit le 
gouvernement du royaume durant le voyaige, lequel 
dit, qu'il n'estoit bien mie content du remanoir, et 
que certes il iroit avec le roi à sa puissance, jusques à 
l'Escluse, en espérance d'aller en Angleterre. Le duc 
de Bourbon , qui estoit chevaleureux, et qui de loing 
pensoit à ses fais, manda au sire de Norris, qui gran-* 
dément gouvernoit ses besongnes, qu'il mist toutes 
ses finances ensemble, et oultre qu'il fîst amener pour 
ses garnisons à Paris deux cens tonneaubc de vin, et 



1 84 PROJET DE DESCENTE 

deux mil lars de la fourest de Tronçaie, et que toute 
ceste provision fust menée à Clermont en Beauvoisin , 
ou il prendrait les blés pour faire ses bescuys^ et au- 
tres deux cens tonneaulx de vin, et toute ceste ordon- 
nance manda le seigneur duc de Bourbon au sire de 
Norris qui le fit, par manière que les provisions du 
duc de Bourbon furent les plus belles que on peust 
voir. 



LX. Comment le passaige d^ Angleterre fut rompu ^ et 
comment le duc de Bretaigne traicta partir les Anglais 
de Bourbourg. 

Gourant Tan mil m*^ nn" vi le roi de France, qui 
estoit jeune et fort entalenté de faire chose que fust 
de renommée, avoit jà fait son mandement es seigneurs 
dessus nommés, et à tous autres, de guerre, et notiffié 
sa meute* pour passer en Angleterre. Pour ce se partit 
de Paris en noble appareil et s'en alla à TEscluse, 
premier', en actendant ses gens. Or vint le temps que 
le roi avoit mandé, et n'estoit mie de bonne heure né 
qui voulentiers ne tirast vers TEscluse , en espoir de 
nagier par mer en Angleterre. Si vindrent à ce man- 
dement vassaulx, nobles hommes, et alliés, tant que 
le roi ot en sa compaignie bien vingt-deux mil har- 
nois de jambes, et huit mil hommes de trect ; et le 
vaillant duc Phelippe de Bourgongne, conte de Flan- 



1. Bescuys A et B, provisions G. 

2. Son alée A, sa journée G. 
8. Par mer G. 



EN ANGLETERRE. \ 85 

dres et d'Artois, qui ii'avoit pas dormi, avoit bien 
assemblé seize cens gros vaisseauk, tous à voilles, 
dont il y avoit bien huit cens nefs à caige, à deux 
voilles, et tous les autres vaisseaulx gallées et bons 
passagiers, et disoit-on par tout que on n'avoit veu 
nulle estore en mer pour ung prince plus belle, ne 
plus grant armée, puis Troie la grant. Et furent les 
vaisseaulx despartis à ung chascun seigneur ; et fut dit 
que le duc de Bourbon seroit avant garde en celle 
armée, et lui deslivra on ses vaisseaux, ou il y avoit 
belle compaignie de chevaliers, d'escuyers et d'autres 
gens d'armes qui voulentiers le servoient, et le sui- 
voient pour son bon nom. Les chevaliers qui commu- 
nément l'avoient servi en ses voyaiges y estoient : 
messire Guichard Daulphin, le sire de la Tour, messire 
Hugues, sire de Ghastelmorand, et messire Jehan son 
fils, qui portoit le pennon, le sire de Sainct Priest, 
messire Blain Loup, mareschal de Bourbonnoiç, et 
Bliombéris, messire Guillaume de Garet, messire Jehan 
de Sainct Priest, dit le petit mareschal, messire Le 
Barrois, messire Jehan de Bonnebaut, messire Gaul* 
chier de Passac, messire THermite de la Faye, messire 
Robert de Damas portant la bannière, Berthier de 
Nasselles, Phelibert Beraud, Guichard Le Brun, Bau- 
desquin de Yesse, Michaille, Guyon Gouffier et autres. 
Oultre avoit esté dit que les ducs de Berry et Bourgon- 
gne se prendroient garde du roi, et le gouverneroient 
pour ce que le duc de Bourbon estoit commis à con- 
duire l'avant garde, nonobstant que le duc de Berry 
fust ordonné à gouverner le royaume, lequel n'y voult 
point demeurer. Et ou havre de l'Escluse ou port 
estoit bel à voir l'armée du roi flotant sur la mer, et 



1 86 DESCENTE DES ANGLAIS EN FLANDRES . 

les garnisons de dedans que les seigneurs y orent fait 
mectre. Et en tant que les patrons et administrateurs 
de mer se exploictoient à dresser leurs cordes, et 
lever leurs voiles, pour singler en mer à passer oultre, 
l'en^ de main fîit dénoncé au roi que les Ânglois, qui 
œuvrent tous jours de grant malice, et bien estoient 
certains du passaige que le roi vouloit faire, pour le 
destourber, vindrent passer par deçà au pays de Flan- 
dres à Bourbourg, pour le conseil d'aucuns qui ono- 
ques n'amèrent le royaume, et pour ce fut grant bruit à 
l'Escluse entre les seigneurs disans : « Que irons-nous 
€ faireen Angleterre? Y éez-ci nos ennemis qui sont deçà à 
c puissancel^Youlons-nousallerconquesterleroyaume 
c d'Angleterre, et perdre le nôtre ? » dirent aucuns qui 
mie n'avoient vouloir de passer oultre. Et de cela vint 
la rumour si grande entre les seigneurs, que l'armée 
en fut rompue, et fut deslibéré de licencier les vas- 
saulx, et d'aller par terre ou estoient les Ânglois, au 
val de Gassel, où ils avoient pris deux villes, l'une 
appellée Bourbourg, et une autre. Si tirèrent une 
grant partie de gens d'armes du roi icelle part, et au- 
tres s'en allèrent malcontens; et chevaucha le roi 
devant Bourgbourg. Si le fît assiéger tout autour de 
ses gens, et dedans Bourbourg estoient d'Ânglois 
mil hommes d'armes et mil archiers. Et estoit une 
partie de Bourgbourg close de palis , mais il y avoit 
fossés plains d'eaue, et estant le roi à son siège devant 
Bourbourg, aucuns de ses capitaines fournis de gens, 
ensemble de ceulx au duc de Bourgongne et de Bour^ 
bon, jusques à deux mil combatans, se partirent du 
lougeis, et allèrent devant la ville au palis, par manière 
d'assaillir, pour voir que feroient ceulx de dedans. Et 



ASSAUT DE B0URB0UR6. 1 87 

le sire de la Trimoulle fut cellui qui premier entra es 
foussés, et le pennon du duc de Bourgongne après, et 
cellui du duc de Bourbon, et autres gens saillans des 
foussés, qui firent moult de belles armes au palis ; et 
en combatant au palis fut jecté le feu dedans la ville 
de Bourbourg, qui estoit couverte de paille, et estoit le 
feu si horrible qu'il ardoit tout ; tant que les Anglois 
demandèrent traictié, et ne requéroient que le duc de 
Bretaigne. Et le roi, qui ce sceut, pria au duc de Bre- 
taigne, qu'il allast parler à eulx ; de quoi le duc Breton 
dit au roi : c Sire, je ne me iroie jamais mectre en celle 
c adventure, se vous ne faites tout retraire. » Et 
adonc le roi envoya retraire ceulx qui avoient jà abattu 
une grant partie des palis, et bien estoit arse la moictié 
de la ville. Si y alla le duc de Bretaigne, et traicta que 
les Anglois s'en allassent frans et quittes, et que la 
ville fust au roi, qui estoit arse; et ce le duc rapporta 
au roi. De quoi les ducs de Bourgogne et de Bourbon 
dirent au duc de Bretaigne : c Pourquoi leur donra 
c monseigneur le roi congié d'eulx en aller frans? la 
c ville est jà demi-conquise, qui est arse, et n'ont les 
c Anglois nuls vivres ! » Respondit le duc de Bretaigne 
au roi : c Monseigneur, ils ont encores ung quartier 
c de la ville, ou ils ont recueillis leurs vivres, et 
c avant que les aiez prins, vous y aurez une grant 
c perte qui moult vous sera dommageable , et ils 
< m'ont promis qu'ils s'en iront sans guerroyer. » 
Ainsi fut escouté le duc de Bretaigne, qui tant fît que 
les Anglois se partirent de Bourbourg, franchement , 
qui fut grant perte au roi, qui maintes fois a esté 
ramentéûe. 



\ 88 DEUXIÈME EXPÉDITION 



LXI. Comment par le conseil du duc de Bourbon, deux 
chevaliers furent mandés devant en Espaigne, pour 
aider au roi Henri de sa guerre. 

Les haults bai*ons, le conte de Hainault, d'Ostre- 
vant, duc de Hollande, et seigneur de Zélande , aussi 
ensuivant les ducs de Brebant, de Lorraine, de Bar, de 
Juliers, de Bretaigne, et le conte de Savoie, qui tous 
avoient fait grans missions pour accompaigner et 
servir le roi de France, en celle armée à passer en 
Angleterre, pour la conquerre, quant virent que Tem- 
prinse fut rompue, prindrent congé de lui, et s'en 
tournèrent en leurs contrées, et le roi demeura en- 
cores en Flandres, avecques ses oncles, les ducs de 
Berry, de Bourgongne, et de Bourbon. Et en tant 
comme le roi y estoit, vint à lui à Bourbourg l'arce- 
diacre de Gordoue, de par le roi Henri d'Espaigne, 
priant Tarcediacre au roi de France, que au roi Henri, 
son seigneur, voulsist envoyer deux mil hommes 
d'armes paies pour deux mois jusques au nombre de 
cent mil frans, et que de ce ne lui voulsist faillir, 
car il lui en sauroit grant gré ; eteulx venus par devers 
lui les contenteroit de leur venue, et remanderoit l'ar- 
gent au roi de France, ou il lui plairoit. Et outre dit 
l'arcediacre que à plus grant besoing ne pourroit 
aidier le roi de France au roi d'Espaigne qui estoit son 
allié, car le roi de Portugal a voit eue desjà, pour lui 
une grosse journée sur les Espaignols, et estoit acer^ 
tainé le roi d'Espaigne que, pour la gloire d'icelle 
victoire, que le roi de Portugal se donnoit, il faisoit 



DU DUC DE BOURBON EN ESPAGNE. 



189 



venir Tarmée d'Angleterre, pour plus fouller Espaigne. 
Et sur toutes riens requéroit Farcediacre au roi de 
France que le duc de Bourbon [eust ceste chaîne 
de aller en Espaigne; car autrefois y avoit esté. 
Mais le duc de Bourbon^] qui avoit eu conseil 
avec ses chevaliers, fit dire que ceste armée il ne 
pourroit fournir à si pou d'argent, et les raisons pour- 
quoi : car deux mil hommes d'armes paiez pour 
deux mois montent mi^' mil frans et xx mil frans 
qu'il faut livrer aux autres capitaines et alliés. Et par 
ainsi dit le duc de Bourbon au roi : c Monseigneur, 
ad visez deux vaillans chevaliers, et que chascun 
mène mil hommes d'armes, et seront de moindre 
despence que moi. Pourtant je ne renonce mie que 
je n'y aille à mes frais cousts et despens, car j'aime 
mieux despendre le mien à mon honneur, que 
prendre charge que je ne peusse porter. » Et ad ce 
dit le roi : c Beaulx oncles, qui vous semble qui soient 
les deux capitaines pour y envoyer. > — c Monsei- 
gneur, dit le duc, je ne say, car vous en avez foison 
de vaillans et de bons, » desquels nonmia le duc de 
Bourbon plusieurs, c mais, monseigneur, entre les 
autres en avez ici deux moult entreprenans, et qui 
bien vous ont servi en tous vos a£faires : l'mi est 
messire Guillaume de Neullac, et l'autre messire 
Gaulchier de Passac, et sont serviteurs de messei- 
gneurs vos deux oncles, Passac à monseigneur de 
Berry, et Neullac à monseigneur de Boui^ongne. Et 
sont chevaliers qui feront loyaulment ce que vous 



1. Lacune par bourdon de dix-sept mots dans rimprimé et le 
ms. G, restituée d'après les mss. A et B. 



190 



DEUXIÈME EXPÉDITION 



leur manderez, car ils ont esté en mon service, ou 
je les ai hantés, et m'ont moult bien servi, et me 
semble bon, monseigneur, que les gens que vous 
manderez en armes en Espaigne , et mesmement les 
capitaines soient des pays et hostelsde messeigneurs 
vos oncles, qui est une belle chose, affin que le roi 
d'Espaigne voie que vous et vos oncles lui 
' voulez bien faire plaisir. Et aussi, monseigneur, 
je vous prie que vous plaise que je leur baille 
deux cens gentilshommes des miens, à la fin 
que si je alloie par delà, je les y trouvasse, nonobs- 
tant que je sai bien, que de bon cueur les deux che- 
valiers me serviroient. > Et lors dit le duc de Bour- 
gongne : c Monseigneur, beau cousin de Bourbon, a 
bien pensé et advisé en ceste besongne à vostre 
très-grant honneur, et en sommes très-contens , 
beau frère de Berry et moi . » Alors furent appelés 
messire Guillaume de Neullac, et messire Gaulchier de 
Passac, qui en prindrent la charge, par le commande- 
ment du roy, qui leur dit : c Beaux cousin de Bourbon 
c a ceci advisé pour la valeur qui est en vous. » Adonc 
dirent les chevaliers au roi : c Sire, nous ne sommes 
c mie dignes de si grant chaîne ; mais nous sommes 
c prests de vous obéir de tout ce qu'il vous plaira 
c nous commander. » Et le roi leur dit : < Allez de- 
< vers beau cousin de Bourbon, et il vous dira la chose 
c conune elle est ordonnée. » Lesquels y allèrent pour 
le remercier, et lui dirent : c Très haut et puissant 
c prince, nous vous remercions humblement de Thon- 
c neur que vous nous faites, car nous, qui sommes 
€ deux pauvres chevaliers, vous nous baillez l'emprise 
c qui estoit ordonnée pour vous, qui estes ung tel 



DU DUC DE BOURBON EN ESPAGNE. 1 01 

prince que chascun sait, et qui est trop grant entre- 
prise à si pouvres gens que nous sonunes ; et grant 
chose est à deux chevaliers mener deux mil 
hommes d'armes, si loing comme en Espaigne, où 
il y a deux mois de chemin, se par votre bon con- 
seil et confort n'estoit : c'est assavoir que votre 
plaisance fust que vous nous baillissiez de vos pays 
cinq cens honmies d'armes, avecques aucuns de 
ceulx de vostre hostel, qui nous seroit ung grant 
< honneur, et grant renommée pour vous. > Si res- 
pondit le duc de Bourbon aux chevaliers : c Je le ferai 
€ très voulentiers, et, par adventure, vous me verrez 
c bien brief. > Lesquels luy respondirent : c Dieu le 
c vueille! car, si vous venez, vous nous trouverez 
c pour vos serviteurs! > Ainsi se partirent messire 
Guillaume de NeuUac et messire Gaulchier de Passac , 
pour faire leur chemin ; et ordonna le duc de Bourbon 
que avec les chevaliers iroient, de par lui, messire 
Jehan de Ghastelmorand, et le sire de Blot, qui au- 
roient en leur conduicte mi^ hommes d'armes de 
Bourbonnois et de Forez. Et le duc leur donna congié 
de amasser les gens, et y alla avecques eulx le plus de 
la chevalerie de Bourbonnois, qui furent messire Guil- 
laume de la Fourest, le sire de Sainct-Geran-le-Pui, 
le sire de Ghitain, le sire de Ghazeul, Le Borgne de 
Yeaulce, et tous les bons compaignons de Bourbonnois. 

LXU. Comment le due de Bourbon alla en Espaigne 

la seconde fois. 

Messire Guillaume de Neullac et son compaignon, 
leurs gens d'armes, ensemble ceulx de Bourbonnois, 



\ 92 DEUXIÈBfE EXPÉDITION 

ne povoient mie estre en Avignon , que nouvelles 
vindrent au roi de France comme la navie d'Angleterre 
s'en passoit en Espaigne, dont estoit chief le duc de 
Lencastre. Si fut le duc de Bourbon moult troublé sur 
ce qu'il devoit faire, et deslibéra qu'il irait en Espaigne. 
Si prinst congé du roi pour s'en aller en Bourbonnois 
acueillirgens, et faire son chemin, et manda par tout , en 
Beau voisin et ailleurs , que quiconques le vouldroit venir 
servir, si le suivist. Et y vindrent plusieurs à son man- 
dement, pour le bien qu'ils savoient en lui, et mesme 
les plus grans de l'hostel du roi , allèrent à lui. Et se par- 
tit le duc Loys de Paris, et s'en vint en son duchié de 
Bourbonnois à tout grans gens, ou il trouva le sire de 
Norris, qui lui avoit amassé grosses finances, pour 
faire ce voyaige, et le roi mesmes paya pour trois 
mois les gens de son hostel, qui bien estoient vi^^ gen- 
tilshommes, et tant que le duc de Bourbon estant en 
Bourbonnois trouva, tant des gens du roi comme de 
Berry , oultre les siens, bien deux cens nobles hommes. 
Et se mit le duc au chemin pour actaindre les autres. 
Mais de tous pays qui oïrent dire : « le duc de Bourbon 
s'en va en Espaigne », chescun tiroit après lui, et telle- 
ment que, avant qu'il fust en Navarre, il ot bien 
m^ gentils hommes chevaliers et escuyers. Et estant 
en Navarre oït dire le duc que le duc de Lencastre, 
avec ses Angloiset grant foison de Portugalois, estoient 
à siège devant Burgues en Espaigne, qui estoit ville du 
roi Henri. Les deux chevaliers, messire Guillaume de 
Neullac et messire Gaulchier de Passac, que le roi de 
France avoit mandez devant, qui estoient lougiés à 
Saint Dominge de la Gaussade, apprindrent certaines 
nouvelles comme le duc de Bourbon venoit en Espai- 



DU DUC DE BOURBON EN ESPAGNE^ 1 93 

gne, dont ils se esjoyrent moult, et mandèrent au duc 
de Bourbon qu'il se hastast : si fut à eulx dedans trois 
jours, et, le duc venu, fit on grant joie, et fut advisé 
qu'estoit de faire, et dirent au duc les chevaliers : 
Monseigneur, véez-ci rambassaderiedeBurgues,qui 
ci est, qui dit que les Ânglois ont assiégé la ville, et 
dient qu'il y a forte mortalité entre eulx : si advisez 
qu'il est de faire. » Adonc respondit le duc de Bour- 
bon sur piez : c Puisqu'ils se meurent, il est bon que 
nous leur aillons aidier à en plus faire mourir. Et 
me semble que le plus brief est le meilleur, car ils 
n'ont point de retrait d'ici en Portugal, ou il y a 
longue voie. » Si fut moult agréable celle parole à 
tous, du sain conseil du duc de Bourbon, qui dit oultre : 
Allons d'ici à Thospital la reine, d'où il n'y a que 
trois lieues jusques à Burgues, et envoyons gens 
devant à savoir comment Ânglois sont longés, si 
que demain à l'aube du jour nous allions férir parmi 
eulx > ; et dit chascun que c'estoit bien prins, et que 
on ne povoit mieubc. 



LXIII. Comment le duc de Lencastre se leva du siège 
de Burgues en Espaigne; et comment le duc de 
Bourbon le suivit en Portugal^ où il ne voult con- 
sentir au traictié du roi d'Espaigne avec les 
Anglois. 

Le duc de Lencastre, qui tenoit la ville de Burgues 
assiégée, se contentoit mal qu'il ne la povoit avoir, et 
estoit fort troublé de la mortalité qui couroit en son 
host ; mais plus se désespéroit de ce que le duc de 

13 



194 N DEUXIÈME EXPÉDITION 

Bourbon s'estoit lougié auprès de lui, à trois lieues, à 
grant puissance. Pour ce ne voult mie actendre que le 
duc de Bourbon venist sur lui, mais lui et ses Ânglois 
qui sceurent toute l'armée Françoise estre Ipugiée à 
rhospital, se deslogèrent cellui soir, entour minuit, et 
chevauchèrent bien douze lieues d'Espaigne, jusques 
à une ville appellée Medine de Campe, et l'en de main 
à Saint More, puis passèrent la rivière, et allèrent à 
Ghastel Rodrigue, qui est en Portugal, et le duc de 
Lencastre et ses Anglois estans en Portugal cuidoient 
estre asseurs, mais le duc de Bourbon, qui moult avoit 
le cueur à la besongne, alloit à tous ses gens jour et 
nuit après eulx. Et tant qu'il parvint à Saint-More 
ung jour après : et là fit on une ordonnance à passer 
la rivières qui despart Espaigne et Portugal, à pour- 
suivre les Anglois, que le séneschal de la Jennete, 
qui estoit un vaillant homme , et mil honmies 
d'armes iroient chevaucher, et férir parmi, si les 
Anglois estoient en désarroi, et ainsi fut fait. Et aune 
aulbe du jour férirent François et Espaignols en leur 
lougeis, et y ot bien de prins mil Anglois, et de tués 
grant foison ; et, ainsi faite leur course, se retrahirent 
deçà la rivière, ou ils amenèrent en l'ost de bons pri- 
sonniers. Le roi de Portugal, qui sceut ceste desconfi- 
ture, assembla grant gent, bien ({uatre* mil hommes 
d'armes, pour aider aux Anglois qui estoient de son 
parti. Car il avoit espousée la fille au duc de Lencas- 
tre. Et lors estant les puissances des deux osts François 
et Espaignols d'une part, et Anglois et Portugalois 



1. Appelée Turon. 

2. Trois dans Timprimé ot dans le mss. G. 



DU DUC DE BOURBON EN ESPAGNE. 1 95 

d'autre, où il o'avoit que une rivière entre deux, furent 
portées nouvelles aux princes des osts, tant au duc de 
Bourbon, comme au roi de Portugal et au duc de 
Lencastre, que le roi Henri d'Espaigne estoit passé de 
ceste vie, et avoit laissé ung fils appelle Dam Joban 



196 RETOUR EH FRANCE. 

mais il ne voult plus demourer; et se partit le duc de 
Bourbon du règne d'Ëspaigne avec sept cens hommes 
d'armes [tant de ceux qui estoient passés les premiers 
avec messire Guillaume de Neullac et messire Gaul- 
chier de Passac , comme des siens qu'il avoit 
menés jusques à sept cens hommes d'armes'] et 
passa par devers le roi de Navarre, Charles, 
lequel il debvoit mener en France, devers le roi, et dit 
le duc de Bourbon, au partir d'Ëspaigne à messire 
GuillaumedeNeullacetàGaulcher dePassac: «Passez 
■ parles monts deRoncevaulx, et allez àOrtelz, devers 
« le conte Phébus de Foix, et là me actendez : car je 
€ y serai prouchainement, et ferons quelque chose 
( digne de mémoire à nostre retour. ■ Si lui respon- 
dlrent les chevaliers : ■ Monseigneur, voulentiers; 

< mais il nous convient un pou délayer, tant que nous 

< ayons reçeu la paye de la reste dé deux mois, que 
« le roi d'Ëspaigne nous doit. > Si demeurèrent les 
chevaliers et leurs gens en Biscaye, près de Nadres, 
sur tes ennemis, et le duc de Bourbon entra en 
Navarre, et alla à Pampelune ou le roi ' [le receut, et le 
festoya grandement. Et y demoura le duc huit jours, et 
le roi] et lui parlèrent de leurs affaires ensemble. Et là 
ot nouvelles le duc de Bourbon du traictié fait entre le 
roi Dam Jehan d'Ëspaigne et les Anglois par le moyen 
du roi de Portugal. 



Lacune de trente-un mots par suite d'un bourdon dans le 
] et dans les imprimés, restituée d'après les mss. A et B. 
Lacune des seize mots qui suivent dan? l'imprimé et dans le 
I. C, restituée d'après les mss. A etB. 



LE DUC DE BOUHBON A OBTHËZ. 



LXIV. Comment le conte Phébus de Foix en sa ville 

A^ ftrt.n.hi fent/mn li>. Atw. tle îintirhnn nui si'ina ronnirnit 



1 98 HOSPITALITÉ 

et autres qu'il maria haultement. Messire Jehan de 
Ghastelmorand , et messire Le Barrois estoient à 
Ortelz, avec le conte Phebus pour requérir au nom 
du duc de Bourbon leur seigneur cellui prest , lequel 
leur respondit qu'il le feroit très voulentiers, et tout ce 
qu'ils voùldroient; si tournèrent les chevaliers Le 
Barrois et Ghastelmorand arrières à leur seigneur le 
duc de Bourbon, qui s'estoit parti de Navarre, et lui 
rapportèrent ce que le conte Phébus leur avoit dit, et 
que lui et tout ce qu'il avoit estoit bien à son comman- 
dement ; dont il fut moult lies et joyeulx, et se hasta 
fort à venir à Ortelz. Et Dieu scet quelle chière lui fit 
Phébus, le conte de Foix, lequel defiraya en sa ville 
d'Ortelz, de toute despence, le duc de Bourbon et toute 
sa court, huit jours qu'il y demoura, dont lé duc de 
Bourbon l'en mercia^ et de l'argent qu'il lui avoit preste. 
Si lui dit le conte de Foix que oultre ce et plus grant 
chose pour lui vouldroit faire. Et en tant que le duc 
de Bourbon estoit à Ortelz, mourut ung de ses cheva- 
liers et chamberlans, le sire de Ghaugy , qui là gist aux 
frères meneurs. Le conte Phébus qui es parties de 
Guienne, avoit aucunes terres pour recommandées, 
savoit que les capitaines françois s'en repairoient 
d'Espaigne : si doubtoit que par icelles ne passassent 
en les degastant. Pour ce pria chèrement au duc de 
Bourbon, qu'il lui pleust mander Ghastelmorand et Le 
Barrois devers les capitaines, jusques au pied de Ron- 
cevaulx, sur le seigneur de la Saigne, pour lesdestour- 
ber qu'ils n'entrassent point en la terre de SoUe, ne 
de Mauléon, qui estoient en sa garde : car le conte 
Phébus avoit sentu que là vouloient venir pour les 
raençonner. Si lui octroya le duc de Bourbon, que 



DU COMTE PHÉBUS. 199 

aucuns de ses chevaliers iroieut aux capitaines, et 
commanda à Ghastelmorand et au Barrois qu'ils y 
allassent ; lesquels dirent au duc qu'il leur sembloit 
que le conte Phébus leur dust bailler l'ung de sesgentils- 
bommes, pour lui rapporter les nouvelles, et la dili- 
gence qu'ils auroient faite. Si leur bailla le conte Phébus 



200 PRISE DE BASSEUPOUY. 

c vouidroie bien employer, par vostre bon conseil, en 
c ce que je vueil faire, et secrètement, car ce que vous 
c me direz ne sera jà révellé, pour ce que vous estes 
c trop sur la frontière. > Lors dit le conte Phébus : 
c Monseigneur, quant vous partirez d'ici, je vous con- 
c seille que vous en allez en Bourdelois, en une ville 
c appellée Brassempouig, qui est une ville ou il a 
c foison de villains, qui n'ont cure de garnison, mais 
c se gouvernent tout par eulx mesmes , et les trou- 
c verez hardis villains, et une partie de la ville est 
c close de palis, et croi qu'ils ne se pourront tenir 
c contre vous . Et vous , en allant là , trouverez une forte 
c maison, qui est de Perrot le Biernois, laquelle a bien 
c cousté à faire XV mil frans, de la finance qu'il 
c conquist à Ghalusset. Et m'est advis, se la maison 
c faisiez ardoir, que ce ne seroit pas mal. Et vous dis 
c plus que, en prenant celle ville de Brassempouig, 
c vous conquesterez le seigneur de Lescar, qui la 
c tient du roi d'Angleterre. » Ainsi se partit le duc de 
Bourbon du conte Phébus, et avec sa compaignie, s'en 
alla à la maison de Perrot le Biarnois, Anglois, laquelle 
il fit ardoir, et desroucher et gaster tous les jardins, 
et fut apovri Perrot, à celle heure, de tout ce que avoit 
amassé, pillé et robbé en son temps. Et de là s'en alla 
le duc de Bourbon, avec sa compaignie, devant Bras- 
sempouig, et fit parler à ceulx de la ville d'eulx rendre, 
lesquels parlèrent moult orgueilleusement, et dirent 
qu'ilsestoient bons Anglois, et vrais Anglois morroient. 
Adonc commanda le duc de Bourbon l'assault, et lors 
les gens d'armes se mirent à pié ; et de tous coustés, 
tant des gens au duc de Bourbon comme de ceulx qui 
repairoient d'Espaigne fut commencié l'assault aspre 



PRISE DE LE8CAR. 201 

et fort, et gens d'armes à entrer es fossés et rompre 
palis, et villains à çulx deffendre vigoureusement, 
et taot s'efforcèrent les François que esradiièrent les 
palis. Et le premier qui léaos entra, fut le sire de la 
Roche-Guyon, et fut un cri que ceulx de laville l'avoient 



208 PRISE d'ayenmâl et mongug . 

France, de la séneschauciée de Tholouse, mais le sieur 
de Lescar la tenoit en subjection, et en grant pactis, 
pourquoi il falloit que ceuk d'Ayenmal, tenissent son 
parti. Et dès qu'ils virent François venir devant eulx, 
ils se rendirent au duc de Bourbon, lui priant que 
voulsist mectre garnison en la ville pour les garder du 
sire de Lescar, et ils lui seroient vrais obéïssans, et au 
roi de France, car ils estoient par droit de la sénes- 
chauciée de Tholouse. Et à une autre ville près de là 
appellée Montcuc, envoya le duc de ses gens, laquelle 
ville lui fit obéissance comme Ayenmal. Et mit le duc 
garnison de ses gens aux deux villes, tant que raessire 
Jehan d' Azay , séneschal de Tholouse, y eust envoyé gens 
à les garder pour le roi. Ainsi le duc de Boiu^bon, en 
s'en retournant d'Espaigne, gasta deux villes du roi 
d'Angleterre en Bourdélois, et deux autres y gaigna, 
qui despuis se sont tenues bonnes françoises. 



LXYl. Comme le roi de France alla en Allemaigne 
guerroyer le duc de Juliers, et comment le duc de 
Bourbon ot le chastel de Dul par le moyen d'un 
sien valet d'eschançonnerie. 

Le duc de Bourbon qui en Bourdélois avoit para- 
chevé ce qu'il avoit empris, et illec n'avoit plus que 
faire, manda deux de ses chevaliers au roi de Navarre, 
comme il se partoit de Bourdélois, et le trouveroit à 
Toulouse, ainsi comme eulx deux l'avoient empris. Si 
partit de Pampelune le roi de Navarre, et vint ou 
estoit le duc de Bourbon, à Tholouse, et tous deux 
s'acheminèrent, et allèrent à Paris vers le roi de France, 



GUSRAE COmUB LE DUC DE JULIERS. 203 

qui fit grant chière au duc de Bourbon, pour la con- 
queste qu'il ot faite en Bourdelois, et reçut le roi de 
Navarre en sa grâce, et le retint de son conseil, k la 
prière du duc de Bourbon, pour ce que le roi d'E^ 



204 



PRISE 



fier en moi. J'aime vostre hostel, car je y ai esté 
allevé et m*avez fait moult de biens. Faictes moi 
bailler jusques à seize compaignons, et je m'en irai 
embuscher, si que il ne pourra que nous ne facions 
quelque mal à ceulx qui entreront dedans le chastel, 
ou à ceulx qui sauldront defors. » Et encores dit le 
valet au duc de Bourbon : c Monseigneur, si je voi 
mon point, je prendrai trois ou quatre de mes com- 
paignons allemands, et irons à la porte du chastel 
de Dul que vous voyez, et dirons que le duc de 
Juliers nous y mande pour estre avec eulx en la gar- 
nison, et pour garder la place encontre les François 
qui sont au pays. > Si dit chacun en l'hostel du duc 
de Bourbon que c'estoit bonne soutiveté de guerre, 
veu que en ce temps là tout homme estoit vestu selon 
l'allemand. Et adoucie duc dit au varlet qu'il setenist 
seur de sa vie avoir bien assignée, s'il faisoit cela. 
Lequel vaUet, ensemble ses compaignons allemans, se 
partirent du lougis du duc de Bourbon, et 'vindrent 
devant Dul, une heure avant jour, lesquels en tiois 
appellèrent le capitaine, disans que le duc de Juliers, 
leur seigneur, les mandoit à estre en la place avec lui 
en garnison. Si les creut le capitaine pour la langue 
qu'ils parloient, descendit du chastel, vint à eulx, et les 
mena dedans, pour la créance qu'ils lui asseurèrent de 
son seigneur. Et quand ils se virent plus fors que le 
capitaine, ils le prindrent, et l'emprisonnèrent, et 
celle nuict firent bonne garde. Et le duc de Juliers 
qui savoit comme souvent François alloient devant 
son chastel de Dul, pour ce que mieulx fust gardé la 
nuit, envoya huit gentilshommes, lesquels vindrent 
là au matin, et eulx cuidans trouver le capitaine qu'ils 



DU CHATEAU DE DCL. S05 

congnoiâsoient, trouvèrent les serviteurs au duc de 
Bourbon , qui au cbastel les menèrent, et les destindrent 
prisonniers. Et au matin descendit du chastel de Dut 
ceilui varlet d'eschançonnerie, et vint au duc de Bour- 
bon, son maistre, lui dire comme il avoit ouvré, et 
que le chastel de Dul estoit sien. Si en fut moult joyeulx 



806 COURSES DANS LE PAYS DE GUELDRES. 



LXVII. Comment le roi de France alla guerroyer le duc 
de Gueldres, et comment cellui duc et cellui de 
Juliers se accordèrent au roy. 

Les ducs de Berry et de Bourbon dirent au roi que 
assez estoit possible la responce du duc de Juliers, et 
que qui mectroit l'ung en obéissance, l'autre n'y con- 
tendroit mie. Pour ce conclurent d'aller guerroyer le 
duc de Gueldres, qui tenoit plus grant terre ; et sur ce 
se partit le roi de devant Juliers, et s'en alla, à tout son 
ost, au milieu du pays au duc de Gueldres, qui mar- 
chissoit entre Juliers et Golongne, sur le Rin, tenant 
au marquise de Moravie, dont l'arcevesque et le mar- 
quis avec le duc de Bresvic estoient ses alliés. Mais le 
roi de France n'ot mie demouré au duché de Gneldres 
quatre jours, que François allèrent courre jusques es 
portes de Goulongne, d'Aiz en Âllemaigne, en Mora- 
vie, et en Bresvic. Et estoient les plus des coureurs 
des gens au duc de Berry, et, à leur retour, amenè- 
rent grans proies en l'ost, et prindrcnt moult de prison- 
niers, et furent tous riches du grant gaing qu'ils orent 
fait en celle courrerie. Et eulx venus furent bien receus 
du roi, et du duc de Berry leur maistre, de la grant 
chevaulchée qu'ils avoient faite. Et l'en de main fit le 
roi une belle ordonnance que devant trois places du 
duc de Gueldres, qui estoient à deux lieues de l'ost du 
roi, on envoyeroit devant chascune des places mil 
hommes d'armes, et deux mil qui chevaucheroient 
par le pays, et trois mil qui demoureroient en l'ost, 
avec le roi, sans eulx bouger. Et fut dit que par ainsi 
la duchié de Gueldres seroit mise en subjection. Si 



TRAITÉ DE PAIX. 807 

demeura le roi de France unze jours en son ost, et, 
durant ce terme, furent prinses par force d'armes les 
trois places au duc de Gueidres, et son pays couru 
ars et gasté par les gens au duc de Berry. Et lors, les 



208 GUERRE EN BRETAGNE. 

France, qui estoit demouré pour les debbats de Bretai* 
gne, sceut que le roi estoit retourné d'Âllemaigne, et 
demouroit à Paris, ensemble les ducs de Bourgogne 
de Berry et de Bourbon, si vint devers le roi, se com- 
plaignant que le duc de Bretaigne mettoit peine de 
vouloir destruire le conte de Penthièvre, et dit au roi : 

< Sire, le conte est vostre subject et allié, et tient la plus 
€ grant partie de sa terre en Bretaigne de vous, et si le 
c conte de Penthièvre est destruict, vous perdez en 
c Bretaigne le plus grant de vos alliés. »Et à luirespon- 
dit le roi : c Par Dieu, conestable, je ne le lairrai point 
c perdre, car je lui aiderai! » Et à celle requeste faire, 
avec le conestable estoit le sire de la Rivière, qui 
estoit tout ung. c Combien, » ce dict le roi, < que j'aie 

< faite grande despence en Âllemaigne, et n'aie mie de 
c présent tant d'argent comme je vouidroie. » — < Ha ! 
c ha ! sire, > si dit Glisson, c ne vous chaille, car les 
c gens que vous me baillerez, je les payerai pour deux 
c mois en ceste ville. » Dont ceulx qui l'oïrent dire, 
furent moult envieulx de y aller. Et bailla le roi de 
France à son conestable Glisson, pour aller en Bre- 
taigne contre le duc, huit cens hommes d'armes , de 
quoi le duc de Bourbon en bailla deux cens, dont 
furent chefs les chevaliers Le Barrois et Jehan de Ghas- 
telmorand ; et messire Guillaume de Layre, qui estoit 
de l'hostel du roi, d'autres deux cens; et le petit 
Sempy de deux cens ; et Moncavrel, qui estoit cheva- 
lier de bien et d'honneur de l'hostel du roi, aussi en 
ot deux cens. Ainsi furent baillés les huit cens hommes 
d'armes, et quatre capitaines par le roi et le duc de 
Bourbon au sire de Glisson, qui tantost fit païer les 
capitaines, pour deslivrer les gens d'armes, et faire 



SIÈGE DE SAINT-BRIEUC. 209 

leurs monstres, par son trésorier appelle M* Jehan Le 
Roi qui avoit la finance à Nostre dame à Paris, et 
bailla Taisent pour deux mois, et ordonna faire la 
moQstre devant Saint Brio' des Vaulx. Et se partit tan- 
tost Glisson du roi pour faire son chemin avec ses gens 
d'armes, et tirer tout droit en Bretaigne devant Saint 



810 SliGE ET PRISE 

ses gens en ordonnance pour le combatre. Et le cones- 
table Glisson, qui estoit valeureux chevalier et de 
hardie emprinse, issit bauldement de son siège avec 
ses gens rangiés à livrer la bataille au duc, s'il Tosoit 
attendre. Et le duc de Bretaigne voyant l'ordonnance 
du sire de Glisson dit à ses gens : c Messeigneurs et 
c compaignons, voyez là Glisson, qui a rangié ses 
c conrois, et ne désire que la bataille? Je ne la reffii- 
c seroie mie voulentiers, mais je voi qu'il a ordonné 
c une grosse aile des siens qui tous sont montés sur 
c grans coursiers de advantaige. Nos dievaulx sont 
c petis : ceulx de là nous viendront courir sus, si ne 
c les porrons soutenir ; par quoi nous en aurions le 
c pieur. » Pour ce se retrait celluijour, le duc, lui et 
ses gens à Piédreuch, dont il estoit parti, et Glisson en 
son lougis. Et quant Glisson se fut lougié, il appella 
ses capitaines, et leur dit : c Beaulx seigneurs, je sai 
c bien que ce duc de Bretaigne mandera demain cou- 
€ rir devant Montcontour, qui est du conté de Penthiè- 
c vre : si gastera le pays, car il y a moult la dent. Si 
c est mon entencion d'envoyer Beaumanoir, qui est 
c ici, tout de nuit, entre Piédreuch et Montcontour, 
c et vous Barrois et Ghastelmorand , prenez trente 
c compaignons montés sur les meilleurs courriers que 
€ vous aurez, et vous Sempy , et Montcavrel autant^ [et 
c vous Guillaume de Laire et vostre compaignon au- 
c tant]. Et qu'il n'y ait que tous chevaulx de pris pour 
c les employer au besoing. Et Beaumanoir mènera le 
c demeurant des gens de mon hostel, car je ne vueil 



1. Lacune dans rimprimé et le ms. G, par bourdon, des neuf 
mots qui suivent, restituée d'après les mss. A et B. 



DE SAINT-BRIBUG. S1 1 

c que soyez se non œnt et cinquante hommes d'armes' : 
c {si estes assez pour six cens chevaulx de Bretons. Et 
c à Dieu le veu, les chevaulx des Bretons ne valent 
c riens, et ne me semble poinct que failliez à trouver 
c vostre adventure, et la pouvez prendre, se bon vous 
€ semble, ou Teschever. i Ainsi s'en allèrent le sire de 
Beaumanoir et sa compagnie, et mirent une embusche 
entre Piédreuch et Montcontour. Si advint que Ten de 
main, entre le jour et souleil levant, le sire de Ghastel 
et messire Pons Périlleux partirent du duc de Bretai- 
gne, pour aller courre à Montcontour, et le duc de 
Bretaigne devoit aller après, pour y mettre le siège, et 
estoient celles gens par manière de avant garde. Mais 
Beaumanoir, qui estoit en son embusche, et qui les vit 
venir de loing avec ses compaignons, tous lances en 
poing, allèrent férir parmi eulx fièrement, si furent 
en celle empaincte que mors que prins huit vingts 
bretons, et se saulva le remenant de ceulx qui foui- 
rent es bois grans et parfonds , et entre les autres 
furent prins le sire du Ghastel, et messire Pons Péril- 
leux, frère du viconte de Rodes en Aragon, et d'autres 
bons prisonniers bretons. Et Beaumanoir avec sa com- 
paignie s'allèrent retraire à Montcontour, ou ils espé- 
roient que le duc viendroit pour eulx grever, s'il 
povoit. Mais le duc de Bretaigne qui oit dire ceci, 
s'en partit bien à hastc, et s'en alla passer avec toutes 
ses gens au pont de Lanion, qui est un pont auprès de 
la marine. Et Beaumanoir et les siens qui sceurent que 
le duc avoit passé le pont, se partirent de Montcon- 



1. Lacune de Vimprimé jusqu'à : et y allèrent de belle tire, 
p. 213, restituée d'après les trois mss. 



SIS GUERRE ErmiE GUSSON 

tour , et s'en tirèrent vers Glisson qu'ils trouvèrent 
devant Saint-Brio, appareillé de aller combattre lé duc 
de Bretaigne à la croix de Lanion où il passoit, et là le 
conestable Glisson alla présenter la bataille, et se 
voyoient les deux osts Tung Tautre sur la grève de la 
marine, et de rencontres ou y ot fais de beaulx fais 
d'armes, d'une part et d'autre, et bien grosse escar- 
mucbe. Et quant ce vint à heure de midi, le sire de 
Glisson dit à ses gens : € Beaulx seigneurs, vous estes 
€ bien montés. Tes chevaulx de de là sont petis, ferez 
€ parmi ces bretons, et les repoulsez en la bataille du 
c duc. > Lesquels le firent ainsi, et en ce toulléïs, y 
ot mors bien cent Bretons de la partie du duc, et bien 
gaigné cent chevaulx ; et dedans deux heures après 
s'en alla le duc de Bretaigne à Saint Lormech, et le 
conestable sire de Glisson arrière avec sa chevalerie, et 
ses gens à son siège devant Saint Brio-des-Yaulx, dont 
les habitans l'en de main se rendirent à lui, veu que 
avoit failli au secours le duc qui du siège les devoit 
deslivrer. 



LXX. Comment le conestable Clisson guerroyoit Bre- 
taignej et comme le duc Phelippe de Bourgongne^ par 
belle manière j apaisa le duc de Bretaigne^ et le conte 
de Penthièvre. 

Le conestable de France sire de Glisson avoit 
séjourné à Saint Brio-des-Vaulx quatre jours, et l'avoit 
garni de ses gens ; et pour faire pis au duc de Bretaigne 
à qui il guerroyoit, envoya courir les fourests de Quin- 
tin ou estoit tout le bestial du pays, et aussi les 



ET LE DUC DE BRETAGNE. 21 3 

garennes d'Ângoillo dont l'en amena plus de dix mille 
chiefs de bestes, que le sire de Glisson despartit et 
donna toutes aux compaignons. Et de Saint Brio s'en 
alla Glisson au Poirier, qui estoit au mareschal du duc 
en sa guerre, appelle messire Bertrand Goyon, et fut 
la place assaillie de tous coustés, tant que on la prinst 
et arrasa. Et de cellui lieu manda le sire de Glisson les 
capitaines que le roi lui avoient baillés au port de 
Lanion que tenoit le viconte de Goymen, et estoient 
huit cens hommes d'armes,] et y allèrent de belle tire, 
mais ils ne trouvèrent mie le viconte, car il s'en estoit 
allé devers les duc , et avoit laissé sa place despour- 
veue conmie fol. Laquelle fut prise d'assault, et la 
vicontesse de Goymen sa fenune, et perdu tout ce que 
le viconte y avoit, et la dame prisonnière, à Ghapelle, 
nepveu de Ghastelmorand, qui ne fut mie destenue : 
car on lui rendit ses robbes, et s'en alla à ses amis, et 
laissa l'en garnison dedans le port de Lanion pour le 
sire de Glisson ; et en retournant prinst-on la maison 
de l'evesque de Saint Brio, qui estoit moult forte, et 
près de la croix de Malchalt ou Herb'n faisoit les mer^ 
veilles. Et de là le conestable Glisson et son ost alla 
devant Quintin qui est à l'entrée de la fourest de Bro- 
celiande, laquelle ville se rendit à lui, et puis à Lohéac, 
ou il assembla toutes ses gens, pour vouloir faire plus 
grant chose. Mais en tant que le conestable estoit à 
Lohéac, lui furent apportées nouvelles comment le duc 
Phelippe de Bourgongne estoit à Angers, que le duc 
de Bretaigne avoit fait venir de longue main , et le 
estoient allé quérir messire Jehan de Hangest et son 
frère, frères de l'evesque de Saint Brio-Kles-Vaulx, 
pour avoir aucune paix entre le conte de Penthièvre, 



;216 VOYAGE DU ROI 

roi qui avoit le cueur lie et joyeulx, en donnoit et en 
despendoit tant, qu'il ne povoit fournir, et fut advisé 
que c'estoit pour le mieulx qu'il se traïst en ces parties, 
pour accueillir finances, car il en avoit bien besoing, 
et estoit le pays qui plus de finances lui povoit aider, 
pour ce qu'estoit situé es marches et confines de 
Guienne et Bourdelois, et autres provinces qui moult 
pourroient nuire au roi, et pour ce estoit nécessaire 
dey aller. Et fut ordonnée l'allée, par ainsi que le duc 
de Bourgongne demoureroit pour garder le pays qu'il 
avoit à gouverner, et aussi pour les périls qui y pour- 
roient advenir. Et le duc d'Orléans, frère du roi, 
ensemble le duc de Berry et le duc de Bourbon, iroient 
avecques le roi, accompaignés de quatre cens hommes 
d'armes. Estre tout mis en point, se partit le roi de 
Paris, et vint à Mehun-sur-Yèvre, ou le duc de Berry 
le festoia grandement, et puis à Gannat, ou le sire de 
la Tour, avec les dames et damoiselles du pays, le fes- 
toièrent liement. Et de Gannat se partit le roi , et s'en 
alla au Puy-Nostre-Dame, où toutes gens le venoient 
voir, et là demeura le roy trois jours en la ville, où lui 
furent fais de moult beaulx présens et de grans dons. Et 
du Puy tira le roi le droit chemin à Carcassonne, qui est 
telle cité et ville que on puet savoir, où il demoura 
huit jours à revisiter le bel chastel et cité qui y est. Et 
fit le roi crier que toutes gens à qui on avoit forfait 
venissent par devers lui, car il estoit venu au pays 
pour faire raison à ung chacun; et en celle sienne 
ville expédia moult de besongnes, et ce qui restoit à 
faire, assigna jour aux personnes, que à lui venissent à 
Tholouse, où il alloit. Si se partit de Carcassonne le roi, 
et alla à Tholouse ou tout Langue d'oc le attendoit, et 



EN LANGUEDOC. SI 7 

fut receu et festoie si grandement que c'estoit mer- 
veilles de voir celle léesse ; et y avoit tant de gens es 
rues à le regarder que on oe povoit passer. Si 
estoient les rues, par où il passoit, encortinées et 
parées d'a(Hiroements riches et beaulx, et les consuls 
de la ville vestus d'habits royaulx, portoient te paille 



k\ 



81 8 AlfBASSADC 

estât par le bon conseil de ses oncles, les ducs de Berri 
et de Bourbon, lui fit la cité de Tholouse de grans dons 
de vaisselle, et ceulx de la ville lui firent de grans 
requestes desquelles le roi leur octroya les aucunes qui 
lui sembloient bonnes, et les autres non. Et donna le 
pays de Languedoc au roi en tout trois cens mille frans 
de bonne monnoie. 



