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4*
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THÉÂTRE
DES
bEURS DU SECd5Îi>.,©Rmï;, : ;
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' AVîS SUft LA STÈlijÉdtT*! Jl
La StéitioTTPiE , >oa Fart d'imprimer mt éU
cheà solides que l'on oonsèr^e, offre seule le me
{wrvenir à la cdrraclîon parfaite des textes. Dès
£iUte qui seroit échappée est dëooùverte «elle est c
à rinstant et irréTOcablexneiic ; en la eotrigeant^ c
point exposé à en faite de nouvelles, coinine il
dans lès éditions en caractères mobiles. Aîosi , le^
est sûr d'avoir des Kyres-ekempts de fautes, et de je
grand avantage de cemplàcei:} dani un ouvêage cg
j^û plusieurs volumes , le tome manquant , gâté qu dî
Les premiers Stéréotypeurs ont employé de
papier y parce qu'ils voulûent Vendre letirs livres
très bas prix. On a trouvé leurs éditions désagréa
l " lire»j (mJ^'el) egt ^«aip«enient dégoûté, et pn en a c
: / 1 Ufjçi mal i psopbs quI^SÀ^dracièies stéréotypes fatigi
U^vjie. Ce ^nt les ^inventeurs de cet art qui ont mt
Akta pw*^^ AIaiisJl£s propriétaires de l'étàblissemc
*Rf. tibrhair, pour détruire le préjugé défàvoraM<
\* â^Mtt{>t oCftîtr^tM«téiSotype8,oiit soigné davantage
• ifSHh^âs", jer&nî^enis de caractères convenables
chaque format, et ont employé de beau papier. Il
point d'éditions en caractères mobiles qui soient s
nèures aux leurs. On se convaincra dé la vérité de ceti
sertion, en les comparant les unes avec les antres. Se
rapptfrt de la correction des textes, les éditions en carac
tnobiles ne peuvent Liullement soutenir la comparais^
Les l^ditiônt Stéréotypes, d'après ce procédé
se trou9eHt
Cbéz &. NICOLLE, rue de Seine^ n» i2j
hdtel dé lit Rocbefoucaidd.
U «hcz A* Av6. R£NOÛAR0j Libraire, j
Saint-André-dcs-Arcs ', n^ 5S«
THEATRE ^
D'ES
AUTEURS DU SECOND ORDRE,
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I
LA
GAGEURE IMPRÉVUE,
CO TIEDIE.
-s • ^
PAR SEDAÏ'NE,
^ » ♦. »
^ -' j - '
Repréflenté^, pour la première, àû^^ie ^3;^ .ça^i
1 768,
Thélirt. Coatéëiei. l3.
I
NOTICE
SUR SEDAINE.
Michei.<Jean SBDAiHE.naquit à Paris, en 1 7 1
de parents pauvres qui ne purent loi doni
aucune ëducatio^j et Iqi firent {weadrePétat
tailleur de pierre. Il égayoît ses travaux ]o\
naliers par des chansons de sa composition,
" l w ^l'imftgtçàtroa tenolt Heu de toutes les règl
Quelques personags oiitreprîrent de les lui fa
cottâoîtJ^ÀyjB^ Biçntôt il s*«ssaya à FOpëra C
*^ BLWie^ puis au thëâtre Italien , où il obtint
yptûfijrSiiiBijstKpè». Tout le monde connoît
DIABLE A QUATRE, ALAISE LE SAYETIER^ LE i
ET LE FERMiE]^ RosE ET CoLAs. Nous ne S
vrons pas Sedaine dans toutes les pièces qi
donna 9 soit à ces deux théâtres, soit à celui
l'Opëra. Ce fût en i ^65 qu'il fit jouer sa p]
^ mière pièce au théâtre François. Le Philo soi
SANS LE SAVOIR parut, pour la première fois ,
3 décemLre, et eut vingt -huit reprësentatioi
Le ^ccès de cette pièce s'est toujours soutenu ,
et Ton se rappelie encore te talent que Préville
déploya dans le rèle i^Aotottie.
La Gageu&e im fujèVue y comMîe ^n tôt iicte»
fbt jouée , pour la première îcHs , le 37 m» 1 766;
et eut onze représentations.
Ratmono V, COMTE DE TouLousE , com^die
héroïque en cinq actes, en prose, tomba à U
première représentation , le 2a septembre 1 789.
Sedaine est encore l'auteur de Maillard , ou
Paius sauvée , tragédie en prose , reçue par les
comédiens^ mais qui n'a point été représentée.
Cet auteur fécond y après avoir été membre
de rAcadémie française , mourut à Pstris, le
18 mai 1797.
rtw*MN
PERSONNAGES.
liA Bf AKQVISE IXE CeÀIAVILLE.
Lb MAftQtPfi ^t^ GlkÀlKYXLLE,
iHoasrxtriL Détieulette.
Mademoiselle AsélaIde*
GOTÏE»
iDuBOis, concierge.
Lafleur, domestique^
La Govyeevavte <le mademoÎMlIe Â'délftfde,
Lft seèae est aa château ida msetqms»
LA
GAGEURE IMPRÉVUE,
COMÉDIE.
■»^»^<^^<^»<
SCÈNE I.
GOTTE, seule.
^ové nous plaignon» , nous antres Jomestiqties,
et BOUS avons tort. Il est yrai que nous ayons k
souffirir des caprices , des humeurs , des brusque*
ries , souvent des querelles dont nous ne devinons
pas 11 cause ; txia(i&^ au moins , si cela fâche , cela
désenoUie. £h ! l'ennui I . . . . l'ennui ! ...» ah t c'est
une terrible chose qUe Tennui..... Si cela dure en*
core deux heures , ma maîtresse en mourra. Mais ,
pour une femme d'esprit, n'avoir pas l'esprit de
s'ai&user, cSla m'étonne. C'est peut-être que , plus
on a d'esprit, moins on a de ressources pour se
désennuyer. Vivent les sots pour s'amuser de tout!
Ahl la voilà qui quitte enfin son balcon.
6 LA GAGEURE IMPRÉVUE.
SCÈNE IL
GOTTE, LA MARQUISE.
GOTTE.,
JIàdàimx a-t*eUe vu passer bien du monde?
LA MARQUISE.
Oui, des gens bien mouillés^ des voiturieri
des pauvres gens qui font pitié. Voilà nne journc
d une tristesse.... La pluie est encore augmentée.
OOTTE.
Je Hke sais si mttdiitti«f s'ennuîe; mais je vous ai
0ure que moi...'. De «e c«mps-lè^, on est toute j
•ne Fais oo^mene;
LA HAnQiriSE.:
IL m'est v«mï Tickéé k |>ius ïbile.... ^S^'il Mo
^assé «ur le grand chemin qivelqa'un qui eût e
^gure humaine y je Tauroîs fait appekr pour m
tenir compagnie. ,
OOTTE.
Il n'est point de cavali«r qui n'en*eût été bie
aise. Mais , madame , monsieur le marquis n*aui
pas lieu d'être satisfait de sa chasse.
" LA MARQUISE.
Je n'en suis pas fâchée.
GOTTE.
Hier au soir vous lui avez conseillé d'y aller.
LA MARQUISE.
11 en mouroit d'envie, et j'attendois des visite
La comtesse de Wordacle. . . .
8CË19E II. y
GÛTTX.
Quoi î cette dame si laide ?
LA MAliLQVf &S.
ie ne hais pas les ieœmes laides.
Voos pourriez m^me aimer les jolies.
LA MARQUISE.
Je badine, je ne hais personne. Donnez-moi ce
livre. (Elle prend U livre,) Ah ! de la morale ; je ne
lirai pas. Si mon clavecin. ... Je vous avois dit de
faire arranger mon clavecin ; mais vous ne sofigez
à rien : s'il étoit acedi^dé^ j'en toucherois..
«OTTB.
11 1 est , madame » le &ctear eftt. veau ce matin«
I.A mabquisz.
J*en jouerai ce soir, cela amusera monsieur de
Clalnville. . . . Je vais broder..., Non, approchez
une table , je veux écrire. A h dieu !
G o T T E , approchant une table.
La voilà.
lA MAEQYTiSE te met à table, rêve, regarde des
ptunies', et les jette^
Ah ! pas u<ne seule plume en état d'<écrire.
eoTTS.
En voici dq toutes neiivei. •
LA tilARQVlSE.
l^ensez- votts qtie je ne les voie pas ? . . • Faitet
^nc fermer cette énétw notoj je taie m'y re-
mettre, laisse». (Là marquise va se rtmettfe htap"
nitre.)
i
'■' -*
; rX^
8 X!à GAGEURE IMPRÉVUE.
GOTTE, à part'.
Ah! cle l'humeur, c'est un peu trop. Voilà donc
de la morale , de la morale. Il ifaut que je lise cela
pour savoir ce ^ue c'est que de la morale. {Elle Ut.]
Essai sur l'homme. Voilà une singulière morale.
Il faut que je lise cela. (Eite remet ie livre. )
LÀ ttAAQUISE.,
Gotte , Gotte.
GOTTE* ■
^Madame^r
LA MAftQtJlSE.,
Sonne quelqu'un. Gela sera plaisant*.. Ah! c'est
un peu.... Il faut que ma réputation soit aussi
bien établie qu'elle Test pour risquer cette piai-
santerie.
SCÈNE IIL
LA MARQUISE, GOTTE, UN LAQUAIS.
tA MAEQUiSE, au laquais»
Allés vite à la petite porte du parc ; vous ver~
rez passer un officier qui a un surtout bleu , un
«ihapeau bordé d'argent» Vous lui direz : Mon-
sieur, une dame que vous venez de saluer, vous
prie de vouloir bien vous arrêter un instant. Vous
le ferez entrer par les basses-^eours. S'il vous de-
mande mon nom ^ vous lui difez que c'est mdlâam«
U coaateftse de Wordacle..
SCÈNE m. ' (^
I.E xaqvais..
MâcUvie la comtesse de Wordacle ?
X.A MARQVISE.
Oui , courez vite.
SCÈNE IV.
L'A MARQUISE, GOTTE*
gotte.
Mas AME la comtesse de Wordacle ?
I.A'JiAllQUX»E*.
Oui» ,
GOTTE.
Cette comtesse si vieille , si laide , si bossue }
LA MARQUISE.
Oui , cela sera très singulier. Partout où mon
officier en fera le potllraît , on se moquera de lui.
GOTTE. '
Connoîssez^vous cet officier ?
I.A MARQUISE..
(fon.
GOTTE.
Ehî madame, s'il Votos connpit?
LA MARQUISE. . .
En ce cas le dome9ti<|U.e n'avoit pas le sens
commun : il aura dit un nom pour i^n autre. .
GOTTE.
Mais , madame j avez^vous pemsé ? . . .
■ ^
i
lo LA GAGEURE IMPRÉVUE.
LA XABQVISE*
J'ai pensé à tout : je ne dinerti fiai lealfe. En
fait de compagnie à la campafgne^ on prend c»
qu'on trouve.
GOTTK.
Mais si o etoit cpelqu W qui ItcoonVint pas à
madame ?
LA MABQUIflE.
Ne vais- je pas voir quel homme c'est ? Faites
fermer les fbnêtres« (GoUe «Nuié.)
SCÈNE V.
GQTTE, LA MARQUISE, LAFLEUR.
(La maïquise tire son miroir de poche; elle regarde si ses
cheveux ne sont pas dérangés, si son rouge est iNen. )
LAFLEVii , aftrès avoir fermé la fifuéirCf parle à fo^
reille de OotU , et finit en disant :
Je lai yu.
OOTTE.
Ah ! madame , voilà bien de quoi vous désen-*
nujer. Il y a une dame enfermée dans l'appartc^
ment de monsieur le marquis.
LA MARQUISE.
Qu'est-ce que cela signifie ?
OOTTE..
Parlé , parle : conte donc .
LAFLEUR.
MadameMM (A OotteJj Babîllardec
Il LA GAGEURE IMPRÉVUE,
LAFI.EVII.
Ah ! madame , Toadrois-je. . . .,
LA MARQVISE.
C'est sans doute quelque femme que le co
cierge aura fait entrer dans l'appartement. Faii
venir Dubois. Lafleur, n'en ayez-Vous parlé à p
sonne ?
LAFLEVR
Hors à mademoiselle Gotte,
LA MAnQUISS.
Si l'un ou l'autre vous en dites un mot^> je to
renvoie. Faites venir Dubois. '
SCÈNE VI,
LA MARQUISE, GOTTK.
G o T TE , faisant ia pleureuse^
' Je ne. crois pa», madame ,^ avoir jamais eu
malheur de manquer envers vous : je n'ai jama
dit aucun secret.
LA MARQUISE..
. Je vous permets de dire les miens.
a o T T E.
' Madame , estr.il possible... que •vous puissiez,
penser. . . , que. ...
LA MARQUISE..
Ah ! ah ! vous allez pleurer ; je n'aime pas c<
petites simagrées : je vous prie de finir, ou all<
dans votre chambre ^ cela se passera*
SCÈNE VIT. l3
SCÈNE VIL
LA MARQUISE, GOTTE, DUB0IS«
LA BKAUQUISE.
MoHsisuB DuboU, qu'est-ce que cette jeune
personne qui est dans l'appartement de mo^
mari ?
DUBOIS,
Une jeune personne qui est dans Tappartement
de monsieur ?
LÀ MARQUISE.
Je vqls que tous cherche! à me mentir : mais ]e
FOUS prie de songer que ce seroit me manquer de
respect ; et je ne le pardonne pas.
DUBOIS.
Madame, depuis Tingt--sept ans que j'ai Thon-
neur d'être Talet-de-chambre à monsieur le mar-
quis , il n'a jamais eu sujet de pen^ser que je pouvois
manquer de respect; et lorsque les maîtres font
tant que de vouloir bien nous interroger. ... il y a
ouze ans • madame. » •
LA MARQV'ISB.
Vous cherchez à éluder la question; mais je
TOUS prie d'j répondre précisément. Quelle est
cette jeune personne qui est dans le cabinet de
M. deClainville?'
DUBOIS.
Ah ! madame , tous pou^e». me perdre ; et si
monsieur sait que je tous l'ai dit,.. Peut-être veut"
U en faire un secret.
Théâtre. Com^di«s. l3« 2
-^
K"^'
<\,
■^(
A>
n.
i4 LA GAGEURE IMPRÉVUE.
LA MABQUISE.
£h bien ! ce secret , vous n'êtes pas venu me
trouver pour me le dire. M. de Clainyille saura
que je vous ai interrogé sur ce que je savois , et
que vous n'ayez osé ni me mentir ni me déso-
béirj, '
DUBOIS.
Ah! madame, quel tort cela pourroit me faire!
LA MABQUISE.
Aucun. Ceci me regarde ; et j'aurai assez de pou^^
voir sur son esprit...
DUBOIS.
Ah ! madame , vous pouvez tout ; et si vous in-
terrogiez monsieur , je suis sûr qu'il vous diroit...
LA MABQUISE.
Rcvenona à oc qne je vou» demandois. Sortez ,
Gotte.
GOTTC , h part, en s'en allant.
On ne peut lien savoir avec cette femœe-là.,
SCÈNE VIIL
LA MARQUISE, DUBOIS.
LA MAaQUISS.
Vous ne devez avoir aucun sujet de crainte.
DUBOIS.
Madame , hier an matin , monsieur me dit : Du-
bois, prends ce papier et exécute de point en poinll
ce qu'il renferme.
hA MARQUXtK.
QaeT papier?
DUBOIS.
Je crois l'avoir encore : le roici.
tA mauquisk.
Lisez.
DUBOIS»
C'est de la main de monsieur le marquis. « Ce
u jeudi a 6 du courant , au matin. Aujourd'bui , a
tr cinq heures un quart du soir , Dubois dira k sa
ff femme de s'habiller et de mettre une robe ; à six
« heures et demie il partira de chez lui avec sa
Il femme, sous prétexte d'aller promener. Â sept
« heures et demie , il se trouvera à la petite porte
« du parc. A huit heures sonnées, il confiera à sa
« femme qu'ils sont là Tun et l'autre pour m AU
K tendre. A huit heures et demie... »
LA MARQUISE.
Voilà bien du détail. Donnez , donnei^. ( Elle
parcourt le papier des yeux.) £h bien 7
DUBOIS.
Monsieur est arrhré à dix heures passées. Ma
femme mouroit de froid : c'est <|iÉ'ii éte^ît suf^nu
un accident à la voiture. Monsieur étoit dans sa
diligence; il en a fait descendre dfemrx fomfaes ,
l'une jeune et l'autre à^fée. 11 a dit à ma femme :
€oiijiiiisezr>ies dans mon apparteaàent par l^tre
escalier. Monsieur est rentré. Il n'a dit -à lai plus
jeune que deux mots » et il nous les a recomman-
dées.
(
i6 LA GAÔEl/RÈ IMPHÉVUE*
BA MAKOV'lSE.
r
Êh ! où ont-elles passé la nuit ?
Dû dois.
]!)ans la chambre de ma femme , où j'ai* dr^s s
ttn lit«
£A MARQUISS.
Et monsieur n'a pas eu plus. d'attentions pou
•Hes?
Dubois.
Vous me pardonnerez , madame : il est revem
ce matin avant que d'aller à la chasse ; il â fait de
mandçr Ta permission d'entrer ; il a fait beaucou]
d'honnêtetés y beaucoup d'amitié & la j)eune per
tonne j beaucoup, ah! beaucoup.,
(A MARQUIS tr.
Voil^ ée que je ne vous demande pas. Et voua
ne yojez pas à peu près quelles sont ces femmes î
.nvBais*
Madame, j'ai exécuté les ordres -binais mafemm€
m'a> dit que c'est quelqu'un comme il faut* ^
X.A mabquisk.
Amen!ez-Ie»-moi<t
DUBOIS^
Ah , madame I
"" iiJf MA&ÔUlSBi.
Oui , prrez>les : dites'-leur que j« le» prie de voti»
loir bien passer chez moi.
DUBOIS.
Mais si....
SCÊN£ VIIIv ly
LÀ MA&QUISE.
Faites ce que je ivons dis , n'appréheBdez rien.
Faites- rentrer Gotte.' <
SCÈNE IX.
LA MARQUISE, 5eu/e.
Ceci me paroit singulier... Non, je ne peux
croire. ..« Ah! les hommes sont bien trompeurs....
Aa reste , je rais yoir.
SCÈNE X.
LA :MARQUISE, GOTTE.
LA MABQUISE.
Je tous prie de garder le silence sur ce que
TOUS pouvez savoir et ne savoir pas. (A part,) Je
luis à présent fâchée de mon étourderie et de mon
officier. (A Gotte.) Sitôt qu'il paroitra. . .
GOTTE. .
Qui , madame? ,
LA MAUQUISC.
Cet officier. Vous le ferez entrer dans mon petit
cabinet : tous le prierez d'attendre un instant , et
TOUS reviendrez.
LA. GAGEDHE IHPREVUE.
SCÈNE XI.
U'A'MQUISE, DUBOIS, ADËLAÏDE,
LA GOUVERNANTE.
LA HAItqnilE.
[ADCOfoiSELLC, jatoiatris Acbée de tTonbltr
e lolitnde , maii il faut qae monsieur le Inl^
ait eu des raisoaB bien esteniielle* pour nu
ei que tous étiez dans son appartenient. J'at-
9 de TOUS la découverte d'un mj'stiK auui
ulier.
eue femme est ï vous? I
ni , madame , c'est ma gonTCTnante.
lA aABQDISE.
ermettei-moi de la prier de passer dans mon
ADilAlDI.
[adame , depuis mon enlknce elle De m't point
Eée ; permettex-Ibi de tester.
LA >IAKt)nilE, àDttioU.
Tinceiaii siige, et sortez. (DaùoU avaace un
:. La marijuise montre un tiige plat lain.) As-
i-Tons , la bonne ; assejei-Tons , mademoiselle.
te l'honnSteté qui patoit en tous deroit ne
I
SCÈNE XL 19
point faire hésiter ntonneur- U marquis de yous
présenter chez moi.
J'ignore , madame , Ué raif oaa qui l'en ont em-
pêché : j*anroi8' été la prèmiàre k lui demander
eette j^ce , si \e n- apprenois i linatant que j aroia
rhonneur d'être chez ydus..
ftA. Bf'AAQVirB».
Vons ne sayiez pas ^
AnéitAlDE.
Non , madame.
L'A MAaQuiaa.
Vous redouhlez ma ouriosité.
A>DétAiD«.
Je n'ai nulle raison pour ,ne pas la satisfaire ;
monsieur le marquis ne m'a jamais recommandé le
secret sur ce qui me eonoemé.
£A MAaQ9ISE«
Y a-t-il long-temps qu'il a l'honoeur de youi
connoître ?
ADÉLAi&B»
Depuis mon enfance , madame. Dans le couyent
«A j'ai passe ma yie , je u'ai connu que loi pour
tuteur , pour parent et pour ami.
lA MABQUiSE, à la gouvernante.
Gomment se nomme mademoiselle ?
LA GOUyEAVAI|fTE.
Madnnoiselle Adélaïde*
£A'atABQQlftS« ^
Voiiif d'aaitre nom ?
20 LA GAGEURE IMPRÉVUE.
LA GOUVERITAVTEm
Non , madame.
LA MARQUISE.
Non!... Et vous me drrez, mademoiselle, que
vous ignorez les idées de monsieut le marqais en
TOUS amenant chez lui , et en vous dérobant à tons
les jeux ?
A DE la! DE, '<^'i<ii Ion un peu sec.
Lorsqu'on respecte les personnes, on ne les
presse pas de questions , madame ; et je respectois
trop monsieur le marquis , pour le presser de me
dire ce qu'il a voulu me taire.
LA MARQUISE.
On ne peut pas avoir plus de discrétion.
ADELAÏDE.
Et j'ai déjà eu l'honneur devous dire, madame,
que j'ignorois que j'étois chez vous.
LA MARQUISE.
Vous me le feriez oublier.
ADÉLAÏDE, se levanU
Madame , je me retire.
LA MARQUISE^ levée, d'un ton radouci.
llademoiselle , je désire que monsieur le mar^
quis ne retarde pas le plaisir que j'aurois de tous
connoîtrc
< A DÉLAI DE.
Je le désire aussi.
LA MARQUISE.
Il a sans doute eu des moti£i que je ne Croîs in«
jurieui ni pour vous pi pour moi : mais cbayenez
SCÉîTE Xr. ^ 211
qoece mystérieux sHence a besoin de tons les sen-
timents que TOUS inspirez pour n'être pas mal in-
tcrprété^.
ADÉLAÏDE.
J'enr conyieoES , madame : et pour yons confirmer
dans ridée que je mérite que l'on prenne de moi f
je yons dirai quelle est ïa mienUe sur la conduite
de M. Glaittyille à mon égaïd. Il ly a quelques'*
Biois. . . •
LA HAAQVISE.'
Assejes-yoQs , je- yons en prie.-
Ai^LiiDE s'asùed-f ainsi que la marquise et la ^ea-
cernante.
Il j » quelques mois que M. de Glainyille yint^
2lmoB'Couyent; il étoit acc<»Bpagné d'un gentil-
homme de ses amis : il me le présenta. Il me de*
manda, pour lui, la permission de paroître à la
grHle i je l'accordai. Il j yint.-.^. je l'ai vu.... quel-
quefbis... souvent même ; et lundi passé, monsieur
le marquis reyint me voir : il me dit de me dispo-
ser à sortir du couvent. Dans la conyersation qu'il
eut ayec moi , il sembla me préyenir sur ntL chan-
gement d'état. Quelques jours après (c'étoit hier)
il^ est revenu un peu tard; «ar la retraite étoit soU'
née.- Il m'a fait sortir, non sans quelque chagrin ;
j'étois daus ce couyent dés l'enfance; et il m'a
conduite ici. Voici, madone*, toute mon histoire :
et s'il étoit possible que j'imaginasse quelque sujet
de craindre l'homme que je respecte le plus , ce
seroit prés de yous que je* me réfugierois.
LA GAGEURE IMPRÉVUE.
SCÈNE XII.
L le DOmme H. Détieulette.
[. Détieulette l
Dans mon oabiaet. Faites-le ensuite entrer ici,
serai dam nn moment. (A Adilaide.) Mademoi'
e, je ne croi» pas qu« M. de Clainville mg
re long-temps du pUiafr de tous voir. Je ne
dirai pas que j'ai pris la liberté de l'anticiper :
rouB demanderai, mademoiselle, de Vouloir
a ne lui en rien dire.
ADÉLAÏDE.
Madame , j'obsecreiai le même lilence.
lA MABQUtSE, h Golte.
Fattei entrer Dubois. Ah!,..
SCÈNE XIII. a3
SCÈNE xin.
U marquise; DUBOIS, ADÉLAÏDE, LA
GOUVERNANTE, GOtTE.
LA l^ABQUISE.
Dubois , ayez pour mademoiselle tous les
égards , toutes les attentions dont vous êtes capa^
Me. Vous ne dire* point à nonâieun: le marquis
que mademoiselle a bien touIu passer dans mon
appartement, à moins qu'il ne yous U demande.
Madenvoiselle , j'espère qne. , . ..
▲ Dél.Ai21B«
Madame...*
(La marquise reconduit jusijafà la deuxième porH*
Gotte est resUe : eile voit entrer M. Détieulette, )
OOTTE.
Il n'a pas mauyaise mine : elle peut le &ire res*
ter à diner.
SCÈNE XIV.
M. DÉTIEULETTE, LAFLEUR.
M. DETIEULETTE.
Tu demeures ici ?
LAFLEXT&.
Chez le marquis de Glainville.
M. DÉTIEULETTE.
Chez le marquis de Clainyille ? On m*a dit la
comtesse d« Wordacle. J
LA GAGEURE IMP&ËVUE.
dame a dooné ordre de le dire.
dre de dite qu'aile ae nommoit la coaitei«
ordacle?
i , mongienT.
l'asl-ce que cela vi
I la dit k la chasie.
est - il pas à HoDtfôrt ? Je comptoii 1'^ troir
tevient-ilce »oir7
: , madame l'attend.
lis avoir tait dite qu'elle se nommoit U Ci
de Wotdacle : je n'y conçois rien.
1 toujours Champagne
ii, je l'ai laissé demère, son cheval n'a pu
uivre : mai» voilà' un singulier hasard ; et t"
is pas le motif....
SCÈNE XIV- aS
^APLEUA.
ffon , monsieur : mais- ne dites pas.». Ah ! voilà
siadame.
SCÈNE XY.
LA MARQUISE, M. RÊTIEULETTE , GOTTE.
LA/ MARQUISE.
Quoi! monsieur le baron , vous passez devant
mon château sans me faire Tbonneur... Ah! mon-
sieur... ah! que j'ai de pardons a vous demander :
je vous ai pris pour un des parents de mon mari -,
et je vous ai fait prier de vous arrêter ici un mo-
ment. Je comptois lui faire des reproches^ et ce
sont des excuses que je vous dois.... Ahl mon-
sienr. . . . ab ! que je suis fâchée de la peine que je
vous ai donnée !
SI, DtTIEUIiETTJE.
Madame....
tk IIABQUISE.
Que d'excuses j'ai avons hiveï
M. DÉTIEULETTE.
Je rends grâce à votre méprise ; elle me pro^
cure l'honneur de saluer madame la comtesse de
Wordacle.
lA JtfA&QUISE.
Ah! monsieur, on ne peut être plus confuse
que je le suis : mais , Gotte , mais vojez comme
monsieur ressemble au baron.
nUtre. Comédie*; i3. 3
LA GAGEURE lUFRËVlIE.
madame , k t'y méprendre.
t reriens pas ds mon étoanemeot : mimt .
lime air de tète.
SCÈNE XVI.
RQ0ISE, M. DÉTIEDLETTE, GOTTE,
UN MAITRE D'HOTEL.
ienr, restez; peut-être n'avei-rou» pu
onsieur, quoique je n'aie pas l'hoonfur di
anoilre
, au maUn d'hSUl.
derex, moniienr. me donner le temp*
' de votre esprit l'opiaion d'étourderî*
8 devez, sauB doute, m'accorde!.
ieuUlU donne U main . ih fitMcal du» U
laUe à nuuigtf.)
SCÈNE XVII. ft7
SCÈNE XVII.
GOTTE, seule.
A H f pour celui-là , on ne peut mieux jouer la
comédie. Ah! les femmes ont un talent merveil-
leux. Elle la dit, elle ne dînera pas seule. Je ne
reyiëns pas de sa tranc[uillité«
SCÈNE XVIII.
GOTTE, LAFLEUR.
( Gotte lève mi coussin âe bergère , et tire de dessous uim
manchette qu elle hrode. Lafleor paroit, die est prêta
à la cacher, et , voyant que c'est Lafleur, elle se remet
à broder. liafleur a une serviette à k main , comme uif
domestHpie qui sert k table. )
LAFLEUR.
EvriN on peut causer.
OOTTE.
Ahl te voilà ? je pensois à toi. Tu ne sers pas à
table?
LAFLEUll.:
Est-ce qu'il faut être douj^ pour servir dieux
personnes ?
GOTTE.
Et si madame te demande ?
^ LAFLEUR.-
Elle a Julien. Je suis cependant fiche de n'être
|MS resté ; J'aurois écouté. (1/ tire te fil de Gotte, )
i
a« LA GAGE-URE IMPRÉVUE.
Finis dotic.
C'est (jae je t'aime bien.
AJi ! tu iDainie» ; je veui bien le croire. Hais il
hat avouer qire tu es bien simple, avec tes niai-
(^.
II
Quoi donc?
Madame, surTOtre respect. Hadanie, réfère
parler. Madame, j'ai eu l'honaeui' d'aller au bout
(Pendaalca coaplel , Laflear Ht. )
Ah! ah!
Eh! de quoi ris-tu?
Comment! tu es la dupe décela, toi? .
Quoi '. la dupe ?
Oui , qnand je parle comme cela à madama-.
Sans doute.
Et que je fais le nigaud.
GOTTZ.
Commenta
Je le iaÎA «xprès*
Ta le fais exprès?
LAFLEtA.
Ta ne sais donc pas comme' les maîtres sont
aises quand nous leur donn'ons occasion de dire :
Âh! que ces gens-là sont bétes! ah! quelle ineptie!
ah! quelle sotte espèce! Ils dey roient bien manger
de rherbe, et raille autres propos. Cest comme
s'ils disoient à eux-mêmes : Âh! que j*ai d'esprit!
ah! quelle pénétration ! ah! comme je suis au-deS'
sus de tout ça! £h! pourquoi leur épargner ce
plaisir-là ? Moi je le leur donne tolfjours , et tant
qu'ils veulent , et je m'en trouve bien : qu'est-ce
que cela coûte?
GOTtE.
5e ne te croyois ni si fin ni si adroit.
L AELE un.
J'ai déjà fait cinq conditions; j'ai été renvoyé
de chez trois pour avoir fait l'entendu , pour leur
avoir prouvé que j'avôis plus de bon sens qu'eux.
Depuis ce temps-là, j'ai fait tout le contraire, et
cela me réussit ; caiç j'ai déjà devant moi une assez
bonne petite somme, que je veiix mettre aux pieds
de la charmanse brodeuse, qui veut bien.... (Il
vtoX VemJbroêter,)
3.
LA GAGEDHE IMPRÉVUE.
, Gotie, j'ii In dans nn livre TeUJ,'(pi«
re fortune , il *uŒt de d aroic ni hoDuenr
lumeuT prèi , ta fortune eit bile.
, m as In. Eit-œ qae tu >ai> lice ?
Quand je tuii
lillreni^rirc
lenou^, et pourvu qu'oi
l'on taue bien 5<
peu itupide, attaché, lecret, Toilh tant.
etii fortune. Mail avant , A ma charmante
Gnis donc , finis donc , finii donc ; tn m'ai
1er mon Ùl. Tieni, tes loaDcliettes seront
M*ad elle* Tondront. [EiU lu ;eUe pat
afltur ia eanuate. )
I respectez îoliment mes maoehettes. Ah!
m brodé. Hais les as-tu comMeucées ponc
SCÈNE XVIII. ai
«OTTE.
Donne , donne. Tn as donc ^peur d« faire TOtr k
nadame que tu as de l'esprit !
LAPLEUn.
Oui yraiment.
GOTTE.
Vraiment : mais ne t'j fie pas ; madame voit
tout ce qu'on croit lui cacher. Il j a sept ans que
je sois à son service, je l'ai bien observée : c'est
un ange pour la conduite , c'est un démon pour la
finesse. Cette fincsse-là l'entraîne souvent plus
loin qu'elle ne le veut , et la jette dans des étour^
deries;étourderies pour toute autre, témoin celle-
ci; mais je ne sais comment elle fait. Ce qui me
désoieroit-, moi , finit toujours par lui faire hon-
neur. Je ne suis pas sotte : eh bien! elle devine
une heure avant que je parle. Pour monsieur le
marquis , qui se. croit le plus savant , le plus fin, le
plus habile , le premier des hommes , il n'est que
l'humble serviteur des volontés de madame ; et il
jureroit ses grands dieux qu'elle ne pense , n'agit
et ne parle que d'après lui.. Ainsi, mon pauvre La-
fleur y meta-toi à ton aise , ne te gène pas , déploie
tous les rares trésors de ton bel esprit , et près de
madame tu ae 8«ras jamais qu'un sot^ entends»
te.'
ItAFLEUa.
£t avec cet esprit-là, elle n'a jamais ett la Bi»in^
dre petite afiaire de coeur ? là , qudque. • .
•
3ft LA GAGEURE IMT-R^ÊVUE,
aoTTi«
Jamais. f
LAFLEU^n.
Jamal»! On dit cependant monsieur jaloux.
G O T T E»
Ah! comme cela, par saillie. G est elle bien plu-
tôt qui seroit jalouse. Pour lui , il a tort , car c'est
presque 1^ seule femme d:e laquelle je jurerois , et
de moi , s'entend.
LÂFlEUR.
Ah ! sûrement. Mais cela doit te faire une assez
mauvaise condition.
• gOtte.
Ah! madame est fort généreuse.
LAFLEUn.
Imagine 'donc ce qu'elle seroit , s'il y aroit
quelque amourette en campagne. Avec des maîtres
qui vivent bien ensemble, il n'y a ni plaisir ni
profit. Ah! que je voudrois être à la place de
Dubois !
GOTTEw
Pourquoi ?
LAFtEtJB.
Pourquoi ? Et cette jolie personne enfennée
che£ monsieur , n'est-<;e rien ? Je parie que cr e$t la
plus charmante petite intrigue. Monsieur va l'en-
voj^er à Paris , il lui louera un appartement , il la
mettra dans ses meubles ; le valet-de-chambre fera
les emplettes ^ c'est tout gain. Madame se doutera
de la chose y ou quelque bonne amie vien^dra en
■^•-*— .... j*--
poste de Paris pour lui eu parler , sans le faire ex>
près. Àhl Gotte,.si tu a« de lesprit, tar fottune est
hite. Ta feras de bons rapports , y rais ou faux, tu
attiseras le feu, madame se pilera, prendra dé
1 homeur et se vengera. Groirois-tu que je ne l'ai dit
à madame <pie pour la mettre dans-Iè goÀt de se
»eQger ?
gott£.
Tu es tin dangereux coquin^
LArLEUR.
BoTn! qn'est-ce que cela* fait ?" Il' ^r a' sept dnSj
dis-tu ,. que tu es à son service ?' Il- feut qu'un do^
mestique soit bien sot , lorsqu'au bout de sept ani
il ne gouverne pa*-son maître.
GOTTE.
Il ne^iamifoit pas s y jouer avec madafift ; elle
ne jeteroît l^eomme uue épingle:
I.AF&KtTRli.
Voici y. par exemple, pour elle ime belle occa^»
sien : Bf Détieulette est aimable.:
ftOTTE,
Monsieur?'..,
&^AFI.EI7]t.r
Monsieur' Détieulette , cet officfer;
GOTTE.-
Est-ce que tu le connois ?
CAFLEtrU.
Oui , il m'a reconnu d'abûrd. Je I ai beaucoup
va ciieKmon ancien nAltve. ILétoit étonné de me
Toir chez le marquis de Glainville.
LAGAGEDRE IHPBËVUE.
Eit-«e que tu lai udit chra^uiinétoù?
Cbei H. do CUioTille ?
Llrittri, '
Oui , k madame ds ClaÏDTille.i I
A madame de ClaioTilla? Ah! la bonae ohoM! '
i9t bien lait, avec «et détooïBi j'en tuit bîcQ 1
e. la 6neiM a ce ipi'allc mérite. |
Pourquoi donc? |
Js ne m'élonaa plai l'il h tnolt de l'appeler .
dame la comieiie : c'en que , tgus le nom it '
Domiesse de Wordacle. . . Quoi '■ on a d^ja dini? |
Comme le temps paue vite !
aoTte, cachant Ut maacheltet.
Ciel! voili madame.
SCÈNE XIX.
MARQUISE, M, DÊTIEULETTE, GOTTE.
■ ISQUISB l
Oui, monsienr, notre taxe trouvera loujoi
émeDI le mo^en de gouTCraet le vAtre. L'au'
SCÈNE XIX, 35
rite que nous prenons , marche par Une route si
fleurie , la pente est si însentible ^ notre constance
dans le même projet a IJair si simple et si naturel ^
notre patience a si pen d'hnmeur, que l'empire est
pris ayant que vous vous en doutiez..
M. DÉTlEUtETTE*
Que je m'en doutasse ou non» j*aimerois, ma-
dame , à TOUS le céder.
LA MARQUISE.
Je reçois cela comme un compliment ; malfl
faites une réflexiou. Dès l'enfance on nous ferme la
bouche , on nous impose silence jusqu'à notre éta-
blissement : cela tourne au profit de nos jeux et
de nos oreilles. Notre coup'd'oçil devient plus fin^
notre attention plus soutenue , nos réflexions plut
délicates ; et la modestie avec laquelle nous nouA
énonçons, donne presque toujours aux hommes
une confiance dont nous profiterions aisément , si
nous nous abaissions jusqu'à les tromper*
Ah! madame, que n'ai- je ici pour second le
colonel d'tm régiment dan» lequel j'aï serri , le
marquis de Glainrille!
LA MAlQVlSEi
Le marquis de Clainirille ? Vous connoissez le
ftiarqais de Glalniâlle ?
M. djItieulbtte*
Oui , madame.
(Ici GoUe écoute ayet oHtnlion,)'
36 LA. GAGEURE IMPilÉVUK
LA' MABQUISE.
Ne VOUS trompez-vous pas ?
M. DÉTIE^UL^TE.
Kon^jnadame. G estjao iiomme qui doit aToir
à présent.... oui , il doit avoir à présent cinquante
à cinquante-deux ans , de moj^ennfi taille , fort bien
prise, beaii joueur, bou chasseur, grai|d parieur,
savant, se piquant de l'être, même dans les d^taiUj
connoissant tous les arts , tous les talents , toutes
les sciences , depuis la peiqture jusqu'à la serru-
rerie, depuis Tastrologle jusqu'à la médecine;
d'ailleurs excellent ofi^cier, dun esprit droit, et
d'un commerce sûr«
(Ici GoUe sourit,)
LA MAAQUISE.
I^a serrurerie ! Ah ! vous le connoisses.
M. DÂTIEflLETTE.
Je ne sais s'il n'a pas des terres dans cette pro«
rincer '
LA MARQUISE..
£t monsieur de Glain ville vous disoit ?. . «
U, DÉTIEULETTE^
Vous le cpnnoissez aussi , madame ?
LA MABQUISE,
Beaiicoup ; et il vous disoit ?
M. DÉTIlÇUL-ETTEt.
On m'a dit qu'il étoit veuf , et «qu'il alloit ^
remttrier.
LA MARQUISE,
Non ^monsieur , il n'est pas veuf «
SCÈNE XlX, 37
M. oéTIEULETTE.
On le plaignoit beaucoup de oe <{Qe 9a fe]iiiiie«<«
!•▲ M AIIQUISE.-
Sa femme ?«>.■•
U. DÉTIEULETTE^
Ayoit la tête un peu».i.
* LA MADQUIftE.
Un peu ?
Oui , qu'elle ayoit une maladie.... d'esprit.. <•'
des absences, é . . jusqu'à ne pas se ressouTenir des
choses les plus simples , jusqu'à oublier son nom;
LA MARQUISE.
Pure cal€(tïïmei(Gotle,jfendant ce couplet y rit, et
enfin éclate, La auwquise te retourne et dit à Gotte:)
Qu'est-ce que c'est donc ?
aOTTE.
«
Madame , j'ai Un mal de dents àfTrèux.
LA M AllQtJlSË.
Allez plus loin , nous n'avons pas besoin de Vtfs
gémissements. (A M, Détieuleite,) Enfin , que voiis
disoit monsieur de Glainvillcf sur U chapitre delS
femmes ?
M. DiTIÊÙtÉTTE.
Ce qu'il disoit étoit fort simple» etâvoit l'air
assez réfléchi. Les femmes , disoit monsieur de
Clainyille : vous m'j forcez , madame , )e n'oserois
|ftiBaisv*#tf
Dites , monsieur.
Zkcâlre. CoçMdies. l3^ 4
i
S8 LA GAi&EURE IMPRÉVUE
M. 0ÉTIEULETTE.
Les femmes, disoit-il, n'ont d'empire que su
les âmes foibles; lettr prudence nest que de 1
finesse, leur raison n'est souvent que du raisoxi
nement; habiles k saisir la superficie , le juçemexi
en elles est sans profondeur : aussi n'ont-elles qiA*
le sang-froid de l'instant , la présence d'esprit di
la minute , et cet esprit est souvent peu de chose
il éblouit sous le coloris des grâces; il passe avec
elles , il s'évapore avec leur jeunesse , il se dissipe
-avec leur beauté. Elles aiment mieux.... Madame ,
c'est M. de Clàinville qui parle , ce n'est pas mot r
je suis si loin die penser. . . .
LA BfÀEQVISE.
Continuez, monsieur : elles ai<tient mieux?...
M. DÉTIEULETTE.
Elles aiment mieux réussir par l'intrigue que
par la droiture et par la simplicité; secrètes sur
un seul article, mystérieuses sur quelques autres,
d!issimulées sur tous. Elles ne sont presque jamais
agitées que de deux passions, qui même n'en font
qu'une , l'amour d'un sexe , et la haine de l'autre.
DflSîendez-vous fajoutoit-il). Mais , madame , je. . .
LA UABQUISB..
Achevez, monsieur, achevez.
M. d'étievlette.
Défendez- vous , ajoutoit-il, de leur premles
coup-d'œil : ne croyez jamais leur première
phrase , et elles ne pourront vous tromper. Je ne
SeÊN£ XIX. 3$
l'a» jamais été par elles dans la moindre petite af*
ûûre , et je ne le serai jam'aisr
LA MARQUISE.
Et monsieur de Clainyille Yons disoit cela ?
M. BÉTIEULEYTE..
A moi , madame ^ et à tous les O'fficiers qui
ayoient Thonneur de manger chez lui. Làrdessus ,
il entroit dans des détails^. . .
LA MARQUISE..
Je n en suis pas lort curieuse. Et sans, doute ,
aiessieurs, que tous applaudissiez;. car, lorsqu'un
de TOUS s.'amBse sur notre cbapitre^^. . .
M. oEt^eulette.
Je me.taiseis^ madame : mais , si j'ayois en le
bonheur de tous connoitre, quel avantage n'au-
rois-je pas eu sur lui! pour bii pronyer que la
force de la raison, la solidité du jugement....
LA MAiiQuise, uit peu piquée.
Monsieur, je ne m aperçois pas que j*abuse de
la complaisance que vous' ayez eue de vous arrê-
ter ici. Vous m*ayez dit qu'il vous restoit encore
dix lieues à faire ,. et la nuit.', . .
■»
4o l 0AG£UaE IMPRÉVUE
SCÈNE XX,
GOTTE, hA MARQUI3E, »f. DÉTIEULETTE,
GOTTE.
Mabai|e, voici monsieur le marquis.... non ,
fnonsieur \e comte qui revient de là chasse,,
LA MAnQiJisE joue l'embarras.
Quoi ! déjà ?.• O ciel ! monsieur,... Je ne sais«.,
je suis. , . 1
M. DÉTIEULBTTE,
Madame, quelque chose paroît altérer votre
tFanquillitét Serois-je la cause.. ..
«A MARQUISE.
J'hésite mr ce que j'ai à vous proposer. Mon
mari n est pas jaloux, non, il ne l'est pas, et il n'a
paft. sujet de Vétre ; mais il est si délicat sur certain
nça çboses , et la manière dont je tous ai reteau.,,
M. DÉTIEULETT^.
]|^h bien « madame ?
LA n(A|iQviSE.
Il va sans doute yentr me dire des nouvelles
4e sa chasse , et il ne reste^-a pas long-temps,
M. DIÊTIEVLETTE.. /
^^ Madame , que faut-il faire ?
LA MARQUISE,
Si vous vouliez passer un instant dans c$ cabi^-
»et?
M« DiT<EULISTT«,
. Avec plaisir,.
SCÈNE XX, 4i
LA MA&QUISS.
Vous n j serez pas long-temps. Sàtit qu'il sera
sorti de mon appartement , vous serez libre. Vous
n'aurez pas le temps de vous ennuyer ; vous pour-
riez , de là , entendre notre conversation. Je serai
même charmée que tous nous écoutiez.
SCÈNE XXI.
LA MAKQUISE, GOTTE.
LA MAAQUISE.
Ah! m. de Glainville, nous ne prenons d'em*
pire que sur les âmes foibles. ... Je suis piquée au
vif.... Oui.... oui.... il peut avoir tenu ce discours
là. . . . )e le reconnois. Lui. ... lui , qui par Tidée
qu'il a de son propre mérite , auroit été Fhomme
le plus aisé... Ah!. que je serois charmée si je pou-
rois me venger.... m en venger, là, à l'instant, et
prouver.... Mais comment pourrois-|e mj pren-
dre?... Si je lui fiûsoift raconter à lui-même, ou
en lui fusant plutôt croire... Non... il faut que cela
intéresse particulièrement mon officier.,., je veux
qu'il soit en quelque sorte. ... Si par quelque ga-
geure. (Ici elle fixe la porte et la clef en rêvant.)
M. de Clain ville.... Ah! (Elle dit cela en souriant à
iidèe ifueiU a prouvée,) Non, non.... Il seroitpour-f
tant plaisant.... Mais que risqué-^je.,.? {Elle te lève^
ti^ la eief du cakiuet avec mystère.) Il seroitbien
singulier que cela réussit* (Elle rii de son idé^ en
4.
4a LA GAGEURE IMPRÉVUE.
mettant la eief dans sa poche : elle s'assietLf) Gotte»
donne«-moi mon tac à oartage,
«OTTB.,
Le voilà*
I.A HAAÇVIiE, Pé9€U$e^
Donnez-moi donc mon sac àouvra|[e.
COTTE.,
Eh ! le yoilà , madame»
LA MABQUI9E.
Ah!
SCÈNE XXII.
LA MARQUISE, LE MARQUIS, GOTTE.
tA MAEQUiss sitr ja chaUe hngtnej et faisant des
nœuds»
£h bien ! monsieur, avez-yons été bien mouillé?
LE MARQUIS.
J'aime la pluie. Et tous, madame, ayez- tous
eu beaucoup de monde ? .
LA MAROVSK*
Qui que ce soit. Voire chasse a, sans donte, été
heureuse ?
LE. MARQUIS.
Ah ! madame , des tours perfides. Nous débusr
:|uions des bois de Salveux : voilà nos chiens ea
défaut. Je soupçonne une traversée ; enfin nous ra-
menons. Je crie! à Brevaut que nous en revojons :
il me soutient le contraire. Mais je lui àU : Vois
donc la sole pleine , les côtés gros , les pinces ron*
SCÈNE XXII. 43
()e9 , et le talon lasge ; il me soutient que c*^st une
biche brehaigne , cecf dix cors s'il en iut.
I.A M ABQUISE.
Je sais toujours étonnée , monsieur, de la pTO^
digieuse quantité de mots, de termes que seule-
ment la chasse fait emplojer^ Les femmes croieni
sayoÎT la langue françoise , et nous sommes bien
ignorantes* Que de termes d'arts, de sciences, de
talents, et de ces arts que you« appelez. . . .
LE MAAQUISr
Mécaniques.
LÀ MARQUISE.
Mécaniques. Eh bien ! voilà encore un terme*
LE MARQUIS.
I
Madame , un homme un peu instruit les sait
tous , à peu de chose près.
LA HAAQUISE.
Quoi ! de ces arts mécaniques ?
LE MARQUIS.
Oui , madame. Je ne me citerai pas pour exem-
ple : je me suis donné une éducation si singulière ;
et sans avoir un empire à réformer, Pierre le grand
n'est pas entré plus que moi dans les plus petits
détails'. Il j a peu , je ne dis pas de choses servant
aux arts , aux sciences , aux talents , mais même
aux métiers , dont je n'eusse dit les noms , j'aurois
jouté contre un dictionnaire.
(Pendant ce commencement de scène ^ M» de Clain-
vUie peut défaUe ses gants et ies donner, ainsi que
son couteau de chasse , à un domesti^iue* )
4i LÀ GAGEURE IMPRÉVUE.
LA MAEQUISE.
Je ne jouteroit dono pas contre vout ; car moi
à l'instant, je regardois cette porte, et je me <li
•ois i chaque petit morceau de fer qui sert k Is
construire, a certainement son nom; et, hors \fi
serrure, je n'aurois pas dit le nom d'un seul.
KE MARQVIS,
£li hîen ! moi, madame , je les dirois tous,
I.A MARQUISE.
Tous? Cela ne se peut pas.
LE MARQUIS,.
Jf^ le parierois.
LA MARQU1SS..
Ah! cela est bientôt dit.
LE MABQUia.
Je le parie» madame, je le parie^
LA MARQUISC
Vous le parier?
QOTTE» à pafl*
Notre prîsonniei: a bien besoin de tout cela..
LE MARQUIS*
Oui, madame, je le parie.
LA MARQUISEv
Soit : aussi-bien depuis quelques jours ai-]e be-r
loin de vingt louis,^
LE MARQUIS,
Que ne tous ad^essie^YOus à tos ami&?
LA MARQUISE»
Non, monsieur, jo ne veux pas vous: devoir un
SCÈNE XXIL 45
si feible' service; je vous réserve pour ofe plui
grandes occasions , et j aime mieux tous les gagner.
LE MARQUIS.,
Tingt louis 7
LÀ MÀllQUlSCt
Yingt lonis... soit,
OOTTB, à part.
Cela m'impatiente pour lui. Demandesi-moi Ji
^uel propos cette gageure.
I.B M4BQiris«
Soit y je le veux bien.
LA MAAQUISBt
£t vous m® direz le nom de tous les morceaux
de iev qui entrent dans la composition d'une porte |
d'une. porte de chambre, de celle-ci ?
LE MARQUIS.
Oui , madame..
LA MARQUISE.
Mais il faut écrire à mesure que vous les nom-
merez; car je ne me ressouviendrai jamais. . .
LE MARQUIS.
Sans doute, écrivons. Dubois ! {A Gotle, ) Made-
moiselle , je vous prie^efaire venir Dubois. Toutes
les fois , madame , que je trouverai une occasion
de vous prouver que les hommes ont Tavantage de
la science , de lërudition et d'une sorte de profon-
deur de jugement... Il est vraj, madame, que ce
talent divin accordé par la nature , ce charme , cet
ascendant avec lequel un seul de vos regards. * .
46 LA GAGEURE IMPRÉVUE;
lA MA«RQVISE.
Ahl monsieur, songeï que je suis votre femme »
et un compHment n'est rien, quand il est déplacé.
Kevenons. à notre gageure : vous^ voudriez , j[a
crois, me la faire oublier^
LE MAAQVlSi,.
Non , je vous assurée
SCÈNE XXIII.
lA MARQUISE, LE MARQUIS,. GOTTE,
2)UBQIS;
£A MARQUISE^
Voici 0ubois : nous n avons pas de temps k>
perdre pour prouver ce que j'ai avancé, et nou&
a vous encore dix lieues à faire aujourd'hui.
LE MAIIQUIS.
Que dites-vous, madame, aujourd'hui?
LA ^AnQUISE.
Je vous expliquerai cela : notre gageure , notre
gageure.
LE MARQVIiiv
Dubois ; prends une plume et de Jfc'encre , mets^
toi à cette table, et écris ce ^ue je vais te dicter..
LA BCARQiriSE.
Dubois f. mettez en tête : Vous Hûnnevez vingt
louis au porteur du présent , dtmt je voua tiièiidraî
compte*
LE BfA.HQiriS, *
Ils ne sont pas gagnés , madame.
SCÈNE XXIII. 47
LA MABQDISE.
Voirons y TOjons, coiiuu«nc<»i«
Madame , ces détails vont voas paroitre bien
bai, bien singuliers, bieo ignobles^
I.A MARQUISE
Dites bien brillants i je les trouverai d'or , si
j'en obtiens ce qoe je désire. Je suis cependant si
bonne , qne je veux tous aider à me faire perdre..
V'ous n'oublierez sans doute pas la serrure et les
petits clous qui rattachent.
LE MARQVIS.
Ce ne sont pas des clous; on appelle cela des
vis , serrées pat des écrous. Mettez la serrure , les
fis, leséerous.
DUBOIS, écrivanL
£crons.
LE MARQUIS.
jL'entrée, la pomme, la rosette, les fiches... «
LA MARQUISE.
Ah ! quelle vivacité , monsieur ! ah ! vous m ef^
frajez.
nu B o I s.
Les fiches..
LE MARQUAS.
Attendez, madame , tout n'est pas dit.
LA MARQUISE.
Ah! j'ai perdu, monsieur,. j'ai perdu*
48 LA GAGEURE IMPRÉVUE.
LE MAHQVIS.
Madame, un instant. Fiches à rase, fiches di
brisure, tiges, équerre , verrous , gâches
LA MARQVISE.
Ah! monsieur, monsieur , c'est fait de mes vin g
louis*.
LE MARQUIS.
Je n'hésite pas , madame , je n'hésite pas f tou»
le Tojez. Un instant, un instant.!
Dubois.
Gâches.
tA ilAAQUISE..
Mais, vojez comme en deux mots , monsieur l
LE MARQUIS*
Madame...
LA MARQUISE.
Voulez-Tous dix louis de la gageure?
LE MARQUIS.
Non, non, madame. Ëquerre, verrous , g&che».
DUBOIS*
C'est mis.
LA MARQUISE.
Dix louis, monsieur, dix louis <
tE MARQUIS.
îïon, non, madame. Ahl vous voulez parierr.^
LA MARQUISE..
£tt voulez-vous (quinze louis?
SCÈNE X:&III. 49
LE MAfBQUIS.
Je ne ferois pas grâce d'une obole. J'ai perda
trois paris la semaine passée ; il est jaste ^ue j'aie
mon tour.
1 A MARQUISE»
Je baisse pavillon \ je ne demande pa» si rouâ
avez oublié quelque terme.
LE MARQUIS»
Je ne le crois pas. Êquerre... gâches , yerroos y
lerrure.
LA MARQUISE.
Si c'étoit de ces grandes portes , vous auriez eu
plus de peine.
LE MARQUIS.
Je les aurois dit de même. Gâches , verrous*
LA MARQUISE.'
' Eh bien! monsieur, avez-vous tout dit?
LE MARQUIS.
I
Oui... oui, madame, à ce que je crois, équerrci
serrure.
LA MARQUISE.
Monsieur f ce qui me jette dans la plus grande
^ sarprise, c'est la promptitude, la précision du
coup-d'œil avec laquelle vous saisissez....,
LE MARQUIS.
Cela vous étonne, madame?
LA MARQUISE.
Cela ne devroit pas me surprendre. EnHn il ne
reste plus rien...
■lli«âue« Gomédicf» l3« 5
£^0 LA GAGEURE IMPRÉVUE.
/ «
I.£ MARQUIS.:
Qu$ de me payer , madame
LA MARQUISE.
De vous pajer? Ah! monsieur, vous êtes uc
créancier terrible. Si vous avez perdu, je serai
plus honnête , et je vous ferai plus de crédit..
LE MARQUIS.
Je n'en demande point.
LA MARQUISE..
Dubois , fermez ce papier , et cachetez-le : voici
mon étui.
LE MARQUIS.
Pourquoi donc, madame ? cela est inutile.
LA MARQUISE.
Vous me pardonnerez^ j'ai l'attention si pares-
seuse : les femmes n'ont que la présence d'espril
de la minute, et elle est passée cette minute.
LE MARQUIS.
Vous croyez rire; mais ce que vous dites là , j«
l'ai dit cent fois.
LA MARQUISE.
Oh! je vous crois. J'espère , moi , de mon côté,
que vous voudrez bien m 'accorder une heure poui
iTéfléchir et examiner si vous n'avez rien oublié.
LE MARQUIS.
Ot>E?ux jours, si vous l'exigez.
LA MARQUISE.
Non, Je ne veux pas plus de temps qu'il m
m'en faut pour vous raconter l'histoire de ma jour
née 3 et la voici. Je me suis ennujée , mais très em
SCÈNE XXIIK Si
najée'; }e me suis mise sur le balcon , la pluie m ei>
a chassée ; j'ai touIu lire , j'ai voulu broder, faire
de la musique ; l'ennui jetoit un rotle si noir sut
tontes mes idées , que je me suis remise k regarde*
ie grand chemin. J'ai tu passer un cayalier qui
pressoit fort sa monture ; il m'ft pris fantaisie de
ne pas diner seule. Je lui ai envoyé dire que ma-^
dame la comtesse de Wordacle le prioit d'entrer
chez elle«
LK MÂHQirXS.
Pourquoi la comtesse de Wordacle ?
LX MAAQUISE.
Une idée : je ne Toulois pas qu*^M sût que je
suis femme de M. de GlainyiUe, (en éUi^ant la
voix) de M. de Glainvillet qui a des terres dam;
cette proTince«
LE' mauquis.
Pourquoi?.,.
LA arABOUISE.
Je TOUS le dirai : il a accepté ma proposition.
J'ai TU un caTalier qui se présente très bien : il est.
de ces hommes dont la physionomie honnête et
tranquille inspire la confiance. Il m'a fait le corn*
pliment le plus flatteur, il n'a échappé aucune oc-
casion de me prouver que je luï avois plu*, il a
même osé me le dire ; et soit que naturellement il
soit hardi avec les femmes , ou peut-être, malgré
moi , a-t-il tu dans mes jeux tout le plaisir que
M présence me faîsoit... Enfin , que tous dîraî-je !
excusez ma sincérité , mais je connois lempire qua
$31 lA' GAGEURE IMPRÉVUE.
j'ai sur YOtre âme : dan» l'instant le plus décidé
d'une ooBversation asseï vive vous êtes arrivé ;; ei
je n'ai eu que le temps de le faire passer dans ce
cabinet , d'où il m'entend , si le récit que je vous
en fais lui laisse assez d'attention pour nous écou-
ter. Alors vous êtes entré ; je vous ai proposé co
pari as&ez indiscrètement; je ne supposoispas que
vous l'accepteriez , et j'ai eu tort, fatigué «omme
vous devez l'être , de vous avoir arrêté. . . ,.
(^he marquis par degrés prend un air térieuXj froid
etsee.)
I.E BfARQVIS«
Madame* . * .
lA MABQiriSE.
Mais. . . . Ynonsieur. ... je m'aperçois. ... Le eerf
. que vous avez couru vous a-t-il mené loin ?
LE BlARQtriB*
Non , madame.
LA MARQVYSE.
Vous me paroissez avoir quelque chagrin ?
LE MARQUIS.
Non , madame , je n'en ai point : mais ce moi^
li^ur doit s'ennujrer dans ce cabinet.
OOTTE, à part*
Ah ciel l
lA Bf ABQVISE.
N'en parlons plus , je vois que cela voua a fait
quelque peine » et jlen suis mortifiée. Je.... je.... je
Bouhaiterois être seule.
SCÈNB XXIIL 53
[Dubois él Gotle se retient, d'un air emàa^tfossé^
dans le fond du théâtrem.Golte a Voir plus ,,ef^
frayée. )
lE MARQUIS*
Je le crois..
LA ICARQUISS.
JedésixeTois....
LE MARQUIS^
£t moi je désire entrer dans ce cabinet , et voir
rhosune «pu a en la téniérité.A* >
OOT.TE.
Ah! ^elle impradenpe !
LA MARQUISE, joiiaot lUmbarros^
PenttetteL>-moî , monsieur,! de tous |>ropo8eT
on accommodenïent.:. « .
LE MAEQVIS. .
Un accommodement , madame ? Je ne vois pas
quel accommodement. . . .
LA MAAQUISEw "
Si j'ai perdu le pari , donnez-m'en la rcTanclie*
LE MASQUIS.
Madame , il n est pas question de plaisanter^
LA MARQUISE.
Je ne plaisante point , je vous demande ma re-
Tanche.
LE MARQUIS.
-Et moi , madame , je yons demande la clef de
ce cabinet , et je tous prie de me la donner*
LA marquise.^
Xa clef « monsieur?
5.
54 CA GAGEURE IMPRÉVUE.
0UI 7 la clef , la clef.
LA MARQUISE.
Et si je ne l'ai pas ?
LE MARQUIS.
Il est un moyen d'entrer : c*«0t de jeter la port#
en dedans. • •
' LA HABQUISB4
Monsieur, point de violence : ce qne Tons pro*
jetez vous sera aussi fîscile , lots^e vcms m'aurex
accordé un moment d'audience.
LE MARQVltf.
Je vous ëeonte , madame..
L'A «ARQUYSE*
Assejez-rous , monsieur*
LE MARQUIS.
tion , madame.
LA MARQUISE,
Ayant de vous porter & des extrémités qui sont
indignes de tous et de mot , je tous prie dé me
faire payer les vingt louis du pari , parce que voua
ayez perdu.
LE MARQUIS.
Ah ! morbleu ! madame , c'en est trop.
LA MARQUISE.
Arrêtez , monsieur : dans ce pari tous avez ou-
Mië de parler d nile clef, d un* dbef , d'une clef;
yous ne doutez pas qu'elle soit de lerv Yotts l'avez
bien nommée depuis avec «ne fureur et un em-
fKirtement que je n'attendoîs pas : naît H n'est
SCÈNE XXIII. 5û
plo§ temps. J*ai yoshi faire un badinage de ceci >
et TOUS faire demander à ▼ous-<même le morceau
de fer que vous avies oubliée ; mais je vois , et
trop tard, que je ne deYoi» pas m exposer à la sin-
gularité de Tos procédés. Lisez , monsieur. ( 'Elit
prend le papier, rompt le cachet, et le lui donne tout
ouvert. Il le prend avec dépit, et d'un air indécis, dis-
trait et confus.) Quant à cette clef que tous deman-
dez, tenez, monsieur, la Toici cette clef ; ouTrez
ce cabinet, ouvrez -le vous-même; regardez par-
tout , justifiez vos soupçons , et accordez -moi as-
sez d'esprit pour penser que, lorsque j*ai la pru-
dence d j faire cacher quelqu'un , je ne dois pat
avoir la sottise de tous le dire.
LC MARQUIS, cqnfus.»
Ah ! madame.
LA MARQUISE.
Quoi! TOU9 hésitez, monsieur? Que n*en(rez->
vous dans ce cabinet? je vais louTrir moi-même»
LE MARQtJIS.
. Âh ! madame , madame , c'est battre un honm^l
k terte»
LA MARQUISE.
Non , non , ce que je vous ai dit est j sans
doute , vrai.
I.E MARQUIS.
•Ah l madame , que je suis coupable !
LA MARQUISE.
£fa ! non , monsieur , vous ne Têtes point.
56 LA GAGEURE IMPRÉVUE.
LX MABQVIfl*
Madame , je tombe à vos genouz«
LA MABQUXfE.
Relevez-yous, monsieur.
LE BlAaQUIS»
Me pardonnez-vous ?
LA MAAiqfUISE.
Oui , monsieur.
LE MARQUIS.
Vous ne le dites pas du profond du coeur.
LA MARQUISE.
Je vous assure que je n en ai nulle peine.
LE MARQUIS.
Que de bonté !
LA MARQUISE.
Ce n est pas par bonté , c'est par raison. .
LE MARQUIS).
Ah! madame ,4}ui s'en seroit méfié? (En regar^
dànt le papier,) Oui.... oui. O ciel! avec quelle
adresse y avec quelle finesse j'ai été conduit à dcr
mander cette clef, cette maudite clef. (1/ /f^}
Oui, oui, voilà bien la serrure, les vis, les écrous.
Diable de clef! maudite clef! Mais; Dubois, ne
l'ai-je pas dit?
DUBOIS.
Non , monsieur, j'ai pensé vous le dire.
LE MARQUIS.
Madame, madame, j'en suis charmé, j'en suis
enchanté ; cela m'apprendra à n'avoir plus de vi-
vacité avec vous : voici la dernière de ma vie. Jt
SCÈNE xxni. 57
▼ais TOUS enrojet yos yingt louîs , et je les paia
àa meilleitr de mon coeur. Vous me pardonnes ,
■adame?
IftA MARQVISK.
Oui , monsieur, oni , monsieur.
LE MARQUIS, revenant sur ses pof,
Mail admirez combien j*étoii simple , arec Tes-
piit que je vous connois , d^aller penser.... d'aller
' eroîrcv . Ah ! je suis.^^. . je suis. . . Je yais , madame^
je Tais fûre acquitter ma dette.
lA M ABQUiSE ie conduU des ifeux, et met ta ctéf
à ta porte du cabinet.
Grotte « vojez si monsieur ne teyient pas.
SCÈNE XXIV-
GOTTE, LA llfAEQUISE» M. DÉTlEUtETTE.
LA wABQUi-sr ouvre tè cabinet.
SoBTEz,, sortez, eh bien! monsieur, sortez^
X. UÉTIEULETTE.
Madame, je snis étonné, je suis confondu do
tout ce que je yiens d'entendre.
LA MARQUISE.
Eh bien ! monsieur , ayez-yous besoin d'antre
preuye pour être conyaincu de l'ayantage que
toute femme peut ayoir sur son mari? et si j etois
plus joiie et, plus spirituelle..,,
M. néTIBUIiBTVS.
Cela ne se peut pas.
SB LA GAGEURE IMPRÉVUE.
lA MA]IQVI9X«
Encore, monsieur, ne me snis-je servi que de
nos moindres ressources. Que seroit-ce, si j'avois
fait )ouer tous lé§ mouvements du dépit , les ac*
cents étouffés dune douleur profonde; si j'avoîs
employé les reproches, les larmes > le désespoir
d'une femme qui se dît outragée? Vous ne vous
doutez pas , vous n'avez pas l'idée de l'empire
d'une femme qui a su mettre une seule fois son
mari dans son tort. Je ne suis pais moins honteuse
du personnage que j'ai fait ; je n'j penserai jamais
sans rougir. Ma petite idée de vengeance m'a con-<
duite plus loin que je ne le voulois. Je suis con-
vaincue que lé désir démontrer de l'esprit ne nous
mène qu'à dire ou h faire des sottises.
M. DÉTIEULETTE.
Quel nom donnez-vous k une plaisanterie?
^ hA MARQUISE.
Ah! monsieur, en présence d'un étranger, que
j'ai cependant tout sujet de croire un galant homme*
M. DÉTISULETTE.
Et le plus humble de vos serviteurs.
LA MAIW^UISE.
J'ai jeté une sorte de ridicule sur mon mari , sur
M. de Glainville ; car vous savez ma petite finesse
à votre égard.
M. DÉTIEUIETTE*
Je le savois avant.
LA MASQVISE..
Quoi! monsieur, VOUS saviez..»
SCÈNE XXIY. < 59
si. 2>£TlEIILBTTE.r
Que i'ayois Thonneur d'être chez madame de
Clainyilie. Un de yos domestiques me l'ayolt dit^
LA MARQUISE.
Comment, monsieur, j etois votre dupe?
M. DÉTIKULEETE.
Non, madame; mais je n etois pas la yôtre.
LA MARQUI&E.
Âhl comme cela me confond! Et cette femme
qai a des absences , qui oublie son nom? Quoi !
monsieur, yous me persiiHiez ?
M. DÉTIEULETTE.
Madame , je yous en demande pardon.
LA MARQUISE.
Âb! comme cela me confond et me fortifie dans
la pensée d'abjurer toute finesse! (£//e se promène
avec dépits) Ah ciel! J'espère, monsieur, que cet
hiyer, h Paris, yous nous ferez l'honneur de nous
voir. Je veux alors, en votre présence, demander
à monsieur de Clainyilie pardon du peu de dé-
cence de mon procédé. Gotte, faites passer mon-
sieur par votre escalier. Adieu, monsieur..
M. DETIEULETTS.
Adieu, madame.
LA MAEQVISE.
Je yous souhaite un bon yojrage^
ao LA GAGEUBE IMRRlYUE.
SCÈNE XXV. .
LA MARQUISE, #eii/e.
Gomment! il le saYoit? Ah! les hommes, les
hommes nous valent bien... J'ai bien mal agi... I]
a heureusement l'air d'un honnête homme. J'en
suis au désespoir... Mon procédé n'est pas bien -
cjela est affreux devant un éitranger , qui peut aller
raconter partout Voilà ce qui s'appelle se
manquer à soi-même.,
s
SCÈNE XXVI.
iLA MARQUISE, GOTTE.
gootte.
A H ! madame , je n'ai pas une goutte de sang dan»
les reines : vous m'avez fait trembler,
LA MAUQUOSE.
Pourquoi donc ?
GOTTE.
Et si monsieur étoit entré ?
LA MARQUISE.
Eh bien ?
GOTTE.
Et s'il avoit vu ce monsieur ?
LA MABQU'ISE.,
Alors je lui âurois demandé si, lorsqu'il tient
cachées dans son appartement deux femmes , qu'il
coanoSt depuis quinze ans , il ne m'est pas permis
SCÈNE XXVI. 6»
de eacher dans le mien un homme que je ne co»*
sois qne depuis quinze minutes.
GOtTK.
Ah! c'est yrai , je n j pensois pas.
LA M AEQUISE.
Gotte, TOUS direz à Dubois de faire demain ma-
tin le compte de Lafleur et de le renvoyer.
Madame , que peut-il avoir fait ? c*est un si bon
garçon ï il est rrai qu'il est un peu béte.
I LA MARQUISB.
' Ce n'est pas cela ; je le crois béte et malin. Je
; n'aime point les domestiques qui reportent chez
madame ce qui se passe chez monsieur. Cela peut
servir de leçon.
eoTTE, à part.
Le voilà bien avancé , avec son esprit : il a bien
' l'air de ne pas avoir me» manchettei. Madame ,
l'entends la voix de monsieur.
SCÈNE XXVII.
LÀ MARQUISE, LE MARQUIS» M. D£-
f TIEULETTE.
LA MABQtolSX»
Ab ciell
Lz MABQUis, à M. Détieuiette.
Madame , madame excusera : vous êtes en bot-
tines, vous descendez de cheval. Voici , madame ,
M. Détieulette que je vous présente^ bon gentil-*
TKéâue. Comédies. l3« 6
62 LA GAGEURE IMPRÉVUE.
homme , brave officier et mon ami , et qui nous ap-
partiendra bient6t de plus près que par ramitié.
Voici les cinquante louis; j'ai voulu vous les ap-
porter moi-même.
LA MARQUISE.
Cinquante louis'? Ce n est que vingt louis-.
LEBlABQUIS.
Cinquante, madame; je me suis'mis à Tainende.
Je vous supplie de les accepter , au disespoir de
ma vivacité.
tA M'AKQOISB.
C'est moi qui suis interdit-e.
LE MARQUIS.
Je ne m'en ressouviendrai jamais que pour me
corriger.
LA MARQUISE.
Et moi de même.
' LE MARQUIS.
Vous, madame.? point d-u tout; vous badinez.
Mon, cher ami, vous n'êtes pas au fait; mais je
vous conterai cela : c'est un tour aussi bien joué. ..
il est charmant , il est délicieux : vous jugerez de
l'esprit de madame et de toute sa bonté. Puisse
celle que vous épouserez avoir d'aussi excellentes
qualités!... Elle les aura, elle les aura, sojez-en
sûr.
M. DÉTIEULETTE.:
Je crois que j'ai tout sujet de le «ouhftiter.
IiA, MAftQUISE^
Honsieur..^.
SCÈNE XXVII: 65
LE mauqvis.
Madame, retenez ménHeiiT ici un instant. Ahl
von ami , quelle satisfaction je me préparc ! Je re^
riens , je reviens à Tinstant.,
SCÈNE XXVIII.
M. D£TI£UL£TT£, LA MARQUISE*
LA XAnQtrtSE,
s H bien ! monsieur , tout lie sert-il pas à atigmei»^
ter ma confusion? M. dé Clatnt^ille vous a dono
rencontré ?
M. DÉTlEUtSTTE.
Non , madame , je me suisv lait présetiter ches
Ini : il sortoit; il m'a conduit Ici. Lorsiqpae j'ai eu
l'honneur dé yous saluer &ur le grand chemin,.
c>st cher, luj que je descendois , c'est chez M. de
Glainville que j'arois affaire. Juget de ma suiv
prise, lorsqu*àyec un air de mystère on m'a fait
entrer chez tous par la petite porte du parc î ajou-^
tez-j' le changement de nom. Je tous l'ayouerai ,
je me suis cru destiné aux grandes ayentures.
LA MARQtrïSE.
Eh ! que veut dire M, de Glainyille , en disant
que TOUS nous appartiendrez de plus près que par,
l'amitié?
M. néxiEULETTE.
C'est à lui , madame , à yous expliquer cette
énigme ; et il me paroit qu'il n'a point le dessein
de TOUS faire attendre.. Le ybici. Ciel î! c'est made-
moiselle de Glainyille,
6f LA 6A&E0RF tMCRËVUE,
SCÈNE XXIX.
LA marquise; le marquis, m. r>lÈ^
TIEULETTE, GOTTE, AD£LAÏD£^
lAGOUYERSANTR.
Oui , la Toilà : egt-il rien ile plus ftimaMe? Mon
ami, recevez Tamour des mains de Tamiti^. Ma-
dame, TOUS ne sayifiz pas avoir mademoiselle dans-
votre château; elle j est depuis hier : je suis reur-
tré trop tard, et }e^ suis aujourd'hiii sorti trop ma-
tin, pour vous 1» présenter. Elle nous appartient
de très près; e*est la fille de feu mon frère , ce pau<
vre chevalier mort dans mes bras>:^la journée de.
I^aufeld. Son mariage n'étoit su que de moi* Vou&
approuverez certainement les raisons qui m ont
forcé de vous le cacher : mon père étoit si dur , et
dans la feumille.». je vous expliquerai cela..Machère>
6Ue » embrassez votre tante^
LA MAR<}UIS£..
C est , je vous assure , de tout mon co&ar.
Et moi , madame , quelle satisfaction ne dois-j«
pas avoir^
LE HABQUIS.
Madame, je la marie, et je la donne k monsieur r '
je dis , je la dbnne , c e9t un vrai présent ; et il ne*
lauroit pas, si je connoissois un plus honnête.
hommef#
S€ÊM£ XX IX: 65
Mm DÉTIEULETTE.
Quoi ! madame, j'aurai le bonheur à-êtvt yotre
nereu?
LE mauqui».
Oui , mon ami , et ayant trois jours. Je cours
demain k Paiis ; il j a quelques détails dont je
ireux me mêler.
BC DÉTIEVIETTE.
*
Mademoiselle , eonsentez-vous à ma félicité?
Monsieur , je ne connoUsois pas toute la
mienne, et vous avez à présent èi m*obtcnîr de
madame.
B^.. niTIEULETTE.
Madame, puis-je espérer^:.
LA. V,AaQVI8E«
Oui , monsieur , et j'en suis enchantée. Le ciel
ne ma point accordé d enfant , et de cet instant-
ci je crois avoir une fille et un gendre. Monsieur,
I je TOUS l'accorde.
An£LAïsE,.eii donnant sa main,
I C'est autant- par incliniation que par obéissance.
LE MABQUIS.
Cela doit être. (A la marquise») Ma nièce est
charmanie.
i LAMAAQUISE.
Je suis bien trompée , si mademoiselle n'a pas
beaucoup d'esprit ; et je suis sûre que , sans dé-
tours, sanft finesse, elle n*en fera usage que pour/
i 6. s . ■
i
66 ITA GAGEURE , etc. SCÈNE XXIX< !
te garantir de la finesse des autres , pour bien ré« i
gler sa maison et faire le bonheur de son mari.
M. DÉTIEULETTE.:
Si mademoiselle ayoit besoin d'un modèle «je
suis assuré , madame , qu elle le trouveroit en
TOUS. ^
LA MAnQUISI.
Oui , monsieur , oui , monsieur i la finesse n'est
bonne à rien. Point de finesse , point de finesse ,
on en est toujours la dupe.
LE MAAQUIS.
Et surtout avec moi.
LA MikaQVISE.
Ab ! M. de Glainville , ah ! comme j'ai eu tort !
LE MARQUIS.
Quoi?
LA MARQUISE.
Passons cbez tous.
G o T T E 7e« regarde partir , et dit i
Ab! si cette aventure pouroit la guérir de ses fi-
nesses ! Que de femmes , que de femmes à qui ,
pour être corrigées , il en a coûté dayantage l
feiv DB LA «AasUEE IMPAÉTUI.
LB
MARCHAND DE SMYRiSfE,
COMEDIE,
PAR CHAMPFORT,
Représentée, pour la première fois, le a6 janrier
177(0.
PERSONNAGES.
HA88AV, Tore, habitant deSmjrrne.
ZaIde, femme de Hassan.
DoavAL, Marseillois'^
Amélie, promise à DomaL
Kalkd, marchand d'esclaiYes*
Niai, Turc»
F.ATMé , esclave de Zalde*
AvrtVLif domestique de Dornal^
Uh Espaghoii.
Uh Italiev.,
Us YiEiixABD turc, esclaye.
La scène est à Smjme , dans an jardin comman &
Hassan et à Kaled , dont les deux maisons sont
en regard sur le bord de la mer.
LE
MARCHAND DE SMYRNE,
eOIHÊDIE.
g jic j-ij- jij' m t — " ' * ^'~ " "'
SCÈNE L
SASjSAN, «en/.
O5 dit que le mal passé n'est qne songe; cest
bien mienx , il sert à faire sentir le bonheur pré«
sent. Il j a deux ans. que j*etois esclaye chez les
chrétiens à Marseille , et il j a un an aujourd'hui ,
jour pourtour, que j'ai épousé la plus jolie fille
de Smjme. Gela &it une différence. Quoique bon
Musulman , je n'ai qu'une femme. Mes Toisins en
ont deux, quatre , cinq , six , et pourquoi faire ?...
La loi le permet...» heureusement» elle b«$ l'or-
donne pas; les François. ont raison de n'en avoir
qu'une ; je ne sais s'ils l'aiment ; j'aime beaucoup
la mienne , moi. Mais eHe tarde bien à venir pren-
dre le frais. Je ne la gène pas. 11 ne faut pas gêner
les femmesi On m'a dit en France que cela portoit
malheur. ^, ^ La voici.
70 tE MARCHAND DE SMTRNE.
SCÈNE IL
HASSAN, ZAÏDE.
HASSÀlf.
Vous éUft de»€«tt«lue bies tard y"* aft • obère
Zaide.
ZAlpE.
Je me suis amusée k voir du haut de mon pa-
TÎllon les vaisseau! rentrer dans le port. J'ai
cru remarquer plus de tumulte qu'à rordtaaire.
Seroit-ce que nos corsaires auroient fait quelque
prise?
HASSAir.
Il j a long-temps qu''ils n'en ont fait , et en yé-
rite , je n*en suis pas fâché. Depuis qu'un chrétien
m'a délivré d'esclavage , et m'a rendu à ma chère
Zaide « il m'est impossible de les haïr.
zaIde.
Et pourquoi les haïr ? parce qu'ils ne connois-
sent pas notre saint prophète? Ne sont -ils pas
assez à plaindre ? D'ailleurs je les aime , moi ; il
faut que ce soient de bonnes gens , ib ii*ont
qu'une femme : je trouve cela très bien.
BAssAH , sourianK
Oui , mais en récompense. . . .
ZAiDE.
Quoi?
H A s s AV.
Bien. (A part) Pourquoi lui dire cela? C'est
SCÈNE II. ^i
âétraire une idée agréable. ( Tout hauU) J'ai fait
yœa d'en délÎYrer un tous les aqs. Si nos gens
avoient fait quelques esclaves aujourd'hui , qui
est précisément ranniversaire de mon mariage , je
eroirois que le ciel bénit ma reconnoissance.
ZAÎDE,
Que j'aime yotre libérateur* sans le connoitre!
Je ne le yerrai jamais.... Je ne le souhaite pas , au
moins.
HASSAll.,
Son image est à jamais gravée dans mon Coeur.
Quelle âme!..* Si vous ayiez vu.... On rachetoit
quelques-uns de nos compagnons; j'étois couché
!i terre ; je songeois à vous , et je soupirois ; un
chrétien s'avance , et me demande la cause de mes
larmes. J'ai été arraché, lui dis-je^ à une maîtresse
que j'adore. J'étois près de l'épouser, et je mourrai
loin d'elle, faute de deux cents séquins. A peine
eus- je dit ces mots, des pleurs roulèrent dans
ses yeux. Tu es séparé de ce que tu aimes , dit-il ;
liens , mon ami , voilà deux cents séquins , re-
tourne chez toi , sois heureux , et ne hais pas les
chrétiens. Je me lève avec transport , je retombe à
ses pieds , je les embrasse ; je prononce votre nom
avec des sanglots ; je lui demande le sien pour lui
faire remettre son argent à mon retour. Mon ami ,
me dit-il en me prenant par la main, j'ignorols que
tu pusses me le rendre. J'ai cru faire une action
honnête : permets qu'elle ne dégénère pas en sim-
ple prêt , en échange d'argent , Tu ignoreras mon
^a LE MARCHAND DE SMYRNE.
nom. Je restai confondu , et il-m accompagtia jli
qu'à la chaloupe, où nous nous séparâmes les lai
mes aux yeux.
eaIde.
Puisse le ciel le bénir à jamais! Il sera heureux
lans doute, avec une âme si sensible.
BASSAH.
4
Il étoit près d*épouser une jeune persoaite qu'i
deyoit aller chercher à Malte.
ZAiOE,
Gomme elle doit Taimer!
SCÈNE III.
HASSAN, ZAÏDE, FATMÉ.
zaIde.
Fatmé, que yiens-tu donc nous annoncer? tu
parois hors d'haleine.
FATMÉ.
Il vient d'arriver des esclaves chrétiens. Cet
Arménien , dont vous êtes fâché d'être le voisin ,
et que vous méprisez tant, parce qu'il vend deâ
hommes , en a acheté une douzaine , et en a déjà
vendu plusieurs»
HASSAN.
Voici donc le jour où je vais remplir mon voeu.
J'aurai le plaisir d'être libérateur à mon tour..
zaIde.
Mon cher Hassan , ser^-ce une femme que vous
délivrerez?
SGÊNË IIL 73
BAS s AH , sourianU
Pourquoi? Cela voua inquiète; vous craignez
qae l'exemple. . . •
ZAÎDE.
Non : je suis sans alarmes. J'espère que tous ne
me donnerez jamais un si cruel chagrin.) Vous ne
m'entendez pas. Sera-4ïe un homme 7
HASSAV.
Sans doute.
zaIde. ^
Pourquoi pas une femme ?
HASSAff.
€'est un homme qui m*a délivré.
a Ai DE.
C'est une femme que vous aimez*
HASSAH.
Oui. . . . mais , Zaide , un peu de conscience^ Un
pauvre homme en esclavage est hien malheureux ;
aa lieu qu'une femme à Smyme, àConstantinople,
il TaniS", à Alger, nest jamais à plaindre. La
b«aaté est toujours dans sa patrie. Allons , ce sera
un homme , si vous voulez bien.
ZAÎDE.
Soit , puisqu'il le faut.
HASSAN. •
Adieu. Je me hâte d'aller chercher ftitt Bourse ;
il ne lant p%s qu'un bon Musivlfiiaii paroisse 'de-
vant .nn Arménien sans argeiftt comptait , €t^VB^
tout devant un avare comme -tèlui-^là.
Tli^Atn. .Comédies. i3., 7
74 I^E MARCHAND DE SMYAtfE.
SCÈNE IV.
2AÏDE, FATMÉ*
a A i D E.
Moii,Âian a quedque dessein , ma chère Fatmé
il me p.répare une fôte , je fais semblant de ne pa
m'en apercevoir, comme cela se pratique. Je veu:
le; surprendre aussi, moi. J'entends du bruit^ c'es
sûrement Kaled avec ses esclaves ; je ne veux pa!
voir ces malheureux , cela m'attendriroit trop
Suis-moi , et exécute fidèlement mes ordres.
SCÈNE V.
KALED; DORNAL, AMÉLIE, ANDRÉ , tJ2^
ESPAGNOL, UN ITALIE», ençfiaiués.
XALED.
I
Jamais on ne s*est si fort pressé d'acheter m^
piarchandise. On voit bien qu'il j a long-tenapl
qu'on n'avoit fait d'esclaves. 11 falloit qu'on fiCit <il
paix ; cela étoit bien malheureux. I
DORHAI..
O désespoir! la veille d'un mariage, ma chiq
Amélie!
KALED, regardant auteur de luL
Qu*e9it-ce que c'est? On dit qu'il jr a des. -pgd
où l'on ne connoît point l'esclavage. . . . Mauyal
pajs. Aurois-je fait fortune là? J'ai déjà fl
de bonnes «jflfoirci» aujourd'hui , je me lais dl
i
SCÈNE V. 75
i>arra5sé de c:« Tieil esclave qm tirait de ses. poches
de TÎeiiles. médailles de cuivre, toutes. rouilléest
^'tl œgardoit atteutiYemeiit.'. Ces. gens>là sont
id une dure défaite : j 7 ai déjà été pris. Je ne suis
pas fâché non plus d!étre délivré de ce médecin
^nçois. Rentrons ; avancez. Qu'est-ce qui..arrive?
c'est Néhi. Il a lair furieux. Seroit- il mécontent
de son-emplette?
SCÈNE Vt,
KALED, NÉBI; DORNAL; AMÉLIE, ANDRÉT,
UN ESPAGJfOL, UN ITALIEN, enchaUés.
Ka^eo, je viens vous déclarer, qu'il faut vous
réyoudre à reprendre votre esclave 9 à me. rendra
mon argent, ou à paroitre devant le cadi..
XJLLZD.
Fouquoi donc? De quel esclave parlez ^vû.nft?
Est-ce de cet ouvrier, de ce marchand? Je consens
k les reprendre.
sési.
IL.8*agit bien de cela. Yquq faixefrr^QTàQt : [^
parle de votre médecin..françois. R(;nd<Eizrn>oi moi^
argent , ou venez che% le cadi. .
Comment ?. Qu.'a-t-il donc fait?'
Ce qu'il a fait? J'ai dans mon ftéisail une jeune
^6 LE MAHGHAIÏD DE SMYRNE.
liftpagnoie, actuellement m» faTorite : ellie est in-
coQxmodëe; layez-TOui ee qu'il lui âordoiiné?
XALBD.
Maf(»i,n<>tik
irivi.
L*air natal. Gela ne m'arràngë^t-il ps^ bien ,
moi?
KALED.
£h ! l'ail' natal... Quand je yais dans mon pajs,
je me porte bien.
irÉBi.
Quel médecin 1 App:::remment que ses q:iâades
ne guérissent qu'à cinq cents lieues de lui. L'igno^
rant ! il a bien fait d'éviter ma colère : il s'est enfui
dans mes jardins; mais mes esclaves \é poursui-
vent et vont vous l'amener. Mon ai-gent, mon
argent.
KALED. *:
Votre argent t Oh ! le marché est bon ; il tiendra*
NÉBI.
Il tiendra? Non, par Mahomet! j'obtiendrai
justice cecte fois-ci. Vous vous êtes prévalu du be-
soin que j'avôis d'un médecin. C'est bien malgré
moi que j'ateu riecours à vous; mais je n'en serai
plus la dupe. Vous croyez que cela se passera
comme l'année dernière , quand vous m'avez vendu
ce savant.
KALEV.
Quel savant?
f »
Oui , 9tLl , oé saTtttit qui np savoit pu' âistin^er
èa ivaïs d'aree du blé., et qui m'a fait perdre six
cents séquias pour a^oir enflemeacé ma terre -suk
Tant une nouyelle méthode de sou pajs..^
KAI.ED.
£h bien! est-ce ma faute à moi? Pourquoi faites-
vous ensemencer vos terres par des savants ? Est-ce
qu*ils j entendent rien ?. N'avez-vous pas des la-
boureurs? Il n j a qu'à les bien nourrir et les faire
travailler. Regardez-le donc avec ses savants ?
Et cet autre , que vous m'avez vendu au poids
de l'or , qui disoit toujours , de qui est-il fils , de
qai est -il fils? Et quel est le père, et le grand-
père, et le bisaïeul? Il appeloit cela, je crois, être,
généalogiste. Ne vouloit-il pas me faire descendre,
moi , du grand-visir Ibrahim ?
KALED.
Vojez le grand malheur ! Quel tort cela vous
fait-il ? Mitant vaut descendre d'Ibrahim que d'un
autre.
HEBl.
Vraiment , je le sais bien ; mais le prix. . »
KALED.
Eh bien [ïe pfix : ^e vous l'ai véïidu cher ? Ap-
paremment qu'il m'a'^t' aussi coûté beaucoup. Il
y a lonjg^emps de cela. Je n'étoi» point alors- au
h\t de mon commeree. P<»iivoii'^« devitier qné
ceux qui me coûtent* le plus sont teè plus inutiles^
7-
J
1
I
^8 X£ MARCHAND DE SMYRNE !
B É B iJ
Belle raison r Cela est-»l vraisemblable? Est-i
possible qu'il j ait un pays où l'onsoit assez dupe'
Ëicuse de fripon , excuse de fripon. Je ne m étonna
pas si on hit des fortunes.
KALED.
Excuse de fripon! des fortunes! Vraiment, oui,
des fortunes ! Ne croit-il pas que tout est profit f
Et les mauvais marchés qui me ruinent? n'ont-ils
pas cent métiers où l'on ne comprend rien? Et
quand j'ai acheté ce baron allemand , dont je n'ai
jamais pu me défaire, et qui est encore là-dedans
à manger mon pain ; et ce riche Anglois qui YOya."
geoit pour son spleen , dont j'ai rehisé cinq cents
sequins , et qui s'est tué le lendemain à ma vue et
m'a emporté mon argent; cela ne fait-il pas saigner
le cœur? Et ce docteur, comme on l'appeloit,
croyez- vous qu'on gagne là-dessus? Et à la der-
nière ibire de Tunis , n'ai- je pas eu la bêtise d'a-
cheter un procureur et trois abbés , que je n'ai pas
seulement daigné exposer sur la place', et qui sont^
encore chez moi avec le baron allemand ?
RÉBI..
Maudit infidèle , tu crois m'en imposer par des
clameurs-! mais le cadi me fera justice.
«
KÀLE%. '
Je ne vous crains pas ; le cadi est un homme
juste , intellige|Qt , qui soutient le commerce , qui
sait très bien qijie .celui des esclaVes va tomber ,
SCÈNE VI^ 79
patce qae tous ees getts4à valent moins de jour en
joor.
Âh!. ç2^, une £)is,. deux fiii», Toulez-yons re-
prendre votre médeciix?
KALED.
fïon , ma foi.
hebi.,
£h bien ! nous allons voir.
KALED.
A la bonne heure. ^
SCÈNE VIL
kâled, les esclaves.
KALED, aux esctaves^
Eh bien ! tous autres , vous voyez combi/en on
a de peine à vous vendre.. Quel diable d'homme l
il m'a mis hor» de moi. Il n j a pas d'apparence
qu'il me vienne d'acheteurs aujourd'hui; rentrons.
Qui est-ce que j'entends ? Est-ce un chaland ?
SCÈNE VIII.
KALED, LES ESCLAVES, UN VIEILLARD
TURC.
KALED.
Boa! ce n'est rien. C'est un esclave d'ici près.
l-E VIEILBA'RO.
Bonjour , voisin . est-«e là vonre reste ?
J
6o L£ MARCHAND D£ SMTHNE^
XAliBO*
Ne m arrête pas , tu ne m 'achèteras riea«
LE VltelLlARD.
Je n achèterai rien? Oh ! Y<ms alkv Toir.f -
K ▲ L £ D.
Que vput-il dire?
DO&HAL, à part.
. Je tremble.
LE TiEfLLAUD.
Ayez-vous bien de» femmes? C'est une! femme
que je veux.
KALED.
Quel gaillard à son âge !'
LE VIEILLABDr,
Eh ! il Tij en. a qu'une.
XALED.
(Encore n*est-^lie pas pour toi.
LE VIEILLARD.
Pourquoi donc cela ?
kAled.
Je Fai refusée à de plus riches.
LE VIEILLARD.
Vous me la vendrez.
EALED.
Oui , oui.
DORNAL,
Seroît'il possible ! qiioi \ cC; misérable. . *.
LE VIEILLAR.D*.
ComMea vaut-^lle ?
scÊifE Vin, fft
KAXBB.
Qiiâtr«' cents seqoms,
LE ▼lEILX.AftB. .
Quatre cents sequins ? c'est bien cfaer«
Xkh'Eïim
Oh! dame, c'est une Françoise; cêttt se vend
bien , tout le monde-m'en demande.
Yojons-la.
KALlDji
Oh! elle est bien.
LE TIEII'I-AIIO.
Elle baisse les jeux. Elle pleure : elle me tou«
che. C'est pourtant une chrétienne }; cela est 8in«i
gnlier. Trois cent cinquante4
EAI.ES«
Pas un de moins.
LE TIEILIA&D*
Xes Toilà« .
XALED..
Emmenex.
non VAL.
Arrêtez. . . O ma chère Amélie t. . . Arrêtez.
kAled.
Ne Tas-tu pas m'empêcher dé vendre? Vraiment
je n'aurai pas assez de pfetne à me défaire de toi ?
Vous autres François, les^mdris tle ce pa^s-k;! ne
TOUS achètent point. YoUli' êtes toujours à rôder
autour des sérails , à ris^tiev le -tout pour le tout.
S% LE MARCHAND DE SMtRNE.
D-e R v A 1. ,
Vieillard, tous ne paroisses pas tout-à-fait in
sensible , laissez'TOQs toucher. Peut-être avez-YiOu
une femme , des enfants ?
LE TXKILLAHDw
Bloi ? non. -
DORSAL.
Par tout ce que tous ayez de plus cher, ne noixi
séparez pas ^ c est ma femme.
LK VIEILLARD.
Sa femme ? Cela est fort différent ; mais Trai-
ment, Raled , si o'est sa femme , tous me surfaites.
DORVAL.
Pour toute grâce , achetez-moi du moins a-vec
elle..
LE VIEILLARD.
Hélas ! mon ami , je le youdrois bien : mais jp
, ii*ai besoin que d une femme.
DORSAL.
Je TOUS servirai fidèlement.
LE TIE.ILLARIK.
à»
Tu me serrirasîv Je suis esclave.
RALED.
Est-ce que tu le^<écoutes ?
ASDRÉ.
Mes pauTres maîtres i
C mon ami ^ quel sort !
,. SCÈNE VIIL 83
DOBHAl#M
He lacbetez pat. Quelque homme riche nouf
^hetera peut-^tre ensemble.
LE VIEIL LARIK
C'est bien ce qui pourroit t'arriyer de pis, V
t>n feroit le gardien.
DORSAL, à Kaled.
jNe ponvea-vous différer de quelques jours ?
kAled., '
Différer? On voit bien que tu n'entends rien au
commerce. Est-ce que je puis ? Je trouve mon pro •
fit, je le prends.
nonvAL.
O ciel! se peut-il?... 'Mais que dirois-je pout
attendrir un pareil homme ? Quel métier ! quelles
taes 1 trafiquer de ses semblables !
KALED.
Que veut-il donc dtre?.Ne vendez -vous pas des
nègries ? Eh bien î moi , je vous vends. . . . N'est-c«
pas la même chose? Il nj a jamais que la diffé-
rence du blanc au noir.
I.E. yiEIIiLAllDtf
En vérité , je n'ai pas le courage. b.* ^
KALBD-
AUons, toi, ne vas -feu pas pleurer aussi? J«
garde ton argent, emmène ta marchandise, si tu
Ifeux*. Il se fait tard.
Adieu , mon cher Dornal.
n
LE MARGHAiND D£ SMYRNE.
dorhÂl.
chère Amélie !
AMÉLIX4 j
Je nj survivrai pas.
KAI.ED.
Gela ne me regarde plus.
von VAL.
J'en mourrai.
KALED.
Tout doucement, toi , je t'en prie , ce n'est pas
là mon compte. Ne yas>tu pas faire comme l'An-
glois? (^Repoussant Doniai.)
DOBITAI..
Ah dieu ! faut-il que je sois enchaîné ! . . •
AjTDné.
O ma chère n^aîtresse !
SCÈNE IX.
KALE0 , DORNAL , AJHDRE , L'ESPAGKPL ,
L'ITALIEN.
kale-d.
HCeh voila quitte pourtant. Je suis bien heu-
reux d'avoir un cœur dur, j'aurois succombé. Ma
ioki sans son argent comptant, il ne l'auroit ja-
mais emmenée, tant je me seiuois éitin. Diahie, si
je m'étois attendri , j aurois peisdu .quatre oents sc-
quins. Un , deux. ... il n'j en a plw que quatre*
Oh ! j^e m'en déferai bien , je m'en déferai bien..
aCÈNE X« 85
SCÈNE X.
KALBD, 0OANAJL, ANDAJg , L'£SPÂGIfOL»
L'ITALIEN, HASSAN.
BASSAK, à Kaied.
£b bien ! roisin , comment ya le commerce ?
KALED.
Fort mal, le temps est dur. (A part.) Il faut
toujours se plaindre»
B^aSAV.
Voilà donc ces pauvres malheureux^ Je ne puis
I les déllyrer tous. J'en suis bien fâché, fâchons an
moins de bien placer notre bonne action. C'est un
devoir que cela , c'est un ^eyoir. ÇA i'Efpfa^nol, )
De ({uel pajs es -tu, toi? parle.. Tu as l'air bien
haut.... parle donc...
l'espa&voi.
Je suis gentilhomme espagnol
BASSAir..
Espagnols ! brares gens ; un peu fiers , à ce
qu'on m'a dit en France. . . • Ton état ?
l'espaobol.
Je tous T'ai déjà dit f gentilhomme.
BASSAB.
Gentilhomme , je ne sais pas ce <}ue c'est. Que
fais-^?
I.'z8VAOBQt*
Bien.
VMâtre. Coa^diei. l3, 8
66 LE MARCHAND DB &MTR]!f£.
HASSAtf.
Tant pis pour toi , mon ami ; ta vas bien t'cn«
nnjer. {A Kaled.).yon9 n'ayez pas fait là iine trop
bonne empiète.
KALED«
Ne voilà-t-il pas que je suis encore attrapé ?
Gentilhomme! cest sans doute comme qui diroit
baron allemand. C'est ta faute aussi : pourquoi
vas-tu dire que tu es gentilhomme? Je ne pourrai
jamais me défaire de toi*
nkssÂTXfà l'Italien*
Et toi, qui es-tu ayec ta jaquette noire? Ton
pays?
l'iTALIEV,
Je suis de Padoue.
HASSAV.
Padoue? Je ne .connois pas ce pajs-là».... Ton
métier ?
l'italieh;
Homme de loi*
BASSAN.
Fort bien : mais quelle est ta fonction particu^
lière?
('fTALIEH.
De me mêler des affaires d 'autrui pour de l'ar-^i
gent, de faire souyent réussir les plus désespé«|
réeSy, ou du moins de les faire durer dix ans,,!
qui/ize ans , yingt ans»
SCENE X. Bj
HASSAV.
Bon Hiétier ! Et dis-moi , renda-ta ce beau ser^
TÎce-lk à ceux qui oii.t tort, à ceux qui ont raison »
iadifleremment ?
l'italiev.
San& dt>ute ; la justice est pour tout le inonde.L
HASSAV^
Et on souffi^e* cela à Padoue ?
l'iTALIEir.
AsMirément.
BAssAïf, riant.
Le' drôle de pays que Padoue ! li se passera
bien de toi . je m'imagine. (A Andpé% ) £t toi , qui
e»-tu ?
M oina que rien. Je suis un pauvre homme. '
s.A;aftA9>
Ta es pauvre t T» ne faia donc rien ?
Hélas ! je suis fils d'un paysan i je l'ai été moî«
même.
XALED.
Bon ! c'est sur ceux-là que je me saure.
Je me suis ensuite attaché au service d'un bon
maître , mais qui est plus malheureux que moi.
HASSAN;.
Gela se peut Hien. Il ne sait petit- être pas la-
bourer la terre. Mais c'est Thabit françois que tu
as là?
i
/
88 XE MÂRGHAVB DE SMYRNE.
▲vttni;
Je It SUIS aussi.
B A/S S A 9 m
Tu es François ? bonnes gens que les François s
ils ne haïssent personne. Tu es François , mon
ami ? il suffit , c'est toi qu'il faUt que je délivre.
' ANDRÉ.
Généreux Musulman , si c est un François que
vous voulez délivrer, choisissez quelqtt^tre que
moi. 'Je n'ai ni père, ni mère; ni femme, ni en*
faut». J'ai l'habitude du malheur; ce n'est pas moi
qui suis le plus à plaindre.. Délivrez mon pauvre
maître.
RASSATf.
Ton maître? Qu'est-«e que j'en teords! quelle
générosité! quoi!... Ces François,... Mais est-eei
qu'ils sont tous comme cela?*** Et où est- il, ton'
maître ?
AStaiÉ, tui montrant Datnàl,
Le voilà, il est abîmé dans sa douleur«i,
HASSAN.
Qu'il parle donc ! il se cache , il détourne la
vue, il garde le, silence. (^Hassan avancer ^^ consi-i
dère malgré luL ) QiieYois-jel £st-il possible? Je ne
me trompe pas ; c'est lui , c'est lui-même ; c'est
mon libérateur. CI/ i'embrassc avec transporta ^
BORNAI..
O bonbeur ! 6 rencontre impl^évue !!
S€ÊN£ X. . 89
Gomme ib s embrassent! Jl l'aime, bi^! il le
paiera.
' BASSAil.
Je n'en reviens point. Mon àmi ! mon bienfai-
teur!
KAi&n.
Peste! un arirî, un bienfiedtéur ? cela doit bien
te Tendre , cela doit bien se vendre.
Mais , dites-moi donc, comment se feit-il?;. par
quel bonheur?. . . Qu'est-ce que je dis ? La tête me
tourne. Quoi ! c'est envers vdus-inénie que je puis
n'acquitter? J'ai fai% vœu de délivrer tous les ans
an esclave chrétîén.i Je venois pour remplir mon
vœu , et c'est vous. ...
DOnVAL.,
O mon ami ! connoissez tout mon malheur.
HASSAN.
lYa malheur? il n'j en a plus pour vous« (Su
tournant du côté de Kaled*) Kaled, combien vous
dois-je pour l'emmener ?
KAI.ED^
Cinq cents sequins.
H Al^SAlf.
Cinq ceiilB seqnin»!;.. Kaled ^ je ne marchande
point mon ami , tenes.
nossAL^
Quelle générosité ! •• •
8.
go LE MARCHAND DE SMTRNE.
H A s s A n , à Kaled,
Je vous doû ma fortune , car vous pouyiez me
la demander.
KAI.ED.
Que je suis une grande bête ! l;>onne leçon*.
HASSAN.
Laissez-nous seulement, je vous prie, que je
jouisse des embrassements de mon bienfaiteur*
KALED.
Oh! cela est juste ^ cela est juste; il est bien à
TOUS. Allons , vous autres , suiyez-moi.
ANDRÉ, à DornaL
Adieu , mon cher maître.
dounal.
Que dis-tu ? peux-tu penser... (A Hassan.) Motx'
cher ami , ce pauvre malheureux, vous avez vu s'il
m*est attaché , s*il est fidèle, s'il a un cœur sensible ?
HASSAN.
Sans doute , sans doute , il faut le rachetèr«
KALED.
Quel homme I comme il prodigue For !' Si j|e
profîtois de cette occasion pour faire délivrer mon
baron allemand !.... Mais il né voudra pas.
HASSAN
Tenez , Kaled. ...
KALED, rd^ardaut' les sequins^
En vériité , vt]!isrn ,:' cela ne suffît pas.
H ASSA.N. '
Gomment I cent sequinâ . ne suffisent pas ? Un
domestic[ue. ...
&CÊNE X. 9'
SA LEO.
Eh! mais... un domestic^ue... . Apres tout, c'est
DD homme comme on autre.
H As s'ait.
Bon ! Yoilà de la morale à présent.
KÀLED'
Eh pais! un valet fidèle, qui a un cœur sensi-
ble , qui travaille , qui laboure la terre-, qui n est
pas gentilhomme.... En conscience.
H AS s A n^, donnant (fueltfues sequins»,
Allons, laissez-nous. Qu'attendez-vous? qu'est-*
ce que vous voulez ?
KALED.
Voisin, cest que. j'ai chez moi un pauvre mal-
heuieux , un brave homme , qui est au pain et à
l'eau depuis trois ans, cela fend le cœur; cela
s'appelle un baron allemand : vous qui êtes si
bon , vous devriez bien. . . .
• . . . '
HASSAN,
Je ne puis pas délivrer tout le monde.
KALED.
A moitié perte.
HASSAV
Cela est impossible.
kAled. .
Quand je disois que cet homme-là meresteroît!
Oh ! si jamais on m j rattrape.'. . , Allons , hoihme
de ici, gentilhomme ,' rentrez là -dedans; allez
vous coucher, il faut que je soupe.
g2 LE MARCHAND DE SMYRNE.
SCÈNE XI.
HASSADÏ, DÛRNAL.
HA s SA V.
Mon cher ami , que je tous présente à ma
femme. SaTez-voas que je suis marié? C'est à vous
que je le dotB. Et vous , cette jeune personne que
TOUS deviez aller chercher à Malte?
DORKAI..
Je Tai perdue..
HASSAN.
Que dites-vous ?
dounal.
Je Temmenois k Marseille pour Tépoiufer, elle a
été'prSse aVec moil
HASSAN.
Eh bien! est-ce l'Arménieh qui l'a achetée?
DO UN AU
Oui.
HASSAN.,
Gourons donc vite.
DO a N AD.
Il n*est plus temp9 ; le- barbare Ir'a vendue.
B A s 8 A.Sn *
A qui?
D^OBN^X»
Je Tignore. Uik esctâ'yte ' def qusUfCMt. hosMoe
riche l'a arrachée de mes bras.
SCÈNE XL 93
BAS 9 AV.
Ah! malhenreiix ! c'est peut-être pour quelque
pacha. Eftt-eile b^le ?
DOEVAL.
Si elle est belle!
SCÈNE XII.
HASSAN. DORNAt/ZAlDC
zaIdb.
Mos i^fti, Yontk me laisses bien long-tempi
seule. Et votre esclaye chrétien ?
HASSAK.
Mon esclaye ? c*est mon ami , c'est mon libéra-
teur que je vous présente. J ai eu le bonheur de
le dclirrer à mon tour.
zaIde.
• • •
Étranger, je tous dois le bonbeur de ma yie.
SCÈNE XIII.
HASSAN, DORNAL, ZÀÏDE, FATltfÊ.
FATMÉ.
Est-il temps ? ferai-je entrer?
ZAÎDE.
Oui, tu peux....
94 X£ MARCHAND DE SBfYRN£«
^ SCÈNE XIV.
ZAÏDE, HASSAN, DORNAL.
HASSAV.
Quel est ce mystère ?
ZAÎDE.
•Mon . agii , tous m'avez tantôt soup.çojinée die
|aloasie ; je vais vous prouver ma confiance. Je me
suis servie de vos bienfaits pour acheter une es-
clave chrétienne ; je venois vous la pré^entep, àda;
qu'elle tint sa liberté de vos mains^
SCÈNE XV.
HASSAN, ZAÏDE, DORNAL, TATMÉ»
UNE ESCLAVE cbrétienne, v^e en mu."
iulmane, avec un voite sur la tête.
ZAÏDE.
La voici ; voyez le spectacle le plus intéressasrt ,
la beauté dans la douleur.
HASSAN s'approche et lève le vot/e
Qu elle est touchante et belle !
nORHAL,
Amélie ! ciel ! (Il vole dans ses bras»)
Amélie, avec joie.
Que vois-je ? Mon cher Dornal !
DOHVAL.
Ma chère Amélie , vous êtes libre ! je le suis aussi.
Vous êtes auprès de votre bienfaitrice , de mon li-
I SCÈNE XV. 95
bérateuT. (Il saute au col de Hassan, et veut ensuite
«mbrasser Zaide, qui recule avec modestie»)
CASSAS, à DornaL
Embrassez , embrassez , il est honnête , ce trans-
port-là. ^ A Zàide^qui demeure confuse,) Ma chère
amie, c'est la couttlme de France.
; A H É L I E , à Zaîde.
Madame, je yous dois tout. Que ne puis->je tous
donner ma yie ! '
%AiD£. '
C'est à moi de vous rendre grâce. Vous be Jhe
devez que votre liberté , et je dois à votre époux la
liberté du mien..
AMÉLIE.
Quoi! c est lui....
HASSAH.
Oh! cela est incroyable. A propos, vous n'êtes
point mariés ?
DORNAL.
Vraiment, non; nous ne le serons qu*k notre re-
tour. Une de ses tantes nous accompagnoit , elle
est morte dans la traversée.
HASSAN.
Vite , vite , un cadi , un cadi. . . Ah ! mais à pro*
po's, on ne peut pas; c'est cet habit qui me trompe.
DOnNAL.
Ma chère petite musulmane, quand serons-nous
en terre chrétienne ? Ah ! mon dieu , nos pauvre»
compagnons d'infortunes !
96 L£ MARCHAND, etc. SCÈNE XV.
Si j'étolt afS€X riclie. . . Mais , après tout , rhommc
de loi , et cet autre ,,cela ne doit pas coûter cher ,
n'est-ce paa?
OOAHAI..
Ah! mon dieu, non * nous Us aurons à Loi»
marché.
FATMÉ.
Ah! c est bien vrai. Je yiens de rencontrer l'Ar-
ménien; tout ce qu'il demande , c'est de les vendre
fiu prix coûtant.
DOANAL.
D'ailleurs, moi^ je suis riche, et je prétends
bien.. ..,
BASSAH.
Allons, délivrons-les. {A Fatmé.)\9L les clier-
eher, qu'ils partagent notre joie, qu'ils soient heu-
reux, et qu'ils nous pardonnent de porter un doli«
man , au lieu d'un justaucorps.
{Fatmé amène f Arménien, suivi des esclaves qui
ont paru dans la pièce, et de ceux dont il y est parié*
Us forment un ballet et témoignent leur reconnois'
$anc9 à Zaide , à Hassan et à Dornat )
riB DU KAaCBAVX) DS SMTRirE.
LE
BOURRU BIENFAISANT,
COMIËDIE,
PAR GOLDONl,
Représentée, povr U psemiére ^^^^ Is 4 ngfwbrt
«77'-
Ské&tn. Coa^diei. |3»
NOTICE
SUR GOLDONL
Charles Goldotïi naquit à Venise 6n 1 707.
U se sentit de bonue heure un peuelumt décidé
pour le théâtre y et composa une comédie dès
Page de huit ans. Ses parents le placèrent d'a-
bord chez le procureur, et le firent recevoir
avocat; mais à peine eut-il plaidé sa première
cause y qu'il quitta le barreau et se mi£ à voyager.
Nous n'entreprendrons pas de le suivre dans le
cours de ses aventures, dont il a donné une rela-
tion fort amusante en trois volumes in-'8''. Nous
nous bornerons à dire qu'il fut le réformateur
du théâtre en Italie , où il donna plus de cent
cinquante pièces qui, pour la plupart, ont ob-
tenu un grand succès, et dont plusieurs ont été
Imitées sur la scène françoise. Nous ne pouvons
cependant nous dispenser de rapporter, pour
preuve de l'extrême facilitéde cet auteur^ qu'é'
NOTICE SUR GWiLbONI. 99
taot lié avec urc Iro.upç de comédiens à Venise,
il fît annoncer à la fin de Tannée 1749? ^ue,
dans le cours de la suivante , il seroit donne
seize pièces nouvelies du sieur Goldoni sous
des titres qni furent indignas. Oet engagement
extraordinaire fut rempli avec exactitude, et
presque toutes ces pièces réussirent.
Goldoni vint en France en 1761 , et ne put
résister au désir de travailler pour le théâtre
François. Il y fit jouer is Bquhru bienfaisant*
Cette comédie parut, pour la première fois, le
4 novembre 1 77 1 , et eut trei£e représentations.
Cola donne souvent encore, et elle fait toujours
plaisir.
L'accueil que l'auteur italien avoit reçu à
Paris , le déteitoina à s'y fixer. L'agrément de
son esprit, son extrême gaieté, et l'aimable
franchise , qui étoit la base de son caractère , le
faisoient désirer partout. Il devint aveiigle sur
la fin de ses jours, et venoit d'obtenir une pen-
sion du gouvernement, lorsqu'il mourut en
1 792 , âgé de quatre-vingt-cinq ans.
.> —lÉllT— —^—f— !——>—— W»1^^——HII l| l> I 1^ „.,
PERSONNAGES.
ttovsxEuii Dalah&oub, Dèjreu de M» Gcconto»
DoRYAL, ami.de M. Géronte.
VAI.È1IE, amoureux d'Angéli(|ue«i
Picaud, laquais de M. Géronte.
Un4aquais de M. Balancour.
Madame Dalaucovu.*
Angêiiqve, soBut de M. Dalancour.
Mautron, gouTernante de M* Géronte*
l^c ftcéne se passe dans un salon chez MM, Géronte-
et Dalancour. Il y a trois portes ^. doiit lune
introduit dans Tappartement dé M Géronte ;.
Tantrè , Ti»-à-iriB , dan3 celui de M. Dalancour;.
et la troisième, dans le fond ^ sert d'entrée et de
sortie à tout le monde. II j aura des chaises ,^
des fauteuils , et une table ayecun échiquier;
LE.
BOURRU MENFAISANT,
COMÉDIE.
»^ ^ 1^» ^ ^«f ^ ^^^«o
ACTE PREMIER,
SCÈNE L
MARTHQN, ANGËLIQUE.^YALÊRK.
Laissez-moi, Yalère, je tous en prie. Jd orains
pour moi , je crains pour tous. Ah ! si nous étions
mrpris....
Ma chère Angélique ! . . .
Partez , monsieur.
▼ AL^ftE, à MarîfiORé
De grâce , un instant;^ si je pdutoi^iti'asslfter..,
M ARTB017,
De <juoi ?
De son amour , de sa constance. •«.«.
9
loa LE BOURRU BIENFAISANT,
ANGÉLIQUE.
Ah î Valère , pourriez-^vous en douter ?
MARTHOH.
Allez , allez , monsieur , elle ne vous aime q|ue
tvop,
VALÈRE
C'est le bonheur de ma vie.
MARTHOR*
Partez vite. Si mon maître arrivoit,.««i
AiraÉLiQUE, aMarlhon,
l\ ne sort jamais si matin.
mauthos.
Gela est vrai. Mais dans ce salon (vous le savez
bien ) , il s y promène , il s j amuse. Yoilà-t-il pas
ses échecs? Il j joué très souvent. Oh! vous ne
oonnoissez pas M. Géronte.
vALi:RE.
Pardonnez^moi; c'est l'oncle d'Angélique , je le
sais ; mon père étoit son ami ; mais je ne lui ai ja-
mais parlé.
.MABTBOW.
C'est un homme , monsieur ^ comme il n*^ en a
point; il est foncièrement bon,- généreux^ mais il
ost fort brusque et très difficile
ANGÉLIQUE,
Oui : il me dit qu'il m'aime , et je le crois } ce-
pendant toutes les fois qu'il me parle , il me fait
trembler.
ACTE I, SCÈKE I. loî
Y A I. il IL £ , à Angéli<fuc^
Mais qu'avez-vou9 à craindre ? Vous n'avez ni
père ni mère : votre frère doit disposer de vous } il
est mon ami , je lui parlerai.
M A. HT H ON.
£h ï oui s fiez-vous à M. Dalancour !
VA L k R E , à Marthon,
Quoi!! ponrroit-il me la refuser?
M A n T H o 9..
M^ Ibi , je crois que oui.
VAL&BE.
Gomment ?
MARTHOU*
Êooutez en quatre mots. '(-<< Ancfélique,) Mon
neveu, le nouveau clerc du procureur de monsieur
votre frère, m'a appris ce que je vais vous dire.
Comme il n'y a que quinze jours qu'il j est entré ,
il ne me l'a dit que ce matin ; mais c'est sous le
plus grand secret qu'il me l'a conûé : ne me ven-
dez pas , au moins.
VAlèhe.
Ne craignez rien.
ANGÉLIQUE.
Vous me connoissez.
UA.SLTnov , adressant la parole àValère, àdemi-volx ^
et toujours regardant aux coulisses,
M, Dalancour est un homme ruiné , abîmé ; il a
mangé tout son bien, et peut-être celui de sa sœur;
il est perdu de dettes ; Angélique lui pèse sur les
ïo4 LE B0URRU BIENFAISANT
bras, et," pou«' s W débarrasser, il voudroit Ist
inettre daïis un couvent
Dieu ! que me ditet^vous là ?
. TALÈRK.
Gomment ! est-il possible ? Je le coimois depuis
loujg-temps ; Dalancour m'a toujours paru un gar-
çon sage , honnête , yif , emporté même quelle-
fois ; mais. . .
MABTBOS.
Vif! oh! très^vif , presqu autant que son oncle;
mais il n a pas les mêmes sentiments j H s'en laut
de beaucoup.
YALÈaE.
, Tout le monde J^estimoit , le chérissoiti Soa
père étoit très content de lui.
mauthon.
£h! monsieur, depuis qu'il est marié, ce n est
plus le même.
YALÈnE.
Se pourroit-il que madame Dalancour ?m« «
MAnTSON.
Oui , c est elle , à ce qu'on dit , qui a causé ee
beau changement. M. Géronte ne s est brouillé
avec son neveu que par la sotte complaisance qu'il
a pour sa femme ; et je n'en sais rien ; mais je
parierois que c est elle qui a imaginé le projet du
couvent.
A n GÉLi QUE, à MarMon.
. Qu'entends-je ? ma belle-sœur , que je crojois
ACTE r, SCÈNE r. loS
si raisonnable , qui me marquoit ta^nt d'amitié! j^s
ne l'aarois jamais pensé.
VALiaiE,
C'est le caractère lé pl^s dôtix.« c«
MAUTHOV.
C^est précis^ent cela qni a sédaît son ipari*^
Je la connoia , et je ne peux pas le croire..
Vous Yons moque»^ je crois.. Est-il de femme
I plus recherchée dans sa paturC? j a-t-il des modes
qâ elle ne saisisse d'abord ? j a-t-il des bals , des
spectacles pu elle n'aille pas Ui première ?
YVLLànE.
Mais son mari est toujours aTec elle.
AHGÉLIQUE.
Oui , mon fi'ère ne la quitte pas.
MAnTHOir.
Eh bien! ils sont fcus tous de«x, et ils se rui-
nent ensemble*
Cela est iqcbncevable.
MARTHOV.
Allons, allons, monsieur, Yous voilà instruit
de ce que vous vouliez savoir; sortez vite, et n'ex-
posez pas mademoiselle à se perdre dans leàprit
de son oncle, qui est le seul qui puisse lui faire
du bien.
io6 LE BOURRU piENFAI^ANT-
Tranquillisez-YOus , mçi chère Angélique i Fini
térét ne fonnera jamais un obstacle....!,
MARTBOir.
J'entends du bruit \ sQrtez vite.
( VaUre sort, )
SCÈNE IL
MAHTHON, ANGÉLIQUE,
Qus je suis malheareuse!
MABTHQM.
C'est sûrement votre oncle. Ne ravois-je pas
dit?
AiraéLiQVE.
/ Je m'en vais.
MA&TBOH..
Au contraire , restez , et ouvres-lui votre cœur»
ANGÉLIQUE,
Je )e crains comme le feu. .
MARTHQN,
Allons , allons , courage. Il est fougueux quel^
quefois ; mais il n'est pas méchant.
ANGÉLIQUE.
Vous êtes sa gouvernante , vous aveï du crédit
auprès de lui ; parlez4ui pour moi^
MAnTBON.
Point du tout i il faut que vous lui parlies vouy-
ACTE I, SCÈNE H. 107
cerne, tout au plus , je pourrois le prévenir, et le
disposer à vous entendre. ^
Oui , oui , dites-lui quelque chose ; je lui parle-
rai après. (EUe veut s'en aUer^)
MAIiTH05.
Ne vous en allez pas.
ANGÉLIQUE.
Non , non , âppelez-moi ; je n'irai pas loin.
(ElUsorL)
SCÈNE III.
M A RtB ON, Mtt/e
I
Qu'elle est douce! qu elle est aimable! je Taî
vue naître; je l'aime; je la plains , et je voudrois la
voir heureuse. ( Apercevant M. Gérante,) Le voici«
SCÈNE IV.
M. GÉRONTE, B^ARTHON..
u, GÉROSTE, adressant la parole à Marthon*
Picard!
hartbob*
Monsieur. ...
M. g£bonte.
Que Plcaid vienne me parler»
M ART H OH.
Oui , monnienr. Mais pourroit-t)n vous dire nu
mot?
^
loS LE BOURRU BIENFAISANT..
M. cé ROUTE, fort et avec vivaeilém
Picard I Picard !
MARTHOBT, fott Cl £U Colèr€.
Picard! Picard!
SCÈNE V.
if.. GÊRONTE, PICARD, MAHTHOIT.
piCAUD, â 3farMoit.
Mb Toilà , me yoiià.
MAaTHOBT, à Ficwrd', avec humeur.
Votre maître..».
PICARD, à M^ Géronte.
MonBieur. . . •
M. QtnoJUTE, à Picard. '
Va chez mon ami Dorval; dis -lui que je l*at-
teaàs pour jouer une partie dëehecs«
PICARD..
Oui « monsieur ; mais . ...
*
M. «énONTE.
Quoi?
PICARD,
l'ai une commission.,
M. GÉRONTE.
Quoi Honc ?
PICARD.
Monsieur votre neveu....
M« «iRovTE, viyeneHU
Va*t*en chex Doryal.
ACTE I, SCÈNE t. 109
vie A no.
Il Youiîroit vous parler. ...
M. Ç,iti01STZi
Va donc , coquin.
Quel homme I
(Il sort)
scI;në vi.
M. GÉRONTE, MARTHON.
if« géeobttE, s'apptochant de la table*
IiÉ fat \ le miséralïle ! Non , je ne ireux pas le
voir; je ne yeux pas. qu'il vienne altérer m& tran*
^illitéi
if authobt, à parU
Le.Toilà maintenant dànS lé chagrin : il xt^f
manqnoit qoe cela.
M. o£rOsté, asiisi -
Le coup d'hiei'I Oh! ce coup d'hier ! GoiniÊient
ai-je pu être mat avec un jeu si bien disposée
Vojons un peUi. Je n ai pas dormi de la nutt^
(1/ examine le jeu, )
Monsieur, poûrtoit-oa vous parler?
M* oéaoftTEà
Non<.
MAÀTHOil.
Non / Cependant j'aurois qufîlquei chose d'iiit4«
ressant....
TKéltrc. Comédiei. l3.> lO
^
110 tÊ BOURRU BIËNFAISÀJNT,
M. oâaosTE.
£h bien ! qu'at-tu à me dire ? Dépéche-toi,
MARTHOSr.
Votre nièce votidtoit vous parler.
Je n*&i pas le temps;
MAATSOV*
Bon I . . . C'est dond quelque "chose tl« bien
rieux que yons finites Ù ? -
A. GénoNTS»
Oui , cela est très sérieux. Je ne m*aiiiu»e g^^re ;
mais, quàn<l je in'amtiseV }®' À'afme pas.q[u*oii
irletineibet^mprelatète,enteuds^tu'1 *
MAATHON.
Cette panyre fille ! • • .
M. GinORTI.
Que lui est-il arrivé ?
«ARTHOift
On veut la mettre dans tdn côuyent*
' tt. oÉROSTE, tt levant.
l)ans Un couyent \ Mettre ma nièce aU «èuvênt f
Disposer d^ ma nièce ^ans ma participation, sans
înon consentement !
MARTHOn*
Tous sayez les dérangements de M. Dalancour?
M. GÉBONTE.
Je n entre point dans les désordres de mon ne-
yeù /ni dans les folies de sa femme. Ha son Bien ^
1
ACTE l, SCÈNE Yh in
^aïl k Qiangç , cpi-il se ruine , ^Qt pi^ pour lt|i ;
mais, pour ma nièce, i&suis le chef 4e ia famille.
je suis le maitxe ,.c est à moi à lui.doun,ç];un étajt.
MARTHOW.
Tant mifiux ppnjr e]le« monsieur; tant mieux»
Je 81ÛS encUaiitée.deyottS .xoir prendre feu pour
bs intérèta. de cette çhèv^ enfant.
st. oéno^Ti^..
Où est-elle-?
»
Elle est tout près <ri<ci , iiionsi<ttti^;.£U!& attend
le moment. . . •
Qu'elle yiçnne«
Ouij elle le désire très foct; mais****..
• .à ^
II. Gi&OVTE.
Quoi?
B|.AllTHOV<i
'l)l)e est timide^,.. .
M. <i.énoKTE«.
Eh bien?
- »
MAaTBQH*
Si TOUS lui parlez. . . .
if. atK0.7S.Tz, vhênunin
U faut bien, que je lui parle.
ItAlITHOV*.
Oui.; mais ce ton de ^oijL. . . «
lia LE BOUHRU BIENFAISANT.
M. G é HONTE.
Mon ton lie fait de mal à personne. Qu'elle
vienne , et qu'elle s'en rapporte k mon cœur ef.
non pas à ma voix.
mauthoit.
Gela est yrai , monsieur ; je vous connois ; jo
sais que vous êtes bon, humain, charitable : mais,
je vous en prie, ménagez cette pauvre enfant j,
parlez-lui avec un peu de douceur.
M. oénoNTE.
Oui , je }ui parlerai avec douceur^
Me le promettez-vous ?
Je te le promets.
MARTHOir.
Ne l'oubliez pas.
M, oénoNTE.
Non.
(Il commence à s'impatienter, )
MÀBTHOir.
Surtout , n'allez pas vous impatienter.
Mt GÉnoNTE, vivemenU
Non , te dis-je.
MABTHON, à part, en s'en atlantf
Je tremble pour Angélique.
(me sort.)
ACTt: I, SCÈNE VII. ii3
SCÈNE VIL
Itf/GÉRONTE, wtf/.
Elle a raison. Je me laisse emporter qntlqvLe^
fois par ma yiTacité ; ma petite nièce mérite qu'on
la traite avec doucetir.
SCÈNE VIII.
M. GÊR>Oî¥T£ , ANGÉLIQUE , se tenant à quel^tu
distance», ^
Bt. GÉnONTE.
Approchez^ . . -
AHGÉLiQUE, avec timidité , ne faisant qu'un pa^»
Monsieur. ...
M. GÉnONTE, M/i peu vivement.
€omment voulez-vous que je vous entende , si
VOUS êtes à une lieue de moi ?
ANGÉLIQUE s'avuncc en tremblant»
Excusez , monsieur.
M. GénoNTE, avec douceur»*
Qu'avez-vous à me dire?
ANGÉLIQUE.
Marthon ne vous a-t-elle pais ^it quelque
chose?
M. GÉBOVTE, commençant avec trànquittité et
s*échàuff(int peu à peu.
Oui ; elle m'a parlé de vous ; elle m'a parlé de
votre frère, de cet insensé, de cet extrayagarjt ,
id.
ii4 LE ÉOURRU BIENFAISANT.
qui se laisse mené? par uoe femme imprudente ,
qui s est ruiné , qui s'est perdu , et qui me inaQC[uc
encore de respect ! ( An^étique veut s'en aller. )■ Où
allez- vous?
AvothiqvEf en tremhlanU
Monsieur, vous êtes en colère...»
