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Full text of "Théatre des auteurs du second ordre ou recueil des tragédies et comédies restées au théatee Français, avec des notices sur chaque auteur"

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ni/-" 

4* 


■i- 


^t*.^ 


THÉÂTRE 


DES 


bEURS  DU  SECd5Îi>.,©Rmï;,  :    ; 


mtDi^9  £N  ?noBEn  ^mms^ui. 


•  „j  -*  •••    * i 

i       ,     J  •     '  •*        '    , 
1       ,'■»'»      * 


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(plW» 


■yOiyiiiiijiil^t  t^'Nt.:-.  .^ 


'  AVîS  SUft  LA  STÈlijÉdtT*!  Jl 

La  StéitioTTPiE ,  >oa  Fart  d'imprimer  mt  éU 
cheà  solides  que  l'on  oonsèr^e,  offre  seule  le  me 
{wrvenir  à  la  cdrraclîon  parfaite  des  textes.  Dès 
£iUte  qui  seroit  échappée  est  dëooùverte  «elle  est  c 
à  rinstant  et  irréTOcablexneiic  ;  en  la  eotrigeant^  c 
point  exposé  à  en  faite  de  nouvelles,  coinine  il 
dans  lès  éditions  en  caractères  mobiles.  Aîosi ,  le^ 
est  sûr  d'avoir  des  Kyres-ekempts  de  fautes,  et  de  je 
grand  avantage  de  cemplàcei:}  dani  un  ouvêage  cg 
j^û  plusieurs  volumes ,  le  tome  manquant ,  gâté  qu  dî 

Les  premiers  Stéréotypeurs  ont  employé  de 

papier  y  parce  qu'ils  voulûent  Vendre  letirs  livres 

très  bas  prix.  On  a  trouvé  leurs  éditions  désagréa 

l  "  lire»j  (mJ^'el)  egt  ^«aip«enient  dégoûté,  et  pn  en  a  c 

:  / 1  Ufjçi  mal  i  psopbs  quI^SÀ^dracièies  stéréotypes  fatigi 

U^vjie.  Ce  ^nt  les  ^inventeurs  de  cet  art  qui  ont  mt 

Akta  pw*^^  AIaiisJl£s  propriétaires  de  l'étàblissemc 

*Rf.  tibrhair,  pour  détruire  le  préjugé  défàvoraM< 

\*  â^Mtt{>t  oCftîtr^tM«téiSotype8,oiit  soigné  davantage 

•  ifSHh^âs",  jer&nî^enis  de  caractères  convenables 

chaque  format,  et  ont  employé  de  beau  papier.  Il 

point  d'éditions  en  caractères  mobiles  qui  soient  s 

nèures  aux  leurs.  On  se  convaincra  dé  la  vérité  de  ceti 

sertion,  en  les  comparant  les  unes  avec  les  antres.  Se 

rapptfrt  de  la  correction  des  textes,  les  éditions  en  carac 

tnobiles  ne  peuvent  Liullement  soutenir  la  comparais^ 


Les  l^ditiônt  Stéréotypes,  d'après  ce  procédé 

se  trou9eHt 

Cbéz  &.  NICOLLE,  rue  de  Seine^  n»  i2j 
hdtel  dé  lit  Rocbefoucaidd. 

U  «hcz  A*  Av6.  R£NOÛAR0j  Libraire,  j 
Saint-André-dcs-Arcs  ',  n^  5S« 


THEATRE         ^ 

D'ES 

AUTEURS  DU  SECOND  ORDRE, 

nV 

REÇU 

1 

;     RESTÉES 

VmrUmwû» 
1      RMnie.lbti 

■'•m*  J 


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*  *  >-  W     w  fe»,     V 

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•  •••••      ••      «     . 

•  •••       •••,«0. 


'j 


I 


LA 


GAGEURE  IMPRÉVUE, 


CO  TIEDIE. 


-s  •  ^ 


PAR  SEDAÏ'NE, 


^    »  ♦.     » 


^  -'   j  -    ' 

Repréflenté^,   pour  la  première,  àû^^ie  ^3;^  .ça^i 

1 768, 


Thélirt.  Coatéëiei.  l3. 


I 

NOTICE 

SUR  SEDAINE. 


Michei.<Jean  SBDAiHE.naquit  à  Paris,  en  1 7 1 

de  parents  pauvres  qui  ne  purent  loi  doni 

aucune  ëducatio^j  et  Iqi  firent  {weadrePétat 

tailleur  de  pierre.  Il  égayoît  ses  travaux  ]o\ 

naliers  par  des  chansons  de  sa  composition, 

"  l  w  ^l'imftgtçàtroa  tenolt  Heu  de  toutes  les  règl 

Quelques  personags  oiitreprîrent  de  les  lui  fa 

cottâoîtJ^ÀyjB^  Biçntôt  il  s*«ssaya  à  FOpëra  C 

*^  BLWie^  puis  au  thëâtre  Italien ,  où  il  obtint 

yptûfijrSiiiBijstKpè».  Tout  le  monde  connoît 

DIABLE  A  QUATRE,  ALAISE  LE  SAYETIER^  LE  i 

ET  LE  FERMiE]^  RosE  ET  CoLAs.  Nous  ne  S 
vrons  pas  Sedaine  dans  toutes  les  pièces  qi 
donna 9  soit  à  ces  deux  théâtres,  soit  à  celui 
l'Opëra.  Ce  fût  en  i  ^65  qu'il  fit  jouer  sa  p] 
^  mière  pièce  au  théâtre  François.  Le  Philo  soi 
SANS  LE  SAVOIR  parut,  pour  la  première  fois , 
3  décemLre,  et  eut  vingt -huit  reprësentatioi 


Le  ^ccès  de  cette  pièce  s'est  toujours  soutenu , 
et  Ton  se  rappelie  encore  te  talent  que  Préville 
déploya  dans  le  rèle  i^Aotottie. 

La  Gageu&e  im  fujèVue  y  comMîe  ^n  tôt  iicte» 
fbt  jouée ,  pour  la  première  îcHs ,  le  37  m»  1 766; 
et  eut  onze  représentations. 

Ratmono  V,  COMTE  DE  TouLousE ,  com^die 
héroïque  en  cinq  actes,  en  prose,  tomba  à  U 
première  représentation ,  le  2a  septembre  1 789. 

Sedaine  est  encore  l'auteur  de  Maillard  ,  ou 
Paius  sauvée  ,  tragédie  en  prose ,  reçue  par  les 
comédiens^  mais  qui  n'a  point  été  représentée. 

Cet  auteur  fécond  y  après  avoir  été  membre 
de  rAcadémie  française ,  mourut  à  Pstris,  le 
18  mai  1797. 


rtw*MN 


PERSONNAGES. 

liA  Bf  AKQVISE  IXE  CeÀIAVILLE. 
Lb  MAftQtPfi  ^t^  GlkÀlKYXLLE, 

iHoasrxtriL  Détieulette. 
Mademoiselle  AsélaIde* 

GOTÏE» 

iDuBOis,  concierge. 

Lafleur,  domestique^ 

La  Govyeevavte  <le  mademoÎMlIe  Â'délftfde, 


Lft  seèae  est  aa  château  ida  msetqms» 


LA 

GAGEURE  IMPRÉVUE, 

COMÉDIE. 


■»^»^<^^<^»< 


SCÈNE  I. 

GOTTE,  seule. 

^ové  nous  plaignon» ,  nous  antres  Jomestiqties, 
et  BOUS  avons  tort.  Il  est  yrai  que  nous  ayons  k 
souffirir  des  caprices ,  des  humeurs ,  des  brusque* 
ries ,  souvent  des  querelles  dont  nous  ne  devinons 
pas  11  cause  ;  txia(i&^  au  moins ,  si  cela  fâche ,  cela 
désenoUie.  £h !  l'ennui  I . . . .  l'ennui  ! ...»  ah  t  c'est 
une  terrible  chose  qUe  Tennui.....  Si  cela  dure  en* 
core  deux  heures ,  ma  maîtresse  en  mourra.  Mais , 
pour  une  femme  d'esprit,  n'avoir  pas  l'esprit  de 
s'ai&user,  cSla  m'étonne.  C'est  peut-être  que ,  plus 
on  a  d'esprit,  moins  on  a  de  ressources  pour  se 
désennuyer.  Vivent  les  sots  pour  s'amuser  de  tout! 
Ahl  la  voilà  qui  quitte  enfin  son  balcon. 


6  LA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

SCÈNE  IL 

GOTTE,  LA  MARQUISE. 

GOTTE., 

JIàdàimx  a-t*eUe  vu  passer  bien  du  monde? 

LA    MARQUISE. 

Oui,  des  gens  bien  mouillés^  des  voiturieri 
des  pauvres  gens  qui  font  pitié.  Voilà  nne  journc 
d  une  tristesse....  La  pluie  est  encore  augmentée. 

OOTTE. 

Je  Hke  sais  si  mttdiitti«f  s'ennuîe;  mais  je  vous  ai 
0ure  que  moi...'.  De  «e  c«mps-lè^,  on  est  toute  j 
•ne  Fais  oo^mene; 

LA   HAnQiriSE.: 

IL  m'est  v«mï  Tickéé  k  |>ius  ïbile....  ^S^'il  Mo 
^assé  «ur  le  grand  chemin  qivelqa'un  qui  eût  e 
^gure  humaine  y  je  Tauroîs  fait  appekr  pour  m 
tenir  compagnie.     , 

OOTTE. 

Il  n'est  point  de  cavali«r  qui  n'en*eût  été  bie 
aise.  Mais ,  madame ,  monsieur  le  marquis  n*aui 
pas  lieu  d'être  satisfait  de  sa  chasse. 

"     LA  MARQUISE. 

Je  n'en  suis  pas  fâchée. 

GOTTE. 

Hier  au  soir  vous  lui  avez  conseillé  d'y  aller. 

LA   MARQUISE. 

11  en  mouroit  d'envie,  et  j'attendois  des  visite 
La  comtesse  de  Wordacle. . . . 


8CË19E  II.  y 

GÛTTX. 

Quoi  î  cette  dame  si  laide  ? 

LA    MAliLQVf  &S. 

ie  ne  hais  pas  les  ieœmes  laides. 
Voos  pourriez  m^me  aimer  les  jolies. 

LA    MARQUISE. 

Je  badine,  je  ne  hais  personne.  Donnez-moi  ce 
livre.  (Elle  prend  U  livre,)  Ah  !  de  la  morale  ;  je  ne 
lirai  pas.  Si  mon  clavecin. ...  Je  vous  avois  dit  de 
faire  arranger  mon  clavecin  ;  mais  vous  ne  sofigez 
à  rien  :  s'il  étoit  acedi^dé^  j'en  toucherois.. 

«OTTB. 

11 1  est ,  madame  »  le  &ctear  eftt.  veau  ce  matin« 

I.A  mabquisz. 
J*en  jouerai  ce  soir,  cela  amusera  monsieur  de 
Clalnville. . . .  Je  vais  broder...,  Non,  approchez 
une  table ,  je  veux  écrire.  A  h  dieu  ! 

G  o  T  T  E ,  approchant  une  table. 
La  voilà. 
lA  MAEQYTiSE  te  met  à  table,  rêve,  regarde  des 

ptunies',  et  les  jette^ 
Ah  !  pas  u<ne  seule  plume  en  état  d'<écrire. 

eoTTS. 
En  voici  dq  toutes  neiivei.  • 

LA   tilARQVlSE. 

l^ensez- votts  qtie  je  ne  les  voie  pas  ? . .  •  Faitet 
^nc  fermer  cette  énétw notoj  je  taie  m'y  re- 
mettre,  laisse».  (Là  marquise  va  se  rtmettfe  htap" 
nitre.) 


i 


'■'    -* 


;   rX^ 


8  X!à  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

GOTTE,  à  part'. 

Ah!  cle  l'humeur,  c'est  un  peu  trop.  Voilà  donc 
de  la  morale ,  de  la  morale.  Il  ifaut  que  je  lise  cela 
pour  savoir  ce  ^ue  c'est  que  de  la  morale.  {Elle  Ut.] 
Essai  sur  l'homme.  Voilà  une  singulière  morale. 
Il  faut  que  je  lise  cela.  (Eite  remet  ie  livre.  ) 

LÀ   ttAAQUISE., 

Gotte ,  Gotte. 

GOTTE*    ■ 

^Madame^r 

LA  MAftQtJlSE., 

Sonne  quelqu'un.  Gela  sera  plaisant*..  Ah!  c'est 
un  peu....  Il  faut  que  ma  réputation  soit  aussi 
bien  établie  qu'elle  Test  pour  risquer  cette  piai- 
santerie. 


SCÈNE  IIL 


LA  MARQUISE,  GOTTE,  UN  LAQUAIS. 

tA  MAEQUiSE,  au  laquais» 

Allés  vite  à  la  petite  porte  du  parc  ;  vous  ver~ 
rez  passer  un  officier  qui  a  un  surtout  bleu ,  un 
«ihapeau  bordé  d'argent»  Vous  lui  direz  :  Mon- 
sieur, une  dame  que  vous  venez  de  saluer,  vous 
prie  de  vouloir  bien  vous  arrêter  un  instant.  Vous 
le  ferez  entrer  par  les  basses-^eours.  S'il  vous  de- 
mande mon  nom  ^  vous  lui  difez  que  c'est  mdlâam« 
U  coaateftse  de  Wordacle.. 


SCÈNE  m.     '  (^ 

I.E  xaqvais.. 
MâcUvie  la  comtesse  de  Wordacle  ? 

X.A  MARQVISE. 

Oui ,  courez  vite. 

SCÈNE  IV. 

L'A  MARQUISE,  GOTTE* 

gotte. 
Mas  AME  la  comtesse  de  Wordacle  ? 

I.A'JiAllQUX»E*. 

Oui»   , 

GOTTE. 

Cette  comtesse  si  vieille ,  si  laide ,  si  bossue  } 

LA  MARQUISE. 

Oui ,  cela  sera  très  singulier.  Partout  où  mon 
officier  en  fera  le  potllraît ,  on  se  moquera  de  lui. 

GOTTE.         ' 

Connoîssez^vous  cet  officier  ? 

I.A  MARQUISE.. 

(fon. 

GOTTE. 

Ehî  madame,  s'il  Votos  connpit? 

LA  MARQUISE.  .       . 

En  ce  cas  le  dome9ti<|U.e  n'avoit  pas  le  sens 
commun  :  il  aura  dit  un  nom  pour  i^n  autre.    . 

GOTTE. 

Mais ,  madame  j  avez^vous  pemsé  ? . . . 


■  ^ 

i 


lo        LA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

LA   XABQVISE* 

J'ai  pensé  à  tout  :  je  ne  dinerti  fiai  lealfe.  En 
fait  de  compagnie  à  la  campafgne^  on  prend  c» 
qu'on  trouve. 

GOTTK. 

Mais  si  o  etoit  cpelqu W  qui  ItcoonVint  pas  à 
madame  ? 

LA  MABQUIflE. 

Ne  vais- je  pas  voir  quel  homme  c'est  ?  Faites 
fermer  les  fbnêtres«  (GoUe  «Nuié.) 

SCÈNE  V. 

GQTTE,  LA  MARQUISE,  LAFLEUR. 

(La  maïquise  tire  son  miroir  de  poche;  elle  regarde  si  ses 
cheveux  ne  sont  pas  dérangés,  si  son  rouge  est  iNen.  ) 

LAFLEVii ,  aftrès  avoir  fermé  la  fifuéirCf  parle  à  fo^ 
reille  de  OotU ,  et  finit  en  disant  : 
Je  lai  yu. 

OOTTE. 

Ah  !  madame ,  voilà  bien  de  quoi  vous  désen-* 
nujer.  Il  y  a  une  dame  enfermée  dans  l'appartc^ 
ment  de  monsieur  le  marquis. 

LA   MARQUISE. 

Qu'est-ce  que  cela  signifie  ? 

OOTTE.. 

Parlé ,  parle  :  conte  donc . 

LAFLEUR. 

MadameMM  (A  OotteJj  Babîllardec 


Il        LA  GAGEURE  IMPRÉVUE, 

LAFI.EVII. 

Ah  !  madame ,  Toadrois-je. . . ., 

LA  MARQVISE. 