LXXn. Comment V ambassade de Gennes vint au rai le 
requérir qu'il lui pleust bailler puissance de gens 
pour passer en Auffrique. 

Par tout couroit la renommée du bon gouvernement 
mis au royaume de France, que le roi y tenoit par le 
bon sens et preudhonmiie des seigneurs les ducs, ses 
oncles. Car chacun qui en oyoit parler louoit Dieu de 
celle bonne justice qui y régnoit, par laquelle Dieu 
sueffroit estre le royaume en paix, et jà se alloient 
esbatans les vaillans chevaliers françois dehors, es 
loingtains voyaiges, pour plus avoir honneur; et ceulx 
d'autres royaumes venoient en France voir le roi, qui 
les recepvoit liement, et leur donnoit largement du 
sien. Et disoient les chevaliers que bien séoit au 
royaume la prospérité, car il y avoit bel prince à roi, 
habile chevalier, fort et legier, bien taillé de conquérir 
grant chose ; et quant ils estoient repaires en leurs 
contrées, moult louoient les dis et les fais du roi de 
France. En celui temps la cité de Gennes se gouver^ 
noit par commun, et eslisoit le peuple Tung d'eulx à 
estre duc à certain temps, pour gouverner la ville 
dedans et dehors. Et en tant que par celle police se 



DE GÈNES. 219 

gouvernèrent et furent unis, ils prospérèrent grande- 
ment, et conquirent en mer moult de villes et chas- 
teaulx. Or en cette saison que encores estoit le roi de 
France à Tholouse, se maintenoit ainsi la cité comme 
j'ai dit. Et pour lors estoit duc de Gennes ung moult 
soubtil homme, saige et bel parlier, appelle messire 
Ânthonio Adourne, lequel se pensa que à bien mettre 
à fin l'emprinse que vouloit faire, il ne savoit nul prince 
à qui il deust plus tost demander aide que au roi de 
France, qui avoit le cueur es grans choses, et estoit en 
paix, si que nul ne leguerroyoit. Pour ce mit sus le duc 
de Gennes une notable ambassade, et Tenvoya à Tho- 
louse, devers le roi de France, lui suppliant qu'il lui 
pleust de aider aux Gennois, qui estoient ses bien- 
vueillans, et à eulx bailler gens à puissance, pour aller 
surlesmescréans ; et qu'ils savoient une ville en Sarra- 
sine, qui estoit à une des pointes de la mer d'Espaigne 
et de celle de France, et s'appelloit la ville Auffrique 
en Barbaries laquelle advitailloit trois rois maures, qui 
ne auroient de quoi vivre, se la ville n'estoit, dont ils 
recepvoient vivres, par les gens qui, par mer, les y 
menoient par avarice, car en tous leurs pays ne 
croissent nuls biens, pour ce que en leur terre n'a que 
sablon, et sont iceulx rois sarrasins. Le premier est le 
roi de Thunes', le second le roi de Tremessent' et le 
tiers, le roi de Bougie, c Etne faisons point de doubte, i 
dit l'ambassade de Gennes au roi de France, c que se Auf- 



1. El Màhadia^ ou El Mehaâia^ près du cap Africa (Tunisie), 
par 350 lat. et 8« 30 long., c'est VAphrodinon de Ptolémée. 

2. Tunis. 

3. Tlemcen. 



SSIO LE DUC DE BOURBON 

€ fricque estoit es mains des chrestiens, laquelle nous 
< prendrons si Dieu plaist , ces trois rois infidèles et leurs 
c pays ne fussent destruis, ou ils tiendront la foi chri»- 
c tienne, qui seroit une belle chose à votre Seigneurie, 
c veu que vous estes le plus grant roi des christiens, et 
c qui tant avez grant renommée. Si vous mectez sus 
c ceste chose ici , nous vous offrons , sire , > dirent les 
ambassadeurs, < de par la seigneurie de Gennes, à 
€ tous ceux qu'il vous plaira y envoyer, de leur livrer 
€ vaisseaux et bescuit, et que toute la seigneurie de 
€ Gennes, en celui voyaige, est preste de vivre et mou- 
c rir avec eulx, i qui fut une parole moult bien oïe du 
roi et de la chevalerie pour la belle offre des Genevois. 
Et dirent tous les chevaliers au roi : c Sire, véez ci une 
€ des belles manières d'emprise que on puisse voir, et 
€ bien seroit de bonne heure né le prince, qui si bonne 
c œuvre pour l'honneur de Dieu et le bien de la chris- 
c tienté emprendroit . » E t aux ambassadeurs dit le roi de 
France : c Vos promesses sont bonnes et honnorables 
c et vos requestes justes et raisonnables ; et, pour ce, 
c je vous en répondrai d'ici à deux jours. > 



LXXm. Comment le duc de Bourbon emprint le voyaige 
d'Auffricquey et quels seigneurs se offrirent à aller 
avecques luij dont il fut content^ et les retint tous* 

Durant le terme de deux jours que le roi de France 
debvoi t faire responce aux Genevois de leur ambassade , 
se advança le vaillant prince le duc Loys de Bourbon, 
qui dit au roi : € Monseigneur, je vous supplie que, 
c pour tous les services que je vous pourroie jamais 



EST CHARGÉ DU COMMANDEMENT 221 

faire, il vous plaise de moi donner ceste chaîne, que 
je me puisse employer pour vous, et au nom de 
vous, au service de Dieu : car c'est la chose au 
monde que j'ai plus désirée, et après les fais mon- 
dains, il est belle chose de servir Dieu. » Et lors 
dit le roi au duc de Bourbon : c Beaux oncle , vous 
savez les grans affaires que nous avons, et aussi à 
grant peine trouveriez gens qui voulsissent aller si 
loing. Pour quoi ne veuillez entreprendre ceste 
allée. > Et lors respondit le duc de Bourbon au roi : 
Monseigneur, j'ai les chevaliers et escuyers de mon 
pays, qui ne me faillirent oncques, ne à ce besoing 
ne me fauldront jà, ne aussi ferai-je à eulx de ce 
que j'ai vaillant de leur despartir. » Et tant pourmena 
le duc de Bourbon le roi de France son seigneur, qu'il 
fut force qu'il lui octroyast. Et l'en de main vindrent 
les Gennois devant le roi pour oïr leur responce, et 
leur fit dire le roi qu'il avoit bien sceu et veu le honno- 
rable voyaige qu'ils entreprenoient c et pour ceste 
c raison, dit le roi, je vous baille pour vostre chief, 
c bel oncle, le duc de Bourbon, qui est ung tel cheva- 
c lier comme vous savez, et ne vous pourroie bailler 
c plus grant de mon sang, se non les autres ducs, 
c mes oncles de Bourgogne ou de Berri, en espérant 
c que la chose se face. » Â l'heure s'agenoillèrent les 
ambassadeurs de Gennes devant le roi, le remerciant 
très-humblement de ce qu'il leur bailloit pour estre 
avec eux le prince que plus désiroient. Et ainsi se dé- 
partirent ceuhc de Gennes, moult lies et si joyeulx qu'il 
leur sembloit que Dieu les emportoit, et se hastèrent 
fort pour aller aprester l'armée. Et fut ung grant bruit 
à Tholouse et au pays de Languedoc, de l'emprise que 



fSÈSi DE l'expédition 

le duc de Bourbon faisoit à s'en aller sur les Sarrasins, 
et non mie en Languedoc tant seulement, mais jusques 
à Bordeaulx, et en Ëspaigne, aussi en Aragon. Et advint 
que le Souldich de TEstrau, ung des vâillans chevaliers 
du monde, qui estoit de Bourdelois, envoya son 
ambassade au duc de Bourbon, lui suppliant et requé* 
rant qu'il lui pleust de impétrer un sauf-conduit du roi 
de France, pour lui et dix gentilshommes, aflSn qu'il 
peust aller en sa compaignie au voyaige d'Âuflfricque ; 
et aussi fît le sire de Gastillon - entre - deux * mers 
pareillement, auxquels le duc de Bourbon envoya leurs 
sauf-conduis du roi, si vindrent à son service ; et le 
viconte de Roddès qui estoit moult vaillant chevalier 
du règne d'Aragon, et le sire de la Saigne, envoyèrent 
prier au duc de Bourbon qu'il lui pleust qu'ils fussent 
en oeste armée à sa compaignie. Le sire de Gouci qui 
estoit en Picardie, et savoit l'emprise du duc de Bour- 
bon, et aussi le conte d'Eu, envoyèrent à lui que 
ils eussent leur retenue de deux cents hommes d'armes 
qu'ils amèneroient, et pareillement requist le sire de 
Graville, normand, qui avoit trente hommes d'armes à 
le servir : et de tout ceci fut le duc de Bourbon très 
joyeulx, et les retint tous. Mais il advint que aucuns 
puissans nobles honunes Ânglois, estant à Galais, qui 
savoient l'allée du duc de Bourbon, c'est assavoir 
le sire de Gliffort, le sire de Glimbo, Neufviile, 
Gornuailhe, Jeannicot d'Ortenye, messire Jehan Franc, 
envoyèrent au duc de Bourbon, requérir que au 
nombre de vingt cinq gentils hommes et cent archiers 
il les voulsist recueillir en son armée, si en fut le duc 
content ; et le seigneur de Saint Georges, qui estoit de la 
comté de Bourgogne, envoya requérir au duc qu'il re- 



EN AFRIQUE. 283 

tinst avec vingt cinq gentils hommes ; si le fit le duc de 
Bourbon. Et Dieu scet si les nobles hommes de Thostel 
du roy, pareillement des ducs d'Orléans, de Berri et de 
Bourgongne, se ofiroient au service du duc de Bour- 
bon ! Et lors se pensa le duc de Bourbon : c Tant de 
c gens se o£Prent à moi, que j'ai paour que nous faii- 
c Ions à navie ; » et adonc fit mettre en escript tous 
ceulx qui iroient avec lui, et trouva qu'ils estoient mil 
et cinq cens gentilshommes. Et lors prinst le duc ung 
de ses mestres d'hostel, et ung de la Chambre aux 
deniers, et cinq autres de ses officiers, pour mander 
aux Gennois le nombre des gens qu'il meneroit, en leur 
faisant savoir que avec lui estoient bien mil cinq cens 
gentilshommes, pour savoir s'ils avoyent assez de vais- 
seaux, et aussi les leur envoïoit pour faire ses provi- 
sions de chairs sallées, et de bescuit, de poissons, et 
d'autres victuailles qui appartiennent à mectre en mer. 
Si mandèrent les Gennois au duc de Bourbon : € Sire, 
c nous avons assez vaisseaux pour mener six mil 
c honmies d'armes, se vous les amenez, car il n'y 
c fault nulz chevaulx, et sommes lies et joyeulx de ce 
c que vous nous mandez, et amenez ce que vous voul^ 
c drez : car nous avons vingt-deux gallées, et dix-huit 
c nefs, et seront tous bien lougiés au plaisir de Dieu, 
c Par quoi, plaise vous que vous et toutes vos gens 
€ soiez à Gennes, la sepmaine après la Saint-Jehan, et 
c là vous trouverez tout prest pour passer oultre. > 
En ce termine se partit le roi de son pays de Langue- 
doc, et alla en Avignon voir pape Clément, et le duc 
de Bourbon avec lui, qui alla voulentiers là demander 
congié au pape, pour aller sur les mescréans, et qu'il 
lui baillast absolucion de poine et de coulpe, à lui et à ses 



2S4 PRÉPARATIFS A GÈNES ^ 

gens. Si le fit le saint père de bon cueur au duc de 
Bourbon et à ses gens et aux Gennois, et à tous ceulx 
qui ailoient à Tarmée, et fut le roi grandement festoie 
du pape qui le bénéïst, et s'en alla à Paris, ensemble 
avec lui le duc de Bourbon, qui prinst congié du roi, 
de son frère et des seigneurs, et s'en vint en son pays 
de Bourbonnois, ou il ordonna les fais honnourables 
qu'il avoit à faire, tant pour l'ordonnance de ses pays, 
comme pour l'armée mettre sus. Et lui estant en Bour- 
bonnois, fit venir tous ses bons serviteurs, pour 
ordonner les affaires de son pays, lesquels il ordonna 
bien et à point ; et en celle ordonnance voult que le 
sire de Norris eut le gouvernement de ses terres. 



LXXIV. Comment le duc de Bourbon envoya deux che^ 
valiers au roi, quil lui accordast ce que les Gennois 
requéroient; qu'il respondit; et comment le duc vint 
à Marseille. 

Messire Ântbonio Adorne, duc de Gennes, qui bien 
savoit la bonne voulenté et grant diligence que le duc 
de Bourbon mettoit en cellui fait, pour aller en Âuf- 
fricque, lui manda que l'armée estoit jà presque preste, 
et que ne fauldroit point au jour qui estoit nommé. 
Mais disoit le duc de Gennes au duc de Bourbon : 
€ Sire, le conmiun vous prie que vueilliez empêtrer 
c vers le roi qu'il leur vueille donner certaines charges 
< de blés et de vins, pour argent, en son pays de 
€ Provence, car le pays de Gennes est pauvre, et fault 
€ qu'il se avitaille d'autres contrées. Nous de Gennes 
c Ten avons requis, mais il ne l'a voulu octroyer; 



ET A MARSEILLE. 225 

c pour quoi l'armée se pourrait rompre. Pour 
c tant vous supplions, sire, que vous vous vueil* 
c liez employer en ceci. » Et quant le duc de 
Bourbon ot receues les lettres de Gennes, il ot 
paour que l'armée d'Auffricque fust rompue, dont il 
estoittel bruit, et tantost, oï son conseil, envoya devers 
ie roi, messire Charles de Hangest pour lui roquérir de 
par lui, ce que les Gennois autrefois lui avoient requis, 
et qu'il lui pleust octroïer : c'est à savoir deux mil 
tonneaux de vin, et quatre mil charges de froment, 
pour mectre en bescuis. Et oultre fut chargiéle cheva- 
lier de requérir au roi, que toute l'armée qui alloit en 
Auffricque venist à Marseille, et que la ville fust aban- 
donnée au duc de Bourbon, et à tous ceulx qu'il y 
vouldroit jnectre. Et le duc de Bourbon se faisoit fort 
de réparer le mal qui pourroit advenir. Et oultre 
requéroit le duc qu'il pleust au roi y mectre gens, 
afiin que les vivres ne fussent enchéris, veu le service 
de Dieu, où ils alloient, et de tout ceci furent enchargés 
Charles de Hangest, et ses gens, rapporter au roi qu'il 
trouva à Beaucaire. Si le receut grandement, et vit les 
requestes que le duc de Bourbon lui faisoit auxquelles 
il respondit comme vous orrez : c Le voyaige, > dit le 
roi, c que a entreprins beau cousin, le duc de Bour^ 
c bon, est très grant, et très honorable, et ung chas- 
c cun lui debvroit aidier du grant honneur qu'il a 
c emprins, mais quant à la requeste des Gennois, je 
c vueil que beau cousin de Bourbon saiche que je ne 
c les aime guières, et qu'ils n'auroient point de vivres 
c de moi, sinon en payant grant truaige, car ainsi est 
c de coustume. Mais, nonobstant ce, pour les grans 
c voyaiges et service de Dieu que beau cousin a 

15 



886 PRÉPARATIFS A GÊNES 

c empris, cela et plus je lui octroie , et toute autre 
c chose en quoi je lui pourroie faire plaisir. » Et sur 
oe se partit du roi messire Charles de Hangest, qui de 
lui emporta ses lettres, et s'en alla aux Gennois à 
Marseille, qui les attendoient pour avoir la lettre de 
leur traictié, dont ils furent si lies que merveilles, et 
entreprindrent les ambassadeurs, ensemble lesGennois, 
que se les xxn gallées et les navires venoient de Gennes 
à Marseille pour recueillir le duc de Bourbon et ses 
gens, il leur selnbloit pour le mieulx , et aussi pour 
avoir plus grant marché de vivres. Si louèrent les 
Gennois le dit des ambassadeurs du duc de Bourbon , 
qui de Marseille partirent, et allèrent par devers le 
duc leur seigneur, lui refférir la response du roi Loys, 
et ce que ils en avoient fait avec les Gennois, qui de ce fut 
plus lies et joyeux que on ne vous pourroitdire. Si louè- 
rent lesGennois le dit ; et dit le duc que Dieu conduisoit 
la besongne, et tantost manda par tous païs, dont il 
avoit eu nouvelles, que chascun qui avec lui entendoit 
à passer en Barbarie, venist à Marseille, le premier 
jour de juillet, et là ils trouveroient la navie preste, où 
porroient monter et aller oultre, au plaisir de Dieu. 
Et toutes fois le duc de Bourbon qui estoit songneulx 
de toutes choses, prinst conseil qu'il y seroit dix jours 
devant, pour ordonner son navie, età ungchascun qu'il 
feroit, et aussi afin que les Gennois se hastassent d'y 
venir quant ils saroient le duc estre venu à Marseille. 
Et ainsi le fit, car il y fut au jour nommé bien accom- 
paigné des gens de son hostel et de ses pays. Et le duc 
de Bourbon estant à Marseille se advancèrent les Gen- 
nois de amenner leur navie par devers lui, tant pour 
ce qu'ils ne faillissent point, comme pour accueillir 



ET A MARSEILLE. 8lS7 

leurs vivres. Et eulx venus, ensemble leurs gallées et 
navies, ot conseil le duc de Bourbon avec les Gennois, 
combien de gens pourroit pourter chascunegallée. Et 
pour ce leur dit le duc que ils missent en ung rolle 
toutes leurs ordonnances, et combien en chascune 
gallée et navie pouvoit tenir de gens et de vivres, et le 
chemin que debvoient tenir. Et ce faisoit le vaillant 
duc de Bourbon , affin que quant ses gens seroient 
venus, ils sceussent ou estre, et que faire. Et commanda 
le duc oultre à ses fourriers, que fissent, comment que 
fust, par manière que le sire de Gouci, le conte d'Eu, 
et autres seigneurs et gens de* nom qui le suivoient, 
fussent lougiés honnorablement à Marseille, conmie ils 
furent. Mais le duc de Bourbon n'ot mie demouré six 
jours à Marseille, que ceulx qui l'avoient requis ne 
venissent de tous coustés, et autres qui ne lui avoient 
mie demandé , comme le conte Daulphin , le viconte 
d'Uzès, le sire du Gaillart, qui amenèrent belle com- 
paignie, et mains autres. Et à quoi vous feroie-je long 
compte? Ainsi que les seigneurs avec leurs gens 
venoient, le duc de Bourbon, selon ce qu'ils estoient, 
leur faisoit assigner leur navie , affin que chascun se 
pourveust de ce qu'il lui fauldroit, nonobstant la pro- 
messe des Gennois, qui fust une bonne ordonnance, et 
belle conduite faite par le duc de Bourbon. Et oultre 
la provision des Gennois, fit achapter le duc de Bour- 
bon, et mectre en ses vaisseaulx, deux cens tonneaulx de 
vin, et deux cens lars, avecques foison potages, et telles 
provisions que l'en porte en mer. Et fit mettre deux mil 
chiefs de poulailles en ses navies pour les malades, et, 
quant les gens furent tous venusà Marseil le , chascun trou- 
va son lougeis fait, et prest pour eulx en aller en la mer. 



228 DÉPART DE MARSEILLE. 



LXXV. Comment le duc de Bourbon patiù de Marseille j 
alla à Gênes^ et comment en belle ordonnance des^ 
cendit devant Auffricque et V assiégea; et comment 
Sarraûns furent rebboutés. 

L'an de graoe que Ton comptoit mil trois œns 
quatre-vingt et dix, oe noble et vaillant prince, Loys 
duc de Bourbon, pour faire le voyaige qu'il avoit 
emprins, avec les seigneurs qui pour le bien de lui 
Festoient venus accompagner, se partirent de la cité 
de Marseille , et montèrent tous en mer au jour qu ils 
debvoient pour eulx en aller, selon l'ordonnance qui 
devant leur avoit esté escripte. Et estre l'armée mise en 
mer, après que toutes diargiées furent à Port-Vendres les 
nefsetgallées,de viandesetde vins, dedoulceseaux, d'ar- 
meuriers, et de tout ce qu'il appartient et est nécessaire 
en ost porter à noble homme en tel cas, le duc et les 
autres barons entrèrent es souverains estaiges et chas- 
teaux des nefs et gallées, et les chevaliers, les honmies 
d'armes et les sergens, dont il y avoit assez, et les arba- 
lestiers se lougièrent ou leur estoit ordonné. Puis 
nagèrent les gallées et les nefs par le vent qui se férit 
es voilles, au long de la coustière de Gennes ; et avoit 
esté ordonné que l'armée ne descendroit point à 
Gennes, mais seroit en la marine loîng trois milles, et 
le duc de Bourbon y entreroit, car ils avoient requis de 
le voir. Lequel y entra, ensemble le conte d'Eu, le sire 
de Gouci, et le Souldich de l'Estrau avec lui, et fut 
grandement receu et festoie du peuple , combien qu'il 
n'y arresta guières. Et au despartir, lui donnèrent grant 



ABRIVÉE A GÈNES. 229 

foison d'épices, sirops, prunes de Damas, et autres 
liqueurs qui sont bonnes et confortatives pour malades, 
dont il les remercia grandement, et se partit de Gennes 
et s'en vint en son armée, en la mer, où estoiènt les 
vingt-deux gallées, et dix-huit nefs, tant de guerre que 
de cours, oit estoiènt les hardis bacheliers et les bons 
chevaliers et vaillans hommes d'armes de plusieurs 
contrées, et les ligiers mariniers pour aller devant 
Testoire, quand elle seroit meue pour port trouver et 
prendre. Et le duc de Bourbon, qui estoit en sa gallée, 
se esjouissoit moult de voir gallées et naves les unes 
près des aultres pour le temps qui estoit souef, et fai- 
soit calme, si que à poine la mer se movoit, et en tant 
le duc de Bourbon déprloit aux jeunes hommes qu'ils 
retenissent l'enseignement et la doctrine d'armes des 
preudhommes et anciens guerriers qui estoiènt jà 
esprouvés, et aux anciens qu'ils endoctrinassent les 
plus jeunes qui avoient mestier d'enseignement; 
adonc voyant le bon duc ses gens bien encouragiés de 
combattre, et qu'il povoit grant chose emprendre et 
faire par leur aide, il se mit à chemin vers Âu£Pricque, 
car es ondes de la mer le vent s'estoit féru , dont ils 
povoient singler à souhait. Si nagèrent en mer par la 
couste de Sardaigne ou il avoit d'assés bonnes villes 
pour mieux eux reffreschir, sans gaster leurs vivres. 
Les noms des villes sont : La Guillasse, Ghastel à caille, 
la Mousière, et la Gonnillière\ qui n'est que à seize 
lieues d'Âuffricque. Et à la Gonnillière fut faite une or- 
donnance pour descendre devant Auffricque de l'avantp- 
garde, de la bataille, et de la rière-garde ; et ordonna 



i . Gonigliera, petite lie ^isine d'Aoffricqne. 



SI30 DÉBARQUEMENT DEVANT AUFFRIGQUE. 

l'on que le sire de Gouci, qui estoit un moult vaillant 
chevalier et bon capitaine, auroit Tavant-garde lui et le 
conte d'Eu, pour descendre en terre les premiers, à 
tout six cens hommes d'armes, que le duc de Bourbon 
leur bailloit, et mil arbalestriers de Gennes et d'ailleurs 
à parfournir la compaignie, et le duc de Bourbon après 
avecques ceulx de son hostel et de ses pays desmon- 
teroit à sa bataille, et en arrière-garde les suivroient 
le souldich de l'Ëstrau, le sire de Gastillon, et les 
Ânglois avec le conte Daulphin, ensemble les Gennois 
qui estoient en celle armée. Ainsi descendirent le sire 
de Gouci et le conte d'Eu et leur route devant Auf- 
frique, auprès d'une mesquile ' de Sarrasins, où ils se 
mirent en ordonnance de bataille, pour attendre ceubc 
qui d'Âuffricque les asauldroient, mais nul Sarrasin ne 
fit semblant de eux assaillir, et ce regardant le duc de 
Bourbon, hastivement, descendit de sa gallée en terre, 
et toute la sienne bataille, et tous les autres de la rière- 
garde. Et celle nuit geurent les chrestiens devant la 
cité d'Auffricque en belle bataille, et toute leur navie 
derrière eulx ; et l'en de main fut ordonné par le duc 
de Bourbon et les Gennois, le siège, et assis devant 
Auffricque par la terre, et ceulx de Gennes par la mer. 
Et le siège que le duc de Bourbon mit, estoit par terre 
d'une mer à autre, ou ceulx d'Auffricque avoient trois 
portes, et sur la mer n'en avoient fors une. Et les 
Sarrasins d'Auffricque, qui bien estoient douze mil 
quand virent leur ville assiégée par les chrestiens, n'at- 
tendoient se non à leur point, de saillir au lougis du duc 
de Bourbon et des autres, par leurs trois portes, tous 

1. Mosquée. 



SIÈGE d'auffrigque. 231 

à ung coup pour porter aux chrétiens grant dommaige. 
Ainsi attendirent trois jours sans issir, pour savoir 
quelle garde feroient ceulx qui estoient dehors. Et au 
bout de trois jours advint, à Theure que l'en souppoit 
en Tost, et que Sarrasins ne véoient guières de gens, 
ils saillirent d'Âufiricque, par les trois portes pour courir 
sus aux logis ; mais avec ce que chrestiens faisoieot bon 
guect, chascun estoit tous jours armé : si faillirent 
Sarrasins à leur emprise, car ceulx de l'ost, qui estoient 
pourveus et armés, les reboutèrent si lourdement, que 
des Sarrasins y ot mors trois cens honunes, et ceulx 
du lougis au duc de Bourbon se advancèrent tant en 
ce touUéïs ou estoient le bon preudhomme messire 
Hugues de Ghastellus, sire de Chastelmorand , qui 
oncques en sa vie ne fit voyaige, senon à ses despens, 
ne aussi n'ot cure de demeurer en court de seigneur, 
et auprès de lui ses deux fils Jehan et Guichard che- 
valiers, le sire de Négrepelisse, qui estoit de Fhostel du 
duc, le sire de TEspinasse, le sire de Ghastel de Mon- 
taigne, messire Le Barrois, messire Blain Loup, n^ares- 
chal de Bourbonnois, le sire de Sainct Priest, messire 
Regnaud deBressoUes, messire Robert de Damas, mes- 
sire Guillaume deGaret, messire Berthomier du Yernay, 
le sire de Sainct^Porgue, Tachon de Glené, Michaille, 
Phelippe Beraud, Guichard Lebrun, et assez d'autres 
d'icellui hostel, dont je ne sai les noms , avec maint 
autres tellement se y portèrent, que ils occirent à la 
porte d'Auffricque plusieurs Sarrasins, dont ils oreat 
telle paour, qu'ils ne saillirent despuis de trois sep- 
maines, mais pensoient de fortifier leur place. 



232 SIÈGE 



LXXYL Comment le due de Bourbon parla au conseil 
devant Auffricque , et comment le siège fut clos y et 
V ordonnance de le garder. 

Geulx de Gennes, qui congnoissoient la marine des 
Mores, orent mis et mandé par avant deux de leurs 
gallées coursières en celles marches sarrasines , pour 
espier lepays, lesquelles estoient retournées au siège, 
et reportèrent au duc de Bourbon et à toute Tarmée, 
que le roi de Thunes, le roi de Boulgie, et le roi de 
Tramessen, se apprestoient fort pour venir combatre 
le duc de Bourbon à bien soixante mille chevaulx. Â 
laquelle parole respondit le duc de Bourbon : c ils 
c soient les mau venus ! il faut attendre ce qu'ils voul- 
€ dront faire. » Et lors appella le duc le sire de Coud, 
le conte d'Eu, le conte Daulphin, le sire de Graville, le 
souIdichdel'Estrau, le viconte d'Uzès, et autres, et les 
capitaines des Gennois, et dit le duc à eulx en conseil, 
que trois rois sarrasins debvoient venir sur eulx , et 
qu'il estoit de faire. Des quelz aucuns dirent que c'es- 
toit grant chose d'actendre ces rois , et leur effort, 
et de ceulx qui sont dedans Auffricque ; et d'autres 
dirent que mieulx vauldroit se lever de siège et 
s'en aller, que se despartir honteusement, quant les 
Sarrasins seroient venus en si grant nombre. A la quelle 
chose ne se peut tenir le duc de Bourbon qu'il ne res- 
pondit à ceux-là : c Messeigneurs, je me donne grans 
€ merveilles que vous ayez peur de ce que n'avez point 
c veu, et ne savez encore s'ils viendront. Et me semble 
€ que se les Sarrasins viennent nous sonunes assez 



D*ÀUFFRIGQUE. 233 

c gens d'avoir belle journée sur eulx à Taide de Dieu. » 
Et dit le duc à aucuns ses parents, c Vous, beau cou- 
sin d'Eu, et vous, beau cousin de Gouci, que dictes 
vous de ceci? » Lesquels lui dirent : € Monseigneur, 
ce que vous avez dit nous semble bon, et très honno- 
rable. Car à dire que vous soiez venu de si lointaing 
pays pour acquérir honneur par deçà, et que hon- 
neur venist, et vous le perdissiez, vous auriez fait 
de vostre honneur déshonneur. > Alors le duc de 
Bourbon dit : < Messeigneurs, vous dites bien : il me 
semble qu'il est bon que nostre lougeis soit clos 
d'aucune ligière doisure, car Sarrazins ne combatent 
fors à cheval. > Dont dirent les seigneurs : c Monsei- 
gneur, vous dites bien, et aussi le voulions nous 
dire, et soufïira de pou de cloisure. > Et ftit dit des 
Gennois qu'il souffisoit l'encloisure faire de cordes que 
l'en chainsist^ d'une mer à autre, à enclourre le siège, 
qui fussent de quatre piez de hault, affin que chevaulx 
ne y pussent saillir, et qu'il souffisoit assez pour celle 
canaille. Mais à ce parlement y ot aucuns saiges Gen- 
nois qui dirent que avec la corde tendue on mist rames 
de gallées entre les cordes, si que les arbalestiers 
peussent mieulx traire, et plus roidement contre les 
Sarrasins s'ils assailloient l'ost, et aussi contre le 
poulséïs des lances. Si fut la parole bien oïe et escoutée 
de tous, qui moult leur pleust, et ainsi fut clos l'ost. 
Après ordonna le duc de Bourbon, où estoiënt les 
capitaines de l'armée Gennoise, la garde que chascun 
auroit par la manière que vous orrez. Premièrement 
qui auroit cent hommes d'armes, il seroit establi à 



1. Qoi ençaindroyent (ms. A). 



234 SIÈGE 

garder vingt cinq brasses de garde, et cinquante 
arbalestiers, dont Tordonnance fut faite à chascun sei- 
gneur ou capitaine ayant diàrge de gens d*armes. 
Et encores ordonna on par délibérément meur que le 
duc de Bourbon auroit avecques soi mil combatans 
soubs sa bannière, laquelle portoit messire Robert de 
Damas, et portoit son pennon messire Jean de Chastel- 
morand, qui se tenroient en conroy avec le duc à son 
commandement, devant Tune des trois portes d'Auf- 
fricque, et cinq cens arbalestiers pour aider et secourir 
là ou seroient les besongnes plus aigres, et pour rebou- 
ter Sarrasins se de la ville sailloient. Et telle fut l'or- 
donnance si belle et bonne, disant chascun : viennent 
Sarrasins quant ils vouldront ! 



LXXVII. Comme le rai de Thunes^ Sarrasin y accompaigné 
d'autres deux rois, vint devant Auffricque; Vescar- 
muche qui y fut; et comment le duc de Bourbon y 
escarmucha^ et les Seigneurs^ jour après autre. 

Le roi de Thunes, Sarrasin, maieur en Barbarie, 
saichant que sa cité d'Auffricque estoit des Chrestîens 
assiégée, s'esloit pourveu de ses gens d'armes pour 
conforter sa ville, ou lever le siège, s'il povoit, mais 
pour ce qu'il, à ce faire, ne se sentoit mie assez fort, 
avoit niandé deux rois ses alliés et consors, qui à son 
mandement vindrent à Thunes, à grant povoir, ans- 
quels il dit : c Vous, mes chers frères, et parfaits 
€ amis, roi de Tramessen, et roi de Boulgie, avez 
< sceu conmient le peuple de Gennes par son oultraige 
c plusieurs ans m'a guerroyé, et de présent pour me 



d'âuffrigque. 335 

c pis faire, leur duc et recteurs de leur cité, ont faict 
€ venir ung prince chrestien, du sang royal du grant 
€ roi Franc, appelle le duc de Bourbon. Et s'il prenoit 
c ma ville que lui et les Gennois ont assiégée, ce me 
c seroit trop grant perte, et à vous souffreté de biens, 
c pour ce que vostre terre est sablonneuse, et pou 
c recueillez de biens, si par la mer ne vient, qui par- 
€ tent de mon port d*Auffricque, pour vous avitailler 
€ et pour tant vous dis : il ne fault mie bonnement 
c sueffrir son ennemi en son règne longuement, qui 
€ oster l'en porroit par raison ou par force. Allons à 
c eulx, sachons quelles gens sont, et combatons pour 
€ nostre franchise. > Adont le roi de Thunes, ayant 
mis fin à sa parole, se accordèrent les autres rois à 
son dit. Si vueillez savoir que, après ceste parole, ne 
tarda pas huit jours que le roi de Thunes, le roi de 
Tramessen, et le roi de Boulgie vindrent devant Auf- 
fricque en leurs conrois selon leur couscume, à tous 
leurs naquères^ tambours cimballes frestaulx' et glais', 
présenter la bataille. Et bien estoient en nombre, que 
à pié que à cheval, soixante mil personnes, et furent 
auprès de Tost des Ghrestiens, seulement le trect d'une 
arbaleste. Et à celle heure fit on de l'ost saillir le gect 
de deux piarres mil combatans et six cens arbales- 
tiers : et ce voyant les rois sarrasins mandèrent de 
leurs chevaliers bien accompaignés tous à cheval 
assembler aux chrestiens, mais ils ne se osoient approu- 
cher pour le trect ; et chrestiens, qui virent leur couar- 



i. Trompettes. 

2. Fifres. 

3. Clairons. 



236 SIÈGE 

dise s'advancèrent, cspecialementoeulxqui àceestoient 
ordonnés, et férirent sur eulx vigoreusement, et se 
portèrent si bien en celle empaincte les gens d'armes, 
et arbalestiers, qu'ils feirent Sarrasins retraire par 
bien enchâsser, et par force de trect; et fut l'escar- 
muche si bonne que les sarrasins y perdirent 
soixante chevaulx bons, et cent hommes mors. Et les 
sarrasins qui se véoient fouller , se parforceoient d'entrer 
es chrestiens, pour ce que véoient le petit nombre 
d'eulx au grant nombre qu'ils estoient, et moult de 
vaillans chevaliers et de héraulx créables ont affermé 
despuis, que si la nuit ne fusl pas si tost venue, et la 
bataille et l'arrière garde se fussent férues dedans, ce 
qui là estoit de mescréans eussent perdu leur povoir, 
et se fussent tournés 4 honte. Mais le duc de Bourbon 
qui estoit ausé de bataille et de guerre, voyant la nuit 
qui approchoit, ne voult ses gens abandonner en celle 
fortune, regardant que ceulx de la ville lui peussent 
avoir donné au dos. Ainsi doncques se passa la journée 
pour la nuit qui vint, et s'en allèrent les trois rois 
mores et leurs gens lougier auprès d' Auffricque sur ung 
petit tertre, qui là estoit, assez prochain de l'ost au 
duc de Bourbon, et des Gennois, ou Sarrasins tendi- 
rent leurs tentes et pavillons ; et de leur venue s'es- 
léescèrent moult celle nuit ceulx d'AufiPricque. Et quand 
chrestiens virent leur couvine, fut ordonné par le duc 
de Bourbon son conseil et les Gennois, que au-dehors 
de l'ost, pour faire garde auroit six cens hommes 
d'armes et trois cens arbalestiers, par manière de guet, 
en une petite montaignete, au gect de deux piarres, se 
Sarrasins issoient à eulx pour escarmucher : ainsi fut 
fait et ordonné. Et pour celle heure n'y ot plus fait 



D'AUFFfaCQUE. 237 

d*ung cousté ne d'autre, ains se retrahirent Sarrasins 
en leurs tentes, et Ghrestiens en leurs lougeis, et se 
reposèrent les travaillés, et les autres faisoient la 
garde, ausquels la charge en estoit commise. Et pour 
attraire Sarrasins à bataille, les Ghrestiens les alloient 
aatir^ chascun jour, et courre auprès de leurs tentes 
par manière d*escarmuche. Et les Sarrasins ce voyant 
issoient de leurs herberges, et se mesloient aux Ghres- 
tiens en Tescarmuche. Si advenoit que aucunes fois les 
Ghrestiens repoulsoient les Sarrasins bien parfont en 
leurs lougeis, et les Sarrasins ensement les Ghrestiens 
par foisauprèsde leur ostrcar ainsi est le mestier d'armes. 
Les seigneurs qui venus estoient avecques le duc de 
Bourbon dirent : c Monseigneur, il nous est ad vis, et à 
c bon droict, que vous entendez à avoir la ville d' Auf- 
« fricque, et ces rois qui sont là, le vous veulent contre- 
c dire, et durera assez ce siège, car ils ne vous veulent 
c livrer bataille, mais peu à peu, viennent chacun jour 
c à Tescarmuche pour nous cuider à force affamer ou 
c trouver en desroi. Pour tant vous prions que vous 
c avecques vos gens et nous jour par jour nous essayons 
c ces mescréans à escarmucher avecques eulx . > De ce fut 
joieulx le duc de Bourbon, et leur octroya de bon cueur, 
si commancèrent les escarmuches des Ghrestiens aux 
Sarrasins en cellui jour. Et premiers le sire de Gouci, 
et le conte d'Eu avec leurs gens qui fièrement se con* 
tendirent, et l'en de main le conte Daulphin, le viconte 
d'Uzès et le viconte de Roddes, et le sire de la Saigne 
d'Arragon,avec leurs gens bien se y portèrent. Ensui- 
vant l'autre demain cellui vaillant chevalier le souldich 

1. Provoquer, harceler. Yoy. ci-dessus p. 466. 



238 SIÈGE 

de TEstrau de Bourdelois et avec lui le sire de Gastillon 
ensemble leurs gens, vaillamment se y portèrent. Et le 
quart jour, le sire de Saint-Geoi^e ensemble le sire de 
Graville, et leurs gens le firent moult grandement. 
Après ceulx-ci, comme les jours venoient, y furent à 
leur tour, le sire de Cliffort, messire Jean Franc, et 
ce bon escuyer Jennicot d'Ortenye avec Gomuaille, 
qui la prinst son bruit ensemble leurs Anglois, qui 
réaulmentse y portèrent. Et ung chascun faisoit son tour 
selon que les jours venoient. Et le duc de Bourbon, 
véant que le tour des autres estoit achevé, y alla en 
personne avec les chevaliers et escuyers de son hostel, 
qui gaillardement y escarmucha, et ceulx de sa compai* 
gnie. Et aussi firent les capitaines et honmies d'armes 
Gennois, avec leurs arbalestiers, qui mains Sarrasins 
occirent, et ne peust estre qu'en celles escarmuches 
n'eust occis et navrés assez gens d'une part et d'autre. 
Gar quarante deux jours tous ensemble sans point de 
délayance se entre-escarmuchèrent. Et que vous iroie 
je contant de ung chascun vaillant chevalier et escuyer 
le hardement ne la force ne la prbesce ? Tant le firent 
bien que chascun d'eulx est digne d'estre loué : car la 
chose fut à tant que vingt chrestiens assailloient trente 
sarrasins avec les lances et le trait. 

• 

LXXYIII. Comment Vassault fut donné, par le duc de 
Bourbon et la compaignie, à la ville d'Auffricque; 
et comment Sarrasins se maintindrent contre Chres^ 
tiens. 

Ayant regart le duc de Bourbon es faiz des Sarrasins, 
conmie ils se contenoient, manda quérir les seigneurs 



d'àufpricque. 239 

de sa compagnie et les capitaines des Gennois, ans- 
quels il dit : c Messeigneurs, vous véez la puissance 
c de celle gent sarrasine, que sellon comme je voi leur 
c gouvernement, iisnesont mie tantde craindre, comme 
c on diroit, car je voi que nos gens les foullent tous les 
c jours en toutes escarmuches. Et pour ce me suis pencé 
c que depuis que nous venismes devant ceste ville d* Auf- 
c fricque, nous n'avons mis poine de l'assaillir. Si seroit 
c bond'adviser comme on la peust prendre. Si serions 
c moult bien heures, si devant telle puissance de nos en- 
c nemis nous la povions avoir. > Alors dirent le sire de 
Gouci, le conte d'Eu, et les autres barons qu'il disoit 
vrai, et oultre dirent le conte d'Eu et le sire de Gouci : 
€ Monseigneur, vous feriez bien de demander aux 
c Gennois s'ils ont apporté nuls habillemens de guerre, 
c et voir que leur en semble. » Si furent mandés les ca- 
pitaines des nefs et gallées Gennois, ausquels fut faite 
cette demande : lors respondirent ceulx de Gennes : 
Monseigneur, nous avons dedans nos naves ung 
eschaffault de trois estages de bault, et de trois 
brasses et demie en carreure, et peut on mener 
cellui eschaffault sur petites roues, et aucuns de nos 
facteurs gennois demourans en la ville comme en 
lieu de marchans, nous ont dit que nous ne faul- 
drons point à prendre la ville auprès d'une tour, 
par devers la terre, dont pour la force d'icelle, 
Sarrazins ne tiennent guières compte. Et d'autre 
partie devers la mer, > dirent Gennois c avons inten- 
cion de faire sur quatre gallées deux becs de faul- 
con, et en chascun bec de faulcon une eschiffe à 
mettre quinze hommes d'armes, et dix arbalestiers. 
Et n'y a bec de faulcon qui ne soit plus hault que 



240 SIÈGE 

c n'est la tour du port qui tant est forte, et si celle 
c tour povons avoir, nous aurons tout. > Dont les 
Ghrestiens de Tost furent si lies et joieulx qu'il sem- 
bloit que tout fust nostre.- Et demanda le duc de 
Bourbon aux Gennois quant ces habillemens porroient 
estre prests? lesquels de Gennes ne demandoient que 
huit jours de terme ou fut leur besogne aprestée, dont 
on s'esjoït grandement. Et ne faillirent point ceulx de 
Gennes que Teschauffault ne fust dressié, et tout prest 
de le conduire vers la tour du port ou Ten le debvoit 
mener, et aussi par les gallées, les becs de faulcon. 
Yoyans ceulx de AufTricque les préparemens pour eulx 
assaillir, ne se fièrent plus es Ghrestiens demourans en 
la ville, sur le fait de la garde, ains les encloïrent en 
leurs domiciles, car trop craignoient Sarrasins cellui 
eschaffault qui près de leurs murs approuchoit. Si 
mirent toutes les bombardes de la ville, ou il en y avoit 
de belles, en hault d'icelle tour du port, pour traire 
sur le dit eschatfault, et envelopoient Sarrasins les 
pierres qu'ils trayoient d'estoupes d'ung doigt d'es* 
pois, ou ils semojent pouldre qui gectoit feu pour 
esprendre Teschaffault, et venoit la pierre tout ardant. 
Et tant tirèrent de pierres les Sarrasins d'ÂuflPricque, 
qu'ils ardirent l'eschaffault en ung jour et une nuit, 
dont chreâtiens furent fort courrouciés. Mais ce durant 
advisa le duc de Bourbon et les chevaliers qui là estoient, 
que nonobstant l'adventure, toute la compaignie par 
bon ordre iroit assaillir la ville, aux trois portes, par 
terre, affin que les becs de faulcon que portoient les 
gallées par mer fissent quelque chose , et ainsi fut 
ordonné l'assault, et que les becs de faulcon fissent 
leur debvoir. Et l'en de main commença l'assault, et 



d'àuffrigque. S41 

les becs de fauloon pour faire ce que Gennois avoient 
empris. Mais les Sarrasins de la ville firent ung habil- 
lement de guerre sur la tour, encontre les becs de faul- 
con, tel conune vous orrez. Les Sarrasins qui avoient 
Farrière guet de la ville, et la garde des tours, en 
celle tour du port, dont plus se doubtoient, ostèrent 
toute la deffence, et firent un sollier de bois au plus 
hault, sans deffence, et pertuisèrent cellui sollier moult 
dru à trois doigts Tung pertuis de l'autre, et les com- 
mis ad ce faire orent mis aucuns de leurs Sarrasins au 
dessoubs de leur sollier, et tous les Ghrestiensquimon- 
toient des becs de kulcon sur la tour, avoient les pieds 
perciés des Sarrasins qui au-dessoubz d'eulx estoient, 
lesquels Ghrestiens ne pouvoient voir les Sarrasins, et 
des Ghrestiens y ot tant de bleciés que aux plusieurs con- 
vint saillir de la tour en bas , ainsi cessa Tassault des 
becft de faulcon. Et devers les portes, par terre, où 
estoit le duc de Bourbon, ensemble les establies des 
seigneurs qui avecques lui estoient, chascun en son 
endroit, comme il estoit ordonné, et ceulx de ses pays 
avec les Gennois, laissant garde souffisant pour la 
retraite, assaillit on si fièrement que Tune des portes 
fut arse. Mais le grant peuple qui estoit ens, la murè- 
rent tant que on n*y povoit entrer. Et durant l'assault 
estoient les trois rois Sarrasins dessus nonmiés, et plus 
de quarante six' mil honmies, au trect d'une arbaleste 
près des Ghrestiens, qui crioient à ceux de la ville hor- 
riblement : c tenez vous bien ! > et ne se osoient 
approucher sur Tost pour la grosse arrière garde qui 
aguettoit comment Sarrasms se abandonneroietat. Et ftit 



1. Les mss. A et B portent : xlvu. 

16 



242 BOUGIQUAUT 

une belle chose au duc Loys de Bourbon et à sa corn* 
paignie d'assaillir une telle forte et bonne ville, sur la 
mer, comme est Auffricque, devant la puissance de 
trois rois Sarrasins, qui au commencement estoient 
soixante mil chevaulx, sans le povoir de la cité. 



LXXIX. Comment le duc de Bourbon alla pour faire 
retraire Bouciquaut le jeune, et comment le duc courut 
les tentes des Sarrasins avec ses gens. 

Pour robscurité de la nuit convint retraire les Sar- 
rasins en leurs herberges, et les Ghrestiens en leur 
cloisure, ainsi se passa celle journée. Mais de là à huit 
jours que Ghrestiens et Sarrasins estoient les ungs 
devant les autres, advint que le jeune Bouciquaut à 
son tour faisoitle guet, qui tousjoursavoit esté ordonné 
entre Tost et les Sarrasins. Lequel Bouciquaut estoit 
ung che valeureux honmie, et fit requérir en l'escar^ 
muche ou il estoit, par aucuns truchemens que s'il y 
avoit nul Sarrasin qui encontre lui se voulsist combatrc 
à pié ou cheval , qu'il le combatroit. Lesquels lui 
firent responce que non. Lors leur fit dire messire 
Bouciquaut, que s'ils vouloient faire armes dix contre 
dix, ou vingt à vingt, qu'il estoit prest et sa compaignie. 
Si leurrespondirent Sarrasins que non, si les rois leurs 
seigneurs ne consentoient. Et quant Bouciquaut vit 
leur reffus, il leur fit dire qu'il les combatroit en champ 
seur, vingt Ghrestiens contre quarante des leurs Sarra- 
sins. Et tant que le parlement duroit, estoit ordonné 
que l'en ne fist guerre l'un à l'autre. Et àpoine estoient 
les parlementeurs chrestiens et sarrasins ensemble. 