M. OÉROUTE.
Qu'est-ce que cela tous fait ? Si je me mets ea
colère contre un sot, ce nest pas contre vous..
Approchez , parlez , et n'ayez pas peur de ma co^
1ère.
." ' '' •
Mon cher oncle , je ne saurois vous parler, si j^
ne vous vois tranquille.
M. oinoRTE, a part.
Quel martjre! {A Angélique, ea se contraignant»)
' Me voilà tranquille. Parlez.
▲ BGÉLIQUE.
Monsieur. . . . Marthon vous aura dit. . . .
M. GERONTE.
Je ne prends pas garde à ce que ma dit Mara-
thon , c'est de vous que. |e le veux savoir.
▲HOÉLiQuE, avec timidité*
Mon frère... «
M. aénoNTE, la contrefaisanf^
Votre frère. . . .
ANGÉLIQUE.
Youdroit me mettre dans un couvent*
M. OÉnOHTE.
Ehbien'I aimez-vous le couvent?
ACTE I, SCÈNE ?VUr. ïi5
Mais , monsieur. . . .,
Padez donc.
*
Ce n^est pas à moi à me décider.. . •
M» GÉBONTiT, encore plus /ifiifemet^t. .^,
Je ne dis pas qne yous vous décidiez : mais je
Teux sayoiir quel est votre penchant.
▲ HOélilQUX.
Monsieur, vous me fiiites trembler.
J'enrage ! ( En se confrai^nanf. '^-Approehez , j^
vous comprends ; tous u'aimez donc pas le cou-
Tenl? . r .. I
ffon , monsieur.
Quel est lëtat qiie yous aimeriez davantage ?
▲ VOÉLIQUE.'
Monsieur. . . ,
M. GinoJXT^t un pçu vivement»
,Ne craignez rien , je suis tranquille , parleÀ-œoi
librement.
ANGÉLIQUE^ à part.
Ah! que n ai-je le courage ?..
. u,^, GiB.OVXfi.
Tenez ici. Youdriez-yous yous marier 7
fiG LE BOURHU BIENFAISANT.
Monsieur,..,
Oui , ou non ?'
AHGÉLIQUE.,
Bi vous vouliez^ ...
M. GÉRONTÈ, vivemeni^-i
Qui , ou non ? ^
- ANOÉLiQUZi,
Mais , oui.
H. GÉRONTE, €%oort plus vhemenf^
Oui ? Vous Toulez vous marier, perdre U liberté,
la tranquillité ? £h bien ! tant pis ppur vous ; oui^
je TOUS marierai.
▲HGÉiiQ^Ey à paru
Qu'il. est charmant , avec sa colère !
M. GÉnèiTTE, brusquement,
Ayez-Yous quelque inclination ?
AifGil.iQVE, à-part.
Si j*Oftois lui parler de Valère !
M. GÉRONTE, v£veme/jf..
Quoi ! auriez^Yous quelque amant ?
AU OBLIQUE, à pari
Ce n -est pas le moment ; je lui ferai parler par
isa gouYemante.
M. GÉRôNïE, toujours avec vivacité.
Allons , finissons. La maison où vous êtes , les
personnes avec lesquelles vous vivez, vous au-*
ACTE ï, §CÈÎÎE Vin. uj
roient-elles fourni l'occasion de yous atacher à
qoelqn'nn ? Je yeux sayoir la yérité ; oui , je voua
ferai du bien ; mais à condition que tous le méri-
tiez ; entendez-yous ?
AvoiLi'QUE, en tremblànU
Oui , monsieur.
M, oÉR on TE, apee /em^m^ (oii«|
Parleis-moi nettement , franchement î ATei-TOna
quelque mclinatioxi ?
AHGÉLiQUEyen hésitant et trembiant*
Mais... non, inonsieur, je n'en ai aucune.
M. oéaoHTE..
Tant mieux. J9^ penisurai à yout trouver un
mari.
Dieu! je ne youdrois pas.,.,« ( ii! iU* Gcfrodle^)
Monsieur. . , .
M* 9ÉaOHTE«
Quoi ?
ANGÉLIQUE»
Vous connoissez ma timidité.
M. aénovTE.
Oui , oui j votre timidité. Je connois les femmes s
vous êtes à présent une eoloqibe ; quand vous se-
rez mariée , vous deviendrez 4tin dragon,
AlVCÉlIQUE.
Hélas ! mon oncle ^ puisque vous êtes si bon, . . •
M. GÉnONTE.
Pas trop,-
ué LE BOUBRU BIENFAISANT,
TPcrmcttcx-mpi de vous dire, m
M. GÉRONTByen $' approchant de la iable».
Mais Doryal ne vient pas.
4NGiLIQT7E.
Ëcoutezrinoi , mon cher oncle..»
M. GÉnovTK, occupé à son échi^uiegm
Laissez-moi.
AHGlÊOblQVE.
Un seul mot....
M. G é n o N T E , fort vivemenf*
Tout eftt dit.
Avtkti* Kju E , à part , ea s'en allant.
Ciel ! me voilà plua malheureuse que jamais ;-
que vais- je devenir? £h! ma chère Marthbn ne^-
inab^ndonnera pa9«
(EUesoft^)
•r •
SCÈNE IX.
M. QÊRONTE,»»/,
C'est *une bonne fille; je suis, bien aise de J»i
faire du bien. Si mêm^elle avoit eu quelque incli-
nation, i'àurois tâché de la contenter; mais elile
n'en a points Je verrai.. . je chercherai... Mais quo
diantre fait ce Dorya^, qui ne vient pas ?l Je meurs
d'enyie à essayer une secondcifois c^inau4it coup
qui m'a fait perdre la partie. C'étoit aûr , je devoi»
gagner. Il falloit que j'eusse perdu la tête. Voyons
un peu... Voilà l'arrangement ie mes pièces; voilà
ACTE I, SCÈNE IX iig
ceiai ûè Hoiral. le pousse le roi à la cAse de ta
loar. Doryal place son foû k la seconde case de
son roi. Moi... écliec; oui, et je prends le pion.'
Donral*.. a-t-il pris mon fou, Dorvàl? Oui, il a
pris mon fou , et moi... double échec avec le caya^
lier. Parbleu ! Dorval a |>erdu sa dame. Il joue son
toi ; je prends sa daikie. Cé coquin , ayec son roi , a
pris mon cavalier. Mais tant pis pour lui ; le Toilà
dans mes filets ; le voilk engagé avec son roi. Voilà
ma dame ; oui , la voilà ; échec et flôi'at ; c*est clair f
échec et mat, cela est gagné... Âh! si Dorval vfl^
noit , je lui fetois voir. (1/ âppeUe») Picard !
SCÈNE X.
M. GÉRONTE, M. DALÂNGOUR.
B. DALAHCOUB, à part, el d*an air tris embaf
' ratsé,
M OS oncle est tout seul , s'il votiloit mëcouter* .
M. o£ E ov t £ , sans voir Daiancour,
J'arrangerai le jeu comme il étoit. (It appetie
pius forte p picard !
M. DALAHCOUa.
Monsieur...
HL oi^BOHTE, tans se détourner, croyant pariât à
Picard.
Eh bien ! as-tu trouvé Doirval ?
< '» r
120 L£ ÔOtJRRU BIEfiiFAISANr.
SCÈNE XL
H. GËRONTE» DORYAL, H. DALANCOUR.
DonyAL, <iui entre par ta porte du milieu , à mon*
sieur Géronie.
Me Yoilà , mon ami.
M. UAtAircoiJB, ttun air résoium
•Mon oncle...
(M. Géronte se retournant, aperçoit Dalancoat*^
se lève brjusquement, renverse la chaise , s*en va sans
rien dire , et sort par la porte du milieu» )
SCÈNE XII.
M. DALANCOUR, DORYAL.
D o R y A L , en souriant,
Qv'zftT-CE que cela signifie?
■ . D A L A H G o u R , vfVemeaf .
CMa est affireu^i^ c'est moi à qai il en yetit«
DORyAL, toujours du même ton.
Je reconnois bieù là mon ami Géronte^
M. DAr^AVCOURv
J'en sais fâché pour yoUs<
DORYAL.
Yraiment ! je suis arriyé dans un mauyais m<»«
ment.
M. DALAllGOVB.k
Pardonnez sa yiyacité*
ACTE I, SCÈNE XîL tnh
DO K Val, souriant*
Oh ! je le gronderai.
M. OALAVCOUR.
Ah ! mon cher ami , il nj a que tous tjpa. puis-
•iex me rendre service auprès de lui.
DOBVAL.
J« le Youdrois Jbien de tout mon cœur; mais...«
M. DAtAncotra.
Je conviens que, sur les apparences, mon oncle
a des reproches à me faire ; mais , s'il pouvoit lire
Ku fond de mon cœur , il me rendroit toute sa ten-
dresse , et je suis sûr qu'il ne s'en repentiroit pas.
QORVAZ..
Oui , je vous connois ; je crois qu'on pourroit
tout espérer de tous ; mais madame Dalancour* . . .
M» DALAtfcouR, uti peu v'tvetnent.
Ma femme , monsieur ? Ah ! vous ne la connois-
sez pas y tout le monde se trompe sur son compte ,
et mon oncle le premier. Il faut que je lui rende
justice , et que je vous découvre la vérité : elle lie
sait rien de tous les malheurs dont je suis accablé :
elle m'a cru plus riclic que je n'étois ; je lui ai tou<
jours caché mon état. Je l'aime ; nous nous som-
mes mariés fort jeunes : je ne lui ai jamais donné
le temps de rien demander, 'de rien désirer; j'al->
lois toujours au-devant de tout ce qui pouvoit lui
faire plaisir : c'est de cette manière que je me suis
ruiné.
Tkéatrec Cosiédie». 1 3. H
t^t» LE BOURHU BI£NFAI$AXiT.
DORTAXié
Contenter une femme ! prévenir 9es désirs ! La
besogne n'est pas petite
M. DAlAirCOVK*
Jç âuis sur qat , si elle ayolt su i&oa état , lellc
eût été la première à me retenir sur les dépense»
que j'ai flûtes pour elle. ^
DO&TAL.
Cependant elle ne les a pas empêchées.
M. DALÂHCOtrni
Kon , ^ârce Qu'elle né s'en doutûit pas^
DonvAi, en rianf.
Mon pauyre ami T
M. -DlLtAvcôvù, d'un air piché*
Quoi?
noATAL, ioûjourt en tUuit*
Je TOUS plains.
VL, j} A.LAV co VA, vhementu
Vous mo^ueriez-YOUS de moi ?
n o n V A L , toujours en souriaaU
Point du tout. Mais. . . vous aimez prodigeuse-
ment votre femme.
M. DALANCOVR, encorc plus vhemenU
Oui , je l'aime, je l'ai toujours aimée , et je l'ai»
merai toute ma vie : je la connois ; je connois
toute l'étendue de son mérite , et je ne souffrirai
jamais ^u'on lui donne des torts qtl 'elle n'a pas..
DO AVAL, sérieusement»
Doucement , mon ami , doucement ) ïnodér^
cette vivacité de famille.
ACTE I, SCÈNE XIÏ, ,13
M. D A LANGOUR^ touj.àurs vwement.
Je roQs demande mille pardonsi; je serois au
êéseapoÎT de vous aToir déplu ; miii auand i\ »'a-
^itden^a&miBie..,
doutav
Allons , allons , n'en parlons, plns^
Um DALASGOUn.
Mais je youdcoia que tous en (fi^ssie^^ con^
▼aincQ,
D o a T A L , froidement
Oaî , je le anis»
Bc, slAlavcoùb, 'hivernent,,
fïon , TOUS ne letes pas*
D o a VA & y an peu phu vi9tmenh ■
Pvdonnez-moi , tous dis->je.
M, pAt.AVGOVa.
Allons, je tous crois ^ j'en suis rayi^ Ah! moot
ober ami , parler k xcton oncle pour itM>u
DonyAi:.^
Je lui parlerai*.
IC BAtAHCOtra.)
Que je TOUS aurai d'obligations i
DOnTAI.
Mais ^ encore , il faudra bien lui dire quelques
raisons. Comment ayez-YOus fait pour tous ruiner
en si peu de temps? Il n j a que quatre ans que
Totre père est mort ; il tous a laissé un bien consi*
dérable , et on dit que tous aTez tout dissipé ?
124 LE gOURRU BIENFAISfANT,
Si VOUS sayie;p tqus les malheurs qqi me sont
ArrÎTés ! J'ai vu que mes affaire? alloient se déran-
ger, j'ai Youlu j remédier, et le remède a ^té en-
core pire que le mal. J'ai écouté des projets; j'ai
entrepris des affaires ; j'ai engagé mon bien , et j'ai
tout perdu,
DORVAt.
Et Yoiià le mal. Des projets nouTeatiz! ik ea
ont ruiné bien d'autres.
M. DADAVCOUIU
Et moi sans retour.
BOlITAlu
Vous avez très mal fait , mon eher ami ; d*aii*
tant plus q[«e vous avez une sœur.
M. DALAjrCOUR.
Oui , et il fau^ïiTQit p«ns«^ k lui donner un état»
nonvAL*
Chaque Jou^r, elle embellit. Madame Dalancoixip
voit beaucoup de monde chez elle ; et la jeunesse ,
mon cher «^mi.... quelquefois,..» tous devez m'en-^
tendre^
M* p.AiiAiicoun..
C'est pour cela, qu'en attendant que j'aie
trouvé quelque expédient , j'ai formé le projet de
(a mettire dans uu couvent.
i)OBVAL.
lift njettre au couvent ; cela, est bon : mais en
avez-vous parlé à YOtrç oucle ?
ACTE I, SCÈNE XII. iiaS
• • • . . '
M. DALAHCOUn.
Non ; il ne veut pas m écouter : mais yona Inf
parlerez pour moi , vous lai parlerez pour Angé-
lique; il vous estime, il tous aime, il tous écoute,
it a de la confiance en tous, il ne vous refusera
pas.
DOBYAl.
Je n'en sais rien.
M. o AL A ne au n, vivemenK
Ob ! j'en suis sûr ; yojèz-le , je you» en pnef
tout k rheure.
■ t
DO a TA t..
Je le Yeux bien. Mais où est41 maintenant ?
M.. DALAVCOUn'.
Je Yais le savoir. Yojons , bolà , quel<ju*iinl
SCÈNE XIII.
PICARD, M. 0Aj;A«GOUa; DOHVACi«
Ptc!A.RD, à M. Datancour,
MOHSIEVB.
M, DALASCOUR, à Picard,
Mon oncle est-il sorti ?
PICABD.'
Non «monsieur; il est descendu dans le jardin
M. DALAir^COUB.
Dans le jardin 1 à l'heure qu'il est?
lPIGABD«
Gela est égal , monsieur : quand il a de Thu-
meui^y il se promine, il va prendre Tair.
1 1.
L_
i^e LE BOURRU BIETÎFAISANT,
dorVal, à M* Dalàncourm
Je vais le joindre. .
M. DÀLAVCouR,À DorvaU
Kon, monsieur; je connbis mon oncle.: il faut
lui donner le temps dé 'se' calmer, il faut l'at-
tendre.
DORVAL.
Mais , s'il alloit sortir, s*il ne remontoit pas ?
PICARD, h Dorval.
' Pardonnéz-moi,' monsieur, il ne tardera pas &
remonter. Je sais comme il est : un demi-quart
d'heure lui suffit. D'ailleurs , monsieur, il sera bien
aise dé vous trouver ici.
M. DiLLÀircovR, vivement,,
£n i)ien ! mon cher ami , passez dans son appar-
tement \ faites-moi le t)lai|ir de l'attendre,
DORYAL.
Je lè veuxl)ien. JW sens conibïenyotrië situation
est cruelle , il faut j remédier ; je l\ii parlerai pouiV
vous ; mais à condition . ...
M. DALAvcouR, vwemtnl.
Je TOUS donne ma parole d'honneur.
DORYAL.
Gela suffit. .
[It entre dans l*apparteméni de Ht, tiérohte:)
ACTE I, SCÈNE XIV. lay
SCÈNE XIV.
PICARD, M. DALANCaÙK,
H. DAtAflCOUR.
Tu n a pas dit à mon oncle' ce qtic je t avoiâ
charge de lui dire?
PIGAKD.
Pardonnez-moi; monsieur, je lui ai dit; mais
il m'a renvojé à son ordinaire.
M. nALAHCOVR.
J'cfi suis fâché. A'vertis-moî des bons moments
OÙ je |k>nrrai lui parle*; un jour je te récompen-
serai bien.
piCAuBv
Je vous suis bien obligé,' monsieur ; mais , Dieu
merci , je n'ai besoin de rien,
M. DALAVCOUn-
Ta es donc riche ?
pigaud.
Je ne suis pas riche j mais j'ai un maître qui ne
me laisse manquer de rien. J'ai une femme , j ai
quatre enfants 3 iedevrois être d^s l'embarras;
mais mon maître est si bon : je les nourri? s^ns
peine , et on ne connoît pas chez moi la misère.
(ïtsorU)
i
laS LE BOURRU BIENFA-ISAIClC
S€ÈNE XYi'
H. DALANGOUR» soiL
Ah ! le digne hoi|une que mon oncle ! Si Dorral
gagnoit quelque chose sur son esprit ! Si je pou-
vois me flatter d un secours proportionné à mon;
besoin ! .... Si je pouvois cacher à ma femme ! . . . .
Ah! pourquoi l'ai- je- trompée ? Pourquoi me ^uis-
je trompé moi-même ? Mon oncle ne xeyient pas.!
Tous les moment? sont précieux pour moi ; allons,
en attendant , chez mon procureur. . . . Que jy .vais
ayec peine ! H me flatte , il est vrai , que » malg^
la sentence, il trouvera le moyen de gagner du
temp^ : mais la chicane est odieuse; 1 esprit soufl&e^
€t l'honnenr est cpniLpromis. Malheur à ceux qui
ont besoin de tous ces honteux détours \ > ,
(li veut s'en aller.)
SCÈNE XVL
M. DALANGOUR, MADAME DALANGÔUR,
w. D ALAN corn, apercevant ta femMB,,
Voici ma femme.
0
MADAME DÂLAVCOUll.
Ah , ah ! vous voilà , mon ami ? Je vous cher-
chois partout.
M. DALASCÔUR#
J'allois sortir...'.
ACTE l, SCÈNE XVI« ^ x^
U A O À KE D.A L A KG O U H.
Je Tiens de cencoatc^r oe bourru.. m ilgrondoity
il grondoiti
Estvce de mon oncle que vous parles?
MADAME DALAHCOUA..
Oui. J'ai yu un cajon de soleil ; j^al été me pro#
mener dans le jardki, et je Tai rencontré : il pes-
toit, il parloit tout seul et tout haut;, mais tout
haut. ..«. Dites-moi une chose.... n j a-t-tl pas chez.
Lui quelque domestique de marié ?
U^ QACiAaco^ua..
Oui.
MApAM]^nALA»C01Tft.
Assurément, il faut que cela soit : iidisoit do
mal du mari et delà feînme; mais du mal!..« ie
▼ous en réponds.
H« i>.A|.AHC0iin, à p^ri,
Jo me doute bien de qui il parloit.
MADAME DAZ.AHCOVB.
C*est un homme bien insupportabhï-
M. DALAVOOnV^a*
Cependant il iaudroit avoir quelques égardii
pour lui.
MADAME DAl'AVCOVR.
Peut-il se plaindre de moi ? Lui ai-je manqué
en rien? Je respecte son âge, sa qualité d o«cle. Si
je me moque de lui quelquefois., c'est entre vou»
et moi ; vous me le pardonne? bien. Au reste , j'ai
tons les égards possibles pour lui ; puais dites-^moi
iSô LE BOURRU BIENFAISANT.
f incèrement ,* en a-t-il pour vonâ ? en ar-t-il pour
pioi'? il nous traite très-durement, il nous hait
sou yerainement ; moi , surtout, il me méprise on
pe peut pas davàiitage, Faut-il , malgré tout cela ,
le flatter, aller lui faire nôtre cour?
M. nALABCOun, avec un air embarrassé.
Mais..*, quand nous lui ferions notre cour.... il
est notre, oncle; d'ailleurs, nous pourrions ei\
(lyûir besoin.
MADAME DALAKCOUn,
Besoin de lui 1 Nous ? Comment ? N'avons-noua
pas assez de bien pour vivre honnêtement ? Vous
êtes rangé; je suis raisonnable; je ue vous de-
mande rien de plus que. ce que vous ave» fait pour
moi jusqu'à prçsent. Continuons avec la même
modération , et nous n aurons besoin de pe^onne.
M. D A I. A V C o u R ,' d'ùii olr passionné.
Continuons avec H même modération. . , «
MADAME DALANCOUB.
Mais oui ; je n*ai |{oint de vanité , je ne youa
demande pas davantage,
M. uALAVconR, à partm
Malheureux que je suis !
MADAME DALAHCOVft.!
Mais vous me paroisse? iiidfniet , rêveur ; voni
avez quelque chose. . . .. vous n'ête^ Jàs tr'attqtoille.
' M. DALAWCoÛRi
Vous vous trompez, je n'ai rien.
ÀCÏE 1, SCÈÎVJS XVl. t3i
MADAMEDAl^ANCOUll.
Pardonnez -moi, 'je vous connois, mon cher
àmi : si quelque chose vous fait de la peine,. tou*
driez-vous me le cacher ?
Mi DALAHCOUA, toujoun eméotrassém
C'est ma ^œur qui m'occupe , yoilà tout.
MADAME OAtAHCOrE*
Votre sœur? Pourquoi donc? C'est la ineilleute
enfant du monde ^ je l'aime die tout mon cœui:*
Tene*, mon ami, si vous rouliez m'en croire^
vous pourriez vous débarrasser de ce soin , et la
rendre heureuse en même temps'.
V. PAI.AHCOUIL.
Comment ?
MADAME DALAITCOVII;
Vous voulez la mettre dans un couvent; et je
sais, de bonne part , qu'elle en seroit très fichée J
M. J) ALAVCOt IL, un peu fiichéi
A son âge , doit-elle avoir des volontés ?
MADAME DALABrCOUn*
Non, elle est assez sage pou^ se soumettre k
ctlle de ses parents. Mais pourquoi ne la .lûiar^ez-
YOttspas?
M. DALANCOUR. i
l^e est encore trop jeune.
,u MADAME DALAIfCppa^
Bon! étois-je pluï âgée, quand Ài>m nom
•ommes mariés 7
ii^% LE âOURRU BIENFAISANT.
If.. DAL^BGOUBy vivemenU
Eh bien ! irai- je de porte en porte lut chercher
un mtri ?
MADAME BAtAHCOVft.
Écoutez , écoutez-moi , mon cher ami ; ne vous
ii^chez pas , je tous en prie. Je «rois » si je ne me
trompe , m'être aperçue que YaHre l'aime , et qu'il
en est aimé.
M. DAIiAlICOUB) 1^ /Kirt.
Dieu I que je souj&e I
MADAME DALAMCOVar
Vous le connoissez : y auroit-il pour Angélique
un parti mieux assorti que celui-là ?
M. DALANCOun, toujours embarrauém
Nous verrons ; nous en parlerons»
MADAME DALAETCOUE.
Faites-moi ce plaisir, je vous le denianile en
grâce ; permettez-moi de me mêler de cette alTairc \
toute mon ambition seioit d'jr réussir.
M. DALARCOua, irès embarrattém
Madame. ...
MADAME DALAlircOUa.
£h bien ?
M. DALAVCOCB.
Cela ne se peut pas*
MADAME DALAirCdUa.
ffon ? pourquoi ?
H. DALAETCouB, toUfours embortAssé.
Mon oncle y consentiroit-il? 4
ACtÊ ï, SCÈNE XVÎ. i3l
MADAME DALAnCOUn.
A la bonne heure. Je veux bïen qu'on lui rende
tout ce quricd est dû; Aiaû tons été» 1^ frère. La
dot est entre yos mains ; le plus où le moins ne
dépend que de vous. Permettez-moi de m^assurec
de leurs inclinations , «t que j'arrange k peu près
l'article de l'intérêt, v. .
M., DALAvcov^, vivement,
Bfon ; gardez-yous-en bien , s'il tous plait.
MADAME DALAirCODIl.
Est-ce que vous ne voudriez point marier votit
wearl
U DAlAHCOVa.
Au contraire.
MADAME DALAHCOUR»
Est-ce que. .. .
M. DALAMCOUll.
Il itnt que je sorte; nous parlerons de cela à
mon retour. (Il veut s'en altéré)
MADAM.E D,ALAHG017a.
Trouyez-yous mauvais que je m'en m41e ? '
M. DALABr<;ouR, en s'en aliant^
• - • *
Point du tout.
MADAME DALAHCOUR.
Écoutez ; seroît-ce pour la dbt ?
Mk DALASCOUR.
Je n'en sais riien.
(Il sort.}
HMtn. ComièU; i3« la
iZi LÉ 50URKU BIENi?AÎ3*»T,
SCÈNE XVÏL
Madame dalangouk, teu^e^
Qu'e8t-<!E que cela signifie? Je n'y entends rien.-
Se pourroit-il que mon mari..^. Non, il est trop
sage , pour ayoir rien à se reprocber.^
SCÈNE XVIII.
MADAME PALAJ^COiU^», ANGELIQUE.
AHaétjQirc, sans voir Madame DAlûncour.,
i'
S I je pouyois jparler à Marth(m . . . w
MADAME l»ALA9FCOUR4
Ma sœur.
AKaiLtqvÈ, d'un, ait fiiçhé.
Madame.:
MADAME tAïkvcoim, avtc amUU,e "
Oiyt allez-yous, ma sœur?
ANGÉLIQUE} d*an ait fHchéi
Je m'en allais , madaiAe..
MADAME ÛALASCOtTRét
Ah, afai yoùsêtes donc fâchée?
■.;/.'<• ' ■
ANa£LIQ¥E.:
Je dois 1 être.
MADAME DALAirCOttR»
« - I V l J " - t
Ëtes^yQUS fàehée contre moi ?
AII&ÉLIQUB»'
MaiKs, ma<ïame....
> K* « • C *
ACTE I, SCÈNE XVlïf, i35
MADAME JiAjéASCàiJtL*
Écoatex , mon enfaot. Si c'est le projet ^n coo^.
%eiit qui TQuà fâche, ne crojret pas que ]j aie
part ; au contraire^ Je vous aime ,' et je ferai tout
ce que je pourrai pour vous rendre heureuse.
AxrcÉLiQUB, A pfwi, en pleutantl
Qu'elle est fausse !
MADAME SALAÎICOUH.
Qu'ayes-yous ? vous pleurez , je croi^
Air'aiL'iQirx, h part.
lElle ma bien trompée. (EUe t'efsffie tes jfecu^J
MADAME QALANCOPn-
Quel est le sujet de votre chagtin ?
AvaÉLiQUE, avec dépit*
Hélas l ce sont les dérangé!mèiita de mon lrére«
MADAME DAiiA^cotin, aveç éhnnefnenh
Les dérangements de votre frère ?
AVdtLUfVÉ',
Oui ; persoilde ne U sait mieùs qne votia..
IÉAd'ÂME DAIiAVCOUB.
Que:dftea-voTis Vh?\ Etplîqtiét-vqtis , à'iî yf^ia
plaît.
A1I6iL|QVB«
Cela eKt fnutite.
SCÈNE XIX.
H. GÉRONXE, IIIADAM]^ PALXNCOUR^
ANGÉLIQUE; PICAHD, for|an« dt( tla^
partement de M* Qéronte^.
Ift. oIbovts^
PlCA^B !.
94GAAI>*.
Monsieur^
M. GÉHONTEyà Picard j vlv€mei!tti>
Eh bien I Dorval ? t
PICABO.
MonsieHr ^ il est dsLu». votre chgpbT^ v il. tqu».
attend,.
M. a tuas T£^
Il est dans ma chambre , et tu ne mj^ le dia pas î
Monsieur , je n*^ai pas eu le temps^
M. oé a oq T S , apercevant AngéUff^e èLinad^dime Da-
lancour-,, parle à An^Uf^ue , mais ea ^ tournant
de temps «n. ()Siii|M «eri madame Daiancçur^ pour
quelle en a^ sa part.
Que faites-yous ici? C'est nM>n salon. Je ne veui^
pas de femmes ici ; ye ne yeux paaide yotve funiUe;.
allez-YOUft-en..
AKO]^.LIQ9E.
Mon oher onclte. . .
M. GéaosiTE..
AllezrYouB-en , vous dis-jc.
(Angélique s'en va mcrtifiée^)
ACTE I, S€ÈKE XX. ; i^y
âCÊNE XX. '
PICARD/ MADAME DALÀHCOUR,
M. GËROKTE.
«AS AME JiAiAV<iovti,àM,Gir6nte.
SovsifeTTii, je TOUS demande pàtdon.
JL cénoviZfie tournant du c6té ' par' bà Angélique
est sortie; mais, de temps en temps j se tournant
vers madame Datancour^.
Gela est singalier! Cette impertinente! elle vent
Tenir me gêner. Il y a un autre escalier ponr sortir.
7e condamnerai cette porte^
MADAME DAI.AVCOUB.
Ne TOUS fâches^^ pas , monsieur. Ponr moi , je
vous assure. . .
M. ftéaoïfTE voudrait alter dans sei^ appartement,
mais il ne voudrait pas passer devant madame Da-
àancour. Il dit ^ Picard :
Dorval , dis-tu , est dans ma chambre ?
PlCAltD.
Oui , monsieur .1
MADAME DALAHCOURy s'apercevont de la contrainte
de M, Gérante, se recule.
Passez, passez, monsieur; je ne tous gêne pas.
M. GiaONTE, à madame Dalancoar , en passant , et
la saluant à peine»
SerTÎteur. Je condamnerai cette porte.
(Il entre chez lui; Picard le suit.)
la.
i38; ILE BOURRU, BIENFAISANT.,
SCÈNE XXI.
MADAME BALANCOUR; feule.
Quel caractère I maii ce nei\ pas cela qui m'in-
quiète le plw, c'est le i^oble dç mon mari , ce
sont les propos d'Angéliqae. Je^ doute, je er^iiBS ,
je youdrpis .poopioltre la vérité , et je tremble jd«
l'approloudiv*
jrilt. D^,?]lEMIEIt ACi;!.
.«Il ' «.
f
ACTE SECOND.
SCÈKE I.
DO R VAL', M-.GÉRONTÊ.
Allpss' jouer ^ et ne m en parles^plns.
DOBY.AI,,,
Mais il s*agit d'nn neveu. j
M. GÉBoiTTE, viveiMnU
D'un sot , d'un imbécile , qui est l-eselaTe de sa
fiemme , et la victime cie sa yanité.
De la douceui*, mon cher ami , de la (louceur.
• ' w. oéaoHTB.
£t vous , avec votre flegme , vous me fêtiez en-<
rager.
nOBVAL.
Je parle pour le bien.
M. GÉROirW.' ;
Prenez une chaise. (li i'ûsiieit.)
BoavAL, d'un ton compàtUiant', pendant (fU^ii ap-
proche de ta chaise.
Le pauvre garçon !
Tojrons ce coup d'hier^ '
»4o L£ BOURRU BIBNFÂISÀNX.
DO AVAL , toujours du même ion*
Vous le perdrez. , . ,
Point dtt tout; yojons.
Vous le perdrez , vous dîs-je.
Je »ui8 sûr que Apn,, ,^
BonyAL.
Si TOUS ne'lè ^ecou^éz pas , vous lé peiures*
M. olnoïTi.
Qui?
DOAVAB.
r. .Vbtw.neveii.: ..' r.i. .
M. G^soNTE, vwementj :'■
£h! je parle du jeu , moi. Asseyez-vous^
)>: . -6 onT Ah f s' asseyunU
Oui , je veux bien jouer ; mais écoutez-moi aiH
paravant.' .■.. ....,• ■ . > ■
M. GÉnOVTE.
Me parlerez-vous encore de Dalancour ?
non VAL.' '
Cela se pourroit.bien4
M. GéR0.STX, . ■
Je ne vous écou,te pas. . .. , ^
naavAL. .
Vous haissez-donc Dalancour? . •
Point du tout ; je ne hais personne*
' ACTE II, SCiKBl. i/Si
Mais si ron» ne Toaléz pas. .jp w.
Finissot; Joue»-; jouons, ou j^mleu-TaM*
DQ&YâL..
Encotenninpt, et jefinisA ., . •
Quelle patience!.
OOBYAL..
Vous avex du^bien:
Oui ^ grâce a», ciel.
ooayAsi,
Plus ^'il. ne ^oas en faut.
Oui ; au ftervice de mes amis*
Bo^ayAi.. '
Et vous ne voulez rien donner î^YOtt^ ùertnj
?as une obole».
souyal..
Par consé)[}uent. . .
Par conséquent ? . . .
\ous le haïsses^
M. oénovT», piitsmvement
Par oonséquent vous ne savez ce que YOUfc dîtes:
îe haU , je déteste sa fiiçon de penser , sai njauvaise
conduite i lui donner de l'argeitit i^e serviioit jn'à
i4^ LE 90UREU BIEJVTÂXSANT.
eatretenir ta vanité^ «ar prodigalité , ses ialiea^
-Qu'il change de s^«tème , }h efaaiig«tat aiissi viÀ-à*
vis de lui. Je yeux tfuet le repeffûr mérite le bien-
fait, et jéti» 3iretix\fta ^oe le Wetti«tt «upèchè I«
xepentir.
9 0 A Y A L , aprég un mèiHeht ifir silëàèe', ' jfifhûU conf
vaincu^ efjâH ftiriéoiiÊement:
Jouons, joi^ns.
,Jo^ons«
POItVai^, en' ja liant,
J'jBa suis fâché.
M. G É a ô Vt e', en jouanL
Échee au roi.,
ooayAL, en j<mai:iU
Et cette pauvre fille?
... M. ^énoHTX^
Qui?'
QOAYAL.
Angélique*
M. GiHONTJB.
Ah! pour celle-là , c'est antro chose. Parlez^noi
de cela. ( Il iaUse le jeu. )
DO^YAL.
Elle doit bien souffrir aussi.
jy al peméy j j ai pourYu; je ta marnrai.
00% Y AL. (^
' HJÈÔt iikiènx^ Elle le mérite bien..
I
Voilà, par exemple , une petite petioàne ac^
tompiie , n est-ce pas-? > .
Oni»
Ui GÉROHTE. ,
Heoreul celtii qj;^ X^xff9i\ {Il tévt un instant, et
se lève enappe^i^i^ poxvdl \
s O UVAL.
. ». I ^ îi
Mon aii^«
H. oénoïiTC. f
(Ecoutez.
s o H y A L , ^e levanti,
(Bfabien?
il. oéROUTEé
Vous êtes mon ami.
DOATAZm
Oh! sûrement.
K. cinoÀTÉ.
Bi vous la voulez, je Vbiis 14 dbline.
noRTAt^
Quoi?
M. OlÈBOiTTKi.
Oui , ilia nièce.
B011TA£«
Gomment ?
Mi àtvLOVTTf ifiuément.
Cornivuen^î çonment! ÂXe^^yno^êMot^^ ?,«^ |tt'«i-
tendeft-Yous pas? Je parle iâUisefnont..O.^>.«ii ▼/O^
la Toulez, je tous la donne.
j
9iS LE BOURRU BIENFAISANT.
Ah! ah!
Et, SI TOUS réponses , outre sa dot , je hn «Ïob-
nerai cent mille livres du mien. Hem ! qu'en dlteft*
TOUS?
.BOBTAL.
9fon cher ami, yous me faites honneur.
M. aiaovvE. ^
Je TOUS connois; je ne ierois que le bonhcuir de
ma nièce,
DonvAfc*
Mais. . .
Quoi ?
Son frère ! . . .
Son frère! Son frère .n'est rient ••• C'est moi qtti
en dois disposer ; la loi , le testament de nxoa
frère.... J'en suis le mahre. Allons, décidez^voua
aur-le-champ..
BORTAL.
Mon ami, ce que voi^s me, proposez là n«at pas
une chose à précipiter; vous êtes trop yif«
M. O.]&a0HTE.
Je n*j vois point de difficultés; si vous l'aimez ,
si vous l'eitimez, ti eUe tous convient, tout «st
dit. <
4GTE II, 6Q%M%lf^ t45
..fiOUYA».! '
• •«
I I
DORYAt.
Comptea-Yons pour rien la dlijn>opOf tion" ^
Mise ans à-qiianmt»-<^aq? . ' ;
M. >9£kostb. "•
Point ^n tont( t4>iis étsB «acom fcane , et js
conçois Angélirque ; ce n'est pas une tâte éYeutsW^
BoaVAi.;
D'aiUenn, «lie poucsoît afvir «pni^M indintp
tjûU, /.
K.. GÉaOUTX.
Elle n en a point.
DOaYAli,
£9 étes-Yoas '^ien aûv ?
M. aiaovTZ.
Très sûr. AUops , concluons. Je Yais chez mou
notaire; je ^}» dresser le contrat; elfe e^t à yous«
PO ^ TA t.
Doucement, mon ami , doucement.
M. atnovTZtVivefnent'-
Eh bien! quoi?Y0u1ec-'YOus encore me fatiguev,
me chagriner, m eonujer ayec yo^re lenteur, YOtrp
•ang-^id? .
Vous Ypndriei^ donc? t « ^
i46 LS B9UE»U«IBKrAl>8A{ri:.
Oâf , Tou donnée nae jolie fiUe , Mger, hoa^
néte , rertaenie , »reo eent atUe écus de dot , et
cent mille liyre» 4iÊ'ffé»étit de iiooe.) ceto 9oiu £tk-
che-t-il?
C'est beaucoup plus qwk ja aflimévite*
Votve ai^daMie^ daiif ee novient-ci^ >nie ievoit
dcianer a« diable^
fit TOM flriiiiT. iM. YjMit 4e yeofe»^.
M. GiaOSTS.
J>0aTAL. ..
Ebblee! j]7C099e]ift,
Vrai? -,
PPATAL.
Quoi?
ooavAL.
Qu Au^litjne j opnseutifa,
M. GÉBORTE^
Vous n'ayez pas d'autres difficultéa?
Que celle-là.
Tint mîeoK , li cela M ¥érifiiB«
m. OÉBOHTS.
9Ar, très sûr. Emib^aàsèîMlioî, mon cher neyeu*
Sn^>f«Bfloa»-o«u«d<H»c, aaoa cher onde.-
SCÈÎfE II
H. DALimCOUR, M.GÉ110NTE, IKniTAL.
(Mi IMkncMf eùtrê ^W là j^fttf oti roâaj u ttiR son-
aade, il'écoate en passetkt fl se seaT«che»lmvmiii
ii reste khla^poKe fomr éo&j^mJ)
M. O-énONTE.
C'est Ib jbttr Îb phis heunetul de ma t48«-
Qne vous êtes adorable, mon cher aBÛl
M. a£ax)v<^TE.
Je vais cfae^- mon notaju^ *,, tout ierA-pjcét ||0«v
aujburd'huii (ltapp*iie^) Pioard!
SCÈNE iir.
M. nAI;;àN€OUR, SI. GËROIfXErDOUyAL^
BIGARI>i
IK. aâaoK«s»dPM«Mf:
KacaBae, «on ehapem.-
(9icardtpt4,y
«4S LE BOUaftU. BIEItËAlSA.ITT^
* SCÈNE IV.
Dt>RtAL, M. GÉKOirFE; M 1DALAN0OUR,
à sa périei
D O B Y A II»
J*xXAi, en attendant, chez moi.
■^SCÈNEV.
ibORYAL , M. â£RO]!fr£ , M. DALANCOUR y
PICARD.
( t\cmà donae. ^ son nattce sa canne et son chapeau , et
jréntre.)
SCÈNE Yî.
iTORt At , M. GÉRONTE j M. DALANCOUR ,
À sa porte»
ik: GÉlvoHT**
Nos , nOtt ; vous n'avez qu'à m'attendrez Je vai»
devenir ; Vous diherez avec moi.
^ DORVAL.
J'ai k écrire'* Il fafit âue je fasse venir mon
komme d'affaires qui est à! une iîcue de Paris.
' di.. GtaOlTTE.
Àlleï dans ma chambre; écrivez; envo^pex la
lettre par PiOard/ Otui, Picard ira lui-même la
porter; e'est un bon garçon, sage, fidèle; ft le
gronde qUe^j^tfifois , mais }e lui jv^eux du bieui
ACTE II, SGÊKë TL 149
Allons, j'écrirai là-dedms, pui^oe yoas k
Tonlez absolnment.
tout est dit^
DOayAL.
Oui\ comme nous sommes convenus.
M. Gi&o B TE, en /ui prenant ta main^
Parole d'honneur ?
non VAL, en donnant la main^
Parole d'honneur.
Hi GÉBOHTE, fln\s'eii aiiaMi^
Mon cher neveu ! . . . (1/ sort. )
(Jtf« Daianeeur, au dernier mot, manque de la \oie!^)
SCÈNE VIL
M. DAXANGOUR, DORVAL.
Es vérité^ tout. ce qui m'arrive me paroit un
ftongCi Me marier ^ moi qui u'j ai jamais pensé!
X. SALAHCOVR) avec la plus grande joie.
Ah ! mon cher ami , je ne sais comment Voua
marquer ma reconnoissauce»
DOÀVAL.
De quoi?
M. DAlAHCOtJB. •
N'ai-je pas entendu ce 'qu'a^'dh mdto-t>ncle?{l
m'aime , il me plaint 4 il va che2 son notaire ; il
Yooa a donné fa parole d9iO]Màeiir« je voislnj^^ca
idii
i5o LE BOURRU BIE3ÏFAISANT:
que yous^ ayez fait poarmoi. Je suis l'homme da
monde le phift heoiwttw
OORTAL.
Ne vous flattes pas tatit , mon cher àmi. Il n'y
k pas le mot de yrai , de tout ce ^ne vots imagi-
nez là.
M. DAlAHCOVB.
Gomment donc ? '
"^ soayAL.
J'espère Bien , avec le temps , pouvoir vous être
utile auprès de lui; et, désormais, j'aurai même
un titre pour m'intéresser davantage en votre fa-
veur : mais , jus^'à présent. •.m
M. DALAHcoun, vivement.
Sur quoi A-t-il donc donné sa paroler d'hon-
neur?
OOHVAL.
Je vais vous le dire... €'est qu'il m'a &it l'hon*
iKfur de me proposer votre somt en mariage*. «,.
«, DAiAi^covff, tfveb/ole.
Ma soeur! Vac6epte2-vous ?
DoavAi..,
Si vous en êtes content.
M. DALAHCDUB.
J'en suis ravi ; j'en suis enchanté. Poar la dot ,>
rotL$ eave z mon état actuel.
DO&TA». «
- 2fouspai^ltroM4Ue«Ift« .
.ACTE ir, acÈBîË vni: fSi
If on ^h^t frère , qné je vous embrftSM de tout
non eœiir !
Je me flatte qae Tatte oncle, dam cette occe«
sion<-4» >
M. DALAHCOUBé r
Voilà nn lien qui fera mon bonheur. J'en àrois
le plus graad besoin* J'ai été «lm.iaoQ procureur,
}e ue Tai pas trouvé.
SCÈNE yiii.
MADAME DALA^COtK' , ». tiAt£EreOt7R ,
BORTAL.
M. DALAVCOUE, aperc^sfUiit^tt femttH»
Au! madame DaiauçQUf^..*
MADAiis DALAHcoun, à M. Doi^iuiifur»
Je Yous att^ndois «yec impatience. J*ai entendu
votre voix. ...
M- DAtAveomi.
Ha ienitae, voilà M. Dorval qvte. je vout pré-
sente , en qualité de aaoa frère , d^époum d'AngéL
lique.
MADAME DAftAVCovay a¥ec joU.
<hM7
non VAL, à maéAmé Bàl^&ùài^i -
Je «erai bien â«llé,«ad4ifte/si mon bonheur
peut méritet votre approbati^* -
i
i5a LË.BOVRRt. BIEWFAISANl^i
&f A&AMç vAiAUceviky à DorvaL
^ Mdnùè^r, i«acfiui» «ochaatéec Jfe volis en féli-
cite de tout mon cœur. (A part.) Qu'est^e q^u'on
liie disait donc du dérflLQgeaneiit de mon mari ?
. . n* DALAircouii, à Dontaii,
Ma sœur le sait-elle ?
SORTAL, xf.Mi Datancour,
Jette le crois ipas. «
' ^ lIlABAÏtfE DÀl;A^eOUB, k ffÛtU
Ce n*est donc pas Dalanconr qui fait ee- m»-
riàge-là?
•Ml DAl»ÂirC0i7Si
VouleirYpus que je La fasse Tenir?
901|yA&,
Non; il faudroit U préyenir : il pourroit j arOis
encore une diffîi;ulté.
Mi -D'AlAircobiii
Quelle? '
b^dkvAir >■
Celle de son àjgrément. *
M. HAHASCOvAi
ITe craignez irien ; je kionnois- Atigéliqtie : d'ail^
leurs, votre état, Yotre méricew;; LaisseaL>^moi
faire ; je parlerai à ma sœur.
BO&VAI..
Non , cher ami , je vous en prie ; ne gÀton» tbtn \
Laissons ûdre M. Géronte. . \
A la bonne hetir^.. .
ICÎE II, SCÊNÊ Vifï. t&a-
J« B'eiitflikda rien à tùut cela^
DOUTAI..
Jfe |>asse dans rapjtartçment de votre oncltf
pour y écrire ; mon ami me Ta permis : il m'a or-
donné même de l'attendre. Sans adieu. Nous nou»^
reverrons tantôt*
(If entrd éani V appartement de Hit Oéronte^)
SCÈNE IX/
M. BALANCOUR , MADAME ÎTALANCOUR.
MADAMt ÙAlInCOUB.
A ce que je vois y cte n'esjt pas vous qui marie3i>
YOtre soeur.
M. a At hlf c 0 ii3 n, emùarrassé.
C'est mon oncle.
MADAME DAI.ABC017R.
Votre oncle! Vous en a^t-il parlé? Vous a-t-il
demandé votrç consentement ?
M. DALA5COUR, tfn pcu vivemcnt
Mon consentement 7 n'avez -vous pas vu Dor- .
val? Ne me l'art-il pas dit? Cela ne s'appelie-t-il
pas demander mon consentement ?
MADAME JiÀ.hÀ,vcovm.f uni peu vivement.:
Oui, c'est une politesse de la part de M. Dor^ .
val j mai» votre oncle ne vous en k rien dit.
^ i> AL AM COUR f entbatrassé»
€'e5tque«...
s54 tË ËOITRRU filEN FArSANT.
MADAMS 4»ALAirattfr«.
C'est <iv», ... il ■««• iiié(>ffM tùÉÊK^fiÈmmênt*
u, BALAVCO'Dii, viv^e/nenl.'
Mais Yous preaez tout de traver», cela est af-
freux; vous êtes insupportable.
MADAKE fiALAircona, au pça fdchée.-
Moi , insuppOTteble I Yea» me troorei^ insup-
portable! {Fort tendrement.) Ah! mon ami, voilà
ia première foi« qu'une tdle expression vous
échappe. Il faut que vous ayez- biea dir chagrin ,
pour vous oublier ht ce pomt.
M.* dalaugoVR, a part, twic transport.
Ah! cela n'est que trop vrai*! (A madame Dafan-'
eoar.) Ma chère femme, \e vous demaiHle pardon*
de tout mon cœur : mais vous connoissez mon-
oncle; voulez- vous que nous- nous- brouilètons da-
vantage? Voulez-vous que je' fasse tort à ma sœur?"
Le partir est bon , il n'j a' rien à dire; mon oncle
l'a choisi, tant mieux; voilà un emliàrras de noinst
pour vous et pour moi.
MADAME d'AtAircOVR.
Aillons , j^'aime bien que vous prenfez fti choie
en bonne part : ]p vous en loue et ^us admire ;
mais pei-mettez-moi une réâexibu. Qui est<4fe qui;^
aura soin des a'pprèts nécessaifes pôttv itiië feune^
personne qui va se marier? Est-ce t(fm oitdle
qui s'en- charger»? Seroit4A kwmefBi'ieroit'fl àé^
eent?.,..
▲CTE 11, SCÈNE IX. |5S
Mv »ÂIrAliCO«A.
Vous aTe» raison... Mais il y a encôn éxi temps,
.fions en- parleronv.
•lAOAMÏ BAlASOOVa.
ÊGOOtez. J'ainie Angélique, vous 4e aaves; cette
petite ingrate ne inériteroît pas <^ue je prisse ai|*
«an soitt d'elle : évadant elle eet rotve «Mr. ^
Comment! yont appelles aMieenif «sa ingrate l
Pourquoi ?
MAOAKS 9A<&AaC«V<fe..
N'en parlons pM« pwtr le présent. Je lui de-
manderai une expUeatîon' eatve elle «t mAt; et,
essai te... #
>«f. 'i>AiAirci>ii]r>H
IVon^ je reuK le savoir. . • .
M^pAMC J[>A«.AirCOVl|'
Attende? , mon cber ami. . . .
M. BAi.Avi>o«it, h4s vit^emenU
Mùu ife yettx le evrôtr, Tôas dis-je.
«TAB^lf^ DAtAMCOira.
Pnisqne yous le voulez, ii faut vous coptei^ter*
M, laAiAHCOUR, à paru
Ciel! je^tremble toujours.
«AttAM-B 9A|.A«C0«|I.
Totfe'flttfif.^«.
ir. »ALAiiGO|^a.
Elî bien ?
MADAME DAtAlVCO|7a.
le la oroit du parti de votre oncle.
f
I
i5$ LE B^OUERU BlÈHirAiSAIvr.
Pourquoi ?
MÀQAMB SALAHCOUa»
Elle a eu la hardiesse de me dirç , à moi-même,
f ae vos afaires étoiçnt dérangées ^at qiie* . . ^
M. pAi-Aivcoua. . .
Met affaires diérangéf s 1 f * , Le <«>|re^Toa8 ?
M AI>)AJfS> l>A,i,A4rcjonR.
|(0jQ ; mikia elle m- a parlé 4U fafQn k me faire
croire qu'elle me soupçonne d'en être U causât oiy
du moins d j «Yoir eoatrîbqé*
ji» OAEABCi^njl, 9it90rfi piuê vivement,
Voas ? Elk 70J1S soupçonna , y<pns ? . - .
MADAME DALASCOUI.
Ne vous fâchea pan, mon cher ami. Je rois bien
quelle n'a pas le sens.commun.
M. nAitAvcovViy Avefip094ion,
Ha chère femme ! .
MADAME pA^AHiCopi^* ...-
Que cela ne vous, affecte, pas. Poudui>i jjteiicai ,
je n'y pense pas. Tout vi^t d^lki YiPtre oi^ple ^9%
la i!»tt8« de tout. . > .^ 1 .
M,. pAi.Aii.coi7.a«
Eh non ! mon oncle n'est pas ni^taiumt*
Il n'est pas méchant ! ciel ! j a-Ml nep 4^ pis
sur la terre ? Tout k Theure encQrie , ne m'ai*t-4} pat ,
fait voir ? , . . niai^ je le Ivi pardonna. '
A<?TE II, $GÈN£ X. ^57
scÈiNrEx. "
MADAME DALANCOUR, M. DALAIVCOUR,
UN LAQUAIS
\ , ...
J.Z LAQUAIS, à M, Dalancour»
IfonsipuRy 09 yient d'apporter cette lettre pouf
TOUS.
M. DALAvcojrn, empressé , prend la lettre,
DpnDe.
( Le la(fuais sort, )
SCÈNE XL
MADAME DALANCOUR, M. 9'AL'ANCOUIit.
M. oALA-ircoua,à part, avec a^ita&ou^
YpYOSfi. G €8^ de mon procureur.
{Il oi$vre la lettre,)
MADAME OALABCOUB^
Qojl e8t-c« qui tous écrU ?
M. ^pALAHCOUA, en^/irroué*.
Un moment.
{tll se retire à f écart , il lit tout bas , et Jttar<ftie du
chagrin/)
MADAMi; pAi^^Lvcoun, flt par/*,
Y. anroit-ii quelque malheuv?
v. DALAHCOPft, fiprès avolr lui
Je suis perdu.
MADAME SALAHCODR^ h pûrtt
Le cœur me bat.
Thsâtrv. CoiMdIei. l3« l4
l5$ LE BOURRU BIENFAIBANT.
H. DALAVcovAy à pMiif o^tt ia fiut grande m^U
tation,
Hz panrre Imma, qiie vt-uelle djnranir? Coib-»
ment lui dive? J^ n en ni p#9 le couvage*
MABAMS DALAVCOUBy «A pUunutU
9f on cher Dalancolir , dites-moi ce que c'est ,
confiez- le -inol ; ne suis- je pas yotre xneiUearv
amje?
BI. DALASCOVa»
Tenez ,' lisez « roilà mon état.
( Il lui. donné ia telit^ et^ort,)
SOÈNE XIL
MADAVE DALANCOUH, sente.
Je tremble. (Eiée Ht,} « Tout est perdu , mon-
« sieur ; les .creimeiers n'ont ptts vtmlu «t^er. La
n sentence Tient d^étre confirmée ; elle vous sera
« signifiée. Prenez-^j garde » H 7^ a prise de corps. »
Ah! qi)'ai-je lu? QueTièns-je d'apprendre? Mon
mari... endette... en danger de perdrela liberté ! . . .
Mais.... comment cela se peut-il? poMitde |ett..w
l^inf de sociétés dangereuses,. m poilit d<e fe9tp....
pour lui... Seroit-ce pour moi? Ah dieux! quelle
lumière afireuse vient m 'éclairer! Les reprocibes
d'Angélique , cette haine de M. Géronte , ce -mépris
qu'il a toujours marqué pQur moi... Le voile se
déchire. Je vois la faute de mon mari., je vois la
mienne. Son trop d'amour 1*9 séduit, mon inexpé-
rience m'a aveuglée. Dalancour est coupi0^ey et io
WsiHi peut-être autant que lui.... Mair qliel re^
mède à cette cruelle situation? Son oncle seul..»
Mtt, sou oncle porurroit y remédier.'. . Mai« Dalan-
tour seroit^il en état , danfs ce mcinent d'abatte*
ment et de chagrin?...-* £h! si j'en suis la eaqse....
HivoloAtaîrer.. pourquoi n'irois^je pas moF-inéme?
Oui , quand je dertois me jeter à ses pieds... Mais^
avec ce caractère âpre , intraitable , pui»-)e me flat>
ter de le fléchir?.^. Irai- je m'esposer à ses dure*
tés?... Ahl qu'importe? que sont toutes les.humi-
liationa auprès de 1 état ailreilx de mon mari ? Oui ^
)y cour»; cette seule idée doit me donner du coU'
(£l/e iftnt s'en aiterdtê eôté de V appartement de mon»
sieur Gérante,)
SCÈNE XIII.
KADAttE DALANCOUR, MAKtfiON.
«▲BTBOBI.- '
Qùs £utet^ous ici , aadaïae ? M. Dalancour
l'abandonne au désespoir.
MA1>AM£ 0ALAVCOX7R.
Ciel! je rôle à son secours.
( EUe sort. )
#66 LE AOÙiCRU ÈlElSFAlSANT.
• ■ SCÈNE XIV.-
MARTHON, «eàic.
Qvc 1.9 malheurs! quels désordres I Si c'est ell«
qui en- est la cause ^ elle le mérite bi€a«««^.. Qui^
voi«-je?
SCÈNE XV.
MARTÏÏON, t^ALÈAE*
MAÈTHClir.
MoHSiEUR, que venez-YOus faire ici? Vous av^x
mal pti» votre temps. «Toute la maison est daas *!•
chagrin.
Je m ett dotit<)rs Bien*; je vien* de quitter le prcr-
eureur de Dalancour, et je viens lui offrir ma-
bourse et mon crédit.
AT AU THON.
Cela est bien honnête. Rien n*est plus génë.
feux.,
VAL i RE.
M. G^Fonte est-il chez lui ?
, MARTHOH.
Non* le domestique m*a d>t qu'il v^neit de le
voir ches son notaire^
VALÈBS.
* Chez BOB notaire?
. ACtElï, SCÈJrÊ XV. i6i
HABTHOir.
Oui ; il a toujours des affaires. Mais , est-ce que
TOUS voudriez lui parler ?
YALiaz.
Oui ; je yeux parler à tout le monde. Je yoû
ayec peine le dérangement de M. Dalancour. .J9
suis seul, j'ai du bien, j'en puis disposer. J'aim.e
Angélique; je riens hii offrit de 1 épouser sans
dot, et de partager ayec elle mon état et ma for-
tune.
Que cela est bien digne de yous ! Rien ne mar-
que plus l'estime , l'amour , la générosité.
yALèas...
Crojez-yous que je puisse me flatter? . . .
MABT'Boai avec loie.
Oui ; d'autant plus que mademoiselle est dans
les bonnes grâces de son oncle,' et qu'il y eut la
inarier.
YALàak
Il yeut là marier ? * *
11 ART B o V , avec joU,
Oui.
yALkas.
Mais , si c'est lui qui yeut la marier , il youdra
être le maître de lui proposer le parti.
M A B T B o N , après un moment de êUencê,
Cela se pourroit bien.
yAiikafe»
Est-ce une consolation foxa moi ?
«4.
i6ii L£ BOUJIRIJ BIÉlSflAISAUT.
lÊAmtmùÈm
Pourquoi pai ? < £« i« tournma ««fi ia couà^sêe.y
Venez» venez, madeinoitelk.
SCÈNE XVL
MAHrnoN, AKGÉiîQrrfi, valère.
Jt lui» lottle afiwjév.
Y A I. k H E , 4I ^A^tf/i^ue.
Qu'ayez-Tous, mtdeoioltelie 7
Mon patttTé frère...»
M AET 9o ir, A Angélique.
Toujours de i&dliié?
AwaihiqtJt, à ^àrlhonn
Il est un peu plus tran<jaîj[le«
MARTHO».
Écoutez, écoutez, mademctiselle : monsieur m'a
dit des choses charmantes pour toqs et pour votra
frère.
ASOlÊLiQVE.
Pour lui aussi ?
MAaxsos.
Si vous ssrriaa k «acnfioe qu'il se propoae da
faite!
TALias» bat^ à JAttrlh^n,.
Ne lui dites peu. X<$« t^éimani vert Angélique. )
t a-t-il des s«»ifeai.f Mail»- na sg^ita pai ?
ACtE II, SCÈNE XYh ï63
MAii;P:HOir.
Jfttf y il budra èn.paErkr à M. 'Géi«ste«
▲ ■GiLIQ.UE-
Ma bonne amie, ii vous youliet'TOUS en char-"
ger.
MÂiirr-Bôir. '
Je le veux bien. Que lui dirai-îe?'Vo;fôttid, con-
saltons. Mais j entends ^[ueïquSin ( £/ie court vers
Fappartement de M. Gérante et revieM.) C'est mon-
sieur Dorral. (A Valètê.) Ne Vous montrez pas en-
core^ Allons dans ma chambre y et notis ptirletons à
notre aise.
VA & à a E , A AngéltijUëH
Si TOUS Toyez votre frirè....
MARTHOli;
<
£hi venez donc , monsieur , venez donc.
[Elhle pousse^ ie fait sortir ^et eik sort avec lui.)
SCÈNE XVII.
DORVA£r, ANOXLlQtE.
AVGÉLjqxjZf ik joi-même.
Qt7e ferai-je ici avec M. Dorv^? Je puis in'en
aller.
DORVÂL , c/^An^éli^Uê, ^ui ^ poâr fOftir.
Ah! mademoiselle... yw^demoisellc?
I
i64 L'E BOVKRU BI&NKAISAIfT.
Ayezr-Teus yn moustear votre oncltf? ne Toua
a-t-il rien dit ?
AHOÉLIQUE.
Monsieur , je l'ai yu ce matin^ |
DO&yAi.. I
Ayant qa'U sortît ?. •
ANGiLIQOKé
Oui , mpnsieur. _ It ;
, poayAz..
£st-il rentré,?
▲ HG^LIQUE.
Non , monsieur*
DoayAL, à part
Ah ! bon ; elle ne sait encore rien.
An OBLIQUE.*
Monsieur, je yOus demande pardon. Y. a-t>il
qUelq[ue chose de nouyeau qui me regarde?
SORTAI,.
11 yous aime bien , yotre on^lè.
Airoi&KjuE, avec modetÛ€^ .
11 est bon.
DonyAx.
Il pense à yous. .. . sérieusement i *
ANGÉLIQUE.
G e9t un bonheur pour moi. *
nonyAt,
Il pense à yous marier. (Angélique ne marque
que de ^ tnodutU, ) Hem ! Qu'en diteaKVAua ? {Aii-
JLCirE U,. SCÈNE .XTM, *65
géûifue ne marque toajows que de ta modestie,) S^
FÎes-yoas bien aise de vous man«v?r
A H G i L I Qtr £ , modestemenU
Je dè^nài de mon oacle^
DORTAL.
Toulez-yous que je tous- dise quelque cli09€ de
plus?
AHGéLiQiTE, açec an peu de curiosités
Mais. . . . tout' comme il voi^ plaira , monsieur*-
tOAYAl.-
'C*est que le choix en est déjà fait.-
Augélique', à paru
Ah ciel r que je crains !
€*e9t de {à joie , je crois.
AiroÉLiQUfi, en tremblant.
Monsieur, o»erois-je vous demander. .>■,'
DOUVAI,.-
Quoi , aiademoiseUe ?
ANoÉLiQUE, toit\oun cH tcemMonf*
Connoissezoyous celui qu'ox^ m'^ destiné ?
DOKYAL.
Ou , je le connois ; et vous le connoissex aussîv
ANGi^LiQus, avec un peu de joie*.
Je le conuois aussi ?
nORVAL.
Certainement , vous le connoissez«
Monsieur, o»eroi»'ie...r . .
f(i6 LE ffOURRO HÉ»tAïSÂS%r
Parlez , madesoûelle.
Vous demanâer le nom du jeanc homnte 7
DORVÀL.
Le v^jivak du )etiae homme 7
kvaéLiqvz.
Ouijfii vouftie coonoisseï^
VORTAt.
Mai^.... Si ce n'étoit pa» tout «*à- fait xiû. jeaoe
iiomme ?
AHoihiqvt, à part, avec agitation»
Ciel !
Ï^ORVAt.
Vous éfèa iflge^.J Vous dépendez de votre
oncle <.-.<
àaoiLiQUE, en tremblant.
Ctojet-roxu , monsieur, qtte mon oncle yeniller
tné" sacrifier ?
DORV^l..
Qu 'tfp]^le2-tond sacrifier ?
AHo^LfQtTB, avec pasthn*
Mais...< sans l'aven de mon cœut. Il est si boîf f
Qni pourroit lui avoir donné ce conseil ? Qui est*^
ee q[nijui anroit ptoposé ee parti ?
DORVAL, un peu piffué*
Mais....- ce parti/.. < Si e'étoit moi, mademoi*
adle?...
AS OBLIQUA, «i^ee de ta joiê^
Vous , monsieur ? Tant mi tus..
ICTÉ iî, SCÈNE XVH,. 167
dOBYAL,' avec an air content.
Tant juietix ?
Oui , je TOUS conhois , vous èie» raisonnable ,
TOUS êtes sensible; je me confie à tous. Si TOUji
ay^ez donné cet ayis à ^on oncle 9 9% vous ayez
proposé ce parti, j espère ^ue tous tcouTeret'le
moyenne Ten détourner.
DO R VAX y à pari.
Ab ! ah! cela n'est pas mal. '{A AngéU<fue:. ) W^"
demoiselle 7
A^GÉLiQUE^ Xriilem^Ji/.
Monsieur.
noaTAL.
Aariez-Tous le cœur preTcnu ?
ARG^LiQUE, avec pasthttm
Ahf monsieur i
,|e TOUS entends.
Aj^% pitié de mou
Je l'ai bien dit; je l'arok bien préTU; heureu-
sement je' n'en suis pas amouceux, ma»s je eom-
mençois à j prendre un peu de goût.
Ilonsieur, tous né me dîtes rjen..
DORTAC.
Uais , mademoiselle..'..
i
V
f68 tK BO0RRU BiENf AISAffT
Prendriez -VOUS qnelqne intérêt particulier à
celui qu on youdroit me doup^r ?
DoayAL,
Un peu. /
AHaéLiQUE, avec passion et fermeté.
Je le hairois , je tous en avertis.
DOBTAL, à part^
La pauvre enfant l j'aime sa sincéritéj.
Hélas ! soyez compatissant , soyez généreux*
oonyAL..
Eh bien! madeiuoisetle.... je1« seraJL... je yons
le promets... Je parlerai à votre oncle pour vous ;
je ferai mon ptMsible po«r que vous sojez satisr-
faite^
ALfrGÊLiQtre, avec joie„
Ah ! que je vous aime !.
noRVAL, contenir
La pauvre petite !
ASGÉLiQfTB, ai^ec transport.
Vous êtes mon bienfaiteur, mon pfCtectAUr,
mon père. (Eile le prend par la main, )
DO&yA]«
Ma chère enfant !
ACTE H, SCÈKE XV.HI- ^69
SCÈNE XVIIL
DORVAL', W. GÊRONTE, ANGÉLIQUE.
M. &ÉKOBITX, avec gaîlé, à sa manière^
fi os, bon, courage! J'ea suis rayi, mes cnM
£iats. [Angéiique se retire toute mortifiée, titJ)ofVtU
sourit.) €o]]uneiit 4oilc ? est-ce qne ma présence
vous fak pev^? Je pe condamne pas deSrCmpMte-
ments légjiimes.Ta as bien hit, toi, Dorralj de If
prévenir. Allons, mademoiselle, embrassez yotc^
époux.
AHoÉLiQUB, consternée»
Qn*entends-:je ? . 0
DO H y Ax , à part , en som'kmL
He yoilà découvert.
M. oéBOBTTE, à Angélique , avec vivacité.
Qu'est-ce que cela signifie? Quelle modestie
déplacée ! Quand je n'y suis pas , tû t'approches ;
et quand j'arrive, tu t'éloignes. Avance-toi. (A
Dorvai , en colère, ) Allons , vous , appro^e^ donc
aussi.
DoayAL, en riante
Doucement, mon ami Géronte.
.M. OÉBOHTE.
Oui , TOUS riez , vous sente:^ votre bonheur ; je
yeux bieii'qtte Tou rie : mais je ne veux paç qu'on
ne fi»se enrager; entendea-voas , monsieur }e rieur 7
Yenes ici , et écoutex-moi.
f7<» L£ SOirmiU BIENFAfSAtlT.
Mais écouttz rouê-mème.
Approches doiic.
( 1/ ^èul la ùrendre par la mahr }
Air OBLIQUE, pn pUuranL
TÊou oncltt. . .
m, oÉÀevTE, fk Àngêfiiftié,
Ta i^etiTtfty tu hi* ïenhoiti ^vt te moqnes dp
^oi, )é ctàis, (Il /« preN«( fMW /a main e§ la frrpe éts
f avancer au mîiUu dm thééîi^;ensuUe U H tourna dtf
côté de Dorval, et h\ dit avec\ine espèce </e goHé : }
Je la tioxj^s..
poijivAL.
.j^. GÉROVTKy vivement.
f^iXM,. (,Uçba»ge dfi ton et^dit tran^Ul0menf:^J'ad
été chez mon notaire ; j'ai ^out arrangé ; îl a iait 1^
minute deyant mq* j il l'appprtera tantôt , et nou»
signerons^
Mais, si ypus youliez m'écoUter^
Paix! Pour )a dot , mon frété a frât W sûtûét âi6
la laisser entre les mains de son fifs : je me ^dpiHe
bien qu'il 7 aura quelque mttlTersation de sik pftrt i
mait iSeU te m'embarraue p9»« Geax qui Ont fait
des aflaires avec Int les auront mal faites, la dot ne
pent pas périr i et i es tout oat ^ c'est moi qui tous
CB rép<inds.
hn^itjdiqwZi à paru
Je B*e» pctis plfi«<
B^BVAl, éntkarrmiêèi
iTont cela est très bien ; mais/ . ^
M* aiaosTSrf
Qboî?
DO it TA L , regardant Ârt^éiuiM€i
Mademoiselle auroit q^tMsIqiie ekose k YOhB ék^
Ik-^esaoa.
avgÏliqoe, ^ite et ert ifet/UftanU.
Moi, iftonsieur?/.*
M. G^ROBITE.
Je Yondroîs bien voir qu'elle trouvât qxtelqocf
chose à redire iar ce qvefe hhf svr ce que j'or-
doaae et sur eé ^0 jfî veux. Ce que je vetix^ cer
que j'ordonne et c0 que je fais, je le iais , J4 le w^uM
et je Tordonve fo^t ton bien ; eotends^tu ?
DoavAii.
Je parlerai done moi-même.
H. oiaONTErf
Et qii*aTes-T<»«» à me dire ?
Qae f en stiis fâché , mais qiie ee mariagie He
peul pas se ûdtt.
V. oiaos.TB*
Yentreblen! {An^étiqu^ séUi^M lomU êffraifée ^
ty^ lE BCrURRU BIENFAISANT. ,
Vorval recale aussL ) Voû» m'ave^ donné votre pm J
toLe d'honneur.
Otti) mais à cpndition..*.
M. G i R o N T E , ^e retournant vers Angélique.
Seroit-ce cette impertinente? Si je potiyclls 4e
eroire.... Si je- peuvoîa m'en donter..... {Il ia tne-
iwce. y .
Hof'O.i^JL'ù-y sétieusetnenff
Non , monsieur ; tous avez tort.
M. G É R o H T E , je toùniaftt' versDiH'¥aU
C'est donc vous qui me manquez?
( AngéU<fue saisit le moment et se sauve^y. ^
SCÈNE XIX. •
M. GÉRONtEy 0ORYAL.
M*- Q tu 09 TE continue .
Qui abuses de mon anritié et d^ moa>âtUtche-«
Ment pour vou»?
Bon VAL j ktiusi$anlia<voUté-
Mai:» écoutez les raisons... -
M. GiaovTE.
PoinI de raisons; je suis un homme d'honneurv
' et, si vous l'été» aussi, ^allons tout à l'heure,. <^ fEn
te retournant^ il appeUe i ) Angélique !
non VAL} en se sausranL
Feste soit d« l'homme! il me pousseroit à bout;
M. GÉnOITTS.
Où est^elle?' Angélique ^ HoU^Iquelqu'nn*!
SCÈNE XX.
H. GÊRONTE, seul, li appelle toujours,
Picarb! MartUoa! la Pierre^ Courtois!.... Mais
je la trouvetai. C'est vous à qui j ea yeux, (li se
tourne et ne voU plusDorval ; U reste interdit. ) Com-
ment donc! il me plante là? (1/ appelle,) Doryal!
mon anii Dorval! Ah Tindigne! ah l'ingrat! Holà!
quelqu'un! Picard!
SCÈNE XXI.
■
PICARD, M. GËRONTË.
piCAaa>.
MôiisicuR.
11. GIÊBOSTE.
Coquin ! tu ne réponds pis?
PICAftD.
Pardonnez-moi, monsieur, me voilà.
M. OÉROITTE.
Malheureux! je t'ai appelé dix £iis.
PICAUD.
J en suis fâché...
M. .oiftoirT«.i
Dix fois, malheureux!
PICARD, à pariy d'un air. fiché*
U est bien dur quelquefois.
• As-tu ▼uDorval ?, '
i5.
1^4 L^ BOÙ&KÙ BIENf'AISANtj
picABD^ brutqueméku
Oui , monsieur.
Où est-il?
PtCABS. ;
rïesf|>àtti;
ik, aiabvtty vivemeAL
Commtûi é^fil parti?
PICARD, hrdsquemenU
Il est parti comme Tôii part.
Mt à^RÔHït, ttèt fHàhéi
Ah! pendard! est-ce ainsi (|ue Ton r^poiid à son
iiiaitre?
( Il te menaae et te fait reculer i)
p I c ÀR D , e/t reculant , d'un air très ftchéi
Monsieur , renra^ez-nloi . i .
M. «liRONTX.
Te renvojrer, màlb^UK^uxl
Çlt le me§9^^ ts fahwevutât^Pixfardi en r$cvù^ni^y
tombe entre la ckais4 et I41 t^blei Mi Gérante CQurt à
ion tecours et Ufa^ levier,)
pieARlk
Ahi!
(Il s'appuie au d^iftle. /« ehaise^ et U marque benU^
àoap de doaleun)
M. ftiaolTTE, fii^urrassé.
Qu'est-ce que c est dluuo ?
PtQAR».
Je suis blessé , monsieur ; vous H'«hw4 tftoopl^*
il. oé&««TBy ^'mii tàrpéttét^éti à part,
i'mA tmêHché, (À PieêM.) Peiu^l» marehêr?
y I c A B ]> , toujourt fâché ; U estait et mofcke huU^
Je crois que oui , tnottftienr.
M. GjÉBOHTx, brui^aemênti
Ya-Ven. - "
PICARD, trittement
y ou» Hlfe t6flV0/èt , monsieur t
lÉ. a£&ôfttÈ, virement*
Point dn tout. Va-t en chez ta femme , ^'on te
•oigne. (1/ tire sa bourse, et 'ùeut lui donner de taf*-
geuU ) Tiens , pour te faire panser.
piCA&o, à part, et attendri.,
Quel maître!
m; GÉaovTÈ, en fui ofprant de i'an^nt*^
Tiens donc.
picA:a:p« i^Qdesiement,
E|ii npn«|aoi&sieuv ; j espève.^e cçla ne sera
rieufc
lf« otnOHTBr
Tiens toujours.
picAAn, 4ii éefu^e^t paf kdnè^tetéi
Monsieur, t. «
M. oiaoïit^ vivement^
Gomment! tu lilftiMè ^ l'^t^ent? est-ce pàt
tfegoeià ?«st<ree pi^ déptt? dstnae |M haÎKit? i:t9is^
t» ^e î» r«ia iaît ui^a?, Ftènil «)ef ai^^anif^
prenda-le , mon ami ^ né m»Jm pàn iaiam»^* .
t;d LE B.OUftRU BIENFAISANT.
VICAKD, pretMRt V argent.
^e vous lâchez pa» , monsieur , je tous remevôie
de ¥06 Ëontés.
M. aÉSOVTE*
Ya-t en tout à Theupe.
riCARlh
Oui , monsieur.
(Il marche mal,^
M. OÉRORTS*
, Va doucement.
PICAAD.
Oui , monsieur.
M* OÉROBTB.
Attends^ attend»; tiens kna canne*
Monsieur.
M. OtROttTS.
Prends-la , te dis-je , je le veux..
PICARD prend ta canne «f dit en t'en aiiant.
Quelle bonté !
(îitort)^
SCÈNE XXIL
te. GËRONTE, MARXHON.
M. aiaoï^TE. . '.
Cei^ la prcantire fois de ma Ti#.*.« Petie aott
la rivacité! (Se promenant à grandi pat*) G*e«%
Doryal fki'm'aimpatianlé.
ACBE II, SCÈNE XXII .177
M'ARTHOirv
Moasiear, YOule2^yoas dîner ?
M. G é B. o n T B y très vivement'^
Ta-t'en à tous les diables.
(ll-.eotirt et s'enferme dans sQtiappariemenU)
SCÈNE XXIIL
MARTHON, seule.
B as r fort bien. Je ne pourrairien faiFe aujonr-
«n»i4 pour Ang;élique ; autant vaut que Yalère
fr'eu aille.
ris DU lECOHO JkCTB.
ACTE TROISIÈME.
SCÈNE L
m
^tCARD, ]»<ARTHON.
(Picard entre par U poAé éii niîtiea , MerthOn pÉr oetkf
àb IL Matteoiir.)
HABTHÔV.
^otrs voilà donc clé retour ?
p z c A li D y aifjant la caniie été ton iHàlttt,
Oui, je boîte lin peu; mais cela n'est rien, j'ai
eu plus de peur que de mal : cela ne nïéritôit pat
1 argent qu'il m'a donné pour me faire pansera
MAltTHOH.
Allons , allonir } à quelque chose malheu^ tsf
bon.
p I c A n n , d'un air contenu
Mon ptfuyre maître! Ma foi, ce trait-là m'a
touché jusqu'aux larlnet; il m'auroiH cassé lai
jambe , que je lut aurots pardonné.
MABTBOBI.
Il a tin coeur!... C'est dommage qu'il ait ce
tilain défaut.
Ricard.
Qui est-ce qui n'en à pÀs ?
U 90URRU , ex». ACTE III /8GÊNE I. 1 79
HARTHOV.
Allez, allez le Toir. 8aytt*Y0uM bien ^p'H ii>
pa« encore diné ?
picab;).
Foofquoi^dott!»?
Ehl il 7 a an >cho»ea , mon tt»£Mi( , à^ çb9se$
tembUatÀtmà egtttmaàaon.
fxcmtd.
Je le sai9 , j'ai renoofitFé tptre nev^eu , ef il m'^
tonteoBté. C^^ceipQUv çek qvtB^v.w^o^nffin» louf
de 4Qite. Le sait'-ilyiiioi^analtre?
Je ne le «i«|ift |Hii.
Ah ! qvil en 9tam&thM
HABTHOH.
Qui ; ^t la paufirç AqgéliqUf I
MaisValère....
HAmvaoïr-
WMrt, Yaléi«Mttpuio«E»»ei;ilA!a{MAVOiilti
•-'en .aller ; H est^ll^; tl ^noptifage leUDcve^ il 3»ga«de
la sœur, il c<»n8ole madajne. L*un ploDO».; TaiBUBa
4oapire; Tautre se désespère. C'est un chaos, un
Tcritable chaos.
PXCABD,
Ne vous éti^-vous pas charg^^ de parler k
monsieur?....'
i8o LE BOURRU BIJBNFAISÂNT.
MAATHOS.
Oui , je lui parlerai ; mais k présent il est trop
en colère.
picaud.
Je vais voir, je vais lui reporter sa canne.
MAKTHOV.
Allez ; et , si vous vojMi que J 'orage soît àin peu
calmé, dites-lui quelque eiiose'de l'état malheu-
reux de son neveu.
. PICAAD.
Oui , je lui en parlerai , et }e;Ye«8 en donaorsâ
des nouvelles.
(Il ouvre tout doucement, il entre dans Vappartement
de Mu'Géronte et H ferme Àa.pori^») . ,
MA&TBON.
Oui, mon cher ami. Allez doucement.
SCÈNE IL
MARtHON,^eii/«.
C'est un bon gv^rçon que ce Picara,. doux,
honnête, serWable; c'est le seul qui me plaise
dans cette maison. Je ne me lie pas avec tout le
monde y moi.
ÀGTË m, SOË^E III. idi
SCÈNE m.
MARTHON, DORVAL-
n OftTA t , parlant bas et souriant*
£b bien , Marthon ?
MAATHOU.
Monsieur, yotre très-humble serrante^
DO AVAL, en souriant,
M. Géronte est-il toujours en colère ?
MAHTHOtTé
il nj auroit rien d'extraordinaire en cela; yoùt
le connoissez mieux que personne.
nORVAL.
"EâuU toujours bien indigné contre moi ?
MARTBOir*
Contre vous , monsieur ? il s'est fâché contnt
TOUS ?
D o à y A L , en rtant et partant toujours*
Sans doute; mais cela n'est rien : je le connois,
je parie que, si je yais le yoir^ il sçra le premier k
se jeter à mon cou«
HAaTHOVt
Cela se pourroit bien ; il yous aime , il youa
estime; yous êtes son ami unique.... C'est singu^
lier cependant , un homme yif comme lui ! ^ Et
Tous, sauf yotre respect, yous êtes le mortel le
plus flegmatique.....
DORyAL.
C'est cela précisément qui a conseryé si long-
temps notre liaison.
9rhé«tTc. Comédies. l3« i«
ia2 LE JBOURRU BIEIîFAISAPîl**
Allez j ailes le voir. ^
Pas eneOBe : ^ ¥e!ndrotf«v^lur«ViMt voir inaJ<
moiselle Aii|[éii(jue. Où est^eÛe?
MA-ATRO)», of'jec poiêiôaé
Elle est Afvc son ^nàn* Savfi^TMM Ho^w le
malheur» de §QiB.frèBe?
t»oAi7iAJL , ^'ttit a(J* pénétfim
Hélas! ûài} tout le monde «11 parle.
1MA&X110JU
{Et qu'est-ce ^tt^'On «ô dit ?
Peux*4tB de dbtoatoder? Les liftwi le iplaigoent
les méchants s'en moquent, et les ingrats l'ahân
donwentw
MAATHOir. j
Ah. ciel ! «t celte paityte demoiselle 7
DOATA^L. j
lil 1 ûm ^ue îe iai p«de.
MARTHOir.
Pourroi»-je tous demander de quoi H s'agit? J«
m'iotéresee itreqp>A elle pour ne pas flmkitsr joett<
complaieaiice.
BQft(T*ALr
Je ^ns.> d'jq^pffm»dre squ'ancertain iV^aUre. » «. •
AhlahlValére?
I<o conaoissez-TOus 7
▲ GTE III, SC^NE llf. |83
Beaucoup , hioih ieur ', c «tt mfm, OQYraffe ^ae
tout œla^
DOKTAt.
Tant mieux ; tous me secon^rex.
De tout mou cœur.
fi O HT AL.
Il hfit que J'aiUe m'assurer si Angéllftie....
MAaTBO.ir.
Et , ensuite / ei Y alère.. . ». '
Oui , j'irai le chercher ausst«
MAaTBOir, en tounant,
Âllea, , altex chez M. DaIancour.\'Vottt jÊh^z
j mte piefT6 deux coups.
DOBTAK.;
Comment donc?
MAmTBOS.
U est là., -
noaTAL.
Valère ?
MAaTBoir.
Oui.
DOBTAI..
Jeu suis bien aise ; j y Yid$ dé c« pn,
HTABTBO'V.
Attendez , attençfoz ; youlez-rons que }«- 'Tons
ûieannoneev?
I
i84 LE BOURRU BIENFAISANT.
DOUTAI., en riant,
BoTK ! irai'-je me faire ^nQOUcer che^s mon beac
frère ? ' r
Votre beau.-frère ?
Oui.
MABTHOir. j
Qui donc ?
DORYAK.,
Tu ne sais donc rien ?
M A B T H o 9-
Non*
douyal,
EH bien ! tu le sauras une autre fois,
{Il entre chez M. DalancoiWf)
\,
SCÈNE IV.
MARTHON, seule.
Il est fou,...
SCÈNE V,
M. GÈRONTE, MARTHON,
M. oéROHTE, parlant toujours vert la porte de
son appartement,,
HsflTE-LA{ je ferai porter la lettre par un autre :
reste-U..». je le yeux.... (1/ se retourne,) Marthoa?|
ACT£ III, SGËN£.y. i8&
. MABTHOS*
Monsieur?
M. GÉROSTE*'
Va chercher un dômes tiqne , et qu'il aille tout «
à l'heure porter cette lettre à Donralr (Se tournant
vers la porte de ^op. appartementr ) L'imbécile ! il
boite encore, et il youdroit sortir I (AMarthon»)
Va donc.
MAATHOM.
Hais , monsieur. ...
M.. GEROBTfE.
Bépéche-toi...»
MARTHOH.
Mais Doryal....
M. aàvio^Tn^vivementm
Oui, chez Doryal.
IfAATHQVt
Il est ici. < /
M« SÉROSTEh
Qui?
MARTHOir.
Doryal.
H. GÊRONTC*
Où?
«ARTHOS.. ^^
Ici.
■• GÊBOSTE.
Doryad est ici ?
* • * '
MARTBOa.
Oui , monsieur.
i6.
:t86 LE BOtrftRU BIEKFAilSAHT.
OÙ est-il?
<Bhctt M. Mlanoottii.,
Cfafev Balanconr! l>oc^al cbeB Diianconr-} JF«
irois k présent ce <pre c'est; je cemprcBd» tout. (A
Marthon,) Va chercher Doryal; dis-^lui d« ma
part. . . . Non , je ne Tcrux pas- qu'on aille Sans ce
maudît appartement. Si tu y mets les pieds , j« te
renyoie sux^le*champ. Appelle les gens de ce mii^
sérable.,.. Point du tout, qu'ils ne yleniieiit;pas..«
Vas-j toi , oui , oui-; qu'il yienne tout de suite., Eh'
bien ?
Irai- je ? ou n'irai-je pas ?
Yas-jr , ne m'impatiente pas darantsge.
(Marthon entre cAes M. Dalancour)
SCÈNE VI.
M. GÊRONTK, seuL
Oui, c'est cela. Dorval a pénétré dans quel
abîme affreux ce malheureux est tombé ; oui ,41 Ta
su avant moi ; et je n'en aurois rien su encore, si
Picard ne me l'eût pas dit. C'est cela même ; Dor-
yal craint l'alliance d'un hotnme perdu ; il est là ,
il l'examine peut-éti«rponr s'en assurer davantage.
Mais pourquoi ne me l'a-t-il pas dit? Je Faoroift
ACTE III, SCÈ^B VI. 187
MPKtBdé» )o rancoi» eonraiiieQ*.. Poiirqiioi nVt-
il pas parlé ? Dira-t-il que ma Tivacité ne loi a pas
donné le temps? Point da tœit; il n'ayoît cpi'A at-
tendre ; il n'vfétt qu'à vetteir^ ma fougue se seroit
calmée et il inrovt patlé* JSiewtm indigne I traître !
perfide ! f«i » sacnfié «on bien , ton honneur ; je
t*ai tàmé, seéléfat! je ne t*n «imé que tnop; je
t efiMsenEi tumi-à-ifiât de mon ccsui et de ma mé-
moire. . •. 8wê d'ioi j va pcirir ailieura. . . . Mai» ou
iroît^il-? ^'importe, j«iiy pense plus.; c est se
Msiiv qtii m'iotértssse, e'est elle seule qui mériae
»a tendresse , mes 8(»fiSi . . . 0orf ii>est. mon ami,
Dorral 1 eponsera ; je lui donnerai la dot , je lui
donnerai toat^mon bien , tout. Je laisserai soofirir
le eonpable ; mue je n*al»andonneeai jamaia Tin-
nocente.
SCÈNE VU.
M. D^ALANGODH, H. G£R0^NT£.
ïc. DÂLAHGOua, avec un air efpayê, $e jette aux
pied$ de M, Qéronte,
Ah! mon oncle, écoutez-moi , de grâce f
lu GiéaosTE te retourne y voit Dalancour ei recule
un peu.,
Qu'est-ce que tu yeux ^ léye-toi.
M. DAi.Avc0va, dan$ /« même posture»
Mon cfae» oncle^ y»jnle plus mâhmuewt dei
bommes*; degrftM, écouteeanei^
i88 L^E BOURRU BIENFAISANT.
M, GÉBOSTE un peu touché, mais tdttjoun avec
coUre^
Lère-toi , te dis-je«
Vous dont le cœur est si généreux , si sensible,
m'abandonnevez-YOus pour une faute ^ui n'est que
celle de l'amour ^ et d'un amour honnête et yep-
tneux? J'ai en tort, sans doute, de m'écarter de
* vos conseils, de négliger votre tendresse pater>
nelle; mais , mon cher oncle , au nom du sang qui
m'a donné la vie , de ce sang qui yous est.eommup
ayec moi, laissez-yous toucher, laisse«-yous fté*
chir.
M. GÉBOiTTE pêu à pcu 0^ attendrit Ci s'êssuie ie$
yeux en se cachant de Daidncour, et dit à part:
Quoi l tu oses encore 2 •..
M. DALAirCOUB,
Ce n est pas la perte de mon état qui me dé-
sole': un sentiment plus digne de vous m'anime,
c'est l'honneur. Souffrirez -vous que yotr<e neveu
ait à rougir? Je ne vous demande rien pour nous.
Que je m'acquitte noblement ; et je réponds , pour
ma fenimei et pour moi , que l'indigence n'effraiera
pas nos coeurs , quand , au sein de l'infortune ,
nous aurons pour consolation une probité sans
tache y notre amour , votre tendresse et votre
estime.
If. 6ÉB0VTK»
Malheureux!... tu mériterois.... Mais je suis un
imbécile i cette espèce de fanatisme du sang me
ACTE III, SOËNf: VU. 189
parle en layeup d'im ingrat ! Lèye^toi , traître l ]e
paierai tes dettes', et par là je te mettrai peut-étie
en état d*en faire d*antres.
M. nAX.A]f€0T7n, d^ un air pénétrée
Eh! non, mon onde^ je tous réponds*. •.. yous
yerrec par ma eondui te. . . ,
Quelle eonduite , misérable écet yelé f celle
dnn mari infatué, t[ui se laisse mener par sa
femme, par une femme yaine, présomptueuse,
coquette...
91, DAi.Aacoi7R^vi<»emejif.
Non t )« ▼ons jure t ce n est point la £iute de ma
femme ; yous ne la connoissez pas. , .
- M . ^ G é a o a T E , fincort plus vivement.
Tu la défends! tu ments deyant moi! Prends
l^arde : il a*en faut peu qu'à cause 4^ ta femme , je
ne réyoque la promisse que tu m*as arrachée....
Dni , oui , je la réyoquerai ; tu n'auras rien de moi.
Ta femme , ta femme ! je ne peux pas la souffirir , je
ne yeux pas la yoir.
M. DALAHCOUB..
Ab! mon gncle , yous me déchirez le cœarSi
100 LE BOURRU BIENFllSAITT.^
SCÈÎfE VIIL
M. DALANCOUR, M. Q&MONTS^,, l|APAA|£
DAl«AM<;iOURr.
H il. AS ! moQsiear , si yous- me evoyev la-oaiit»
des dérangements de fotre «ertfU, il est juste qna
^'eit pofkr Mak It peiiie. L*ignotsttee Amm lai>
^ftelle j*tl fééte îii9^ti'à pi<é«ént , il'Mt pas «ne 黫
•use swflUnate à yoi jenx. Jeune, siitis dxpériebœ,
je me suis laissé conduire par un niavi qve j,*ai<i*
mois; le monde m'a entrAinée , resemple m*9i sé*>
4uite; j'étoitf canteiatfF, et j« ltf« ero^fe^ft heoreaae :
mais je parois eotrpable , eek sviflt^ et povrm qoA
mon mairi |oit digne de TQt bienfiBtîl^^ jeiDQScris
à Totre ^é| arrêt ; je m'arraelierai de ses hvm. Je
ne von» demande 'qu'une grâç«: iiMdiM wtra
kftiae pour mor; excuses mon sexe , mo« Age ; ex»
cusév la Ibibfette d'im mafi ^t, par ttop A'^
Itiout...-.-
H. oéaosTB.
Eh! ma4ame , cro^i-ypas m -abuser ?'
BtA^Asra nAiiktcevtL*
G ciel! il n'est doac plus de ressource I AIi[
aion cher Dalancour ^ je t*ai donc perda..... Je me
meurs.
(Eiie fom^e siir mfautetUli V* Daiancoutt court
h son secaurs.)
M. oinovTi, intfuiet, ému ^touché*
polà! <]uelqn*un!M|irtbon!
SCÊNË IX.
M. G£RONTi>, UAMlïm, M. MtLÂIWUR,
ICA&THOH.
MoRSiztrtt , inonsieur , me yollà.
M. oéHOHïE, t^iVemefti. '
Vojrez... là... aiUonsj allez, voyez ^ ^oftefe4ui
du secour94
Madaine , fltaâame , gu*eit-ce ^oê c'est dbnc ?
M» »éHONT£, donnant un flacon à Marthoni
Tenez, tenez , iroidi de leaa de Coiojgne; ('A
M^Dalancoaté) Eh hieni
' U. BALANCÔVB.
Ah! mon oncle !<..,
M. ai KO V rit ^approéhe ée madame Dalancour, $1
y toi dit brusquement:
Comment You»*tron¥ez-^oM ?
MADAME DALAvcouB, Se Uvant toutdûKeement
et a¥ec une vdue iangaiisante.
Monsieur , vous êtes trop bon de TOiks întéres-
ser pour me^i. 'Ne p venez -pas garde à«na fbiblesae,
c*est le cœur qui parle; je reeotDvreiiBâauM force»,
je partirai , je soutkndjrai.'mon malh)eur.
,( iM. ^Qéitoi^cs'^Uendrit jonais ii n^ 4\t mqt, )
•U :1m- hikM c^v n y 0rkriemeiH*
Ab! mon oncle, goufirirez-fffWAt.»..
ipa LE ÔOURRU BIENFAISANT.
Mé aénoHTE) à M, Dalancoup , vivement^
Tais>toi. {A madame Datancour, brusquement.)
Hestez à la maison arec TOtre mari. . .
MADAME* OALAJICOU m.
Ah , monsieur !
M. DALANCOtra, avec tratisporU
Ah ! mon cher oncle !
» ' , t f
* • • •
M« aénoNTE, sérieux, mais sfins emportement^ et
les prenant l'un et l'autre par la main,
Écoutez s mes épargnes n'étoient pas pour moi ;
vous les auriez. trouvées un jour; vous les mangez
aujourd'hui , là source en est tarie ; prenez > y
garde : si la reconnpissance ne vous touche pas ,
que rhonneur vous y engage.
MADAME DALARCOUR..
Votre bonté..
m; DiaANGOUIl.
Votre générosité.. «
M. fté&OITTE»
GelasuHt. .
MAATHOV.
Monsieur...
M. GÉaovTEy à Marihon*
Tais-toi , bavarde.
KARTHOlf.,
Monsieur*, vous êtes en train d« faire ivt bien t
ne ferez>vous pas aussi quelque ohotfè pour madé-*
moiaelle Angélique?
ACTE m, SCÈNE ITL 193
M. aéRONTE, vivémenL
A propos , où est-eDe ?
MABTEOH.,
Elle n'est pas loin.
M. aénoiTTÇ»
Son prétendu j est-il ?
' - M A'R T H O H..
. Son préfen^tt ? - j
M. oiaoiTZ.
Oui; est-ce qu'ilest courroucé ?. est^£fi qu\il ne
reut plus me voir ? seroit-il parti ?
MARTHOV.
Monsieur.... son prétendu.... j est.
M. G'^ROHTC.,
Qu'ils Tiennent ici.
. BfÀHTHON'
Angélique et son prétendu ?
Oui , Angélique et son prétendu. < i)
HARTHOH.
Tant Uftieûx.' Tout à l'heure, mdnftieur. .(En
s* approchant de la couéisse.) Tenez , T&uè^f meik ep-
fants ; n'ayez pas peur.^
Th^Âtn .. Com^dici. . 1 3« 17
194 LE BOUHRt BIKIïFÀï^iNT.
SCÊNBX ^
M. DALANCOUR VALÊRE, DORVAL, M. OÊ.
KOISTE , ANGÉLIQUE , MADAME "DAIuAlS-
COUR, MARTHOIÏ.
M. oÉRORTE^ vay49lt V4iiète et Dorvat^
Qu'est-ce que cela ? Que ye^trftiipet^uUre ?
JiABTiOI(4
Monsieur, cCert ,^:il y »U ï^MMid» e^Xo té-
moin.
ic. GivLù9TfEf{à Angélique,
Ap.proclusB*
AMOÉLiQUE s'approche tem:inenéiant,^et adresse la
parole à madame J^flkv^fiimf . .
Ah! ma sœuT, ^ f*i d« pardon» à voua de-
mandet!
« A ft.Tii»fr , ^ madame Malmcour,,
Et moi aussi , 4nfuiaxii$.< • • •
M. Gin on TE y à Dorvai.
' Veneft ioi , Monsieur le;pré«;i]rdn< £bîbi«J»i £tes-
DORTAJti*
Est-ce moi ?
M. GÉRONTE*
Vous-même.
DOftVA't.
Pardonnez-moi ; je ne suis que Ke témoin..
M. aiaoHTB.
Le témoin ? ^
ACTE tll, 6C£9rp Xr 19S
Du mjstèra ! {A Angélique, ) Il j a dti mjrstÂre ^
D o n y A L, ttart^tà» têrkmç fit ferme.
Écoutez-moi , moi» ftaii, Yo«s «oiiBoisfes Ta-
1ère; il ïf s« )«9 éèsam^a 4« cift* ttiaiso»; il est
reML diH'r ^<M bim à^ M^ Df4aiic<mr , et s» maiii à
AngéQqtie; fM^htief, i| Mt |))|it à l^^mifcn: saaf
dot, et ft'hi^ nsfSttten^ im d^tniira àe diottti& mille
lirres db rentes* J« r^UBeomu»*, j« aaî»que voua
ahmes lea J^eflfeài-aétions^ç j^ l'ai MH^fitt, «t ]« hmi
sais chargé àé y^ow^ltf ^«éseatevr
Bt« GiaosTiç, fbri en éffière, e| ^ Angéiique,
Tu u'ayois pas d'inclinatioa ? Tttm'as tfompé.
Non , je ne le yem piatt ; o*e«t tinç supercherie ida
part et dautre , je ne le spuffrirat p«Es.
Mon oher oncle. ...
▼ALkaE , efu/i dir pafskHunéet 9UppHanlx
Monsieur v**
M. B4|lAll£d>VR.
Vous êtes si bon ! . . .
MADAME i^iifiitsreoun^
Vous êtes si ||énéreux!...
HA ET a or.
Moix cher midtre ! . . .
X. oÉaov^», h fmtl>, êi'têaeki.
Maudit Éàkt mon chien ié caiv^tèr»! J<s na puis
«96 LE aOURRU BIENFAISANT.
pas garder ma colère .comme je le Toudrois. Je me
souffleterob ToloBtietB.- ( Tous à ia /(t fbU répètent
leurs prières et ^entourent,) Taisez-yous, laissez»
moi ; i][ae. le .diable vous emporte, et ^u'il le-
pouse.,
MARTHOV^ prt.
Qu'il lepoits&sans dot?
M. GÉ BQVTE, à Marthon vii^ement.
Comment sans dot ! Est-ce que je marierai ma
nièce sans 4Qt ? Est-ce que je n'anirois pas le
moyen de lui donner une dot ? Je connois Valère;
l'action généreuse qu'il vient de se proposer mé-
rite même une récompense. Oui , il aura la dot , e(
les cent mille livres que je lui ai promis.
VALinE«
Que de grâces !
Que de bonté&I
MADAHE DALAHCOUn^
Quel cœur !
M» DALABICOUR.
Quel eicemple !
Vive mon maître !
DORVAL.
Vive mon bon ami I
( Tous à ta fois t'entourent , V accablent de caresses et
répètent ses éiogesJ)
u, otKOS'MJi t^phe </« se débarrasser et crie fort.
Paix, paix^ paix-! {U appelle,) Picard!
ACTE m, SGËDrE XI. 197
SCÈNE XI.
M. DALANCOUR', VALÈRE;dORVAL , M. GÉ-
RONTE , ANGÉLIQUE , MADAME DALAN^
€OUR , MARTHON , PICARD.
PICARD.
MOVSIEUB?
M. AÉRONTE.
L'on soupera chez moi ; tout le monde est prié.
Dorval, en attendant, nous jouerons aux échecs.
riH DU BOURAV BIEHFÀISAHT.
»7'
LA MANIE DES ARTS,
00
LA MATINÉE A LA MODE,
' COMEDIE,
' PAR ROCHON DE CHi BANNES,
Représentée, pour la première ïoif, le merecedi
i I." juin 1763.
L
I li "I «
NOTICE
SDR ROCHON DE CHABANNES.
• •
MA&C-ANTOINsJiCCI^IIES RoCHON DE CHABÀNmES
naquit à Paris le 37 janvier 1730. Panni ses
premiers ouvrages on distingue sa satire sur
leshommes. Cette pièce j intitulée les souhaits y
elr imitée de Juvënal , parut , pour la première
fojs.y en 1758. Depuis cette époque 9 Rochon
travailla pour le Théâtre François et pour
l*Opéra. On voit encore à ce dernier, et tou-
jours avec un nouveau plaisir, le s]çiqni:uii
•BIENFAISANT et LES PRÉTENDUS «
La première pièce que notre auteur donna
an Théâtre EralDçois, fut Heureusement, comé-
die en un acte, en vers, jouée le 29 novembre
1 763 avec beaucoup de succès,
La Manie des Arts, où la Matinée A la
MODE , comédie en un acte , en prose , mise au
théâtre le !•' juin 1768, fut dès-lors très bien
90» NOTICE
accueillie^ ce qui n'empécl^a pas Rochon (l'y
faire quelques chapgements qui ont contribue à
la faire applaudi? à tofitas ses reprises»
Les Valets maîtres de ;<a maison, comëdiq
en un acte , en prose , fut donnée , pour la pre-
mière foi»i le II. février 1^68;, çX Qbtint pqzt
ireprésfijatatioBs.
Le 10 dàtemfloBta de I9 méqns: aonée^ parut
HYUtô ETipSiLViz, pastorale en ai| acte avec des
dmrti^emeiitSt
Les Amants^ GÉNÉHEtnc^ éomédiô en cinq
actea ^ en prose , Hit mise au tbéâ!tre le 1 3 oc-
tobre 1774» et jouée douze fois avec un très
grand succès.
L'ÂMouiv FRANÇOIS ^ couiédie en un acte j ei|
v«rs, repi*ésçntée , pour ^^ première fois, U
17 avril 1 7 79 ,^ eut treize représeiitatioQS con-
sécutives; mais çUe n'a point été reprise.
Le Jaloux^ comédie en cinq actes ^ en vers ,
est la dernière qiie son auteur ait fait représen-
ter au Théâtre François. Elle y parut, pour la
pron^ière fois, le 1 1 mars 1 784, Le 16 du m^iuç
SUR iiOCHON' DK CHABANNES. 2o5
mois elle fut }ouëe à la cour^ où elle obtint le
< •
succès le pltts^tteur. \
Rochon de Chabannes passa ses dernières
années au sein de l'amitié , et mourut à Paris le
1 5 mai I BoOy ftgé de smamenlix aas^
PERSONNAGES.
FoaixsK. •-
UvE Comtesse, bel-esprit.
Madame Forlise^ mère dé Foi'lise. *
U.ir Philosophe.
0v GoLonis, peintre^
ÈLLLÀQtiO, musicien.
Un Gascon.
DvMONT, yalet- de -chambre de Forlise.
Laquais , personnages muets.
La scène est dan^ un salon' de M. Forlise.
LA MANIE DES ARTS ,
OU
LA MATmÉE A LA MODE,
COMÉDIE.
Le théâtre représente l'appartement du protec-
teur; ou y voit deux bureaux remplis de
lÎYres y de manuscrits y et d^ papiers de mu-
sique ; plus loin on aperççit un tableau sur
le chevalet. Le salon est garni de Êiutcuils,
d'instruments répandus çà et lâ^^
SCÈNE L
(LE PHILOSOPHE, seul.
Anl monsieur Thomme sensé ^ ou du moins qui
TOUS piquez de l-étre, yous ayez foit là Une belle
démarche. Vous rencontrez Forlise dans une mai-
son, on yous l'annonce comme un protecteur des
arts; yotts yous préyenez en sa fayeur, il«e pas-
sionne pour yous ; il yous engage « le yenir yoiy ;
TOUS n'hésitez pas à lui promettre | et yous ybilà
Tliéxtre. Comédies, l3.. l8
i
aaa liA^MANlE BK$ ARTS.
Et M. Dumont son yalet de chambre ?*
DU coion^s-i
G'esjt encore un aptre inxpertin.ent.
A L L É G B 0«
Il Tous.^protège ai^sj.
DU COLOaiftr
Il faut le ménager pour avoir Toreille de soa
maitrp.
LE PHILOSOPHE, à part
M.. Dumont doit valoir son pesant d-or.* .
t)!/ COLORIS.
Patience ^ ^ue j'aie fait mon chenûq. . . .-.
ALLÉGRO.
Que je me voie au-dessus de mes affaires. . . .
DU'COLORIS.
* j
Comme je vous le mène , ce petit monsieur!
ALLéG,RO,
Gomme je lui éiis changer de top ! Je ne reusc
plus qu'on me parle musique.
' DU COLORIS..
Ni moi y peinture.
Allégro.- .
Je me refose aux empressements des sots,
DU COLORIS,.
On me retient à dîner trois mois d avance , et
y y manque.
A LLÉ G RQ^
Moi , j j vais ; mais c'est pQur boire 9, manger et
}
SCÈNE il. S09
ne dire mot ; si je chante , ce n est que par con-
tradiction.
LE PHILOSOPHE.
Bravo ! mes bons amis , bravo i rampants d'a-
bord, impertinents après; c est dans Tordre : voilà
le caractère des gens médiocres.
DU COLOKIft.
Monsieur..^.
I.E PHILOSOPHE.^
▲h! ne vous fitchez pas ; point d'aigreur : rece-
vez de bonne grâce l'apostrophe ; vous le devez ,
du moins , par politique. J'ai votre s^ret ; et il ne
tient qu'à moi d'en abuser pour vous perdre
. ALLéoao, à dt^ Cohris.
Il a raisoB , >eontva^noBS^-nou«. . .
LK PHILOSOPHE.
Point d'inquiétude : Je n'ai point envie de vous
brouiller. Vous êtes faits l'un pour l'autre. Fodise
vous traite comme vous le méritez , vous le trai-
tez comme il le mérite ; c'est à sa, place. Je von-
drois bien qu')l vint à paroitre , ce M. Forlise ;
vous feriez une bonne scène ensemble , je m'ima-
gine. On ouvre*
• . « »» I
-• MI
18.
310 LA MANIE DES ARTS.
SCÈNE III.
tB PHILOSOPEE; Dtn«0]fT, DU COLORIS,
ALLÈGHO.
• Ah ! c'est M» Dat&ont.
te PHILOSOPHE, à part^
Cette scène ne doh pas être moins curieiifltfST
rûy%tk9^ le ▼ftlet povr ttooft éiafenmi ém miér le
Servîtenr à M. Dmnont.
Bonjour. T a^«-il- loni^twiftl^^VM* t<é«» attendez
monsieur le mavqnM ?
Ek! ttais*, il y a twtiMom denot henr«s.
DUMOll'l'. ■ '
N <Sus causiont et nous riions ensejtMé.
LÈ'pHiLosorBE, apffr*/.
Gela donne envie d*attentlT6..
DU coLonis.
Vous êtes de ses amis , M. Dumont ?
OUMONT.
Oui , nous vivons en assez bpnne intelligence* . .
Je lui passe ses défauts , il me corrige quelquefois
des miens ; mais tout cela se fait de la meilleure
amitié du mpnde.'.
SCÈNE m. dM
n a bien raîftûn dé yods aimer /tt: l>i|inûnt , il
a bies raison âe Vous aimer , tous hii /êtes fort at-
taché.
DtrwoHT.
£h! mais, oui; îtpaie liien. Ce n*est pas l'inté-
rêt qui me mène ; naÎB' il £int yme , mmtam» , il
fant viTTe.
DU C'OIrORIS.
Sans doute. Mais c eM qae monsieur le marquis
ne se borne pas k lai dioaner d«ftpir«ai«»'d«.8on
amitié ; c'est qu'il le conai^èce, M. Allégro.
ALLÉGAO.
Je m en swft.apierçjHtcopHO^.TOU#»
MessieurSr..
DU, COIia&LS.
Axx^fiaao*
Il prend ses avis.
ALLiéaito.
Il faut entendre M.. Dumont parler musique. . .•
I^U COLORIS.
Et peinture.» mon cher ,, et peinture....
Il a une oreille!
DU coionis. .
Un coup d 'œil...
21^ LA MANIE DES ARTS.
X> U M O R T.
Allons, TOHS voulez rire^.." Mais si nous nous
stssc^jions , nous causerions aussi à jiotre aise».
làXiLÉGRO.
En effet • nous vous tenons ctebout»
9V, COLORIS.
Yoilà un siège, M. Dumonu
DU MORT s'assied^
Et vous?
• . ALLÉGRO.
N« prenez pas garde à nous.
A la bonne heurei
LE' rtfiLOSOPBfei à parh • '
Je ne m'attendois pas à ce diemier trait; les voilà
debout devant M. Dumont.
ALLÉGRO.
Eh bien ! M. Dumont , que nous direz-vous de
bon ? Yerrons-nous aujourd'hui monsieur le mar-
quis?
DUMONT.
Un Aoment tout au plus ; car il a' de grandes
affaires,
ALLÉGRO.
Il est occupé sans doute du projet d'un petit
opéra que nous avons concerté ensemble, et dont
je viens lui montrer Texécntion.
DUMONT.
Il n j pense plus aujourd'hui.
SCÈNE nu ^i3
JfV COLORIS.
Je me suis aperçu qu*ll aroit retouché notre ta-
bleau , et il ip attend sans doute....
n^UMOIIT.
fîon , il ne vous attend ni l'un, ni l'autre. Il at^
tend M. Oorilas pour mettre la dernière main à
nDe tragédie qu'il a composée- ce matin. Je ne m j
coonois pas; mais, en vérité, c'est U plus belle
chose du monde... Mais quel est cet original,
cette espèce d'ours qui se tient tapis dans un coin ,
nous observe et paroit se moquer de. bous ? Se
croiroit-il déshonoré de me faire une réyérence ?
{ÀfL philosophe,) Monsieur, peutron savoir.?...
I.C. PHILOSOPHA, à DumonU
PonrquCoi je n'ai pas volé au-devant de vous
comme ces i]&essieups?&... Vous en méritez bien la
peine, mon ami, car tous, êtes ban à voir : mais,
tenez, je vois aussi b^en de loin que de près.
DU MO HT, à part.
Cet hommie-là se moque de moi.,
LE PHILOSOPHE.
Non, je TOUS. admire; ^ons jouez le r61e de vo-
tre maître si. parfaitement, • si parfaitement, que
ces messieurs prennent le change. Oh! il faut avoir
de véritable^ t^ents pour jouer ainsi la coQiédie.
DUMOiTT, a parL
Il me feroit perdre mon crédit , il faut l'expé-
dier. (Haut.) Votre nom, monsieur, pour que je
vous annonce..
1
ai4 LA MANIE DES ARTS.
LE PBIIQSOVHE.
Non , mon ami , je ne yeux pas roir Totve mal
tre ; je dpute qu*;l puisse raloii: mieux que tous
Je suis resté par curiosité ; elle est 8at|8£ute,
Adieu.
scé;ne IV, !
pir»fONT, DU COLQUIS, ALLÉGRO,
YeiiiA un luH9me singulier, mcHtsMun»
AKLi«|IO.
A qui \t cUtM-TOus?
I) m'a éttturdi«
DU COLOEia.
On le aeroit à meins.
DUMOilT.
Si j'avoia su à qui j'aFois aâaîre...
▲ LL^ABO.,
A un fou.
Je l'ai pensé de même.
UV COLOBia.
Il hsit pasftBp quelque ehose à oea gens-U«
VOBCOBT.
Aussi, TOUS vojez coBime je me aui» eou^uit»
Kous ayons admivé yotie retenue.
DUMÔHT.
Il ne iaudroit pas me maroher iur le pied^
BV GOI.OBXSA
On passeroit mal soi! temps.
DUMOHT. V
Jé ne suis pas brutid; mais.... Ah! j*aperçois
ttonsMar leinatt|iiM ; |e tais Yons présenter.
SCÈNE V
F 0 R L'I S £ 4 suivi itun nombreux domettitfuA ; AJU*
3LÊÔKO, DU COLORIS, DÛBtOl^t.
^ÔRlilSé.
MiLtE parâ<te!r, messietit», tliilkfc pfti*âdfti* (^A
Dumont, en Idi donnanî Un tauteau de papier.) Te-
nex^M. DnmoBCw
Dtrnoifr.
Malepesté ! c'est la (ragédfe.
P011LIS2.
t*oint de eurioàité , mons Duâiont ; mettes toat
cela sur mon bureau.
DtMONT, à du Coloris,
Il lie yetit pas que)e lise sa pièce -, tantôt il me
forcera de Técouter.
PORLiSK, à sei gensi
Qu'on m'habille. (Aux protégés.) Vous permet-
tez... (A Dumont) À ptopos, «ft-tu porté ce livre
cheKladnchesse?
2i6 LA MANIE DES ARTS-
Oui ; je lui ai dit qu'il étoit d un àt TOSlamis et
qu'il falloit qu elle le trouvât bon.
rOALlSE.
A merveille.
DtMOirT*
Elle ma remis celui-ci, qu'il faut ^ue voue
trouviez mauvais.
FORLISE,
C'est juste. . . Eh bien ! mon cher M. du Coloris ,
que dites- vous de notre tableâU? âvez-voua r«xnat-
que ? . • ••
DJ3 COLORIS*
Des changements considérables.
FORLISE»
Dont vous êtes content, sans doute... .
DU COLORIS..
Mais, oui; l'on ne peut nier.. i
FORLISE.
Dumont, je sors à trois heures , ayee soin d'en
prévenir mon cocher.
DU M OH T. I
Mais, monsieur le marquis, vous ne sauriea '
sortir. . .
FORLISE, à Dumont.
Gomment?... (A ses gens.) Mon. habit.... .Vous
ne finissez pas, entre nous, ce que vous faites,
mon cher du Coloris , vous ne finissez pas ;, ce ta-
bleau avoit grand besoin d'être retouché*.. Je Ht i
SCËNÊ V, ai7
sauTois sortir, M. Dumont? £h! poiirqaoi|, ^'il
TOUS plait?
BVMOVr.
Pour une petite bagatelle.
FoaiiaE.
Une petite bagatelle? On saura sans doute cette
petite bagatelle?
DUMOHT. avec un geste d* impatience de ne pouvoir
lui répondre,,
C4 est* • • •
FOALI8B, à ses gens.
Ma montre.... Apportez-y ous notre opéra, mon
cber Allégro?
ALLÉOBO.
Le voici.
FORLISE.
Qu'est-ce qui me retient donc , monsieur Do-
mont? qu est-ce qui me retient donc? répondes.
DUMONT.
A qui répondre?
FOALisE, à Allégro,
ATek-TOUi fiât copier les parties?
▲LLiaao. j
Oui, monsieur.
Fo Alise, àDumonté,
le ne me souriens d aucun engageneutt.« Parle
ploiio.
DUMOHT.
n Hmdroit teé.sùr que tous n'écoutassiez.
ZU&tn* CvflUdiet. l3. tl9
âi3 LA I^AIilE DES AKTS^
rOBLISX,
J'écoute.
Vous arec. . .
Foiii.isE,att musicien^
HovLS ayons un ballet à la fin?
ALiéano. '
Un grand chœnr. '
Fo ALISE, à Dumoni*.
Eh bien ! achève donc? j ai. . .
DUKOHT«
Du monde à diner.
FOALISE, à AUé^Om
Un .grand chœur : cela fera un grand effet, (A
Dumont.*) Du monde à dîner, dis-tu? Quel contre-
temps ! Il faut pourtant que je sorte , mons Du-
mont : comment faire ? J'ai promis à Montfort d^
l'aller voir; c'est un jeune artiste que je veux
mettre en réputation ; c'est une yisite essentielle ^
cela marquera.
Vous êtes bien embarrassé ! Envojez votre oap^
rosse à sa porte; cela lui fera autant d-bonneur
que si vous j alliez vousHosême.
FORLISE^
Ouï, l'on peut en effet.... Rien de mieux rai«
sonné Ta as un gros bon sens qui m'étonne
quelquefois. (A pari, ) Il faut pourtant que |e ma
débarrasse de ces messieurs, ( Haut, ) Voilà donc
notre GgévtL^ mon. cher-? je verrai cela à tête repo-
sée.... De rénnilation , M. idu Coloris , Ae rémuliiH
tton. Adieu : je ne tou» retiens pas. Il j a long-
temps que vous m'attendez, j'en suis honteux... J
M. Allégro, en tous en allant, remettez les parties
copiées à mes musiciens , et dites -leur qu'ils ne
s écartent pas. Si j'ai un moment k moi , jeles ferai
avertir. Nous exécuterons quelque» morceaux de
notre opéra. Je tous baise les .mains *, au revoir.....
J'irai tous rendre visite au premier jour.
DUHOlfT. ,
Oui , nous enverrons le carrosse..
àlLiOBO.
Nous reviendrons vous faire notre cOur*
roatiSE.
Vous savez bien que je ne veux pas qu'on- me
fasse la cour : regardez-moi comme votre ami ,
l'un et l'autre , je vous en conjure. Tenez dîner
ici quand vous voudrez; je suis au désespoir de
ne pouvoir vous retenir aujourd'hui. Serviteur :
nous parlerons musique et peinture une autre
fois ; je voi^s laisse aller. Venez revoir votre ta-
bleau , et vous votre opéra , vous ne les reconnoi^
trez plus.
^Le peintre et lepmsicien tortent )
aao LA MANIB DES ARTS.
SCÈNE VL
FORLISSE, DUMONT^
OnMOHT*
Voila des gens bien reçus (pour avoir attendu
trois heures ! ' ;
FOnLISE.
Ils 8*en vont les plus contents du monde...x. .
( Appelant un de ses gens.) Hola^! hc ! <][uelqu'un ? Si
Dorilas vient , qu'on le laisse entrer. . . . Ma tragé-
die 1 étonnera , sur ma parole. Gomment ai- je pu
trouver un pareil sujet ? Non , je n'en reviens pas.
Qu'on dise qu'il n'j a plus rien de neuf; oui, pour
des esprits stériles ; mais pour ces heureux génies
favorisés des cieux..,. M. Dumont, il faut passer,
aux François ,. leur demander lecture de ma part
pour Dorilas; je veux lui faire présent de ma tra-*
gédie.
DUMONT.
Monsieur le marquis est magnifique.
FORLISE.
Quel début! il fixera votre attention , messieurs
les comédiens , il fixera votre attention ; vous prê-
terez l'oreille à Dorilas ; il fera tomber la navette
de vos mairfs, mesdames; vous n'aurez pas envie
de vous regarder pour vous faire rire ; vous pleu-
rerez, morbleu! vous pleurerez : et vous, mes-
sieurs , vous ne vous amuserez pas long-temps de
l'embarras , de la modestie , ou des prétentions de
J
SCÈNE VI. aar
l'aatear; il vous attendrira, il tous subjuguera.
Je TOUS entends d'ici vous récrier, vous extasier.
« Ron ! eneore mieux! à miracle ! à merTeille ! j e-
« touffe , je n en puis plus ; laissez^nous respirer :
a c'est 4]» Corneille, du Racine, du Grébillon , du
» Voltaire! cela ira aux nues! voilà ce ^ui. s'ap*
u pelle une tragédie ! C'est un fier génie que cet
« homuie-là ! Au scrutin , messieurs : point de
H scrutin; enregistrons : faites copier les rôles,
(c monsieur l'auteur. A qui destinez-vous la priqi-
tt cesse, l'amant, le tjran?.^ »Que d'embrassades,
de la part des dames , je vous ménage là, M. Dori-
las ! Que de compliments vous allez recevoir de
ces messieurs ! , La louange , la flatterie , le miel
coulent de tontes les bquches.. Vous sortez ", vous
descendez les marches de là comédie, c'est un
coniul romain qui descend du Gapitole ; on vous
précède, on vous entoure, on vous suit; votre
triomphe est écrit sur tous les fronts , et sut le vô-
tre particulièrement, monsieur l'auteur : les^oisiâ*
(du café sont sous les armes , et vpus attendent..
Quel moment ! quelle sortie! Je ne sais pas corn-*
ment un. auteur peut quitter ce jour-là la porte de
la comédie.'
nVHOVTr
Voilà qui est beau : mais quand la pièce est re«
fiisée?
POALISZ.
C'est nn eouttisan disgracié , à qui tout 1»
monde tourne k dos ; jl descend les marches de la
«9-
âaa LA MANIE DES ARTSr
comédie sans escorte , l'œil morne , et la tête bais^
sée ', sort sans regarder devant ni derrière lui , à
droite ni à gauche , et file le long du mur ; mais
Dorilas n'éprouvera point ce revers , je t'en ré-
ponds. Voyons , continuons ce que nous avons si
bien commencé : Dumont , ne m'interromps plus,
mon démon me saisit , j'entre en verve ; écrivons.
nu MO HT, à lut-méme.
Si je faisois aussi des vers; qu'est-ce qui m'en
empêche? En les faisant recorriger par un autre ,
cela n'est pas difficile. M. Dorilas aura bien la
complaisance de faire pour moi ce qu'il fait pour
mon* maître.... Poétisons.... Mais pour qui? Com-
ment! pour Phiiis... ma maîtresse ; elle a un petit
ne* retroussé bien capable d'ouvrir la veine.
FORLISE.
Quelle rapidité] quelle foule d'idées! Gommo
cela se présente !
/ DUMOHT.
Voilà une plume, de l'encre, du papier; il j
aura bien du malheur, si je ne fais pas des yers-
avec tout cela. 11 faut d'abotd se frotter le front ,
se ronger les doigts, regarder le ciel, fixer le»
jeux en terre , frappçr du pied , battre la muraille
de sa tête , marcher à grands pas ,* s'arrêter tout
court , s'asseoir tantôt sur une chaise , tantôt sur
une autre : essayons toutes ces maniéres-là... Bon!
je oommenee k entrevoir quelques idée»; proma-
aons-le» pour les étendre. ... m'y voilà*. . «
De mitaie qa'an taureau....
Mais cette comparaison «là effirajera ma mai'
tresse. . . . Tout coup vaille ; écrivons*
FOHLISE.
Tojons y que j'arrange ma situation , que je me»
snre un peu l'étendue de la scène pour mon coup
de théâtre.... Bon.... il j aura de ïa place; l'effet
sera merveilleux.... On auroit mis là autrefois du
sentiment, le cri de la douleur, du désespoir;!
mais nous nous j entendons bien mieux aujour-
dhni.Une déclamation, un coup d'oeil philoso-
que; voilà ce qu'il faut.
nUMOlTT,
De mé^ie qutm taureau bondissant dans les aiiv. . . •
FOALISZ.
Courage! Forlise.
D U M O « T.
Courage ! Dumont.
FOHLISE.
Que je suis content de moi î
. DUMOHT.i
Que je suis enchanté de ma petite personne ! Je
me caresserois , je me baîserois volontiers.
FOHLISE.
Comment ai-je pu trouver cela ? ^
nu M on T.
Comment l'esprit humain peut- il aller jus-
que là ?
FOKLiSB, embrassant son papieré,
0 trop heureux Forlise ! .
9a4 LA MANIE DES ARTS.
D u M o V T , ie re^atdanU
G est encore apparemment une des cérénonies
de la magie. (Faisant comme son maître.) O trop
heureux Dûment ! . . . En effet , je sens que cela
m échauffe l'imagination.... O trop heureux Du-
mont!
FOALISE. . .
Voilà de quoi faire tourner la tète k tonte» nos
femmes.
DUBtOHT..
Je ne sais si la tête en tournera à Philis ; mais
elle m'en tourne, à moi..
foulise.
Je ne me possède pas...'.. Je suis dans une
iyresse. ...
DUMONT.
Et moi, je suis comme un homme iyre-mort. Ce
que c'est que la poésie!
FORLISE^
Si Dumont n etoit pas si bête
DU MO HT.
Si mon maître ne crpjoit pas avoir tant d'es-
prit. ...
FOULISE^
Je Ini lirois ce morceau.
DUMONT.
Je lui ferois voir ce petit plat de mon métier.
FOKLISE.
Mais , non ; il ne sentira point.
fc'
1
SCÈNE Tl. 925
ovirovT.
Mtdsy non; il se modéra d« moû
Domont , te tairaB-to?
su MO HT..'
Noo, )»& Ailis, don...:
roRLisE, se levanU
Comaient , non ? . . . Maraud !
DUMOVT.
Monsieur, je parfois à Philis.
PORLISE.
Qu est-ce à dire , à Philis ?
DUMONT«
Ce sont de petits vers.
FORLISE*
Je erois , Dieu me pardonne , que le maroufle..
DUWOET.
Oui , monsieur.
• PonLiSE.
Ah! Tojons cela, M. Dumont, rojons cela..
DUMORT.
Eh! mais, cela nest pas si mauvais que vous
TOUS Timaginez bien.
PORLISE.
Tu te £âches? Prends la peine d'aller boucler et
eztravaguer plus loin , et laisse-mot.
DUMOET, à iat-même^ .
Extraraguer ici tout seul , à la bonne heure.
( J^ iorU )
2^6 l MANIS: DES ART8.
SCÈNE VIL
FORLISE, seuL
y Kl fait a^ez de poil ayec ma tragédie. Chan-
geons d'occupation pour nous distraire. (li se ntet
au chevalet , après le tableau de M. du Coloris, ) Ali !
M. du Coloris, que yous me donnez de peine! mais
)e vous rendrai un homme célèbre, en dépit de
vous-même. ( Il prend la palette et donne quelques
coups de pinceau au tableau» ) C est Prométhéë q^ui
Tient , un flambeau à la main , animer la peintcirc.
Quel jour j'ai répandu sur ce tableau! quel feu !
quelle âme ! Il semble que la déesse respire.
SCÈNE VIIL
FORLISE, DUMONT, LA COMTESSE^
DU Mo ITT, annonçant*
Madame la comtesse.
(il sort.)
SCÈNE IX.
îfORLlSE, LA COMTESSE, DUMONT.
roniisE, surpris et se UfanU
Eh! madame, comment jusqu'ièi?
LA COMTESSE^
Oui ; votre salon est plein ; votre frère en faîf
parfaitement les honneurs, et j'ai esquivé la com-
SCÈNE IX. %%fj
pagnie pour venir voiis surprendre dans vos haute^s
occupations. . . . Mais , comment , monsieur le mar-
quis, TOUS peignes! Eh! mais, je ne vous connois-
sois pas encore ce talent,
FOnLiSE.
Ab! comtesse, ce sont des essais d'écolier,
LA COMTESSE,
Qui valent des coups de maître. , • Je suis ja^
iouse de ce tableau d'imagination. Allons , remet-
tez-yous à votre place, et moi je rais m'asseoir ici.
Peignez-moi.
ro ELISE, irh enUfartasté,
ËE ! mais , vous n'y pensez pas, et je ne suis pas
assez habile.,. .
LA COMTESSE*
Pour attrapper une femme. Nous verrons. ^S^as-
seyant et /arrangeant») Me voilà bien , commencez :
si vous vous j prenez mal, on vous le dira.
FORLISE.,-
Alàis je n'ai pas de toile..
LA .COMTESSE. >
£h bien ! effacez cefte tête , et nattevnBloi à Irt
place*
FOULlSE.:
Hais c*est uue tête de caraotère.
LA coutsssb, avec un peu d'humeur,
YouB yevxes que je n'ai pas de ooraotère.
l!on« Touf ètei trop joHe.
aaà Î-A MANIE DES ARTS-
LA COMTXS'SE.
U M quelque raisonJ
fORLISE.
Et puis ayez-YOus des heures à me donner?
LA COMTESSE»
Bes moments , passe. M'enyoilà dégoûtée. (EUe
vole auL bureau de ForUse.) AVez-YOUS là quelque
chose de nouYeau?
F o AL I s s, À /a comleise^ <fui ravage tout sur le bureau.
Ah! comtesse, prenez garde.
LA COMTESSE.
Je ne touche à rien ; je n'en Yeux qu'à cette mu-
sique.
FOaLISE
C'est un petit opéra..
LA COMTESSE.
Vous ayez fait un opéra , monsieur le marquis ?
Voyons , yojons. Gomment I mais cela me paroit
très agréable ; yoilà une ariette tout-à>fait de mon
goût.
FOaLISB.
Si yous youliez nous la chanter?t*»
LA iÇOMTESSE.
M'accompagnerez-Yous ?
rOALISE*
Volontiers, comtesse. C'est une bergère à qui
le réyèil yient d'effacer l'image de son amant. (Il
essaie de jouer du vicihn. ) Je ne suis pas en train ,
je ne sais ce que j'ai dans les doigts.... Vcmontl
SÇËNE IX« d29
DVMOZIT..
Monsieur? - ^
FOALISE.
If es musiciens sont-ils là?
ou M ON T.
Ses Yoilà; il j a une heure qu'ils attendent pour
npéter TOtre opéra.
P on LISE.
Qu'ils jouent; acte premier, scène troistèmei
après l'air de basse-taille.. 'Allons, messieurs,
LA COMTESSE chante»
Sommeiï, ponnpioi me fuyez- vous?
7e ne retrouye plus Silyandre\
Sârandre ëtoit à mes genoux ,
1t ne retrouve plus Silvandre^
Silvandre étoit à mes genoux y
m lie pressoit de me rendre.
Il me fixoit d'un air si doux,,
n me parloit d'un ton si tendre.