C'est  sans  doute  quelque  femme  que  le  co 
cierge  aura  fait  entrer  dans  l'appartement.  Faii 
venir  Dubois.  Lafleur,  n'en  ayez-Vous  parlé  à  p 
sonne  ? 

LAFLEVR 

Hors  à  mademoiselle  Gotte, 

LA  MAnQUISS. 

Si  l'un  ou  l'autre  vous  en  dites  un  mot^>  je  to 
renvoie.  Faites  venir  Dubois.    ' 

SCÈNE  VI, 

LA  MARQUISE,  GOTTK. 

G  o  T  TE ,  faisant  ia  pleureuse^ 
'    Je  ne. crois  pa»,  madame ,^  avoir  jamais  eu 
malheur  de  manquer  envers  vous  :  je  n'ai  jama 
dit  aucun  secret. 

LA  MARQUISE.. 

.    Je  vous  permets  de  dire  les  miens. 

a  o  T  T  E. 

'    Madame ,  estr.il  possible...  que  •vous  puissiez, 
penser. . . ,  que. ... 

LA   MARQUISE.. 

Ah  !  ah  !  vous  allez  pleurer  ;  je  n'aime  pas  c< 
petites  simagrées  :  je  vous  prie  de  finir,  ou  all< 
dans  votre  chambre  ^  cela  se  passera* 


SCÈNE  VIT.  l3 

SCÈNE    VIL 

LA  MARQUISE,  GOTTE,  DUB0IS« 

LA  BKAUQUISE. 

MoHsisuB  DuboU,  qu'est-ce  que  cette  jeune 
personne  qui  est  dans  l'appartement  de  mo^ 
mari  ? 

DUBOIS, 

Une  jeune  personne  qui  est  dans  Tappartement 
de  monsieur  ? 

LÀ  MARQUISE. 

Je  vqls  que  tous  cherche!  à  me  mentir  :  mais  ]e 
FOUS  prie  de  songer  que  ce  seroit  me  manquer  de 
respect  ;  et  je  ne  le  pardonne  pas. 

DUBOIS. 

Madame,  depuis  Tingt--sept  ans  que  j'ai  Thon- 
neur  d'être  Talet-de-chambre  à  monsieur  le  mar- 
quis ,  il  n'a  jamais  eu  sujet  de  pen^ser  que  je  pouvois 
manquer  de  respect;  et  lorsque  les  maîtres  font 
tant  que  de  vouloir  bien  nous  interroger. ...  il  y  a 
ouze  ans  •  madame.  »  • 

LA   MARQV'ISB. 

Vous  cherchez  à  éluder  la  question;  mais  je 
TOUS  prie  d'j  répondre  précisément.  Quelle  est 
cette  jeune  personne  qui  est  dans  le  cabinet  de 
M.  deClainville?' 

DUBOIS. 

Ah  !  madame ,  tous  pou^e».  me  perdre  ;  et  si 
monsieur  sait  que  je  tous  l'ai  dit,..  Peut-être  veut" 
U  en  faire  un  secret. 

Théâtre.  Com^di«s.   l3«  2 


-^ 


K"^' 


<\, 


■^( 


A> 


n. 


i4        LA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

LA  MABQUISE. 

£h  bien  !  ce  secret ,  vous  n'êtes  pas  venu  me 
trouver  pour  me  le  dire.  M.  de  Clainyille  saura 
que  je  vous  ai  interrogé  sur  ce  que  je  savois ,  et 
que  vous  n'ayez  osé  ni  me  mentir  ni  me  déso- 
béirj,  ' 

DUBOIS. 

Ah!  madame,  quel  tort  cela  pourroit  me  faire! 

LA   MABQUISE. 

Aucun.  Ceci  me  regarde  ;  et  j'aurai  assez  de  pou^^ 
voir  sur  son  esprit... 

DUBOIS. 

Ah  !  madame ,  vous  pouvez  tout  ;  et  si  vous  in- 
terrogiez monsieur ,  je  suis  sûr  qu'il  vous  diroit... 

LA  MABQUISE. 

Rcvenona  à  oc  qne  je  vou»  demandois.  Sortez , 
Gotte. 

GOTTC ,  h  part,  en  s'en  allant. 
On  ne  peut  lien  savoir  avec  cette  femœe-là., 

SCÈNE  VIIL 

LA  MARQUISE,  DUBOIS. 

LA   MAaQUISS. 

Vous  ne  devez  avoir  aucun  sujet  de  crainte. 

DUBOIS. 

Madame ,  hier  an  matin ,  monsieur  me  dit  :  Du- 
bois, prends  ce  papier  et  exécute  de  point  en  poinll 
ce  qu'il  renferme. 


hA  MARQUXtK. 

QaeT  papier? 

DUBOIS. 

Je  crois  l'avoir  encore  :  le  roici. 

tA  mauquisk. 
Lisez. 

DUBOIS» 

C'est  de  la  main  de  monsieur  le  marquis.  «  Ce 
u  jeudi  a 6  du  courant ,  au  matin.  Aujourd'bui ,  a 
tr  cinq  heures  un  quart  du  soir ,  Dubois  dira  k  sa 
ff  femme  de  s'habiller  et  de  mettre  une  robe  ;  à  six 
«  heures  et  demie  il  partira  de  chez  lui  avec  sa 
Il  femme,  sous  prétexte  d'aller  promener.  Â  sept 
«  heures  et  demie ,  il  se  trouvera  à  la  petite  porte 
«  du  parc.  A  huit  heures  sonnées,  il  confiera  à  sa 
«  femme  qu'ils  sont  là  Tun  et  l'autre  pour  m  AU 
K  tendre.  A  huit  heures  et  demie...  » 

LA   MARQUISE. 

Voilà  bien  du  détail.  Donnez ,  donnei^.  (  Elle 
parcourt  le  papier  des  yeux.)  £h  bien 7 

DUBOIS. 

Monsieur  est  arrhré  à  dix  heures  passées.  Ma 
femme  mouroit  de  froid  :  c'est  <|iÉ'ii  éte^ît  suf^nu 
un  accident  à  la  voiture.  Monsieur  étoit  dans  sa 
diligence;  il  en  a  fait  descendre  dfemrx  fomfaes , 
l'une  jeune  et  l'autre  à^fée.  11  a  dit  à  ma  femme  : 
€oiijiiiisezr>ies  dans  mon  apparteaàent  par  l^tre 
escalier.  Monsieur  est  rentré.  Il  n'a  dit  -à  lai  plus 
jeune  que  deux  mots  »  et  il  nous  les  a  recomman- 
dées. 


( 


i6        LA  GAÔEl/RÈ  IMPHÉVUE* 

BA  MAKOV'lSE. 

r 

Êh  !  où  ont-elles  passé  la  nuit  ? 


Dû  dois. 


]!)ans  la  chambre  de  ma  femme ,  où  j'ai*  dr^s s 
ttn  lit« 

£A  MARQUISS. 

Et  monsieur  n'a  pas  eu  plus. d'attentions  pou 
•Hes? 

Dubois. 

Vous  me  pardonnerez ,  madame  :  il  est  revem 
ce  matin  avant  que  d'aller  à  la  chasse  ;  il  â  fait  de 
mandçr  Ta  permission  d'entrer  ;  il  a  fait  beaucou] 
d'honnêtetés  y  beaucoup  d'amitié  &  la  j)eune  per 
tonne j  beaucoup,  ah!  beaucoup., 

(A    MARQUIS tr. 

Voil^  ée  que  je  ne  vous  demande  pas.  Et  voua 
ne  yojez  pas  à  peu  près  quelles  sont  ces  femmes  î 

.nvBais* 
Madame,  j'ai  exécuté  les  ordres  -binais  mafemm€ 
m'a>  dit  que  c'est  quelqu'un  comme  il  faut*    ^ 

X.A  mabquisk. 
Amen!ez-Ie»-moi<t 

DUBOIS^ 

Ah ,  madame  I 

""    iiJf  MA&ÔUlSBi. 

Oui ,  prrez>les  :  dites'-leur  que  j«  le»  prie  de  voti» 
loir  bien  passer  chez  moi. 

DUBOIS. 

Mais  si.... 


SCÊN£  VIIIv  ly 

LÀ  MA&QUISE. 

Faites  ce  que  je  ivons  dis ,  n'appréheBdez  rien. 
Faites-  rentrer  Gotte.'  < 

SCÈNE  IX. 

LA  MARQUISE,  5eu/e. 

Ceci  me  paroit  singulier...  Non,  je  ne  peux 
croire. ..«  Ah!  les  hommes  sont  bien  trompeurs.... 
Aa  reste ,  je  rais  yoir. 

SCÈNE  X. 

LA  :MARQUISE,  GOTTE. 

LA  MABQUISE. 

Je  tous  prie  de  garder  le  silence  sur  ce  que 
TOUS  pouvez  savoir  et  ne  savoir  pas.  (A  part,)  Je 
luis  à  présent  fâchée  de  mon  étourderie  et  de  mon 
officier.  (A  Gotte.)  Sitôt  qu'il  paroitra. . . 

GOTTE.    . 

Qui ,  madame?  , 

LA  MAUQUISC. 

Cet  officier.  Vous  le  ferez  entrer  dans  mon  petit 
cabinet  :  tous  le  prierez  d'attendre  un  instant ,  et 
TOUS  reviendrez. 


LA.  GAGEDHE  IHPREVUE. 
SCÈNE   XI. 

U'A'MQUISE,  DUBOIS,   ADËLAÏDE, 
LA  GOUVERNANTE. 

LA   HAItqnilE. 

[ADCOfoiSELLC,  jatoiatris  Acbée  de  tTonbltr 
e  lolitnde ,  maii  il  faut  qae  monsieur  le  Inl^ 
ait  eu  des  raisoaB  bien  esteniielle*  pour  nu 
ei  que  tous  étiez  dans  son  appartenient.  J'at- 
9  de  TOUS  la  découverte  d'un  mj'stiK  auui 
ulier. 


eue  femme  est  ï  vous?  I 

ni ,  madame ,  c'est  ma  gonTCTnante. 

lA    aABQDISE. 

ermettei-moi  de  la  prier  de  passer  dans  mon 

ADilAlDI. 

[adame ,  depuis  mon  enlknce  elle  De  m't  point 
Eée  ;  permettex-Ibi  de  tester. 

LA   >IAKt)nilE,  àDttioU. 

Tinceiaii  siige,  et  sortez.  (DaùoU  avaace  un 
:.  La  marijuise  montre  un  tiige  plat  lain.)  As- 
i-Tons ,  la  bonne  ;  assejei-Tons ,  mademoiselle. 
te  l'honnSteté  qui  patoit  en  tous  deroit  ne 


I 

SCÈNE  XL  19 

point  faire  hésiter  ntonneur-  U  marquis  de  yous 
présenter  chez  moi. 

J'ignore ,  madame ,  Ué  raif  oaa  qui  l'en  ont  em- 
pêché :  j*anroi8'  été  la  prèmiàre  k  lui  demander 
eette  j^ce ,  si  \e  n- apprenois  i  linatant  que  j  aroia 
rhonneur  d'être  chez  ydus.. 

ftA.  Bf'AAQVirB». 

Vons  ne  sayiez  pas  ^ 

AnéitAlDE. 

Non ,  madame. 

L'A  MAaQuiaa. 
Vous  redouhlez  ma  ouriosité. 

A>DétAiD«. 

Je  n'ai  nulle  raison  pour  ,ne  pas  la  satisfaire  ; 
monsieur  le  marquis  ne  m'a  jamais  recommandé  le 
secret  sur  ce  qui  me  eonoemé. 

£A  MAaQ9ISE« 

Y  a-t-il  long-temps  qu'il  a  l'honoeur  de  youi 
connoître  ? 

ADÉLAi&B» 

Depuis  mon  enfance ,  madame.  Dans  le  couyent 
«A  j'ai  passe  ma  yie ,  je  u'ai  connu  que  loi  pour 
tuteur ,  pour  parent  et  pour  ami. 

lA  MABQUiSE,  à  la  gouvernante. 

Gomment  se  nomme  mademoiselle  ? 

LA  GOUyEAVAI|fTE. 

Madnnoiselle  Adélaïde* 

£A'atABQQlftS«  ^ 

Voiiif  d'aaitre  nom  ? 


20        LA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

LA    GOUVERITAVTEm 

Non ,  madame. 

LA  MARQUISE. 

Non!...  Et  vous  me  drrez,  mademoiselle,  que 
vous  ignorez  les  idées  de  monsieut  le  marqais  en 
TOUS  amenant  chez  lui ,  et  en  vous  dérobant  à  tons 
les  jeux  ? 

A  DE  la!  DE, '<^'i<ii  Ion  un  peu  sec. 

Lorsqu'on  respecte  les  personnes,  on  ne  les 
presse  pas  de  questions ,  madame  ;  et  je  respectois 
trop  monsieur  le  marquis ,  pour  le  presser  de  me 
dire  ce  qu'il  a  voulu  me  taire. 

LA   MARQUISE. 

On  ne  peut  pas  avoir  plus  de  discrétion. 

ADELAÏDE. 

Et  j'ai  déjà  eu  l'honneur  devous  dire, madame, 
que  j'ignorois  que  j'étois  chez  vous. 

LA   MARQUISE. 

Vous  me  le  feriez  oublier. 

ADÉLAÏDE,  se  levanU 
Madame ,  je  me  retire. 

LA  MARQUISE^  levée,  d'un  ton  radouci. 
llademoiselle ,  je  désire  que  monsieur  le  mar^ 
quis  ne  retarde  pas  le  plaisir  que  j'aurois  de  tous 
connoîtrc 

<  A  DÉLAI  DE. 

Je  le  désire  aussi. 

LA  MARQUISE. 

Il  a  sans  doute  eu  des  moti£i  que  je  ne  Croîs  in« 
jurieui  ni  pour  vous  pi  pour  moi  :  mais  cbayenez 


SCÉîTE  Xr.  ^  211 

qoece  mystérieux  sHence  a  besoin  de  tons  les  sen- 
timents que  TOUS  inspirez  pour  n'être  pas  mal  in- 
tcrprété^. 

ADÉLAÏDE. 

J'enr  conyieoES ,  madame  :  et  pour  yons  confirmer 
dans  ridée  que  je  mérite  que  l'on  prenne  de  moi  f 
je  yons  dirai  quelle  est  ïa  mienUe  sur  la  conduite 
de  M.  Glaittyille  à  mon  égaïd.  Il  ly  a  quelques'* 
Biois. . .  • 

LA  HAAQVISE.' 

Assejes-yoQs ,  je- yons  en  prie.- 
Ai^LiiDE  s'asùed-f  ainsi  que  la  marquise  et  la  ^ea- 

cernante. 

Il  j  »  quelques  mois  que  M.  de  Glainyille  yint^ 
2lmoB'Couyent;  il  étoit  acc<»Bpagné  d'un  gentil- 
homme de  ses  amis  :  il  me  le  présenta.  Il  me  de* 
manda, pour  lui,  la  permission  de  paroître  à  la 
grHle  i  je  l'accordai.  Il  j  yint.-.^.  je  l'ai  vu....  quel- 
quefbis...  souvent  même  ;  et  lundi  passé,  monsieur 
le  marquis  reyint  me  voir  :  il  me  dit  de  me  dispo- 
ser à  sortir  du  couvent.  Dans  la  conyersation  qu'il 
eut  ayec  moi ,  il  sembla  me  préyenir  sur  ntL  chan- 
gement d'état.  Quelques  jours  après  (c'étoit  hier) 
il^  est  revenu  un  peu  tard;  «ar  la  retraite  étoit  soU' 
née.-  Il  m'a  fait  sortir,  non  sans  quelque  chagrin  ; 
j'étois  daus  ce  couyent  dés  l'enfance;  et  il  m'a 
conduite  ici.  Voici,  madone*,  toute  mon  histoire  : 
et  s'il  étoit  possible  que  j'imaginasse  quelque  sujet 
de  craindre  l'homme  que  je  respecte  le  plus ,  ce 
seroit  prés  de  yous  que  je*  me  réfugierois. 


LA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

SCÈNE  XII. 