ATTAQUE LES SARRASINS. 243 

dont le duc de Bourbon, le seigneur de Coucî, le conte 
d'Eu, le Souldich de TEstrau, et les autres barons 
seesmerveilloient, car tous ceulx de l'ost couroientàce 
parlement, [tant que le seigneur de Gouci, le conte d'Eu 
et autres, qui virent l'ost desréer, dirent au duc de 
Bourbon^] : c Monseigneur, les gens s'en courent tous 
c comme bestes là où est Bouciquaut , et ne les en povons 
c garder, et nous semble que se vous n'y mandez aucun 

< qui les en retraie, la chose nous tournera à mal. » 
Lors respondit le duc de Bourbon : c Je n'y puis man- 

< der meilleur messaige de moi : Je y irai moi mesme. > 
Si demanda une mulle qu'il avoit toujours, et bien 
sembloit aux seigneurs qu'il n'y povoit aller meilleur 
messaige pour les faire retraire. Si monta le duc sur 
sa mulle, partit de sa tente, et se mit au chemin avec 
les gens de son hostel. Mais il ne fut guières loing que 
le suivirent plus de trois cents gentilshommes. Les 
Sarrasins qui veirent que le duc de Bourbon, lequel 
ils congnoissoient à sa cotte d'armes, se venoit joindre 
avec messire Bouciquaut à moult de gens d'armes, se 
commencèrent fort à retraire vers leurs tentes, et 
Bouciquaut et ceulx qui avec lui estoient, de les 
chasser. Et Bouciquaut qui regarda venir vers lui le duc 
de Bourbon, se donna orgueil, et chassa plus baude- 
ment les Sarrasins, et le duc de Bourbon avec sa com- 
paignie alloit toujours après pour le faire retraire. Mais 
quant messire Bouciquaut fut auprès des tentes, les 
rois mores et leurs Sarrasins se mirent en conrroi de 
bataille hors de leurs lougeis, et Bouciquaut se mit en 



1. Les mots entre crochet» manquent à la fois dans Timprimé 
et dans le ms. G : nous les tirons des mss. A et B. 



244 LE DUC LOUIS 

bataille avec les siens, attendant le duc de Bourbon, et 
ceulx qui venoient amprès lui. Et parvînt le duc de 
Bourbon à ceulx qu'il vouloit faire retraire, et parla à 
Bouciquaut bien oultrageusement des grans folies 
qu'il faisoit. Mais le duc de Bourbon voyant que avec 
lui estoient bien deux mil combatans qui 1 avoient 
suivi, et regardantaussi les Sarrasins qui abandonnoient 
leurs herberges et se mettoient en bataille tous, dehors, 
dit: c Mes amis, puisque nous voyons le lougis desSar- 
c rasins abandonné, alons de par Dieu férir parmi leurs 
c herberges, et si Sarrasins valent riens, ils les viendront 
c deffendre. > Et deffendit le duc que nul fiist si hardi 
de soi oster d'ordonnance, ne d'entendre à piller, 
mais se combatre efforcéement, et que au premier 
son de trompeté qu'il feroit sonner, chacun se treist à 
son estendard. A l'heure le duc de Bourbon premier, 
et les seigneurs et capitaines, chascun selon son endroit, 
avec leurs gens d'armes et arbalestiers de Gennes, se 
férirent parmi les tentes des Sarrasins, et coururent 
tout le lougis, et coppoient les cordes des tentes, et 
boutoient le feu es lougis de paille, et demeura le duc 
de Bourbon, avec son estendard de sa saincture d'Es- 
pérance, au milieu du lougis aux Sarrasins une heure. 
Et pendant cela an*iva au duc de Bourbon le conte 
d'Eu, à bien sept vmgts combatans, qui venoit d'ung 
autre lé , devers la marine, lequel fiit moult lie et 
joieulx de ce qu'il se trouvoit en celle place. Et pour ce 
que jà estoittard, dit le conte d'Eu au duc de Bourbon : 
c Monseigneur, véez ci la plus belle chose que on 
c puisse voir, et dont je regracie Dieu que je me suis 
€ trouvé en vostre compaignie, mais, pour Dieu ! re- 
c trayons nous, carilestvespre, et si Sarrasins couroient 



BRULE LEUR GAMP. S45 

c ès nostres lougis, il n*y est demeuré que le sire de 
c Coud à pou de gens et foison malades : si serait tout 
c perdu. » Âdonc le duc de Bourbon dit au conte 
d'Eu : c Nous y serons tantost, au plaisir de Dieu. > 
Lors fit sonner ses trompetes, et se mit en bataille, 
tout dehors les tentes, que avoient courues, au giect 
d'une piarre, et fit là le duc une ordonnance, au 
cas que les Sarrasins se avanceroient de leur courre 
sus, que tous à ung tas se férissent à eulx, sans les 
chassier ; et mit le duc de Bourbon quatre cens arba- 
lestiers Gennois et deux cens honunes d*armes avec 
eulx en manière d'une esle. Si vindrent quatre ou cinq 
fois Sarrasins pour cuider férir en la queue, mais 
fièrement on les reboutoit, et perdoiènt de leurs gens, 
et tant que en bataille ordonnée s'en repaira le duc 
en son lougis, sans perte de ses gens, se non six gen- 
tilshonmies qui moururent ès tentes des Sarrasins, 
par deffaulte d'allaine, ou sablon, dont ne se povoient 
ravoir, par ce qu'estoient trop fort armés, dont l'ung 
fut le sire de Yailly , frère du conte de Sancerre, le second 
messire Geoffroy de la Celle Guenon, et quatre de 
leurs escuyers. Et le duc venu au lougis, trouva le duc 
le seigneur de Couci en belle ordonnance, qui estoit 
moult doulent, que ès tentes Sarrasines ne s'estoit 
trouvé avec lui. Si se remist chascun en sa place et 
ordonnance, et les rois Sarrasins, ausquels Chrestiens 
avoient couru le lougis, s'allèrent lougier demi-lieue 
plusloing, et demeura le duc de Bourbon, après tout 
ceci, quinze jours devant Auffricque, où d'un cousté et 
d'autre, tant des Chrestiens nostres comme des Sar- 
rasins, y ot fait de belles appertises d'armes, car les 
Chrestiens se usoient des armes des Morisques contre 



Sli6 LEVÉE 

leurs ennemis, et les Sarrasins s'efforçoient de batailler 
des armes chrestiennes pareillement. 



LXXX. Comment fut le despartement du siège d'Auf- 
fricquey et de la belle manière d'en partir. 

Le duc de Bourbon, qui séoit devant Âuffricque, 
avoit grant désir de Tavoir. Si lui seroit tourné à 
grant victoire, si» présens les rois mores, la povoit 
prendre, et ad ce mettoit moult s'entente, et aussi fai- 
soient les seigneurs et gens d'armes de sa compaignie. 
Et pour plus tost venir à Tentention de son désir, par- 
la à aucuns des capitaines et patrons de l'armée gen- 
noise de cestui fait, lesquels lui dirent : c Sire, ceste 
c ville est forte merveilleusement, et vous le véez, et 
c est grandement garnie de gens. Et là sus sont ces rois 
c à grant gent qui, à nostre advis, ne se moveront du 
c champ, et pour rien que vous faciez, ne vous veulent 
c livrer bataille, et nous mectent en delayance, pour 
€ faire consommer nos vivres. Aussi en nos naves n'a 
c ne truie ne bricolle, ne autre engin pour amener au 
€ mur, nostre eschaffault est ars, et les becs de faulcon 
€ gastés : si ne savons mie bien de ceci que dire. » — 
€ Il n'y a, dit le duc, que d'en faire d'autres. » Et 
ainsi conmie Gennois parloient de cette besongne aux 
autres patrons de Gennes, et capitaines estans es gai- 
lées, vont quérir ceulx d' Auffricque traictié, et le traic- 
tié qu'ils requistrent estoit tel, que les Gennois fissent 
lever du siège le royal duc de Bourbon et tous les 
autres, et eulx de delà ils feroient tant par devers leur 
seigneur, le roi de Thunes, que son armée ne feroit nul 



DU SIÈGE d'auffrigque. 247 

mal aux Ghrestiens de dix ans. Si dirent les Gennôis 
que celles paroles voulentiers dénonceroient au duc de 
Bourbon et à sa chevalerie ; qui ainsi le firent, présens 
les compaignons. Lors fut donnée responce par le duc 
aux Gennois, que hardiement dissent à ceulx d'Âuf- 
fricque, qu'ils n'estoient mie là venus pour faire paatis\ 
mais pour les conquester. Et plus dissent à leur roi 
que Ghrestiens n'avoieut que faire de lui, et qu'il ne 
valoit riens. Et sur cela leur firent responce les Gen- 
nôis, dont ceulx d'Âuffricque furent fort esbahis, et 
aussi estoient les Gennois, qui n'avoient plus de quoi 
maintenir leur navie, et aussi la chevalerie n'avoit 
guières que menger. Les Gennois véans que ceulx 
d'Âuffricque de leur voulenté traictoient, querirent ung 
autre traictié à eulx qui fut tel : que la rente que le 
roi de Thunes prenoit chascun an sur Âuffricque, ils 
la paieroient quinze ans, sans ce que le dit roi y 
prinst riens, et dedans l'an paieroient au duc et com- 
mun de Gennes vingt cinq mil ducats pour les def- 
frayer de l'armée, et seurté bonne et forte bailleroient, 
telle conmie ils la demanderoient. Et là seurté que 
Gennois deraandoient, pour respondre à eulx et tenir le 
dict traictié, estoient Calhelans, Napolitains et Sar- 
dains, qui estoient riches marchans demeurans en la 
ville, pour eulx tenir le dit traictié ; et dura cedit traictié 
entre eulx quatre jours entiers, que les grans riches 
marchans ne vouloient accorder, mais quant ils orent 
assez débatu la chose, ils regardèrent que tout quant 
ils avoient vaillant, estoit en la ville, de moult grans 



1. Traité de paix à prix d'argent, comme en faisaient les 
grandes compagnies. 



248 LEVÉE 

.richesses de tous les trois païs, et que si la ville se 
perdoit ils seraient désers, veu que leur roi leur fai- 
soit pou d'aide. Si accordèrent le traictié, lequel rap- 
portèrent au duc de Bourbon les Gennois, et à ses che- 
valiers ; et sur ce le duc de Bourbon mist toute la cheva- 
lerie, ensembleFrançois et Ânglois, à savoir si ce traictié 
estoit honnourable ou non ; et eulx estans en conseil, 
voult le duc de Bourbon que le Souldich de FEstrau, 
de Bourdellois, qui estoit ung des plus anciens de Tar^ 
mée, et Tung des vaillans chevaliers que l'en peust 
trouver, parlast le premier, et lui en demanda son 
advis ; lequel Souldich dit que mie n'estoit raison qu'il 
parlast de ceci le premier, et qu'il n'avoit veu guières 
de choses en son temps, mais toutes fois il diroit vou- 
lentiers ce qu'il en savoit, et de ce peu qu'avoit veu 
en son temps, selon ce qu'il ne se vouloit pas louer. 
Si dit il que c'estoit la plus honnourable place en quoi 
oncques en sa vie il se trouvast, d'avoir attendu la 
puissance de trois rois par deux mois et demi en 
champ, assailli leur ville, devant eulx, sans qu'ils y 
aient mis remède, et despuis allé courre leurs tentes, 
et les gecter par force hors, qui est plus grant chose 
que la plus grant bataille que on pourroit voir, c Et 
c quant est du traictié, » dit encores le Souldich, c que 
c ceulx d'Âuffricque offrent, il est aussi honnourable 
c chose que si la ville eust été prinse : car vous les mectez 
c en truaigeet en servitude, qui n'est pas de reffuser, et 
c est en la présence de toute leur puissance ; et quant à 
c moi, » dit oultre le Souldich, cquinesuisqueungpovre 
c chevalier, je tiens ceste chose aussi honnourable que 
€ si j'avoie esté en trois batailles. » Après le Souldich 
parla Jehannicot d'Ortenie, anglois, l'ung des vaillants 



DU SIÈGE D^AUFFRIGQUE. 249 

chevaliers que l'en sceust nulle part, lequel se tint à 
l'opinion du Souldidi de TEstrau, et que, certes, il ne 
y savoit que redire. » Après [vint le sire de Gliffort 
chief des Anglois, qui dit, quant on le demanda, qu'il 
se tenoit à la relacion du'] Souldich ; et telle fut l'opi- 
nion des Anglois. Si advint après que le duc de Bour- 
bon demanda l'advis au conte Daulphin ; lequel dit 
au duc : c Sire, il me semble que les choses ont esté 
faites si grandes et si belles jusqu'ici, etletraictié 
est si honnourable, que vous ne le devez nullement 
refuser. > Après parla le seigneur de Cioud, lequel 
dit plainement au duc : c Monseigneur, ce voyaige en 
quoi vous estes venu, est si grant et «i honnourable 
pour vous, et pour tous ceulx qui y ont esté, que on 
ne pourroit dire mieubc, à telle puissance conune de 
trois rois, et aux grans choses que vous avez faictes. 
Car ils ne vous ont osé combatre , et quelque entre- 
prise que vous ayez faicte sur eulx, ils ont tous jours 
perdu et vous avez eu du meilleur, et au surplus 
avez gaigné leur lougis sur eulx, qui monte bien, en 
honneur, une bonne bataille, et est une maie des» 
confituï^ pour eulx. Après vous avez le traictié si 
grant dont ils sont fort asservis, par quoi vous en 
povez bien partir honnourablement autant que si 
vous aviez prinse la ville. Et présent telle puissance 
conmie vous voiez devant vous, et aussi. Monsei- 
gneur, vos gens ont deffaulte de vivres, et en y a 
beaucoup de malades, dont vous en pourriez assez 
perdre, pour cause de trop demourer; et seroit 

1. Passage fourni par les mss. A et B, manquant dans l'im- 



%B0 DÉPART 

c vostre demourance sans raiscm, car vous avez le 
c plus bel traictié que nul pourroit avoir pour vous et 
c pour vostre compaignie. > Après on demanda le 
décret au conte d'Eu, qui dit que, après le sire de 
Gouci, il ne sauroit que amender. Aussi fit on au sire de 
Graville, qui se tint à celle opinion, et le sire de Saint- 
George, le sire de Gastillon, et tous autres chevaliers 
dont il y en avoit assez. Et, durant ce parlementeis, 
les Gennoisavoient fait prendre laseurtéde leur traictié, 
dont puis guières ne demoura, que ne fust ordonnée la 
despartie, et que la navie se apprestast pour partir 
au tiers jour. Et à ce tiers jour ordonna le duc de 
Bourbon avant-garde, bataille, et arrière-garde pour 
entrer es vaisseaulx, et dit le duc au sire de Gouci : 
c Beau cousin, vous fustesie premier à la descente en 
c terre, quant nous venismes devant Auffricque, et je 
c vueil estre le dernier à monter en gallée, au despar- 
€ tir. > Et ainsi le fist, et mist le duc de Bourbon en 
une mesquite, derrière une vielhe muraille qui là estoit 
deux cens hommes d'armes, et cent arbalestiers, et 
leur fut ordonné qu'ils ne se monstrassent sur peine 
de la teste, et y furent despuis deux heures devant 
jour ; et, au souleil levant, mit le duc son arrière-garde 
sur le port, et fît dire partout que chascun se retrahist 
en ses vaisseaulx, ainsi conmie il avoit esté ordonné 
le soir. Si le firent, et ceulx d' Auffricque qui virent la 
retraite des Ghrestiens, nonobstant le traictié qu'ils 
avoient aux Gennois, firent signe à leur ost que Ghres- 
tiens se retrayoient. Si vindrent tous les Sarrasins en 
bataille devant le port, et nonobstant ce, le duc de 
Bourbon se vint retraire en belle ordonnance chascun 
en sa gallée, tournés les visages aux ennemis, et tant 



DE l'armée GHRÉTIEimE. 254 

qu'il n'y avoit à retraire avec le duc, se non deux cens 
hommes. Et quant les Sarrasins virent qu'il n'y avoît 
guières gens à retraire, envoyèrent les rois jusques à 
six cents hommes à cheval férir sur ceulx là qui firent 
ung grant cri, et le duc de Bourbon tint pié ferme, et 
fit descouvrir son embusche, et férir sur eulx, qui les 
rebouta si lourdement, que des Sarrasins à celle em- 
painte y ot mors de cent à six vingts, et puis se remist 
le duc en sa place, ou il demeura demie heure, ensemble 
Tembusche qu'il avoit faictavec soi retraire, pour voir 
si Sarrasins de rechief le vouldroient envahir, lesquels 
n'y vindrent oncques plus. Si se retrahit le duc de 
Bourbon à son bel aise, sans nul empeschement, lui et 
toutes ses gens en la marine, et lui estant en sa gallée 
singla par la mer, ensemble toute l'armée, tant des 
siens conune des Gennois ; et celle journée allèrent en 
l'isle de la Gonnillière, ou ils demeurèrent l'en de main 
tout le jour. £t les rois mores, qui seurent comme 
Âufiricque s'estoit accordée, s'en allèrent avec leurs 
Sarrasins, chascun en leur contrée. Si orent advis les 
Ghrestiens quel chemin ils feroient le plus honnou- 
rable, et le mit le duc de Bourbon en termes avecques 
les chevaliers de France et d'autre part qui estoient 
avecques lui, et dict aux pennbis : c Beaux Seigneurs, 
< véez ci ces grans seigneurs, chevaliers et autres, qui 
€ ont servi leur honneur et vous, à vostre emprinse. 
c Us sont venus de moult loing pour quérir honneur, 
c et pour ce, je vous prie, mes amis, se vous savez 
c lieu ou place, sur les mescréans, ou moi et ceste belle 
c compaignie se peust employer, tandis que nous 
€ sommes ensemble, dictes le, car je suis prest de m'y 
c employer, et aussi tant sai je de leur voulenté que 



S58 PBI8B DE GAGUARI 

c aussi sont ib. > Lors respondit le capitaine de Far^ 
mée pour les Gennois appelé messire Jehan d'Oultre- 
marine : c Monseigneur, nous ne savons place où vous 
c puissiez mieux emploier que de tirer d'ici en Sar- 
c daigne, où il y a ung chastel qui de toutes pars avi- 
c taille le royaume de Thunes, où vont les marchands 
c du pays, et est appelle le chastel de Caillée Et, qui le 
€ pourroit avoir, on auroit fait ung grant donmiaige 
< aux Sarrasins, et bien assez pour les Ghrestiens : car 
c Sardaigne est ung plantureux pais qui les avitaille. > 



LXXXI. Comment le duc de Bourbon^ à son retour 
d' Auffricque j prinst en Sardaigne aucunes places 
baillans vivres aux Sarrasins^ et comment par for- 
tune arriva en C édile j ou le seigneur de Clermont 
le festoya; comment il appaisa les sires de Plombin 
et de herbe contre Gennois^ et puis alla à Mar- 
seille. 

Puis que les Gennois orent acertené et fait saige le 
duc de Bourbon d'icellui chastel, il dit, et aussi firent 
les seigneurs : allons là! Adonc, de celle isle où ils 
estoient, nagea tout le navie en Sardaigne, devant 
Caillé, et de plaine venue entrèrent au port, où il avoit 
moult grosses naves qui furent prinses par force 
d'armes, et la basse ville du port. Et l'en de main se 
rendit le chastel de Caillé, au duc de Bourbon, où il 
avoit ung capitaine qui se advohoit pour le visconte 
de Narbonne, lequel faisoit trop de maulx, et estoit 
du pays mesme. Et bailla le duc de Bourbon aux Gen- 



i. Sans doute Gagliari. 



ET DE LÀ 6UILLA8TRE. Sl53 

nois ledict chastel en garde, aus quels il fit jurer et 
promeetre que nuls vivres ne iroient en Tbunes : Et 
les Gennois promirent au duc qu'ils le garderoient 
bien et loyaulment pour les Ghrestiens, et, sur celle 
promesse, requirent les Gennois au duc de Bourbon : 
c Monseigneur, il y a encores ici près une autre place 
c qui fait pis que ceste de avitailler Sarrasins, et a 
c nom la Guillastre S et n'est mie si forte que vous ne 
c la preignez de premier assault, s'ils ne se rendent. » 
Si dit tantost le duc de Bourbon et sa chevalerie : 
c Allons y, » et ils y allèrent, et dès qu'ils firent sem- 
blant de l'assaillir, ceubc de la Guillastre n'actendirent 
mie l'assault, mais se rendirent au duc de Bourbon, 
qui les prinst à merci, et les bailla en garde aux Gen- 
nois, auxquels il fit promettre que à ceulx de la ville 
ne feroient nul desplaisir; et firent faire serement 
pareillement comme aux gens du chastel de Caille, et 
de là prindrent leur chemin le duc de Bourbon et les 
Gennois pour eulx en aller, et vouloient fort tirer 
devers Naples, pour ce que avitailloient Auffricque, 
pour eulx monstrer le traictié qui avoit esté fait. Mais 
celle nuit fist la plus terrible fortune en mer que ono- 
ques chrestien peust voir, et cuidèrent toutes les gal- 
lées affonder et les naves périr. Et par fortune arriva 
le duc de Bourbon, en l'isle de Gécille*, à une cité nom- 
mée Messine, qui estoit à ung grant baron du pais 
appelle messire Manffroi, seigneur de Glermont, et 
beaucoup de ses gallées furent esparpillées, et vin- 
drent arriver en moult de lieux, et de toutes les gallées 



i. Ogliastro, petite ile près la côte Est de Sardaigne. 
2. La Sicile. 



25i 8ÉJ0UR EN SICILE. 

de l'armée ne périlla senon celle du Souldich de TEs- 
trau, et du sire de Ghastelmorand, laquelle brisa par 
force de vent au port deTrappenneS et fut si bien 
secourue de gens que ceulx de la gallée ne furent point 
noyés, mais ils perdirent leur bagaige. Et le duc de 
Bourbon auquel on rapporta la nouvelle de la gallée 
périe, où estoient ses bons serviteurs, l'en de main 
manda sa gallée propre à Trapenne, ou il n'a que trois 
lieues, qui les amena vers lui à Messine, où le duc 
demoura huit jours, pour reffreschir ses gens, et 
mectre en ordre ses vaisseaulx. Manffroi, seigneur de 
Clermont, lequel en iceulx jours estoit seigneur de 
Messine, de Trappenne, et de Païenne, et de bien plus 
que la moictié de l'isle Gécilienne, pour ce qu'il estoit 
podagreux, manda de ses plus privés dire au duc de 
Bourbon, que bien fust-il venu en son pays, lui et 
toute son armée; et par iceulx jours que le duc séjourna 
en l'isle, le festoya grandement le sire de Clermont, et 
le deffraya de sa despence, tant que le duc y demoura 
par huit jours, ensemble le sire de Gouci, le conte 
d'Eu, et le conte Dauphin. Et quant le duc de Bourbon 
se voult partir de Gécille, lui requist le dit Manffroi 
seigneur de Glermont qu'il lui pjeust à le faire cheva- 
lier, car de plus vaillant prince ne le pourroit estre. Si 
en fut moult lie le duc, et le fit chevalier, dont le sei- 
gneur de Glermont le remercia, et, au partir, donna 
au duc deux beaulx coursiers de la race de Glermont, 
près de Palerme, au sire de Gouci ung, au conte Dau- 
phin ung, et au conte d'Eu ung autre, et aux gallées 
et navies des Gennois vins, bescuis, chars salées, et 

i. Trapani. 



PRISE DE TERHAGINE . — PAIX ENTRE LES GÉNOIS, 255 

autres provisions, et commanda encores que aux antres 
vaissaulx les vivres ne fussent point enchéris. Si fîit 
fait son commandement, et le duc de Bourbon regar- 
dant les agréables services qui lui estoient fais en 
cellui pays, en seut très-grant gré au sire de Glermont, 
auquel à son partement il donna une ceincture d'or de 
sa devise d'Espérance. Plus demanda le duc de Bour- 
bon auxGennois quel voyaige ils feroient. Si lui dirent : 
c Sire, au partir d'ici nous irons par mer, et porrez 
c arriver devant une ville qui est au dispost de Bome- 
c nie, claimée Terrassine, ou il a bel port de mer, et 
c ceulx là confortent de vivres Âuffricque, ne plus ne 
c moins comme faisoit l'isle de Sardaigne. Si ne povez 
c mieux faire que au passer les assaillir et les destruire, 
c et nous semble que c'est bon d'y aller. > Lors entra 
en gallée le duc de Bourbon, et ses chevaliers, ses gens 
et sa navie se partirent de Messine, et nagèrent par 
mer aux voiles et aux rames, tant qu'ils arrivèrent au 
port de Terrassine, et de fait entrèrent ens, et prin- 
drent la basse ville, et assiégèrent le chastel. Et, 
dedans deux jours, le chastel fut rendu au duc de 
Bourbon, qui le bailla aux Gennois en garde, sur les 
convenances et les promissions que avoient fait pour 
Chastel de Caillé, et la Guillastre, et de là se partist 
l'armée, et s'en alla à Plombin, auprès de Pise ; et le 
seigneur de Plombin estoit ung grant gentilhomme, et 
avoit eu grant guerre entre le sire de Plombin et les 
Gennois qui duroit encores. Et le duc de Bourbon 
estre arrivé à Plombin, lui requirent fort ceulx de 
Gennes, que pour la guerre ancienne qu'il avoit entre 
eulxet le sire de Plombin, il le voulsist destruire, et 
l'en prioient. Si respondit le duc de Bourbon : c Je ne 



3 

J 



256 ET LE SIRE DE PLOMBIN ET DE L*tLE D*ELBE. 

€ suis raie venu pour faire guerre aux Ghrestiens, mais 
c s'il est chose de paix en quoy je me puisse emplo- 
c yer, je le ferai voulentiers, et le envoyerai querre : 
c vous direz vostre raison, et il dira la sienne ; et, si 
c aucune voie d'accord s'y trouve, j'en ferai mon deb- 
c voir de bon cueur : et ici a grant foison dievaliers, 
€ escuiers, et sages gens, qui sauront bien ordonner 
c de vostre debbat. » Si dirent les Gennois : c Sire, 
c nous sommes bien contcns quant de ceci vous plaist 
c prendre la chaîne, si vous en remercions. > Alors 
le duc de Bourbon manda par aucuns ses chevaliers 
au sire de Plombin qu'il venist parler à lui. Si vint le 
dit seigneur au duc liement, qui lui fit bonne chière. 
Lors monstra le seigneur de Plombin au duc les causes 
de la guerre, et quelle querelle il avoit, et aussi firent 
les Gennois, lesquelles le duc de Bourbon mit en con- 
seil avec la noble chevalerie qui estoit avec lui ; et 
sans vous faire plus long compte, les mit le duc de 
leurs debbas en si bon accort conune s'ils estoient 
frères, et deffist une grande discencion. Et de Plombin 
s'en alla l'armée en l'isle de l'ErbeS où les Gennois 
disoient avoir aucun droit que le sire de l'Erbe leur 
toUoit, et estoit bien vrai ; mais avant que le duc de 
Bourbon s'en partist, il les mit si bien d'accord qu'ils 
en furent contens, et que les Gennois orent leur droict. 
Et de l'Erbe se partit l'armée, et arriva à Portefin 
assez près de Gennes entour midi. De laquelle armée 
là descendit la plus grant partie, sauf le duc de Bour- 
bon, qui ne voult point descendre à Gennes, ne aussi 
le conte d'Eu, le seigneur de Gouci, ne le conte Daul- 

i.L'Ue d'Elbe. 



RETOUR DU DUC DE BOURBON. S57 

phin, dont le duc de Gennes et toute la communauté 
furent desplaisants, car ils vouloient fort qu'il descen- 
dist, pour lui faire de grans dons d*or d'ai^ent et de 
vaissellement. Mais oncques nulle convoitise ne l'en 
prinst. Si le prièrent plus fort de descendre, ausquels 
il respondit : c Messeigneurs, vous me pristes à Mar- 
c seille, et là je m'en retournerai, s'il vous plaist ; car, 
c alors que j'en partis, je vouai à Dieu et à Sainct 
c Loys de Marseille, que ce seroit le premier port, à 
c mon retour, que je prendroie à entrer au royaume 
c de France. » Ainsi se partirent le duc de Bourbon et 
les seigneurs au bon gré des Gennois, et s'en allèrent à 
Marseille ; et tous les autres descendirent à Gennes 
pour eulx ravigourer de la mortalité et des mésaises 
que avoient eus au siège d'Auffricque, et en mer, dont 
il en y ot mors grant foison, tant de Gennois comme 
d'autres. Et à Gennes morut le sire de Saincte Sévère, 
messire Guichart, fik du seigneur de Ghastelmorand, 
et des Ânglois douze. Et morut le sire de Castillon, 
bourdellois, et le sire de Gaillart; et le Souldich de 
l'Estrau, le sire de Sainct Georges, le sire de Gra- 
viUe , et les autres qui se furent reposés se partirent 
de Gennes, et s'en allèrent en leurs maisons. 



LXXXIl. Comment le duc de Bourbon, après son retour 
d'Auffricque, fit son mandement pour aider la cantesse 
de Savoie, sa seur, de son douhaire dont Ven lui 
faisoit tort. 

Le duc de Bourbon estant à Marseille, où il demeura 
dix jours, pour séjourner, lui et ses gens, qui estoient 

17 



258 RETOUR BU DUC DB BOURBON. 

moult foullés du travail et grant peine que avoient 
heu en ioetlui noble voiaige. Ce durant envoialeduc en 
Forez, où il n'a que quatre journées, devers la duchesse 
sa fenune, et en Bourbonnois, vers le sire de Norns, 
pour querre ses chevaubc, et ses aultres habillemens 
qu'il lui convenoit, et or et argent, dont il lui falloit 
grant foison, que moult en avoit despendu honnou- 
rablement. Et quant les chevaulx furent venus, et ce 
que avoit mandé, se partît le duc de Bourbon de Mar- 
seille, et alla en pèlerinage à Sainct Ânthoine de Vien- 
nois, et à Nostre Dame du Pui, et puis en sa copte de 
Forez, où tout le peuple lui venoit au devant, en lui 
faisant la plus grant chière, et le plus grant honneur 
que on povoit faire, partout ou il venoit. Et en sa ville 
de Montbrison demeura huit jours avec la duchesse sa 
femme qui se amoient de vraie amour, ou estoient 
leurs beauk enfans, Jehan et Loys, dont le duc se 
esléessoit moult de les veoir. Et ainsi oonune illec 
séjoumoit le duc, lui furent apportées nouvelles conoh 
ment à dame Bonne de Bourbon, sa sœur, contessede 
Savoie, on avoit soubstrait le gouvernement du conte, 
et de ses pays, (lequel conte étoit son fils, et aussi de 
feu le conte Vert son mari,) et pareillement reffusé à 
lui bailler son douaire. Si fut de ce mal content le duc 
Loys, par espécial du douaire que on lui retenoit à tort, 
et dit : c Puis que l'en veult à belle seur faire tel parti, 
c il me convient y remédier » ; et lors incontinent 
manda les barons chevaliers et escuyers de ses pays, 
qui furent à lui à jour nonmié. Si se partit le duc Loys 
de Montbrison, et à belle compagnie chevaucha à la 
cité de Grenoble, où, à sa pri^ vindrent, pour estre 
à l'aide et secours de la contesse contre les Savoiens, 



IL mTKHVHCWT EN 8ÀV0IS S59 

plusieurs seigneurs du Daulphiné, c*est assavoir : mes- 
sire Aimard deCIermont, banneret, ensemble avecques 
lui trois chevaliers, quinze escuyers, et cent hommes 
d'armes; le sire de Montchanu à deux dievaliers et 
trente hommes d'armes ; les sires de Giers et du Riage 
à quarante compaignonsbien montés et armés ; messire 
Henri de Yallins à vingt-deux honunes d'armes ; le sire 
de Mont Rigaud et Gilles Goupier, chevaliers, à dixj- 
neuf compaignons; le sire de Marmai et Vachon d'Asses 
escuiers y viendrent à trente hommes d'armes , Fran- 
çois de &unt-Andrieu avec dix honunes ; et Robinet de 
la Ghassaigne, sire de la Moulière en Auvergne, y 
estoit allé à ses dépens, à douze hommes d'armes, dont 
le duc lui en sceut bon gré. Lors prinst à dire le duc à 
ses gens d'armes : c Puis que ci sommes, ensemble ces 
c vaillans chevaliers du Daulphiné, qui sont venus de 
c leur bon gré moi accompaigner, ferons chose, au 
c plaisir de Dieu, par quoi belle seur de Savoie ne sera 
c mie déserte. > Alors dirent les chevaliers tant du 
Daulphiné conune ceulx du duc, qu'il mandast les 
deffiances en Savoie ; car ils estoient preste d'entrer 
par armes au pays, si que par force la bonne dame 
receust son droit ; c'estoit son douaire, que à tort on lui 
avoit tollu. Mais le conte Amé, qui puis fut premier duc 
en Savoie, estre acertainé que le duc de Bourbon 
estoit si près de lui pour lui movoir guerre, fit assem- 
bler son conseil, ou estoient messire Jehan de Beauf- 
fort, chancelier, les séneschauh: et mareschaulx du 
paYs, messire Boniface de Ghalant, et messire Gaspard 
de Montmajour, et ce notable escuier, capitaine de 
Pimont, Henri de Colombier, qui de tout temps, 
encontre tous, avoit soubstenu la bonne vefve dame, 



S60 DAÏ7S l'intérêt de la comtesse douairière. 

en accroissant tousjours rhonneur d'elle. Et tant par^ 
lamentèrent ensemble que par le moyen du saige 
escuyer remonstrant au conte, son seigneur, les maulx 
qui pour icelle guerre porroient ensuivir, fut mandée 
une noble ambassade du conte au duc Loys de Bourbon, 
en la ville de Grenoble. Et jà la lettre des deffiances 
estoit faite, que dévoient porter deux escuiers du duc 
de Bourbon, l'un appelé Ponsard de Grantval, et l'autre 
Jehan du Bois, de Limosin, escuyer d'escuyerie, quant 
devant le duc se présentèrent iceulx ambassadeurs, lui 
dénonçant que, pour Dieu, il ne voulsist guerroyer le 
conte, son parent ; et que ce qui avoit esté fait tournant 
à oultraige à la contesse, sa seur, n'estoit mie venu de 
la part du conte, ne des trois estats. Et assez povoit 
entendre le duc Loys le parler des ambassadeurs, qui 
dirent oultre conunent au duc ne voulsist desplaire du 
gouvernement et administration des païs et conté que 
pieça on avoit desnié à dame Bonne sa seur. < Car 
c pareillement dame Bonne de Berry, mère de nostre 
c seigneur le conte, le vèuloit avoir, qui nous sembloit 
c estre haine et envie entre les nobles dames ; pour ce ar 
€ esté délibéré par conseil, que le conte doye prendre 
c le régime de ses pays, et à dame Bonne de Bourbon, 
c contesse de Savoie , nostre grant dame, > dirent les 
ambassadeurs, c sera présentement et de faict assignée 
< certaine pencion de tout son douaire, et annuellement 
c payée de tout ce qu'on lui puet debvoir : Ainsi l'a juré 
c le conte nostre seigneur, et les trois estats, sans aller 
c au contraire. » Lors le duc Loys de Bourbon, conmie 
raisonnable prince, se accorda aux paroles des ambas- 
sadeurs, par ainsi que on tinst vérité à sa seur, les- 
quels s'en allèrent à Ghambéri racompter aux conte et 



EXPÉDITION 261 

conseil la contentacion du duc de Bourbon, qui furent 
moult lies de cellui accord. Si ne demeura guières que 
la promesse du traictié ne fust tenue bien et deuemént 
à la grant contesse de Savoie , dame Bonne de Bour- 
bon, de tout son douaire et des arréraiges. Si se partit 
la Dame du pays, car plus ne y voult demeurer, et s'en 
alla àMascon, ou despuis elle usa sa vie, moult sainc- 
tement et honnourablement. Et le duc Loys, son frère, 
qui de Grenoble ne se estoit voulu partir tant que sa 
seur fust contente, remercia les seigneurs du Daul- 
phiné et tous les autres, et licencia ses gens d'armes, 
excepté ceulx de son hostel. Puis s'en repaira à Mont- 
brison, dont il estoit parti, et s'en alla en son duché 
de Bourbonnois, à Molins, où il trouva le sire de Norris, 
et son conseil, qui furent moult lies et joyeulx de leur 
seigneur, et aussi toutes gens. 



LXXXIIL Comment le duc de Bourbon alla à Paris 
devers le roij auquel fort desconseilloit le voyaige de 
Bretaigne, 

Quant le duc de Bourbon ot séjourné par aucuns 
jours en sa ville de Molins, lui prinst à dire le sire de 
Norris : < Monseigneur, vous estes venu bien à point, 
€ la Dieu merci, car vous estes venu à vostre grant 
c honneur et très grant renommée, tant de vostre 
c voyaige d'Auffricque, comme du secours de vostre 
c seur, et aussi le roi de France faict le plus grant 
c mandement que on lui vit faire longtemps a, dont je 
c suis certain que vous orrez bientost nouvelles, mais 
< que le roi saiche vostre venue. » Et lors demanda le 



9163 CONTRE liB DUC DE BRETAGNE 

duc de Bourbon quelle part le roi vouloit aller, et 
.oeulx de son conseil ai lui dirent qu'ils avoient entendu 
qu'il tiroit en Bretaigne. Adonc leur dit le duc : c Les 
c trêves que fit monseigneur de Bourgongne entre le 
c duc de Bretaigne et le conte de Penthièvre sont- 
c elles rompues ? > Us dirent que oui, et que Glisson et 
La Rivière, qui gouvemoient le trosne, avoient tout 
rompu. Si dit adonc le duc de Bourbon : c c'est mal 
c fait, et trèsp-mal conseillé. > Ne demeura guières que 
au duc de Bourbon ne mandast le roi de France, qui 
bien savoit sa venue, ses lettres contenans que, après 
l'honnourable voyaige dont il venoit, il se voulsist 
traire par devers lui et prestement. Si le fit le duc de 
Bourbon, pour obéir au roi, et aussi pour le grant 
désir qu'il avoit de le veoir, et alla à Paris ou il ot grant 
chière du roi et de tout le monde qui estoit là ; et de 
deux jours entiers le roi et le duc ne parlèrent se non 
des adventures qu'il avoit eues. Et moult plaisoit au 
roi la recordance de oellui honnourable voyaige d'Âuf- 
fiîcque, dont le duc de Bourbon venoit, et firent bonne 
chière ces deux jours ; et le tiers jour dit le roi de 
France au duc de Bourbon : c Beaulx oncle, nous vous 
c voulons dire aucunes grans choses que nous avons 
c emprinses contre le duc de Bretaigne, qui tous jours 
c ne se puet tenir de nous faire desplaisir, i A la 
queUe diose respondit au roi le duc : c Monseigneur, 
c se vous n'avez bien grant cause, c'est mal fait; car 
c vous savez que monseigneur le duc de Bourgongne 
c vostre oncle, qui a fait la paix d'eulx deux, ne sera 
c mie bien content ; et, par adventure, ceulx qui vous 
c ont ceci conseillé, et qui sont avec vous tous les 
c jours, sont partiaulx, et regardent à leur fait, et 



ENTREPRISE MALGRÉ LE DUC DE BOURBON. 863 

pensent bien peu au vostre. Pour quoi vous avez 
oeste chose à mectre en grant deslibération, avant 
que vous entrepreignez le fait. > Lors dit le roi 
prestement : t Beaulx oncle, nous avons tout desli- 
béré, et est nostre mandement fait qui doibt estre 
d'ici à quinze jours au Mans. Si vous prions que, à 
vostre puissance, vous nous accompaignez, et soiez 
à cellui jour par devers nous, et de ce nous vous 
prions bien chièrement. » Lors dit le duc de Bour- 
bon : c Monseigneur, je ferai ce qu'il vous plait : mais 
je me doubte que ce soit mal fait ou vous allez ; et 
ne sçai si monseigneur de Bourgongne est con- 
sentant de ceci. » Âdonc lui dit le roi hastivement : 
Nous n'en prenons point conseil à bel oncle de 
Bourgongne. > Si dit le duc de Bourbon au roi : 
Monseigneur, il me semble que c'est mal fait à vous. 
Car Glisson vous fait estre parcial pour le conte de 
Penthièvre contre le duc de Bretaigne, qui est ung 
grant seigneur , et qui vous peut bien servir ; et vous 
ne deussiezmie prendre à cueur ceci, mais deussiez 
mectre peine à leur défendre toute voie de fait, car 
ils sont vos vassaulx, et sur ce fut fait le traicté que 
monseigneur de Bourgongne fit à Angiers, lequel 
vous debvriez tenir, et ne ensuivir point parcia- 
lité. > 



LXXXrV. Comment le ray de France allait en Bretair 
gne faire guerre au duc; et comment pour une maladie 
qui lui vint, lui convint retourner. 

Charles, roi de France, quant il ot oui le sain parler 
que lui faisoit leducde Bourbon, ne le voultplusescouter 



264 FOLIE 

en cela, mais lui dit tout oultréement : c Beaulx oncle, -^ 
c certes, nous avons promis à y aller ; si le tiendrons 
c et partirons de Paris, d'ici à quatre jours, pour estre 
c au Mans huit jours devant le mandement, affin que 
c toutes gens qui sauront que nous serons là, y tirent 
c plus voulentiers. Et pour ce vous prions, beaulx 
c oncle, que vous en veigniez avecque nous pié à pié, 
c et mandez aucun chevalier vers vos gens, et qu'ils 
c soient à vous au jour nommé. Et aussi beaulx oncle 
c de'Berri y sera, et beaux frère d'Orléans viendra 
c avec nous. > Alors le duc de Bourbon, qui ne 
pot détenir le roi, manda ung chevalier à ses 
gens, afiin qu'ils le suivissent; si le firent; et le 
roi de France estoit jà parti de la cité de Pans, et s'en 
alla au Mans l'an que l'en comptoit mil trois cens 
quatre vingts et douze, ou il demeura douze jours, en 
attendant toute la grosse puissance de son mandement 
laquelle vint à lui de tous coustés, et eulx venus, de 
la cité du Mans se voult partir le roi pour aller à An- 
giers, et s'en alla le mareschal Bouciquaut devant à 
La Flesche, pour faire le lougis du roi, et de là à 
Angiers, et l'en de main se partit le roi pour s'en aller 
longer à La Flesche, et passa par les plains de Pont- 
Yalain, où le conestable Glaquin avoit jadis desconfi 
messire Robert GanoUe. Et en cellui plain survint une 
soudaine maladie au roi, dont il mit la main à l'espée, 
et couroit sus à chascun, et qui povoit fouir devant lui 
s'enfuyoit ; car il estoit bel chevalier, de corps et de 
membres bien taillé et fort, dont il estoit bien de 
redoubter. Le bon duc de Bourbon, qui vit le roi en 
tel estât, fut moult doulent; si prinst douze gentils- 
hommes, et vint à lui, et lui dit : c Ha ! ha ! monsei- 



DE GHARIiSS VI. 865 

€ gneur, est-ce bien fait ? vous faites belles œuvres ! 
c vous vous desbonnourez. > Le roi, quiFaimoit et le 
craingnoit, fiit tout honteux. Si se trahist le duc de 
Bourbon près de lui et lui dit : < Sire, estuyez vostre 
c espée. > Si ne le voult le roi faire. Quant le duc vit 
cela, il dit au roi : c Monseigneur, baillez la moi. > Si 
le fit, et lors le duc de Bourbon dit à quatre escuyers 
de ses gens bien armés, qu'ils prissent la bride du 
cheval du roi, et de Pont-Yalain retourna l'ost, et fîit 
ramené le roi au Mans qui estoit en très grant fureur. 
Car il faisoit grant chaleur de soleil, et il se eschauffa 
en lui-mesme si fort que c'estoit la plus grant merveiUe 
du monde ; et pour Teschauffement qu'il avoit en soi, 
le convint demourer au Mans l'espace de treze jours en 
fiebvre continue. Et cependant il fit sa neufvaine au 
glorieulx saint Julian, patron d'icelle cité, et avoit on 
licencié toutes gens qui à cellui mandement estoient 
venus, et s'en estoient retournés en leurs places. Et au 
bout de treze jours, la merci-Dieu, le roi amenda fort, 
et l'amenèrent le duc de Berri et le duc de Bourbon à 
Paris, ou il fut longuement malade. Car il garissoit 
pour ung mois, et l'autre mois estoit malade arrière, 
et lui dura celle maladie tout l'an, voire, de fois à 
autre, toute sa vie, qui fut longue. De quoi il advint 
que pour cette enfermeté les princes du sang royal, 
par espédal trois, c'est assavoir le duc Loys d'Orléans, 
frère du roi, le duc Jehan de Berri, et le duc Phelippe 
de Bourgongne, ses oncles, dirent qu'il falloit mettre 
un gouvernement au royaume de France, dont ils 
furent en débat. Car le duc d'Orléans disoit que pour 
ce qu'il estoit frère de roi le régiment lui apparte- 
noit. Le duc de Berri, qui estoit plus ancien oncle, disoit 



S66 RÉFLlSnONS DE L*ACrrEUR 

aussi qu'il le debvoit semblablement avoir. Et le duc 
Phelippe de Boui^ongne, qui eatoit ung très grant sei- 
gneur et saige, et aussi oncle du roi, disoit que à lui 
debvoit appartenir le gouvem^nent, dont par ces 
debbas et estrif sôurdit discencion entre eux au 
royaume. 



LXXXV. CtmimMt r acteur parle ung peu de fortune, 

et que lui en semble. 

L'acteur a maintes fois pencé du petit qu'il a veu et 
moins retenu au fait de Fortune, et que c'est. Et à ce 
a fondé son opinion, disant que fortune n'est autre 
dbose se non permission de Dieu, veu que, lui' estant 
en ceste mortel vie, véoit plusieurs règnes par division 
esmehusencheoîr en misérable ruine, dont les majeurs 
et heretiers estoient déchassiés ou mors, et autres 
élevés en leurs sièges et obtenir leur seigneurie. Car 
bien mémoire avoit le povre pèlerin de la date annuelle 
du chappitre dessus tant qu'à ce jour veille de l'ascen- 
sion mil GOGC XXIX S et des diverses manières que 
Fortune, par sa mocquerie, tourne au rebours, 
et jamais n'est estable, en monstrant que soubz le 
del n'a riens ferme ; et d'icelle parle l'excellent poète 
Boccace, en son livre Du cas des nobles, ou chascun 
prince tenant seigneurie se debvroit mirer, affin qu'il 
n'encheist par s<mi prouchas à estre descript en cellui 
volume, qui ne parle se non de la misérable fin 
advenue es plus grans, dont on ne tient compte ; et 

1.4 mai 1429. 