Somideil, etc.
[Bumont, <jui n'est pas fort content de ia musique
de soa ttuHtref^ sort avec humeur»)
Tkéâtre. Comédies* , 1 3;, ^O
a3o iLA MANIE.DES ARTS.
SCÈNE X.
FORLISE, LA COMTESSE.
LA COMTESSE, continuant.
Il ravissoit, <x cher anmnt,
Mon cœur, mes sens et mon oreille j
Toujours le bien vient en dormant ,
Et les regrets quand ob s'éveille.
Et les regrets quand on s'éveille : cela'est vrai ,
mon cher marquis , cela est vrai ; je l'ai éprouT^
plusieurs fois.
, FOULXSE.
Comment trouvez-vous mon ariette ?
LA COMTESSE.,
Charmante;
FOALISE.
Je ne l'ai pas encore retouchée.
SCÈNE XI.
FORLISE, LÀ COMTESSE, UN VALET.
LE VALET,
MossiEUA , c*est madame votre mère..
Eh bien! faites entrer.
LA COMTESSE.
La i^àcheuse rencontre ! Que vientHelIe faire ?
FORLISE.-
Comtesse, un moment est bientôt paM^,
SCÈNE Xt a3i *
LA COMTESSE^
Ah! je vais i^jaindre la compagnie. <
FORIilSE.
Non , «de grâce! Ce sont des conseils, des reraon«
trances ou des sollicitations pour des protégés;
car ma mère a aussi des protégés ^ et yotre préseoec
à coup aûr abrégera, sa yisite.
I.A CON'ÏESSE.
A la bonne heure ; mais je m enftiis , si elle ne
finit pash
SCÈNE XIL
MADAME f ORLISE, LA COMTESSE* FORUSË.
MÀDAXB FOBLISE.
M OH JSls, je viens vous parler en faveur dutt
homme d'un vrai mérite , vous engager à lui ren-
dre service , à le présenter au ministre ; c'est un
homme essentiel , rempli de bonnes vues , qui n'a
jamais rêvé qu'au bien de sa patrie et de ses conn'
citojens< Des établissements utiles et glorieux;
des projets de réforme et d'amélioration dans les
finances; d'excellentes' observations sur le com-
merce, l'agriculture et le défrichement des terres i
voilà les pièces de son porte-feuille , les trésors qu'il
a amassés depuis vingt ans ; il faut lui en faire faire
la distribution.
FOaLlSE.
Tenez , ma mère , les systèmes , les grandes
â3s LA MAIRIE DES ARTS.
idées, les chose» qui ont l'air da Lien publie,
échauffent votre imagination ; mais mei, je me dé-
fie de tous ces grands raisonneurs..
MADAME FORLISE.
yous, mon filsi examinez, jugei par wou»^
même.
FontisE^
Eh bien l soit , iioas verrons , nous examine-
rons , nou3 jugerons ; eoTOjez-moi cet homme-l& ,
qu'il vienne me voir, cjue nous causions un peu
ensemble^
MADAME FOIlftISE«
Ce a est*pas un homme à se morfbniïre dans
une antichambre , je vous en avertis. Il est fier ,
d'un caractère un peu dur 11 faut... «
IkA COMTESSE,
Ne fâut-il pas que monsieur le marquis aillé !•
trouver, le prévenir, lui offrir sa protection ?. . .
MADAME FOBLISE.
Et pourquoi non , madame ? il faut quelquefois
déterrer le talent, aller au-devant du mérite;
rhomme pour qui je m'intéresse , craint le mépris
dés sots , le jargon des beaux esprits , la table des
riches, laudience des grands, et la toilette des
femmesc
KA comtesse;
Et avec toutes ces belles frayeùrs^là, on n'at-
trape rien : les places se donnent aux gens qui lea
demandent, les sollicitent...
Scène xai. * «33
MADAME VaBLISE^ ,
Quelquefois à ceux qui les loéritent. U est en-
core des riches et des grands qui ne donnent pas
aux flatteurs et aux sots les plaees qui appartien-
nent au mérite et à la vertu. Vous les yùytfi cher-
cher avec empressement le grand homme , lui ten-
dre une main hienfaisante, le'^rotégèt, l'enh^i^dir
et vaincre sa misanthropie pa^ la délicatesse de
leur procédé. Ils dédaignent 1 eneens , les petits
soins , et la serrile adulation des gens médiocres ;
ils estiment , ils aiment même la franchise et la
simplicité des hommes de génie. Voilà les pi'otec-
teurs que je révère, voilà ceux i qui je voudrois
qne vous ressemhiassiez , mon- fils; ce sont les
soutiens des arts et de la litlétatiire , les autres en
5ont les fléaux et les destructeurs, Le véritable
proteoténr est un dieu bienfaisant , qui purge un
champ de mauvaises herbes pour en ranimer les
plantes salutaires.
FORLISE.
G*est le mieux du monde , madaine , et je con-
viens avec vous qu'il est glorieux de s'intéresser
pour un homme de mérjte : je pense même à cet
égard que votre protégé exige tèus mes soins;
mais j'ai peu de crédit, je n'importune guère le
ministre. ...
' "^ • tA COMTESSE.
Ah ! pour cela rien de plus vrai , màdatee. Te*-
ne% , il 7 a six mois que je persécute monsfeut le
mar juis pour présenter un de mes protégés au mi*
20.
234 * LÀ MANIE DES 1RT&
nistre, et je na saurais en yexuf à bout...* G esf
pourtant un homane charmant que mon protégé ;
il a fait des vers délicieux pour ma petite chienne...
MADAME FOKLISE.
Je ne crojois pas mon fils si raisonnable , ma*
dame ; ce seroit mal faire sa cour au ministre que
de lui présenter .TOtre protégé.
LA <:OMTE8SBii
I
Gomment , madame ?
MADAME FOabISE«
Permettez -mot de ne vous ea pas dire davan^
tage. Je vous laifse, mon fils; je me flatte que vous
ne m'oubliereiE^pas , et que vous aures égard à ma
recommandation. . . . Adieu. . . .'Ne me reconduises
pas.... mes gens.soot là.... Vous aviez^ du monde...
Demeurez...* je. le veux....
(EUe sort.)
LA COMTESSE.
Heureusement , nous en voilà débarrassés.
SCÈfNE XIII.
LA C0MTESSE,.FORLISE, UN GASGON.
LE GASCOH.
Serviteur à l'honorable compagnie. J*entre
sans façon; j'ai eu le bonheur, monsu, d'échapper
à vos valets , et je viens mé présenter à vous avec
cojifiai],ce»,Jé né vous aurpis peut-être pas vu d'au-
jourd'hui , sj j'fvots rencontré lé moindre de vos
gens, vQtre petit hpussard; car avant que ces mes-
SCÈNE XUU 335
siears s'ayisent d'aBooncer un galant homme, que
▼on» leur • fissiez réponse, et qu*il« s'ayisent dé
nous la porter, dieu mé danuse, la justice féroit
Tendre les terres d nu. GJBtscon par décroir. .
FOaiiISE.
Je seroîs fâché, monsieur, que leur imperti-
nence m'eût priyé du plaisir* ...
LE GASCOV.
£h donc ! je lé crois bien. Je viens vous rendre '
un petit service.
FORLISErf
A moi, monsieur? £h! comment reconn pitre ?.
LE a A SCO V.
Point dé reconnoissance. J'ai appris dé par lé
monde que vous aviez besoin d'un secrétaire., .
FO&LISE.
Il est vrai.
LU GASCON,
Vous êtes un homme dé mérite, vous, avez des
talents , des connoissances ; je né suis pas un sot ,
un ig^oramt. £h bien ! je viens mé pfésenter.
F011I.ZSE.
Vous ?
LE OASCOM-«
Moi-même. Personne n'est plus en état que moi
dé yooft dise à quoi je suis propre et ce que je
vanx.
FcatiSE*
Mais , moasiaiu. . ••
a3ô LA MANIE DES ARTS.
LE OASCOir.
On né se loue pa» ordinairement, je lé «ai s ;
mais , cpànd on vent se faire eonnoitre tout ^'un
coup, il Irat bien*^ fai^e le» honneurs d« sa per-
sonne.
r tA COMTESSE.
Il a quelque raison.
LE GASC09.
Je n ai dé recommandation que moi-même, et
ce petit placet dé ma façon , dont je veux vous ré-
galer.
roax.isE< ^
Madame, 'qu en (dites -r vous ?' monsieur veut
TOUS régaler d un placet. \
" '• '^ •
LE GASCOir.
Je me flatte qu'il vous fera plaisir^
.LA COMTESSE..
C'est un fou dont il faut se débarrasser.
LE GASCON.
C*est un placet en vers , madame. '
LA COMTESSE.
Un placet en vers, monsieur?
FORLISE.
L'idée est neuve.'
LA' COMTESSE.
Originale, plaisante. (AForiise,) Ce pourfoit
être un lidttme d'un vrai mérite , monsieur le
marquis.
T 0Ji^l%^E. , hia ôomtesse.
Nous pourrions bien en avoir été la dupe. {Au
SGËNE XIII. 137
faseom.y Voyons votre placet, monsieur , nous
TOUS écoutOBS..
&A COBf-TEfSE.
Nous sommes toute oreille^'
IgZ GASCOS»
Je commence : écoutfBz..
Je sois. diseur de petits vers ^
Et dé bourgeoises comédies ,
Compositeur âé petits airs ,
Dé parades , dé parodies ;
* Rieur et bouffon ezcelleot,
lié singe d'une compagnie. *
Je possède l'heureux talent
D'amuser un grand <pû s'ennuie«.
J'ai £dt rire à temps un Anglois
Qui songeoit à ses funérailles ^
Uq Allemand, un Hollandois,
Un ministre allant à Yersaiiles..
Plaise de gr&oe à monseigneur,
Laisser, du. haut de sa grandeur»
Tomber un regard protecteur
Sur son très humble serviteur.
LA COMTES3E.
A. miracle! .yoilà qui est cliarmant^ délicieux.,
divin.! c'est le plus [oli placet du monde!
FOniiISE.
On ne «auroit demander mieux..
Avec plus d'esprit..
ftdâ LA MANIE DÈS ARTS.
FOBLisE, à la comtesse.
Et à plus de titre , s'il tient tout ce qu'il ptcH
met ; mais c est un homme impayable.
Lt OASCOir*
Je passe..
I.A COMTESSE..
Voilà mon protégé , moi , voilà mon protège.
ie veux avoir votre placet ; vous me le copierez ,
monsieur.
LE GASCOV*
Oui, madame i je ferai plus, j'aurai soin dé
^ous lé noter. Je l'ai mis en musique.^
FQRLISE.
En musique?
LE OAtcoir« "
Oui, monsttt
lA COMTESSE»
Votre placet en musique? Oh! je Vais rafbler dfé
vous, mon cher petit monsieur. Son placet en mu-
sique, monsieur le marquis ! Oh! il n'j a rien au^
dessus de cela. Si vous ne le prenez pas, monsieur
le marquis , je le prends , moi. . . Votre air ? votre
air , mon cher monsieur ? Ne nous faites pas Iaa->
guin
LE GASCOV.
J'en ai justement sur moi les parties copiées , je
vais les distribuer à vos musiciens , si vous lé trou«
vez bon , et nous exécuterons ensemble m#i petit
placet.
S€ÈN£ :ilIIL «39
(Il chante.)
Je sais faUeur, etc.
f.A COMTBftSE.
Brayo ! de mieux en mieux! Tair surpasse les pa^
rôles; on n'y tient pas. .. G est un homme unique ,
incomparable. H4tez-yous de yous l'attacher,
crai^ez qu'on ne yous l'enlèye , qu'on ne yous
l'arrache..^
FOALISE.
Je commence à sentir, comme yous, tout le prix
de cette acquisition..
I.Ë OASCOS.
Ce n'est pas tout encore : c'est que l'air est
dansant, et que j'en ai fait une danse de caractère.
LA COMTESSE.
iEh! mais, yoilà qui est d'une folie unique.
Vojrons , dansons le placet.
F0IILX8E«
Très yolontiers, cela sera charmai^t, allons.
SCÈNE XIV,
l^A COMTESSE, FORLISE, LE GASGQN,
DUMONT.
nUMOVT.
VOI7S êtes seryi , monsieur le |narquis.
FORLISE.
[Remettons la danse du placet après dînert Al-
lons, comtesse. Monsieur, j'accepte yos seif vices j
nous suiyez-yous ?
*4o «La MAmEDESABTS, SQMEXIVj
££ OASCOIV.
Je mé garderai bien dé refuser cet honneur^
Àir des petiit balhU,
AUûtn dans un bnU«&t salon
PtéSéahle au sacré vallon ;l
Allons dans -an brillant saloui
Kous asseoir à côté d'ApoUon.
Les neuf sœurs qu'on adore au Pamasst
A Vénus y céderont la place.
Et l'eau qu'on y boit ne servira plus
Que pour mettre au frais la liqueur de Baochss,
Allons dans un brillant salon , etc.
(Ih sortent touk trois en dansant et chantant,)
nu DE I.A MAaiI DIS Aaxs.
\ «
1
LES
AMANTS GENEREUX,
COMËDIE,
PAR ROCHON DE CHA6ÀNNES,
Représentée, pour la première fois, le i3 ectobrt
1774.
a4o !L A MANIE DES ARTS. SGËIXEXIV^
LE GASCOH.
Je mé garderai bien dé refuser cet honneur.
Air des petits bûUett*
AUotn dans un briOant salon
Piëlîérsbie au sacré vallon ;i
Allons dans xin brillant saloti
Nous asseoir à côté d'Apollon.
Les neuf sœurs qu'on adore au Pamasst
A Vénus y céderont la place ,
Et l'tau qu'on y boit ne servira plus
Que pour mettre au frais la liqueur de BMchvs.
Allons dans un brillant salon , etc.
(Ils sortent touk trois en dansant et chantant*)
PIBI DE LA MABIII DES AETt.
LES
AMANTS GENEREUX,
COMEDIE,
PAR ROCHON DE CHABANNES,
Représentée, pour la première fois, le i3 ectobrt
1774.
«kéâtrt. CoB^aiei, l3. . <ai
r
«4 o LA MANIE DES ARTS. SQtJHE XI Vl
LE oAscoa.
Je mé garderai bien dé refuser cet honneur ^
Air de» petits baUett»
Aflom dans un brillant aalon
Préiërable au sacré vallon ;l
Allons dans un brillant saloti
Noua asseoir k c6té d'ApoUon.
Les neuf sœurs qu'on adore au Pâmasse
A Vénus y céderont la place,
Et r«au q[u'on y boit ne servira plus
Que pour mettre au frais la liqueur de BMchvs.
Allons dans un brillant salon , etc.
(Hi tortent touk trois en dansant et chantant»)
riBl DE LA MASII DES AEXt.
\
J
LES
AMANTS GENEREUX,
COMEDIE,
PAR ROCHON DE CHABANNES,
Aeprésentée, pour la première fois, le i3 octobre
1774.
«^Mtr«. Goa^diei. l3. tai
i>
] '
»4o !L A MANIE DES ARTS. SGÊI^E XiVi
LE OASCOS.
Je mé garderai bien dé refuser cet honneur.
Air des petiit baUeU,
k&otm dans un brilUou aalon
Pn^able au sacre vallon ^
Allont dans.iui brillant sahoùt
Koua asseoir à cdté d'ApoUon.
Les neuf sœurs qu'on adore au Pamass*
A Vénus y céderont la place,
Et r«an qu'on y boit ne servira plus
Que pour mettre au frais la liqueur de Baccbu*
Allons dans un brillant salon , etc.
(Ib tortent tou^troU en dansant et chantant,)
riBl DE tA MAIIII DES A11T0,
\
r
■■ ■ ■■*
LES
AMANTS GÉNÉREUX,
CIOAIËDIE,
PAR ROCHON DE CHÂBANNËS,
Représentée, pour la première fois, le i3 octobre
1774.
TkéltM. Comédies, 1^. . lai
PERSONNAGES.
Le comte de Bhuxhal.
TéLEiM, mftjor dun régiment prussien, amou-
reux de Minna.
Yerner, maréchal des logis du frégiment 4u
major.,
L'hôte.
Justin, valet du majot.
Un Domestique du comte de Bruxhal.
Là comtesse Misva x>e Barleim, nièce do
comte.
Favchette, £emme-de-chambre de Minna.
Garçons de Tbôte , 1
^ , } personnages muets.
Qens du comte , J *
La scène est à Berlin, dans un hôtel garni, et
représente un salon meublé modestement , qui
conduit à plusieurs appartements.
LES
AMANTS GÉNÉREUX,
COMÉDIE.
•>#^
ACTE PREMIER.
SCÈNE I.
• 'é
L'HÔTE, UN DOMESTIQUE en iwréé, GAH^
ÇONS d'aubwge, et gens de livrée y persounayei
muets.
(L'hôtt entré , suivi de qttelc[ues-uns de ses garçons qui
sont en veste, en bonnet, en taiblier vert, et de
quelques gens de livrée portant des valises.)
L* H d T B , à ses garçons»
Allohs, grand feu partout : que le sommeiller^
le cuisinier et Téoujer ne s'écartent pas , et soient
aux ordres des illustres étrangers qui nous arri"
vent. (A un des domestiques, ) Qui sont tos maî-
tres ?
LE domestique^
De grands seigneurs.,
944 l^ES AMANTS GÉNÉREUX.
l'hôte^
Tant pis : cela 6iit beauftoup de bruit et peu 3m
tépense. (Aux domestiques portant des vaiises.) At-
tendez, attende» nn mement ici, messieurs; on va.
TQus faire passer U-dedàns. (Au domestique,) Nous
donnons à yos maîtres rappartement.d'nn officier
dîsgrâpié qui loge ici depuis long-temps , et nous
le plaçons un peu plu» haut; mais encore, fant- il.
bien le, déménager pendant son absence,. et. avoir
soin de ses effets ; car vous n'en répondriez pas ,
messieurs.
LE nOMES-T^^UE.
Ce ne seroit pas la peine de les trouver.
l'h6te.
Je le conçois. (A ses garçons. ) Qu'on donne à*
ces gens-ci de mauvais^ lits^ et de bon vin, afliv
qu'ils s'amusent plutdt à boire qu'à dormir. (Au
domestique, j Vos maitre» seront bien, auront de
bont. lit» , des appartements commodes. C'est le
meilleur b^tel^arni de ^rlin. C'est ici que logent
tous les princesd'Âllemagne,et j'ai eu rhonneurd'j
recevoir les ministres de France et de l'empereur.
LE 9aM£STXQX7S.
11 vpus manqupit d'avoir reçu monsieur le comte ;^
l'hôte.
 la bonne heure. Fait-il de lu dépense ? Aiine^
t-il la bonne chère ?
LE domestique.
Il boit et mange en Allemand,. et paie en An-
glois..
ACTE I, SCÈNE î. 345
i'hôte-
Ofe ! s'il fait de la dépense , je le traiterai comme
vne altesse : cela ne nous coûte rien à nous- autres,
et nons donnons ici du monseigneur à tous les
ayenturiers qui voyagent ayec des ducats , quoi-
que nous apprenions- de leurs gens que ce soient
des marchands de Londres ou. de Paris,
liE DOMESTIQUE.
Fort bien. .
l'hÔte^
Monsieur le comte est donc un gros seigneur ,
qui fait de la dépense et qui paie? C'est bon à sa-
voir. Et cette personne qui vojrage avec lui , est-ce
sa femme , sa fille , ou bien sa. ^,. bonne amie ? . ..
£Ile est jolie , au moins.
LE DOMESTIQUE.
C'est sa nièce/ Il n'a jamais vx>ulu se marier,
parce qu'il n'y avait pas de paud asse:^ noble pour
lai en Allemagne,
i.'h6te.
Quel malheur pour sa postérité !
XiE domestique.
Mais au reste c'est un bon humain que le comte
de Bruiihal. ... Il est un peu fier, uivpeu pxpmpt ,.
un peu brutal ; mais il vous donnée un soui&et , un
coup de pied , et un ducat en même, temps. .
l'hôte. .
Et un ducat en même temps ^ Ôh! le marché est
bon; et sa nièce, donne-t-elle ides "soufflets et des
ducats?. «T.. '
9.1.
ajÔ LES AMANTS G£N£a£UX4
LE DOMESTIQUE»
Oh! elle doane » elle , des dqcats et de Boanes '
paroles. C'est U plus douce , la plus aimable» li»
plus modeste et la plus hoixnâte personne du
monde.
l'h6te.
Et comment yit-elle ayec son onole ?
LE DOKESTlQtJE.
Gomme on vit avec un oncle dont on attend
toute sa fortune.... Mais les yoici.
( Les garçons de l'auherqe se retirent. )
SCÈNE II.
Fanchette, la comtesse, le comte,
L'HOTE, et tes gens de livrée»
LE COMTE y avec kuméur.'
Ëa bien ! où esc dpnc cet apparteihent qu'on,
nous fait attendre là -bas depuis trois quarts
d'hetire ?» . . L'h6te se moque-t-il ?
l*h6t]e.,
Pardonnec, monseigneur.... Encore tin nio-*
ment, et je suis en état de vous recevoir comme
yous le mérlteK. Je fai* déménager un officier. . . .
MI VIT A, à l'hôte*
Voilà ce qu'on vient de nous dire, et j'en suis
Vraiment fâchée t j'aurois bien voulu, monsieur
^'h^te, que vous, n'eussiez pas dérangé cet offi-
cier. * » •
/
A<2TE ly SCÈNE IK 445
l' H À T E^
Ok! les officters, madame, sont aGcaatiimés à
camper et à décamper..». Et ce 9ont mes affaires ,
après tout.,
LE CQMTE.
Oui, oui, ce sont les affaires de l'hôte, ma
nièce j et vous n'auriez pas dû.yous en mêler.
l'bôte.
ffotre o£Elcier se fâchera, s'il vent; je m'en em-
barrasse peu. Je n'ai, pas osé lui dire de s'en ^ller;
mais il décrédite ma maison, et je ne serois pas
fiftché qu'il prH son parti..
LE COMTE.
Comment?
l'hôte..
Ah! c'est une longue histoire, une histoire Hû
corps.... Et si elle pouyoit intéresser votre excel-
lence ? . . .
LE COMTE.
Une affaire d'hohneur ? ' .
l'h ÔTfe.
Won : il se hat tant qu'on veut ; mais il aime
l'argent; et au fond je ne le hlâïne pas. Il y a été
attrapé ; voilà le mal,. Il nV a que les maladroits
qui aient tort» Tant y a que tout le monde lui
tourne aujourd'hui le dos » et que plusieurs de ses
camarades et de ses meilleurs amis même viennent
de quitter m^ maison , poutlr n'être pas dans le cas
deU voir, de le rencQntrer, timhm de le^saluer.
' 349 LES AMAÎfTS GÉNÉREUX,
LE COMTE.
Ebbienf ma nièce,' vous avez hitlk une belle
•tourderie , Ô'avÔir envoyé chez cet- homme ?. . .
MINNA.
Lui faire des excuses d'avoir pris son apparte-
ment.... Il n'y a pas d'inconvénient'à cette démar-
che ; et nous ne devons pas entrer. . . .
LE COMTE.
Oh! nôni nous ne devons rien examiner. Il est
du régiment {bas^à sa nièce) du major ; et il faut,
à quelque pTÎï que ce soit. . . .*
l'hôte.
C'est un homme poli, au reste, et qui sait vr^rt.
le comte.
'Aux dépens d'autrui.
•Il- ' r' '. .
MI UN A.
Eh! mon oncle, nous avons appris, aux depen*
d'un ami bien respectable, à nous méfier du juge-
ment des hommes ! . . . Celui-ci n'est peut-être pas
^loins malheureux que le major Téleim,
l ' H 6 T E , ^at^ec vivacitém
m
Le major Téleim! Eh! mais... c'est....
MINNA.
Eh! qui sait même, mon onde?... ^ .
LE COMTE.
Es-tu folle?... Je voudrois bien que le faquin •
s*avitÂt de me parler ah)si du major Téleim. ... Je
le ferois. mourir soos 4e bâton.
ACTE I, SCÈNE IT. 249
i'hÔte, à part ^
Gardons-nous de lui dire ^ue c est lui-même. . .
Gallois faire une bçUe sottise !
LE COMTE.
Achevez de me déménager votre officier, et je^
tez-moi par la porte ou par la fenêtre tout ce qui
peut Appartenir à ce firipon-là.
z.*h6te, à paru
Je n*ai garde de rien laisser chez lui qui puisse
le faire reconnditre, et. me procurer les honoraires
de mon p^égjrrique*.
LB COVTX.
Qo'il>.n-ait rien à réclanier iei, et qu'il se 4i&-
pense de nou^ remercier de non politesses , enten-
dezrTOU»?
V* H'^^T e^
Je ferai en sorte que yous n'entendiez seule^
ment pas parler de lui. (Aux domesti<fues du comte.)
Allons, messieurs, suiyez-m.oi^
(Itsort.)
SCÈNE III.
EANGHETTE, MINNA!.; LE COMTE*^ t
L,E. COMTE.
Nous allons avoir une visite de cet officier*
M 19 VA.
Ehbfen! mon oncle, nous le recevrons.
LE COMTE.
J'aimerois mieux recevoir le diable qu'un mal-
a5<^ LES AMAOSrTS GÊNÊREtJX,
honnête homme. Vous ne saurez pas ce qu'est de-
Venu T«leim : j'en suis fâché. Tâchez de le déçoit^
vrir par un antre moyen , à la honne heure « je
vous aiderai lAême Volontiers dans vos recherches^
IMlais..»
M s H H A-,.
Mais f mon oncle « cet officier. . . si t:*«toit. . .
L£ COMTE.
C'est tin fripon..^ !iVe m'en pade pins. Il n'esl
pas le seul , au reste , qui puisse nous donner des
iBOùvelles du major Téleim... Et je t'en promets ,
moi , aujourd'hui , dans l'instant m^e. On saura
«e qu'il «st jdeventt à la cour, et j'y vole^ Ferme la
porte sttr leaet à notre officier , s'il se présente, et
moi, je vais aller seryir Téleim. Je n'ai quitté Iti
iSaxe que pour lui , et on m'écoutera sans doute
ici : je parlerai haut, du moins»
fAirCHETÏE.
• Oh! nous n'en doutons pas.
LE COHTE.
Oui, je dois jusiîlce à Téleim, et je la lui ren-
drai* J'irai au directeur de la guerre , j'irai au roi
s'il le faut) et je lui dirai : <c Vous n'avez pas un-
H plus honnête homme que Téleim dans votre
« royaume j c est un sujet fidèle, un ennemi géné-^
« reux : rendez-lui ses biens , son honneur, son
« état , et placez-le auprès de vous , vous ne sau-
« riez mieux faire ; les honnêtes gens sont rares , et
« surtout à la cour. »
ACTE ï, SCÈNE IIi: eSi
MINNÂ.
Ah! mon oncle, adoucissez..,
LE COMTE.
Je n'adoucirai rien. Je dirai. au roi :^< On tous
Il a trompé ; vous ayez cru les accusateurs ou plu-
9 tôt les ennemis de Téleim. Ils vous ont persuadé
c( que sa conduite n'étoit pas nette dans les contri-'
■ butions qu'il avoit levées sur nous pendant la
tt dernière guerre , et que Ion trouyeroit chez lui
•< des traces de ses connivences ayec nous. Tous
« ayez fait^nleyer ses papiers , et vous l'ayez con«
« damné sur un billet qui ne prouye que sa bien»
« faisance et son humanité. Yous aviez laissé Té«
« leîm maitre de se contenter de 'telles contribu*
; c( tlons , s'il ne pouvoit en obtenir de plus fortes t
« Téleim a exécuté vos ordres ; il s'est borné à ^
V dernière extrémité , et , après même avoir yérifi(S
« Texcès de notre misère , à exiger la moins opé*
« reuse de yos demandes ; mais cette demandé
(c étoit encore bien au-dessus de nos forces , et il
I « faut que vous saehiez comment il nous a mis
0 en état de vous obéir. Nos bailliages avoient en
« Tain représenté à Téleim 1 impossibilité de voua
« satisfure; il les avoit eQ yain menacéft d une exé*
« eution militaire ; tous nos citoyens , les mains
« jointes et leyées vers lui » l'implorant au nom de
« l'Être suprême , de l'humanité , et de yous-même^
c( sire , attendoient ce qu il alloit résoudre , la
« flanune , le pillage et la mort , qu'il retenoit en-
« core et qu'ils yoyoi^nt eçiîsr autour de luf;
J
ft52 XES AMANTS' GÉNÉREUX,
tt Téleim écarte cette scèDe d'horreui:, porte la joie
tt et la consolation dans Tâme de tant àe. malheu-
ic reux, délie en pleurant les cordons de âa bourse
« et complète avec eux la somme que tous en «xi-
c( eiez., Voilà 1^ dette ^es Saxons et le crime du
« major Téleim; la reconnoissance que; tout un
« peuple lui a signée à genoux , et non , comme oiy
« a voulu le faire croire ici, le salaire de ses per-
ce fides complaisances envers les bailliages. Que
u votre majesté répare ses torts , c'est le p*his )>eau
\< droit de l'autorité et la plus belle action que
« puisse faire un souverain; qpi'elle les répare, ou
c( nous les réparerons pour. elle. Oui^ votrelnajesté
« peut garder le billet que nous avons fait k Té-
(( leim, et que la calomnie et la bassesse ont porté
c< au pied de son trône ; mais nous paierons tou^
•c( jours à ce brave officier les deux mille pistoles
(c qu'il nous a avancéeis , et rien n'efiaoera jamais
f< la reconnoissance de nos c^urs« n
MisrftA..
Ab ! mon oncle , que vous êtes bon 'et généreux f
On voit combien la vertu vous enflamme ; mais
prenez garde d'irriter notre juge : il famt parlei
aux rois avec tant de ménagements! . .,
LE COMTfe.
£hr pourquoi donc? Tous ces ménagements tra-
hissent toujours la vérité ; et je ne mets au-dessous
>de celui qui approche des rois et la leur déguise,
qu» k souverain (fui no veut pa» lentendre.
Acte i, sgëne m. ns^
8f on oncle , tou» avez raison ; mats yoqs 'aimes
Téleim , et vous dérèz craindre de le compromet*
tre en voulant It servit.
LE COMT£.
Qn'est-ce à dire , le compromettre en Voulant lé
servir? Me prenez-vous pour un sot, un idiot? Ahi
voilà comiàe les en£uits en veulent toujours sa-
voir plus long que nous ! Eh bien I servez Téleiià ,
conduisez cette gramide affaire (^ie comt^ YasAtâ^i
je ne m'en mêle plus.
FA.ircAETTE, à part»
Elle n en iroit pas plus mal..
MIHNA.
Mais, mon oncle, vous ne me coflOLpreniez pài«
Une téfie^OB. . .
tZ COXillfE.
Je réfléchis tout seul. . Je suis biett boà de Inft
donner tant de ^eme et aè tracas } . . .
BiizrNÀ.
Vous aimez à obliger, mon cher oncle. . .
LE COMTE»
Oui , c'est vrai , c>8t mon foible ; mais )é veux
qu'on me laisse faire.
irANCHETTE, à part.
JXou$ j avons, été tant de fo%% trompée» 1
LX COMTES
Qù*oiir ait eonifiaafoé en afous.. . «
Tkéatn» Cenédic*. . 1 3«. 2*'
a$4 I-ES AMANTS GÉKÈREUX.
114 BNA.
€'e$t îaste«
LE COMTE.
Qu'on me laisse réfléchir tout seuL^ .«
FANCHETTE, à part.
Le mojen de vous en empêcher ?
LE C0M1>E.
Et qu on ne ccoîe pas enfin avoir plus d «Spri2
^ue moi.
M I ■ N iu.
Je n'en ai jamais €u l'idée^
FAVCHETTE..
Ce seroit consoienee.
MIKVA..
Mon oncle, mon cher oncle, sojec periuadé...
LE COMTE,
Voilà qui est bien. Taisez^yous doiïc, «t me lais-
tez faire. Je t'ai promis de courir après Téleim , et
Ij cours aussi , malgré ma goutte , parée qu'il te
convient et me convient égaleikent. C'est pourtant
an homme singulier , que ton Téleim. . . Te refuser
parce que tu es trop riche ! L'action est belle ,
au reste , et me pique de générosité. Oh ! je le ser-
virai , je le servirai..
MIRirA.
Que de gr&ces...
LE COM^^B.. '
Oui ; car je t'avouerai que je ne suif pas trop
curieux de me présenter devant le roi de Prusse^
j^arce que j'ijg^norfi çiomm» il va^ H«<iFra* U a'aimt i
 e rtr I , se ê n e 1 1 r. a ss
fpm let mtiitaifres eft I«s gen» de lettres , ce prince-
là. Je ae sais plus rrm , je ne serai jamais l'antre ;
if nafpas^enYie de déroger* k mes seise quartiers,
et de me rendre homme de lettres pour lui faire
plaisir. .. N*ar-jfî pas yndesAt^arottl, des Maaper-
tuU, àesVoUaire ddais%e9 équipages? Eh! qu est-ce
ou'ils prou'^oient, ces gens-là?
Mi^irif A.-
Téleim vous a fait cependant plusieurs foi» con-
i«nir quç la science. . .
Je ne sui« jamais convenu d^ rien^ a'^c lai. Il
est taquin ; je me Ûchois ; et il étoit obligé d'a-
vouer que jjavois raison.
FAircHBTT]|y à part>-
Cela persuade.
lE CQttTE«
U est aussi u» peu entiché de littérature, notre
Téleim ; mais je li^i pardonne , parce qu'enfin il
me lit les gazette» , et qu'à tout prendre it y a de
bonnes choses dans ces ouvrages-là- : on j lit les
promotions que font les souyerains , les noms des
gens pn place , les mariage» et lei morts des chefs
de maison,. enfin tout ce qu'il y a d'intéressant à
savoir. «..
vA»CBETTS, À part.
Peur les seize quartiers.
tE COMTE.
Mais je te Yaisse, et vain voir ec qu'on me
donne à: dîner, et où je coucherai; après quoi j«
a56 lES AMANTS GJÈNiÊREUX.
vole ira directoire, à la cour, chez les ministres ,
les commis même ; et je fais entendre raison à tous
ces gens-là , s'il j a inojipn fie la leur faire entend^ .
(Itsort)
scé;ne IV.
FANCHETTE, MINNA,
Hov oncle me fait trembler.
FAVCHETTE.
Gomment , monsieur le comte!... Il aime mon-
sieur le major autant que vous; il x^est qccupé
qv^fi de vos intérêts..
MXSirA.
Il est y?ai.
FAHCBETTE.
Il a fait ce que tous n auriez osé faire 9ftn9 lui.
M I N H A.
J*çn conviens.
FAXCHEXTE.
Il quitte s$i maiflion , sa patrie pour yenir le dé>
fjpDdre.
ni I V v A,
D'accord.../ G*est le meilleur humain de la
terre ; mais il nuit toujours à ceux qii'il YfKat
servir.
f AVGH^TTE.
Assez souvent , du moins.
ACTE I, SCÈNE lY- ' ^Bj
MINNA.
Il se fâchera dans l'antichambre contre les ya-
lets , 8*ils ne le laissent pas entrer d'abord ; dans
1^ cabinet contre les ministres, s'ils ne lui font pas
excuse du moindre retard : il dira^ « Vous deyez
« me connoitre', messieurs » ( à des gens qui n'au-
ront peut-être jamais entendu pa^rler de lui) ; et si
l'on ne le connoit pas , si on lui fait la plus lér
l^ère observation sur l'affaire de Téleim, il sera
d*abord aux champs , dira du mal des ministres ,
des commis, les traitera d'envieux, de firipouA et
«de sots ; et tout sera perdu.
FAVCHETTE.
Oui , mais il revient aussitôt.
I K I B n Ami
£h ! les gens ojQfensés reviennent-'ils de même ?
Çt si Téleim n'étoit pas justifié , autre embarras :
qui viendroit à bout de ce singulier personnage?..
Ne m a-t-il pas écrit une belle lettre , ce Téleim ?
Uon ; il ^r a ^es moments où je suis tentée de le
ba|r.
VAHCHETTE.
Ils sont couirts, heureusement.
IflHBA.
Il est vrai y, Fançhette. Eh! ne dois-je pas en
effet lui pardonner cettp injwste délicatesse qui l'é-
loigné en ce moment de moi? Elle a quelque chose
de si noble , de si héroïque , de si imposant l . . .
Non ; il me sex](ibl^ qtje Téleim est un être privilé-
gié qui fait honte au rçste de la terré ; oui , Fan-
.aa.
»5S LES AMANTS GÊNÉRHUS:.,
chette , oui. ... De là peut-être un peu d'indisesé^
tion et.de franchise dans mon goût pour lui.
FAVCHKTTE.
11 faut bien ayouer ce qu'on ne peut pa» ca-
cher.
MimiA.
Et ce qu'on ne doit pas cadier. J'aime Téleim ,
non pas comme on aime les autres hommes , avec
cette défiance et cette réserve qu'inspirent le mé-
pris qu'on a pour l'humanité , et les préjugés dans
lesquels on est éle?é ; je l'aime avec sécurité , je
le lui avoue avec franchise , je n'en fais mjstète à
personne , parce que je ne crains ni le public , ni
mon amant, ni moi-même. H j a des passions
qui en imposent même à la perversité des moeurs.
Qui pourrois-je aimer qui valût mieux que lui , et
qui répondit mieux au public de la délicatesse de
mes sentiments ?
FAHCBETtK.
N'êtes-vous pas veuve d'ailleuts, uretive aflUgée
de dix-neuf ans , mais enfin maltreise de vos ac-
tions?
stixirA.:
Mais, quand je serois «ncore sous lia puissance
paternelle, je ne mettrois guère skoi&É dé fran*
chise dans mes procédés. Je dirois à met parents :
« Voilà rhomme qui peut seul iii6 rètidte heti-.
« reuse; au public, voilà celui qtie j'ai préféré^
« parce qu'il est le plus vertUeùk, «t que je veux
u estimer et aimer mob mari*. y> ^
ACTE I, SCÊNïT IV- aSg
FAirCHETTE.
Il n j a pas un mot à répondre a cela
MIVNA.
Que ces femmes, que ces hommes qui se ma-»
rteut sans respecter le mariage, ou qui restent
réiibataires pour pervertir l'ordre de la société,
rougissent de leur conduite; cette pudeur n'est
«jae la honte de leurs dérèglements ; c'est un re-
mords , et non pas une yertu. Mais moi , pais^je
rougir d'aimer Téleim ? Je Temx être mire tendra ,
épouse fidèle : j'ai consulté mon coeur pour assurer
ma vertu. Ne sommes-noos pas- nées pour aimer ?
Ah! labellepassionqoeramour, quand il n'j a paa
un seul homme en droit de nous la reprocher, et
surtout quand nous ne pouvons pas nous la repro-
cher k nous-mêmes l J'aime Téteim; et., après le
plaisir de le lui dire , je ne sens que celui de l'a-
vouer à tout le monde.
FAirCKBTTE.
Vous avez raison ; je pense comme vous : mais
je ne suis pa» si à mon aise avec Paul Vemer , et ,
quand on m'en parle , je rougis ; et cependant-,
madame. . • .
M t air A.
Oh! je le crois. Tu es trop bien élevée pour
avoir la ^sse pudeur dont je viens de parler ; à
ton âge , on rougit, parée qu'on n'a pensé à rien.,
paucrette.
Grand meta d$ la politesse, maâs j m pensé k
tout. *
s6o LES AMANTS GÉNÉnflPTS:.
MIVHA.
Tais>toi.... Mais Ridera, que j'ai cnyojé v^pra
cet officier du même régi^nent que Téleim , ne re-
rient pas : qui peut le retenir? Non, j'ai une inir
patience àç sayoir. . . .
Mais Rîdern vient de partir ^ madame.
MISVA.
Mais pour faire mes excuser k cet officier que
poas. avoua délogé , il ne faut pas taut d^ temps....
FAIICHSTT2.
Mais pour lui demander oii peut çtre Téleim »
les circonstances de son affaire. . . .
M ^'N H A.
Mai$ je ne Tai point chargé de cela , mademoi-
selle ; je ne lui ai ordonné que de prier 1 officier. . .
FAlfCHJETTE.
Oh I je ne sais pa9 an juste ce que vout lui avez
ordonné ; car vous l'avez fait venir et revenir dix
fois , pour lui faire son thème de dix façons ; et je
lie serois pas surprise qu'il n'en eiit retenu aucune.
MisriiA.
Nous voilà bien avancées ! Que ne ma disoisrti^
cela ? Je t'aurois chargée toi-même. . . .
# FANCHETTE.
D'aller trouver un officier! Votre servante, ma-
dame ; ils nç soilt psis tous comme Télei^l.
MINVA.
Il est vrai. Conuois..tu quelqu'un qui ait plus
de qualités que Téleim ?
Yerj^ef a hifi^ aiissi son mérite.
Qui soit plus généreux ^ plus bienfai&aiit^
FArUCHETTC.
|I n*a rien à lui,
MIirVA.
Qui se présente mieux ?
FABrCHETTE,
Il ne fait que }*exercioe , mais il le fait bien,
MIHIf A.
Qui ait plus de liant , de douceur daQS le pa^r^f*
tire?
FASCBETTE,
11 jure , maifl sans fai^e de mal k personne*
MIVIlAf
Il jure ? •'
FAHCBETTS.
Rarement ; mais il me donne envie de rive quan^
cala lui arrÎTe.
M 19 VA.
«
Et son esprit?
FAHCHETTB.
Il est plaisant , il m'amuse.
MlUBTAr
Eh! mais... c'est qu'il dit les choses çorapie
per;»«mie ue les dit^
i6^ LES AMANTS GÉTfÉREUXr
FANCHETTE.
Gemment! Tianmx-yôus 6tttéyiià^iielquefois>?
Si jaiearieirdtt Télètm ?
FAVCHBTTS.
J'ai crii que vou» me parliei de Vemer.
MINNA./
AuBsi Ibiles Tune que l'autre, mon enfanta
y FAHCHETTX.
Que voulez-Tous? ckacua a sa folie; je cou»*
mence aussi à m'impatieater de ne pa» voir reye-
nir Ridern; car je TaTois chargé de s'informer de
Vernér,
Kiirif A.
Gommeirt , de Vcrner ? Eh î mais ^ qu est-><:e que
«est que cette extraVagaiice-là ? Je ne sliîs'plu»
surprise si Ridem ne revient pas ^ il aura fait vo»
commission» et oublié les miennes. C'est bien tn*
téressant . au moins , de ftavoii* où est Paul Yerner !
£h ! à qm voulez-^ous , mademoiseUe , qu'il le de-
mande? Croyez-vous qu'un officier aura la eom-
plaisaince de lui donner des nouvelles d'un maré-
chal des logis-, de Paul Vcrner? U anra^ renvoyé I«.
questionneur à coups de canne.
7AFCHETTE.-
Il en seroit revenu plus vite.
MI9NA.
Hest bien temps de plaisanter! Voyez là-ba»v
deman-dez It l'hôte, à mes gens eu est Ridem ^
ACTE 1, SCENE IV. «<55
Mt qoe c'est que cet officier ^ et revenez prompte^
ment.
FAUCSETTE.
Tj oonrs , madame. à
. (Mlnnasart/)
SCENE V.
FANGH£TTE,ieii/«>
M Aïs, si je rencontre y emer, adieu la commift'
•ion.
FZH SV PKSMiEa ACTE.
jt'.rf^l^'^l*» ^ »!»■ >.»i^«*>^«
ACTE SECOND.
iSCÉNE 1
JUSTIN, EHOTE^
JUSTIS.,
SloMSiEUB le major ne veut ni de l'appartement
où tu as placé ses effets , ni de tout autre. Tu nous
as délogés pdir des étrangers, sans nous en de^
mander lïotre ayis ; yoilà ton argent , et nous sot-
toÉs. Retire-toi.
SCÈNE II
JUSTIN, VERNER, L'HOTE.
TERBtEK.
Que £utes-yous. ayec ce coquin-là, uonneuc
Justin ?
jùSTiir.
Je le pâle , M. Yerlier , et lui dis de se retixer.
TIBSRBA.
Et il se fait prier!... Sors» on je yaiste pajetf
ccmune tu le mérites,,
l*b6tb.
Je n« deiaande plus rien.
(Il êort préeipitatiiment )
LES AMANTS, etc. ACTE II, SCÈNE III. idS
SCÈNE IIL
JUSTIN, VÉRNER.
If ZJ19E 11.
i*A?POi[TE de l'argent à monsieur le majot, et
je yais faire la guerre aux Tartares , aux Cosaquetf ,
aux Galmoucks.
j H s T I #.
Qui sont cet animaux-là ?
V E a v E R..
Vous ayez entendu parler de Pugast-chew.
StSTiVi
NdB ; qu eat-ce qu'un Pugast-chew ?
C'est un chef de réyolt^s , et je n'àimè paê ces
gens-là , moi. Je vais me joindre aux Russes pour
le mettre à la raison. Dieu soit loué , qu'il j ait au
moins guerre en quelque coin du monde! J'espé-
rois qu'on recommenceroit en Allemagne , mais on
n'y fait que des camps , des revues ; et je yeux àfis
batailles , moi. Oui , Justin , né soldat , soldat je
yeux mourir. Je yais £iire une campagne avec les
Russes contre les Calmoucks et les Tartares. Je
yeux voir si ces g6ns-là valent nos Enropé'ens ^ nos
Allemands , et surtout un soldat prussien.
JUSTIN.
J'espère que vous ne serrez pas assez fou pour
abandonner votre jolie terre.
Zhéâtrt^LCoaédiei. i^k ^^
J
^66 LES AMACÎTS GÉNÉREUX,
VERNER.,
Je la porte sur moi : je l*ai vendue.
JUSTIN.
Vendue!?
VERNER.
Oui ; j'en ai tiré hier deux cents ducats, et je les
apporte à mon major,
JUSTIN^
Eh f que Toulez-Tous qu'il en fiasse ?
▼ ERNER. .
Qu'il les boive , qu'il les mange , qu'il les joue.
11 faut qu'un hbmme comme lui ait de l'argent.
C'est bien affreux qu'on lui retienne si long-temps
ce qu'on lui doit , et qu'on traite le plus honnête
homme de l'armée avec tant d'injustice et de bar-
barie. Ah! si j'étois à sa place, j enverrois ce 9€T->
vic(;<;ei au diable , et j'irois avec Paul Vemer..
Vous êtes tcop bon/, monsieur Vemer ? non» ne
voulons pas de votre argent; gardes vo» dnoats.
Vous pourrez nussi reprendre la somme que tous
avez déjà prié mon maître de tous oofiserver; car
il m*4 chargé de toms dire de venir l'en débarrat-
ser..
TSUHSR.
l^ major a donc de l'argent?
jvaTxv.
Non»
Eh 1 3e quoi Tivez^iYPils ?
ACtE II, SCÈNE nu 9&J
De» débris de notre fortune.
Et il refuse de garder mon argent dam n&e pft*
reille détresse ?
JIKSTIII.,
Oui ; et il vient de me traiter très durement ,
parce que je lui faisois entendre , comme nous ei»
étions convenu», qu'il pouroit en disposer.
V£RHER.
OL ! nous verrons qui remportera*
J D s T I 9.
Ne l'espéreo^ pa», M. Vemer. Tenez , il vient de
laire une action qui a achevé de me confondre , et
({ùi doit vous dter toute espérance de kii faire ar-
cepter votre petite ionuBe.
VERNE».
Qu est-^e que e est ?
J V s T I 21 .
Tous eotinoissez bien la comtesse de Blarloff 7
VERSrZR.
Otri ; c'est la veuve d*nn de se» anciens camara-
des , une femme bien respectable et bien malheU'
reuse, cbargée d'ime nombreuse fimiille et sans
fortune.
JtrsTiv.
Elle sort d*ici.
▼ EBSiSR.
Son mari HevMt considérablement au ma^or.
3(68 LEQ AJklANTS GËNËR^IJX^
^usTiir.
Il ne lui, doit plus rien, ei n^OQsieur le 9isijo|r
n'eti est paa plus riche,
Comment ?
JUSTII^.
J etois dans un coin de ) appartemei^t ^u. mstyov
sfIQs. qu'il eQ sut rleq; e% j'ai été ténioin de la scène
la plus extraordij^aire que j'aie jamais vue de ma)
yie : madame Marlo£f est entrée , lui a dit qu'elle^
yen oit acquitter les dettes de son mari , retiver ses
billets et le payer. Le Qiajor a nié la dette , les bil-
lets y Ta forcée de remporf^r son argent, et a tout
4échjré dès qu elle a été partie.
Yehker,
Et on persécute de pareils gcQS ! et dç!| camara-
des , qui deyroient être à ses pieds , sont assez lâches
pour lui tourner le dos ! Ah! {1 faut que je fuie ce
pajs-ci f Justin ; il le faut absolument ; car je man-r
q^ero|s 4 1& subordination, et j'^ttaquerois, jp
crois , notre colonel lui-même.
JUSTIN.
Eh! quç i^e fuje^-ryous du côté de la Sfixe ?
yEBVEIl,
> Je ne peux pas, mon ami. Monsieur le major j
)^ laissé une maîtresse aussi aimable que la mienne,
et il ne yeut pas l'aller rejoindre. Il faut bien aller
se battre : mademoiselle Fanchette et la gloire,
moi Ip ^ç reçonnois que cesdeuxp[i|fiître9ses-là(4^'
ACTE II, 3GÈKE III., .2^6^
tene«, ne me rappelez pds ce sourenir; il m'aiflige
le cœur!
JUSTIN.
Mais, mademoiselle Fanchette vous aime-t-elle
comme tous Taimez?
VERVEB.
J^ n'en sais rien , mon pauvre Justin.
JUSTIN.
Comment! vous n en sayez rien?
VERNERi.
Non. Tous m'ayez yu à l'armée ; je ne suis pai
poltron, je brayerois le diable : eb bien! je n'ai
jamais en le courage de la regarder en face et de
lui demander si elle m'aimoit.
JUSTIN.
Quelle foiblessel
VERNER.
Mais je crois qu'eUe n^'aime ; et ce sont de ces
cboses qu'on laisse toujours mieux yoir qu'on ne
les dit.
JUSTIN.
A la bonne heure. Au plaisir, M. Yerner, je yaif
Toir où nous logerons la nuit prochaine.
(lisorU)
tERNZR.,
ShI nais , je vous suis.
d3.
2^0 LES AMANÎS GÉNÉREUX.
\ SCÈNE IV.
MINNA, VERNER.
MiHHA, à part
Votez si Fanchette reviendra! (Haut,) O ciel!
est-il possible ? en croirai-je mes jeux ? Quoi ! c est
vous, M. Vemer?
VERHÊB.
Eh! mais, est-ii bien vrai? ne me trompé-je pas?,
Qnoi! c'est vous, madame la comtesse?
M ISS A.
Oui , «'est moi-méine, et je ne reviens pas de c«t
heureux hasard.
VEAUËft.
Mais je suis bien plus étonné de VOUS hrDttver
ici j qui vous amène?
M ISS A.
Je viens consoler monsieur le major..
V s USER.
Ah! madame la comtesse, vous voilà bien là , et
vous valez mieux que tout le reste de la tétrc. Te-
nez , notre régiment est en garnison ici. Il n'y a
pas un officier du corps que monsieur le major
nait obligé , et les ingrats l'évitent tous depuis sa
disgrâce» .
MIS SA.
Ah dieux! quel cotfp ptnrr sa sensibilité !
VERSEA.
Il leur rend mépris piAir mépris; mais son âme
ACTE lï, SCÈNE IV. a-i
rtt blessée , et il n j a que vous qui puissiez 1«
guérir.
M 1 V M A.
A-t-il douté de ma tendresse ?
TERHEB.
Ah! il est tout occupé de son malheur.
M I H « A.
MUS est-il irréparable ? et le témoignage de nos
Stats. . .
y E a ff E a«
Il ne veut pas le réclamer; il dit qu'on le croi*
roit mendié , et que ses ennemis en tireroient de
nouveaux avantages contre lut.
siiirirA.
Mais, si notre première noblesse venott elle-
même?
VEBffCm.
Vous amèneriez ici toute la Saxe , que cela n'a*
vanceroit de rien. On commence bien k s'aperce-
voir qu'on a été trop vite; mais on ne sera pas as-
sez généreux pour revenir sur ses pas. Par exemple,
on lui avoit défendu de sortir de Berlin : on vient
de lui rendre toute sa liberté. £h bien ! il a ré-
pondu qu'il ne quitteroit pas la ville qu'il n'eût
confondu ses ennemis , dusSent-iis lui faire porter
la tête SUT l'échafaud. Cela s'appelle répondre.
MIVV'A.
Oh l je le reconnois bien là..
Le directeur de Ucaisin de guerre , son •nnemi
j
ay^Js Ï-ES AMANTS GÉNÉREUX,
secret, vient mên^e de \u} dire de pi(s.ser dai\9 ukiç
heure chez lui , sans doute pour lui ordonner àé
se retirer, ou pour lui offrir une grâce. . . .
MIBNA. ,
Qu'il rejettera.
TEBITEK.
N'en doutez pas. Il a promis de s j rendre^ mais
je suis sur que l'accusé confondra l'accusateur.
Heureusement vous Toilà ici, madame, et je ne
doQte pas de la consolation que vous nous j ap-
porterez. Il reste encore à mon major une braye
femme qu'il aime, son maréchaï-des-logis qui se
feroit tuer pour lui , et sa bonne conscience : en
voilà assez pour vivre heureux et tranquille» Je
cours le prévenii^ que vous êtes ici. . . Ah dieu !
Qiademoiselle Fanchette!
{Verner fait un mouvement qui mariftte son emhai^
ra$, et se met un peu à t écart pour laisser parier
mMdemotseUe Fanchette. )
SCÈNE V.
FANCHETTE, MINNA.YERNER.
FANCHETTE.
AhI madame , ah! madame , je viens de le voir,
il s'est précipité dans mes bras!. . . Ah ! Fanchette ,
'ma chère Fanchette, m*a-t-il dit , que vient faire
ici ta maîtresse} Je ne dcvrois pas la voir.. . . Je ne
le devrois pas; mais je n'ai pas le courage de l'évi-
ter, et je te suis.
ACTE II, SCÈNE y. aj^
|ih! Fanchette, je vais donc le voir; H va cfonc
|D*ttre rendu! Mais que dit-il j qu'il deyroit m'éyi-
ter, qu'il ne deyroit pas me voir? Pourquoi ne m*
{'as-tu pas amené? Je tremble,
FAVCQETTE,
£h! donne^lui le temps d'arriver jusqu'ici, car
le pauvre garçon étoit si abattu, si accablé, qu'il
pe pouyoit me suivre. . , et puis', vous le savez , ils
sont fiers les hommes. . . 11 faut que celui-ci s'es-
suie les jeux, qu'il s'arme de courage. Un peu de
patience, et vous allez le voir arriver... Il est peut
être déjà dai|s votre apjpa\'tement,
M|HHA,
Je cours l'y recevoir. Mais je yeux te rendre seiv
yice pour service , ma chère Fanchette ; tu m'an^
i)onçe3 Téleim, et je te laisse ayec Yerner,
(Eihsopt)
SCÈNE VI.
FANCBETTE, VEflNER, tou§ deux embarrassés.
F A M CHATTE..
A h! monsieur....
Ah! mademoiselle. . ...
. fahchette;*!^ p^rU,
jle suis tpate trouMée. ». a
«74 l'^^ AMANTS GÉl^ÊRtrUX.
V E R N £ R y à paru
Je ne sais que lui dire. {KauU) le yoo» cvoj<3i9
bien loin , mademoiselle.
FAUCHETTfi.
Nous n'aurions jamais cru vous trouver ici.
VÊRlfXR.
Ce n est pa» que jje sois fâché de la renconfsse^
mademoiselle Fanchette.
FA1«CH£TT£«
Ni moi, assurément, M < VemeT.
▼ £RV£ll*
J'àdmirois tout à l'hettre votre boor eififfr pour
monsieur le major, mademoiselle Fanchette : avec
quel plaisir yott» annonciez son arrivée à madaxner
la comtesse!
Ah! M* Venter, c'est que jetois bien sûre de
lui apporter une bonne nouvelle.... On a tant der
plaisir à annoncer aux autres leur bonheur!
vErber.
Ah ! Oui. (A part*) Et On est si embarrassé dé-
parier du sien i
» FAVCBETTEr
Il y a si long-temp» qu'il est absent , monsieur
le major!
VERSER.
II y a deux ans , trois mois et dix-huit )ours et
demi que dure cette absence-làr
âiîTE It, SCÈNE Vï, 275
FANCHETTE.
C'est mon compte. Et noire réunion , M. Verner,
combien durera-t-elle?
▼ EBNES.
Je Tondrois bien (qu'elle durât toujours , made»
moiselle Fanchette.
FAirCHETTE.
Et moi. « . Et ma maîtresse aussi , M. yerner,i
Elle aime donc toujours bien monsieur le ma»
jor, madame la tomtesse?
JAKCBETTE.
Est-ce qu'on peut s oublier, M. Verner?
VEAHEB.
iCela n'est pas possible, ... Si je vous disois tout
ce que nous faisions pour nous ressouvenir de
yous.,^..
FABCBETTS*
Nous ne £ûsions rien, nous, et cela venoit tout
seul,,. G'étQÎt à propos de tout, et k propos de
tien.
YltBirER,
Et nous aussi.
FAHCPETTEr
AU milieu de la meilleure compagnie.,*
▼ ERITBB..
Q9an4 pioiu'étions absolument seuls. . ..
FAVCBETTE.
Mjtf^f^^^ ^^ disoit \ (( Yois-ta rien là qui re^^
« seo)kle à Tisleiiii? .»^
ajô LES AMANtS GÉNÊRÈUi,
YSRVEIl.
Nous disions : autant ne voir personne , quand
on ne yoit pas madame la comtesse^., et mademcfi^
selle Fanchette.
PAVCflETTE«
Si Ton faisoit à madame le récit d une belle ac-
tion, d'une actioïl généreuse. <.' « Gela ressemble à
« "féleimi. a
YERlTEBq
Et k Vemer aussi, avec votre permis'sidR, ma^
demoiselle Fanchette»
FANCHETTE.
Ah! ]e te {Jeusois bieii de même, Mi Yërner. ....
Et puis nous prenions une carte de géographie*
VEABEIl*
Alil et pourquoi faire?
FAirCHETTE.*
Pour chercher où vous étiez. Nous vous suivrons
partout. Madame me disoit : *( Ils sdnt ici, ils' sont
<c là; le» Autrichiens sont campés en cet endroit ,
« et les Prussiens en cet autre ; il y aura bataille
(( aujourd'hui ou detiaîn , monsieur le major cbar-
K géra à la tête du régiment. »
V E a H È n , eil se tedressanU
Et Vemer ?
FANCHETTE.
Je n*osois regjarder, quand elle fftisoit <^es ré-
cits ; nous tremblions comme des enfants , et noua
pensions qu'il ne se tireroit pas Un cotip de fîxsil
qui ne fût pour vous , M. Yemer.
ACTE 11, SGÊNÈ Vt; ayy
V E a H E R.
Ah! nf ademoiselle , que de grâces!... Et quand
bous étions d un détachement , quand nous ren-
versions des escadrons , enfoncions des lignes. . . é
nous disions : Ah ! si elles n'ayoient pas peur, que
nous aurions de plaisir à combattre sous leurs
^eux ! Et puis je me proposOis , à mon retour , de
vous contèt les belles actions qtie j'atirots fkites
pour la gloire 6t pour vous , mademoiselle Fail-
ehette.
F A V c H t T,T E , un peu troubtéei
Gomment ! pour moi , M. Yemer ?
YBasER, décoHoerté*
Patdon I mademoiselle J'anchetté^
FAHCHETTE^
Il n '/ a pas de quoi , M. Verner. (^A parti ) Se
n'ose l'écouter.
VEBirÊB, à parL
Se n*ai pas la force de lui en dire dayantag«r.i
. FAVCBETTE.
Se Yois combien monsieur le major est attaché
1 madame la comtesse. . . .
yâaiTEar
le Tois toute la tendresse de madame la coiffa
teise pour rnoorsienr le major. . <-
rASGHSTTB.
Et je cours la prévenir sur son bonheur.
Et je cours rassurer dU sien^
a^S LES AHARTS GÉNËREUX.
(lu it ntourntnt tous la deux pour s'en aller, l'un
à drotit^tt f taire à gauche; mais un mouvomenl
de earmsiti les ramiae ea pet, et Us n'ta eoitt
tfoe plus tmbarrusis. } '
rAnCBirriK
Voue terraDte , Mi Veriisr.
Votn MTTitcnr, mademoiielle F«aclir.tîi'.
{FoMehetle toH préclpitaauBtnt en fiiUtuU une petit'
révérence, et Verner reste an numenl con/biittu
comme f B^ff a'un ou'or a taiisé sur te tfu'il atloif
dire.)
SCÈNE VIL
L'A ToiU putie , et mon Mcret en ieit£ en «he-
-'-•—- intaprraelle, mai) tem-jt phHfc<r44'
laeoas acci.
ACTE TROISIÈME.
SCÈNE i;
FANCHETTE, MINN«
Tu vois comme il te suiyôit. . . * Ab ! gâfls àoUt€ ît
t'a trompée ! Il aura volé cbe£ le mmistre qui l'at*
ten^oit , et il ny atira point porté cette modéra^
tion qui lui est nécessaire f ef que je lui acuroi»
peut-être Inspirée <
FA#CtiETÎt*
£h non} madame, non : il m'a dit qu'il me sui«
t'Oit. . . Tenez. . . un moments . « chut ! je crois len*
tendre. «* oui , c'est lui-même.
M I N R A.
Contraignons-nous, et combattons son déses»
poir par un air rîânt et ouvert ^ qui lui fasse dou-
ter , s'il se peut , de la réalité de son malheur , et
l'assure es même temps de mon empressement à le
réparer.
aSo LFS AMANTS GËNÉREUX^n
SCÈNE ir,
PANÇHETTE^ MINNA, TÈLEIM.
( li'^trio^ qui représente le rôle de Minna doit dans
scène nuancer SQn rôle , marquer par des moments de
tristesse, en écoutant Tâeim, la violence qu'elle se
£dt pour lui répondre gaiment; passer peu à peu de
ce ton de gaitë à un ton plus touchant et plus ferme.
Fanchette s'assied derrièce eux, et s'occupe à faû« du
filet, oii d'autres petits ouvragesj
1 É L 4 1 B| , d'iiti to(i somkre pendant pr^qvit toute ta
sçè^e.
Quoi! c'est vous , ma chèTre Mipna ?
M I N or A , d'an ton gai , nobtf et consolant,
Ah , mon cher Téleim !
TéLElM.
Vous ici! vous ici! Que cherchez-yous., ma-r
datne?
MINNA.
Je ne cliei^chç plus rien.. . . Et vous,, Téleim ?
TÉLEIM.
Hfoi, je chçrçhe ^uelje yertu pourra m'aider à
brayer mes nialheurs.
^ M I ir N A...
.^Quelle yertu ! notre amour^
TÉLEIM.
Il me fait trembler.
MlNNA..
|1 me rassure. Télein^ > m'^iinez-yous ^ivpore ?
ACTE m, SGÊNS II., a8i
t£l£xm.
Si je vous aime » M inna? Âh ! cent fois plus que
Qiqi-méme.
KIMNA.
Vous m'aimez , Téleim. . . . Yous avez votre
Minna, et vous êtes malheureux! Ecoutez com-
bien je suis y aine et sensible. Je m etois imaginée
que je suffisois à votre bonheur.
TÉLEIM.
Il n'en est pas pour moi , privé de vous , ma*
dame. Je puis supporter mes disgrâces , m'endur-
cir contre la cruauté et Fin^ustice des hommes ;
mais je ne survivrai pas au coup qui nous sépare.
MIHBIA.
Eh ! qui nous séparera ? Sera-ce vous , Téleim ?
TÉLEIM.
Ce sera l'honneur. Je ne sufs plus ce Téleim
que vous connûtes dans votre patrie, cet homme
devant qui la carrière de Thonneur et de la for-
tune étoit ouverte; je suis un soldat disgracié,
ruiné, perdu par ses ennemis, et je ne dois pas
vous associer à mes malheurs.
MlErHA.
Et voilà précisément ce que je suis venue cher-
cher.
TÉLEIM.
Il ne me Êiut'rplus qu'un désert.
aci^NNA.
Et Minna? Je vous permets d'en vouloir à toute
la nature humaine j mais il iaut que cette haine-là
%9i EÉST AMANTS GÉNÈRE0i.
tourne au profit de notre amour. Vous avef^à tous
plaindre deft hommes , mon cher Téleim ? Eh bien !
Abandonne'2-les pour moi. Que je leur ai d'oblîga-<
tion 'de m'ayoir cédé tous leurs droits sur yous !
Je ne les partageois qu'à regret avec eux, je vous
en avertis^ Concevez-vous tout mon boiiheiit?
Téleim n'a plus d'engagements, de devoirs, de
liens; il ne tient plus aux rois, à leur cour, à d.*iki-
justes supérieurs ; tous ses moments sont k lui , et
il me les donne : Tin justice dés lioznmes la séparé
d'eux; il retourne à Miilna, qui- connoît, chérit,
respecte ses vertus ; et rèStlme et Tamour de Minna
suffiront à sa félicité.
TÎLEIM..
Où suis-je? Laissez-moi; ne m'ofirëz pas le
bonheur trop incertain de vous appartenir; et
tremblez que je n'aie pas la fotce dcvous résister.
]Eh ! maié ^ )e Tespère bien pourtant.
. TÉtEIllI.
Rappelez- toiiS à vous-ihémè, et songez & ce
qu'est un homme tombé dans là disgrâce de son
maître , et attaqué dans son honneur.
iÉ I N N A.
S'il est coupable^ je le plains; s'il est innocent^
je le respecte davantage.
TÉLEIM.
C'est un homme rayé de la société , que le plus
▼il citoyen est en droit dé mépriser, dont on évite
rentretjien , l'approche , lé regacd , et qui se rend
ACTE III, SCÈNE II, â83
justice, en s'éloignant de tout le monde; il n'a
plus de connoissances , d amis , de parenu : il est
marqué du sceau de Tinfamie^
Arrêtez, arrêtez, s*il vous piait : je ne yeux pas
de cet holniiie-là. J'en yeux un que tout le monde
m'envie ; et cet homme , c'est vous. Venez ; venez ,
Téleîm , au milieu de ma patrie , au milieu de ces
mêmes Saxons à qui vous avez conservé les biens ,
la yie et l'hotmeur; et vous verrez si je serai humi-
liée de vous appartenir !
T^LEIM.
Ahi madame, quelle ingénieuse adresse pour
m'élever au--detstts de moi-méme«
atlHEIA.
£b! mhiê^ l&on, il n'j a pas d'adresse à tout
oek. Y«ilà l'homme qu'on oonnoit en Saxe , et
qu'on méconnoit à Berlin. Mais , si je voUs suis
chère, Téieim, n'*-ai-je pas à me plaindre de votre
désespoir ? Tout est-il malheureux pour vous dans
cette afiairé, et n'jr voulez-vous rien voir qui vous
console ? N'est-ce pas sur le bruit que faisoit votre
conduite en Saxe que j'ambitionnai de vous con*
naître? Je volai dans toutes les sociétés où j'espé-»^
rois vous rencontrer : sans cette belle action, vous
m'auriez échappé; mais n'est-ce pas là de quoi
vous réconcilier avec vos malheurs? Tout ne réus*>
sit pas également dans le monde, Téleim;.on n'a
pas toujours tout ce qu'on mérite : mais il faut re-
cevoir les dédommagements que la fortune nous
a84 LES AMANTS GÉNÉREUX;
'do|ine> et dira : « J'ai perdu lestime de qiielqujç&.
i{ gens préyenus et trompés ; .mais j'ai fait une
.c< belle action qui m'a valu le cœur de Miuna. » Ua
roi vous condamne, une femme vous rend justice;
eli bien ! oubliez le roi , et prenez -moi pour votre
souveraine : nos récompenses valent bien celles,
des rois.
JÉLEIM.
Ahl Minna, un trône et 'vous, je vtfi hBlvace-
rois pas : mais je ne puis vous tendre la maioi pour
vous attirer dans le précipice.,
, MIHHA.
Mais vous avez de singulières idées^.. Vous crai-
gnez de m'associer à votre sort ; et c'est ce refos
de votre main qui va me déshonorer. Oui, mon-
sieur, voilà le seul tort que vous puissiez me faire.
Nos Saxonnes ont connu mon amour, ma foi-
blesse ; toutes m'ont envié le bonheur d*avoir pu
vous fixer.
TÉLEiM, avec an ris amer*
Ah ! oui , je connois les ifemmes. Elles vous en-
vieront le partage de mon infortune!... Non , ma-
(dame,' non, l'heureuse Minna n'est pbint faite
pour Ift malheureux Téleim.
MINRA.
Et moi , je vous dis que nous n'avons jamais été
mieux faits l'un pour l'autre. Nous avons mille
choses à partager; moi vos chagrins , et vous mes
consolations. Je ne suis pas, à la vérité, la moins
ACfE IH, SCÈNfi^H. ajBS
bfiareuse dans ce partie ; mais tous m*aimez trop
pour m'enyier cet avantage sur tous. O mon cher
Téleim! voilà ^es.véritéfl de sentiment incontesta-
bles. £stimez-vous4 c'est la justice qne vous vous
deve^ : aimez -moi; c'^esx la consolation que je
vous offi'e : acceptez ma maii^; vous 1^ devez à ma
réputation.,
TÉLEIM, attendri.
Yous vous trompez, Minna; ou plutdt voua
chei:chez à vous tromper vous-même , et je n'a! ja«
mais essujé ui^plus rudç Gombjit:enti^ Tamour et
le devoir.. Je œ cQnnois. nr l'ambition , ni Ta va-
rice, ni toutes les passions qui tyrannisent les
hommes; {avec toute l'expression 4» sentiment) je
9e connois que Tamour, et Famouc que vous
m'inspirez ; uns vous , point d§ dédo^imagement
pour moi dans le monde ; avec yous , point de re-
grets dans un désert; le ciel même, le QÎel n a point
de bienfaits pour moi sur la terre, s'il Ife sépare de
vous. Voilà votre Téleim , voilà ce qu'il sera jus-
qu'au dernier soupir, et vous n'en doutez pas :
{avec fermeté) mais rien ne peut me faire oublier
ce qii|e je jofi dpis , et ce que je vous dois à vous-
même.. Oui , daiu ce oagment o^ je vous retrouve
contre toute apparence , o^ vqua^ enflariimez mon
hme par l'aspect du bonheur,, où. votre générosité,
votre délicatesse, votre amour devroient. tout sur^
monter dans mpn cœur, dans ce même fnoment,
j'ai le courage de yous annoncer quç , si, le voi ne
mae rend pas mon état , moiji bopneur. . , .
%m LES AMANTS GÉNÉKEO:^.
tllVVA.
N'acherez pas , Téfeim^
T £ L E i M , a\fec nobUsse et fermeté.
J'achèverai, madame. Je vais, dans l'instant,
ttyoir un entretien qui décidera peut-être de moxf
iort. Lé directeur de la caisse de guerre m'attend^
Tj yole. (Avec transport.) Si tout est changé ponr
moi , TOUS ccmcevez lexcès de mon honheur. (Du
ion le plus sombre,) Si Tinjustice des homittes en a
autrement ordonné , plus de Minna pour Téleim ^
plus rien potir Téleim. Adieu , madame.
(Il s'échappe.)
SCÉTSTE IIÏ.
F'ANGffBtTE, IIIINNA.
fahchette»
Et tous le laissez dler ?
IttttSA.
Oui : sa fermeté tti'en a imposé ; ^ je Uê 9ailrol9
douter de son ûmour^ Que! homme! Ah! respirons.
Je riens d'affecter vis k ris de Téleim une tran«
qnillité qui me pèse encore sur le coent. Je Toulois
é^^rer sa douleur, disèiper sa mélancolie , le ra'
mener à lui-même, en ne lui offlrant que mon
amour. Vains projets; chaque réponse qu'il m'a
faite, m'ar conyaincue que tout étoit perdu pour
nous , 45 'il n*obtenott pas la plus éclfttatite justifi-
cation.
ACTE m, SCÈNE III, s»^
FÀHCHETTE*
Ab! ma^an^e, il lobtieiidxa; cxojez que la déf
marche de nos Êtau , 1^ témoignage de iaon3ie«r
le comte en faveur de monsienr le jna^or, onyri^
tpnt les j^enz au roi ; et qne sa jiutioe
MIVVA.
Je l'espère»
FAI^CHETTE.
J*en suis sûre,. .. Le roi lui rendra tout, et par-^
delà. C'est notre ennemi ; mtdê voilà comme je le
jugen
G« dernier trait vaudroit bien «m vietolM»;
mais, qpi*il est loin, œt crinement,' et <{»• dlin-
«eitittid* encoce daaa mon sort I
FAVCHETTl.
Point ; il n'est pas possible que monsienr yotre
oncle ne soit écouté > ^ que monsieur le m^jor ue
reparoisse «rrno tout «on éclat. Je e?ois que mon*
sîeur yotre oncle fait k présent un b^sn bruit diMAS
les bureaux.
ittv«4,
HsuMfretpop.
rASCBSTTS.
Oh! les grands braillenrs y ont quelquefois
raison. PrépareB^Tons à le bien «mbtasunr 4r >on
fetour*
Ah ! Fanchette , je n'ose encore t'en
9S8 LES AMANTS GÊNË&ËUX.
FAlfGHETTi:.
Ou pkitdt,, madame. occupons-nGas du soin de
Inî Cure tronyer son diner prêt ; car voilà 'ji meit«
leope htqon de lui faire notre cour ^ et de ie vemer-
cier de ses peinesv
MiimA.
Tu 9ê raisoh ; mais , à propos , as-tu ddnné des
ordres ?
•■ rAltCBETTB.
Des Ordres?..* Ah! il les aura donnés lui-même.
Tranquillisez-vous : il ny a point d^ffaire qui
puisse le distraire du soin de son diner ; et le mo-
ment de la table ekt le seul où il oublie de se met-
tre en colère , et de parler de ses aïeux. . . Mais , te-
nez , voici monsieur ï'hète qui achèvera de 'vous
mettre Tesprit en. repos à cet ^rd..
SCÈNE IV.
FAIfCHETTE, MINNA', LfiÔt».
FAHCHETTE.
Monsieur Thôte^ vous arrivez à propos ponv
nous dire si monsieur le comte vous a conunftndé
son diner«
• l'hâte.
Oui ^madame, et, des plus fins.
FAHCBETTS.
£k bien ! n'avois^-je pa» raison dt ne paf m'en
înqijiéttr?
t
ACTE Ut, SCË^ËIV. 289
Il aime la bonne chère, les* bcrn» nxotcetfni , le
bon vin, monsieur le comté; il en parle en homme
instrait , éclairé , qui a le tact un , le jgoût eletcé)
mai» je ne suis ni maladroit, ni ignorant; et il est
bien tombé. Tout jeune, madame^ tout jeune j'a^
Tois des dispositions ; je les ai perfectionnées par
de bonnes études. Car enfin, madame, la nature ne
fait qu'ébaucher un homme ; il .faut que lart j
mette la dernière màin. J'ai yojagé, j'ai couru Itf
monde, j'ai servi en Angleterre, en ^France « en Ita-
lie; je me suis fait aimer, estimer; enfin j'espèrd
que monsieur le comte sera content de mpn sayoir*
ûdre.
fîe diroit-on p^ que «'est un sarant qui Tient
de ^aire le tour du monde?
l'hàtIU
Feu monsieur le baron d'Ematri m'honoroit de
son amitié, et je le servirois encore , s'il n'étoit pat
mort d'indigestion d'un petit diner que je lui ai
ferrL
FAHGHSTTE*
Oh! nous ne tous demindêns pas d*attestajion
de Tos talents : songez seulement à ne nous pas
•eryir comme tous serriez feu monsieur lei baron.
l'hôte.
Je venois demandera son excellence quand elle
Toudroit être serrie.
Théâtre. Comédiei. l3' 25
S90 l^ES AMAHTS GËSIËREUX,
£li{ «MUS. ,(. qoaad mon onele ^erg arriirc.
L*HÔTZ«
C'est joste^
£t d^s ç|a'il paroitra.
Ton; |sst mât,
SCÈNE V.
LE COMTE , FiUfCaEITE , MII^A , L'BOTE.
LE cpHTE, derrièrt le théâtre,
Hola! hé! quelqu'un; Ridem, Frîcht! Les ma-
rauds me feront, je crois ; égosilljsr,
l'bÔtc, àFanchette,
Yoicf , je crois , irionsieur le comte.
FAÎfCHSTTE.
Oui, c*est luj-m^e,
l'bôti.
J*espèref qu'il me fera bonne mjae , et surtout
quand il sera k table«.. Je vais lui dire qu'il est
servi.
scÈrfE VI.
riIfCHETTE, MINNA, LE COMTlS, L'fîOÎ^V
eOMESTIQXTES D0 COMTZ.
LE cov^x, aitec beaucoup- d'kameur el d*empoi>'
tement-
Je suis d'une fiireUr contre le directeur de la
guerre. .. , (Ases gens-, ^ le suivent*) Où f otifl V^
Bez-Touft?- qu aveib-yous faU? pourquoi le couTert
ii*est>il pas mis? (A^art*^ Non y. je ne lui pardon-
nerai jamais»
Mais , monseigiieur....
L|5 COMTE. y
Allez, et ne répliquez pas.
(li tes pousse dehors.)
SGÈ^NE. VIL
ITANGaETTÇ, VXmXK, CE' GOWFE, L'AÔTJE,
MossEioifEirR, il- est là-bas dans lesalon#
»E c o M T E , sans prendre garde à t'hâte , (fui prend'
peur tui Vh umeur. dw eomtei
Le foi! rimpertinent.^
l'hôte..
Sais l^otre excellence n'a pas passé par-là : elle-
fatiroit Ytt.
à9« L\Ea AMANTS GËMfiRSÇX.
LE COMTE.
Oui y j*ar m le pins audaciçuis, le p}u9 impQ^
ident d^ft liofluaea^ ,
L 9ÔTÇ,,
Mais, monseigneur , je prends la liberté dft tous
aire qu'il ^t dans le salon.
I.E COHTE.
•Qui, lui?
' ' x'h^te.
Bans doute ^ et en état de tous recevoir,
& £' c a u iSE', tirant son épée à moitié.
Allons, j'y vole.
(L'hôte oroU (jue U comte veiit lui remettre fon épé^
pour dtner, et fait un 'pas pour la recevoir. Le
comte le repoussaijit, )
Je crois que le faquin veut me dé$aTmer?
' l'hAte.
Je crojois que vous vouliez ni& remettre votre
épée pour dîner ?
LE COMTE.
Il est bien question de ton chien de diner !
FABTCHETTE.
Non; ils soiit trop plaisants.
ts COMTE, à Vhête»
Connois-tu le directeur de la caisse de g^uerre ?
l'hôte.
Il dîne quelquefois ici..
LE coi^TE.
.Fuisse-t-il j être empoisonné '
ACTE III, SCÈNE VII, 29$
l'ii6te. ^
Mais, avec votre permission. . .
L ^ COMTE, €ivee cotère.
Mais, avec ta permission, c'est un &t. (Sera**
doueissant, ) Me fais-tu faire bonne chère ?
( Le visage àa comte , pensant à son dîner et au direct
teur, s'éclaircit et te rembrunit tour à tour.)
l'hôte,
ffe TOUS embfurassez pas.
LE COMTE, en colère.
Ah! mon petit monsieur. (A l'hôte.) Macaroni?
l' R Ô T E.
Pouding, rôt-d^bif , le rôti à l'allemande, et
des entremets françois.
LE COMTE.
Fort bien..,, {En colère,) Quand un homme td
que moi fait tant que devons attester.... de vous
Are qu'il a vu. ... (il fhote.) Et les vins ?
l'qôte.
Vins de France, de Hongrie, d'Espagne, d«
Portugal. ...
LE COMTE, en-colère.
Ah! vous doutez, vous doutez! Je vous ap^
prendrai à douter. ... (A Vhâte,) Vin d'A{ ?
l'hôte.
Mousseux ?
hx, comte.
Mousseux. ... (En colère, ) Savez - vous que |e
mis honune à vous faire sauter qomme uti.bua-
chon ?
a5.
/
294 LES AMAlvri^ GÉNËJlEtJX.
Monèienr.
LB COMTE, (i l'hôte»,
Liqueurs?
i*aÀT«r
D^ Dantziek , des Barbades ?
lE COMTE, «Il eoUre^
Sors. . . (Le rappelant, ) Et fais-les rafiraichir.
[Vh(^esorL)
SCÈNE VIIL
FA!NCHETTE,' MINffA, LE COMTE.
F A HC BETTE, HanU
Nov, je tCj puis plus tenir. Ah! ah! ah! ah!....
MiHsr A , voulant d'abord se retenir, pais écèatanU
Te tairas-tu ? Ah ! ah ! ah ! ah !.. .,
LE COMTE.
Riez , riez ; vous en avez les plus grands sujets
.'du monde. Je viens du directoire de la guerre
pour ce malheureux Téleim.
mihha, troublée.
Eh bien , mon oncle ?
FAUCHETTE*
Eh bien ^ monsieur le comte ?
LE -COMTE.
Eh bien , ma nièce ? ah ! yous voilà sérieuse à
présent, et Fanchette aussi : continuez, continuez
donc de rire ; )*ai de Thumeur, et cela me la Itta
passer»
ACfE m, SGËNE TIII. ^9$
hKi mmi oacle ! de grâce I . . .•
LE COMTE, avec un ris forcé,
Fanchette, cëtoit , sans doute , quelques obser-
Tfttions malignes, quelques bons mots de ta fa-
$on : mets-le» au jour, que nous t'applaudissions.
FAH CHETTE.
Je ne parle plus;., et puis , en conscience, vous
n*atez jamais eu moins d'envie de rire qu'à présent.
LE COMTE.
Non ; car j'étouffe de colère. . . . Un fat , un sot ,
un présomptueux. . . c*est ce directeur de la guerre.. .
On ne lui parle pas.... on lui parle.... il ne donne
pas la main cbez lui ; il ne tous reconduit que jus-
que dans son antichambre ; mais ce n'est pas une
aiEûre , et s'il entendoit raison , s'il rendoit jus-
tice..X. Enfin, j'entre, je sors.... Il &ut que tu
sacbes. . . . Tiens , je suis encoi^ tout ému : laisse-
moi mettre de Tordre dans mes idées.
MisrvA.
Je suis an supj^ice.
LE COMTE.
GËconte, écoute.... Je m'annonce : il me £ùt au
tendre.... Le fat ne sait pas qu'il y a pins de six
cents ans qu'on n*a fait attendre ancun de mes
aïeux. J'entre , je trouve un petit homme maigre ,
sec, le teint livide, tout chamarré d ordres et de
ridicnles.
MJV1IA, avec Unpatiûnce,
Ledirecteuir? ... j
996 L£B AMANTS GÉNÉREUX.
tE COMTE.
Un fat , qui ne sait nen , qui ne vm conkioit
feulement pas.
MiffR A, du piême ton.
Il vous dit?..,
lE COBfTE«
Il ne me dit rien. Je lui prouve qu'une pareille
^^tion....
MtHHA, du même ton,^
De Téleim ?
LE COMTE.
Eh! de qui?., (i) ne peut surprendre qu'âf Ber-
lin, et qu'il ny a pas un Prussien capable den
faire autant.
jFAHCHETTE,
Cela a dû lui faire plaisir.
l£ COMTE.
u £h ! comment voule7v*vous donc , me dit>il ,
« que nous crojons un fait si extraordinaire ?. . . »
Parce que je l'atteste , moi , le comte de Bruxhal ,
président des États de Tburinge , comte du Saint*
Empire, commandeur de l'ordre Teattonique, di-
recteur général.... (L'aoteuf,4o^ distinguer i^^vec
soin. i« ton diL eçmU ei eetUi du directeur, ) a JSb
(c bien ! tout cela ne fait qu'un témoin , et .noua
c( avons cent preuves... Enfin l'affiiire est j^gée. .• »
I Ces traits de désaison caractéristat. les gens impé-
tueux , e)^ ne peuvent offenser pers9nne«
ACTE III, SCËN£ YIII. «97
Je le menaoe de voir le roi (et en effet je le verrai) :
admire ma modératioii et son impertinent laco-*
nisme.... <c Yojez<-le, monsieur..., » Sur quelrap^
port a-t-il fait juger cette affaire ?,.. « Sur les nô^
très.,,. » On auroit bien dû nous consulter, aii
moins... « L'affaire étoit claire,., » Oui, monsieur
le directeur , claire , et très claire -, et nous paie-
rons notre dette à Téleim,... u £t votre billet à
« nos grenadiers..., » Comment, comment, mon«
sieur le directeur^ à yos grenadiers en temps de
paix?... « Cela nV fait rien,..; » Il me tire une
froide réyérence , qu'il accompagné d'un froi^
n serviteur,., » Je l'envoie au diable; je lui tourne
|e dos sans le saliier i et me voilà.
MINpfA.
Ah! mon oncle ^ Téleim est perdu l
LE COMTE.
Est-ce ma fs^ute à moi , si touâ ces gens-là n'en-,
tendent pas raison ?. . , Mais la , la,. . , il j a du re-
mède à tout .ceci, et le roi..., Mais qu avons-nous
besoin , le major et moi , du roi?.. Téleim n'a qu à
abandonner sa patrie , et venir avec nous. , . ..
M I a BT A.
Quoi ! vous consentiriez , mon oncle ^ malgré
son malheur?*,. ^
I.E COMTE.
Oui : on ne croira pas au jugement du direc*
toire de Berlin , quand on saura que le comte de
Bruxlial a donné ^a nièce à Taccu^é,
i^ LïfS ASTAI^f s GÊNÉREtiX.
H1V1SA.
iRoii, Sans doute, mon oncf^s;
il faut chéro&er Téleim.
M S'il JSà.4 ^
n est ici.
GonuDieAt ?
LÉ' COUTE,
d'est cet officier que nous avons délogé..
1£ COMTTE.
Ët'dôtft de coquin d'hOte pawloh tantôt si mal?
Ah! je lui apprendrai.... {Se retourHant-, levant /«
canne, et faisant quelques pas, comme pour l'aller
étriller f puis revenant à Minna.) EnTOyez-moi let
jnajor, enyojefr-ïe-tooL Je lui dirai qu'il n*a pas le
sens commun , avec son ^^roîsme , de refuser une
Veuye jeuAe-) riche et helle , parer qu'il n*ar rien.
Mfl V jf A>
Que dV^â'ce£r,.mdn oncle î .. . Miais que puis- je
espérer de vos bouféis ?..« Je lui ai dé^a offert touâ-
ces biens....
lE'COatfE.
Ahl parbleu'î je voudrois bien qu'il s'avisât de
tere&sefïGela ne se fait pas entre gentilshommery
et je m'en vengeroh. . . . Mais il %e sera pas si sot ,
je pense, d'aimer mieux se couper ht gOrge avec
Inoi , que d'épquser ma* itièce ; et je suis homme à
lui olOTrit l'un- ou l'auttertmais, evt attendant cet
ACTE III, SCÈNE Vïlï, 599
grands éyènements, qu'on me fasse diner. Oh' çkl
point de maux d*e9tomac et de migraine ; de lap-
pétit et de la bonne humeur ; et qu'on me passe )•
Tidrecome fQ^v hoipe à la santé du major.
SCÈNE IX.
FANtHBTTE, MINHA.
UIVTSA*
Ah , Fânchette ! je suis an désespoir. Je vois
d*ici le jugement de Téleim confirmé, et Téleim n«
songeant qu'à in'àhandonner.
SCÈNE X
FANGISETTE, MIÏVNA, YERNER.
Avec La permission de son excellence, srj'o*
sois. • . w
M I H H A.
Approchez, apprpchez, M Verner. Qu'j a-t-il?
Madame, c'est à vous de nous retenir ici. Mon-*
sieur le major est revenu de la conr plus triste et
plus sourcilleux que de coutume. J'ai eu bien de
la peine à lui arracher qnelques mots; mais enfin
il m'a parlé : « Il faut, Verner, m*a-t-il dit en sou-
« pirant , il faut nous éloigner de Berlin ; il n'j a
« pins d'espérance ; il u*j a plus d'espérance. »
Sod LES AMANTS GÉNÉREUX,
' M 1 1!^ N A.
£h bien ! Au rois', FanchettCi . . ..
VEBiîEll.
Il m'a ajouté que le ministre à qui il s etoit fait
annoncer, ne lui ayoit pas donné d'audience, ei
qu'il étoit sorti sans le regarder. J#^lui ai 'repré-
senté yotre constance, vos procédés, et lui,. de
soupirer de nouveau. Ah ! madame , c'est an
hotome mort si vous le laitfge.^ partir, et moi aussi,
mademoiselle Fanchette ! Mais , après la mort de
monsieur le major, il ny a plus rien à pleurer.
MIRNA.
Ah! M. Verner, que faut-il faire pour le retenir^
et que n'ai-je pas déjà vainement tenté? Où est-il?
Allez le trouver de ma part; dites-lui que je le de-
mande; que je veux le voir; que je suis dans le
trouble, la douleur, la consternation^ et si vou»
n'ébranlez pas sa fermeté; venez m 'avertir de ses
dernières résolutions , et je cours m'opposer noi"
même à son départ.
VEBVXE..
Je vais exécuter les ordres de madame la corn*
tesse.
\
ACtE llf, SCÈNE XL 3oi
SCÈNE XL
FANCHETTE, MINNA,
Ml USA*
Comment laretenir et lai persuader? Ah, mau*
dite fortune !
PAVCHETTB^
Que diantre! ne pourroit-'pn pas s'en défaire
pour un moment ?
M 1 H V A.
Pour toujours ^ et } en serois charmée. Mais un
nouTeau trait de lumière yient échûrér mon âme
et calmer mon désespoir. Fanéhette, il se pour-
roit... Non, je n*en doute pas , et je le tiens. Fan-
chette, il veut en yain me fait : je suis sûre à pré-
sent de son retour.
FASCHETTC.
Mal^é le procès perdu?
MIN5A.
Il ya reparoltre et tomber à mes pieds»
VASCHETTE.
Comment?
MI5NA.
Comment ? Ah ! rien n est plus sâr. 11 faut qu«
tu ailles trouyer Téleim.
rAjIGHETTE.
Bon.
MIK5A.
Que tu lui dises. . .
Théâtn.. Coa4di«f;i3« ^S
?09 LESAMAKTS GÉNÉREUX.. \
fàh'chette.
Quoi?
M I V N À , c^mme par réflexion, ]
Il n*a pas tu mon oncle ?
FAVCHETTZic
Non.
Je ne lui ai point parlé de la démaiche de no«
£uxs7
FJLNCHETTE.
J'jei)te9d8; il faut que je l'en inforine.
mihna.
Au «optraire. <
FA5GHKZTEr
Au contraire?
M|1SI«A.
Oui , tout cela ne réussiroit paji; c'est un tomm^
généreux , qui m'abandonna par délicatesse ; il
.£iLut nous emparer de cette délip9tess.e-là. Ol^! il
faut être moi pour ayojr imaginéjce projet-là, et
ayoir un amant comme Téleim pour n'en' pas dou-
ter. Il n'échappera pas à ma tendresse ; je vaincrai
sa fierté, Fanchette; oui, je la vaincrai. Viens,
suis-moi, j'ai besoin dé ton secours; tu Verras si
j'ai bien coi^nu mon amant.
Flflr.DUTaOISlàMB AGTt.
^,J,^tif^>^ <^^««^ .^«^«^^«^w^»^*»*^ .
ACTE QUATRIÈME,
SCÈNE L
TERNER,Mtt/.
Ou Sie cacbe donc monsieiiT le Aiajor? Je crois que
jie ne pourrai le repindre aujourd'hui.- Quand on
laoroit averti ^ue )e yetcx hii remettre de l'argient
et lui parler de sa maîtresse. . *■
SCÈNE IL
iUSTi^N, TERRER.
JirSTit.-
#E Votfs troure à propos^- TA* Veraetf. VôiKF lés
cent pistoles que vous a'riex prié monsieur le ma«
jor de TOUS gafd^r, et qu'il m'a^chargé de Vou»
rendve* Je vais achever d emporter ses effets.
SCÈNE IIL
VÉRNÈR^#cit/r
^ù moment de son départ, etqûàitd il en a^pIuB
Besoin que jamais, il me fait remettre cet argent...
Ah ! cÊt afgent'et tout ce que je possède est à-lur^
I* ■ ■_
M JU£S AMANTS GÉNÉREUX,..
et je le forcerai bien à l'accepter. Je suis un hon->
Qête komme, je lai biea-senri, et il ne doit pas 1119
re^er,,
SCÈT>fE IV.
TÉLEIM, VERNEK,
Ah! te Toilà, Verner?
Verneb.
Oui, mon major, et je vous cherchois. Vous ve*
nez de me faire remettre une partie Je mon bien ,
et je viens vous forcer de prendre le tcmt.
TÉLEIM.
Il seroit bien placé aujourd'hui l
VIIillEllt
Au plus haut intérêt,
xéLElM,.
MMs sais-tu que je n'ai plus tien ?
VEnffER.
£b ! VoiU pourquoi je vous l'ofire.!
' tAlsim,
Et voilà pourquoi je ne puis le recevoir.
VIORNE]!.
Je sais qu'on pent vous enlever tout iei; mais je
sais en même temps que le major Téleim trouversi
toujours'dans ses talents et son courage le mojen
de réparer sa fortune, et dans sa probité oelni de
conserver la mienne, et je la dépose en vos mains,
Piienef , prenez, mon cher majqr , tout oe qui m'Ap>
ACTE IV,; SCÈNE IT. 3o5
parlent, et ne vous embarraftsez de rien. Jf n'ai
que faire d'argent , moi ; partout on a besoin d'un
marécbal-des-logîs, et on le paie; mais U faut
qu'an homme comme vous. ..
TÉtEIM.
Vive et meure sans devoir rien à personne.
Vous n'avez donc pas d^amis ?
TÉLKIU.
A qni je veuille être à charge.
VERITER.
Cert les mépriser q.ue de ne pM accepter leurs
seiv^ces^
TéLEim-
Non; j'en sens tout le prix,mon cherVerner, et
îe commence par te remercier , comme le plus ten-
dre de mes amis. Laisse-moi; je n'ai pas besoin de
ton argent.
Vous me trompei, monsieur le major.
XÉLEIM.
Je ne yeux pas ^tre ton débiteur.
Vous ne le voulel pas? Et si je vous disois que
yo« iête» déjà! Quand à larmée jemport.. le
bras de lennemi qui vous ajustoit jour tous éten-
dre à terre -, quand »ne autre fois je me précipita.
nv^r»f,t dun soldatqui alloit vous fendre la
téte, et ,»e je ^eçus le coup, ne me ^>f'^^^
pa. redevable de Wtre yie, et même de la m.enne
3«8 LES AMANTS GÉNÉREUX.
TéLEiau
Nous Toilà contents l'un et l'antre , mon cher
Yerner... LaiftM-moi; il faut que j ecriye à Minna.
VERIISR.
Qn'allez-Yous écrire à madame la comtesse?
que TOUS désespérez de vos alTaires ? que tous de-
yez TOUS éloigner d'elle ? £h mais ! c'est bien con-
fiant après ce qu'elle a fait pour tous , son em-
pressement à vous chercher ici.... VoulezxYOttS la
réduire au désespoir? Elle est dans un chagrin, un
accablement , une aûUction, que vous seul pourex
dissiper.
TiLElM. /
Gomment ! Que dis-tu 7 Sauroit-elle ? . . .
TKftHEE.
Qui , mpnsieur le major : croyant qu.'il, n'j avpit
que madame au monde qui pût tous consoler , je
lui ai tou^ dit ; et en yérité elle vous auroit at-
tendri.
TÉLEIIIm
Malbieui;eux ! qu'as-tu fiût ?
YSAHEE.
Mon deTOÎr : j'irois vous chercher un consola-
teur au bout du monde.
•«^
ACTE IV; SCÈNE V, Sag
SCÈNE V.
•FJANCpETTE, TËLEIM, YÊRNER.
YEnKEn continue^
Mai^ , Unez , voilà mademoiselle Faiichett«. . . «
Fujez-'nou9 tous , monsieur le major } o est le
mojen de nous rendre tous aussi malheureux que
vous,
TitEifi.
Ah ! t^ yoiià , ma chère Fanchette ? . . . . J'alloîï
passer chez ta maitresse\
FANCHETTE.
Vous ne sauriez la voir, monsieur le major,..^
elle vient de m ordonner de ne laisser entrer per^
ionne , et elle m'envoie vous faire «es adieux.
TiLEIM,
Comment ! elle, me quitte ?
FANCRETTC.
Elle sait vos résolutions , monsieur, et n'y veut
plus mettre obstacle.
VEUffER.
Et vous m'aviez chargé tantàt, mademoiselle
Fanchette....
FANCHETTE.
De nouveaux malheurs , dont je ne devrois pas
même informer monsieur le major, changent nos
résolutions. ... M. Yerner , permettez. . . .
TÉLEXM, à Veriier.
I«ais6e-noas< ( Verner sort. )
Sïà tÈSAMANTS OÉNÉREfU^i
SCÈNE 'VI.
FANCfiEtfE, TÈlrEIMr
FA jr' c É ET TÉ, à part
Votôiirà ii le projet de mai maîtresse ré^ssitv.-
TÉLExnr.
De n(rtivé^tt± lûalhettr^! Tu at^'effiràie».
fAitCHET.TE, avec deux visages ,$ il se peut; an qtil
mette le puklic daits ta cahpdence de sa malice ,
et f autre qUl éti împùië au majôr^
J'ai ùrdré de ne vobs rreii dire, monsieifr^ mail
je ne puis me taire; car, du fond, je crois- q^uep
vous aimez ma maîtresse.
TÉLEIM/
JeVAàorti
Et elle ne ▼ons est pas mohxis- tchdrement atttî»
chée*
Oé tend ce discours ?
FAirCHETTE.
Et tou^ tous sépare» j ^uan^ tcïtis deVet être
plus tiniîs- ^ue jamais , quand vous aveï plu» qu*
jamais besoin Funde l'autre.
l'ÉLEtBI.
Je ne te cènipretfdsr pas.
FANCliÊTTE.
Vous Tarez vue tantôt tendre j empressée , cher* j
diant à vous consoler de vos malheurs $ elle
ACTE IV, SCÈNE Vï. 3i,
cTOjoit que l'amour suffisoit au bonheur Tun de
Tautre; point du tout, tous lui ôt^ tout^9 ces
id^es-ià de la téte^
J*Ai du lui conseiller de fuir un infortuné,
FAHGBETTE.
'Et TOUS l'avez forcée à vous déliyrer par géné-
rosité d'une iaaaxf^ encpjre plus à pjlaipidrç ^u0
yott».
Comment, plus à plaindre que moi?
FARCHETTS.
Oni. Yoi|s connoissez le comte de Bruxhal ?
Son cher P9cl^?
C'est sop ennemi , c'est le y^U'C Nous tous avpns
sacrifié sj^ t.eodresse , sjgi fortune , un époux qu'il
Tonloit nous donner de sa main ; et nous gommes
maintenant déshéritées , fugitives , et pgursuiTi^s
par cet homme impétueux et absolu.
TÉLEIBI.
O ciel! que me dis-tu?
FAHCHETTE.
Madsgne la comtesse étpit venue vopA chercher;
mais TOUS ayez refusé sa main, et elle a cru qu'elle
dcToit renoncer à tous pour jamais»
T^LEin..
Pour jamais! Minna malheureuse m'appartient »
et je la disputerois à tout l'univers.
3i2 LES AMâMTS CÉNÉRËUX
F Aire BETTE, à part
Bon ! nous le tenons.
TÉLEIM. .
Il falloit mourir tantôt , n étant plus souNtfenti
par l'espoir de la posséder; Minnd, environnée de
tout 1 éclat de sa fortune , me sembloit une divi-^
nité que je devois respecter; mais Minua avec ses
malheurs est la personne du monde la pins înté<
ressante pour moi , et je dois Voler k son secours.
Que de plaisirs , de devoirs , d engagements cfaers
et sacrés vont m*attacher à la vie et me la retldre
précieuse en dépit du monde entier! Mes malheurs
m'avoient accablé : je ne formois que des projets
sinistres, enfantés par la mélancolie et le déses-
poir. Minna malheureuse! Je sens mofl connue
s élever, mon âme renaître , et je tiens enfin à une
Vi^qui peut faire la sûreté de la sienne. Elle m'a
sacrifié ropiniôii des hommes, elle me fait oublier
leur injustice , et je me pique de l'ég^aler en géné-
rosité. Elle est à moi, je suis à elle , et il ne nous
manque plus rien. Vois-tu, vois-tu tous les biens
que me procure so# infortune ? Ah ! je suis trop
heureux !
PAVCHETTE.
Eh! mais.... oui, en effet*.. . Je n'y àVois pas
pensé : ce malheur-là pourroit rapprocher, bien
des choses.
TÉLEIM.
Tout, tout, tout. Mais est-il Bien vrai qu'elle
»oit persécutée, déshéritée, poursuivie par sûr
ACTE IV, SCÈÎÎE Vr. 3i3
oncle; en nn met, aussi malh'eùTeiise que tu me
l'as représéniée ?
FAVCHETTS.
Ohr^TOUs n'avez rien à désirer là-tlessns. £il«
attendoit tout de son oncle, et le barbare l'a dé-*
pootllée de tout*
'TéLEIM.
Â-t-il pu lui enlever ses grâces, sa douceur, son
honnêteté, sa sendresse pour moi? Voilà Minna,
voilà ses trésojrs : c'est encore la plus riche héri-
tière de la nature; et je vole à ses pieds abjurer les
résolutions que le soin de son bonheur m'avoit
fait prendre , lui offrir uh consoltttèw , un vengeur ^
un époux; et je part avec elle, et je me dérobe à
un monde qui n'altérera plus par ses opinions la
félicité de deux époux séparés de lui, contents
d'eux-mêmes, et ne pensant plus au reste de la
terre.
{lisortr)
SCÈNE VIL
FANCHETTE,^ic«/e.
I L ne trouvera pas de grandes difficultés à nous
arrêter et à nous faire consentir à un prompt ma-
riage. Mais l'oncle nous laissera>t-il le temps d^
terminer cette grande affaire ? S'il rencontre Té-
leim, il va lui offrir sa nièce avec tout ce qu'il pos-
sède; et voilà précisément l'épouse dontTéleim ne
veut pas, et qu'on ne lui fera jamais accepter. Tâ«
3ij LES AMANTS 6ÉNÉR£^X,
i;hons de conclure et d épouser : nou9 dirops aprèi
à Téleim que nous ayons le malheur d'être riches f'
et il faudra bien qu*il en passe par-là; il ne se dé«
Iftariera point ppuraTOfr épk tro|Dp^ de la sorfe.
r|« su QUATRliME ACTE.
ACTE CINQUIÈME»
JmmA
SCÈNE X
MifTSA œëpdvbie , Minnat paît atecf mtA: hs né
Vcnx in'occti^év aujourd'hui quede mon bonlieur*;
loin de moi tonte idée qui poutroit 1 altérer! Je
possède Minna , et je rends grâce aux malheurt
qui nous réunissent/
SCÉNË It
A ri ! mon cher Terner, ellc^ est malheuréUler ^
déshéritée ) poursuivie par son oncle!
YERHEH/
Qui, mon major?
Minna; et je l'épouse.
yerheha
Et vous faites foft bien. £pou8et C6tte dàâie, «t
prenez mon argent; voilà deux belles actions qu%
vdiis devriez faire ensemble.
TÉLEIM.
Eii! sâîs^je quand je pourrai te le rendre?
Ue LES AMANTS GÉNÉREUX.
VERKER.
Je ne votiê le demai^de pas. le yals ^o^s aj^or-
ter tout ce que je possède.
T^IE^tM.
Va, nous partagerons m^me fortune ensemble;
et j espère que non nom et mon <tpée....
VÈRHER.
Oui , nou« ne âaurions manquer de rien. . . • AU
iens^AQua^tt^ b«ttre les GaliliQiAek»;, |)»<9n9éeur le
inai4Nf ayec madame la comteifte-^tt niadal|KÛ80li«
f^neheitiB areo moi*. . >>' . i.
Nous y songerons Je rentre çhfi^ JPM « : «t je
t'attends.
y»aBÇ|L.;
Je suis à vous dans le moment. Vire les Russes,
la guerre de Tartarie , et surtout mon major, qui
veut bien enfin aocepter mou argent!
{Il sort.}
SCÈNE IIL
JUSTIN, TÉLEIM.
JUSTIN^ entrant d'un côté , pendant _^ut Vtiraer sort
par l*a{Ure.
Sauyez-yous f mon oher maître -^ ftauve^i-yous ,
^'il en est temps encore... On vous demande là-bas
de la part du roi ; on parie 4 un prdre pour vous
faire arrêter, et j'ai même aperçu quelques m,ou<-
vements autour de rbô^l.
ACTE V,^ SCÈNE III. di^
TÉLEIM.
Au moment où MinQa n attend plus rien que
de moi, la conr attenteroit à ma liberté! Ah!
tonte ma constance m 'abandonne , et je succombe
à ce derpier reyers.
aUSTlM.
L'hôtesse a dit d*abosdiC{ae vous n j étiez pas,
pour TOUS donner le temps de vous sauver; et elle
a imaginé de tous fûre sortir par une porte 4e
derrière qui est toujonirt iermée , et qu on aura
pent-étre oublié de faire investir.
Va lui demander la clef de cette porte; observe
si perionàe ne rôde «.utour 4e' cet endrçtt, et. re-
viens me chercher ; je yole à Minna.
SCÈNE IV.
TÊLEIM, TERNER.
VEBaEB, rentrant du côté opposé à céliiî par oh
sort Justin.
Ah ! monsieur le Biajor !.. Ah! monsieur le ma-
jor, tout est perdu !... Je viens de le voir ; je viens
de l'eatendre.^^. ^
TEI.EJM.
Qui?
VEB.HX.K.
Ne venez-vous pas de me dire que le comte de
Bruxhal persécutoit , poursui voit Minna ?
27,
âx^ L£$ AMANTS GÊNËRËUl^^
£h bîeii ! il est ici:
Il est ici ?
▼ EKHE&.
Et sans dpute il la chescke , et yoat «hercLe
Tous-même»
£& estHïe assex ?
' SCÈNE- V, .
TÉLsaM; y;ERNBa, le comte*
ts COMTE, àerrière le théâtre.
Eh! pourquoi ne m'avertissez-vous pas.^u'it
estjci?
TéLEXKi,
Dieux ! qu entends-je ?
VERlfEn,
C'est lui-ménie. ... Il entre.
liai»^e->iù>a8.
-<
Acte V, Scéné Yt 319
SCÈNE VL
Tthmm, LE COMTE-
TÉLEiM, à part.
In fiint qu'il me donne la mort, on m'accorde
Miniiâ.
L £ G o.lf T E , à part , en entrante
Vojon» s'il s'ôDStmera toujours à refuser ma
niècei (Avec amitié , mais avec son ton bourru qui
trompe toujours, ) Et parbleu ! le voilà*.
réhEiMy d^unairfieri
Oui , m6nsic!tir ; et nies malheurs nC m'ont pas
rendu indigne de votre 'amiiié«
LE COMITE , toufoun dU tnéme ton^
Et ma niè<ïe , où est-elle ?
xéiEiM^ très affectueusement
itonsieui*, vous êtes son oncle, son père«..ti
LE cOftxfty avec impatience»
Après?
J'étois digne d'elle autrefois $ «t de votre aveu
même* i • *
tE COMTEi
Autrefois ? belle distinction l
TthZlU,
Ah! monsieur j,dldgnez m'en tendre, et s6u£«t
qu'à Vos pieds J...
%± cbiittf à paH.
Il n*feh Vctit pas. {Haut, éi avec hànveur.) EhT
qu6 ptétendc«*Toas me persuader, monsieut?
320 LES AMAWTS GÉNÉREUX, ^
TÉI.EIM»
' %
Je prends la liberté de tous représenter. . . .
<h% cofATÏ, d€ mémêm ' Â
Je prends la liberté de te dire, moi, que ta c<^
duite m'ofiense , et que je ne sonffirirai jaoïais. . . .
TÉLEiM, fièrement,
£t moi» monsieur, jamais je ne permettrai. . . .
LE COMTE, à part.
Il faut être bien endial)lé pour refuser ma
nièce. (Haut,) Monsieur le major, on n'offense
pas impunément un homme tel que moi.
T|ÉI.EIM.
Monsieur le coQ^fe , un IjiçmjBUB.tel que moi mé-
rite qu'on l'écoute; etyos persécutions... *
a»B COMTE..
Sontétran^es, en effet! ;
Je respecterai toujours l'oncle deMinnÉ;mais...
LE COMTE, avec ta plus grande vivacité.
Maïs vous n'épouserez pas sa nièce ?... 'Ah! c'en
est trop.
t£l'£im.
Oui, monsieur, c'en est trop; mon honneur....
&S COMTE.
Ton honneur ? et le mien , morbleu f... Eh ! que
voudriez-Tous,mQnfieUc, qu'on .dit de ma nièce
>iet de moi, si- je cédois à tous yqs Ijeauz rai^onne^
nents?
ACTE V, SCÈNE VI. ^ 3ai
TiiEiv, fièrement. .
Que Tcleim , ^^Ijxeuveux M disgracié , a su ,
TOUS j faire consentir.
SCÈNE VIL
I
TËLEIlff, FAllCH£n*B,MIII«A, LE COMTE.
MxvvA, 4^ p^irt, en entrant,
TthMiM. et mon oncle , tout est découvert.
TÉLEiM, courant à Minna,
Venez, venez, Minna, vous joindre à moi.
LE covTE, à part.
Il pèié l'esprit, ( Courant à sa nièces et vouiatït
t emmener,) Viens, viens, manièce. 6t renonce*...
T é L E I M , arrachant MUnut des mains du comte^
Je ne souffrirai pas qu'elle me soit enlevée.
LS COMTE, dans U fias ^rand étonnement
En voici bien d'un autre! .
V ARCHET TE, uu comte , en riant.
Don, ftûrement , il ne le souffrira pas.
Il E COMTE, avec impatience*
Quoi!...
M m HA, riant..
Que je lui sois enlevée.
LE ÇOHTE«
Quel diiadkie de^alimatias me faites- vous là?
T^LEIM»
Minna, ma chère Minna, tombons à ses genoux.
L s- C.0 M T E, à part
Il a le diable au corps. ( Haut.) Monsieur W
3fti LES AMANTS GÈI^ËRÉÙX.
major , point àé înflieti ; on yôxïs épotiserçz Mmtia
tout à rheùFèy oii vous m'en rendrez rdson. Vous
m'entendez , monsieur le major?
Quoi!... comment! vous me raccordes? Yôixs
oubliez votte ccturroùx^ àes Uttt», sft Mx<iû,,4
LE COMTE.
Oli! pour ie coup , il exirayagnea
MUrNA;.
Vous- ne me déshéritez pluê, inôn Oncle/
SE COMTE.
Ils som tous devenus fous. Sa fuite, ttoa coitr^
rOta, ses torts,. déii^érité! Qui?
Votre mèeei
ht COMTÈu
J'arrive avec cÛe«
.TéLsisr.
"Vônas arriver avec elle ? ^
iE COMTE.
De U Saxe, et je viens exprès pour te là^âoniier^
t£l£IM;
A mol?
lE GOltfTE.*'
A tbij et îi y & phià d'une heiire qtie tu me
la refuses.
TitEtM.
Moi! je y<ms la demànd6i!( \ çenoux^ Ah!
Miiinâ..«.i
\
ACTE V, SCÈ^KE; VII, 323
LE COMTE-,
débrouilles -moi donc tout ceoi. E^t-ce
Ufi ipd lu} aa &rgé cette bistoirji?
Ouï ,' mon oncle : pour l'arrêter et )'at|ajBher
éternellement à jnoi. Mats je crains bien ^ne ypa
bontés ne noua aépai^nt h jamais,
ï»r. COMTE.
£b! mais, oui; je te conseilla enpo^ dit d^
^e je m j suis çial pr^s !!
. 9on , pionsieur ;. e( yos emportements , dont je
connôis enfin la cause, n^e font voir toute Thoi^né-
teté de votre Âme... l^Iaia aiissi, de }a part de TOtre
nièce, quelle générosité! <jueUe délic^^Me!
. L^ COMTE.
Quelle extravagance! Je te déclare , pioi» <Tue je
te maintiens pour un braye hompie, et cpie je yeux
te donner ipa nièce : c'est bien plus simple, et tn
dois mieux me reconnoitre à ce procédé.
TÉtEIM;
Ab! monsieur, abl Bfinna! ( A part ) Non, je i
n*ai pas la force de leur résister davantage... Mais
les ordres du roi vont m'acracber sans doute à ces '
généreux aittis,./}ui yeulent se per^ie ayec moi* '
- %
3a4 LES AMANTS GÉNÉREUX.'
SOÈNE YIII.
JUSTIN, TÉLEIM, MINNA, LE COMTE,
FANCHETTE.
JV9riv, àTéleim,
Monsieur, là porte de derrière en'ouYcrte; on
n'aperçoit personne aox environs, et tous pouvex
Vdtts souatraire aux ordres du roi.
Comment! aux orilre&du roi ?Qu*ai-je entendu?
( Télelm fait sicfite à son <ûalet de ne.pui parler
davantage. )
LE COMTE.
Eh! la, Sa; de quoi t'effarouches-tu? Des ordres
du roi doivent être des actes de justice, et j'atten-
dois presque ceux-ci. Vous ne savez pas tout ce
crue je viens de faire.
VASCRETTE, à part.
Il me Sit frémir, avec s^ démarches*.
LS CQUTii.
Je n*ai pu r« joindre le roi , mais je lui- ai laisas
un placet où je ne ménage rien^ ei> cela doit opécei
une révolution.
~ . ».
TÉLElMr
Oui, oui, ràssurez-vous , Minna; on m'a jugé
préci{)itamment ; on ne peut avoir que des éclair-*
cissements favorables sur mon compte, et je n'ai
pas de nouveaux malheurs à craindre. Adieu j
ACTE V, SCÈNE VIIL 325
Minna : je yole au-devant de la justice du roi; elle
me ramènera sans doute à vos pieds. (^li fait si^nt
à Justin de se taire, ) Suis-moi , Justin..
SCÈNE IX.
JUSTIN, MINNA, LE COMTE, FANCHETTE.
7USTIir. '.
Eh! mais, je n j comprends rien. Comment! il
vouloit se sauver tout à l'heure, et à présent il va
S6 livrer à l'homme ^ui vient l'arrêter!
M X H V A.
Qui vient l'arrêter?
JUSTXS.
Eh! vraiment , oui ; il 7 a là-has un homme qui
a la mine rébarbative, qui regarde de tous côtés,
comme quelqu'un qui a peur que sa proie ne lui
échappe, et qui l'attend depuis une heure de la
part du roi , muni de papiers qui contiennent peut-
être l'ordre de se rendre dans quelque citadelle.
MINR A.
Ah! mon oncle, ne perdons pas de temps; cou-
rons , volons à son secours.
LE comte;
Nous nuirons pas bien loin , si le roi a résolu de
le faire arrêter; et vous n*avez que faire dans cette
bagarre-là, ma nièee. Demeurez. {Passanf devant
sa nièce et allant à Justin. ) Mon ami , es-tu homme
de résolution?... Suis-moi, et allons rejoindre Té-
leim. J'ai des chevaux , des armes ; nous nous sau-
Théâtro. Comcdies. l3. 20
3aâ LES AltfANXS GÊNÈHEUX.
yerons d'ici le pistolet au poing, et nous feroma ^«
lur tout ce qui voudra nous arrêter. (Us font quel"
ques pas.)
MIVSA.
Ah! mon clier<onole, vous me faites fiëmirl
tE COMTEy retournant à sa nièce.
Ma chère nièce , embrasse-moi : ne crains rican*
jnon en&nt.
SCÈNE X. . '
JUSTIN? LE COMTE, TÉLEIM, MINNA,
FANCHETTE.
YÉLEiM, des papiers à ta nnain, et dans ta ftat
grande joie.
Ah ! Minna , ah ! Minna , partagez ma joie , mes
transports, mon ravissement! Je ne me possède
plus; je suis dans une ivresse!... Le roi, le roi...
madame....'
H I N « A.
Eh bien] quoi ? le roi ? . . .
TÉLEIH.
Lisez , lisez , madame , la lettre que je riens de
•l^cevoir de ce généreux monarque^
faiicb:ettb.
Comment? une lettre d*un roi?
LE COMTE. J
£hl pourquoi pas ? Est-ce qne tn crois qu'JH »*
tarent pas écrire? (
f ACTE y, SCÈNE X. $27
r FASCBSTTE, prenant les papiers^
ToLjez, Tojrez, madame.
MiirvA Ou
« Monclier Téleim.'.^.
7AVCHErTE«.
« Mon cher Téleim! » Madanve, ah! ie&kfmet
V en Tiennent aux yeux..
HiHiA, confiffi^anf de lire avec ta plus grandit,
émothonc»^
« Mon cher Téleim , je «uis détrompa , et j)B me
(( hâte de tous rendre justice. La cai«se d'Ét«t af
« ordre de^ vous remettre votre hiJtlet, et de rouft
« pajer vos avances pour le régimei^t. Y o» accusa**
« tiona sont hifféea à la chanceUerie de jg^erre; et
K je ne désire plus que de vou3 voir rentrel: au sern
K vice. Je suis le plus heureux des souverains d«^
« pouvoir justifier le plus honnête homme de moil^
K TOjaume.Q Voilà, mon cher Téleim, une lettre
•dont je n'aurois j^amais eu besoin.
FASCmTTB*
EUe fait! bien de Thonneur à. un sajet quM%
ieçoit«
LE COUTE.
Et à iw souverain qui Técrit. Donnes-moi cette^
lettre.... Elle est bien , mais fort bien., ^i ta^arde-la^
dans te& archives , mon cher neveu ; et dans queU
ques centaines d'années , elle fera la joie et la con<
flolatian de tes descendants. Ma conversation aveo:
le directeur et mon placet au roi ont fait leur ef j^
Ceti.ils ont eu peur de çioi, et je ieur ai fait enteor
528 LES AMANTS GÉNÉREUX.
dre raison. Oh ça ! Téleim, il faut que nous allions
ensemble remercier le roi ^t le directeur de la
guerre, quoique ce soit un fat; car enfin il a fait
tout ce que je youlois... Mais quelle est cette autre
lettre?
TÉLEIM..
Elle est du directeur : après celle du roi , elle
m*a peu intéressé. Ce sont sûrement des compH-*
ments.
LE COMTK.
Passe, passe-la moi. C'est peut-^tre le billet de
nos États , le remboursement dé vos avances , une
(gratification , un mandat sur la caisse. Oh ! vous
ne pensez jamais à rien , vous autres jeunes gens.
(1/ lit, d'abord fort haut, ensuite d'un ton plus bas ,
mais de façon cependant qu'on tentende. ) « Si vous
c< aviez pu perdre votre cause , vous l'auriez per-
ce due , par la manière dont un comte de Bruxhal ,
« qui se dit de vos amis , l'a défendue. La cour
« n'est pas un pajs qui lui convienne , et vous de-
(c vez l'engager à retourner dans ses terres, n Efa
parbleu! croit -il que je sois venu à Berlin pour
l'admirer? partons, partons, mes enfants; il n'y
a pas moyen de demeurer ici; on n'y aime fit la
vérité , ni la noblesse, ni les honnêtes gens.
(Il sort.)
ACTE V, SCÈNE XI. 829
SCÈNE X;i.
JUSTIN, VERNER, TÉIJEIM, MINNA,
, FANCHETTE..
y E B irEn , avec la ptus grande joie et ia plus grande
précipUation.
Ab ! monsieur le major, yous la savez , sans
doute , cette heureuse nouyelie , dont tout Berlin
se réjouit ? Souffrez que je ypus embrasse , et que,
le premier de tout le régiment. . . .
TÉLEIM.
Oui i mon ami , embrasse-moi. Allons aux pieds
du' roi lui rendre grâces ; et puis , acquittés de ce
devoir, nous partirons pour la Saxe ; moi , Tépoux
de Minna; toi, celui de Fanchette; et tous les
quatre les plus heureuses personnes de la terre.
Fin DES AMAHTS GÉSÉREUX.
28.
PARTIE DE CHASSE
DE
HENRI IV,
COMEDIE,
PAR COLLÉ,
S«pnMntée,poacIapMinièTefiïn,loifiMTCiBBT«
•274.
NOTICE SUR COLLÉ,
Charles Collé naquit à Paris en 17.09. Quand
çon éducation fut achevée , son père , qui étoit
sabstitut du procureur dti roi , le fît entrer dans
le notariat. Il suivit assez long-temps cette car-
rière , et se dédommagcoit de Faride rédaction
de ses minutes par la composition de grand
nombre de couplets piquants. Devenu ensuite
secrétaire de monsieur de Meulan, receveur-
général des finances, il s'occupa , ainsi qu'il
nous Papprend lui-même ^ de s'assurer une pe-
tite fortune indépendante , et avoit atteinttrentc-
sept ans lorsqu'il commença à travailler pour le
théâtre. La plus grande jpartie des pièces qu'il a
composées ont été représentées sur des théâtres
de société. Trais seulement ont paru sur la
scène françoise. *
Dupuis etDesronais y comédie en trois actesj
en vers libres, fut donnée , pour la première
fois, le 17 janvier 1763, et eut dès lors uir
succès qui s!est toujours soutenu.
NOTICE &UR COLLÉ. 333
La Pa&tie de chasse de Henri IY^. comédie
en trois actes , es prose, imprimée dès l'année
1766, ne fut jouée que le 16 novembre 1774*
Elle eut vingt- SIX représentations « et l'on sait
qu'elle est vivement applaudie à toutes ses re-
prises..
La Yeuvei, comédie- en un acte, en prose j
représentée au Théâtre Français le 29 novembre
1 771 , fut retirée le lendemain.
Coiy a retouché plusieurs anciennes corné-
dies^ et fût un des membres de la société du
Caveau. Il mourut à Paris le 3 novembre 1788^
âgé de soixante -quatorze ans.'
■<Jfcw(w>— I #n ]»» ^ 1 1 I
. PERSONNAGES.
SEeitai IY, roi de Franct»
Lk DUC HZ Svhhtf premier mioiststr
Le duc de Bex&egabde,. grand écujer>.
Le marq¥is de CeircHHri, fkvori de la reine..
Le MAsQuift de P&A8L1H, capitaine des^ gardes^
tDiffëreiit» seiâfneur^de lacoitr.V
-. j 5 }per8onnaC)0Mnueu.
Deux gardes du corps , y ^
Sautt-Jeaii^^/I officiers des chasses de- la forêt de-
LABnisés, j Fontainebleau.
Michel RïxShaud, surnommé Mich Au, meumer.
à Li€ursain.
Richard, fils de Micbaa, et amoureax d'^Àgathe*.
Maboot, femme de Michau.
G ATAÛ , fille de Michau , et amoureuse de Lucas*
Lucas , pftjsan de Lieursain , et amoureux' de
Gatau^
Agathe, pftjrsaane deLieursain ,et amoureuse di^
Richard.
Un Bucherobt.
Deux BaAcoirirtEns.
Uh Garde-chasse, demeurant à Lieursain..
La scène est, au premier acte , à Fontainebleau',
dans la galerie des réformés ,. au. bout de Ia«
quelle est Tantichambre du roi; au second acte,
dans la forêt de Sénart ; et au ttoisième acte ,
dans. la maisoa de Michau , au vilbgç dje Lieur^.
sain.
PARTIE DE CHASSE
DE
HENRI lY, '
COMÉDIE.
ACTE PREMIER.
SCÈNE L
LE DUC I>£ BELLBGARDE.Xfi MARQUIS Bfi
GONCHINI , t&Uf deux en uniforme de chàtst^
LE MAftQVIS DS COBTCHURI, d'utl ait tHSle,
iNovB voici donc , depuis quatre jours , à Fontai-
nebleau, et nous allons partir, dans deux heures ^
pour la chasse, mon cher duc de Bellegarde. .
&E l>U-C DE BSLtBaAKDE, à pUrU
Mon cher duc de Bellegarde !.. Le fat!.. {KauU)
Oui , mon très cher marquis de Conchini , nous
allons aujourd'hui prendre un cerf.... peut-être
deux. ... et, au retour, nous soupons avec le roi
â
336 LA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IV.
(carilYOus a nommé aussi, vous, monsieur)....
( D'un air mystérieux» ) Gela s'arrange meryèilleu-
semeut ayec yosr vues , que j'ai pénétrées. . . . Pour
moi, cela me contrarie un peu; mais cela fait le
désespoir, à coup sur , d une très grande dame, qui
ne m'avoit pas destiné à souper ce soir ayec le roi.
LEMARQUiS DE CONCBINI.
Je yous en liyre autant ; et cette chasse et ce
souper, surtout, que dans tout autre temps ) eusse
désiré ayec passion, me désolent dans ce mo«
ment-ci.
LE DUC DE BELLEOAKDE, d'un olr léger. .
Vous désolent, M. de Gonchini?..« Eh! mon
dieu , oui , je sais hien , et yous me dites encore
hier au soir que yotre dessein étoit d'aller faire
aujourd'hui un tour à Paris , pour yoir yotre pe-
tite Agathe. . . . ( D'un ton plus sérieux, ) Mais , mon
très cher monsieur, yous n'êtes pas assez constam-
ment dans les bonnes grâces du roi pour que ce
contre>temps-ci (si c'en est un si grand que l'hon-
netir de souper ayec yotre maitre) puisse tant yous
désoler.
LE MARQUIS DE CONCHIITI.
D'accord , monsieur le duc ; et je sens bien que
je dois tout sacrifier pour suiyre cette grande af-
faire que yous sayez. ,%.
LE DUC DE bEllegArde, /'inferrompanf.
Eh! y a-t-il donc à balancer ? Oh! monsieur, il
faut faire marcher les affaires d'abord... «Que les
ACTE I, SCÈNE L • 337
fenunes Tiennent après, on leur donne son temps,
s'il en reste. .
LE MARQUIS DE CONGHIITl.
Je conviens de tout cela ; mais c'est qîie vous
ignorez que , dans Tinstant même y je reçois une
lettre de Fabrici , de mon valet-de-chambre de
confiance , de celui qui a chez moi le détail de ces
choses-là ; et ce négligent coquin me marque que
cette petite pajsanne s'est sauvée hier, dès le
grand matin , en attachant ses draps à sa fenêtre ,
de la maison de Paris , où je la faisois garder à vue
par ce maraud-là.
I.E DUC DE B ELLE G AK a E,'<^'iin air iur^rû.
Agathe s'est enfuie de chez vous ? ... Je ne con-
çois rien à celav Gomment 1 ehl à quoi en étiez-
vous donc avec elle ?
LE MARQUIS DE COBtCBINI.
. J'en étois. .. . j'en étois à rien«
LE DUC DE BELLEGARDE.
A' rien ? Allons donc , quel conte !
LE MARQUIS S$ CONCHIITIi
Ob ! à rien ; ce qui s'appelle rien.
LEDUCDEBELLEGARDEw
Eh mais ! cela est fabuleux , ce que vous voiilex
me faire croire là.
LE MARQUIS DE CONCHINi.
Ce n'est point une fable, vous dis- je : d'hon-
neur, rien n'est plus vrai. La petite sotte aime un
animal de pajsan, qu'elle alloit épouser quand
je la fis enlever par Fâ^brici^ elle adore M. Hi-
Théatre. Comédies. l3« 29
338 EA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IV.
chard, le fils d'un meunier qui est de son yillagc,
^ui est de Lieursain.
LE DUC DE BELLEGARDE, d'un air raUieur,
Un pajsan de Lieursain ? l'héiitier |)résomptif
d*nn meunier ? Yoiià ce qui s*appelle un rival à
craindre! Goifiment diable!! voilà des obstacles
qni ont d^ vous arrêter tout court.
LE MAnQUiS DE CONCHIffl.