L  le  DOmme  H.  Détieulette. 
[.  Détieulette  l 


Dans  mon  oabiaet.  Faites-le  ensuite  entrer  ici, 
serai  dam  nn  moment.  (A  Adilaide.)  Mademoi' 
e,  je  ne  croi»  pas  qu«  M.  de  Clainville  mg 
re  long-temps  du  pUiafr  de  tous  voir.  Je  ne 
dirai  pas  que  j'ai  pris  la  liberté  de  l'anticiper  : 
rouB  demanderai,  mademoiselle,  de  Vouloir 
a  ne  lui  en  rien  dire. 

ADÉLAÏDE. 

Madame ,  j'obsecreiai  le  même  lilence. 

lA   MABQUtSE,  h  Golte. 

Fattei  entrer  Dubois. Ah!,.. 


SCÈNE  XIII.  a3 

SCÈNE  xin. 

U  marquise;  DUBOIS,  ADÉLAÏDE,  LA 
GOUVERNANTE,  GOtTE. 

LA  l^ABQUISE. 

Dubois  ,  ayez  pour  mademoiselle  tous  les 
égards ,  toutes  les  attentions  dont  vous  êtes  capa^ 
Me.  Vous  ne  dire*  point  à  nonâieun:  le  marquis 
que  mademoiselle  a  bien  touIu  passer  dans  mon 
appartement,  à  moins  qu'il  ne  yous  U  demande. 
Madenvoiselle ,  j'espère  qne. , . .. 

▲  Dél.Ai21B« 

Madame...* 
(La  marquise  reconduit  jusijafà  la  deuxième  porH* 
Gotte  est  resUe  :  eile  voit  entrer  M.  Détieulette,  ) 

OOTTE. 

Il  n'a  pas  mauyaise  mine  :  elle  peut  le  &ire  res* 
ter  à  diner. 

SCÈNE  XIV. 

M.  DÉTIEULETTE,  LAFLEUR. 

M.    DETIEULETTE. 

Tu  demeures  ici  ? 

LAFLEXT&. 

Chez  le  marquis  de  Glainville. 

M.    DÉTIEULETTE. 

Chez  le  marquis  de  Clainyille  ?  On  m*a  dit  la 
comtesse  d«  Wordacle.  J 


LA  GAGEURE  IMP&ËVUE. 
dame  a  dooné  ordre  de  le  dire. 


dre  de  dite  qu'aile  ae  nommoit  la  coaitei« 
ordacle? 


i ,  mongienT. 
l'asl-ce  que  cela  vi 


I  la  dit  k  la  chasie. 


est  -  il  pas  à  HoDtfôrt  ?  Je  comptoii  1'^  troir 
tevient-ilce  »oir7 


: ,  madame  l'attend. 


lis  avoir  tait  dite  qu'elle  se  nommoit  U  Ci 
de  Wotdacle  :  je  n'y  conçois  rien. 


1  toujours  Champagne 


ii,  je  l'ai  laissé  demère,  son  cheval  n'a  pu 
uivre  :  mai»  voilà'  un  singulier  hasard  ;  et  t" 
is  pas  le  motif.... 


SCÈNE  XIV-  aS 

^APLEUA. 

ffon ,  monsieur  :  mais-  ne  dites  pas.».  Ah  !  voilà 
siadame. 

SCÈNE  XY. 

LA  MARQUISE,  M.  RÊTIEULETTE ,  GOTTE. 

LA/  MARQUISE. 

Quoi!  monsieur  le  baron ,  vous  passez  devant 
mon  château  sans  me  faire  Tbonneur...  Ah!  mon- 
sieur... ah!  que  j'ai  de  pardons  a  vous  demander  : 
je  vous  ai  pris  pour  un  des  parents  de  mon  mari  -, 
et  je  vous  ai  fait  prier  de  vous  arrêter  ici  un  mo- 
ment. Je  comptois  lui  faire  des  reproches^  et  ce 
sont  des  excuses  que  je  vous  dois....  Ahl  mon- 
sienr. . . .  ab  !  que  je  suis  fâchée  de  la  peine  que  je 
vous  ai  donnée  ! 

SI,   DtTIEUIiETTJE. 

Madame.... 

tk  IIABQUISE. 

Que  d'excuses  j'ai  avons  hiveï 

M.    DÉTIEULETTE. 

Je  rends  grâce  à  votre  méprise  ;  elle  me  pro^ 
cure  l'honneur  de  saluer  madame  la  comtesse  de 
Wordacle. 

lA  JtfA&QUISE. 

Ah!  monsieur,  on  ne  peut  être  plus  confuse 
que  je  le  suis  :  mais ,  Gotte ,  mais  vojez  comme 
monsieur  ressemble  au  baron. 

nUtre.  Comédie*;  i3.  3 


LA  GAGEURE  lUFRËVlIE. 

madame ,  k  t'y  méprendre. 

t  reriens  pas  ds  mon  étoanemeot  :  mimt    . 
lime  air  de  tète. 

SCÈNE  XVI. 

RQ0ISE,  M.  DÉTIEDLETTE,  GOTTE, 
UN  MAITRE  D'HOTEL. 


ienr,  restez;  peut-être  n'avei-rou»  pu 
onsieur,  quoique  je  n'aie  pas  l'hoonfur  di 
anoilre 


,  au  maUn  d'hSUl. 


derex,  moniienr.  me  donner  le  temp* 
'  de  votre  esprit  l'opiaion  d'étourderî* 
8  devez,  sauB  doute,  m'accorde!. 
ieuUlU  donne  U  main .  ih  fitMcal  du»  U 
laUe  à  nuuigtf.) 


SCÈNE  XVII.  ft7 

SCÈNE  XVII. 

GOTTE,  seule. 

A  H  f  pour  celui-là ,  on  ne  peut  mieux  jouer  la 
comédie.  Ah!  les  femmes  ont  un  talent  merveil- 
leux. Elle  la  dit, elle  ne  dînera  pas  seule.  Je  ne 
reyiëns  pas  de  sa  tranc[uillité« 

SCÈNE  XVIII. 

GOTTE,  LAFLEUR. 

(  Gotte  lève  mi  coussin  âe  bergère ,  et  tire  de  dessous  uim 
manchette  qu  elle  hrode.  Lafleor  paroit,  die  est  prêta 
à  la  cacher,  et ,  voyant  que  c'est  Lafleur,  elle  se  remet 
à  broder.  liafleur  a  une  serviette  à  k  main ,  comme  uif 
domestHpie  qui  sert  k  table.  ) 

LAFLEUR. 

EvriN  on  peut  causer. 

OOTTE. 

Ahl  te  voilà  ?  je  pensois  à  toi.  Tu  ne  sers  pas  à 
table? 

LAFLEUll.: 

Est-ce  qu'il  faut  être  douj^  pour  servir  dieux 
personnes  ? 

GOTTE. 

Et  si  madame  te  demande  ? 

^  LAFLEUR.- 

Elle  a  Julien.  Je  suis  cependant  fiche  de  n'être 
|MS  resté  ; J'aurois  écouté.  (1/  tire  te  fil  de  Gotte,  ) 


i 


a«        LA  GAGE-URE  IMPRÉVUE. 

Finis  dotic. 

C'est  (jae  je  t'aime  bien. 

AJi  !  tu  iDainie»  ;  je  veui  bien  le  croire.  Hais  il 
hat  avouer  qire  tu  es  bien  simple,  avec  tes  niai- 


(^. 


II 


Quoi  donc? 

Madame,  surTOtre  respect.  Hadanie,  réfère 
parler.  Madame,  j'ai  eu  l'honaeui'  d'aller  au  bout 

(Pendaalca  coaplel ,  Laflear Ht. ) 

Ah!  ah! 

Eh!  de  quoi  ris-tu? 

Comment!  tu  es  la  dupe  décela,  toi?      . 

Quoi  '.  la  dupe  ? 

Oui ,  qnand  je  parle  comme  cela  à  madama-. 

Sans  doute. 

Et  que  je  fais  le  nigaud. 


GOTTZ. 

Commenta 

Je  le  iaÎA  «xprès* 

Ta  le  fais  exprès? 

LAFLEtA. 

Ta  ne  sais  donc  pas  comme'  les  maîtres  sont 
aises  quand  nous  leur  donn'ons  occasion  de  dire  : 
Âh!  que  ces  gens-là  sont  bétes!  ah!  quelle  ineptie! 
ah!  quelle  sotte  espèce!  Ils  dey roient  bien  manger 
de  rherbe,  et  raille  autres  propos.  Cest  comme 
s'ils  disoient  à  eux-mêmes  :  Âh!  que  j*ai  d'esprit! 
ah!  quelle  pénétration  !  ah!  comme  je  suis  au-deS' 
sus  de  tout  ça!  £h!  pourquoi  leur  épargner  ce 
plaisir-là  ?  Moi  je  le  leur  donne  tolfjours ,  et  tant 
qu'ils  veulent ,  et  je  m'en  trouve  bien  :  qu'est-ce 
que  cela  coûte? 

GOTtE. 

5e  ne  te  croyois  ni  si  fin  ni  si  adroit. 

L  AELE  un. 

J'ai  déjà  fait  cinq  conditions;  j'ai  été  renvoyé 
de  chez  trois  pour  avoir  fait  l'entendu ,  pour  leur 
avoir  prouvé  que  j'avôis  plus  de  bon  sens  qu'eux. 
Depuis  ce  temps-là,  j'ai  fait  tout  le  contraire,  et 
cela  me  réussit  ;  caiç  j'ai  déjà  devant  moi  une  assez 
bonne  petite  somme,  que  je  veiix  mettre  aux  pieds 
de  la  charmanse  brodeuse,  qui  veut  bien....  (Il 
vtoX  VemJbroêter,) 

3. 


LA  GAGEDHE  IMPRÉVUE. 


,  Gotie,  j'ii  In  dans  nn  livre  TeUJ,'(pi« 
re  fortune ,  il  *uŒt  de  d  aroic  ni  hoDuenr 


lumeuT  prèi ,  ta  fortune  eit  bile. 

,  m  as  In.  Eit-œ  qae  tu  >ai>  lice  ? 

Quand  je  tuii 
lillreni^rirc 
lenou^,  et  pourvu  qu'oi 
l'on  taue  bien  5< 

peu  itupide,  attaché,  lecret,  Toilh  tant. 
etii  fortune.  Mail  avant ,  A  ma  charmante 


Gnis  donc ,  finis  donc ,  finii  donc  ;  tn  m'ai 
1er  mon  Ùl.  Tieni,  tes  loaDcliettes  seront 
M*ad  elle*  Tondront.  [EiU  lu  ;eUe  pat 
afltur  ia  eanuate.  ) 

I  respectez  îoliment  mes  maoehettes.  Ah! 
m  brodé.  Hais  les  as-tu  comMeucées  ponc 


SCÈNE  XVIII.  ai 

«OTTE. 

Donne ,  donne.  Tn  as  donc  ^peur  d«  faire  TOtr  k 
nadame  que  tu  as  de  l'esprit  ! 

LAPLEUn. 

Oui  yraiment. 

GOTTE. 

Vraiment  :   mais  ne  t'j  fie  pas  ;  madame  voit 
tout  ce  qu'on  croit  lui  cacher.  Il  j  a  sept  ans  que 
je  sois  à  son  service,  je  l'ai  bien  observée  :  c'est 
un  ange  pour  la  conduite ,  c'est  un  démon  pour  la 
finesse.  Cette  fincsse-là  l'entraîne  souvent  plus 
loin  qu'elle  ne  le  veut ,  et  la  jette  dans  des  étour^ 
deries;étourderies  pour  toute  autre,  témoin  celle- 
ci;  mais  je  ne  sais  comment  elle  fait.  Ce  qui  me 
désoieroit-,  moi ,  finit  toujours  par  lui  faire  hon- 
neur. Je  ne  suis  pas  sotte  :  eh  bien!  elle  devine 
une  heure  avant  que  je  parle.  Pour  monsieur  le 
marquis ,  qui  se. croit  le  plus  savant ,  le  plus  fin,  le 
plus  habile ,  le  premier  des  hommes ,  il  n'est  que 
l'humble  serviteur  des  volontés  de  madame  ;  et  il 
jureroit  ses  grands  dieux  qu'elle  ne  pense ,  n'agit 
et  ne  parle  que  d'après  lui..  Ainsi,  mon  pauvre  La- 
fleur  y  meta-toi  à  ton  aise ,  ne  te  gène  pas ,  déploie 
tous  les  rares  trésors  de  ton  bel  esprit ,  et  près  de 
madame  tu  ae  8«ras  jamais  qu'un  sot^  entends» 
te.' 


ItAFLEUa. 

£t  avec  cet  esprit-là,  elle  n'a  jamais  ett  la  Bi»in^ 
dre  petite  afiaire  de  coeur  ?  là ,  qudque.  • . 


• 


3ft        LA  GAGEURE  IMT-R^ÊVUE, 

aoTTi« 
Jamais.  f 

LAFLEU^n. 

Jamal»!  On  dit  cependant  monsieur  jaloux. 

G  O  T  T  E» 

Ah!  comme  cela,  par  saillie.  G  est  elle  bien  plu- 
tôt qui  seroit  jalouse.  Pour  lui ,  il  a  tort ,  car  c'est 
presque  1^  seule  femme  d:e  laquelle  je  jurerois ,  et 
de  moi ,  s'entend. 

LÂFlEUR. 

Ah  !  sûrement.  Mais  cela  doit  te  faire  une  assez 
mauvaise  condition. 

•   gOtte. 
Ah!  madame  est  fort  généreuse. 

LAFLEUn. 

Imagine  'donc  ce  qu'elle  seroit ,  s'il  y  aroit 
quelque  amourette  en  campagne.  Avec  des  maîtres 
qui  vivent  bien  ensemble,  il  n'y  a  ni  plaisir  ni 
profit.  Ah!  que  je  voudrois  être  à  la  place  de 
Dubois  ! 

GOTTEw 

Pourquoi  ? 

LAFtEtJB. 

Pourquoi  ?  Et  cette  jolie  personne  enfennée 
che£  monsieur ,  n'est-<;e  rien  ?  Je  parie  que  cr  e$t  la 
plus  charmante  petite  intrigue.  Monsieur  va  l'en- 
voj^er  à  Paris ,  il  lui  louera  un  appartement ,  il  la 
mettra  dans  ses  meubles  ;  le  valet-de-chambre  fera 
les  emplettes  ^  c'est  tout  gain.  Madame  se  doutera 
de  la  chose  y  ou  quelque  bonne  amie  vien^dra  en 


■^•-*— ....  j*-- 


poste  de  Paris  pour  lui  eu  parler ,  sans  le  faire  ex> 
près.  Àhl  Gotte,.si  tu  a«  de  lesprit,  tar fottune est 
hite.  Ta  feras  de  bons  rapports ,  y  rais  ou  faux,  tu 
attiseras  le  feu,  madame  se  pilera,  prendra  dé 
1  homeur  et  se  vengera.  Groirois-tu  que  je  ne  l'ai  dit 
à  madame  <pie  pour  la  mettre  dans-Iè  goÀt  de  se 
»eQger  ? 

gott£. 
Tu  es  tin  dangereux  coquin^ 

LArLEUR. 

BoTn!  qn'est-ce  que  cela*  fait  ?"  Il' ^r  a' sept  dnSj 
dis-tu ,.  que  tu  es  à  son  service  ?' Il-  feut  qu'un  do^ 
mestique  soit  bien  sot ,  lorsqu'au  bout  de  sept  ani 
il  ne  gouverne  pa*-son  maître. 

GOTTE. 

Il  ne^iamifoit  pas  s  y  jouer  avec  madafift  ;  elle 
ne  jeteroît  l^eomme  uue  épingle: 

I.AF&KtTRli. 

Voici  y.  par  exemple,  pour  elle  ime  belle  occa^» 
sien  :  Bf  Détieulette  est  aimable.: 

ftOTTE, 

Monsieur?'.., 

&^AFI.EI7]t.r 

Monsieur' Détieulette ,  cet  officfer; 

GOTTE.- 

Est-ce  que  tu  le  connois  ? 

CAFLEtrU. 

Oui ,  il  m'a  reconnu  d'abûrd.  Je  I  ai  beaucoup 
va  ciieKmon  ancien  nAltve.  ILétoit  étonné  de  me 
Toir  chez  le  marquis  de  Glainville. 