SUR L mCONSTÀNGB DB LA fORTUIfS Sl67 

mesmes le philosophe Sophocles, grec, en sa grant 
viellesse fit en vers diverses tragédies, esqaelles il 
escripvoit les maulvais et desordonnés faits des rois 
et des haults princes du monde. Pour quoi je racompte 
voulentiers ce pour donner ent|sndement à tous que 
fortune est mirâble, pour quoi en elle nul ne se doibt 
fier mais seulement en Dieu, dont vient tout bien. Et 
pour venir au propos de la matière, ne fiit assez mais 
trop fortune diverse et amère au doulx pueple Fran- 
çois, tant de Testât de Tesglise, que des nobles, en les 
navrant de plaie cruelle, quant l'ung des preux et 
vaillans chevaliers du monde, prince et roi d'icelle 
terre, par Tinconvénient d'icelle maladie ne povoit 
régir son royaume, dont il advint que les ducs, son 
frère et ses oncles, orent entre eulx ung pou d'envie, 
par convoitise de gouverner ; mais le trè&-preudhomme 
prince et vaillant seigneur, le duc Loys de Bourbon, 
alloit de l'ung à l'autre, monstrant comme crainte et 
obéissance estoit deue au roi, aussi bien comme devant ; 
et que les seigneurs prissent garde que, pour leur divi- 
sion, ne se mocquassent d'eulx les autres nations ne 
n'envaissent le royaume, et par espécial les ennemis 
anciens, les Anglois que à si grant peine on avoit mis 
hors, et voulentiers y rentreroient, s'ils véoient leur 
tour. Ge, et plusieurs notables dits, disoit le bon duc 
de Bourbon aux autres princes, qui s'amoUièrent, par 
manière qu'il n'y encourust nulle voie de faict, et 
gouvernoient si bien à poinct que assez on s'en con- 
tentoit; et nonobstant la maladie du roi, avoit bonne 
paix au royaume, par le moyen d'icellui preudhomme 
et bon prince, le duc de Bourbon, qui à le maintenir 
très^fort se travailloit, dont à Paris et partout il estoit i 



S68 ET LES RÉVOLUTIONS DBS EMPIRES. 

loué, honnouré et aimé de tous merveilleusement. Et, 
durant celle bonne paix, et flourissant le royaume en 
tous biens, moult de haults seigneurs en autres terres 
faisoient guerre, et pour ce mandoient en France, ou 
estoit la gloire de chevalerie, leurs messaiges espéciaux » 
aux ducs, seigneurs en France, régens le royaume, 
qu'il leur pleust mander en leur aide des chevaliers, 
qui de bon cueur y alloient, et voulentiers es voyaiges 
s'employoient, pour non estre oiseux ; et le premier 
des seigneurs, qui faisoient guerre en ce temps, estoit . 
le conte Jehan de Hainault, duc de Hollande, lequel se 
intitula en roi de Frise, et en emprint la conqueste, ou 
il aUa de France. noble chevalerie. Et ung peu après 
aussi alla haulte baronie de France et d'ailleurs en 
Hungarie, ou passe la rivière de laDunoeS auquel lieu 
ung prince de Turquie Sarrasin appelle Basac obtint 
la bataille contre eulx Tan mil trois cens quatre vingts 
et treize ^, dont moult amendrie en fut la christienté, 
pour les nobles qui là morurent. Et ne tarda guières 
de temps après que par le roi Richard d'Angleterre, 
par lien de mariaige, qui est alliance chamelle, fut 
prinse à fenune la fille du roi de France, nommée dame 
Ysabeau, dont pour cellui mariaige, l'en cuidoit que 
la paix des deux royaumes ftist faicte pour tous jours. 
Mais fortune, qui est variable, tourna sa roue mer- 
veilleusement contre cellui roi Richard. Car, quant il 
pensoit estre au plus hault de sa gloire, il descheut, 
et se trouva moct. Aucuns dient qu'il fut occis par 
conspiracion des plus gransdu pays ; et autres disoient 



1. Le Danube, en allemand die Donau, 
%. 1396. 



MAIfUEL PALÉOLOGUE 269 

qu'il estoit mort en prison ; mais en quelque manière 
que ce fiist, la roine sa femme retourna en France, 
et le conte Derby, appelle Henry^ eslevé fut en roi 
d'Angleterre, et appelle par les barons du pays. 



LXXXVI. Comment le duc d'Orléans fut occis à Paris ^ 
et comment le duc de Bourbon en ot amère douleur. 

En ensuivant la matière l'acteur parlant de Fortune, 
en dira encore ung petit, pour ce qu'elle se boute en 
tous estas. Vrai est que en l'an mil quatre cens, que la 
paix heureuse duroit en France, comme il sembloit, 
plusieurs princes, desboutés de leurs seigneuries, 
venoient en France au roi à reffuge, soubs l'espoir 
d'estre secourus et remis en leurs seigneuries, 
auxquels le roi, quant estoit en santé, faisoit bonne 
chière, et leur donnoit estât bel et grant. Et, par ce 
temps, y estoit venu le roi d'Arménie, des armes de 
Lusignan, dont est le roi de Chypre, requérant secours 
contre le souldan, seigneur d'Egypte et de Surie, qui 
l'avoit gecté de son royaume ; mais en poursuivant 
cellui faict il mourut à Paris, et ftit ensepveli en habit 
royal, aux frères prescheurs, très honnourablement, 
aux dépens du roi de France. Et, en celle saison, pour 
ung semblable cas, vint en France, par devers le roi, 
ce noble prince et bel vieillard, monseigneur Manuel 
Paléologue, empereur de Constantinoble, pour ce que le 
prince de Turquie lui avoit moult de sa terre conquise, 
auquel le roi fit bonne chière, et le receut grandement, 
et fut lougé au Louvre, emprès Bourbon. Le duc Loys 
lui monstroit de grans amitiés, et le traictoit amiable- 



270 A PARIS. 

ment, de quoi l'emperère et sa chevalerie grégeoise 
Favoient moult à gré. Et, par iœulx jours que l'empe- 
reur grégeois estoit à Paris, fiit faict le mariage de 
Jehan, conte de Glermont, fils au duc de Bourbon, et 
de l'excellente et vertueuse princesse, dame Marie, 
fille au duc de'Berri , laquelle avoit esté contesse de Blois 
et d'Eu, où fut la feste grande et solennelle, au palais 
à Paris, et y estoit le roi François et le Grec empereur, 
ensemble la haulte baronie de France. Lesquels mariés 
orent Loys le premier, qui ne vesquit guières, Charles 
qiu fut conte de Glermont, quant son père fut duc, et 
depuis marié à très-noble dame Agnès, seur au duc de 
Bourgongne, qui aujourd'hui ont belle génération. Et 
l'autre Loys ot la conté de Montpencier, et fut marié 
à la fille au conte Daulphin, héritière d'icelle seigneurie. 
Et y ot une belle fille leur seur, appellée Ysabel. Pour 
retourner au propos de Fortune, elle fut moult per^ 
verse pour les gens du royaume, ainsi comme je dirai ; 
car le roi, qui souvent estoit malade, ne povoit mie 
bonnement gouverner, pour quoi couroit aucunement 
haine entre les seigneurs, lequel aurait du tout le gou- 
vernement; et, durant celle discension sans estre 
montrée appertement, l'an que. l'en disoit mil quatre 
cens et sept, ung maulvais ribaud normand, appelle 
Raoulletd' Auquètonville, qui estoit en grant puissance, 
et qui avoit trop gouvernement, avecques autres ses 
alliés proposèrent entre eulx de faire tuer le duc d'Or- 
léans. Et disoit RaouUet à ses sequaces, que le duc 
d'Orléans, fi*ère du roi, lui avoit faict perdre ung grant 
office de trésorier qu'il avoit, et qu'il vouldroit avoir 
tué le duc de sa main. Et persévéra tant cellui RaouUet 
dans sa mauvaistié, que lui et ses alliés espièrent le 



ASSASSINAT DU DUC d'ORLÉANS. 271 

duc d'Orléans, une nuit qu'il s'en venoit de l'hostel 
de la reine 9 de soupper avecques elle, et la reconforter 
des choses qu'elle véoit, et n'avoit guière mené le duc 
de gens avecques lui, pour le courroux que la reine 
avoit de la maladie du roi son seigneur, qui encores 
duroit. Et au retour que fist le duc d'Orléans de la 
reine, de son hostel, une nuit de saint Cléments au 
vespre bien tard, Raoullet d' AuquetonviUe , cellui 
traistre ribault, et ses complices, lui saillirent au 
devant, et le meurtrirent mauvaisement, dont grant 
bruit fut parmi Paris et terrible rumeur, qui dura 
longuement. Et cellui ribault traistre avec les siens , 
qui avoient fait cellui homicide par détestable trahison, 
celle nuict mesme s'en allèrent et vuidèrent Paris. 
Ainsi fut mort le duc d'Orléans, dont hideuse noise et 
grant debbat fut dès lors, qui despuis a duré lon- 
guement, et moult grant douleur ot le noble duc de 
Bourbon, qui tant estoit loyal et preudhomme, de 
voir ainsi mort l'ainsné frère du roi, son souverain 
seigneur, par telles gens comme vous avez oui, di son 
propre neveu. Et pour ce nul ne sauroit penser ne 
imaginer les grans douleurs que le duc avoit après : il 
véoit le roi son droicturier et souverain seigneur en la 
maladie que chascun scet qu'il ot, car une fois estoit 
sain et une autre fois malade, qui estoient deux 
amères douleurs que le duc de Bourbon avoit en son 
cuer moult douloureusement. 

i. Le23 novembre. 



S78I LE DUC LOYS 



LXXXVn. Comment Facteur commande fort la pacience 
du duc Loys et la belle vie qu'il menoit. 

Au duc Loys de Bourbon souvenoit bien que rhomme 
saige doit estre en péril asseuré, paoureux en prospé- 
rité, et ferme en adversité ; et pour ce des choses qu'il 
véoit estre advenues ou royaume par misérable fortune, 
tant ou chief qui estoit le roi, comme au frère d'icellui, 
le duc d'Orléans, son nepveu, estant ocds si villaine- 
ment, paciemment portoit sa douleur, et regracioit 
Dieu de tout. Et en espérant que Dieu de sa grâce, 
envoyastau roi plénière santé, demouroit le duc à Paris, 
ou il faisoit faire souvent processions, et donner 
aulmosnes aux pouvres, et se travailloit moult d'aller 
et venir aux seigneurs, si que rumour ne fust entre 
eulx, de laquelle fort se doubtoit, que le royaulme 
n'empirast. Et estant en celle attente tenoit lors le duc 
grant tinel à Paris, en son hostel de Bourbon, ainsi 
que bien l'avoit acoustumé de tout temps, et estoient 
bien receus quelconques gens qui venoient. Et advint 
quant le roi estoit malade, qu'il ne tenoit point de 
court, et tous ceulx qui venoient à la court du roi ou 
rien ne trouvoient appareillé disoient : c Allons nous 
c disner à l'hostel du duc de Bourbon, et nous y serons 
c bien venus. > Ainsi les nobles honunes et officiers 
venoient léans, dont le duc estoit moult joyeulx, et les 
reCepvoit on liement. Or avoit le duc de Bourbon une 
coustume qui est digne d'estre réputée belle : car il 
vouloit que les hommes, selon leurs honneurs, fussent 
assis et servis grandement, et bien y avoit officiers en 



BANS SON HOTEL DE BOURBON. 373 

ceUui hostel qui le savoient faire, dont le duc s'eslées- 
soit en les véant ainsi par ordre ; et voulentiers man- 
geoit en tinel, pour veoir celle compaignie. Et pour ce 
que nul n'entendist se non à ce pour quoi séoit à table, 
c'estoit à estre bien aise, il vouloit que nul ne parlast, 
et affin que plus grande silence fust tenue, lui estant à 
table, avoit ordonné que devant lui ne fussent nulles 
gens, ou pou, se non ceulx qui estoient ordonnés à le 
servir, c'est assavoir le pannetier , Teschançon, Tesouyer 
tranchant, et BaudesquinMeschin,lebonmestred'hostel, 
qui de tout se prenoit garde. Et pour ce que nul ne 
Toccupast en son mangier, aux deux bouts de sa 
table estoient barres closes, si que on ne peust passer 
au derrière de lui pour toûrber son entendement ; et 
pour estre plus ententif aux grans affaires que il avoit 
au royaume, tant en conseil conmie es autres choses, 
dont il savoit bien venir à fin, et pour avoir plushaulte 
mémoire, faisoit lire à son disner continuellement les 
gestes des très-renonmiés princes, jadis rois de France, 
et d aultres dignes d'honneur, et en ce se délectoit 
après le service divin, duquel l'office il disoit très 
révéremment. Et le disner estre fait, grâces dictes à 
Dieu, s'en partoit chascun, et après retoumoient 
souvent. Si dura si longuement ceste dance, que le duc 
de Bourbon se trouva bien endebté de soixante miUe 
frans d'or qu'il debvoit à Paris, car les marchans lui des-* 
livroient ce qu'il demandoit, pour ce qu'ils le savoient 
preudhomme, et poyoit voulentiers. En iceulx jours' 
advint que Loys, l'ung des fils au duc de Bourbon, en 
jeune eaige, trëspassa de oest siècle, lequel le duc de 



i. Le 12 septembre 4404. 

18 



274 



MORT DE LOYS SON SECOND FILS. 



Berri, en son vivant, avoit moult chîer, car Tenfant 
estoit bel jouvencel, advenant, plaisant, et son parent. 
Et pour la bonne amour qu'il avoit à lui heue, se partit 
le duc de Berri de Nesle, son hostel, passa la rivière de 
Seine et entra en Bourbon, l'hostel du duc Loys, 
pour le reconforter. Et quant le duc de Bourbon ot 
perceu le duc de Berri, se pensa bien pour quoi il 
venoit vers lui, car jà avoit sceu engregier la maladie 
de son fils; mais non obstant ce, quant il sceut 
le duc de Berri entrer en son hostel, il alla au devant 
de lui comme faire le debvoit, cuidant le duc de 
Bourbon ou faingnant de croire que le plus grant oncle 
du roi, le duc de Berri, pour sa franchise le venoit 
veoir et visiter. Et tantost que le duc de Berri regarda 
le duc de Bourbon, lui soubsleva le cueur, frémirent 
ses yeulx, et se print à plourer, si que il ne peust mot 
dire. Âdonc le duc Loys de Bourbon le fît aller devant 
lui, et monter en hault, en une chambre ou estoient 
moult de gens, et conunença à dire au duc de Berri : 
c Monseigneur, je vous mercie de la bonne visitacion 
c que vous me faites, et de la pitié que vous avez de 
c beau fils Loys qui est allé à Dieu. Car je sai que 
€ pour ce estes ici venu à m'en dire la certaineté. Et à 
c moi suffisoit assez un moindre seigneur que vous, 
€ mais bon sang ne oublia oncques l'amour naturelle 
c que doit avoir l'ung à l'autre. Pour quoi je vous di, 
^ monseigneur, cette vie présente n'est fors une 
€ hostellcrie, mais la vie advenir est la ferme et propre 
c maison de l'âme inmiortelle, et la bonne congnois- 
c sance pour voler à Dieu ; car monseigneur, à mon 

< advis, la fin de vivre est très-bonne, mais que 

< l'homme ait saine pensée et entière raison, et natu- 



YISITB DU DUC DB BERRI. 875 

rels sentemens, certains et fermes, pour faire Toffice 
appartenant à vie humaine. Et vous savez, mon- 
seigneur, que nature mère de toutes dioses a donné 
à nous honunes lougis pour demourer ensemble, 
mais point ne nous a donné maison pour toujours 
habiter. Pour quoi , monseigqeur, se Dieu a prins 
mon fils, c'estoit son plaisir : il le m'avoit preste ; U 
Ta voulu pour lui, le sien nom soit benoit. Par 
adventure il eust été le meilleur de tout son paren- 
taige : mais Fortune, qui met les bas en haultet les 
haults en bas, Ta mené trop tost à fin. » Le duc de 
Berri, et les oïans si saines paroles du duc de Bourbon, 
ne se povoient abstenir de plours. Mais le duc de Berri 
dévala les degrés, et alla en la chambre, avec plusieurs 
nobles hommes, où estoit le corps de l'enfant prest de 
porter en terre, auquel il fit honneur. Et quant le duc 
Loys de Bourbon, qui estoit en sa gallerie, regarda les 
processions partir de son hostel à tout grant luminaire, 
et le corps de son fils gisant en bière, lui atendrist le 
cueur, et lermoya de douleur paternelle. Et incontinent 
se entra en sa chappelle ou il appella son confesseur 
maistre Pierre de Cliantelle, bon théologien, et autres 
chapelains, qui firent l'office divin pour Tàme de 
Tenfant nouvellement trespassé, lesquels, ensemble la 
chevalerie et officiers de Thostel, se miroient de la 
constance et pacience du duc leur seigneur et maistre. 

LXXXYUI. Comment le due de Bourbon print congiédu 
roi, et 8^ en vint en son pays, ou il ordonna ses fais; 
et comment le sire de NorriSj par son bon conseil^ 
pourveut aux affaires du duc. 

Puis que Tobsèque du petit Loys fut parachevée, ne 



876 LE DUC LOUIS SE RETIRE DANS SON DUCHÉ 

cessa mie le duc de Bourbon, son père, de tenir Testât 
et tinel qu'il avoit acoustumé, et tant que aucuns des 
gouverneurs des finances lui dirent à plusieurs fois : 
Monseigneur, tout le monde vient à vostre hostel 
mangier, vous en estes content, et il nous doit 
bien plaire, mais les marchans qui baillent les den- 
rées nous chargent fort d'estre payés. Si vous 
supplions que sur ce vous plaise aviser. » Ausquels 
respondit le duc : € Mes amis, vous dites bien ; je me 
tiendroie à mal content si nul se plaignoit de moi. 
Mais ce que j'ai fait jusques ici, a esté à Tintention 
que monseigneur le roi venist en santé, si que les 
nobles hommes et serviteurs de son hostel heussent 
quelque guerredon de leur service, mais puisque je 
voi que à Dieu plait estre longue enfermeté en sa 
personne, je Ten regracie. Si adviserai à ce que 
m'avez dict, et une chose vous di que ne m'estran- 
giez point les gentilshommes qui ont acoustumé 
venir mangier en ma court, qu'ils n'y viengnent. » 
Si lui dirent que non feroient ils. Et sur ce pensa le 
duc de Bourbon longuement à lui mesme trois choses : 
la première, de prendre congé du roi en sa bonne 
guérison ; la seconde si estoit de soi retraire en ses 
païs, et penser de son âme, et regracier Dieu des biens 
qu'il lui avoit donnés; la tierce si estoit de soi acquitter 
à tous ses debteurs, de toute la despense qu'il avoit 
faite en sa vie, affin qu'il ne deust riens à la fin de ses 
jours, qui estoit belle pensée de preudhomme seigneur. 
Si advint que quant le roi de France tourna à guérison, 
pour celle fois lui alla requérir le duc de Bourbon 
congié pour aller en ses païs. Si ne lui voult le roi 
donner, ains lui dit : c Ha, ha, dea, beaulx oncle, il 



ET s'occupe de réformes FINANCIÈRES, S77 

c n'est mie temps de vous en aller! > Lors lui 
respondit le duc de Bourbon : c Monseigneur, fait-il, 
si est ; car je «uis vieulx maishouan ', et est temps 
que je me retrahie avecques mes chevaliers, et mon 
pauvre pueble, qui m'a aidé à vivre, et pour crier à 
Dieu merci des maulx que je puis avoir fais, dont il 
y en a beaucoup plus que je ne deusse. Et pour moi 
acquitter à ceulx à qui je doi , et satisfaire à tous 
ceulx auxquels je pourroie avoir fait tort en mon 
temps. > Et lors le roi lui dit : c Beaulx oncle, je 
vous prie, demeurez encores, car il y a moult 
d'affaires en ce nostre royaume ou vous povez 
beaucoup. > Âdonc lui dit le duc de Bourbon, en 
le voulant satisfaire : c Monseigneur, quant je serai en 
mes terres, je puis tous jours venir devers vous, à 
faire ce que me vouldrez commander, et moi 
employer en tous vos affaires de mon povoir. » 
Ainsi obtint congié le duc de Bourbon du roi de 
France son seigneur, et s'en vint en son duché de 
Bourbonnois , et lui estant en son païs fit de belles 
ordonnances : la première fiit qu'il voult savoir toutes 
ses dettes. Et oultre dit au sire de Norris qu'il vouloit 
savoir combien povoient monter tous ses domaines, 
c'est assavoir Bourbonnois, Forez, Beaujolois, Gom- 
braille, Ghastel-Ghinon , et Glermont en Beauvoisin. 
€ Et les raisons pour quoi je fais ceci, dit le duc, si 
c sont pour reigler, et tenir Testât de moi et dema 
c femme, et fils, et aussi pour moi acquitter de tous 
c ceulx à qui je doi. > Lors lui dit le sire de Norris : 
c Monseigneur, vous prenez ung bel et bon chemin 



1. Dès cette année, magia hoc anno; cf. désonnais. 



878 



DU PAIEMENT DE SES DETTES 



c pour rame et pour le corps ; et quant vous plaira ce 
c que avez dit sera fait. > Adonc dit le duc : c Norris, 
c mettez trois chevaliers qui soient besogneux par tout 
c ung mois de ceci, car vous n'y povezestre bonnement, 
€ parce qu'il est de nécessité que continuellement vous 
c soyez avecques moi pour aucunes affaires que j'ai à 
c faire. > Alors le sire de Norris, par le commande- 
ment du duc, conmiist en la chambre des comptes, 
pour oyr ceci, ceulx qui y seroient, c'est assavoir 
l'Hermite de la Faye, Ghastelmorand, et messire Fran- 
çois d'Aubricecourt, pour trois chevaliers, et ung clerc 
pour escripre ce que les gens de la chambre des 
comptes monstreroient, et fut la chose si bien démenée 
que les chevaliers à ce conmiis et ceulx de la chambre 
des comptes, au bout d'ung mois, rapportèrent au duc, 
leur seigneur, qu'il avoit quatre vingts mille frans de 
domaine, qui fut tenu une belle chose à tous ceulx qui 
l'oïrent . Et lors dit le preudhomme sire de Norris au duc 
de Bourbon : c Monseigneur, vous n'estes mie prince 
c désert, car. Dieu merci ! vous avez assez pour vous ac- 
c quitter, et pour tenir un très grant estât. » Lors lui 
dit le duc : c Sire de Norris, vous m'avez bien aidié le 
€ croistre, et vouldroie bien adviser ce que touchera 

< à ma despence, et le rémanent demourast pour mon 
c acquit. > Lors lui dit le sire de Norris : < Monsei- 
c gneur, la despence de vostre hostel gist en vostre 

< vouloir, car nul n'en peut ordonner, se non vous, 
c et la faites telle comme il vous plaira. Mais advisez 
c une somme pour fournir à vostre despence, telle 
c comme vous vouldrez, car ces quatre vingts mille 
€ firans que je vous ai dit n'est pas argent comptant, 

< mais est la recepte des bledz, des vins et de poul- 



ET DU RÈGLEMENT 



279 



lailhes, et mains autres domaines, et avez, la Dieu 
merci ! en vos pays de Bourbonnois assez vivres 
de toutes garnisons pour vivre, mais nonobstant 
cela, il faut moult d'autres choses en Thostel d'ung 
tel seigneur conune vous estes. Car il y a besoing 
foison d'argent pour achapter autres choses, conune 
chamaiges, espices, et autres affaires qui surviennent 
en Fhostel d'ung seigneur, tant en ambasseries 
comme en messaiges, et pour vestir vous,vmadame, 
vostre fils, et ceulx de vostre hostel. Et aussi 
convient donner dons particuliers à moult de gens, 
qui à vous viennent de par les seigneurs. > — Si 

dit adonc le duc : c Sire de Norris, vous avez très bien 
ad visé, et est vrai ce que vous dites. Pour ce vous 
prie que advisez quelle sonune il fauldra mectre en 
espargne à fournir les choses pourparlées. > Le 

sire de Norris, qui vit que c'estoit le vouloir du duc, 

lui dit : c Monseigneur, les affaires de vous, grans 
princes, sont tels conune il vous plait, et aucunes 
fois les despens si grans qu'il n'y a point de mesure. 
Et me suis pensé de moi mesme, veu ce que 
vous assez avez bleds, vins, poullailhes et cire, que 
se vous aviez vingt mille frans en espargne pour les 
choses qui vous pourroient survenir, vostre estât 
seroit honnourablement ; et oultre que vos pays de 
Bourbonnois, de Forez et de Gombraille foumiroient 
bien tout ceci, comme il a esté dit. > Et encores dit 

au duc le sire de Norris : c J'ai advisé a^ecques les 
gens de vostre conseil, que le païs de Beaujolois, et 
Ghasteau-Ghinon, et Glermont en Beauvoisin, vous 
auront acquitté, dedans trois ans, de toutes vos 
debtes. Mais votre conseil et moi, oullre, avons 



880 



DE SA DÉPENSE. 



c advisé que pour paier les menus debtes, dont les 
c pouvres gens sont souffreteux, nous chercherons à 
c toutes mains les vingt mille frans pour payer iceulx 
c debtes , et les gros debtes seront assignés , sur 
c les trois pals, à certain terme, dont les debteurs 
c seront bien contens, et ainsi serez quitte. Et encore 
c avons advisé, se vous voulez que ceste chose s'en- 
c tretiengne, que vous laissez en paix les bastiments 
€ de vostre hostel de Bourbon, à Paris, qui tant vous 
c ont cousté et coustent, et tous autres édiffices, 
c excepté le couvent de vos Gélestins, fondé à Yichi, 
c vostre ville ; et se vous faites ceci, il nous est advis 
c que, avant deux ans passés, vous serez quitte, et 
c sera vostre estât tenu bien grandement. » De celles 
paroles fut si aise le duc de Bourbon et si joyeulx que 
merveilles, du bon conseil et advis du sire de Norris. 
Et dit le duc de Bourbon : c Sire de Norris, vous 
c m'avez jecté hors de une des grans pensées en quoi 
c je fus oncques, qui m'a duré plus d'un an, dont j'en 
c suis hors par vostre bon conseil. Mais se je vous ai 
c donné, en moi servant, prou peine, il est raison que 
c je le doye recongnoistre. > Si dit le sire de Norris : 
a Monseigneur, je suis content de vostre bon vouloir, 
c et prest de vous tousjours obéir. > 



LXXXIX. Comment le duc de Bourbon manda de ses 
gens en Vévesché de Met%^ à l'aide de son parent^ le 
cardinal de Luxembourg. 



Le duc de Bourbon estant en son pais de Bourbon- 
nois, furent bien esbahis ses vrais serviteurs et parents, 






EXPÉDITION EN LORRAINE. 



981 



de ce qu'ils ne le véoient plus en court, car il estoit 
leur reffuge à la court du]|roi. Et envoya devers lui 
ung sien parent, Walleran, conte de Saint Pol, en lui 
mandant : € Mon très honnouré seigneur, plaise vous 
savoir que nostre Saint Père, le pape Clément, a fait 
mon frère Pierre de Luxemboui^ cardinal, et, pour 
tenir son estât, lui a baillé en conmiande l'éveschié 
de Metz, qui vault soixante mille florins du Rhin, et 
est une grant chose. Mais il est vrai que aucuns 
Âllemans, désobéïssans au pape , tiennent les places 
de l'éveschié, et que sans vous ne les pourrions 
recouvrer, qui estes notre tuiçon et gouverneur. 
Pour ce, si vostre plaisance estoit de nous aider et 
secourre de quatre cens hommes d'armes, et quel- 
ques six cens que j'en fineroie de nos amis et 
parens, j'ai espérance en Dieu d'y faire aucun bon 
fait : car mon propre frère le cardinal y viendra, 
qui a bonne renommée de preudhommie, et sans 
vous, qui nous avez tousjours esté seigneur et ami, 
nous ne pourrions ceste chose conduire. Et vous 
supplions que, se c'est vostre plaisance y envoyer, 
ceulx qui viendront apportent vostre enseigne : si 
. en serons mieub: appuyés, et par cela verra l'en 
bien que nous ne sommes point desemparentés de 
seigneur ne d'amis. > Tantost le duc de Bourbon fit 
partir ung hérault qui dénuncia au conte de Saint Pol 
le bon vouloir du duc, et qu'il ne lui fauldroit point, et 
que de cela se tenist pour tout asseuré. Et pour n'en 
faire long conte, renvoya tantost le conte de Saint Pol 
remercier le duc, et le supplier que ses gens fussent 
prests d'estre à Arc-en-Barrois dedans vingt-deux 
jours. Si fit le duc de Bourbon mettre ses gens en 



iSi PRISE DE GOMMERCI, 60AZE, GHAMPILLON, 

appareil, qu'il vouloit mander pour estre à celui jour, 
et bailla sou enseigne à messire Jehan de Ghastelmo* 
rand, qui tous jours la portoit. Après le duc envoya le 
sire de Gordebuef , messire Regnault de Roye, MichaiUe, 
le bastart de Glareins, Bellenave et le Borgne de 
Veaulce, mettant ces cinq^ chevaliers pour le gouver- 
nement de ses gens qui estoient quatre cens hommes 
d'armes. Si les pala le duc pour ung mois, et ne failli- 
rent point d'estre au jour qui estoit assigné, et y furent 
aussi tost, ou plus, que les gens du conte de Saint Pol, 
lequel y amena de cinq à six cens hommes d'armes, et 
beaucop de gens de trait. Et lui estant ensemble, et 
les gens du duc de Bourbon, dit le conte de Sainct Pol 
aux gens du diic : < Il y a une ville à sept lieues d'ici, 
c nommée Gommercy, laquelle est au conte de Sale- 
c bruche : il est nostre ennemi mortel, et s'est déclairé 
c 'contre le roi, et se nous la povions prendre, bien 
c nous iroit, car elle est moult riche. » Si dirent les 
compaignons : c Deslougeons, et toute nuit allons 
c avant. » Si le firent, et fut la ville de GoDunerd 
assaillie par le conte de Sainct Pol ses gens et les 
Bourbonnois. Et tant y mirent leur entente qu'elle fut 
prise par bel assault, où furent les compaignons ref- 
freschis grandement ; et y laissa le conte de Saint Pol 
garnison pour son retrait, et de là on s'en alla à l'ab- 
baye de Gorze ', qui est de l'eveschié, laquelle tost fiit 

1. Les mss. A et B s'accordent à donner cinq, Timprimé et le 
ms. G portent six. Nous maintenons cinq, d'accord avec le texte 
de notre chroniqueur (pag. 288, lig. 30). Michaille et le bâtard de 
Glarains n'étaient qu'écuyers, et non chevaliers; il faut ajouter 
Ghastelmorand aux quatre autres pour retrouver ce nombre de 
cinq. 

2. A environ douze kilomètres Ouest de Metz. 



DE YIG, MOYENVIG ET MARSAL. 283 

prinse d'afisault» et puis on s'en alla louger auprès du 
chastel de Ghampillon ' de réveschié, séant à une lieue 
de Metz. Et ceulx qui estoient dedans Ghampillon pour 
la garde avoient de ooustume que, tous les matins, ve- 
noient manger des cerises, car c'estoit à la Sainct Jehan . 
Le bastard de Flandres, appelle messire Rifflard, estoit 
ordonné, de par le conte, sur le guet de celles gens, 
pour ce qu'il estoit moult vaillant chevalier, et vit bien 
le gouvernement de ceulx du chastel. Si leur mit une 
embusche de nuit, à laqueUe il print, par ung matin, 
le capitaine et les meilleurs deléans, qui venoient man- 
ger des cerises, et manda messire Rifflard que tout 
homme se armast pour venir assaillir la place, car il 
n'y avoit guières demeuré de gens dedans. Si vindrent 
tous en ordonnance, et fut l'assault moult grant et bel, 
et prmt la place, et fit couper la teste au capitaine, qui 
estoit allemand désobéïssant au pape. Et de là allèrent 
le conte de Sainct Pol, le cardinal, et tous les compai- 
gnons devant Vie', ou est une saline qui vault dix mil 
florins. Mais oncques les Âllemans qui estoient dedans 
ne se sceurent donner conseil d'eulx défendre, mais 
feurent pris, qui fut moult bel miracle pour le Cardi- 
nal. Puis s'en tira l'on à Moyenvic', l'autre saline, qui 
pareillement furent pris, et delà à MarsalS à une autre 
saline, dont les habitans oncques ne se de£fendirent, 
mais aussi furent prins, et mis en la merci du Cardi- 
nal, et sont là trois salines, qui vallent xxx" florins, et 

1. Aujourd'hui en raines, entre Antilly et Hessange, à environ 
onze kilomètres Nord-Est de Mets. 

2. Sur la Beille, à environ cinq kil. Sud-Est de Château-Salins. 

3. Sur la Seille, à environ trois kil. Est de Vie. 

4. Sur la Seille, à environ cinq kil. Nord-Est de May-en-Vic. 



S84 EXPÉDITION 

est le meilleur deréveschié; et, par ainsi, on print 
dnq places, par droit apparteDans à Févesque. Les 
citoiens de Metz qui virent Taspre guerre que leur fai- 
soit le conte de Sainct Pol, doubtèrent que mal leur en 
venist, et pour ce vindrent rendre obéissance au car- 
dinal de Luxembourg, qui puis fut saint, et le tindrent 
pour leur seigneur et prélat. Et de là partirent les 
gens du duc de Bourbon, et le conte de Sainct Pol, 
pour venir à Gommerci, et en eulx venant messire 
Àmé de Salebruche ot mis une embusche pour attra- 
per les gens qui avoient prins sa ville ; laquelle embus- 
che fut si lourdement descouverte, que il y ot que 
mors que prins, largement quatre vingts hommes 
d'armes. Et de là on alla devant Aspremont, un moult 
bel chastel de messire Amé, lequel fut prins, et se 
retrahirent les gens, après la prise, à Gommerci pour 
eulx raffreschir, où tous les compaignons se reposèrent 
une pièce, en attendant, afin que si ceulx de Metz se 
rebelloient contre le cardinal, ils fussent prests à le 
deffendre et maintenir son droit. 



XG. Comment le duc de Bourbon munda de ses gens à 
son nepveu le conte de Savoie j et du terrible assault 
qui fut à Sion en Valeis. 

m 

En iceulx jours que Ten comptoit Tan de grâce mil 
quatre cens huict, le pays de Valeis marchissant d'une 
part à Allemaigue, et d'autre à Savoie, s'estoit contre 
l'évesque, préfet et seigneur rebellé, et, par conspira- 
tion, aucuns de celle rébellion l'avoient tué. Si estoient 
venus aucuns preudhommes en Savoie, au conte Amé, 



DE 8AV0IB. 285 

dénoncer celle maie adventure, et que, pour Dieu, il 
y pour veust avant que la chose alastpis. Et, pour ceste 
cause, les compaignons estans encore à Commerci 
vint ung hérault du duc de Bourbon à ses gens et ser- 
viteurs, mandant bien acertes aux cinq chevaliers, qu'il 
avec le conte de Sainct Pol avoit envoyez, qu'il estoit 
moult joyeux, et louoit Dieu de ce que son parent le 
cardinal de Luxembourg avoit recouvré son éveschié, 
et disoit aux chevaliers : € J'ai heu nouvelles de mon 
c nepveu de Savoie, qui me requiert et prie que je lui 
c vueille envoyer cinq cens hommes d'armes, pour 
< aucuns de ses pays qui se sont rebellés contre lui. 
c C'est assavoir ceubc de Gruyères et de Yaleis, ou, en 
c ung chastel appelle Turbillon, les villains ont tué 
c leur évesque, et fort me prie le conte, mon nep- 
€ veu, que gens d'armes je lui mande à Lausanne, et 
c que à si grant besoing ne lui vueille faillir. Et à Lau* 
c sanne seront le sire de Sainct George, et les Bour- 
c guignons qui viennent en son aide, d'ici à dix jours; 
c si vous mande, » dit le duc par sa lectre aux cheva- 
liers, c que vous et vostre compaignie soiez à Lau- 
€ sanne à ce jour, et je vous envoyerai d'argent ce 
c que j'en pourrai finer. > Si accomplirent les cheva- 
liers le mandement de leur seigneur, et n'orent mie 
demouré trois jours à Lausanne, que le duc de Bourbon 
leur envoya le sire de Champroupin, avec tout l'argent 
d'ung mois, en leur deffendant qu'ils prinssent argent 
de son nepveu de Savoie : si n'eussent pas voulentiers 
passé le commandement de leur prince. Si s'en allèrent 
les Bourbonnois et les Bourguignons ensemble au conte 
de Savoie, qui les attendoit à Sainct Horice en Chablais, 
à toute sa puissance, ou ils trouvèrent le conte de 



S86 ASSAUT ET PRISE 

Savoie et le prince de Piémont, qui firent moult bonne 
chière aux compaignons. Et l'en de main allèrent le 
conte, le prince, Bourbonnois et Bourguignons devant 
Turbillon, là ou ils avoient tué leur évesque, lequel est 
ung moult bel chastel, mais toutes fois il fut tellement 
assailli de toutes pars qu'il ftit prins par force , et 
taillées les testes aux traistres qui avoient occis leur 
prélat. Et l'autre de main, bien matin, on alla mectre 
le siège devant la maistresse ville du pays, appellée 
Sion en Yaleis, ou il avoit grant conmiun de rebella- 
cion, dont estoient capitaines Piètre de Rarongne, 
hostelier du Cheval blanc sur la montaigne de Brigue, 
par ou l'en entre en Lombardie, et l'autre estoit ung 
appelle Haulsement, du pays de Gruyère, et avoient 
dedans la ville bien quatre mille hommes rebelles qui 
les suivoient. Si furent le conte de Savoie et le prince 
de Piémont, chevaliers à celle venue par la main du 
seigneur de Granson, et mains autres, et fiirent ordon- 
nés les assaulx cellui jour : les gens au duc de Bour- 
bon sur le Rosne, es jardins, et de l'autre part de la 
porte, le sire de Sainct Geoi^e, et les Bourguignons, 
pour assaillir l'en de main après messe. A icellui matin 
conmiança l'assault qui fut moult bel, comme vous 
orrez. Du cousté des gens au duc de Bourbon, fut 
moult assaillie durement la ville, et n'v avoit autres 
gens, se non le seigneur de la Chambre, à tout vingt 
cinq hommes d'armes, qui porte assez pareilles armes 
conune celles de Bourbon, et fut si fort assailli, que 
on fîst^sept grans perthuis au mur : et dura l'assault, 
dès le matin jusques à une heure après midi. Si com- 
manda le conte de Savoye, faire la retraicte, pour ce 
que les Bourguignons s'estoient retrais, qui très bien 



' 



DE SION m VALAIS. S87 

avoient esté batus par ceulx de la ville à leur assault, 
et aussi les Bourbonnois au leur. Si vont dire les Bour- 
bonnois au conte de Savoie : € Monseigneur, vous 
c faictes retraire nostre assault au plus fort de la 
c besongne. Nous avons faict sept perthuis, et pour 
c faire encore entre, deux perthuis, ung, il nous 
c semble que le mur cherra dedans la ville, car il y 
c pend. > Si fut bien lie le conte, mais il dit aux Bour- 
bonnois : € Vous avez beaucoup de vos gens blessiés. > 
Si lui dirent les chevaliers : c Monseigneur, ne vous 
c chaille ! » Âdonc fut crié l'assault plus fort que 
devant, et lors les Bourbonnois allèrent commancier 
ce qu'ils avoient dit : si fut bien assailli, et bien def- 
fendu; et firent leurs perthuis, comme il estoit 
ordonné, entre deux ung. De quoi il advint au soleil 
couchant, que le mur qu'on cuidoit que cheust en la 
ville versa sur les gens d'armes Bourbonnois, et de 
ceulx qui estoient sur le mur en la deffence trébuchiè- 
rent vingt-deux es foussés, lesquels furent tués, et 
aussi cinq honmies d'armes de Bourbonnois du mur, 
et treze varlets, et mort cellui qui portoit le pennon 
du seigneur de la Chambre, et y ot messire Begnault 
de Roye le bras rompu, et messire Jehan de Ghastel* 
morand le pié, qui portoit l'enseigne au duc de Bour- 
bon, et aussi Michaille forment blecié. Et fut le cri si 
grant des gens au conte de Savoie, et Bourguignons, 
que tous vindrent à celle bresdie pour entrer dedans, 
mais si tost n'y sceurent venir, que le pennon du duc 
de Bourbon n'y fust entré, ensemble les Bourbonnois, 
qui combatoient fort aux villains de la ville , par les 
rues, qui fièrement se défendoient, et avoient tendues 
leurs chaennes, et jà estoit tard; et furent mors en odle 



988 PRISE DU CHATEAU DE LA YÉHERIE. 

entrée, par les Bourbonnois, Savoyens et Bourgui- 
gnons bien deux mille jaques villains, et la viUe gai- 
gnée, où ot conquis moult de biens. Et tirèrent le 
pennon du duc, et les Bourbonnois, qui n'avoient 
entendu à rien piller, à la Yéherie, ung chastel en 
hault, de l'évesque, ou s'estoient retrais Piètre de Raron- 
gne et Haussement, conduiseurs de celle villenaille, et 
au souleil levant les Boui^ignons et Savoyens tirèrent 
en hault. Si assaillirent gens d'armes la place si vive- 
ment, que on Tôt d'assault, où fut mort Piètre de 
Rarongne et autres ; et par ainsi ot le conte de Savoie 
la ville de Sion, et, après cestui assault, requirent le 
sire de Saint Geoi^e et les Bourbonnois au conte de 
Savoie, qu'il leur donnast congié d'aller courre à le 
conté de Gruyère, dont estoit saillie ceste rumour. Si 
y allèrent ceulx qui estoient sains, et y firent si grant 
dommage que on ne le pourroit nombrer, et couru- 
rent jusques au mont de Brigue, ou ils ardirent l'hos- 
tellerie qui estoit belle, et ruèrent jus les ponts ; puis 
le tiers jour s'en retournèrent les compaignons à la 
cité de Sion, devers le conte Amé, qui leur sceut grant 
gré de celle courrerie. Et avoit trouvé le conte grant 
avoir en la ville : si voulut paier les gens du duc de 
Bourbon pour ung mois, mais ils ne voulurent rien 
prendre de lui, disans qu'ils avoient assez argent, et 
que leur maistre, le duc, quant le sauroit le prandroit 
mal en gré, car il n'avoit pas acoustumé de servir ses 
amis à leurs despens. Et lors donna le conte de Savoie 
à Ghastelmorand ung moult bel coursier, et vingt- 
quatre marcs d'argent, et aux autres quatre cheva- 
liers, à chascun ung coursier. Et fit parler à part le 
conte de Savoye à Ghastelmorand, pour ce qu'il por- 



PAIX DE CHARTRES. 289 

toit le pennoD du duc de Bourbon, qu'il voulsist 
prendre pension de lui, lequel dit que de nul prince il 
ne prendroit pension, sans le bon congié et sceu de 
son bon seigneur et maistre, qui lui faisoit à foison 
biens. Ainsi se partit la compaignie des Bourbonnois 
au bon vouloir du conte de Savoy e, et s'en vindrent à 
Molins, par devers leur prince, le duc, qui jà savoit 
bien le bel exploict qu'ils orent fait, et leur fit moult 
grant feste, et les receut à lie chière. 



XGI. Comment le duc de Bourbon avoit entencian 
de faire plusieurs voyaiges honnourables. 

En cellui an mesmes ne tarda pas gramment que le 
roi envoya querre le duc de Bourbon, lui priant si 
acertes que merveilles, qu'il se voulsist traire par 
devers lui, à Chartres, ou il avoit une journée emprise, 
pour la discension que le duc povoit assez savoir, pour 
la mort de son beau firère le duc d'Orléans, et que le 
duc de Bourbon ne y voulsist point faillir, € car beaulx 
oncles de Berry nous en prie fort. » A laqueUe parole 
du roi s'enclina le duc de Bourbon, et alla à celle 
journée, ou fut proposée la paix de la mort du duc 
d'Orléans, et fut dit quant au duc Jehan de Bour- 
gongne, à qui plusieurs donnoient le blasme du 
fait, que mie n'estoit de croire qu'il eust ceci ma- 
chiné, et que nul ne l'en mescroyoit, et qu'il peust 
aller et venir par devers le roi, comme U avoit 
acoustumé, et que, si le duc de Bourgongne povoit 
tenir nul de ceulx qui avoient occis le duc d'Or- 
léans, qu'il les fist pugnir. Et sur ce furent mandés 

49 



À 



290 PROJETS DE VOYAGE 

les ambassadeurs du roi au duc de Bourgogne, à deux 
lieues de Chartres, où il estoit, qui de oe se tint très- 
content, et jura la paix comme les autres. Fait ce trac^ 
tié, se départirent les seigneurs en bonne paix, tou- 
chant la mort du duc d'Orléans, et lops le duc de 
Bourbon, qui avoit grant désir de relourner en son 
païs, vint prendre congié du roi, qui ne le lui vouloit 
donner pour rien : et mit deux jours avant qu*il peust 
avoir congié ; et aussi le duc de Berry mectoit à ce 
grant peine que le duc de Bourbon demourast, mais 
oncques ne se y voult accorder, et n'eust poinct obtenu 
congié, se ne fust que le duc dit au roi : c Monseigneur, 
j'ai promis mener la roine de Jhérusalem à Naples, 
et desjà ai envoyé de mes gens à Valence la Grant, 
ou demoure la roine Yolant, sa mère, pour savoir 
quant ils vouldront que je aille là. Et aussi est mon 
entencion, au plaisir de Dieu, de aller en pelerinaige 
en la sainte cité ou morut mon créateur, visitar 
son sépulchre, car, après les fais du monde, con- 
vient servir Dieu ; nul ne m'en porroit destourber, 
je y ai ferme mon vouloir. > Si ne valoit rien au duc 
de Bourbon tout son parler : car le roi ne le voloit 
nullement licencier ; mais, ce voyant, ung jour, le duc 
de Bourbon dit au roi : c Monseigneur, je m'en vois 
< jusques en mon païs, et là me trouverez prest à 
c vostre conmiandement : je ne suis mie si loing que 
c tost ne soie par devers vous, i Âdonc se partit le 
duc Loys du roi de France, et s'en vint en Bourbon- 
nois, ou il rieula tout son fait, et envoya messire 
Jehan de Ghasteknorand en Aragon, à Valence la Grant, 
pour acompaigner la roine Yolant, femme du roi 
Loys, à Barcelonne, ou le dit chevalier demandoit deux 



DU DUC L0Y8 EN ORDSIfr. 291 

naves et quatre gallées, et que fussent prestes, si que, 
quant le duc de Bourbon seroit en Barcelonne, ne le 
convenist fors entrer en mer, pour mener la roîne à 
Naples. Et de cela traicta Ghastelmorand à messire 
Regnault de Gervillon, qui gouvemoit tout le royaume 
d'Aragon, mais il ne le povoit oncques mettre d'accord 
que la roine allast à Naples , mais disoit qu'on atten- 
dist que le roi Loys venroit en Provence. Ainsi se partit 
messire Jehan de Ghastelmorand d'Aragon, et s'en 
vint au duc, son maistre, et lui dit les choses qu'il avoit 
faites, et que messire Regnault de Gervillon avoît rom- 
pue s'emprise, dont le duc fut moult doulent et cour- 
roucié, car il avoit de haultes pensées en soi. La pre- 
mière estoit de mener celle roine à Naples, et, en 
allant son chemin, de prendre la saisine du principe 
de Morée, que l'en daime Âchaïe, qui estoit sienne. 
Gar ceulx de la Morée n'attendoient que lui pour le 
recepvoir à seigneur. Et jà le duc de Bourbon y avoit 
envoyé deux fois Ghastelmorand, qui avoit apporté le 
scellé de cils de l'Âchaïe'. Et de la Morée iroit le duc 
à Naples ; et de Naples estoit l'entencion du duc de 
Bourbon aller en Ghipre, qui debvoit estre sien de rai- 
son, et de Ghipre en Jhérusalem, au saint sépulchre : 
si povez veoir grant entreprinse de noble cueur de 
seigneur, qui, sur son eaige, ne vouloit point estre 
oiseux. 



1. Les trois mss. portent : des fils de Varch<idie^ leçon évidem- 
ment fautive : noos adoptons, mais en paitie seulement, la cor- 
rection de Buchon. 



29S PLAN DE RETRAITE 



XGII. Comme le duc de Bourbon avoit en propos de user 
sa vie aux Célestins à Vichi^ avec quatre chevaliers; 
et comme à Souvigni lui vindrent nouvelles que Amé 
de Viry guerroyait son pays de Bresse, et le bon 
remède que le duc y mit. 