He pensez pas rire, monsieur le duc, iU ont été
insurmontables , du moins , pour moi. C'est que
e'est «me vertu ! . . . c'étoient des fureurs! . . . Quoi
donc ! une fois n'a-t-elle pas pensé se poignarder
avec un couteau qu'elle trouva sous sa main , que
l'eus toutes les peines du monde à lui arracher.
LE DUC DE B^Ltz ^ AU B t , d'un air badin.
Fort bien ! . . . Continuez , monsieur ; vous ren-
dez , de plus en plus , votre petit roman fort vrai-
semblable; car, enfin, rien n'est plus commun
que de voir une femme se tuer, surtout quand on
l'en empêche.
LE MABQUis DE GoiTCBiHi, vivemenU
Oh! parbleu! elle ne jouoit pas : elle y alioit
bon jeu , bon argent.
' LE DUC DE B ELLEOA A DE, </'mii ton 6a<c/îa..
Tout de bon, cela étoit sérieux? Mais c'est du
vrai tragique , en ce cas -là !
liE MAUQuis DE coNCHiNi, sons i*écouttr, ei
après avoir rêvé un momenU
J'aurois toutes les envies du monde de vou»
laisser courre votre cerf,. à voua antres, et de
ACTE I, SCÈITE K W^
pensaer ^nsqu'à Paris , moi ,, si le ceadet-reiu de la
chasse étoit de ce côté- là. ( Voyant paroUre deiuk
•fpciers des chasteté) Eh! parbleu! j'aperçois là-de-
dans deitK officiers de^ cha»ie$» Permettea^Toas.
qae je sache d eux ? . . . / ÀppeAaM lês deux officiers.)
Ues&ieurs^» messieurs , an mot, s'il yoiw pûdu
SCÈNE IL
DEUX OFFICIERS DES CHASSES ; LE DUC
DE BELLEGARDE, LE MARQUIS DE CON-
CHINK
«ES omciEBS SES CH Aa^%v.s f, eosémbie ^ ait
marquU.
QvE souhaîteahToas » monsiear le marquis ?
LE UÀUQUIS DE CaVGHIFI.
Dites-moi un peu , messieurs , de quel côté de^
k forêt est le tende^TOus. de la chasse aujour*
d'hoi?
PmBHlEE eFFICnSB DES CHASSES;.
Monsieur Id marquis g e est au c»rrelbiir d»
Chailli.
&S MABQVIS IXB CORCHIHU
Eh! OÙ est ce carrefour-là?
DEUXIÈME OFFICIEL DES CHASSES.
Eh! mais, monsieur le marquis, c'est à près de
trois lieues d'ici , en tirant droit vers Paris ; et pai
le rapport que nous ayons entendu faire à la Bri-
sée, qui a détonmé le cerf an buisson des halliers ,.
U Youa fiira faire du chemii»» Il a les pinces et les^
34 o LA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IV-
08 ^os/il est fort bas jointe ; et parles fomées , a-
t-il dit, qu'il a vues dans les guignages, il- le juge
tout aussi cerf qu'il l'est, à cou|> sur, parle pîed.
PBEMIEA OFFICIES DES CB'ASSZS, aumûrCfuis.
Ohl oui , il assure que c'est un cerf dtx-cors.
Oh! il TOUS conehiira loin'! Que sait-on? peut-^tre
jusqu'à Rosni. {D'une voix basse et d^un air de mys-
tère, au duc de Bellegarde,) Où- l'on dit que M. de
SuUi eu. exiU d'hier au sois.
D.E.uxi.ÈjiE ««ffiçieh DES chasses, d'aa, air
ihiportant.
Non , il n'est parti que de ce matin. (Au duc^)
La nouyeUe est*«Ue vraie , monsieur jie dtic ?
LE DUC DE belleoabde, avec indignation.
Eh! fi donc! eh! non, messieurs, il n'j en a
point de plus fausse.
£E MARQUIS DE CÔHCBIVI, aUX ofjtcièr» dcM
chasses.
Et qui ail moins d'apparence Je viens de levoir
entrer au conseil avec le roi.
FREMIEB OFFICIER DES CB ASS E S , «i'tfft aÎF
d'humeur:,
J'aimeroîs bien mieux qu'il fÙt entré dans sok
exil ; il ne continueroit pa» là ses injnstiees , qu'il
appelle des économies royales.
SEUXlilME OFFICIER DES CHASSES, OU tlUir^
quis*
^Gelfl est vrai; car, tout récemment encore; il
vient de non» supprimer de nos droits ; et sûre-
ment c'est pour en profiter lui-même.. Je suis bien
ACTE I, SCÈNE IL 341
certain qu*il ne revient- rien au roi de ces retran-
chements-là.
LE DUC DE BELLCGABDE, d'un tOU à BH tmpOStr.
Doucement, messieurs, doucement; parlez ayee
pins de retenue et de respect d'un si ^nd mi-
nistre.
LE HA&Quis DE coscHisi, aux dcux oficUrs*
Messieurs , monsieurle duc de Bellegarde a rai-
ton ; il ne faut jamais dire du mal des gens en place...
(à part) tant qu'ils j sont.
LE DUC DE BEX.LE&AEDE, ttllX offieierS.
Allons, allons, messieurs, laifssez-nous.
( Les deux oficiers se retirent dans la pièce du fond»
eà Us restent juscfuà la fin de l'acte. )
SCÈNE III.
LE DUC DE BELLEGARDE, LE MAHQUIS Dfl
CONCHiNl.
LE MARQUIS DE covcHivi, vivcment»
£h bien ! monsieur le duc , vous voyez , par ce
bruit général de lexil de M. de Sulli , la preuve
du désir que Ion en a ? Ma foi , je ne m'éloignerai
pas. Je ne veux m'occuper que du souper de ce
soir , et d'jr saisir l'occasion de parler au roi , pour
achever dé le désabuser de son M. de Rosni , que
)e crois actuellement perdu , si vous voulez j don-
ner les mains.
LE DUC DE BELLEOAftDB.
Eh bieu! teaes, j^e serois fâché qu'il le fàt : au
342 LA PARTIE DE CHASSE DE BE^Kl IV,
rvai, j'en serois f^cM» car j^ftiaie la personne àe
M. de Sulli , moi ; mais cependant on ne ftanroit
» empêcher de désirer un peu ^'ii ne soit ^us en
place : car, dès qu'on demande la moindre grâce ,•
l'on rencontre toujours en son clieinin Idumeur
inflexible de ce cher homme-là , et cela est ex*
cèdent:
LE MARQUIS BU COaCKIHl.
Sans doute , et c est ce caractère intraitable et
qui ne se plie point, qui auroit du vous engager,
monsieur le duc , à yous mettre de noitre partie , qui
est bied liée. Pour tous j déterminer , je vais m^ou^
Trir entièrement à T0ug« J'ose ^oos assucer, d*a-i
bord , que pour peu qm n0U9 fossioiui «ppujrés
d'ailleurs, notre homme seroit bientôt culbuté; je
yois cela claiTement. La signora Galigai est sublime
pour ces sortes d'opérations^là; c'est elle qui a tout
conduit. GVst un génie !
LE DUC DE BBLLEiHARDK.,
Oui , c'est une iorame adroite , à ce qu ilft disent
tOUS4
lE MAEQuiS DE C O V C B 1 BT I , If ^S i;i0eil|$ttf.
Oh! elle est a^uiirable! Indépendamment des
écrits satirique^ et des pasqifinades qu'elle a fiût
semer à la cour contre M. de Rosni , ( et que je
croiSi même qu'elle a fait composer } c'est encore
par êefk soins, et d'après, ses reoherchea, que le pu-
blic a été inondé de Uiémoires yéridâquas et San*
glants , qui déyoiknt toutes les nuilyersations de-
If. de Sulli» et qui démasquent tes projets asibi*<
ACTE I, SCENE III. . 34a
tieiix et «rîflMQel». Ensuite^ jç «ais q»*^ a fait
paster i«i^«kau.rot, par des persoaiie» sure» et
honnêtes, des ac«ii»aitoiis.pIa« directes, on 1« vrai
ist si bien mêlé aii<ic 1« Ycaiseivblable»:, quk moins
^m misade je le défie de s'en tirer.
. 1.9 DKÇ. DE ^ELLEfrAa9£.
Monaieiir , mpusieui;, je ne serois point surpris
qu'il s'en tirât encore ; il a de fiirieusea ressources
dans l'asceiidiant qn'il a pris sur l'esprit du roi, et
dans l'inclinatiiOiL, oat^relle qua qe prince a tou-
fam» eue pour hii.
&E HÀE^^iFiA QX 4iOimÇBin\y.ti^ vivemsnt.
Mhl nsonsi'eiir: \ft due, c'eat tipm.cela même qui
to«is«era ^mfi^we ooipue luii» Plua le c«i a eu et coa»
serré d'amitié pour M. de SuiU, et plu« il sera in«
digne de l'abus qu'il en aura fait. {Conduisant nuf^^
tèiiuUfimfiakU 4l*ç de BelU^wdfi à uncoin du thééL-
tre,^t baissanl let4Hidela voix») IHous ayons porté
Uev la denuier o<Mip. C'esit un écrit de Itf, de Rosnî
lui-même... c'est un bjUlet de lui , qi^ nous avons
tonnM contre lui, eVcela pourtant sans malignité.
Après l'avoir Iw, le.roi., àfifn^ la dernière colère , le
loi r«»ioja;Sui«-liB-cbamp,pajr laXarjSni^e, qui Tint
m« le dire, et qui , sht qu^ques mots échappés à
sa maîesté, a aemé: ici:lei^uijt,4^ soi^.e^, qjui s'est
répand» , cbouna yous l'aies ta. Ah, ! nioas^eur le
duc f si vona. aviex rwl». nous aider. . .
liS Duajas ^Mhhn^àMii>^\ ^int/irrompanl ié^è'
fument*
Vous aidMyMMM? J^'ea «ndia.lHeii éJioif né^» M. da
344 LA PARTIE DE CHASSE DE HENRI lY.
Gonchini , assurément; et , comme je yons l'ai «ilt ,
il me reste toujours pour ce chien d'homme-là un
fonds d'amitié dont ja ne saurois me débarrasser.
£t puis, d'ailleurs, c'est que je suis si peu iait à
rintrig;ue ; j'j suis si gfiuche , que j'aime cent fois
mieux me trouver aune surprise de place que dans
une tracasserie de cour. J'j suis moins maladroit ,'
vous dis-je.
lE MARQUIS DE COVCHIITI, SOUTUint.
Monsieur le duc , vous avez plus d'adresse que
VOUS n'en voulez faire paroître'. La vôtre , dans ce
moment-ci , ne m'échappe pas ; et voici en quoi
elle consiste : vous profiterez de l'effet de-la mine ,
s'il est heureux', et , au cas qu'elle soit éventée ,
vous ne pourrez pas même être soupçonné d'avoir
été un des ingénieurs.
tE DUC DE B ELLE G ARDE, c/'un air sérieux ef/Serj
et avec beaucoup de hauteur.
Un moment , monsieur, s'il vous plait; vous ne
pouvez ni devez penser que...
LE MARQUIS DE cov CBtv 1 , i'interrompaiit d'utt.
air soumis et respectueux*
Eh! non , non , monsieur le duc ; je vois à pré-
sent ce que je puis , et ce que je dois penser de
votre Inaction. Tenez , votre vieille franchise , à
vous antres seij^eurs françois , vous fiiit regarder
une intrigue, même la plus juste, comme un mal -:
moi , je n'j en trouve aucun ; au contraire , vu» ce-
lui que M. de Rosni cause dans le rojaume > c>st
uneohligatîon que la France nous aura , à lasignora
ACTE î, SCÈNE m. 345
Galîgaîeif h. moi, d avoir intrigué pour la délivrer
de ce ministre-Jà. Dans tout ceci , notre intention
est bonne; nous ne voulons quç le bien du Fran-
çois , nous auttes.
tE DUC DE -BEt'iE GARDE, d*un air railleur.
Oh!, je sais bien que c est-là votre but. (^Voyant
croître Ifi roi avec le duc tte Suliu] Mais voici le roi
qui sort- du conseil.
LE MA&QUfS DE coiTCBiiri, hot ^ au duc de
Bellegardel
M.' de SuUl l'accompagne. Ils ont toujours l'air
du plus.gcand froid ; ils sont toujours mal ensem^-
ble : cela est excelleat.
SCÈNE IV.
HErilil» en uniforme dé c^aiie;>L£ DUC DE
S.0LLI, en habit ordinaire; suite des Goubti-
sANs; LES DEUX OFFICIERS DES CHASSES,
qui se tiennent à la porte de l'antichambre du roi ;
LE DUC DE BELLEGARDE, LE MARQUIS
DE CONCHim.
mtvm, 4MC duc de Beileqardey en s'avançant avec /W
due de Sulli , auquel il marque avoir envie de par^
1er- d* abord,
Bo9 jovR, mon cher Bellegarde... (Au marquis,)
Bon jour, M. 4e Conchini.... (A SullL) Le coi^seH
a fini plus tât que je ne crojois. M.' de Sulli.... (Au
âme d^.BeiU^arde el eui marquis deConcktni,) Notre
346 LA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IV.
rendez-vous n est qu'à midi. J. . Messieurs , nous
aurons du temps pour tout.
LE DVC HE BEtLEOA]l]>E.
Ma foi ! sire, votre majesté aura aujourd'hui un,
temps admirable pour sa chasse.
HENRI, d'un air inqi^U
Oui y Tou ne pouvoit pas désirer une plus helle
|0urnée pour cette saison-ci* «^^ • pûur Tautomne.
LE DUC DE SULLl.
Avant son départ, votre majesté n*auroit-èlIe
point encore quelques autres ordres à me donner?
H E 9 n I ,' d*ua air froid et ^éné.
Non, monsieur. Il me semble vous les avoir
tous donnés dans le conseil.. « A moins que, vou9~
même , vou& n'aje% qujelque chose de particulier k
me dire»
LE DUC DE SiULLI..
No^, sire, je ne crois pas avoir rien oublié....
(Après avoir un peu rêvé.) Ah! pardonnez-moi , je
me rappelle à présent Taffaire du brave Grillon. Je
vais de ce pas chez lui pour^ .. .
H E N R I y f interrompant ^ d'un air d'impatience.
Vous n'aurez pas le temps de finir avec Grillon ^
monsieur, il vient à la chasse avec moi... Mai*
n'auriez- vous rien à me dire (de l*air de V embarras^
qui vous regardât , vous , monsieur ?.. Tenez , au-
riez-vous le loisir de m'attendre ici un mènent 1,^
Gela se vous géne-t^il point , monsieur ?
LE DUC DE svLLif s'inciinaht profrndémenl»
Moi y sire ?... Ma vie et mon tempa ont toujours
ACTE I, SCÈNE IV. 347
appartenu \ vôtre majesté. "Dans l'instant même ,
fi TOUS Tordonnez. . . .
H ES El , l'interrompant , d*un air plus affectueux,
Non, dans cet instant-ci , il faut que j'aille voir
la reine, que j'aille embrasser mes enfants; j'en
meurs d'envie 2... Attendez «moi ici même, dans
cette galerie.... (Vun air contraint,) Il faut bien
que je vous parle de vous , puisque *vous ne vou-
lez point m'en parler le premier.,. (Aa duc de Bel"
tegarde,) Vous , mon cher Bellegarde , suivez-moi.
Vons n'entrerez pas cbez la reine ; il est de trop
bonne heure : il ne fera pas encore grand jour;
mais, en y allant, j'ai un mot à vous dire sus
votre gouvernement de Bourgogne. Venez avec
moi , mon ami.
( Le roi sort , saii>£ de M, de Belleqardeei d'une partie
des courtisans; les autres restent dans le fond,
avec les deux cardes-chasses,)
SCÈNE V.
LE DUG DE SULLI, LE MABQUIS DE
GONGHINL
X.E MABQUIS DE COUCHliri , à part.
Faisons parier M. de Sulli.... Il lui échappera
sûrement quelques propos indiscrets et pleins de
hauteur, et je les rendrai au roi, ce soir, tels qu'il
me les aura tenus... (-4a £/ac.) Vous me voyez, mon-
sieur le duc, dans la plus grande joie de l'entretien
particulier que le roi veut avoir avec vous. Vous
34Ô LA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IV..
dissiperez facilement tous les nuages qui se sont^
élevés entre vous et lui ^ depuis quelque temps....
Je le désire bien yiyeAient , du moins.
it DUC DE suLLi, d'iin oLt fro'id^
Je TOUS en ai toute l'obligation que je dois
TOUS en avoir, M. de Goncbini.
LE MAHQuis DE c ô vc H I N I , tr^i viVeme/i/."
Ah ! monsieur , qu*un grimd ministre est à
plaindre ! L envie et la calomnie le 'poursuivent
sans relâche. Avec tout autre prince que notre
monarque je craindrois que. ... *
LE DUC DE s vvLi y l'interrompant d'tui air fier^
Oui ; mais avec lui je n ai rien à craindife , et je
ne crains rien , monsieur.
LE MARQUIS DE c ovc HIV 1 , très vivement.
Vous pouvez avoir raisota avec ce prince-ci ,
qui a toujours devant les yeux vos services en
tout genre; qui se souvient que, dans les premiers
temps, vous lui avez. sacrifié votre fortune; que
vous avez exposé mille fois votre vie à ses côtés ;
que des blessures clont vous êtes couvert, vous en
avez encore. . . .
&£ DUC. DE suLLi, t* interrompant avec impatience ,
Eh! monsieur, de grâce, abrégeons.
LE MARQUIS DE coHCHiNi, continuant.
Je n'en dis point trop, monsieur, et le roi doit
toujours avoir présent à l'esprit que vous avez né^
gocié, au-dedans, avec tous les grands de son
£tat, desquels il a été oblfgé de racheter sou
royaume pièce à pièce.... qu'au dehors, vos né-
ACTE I, SCÈJNE y. 349.
gociadons ont encore été ^lus brillantes. Il ne
doit pas lui sortir de sa mémoire que ia feue reine
Elisabeth tous donna à Londres. . .-.
ikB Btjç DB suLLi, avec une mpatiçnce encore
plus viPe^
Vire dien! monsieur, e'ncore une fois, finis-
sons!... Toutes ces louanges si sincères ne me
tourneront point la tête, je vous en préviens....
Voyons , à quoi en voulez-vous venir ?
lE MABQuis DE covcBini, avcc la ptuM grande
vivacité.
J'en veux venir, monsieur le duc, à la consé*
^ence de tout cela : c'est qu'il est impossible que
le roi n'ait pas conservé pour vous, au fond de son
cœur, toute la reconnoissance qu'il doit à vos ser-
vices; et je irons supplie de me dire si vous n'êtes
pas de la dernière surprise que ce prince , après
toutes les obligations qu'il vous a , et connoissant
aussi bien votre âme, puisse un instant prêter l'o-
reille aux imputations calomnieuse? dont on ne
cesse de vous noircir dans son esprit ^depuis quel-
ques mois.
LE nn€ UE suLLÎ, ni^ec an air froid et railleur.
Tenez , M. de Gonchini , avec un homme moins
franc que vous ne l'êtes , et qui n'auroit pas le
cœur sur les lèvres, comme vous l'avez, je pour-
rois imaginer que la question que vous me . faites
là seroit tout-à-fait insidieuse , et qu'il me seroit
également dangereux d'y répondre ou de me taire;
mais avec vous....
Théâtre. G««n««lics» |3« 3o
35o LA PARTIE DE CHASSE DÉ HENRI IV^
LE MARQUIS DE covcHivi, f interrompant.
Moi, qui tous suis dévoué et qui. . .'
LE suc DE S17LLI, l'interrompant aussi»
Oh ! je le sais bien , M. de Conchini : aussi je
vous dis qu avec tout autre que vous , si je gardois
le. silence da\is ce cas-là , ce silence pourroit être
interprété au roi (par tout autre que par vousj
comme l'effet d'une fierté criminelle , et que , si je
parlois au contraire, ou qi^e je convinsse de la fa-
cilité prétendue du roi à croire mes ennemis, j'of-
fenserois injustement. mon maître et mon bien-
faiteur. '
LE MARQUIS DE CONCHIKI.
Oui, j entends très bien....
LE DUC DE suLLï, ^interrompant.
Cependant, monsieur, malgré les risque» qn 'il
y auroit à courir en s expliquant dans une circtius-
tance si délicate, je dirois à ce quelqu'un d'artiii-
cieux , mal intentionné , et qui viëndroit pour
sonder mes sentiments sur tout cela, ce que je
vous dirai à vous-même, M. de Conchini, ce que
je dirois à mon meilleur ami : c'est qu'a^nt tou-
jours vécu safns reproches, et comptant fênnement
sur la justice du roi, je suis si persuada, si con-
vaincu d'ailleurs de ses bontés ponr moi , que ,
quand j'entendrois de la bouche même de «a ma-
jesté qu'elle m'tibandonne , je ne len croirois
pas, et j'imaginerois qu'e sa langue a trompé son
cœur.
ACTE I, SCÊNÈ V- .'35i
LE MABQVis DE coHCBisi; d*un air d'embarros.
Ah! monsieur... oui... Maid gardez-vous bien de
vous livrer à oette confiance aveugle... et voyez...
Li Dvc os suLLi, ^interrompant d'un air fier et
avec un mépris marqué.
Je ne vois rien et \e ne veux rien voir que cela ,
monsieur. Ce sont les purs sentiments démon âme,
et que vous, pouvez rendre à sa majesté dans les
mêmes termea»... C'est ce que je n'attends pas de
vous , cependant , monsieur, si vous voulez que je
TOUS parle à présent d'un style plus clair et moina
figuré
X.B KiiAQUia DE covCBiiii, trou&lé.
Cornaient, mon&ieur» Vki>i^'" Pourriez- voua me
croire capable?... (Voifant fepêf<fe le rioi^) Mais,
Toioi le rej de retour.
{Le roi s'arrête à la parte dé la galerie avec le diic dû
BeHegarde, le marquis de Pratlia, les deux offi-
ciers des chasses, et quelques autres personnages
ÊÊmeis. Le duc de Sutli et le marquis de Conchini
vont au^evant.du roi,^et Cot^chini pa^s^ dans t an-
tichambre j ou il reste en vue avec les autres cour-
tisans, qui marquent j pendant toute la scène sui-*
vante, leur inquUte curiosité sur l'événement de
l'entretien dm roi avec SuilL)
î5» LA PARTIE DE CHASSE DE BffiNRI IV.
SCÈNE YL
ELENRI, LE DUC DE BELLEGARDE ^ LE MAR..
QUIS DE PRASLIN» piu^ewbb. cûfr^^Ans,
LES OFFICIERS DES CHASSES , LE DUC
DE. SULLI , LE MARQUIS DE CONCH£l>U.
Hekhi-, dwinant ses- ordres^ à i' entrée dé ta ^at^r*^^
BELLEGÀBi>r, d'Aumont, Brîssae, Duplessis,
Matignon , VillaTS , La ChÂtre , Clermont , et vous
aussi , monsieur de Montmorenci , tenez-yous <pieU
ques moment^ dans cette pièce-ci , je- toos. prie.
Nous partirons après! pour la chasse.. Mais j*ai à
parler^ anparayant en pa,rti<culîer à monsieur de
Sulli;....r {An mar^uU de FrasUn,) Mai%[ais de
Praslin, tenez>TOus aussi là- dedans, et mettez à
cette porte deux de mes garde« en sentinelle airec
la consigne de ne laisser entrei; personne dans m^
galeriel... N'en ^tes pourtant pas ferp&er les
portes. Je i^p^ m'embarrasse pas que l'on noi^ voie;
mais je neveux pas que Ton soit à portée- de nous
entendre>.*«.(M..de Prasim. pose lui-même tes- senti-
neUe$. Henri, prenant M., de SutU par ië-main, t'a-
mène, sans rien dire, jusqu^au bord di^ rampes,
quitte sa- maiit, le regarde , et reste un momfini sans
parler,) Eh bien!! monsieur, la façon dont noua
sommes ensemble depuis six semaines, le firpid qpQ
je TOUS marque et la contrainte 'dans laquelle nous,
vivons vis-à-vis l'un de l'^itfre, vous vous acco-.
modez donc de tout cela , monsiieur ? voua n*ête&
donc point inquiet ?
Acte i, scène vi. 353
lE SUC i>x siriLi , d'un air noble et respectueux.
Sire , arec tout autre prince, que Henri je me
croiroii perdu , en voyant qne tous m avez retiré
cette bonté familière que vous me témoigniez tou-
jours; mais, avec votre ^ majesté^ j*ai pour moi
votre équité^ vos sentiments... oserois-je dire vo-
tre amitié et mon innocence ? Tout cela me ras-
sure ; je suis tranquille.
H E V a £ , d'tttt air un peu attendri.
Cette tranquillité peut marquer, je vous l'avoue,
le témoignage d'une conscience pure , et qui n'a
point de reproches à se faire; mais, cependant,
monsieur, vous nepou^^zpas ignorer que toute la
France crie et m'adresse des plaintes contre vous ,
et vous gardez le plus profond silence.
LE Dire DE snLX.1, d'un air ferme et respectueux.
Oui , sire , c'est dans un silence respectueux
que je dois attendre que votre majesté m'ouvre la
bouche sur des faits dont il n'y a pas un seul qui
ne soit de la plus grossière calomnie. . ,\ Parler le
premier à votre majesté de toutes ces imputations
odieuses et absurdes ^ c'eut été, en quelque façon ,
leur donner du crédit , et en reconnoître jia vérité.
Il ne me convient pas de craindre de pareilles ac-*
cusations auxquelleai vous-même ne crojez p^s»
itre.
B E ir À I ', avec bontés
Ehl mais, mais....
LE Dvc DE suLLi, ovec fifrcc*
Non, sire, vous nj croyez pas... «'Il n*j a
3o.
954 LA PARtlË D£ CHASSE D:E HENRI lY.
qu uae seule de «se» accusations qui ait quelquo
«ir de \érité , ou , pour mieuK dire , de la vraisem^
bUnce.... ( TiraiU de sa poche un papier, ) C'est ce
billet de moi , qi^P yousi me reuyoy&tes hier au soir,
par La Varenne. Quatre mots , que j'ai mis au bas,
vous en déy^lopperout toute 1 énigme. Que, votre
majesté, daigne jeter les jeux sur l'explicatioii qu^
j'y donne. (It donne au roi ee papier,)
B K H a I , retfardant le papier.
Je tombe de mon haut!... (Prenant ta main du
dite de SuiU. ) Ah ! M. de Rosni , comme ils m ont
trompé , les cruelles gens !
LE DUC DB SITL!.!.
Quant aux satires , et surtout , sire , au libelle
fait par Juyigni , ayec tant de force de style et
d'éloquence, et que j'ai lu, tout aussi bien que
yotre majesté...»
HENRI, l'interrompant j avec feu.
Quoi! yous l'ayez lu, Rosni ? et yous n'êtes pas
yenu, tout de suite, pour yous expliquer ayec
xnoi?.«
lE DUC DE SULLJ, l'interrompant.
Non , sire , je l'ai méprisé. Ce n est pas que si
TAtre majesté m'en eût parlé. la première, j'eusse
y^ulu et que je veuille encore avoir l'orgueil cri-
minel de ne point entrer daoA les détails d'une
justffieation qui doit . . «
Hxvm, l*i»tefromp€nt,
Qa apjpekB-Yoïis jutlificatiOBÏJBkoa «mi ? Yen-
ACTE I, SCÈNE VI. 355
tre»9ai^gtU] Téclairciftsement q«e vous mfi donnez
sur ce billet répond lui seul à toul..»..à tout , et je
n'ai plus rien à entendre*
jciE ou G ns svLhï , avecie pius ^ran4 fifu.
Pardonnesb-moi, sÀre, il est de toute nécessité
qpis TOUS Ajez la bonté d'entendre ma justifica-
tion ; et la voici.... l>epuis trente-trois ans je vous
sers; j'ose tous dire plus, je yous aime. A mon
attachement inviolable pour votre majesté se
joint l'honneur ^dont je ne me suis et dont je ne
veux jamais m écarter* Ils se réunissent, Tun et
l'autre , à mon intérêt personnel , qui est de vous
servir jusqu'à mon dernier soupir. ... Ce aont-lÀ
mes vrais sentiments.... Pour vous persuader, au
contzaire, ou que je veux ou que je puis voua
trahir, nu» eaneqtis couverts , ces petites gens ,
B^étaJatissent dans leurs propos et dans leurs. li-<
belles qi^e des posaibilitéft purement chimévi-
ques.... Eh! en effiet, quel secoit mon but dana
une trahison piiae dans le grand ?.. De mé mettre
votre ooiuonne sur 1^ tête ? Vous ne me croyes
pas assea dépoiurvu de jugement ponir tenter l'im-
l^oflsiblo. De la fifcke passer à quelqu'autre bran->
che de votre maison , ou à quelque pui$sance
étrangère ? Ah ! mon prince ! ah! mon héros ! quel
autre monarque , quelles puiisances , quels États
peavent jamais élever ma fortune aussi haut que
vous avez élevé la mienne ?
H z 9 a I , le serrant dam ses bras.
Ah ! mon ehec fiosni l mon cher Rosni l
^56 LÀ PARTIE DE CHASSE DE HENRI lY.
LE DUC DE 81TLI.I, pounutvant ttve'c fettm
Ah'! mon cher maître , vous le sereï toi!tjeurs.. .
Vous m aimez » tous m'estimez. .. . oui , sire , voas
m'estimez au point que )'ai la noble présomption
àe croire que tous n'avez point eu (dans cette af-
i&ire-ci même) de soupçons réels sur ma fidélité*.,
ce que j'appelle de vé ri tables soujpfons* Non , sife^
vous n'en ayez point eu.
H E a a I , reprenant vivement.
Point de vrais soupçons, Bon, mon ami, je
n en ai point eu.; à peine étoient'-ce de légères in-
quiétudes , et si fo^bhss encore qu'elles n'avoient
aucune tenue. .. . Eh! tiens, mon cher R<^nif je
vais t'uiVrir mon cœur : je n'eusse jamais eu ces
légère» inquiétudes , jamais l'on ne fût parven,u a
me donner les moindres ombrages sur ta fidélité ,
si nous eussions vécu , tous les deux , dans un au-
tre teinps : mais , dans ce siècle affreux , dans ce
siècle de troubles, de conspirations, de trahisons,
où j'ai vu, où j'ai éprouvé les plus noires perfi-
dies de la part de ceux que j'avois traité^ comme
mes meilleurs amis ; où j'ai pensé être mille fois le
jouet et la victime de la scélératesse de leurs com-
plots..^, tu me pardonneras bien , mon cher ami ,
ces petites échappées de défiance.... Je les répare-
rai , M. de Rosni , par de nouveaux bienfaits , qui
porteront au plus haut point d'élévation et voua
et votre maison. Je veux que. ...
LE DUC DE «ULLi, t interrompant avec feu.
Arrêtez, sire! Vos bontés pour moi iroient peut-.
ACTE r, scjfeNE yr. 357
éftre trop loin : il âiut j mettre des bornes. Vos
malheurs «t les plus noires ingratitudes ont dû
nourrir et étendre ▼os-déilançes; que yotre coeur
n'en ait ^ns dlÊïomnais pour iqsoi' :-)e- 1a mérite.
Mai» que TOtre majesté mette la plu9 grande pm*
dence et une extrême circonspection dan^ les bien-
âtitB dont elle- Toudroit encore a^'honorer». Je suis
le prexniçE à. lui demander à genoux de ne jamais*
me donner déplaces ibrtes^ de principautés; en un
mot,. de ne jan^s m.e faire de ces sortes de grâces
qui puissent mç donner- la. possibilité de me dé-
clarer che£ de parti» *i. je ypulois 1& tenter. Ces
grâces-là, sire, sont d^s. armçs. qui n'en seroient
ifimais pour moi; mais je yeux ô'terA^nies. ennemis
le prétexte de m'en £ûre des crimes,
a E v A I , avec la plus grande vivacité de sentiment *
Grand-maiire- ,. tu n-'auras jamais d'ennemis à
craindre tant«que je vivrai.
i»E Buc DE BVt.Lj{^ après s'étreAncHné pour le
remercier.
Akl sire, plût. à Dieu que. cela fût vrai/.... Mais
cet entretien-ci est la preAVf' du .contraire., et des
effets cruels que peuvent produin^ des. calomnies,,
travaillées de main de cour^js^n.»
B&if AI, avec la dernière vii^acité^,^
Eh! mais^ ctlles^n 'en auroient^psoduit aucuns^
si ; depuis que. je. vous boude , cruel homme que
vous êtes, vous, eussiez voulu venir bonnement
vous éclaircir avec moi... Ah! Rosni , cela n'est
358 LA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IV..
pas bien à toi»! Depuis trente aos que je vous »î
juré amitié, moi, je n'ai rien eu sur le eœur que je
ne l'aie déposé dan» votx» sein • p»>îâts , affaires ,
pJaisiirs,, amitiés , amoiors., obagcÎBS. domestiques ,
îe TCftus ai tout eonfié ; et vous , vou» you& teiie^ sur
la réserve pour uoe miuce explication avecmoi!...
hta larmes m en vieiuMAt aux jeux! Lie» princes
ae peuvent^iJU doue avoir un ami?
IX DUC ux SULLI, du ion le plus attendri.
Ah! mon adorable makre! cette force , cette vé--
rîté de sentiment m'éclairent à présent sur ma
faute. Oui j sîre, j*ai eu tort de ne m'ètre pas expli-*
que dès le premier instant, et de ..
a E H R I , t* interrompant avec ta plus grande vivacités
Oui, monsiear!... et vous sentiriez encore mille
fois davantage Votre tort , si vous saviez , mon ami ,
ce que j'ai souffert, moi , pendant notre espèce de
hrouillerie.... Que cela n'arrive donc plus... Je ne
vaux pas que nos petits dépits durent plus de
vingt-quatre heures; en tendez- vous , Rosni?
Lc DUO HE SUI.LI, avec passion.
Ob! je les pi«viendrai dès leur naissance. Ah!
sire i ah ! mon ami ! Pardonne» au trouble de mon
cœur... ce mot.... qui vient de m 'échapper.
H £ ■ a I , avec ta dernière vivacités
. A|»pellermoi toa ami , mon cher R<Am ! ton
ami! Ehl que ye l*ai bien sentie cette amitié que
î ai pour toi ! Tiens , lorsque tout à l'heure , aupa«
rayant de passer cheib la reine, |e me suis contraint
ACTE I, SCÈNE Vï. ^^
t te faire nn accueil froid , et que je t'ai appelé
monsteur, te rappeUe»-tu tle ne m'avoir répondu
que par une inclination de tête et une révérence
profonde? £h btenl en voyant ta douleur et ton
attendrissement, mon cher Rosni , peu s'en est
fallu que , dans ce moment, je ne t'aie jeté les bras
au col, et que je n'aie commencé par là notre expli-
cation.
LE DUC DZ-8ULI.I, datiS le dernier attendrissement,
et d'une voix entrecoupée.
Ah! sire! ce dernier trait... Ah! permettez qu'a-
vec les larmes de la joie et de la plus tendre sensi-
bilité , je me précipite k vos pieds pour Ir-oot re-^
mercier... (U se jette aux pieds du roi.)
H EK R4 , te relevant avec wvacité*
Eh! que faites-vous donc là, Rosni?... Hcleves^
vous donc... Prenez donc, prenez dotlc garde. Ces
gens-là qui nous voient, maisn'ont pas pu entendre
ce que nous disions, vont croire que je vous. par-
donne. Vous n'j songez pas : relevez-vous donc...
( M. de Rosni, un genou en terre, reste la bouche col-,
lée sur la main du roi pendant tout ce couplet. Le roi
ie relève et l'embrasse à plusieurs reprises, puis il va
vers ta porte.) (Au marquis de Praslin.) Marquis de
Praslin , faites relever vos sentinelles ; tout le
monde peut entrer, et partons pour la chasse. {A
tous tes courtisans.) Mais, auparavant que de mon-
ter à cheval .. je suis bien aise , messieurs , de vous
idéclarer à tous que j'aime Rôsni plus que jamais,
«t ^*entre lui et moi c'est à laTÎe et à la «mort.
I
36o tA PARTIE DE CHASSE DE HENRI lY.
I.E SUC DE 8ULLI.
Ah! sire,. comment pourrai-jé jamais recot*^
noittCt . • •
HEimi, finterrompanîm
Encontinaant de me serrir comme tous m/ ayez
toujours servi, M. de Rosni.
LE BUC SE BiLiéL-tGATHit y au duc de Suili^
Ah! parbleu! mon cher duc, je prends bien
part. . •
&s MARQUIS DE coHCHiHi, l' interrompant f au
duc de SuUL
Ah! monsieur, l'excès de ma joie....
B E ir B I , ies interrompant tou$ les deux^
Allons , allons , vous lui ferez tous vos compli-
ments à la chasse , où je veux qu'il vienne avec
nous.
I.E DUC DE SVLL-l. «
Moi , sire ?
HE811I.
. Vous-même , mon cher Rosni. Je,sais bien que
vous n'aimez pas autrement la chasse; mais j'aime
à être avec vous aujourd'hui , moi , toute la jour-
née , mon ami.
LE DUC DE SVLCI.
Je suis pénétré de ce que vous dites là, sire^
cependant, si votre majesté m'en dispensoit. .. .
BEVni, l'interrompant.
Non y mon pauvre Rosni, ma chasse ne peut
ACTE i; SCÈNE yi. 3Gi
être heureuse si tous n j Tenez pas; et ]*ai des
preSMntimenfs ^ue^ si yqu» eu ètes.^ ^1 mms i^rri-
Tera des aTeiitures agréables i j ai ceU 4a&s H'idé^
Allez doaç yous habiller^ et yenepi nous joindre
au rei)dex-Y0U4. L'on i^'anaqinev? pM que rqus n j
soyez. (1/ lui donne un petit coup sur lajoueuniiaii/f
(tumUU.)
LE DÇC DE SULLI.
Allons, sire, je cours doue bien yite m'lii|]bil}er«
(U sçrt.)
SCÈNE VIL
HENRI, LE DCJÇ DE BELLEGARDE, LE
MARQUAS DE ÇONCHINI, plusisuki
COUaTISABrS,LESOFriCI£KSnESC|lASSES«
u^jxrt.ty à ConchinL;
M. de Concbini , il j aura bien des gens à qui C0
raccommodement.-ci ne plaira pas jusqu'à un cer»
tain pointa.
LE MARQUIS DE GO^CBIITI*
Ce nVst pas à moi , sire , je tous le jure^
LE DUC DE BSLLEGAl^PE, OU fOt.
»
Ma foi , sire , ce raccommodement-ci étoit désiré
de tous ceux qui aiment le bien de yotre État. t..
Cet homme-là sera toujours le bras droit de yotre
majesté , et il est d'une habileté dan« 9ea alTaipeat,.
( Tboâtre. Com«^Uff l3. 3l
S6a LA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IV.
Qn'ftp'pdez^Vom éstn» lés afSdres? Ajouta donc
ai la tête de mes armées , dans mes conseils , dans
les ambassades^... Je VtA toujours présenté avec
•uccès , à mes àmh et à mes «aaemis.*.» Hais , par-
tout f partons*
(Le roi tort , et ett suivi de toute sa ctmr.)
Fin DU PftSMIBi; ACTE.
ACTE SECOND. ,
Uf- Ib^toe' représente^ l'entrée de la forêt de
Si&iiarty du^côlé deXtfursain.
"«.
SCÈNE l.
UTCA9^ GATAU , hahUiés en pausans. du temps de
Hennir.
(L'oo enicau) on cor-dp-ch«Me danç râoifpcment)
Pabgitzvsii !.]naii&*sallp Gatan» entendaif-yous cet
comeuK-là? Encore un.cQup, ▼, nais Ypus en voir
la chasse avec moi. AU n est pas loin d'ici.. Allons
du côté que j entcQdonjsIjes c^ars^
ca:](au..
Oh ! Lucas , je i^ on^ pas te temps ; Jl .fapt que je
nous en retournions cheu]L.nous.
LUCAS.
Pâme! c'est que ça n arriye pas to^/s^left jours ,
au lopins, que la. chasse vi:pn.pç. jiusqu'à Lienr-
sain..... J'j verrons peut-être ngïticp hçff% rpj Henri.
CATAU.
Vraiment , j 'aurions hie&enyie di^lVoir, car je
ne Tconnoissons pas pus qu'toi , LuQas ; mais il se
fait tard , ina mère m'attend : faut que je Vj aide
364 LÀ PARTIE DB GËASSE D£ &ENRI IV.
à faire le souper. Mon frère Richard arrive ce
•oi».
ttrcAs.
Qaoi! M. Richard arrive ce soit? Qoen plaisir !
queu joieJ... J espérons ^tx'il détèmiinera à mon
mariage avec vous, M. Michau , Totre père, qtfi
barguigne toujours. . . . Mais f parguenne ! cf est '
bian mal à' yous de ne m'avoir pas déjà dit c*te
nouyell&'là !
CATAU.
Est-ce que j'ai pu tous la dire pus tôt donc ? Je'
yiens de l'apprendre tout à Theure.
LUCAS.
Eh bian ! falloit me la dire fout de suite.
CATAÙ.
Qtiètl raison ! E5t-<;é que je pourois tous dire
ça auparavant que de vous avoir rencontré?
iucAs.
Bon ! vous pensiais bian à me rencontrer, tani
seulement ! Yous ne pensiais qu'à courir après la
chasse. £st-6e là de Talniquic donc , quand on ai
Une bonne nouvelle II apprendre à quelqu'un ?
CATAtr, à part.
Hfais, vojez donc qtieue querelle il me fait,
pendant que je n'ai voulu voir la chasse que parce
que je savois ben que je l'rencontrerions en che-
min, ce bijou-là (i.j et il faut encore qu'il me
gronde ! . »* fA Lucas,) Allez , vous êtes un ingrat*
LUCAS, d'un air tendre.
EhT pardon , mam 'selle' Gaf^ ; c'est que j'igno-
ACTÈII, SCÈNEL â€5
rions tout çaj nons.... Damelrojais-rotts? Ces!
i[ae je toq^ aimons tant , tant , tant !
GATAU.
Eh! pardi! je yons aimons ben aussi, nous,
monsieur Lucas ; mais je n Vous grondons pas que
Vous ne Iméritiais.
LUCAS, en rianL
Oh! tatigué! vous me grondais bian queuque*
fois sans que je le méritions ! . . . Par exemple , hier
encore, devant M» et madame Michau, ne me
grondites-vous paa d'importance, à propos de
c'te dévergondée d'Agathe , qui a pris sa volée
avec ce jeune seigneur ?' Dirais -vous encore que
j'aviona tort ?
CATAir, d'un air mutin.
Oui , sans doute, je le dirai encore. Je ne sao*
rois croire , moi , qu'Agathe se soit en allée exprès
avec ce monsieur. C'est une fiUe si raisonnable,
elle aimoit tant mon frère Richard!.. . Allais,
allais , il j a quetoque chose à cela y, que je ne com-
prenons pas.,
LUCAS, en se moquant.
Oh ! jamigoi ! je le comprends bian y'moi.
CATAU..
Oh! tiens, Lucas, ne renouvelons pas c'te que-
relle-là, car je te gronderions encore, si j'en
avions le temps. Mais j'ons affaire..» Adieu , Luca^.
LUCAS.
Adieu , méchante.
Si.
366 LA PARTIE DE CHÂSSE DE HEIIRI IV.
c XT%v , /ici jetant son bouauet au nés-
Méchante!.,. Tiens y.v*l& poujr t'apprjBQdce i
parlervi
( Eite ^en va. )
SCÈNE IL
LtJC AS, seat, regardant du côté par ou Catau est
partie»
Attendais donc, attendais donc...« La petite
espiègle, aile est déjà bian loin.'... C'est gentil
pourtant ça. . . . La façon dont allme baille son
bouqilet, en faisant semblant de me l'jeter au nez^
en est tout-à*fait agveyahie*.. (Bamassant le hoa^fuet
et apercevant Agathe ea se relevant.) Mais, que
▼ois-' je? ons-je la berlue?... Avec tous ces biaux
ajustoTionr-là ? c est mam'selle Agathe , dieu me
pardonne!
SCÈNE III.
i^GATHE, habillée comme une bourgeoise, étoffe du
temps de Henri IV; vertugadin en grand collai
monté, en dentelles fort empesées, et coiffe en
dentelles noires; LUCAS.
AGATHE.
C'EST jnoi-même , mon cher |4ucas. . » . De grâce !
écoute-moi un moment.
tu CAS, ^interrompant.
Tàtigué ! comme vout vlà brare i' mam 'selle
ACTE II, SGÈIVE III. 367
Âgs^theï Vous vUà vêtue comme une princesse. . . .
Vous arrivais donc de Paris.... de la cour ?... Faut
qu'vous y ajiez fait eune belle forteune , dépuis
six semaines qu'vous êtes disparue de Lieursain !
M. Jérôme , vot père , qu'est le pus p'tit fennier de
ce canton, il n'a pas dû vous reconnoitre... Allais,
voua devriais mourir de pure honte.
AOATBV, d'unL air triste*
Bêlas ! les appareQcea sont contre moi ; mais je
ue suis poiqt coupable. Le marquis de Gonchinî
m'a fait enlever, malgré moi , et m'a fait conduira
a Paris. Ce cruel m'a tenue six semaines dans une
espèce de prison.... Ma vertu , mon courage et mon
désespoir m'ont prêté les forces nécessaires pour
me tirer de ses mains. Je me suis écbappée; j'arrive
à l'instant , et t ajant aperçu d'abord , et ajant à
te parler, je n'ai pas voulu me donner le tempt
de quitter ces habits, qu'on m'avoit forcée de
prendre, et qui paroisseut iiéposer contre mon
honneur.
LUCAS, d'un air tno<jueur,
a Déposer coiiktre n^on honneur ! . . . » Les biaux
tarmes ! Comme ça est biae dit ! V'ià ce que c'est
que d'avoir demeuré, depuis yot' enfance jusqu'à
l'âge de quatorze ans , cheux c'te signora Léoaore
Galigai , là ousque ce marquis de Çonchini est de« "
venu vot' amoureux. Diime! d'avoir été élevée
cbeax. ces grands seignei^rs , ^a vous ouvre Tesprit
d'ecne jeune fille, ça! Ça vous a appris à bian
parler.... et à mal a^ir.««« Mais, parce qu*ous
i6B LA PARTIE DE CHASSE DE tiENRI IV.
avais de lesprit, pêtisaia-voii» pour ça que je
io mines des bétes, nous?.«^ Crajais-YOUs que je
vous crairons ? Tarare ! comme je sis la dupe de
c'te belle loquence-li^ !
AGATBEi
Mais , si tu Veux bien , mon ami* . . .
LUCAS, l'interrompant.
Moi , TOt'amî , après ce qu'ous ayais fait ? l'ami
d'une parfide qui trahit M. Richard , à qui aile as-
sure qu'air l'aiiiie ; et qui après lé plante là , pour
eUn seigxieur qu'ail' ne peut épouser?... à qui ail'
vend son honneur pour avoir dé biaux habits , et
n'être pus vêtue en paysanne ? Moi , l'aitii d'une
criature comme ça!... ûl morgue! ignia non pus
d'amiqnië pour' vous dans mon codur qui gni en a
sur mai main , vôjais-vous ?
■ ■ à'gàtrç.
' Encore un coup; Lucas $ rieh n'est plu» faut
que. ».i
LUCAS, ^interrompant.
Rian n'est pus Vrai. ... et çà est indigne k Ybm
d'avoir mis comm'çale trouble dans tiot* village...
d'aVoir arrêté , tout court, nos mariages... J'étois
près d'épouser, moi , mam 'selle Câtau , la sœur de
Ml Richard. M. Michau , son père , à elle et à lui ,
M. Michàu, qu'est lé plus riche meunier de ce
royaume , vous aUroit mariée , yous-mênke , à
M. Riehard, son fils, qu*est un garçon d'esprit»
qu'a fait ses études a Melun , qui parle comme un
livre, de même que Vôti8j<». qui sait le latin, et
ICfË il, SCÊI^E IIL ^69
éfià , it cause de ça , et de dépit de ce que vdufl l'ai»
Tes abandonné, va, se dit -il , se précipiter dans
leglise , à celle fin de derenlr , par après , not*
curé^
AOATHK.
Fuisqtie tu ne Yeux pas m >n tendre, dis - moi ^
dn moins , si Richard est ici. '
LtTCAS.
Non , il nj est pasj il n'y seYa que ce soir. N'a**
t-il pas en la difperie d'aller pour tous à Paris ^
mam'selle, à celle fin de demander justice à not*
bon roi , qui ne la refuse pas pu» atlx petits qu'aux
grands 7
A o A T H s , À paft f en ioupitànU >-
Que je suis malheureuse !.-.. Comment me jttsti-^
fier ? . . . (A LucaSi ) Sans que je puisse m'en plain<*
dre, Richard aura toujours droit de consenrer de»
soupçons odieuxA
lÙCAS.
Il auroit un grand tort deti consarTer, oui..^..
(Voyant Agathe en pleurs,) Bon ! tous larmojez!....
Eh ! ouîche ! tous ces pleurs de femmes- là sont de
Vraies attrappe-minettes.
AGATHE*
Hélas ! je te pardonne de ne pas me croire sin<<
cére...^ Mais , si ce n'est pas pour moi , du moins ;
par amitié pour Richard, rends-lui un serrice^
qu'en t 'apercevant, au commencement de la forêt ^
je suis venue te demander ici... C'est pour lui qu«
tu agiras*
970 LA PARTIE DE GRASSE BE HlBNRl lY.
LUCAS»
Yojon^ ». quelque c est , mam.*sell^ ?-
j^o^T H E ; tfét affietueusemetU»
C'est un service qui tend à me jastifier ris-à-ivis
de mon amant, s'il est possible... De grâce! rends-
lui c^tyt lettre (eile lui préseg^te une lettfe) qup je
lui écrivois , h. tout hasard , et que loccaÛQ!^. ijae
je trouvai, sur-le-champ, de me sauver ne m'a pas
mèm^ laissé le temps d.'aoheyer. . . . Donue-la.lui
doxu;. • V Prends-nipieu. pitié , et ne me isldui^ pi^
auidQsespoijc eu me refusant.
i,.u c AS , attendri et se retenant de h taUser Vflir,
Bailiez-moi c'te lettre , la belle pleureuse ; je la
lî reudroua. Vous m'avez atteudri ; mais ne peu-
saia.pas pour ça m'avoxr fait donner dans le pa-
/ gneau, non.... non, palsajigué! et je ly parlerons
conti^ vous; je vous en prjéveuou^.d'av,anoe.... Jn»
n voulons pas que not' ami Richard , et qui sei^ii
bientôt not' biau-frére , achetient chat en poche ,
en teu jdaisrvous ,?
aoat.be.
Y^KCfr n'est pas toi qu'il m'importe 4e convain-
cre de mon innocence ; c'çst uipu amant , c'est sou
père, aux pieds desquels.)^ suis résolue de m 'aller
jeter pour leur jurer qu^ je ne suis. point coupa-
ble. . . Ayertis-moi seulemeu^ 4^9. que Richard sert
arrivé.
LUCAS.
Oui , oui , je ypus avartîrou^f Allais » allaif , je
vous le promettons, ( 4$alhe séhi^ne* )
ACTE II, SCËITE IV. 371
SCÈNE IV.
tVC AS, seul, et mettant ta Uttre dans ta poche.
ComuM ces femelles ayont les larmes à comman-
dement! Ça pleure quand ça veut , déjà et d'un...
et pis, quand ils agit de leux honneur > ces filles
TOUS font d shistoires , d*shistoires.<. qui n'ont ni
père, nîmère^ et, presque toujours, nous autres
hommes , après avoir bian bataillé pour ne les pas
craire , j'finissOns toujours par gober ça... Je som-
mes assez benêts pour ça.... (Le jour baisse,) Et,
d'ailleurs , c'te petite mij'aurée-là, qui par son
équipée m*a reculé , à moi , mon mariage avec ma
petite Gatau, que j 'aimons de tout not' cœur!
c'est-ii pas endévant ça?...'. Mais, l'ami Richard
deyroit être arrivé, car le jour commence à tom-
ber un tantinet. . . ; (Voyant parottre Richard,) £h l
mais , c'est li-même.
SCÈNE V.
RICHARD, LUCAS.
XVGAS, courant tembrasser,
PAanr! M. Richard , que je nous embrassions !••
EneoTe..i. morj^é! encore. Je ne m'en sens pas
d*aise , mon ami.
aiGHAKU.
Ah! mon cher Lucas, j*ai plus besoin de ton
amitié que jamais ; mon malheur est sans ressource.
^yn LA PARTIE D£ CHASSE D£ HENRI ly.
L JJ.C A 9«
J'nous en étioa^ toujours bian douté..... M»|s,
«oi|ini9Ut ça, dooc?
Gomment?.,. Tu as tu que j*étois parti pouik^
Paris , dans le dessein de m'aller jeter aux pieds
de sa majesté; mais ce malliçureux marquis de
C!!ouchini , qui a su mon projet / sans doute ^ par
ses espions, dont je me suis bien aperçu que j*é-
tois suivi ,' ma &it dire qu'il me feroit arrêter si
je restois à Paris.
LU)CAS.
Queu scélérat !
B I c H A B x>.
Cp ne sont point ses menaces qui m*ont déter-
miqé à revenir, c'est Une lettre qu'après cela j'ai
reçue d'Agathe... La perfide p 'écrit qu'elle 119
tat'aime plus..
tVCASr
Air vous aveit déjà écrit?
n I c H A nj) , trèf vivement.
Oui , Lucas. Bile m'a écrit qu'ellls ne m'aimoit
plus, elle!.,. elji«j... Ab! »axi$AqtUfi «et infâme sé-
ducteur , ^it par fbr0e , soit pai; adosse, est par-
venu à s'en fair^ ai^er, luirméne. . Elle an^a éti
éblouie par la grandeur imposant^ dei qa "viX ^
gneur étranger. *
Quoi! allTaime? vrai?
ACTE H, SCÈNE V, 373
AiGHABD, avec transport.
Oui, elle laime-; elle ne m'aime plus. . . Ma
rage!... Hais calmoûs ces transports , qui ne font
qu'irriter mes maux... Oubiions-la... Je ne là veux
jSàit de ma yie.
LUCAS^
Oh! TOUS &T6i trè» bian. AU* est ici, c'tapen.'x
dant.
ftrcHA&Dy très vivement^'
Elle est ici ? elle est ici ?
LUCAS.
Oui, air est ici de tout à c*theure. AU' m'est
déjà venu mentir sur tout ça , la petite fourbe! et
pour se justifier, ce dit-elle, ail' m'a même baillé
pour TOUS eune lettre, que j'ons là.
mCHAiiD, encore plus vivement»
Quoi! tu as une lettre d'elle, et pour moi?
Donne donc*
LUCAS , lui montrant la lettre sans la lui donner r
Tenais, la v'ià; mais, crojais-moi, déchirops-
la sans la lire. Gnia que des faussetés là-dedans.
niCH Abd, M /tti arrachant.
Eh ! donne toujours. .. (A pari. ) QueUe est ma
faiblesse !.. . (A Lucas.) Tu as raison, Lucas, je ne
devrois pas la lire. .. Mon plus grand tourment est
de sef^tir que j'adore encore Agathe plus que ja"
mais.
LUCAS.
C'en feian adoré à vous. (Richard ouvre la UUrê
Tlxikxtt. pomédies. l3.i 33
374 LA PARTIE DE CHASSE M HENRI IV.
et se met ik ta iife bas. ) Mais, lisais donc tout haut,
que \e voyions c* qu'ail' chante.
RICHARD, lisant ta lettre haut , d'une voix altérée ^
et le cœur palpitant.
Très volontiers. (Il lit. )
« Le lundi , à six heures du matia. >i
<c N'ajoutez aucune foi , mon cher Richard ^ à
<{ Taffreuse lettre que vous avez sans doute reçue
u de moi ; c'est le valet--de-chambre du marquis de
« Gonchini , ce vilain Fabricio , qui m'a forcée de
u vous l'écrire, en m'apprenant que vous étiez à
ce Paris , et que son maître étoit déterminé à se
ce porter contre vous aux dernières violences, si je
ce ne TOUS l'écrivois pas. Il m'a promis , en même
« temps, que, pour prix de ma complaisance, l'on
c( m'accorderdit plus de liberté. Ce dernier article
tt m'a décidée; car, si l'on me tient parole, je
« compte employer cette liberté à me sauver d*ici.
c( Nul danger ne m'effiraiera. Je crains moins la
(( mort que de cesser d'être digne de vous. Je vous
(( écris cette lettre sans savoir par où ni par qui je
.« puis vous la faire tenir. G est un bonheur que je
(• n'attends que du ciel , qui doit protéger l'iuno-
« cence. Je vous aime toujours; je n'aimerai jamais
«que.... Mais j'aperçois que la petite porte du
« jardin est ouverte. . . Ma 'fenêtre n'est pas bien
Îr haute... avec mes draps, je pourrai... J'j vole. »
(A partj après avoir Ifi,,)
Ah ciel! elle sera descenduepar la fenêtre! (A
Idteas.) Eh! si elle s'étoit blessée, Lucas?
ACTE II» SCÈNE Y. 375
LVCA9, 4iH», air miUèur^
Blessée?... Je vei^OAS de la voir.... Vous don-
nais don/c comme i;iii,gigiiavi d^i^ toute c't'ecnture-
U^Tons?
Comment! qu^e Teux-tu dire?
LUCAS.
Tatigué I qu'aile a d'gnimagiAation cHe fiUerUi!
La bell^ lettse ! qHBU biau s^le! c<mim' ça est ea
même temps magDÎfique et parfide !
BiCBABrD.
Quoil Lucas, tu pounrois penser queUe^me
trompe X qu'elle pousseroit la perfidie jusqu âk«. «
lUCAS, tinterrompanU
Oui, morguéi je Icrojons de çeste. Ce marquis
et «lie , ils auront arrangé c'te lettçe-là ensemble-
ment, et, par exprès, po^r quaus en sojrais le
Claude.
11^109 Ans.
Non, elle ne&t point capable d'une telle bor-.
reu1^; et toirmême. . .
LUCAS, l'interrompaHU
- Et mpirméme. . . je vous disons que c'est sûre-
ment Iftun tour de ce niarquis. U n'en veut pus;
îl la renvoie à son village.
RICHABD.
Comment , malheureuxl: tu t'obstinea k vouloir
qu'une fille comme Agatbe. . . ^
LUCAS, l'interrompant»
Malheureux?.... Obi point d'injures , not' amL
3^76 LA PAlltlE ÔÈ CHASSfE DE HÊIÎRI tV.
Mais, tenais, quand je n nous j obstin^ions pas ^
là, posez qu'air soit innocente Après ayoir été
six semaines clieux ce seigneur, qu est-ce qui le
croira? Faut qu'ail' le prouve paravant que vous
puissiais la revoir avec honneur. Voucbriais-vous,
en la revoyant avant qu'ail' soit justifiée , coUFÎr
les risques de vous laisser eneorë' ensorceler par
elle , et qu'ait' vous conduisisse à l'épouser? C'est
ce qui vous arriveroît, ds, et ee qui sieroit biav ,
H'est^e pas?
R I c d A K 1^ , tfès tristemehU
Our, tti a» raison, Lucas; je ne dotapa»Ai'eX^
poser à la voir. Je sens trop bien la pente que j'ai
à me faire iUusion. Mais allons chez toi , mon' cher
ami : j*^ veux passer une heure ou detrx pour cal-
mer mes 9ens et me remettra uii peu. ( U est tout^à--
fait nuit, ) ( Tendrement, à part.) Ne portons poitit
chez iBon pète ^ et au sein de ma famille , les appa^
tfences , 4u moins , du cfaagrito qui me dévore.
LUCAS.,
Oui , V nais-vou»-en cheux notis. Auffs» bian rlk
la nuit close I et c'tefbrét, corajiie vous savais,
n'est pas sûre à ces heûres-ci. Ignia tant de bracon*
niers ef de voleurs ; c*est tout un. ( Entendant du
hruité) Tenais, tenais, il me semble que j'en en*
tends déjà quelques-uns dans ces taillis,
n I C B A B n , écoutant et soupirant.
Oui, allons, mon ami. Nous parlerons chez toi
de ton mariage avec ma soeiir Catau. Puisque le
mien tie peut pas se faire, je veux presser mon péri
» ÀGTE II, SCÈNE V- 877
de Unir le tien^ II n'est pas juste que tu touffres
de mon malheur. Ce seroit un chagrin de plus
pour moi..
(l/f se retirent ensembie.)
SCÈNE VI.
LE DUC DE BELLEGARDE , LE MARQUIS DE
COIÏCHINI , arrivant dans i'obtcurUé et en tdr-
tonnant,.
LB MA&QUI9 SE COVCHIHIr
Ifous ayons manqué nos relais, monsieur le
due ; eelà est cruel.
LE DUC DE BELLEGABDE.
AhS d*autan1^ plus cruel , mon cher Conchini ,
que nos chevaux né peuvent plus même aller le
pas... Gomme la nuit est noire !
LE.MABQUIS DE OOHCHIiri.
L'on n'y voit point du .tout. J*ai même de la
peine k vous distinguer. Il faut que ce damne cerf
nous ait fait faire un chemin. . .
Z.E DVG DE BELLEaABDB, t interrompant.
Un chemin du diaMe ! . . . Quel cerf ! .... 11 s'est
fisiit hattre d'abord pendant trois heures dans ces
bois de Chailli : il passe ensuite la rivière , nous
ifait traverser la forêt de Rongeant , où il tient en-
core deux mortelles heures. Il nous conduit enfin
bien avant dans Sentrt , ou nous sommes. . .
3^3 LA PAHTIE DE CHASSE DE HP^RI IV.
. LE MAB-Qiris DE C09 CBiVï ftifiterrofnpantm
Sans savoir où nous sommes. (Enfan^anf venir
quelqu'un, ) Mais j'entends marcher» Qudqu'uo
vient à nous.
SCÈNE VII.
LE DUC DE SULLI, arrivant en tâtonnant, et
saisissant te bras du duc de Bettegarde; LE DUC
DE BELLEGARDE, LE MARQUIS DlË
GOKCHINI.
LE DUC DE SVLLI, au duc de Beliegarde, qu'U
prend pour te rol^
Ab! sire, seroit-ce vous?... Est-<îe vous, sire?
LE DUC DE BZLLza A fiB'K, au marquis de ConchinL
C'est la voix de M. de Rosni , et son cœur ; car
il n'est occupé que de son roi.
LE DUC DE suLLi, reconnoîssant te duc de BeÙe^
garde.
C'est moi-même. Eh! c*est vous , duc de Belle-
garde? Êtes-vous seul ici? Savez-vous où est le
roi ? a-t-il quelqu'un avec lui ?
LE DVG DE BELLEOARDE.
Il ja deux heures que j'en sois séparé; il n'étoit
point avec le gros de la chasse quand je l'ai perdu;
et , pour moi , je suis ici uniquement avçc le mais
quis de Conchini. ^
LE MARQUIS DE covcaivt, AM. </e5ft//i.
'Avec votre serviteur , duc de Sulli. Mais , vo«f i
qu'avez-vons donc fait de votre cheval ?
ACTE II, SCÈNE TU. 3^
LZ SUC DE 8UI.LI4
Je lai donné à un malheureux valet ,. qui s'ççt
cassé la jambe devant moi. Mais, dites-moi donc,
messieurs , en quel endroit de la fbrét nous trou-
yons-nous ici?
LE MARQUIS DE C0RCHI5I.,
Ma foi , nous j sommes égarés ; voilà tout ce que
nous savons.
. LZ DUC DE BELLEOARDE.
Cela est agréable^ et surtout pour un galant
chevalier comme moi , qui devois , ce soir même ,
mettre fin à une aventure des plus brillantes. Soit
dit, entre nous, sans vanité et sans indiscrétion»
meifliears.
iiE DUC DE SULLI, d*un air brusque.
Duc de Bellegarde , vous n*avez que vos folies en
tête ! Je pense au roi , moi. Il n'aura peut-être été
suivi de personne; la nuit est sombre : je crains
qu'il ne lui arrive quelqu'accident*
is MABQUis DE covcuivi, d'un air indi0rent*
Bon! quel accident voulez-vous qulil lui ar-
rive?
LE DUC DE suLLt, vic^emenf.
Eh quoi ! monsieur , ne peut *• il pas être ren-
contré par un braconnier, par quelque voleur?
Que sais-je, moi? {iiAvec colère*) En vérité, le roi
deVToit bien nous épargner les ^larm^s où il nous
met pour lui! Que diable! ne devroit-il pas être
cantent d*étre échappé à mille périls , qui ét9ient
peut-ôtre nécessaires dans le temps? et cet homme*
38o LA PARTIE D|: CHASSE ÛE HEKRI lY.
ê
là ne sauroit-il se retenir de s exposer encore* $Lty>
jourd'hui & des dangers tout-à-fait inutiles?
LE DUC DE BELLEGAnDE, (fuii air léger.
Eh! mais, mais, mgn cher Sulli, tous mettez
les choses au pis.^.. J aime le roi autant que tous
l'aimez , et. . . .
LE MARQUIS DE coscaiNi, t interrompant , d'un^
air indifférent.
Et moi aussi, assurément... mais, par ma foi!
c'est vouloir s'inquiéter à plaisir que de. . . .
LE DUC DE SULLI, l'interrompant brusquemcnt.
Vive dieu! messieurs, nous avons une feçon
d'aimer le roi tout-à-fsiit différente ; car moi , je
vous jure que, dans ce moment-ci , je ne suis nul-
lement rassuré sur sa personne. J'ai peur de tou^
pour lui , moi> je ne suis pat aussi tranqtiîlle que
vous l'êtes.
SCÈNE VIII.
UN PAYSAN, ayant sur le dos une charge de bois;
LE DUC DE SULLI, LE DUC DE BEL-
LEGARDE, LE MARQUIS DE GON-
GHINL
LE VAtsàm, chantant, A part, sur l'air des Forge-
rons de Ctfthère.
ce Je suis lin Lficheron
a Qtd travaille et qcri chante.. . »
ts DUC DE SULLI, au pagsan, en f arrêtant.
Qui valà? Qui es-tu?
XS ^ATSAir, jietant son bois de frayeur, et tombanf
aux genoux ete M, de Sulti.
Miséricorde! messieurs les voleurs, ne me tuais
pas. Mon cher monsieur, si rous êtes leux capi*^
taine , ordonâais-leux q^u'il» me laissiont la vie. . . .
La vie, monsieur le capitaine, la Yiel'( Tirant de sa
poche son argent et l'offrant au duo de Sutli.) Vlà*
quatre patards et trois carolus ^ e est tout^ce quer
j'avons.
L£ MARQUIS DE COVCBIV l y à M. de Sulil.
Vous ! capitaine de voleurs , mon cher surin-^
tendant I cela est piquant , atf moiss ) mais très ^i*
quanti
£ Ê &u c »E s u L L 1 , d^tin ton sévère*
C*est plaisanter mul-à^propo^ et bien légère^
ment , monsieur*
LE DtrC DE 7£>tLÊGARlft'E, UU paySOtt,
Lève-toi , mon bon-homme , lève-toi. Nous ne
sommes point des voleurs , mais des chasseurs éga-^
tés, qui te prion» d« nous conduire ati plus pro-
chain village.
LE FATS AS , M relevant.
Eh! parguenne! messieurs, vous nétes qu'à
une portée de fusil de Lieursain.
LE DX7C DE SVLLI^
D« Lifeu^ata , dis-^tu ?
lE PATSAK.
Oui , moiisieav , et vous n'avez» qu'à me 8uwr«v
38a LA PARTIE DE CHASSE DE HEKRI lY.
I.E DUC n£ BKI.t.SaABOB.
Bien nous prend qne ce soit si prés t car nous
iommea excédés de lassitude^
I,£ MAI^QUKS DE C0IICHI9I,att p^yffiU.
Et nous mourons de faim. Dites-moi, raoû,
trouverons-nous là de quoi ? . . .
L« BATSAH, ^interrompant,
Ohl oui , c^r je vous voua meuer cIiqz le garde^
chasse de ce canton. Vous j trouverais des lapine
par centaine; car ces gens-là j mangiout les la-
pins , eux , et les lapins nous mangiont , nous 1
LE DUC DEjSULLi, donnant de l'argent au paif$a^.
Tiens , mon enfant , voilà un Henri , condui»-
nous.
LE DUC DC BZLj,itoAKt>E, au paysan y en lui doU"
nant aussi àe targenK
Tiens , mon pauvre garçon.
LE MARQUIS DE coscHiBi, au paifêaih, es tui
donnant de n^me de l'argent.
Tiens encore. Eh bien ! nous crois-tu toujours
diss voleurs ?
LE PATSJlEr.
Au contraire , et grand merci , mes bona sei-
gneurs ! Suivais-moi. Dame! si je vous ous pris
pour des voleurs , c'est que c'te fbrét-ci en four-
mille ; car , depis nos guerres civiles ^ biaucoup de
Ijgueux avont pris c'te profession-là.
LE DUC DE STLLI.
Allons, allons, cou dttis-n&ùs; et marche le pre»
mier. . , .
ACTE l!, SCÈNE Vllî. 3»3
IS ^ATSAH , leur montrant de la nuiin un chemin,
quii leur fût prendre^
YeBàis , venais par oe petit sentier ; par ilà , par
ilà.
LE DUC DE suLtiyÀ part , en faisant passer les au*
très devant lui et en les suivant.
Je sois toujours inquiet du roi ; il ne me sort
point de l'esprit.
( lis ^éloitfnent tous les (jUûtreJ)
SCÈNE IX.
HENRI ly,* seul, et arrivant en tâtonnante
Ov vaisr-je? où suis-je? où cela me cohduit-il?
Ventresaingris! je marche depuis deux heures pour
pouvoir trouver l'issue de cette forêt. ... Arrêtons*
nous 09 moment et voyons. . . Parhleu ! je vois. . . .
que je n'j vois rien. Il fait une obscurité de tous
les diables ! ( Tâtant avec son pied*) Ceci n'est point
un chemin battu , ce n'est point une route*; je suis
en plein bois... Allons, je suis égaré tout de bon...
C'est ma faute. Je me suis laissé emporter trop
loin de ma suite, et Ton sera en peine de moi.
C'est tout ce qui me chagrine-; car, du reste, le
malheur d'être égaré n'est pas bien grand.... Pre-
nons notre parti cependant. Reposons-nous, car
je suis d'une lassitude. . » Je suis rendu ! . . . (2/ s'as^
sied au pied d*un arbre et taie le terrain. ) Oh! oh !
oette plaée-ci n'est pas trop.désagréablcfc Eh! mais,
là , l'on n'jr passeroit pas mal la nuit. -{Ce coucher^
384 ^^ PARTIE DE CHASSE SE BEN RI IV.
ci n'est pas trop dur. X en ai , parbleu ! trouvé par
Ibis de plus mauvais. (1/ se couche el te remet tout
At suite en son séant.) Si ce pauvre diable de duc de
SuUi , qui ne vient à la chasse que par complai-
aance, que j'ai forcé aujourd'hui de m'j suivre,
s'est , par malheur , égaré comme moi ! Oh l je suis
perdu; et ce seroit encore bien pis si j'étois obligé
de passer la nuit dans la forêt; il Qie £eroic un
train!.., il me feroit un train!... je n'aurois qu'à
bien me tenir!... Il me semble que je l'entends qui
me dit, avec son air austère : « J'adore Dieu, sire!
ce vous avez beau rire de tout cela , je ne vois rien
« de plaisant, moi, à faire mourir d'inquiétude
(c tous vos serviteurs. » Si je pouvois cependant
reposer et m'endormir quelques heures, je repren-
drois ûes forces pour me tirer d'ici. Essajons. (ii
se recouche et paroU reposer un instant : on tire un
coup de fusil; il s'éveilie et se relève,' en metiani
la main sur la tfarde de son épée. ) Il 7 a ici quelques
voleurs. Tenons-nous sur nos gardes..
SCÈNE X.
DEUX BRAGONNIERS^HEISRI iT.
LB pnSMiEA BBAcoNHiEB^ à SOU camara4e^
Es-tu sûr de l'avoir mis à bas?
LE SBCOSD BaACOVSlBfL..
Oui ; c'est une biohe. 11 me semble l'avoir evtr
tendue tomber.
■ m K A« , à part , en se relevant et allant vert U fond
du théâtre^
Ce sont des braconniers ; je vois cela à leur en--
tretien.
Zi^ pAEMiEn BBACOHRiER, à 4on Camarade^
Ne dis<-tu pas (joe tu la tiens ?
IX SECOlfD BRAGOIf KIER,
Tu reyes creux. Je n'ai point parlé.
LE PEEMIBB BRACONVISÏ.
Si toe nest pas toi ^ui as parlé , il 7 a donc ici
^pl^u ua ^ui nous guette. .. . Je me sauye , moi.
(Il s'éloigne,)
SCÈNE XL
HENRI, LE SECOND BRACONNIER.
LE SEC09D BBACONHIEB, à part,
I^AftouENfiB ! et moi , je m'en fîiis.
(Il s'éloigne,)
SCÈNE XII.
HENRI, seul, et appelant les braconniers^
£h ! messieurs ! . . messieurs ! . . . Bon ! ils sont
déjà bien loin..,. Ils auraient pu me tirer d'ici, et
pue Toilà tout aus^i ayancé q[ue j'étois.
Théfttrt. Goméai««. l3« '33
»86 LA PARTIE DE CBASSE DE &ENRI IV.
SCÈNE XIII.
MIC H AU y ayant deux pistolets à sa ceinture, et
une tanterne sourde à la main ; HENRI. -
V I C B A u , saisusant Henri par te hras.
Ah! j'tenons le coquin qui yient de tirer sur
les cerfs de notre bon roi ... . Qu*£tes-yous? allons,
qu'étes-YOUs ?
BEiini, hésitant.
Je suis, je suis.... (A part, en se boutonnant^
pour cacher son cordon bleu,) Ne nous découvrons
pas..
MICUAII.
Allons, coquin ! répondais donc. Qu'étes-vous?
, HEM RI, riant.
Mon ami , }e ne suis, point un coquin.
* MICBAU.
M est; avis que vous ne valais guères mieux, car
vous ne répondais paa aet!'Qnest-ce qu'a tiré ce
coup de fusil, que j Venons d'entendre?
Ce n'est pad moi , je vous jure.,
AflCHAV.
.Vous mentais, vous mentais«
BEBAI..
Je mens..:, je mens...'* (A part») Il me semble
bien étrange de m entendre parler de la sorte
{A Michau,^ Je ne meus point , mais. . .«
ACTE II, SCÊNS Xni, 387
. MIC H AU, tialerrompantm
Mais.... xnais...« malt. ..h je n*8ons pas obligés
de yoos craire. Quel çst yot nom?
9S9RI, en rianU
Mon nom. . . . mon nom ?
MICH^Air.
Vot' nom ; oui , yot' nom. N ayous pas de nom?
Q*où yenaift-yous ? Queuque yous faites ici ?
H E nu I , à paru
Il e&t pressant.... (A Michau,) Mais, yoilà ide^
questions. . . . des (questions. . . .
X I c H A u , t* interrompant
Qui yous embarra8sont«.., je yojons ça. Si vous
étiais un honnête homme , yous ne tortillerais pas
tant pour j répondre. Mais c est quVous ne l'êtes
pas ; et , dans ce cas-là , qu'on me suiye cheux le
gardenehasse de ce canton.
HENAI.
Vous suiyre ? £b ! de quel droit ? de quelle au-
torité?
MtCHAV.
De queu droit ? du droit que je nous arro-
geons , tous tant que nous sommes de pajsans ici ,
de garder les plaisirs de notre maître.... Dame,
c'est que, y4>jais-^you8, d'inclination, par amiquié
pour not' bon roi , tous Ts habitants d'ici li sar-
yont de gardes-chasses , sans être payais pour ça ,
afin que yous Tsachiais.
9 V V a I , a part, et d*un ton très attettdrl^
M 'entendre dire cela à moi-même !.«.•• Ma foi !
308^ LA FAïiTIE 1>E CflASSE DÉ^HENRT IV-
c est une sorte de plaisir q^ je ne connoissois pas-
eneore.
niCHAYJ.
Queuque yoos marmotai» Ik tottt bas ? AUont ,
allons , qu'on me »niye.
H E-ff a 1 , d*un ton de badinage.
Je le veux bien.. ^. Mais , auparavant , voudriez-
vous bien m entendre? me ferev-vous cette grâce-
là?
MkiCHAu, d'un ton badin.
C'est, je crats, pu9 qu'où» ne uLérkîûs. Mais,
voirons ce qu ous avais à dire pour votre défense.
H E sr n I ,• toujours d'un ton 6adùu
Je vous représenterai bien humblement , mou-
«ieur, que j a» l'honneur d'apparteniir au roi, et
que , quoique je sois un des plus minces officiers-
de sa majesté , je sui^ aussi peu disposé que vous,
à souffrir qu'on lui fluse* fort. J'ai suivi le- roi à la>
chasse : le cerf nous a menés de lafo»ét de.Fontai-^
B«bleau jusqu'en^ celle-ci ; je me suis perdu , et. — ^
M te H AU, ^interrompant.
De Fontainebleau le cerf vous mener à- Lieui^
lain ? ça n'est guère viaisemblable;
fl^EKRi, à part,,
Ah ! ah! je suis à Lieursain^
MICHAV.
Ça se peut, pourtant. Mais> pourquoi avons-
<[uitté, avons abandonné notre cheii rcri à la
chasse ? Ça est indigne , ça !
ACTE II, SGËl^E XIII. 369
HEKItl.
H«Ias ! liion enfant , c'est que mon chcTal est
mort de lassitude.
MICHiLir.
Fàiloit le suÎTre à pied , morgné S S'il y airrive
qnenqu'accident , vous m en répondrais déjà!....
Mais , tenais , }'ons Lian de la peine à tous crairé.
Là , dites-moi , là , dites-vous vrai ?
HEVRI.
Encore un coup, je vous dis que je ne œns
jamais.
MiCRAtr, h paru
(}ueu chien de conte ! ça vit a la cour, et ç^. ne'
ment jamais. Eh ! c'est mentir, ça.
H EN AI, lé^èrémenU
Eh hien ! monsieur Tincrédiile , dohnex-moi re-
traite chez vous , et je vous convaincrai que je dis
la vérité. . . . (îl'ÏÙè dé sa poché Une pièce d'or, et ia
lui donne.) Pour commencer, Véici d -abord une
pièce d'or, et demain je vou'S' promets de vouis
pa jer mon gîte , au-delà même dé vos soiihaits.
MI G B AIT.
Oh ! tatigué! je voyons à présent ^le vous dites
vrai ; vous êtes de la cour. VcrùS béilkis Utile baga-
telle aujourd'hui, et «vous faisîèn pdtirle lende-
main de grandes promesses , que vous n'qhivoârais
pas!
Il a de l'esprit.
33.
3ç)D LA FAHrjE m CflASSE DE BEIÏRI IV ..
MICHAU.
Mais , apprenais que je n'sis pas courtisan, moi,
que je m'appelle Michel Richard, ou plutôt,
qu'on me nomme Michau; et j'aime mieux ça,
parce que ça est pus court ; que je sis meunier de
ma professions^, (lui rendant sa pUce) que.i*nons
que faire de vot'argent ; que je sons riches,.
B£NBI«
Tu me parois un bon compagnon , et je serai
charnié de lier connoissance avec toi.
MICHAU, fronçant tes sourcils,
(c Tu me par6is! . . . avec toi !. ^. » £h ! mais, y*8
êtes familier , mG|nsieur le mince officier du roi ! . . .
£hî mais, j 'vous valons bien peut-être. Morgue!
ne m'tuta^ais pas , je n'aimons pas ça.
H £ H n I , du ton du badinage.
Âh! mille excuses, n^onsieur! bien des pardons...
^ , u X c H A V', l'inUprompant»
£h! non, ne gouaillais pas. C 'n'est point que je
soj^ons fiars; mais c'est qi|.e je. n'admettons .poini
de familiarité avec qui que ce soit que paravant je
n'sachions s'il le mérite , yojais-vous ?
BEsmi, d'un air de bonté.
Je vous aime de cette humeur*là. Je veux deve-
nir Fotre ami, M. Michau, et que noub nous tu-
toyons quelque jour.
H I c a A u , /ai frappant sur C épaule.
Oh ! quand je vous connoîtrons , çà s*ra diffé-
rent.
ACTE II, SCÈNE XIIL 391
a s 5 B I , souriantm
Oh! oui, tout différent... Mais,' de gr&ce, tirev
moi d'ici à présent^
Très volontiers , et pis que vous êtes honnête ,
je veux vous faire voir , moi , que je sis bon-homme.
\enei, vous-en cheux nous; vous y verrez ma femme
Margot , qui n'est pas encore si déchirée , et ma
£lle Catau , qui est jeune et jolie, elle h
benui, avec vivacité.
Votre fille Gatau est jolie ? elle est jolie , dites-
vous ?
MICHAU«
Guiahle! comme vous prenez fîeu d'abord! vous
m'avez l'air d'un gaillard.
H ES AI, vivement.
Mais , oui , j'aime tout ce qui est joli , moi , j'aime
tout 06 qui est joli.
MICHAy^
Eh ! oui , l'on vous en garde ! . . . Oh ! mais , né
badinoii^ pas.... Yenais-vous-en tant seulement
souper cheux moi... Mon fils arrive c'soir; j'ons
une poitreine de viau en ragoût» un cochon d«
lait et eun grand lièvre en civets
HENRI, galment.
Vous aurez donc un lit à me donner ?..••• Mais,
sans découcher mademoiselle Catau,
Oh! je vous coucherons dans un lit qui fist dans
not' grenier, en haut , et qu'est, au contraire , fort
39a LA PARTIE DE CHASSE DE HEtIRI IV,
éloigné de lendroit on couche Catau , et ça pour
caase Je vous aurions bien baillé le lit dç nof
fils , s'il n etoit pas reyenu ; mais , dame ! je tou»
Ions que not' enfant soit bian couché, par par*
férence..
H E BT n I , toujoai*s gatment et avec hotité.
Gela est trop juste. Pardteu ! je serois fâché de
le déranger , et vous avez liaison ; cela est d'un bon
père.
MICHAU.
G*e$t qu'y sera las, cesf qn'j'Ben. barrasse,
vojais-TOUs?.., Allons, allons, yenais>vou8-en ,
monsieur. . . Avous faim ?
HEiTBi, i;f(^emeft(.
Oh ! une faim terrible ! /
MicnAv.
Et soif k Tayenant , n est-ce pas ?
H EU RI.
La soif d un chasseur ; c est tout dire«
MICBÀU.
Tant mieux ! morgue ! y'm'àyais Pair d*un bon
vivant! Bute^-vous sec?
H SUBI, gàtment.
Oui , oui , pas mal , pas mal.
MICBA17.
Vouv êtes Inon homme. . . . Suivais-moi. ... Je
voyons que nous nous tutoierons bentôt k table.
J* allons vous faire boire du vin que j 'faisons ici. Il
est excellent ; quand ce seroit pour la bouche du
roi.. . Lalssex faire , nous allons nous en taper.,
lOTE 11^ SCÈNE XriT* SgS
YEHAI.
TeBCi^saingris i je ne demande pas mieux^
MICBAU.
OL! pour le coup, j^ tojrons bian-qne tous n'a-
Tais- pas menti ; vous M' officier de not* bon roi ,
car vous- y'nais de dire son juron.
H £ V B I , À pof^f 0'i ^^n allaïu.
Continuons à lui cacher qui nous sommes. . • Il
me paroît plaisant de ne me point faire connoître.
(Xi j'eM va avec Michau, qui ie prend paf la main. )
via »« »x.coft> Acss«.
596 LÀ PARTIE DE CHÂSSE t>^ H£3mi IV.
>CATAV.
Eh 'bien! ma mèi«, contez-nu>î donc d'autres
histoirei. . . Contez-moi , par exemple , d's'histoirei
d'espritSL C'est ben singulier! je n'youdrois pas
Toit eun jBsprit pour tout l'or du monde, et si c*ta-
N pendant je sis charmée quand j*entends raconter
d's'histoires d'esprits. Si ben donc , ma mère , quv
TOUS allez m'en dire eune ?
M A n Or o T « tout en'fiiant.
Volontiers , Catau , puisqu'ça te réjouît. . . Mais
c't'ella est ben sûre , ma ^Ue ! c'est Michau , c'est
rot' père li-méme qu'a vu ^reTenir c't*esprit4à
qui reyenoit.
CATAU.
M on père l'a TU ? . . . il l'a yu ?
BIABGOT.
Vot' père. ... Ce ne sont pas là des contes , puis-
que, c'est li-même qui l'a tu. . . Je n'yenions que
d'être mariés , et j yenoit de perdre son père j et
y'ià que , tout d'un coup , quand Michau fut oou>
ché, et que sa chandelle fiit éteinte, il entendit
d'abord l'esprit , qui reyenoit sans doute du sab-
bat. . . qui s'glissoit tout le long de sa cheminée. ,
et qui entrit dans sa chapbre en traînant de
{grosses chaînes. . . trela à. . . trela à. . . . trela à. . ,
trela !
c ATA V , tout« tremblante,
- De grosses chainei 7 Ah ! U.cçiur me b^ f, . • D«
grosses chaînes ?..•
ACTE ïli, SCÈNE L %
MAHGOT.
ùvd, mon eiif«ut, du grosses ûhaines; et ^ui
foisient un bmlt terrible ! ... Et pis après , le reye^
nànt allit tout droit tirer les rideaux de aon lit 2
cric ! . < . cracl. . « cric! * . . crac! * . .
c AT A u , tremhkint encore davantage,
Âlil bon Dieu! bon Dieu! que j'aurois t'^ea de
iirajeur !... £lxJ de queue couleur sont l'slesprits!
Dites-moi donc ça, pisque mon père a yu c'ti-l&?
MARGOT.
Oh! pardienile! il n'dl* yit pas en fade; car do
peur de IVoir , vot* père fourrit brryement sa tèté
SOUS sa^couyerture. Mais il entendit ben dîstincte-r
ment lesprit qui lui disoii : a Hettds II monsieur le
u étiré six gearbes de bled dont ton pèrtf li à hit
« tort sur la dime , où sinon , demain je yiendraî
u te tirei^ par les piedSi »
cATAv^ piat H^nUftantê»
Ah ! tout mon sang se fige ! ; < . Et mob père eut'
il ben peur? ( Ou frappe à ta porHé) Bonté diytnel
n>M-«e pas^làtin esprit ?
MAAGOTj ttemiiani auisL
Kon, non, c'est qu'on fri^pe à It porte. .V Va-
ft*e« ooyrir, Gatau.
t AT At i àêoUrkkt dé peurM
Ah! ma mère , je n*Oserois ! Allez-j yous-lnêjtat.
Vous êtes plus haBardeuss que moi*
' iiA.aGbt.
Eh ben! eh ben! idt0ns-7 toutea les deux tn*
iemble.
a^S LA PARTIE Î)E CHAS5IÇ DE HENRI iV,
CATAU.
Mais ne pariai» donc pas comme *i vous aviaia
pear , ma mère ; ça me fait trembkr dayaatage, -
MAROOT.,
Non, non, mon enfant, 81 je pis m'en empêcher
(On frappe encore plat fbn.)QvLi va là? qui ya là?
Tncaktiti^ endekors.
C'est moi ; ouTre».
CATAU, frissonnant de tout son corps.
Ah! ma mère, ça ressemble à la voix de mon
frïre Richard^... T uéra mort, 9% c'est son esprit
qui reviaqt»
fi AB <» o T » se rasswTMnU
A Dieu ne plaise !.... J>i daiis ri4ée , moi ^qat
cleat li-mème,,
( On frappe encore. )
BiCBAftO, endekors,,
Oavitt donc... Eh ! mais, ouvres done.
H A a a o T , courant ouvrir^
Oh! c'est li-même ; je vons ouvrir.'
SCÈNE II.
KICHAKD, MARGOT, CATAtJ.
aicHARn,^ Margot , en l'embrassantu
GoMMEHT vous portez-vous , ma mère?
MAÏIOOT.
fort bien ^ mon cher eufant.
ACTE ni, SCÊÎTE II. 399
BiCHARD, à Qàtau , en ^embrassant autsL
Et TOUS , ma sœur Catàu ?
CATAU.
A merveille , mon eher frère.
KiGaAK», à Mar^oU
J'ai cru, ma mère, que vous ne vouliez pas
m'ouvrir?
MARGOT.
Mou Dieu !' sifait , mon pauvre garçon ; mftis
eest que ta sœur a eu une sotte frajeur....
GATAIT, l'interrompant, à Richard,
"Qxxi , c*est qUe ma mère a eu peuri.. Mais qu'a-
vovs fait» cher frère? . . . £h biij9n h avons vu le roi?
MARGOT, à Richarde
Est-il bel homme ? Oh ! il doit être biau , il est
si bon!
R I CH A R D..
Hélas! je n'ai pas pu le voir.. . Je vous conterai
tout cela. Mais permettes-moi de youb demander
auparavant où est mon père.
MARGOT.,
Il a entendu tirer un coup dé fusil : it est sorti
pour voir qui s'péut être.
RICHARD..
Lès braconniers ne vous laissent point tran-
quilles?
MARGOT.
Oh! c'est eune varmine qu*oh né peut dé-
tranger.
4qo hk PARTm DiE CÏÏA^E W ^ENRl IV.
M I C 8 ▲ V , fruppaHt 'en . dehotB»
Holkï héel Margot! Çatftu ! çunc lumière , «up©
luinièret
M A n G o T , À Richard j sn aUant.ottvrlr la portç-
Tians , tian$ , v'ià ton père qu'arrive,
SCÈNE IIL
9£NRI, MICHAU, MARGOT, CATAU,
HIGHARD.
MÂnaOT, à Michau^
En benl rçoqain ^u'ai tiré )e coup fiç fiisil.est-
jpris?
H I C 8 A v , lajM voir d'abord Richard , et en mofi''
trant Henri.
Non, Margot. Je n'ons rian trouvé que c't etraii*
ger, à qui faut qu*tu donner ^ souper et tvm loge»
ment pour c'te nuit,
M^n^OT.
Oh! j'bnft I>en, nous, trouvé eun étranger l)e|i
majeur , pisqull nous appiirtient. ( Montrant Rt-
chard%) y Ikl^ichAvàr^Yenn.
MiCBAv, poufsant très fort Henri , fMur tUter k
Richard.
I^ot* fils est revenu! ( Montrant Richard et aUant
i'émhrasser» ) Eh ! }e vlà ce cher enfant!
.HENRI, à part et en rianU
Qn'il xn'isnt poussé nn peu pliis jPort, et il m*«û|
jçté à terre.
ÂGTB III, SGËNB III, <ûi
xiCHAU, ^ IUckard%
Mais f|ueae joie.de te revoir! £h bianl comment
t'en-ya, mon garfoii?
BIGRAKD..
A merveille , mopt père , et le eifint attendri de
Votre bon accueil,
H EN ai, a paru
Quelle joie nalye !
Ma foi ! monsieur , vous excuserais , je si« ravi
de voir ce pauvre Richard, si ravi... (A Riclmrd,
en tournant le dos à Henri) Ignia pus d un mois
que je n'toos vu. . . . Obi oui , faut <|u*gniait pus
d'un mots,
MARGOT, s Richard^,
Je t'trouvons un peu maigri.
CATAu, à Richardr
Oui , t^as la mine t|n peu pàlote. ,
aiCHÂan, à Margot,
Je me porte bien , ma mère.... (A Catau,) Cela
Ta bien , Gatau.
HicHATJ, s^atseifant pour se pure ôter ses guêtres.
Tant mieux , mon ami 1,,{A Margot et à Catau.)
Msis , ardez-onoi un peu , vous autres , h me débar-
rasser de mea guêtres, car j*ons peine à nont
baisser. .,. (A Richard,)^ Et toi , mon fils , di»-nou8
idkmc; aooate ici. (U continue de parier bas avec
Margot f Richard et Caiau, 4fui p^oissent tui ré
pondre j et U ne àe the que Ur$<fWit U toi a fini son k
parte.)
34.
4oa LA PARTIE D£ CHASSE DE HENRI IV.
HEHBi y à part, ïanAis i^uits causent tous enstmbie.
Quel piftiftir ! Je irtifs donc avoir encore une foi»
la satis&ction d'être trahé coinkiie un homme or-
dinaire y de Toir la nature hamaine sans déguise-
ttent; celactot ckarmant!... (Regardant Miehau et
sa fiimllle») Ils ne prennent seulement pas garde à
moi«
M I c H A u , paroissant achever ce ijuit diséii tout bas.
Mais enfin , Richard , qu*est-ce qui t'a fait reve-
nir sitôt"? Est-ce que t'aurôis réussi? Aurois-tu
parié au roi ?
/âichAan.
Non , mon père ; je ne Tai pas vu plus que vous
tous ; et ce qui m'en a empêché , c'est que . . . (Re-
gardant Henrié) Je vous eitpliquerai cela en détail,
quand nous serons eu particuiîer. .
MICHAU»
T'as raison ; je causerons de tout ça quand je
serons seuls. . . . Mais » à c't'heure^^ci , mpi , .parions
donc de la chasse du roi , qu'est venue ici , d«
Fontainebleau. C'est singulier, çai.... (Montrai^
Henri,) Et ce monsieur, qu'est un petit officier de
sa majesté , à ce qu'il di| , qui l'a soivi kjtk çhti$$9 1
qui s'estigavé , et que je ramassons.,. . .
aic^Anpv
Cela est trè^ bien à vous , mon fènyttJÈtoat» !•
recevrons de «ofrè mieux.. ^ -r ;v •<
En vérité , messieurs , je suis l)ien sensible à' ti^ji
ACTE III, 8CÈ^E m. 4o3
bonnes façons paUr moi l.,.(A part.) Pardieu ! ces
pajsans-ci sont de bien bonnes gens.
TÊicmt, à Margot ^t à Cataa.,
Allons, Mariât, allons, Catau, iaites - nons
ioiiper, mes enfants.
lÉAAeOT.
Not' homme, je voils demandons encore nn
petit (Judri d'benre.,
(Etie sorti)
SCÈNE IV.
HENRI, MICHAU, RICHARD, CATAU.
CATAU, à Michauy en lui montrant la table,
M OH père, v'ià h. nappe . qvietoit deja mise
d'avance.... (Montrant Henri) Je vons cha^chcr
encore un couvert pour monsieu. . . . (ii Henri , en
lui filtrant la révérence,) Monsieu a-t'jr euo couteau
sur lui ? .
HENRI.
Non , belle Catau , je n'en ^i.ppiftt: ..
GAVAV-
J« VOUS f^povteséiii dgne «eluî de \m cuisiae.
( Elle 9m!U)
» '
' I
4o4 LA PARTIE m CnASSJ^ VE HQItRI IV,
SCÈNE V-
BEIiRI, MJC9AU, RIiqBARD.
Vous ayiez bien raison, papa Miehan, iiiad«-
moiselie Gat%ii est la beauté inéme,
' ariçHAy.
Ob ! sans vanitaî , j'nons jamais fiiit qne d'biao^
•nfants , nous. ,., (^ppe/aiil.)4if air , Gatau ï béeï* . ,
J'onbUois,..^
SCÈNE VI,
ÇATAU, HJENRJ, AfIGHAU, RICHARD,
CATAu, ^ MfcAaif.
QviVQtfs TOUS sonbaitez , mon père?
WICBAU.'
.Parguenn« î fille , c'est que j*n'y pensions pas.
Rince un grand gobelet. .,. (montrant Henri) et ap.
porte à monsieu eun coup de cidre. Il le boira ben ,
en attendant le souper ; il doit être ajtéré ; c nesl
pas comme nous V ly. '
«Esait
Vous me prérenes; j aUoi&vou^.fbmanider un
ooup à boire.
catau.
Vous Tallais avoir dans l'instant > monsieu,
H £ V a X , /ai pauant ta main sous U menlon.
Et de Totre main , il sera délicieux.
( Catatf. sott }
ACTE III, SCENE VII. 4o$
SCÈî^E VU,
* ■ •
HKNRI, MIGHAU, RI€HABD,
MiGBAv, à Henri,
C*fST qjaqn )^,»oi£ quand on ïi<:bMSéf-< Je. 9^
yons ça...^"^ Richard» )Eh bian ! mon garçon , disr
nous donc , quenqu' t'as yu de bian à Paris?
Mon père, quand je suis arriyé, quoiqu*il y
eût plus d'un mois passé depuis la maladie de
notre grai^ d monarque , tout Paris étoit encore
iyre de joie de la couyalescence de ce roi bie))
aimé.
MICBAV.
C'a été d'nféme par tonte la France ; mon en-
fant. Eh, tians, le seigneur de uot* yillage ayoit
bian raison de d%eque cest lorsqu'un roi est
bian malade qu'on peut connohre tjusj^u'à queu
point il est aimé de ses sujets.
beK'hi, à paru
Quelle douce satisfaction !
BiCBAAD, à Michau*
Oui, mon père. Hélas! j'ai yu k Paris tout Iç
monde heureux , excepté moi.
B V H R I , avec une grande vivaéit^ de sentiment.
Excepté vous y M. Richard? Eh! pourquoi cette
exception ? Quelle raison , quel chagrin yous avoit
donc fait quitter yotre yillage pour aller à Paris ?
.4o6 LA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IV«
MICBA¥.
Oh çâ! c'est euae autre Histoire qne Riehard
ne »e soiicie peUt-êt' pas de. tous' di^re , Yo jais-
TOUS.
benhi. à Richard,
En ce<îa3--l^> j'aitort; pardonniez mon in3iacré«
tion.
ICICBAV.'*
Oli 1 %iiia pfts grand tnal à ça.
SCÈNE Vlli.
C AT AU, apportant an pot de cidre et un verre ^
HENRI, MiCHAU, RICHARD.
M ic H A u , k Cataa., en tnonlMnt Kettri',.
AliiOns , rarsi à bcôre à monsigeto , ista Gatau ; y
t'saryira l'^our de tes noces. . ^.{'Cflifiikfaii prendre
ie verre à Henri s. et lui verse d^ cidre. )i{A Henri. )
JVous ont iÎEiit^doBner du cidre , putôt que du yin,.
parce qtie ça rafraîchit mieux.. .^ ATakÛ^nnoi ça ,
père. ( Il lui frappe sur VépauU») ■
A votre santé , M.. Michau.. ...^ (A Richard. } A la
vitre, M. Richard..... (A Catau.) A la vôtre, et
pour vous remereier, très Leilè et très obligeante
Catau..
HIGHAlT^
Eh ! motgnc! j'oublîois... f^KicAarj. ) Richard,
avant de iOuper viens -l'en ranger, avec moi ^
queuciues sacs de &rine , ém sont dans not' cour.
ACTE m, SCÈNE VIlî. 407
Ne faat point leux laisser passer-là ]a nuit h l'air.. <
{Â Henri.) Vous voulais bi»u le pfrtiMttrçv non-
sien?... (À Catau,) Toij Catau, refte ay^ not*
h6te pour 11 tenir compagnie.
C A T A n..
Vous n*aui>ez donc pas besoin de moi , mon
père?
MICHAV.
ïfon , fille , tians-toi là.
(Il 4ort avec Richard A '
\ *'
SCÈNE IX.
HENRI, CATAU.
H E V a z , <k part, fur te bord du ihéâlre.
(Eir yérit^, la petite €atftu est ciianftaiMe!...
mail ^ ehamante ! . . •• Si' elle snyoét ^ j<e «uisT. . .'
Non , non , rejetons cette idée-, ce Mfott'vii^eT les
droits de rhospkalité.
QaeoqaVoos faites donc là, tout debout ,^an»
un coin, monsieu? Qne ne yons assisez-TOUs ?
J>ons TOua chercher une chaise.
( ÉUe faU' (pÊei<fite$ pat pour alier 'cfurehet une.
. chaiê», }
H B S a I , Vunritant jpar la r^aia , et la relemamt* *
Demeurez, belle Catau... Je ne souffinouà pAÎst
que TOUS preniez cette peine.
CA.TA17.
Aga, T'ià encore eune belle peine l Est-ce que
4o8 LA PARTIE DE CHASâ^ DE â£]^U IV.
vouft noua {>i«iiftîs pour vos poapée» die tilles de
Paris ?.«. Mti« lâclmts , lâc&ais-i&oi donc la main*
B-ERAi, la lui retenant et la caressant:^
Totre main ? Oh I pour cela non ; elle est tr6p
jolie ; je TOUX la garder.
t A T À y , retirant sa main rudetnent.
Oh! laissais, s'il vous plaît. J'n'aimons pas le»
compliments ; et , surtout , ceux des messieux.
Ignia toujours à craindre pour les filles qui les
écoutons.... Je savons ça.
, ItEHBl*
Oh! vkùn petit co0ur! vous nOftiyien à crain-
dre avec moi.
CATAtJ.
ie anous y. fions pas , vojrais-vo^s... (S'apcece-
çant ifige Mej^ri Ut r^^rds d'an œit de eonvoitite*y
Vous me regardait. • . . vous me «egardaia. • . • /avec
Ides jeux.... avec des jeux.... qui me font peut!..'
Oh ! vous m'avez tout Tair d'un bon enjoleux de
filletl... ypjait encore comme j me regarde l
BEitai, eji tianU
Eh! mais , voua, Gatau , vous m'aves Tair bien
JEirouebe* Dites-moi donc , rétes-voua àutaiit que
cela ayec tous les pajsans de votre village?.. Avec
une auasi jolie mine , voua deves avoir bien dea
aÎBOttreux?
Eh"! niait) tredame! monsiea, je u*e& man*.
quona pat*
ÀGTÊ III» SGENË IX. . 409
HKVRIl.
Je le crois bien..'»* Eh! sans doute, il j en a
q[tiel<pi*nn auquel yotre petit cœur donne la pré-
férence ? Je le trouve bien heureux!^
OATÀV.
Eh ben ! y dit toujours comme ça , lui , qu'y
n'est jamais assez heureux.... Ces hommes ne sont
jamais conten,ts.
HBHBl.
Cependant , vous l'aimez bien ; avouez -le moi.
CATAtr.
&iî queSt-cequî n'aimeroit pas Lucaà? G*ta«
pendant, parcie qu'il n'est pas autrement riche,
mon père barguigne toujours k nous marier en-
semble*
HSHIII.
Oh ! il faut que votre père vous fasse épouser
Lucas, qu'il en finisse : je le veux absolnment^
je le veiïx.
CATAtf.
a Je le veux , je le veux... » Gomme j dit ça , c*
monsieu! « Je le veux!... » Eh! le roi dit ben s
« Nous le voulons. ... » Oh! sachais qu'on ne £iit
vouloir k mon père que ce qu'il yeut , luii
H E B a I , en riant.
Quand je dis< . . . que je le veux. • . . cela signifie
aeolement que je le souhaite.... {A patt, en t'éioi-
^nant un peu») Tû pensé me trahir j j'at fait^là le
ffoi , sans m'en apercevoir.
^ Tké«ir«« GoaidM«« t3« 35
4.10 LA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IV.
G A T ▲ u «, ià part f en allant à Henri. -
T rsou&aité I et jr me planta \ht , pour aller se
moquer' de moi tout là-bas.
B-BViii, /a caressant»
Non, ma chère fille; et tous verrez si je me
moque..* Je compte parler à M. Michau , de façon
que vous épouserez .votre amoureux.... et j ose
vous prédire qu'auparavant que je sorte dlici
vous serez heureuse...^. {La serrant dans ses bras. )
Mais bien heureuse,
GATAu , «e défendant de ses caresses.
Allons, allons, ne me prenais pas commença;
aussi'-ben vlà que j'aperçois mon père.
SCÈNE'X.
MIGHAU, MAOIGQT, RICHARD, HENRI,
_ . CATAU. .
MI G H A ir , ^ Henri , en montrant Catau,
Paedov, monsieu, de not' incivilitai, de vous
avoir laissé seul avec c*te petite fille , qui ne sait
pasêticofe entretenir les gensr^mais cest qu*fkat
faire «et afiilres , ' primo , d'abord.,
KAB60T.
Mon mari , tout est prêt pour le souper*
(EUesorU)
A.CTE III, 3(!:ËNE XI. 4ii
SCÈNE XL
H£NRI« JtfICHAU, BIGHARD» GATAU.
MieHAV, à Henri.
£b Kiaa ! boatons^noos à table.
GATAU. ■
Faudrpit l'avancer ici-, la table, ponr ^u'on
puisse passer par derrière^.. ^ (A Rickard.) Mon
frère , prêtez-moi un peu la main. {Elle va pour^
prendre ta table avec Richard, et Henri veut lui en
épargner la peine. )
HENnl.
LaisseznmOii faire , ma belle enfant. Vous n*êtes.
pas assez forte. ^
G AT AU, te repoussant.i
Je ne sons pas assez forte ?.. Allons donc, mon>
siea, }e ne souffrirons pas qu'cheux nous, voua
preniez la peine...
H EH m, t^interrompanH.
Eh ! non , laissez-jvioi faire.
MfCHAu, à Richard.
A noua deux. Richard.... (Miehau et Rtehard
tfont prendre ta table, et ils V apportent iur te devant
du théâtre.) {A Catau.) Toi, Catau, va-t'en avartit
ta mère , et sarye^nous à souper tout de suite»
( Catau sort» )
4 1 » LA PARTIE DE GBASSE DE HESmi IV.
SCÈNE XII.
HENRI, MICHAU, RICHARD..
(Pendant que Micliau et Richard apporteQt la table,
Henri va chercher le banc , et range les ^jbçol chaises
de paille aïoE deux coins de la table.)
MiC'QAp j ^ Menfi, 0n lui arrachant une chaise de ia
main.
ObI parguenoe ! monsicu , permettez -nous
défaire les honneurs de cheux nous. Richard et
moi , j'aurions été chercher le bal|0 et arrangé' fort
bi^n nos chaises , peut-être,
^ BEITRI.
Bon ! bon ! sans fa^on , Jtf . Mfchati. . . . OK ! par-
bleu ! sans façon»
9iicnAv, iui arrachant l'autre. chaise de la iiùiiii.*
Koi^ , monsieu , ça ne se passera pas comme ça ^
TOUS dit-on..
SCÈNE XIII.
MARCOT, CATAtJ , apportant les plats du souper ;
HEITRI, MiCHAU, RICHARD.
M fc H A D , À ioui le monde,
Alicohs, boutons -nous vite tretous k table,...
(A Henri, en lui montrant une chaise,) Mettais- voQf
sur c'te chaise-li, monsieu... {AMar^ot, eu lui rnow
trant une autre chaise,) Toî^ftlargot, prends <^*taate
chaise , et mets-toi Ik,
ACTE III, SCÈNE XIU. 4, a
Ehi non, prenais-la pntôt; vonf ayais d*cou«
tcmiM de vous mettre sus eune chaise , mon ami,
H s V B I « ^ Michau , en lui offrant sa chaise^
Mon dieu 2 ne vous déplacez pas , M. Michàn ;
reprenez rotre chaise. Je serai ravi d'être sur le
banc , moi : cela m est égal , en yérité.
MICHAU.
Morgue ! monsieu , est-c* qu Vous vous gausser
de nous , ayec vos façons ? Je sayons viyre. Est-c'
^ Vous nous prenais pour des cochons ? Faut-y
pas qu'un étranger ait le mejeur siège , donc ?
BENllI.
Allons , allons , j'obéis , monsieur.
MiCBAU.
Vous faites bian... (A Margot,) Sieds-toi donc^
femme. Je voulons rester là , entre ma fille et mon
fils. (Ils s'asseyent tous.) {A tout le monde.) Ohl ça '
beuvons un coup , d'abord : ça ouvre rappétit.
BEBBI.
Vous êtes homme de bon conseil , et vous in|«
pirez la fi>anche gaité, M, Michau... (Refusant de la
finie qui est devant Michau, et dont celui-ci /Si offre ^
et se saisissant de celle qui est devant lai.) Non , ser-
vez madame Michau.. .. (Montrant Catau.) Je vais
en verser, moi, k notre belle enfant, et je m'en
servirai après*
^ MIGBAV..
C'est bian dit (A Margot) Tiens donc,
femme. . . ÇA Richard.) Tiens donc , Richatd. . . (lis
35-
4 1 4 LA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IV..
boivent tous à la santé de Henri comme leur eom^iéJ)
(A Uenn.) Monstev, j'ons Tfaonaeiir dt boire k
VOt'.Stttt^.
fttCHAUD^A Henri, tnr humant à sa santés
Monsieur , pctnûiettCT-vous ?
BEimi.
Bien obligé y messieurs et mesdames. {A Catau,
en lui serrant la main.) Je tous remercie , cbarmante
Catau.
c AT AU , faisant un petit crL
Aye ! aje ! monsieu , comme vous me sanez la
main! Ça m'a fait mal, da.
HESni.
Pardon , ma belle enfant ; je suis bien éloigné
d'avoir l'intention de vous jfaire du mal ; au con-
traire.
M I G H A u, servant Henri.
Tenais I monsieu» je vous sars ç'te première fois-
ci : passé ça , sarvons-nous nous-mêmes sans çari-
monie. C'est aisé, car nos viandes sont toutes
coupées.
Kl 9 n I , prenant ce que lui offre Michau.
Grand merci , monsieur^ {A Catau , «« la servant.l
Que j'aie l'honneur d« vous servir , ma belle voi>
•ine. Je ne sais, si tous arex ie l'appétit j mais
vous en donneriez.
QATAV.
C'est vat* gcftdQl Ben obli^^monueui v's*étes
bea ^lil
ACTE III, SCÈNE XIIL 4i5
M IG H A V , À MÀrgoL
Prends doBC^ femme. ( A Margot efà Biekard. )
Allons, prenais, vous autres; je sissenri, moi«
( Us pmroiisenlmauger commn des geais. afiunéi, sur^
tout Henri, ^tU frange avec une grande vivaeiléj ce
qui est marqué par des silences.) V'ià un biau mo-
ment de silence. Allons, ça ya bian : nous man-
geons comm* des diables.
C'est qu'il n est .chère que d'appétk.
HBvmi, foui en mangeant avec vitesse,
Ob l ma foi ! voilà un civet ^ui en dtonneroit
quand on n'en aurait pas. Il est actommodé admi«
rablement bien.
MAnaoT.
Ob ! je Tons accommodé à la grosse morguenne ;
mais G est que monsieu n est pas difficile^
•^ bichaud.
Non , ma mèn , c est que moileienr est honnête*
Il veut bien trouver k son goût oe qu'il voit que
nous lui donnons de bon cœur<
BEiTBi , en mangeant et dévorant encore^
ffon, en vérité, sans complimeiit , ee civet-là
est une bien bonne chose , d'honneur.
M I c H A 17 , prenant la pinte^
Eh 1 mais , si je bvàviàasas?
C'est bien dit , ear je m'ésf ooe . ( VefBéUit à Ca-
tau. } Et puis je vauK griMt un' peu madettoîsclle
Gatau, pour lavoii si elle a le vin tendre.
4 16 LA PARTIE DE CHASSE DE HEKRI lY.
c ATA V , hausMani fon ^àheleL ^
Amus , ànidfl , monsieu. Comme tous y «llaîi !
( Us boivent et choquent tous. )
XAAaoT, à Richard, oui cesse de nuaufer^
-Quenque t'as , mon fils ? tu ne manges point..
AIGHABD.
J'ai assez mangé , ma mère , et je n'ai rien.
MiCBiluj ia bouche pleine.^
Ehbian! Richard, pisqne tu ne manges pus,
chante-BOU» la p'tite chanson. {Â Margot.) Ou
putôt , femme , commence , toi , ça yanra mieux.
Tians , dis-nous la celle que le gard**-cha96e rap*
portit de Paris la semaine der^ète?
MAnOOT..
Laqueulle donc ?
MlCBAV.
Eh! parguenne! la celle qui décourre le pot
aux roses des amours de not* bon maître arec c*te
belle jardignière du châtiau d'Anet.
V A ^ oo T , avec embarras.
Eh ! mon ami , je n'me souylans pus d'iair.
-MtCHAV.
Tu rêyes donc? Eh! c'est l'air decenoël nou-
Tîau;
(Chantant.)
et Où s^en vont ces gais beige», ete. »
MAEoo^T, ^interrompant*
^ Ah! oui , oui , je ml'ri^^eUe. En r'ik assex {A
MenrL ) Voua exiWferais , .monv^pu , ai j chantons
comme au yilli^e. .
ACT£ III, SCËNB XIII^ .^ly
Oh I je Sttts sûr que tous chantex tvèê bien.
• MARaOT.
C'est Tot' grâce. . . Maia y'ià to9 joun la chantoa,
à bon compte;
( Elte chante. }
C'est dans Anet que Von Toit
La belle jerdigpière,
Qu'un grand prince y à ce qu'on croit ,
Aime d'une magaière
Qu'avant deux du trois mois Ton prëyoît
Qu'aile deviendra mère. '
jfiCHAir, à Henri j en interrompant Margot.
V. Aile dcTiendra mère! » C'est un peu libre, ça*
HElTBi, soarlant.
Oui , oui ; ce n'est pas autrement se gèner«
MAAOOT.
Acoutais àone le reste ; ignlen a encore deco^
yarsets.
( Elle chante. )
C'ait lui qui de ta beauté,
La belle jardignière,
CeuiBit avec loyauté
Cette fleur printagnière
Dont le fruit, '4 sa maturité ,
Te dent rendre ben fière*
* Le grand-père de Dufresny, dont nous avons des
09médies, étoit^ fils de la belle jardii^ère d'Anet |t de
^ettri tV. (Note de l'auteur.)
4i3 LA PA&TIE DE CHASSE DE HENRI lY.
, M I c H A V , À 'Renri , tn Interrompant Margot»
AUe «un raisoni d'être fiarel Tenais, sli'aTioi&
été jolie fille, jauriois touIv ,moi , avoir eun reje-
ton de o'héro»»là par moirméme»
CATAU.
Fi donc , mon 'pètt !
MA]|«ox, à Michaum
Ah! ça n'est pas sage, not* homme «, ce qn'ons
dites -là. Ça R«Bt pas benséyftnt^ Vaux mieux
mUaisser acheTer de chanter.
( Ëtte chanté, }
Ta fais courir après toi,
La belle jaidignière,
Va galant ipi sons sa loi
A mis la France ^aquière :
Gaaoo», soldat « capiuine et lo»,
Tu dois être bian fiëve.
BttCRAu, à HênrL
L'appeler gascon , ça est plaisant , ça ! pi|^ Trai?
B £ V ai , d'un ton ^dîn, mait sans rire.
Oh I très plaisant , très plaisanj !
MICHAV.
Oh! oui, oui, ça est drâle! {A Rickard,) Mais k
toi , à présent. Dégoise-nous c'te chansoo que t*a-i
Yois faite pour Agathe.
mcHAan..
Ah! mon père! depuis qu elle m'a trahi....
a E ir a I ,, ^interrompant , tout en dévorant.
Quoi ! Totre maîtresse vous a tra}ii , M. lUchard ?
Eh ! contez-moi donc ^a.
ACTE ÏÎI, SCÈNE Xni. 419
M I G H A n , toujours mdntfeaM.
Ne li en parlais donc pas ; vous le feriais pleu-
rer. Point de queustion là-dessus. V*s êtes trop cu-
rieux, au moins. {Â Richard,) Allons, chante ça^
te dî^-je.
^ A iiù or, à Richard.
Oui , chante , inon fîeu ; 9a t eg'ajrera , et nous
itout.'
CATAU, à Richard.
Oh! otû^ oui, clunu^z, chantes, mon frère; et
pift j'en<cJifmi^xon3 evne après.
'HENRI, at^ec feu.
Je serai ravi de vous eft tendre ! j'en serai en-
chantée
M I G H A V 4 à Richard.
Allons , chante donc; je le yeux': ne fais pas Ici
henais.
K IC H A n D , d'un air triste et contrainti
G est par obéissance pour y'oùs , mon père ,
( montrant Henri) et .par égard pour monsieur, qui
n a que faire de ma tristesse, que je vais «hanter i
car je n'en al nulle envie , en- vçrit^.
( Il ch^tnte. )
>
Si le roi m'avoit donné
Paris , sa grand'ville ,
Et qu'il me ÊiOftt quitter
L'ianour dé ma nriey
ladiff^iB au roi Hèmi t
420 LA PARTIE DE CHASSE DE RESill lY.
« Reprenez votre Paris.
« J'aime mieux mtmiA»
« Ogué,
«t J'aime mieux ma mîe! >
[Eenri se détourne et répète, à demi-voix, aU roi
Henri , d'une façon ^aU et d'un aif satisfait, )
B B BT R I ,r«i Michau , en montÊ'ant Richard,^
li'a chanson est jolie , très jolie , et moAsietir la
ehante à merveille. ^
MtCHAt!. /
Je 1 croîs, qà*i la chante ben !- Pargnenne ! eh!
c'est li c[ui l'a faite. . . Dame! monsien , il est sayant
not* fils.
a£«Hi, àCaiaUé
Et vous , aimable Gatau ; la TÔtre , à présent?
CATAtJ.
Je n'nous ferons pas presser ^ je n'ayons pas
tune assez belle voix poitr ça. \
(Eite chante, en ayant le visage touhié vêts Henri,)
Charmante GabrieUe, ^
Perce de mille dards ,
Quand la gloire m'appelle
Sous les drapeaux de lillarsy
Cruelle départie !
Malhenreuxjovr I
Çtte ne sois- je sans vie»
Ou sans amour!
f^ Henri se détourne et répète tipec émotion i l^har-
mante Gabrielle , pendant que Catau eontiniie de
chanter, «f sans qu'eiie iHnUtrompe pour ce/a. }
à€TË ni, S€ÈN£ XnU à%i
asiiBi.
C'est ckanter comme un ange, {Il einbrasse Ca-
tau, ) CSela mérite bien un baiser.
c ATAu , honteuse et s'essu^ant la joue.
Pardi ! monsieu , y*«ites ben libse avâc les filles.
Allons; tu t'es t'attire ça par ta gentillesse j faut
en conrenir. (Sérieusement, à Henri.) Mais i n'fau«
roitpas recommencer, au moins , monsieur; jVous
en prions. Guiable! i n'faut que tous eu montrer,
à ce qu'i me parott.
B E H a I y ^tUmcni.
Pardon, papa Mitefaau : madëmoiielle Catau
m*aToit. transporté. Je n'ai, ma Ml pas été le maî-
tre de moi.
MicBAU.fe versant h boire.
Gnia pas grand mal. . . £h ben I moi , je tous
itou TOUS dite eune cbanson , et pis vous vienrais
me baiser par après, si je Tons méritai... Atten-
dais que je trouvions l'àir. . . C'est l'air d'Henri IV
dans les Tricolets. . • . La, la, la, la; m'y Toici : j'y
suis.
(Il chante»)
i'aimonsles filles,
Et j'aimons le bon vin.. ..
(S'InterrompaHt, & tout le monde,)
Allons y cborû.
( Tous chantent ç^^fuf jpnmUn vers, ensemble*)
422 LA PARTIE D£ CHASSE D&BBNUi IV.
MiCHA'V, chantant.
De nos boDÂ drilles
"VoUiitoutlercfrafti:
Eti'ftiBoliéleJAm-iiiik r
( S'interrompàm ; à toufte monde.
Chorû.
' « • » . •
( Tous chantent Us^eux derniers vers en refrain et. en
chœur. )
M 1 0 H A 17 , chantant Seud*
Moins de toadriltes
E««aait troi4il^ leaiifi:
D«no6;&miU9s,
Si r lîguenx, plus humain, ^
Eût aimé les allés,
. ]Çût aime If boQ vin,
( S' interrompant ^ à tout le monde, )
Gfaorû/
{fous chantent iet deux derhUlts hfets, eti cAttur.)
viiciiKv , chantant seul.
Vive Henri Quatre !
Vive œ roi vaillant ! . . .
(Henri marque, pendant que l'on ch^te ce couptet ,
une sensibilité si grandie , qu'elle paroît aller jus-
qu'aux larmes ; et c'est dans ce poin\ de vue qu'ii
doit jouer le reste de cette scène, en pleurant
même , jusqu'au montent oè^lÉ^ lève la table. )
À le triple talent
Pe hoire et de battre,
Et d'être un verd galant.
.' ' '. . . . •
{^jApfè9SV<^ iihanté y à tout te monde* )
Ah ! grand chorû po«ir e«liii-là.
( Tous reprennent , en chœur, te couptet entier,)
Vive Henri Quatre ,
Vive ce roi vaillant ! . . •
(A Henri X en interrompant su chanson, )
Mais , parguenne! nion»Î€u , Imyons 4 la santaî
de ce bon roi, et tous U dirais , an moins ?.. Mais,
dites-li, vous qu avais l'honneur de rapprocher ,
dites-li ; promettais-ie moi ?
H E N a I , dahs t'atteudrissemenL
Je vous le proçiets. ... Il le saura sûremefit.
(Its se versent du vin, et choquent tous as^c te roi, )
M A B GO T, à llff^, en ,s§ tfivant.pour choquer.
Et que je l'bénissons !
M I c H A u , à Henri, en s€ ievant et choquant.
Et que je 1 chérissons !
G AT AU, À Henri f en se tevant aussi et choquant,
£t que je l'aimons pus que noui-mêmes l
9iG9AiiD, à Henri, en se levant tmssi et s'aitonr
^eaut pour choquer,
£t que nous Va^rf u# l
{a4 liA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IT«
a B K ft I • À part, attendri au point d'êtn frit à venet-
des tarmet.
Je n j puis.... plus tenir.... Je suis prêt à rerser
des larmes».. • de tendresse et de joie.
(itMedétOttrite,)
Comme tous vous détournais! £st-c*gue tous
n'topais pas à tout ce <|tte je disons-là de not* roi,
donc?
BEHBi, d*un ton entrecoupé.
Si fiiit..^ mes amis... an contraire... votre amour
pour votre roi.... m'attendrit.... au point.... ^ue
mon cœur*... Allons, allons, à la santé do^ ce
prince*
^I/i recommenoenf à ehoquêc^)^ ~
MAAOOT.
D^ ce bon roi I
De ce cher roi !
MiCB^AV, à HenrU
De ce vaillent roi 1
AiesABo, à HenW.
De ce grand roi !
MICBA17, à Henri,
De ses enfants , de ses descendants f... £h bian I
dites donc itouf un mot d*éloge de not* roi. Est-ce
que vous n\>seriais le louer donc , vous? Avoui
peur ^*ça ne vous écotcbe k langue ? M *est avis,
ii^orgtté ! qu'vous nl*aimaift pas autant fue qom...
ACTE III, SGÊNEJCIII. 4^5
Ne«^iex*Tons pat da ces anoMDg. ligneux ?^0h, T*i
n'êtes pas na bon François , morgue l
tfBvai, dans ie dernier aUendrUseme.ml, ^ei cho*
Fardonnez-moî. . . . de tout mon cœur.... k la
santé de ce bon roi ! , . .
mCHAu, avant d'avaler so{i via, en nontrefà^nk
HenrL
« De ce bon roi !.. . ir Parguenne ! Von a ben de
la peine à yous arracher ça..
M A a G o T , ^ Henri , après avoir bu.
G*tapendant , ses louanges venont d elles-mêmes
Il la bouche.
G AT A V f à Henri , aprêÈ avoir bvu
Ailes ne coûtent rian.
BiCHAAD, à Henri, après avoir hu.
Elles partent du cœur.
MiCHAUy à Henri , après avoir bu,
Tatigué! ça fait du bian de boire à la santé
d'Henri. •.. \A tout ie monde.) Oh ça! je n'man-
geons pus; leyons-nous de table. Aussi -ben,
quand on a eune fois bu à la santé du roi , on n'o-
seroit pus boire à personne.
AICBARD.
Reportons la table , mon père , afin qu'on
puisse desservir plus commodément.
MICHAV.
T'as raison. .».(A Henri, qui veut aider à trant^
porter la to6/e.)Oh ça! allais-Tous encore fidre vos
çarimoniat ? J« yous le défendons.
36.
4a5 LA PARTIE DE CHASSE DE HENRI IV.
BSjiaiy oidaAt toujours à deuervir.
Je Yous laiMàrai iieiire ; faid«râi seulement an
peu la t>elle Gatau.
MtCH AU..
Je ne le voulons pas , vous dis- je. .. .( ^4 Margot
et à Catau , en montrant Henri. ) Allons , ' Margot ,
GaAu, achevais de nous ôter tout ça, et pis,
allais mettre des draps blancs au lit de monsieu.
MABGOT.
Oui , mon axni , ça va et' fait.
c ir A u , à MUhau, en montrant Henri,
Oui , mon père , quand j*aurons tout rangé ici ,
j*iron8 , ma mère et moi , faire le lit de monsieu.
B E n n I , tenant (fuelgaes assiettes.
Tenez , ma chère Gatau , où faut-il porte? ce
^ue je tiens-là ?
CATAtJ.
EhT laissez-moi faire. Pardi! mon cher mon*
sieu y vous avais toujours les mains fourrées par-
tout.
M I c H A u , à Henri.
Pargnenne ! voulais-vous ben leux laisser faire
leux besogne elles-mêmes? Vous êtes bian têtu ,
toujotts.
H E V n I , aidant encore à desservir.
Eh ! non , non ; j[e ne me mêlerai plus de rien :
voilà qui est £iit.
(On frappa à ia port» de U ihatson. )
ACTE III, SCÈNE XIll. ^ay
jf £C H A u , à Richard.
L'on frappe' k &ot' porte ; Ta voir qui «est , Ri-
I^IGH-AaS.
jy cours , mon père.
(Il va ouvrir la porte, et Margot et Catau passent
dans la cuisine avec les ustensiles du souper. )
SCÈNE XIV.
ffENRI, MICHÂU, JUGSARD,
RICHARD, A Michatt , apercevant ÀgathCm
J|XSTE ciel j ç est A|^athe.
SCÈNE XVr
AGATHE, LUCAjS, 9BNRI; MIC^AO,
£ u tt A ft , h Agathe , ^êtue en paysanne^ •
Eh bian ! mam 'selle , le vlà, M. Richard ; par-
lais-li donc ; mais y ne yous croira pas , yentais*
vous-en.
A&ATH E, à Michau et à Richard, en se' jetant aux
pieds de l'un et de l'autre successivement.
Ah! M. Michau!.... Ah! Richard!.. Je yiens me
jeter à yos pieds , et yous »upplier de m enten-
dre. « . «
RiGBABD^ t interrompant ç< la relevant.
Releyes-TOUji,^ Agathe • . ^e ne souffrirai pas. .
4a8 LA PARTIE D;E GBAj3$E DE HBNftI lY.
« 1 G H A « , à Agathe , en inUir^mpant Rickard.
. Oh ! oh ! ipi TDui amène ici , ma mie ? Faut et*
ben impudente pour oser eneore remettre lei j^ed*
«hettx nous , après €*qa*ous avais iait„
aiGBAED.
Eh ! mon pire , épargnez. . . «
A G AT H s', en pleurs, à Miehau, en inUrrompani
Richard,
J'avoue, monsieur, que l'excès de ma hardiesse
mériteroit ce nom, si jëtois coupable; mais c'est
le marquis de Conehini qui m'a enlevée , malgré
moi. . . Mes pleurs m'empêchent. • .
HKVBi, à part»
Conehini! Conehini!... (JiMiehaa,*)Qiù est
cette fille-là? £Ue m'intéresse infiniment; elle est
jolie..
IIIGBAI7.
Ah ! ouichel c'est eune jolie fille , qui s'est ven-
due à ce vilain marquis de Conehini , putôt que
dapouser honnêtement mon fils. Ça fidt eune jolie
fille ça !
( On frappe encore à la porte. Margot et Cataa , <fui
reviennent de la cuisine, vont ouvrir, }
1
rfb
ACTE Ul,X>:^
SCÈNE XVL
MARGOT, GATAU, LUCAS, LEOAED&
CHASSE^ HEI^RI, MICHAU, AGATHE.
RIGn'ARD.
MAR60T ET ckt^Jf, cmembte , à Mtchau».
Mon mari, \ . ^ ' « m j t.
_ . .• > c est monsieur le earafH»ia8se.
Mon père, J ^ ^
M I G H 4i u , au garde-rchasseiK
Ah ! ah! q cat hian tard que« ...