LAGAGEDRE  IHPBËVUE. 
Eit-«e  que  tu  lai  udit  chra^uiinétoù? 


Cbei  H.  do  CUioTille  ? 

Llrittri,  ' 

Oui ,  k  madame  ds  ClaÏDTille.i  I 

A  madame  de  ClaioTilla?  Ah!  la  bonae  ohoM!  ' 
i9t  bien  lait,  avec  «et  détooïBi  j'en  tuit  bîcQ  1 
e.  la  6neiM  a  ce  ipi'allc  mérite.  | 

Pourquoi  donc?  | 

Js  ne  m'élonaa  plai  l'il  h  tnolt  de  l'appeler  . 
dame  la  comieiie  :  c'en  que ,  tgus  le  nom  it  ' 
Domiesse  de  Wordacle. . .  Quoi  '■  on  a  d^ja  dini?  | 

Comme  le  temps  paue  vite  ! 

aoTte,  cachant  Ut  maacheltet. 
Ciel!  voili  madame. 

SCÈNE  XIX. 

MARQUISE,  M,  DÊTIEULETTE,  GOTTE. 

■  ISQUISB  l 


Oui,  monsienr,  notre  taxe  trouvera  loujoi 
émeDI  le  mo^en  de  gouTCraet  le  vAtre.  L'au' 


SCÈNE  XIX,  35 

rite  que  nous  prenons ,  marche  par  Une  route  si 
fleurie ,  la  pente  est  si  însentible  ^  notre  constance 
dans  le  même  projet  a  IJair  si  simple  et  si  naturel  ^ 
notre  patience  a  si  pen  d'hnmeur,  que  l'empire  est 
pris  ayant  que  vous  vous  en  doutiez.. 

M.    DÉTlEUtETTE* 

Que  je  m'en  doutasse  ou  non»  j*aimerois,  ma- 
dame ,  à  TOUS  le  céder. 

LA    MARQUISE. 

Je  reçois  cela  comme  un  compliment  ;  malfl 
faites  une  réflexiou.  Dès  l'enfance  on  nous  ferme  la 
bouche ,  on  nous  impose  silence  jusqu'à  notre  éta- 
blissement :  cela  tourne  au  profit  de  nos  jeux  et 
de  nos  oreilles.  Notre  coup'd'oçil  devient  plus  fin^ 
notre  attention  plus  soutenue ,  nos  réflexions  plut 
délicates  ;  et  la  modestie  avec  laquelle  nous  nouA 
énonçons,  donne  presque  toujours  aux  hommes 
une  confiance  dont  nous  profiterions  aisément ,  si 
nous  nous  abaissions  jusqu'à  les  tromper* 

Ah!  madame,  que  n'ai- je  ici  pour  second  le 
colonel  d'tm  régiment  dan»  lequel  j'aï  serri ,  le 
marquis  de  Glainrille! 

LA  MAlQVlSEi 

Le  marquis  de  Clainirille  ?  Vous  connoissez  le 
ftiarqais  de  Glalniâlle  ? 

M.  djItieulbtte* 
Oui ,  madame. 

(Ici  GoUe  écoute  ayet  oHtnlion,)' 


36        LA.  GAGEURE  IMPilÉVUK 

LA' MABQUISE. 

Ne  VOUS  trompez-vous  pas  ? 

M.    DÉTIE^UL^TE. 

Kon^jnadame.  G  estjao  iiomme  qui  doit  aToir 
à  présent....  oui ,  il  doit  avoir  à  présent  cinquante 
à  cinquante-deux  ans ,  de  moj^ennfi  taille ,  fort  bien 
prise,  beaii  joueur,  bou  chasseur,  grai|d  parieur, 
savant,  se  piquant  de  l'être,  même  dans  les  d^taiUj 
connoissant  tous  les  arts ,  tous  les  talents ,  toutes 
les  sciences ,  depuis  la  peiqture  jusqu'à  la  serru- 
rerie, depuis  Tastrologle  jusqu'à  la  médecine; 
d'ailleurs  excellent  ofi^cier,  dun  esprit  droit,  et 
d'un  commerce  sûr« 

(Ici  GoUe  sourit,) 

LA    MAAQUISE. 

I^a  serrurerie  !  Ah  !  vous  le  connoisses. 

M.    DÂTIEflLETTE. 

Je  ne  sais  s'il  n'a  pas  des  terres  dans  cette  pro« 
rincer  ' 

LA    MARQUISE.. 

£t  monsieur  de  Glain ville  vous  disoit  ?. . « 

U,    DÉTIEULETTE^ 

Vous  le  cpnnoissez  aussi ,  madame  ? 

LA    MABQUISE, 

Beaiicoup  ;  et  il  vous  disoit  ? 

M.    DÉTIlÇUL-ETTEt. 

On  m'a  dit  qu'il  étoit  veuf ,  et  «qu'il  alloit  ^ 
remttrier. 

LA    MARQUISE, 

Non  ^monsieur ,  il  n'est  pas  veuf  « 


SCÈNE  XlX,  37 

M.    oéTIEULETTE. 

On  le  plaignoit  beaucoup  de  oe  <{Qe  9a  fe]iiiiie«<« 

!•▲  M  AIIQUISE.- 

Sa  femme  ?«>.■• 

U.   DÉTIEULETTE^ 

Ayoit  la  tête  un  peu».i. 

*         LA    MADQUIftE. 

Un  peu  ? 

Oui  ,  qu'elle  ayoit  une  maladie....  d'esprit.. <•' 
des  absences,  é . .  jusqu'à  ne  pas  se  ressouTenir  des 
choses  les  plus  simples ,  jusqu'à  oublier  son  nom; 

LA    MARQUISE. 

Pure  cal€(tïïmei(Gotle,jfendant  ce  couplet  y  rit,  et 
enfin  éclate,  La  auwquise  te  retourne  et  dit  à  Gotte:) 
Qu'est-ce  que  c'est  donc  ? 

aOTTE. 

« 

Madame ,  j'ai  Un  mal  de  dents  àfTrèux. 

LA    M  AllQtJlSË. 

Allez  plus  loin ,  nous  n'avons  pas  besoin  de  Vtfs 
gémissements.  (A  M,  Détieuleite,)  Enfin ,  que  voiis 
disoit  monsieur  de  Glainvillcf  sur  U  chapitre  delS 
femmes  ? 

M.    DiTIÊÙtÉTTE. 

Ce  qu'il  disoit  étoit  fort  simple»  etâvoit  l'air 
assez  réfléchi.  Les  femmes ,  disoit  monsieur  de 
Clainyille  :  vous  m'j  forcez ,  madame ,  )e  n'oserois 
|ftiBaisv*#tf 

Dites ,  monsieur. 

Zkcâlre.  CoçMdies.   l3^  4 


i 


S8        LA  GAi&EURE  IMPRÉVUE 

M.    0ÉTIEULETTE. 

Les  femmes,  disoit-il,  n'ont  d'empire  que  su 
les  âmes  foibles;  lettr  prudence  nest  que  de  1 
finesse,  leur  raison  n'est  souvent  que  du  raisoxi 
nement;  habiles  k  saisir  la  superficie ,  le  juçemexi 
en  elles  est  sans  profondeur  :  aussi  n'ont-elles  qiA* 
le  sang-froid  de  l'instant ,  la  présence  d'esprit  di 
la  minute ,  et  cet  esprit  est  souvent  peu  de  chose 
il  éblouit  sous  le  coloris  des  grâces;  il  passe  avec 
elles ,  il  s'évapore  avec  leur  jeunesse ,  il  se  dissipe 
-avec  leur  beauté.  Elles  aiment  mieux....  Madame  , 
c'est  M.  de  Clàinville  qui  parle ,  ce  n'est  pas  mot  r 
je  suis  si  loin  die  penser. . . . 

LA   BfÀEQVISE. 

Continuez, monsieur  :  elles  ai<tient mieux?... 

M.    DÉTIEULETTE. 

Elles  aiment  mieux  réussir  par  l'intrigue  que 
par  la  droiture  et  par  la  simplicité;  secrètes  sur 
un  seul  article,  mystérieuses  sur  quelques  autres, 
d!issimulées  sur  tous.  Elles  ne  sont  presque  jamais 
agitées  que  de  deux  passions,  qui  même  n'en  font 
qu'une ,  l'amour  d'un  sexe ,  et  la  haine  de  l'autre. 
DflSîendez-vous  fajoutoit-il).  Mais ,  madame ,  je. . . 

LA  UABQUISB.. 

Achevez,  monsieur,  achevez. 

M.  d'étievlette. 

Défendez- vous ,  ajoutoit-il,  de  leur  premles 
coup-d'œil  :  ne  croyez  jamais  leur  première 
phrase ,  et  elles  ne  pourront  vous  tromper.  Je  ne 


SeÊN£  XIX.  3$ 

l'a»  jamais  été  par  elles  dans  la  moindre  petite  af* 
ûûre ,  et  je  ne  le  serai  jam'aisr 

LA  MARQUISE. 

Et  monsieur  de  Clainyille  Yons  disoit  cela  ? 

M.    BÉTIEULEYTE.. 

A  moi  ,  madame  ^  et  à  tous  les  O'fficiers  qui 
ayoient  Thonneur  de  manger  chez  lui.  Làrdessus , 
il  entroit  dans  des  détails^. . . 

LA  MARQUISE.. 

Je  n  en  suis  pas  lort  curieuse.  Et  sans,  doute , 
aiessieurs,  que  tous  applaudissiez;. car,  lorsqu'un 
de  TOUS  s.'amBse  sur  notre  cbapitre^^. . . 

M.  oEt^eulette. 

Je  me.taiseis^  madame  :  mais  ,  si  j'ayois  en  le 
bonheur  de  tous  connoitre,  quel  avantage  n'au- 
rois-je  pas  eu  sur  lui!  pour  bii  pronyer  que  la 
force  de  la  raison,  la  solidité  du  jugement.... 
LA  MAiiQuise,  uit  peu  piquée. 

Monsieur,  je  ne  m  aperçois  pas  que  j*abuse  de 
la  complaisance  que  vous'  ayez  eue  de  vous  arrê- 
ter ici.  Vous  m*ayez  dit  qu'il  vous  restoit  encore 
dix  lieues  à  faire ,.  et  la  nuit.', . . 


■» 


4o        l  0AG£UaE  IMPRÉVUE 

SCÈNE  XX, 

GOTTE,  hA  MARQUI3E,  »f.  DÉTIEULETTE, 

GOTTE. 

Mabai|e,  voici  monsieur  le  marquis....  non  , 
fnonsieur  \e  comte  qui  revient  de  là  chasse,, 
LA  MAnQiJisE  joue  l'embarras. 

Quoi  !  déjà  ?.•  O  ciel  !  monsieur,...  Je  ne  sais«., 
je  suis. , .  1 

M.    DÉTIEULBTTE, 

Madame,  quelque  chose  paroît  altérer  votre 
tFanquillitét  Serois-je  la  cause.. .. 

«A  MARQUISE. 

J'hésite  mr  ce  que  j'ai  à  vous  proposer.  Mon 
mari  n  est  pas  jaloux,  non,  il  ne  l'est  pas,  et  il  n'a 
paft. sujet  de  Vétre  ;  mais  il  est  si  délicat  sur  certain 
nça  çboses ,  et  la  manière  dont  je  tous  ai  reteau.,, 

M.     DÉTIEULETT^. 

]|^h  bien  «  madame  ? 

LA  n(A|iQviSE. 
Il  va  sans  doute  yentr  me  dire  des  nouvelles 
4e  sa  chasse ,  et  il  ne  reste^-a  pas  long-temps, 

M.    DIÊTIEVLETTE..  / 

^^   Madame ,  que  faut-il  faire  ? 

LA   MARQUISE, 

Si  vous  vouliez  passer  un  instant  dans  c$  cabi^- 
»et? 

M«   DiT<EULISTT«, 

.    Avec  plaisir,. 


SCÈNE  XX,  4i 

LA  MA&QUISS. 

Vous  n  j  serez  pas  long-temps.  Sàtit  qu'il  sera 
sorti  de  mon  appartement ,  vous  serez  libre.  Vous 
n'aurez  pas  le  temps  de  vous  ennuyer  ;  vous  pour- 
riez ,  de  là ,  entendre  notre  conversation.  Je  serai 
même  charmée  que  tous  nous  écoutiez. 

SCÈNE  XXI. 

LA  MAKQUISE,  GOTTE. 

LA   MAAQUISE. 

Ah!  m.  de  Glainville,  nous  ne  prenons  d'em* 
pire  que  sur  les  âmes  foibles. ...  Je  suis  piquée  au 
vif....  Oui....  oui....  il  peut  avoir  tenu  ce  discours 
là. . . .  )e  le  reconnois.  Lui. ...  lui ,  qui  par  Tidée 
qu'il  a  de  son  propre  mérite ,  auroit  été  Fhomme 
le  plus  aisé...  Ah!. que  je  serois  charmée  si  je  pou- 
rois  me  venger....  m  en  venger,  là,  à  l'instant,  et 
prouver....  Mais  comment  pourrois-|e  mj  pren- 
dre?... Si  je  lui  fiûsoift  raconter  à  lui-même,  ou 
en  lui  fusant  plutôt  croire...  Non...  il  faut  que  cela 
intéresse  particulièrement  mon  officier.,.,  je  veux 
qu'il  soit  en  quelque  sorte. ...  Si  par  quelque  ga- 
geure. (Ici  elle  fixe  la  porte  et  la  clef  en  rêvant.) 
M.  de  Clain ville....  Ah!  (Elle  dit  cela  en  souriant  à 
iidèe  ifueiU  a  prouvée,)  Non,  non....  Il  seroitpour-f 

tant  plaisant....  Mais  que  risqué-^je.,.?  {Elle  te  lève^ 
ti^  la  eief  du  cakiuet  avec  mystère.)  Il  seroitbien 
singulier  que  cela  réussit*  (Elle  rii  de  son  idé^  en 

4. 


4a         LA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

mettant  la  eief  dans  sa  poche  :  elle  s'assietLf)  Gotte» 
donne«-moi  mon  tac  à  oartage, 

«OTTB., 

Le  voilà* 

I.A  HAAÇVIiE,  Pé9€U$e^ 

Donnez-moi  donc  mon  sac  àouvra|[e. 

COTTE., 

Eh  !  le  yoilà ,  madame» 

LA  MABQUI9E. 

Ah! 

SCÈNE  XXII. 

LA   MARQUISE,  LE  MARQUIS,   GOTTE. 

tA  MAEQUiss  sitr  ja  chaUe  hngtnej  et  faisant  des 

nœuds» 
£h  bien  !  monsieur,  avez-yons  été  bien  mouillé? 

LE    MARQUIS. 

J'aime  la  pluie.  Et  tous,  madame,  ayez- tous 
eu  beaucoup  de  monde  ?  . 

LA   MAROVSK* 

Qui  que  ce  soit.  Voire  chasse  a,  sans  donte,  été 
heureuse  ? 

LE.  MARQUIS. 

Ah  !  madame ,  des  tours  perfides.  Nous  débusr 
:|uions  des  bois  de  Salveux  :  voilà  nos  chiens  ea 
défaut.  Je  soupçonne  une  traversée  ;  enfin  nous  ra- 
menons. Je  crie!  à  Brevaut  que  nous  en  revojons  : 
il  me  soutient  le  contraire.  Mais  je  lui  àU  :  Vois 
donc  la  sole  pleine ,  les  côtés  gros ,  les  pinces  ron* 


SCÈNE  XXII.  43 

()e9 ,  et  le  talon  lasge  ;  il  me  soutient  que  c*^st  une 
biche  brehaigne ,  cecf  dix  cors  s'il  en  iut. 

I.A  M ABQUISE. 

Je  sais  toujours  étonnée ,  monsieur,  de  la  pTO^ 
digieuse  quantité  de  mots,  de  termes  que  seule- 
ment la  chasse  fait  emplojer^  Les  femmes  croieni 
sayoÎT  la  langue  françoise ,  et  nous  sommes  bien 
ignorantes*  Que  de  termes  d'arts,  de  sciences,  de 
talents,  et  de  ces  arts  que  you«  appelez. . . . 

LE    MAAQUISr 

Mécaniques. 