Quant le duc de Bourbon congneut que, pour cellui 
temps, les voyaiges qu'il voloit faire il ne povoit 
acomplir, fut mal content, mais nonobstant ce delaie- 
ment, les espérait acomplir et achever briefvement. Et, 
lui estant en son païs de Bourbonnois, avecques ses 
barons et autres, ausquels il faisoit bonne chière et 
grant, il n'y avoit nul qui de lui ne trouvast aide et 
secours. Et tous les jours avoit le duc de Bourbon des 
nouvelles de France, qui lui desplaisoient. Car le roi 
despendoit argent à grant desroi, et le bailloit on à 
gens de petit estât, varlets de chambre, deux ou trois, 
qui faisoient grant palais en Paris et dehors. Et à cellui 
temps, tout le gouvernement du roi estoit Montagu, 
auquel on fit coupper la teste. Si vit le duc de Bourbon 
tousjours les choses du royauAie estre en discencion, 
pour ce n'avoit voulenté de soi bouger de ses pays, et 
avoit voulenté de faire Fesglise des Célestins à Yichi, 
qu'il avoit de nouvel fondée, la plus belle que-on peust 
regarder, et de la fournir de ornemens riches et pré- 
cieulx, et de reliques plus que n'en y avoit données. 
Et oultre y vouloit faire maison pour son estât ; car il 
avoit entencion, après son retour des honnourables 
voyaiges dessus desclairés qu'il entendoit à faire, de là 
tous jours demeurer, et quatre viels chevaliers avec- 



A YIGHY. 293 

ques lui, qui n'en bougeroient point, que à tout le 
moins, les deux ou les trois n'y fussent tousjours. Et 
estoient les quatre viels chevaliers qu'il avoit ordonnés 
pour son corps : messire Robert de Yendac, messire 
Guichard d'Ulphé, messire Jehan de Ghastelmorand, 
et messire Jehan de Bonnebaud, avecques certains 
autres ses officiers. Et s'il eust vescu deux ans plus 
qu'il ne fit, sans faute, il s'y en vënoit à y user le 
remanant de sa vie et servir Dieu. Or ne tarda pas 
demy an que on commença une guerre sur le duc de 
Bourgongne, à Ârras, en Picardie, en son pays de par 
delà, et, pour cause de celle riote, se retrahit le duc 
de Berry en Poictou, et de toutes ces rumeurs et deb- 
bas, qui lors estoient en ce royaume, l'an quatre cens 
neuf, le duc Loys de Bourbon qui estoit lies homs et 
joyeulx, print une grande mélancolie en sa teste, qui 
lui avança bien sa mort, car oncques puis n'ot guères 
de joye, tant qu'il en perdoit le dormir, qui fort l'affoi- 
blit. Mais il regracioit Dieu de ce que en ses plains jours 
le laissoit voir la paix de l'esglise, dont le scisme avoit 
duré dès la mort du pape Grégoire, qui passa de cest 
siècle à Rome l'an mil ni^ Lxxvm, jusques à la date de 
cestui an nn^ et ix que, par inspiracion divine, ung 
homme de bonne vie et grant théologien nommé 
maistre Pierre de Candie fut, en concile général à Pise, 
créé en souverain apostoile', et appelle pape Alexan- 
dre Y. De laquelle paix le duc de Bourbon s'esléessoit, 
car à ce faire souventes fois avoit mis grant paine, et 
pour celle léesse que avoit le duc de Bourbon du fait 
de l'esglise, il alla par dévocion en sa ville de Souvi- 

1. Le 26 juin 1409. 



894 niVASiON 

gni, ou prioré, faire son oradon, auquel lieu il avoit 
fait édiffier une belle chapelle, et sa sépulture, pour 
dormir, après ses jours. Et là lui vindrent nouvelles 
du pays de Beaujolois , bien hastives , comment Âmé 
de Yiry, qui avoit bien mil chevaulx, estoit venu 
courre son pays de Bresse, et avoit pris sa ville de 
Ghalemont, et tenoit le siège devant le Chastel de TAin, 
dont il avoit prins et pillé la ville ; et que à ce faire le 
conte de Savoie lui bailloit gens, et lui faisoit faire ceci. 
Si fut le duc de Bourbon moult doulent et courroucié 
de ces nouvelles, qui lui vindrent un jour de vendredi 
aouré, à dix heures. Si ordonna tantost à ses clercs de 
faire deux cens paires de lettres, tant en Bourbonnois 
comme en Forez et en Beaujolois , que tout honmie 
tirast là. Et ordonna ce jour le duc, après le service, 
que le sire de Ghastelmorand prestement montast à 
cheval, et portast son pennon, et avec ceulx de son 
hostel s'en allast, qui se trouvèrent quelque quatorze. 
Et en eulx en allant de tire recueilloient ce qu'ils po- 
voient trouver de gens, et tant que bien se trouvèrent 
soixante hommes d'armes. Et quant messire Jehan de 
Ghastelmorand et les siens furent près de Toissé S une 
ville au duc de Bourbon, leur fut dit qu'Âme de Yiry 
vouloit l'en de main assaillir la ville. Si se mirent en 
chemin, passèrent la Saône au vespre, et entrèrent en 
la ville de Toissé , entour mie nuit, et Âmé de Yiry la 
debvoit assaillir l'en de main, au souleil levant. Si ne 
dormirent point les compagnons de toute nuit, mais 
ordonnèrent leur guect et deffence, par manière que 



i . Aujourd'hui Thoissey, chef-lieu de canton de l'arrondissement 
de Trévoux (^in). 



d'aMÉ DB YIRY en BRESSE. 295 

si Amé de Viry venoit bien trouverait qui le recep- 
vroit ; et deffendit messire Jehan de Ghastelmorand que 
homme ne se monstrast, jusques ils verraient les enne- 
mis au pied du mur, et quant Âmé de Viry serait au 
plus fort de son assault, que le pont de Toissé baissié 
si istrait Ghastelmorand à tout le pennon du duc, où 
en sa compaignie estoient bien quatra vingts hommes 
d'armes, et ainsi fut fait. Âmé de Viry celui matin 
envoya soixante combatans assaillir, et lui se mit en 
bataille loing du traict ; et quant les soixante furant 
es foussés de Toissé, et au pied du mur, s'abandonnè- 
rent fort, et lors furent sur les murs de oeulx de la 
ville autres soixante qui gectoient pierres aval et 
traulx ; et par la porte issirent les quatre vingts hom- 
mes d'armes qui firent par telle manière que les assail- 
lans furent pris et mors. Et se retrahit Âmé de Viry et 
sa compagnie à Jujurieu', entre estangs pour faire son 
logis fort, ou il desmoura huit jours, et à la fin des huit 
jours vindrent à Toissé, ou estoit messire Jehan de 
Ghastelmorand, tant de Bourbonnois et de Foraz que 
de Beaujolois, trois cens hommes d'armes, et povoient 
esti*e ensemble quatre cens hommes d'armes qui estoit 
une belle compaignie, et depuis vint à eulx à Toissé 
messira Robert de Ghaslus qui en avoit bien nn** ; et 
quant il fut à Toissé, firent les chevaliers une emprise 
de aller combatra Âmé de Viry qui encoras estoit à 
Jujurieu, ou s'il ne sailloit de son logeis, l'assiéger. Si 
partirent les compaignons Bourbonnois de Toissé en 
bataille ; mais, quant Âmé de Viry sceut par ses espies, 
que si grosses gens venoient sur lui, il ne les osa acten- 

i. Gomm. da cant. dg Poncin, arrond. de Nantua (Ain). 



296 LE DUC DE BOURBON 

dre ; mais, par ung autre lé des estangs, se deslogea, 
et passa à Rochetaillèe' la rivière d'Ain, oultre tout le 
pays de Beaujolois, et quant ce virent les chevaliers, 
Robert de Chaslus et Jehan de Ghastelmorand, avec- 
ques leurs gens, allèrent après pour consuivre Yiry, et 
se longèrent sur la rivière d'Ain, et là demeurèrent 
quatre jours en attendant quelle chose Amé de Yiry 
feroit; mais lui et ses gens s'en estoient fouis de 
Bresse, et allés en Savoie. Si mandèrent messire Jehan 
de Ghastelmorand et messire Robert de Chaslus, Tier- 
cellet, nepveu de Ghastelmorand, à tout deux cens 
hommes d'armes, prendre une place en Bresse, 
qui estoit à ung des mestres d'hostel du conte de 
Savoie, laquelle ils prindrent, et la bruslèrent, et s'en 
repairèrent arrière vers leurs maistres : et l'en de main 
rapporta on à messire Robert de Chaslus et à messire 
Jehan de Ghasteknorand, que Amé de Yiry et les 
enfants de Bouain dévoient passer la rivière d'Ain de 
deçà pour les venir combattre. 



XGIII. Comment le duc de Bourbon vint à Ville franche, 
ou le roi de France lui manda gens d^ armes pour lui 
aider de sa guerre contre Savoiens, et comment 
Ambérieu fut prins, et comment le conte de Savoie 
rendit Amé de Viry au duc de Bourbon. 

Quand les Bourbonnois apprindrent ceuhc nouvelles, 
orent advis ensemble qu'il estoit de faire : si ordon- 
nèrent messire Robert de Ghaslus demeurer au Pont 

1. Ville à deux lieues et demie de Lyon. 



A VOiLEFRANGHE. S97 

d'Ain avecques ses gens, et messire Jehan de Ghastel- 
morand alla vers Rochetaillée, à tout deux cens hom- 
mes d'armes, savoir s'il trouveroit les Savoiens, ou 
non, et se Amé de Yiry avoit fait appareil de passer 
deçà. Et chevaulchèrent toute la nuit Chastelmorand 
et les siens, et trouvèrent que Âmé de Yiry avoit fait 
faire ung pont à vouloir passer la rivière contre eulx, 
et jà des Savoiens oultre le pont estoient passés trente 
deux honmies d'armes, qui furent tous mors ou prins 
par les Bourbonnois, et en y ot aucuns qui se noyèrent, 
et fut le pont rompu et despecé, que n'y porent plus 
passer. Lors s'en retourna Chastelmorand o ses com- 
paignons au Pont d'Ain, ou estoient demeurés quatre 
cens hommes d'armes avec messire Robert de Ghaslus. 
Si ftirent lies et joyeulx de la bonne adventure que 
leurs compaignons avoient heue, et l'en de main se 
sarrèrent toute la chevalerie ensemble qui estoit de 
Bourbonnois, de Forez et de Beaujolois, ou il avoit de 
vaillans gens, pour savoir ce qu'estoit de faire, car ou 
païs du duc de Bourbon n'estoit plus demouré que 
une place nommée Ambérieu', que toutes les autres ne 
fussent Feconquises par les Bourbonnois, se non celle. 
Et estoit tout le pays que le duc de Bourbon a en 
Bresse d'accord, que les chevaliers et les gens allas- 
sent mettre le siège devant Ambérieu, qui leur estoit 
contraire. Si affermèrent Chastelmorand et Chaslus 
qu'ils disoient bien, c Mais, » dirent les chevaliers, 
c qui pourroit trouver voie et manière de passer en 
c Savoie, comn^e Amé de Yiry et les Savoiens estoient 
c passés en Bresse, ce seroit ung bel honneur au 

1. Chef-lieu de canton, arrond. de Bellay (Ain). 



298 COURSES DBS GBN8 

€ duo de Bourbon. » Si dit toute la chevalerie que 
bien estoit vrai, mais que on peust trouver passaige. 
Lors dirent aucuns : c Bien trouverons le chemin. » 
Celle nuit se reposèrent, et l'en de main du Pont d'Ain 
se deslougièrent les Bourbonnois bien matin, et allè- 
rent devant ung chastel de Tabbé d'Âmbrunai, ou il 
avoit un meschant pont. Lequel chastel et l'abbé dedans 
furent prins par force, et repareillèrent le pont ou ils 
mirent toute la journée; et après minuit s'en allèrent, 
et chevauchèrent en Savoie jusques au près d' Ambru- 
nai,\ ou cellui matin se mirent en bataille, et se trouvè- 
rent qu'ils estoient bien six cens hommes d'armes, 
disans que assés estoient pour faire grant dommaige 
en Savoie. Lors s'advancèrent leurs coureurs, qui cou- 
rurent devant icelle ville d'Ambrunai, laquelle n'es- 
toit pas bien forte, et ne se prenoit garde. Si entrè- 
rent dedans les premiers coureurs Bourbonnois, et les 
autres qui les suivoient à grant effort de chevaulx, 
après ; et trouvèrent bien en la ville les compaignons 
Bourbonnois quatre vingts chevaulx de Amé de Viry, 
qui séjournoient là, lesquels furent gaignés, et aucuns 
de ceubc qui les gardoient occis, et les autres qui virent 
l'efiroi se retrahirent en l'abbaye, qui estoit forte. Si 
fut la ville courue, ou les compaignons firent grande- 
ment leur fait, et furent bien reffourbis, car le butin 
ensemble montoit bien quatre mil frans. Et demeu- 
rèrent deux jours Bourbonnois en ladicte ville, pour 
eulx raffreschir, et en ces deux jours coururent toute 
la terre de la Montaigne, et celle des enfants de Bouain 
qui estoient ennemis mortels ; et porta on par terre 



1. Commune du canton d'Ambérieu. 



DU DUC DE BOURBON S99 

leur basse court» et ardit on leurs moulins, et amena 
on bien deux mil chiefs de bestail. Et se vindrent 
retraire Bourbonnoîs au Pont d'AinS ou ils gaignèrent 
le pont, qui est delà la rivière, et se logèrent en la ville 
de deçà, conune autres fois y avoient esté. Et lors 
messire Robert de Ghaslus et messire Jehan de Ghas- 
teaumorand dirent aux compaignons : c Messeigneurs, 
c il est temps de aller maintenant devant Âmbérieu, 
c car vous avez bien fait vos besongnes. Or allons là, 
c et ne nous en partons jusques à ce que l'ayons. Car 
c nous savons de certain que sont bien léans de nos 
c ennemis nn*^ combatans. > Si se deslougièrent Bour- 
bonnois de Pont d'Ain, et s'en allèrent loger devant le 
chastel d' Ambérieu, ou il a bel lougis et grant, et là 
demeurèrent quatre jours, pour faire habillemens à 
l'assaillir. Et durant ce siège vint le duc de Bourbon à 
Yillefranche en Beaujolois, à quatre cens honunes 
d'armes, lesquels il envoya au siège d' Ambérieu, où il 
n'a que trois lieues, avec les autres, et il demeura au 
dit Villefranche. Si advint que, au bout de quatre 
jours furent fais les habillemens, et fut assailli Ambé- 
rieu. Et en la basse court du chastel estoient aucunes 
maisonnetes couvertes de paille ou l'en gecta le feu , et 
fîit toute arse la basse court et le prioré, et tous les 
vivres, et se retrahirent ceulx* d' Ambérieu dedans la 
tour, qui est moult forte et belle ; mais, pour ce qu'ils 
n'avoient que manger, se rendirent au duc de Bourbon, 
à sa voulante, dont il y avoit treize gentilshommes de 
Savoie. Si prindrent Ghastelmorand et Ghaslus tous 
ceulx de la garnison, et les mandèrent en pourpoinct 

!. GheMieu de canton, arrond. de Bonrg (Ain). 



300 EN SAVOIE. 

tous liés en vingtrune charrettes au duc de Bourbon à 
Yillefranche. Et quant le duc les vit, il s'esjouit môult, 
et sa compaignie , et tantost les fit boire et manger, 
puis commanda qu'on les gardast en prison ; et manda 
le duc à Ghaslus et à Ghastelmorand qu'ils avoient 
bien besongné , et qu'ils ne se retrahissent point, mais 
qu'ils advisassent quelque bel logis, et se tinssent tous 
ensemble, jusques à ce que le duc auroit autrement 
ordonné ; et leur manda le duc que le plus bel logis 
qu'ils peussent prendre, c'estoit Montluel, qui estoit 
moictié de ses alliés et moictié du conte de Savoie, et 
ainsi le firent. Mais, pendant ceci, envoya le roi de 
France à son oncle le duc de Bourbon, pour son aide, 
en sa guerre qu'il faisoit en Savoie, six cens hommes 
d'armes, et les gens de son hostel, et aussi fit le sire 
de Gouci, de tout ce que pot finer, le conte d'Eu pareil- 
lement, le conte de Sainct Pol, aussi le conte d'Har- 
court et le conte d'Alençon, et tant que le duc de 
Bourbon se trouva à quatre mil honunes d'armes lar- 
gement, et tous le conseilloient qu'il mist peine à détruire 
du tout le conte de Savoie. Mais le conte de Savoie qui 
sa voit tout ceci, estoit moult esbahi, et envoya devers 
le duc de Bourbon, en quatre jours, trois ambassades 
par lesquelles il desadvohoit Âmé de Yiry, et juroit 
grant serement que oncques il ne lui avoit commandé 
de lui mouvoir guerre, ne il ne vouldroit avoir fait, à 
lui qui estoit son oncle, une si oultraigeuse vilennie. 
Gar le duc de Bourbon povoit bien penser que le conte 
de Savoie le serviroit, s'il avoit besoing de lui. Si ot le 
duc de Bourbon advis avec les chevaliers qui lui con- 
seilloient fort de destruiré le conte de Savoie. Mais le 
duc Loys de Bourbon, qui estoit le plus honnourable 



PAIX AVEC LB COMTE DE SAVOIE. 



301 



prince, et le plus preudhomme que on peust trouver, 
leur respondit : c Puisque mon nepveu de Savoie 
s'escondit, et qu'il fait si graqt serement, et qu'il 
est mon nepveu, fils de ma seur, et n'a point de 
querelle à moi, il me semble que je le doi croire. » 
Et lors dit le sire d'Âlbret : c Monseigneur, le conte 
voit bien que, si vous voulez, il est en vostre pouvoir 
de le destruire, et de le chasser hors de ses pays. 
Et c'est ce que lui fait dire ce qu'il dit. > Â laquelle 
parole respondit le duc de Bourbon : c Beau cousin 
d'Âlbret, supposons qu'il eut ce fait faire, si ne le 
vouldroie-je pas destruire, lui qui m'est si prochain, 
nonobstant qu'il est bien en ma puissance, mais je 
doi croire son escondit. Je lui ferai, dit le duc, ung 
autre parti que, puisqu'il dit que mie n'a esté cette 
guerre de son conunandement, et qu'il desadvohe 
Âmé de Viry qui l'a faite, lequel est son homme, le 
me baille le conte en mes mains, à en faire mon vou- 
loir, de le pendre ou autrement, et je me despar- 
tirai, et croirai ce qu'il m'a mandé. > Si fiirent bien 
contens les ambassadeurs savoiens, et rapportèrent ce 
au conte, leur seigneur, qui envoya incontinent Amé 
de Viry au duc de Bourbon, à Villefranche. Lequel Amé 
de Viry se tenoit pour mort, et dit plainement qu'il 
estoit l'honune du conte de Savoie, et que le conte, 
son seigneur, lui avoit fait faire la guerre qu'il avoit 
faite contre le duc en ses villes de Bresse, et de cela 
Amé faisoit grant serment. Celles paroles vint rapport 
ter messire Robert de Ghaslus au duc de Bourbon, 
laquelle chose respondit le duc à Ghaslus : c Tout ce 
c qu'il dit, il dit pour paour de morir, et doi mieuk 
c croire mon nepveu, fils de ma seur, que lui, car 



SOS 8BGOUR8 ENVOYÉS A OtaU 

c j'avoie assés puissance à nie venger de mon nepven ; 
c et à faire morir oestui*-ci c'est petite vengeance, 
€ mais je le renvoyerai à mon nepveu, chargé des 
c paroles qu'il a dites, pour voir quelle pugnidon il 
c en fera : car c'est pour son maistre ung grant 
c reproche ; » et ainsi le fit le duc de Bourbon, dont 
le conte de Savoie tint Aîné de Viry longtemps banni 
de son pays, et ainsi demeurèrent les choses, et oultre 
plus renvoya le duc les treize gentilshonunes en Savoie, 
francs et quittes, et, par sa franchise, licencia celle 
communaille qui à lui s'estoit rendue à la prise d'Âm- 
bérieu. 



XGIV. Comment le duc de Bourbon manda de ses 
gens au mareschal Bouciquautj dont Chastelmarand 
estoit chef^ et qu'ils firent j avant qu'ils fussent à 
Gennes. 

Estant encores le duc Loys de Bourbon en sa baro- 
nie de Beaujolois à Yilleiranche, son hostel, en cellui 
an mesme mil quatre cens et huit, envoya le mares- 
chal Bouciquaut, gouverneur de Gennes pour le roi de 
France, que le duc de Bourbon avoit nourri, Jehan de 
Neufvis, escuyer de bon affaire, devers le duc, afin 
qu'il lui pleust d'envoyer au mareschal xn^ hommes 
d'armes, pour aucune grant rebellacion que les gens du 
marquis de Montferrat avoient faite au roi de France, 
comme de lui avoir destroussé vm^ hommes d'armes 
du pays d'Auvergne, d<Hit estoit capitaine messîre 
Guillaume de Saigne, et furent desconfis entre le 
mont de Vis et Sainte Glare. Et oultre, le mareschal 



AU MARÉCHAL BOUGIQUAUT 303 

envoyoit trois mil ducats pour payer les oompaignons 
jusques ou Daulphiné, éi ou Dauphiné il baillerait le 
paiement pour ung mois aux gens d'armes, jusques ils 
fussent à Gennes ; et oultre, prioit le maresdial que 
le duc de Bourbon lui voulsist prester messire Jehan 
de Ghastelmorand pour les conduire, qui autres fois 
avoit demouré en Lombardie ung an avec le mareschal. 
Si lui accorda le duc de Bourbon, que tous ceubc qui y 
vouldroient aller y allassent, et que Ghastelmorand 
fust chief de celle conduite, et l'en de main dit le duc 
à Ghastelmorand : c Allez vous en à Jujurieu où sont 
c grans gens encores, et voyez ceux qui là vouldront 
c aller, tant de mes alliés comme aultres , et ailhent 
€ en vostre compaignie , car j'en suis content, et je 
c vous baille mes lectres comme ils vous croyent. > 
 tant se partit messire Jehan de Ghastelmorand, et 
s'en alla à Jujurieu, et parla aux souldoyers qui furent 
bien d'accord, mais qu'ils fussent paies pour ung mois 
ou en partie, tant qu'ils viendroient à Gennes. Et 
furent les capitaines que messire Jehan de Ghastelmo- 
rand emmena, premièrement cent hommes d'armes 
que le seigneur d'Âlbret lui bailla, dont estoit capi- 
taine Emynion d'Albret, et Gaucourt qui avoit foison 
gens ; le sire de Jonselle, fils du sire de Sainct George, 
qui tenoit bonne compaignie d'hommes d'armes. Le 
Barrois, Jehan de Neufvis, Jehan Grant de Bourgongne, 
Leveau de Bar,' le sire de Mirembel, et Raulet de Tre- 
settes. Et avec ces capitaines et Ghastebnorant pou- 
voient bien estre douze cens hommes d'armes, et leur 
fit un prest Ghastelmorand, et les mena en Brianson- 
nois, à l'entrée de Piémont, et là trouva messire 
Jehan de Ghastelmorand, Le Bourgne Gaqueran, et 



304 PAR LE DUC LOYS. 

Loys Goste, qui lui prestèrent le surplus du mois. Et 
dit Le Bourgne Gaqueran à Ghastelmorand : c si vous 
c et vos gens voulez venir avec moi, sur ceux qui ont 
c destroussé les gens du mareschal Bouciquaut, je 
c vous y menrai. > Si en fut content Ghastelmorand, 
et au partir de là s'en allèrent devant le mont de Vis, 
une moult grosse ville en Piémont, où le Bourgne 
Gaqueran avoit fait l'emprise. Par quoi le mont de Vis 
fut pris, qui estoit du marquis de Montferrat, et baillé 
en garde au bon chevalier Âmé de Savoie, prince de 
Piémont, et recouvra on beaucoup de bagues des gens 
au mareschal Bouciquaut, qu'ils avoient perdues l'an- 
née devant. Et du Mont de Vis, Ghastelmorand et les 
compaignons s'en allèrent à Sainte Glare, une moult 
beUe place du marquis de Montferrat ; mais les maisons 
estoient couvertes de pailhe ; si bouta on le feu dedans, 
et fut la place toute arse, et y mourut bien deux cens 
villains, et y trouva on les cottes d'armes et les esten- 
dars et les harnois de messire Guillaume de Saigne qui 
illec avoit esté destroussé. Puis tirèrent les compai- 
gnons à cinq lieues de là, à une ville appellée Les Au- 
tels, de laquelle les habitants avoient esté à la des- 
trousse messire Guillaume de Saigne. [Si fut assaillie et 
prise et mors beaucop villains, et y eust recouvré 
assés bagage de messire Guillaume de Saigne^] Delà 
on s'en alla à Sainte Genune, une belle forteresse, qui 
fut prinse par assault, et pugnis les villains du mal 
qu'ils avoient fait; et de Sainte Gemme chevauchèrent 
tous les gens d'armes que conduisoit messire Jehan de 



i. Passage omis dans rimprimé et le ms. G et restitué d'après 
les mss. A et B. 



/ 



ENTREPRISE DU MARÉCHAL BOUGIQUAUT. 305 



Ghastelmorand pour le duc de Bourbon à la cité de 
Gennes, où le mareschal Bouciquaut les attendoit jour 
et nuit. Si eu îxA moult lies et joyeulx, et les contenta 
et paya pour ung autre moys. 



XGV. Comment le mareschal Bouciquaut et les gens au 
duc de Bourbon desconfirent le marquis de Verse j et 
les brigans devant Milan. 

Le gouverneur de Gennes, messirc Jehan Le Maingre 
dit Bouciquaut, mareschal de France, dit à messire 
Jehan de Ghastelmorand, et aux autres capitaines qu'il 
avoit amenés avec lui, en Taide du mareschal, de par 
le duc de Bourbon : c Messeigneurs, je remercie moult 
c de fois monseigneur le duc de Bourbon qui n'a mie 
c oublié jà son serviteur, mais m'a mandé une si gente 
c compaignie conmie vous estes : vous soyez les très 
c bien venus. J'ai seu, dit le mareschal, comme vous 
c avez bien vengé l'injure qui fut faite l'année passée 
c à messire Guillaume de Saigne, ou pays de Mont- 
c ferrât, dont moult me plait. Or est ainsi que, la Dieu 
c grâce, j'ai gardé cette cité de Gennes, ou nom et 
c pour le roi de France, ung long temps. Si seroie 
c très joyeulx que sa seigneurie fust eslargie plus 
c avant. On m'a compté les debbats des deux frères le 
c duc de Milan et le conte de Pavie, et qu'ils ne sont 
c mie bien d'accord ensemble. Si m'est advis que, 
€ veue ceste division, et que ceste cité est bien à mon 
c commandement, et aussi que j'ai grans gens, il 
c seroit bon que je me tirasse en Lombardie, moi 
< avecques vous et vous avecques moi, pour voir si 

20 



306 SES GONQUAm 

< porrions faire chose par quoi le roi eust prouffit» et 
« nous honneur. » Alors dit messire Jehan de Ghastel- 
morand au mareschal : c Monseigneur, vous savez les 
c subtilités des Lombars et l^irs pardalités : si vous 
c laissez oeste cité desgarnie, les gens sont motifs, et 
c est doubte qu'ils ne facent quelque rébellion ; et se 
€ vous tirez en Lombardie, ou il n'y a que division, ce 
c sera fort que rien ou pou y puissiez oonquester. » 
Adonc dit le mareschal Bouciquault : c Chastelmorand, 
c par ma foi, vous dictes bien, mais sans faulte je irai 

< là, et ici lairrai gens esquels je me puis fier. » 
Lors se partit le mareschal Bouciquaut de Gennes, et 
toute sa compaignie, et s'en alla en la terre du marquis 
de Verse, es haultes montaignes de Gennes et de Lom- 
bardie. Et le marquis de Verse, qui sentoit le mares- 
chal venir avec ses gens, fit mettre dedans une esglise 
bien deux mil villains et deux cens hommes de che- 
val, pour vouloir combattre la compaignie ; et n'estoit 
demouré homme en la ville que tx)ut n'y fust, lesquels 
se estoient mis en bataille sur une gresve, belle place 
pour combatre les François venant de Gennes ; et les 
François qui virent que ce n'estoient que gens de pié, 
laissèrent cinq cens honmies sur les chevaulx pour 
arrière garde. Si se férirent parmi, et les desconfirent, 
et des villains y ot bien mors trois cens, et le rema- 
nant prins ; et ceulx de l'arrière garde qui virent les 
deux cens chevaulx tapis, et mussiés auprès de l'es* 
glise, tous à ung tas, allèrent férir ens, ruèrent jus les 
maistres qui furent prisonniers, et gaignèrent les che- 
vaulx. Et entra on en la chasse en la ville de Verse avec 
eulx, ou il y ot gaigné cent mil frans, et se retrahit le 
marquis de Verse en une tour, et fit traicter au mares- 



BN LOMBARDIB. 307 

chai Bouciquaut, qu'il deviendroit homme du roi de 
France par féaulté, mais que on lui rendis! sa ville ; et 
le maresdial qui vit que la ville estoit oonune gastée, 
et que ses gens estoient tant riches que à peine le 
povoient porter, la rendit au marquis, et le receut en 
î'hommaige du roi de France, dont les lettres sont à 
Paris. Et ce fait se partit le mareschal Boudquaut. 
Les gens du duc de Boui*bon et les autres capitaines 
passèrent les montaignes, et entrèrent ou bel pays plar 
centin devant la cité de Plaisance, laquelle se rendit 
au roi, et le pays de Lyescot, et aussi le pays des Ân- 
goisseux, dont le mareschal Bouciquaut avoit quinze 
mil ducats pour chescun mois de truaige que les villes 
rendent en Lombardie, et de là passèrent le Pô, et 
allèrent à Pavie, au conte, qui guières ne se pouvoit 
aidier, car eulx deux frères avoient debbat le duc de 
Milan et lui. Si fit le conte honunaige au roi de France, 
en la main du mareschal, lequel il mit dedans sa ville, 
ensemble toute la compaignie. Et au bout de huit 
jours, alla le mareschal Bouciquault de Pavie à Milan, 
à toute sa compaignie, ausquels le duc de Milan fit 
ouverture, mais on n'y osa mie entrer, pour ce que 
c'est une grosse ville, et forte, et bien peuplée. Et 
lors pria le mareschal à messire Jehan de Ghastelmo- 
rand, qu'il voulsist entrer dans Milan, à tout quatre 
cens hommes d'armes, pour descouvrir s'il y avoit 
nulles gens. Ghastelmorand lui accorda, et à la pre- 
mière porte, laissa cinquante hommes d'armes des 
siens à la garde, et à tout trois cens cinquante entra 
Ghastelmorand dedans Milan, et alla au duc qui lui fit 
grant feste, et le fit mener par toute la ville du long et 
du lai^e. Et requist messire Jehan de Ghastelmorand 



308 LES FRANÇAIS A ULAN. 

au duc de Milan qu'il le laissas! entrer lui et sa compai- 
gnie pour garnison en son chastel de Porte Eusèbe. Si 
dit le duc que non, et que nul n*y entreroit plus fort de 
lui, c mais se vous, Ghastelmorand, y voulez venir à 
c treze compaignons, pour voir dedans, je suis content . > 
Ainsi Ghastelmorand y alla voir, et n'y trouva que la 
garnison, et s'en retourna au mareschal Bouciquaut, 
qui estoit en bataille dehors Milan, et lui fit son raport, 
disant qu'il n'y avoit point de garnison, et qu'il y 
povoit entrer seurement : c Mais il me semble, > dit- 
il, € que aux rues, près des portes, vous debvriez 
c faire loger en chascune deux cens hommes d'armes, 
c afin que nul n'en puisse issir ne y entrer, que ne le 
c saichez. > Ainsi le fit le mareschal Bouciquaut, et 
demeura la compaignie douze jours en la ville, àgrant 
joie et liesse, et grant estât tenoit le duc. Or advint 
que le tiers jour que les François furent lougiés en 
Milan, saillit des faulbourgs ung capitaine de part Gui- 
beline appelé Pierre de Subergoine, a bien douze cens 
hommes Guibelins, qui baient les Guelphes, lesquels 
destroussèrent bien trois cens hommes de fourrageurs 
aux François. Si vint le cri à Ghastelmorand et à Bos- 
redon, à leur porte, qui saillirent hors à tout quatre 
cens hommes d'armes, pour aller à l'aide de leurs 
gens, et rencontrèrent ces brigans, qui furent tous 
desconfis et prins ; et y ot gaigné trois cens aulber- 
geons d'acier, et fut mort Pierre de Subergoine, et son 
frère prisonnier, qui paya deux mil ducats et dix aul- 
bei^eons d'acier ; etoncques puis pour celle fois, n'y eut 
rébellion en Lombardie ; et vous certifie que si bien se 
mainctint le mareschal Bouciquaut, à l'aide des gens 
au duc de Bourbon, et des autres capitaines et compai- 



LUTTE DES DUCS DE BOURGOGNE ET d'ORLÉANS. 309 

gnons, qu'il prenoit des daces^ acoustumées en Italie, 
de Ravenne, de Verse, de Plaisance, de Pavie, de 
Milan, et d'Iverie*, soixante dix mil ducats d'or pour 
payer la compaignie, et avoit fait une belle conqueste 
pour le roi. 



XGVI. Comment le duc de Bourbon fit son mandement 
pour aider ses nepveux d'Orléans. 

Pour la guerre qui avoit estée meue au duc Jehan 
de Boui^ongne en Picardie, il en ot tel despit que, de 
fait, il jura de tout son povoir destruire les enfans 
d'Orléans, et tous ceux qui seroient en leur aide. Car 
il disoit que les hoirs d'Orléans avoient conduit le roi 
en ses pays pour le guerroyer. Si advint que, pour 
maintenir la quereUe du jeune duc et de ses frères, 
s'allièrent par serement les ducs de Berry, de Bretai- 
gne, de Bar, et avecques eulx le conte d'Armignac, 
et assemblèrent grant nombre de leurs amis et alliés à 
Gien sur la Loire, qui jurèrent par feu et par glaive 
guerroyer le duc de Bourgongne; et oeste alliance 
mesmes jura le conte de Glermont, qui là estoit, à la 
tenir pour lui et pour son père, le duc de Bourbon, qui 
à son fils sceut très mauvais gré de l'avoir promis en 
son nom; soi excusant à ceulx qui lui rapportèrent le 
traictié, que le fils n'a point povoir de lier en nul sere- 
ment le père, pour quoi disoit le duc : c J'ai fait une 
c fois serement à monseigneur le roi : si ne le pui ne 



1. Impôts, voy. Docange, verbo dacUa, 

2. Ivrée. 



310 



AMBASSADE DE 6. DE LAIRS. 



c doi faire à nul autre ; et se beau fils Jehan a ce fait c'est 
c sans moa.8GeUy et fort m'en desplait. » Or ne tarda 
guières que le duc Charles d'Orléans envoya ung sien 
chevalier, nommé messire Guillaume de Lcdre, en am- 
bassade pour le fait de sa guerre au duc de Bourbon, 
et dit au duc le chevalier : c Très honoré prince et 
puissant seigneur, le duc Charles d'Orléans, mon 
seigneur et maistre, avecques ses frères, vos nep- 
veux, vous prient et requièrent, sur l'affinité de 
lignaige, que vous leur aidiez en leur guerre, qui est 
juste, et maintenez leur querelle encontre le duc de 
Bourgongne, qui à tort les veult déshériter, car les 
autres seigneurs, conmie vous savez, se y veulent 
employer, et l'ont juré, présent monseigneur vostre 
fils qui à ce se accorda. > Lors print à dire le duc 
de Bourbon : c Guillaume de Laire, vous n'avez mie 
bien pensé que c'est de commencer guerre : le 
conunencement est brief, mais la fin en est tardive. 
Vous estes ung fol, qui conseillez mes nepveux à 
commencer la guerre à si forte partie comme ils ont 
à faire. Ils ont ung pou d'argent, si pensé-je que 
vous et autres leur vpulez faire despendre, puis 
demoureront pouvres et souffi:*eteux. Ils sont jeunes, 
et ne savent que c'est de tel mestier. Allez vous en 
à eulx, et les acertenez que, au besoing, ne leur 
fauldrai mie, qui les oppresseroit ; mais je serois 
bien d'accort qu'il fussent en eaige, et se congneus- 
sent, si que leur argent ne fust mie despendu sans 
cause. > Àdonc s'en alla messire Guillaume de Laire 
au duc Charles d'Orléans, lui relater ce qu'il avoit 
trouvé. Et le duc de Bourbon demoura à Montbrison 
une pièce, avec la duchesse sa femme, ou par [devers 



LB DUC LOYS PREND PARTI 31 f 

lui retournèrent de Lombardie d'acoompagner le ma- 
reschal Bouciquaut, c'est assavoir messire Jehan de 
Ghastelmorand, messire Jean des Barres, ensonble 
leurs compaignons de Bourtx>nnois et de Forez aus- 
quels le duc fit bonne chière. Mais par ^] tant de foys 
escriprent et envoièrent ambassadeurs les ducs de 
Berry, de Bretaigne, de Bar, le conte d'Armignac, et 
le sire d'Albret, conestable de France, au duc Loys de 
Bourbon, lui remonstrant que le duc Jehan de Bour^ 
gongne faisoit grant mandement à destruire les orphe- 
lins d'Orléans, et jà cellui duc les avoit defiiés, et qu'il 
en eust pitié. Si pensa ung peu le Duc, et puis dit : 
Puis que je vois que c'est à certes que l'en veult des- 
truire mes nepveux, j'ai veu ma chair et mon sang 
respandu inhumainement sur les carreaulx, et ceulx 
à qui il en deust doloir sont plus obstinez à méfaire, 
si voue et promects à Dieu, que, tant comme j'aurai 
vie, je mectrai corps avoir et povoir à desrainier 
la querelle de mes nepveux, et me desclare estre 
de leur partie. » Et lors commença à dire le duc 
Loys à la duchesse sa femme : c Dame Anne Daulphine, 
très-chère compaigne, je cuidoie prendre congié de 
vous, poiir aller ou ma dévocion estoit, et est ce 
assavoir que, sur ma vieillesse, je doie laisser le 
monde servir Dieu et faire ma demourance au 
couvent des Gélestins de Yichi. Mais je sai de cer- 
tain que le duc Jehan de Bourgongne entend à des- 
truire mes beaulx nepveux d'Orléans. Si ai voué de 
eslre à l'encontre de tout homme qui leur vouldra 

1. Ce passage, fourni par le ms. de Balnt-Pétersboarg, manque 
dans les deux autres, aussi bien que dans Timprimé. 



31 % POUR SES NEVEUX d'ORLÉANS. 

c nuire, et, celle guerre affinée, puisque je ne puis, si 
c tost comme je vouldroie, acomplir les voyaiges les- 
c quels je avoie proposés à faire, au plaisir de Dieu, je 
c userai le remanant de mes jours à Yichi , conmie je 
c Tai ordonné. Si vous dis à Dieu, ma fenune, et bien 
c brief je vous reverrai. » Lors la baisa le duc, et s'en 
partit de sa ville de Montbrison à belle compaignie, et 
messire Loys de GuUant, qui despuis Ait admirai de la 
mer en France, ensemble Ponsart de Beauval, escuyer, 
et autres de Thostel du duc, prindrent congé de lui, 
et s'en allèrent en Grenade, royaume sarrasin, et si à 
bonne heure y vjndrent qu'ils forent au siège d'Anti- 
quière, que tenoit dom Ferrant, infant de Gastille, des- 
puis roi d'Aragon, laquelle fut prinse par les Ëspai- 
gnols, et conquestée sur le roi sarrasin , qui moult 
belle chevalerie avoit de plusieurs contrées, l'an mil 
quatre cens et neuf. Et le duc de Bourbon venu à 
Molins, commanda au conte son fils aller à Poictiers, 
vers le duc de Berry, pour savoir l'accertenance de 
leur traictié, et où leurs gens s'assembleroient. Si se 
partit le conte, alla à Poictiers, pour traictier de ces 
choses, et le duc son père se advança à Bourbon-l'Âr- 
chimbaud, son chastel, et appela maistre Ëstienne de 
Bar, son secrétaire, lui commandant escripre lettres 
de mandement en grant nombre, qui furent escriptes, 
et mandées loing et près aux chevaliers, escuyers, et 
gens d'armes, qui de bon cueur se offroient, avec la 
personne de si très-preudhonune valeureux cheva- 
lier et notable prince conune il estoit, pour estre en 
la deffense et aide des^enfants d'Orléans ; car maints 
nobles honmies désiroient fort à soubstenir leur que- 
relle. Si fut aux mandés assigné jour à Montluçon, où 



MORT DU DUC LOYS. 



313 



le duc estoity qui se esbattoit à la chasse, en les acten- 
dant, pour les mener avec ses alliés à la guerre. 



XGVII. Comment le bon duc Lays de Bourbon treepassa 

de eeste vie. 



Puis que le mandement fut fait, s'apresta chascun 
en droit soi, et moult de chevaliers et d'escuyers vin- 
drent à Montiuçon, que le duc véoit voulentiers, et, en 
tant qu'il attendoit les autres compaignons, Ten de 
main d'une saint Laurent, se sentit ung pou deshaitié 
le duc, dont tout cellui jour ne tint compte, mais, après 
la solempnité de nostre Dame de mi-aoust, que le duc 
a voit solempnisée en grant dévocion, il se sentit agré- 
gier, et congnoissant la fin de ses jours approcher, 
loua Dieu dévotement, en le regraciant de sa voulenté, 
qui estoit telle de l'appeller. Si print à dire le duc à 
plusieurs chevaliers et gens de nom, qui près de lui 
estoient : c Mes amis, je regracie Dieu de tout mon 
cueur, qui m'a preste vie, teUe que j'ai vescu jus- 
ques ici, par son conunandement. Certes, la mort 
ne me déplaist mie, mais, se au créateur eust pieu, 
j'eusse voulentiers veu la santé de monseigneur le 
roi, la union des princes des fleurs de lis, et la paix 
de cestui très désolé royaume de France. Je y ai de 
tout mon pouvoir besongné à le paciffier, et estoit 
mon vouloir en ce voyaige , où aller cuidoie, moi 
employer en manière que bon accort s'y fust mis ; 
et pour ce que aller je n'y puis, j'en recommande 
l'affaire à Dieu le tout puissant. Vous, mes loyaulx 
et bons serviteurs, savez que pieça j'ai fait mon tes- 



31 4 MORT BU DIOC LOYB. 

taiyent, lequel je vueil qu'il soit tenu oomme je 
Fordonnai à mes exécuteurs, la dudbesse ma fenune, 
messire Hutin Le Baveux, messire l'Hermite de la 
Paye, et maistre Pierre de Ghantelle, mon confes- 
seur. Et commande que les pompes qui se ftxit es 
obsèques des princes, moult coûteuses, en révé- 
rence de Dieu, ne me soient point faites , mais, celle 
somme d'argent, qui pourroit estre employée, soit 
distribuée aux povres. Vous aurez m'ame pour re* 
commandée, et prierez à Dieu, si j'ai fait diose 
contre sa voulenté qu'il le me vueille pardonner ; 
et je vous en prie. Lii dudiesse, ma fenune, vous 
soit pour recommandée, elle n'est mie ici, ne 
Jehan, mon fils, qui est mon héritier; il est vostre 
seigneur ; après mon décès, conseillez le, honnourez 
le et amez loyaulment, conune vous avez fait moi ; 
de ce je vous en supplie. Et lui direz, de par moi, 
qu'il soit deffendeur contre tous oppressans la cou- 
ronne de France, et ce je lui enjoing expressément. » 
Les chevaliers oyans parler le duc de Bourbon paroles 
si louables, plouroient tendrement, et lui promirent 
de faire et tenir ce qu'il conunandoit. Alors requit le 
duc que ses cheveulx lui fussent ostés : si furent ton- 
dus, et, quant il les tint, il parla en ceste manière : 
c Beau sire Jésus-Christ, mon Dieu, mon père créa- 
< teur, es délicts de cette vie mortelle, où plus je me 
c suis embatu a esté en mes cheveulx ; si ne vueil mie 
c que ceste vanité me suive ; véez les là en despit 
c d'orgueil ! » Lors les foulla à ses pies, et chascun se 
partit, et il demeura en son oratoire. Et nonobstant 
que le duc ot de coustume soi souvent confesser et 
communier, sa maladie durant, le fit par plusieurs 



MORT DU DUC L0Y8. 31 5 

fois, et par espécial, le dimanche xvn* jour d'aoust» 
soi sentant fort engregié et enferme, se reconsilia par 
confession très dévote, et révéraument oïes ses trois 
messes, dites ses heures canoniaulx, gectant plancts et 
souspirs de ses pédiés, criant merci à Dieu, de cueur 
contrit et de humble pensée, receut bénignement le 
corps de Dieu son créateur, par les mains de son cha- 
pelain et confesseur, maistre Pierre de Ghantelle, 
lequel à son prince et seigneur voult apporter le saul- 
veur du monde en son siège, pour ce que fort estoit 
affoibli, mais Thumble seigneur disoit : c A moi indigne 
€ n'est mie de raison que le digne créateur viengne. » 
Lors se leva, et tendrement pleurant, se agenouUa 
devant Tautier, disant : c Mon Dieu, mon père, par 
c raison, vée ci ta pouvre créature, aies merci d'elle 
c par la tienne grant miséricorde, et les péchés que je 
c puis avoir fais, desquels fort me desplaist les avoir 
c conmiis, de ta digne grâce ils soient effaciés. Car je 
c les ai de cueur et de bouche regehis et confessés 
c véritablement, à la confusion de l'ennemi de l'hu- 
c maine nature, et à la salvation de mon esprit, lequel 
c en tes mains je recommande, > Lors fut communié 
le noble seigneur, et par ces deux jours, ne faisoit se 
non àourer Dieu, lui requérant que, à l'heure de son 
trespas, eust ferme mémoire de sa benoite passion, et 
receust tous ses sacremens, conmie prince, vrai catho- 
lique, ferme en la foi chrestienne, et obéissant fils de 
sainte esglise. Despuis souvent avoit dit que la mort 
n'est à nul preudhomme de redoubter, et continuel- 
lement sa bouche nommoit et louoit le nom de Dieu, 
se recommandant à lui piteusement, et à la glorieuse 
vierge Marie» son advocate, ou gisoit son espérance, et 



316 MORT DU DUC L0Y8. 

parfaite fiance; et aussi requéroit Tapostre de France, 
le glorieux martîr saint Denis, qu'il dépriast à Dieu, 
pour le salut de son âme, pareillement en supplioit au 
dévot confesseur, patron des rois très chrestiens Fran- 
çois, sainct Loys, jadis roi d'icelle seigneurie, duquel 
lignaige il estoit descendu, et à tous les sains et saintes 
de paradis, anges et archanges desprioit que à l'heure 
de son trespas l'esprit de lui ne voulsissent eslongner. 
Et en celle bonne mémoire, puis que la veue lui fut 
troublée, et la parole cessée, tenant la croix entre ses 
bras, et que son confesseur lui denuncioit la passion 
de son créateur, la croix embrassée dévotement, rendit 
l'esprit à Dieu, en sa ville de Montluçon, le mardi dix 
neufviesme jour d'aoust , l'an de son eaige soixante 
treziesme , et en l'an de grâce nostre seigneur mil 
quatre cens et dix. Et au très preudhomme prince, 
on trouva deux cordes ceinctes à sa chair nue, l'une 
de fouet, nouée de neuds, et l'autre de corde de che» 
ron, et nul de ses serviteurs, sa vie durant, ne s'en 
estoit aperceu. Et celle nuit mesme, puis que les choses 
appartenans à prince trespassé furent faites, le mit on 
en une litière, et ftit porté à Gosne^ en l'esglise, ou l'en 
le veilla, en faisant prières à Dieu pour son âme, et, 
parles chemins ou l'en menoit le corps, estoient les 
gens à grans tourbes, regretans leur seigneur, plourans 
et crians si hault que les voix en résonnoient bien 
loing, et disoient : c Ha! ha! mort, tu nous as osté à 
c ce jour nostre soubstènement, cellui qui nous gar- 
c doit et deffendoit de toutes oppresseures. G'estoit 
c nostre prince, nostre confort, nostre duc, le plus 

1. Gosne-snr-rGEil, comm. du cant. d'Hérisson (Allier). 



8E8 FUNÉRAILLES . 317 

c preudhoimne y de la meilleur conscience et de la 
c meilleur vie que en peust trouver, et le plus très net 
< homme en son vivre que l'en sceust à nulle part. > 
Et en ce ploureys apporta on le corps de ce très excel- 
lent prince à Souvigni, ou prioré conventuel, ou après 
les obsèques funéraulx, fut ensepveli, et tumullé en sa 
belle chapelle, que, en son vivant, il avoit fondée, et 
douhée richement de rentes, d'aoumements sacerdo- 
taulx, de calices, de livres, ou tous les jours, pour le 
remède de son âme , le soubs prieur de léans, accom- 
paigné d'autres religieux, chantent à note une messe 
des trespassés, et autres oraisons ils dient sur la tumbe. 
Si ne demeura guières, que au conte de Glermont ne 
fut dénonciée la mort de son père ; lequel se partit du 
duc de Berry et s'en vint en Bourbonnois, moult dou- 
lent d'icelle mort ; et lui, ses besongnes en ses pays 
appoinctées, comme duc et seigneur fut subrogué à 
mener les gens d'armes que le feu duc Loys son père 
avoit mandés. Si y avoit de chevaliers et d'escuyers 
noble compaignie, que le duc Jehan de Bourbon mena 
devers le duc de Berry, pour aider en leur guerre lès 
enfans d'Orléans, ses germains cousins. 