XiE «.4ap£-CSA8ftE, f interrompant».
Cest, M. Michau, qu'il j a trois seigneurs qui
QnX chassé aujourd'hui avec le roi , qui ont soupe
chez moi , et à qui ma femme vient de dire qu^
TOUS ayiei cheji tous, un seigneur de leurs amis ,
ayec lequel elle vous ayoit tu rentrer de la forêt*
^Voyant entrer ie duc dé SuJU, te duc de Betiegarde
et le martfuis de Conchini.) Mais les voici. Bonsoir ^
M* Michau.. ^
MtC^AlL.
Bonsoir , monsieur le garde-chasse.
( Le gardc^hasse se retire» ).
» I <i
I£ D£ CHASSE PS HMRI IV.
SCÈNE xyiii.
LEDUC*ï)ESU't/LI,UE DU€ DE BELLE-
. OâHDE, liE MARQUIS DÉ CONGKIKI,
HENRI, MICHAU, MAiRG'OT^ CATAU,
AGATHE, RICHARD, LUGA^.
MICHAU, aux deux dv.cs et au marquis , en leur mon-
trant HenrL
Votais , mes biaux seigneurs , si ce monsieu4à
est un seigneur itout. Je nierais pas. Il s'est dit
officier du roi. (Tirant Henri par te bras, qui a le
visage tourné d'un autre côté, ) Voirais , reeonnois^
sais-Tous c't*lionnéte homme-lk ?
r
lE DUC DE StriLl, lE DUC DE BEI.LEGABDZ,
ET £E MARQUIS DE coNCHiiri, ensemble, à
Henri.
Quoi ! c'est vous , sire?.... Sire, c'est vous-
mème?
MICHAU, MAB&^T, LlUïAS, GATAU, BICBAUD
EX AGATHE, tombant tous à genoux aux pieds
du roi. ^
Quoi! c*est-là le roi? o'est-là notre bon roi,
tiotre grand roi ?
HENRI, avec attendrissement.
Relevez-Tous , mes bonnes gens ; relevez-yous ,
mes amis... je le Veux, mes enfants... relevez-vous;
je vous l'ordonne.:
Agathe, restant seule aux genoux du roi.
Non , sire , puisque c'est vous , je resterai à vos
ACTE m, sOÈNi: xvn, 431
pieos pour Voas dtîaiatfâtff foMlke d'dn cruel ra-
Tisseur, du mar<]«ilé déConéllh»i ,^ti» m'A arrachée
t tout ce ^{oe ) aknè , ûh motfteht oit j*étbi§ prête L
épouser Richard*. . . Les larme» éilbtifféiit mi T<oilc
au poftft. ... *
LE MÂtLqjitê A£ <:0lllCfirItfI,'<!pa/^
Ciel! c'en A^the.
fl z H R I , r«/«rvft»tt ÂéfÉ^é, «t cl^tffi Idii èw/iw auL mat'
ijuiï dé ConëhiHL
Gotiob!nk . . qu'atec'TOUs i ré|>0hd^e'? £h bfei^^
eh bien? répondes deinc. Vous- paroisseï: interdit?
te MA^QOi» HZ téVG'aivtfSë Minutant un pet^l
O'e^t qttVitt rieik m'emba^ras^le, sire... cA^, danft
le' fond, poiir(}«ioi serois-je interdit?. .;. et., .. n'af-
yonerois-)ie pas à votre majesté liiM tàSeSvé. . . . dt
pure galanterie'? '
te 0trtt' DB svjthi, viviemenU
J'adore Dieu ! quelle galanterie! y
LE'I)0C dB BEttlBOAUDt.
Eht midè , il fie &u« pai prendi^e cela au grave.
HBITRI.
Laîsset4e don« achevée. (Àà^maf^uU) Eh bien?
LB^HABQVtS 1>B C'OffCHiflI.
Eh bieni sire, lo fidt est que j'ai eu en vie... ^
( afftc un rhe fbfcé) mais bien envie de cette jenne
paysanne... qu'à la vérité, j'ai aidé un pcfti à U
lettre pour lui fiedre voir Paris mal^ elle.. .
HBBBi, 't'intertompûnt,
Maigté elle?... Vous 7 atés éohc etisj^Ofé la
violence?
43ft LÀ PÀaTIE D£ CHASSE DE HËHHI IT*
LS MJL^qvlé OS GOVGHim*
Eh ! mais , sire , si tous touIob. , «. G est mon Ta-
let-d»-chamb];ex[ai me l'a ameift^, ayec bien de la
peine; et je Yais...
V E V B I , tiHîerrpmpakt, d'un àir sivèrtm
Eh! c est cette violeiiee:^e je punirais
LB MAK^vis DE cosicHiax, avec /kl.
Ah! sire , ne ^'accablez point de votre colère s
j'arpué mon «rime; mais mon orime m'a été inn-
tile, et n'a &it qne tourner à ma honte. Agathe est
▼ertueose. «. • Agathe ne m'a point cédé la victoire ;
et, pont la remporter, elle a été jnsqn'à yoolotr
attenter elle-même à sa vie. J'atteste le ciel de la
.vérité de cç.que je dis.«. et qu'il me punisse sur-
l^-champ , si je vous en impoie« «. EhJ dans l'ins-
tant, c'est moins, je le jure à votre majesté^, la
crainte de ma disgrâce que lea remords cruels et U
repentir, qui...
«EVEi, V interrompant, d*an air no^te et sévère.
Mais il ne qie suffit point , à moi , que par cet
aveu, par vos remords, par votre repentir, A gath*
soit justifiée vis^vis de ces gens-ci ; le crime , d«
votre part., n'en est pas moins commis. Je leur en
'dois la répatation. Ainsi donc, je veux que voua
lasties une rente de deux cents écus d'or à cet^«
fille, et qUe....
A.OATHE, ^interrompant.
Non , sire „ je me çroirois. déshonorée , si j^ac-
oeptois de cet homme des bienfiûts hontens qai
pourroient laisser des soupçons. .^ .
ACTE m," ip^îÈNE xvir, 433
B I ç H A A I» , l'interrompant à son toui.
Ah! divine Agatlie! cet areii du marquis 4e
Çoncbiai...*.. et, pjns ^ncov^, le r^fos que ypifs
yeqez de £ûre des bien^ ignominieux ^ que r,<^
vouloit le forcer de yo^s donner , est pour j^qi
une p|eii)!3 et entière «onyiction de yotre ii^nq*
cence.,u.. Non, vous ne fûtes jamais çoup^bjç;
c'est moi qui le suis d'avoir pu yo)is çrpîre un seul
instant criminelle , et, . , •
m; CE AU, l'interrompant^,
T'as raison, mon ^Sjfet tu peux^à présent
apouser c'te digpp enfant-là,
EEiiai.
En c^ ca«-là , je me charge dpnc de la dette de
Conchini... . (4ti marquis*) H^tirèz-vous , et ne pa«
roissez pas dcyant moi que je nç tous le fasse dire*
^Cor^clùni se retire»)
SCÈNE xym,
HENRI, LE DUC DE SULLï; LE DUC DE
BELLEGARDE, MICHÀU, MAHGOT,
CATAU^ RICHARD, AGATHE, LUCAS.
|i E H B X , ^ 4emi'VQiXi ^u duc de Sutlh
^usSi«bien^ mon ami Rosni , je soup^nne yio*
lemment ce, malheureux Italjen-là d'être l'auteu»-
de toutes les noirceurs qu'on youa a faites. Sous
en parlerons idms u^ autre temps^. . . . (A Michau
et aux autres paifsai^,') Oh ! çà , mes enfants , j >i
bien des engagements à remplir ici*., (A Miohaa^)
434 tk TÂWTÎE DE CHASSE DÉ HENRI IV.
Pour l]ir*acqtiittèr du premier, je donne dix mille
francs à Agathe et & votre fils , W, Miehau.... Mais
vous ne sàye2 pas que j'ai promis à la belle Catan
de lui faire épouser un certain Lttcas, soniunon-
reux , qui n^est pas bien ricbé ; et , pour réparer
Cela , je leiir donné aùàsi dix mille*firàncs ; |K>nr lef
unir. ,
ttrcÀs, à part, sautant dé joU.
Dix mille francs et Gatau î
MicBAO, à pari.
Quel bon toi !
Tous les tfuatre \ ' îixtBAttn, Â IfeiU'f.
à la fou. \ Ah! site!....
catav et ÂaAfttÉ,' ensembie^
Quel bon prince !
H EN m, à SutiL
Duc de Stdli , que cette somme de yingt mille
francs leur-8<Ht oomptée ici dettain dans la jour*
née ; je yoùs en donne Tordre.
!,£ pu'G DE suXiLx, s'IneitHont.,
\ Vouf serez ol|éi ,.iirt[...; (Se ret^vanlj et d'un
aJif altehdrL)M\>^l |iu>n cher maître , paj. ces traits
de justice et de générosité, tous me ravissez. Vous
venez d'en agir en rdi et en jpère* ayep ces bons
paysans, qui soht vos sujets et vds étifani'sVtbus
aussi «bien que vôtre noblesse : màîs, sire, vous
nous devez aux uns et aux autres , de ne point
exposer votre ^e à la chasse , commës vous faitef
tous les \omi.,,,(Àvec colère.) Pëitnettez-moi de
le dire à votre majesté ; cela me met . moi , dans
ACTE lu, iSGl^iys :s^yiii. 4^5
âne véritabie coUre^.. - Vît© Bifu ,.3irc , yotre vie
B*«st point k TOUS , tous ea êtes comptable {moi^
trmntle due d&BeUc^rde) k des scfyitears, comme
nous f qui yoixs adorent^ {montrant Us pq^samt) et
«Q peuple ^ai}çois> dp&t vous YOjea^ que tchis êtes
ridole.
Oui , oui , tu as raison , rao» akK. . • Ta m'ail*
tendris..,. Ne me .gronde plus, XMm ehei Hosai; à
l'aTiQiiîr J0 . serat plus sage.
n E« H A v , uèt «ipefiMfif #
Morgue \ sire , c'est que ce gentilhomme- là n'a
pas tort. Au nom de Dieu ^ consaryez-nou» yos
^ours y il nous sont si cher s.
TOUS LES PAYSANS, cnsemBle, à HenrL
Ah ! notre roi } ahl notre père , conseryais-yous ,
conseryais-yous J
WEJXJki^à ptfrt,_ etk regardant tous ces paysans^
Quel spectacle, diyin!
MICHA9, encore plus vivement
£h! ooi , yentrégué ! conseryais-yous ; yous ve-
nais de marier nos jeunes gens : faut , sire , que
yous yiyiaisplus qu eux.. .. Mais , queul excellent
homme!.» Pardon, votre majesté, si je yous ons
si mal reçu ; je ne connoissions pas tout not' bon-
heur : et, si j ayons manqué au respect r.... de la
consiiâération. ...
H E Nifr I , VinteprompanU
Voua m'ayez très bien re^u, et je yeux demeurer
4 3ê LA PkttTiÈ, «Jtc. ACTE IH , S€^£ iVIII.
votre ami , au moins « M. Michâti.«.< Msiîs, brisoni
fâ^ j'ai besoin dé rejJos-, et....
mc^Au, Ciniti'tompànti
Vétiàis , site , venait coucher dans incm pi^ljpe;
Ihi... Ces seigneUTï prenront ceux de mon fils et
de Catau ; et nous , j'irona tretous passer la ùuH
au moulin. i,i Ëfine nuit est bentôt passée , quand
oik la pas8e> pour votre majestés
L u c A » , prenant Agathe sous le bras^
Et nous , je vous ramener Agathe chéuz elle. . r«
Bt à demain aux nooes , mes enÊintiw
r'îir OE tÀ. vÀÀTiÊ dé cbasàe x>e béAkï if •
_t[ -j I I ■ I I *i-Miirri 11 i|i II aiiijiiinii II ir t ri< i^^Mfcp^^^iajl^
L TABLE
DES PIÈCES ET. HES NOTICES
GOÏlTEHV'tS DAVa CE TOLUMt.
NôTUCE sur Sédaine *•«....< < . Pag. d
La Gageure mcpnéyuE, comédie en un
acte , pat Sedaine^ , * i é » * , .m 5
Le Mabch avd de Smtrne , comédie en un
acte , par Ghampfort. «... i •<...* ^ % . 67
Notice sur Goldoni < * . ^ «..«.« • 98
Le Bot7Rntr biestfaisaut^ comédie en
trois actes ^ par Goldoni é . w . < < . . • • < .. 10 1
Notice sur Rochon de Chabannes '• 20 i
La BIasie des arts , ou la Matihée a lÀ
MODE , comédie en un. acte , par Rochon'
de Chabannes * . . é . é . < . < é « 20S
ILes Amavts aivéREux, comédie en cinq
actes , par le même. .*...«..<.«..<« ^4 1
Notice sar Collé * . . « . < 33:1
La Partie dE chasse de Hesri ly, comédie
en trois actes , par Collé. ..*...<.<. . 335
riV DE LA TAttLE DV TREIZIEME V0IiUME«
♦
f
NOTOCK' sur n&vnxîCcBxm a
Le Baebieil dk Si?iu.s, comédie jouée d'a-
bord en cinq «cte&y et,rédttite de^iuÂs à quatre >
fut donnée 9 pouisla prewàrô fcis, le s3 février
1 776. Elle eut alors treize représentations. On
la revoit toujours avec plaisir.
La Folle journée , ou le Mariage de Figaro,
comédie en cinq actqs , en prose , plus connue
sous ce dernier titre, parut, pour la première
fois, le 37 avril 1784* EUe fut jouée soixante-
treize fois de suite. Une indisposition d'acteur
en fit alors suspendre les représentations ; elles
furent bientôt continuées et allèrent au-delà de
cent. • .
L'Autre Tartupe , ou la Mère coupable ,
drame en cinq actes , en prose , avoit été joué
îe a6 juin 179a au théâtre du Marais; mais
l'auteur , sur la demande des acteurs du Théâtre
François, la leur fit représenter le S mars 1 797.
Beaumarchais fut honoré , pendant sa vie , de
la protection de personnages puissants et res-
pectable $. n se vit en butte à toutes sortes de
peines , et comblé de succès en tous genres ; il a
laissé le public incertain de l'idée qu'il devoit
4' NOTICE sur BEAUMARCHAIS,
fe faire de cet homme extraordinaire. Il mourut
dans la nuit du 17 au 18 mai 1799, d'une
apoplexie qui le frappa au milieu de son
iommeif.
liEfeSONNAGES.
[Les babîtt des acteurs dmveDt être dans l'ancten oostnme
espagnol.}
Le comte AlmAviya, grand d'Espagne, amant
inconnu de Rosine , paroît , au premier acte , en
Teste et culotte de satin; il est enveloppé d'un
^and manteau brun , ou cape espagnole ; cha-
peau noir rabattu ayee un ruban de couleur
autour de la forme. Au deuxième acte , habit
uniforme de cavalier, avec des moustaches et
VUs bottines. Au troisième, habillé ;en bachelier;
cheveux ronds; grande fraise au cou; veste,
culotte , bas et manteau d'abbé. Au quatrième
acte , il est vêtu superbement à l'espagnole avec
un riche manteau; par dessus tout, le large
. manteau brun dont il se tient enveloppe.
Baetholo, médecin, tuteur de Rosine : habit
noir, court, boutonné; grande perru({ue; fraisa
et manchettes relevées ; unt ceinture noire ; et
quand il veut sortir de chez lui , un long man-
teau écarlate.
RosiHE, jeune personne d extraction noble et
pupille de Bartholo ; habillée à l'espagnole.
Figaro, barbier de Séville; en habit de major
espagnol. La tête couverte d'une rescille, ou
filet ; chapeau blanc , ruban de couleur autour
de la forme ; un fichu de soie , attaché fort lâche
à son con;^let et _haut- de -chausse de satin,
j.
ayec des boutons et bout<MiiMèf«» frangés d'ar^
gent; une grande ceinture de soie; les jarre-
tières nouée» avec des glanda ^i pendent aur
chaque jambe ; yeste d^ couleur tranchante , à
grands reyers de la couleur du gilet y h^9 t>)ap^
^ et souliers .gri$..
Dov B 4^9 IL s t oirg%nUte, imuitT« k ^baqtec de
liosine; eh^p«au noir ir^tJ^, fl<H»^A^ et
long otaViteai^ , ^m% fr^s« i^i am^nçli^tt^.
liA JfsuvKSSB, yieux demestiqutf de ilartàolo«
L'ÈvEïLzt , autre yalet de Bartholo , garçon niais
et endormi. Tous deux habillés en Galiciens ;
tous les cheyeux dans la queue ; gilet couleur
de chamois; large ceinture de peau ayec une
boucle ; culotte bleue et yeste de même , dont
les manches , ouyertes aux épaules pour le pas-
sage des bras , sont pendantes par derrière. '
Un Notâiae.
Un Alèaite, homme de justice, ayec une longue
baguette blanche à la main.
Plusieurs alguazils et yalets aytec des flambeaux.;
La scène est à Séyille, dans la rue et sou9 les
fenêtres de Rosine , au premier acte ; et le reste
de la pièce dans la maison du docteur Bartholo.
^
'
THÉÂTRE
DES
AUTEtJRS DU SECOND ORDRE.
COMÉDIES EN PROSE. — TOME XIY.
I t
AVIS SUR LA STÊRÊOTTPIE.
tiA STÉBÉOTTffiBi oo Tart d'imprimer sur des plaît*
cbes solides que Ton conserve, ofire seole le moyen de
parvenir à la correction ptififtite des textes. Dès qu'une
^ttte qvà seroit échappée est découverte , elle est corrigée
à l'instant et irrévocablement; en la corrigeant, on n'est
point exposé & en fiiire de nouvelles, comme il arrive
dans les éditions en caractères mobiles. Ainsi , le public
est sûr d'avoir des livret «umpts de fautes, et de jouir du
grand avantage de remplaoer> dans ub ottvrage composé
de plusieurs volumes , le tome manquant , gftté ou déchiré.
Les premiers Stéréotypée^» ont employé de vilain
papier, parce qu'ils vooloîent vendre leurs livres à un
très bas prix. On a trouvé leurs éditions désagréables à
lire ; o^ s'e» lest promptemeàt /légoàt^, et on. en a «ondtf
fort ma] k propos que les caractères stéréotypes fatiguolent
la vue. Ce sont les inventeurs de cet art qui ont manqué
de le perdre. Mais les proîpriétau'es de l'établissement de
M. .^erhan^ pour détruire le préjugé dé&vorable qui
exisuûi contre les stéréotypes, but soigné davantage leurs
éditions, se sont servis de caractères convenables pour
chaque format, et ont employé de beau papier. U u y a
point d'éditions en caractères mobiles qui soient supé-
rieures aux leurs. Onseconvaincra de la vérité de cette as-
sertion, en les comparant les unes avec les autres. Sous le
n^pport de la correction des textes , les éditions en caractèret
mobiles ne peuvent nullement soutenir la oomparaisou.
Les éditions Stéréotypes, d'après ce procédé,
se trouvent
Gbez H. NI COLLE, rue de Seine, n» ta,
hôtel de la Rochefoucauld.
Et chex A. AuG. RENOUARD, Libraire, rue
Salut-André-des-Arcs ; n** 55,
THEATRE
AUTEURS DU SECOND ORDRE
RBCVGIL DBS TRAGfiDIBS
ET COUËOIES
RESTEES AU THËATSE FRANÇOIS;
FooT lura niiu aux èdhioai it^r^otjpn de Cornsilk,
Radiie, Molière, BegDard.CiâHUoD et Vollairaa
At<c des Noiioe* nir diiqne Aamir, U lùte de l«an
Kècea , et U dau dee ptemiÈn* reprëuDÙlioni,
<ST.ËREOT,YE£ D'HERHAN.
PARIS,
DE L'IUPRIHEHIK UK HUME, FRÈRES,
1810,
LE
BARBIER DE SÉVILLE, '
OU
LA PRÉCAUTION INUTILE,
COMEDIE,
PAR BEAUMARCHAIS,
Représentée, pour la première fôii, le a 3 février
1775.
A«lt)r«r GoflUdiM. I {n
NOTICE
SDR BEAUMARCHAIS.
Pierre - Augustin Garon de Beaumarchais
naquit à Paris le 24 i^nvier 17 Sa. Son père
étoit horloger, et il le fut d'abord lui-même,
sous le nom de Caron , qui étoit celui de sa fa-
m:ilïe.
Nul auteur ne mena une vie plus agitée. Tout
le monde a entendu parler de ses procès, et ses
mémoires, qui Tiennent d'être rëimj>rimés, l'ont
rendu bien autrement célèbre que son théâtre :
mais c'est à parler de ce dernier que nous de-
vons nous borner. On j trouve cinq pièces
composées pour le Théâtre François.
Eugénie, drame en cinq actes, en prose,
parut pour la première fois, le 29 janv. 1767,
et fut joué seize fois avec succès.
Les deui^Amis, drame en cinq actes, en
prose, représenté, pour la première fois, le
1 3 janvier 177P, fut donné douze fois.
BARBIER DE SE VILLE,
ov
LA PRÉCAUTION INUTILE,
COMÊPÏE.
ACTE PREMIER.
Le théâtre représente une rue de Séville, où
toutes les croisées sont grillées.
SCÈNE l
LE G'OMTK, teui, en grand manteau brun et chu"
peau rabattu. Il tire sa montre en te promenant»
Lit, jour est moins avancé qn^ j^ ne oro jois. L'heure
à laquelle elle a coatume de te montrer derrière
ta jalousie est encore éloignée. K'importe , il vaut
mieux arriyer ti^op tôt que de manquer l'instant
de la Toir. Si quelque aimable de la cour pouyoit
me deyiner à cent lieues de Madrid, arrêté tous les
matins sous les fen^treu d'une fenunç à qui je n'ai
s LE BARBIEBTBE SÉVJCLEJ
jamais parlé, il me prendroit pour un espagnol du
temps d'Isabelle.-— ] Pourquoi non? Chacun court
après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur de
Rosine. — B^ais , quoi ! suivre une femme à Séville ,'
quand Madrid et la cour offrent de toutes parts
des plaisirs si faciles ?"«-i£t c est cela même que je
fuis. Je suis las des conquêtes que l'intérêt , la
convenance ou la vanité nous présentent sans cesse.
II est si doux d'être aimé pour soi>même ! et si je
pouvois m'assurer sous ce déguisements. . An dia».
ble l'importun..
SCÈNE IL
FIGARO, LE COMTE, caché:
FioAao, une guitare sur le dos attachée en bandou."
Hère avec un large ruban'; il chantonne galant,,
un papier et un crayon à la main.
Bahissobs le cha^tf ,
H nous consume.
Sans Ib feu du bon vin'
Qui nous rallume ;
Réduit à languir,
L'homme sans plaisir
. y ivToit comme un sot |
Et mouiToit bientôt ;
Jusque-là y ceci ne va pas mal , ein , ein.'
Et mourroit bientôt
Le vin et la pnresse
Se disputent mon cœur.,.*
ACTE I/SGËNE IL 9
Eh! non, ils ne se le disputent pas , ils j régnent
paisiblement ensemble.. « .
Se partagent:... mon cœur.
Dit-on, se partagent? £b! mon Dieu! nos fai-
seurs d^opéras comiques n j regardent pas de s?
près. Âujourdliui , ce qui ne vaut pas la peine
d'être dit , on le cbante.,
(1/ chante,^
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur.
Je Toudrois finir par quelque chose de beau ,' de
brillant, de scintillant, qui eût lair d une pensée.
(1/ met un genou en terre et écrit en chantant*)
Se partagent mon oœor.
Si Tune a ffîa tendresse....
L'autre fait mon bonheur.
Fi donc! cest plat. Ce n'est pas ça... Il me faat
une opposition , une antithèse :
Si Tune.... est ma maîtresse,
L autre....
£h! parbleu! j'y suis...
ij'autre est mon serviteur:
Fort bien , Figaro !...(!/ écrit en chantant» )
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur ;
Si l'une est ma maîtresse ,
L'antre est mon serviteur.
L'autre est mon serviteur,
L'autrt est mon servitenr.
10 L£ QAiRBISa, DE SBYILLE.
Hen » heo , qu^ig^ i} y. aursi d<ip «^ccon^pa^ii^ineiits
là'dessous, noua yerrons.ençQWi iiie»^«uv9 de la
cabale, si je ne %^\% ce <]|ie je diA>.(i/ Af»erçoil /«
comte.) J'ai mi cet abl>é-là quelque part. ( U $t re-
LE cottTB, ^ par(.
Cet homme ne m'est pai incoQnu.
FJOÀRO.
Et non , ce n'est pas un abbé ; cet air altfer et
noble. . .
LE COMTE.
Cette tournure grotesque. . .
F I o'A n o.
Je ne me trompe point ; c'est le comte Aima-
viva.
LE COMTE..
Je cro^ que c'est ce coquin de Figaro.
FIGARO.
C'est lui-même, monseigneur^^
LE COMTE.
Maraud , si tu dis un mot. . .
FXGABO.
Oui, je Tou^ reconnois; voilà les bontés fami-
lières dont vous m'avez toujours honoré.
LE COMTE.
Je ne te reconnoissois pas , moi. Te voiU si gros
et si gras. . .
FXC>RO.
Que vouleat-voQf^, m.oo«eigi^^uf , cV\^^ misère.
AGft t, SCËKE II. ti
tfe COMT%.
PauTTé petit! Mais que &is-ta à Séville ? Je tV
Tois autrefois recommandé dans les bureaux pour
un emploi.
FIOAaO.
Je Tai obtenu , monseigneur ; et ma reconnoi^
sance. • «
LE COMTE-.
Âppelle-jnoi Lindor. Ne yois-tu pas, & mon dé-
guisement , que je yeux être inconnu ?
FiaABO.
Je me retire.
LE COMTE.
Au contraire. J'attends ici quelque chose, et
deux hommes qui jasent sont moins suspects
qu'un seul qui se promène. Ayons lair de jaser.
£h bien ! cet emploi ?
riGAno.
Le ministre ayant égard k la i^ecommandation
de TOtre excellence , me fit nommer 8Ur-le^hamp
garçon apothicaire.
LE QO'MTB.
Dans les h6pitattx de l'armée ? •
Non ; dans les haras d'Andalousie.
LE coMYB, tiant.
Beau début.
FIG-'A!K<X,
Le poste n'éf oit pas mauvais $ porce qu'ayant le
district ^» panaasieiitti^t des dtogues, je rendoii
la LE BARBIER DE SlYILLE.
souvent aux hommes de bonnes médecines de
ÉueTdl*»»
LE COMTE*
Qui tuoient les sujets du roi«
FIOÂBO.
'Ah! ah! il n j a point de remè% ûniyersel;
mais qui n'ont pas laissé de guérir quelquefois* des
Galiciens , des Catalans , des Auvergnats.
LE COMTE.
Pourquoi donc las-tu quitté ?
FIGARO.
Quitté ? C'est bien lui-même ; on m*a desseryi
auprès des puissances :
L'Envie aux doigts crochus , au teint pâle et livide... •)
LE COMTE.
Ohl grâce , grâce , ami ! Est-ce que tu fais aussi
des vers ? Je t'ai yu là griffonnant sur ton genou
et chantant dès le matin.
FIGABO..
Voilà précisément la cause de mon malheur ,
e3Ecellence. Quand on a rapporté au ministre que
je faisois , je puis dire , assez joliment des bouquets
à Cloris, que jenyojois des énigmes aux jour«
naux , qu'il couroit des madrigaux de ma façon ;
en un mot , quand il a ^u que j'étois imprimé tout
yif , il a pris la chose au tragique , et m'a fait ôter
mon emploi , sous prétexte que l'amour des lettres
est incompatible ayec l'esprit det«iUret.
ACTÇ I, SCÈNE II. i3
Ll COMTE,
Puissamment raisonné! et tu^e lui fis^pas tt^
présenter...
FIGARO.
le'me crus trop heureux d'en être oublié ; per-
suadé qu'un grand nous ÏFait assez de bien , quand
il ne nous fait pas de mal.
LE COMTE.
Tu ne dis pas tout.' Je me souviens qu'à mon
service tu étois uii assez mauvais sujet.
fioâho.
Ehr mon Diéti, monseigneur 7 c^est qu'on veut
que 1^ pauvre soit sans dééut.
lE COMTE..
Paresseux , dérangé. . .
FIGAKO.
^UT vertus qu'on exige dans nu (domestique,
votre excellence connoît-elle beaucoup de maîtres
qui fiissent dignes d'être valets ?
LE COMTE, riant.
Pas mal. Et tu t'es retiré en cette ville?
FIGAAO.
Non , pas tout de suite.
LE COMTE, ^arrêtant.
Un moment. .«. . . J'ai cru que c'étoit elle..^. Dis
toujours , je t'entends de reste.
FioAno.
De retour à Madrid , je voulus essayer de nou-
veau mes talents littéraires , et le théâtre me parut
an champ d'honneur...
T2i«âtr«.. ComédÎM. l4« A'
A
t4 LE BARBIER DE SËVILLE.
AK! mlsérîcOtfdé!
FiaARO.
{Pendant sa réptique, le comte regarde av9c attention
du côté de la jalousie, )
En'yérité, je ne sais eomment je n*eus pas le
plus grand succès , car jj'avois rempli le parteire
des plus excellents travailleurs'; des mains
comme des battoirs ; j'ayois interdit les gants » les
cannes , tout ce qui ne produit que des applaudis-
sements isourds; et d'honneur, ayant la pièce, le
café m'àyôît paru dans les meilleures dispositions
pour moi. Mais les efforts de la cabale. .'.
LE COMÏE.
Ah ! la cabale , monsieuc lautèur tombé !
VIOAKO.
Tout comme un autre : pourquoi pas? Ils m*ont
siiHé ; mais , si jamais je puis le^s rassembler. . .
Lt COMTÉ.
L'ennui te yengera bien d eux?
FIGARO.
Ah ! comme je leur en garde ! morbleu 1
LE COBCTX.
Tu jures! Sais-tu qu'on n'a que Tingt-qaatre
heures au palais pour maudire ses juges ?
FîoAao.
On a yingt'^ustre ans au théâtre; la yîc est
trop courte pour user un pareil ressentiment.
ACTE I, SCÈNE lU i5
Ta jojeaae colère note réjouit. Mw tu ne m« dit'
pas ce qui t*a fait quitter Madrid.
pi'aJkao.
G etft mon bon aoge , e:(cellence , puisque, je
suis assez heureux pour retrouver mon ancien
maître. Voyant à Afadrid qup la république des
lettres étoit celle des loups , toujours ar^és les
uns contre les autres , et que livrés au mépris où
ce risible acharnement les conduit., tous les in-
sectes , les moustiques , les cousins , les critiques ,
les maringouins, les envieux ^ les feuillistes, les
libraires, les censeurs, et tout ce qui s'attache k
la peau des malheureux gens de lettres , achevoit
de déchiqueter et de sucer le peu de substance qui
leur restoit; fatigué d écrire, ennuyé de moi , dé-
goûté des autres, abîmé de dettes et léger dar-
genit ; i( la £i,n cop.vaincu que lutile revenu du ra-
soir est , préférable aux vains honneurs de la
plume, j'ai quitté Madrid; et, mon bagage en sau-
toir, parcourant philosophiquement les deux
Gastilles, la Manche, l'Ëstramadoure , la Sierra-
Morena, l'Andalousie; accueilli dans une ville,
emprisonné dans l'autre, et partout supérieur aux
événements ; loué par ceux-ci , blâmé par ceux-là ;
aidant au bon temps, supportant le mauvais, me
moquant des sots , bravant les méchants , riant de
ma misère , et faisant la barbe à tout le mbnd0 ;
vous me voyez enfin établi dans Se ville , et prêt à
servir de nouveau votre excellence en toi^t ce
qu'il lui plaira de m'ordonner.
i6 LE BAHBIER D£ SÊYILLE.
LB COMTE.
Qui t'a donné une philosophie aussi gaie ?
FIGARO.
L'habitude du malheur. Je me presse de rire do
tout , de peur d'être obligé d'en pleurer. Que re^
gardeib-yous donc toujours de ce côté ?,
LE COMTE«
$auTons-nott8.
FIOAAO.
Pourquoi ?
LE COMTE«
Viens donc , malheureux ! tu me perds.
[Ils se cachent.)
SCÈNE III.
BARTHOLO, ROSINE.
(La jalousie du premier étage s'ouvre , iet Bartholo et
Rosine se mettent à la fenêtre.)
nosiVE^
Gomme le grand air fait plaisir à respirer! Cette
jalousie s'ouvre si rarement.. . .
BARTHOLO.
Quel papier tenez-vous là ?
ROSINE.
Ce sont des couplets de la Précaution îatitile
que mon maître à chanter m'a donnés hier.
BARTHOLO.
Qu'est-ce que la précaution inutile ?
ACTE 1/ SCÈNE III.' ,;^
BOSIVE.
C'eut une comédie nouyelle.
BÀATBOIiO*
Quelque drame eneorei quelque sottise d'un
nouveau genre ■ !
ROSIVE.-
Je n'en sais rien.
BABTBOLO.
Euh! euh! les journaux et rantorité nous en
feront rafson. Siècle barbare ! . . .
BOSIBE.
(Vous injuriez toujours notre pauyre siècle.
BABTBOI.O.
Pardon de la liberté; qu'a^t-il produit pour
qu'on le loue? Sottises de toute espèce*: la liberté
de penser, l'attr&ction , l'électricité, le toléran-
tisme, l'inoculation, le quinquhia, l'encyclopé-
die et les drames. ...
BOSiHE, ie papier lui échappe et tombe dans la ruei
Ah! ma chanson! ma chanson est tombée en
TOUS écoutant; courez, courez donc, monsieur,
ma chanson ; elle sera perdue.
BABTBOLO.
Que diable aussi ! l'on tient ce qu'on tient..
{Il (Quitte le balcon, )
BOSiBE regarde en dédans et fait signe dans la rue,
S't, S't; (le comte paroît) ramassez vite et san«
' Bartholo n'aimoit pas les drames. Peut-être aToit-il
fait quelque tragédie dans sa jeunesse.
2.
i8 CE fiARBIER 0E SCVILLE.
yez^TOOS. ( Le eomU ne fiûi qu'un saui , ramasse le
papier et rentre, }
BAnTROLO sort de la, maison , et cherche»
Ott donc est-il ? Je ne toU rien.
I108I1IE.
Sous le balcon , au pied du mur.
BAATBOLO.
Vous me donnez là une jolie commission! Il
est donc passé quelqu'un ?
BOSIVE*
Je n'ai vu personne.
.BABTHOiiO, à iukrméme»
Et moi qui ai la bonté de4)hercher... Bartholo,
VOUS n'êtes qu an sot , mon ami ; seci doit Vous
apprendre à ne jamais ouTrlr de Jalonsies sur la
rue. (1/ rentre*)
& o ■ t s B y toujours au balcon.
Mon excuse est dans, mon malheur : seule , en-
feianée, en butte à la perséctttioii d'un li«aiae
odieux y est-ce «m crime de tenter à sortir d'escla-
^ge?
BABTHOLOy poToissaM OU boUom^
Rentrez, sijgnora; c'est ma faute si tous ayez
perdu votre chanson; mais ce malhear ne vous
arrivera pl^s, je vous jure., (1/ ferwtû la jalousie h
la clef. )
ACTE I, SCÈNE IV.' ^ ig
SCÈNE IV.
LE COMTE, FIGARO. |
( Ils entrent avec pi'écaution.)
K.B caafTB,
A présent qu'ils ftonl v^Ufés , 9X&i»inoi|ft cette
chanson , dans laquelle un mjst^tê «it 9Ûv^oi^nt
renfermé. C e9t un billet I
WlQAtkOm
î\ demandoit ce que e*est que la précaution
inutile!
1.8 couLTE Ht vipemenu
u Votre empressement e^icite ma curiosité} sitôt
« que mon tuteur sera sorti , chantez indifférem-
tt ment sur 4 air ooanu de ce« couplets , quelque
« chose qui- m apprenne enâii le nom , Vétat et les
« intentions de celui qui paroit s'attacher si obsti-
il aémeat à l'infortunée Rosine. »
7IOÂBO , eùHtrefùêani lo vois 4e l^ofiiie»
Ma chanson , ma chanso» est tombée ; courez ^
courez donc. (1/ rit) Ah! ah! ah! nh! Oh! ces
femmes! youlez-vous donner de l'adresse à la plus
ingénue ? enjfenuez^la.
I.B OOMVB.
Ma chère Rosine !
PIOABO.
Monseigneur, je ne suis plus eu peine des mo^
tifr de votre masearade; tous &ices ici ramour en
perspective.
ao LE BARBIEK DE SÉTlLLE.
LE COMTE.
.Te Toilà instruit, mais si tu jases...*
FioAao..
Moi jaser! je n'emploierai point pour yous'ra»'
surer les grandes phrases d'honneur et de dévoue-
ment dont on abuse à la journée; je n*ai qu'un
mot : mon intérêt tous répond de moi ; pesez tout
à cette balance , et. .«
LE COMTE.
Fort bien. Apprends donc que le hasard m'a
fait rencontrer au Prado , il y a si^ mois , une
jeune personne d'une beauté ! . . . . Tu yiens de la
voir. Je l'ai fait chercher en Vain par tout Madrid.
Ce n'est que depuis peu de jours que }'ai décou'
vert qu'elle s'appelle Rosine , est d'un sang noble,
orpheline et mariée à un vieux médecin de cette
ville , nommé Bartholo.
FIGARO.^
JoQi oiseau, ma foi! difficile à dénicher! Mais
qui vous a dit qu'elle étoit femme du docteur?
' LE G0MTE.I .
Tout le monde..
FIOABO.
C'est une histoire qu'il a £>rgée en «rrivtnt de
Madrid , pour donner le change aux galants et les
écarter : elle n'est encore que sa pupille^ mais
bientôt. . .
LElcowTE, vwenietti»
Jamais. Ah! quelle nouvelle! J'étois résola de
tout oser pour lui présenter mes regrets ; et je la
ACTE I7SCÊNEÏV. Hr
tronre libre ! Il n j a pfts an moment à perdre , il
faut m'en faire aimer bt l'arracher à l'indigne en-
gagement ^'on lui destine. Tu oonnoit donc ce
tuteur?
PICAHO.
Gomme ma mère.
LK COMTZ.
Quel homme est-ce?
FIGARO, vivement^
C'est uni>eau gros , court , |j.eune vieillard , gris
pommelé , rusé , rasé , blasé , qui jguette, et furète,
et gronde , et geint tout à la fois.
LE COMTE, impatUnti-
£h ! je l'ai tu. Son caractère 7.
FioAn'o.!
Brutal , arare j amoureu^et jaloux à rezc'ès de
sa pupille , qui le hait à la mort.
LE COMTE.
Ainsi ses moyens de plaire sont. . •
PIOAAO..
Nuls.
LE COMTE.
Tant mieux. Sa probité?
FIGARO.
Tout «juste autant qu'il en £Eiut pour n'être point
pendu.
LE COMTE.
Tant mieux» Punir un fripon an se rendant
heureux. !..
as LE a^ltBIER 0B «ÉVILLE.
FIOÀAO.
. C'est &ite à la Ibis le lûeii public et pertica*
lier : ehef-d'ceanre de morale , en vérité , mon-
seigneur !
LE COMTE.
Tu dis que la crainte des galants lui fait fermer
sa porte ?l
FI&ÂRO.
A tcrot le monde : s'il pouvoit la calfeutrer. • .
LE COMTE.
Ah! diable, tant pis. Aurois-tu de Taccès che»
lui?
FIGABO.
Si j'en ai ! Primo, la maison que j'occupe appar^
ll^nt au docteur , qui m'^ loçe gratis.
LE COMTE.
Ah! ah!
FIGAnO.
Oui. Et moi , en Teconnoissance , je lui promets
'dix pistoles d'or par an , gratis aussi.
LE COMTE, impatienté.
Tu es son locataire ?,
* FIGABO.
De plus , son barbier, son chirurgien , son apo«
thicaire ; il ne se donne pas dans sa maison un
coup de riaoir,.de lancette on de piston, qui ne
soit de la main de votre serviteur.
LE COMTE temhrasse,
Ahl' Figaro , mon ami , tu seras mon ange , mon
libérateur , mon dieu tutélaire.
AGTK I, BCÈlTf: IV-i . a3
Peflte!' comme rbtiiité yoas a bUntdt rappiro-^
ché les distances! parlez-moi des gens passionnés!
LE COMTEé
^e.ureux Figaro ! tu vas voir ma Rosipe ! tu y as
la voir! Gonçois-tu ton bonheur?
FIGARO.
C'est bien là un propos d'amant! Est-ce que je
l'adore , moi ? Puissiez-yous prendre ma place !
LE COMTE.
Âh! si Ton pouvoit écartbr tous les surveil-
lants !
Yi'oAao.,
C'est à quoi je rêyois.
tt. CO'MÏËt
Pour douze heures seulement.,
FIGAHO.
£n occupant les getis de leur propre intérêt, on
les empêche de nuire à l'intérêt d^utfui.
LE COMTE»
Sans doute. Eh bien ?
Fi&Ano, réifant.
Je cherche dans ma tête si la phaMnaclè ne four-
niroit pas quelques petits mo3renr innocents....
LE ooAif s.
Scélérat !
FvGAno.
£st-K^ que je veux leur nuiœ ? Ils ont tous be-
soin de mon ministère. 11 ne s'agit que de les trai-
ter ensemble.
a4 L£ BARBIER bs SÊVIULE,
LB COMTS.
Mais ce médecin peut prendre nû soupçon.
FIGARO.
Il faut marcber si vite, que le soupçon n*ait pas
le temps de naitre. Il me vient une idée : le, régi*
ment de Royal-Infant arrive en cette villes
LE COMTE.
Le colonel est de mes amis.
r
FIGARO»
Bon.'^PMsentez-vous chez le Socteur en habit
de cavalier , avec un billet de logement : il faudra
bien qu*il vous héberge ; et moi , je me charge du
reste,
S.B COMTE.
Excellents
PIOARO.,
Il ne seroit même pas mal que vous eussiez Fair
entre deux vins. . . .
LE dOMTB.
A quoi bon ?,
FIGABO.
Et le mener un peu lestement sous cette appii*
rence déraisonnable.
LB COMTE»
A quoi bon?
FIGARO*.
Pour qtt'il ne prenne aucun ombrage » et voua
Croie plus pressé de dormir que d'intriguer chea
lui-
AOSTË I, SCÈNE IT. &5
LE COMTE.
SopérieuremoDt yo ! Mais que nrj vas-tu, toi ? .
FIGABO.
Ahl oui. Moi ! Nous serons bienheureux s'il ne
vous reconnoit pas, vous, qu'il n'a jamais tu. Et
comment vous introduire après?
LE COMTE. ••
Tu as raison.
FIOâKO.
C'est que vous ne pourvest peut-être pas soute-
nir ce personnage difficile. Cavalier.. .- pris de Vin.
LE COMTE.
Tu te moques de moi. ( Prenant un ton ivrù,)
N'est-ce point ici la maison du docteur Bartholo ,
mon ami?
FiaAEO.
Pas mal , en vérité ; vos jambes seulement un
peu plus ayinées (i/'an ton plus ivre ). N'est-ce pas
ici la.maisou....
LE COMTE.
Fi donc ! Tu as l'ivresse du peuple.
FIGARO.
C'est la J)onne ; c'est celle du plaisiVà
LE COMTE.
La porte s'ouvre.
figaao.
C'est notre homme : éloignoos-nous jusqu'à et
qu'il soit parti.
^UÂtra. Com<di«t;:l4^
»a LE BABBIEIi PB S#VaLL£.
.SCÊNB V.
LE COMTE et FIGARO, cachés j BARTHOLO.
V A HT B p t • Jd/t en juttiaut à la maison».
Je reviens à rinstant;. qu'on ne liiste entrer
personne. Quelle sottise à moi d'être descendu !
Dès qu'elle m'en prioit , je deyois Ixen ine dou-
ter Et Basile qui ii« vient pas! Il devoit tout
arranger ^our que mon maria^ se ik secrètonent
demain : et point de nouvelles ! Allons voir ce qui
peut l'arrêter.
SCÈNE VJ.
LE COMTE, FJGARO.
LB COMTfi.
Qu*Ai-JE entendu? Demain 11 épouse Rosine en
secret !>
F I e ▲ B o.
Monseigneur, la difficulté de réussir ne fait
qu'ajouter à la nécessité d'entreprendre.
LE COMTE.
Quel est donc ce Bazile qui se mêle de son ma*
riage?
F10>A&0.
Un pauvre hère qui montre la musique à sa pa-
pille, infatué de son art, friponneau, besoigneux,
à genoux devant un écu , et dont il sera facile de
ÂGTB I, 6GËNE VI. a^
Tenir à bout , monseignear. . . « ( Regardant à la ja-
Qui donc 7
YIGAAO.
Derrière sa jalousie , la voilà , l'a voilà. Ne re*
gardez pas , ne Regardez done pas.
LE âOMTE.
Pourquoi?
Ne vous écrit -elle pas? « chantez indifferem"
(c ment; » c'est-à-dire, chantez comme si vous
chantiez.... seulement pour chanter. Oh! là v'ià,
la vlà.
X. COMtE.
Puisque j*ai commencé à Tintéresser sans être
connu d'elle , ne'qnittons point le nom de Lindor
que j'ai pris ; mon triomphe en aura plus de char-
mes, {li déploie te papier (fue Roaiae a jeté,) Mais
comment chaiktet sur c^te mvuîque? Je ne sais
pas faire de vers , mok '
ptoAno.
Tout ce qui Voué viendra, monseigneur, est
excellent : en amour, le cœur n'est pas difficile sur
les productions de l'etpriti,... et prenez ma gui-
tare.
,1,% COMTB
Que yeuxrrtu que js'en ftsie? j'«n |o«esi malî
98 LE BARBIER DE SSVICLE:
Fit>Aao.
Est-ce qu*un homme comme voini ^nore quel-
que chose ? Ayec le dos de la main ; firom , firom /
from... Chanter sans guitare à Séyille! tous seriez
bientôt reconnu ma foi , bientôt dépisté.
(Figaro se coite au mur sous te batcon, )
LE COMTB chante eu se prqmeaantf et s'accompa-
^ quant sur sa guiiare.
Premier couptet^
Yous rordonnez , ie.me ferai coniioitre ;[
Plus inconnu , i'osai tous adorer :.
£n me nommant, que pourrois-je espérer?
Hlmporte, il faut obéir à son maîfre. *
FIGARO, bas*
Fort bien , parbleu \ cours^ge , monseigneur.
< LE COMTEft . - •»
Deuxième couplet»
Se suis Lindor, ma naîssanoe est commune;
Mes voeux sont ceux d'un simple bachelier ^ ]
Que n'ai-)e , hélas l d'uli brillant cheTalier
A vous oiTrir le rang et la Ihrtuàel
FiGAao.
Et comment diable! je q« feroia, pas. mieux,
moi qui m'en pique^ . . ,
LE COMTE.
Troisième couplet*^
Tous les matins ici d*une Voix tendre ,
Je chanterai mon amour, sai^s espoir;
j ACX£ I, SCÈNE VI. ag
Je bornerai mes plaisBra à tous voir ;
' Et puissiez-vous en trouver à m'entendre !
FIGARO.
Oh ! ma £fH ! pour celui-ci. . . . ( // s* approche. ^ et
6ais€ te bas de i'hahit de son maître:)
I.E, COMTE.;
Figaro ?
Excellence?
LS COMTE.
Crois-tu que Ton m'ait entendu ?
KosiVEf en dedans', chante, '
'Ain : Du maître en droit.
(Tout me dit que Lindor est charmant,
Çue je dois l'aimer constamm^L..;
( On entend une croisée qid se ferme avec bruits )
FioAno.
Groyez-Yous qu'on vous ait entendu cette fois?
LE COMTE.
Elle a fermé sa fenêtre; quelqu'un apparejk-*
ment est entré chez elle. '
FIOAROi:
Ah! la pauvre petite! comme elle tremble en
chantant! Elle est prise, monseigneur..
LE COMTE.
Elle se sert du mojen qu'elle-même a indiqué.
« Tout me dit que Lindor est charmante » Que do
grâce» ! que d'esprit l
3.
1
J
3o L:E BÂRBIEÏil Ï>E s&Y.irrE,
Qne'de rose f que d'amonrli
Croift-tn qu'elle se donne à moi , Vigiaito ?i
Elle passera plutôt à traren cette jalousie que
d'jmanquer*
IC CQMTE«
C'en est fait, je suis à^ma Rosine. ;••. pour la
vie.
FIGARO..
Vous oubliez, numseigneur , qu'elle ne tous
entend plus.
LS C0MT«.
M. Figaro ? Je n'ai qu'un <mot À vous dire : elle
sera ma flemme ; et si tous servez bien mon projet
en lui cachant mon nom.... tu m entends , tu me
£onnois....
FioAao.
Je me rends. Allons , Figaro , vole à la fortune,
mon fils.
LE COMTE.
Retirons -nous , crainte de nous rendre sus-
pects.
FIGARO, vivemenK
Moi , j entre ici , ou , par la force de mon art , je
vais , d'un seul coup de baguette , eoéoimir la vi-
gilance , éveiller l'amour, égarer 1| |aloii«ie,fouv
vo^e^ l'intrigue , et renverser tqpas les çbst«ci»^«
L'
é^^'FS I, fi^GÊNE Vli il
YoiiB^ monseigneur, chez moi , riia}>it 4e solclat ;
le billet ide> logement, et de l'or dans to9 poches.
L-E COMTS.
Pour qui.^ Tor ?
ri qÂMQ , vivement'
De l'or, mon dieu , dé i*or : ç est le nerf de Tin-»
trigue.
LE COMTE.
Ne te fâche pas, Figaro, jen prendrai. beau-^
conp.
FIGARO, s'en (allant.
Je vous rejoins dans peu.
LE COMTE«
Figaro? .
V1«AE0.
Qa est-ce que e est?
LE COMTE.
Et ta guita»e ?
FioA&o revient.
J'oublie ma guitare ! Moi , j'e suis donc Ibu Z
(U t'en va,)
LE COMTE.
Et ta demeure , étourdi ?
FiG-Aao revient. ,
Âh! réellement je suis frappé! Ma 'boutique
à quatre pas ^ d'ici , peinte en bleu , vitrage en
plomb , trois palettes en l'air, l'œil dans la main ,
consiiio manuque , fi garo. ( U s'enfuit, )
FIN DU PREMIER ACtE.
ACTE SECOND.
Le théâtre représente Tappartement de Rosine.
La croisée dans le fond duthéâtre est fermée
par une jaioasie grillée. *
SCÈNE I.
ROSINE , sefite, un bougeoir à ta main, Eiie prend
du papier sur la tabie et se met à écrire»
OlÀiicELf HE est malade ; tous les gens sont accu*
pés y et personne ne me Toit écrire. Je ne sais si
ces murs ont des jeux et des oreilles, ou si mon
Argus a un génie malfaisant qui l'instruit à point
nommé ; mais je ne puis dire un mot ni faire un
pas dont il ni^ deyine sur-le-champ Tintention.. . .
Ah! Lindor ! (Eiie cacheté ia lettre.) Fermons tou-
jours ma lettre , quoique j'ignore quand et com-
ment je pourrai la lui feire tenir. Je Tai tu à
travers ma jalousie parler long-temps au barbier
Figaro. G est un bon-homme qui^a'a montré quel-
quefois de la pitié'; si je pQurois l'entretenir un
moment!
LE BAITBIER,* etc.'KCTE II , BGËNE.II. 33
SCÈNE II
ROSINE, FIGARO;
AosiffE, turpfiseu
Ah ! M. Fijgioo , que je suis aise de yotts voir!
FIGAIIO.
Totre santé , madame ? •
IIOS2HE.
Pas trop lH)niie , M. Figaro. L'enaai me tne«
FIGAHO.
7e le crois ; il n*eiigraisse que les sots.
ROSIVE.
AVec qui parliez-rous donc ià4)as si vÎToment?
je n'entendois pas ; mais. . .
FIOÀRO.
Avec un jeune bachelier de mes parents, de la
plus grande espéranee; plein desprit, de senti*
méats , de talents > et d une figure fort revenante.
BOSIRCi
Oh! tout- à- fait bien , je tous assure. Il se
noBime ? . • ..
#
|>IGAR0.
Lindor.' Il n'a rien ; mais , s'il n*eût pas quitté
brusquement Madrid , il pouroit j trouver quel-
que bonne place.
aosiirB, étourdimeni.
Il en trouvera , M. Figaro , il en, trouvera. Uit
jenne homme tel que vous le dépeiguest, n'est pas
fait pour rester inconnu.
i
8( rS BilREIBR^DE ÇÈYIt'LE.
FfGAKQ, à paru
For) bien. (Bout.) MsA» il « tin g^and défiiat,
qui nuira toujour» à son aT«acement.
AOSIKE.
Un défaut , M. Fi|;tiro l Un dé^ut ! en étes-vons
bien aûtZ ^
Il est amoureux.
It est ttmeuTeux! et voua app«l«fe oela un dé-
faut?
FIGARO.
A là vérité , ce n en est un que relativement à sa
mauyaise fortune.
nosiiTB.
Ah! que le sort est injuste! Et nomine-t-il la
personne qu'il aime 7 Je suis d'ulie curiosité. . .
piGAaO.
Vous êtes la dernière, madeane^ à qui ye voti<;
drois faire une confidence de cette nature.
&OS1VE, vivement
Pourquoi, M. Figaro? je suis discrète; ce j^tOkQ
homme tous appartient , il m'intéresse infini-
ment... dites donc.
F < « A 11 o , /a PêQûtdant pniment,.
Figurez-Tous la plus jolie pecit« mignonvie,
douce , tendre , aceorte et fraîche , agaçant Tappé-
lit, pied Inrtif , taille adroite, élancée, bras do-
dus , botieba roiëe , et des mains ! des jones ! idof
dents ! des jeux ! . . .
AGinS II, SÇËHE II. 3S
aosisx»
Qui resu en cette rUM
En ce quartier.
BOSIB*.
Dans cette rne , peut-être ?
FIGAEO. * ^
A deux pas de moi.
n o s I R E.
Ah! que c est charmait. .. pour monsieur votre
parent ! Et cette personne est? . . .
FIGARO.
Je ne Tai pas nommée?
ROSi.HE, vhemeMt.
C'est la seule chose que yous_ ajez ouhliée,
monsieur Figaro. i)ites donc , dites donc vite ; si
l'on rentroit , je ne pourrois plus savoir. . .
FioAno.
Vous le voulez .absolument, madame? £h bien!
cette personne est... la pupille de votre tuteur.
BOSIHE. «
La pupille?... i
FIGARO.
Du docteur Bartholo ; oui , madame.
ROSINE, avec émotion.
Ah ! M. Figaro ! ... je ne vous crois pas , je vous
assure.
FiaA»c.
£t c'est oe qu'il brûle de venir roui petsnftder
lui-même.
36 LE BARBIER DE SÉVILLE.
mosisE.
Yoas me faitfes trembler , M« Figaro.
piaAmo.
Fi donc, trembler! mauvais calcul, madame;
^and on cède à la peur du mal , on ressent déjà
le mal de la peur. D'ailleurs , je viens de tous dé-
barrasser de tous vos surveillants jus<|u*à demain.
ROSIHE.
S'il m'aime, il doit me Ib prouver, en restant
absolument tranquille.
FIGARO.
£h ! madame , amour et repos peuvent-ils habi-
ter en même cœur ? La pauvre jeunesse est si mal^
heureuse aujourd'hui , qu'elle n'a que ce terrible
choix : amour sans repos , ou repos sans amotir.
B o s I N E , baissant tes yeux.
Repos sans amour. . . paroît. . .
FioAno.
Ah ! bien languissant. Il semble , en effet ,' qu*a-
mour sans repos se présente de meiïlei^e grâce : et
pour moi , si j'étois femme...
ROSINE, avec embarras.
Il est certain qu'une jeune personne ne peut
empàcher un honnête homme de l'estimer»
FIOABO.
Âtissi mon parent vous estime-t-il infiniment..
nosivz.
Mais s'il alloit faire quelque imprudence , mon-
sieur Çigaro, il nous perdroit..
ACTE II, SCÈNE II. 37
FiGAno, à part.
Il nous perdroît. ( Haut. } Si yous le lui défen-
diez expressément par une petite lettre... Une
lettre a bien du pouvoir.
TiOSiVB, lui doi/ne la lettre qu'elle vient d'écrire.
Je n'ai pas le temps de recommencer celle-ci;
mais, en la lui donnant, ditesrlûi.... dites-lui
Lien. . . ( Elle écoute.')
FI6AH0.
Personne , madame.
Il o s I 9 E.
Que «est par pure amitié tout ce J^ue je fais<
F I o A n o«
Cela parle de soi. Tuàièu! Tamour a bien une
autre allure !
nos IRE.
Que par pure amitié , éntendëz-vôus ? Je crains
seulement que rebuté par les difficultés
FiaABO.
Oui, quelque feu £oIlei. Souvenez (-vous, mar
dame , que le vent qui éteint une lumière , alluma
un brasier, et que nous sommes ce brasier-là. D'en
parler seulement, il exhale un tel feu qu'il m'a
presque enficvré * de sa passion , moi qui n'y ai
que voir.
* Le mot enfiévré, qui n'est plus françois , a excité la
plus vive indignation parmi les puritains littéraires; \e
ne conseille^ auc^n^g^nt j^omme de s'en servir : n^,
M. Figaro!....
Tlkéâtre. Comédie*. l4*- 4
/
36 LE BARBIER DE SÊVILLE.
nosiNE.
Dieux! j'entends mon tuteur. S'il tous trouToÉ
ici... Passez par le cabinet du clavecin, et descea
dez le plus doucement que vous pourrez.
FioAno.
Sojez tranquille. (A part^ en montrant ta teftre.)
Voici qui vaut mieux que toutes mes observa-
tions. ( Il entre dans te cabinet. }
SCÈNE IIL
ROSINE, seuUn
Je meurs d'inquiétude jusqu'à^ ce qu'il soit de*
hors... Que je l'aime y ce bon Figaro ! c'est nn bien
honnête homme , un bon parent ! Ah ! voilà mon
tjran; reprenons mon ouvrage. (Eite souffle la bott-
gie^ s assied, et prend une broderie au tambour.)
SCÈNE IV.
BARTHOLO, ROSINE.
BARTHOLO, en colère.
Ah! malédiction, l'enragé, le scélérat corsaire
de Figaro. Lk, peut-on sortir un moment de chez
soi , sans être siir en rentrant ?..
AOSINE.
Qui vous met donc si fort en colère , monsieur ?
BARTHOLO.
Ce damné barbier qui vient d'écloper toute ma
maison en un tour de main : il donne un narcoti^
AUTB II, SCÈNE IV. 89
^ae à r£yeillé , un stemutatoire à la Jeunesse ; il
saigue au pied Marceline : il n j a pas jusqu*à ma
mule... sur les yeux d une pauvre bête aveugle un
cataplasme ! Parce qu'il me doit cent écus , il se
presse de faire des mémoires. Ah! qu'il les ap-
porte! Et personne à Tan ti -chambre; on arrive à
cet appartement comme à' la place d'armes.
BOSIVE. (
Et qui peut y pénétrer que vous , monsieur?
BAATHOLO.
J'aime mieux craindre sans sujet , que de m^ex**
poser sans précaution ; tout est plein de genë en-
treprenants, d'audacieux... 'N'a-t-on pas ce matin
encore ramassé lestement votre chanson pendant
que j'allois la chercher? Oh! je...
nbsiNE.
C'est bien mettre à plaisir de l'importance à
tout ! Le vent peut avoir éloigi^é ce papier, le pre-*
mier venu... que sais-je?
bautholo.
Le vent, le premier venu!... Il n'j a point de
vent y madame, point de premier venu dans le
monde; et c'est toujours quelqu'un posté là ex-
près , qui ramasse les papiers qu'une femme a l'air
de laisser tomber par mégarde*
nos I SE.,
A l'air, monsieur? .
BAATBOLO.
Oui , madame , a l'ait.
4a LE BÀRBIER^DiE SÉYILLE,
L*éYËlLt£.
Monsieur, j 'étois. . . ah , aah , afa. . .
BARTHOLO.
A machiner quelque espiégleBΫ , sans doute ?
Et tu ne l'as pas vu ? ^
Sûrement je l'ai vu ; puisqu'il m'a trouvé tout
malade, à ce qu'il dit; et faut bien que ça soit
vrai , car j 'ai commencé à me doulpir dans tous les
membres , rien qu'en Fentendant parl.w.. Ah ! ah I
aah. ...
' Bkutno'Lo, ie confrefiiUant,
Rien qu'en l'entendant.... Où eSt donc ce vau-
rien de la Jeunesse ? Droguer ce petit garçon sans
mon ordôUnance! Il j a quelque friponnerie là-
dessous..
SCÈNE VII.
BARTHOLO, L'ÉVEILLÉ, LA JEUNESSE.
( La Jeunesse arrive en vieillard avec une canne en bé-
quille ; il ëtemue plusieurs Sois.)
l'iêveillé, toulours bdiUanU
L'a Jeunesse ?
B ASTHOLO.
Tu éternueras dimanche^
LA JEirifESSk.
Voilà plus de cinquante.... cinquante fois....
dans un moment! {Il éiernue.) Je suis brisé.
ACTE II, SCÈNE VII. 43
BABTHOLO.
Comment ! J6 tous demande à tous deux s'il est
entré quelqu'un chez Kosine , et yous ne me dites
paA qoe ce barbier. • ■
■LÈYTihLÈ, continuant de bdilier.
Est-ce que cest quelqu'un donc M. Figaro?
Aah , ah. . .
BARTHOLO.
Je parie que le rusé s'entend arec lui.
L* ÉVEILLÉ, pleurant comme un sot.
Moi. .. je m'entends !. ,
LAJEtJNESSE, éternuant.
Eh! mais, monsieur, j'a-t-11.... j a-t-il de la
justice ?
BAltTBOLO.
De la justice ! C'est Bon entre tous autres misé-
rables , la justice ! Je suis yotre ftaitre , moi , pour
avoir toujours raison.
• iA jtvsJLisz, éternU'aat^
Mais pardi i quand une cho|e est vraie. . .. •
BARTHOLO.
Quand une chose est vraie ! Si, je ne veux pag
qu'elle soit vraie , je prétends bien qu'elle ne soit
pas vraie. Il n'^ auroit qu'à permettre à tous ces
faquins-là d'avoir raison , vous verriez bientôt ce
que deviendroit l'autorité.
LA JEUVESSE, ^t^rnuant,
J*aitoe autant recevoir mon congé. Un service
terrible , et toujours un train d'enfer.
J
44 LE BARBIER DE SlÈVIIiLE.
z.*]ÉiyEii.Lé, pleurant»
Un pauvre homm^ de hian e^x traité comme an
miséral>le« . .
BARfrHOLO.
Sors donc , pauvre homme de bien. (Il les con-
trefait.) Et t chi et tcha; lun mët^rnue au nez,
l'autre m j bâille..
LA JEDHESSI.
Ah r moi^sijeur , je vous jvre que sans mademoi-
selle , il n j aucoit..». il n'y auroit pas mojren de
rester dans la maison;
( (1/ sort en éternuant. )
Dans quel état ce Figaro les a mis tons ! Je rois
ce que c'est : le maraud vou.droit me payer mes
cent écus ss^ipis bourbe délier^ .. .
SCÈNE VIIL
BARTHOLO, DON BAZILEij FIGARO, eac^iS
dans le caèiinet, .paédlt dt fem^scti Ump$, el les
écoute»
»À']rTttoi.'0 continué,.
Ah! don Bàziïé, vous véttiëz donner à ftosine
sa leçon de musique t
BAZILE..
«
€'est ce qui presse le moins.
B A n T H o L o.«
J'ai passé chez vous sans tous trouTer.
AGXEIP, SCÈNfeVIIl: 55
BAZILE.
J'étois sorti pour y os affaires. Apprenez une uoi>>
Telle assez fâcheuse. ^ >
BARTHOLO.
Pour vous ?
BAZILS.
Non, pour TOUS. Le comte Almayiva est en
cette Tille.
bautholo.
Parlez bas« Celui qui faisoit chercher Rosine
dans tout Madrid ?
BAzrLE..
II loge à la grande place, et sort tous les )ours
îdeguisé.
babtbolo.
Il n en faut point douter, cela me regarde; et
^ne faire ?
BAZILE.
Si cëtoit un particulier ^ on^ nriendroit à bout
3e récarter.
BAUTHOLO.
f
Oui , eu s embus(|uant le soir, armé , cuirassé..
BAZILE.
Bonfi Deus ! Se compromettre ! Susciter une mé-
chante affaire , à la bonne heure ; et pendant la fer-
mentation calomnier au dire d experts ; concedo.
babtbolo.
Singi^er moje'n de se défaire d'un homme
BAZILE.. j
L« calomnie, monsieur? Vous ne savez guère À
48 XE BARBIER DE SËYILLE.
BAItTHOLO.
Non pas. Je yeux fermer sur yous la porte de la
rue.
SCÈNE IX.
FIGARO, seul, sortant du cabinet.
•'Oh! la bonne précaution! Ferme, ferme la
porte de la rue , et moi je vais la rouvrir au c6inte
en sortant. C'est un grand maraud que ce Basile !
heureusement il est encore plus sot. Il faut un
état , une Camille , un nom , un rang , de la co^nsis-
tance ei^fîn , pour faire sensation dans le monde en
calomniant : mais un Bazile , il médiroit qii'on ne
le croiroit pas.
SCÈNE X.
ROSINE, accourant; FIGARO.
BOSIVE.
Quoi ! VOUS êtes encore là , M. Figaro ?
' FIOARO.
Très-heureusement pour vous, mademoiselle.
Votre tuteur et votre maitre à chanter, se crojant
seuls ici , viennent de parler à cœur ouvert.. . .
ROSINE.
Et vous les avez écoutés , Af. Figaro ? Mais sa-
vez-yous que c'est fort mal.
FtaARO.
I
D'écouter? C'est pourtant te qu'il j a de niibuz
ACTE II, SCÈNE X. 49
pour bien entendre. Apprenez (jue votre tuteur se
dispose à vous épouser demain.
nosiiîE.
Ah ! grands dieux !
Fl&ARO.
Ne craignez rien.; nous lui donnerons tant
d*ouyrage , qii'il n'aura pas le tetnps de songer à
celui-là.
Le Yoici qui revient; sortez donc pan le petit
escalier. Vous me faites mourir de frajeur.
(Figaro s^enfuit»)
SCÈNE XL
BARTHOLO, HOSmE«
nosiiTE.
Vous étiez ici avec quelqu'un , monsieur?
BARTHOLO.
Don Bazile que j'ai reconduit, et pour cause.
Vous eussiez mieux aimé que c'eût été M. f'igaro.
nosiNE.
Cela m'est fort égal , je vous assure.
BARTHOLO.
Je Toudrois bien savoir ce que ce barbier avoit
de si pressé à vous dire ?
ROSINE.
Faut - il parler sérieusement ? Il m'a rendu
compte de l'état de Marceline , qui même n'est pa^
trop bien , k ce qu'il dît. , . ' . . •
Théâtre. Comédie*. l4* ^
5o LE BARBIER' DE SÊYILLE.
BÀUTHOLO.
Vous rendre compte ! Je vais parier qu'il étoit
chargé de vous remettre quelque lettre.
ROSI HE,
Et de qui , s*il tous pi ait?
BARTROLO.
Oh !' de qui ? De quelqu'un que les femmes ne
nomment jamais. Que sais-je, moi? Peut-être U
réponse au papier de la fenêtre.
ROSiVE, à part.
Il n'en a pas manqué une seule. {Haut. ) Vous
mériteriez bien que cela fàu
BARTHOLO regarde tes mains de Rosine.
Ctela est. Vous avez écrit.
. R o s. I H E , avec embarras.
Il s'eroit assez plaisant que vous eussiez le pro*
jet de m'en faire convenir.
B A B T H o L o , luî prenant ta main droite.
Moi! Point du tout; mais votre doigt encor«
taché d'encre! Hein? rusée signora!
ROSINE, à part.
Maudit homme !
BARTHOLO, lui tenant toujours ta mainJ
Une femme se croit bien en sûreté parce qu elle
est seule.
ROSIVE.
Ah ! sans doute. . . La belle preuve ! . . . Finissez
donc, monsieur , vous me tordez le bras. Je me suis
brûlée en chiffonnant autour de cette bougie , et
ACTE II, SCÈNE XL 5i
l'on m'a toujours dit qu'il falloit aussitôt tremper
dans Tencre ; c'est ce que j'ai fait.
BAnTHOX.O«
G*est ce que vous ayez fait? Voyons donc si un
«econd témoin confirmera la déposition du pre-
mier. C'est ce cahier de papier , où je snis certain
qu'il j avoit six feuilles; car je les compte tous
les matins , aujourd'hui encore. «
a o s I V E , à part. >
Oh! imbécile!.,..
B A IV T H o I. o , compf anf .
Trois , quatre , cinq. . •
ROSINE.;
La sixième...
BARTHOLO.
Je vois bien qu'elle n'y est pas , la sixième.'
R o s 1 H E , baissant les ifcax.
La sixième? Je l'ai employée à faire nn cornet
pour des bonbons que j'ai envoyés à la petite
Figaro. "
BARTHOLO.
*
A la petite Figaro ? Et la plume qui étoit toute
neuve ; comment est-elle devenue noire ? Est-ce en
écrivant l'adresse de la petite Figaro?
ROSINE, à part.
Cet homme a un instinct de jalousie... (Haut.)
Elle m'a servi à retracer une fleur effacée sur la
veste que je vous brode au tambour.
5a LE BARBIER DE SÉVILLE.
BARTHOLO.
Que cela e^t édifiant ! Pour, qu'on vous crut ,
mon enfant, il faudroit ne pas rougir en déguisant
coup sur coup la vérité ; mais c'est ce que yous ne
savez pas encore.
nosiNE.
Eh ! qui ne rougiroit pas , monsieur , de voir ti>
rer des conséquences aussi malignes des choses le
plus innocemment faites?
BARTHOLO.
Certes , j*ai tort; se hrûler le doigt, le tremper
dans Tencre , faire des cornets aus: bonbons pour
la petite Figaro, et dessiner ma veste au tambour!
quoi de plus innocent! Mais que de mensonges
entassés pour cacher un seul fait!... Je suis seate,
on fie me voit point; je pourrai mentir à mon abe;
mais. le bout du doigt reste noir , la plume est ta--
chée , le papier manque ; on ne sauroit penser à
tout. Bien certainement, signora, quand j'irai par
la ville, un bon double tour me répondra de
vous.
ACTE II, SCÈNE XH. Sa
SCÈNE XIL
"LE COMTE, BARTHOLO, ROSINE-
(Ce comte, en uniforme de cavalerie, ayant l'air d'être
entre deux vins, et chantant : Réveillons-la j etc.
BART0ÛLO.
Mais que nous veut cet homme? Un soldat!
Rentrez chez TOQ», sigftora.
LE coKTs chante, ré^eilloitâ^ht^ et ^Mvaa9e vers
Rosine,
Qui de vous d.eux , mesdames , se nomme le
docteur BAlardxx ? ( ^ Rosine, bas. > Je sim Lindor.
BABTHOLO.
Bartholo.
BOSINE, à part.
Il parle cte liindor.
LE COMTE.
Balordo , Barque à l'eau, je m en moque comme
de ça. Il 9'agit seulement de sfavoir laquelle des
deux. ..(A Rosine , lui montrant un papier, ) .Prenez
cette lettre*
BAETHOLO.
Laquelle! Yqus yojez bien que c'est moi. La-
quelle ! Rentrez, donc , Rosine , c€t homme paroît
avoir du vin.
nosiNE.
C'est pour cela y monsieur ; vous êtes seul. Une
femme en impose quelqaefoki»
BARTHOLO.
Rentrez , rentre»; je ne suis paa timide.
5.
54 XiE BARBIER DE SËVICLE,
SCÈNE XIII.
LE COMTE, BARTHOLO.
L£ COMTE.
Oh ! je tous ai reconnu d'abord à votre signa^
lement. v
BABTBOLO, Att comU , qui serte la lettrem
Qu est-ce que c'est donc que vous cachez là
dans votre poche?
I.E COMTE.
Je le cache dans ma poche pour que tous ne sa*
chiez pas ce que c'est.
BAnTHOtO.
Mon signalement! Ces gens>là croient toujojirs
parler à des soldats.
XE COMTE..
Pensez-vouS que ce soit une chose si difficile à
faire que votre signalement?
Air : Ici sont venus en personne.
Le chef branlant , la tête chauve ,
Les yeux vërons , le regard fauve ,
L*air farouche d'un Algonquin ,
La taille lourde et de jetée ,
L'épaule droite surmonte'e, \
Le teint grenu d'un maroquin ,
Le nez fiiit comme un baldaquin ^
La jambe' potte et circonflexe ,
Le ton bourru , la voix peiplexe y
ACTE II, SCÈNE XIII. 55
Tous les appétits destractenrs ,
Enfin la perle' des docteur». <
bautholo»
Qu'est-ce que cela veut dire? Ëtes-Tous ici pour
m'insulter? Délojges à l'instant.
LE COMTE.
Déloger! Ah! fi! que c'est mal parler! Savez-
vous lire, docteur... Barbe à leau?.
BÀRTHOLO.
Autre question saugrenue!
LE COMTE.^
Oh! que cela ne vous fasse point de peine ; car,
moiqui suis!pour le moins aussi docteur que vous...
B A n T H o L o.
Gomment cela ?
LE COMTE.
Est-ce que je ne suis pas le médecin des chevaux
du régiment? Voilà pourquoi l'on m'a exprès logé
cheï un confrère.
BARTHOLO.
Oser comparer un mai'échal. . . .
LE COMTE.
Air : Vive te vin.
(Sans chanter.)
Non , docteur, je ne prétends pas ,
Que notre art obtienne le pas
Sur Hîppocrate et sa brigade.
' Bartholo coupe le signalement à l'endroit qu'il lui
plftit.
56 LE BARBIER DE SÉYILLE«
(En chantanL)
Votre savoir, mon camatade»
Est d'un succès plus général;
Car s'il n'emporte point le mal,
n emporte au moins le malade.
Cest-il poli ce que je vous dis là ?
BARTHOLO.
Il VOUS sied bien , manipulèur ignorant, de ra-
yaler ainsi le premier, le plus grand et le plus
utile des arts?
LE COMTE.
Utile tout-k-&it , pour ceux qni Texercexit.
BAnTHOLO.,
Un art dont le soleil s'hoiiOEe. dëclairer les
succès.
LE COMTE.
Et dont la terre s'empresse de couTrir les hér
vues.
» ...
BA&THOLO«
On voit bien , mal appris , que vous A'étes ha-
bitué de parler qu*à des chevaux..
LE. COMTE,
Parler à des chevaux ? Ah ! docteur ! Pour un
'docteur d'esprit.... N'est-il pas de riotoriété que
le maréchal guérit toujours ses malades s{ms leur
parler; au lieu que le médecin parle beaucoup
aux siens...
BAATBOLO
Sans leii guérir, n'est-ce pas ?
ACTE II, SCÈNE XIII. S^
LE C0MT4E.
G est VOUS qui layez dit.
liARTHOLO.
Qui diable nnyoie ici ce maudit lyrogne ?
LE COMTE.
Je crois que vous lâchez des épi grammes , l'a-*
mour!
B autholo.
Enfin , que voulez-yous ? que demandez-vou»?
L E ' c O M T E , feignant une grande colère,
£h bien donc! il s'enflamme! Ce que je yeux?
Est-ce que you» ne le yoyez pas ?
SCÈNE XIV.
ROSINE, L'E COMTE, BAKTHOL'O
""y
RasiVE, accourant,
MoHSiEUR le soldat, ne yous emportez point,
de grâce. (ABarlhoto.) Pariez -lui doucement,
monsieur : un homme qui déraisonne. . . .
LE COMTE.
Vous ayez raison; il déraisonne , lui ; mais nous
sommes raisonnables , nous ! Moi poli , et yon&
jolie.... enfin suffît. La yérité, c'est que je ne yeux
ayoir affaire qu'à yous dans la maison.
ROSINE.
Que puis- je pour votre service, monsieur le
soldat ?
58 LE BARBIER DE SÊVILLE.
LE COMTE.
Une petite bagatelle, mon enfant. Mais, s'il y a
de l'obscurité dans mes phrases. . .
ROSINE.
J'en saisirai l'esprit.
LE COMTE, /ut montrant la lettre.
Non , attachez-vous à la lettre , à la lettre. U
s'agit seulement.... Mais je dis en tout bien , tout
honneur , que vous me donniez à coucher ce soir.
BÀRTHOLO.
Rien que cela ? ..
LE COMTE.
Pas davantage. Lisez le billet idoux que notre
maréchal-des-logis vous écrit.
bautholo.
.Voyons^ ( Le comte cache la lettre et lui donne un
autre papier,) (Bartholo Ut.) « Le docteur fiartholo
« recevra , nourrira , hébergera , couchera. . .
LE COMTE, appuyant.
Couchera.
BARTHOLO.
« Pour une nuit seulement , le nommé Lindor ,
K dit l'Ecolier, cavalier au régiment... »
ROSINE.
C'est lui , c'est lui-même.
BARTHOLO, vivcmcnt à Rosine.
Qu'est-ce qu'il y a ?
LE COMTE.. '
Eh bien! ai-jç tort à présent /^docteur Barbaro?
ACTE II, SCÈNE XIV. 69
BAnTHOLO.
On diroit que cet homme se fait un malin plai-
sir de m estropier de toutes les manières possibles;
allez au diable , Barbaro ! Barbe à leau ! et dites' à
votre impertinent marécbal-des-logis que , depuis
mon YO jage à Madrid , je suis exempt de loger des
gens de guerre.
LE COMTE, à paru
O ciel ! fâcheux contre-temps ï
BARTHOLO.
Ah ! ah ! notre ami , ce)a vous contrarie et vous
dégrise, un peu ? Mais n en décampez pas moins à
rinstant.
LE- COMTE, à part,
> J'ai pense me trahir. (Haut.) Décamper! Si tous
êtes exempt de gens de guerre, vous n'êtes pas
exempt de politesse peut-être? Décamper! mon-
trez-moi votre brevet d'exemption ; quoique je ne
sache pas lire , je verrai bientôt. . . .
BABTHOLO.
Qu'à cela ne tienne. Il est dans ce bureau.
LE COMTE, pendant cju*U y va, dit, stins quitter sa
place^
Ah ! ma belle Rosine !
ROSINE.
Quoi ! Lindor, c'est vous ?
LE COMTErf
Recevez au moins' cet^e lettre., *'
RU SI HE. ^
Prenez garde , il a les jeux sur nou^A'
Co LE BARBIER DE SÉVILLE.
LE COMTE.
Tirez votre mouchoir, je la laisserai tomber. ]
( Il s'approche, )
BARTHOLO.
Doucement, «doucement, seigneur soldat» je
n'aime point qu'on regarde ma femme de si près.
LE COMTE., '
Elle est votre femme ?
bauthoio.
Eh quoi donc ?
Lï COMTE.
Je vous ai pris pour son bîsateni paternel , ma-
ternel , sempiternel ; il j a au moins trois généra-*
tions entre elle et vous.
BARTHOLO lU utt parchemin»
u Sur les bons et fidèles témoignages qui nous
« ont été rendus. . . »
LE co MTE donne un coup de main sous les parche-
mins, (fui tes envoie au plancher.
Est-ce que j'ai besoin de tout ce verbiage ?
BARTHOZ.O.
Savez-vous bien, soldat, que si j'appelle mes
gens, je vous fais traiter sur-le-champ comme
vous le méritez?
LE COMTE.
Bataille? Ah! volontiers, bataille! c'est mon
métier, à moi; (montrant son pistolet de ceinture )
et vo'i^de quoi leur jeter de la poudre aux jeux-
Tous n'jb^ez peut-être jamais vu de bataille, ma-
dame?
ACTE II, SCÈNE XIV 6i
ROSINE.
Ni ne veux en toi* r^
LE COMTE.
Rien n*est pourtant aussi gai que bataille : ù^-
reZ'youi( poussant le docteur )d'aLboTà que lennemi
est d'un côté du ravin , et les amis de l'autre. ( A
Rosine , en lui montrant la lettre. ) Sortez le mou-
choir. (Il crache à terre,) Voilà le ravin , cela s'en-
tend.
^Rosine tire ton mouchoir; le comte laisse tomber sm
lettre entre elle et lui. )
bautholo, se baissant.
Ah! ah!..
LE COMTE la reprend et dit :
Tenez.... moi qui allois vous apprendre ici les
secrets de mon métier... Une femme bien discrète,
en vérité !- Ne voilà-t-il pas un billet doux qu'elle
laisse tcMnber de sa poche ?
BARTROI.O.
Donae&i , donnez.
LE COMTE.
Dulciter! papa, chacun son affaire. Si une ov-
donnance de rhubarbe étoit tombée de la vÀtre?..
ROSINE avanée la mxiin.
Ah! je sais ce que cest, monsieur le soldat.
iJEUe ptendla lettre qu'elle cache dans la petite poche
de son tablier, )
BÂRTHOLO.
Sortez-vous enfin ?
Th^itre. Comédlei. I^» ^
6:1 ^E BARBIER DE SÉYILLE.
' Le COMTE.
Ehbien! je sors : adieu, docteur; sans rancune.
Un petit compliment , mon cœur : priez la mort
de m*oublier encore quelques campagnes \ la vie
ne ma jamais été si chère.
BÀUTHOLO.
Allez toujours, si j'avois ce crédit-là sur la
mort....
LE COMTE.
Sur la mort ? T9 'étes-yous pas médecin ? Vous
ïEutes tant de chose pour elle , qu elle n'a rien à
TOUS refuser^
(U sort.)
•SCÈNE XV.
BARTHOLO, ROSINE.
BAETHOLO ie regarde aller m
Il est enfin parti. (A part.) Dissimulons '
ROSINE.
Convenez pourtant, monsieur, qu'il- est bieo
gai, ce jeune soldat! A travers son ivresse, on voit
qu'il ne manque ni d'esprit, ni d'une certaine édu-
cation.
BABTHOLO.
Heureux, m'amour, d'avoir pu nous en déli-
vrer! Mais n'es-tu pas un peu curieuse de lire avec
moi le papier qu'il t'a remis ?
BOSISE.
Quel papier? ^
ACTE II/SCÈNE XV. 63
BlARTHOLO«
Celui qu'il a feint de ramasser pour te le faire
accepter*
ROSIVE.
Bon ! c'est la lettre de mon cousin l'officier , qui
étoit tombée de ma poche.
0ARTHOLO.
J'ai idée , moi , qu'il l'a tirée de la sienne..
• *
ROSINE.
Je l'ai très bien reconnue.
BARTHOLO.
Qu'est-ce qu'il coûte d'j regarder?
ROSIITE.
Je ne sais pas seulement ce que j'en ai fait*
BARTHOto, montrant la poàkettd
Tu l'as mise là.
ROSINE^
AhT ah! par distraction.
BARTHOLO.
Ah ! sûrement. Tu vas voir que ce sera quelque
jolie.
ROSINE, à part»
Si Je ne le mets pas en colère, il n'j aura pas
moyen de refuser.
BARTHOLO.
Donne donc , mon cœur.
ROSINE.
Mais quelle idé^ are^yous en insistant, mon-
sieur? est-ce encore quelque méfiance ?
64 LE PAllBIER DE S£VILL£.
EAATHQ.LO.
Mais YOUB y quelle raison »y€Z«yottP d« ne pas le
montrer?
nosiKE^
Je Vous répète , monsieur , que ce papier n'est
autre que la lettre de mou cousin y que vous m'a^
vez rendue hier toute décachetée; et puisqu'il en
est question , je vous dirai tout net , que cette li-
berté me déplaît excessivement.
BAfiTHOLO.
Je ne vous entends pas.
ROSINE.
Vais-je exapiner les papiers qui vous arrivent ?
Pourquoi vous donnez-^vous les airs de toucher à
ceux qui me sont adressés ? Si c'est jalousie , elle
m'insulte; s'il s'agit de l'abus d'une autorité usur^
pée, j'en suis plus révoltée encore.
BAnXHOLO.
Gomment , révoltée ! Vous ne m*avez jamais
parlé ainsi.
nosiNE.
Si je me suis modérée jusqu'à ce jour ce n'étoit
pas pour vous donner le droit de m'offenser im-
punément.
bArtholo.
De quelle offense me parlez-vous ?
ROSINE.
C'est qu'il ^pt inouï quVn sç pçmettu d'ouvrir
les lettres d« quoiqu'un»
r
ACTE II, SCÈNE XV. 65
BARTHOLO.
De sa femme ?
nosiETZ^
Je ne la suis pas encore. Mais pourquoi lui don-
neroit-on la préférence d'une indignité qu'on ne
fait à personne ? ^
BABTHOLO.
Vous YQuIez me faire prendre le change et dé-
tourner mon attention du billet , qui , sans doute ,
est une missive de quelque amant : mais je le ver-
rai , je you» assume.
ROSïHE.
Vous ne le verrez pas. Si vonë m'approchez ] je
m*enfuis de cette miateoa » et )e demande retraite
au p;^M«U« YSa^
BARTHOLO.
Qui ne vous recevra points
ROSINE.
C'est ce qu'il faudra voi^.
BARTHOLO.
Nous ne sommes pas itî en France, où l'on
idonne toujours raison aut femmes : mais pour
vous en ôter la fantahte , fe t^s fermer la porte.
R o s I a E , pendant qu'il y va.
Ah! ciel! que faire?.... Mettons vite à la place
la lettre de mon cousin , et dônnoni^lui beau jeu à
la prendre. (Eiie ptH téùhange et met la lettre du,
cousin dans la pochette, de façon^a^elie sort un peu.)
BARTHéCO, revenant.
Ah! j'espère maintenant la voir#
6.
66 LE BARBIER DE S£VILL£.
ROSIVE.
De quel droit, s'il yoas plaît?
BARTHOLO.
Du droit le plus universellemeni reconnu , ce-
lui du plus fort.
no SI HE.
On me tuera plutôt que de Tobtenir de moi«
BARTHOLO, frappant du pied.
Madame ! madame ! . . •
ROSINE tombe sur un fauteuU et feint de se trouve^
matm
Ah ! quelle indignité !.. «
BARTHOLO;
Donnez cette lettre , ou craignez ma colère.
R o S 1 9 E , renversée^
Malheureuse tlosine !
BARTBOLO.
Qu'ayea^TOUs donc?
rosive;
Quel avenir affireux!
BARTHOLO;
Rosine !
ROSIVB.
J étouffe de fureur.
BARTHOLO»
Elle se trouve mal.
Rosine;
Je m'affoiblis , je meurs. ,
ACTE II, 'SCÈNE XV- 67
BAATHOLO tui tâté U pouts, et dit à part :
l>ieux! la lettre! Lisons-la sans quelle en soit
instruite. (It continue à lui tâter le pouls, et preiid
la lettre, quU tâche de4ire en se tournant un peu. )
B o s I N E , toujours renversée.
Infortunée ! ah !
B ART H OLO /ui (fuUte le bras, et dit à part :
Quelle rage a-t-on d'apprendre ce qu'on craint
toujours de savoir !
BOSlHEi^
Ah ! pauyre Rosine !
BABTHOLO.
Lusî^ des odeurs.... produit ces affections
ipasmodiques.
(Il lit pat derrière le fauteuil en lui tâta^t le pouls*
Rosine se relève un peu , le regarde finement , fait
un gsste d.e tête et se remet sans parler.)
BAETHOLO, à part.
O ciel ! c'est la lettre de son cousin. Maudite in-
quiétude! Gomment l'apaiser maintenant? Qu'elle
ignore au moins que je l'ai lue ! (Il fait semblant de
la soutenir et remet la lettre dans la pochette, *)
BOSINE soupire.
Ah!..
BABTHOLO..
Eh bien! ce n'est rien, mon en&nt; un petit
mouyement de vapeurs , voilà tout ; car ton pouls
n'a seulement pas varié.
(Il va prendre un flacon sur la console.)
£8 LE BARBIER' DE S£VILL£.
Il a, Tfonift la lettre : fort bi eiu
BAAT]IO,I<Ou
Ma chère J^b^i^e, un pem de cetfe eau »piri>-
tueuse.
ItOSlITE.
Je ne yeu:( rien de you9 : laissez-moi.
BARTHOLO.
Je conviens que j*ai montré trop déyiyacité sur
ce billet.
nosiNE.
Il s'agit bien de billet ! C'est vôtre' h^otk àé de-
mander les choses qui est r'ëyôltante.
' toAitÉOLO*, à ^êitffui:^
Pardon : j'ai bientôt senti tous mteS* tortsi; et m
mé vdi» à tesr pie^ prêt à le» répafret.
Rosiifrt.
Oui, par^wî lorsque vou» croyez qtic <*ettc
lettre ne vient pas- de hïoA cousin.'
BARfftOIrO.
' Qe^èlle soit d'un «trtre ou de liit , je H^ fé^soÊ.
anân» éclaircissement»
A o« 1 1^ £ , tui préseMavit k» tèttre>r
Vous vojez qu'ayee de bonnes façons on ob-
tient tout de moi. Lisez-la.
BfARTKOLO.
Cet honnête procédé dis«iperoit més.selipçOns,
si j'étois assez malheureux pouz en conseryer.
n o s I ]» E^
Lisez-la donc , monsieur.
ACTE II, SC6NE XV. 69
9Ar%TnQt.o se Pfiféffe.
A DUn se pk»^ qiïe }e t« lassa «xi/& f areîlle
injure!
Vous me eon'trariez de la refuser.
BARTHOIiO.
Reçois en réparation cette marque de ma par-
faite confiance. Je vais voir la pauvre Marceline ,
^ue ce Figaro a , je ne sais pourquoi , saignée dv
pied ; n'y viens-tu pas aussi ?
nosiNE.
J*j monterai dans un moment.
BAUTHOLO.
Puisque la paix est faite, mignonne, donne-
moi ta main. Si tu pouvois m'aimer, ah! comme tu
serois heureuse I /
iiOS»]iE, bmi^a^iiiet i^us.
Si vous pouviez me plaire , ah ! comme je vous
aimerois !
BAliTHOLO.
Je te plairai , je te plairai j quand je te dis que
je te plairai.
(UsorL)
SCÈNE XVI.
ROSINE, le regardant aller,
Ab! Lindor! il dit qu'il me plairai... Lisons
cette lettre , qui a manqué de me causer tant de
chagrin. (Elle lit et s* écrie : ) Ahî... j'ai lu trop
70 I£ BÀBBI£R;D£ SËYILLE.
tard ; il me recommande de tenir une querelle ou-
verte avce mon tuteur; jen ayois une si bonne!
je l'ai laissé échapper. En recevant la lettre , j'ai
senti que je rougissois jusqu'aux jeux. Oh! mon
tuteur a raison. Je suis bien loin d'avoir cet usage
du monde qui , me dit-il souvent , assure le main-
tien des femmes en toute occasion. Mais un homme
injuste parviendroit à faire une rusée de l'inno-
eence même.
rm n« «bcobd actB.
>^iii^ ^O^M
ACTE TROISIÈME.
SCÈNE I.
BAKi:HOLO, seul et déioU.
QuELiE humeurî quelle humeur! Elle paroiwoit
apaisée... là , qu'on me dise qui diable lui a fourré
dans la tête de ne plus vouloir prendre leçon de
don Baiile? Elle sait qu'il se mêle de mon ma^
riage... (On heurte à la porte,) Faites tout au monde
pour plaire aux femmes j si vous omettez un seul
petit point.. . jedis un seul... (On heurte awseconde
fois,) Vojons qui c'est.
SCÈNE II.
BARTHOLo/lE comte en bachelier.
l'E COMTE.,
Que la paix et la joie habitent toujours céans I
BARTHOLo, brusquement.
Jamais souhait ne vint plus à propos. Que vou-
lez-vous? r r X
I<E COMTE.
Monsieur, je suis Alon^o , bachelier, licencié..
bauthoj:.».
Je n'ai pas besoin de précepteur.
^a LE BARBIER DE SÉVILLE.
LE COMTE.
.\>t Élève de don Bazile, organiste da grand
couvent , qui a l'honneur de montrer la musique
à madame votre. . .
BARTHOLO^
Bazile T organiste! qui a Thonneur ! je le sais;
au fait.
LE c o Bf T E , à parL.
Quel homme ! (Haut.) Un maf subit qui le forc«
à garder le lit. . ..
BÀRTHOLO.
Garder le lit! Bazile! il a bien £ût d'envojers
}e vais le voir à l'instant.
LE COMTE, à part»
Oh diable ! ( Haut. ) Quand je dis le lit , mon
sieur, c*est. .. la chambre que j entends.
• BAUTHOLO.
Ne fùt-'il qu'incommodé, marchez devant , je
vous suis..
LE COMTE, embarrassé.
Monsieur, j'étois chargé... Personne a9 peut-il
nous entendre ?
BARTHOLO, à part.
C'est quelque fripon. (Haut.) Eh npnî mon
sieur le mystérieux, parlez sans vous troubler, s
vous pouvez.,
LE CoiItTE, à part.
Maudit vieillard!' (Hauf.) 1)on Bazile m'avoi
chargé de vous apprend]»*.. / ^' '
ACTE III, SCÈNE IIJ ^3
b^utholo.
Parlez haut , je suis sourd d'une oreille.
LE COMTE, élevant la voix.
Ah! volontiers. Que -le oomte Almavtva, qui
restoit à la grande place. . .
BARTBOLO, efftaifé.
Parlez has , parlez has.
t E COMTE, plus haut.
.... En est délogé ce matin. Gomme c'est. par "*
moi qu'il a su que le comte Almaviya. . .
BARTHOLO.
Bas ; parlez bas , je vous prie.
LE COMTE, du même ton,
.... Etoit en cette ville, et que j'ai découvert
que la- signora' Rosine lui a écrit. . .
BARTHOLO.
Lui a écrit ? Mon cher ami , parlez ^lus bas , je
vous en conjure. ^ Tenez , asseyons-nous , et jasons
d'amitié. Vous avez découvert, |ii tes -vous, que
Rosine. . .
LE COMTE, fièrement.
Assurément. Bazile , inquiet pour vous de cette
correspondance , m'avoit prié de vous montrer sa
lettre; mais la manière dont vous prenez les cho-
•les* t «l**
BARTHOLO.
Ah'mon dieu! je les prends bien : mais ne vous
est-il pas possible de parler plus bas ?
LE COMTE..
Vous êtes sourd d'une oreille , avez-vous ^it.
Théâtre. Comifdieir l4*i 7
^4 LE BAKEIËH DE. SÊTILLE.
Pardon , pardon, seigneur Alonzo , sî TOtis m'a-
vez trouyé méfiant et dur ; mai* je suiiB tellement
entouré d'intrigantâ , de piégea.... et puis votra
tournure , votre âge , votre air... Pardon , pardon.
Eh bien ! avezp-vons la lettre ?
LE COMTK.
A la bonne heure sur ce ton , monsieur : mais
^ }e crains qu'on ne soit aux écoute^.
ftARTttOXiO.
Eh ! qui voulez-t^us ? tous mes valets sur les
dents! Rosine en£irmée de fur-dur! Le diable est
entré chez moi. J« vais encore m'assurer. . .
(1/ ^a ouvrir doucement ta porté dû Raêine* )
LE COMTE, à pari*
Je me suis enferré de dépit... Garder la lettre à'
présent, il fendra m'enftdr : autant vaodi^oit n'être
pas venu.... La lui montrer.... Si jepuis. en préve^
nir Rosine , la montrer est un coup d« mahre!
BAaTHOLo revient sur la pointe du pied.
Elle est assise auppès de sa fenêtre, le dos
tourné à la porte, occupée k relire une lettre de
son cousin l'officier, que j'avois déoach^tée....
Voyons donc la sienne.
LE COMTE lui remet la lettre de Rosine*
La voifi. (À part, ) C'est ma lettre qu'elle relit.
BARTBOLO Utm
« Depuis que vous m'av^ appris votre nom et
« votre étatji » Ah ! la perfide ! c'es^ bien là &a
maiti.!
ACTE III, SCÈlfS II. 9S
&É OOMTX 9ffrwféf
Pavks don« 1mm à votre teur.
bAuthoio. )
Quelle obligation , mon cher : . .
LE COMTE.
Qjaand tout sera fini , si vous crojez m'en de-
voir, vous serez le maître. D'après un travail que
fait actuellement don Bazile avec un homme de
I
loi...
BAATHOLO.
Avec un homme de loi , pour mon mariage ?
LE COMTE.
Tous aurois-je arrêté sans cela? Il m'a chargé
de vous dire que tout peut être prêt pour demain»^
Alors si elle résiste. . .
BARTBOLQ.
£1U résistera..
LE COMTE veut reprendre la lettre, Bartholo la serfe».
YoiU l'instant où je puis vous servir : nous lui
môotrercms sa lettre, et» s'il le &ut, (plus mysté-
rieusenânt) j'irai jusqu'à lui dire que je la tien«
d'un« femme à qui le comte l'a sacrifiée; vous sen-
tez que le trouble , la honte , le dépit peuvent la
porter sur-le-champ. . .
BAjiTJioLO, ffiani.
De la caloÉinié ! mon cher ami , je vois bien
maintenant que vous venez de la part de Bazile.
Mm pour que ceci n'eût pas l'air concerté, n«
•eroit-il pas htm qu'elle vous connut d'avance? .
76 LE BARBIEK DE SEVILLE.
LB COMTE réfrime un grand mouvement de joie.
C etoit assez l'avis de don Bazile : mais com-
ment faire? il est tard..,, au peu de temps qui
reste./.
BABTBOLO.
Je dirai que vous venez en sa place. Ne lui don-
nerez-vous pas bien une leçon?
tE COMTE.
11 n'y a rien que je ne fasse pour vous plaire :
mais prenez . garde que toutes ces histoires de
maîtres supposés sont de vieilles finesses , des
moyens de comédie : si elle va se douter ?. . .
BARTHOLO.
Présenté par moi ?^ Quelle apparence ! Vous
avez plus l'air d'un amant déguisé , que d'un ami
officieux.
lE COMTE.
Oui ? Vous croyez donc que mon air peut aider
à la-tromperie ?
BABTBOLO.
Je le donne au plus fin à deviner. £lle est ce
soir d'une humeur horrible : mais , quand elle ne
feroit que vous voir... Son clavecin est dans ce ca-
binet. Amusezrvous , en l'attendant : je vm faire
l'impossible pour l'amener.
LE COMTE.
Gardez-vous bien de lui parler de la lettre.
« BA11THOLO.
Avant l'instant décisif ? Elle petdroit tout son
effet. Il ne faut pas me dire deux fois les choBes : i)
ne faut pas me les dire deux fois* (1/ s'en va,)
ACTE III, SCÈNE IIL 77 ^
SCÈNE m.
LE COMTE, seuL
Me yoilà sauvé. Ouf! que ce diable d'homme
est rude à manier ! Figaro le connoit bien. Je me
vo jois mentir ; cela me donnoit un ; air plat et
gauche; et il a des yeux!.. Ma foi, sans l'inspira-
tion subite de la lettre, il faut Tavou^ier, jetois
éconduit comme un sot. O ciel ! on ' dispute là-
dedans. Si elle alloit s'obstiner k ne pas venir!
Écoutons. . . . Elle refuse de sortir de chez elle , et
j'ai perdu le fruit de ma ruse. {Il retourne ééouter.)
La Yoici ; ne nous montrons pas d'abord. (Il entre
dans Le cabinets)
SCÈNE IV.
LE COMTE, ROSINE, BARTHOLO.
n o s I N E , avec une colère simulée.
Tout ce que vous direz est inutile , monsieur,
l'ai pris mon parti ; je ne veux plus entendre par- «
1er de musique.
BABTHOLO.
lËcoute donc , mon enfant \ c'est le seigneur
Alonzo , rélève et l'ami de don Bazile , choisi par
lui pour être un de nos témoins. La musique te
calmera, je t'assure.
no SI HE.
Oh! pour cela , vous pouvez vous en détacher 2
fi j« chante ce soir !... Où donc est-il ce maître que
7--
^8 L£ BARBIER DE S£rVltL£.
vous craignez de renyojrer? je vais,. en deux mots,
lui donner son compte et celui de Bazile. (£//<
aperçoit son amfuU : ette ftàt kh cWt) Ahl . ^
bautholo.
Qu'ayez-vous?
jiosiRE , les deux atains sur sùn cœur, avec un grand
trouble.
Ah! mon dieu, monsieur... /"Ah! mon dieu,
monsieur...
BAUTHOLO.
Elle se trouve encore mal ! seigneur Alonzo.
nosxHE.
Non, je ne me trouve pas mal... mais c'est C[u en
m e tournant. . . Ah ! . .
LE COMTE.
Le pied vous a tourné , madame ?/
ROSINE.
Ah I oui , le pied m'a tourné. Je me suis fait un
mal horrible..
Je vh les eais bien .«pen^
ROSINE, regardant le cemie^.
Le coup in 'a porté vx ooeur«
BJlRTBO&iO..
JJntià^^ ua^iitiÇe. £c pa« Un fauAeii^ii ici?
{il sw le €b&n^r.. )
I.E COMTE.
Ah! Rosine!
Quelle îsKiprvdieniBe !
ACTE lîl, SCÈNE IV. 79
J*ai mille cbosèB ^»sé&tiellet à Tom dire.
S9SISS.
U ne nous opittera pas.
LE CO.MTE»
Figaro va venir fi^u^ aider.,
B A !RT a o 1 o appuie un fhutetiiL
Tiens, mignonne, aâ${eels-4oi. Il n'y a pas d'ap-
parence, bachelier, qu'elle pternie de leçon ce
8oiT,'c% Beta pour na autr6 jour. Adieu,
B o s I N fi , au comte.
ffon , attendes ; tea doulettt eèt un peA apaisée.
(A Bartholo.) Je sens qne j'ai eu tort avec tous,
mônsiefur : {« TenK vous fcmiter) tu féparant sur-
le-champ. . .
BABTnOLj».
Oh ! le i>on petit naimxrl ide îammo ! Mais après
une pareille émotioil^ «son enfant , je ne souffrirai
pas <{!#€ tu {ap«e» le mwtiàx^ eflbrt. A«ii«u i adieu ,
bapUelier.
ROSiVE, q^eem^Cf
Un momanf, de grâce! (ÀBwiMe» ) Je croirai ,
monsieur^ xjvl^ tous n'aimez pas à m'obliger, si
vous m'emp^che^ de y.au9 prouver 1W^ regrets, ea
prenant msi leçon. .
x,E C09iTB« à partpàBarlfioh*
IHa la «oiitrajrie» ]His , « vous «l'en oroyez.
BA&THOLO.
Voilà qui est fini , mon amoureuse. Je auis si
8o LE BÂRBI'EK DE SËYILLE.
loin de chercher à te déplaire , que je venx rester
là tout le temps que Va vas étudier.
R>0 9I1I]^
Non , monsieur : je sais que la musique n*a nul'
attrait pour vous.
B'AtlTHOLC.
Je t'assure que ce soir elle m'enchantera.
n o s I N E , aa comte, à part.
Je suis au supplice.
LE COMTE, prenant un papier de musique sur ie
pupitre.
Est-ce là ce que yous voulez chanter, madame?
BOSISE.
Oui ; c est un morceau très agréable de la Pré-
caution inutile.
BARTHOLO.
Toujours la précaution inutile ?
LE COMTE.
G*est ce qu'il j a de plus nouveau aujourd'hui.
C'est une image du printemps d'un genre assez vif.
Si madame veut l'essayer. . .
R o s I ff E , regardant ie comte.
Avec grand plaisir : un tableau du printemps
me ravit ^, c'est la jeunesse de la nature. Au sortir
de l'hiver , il semble que le cœur acquière un plus
haut degré de sensibilité : comme un esclave en-
fermé depuis long-dtemps, goûte ^ avec plus de
plaisir, le charme 'de la liberté qui vient de lui
être offerte.,
ACTE III, SCÈNE IV. 8i
BAnxHOLO, bas, au comte.
Toujours des idées romanesques en tête.
LE COMTE, bas.
Et sentez-vous ^application ?
bautholo.
Parbleu ! {Il va s'asseoir dans le fauteuil (fua oc-
eupé Rosine. )
nos 19 £, chante,
' Quand dans la plaine,
L'amour ramène
Le printemps ,
Si chéri des amants 7
Tout reprend l'être ,
Son feu pénètre
\DaBS les fleurs 9 .
Et dans les jeunes cœurs.
» Cette ariette,' dans le goût espagnol, fut chantée U
premier jour à Paris, malgré les huées, les rumeurs et
le train usités au parterre en ces jours de crise et de
isombat. La timidité de l'actrice l'a depuis empêchée d'oser
la redire , et les jeunes rigoristes du théâtre l'ont fort
louée de cette réticence. Mais si la dignité de la comédie
françoise y a gagné quelque chose, il'faut convenir que le
'Barbier de SéviUe y a beaucoup perdu. C'est pourquoi
sur les théâtres où quelque peu de musique ne tirera pas
tant k conséquence, nous invitons tous directeurs à la
restituer, tous acteurs à la chanter, tous spectateurs à
l'écouter, et tous critiques à nous la pardonner, en faveur
du genre de la pièce, et dtl plaisir que leur fera le
morceau.
0* LE BAHÇiEH D£ SËVILLE.
On ToU les troupeaux
Sortir des hameaux ;
Dans tous les coteaux
Les cris des agneaux
Retentissent;
Us bondissent ;
Tout fermente ;
Tout augmente;
Les brebis paissent
Les fleurs qaï naissent ?
Les chiens fidèles
Veillent sur elles ;
Mais Lindor enflamme,
fie songe guère
Qu'au bonheur d*étrs au
De sa bergère.
Même aini
Loin de sa mère.
Cette bergère
Va chantant,
Où son amant l'attend.
Par cette ruse
L'amour l'abusis ;
Mais chanter,
Sauve^t-il du danger?
Les doux chalumeaux,
Les chants dei oiseaux «
Ses charmes naissants ,
Ses quinze ou seize auti
.Tout l'excite ;
Tout l'agite ;
'Vv.
;
, ACTE m, SCÈNE ï?. 83
•
La pauvrette
S'inquiète ;
De sa retraite y
Lindor la guette ;
Elle s'avance ;
Lindor s'élance ;
Il vient de Vembras^cr :
Elle , bien aise ,
Feûit de se courroucer ,
Pour ({u'on l'apaise.
jpeiitc reprise,
"Les soupirs ,
Les soins , les promesses ,
Les y ivés tendresses ,
Les plaisirs ,
Le &i badinage y
Sont mis 6n usage ;
Et bientôt la bergère
Me sent plus de colère.
Si quelque jaloux
IVouble un bien si dopz ,
Nos amants d'accord
Ont un soin extrême. . .
De voiler leur trauspprt|
Mais quand on s'aime ,
La gêne ajoute encor
Au plaisir même.
(lEn ^écoutant, Bartholo s'est assoupi Le comte, pen^
dant ta petite reprise, se haiarde h prendre utm
main qu'ii couvre de baisers. L'éthétiôn ratentit te/
chant de Rosine, taffclblit et finit même par tuf^
i
84 LE BARBIEa^E SËYILLE.
couper la voix au milieu de la cadence, au mol
atrème. L'orchestre suit le mouvement de la chan-
teuse y affaiblit son jeu et se tait avec elle. L'ab-
sence du bruit (fui avoit endormi Bartholo^ te ré-
veille. Le comte se relève j Rosine et ^orchestre
reprennent subitement la suite de l'aif\ Si ta petite
reprise se répète, le même jeu recommence^ etc.)
LE COAITE.'
En vérité , c'est un motceau charmant , çt <ma-
dame Texécute avec une intelligence...
ROSINE.
Tous me flattez , seigneur ; la gloire est toute
' entière au maître.
BAnTHOto, bddlanU
Moi , je crois que j*ai un peu dormi pendant le
morceau charmant. J'ai mes malades. Je vas , je
viens , je toupille , et sitôt que je m'assiedsi, me»
pauvres jambes. . . .
( // se lève et pousse le fauteuil. )
ROSINE, bas f au comte,
Figaro ne vient point.
LE COMTE*
Filons le temps.
BARTHOLO.
Mais, bachelier, je l'ai déjà dit à ce vieux Ba-
zile : est-ce qu'il n'j auroi^ pas moj^en de lui faire
étudier des choses plus gaies , que toutes ces grandes
aria , qui vont en haut , en bas , en roulant , hi ,
ho, a, a, a, a, et qui me semblent autant d'enter-
rements. Là, de ces petits airs qu'on ch»ntoit dans
ACTE m, SCÈNE IV. 85
ma jeunesse , et que chacun retenoit facilenient.
J'en savois autrefois... Par exemple...
(Pendant la ritournelle, il cherche ,£n se grattant
la tête, et chante en faisant claquer ses pouces et dan-
sant des genoux comme les vieillards» )
Yeux-tu, ma Rosinette,
Faire emplette
Du roi des maris ?«..
( Au comte , "en riant. )
Il j a Fanchonnette dans la chanson ; mais j j
ai substitué Rosinette pour la lui rendre plus
agréable et la faire cadrer aux circonstances. Ah 1
ah ! ah ! ah ! Fort bien ! pas y rai?
LE COMTE, riant»
Ah ! ah ! ah ! Oui , tout au mieux..
*• SCÈNE Y.
FIGARO, dans le fond; ROSINE, BARTHOLO,
LE COMTE.
BAKTBOLo chante.
Veux-tu, ma Rosinette,
Faire emplette
Du roi des maris?
Je ne suis point Tircis ;
Mais la nuit, dans 1 ombre,
Je vaux encor mon prix ;
Et quand il fait sombre ,
Les plus beaux chats sont pM. .
Tbéatrc. Comédies* l4- 8
86 LE BAKBIER DE SÉVILLE.
( 1/ répète in reprise en dansuiiU Figaro, derrière lui,
imite ses mouvements. )
Je ne 6uii point Tiret».
(Apercevant Figaro.) Ah! entrez, monsieur 1«
barbier; ayanceai, tous ét«» charmant !
FiaAaOf saiuant.
Monsieur , il est vrai que ma mire me Ta dit au-
trefois; mais je suis un peu déformé depuis ce
temps-là. {A part, au eomle.) Braro! monseigneur*
{Pendant toute cette scène, le conte frit ce qu'il
peut pour parler à Rosine ; mais tœil inifuiet et viai-
iant du tuteur Vèn empêche toujours, ce cfui forme un
jeu muet de tous tes acteurs, étranger au débat du
docteur et de Figaro. ),
BAATHOLO.
, Venez-vous purger encoi'e, saigner, droguer,
mettre sur le grabat toute ma maisoi| T
flOARO.
Monsieur , il n'est pas tous les jours fête ; mais,
/tans compter les soins quotidiens , monsieur k pu
voir que , lorsqu'ils en ont besoin , mon zèle n'at-
tend pas qu'on lui commande. . .
B ABTHOLO.,
Votre zèle n^attend pas '. Qu€ direz-vous , mon-
sieur le zélé , à ce malheureux qui b&llle et dort
tout éveillé? et l'autre qui, depuis trois heures,
éternue à se faire sauter le crâne et jaillir la cer-
velle ! que leur direz-vt)us ?
Figaro.
Ce que je ledr dirai?
ACTE III, SG£]N£ V. Bj
BAATHOLO. '
Oui.
Je leur dirai. . . Eh ! parbleu ! je dirai à celai qui
étemue , Dieu vous bénisse; et va te coucher à celui
qui bâille. €e n'est pas cela, monsieur, qui gros-
sira le mémoire.
BABTHOLO.
Vraiment, non ; mais c'est la saignée et les mé-
dicaments qui le grossiroient , si je voulois y en-
tendre. Est-ce par zèle aussi que vous ayez empa-
queté les ^eux de ma -mule, et votre cataplasme
lui rendra-t-il la vue ?
PiaARO.
S'il ne lui rend pas la vue, ce n*ett pas cela non
plus qui l'empécheva à'y voir.
bautiolo.
Que je le trouve sur le mémoire!.. On n'est pat
de cette extravagance-lk !
fioaho.
Ma foi, nionsieur, les hommes n'ajant guère à
choisir qu'entre la sottise et la folie , où je ne vois
pas de profit, je veux au moins du plaisir; et vive
la joie ! Qui sait si le monde durera encore trois
semaines ?
BABTHOLO.
Vous feriez bien mieux , monsieur le raison-
neur, de me pajer mes cent écus et les intérêt»
»ans lanterner; je vous en av^^rtîs.
88 LE BARBIER DE SÉVILLE.
FIGARO.
Doutez- VOUS ^e ma probité , monsieur / Vos
cent écus! j'aimerois mieux vous les devoir toate
ma vie , que de les nier un seul instant.
bâutholo.
Et dites-moi un peu, comment la petite Figaro
a trouvé les bonbons que vous lui avez portés?
' FIGARO.
Quels bonbons ? que voulez-vous dire ?
B AR.THOLO..
Oui, ces bonbons, dans ce cornet fait ay«c
cette feuille de papier à lettre-, ce matin..
FIGARO..
Diable emporte si. . .
V ROSINE, V interrompant,
AVez-vous eu soin au moins de les lui donner
de ma part , M. i Figaro ? Je vous l'a vois recoin^
mandé.
FIGARO4
Ah! àh! les bonbons de ce matin? Que je suis
bête , moi ! j'avois perdu tout cela de vue. . . . Oh î
excellents , madame , admirables.
BARTHOLO.
Excellents! admirables! Oui, sans doute, mon-
sieur le barbier, revenez sur vos pas. Vous faites-
la un joli métier, monsieur 1'
FIGARO. *
Qu'est-ce qu'il a donc , monsieur ?
s
I
a<:te III, scène v: 89
BAaT4BtOLO.
£i qui TOUS fera une belle répuution, mon-*
Bieur!
FIGARO.
Je la soutiendrai , monsieur.
BÂRTHOLO.
Dites que vous la supporterez , monsieur»
FiGAno..
Gomme il vous plaira , monsieur.
BARTHOLO.
Vous le prenez bien haut, monsieur! Sacliez
que quand je dispute avec un fat , je ne lui cède
jamais. "
F I G A B o , lui tournant le dos.
Kous différons en cela , monsieur ; moi , je lui
jcède toujours.
BARTHOLO.
Hein ? qu'est-ce qu'il dit donc , bachelier?
FIGARO.
C'est que vous Croyez avoir affaire k quelque
barbier de village , et qui ne sait manier que le
rasoir? Apprenez, monsieur, que j'ai travaillé de
la plume à Madrid , et que sans les enviei^x.. .
BARTQOLO.
Eh! que n j restiez -vous, sans venir ici chan^
ger de profession ? .
On fait comme on peut; mettez^vous à ma
place.
8.
^ LE BARBIER DE SfiYILLE.
BABTHOLO.
Me mcttTC à rottt place! Ahf pteblenl ye dirois
de belles sottises I
FIGABO^
Monsieur y vous ne commence pal trop mal;
je m'en rapporte à yotre confrère qui est Ik rêvas-.
sant. . ..
LECOMTE, revenant à lui.
Je. . . je ne suis pas le confrère de monsieur.
FIG-A&O. ^
Non? Vous TOjant ici à consulter, j*ai pensé
que TOUS poursuiviez le même obje^.
BAATHOLO, en colère*
Enfin , quel sujet vous amène ? T a-t-il quelque
lettre à remettre encore ce soir.à madame? Parles,
faut-il que je me retire ?
FIGABO..
Gomme vous rudoyez le pauvre monde! Ehf
parbleu ! monsieur, je viens vous raser, voilà tout :
n'est-ce pas aujourd'hui votre jour-?
BABTHOLO.
Vous reviendrez tantôt.
PIGABO.
Ah ! oui , revenir ! toute la garnison prend m^
decine demain matin ; j'en ^ obtenu l'entreprise
par mes protections. Jugez donc comme j'ai du
temps à perdre ! Monsieur passe-t-il ches lui ?
BAftTaoltO.
Non , monsieur ne pastfe point chec lui. eh,
mais. . . qui empêche qu'on ne me rase ici Z
ACTE ni, SCÈNE T. 91
BOSIVE, avec dédain.
Yons êtes honnête! Et pourquoi pas dans mon
appartement ?
bautholo»
Tu te fâches ? Pardon , mon enfant , ta vas
achever de prendre ta leçon; c'est pour ne pas
perdre un instant le plaisir de t'en tendre.,
FIGARO, bas, au comte.
On. ne le tirera pas d'ici ! ( Haut ) Allons , l'É-
veillé ? la Jeunesse ? le Lassin , tke l'eau , tout ce
qu'il £iut à monsieur.
^ BARTHOLO.'
Sanft doute , appelez-les ! fatigués , harassés ,
moulus de votre façon , n'a-t-il pas fallu les faire
coucher?
FIGARO. •
Eh hien! j'irai tout chercher : n'est-ce pas dans
votre chamhre? (Bas, au comte.) Je vais l'attirer
'dehors.
BAKTHOLO détache son trousseau de clefs et dit par
réflexion :
Non, non, j'j vais moi-même, (fias, au comte en
s^en allant.) Ajez les yeux sur eux , je vous pi'ie.
9» LE BARBIER DE SÊVILLE.
SCÈNE VL
FIGARO, LE COMTE, ROSINE;
FlGAno.
Ah! que nous l'avons manqué belle! il alloit
me donner le trousseau. La clef de la jalousie nj
est-elle pas ?
a o s I N e;
C'est la plus neuve de toutes.
SCÈNE VIL
BARTHOLO, FIGARO, LE COMTE, ROSINE.
BAnTHOLO, revenant, à part.
Boh! je ne sais ce que je fais de laisser ici ce
maudit barbier. (A Figaro,) Tenez. (Il lui donne le
trousseau,) Dans mon cabinet , sous mon bureau;
mais ne toucbez à rien.
FIGARO.
La peste ! il j feroit bon , méûant comme vous
ètQs ! {A part y en s'en allant,) Y oj&i comme le ciel
protège l'innocence !
SCÈNE VIII.
BARTHOLO, XE COMTE, ROSINE».
BARTHOLO, buS, au COIRf f.
C'kIbt le drdle qui a porté la lettre au coiute.
LE COMTE, bas.
Il m'a l'air d'an fripon.
ACTE m, SCÈNE VIII. 95
B A B T H O L O:
Il ne m'attrapera plus.
LE COMTE.
Je crois qu'à cet égard le plus fort est fait.
BAATHOLO.
Tout considéré, j'ai pensé qu'il étoitplus pru-
dent de l'enyoyer dans ma chambre , que de le
laisser avec elk«
lE COMTE.
Ils n'auroient pas dit un mot que je n'eusse été
en tiers.
ROSINE.
Il est bien poli , messieurs , de parler bas sans
cesse. Et ma leçon ?
[Ici l'on entend uii hrait , comme de ia vaissetle ren-
versée, ]
BAHTBOLO, criant.
Qu'est-ce que j'entends donc? Le cruel barbier
aura tout laissé tomber par l'escalier, et les pluf
belles pièces de mon nécessaire !... (li court de hors.)
SCÈNE IX.
LE COMTE, ROSINE.
LE COMTE.
Propitobs du moment que l'intelligence de
Figaro nous ménage. Accordez-moi ce soir, jeyous
en conjure , madame , un moment d'entretien in-
dispensable pour vous soustraire à Tesclayage ou
vous allez tomber.
gi L£ BARBIER DE SËVILLE.
R09I8E.
Ah! Lindor!
LE COMTt.
Je puis moBtîer à votre jalousie ; et C[i>ant à la
lettre que j'ai reçue cle vous ce matin , jis me suis
vu force. ...
SCÈNE X.
ROSINE, BARTHOLO, FIGARO, LE
COMTE,
BAnTHOLO.
Je ne m'étois pas trompé ^ tout est brisé, fra-
cassé.
FIGARO,
Voyez le grand malheur po'ur tant de train ! On
ne voit goutte sur lescalier. (1/ montre la clef au
cQmU*) Moi, en montant, j'ai accroché une olef...
bautbolo.
On prend garde à ce qu'on fait. Accrocher une
clef ! l'habile homme !
FI&ARO.
Ma foi , monsieur, chcfrchez-en un plus subtil.
AGTEHI, SCÈNE XL 95
SCÈNE XL
ROSINE, BARTHOLO, FîOARO, LE COMTE,
DON BAZILE.
AOSiiTE, effrayée, à part,
DoirBazilel...
LE COMTE, à paru
Juste ciel !
FiaAnOy à part.
C'est le diable !
BAETHOLOva eui-devant de lui.
Ah ! Bazile ,. mon ami , soyez 'le bien rétabli ^
Votre accident n'a donc point eu de suite? En vé-
rité, le seigneur Alonzo m'avoit fort effrayé sud
votre état; demandez-lui, je partois pour vous
aller voir , et s'il ne m'avoit point retenu. . .
B A z 1 1. X , étonné.
Le seigneur Alonzo ? «. «
F I G A K o , frappant du pied,,
Bh quoi! tonjours de» acroos? Deux heures
pour une méchante barbe. . . Chienne de pcaitlqae !
BAZILE, regardant tout le monde.
Me feitez-vous bien le plaisir de jot dire, lues-
tieurs?...
riGAno.
Vous lui parlerez quand je ftertil patvti.
«AZILE.
Mais encore faudroit-il. . .
90 LE BAHBIER DE SÉVILLE.
LE COMTE.
Il fau'droit tous taire , Bazile. Croyez-vous ap«
prendre à monsieur quelque chose qu'il ignore ? Je
lui ai raconté que vous m'aviez chargé de venir
donner unevleçon de musique à votre place*
B> z I L E , plus étonnée
La leçon de musique ! . . . Alonzo ! . . .
B o s I ir E , À part, à Bazile,
Eh 1 taisez>vou8.
BAZILE.
Elle aussi !
LE COMTE, bas, à Barlhobù.
Dites-lui donc tout bas que nous en sommes
convenus.
BABTHOLO, à Bazîle , à part»
N'allez pas nous démentir, Bazile, en disant
qu'il n'est pas votre élève ; vous gâteriez tout.,
BAZILE,
Ah! ah!
BAaTHOLO, haut.
En vérité , Bazile , 09 n'a pas plus de talent que
votre élève.
BAZILE, stupéfait.
Que mon élève!... (Bas,) Je venois pour yous
dire que le comte est déménagé.
BABTHOLO, baS,
Je le saisj taisez-vous.
BAZILCy 6a«.
Qui vous l'a dit ?
ACTE III, SCÈNE XL 97
« BAILTBOLO, baS.
' Lui , apparemment.
LE COMTE, bat.
Moi y sans doute : écoutez seulement. ^
«
n 0 s I N E , bas , h Baùte.
Est-il si diJËcile de vous taire ?
♦
FIGARO, bas ,, à Bazite.
Hum ! grand escogrif ! Il est sourd !
p AziLfi, à part.
Qui diable est-ce donc qu'on trompe ici? tout
le monde est dans le secret.
BAnTHOLO, haut.
£h bien ! Bazile , votre homme de loi?
FIGARO. '
Vous ayez toute la soirée pour parler de l'homme
de loi. *
BARTHOLO, àBasi/e.
Un mot : dites-moi seulement si vous êtes con-
tent de l'homme de loi?
BAziLE, effaré*
De l'homme de loi ?
X E c o M T E , «oorianf ,.
Yo«s ne l'avez pas vu , l'homme de loi,?
BAZILE, impatienté.
Eh! non, je ne l'ai pas vu, l'homme* de loi.
LE COMTE, à Barthoio, à part.
Voulez-vous donc qu'il s'explique ici devant
elle ? Renvo jez^le.
Théitrc Comédies. ,l4« 9
98 L£ BARBIER DE SÉVILLE.
Vous ayez raison. (A BatUe.) Mats qtxel mal
TOUS a donc pris si snbicemeat?
BAziLK, en cùlèré^
Je ne vous entends pas.
LE G o M T E /ai met, à part, une bourge danâ in main.
Oui : monsieur vous demande ce que yous ye-
nez faire ici , dans l'état d iodisposicio&- où ^ous
êtes?
Il est pâle comme un mort!
SAZILE.
Ah ! jie comprends. . .
LB COMTE.
Allez you9 coucher, moA cher BfttUe : tdus
n'êtes pas bien, et yous nous laites mourir de
frayeur. Allez vous coucher.
FIGARO.
Il a la phjsionomie toute renversée. AHe2 vous
coucher.
BAATHOItO.
D'honneur , il sent la fièvre d'une lieue. Allez
yous coocher«
ROS'lHE.
PourqfBoi donc étes-^^os serti? Qln dit que cela
se gagne. Allez yous coucher..
B ▲ z I & H > Oie derkiet HmiAMKjiI •
Que j'aille me coucher ?
ACTE lU, SGËNE XI. 99
TOUS LES ÀCTEUllft eusemble.'
£h! sans doute.
B A z I L E , /ef regfirdant tou^i
En effet , messieurs , je crois que je ne ferai pas
mal de me retirer; je sens que je ne suis pas ici
dans mon Msiett« ««dkiftire.
< BAkTHOI.«.
A demain , toujours : si vous ates imeux.
LE COMTE.
Bazile, je serai chez vous de très bonne heure.
FIGARO.
Grojez-moi , tenez-vous bien chaudement dans
votre lit.
ROSIHE,
Bonsoir , M. Bazile.
BAziLE, à part
Diable emporte ai j j comprends rien ; et sans
cette bourse. . . .
TOUS.
Bonsoir , Bazile , bonsoir.
BAZILE, en s'en aliant.
Eh bien 1 bonsoir donc , bonsoir.
( Ih i*ttccompagneitt tous en riani, }
tt>o 1£ BÂRBIEft I>£ SBVILLE.
r
SCÈNE XII.
ROjSINE, BARTHOLO, LE COMTE, FIGARO.
BARTHOLO, d'ttA tou important.
Cet homme-là n est pas bien du tout*
ROSIITE.
Il a les jeux éjgarés.
lE COMTE.»
Le grand air Tauira saisi.
FI G AU o.
Ayez-Yous tu comme il parloit tout seul ? Ce
que c*e»t que de nous ! (A Bartholo.) Ah I ça , yo:is
décidez-YOUS , cette fois ? (1/ lui pousse un fauteuil
très loin du comte , et lui prétente le linge.)
LE COMTE.
Ayant de finir , madame , je dois yous dire un
mot essentiel au progrès de l'art que j'ai l'honneur
de YOUS enseigner. (1/ s*approche, et lui parle bas à
l'oreille, )
B A a T HO L 0 , à Figaro.
Eh mais ! il semble que yous le fassiez exprès
de YOus approcher, et de yous mettre deyant moi
pour m'empêcher de yoir . . .
LE COMTE, bas, à Rosine.
Nous ayons la clef de la jalousie , et nous serons
ici à minuit.
FiGAEO passe le linge au cou de Bartholo.
Quoi Yoir? Si c'étoit une leçon de danse, on
ACTE m, SGÊNE XII. lOi
TOUS passeroit d'j regarder; mais du chant!.. Ahi!
ahi!
BAATBO.IO.
Qu'est-ce que c'est?
FIGABO.
Je ne sais ce qui m'est entré dans l'œil.
(1/ rapproche sa tête,)
BAUTHOLO.
fïe frottez donc pas.
F I6AR0.
C'est le gauche. Voudriez- vous me flaire le pUi»
sir d'j souffler un peu fort?
BA&THOLO prend la tête dp Figaro, regarde par-dessus i
te pousse violemment, et va derrière les amants
écouter leur conversation^
LE COMTE, bas , à Rosine,
Et quant à votre lettre , je me suis trouvé taiv
tôt dans un tel embarras pour rester ici...'
viGAiLOyde loin , pour avertir.
Hem ! . . hem ! . ..
LE COMTE.
Désolé de voir encore mon déguisement inu-
tile. . .
isARTHOLO, passant entre deux»
Votre déguisement inutile !
ftOS^iSE, effrayée,.
Ah!..
BARTHOLO.
Fort bien , madame , ne voiu gênez pas. Gom-
I 9*
lo» LE BARBIER DE SKTîLLE.
«
tuent! sommes jreux^K^ne» em i&a pfétenae» on
m'ose outrager de la sorte !
&B COMTE.