LÀ  MARQUISE. 

Mécaniques.  Eh  bien  !  voilà  encore  un  terme* 

LE   MARQUIS. 

I 

Madame ,  un  homme  un  peu  instruit  les  sait 
tous ,  à  peu  de  chose  près. 

LA  HAAQUISE. 

Quoi  !  de  ces  arts  mécaniques  ? 

LE    MARQUIS. 

Oui ,  madame.  Je  ne  me  citerai  pas  pour  exem- 
ple :  je  me  suis  donné  une  éducation  si  singulière  ; 
et  sans  avoir  un  empire  à  réformer,  Pierre  le  grand 
n'est  pas  entré  plus  que  moi  dans  les  plus  petits 
détails'.  Il  j  a  peu ,  je  ne  dis  pas  de  choses  servant 
aux  arts ,  aux  sciences ,  aux  talents ,  mais  même 
aux  métiers ,  dont  je  n'eusse  dit  les  noms ,  j'aurois 
jouté  contre  un  dictionnaire. 
(Pendant  ce  commencement  de  scène ^  M»  de  Clain- 
vUie  peut  défaUe  ses  gants  et  ies  donner,  ainsi  que 
son  couteau  de  chasse ,  à  un  domesti^iue*  ) 


4i        LÀ  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

LA  MAEQUISE. 

Je  ne  jouteroit  dono  pas  contre  vout  ;  car  moi 
à  l'instant,  je  regardois  cette  porte,  et  je  me  <li 
•ois  i  chaque  petit  morceau  de  fer  qui  sert  k  Is 
construire,  a  certainement  son  nom;  et,  hors  \fi 
serrure,  je  n'aurois  pas  dit  le  nom  d'un  seul. 

KE    MARQVIS, 

£li  hîen  !  moi,  madame ,  je  les  dirois  tous, 

I.A  MARQUISE. 

Tous?  Cela  ne  se  peut  pas. 

LE    MARQUIS,. 

Jf^  le  parierois. 

LA  MARQU1SS.. 

Ah!  cela  est  bientôt  dit. 

LE   MABQUia. 

Je  le  parie»  madame,  je  le  parie^ 

LA   MARQUISC 

Vous  le  parier? 

QOTTE»  à  pafl* 
Notre  prîsonniei:  a  bien  besoin  de  tout  cela.. 

LE    MARQUIS* 

Oui,  madame,  je  le  parie. 

LA  MARQUISEv 

Soit  :  aussi-bien  depuis  quelques  jours  ai-]e  be-r 
loin  de  vingt  louis,^ 

LE   MARQUIS, 

Que  ne  tous  ad^essie^YOus  à  tos  ami&? 

LA  MARQUISE» 

Non,  monsieur,  jo  ne  veux  pas  vous: devoir  un 


SCÈNE  XXIL  45 

si  feible' service;  je  vous  réserve  pour  ofe  plui 
grandes  occasions ,  et  j  aime  mieux  tous  les  gagner. 

LE    MARQUIS., 

Tingt  louis  7 

LÀ   MÀllQUlSCt 

Yingt  lonis...  soit, 

OOTTB,  à  part. 
Cela  m'impatiente  pour  lui.  Demandesi-moi  Ji 
^uel  propos  cette  gageure. 

I.B  M4BQiris« 
Soit  y  je  le  veux  bien. 

LA    MAAQUISBt 

£t  vous  m®  direz  le  nom  de  tous  les  morceaux 
de  iev  qui  entrent  dans  la  composition  d'une  porte  | 
d'une. porte  de  chambre,  de  celle-ci  ? 

LE   MARQUIS. 

Oui ,  madame.. 

LA  MARQUISE. 

Mais  il  faut  écrire  à  mesure  que  vous  les  nom- 
merez; car  je  ne  me  ressouviendrai  jamais. . . 

LE    MARQUIS. 

Sans  doute,  écrivons.  Dubois  !  {A  Gotle,  )  Made- 
moiselle ,  je  vous  prie^efaire  venir  Dubois.  Toutes 
les  fois ,  madame ,  que  je  trouverai  une  occasion 
de  vous  prouver  que  les  hommes  ont  Tavantage  de 
la  science ,  de  lërudition  et  d'une  sorte  de  profon- 
deur de  jugement...  Il  est  vraj,  madame,  que  ce 
talent  divin  accordé  par  la  nature ,  ce  charme ,  cet 
ascendant  avec  lequel  un  seul  de  vos  regards.  * . 


46        LA  GAGEURE  IMPRÉVUE; 

lA  MA«RQVISE. 

Ahl  monsieur,  songeï  que  je  suis  votre  femme  » 
et  un  compHment  n'est  rien,  quand  il  est  déplacé. 
Kevenons.  à  notre  gageure  :  vous^  voudriez ,  j[a 
crois,  me  la  faire  oublier^ 

LE    MAAQVlSi,. 

Non ,  je  vous  assurée 

SCÈNE  XXIII. 

lA  MARQUISE,  LE  MARQUIS,.  GOTTE, 

2)UBQIS; 

£A  MARQUISE^ 

Voici  0ubois  :  nous  n  avons  pas  de  temps  k> 
perdre  pour  prouver  ce  que  j'ai  avancé,  et  nou& 
a  vous  encore  dix  lieues  à  faire  aujourd'hui. 

LE    MAIIQUIS. 

Que  dites-vous,  madame,  aujourd'hui? 

LA   ^AnQUISE. 

Je  vous  expliquerai  cela  :  notre  gageure ,  notre 
gageure. 

LE    MARQVIiiv 

Dubois  ;  prends  une  plume  et  de  Jfc'encre ,  mets^ 
toi  à  cette  table,  et  écris  ce  ^ue  je  vais  te  dicter.. 

LA  BCARQiriSE. 

Dubois  f.  mettez  en  tête  :  Vous  Hûnnevez  vingt 
louis  au  porteur  du  présent ,  dtmt  je  voua  tiièiidraî 
compte* 

LE   BfA.HQiriS,     * 

Ils  ne  sont  pas  gagnés ,  madame. 


SCÈNE  XXIII.  47 

LA  MABQDISE. 

Voirons  y  TOjons,  coiiuu«nc<»i« 

Madame ,  ces  détails  vont  voas  paroitre  bien 
bai,  bien  singuliers,  bieo  ignobles^ 

I.A  MARQUISE 

Dites  bien  brillants  i  je  les  trouverai  d'or ,  si 
j'en  obtiens  ce  qoe  je  désire.  Je  suis  cependant  si 
bonne ,  qne  je  veux  tous  aider  à  me  faire  perdre.. 
V'ous  n'oublierez  sans  doute  pas  la  serrure  et  les 
petits  clous  qui  rattachent. 

LE    MARQVIS. 

Ce  ne  sont  pas  des  clous;  on  appelle  cela  des 
vis ,  serrées  pat  des  écrous.  Mettez  la  serrure ,  les 
fis,  leséerous. 

DUBOIS,  écrivanL 

£crons. 

LE    MARQUIS. 

jL'entrée,  la  pomme,  la  rosette,  les  fiches... « 

LA  MARQUISE. 

Ah  !  quelle  vivacité ,  monsieur  !  ah  !  vous  m  ef^ 
frajez. 

nu  B  o  I  s. 
Les  fiches.. 

LE   MARQUAS. 

Attendez,  madame ,  tout  n'est  pas  dit. 

LA   MARQUISE. 

Ah!  j'ai  perdu,  monsieur,. j'ai  perdu* 


48        LA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

LE    MAHQVIS. 

Madame,  un  instant.  Fiches  à  rase,  fiches  di 
brisure,  tiges,  équerre ,  verrous  ,  gâches 

LA   MARQVISE. 

Ah!  monsieur,  monsieur ,  c'est  fait  de  mes  vin  g 
louis*. 

LE    MARQUIS. 

Je  n'hésite  pas ,  madame ,  je  n'hésite  pas  f  tou» 
le  Tojez.  Un  instant,  un  instant.! 

Dubois. 
Gâches. 

tA   ilAAQUISE.. 

Mais,  vojez  comme  en  deux  mots ,  monsieur  l 

LE    MARQUIS* 

Madame... 

LA   MARQUISE. 

Voulez-Tous  dix  louis  de  la  gageure? 

LE    MARQUIS. 

Non,  non, madame.  Ëquerre,  verrous ,  g&che». 

DUBOIS* 

C'est  mis. 

LA  MARQUISE. 

Dix  louis,  monsieur,  dix  louis < 

tE   MARQUIS. 

îïon,  non,  madame.  Ahl  vous  voulez  parierr.^ 

LA   MARQUISE.. 

£tt  voulez-vous  (quinze  louis? 


SCÈNE  X:&III.  49 

LE   MAfBQUIS. 

Je  ne  ferois  pas  grâce  d'une  obole.  J'ai  perda 
trois  paris  la  semaine  passée  ;  il  est  jaste  ^ue  j'aie 
mon  tour. 

1  A  MARQUISE» 

Je  baisse  pavillon  \  je  ne  demande  pa»  si  rouâ 
avez  oublié  quelque  terme. 

LE    MARQUIS» 

Je  ne  le  crois  pas.  Êquerre...  gâches ,  yerroos  y 
lerrure. 

LA  MARQUISE. 

Si  c'étoit  de  ces  grandes  portes ,  vous  auriez  eu 
plus  de  peine. 

LE    MARQUIS. 

Je  les  aurois  dit  de  même.  Gâches ,  verrous* 

LA  MARQUISE.' 

'        Eh  bien!  monsieur,  avez-vous  tout  dit? 

LE    MARQUIS. 

I 

Oui...  oui,  madame,  à  ce  que  je  crois,  équerrci 
serrure. 

LA  MARQUISE. 

Monsieur  f  ce  qui  me  jette  dans  la  plus  grande 
^    sarprise,  c'est  la  promptitude,  la  précision  du 
coup-d'œil  avec  laquelle  vous  saisissez...., 

LE    MARQUIS. 

Cela  vous  étonne,  madame? 

LA  MARQUISE. 

Cela  ne  devroit  pas  me  surprendre.  EnHn  il  ne 
reste  plus  rien... 

■lli«âue«  Gomédicf»  l3«  5 


£^0        LA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

/      « 

I.£   MARQUIS.: 

Qu$  de  me  payer ,  madame 

LA  MARQUISE. 

De  vous  pajer?  Ah!  monsieur,  vous  êtes  uc 
créancier  terrible.  Si  vous  avez  perdu,  je  serai 
plus  honnête ,  et  je  vous  ferai  plus  de  crédit.. 

LE    MARQUIS. 

Je  n'en  demande  point. 

LA  MARQUISE.. 

Dubois ,  fermez  ce  papier ,  et  cachetez-le  :  voici 
mon  étui. 

LE    MARQUIS. 

Pourquoi  donc,  madame  ?  cela  est  inutile. 

LA   MARQUISE. 

Vous  me  pardonnerez^  j'ai  l'attention  si  pares- 
seuse :  les  femmes  n'ont  que  la  présence  d'espril 
de  la  minute,  et  elle  est  passée  cette  minute. 

LE    MARQUIS. 

Vous  croyez  rire;  mais  ce  que  vous  dites  là ,  j« 
l'ai  dit  cent  fois. 

LA  MARQUISE. 

Oh!  je  vous  crois.  J'espère ,  moi ,  de  mon  côté, 
que  vous  voudrez  bien  m 'accorder  une  heure  poui 
iTéfléchir  et  examiner  si  vous  n'avez  rien  oublié. 

LE    MARQUIS. 

Ot>E?ux  jours,  si  vous  l'exigez. 

LA   MARQUISE. 

Non,  Je  ne  veux  pas  plus  de  temps  qu'il  m 
m'en  faut  pour  vous  raconter  l'histoire  de  ma  jour 
née  3  et  la  voici.  Je  me  suis  ennujée ,  mais  très  em 


SCÈNE  XXIIK  Si 

najée';  }e  me  suis  mise  sur  le  balcon ,  la  pluie  m  ei> 
a  chassée  ;  j'ai  touIu  lire ,  j'ai  voulu  broder,  faire 
de  la  musique  ;  l'ennui  jetoit  un  rotle  si  noir  sut 
tontes  mes  idées ,  que  je  me  suis  remise  k  regarde* 
ie  grand  chemin.  J'ai  tu  passer  un  cayalier  qui 
pressoit  fort  sa  monture  ;  il  m'ft  pris  fantaisie  de 
ne  pas  diner  seule.  Je  lui  ai  envoyé  dire  que  ma-^ 
dame  la  comtesse  de  Wordacle  le  prioit  d'entrer 
chez  elle« 

LK    MÂHQirXS. 

Pourquoi  la  comtesse  de  Wordacle  ? 

LX  MAAQUISE. 

Une  idée  :  je  ne  Toulois  pas  qu*^M  sût  que  je 
suis  femme  de  M.  de  GlainyiUe,  (en  éUi^ant  la 
voix)  de  M.  de  Glainvillet  qui  a  des  terres  dam; 
cette  proTince« 

LE' mauquis. 

Pourquoi?.,. 

LA   arABOUISE. 

Je  TOUS  le  dirai  :  il  a  accepté  ma  proposition. 
J'ai  TU  un  caTalier  qui  se  présente  très  bien  :  il  est. 
de  ces  hommes  dont  la  physionomie  honnête  et 
tranquille  inspire  la  confiance.  Il  m'a  fait  le  corn* 
pliment  le  plus  flatteur,  il  n'a  échappé  aucune  oc- 
casion de  me  prouver  que  je  luï  avois  plu*,  il  a 
même  osé  me  le  dire  ;  et  soit  que  naturellement  il 
soit  hardi  avec  les  femmes ,  ou  peut-être,  malgré 
moi ,  a-t-il  tu  dans  mes  jeux  tout  le  plaisir  que 
M  présence  me  faîsoit...  Enfin ,  que  tous  dîraî-je  ! 
excusez  ma  sincérité , mais  je  connois  lempire  qua 


$31        lA' GAGEURE  IMPRÉVUE. 

j'ai  sur  YOtre  âme  :  dan»  l'instant  le  plus  décidé 
d'une  ooBversation  asseï  vive  vous  êtes  arrivé  ;;  ei 
je  n'ai  eu  que  le  temps  de  le  faire  passer  dans  ce 
cabinet ,  d'où  il  m'entend ,  si  le  récit  que  je  vous 
en  fais  lui  laisse  assez  d'attention  pour  nous  écou- 
ter. Alors  vous  êtes  entré  ;  je  vous  ai  proposé  co 
pari  as&ez  indiscrètement;  je  ne  supposoispas  que 
vous  l'accepteriez ,  et  j'ai  eu  tort,  fatigué  «omme 
vous  devez  l'être ,  de  vous  avoir  arrêté. . . ,. 
(^he  marquis  par  degrés  prend  un  air  térieuXj  froid 

etsee.) 

I.E    BfARQVIS« 

Madame* .  * . 

lA  MABQiriSE. 

Mais. . . .  Ynonsieur. ...  je  m'aperçois. ...  Le  eerf 
.  que  vous  avez  couru  vous  a-t-il  mené  loin  ? 

LE    BlARQtriB* 

Non ,  madame. 

LA  MARQVYSE. 

Vous  me  paroissez  avoir  quelque  chagrin  ? 

LE    MARQUIS. 

Non ,  madame ,  je  n'en  ai  point  :  mais  ce  moi^ 
li^ur  doit  s'ennujrer  dans  ce  cabinet. 

OOTTE,  à  part* 
Ah  ciel  l 

lA  Bf  ABQVISE. 

N'en  parlons  plus ,  je  vois  que  cela  voua  a  fait 
quelque  peine  »  et  jlen  suis  mortifiée.  Je....  je....  je 
Bouhaiterois  être  seule. 


SCÈNB  XXIIL  53 

[Dubois  él  Gotle  se  retient,  d'un  air  emàa^tfossé^ 
dans  le  fond  du  théâtrem.Golte  a  Voir  plus  ,,ef^ 
frayée.  ) 

lE    MARQUIS* 

Je  le  crois.. 

LA  ICARQUISS. 

JedésixeTois.... 

LE   MARQUIS^ 

£t  moi  je  désire  entrer  dans  ce  cabinet ,  et  voir 
rhosune  «pu  a  en  la  téniérité.A* > 

OOT.TE. 