XGYIII. Comment le duc Lays fait à recommander. 

L'acteur racompte que l'honmie vertueulx doit 
estre loué après sa mort, et magniffié pour sa bien- 
heurée fin, et pour ce que le duc Loys de Bourbon est 
passé de ceste vie glorieusement, il fait moult à recom- 
mander. Car lui congnoissant, en sa plaine vie, que 
l'âme est céleste, et descendue de hault lieu, et le corps 



31 8 FONDATIONS DU DUC L0Y8. 

terrestre et bas, et que rame est immortelle, et le corps 
mortel, vesquit en telle manière, que sou àme est 
montée en hault, dont elle estoit descendue, et elle 
unie à son corps, comme tout d'un vouloir, raisonna- 
blement Tftme servoit le corps, et le corps obéïssoit à 
l'àme. Et soi recordant le duc en son vivant, que Fàme 
juste est perpétuelle devant Dieu, ordonna, en sa 
bonne mémoire, œuvre perpétuelle, afin que si son 
àme estoit en gloire, elle dépriast Dieu pour le salut 
des autres estans en purgatoire, et si elle alloit en lieu 
de pulsation, par icelle oravre eust réfrigère. Pour ce 
fonda il messes et obiit perpétuels, pour le remède de 
Tâme de lui et de ses prédécesseurs et successeurs. Et 
premièrement, en fonda une, à tousjours, pour Tàme 
de feu le duc Pierre, son père, aux frères prescheurs 
à Poictiers, et, pour soi et les siens, en l'abbaye de 
Gluny; une à note des trespassés, laquelle est au sainct 
couvent des petits innocens; au Mans, une pour le 
salut du roi de France, Charles, sixiesme de ce nom ; à 
Chartres, une de Nostre Dame; à Chasteau-Chinon 
deux messes perpétuelles ; une aux ÀugusUns de Tou- 
louse ; à Tours, en l'esglise Saint Martin, une ; à Nostre 
Dame de Paris, une, et deux obiit pour les trespassés. 
Et, pour la ferme dévocion qu'il avoit à la vierge • 
Marie, fonda en sa ville de Molins ung collège de 
douze chanoines perpétuels, et aussi l'ospital Saint 
Nicolas-lès-Molins à substanter les pauvres viels offi- 
cierS) [et celui de Saint Julien du dit lieu à povres 
malades passants ; '] fonda aussi le dévot lieu des Céles- 
tins à Yîchi , où grant désir avoit de demeurer. Aussi 

1. Passage omis dans les mss. A et B. 



SERVICES RENDUS PAR LUI 31 9 

à Sottvigni, fonda pour tous les jours, messe à note 
sdempndle, en sa belle diapellé qu'il fit faire, où il 
git ; et par tous les lieux et esglises par lui fondés, 
donna rentes et aoumemens de ses armes, soupelis, 
calices, et livres à faire le service divin. Tous les jours 
oyoit trois messes en très grant dévodon, pleurant ses 
péchés, requérant mearci à Dieu de ses meffSeds, chascun 
vendredi de l'an lui mesmes à trèze povres [donnoit à 
cfaascun xm deniers à l'issue de sa chambre, ou nul ne 
le véoit, et au jeudi saint devant Pasques à trèze po- 
vres créatures,'] lavoit, essuyoit, et baisoit les pies, en 
révérence de Dieu, les servoit à table, et leur donnoit 
de son argent, dont il est à présumer que, pour tels 
biens et maints autres qu'il faisoit secrètement, l'âme 
de lui soit en bon lieu. Regarda aussi le duc Loys, que 
l'homme saige qui se garnit d'armeures célestes contre 
ses ennemis invisibles, se doit garnir de forteresses 
contre ses ennemis visibles, et, pour ce que son peuple 
fust en temps de guerre plus asseuré, fit fermer et 
parer aucunes ses villes, conmie Vichi, Yarennes, et 
Villefranche en Bourbonnois, Feurs et Thiern. Et édif- 
fia les chasteaulx de Molins et Yemeuil, et en répara 
plusieurs, conune celui de Belleperche, ou il fit le don- 
jon; à Bourbon, conomença deux belles tours; le 
chastel de Hériçon moult amenda, celui de Montluçon, 
et la tour à Billy ; une tour et salle leva à Murât, d; 
en Gombraille le chastel de Ausance édiffia, et celui de 
la Villeneuve en Hez, et fit bastir son bel hostel à 
Paris, qui tant cousta, ou il dressa une gente chapelle. 



i. Passage omis dans rimprimé et le ms. G, et tiré des mss. A 
etB. 



3S0 SES GRANDES QUALITÉS . 

en laquelle il espérait fonder chapellains à servir Dieu. 
Et comme vrai soit que lui estant en ceste vie humaine 
toutes fois admonestoit il ses dievaliers en tout hon- 
neur, disant quMIs ne fussent convoiteux de vilaine 
convoitise, par laqueUe trahison est accreue et multi- 
pliée, et qu'ils se gardassent de mal faire, et de mei^ 
dire d'autrui, car ce sont les œuvres qui corrompent 
et mal mettent chevalerie ; et disoit que chevalier en- 
vieulx ne serait jà aise ; chevalier ne doit avoir envie 
en son cueur, fors que d'une chose, c'est de bien 
faire, plus que nul de toute sa compaignie, à ce doit 
estre ententif son couraige, car c'est le commencement 
de courtoisie, par quoi, celle envie soit sans orgueil et 
sans villenie. Et disoit le duc Loys que lui et ses cheva- 
liers debvoient forment amer leurs bons et loyaulx ser- 
viteurs, car nul greigneur trésor ne puet avoir li haults 
homs avec lui, que celui qui l'aime de cueur loyal et 
entier et d'amour certaine. Le duc Loys amoit les 
armes, quant meslier en estoit, et receut par armes 
grant honneur, et il n'en faisoit fors soi humilier en- 
vers toutes gens : honneur ne lui changea oncques ses 
meurs : [bien le sut recevoir, bien le sut gruppir. Il 
amoit moult sa mesnie, qui n'estoit corrompue ne de 
mauvaises meurs. De grant renommée fiit le duc Loys 
par le monde, tant de son cler sens, conmie de sa 
loyauté; quant à sa preudhommie,*] son renom fut 
moult prouffitable à Thostel de France, par ses bons 
conseils et haultes vertus. La division qu'il véoit entre 
les royaulx, lui monstroit le mal qui devoit advenir. 



i. Tout ce passage, tiré des mss. A et B, manque dans l'im- 
primé ainsi que dans le ms. de Paris. 



SES GRANDES QUALITÉS. 321 

Souvent fit son debvoir de les paciffier ; il estoit prou- 
fitable à tous communément, et moult itiettoit grant 
cure à garder ce qui lui sembloit chose droiturière. 
Moult avoit en soi grant mesure ; à grant peine seroit 
ores trouvé son pareil. Il estoit prest et d'armes et de 
droicture à défendre France, qui grandement a perdu 
en sa mort. Bien povoit dire le bon duc en son vivant, 
qu'il véoit la division estre creue, ces paroles : c JTap- 
c perçoi que nul n'aura honte de anéantir le royaume, 
€ et ceulx qui plus porront, et qui mieulx le devroient 
c garder et augmenter, seront tout ung à le deffaire, 
c car chascun entendra à son propre preu, non pas à 
c Tadvancement du peuple, mais au destruisement. > 
Bienheureulx est le duc de Bourbon, qui est passé 
de ceste vie, et volé au ciel par ses mérites! au 
moins n'a il mie veu les horribles maulx advenus en 
France, dont il se doutoit, pour quoi peuvent dire 
ceulx du royaume en regrettant ceUui noble prince : 
Ha ! ha ! bon chevalier et loyal , discret et saige, 
en conseil seur, et fier en armes, tant faites à 
plaindre! si France eust encores beaucoup de tels 
deffendeurs conune vous estiez, elle peust moult 
longuement saulver sa franchise et la garder et 
maintenir. Car vous ordonniez la chose publique 
par conseil, par raison et par meure délibera- 
cion. » Et pour ce dit l'acteur aux trois estas : 
Hé ! hé ! seigneurs, que tant vault ung preudhomme 
au grant besoing! Entre grant fouc' de gens qui 
encores sont esbahies, par ung preudhomme est 

1. Les mss. A et G donnent foiton dans un sens analogne. Cf. 
l'allemand Volk, 

24 



3SS SES 6RÂND1S8 QUALITES. 

c monté UD^ lignaige, deffendu ung royaume, et à 
c mil hommes par ung seul garanties les vies ! Dieu Fa 
c prins à sa part, et a laissé le royaume par le péché 
c des hoDunes, en la balance de Fortune, jusques à 
c son plaisir. Ha I noble duc, Tinvasion des Ânglois 
c n'eust jà tant duré, si vous fiissiez en vie, ne la divi- 
c sion des seigneurs en France rebelles contre leur 
c souverain, à tout eussiez trouvé remède. > Si con- 
dud que travail de tous ouvriers desdiiet et périt, 
mais que travail d'escripre fait ainsi comme Thomme 
vivre et estre tousjours en mémoire neis après la 
mort. Et il y appert, car du bon duc Loys de Bourbon 
dure encores la vie pour sa bonne renonunée. Car on 
treuve le lieu de sa sépulture honnourable, et les 
escripts qui pour mémoire de lui sont fais, dont toutes 
les bonnes taches nous sont racontées et dictes ça en 
arrière, que vous, très noble prince, Charles de Bour- 
bon, conte de Glermont, avez commandé à descripre 
et mectre au cler. Et est le livre compillé par le non 
saichant Cabaret, povre pèlerin, riche de plaisir et de 
joie, de ce que Dieu et gentillesse que tant aima, ont 
permis Toeuvre plaisant à bonne fin estre achevée, 
[l'an, etc., que la pucelle, etc. 

Explicit la Cronicque du Duc Loys de Bourbon.'] 

1. Les mots entre crochets ne se trouvent que dans le ms. B. 



ORDONNANCE 



AU SUJET DES FINANCES DU DUC DE BOURBON' 



I. 



Au trésorier et receveur général de toutes les finances 
et revenues tant ordinaires que extraordinaires. 

I. — Le trésorier et recepveur général tiendra le compte 
de toutes et chacunes les rentes et revenues, tant ordinaires 
(pie extraordinaires, et de toutes autres quelconques 
choses, de quelque qualité ou quantité qu'elles soient, et 
les recepyra ou fera recepvoir, par ses clers et commis, des 
recepveurs particuliers, baillis, chastellains, fermiers, accen- 
seurs, clavaires, entremetteurs des receptes de mon dit Sei- 
gneur, et tout ce qu'ils doivent et devront par la fin et 

1. Archives Nationales P. 1373^, cote 2226. Cahier de papier 
non signé. M. Huillard-Bréholles, dans son Inventaire des titres 
de la maison ducale de Bourbon, tome 1I«, n9 4853, a reporté ce 
docoment à l'année 1410 enviiDU : nous croyons devoir le ratta- 
cher de préférence aux mesures d'ordre et de réforme, qui, d'après 
notre auteur, ont signalé les débuts de Tadministration du sire de 
Norris. Yoy. chap. Lm, pag. 163 et sqq., et les Ordonnances de la 
Chambre des comptes de Molins, novembre 1374, dans Hdillard- 
Brêholles, Inventaire, etc., tome I«', n<> 3277, et dans le BuUetin 
de la Société (^émulation de VAUier\ tome YIII, pag. 106, la nomi- 
nation par Louis U, le 20 décembre 1377, d'un commissaire 
chargé de dresser l'état des fiefs et bénéfices relevant du duché de 
Boarbonnais. 



324 APPENDICE. 

condusion de leurs comptes, et aussi de tous autres tréso- 
riers, recepyeurs généraulx et particuliers , grenetiers, et 
commis aux receptes des deniers et finances du roy notre 
sire, et de tous autres princes et seigneurs, de quelque estât 
ou condicion qu'ils soient; et de ce qu'il recepyra, il en 
baillera ses quictances et descharges, desquelles il fera 
registre ; et s'il est nécessaire que mon dit seigneur donne 
ou baille ses propres quictances à aucun des diz trésoriers 
et recepyeurs généraulx et particuliers, grenettiers, ou com- 
mis à recepvoir pour le dit seigneur et autres princes, ce 
sera par les mains du dit trésorier ou d'autres pour luy ou 
de par luy, et le dit trésorier les certifiera au dos, et en 
recepvra ou fera recepyoir le contenu, af9n qu'il soit tenu 
d'en Caire compte, et que de tout il se chaîne et face foy 
pour en ayoir ample congnoissance en ses comptes : car de 
toutes choses receues et despencées en l'ostel d'un grant 
seigneur est expédient qu'il apparoisse par escript pour 
éyiter la confusion du mémoire, car en grant multitude de 
choses il est aisié de oublier et obmettre. 

II. — Item. Et pour ce qu'il y a plusieurs blez, yins, 
chars, cires, et autres choses qui sont deues, es seigneuries 
de mon dit seigneur en diyers lieux, lesquelles ne se pour- 
roient despenser en son hostel ne en ceulx de madame et de 
messeigneurs leurs enfans, et à ce qu'ilz ne se perdent ou 
soient trop surannez, le dit trésorier les yendra, ou fera 
mettre en yente, quant et ainsi qu'il yerra à l'utilité de mon 
dit seigneur, et à bons et conyenables pris, par le conseil et 
adyis des seneschaulx, baillis, preyosts, adyocats, procu- 
reurs, gens de justice, et autres feaulx et bien yueillans de 
mon dit seigneur, estans es lieux ou les diz blez, grains et 
choses dessus dittes seront, ou des aucunsM'eulx, s'il yoit 
qu'ilz soient en ce utilles, lesquelz il conyocquera et fera 
conyocquer et appeller à ce faire, pour en ayoir leur conseil 
et oppinion, ayant que exposer ou faire mettre ne exposer 
aucune des dittes choses en yente, laquelle sera- faitte par 



APPENDICE. 385 

le recepveur du lieu. Et les deniers qui en viendront et ys- 
tront le dit trésorier les fera recepvoir et en tenir le compte 
par le dit recepveur clavaire ou commis à recepvoir au dit 
lieu, lequel £era certifSer les ventes par les procureurs et 
greffiers du dit lieu, lesquelz seront tenuz en faire papier et 
registre de la vente, du nombre, et des pris et sommes par 
chacun jour, et ce sur peine de radiacion de leurs gages 
pour le premier defiault, pour le second d'amende, et pour 
le tiers de privacion de leurs offices. Et si en aucun des diz 
lieux ou les dites ventes seront feittes, il y a quelcun des 
gens des comptes, il sera préalablement convocqué et appelle 
pour consulter et délibérer des dittes ventes et pris. 

III. — Item. Et à ce que le dit trésorier et général 
recepveur puisse veoir et cognoistre la charge et recepte de 
chacun recepveur particulier au prouffit de mon dit sei- 
gneur, iceluy trésorier pourra, chacun an, aler veoir et 
visiter tous les lieux des dittes seigneuries, et veoir les 
registres, papiers et escriptz de la justice des lieux, aussi 
des recepveurs, greffiers, et autres gens de justice, et les 
contraindre à les luy exhiber et monstrer, par toutes voyes 
de justice, et comme pour les propres affaires de mon dit 
seigneur, et autrement s*en enquérir, se mestier est , pour 
veoir au vray la valleur des dittes receptes, affin de recep- 
voir et faire payer ce qui en sera deu, rabattus tant seuUe- 
ment fiefz, aumosnes, gages d'officiers, et réparacions utiUes 
et nécessaires, dont il prenra la vraye dédaracion par Tes 
particularitez. 

IV . — Item. Et à ce que les deniers et valleurs des dittes 
receptes puissent mieulx estre receues, et que l'on les puisse 
mieulx faire venir ens, si aucun des diz recepveurs, cla- 
vaires, commis" particuliers reSusent, délayent ou sont en 
demeure de payer ce qu'ilz devront aux termes deuz et 
acoustumez par la fin et conclusion de leurs comptes, le dit 
trésorier par ses lettres exécutoires les pourra contraindre 
en leur baillant ou faisant bailler des quictances, ou, par le 



326 APPKNDICB. 

premier des huissiers ou sergens de mon dit Seigneur, les 
fera contraindre réaniment et de foit k payer, par la prinse 
vendue et explectacion de leurs biens, et par arrest de leurs 
personnes, si mestier est, et par les Toyes aooustumées de 
faire pour les propres dettes et affaires de mon dit seigneur, 
et autrement par suspension ou privacion de leurs offices, 
en y commettant ou faisant commettre gens seurs, solvables 
et bien caucionnez, jusques à ce qu'ilz ayent payé, et après 
les remettre en leurs diz offices, si c'est le plaisir de mon 
dit seigneur, en donnant bonnes et seures caucions pour la 
valleur de leurs receptes d'un an entier. 

V. — Item. Pour la seureté des deniers de mon dit sei- 
gneur icduy trésorier présent, et ceulx qui seront après 
luy, quant ilz entreront en l'office, sauront et cognoistront 
si les diz recepyeurs ou entremetteurs des receptes particu- 
lières sont ou seront bien seurs et solvables, quélz pièges et 
quelles caucions ilz ont baillées ou bailleront, et s'il trouve 
que les diz pièges ou caucions ne soient souffisans et sol- 
vables pour la moictié de la valleur de la recepte, ou du 
moins pour le tiers, il les fera reapléger et caucionner, ou 
y commettra autres en leur Ueu, jusques à ce qu'ilz ayent 
bien et souffisamment applégé. 

YI. — Item. Et à ce que plaine foy et amplement l'on 
puisse monstrer des diz pièges et caucions , le dit trésorier 
sera tenu d'en livrer lettrô testimonialle, et en forme de 
contract, laquelle il apportera ou fera apporter en la chambre 
des comptes, pour enregistrer au long de mot à mot par l'un 
des ders ou greffiers, par l'ordonnance du président et audi- 
teurs lors assistens , ou de l'un d'eulx s'ilz n'y sont tous, et 
après, au dos de la lettre ou contract des diz pièges ou 
caucions , faire escripre et signer le registrata par le derc 
ou greffier qui en aura fait le registre. Et de ce faire les diz 
gens des comptes seront tenus, et de rendre les dittes lettres 
ou contractz ainsi registres et certiffiès au dit trésorier ou 
autre pour luy, à ce qu'il puisse contraindre ou faire con- 



APPENDICB. 327 

traindre les diz pièges et caacions, en deffault du reoepTeur 
qu'ilz auront piégé. 

VIL — Item. Le dit trésorier gardera les deniers qu'il 
recepyra, et fera garder les blez et autres choses, jusques 
[à ce] qu'il l^ur soit ordonné les distribuer par vente 
pour les adenererS et autrement, et fera distribucion 
manuelle et comptant des diz deniers et choses dessus 
dittes, ou de assignacion, par ses quictances ou de»* 
charges, aux personnes, pour les causes, et ainsi que par 
mon dit seigneur sera ordonné et mandé par escript, et non 
autrement, pour ses afiaires et choses neccessairee. C'est 
assavoir pour les debtes et en acquit de mon dit seigneur, 
pour les despences ordinaires de pain, vin, viandes, cires, 
foing, avoine, bois, chandelles, desroiz d'ostel, hostellages, 
et autres despenses ordinaires et acoustuméesen chambre aux 
denia*s, tant de mon dit seigneur, que de madame la Du- 
chesse, de mes seigneurs et damoiselles leurs enfans, soient 
ensemble ou en particulier, et aussi de leurs vestemens et 
habiUemens, des livrées de robes et vestemens pour leurs 
gens et officiers, de leurs gages pensions et sallaires, des 
aumosnes, dons et bienfais, de salières d'embaxadeurs, et 
oultre des deniers qui seront ordonnez au trésorier des 
guerres, quant mestier sera, et pour toutes autres charges 
qui pourront survenir chacun jour. 

y III. — Item. Et à ce qu'il apparoisse de la distribu- 
cion des diz deniers, en comptant ou par assignacion, et que 
chacun qui les recepvra en rende bon compte, s'il le doit 
faire, et aussi que les debtes de mon dit seigneur soient 
veues et cogneues acquittées, le dit trésorier ne baillera ou 
délivrera aucuns deniers , grains ou autres choses à quel- 
conque personne, que premier ne luy soit ordonné par mon 
dit seigneur, en la manière dessus ditte, et de ce prendra 
quictance ou recongnoissance ; et si c'est en acquit de mon 

1. Réaliser en numéraire. 



328 APPENDICE. 

dit seigneur, il recouvrera les lettres dont il apperra du 
deu, si c'est pour fin de paiement, et si c'est pour commen- 
cement ou partie de la somme deue, il sera tenu apporta le 
double de la lettre ou lettres du debte, et en la qnictanoe de 
celluy à qui il paiera ou assignera, sera Caicte mencion de 
la somme deue, des causes, et par vertu de quoy ; et si c'est 
gens et officiers qui en doibvent rendre compte, ilz feront 
mencion en leur quictance des causes pour quoy les sommes 
qui leur seront baillées comptant ou assignées, et promet- 
tront en ce les employer. 

IX. — Item. Et à ce que mon dit seigneur voye dèrement 
le fait de son revenu, et que tout ce qu'il ordonnera sur ses 
dittes finances soit payé, et que le dit trésorier ne puisse 
retenir ne mettre rière soy aucuns des deniers et autres 
choses qu'il recepvra, il sera tenu rendre compte chacun an, 
pardevant les dits présidens et gens des comptes, et de payer 
le reliqua quant il le devra. Et pour son acquit, et ordon- 
nance qui luy sera faicte de payer, sera tenu de apporter 
rolle ou roUes signetz delà main de mon dit seigneur, soubz- 
scriptz de son secrétaire, et mandement attaché aus diz 
rolles, scellez du seau ordonné pour les finances, esquelz 
roUes les personnes seront nommées, les sommes, et les 
causes pourquoy, et quictance de chacune personne. Et pour 
faire la sonmie toutale du rolle le contrerolleur, l'argentier, 
et l'un des comptes, s'il est présent, avecques mon dit sei- 
gneur, gecteront et calculeront les parties du rolle, pour 
avérer la sonune toutalle, et en la fin d'icelle feront quelque 
signe pour approbacion, avant que mon dit seigneur signe 
le dit rolle. 

X. — Item. Et ne sera tenu le dit trésorier, pour quel- 
que ordonnance, mandement de bouche, ou par lettre, que 
mon dit seigneur luy face, ou autre de quelque auctorité 
qu'il soit, de payer plus qu'il n'aura receu ou recepvra, 
ne que Testât qui luy sera &it, pourra porter. Et ne sera 
tenu de avancer aucuns deniers, fors ainsi qu'il les recep- 



APPENDIGB. 329 

vra ; et luj est deffendu de non contraindre aucun à prendre 
en payement aucuns draps de lajme, de soye, jojaulx, 
bagues, chevaulx, ou autre marchandise, si ce n'estoit du 
sceu et vouloir de mon dit seigneur, et ou cas que celluy à 
qui il devroit bailler argent, ne peust ou voulust prendre 
assignacion et attendre le terme à escheoir, ou quel cas le 
dit trésorier baillera les diz draps ou autres choses à bon et 
raysonnable pris, du consentement de celuy ou ceulx à qui 
il sera deu, et selon la commune y alleur et estimacion, et sur 
peine de recouvrer sur luy la somme qui seroit oultre la 
vaUeur de juste pris. 

XI. — Item. Et pourra le dit trésorier faire chacun an 
une tauxacion, ou deux au plus, sur Tun des diz recepveurs 
particuliers, jusques à la somme de cent solz et au dessoubz, 
à celluy ou ceulx qui auront fait négocié ou besongné 
pour les affaires de mon dit seigneur, et fera mencion en la 
ditte tauxacion des causes pour quoy il la fera, affin qu'il 
n'y ait abus ou décepcion. 

XII. — Item. Et s'il convient que le dit trésorier, ouautre 
à qui il aura £ait assignacion, envoyé contraindre aucun des 
diz recepveurs particuliers, pour payer ce queaura estésur luy 
assigné, celluy ou ceulx à qui il en aura donné la chaîne et 
commission, ne prendront autre chaîne, et ne feront autre 
besongné, mais diligentement exécuteront la ditte commission, 
sur peine d'amende et d'estre pugniz. Et sera tenu le dit recep- 
veur particulier de payer le sallaire de celluy qui l'exécu- 
tera, s'il a esté refiîisant de payer les termes escheuz; et s'il 
paye sans contredicion, ce sera aux despens de monseigneur, 
ainsi qu'il luy sera tauxé, si c'est pour les affaires de mon 
dit seigneur ; et si c'est pour le fait de celluy qui aura esté 
assigné, ce sera à ses despens. 

XIII. — Item. Et pour ce qu'il sera expédient que le dit 
trésorier face des dilligences et voyages en plusieurs lieux, 
pour les affaires de mon dit seigneur et autrement, à cause 
de son office, il les fera par l'ordonnance de mon dit sei- 



330 APMOfmcB. 

gseur, on sans ioelle, s'il voit que le cas le requière, et après 
en fera le rapport à mon dit seigneur, affin qu'il sache les 
causes; et, pour ce faire, mon dit seigneur dès à présent 
pour désormais, luy a tauxé et ordonné la somme de. . . 
. . . . parjourpourhommeetcheval jusques au nombre 
de trois, que le dit trésorier prendra par ses mains, à la 
ditte raison, par la tauxacion que mon dit seigneur luy 
fera pour la vacacion de ses journées. 

XIV • — - Item. Et pour ce qu'il est souventefois très^neo- 
cessaire envoyer ambazadeurs, et £aire voyages et messa- 
geries, pour les grandes, moyennes et petites matières de 
mon dit seigneur, en divers Ueux, près etloingtains, et qu'il 
est et sera expédient que les personnes notables estans au 
service de mon dit seigneur y voysent, le dit trésorier les 
payera en argent comptant, ou leur assignera, des deniers 
qui pour ce luy seront ordonnez, les sommes de la vacacion 

de leurs journées à la raison de pourhonmieet 

cheval pour jour, à ceulx qui auront deux hommes et deux 
chevaulx, et au dessus ; et ne seront payez ne assignez tant 
qu'ilz ayent fait le voyage, et seront tenus de dire au dit 
trésorier, ou à son clerc ou commis, le jour qu'ilz partiront, 
et où ilz vont, et le jour de leur retour, dont il fera registre, 
ou en leur absence au contreroUeur ou son derc , qui en 
feront registre ou papier ordinaire de la despence, pour leur 
en feire la tauxacion par mon dit seigneur, car autrement 
le dit trésorier ne sera tenu les payer. Et au regard des 
menues messageries qui seront Caictes, celluy qui aura la 
charge de payer les deniers comptans des menues plaisances 
de mon dit seigneur, les payera jusques à cent solz tour- 
nois et au dessoubz, et en sera la tauxacion feicte par mon 
dit seigneur, ou par le dit trésorier et contreroUeur. 

XY . -* Item. Et si mon dit seigneur fait aucuns dons, 
fondacions, legatz, aumosnes ou euvres piteuses qui soient à 
perpétuité, ou qu'il donne et face dons de pensions à vie à 
qudcun de ses serviteurs ou autre, en argent, blé, ou autre 



APPENDICE. 331 

diose, sur aucune de ses dittes receptes particulières, les 
lettres et mandemens seront veuz par les dittes gens des 
comptes, et par le dit trésorier et recepyeur général, pour 
les yériffier, et y donner leur consentement, s'ilz voyent que 
&ire se doive, ou les reffdser, et remonstrer à mon dit sei- 
gneur les causes du motif de leur reffus. Et ne seront tenus 
les recepveurs et trésoriers particuliers de payer les dittes 
choses, ne obtempérer aus dittes lettres, qui ainsi ne seront 
expédiées, ne à ce ne pourront être contrains; mais le dit 
trésorier général sera tenu £aire mencion, chacun an, en 
son compte, de toutes les vérifScacions et consentemens qu'il 
fera, et sur la recepte particulière où il les fera. 

XVI. — Item. Et pourra estreet assister le dit trésorier 
et recepyeur général en la chambre des comptes à l'audi- 
cion et clousture des comptes des recepyeurs particuliers, 
pour respondre de sa charge, et aussi pour besoingner es 
autres affaires de mon dit seigneur, et à ce donner sa yoix 
et oppinion, calculer et getter comme Tun des autres de la 
chambre des comptes. Toutes voyes il n'aura administracion 
ou maniement de quelconque chose de la ditte chambre, 
pour ce que nul de quelque estât ou condicion qu'il soit, qui 
est et sera comptable, et tenu de rendre compte envers mon 
dit seigneur, ne doit avoir ne n'aura office de président, 
maistre, auditeur, derc, greffier, huissier, garde de Chartres 
et lettres en la ditte chambre des comptes, pour ce qu'il seroit 
juge en son propre fait, et autrement se y pourroit com- 
mettre plusieurs faultes, et abbus irréparables et de perpé- 
tuité dommagiables. 

XVn^ — Item. Et sera et pourra estre le dit trésorier gé- 
néral au bail et délivrance de toutes les choses tant grandes, 
menues, que petites, qui seront baillées et délivrées à ferme 
ou à ascence annuelle et perpétuelle, s'il est assistent es 
lieux ou l'on aura assigné le jour temps et heure de les 
bailler. Et sera la délivrance, et bail d'icelles iaicte par 
le seneschal et bailly des lieux, le dit trésorier, juge. 



338 APPENDICE. 

advocatz et procureur, et les lettres fàictes par le gref- 
fier du lieu. Toutes voyes s'il advient que mon dit seigneur 
baille de main ferme quelques terres et revenues à temps, 
ou rente perpétuelle, le dit trésorier y donnera son consen- 
tement, et en prendra les pièges et cauxions qu'il fera enre- 
gistrer en la chambre des comptes, en la manière dessus 
ditte, et en fera mencion en son compte de l'année, afSn de 
faire payer la ditte ferme. 



IL 



Atix recepveurs et trésoriers particuliers. 

I. — Chacun d'eulxrecepvra ce qui sera deuàmon dit sei- 
gneur es lieux et limites de leurs receptes ; et à leur payer 
aux termes deuz et acoustumez contraindront et feront con- 
traindre tous ceulx qui devront, comme pour les propres 
debtes de mon dit seigneur, et ne laisseront aucun debteur, 
de quelque estât ou condicion qu'il soit, cheoir en arrérages, 
ainçois feront toute diligence de les faire payer sur peine de 
faire la somme bonne, et leur en faire feire recepte, si &ulte 
il y avoit. Toutes voyes il est à entendre que, après les dili- 
gences faictes par toutes les voyes, façons et manières en tel 
cas requises et possibles, si lerecepveur ne povoit recouvrer 
ce qui seroit deu, pour la grande et extrême pou vreté de cel- 
luy qui devroit, ou par fortune de feu, de guerre, ou par 
mortalité, en faisant deuement apparoir des dittes choses, le 
dit recepveur ne sera point contraint, ainsluy sera la somme 
ainsi deue allouée, et passée en deniers rendus et non receuz ; 
mais sera fait note de la recouvrer pour mon dit seigneur 
sur celluy qui la devra, ou sur les siens quant ilz auront de 
quoy payer. 

II. — Item. Et sera tenu chacun des diz recepveurs, se 
fait ne Ta, de bailler chacun ung homme ou deux, seurs et 
solvables, pour piège et caucion, jusques à la valleur de la 



APPENDICE. 333 

reoepte pour ung an, de bien et lojaulment exercer son 
office, et de rendre bon compte et le reliquat et faire bons 
les deniers, et des dittes pièges et caudons en faire passer 
lettres et instrumens en bonne forme, que le trésorier géné- 
ral recouvrera pour en faire à la seureté de mon dit sei- 
gneur, ainsi qu'il luj a esté ordonné, lequel trésorier général 
pourra savoir d*eulx quelles caucions et pièges chacun des 
diz recepveurs aura baillés, et à ce les contraindra, se mes- 
tierest. 

III. — Item. Et est expressément deffendu à chacun des 
diz recepveurs, sur peine d'amende arbitraire, de non prendre 
loyer ou sallaire aucun de ceulx qui devront à leurs receptes, 
pour les attendre après les termes escheuz. Et s'il advient 
qu'il soit force aus diz recepveurs de &ire contraindre à 
payer ce qu'ilz devront après les diz termes escheuz, les ser^ 
gens n'auront que leur sallaire raisonnable, (assez est pour 

chacune exécucion de ) sans ce que le recepveur 

y pI:^igne ne doive avoir aucune chose. Et si ceulx qui 
devront blé, vin, cire, poulailles etc. n'en ayant point pour 
payer mais seront contents de payer en argent, ledit recep- 
veur ne les pourra contraindre de payer, fors la valleur de 
ce que vauldra le blé ou autre chose au terme qu'ilz le 
devront, et de ce tiendra compte : toutesfois ce sera en cas 
de neccessité, qui sera congneu par les juges et autres de la 
justice du lieu, affin que en ce ne soit commis fraulde par le 
dit recepveur, ou celluy qui devra, ou par tous deux, les- 
quelz en ce cas seront amendables, et pugnis si le cas le 
requiert. 

lY. — Item. Et est expressément deffendu à tous les 
officiers de justice de non recepvoir ou prendre aucuns 
deniers, blez ou autres choses des particuliers qui devront, 
ne des fermiers ou accenseurs du doniaine muaUe, pour leurs 
gages, dons ou pensions, fors par les mains du recepveur 
ou de ses commis, et au recepveur est deffendu de non le 
souffrir, ne leur payer leurs gages avant les termes. Et si 



334 IFKEfDlCft. 

les diz officiers de justice ou autres vouUoient fiiire le oon- 
traire^ dès à prés^t est ordoniié et commandé que leurs 
gagesleursoientrayezyetqu'ilz soient constitues en amende, 
et à rendre les deniers qu'ilz auroient reoeuz autrement 
que par les mains du dit recepveur ou de son Touloir par 
ses quictances après le terme. 

y. — Item. Les diz officiers de justice ne bailleront on 
livreront aucune des choses appartenant à mon dit seigneur 
à ferme ou à censé annuelle ou perpétuelle que le reoqiyeur 
ne soit présent et consentant. Ne aussi le recepveur n'en 
livrera ou baillera ne ne consentira qu'il se iace sans les 
dittes gens de justice et juridiquement, à ban et cri publicque, 
les sollempnitez gardées, sur peine d'amende arbitraire k 
ceulx qui seront trouvés fisôsans ou avoir fait le contraire ; et 
s'ilyachose qui soit de grant pris,oudegrant conséquence, 
et non acéustumée de bailler à £arme, les diz officiers et mes- 
mementledit recepveur le feront savoir à mon dit seigneur, 
et au dit trésorier général, pour 7 estre pourveu, et fait ce 
que sera pour le mieulx. 

YI. -— Item. Pour la distribucion et délivrance des 
deniers, blez, vins et autres choses des dittes receptes parti- 
culières, les diz recepveurs et trésoriers particuliers les dis- 
tribueront et payeront ainsi qu'il leur sera ordonné : c'est 
assavoir les fondacions, legatz et aumosnes anciennes que 
mon dit seigneur aura sceues et approuvées. Et désormais 
s'il en fait aucunes, seront payées par vertu des lettres pat- 
tentes qu'il en donnera, lesquelles seront vérifiées et 
approuvées par le dit trésorier général, qui en fera mencion 
en son compte de l'année qu'il vérifiera les dittes lettres, et 
semblablement fera mencion des pensions et autres dons à 
vie qui se payeront, se la recepte le peut porter, et il est 
employé en Testât d'icelle. 

VU. -* Item. Et après, devant tous autres quelconques 
deniers, les diz recepveurs payeront tout ce qui B&m par la 
quictanceou descharge du dit trésorier et recepveur général. 



APPENDICE. 335 

et aux peraonnes et pour les cauaeB dont il sera mendon en 
ses dittes quittances ou deschargeSy pour les afihires de mon 
dit seigneur. 

YIII. ^ Item. Et après paywont les gages acoostumes 
des officiers ordinaires à deux termes en Tan, c'est assavoir 
la moictié en la fin des premiers six mois de l'année , et 
l'autre moictié en la fin de l'année. Et si mon dit seigneur 
leur fait croissance de gages, ledit recepyeur les payera par 
vertu des lettres pattentes de mon dit seigneur, vérifiées 
parle dit trésorier, et ou cas dessus dit, comme les pensions 
et dons à vie. 

IX. — Item. Et au regard des deniers qui seront ordon- 
nez pour les fraiz et mises, pour les choses neccessaires à 
pourveoir au long de l'an, pour les procès et autres gardes 
de justice, le recepveur les payera ainsi que les afEetires 
reviendront chacun jour, par l'adviset certifflcacion du juge 
advocat et procureur ; et si la chose requiert que mon dit 
seigneur en face ordonnance, le dit recepveur payera ce qui 
sera ordonné par la tauxacion du dit trésorier et recepveur 
général ; et si la sonmie qui sera ordonnée par Testât pour 
les dis firais et garde de justice ne peut souffire à payer ce 
qui surviendra au long de l'an, le dit recepveur le prendra 
sur les premiers deniers des exploiz de justice, amendes, for^ 
faittures, ou confiscadons qui adviendront en la dicte année; 
et s'ils ne pevent à ce suffire, et il aye esté contraint de 
payer, il reprendra tout ce qu'il en aura payé, et qui juste- 
ment sera congneu des premiers deniers tant ordinaires que 
extraordinaires de l'année prouchaine ensuivant. 

X. — Item . Et pour les deniers qui seront ordonnez en 
chacun lieu, et sur chacun recepveur particulier, pour les 
rèparacions des chasteaulx, places, maisons et murailles, 
chacun recepveur les payera aux ouvriers sur ce ordonnez, 
par l'ordonnance du capitaine du lieu ou de son lieutenant, 
s'il est à ce commis, ou par autre qui aura la dbargede faire 
&ire les dites rèparacions et édiffices, selon les pris et mar^ 



336 APPENDICE. 

chez qui seront &i8, es présences et par le conseil et advis 
des juges et autres gens de justice, ou de l'un d'eulx, avec- 
ques célluy qui aura la charge de faire faire les diz édiffices 
et réparacions, duquel le dit recepyeur yerra le povoir et 
commission, avant que payer aucune chose par son ordon- 
nance. Et par sa certifficacion, et des dittes gens de justice, 
ou de l'un d'eulx en l'absence des autres, et quictance de 
ceulx à qui luy sera ordonné payer, avecques le marché et 
pris fait par escript, il rendra compte, et fera foy de ce qu'il 
aura payé de la somme qui pour ce faire sera chacun an 
ordonnée, laquelle le dit recepveur ne excédera sur peine de 
la perdre. 

XI. — Item. Chacun des diz recepveurs sera adverti, et 
par exprès luy est ordonné, commis et enjoingt de non dis- 
tribuer les choses de sa recepte, fors en la manière dessus 
ditte, quelques lettres ou mandemens qui par mon dit Sei- 
gneur ou autre ne luy soit fait au contraire, et sur paine de 
le recouvrer sur luy. Et semblablement de bien et seurement 
recouvrer les ordonnances, acquitz , quictances des personnes 
et certifficacions, ainsi que cy dessus est déclaré, et en ma- 
nière que en la fin de chacun an il rende compte de sa chaîne 
par devant les présidens et gens des comptes. Et à ce que 
mieulx et plus égallement, pour la seureté des deniers et 
autres choses de sa charge, il puisse payer et fEÛre raison à 
chacun, luy sera fait estât de l'année prouchaine subséquente 
celle dont il aura rendu compte, lequel estât sera fait par 
extimacion de la recepte et despence de sa charge, et ne luy 
servira que pour avoir regard à soy conduire en sa charge, 
et non pas pour acquit ; lequel estât sera fait par les dittes 
gens des comptes, en la présence du dit trésorier général, et 
du recepveur particulier, ou de son procureur, ou autre qui 
aura rendu le dit compte de l'an précédent. Et après sera le 
dit estât veu par mon dit seigneur pour en ordonner à son 
plaisir, et le signer par luy et par l'un de ses secrétaires ; et 
au dessoubz le certifier par le dit trésorier général, à ce 



APPENDICE. 337 

qu'il n'y puisse prétendre aucune ignorance. Et prendra le 
dit recepveur ses gages, qui par ses lettres de l'institucion 
de son office, luy ont esté ou seront ordonnez, et du jour 
qu'il aura &it le serment et entré en l'office, luy seront 
allouez. 



m. 



Au compradeur et tenant le compte de la despence 
ordinaire de mon dit seigneur, de madame et de 
mes seigneurs et damoiselles leurs en fans. 

I. — Le compradeur tiendra entièrement le compte et 
payera toutes les choses qui seront neccessaires pour le boire 
et manger de mes diz seigneur et dame, de messeigneurs 
et damoiselles leurs enfans, et de leurs gens et serviteurs, 
et aussi de tous les utencilles, de linge de table, de vais- 
seaulx de cuisine, d'eschançonnerie, de fructerie et four- 
rerie, qui seront de bois, de fer, de cuivre, d'arain et 
autres métaulx excepté d'or et d'argent, et les acheptera, 
quant mestier sera, par l'ordonnance et commandement 
des maistres d'ostelz, en quelque lieu que luy ordonne- 
ront, et aussi par leur ditte ordonnance payera tous des^ 
rois d'ostel, belles chères, es logis des dittes personnes, de 
ceulx de Tescuierie, le foing, avoine et paiUes pour les che- 
vaulx, fourrures, embourrages de selles, de bastz pour les 
sommiers et muletz, radoubages delicolzet autreschoses pour 
les diz chevaulx. 

IL — Item, De tout ce qu'il acheptera de chacune des 
dittes choses prendra le meilleur marché qu'il luy sera pos- 
sible, et fera vray rapport des pris que les choses luy auront 
costé chascun soir, et les fera escripre ou papier journal du 
clerc d'offices ou du contreroUeur, affin que tout luy soit 
compté et calculé au bureau par les diz maistres d'ostel, en 
chacun office, par manière d'escroe. Et de tout fera un papier 

22 



^ 



338 APPENDICE. 

semblable qu'il gardera par devers luy, et ne s'aidera en 
rien de celluy du contrerolleur ou clerc d'office, sur peine de 
pugnicion. Et en la fin du mois sera &it oollacion au dit 
bureau des diz deux papiers, et la somme totalle arrestée et 
£aicte au long en la fin du papier du dit compradeur, qui 
sera certiffié et signé du màistre d'ostel qui aura servy le 
mois, et de son compaignon, s'il y est, et aussi du dit con- 
trerolleur, pour servir et valloir acquit au dit compradeur à 
la reddicion de son compte, et sera corrigé le papier du dit 
compradeur par le papier des escroes du dit contrerolleiff , et 
non pas te conversa. 

III. — Item. Et tiendra compte et payera le boucher de 
tout ce qu'il livrera, et qui sera compté sur luy, pour cha- 
cun jour, au bureau, et aussi tous autres quelconques qui 
livreront quelconque chose que ce soit pour la ditte despence, 
dont sera fait escroe par le dit papier. 

IV. — Item. Acheptera les vins et autres choses de pro- 
vision, et tant du principal comme des charrois et voictures, 
tiendra le compte et les payera, et aura certifficacion des 
achaptz qu'U fera sur les lieux, des personnes et des pris, 
et aussi des dittes voictures et charrois, s'il est possible, et 
fera conduire les diz vins et autres provisions es lieux qui 
luy seront ordonnez, et les livrera à ceulx qui auront charge 
de les distribuer et despencer, desquelz il prendra recon- 
gnoissance, dont il fera foyaus diz maistresd'ostel, pour luy 
faire compte es diz papiers et escroes, esquelles sera fait 
mencion de ceulx à qui il aura livré les diz vins et autres 
provisions, et rendra les diz certificats et recognoissances 
sur ses comptes où il en fera mencion, es mois qu'il aura 
livré les diz vins et provisions. 

V. — Item. Et pour ce faire aura argent par les mains 
du dit trésorier général, que luy baillera comptant ou en 
assignacion ainsi que par mon dit seigneur luy sera ordonné. 
Et s* il luy baille assignacion, le dit compradeur en recou- 
vrera les deniers, et en fera les diligences devers les recep- 



APPENDICE. 339 

veurs, et luy seront comptées les Taocacions des journées que 
luy, ou autres pour luy, feront et auront Caictes à la pour- 
suite du recouvrement des diz deniers, par les maistres d'os- 
tel au bureau, et sera tenu, sur peine de radiacion, de dire 
le jour qu'il ou autres pour luy partiront, lequel jour les diz 
maistres d'ostel feront escripre et enregistrer ou dit papier 
du contrerolle, et après qu'il sera retourné luy compteront 

les dittes journées à la raison de pour ung homme 

et ung cheval par jour; et auront regard à la distance du 
lieu dont il sera parti pour aller, du séjour qu'il pourra 
£aire, et de son retour, afiSn de raysonnablement compter les 
dittes journées; et si, pour ce faire, il fait autre despence en 
perte ou change de monnoies , guides pour le conduire en 
apportant les deniers, les diz maistres d'ostel y auront 
regard, et luy en feront compte par le dit papier, affîn que 
de tout il se paye par ses mains. 

VI. — Item. Pour les dittes choses mieulx payer, sera 
fait avis au conunencement de l'année, et avant le premier 
jour d'octobre par extimacion , combien pourra monter la 
ditte despence pour ung an, et au plus près de la vérité, 
veueparlesdiz maistres d'ostel et contreroUeur sera par eulx 
et le dit compradeur fait estât, et selon iceluy par mon dit 
seigneur, et ceulx qu'il luy plaira, et le dit trésorier général, 
sera advisé de bailler les sonunes que la ditte despence 
pourra monter en argent comptant ou assignacions, conmie 
dit est. 

VII. — Item. Et au regard des foings, pailles, bois et 
Eagotz qui sont prins de provision par les fourriers, en 
quelque lieu que soient mes diz seigneur et dame, ou leurs 
enfans, leurs gens et tinel, iceulx fourriers seront tenus de 
faire vray rapport des pris, et $elon la vérité, sur peine de 
pugnicion et privacion de leurs gages et service, le dire aus 
diz gens et personnes de qui les diz fourriers auront achepté 
et fait pris des dittes pailles, bois et fagotz ; et ce fait, le dit 
compradeur sera tenu payer ce que en sera compté. 



340 APPENDICE. 

VIII. — Item, Et des avoines, s'il convient en achepter, 
sera ainsi fait et payé. 

IX. — Item. Et si madame est à part absente de la com- 
paignie de monseigneur, le compradeur et tenant le compte 
de sa despence ordinaire fera semblablement par l'ordon- 
nance des maistres d'ostel et officiers qui seront avecques 
elle, et y aura pour contrerolle ung clerc ou conunis du dit 
contrerolleur à ses périlz et fortunes. 