Qu'ayez-vous donc , seignéuf ?
BAAtllOLO.,
Perfide Alonzo !
LB COlIlTE^
Seigneu^Bartholo,Sî tous ayez souyent des lu-
bies comme celle dont le hasard the rend 'témoin ,
je ne suis plus étonné de Téloignement que made-
moiselle a pour devenir vt)tre fe^me.
nosiiTE.
Sa femme! Moi! passer mes jours auprès d*nn
vieux j|l1oux, qui , pour tout bonheur, offre à ma
jeunesse un esclavage abominable !
BAUTHOLO.
Ah! qu est-ce que j'entends!
nosiVE.
Oui , je le dis tout haut ; je donnerai mon coeur
et ma main à celui qui pourrie m'arracher de 6ette
horrible prison, où ma personne et mon bien sont
retenus contre toute justice^
(Rosine sort,)
ACTE IIirSCËNE XIII. io3
SCÈNE xin.
BÂRTHOLO, FIGARO, LE COMTÉ.
BABTHOI.O..
L'a colère me snfibque.
LE COMTE..
En effets seigneur, il est difficile qu'âne jeune
Kinme. ..•
FI&ARO.
Oui, une jeune fiemme et on grand âge; voilà
ce qui trouble la tête d'un vieillard.
BARTHOLO. '
Gomment! lorsque je les prends sur le fait!
Maudit barbier! il méprend des envies.... |
FxaAno.
Je me retire , il est fou.-
LE COMTE.
Et moi aussi ; d!honneur il est fou..
FIGARO.
Il est fou , il est fou. . .
{lii sortent.)
SCÈNE XIV.
BARTHOLO, seuif les poursuit»
Je suis fou! Infâmes suborneurs! Émissaires du
diable, dont vous faites ici l'office, et qui puisse
TOUS emporter tous!... Je suis fou !... Je les ai vus
comme je vois ce pupitre.... et me soutenir effron-
io4 LE BARBIER DE SËYILLE.
tément !».. Ah! il n y a que Bazile qui puisse m ex-
pliquer ceci. Oui, envojons-le chercher. Hola!
quelqu'un.... Ah! j oublie que je n'ai personne....
Un voisin, le premier veUu , n'importe., Il y a de
quoi perdre l'esprit ! ttl j a de quoi perdre l'es-
prit !i
FIS su TAOISlàME ACTZ.
(Pendant Tentr'acte, le théâtre s'obscurcit : on entend nn
bruit dWage, et l'orchestre joue celui qui est gravé
dans le recueil de la Musique du Barbier.)
I>«^<»^»^<»lrf*^^<*<^i*''**<
»»>^^N»<^»^I^I^1^ ^' ^ l^»^»^!!^»^ .<i
ACTE QUATRIÈME.
SCÈNE I.
(Le théâtre est obscur.)
BARTHOLO; DON BAZILÉ, une lanterne de
papier à la main,
bAutholo.
Comment, Bazile, vous ne le connoissez pas? Co
que TOUS dites est-il possible?
BAZII.E.
Vous m'interrogeriez cent fois que je yous fe-
rois toujours la même réponse. S'il vous a remis la
lettre de Rosine, c'est sans douteun des émissaires
du comte : mais , à la magnificence du présent qu'il
m'a fait, il se pourroit que ce fàt le comte lui-
même.
BARTHOLO.
' Quelle apparence ? Mais , à propos de ce présent,
ehî pourquoi l'avez-vous reçu?
BAZILE.
Vous aviez l'air d'accord; je n'y entcndois rien;
tt, dans les cas difficiles à juger, une bourse d'or
me parolt toujours un jipgument sans réplique. Et
puis , comme dit le proverbe , ce qui est bon a
prendre*.. ^
toÇ ILE BAllBIER DE SÊVILLE.
BA-BTBOIiO.
J'entends , «it bon. »«
BAZILE.'
A garder.
BARTBOI.0, surprix
Ah'! ah!
BA»IS,E,
Oni^ j'ai arrangé comme cela plusients petits
proverbes avec des variations : mais, allons au
ifait , à quoi vous arrêtez>vous ?
BABÏHOLO.
En ma place , Basile , ne feriez^vons pas les der-
niers etfbrts pour la posséder?
BASILE.
A|a foi non , docteur. En toute espèce de biens ,
posséder est peu de chose; c'est jouir qui rend
heureux : mon avis est, qu'épouser une femme
dont on n'est point aimé, c'est s'exposer...
BARTHOLO.
Vous craindriez les accidents ?i
BAZILX.
Eh ! eh ! monsieur. . . on en voit heaueetip edtte
année. Je ne ferois point violenee à âon oesur.
BAETHOI.O.
Votre Tslet , Basile. Il vaut loieiiz qnVUe
plenre de n'avoir, que moi je tteuie de ne Vfltvoir
psts.
Il j va de la vie ? Epouses , idootenr , époiiiM«
ACTE IV, SCÈNE I. 407
BAATHOLÔ.
Aussi l«riH-j« , «t cette irait niâme.
Adieu donc. — « Souveiiez-vous, en {>aTUTit à
la pupille j de les rendre tous plus noirs c[ue l'en-^
fer
BAHTlfOIO.
Vous avez maison.
BAZIlC.
La calomnie, docteur, la calomnie. M faut tou«
jours en venir là.
BARTHOLO.
Voici la lettre de Rosine <^ue cet Alonzo m'a
remise, et il m'a montré , sans le Touloit, lusage
que j'en dois faire auprès d'elle.
BAZXI.Z.
Adieu : nous serons tous ici à quati^ beurei»
BARTHOLO.
Pourquoi pas plus tôt? v
BAZILÊ. '
I
Impossible ; le notaire est retenu.
BARTHOLO. ^
Pour un mariage? ^'
B AZILE.
Oui, chez le barbier Figarp; c'est sa nièce qu'il
marie.
BARTHOLO.
Sa nièce? il n'en a pas.
BAZILC
Voilà ce qu'ils ont dit au notaire.
1(9 LE BARBIER DE SÉVILLE.
BABTBOLO»
Ce drôle est du complot; que ^diable £
BAZILE.
Est-ce que vous penseriez?..
BARTHOLO.
Ma foi , ces gens~là sont si alertes ! Tenez , mon
ami , je ne suis pas tranquille. Retournez chez le
notaire : qu'il vienne ici sur-le-^hamp avec vous.
BAZILE.
Il pleut , il fait un temps du diable ; mais rien
ne m'arrête pour vous servir. Que faites -vous
donc ?i
BARTHOLO..
Je vous reconduis ; n'ont-ils pas fait estropier
tout mon monde par ce Figaro ! Je suis seul ici.
BAziLt.
\ J'ai ma lanterne.- '
BARTHOLO.
Tenez, Bazile, voilà mon passe -partout, je
vous attends, je veille; et vienne qui voudra,
hors le notaire et vous , personne n'entrera de la
nuit.
BAZILE.
Avec ces précautions y vous êtes àûr de votr«
fait.
ACTE lY, SCÈNE II. 1*9
SCÈNE IL
ROSINE, seule , sortant de sa chambre*
^
Il me sembloit avoir entendM parler. Il est
minuit sonné ; Lindor ne vient point* Ce mauvais
temps même étoit propre à le favoriser. Sûr de ne
rencontrer personne.... Âh! Lindor, si vous m'ar-
viez trompée ! . . . Quel bruit entends- je ?... dieux !
c'est mon tuteur. Rentrons.
SCÈNE ni.
ROSINE, BARTHOLO..
BARTHOLO, tenant de la lumière*
Ah! Rosine, puisque vous n'êtes pas encore
rentrée dans votre appartement. . . r
R o s I H B*
Je vais me retirer»
BARTHOtO.
Par le temps affreux cfu'il fait , vous ne repose-
rez pas, et j'ai des choses très pressées k vous dire.
ROSINE.
Que me voulez-vous , monsieur ? n'est-ce donc
pas assez d'être tourmentée le jour ?,
BARTHOLO.
Rosine , écoutez-moi,
ROSIBIE.
Demain ^ je tous entendrai.
Théâtre. Comédies. K^-^ '^
i^ LE BARBIER D£ SÊVILLS^
BÂRTHOLO,
Un moment , de grâce»
no SINE, à parU '
S'il alloit venir!
BAUTHOLO, lui montrant sa lettre* •
Gonnoissez-vous cette lettre ?
ROSINK, la rceonnoissant.
Ah ! grands dieux ! . . .
BAILTHOt.0.i
Mon intention , Rosine , n'est point de vons
faire de reproches : à votre âge on peut s'égarer ;
mais je suis votre ami , écoutez-moi.
ROSISE.
Je n'en pui^ plus.
BARTHOL0.
Cette lettre que vous avez écrite au coïnte
Almaviva. ...
ROSI SE, étonnée»
Au comte Almaviva !
BARTHOLO.,
Voirez quel homme affreux est ce comte I Aussi-
tôt qu'il l'a reçue, il en a fait trophée; je la tien»
d'une femme à qui il l'a sacrifiée.
R0SI9E.
Le comte Almaviva I . . .
BARTHOLO.
Vous avez peine à vous persuader cette «horreur.
L'inexpérience , Rosine , rend votre sexe confiant'
et crédule ; mais apprenez dans quel piège on vous
attiroit.; Cette femme m'a fait donner avis de tout,
ACTE IV, SCÈNE lU. tu
apparemment pour écarter une rivale aussi dange-
reuse que TOUS. J*en frémis ! le plus abominable
complot , entre Almaviya , Figaro et cet AlonzO ,
élève supposé de Bazile , qui porte un autre nom ,
et n^est que le yil agent du comte , alloit vous en-
traîner dans un abîme dont rien n'eût pu vous
tirer.
H o s I s E , accablée.
Quelle horreur ! . . . . quoi ! Lindor ! . . • . quoi ! et
jeune homme ! . . .
4m B kHT no LO\ à partv
Ah ! c'est Lindor.
ROSIMC.
C'est pour le comte Almaviya... C'est pour un
autre. , . .
BARTHOLO.
Voilà ce qu on m'a dit, en me remettant votrf
lettre»
a O s I ir B , outrée.
Ah! quelle indignité!... Il en^sera puni. Mon-»
•leur , vous avez désiré de m'épouser ?
BABTHOLO.
.Tu connois la yiyacité de mes aentiments.
ROSINE.
S*il peut VOUS en rester encore ^ jje suis à vousi;
BABTHOLO.
f •
£h bien ! le notaire viendra cette nuit même.''
BOSIITE.
Ce n'est pas tout ;.ô ciel! suis- je assez humiliée 1
Apprenez que dans pieu le perfide ose entrer par
119 LE BIKBIEH'DE SSVILLE.
cette jalousie,' dont ils ont eu Tart de vous déro-
ber la clef.
BARTHOLO, regardant au trousseau.
Abf les scélérats! Mon enfant, je ne te quitte
plus.
no SI SE, avec effroU
Ah ! monsieur , et slls sont armés ?
BAUTHOLO.
Tu as raison : je perdrois ma vengeance. Monte
chez Marceline : enferme-toi chez elle à double
tour. Je vais chercher main^forte et l'attendre au-
près de la maison. Arrêté comme voleur , nous au-
rons le plaisir d'en être à la fois vengés et déli-
vrés ; et compte que mon amour te dédommagera.
A o s I s E , au désespoir.
Oubliez seulement mon erreur. (A part.) Ah!
je m'en punis assez.
bautholo, 4'eii allant»
Allons nous embusquer.. A la fin , je la tiens.
(lisori^y
SCÈNE IV.
ROSINE, «ea/e.
. Sow amouirme dédommagera!.. 7 Malbeareuie !
( Elle tire son mouchoir et s'abandonne aux larmes. )
Que faire?... Il va venir., Je veux rester et feindre
avec lui , ' pour le contempler un moment dani
toute sa noirceur. La bassesse de aon procédé sera
mon préservatif.,. Ah! j'en ai graud besoin. Fi-
MiTC noble ï air doux ! iu|e ygIx si tendre !,». et ce
n'est qne le vil agent d'wn corrnptenr! Ah! mal-
heureuse! malheajreuse !..... Ciel! on ouvre la ja-.
lonsle. (^EUe se sauve, )
SCÈNE V.
LE COMTE, FIGARO, éni^eloppé d'un manr
teau, paYoU à la fenêtre,
FIGARO parle en dehçrs, ;
QuELQU *UN s*enfuit ;.entrerai-je ?
I.E CQJCTE, en dehors,
Unhonnne?
FIOARO.
Non. -, t
LE COMTE.
C'est Rosine , que ta figure atroce aura mise en
faite.
FIGARO saute dans la chambre,^
Ma foi, je le crois... Nous voici enfin arrivés,
^malgré la pluie , la foudre et les éclairs.
I.E COMTE, enveloppé d'an lonq manteau,-
Donne-moi la main. {Il saute à son tour,) A nous
la victoire»
FIGARO jette son manteau,
lions sommes tout percés. Charmant temps
pour aller en bonne fortune ! Monseigneur , com-
ment trouvez- vous cette nuit?.
LE COMTE.
Superbe pour un amant*
lO.
ti4 LE BARBIER DB BBYIXLE.
r I G A R o..
Oui ; mais pour un fcoufideAt ? .... Et fri €jnth
qu'un aHolt nous surprendre ici ?
LE COMTE.
N*es-tu pas ayec moi? J'ai bi?n une autre- in-
quiétude ; c'est de la déterminer à quitter sur-le-
chip^p U^naisoii 4^ tuteur.
Vous avez pour tous trois passioss tontes pais-
santes sur le beau sexe; l'amour, la haine et la
crainte.
LE COMTE regarde dam i' obscurité.
Gomment lui annoncer brusquement que ie no>
taire l'attend chez toi pour nous unir ? Elle trou-
vera mon projet bien hardi. Elle va me nommer
audacieux.
FIGÀBO.
Si elle vous nomme audacieux, vous l'appelle-
rez cruelle. Les femmes aiment beaucoup qu'on les
appelle cruelles. Au surplus , si son amour est tel
que vous le' désirez , vous lui dites qui 'VOUS dtes ;
elle ne doutera plus de vos sentiments^
. JLCTE IV, SQÊNE Vi. ii5
SCÈNE Yî,
LE COMTE, R0S!NE;^FIGAR0.
Figura allume tootç» 1«$ ^u|^ <{uji aoi^i sur U uUe.^
LB GOMTK.
La Toici... Ma belle MosHiel.w
' 1) o s I ■ ^ , d'-ua tOA tris ocmpo$è.
Je coamen^eis •tnonsièur, à cvaindce que TOiu
ae Tinsfiez pas,
I.B COMTE*
Charmante inquiétacEe !....> Bfta^bmowriie , il ne
me convient point d'abuser dèidttOiiBtaacet pour
vous proposer dfi pact^Qr \9 ^^ojc\ d'un infortuné ;
mais qnelqu'asile quçypi» çjiioî^i^si^z, je j)»çe mon
honneur....
R o s I K £..-
Monsieur , si le don de ma main n^avoit pas dû
fuiTre à Tinstant celui de mon cœur , vous ne se-
q9« p99i» ^ifttM.Twe a d'irrégulkr..
I.E ÇOUTE.
Vou« , Bpsi^e » la compago^ d!uii malheureux !
sans fortune , Mins naifts^nçe !.>..
nqsjiifE.
L'a naissance , la fortune ! Laissons là les jeux
du hasard , et si vous m'assurez que vos intentions
•ont pures...
LE COMTE, à ses pieds.
Ah! Rosine , je tous adore.
lia LE BAKBIER DE sevILLE.
BosiHE, indignée»
^Arrêtes, malheureux!'. . . yoiis osez profaner !. . . i ,
m m'adores!... Va! tu n*es plus dangereux pour
moi; j*attendoia oe mot pour te détester. Mais^ ;
ayant de t'abandooner au remords qui t'attend , ^
{en pleurant) apprends que )e t'aimois, apprends
que je faisois mon bonheur de partager ton mau-
vais sort. MiséraUe Lindor! i'aliois tout quitter
pour te suivre* liais le lâche abus que tu as fait de
mes bontés, et l'indignité de cet'a£Ereux comte
'Almaviva , à qui tu me vendois , ont £ut rentrer
dans nuss- mains ce témoignage de ma £(>iblesse«
Goanois-tu cette lettre ?
L z c o K T B vivemenU
Que votre tuteur vous a remise 1^ ^
Aosiirit^ fièrement^
Oui, je Iym «q ai l'obligationr
AE COMtB.
Dieux , que je suis faenrenx ! Il la tient de moi J
Dans mon embartas , hier, je m'en suis servi pour
arracher sa confiance; et je n'ai pu trouver l'ins-
tant de vous en informer. Ah ! Rosine , il est donc
vrai que vous m'aimez véritablement l
FiaAAO,
Monseigneur, vous cherchiez une femme qui
vous aimât pour vous-même. «•
aosiRE,
Monseigneur ! Que dit-il ?.
ACTE jrV, SCÈNE VI. 117
I.E COMTE , jetant son iarge manteau , paraît en habit
magnifique,
O la plus aimée des femmes ! il n est plus
temps àe Ypus abuser : l'heureux homme que
vous voyez à vos pieds n est point Lindor; je suis
le comte Almaviva, qui meurt d'amour, et vous
cherche en vain depuis six mois.
ROSINE tombe dans les bras du comte,
AhS.,
LE COMTE, effratjé,
Figaro?
FioAno.
Point d'inquiétude , mpnseigneuc ; la douce
émotion de la joie n'a jamais de suites fâcheuses ;
la voilà , la voilà qui reprend ses sens ; morbleu I
qu elle est belle t
EOSlir,£.
Ah! Lindor!.., Ah! monsieur, que ^ suis cou«
pable ! j'allois me donner cette nuit même à mon
tuteur.
LE COMTE.
Vous , Rosine 2L
ROSINE.
Ne voyez que ma punition. J'aurois passé ma
vie à vous détester. Ah ! Liudor , le 'plus affreux
supplice n'est-il pas de haïr,, quand on sent qu'on
est faite pour aimer?
I FIGARO regarde à la fenêtre:
Monseigneur, le retour est fermé ^ l'échelle est
enlevée.
1x8 LE BARBIER DE SËVILLE.
LS COMTE.
Enleyée !
mosiHE, troublée»
Oui , c'est moi... c'est le docteur. Toilà le fruit
de ma crédulité. Il m'a trompée. J'ai tout avoué ,
tout trahi : il sait que vous êtes ici , et va venir
avec main-forte.
F I o A n o regarde encore.
Monseigneur , on ouvre la porte de la rue.
aosiVE, courant dans les bras du comte avec frayeur.
Ah! Lindor...
LE COMTE y avec fermeté,
•Rosine, vous m'aimez! Je ne crains personne,
et vous serez ma femme. J'aurai donc le plaisir dt
punir à mon gré l'odieux vieillard \ . .
ROSINE.
Non , non , grâce pour lui , cher X'indor ! Mon
cœur est si plein, que la vengeance ne peut ^
trouver place.
SCÈNE VIL
LE NOTAIRE , DON BAZILE , LE COMTE,
ROSINE, FIGARO.
F I G A a o.
MovsEioHEVR , c'est notre notaire,
LE COMTE.
Et l'ami Bazile avec lui !
BAZXLE,
Ah! qi|*e8t-ce que j'aperçois?
ACTE IV, SCÊJSE VIL 119
' ' FIOARO; >
£h! par quel hasard, notre ami?..
BAZILE.
Par quel accident , messieurs?**
LE NOTAIRE.
Sont-ce là les futurs conjoints?
LE COMTE.
Oui , monsieur. Vous deviez unir la signorr
Rosine et moi cette nuit chez le barhier Figaro ;
mais nous avons préféré cette maison , pour des
raisons que vous saurez. Avez -vous notre con-
trat?
LE NOTAIRE.
J*ai donc Thonneur de parler à son excellence
monsieur le comte Âlmaviva?
FIGARO.
Précisément.
BAZILE, à part.
Si c'est pour cela qu'il m'a donné le passe^par»
tout...
LE NOTAIRE.
G^est que j'ai deux contrats de mariage, mon-
seigneur ; ne confondons point : voici le vôtre ; et
c'est ici celui du seigneur Bartholo avec la si-
gnora.... Rosine aussi. Les demoiselles apparém*
ment sont deux soeurs qui poitént le même nom.
LE COMTE.
Signons toujours. Don Eazile Toodrabien nous
servir de second témoin.
{Its tifiuent)
lAO LE BARBIER tE SÉYILLE.
BASILE.
Mais,! votre excellence..... je* ne comprends
' LS COUTS.
Mon maître Bazile , un rien tous embarrasse ,
et tout vous étonne.,
BAZILE.
Monseigneur. . . mais si le docteur. ...
L E c o M T E , lui jetant une bourse^
Vous faites lenfant. Signez donc vite.
BAziLE, étonnée
Âhfah!..
FIGABO.
OÙ donc est la difficulté de signer?
BAZILE, pesant la bourse^
W. ny en a plus ; mais c est que moi , quand j'ai
donné ma parole une fois , il faut des motils d*un
grand poids. . . (1/ si^ne, )
SCÈNE VIII.
BÂiRTHOLO, UN ALCADE, des alguazils, des
VALETS avec des flambeaux, LE NOTAIRE, DON
BAZILE, LE COMTE, ROSINE, FIGARO.
BABTHOLO voU te comte baiser la main de Rosine ,
et Figaro^ qui embrasse grotesquement don Baùie:
il crie en prenant le notaire à la gor^e»
Rosine avec ces fripons! arrêtez, tout le monde
J'en tiens un au collet..
ACTE IV, SCÈNE VIII. 1211
LE BTOTAIBE^.
C'est YOtre notaire.
BAZILE*
C'est YOtre notaire. Vous moqnez-vous?
BARTHOLO.
Ah ! don Bazile , eh comment êtes-yous ici ?
BAZIIE..
Mais plutôt vous , comment nj étes-yous pas ?
l'alcade, montrant Figaro,
Un moment ; je connois celui-ci. Que yi'ens-tu
faire en cette maison , à des heures indues?
FIGARO.
Heure indue? Monsieur yoit hien qu'il est aussi
près du matin que du soir. D'ailleurs, je suis de la
compagnie de son excellence monseigneur le
comte Almayiya.
babtholo.
Almayiya !
l'alcade»
Ce ne sont donc pas des voleurs?
BARTHOLO.
Laissons cela Partout ailleurs , monsieur le
comte, je suis le serviteur de votre excellence;
mais vous sentez que la supériorité du rang est ici
sans force. A jez , s'il vous plaît , la bonté de vous
retirer.
LE COMTE.
Oui, le rang doit être ici sans force; mais ce
Tîiê«tr«. Comédies. 1 4* XI
i2a LE BA^ABIER DE SÉYILLE.
qui en a beaucoup , est la préférence que made-
moiselle vient de m'accorder sur vous , en se don-
nant à moi volontairement.
BA&TBOLO.
Que dit-il , Rosine ?
nosiBts.
Il dit vrai. D'où naît votre étonnement ? Ne de-
^ vois-je pas , cette n^ît même , être vengée d'un
troitipeur ? Je le suis.
Quand je vous disois que c'étoit le comte lui-
même , docteur ?
BARTHOLO.
Que m'importe à moi? Plaisant mariage! Où
sont les témoins?
LE HOTAXaC.
Il n'^ manque rien. Je suis assisté de ces deux
messieurs
BAllTHOtO.
Gomment , Bazile , vous avez signé ?
BAZILÇ.
Que voulez-vous ? Ce diable d'homme a toujours
ses poches pleines d'arguments irrésistibles.
BARTHOLO.
Je me moque de ses arguments. J'userai de mon
autorité.
LS COMTE.
Vous l'avez perdue en ^n abusant.
ACTE IV, SCÈNE VIIL ii3
BARTBOLO.
lia demotseAe est mineure.
FIGARO.
Elle Tient de s'émanciper.
BARTHOLO.
Qui te parle à toi , maitre fripon?
LS COMTE.
Mademoiselle est noble et bejyie ; je suis homme
da qualité , jeune et riche ; elle est ma femme : à ce
titre , qui nous honore également , prétend-t-on
me la disputer?
BARTHOLO*
Jamais on ne Tôtera de mes mains.
LE COMTE.
Elle |k*est plus en votre pouvoir. Je la mets sous
Tautorité des lois , et monsieur , que vous ayez
amené yous-méme , la protégera contre la violence
que TOUS voulez lui faire. Les vrais magistrats sont
les soutiens de tous ceux qu*on opprime.
1*ALÇADE.
Certainement : et cette intitile résistance au plois
honorable mariage indique» assez sa frayeur sur la
mauvaise administration des biens d^ ^ pupille,
âom il faudra qu'il rende çpinp^.
ht COMTE..
Ah! qu'il consente à tout , et je ne lui demande
rien.
ia4 LE BARBIER DE SÊVILLE.
FX6ARO.
Que la q[tiittance de mes cent écus : ne perdons
pas la tête.
BART'HOLO, irrité, .
0
Ils étoient tous contre moi ; je me suis ^urré la
tête dans un guêpier !
BÀZXLC. '
Quel guêpier ? ne pouvant ^yoir la femme , cal»
culez, docteur, que l'argent vous reste; et oui,
TOUS reste.
BA&iTHOLO.
Eh ! laissez-moi donc en repos , Bazile ; vous ne
songez qu'à l'argent. Je me soucie bien de l'argent,
moi. A la bonne beurç, je le garde; mais croj'ez-
TOUS que ce soit le motif qui me détermine? (/i
$i^ne. )
FiGAao, riant.
Ah| ah! ah! monseigneur; ils sont de la même
famille.
tE ROTAiaE.
Mais, messieurs, je n j comprends plus rien.
Est-ce qu'elles ne sont pas deux demoiselles qui
portent le même nom?
FIGARO.
Non , monsieur , elles ne sont qti'une;
BARTBOLO, s't désotont.
Et moi qui leur ai enlevé l'échelle , pour que le
mariage fût plus six ! Ah ! je me suis perdu fiiute
de soins.
ACTE IV, SGÈWE Vin. laS
FIGAAO.
Faute âe sens. Mais sojons Trais , dootenr :
quand la jeunesse et Tamour sont d'accoid pour
tromper un vieillard , tout ce qu'il fait pour l'em-
pêcher peut bien s'appeler, à bon droit, la Précaic-
tian inutile^
riH DU ^KtiTtizjKvz s£yiLX.i«
»r»
LA FOLLE JOURNÉE,
OU
LE MARIAGE DE FIGARO,
COMEDIE,
PAR be;aumarchâis,
Bleprésentée/ pour la première fois, le 37 arril
1784.
En &veur du badinage ,
Faites grâce à la raison.
Vaud, de la pièce^
. .1 .
^CARACTÈRES ET HABILLEMENTS
1>£ LA PIÈGE.
Le comte Almayiva doit être joné très noble^
ment, mais a^ec grÂce et liberté. La corruption du
coeur ne doit rien ôter au ffon ton de ée» manières.
Dans les mœurs de ce temps-lh les grands traitoient
en badinant toute entreprise sur les femmes^. Ce
rAIe est d*antant plus pénible à bien rendre que le
personnage est toujours sacrifié: mais joué par un
comédien excellent (AL Mole), il a fait ressortir
tous les rôles , et assuré le succès de la pièce.
Son Tètement du premier et second actes est un
habit de chasse avec des bottines à mi-jambe , de
l'ancien costume espagnol. Du troisième acte jus^»
qB*à la fin y un habit superbe de ce costume.
L'a coMTSSSiE, agitée de deux sentiments con-
traires, ne doit montrer ^qu'une sensibilité l'épri-
anée , ou une colère tvès modérée ; rien surtout qui
«légrade aux yeux du spectateur son caractère ai-
nMàble et vertueux. Ce rôle , un< des plus difficiles
de la pièce, a fait infiniment d'honneur au grand
.talent de mademoiselle Saint-Val cadette.
Son yétement dû premier, second et quatrième
actes , est une* lévite .commode » et ttvX ornement
sur la tète : èllb est chéi eUe et censée Incommo-
dée. Au cinquième acte , elle a l'habillement et la
haute coiffure de SuvaSniie,
J
i3o CARACTÈRES
FiAARO. L'on ne peut trop reootaaiftnder à i 'ac-
teur qui jouera ce vêle , de bien se pénétrer de son
esprit , comme l'a hi% M, I^aain^oart. S'il j To/oit
autre chose que de la raison assaisonnée de gaité
et de saillies, surtout s'il y mettoit la moindre
chasge , il ayiliroit un rôle que le premier comiqne
du théâtre , M. Préville , a jugé deyoir honover le
talent de tout comédien qui sauroit en saisir les
nuances multipliées, et qui pourvoit s'élever à sov
entière coiiceptiott«
Son yètement comme dans le BarbUr de SévUie»
SuzAvvE. Jeune personne adroite, spirituelle
et rienie , mais non de cette galté presqu 'effrontée
de nos soi^>rettes corruptrices*
Son Tdtemei^t des quatre premiers actes, est un
juste blanc à basqttines ^ très ^égant , la jupe de
même, ayeo une toqu«y appelée depuis par nos
marchandes, à ia Sutànne, Dens la fête du qua-
trième acte, le comte loi pose sni la tèt&une toque
k long Toile , k liantes plume», et k rubans blancs.
Elle porte au cinquième acte la lévite deea maî^
tresse , et nul ornement sur ia tdte.
M ARCEums est une feiume d.'esprit, née un pen
vive, mais dont les fimtes et rexpérience'ont ré-
formé le- eavaotève. Si raotrioe qui le joue s'élève
avec une fierté bien placée^, ^ la haittenr très mo-
rale qui suit la tecomioéssaaoe du troisième acte ,
elle ajoutiera beaucoup k l'intéfèt éJd l'ooMage.
Son vêtement est cclhi des duègnes «epagnoles ,
d'une couleur modeste | m bonnet noir sur la tête.
^T HABILLEMENTS. i3i
AsTovioae doit montrer qu*ane demi-irresse,
qui se dissipe par degrés; de sorte qu'au cîr-
quième aete on n*en aperçoive presque plus.
Son Tétement est celui d un paysan espagnol ,
où les manches pendent par derrière ; un chapeau
et des souliers blancs.
Fascbbtte est une enfant de douze ans, très
naîy«. Son petit habit est un juste brun ayec des
gances et des boutons d'argent, la jupe de couleur
tranchante, et une toque noire à plumes sur
la tête. Il sera celui des autres paysannes de la
noce.
GHtavBiH. Ce r61e ne peut être'joué, comme il
l'a été, que par une jeune et très jolie femme ^
nous n'avons point à' nos thé&tres de très jeune
homme assez formé pour en bien sentir les fines-
SCS. Timide à l'excès devant la comtesse , ailleurs
un charmant polissoiM un désir inquiet et vague
est le fond de son caractère. Il s'élance à la pu-
berté, mais sans projet, sans connoissances , et
tout entier à chaque événement ; enfin il est ce
que toute mère , au fond du cœur, voudroit peut-
être que fàt son fiis , quoiqu'elle dut beaucoup en
souffirir.
Son riche vêtement au premier et second actes ,
est eelui d'un page de cour espagnol , blanc et
brodé d'argent; le léger manteau bleu sur le-
paule , et un^ chapeau chargé de plumes. Au qua-
trième acte , il a le corset , la jupe et la toque des
jeunes paysannes qui l'amànent* Au cinquième
(
i^a CARACTÈRES
icte , un habit uniforme d*officier , une cocarde et'
tue épée.
Babthoio. Le caractère et 1 habit comme dan»
ie^arbierde Sévitle; il n*est ici qu'un râle secon-
daire.
£âzxle. Caractère et vêtement comme dans ie
Barbier de Séville, Il n esit aussi qu un rôle secon-
daire.
Bbid'oisov doit ayoir cette bonne et lranch«
assurance tles bétes, qui n'ont plus leur timidité.
Son bégaiement n'est qu'une grâce de plus , qui
doit être à peine s;entie y et l'acteur se tromperoit
lourdement et joueroit à contre-sens y s'il y cher-
choit le plaisant de son rî^le. Il est tout entier dans
l'opposition de la gravité de son état au ridicule
du caractère ; et moins l'acteur le chargera , plus
il montrera de vrai talent.
Son habit est une robe d^ juge espagnol , moins
ample que celle de nos procureurs ,' presque une
l«utane; une grosse perruque , une gonilie, on
rabat espagnol au col , et une longue baguette
blanche à la main.
DovBLE-MAiH. Yêtu commc le juge, mais la ba^
guette blanche plus courte.
L'huissier ou alguazil. Habit , manteau , épés
de Crispin , mais portée à son côté sans ceintur«
de cuir. Point de bottines, une chaussure noire,
une perruque blanche naissante et longue à mille
boucles , une courte baguette blanche.
OAipa-soi.xix.. Habit de paysan, les manches
ET HABIL1.EMENTS. i3S
pendantes, veste de Couleur tranchée, chapeau
blanc. ^
Uhe jEtTHE BEftaàBE. Son yétement comme celui
de Fanchette.
PÉnnxLLE. En yeste, gilet, ceinture, fouet et
bottes de poste , une récille sur la tête , chapeau
de courrier.
Pe&sovsages muets, les uns en habits de jnges ,
d'autres en habits de paysans , les autres en habits
de livrée.
Placement des acteurs.
Four faciliter les jeuxjdu théâtre , on a eu l'at*
tention décrire au commencement de chaque
icène le nom des personnages dans Tordre où le
spectateur les voit. S'ils font quelque mouvement
f:.rave dans la scène , il est désigné par un nouvel
ordre de noms , écrit en note à l'instant qu'il ar-
rive. Il est important de conserver les bonnes po^
sitions théâtrales; le relâchement dans la tradition
donnée par les premiers acteurs , en produit bien-
tôt un total dans le jeu des pièces , qui finit pai;
assimiler les troupes négligentes aux plus foible»
comédiens de société.
Tbéâtr*. Gomédie«7 l{, Ift
.Ui
PERSONNAGES.
Lé comte a lmayi ta, grand corrégidor d'Anda-
lousie.
La Comtesse, sa femme.
Figaro, valet- de-chambre du comte et concierge
du château.
SuzAVME, première camariste de la comtesse , et
fiancée de Figaro.
MAbcelihe, femme de charge.
Ahtonio, jardinier du château, oncle de Suzaane,
et -père de Fanchotte
Fahghette, fiUe d'Antonio.
GHiatiBik, premier page du comte.
Baatholo, médecin de Séyille.
Bazile, maitre de clavecin de la comtesse.
Don GvsMAir Bnm'oisoir , lieutenant du siège.
DouBLEMAiir, greffier, secrétaire de don Gusman.
U's Huissier Audiencier.
Grife- Soleil, jeune pastoureau.
UmE JEVUE BEROàRE.
PÉ DRILLE, piqueur du comte.
Personnages muets*
Troupe de yalets.
Troupe de paysannes .
Troupe de pajsans.
La scène çst au château d'Aguas Frescai , à trois
lieues de Séyille.
XIA FOLLE JOURNÉE ,
OU
LE MARUGE DE FIGARO,
COMÉDIE.
"^
ACTi; PREMIER.
Le théâtre représente une chambre à demi dër
meublée, un grand fauteuil de ms^lade est ai|
milieu. Figaro, avec u^e toise, 'mesure le
plancher^ Suzanne attaciie à sa tête , devant
une glace, le petit bouquet de ^eur d'of ançe|
appelé chapeau de la inariée.
SCÈNE L
, PIGARO, SUZANNE.
FIGARO»
Dix-VBUF pieds sur thigt-six*
SUZAVHE.
Tiens /Figaro, Toilà moA petit chapeau : le
trouy^s-tu^ieus ainsi?- . >
iS6 LE MARIAGE DE FIGARO.
r I G A n o , lui prenant les mains.
Sans comparaison, nra charmante. Oh! que c«
joli bouquet virginal , élevé sur la tête d*une belle
fille , est doux , le matin des noces , à l'œil amou-
reux d'un époux ! . . .
suzASHE, 5e retirant»
Que mesures-tu donc là , mon fils ?
FIGARO.
Je regarde , ma petite Suzanne , si ce beau lit ,
que mooseigneur nous donne , aura bonne grâce
id..
SUZAVVE.
D'ans cette chambre?
FIOAKO»
Il nous la cède^
SUZAVHE»
Et lAoi , je n'en veux points .
FIGABO.,
Pourquoi?
suzahhbJ
Je n'en veux point..
FIGA&O.
Mais encore? , ^
SUZA5VE«
FJle me déplaît.
FIGAli04 ,>
On dit une raison..
Si je n'en yeux pat dire?'
. AOTE I, SCENE I, tty
Obi quand elles sont siires de nous l
' suasAisrirs.
Prouver que j*ai raison , seroit accorder qud j«
puis ayoir tort. Es-tu mon setviteur, ou non ?.
FIGARO.
.Tu prends de l'humeur .contre la chambre du
château la. plus commode, et qui tient le milieu
des deux appartements. La nuit , si madame est
incommodée , elle sonnera de son c{^té ; zeste , en
deux pas, tu es chez elle. Monseigneur veut^il
quelque chose ? il n'a qu'à tinter du sien ; crac , en
trois sauts me voilà rendu.
suzAHiri;.
Fort bien : mais , quand il aura tinté le matin ^
pour te donner quelque bonne et longue commis*
sion ; zeste , en deux pas id est à ma porte , et crac,
en trois sauts....
pioaro.
Qu'entendez-vous par ces paroles ?
SVZAirVE.
Il faudroit m'écouter tranquillement.
FIGARO..
Eh f qu'est-ce qu'il j a , bon dieu 7
SUZAVUS.
H j 9, mon ami, que y las de courtiser les
beautés des environs , monsieur le coûte Âlmaviva
veut rentrer au château, mais non pas chez sa
femme ; c'est sur la tienne , entends-tu , qu'il a
jeté ses vues , auxquelles il espère que ce logement
IR«
i38 lE MARIAGE DE ElG'ARO.
ne nnira pa8.l Et c'est ce qo« le lojal Baxile , hon-r
néte agent de êes pluiairs , et mon noble «Aitve à
chanter , me répète ohftfnt fOur en me donnant
leçon*.
Bazile ! 6 mon mignon l ai jamais volée de boii
Tert, appliqoÂe sur nne édhÂney a- damant re
dreMé la moéUe épinière à qnel^'iniM ««
SVZAV9E:.
Ttt crojois , bon garçon ', qné cette dot ^'on
me donne , étoît ponr les bèani: jéuX de ton mé-
rite?
FIG'AllO.
J'ayois assez fait pour l'espérer.
suza^he.
Que les gens d esprit sont bêtes !
rioAao.
On le dit.
SUZAVKE.
Mais c'est ^ on ne TeutpJi^ le croire«
k On a tort.
i^n^A^i».».
Apprends qu'il la destine k obtenir de moi , ie«
orètement» <vertain qnavt-d'hfUfe» Mu} à fevle,
qu'un aacieii droit du 4e^«i»v, • . Tu «Mi t% él«U
triste.'
J« le sâii'teUem^, qnt, «î auintîenr le comte ,
ACTE i; gGÈNE i: t?9
en M Q^ita&t) aVint'pas tIboU C9 droit luMKtcm:,
jamate je ne t «iifliM «pomsée d^n^tei dpnaines.
Eh bien f f *U Te détruit, il i en repentç et e*eit
de ta fiancée qu'il veut le racheter, en (eciet, an-«
jourd*hni. ^
Wt(^%^'Os #« /Cueilli U tél0^
U9, t^ f >9igUi^4e 9^vp»i9^i e( mt» iBona.Ui^
tUisé..^
!Ne le frotte dqnp pas. . , *
FIGARO«
> ■ • •
Quel danger?
suzAirifE, tianL
S*il y Tenoit un petit bouton , de^ cens 8uper9-r
Sitieux....
Ta ris, friponne! Ah! s-il j a¥oitttié*fen d^at<
traper ce grand trompeur, de le faire donner dans
nn.bpq piège , et d^'empecher soq or i
De TinIrig^iB ^X ^e l'argent ) te yoilà dans ta
sphère.
FIGABO.
Ce n'est pas la honte qui me retient.
SUZAHHB.
LacYâhite?
FI«ABO.
€e n^est rien d'entreprendre «ne; ehose dange-
reuse f mais d'échapper au péril en Ia wnant k
9v!o LE IILARIAOS I>£ FIGARO.
)>i«n veaa , d'entrer chez (purl()ii^un la nuit, de Ini
souffler sa'&mjoe et. d'y ?eceTow.cent cq^s de
fouet pour la peine , il .n!est rien de plus aisé ;
miile sots coquins Font £iit« Mais. ; à ( OnL^nne de
^ SUZAVBIE.
Voilà ma^altfe éi^lléis ; elle m'a bien recom-
mandé d^ètre la préini^tè à' lù? parler le matin de
mes noces,
P'ifrARO.
iT a-t-il encore quelque chose là-dessous?
SUZÀVNE.
Le berger dit que cela porte bonheur aux épou-
ses délaissées. Adieu , mon petit Fi, Fi, Figaro,
rèyelî notre affaire.
F.I0ABO. ,
._ Po^r. m ouvrir l'esprit.,. doDue un petit baiser.
svbabiie.
A mon amant; aujourd'i^ui? Je t'en sôub^te!
Et qu'en mroit demain môH mari?
' . > »i."' •• ^Figaro l*einkra9se,)
-svzAirtiE.
Eh bien! eh bien!
< . • *
FIGARO.
C'est que tu n*as pas d'idée de mon amour. ,
8UzAirii£,5e défrippantm
Quand» cesserei»-T0us , importun , de m'en parler
iSu matin au soir?
AUTE I, SCÈNE I. >4t
FIGARO, mystérieusement.
Qaand je pourrai te le prouver du soir jusqu^au
matia.( Oit 50n»e une seconde fbisJ)
svsAiriiKyc/e loin y les doigts unis, sur sa boucht»
Voilà YOtre baiser, monsieur; je a'ai plus rien
k TOUS.
FIGARO, court après elle..
Oh matf ! ce n'est pas ainsi que you& L'avez teçn.
SCÈNE IL
FIGARO, seuU
La charmante fille! toujours tîante, verdis-
sante , pFeine de gaîté , d'esprit , d'amour et de dé-
lices ! mais sage (// marche vivement en se frot-
tant les mains, ) Ah I monseigneur ! mon cher mon-
seigneur! TOUS voulez m'en donner...... à garder?
Je cherchois aussi pourquoi m'ajant nommé con-
cierge, il m'emmène à son ambassade ^ et m'établit
courrier . de dépêches. J'entends , monsieur le
comte : trois promotions à la fois; vous., com«.
pagnon ministre; moi, casse-cou politique ^ et
Suzon, dame du lieu, l'ambassadrice de poche , et
puis fouette courrier ! Pendant que ).e galopperoi«
d'un cdté , vous feriez faire , de l'autre, à ma belle
un joli chemin ! me crottant , m 'échinant pour la
gloire de votre famille ; vous , daignant concourir
à l'accroissement de la mienne f Quelle douce réx
ciprocité! Mais, monseigneur, il j a de l'abus.^
Faire a>Loùdre$^ en même teinps, le» aiBliires à»
i49 LE MA1RIA6E DE FIGARO.
votre maître et celles de vetre yalét l représenter à
Ift foi» le rOè et inoi, daas une eour étrangère, c*est
trop de moitié, c est trop.-— -Pour toi, Bazile, fri-
pon mou eadet , je yeux t'apprendre à clocher de-
Tant lesl^oiteux; }e yeux... non, dissimulons ayec
eux , pour les enferrer Tun par l'autre. Attention
sur la journée. M* Figaro r d'abotdatvmncer l'heure
de yolre peti^ féte , pour épouset plus sûrement ^
écarter une Marceline , qui de yous est friande eq
diable ; empocher l'or et les piésênts , donner le
change aux petites passions de monsieur le comte,
étriller rondement monsieur du Bazile , et. . . .
SCÈNE HL
MARCELINE, BARTHOIÔ, TIQARO;
FIGARO, ^'intenrompanU
HÈiitj voiU le gros docteur, la fête sera com?
plète. Eh! bonjour, t&her docteur de mon cœur.
Est-ce nia noce ayec Suzon cpii tous attire, aif
château?
» A A T B 6 z. 0 , aveu dédàlii, •
Ahl mon cher mousienr , point dii tout.
rioAi^o.,
Gela seroit bien généreux l
BABTHOLO;
Certainement , et pur trop sot.
v^aA'j^o^.
Moi foi «us le nalheiir 'de troolibvp 1» TÔtitT
ACTE I, SCÈNE IIÏ. i/|3
BARTHOtÔ»
AVez-yous autre cfhose à nous dire?.
FIGARO.
On n'aura pas pris soin de votre mtile.
B A AT H o L o , Cil colère.
fiavard enragé ! laissez-nous.
FIGARO.
■Vous vous fâchez , docteur ? Les gens de votre
état sont bien durs ! pas plus de pitié des pauvres
animaux.... en vérité... que si c'étoit des hommes.
Adieu , Marceline : avez- vous toujours envie dé
plaider contre moi ?
« Pour n'aimer pas, &ut-il qu'on se haïsse? »
Je m'en rapporte au docteur.
BARTH02.0.
Qu'est-ce que c'est ?
FIGARO.
Elle vous le contera de reste. (1/ sort.)
SCÈNE IV.
MARCELINE, BARTHOLO.
BARTHOLO U regarde aller»
Ce drôle est toujours le même, et à moins
qu'on ne l'écorche vif^, je prédis qu'il mourra dans
la peau du plus fier insolent....
MARCEliiïÊ/e tetùurne.
Enfin vous voilà donc , éteriMl docteur ? tou-
jours si grave-et compassé, qu'çn poli^'oit mourir
i4{ L£ MARIAGE D£ FIGARO.
en attendant vos secours, comme on sest^marië
jadis f malgvé yos précautions.
BAnTHOLO.'
Toujours amère et provoquante! Eh bien! qui
rend donc ma présence au château si nécessaire?
Monsieur le comte a-t-il eu quelque accident?
MARCELIN £.
fiùn y docteur.
BARTHOLO.
La Rosine , sa trompeuse comtesse ^ est-elle in-
commodée i dieu merci ?
MARCELINX.
Elle languit.
BARTHOLO*
Et de quoi?
MARCELIKÏ.
Son mari la néglige.
BARTHOLO, avec joie.
Ah ! le digne époux qui me venge !
MARCELIITE.
On ne sait comment définir le comte ; il est ja-
loux et libertin.
BARTHOLO.
Libertin par ennui , jaloux par vanité ; cela va
sans dire.
MARCELINE.
Aujourd'hui, par exemple, il marie notre Su-
zanne à son Figaro^ qu'il comble, en faveur de
cette union...
ACTE I, SGËNE IV. i^j
■BABTBOLO.
Que son excellence a rendis e nécessaire ?
MARCELIN £•
Pas tout-à-fait ; mais dont son excellence vou-
droit égajeren secret l'événement avec l'épousée. . ,
BAATHOLO.
De M. Figaro? C'est un marché qu'on peut con-
clure avec lui.
. MARCELINE.
Bazile assure que non.
. BAATHOLO.
Cet autre maraud loge ici? C'est une caverne.
Eh! qu j fait-il?
mabcelise.
Tout le mal dont il est capable. Mais le pis que
]j trouve, est cette ennuyeuse passion qu'il a
pour moi depuis si long-temps.,
BARTHOLO*
Je me serois débarrassé vingt fois de sa poursuite.
MARCBIiIHC.
De quelle mfiniére?
BAATHOLO.
En l'épousant..
MAKCELINE.,
Railleur fade et cruel, que ne vous débarrassez-
vous de la -mienne à ce prix ? ne le devex-vous
pas? Où est le souvenir de vos engagements?
qu'est devenu celui de notre petit Émanuel , ce
fruit d'un amour, oublié, qui devoit nous con-
duire à des noces?
Théâtre» Comédiei. l4* I^
ij6 LE MARIAGE DE FIGAAO^
BARTHOLO, ôêunt «OU ehap€au,>^\
Est-ce pour écouter ces sornettes que vont m'a-
vez fait venir de Séville? et cet accès d'hymen qui
TOUS reprend si vif...
MARCEIIITE.
Eh hien! n en parlons plus. Mais si rien n*a pu
vous porter à la justice de m épouser , aidez-moi
donc du moins à en épouser un autre.
BAATHOLO.
Ah! volontiers : parlons. Mais quel mortel
fthandonné du ciel et des femmes...
MABCEI/IKB.
£h! qui pourroit.«e être, docteur, sinon Is
beau , le gai , laimable Figaro.?
BAATBOliO.
Ce fripon-là?
XABGELIKS..
Jamais (fâché ; toujours en belle humeur; don-
nant le présent à la joie, et s'inquiétant del'ftve-
nir tout aussi peu que dû passé* Sémillant, g^é«
reux,généreuz«..
BARTBOIO.
Comme un voleur,
MARCELINE.
Comme un seigneur. Charmant enfin; mais c'est
le plus grand monstre !
BARTBOX.0*
Et sa Suzanne?
ACTE i, SCÈNE IV. 147
Elle ne Iftaroit pes, la rasée, si tous voulies
m'aider, mon petit docteur, à £ure valoir un en-
gagement que j'ai de lui.
BARTHOlOt
Le Jour de son mariage?
MAACE1.1HE.
On en rompt de plus avancés : et si je ne crai-
gnois d éventer un petit secret des femmes.,..
BAETHOLO.
En ont-elles pour le médecin du corps ?
MAECELISE.
Ah! vous savez que je n'en ai pas pour vous.
Mon sexe est ardent, mais timide : un certain
charme a beau nous attirer vers le plaisir, la
iemme la plus aventurée sent en elle une voix qui
lui dit : Sois belle si tu peux, sage si tu veux;
mais sois considérée, il le fiaiut. Or, puisqu'il faut
tttre au moins considérée, que toute femme en
sent l'importance ^ efirajons d'abord la Suzanne
sur ia divulgation des offi*es qu'on lui &it.
BAETBOLO.
où cela aiiènera-t-il?
MAECELIITE.
Que la lionte la prenant au collet, elle conti*
nnera de refiiser le comte, lequel, pour se venger,
appuiera l'opposition que j'ai faite à son mariage,
alors le mien devient certain.
BAATBOLO.
Elle a raison. Parbleu ! c'est un bon tour que
(
i4a LE MARIAGE DE FIGARO.
de faire éponser ma vieille gourernante au coquin
qui ût enlever ma jeune maitrene*
MAncELivE, vite.
Et qui croit ajouter à ses plaisirs , en trompant
mes espérances.
BABTHOto, vite.
Et qui m*a volé dans le temps ceift écus que j'ai
sur le coeur.
MARCELINE.
Ah ! quelle volupté !..
BARTHOLO.
De punir un scélérat. . .
M ARCELIlf E.^
De l'épouser, docteur, de l'épouser!
SCÈNE V.
MARCELINE, BARTHOLO, SUZANNE.
s u z A is jf E , ii/i bonnet de fitmme avec un large ruban
dans la main, une ^obe de femme sur le bras.
L'ÉPOVSEB ! l'épouser! qui donc? mon Figaro?
MABCELiVE, aigrement.
Pourquoi non? Vous l'épousez bien li
BARTHOLO, riant.
Le bon argument de femme en colère! Nous
parlions , belle Suzon , du bonheur quil aura de
vous posséder.
MABCËLIHB.
Sans compter monseigneur dont on ne parle
pas.
ACTE I, SCÈNE V. i4g
s v z A V M E , ane révérence^ ^
Votre serrante , madame ; il / ^ toujours quel-
que chose d'amer dans vos proposa
MARCELiHE, Une révéretice.
Bien la vôtre, madame; où donc est lamer-
tume?n est-il pas juste qu'un libéral seigneur par-
tage un peu la joie qu'il procure à ses gens?
SUZAVITE.
Qu'il procure?
MARCELINE.
Oui , madame.,
SUZANNE.
Heureusement la jalousie dç madame est aussi
connue que ses droits sur Figaro sont légers,
MARCELINE..
I
On eût pu les rendre plus forts , en les cimen-
tant k la façon de madame.
SUZANNE.
Oh l cette façon , madame , est celle des dames
savantes.
MARCELINE.
Et l'enÊint ne l'est pas du tout! Innocente
comme un vieux juge !
BARTHOLO, attirant Marcelinem
Adieu , jolie fiancée de notre Figaro., i
MARCELINE, uile révérence.
L'accordée secrète de monseigneur..
SUZANNE, une révérence»»
Qui vous estime beaucoup, madame.
i3.
i5o LE MARIAGE DE FIGARO. *
MARCEiiKE, a/M févérênce.
Me £era-t-elle aussi i'honcueur de me cli«éi*îr un
peu, madame?
SUZANNE, une révérence.
A cet égard , madame n'a rien à désirer.
MAaCEiiNE, une révérence.
C'est une si jolie personne que madame !
SUZANNE, une révérence.
Eh mais ! assez pour désoler madame.
maugkline^ ane révéreHee*, .
Surtout bien respectable !
SUZANNE, une révérence»
C'est aux duègnes à Tétre.
MARCELINE, oa£reeq
Aux duègnes ! aux duègnes !
BAHTHOLO, torrétanU
Marceline !
MABCEX.INE.
Allons, docteur; car je nj tiendroû pas. Bon
jour, madame. (Vne révérence.)
SCÈNE VI.
SUZANNE, mW«.
Allez, madame! allez, pédanAe! je crains aussi
peu vos efforts qn.e je méprise vos outrages. «-*-
Vojez cette yieille sibjrlle ! parce qu'elle a ùdt
quelques études et tourmenté la jeunesse de ma-
dame, elle reut tout dominer au château. (Eth
jette la robe tfu'eUe tient mr une chaise. } Je ne sais
plus ce que je renois prendre.
ICTB I, SCÈNE yn. i5ï
SCÈNE VII.
SUZANNE, CHijaUBIN.
CBliRUBtv, accourant,
âr! Suzon! depuis deux heures j epSe le mo*
ment de te trouver seule. Hélas ! tu te maries , et
moi je vais partir.
SVZÀIIVC.
Gomnientîmon aariage éloigae^t il du château
I0 premier page de monseigneur?
CBiauBtv, piteu^meuU
Suzanne , il me renvoie.
• vzAHVE, ie contrefaUanU
Chérubin , quelque sottise !
CHénuBiv.
Il m'a trouvé hier an soir chez ta cousine Fan-
chette , à qui je faisois répéter son petit rôle d'in-
nocente pour la Ute de ce soir : il s'est mis dans
une iureur en me voyant! SorUZj mVt-il dit,
petit, ... Je n'ose pas prononcer devant une femme
le gros mot qu'il a dit. Sortez i et demain vous ne
coucherez pas au château. Si madame , si ma belle
marraine ne parvient pas à l'apaiseir , c'est fait ,
Siison, je suis à jamais privé du bonheur de te
voir.
SVZAVSE*
0e me voir f moi? G est mon tour ! ce n'est donc
plus pour ma maîtresse que vous soupirez en se-
cret?
iSa LE MARIAGE DE|FIGARO.^
CHÉRTJBIV^
Ah ! Suzon , qu'elle est noble et bellc^! mais
qu'elle est imposante !
SUZASKE..
C est-a-dire f que je ne le suis pas , et qu'on
peut oser avec moi. . .
CHinirBiii.
Tu sais trop bien , méchante , que je n*ose pas
oser, ^ais que tu es heureuse ! à tous moments la
voir, lui parler,, l'habiller le matin et la déshabil-
ler le soir, épingle à épingle... Ah! Suzon , je don-
nerois... Qu'est-ce que tu tiens donc là?
stizArriTE, raitlant.
Hélas ! l'heureux bonnet , et le fortuné ruban
•qui renferment la nuit les cheveux de cette belle
marraine. . .
CBÉntTBiv, vhement.
Son ruban de nuit? donne^le-moi , mon cœur.
SUZANNE, ie retirant.
, Eh ! que non pas. Son cœur! Comme il est fami-
lier, donc! si ce n'étoit pas un morveux sans con-
séquence. ( Chérubin arrache le ruban. ) Ah ! le
ruban !
CHénuBiN tourne autour duqrand fauteuil.
Tu diras qu'il est égaré, gâté; qu'il est perdu.
Tu diras tout ce que tu voudras.
SUZANNE tourne après lui.
Oh! dans troisouquatreans, je prédis que vous
serez le plus grand petit vaurien ! . .'. Rende»- vous
^le ruban? (Elle veut le reprendre.)
ACTE I, SCÈNE VII. i53
<: H É RU B I H tire une romance de sa poche.
Laisse ; ah ! laisse-le moi , Suzon ; je te donne-
lai ma romance , et pendant que le souvenir de ta
belle maître^e attristera tous mes moments , le
tien y versera le seul rayon de joie qui puisse en-
core amuser mon cœur.
, SUZANNE arrache la romance.
Amuser votre cœur, petit scélérat! vous crojez
parler à votre Fanchette ; on vous surprend chez
elle , et vous soupirez pour madame ; et vous m en
contez à moi , par-dessus le marché.
CHÉnuBiv, exalté.
Cela est vrai , d'honneur! je ne sais plus ce que
je suis ; mais depuis quelque temps , je sens ma
poitrine agitée ; mon cœur palpite au seul aspect
d'ufne femme ; les mots amouf et volupté le font
tressaillir et le troublent. Enfin le besoin de dire
à quelqu'un \e vous aime, est devenu pour moi si
pressant, que je le dis tout seul, en courant dans le
parc , à ta maîtresse , à toi , aux arbres , aux nuages ,
au vent qui les emporte avec mes paroles perdues.
Hier je rencontrai Marceline. . ..
suzAHNE, riant»
Ah! ah! ah! ah!
CHÉBUBlir.
Pourquoi non ? elle est femme ! elle est fille ! une
fille! une femme! ah! que ces noms sont doux!
qu'ils sont intéressants !
SUZAHirB»
Il devient fou.
i5i4 LE MAKIAGE DE FIGAHO.
CRÉmTBZN.
Fanchette est douce ^ el'le m'écoute, au moins;
tu ne Tes pas, toi.
8T7ZA5NE.
C'est bien dommage; écoutez donc monsieur!
( El te veut arracher le ruban. )
CHÉRUBIH tourne en fuyant.
'Ah ! ouiche , on ne l'aura ,' vois^tu , qu*ayec ma
Tie. Mais, si tu n'es pas contente du prix, }y join^
drai mille baisers.
( Il lui donne chasse à son tourJ)
s u z A V N E tourne en fuifant.
. Mille soufflets , si vous approchez. Je vais m'en
plaindre à ma maîtresse , et loin de supplier pour
VOUS', je dirai moi-même à monseigneur : c'est
bien fait, monseigneur; chassez-nous ce petit yo<«
leur ; renvoyez à ses parents un petit mauvais vêt-
jet , qui se donne les airs d'aimer madame , et qui
veut toujours m'embrasser par contre-coup.
CHéauBiJï voit le comte entrer; il se jette derrière le
fauteuil avec effroi.
Je suis perdu!
Quelle frayeur!
1
ACTE I, SCÈNE VIII. i35
SCÈNE VIII.
SUZANNE , LE COMTE , CHÉRUBIN, caché.
8 u z A M 9 E aperçoit le comte.
Ah!.... (Elle s'approche du fauteuil pour masquer
Chérubin, )
4LE COMTE s*avance.
Tu es émue, Suzon t tu parlois seule , et ton pe-
tit cœur paroît dans une Agitation... bien pardon-
nable , au reste , un jour comme celui-ci.
suzANiTE, troublée.
Monseigneur, que me youIez-yous?Si Ion tous
trouyoit aTec moi.... ^
LE COMTE.
Je serois désolé qu'on m j surprît ; mais tu sais
tout rintérêt que je prends à toi. Bazile ne ta pas
laissé ignorer mon amour.. Je n'ai qu'un instant
pour t*expliquer mes vues : écoute. (2/ s'assied
dans le fauteuil, )
snzAHRE, vivement*
Je n écoute rien.
L E G o M T E /iif prend la maiit»
Un seul mot. Tu sais que le roi m'a nommé son
ambassadeur à Londres. J'emmène avec moi Fi-
garo : je lui donne un excellent poste ; et comme
le devoir d'une femme est de suivre son mari..,
SVZAVVE^
Ah ! si j'osois parler.
i55 LE MARIAGE DE FïGARO.
LECOMTE la rapproche de lui.
Parle , parle , ma chèr« ; use aujourd'hui d'un
droit que tu prends sur moi pour la vie.,
SUZANNE, effrayée^
Je n'en yeux point , monsei^eur , je u-én ye^tx
point. Quittez-moi , je yous prie..
LE COMTE.
Mais dis auparayant.
SUZANNE, en coièf^e^
Je ne sais plus ce que je disois.
LE COMTE.
Sur le deyoir des femmes..
SUZANNE.,
Eh bien ! lorsque monseigneur enleya la sienne
de chez le docteur , et qu'il l'épousa par amour ;
lorsqu'il abolit pour elle un certain aâî*eux di'oit
du seigneur....
LE COMTE, gaîment.
Qui faisoit bien de la peine aux filles ! Ah , Su^
zette ! ce droit charmant I Si tu yen ois en jaser sut
la brune au jardin , je mettrois un tel prix à cette
légère fayeur...
B Az 1 1 E parte en dehors.
Il n'est pas chez lui , monseigneur.
LE COMTE 5e lèvC,
Quelle est cette yoix?
SUZANNE.. ,
Que je suis malheureuse !
LE COMTE.
Sors , pour qu*on n'entr« pas.
ACTE I, SCÈNE VIII. iSy
guzAHBTE, iroubtéen
Que je TOUS laisse ici?.
B A z I L £ , criant en dehors, .
Monseigneur étoit chez madame, il en est sorti :
je vais voir.
LE COMTE.
Et pas un lieu pour se cacher. Âh! derrière ce
fauteuil... assez mal ; mais renvoie-le hien vite.
( Suzanne lui barre te chemin, H ta pousse douce-
ment, ette recule, et se met ainsi entre lui et te petit
pacfe; mais fiendant que te comte s'abaisse et prend sa
place f Chérubin tourne et se jette effrayé sur te faU'
leuîL à genoux, et s'y blottit. Suzanne prend ta robe
qu'elle apportoit, en couvre le paye et se met devant
le l'auleuiL
SCÈNE IX.
LE COMTE ET CHÉRUBIN, cacAe'*; SUZANNE,
BAZILE,
B A Z I L E.
N'auriez- VOUS pas vu monseigneur, made-
moiselle ?•
SUZANNE, brusquement,
£h! pourquoi Taurois-je vu? Laissez-moi.
BAziLE s'approche.
Si vous étiez plus raisonnable, il n'y auroit
rien d étonnant à ma question. C'est Figaro qui le
cherche.
Théâtre. Com^djies. l4*< l4
i58 LE MARIAGE DE FIGARO.
SVZAHirE.
Il cherehc donc l'homme qni lui yeiit le plus de
mal après vous?
> LECOHTE,^ part,
Yojons un peu comme il me sert..
BAZILZ.
Désirer du bien à une femme , est-^e vouloir du
mai à son mari?
SVZAVVE.
Non y dans vos afireux principes , agent de cor-
ruption.
BAZILB.
Que vous demande>t-on ici que vous n'alliez
prodiguer à un autre ? Grâce à la douce cérémo-
nie, ce qu'on vous defendqit hier, on vous le pres-
crira demain.
SUZANNE.
Indigne!
, BAZILE.
De toutes les choses sérieuses, le mariage étant
là plus bouffonne, j'avois pensé...
SUZANNE, outrée.
Des horreurs. Qui vous permet d'entrer ici?
BAZILE.
j La, la, mauvaise! Dieu vous apaise, il n'en sera
que ce que vous voulez : mais ne crojez pas non
plus que je regarde M. Figaro comme l'obstacle
qui nuit à monseigneur -, et sans le petit page. . .
ACTE I, SCÈNE IX. 169
suzAsirz, tiaUdemenU
Pon Gbérabin?
B A Kl LE, ia eontrefaUaat,
Cherubino dl amore, qui tourne autour de tobj ,
sans cesse, et qui , ce matin encore, rôdoit ici pouc
j entrer, quand je vous ai quittée; dites que cela
n'est pas vrai?
BVXAVVZ,
Quelle imposture ! allez-TOUS>en , méchant
homme !
BAZILE.
On est un mécliant homme, parce qu'on j voit
clair. N'est-ce pas pour vous aussi cette romance
dont il fait mjstère?
svzAHiTE, en colère.
Ah ! oui , pour moi ! . .
BASILE.
A moins qu'il ne l'ait composée pour madame.
En effet , quand il sert à table , on dit qu'il la re«
garde ayec des jeux!.. Mais peste! qu'il ne s'j
joue pas ; monseigneur est brutal sur l'article.
suzANifE, outrée*
Et TOUS bien scélérat, d'aller semant de pareils
bmits pour perdre un malheureux enfant tombe
dans la disgrâce de son maître.
BAZILE.
L'ai- je inventé? Je le dis, parce que tout le
monde en parle.
i6o LE MARIAGE DE FIGARO.
LE COMTE, se levant, ^
Gomment ! tout le monde en parle ?
SUZAHBE.
Ah ciel !
BAZILE.
Ah! ah!
LE COMTE.
Gourez , Bazile , et qu'on le chasse.
BAZILE.
Ah ! que je suis fâché d être entré l.
s u z A xr H E , troublée.
Mon dieu ! mon dieu I
LE COMTE, à Bazile,
Elle est saisie. Asseyons-la dans ce fauteuil.
SUZANNE^ le repoussant vivement.
Jeaie yeux point m'asseoir. Entrer ainsi libn-
mcnt , c est indigne ;
LE COMTE.
Nous sommes deux ayec toi , ma chère. Il n j a
plus le moindre danger.
BAZJLF.
Moi je suis désolé de m'être égayé sur le page ,
puisque vous l'entendiez; je n'en usois ainsi que
pour pénétrer ses sentiments ; car au fond...
LE COMTE.
Cinquante pistoles, un cheval, et qujon le ren-
voie à ses parents.
' Chérubin, dans le fauteuil; le comte, Suzanne,
Bazile.
ACTE r, SCÈNE IX. tGt
BAZILE. "
Monseigneur, pour un "badinage?
lE COMTE.
Un petit libertin que j'ai surpris encore hier
avec la ûlle du jardinier.
BAZILE.
Ayec Fanchette?'
LE COMTE4
Et dans «a chambre.
SUZANNE, outrée»
Où monseigneur avoit sans doute affaire aussi ?
LE COMTE, gatmenl,
J*en aime assez la remarque.
BAZILE..
Elle est d un bon augure.
LE COMTE, calment.
Mais non ; j allois chercher ton oncle Antonio,
mon ivrogne de jardinier, poyr lui donner des
ordres. Je frappe, on est long-temps à m'ouvrir;
ta cousine a Tair empêtré , je prends un soupçon ,
je lui parle, et, tout en causant, j'examine. Il y
avoit derrière la porte une espèce de rideau , de
porte-manteau , de je ne sais pas quoi , qui cou-
vroît des hardes ; sans faire semblant de rien , je
vais doucement , doucement lever ce rideau , {pour
imiter le geste y U lève la robe du fauteuil) et je vois....
1/ aperçoit le page, ) Ah ! . . «
* Suzanne; Chérubin, dans le fauteuil; le comte,
Bazile,
i6a lE MA!RIAGE DE f IGARO.
BAZII.E.
Ah! ah!
I.E Ct>MTE^
Ce tonr-ci raut 1 autre^
BAZILE.
Encore mieux.
LE COMTE, à Suzanne»-
A merreille! mademoiselle : à peine fîancée
TOUS faites de ces apprêts ? C'étoit pour receyoîr
mon page que vous désiriez d'être seule? Et tous,
monsieur , qui ne changez point de conduite , il
TOUS manquoit de tous adresser, sans respect
pour TOtre marraine , k sa première oamariste , â la
femme de votre ami! Mais je ne souiSriraî pas que
Figaro , qu'un homme que j'estime et que j'aime ,
soit victime d'une pareille tromperie : étoit-il avec
vous, Bazile?
suzAWE, outrée»
Il n'j a ni tromperie, ni victime; il étoit là
lorsque vous me parliez.
LE COMTE, emporté.
Puisse-tu mentir en le disant !' son plus cruel
ennemi n'oseroit lui souEaiter ce malheur.
s u z A K sr E.
Il me prioit d'engager madame à vous deman-
der sa grâce. Votre arrivée l'a si fort troid)l4y qu'il
s'est masqué de ce fauteuil.
LE COMTE, en coiii^
Buse d'enfer! je m'jr suis assis en entitint*
ï
AGTEI, SCËNE IX. i63
C H £ A U B I N.
Hélas! monseigneur, j etois tremblant derrière.
Autre fourberie ! Je yiens de m j placer moi-
même.
CHJÊnuBiir.
Pardon , mais c est alors que je me suis blotti
dedans.
tE COMTE, plus outré.
C«st donc une couleuvre que ce petit.. •• ser-
pent-là! Il nous écoutoit.
CHlÉaUBIK.
An contraire, monseigneur, j*ai fait ce qœ j'ai
pu pour ne rien entendre.
LE COMTE.
O perfidie^ {À Sutanns.) Tu n épouseras pas
Figaro«
BAZIIiE»
Gontenez-Yous , on rient.
IB COMTE 9 tirant Chérubin du fauteuil et le mettant
sur ses pieds,
il resteroit là devant toute la terre*
i64 LE MARIAGE DE FIGARO.
SCÈNE X.
CHÉRUBIN, SUZANNE, FIGARO, LA
COMTESSE, LE COMTE, FANCHETTE,
BAZILE, BEAUCOUP DE VALETS, PATS AVUES,
PATSASS VÊTUS DE BLANC.
FIGARO , tenant une toque de femme, garnie de plumes
blanches et de rubans blancs, parle à la comtesse,
lit n y a. que vous , madame , qui puis3iez nous
obtenir cette faveur.
LA COMTESSE.
Vous le voyez , monsieur le comte , ils me sup-
posent un crédit que je n'ai ^int; mais, coinm
leur demande n est pas déraisonnable... «
LE COMTE, embarrassém
Il faudroit qu elle le fÙt beaucoup....,
F 1 6 A B o , bas, à Suzanne^
Soutiens bien mes efforts.
SUZANNE, bas , à Ficfdro.
Qui ne mèneront à rien.
FIGARO, bas»
Va toujours. .
LE COMTE, à Figaro^
Que voulez-vons?
FIGARO.-
Monseigneur , vos vassaux , touchés de Taboli-
tîon d'un certain droit fâcheux , que votre amour
pour madame.... •
ACTE I, SCËNE X. i65
LE COMTE.
Eh bien! ce dtoit n existe plus; que yeux -lu
dire?
TiGAEO, mali^nemenU
Qu'il est bien temps que la vertu d'un si bon
maître éclate ; elle m'est d'un tel avantage aujour<
d'hui , que je désire être le premier à la célébrer à
mes noces.
LE COMTE plus embarroMSé,
Ta te moques , ami ; l'abolition d'un droit hon-
teux n'est que l'acquit d'une dette envers l'honne*
teté. Un Espagnol peut vouloir conquérir la
beauté par des soins ; mais en exiger le premier, le
plus doux emploi comme une servile redevance ;
ab I c'est la tyrannie d'un Vandale, et non le droit
avoué d'un noble Castillan.
F I o A n o , tenant Suzanne par ta main.
Permettez donc que cette jeune créature, de
qui votre sagesse a préservé l'honneur, reçoive de
votre main publiquement la toque virginale , or-
née de plumes et de rubans blancs , symbole de la
pureté de vos intentions : adoptez^^n la cérémonie
pour tous les mariages , et qu'un quatrain chanté
en chœur, rappelle à jamais le souvenir....
LE COMTE, encartasse.
Si je ne savois pas qu'amoureux , poëte et mu-
sicien sont trois titres d'indulgence pour toutes
les folies....'
FIGARO. ' ^
Joignez-vous à moi , mes amis.
i66 LE MARIAGE DE FIGARO.
TOUS ENSEMBLE.
4
Monseigneur! monseigneur!
s u z A H 5 E , aa comte.
Pourquoi fuir un éloge que vous méritez si
bien?
L£> COMTE, à part,
La perfide!
FIGARO.
Regardez-la donc, monseigneur; jamais phi»
jolie fiancée ne montrera mieuii la grandeur de
votre sacrifice.
SUZANNE.
Laisse là ma figurée , et ne vantons que sa vertu.
LE COMTE, à part.
C'est un jeu que tou^ ceci.
LA COMTESSE.
Je me joins à eux, monsieur le comte; et cette
cérémonie me sera toujoui*s chère , puisqu'elle doit
jon motif à l'amour charmant que vous aviez pour
moi.
LE COMTE-
Que j'ai toujours, madame; et c'est à ce titre
que je me rends.
TOUS ENSEMBLE.
Vivat!
LE COMTE, 4 partw
Je suis pris, (Haut,) Pour que la cérémonie eût
un peu plus d'éclat, je voudrois sejilemcnt qa'on
la remît à tantôt. (A part) Faisons vite chercher
Marceline.
ACTE I, SCÈNE X. 167
"^ FIOASO, à Chérubin,
Eh bien! espiè^e, vous n'applaudissez pas?
SVZANVE.
Il est au désespoir; monseigneur le renvoie.
LA COMTESSE.
Ah ! monsieur, je demande sa grâce.
Z.E COMTE.
Il ne la mérite point.
LA COMTESSE.
Hélas ! il est si jeune !
LE COMTE.
Pas tant que tous le crojez.
CHÉRUBiv, tremblant,,
Pardonner généreusement n'est pas le droit du
seigneur auquel vous avez renoncé en épousant
madame.!
LA COMTESSE.
11 n*a renoncé qu'à celui qui vous aiBigeoit tous..
SUZAVNE.
Si monseigneur avoit cédé le droit de pardon-
ner , ce seroit sûrement le premier qu'il voudroit
racheter en secret.
LE COMTE, embarrassé.
Sans doute.
LA COMTESSE.
Et pou^^quoi le racheter?
c H £ R V B 1 9 , au comte,
•Je fiis léger dans ma conduite^ il est vrai , mon-
seigneur ; mais jamais la moindre indiscrétion
dans mes paroles. . ..
i68 L£ MÂfi«iAGE DE FIGAKO.
I.E COMTE, embarrassé»
Eh bien ! c'est assez. . . .
FIGARO.
Qu entend-il?
LE coMT^f vivement.
C'est assez, c'est assez ; tout le monde exige son
pardon , je l'accorde , et j'irai plus loin. Je lui
donne une compagnie dans ma légion,
TOUS RffSEMBLE.
, Vivat!
LE COMTE*
Mais c'est à condition qu'il partira sur-le-champ,
pour joindre en Catalogne.
FiaAao.
Ah| monseigneur! demain. .
LE COMTE, insiiXanU
Je le yeux.
CH£AUBIV«
X J'obéis.
LE COMTE.
Saluez votre marraine , et demandez sa protec-
tion. ( Chérubin met un genoux en terre devant la
comtesse, et ne peut parier,)
LA COMTESSE, énuie.
Puisqu'on ne peut vous garder seulement au-
jourd'hui , partez , jeune homme* Un nouvel état
vous appelle ; allez le remplir dignement. Honores
votre bienfaiteur. Souvenez>vou^ de cette maison,
où votre jeunesse a trouvé tant d'indulg^^nce.
So^ez soumis^ honnête et brave; nous prendrons
ACTE I, SCÈNE X. 169
part à vos succès. ( Chérubin 'te relève et retourne à
sa place.)
^E COMTE.
Vous êtes bien émue, madame*
LA COMTESSE*
Je ne m'en défends pas. Qui sait le sort d'un
«nfant jeté dans une carrière aussi dangereuse ! Il
est allié de mes parents ; et de plus , il est mon
aUeuI.
LE COMTE, à part.
Je Yois que Bazile ayoit raison. (Haut») Jeune
homme, embrassez Suzanne.... pour la derniers
fois.
FiaAap.
Pourquoi cela, monseigneur? Il viendra passer
ses hivers. Baise-moi donc aussi , capitaine. ( Il
l'embrasse,) Adieu, mon petit Chérubin. Tu vas
mener un train de vie bien différent, mon enfant :
dame ! tu ne rôderas plus tout le jour au quartier
des femmes : plus d'échaudés, de goûtés à la
crème ; plus de main chaude ou de colin-maillard.
De bons soldats, morbleu! basanés, mal vêtus, un
grand fiisil bien lourd; tourne à droite, tourne à
gauche, en avant, marche à la gloire; et ne va pas
broncher en chenûn , à moins qu'un bon coup dt
fieu...
SUZANNE,
Fi donc! l'horreur!
LA COMTESSE,
Quel pronostic!
lya LE M'âRIAGE D£ FIGARO.
I.E COMTE.
OÙ donc est Marceline? Il est bien singulier
qu elle ne soit pas des ydtres !
FAKCHETTE.
Monseigneur, elle a pris le chemin du bonrg,
par le petit sentier de la ferme.
LE COMTE.
Et elle en reviendra?
BAZIIiE*
Quand il plaira à Dieu.
rioAAO.
S'il lui plaisoit qu'il né lui plût jamais. . •
fASCB^TTE..
Monsieur le doeteur lui donnoit le bras.
LE COMTE, vivement.
Le docteur est ici 3
BASILE.*
Elle s'en est d'abord emparé...
LE COMTE, à part.
Il ne pouvoit venir plus à propoi.
FAUCHETTE.
ïlle avoit l'air bien échauffe; elle parloit tout
haut en marchant, puis elle s'arrêtoit et faisoit
comme ça de grands bras. . . et monsieur le doc-
teur Wi faisoit comme ça , de la main , en l'apai-
sant : elle paroissoit si courroucée l elle nommoit
mon cousin Figaro.
LE COMTE iui prend ie menton.
Cousin,... futur.
ACTE I/SCÈNE X, 171
FAirCHETTE, montrant Chérubin»
Monseigneur , nous ayez- vous pardonné d*hier . . .
LE COMTE, l'interrompant.
Bonjour, bonjour, petite.
^ FIGARO.
C'est son chien ti'amour qui la berce ; elle au<
roit troublé notre fête.
LE COMTE, à part.
Elle la troublera, je t'en réponds. {Haut.) Al-
lons, madame, entrons. Bazile, tous passerez chez
moi.
suzahue, à Figaro,
Tu me rejoindras , mon fils?
FIGARO, bas, à Suzanne.'
Est-il bien enfilé?
SUZANNE, bas.
Charmant garçon!
( Ils sortent tous.)
SCÈNE XL
CHÉRUBIN, FIGARO, BAZILE.
(Pendant qu'on sort, Figaro les arrête tons denx et les
ramène.)
FIGARO.
Ah çà 1 vous autres, la cérémonie adoptée |^ ma
fête de ce soir en est la suite; il faut bravement
nous recQrder : ne faisons point comme ces ac-
teurs, qui ne jouent jamais si mal que le jour où la
critique est le plus éveillée. Nous n'avons point de
lya LE MARIAGE DE FIGARO.
lendemain qui nous excuse, nous. Sachons ïbien
nos rôles aujourd'hui..
BAziLE, malignement.
Le mien est plus difficile que tu ne crois.
FIGARO, faisant, sans qu'il le voie, le geste de U
rosser.
Tu es loin aussi de savoir tout le succès qu'il te
Taudra« ^
CHÉRUBIN.
Mon ami» tu oublies que je pars.
FIOARO.
Et toi , tu voudrois bien rester.:
Ah! si je le voudrois !
FIGAROr '
u faut ruser. Point de murmure à ton départ.
Le manteau de voyage h. 1 épaule ; arrange ouver-
tement ta trousse , et qu'on voie ton cheval à la
grille; un temps de galop jusqu'à la ferme; reviens
à pied par les derrières; monseigneur te croira
parti ; tiens-toi seulement hors de sa vue ; je me
charge de l'apaiser après la fête..
CHÉRUBIN.
Mais Fanchette qui ne sait pas son rôle.
BAZILE.
Que diable lui apprenez-vous donc, depuis
huit jours que vous ne la>quittez pas?
FIGARO.
Tu n'as rien à faire aujourd'hui , donne-lui par
grâce une leçon.
ACTE irSCÈNE XI. 173
bAzile.
Prenez garde , jeune homme , prenez garde ! le
père n*èst pas satisfait; la fille a été souffletée; elle
n'étudie point ayec vous : Chérubin! Chérubin!
TOUS lai causerez des chagrins! Tant va la cruche à
rioAAo;
Ah ! voilà notre imbécile , ayec ses vieux pro-
verbes ! Eh bien I pédant , que dit la sagesse des
nations? !Sant va la cruche à l'eau, qu'à la fin„*m
BAZlIiE.
Elle s'emplit.
FIGARO, en^'en àllanù
Pas si béte , pourtant , pas si béte I
fis nv PRBMIBE ÀCTIi
i9.
ACTE SECOND.
lie théâtre représente une chambre à coucher
superbe, un grand lit en alcoYe^ une es-
trade au-devant. La porte pour entrer s'ouvre
et se ferme à la troisième coulisse à droite ;
celle d'un cabinet, à la première coulisse à
gauche. Une porte , dians le fond j va chez les
femmes. 17né fenêtre s'ouvre de l'autre côté.
MWI
SCÈNE I.
SUS^AICEVE , LA COMTESSE entrent par ta porte à
droite,
LA COMTESSE, se jetant dans une berbère.
Fekme la porte V Suzanne , et conte-moi tout dans
le plus grand détail.
SUZÀNHE.
Je n'ai rien caché à madame.
LA COMTESSE.
Quoi ! Suzon , il vouloit te séduire?
SUZANVE.
Oh ! que non. Monseigneur n'jr met pas tant de
façon avec sa servante : il vouloit m'acheter.
LA COMTESSE.
Et le petit page étoit présent?
1
!LEMÂRUGE,et<s.AGT£ II, SCÈNE I. i^S
sirzAvirs.
C'est-à-dire, caché derrière le g;rand £ioteail.
Il yenoit me prier de tous demander sa grâce.
LACOMTESSE..
Eh! pourquoi ne pas s'adresser à moi-même?
est-ce que je l'aurois refiisé, Suzon?
buzaithe:
C'est ce que j*ai dit : mais ses regrets dé partir,
et surtout de quitter madame ! Ah! Suzon, tju'eUe
est noble et belUl mais qu'elle est imposante!
LA COMTESSE.
Est-ce que j'ai cet air-là, Suzon?' moi qui l'ai
toujours protégé.
suzanvb;
Puis il a TU Totre ruban de nuit que je tenois ,
il s'est jeté dessus...
LA COMTESSE, souriant*
Mon ruban ? . . quelle enfance !
SUZAHVE.
J'ai Toulu le lui ôter; madame, c'étoit un lion;
ses jeux biilloient. . . . Tu ne l'auras qu'avec ma
▼ie, disoiit-il en forçant sa petite Toix douce et
grêle
LA COMTESSE, révunt.
Eh bien, Suzon?
STTZANVE.
Eh bien , madame ! e8t-<:e qu'on peut faire finir
ce petit démon-là ? Ma marraine par-ci ; je Toudrois
bien par l'autre; et parce qu'il n'oseroit seulement
ir6 LE MARIAGE DE FIGARO.
baiser la robe^de madame , il youdroit tonjourf
n'embrasser, moi.
LA COMTESSE, rivant.
Laissons... laissons ces folies... Enfin, ma pau-
yre Suzanne , mon époux a fini par te dire?
8nzA9BIE«
Que si je ne voulois pas lentendre / il alloit
protéger Marceline..
LA c o 01 T e 8 s E s€ lèvé et se promène, en se servant
fortement de i'éventaiU
Il ne m'aime plus du tout.
BUZANEIE.
Pourquoi tant de jalousie?
LA COMTESSE.
Gomme tous les maris , ma chère , uniquement
par orgueil. Ah! je l'ai trop aimé! je l'ai lassé do
mes tendresses , et fatigué de mon amour ; TOilà
mon seul tort avec lui : mais je n'entends pas que
cet honnête aveu te nuise , et tu épouseras Figaro.
Lui seul peut nous j aider : yiendra-t-il ?
SVZAHIIS.
Dès qu'il yerra partir la chasse.
LA COMTESSE, «« Servant de f éventail,
Ouyre un peu la croisée sur le jardin. Il fait
une chaleur ici 2 . .
suzAirvE.
C'est que madame parle et marche ayec action*
(^//e va ouvrir ta croisée du fond,)
ACTE II, SCÈNE I. 177
I.ACOMTE8SE, rêvant iong-tempMm
Sans cette constance à me fuir, i , . Les hommei
•ont bien coupables !
8 u z A s N E , criant de la fenêtre,
Âh! voilà monseigneur qui traverse à cheval
le gçand potager, suivi de Pédrilïe, avec deux,
trois , quatre lévriers.
LA COMTESSE..
Nous avons du temps devant nous. ( Elle s'ai-
sied.) On frappe , Suzôn?
s v z A H H E coart ouvrir en chantant.
Ah ! c'est mon Figaro ! ah ! c'est mon Figaro !
SCÈNE IL
FIGARO , iSUZANWE , LA COMTESSE, assise.
8UZABirE«
Mon cher ami ! viens donc. Madame est dans
une impatience ! . • .
FIGARO.
Et tpi , ma petite Suzannç ? Madame n'en doit
prendre aucune. Au fait, de quoi s'agit-il? d'une
misère. Monsieur le comte trouve notre jeune
femipe aimable , il vondroit en jfaire sa maltresse ;
et c'est bien naturel.
SUZANNE.
• Naturel?
pxaAAo;
Pui« il m'a nommé courrier de dépêches, et
178 LE MARIAGE DE FIGARO.
Suzon conseiller d'ambassade. Il n j a pas là dë<
tourderie.
BUXAVITE.
Tu finiras?
I ' riGÀBO.
Et parce que Suzanne ma fiancée n'accepte pas
le diplôme , il va favoriser les vues de Marceline ;
quoi de plus simple encore ? Se venger de ceux qui
nuisent à nos projets en renversant les leurs, c'est
ce que chacun fait , ce que nous allons faire nons<-
mêmes. Eh bien ! voilà tout pourtant.
LA COMTESSE. *
Pourez'vous , Figaro , traiter si légèrement un
dessein qui nous coûte à tous le bonheur?
pioAno.
Qui dit cela , madame ?
sirzAiritE.
Au lieu de t'affliger de nos chagrins, .t;
t^IOAR0>
N'est-oe pas assez que je m en- occupe? Or, pour
agir aussi méthodiquement que lui, tempérons
d'abord son ardeur de nos possessions., en Tin-
quiétant sur les siennes.
LA COMTESSE.
C'est bien dit ; mais comment?
FIOAEO.
€*est déjà fait, madame; un faux avis donné
sur vous. . .
LA, COMTESSE»
Sur moi ! la tète vous tourne.
ACTE II, SCÈNE II. 179
FiaARO.
oh i c'est à lui qu elle doit tourner.
tA COMTESSE. .^
Un homme aussi jaloux ! . .,
FIGA&O*
Tant mieux : pour tirer parti des gens de ce ca<*- f
ractère, il ne faut qu un peu leur fouetter le sang;
c'est ce que les femmes entendent si bien. Pais les
tient-on £ftchés tout rouge , avec un brin d'intri-
gue on les mène où l'on veut , par le nez , dans le
Guadalquivir. Je vous ai fait rendre à Bazile un
billet inconnu , lequel avertit monseignear qu'un
galant doit chercher à vous voir aujourd'hui pen-
dant le bal.
LA COMTESSE. '
Et vous vous jouesB ainsi d« la vérité sur le
comte d'une femme d'hoiineur..«
FIGARO.
Il j en a peu , madame ^ avec qui je l'eusse osé,
crainte de rencontrer juste.
LA COMTESSE.
11 faudra que je l'en remercie.
FIGARO.
Mais dites-moi s'il o'es.t pas charmant de lui
avoir taillé ses morceaux de la journée , de façon
qu'il passe à rôder, à jurer après sa dame, le
tcmp6 qu'il destinoit à se complaire avec la nôtre. .
Il est déjà tout dérouté : galopera-t-il celle-ci? sur*
veillera-t-il celle-là ? Dans son trouble d'esprit ,
tenez, tenez, le voilà qui cpurt la plaine, et force
i8o LE MARIAGE DE FIGARO.
un lièvre qui n'en peut mais.. L'heure 'du mariage
arrive en poste; il n'aura pas pris de parti contre;
et jamais il n'osera s'j o|»poser devant madame.^
SUZAHVE.'
Non; mais Marceline, le bel esprit, osera le
faire , elle.
FIGAIIO*
Brrrr. Gela m'inquiète bien , ma foi ! Ta feras
dire & monseigneur que tu te rendras sur lii brun»
au jardin.
svzAirvE.
.Tu comptes sur celui-là?
FIGARO*
Oh dame ! écoutez donc ; les gens qui ne veu-
^ lent rien faire de rien , n'avancent rien , et ne sont
bons à rien. Yoilà mon mot.
suzANirs.
Il est joli! :
LA COMTESSE.
Gomme son idée : vous consentiriez qu'elle s'j
rendit?
FIGARO.
I
Point du tout. Je fais endosser un habit de
Suzanne à quelqu'un : surpris par nous au ren-
dez-vous, le comte pourra-t-il s'en dédire?
SUZANHE..
A qui mes habits?
FIGARO.
Ghérubia.
ACTE II, SCÈNE IL t8i
Lk COMTESSE.
Il est parti*
Non pas pour moi : yeut-on me laisser faire?
SUZAHHE.
On peut s*en fier à lui pour mener une intrigue*
' riGAno*
Deux, trois y quatre à la fois; bien embrouillées,
qui se croisent. J'étois né pour être courtisan.
SUt^ABTVS.
On dit que c'est un métier si difficile.
rioÀAo*
Recevoir, prendre, et demander; yoilà le se-
cret en trois mots.
LA COMTJESSE.
II a tant d'assurance , qu'il finit par m'en ins-
pirer.
FIOAAOc
C'est mon dessein.
StTZAtrSB. ^
Ta disois donc?
F10AAO4
Que pendant l'absence de monseigneur, je vais
TOUS enyojer le Chérubin : coifEez-le, habillez-le;
|e le renferme et l'endoctrine; et puis dansez^
monseigneur.
(Il sort.)
Tliéa(r«.L Cofflédiei» l4« '^
i8a LE MARIAGE DE FIGARO,
SCÈNE m.
SUZANNE, LA COMTESSEy mîs«.
tA COMTESSE, tenant sa boîte à mouches*
Mon dieu, Suzon, comme je suis faite!... Ce
jeune homme qui ya yenir. . •
SUZAIIIIE.
JUadame ne vei^t do^ic pa» a^'i^ en réclii^[^?
£A COMTESSE réve devant sa petite glace*
Moi ... 4» yerrai comme je yais le groAder.
SOSAVVB.
Faisons-lwi chanter sa romaoce» (£/le ia met sur
ia comtesse,)
LA COMTSS8C«
Mais , c'est qu'en yérîté mes cheyenx sont dans
un désordre. . .
suzAKHEy riant.
Je n'ai qu'à reprendre ces deuK boucles, ma-
dame le grondera bien mieux.
LA COMTESSE, revenant à elle,
Qa'eathce qw xam dites 4^^ > inAclenoiiAlle ?
ACTE II, SGÊIME IV. , i83
SCÈNE IV.
GHÊRUam, l'air honteux ; SUZANNE; LA
COMTESSE, assise.
8UZAVHE.
EffTBBX, monûeur l'officier; on est visible.
'caAnOBiv avance 'Jen trém$(anf,
Ab! que ce non ni 'afflige, màdaïné! il m^àpi-
prend qn'il faut quitter des lient. .. nht mtfkftlné
si... Isonne!...
• V^AVITE* .
Et M belle!
caÉRUBiv, avec un soupir»
Ab! oui.
suftAViTE, ie contrefaisant
Ab! oui. Le bon jeune bomme! arec ses longue*
paupières bjpocrites. Allons , bel oiseau bleu,
chantez la romance à madame.
LA COMTESSE la dépite^
De qui... dit-on qu'elle est?
suftAaaa.
Voyez la rougeur du coupable ; en a-t-il un
pied sur les joues?
catauBia. ^
Est-ce qu'il est défendu... Ae chérir...
bvzJlvve lui met le poing sous le nez.
Je dirai tout, yaurten!
LA COMTESSE.
La.r«. cbante-t-il?
i8f LE MARJ^âGE de FIGARO.
ClléAUBIV..
Oh! madame, je suis si ttemblant..*
8USAVVB, en riant.
Et gnian, gnian, gnian, giiîan,gnian, gnian,
gnian ; dès que madame le veut, modeste aateur!
je Tais r&ocompagner.
LA COMTESSE.
Prends ma guitare. (Lacomiesse, assise, tient le
papier pour suivre» Suzanne est derrière son fimteuil,
et prUude en regardant la musique par-dessus sa mat-
tresse* Le petit page est devant elle, les yeux batuét^
Ce tableau est jiute la belle estampe d'après Vanho ,
appelée H conyersation espagnole. '
ROMAfilGE.
Air i Malbroug s'en vat^en guerre,
PREMIER COUPLET.
Moni eouiner hprs d'haleine ,
CQuc mon cœur , ooEon cœur a de peine ! }
J'errois de plaine en plaine r
Au gré du destrier.
DEÎTZxèME COUPLET.
Au gré du destrier;
Sans varlet n'ecuycr;
* Là près d'une fontaine , I
(Que mon cœur, mon cœar a de peine !)
' Ghérulnny la comtesse, Suzanne.
* An spectacle on a commence la romance à ce ttrsi
en disant : Auprès d'une fontaine*
ACTE lï, SCÈNE IV. i85
Songeant à ma xnairaixie,
Sentois mes pleurs couler.
' TROISIEME COVPLET.
Sentou mes pleurs cQuler y
Prêt à me désoler;
Je gravois sur on frèat ,
{;Que mon oœur , mon oœur a de peine !}
Sa lettre sans la mienne ;
Le roi vint à passer.
QUATBliSME COtrPIET.
lie roi vint à passer ;
ISes barons , son dergier.
Beau page , dit la reine ,
XQue mon cœur, mon oceiir a de peine !')
Qui vous met à la gène /
Qui vous fait tant plorer?
t
CINQUIEME COUPÏ.ET.
Qui vous fait tant plorer?
Nous £iut le déclarer.
Madame et souveraine ,
(Que mon coeur, mon. oœur a de peine 0
J'avoîs une marraine
Que toujours adorai *
, SIXIÈME COUPLETS*
Que toujours adorai ;
Je sens cps j'en mourrai
» Ici la comtesse arrête lé page «n fermant le papier.
Le reste ne s6 «banie pas au théâtre. ^
i6. ^
i36 LE MARIAGE HE FIGARO.
Beau page, dit la réaCf
(Que mon coeur , Àton ooeor a de pems i)
N'est-U qa'une ntanaîni }
Je TOUS en servirai.
SEPTIÈME GOITPl^ET.
Je von» en servirai ;
Mon page vous ferai f
Pliis à ma jeuM Hëlèiie',
(Que mon ccBor , mon coeur ardi ipàorn !)
Fille d'un capitaine f
Un jour vous maricraL
HUITIÈME GOUPtET.
Un jour vous marierai •—
Nenni n'en £wit pivrler ;
Je veux , traînant ma chaîne ,
(Que mon coeur , mon coeur a de pein« !}^
Mourir de cette peine ;
Mais nqn m*en consoler.
LA COÙTBSSÉ.
11 jr a de la naîyeté... du sentiment même.
suzAVHBiNi poser la guitare siir un fauteuU» '
Oh! pour du sentiment, c*est un jeune homme
qui Ah ! çà ,' monsieur l'officier , yoas a-t-on dit
que pour égajer la soirée, nous Toolons sayoir
d'ayance si un de mes habité youi ira passable-
ment?
I.A coAtess'b.
J'ai peur que non.
.. ' • t •
* Chêruhîn^Susanne^kcomtfliJet
N
ACtE 11, SCÈNE IV. ri87
suzAiltf'E id mesure avec IuÎm
Il est cle ma grandeur., Otons d'abord le man-
teau, i EiU te détache. )
lA COMTESSE.
Et si quelqu'un entroit?
suzAirirE..
Est-ce que nous faisons du mal donc? Je vais
fermer la porte. ( £//e court) Mais c'est la coiffure
que je yeux Toir.
LA COMTESSE.
Sur ma toilette, une baigtîetise à moi. (Suzanne
entré dans lé cabinet 4ont là porte est au bord du
théâtre. )
'SCÈNE. V.
CHÉRUBIN, LA^ C01IITESSE, àssue.
LA COMTESSE.
{ > . w . , • •> ; ». . • ...
JusQtr'A l'instant du bal, le comte i^orera que
TOUS soyez au château. Nous lui dirons après que
le temps d'expédier vôtre Érévet nous a fait naître
c H lÊ RU B 1 5 , /e /tft montrant. ' .
Hélas fmadâriie, lé t6ii!î; ffaXité me l'a remis de
sa part..
• ta tài^'^tii^
Dé}â?r<ïrfaeti(lrftd'y^Vdt^ûii*iiiîti*te. (E//e
Ut.) Ils se sont tant pressés , qu'ils ont oublié d j
mettnr w» «ivlisr.'
(Eildlèluirend.)
i88 LE MARIAGE BE FIGARO.
SCÈNE VL
CHÉRUBIN, LA COMTESSE, SUZANNE.
s u z A ir H E , entrant avec un grand àonneU
Le cachet, à quoi?
tA COMTESSE*
A son brey«t.'.
SVZAHSS*
Déjà?
LA COMTESSE.
C est ce que je disois. Est -ce là ma baigneuse?
suzASHE s'assied près de la comtesse, *
Et la plus belle de toutes. ( EÛe chante avec eu
épingles dans' sa bouche^ )
Toume^-Tous donc enveins.ici, ,
Jean de Lyra , mon bel omL
( Chérubin se met à genouXm Elle te coiffe, ) Ma- i
dame, il est charmant! '
LA COHTESSE. ^
Arrange son collet d'un air un peu plu» £-
minin.
svïAiniE tarrange,
La.... Mais yojez donc ce moryeux, comme il
est joli en fille! j'en suis jalouse, moi. (Elte lui
prend le menton,) Youlez-yous bien n'être pas joli
comme ça?
X Chérubin , Suzanne, la comtesse^
ACTE II, SCÈNE VI. 189
LA. COMTESSE.
Qu'elle est folle! Il faut releyer la manche , afin
qoe Famadis prenne mieux. ( Elle le retrousse.)
Qu'est-ce qu'il a donc au bras? un ruban.
8UZAVNE,
Et un ruban à vous. Je suis bien aise que ma-
dame l'ait vu. Je lui avois dit que je le dirois),
déjà. Ob! si monseigneur n etoit pas venu , j'aurois
bien repris le ruban ; car je suis presque aussi
forte que lui.
lA COMTESSE'
II y a du sang! ( EUe détache le ruban. )
CHÉRUBiv, honteux*
Ce matin , comptant partir , j'arrangeois la
gourmette de mon cheval \ il a donné de la tête, et
la bossette ma effleuré le bras,
LA COMTESSE.
On n'a jamais mis un ruban*..
SUZANNE.
Bt surtout un ruban volé. — Voyons donc ce
que la bossette. ... la courbette. ... la cornette du
cheval, . , Je n'entends rien à tous ces noms-là. • —
Ah! qu'il a le bras blanc! c'est comme une femme,
plus blanc que le mien; regardez donc , madame.
( Elle les compare»)
LA COMTESSE, d'un ton glacé»
Occupez-vous plutôt^ de m'avoir du taffetas
gommé dans ma toilette.
(Sutanne lui pousse ta téta en riant; U tombe sur
les deux ¥nains. Elle pnWe dans le cabinet au bord du
théâtre.)
iga LE MARIAGE DE FIGARO,
brin de raison dans tout ce qne vous dites . ( Oit
frappe à ta portej elle élève la voix.) Qui frappe
ainsi chez moi?
SCÈNE X.
CHÉRUBIN, LA COMTESSE, L*E COMTE
en dehors,
LE COUTE, eu dehors,
PouBQUOi donc enfermée?
LA COMTESSE, troubléc, se tèi^e.
C'est mon époux, gran4s dieux! {À Chérubin,
qui s'est levé aUssL ) Vous , sans manteauj, le col et
les bras nus! seul arec moi! cet air de désordre,'
un billet reçu , sa jalousie ! . . .
LE COMTE, ûK dehors.
Vous n'ouvrez pas ?
LA COMTESSE.
C'est que.V* )e suis seule.
LE COMTE, en dehors,
JSeule? Avec qui parlez*vous donc?
LA COMTESSE, cherchant
. . . Ayec TOUS , sans doute..
CHiauBisr, àparU
Après les scènes d'hter et de ce matin, il me
tueront sur la place. {Il court uu cabiugide toUettCf
y entre , et tire la porte sur luL) '
ACTE II, SCÈNE XI. 193
SCÈNE XL
LÀ COMTESSE, seulcj en ôte la clef , et couri
ouvrir au comtem
Aal quelle faute! quelle faute I
SCÈNE XIL
LE COMTE, LA COMTESSE.
L s COMTE, uù peu sévèrem
Vous n'êtes pas dans l'usage de vous enfermer.
LA COMTESSE, troubUe,
Je.*.* je chiffonnois*... oui, je chiffonnois avec
Suzanne; elle est passée un moment chez elle.
LE COMTE, l'examinant.
Vous ayez lair et le ton bien altérés»
LA COMTESSE»
Cela n'estpas étonnant.. pas étonnant du tout...
je vous assure... nous parlions de vous... elle est
passée, comme je vous dis.
LE COMTE.
Vous parliez de moi ! ... Je suis ramené par l'in-
quiétude; en montant à cheval, un billet qu'on
m'a remis, mais auquel je n'ajoute aucune, foi,
m'a.... pourtant agité.
LA COMTESSE.
Comment, monsieur?... quel billet?
LE COMTE.
Il faut avouer, madame, que vous ou. moi
Théâtre. ComédIe«. I^. '7
194 LE MARIAGE DE FIGARO.
sommes éntpurés d'êtres. . . bien méchants. On me
donne ayis i^ne, dans la journée , quelq[u*an , que
je crois absent , dqit chercher à vous entretenir.
LA COMTESSE.
Quelque soit cet audacieux , il faudra qu'il pé-
nètre ici ; ear mon projet est de ne pas quitter ma
o)hambre de tout le jour.
lE COMTE.
Ce soir, pour la noce de Suzanne?
LA COMTESSE.
Pour rien an monde ; je suis trea incommodée..
LB COMTE.
Heureusement le docteur e»t ici. (Le page frit
tomber iMe ohaite dans 4e cà^ÎMl.) Quel bcuit en-
tend»*je?
LA couxESfE, pim troubiée.
Du bruit?
LE COMTE.
On a hit tomber un meubla.
LA COMTESSE.
Je. . . je n*ai rien enteiidM , pour moi.
LS COMTE.
Il fiiut que TOUS soje« iurieiisem«nt pvéoccp*
pée!
LA COMTESSE.
Préoccupée! de quoi?
LE COMTE.
I
Il j a quelqu'un dans. <ie cabioet , madame^
LA COMTESSE.
. $h|. . , que. voulez YQiia qu'il 7 ait , mens icar ?
ACTE II, SCÈNE XIL 195
LE COMTX.
C'e^ moi qui vous le demande, j 'ardre.
LA COMT£»&E.
£h! mai».é... Snsanne apparemment qui range*
I/E COMTE..
Vou» avez dit qu elle étoit fasaée chez elle.
LA G0MTE5»E.
PdMée4#« ou entrée là; je ne sais lequel.
LE COMITE.
Si c*est Sozanne^ d'où rient le trouble ou j^e
rousroU?
IrA COMTESSE.
ÎHl trouble pour ma camaristé..
LE COMTE.
Pour rotre camariste ^ je ne sais -, mais potir dtf
trouble ^ assurément.
lA COltTESSE.
Assurément, monsieur, cette fiUé rous trouble
et rousjyccupe beaucoup plus que moi.
tE c o HT E, <it eo/^re.
Elle.m occupe à tel point, madame, que je reuai
la roir à l'instant.
LA COMTESSE.
Je crois, en effet, que rous le roulez sourent;
mais roilà bien le» soupçon» le» moins fondés »...
igô LE MARIAGE DE FIGAEO^
SCÈNE XIIL
LE COMTE , LA COMTESSE, SUZANNE, entramt
avtc 4^ hard^ et pouss^ant h /forte du- fmd^
1*% COMTE.
Ils en seront plus aisés à détruira. (li parle ait
cabinet.) Sortez, Suzon ; je vous l'ordonne.
(Suzannfi s'arrête auprès de Vaicove dans le fond.)
LA COMTESSE.
Elle est presque nue„ monsieur : Tient -on
troubler ainsi des femmes dans leur retraite ? Elle
essajoit des hardes que je lui donne en la ma*
riant; elle s est enfuie, quand elle vous, a en-
tendu.
I.E COMTE.
Si elle craint tant de se montrer, au moins elle
peut parler. ( 1/ se tourne vers la porte du cabinet. )
Répondez-moi , Suzanne ; êtes-vous dans ce cabi-
net?
ÇSuzanne, restée au fond, se jette dans l'alcove et s'if
cache. )
LA COMTESSE, vivement , partant au cabinet.
Suzon, je vous défends de répondre. [Au conte*)
On n*a jamais poussé si loin la tyrannie.
LE* COMTE, s'avançant au cabinet.
Oh bien ! puisqu'elle ne parle pas ^ vétne pu
non , je la verrai.
LA COMTESSE, <e mettant au-devant.
Partout ailleurs je ne puis l'empêcher; maîf
j'espère aussi que chez moi...
. AGT^ JI, SCÈNE Xni. 19;
LE COMTt*
Et moi j espère savoir dans un moment quelle
est cette Suzanne mystérieuse. Vous demander la
clef, seroit, je le, vois, inutile; mais il est un
moyen sûr de jeter en dedans cette légère porte.
Holài, quelqu'un!
LA COMTESSE.
Attirer vos gens, et faire un scandale public
d'un soupçon qui nous rendroit la jGBd>le du châ-
teau?
LE COMTE.
Fort bieti., madame; en effet, j'j suffirai; je vaia
à l'instant prendre chez moi ce qu'il faut.... (1/
marche pour sortir et revient) Mais, pour que tout
reste au même état , voudriez-vous bien m'accom-
pagner sans sqindale et sans.bruit, puisqu'il vous
déplaît tant?.. Une chose aussi simple, apparem-
ment , ne me sera pas refusée.
LA COMTESSE, troubtée.
Eh! monsieur, qui songe à vous contrarier?
LE COMTE.
Àh! j'oubliois la porte qui va chez vos femmes;
il &nt que je la ferme aussi , pour que vous sojez
pleinement justifiée. (1/ va fermer la porte du fond ,
ei en âte la clef»)
LA COMTESSE, à part»
O ciel ! étourderie funeste !
LE COMTE, revenant à elle.
Maintenant que cette .chambre est close , accep-
tez mon br^s, je vous prie^ (il élève la voix) et
»7»
198 LE MARIAGE BS FIGARO.
quant à la Suzanne do cabinet , il faudra qu'elle
ait la bonté de m'attendre , et le moindre mal qui
puisse lui arriver & mon retour.. «
' lA COItTZSBE.
En Yérité, monsieur , voilà bien la plus odieuse
aventure... (Le comte C emmène et ferme ta porte à ia
clef.)
SCÈNE XIV.
SUZANNE, CHÉRUBIN.
svtAHSE sort de Caicove, atcottrt ou tabtnet et parie
tt ht êerràre»
Chjvmzz, Chérubin y ôunez vite, c'est Suzanne;
ûtorvrez et sèttet. ^
c &*£ a irirt ilf , sortant, '
Âfk l èùi3b\i f cjùéÛë fcôfriblé scène !
SUZANHE.
%>rtez , vous n*ave2 pas une minute.
CHiauBtH, effrayée
Et.par ou sortir?
SUZAHVE.
Je n'en sais rien , mais- sortez.
CBéaUBIV.
S*il n'j a pas d'issue?
strz:Aii]i£.
Après la reaeokict* dtf tmUn^ il^foas écrate-
X C9kÀitbin,S«teiiiti&
\
ICTÉ II, SCÈNE XI V/ tgg
roif ', et nous seriont perclaes. Courez conter à Fi«
garo. . .
CHÉnUBlIf.
La fenêtre du jardin n'est peut-être pas bien
iiairte. ( ii ctntrî y regarder» ) ^
suzAHiTK, avec effroi.
Un ^nd étage! impossible. Abl ma pauyre
maltresse ! et mon mariage , 6 cîel !
csfauBiv, réifenant
Elle donne sur lamèlonnière; Quitte à gâter une
coucbe bu deux.
s u K A's 1^ E /e Mleni, et scierie :
Il Ta se tnerT •
ÉHâBVBiii, exàité.
Dans un gouffre ailuiné, Suzon! ouï, je m'j jet-*
t'erois , plutôt que de Itd nuire. . . . Et ce baiser ra
me pester bonbeum. (1/ ftmbMute et court fauter
pat la fenêtre,)
SCÈNE XV.
SUZANNE, teule, un cri de frayeur.
Ah!.. {Êité$^mbef àtsîse un moment, EUeva p«-
niblèàveni téfdtdëf^ è ttefinitre et revient.^ Il est déjà
bien loin. Obî le petit gaYn!ieiÀent! Aussi leste que
joli , si oekîi^là maii^é de femmes. . . . Prenons sa
place au plus tôt. {En entrant' dans lé eabinet,)Yoiiê'
pouyez à préieiM , iftonsieur le comté , rompre la
cloison , si eek Tout amuse ; au- diantre qui répond'
un mot. (£i/e l'y enferme.)
20Q lb mariage de.figaro.
SCÈNE XVI.
LE COMTE, LA GOMTESiSE rentrent dam la
chambre.
LE COMTE, ttae pince à la main, qu'U jette sur te
fauteuil.
Tout est bien comme je Tai laissé. Madame , en
m'exposant à briser cette porte , réflécbissex aux
suites : encore une fois youlez-yous TouTrir?
LA COMTESSE.
Eh! monsieur, quelle horrible humeur peut al-
térer ainsi les égards entre deux époux? Si l'amour
TOUS dominoit au point de vous inspirer ces fa--
reurs, malgré leur déraison, je les excuserois;
^'oublierois , peut-être, en faveur du motif, ce
qu elles ont d'offensant pour moi : mais la seule
vanité peut-elle jeter dans cet excès un galant
homme ?
LE COMTE.
Amour ou vanité, vous ouvrirez la porte, on ja
vais à l'instant. . .
LA COMTESSE, oU'devanU
Arrêtez, monsieur, je vous prie. Me croyex»
VOUS capable de manquer à ce que je me dois ?
LE COMTE..
Tout ce qu 'il vous plaira , madame ; mais je ver-
rai qui est dans ce ca3>ia(t.
LA COMTESSE,, ejf>ay^«.
Eh bien! monsieur, vous le verrez.. Écoutez-
moi. ... tranquillement.
• «.•
ACTE H, scÈKK s;yi. ioi
Ce il*^t do;nc pas Suzanne?
LA COMTESSE, timidement.
Au moins n'est-ce pas non plus une personne,
dont vous deviez rien redouter... Nous disposions
UQe plaisanterie*. « bien iiinocente, en vérité « pour
ce soir... et je vous jure«,«
LE COMTE.
Et vous me jurez?
LA COMTESSE*
Que QOi^s n'avions pas plus de dessein de vouf
çffienser I'uq que lautre,'
l«E COMTE, vite.
L'un que l'autre? C'est un homme?
L.A COMTESSS^. .
.Un enfpoit, monsieur..
LE GOMTE^
Eh ! qui donc ?
LA COMTESSE.
. A peine osé^fe le nommer.
LE COMTE, furieux.
Je le tuerai.
LA GOMTESaS. ^
Grands dieux !
LE. COMTE,
Parlez donc.
LA COMTESSE^
Ce jeune. . , Chérubin ...
202 LE MARIAGE DE FIGARO.
«
LE COMTE.
Gliérubin? Tinsolent ! Voilà mes soupçons et le
billet expliqués.
LA COMTESSE, joignant le$ tnàlnst
Ah ! monsieur, gardez de penser #. ..
X.E COMTÉ , frappant du pied , à part*
Je trouyerai partout ce maudit page! {Haat,)t
Allons, madame', ouvrez; je sais tout n»aintenant«
Vous n auriez pas été si émue , en lé congédiant ce
matin ; il seroit parti quand je Tai ordonné ; vous
n*anri^z pas mis tant de fausseté dans votre conte
de Suzanne ; il ne se seroit pas si soigneusement
caché , s'il n'^ avoit rien de crimineL
LA céiÀtt,iwt4
fi a craint de vous irriter en fé montrant*
tE COMTE, hors de lui y criant tourné Vèti lé cabinets
Sors donc , petit malheureux;!
iiA COMTESSE ie pftnd à bras te corps, en t éloignant»
Ah! monsieur, monsieur, votre colère me fait
trembler pour lui. N*eti croyez ~ pas un injuste
soupçon, de grâce; et que lè désordre où vous
l'allez trouver., 4
LE COMTE*
Du désordre !
tA COMTESSE..
I
Hélas! oui; prêt à s'habiller en femme, une
coiffure à moi sur la tête, en veste et sansmanteaii)
le col ouvert , les bras nus , il àlloit essajer.»*
ACTE II, SCÈNE XVI, ao3
I.E COMTE.
£t VOUS vouliez garder votre chambre! Indigne
ëpouse ! ah ! vous la garderez.... long-temps ; mais
il faut, ayant, que j'en chasse un insolent, de ma»
nière à ne plus le rencontrer nulle part.
LA' COMTESSE , se jetant à ses genoux, les bras élevés.
Monsieur le comte, épargnez un enfant; je ne
me <$oiisolerois pas d avoir eausé. . ..
LE COMTE.
Vos frajeurs aggravent son crime.
LA COMTESSE.
Il n'est pas coupable , il partoit : c'est moi qui
i*ai fait appeler.
LE COMTE, furieux.
l4(evez-voos.. Otez^vous..., Tu es bien auda*
deuse d'oser me parler pour un autre?
LA COMTESSE.
Eh bien ! je m'Àterai , monsieur, je me lèverai ,
je vous remettrai même la clef dv ca)>inet ; mais ,
au nom de votre amour. . .
LE COMTE,
De mon amour, perfide !
LA COMTESSE se iève et lui présente la clef,
Promettez-moi que vous laisserez aller cet en-
flât sans lui faire aucun mal; et puisse après tout
votre oouTTOux tomber sur moi, si je ne vous con-
vsiiicspas,.. •
L E c o MT E , prenant la clef^
Je n*écout^ plus rien.
&o4 LE MARIAGE DE FIGARO.
tA COMTESSE. M jetant iUf une berbère , un mouchmr
sur les yeux^
O ciel ! il va périr.
LE COMTE ouvre ta porte, et recule,
G*est Suzanne !
SCÈNE XVII.
LA COMTESSE, LE COMTE, SUZANNE.
bUZAHVE sort en riant.'
u Je le tuerai , je le tuerai. » Tuez-le donc , ce
méchant page !
LE COMTE, à pari»
Ah! quelle école! (Regardant la comtesse qui etf
restée stupéfaite.) Et vous aussi , vous jouez leton-
nement?... Mais peut-être elle n'^ est pas seules
(Il entre»)
SCÈNE XVIII.
LA' COMTESSE, atiUe, SUZANNE.
S u z A H Bi E accourt à sa maltresse.
Bemettez'Yous , madame , il est bien loin \ il
a fait un saut. . .
LA comtesse.
Ah! Suzon , je suis morte..
AGt£ II, SCÈNE XIX îiô5
SCÈNE XIX.
L'A COMTESSE, assUe, SUZANNE, LE COMTE.
LE COMTE soi*t du cohinet d'un air confus. Après un
Court silence.
Il n'j a personne, et pour le coup j'aî tort. Ma«
dfiune ?. * vous jouez fort bien la comédie.
suzAHNEy ^aiment»
Et moi , monseigneur?
{La comtesse, son mouchoir sur sa bouche pour se re*
mettre f ne parte pas.) '
LE COMTE, l'approchante
Quoi! madame , vous plaisantiez?
LA COMTESSE, se remet(a/if ttit />ea«
Et pourquoi non , monsieur?
LE COMTE.
Quel affireuk badinage! et par quel motif, je
VOUS prie?.,
LA COMTESSE.
Vos folies méritent-elles de la pitié ?
XE , COMTE.:
Nommer folies ce qui touche à Thonneur I
LA COMTESSE, assurant son ton par degrés»,
Me suis-je unie à ypus pour ôtre éternellement
dévouée à Tabandon et à la jalousie , que vous
seul osez concilier ?~
-■«■ ■ s ■ '. ■ ' ■ ■ ■■ ■ ■ ■ ■
1 Suzanne , la comtesse assise , le comte.
Théâtre. Comédioi. l4« id
ao6 LE MARIAGE DE FIGARO.
I.E COMTE.
Ah! madame, c est sanâ ménagement,
SUZASNE.
Madame n'ayoit qii*à tous laisser appeler Ut
gens.
LE COMTE.
Tu as raison , c'est à moi de m'humlier...» Paiv
don , je suis d*ane confusion !..
SOZAVVE.
Arouez, monseigneur, que rovs la aécitea tm
peu.
&B COVTB.
Pourquoi done ne sovtoi^rtii pas , lorsque je
t appelois ? MAuTaiae !
Je me r*habiUois de mon miens , à grand fren-
fort d'épingles , fit madame , qui me le défendoit,
ayoit bien ses raisons pour le faire.
LE COMTE.
Au lien de rappder mea torts , aide-pioi plntAt
à l'apaiser.
lik COMTESSE,
Non , monsieur; un pureil outrage ne se couyre
point. Je vais me retirer aux Ursulmef , et je Tois
trop qu'il en ett tcpipa,.
LE COMTE.
Le pourrie«*voas sans quelques regrets?
SUZASBIE.
Je suis sûre , ^oji , que le jonittdo déport leroit
la veille d«»l(U»ff9»
ACTE 11, SGÈÏï£ XIX. 3o>;
LA GOMTEitfl.
£E î' qifaïkd cèfa séroit , Sazûn ; j*aime mieux le
regretter, <|ùe d'avoir la bassesse de lui pardon*
ner ; il m'a trop offensée^
LÉ COMTE.
Kosine ! . .
LA tôAfTE99£.
Je ne la suis plus , cette Rosine que tous aye^
tant poursuivie ! je suis la pauvre comtesse Alma«
viya ; la triste femme délaissée , <pie vous n^aimea
plus.
suzAune.
Madame*
LE COMTE, tuppUanL
Par pitié.
LA COMTESSE*.
Vous n'en aviez aucune pour moi.
LE COMTE.
Mais aussi ce billet... Il m'a tourné le iangl
LA COMTESSE.
Je n'avoii pas consenti qu'on l'écriTit^
LE COMTE»
Voua le savleE?
LA COMTESSE
Oat cet étourdi de Figaro. . •
LE COMTE.
Uenétoit?
lA COMTESSE.
«..• Qui l'a remis à Bazile*
9oa LE MARIAGE DE FIGARO.
ik% cascTE.
Qui m a dit le temr d'un pajsao. O. perfide
chanteur 1 lave à deux tranchanu! c'est toi qui
paieras pour tout le monde.
i;a comtesse.
Vous demander pour vous uafkardon que tous
sefusez aux autres ; yoilà bien le» hommes ! Ah ! si
jamais je consentois à pardonner en fareur de L'er-
reur où vous a jeté ce bilht , j'azigerois que l'am-
ilistie fût ^nérale.
£t COMTE*
Eh bien !• de tout mon Ojoeur, comtesse. Mais
comment réparer une faute aussi humiliante l
LA COMTESSE, $6 ieVO^im
Elle l'étoit pour tous deux.
LE COMTE.
Ah! dîtes pour moi sei|l. — Mais j.e suis encore
il concevoir comment les femmes prennent si vite
et si juste Tair et le ton des circonstances. Vous
rougissiez, yous pleuriez, votre visage étoit dé-
£dt. , . D'honneur il l'est encore.
LA COMTESSE, s'cfpirçaRi àe tfituitt*
Je rougissois.... du ressentiment de vos soup-
çons. Mais les hommes sont-ils assee délicats pour
distinguer l'indignation d'une âme honnête ou-
tragée , d'avec la confusion qui nait d'une accusa-
tion méritée ? .
LE COMTE, toiitiauU
Et ce page en désordve, en veste, et presque
nu..k.
ACTE I.I, SCÈNE XIX. 309
I.A COMTESSE « montrant Suzanne,
Vous le Toyez deyant tous. N'aimez-yons pas
mieux l'ayoir trouvé que l'autre? en général, tous
ne haïssez pas de rencontrer celuî*ci.
LE coMTE^i riant plus fort.
£t ces prières , ces larmes feintes* . . «
LA COMTELSSE.
Vous me faites rire, et j'en ai peu d enyie*
LE COMTE.
Nous croyons yaloir quelque chose en politique,
et nous ne sommes que des enfants. C'est yous,
c'est yous, madame , que le roi deyroit enyoyer en
ambassade à Londres.. Il faut que.yotre sexe a;t
fait une étude bien réfléchie de l'art de se compo«
ser pour réussir à ce point.
LA COMTESSE.
C'est toujours yous qui nous j forcez.
SUZASHE.
Laissez-nous prisonniers sur parole, et yous
yerrez si nous sommes gens, d'honneur.
LA COMTESSE.
Brisons *là, monsieur le comte: J'ai peut-être
été trop loin ; mais mon indulgence en un cas
aussi graye doit au moins* m'obtenir la yôtre.
LE COMTE.
Mais yous répéterez que yous me pardonnez.
LA COMTESSE.
Est-ce que je l'ai dit , Suzon ?
SUZAVVE.i
Je ne l'ai pasi entendu^ madame
iS.
«<6 LE IflRlAÔË î>^ Él^A^O*
tZ COMTE.
£lt biétH ^tÉe ce met votts échappe*
LÀ Û0ÉTEB8Ê.
. Le méritev-TOùÈ ctonc , ingrat ?
LE COMTE.
Otii ) par meta ^cùtir.
8VZA1I1IE.<
Soupçonner tin homme dànâ ie ed:>met chs bia-
dame*
file tn'en tf ii fférèrenient ptttii'..
8t7ZAirilE.
ffe pat s'en fier À elle , qnand elle dit qtit e'M
êk eallsaristeé
LE COli^TE.
Rosine , êtes-tons done iniphttable ?
i COkTES^B.
Ah ! Suzon , que je suis Iblble !' quel exemple je
te donne ! (Tehdûnt )a (nain un comtés) On ne entirft
plus à la colère dër femmes.
' stcrtAirsfÉ.;
Bon! madame, ftrec eui^iiéfttH-ifjfAi tôl^j^mrs
en venir là ?
(Le cornu baise atdeMméttt M àUUa thf sa filkniè.)
\
ACtE n, SGËHË XX. lit
SCÈNE XX.
SUZAKWE, flGARO, LA 'COMTESSE; LE
COMTE.
F I o ▲ B o , arrivant tout ^stouffé.
On disoit madame incommodée. Je suia i^iu
accouru. ... je yois avec joie qu'il n'en têt rien.
lE C0MTS> sèchement»
Yons êtes Ibrt attentif.
FIGARO.
Et c'est mon deyoir. Mais, puisqu'il n'en est
rien, mbnseîgneur, tous vos jeûnes Tassaux des
deux sexes sont en bas avec les yiolons et les
corsettuses »' attendant , pour m'accompagner ,
VfaiBtant où roui permettrez que je mène ma
tS COMTE.
Et qui surveillera la comtesse au chAteau?
FiaAAO.
La veiller! elle n'est pas «uLade.
. , X»E C,plfT$.. . .
Non jamais cet homme absent qui doit l'entfé^
tenir!
FIGARO.
Quel homme absent ?
LE COMTÉ..
L'homme du billet que vous avez remis àB'ftzile.
Ftoixo.
Qui dit cela?
aia LE MARIAGE DE FIGARO.
lE COMTE.
Quand je ne le saurois pas d'ailleurs, fripon ! ta
physionomie qui t'accuse, me prouyeroit déjà que
tu mens.
FiaAaq.
S'il est ainsi, ce n'est pas moi qui mens, c^est
ma physionomie
SnzAHVE.
Va, mon pauvre Figaro, n'use pas ton élo^
quence en défaites; nous avons tout dit.
FIGARO.
Et quoi dit? Yôus me traitez comme un Bazilcii
SUZAVHE.'
Que tu avois écrit le hillet de tantôt pour £ure
accroire à monseigneur, quand il entreroit, que le
petit page étoit dans ce cahinet , où je me suit en-
fermée,
LE COMTE,
Qu'as-tu k répondre?
LA COMTESSE.
Il n'y a plus rien à cacher, Figaro ; le badinage
est consommé.
FIGARO, cherchant à devinerm
Le badinage. . . . est consommé?
LE COMTE.
Oui« consommé. Que dis-tu là-dessus?
FIGARO.
Moii je dis..* que je youdrois bien qu'on etf
r"
AQTE H, SCÊNB XX. ai3
put- dire autant de mon mariage;.. et si tous lor-^
donnezji..*
LE COMTi;,
Tu conyiens doAc enfin du bijlet?
FIGAaO.
Puisque madame le yeut , que Suzanne le veut,
que YOU9 le Toulez Yous^mème-, il faut bien que je
le veuille aussi : mai^ à votre place, en vérité ,
monseigneur, je ne croirois pas un mot de tout ce
que nous vous disons.
X9 GOMTl.^
Toujours, mentir contre l'évidence!! à U fin , cela
m'irrite^
LA coHTESsE, e» rUuU.
Eli! oe pauvre garçon! pourquoi tou)^z-vq.us,
monsieur, qu'il dise une fois la vérité?
FIGARO, bas , à Suzanne*
Je l'avertis de son danger; c'est tout ce qu'u9
Ivpnnète homme peut faire.
SUZABIBIE, 6aiv
Âs«tu vu le petit page?
Fi«.Ano, bas.
Encore tout froissé»
svzAviTB, dos»
AhïPécairef^
LA COMT.ESSEv
Allons, monsieur le comte, ils b];ûlent de s'u-
nir : leur impatience est naturelle : entrons pour
la céirémoi^îe»
I
»i4 LE ttARlÂGÈ bË FIÔÂRCK
Lk céiitt^ à part*
Et Maticeline, Marceline. (Hoiifv) JeTottdron
être... au moins yètu.
t tànttsst.
Pout nos gens l Est-ce que je le suis ?
SCÈNE XXI.
tlOtJitiO^ SUZANHEv "Là GOtttEgSÈ,
LÉ COMTÉ, ANTONIO^
AVT09I0, demi^tls , î^âizf tin ^ de ^iroflé^
éctasées»
MoHSSi^aiieuii! monseigneur!
lÉ coAte,
^e itte véux-tù, "Antonio t ^
▲ ttTONIO.
Eaites donc une fois griller ks croisées «ni
donnent sur mes couches. On jette toutes sortes
de choses par ces fenêtres; et tout à l'heure enoor«
Ipn yient d'en jeter un homme.
tE COMtE^
Par ces fenêtres?
▲ VTOBriO>
itcgardez comme on arrange mes giroàéevv
BuzAirif Sy bas, é Figaro^
Alerte, Figairol alerte.
FIGA&O.
Monseigneur, il est griA dés le ftiati»»
ACTIC n, SCENE XXU oi5
A9T0VIQ*
VoQ» nj êtes pas. C'est uq .p«l|^ mte d*luep.
Voilà conuxLe oiji ùdt des JQgemc^ts... téQé))reiu«
Cet homme! oçt liommç! on est-il?
À97P9^0..
Où il est?
lis COMTC,
Oui.
abit:ovio,
C*est oe que je dis,, Il fiiUt mé le trouver déjà. Jjp
suis y'ûti'e domestique; if ny a que taài qui prends
foin de yotre jardin ; il y tombe un homme , et
TOUS sentes .. que ma réputation en est iSbatt^ic,
iVzAVJKE^Sas, à Figaro,
Détourne, détonmé.
PIftAÀD.
Tu boiras donc toujours?
AJtTOVIO.
£t si je ne buToÎ9^|>as, je dériendrois enragé.,
KA OOifVBffSI. V
Mais en prendre ainsi san» besoin.^..
AVtOVlO.
Boire sans êoff et fmtfi l'ianoor en tout temps,
madame; Il n j a que ça qui nons distin^Bt des
autres bétes«
1.1 COUTE t vhipmeHU
Répoiidft*>moi donc, on )e rais te chasitr.