Ah!  ^elle  impradenpe  ! 

LA  MARQUISE,  joiiaot  lUmbarros^ 
PenttetteL>-moî ,  monsieur,!  de  tous  |>ropo8eT 
on  accommodenïent.:.  « . 

LE    MAEQVIS.      . 

Un  accommodement ,  madame  ?  Je  ne  vois  pas 
quel  accommodement. . . . 

LA  MAAQUISEw  " 

Si  j'ai  perdu  le  pari ,  donnez-m'en  la  rcTanclie* 

LE    MASQUIS. 

Madame ,  il  n  est  pas  question  de  plaisanter^ 

LA  MARQUISE. 

Je  ne  plaisante  point ,  je  vous  demande  ma  re- 
Tanche. 

LE   MARQUIS. 

-Et  moi ,  madame ,  je  yons  demande  la  clef  de 

ce  cabinet ,  et  je  tous  prie  de  me  la  donner* 

LA  marquise.^ 

Xa  clef  «  monsieur? 

5. 


54        CA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 
0UI 7  la  clef ,  la  clef. 

LA  MARQUISE. 

Et  si  je  ne  l'ai  pas  ? 

LE   MARQUIS. 

Il  est  un  moyen  d'entrer  :  c*«0t  de  jeter  la  port# 
en  dedans.  •  • 

'    LA  HABQUISB4 

Monsieur,  point  de  violence  :  ce  qne  Tons  pro* 
jetez  vous  sera  aussi  fîscile ,  lots^e  vcms  m'aurex 
accordé  un  moment  d'audience. 

LE    MARQVltf. 

Je  vous  ëeonte ,  madame.. 

L'A  «ARQUYSE* 

Assejez-rous ,  monsieur* 

LE  MARQUIS. 

tion ,  madame. 

LA  MARQUISE, 

Ayant  de  vous  porter  &  des  extrémités  qui  sont 
indignes  de  tous  et  de  mot ,  je  tous  prie  dé  me 
faire  payer  les  vingt  louis  du  pari ,  parce  que  voua 
ayez  perdu. 

LE    MARQUIS. 

Ah  !  morbleu  !  madame ,  c'en  est  trop. 

LA  MARQUISE. 

Arrêtez ,  monsieur  :  dans  ce  pari  tous  avez  ou- 
Mië  de  parler  d  nile  clef,  d  un*  dbef ,  d'une  clef; 
yous  ne  doutez  pas  qu'elle  soit  de  lerv  Yotts  l'avez 
bien  nommée  depuis  avec  «ne  fureur  et  un  em- 
fKirtement  que  je  n'attendoîs  pas  :  naît  H  n'est 


SCÈNE  XXIII.  5û 

plo§  temps.  J*ai  yoshi  faire  un  badinage  de  ceci  > 
et  TOUS  faire  demander  à  ▼ous-<même  le  morceau 
de  fer  que  vous  avies  oubliée  ;  mais  je  vois ,  et 
trop  tard,  que  je  ne  deYoi»  pas  m  exposer  à  la  sin- 
gularité de  Tos  procédés.  Lisez ,  monsieur.  (  'Elit 
prend  le  papier,  rompt  le  cachet,  et  le  lui  donne  tout 
ouvert.  Il  le  prend  avec  dépit,  et  d'un  air  indécis,  dis- 
trait et  confus.)  Quant  à  cette  clef  que  tous  deman- 
dez, tenez,  monsieur,  la  Toici  cette  clef  ;  ouTrez 
ce  cabinet,  ouvrez -le  vous-même;  regardez  par- 
tout ,  justifiez  vos  soupçons ,  et  accordez -moi  as- 
sez d'esprit  pour  penser  que,  lorsque  j*ai  la  pru- 
dence d  j  faire  cacher  quelqu'un ,  je  ne  dois  pat 
avoir  la  sottise  de  tous  le  dire. 

LC  MARQUIS,  cqnfus.» 
Ah  !  madame. 

LA  MARQUISE. 

Quoi!  TOU9  hésitez,  monsieur?  Que  n*en(rez-> 
vous  dans  ce  cabinet?  je  vais  louTrir  moi-même» 

LE    MARQtJIS. 

.  Âh  !  madame ,  madame ,  c'est  battre  un  honm^l 
k  terte» 

LA  MARQUISE. 

Non ,  non ,  ce  que  je  vous  ai   dit  est  j  sans 
doute ,  vrai. 

I.E  MARQUIS. 

•Ah  l  madame ,  que  je  suis  coupable  ! 

LA  MARQUISE. 

£fa  !  non ,  monsieur ,  vous  ne  Têtes  point. 


56        LA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

LX    MABQVIfl* 

Madame ,  je  tombe  à  vos  genouz« 

LA  MABQUXfE. 

Relevez-yous,  monsieur. 

LE   BlAaQUIS» 

Me  pardonnez-vous  ? 

LA  MAAiqfUISE. 

Oui ,  monsieur. 

LE    MARQUIS. 

Vous  ne  le  dites  pas  du  profond  du  coeur. 

LA  MARQUISE. 

Je  vous  assure  que  je  n  en  ai  nulle  peine. 

LE    MARQUIS. 

Que  de  bonté  ! 

LA  MARQUISE. 

Ce  n  est  pas  par  bonté ,  c'est  par  raison.  . 

LE    MARQUIS). 

Ah!  madame ,4}ui  s'en  seroit  méfié?  (En  regar^ 
dànt  le  papier,)  Oui....  oui.  O  ciel!  avec  quelle 
adresse  y  avec  quelle  finesse  j'ai  été  conduit  à  dcr 
mander  cette  clef,  cette  maudite  clef.  (1/  /f^} 
Oui,  oui,  voilà  bien  la  serrure,  les  vis,  les  écrous. 
Diable  de  clef!  maudite  clef!  Mais;  Dubois,  ne 
l'ai-je  pas  dit? 

DUBOIS. 

Non ,  monsieur,  j'ai  pensé  vous  le  dire. 

LE    MARQUIS. 

Madame,  madame,  j'en  suis  charmé,  j'en  suis 
enchanté  ;  cela  m'apprendra  à  n'avoir  plus  de  vi- 
vacité avec  vous  :  voici  la  dernière  de  ma  vie.  Jt 


SCÈNE  xxni.  57 

▼ais  TOUS  enrojet  yos  yingt  louîs ,  et  je  les  paia 
àa  meilleitr  de  mon  coeur.  Vous  me  pardonnes , 
■adame? 

IftA  MARQVISK. 

Oui ,  monsieur,  oni ,  monsieur. 

LE  MARQUIS,  revenant  sur  ses  pof, 
Mail  admirez  combien  j*étoii  simple ,  arec  Tes- 
piit  que  je  vous  connois ,  d^aller  penser....  d'aller 
'   eroîrcv .  Ah  !  je  suis.^^. .  je  suis. . .  Je  yais ,  madame^ 
je  Tais  fûre  acquitter  ma  dette. 

lA  M  ABQUiSE  ie  conduU  des  ifeux,  et  met  ta  ctéf 
à  ta  porte  du  cabinet. 

Grotte  «  vojez  si  monsieur  ne  teyient  pas. 

SCÈNE  XXIV- 

GOTTE,  LA  llfAEQUISE»  M.  DÉTlEUtETTE. 

LA  wABQUi-sr  ouvre  tè  cabinet. 
SoBTEz,, sortez,  eh  bien!  monsieur,  sortez^ 

X.    UÉTIEULETTE. 

Madame,  je  snis  étonné,  je  suis  confondu  do 
tout  ce  que  je  yiens  d'entendre. 

LA  MARQUISE. 

Eh  bien  !  monsieur ,  ayez-yous  besoin  d'antre 
preuye  pour  être  conyaincu  de  l'ayantage  que 
toute  femme  peut  ayoir  sur  son  mari?  et  si  j  etois 
plus  joiie  et, plus  spirituelle..,, 

M.  néTIBUIiBTVS. 

Cela  ne  se  peut  pas. 


SB        LA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

lA   MA]IQVI9X« 

Encore,  monsieur,  ne  me  snis-je  servi  que  de 
nos  moindres  ressources.  Que  seroit-ce,  si  j'avois 
fait  )ouer  tous  lé§  mouvements  du  dépit ,  les  ac* 
cents  étouffés  dune  douleur  profonde;  si  j'avoîs 
employé  les  reproches,  les  larmes >  le  désespoir 
d'une  femme  qui  se  dît  outragée?  Vous  ne  vous 
doutez  pas ,  vous  n'avez  pas  l'idée  de  l'empire 
d'une  femme  qui  a  su  mettre  une  seule  fois  son 
mari  dans  son  tort.  Je  ne  suis  pais  moins  honteuse 
du  personnage  que  j'ai  fait  ;  je  n'j  penserai  jamais 
sans  rougir.  Ma  petite  idée  de  vengeance  m'a  con-< 
duite  plus  loin  que  je  ne  le  voulois.  Je  suis  con- 
vaincue que  lé  désir  démontrer  de  l'esprit  ne  nous 
mène  qu'à  dire  ou  h  faire  des  sottises. 

M.  DÉTIEULETTE. 

Quel  nom  donnez-vous  k  une  plaisanterie? 

^  hA  MARQUISE. 

Ah!  monsieur,  en  présence  d'un  étranger,  que 
j'ai  cependant  tout  sujet  de  croire  un  galant  homme* 

M.   DÉTISULETTE. 

Et  le  plus  humble  de  vos  serviteurs. 

LA  MAIW^UISE. 

J'ai  jeté  une  sorte  de  ridicule  sur  mon  mari ,  sur 
M.  de  Glainville  ;  car  vous  savez  ma  petite  finesse 
à  votre  égard. 

M.    DÉTIEUIETTE* 

Je  le  savois  avant. 

LA  MASQVISE.. 

Quoi!  monsieur,  VOUS  saviez..» 


SCÈNE  XXIY.    <  59 

si.   2>£TlEIILBTTE.r 

Que  i'ayois  Thonneur  d'être  chez  madame  de 
Clainyilie.  Un  de  yos  domestiques  me  l'ayolt  dit^ 

LA  MARQUISE. 

Comment,  monsieur,  j  etois  votre  dupe? 

M.    DÉTIKULEETE. 

Non,  madame;  mais  je  n  etois  pas  la  yôtre. 

LA   MARQUI&E. 

Âhl  comme  cela  me  confond!  Et  cette  femme 
qai  a  des  absences ,  qui  oublie  son  nom?  Quoi  ! 
monsieur,  yous  me  persiiHiez  ? 

M.  DÉTIEULETTE. 

Madame ,  je  yous  en  demande  pardon. 

LA   MARQUISE. 

Âb!  comme  cela  me  confond  et  me  fortifie  dans 
la  pensée  d'abjurer  toute  finesse!  (£//e  se  promène 
avec  dépits)  Ah  ciel!  J'espère,  monsieur,  que  cet 
hiyer,  h  Paris,  yous  nous  ferez  l'honneur  de  nous 
voir.  Je  veux  alors,  en  votre  présence,  demander 
à  monsieur  de  Clainyilie  pardon  du  peu  de  dé- 
cence de  mon  procédé.  Gotte,  faites  passer  mon- 
sieur par  votre  escalier.  Adieu,  monsieur.. 

M.   DETIEULETTS. 

Adieu,  madame. 

LA  MAEQVISE. 

Je  yous  souhaite  un  bon  yojrage^ 


ao        LA  GAGEUBE  IMRRlYUE. 

SCÈNE   XXV.    . 

LA  MARQUISE,  #eii/e. 

Gomment!  il  le  saYoit?  Ah!  les  hommes,  les 
hommes  nous  valent  bien...  J'ai  bien  mal  agi...  I] 
a  heureusement  l'air  d'un  honnête  homme.  J'en 
suis  au  désespoir...  Mon  procédé  n'est  pas  bien  - 
cjela  est  affreux  devant  un  éitranger ,  qui  peut  aller 

raconter  partout Voilà  ce  qui  s'appelle  se 

manquer  à  soi-même., 

s 

SCÈNE  XXVI. 

iLA  MARQUISE,  GOTTE. 

gootte. 
A  H  !  madame ,  je  n'ai  pas  une  goutte  de  sang  dan» 
les  reines  :  vous  m'avez  fait  trembler, 

LA    MAUQUOSE. 

Pourquoi  donc  ? 

GOTTE. 

Et  si  monsieur  étoit  entré  ? 

LA    MARQUISE. 

Eh  bien  ? 

GOTTE. 

Et  s'il  avoit  vu  ce  monsieur  ? 

LA    MABQU'ISE., 

Alors  je  lui  âurois  demandé  si,  lorsqu'il  tient 
cachées  dans  son  appartement  deux  femmes ,  qu'il 
coanoSt  depuis  quinze  ans ,  il  ne  m'est  pas  permis 


SCÈNE  XXVI.  6» 

de  eacher  dans  le  mien  un  homme  que  je  ne  co»* 
sois  qne  depuis  quinze  minutes. 

GOtTK. 

Ah!  c'est  yrai ,  je  n  j  pensois  pas. 

LA   M  AEQUISE. 

Gotte,  TOUS  direz  à  Dubois  de  faire  demain  ma- 
tin le  compte  de  Lafleur  et  de  le  renvoyer. 

Madame ,  que  peut-il  avoir  fait  ?  c*est  un  si  bon 
garçon  ï  il  est  rrai  qu'il  est  un  peu  béte. 

I  LA   MARQUISB. 

'        Ce  n'est  pas  cela  ;  je  le  crois  béte  et  malin.  Je 
;    n'aime  point  les  domestiques  qui  reportent  chez 
madame  ce  qui  se  passe  chez  monsieur.  Cela  peut 
servir  de  leçon. 

eoTTE,  à  part. 
Le  voilà  bien  avancé ,  avec  son  esprit  :  il  a  bien 
'   l'air  de  ne  pas  avoir  me»  manchettei.  Madame , 
l'entends  la  voix  de  monsieur. 

SCÈNE   XXVII. 

LÀ  MARQUISE,  LE  MARQUIS»  M.  D£- 
f  TIEULETTE. 

LA  MABQtolSX» 

Ab  ciell 

Lz  MABQUis,  à  M.  Détieuiette. 

Madame ,  madame  excusera  :  vous  êtes  en  bot- 
tines, vous  descendez  de  cheval.  Voici ,  madame , 
M.  Détieulette  que  je  vous  présente^  bon  gentil-* 

TKéâue.  Comédies.    l3«  6 


62        LA  GAGEURE  IMPRÉVUE. 

homme ,  brave  officier  et  mon  ami ,  et  qui  nous  ap- 
partiendra bient6t  de  plus  près  que  par  ramitié. 
Voici  les  cinquante  louis;  j'ai  voulu  vous  les  ap- 
porter moi-même. 

LA    MARQUISE. 

Cinquante  louis'?  Ce  n  est  que  vingt  louis-. 

LEBlABQUIS. 

Cinquante,  madame;  je  me  suis'mis  à  Tainende. 
Je  vous  supplie  de  les  accepter ,  au  disespoir  de 


ma  vivacité. 


tA   M'AKQOISB. 

C'est  moi  qui  suis  interdit-e. 

LE    MARQUIS. 

Je  ne  m'en  ressouviendrai  jamais  que  pour  me 
corriger. 

LA  MARQUISE. 

Et  moi  de  même. 

'  LE    MARQUIS. 

Vous,  madame.?  point  d-u  tout;  vous  badinez. 
Mon,  cher  ami,  vous  n'êtes  pas  au  fait;  mais  je 
vous  conterai  cela  :  c'est  un  tour  aussi  bien  joué. .. 
il  est  charmant ,  il  est  délicieux  :  vous  jugerez  de 
l'esprit  de  madame  et  de  toute  sa  bonté.  Puisse 
celle  que  vous  épouserez  avoir  d'aussi  excellentes 
qualités!...  Elle  les  aura,  elle  les  aura,  sojez-en 
sûr. 

M.    DÉTIEULETTE.: 

Je  crois  que  j'ai  tout  sujet  de  le  «ouhftiter. 

IiA,  MAftQUISE^ 

Honsieur..^. 