X. — Item. Et si messeigneurs les enfans sont absens, 
et k part de noz diz seigneur et dame, le compradeur et 
tenant le compte de leur despence ordinaire, fera comme le 
dessus dit, et par l'ordonnance de ceulx qui seront ordon- 
nez maistres d'ostel , et y aura pour contrerolleur ung 
clerc et commis de par le dit contrerolleur conmie dessus [est] 
dit. 

XI. — Item. Et sur tout ce que dit est le dit compradeur 
fera serment au bureau, par devant les diz maistres d'ostel, 
et semblablement ceulx de ma ditte dame, et de mes dits 
seigneurs et damoiselles leurs enfans, qui sera escript au 
dos de leurs lettres par le dit contrerolleur, lesquelles 
lettres ilz seront tenus prendre quant monseigneur les ins- 
tituera officiers, combien que par ung compradeur tout se 
pourroit faire, et pourroit avoir gages par vertu de ses 
lettres de l'institucion de l'office, car les autres ne sont que 
ses commis. Touteffois de tout soit ordonné : car, nul, de 
quelque estât qu'il soit, ayant office, charge ou administra- 
cion en l'ostel du prince, ne doit faire exercice, que premier 
ne face serment de fidélité au seigneur es mains de ceulx 
qui à ce seront commis par les lettres sur ce ordonnées par 
luy, par lesquelles lettres les gages, livraisons, et hostel- 
lages doivent être alloués par ceulx des comptes , et non 
autrement, et leur est deffendu sur peine d'amende et radia- 
cion de leurs gages. 



APPENDICE. 341 



IV. 



A l'argentier et autres qui auront charge de la 
despence extraordinaire de mes diz seigneur et 
dame, et leurs diz enfans. 

I. — L'argentier tiendra entièrement le compte de tous 
les draps de laine, soye, linge de chamvre ^ pannes, four- 
rures, bonnetz et autres choses neccessaires pour la per- 
sonne de mon dit seigneur, de ma ditte dame, et leurs diz 
enfans, et aussi des robes et habillemens de ceulx de l'es- 
cuierie, du harnois de guerre pour la personne de mon dit 
seigneur, des choses neufves pour les selles, harnois de 
chevaulx, chariotz en quelque façon qu*ilz soient ; des che- 
vauLz et muletz de la ditte escuierie, quant il sera expé- 
dient d'en avoir et achepter, des deniers comptans pour les 
menues plaisances des diz seigneur et dame, et de tout ce 
qu'il baillera et livrera, sera par l'ordonnance et exprès 
commandement d'eulx ou de l'un d'eulx, en sa qualité [£ait 
registre] par escript. 

II. — Item. Et ne fera les achaptz et pris des dittes 
choses, ne d'aucunes d'icelles, que ce ne soit en la présence 
du contreroUeur, et de son sceu et oppinion, ou de son clerc, 
s'il est en lieu où ilz puissent estre présens. Et s'il n'y est, 
le dit argentier sera tenu, sur peine de luy Caire payer à sa 
despens les choses acheptées, avant que les livrer à mon dit 
seigneur, ou ceulx qu'il luy plaira, de monstrer au dit con- 
treroUeur ce qu'il aura achepté, et luy dire les personnes et 
les pris à quoy il aura convenu avecques eulx, et les causes 
pourquoy il les aura acheptées, et ce que en sera fait, affin 
que de tout le dit contreroUeur face registre du jour qu'U les 
aura veues. Et, en la fin de chacun mois, le dit argentier 

- 

\ . On peut lire aussi : de chambre. 



342 APPEin>iGE. 

fera escripre les parties qu'il aura livrées chacun mois en 
ung rolle, pour estre veu et signé par mon dit seigneur, et 
de toutes les dittes parties sera fait collation avecques le dit 
contrerolleur, pour en &ire la somme toùtalle au long, en la 
fin du dit rolle. Laquelle somme sera par le dit contrerolleur 
calculée et gectée par les parties pour l'avérer, et en la fin 
de la ditte sonmie totalle sera fait quelque signe pour appro- 
bacion d'icelle. Et si le dit trésorier général et aucun des 
gens des comptes, sont assistens en Thostel de mon dit 
seigneur, ilz seront présens pour veoir faire les dittes col- 
lacions au contrerolleur, et la ditte somme toùtalle et le 
tout calculeront, et vériffleront en la fin de la ditte somme 
toùtalle, par quelque signe d'eulx affin de certifiicacion. 

III. — Item. Et sera tenu le dit argentier, ou celui qui 
livrera et baillera les deniers comptans pour les menues 
plaisances de mon dit seigneur, de mettre par escript, cha- 
cun jour, ce qu'il baillera, à qui, et les causes pour quoy, 
et, en la fin de chacune sepmaine, le monstrer par escript 
aus diz trésorier général et maistre des comptess'ik sont pré- 
sens, et, quoy que ce soit, au dit contrerolleur, pour en faire 
la somme totalle, et après la monstrer à mon dit seigneur, 
pour allouer et approuver les singulières parties, par la 
déclaracion qu'il en fera, et après les signer, et les bailler 
es mains du dit contrerolleur, qui fera registre de la ditte 
déclaracion, laquelle le dit argentier sera tenu apporter en 
la fin de chacun mois, et l'emploiera en son rolle, en une 
somme toute, ou premier article de tous les diz deniers, et 
fera mencion « à mon dit seigneur baillé et livré en 
^deniers comptans la somme, etc., comme appert 
« par les parties déclarées et signées de mon dit sei- 
« gneur. » Laquelle déclaracion, non obstans que la ditte 
^ somme toute d'icelle soit emploiée ou rolle, ou premier 
article il sera tenu apporter sur ses comptes, et quittances 
de chacune personne pour la partie qu'il aura eue, jusques 
à cent solz tournois et au dessus. Et serablablement sera tenu 



APPENDICE. 343 

apporter sur ses diz comptes quittances de toutes autres 
quelxconques personnes et parties dont il fera achaptz, et 
recongnoissance des officiers, et de ceulx à qui il livrera et 
baillera les choses qui devront demeurer entre leurs mains, 
et dont ilz devront avoir administracion et faire garde ; et 
tout ce, sur peine de radiacion des sommes, ou de le tenir 
en suspens jusques il les ait apportées, dedens tel temps 
qu'il sera ordonné par les diz gens des comptes. 

lY. — Item. Et au dit article des diz deniers bailliez 
comptans pour les affaires du seigneur, le dit argentier em- 
ployera les menus voyages et messageries, qui seront jusques 
à cent solz tournois, etaudessoubz, en chacun mois qu'elles 
luy seront ordonnées payer, à qui , pour quoy, et quelle 
somme, jusques à la ditte somme, et au dessoubz. Les autres 
de plus grant somme seront à la charge du dit trésorier 
général, comme dit est cy devant, en l'ordonnance du dit 
trésorier. 

y. — Item. Et au regard des sommes que le dit argen- 
tier baillera par l'ordonnance de mon dit seigneur à celluy 
qui fera distribucion des aumosnes, il sera tenu d'en prendre 
quictance à chacune fois , et de emploier la somme qu'il 
baillera ou deuxième article de son dit rolle par chacun 
mois. 

VI. — Item. Et pour faire et acomplir le fait de son 
office, aura et prendra deniers, par les mains du dit tréso- 
rier et recepveur général, en argent comptant ou assigna- 
cions sur les parties où il luy sera ordonné par mon dit 
seigneur, et les recouvrera, et fera les diligences; et quant 
il yra ou envoyera quérir argent es lieux où il luy sera 
assigné, il dira au dit contrerolleur, ou à son clerc, le jour 
qu'il partira, et après son retour aussi; et pour luy ordon- 
ner et tauxer la vacacion des journées, il acertenera mon 
dit seigneur des lieux où il aura esté ou envoyé, et ce qu'il 
aura fait, en la présence de ceulx qu'il plaira à mon dit 
seigneur, pour luy ordonner, à raison de pour 



344 APPENDICE. 

homme et cheval pour jour» pour le voyage qu'il aura £ait, 
lequel il emploiera ou roUe du mois, et s*eD payera par ses 
mains, et ainsi continuera, sur peine de faire le voyage à 
ses despens. 

YII. — Item. Et ne prendra aucuns dons ou guerdons 
de personne qui soit, à qui mon dit seigneur luy ordon- 
nera bailler et délivrer quelxconques choses, des faits de 
la ditte argenterie, sur peine d*en estre puny et de grant 
amende. 

VIII . — Item. Et fera serement entre les mains de 
mon dit seigneur ou de son chancellier, et prendra ses 
gaiges depuis le jour de son institucion en l'office, et du dit 
jour luy seront allouez en la despence de ses comptes. 

IX. ^- Item, Si le dit argentier ou autre font Tachapt 
des draps pour faire les livrées des gens de l'ostel, ilz seront 
tenus de apporter certifficacion de la quantité des draps, des 
pris, et de qui ilz les achepteront, et pour la distribucion, 
recongnoissance de chacun à qui il sera ordonné par mon 
dit seigneur, ma ditte dame, et autres à ce commis, en 
laquelle recongnoissance sera faicte mention de la quantité 
du drap, et de quel pris, et n'en bailleront à quelque per- 
sonne que ce soit qu'il ne leur soit ordonné par rolle expé- 
dié, sur peine de perdre ce qu'ilz en livreront; et de tout 
rendront compte, comme raison est, en la ditte chambre des 
comptes. 

X. — Item. Si madame est à part, celluy qui aura la 
charge du dit extraordinaire et argenterie, le fera ainsi, et 
semblablement devers messeigneurs ses enfans. 

V. 

Au Contrerolleur. 

I . — Le contrerolleur qui sera dit des finances de la despence 
ordinaire, ou chambre aux deniers, de l'argenterie, ou 



/ 



é 



APPENDICE. 345 

escuierie, gettera et calculera les roUes qui seront &is au 
trésorier ou recepyeur général, en la présence de Tun de 
ceulx des comptes, s*il y est, et de Targentier, et par eulx 
sera vérifiSée la sonune toute, et fait quelque signe, avant 
que mon dit seigneur expédie le roUe, et après en prendra 
le double pour en faire foy, s'il en est mestier, et semblable- 
ment de tous les rolles de l'argentier, et aussi de la dédaracion 
des deniers qui seront baillez comptant pour les menues 
plaisances du seigneur, lesquelles il tiendra secrètes, et ne 
les révellera à personne, fors par le commandement de 
mon dit seigneur, non osbtant qu'il en fera foy, s'U en est 
mestier, en une somme toute pour le mois, sans spécifier les 
parties. 

II. — Item. Et fera et escripra, ou par ses clers fera 
escripre les papiers et escroes de la despence ordinaire, et 
fera l'arrest des sonunes tant particulières que généralles de 
toutes cboses qui seront comptées chascun jour par les 
maistres d'ostel au bureau, et en la an du mois, et après, en 
retiendra le double en ung autre semblable papier et escroes, 
et jamais ne baillera au compradeur, ou celluy qui tiendra 
le compte de la despense ordinaire, le dit papier et escroes 
comptées par les diz maistres d'ostel, qu'il n'en aye retenu 
le double, sur peine d'estre reprins de faulx, et escripra 
leaulment les parties sur chacune personne qui aui*a baillé 
ou livré pour la ditte despence. Et de toutes choses fera vray 
registre es diz papiers et escroes, pour ce qu'il est et doit 
estre l'œil des maistres d'ostel, et les advertira de toutes 
choses qui seront pour l'onneur et proufSt de mon dit sei- 
gneur, et de sa despence ordinaire, et aussi du dommage 
quant il le recongnoistra. 

III. — Item. Et sera présent et fera registre de toutes les 
choses qui par les diz maistres d'ostel seront faictes, ordon- 
nées et déterminées; et tous les marchez et pris fais qui 
seront conclus avecq les bouchers et autres marchans, il les 
escripra es diz papiers, ainsi et selon les jours qu'ilz seront 



346 APPENDICE. 

fisds. Et sera présent, ou son derc pour luy , aux achaptz 
des blez, vins, et autres provisions, qui seront fais par le dit 
compradeur et autres à ce ordonnez, et en fera vray registre 
et certifflcacion, quant mestier sera. 

IV . — Item. Et sera présent, ou homme pour luy, aux 
achaptz des draps de laine, de soye, et de toutes autres 
[choses] que Targentier acheptera ou fisra achepter, et en 
fera les pris comme le dit argentier, et de tout fera registre, 
foy et certifficacions par tout ou mestier sera, et ne souffirira 
pour quelzconques choses faire monopoles , ou faulses pri- 
sées, es diz achaptz, marchez et pris fais. Et s'il les con- 
gnoist, ou apparçoit, les corrigera ou fera corriger. 

y. — Item. Et toutes les sepmaines deux fois, pour le 
moins, verra si le pain est de bon poix, et semhlablement 
les torches, chandelles, et toutes autres choses pour la ditte 
despence ordinaire , et par les diz maistres d'ostel fera 
amender et corriger ce qu'il congnoistra estre mal fait. 

VI. ^ Item. Et n'aura part, intelligence ne faveur 
aucune avecques nulz quelzconques marchans, ne avecques 
les officiers, et ne prendra dons ne salières de quelzconques 
personnes, sur peine d'estre réputé faulsaire, et d'estre puny 
par privacion de ses gages et de son office, s'il persistoit 
ainsi. 

VIL — Item. Et fera serement solempnel devant les diz 
maistres d'ostel , par les lettres du don de son office , au 
moyen desquelles il aura et prendra gages, et non autre- 
ment, du jour de son institucion , et semblablement tous 
autres officiers, car il est expressément deffendu aux gens 
des comptes de non allouer gages à aucun, sans avoir fait 
le serement, et qu'il monstre de ses lettres et institucions. 



APPENDICE. 347 



I. 



Durée de la captivité de Louis II en Angleterre^ et 
date réelle de son retour définitif en Bourbonnais. 

Louis II fut un des quatre princes des fleurs de lys que 
le roi Jean donna pour otages à Edouard III après le traité 
de Bretigny , et qui furent emmenés par lui en Angleterre, le 
31 octobre 1360. Quelle fut au vrai la durée de cette capti- 
vité, qui ne paraît pas avoir jamais été ni bien stricte, ni 
bien rigoureuse? Notre auteur nous dit sept ans : conunencée 
selon lui en 1356, aussitôt après la bataille de Poitiers, elle 
n'aurait pris fin qu'en 1363 au mois d'octobre. C'est là une 
erreur qu'a péremptoirement réfutée M. Â. Steyert {Hist. 
des ducs de Bourbon, etc., par de la Murb, t. II, p. 45, 
note 1). Les otages du roi Jean obtinrent, à deux reprises 
différentes avant la mort de ce prince, la permission de se 
rendre en France, la première fois pour un mois, le 9 novem- 
bre 1362 (Rtmer, toni. III, 2* partie, pag. 71), et la 
seconde fois le 13 mai 1363 : ils furent alors autorisés à se 
rendre à Calats pour hâter la conclusion d'un traité, à con- 
dition de s'engager par serment à être de retour en Angle- 
terre pour le jour de la Toussaint (ibid., p. 71 et 76). 
Louis II parait avoir eu pour séjourner en France des 
facilités toutes particulières. Nous le voyons par exemple à 
Moulins, en août 1361, tenir un grand conseil {Arch. 
nationales P. 1376», cote 2705 ; Voy. Bulletin de la 
Soc. d^ Emulation de F Allier, tome XIII, pag. 424). 
En août 1365, à Moulins également, il règle avec ses con- 
seillers ce qui reste dû à Bertrand, bâtard d'Albret, sire de 



348 APPENDICE. 

Malemort et de Brives, pour le rachat de diverses forteresses 
occupées par les Anglais, tant en Bourbonnais que dans le 
Berri et la Marche (Huillard-Bréholles, Invent., etc., 
n« 2924, Arch. naiionales, P. 1358% cote 585). Il était 
cependant encore prisonnier du roi d'Angleterre, comme le 
prouve un acte du 22 janvier 1366 (Rymer, t. III, 2® part. , 
pag. 166), par lequel, pour obtenir une nouvelle autorisation 
de se rendre en France, il s'engage « en la Chambre blanche, 
au palais royal de Westmoustier, lès la cité de Londres, » à 
revenir avant la Purification. Que conclure de tout cela, 
sinon que les otages n'étaient pas tout à fait traités en véri- 
tables prisonniers, et qu'on ne leur refusait guère, une fois le 
chiffre de la rançon fixé, une liberté provisoire et temporaire 
sur parole, surtout quand ils la demandaient pour s'occuper 
de réunir la somme qu'ils s'étaient engagés à payer. Reste 
maintenant à fixer la date du retour définitif du duc Louis 
en Bourbonnais. Elle ne peut être évidemment que postérieure 
au mois de janvier 1366. M. Steyert voudrait la reculer 
d'une année au moins, pour cette raison que le premier 
paiement de 10,000 écus sur les 40,000 qui étaient convenus 
pour la rançon du duc Louis ne fut effectué que le 6 décem- 
bre 1367, et que le 31 mars suivant 1367 (vieux style), 
Hugues de Digoine obtenait un sauf-conduit du roi d'Angle- 
terre pour lui aller porter un nouvel à-compte. Et de fait, 
Dom Turpin nous apprend, d'après les archives de la 
Voûte à Moulins S que la rançon du duc Louis II n'a 
été complètement payée qu'en 1368. Il paraît cepen- 
dant bien avéré qu'il était dès 1366 définitivement de 
retour en France. Nombre de pièces nous le montrent dès 
cette année même, le 14 juin à Moulins, où il reçoit l'hom- 
mage de Philibert de la Palice, sire de Chaseuil {Arch, 
nationales P. 460, cote 1938-74), à Souvigni le 18 juin. 



1. Collection Moreau à la Bibl. Nat., vol. 340, fol. 107 à 109. 



APPENDICE. 349 

OÙ il prête comme nouveau duc de Bourbon le même serment 
que ses prédécesseurs, de respecter les firanchises et privi- 
lèges du prieuré {Thesaums Silviniacensis, pag. 250), 
peut-être à Avignon le 4 août (P. 1356*, cote 220 bis), puis 
à Souvigni encore le 10 septembre (P. 1376*, cot. 2752), et 
enfin à Moulins en novembre suivant (P. 1374S cot. 2383). 
Arrêtons-nous un moment sur cette dernière pièce : Par 
acte, daté de « Londres en Engleterre, Van de grâce 
mil CCC LXIII, ou mois de febvrier, » et motivé sur 
« les bons et agréables services qu'il nous a fais et 
encore les continue sans cesser, tant en France comme 
en Engleterre, » le duc Louis II avait cédé à son amé et 
féal chambellan Philippe de Chauvigni dit Bichat de 
Nades la terre et seigneurie de Saint-Geran de Vaux, en 
échange de quarante-neuf livres de rente annuelle et perpé- 
tuelle. Bichat de Nades demanda sans doute et obtint alors 
la ratification de l'échange conclu en 1364. « Et, dit le duc, 
4c pour ce qtte les dictes lettres et les choses contenues 
« en icelles, furent f aides nous estant hostaige en 
« Angleterre, après ce que nous fusmes retournés 
« dwiit hostage en nostre pats de Bourbonnois, nous 
« avons voulu savoir comme la dicte assiète avoit esté 
« faicte, etc. » Voilà donc un premier fait acquis : la cap- 
tivité du duc Louis, d'après son propre témoignage, avait 
pris fin avant le mois de novembre 1366. 

On peut voir dans Froissart (Ed®° Buchon, livre I*"*, 
partie 2*, chap. CCLVIII, tome V^.pag. 562), conunent 
le duc Louis obtint successivement du roi d'Angleterre, 
d'abord la permission de rentrer en France pour s'y procu- 
rer l'argent de sa rançon, puis sa libération définitive à 
prix raisonnable. Edouard III avait pour chapelain et 
favori Guillaume de Wykeham : l'évêque de Winchester, 
qui était en même temps chancelier du roi, étant mort, le 
favori demanda à lui succéder, et Edouard, qui ne savait 
rien lui refuser, écrivit au duc de Bourbon pour lui pro- 



350 APPENDICE. 

mettre, s'il obtenait du Saint Père Tévêché de Winchester 
pour son chapelain, « qu'il lui seroit courtois à sa prison. » 
Le duc Louis, sur le conseil de Charles Y son beau-firère, 
auquel il avait montré toute l'affiaire, se rendit à Avignon 
auprès d'Urbain Y, qui nonnseulement lui accorda sa 
demande, mais encore écrivit au roi d'Angleterre en sa 
faveur (13 août 1366). Une nouvelle prolongation de séjour 
en France jusqu'au 20 décembre 1366 lui fut accordée 
(Rtmbr, tom. III, 2* partie, pag. 114 et 126). C'est alors 
que € le duc de Bourbon retourna en France, d'abord, puis 
« en Angleterre, et traita de sa délivrance devers le roi et 
« son conseil ainçois qu'il voulut montrer ses bulles. » « Le 
« roi, qui moult aimoit ce Wikans, fit tout ce qu'il voult, et 
« fut ledit duc de Bourbon quitte de sa prison, mais encore il 
«paya 20,000 firancs, et messire Guillaume Wikans 
«demeura évêque de Wincestre et chancelier d'Angle- 
« terre. » (Froissart, ubi supra.) Tout ce récit de 
Froissart est confirmé par Christine de Pisan qui nous 
atteste, dans le chapitre consacré par elle au duc de Bourbon 
(te Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles, 
2" partie, chap. XIII) : ^Que grantpart de sa r encan, 
« qui montait moult grant finance luy fut quictée, 
« pour cause qu'il vint en Avignon devers le pape, à 
« la requeste du roy d'Angleterre pour Véveschié de 
« Glocester (sic) empêtrer à un de ses officiers, laquelle 
\lui fut octroyée, » La libération définitive du duc Louis 
est donc de la même date à peu près que l'intronisation de 
Guillaume de Wykeham comme évêque de Winchester, 
laquelle eut lieu au mois d'octobre 1366, ce qui s'accorde 
parfaitement avec le témoignage du duc lui-même, nous par^ 
lant, au mois de novembre 1366, de son récent retour 
d'Angleterre, où il avait cessé d'être retenu comme otage. 



APPBin>lGB. 351 



IL 



Sur la prise de la duchesse de Bourbon à Bellepercke, 

et sur sa délivrance. 

Le hardi coup de main qui fit tomber an pouvoir de 
quelques aventuriers anglo-gascons une princesse du sang, 
belle-mère du roi, et mère du duc de Bourbon, dans un de 
ses châteaux, à quelques kilomètres de Moulins, sa capitale, 
est un de ces £aits extraordinaires dont on ne peut lire le 
récit sans un étonnement après tout bien naturel. Celui-ci 
est pourtant d*une incontestable authenticité. Froissart^ et 
Cabaret*, qui nous le racontent chacun à sa manière, sont à 
peu près d*accord sur le fond, bien qu*il y ait dans les deux 
récits des différences de détail assez fortement accentuées. 
Par exemple Cabaret ne nous parle que de deux hommes 
d'armes, Ortingo d'Ortenye et Qquot de la Saigne; Froissart, 
au contraire, nomme < trois escuyers grans capitaines de 

compagnie Ortinge, Bernard de Wiske (appelé de Vas 

dans la Chronique de Duguesclin, chap. CLYII, 
pag. 88 de rédition Buchon, du Panthéon littéraire), 
et Bernard de la Salle. Froissart comme contemporain, et 
aussi à cause de ses relations avec les Anglais, mérite sans 
doute ici plus de confiance sur ce poiqt spécial. Quant à la 
date même de cet événement, elle n*est pas expressément 
indiquée par Cabaret, qui semble vouloir la rapprocher des 
derniers mois de 1372, et Froissart, sans la désigner non 
plus très-précisément, paraît s'accorder avec la Chronique 
des IV Valois {éd. de M. S. Luge, pag. 205) pour la 

i. Liv. l«r, part. Il, chap. 278, tome !•', p. 583, éd. Buchon da 
Panthéon littéraire. 
2. Clhap. XXVII, p. 74. 



352 APPENDICE. 

fixer à l'année 1369; il n'est peut>-etre pas impossible de 
préciser davantage. Trois pièces des Archives nationales 
(P. 1378*, cote 3098* ^^^) nous apprennent que la duchesse 
adressa de Belleperche, le 18 août 1369, sans dire, il est 
vrai, qu'elle y fût retenue prisonnière, à ses receveurs de 
Murât, Chantelle et Chaveroche, l'ordre de délivrer à son 
conseiller Jehan Saulnier diverses quantités de seigle et 
d'avoine jusqu'à concurrence de 530 francs d'or qu'elle lui 
avait empruntés. Les deux autres pièces sont des quittances, 
par lesquelles J. Saulnier reconnaît avoir reçu, le 10 no- 
vembre 1369 et le 15 janvier suivant, diverses sommes 
tant en argent qu'en nature, « despuis que ma dicte dame 

< fu prinse, pour fère les nécessitez de ly et de ses 
« gens, ly estant prisonnière à Belleperche. » La capti- 
vité, antérieure certainement au 10 novembre, avait peut- 
être commencé dès le 18 août précédent. Que faisait 
cependant alors le duc Louis, que Cabaret nous montre à 
la tête de 800 hommes d'armes, sous les ordres de son 
cousin le duc de Bourgogne, chef de l'expédition projetée 
par Charles V contre l'Angleterre? Placé en effet avec 400 
hommes d'armes sous les ordres du duc de Bourgogne le 
16 août 1369 (L. Delisle, Mandements de Charles V, 
n** 567), il se hâtait d'obtenir, dès le 26 septembre suivant 
[ibid., n**587), du roi son beau-frère, de nouvelles lettres 
par lesquelles celui-ci le retenait « pour nous servir en 
« nos présentes guerres, ou pays de Bourbonnois et 
€ ailleurs, sous le gouvernement du duc de Berry, à 
« CCC hommes d'armes en sa compaignie, savoir lui 
€ cinquième de bannerés, LX chevaliers, et les autres 

< escuiers,,, » et le 3 octobre suivant, c'est-à-dire juste 
huit jours après, Jehan de Bonnes, échevin de Paris, rece- 
vait du roi l'ordre d'aller à Decise (Nièvre, à environ 
30 kilomètres N. E. de Belleperche), recevoir la montre des 
gens d'armes du duc de Bourbon, dont la solde avait été 
fixée le 28 septembre précédent à 500 fr. d'or par mois (ibid.. 



APPENDICE. 353 

n^ 588 et 591). Parmi eux, se trouvait le lieutenant géné- 
ral du duc Louis, son oncle naturel, Jehan bâtard de 
Bourbon, si connu alors sous le nom de Sire de Rochefort, 
qui servait à quatre chevaliers et deux écuyers (P. Anselme, 
tome P', page 700). Si Ton veut maintenant tenir, comme il 
convient, un compte sérieux du temps absolument nécessaire 
en 1369, 1^ pour que la nouvelle de la prise de sa mère k 
Belleperche ait pu être portée au duc Louis, à Rouen ou 
dans les environs; 2® pour que ce prince, une fois au 
courant de ce qui était arrivé, ait pu rejoindre le roi à 
Paris, et obtenir de lui de nouveaux ordres, peut-être ne 
sera-t-on pas éloigné de conclure avec nous que la prise de 
Belleperche doit être placée, sinon au 18 août même, du 
moins à une date fort peu éloignée de celle-là. C'est donc 
bien à l'hiver de 1369 à 1370 que doit être rapportée, 
malgré tous les arguments de M. A. Stejcert (dans YHist. des 
ducs de Bourbon, etc., par de la Mure, édit. de Chante- 
LAUZE, tome II, p. 46-47, note)^ l'expédition du duc Louis 
qui se termina par la reprise de Belleperche, en dépit des 
secours venus de Guyenne aux aventuriers anglo-gascons. 
Sans doute ici, comme en bien d'autres occasions, notre 
auteur est tombé dans une erreur manifeste en donnant pour 
chef à l'armée de secours, non pas les comtes de Pembroke 
et de Cambridge comme Froissart (ch. CCXCIX à CCCII), 
mais Buckingham, dont l'expédition en France est posté- 
rieure de dix ans au moins. Peut-être est^^e par une autre 
erreur de nom qu'il fait tuer auprès de Montluçon, dans la 
retraite des Anglais fuyant de Belleperche, ce David Hole- 
grave, que la chronique de Duguesclin (ch. CLVI, pag. 87) 
nous montre deux ans plus tard (1372) défendant contre 
Duguesclin la tour de Benon, et provoquant par sa cruauté 
envers les Rochellais, après que cette ville eut chassé sa 
garnison anglaise, les atroces représailles qui méritèrent à 
Qisson le surnom de Boucher des Anglais. Ces erreurs de 
noms qui sont indéniables, et qu'il est peut-être plus facile 

23 



854 APPENDICE. 

de reconnaître que d'expliqaa*, aontnelles un motif suffisant 
pour rejeter en bloc et de parti pris le témoignage, quel qu*il 
soit, de notre auteur : c'est ce que nous ne pouvons accorder. 
Ici comme ailleurs, Cabaret a suivi une tradition différente 
de celle que nous fait connaître Froissart : il a puisé à 
d'autres sources, à la tradition sinon toujours et purement 
Bourbonnaise, du moins sympathique au duc de Bourbon, et 
exclusivement propre & la France. Yeutp-on une preuve 
entre mille de cette véracité que nous nouaplaisons à recon- 
naître à notre auteur, en dépit des erreurs, parfois bien fortes 
pourtant, où il se laisse trop souvent entraîner? Dans le 
récit du siège soutenu par le duc Louis contre les Anglais 
venus au secours de Belleperche, Cabaret mentionne comme 
ayant ia charge et le maniement de la grosse arbaleste de 
Chantelle, Thomas et Domingo, l'un et l'autre génois, dont 
nous n'avons retroi^vé les noms dans aucun autre chroni- 
queur. La réalité de ces deux personnages n'en est pas 
moins sûrement établie pour cela : on peut voir aux Ardii- 
ves nationales, 1^ dans le registre P 463 cote 3312/217, 
une lettre du lundi après la Pentecôte, 29 mai 1357, par 
laquelle Agnès, veuve de Simon de Beçai, avec l'autorisa- 
tion de son second mari Thomas le Genevoes, pour elle et sa 
fille, fait hommage au duc de Bourbon de son hôtd de Bouan 
avec ses dépendances, dans la paroise de Buxières-la-Grue, 
d'un revenu évalué à 10 livres par an; 2® dans le registre 
P 464 cote 3750/343, une autre lettre portant vidimus du 
19 novembre 1399 d'un autre vidimus du 5 déc^nbre 1358 
du don fait à Moulins le 22 juin 1352 par le duc Pierre, 
père de Louis II, « à Domingue le genevois son amé varlet, et 
à ses hoirs descendant de son corps d'hoir en hoir par lignée 
de mariage, d'une rente annuelle d'un muy de froment, un 
muy de seilhe et trois tonneaux de vin à la mesure de 
Bourbon, avec ordre au trésorier de faire payer ladite rente 
audit Domingue et à ses hoirs par les receveurs là ou ban li 
semblera. » « Et pour les bons et agréables services que ledit 



APPENDICE. 355 

Domingue nous a fois et fait encore bien et loyaument de 
jour en jour, ajoute le duc Pierre, nous lui donnons et à «66 
ayant cause notre maison de Bourbon avec ses appartenan- 
ces estant devant la haie, desquelles rente et maison nous 
avons ledit Domingue reçu en notre foi et hommage. ;^ 
On voit qu'il n' j a pas trop lieu de se défier des indications 
que fournit nob^e auteur sur les Français ou les étrangers 
attachés au service des princes français, sauf à contrôler 
ses assertions quand il s'agit des étrangers, et en particu* 
lier des Anglais. 

Un autre point encore sur lequel le témoignage de Cabaret 
peut être, avec bien des chances de succès, opposé à celui de 
Froissart, c'est en ce qui touche la date et les détails de la 
délivrance de la duchesse de Bourbon. La plupart de nos 
historiens, tant au xvnf qu'au ziz"" siècle, ont admis sans 
difficulté, sur la foi du brillant chroniqueur (chap. CCCIV ), 
que la duchesse de Bourbon avait été échangée contre Simon 
de Burleigh, chevalier, l'un des favoris du prince; de plus, 
M. HuiUard-BréhoUes a publié dans le premier volume de 
son Inventaire des titres de la maison de Bourbon, 
n^ 3222, un traité du 23 juillet 1372, entre le duc Louis 
d'une part et deux chevaliers anglais de l'autre, Simon 
Burleigh et Nicolas Dagworth, qui s'engagent à ramener en 
pleine liberté la duchesse et ses gens à Tours ou à Chinon à 
la Toussaint prochaine. Mais il faut remarquer que le cas est 
prévu où « par force (ï armes de la part des Français 
4c ou autrement, il avendroit que ma dicte dame seroit 
« délivrée des mains de ceulœ par qui elle est détenue. » 
De plus dès que S. Burleigh aurait pu donner au duc l'as- 
surance de lui rendre dans un délai de trois semaines sa 
mère en pleine liberté, avec ses gens, celui-ci s'engageait 
« à fere donner et avoir du roy et du conestable bonne 
seurté pour le fort de la tour de Broc, ou ma dicte 
dcyne sera gardée, et pour certain nombre de gens 
pour la garder audit fort, parmi ce que ceux qui 



356 



APPENDICE. 



f 

seront dedens, ledit fort ne feront point de guerre 
contre le roy et ses gens, le temps de la dicte seurté 
durant. » Or, la chronique de Duguesdin et celle des 
quatre Valois s'accordent avec notre auteur pour attribuer 
la délivrance de la vieille duchesse à son fils et au conné- 
table, auxquels la chronique des Valois adjoint, il est vrai, 
le duc d'Anjou. De plus on sait que la prise de la tour de 
Broc n*est postérieure que de quelques jours seulement à 
la reddition de la Rochelle, que les témoignages les plus 
précis fixent au 15 août 1372; la duchesse de Bourbon 
aurait donc été délivrée par force d'armes, comme le pré- 
voyait le traité, et par suite Simon de Burleigh n'aurait eu 
aucun droit à la sonmie que le duc était convenu de payer 
tant à lui qu'à son associé Nicolas Dagworth. Eustache 
d'Aubrecicourt, auquel Froissart (chap. CCCIV) attribue la 
mise en liberté de la duchesse de Bourbon, n'est pas même 
nommé ni dans Cabaret, ni dans les deux autres chroniques, 
qui sont, à notre connaissance, les seules sources françaises 
d'information à qui l'on puisse avoir recours. La captivité 
d'Isabeau de Valois, commencée dès la fin d'août ou dans les 
premiers jours de septembre 1369, aurait donc pris fin à la 
même date à peu près en 1372, et duré par conséquent juste 
trois ans. 



TABLE 



DES NOMS DE LIEUX. 



Achaîe, province grecque, 291. Ardres, ch.-l. de cant., arr. de 

Aigueperse, chef-lieu de canton, 8t-0mer (Pas-de-Calais), 73. 

arrond. de Riom (Puy-de- Arras, en Picardie (Pas-de-Ga- 

Dôme), 94. lais), 293. 

Aiguillon, com. du canton de Artois (pays d'), 166. 

Port-Sainte-Marie , arrondis. Aspremont (château d*), à deux 

d'Agon (Lot-et-Garonne), 59. lieues 8.-E. de Gommerci, 

Ain (T), rivière, 296. 284. 

Aiz en Allemagne (Aix-la-Gha- Auffrique en Barbarie, 219, 220, 

pelle), 206. 229, 257, 261. 

Allemagne (empire d'), 63, 203, — (Expédition contre), 218 

206,^08, 264. à 252, 262. 

Allier (1'), rivière, 17. Ausance, château en Cîomhraille, 

Ambérieu, ch.-l. de canton, arr. auj. ch.-l. de canton, arrond. 

de Bellai (Ain), 297. d'Aubusson (Creuse), 319. 

Ambrunai, ch.-l. de cant., arr. Autels (les), près le mont Yiso, 

de Bellai (Ain), 298. 304. 

Ambur, chat, en ruines, com. Auvergne (pays d'), 93, 94, 95, 

de Saint- Jacques d*Ambur, 96, 97, 104, 105, 117, 302. 

cant. de Pontgibaud, arr. de Aviron, ch.-l. du dép. de Vau- 

Riom ( Puy - de - Dôme ) , 94, cluse, 107, 108, 192. 223. 

95. Ayenmal en Bourdelois, 201, 

Angiers, ch.-l. du dép. de Maine- 202. 

et-Loire, 42, 120, 213, 214, Baignolz, auj. Bagneux, com. 

215, 263, 264. du cant. O. et arr. de Mou- 
Angleterre (roy. d*), 4, 5, 6, 45, lins (Allier), 15, 19. 

47, 49, 72, 181. 183, 184, 186, Barbarie, partie de TAfrimie, 

189, 195, 197, 200. Algérie et Tunisie actuelles, 

Angoillo (les garennes d'), 212, 219, 226. 

213. Barcelone (Espagne), 108, 109, 

Antiquière, roy. de Grenade 190. 

(Espagne), 312. Barres (le bourg des). Cours les 

Ardenne (forêt d'), 207. Barres (?), canton de la Guer- 

Ardes, au dauphiné d'Auvergne, che, arr. de St-Amand (Cher), 

ch.-l. de cant., arr. d'Issoire 14, ou les Barres, comm. de 

(Puy-de-Dôme), 22, 104. Beçai (Cher). 



358 TABLE 

Bastille- Saint -Antoine (la), à de Segonzac, arr. de Cîogiiac 

Paris, 177. (Charente), 136, 140, 141. 

Beaucaire, ch.-l. decant.,arr. de Brassemponig; , cant. d'Amon, 

Nîmes (Gard), 225. arr. de Saint-Seyer (Landes), 

Beanjolois (le pays de), 78, 277, 200. 201. 

279, 294 à 297, 299, 302. Breschesac en Bretagne, 38. 

Beauvoir, château, près Belle- Bresse (la), 294 à 297, 301. 

perche, 16, 19, 20. Bressuire, ch.-l. d'arr. (Deux* 

BeauYoisiu (pays de), 5, 165, Sèvres, 27. 

192. Brest, 44 à 46, 74. 

Belahre, château, ch.-l. de cant., Bretagne (pays de), 40 â 42, 45, 

arr. du Blanc (Indre), 35. 56, 115, 119, 188, 207 à 215, 

Belleperche, chat, ruiné, près 261,262. 

Bagneux, com, du cant. O. de Brethenoue (la), com. de Saint- 
Moulins (Allier), 19, 74-80, 83, Ghristophle, cant. de Ghâteau- 

85, 86, 92, 319. Meillant, arr. de 8t-Amand 

Benon, com. du cant. de Cour- (Gher), 24. 

çon, arr. de La Rochelle (Gha- Brianssonnois (le pays de), 303. 

rente-Inférieure), 91. Brigue (le mont de), 286. 

Berry (duché de). 29, 32. Brioude, ch.-l. d'arr. (Haute- 

Billy (chasteau de), canton de Loire), 107. 

Varennes,arrond. deLaPalice Brive-la-GaiUarde, ch.-l. d'arr. 

(Allier), 319. (Gorrèze), 55 à 58. 

Blet, com. du cant. deNécondes, — (les Gordeliers de), 56. 

arr. de Saint-Amand (Gher), Broceliande (la forêt de), 213. 

15. Broon, ch.-l. de cant. de i'arr. 

Bomiers, com. du cant. et arr. de Dinan (G6tes-du-Nord), 

d'Issoudun (Indre). 23. 42. 

Borbes (les), auj. la Bourbe, Brou (la Tour de), com. de Si- 

com. de Lenax, cant. du Don- Somin, cant. et arr. de Ma- 

jon, arr. de La Palice (Allier), rennes ( Gharente-Inférieure), 

15. 92. 

Bor-le-Gonte, com. du cant. de Bru)rère-rAnbe8pin (la), château 

Marcîgni, arr. de Gharolles, ruiné, près (Jérilli (Allier), 

(8aône-et-Loire), 15. 75, 76. 

Bourbon -l'Archembault, ch.*l. Burgues^ Buiigos (Espagne), 109 

de cant., arr. de Moulins (Al- à 111, 192. 

lier), 312, 319. Gaillé (chastel de), Gagliari 

Bourbonnois (duché de), 3, 5, 6, (Sardaigne), 22. 

78,. 106, 115, 116, 154, 162, Gagen (Pile de), auj. Gadsand 

16â, 179, 192, 224, 258, 261, Flandres), 158 â 160. 

277, 279, 280, 286 à 290, 292, Galais, 229, 252. 253, 255. 

294, 295 à 317. Garcassone (Aude), 216. 

Bourbourg, ch.-l. de cant., arr. Gassel, ch.-L de cant, arrond. 

de Dunkerque (Nord), 184, d*Hazebrouck (Nord), 186. 

i86 â 188. Gaussade (Saint-Domingo de la), 

BourdeauU, auj. Bordeaux, 56, Espagne, 109, 192. 

60, 143, 144, 197. 201, 202. Gé (les Ponts-de-), ch.-L decant., 

Bourdelois (pays ae), 74, 199, arr. d'Angers (Maine-et-Loire), 

200, 203, 216. 15. 

Bourgogne (comté de), 322. Gécile (Vile de), Sicile, 252 à 

Bourg-Charente, com. du cant. 254. 



DES NOMS DE LIEUX. 359 

Ghalemont, ch.*l. de cant., arr. compris dans les départements 

de Trévoux (Ain), 94. de la Creuse et du Puy-de- 

Ghalusset, ch&teau fortauj. en Dôme, 164, 277,279. 

ruines, com. de Boisseuil, Gommerci (Meuse), 282, 284, 

canton de Pierre-Buffière, 285. 

arr. de Limoges (Hte- Vienne), Gommines en Flandres, 167, 

200. 168, 169. 

Ghambéry (Savoie), 66. Gompostelle (8aint^acques en), 

Ghantemerle, château fort entre Espagne, 112. 

Monétai et Saligni (Allier), Gonc, Bel chastel, au}, le Gon- 

aui. détruit, 15. guet, comm. du cant. de 8aint- 

Ghanieu-Ghampmagois, ancien Kenan, arr. de l^rest (Finis- 

chàteau, auj. détruit, proche tère),44. 

Herment (Pny-de-Dùme), 94, Gondom (Gers), 60. 

104. Gonnillère {\à)(Ù(migUera)^ petite 

Gharlien-le-PaiUoux , id., 94, île voisine du continent entre 

104. Monastir et Affrica, 229, 251. 

Ghastel-Gervis, com. du canton Gonstantinoble (Gonstantinople), 

de Saint-Germain-les-Belles- 269. 

Filles, arr. de Saint- Yriex Gourbies (fort de) auj. Gourbiac, 

(Haute- Vienne), 58. comm. de Viileneuve-sur-Lot, 

Ghastel-Ghinon, ch.-l. d'arr. (Lot-et-Garonne), 153, 154, 

(Nièvre), 164, 277, 279, 318. 155. 

Ghastelet à Paris (le), 177. Goursillon, village et château 

Ghastel-Josselin,ch.l. decanton, ruiné, non loin du confluent 

arr. de Ploermel, 129, 135. des deux petites rivières de 

Ghastel-Nerbonnois à Toulouse Gravot et de Lon, comm. de 

(le), 217. Dissay-sous-Goursillon, cant. 

GhastelneufdeRandon, ch.-l. de de Gnàteau-du-Loir, arr. de 

canton, arr. de Mende (Lozè- 8aint-Galais (Sarthe), 27. 

re), 115, 116, 117. Gourtrai (Flandre occidentale), 

Ghastel- Rodrigue (Portugal), Belgique, 174, 175. 

194. Greil(Oise), 164. 

(jhauvelgné en Poitou, ch.-l. de Groix-dessus-Bressuire (la), 26, 

canton, arr. Montmorillon 27, 28. 

(Vienne), 35, 36. 

Ghizech, auj. Ghizé, commune Damiette (Egypte), 3. 

du canton de Brioux, arr. de Dauphiné (le pays de), 303. 

Melle (Deux-Sèvres), 37, 40, Derval, ch.-l. de cant., arr. de 

4 1 . Ghàteaubriant ( Loire - Infé - 

Gitrô (la tour de), auj. Ghitré, rieure), 25, 56. 

commune de Vouneuil-sons* Dinan, ch.-l. d'arr. (Gôtes-du* 

Biard, canton et arr. de Poi- Nord), 43. 

tiers (Vienne), 31. Dordonne (la), rivière de Dor- 

Glermont en Beauvoisis (Oise), dogne, 153. 

6, 165, 179, 184, 277, 279. Dul (château de) Huis (Prusse), 

Glermont-Ferrand (Puy-de-OÔ- entre Kempen et Grevelt, 

me), 93, 95, 104. 203, 204, 205. 

Glermonten Sicile, 253, 254. Dunoe (la), le Danube, fleuvei 

Gluny (abbaye de), 48. 268. 
Golongne, 206. 

Gombraille, ancien poffns auj. Egypte, 269. 



360 TABLE 

JSndrach, chat. (Prasse), 64. Gronvienx ( l'étang de ), près 
Ermyne (le chastel de 1'), à Ghantilli (Oise), 179. 

Vannes, 135. Granges (les), cant. dePrayssas, 
Escluse en Flandres (D, 146, arr. d'Agen (Lot-et-Garonne). 

149, 154, 157, 158, 159, 160, Grénesie (Hle de), Guemesey, 

181, 182, 183, 184, 185, 186. 45, 46. 

Espagne, 30, 105, 108, 114, 115, Grenoble, 258, 260, 261. 

116, 189, 192,194, 196, 197, Gruyère (le comté de), 286, 288. 

199, 202, 232. Guyenne (pays de), 30, 41, 59, 
Ëvreux (le comté d'), 66, 67. 60, 61, 74, 83, 85, 91, 93, 198, 

Évreux (Eure), 67. 216. 

Fe^&dnteÎF^se (H S'ia „»": ^e Glennont (Oise). 179 
Meung-Bur-Beuvroi, arr. de }J»ntreud (Pas -de -Calais), 

Romorantin (Loii^t-Gher), Hollande Ga), 188, 268. 

Feuri, ch.-l. de cant., arr. de °^PL'*l-i2-^«^<» <''>' ?"*« ^'■ 

Montbrison (Loire), 163. ir.^SLÎi^Ji.^ i„ it„„^. oco 

Flandres (le comté de), 72, 164 ^ungane (la), la Hongrie, 268. 

à 175, 178, 179, 181, 183,186, n^^ (,,j^ g^g, 

Fle8che(la), ch.-l. d'arr. (Sarthe), ï'«"«' ""J" ^'^ <ï**"«)' ^^' 

204 

Fontenai- l'Abattu, ch.-l. de Ja^ée (ile de), JersOT, 45, 46. 

cant arr de Niort (Dani- J^innou, cant. de Poncin, arr. 

^resTe de Nantua (Ain), 295, 303. 

^'îvln^iirir**'' '*•■'• '^''"' I^«°' «*->• de cant., arr. de 

Z^''?Z±tA•^.^ 99 fil ii« _ Bazas (Gironde), 60. 




Nantes, 121. oio ?iV 

Fougières-la-Rons, ch.-l. d'arr. » .t=.'„«l /a.,:..«\ ook 

(l8Ut-Vilaine),'43. ï^uTuS œLfd; Snsse. 

(Angleterre), 69, 71. 

Gallée (la), à Paris, 177. Lerida (Espagne), 109. 

Gannat, ch.-l. d'arr. (Ailier) Lescar, ch.-l. de cant., arr. de 

216. Pau (Basses-Pyrénées), 201. 

Gascogne, prov., 49, 61, 199. Letho (Lithuanie), 64, 65. 

Gavré, auj. Gavray, ch.-l. de Limoise, oomm. du cant. de 

cant., arr. de Goutances(Man- Lurci-Lévi, arr. de Moulins 

che), 67, 68. (Allier), 83. 

Genève (le comté de), 62. Limosin (pays de), 31, 54, 55, 

Gennes (la cité de), 218 à 257, 56. 