AVToirid,
£st-ee que je ra en irois?
i
ai$ LE MARIAGE DE FIGARO.
LE COMT£.
Comment donc?
A ir T o N I o , «e touchant lé front*
Si TOUS n'ayez pas assez de ça pour garder tiiw
bon domestique, je ne suis pas assez bête, moi,
p«ur renvoyer un si bon maître.
LE COMTE, le secouant avec cotère^
On a , dis-tu, jeté un hoxAme par cette fenêtre?
AHTOKIO.
Oui, mon excellence; tout à Thenre, en Teste
blanche, et qui s est 'enfui, jami, courant....
LECOMTE, impatienté.
Après?
ASTOiriO.
J*ai bien roulu courir après ; mais- je me suis
donné contre la grille une si fière gourde à la
main, que je ne peux pluç remuerai picid ni patte
de ce doigt-là. {Levant le deigt^y
LE COMTE.
Au moin» tu recoanoitrois Thomme?,
AVTOirio.
Oh! que oui da...^ si je Tavois tu j pourtant.
suzÀRBiE, ba^i àFigaro.
Il ne l'a pas vu.
FIGARO.
Voilà bien du train pour un pot de fleurs!
Combien te faut-il, pleurard, avec ta giroflée? Il
est inutile de chercher , monseijgneur ; c'est moi
qui ai sauté.
ACTE li, SÇpN^ TilLl, ^i^
I.S COMTE,!
Gommentioestvoas? .
▲ ifTÛSiar
f CQfnb'^e^^ te faut-il j flpu^atd?, Votre corps a <|onc
tjfen grai^di depuis ce tempa-l^; car je tous ai
trouyé beaucoup plus moindre , et plus fluet?
FtGAEQ,
, Gertaineiçent; quaud oq saute , on se pe)otO)intt.
A9T09I0.
M'est aris que c'étoit plutôt..* •• qui djrqit, 1«
gringalet de page.
I ' LE COMTE*
Chérubin, tu veux direll
FIGARO.
Oui, revenu tout exprès, avec soii cherali de (a
porte de Séyille, où peut-être il est déjà.
AVTOHIO.
Ob! nop, je ne dis pas ça, je ne 4i9 P&s Ç^; je
n'ai pas tu sauver de cheval , car je le dîroit de
inéme.
LE COMVE,
Quelle patience!
FioAao,
J'étois dans la chambre des femmes , en Teste
blanche : il fait un chaud!... J^attendois là Sutan-
nette, quand j'ai oui tout à coup la Toiz de mon-
seigneur , et le grand bruit qui se faisoit : je ne
sais quelle crainte m'a saisi à l'occasion de ce bil-
let; et s'il faut ayouer jua bêtise , j'ai sa\ité ftans ré-
Thé&tc*. Coa^diet. 1 4* ^9
2i8 LE MARIAGE D£ FlC^^ARO.
flexion sur les couches, où je me sais mé]o« tm peu
foulé le pied droit» (2/ frotte ^n f^ièd» )
AsrTosia»
Puisque e'est tous J il est juste de tous vendra
ce brinborion de papiitt qvd a coulé de votre Teste
tn tombant.'
LE COMTE, se jetant dessus»,
Donne^le moi. (1/ ouvre le papier et le refrrmt,}
FiaAEo, à part.
Je sut^ pris«
ht court ^àFigaro.
* La firajeur ne tous aura paa £ût oublier oo que
contient ce papier, ni comment il se trouToit dans
TOtre poche?
px&AAO, embarraâài, fbttiUe^dans ses pocket et en
tire des papiers-
Kon, sûrement..» Mais c'est que j'en ai tant;' II
faut répondre à tout.... (Il regarde un des papiers.)
Ceci ? ah ! c'est une lettre de Marceline , en quatre
pages ; elle est belle !... Ne seroit-ce pas la requête
ie ce pauTre braconnier en prison?... ^on; la
Toici... J'aTois l'état des meubles' du petit chiteav
(Sans l'autre poche. .«
( Le eonUe réouvre U papier qu'U Cienf «J
' &A coHTEfrSE, ^â5j à Suzanne.
Ah dieuE! Suzon. C'est lei>reTet d'offictor*'
su-EAHSE, bas,àFlféro.
Tout est perdn^ c'est le brcTet.
ACTE II, 6CÈW5 XX»I. ai9
1^ E c 0 BIT fi reptie le papier jt
E&bMtt! Ihpiame aux exj^dientsi, roua ne de-
yinez pas?-
ANTON \Oy »*€Lpprûekan% d^ Figaro,}
Bfon$.^ig;neur dit,>i vou» ne dctinei pas?
F y^k iLO , '/e' repoassant^i
Wi donc r yilai<n , qui me parle dans le ne*!l
LE COMTE.
Yows.pe xous wppelez. pas ce qijç ce pç^t être?
'A, a , a ^ ah I poverp! ce siéra le brevet de.cc mal-
heureux eiifant, tgHÏ m'aroit remH, et que j*aî
oublié de. lui rendre. O , o , à , oh| étourdi que je
suis! que fera-t-ijl sans son brevet? il faut courir. . .
lE COMTE.
f pu^uoi vous l'auroitril remis?
FIGARO, embarrassé,
|L . ., désijoit q^'on j fît quelque chose^
LE c o MT E , regarÀaAt sçii papier^^
iXxïj manque rien.
LA COMTESSE, bras, à Stà^nne*^
\te cachet..
s ç z A N N E , bas , a Figaro*^
I^ cachet manque.
LE c o M T E , A Figaro.
Vous ne répondez pas r
\
-<^
( AntûQÎp t. ?i8<^ro > Snzanne , Is comtesse , le comte.
«M LE MAntAOE DE FiCAliO.
C'est.. i cp'en effet, il j maiiqae peti dé cbtlse,
Il dit que c est l'usage.
liE COMTE.
L'osagé ! Tusage l l'usage de quai ?
FiGAAp.
Dy appp^ le sceau de tos ainiies. Peot^étr^
aussi que cela ne yaloit pas là peine.
lE ConCTE r'ottfre lé papier et 'lé chiffonne de colère.
Allons, il est écrit que je ne Saurai rien. {A
part.) C'est ce Figaro qui les mène, et je ne m*en
Vexigerûîs pas! {Il veut sortir avec dépit.)
' F I & A R o , t^ arrêtant.
Vous sotftct sàtts dtdètiner mon mariage?
SCÈNE XXIL
BAZiLE, BARttiOLd, MARCELINE, FtGASO,
LE COMTE, GRIPE-SOL^IL, LA COM-
TESSE, Str^ANNE, ANtOWÏO, vAlêxi
DÛ COaÎTE, SES VASSAUX.
MAKCELiiTE, ail comte*
Ne l'ordonnez pas, monseigneur; avant de lui
faire grâce , tous nous devez justice. Il a des en-
jgagements avec ^oi.
LE COMTE, 0 part*
Voilà ma vengeance àrrivëét
FIGARO.
Des engagements? dé quelle nature? expliquez-
VOUSi - s
ACTE lî, SCÈNE XXII. . aai,
MA11CELI9E.
Otii , je m'expliquerai , malhonnête !
(La eomtest^ s'assied sur une bergère, Suzanne est
derrière etie, ) '
lE COUVEt
De quoi s'agit-il , Marceline?
MABCiSLlAE*
D'une obligation de mariage.
FIGARO.
Un billet , voilà tout , pour de l'argent prêté.
MARCELINE, au coinfe.
Sous condition de m'épouser. Vous êtes .un
grand seigneur, le premier juge de la province.. .•
LE COMTE.
Présentez-vous au tribunal; }j rendrai justice
à tout 1& monde.
BAziT^E, montrant Marceiinet.
En ce cas , votre grandeur permet que je fasse
aussi valoir mes droits sur Marceline?
LE COMTE, à part»
Ah! Voilà mon fripon du billet.
fioarO.
Auti^e foU de la mêine espèce !
LE COMTE, en colère, ^Éaziië»
Vos droits ! Vos droits ! il vous convient bien
de parler devant moi , maitre sot !
ANTONIO, frappant dans ia main.
Il ne l'a, ma loi ^ pat maoqué du premier coup:
é'$%t son nom* ,
m%m LE MARIAGE P£ FIGARO.
IK COMTE.
Marceline , on luspendra tout jnsqu^à l'exAmeii
éo^ TOt titrts , qai se fera publiquement dant. la
grand 'salle d andience. Honnête Ba^le ! agent
fidèle et sur ! allez an bonrg chercher les gens da
siège.
' BAVILE.
Pour son affaire?
LE COMTE.
Et VOUS m'amènerez le pa^an du billet.
»AZILE.
Ett-ee qne je. le connois?
IB COMTE.
Vous résistez!
BAZILE.
Je ne suis pas entré au château pour en fiiiie les
commissions.
LE COMTE.
Quoi donc?
BAZILE.
Homme à talent sur l'orgue du village, je
montre le clavecin à madame, à chanter à ses
Jemmes , la mandoline aux pages ; et mon emploi ,
surtout, est d'amuser votre compagnie avec ma
guitare , quand il vous plait me l'ordonner.
OBiPE*soi<Bix», s'avançauL
J'irai bien ,. monsigneu , si cela vous plaira?
IB coacTB.
Quel est ton nom , et ton emploi?. -
AGTJG 11, SGÈNË XXIU aa^
0BirS-6 0I.E|I..
J.0 snb Gripe-Soleil , mon hwn ûgneu; le petit
patonriau des cbèTres , | conuftftndé pour le feu
d'artifice. G est fête aujonrd'hvi dans le troupiau;
et je sais dus-ce-qu'e«t toute 1 enragée boUtique h
procès du pajs.
hZ COMT«.
Ton zèle me plait ; Tas-j : mais ^ rous , (a Baûle)
accompagnez monsieur en jouant de la guitare,
et chantsnt pour Tamuscr en chemin. 11 est de ma
compagnie;
ORiPE>soLEXL, joyeux»
Oh ! moi , je suis de la. ..« ^
(Suzanne ^apaise de ta main, en lui montrant la
comtesse, J[
AAziLSy surpris»
Que j accompagne Gripe-Soleil en jouante.
LE COMTl.
G est votre emploi : partez ; où je tous chasse.
(Il sort,)
SCÈNE XXIII.
BAZILE, BARTHOLO, MAHGELINE, FIGARO,
GRIPË-SOLEIL, LA COMTESSE, SUZANNE,
ANTONIO , VALETS DU COMTE , SES VASSAUX.
BASILE, àiairméme.
Ah! je n'irai pas lu^er contre le pot de fer,
moi qui ne suis. * .
itiA 1£ MARIAGE DE FIGARO.
PIGABO.' «
Qu'une cruche..
BAziLE, à part.
Au lieu d'aider à leur mariage, je m'en ràis aa-s^
hvktet le mien aTec Marceline^ (A Figaro») !Ne eon>
clus rien, croia-moi , que je ne sois de retour. {I4
va prehdre la guitare sur h putteuit du fond,)
FioABo ie suit.
Conclure 1 oh I ya ^ ne crains rien ; quand même
tu ne reyiendrois jamais.... Tu n'as pas l'air en
train de chanter; yeuiL-tuque je Gom|netice?4. Al-
lons, gai! haut la^mi-la, pour ma fiancée. {It se
inet en marche à reculons , danse en chantant la sé-
guedille suivante;' Bazile accompagne ^ et tùut ie
monde le suit,)
SÉGUEDILLE.
*
7é préfôt« à richesse
La sagesse
De ma Suzon;
Zon , zon , zon ,
Zon,zoD, zon,
Zon, zon, zoh,
Zon , zon , zon.
ÂOBsi sa gentillesse
Est maîtresse
De ma raison ;
Zon , zon , zon «
ZOn, ton, zon,
2on,zoii,zoni
Zon, zon, zon
(te h r ait s'éloigne, on n^tUttHi pas le teslté)
, SCÈNE Xïiy.
StJiîÀNNE, LA COMTESSE.
•■'••/ • • , ■ •
lA COMTESSE, donssa bergère,
'Yo.tjft VOjBs^iSazaime j la jolie sdène que vO^ré
étourdi ma valu w^ec son billet. ,
• Ail ! î&adànie , quand je sui» rentrée du cabinet,
si TOUS aviez yu votre visage I il s'est terni toUt à
coup : mais ce n'a été qpa'un-.ii.iiage; et, par degrés,
vous êtes devenue rouge , rouge , rouge i
LA COMÏESSEw
Il a donosanté par la fenêtre?
. SUZAHSE.
SàHè hésitet ^ le charmant enfant ! léger. < .. comuseï
une abeille.
LX COMTESSE/
Àh! ce fatal jardifnier! Tout cela m'a remuée au
point... que je ne poavois rassembler deux idées.
SUZANNE;
Ah! madame, au contraire; et c'est la que j'ai
vu combien l'usage du grand monde donne d'ai-
sance aux dames comme il faut , pour mentir sans
qu'il j paroisse.
la'comtesse.
€rois-tu que le comte en soit la dupe? Et s'il
^rouvoit cet enfant au château?
SUZANNE.
Je vais recommander de le cacher si biené^«
K^a LE MARIAGE 0E flQ^ÎLO:
LA' ÇpBCTESSE.
1} faut qu'il parte. X^rèê ce qui vient d'arrireT,
toui crojneat ^ieQ.qae je ue buîs pai^ teutée.d^ ^'^n~
yojrcr au jardin à votre place.^
sos^AaiiE.- -
Il ett jpertaiu qtie je u'ini paa-uooLpIoi^ VoiU.
donc mon mairiage encore une lois. •« • .
LA COMTESSJE, $fi levant*
Attends. ... Au Ueù d'un auti^a ^a de toi , $i j j
«llois 9noi*9ième ? / /
■v^AirvE. '
y ous , ma4Ml« ?
LÀ GOMTBaSE»'
Il i| j auroit pecsom^^ d*<K^pQ0é... 14 eomtm
alors ne pourroit nier.». Avoir. puni sa jalousie, et
lui prouver soti in-fidélité! cela serott... Allons : le
bonheur d'un premier hasard m'enhardit & tenter
le second. Fais -lui savoir prompte^ent que tu te
fendras au jardin. Mais surtout que pi^rsonne.,..
SOZAVKB.'
Ah! Figaro,
I.A COMTItSSB,
Nou, non. Il Toudroit mettre ici du sien... Mq^.
masque de velours et ma canne, que j'aille y
rêver sur la terrasse« {Suz<vme entre dans. h cabinet
de toilette,)
ACTE II, SCÈNE XXV.' ft%'j
SCÈNE XXV.
LA COMTESSE, seule.
Il est assez effronté , mon petit projet ! ( EUe te
retourne.) Ah! le ruban! mon joli ruban! je t ou-
blioisl ( EUe le prend sur sa bergère et le roule. ) Tu
ne me quitteras plu». .* ttt me vappellerA» la's^nje
où ce malheureux enfrnt. ^..^ Ah ! monsiew le
eointe, qu'ayes-^FOU» fait'?.#. El moi! que faii-j« en
•e moment?
SCÈNE XXVI.
LA COMTESSE, SUZAKNÉ.
ÇiM comtesse met furtivement le numi^dans son sein.}
SUZAHHE.
Toicrla canne et votre loup
LA COMTESSE.
Souyiens-toi qne je tu défendu d'en dire un
mot k Figaro.
SU2AII1IE, avec joie»
OMadamcy il est charmant, votre projet. Je viens
ày réfléchir. Il rapproche tout, termine tout, em-
brasse tout; et quelque chose qui arrive, mon ma-
riage €Bt maintenant certain* (£//e baise la main de
sa snàttitue4)
(EUe sortent.)
ri> DU SECOHD ACTE.
(Pendant raiitr*aei», àéê valets arrangent la salle d'aa«
dienoe : on ap|x>rte les deux banquettes à dossier des
aVoeals , <{ne l'on place aux deux o6tës du t)ië$txe, de
fiiçon que le passage soit libre par deirièrp. Oq pose
une estrade à deux marcbes dans le milieu du thëAtre
yers le fqnd» sfur laquelle op place If fauteuil du
comte. On met la table du greffier et son tabouret
de edté sur le devant, et des ^èges pour Brid'oison
ft d'Autrfs JDg^ , des d^pz pUfê à» l'eairadf du
comte.]
ACTE TROISIÈME.
r •• •
r ^ ' / -
Le théâtre représente une salle du château,
appelée salle du trône et servant de Italie
d^audiei^çe , ay^nt sur le côté une impériale
en dais ; et dessous , le portrait du roi,
SCÈNE I,
LE COUTE, PËDRILIiE, en vaU et botté,
. . teiiant un paquet 4:achetém
I.
LE COUTE,' -vite.
Al ASrTir bien entendu ?
* ./
Excellence / oui,
(lliorU)
SCÈNE II
LE COMTE, $p^l, eriani
P^drilleT
Théâtre» Com<4iet«.l4« 2IO
»iio L£ MA&IAGE DE F.IGARO.
SCÈNE III. ,
LE GOMTE^ PÉDRILLE, revenante
p£diiille«
ExCEII<!É5CE?
^ LE COMTB«
Onnét'apas yù?
Âme qui vive.
tB COKTE^
Prenex le cheyal barbe*<
(ÉDHltLE.
Il eàt h. la grille du potager, tout itUêé
t. lE comte;
Ferme, d'un trait, jusqu'à SéyiUe*
Il ny a que trois lieues ; elles sont bonnes.
LE GOMTE.J
En descendant , sachez si le pag^ est artÎTe.
Dans r hôtel?
&E' COMTE.
Oui; surtout depuis quel temprf
piBRILlE.
J'entends.
LE COMTE.
Aemets-lui son breyet , et reyiens rite.
ACTE III, SCËNB; m; aSi
Et&lli^jétoiipas?
lE COMTBr
ReTe||«s pl^ lite, et m'en ftiidea compte:
SCÈNE IV,
LE COMTE, seul , marche en riçantm
J'ai fçilt une gauclierie en éloignant Bazile.^...
la colère n'est bonne à rien. — Ce billet remift pav
liii,quipi'ayertit d'une exjtreprise sur la comtesse;
la camaviste enfetmée qn^pd j'arrive; la maltresse
affectée d'pne terreur £iusse ou vraie ; un homme
qui «autç par la fenêtre , et l'autvt «près qui
avoue ou qui prétend que c'est lui Le fil
m'éçhapp^. Il 7 a l)i-dedans uiie obscunté,,.. Des
Iibt#rtés cfcez mes va^sauii; qa'importe à gens d^
cette étoffe ? Mais la comtcMe ! ai quelque insolent
attentoiti,.. Où m'égaré<tje? £n vérité, quand la
tête, se monte , rimagination la mieux réglée de-r
vient fo]le comme un rêve! —— fille s'amusoit ; ces
ris étoiles , cette joie mal éteinte., — Elle se res^
pecte; et mon honneur... où diable oiwl'a placé!
De l'autre part ^ où suis-jé ? Cette friponuç ^e Su-i
zanne a-t-elle trahi mon secret? comme 11 n'est pas
encore le sien.... Qui donc m'enchaîne à cette fan*
taisie ? J-ai voulu vingt fiyis y renoncer.... Étrauge
effet de l'irrésolution !- s| je la voulois sans débat ,
je la désirerois mille fois lùoiuSt — C« Figaro sç
ar3a' LE MARIAGE Ï)E FJOAHC
fait bien attendre ! U imt le sondet adroitement
( Figaro paFoU dans te fond : il s'aç/râtè,} eh tftdftr ,
dans la conversation que ^ vai* avoir aveelm , de
d^mel^cv dcUDfi^aiiièi^ détouji^née/^'il est instruit
ou non de mon amour pour Suzanne.
.SCÈNE V.
.. LE.CQMÎEj figako-^ .
;^ FIGARO, à part. .
îïcfus y voilât
LE.COMTE..
S'ileil sait par elle un seul noot,...
. riGrAnOt à farU
ieni-eA suis douté.. ....
'. .' L« cé'ltT■l^-
.-. . ^e lui fais épouser ta tieilléi
Les amours db M. Bazile ?
;.. Et Voyons te que nous ferons dé la ]etuie>
viQAno, à part
Ah ! ma femme , s'il vous plaît. .
LE COMTE, M retournant
Héin? quoi? qu'est-ce ^ue c'est? v
. F lo ^ jjt Q ,.1* avançant
Moi, qui me re»4&.A vos ordipet^ .
LE. COMTE. ' <
Et pourquoi ces mot» ^
' 1 i
ACTE IIÎ, SCÊNE*V^ îi33.
J« n'ai rien dit.
LE C0MTS|^ répétant.
Ma femme, s'il vous ptalt?.
FIGARO. ,
C'est. . . la fin d'une réponse (pie je faisois : Atiez
dire à ma femme, s'il vous plaît.
LE COMTE, se promenant»
Sa femme /. . . Je voudrois bien savoir quelle af-
faire peut arrêter monsieur, quand je le fais ap^
peler?
FIGARO, feignant d'assurer son habUlement.
Je m etois sali sur ces couches en tombant ; je
me changeois.
LE COMTE.
Faut-il une heure?
FiGAao.
Il faut le temps. ^
I LE COMTE.
Les domestiques ici... sont plus longs à t'ha-
I biller que les maîtres.
I ' ■ t FIGARO.,
C'est qu'ils n'ont point de valets pour les j
aider.
LE X:0MT£«
Je n'ai pas trop «<»ikpris ce 'qui tous avait
foreé tantôt de caurtc «a danger inutile , en vous
jetant.. « . ;
ao
a34 LE MAfilÂGE DE FIGARO.
Un danger ! On diroît que je me anif eOgonîM
tout Tiyant. . .
LE COMTE.
Essayez de me donner le change en feignant d»
le prendre, insidieux yalet! tous entende* ' fort
bien que ce nest pas le danger (][ui in'in<}uiète ,
mais le motif.
FIGARO.
Sur un faux avis, vous arrivez furieux, renver-
sant tout, comme le torrent de la Morena; vous
cherchez an homme, il vous le faut, ou vous allez
briser les portes, enfoncer les cloisons! je me
trouve \k par hasard , qtiî sait dans rotre empor-
tement si....
LE COMTE, t'interrompaaL
Vous pouviez foir par lescalier.
FIOA&O.
Et TOUS , me prendre au corridor.
LE COMTE, en colère^
Au corridor ! (A p*^') Je m*emporte , et nuis à
ce que je veux savoir.
FioAEO, à part,.
Vojronvk venir, et fottojas Bené^
LE COMTE, radoueL
Ce n est pas ce que jeyonlois dire', laissons cela,
i'avois...* o», j^ayoii yptyopim^de t ernsMaer
k Londres, courtiy A >dépl*iwt.^«> ■!«■• t#atef
réflexions ftitet
ACTE m, SCËIVE T.. a35
FlOiiAO.
lieftfdîgneQY-a changé dayis?
^ LE COMTE.
Pramièrement , ta ne aais pats Tasglois^
' FIGARO«
Je sais God dam.
IZ COMTE.
Je n'entends pas*
Je dis que je sais God dqmm
LE COMTEm
Ehbien?
FIGAAO.
Diable ! c est une belle langue que langlois ; il
en faut peu pour aller loin. Avec God dam en An-
gleterre, on ne manque de rien nulle part. —
Youlez-Yous tâter dun bon poulet gras? entrez
dans une taverne , et faites seulement ce geste au
garçon (il tourne là Broche) , God dam! on tous ap-
porte un pied de bœuf salé sans pain. C'est admi-
rable. Aimez-Yous à boire un coup d'excellent
Bourgogne ou de Clairet? Rien que celui-ci (il dé-
bouche une Bouteille ), God dam! on tous sert uxi
ipot de bière , «subel étain , la mousse aux bords.
Quelle satis&4^n! ftenedfntrez-^ous une de ces
jolies personnes, qui Yon* trottant menu, les
yeux baissés , coudes en ftt^ièœ , «t tovtiUaiit un
peu des hanches? attt«i mignardement tous let
d«igts»«i»«BrlaiÉoiiduu Jkkl ^ daml tUe Yout»^
sangle un soufflet de crocheteus; prouï» qK'«ll*
laô LE MARIAGE DE. FIGAHO.
entend. Les Anglois, à lavvcritc, ajoutent par ci,
^ar-là quelques autres mots en couTecsaiit ; mAÎs il
est bien aisé de vois que God dam e»t le foad d« la
langue ; et si monseigneur n a pa* d autre molîC
de me laisser en Espagne. , . .
LE COMTE, à pari.
Il veut Tenir I Londres ; elle n'a pas parlé..
FiGABO, à patt'
Il croit que je ne sais rien ; travaillona-le wa
peu dans son genre. '
LE COMTE.
Quel motif avoit la comtesse pour me jouer nit
pareil tour ?
ri&Ato.
Msl foi , monseigneur, vous le savez mieux que
moi»
LE COMTE.
Je la préviens sur tout , et la consble de pri-'
sents.
FIGARO..
Vous lui donnez , mais vous êtes infidèle. Sait-
on gté du superflu & qui nous prive du nécessaire?
LE COMTE.
. . . .Autrefois tu me disois tout.
, riGAao.
Et maintenant je ne roua cache rien»
LE CaMTS«
Combien la comtesse t*a«t-elle donné pour cette
l>eU«a«iociation?
r
FIOAA6'.
C<^ml>kiii me' doniràtes-TOus pour ht tirer' ^et
înains du docteur? Tenez', monsei^eur; n'humi-'
lions pas l'homme qui nous* sert bie&, crqinte d'eft
faire un msiurais yalef .
LK coMrt,.
Poutquori faUt-il qu'il y ait tOHijours du fôuche
en ceq<ie tufais?
FIGARO.
€'est qu'otr en* voit partout quand on cfaereh»
des torts.-
£E COMTE.
Une réputation Jét'éàfàble^
• PIGAROr.
Et si je yaux mieux qu elle ,' j a-t-il Beaueôtrj)!
de seigneurs qui puissent en dire autant?
BB COKTE.
Cent fois yfi t'ai Ttt marcher à Ift fortufte , et ja-
mais aller droit.
pioAnô*.
Gomment yofileï-yous ? la fôule est là : chacun
yeftt courir, ûn se presse , on pousse , oiï eôlfdoie , '
on renyerse , ffrriye qui peut ; le reste est écrasé.
Atlssr c'est fiut ; pour moi j'j renoncé!
LE COMT^.
A la fortune ? (A paru) YoUA du neuf .>
FtOARO, à patU
A iàon tour maintenant. (Hùut.) Votre e&cel-
lèiidlB 1&*tk gratifié de là conciergerie du cfaftteau ;
c^est un £om joli sort : k la yérité je ne serai pas lé
a3B LE MARIAGE DE FIGARO,
courrier étrenné de^ nouvelles iatéressantes ; mai*
eq reT^u^che, heureux ayefs qia femmis ap foud de
)' Andalousie....
. LE COB|TEe
Qui Vemp^pheroît de remmener ^^ Lçudi^es ?
FIGAKO.
Il faudroit la quitter si souyent, ^e j'aurois
bientôt du mariage par-dessus la tête. .
L^UGOMTE.
Avee du caractère et de l'esprit , tu pgurrois un
jour t'ayancer dans les bure4UX%.
FIGARO,
De Tesprit pour s'avancer ? monseigneur se rît
ivL mient Médiocre ctt rampant ; et To^ firrive à
tout^>
I.E COMTIS.
... .11 ne foudrok qu*étudi<;i> nn pen sous moi la
politique* .
Je la sais^
Comme l'anglois , l€| fond de la langue;
. FlGAfO...
Oui ,' s'il 7 nyôit ici d^ quoi se vanter* Mais ,
feindre d'ignorer ce qu'pn sait, de savoir tout ce
qu'on ignore, d'entendre ce qu'on ne comprend
pas f de ne point ouïr ce qu'on entend , surtout de
pouvoir au-delà de ses forces : avoir souvent pour
grand secret, de cacher qu'il u'j en a. point; s'en
fermer pour tailleç des plumes , et psi)roitre pro-
ACTE Ilf, SCÈNE V. ' aSg
fond quand on n est , coiùme on dit , qne Vide et
cr^uz : jôtter bien ou mal un personnage; répandre
des espions et pensionner des traîtres ; amollir des
cachets ; intercepter des lettres , et tâchet d'enno-
blir la pauvreté des moyens par l'importance dea
objets. Vcilà toute la politique, ou )t meure!
Le C0MTE4
jËfai! c'est rinirigiue que tu définis.'
FioAno..
La' politique^ l'intrigue ,' volontiers ; 'mais^
comme je les crois Un peu gerûiaines , en fasse qui
voudra. «J'aime mieux ma mie au gué », comme
dit la cbai^son^du bon roi.-
l£ comte y à paru
Il veut rester. J'entends.... Suaumne nt'a trabl.
wt^À.B.Of à parti
Je l'enfile et le paie en sa monaoie. <
&K G^MTB.
Ainsi tu espères gagner ton procès tfonfre Mar*
celine ?
* vi»Aa'0«.
Me feriez-yous un crhué de tékuni» ttfi« vi«Ule
fille, quand votre eiëeftiened se permet de nous
•oui&er toutes les jeunes ?
%"£ COUTE, raiilanU
Au tribunal le magistrat s'oublie f et ne TQit
plus que l'ordonnance.
F I a ▲>& o«
Indulgente aux grands , dure aux petits. «.r.,
34o CE 91ARIAQE DE FIGARO.
' é
Cr4>ia-tu iloi^c qae ye plaisante ?
Eh! qj^i la «ait, ^lonseigneur ? Tempo ê gaîafi-
t'uomfi,f d^ l'Italien; il dit toujpi^rs I9 yéri.té : ç est
lui ^ui m'apprendra qni mp y.^iit du 191^ p)i du
bien.
i.^ cp^Ti:, à part'' r
Je Tois qu on lui a tout dit ; il épousera la
duègne.. ^
f xgAro, à part.'
l\ a joué au fin avec moi; <}u*a-4-il appris?
SCJÈINE VI;
LEGOMTE^ CN LAQUAIS, FI0AQ0.
L B . L A Q tJ A I s , oAMoaçanl.
00 II Gusman Brid'oison.
LE CQMTI^.
BridoiaoA?..
FIOAI^O.
Eh! sans doute. C /est. le juge ordinaire, le lieu-
;leiûi^t dn ^igPf TOtre pmd'hpmm^
Qu'il attende.'
«
IffC laefuaU sort,}
ACTE lïl, SÇÊNP Y.IÎ. Ml
SCÈNE VIL
LE COMÇTE, FIGARO^
f xaARO reste m mpment à regarder le comte, qui
rêve,
£flT-CE là ee <{ue inonseigne\^r youioit?
fiE C OBI TE, revenant à lui,
'Moi?... je disois d'arranger ^e salon pour l'au-
dience publique.
piçAno.
jÇh! qu est-ce qu'il manque? Le grand faujteutl
pour vous, de bonnes chaises aux prud'hommes,
le tabouret* du greffier , deux banquettes aux aro*
cats , le plancher pour le beau monde , et la ca«
naille derrière. Je vais renyoyer les frotteurs»
{li9ort.)
SCÈNE VÏIL
LE qOMTE« <ea/.
Ls maraud m embarrassoit. £u disputant , il
*^rend son avantage, il tous serre, vous enve-
loppe... Ah! friponne et fripon! vous tous enten^
de^ pour me jouer? Sojez amis , soyez amants ,
soyez ce qu*fl tous plairit, j'y consens ; mais , par*
bleu, pour époux, ;«
Hi^art; C^mé4iei. 14» *l
Z
Ji4^ LE MARlAâE D£ l^IGAAO.
SCÈNE IX.
SUZANNE, LE COMTE.
^ SV2ANSE, essou0ée.
MossEifiSEVR.... pardon, menseigneur.
LE GOMTEj avec humeur,
Qu est-ce c[u'il y a , mademoiselle?
SVZAHSE*
Vous êtes en colère?
LE COMTE*
Vous youlez quelque chose apparemment ?
SUZANNE, timidementn
C'est que ma maîtresse a ses vapeurs. 'J*accou-
rois vous prier de' nous prêter votre flacon d'éther.
Je Taurois rapporté dans l'instant.
LE COMTE, /e iiii doitnanU
Non, no4, gardez-le pour v6u»»méme. Il n«
tardera pas à vous être utile.
stJzAirvE.
Est-ce que fos femmes de mon état ont des y*
peurs donc? C est un mal de condition , qu'on n*
pr«nd que dws les boudoifs.
LE COMTE.
une fiancée bien éprise et qui p^td son fiitur...
suzAirvs.
En payant tfarceline avec la clôt que vous ii|*ft-
vesB promise...
, LE COMTE.
Que je voui ai^romisci moi?
ACTE m, SCÈNE IX, 943
8 n z A ir V s I baissant les yeuxm
M onMigneav, j'ayoîs cru Teiiteiidret
le(comt&.
Oui , si vous «ïonseiitiez à m'eotendre yous-
a u ^ A V V E y /«# yecfx haiuéu
Et n*eit-ce pas mon deyoir d'écoute^ son ei;«
pellence?
LE comte;
Pouvquoi donc , cruelle fille ! ne ine Tayoïr pM
dit plus tôt?
SUSAVVE.
^t-ril jamais trop tard pour dire la vérité?
LE COMTE.
Tu te sendfoia sur la hrune aii jardin?
SU^^AVSE,
f st-ce que je ne m j promène pas tous les soirs?
LE COMTE»
Tu m'as traité ce matin si durement \
SUZAVITE,
Ce ii\atin ? Et le page derrière Je fruteuil?
LE COMTE..
Elle a ralAon , je roubliois. Mais pourq[uoi ce
refus obstiné, quand Basile, de ma part? ....
SUZAVRE.
Quelle nécessité qu un Bazile ?...
LE COMTE.
Elle a toujours rftison. Cependant il j a un cerv
tain Figaro à qui je c|:ains bien que Tous nSLje^t
tout ditr
l44 L£ ]rfARIA.(ï(B DE FfOAAO.
Dame.! otf^, je' lui didtont... hoM^ee qu*il feut
lui taire.
LE'toii(TlE,-eA AanU
Ahï charmante! £t ta me le promets? Svtir-
man(^aois à ttf^arole ; entendons-nous , mon cœur :
pdint de renldez-YOus , point de dot, point de ma-
riage.
svzAHVE, faisant iârévéreneen
' Màis'aussi point de mari^^ , point dtf droit'du
seigneur, monseigneur.
LÉ CÙMTt.
OÙ pt^tftd-ell» <Jè qu'elle dit ? d*lioffnear , ^Vd^
raffolerai l Mais ta méitre^Sé àtftnd le flacon. . . .
BVz-kPlfAf riant et rendant te flacon.
Aurois-je pu vous parler sans un prétexte?
* tE cote TE veut fembrùsse/'..
ihélioieuse créature!
su B A KIT E, s'échfap'panti
y oiUi du monde.
tt âOMTB, a partir
(Elle esfk moi. (li s'enfuU,)
SUKAMVE. '
Allons Vite rendf e compte à ma janiév
ACTE III, SCÈNE X. . 445
SCÈNE X.
SUZANNE, FIGARO.
FIGAftO.
SxjzASVE ! Suzanne ! où cours-tu donc si vite
en quittant monseigneur?
SUZANNE.
Plaidera présent, si tu le veux; tu viens de ga-<
gner ton procès. ( Eite s'enfuit. )
viGAno (a suit
(Ah mais ! dis dolsc. . •
SCÈNE XL
LE COMTE, rentrant seuL
Tu vtetis d^ gagner ton procès! "-^ Je donnois là
dans un bon piège! O mes chers insolents! je voui
punirai de feçpn.... Un bon arrêt, bien juste...]
Mais s'il alloit payer la duègne... Avec quoi?..';
S'il pajoit.... Eeeeh! n*ai-je pas le fier 'Antonio,
dont le noble orgueil dédaigne, en Figaro, un in^
connu pour sa nièce? En caressant cette manie. . . {
Pourquoi non? d^ns le vaste champ de Tintri-
gue, il faut savoir tout cultiver, jusqu'à la vanité
d'un sot. (îl appelle,) Anto.... {Il voit entrer J&af*
cetinCf etc.)
{Il sort.)
ftt
»46 LE XAHIAGE DE fJGARO.
SCÈNE xii:
BARTHOLO, mARGELINE, BRID. OISON.
MAiiCELiNE, à Brid'oisoum
. MoBsiEuii, écoutez mon affaire,
brib'oisobt, en robe , et bégayant un peii«
Eh bien! pa-arlons-en yerbalexnent«
BAATHOLO.,
C'est une promesse de mariagf ,
;ilA.aCBLlBS.
Accompagnée d'un prêt d'arjg;entr
BBiD'otSOEr.
J^'en-entends , et estera, le reste^ ^ .
MABCELI5E.
I>fon , monsieur , point d'ef cœteta,
brid'oison.
J'en-entends : tous ayez la somme?
MARCEXrIVE.
\ Non , monsieur , c'est moi qui l'ai prêtée^
brid'oisov.
J'en-entends bien ;you-ous redemandez Tardent ?
MARCELINE..
JNon, monsieur; je demande qu'il m'épouse.
brid'oijon.
Eh .^aift , j *en-éntends fort bien : et lui Teo-eut-
il vous épouser?
MABCX&IVS.
Non, monsieur; voilà tout le procèsC*
ACTE III, SCÈNE XII, a^j
Bft<D*0190K«
Croyez -YOu$ que je ne ren-enfande pu, {e
procès?'
Non , muniienr* {4 Bai^hoh.) Où fommes-nous!
(Ji Brid'oUon,) Quoi ! c est yons qui nous jugerez?
Bnin'iOlSQir. ^
^stHse que j'ai iMioheté ma chatge pour âutra
chose?
UAn.C'^LtVKf en soupirant
C'est un gran4 abus que de les yen'dre!
B)IID*OISON.
Oui , Fon-^n feroit mieux de nous les donner
pour rien. Contre qui plai-aidez-yousZ
SCÈNE XIII.
BARTHOLO, MARCELINE, BRID'OISON,'
FIGARO rentre efi se frottant les mains,
MARCCitiifK,' montrant Figaro,
MoNsiEp& y contre ce malhonnête homme.
F I G A a o , très gatmenl , à MarceUne^
Je TOtts gène peut4tre.^-*<*Monseigneur revient
dans l'instant , monsieur le conseiller..
Biun'oison.
J'ai vu te ^a-arçoinlà quelque part«
FioAaOk
Chez madamiB -votM ftmimê , à Séyille ; pour la
servir, motisieur kmMMtiiler*.
a48 JL£ MAAIÂGE DE FIGARO.
I
ïKity'oisoar*
Dan-aei» quel temjps?
F I G A B Ori '
Un peu moins d nn am arant la naissance de
monsieur votre fils le cadn, qvà est un bien joli
enfant , je m'en rante. . .
Bain'oxsosr*
Oui, c*est le plus jd-oli de toUSéOn dit que
tu-u fius ici des tiennes?
FiaAao.
Monsieur est I>ien bon. Ce n'esfe»Ui qu'une mi-
sère..
Ba4D*0IS0S.
tJne promesse de mariage? A-ab! le pauTve
benêt!
FIOABO.
Monsieur..*
B<>*OXS0tf«
Aft>il vu mon-on secrétaire, ce bon garçon l
FIOABO*
N'est-ce pas Double-main Us greffier?
bbid'oisov.
Oui y c*è-est qu'il mange à deux râteliert.
FIOABO.
Manger! je suis garant qu'il dévore. Ob! que
oui , je l'ai tu pour l'extrait et pour le supplé-
ment d'extrait; comme cela se pratique , an ^te«
BBin'oisov^
, On-on doit remplie les finmes.
ACTE III\ SGÈlK^â XIÏl. ^g
FtoAftO;
'Assurément , monsieur : si le fonds des prdcé»-'
appartient aux plaideurs ,' on sait bien que la
forme' ésf le patrimoine des tribunaux.
^
«A'in^rsoBT:. » 1
Ce garçbn-là^ n'è-est pas si' niais ({ue )è Tarois
erU d'abord. Eh' bien ! Tami , puisque tu en' sali'
tant, notf-ous aurons soin dè^oUaifaire*
Monsieur^ je m-en rapporte à votre équité,
quoique''rous sojez de notre justice.
BRID*0IS0V..
Hein ?.. Oui , je3Uis de là-a j^stide : mais, si 'tu
dois, et que tu ne paies pas?. ..
FXOARd..
AToTS monsieur voit bien qUe c'est comme si j«
ne devois pas;
beidoison:
« »
San-ans doute; -— Eh mais! qu est-ce* donc
qu'il dit?**
SCÈNE XIV.
dABTHOLO, MARGELmE, LE C03MTE ,
BRID'OISON, FIGARO, UN HUISSIER.
l'huissier, précédant U comté.', 4:rU s-
tf o miz X ousu-a , messieurs.
£B comte.
En roSe* ici, ^seigneur firid'oisoa^ ce n'est
aBo LE MARIAGE D£ FIGARO.
qu'une afiaire 4omestique^ L'habit de yille étoit
trop bon*
B|lID*01S0Ji.
G*è-est TOQf qui l'étps » monsieur le coHoite.
Mais je -ne Tais jamais ^^n-ans elle; parce que la
Ibnne , yojes-vçws \ la forme i Tel ri'^ d un, juge en
habit court, qui-i tremble au seul aspect dup
procureur en robe. La forme , la->a forme !
LE COUTE, à fhu'usUr.
Faites entrer Taudiençe.
l'huissisk va ouvrir en glapissant.
L'audience.
SCÈNE XY.
BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE,
BRID'OISON, D0U3LE-MAm, FIGARO,
UN HUISSIER, ANTONIO, les valets du
CHATEAU , LES PATSA.BrS ET PATSAHHES 61^ hoSitS de
pu.
(I^ comte «'assied sur le grand Êiate^il; Brid'oison sur
une chaise à c6të; le greffier sur le tabouret deiriëre sa
table i les juges, les aTQCfiti 9pi les buMpiettes ; Marce-
line à côté de Bartholo; Figaro sur l'autre banquette;
les paysans et valets debout derrière.)
BAI n'o I s o V , à Dott6ie-Main.
povBLE-MAiir, a^appelez les causes*
inei«« no vBLB-M A f ir /îf lin ^pier.'
es noble , infiniment noble, don Tédfo
. On-On doi^A, kantn de h^sJ^tlp^, y m«A<es fîe-
AGTB IIi;SGÈN£ XT« ji5i
foSi y otrot montes : eontr« Aionzo Caiderom , }ean«
auteur dramatique. Il est question d'vae conédi*
mort -née , que chacun désaToue^ et rejette sur
l'autre^
I.B COICTB^
lis ont raison tous deux. Hors de cour. S*iU
font ensemble un autre ouvrage ^ pour qu'il mar^
que un peu dans le grand monde , Ordonné que lo
noble J mettra son nom , le poëte son talent.
DOUBLS-MAIN Ut uh ouîré papier.
André PétrutchiOj laboureur; contro lef rece-
veur de la province^ Il s'agît é*uk forcement arbir^
traire*
tE COMTE.
L'affaire n*est pas de mon resiott. Je serviTal
«ueax mes vassaux, en les protégeant près du roi,î
Passes.
DOUBLE-MAiv en prend un troisiètne, BartkolQ t(
Fiquro se lèvent,
Barb€'A^ar- Raab^MsuUhine^î^looie'-'MareeUn^.
de ^értê^AUuré, îâi% majeure; {MureeUtus se lèfe et
tûitu) contre Figaro.,, nom de baptlaiB en blâtM ?
FIOABO.
AnonTme*
BBin'oisl^ii^
A-«non jmtf ! Què-el patron es^è là?
FSOABO.
C'est le mien.
Dov Bfts-itf 1 tv tfcrîb
€os€re aBMmjmo Fs^am, QttiIrtéB?
a5o I'C mariage de FIGARO.
qtt*une aiEure ^omettîqiie. L'habit d^ yille étoit
trop bon.
B|l¥D*OXSOff.
G*è-est TOUS qw l'êtes , monaiear Iç coDate.
Mais je 119 vais jjunais ^fai*aii8 elle ; parce que la
forme , yojes-yoas \ la fonne i Tel ri'^ d un, joge en
habit conrt, qni-i tremble au seul aspect dnn
procureuv en robe. La forme , la-^ forme l
LE COMTE , à fhuUsUr,
Faites entrer Taudience.
L* HUISSIER va ouvrir en qlapUsan\.
L'audience.
SCÈNE XY.
BARTHOLO, MARGELmE, LE COMTE,
BRIDdSON, DOUBLErMAIN, FIGARO,
UN HUISSIER, ANTONIO, les valets nv
CHATEAU , LES PATSAHS ET PATSAHHES eti, hobiU de
fëu.
(li) comte s'assied s^r le grand faiitenil; Brid'oison sur
une chaise à côté; le grefllier sur le tabouret deirièie sa
table i les juges, les avQc^^ for les banquettes ; Marce-
line à côté de Bartholo; Figaro sur l'autre banquette j
les paysans et valets debout deiriëre.)
BEin'oisov, à Doubie-Main.
pouBLE-MAiv, a->appelez les causes.
meu» D G u B L E-M A r H iU fin papier^
kê noble , Infiniment noble, don Fédfo
. On-on àmf^o, kwron de L^s^lift§, y inoAl^s fit-
ACTE IIi;SGËN£ XT« %5i
nos f y otrot montes : contre Monzo Caldsrom y jean«
auteur dramatique. Il est question d'une comédie
mort -née , que chacttu désaToue^ et rejette sur
l'autre^
I.B COMTB^
Ils ont raison tous deux. Hors de cour. S*ilt
font ensemble un autre ouyrage , pour qa*il mar^
que un peu dans le grand monde , ordonné <pie le
noble 7 mettra son nom , le poète son talent,
n O u B II B-H A 1 H lit un autre papier»
André Pétrutchio, laboureur; contt* le rece-
veur de la province^ Il s'agit d'un forcement arbn
traire.
LE COMTE.
L*aAdre n'est pas de mon reHort. Je seiYiml
mieux mes Tàssattx, en les protégeant près du roi,i
irasacVr
DOUBLE-MAiv en prend un troisième* Barthoh tf
Figaro te tèvent.
Barbé'- A^ar'Raab''Mad»ieine'J9leole''Mareeiin^
de Vé/^ê'Aiiure, fille majeure; (MareeUae se iè9e et
saàmé) contre Figaro.., nom de baptiale en biiBic ?
FIOABO.
AiionTme.
BBin'eiS'f^ii^
A-ttaon)rBi«! Qaè-el patron ei^eç là?
fl^ABO.
G'eBtlemien.
noVB&E-itfAtCi écriU
€on€re ason jmo Figaro.
a5o LE KÀRIÂ6E )D£ FIGARO.
qu*aiie aiiaire domestique.- L'habit d^ yille ëtoit
trop boa.
B9lfD*OX80ji.
G*è-eft Tona qui l'ét^ , monsieur I^ comte.
Mais je nu vais jamais ^fui^ns elle ; parce que la
forme , yoje^yoas i la forme i Tel rft d'un, juge en
habit court, qni-i tremble au seul aspect d'un
procureur en robe. La forme , la-a forme !
LE couTZf à thu'usiet.
faites entrer l'audience.
l'huissieh va ouvrir en ^tapissant.
L'audience.
SCÈNE XY.
BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE,
BRIDOISON, DOUÇLE.MAIN, FIGARO,
UN HUISSIER, ANTONIO, les valets dv
CHATEAU , LES PATSA5S ET PATSAHBIES Cl^ hobitS de
ftu,
(I^ comte s'assied sur le grand Êtuteuil; Brid'oison sur
mie chaise à côté; le greffier sur le tabouret déniera sa
tabler les juges, lés avocats fur les banquettes ; Marce-
line à côté de Bartholo; Figaro sur l'autre banquette j
les paysans et valets débout derrière. )
BEin'oisov, à Douàie-Main.
poiTBLE-M Aisr , a'-appelcfz les causes.
Biei.« no u B L E-M A f K m un papier,
es noble , infiniment noble, don Fédt^
. On*on àoi^o, ùaron de h^4^ipn, y mnkfUtê fit-
ACTE III, SCÈNE XT« âi5i
ros , y oiros montes : contre Ahnxo Calderon , jeune
auteur dramatique. Il est question d'une comédie
mort -née , que chacun désavoue ^ et rejette sur
Tautrcw
I.B COMTE.,
Ils ont raison tous deux. Hors de cour. S*ilt
font ensemble un autre ouyrage , pour qu'il mar^
q^ue un peu dans le grand monde , Ordonné que le
noble J mettra son nom , le poëte son talent.
D o V B L ■-M A 1 H fil un auire papier,
André Pétratchio, laboureur; contre le rece-
veur de la proyinoe. Il * agit d'un forcement aib£-i
trAire.
i.£ cOmtb.
L'affaire n*eftt pas de mon ressort. Je setrM?
mieux mes rassaux, en let protégeunt près du r«^é
K^Bseesr
DOUBLE-MAIS en prend un troisième. Barthùio tt
Fiy4if0 se. lèvent,
Bitthé^À^uf' Raab'Madêieine*J9looie'Mareetin$>
de Veriê^iture, fille majeure ; (MureeUne se lève ei
sntme) contre Figaro.», nom de bâptlaie en MiBie?
FIOAftO.
AiionTme«
BEin'oi^l^iiw.
A-anonjmel Què-el patron ei^ee là?
f lOAftO.
C*e«tlemien.
DOVB&E-MASS écriU
Contre aBMmjme W^am. Qttalvti»?
juSo LE ITARIâGE ^E FIGARO.
qu^une aiEdre domest^iie. L'habit d^ Tille étoit
trop bon.
G'è-est Yoni qui l'êtes , monsiear le coHoite.
Mais je ne vais jamais qçuK-;-ans elle; parce qae la
forme , yoje^yçws ; la fon&e i Tel riV d'un, juge en
habit court, qui-i tremble au seul aspect dui|
procureur en robe. La forme , la-a £c>nne !
LE coMTZ, à i* huissier,
Faites entrer l'audience.
l'huibsiek va ouvrir en glapissant.
L'audience?
SCÈNE XY.
BARTHOLO, MARGELmE, LE COMTE,
BRID'OISON, DOUÇLE-MAIN , FIGARO,
UN HUISSIER, ANTONIO, les valets dv
CHATEAU , LES patsabts ET PATSAVHES en, habits de
(I4) comte s'assied 8|ir le grand Ê»|tei;il; Brid'oison sur
une chaise à côté; le grefiier sur le tabouret derrière sa
table;, les juges, les avoqi^ §nr les banquettes ; Marce-
line à côté de Bartholo; Figaro sur Tautie banquette ;
les paysans et valets debout denière.)
BRI n'o I s o ir , à Doubie-Main,
»0TrB£E-MAiir, a-appelez les causes.
. "^ no UBLE-MArv /if un /mpier.^
/ Noble , fi«i^oble , infinîment noble , don Pédfo
George, Hidaï^ àarvn ée LqsMlpn, y ffWlUef fe-
ACTE III^SGÊNE XT. %Si
rot f y otrot montes : contre Monxo Caideron , jenne
auteur dramatique. Il est question d'«ne comédie
mort -née , que chacun désaToue^ et rejette sur
l'autre^
LE COMTE.,
Ils ont raison tous deuE. Hors de cour. S*ils
lont ensemble un autre ouvrage , pour qull mar-
que un peu dans le grand monde , Ordonné que le
noble j mettra son nom , le poëte son talent.
D o u B L s-K A 1 H /if un auire j^apier*
André PéîrutchiOf laboureur; contt* le rece-
veur de la provincCé II ft'agif d'un forcement arbi^
traire*
LE COMTE.
L'aiaire n*eit pas de mon resiort. Je seiYlml
mieux mes ràssauz, en les protégeant prêt dn toi^
Passez.
DOUBLE-MAiv en prend Un troUiè/ne, Barthùh H
Figaro te Uvent.
Barbe - A^ar - Raab'Màdêhine^Nloole - 7âareeUn§.
de Vériê^AUure, fille majeure ; (MureeUae te iè9e ei
gmiae) contre Figaro, é. nom de baptême en blftnc?
FIOAEO.
Anonjme.
BEin'ois^ii^
A-anon jmtf ! Què-el patron es^ct là?
flOAEO.
G'eatlemien.
nov BSE-Mâ 19 Arril<
€oB€re aatonjmo Figaf<o. Qtt»lité»-7
%i% LE MARIAGE. D£ FI£AAO«
FiaA&o..
IjÈentièliomme.
Vous êtes ^entUhoiiiQie?
{Le greffier écrit . )
FIOARO.
Sti«xi«l l'eût voulu , je seroîs (ils d*un -^xïosie*
t£ coût z y au gtefper m
AU»;
i.'H,m894&li) glapisganl*
Silenae , mesMeurSj
.... Pour cause d opposition faite au mariaga
dttdit Figarù, par Jadite de VjerU-AUare. Le doc^-
teujr Baràtoio plaidant pour la demand^c^se , et
ledif Figv^ pour lui-|nèine ; si }a cour Ifi permet,
contre le vœu de l'usage, et la juriaprudeiMie dn
,iiè(|e,.
^ L'usage , mattve I3iDuble<»Main , est souvent un
abus; le client un peu instruit sait toujours mieux
sa cause, que certains avocats qui , suant ^ fropd»
criant à tue tête, et connoÎHant tout, hors le hit,
s'embarrassent aussi peu de ruiner le plaideur, que
d ennujer l'auditoire , çt d'endormir messieurs ;
phu bour$OuiBés après; que s'ils eussent composé
Vcratio pro JâHrena; moi JQ dirai le fait en peu de
mots. Messieurs..»
00U9Lp-MAlir,
£n voilà btaQffoop d*intttile»| otr tou» a'étts
ACTE -III, SCENE XV. a53
pas ctemftndeur, et n'ayez que la défense : arancex»
docteur, et lûez la promesse.^
FIOAROo
Oui , promesse I
•BARTHOLO, mettant ses lunettes^
Elle est précise.'
Ba:iD*OI>SON/
I-il faut la voir..
DO.nBLË'MAlsr»
Silence donc, messieurs.
l'huissier, glapissant* «
Silence. ' > ;
BAftTHOLp IUm
a Je soussigné reconnois avoir reçu de damoi"
« selle, etc.... Marceline de Verte-Allure , dans le
« château d'Aguas-Frescasi , la somme de deux mille
« piastres fortes cordonnées ;" laquelle somme je
« lui rendrai à sa réquisition , dans ce château j et
K je réppùserai par forme de reconnoissance , etc.
« Signé, Figaro^ » tout court. Mes conclusion»
sont au paiement du billet , et à l'exécution de U
promesse, avec dépens. (1/ plaide.) Messieurs....
jamais cause plus intéressante ne iiit soumise au
jugement de la cour; et depuis Alexandre le
grand-, qui promit mariage à la belle Thalestri}»...
LE COMTE, interrompant.
Avant d'aller plus loiû, avocat, convienl-On de
la validité du titre?
brïd'oisou i nFigfrfro.
Qu'oppo... qu'oppô-osez-?vous à cette lecture?
Thcati-Q. Comédies. ï^^ I ^21
t54 LB MARIAGE D£ FIGARO.
FXGABO.
Qu'il j a, messieurs, malice, erreur, oa dit*
tractioa dans la manière dont on a lu la pièce \ car
U n'est pas dit dans iiécrit : « laquelle somme je
(c lui rendrai ET je 1 épouserai ; » mais,^« laquelle
tt somme je lui rendrai , OU je Tépouserai ; » ce
qui est bien différent.
LE COMTE*' .
Y a-t-il ET dans Tacte^ou bien OU?
BAATHOX'O.
Il y a ET«
Il y a OU.
FIGARO
BBID OISOR.
Dou-ouUe-main ^ lisez vous-même*
DOUBLE-MAIN, prenant iejpapier,
-Et c est le plus sûr ; car souvent les parties dé-
guisent en lisant. (2/ /il.) £ e e damoiseiiey e ee de
yerte^atiure, e e e.. Ab! laquetle somme je lui rendrai
à sa réquisition, dans ce château.», KT... OU... ET...
OU, . Le mot est si mal écrit... il y a un pâté.
BBIO'OXSOV.
Un pà-^âté? Je sais cq que c est.
B AB T H o L o ^ p/ai</ant
Je soutiens, moi, qu9 c'est, la conjonction co-
pnlative ET , qui lit les membres corrélatifs de la
phrase; je paierai la demoiselle, ET je l'épouserai.
FIGARO, plaidante
Jersoutiens, moi, que c est la conjonction alter-
^ftliye.OU, qui sépare lesdirs membres \ je paierai
ACTE III, SCENE XV. . !i55
la donzelle, OU je I épouserai : à pédant, pédant
et demi; qu'il s'avise de parler latin^ ]j suis grecj
je l'extermine.
LE COMTE.
Comment juger pareille question?
BARTHOLO.
Pour la trancher, mesSieuirs, et ne pkiseliica-
uer sur un mot, nous passons qu'il y ait OU^
FI&ARO.
J'en demande acte. ,
BARTHOLO.
Et nous y adhérons. Un si mauyais refuge ne san-
yera pas le coupable : examinons le titre en ce
sens. (1/ UL) LaqueiU somme je lui rendrai dans eu
château oii je l'épouserai; c'est ainsi qu'on diroit,
messieurs : Vous vous ferez saigner dans ce lit, où
vous resterez chaudement, c'est dans lequel. Il pren-
dra deux gros de rhubarbe , où vous mêlerez un peu
de tamarin : dans lequel on mêlera. Ainsi château
ou je V épouserai, messieurs, c*est château dans le-
€fuet...*
FIGARO.
Point du tout : là phrase est dans le sens de
celle-ci : ou la maladie vous tuera, ou ce sera le mé-
decin, ou bien le médecin; c est incontestable. Au-
tre exemple : ou vous n'écrirez rien (jui plaise, ou
les sots vous dénigreront, ou bien les sots; le sens e&t
clair ; car , audit cas , sots ou méchants sont le sub-
•tantif qui , gouverne. Maître Bartholo croit -il
a58 LE MARIAGE DE BIGARO.
à défaut de paiement ; les deux ensemble impU^
queroient.
Silence, i&essïeut^. *
' t' H iri S S 1 E R , glapissant
Silence..
tE COKTE.
Que nous répond le défendeur? qu*il veut gar-
der sa personne; à lui permis.
Fi6ÀnO, ai/jsc joie, ^
J'ai gagné.
' £e CÎOMtE.
Mais comnle le telte dit : Laquelle somme /e
paierai à la première réquisition, ou bœn' j'iêpbtueraiy
etc.> la cour condamné le défendeur à payer deux
mille piastres fortes à la demanderesse , ou bien à
répouser dans le jour. (1/ se lève.)
FIGARO, slapéfaH^
J'ai perdu. •
' AVT.o VIO, avec joiem
Superbe artêt.. "" i ' ' **'
"''"'^'- '• '-'" FIGARO..
En quoi,' superbe?
En ce que tu ft^ék plui mon neréa. Grand
merci ;*iû<i>'n^eigneur. ; : i :. > i
" ' '* ' - l'a V I S's r e r , glapissant,,
Passe:£, messieurs. {Le pé(tpte?iàrî.)
■ '■ ;■"'■ " ■Av.'iùtfioi'- '^
Je m*eir vas .tout conter' à' làn nièce.
^i^^^iifllsort.)
ACTE III,SCÈNE XVI. aSg
SCÈNE XVI.
LE COMTE, allant de côté et d'autre; MARGE-
X-INE, BARTHOLO, FIGARO, BRID'OISON.
MAnCELXVE, s'asseyantfi
Ah! jeredpire.
FX&A&O.
Et moi, ) étouffe^ . -
.I.E COMTE, (k part»
Au moins je suis yengé, oela soulage.
FiGAno, à part.
Et ce Bazile, qui devoil 8*opposer an mariage
de M&rceUne, vojez comme il revient! (Au eomte,
i/uiêon.) Monseigneur, tous nous quittes? *
LE COMTE. .
Tout est jugé.
F I G A.n o ^ à Brid'oUon,^
C'est ce gros enflé de conseiller...*
buid'oisoh
Moi, gro-os enflé!
- - FIOARO.
Sans doutCM Et je ne Tépouserai pas : je suis
gentilhomme I une fois. (Le comte s'aeréte. )•
^autholo.
Vous 1 épouserez.
FIOAR'O..
Sans l'areu de mes nobles parents'*
BAATHOLO.
fNommez-les,* mbhtréz-les.
a6o LE MAEIAGE DE FIGARO.
FIGARO.
Qa*on me donne un peu de temps ; je suis bien
près de les reyoir ; ii y a quinze ans cju'e je les
cherche.
bautholo..
Le fiât! c'est quelqu'enfant trouvée .
. FIGARO.
Eafant perdu , docteur ; ou plutôt enfant volé.
I.B COMTE, revenant
Voté, perdu; la preuve? 11 crieroit qa on lui &it
injure.:
FIGARO.
Monseigneur, quand -les langes à dentelles^ ta-
pis brodés et joyaux d'or trouvés sur moi par |es
brigands n'indiqueroient pas ma haute naissance;
la précaution qu'on avoit prise de me faire des
marques distinctives , téraoigneroit assez combien
j'étois un 6I9 précieux : et cet hiéroglyphe à mon
bras... ( 1/ veut se dépouUier le bras droit )
MABCELiiTE, se levant vivementm
Une spatule & ton bras droit?
FIOARO..
D*ou savez-vons que je dois l'avoir?
M A R CE L I V E.
Dieu! c'est Ini!
riGABO.
Oui, c'est moi.
B AaT H o so , i M^cetifUm
£tqul?luL
ACTE III, SCÈNE XVI. a6i
ICARCELIHE, vlvemenL
C'est EmmanueU
BABTHOLO, à Figaro,
Tu fds enleyé par des Bohémiens?
FIGARO, exalté*
Tout prés d'un château. Bon docteur, si tous
me rendez à ma noble- famille , mettez un prix à ce
tervice ; des monceaux d'or n'arrêteront pas mes
lllastres parents.
BAHTHOiiO, montrant Marceiine*
Voilà ta mère.
FXGABO.
...Nourrice?
BABTHOLO.
Ta propre mère.
T.% COÏMTE.
Sa mère!
FIGARO.
Expliquez-vous-
MARCELINE, montrant Barthohm
Voilà ton père.
FIGARO, désolém
O o oh! aje de moi.
MARCELIIIE.
Est-ce que la nature ne te la pas^dit mille fois?
FIGARO.
Jamais»
I.E COMTE, à part.
Sa mère!
fl63 LE MARIAGE DE FIGARO.
BItlo'oiSÔV.
C'est clair, i-il ne 1 épousera pas.
^ bautholo.
Mi moi non plus.
MAaCELIlfE.
Ni vous! et votre fils? Voiis'in*ayiex juré...,
BARTHO<LO.
J'étois fou. Si pareils souyenirs engageoient,on
seroit tenu d'épouser tout le monde.
BKIO'OISOV.
£-et si Von j regardoit de si près , per-eraonne
n'épouseroit personne.
BABTHOLO.
Des fautes si connues lune jeunesse déplorable (
MAncEiiBE, s^échauffant par degrés.
Oui, déplorable, et plus quon ne croit. Je
n'entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop
bien prouvées : mais qu'il est .dur de les expier
Après trente ans d'une vie modeste! J'étois néc^
moi , pour être sage , et je le suis devenue sitôt
qu'on m'a permis d'user de^ma raison : mais, dans
l'âge des illusions , de l'inexpérience et des be«
soins, où les séducteurs nous assiègent, pendant
que la misère nous poignarde , que peut opposer
une enfant à tant d'ennemis rassemblés? Tel nous
I Ce qui suit, enfermé entre ces deux signes, a été
retranché par les Comédiens François aux représentationa
de Paris.
ACTE ni, SCÈNE XVI. ^63
juge ici séyèrement , qui , peut-être , en sa vie a
perdu dix infortunées.
rioAiio.-
Les plus coupables sont les moins généreux,
e*est la régie.
MARCELINE, vivement»
Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le
mépris les jouets de vos passions , vos victimes ,
c'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre
jeunesse; tous et vos magistrats, si vains du droit
de nous juger, et qui nous laissent enlever, par
leur coupable négligence , tout honnête mojen de
subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses
filles ? Elles avoient un droit naturel à toute la pa-
rure des femmes : on y laisse fonner mille ouvriers
de l'autre sexe.
FiGÀaOy en colère.
Ils font broder ju^u'aux soldats*
MAACELiirE, exaltée.
Dans les rangs même plus élevés / les femmes
n'obtiennent de vous qu'une considération déri-
soire; leurrées de respects apparents, dans une ser-
vitude, réelle ; traitées en mineures -pour nos biens ,
punies en majeures pour nos fautes. Ah ! sous tous
les aspects, votre conduite avec nous fait horreur;
ou pitié !
FIOAEO.
Elle a raison.
264 L£ MâKIAGË de FIGARO.
tE COMTE, à part.
Que trop raison !
brid'oisoh. ,
Elle a , mon-oi\ dieu , raison.
M AB CELINE.
Mais que nous font, mon fils, les refus d'un
homme injuste? Ne regarde pas d'où tu viens,
vois où tu vas ; cela seul importe à chacun. Dans
quelques mois ta fiancée ne dépendra plus que
d elle-même; elle t'acceptera, jen réponds : via
jsntre une épouse , une mère tendre qui te chéri-
ront à qui mieux mieux. Sois indullgent pour
elles , heureux pour toi , mon fils ; gai , lihre et
bon pour tout le monde : il ne manquera rien à ta
mère.
FIGARO.
Tu parles d'or , maman , et je me tiens à ton
avis. Qu'on est sot en effet I II 7 a des mille mille
ans que le mofide roule, et dans cet océan de
durée où j'ai par hasard attrapé quelque chétifs
trente ans qui ne reviendront plus, j'irois me
iourmenter pour savoir kqui je les dois? tant pis
pour qui s'en inquiète. Passer ainsi la vie à cha-
ii\ailler, c'est peser sur le collier sans relâche
comme les malheureux chevaux de la remonte des
fleuves, qui ne reposent pas, même quand ils s'ar-
rêtent , et qui tirent toujours , quoiqu'ils cessent
de marcher. Nous attendrons, f
LK COMTE.
Sot événement qui me dérange l
ACTE m, SCÈNE IVL a65
bbid'oisobt, à Figaro.
Et la noblesse et le château ? votis impo-osez 2i
lai justice?
FIGABO.
Elle allott me faire Dure une belle sottise, la
justice! après que j ai manqué, pour ces maudits
cent écus , d'assommer vingt fois monsieur, qui se
trouve aujourd'hui mon père ! mais , puisque le
ciel a sauvé ma vertu de ces dangers , mon père ,
agréez mes excuses.... Et vous , ma mère , embras-
sez-moi... le plus maternellement que vous pourrez.
(Matceline lui saute eut cou.)
SCÈNE XVII.
BâRTHOLO, FIGAROt MARCELINE, BRID'OI-
SON , SUZANNE , ANTONIO , LE QOMTE..
suzAVNE, accourant f une bourae à la main.
MoHSEioNEUB, arrêtez ; qu'on ne le marie pas :
je viens pajrer madame avec la dot que ma maî-
tresse me donne.
LE COMTE, h part..
Au diable la maltresse! Il setnble que tout cons«
pire.».
(//jor(.)
Théâtre.; Com^diei. l4« ' a3
,66 LE MARIAGE DE FIGAHO.
SCÈNE XVIII.
BARTHOLO, A»TOWO,. SUZANNE FIGARO.
, MARCELINE , BRID OISON.
APtON.o, voyant Figaro embrasser u. nUre, dU à
Suuinne :
Ah! oui, payer! Tiens, tiens.
ftUxABSEjiereJoiir/ianf.
J'en vois assez : sortons , mon oncle.
FioABO, l arrêtant.
Non , s'il vous plaît. Que yois-tu donc?
Ma bêtise et ta lâcheté.
' Pas>plu8 de l'une que de i'autrt
suxAHHE, en co/érc*
■», x^^A *%inoaue tu la caresses.
Et que tu l'épouses à gre , puisque
FIGARO, gàîment
Je la caresse ; mais je ne l'épouse pas.
iSazanne veut sortir, Figaro la retienU)
s u 2 A » s E , /«i donnant un soufflet.
Vous êtes bien insolent doser me retenir !
FIGAHO, à la compagnie.
Cest-il ça de l'amQur? Avant de nous quit-
ter, je t'en supplie, envisage bien cette obère
femme-là.
Je la regarde.
ACTE III , SCÈKE :?:VIIL 267
Et ta la trouves?
8VXAHNE.
Affreuse.
FiaAHO.
Et vive la jalousie! elle ne vous marchande
paa«
HAiicEtiHE,/ei bras ouverts.
Embrasse ta mère , ma jolie Suzanne. Le mé-^
chant qui te tourmente est mon fils.
' suzAiiVE, eouraai h elie.
Vous sa mère !
(Elles resteat dans les bras l'une de foutre^)
AHTonio.
C'est donc de tout à l'heure?
FtOARO. '
• •• Que je lésais.
, màac'eliue, exaltée.
Non , mon cœur entraîné vers lui ne se trom-
poit que de motif; c'étoit le sang qui me parloit.,
Fi&Aao.
Et moi , le bon sens , ma mère , qui me servoit
«l'instinct quand je tous refîisois, car j etois foin
de vous hait ; témoin l'argent. . .
M A n G £ L I n E , lui remettant un papier^
Il est à toi : reprends ton billet , c'est ta dot«
SUZANNE, lui jetant la bourse^
Prends encore celle-ci.
FIOAEO..
Grand merci.,
s6a LE MARIAGE DE FIGARO.
MA&CELiBE, exaltée^
Fille assez malheureuse» î allois deveuir la plu»
misérable des femmes , et je suis la plus fortunée
des mères. Embrassez-moi, mes deux enfants;
î'unia dans tous toutes mes tendresses.. Heureuse
autant que je puis Tétre, ah! mes enfants, com-
bien je yais aimer !
r 1 a A B o y attendri j avec vivacités
Aii'éte donc, chère mère, arrête donc! TOu«
drois-tu Toir se fondre en eau mes jeux nojés des
premières larmes que je connoisse ? elles sont de
joie, au moins. Mais quelle stupidité! j'ai manqué
d en être honteux : je les sentois couler entre mes
doigts , regarde ; (i/ montre s£s doigts écartés) et je
les vetenois bêtement ! ya te promener , la honte !
je veux rire et pleurer en même temps ; on ne sent
pas deux fois ce que j eprouye. (1/ embrasse sa mère
i^un c6téj Suzanne de i^ attire,) >
KABCSLIVE.
O mon ami t
swAiisr»
Mon cher ami 1
BRiD'oisoBr, s'essuyant les yeux d'un moncAoirw
Eh bien ! moi, je suis donc bê-ête aussi?
FIGARO, exalté.
Chagrin , c est maintenant que je puis te défier :
' Bartholo, Antonio, Suzanne, Figaro , MarGcUne,
Brîd'oison
ACTE III, SCÈNE XVIII. 269
atteins -moi, situ l'oses, entre ces deux femmes
chéries.
A v ï o V X o , à Figaro»
Pas tant de cajoleries, s*il vous plaît. En fait de
mariage dans les faimilles , celni des parents ya de-
Tant, sayez. Les y^tres se baillent-ils la main?
BAHTHOLO..
•JUa main ! paisse-t-elle se dessécher et tomber,
si jamais je la donne à la mère d'un tel drôle !
AVTOVio, àBarihûio»
Vous n'êtes donc iquNin père mar&tre? (itf Fi*
garo*)En ce cas , nôt' galant, plus dé parole^
. Ah! mon oncle,..
AHTOVIO.
Irai-J6 donner l'enfant de not' sœnr a sti qui
■"est l'enfant de personne?
Baio'ois.on.
Est-ce que cela-a se peut, imbécile ? on-on est
toujours l'enfinnt de quelqu'un.,
ABTTOVIO.
Tarare! . . il ne l'aura jamais.
( Il 9orî. )
I
a3.
ayo LE MARIAGE DE FIGARO,
SCÈNE XIX.
BARTHOLO, SUZANiNE, FIGARO, MAR<
CELINE, BRib'OISON.
baiitr6l(^, a Figaro.
Et cherche à présent' qui t adopte.
( Il veut sortir?)
MARCELisK, couratit prenUre Bartkoio à beat It
corps y le ramène^ ^
^ Arrêtez; docteur, ne sortez.pas,
FiGAno, à part.
Non , toug les sots d'Andalousie sont , je crois,
déchainés'contre mon pauvre mariage !
SUZANNE, à BarMo/o »
Bon petit papa , c'est votre IGIs.
MARCEL 1 H E / à BoTtholo.
De lesprît , Aés tàlcn'tà , «îe^a %urè.
FiGABo,^'^ ïïartfhôib.
Et qui ne vous a J>as coôfté une obole.
^"' '• ' BknrwQLoJ
Et les cent écu» qu'il m'a pris?
M A a c E-L I N s » /e caressant.
Nous aurons tant de soin de vous, papa!
SUZANNE, /e coreffanf.
Nous vous aimerons tant, petit papal
BAUTHOLo, attendrL
Papa î bon papa^I petrt- papa ! voilà que je suis
» Suzanne^ Bartholo, Maredine, Figaro, Brid'oisoîî.
ACTE III, SCÈNK XiX. ^71
plus béte encore que monsieur, moi {montrfint
Brtd'oison)i- Je me laisse aller comme un enfant»
(Marceline et Suzanne VembrassenU) Oh! non, je
n'ai pas dit oui. (1/ se retourne.) Qu*est donc de-
venu monseigneur?
' FiGAno.
' Gonrdns le joindre ; arrachons-lui son dernier
niot. S'ili machinoit quelqu autre intrigue , il fau-^
droit tout recommencer. .
w
TOUS ENSEMBLE.
Courons, courons.
(Ils entraînent Bartholo dehors.)
S.CÊNE .XX.
BRID'OISON, jca/.
Flvs bâ-éte encore que monsieur? On peut se
dire à soi-même ces-es sortes de choses-là, mais...
i-iis ne sont pas' polis du tout dan<ans cet en-
droit-ci.
(lisort.)
PIS DU TAOXSièllE ACTE.
• ^ <^>^^^i^»»l^<
ACTE QUATRIÈME. .
Le théâtre représente une galerie ornée de
candélabres, de lustres allumés, de fleurs,
de guirlandes,^ en un mot préparée pour
donner une fête. Sur le devant à droite est
une tabjf avec une écrîtoîre , ' un fauteuil
derrière.
SCÈNE I.
FIGARO, SUZANNE.
FIGARO, ia tenant à bras U cûrps.'
£iH bien ! amour, es- tu contente ? Elle a converti
son docteur, cette fine langue dorée de ma mère.
Malgré sa répugnance > il l'épouse , et ton bonrm
d'oncle est bridé; il n'j a que monseigneur qui
rage : car enfin notre hjmen va dçvenir le prix da
leur. Ris donc nn peu de ce bon résultat.
SUZAUBTE.
As-tu rien vu de plus étrange ?
FIGARO.
Ou plutôt d'aussi gai. Nous ne voulions qu'une
dot arrachée à l'excellence ; en voilà deux dans
nos mains , qui ne sortent pas des siennes. Une
rivale acharnée té poursuive! t ; j'étoii tourmenté
liE MâRIâGE, etc. ACTE IV, SGÊISE I. 273
par ane fdrie : tout cela s es^ changé , pour nous ,
dans la plus bonne des mères.. Hier, j. etois comme
seul au monde., et voilà c[ue j'ai tous mes parents ,
pas si magnifiques , il est vrai , que je me les étois
galonnés , mais a^z bien pour nous, qui n*avons
pas la vanité des riches. %
9 V z AN v E«
Aucune des' choses que tu avois disposées ^ que
noa& attendions , mon ami, n est pourtant arrivée.
Le hasard a mieux fait que ivous tous, ma pe«
tite ; ainsi va le monde : on travaille , on projette,
on arrange dun eôté, la fortune accomplit de
Tantre : et depuis Taffamé conquérant qui vou-
droit avaler la terre ^ jusqu'au paisible aveugle qui
se laisse mener- par son chien , tous sont le jouet
de ses caprices; encore l'aveugle au chien est- il
souvent mieux conduit,' moins trompé dans ses
Tue^ ,. que Tautre aveugle avec son entourage. ——
Pour cet aimable aveugle , qu'on nomme amour...
(Il la reprend tendrement à krin h corps,)
SUZANNE.
Ah! c'est le seul qui m'intéresse.
FIAARO..
Peirmets donc que, prenant lemploi àe la folie ^
je sois le bon chien qui le mène à ta jolie migaone
porte 'y et nous voilà logés pour la vie.
SUZANNE, riantn^
L'amour et toi ?
a74 LE MARIAGE DE FIGARO.
FIGARO..
Moi et Tamour.
8 u z A v or E..
Et vous nç chercherez pas d'antre gîte ?
FIGAnO.
Si tu m j prends , |e veux hien que mille mil-
lions de galants. • . .
'SUZANNE.
Tu vas exagérer : dis ta bonne vérité..
"FIGARO.
M^ vérité la plus vraie.
SUZANNE.
Fi donc ,i vilain , en a-t-on plusieurs? •
FIGAR0'>
.a
Oh que oui! Depuis qu'on a remarqué qu'avec
le temps vieilles folies deviennent sagesse, et
qu anciens petits mensonges , assez mal plantés , ont
produit de grosses, grosses vérités , on en a de mille
espèces; et celles qu'on sait, sans oser les divul-
guer, car toute vérité n'est pas bqinne à dire; et
celles qu'on vante sans y ajouter foi, car toute vé-
rité n*est pas bonne à croire ; et les serments pas-
sionnés , les menaces des mères , les protestation?
des buveurs , les promesses des gens en place , le
dernier mot de nos marchands : cela ne finit pas.
Il n'j a que mon amour pour Suzon qui soit une
vérité de bon aloi.
* SUZANNE.
J'aime ta joie parce qu'elle est folle; elle an.
ACTE IV, SCÈNE I. 275
nonce que tu es heureux. Parlons du rendez -vous
(du comte.
FXGAaO. ,
Ou< plutôt n en parlons jamais; il a failli me
coûter Suzanne.,
SUZANHE.
Tu ne veux donc plus qu'il ait lieu?
F I a A R o.
Si vous m'aimez, Suzon; votre parole d'hon-
neur sur ce point : qu'il s' j morfonde, et c'est sa
punition.
strzAVVE.
Il m'en a plus coûté de l'accorder, que je n'ai
Ûe peine à le rompre : il n'en sera plus question..
FIGARO.
Ta bonne vérité ? * .
SUZAISHE.
Je ne suis pas comme vous autres savants ; moi,
je n'en ai qu'une.
fioaho.
Et tu m'aimeras un peu?
SUZANNE.
Beaucoup.,
FIGARO.
Ce n'est guère.
SUZANNE.
Et comment?
FIGARO.
En fait d'amour, vois-tu , trop n est pas même
assez.
/
s^6 LE MARIAGE DE FIGARO..
SUtANSE.
Je n'entends pas toutes ces finesses; mais je
n'aimerai que mon mari.
FIGARO.
Tiens parole, et tu feras une Helle ezceptionà
l'usage., (U veut f embrasser,)
SCÈNE IL
. FIGARO;SUZANNE, LA COMTESSE.
LA COMTESSE.
Ah! j'ayois raison de le dire : En quelqu endroit
qu'ils soient , croyez qu'ils sont ensemble. Allons
donc, Figaro, c'est voler l'avenir, le mariage et
vous-même, que d'usurper un tête-à'-tête. On vous
attend , on s'impatiente.
PIOARO*
Il est vrai , madame , je m'oublie. Je vais leur
montrer.mon excuse.
(U veut emmener Suzanne.)
LA COMTESSE, iu retenant*
Elle vous suit.
SCÈNE IIL
SUZANNE, LA COMTESSE.
LA COMTESSE^
As->TU ce qu'il nous faut pour troquer de vétc^
ment?
. AGT£ ly, SGÊNP m. 377
8UZABINZ.
11 ne faut rien, niacUme; le rç]i4e3;«TOUt ne
tiendra pas«
LA COMTESSE.
Ah ! vous changez d'avis ?
suzAirirE.
G*est Figaro.
&A COMTESSE.
Yous me trompez.
SUZAMSX.
Bonté divine!'
LA COMTESSE.
Figaro n est pas homme à laisser échapper nne
dot.
SUZANNE.
Madame , ehl que crojez-yous donc t
« LA COMTESSE.
Qu*enfîn , d'accord avec le comte , il vous fâche
à présent de m'avoir confié ses projets. Je vous
sais par cœur. Laissez>moi. (£//e 'Oeul sortit.)
SUZANNE, ie \etànl à genoux.
Au nom du ciel , espoir de tous , vous ne savez
pas, madame, le mal que yous faites à Suzanne!
après vos hontes continuelles et la dot que vous
me donnez....
LA COMTESSE, la relevant.
Eh! mais... je ne sais ce que je dis! en me ce-
dant tal place au jardin, tu n'j vas pas, mon cœur;
tu tiens parole à ton mari, tu m'aides à ramener le
mien.
Théâtre» Comédie». l4» 94
278 L£ MARIAGE DE FIGARO.
SUZAVNE.
Comme vous m'ayez afHigée!
LA COMTESSE.
G est que je ne suis qu'une étourdie.- ( Elle la
baise au front.) Ou est ton rendez-yous?
suzANNSy/tti baisant la main.
Le mot de jardin m*a seul frappé.
LA COMTESSE, montrant la table..
Prends cette plume, et fixons un endroit.
SUZANSE.
Lui écrire!.
. LA COMTESSE..
Il le faut.
SUZANNE.
Madame , au moins , c'est vous. . . \
LA COMTESSE.
Je mets tout sur mon compte. {Suzanne s'assied,
{a comtesse dicte.) « Chanson nouvelle, sur Tair....
K Qu'il fera beau, ce soir, sous les ^ands marro-
c( niers..... Qu'il fera beau ce soir.... »
SUZANNE, écrivant.
Sous les grands marroniers. . . après ? !
LA COMTESSE.
Crains-tu qu'il ne t'entende pas?
SUZANNE, relisant.
C'est juste. {Elle plie le billet.) Avec quoi ca-
cheter?
LA COMTESSE.
Une épingle , dépêche : elle servira de réponse*
£cris sur le revers : Renvoyez^moi le cacheU
ACTE IV, SCÈNE 111. a^g
suzAHVE écrit en riant.
Ah! Iç cachet!.,. Celui^i, madame , est plus gai
^ue celui du brevet.
LA COMTESSE, avec un souvenir douloureux,
Ahr
fuzAHifE, cherchant sur etlc
Je n'ai pas dëpin^le, & présent!
LA COMTESSE, détachant sa lévite.
Prends celle-ci. (Le ruban du pa^e tombe de son
sein à terre.) Ah! mon ruban..
SUZANNE, le ramassantm
C'est celui du petit voleur! Vous avez eu la
cruauté....
LA COMTESSE.
Falloit-il le laisser à son bras? ceût été jolil
Donnez donc.
SUZANNE.
Madame ne le portera plus, taché, du sang de
ce jeune homme.
LA COMTESSE, le reprenante
Excellent pour Fanchette.... Le premier bou«
qnet quelle m'apportera..»
I
ifcSo LE MARIAGE DE FIGARO.
SCÈNE IV.'
UKE jeuî:e BERGJÈRE, GHËHUBIN «H
fille; FANCHETTE, ei beaucoup 'de jeunes,
filles. hakUlées^ commà. elte , et tenant des bouquets ;
' M COMTESSE, SUZANNE.
FÂHCHETTE.
Madame, ça -sont les filles du bourgs qui yien-
Beat TOUS pi^ésenter des fleurs.
lX comtesse, serrant vite son ruban*
Ellbs sont- charmantes : je me reproche, mes
belles petites , de ne pas tqus connoitre toutes.
{JULontcant Chérubin.) Quelle est cette aimable en-
fant qui a- Fair si modeste ?
UNE BEROiaE..
C'est une cousine à moi, madame, qui n'est ici.
que pour la noce.,
LA COMTESSE.
Elle est jolie. Ne pouvant porter ving^ Ijou-
qttets, faisons honneur à l'étrangère. ( £//e prend le
bouquet de Chérubin et le baise au front* ) Elle en
rougit. {A Suzanne.) Ke trouves-tu pas, Suzon....
qu elle cessemble à quelqu'un ?
SUZANNE..
A sj méprendre, en vérité.
CRÉnuBiN, à part, les mains sur ion «eiir^
Ahl ce baiser4à m'a été bien loini
ACTE IV, SCÈIÏE Y. a8i
SCÈNE V.
» _
\^l^%. JEUBXS riLUESy CHÉRUBIN au. miiieu d'elles,
FANCHETTE , ANTONIO , ' LE COMTE ] LA
COMTESSE, SUZANNE..
AlTTOVXO.
Moi je vous dis, monseigneur, qull j est; elles
Tont habillé chez nia fille; toutes ses hardesy sont
encore, et voilà son chapeau d'ordonnance que
j*ai retiré dn paq^t. (Il s'avance, et regardant
toutes les filles , il reconnoU Chérubin , lui enlève son
bonnet de femme , ce qui fait retomber ses. longs che"
veux en cadenette. Il lui met sur la tête le chapeau
d' ordonnance ,' et dit : ) Eh! parguenne, vlà notrq
officier..
L A. C O M T E s s E , reeif/<|Af «
Ah! ciel!
sozAirif^E.
Ce friponnean!
AVT09I0.
Quand je disois là-haut que c'etoît lui^**.
LE COMTE, en colère.
Eh bien , mad^e ?
LA COMTESSE.
Eh bien , monsieur ! vous ipe 'vojes. plus stir»
prisè que vous, et pour le moins ausa^i fil^hée.
LE COMTE.
Oui; mais tantôt , ce matin?
a4-
aSa LE MARJAGj: D£ FJGÂRO.
^ LA COIITSSS£*
Je serois coopabie en effet, si je dissinmlou eo-
eore. Il étoit descendu chez moi. Nons entamions
le badinage que ces en&nts viennent d'acheTer;
Tons nons ayex surprises rhabillant tNotie pre-
mier mouvement est si vif! il s est sanré , je me
suis tronblée ; l'efitM ^néral a frit le reste.
LE COMTE, av0c dépit, à Chéntbim.
Pourc|^uoi n'étes-Tons pas parti ?
c^cHV B m , ^Idjil son chapeau énu^acmeaf.
H.onsei^enr.... ^
LE COMTE.
Je punirai ta désobéissance.
FfA. ■ c H E T T E , étouniimenL
Ah! monsei^eur^entendei-moi. Tontes les foi»
que TOUS venez m'embrasser, vous savez bien qoe
vous dites tqujji^prs : « jSi ^q veux m'aimer, petite
f< Fancbette, je te donnerai œ que tu voudras, n
LE COMTE, rOUqUsaHt.
Moi, j'ai dit cela?
FAHCHETTE.
Oui , monseigneur : au lien de punir ChérnhiD .
idonncs4e moi en mariage -, et je vous aimerai à la
folie.
ES COMTE, à part
Etre ensorcelé par ub page !
fcA COMTZSSe.
Eh bieM% montîoir! à votre tour; l'aven de
cette enlànt, anasi n«if *qaeie mien, atteste enfin
deox vérités; que CfiSMOVJqnn MB» k jroiiloùr> >*
ACTE IV, SCÈNE V- . a83
je vous cause des inquiétudes , pendant que vous
épuisez tout pour . augmenter et justifier^ les
miennes;
ACTTOETIO.
Vous fltissi, monseigneur? Dame! je yons la re^
dresserai comme feu sa mère, qui est morte.... Ce
n'est pas pour la conséquence ; mais c'est. que ma-
dame sait inen que les petites .filles, quatad elles
sont grandes....
I. K COMTE, déconcerté, à patU
lll y a UB mauvais génie qui tourne toiit ici
contre moi.
SCÈNE VL
Les JEUNEs.FiLLES, chérubin, ANTONIO,
FIG^fi^p, ^E COMTE, LA CO^T^SSE
SUZÂNI(^.."
s
FIGAaO.
Mon sEionEUR, si vous retenez nos filles, onne
pourra commencer ni la fête ni la danse.
LE COMTE.
Vous, danser! vous n'j pensez pas.:ApvfB votre
chute de ce matin ,. qui vous a Joule le pied droit.
Je souffre encore un. peu; ce n'est rien. (Aux
jeunes fiUes. ) Allons , mes .belles , allons*
LE COMTE, le retour liant.
Vous avez été fort heureux que ces couches ne
fussent que du terreau bien doux !
a84 ILE MARIAGE DE FIGARO.
FIGABO.
Très heureux, sans doute; autrement....
AVTOVio, le retournanU
Puis il t'est pelotonné en tomlMiit jusqu'en bas.
FIGARO.
Un plus adroit, n'est-ce pas,;seroit resté en
Tair? {Aux jeunes fiiies.) Yenez-yous , mesdemoi-
selles? .
ANTONIO, /« reiournani,
!Et pendant ce temps le petit page galopoit sur
son cheval à Séville?
FIGARO.
Galopoit, ou màrchoit au pas...
L-E COMTE, ie retournant-
Et vous aviez son brevet dans la pocbe?
FIGARO, un peu étonné.
Assurément, mais quelle «nquête ? (Aux jeunes
fiUes, ) Allons donc , jeunes filles t
ANTONIO, attirant Chérubin par te bras^
En voici une qui prétend que mon neveu fotnr
n'est qu'un.menteur.-
FiGARo, surprit*
Chérubin?.. i(u^ part,) Peste du petit fcti
ANTONIO."
y es-tu maintenant?*
FIGARO, cherchant»
Jj suisJ.,.,! j'j suis.... Eh! qu'est-ce .qu^ii
ichante?
ACTE IV, dÇÊNE VI. a85
. i.£ coMT^E^ sèchemenU
H- ne chante pas ; il dit que c e^rlui qui a santp *
sur les giroflées.
FIGARO, rêvant, «
Ah! &'il le dit.. ..cela se peut : je ne dispute pa^
4e ce que j 'ignore..
LE COMTE.!
Ain^i vous et lui?..
FIGARO'
Pourquoi non? la rage de sauter peut gagner :
ypy«z les moutons de Panuige; et quand vous êtes
en colère , il n j à personne qui n'aime mieux ris-
quer...
LE COMTE..
Comment \ deux à la fois. . ..
FIGARO.
On auroit sauté deux douzaines; et qu.*est-ce
que cela 'fait , monseigneur , dès qu'il nj a per-
sonne de blessé? (Aux jejines filles, î) Ahçà! vou-
lez-vous venir,, ou- noi\?
LE COMTE, outré,.
Jouons-nous une comédie?
' {On entend un préludé de fanfare,)
FIGAHO.
Voilà le signal de la marche. lA y^s postes , les
belles , à vos postes. Allons., Suzanne , donne-moi
le bras.
( 9ous/ enfuient. Chérubin reste seul la tête baUsjéé,)
»89 LE AlAaiAGE DE FIGARO.
SCÈNE VIL
CHÉKUBIîf, LE COMTE, LA COMTESSE.
i E COMTE, regardant aller Figaro,
Ék voit-on de plus audacieux? (Au page.) Pour
rous, monsieur le sournois, qui faites le honteux,
allez vous r'habiller bien vite ; et que je ue vous
rencontre nulle part de lâ soirée.
LA COMTESSE.
f ■
Il va bien s'ennuyer.
CHÉRUBIN, étourdimenU
M ennuyer? J'emporte à mo-. front du boubeur
pour plus de cent années, de prison. (,Il met son
chapeau et ê'enfaiu) ^ y
SCÈNE VIII.
LE COMTE, L'A COMTESSE.
(La comtesse s'évente fortement, sans parler.)
LE COMTE.
Qu'a-t-il au front de si heureux?
LA COMTESSE, avec embarras.
Son. . . . premier chapeau d'officier, sans doute ;
aux enfants tout sert de hochets. (Elle veut sortir,)
le COMTE.
Vous ne restez pas , comtesse?
LA COMTESSE.
Vous savez que je ne me porte pas bien.
LE COMTE.
Un instant pour votre protégée , ou je voui
croirois en colère..
ACTB IV, SCÈNE Vin. 287
l'À COMTESSE.
Voici les deux noces, assejrons>nous ^onc pour
les recevoir.
LE coviTE,' à part.
La noce! il faut souffrir ce qu'on ne peut eni'*
pêcher.
( Le comte et la comtesse s'asseyent vers un des côtés
de la galerie. )
SCÈNE IX.
LE COMTE, LA COMTESSE, assUj l'on jçue lei
folies d* Es pagne d'un mouvement de marché
M ABQRE..
LtB GARDES-CHASSE, fusU sur l'épàùlè.
L'ALGCAzn.. Les pbud'hobimss , Bnis'oîsON.
Les patsaks et patsaeines en habits de fête.
Deux jeunes pilles portant la toque virginale à pltoneé
blanches. r^
Deux autres , le voile blanc.
Deux autres , les gants et le boucpiet de côté.
Avtoujo donne la main à Suzanne, comgie étant celui
qui la marie à Figaro.
D*AUTRES JEUNES FILLES portent unc antre toqae , un
autre voile, un autre bouquet blanc, semblables aux
premiers , pour Marceline.
Figaro donne la main à Makceline, comme celui qiû
doit la remettre au docteur, lequel ferme la marche ,
un gros bouquet au côté. ï^s jeunes filles , en passant
devant le comte , remettent à ses valets tous les ajus'
tements destinés a Suzanne et k Marceline.
a88 LE MARIAGE DE FIGARO.
Les PÀTSAiis et pAtsAmiEs s étant rangés sur deux oo^
lonnes à chaque côte du saloD^ on danse une .reprise
du fendango avec des castagùéttes : puis on joue la
ritournelle du duo, pendant laquelle AaTovio conduit
StTZAHHE au coaiTE ; eHe se'met à genoux devaut lui.
(Petidant que le comte lui pose la toque, le voile , 'et lui
donne le bouquet, deux )eunes filles chantent te duo
suivant ': )
« Jeune ëpouse, chantez les bienfaits et la gloÙ!^
« D'un maître qui renonce aux droits qu'il eut sur vous.
« Préférant au plaisir la plus nohie victoire,
a U vous rend chaste et pure aux mains de votre époux. »
StJxAiniE est à genoux, et, pendant les derniers vers du
jàjOQ, elle tire le coWte par son xoanteau et lui montre
le billet qu'elle tient : puis elle porte la main qu'jeUe s
du côté des spectateurs, à sa tête, où le comte a Vair
d'ajuster sa toque; elle lui donne le billet.
Le comte le met furtivement dans son sein; on achève de
chanter le duo; la fiancée se relève, et lui fait une
grande révérence.
FioABo vient la recevoir des mains du comte-, et se
redre avec elle, à l'autre côté du salon, près de
Mabcelihe.
(On danse une autre reprise du fandango, pendant ce
temps.)
Le comte , pressé de lire ce qu'il a reçu , s'avance au
bord du théâtre et tire le papier de son sein ; mais en
le sortant il fait le geste d'un homme qui s'est cmel-
iement piqué le doigt; il le secoue, le presse, le suce»
et, regardant le papier cacheté d'une épingle, il dit :
ACTE IV,vSCÈNE IX. sd^
i\ COHTE4
(Pendant quH parle, ainsi que Figaro, IV^rdiestre foiuf
jHanissiîQo.)
Diantre sdit ides femmes, qtii fourrent de«
épingles partout! (li la (etu à terre, puU U lU ié
billet et le haise,)
FiQjLtiOjquia tout vu, du à $a %ere et à Suzahne :
C'est un billet doux, qu'une fillette aura glissé
dans sa main en passant. Il étoit cacheté d une
épingie , qui Ta outrageusement pi^ué.
(La danse reprend : le coote, cpii a lu le billet, le re-f
retonnife; il y voit l'invitation de renvoyer, le cadiec
pour réponse. Il cherche à teire, et retrouve en^
Vifiùi^t qu'il attache à sa manche.)
F I G A a cr , à Suzattne et à MarceUne.
D'un objet aimé tout e^t cher. Le voilk qui ra-
masse l'épingle. Ah ! c'est une drôle de tête I
(Pendant ixl tem}», Suzanne a dès signés dUntelligeneé
avec la comtesse. La: danse finit, la ritournelle du duo
recommence.)
(Figaro ôCHidùit Mabceliné im comte, ainsi qu'on a
conduit StJZANNE; à TinstAnt où le comte prend la
toque, et où Ton va chanter le duo, ob est inter^mpu
pft^ les cris suivants : )
i^' HUISSIER, criait t à la,porte.
Arrêtez donc , messieurs , vous ne pouvez en-
trer tous^^.. Ici les gardes, les gardes.
{Le$ qar4ei vont vite à cette por^,)
rlicjlkre. Cofnédica* l4- Sr5
3^ tK JIARIAG£ D£ ^IGA&O.
LE c&MTX, se^UvatU*'
MoQseigncnTy c'est M. Bazîle «ntoaré 4'Uii ril-
lag« entier, parce qu'il chante en marohaiiu
LE COMTE.
Qu'il eQtre seui*
LA COMTESSE.
OrdoV^Weic^iâibi d^ ihè Vetfi^K
' LB CtJTitl'IS.
' Je n'oubïib pas ybVrb I^6tiplaisanc9«
Bozaàne?.. Elle veratk^kfSL.^fApArî, à Smanne.)
Alkms efaatig6r d'faabitî. «
{Etksort àvetSttïannfi.)
MAECELIVÉ. ,
Il n'arrive jamais xpie pournoire.
FIGARO.
Ah! je m'en yais vous le faire 'décbanteti
SCÈNE X.
Tous uïs lACTEuns FfiécÉDEiTTS, excepté ta com-
tesse et Suzanne; BAZÏLË, tenant sa -^nUan;
GRIPE-SÔLEIU
BAZILE entre en chantant surfait du VVUàê^lik di
4a fin.
Cteurs sensibles , cœurs fidèles .
Qui blâmez râmôur léger ,
Cessez vos plaintes cruelles ,
Est^^ceun^crime de changer? :
ACTE IV^ SGÈKE X. 119X
Si l'amour ports dei âks,
N'est-ce pas pour toUigér ?
N'estrç^ pas pour volôgçr ?
H'est'ce pas pour -voltiger?'
F I &A n o , l'avançant à iuL
Oui , c'est pour cela justement qu'il a des ailes
* au dos; nôtre ami-, qu entendez-TOUS par cette mu-
sique?
BASILE,' jHonlriNil GHfer-SotéiL
<2u*aprés avoir pcouyé mon obéissance à mon-
seigneur, eu amusant monsieur, qui est de sa
compagnie, yt pourrai, à mon tour,' réclamar sa
^stice^
OA-IVE-'SOft^SI..
Batt! monlBigttou, il ne m'a pas amusé du tout ?
avec leux guenilles d'ariettes^.;. '
1.% cows.
EnfiO'^ que demandez-TOus , Bazîie? *
Ge qui m'appartient , monseigneur ^ la Jiiaiu de
tlarceline.; et je viens a»*oppeser....
^ rxGA»e , s'apptùhhtmi.
T a-t-il long^temp» que toouMeur n*a vu la fi-
gure d'un Ibu? •
«▲affala
Housieut , eu ee moment mèm*<-
Puis^pse''«Mlt:yeaBa wov» aenresc tk ^ie& de mi-
roir , étudiez-j l'efiitf de ma prédrction. Si vous
laites miueeéideineac d'a|i;^roxtmer madame....
««
%ff2 tE MARIAGE 0£ FIGARO.
9 A R T B o KO , en rionf .
Eh ! pourquoi ? Lais8e-4e parler»
bbid'oisov, t'ai^an^ant , ejiliv detup,
Fau-aut-il que deux amis ?....,
- Fxoi^ao^
Nous anus !
aAi;i|.B« '^
Quelle erreur l
ra^Ano, vUe^
Parce qu'il fût de plata airs de ehaptUe?
BAsiLB,'i;ile.
Et lui , des v«rs cçmme un joun^i?
FIGABO, vite.
ïJn musicieii à& gm&guette !
pQ p08tjll/>ii degttUBtte !
F|GABo,j;ife»
Cuistre d'oratorio]
BAïllKy im(«^
Jockey diplf^matique:!!
. JnsoIeQts tons le» deux.
3A&IIrB.
Il me manque isn toute occasion.
.vs<^A&o.
C'est bieo dit v-St cela ^ pouroit»
s -H'AXlIIiS.
Disant partoaiA^qu^ je ne srâ.qnjiiii<«0(t
Vous 'me pren^ dioAC poj^ «n 69IMK?
ACITE IV, SCÈIIÏE %. 293
Tandis qu'il q est pas un chanteur que anoQ ta;>
lent n'ait fait briller.
Brailler. . . .
• >
BAziLKf
^ Ille répète. . i .,-
iriGARO.
Et, pourquoi npu, «i cela est vrai?, Es-tu un
prince , pour qu^on te ^agorne ? Souffire la vérité ,
, coquin! puisque tu n'a pas de quoi gratifier un'
menteur : ou si tu crains de notre part , pourquoi
viens-tu troubler àos.'no^es?
B Az I LE , à Marceline.
M^vezrvoi» p^mis,oui ou non, si dans quatre
ans, vous n'étief^^jp^s pourvue^- de me donner la
préférence?
MABGEM9E.
A quelle condition }'ai-je promis ?
BAZILE.
Que si voufi retrouviez un certain fils pêrdfi , je
l'adopterois par coBiplaisance.
T0V4 ENSEMBLE.
Il est trouvé.
BAZXtE,. ' ^i ■
Qu'à cela ne tienne. , î .
TOUS ENSEMBLE y montrant Figan>» '
iEt le voici.
BASILE, reculant de frayefir»
J*ai vu le diable.
a5.
o$j LE-MAfilAGE DE FIOAllO^
B n I !>' o I s tr A , À Bati/^»
' Et* "^ù-éus tenoncez à ts. chère mèie«
BAZILE.
Qu j auroit-il de plus iftéfiienz que d être crtt le
père d'un garnement?
' rtOAiio.
D en être cru le fils ^u te moques de 1110U
B ▲ z I L £ , montrant Figaro..
Dès que monsieur' est ^e quelque chose ici, je
déclare, moi, que je n j suis plus de rfem
{Il sorti)
SCÈNE XL
l£S AGT)^URS FKËCÈPENIIS; Wiepté BwU.
BA]lTHOLO,«tilitf.
ÀHÎahUhraki
' F I G A 11 o , fautant de joltm
'Donc à la fin j'autaî<ma fetnme.
l£ comte, à part*
Moi, ma' maîtresse. {Il se téi^e»)
BRiD*oisoN, à Marceline» "*
Et tou-out le monde est sdtrsfait» ^ ^
LE COMTE. ^
Qu on dresse les deux contrats f'jj si§p[ierai.
' % TOUS ENSEMBLE.
Vi9ât! {Ils sortent,)
LE COMTE.
J'ai besoin d'une iieure de retraite.
(1/ veut sortir açieéiês aafrer.)
AOTS IV, SCËNB XII. a^S
SCÈNE XU.
GRIPE^OLEIL, FIGARO, MARCSLIITE^
LE COMTE.
oHiPE-soLEiL, à Figaro,
£r flioi , je vais aider à ranger le £ea d'artifice
•OQ9 les grandsfmarronlerB , comme on la dit.
iiZ COMïs retient «Il eourantm
Quel sot a donné un tel ordre?
FIGARO,.
Où est le mal?
LE COMTE, vivement.
Et la comtesse qui est incommodée, d*où le
verrâ^t'^lle, l'artifice ? C e^t sur Ja terratse qa'il le
faut, vis-à-yis son appartement.
rioAno.
Ta l'entends, Gripe-soleil ? la terrassiu
tZ CO.MTE.
Sous les grands marroniers ! belle idée! (En
een allant , à part.) Ils alloient incendier mon ren«
dez-YOus.
SÇÈN^ XllL
FIGARO, MARCGLINE.
FjiaAaor ^ ^ ,
QuEA excès dattention pour sa £smme!
' ' (Il veut sortir»)
aiA|ioni««) VartrMaM-
Deux mots , mon fils. Je veux m*acq[iiitter ftvee
%g$ LB MARIAGE JTZ FIGARO. '■
toi : an sentiziient mal dirigé .m ayoit rendu in-
juste envers ta charmante femme : je la supitosois
. d'accord avec le ^omte^y^uoiquîe j eusse appris de
Bazile ^u elle layoît toujours rebuté.
Fl&ÀAO,
Vous connoissiez. mal votre fils, de le croire
ébranlé par œs impubiotis féminines. Je pais dé-
fier la pliift rusée de, m'en faire aceroirc
WARCELINE.
Il est toujours heureux de le penser, mon fils^
la jalousie...
FI&ARO.
, . . N'est qu un sot enfant de l'orffueil , ou c'est
la maladie a un fou. 6h! j'ai là>dessus , ma mère .
une philosophie. . . . imperturbable ; et si Suzanne
doit me trom|>er xm^ jour, je le lui pardoBi^e d a-
vance ; elle aura long- temps travaillé...:, (li êe re*
fourbe et apprçoU fançheltt, tful cherche 4e calé et
d*autre^)
SCÈNE XJV.
FiGAHo; fanchette; Marceline.
riGAao«
x!esb!.,^ ma petite cousine qui noua écoutd.
FANGB^TiTS»
Oh » pour ja, poi| ; on dii.qaq c*e»t malhoii*
néte^
ACTE rV, SCÈIÏE XIV, ^97
FIGARO.
il est vrai ; mais , comme çe)a est uti)e ^ oi| fait
aller souvent, Tun pour l'autre,
FANCHETTE.
\
Je r^gardois si quelqu'un étoit là,
FIGARO.
D^ja dissimulée, fripon^e! vous savesi^ bien
q^'il n'y peut $tre,
FASCfl^TTE»
Et qui donc?
rioAaô,
Chérubin.
FAjIGHETTE.
Ce n'est' pas lui que je cherche , car je sais &rt
bien où il est ; c'est ma cousine Suzanne,.
fioaho.
Et que Iu| yent ma petite cousine?
FAVCHETTE.
A vous, petit coi^sin , je le dirai. -^^ C'est.... ce
n'est qn une çpingle que, je vais lui remettre.
FIGARO, vivement. ■
, Upe epiojgle I une épingle !.... et d^ quelle part,
coquine? à votre ^ge vous faites déjà |in met......
(li se reprend et dU d'un ton do(tx,) Vous faites déjà
très bien tout ce que vous entreprenez, Fanchette;
et ma jolie cousine est si obligeante . ,\
, FARCHETTE.
AqiU donc en â-t>il de se fâcher? je m'en vais.
vicKno, l'arrêtait.
Kou , non , je badii^e *, tien^ , ta petite épingle
sg9 LE M^ARfÀOË 0É FÎGAÀO;
est celle que nonsefgneor t*a dit de remette h
Slazanne, et qnt sertoit II cacheter Ub petk papier
qu'il tenoit; tu vois que je suis attfak«
FABTCBETTE.
Pourquoi donc le demander , qpaaâ tous ïù sa-
vez si- bien ?•
rioAao, ckerchanU
C'est qu'il est aesseï gai de savoir comsieQf
monseigneur ifj est pris pour t*en donaer la com-
mission.
fAircHETTB, MÙifemenU
' Pas autrement qtie tous le dites : (cl*i«n#, petite
(c Fancliette rends cette épingle à ta belle cou-
Il sine , et disant sefdement que c'est le caobet de»
<( grands marroniers. »
TIGAR0<^
t)es gratfds. . . .
I TAirCâBTTÉ:
(t Marroniers. » H' est vrai quH ir apoté :
« Preûds g^Tde que perkonnetic te.Toie< y>
YiOARO.
Il faut obéir ; ma cousine : heureftsemeitt per-»
^nné ne Tbtis af TirCé Faites donc joliment TOtre
conrmiftsion; et n'en dites pas plus à Suzanne ^ que
inonseigt»eur n*a ordonné.'
fAirGBETVE.
Et pourquoi lui en" dirois-^e? il me preirà pOU9
Un en^nt^mobcotisin. V •
{EHesortemautant*)
ACVE IV, SCÉKJE XV, • «${9
SCÈNE XT/
FIGARO, lHARC'ELmC,
FiaAAQ,
£b bien , ma nière ?
Eli bien 9 mon fils?
rioAROy (fonune étouffer
four celuifci! . • . il j a véiellement des'chosa» j ^ ^
U jr a des choses! héï qp^e$uce ^a*il j a?
vi^kKOf les mains sur ta ^çitritie. . ,
Ce que je viens d*entendre ,.ma mère^ je l'ai 1)|
coinm<e un plomb»
MAa«£i.iiiE, rianir
C« coeur plein d'assurance «'écpit donc qu'uii
ballop gpnâé? une ipingle a touit &it parti|,. ,
^Wii^A^.Of.. furieux.
Mais cette épipgb^ mapèjr^, esf celle qu'il ^
ramass4,e. . .
MABCELINE, rappelant ce (jiu'ii a dit^
La jalousie? 'çiiï.f ai là -dessus , ttia mère , une
philosophie... imperturbable ; et si Suzanne im'at-
trape un jour ,' jt lelui pardonne, i .,
f, jiiiiiÂULO, vivement,, ■
. . . , Qlîl J.ma m W , on» parle cc^nme ojx sefit : ^
i0 >pl?is jglacé d^s juge^f à p^ider da,nî$ M.pi^oprf
c0fa§Bii et. Y4^yi9*nle e^lfi^uer ia loi. ->-r Je nç. m e-
|0«^«^}l^»41^<oU t^mid'iwïg^.fur ce ieu! —
3oO LE MARIAGE D£ FlèTARO.
Pour la migiioiiiie aux finet épingiet , elle n^enest
pas ou elle le croit, ma liièfe, avec ses màrro-
niers : si mOn mariage est assesbfait pour légitimer
ma colère ; 'en revanche , }i ne Test pas assez pour
que )e n'en puisse épouser line autre , et Taban-
donner. « »
MAttCELXnE.
Bien conclu ! abimons tout sur un soupçon^
Qui t'a prouvé, dis -moi, que c'est toi qu'elle
joue , et non le comte ? L'as-tu -étudiée dé nou-
veau pour la condamner saiis appel? sais-tu si elle
se rendra sonil les arbres, à quelle intention elle j
va , ce qu'elle j dira , ce qu'elle j foa ? Je tt
lirovois pltis fort en jugement.
p I o A n o , tut baisant la main avec resfieeL
Elle a raisdn , ma mère , elle a raison , raison ,
ioujoui^ raison! Mais, accordons, mainati, quel*
que chose à la nature ; on en vaut mieux aj^rès.
Examinons, en effet, avant d'accuser et d'agir. Je
fais où est te rendez^vous. Adieu , ma mère.
(Usori.)
SCÈNE xyi.
M A.R CELINE, «ea/f.
Adieu : et met aussi, je le sah. Après l'avoir
iitêté , veilloh^ sur les' voies de Suzanne ; otr ][kln-
tdt avertissons-la; elle est si jolde créature! Ah{
quand l'intérêt* penonnel ne nûu» arïne pas les
nnés cottiv^ leV aàttes , néxkâ Maak» tdutM poi^
■; — r-
ÂCrE IV, SCÊ^E XVI. 3oi?
fées à sontenir notre pauvre ^^e opprimé , contre
ce fier, ce terrible.*., («it rianl) et pourtant un peu
ni|^ud de sexe masculin*
(EUê9orU)
PIS BV QOATmikMB ACTBé
<
I
ACTE CINOtJlÊME,
ts théâtre raprisente une salle de marroniers,
dans un parc; deux pavillons kiosques, ou
temples de jardins, sont à droite et à gauche;
le fond est une clairière ornée , un siège de
l^aton sur le devant Le théâtre est obscur^
■«r
SCÈNE I.
• • * t
Fi^NGHETTE, seule, UmnSd^imâ nudH dear
biscuits et une orange, fii d§ fauXte une lanterne
4e papier allumée,
DWv» le payiHon à ^a»ché , a-t-il dit. G est celais
ci» " — S'il alloit ne pas yenir à présent; mon petit
rôle. ... Ces vilaines ^ns de l'office qui ne you-
loient pas seulement me donner an,e orange et
deux biscuits i — .Pour qui , mjftdemoiselle ? — Eh
bien ! monsieur, c'es$ pour qu^elqu^un, — QJi !
nous sayotts. ^-f* Et quand ça seroit : parce que
monseigneur ue yeut jpas le yoir, faut-il qu'il
meure de faim ? — Tout ça pourtant m'a coii|:é un
fier baiser sur la joue... Qujb sait-on? il m^ le ren-
dra peut-être. (£//e voft Figaro qui vient l'exami-
her; elle fait un cri.) Ahl.,(£(/e ^enfuit, t elh entre
dans le pavillon à sa gauche*)
•■\ •
lE iÙLHiàGÉ, etc. ACl% V, SCÎJtE II. 3oS
SCÈNE IL
9 1 G A R O/an qrandi Aianteau $uf les épautei, Un
large ckapeau rabnttu; BAZitË, ANTONIO,
'' BARTflOLO , BRID OISON, GRIPE-SOLEÏL,
TtfOUBE BE YÂLETS ET Dt TRÀYAXIiLETTRS.
r I ç AU o ^ d'abord teuL
€*^EST Fànchette ! (|I/ parceurî d€s yea» lei atttre$
à mesure (j^'its arrivent, et dU d'un ton farouche : )
Boiayoàt, messieurs ; bon soir c ôtes-rous tous tci î
^ '»Azii.e.
€eitz q^e %VL at pteatét-d'y Vtfbtf/
QtuMt heant «st-il bien k pcrU pirtt ?
4H T ov I G , regftf^dtftiC en tùir»
La lune deyroit ét«e lëy^e.
BASTHOLOf
£b! quels noirs apprêts feis-ttt ^dottc ? U tf t W
^iih ooufpîtatear*
FIGARO, s'agiéant,
N'est- de pas pour «ne noce , je vous prie , qutf
«trous êtes tassemblés au château?
J ' • Bmin'oxsoBr^
Céi-ertaioeintiit.
A^q«bftiO.
Nous allions là basi, dans le paré, att«9âte uir
signal pour ta fête. '
'VIOARO*
Vous n*îre^ pas plus loin, messîettt»} c'est idf«
3o4 LÉ MARIAOIS P£ FIGARO^
sous ces marroniers que nous devons tous celé-
hvev rhonnête fianoée que j'épouse, et le loyal
seigneur qui se 1 est destinée.
« A 9 1 L £ ', f e rappelant la journée.
Ah ! yrain|e^t , je sais ce que c'est. Retirons-
nous , si vous m'en cro jez ; il est question d uq
rendez-vous : je vous conterai cela près d'ici.
HB I d'c^x s o Xf , '<3f i^'i^aro.
ffoiirpu» T«viénÂpons.
PI<|ÀRO.> ^
Quand vpps m'entendrez appeler, ne manques
pas d'accourir tous, et dites diTmal de Figaro, s'il
ne vous fait voir une belle chose^
BA&THQLO.
Souviens-toi qu'un homme sage ne se &it point
d'affaire avec les grands.
FX&ARO.
Je m'en souviens.'
BAXITROZ.0*
Qu'ils ont quinze et bisque sur nous , par leur
état.
• 4
1
FIGARO.
SanI leur industrie, que vous oubliez. Mais
spuyenez-Yous aussi que l'homme qu'on sait ti-
mide , est dans la dépendance 4e tons les fripons.
BAjRTBOLO.
* Fort bien.
FXOARO*
£t que j'ai nom de Veiie-Ailure, du chef honoi^
4e ma mérf.
ACTE V, SCÇKE II. 3o5
BASTHOLO,
li a lé diable au corpft. ,
I-illa.
nAf>lLZ,à part.
Le comte et sa Suzanne se sont.airangés sany
moi? Je ne suis pas fâché de Talgarade.
F I G AR o , aMX va/ets.
Pour vous autres, coquins, àq:ui..j*ai donné
Tordre, illuminez -moi ces entours; ou, par la
mort que je voudrois tenir aux 4e|nts, si j'en saisis
un par le braS...(iV 5ecoue le bras de Gripe^&oieiL)
G B I PE-s o LE IX s'en va en triant et pleurant»
A , ^ , o , oh l damné brutal !.
B A z I L s , en 5 en allant»
Le ciel vous tienne ei| joie, monsieur du marié!
(Ils sortent*)
SCÈNE III.
FIGARO, seulf^e promenant dans V obscurité , dit
du ton le plus son^bre*
Oh! femme! femme! femme! créature foible et
décevante!... nul animal créé ne peut manquer à^
son instinct; le tien est-il donc de tromper?....
Après m'avoir obstinément refusé quand je len
pressais devant sa maitresse , à Tinstant qu elle me
idonne sa parole, au .milieu même de .la cérémo-
nie.... Il rioiten lisant, le perfide! et moi, comme
un benêt !.... Non, monsieur le comte vous né
. a6.
^o6 LE MARIACÈ DË.f l&ARO.
l'aurez pas.... vous ne Tautez pas. Parce qa6 Tons
êtes un grand seigneur, tous vous croyez un grand
génie ! . . . noblesse*, fbrmne , un rang , des places ;
tout cela rend si fier ! qu'ayez-Voùs fait pour tant de
biens? vous vous étés donné la peine de naître , et
rien de pins : du reste , 'bomme a^sez ordinaire!
Tandis que moi , morbleu ! perdu dans là fonle ob-
scure , il m'a fallu déployer jitus de science et de
calculs pour subsister seulement, qu^on n'en a mis
depuis cent ans à gotivemer toutes lesEspagnes; et
vous voulez joute^. . . On vient. . . c*e]tft elle. . . ce n'est
personne. La -nuit est noire en diable , et me
voilà faisant le s6t métier de mari, quoique je tie le
sqisqu'à moitié. (2/ s'astîed sur un banc.) Est-il rien
de plus bizarre que ma destinée ? fils de je ne sais pas
qui, volé pat des bandits^ élevé dans leurs mœurs, je
m'en dégoûte et veux courir nne carrière bonnéte;
et partout je suis repoussé. J'apprends la cbimie,
la pharmacie , la chirurgie , et tont le crédit d'un
gX^nd. seigneur peut à peine ne mettre à la main
une lancette vétérinaire. -i^.Las d'attrister des
bétes malades , et pour faire un métier contraire ,
je me jette à corps perdn dans le théfttre; me fiis*
sé-je mis une pierre au cou ! Je broche une comé-
die dans les mœurs du sérail ; auteur espagnol , je
crois pouvoir j fronder Mahomet , Sans scrupule ';
h rinàtant un entOjé. ... de je ne sais où , se ]^laint
que j'offense dans mes vers la Sublime Porte, la
Perse , une partie de' la pttéCftî'île de Tlnde , toute
VÉg/pte, les ro/atrmes de^tdr(ià,; dé' Tripoli, de
- ACTE t, SGËK£MU. 3o«^
^trntt, â^jA^ret de Maroc ; «et vofl» ma ôomédie
ilâmbéé, |k^T Claire ai»( p^in^es maboipétaiii ,
dont^pas uti; jié'cMis, ne »ait lire, et qui noruB
metnrtifsseftât r^iiio^late , en nûusdiMiït: ChUnf
rfe'CWlteikr/^-**— 'île pottTrtnt 'avilir Fas{>Tit, on se
-reniée enlé^ttëlitaitfint. ^«^ Hits joues creU«oie«t ;
mon tème étoit écfku : je yejbis de* loin arrr^er
l'affreux record i la ptnme fichée cblns sa porriKjUje;
enMraissant'fe-nf'éTertue» fl s^Vè une question
9ur la natutè des TiehtoMesi «tnconiBie' il Wètft pas
néeessaîre de tenir les choses pour 'en raisonner,
n'ayant pas' un sou, j'^rîs attr^ldvàlielir'^e l'ar-
gent , et Btftf' son 'produit nHjiilèC j« >y^M ,' du
ixind d'unfiaere-, baisser pouir moi -le pont d'^n
ckàteau ^rt, a i entrée duquéljejafîsaai' l'espé-
rance et la liberté, {li^e iève.)' Que je voudrois
Inen tenir un de ces puissants -d^^jMIre jours, si
légers sur le mal ^nlls .ordonnent, -^uand une
'bonne -disgrâce a <mTé M>n oi^g«eil2 je lui dirais....^
que les sottises impriniées -n'onj: d'importance,
qu'aux- lieux où l'on «n gène lé cours ; que sans la
liberté de (blâmer, il n'est point d*él<^ flatteur;
et qtr'tl.n'^a^qtieles petits 'boilmes qui redoutent
' les petits éctits. «-^(1/ se'ràêtUd:) Las de nourrir
un dbscut ^nsionnaire , on. me met un jour dans
la rue ; et , comme il iaut dtner , quoiqu'on ne soit
plus en priaon , je taille éneore ma plume ) et de-
. Inande à cbaeun de quoi il est question ; on me
dit que pendant ma retrtit^ économique , il #'est
établi' dans 'Madrid an sjstème de liberté sur H
308 LE MAHIAGB D£ FiQARO.
vente àe$ pxoductîoiva , qoi s «tend même à celles
de la pres»e ; et que , pourvu que je ne .pA^le en
mes éprits,iii de rantorité, ni du culte, ni de la
pglitique , ni . de la morale , ni des ge^^ en place^,
ni des corps en.çrédijt , ni de l'Opéra, ni; des autres
apeetaaleS) ni de p^sonne qi^i tienne à quelque
chose, je- puis tout imprimer libremenft, sous Tins-
pection de den^ ou trois c^^o^eurs. Pour profiter
de cette donce liberté , j'annonce- un écrit pério-
dique, et cvojant n'aller sur l^s bridées d'aucun
autre, je le nomme Journal inulUe. Poumon! je vois
s'élever contre moi mille pauvres diables à la
feuille f on me supprime, et me voilà de rechef
sans emploi! **->' Le désespoir m'alloit saisir ; on
pens< à moi pour une place , maispar malheur j'j
étoiSi propre : il fisUoit un* calculateur, ce fiit un
danseur qpil l/obtii^t. Une .me restoit plus qu'il
•voler; je me fais banquier de Pharaon : alors,
bonnes gens! je, soupe en ville, et les personnes
dites €O0i«t>e U. fiuU, m'ouvrent poliment leur
nuuson , .en retenant pour elles les trois ^quarts du
profit. J'au^ois bien pu me remonter ; je commen-
fois même à comprendre que, pour gagner da
bien, le savoir-faire, vaut mieux que le savoir;
ma|s comme chacun pillpit autour de moi , en exi-
geant que je fusse honnête , il fallut bien périr en-
cor^. P'Our le coup je quittois le monde , et vingt
brasses d'eau m'en alloient séparer, lorsqu'un
die,u bienfaisant m'appjelle à m^n. premier état. Je
f éprends ma trousse et mon cuir apglois; puis.
ACTE V, SCÈNE lll. 309
labsant la fîintée «iQX'Bpts qui fl*en nourrissent , et
la honte au milieu du chemin , comme uop lourde
à un piéton, je jtàs rasant de ville en ville, et je
vis enfin sans souci. Un grand seignçur passe k
Séville ; il me reoonnoît\ je le marie , et , pour prix
d'avoir eu par mes soins spn épouse , il veut inter-
cepter la .mienne ! intrigue , orage* à ce sujet. Prêt
k tomfier dans un ahime, au moment d'épouser ma
mère, mes parents m'arrivent k la file. (1/ 5e iève
en s'échauffant.) On se débat ; c'est vdus , c'çst lui,
c'est moi l' c'est toi; non ce n'est pas nous; eh!
mais qui donc ? (1/ retombé assis*) O biuirre suite
d'événements ! Copument cela m'est -il arrivé ?
Pourquoi ces choses et non pas d'autres? Qui les i|
fixées sur ma tête ? Forcé de parcourir la route ou
je suis entré sans le savoir» comme j'en sortirai
sans le Vouloir, je l'ai jonchée d'autant de fleurs
que ma gaité nie l'a permis; encpo^e dis mag>aité
sans savoir si elle est k moi^ plus que }e reste , ni
même quel est ce nmi dont je m'occupe : un as»^
semblage informe de parties inconnues; puis un
ohétif être imbécile; un petit animal folâtre, un
jeune homme ardent au plaisir ; ajant tous le^
goûts pour jouir; faisant tous les métiers pour
vivre; maître ici, valet là, selon qu'il plait à la
fortune ; ambitieux par vanité ; laborieux par né-
cessité; mais paresseux. .,. avec délices; orateur
selon le danger; poète par délassement; musicien
par occasion ;. amoureux par folles «bouffées : j'ai
tout vu». tout fait, tout usé, Piils l'Ulusion s*eàt
irô LE MfARiAâE DE F KSÀRCT.
^«traite , tt trof détabusé. . . . Désabuiié !... . SiifeOti,
Suson , SiAoïi 2 que f 4i me donnes de tourtaieiits t
'•i — J entend»' inar€he#<... on* rient. Yok» Tînstaiit
de la crise. ~
(U te retire pi'ié de la panière eotUiité à ea droke.)
SCÈNE IV.
ÈIGARÔ; tA COMTE*SSE, avec tes habits de
Suzon; SUZANNE^ avec ceux de la comtesse i
MARCELINE.
l^tAS^B , k^. Il la tùliiieiUs
Ovit flTAteeline tt'a dit ql^ Figaro y êttotit
Af A1ICEI.IVE.-
U 7 esi èit»9i 9 baisse la voix«
Ainsi l'un n6Us écoute^ et VmUé m tenir mtf
thereher; comipiençons.
MAHCELI^E.
P'onr n enf pafTpefdre un mot, je vais m^caobet
dans le payillonf ( Elle entre dans le papiUam ok est
entrée Fanehetie»)
SCÈNE. V.
tlGARO^t COMTESSE, StJ^ANNÊ.
svzÀ.)fJtZih^t»
MAnAKs-trentble! est-ce qn'ette auroît froid?
LA COKTESSByAmil.
La soirée est bnmide, je vais me retirer^
V
ACTE V, SCÈNE V. 3ii
SUZASVE, hai^L
fii madasne n'aroit pas besoin de moi, je preo*
«Lroift l'aîx.ttn moment sous ces «i^ras*.
LA COMTESSE, hautm
C est le ^evciB que tu prendra'-
. 8]ir^AH9rc, hanf,
fy sois tioiite faite.
■ FiaAAO, à paru
Ab ! oui , le serein !
( Suzanne se Jpet^tt pfisd^ ia potttis$fi} dtt çété ûppofé
àFUfàrà.J
. . SCÈNE VL ■ •
FIGARO, CHÉRUBIN, LE COMITE, Î-A
COMTESSE, SUZANNE.
(FigaTO et Suzanne retirés de chaque o4léi«wll0^dj^|UDt.)
jeH^liyBiN, eii fiattlt d'offifiier, arrive en chantani
g ala^nVta reprise de ^fiir 4.e ià romance, '
tA;ia,la;èkc.
J'avois une marraine
Que toujours adorai.
LA cpoiTjÇSSE., .a'pW.
te petit page! ' ^ .
^ CHÉ'avBiN, ^arréianû
On.^e promène f c^^^^s^oqs vite mon as,ilçr, ou
^ la petite Fanchette C'est n^e fém|ae ! ■ , ^
L A c o ijuc^u^ 1^ f. écoutant,
^hr grands dieit)f^!
3ia LE MARIAGE 0£ f IGARO.
GBÎaiiBiBi se ifaisse], en regardant de loin*
)tfe trompé' je? à cetce coiffure en plumes , qni
se dessine au loin dains le crépuscule, il me semble
que c'est Suzon^
lA COMTESSE, à part»
Si le comte arri vol t ! . . .
( Le comte parétt dans le fbnd. )
CB^BUBxa s'approche et prend la main de la com-
tesse j (fui se défend.
Oui , c'est la charmante fille qu'on nomme Su*
zanne : eh! pourreis^je m j méprendre à la dou-
ceur de cette main , à èe petit tremblement qui l'a
saisie, surtout atif battement de mon cœur! (Il
veut y appuyer te dos de la main de U cOù^esst} eDe
la. retire,)^
tA COMTESSE, boi,
Alle£^v(Hili>énv«
C^HiRÙBiii*
Si la compassion t'aToit conduite expi*ès dans
cet endroit du parc , où je suis caché depuis'
tantôt?
LA COMTESSE*.
Figsro va Tenir.
Z.B COMTE, s* avançant', dit à partm
K est-ce pâs'Suzanne^e j'aperçois ?