SCÈNE  XXVII:  65 

LE  mauqvis. 
Madame,  retenez  ménHeiiT  ici  un  instant.  Ahl 
von  ami ,  quelle  satisfaction  je  me  préparc  !  Je  re^ 
riens ,  je  reviens  à  Tinstant., 

SCÈNE  XXVIII. 

M.  D£TI£UL£TT£,  LA  MARQUISE* 

LA  XAnQtrtSE, 

s  H  bien  !  monsieur ,  tout  lie  sert-il  pas  à  atigmei»^ 
ter  ma  confusion?  M.  dé  Clatnt^ille  vous  a  dono 
rencontré  ? 

M.    DÉTlEUtSTTE. 

Non ,  madame ,  je  me  suisv  lait  présetiter  ches 
Ini  :  il  sortoit;  il  m'a  conduit  Ici.  Lorsiqpae  j'ai  eu 
l'honneur  dé  yous  saluer  &ur  le  grand  chemin,. 
c>st  cher,  luj  que  je  descendois ,  c'est  chez  M.  de 
Glainville  que  j'arois  affaire.  Juget  de  ma  suiv 
prise,  lorsqu*àyec  un  air  de  mystère  on  m'a  fait 
entrer  chez  tous  par  la  petite  porte  du  parc  î  ajou-^ 
tez-j'  le  changement  de  nom.  Je  tous  l'ayouerai , 
je  me  suis  cru  destiné  aux  grandes  ayentures. 

LA    MARQtrïSE. 

Eh  !  que  veut  dire  M,  de  Glainyille ,  en  disant 
que  TOUS  nous  appartiendrez  de  plus  près  que  par, 
l'amitié? 

M.    néxiEULETTE. 

C'est  à  lui ,  madame ,  à  yous  expliquer  cette 
énigme  ;  et  il  me  paroit  qu'il  n'a  point  le  dessein 
de  TOUS  faire  attendre..  Le  ybici.  Ciel  î!  c'est  made- 
moiselle de  Glainyille, 


6f       LA  6A&E0RF  tMCRËVUE, 

SCÈNE  XXIX. 

LA  marquise;  le  marquis,  m.  r>lÈ^ 

TIEULETTE,    GOTTE,   AD£LAÏD£^ 
lAGOUYERSANTR. 

Oui  ,  la  Toilà  :  egt-il  rien  ile  plus  ftimaMe?  Mon 
ami,  recevez  Tamour  des  mains  de  Tamiti^.  Ma- 
dame, TOUS  ne  sayifiz  pas  avoir  mademoiselle  dans- 
votre  château;  elle  j  est  depuis  hier  :  je  suis  reur- 
tré  trop  tard,  et }e^ suis  aujourd'hiii  sorti  trop  ma- 
tin, pour  vous  1»  présenter.  Elle  nous  appartient 
de  très  près;  e*est  la  fille  de  feu  mon  frère ,  ce  pau< 
vre  chevalier  mort  dans  mes  bras>:^la  journée  de. 
I^aufeld.  Son  mariage  n'étoit  su  que  de  moi*  Vou& 
approuverez  certainement  les  raisons  qui  m  ont 
forcé  de  vous  le  cacher  :  mon  père  étoit  si  dur ,  et 
dans  la  feumille.».  je  vous  expliquerai  cela..Machère> 
6Ue  »  embrassez  votre  tante^ 

LA   MAR<}UIS£.. 

C  est ,  je  vous  assure ,  de  tout  mon  co&ar. 

Et  moi ,  madame ,  quelle  satisfaction  ne  dois-j« 
pas  avoir^ 

LE    HABQUIS. 

Madame,  je  la  marie,  et  je  la  donne k monsieur  r  ' 
je  dis ,  je  la  dbnne ,  c  e9t  un  vrai  présent  ;  et  il  ne* 
lauroit  pas,  si  je  connoissois  un  plus  honnête. 
hommef# 


S€ÊM£  XX IX:  65 

Mm   DÉTIEULETTE. 

Quoi  !  madame,  j'aurai  le  bonheur  à-êtvt  yotre 
nereu? 

LE  mauqui». 

Oui ,  mon  ami ,  et  ayant  trois  jours.  Je  cours 
demain  k  Paiis  ;  il  j  a  quelques  détails  dont  je 
ireux  me  mêler. 

BC    DÉTIEVIETTE. 

* 

Mademoiselle ,  eonsentez-vous  à  ma  félicité? 

Monsieur ,  je  ne  connoUsois  pas  toute  la 
mienne,  et  vous  avez  à  présent  èi  m*obtcnîr  de 
madame. 

B^..  niTIEULETTE. 

Madame,  puis-je  espérer^:. 

LA.  V,AaQVI8E« 

Oui ,  monsieur ,  et  j'en  suis  enchantée.  Le  ciel 
ne  ma  point  accordé  d enfant ,  et  de  cet  instant- 
ci  je  crois  avoir  une  fille  et  un  gendre.  Monsieur, 
I    je  TOUS  l'accorde. 

An£LAïsE,.eii  donnant  sa  main, 
I        C'est  autant- par  incliniation  que  par  obéissance. 

LE   MABQUIS. 

Cela  doit  être.  (A  la  marquise»)  Ma  nièce  est 
charmanie. 

i  LAMAAQUISE. 

Je  suis  bien  trompée ,  si  mademoiselle  n'a  pas 
beaucoup  d'esprit  ;  et  je  suis  sûre  que ,  sans  dé- 
tours, sanft finesse,  elle  n*en  fera  usage  que  pour/ 
i  6.    s      .       ■ 


i 


66      ITA  GAGEURE ,  etc.  SCÈNE  XXIX<  ! 

te  garantir  de  la  finesse  des  autres ,  pour  bien  ré«  i 
gler  sa  maison  et  faire  le  bonheur  de  son  mari. 

M.    DÉTIEULETTE.: 

Si  mademoiselle  ayoit  besoin  d'un  modèle  «je 
suis  assuré ,  madame  ,  qu  elle  le  trouveroit  en 

TOUS.  ^ 

LA   MAnQUISI. 

Oui ,  monsieur ,  oui ,  monsieur  i  la  finesse  n'est 
bonne  à  rien.  Point  de  finesse ,  point  de  finesse  , 
on  en  est  toujours  la  dupe. 

LE   MAAQUIS. 

Et  surtout  avec  moi. 

LA   MikaQVISE. 

Ab  !  M.  de  Glainville ,  ah  !  comme  j'ai  eu  tort  ! 

LE    MARQUIS. 

Quoi? 

LA  MARQUISE. 

Passons  cbez  tous. 

G  o  T  T  E  7e«  regarde  partir  ,  et  dit  i 

Ab!  si  cette  aventure  pouroit  la  guérir  de  ses  fi- 
nesses !  Que  de  femmes ,  que  de  femmes  à  qui , 
pour  être  corrigées ,  il  en  a  coûté  dayantage  l 


feiv  DB   LA  «AasUEE  IMPAÉTUI. 


LB 


MARCHAND  DE  SMYRiSfE, 

COMEDIE, 

PAR  CHAMPFORT, 

Représentée,  pour  la  première  fois,  le  a6  janrier 

177(0. 


PERSONNAGES. 

HA88AV,  Tore,  habitant  deSmjrrne. 

ZaIde,  femme  de  Hassan. 

DoavAL,  Marseillois'^ 

Amélie,  promise  à  DomaL 

Kalkd,  marchand  d'esclaiYes* 

Niai,  Turc» 

F.ATMé ,  esclave  de  Zalde* 

AvrtVLif  domestique  de  Dornal^ 

Uh  Espaghoii. 

Uh  Italiev., 

Us  YiEiixABD  turc,  esclaye. 


La  scène  est  à  Smjme ,  dans  an  jardin  comman  & 
Hassan  et  à  Kaled ,  dont  les  deux  maisons  sont 
en  regard  sur  le  bord  de  la  mer. 


LE 

MARCHAND  DE  SMYRNE, 

eOIHÊDIE. 


g  jic  j-ij- jij'  m  t —  "  '  *  ^'~  "  "' 


SCÈNE  L 

SASjSAN,  «en/. 

O5  dit  que  le  mal  passé  n'est  qne  songe;  cest 
bien  mienx ,  il  sert  à  faire  sentir  le  bonheur  pré« 
sent.  Il  j  a  deux  ans.  que  j*etois  esclaye  chez  les 
chrétiens  à  Marseille ,  et  il  j  a  un  an  aujourd'hui , 
jour  pourtour,  que  j'ai  épousé  la  plus  jolie  fille 
de  Smjme.  Gela  &it  une  différence.  Quoique  bon 
Musulman ,  je  n'ai  qu'une  femme.  Mes  Toisins  en 
ont  deux,  quatre ,  cinq ,  six ,  et  pourquoi  faire ?... 
La  loi  le  permet...»  heureusement»  elle  b«$  l'or- 
donne pas;  les  François. ont  raison  de  n'en  avoir 
qu'une  ;  je  ne  sais  s'ils  l'aiment  ;  j'aime  beaucoup 
la  mienne ,  moi.  Mais  eHe  tarde  bien  à  venir  pren- 
dre le  frais.  Je  ne  la  gène  pas.  11  ne  faut  pas  gêner 
les  femmesi  On  m'a  dit  en  France  que  cela  portoit 
malheur.  ^,  ^  La  voici. 


70        tE  MARCHAND  DE  SMTRNE. 

SCÈNE  IL 

HASSAN,  ZAÏDE. 

HASSÀlf. 

Vous  éUft  de»€«tt«lue  bies  tard  y"*  aft  •  obère 
Zaide. 

ZAlpE. 

Je  me  suis  amusée  k  voir  du  haut  de  mon  pa- 
TÎllon  les  vaisseau!  rentrer  dans  le  port.  J'ai 
cru  remarquer  plus  de  tumulte  qu'à  rordtaaire. 
Seroit-ce  que  nos  corsaires  auroient  fait  quelque 
prise? 

HASSAir. 

Il  j  a  long-temps  qu''ils  n'en  ont  fait ,  et  en  yé- 
rite ,  je  n*en  suis  pas  fâché.  Depuis  qu'un  chrétien 
m'a  délivré  d'esclavage ,  et  m'a  rendu  à  ma  chère 
Zaide  «  il  m'est  impossible  de  les  haïr. 

zaIde. 

Et  pourquoi  les  haïr  ?  parce  qu'ils  ne  connois- 
sent  pas  notre  saint  prophète?  Ne  sont -ils  pas 
assez  à  plaindre  ?  D'ailleurs  je  les  aime ,  moi  ;  il 
faut  que  ce  soient  de  bonnes  gens  ,  ib  ii*ont 
qu'une  femme  :  je  trouve  cela  très  bien. 

BAssAH ,  sourianK 

Oui ,  mais  en  récompense. . . . 

ZAiDE. 

Quoi? 

H  A  s  s  AV. 

Bien.  (A  part)  Pourquoi  lui  dire  cela?  C'est 


SCÈNE  II.  ^i 

âétraire  une  idée  agréable.  ( Tout hauU)  J'ai  fait 
yœa  d'en  délÎYrer  un  tous  les  aqs.  Si  nos  gens 
avoient  fait  quelques  esclaves  aujourd'hui ,  qui 
est  précisément  ranniversaire  de  mon  mariage ,  je 
eroirois  que  le  ciel  bénit  ma  reconnoissance. 

ZAÎDE, 

Que  j'aime  yotre  libérateur*  sans  le  connoitre! 
Je  ne  le  yerrai  jamais....  Je  ne  le  souhaite  pas ,  au 
moins. 

HASSAll., 

Son  image  est  à  jamais  gravée  dans  mon  Coeur. 
Quelle  âme!..*  Si  vous  ayiez  vu....  On  rachetoit 
quelques-uns  de  nos  compagnons;  j'étois  couché 
!i  terre  ;  je  songeois  à  vous ,  et  je  soupirois  ;  un 
chrétien  s'avance ,  et  me  demande  la  cause  de  mes 
larmes.  J'ai  été  arraché,  lui  dis-je^  à  une  maîtresse 
que  j'adore.  J'étois  près  de  l'épouser,  et  je  mourrai 
loin  d'elle,  faute  de  deux  cents  séquins.  A  peine 
eus- je  dit  ces  mots,  des  pleurs  roulèrent  dans 
ses  yeux.  Tu  es  séparé  de  ce  que  tu  aimes ,  dit-il  ; 
liens ,  mon  ami ,  voilà  deux  cents  séquins ,  re- 
tourne chez  toi ,  sois  heureux ,  et  ne  hais  pas  les 
chrétiens.  Je  me  lève  avec  transport ,  je  retombe  à 
ses  pieds ,  je  les  embrasse  ;  je  prononce  votre  nom 
avec  des  sanglots  ;  je  lui  demande  le  sien  pour  lui 
faire  remettre  son  argent  à  mon  retour.  Mon  ami , 
me  dit-il  en  me  prenant  par  la  main,  j'ignorols  que 
tu  pusses  me  le  rendre.  J'ai  cru  faire  une  action 
honnête  :  permets  qu'elle  ne  dégénère  pas  en  sim- 
ple prêt ,  en  échange  d'argent ,  Tu  ignoreras  mon 


^a        LE  MARCHAND  DE  SMYRNE. 

nom.  Je  restai  confondu ,  et  il-m  accompagtia  jli 
qu'à  la  chaloupe,  où  nous  nous  séparâmes  les  lai 
mes  aux  yeux. 

eaIde. 
Puisse  le  ciel  le  bénir  à  jamais!  Il  sera  heureux 
lans  doute,  avec  une  âme  si  sensible. 

BASSAH. 

4 

Il  étoit  près  d*épouser  une  jeune  persoaite  qu'i 
deyoit  aller  chercher  à  Malte. 

ZAiOE, 

Gomme  elle  doit  Taimer! 

SCÈNE  III. 

HASSAN,  ZAÏDE,  FATMÉ. 

zaIde. 
Fatmé,  que  yiens-tu  donc  nous  annoncer?  tu 
parois  hors  d'haleine. 

FATMÉ. 

Il  vient  d'arriver  des  esclaves  chrétiens.  Cet 
Arménien ,  dont  vous  êtes  fâché  d'être  le  voisin  , 
et  que  vous  méprisez  tant,  parce  qu'il  vend  deâ 
hommes ,  en  a  acheté  une  douzaine ,  et  en  a  déjà 
vendu  plusieurs» 

HASSAN. 

Voici  donc  le  jour  où  je  vais  remplir  mon  voeu. 
J'aurai  le  plaisir  d'être  libérateur  à  mon  tour.. 

zaIde. 

Mon  cher  Hassan ,  ser^-ce  une  femme  que  vous 
délivrerez? 


SGÊNË  IIL  73 

BAS  s  AH ,  sourianU 
Pourquoi?  Cela  voua  inquiète;  vous  craignez 
qae  l'exemple. . .  • 

ZAÎDE. 

Non  :  je  suis  sans  alarmes.  J'espère  que  tous  ne 
me  donnerez  jamais  un  si  cruel  chagrin.)  Vous  ne 
m'entendez  pas.  Sera-4ïe  un  homme  7 

HASSAV. 

Sans  doute. 

zaIde.    ^ 
Pourquoi  pas  une  femme  ? 

HASSAff. 

€'est  un  homme  qui  m*a  délivré. 

a  Ai  DE. 
C'est  une  femme  que  vous  aimez* 

HASSAH. 

Oui. . . .  mais ,  Zaide ,  un  peu  de  conscience^  Un 
pauvre  homme  en  esclavage  est  hien  malheureux  ; 
aa  lieu  qu'une  femme  à  Smyme,  àConstantinople, 
il  TaniS",  à  Alger,  nest  jamais  à  plaindre.  La 
b«aaté  est  toujours  dans  sa  patrie.  Allons ,  ce  sera 
un  homme ,  si  vous  voulez  bien. 

ZAÎDE. 

Soit ,  puisqu'il  le  faut. 

HASSAN.   • 

Adieu.  Je  me  hâte  d'aller  chercher  ftitt  Bourse  ; 
il  ne  lant  p%s  qu'un  bon  Musivlfiiaii  paroisse  'de- 
vant .nn  Arménien  sans  argeiftt  comptait ,  €t^VB^ 
tout  devant  un  avare  comme -tèlui-^là. 