302 à 306. Ligues, conmi. du cant. de Gui- 
Gorze (l'abbaye de) à 12 kilom. nés, arr. de Boulogne-sur- 
ouest de Metz, 282. Mer (Pas-de-Calais), 73. 



DES NOMS DE LIEUX. 



361 



Lohéach. chat, et comm. du 
cant. ae Pipriac, air. de Re- 
don (Ille-et-Vilaine), 14. 

Lombardie, 286, 303, 305, 306, 
308, 311. 

Lorraine (pays de), 63. 

Lodun, ani. Loadun,ch.-l. d'arr. 
(Vienne), 30. 

Lourde (chastel de), ch.-l. de 
cant., arr. d'Argelès (Hautes- 
Pyrénées), 61. 

Lyescot ? (pays de), 307. 

Madoc (Vile de), le Médoc, 197. 
Malchalt (la Croix de), près 

Saint-Brieuc, 213. 
Mans (le) (Sarthe), 263 à 265, 

318. 
Mariembouiv (le chastel de) 

(Prusse), 65. 
Marsault, auj. Marsal, près Châ- 
teau-Salins, 283. 
Marseille, 225 à 228, 257, 258. 
Martel, cn.-l. de cant., arr. de 

Gourdon (Lot), 58. 
Mascon, 261. 
Mauléon (terre de), ch.-l. d'arr. 

(Basses-Pyrénées), 198, 199. 
Medine de (jampe. Médina del 

Campo (Espagne), 194. 
Mehun-sur-Yèvre,ch.-l. de cant., 

arr. de Bourges (Cher), 216. 
Messine (Sicile), 253, 254. 
Metz en Lorraine, 281, 283, 

284. 
Molins, Moulins (Allier), 7, 8, 

17, 20, 21, 76, 85, 118, 163, 

261, 289, 312. 

— (chastel de), 319. 

— (chapelle et chapitre 
Notre-Dame de), 8, 118, 318. 

— (Hôpital SaintJuUen de), 
318. 

— (Hôpital Saint-Nicolas 
de), 318. 

Moncuc, ch.-l. de cant., arr. de 

Cahors rLot), 202. 
Montagne (terre de la), en Savoie, 

298. 
Montbrison, ch.-l. d'arr. (Loire), 

258, 310, 312. 
Montcontour, ch.-l. de cant.. 



arr. de Saint-Brieuc (Côtes- 
du-Nord), 210,211. 
Montcontour, ch.-l. de cant., 
arr. de Loudun (Vienne), 86, 
88, 89. 

— G'église Notre-Dame 
de), 88. 

Monteillis, auj. Montilli, conmi. 
du cant. ouest et arr. de Mou- 
Uns (Allier). 76. 

Montescoth. Montesches, comm. 
de Neuilli-le-Réal, arr. de 
Moulins (Allier). Il y a eu au 
XII* siècle une famille de Mon- 
ieichUi dont les possessions 
étaient voisines de Belleper- 
che, 16, 19. 

Montluçon, ch.-l. d'arr. (Allier), 
32, 84, 85, 163, 312, 313, 
316. 

— (le château de), 319. 
Montléun, auj. Montlieu, ch.-l. 

de cant., arr. de Jonzac (Cha- 
rente-Inférieure), 136, 142, 
144. 

Monnoye (la tour de la), à Gler- 
mont-Ferraud, 103. 

Montpellier (Hérault), 61. 

Montrond, château en ruines, 

Îrès Saint -Amand (Cher), 
8. 

Montserrat (Notre-Dame de), 
abbaye près Barcelone, 109. 

Montvàlent , auj . Monbalen , 
comm. du cant. de Laroque- 
Timbaut, arr. d'Agen (Lot-et- 
Garonne), 153, 156. 

Moravie, 206. 

Morée, 291. 

Mortaigne, ch.-l. d*arr. (Orne), 
67, 68. 

Mortemar, comm. de Lhom- 
maizé, cant. de Lussac, arr. 
de Montmorillon (Vienne), 
36. 

Mousière (la) (Sardaigne), 229. 

Moyenvic. sur la Seule, à envi* 
ron 3 kil. est de Vie (Lorraine), 
283. 

Mousson, château des Hospita- 
liers (Espagne). 108. 

Murât (château ae), eomm. du 



362 TABLE 

cant. deMontmaranlt, arr. de Picardie, 72. 73, 222. 

Montlnçon (Allier), 319. Piédrench, a i kUom. environ 

de Saint-firieuc, 209, 210, 

Nadres enBiscaye (Najara, Nava- 21 1 . 

rette), 89, 196. Piémont (le pays de], 303, 304. 

Nantes, 119 à 130. Plaisance (Italie), 307, 309. 

Naples, 252, 290, 291. Plancy, comm. de Méry-snr- 

Navarre (royaume de), 192, 197, Seine, arr. d'Arcis-sur-Aube 

198. (AQl)e),50, 51, 52. 

Nerbonnois Oe castel), à Tou- Poirier (Le), comm. de Saint- 

lonse. 217. Alban, cant. de Plénenf, arr. 

Ne8le(rho8telde), à Pari8,274. de Saint -Brieuc (Gôtee-da- 

Niffelant (Livonie), 64, 65. . Nord), 213. 

Niort (Deux-Sèvres), 36, 41, 74, Poitiers, 4, 31, 32, 35, 88, 89, 

75, 88. 90, 145, 153, 312, 318. 

Ni88y,au comté de Genève, auj. Poitou, 31, 35, 37, 38, 40, 41, 

Annecy (Haute-Savoie), 62. 42, 54, 55, 86, 87, 93, 136 à 

Nivemois, 161. 145, 153, 154, 157, 158. 

Normandie, 66, 67, 68. Pont-d'Ain, chftt.,cant. deTarr. 

de Bourff (Ain), 297 à 299. 

Orci val (Notre-Dame d'), comm. Pontheau-de-Mer, Pont-Aude- 

du cant. de Rochefort, arr. de mer. ch.-l. d*arr. (Eure), 69, 78. 

Glermont (Puy-de-Dôme), 105. Pont-r Abbé, comm. du cant. de 

Orlénois (le pays d'), 29. Saint-Porcaire, arr. de Saintes 

Orreviile (Jenan (jabaret d'), 1. (Gharente-lnférieure), 90. 

Ortelz, auj. Orthez, cb.-l. d'arr. Pont-de-FArcbe , ch.-l. d'arr. 

des Basses-Pyrénées, r94, 197, (Eure), 69, 70. 

198. Ponts-de-Sez (Les), auj. Les 

Ostrevant, fief du comté de Hai-* Ponts-de-Gé, ch.-l. de cant., 

naut, 188. arr. d'Angers ( Maine -et - 

Orsan, ancien prieuré de Tordre Loire), 42. 

de Fontevrault, hameau de la Pontorson, ch.-l. de cant., arr. 

comm. de Maisonnais, cant. d'Avranches (Manche), 113. 

du Ghàtelet, arr. de Saint- Pontvalain. ch.-l. de cant.^ arr. 

Amand (Gher), 23. de La Flèche (Sarthe), 25, 26, 

27 264 265. 

Palais (le), à Paris, 179, 181. Ponellet '(Pobledo), abbaye de 

Païenne (Sicile), 254. Tordre ue Giteauz, voisine de 

Pampelune (Espagne), 196, 202. Lerida (Espagne), 109. 

Paris, 21, 23, 31, 41, 49, 68, 71, Poperingues (Flandre), 170. 

75, 93, 160, 161, 162, 164, 175 Port-Samte-Marie (Le), ch.-l. de 

à 179, 181, 183, 192, 202, 207 cant., arr. d'Agen (Lot-et-Ga- 

à209, 215, 216, 261, 262, 264, ronne), 59, 60. 

265, 267, 269, 271, 292, 307, Porte-Eusèbe (le château de), à 

318. Milan, 308. 

Pavie, en Lombardie, 307, 309. Portugal (le), 193, 194. 

Penne-d'Agenais, ch.-l. de cant. Pouencé, auj. Pouancé. ch.-l. de 

de Tarr. ofe Villeneuve (Lot-et- cant., arr. de Segré (Maine-et- 

Garonne), 60. . Loire), 120. 

Penne-d' Albigeois, comm. de Pouzi, comm. ducant. deLurci- 

Vaour, arr. de (^aillac (Tarn), Lévi, arr. de Moulins (Allier), 

60. 83. 



DES NOMS DE LIEUX. 363 

Pninie, 63. Glennont (Pny-de-'Otaie), 94, 

Provence, 2W. 96, 97^ 100, 102, 103, 105. 

Praniers, comm. des cant. et Rochetaillée, comm., cant. de 

arr. d'IsBoudun (Indre), 24. Nenville-sar^Saône , air. de 

Pnisse, 62 à 66. Lyon (Rh6ne), 296, 297. 

Pnyaga, château détrait, autre- Rome, 108. 

fois fief de la iiEunille Pot. en Roncevaulx (les monte de), 196, 

Berri, non loin d'Orsan, 24. 199. 

Payfol, chat., comm. de Gindré, Rosebecque, à 14 kil. d'Ypres 

cant. de Jaiigni, arr. de La (Flandre occidentale), 170 à 

Paiice (AlUer), 14. 173. 

Puy-No8tre-Dame (Le) (Haute- Rye (La), comté de Snssex (An- 
Loire, 105, 106, 117, 216, 258. gle(erre), 69 à 71 . 

Quimper-Gorentin, ch.-l. du Fi- Saône rlâ), rivière, 294. 

nistère, 44, 45, 46. Sardaigne (l'île de), 252, 255. 

Quimperiai, auj. Quimperlé, ch.- Barragouce, Sarragosse (Espa- 

1. d^arr. au Finistère, 44. gne), 109. 

Quintin, ch.-l. de cant., arr. de Saulsaye (La), près Nantes, 121. 

Baint-Brieuc (Gôtes-du-Nord;, Savoie (la), 62, 66, 229, 284 à 

213. 288, 296, 298, 300. 

Sebise (chastelde), auj.Soubise, 

Ravenne. 309. cant. de Saint- Aignan, arr. de 

Redon, cn.-l. d'arr. (Ille-etrVi- Marennes (Gharente-Infér>^ , 

laine, 39. 92, 93. 

Regneville, comm. du cant. de Ségo vie (le chastel de), Espagne, 

Montmartin-sur-Mer, arr. de 110, 111. 

Goutances (Manche), 68. Sens (Yonne), 53, 54. 

Rennes^ ch.-l. du dép. d'IUe-et- Sains-Innocens (les), église k 

VUaine, 38, 48. Paris, 177. 

Réolle(La),ch.-l.d'arr.(Gironde), Saint-Angel, comm. ducant.de 

60. Manzat, arr. de Riom (Puy- 

Richebouig, chat., comm. de de-Dôme), 94, 103. 

RemouilIë,cant.d*Aigrefeuille, Saint-Brio-des-Vaulx, auj. 8t- 

arr. de Nantes (Loire-Infér»), Brieuc (G6tes-du-Nord), 209, 

121, 126. 212, 213. 

Rin (le), fleuve, auj. Le Rhin, Saint-Denis en France, abbaye 

206. près Paris, 180. 

Riom, ch.-l. d'arr. (Puy-de- Saint-Denis (la Grant-Rue) à 

Dôme), 104. Paris, 177. 

Roche - sur - Aigueperse (La] , Saint-Geran-le-Pui , comm. du 

ch&t en ruines, comm. de cant. de Varennes, arr. de La 

Ghaptuzat, cant. d* Aigueperse Paiice (Allier), 14. 

(Puy-de-Dôme), 94. Saint-Lormech, auj. Saint-Lor- 

Roche - sur - Allier ( La ) , chat. mel, comm. du cant. de Plan- 

rainé près Villeneuve -sur- coet, arr. de Dinan (Gôtes-du- 

Allier, cant. O. et arr. de Nora),212. 

Moulins (Allier), 16 à 20. Saint-Macaire, c1l-1, de cant., 

Rochelle (La), ch.-l. de départ. arr. de La Réole (Gironde), 

(Gharente-Inférieure), 91. 60. 

Roche*Senadoire (La)^ comm. et Saint - Mathieu - de - Fineterre , 

cant. de Rochefort, arr. de comm. de Plougonveiin, cant. 



364 TABLB 

de Saint-Renan, arr. de Brest d'Ardres, arr. de Saint-Omer 

(Finistère), 44. (Pas-de-Calais), 73. 

Saint - Biaur - sur - Loire ( abbaye Tonr nenfve (la), à Nantes, 120* 

de), comm. de Saint-C^eorges- Tracros, cbàt. et village, comm. 

le-Thonreil , cant. de Gennes, de Gelles. cant. de Rochefort, 

arr. de Sanmur ( Maine-et- arr. de Glennont, 94, 95, 96. 

Loire), 25. Trappène, Trapani (Sicile), 253, 
Saint-More, en Espagne, 194, 2o4. 

197. Tremessent, Tlemcen (Algérie), 
Saint-Morice, en Ghablais, 285. 219, 232, 234, 235. 

Saint-Paul (église), à Paris, 177. Tronçaie (la forêt de), en Bour- 
Sainte-Glare , au marquis de bonnais, 184. 

Montferrat, 302, 304. Troves, en Champagne, 50, 51, 
Sainte-Florence, cant. de Pou- 53, 54. 

iols, arr. de Liboume (Gironde), Turbillon, cbàt., en Valais, 285, 

60. 286. 

Sainte-Gemme, au marquis de [Turon], rivière qui sépare TEs- 

Montferrat, 304. pagne du Portugal, 194. 

Sainte-Sévère, ch.-l. de cant., 

arr. de La Chfttre (Lidre), 23, Yalenoe-la-Grant, en Aragon, 

24, 31 à 35, 88. 290. 

Sion, en Valais, 286, 288. Valleys (le pays de), auj. Valais, 
Solle (terre de), auj. Soûle, par- 284, 285. 

tie de Tarr. de Mauléon (Bas- Varennes, ch.-l. de cant.. arr. 

ses-Pyrénées, 198, 199. de La Palice (Allier), 319. 

Souvigni, ch.-l. de cant., ar. de Vas (abbaye de), auj. Vaas, 

Moulins (Allier), 6, 7, 24, 293, cant. du Mayet, arr. de La 

294, 318. Flèche (Sarthe), 25. 

Surgières, ch.-l. de cant., arr. Vêlai (le), 117. 

de Rochefort (Gbarente-Infé- Véherie (La), 23. D s'agit du 

rieure), 91. château de Valàre à Sion. 

Surie, Syrie, 269. Vendosme, ch.-l. d'arr. (Loir- 
et-Cher), 25. 

Taillebourg, comm. du cant. de Venues, auj. Vannes (Morbihan), 

Saint-Savinien, arr. de Saint- 38, 128 à 130, 135. 

Jean-d'Angély (Charente-In- Vemenil (château de), comm. 

férieure), 136, 138, 139, 140. du cant. de Saint-Pourçain, 
Temple (le), â Paris, 177. arr. de Gannat (Allier), 319. 

Terrassine, Terracine, 255. Verse (le mont de), 306, 307. 

Thiem, aui. Thiers, ch.-l. d'arr. Verse (la ville de), 306, 307. 

(Puy-de-Dôme), 319. Véros, auj. Veraux^ comm. du 
Tholose, Tholouse, Toulouse, canton de Sancoms, arr. de 

61, 202, 216 â 219, 221, 318. Saint-Amand (Cher), 14. 
Thunes, Tunis, 252. Verrières, château, cant. de Né- 
Tinténiac, ch.-l. de cant., arr. rondes, arr. de Saint-Amand 

de Saint-Malo (Ille-et- Vilaine), (Cher), 1 4 . 

43. Vertaeil, auj. Verteuil, cant. et 
Toissé, auj. Thoissey, ch.-l. de arr. de Ruffec (Charente), 136, 

cant.. arr. de Trévoux (Ain), 147 â 149, 152. 157, 158. 

294, 295. Vesvre (la tour de la), 35. 

Tours, 318. Vie, sur la Seille, près Ghâteau- 
Toumehem, comm. du cant. Salins, 283. 



DES NOMS DE LIEUX. 365 

Vichi, cant. de Gasset, arr. de arr. et cant. 0. de Monliiui 

La PaUce (AUier), 280 , 312 , (Allier), 18, 19. 

319. Ymenenye-en-Hez (La), cant. et 

Viennois ( 8aint-Antoine-de-), arr. de Glermont (Oise), 319. 

258. Vis (le mont de), Mont-Viso, 

Villefranche, en Beanjolois. ch.- 302, 304. 

1. d*arr. (Rhône), z96, 299 à Viyonne,ch.-Ldecant.,arr. Poi- 

301 . tiers (Vienne), 36. 
Villefranche. en Bourbonnois, 

cant. de Montmarault, arr. Ypre8(Flandre occidentale), 169, 

de Montlnçon (Allier), 163, 170. 

318. 

Villeneuve-ès-Breschars (La), Zélande (dnché de), 188. 



TABLE 



DES NOMS DE PERSONNES. 



Adonme (Anthonio), 219, 224. Andnes (Lionel d'), cheyalier, 
Agnès de Bourg(^e, femme de 107. 

Charles !•' de Bourbon, 270. Arbalestîers (le grand maistre 
Aicellin (Gille), 9. des). 72. 

Albret (Eminion d'), 301, 303, Archidiacre de Gordone (i*), 188. 

311. Arménie (le roi d'), 269. 

Alençon (le duc d'), 300. Armignac (le comte d'), 21 7, 309, 

Alexandre V, pape (Pierre de 311. 

Candie), 293. Artevelle (Philippe d'), 166 à 

Allemagne (l'emperenr d'), 206. 170, 172, 173. 
Allemands (les), 50. 281, 283. Asses (Vachon d'), 259. 
Andelée (Jacques d'), chevalier Aubricecourt (messire François 

anglais, 146, 158. 160. d'),278. 

Angle (Guichard a*), chevalier, Audeneham (le maréchal d*), 41 . 

prisonnier en Espagne, 111. Aunay (le vicomte d'), chevalier. 
Angleterre (Isabean, reme d'), 130, 132. 

268. Aunay (Le Gallois d'), chevalier, 

Angleterre (Phelippe, reined').4. 176 à 178. 
Angleterre (Edouard III, roi a), Auquetonville (Raoulet d*), 270. 

4 à 6, 39, 74, 91, 146,200, 202. Auvergnats (les), 97, 103, 104. 
Angleterre (Richard, roi d'), 268. Aussy (le bastard d'), 63. 
Angleterre (la sœur du roi d*), Aussy (le sire d*), chevalier, 168. 

45. Aye (Jehan de T), maréchal du 

Anglois (les), 32 à 34, 36 à 40, duc Louis II, 18, 19, 120, 139, 

49 à 58, 66, 7t, 73 à 75, 77, 144, 145, 151, 152. 

80, 81, 84 à 86, 88 à 90, 93 à Azay (messire Jehan d*), séné- 

95, 97, 100 à 104, 116, 118 à chai de Toulouse, 25, 26, 202. 

124, 126 à 128, 130 à 132, 144. 

146, 149, 157 à 160, 180, 181, Bar (le duc de). 188, 309, 311. 

183 à 187, 192 à 195, 197,200, Bar (Etienne de), secrétaire de 

230, 248, 249. 257, 267, 322. Louis H, 312. 
Anjou (le duc a'), 4, 49, 54, 56, Barberié, écuyer tranchant de 

^ à 62, 112 à 115, 215. Louis II, 18. 

Aragon (Ferrant, roi d'), 312. Bardenay (Jacques), chevalier 
Aragon (Jehan, roi d'), 108. anglais, 102. 



TABLE MIS NOMS DE PERSONNES. 



367 



Barres (Jehan des], 311. 

Barrois (le), cheyaiier, cousin de 
Ghàteaomorand, 58, 102, 120 à 
123, 126, 128, 130, 131, 133, 
134, 172, 176 à 178, 185, 198, 
199, 20<, 208, 210, 231, 303. 

Basac, Baiazet, 268. 

Baseme (Regnault de), sire de 
Ghamproux, 7, 9. 

Baveux (Gui le), chevalier, 58, 
120. 

— (Hutin le), 314. 
Beauchamp (Edouard de), che- 
valier aiîfflais, 131. 

Beauffort (Jehan de), chancelier 
de 259. 

— (famUie de), 108. 
Beaujeu (le seigneur de), 6i , 62. 
Beaumanoir (le sire de), 210, 

211. 

Beauval (Ponsard de), 312. 

Behaigne (le roi de), 5. 

Bellechassaigne (le commandeur 
de), 104. 

Bellenave (le sire de), 282. 

Berri (le duc de), 4, 35, 49, 54, 
55, 93, 94, 104, 119, 136, 137, 
140, 144, 151, 161, 171, 180, 
183, 185, 188 à 190, 192, 203, 
205 à 208,215 à 218, 221, 223, 
264, 265, 274, 289, 290, 293, 
309, 311, 312, 317. 

Billy |le sire de), chevalier, 102. 

Blanche (la reine), Jehaune de 
Bourbon, fénmie de Gharles Y, 
5,21,164. 

Blot(lesirede),9,15, 19, 191. 

Boccace, 266. 

Bois (Jehan du), 260. 

Boisvert (le bastard de), 33. 

Bonnebault (Jehan de), cheva* 
lier, 64, 102, 185, 293. 

Bos (Piètre du), capitaine fla- 
mand, 168, 169, 173, 174. 

Bosredon , capitaine français , 
308. 

Bouciquaut (Jehan Le Maiogre, 
dit), chevalier, maréchal de 
France, 64, 145, 151, 153, 155, 
169, 174, 264, 302 à 308, 311. 

Bouciquaut le jeune, frère du 
maréchal, 242 à 244. 



Bonne (le roi de), 219, 232, 234, 

Bouquinquam (Le comte de), 77 

à 85, 92, 126 à 135. 
Bourbon (Béatrix, baronnesse 
de), 3. 
^ (Gharles I«, dnc de), 
1.270. 

— (Isabel de), 270. 

— (Jehan !•', duc de), 1, 

258, 317. 

— (Pierre I", duc de), 4, 

318. 

— (Loys !•', duc de;, 4. 

— (Loys II, duc de), jhu- 

mh. 

— (Loys de), son fils, 273 

à 275. 
«— (Girard de), chevalier, 
107. 

Bourg Gamus (le), capitaine de 
grande compare, 16, 19, 20. 

Bourgogne (Pnilippe I**, duc de), 
49. 54, 55, 66, 72, 146, 157 à 
161, 166 à 169, 171, 175, 176, 
179àl89, 208, 213à216,221, 
223, 262, 263, 265, 266. 

Bovain (les enfants de), 296, 298. 

Brabant (le duc de), 188. 

BressoUes (Regnaud de), cheva- 
lier, 145, 153, 172, 231. 

Bretons (les), 32, 50, 53. 211. 

Brisselay, chevalier, 131. 

Buch (le captai de), 92. 

Bueil (Pierre de), chevalier d'An- 
jou, 122 à 124, 126, 128. 

Bulle, voyez Burlé. 

Buret (Gomin), 19. 

Burlé (Jean), chevalier anglais, 
53, 127. 

Bussière (messire Pierre de la), 
chevalier, 63. 

Gabaret d'OrviUe (Jean), 2, 322. 
Gandie (maistre Pierre de), pape, 

sous le nom d'Alexandre V, 

293. 
Ganolle (Robert), chef deoom- 

naffnie. Anglais, 24, 45, 47, 74, 

Ga!queran (le Bourgne), 303. 304. 
Garssélio (Raoul de), 48, 209. 



368 TABLE 

Gagelis (Bertrand de), capitaine 291, 293 à 297, 299, 300, 302 

anglais de Pont-l'Abbé, 91 . à 308. 

Gastiile (Ferrant, infant de), 312. Ghastelmorant (Jehan, bastard 

Gastillon (le sire de), 222, 230, de), chevalier, 94. 

238. 250, 257. Ghastellas (Ploton de), cheva- 

Gayrelay (fine de), 65. lier, 33. 

Gelie-Guenon (Geoffroi de la), Ghastellus (messire Hngues de), 

245. sire de Ghastelmorand, 7, 9, 

GerviUon (Regnanlt de), 291. 15, 19, 20, 107, 172, 185, 231, 

GhaiUen (Pépin), 21. 253. 

Ghailant (Boniface de), maréchal Ghaugy (Jehan, sire de), cham- 

de Savoie. 126, 128, 259. bellui de Lonis XI, 51, 52, 

Ghalencon (le sire de), 57. 102, 172, 199. 

Ghambre (le 8iredela),286,287. Ghauveau (Hugnenin), procu- 

Ghampropm (le sire de), 18, 116, renr général dn Bourbonnais, 

285. 8 à 12. 

Ghantelle (maistre Pierre de), Ghazenl (le sire de), 191. Voy, 

confesseur de Louis II, 275, Ghaseul. 

314, 315. Ghennel (Robert), capitaine an- 

Ghantemerle (messire Pierre de), glais de la Roche-Senadoire, 

9. 94, 97, 98, 102. 

Ghappelle, neveu de Ghàteaumo- Ghenillac (Lancelot de), 24. 

rand, 213. Ghirat (Bérangon de), chevalier 

Charles V, roi de France, 5, 21 anglais, 104. 

à 23, 29 à 31, 40, 49, 51, 53, Ghitain (le sire de), 191. 

55. 66, 86, 106, 109, 111 à 115, Ghoppart (Philippe). 102. 

118, 119. Ghypre (le roi de), 269, 291. 

Gharles YI, son fils, 119, 120. Ghrestiens (les), 234 à 253, 256. 

122, 124, 158, 159 à 161, 164 Glément Vn, pape (Robert de 

à 190, 192, 196. 202, 203, 205 Genève), 223, 224, 281 . 

à 209, 215, 218 à 226, 261 à Glermont (Aimard de), 259. 

266, 276, 277, 289, 290, 302, aermont(lecomtede). Voy. Je- 

305, 307, 318. han de Bourbon, 1, 309, 314, 

Ghaseul Ge sire de), 7, 191. 316, 317. 

Ghaslus (Robert de), chevalier, Gléaux (Ghotard de) , Anglais , 

64,76,144,151,169,170,172, 89. 

295 à 297, 299 à 301. Gliffort (le sire de), 222, 238, 

Gbassaigne (Robinet de la), 259. 248, 

Ghastel (le sire du), 211 . Climbo (le sire de), 222. 

Ghastel-Montagne (le' sire de), Glinton (Guillaume), 127. 

7, 9, 15, 231. Glisson (le sire de) , plus tard 

Ghastelmorant (Guichard de) , connétable de France, 53 à 55, 

frère aîné de Jehan, 24, 51, 52, 86, 88, 112, 122, 123, 129, 136. 

90, 170, 172, 231, 257. 168, 207 à 215, 262, 263. 

Ghastelmorant (Jehan de), che* Gloppeton (Waultier), chevalier, 

valier, 2, 24, 33, 34, 51, 57, 131, 134. 

95, 101, 110, 116, 120 à 123, Golombier (Henry de), 259. 

126, 128, 130 à 135, 137, 139, Gonfès (Jehan de), 18. 

145, 148, 151, 153, 154, 169, Goppène (Héliot de), 199. 

170, 172 à 174, 176 à 178, 185, Ck)rdebœuf (le sire de), 102, 284. 

191, 197 à 199, 201, 208, 231, Gordelior de Gironne, écuyer de 

234, 278, 282, 287, 288, 290, Gharles VI, 129, 133, 134. 



DES NOMS DE PERSONNES. 369 

CiOrdelier (le), arbalestier de Espagne (roi d'); voy. Johan, 

Poitou, 141. Henri, Piètre. 

Gordoue (l'archidiacre de), 188. — (reine d'),\oy. Blanche. 

Ck>muaille (le sire de), 222, 238. Espagnols (les), 194, 195. 

Gonci (le sire de), 171 à 175, Espérance (la ceinture de Tordre 

222, 227, 228, 230, 232, 233, d';, 8 à 10, 12 à 14, 116. 

237, 239, 243, 249, 250, 254, Espinace (Damés de T), 15, 19. 

256. 301 . — (Erard de T). 15, 19,20. 

Gouhé (le sire de), chevalier, — (Philibert de T), 21, 

136, 145. 51, 52, 231. 

Ck>uppier (Gilles), 259. Eu (le comte d'), 222, 228, 230, 

Gousant (Gui de), chevalier, 144, 232, 237, 239, 243 à 245, 249, 

151, 172. 254, 300. 
Gouture (Imbert de), 44, 51, 52. 

Govmen (le vicomte.de) et sa Farintonne (Guillaume), cheva- 

femme, 213. lier anglais, 132 à 134. 

Gredo (Richard), chevalier an- Fayette (Te sire de la), chevalier, 

Çlais, 102. 103, 172. 

Gulan (Loys de), 312. Ferrandon, chevalier, capitaine 

Gusenton (Estienne de), cheva- d'Evreux, 67. 

lier anglais, 123, 124. Ferrant, infant de Gastille, roi 

d'Aragon, 312. 

Damas (Robert de), chevalier, Ferrières (Isabel de), 197. 

145, 154, 169 à 172, 185, 201, FiU Watier, maréchal d'Angle- 

231, 244. terre, 25, 127. 

Dames (Guillaume), sire de Yi- Flament (le), trésorier des guer- 

chi, dit aussi de Hames, 10, res, 30. 

20. Flamens (les), 146, 164 à 175, 

Dauphin de Viennois (le), 164. 179. 

Dauphin (le i^mte), 96, 104, Flandres (le comte de), 72, 146, 

227, 230, 232, 233, 237, 249, 165, 166, 175. 

254, 256 . — (la fille du comte de), 

Daulpnin (Guichard), chevalier, 49. 

7, 9, 15, 20, 76, 107, 119, 185. Flandres (les), pays, 72, 164 à 

Daulphine (Anne), femme du 175, 178, 179, 181, 183, 186, 

duc Louis II, 22, 311, 312, 188. 

314. Foix (Phébus, comte de), 196 à 

Daulphine (le), 259, 303. 200, 217. 

Demoret (Jehan de), chevalier, Fontenai (messire Pierre de), 

18. chevalier, 9, 145, 153, 170. 

Derby (le comte), 269. Forest (messire Ouldrai de), che- 

Diffoine (Jehan de), chevalier, valier, 63, 139, 153, 17(), 172. 

89, 104. Forez (Regnaud, comte de), 22. 
Dommiges, arbalestier génois, 

81. Fosseux (le sire de), chevalier, 

Duffuesclin (Bertrand), 23, 24, 168. 

28, 30 à 34, 36, 38 à 42, 45 à Foucault (Jehan), 52. 

50, 87 à 89, 92, 112 à 118, 264. — (le Borgne), 85. 

Foudrigay (Henneguin), 34, 35. 

Edouard, roi d'Angleterre, 5. Fourest (messire (Guillaume de 

Erbo (le sire d'), 25. la), chevalier, 151, 191. 

Ernaud (Bertrandon), 51, 52. France, 91, 115, 146, 180, 183, 

24 



370 tAlBle 

218, 257, 268, 269, 292, 313, GraviUe (le sire de), 222, 232, 

314, 321, 322. 238, 250. 

François (les), 32, 37, 53, 71, Grégoire XI, pape, 1X)8, 293. 

73, 85, 123 à 125, 132, 144, Griffé (Jehan, sure de), 15. 

164, 168, 172, 183, 204, 205, Grimand (Renier de). 69 à 72. 

218, 306. 308. Gruyère (cenr de), 285. 

Frise (roi de), 268^ Gueldres (le duc de). 

Froi8sart(lesGhronique8de),171. Guelfes (les), 308. 

Guillaume, comte de Flandres. 

Gabillon, capitaine anglais, 153, Guillaume, comtedeHainaut,3. 

155,156. Guitry (Robert de), chevalier, 

Gaiget(M« Jehan), conseiller à la 42. 

cour des Comptes, 163. Guy de Riom (Robert), cheTa- 

Gallée (la), à Paris, 177. lier, 125, 127. 

Galles (le prince de), 4, 16. tt • * /r« -n * j » 

Garet (GuÛlaume de), ihevaUer, Hainaut Guillaume, comte de). 

185,^201,231. - *^fr^SS%1«^^^' *^*' 

Gascons (les), 144. ,^^^ ^^8, 268. 

Gancourt (le capitaine de), 303. „ — , (J**™, ^®>j *• „„. 

Genève (le card&al de), 62. Hangest (Charles de), 225. 

Gennes (ambassade de), 218, 221. - ^^^t^ ^f^yr\¥^' 

Gennois (les), 219 à 257. „ "• f^^^ult deV, 16.,, 

Cannois (les arbalestiers), 70,81, Hantonne (Thomas de), capi- 

230 /) 1 I ^j^^ anglais de Niort, 74. 

Giac (Pierre de), chancelier de ^^J^^ ^^^^* ^™^ ^®J> ^' 

France 164 ^^' 

Gibelins (les) 308 Haulsement, 286, 288. 

Giers (le sire de), 259. Hennefort (Thomas de), cheva- 

Glareins (le bâtard de), chevaUer, tt"®' *°^ .f' . Vn joa ior. 

98,99,100,102,116,130,131 gennuyers (les)^ 50, 124 125. ^ 

172 282 ' ' ^ ' ' Henri. Voir Espagne (le roi 

Glenô' (Tachon de), bailU de „^®^^9'i i? n^^ u 

Bourbonnais, 139 145, 151, ^^F^"'®^^® i?/To ^-'^i^^??5' 

170, 172, 231. ^IJ» l^j Jff» *^S> *51, 172, 

Gk)udeUn (Jehan), chevalier, 63. „ ^^5, 2/8, 314. _ , , . . 

Gouffier (Guyon), chevaUer 63, ^euse le borme Lebauldram 

154, 17Ù, 172, 185. de la), mai^Tchal de France, 

Gouge (Martin), conseiller du duc „"^> 'i».'^>, **: j , , i 

de Berri, plis tard évoque de Hunaudoie (le sire de la), che- 

Clermont, 137. „ ^^her, 40. 

Gourdinot, capitaine anglais de Hungane (La), Hongrie, 268. 

Tracros, 94. 95. igabel de Bourbon, fille de 

Gournay (Mathieu de), chevalier j^^q jer 270. 

anglais, 79, 80. igabel de Valois, mère du duc 

Goussaut de Thory, chevalier, Louis II, 4. 74, 75, 77 à 79, 

^*^'^^A . o.o 82,89,9è,9è. 

(xoyon (Bertrand), 213. > » > 

Granson (le seigneur de), 286. Jacques (les), 5. 

Grant (Jehan), 303. Jaille (Tristan de la), chevalier, 

Grantvau (Girart de), chevalier, 125, 130, 132, 151. 

94. Jehan, roi d'Aragon, 108. 

Grantval (Ponssart de), 260. Jehan sans peur, duc de Bour- 



DBS NOMS DE PERSONNES. 371 

gogne, 270, 289, 290, 293, 309, Loup (Bliomberis), son frère, 

311. 139, 151, 154, 172, 185, 201. 

Jehan, comte de Glermont, fils Lqys (saint), loi de Fnuice, 3, 

du duc Louis II, 1, 270, 309, 316. 

310, 312, 314, 317. Loys I**, duc de Bourbon, 3, 4. 

Jehan I*', roi de France, 4, 5,6. Lo^s II, duc de Bourbon, poi- 
Jennete (le geneschal de la), 303. nm. 

Jouel (messire Jehan), capitaine Loys, son fils, 273, 274, 275. 

anglais, 102. Loys, comte de Monpencier^ fils 
Jouel (le fils de messire Jehan), du duc Jean I*», 270. 

102. Loys d' Anjou/ roi de Naples, 

290, 291. 

La Guide (Michelet) , partisan Lune (comtesse de), 108. 

anglais, 24. Lusignan (famille de), 269. 

Laire (Guillaume de), chevalier, Luxembourg (Pierre , cardinal 

208, 210, 310. de), 281, 283, 284. 

Langres (révéque de), de Rou- 

gemont, 168, 169. Macé (Piètre), grand d'Espagne, 
Lancastre (le duc de), 50 à 53, 109. 

55, 56, 192 à 195, 197. Mailletz (sédition des), 5. 

La Palice (le sire de), 7. Mailli (le sire de), 26. 

La Queille (Giraud , sire de) , Mainfroy , seigneur de Glermont 

chevalier, 96, 103. en Sicile, 253, 254. 

Léaux (le prieur de), 69, 71. Ma)|;neUers (Tristan de), cheva- 
Lebret (le seigneur de), 5. Yoy. her, 65. 

Albret. Marche (le commandeur de la), 
Lebrun (Guichard), chevalier, 76. 

139, 145, 151, 172, 185,201, Marche (le comte de la). 29, 105. 

231. Marcilly (Aimard de), 63. 

Leet (Guillaume), capitaine de Margot (la grant), 173. 

la Tour-Neuve a Nantes, 120, Marmay (le sire de), 259. 

121. Marie de Berry , femme de Jean I*' 
Le Roy (messire Jehan), tréso- de Bourbon, 270. 

rier de Glisson, 209. Biarie de Hainaut, femme de 
Lescar (le sire de), 200, 201, 202. Louis I« de Bourbon, 4. 

Letho (le roi de). 64, 65. Marie (Amoul de). 58. 

Leveau de Bar, à03. Manago, écuyer, 89. 

Lignaige (Perrot dej[, chevalier Martin (Damp), fils de Jean, roi 

anglo-gascon, 98, 99. d'Aragon, 108. 

Limoges (le cardinal de), 155. Marueil (le sire de), 149. 

Lirisson (Bertrannet de), connè- Maubeu^e (les entants de), 124. 

table de Taillebourg, 139. Maulèvner (Thomelin), chevalier 
Lohéach (le sire de), 48. anglais, 102. 

Lombars (les), 305. Mauny (nervé de), chevalier, 
Longueval (le sire de). 168. 149. 

Lorraine (le duc de), 63. Mauny (Olivier de), 43, 49. 

Louet (Jehannequin), capitaine Mauverdin (Richard), capitaine 

anglais de Montcontour, 89. de la Bruyère, 77. 

Loup (Blain), sire de Beauvoir, Meschin (Btaudesquin) , mestre 

maréchal de Bourbonnois, 138, d'hostel du duc Loys de Bour- 

139, 145, 146, 151, 154, 170, bon, 185, 201, 273. 

172, 185, 201, 231. Mesonconte (le sire de), 161. 



372 TABLE 

Michàille(Gattvain), écuyer,pni8 Négrepelisse Ue sire de), 231. 

chevalier, 102^ 116, 145, 151, Nerbonne (le vicomte de), 252. 

154, 170, 172 à 174, 185, 231, Neufvis (Jehan de), 302 à 303. 

284, 287. Neullac (Guillaume de), maré- 

Milan (le duc de), 305, 307, 308. chai du duc de Bourbon, 139, 

Mirembel (le sire de), 303. 141, 170, 172, 189 à 196, 199, 

Moniquot, héraut du roi d'Ës- 201. 

• pagne, 106. Nieatons (Robin de), 34. 

Montagu (Griffon de), chevalier, Nolimbarbe, capitaine anglais, 

7, 9, 15, 19, 20, 76, 100, 102, 103. 

107. Norris (Pierre de), 160 à 164, 

— (Guide), frère de Grif- 178, 179, 183, 184, 192, 224, 

fon, 7. 258, 261, 275, 277 à 280. 

— (Henri de), leur firère, 

9, 20. Olegrève (le grand David), 85. 

— (Jehan de), 292. Orl^s (Charles, duc d^), 161, 
Montaigut (le sire de), 51. 52. 179, 216, 217. 264, 
Montcavrel(le8irede), 208, 210. 265, 270 à 272, 289, 
Montchanu (le sire de). 259. 290, 310. 
Montferrand (Regnaua de), 150 — (les enfants d'), 309 à 

à 152, 157. 312, 317. 

Montferrat (le marquis de), 302, Ortenye (Ortingo d'), homme 

304 . d'armes anglo-gascon, 75 à 77. 

Montfort (Jehan de), duc de Bre- Oultremarine (messire Jehan d'), 

tagne, 37 à 39, 44, 45, 49, 53, capitaine de la flotte génoise, 

55, 56, 74, 113, 114, 129, 132 251. 

à 134, 136, 182, 187, 207 à 

215, 262, 263, 309, 311. Paléologue (i'étnpereur Manuel), 

Montmajour (Gaspard de), 259. 269. 

Montmorin (le sire de), chevalier, Palice (le sire de la), 7, 9. 

103. Parthenai (le sire de), chevalier, 

Montmort (le seigneur de), che- 136, 144, 151. 

valier, 161. Passât (Gauthier de), chevalier, 

Montprivat (Bartholomieu de), 58. 63, 102, 145, 169, 170, 

capitainede Vertueil, 144, 152. 172, 185, 189 à 196, 199, 201. 

Montravel (le sire de), chevalier, Pavie (le comte de), 305, 307. 

96, 98. Penthièvre (le comte de), 39, 40, 

Montrigault (le sire de), 259. 136, 207, 208, 212 à 214, 262, 

Mores (les), 232. 263. 

Mores (les trois rois), 248 à 251. Périlleux (Pons), chevalier, 211. 

Morisques (les), 245. Perrot le Biarnois, chef de bande, 

Mothe (messire Guillaume de la), 200. 

9, 15, 19. Philippe, roi de France, 4. 

Piédreuch (Le Roax de), 40, 48. 

Nades (Bichat de), chevalier, 6. Piémont (le prince de). 286, 304. 

— (les enfants de), 59. Piètre (le roi), Pierre le cruel, 5, 

Nasselles (Bertierde), chevalier, 30. 

145, 185. — ries enfants du roi), 110. 

Navarre (Charles, roi de), 5, 67 Pierre !•', duc de Bourbon, 4. 

à 69, 109 à 111, 196, 202, 203. Pierrepont (Lorin de), 6, 163. 

Nédonchel (Jehan de), chevalier, Piombm (le sire de), Piombino, 

51, 52. 256, 257. 



DES NOMS DE PERSONNES. 373 

Pocqneron, capitaine de gninde Sadellier (Jacques), prisonnier 

compagnie, 35, 85. en Espagne avec Guichard 

Poissy (Marie de Bourbon, priou- d* Angle ,111. 

resse de), 5. Saigne (Giquot de la), homme 

Poitevins (les), 137 à 143, 145, d armes anglo-gascon, 75, 77, 

148, 153 à 156. 78, 92. 

Portugal (le roi de), 111, 186, 194 Saigne (Guillaume de), 302, 304, 

à 196. 305. 

Portugalois (les), 192, 194. Saint-Georges (le sire de), 222, 

Pot (Guillaume), 16. 238, 250, 257, 285, 286, 288. 

Poulsauges (le sire de), cheva- Saint-Geran-le-Pui (le sire de), 

lier, 136, 144. 191. 

Prustallet (le sire de), chevalier, Saint-Pol (Walleran, comte de), 

43, 49, 58. 280, 285, 300. 

Prustallés (les), 43. Saint-Porgue (le sire de), 63, 

Prusse (rordre de), 64, 65. 231. ' 

— (le haut maistre de), 64 Saint-Priest (le sire de), cheva- 

à 66. lier, 169, 170, 172,231. 

Saint-Priest (messire Jehan de) 

Rarogne (Piètre de), 286, 288. dit le petit mareschal, 63, 151, 

Renty (Patroulhart de), cheva- 169, i70, 185, 201. 

lier, 64, 168. Sainte-Sevère (le sire de), 257. 

Riaige (le sire du), probablement Saligni (messire Lourdin de), 7, 

d'Uriage, 259. 9, 15, 19, 20, 21. 

Rieux (le sire de), 39, 48. Sallebruche (Amé, comte de), 

Rimard (messire), bastard de 282, 284. 

Flandres, 283. Sancerre (Loys de), 23, 24, 26 

Rivière (le sire de la), 68, 112, à29, 31 à 34, 36, 39, 41, 46 à 

208, 242. 49, 76 à 78, 85, 168 à 170. 

Robert, comte de Clermont, Santeuil (Phelinnot de), 22. 

sixième fils de saint Loys, Sarrasins (les), 2z2, 230 à 253. 

roi de France, 3^ 4. Saveuse (le sire de), chevalier, 

Robessart (le chanome de), 124. 168. 

Rochechouart (Aimery de), 36. Savoie (le comte Verd de), 62, 

Rochefort (messire Jean de), 63, 182, 185. 

bastard de Bourbon, 21, 107. Savoie (le duc Amé de), 182,259, 

Rochefoucault (le sire de la), 140, 284 à 289, 294, 296, 298, 300 

141. à 302. 

Roche Guyon (le sire de la), 201. Savoie (Bonne de Berry, com- 

Rodes en Aragon (le vicomte de), tesse de), 260. 

211 , 237. Savoie (Bonne de Bourbon, com- 

Rollat (Odin de), chevalier, 24, tesse de), 62, 63, 257 à 261. 

63, 102. 116. Savoiens (les), 258, 296 à 299. 

Roye (Jehan de), chevalier, 64, Séguin, trésorier du duc de 

141. Bourbon, 137. 

Roye (Regnault de), chevalier, Sempy (le petit), 208, 210. 

144, 151, 153, 154,197, 282, Sempy (le sire de), 30, 168. 

287. Serpens (messire Phellppes des) , 

chevalier, 9, 14, 20, 201. 

Sadellier(Jacques), capitaine an- Sophocles, poète tragique grec, 

glais de la Bruyère l Aubespin, 267. 

il, Souldan (le), 269. 



374 TABLE DBS NOMS DE PERSOIfIfES. 

Soaldich de l'Estran (le), cheva- Turquie (le prince de), 268, 269. 

lier bordelais, 222, 229, 230, 

232, 237, 238, 243, 248, 249, Ulphé (Guichard à\ 293. 

254, 257. Uflsel (Jehan d'}, 104. 

Bouvigni (le frère du prieur de), Ussel (Perrin d'), 24, 63, 416, 

24. 151, 172, 201. 

Spurton (Yaultier), 36, 88, 89. Uzès (le vicomte d'}, 227, 232, 
Subergoine (Pierre de), 308. 237. 

Suit (Pierre de), chevaUer, 

125. Vailli (le sire de), frère du comte 
âuverin (Henri), chevalier an- de Sancerre, 245. 

glais, 127. Yalasque (Piètre Ferrandon de), 
Snze (le sire de la), 49. grand d'Espagne, 109. 

Yallins (messire Henry de), 259. 

Tancarville (le comte de), 182. Valois (le comte de), 175. 

Terrasse (Huguenin de la), 36. Veaulce (le borgne de), cheva- 
Terriguedis (Morice de), 43, 49, lier, 9, 51, 52, 102, 116, 145, 

58. 146, 149, 150, 151, 153, 191, 

Tholouse (le sénéchal et le 282. 

Tiguier de), 217. Yendat (Robert ou Robin de), 
Thomas le genevois, arbalestier, chevalier, 139,170, 172,293. 

81. - Vermeilles (Hutin de), cneva- 

Thory (Goussaut de), 18, 21. lier, 63, 65. 

Thunes (le roi de), 219, 232, Vemay (Berthomierdu), 231. 

234, 235, 246, 247. Verse (marquis de), 306. 

Tiercellet, neveu de Château- Vertains (le bastard de), 124, 

morand, 296. 125. 

TiUy (Jean de), chevalier, 145. Vichi (Guillaume, sire de), 20. 

Torsay (le sire de), chevalier, Vichi, sire de Busset (messire 

136, 144, 146, 149, 151, 152. GuiUaume de), 7, 9, 20, 33, 76, 
Tour (le sire de la), chevalier, 107. 

%, 184. Vienne (messire Jehan de), 46, 
Traro (messire Jehan de), cheva- 69 à 72. 

lier anglais, 131. Villemur (Jehan de), 23. 

Tramessent (le roi de), 219, Viry(Amé de), 294 à 298, 300 à 

232. 3u2. 

Tresetes (Raulet de), 303. 

Trevet (Thomas), chevalier an- Ymaiges (Macé des), 125. 

Çlais, 127. Yolant, mère de la reine de 
Tnmoille(le sire de la), 187. Jérusalem, femme de Louis 

Trouz (Jehan de), 26. d'Anjou, 290. 



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Imprimerie Gcovemeor, G. Daapeley à Nogent-le-Rotroa. 






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