CHERUBIN, à la comtesse^ f
Je ne crains point du- tout Figaro , car ce li'est
pas lui que tu attende.
lA aOM'TSSSif.
^ Qui donc?
ACTE V, SCÈNE VI. 3i3
LE COMTE, à part» >
Elle est ayec quelqu'un.
, CHénOBiH^
C'est monseigneur, friponne, qui t*à demandé
ce rendez-Yous ce matin , quand j etois derrière le
fisuteuil.,
LE COMTE, à part, avec fureur*^
-C'est encore le page infernal!
Fi&ABO, à part.
On dit qu'il ne faut pas écouter!
BUzAHNE, à part»
#'etitbayard!
LA GOMTES'Slf, AU paqt»
Obliges->tnoi da^yous retirer.
ÊBiaUBIN.
Ce ne sera pas au moins saVi^ ayoir reçu le prû
Je mon obéissance.
LA COMTESSE, effrayée*
Vous prétendez. . «
G H £ R tr B I H , avec feu*
D'abord yingt baisers pour ton compte , et puia
cent pour ta belle maîtresse.
LA COMTESSE^
Tous oseriez?
CHÉRUBIir»
Oh! que oui, j'oserai; tu prends sa place auprès
de monseigneur, moi celle du comte auprès de
toi : le plus àtti^apé , c'est Figaro^
• > • < PioAAO, à part»
Ce brigandeau ! ^^
fTkiitM* Comédies. l4« 37
3i4 LE MAEIAGE DB FIGARO.
t SITZANNE, à paH^
Hapdi comme ua page,
^Chérubin veut embrasser la comtesse; le comte se
mêi ênÈre^ux et reçeit le baiser.)
lA coMTiPff&Eî seretirantm
Ah! ciel!
F I o A B o , à part, entendant le baiser^
J'épousois une jolie mignonne ! (Il écoute,) '
CBitLVBiv f tâtant tes habits du comte.
(A part.) C'est monseigneur. {Il s'enfuit dans i«
•pavUfon oU sont entrées Fanchette et Marceline.)
SCÈNE VIL
FIQARO,'LE COMTE, LA COMTESSE,
SUZ4N»E.
FIGARO, S* approchant.,
jEYais...
lE COMTE, croyant parler au page.
. Puisc[ue vous ne redoublez pas le baiser (Il
croit lai donner un soufflet. )
F I G A n o , qui est à portée, le reçoit*
Ah!
LE COMTE.
. . » Voilà toujours le premier pajf;ç.
F X G A i^ç| , à purt, s'éloi^e en se fr^titant la jou^»
Tout n est pas ^^ qou «pjua.ep. pfiQ^%K!9^U
SUZANNE, rimU tçut , Wl>» 4e Vautre coté.
Ahiah!ah!ahi .
Acte t, scène vu. 3i5
LE COMTE f à la comtesse, (fà'U prend pour Sutannci^
' £ntend-t-On qùetqne ch<>'se à ce pa^e ! il reçoit
le plas rude souffief^et s'en^it en éclatant de rire.-
i^iGAiiô> à parti
S'il s'aiffigeait de celui-ci î
lE côrsrt*. \
Comment! je ne pôlirrai faire ùii pas... (À ia
comtesse.) Marts laissons cette bizarrerie, elle em/-
pohoniieroit Te plaisir que j'ai de, té trouver dané
cette salle/
LA COMTESSE^ imitan t le parlef de Suzanne,
L'espcriez-vous ?
IÇ tOMTC.
Après ton ingénieux Itillet! (.1/ /fii pren^ h
neaiii.) Tu trembles?
L^ .ctfuiTjÊssai* ^
J'ai eu peur.
I>E COURTE.
Ce it*estpMponr te priver dtt.baiaer, ^ué je l'ai
pris. (Il la baise ttu frofit* )
LA COMTES SE«
Des libertés. . ,
. Coquine! <
avz.KSjnz^àparti
Charmai^te!
LB COMTE, prenant la main de sàfeHÙnéê a
Mais quelle peàa fine et d;ottee, et ''qu'il é>ft '
faut ^«le la comtettè ait la main Aussi belhl
9i$ LE M AlilAj&E DE FIGARO«
% A COUTES s^ y à part.
Oli2 U préyention!
i;b C0MT£.
A^t-elle ce bras fernici et rondelet ^ ces jolii
doigts pleins de grâce et d eq>iéglerie?
LA COUT zss^j 4ç ta VQUf 4c Suzanne^
Ainsi l'amour? 4. (
LÇ COMTE.
L'amour. . r B*est que le roman di|,cœur : c'est la
plaisir (jai eu est rhistoire ; il m'amène à tes ^e«
DOUX»
LA COUTBSSE.
Y0U8 ne l'aituez plus?
LE COMTE.
Je Taime beaucoup ; mais trois an^ d'unioi^ rea^
dent rhjmen si respectable!
LA COMTESSE.
Que vouliez-yous en elle ?
LE coscTEy ia caressant.,
Ce cpe je trouve en toi , ma beauté...,
LA COMTESSE..
Mais dites donc.
LE COMTE.
, .... Je ne sais : moins d'uniformité, peut-être}
plus de piquant dans les manières ; un je ne sait
quoi, qui fait le charme ; quelquefois un refus, que
sais-je? Nos femmes croient tout accomplir en
nous aimant : cela dit une fois, elles noua aiment,
nous aiment! ( quand elles n<$us aimex^t, ) Et sont
si compl^santes , et si coiistamioeAt obligeantes ,
ACTH V, SCENE VlJ. 3i7
et toujottr9,^t fans relâche, qu'on e/»t tont surpris,
un beau t^h , de trouyer la satiété pu Ton recher-
choit le bonheur*.
I.A comtesse; â paHt
Ah! ^elle leçon!
LE COMTE. ''
En vérité, Suzon, j'ai pensé mille fois que si
nous poursuivons ailleurs ce plaisir qui nou^ fuit
chez elles , ic est qu'elles petudient pas assez l'art
de soutenir notre goût, de se renouveler à IV
mour, de ranimer, pour ainsi dire, le charme de
leur possession par celui de la variété^
' LA coMTBs.sEj piquée^ '
Donc elles doivent tout?.. .'
LE COMTE, riant,
« Et l'homme rien ? Changerons-nous la marche
de la nature? Notre tâche, à nous^ fut de les obte->
nir^laleur...
■ LA COMTBSSEi
La leur?
LE COMTE»
Est de nous retenir : on l'oublie trop.
LA COMTESSE.
Ce ne sera pas moi.
LsIboMTC*
Ni moi.
. FioAao, à part,.
Ni moi.
suzAviTE, à paru
Ni moi.
»7-
.^ié VÈ liAKiAGE i>E tîi^ÂkÙ.
is CokTÉ, prénaàt là màiti dÈià fèMme.
U yà'àé r&ho icî; parh)ns plu^ bas. Tun à«
nul besoin d'y songer , toi que rinhontâr ^îte et si
vive et si \X)\ié'l avec un grain de caprice , tn seras
la plus agaçante maîtresse ! ( J/i ta baise au p-ûM. )
Ma Suzanne , un GaMiUan n'a que sa parole. Voici
tout Tor promis pont le rachat du droit que ^ n'ai
£Ius È\XY le délicietil moment qiie tu m'atcordes.
[ais f comïne la grÂcè que tu daignes j mettre est
sâris priîk , j*^ joîhdtai*ée brillant, que tu porteras
fouri'amoùvdfetndi," ' *
Li'cbittf ÉssE, une rêvétence,
Suzanne'accepte tout.
^ ^IGABO, A part.
On n'est pas plus coquine que cela.
., , ; stTZ4>NBr£, à part.' \
Voilà du bon bien qui nous arrive.
LE COUT M, à part.
Elle est intéressée ; tant mieux.
LA COMTESSE, rc^anèant au foiià.
Je vois des'fiéHiïieaux^
Ce sont les apprêts de ta wtHè \ éim'(Mis*4A>us
lin moment dans l'^n 4e <|»B ipavillons , pour les
laisser passer?
Sans lumière ?
LE COMTÉ, Cen&tAnattt Uoucemenii
A quoi bon? nous n'avojns rien à lire»
AGtE V, SCÈNE VIL " 819
. iMOAROj h'p'arU-
Elle j Ta , itaa foi ! Je m en doatoist
{li s* avance.)
LE COMTE, grossit ta voix en se ret&urnànU
Qui passe ici ?
^ ■ PioAno, ex co/^e^
Passer î on vient exprès.
LE COMTE, has y à la comtesse»
Gest Figaro!.. (I/5'e/t/àif.) • •
LA COMTESSE.
Je vous suis.
( EUe entre dans le poiftllon à sa droite , pendant (jaé
le comte se perd dans le bois, au fbnd,)
. .sgén.e viil ■
PiGARÔ, ^UZANNIi:, dans l'6bscurité.
F 1 G A n o eliénée à voir «ù vmit te comie et la com-
tesse, ^ià'il ptend poiàr Smianne»
Cl% 4^*l(fltentl» plus rien; ih sont «nttHssf m y
voilà. ( D'un (on altéré. ) Vous autres ej^ux mala-
droits , ,(][ui tenez des espions à gages , et tournez
des mois entiers autour d'un fl<H»p)^B->tai»s l'as-
seoir, que ne m'Imiteai-iFOUS ? iMùf^ le premier jour
je suie iitii'félximie,^t Je l'écoute î'«n un toui? de
mara on -e^e^u feit : c'est oharmant , plus Se dou-
tes ; on sait à quoi s'en.tenir. (^aràlvànivivemênt.)
fiettteu^êtaieiit que j&Ad m'en soueie, guère, et qtt^
sa trahison ne me 'fait l4en du ^t>6ut. Je les tîciu
donc enfin«^ -, . >
3ao le mariage de FIGARO.
• nzAVHBy ijtti s'ést avancée doucement dans tobt'
Cur'Ué, à part. , %
Tu vas pajrer tes beaux soupçons. (Du ton de
voix de la comtesse^) Qui ya la?
FIGARO, extravagant.
Qui va là? Celui qui voudroit de bon coiiir que
la peste eût étouffé en naissant. ..
' suzÀS HE , du ton de la comtetêe.
Bh I mais , c'est Figaro !
F I G A B o regarde, et dit vivemtnt :
Madame la comtesse !
V 8UZAiril£^.
Parlez, bas» ,
fioaho, vite^
Ah! madame, que le ciel vous amène & propos!
Où crojez-vous qu est monseigneur?
SUZAiffKE.
<}ue m'importe un ingrat? Dis*moi.«.
FI oAa o , p/tfs vile.
Et Suzanne mon épousée, ou^crojes-vous
qn*eUe soit?
Mais parlez bas.
rioABo^ très vit»'
Cette Suzon qu'on cro^rolt si vertnense, qui
faisoit de la réservée! Ils sont enftrmés là-dedfiu.
Je vais appeler.
SfrzAffNE , lui fermant la bouche avecia main, oublie
de déguiser sa voix»
IVappelez pas.
acte; y, scène viil 321
Fi6A»0', à paru
£h ! c'est Suzon ! God dam !
svzAvivE, du ton de la comtesse.
Vous paroisses inquiet.
FiQARO, à partm
Traîtresse , qui veut me surprendre !
^ SUZANNE.
Il fj^ut nous yenger, Figaro^
FIQAJIO.
Çn sentez-you^le vif désir'? ,
Je us serois donc pas de mon sei^e? Mais les
bommes en ont cent moyens.,
FIGARO, confidemmenf*
Madame , il n j a personne (ci de trop* Celui
des femmes, . . les vaut tous.
SUZANNE., à i^arU
Comme je le soufHetterois !
'FiaAno, à part,
XI seroit bien gai qù*ayant la nooe ! . ^
SUZANNE.
Mais qu*e9t-ce qu'une telle yengeance» Ç[Q*ttil
peu d amour n'aissaisonne pas?
FIGARO..
Partout où vous n'en voirez point , croyez que
le riespect dissimule.
SUZANNE, piquée*
Je ne sais si vous le p^sez de boi^ne foi , mais
vous ne le dites pas 4^ tisonne grâce.
Sat LE MARIAPS DE FIGARO.
tiotre faute à nous , si, Youl&nt museler un renwd,
nous en attrapons deux?
FiaAEa*
Qui donc prend l'autre ?
SU£AV1!riS«
Sa femme.
rtoAaa.
Sa femme?
Sa femme.
FioAfiOy fbiiementé
Ah! Fiçafo, pends-toi; tn n*a pas deviné ce-
lui-là!—-Sa femme! O dottsfie ou quinze mille feis
^irituelles femelles ! • — Ainsi les baisera de cens
lalle?'...
s«»Air«x«
Ont été domés à madame*
■ ' I
. P1«AA0«
£t celai du page 2
suzASHE, HanU
A monsieur.
rioABo*
Et tantôt , déniera U fauteuil?
svxAiiBrz^
A personne.'
FIGA'AO.
«
En étes-yous sûre?
soaAjrvB, riani.
11 pleut des soufflets , Figaro.
ACTE V, SCÈWE Vin. Satf
TfiGAtLO, lui faisant la maiHM
Ce sont des bijoux que les tiens. Mais celui du
«omte étoit dé bonne guerre.
S17ZA.H]fE.
Allons, superbe! humiliè-toi.
Tt&kfiO, faisant tout ce quii annoneem
~^Cela est juste ; à genoux , bien courbé , pros-
terné, ventre' à terre.
s v z A a H E , enf riant,'
Ah! ce pauvre comte! quelle peine il s*est
donnée...
FIGARO, se'rttéi^ant éur 'ses qenoux,
«. • Pdur 'faire la Conquête de sa femme l^'
SCtlNE IX.
LE COMTE entre par le fond du théâtre, et va droU
au pavillon à sa droite j FIGARO, SUZAIVNE,
LB COMTE, à /ll(HV|Àae«
Je la cherche en vain dans le bois'; elle est jpauc^
dtre entrée ici.
«
suzAsvE, à Pigarà.,. parlant boêm
C'est lui.
ift comte, oindront ïe pavillon*
JSuzon, es-tu là-dedans?
FXAABO, bas: '
Il la cherche , et moi je cro jois. . .»
SUZAHSB, ^bd$4
, Il ne Ta pas reconnue^
Tliéatre. Comédiei« x4« ^v
Ua, LE M:A^iAG£ DE FIGAAO.
, 'AçJlq&irqi|»r^» veu^-tu? {IL lui baUe Ifl maitu)
LE COMTE, se retournant^
Un homme aux pie4^ 4^.1^ comtesse t.. . AH! je
suis sans armes. ( H f*a.vanc4. )
FIGARO , se rei^anJt tau^-^fait^en dégtùsat^lsAvou:*
. Pardon^ Ij^^dapie , s^ je n'ai pas réâéehi que ce
rendez-YOUs ordinaire étoit de%tiné pour L| noce. ,
LE.CQMXEi à pajçl,
5 Cesfii riM^nifi du caibinçt de.Cf^.matû^ "(U^se
frappe le front. )
Mais i} .«f. 99r% P9A dit ^u'uu ob^^s^ÇjJMnisi sot
aura retardé nos plaisirs.
LE GovxB, a pati.
. . Massacre ! içoct ! ^nfer ! .
j^iaJLiLO, la .CQjidtilsant au cabinet.
(Bas.) n jure. {Haut,) Pressons-nous donc, ma-
dame , et réparoas^l» tort qu'on nous^ a fait tantôt «
^pua^ i'M)ia«|tié |mx U.fenêtjw^
I.E COMTE, à part* .
Ahl tQiiâ;ici4âQQ)|y^teiiifib4
SUZAKSE, près du pavUton], à sa ^Mucht^
Ayant ^'«ntai»^ TO^!9»M.pe;wiiiiie.» %tuiyi. (1/
ia baise au front,)
XE cauxE, s'cwrMAf*
Vengeance»!..
{Suzanne s'enfuià^dofls le pûsdUon oh sont entrée
Faachette,Marceiine et Chérubin.)
SCËÎÎE X.
t£ COMTE, FIGiLUCK
f Le comte saisit le bras de Fi^ftro. )
riGAnb, puant ia frayéuf ^excessive»-
C*£f « mou matitre l; . ; ^ • i
&£ GO M V ■ f ie 0>econnois9Oht»
Ah I sciéljécat , c'est toi ! HoHi i ^neiqiinn , €|uel-
C[U*UII.'
SCÈNE XL
PÉD.RILLE, LE GOMTC^ FIGAR@.
Mo vsÈxakÈmt:, je Votis tt&U^ enfin.
I.E COMTE.,
Bon! c cstPcdriîle..E5-lu tônt setil?
péniiii.i.s.
Anriyant 4e SéviUe , à etripe cbeyak
LE COMtE,
Approche-toi <îè tnoi , et crie bîteh foirt. " *
PÉDBiLLE, criailt à tue tête.
Pas plus de page gue sur ma main. Voilà \h pa-
fjuet.
lE céMri, te repoussaht
rt'HÀtt'i.-E,
"Mtirtsèî^éiif me dît dè'ctiet.
V "le t: 6 in t ê , te'àûnt tèUf'oUfir f'i^arb, ''
Pour appeler, i—** Holà! quelqu'un ? si l'on m'en-
tend ^ accourez tous.
3aa L£ MARIAGE D£ F I.GARO.
Figaro et nfoi, nous voilà dieux; que peut-il
idonc TOUS ârrmr?
SCÈNE XIL
LE COMTE, FIGARO, PÊ0RILLE, BRID^OI-
SON, BARTHOLÔ, BAZI1.E, ANTONIO,
GRIPE^SOLEIL, toute ta noce accourt avec
des fiaaiheauxi
BABTBOLOjiî Figaro.
•Tu Tois qu'à ton premier «ignal. ! .
LE COMTE , montrant le pavillon à sa gauche,
Pédrille,. empare-toi de cette porte. (PédrHlej/
^AzihUf bas, à Figaro,,
Tu Tas surpris avec Suzanne?
LE COMTE, montrant Figaro,
Et TOUS, tous mes vassaux, entourez-moi cet
homme, et m'en répondez sur la vie.
BAZILE..
Ah! ahr
LE COMTE, furieux,
Taisez^vous donCr (A Figaro, d'un ton glacé,)
Mon cavalier, répondez-vous à mes questions?*
FIGARO, froidement,.
Eh! qui pourroit m'en exempter» monseigneur 2
Vous commande^Evà tout ici, hors à vottS«méme.
LE COMTE, se contenant.
Hors à moi-même!
' ACTE V, SCÈNE XI L 3:»5
ANTONIO.
C*est ça parfer. ,
L E c o M T E , reprenant sa colère,
Nqq y si quelque chose pouvoit augmenter ma
fureur » ce seroit l'air calme qu'il affecte.
FiGAno.
Sommes-uous des soldats qui tuent et se font
tuer pour 4e^ intérêts qu'ils ignorent ? JÇ; yeux Sa-
voie , moi , pourquoi je me fâche»
I.E COBKTE, hors deJuL
O rage ï (Ss contenant. ) Homme de hien , qui
feignez d'ignorer! nous ferez-rvous au moins la fa-
veur de nous ^dire quelle est la dame actuellement
par vous amenée dans ce payillon?
F I G A n o , montrant l'autre avec malice»
Dans celui-là?
LE COMTE, vite.
Dans celui-ci.
figAbo, froidement.
C'est différent. Une jeune persontie qui m*ho-
nore de ses bontés particulières.
BAZXLE, étonné*
Ahlahl
LE CâBCTE, vite.
Vous l'entendez , messieurs?
B.AnTHOLo, étonné,
Nous Tentendons...
LE COMTE, à Figaro.'
Et cette jeune persoiiue a^t-ellc' tm antre enga-
gement que yoitjL^achiez ?
a8.
33« tE MARIA&E DE FIGARO.
F I G A-fc 6 , froUemenL
Je sais c[U*un grand seigneur s*en est ocdnpé
^elque temps : Aiais , îsoît^qn 'il l'ait négligée, ou
Jque je lui plaise teieux (^n'ùn pluï kixnable , elle
me donne aujourd'hui la p'réfêrenée»
LE co'|iTC, vivement,
La préf.... (Se contenant) Ati moins il est naïf ;
ear ee qu'il aTOue , m\eBsieuts., fé l\k! blil , je vous
jure , de la bouehe ixÀine de sa ôbiÀpHce.
-BRlIi'ôISOH, stùpëfiUi.
iSa-^a^eomplice!
LE COMTC, avec'fûreaK
0r, quand le désfiotmeUr evt pu1>lië, fi Ikut quie
la vengeance le soit aussi.
{ït entrai dûiis le pavittoh,)
SCÈNE XÏII.
PÊDRILLE, FIGARO, BRID'QISON, BAR:.
THOLO. BAZILÊ, ANTONIO, GRIPE-
SOLÉiL
G'xsT juste^
BniD'oisaii) AFtljàro.
Qui-i donc a pris la fHKOtè àé )'aftti<fr^
• vi^Atkéi ênrtdhi.
Aucun il a eu cette joie-là.
'IJU
•- . . SCÈNE XIV. ■ ..
I
PJBDRILLE, FIGÀkcl, iBRID pîSÔN, BAR-
THOLO, BAZitÈ, ANTONIO, GRIPE-
SOLEIL, LE COMTE, CHÉRUBIN.
us COMTE , parltmî dans 4e pai^l^n , ef attirant quel^
qu'UÂ qu'on hé vott pà^ encore,
T«u» tK» 6ir0tt«'^nt illuUks; youB. ètfi^ pec-
é\xe , madatfte; et TOtre hexsrt '^«tbien âmr^e« (U
tort sans regarder. ) Qnfik hoiihçat ^u'tutsu* gage
d'une anion aussi détestée! . .
F I G À À o , s' écriant :
LE COMTE.
Mon page?
■ • • ■ • -iliiii,' ■ '
Ah! ah!
LE GOMTS, /tors 4^ lui ^ à part.
Et toujout^Ié page ehdiablé ! (A Chérubin.) Que
§Atà0r-it6tA d<k)(e^isaloii? ' i
CBÈti^ttlftii , HntiltAéakt.
ié'me^tUdrdiS, <$ommë. v<$iS& Vmtz i^éèii^âk
pénniLLE.'
Bien la peine de crever un cheval ! .
. , ... • . * i • • ■
• LE COMTE.
Entres -j toi, AntQhiô^ <Jondijis devant ion
C*est madame que vous j-j cherchez?
33» LE MARIAGE DE FIGARO.
AVTOVIO.,
L'j a, pairgiieiine, une bonn« proTÎdettce^ Toui
en ayez tant fait dans le pays. . .
LE COUVE, furieux.
Entré donc.
{Antonio entre.)
■ .'SCÈNE. XV. '
I •
PËDRILLE^ FIGARO; BRID'OISON, BAR-
TâOLO ^ RAZILE ^ OHaPE^SOLEIL , LE
COMTE, GHËRUBIN. ' ■ '■
LE COMTE..
Vous allez voir, messieurs, que lo page>n j
étoit pas seul..
CHéaUBiv, timidement.
Mon sort eut été trop cruel , si quelqulàme ffen-
•ible n'en eût adouci Tamertuine..
SCÈNE XVI.
PËDRILLE, FIG'ARO-; BRID'OÏSONrBàR:^
THOLO, BASILE, ORIPB-SOLEIL, LE
COMTE, CHERUBIN, ANTONIO, FAN-
CHETTE.
• ■ • •■
A9TOVIO, attirant fuw le bras qu^qu'un qu'on ne voit
. . pas encore.
Allons , madame ^ il ne Êiut pas vous faire prier
pour en sortir, puis^u'pn 3Û^ que vous j êtes en-
trée.
♦ • .,
ACTE V, SCÈNE XVI. 33d
F I oA RO , g^écrtant :
La petite eoasine !
lAZILE.
▲h! ah!
LE COMTC
f
Fanchettef
AVTOHio se retourne et s'écrie :
Ah! palsei&bleu ! monseigneiir, il est gaillard
'de me choisir, pour montrer à la compagnie que
c'est ma fille qui cause tout ce train-là !
LS COMTE, outrée
Qui la savoit là-dedans ? (It veut rentrer.)
BAaTHOz.0, au-devant.
'Permettez, monsieur le comte, ceci n'est pas
plus clair. Je suis de sang firoid , moi. (1/ entre.)
bhid'ozsov.
Voilà une affaire au-4iussi trop embrouillée.
SCÈNE XVIL
PÊBRILLE, FIGARO, BRID'OISON, hÂK^
THOLO, BAZILE, GRIPE-SOLEIL, LE
COMTE, CHÉRUBIN, ANTONIO, FAN-
CHETTE, MARCELINE.
BAETHOLo, parlant en dedans , et sortant.
SIe craignez rien , madame , il ne vous sera fait
aucun mal. J'en réponds. (1/ se retourne et /ecfîe:)
Marceline ! . •
BAZILE.
Ahlah!
33'4 LE MA AI AGE D£ PI&ARCl
Vi«ArO', )riàkt
Èh ! quelle folie I ma mère en és€t '
AVTdvro. «
A qui pis fera.
Que m*ii»porte à moi? La comtesktî .v^
SCÈNE XVIII,
PÉD^MLLE/riGAÏia, Bïllè'OISOîr; BAR.
THOLO, BAZILÊ, GRIPÊ-SOLEl(L\ LH
COJMTE^ CHÉHtlBIN, ABTONIO, F'^V-
CHETTE, MARCELINE, StJZANNJS,: wa
éventail sur le visage*
te
LB C'01IT««
..« Ah ! la Yoici qui sort. (Il ta prend violemment
par lé bras») Que croyez-yoûs , méssîe«YB , que mé-
dite une odieuse... (S,u^Mtnne se jette à genoux la tête
baissée,) ITeû, non. (Figaro se jette à genoux de
l'autre ùâté,).»* (P4us fert,)I^ùn ^ n<Hi. (Mareeiûiese
lette à genoux devant luL)».* (Plus fortJ) Non » non.
(Tous se mettent à genoux, excepté Bdd'ohon,.).^*.
{Hors, de lui.) Y fussies-yous un cent !
■ I m ifci.
ACTE V, SCÈNE XKX. ^35
SCÈNE XIX.
PÊDRILLÇ, FIGA&O, BRIiPOt^ON, BAR.
. TB.OhO, BAZIIiE, GRiPE-^aLEIL, LE
COMTE, CHiÊRUBIN, ANTONIO:, FAK-
GH£TT£,i. MARCELLE, SUZANNE, LA
COMTESSE, si^rtoMi dt tûulr^iiaMànA >
LA c o M T E S â E , se jetant à ^enquxm
A^ moins , je ferai nombre.
I.E COMTE, regardant ta comtesse ti' Suzanne.
•^ Ah! qu'est-ce que jfe vois?
BKi d'oison, riant.
Et, pardi! c e-est madame. '
LE COMTE, voulant relever la comtesse,.
Quoi! cétoit TOUS, comtesse? {Wun ton sûp^
pliant,) Il n'j a qu'un pardon généreux....
LA COMTESSE, en riant,', " ' "
Vont dirJeft-fton^ non, à ma p^aeo; et moi j pour
la troisième fou d'aujourd'hui, je' FaetTordè sans
condition. (^Etlese reUve,}
suzAJSVE, st retevanU '
Moi aussi.
M.A.B1CIE Li K K(, . je rele¥wUi
I
. Ifi^ agkim : il Ijr^ a^e J, -éobo. iioi. ( Tauê sertéimAt,)
LE^OQBf>TS«
Q^ réoho.I J,'ai.voiiA«ivu»er aTto^euK»; ila m'ont
traiji^>c0»Mleitti»i«nÛiKW
336 LE MARIAGE DE FIGARO.
LA G0MTE»6E, en rianU
Ne le regrettez pas, monsiear le comte.
F 1 o A A O , s'estuyakl iet genoux avec son chapeau.
Uae petite joamée comine celles:! f^Bie bieo
un unbaBsadenr.
' lE COMTE, à Sazaaaem
Ce billet fermé d'une épingle. . .
SUZANNE.
C'est madame qui l'aToit dicté.
LE COMTE.
La réponse lui est bien due. (1/ baUe lamaia ele
la comtesse. )
LA COMTESSE.
Chacun aura ce qui lui appartient. ( EUç donnt
la bourse à Figaro et le dUupMut à Suzanne,)
s 0 z A H B E , <k Fi4^aro«
Encore une dot.
F I o A R o , frap^fit la bourse dans sa nuUa*
Et de trois. Celle-ci fi&t rude à arracher.
SVZA1I«E..
Comme notie matiage.
GRIPE-SOLEIL.
Et la jarretière de la.i|iariée , Tatiroiis-je?
LA COMTESSE^ arrachant le ruban qufeiée a laitt
gardé dans son fein , et le jetant à terre.
'La jarretière? elle étoit aveo ses habit»; là Toilà.
( Les garçons de la noce veuUtU ta ramasser, )
r€RÉBVBiv, plus alerte , eoarî la prendre , et dit :
Que celui qui la veut yieiiBe me la ditpater.
ACTE V, SCÈNE XIX. 337
LE COMTE, en riant, au page..
Pour un monsieur si chatouilleux , qu'aTeat-rous
trouvé de gai à certain soufflet de tantôt ?
en é'aUB m recule, en tirant à moitié sen \êpée^
A moi , mon colonel?
F I a A m o , avec une coière comique.*
G*est sur ma joue qu'il la ^eçu : voilà comme
les grands font justice !
LE COMTE, riant.
C'est sur sa joue? Ah! ah! qu en dites -vous
donc, ma chère comtesse?
LA COMTESSE, absorbée , revient à elle,' et dit avec
sensibilité :
Ah ! oui , cher comte , ]et pour la yie » sans dis^
traction, je tous jure...
LE COMTE, frappant sur i*éffaule du juge.,
Et TOUS , don Brid'oison , votre avis maintenant?
brid'oison.
Su-ur tout ce que je vois, monsieur le comte?
Ma-a foi , pour moi , je-e ne sais que vous dire ; voilà
ma façon de penser.
TOUS ENSEMBLE.
Bien jugé.
FIGARO.,
J etois pauvre , on me méprisoit. J'ai montré
quelque esprit, la haine est accourue. Une jolie
femme et d^ la fortune. . .
BARTHOLO, enrianf.
Les cœurs vont te revenir en foule.
Tkéatre. Com^diet. l4* 29
1r
23a LE MARIAGE DE FIGAKO.
PIOAAO*
Eftt-il possible?
J« l«s çonnois^
FIGARO, saluant tou$ kê ^ohdturs»
(Ma fequne et mou bien nia à pei^tj^ .tQOS me fe--
HpBt homjiewr et pkiiût. -
( 0/1 joue la ritournelle duivat^eiitiiU* )
VÀUDEVrtLE.
BAZiILE^
PAILIIIISR. COU.PL£r«
Triple dot, femme- snperiie,
Que dé biens .pm}r;im époux^!
D'un seigneur, d'un pageimlierbe,.
QaeltqiiK* sot: «e^t.iaj[ffiuu
0^ ;lfa;iA d'un yieux pf oyerbe,.
L'homme adroit ii)jt spçt p^rti*
Gaudeant benè nati
f
BAZILÏ.
Si^on. . . . ( 1/ chante, )
Gaudeat benè nanti,
DEUXIEME GaO«llB4t
Qu'un marfss foi trahisse', '
H s'eq TMit»^ ttJckaettA nV|
VAUDEVILLE. 33^
Qut> sa fenuiie ait un caprice^
S'il L'açease , 0a la punit.
De cette absurde injustice
Faut-il dire le poun|uoi ?
Les Pilas. jEbrts ont fait la loL (JBi5»)
TAaxstkuE cotrïi&T.
Jean Jeannot » jaloux risiUe ,
iVeut unii; femme et repos ;
H achète un chien terrible,
Et le l&che en son endûs. '
La nuit , quel Yaearme horrible l
Le chien court , tout est mùtda «
fiotsl-amantguiraveodu. ^. {BuJ^
hX COMTESSKo
QUATRIÈME CO«rLET«.
TeOe est fiètt et repond d'elle ,
Qui n'aime plus son mari ;
Telle autre, presque infidèle,
Jure de n'aimer que lui.
La moins folle, hélas ! «st celle
Qui se veille en son lien,
Sans oser jurer de rien^ (Bû.)
LE COMTE.
ClHQUlàME COUPLET*
D'une fisnme de province
A qui ses devoirs sont chers f
Le succès est assez mince i
Vive la femme aux bons ûrs l
3$t> h^ MARIAGE DE FIGARO.
Semblable à l'ëcu du prince,
Sous le coin d\in seul époux ,
Elle seict au bien de toui. (Bis.)
MARCELINE»
SIXIEME COUPLET.
Cbacun sait la tendre mère
Dont il-a reçu le jour ;
Tout le reste est un mystère ,
C'est le secret de l'amour.
F 1 6 A R o / continuant Vain
Ce secret met en lumière
Gomment \t fils d'un butor
Yaut souvent son pesant d'or. (B/s.)
SEPTIÈME cou VLET.
Par le sort de lu naissance,'
L'an est roi , l'autre est hetfgtr ;
Le basard fit leur distance^
L'esprit seul peut tout changer.
De vingt rois que l'on encense ,
Le trépas brise l'autel ,
Et Yolteire est immortel. (Bis.)
CHÉR.UBtV.
HUITIÈME COUPLET.
Sexe aime, sexe volage.
Qui tourmentez nos beaux jours ,
Si de vous cbacun dit rage ,
Chacun vous rerient toujoan.
Le parterre est votre image ;
VAUDEVILLE. 3(4i
Tel paroit le dédaigner ,
Cm (ait tout pour le gagner. (ETis,)
SUZAVBTE.
HETITlèllE COUPLET*
Si ee gai , ce fol ouvrage
Renfennoit quelque leçon ,
En Êiyeur du badinage,
Faites grftce à la raison!.
Ainsi la nature sage
Nous conduit dans nos- désirs
A son ]>at par les plaisirs. {Bis,)
baid'oisoit. '
dixieme couplet.
Or , messieurs , la coromédie
Que l'on juge en ce-et instant,
Sauf erreur nous peint-eint la vie
Du bon peuple qui Fentend.
Qu'on.l'opprime, il peste , il crie ,
Il s'a^te en cent £i-açons ;
Tout finit par des cbansons. (Bis,)
Ballet général.
FIS ou MAAIAGE DE FIGAEO.
'39.
AUGUSTE
ET THÉODORE,
ou
LES DEUX PAGES,
/
/
/ COMEDIE,
PAR DEZÈDE.
Représentée , pour la première fois , le 2j mars
1789.
NOTICE
SUR DEZÈDE.
On prétend que ce nom cache celui d'un
seigneur allemand retiré en France , à qui l'on
doit la musique de plusieurs jolis opéras joués
au théâtre Italien, tels que Blaise et Babet^
Alexis ET Justine , etc. Nous n'essaierons pas
a lever le voile, et, nous bornant à parler,
comme nous l'avons toujours fait, de ce qui est
relatif au Théâtre François, nous dirons que
Dezède j fit jouer, le 37 mars 1 789, une jolie
comédie historique en deux actes, en prose,
intitulée Auguste et Théodore , ou Lbs deux
Pages. Cette pièce eut le plus grand succès
pendant. trente représentations. Le jeu de tous
les acteurs y contribua beaucoup, surtout celui
de Fleury, qui produisoît l'illusion la plus com-
plète dans le personnage du grand Frédéric. Le
frère de ce monarque , le prince Henri de Prusse,
assistant à la première représentation de cet ou*
346 NOTICE SUR DEZÊDE.
yrage, fut si frappe du jeu de Facteur, qu'il lai
envoya le lendemain une tabatière fori riche,
ornée du portrait du roi qu'il avmt si bien re-
présenté.
Dezède mourut à Paris en 1 792 •
■ — »
«I I ■
COSTUMES.
■ Le Roi. Habit bleu, boutons blancs aux deux
côtés; collet, parements et doublure écarlate,
rbabit boutonné jusqu'en bas; veste jaune, cu-
lotte noire; bottes tirées par-dessus les genoux;
éperons d or, épée de cuiyre avec une dragonne
noîre et argent , passant au travers des' plis de
irhabit;écbarpe noire et argent par-dessus Thabit';
aiguillettoU argent; la broderie de l'ordre, grand
chapeau à plumet blanc, avec une cocarde noire et
une' gance richement brodée ; cravate noire , coif-
fbre très négligée , <|ueue longue et mince ; canne
à bec à -Gorbin , grande boîte d'or k tabac et de
forme 'carrée ; gants à ht euiratsière.
AuovsTSt Au premier aete , en petite mlitigotte
.bleue ,' veste blaiiehe, culotte jaune,' honeê et
^^œfwonB , ka obcvcnx en^ désotdYo ,. «hapena ga^
kn^né tti'^v. Att^«0oond adte , h«]lit éoâriMé^lAa^
galons d'or festonnés sortotite» lM^tNlillet)-pa«s^
rnenta et vdsti de velours bleu ^riomé» dé mtee,
cula.tte noire , col de veiomrs soir^ tpàeum kMi^pUtfw
. Ta'ioDQnK eat> vêtu d« mèm» $ ià mrrive a» pre-
mier 4cté fodtt habillée
Les ;QUAtre Pages de la suite du roi ont le petit
habit anec un petit galon uni et rien sur les tailles.
La BckBE SE Gaboliite, en robe grise, au premier
acte; et fta «econd de même , mais un peu paiéfi*
CiiOLiKE , an premier acte en robe grise , et i
■econd en robe blancbe.
L'HAtc , d'abord ea robe -de -chambre arec l
bonnet de veiour* noir sur la tête, easuite n
babit d'une couleur foncée; boutons d'or jusqu'e
bai , grandi parement! , grandes manchettes , per
ruque îi bourie avec dei rubans noirs qui Tiennen
tomber inr le jabot ; vesie riche et culotte noire.
L'BAteiie, coriet de soie groi Tert , jupon de
«oie coquelicot, bordé d'une dentelle en or, le
corset lacé avec une chaîne d'ot; bonnet d'un*
étoffe d'or.
La BoaaE , robe d'élamïDe bnine , lac^e avec un
ruban blanc , un bonnet noiï.
Lu QDii'KK Glaçon. L'AuiaUBUi veitt de
dc*p btun , perruque ronds et un tablier vert.
L'Abowi) , gilet rouge , culotte de peau , Douéi
MUS lel genoux avec dei ruban», cheveux coupél. |
L'Ituibr , habit bien , court.et étroit , avec un ,
petit galon uié ; veste et culotte de couleu» ttBn<
«hantei , coi&re ridicule.
UCOH, fracet gilet élégant,' culotte jaun^
et cbausiure «oignéea.
roii gat^oni étrangen, en paroiMant I*
fois , ont chacun une aerriette à la main- ,
COSTUMES. 349
SUITE DU ROL
Des Officiers j habit bleu de roi hk grands bran-'^
«lebthirgs d'argent; doublure, collet, parements
ccarlate ; veste et culotte jaune , guêtres blanches,
l'écharpe sur la Teste.,
D'autres officiers, habit écarlate, boutons d'ar-
gent aux deux côtés -, parements , veste et collet
bien de roi; culotte -pantalon de peau, grandes
bottes , éperons , Thabit boutonné et 1 echarpe par
dessus ; aiguillette d'argent.
Vautres officiers, huULa galonné d or; parements
et collet rouge; culotte-pantalon de peau; grandes
bottes, éperons, aiguillette d'or, l'écharpe sur U
bufEe et grand sabre^
D'autres officiers , buffle galonné en argent , pa-
rements et collet rouge; culotte-pantalon de peau,
grandes bottes, éperons; aiguillette d'argent,
l'écharpe sur le buffle , et grand sabre, .
shMtif ; Oon^itiTi {1 3o
V \
\
PERSONNAGES
} pages de la chambre.
Le Roi.
A.UOUtTI
Théodojle
La MkBB D*AnâusTB.
Caeolivs, sa fille et soeut d'An^vaw.
LiSBEYH, gouTernante de Cardlme.
HossiEVR Phlips, maître d'hôtellefie.
Madame Prlips, sa femme.
Ub Garçon Allemabd.
XJjf Gauçob Fbabçois.
Ub Garçob Abglois
Ub Gabçob ItaiiIBB.
Ub Gocbkb.
Uv GVUIBIBA.
Suite du roi»
L^ scène est en Allemagne.
V
> \
LES DEUX PAGES,
COMÉDIE.
ACTE PREMIER.
Le théâtre reprësepte un salon honnête avee
une gmnde porte dans le fond , et une porte
onHnaûre de chaque côté , adossée à la cou-
lisse ; à la ^troisième ou roit dé chaque côté
une croisée. Sur la droite des acteurs est une
grande pendule à Pantique , et sur la gauche
un grand bureau et un grand fauteuil auprès:
sur le bureau sont deux livres de comptoir^
une sonuette et une ëcritoire.
SCÈNE I.
L'fiÔT£|Mtt/.
(1/ entre par la porte à gauche des acteurs ,'et il est en
robe- de chambre avec un bonnet de velours sur la
téu,)
Ijzyt ayant tout le monde, couché le dernier,
soins, activité, vigilance j exactitude et probité,
voilà les moyens dont se sont servis mes bons
S5s LES D£UX PÂ&ES.
aïeux, et que j emploie moi -même pour conduire
ma inaison. On doit toujours chercher ht se distin-
guer dans son état, et puisqu'il faut jouer un rôle
ici has , je préfère celui de hon-homme à tous les
autres. Je suis d'un caractère facile, je n« rançonne
ni ne poursuis jamais personne. Je plains ceux qui
sont dans l'impossibilité de me pajer, et quand je
trouve une bonne occasion de rendre service, ie
la saisis. Il nj a pas de pins grand plaisir pour
moi. Aussi tout me réassît, tout me profite. Ce qui
ruineroit un autre, m'enrichit, moi. En vérité ^ je
ne sais pas comment cela se fait; mais je gagne
plus d'argent à moi seul que tous mes voisins en-
semble r il est vrai que mon hdtel et moi nous
sommes connus, je crois., dans le monde entier.
Tous les étrangers viennent loger ici de ]^éference«
Princes, ducs, gens de qualité, prélats, tous les
ordres dfecitojens me font l'honneur de descendre
chez M. Phlips, à l'hÂtel des Quatre-Nations. (1/
s'assied près du bureau , sonne et appelle.) L'Aile^
mand ! l'Anglois l Romain ! Parisien ! ( Les quatr&
garçons entrent et se placent sur une lignée)
SCÈNE IL
L'HOTE, LESQUATKEGARÇONSv
l' H ô T E , au garçon allemande
Ersest!
ERKEST..
Monsieur?
ACTE I , S CÈNE r I. 3^53
Î'HÔTE.
. Ayez-YOns fait pattir les trois gar^hâ que j'ai
venvojés hier?
Ils vont partir à 1 rastant. ils ont bien du regret
àe 'quitter votre maison.
l'hôte.
C'est leur faute.
SRITEST.
'Ils espèrent qunn si bon' Maître voudra^ bien
lent donner deft certificats.
Des certl^catfi! Dans ci& pays^i , on n*en donne
point aux mauvais sujets. Deux florin» à ^aciin^
et que je n'en entende pins parler.
> ' (Le yarçon aitenuuid iotiJ)
SCÈNE IIL
LHÔTE, LÉS TROIS GÀUÇONS.
l'b ô T E , au gatçon angloUm
CoartcÊvï vont nommez-voua?.
' ^on*6.,
Et vous?
t • ■ I
LE aARÇOH ITALIEB.
'Gftrlo. ■ -^^ ■
' l' a 6 T E , au garçon fratiiç0i$p> .
Et VOUS?
3o;
364 t£S 0EIIX FAG^Efi^
LE OAaç.OI T^VÀSÇOIB.
La France.. ,
l'hôte.
Jon's, Carlo et la France, écontez. SaTeas-yoai
pourquoi les autres ont été mis à la porte?
LES TROIS G A fiqov s, cfi4»cundan$ son largoUm
Non , monsieur.
L*HÔTE.
Je vais vous rapprfadse. L'Anglois étoit inso-
lent', mé^tMnt toul^ ce^^^ii n e^f>a» de, ^a nation ,
et toujours tout prêt à fntre le eoup de poi<ig M^ec
le premier qu'il rencontroit sur son chemin..
L'ItluKen '.ét«^/jki:Mi^4 birpocrite'* et yindicatif,
d'ailleurs très suspect du côté de la fidélité.
LEGÀRçoiràitA lOK ir ^ dums. sou jargon^
Mon«ieusLy. je tous j^auyerai (pi'il j. » 4çs gens
dans mon pdjs qui n'ont pas ces dé{auts<-là.
Et TOUS ferez Kîbbu Le JNfMJyoîiy yidl^dolMpageT
il étoit doux, pféy«asBiir^<ig;Biy.¥i£vibon garçon;
mais libertin Toutes mes servantes es d^e-
noient folle8<.fi^ l^'i9nfni]>oii taittCft^ et elles l'en
\aimoient encore davantage. Que celavousnervade
yçon. .•: I ".i ' - r .» wr A »< . .:
Vb GARçoii rnÂv^oiSf avec taceent gtÈMnoM^
J'en profilMwl; 'V ""î '' , » * • -• 'ii -i
\
ACTE I, SCÈNE IV. 355
SCÈNE IV.
L'HÔTE, LES QUA^TRE GARÇONS.
LE GÀRÇOH ALLEMAND..
M OB SI EUR ,1a maison se remplit de monde. Les
étraagecs arrivent ée toute» parts pour la revue.
Youlez-vous bien donner vos ordres?
,A|;j|ei4tidQ. Je aie sers ^e ^àtm garçons difle-
TfN^ j^na Ik i?oiifia»odilé.«ft le «erVic^ dts persoo^
nés qui T^eni^Wt loger chez moi.. Sojez polis , dis-
crets , empressés , et fidèles surtout. Point de con-
duite, point d'^^me; point de travail, point de
salaire : vous serez bien pajés, bien nourris, mais
je veux être sérvî de même. Allez, courez, rendez-
^0«ii«;è(yM9ni éwoutj mouteez ^pattttnf. lemêaeBèle ,
ajez pour tout le mi^oadt^les^inétaes attentions; il
faut que chacun, dise en pfirUint : on est très bien
ici^ je reviendrai, je suis. content, je. reviendrai, je
reviendraî à rhôtel Ses Quatre-ÎVations.
LE GABION À.V Ci f,oi s ^ dans soÊi jarqon.
Quand on a Servi en Angleterre , on peut se pré-
senter partout ïiard'iment, je' vous assure.
(lisortj
LE GARççoH ITALIEN, dans son jargon*.
Nous autres , nôtis cherchons' à deviner ce que
Ion peut désirer, et ntrtré âbdplesse nous fait ton-
S56 LES DEtJX PAGES.
& s GABÇOa F11A5Ç0IS, gOSCOn, .
Pour moi , monMeur , je ne me yante pas , mais
je tâcherai par mon service d'être agréable à tout
le monde.
(UsorU)
l'hôte.
Fidèle Allemand, je n'ai pas besoin de te re-
commander. . .
LB aAnÇOBT A'LL'EMAHD.
.Vous me connoÎMez., monsieur ; sans faire beau-
coup de brui^, je fais tout doucement mon devoir.
( Il iotL )
' SCÈNE- .V-
LHÔTE, L'HÔTESSE.*
(L'bôtesae entre par la même porte que son marL Blle^fl
> toute kabillée.)
L*H ô T E s s E , g aiment,
BiEv! fort bien!... Voilà ce qu*bn appelle un
maître de maison.;
l'hôte, toujours d*un air grave.
Je m'en i9;atte. Bonjour, ma femme.; ( 1/ iui tend
la main. )
l'hôtesse.
, Bonjour , bonjour , mon mari.
l'hôte« . . '
Te voilà, comme de coutume » toujours vive,
toujours gjMeii'
ACTE I, SCÈNE V. 357
L* H ô T E s 5-E , Vinterrompant^
Bt toujours biea éveillée.
l'hôte^
On m en fiait conrpliment. Tenez m embrasser.
l'hôtesse.
De tout mon coçm*.
l'h ô T E , d'un'air un peu goguenard.
Entre nous, je erois que vous, ètei bien aise
d'être ma femme.
l'hAtesse^
Entre nous , je ne dis pas non:
k*h6te.
Je m en doutois.
Ir*àèTESSE.
Mais , c est tout simple ; notre forttme est hon-
nête, et nos humeurs- ne s'accommodent pfts mal.
Vous , mon ami , vous êtes un brave homme; moi ,
[fi suis une bonne femme ; tu fais tout ce que je
veux; cela fait que je n'ai jamais d'tiumeur ; tu ne
me laisses jamais manquer de rien , cela m'empê
che d'avoir des fantaisies ; tu me reproches par-ci
par-là d'être un peu coquette; moi , je te permets
d'être un peu jaloux; aussi qu'est -ee que nos
petites brouilleries ? presque rien. .On se boude
un moment , on se querelle une minute ; eh bien !
tant mieux; on meurt d'enviée de faire la. paix. On
0e rapproche , x>n s'explique , on se raccommode ,
et un raccommodement, c'est toujours une fort
bonne chose.
35a LES DEUX PAG£&
l'hàte.
Ah ! ah ! ah ! ah ! la voilà 'bien. Toujours le petit
mot pour rire. Madame Phlips , en vérité , plus je
vous connois, plus je trouve c[ue j'ai bien fait de
vous avoir épousée.
L*HÔTSSSE.
Mon ami , vous êtes fort galant*
l*h6te.
Point du tout ; mais ) ai refléchi , et je suis bien
eertain , malgré les railleurs. • .
I.*HdTSSS£«
Quoi donc?
Rien.
QVQ vo^Jçff-TQus d»e?
SuÇtf
i'hôtxss».
ExpIiquez^yoQS.
i'b6tx. '
Une autïe fois.
l'h6t£sse.
À l'instaDt^; j« \% veux.
L'nâvir
. Ahl
Eh KienJ vous n*avez pas encore vingt-dcuz ans.
ACTE I, SCÈNE V. 359
l'hôtesse.
:Tant mieux pour tous.
I.* H 6 T E.,
Od m'en fiiit un compliment , mais.... Tout 1*
inonde vous trouve si jolie.
l'hôtesse^
Tant mieux pour moi.
LtlÔTE.
Assurément ; mais. . .
l'bôtS^se.
Mais*
l'hôte.
Bien des gens m*ont trouvé hardi , moi..
l'hôtesse.
Et pourquoi donc , s'il vous plaii?
l'hôte.
Les uns croyoient ; d'autres prétendoient : en-
fin , mon cœur, que veux-tu que je te dise? _
l'hôtesse. .
Ce sont des envieux , des jaloux qui t'en veu-
lent,'parce que je t'ai donné la préférence. Écoute,
mon ami , sois doux, complaisant, ne me contra-
rie jamais , et aime-^moi toujours de même, je te
promets. . « .
l'hôte, l'interrompant
Ma chère amie, je te promets tout ce que tu
voudras.
L' HÔTESSE.
f
Et tn seras hentetix. D 'ailleurs ^ tu sais l^i^ qu«
dans notre famille nous n'aimons que nos maris.
36o L£$ DEUX PAGES.
C'est cela qui ma décidé.
L*HÔTESS£.
Eh bien ! sois donc tranquille. A 1 égard de ces
messieurs qui tournent la tête à toutes nos femmes,
on sait ce que c'est. J'avois une amie qui les con-
noissoit bien , et voici ce qu^elle cbantoit toute la
journée.
AIR.
AlME&A
Qui voudra
Les hommes ;
O'est noijre &ute, si nous soiyunes
EsclaTes dé ces messieurs-là.
Sans aSecter un air sévère,
A leur joug on peut se soustraire;
Et le bon mùytm., le voilà.
Pour nous plaire y ^
Vous les voyeï
Insinuants ,
Complaisants,
Tremblants,
Rampants ,
Entreprenants^
Humiliés :
Dans cet état il faut qu'Os viennent
A nos pieds ;
w*^ j -r ^ f qu'ils s'y tiennent,
Et quand lis y sont < ^ ^ . \ ,
''I que ces messieurs s y tiennent.
actM' ^^^^^ IX.
36a
veille , et cette bonne amie avè^USTE.
— ^ •. . ^ ^ ^^ ^ totit défaits.
Et moi , je pense tout coi^me eUe./^ .' .
SCÈNE VI. '*^'
L'HÔTE, L'HÔTESSE, LES QUATRE GA
ÇONS, f un après l'autre; VTX GQÇH^He
LE OARÇOBr ALLEMAND..
9f ovsiEun, on demande le mepUf,
I
l'hôte.
Je vais m'en occuper.
(Le qarçen. atiemamà sort, )
LE OABÇOir ITALIEir.
^lonaieur, on demandé les papiers publicii.,
l'h>ôte.
Ils ne sont pa^ encore arriyés.
(Le garçon itatien sort^ )
LE QARÇOS Alf OLOIS-
Mdosieur^ mjlord veut pajer.
l'hôte.
J'y Tais.
(Le garçon angiois sorL)
LE aAaÇOV FAABTÇOia..
Monsieur, monsieur le chevalier you4roit tou»
parler.
L'HÔtE. ^
Va-t-îl aussi me pajcr?
Théâtre. Comédiei. li» 3 11
\
3^ Tt^^^^ ^X^AGES*
^^*^^,A w ç o I S , en ioriaïCi.
C* ^ ,K fij^C^isàs il donne k bon jour k ma-
*' ^^ •
^4l«^- l'K COCHER.
^^^^T^7 îl fftut un chariot y denx calèches , et
^/^traux de selle.
L HÔTC.I
Allons , allons , )y cours ; je suis atout te monde,
qn on «c 4ase Tien^aAs stoi. I« rais iaectre af per«
ruque:
SCÈNE VIL
L'HÔTE, L*9ÔX£$SJEL
<.'mi6TE.
Adieu , ma dièrelemme, tous -allez régler vos
li'yrei , «c moi , je yais donner le «««p-âVoeil da
iiaaitre.
SCÈNE VIII.
L'HOTESSE, leufe.,
Il va merttre sa perruque ,, pour donner le conp-
d'csil du maître. Ces maris ! avec leur ton d'auto-
rité,ils ont toujours l'air d'ordonner, et ils obéis-
sent sans cesse. Les pauvres gens ! pour peu qu'on
veuille s'en donner la peiitf , on les mène ab&ola-
.ment tout comme on yeut.lLe mien , par exemple,
je l'aime de tout mon cœur, mais je ne ferois pas
une seule fois sa volonté , dut-il être rfkQji lytari
pendant cent ans.
ACTE I, $G£lf£ IX. 362
SCÈNE IX.
L*eÔT£âS£, AUGUSTE.
A u o^ S T E , i'air harassé et ses cheveux tout défaits,
Pabdoh, madame : i^estrce pas youi ^i éte«.
l'hôtesse de cette maison?'
l'hôtesse.
Oui , monsieur, c'est moi qui suis l^tnaitresse^
^u'y art-il pour rotre service?
AvavsTE.
youd«iQ«-T9«» bien me dir» s» deux dwiMS de
U proTiace sont arrivées dans cet hÔHlî .
Un« mère a^veo sa fille?
Our , madame , une mère avec sa fiilév>
l'hôtesse.
IXhierau soir; deux dames angloises?
AUaVSTE.
Non, madame;, celles que j'attends w-nn^nt
de Stettin.. Le carrosse n'est donc pas encore ar«
rivé?
l'hôtesse.
Il ne sera ici au plus tôt que dans une heure^.
Ah ! madame , je^us supplie , je vous en con-
jure, tenez -leur un petit appartement tout prêt^
ajrez pour elles tous les soins ,. toutes les atten-
364 LES DEUX PA&ES.
tions ; que tien ne leur nianque , rien au inonde \
entendez -TOUS, madame? Vous pouyez compter
sur mon exactitude et sUr toute ma reconnois-
sance.
L*BÔTE8SÉ, a ^ar/.
L'aimâblé enfant! ( Hau^ ) Sojez tranquille,
Itionsieur le page ; j aurai sOiii dé Ceft damei
comme de moi-mêMe.
AlTGtrSTE.
Vous êtes bien bonne : je n*ai reçu leur lettre
qu'hier fort tard , et au mdtaie instant un ordre du
toi nf'a fait paitir Ayec des dépêches; }'ai couru
toute la niitt^
zt'b^tessb»
Toute la nuit par le temps affireuz qu'il a bXxl
auguste.
Ah! madftme., j'y suis accoutumé. (Bas.) Mais
ma pauyre mère. (Hizut.) Et à mon retour, ayant
appris que sa majesté étoit sortie de la ville , j'ai
saisi lé ptémier moment pour vôIer ici.
l' HÔTESSE, s' attendrissant peu à peu , à pari.
Ce cher enfant! (Haut.) Exposé, toute la nuit,
au vent et k la pluie, à cet âge-là. Mon dieu!
comme ses paurres cheveux sont mouillés ! Repo-
sez-vous donc, mon gentilhomme, reposez- vous
uU moment.
ÀVGUS:^.
Cela n'est pas possible ; il faut qUe je fii'én aille
Ibîen vite , que je retourne au château : je n'ai pas
Une minuté à perdre;
ACTE 1/SCÈNE IX. 365
L*b6t£89E
Mais, cest comme si vous j étiez ;. ma maison
n'en est qu'à deux pas , et puis on Toit par cette
fenêtre tout ce qui se passe sur la grande place.
AVGUSTE , s^avançant vers la fenêtre et frisant un cri,
O ciel ! voilk le monde qui accourt : c'est le roi
qui arrirc Adieu , madame. Dites à ma mère
qu'Auguste.... dites-lui que je reyiendrai bientôt ,
le plus tôtque je pourrai. (It court et revient») Ah!..
Ditçs-lni aussi que sa lettre. ( îi montre une Lettre
sous sa camisole, ) Vojez y elle ne quitte pas mon
cœur ; diteis-luiLien, je vous en prie. (Il lui presse
tes mains, ) Ah ! madame , je vous recommande la
plus tendre , la meilleure des inères.
(Il sort,)
( Vhôtesse est attendrie jusqu'aux larmes , qu'elle es*
suie avec son mouchoir. L'hôte paroU dans ce ma-
ment : U est surpris de voir s'enfuir un page, )
SCÈNE X.
L'HÔTESSE. L'HÔTE, <ojctW^/e\
l'hôte, s'àpprochant.
Ma feïnme. . . . ma felnmei ... (It lui ôté te mou-
choir,) Gomment donc? vous pleurezl
L* H ô T £ s s E.
Sûrement , que je pleure, et vous en feriez bien
autant , si vous sayiez. . .
l'hôtE.
Cela se pcat{ daft torons ,' do quoi s agit-Sl?
di.
366 L£S D£UX' PAGES.
L*BèTEI(»£.
Un plttsJntéreMast îeuDe homme, d*un fils qui
adon sa mève e elle Ta arriyer ; il m*a demandé un
petit appartement pour elle. Je lui ai promis celui
ci ; je lui doniMroifi le mien , je lut donnerois to-
lontiert toute ma maison.
i'hôts.
Toute la maisOU:, toute la amison..» comme
vous prenez feu pour monneur le page !
I.'«ÔTESSE.,'
Eh! pourquoi doitc pas , mon ami?
l' Il 6 TE.
PotîrquOi?... C*ést que vous ne les connoissez
pas ; vous n'êtes jp^ âU fiiit comme moi de toutes
les geuttllésses de ces messieurs : défiez-TOus-en ,
ma fiçiHmè , dé6éz-yous-éh , c'est moi qui irons le
conseille.
l'hôtesse.
Encore de la jalousie ! Un page , un enfant.
l'hôte, à demi-bas,
Uaenluvt^ un enfant : quand une fois ils ont
mis le pied dans une maison... Cflonl.^ Tenez, si je
chantois aussi bien que vous , je vous dirois des
couplets qui ont été faits sur eux.
l*h6xesjb.
ï)es collets 1 Yojrons, mou.ami} wM£e oban^
son.
Mais je ekAata si mal , «t fta voii. . «
ACTE I, SCÈNE X. 367
Je sais bien qu elle n'est pas belle ; mais yoni
n^avez rien k me refuser, et vous chanterez pour
me plaire.
l' H 6 T E.
Je tâcherai donc de fiaiire de mon mieux*
phemizh couplet.
Ias toon que font menieurs les pages ,
If e sont , dit-on , que jeux d'enfants ,
Et l'on doit voir leurs badinages
Avec des yeux très indulgents.
Tant qu'ils ne sont pas dans un Age
On l'on peut causer quelqu'ombrage
A des ép<iux , b des mamans ,
Les tours que font messieurs les pages, >
Ke wntiincor que ienz d'cn&nts.
DEITXxàliC COVmBf.
On en rit , on les encourage ,
Et même on dît quHs sont channants.
Alors ils osent davantage ,
Et l'on «'y fût avec le temps.
Itoiir séduire «aeifillesoge ,
Pour troubler la paix d'un ménage ,
Que leur faut-il ? quinze ou seize ans.
Les tours que font messieurs les pagpp
Sont-ils encor des jeux d'entots ?j
I l'hôtesse.
Ce que vous dites là n>st point du totit pla^*
sant. . . pour un mari.r
x*,ajàuxx.
Je vous le demande.
368 LES DEUX PAGES. ,
SCÈNE XL
L'HÔÏKSBË, L'HÔTE, LE GARÇON ALLE«
' MAND..
LB OAHÇOH ALLEMASDi
Li carrosse de Stettin vient d'arriver.
(1/ fort.)
1*h6tE8SE.
Ah! tant miteux! viens, mon bon alni^ allons
vite au-devant de ces dames : mais, les voilà déjà..
Oh ! oui ) ce Sbnt sûrement elles..
SCÈNE XIl.
L*HÙTESSE, LA MÈRE D'AUGUSTE, GARO
LiNE , L'HÔTE , LA BOIWE dans le fond.
l'Iiôtésse.
Mesdames, donnea^vous la peine d'entrer, et
sojez les bien-ventes. On vous attendoit avec im-
J>atience. Un jeune gentilhomme , un page de la
chambre. . .,
LAMènk.
Mon fils !
caholive.
Mon frère ^
l'hôtesse^
Oui , madame.
tA Mknt ET CAROLtBSv
Cher Auguste 2 où est-41f
ACTE I, 6GËNE %IL 869
L*HdTE.
Vue iniiiiite plus tôt, tous le trouviez, iSies*
dames.
t'aÔTCSSE.
Il nj a qu'un instant qu'il vient cle s'en aller;
<;e cher enfaiit! il^a couru toute la nuit pour le ser-
vice du roi , et il a été obligé de retourner àU châ-
teau bien vite^ mais il m^'a promis qu'il reviendroit
dès qu'il le pourroit. Ab! madame, quel fils vous
avez ! quelle tendresse pour Sa mère et sa sœur l Si
Vous aviez vu son empressement, ses inquiétudes 4
et votre lettre, madame, qu'il pOrte sur son cœur<
Ah! je ne puis j songer sans verser encore doé
larmes , mais elles sont bien douces.
CABOLiNB^ aitendrief
Ah , ma mère l
LA M i n E ^ attendrie*
Chhe Caroline ! nous l'embrasserons bientôt*
mopsieur L'hôte ^ dès que mon fijis sera, arrivé ,
vous voudrez bien. * é
l'hôtesse.
C'est moi , madame , qui vous l'amènerais
l'hôte.
Non , ma femme ; c'est moi qui aurai cet hon«
neur : vous conduirez ces dames à leur apparte»
ment ; elles auront besoin de vous ; et mdi , je
reste ici ; j'attendrai monsieur le page , et le pré^^
senterai moi-mème< (A la mète» ) Madame » quand
il vous plaira.
LA IcàttE.
JHonnear l'hâte, je yoas remACcie de vas atten*
tion» et de yotre boo' aecueil.
(Vhôtesse conduit ce* dame* à leur appaMement ,
et lu bonne n'otunt poster devant Vhote**e., itf^è* un
\eu muet de part et d'auire, finit parpastet ia pre*
mlire en- faisant une révérence à t hôtesse^),
SCÈNE XIII.
L* H ô T B , les suivant des yeui^»
L'ÀiB noble, de la décence, de la politesse; ces
iiames n'auront qH a se loaer de moi. Mais, pour
ne pas perdre de temps , voyons si ma femme sest
occupée de ses livres. (Il va au bureau, ouvre les
livres et les examine^ ) Elle ne les a pas seulement
ouverts. £Ue a«ra jasé avec l'aimable enfatit, mon-
sieur le page. Allons , allons y il n y a pas grand
mal ; il est encore bien jeune. Mais » ponr la punir
de sa négligexice , je vais faire les comptes moi-
même ; cela vaudra mieux que de la gronder. (If
^ assieds) Voyons. Son excellence, monsieur le
comte% (JU compte et tialcule t^ut ta*. ^ Vin de Boi^
deaux, vin de Ghampagm^, du Marasquin. (U
compte et chiffhs bas. ). Fort bien» (li tourne une
feuille^) Mesfieuï» ks conseillers a«l«j[!iiM. A ubk
d'hdte. iU écrit H totàrne une femiU.) Messieurs les
cfaambelkns. Us dînent tcwj^wrs an Villa et re-
viennent se coiiciiar sans soupar. (U ipurne une
feuille, l Article des Anglois^ Oh ! c est tta pas âif*
ACTE I, SGÊNl: XIIK 371
livrent. [Ùcalcuie bas,) Trente ducats dans un jour !
(1/ écrit et tourne une /Cruîtfe.) A.I1! TOici monsieur le
chevalier. (li tourne plusieurs feuillets») Il vemplit
j[>re9que seul tout mon livre, il est vrai qu'il ne^
se laisse manquer de rien. Il mange, bmt, ne va
jamais à pied, crève tous mes chevaux', se sert
de tout mon monde , me fait enrager , me promet
tous les jours de Targent, ne m'en dohne ja-
mais , et finit toujours par m'en emprunter. Mais
comihe ce n'est pas la première fois que cela m'ar-
rive, le crédit lui sera continué. J'attendrai un
peu ; n'importe ; j'aime les François , moi. Ce sont
de bonnes gens, fb vous font attendre souvent;
mais on finit toujours par être pajé assez bien*
SCÈNE xiy. '
L'HÔTE, L'HÔTESSE^
l'hâte.
V9I2A ma femme, {ll^e lève,) Qu'art-elle donc?
'lime iemble qu'elle a l'air bien «riste.
4*>a6TBse'^, d'un air affligé.
le ¥ieas de montrer l'ai^artement à oesdaauHi,
mais elles n'ont besoin que d'une chambre.
x'aÔTiS.,
Sh^bien,, mA^Aète «mie?
l'hôtesse. \
Elles ne sont pas intenses. Sûrement elles ne
-sont *pM ^ftttMî Jifeitteuses q»'«llci nftériteiit de
l'être.
379 hEB DEUX PAGES.
CeU n'imTe ^e trop loayent, et snvtoat ans
honnétet g«{u>
^ l'hAtesss,
La inère ma parlé. « Ma bonne hétesse , m*a-tHellé
« âi%, je ne fais point dp pru avec yous , ï^s
u cette première pièce nous suffit. » Ensuite elle
a baissé les jreux. Elle youloit me cacher se9 peines
et «es larmes. Mon }>op ami, il faut cl^s att^ption^^
des égards.,..
|.*a6TE.
EUes garderont l'apparteinent et pe paieropt
que la clmnbre ; et si ce n'est pas assez.. ^
Braye homme! Viens m'embra^er à ton to^.
Qui, je suis heureuse d'être ta femme. Je te préfère
k tous les niarîs du monde. Quel cœur excellents
l'a d TE, aîUn4rL
Il fiiut offirir nos seryiees à ces dames'. Ce soin
te regarde ; il faut ne les laisser manquer de rien ;
ne crains pas que }y trouye k redire ; plus tu fer^
de bien , plus ti| me £iras plaisir* Seulement , mé-
nageons leur délioatesse. Ma.boniie amici prenons
bien garde de les offenser.
l'hôtesse, en fixant an moment ton mari*
Ayec cet air bnisqu^ , qui croiroit qp*il a l'Ame
si iepsiblç ?
l'bôts.
Ma «hère foune, il faut xàsik^t de ivettie la
bonae dans nos intérêts.
ACTE I, SCÈNE ^IV. $7^
l'hÔtesse.
C*e8t à qQoi j'ai songé ; car, en sortant, je lui ai
lût signe que je serois bien aise... La yoilà.
s<::ène XV,
VHÔTE, LISBËTH, L'HÔT£SS£.
LiSBETH, avec emltarrat*
Excuspr-Moi, madame. Je ne sajs si je me suj»
trompée , mais yous aviez l'air de yoaloir me
parler.
t*H6TESSE«
Il est yrai , et je vous suis obligée d'être veiiue.
l*h<5te.
Quelles sont ces deux dames ^ui viennent d'aç-
i^iver chez n|oi ?
^ISBETH,
Je n'ai pas l'honneur de les connoitre.
l'hôte,
V.ons les ayez cependant accompagnées,
l;sbeth.
Pendant le vojage seulement.
l'h6tesse..
Mais la jeune perspfine vous appelle sa bonne.
LISBE'TH.
■Tantôt sa )>onne', tantôt lantrement.
l'bôtesse.
Elle a l'air de vous aimer beaucoup»
37< LES DEUX PAGES.
LISBETH.
Elle a bien de la bonté. Je crois qn^on m'ap
pelle. Pardon ; il faut qne je rentre ; on peut avoir
besoin de moi.
l'hôte, l'arrêtant. /
Encore un moment, s'il yqjïs plait.
LISBETH.
Mais pourquoi donc toutes ces questions ? Je
ne sais rien , rien du tout. Je tous l'ai déjà dit , je
ne connois pas ces dames.
L'nÔTE.
Vous êtes une brave feinme. Votre embarras et
votre discrétion prouvent vos sentiments , et votre
attachement |K>ur vos maîtres : et quand tous sau-
tez. ..
l'hôtesse.
Oui , ma chère amie,, quand vous connpltrez nos
intentions , vous serez la première. . .
LISBETH, les regardant Vun après l'autre, et hési-
tant un peu.
Parlez-vous de bonne-foi? Ah ! ne cherchez pas
& me surprendre.
l'hôtesse*
Mous en sommes incapables.
LISBETH.
, Prenez bien garde. Vous me feriez mourir de
chagrin ; et qui serviroit alors ma pauvre mai-
tresse?
ACTE ï, SCÈNE XV. EyS
Mais pourquoi donc loupçonner d'hoimétes
cens ^ qui ne veulent que faire le bien ?
I.I8BETB.
J'aime à le croLce, Mais si tous saviea.. . ^
l'hôtesse.
£h! nous savons déjà la tristesse extrême de ces
dames^, et puis monsieur le page , ce bon fils » a.
laissé entrevoir...
LISBETB.
U vous auroit ifait confidence.v .
l'hôtesse.
Il nous en croit dignes , au moins.,
LISB£TH«
Ce cher enfant! mon petit Auguste! je le recon»
nois bien là. C'est moi qui l'ai. élevé; c'est moi qui
élève ses autres petits frères : je ne suis qu line
pauvre veuve, mais on m'aime, on m'honore dans
la maison. Ab! madame, ah! monsieur, si vous
eonn/oissies cette respectable famille. U nj a que
leurs malheurs, qui puissent égaler leurs vertus.
l'hôtesse.
£h! ma chère amie, plus ils sont à plaindre ^
et plus il faut s'empresser de venir à leur secours.
l' h ô-t e.
Instruisez-nous donc bien vite , afin que nous
puissions trouver des mojeus. . .
LISBETB*
£h bien! je vous dirai tout : mais , pour Dieu S
que jamais on ne puisse se douter...
^7^ LÈS DEUX Pâ6ËI$.
L*HdTE9SE.
Le plaisir de faii« une botane actrou rous té^
pond du secret.
ttSBÉtlf.
Vous êtetf de bien bonnes gens. Ëcofitez-mo»
bien. (£//e regarde- si personne ne tes écoute. ) Vous
Mttrez donc que madame e^t la veUVe d'un brave
officier. G'étoit te plus honnête homme et le meil^
' leur major de l'armée. Il estimoît beaucoup mon
ttari, qui étoit sergent dftns, le même régiment.
Tous les deux étotent d'un courage et d'une intré-
pidité.^. Et c'est cela même qui les a conduits au
tombeau ; caf ils ont été tués tou» les deux le
mèmejouTy à la même bataille. Vous pOùfez juger
^ùeîle Alt ndtte désolation, en apprenaut cette
triste houyelle. Janiaîs, noii^ jamais nous n'an*
tfOns pu survivre à ce malhetif, sans le tableau
déchirant der enfailt» qui ajoutott encore au dé<*-
tes'poit de la mère. imaglne<'>^yous six pauvres pe<>
tltes créatures autour d'elle , qui gémissoient et
qui «lioient : « 0*en est donc fait , nous ne ver»
ce rons plus ce bon pète. Qu*allonB-nous devenir?»
Et les vcrll& touis ensemble qui se jettetit à genoux,
qui lèyent leur» bras hinocents , et qui crient eu
sanglotant t « Chère macman ! prends pitié de ta
«( inalheureuse petite faliïille; Ite te livre pas au
« désespoir; conserve- toi poat tes enfants : nous
<c t'aimerons , nous te consolerons , nous n'existe-
u rons que pour prolonger tes jours et pour fidre
« le bonheur de ta vie. » Ils ont tenu parole*^
\
ACTE I, SCÈNE XV. 377
{Pendant cette $cène, ihéU et i*hâtesse t^attendrU"
. • . sent peu à peu*)
LHÔTEi
Que je me sens attendri l
L^HÔTESSE..
Comment retenir ses larmes ?
tXSBETB.
Enfin la mère , ne s'occupant pki^ que des de-
voirs maternels , a mis ordre k ses affaires f a ter-
miné celles de feu monsieur le major, a vendu sa
maison , a placé son argent chez un négociant , et
nous nous sommés retirées dans une petite cam-
pagne Cj[ui lui restoit. Là , nous vivions depuis
quelques années, et nous commencions à jouir
d un peu de tranquillité , lorsqu'un monstre abo-
minable... Ab! grand Dieu! prends pitié de nous.
Hélas I un procès aussi cruel qu'injuste....
l'hôte.
Un procès injuste! vous le gagnerez.
X.XSBETH.
Mais il fiant de l'argent , des amis, des protéc^
teurs.
De l'argent , j'en ai ; dçs aaiis , nous en trou-
verons ; des. protecteurs , avec notre bon r4>i , une
bonne cause n en a pas besoin. Comment s'appelle
votre maîtresse?!
IXftBXTR.
Riesberg..
3%.
37S LES 0EUX PAGES^
L* H ^ T I , avec te plus grand étomnemeiU-
Gomment! madame est la veure du major Ries*
bcrg, mon bienfaiteur?
LISBETH.
Youi le oonnoissiez , monsieur?
l'hôtesse^
S'il le connoissoit !
l' H 6 T E.'
La yeuve du major Riesberg çst malhenreuie,
et je ne Tai pas su plus tôt?
i4*HÔT£SSE.
Mon ami !
• L*HÔTE, àLlsbeth*
Qu^elle ne craigne rien ; qU'èUe soit ttanqiuiUej
qu'elile compte sur la recohnoiàsance i^u'e je dois
à feu monsieur le major, et 'dont Je dotiit6rai dèi
preuves à sa famille. Inon bien , tôiLt ^ ^ù'e je
possède ; je lé lui oifté dé Vàft ikètn): : elle féat th
disposer.
1. 1 ftiBi E t H , wetrànt UsêtàuM )de fkSte.
Le braye homme! l*feotelidle homme! La proyi-
dence. nous a eonduhes oln» yous. J'enlteAds ma-
dame.
Retiit>iis-noas vite. Vous ftcbey^res de m*in^ .
truire : tùi , nia lem»e , teaîé^ ttt Mi» àt ^uoi
tton's'ràalhès ocmVeiitttk
(L'hâte et hUbeth sortent ensemble f»' té pùHe du
ACrS I, SCËJfE XYI. 979
SCÈNE XVI.
jLA MËRE D'AUGUSTE, L'HÔTESSE.
LÀ, ukuty à elle-même.
Mov fils ne vient point. (Haut) Madame, il
n'est pas encore arrivé?
^t/hôte9se.i
l^as encore. Si madame vouloit, en attendant,
me donner ses ordres?
LA MknE.
Je ne pense qu'à mon fils.^
L*HÔTESSE.
Peut-être qu'il ne peut pas quitter : il faut qu'il
•oit de service auprès du roi.
LA MiAE.
Il me tarde bien de le voir.
l'hAtb&sb.
Ah ! ).e le crois :- mais il me vient une idée. Je
TMS envojer quelqu^nn au château , qui parlera à
l'officier de garde , et par ce mo jeu non§ aurons
bientôt des nouvelles de M. Aujgiwte. Un moment
de patience , madame ; je cours et reviens à Tfas-
tant.
LA MtsB.
Ma bonne MtesKe , |e suis sensiMe k tontes vos
«ittentidns. Voudriez -vous aussi ^re un mot en
sortant , pour iqu*<m ait bien toin de la peftonne
qui nom tt AefMnttpajgnécs?
380 1£S DEVX PAGES.
Oh! rien ne lui manquera. Mais, vous *> même i
madame , tous ne daignex pas me commander. v«
LA MkBE.
Je ne demande que mon fils.
L*HÔTESSE^ à part
Elle me reiiise. Gomment Enire? Je n*ose en dire
davantage. (HauU) Votre très humble serrante*,
je vais enyojer au ch&tean.
(Elle sort.)
SCÈNE XVII.
L'A MÈRE, seule.
I
Grabid Dieu! que j'ai de grâces à te rendre de
m'ayoir accordé des enfants comme les miensr, sur-
tout ce fils, modèle de Tamour filial! Je vais le re-
voir : sa douce présence va ramener le calme dans
ce cœur affligé. Tiens , mon fils ; en te pressant
dans mes bras , j'oublierai les rigueurs de la for-
tune , mon Âme pourra se livrer à toute ma teo-
dresse. Ah! ma tendresse, toute extrême qu'elle
est, ne pourra jamais pajer ni ton amour, ni tes
bienfiûts. Heureuse mère ! cet enfant, que ton sein
a nourri , n'existe , ne respire que pour toi. Il re-
nonce à toutes les douceurs qu'à son âge on désire
toujours, et il se prive de tout pour que je sois
moins k plaindre. Mon fils , mon .fils !... Mais il ne
vient point* Chaque inst^t redouble mon impa-
ACTE I, SCÈNE XVfi: . 38i
^. -
ti^nce^ Gb«r Auigofite! ah!- qtt'rl est doux pour un
isœnv sensible de joindre les sentiments de la re-'
coaneissan^ à ceux de la pla» tendre mère!
SCÈÎirE XVIIL
tA MËHE, CAHOUNE.
CABOI.tHB#
Vous Ûissez seule v^otre fille, itta mère?.
LA MÈRE.
Viens y mon enfant. Te voilà tonte trend>l»ilkfe/
Qn'as^tù done , ma cfhère Caroline?
CAROLINE.
Ah ^ màînâiï! ai les cruels qui nous persécutent,
filloienf nous poursuivre jus(ju'*i<;ic O ciel! ye îk'é-
Èaïs pour lâà nière«
LÀ MÎli£<
Tu frémis pour ta mère, fille infortunée! tu ne
songes point à tes propres chagrins; tu ne i'affliges
que de mes peines. Mais , mon enfant , les tiennes
sont aussi iàr (Elle ia attfe contre spà ccéUr.) Ma
fille , souffrons , mais ne nous déihontons jamais.
CAnOLINZ.
Votre Caroline sera toujours digne de yôus<
LA DtànE.
Ah! je n'en doute pas. J*âiirols voulu assurer
ton bonheur aux dépens de ma vie. Je n'aspi^ois
q«'«u JDonent de te voir unie à Ferdinand; Bi«it
S8» lES DEUX PAGES.
vfi'inêe, sans bien , sant espoir peut-être. •'*. Et Fer«
diiund est toHJours le nème?
CAneLiKB..
Ah! iKDujaors le même.
SCÈNE XIX.
LA MÈRE, CAROLINE, LA BONNE,
THÉODORE, arrivant aj^t.
VA BOKHE.
Ma&Amb , madame, bonnes nouTeHes! Toici un
page dé la chambre.
Kl A MÈRE, sans voir Théodore
C'est mon cher Auguste!
cAaoïiiiE, sans voie Théodore*,
C est mon frère.
THÉODORE, (^ia porte, aux gens de la maison^
Bonjour, Ernest x bonjour » tous autres.. Avec-
tissez tout le monde» j*ai best>tn de toute la mai-
son pour me servir.
CAROLIHE, LA MèRB.
Ce n'est pas luL
SCÈNE XX.
CAROLINE/ THEODORE, LA MÈRE
D'AUGUSTE.
TBl&O-D^RX.
M AB AME , moDsienc votre fils , mon emi » ajrant
été subitement nommé de aemoe avprèi du roi,
ACTE I, SCÈNE XX. 383
xn envoie ici vous ofirir ses respects, son chagrin ,
et toQt le zèle et toutes, les attentions du plus dé-
voué de ses camarades.
LA MèRE.
Quoi! monsieur, nous ne le verrons pas?
THÉOBORE.
Dans ce moment-ci , c'est absolument impossi-
ble ; mais , si j'ai le bonheur de faire agréer mes ser-
vices, je pourrai, par ma place. . . Oui , mesdames,
comme le roi , après sbn dtner , s'accorde ordinai-
rement quelques instants de sommeil , j'espère , je
réponds de réussir à combler les vœux les plus
chers de mon ami , et ceus de la plus juste impa«
tience.
LA U^RE.
Ah ! monsieur , si vous connoissez celle d*une
mère , vou^ devinez déjà son premier désir. Que
pense-t-on ? que dit-on de mon fils?
TRéOSORE.
Les bontés du roi répondent à cfiHe question.
LA M^RE.
Qudie douce satisfaction pourvue mère!
CAROLlHjE.
' £t pour une sosur !
LA MÈRE.
Auguste est donc estimé?
THÉODORE.
<£t c^ride tous eeuK qui le eonneissentbien..
Ah i croyez, «mon9io«r y qu'il fagne à ètve conim.
LES DEUX FACES,
Mais pardon : je ne parle que de ^on fils, et
j'ignore encore à qui je doi»tousittes remercim^iits.
THÉODORE.
Je suis le fils unique du général Kronscfalld,
frère du baro^ immédiat du Saint Epipire , qui
porte le même nom* J'ai eu quelquefois Tbonneur
de voir madame chez mon onch ie commandeur ,
et mademoiselle chej( ma grand -tante : il est vrai
que dans ce temp^-Jà jëtois si jeune, que ces dames
n*ont peut-être pas trop daigné prendre garde à
moi,
CAAOLIIIE.
Ah! oui , ma mère , je m en souviens fart bien ;
et, si je ne me trompe, on appe|oit monsieur,
Théodore.
- ^ THÉODOBE» r
Lëtourdi; car jelëtois alors et beaucoup: mais
aujourd'hui oe. n'est plus ceUy tout est changé.
Maintenant, permettes, jnes^anies, que je m'ac-
quitte de lë|nploi,que m'a çon|ié mon ami, Cette
maison est fort bonne, in^ia il ÙluI crier une heure
avant d'être entepdu. {Il te tourna vert la pointe da
fond.) Holà! hé! garçons, arrivez. [Aux dames.) Se
vous demande bien pardon. {Il va vers la porte du
fond.) Ernest! Ernest ! (Il relent.) Mille pardons,
mesdames^ {Il retourne à la porte,) L'hôte! l'hô-
tesse ! garçons ! tous les garçons ! ( h revient. ) Quand
je vous l'ai dit, Yous voyez copum^ on est servi.
{Il prend la sonnette qui $st smr le bureau, ouvre la
porte du fond et tonnf tant i^uU peut en criaA^)
ACTE I, SCÈNE XX. 385
Bdlli, donc! rAUemand! TAnglois! tous les gar-
dons! rhdte! rMtesse! *
On j va.
SCÈNE XXL
CAROLINE, THÉODORE/LA MÈRE D'AU-
GUSTE, LES QUATRE GARÇONS.
l'al&emavd.
Novs Yoilà : qu'ordonnez^ tous, monsieur le
page?
THÉODOUE.
Il est temps , ma fi>i , car il y a deux heures que
je crie.
l'aliemaivd.
' Pardon : mais la veille d une revue , on ne sai t à
qui entendre.
THÉODORE. ' '
Tenes, prenez. (1/ donne de tardent à chacun.)
Et àttendez-pioi ici. Je reviens dans la minute.
( Aux dames. ) Je suis au désespoir ; mais ici c'est
impossible autrement : si j'avois le bonheur de re-
cevoir ces dames chez moi. ..
L^ MÈEE.
Monsieur, nous allons vous laisser.'
l'HiODOI^E.
Paigne* accepter ma inaiii, (14 U$ .reconduit à
leur apparUmfiiU^)
Th^ilre. GamMt«f. 1 4* 33
38$ LES DEUX PÂÛES.
SCÈNE XXII.
LES QUATRE GARÇONS.
LE FRANÇOIS^
Cadédis Î le channaut jeupè homme I comme il
est généreux! il ma doâné cela.,
^•'italien.
A ttioi aussi.
x'AvotoiJ..
A moi d» çiéme.
l'allsiiaiid«
Et à moi donc.
tm jpaAHçoia*'
C'est un seigneur.
L*AHOXOIS.
C'est un jovd«
l'italieh..
C'est un marquis.,
L'AtLBMAVp.
Point do tout : c'est un gentilhomme;
SCÈNE XXIIL
LES QUATRE G^gÇQBTS, THEO0ORE.'
TBioBOBC.
ALI.OHS , mes amis : alerte ! j'ai besoin de toute
U maison» Faites-aftoi venir l'hdte et i'h^^esae. Il
me faut tout le monde pour me.serWr..
(VAUtmandiorU)
ACTE 1, SC£N£ XXIV. 387
SCÈNE XXIV.
TH£0I>0K£ I LES TROIS GARÇONS daat te
fond^
TKÉODOnE.
La .soeur de mon ami est charmante : courjige !
Théodore , vôîlà une conquête digne de toi. Voilà
la femme qu'il me faut, je Tadore. Il s'agît de
briller ici de toutes les manières. (li sort de fardent
de toutes ses ^poches, et le met dans son chapeau, )
Il né faut rien négliger, et je vais commencer par
lui donner un repas magnifique.
SCÈNE XXV.
LHÛTESSE, THÉODORE, LES TROIS
GARÇONS dans te fond.
l'hàtesss.
Monsieur le baron; on dit que tous voulen
vous em{>arer de toute ma maison.
THÉODORE.
Rah! je ne sais pas même si j'en aurai assez^
Bonjour, madame Phlips, vous êtes toujours la
plus jolie femme de Berlin ï je meurs d'amour
pour vous.
l'hôtesse.
Tous avez bien de la bonté ; Yoiià mon mari\
38S LES I>£UX ?AG£S.
SCÈNE XXVL
t*]^ÔTESSE, THEODOItE, LH^M, LES
QUATRE GARÇONS i/iiiM ie fimd.
Mais, qu est-ce donc qui' i^ passe ici ? Quel
bruit! quel traia! On diroit.qu9 la rerue «e fait
citez moi ^ '
ÏRiODOaKr
Ëbr arriyez donc, arrirez donc : roua vous
Élites bien attendre.
t' a 6-T B.,
Ah ! je ne td*en étonne plus , c'est un pajge. £b
yen, monsieur?
tHÉoironE.
%VL yérite , charmante hôtesse , Tou» Vfet 1»
mine la plus piquante^ (^ i'oreille*^ Je yous aime
k'ia fi>lie«-
Monsieur, je tous demande bien pardon ; mais
quand on yient dans mon hôtel , tf *est au maître ,
e'est à moi ^eui qu'on s'adresse.
Cela se peut , mails j'aime mieux ayoir afîiite à
ttadame.-
i'hôtb.
Monsieur k baron , trêve de badtnage : noas
n'ayons pas comme yous Thabitade de perdre
ACTE I^ SCÈNE XXVI. 389
»otre temps. Dites-moi ce qui me procure Thou-
ia«ur de tous yoir, ou trouvez bon. ...
THÉODORE.
Ce qui tous procure Thonneur de me .voir ? je
▼ais TOUS le dire. Savex-vous fiure un repas?.
l'hôte, choffui.
Si je sais fiure un repas I
l'hôtesse.
C'est son fort que les repas.
TaéoDoas.,
Eh bien ! écoutes. Je yeux être seryi comme on
l'est en France. La plus belle argenterie , le plus
beau linge , quatre services , la plus grand 'chère ,
et les mets les plus délicats « des vins exquis , et U
dessert le plus recherché. Je me moqu^ de la dé«
pense. (1/ lui met son chapeait plein d* argent tout le
nez,) Prenez autant d'argent que tous youdrec,
mais je yeux un festin qui ne finisse pas.
l'hôtz.
Combien de couverts?
s
THÉODORÉ.
Trois.
l'hôte.
Trois !
THÉODORE.
Dans l'appartement de ces dames.
l'hôte, étonné»
Dans l'appartement de ces dames! ah! tril TO-
33.
3go LES ryÈVX PAGES.
tôïkïicfs,^(jiux ^àrçétiê.) Allons, îjiie tont \é viande
s'empresse à ^ÀVîr Àbnsieur. AbnsféiiTlê l>ârbn ,
TOUS serez traité à là fratiçûise ; et , comme bon
ÂBeiiJtâikid , tous mvrex Aïk diner qm ne finira ^as.
FIBI DU pniMlEA ACTK.
ACTE SECOND.
lie ibéâtre r^ësente l'antichambre del'appar-
îëtAmt royal dans le château. Une grande
porte est au fond; deux autres inoins grandes
placées vers les troisièmes coulisses. Une
table très-ôrnée dans le fond avec une pen-
dule dess\is^ une autre table sur le devant
ëgaf^mént omëë^ et Tsm laquelle est une
écritoire en or. Dès bliàtses et des tabourets
de velouns bleu à firanges d'or et à pieds
datés.
SCÈNE i.
THÉODORE entre par ïà 'parte du fbnd et vient en
i'aulakt,
IlBiniïnx Théodoire ! heureux Théédore !.. Je Ittts
dans une joie, dans une ivretsie; la tête m'en
tounie. Ah! la céleste créature 4[ùe toa chère Caro-
line ! Yoilà qui est fait. J'aime comme on n'a ja-
xdais aimé, et je suis fix'é pour toujours. Quelle
douceur ! quelle modestie 1 et quelle grâce ! Je ne
parle pas de sa figure , c'est un an^e. L'amont l'a
faite exprès pour moi. Quels ^eux ! une taille , et
paiB ce ^nris OBchànteurji et puis nnè mélancolie
1
399 LES DEUX PAGES.
•i donee» û yoluptueuse, une mère si respectable,
un frère, mon meilleur ami, j'épovse tout cela : je
tenda hommage à l'amonn, à ramitié , k la vertu.
Je comble de biens tont ce q,Uf m'est cher, et met
parents ne pourront pas faire un plus noble usage
de leur fortune.
SCÈNE H.
Théodore;, auguste.
(Auguste est gai comme Théodore | et il entre par la
mémeporte.
AUGUSTE.
Ah ! mon ami , te voilà ! eh bien ! Sont-«lles ar-
rivées ? Les as-tu vues ? Gomment se porte ma mère,
ma sœur ? Ne leur est-il point arrivé d'accident
dans leur vojage? Qu ont-elles dit? Qu'ont-clles
fait? Les verrai-je bientôt?
TBéoDoas.
Point d'inquiétude, mon ami, tout va bien. Ces
dames se portent k meiveille , et elles vont venir.
Elles sont enchantées de toi, de moi. Ta aosur est
adorable. {Ba$,) Il ne sait pas qo'il sera mon bean-
frère bientôt. (Hoaf.) Je t*ai représenté, j ose dire,
avec succès; tu n'as qu'à demander. Dans deux
heures tu les verras.
AU o u s T E , tristemenU
Dana deux heures !i
THiO»OBB.
Ecouta donc, mon ami. U iatttbiatt les laisstr
ACTE II, SCËNE IK 398
reposer un peu; et puis-, ne faut-il pas une toilette
une grande toilette pour ta soeur? et puis ne-faut-il
pad dîner? Enfin )'ai fait des merveilles^ o»te dira
tout cela*
▲UOUSTft»
O ma mère! dans deux heures , yç mêlerai met
larmes aux Y6tres !
" THÉonoaE.
Ce sera un moment bien doux pour tous lei
^atre. Car j'y serai aussi ; pas vrai , mon ami t
AuovsTE, lui serrant ta main,^
Ah ! de tout mon cœur.
THÉODons, lui sautant' au cou:
Cher Auguste ! c^e tu me fais de plaisir ! ( Bas. )
le meurs d enyie de lui dire que je vais me marier
avec sa soeur* Ok! non^ il faut faire ma déclaration
d*abord.-
itVOV»'Tt,
Que 4>^ tu donc, mon ami ?.'
THÉODORE'-
Je dift tfopjl faut te reposer aussi; tu as eottru
foute la nuit, tu nen peux plus de lassitude. Tiens,
mets-toi là. Mets-toi sur cette chaise , et tâche de
dormir un peu.
▲ VG9SÏB.
Moi ! dormir, quand j attends m» mère.
XBÉonoiLE.
£h! ne t'inquiète donc de rie&. Laisse-moi le
soin de tout ; je te réponds q;ne je ferai les choses
comme il £iut* Vois-tu ce rouleau? lesgaltons sont
39l tES fcEtJX PAbES.
arrîrés.' Cent ducàtâ (fais ih'ètivôiè ma fattille pom
1« {onr de nié fête. Titûi^ àKod attii, partageons ,
en pIiîfAtp^di tont^ta me ftraff eteeoré plm de
plaisir.
Mon ohet Théodore, }e te renkercie,
THÉODORE.
Ne te gêne pas, je iùis en fonds. (Il baisse la
holx, ) Depuis un mors , je gagne tous lès jours au
jeu ; prends mon roiileaii.
AÎIGUSTZ.
' Bien obligé , mon ami.
THÉODORE,
Je ne tcux pas que tu me remercies j je veux
^ue tu acceptes.
* *
Auguste.
Je suis sensible à tes offres ; mais je n'ai besoin
de rien, (Il étouffe un saupir,)
THÉODORE. ,
Tu n'as besoin de rien? Yoilà donc comme tu
me chagrines toUjburs? et tu te dis mon ami!
Auguste.
Théodore I
Won , tu ne 1 es pas. Pas plus que de tes autres
camarades, qui se plaignent dé toi, et qui ont rai-
ton de se plaindre.
AUGtTSTE.
flrfiébçloreî
ACTE II, $GÊN£ II. 3^9
Je ne lai îamais Toutu croire : j'aTois toujoun
pris ton parti contn eux ; mais je roii )>ien k pe^
sent. .'. .
AVOVSTl.
Et que peut-on me reprocher?
THÉODOEB..
Pourquoi refuser mon argent? Pourquoi se sin* «
gulariser en tout? S éloigner toujours de tout le
mou4e, yiyre presque seul, n'être d'aucun} fUm
tie , toujt cela ressepible à 4^ ^éprf s.
AVOUSZS.
TBioDoas.
Oui , monsieur, à du mépris : le sait-tu T
Ah r mon ami!
T9ÉODORE.
•» . f. . ».
Ils^disent cependant qu'il y a pour moi des pré-
ferences. Ils le croient , et tu ne reux pas accepter
mon argent; et dans quel moment encpre! Ah!
monsieur, est-ce là une marque d'amitié?
ATTOyST^.
Cher Théodore ! il jfaut qu^ je sois hieu k pjbiin-
dre , si je suis obligé de me justifier auprès d^ toi. .
ZHÉODOXLE, honteux.
Est-ce que je te le demajade?£h! non, mpn cher
Auguste ;4iveo moi^ jamais àê justificf^tio^*^
3gS LES DEUX PAGES.
AVOVSTE.
Mût que Teax*tii donc que je fasse contre d'in-
justes jonpçons et de fiiusses accusations ?
TBÉODOBB.
Nj pas donner lieu ; ne plus cactîer tes dé-
n^arches, tes dépenses, tes plaisirs, cela te fait des
ennemis ; et si enfin le roi. . .
AUGUSTE, aiarmé*
Le roi?
THEODORE.
Eh! mon cher camarade, manquons -nous de
surveillants, et les surreillants manquent-ils de
rapporteurs ? Crois-tu qu'ils te pardonneront ja-
mais la pension que tu as obtenue à ton âge?
AUGUSTE.
Ah! grand Dieuj conservez-moi les bontés de
mon maître ! Malheureux enflant ! que deviendroit
mk pauvre mère?
TH^OSORE.
. Tranquillise-toi , mçn ami ; il ne t'abandonnera
jamais. 19 'as-tu pas pour toi sfi justice, ton inno-
cence, et la mémoire. de ton père? Ce grand roi
oublia-t-il jamais un brave officier tué sous ses
drapeaux? {Auguste soupire.) Calme-toi donc, mon
cher Auguste, et ne t'afOige pas. Surtout, par-
donne-moi ma petite vivacité , je te promets de la
bien réparer ; mais , en attendant , ne songeons
qu'au plaisir de revoir ta mère, ta sœur. Je vais
de ce pas retourner auprès de ces dames, et pen-
dant g[ae je vais les chercher, tu te repoterài
ACTE II,.SG£;N£ If- 897
un peu : mon ami , entjends^tu ? tu en as grand
besoin.
AUGUSTE.,
Il est yrai , je n'en puis plus ; mais, si |e roi. . ^
ZHÉODOAE.
A l'heure qu'il est? Il nj a qu un moment qu'il
s est jeté , comme de coutume , tout botté sur son
lit de repos. Toute la nuit, il Ta passée au milieu
des dépêches , et toute \a matinée au milieu des
bataillons. Voilà un roi qui se donne bien du bon
temps. Allons , allons , mets-toi là et dors un peu^
Moi , je vais agir. Compte sur mes soii^s , mon in-
telligence, et surtout sur mon amitié} je ne te de-
mande , pour tout cela , que de vouloir bien prendra
mon argent.
AuovSTE, attendri.
Mon cher Théodore , mon cher ami , je t en de-
manderai quand j en aurai besoin.
THÉonoâB, t*embrassant.
C'est parler cela! Adieu, mon ami. (A demi-bas.)
Adieu, mon petit frère. (Haut.) J'ai bien des pro*
jets .: je veux. . . . Mais je te dirai tout cela. Adieu ,
adieu, mon cher Auguste.. (1/ dit tout cela en sau-
tant , et sort par la porte du fond : on voit dfis gardes
fin 9entinelU»)
SCÈNE IIL
AUGUSTE, seut.
Quel ami j'ai là! Il s'est fâché, parc£^ que j'ai
refusé soa« argent. (.// s'assied sur une chaise et lire
Thétttre. Ccmédie*. l4« ■■^'i
398 LES DEUX PAGES.
la lettre de^éestàuM sa eamisoie,) Hélas! s'a ssroit!
( U regarde ia lettre, ) Ah ! qu'il m'en voudroit ! (A
ouvre ta lettre et ta boue.) O ma malheureuse mère!
ma malhenrense mère!.... Voilà donc où nouf
sommes réduits! (1/ parcourt ta lettre et lève la
jfetix au ^iel en soapirmit. ) Mais tout n'est pas en-
core desespéré. Le roi sera instruit; il saura tout;
rieu n'échappe à sa Tigilance; il admet et écoute
tous ses sujets. Tous ont également part à sa bonté
et à sa justice; c'est le dieu tutélarre de son peuple;
il sera sensible à nos malheurs ; il s'attendrira sur
le sort d'une &mille persécutée. . . Je vois déjà nos
ennemis confondus, pnnîs. (À demi-bas.) Oui, j*
me sens déjà plus calme. . . . Un doux espoir renaît
dans mon âme {Plus bas.) Ma mère! tout ra
changer. 4. Bientôt nous ne pleurerons plus... ( U
s'endort et laisse tomber sa lettre sur ses yenoax. }
SCÈNE IV-
AUGUSTE endormi, LE ROL
(Le roi entre par la porte du cbîé droit des acteurs, il i
plnsienis pi^eis à la main : il n|;aRiB la pendule.)
£ E a o I , son ton brusque.
Je me suis reposé trop long-temps... Lisons vite
ces lettres. (Il en ouvre une, ) Le prince de... 11 a
le temps d'attendre. {Il met la lettre dans là poche
gauche : il en ouvre une autre.) Le èonseiller intime
de.... jOn ne me trompe pas deux fois. (Il met cette
lettre de même dans ia poche gauche : U en ouvre une
ACTE II, SCÈNE IV. 399,
Mutre») Fidèle» sujets, les colons de.... (1/ lit. ) Il<9-
ebiiendront ce qu'ils demandent.... L'activité et;
L'industrie peuvent toujours compter sur ma pro^
tection... (li met cette lettre dans la poche droUe, et
U en ouvre utu autre,) Les pauvres habitants de....
Voilà les plus pressés : les malheureux ont tout
perdu par le ravage des eaux. Ils auront tous les
secours, nécessaires., et seront exempts d'impôts
peadant deux ans. (Il ouvre la dernière lettre. yh^
ifoiiuiiaadeur de.... Ah! qu'il vienne,, j'ai des torts. -
à réparer.... {Il la met dans sa poche droite. Aperce-
vant Auguste endormi , 1/ s'approche de lui et le fixe
un moments) IX dort mieux que moi.... Cet enfant
m'intéresse..... On. l'accuse cependant..,. Mais je me
sottviensde soupère... Quel est cet écrit? Voyons...
}.'jr trouverai, peut -«être quelqu'cclaircissement.
( Le roi se met dans un fauteuil de l'autre côté et VÎS'
à-vis. d'Auguste , et il lit. ) « Cher Auguste , seul,
«i appui.de ta mère et de ta malheureuse famille... »
( Le rot étonné regarde Auguste avec intérêt. ) « La^^
<( pension que le roi a daigné t'accorder, vient cn-
i< core de m'ètre payée. » Voilà donc , enfant gé-
néteux , Vusage que tu en fais..., £t on t'accuse.....
le ^verrai toujours paj^ moi-mêm«. tTeneur des
rois coûte cher... (Il continue de lire.) u Ce n'étoit
«, pas assez qu'uae fsaude impunie » ( d'une voix
Urrible) impunie! « engloutit le bien acq^uis par
« le sang d» ton père la haine d'uQ magis»
« trat puissaQt et oppresseur..... des frais pour.
« payer notre perte. . O mon fils !..., L'existmçe «^
4oo LES aEUX PAGES.
« rbonneur de ta mère , le chaume qui couvre une
« noble famille va lui être arraché avec ignominie.
« (1/ s'attendrit.) Menacée du plus accablant dé-
« cret , poursuivie peut-être jusque dans la capi-
« taie... J'y cours chercher des protecteurs à mes
« enfants, et un ami, un seul ami qui se souvienne
u de leur père. » ( U essuie une larme de ses yeux. )
Qu'elle vienne à moi , je suis cet ami-li.
AUGUSTE, pariant en son^e et tendant les bras, dit à
demi-voix :
C«nt ducats , (plus haut) cent ducats. O^ma mère •
le ciel nous les envoie.
XiS ROI , écoutant avec intérêt et se levant avec préci-
pitation.
Oui , il te les envoie , pauvre et noble enfant !
(1/ tire un rouleau de sa poche et le met dans celle
d*Auguste,) Remettons -lui sa lettre; mon or ne la
lui paieroit pas. . ,
(Uênfiint se réveille, et le roi se hâte de s'èloicfner, en
feignant de lire*)
AuausTZ.
Le roi !.. {Il se lève avec effroi.) Âhl mon Dieul.r
(Il est tremblant et n'ose lever les yeux. Le roi, qui
Va entendu, se doutant de son embarras, se détourne
encore davantage. Auguste se permet de regarder du
com de l'ceU, et voyant le roi qui lit , il se rassure un
peu,) Il ne m'a pas yu. (14 voit la lettre par terre , U
la ramasse avec vivacité, ) Ah ! ma lettre \\llla met
sur son eeeur,)
A€tE I!, SCÈNE IV. 401
K. E 'n o r, iaki (flè'Hter tes yeux^ dé iiessû^'M'ieUre»
'Qbelqu'ttii'!.* (Aaéiu^e avance timidement* } Qui
a porté 'e«t|«'nvitib68^d4plcfae»? ^ '
AuavsTiT. ' ' '
Sire , c'est moi., '
X. s n o I , adoaeUaant son ton naiUfiei^ (fui cependant
perce toujours»
Et pou»|vioi iMte ^»e-t-on pas leposef?
Qadlie bonté ! • . ,
LE HO'!* ,.•>.. i .■.,• » : , ■
Auguste; des soupçons 6'élè'«i0Btio| conm toi.
(^Au^uste Cet altéré.) Qne fàis.>ta deton argent?
^ A u « u 3 T E , avec te ptus grand embarras,
Sivè. *
Z.E AOI.
Te rêproebes-tu de l'ayoir mal employé?
AU&U6TI.
Non , sice. Dieu m'en est Ijémoin..
LE ROI.
^ Pourquoi donc tant de myetére?
AUGUSTE.
Sire. . . Votre majesté, . .
LE ROI, d'un air satisfait, à part.
Il n*àvouè Tten.Xffdiif.) Augtfsté, tto n'as pittf
de père, (U tè regarde avecdiie extrême tfonté* )
AiTGVSTE , transporter, avec un0 confiance respectueuiêm
Pardonnesb-moi, sire.
lE ROI, avec ta mémiebonti.
Achève.
34.
4<»a LES DEUX PAGES.
AV^vtkTEf euêiBi pKécipUoHt aux pieds du roL
N^ suiji-jê pa0 an des suints de yotoe majesté f
LE ROI, apré» ait^ir put reUftr Auguste^
Quel &it ta mère?
AUGUSTE.
' SÀre , elle hétùA Bon roi, et lui. éUve de» aerrî-
teprft.,
LE Bôi» avec uU€ndri$semfitiiff mai* d*un ton tissez
Auguste, je veux ia voir , ta m^.. ( Ufiiiédeux
pas et se retourne. ) £Qftend*-tu ? Je yeux la Yoir.
ÇLâeùLsori pariém^rte du foud, tfu'U'ouwte* Un jr»-
nadiènest en semtineUûj U observe un iftstant et sort :
ta porteuse firme*).
AUGUSTE, Â genoux et tes bras étendus vers le ciet .
aveu enthousiasme,
O Dieu ^ ^ui lisex dans mon âme, accosdez^moi
le bonheur de mon pèce^>*.... Mourir pour un tel
maître. ...
SCÈNE V,
THÉODORE, CAROLINE, AUGUSTE,
SA MER E»
iiS^od<|i)i f^tre^^T^ foes dames> paf la porte à fsiielie,
, au momipn^. pu le roi est sorti.)
o T&iOR04L|E-
Auguste?
Mon fils !
ACTE u; SCÈNE V. 4o3
CAll.OtIIIE«
Mon^ frère !
▲ CTGUSTE.;
Ma mère ! Grand Dieu ! Ma chèfe Caroline l (Il
se jette dans les hras de sa mère et de sa saur.)
THÉOOORlE^ ' '
Voilà mon ouvrage.
( Momeni de siUnce* )
LA mIsex*
Reste» lette dans mea brat, mon fils.
THÉODOUE*
Quel spectacle! r
LA MkAB, à Théodore,
Monueur , ^ue peut dire une mière à son fils qui
la fait subsister? ,
A VG u s T E , aa désespoir de ce <iu'U vient d'entendre.
Que ^i«ns*je d'entendre! Orna mère! tous faites
soulfriT; vous faites mourir votre enfant.
( Théodore s^étoigneÀoueemeat et sort par éa même
porte,)
SCÈNE VI.
CAROLINE, AUGUSTE, SA MËHE.
LA MiaE.
C'EST en vain que tu m'ûpipole» iileuce; ton
eonir généreux. orciut les témoins , et le mien le«
désire et s en honore.
AV/I»U9TIB.
Vous vous abfÛBsez, ma mère. Ah! padevmol
4o4 Lf:S DEUX PAGES.
de ce que je vous doit. Oraqd Dieu l qui peat ja-
mais pajrer une mère?
LA ntttE:
Un fils comme Aaguste!
c AROLIirZ.
Un frère comme Auguste!
( Ils se jettent encore une fris damies béas fun de
t autre, et Use frit un moment de silence, )
avcs^vste;
Ma mère! ma sixur! queAOS cteurs s'oQTrent à
l'espérance. Le roL.» Ah! -si tous saviez. 11 m'a
parlé de tous , ma mère ; il m'a répété deux fois ,
ayeo une extrême boaté : « Je veux la voir , en-
K "tends-tu? jev#1lxlâ>voitf.» 11 faut lui faire le r»-
cit de tons nos malheurs.
tA Miaz.
Oui , mon fils , il faut rinstnlire.de tout. Sfons
avons été parsécutés, nous avon» tour perdu; mais
nos corars , bos annemis mime , ni ont pas un seul
reproche à nous faire.
AUGUSTE.
Nos ennemis ! . . .. Qu'ils tremblent. . . . Mair , ma
mère , commis le regard di| roji , ce ce|^ar4 unique ,
arréteroit peut-être les expressions sur vos lèvres,
mette^vous à cette table , éerivex sans apprêt :
votre sensibilité. . . Voilà le stjle qu'il font : parlez
beaucoup de mona pève, de'vm enfants...:. Bien
de moi..
LA Mèas, ttntmtompakt-
^ien de' toi) mon ehev- AttgQstéi
ACTE II, SCÈNE VI. 4o5
AUGUSTS.
0}i ! non , rien , je yong en conjure t nommez
ma soeur, mes pauvres frères ; peignez -lui comme
sous notre humble toit , nous entourions son
iinage , comme de jeunes oœurs s'enflammoient &
son grand nom... Tout cela, comme le vôtre vous
r^iispirera. Le vôtre* •< entende^^vous, ma mère, et
soyez sûre que chaque ligne, chaque mot iront
di'olt au oœuF du monarque,
hA. MknEt
Ah ! mon fils , le sentiment qui comble l*âme
peut-il s'exprimer ?
ApausTE.
Tout est là , tout est prêt ; prenez cette plume
et écrivez, ma mère. (1/ lui donne ta plume et lui
baise la main.) Le ciel guida toujours cette main
maternelle. {La mère s'assied et se met à écrire; Au-
guste conduit doucement sa sœur au coin de la scè^^
du côté opposé,) Bonjour, ma chère Caroline. Il y
a bien Ion g- temps que nous ne nous sommes vus^
Suis-je toujours ton cher Auguste?
CAR0LINC« ^
Ah! toujours,
AUGV8TE.
Que font' mes petits frères? Ptensiez-vous quel-
quefois à moi , comme je pensois à vous?
cArolive.
Quand nous recevions de tes nouvelles , si tu
avois pu nous voir , mon cher Auguste! nous nous
rassemblions tous. Maman les lisoit, nous écou-
4o6. tJTS ITEirX PAOfES;
tion», nous faisions yii^ fois recommencer mi-
man, etca n'étoil jionaifl assez p^nr naus^ni pour
•Ue.c
Je fiuMÎi (îe même en> recevant iros lettres..
c A B ot ur K.
Quelthenreux temp» que celui où non» ne nous
quittions.) amais !
AU,OU9TE.
Oui, ma obère Caroline. Te souTient^il de notre
union, fraternelle , de ces douces promenades du
soir, autour de notre solitaire enclos? Mai^ à pro-
pos de tout ce qui nous est cbyer » nj a-t-âl pas en-
core quelqu'un dont nous aurions à parlera
c aholine , en baissant tpf yeuxiL
Quelqu'un?
lijk. MilBE , les regardant de temps en temps*-
Ces cbers enfants!..^ ils s'aiment comme ils
m'aiment... Heureuse mère!
AUGUSTE..
Autrefois , j etois le confidtet de ma petite
lœur.... £h! Uye donc tes granda jreux. noin< ,
qu'on aime tant, à Toir*
CAAOAIHE, afiec etnbarrog,
£-h. bien, mon frère?
A u o u 8>T Sj nvec malice^
Comment se |>orte mon ami Ferdinand ^
CAEOblKS.
Kous aoffomes pavti^ sans l'ai^oii: vOi.
ACTE M, SCENE VI. ^07
AUGUSTE.
Cela dtit lui être bien sensible.
CAHOLIirE.
A moi aussi , mon cher Auguste.
AUGUSTE.
Je paiie que dans ce moment -ci il pense k
nous.
CAROLINE.
C'est qu'il s'imagine que nous parlons de lui.,
AUGUSTE.
11 t'aime toujours?.... Tu baisses encore les
yeux. . . . £st>ce qu'il n'en est rien ?
CAROLIBrB.
J'en serois bien fâchée.... C'est un si honnête
homme.
AUGUSTE.
Et qui mérite si bien le cœur de ma petite
sceur.
gauoiiINE.
Jl.le partage avec toi. Comment ne pas l'aimer?
Il est si sensible; si compatissant.... Mon cher
Auguste , le croirois-tu ? Depuis nos malheurs , il
est encore plus tendre, il m'aime encor davantage,
il veut tout sacrifier
ÀiraiiSTE.
. Voilà comme agissent les bons cœurs «
4oa LES DEUX PAGES.
SCÈNE VIL
AUGUSTE, THÉODORE, CAROLINE, LA MÈKE
D'AUGUSTE.
THioDoiiEy ae^Cfuratit par la perte du fond.
Ah , mon ami ! ah, madame! quelle nouvelle!
Je suis hors dé moi.
AUGUSTE. -"
Qu*e8t-il donc arrivé? » ,
LA HiHB ET tA. FILtE.
Comme il est saisi !
THEODORE.
£coutez-moi , mais surtout pTomettez^-moi d'être
tranquilles ; voici le fait. J'étois occupé dans cette
pièce voisine à lire les papiers publics, lorsque
tout-à-coup un grand bruit sëléve flans la rue. J j
vole .: que vois-je ? une foule immense devant Tau-
berge de madame , des gens de loi , tout leur si-
nistre cortège.... Au même instant, ces mots , unr
ience, fuite, saisie, frappent mon oreille. Les cruels
Vous poursuivent jusqu'ici. <>
AUGUSTE.
Juste ciel ! ■
LA MÈEE»
G mes enfants !
GAROLISE.
Voilà mes pressentiment!, (
ACTE II, SCÈNE VII. 409
TEBiODORE, frappant du pied tt impatience , et
pleurant.
Eh! non ^ non. Si jayois des malheurs à vous
apprendre y serois-je si tranquille ?
CAKOLIRE.
Y031S tranquille , monsieur ! eh ! vous êtes en
larmes.
THÉO no RE.
Mais, c'est votre faute, mademoiselle; pourquoi
plenrez-YOUs tou^? remettez-vous et écoutez-moi
jusqu'au bout.
AuansTE.
(Écoutons , écoutons , ma mère»
THÉODOAE.
An milieu de cette troupe maudite étoit notre
brave hôtesse , qui ctioit à tout le monde : « Arré'^
« tes , arrêtez f que &ut-il à la justice , à l'injustice ?
i< de l'argent, des sûretés, toute ma maison?
c< P«r]eA, mon mari est instruit de totit, il se
« charge de tout, il répond de tout. » L'époux
atrive , sa femme se jette dans ses bras et lui crie :
<c O mon cher, mon bon mari, ne souffrez pas
c( qu'on outrage chez vous la veuve d'un brave
ce officier, qui ne vécut que pour nous défendre,
«c qui mourut en nous défendant, et dont les en-
« fants nous ^défendront encore. Payo^is, mon
« ami,. c'est une dette sacrée, payons au nom de
« lapatfie. »
AUGUSTE, I.A MàaE ET CA&OX.IS&.
Cœurs vertueux ! cœuts sensibles I
Tlkôâtrs. Comédies. l4« 35
(lé LES DEUX FACES.
Toat le monde est dans la consternation , et on
attend en tremblant ce que'ya faire Tépoux. « Je
« dépose mille ducats , dit-il , et j'engage tonte ma
« fortune. Respectez la noblesse mal^heureuse , et
(c Tenez recevoir votre argent. » Tous les j^eux
versent des pleurs, mille cris répètent : «c Vivent
<f les bons citojens! » Et soudain un nouveau
bruit se fait entendre ; on écoute ; on regarde ; on
^t place : arrive le père de l'État.
AUGUSTE.
Le roi ?
THÊODOBE.
r
Lui-même j il étoit déjà instruit. i
AUGUSTE, avec un cri de joie,.
O ma mère !
THÉODORE-
Déjà l'iniquité est sans pouvoir ^ déjà deux boni
cœurs goûtent leur récompense» et vos bienfai-
teurs , au milieu des acclamations » suivent le mo-
narque en ces lieux.
LA Màas , en prenant L'écrit qu'elle avoU laissé sur la ^
îable^
Vérité ! tu vas approcher d'un roi.
THiODOEE, tirant Autjustt à part.
Pour le coup, mon ami, je ne pouvois pas
trouver une circonstance plus henrettàte pour te
forcer d'accepter mon argent. (li ehêrthé son rou-
leau,) Où est-il donc?.. Mkis qtt*est-«e que j'en ai
ACTE II, SCÈNE VII« 4ii
ôt ? (1/ cherche eneoreJ) J« lue l'ai pas laisié suc
^wtte table... ^
AUGVSTE^
Que chexches^tu donc ?
!]IIon touleau.
LA MànE..'
Quel ronleau?
(On eutend an ^aad mouvement deupiêre ta scène^
ADGVSTE.
Cestleroi!
I..A MiRE ET LA VILLE, en eonroM çàet là.
Le roi ^ le roi.
A vGVftTE » en poitssaut sa sœur dans ta perte gauche
qiêi reste entr'ouverte^
Retire-tei, ma 8C9ur....yoàs , ma mère , demeu-
rez.. Mais.,, peur dieu! ua peu de fermeté»
SCÈNE VIIL
ÎLA MÈRE D'AUGUSTE, LE R01„ AUGUSTE.,
THÊOPORE, SUITE Dv kox dansiefimd,
LE. ROI, en entrant.
Si te £âible eût toujours 'dû trembler et se voir
aecabler par le puissant j^ on n'auroit^pas .songé k
faire desi lois. 11 n'y a point de foible , point de
puissant où je régne. Mon pouvoir est pour les
i^pprimé&, et ma présence pour tous mes sujets.,
(lé apér^oU ^4^ «Mk^ d'Auguste (jui s*lncUne profondé-
ment* Il âte son chapeau^ le garde à la main, et
4ia LES DEUX PAGES.
s* avance vers eHe, La suite reste dans hfond.'^ Que
désirez-yous , madame ?
LA MkRE, tremblante.
Sire,... Yotre majesté,... Les ordres de Totre
majesté.
▲ UGUSTK.
Sire , c'est ma mère.
LE ROI, en la fixant.
Vous aviez nn brave homme pour» époux, ma-
dame; que puis -je faire pour sa famille? (La
mère lui remet le placet, le roi le prend avec bonté et
tj ]ette tes yeux , en fronçant le sourcU, ) Vous ayez
perdu TOtre bien par une faillite?
( Théodore, toujours occupé à chercher son routeau .
raconte bas son aventure aux pages,)
LA M-èRE.. '
Oui , sîrc.
LE ROI.
Le tribunal a déclaré yotre débiteur insolyable?
LA; tfiRE.
Oui , siw.
LE ROI.
Qu est-il deyenu?
LA M^RE.
Il yit dans l'opulence.'
LE ROI, s* avançant d'un air terrîbie.
Qui' est le misérajble qui a jugé?
LA MÈRE. .
Sire , le même qui me condatthàte ÉK^jourd'hoi k
pajrer ce que je ne dots point.
ACTE Hi SCENE VIII. 4i3
L. 'B^' Hao I marcke avec agitation, et froissant io
placet entre ses maini, il dit à un officier de sa
suite :
Approchez. . . . ( Changeant d'avis , ii dit brusque"
srnettt h Auguste:) Non, toi, éctls'. {îl s' arrête un ïïmt
ment. ) Sont-ils mariés , ces gens-lk?* ' ^
(Uinguiétude se. Ut sur tous tes visages.)
'■' ' • ' •••''•'•■','' • ' '
lA HEBE...
Sire , ils ne le sont ni l'un ni l'autre.
Z.E AOi, avec un mouvement de Jfie vtvejneni
Ênarguéu.
£cris. . . . ( Auguste met uni gei^fm à Urn auprès de
la table, regai^df le roi avec une contenance assU'
rée, et attend ce gu*on va Jui dicter.)- Tovdqane q|ie
tous les créancierg du faux négociant...* (mets les
noms) soient payé^.à Tinstant ^yec les intérêts des
ini5§rets, en commçn^ant lU>pération par le capital
du juge. (lotfs les^assîstanUrdonnent des marques de
joie,) Qu'on porte cet ordre au chef dé la justice..
(Vnofficier le reçoit et part,)
( La mère et la 'fille , . ainsi guA.uguste , sortent Uuf
, mouchqir et essuient leurs armes, Auguste, en
tlrOiit le 'iien, laisse tomber uii rouleau*)
. AUGUSTE.
0 ma mère 1 voilà de bonnes larmes.
TBtoDOEB ,. étourdimentf voyant tomber (e roiUcaa
entre Uni et ÀiÊ^U»
Mon rouleau!
35.
I
4i4 I^ES DEU^ ?AG£5.
VlirSXEVES PA«EB ET YEASOH'BSS 0£ tJL SV ITE BV
koi,6ai.
Son rottleaa !
LE EOI.
Qu est-ce ?(!/ se niet devant ThéodoreM^tu ^ut
ramauer le roii/eau.)
THiODORE,
« • . ». ^
Sire... (Bas.) Que dirai-je? (Haut, en baibattanU)
Votre majesté.... (BiM^ à Auguste») Tu Tas donc
trouvé , et tu lië me le dis pas.
P£VSIEnES PAQZi Et PEA80SSE8 DE LA StTlTE DU
Jioi, bas.
- Il a pris son rouleau.
{La mère piUU,)
Auguste, ckanceiaM et tombant sur un genou, ^
Je me meurs.
LA BfàRE , avec un cri, n'ôsahi aller à son fils de peur
' 'de 'manquer de respect au roc«
Aûj^ste ) à mon mâlhçureuz fils l
'le b 6 i , à la mire,
_ ^ • » «
Eh bien ! eh biep ! par respect pour moi , ma-
dame , ràvà laissez mourir votre enfant... (Il court
h Auguste , le soutient et lé 'relève avec la plus grande
bonté. } Auguste' , 'Auguste.
AUGUSTE, revenant à lut.
O mon maître!... O mon dieu tntélaire! {avec
êecHdeià ffiHié^) je s^t innooe'nt«
l B & o I , at^ec atiôndrUsénant et hU serrant la main.
Je le sais, mon amû
ACTE II, SÇIÈNE VIII. 4i5
T B É o Dp RE , au désespoir m
lËtoundi que je suis I *
;. s B o i, faisant relever Auguste sur qui it pose une
main protectrice,
Qui est-ce qui ose accuser cet enfant?
THÉODORE, tremblant,
LB .aoi.
Qu^ parliejB-Y0us.de rouleau?,
(Ai^gustejêve sur le roi un œil reconnoissant,)
,TBiODOR£.
\vzjRpi,lf(^us(ii^f,ment.
Ehbien?
THÉpDORE, nen pouvant plus»
Sire, j'en avois un, je l'avois offert à mon ami...
Il Ta refiisé. . . Je. . . je. . ..
LE ROI, plus brus<iuement enc&re.
En bien? ,
Tnionovi'E, précipitamment,.
Je l'ai mis dans sa poche.
LE ROI.
' Vous rayez mis dans sa poche !*
,\ • , I . • * -^ 111
i
4i<l liES DEUX PAGES.
SCÈNE IX.
LA MÈRE D'AUGUSTE, LE ROI, AUGUSTE,
THÉODORE. CAROLINE; suite du aoi dans te
fond.
CAEOLiiiB ouvre la porte avec viotenee, iravene et
s'élance tvers son frère,
MoH firère, ma mère, pardon, sire.... mais i\
s'agit de rhonneur de mon frère... Le'roilà, votre
rouleau. C'est moi ^i l'ai trouvé sur un Ànteuil
dans ce salon : prenex , monsieur , prenez TOtre
argent , et n'exposez paA , ne perdez pai mon
frère.
THioDOBE, transporté t ^ans prendre le rouhau,
s* adresse à toute la suite du roij^ et surtout aux
*
pages.
Messieurs, vous l'entendez... Auguste est inno-
eent. (Au roi.^ Grâce, sire, grâce. Mon ami étoit
livré aux soupçons; je ne savoisce <jue jedisois,
ce que je faisois ; je ne sentois que la peine
de mon ami. Votre majesté peut ime faire punir;
mais mon coeur vaudra toujours mieux ^e ma
tète.
LE E G I , eA retenant an sourit»
'Ceci s'examinera, monsieur. Cil «e tourne vers
Auguste.) Auguste.... tantôt, quand tu dormois
0ur cette chaise. . . . ( Auguste baUsu /«f t/eux.) quel
papier tenoîMu à la main ?
ACTE H, SCÈNE iX. 417
AUGUSTE..
La lettre de zoa mère.
(Hhéodore fixe souvent Caroline ^ U craint déliai
L E R o I , avec bonté'
Si je l'ayoîs lue , tu me U p«rdonneroiS| , je
lense. . . ^ Quand on place si bien son àrgeiirt , ce
i*est pas trop d'un témoin et pendant ton
ontge. . . ne crojQÎs-tu pas que 1& ciel t envo^oit
:ent ducats?
AUGUSTE, jetant un regard sur sa mère^
Ah! sire.
LE HOl.,
Eh Bien! c*est moi qu'il a chargé de te les re-
mettre. Voilà, messieurs, toute lënigme. Les mo-
destes yertus de cet enfant devroient serrir d'iex-em-i
pile à ceux qui l'accusoient. ( Théodore court à son
ami et l'embrasse. ) Faites venir ce brave homme et sa
femme.. (^ /a mère,) Combien aye^YOusd enfants,
madame?
I»A MÈREa
Sire, cinq fils et une fille. * ,
LE ROI.
• • ■ /
J'aurai soin des yôtves. Je vois qne vous leur
pairlex spuyent de leur. père... Aye^yous fait un
choij; pour cette demoiselle?
( Théodore fait un pas en avanh ]
4ia t£S DEUX PAGES.
LA xàKE.
Sire, son cœur ayoit choisi j mais nos x&alheuii
et le peu de fprtune du fîitur..
LE ROI..
Qu'elle lepoHseet ^u'il serve; le reste me re^
garde.
T A f tVDO ^Zyà paru
Adieu ^ mon mariage. I
SCÈNE X.
LA MÈRE DAUGUSTB, LE ROI, AUGUSTE,
THÉODORE, CAROLINE, PHLIPS ET SA
FEMME % SUITE DU AOi , dans, te fond^
LE B oi ,. À Phtips et sa femme.
Appiioc0Ea.>.« Venez, madame : l'action que
VOUS venes Ûe faire- ne me surprend pas \ je sais
que ce n e»t pas la première.
VJBLlPft ET SA FEMME.
Ah! sire.».
LE nota
Je vous confie tous les biens de mes maisons dei
eharité. . . Il faut un honnête homme pour remplir
cette place , et personne ne la mérite mieux que
vous. Théodore, |e vous donne une cornette dans
mes gens-d*arme9. Auguste, je double ta pension,
et mon fi^re t'accorde une Ireùtenance dans son
régiment; tu es bon fîU, tu seras brave comme ton
père , et tes vertus te rendent digne de servir sous
ACTE H, SCÈNE X. 419
un tel général. {Aia mère.) A'dieu, madame... Je
TOUS remercie d être bonne mère.
. (M'ort.)
TOUT LE M 0 5 DE cntoure le roi, en s* écriant :
Ah! le bon roi!ie grand roi! le bon roi!
( La suite du roi sort avee lui.)
riV DES DEUX PAOIS.
TABLE
DES PIÈGES ET DES NOTICES
€01ITZBlV£f BAVS CB fOLVHS.'
Notice but Beanmarchait. ...••. p«g. s
Le Barbier de S^tiiaç , ou la pRicAUTiov ,
ivuTiLE, comédie en qaatre actes, par '
Beaumarchais • 7
La Folle jotjrvée, ou le Mariage de
Figaro, comédie en cinq actes, par le
même » 1 37
Notice SUT Dezède. , 345
ÀUOUSTB ET ÏBiODORE , OU LES DEUX PaOSS ,
comédie en deux actes , par Desède. ... 35i
m BB LA TABLE DV QUATORZikMC VOLUME.
/
'-i
i