Tli^Atn.  .Comédies.   i3.,  7 


74       I^E  MARCHAND  DE  SMYAtfE. 

SCÈNE  IV. 

2AÏDE,  FATMÉ* 

a  A  i  D  E. 
Moii,Âian  a  quedque  dessein ,  ma  chère  Fatmé 
il  me  p.répare  une  fôte ,  je  fais  semblant  de  ne  pa 
m'en  apercevoir,  comme  cela  se  pratique.  Je  veu: 
le;  surprendre  aussi,  moi.  J'entends  du  bruit^  c'es 
sûrement  Kaled  avec  ses  esclaves  ;  je  ne  veux  pa! 
voir  ces  malheureux ,  cela  m'attendriroit  trop 
Suis-moi ,  et  exécute  fidèlement  mes  ordres. 

SCÈNE  V. 

KALED;  DORNAL,  AMÉLIE,  ANDRÉ  ,  tJ2^ 
ESPAGNOL,  UN  ITALIE»,  ençfiaiués. 


XALED. 

I 

Jamais  on  ne  s*est  si  fort  pressé  d'acheter  m^ 
piarchandise.  On  voit  bien  qu'il  j  a  long-tenapl 
qu'on  n'avoit  fait  d'esclaves.  11  falloit  qu'on  fiCit  <il 
paix  ;  cela  étoit  bien  malheureux.  I 

DORHAI.. 

O  désespoir!  la  veille  d'un  mariage,  ma  chiq 
Amélie! 

KALED,  regardant  auteur  de  luL 

Qu*e9it-ce  que  c'est?  On  dit  qu'il  jr  a  des.  -pgd 
où  l'on  ne  connoît  point  l'esclavage. . . .  Mauyal 
pajs.  Aurois-je  fait  fortune  là?  J'ai  déjà  fl 
de  bonnes  «jflfoirci»  aujourd'hui ,  je  me  lais  dl 


i 


SCÈNE  V.  75 

i>arra5sé  de  c:«  Tieil  esclave  qm  tirait  de  ses.  poches 
de  TÎeiiles. médailles  de  cuivre,  toutes. rouilléest 
^'tl  œgardoit  atteutiYemeiit.'.  Ces.  gens>là  sont 
id  une  dure  défaite  :  j  7  ai  déjà  été  pris.  Je  ne  suis 
pas  fâché  non  plus  d!étre  délivré  de  ce  médecin 
^nçois.  Rentrons  ;  avancez.  Qu'est-ce  qui..arrive? 
c'est  Néhi.  Il  a  lair  furieux.  Seroit- il  mécontent 
de  son-emplette? 

SCÈNE  Vt, 

KALED,  NÉBI;  DORNAL;  AMÉLIE,  ANDRÉT, 
UN  ESPAGJfOL,  UN  ITALIEN,  enchaUés. 

Ka^eo,  je  viens  vous  déclarer,  qu'il  faut  vous 
réyoudre  à  reprendre  votre  esclave  9  à  me.  rendra 
mon  argent,  ou  à  paroitre  devant  le  cadi.. 

XJLLZD. 

Fouquoi  donc?  De  quel  esclave  parlez ^vû.nft? 
Est-ce  de  cet  ouvrier,  de  ce  marchand?  Je  consens 
k  les  reprendre. 

sési. 

IL.8*agit  bien  de  cela.  Yquq  faixefrr^QTàQt  :  [^ 
parle  de  votre  médecin..françois.  R(;nd<Eizrn>oi  moi^ 
argent ,  ou  venez  che%  le  cadi. . 

Comment ?. Qu.'a-t-il  donc  fait?' 

Ce  qu'il  a  fait?  J'ai  dans  mon  ftéisail  une  jeune 


^6        LE  MAHGHAIÏD  DE  SMYRNE. 

liftpagnoie,  actuellement  m»  faTorite  :  ellie  est  in- 
coQxmodëe;  layez-TOui  ee  qu'il  lui  âordoiiné? 

XALBD. 

Maf(»i,n<>tik 

irivi. 

L*air  natal.  Gela  ne  m'arràngë^t-il  ps^  bien  , 
moi? 

KALED. 

£h !  l'ail'  natal...  Quand  je  yais  dans  mon  pajs, 
je  me  porte  bien. 

irÉBi. 

Quel  médecin  1  App:::remment  que  ses  q:iâades 
ne  guérissent  qu'à  cinq  cents  lieues  de  lui.  L'igno^ 
rant  !  il  a  bien  fait  d'éviter  ma  colère  :  il  s'est  enfui 
dans  mes  jardins;  mais  mes  esclaves  \é  poursui- 
vent et  vont  vous  l'amener.  Mon  ai-gent,  mon 

argent. 

KALED.  *: 

Votre  argent  t  Oh  !  le  marché  est  bon  ;  il  tiendra* 

NÉBI. 

Il  tiendra?  Non,  par  Mahomet!  j'obtiendrai 
justice  cecte  fois-ci.  Vous  vous  êtes  prévalu  du  be- 
soin que  j'avôis  d'un  médecin.  C'est  bien  malgré 
moi  que  j'ateu  riecours  à  vous;  mais  je  n'en  serai 
plus  la  dupe.  Vous  croyez  que  cela  se  passera 
comme  l'année  dernière ,  quand  vous  m'avez  vendu 
ce  savant. 

KALEV. 

Quel  savant? 


f   » 


Oui ,  9tLl ,  oé  saTtttit  qui  np  savoit  pu'  âistin^er 
èa  ivaïs  d'aree  du  blé.,  et  qui  m'a  fait  perdre  six 
cents  séquias  pour  a^oir  enflemeacé  ma  terre -suk 
Tant  une  nouyelle  méthode  de  sou  pajs..^ 

KAI.ED. 

£h  bien!  est-ce  ma  faute  à  moi?  Pourquoi  faites- 
vous  ensemencer  vos  terres  par  des  savants  ?  Est-ce 
qu*ils  j  entendent  rien  ?.  N'avez-vous  pas  des  la- 
boureurs? Il  n  j  a  qu'à  les  bien  nourrir  et  les  faire 
travailler.  Regardez-le  donc  avec  ses  savants  ? 

Et  cet  autre ,  que  vous  m'avez  vendu  au  poids 
de  l'or ,  qui  disoit  toujours ,  de  qui  est-il  fils ,  de 
qai  est -il  fils?  Et  quel  est  le  père,  et  le  grand- 
père,  et  le  bisaïeul?  Il  appeloit  cela,  je  crois,  être, 
généalogiste.  Ne  vouloit-il  pas  me  faire  descendre, 
moi ,  du  grand-visir  Ibrahim  ? 

KALED. 

Vojez  le  grand  malheur  !  Quel  tort  cela  vous 
fait-il  ?  Mitant  vaut  descendre  d'Ibrahim  que  d'un 
autre. 

HEBl. 

Vraiment ,  je  le  sais  bien  ;  mais  le  prix. .  » 

KALED. 

Eh  bien  [ïe  pfix  :  ^e  vous  l'ai  véïidu  cher  ?  Ap- 
paremment qu'il  m'a'^t'  aussi  coûté  beaucoup.  Il 
y  a  lonjg^emps  de  cela.  Je  n'étoi»  point  alors-  au 
h\t  de  mon  commeree.  P<»iivoii'^«  devitier  qné 
ceux  qui  me  coûtent* le  plus  sont  teè  plus  inutiles^ 

7- 


J 


1 

I 

^8       X£  MARCHAND  DE  SMYRNE  ! 

B  É  B  iJ 

Belle  raison r  Cela  est-»l  vraisemblable?  Est-i 
possible  qu'il  j  ait  un  pays  où  l'onsoit  assez  dupe' 
Ëicuse  de  fripon ,  excuse  de  fripon.  Je  ne  m  étonna 
pas  si  on  hit  des  fortunes. 

KALED. 

Excuse  de  fripon!  des  fortunes!  Vraiment,  oui, 
des  fortunes  !  Ne  croit-il  pas  que  tout  est  profit  f 
Et  les  mauvais  marchés  qui  me  ruinent?  n'ont-ils 
pas  cent  métiers  où  l'on  ne  comprend  rien?  Et 
quand  j'ai  acheté  ce  baron  allemand ,  dont  je  n'ai 
jamais  pu  me  défaire,  et  qui  est  encore  là-dedans 
à  manger  mon  pain  ;  et  ce  riche  Anglois  qui  YOya." 
geoit  pour  son  spleen ,  dont  j'ai  rehisé  cinq  cents 
sequins ,  et  qui  s'est  tué  le  lendemain  à  ma  vue  et 
m'a  emporté  mon  argent;  cela  ne  fait-il  pas  saigner 
le  cœur?  Et  ce  docteur,  comme  on  l'appeloit, 
croyez- vous  qu'on  gagne  là-dessus?  Et  à  la  der- 
nière ibire  de  Tunis ,  n'ai- je  pas  eu  la  bêtise  d'a- 
cheter un  procureur  et  trois  abbés ,  que  je  n'ai  pas 
seulement  daigné  exposer  sur  la  place',  et  qui  sont^ 
encore  chez  moi  avec  le  baron  allemand  ? 

RÉBI.. 

Maudit  infidèle ,  tu  crois  m'en  imposer  par  des 
clameurs-!  mais  le  cadi  me  fera  justice. 

« 

KÀLE%.  ' 

Je  ne  vous  crains  pas  ;  le  cadi  est  un  homme 
juste ,  intellige|Qt ,  qui  soutient  le  commerce ,  qui 
sait  très  bien  qijie  .celui  des  esclaVes  va  tomber , 


SCÈNE  VI^  79 

patce  qae  tous  ees  getts4à  valent  moins  de  jour  en 
joor. 

Âh!.  ç2^,  une  £)is,.  deux  fiii»,  Toulez-yons  re- 
prendre votre  médeciix? 

KALED. 

fïon ,  ma  foi. 

hebi., 
£h  bien  !  nous  allons  voir. 

KALED. 

A  la  bonne  heure.  ^ 

SCÈNE    VIL 
kâled,  les  esclaves. 

KALED,  aux  esctaves^ 
Eh  bien  !  tous  autres ,  vous  voyez  combi/en  on 
a  de  peine  à  vous  vendre..  Quel  diable  d'homme  l 
il  m'a  mis  hor»  de  moi.  Il  n  j  a  pas  d'apparence 
qu'il  me  vienne  d'acheteurs  aujourd'hui;  rentrons. 
Qui  est-ce  que  j'entends  ?  Est-ce  un  chaland  ? 

SCÈNE  VIII. 

KALED,  LES  ESCLAVES,  UN  VIEILLARD 

TURC. 
KALED. 

Boa!  ce  n'est  rien.  C'est  un  esclave  d'ici  près. 

l-E   VIEILBA'RO. 

Bonjour ,  voisin  .  est-«e  là  vonre  reste  ? 


J 


6o       L£  MARCHAND  D£  SMTHNE^ 

XAliBO* 

Ne  m  arrête  pas ,  tu  ne  m 'achèteras  riea« 

LE    VltelLlARD. 

Je  n  achèterai  rien?  Oh  !  Y<ms  alkv  Toir.f  - 

K  ▲  L  £  D. 

Que  vput-il  dire? 

DO&HAL,  à  part. 
.    Je  tremble. 

LE    TiEfLLAUD. 

Ayez-vous  bien  de»  femmes?  C'est  une!  femme 
que  je  veux. 

KALED. 

Quel  gaillard  à  son  âge  !' 

LE    VIEILLABDr, 

Eh  !  il  Tij  en.  a  qu'une. 

XALED. 

(Encore  n*est-^lie  pas  pour  toi. 

LE    VIEILLARD. 

Pourquoi  donc  cela  ? 

kAled. 
Je  Fai  refusée  à  de  plus  riches. 

LE   VIEILLARD. 

Vous  me  la  vendrez. 

EALED. 

Oui ,  oui. 

DORNAL, 

Seroît'il  possible  !  qiioi  \  cC;  misérable. .  *. 

LE   VIEILLAR.D*. 

ComMea  vaut-^lle  ? 


scÊifE  Vin,  fft 

KAXBB. 

Qiiâtr«' cents  seqoms, 

LE    ▼lEILX.AftB.    . 

Quatre  cents  sequins  ?  c'est  bien  cfaer« 

Xkh'Eïim 

Oh!  dame,  c'est  une  Françoise;  cêttt  se  vend 
bien ,  tout  le  monde-m'en  demande. 

Yojons-la. 

KALlDji 

Oh!  elle  est  bien. 

LE    TIEII'I-AIIO. 

Elle  baisse  les  jeux.  Elle  pleure  :  elle  me  tou« 
che.  C'est  pourtant  une  chrétienne };  cela  est  8in«i 
gnlier.  Trois  cent  cinquante4 

EAI.ES« 

Pas  un  de  moins. 

LE   TIEILIA&D* 

Xes  Toilà«  . 

XALED.. 

Emmenex. 

non  VAL. 
Arrêtez. . .  O  ma  chère  Amélie  t. . .  Arrêtez. 

kAled. 
Ne  Tas-tu  pas  m'empêcher  dé  vendre?  Vraiment 
je  n'aurai  pas  assez  de  pfetne  à  me  défaire  de  toi  ? 
Vous  autres  François,  les^mdris  tle  ce  pa^s-k;!  ne 
TOUS  achètent  point.  YoUli'  êtes  toujours  à  rôder 
autour  des  sérails ,  à  ris^tiev  le -tout  pour  le  tout. 


S%       LE  MARCHAND  DE  SMtRNE. 

D-e  R  v  A 1. , 

Vieillard,  tous  ne  paroisses  pas  tout-à-fait  in 
sensible ,  laissez'TOQs  toucher.  Peut-être  avez-YiOu 
une  femme ,  des  enfants  ? 

LE   TXKILLAHDw 

Bloi  ?  non.  - 

DORSAL. 

Par  tout  ce  que  tous  ayez  de  plus  cher,  ne  noixi 
séparez  pas  ^  c  est  ma  femme. 

LK    VIEILLARD. 

Sa  femme  ?  Cela  est  fort  différent  ;  mais  Trai- 
ment,  Raled ,  si  o'est  sa  femme ,  tous  me  surfaites. 

DORVAL. 

Pour  toute  grâce ,  achetez-moi  du  moins  a-vec 
elle.. 

LE    VIEILLARD. 

Hélas  !  mon  ami ,  je  le  youdrois  bien  :  mais  jp 
,  ii*ai  besoin  que  d  une  femme. 

DORSAL. 

Je  TOUS  servirai  fidèlement. 

LE    TIE.ILLARIK. 

à» 

Tu  me  serrirasîv  Je  suis  esclave. 

RALED. 

Est-ce  que  tu  le^<écoutes  ? 

ASDRÉ. 

Mes  pauTres  maîtres  i 
C  mon  ami  ^  quel  sort  ! 


,.  SCÈNE  VIIL  83 

DOBHAl#M 

He  lacbetez  pat.  Quelque  homme  riche  nouf 
^hetera  peut-^tre  ensemble. 

LE    VIEIL LARIK 

C'est  bien  ce  qui  pourroit  t'arriyer  de  pis,  V 
t>n  feroit  le  gardien. 

DORSAL,  à  Kaled. 
jNe  ponvea-vous  différer  de  quelques  jours  ? 

kAled.,  ' 

Différer?  On  voit  bien  que  tu  n'entends  rien  au 
commerce.  Est-ce  que  je  puis  ?  Je  trouve  mon  pro  • 
fit,  je  le  prends. 

nonvAL. 
O  ciel!  se  peut-il?... 'Mais  que  dirois-je  pout 
attendrir  un  pareil  homme  ?  Quel  métier  !  quelles 
taes  1  trafiquer  de  ses  semblables  ! 

KALED. 

Que  veut-il  donc  dtre?.Ne  vendez -vous  pas  des 
nègries  ?  Eh  bien  î  moi ,  je  vous  vends. . . .  N'est-c« 
pas  la  même  chose?  Il  nj  a  jamais  que  la  diffé- 
rence du  blanc  au  noir. 

I.E.  yiEIIiLAllDtf 

En  vérité ,  je  n'ai  pas  le  courage. b.*  ^ 

KALBD- 

AUons,  toi,  ne  vas -feu  pas  pleurer  aussi?  J« 
garde  ton  argent,  emmène  ta  marchandise,  si  tu 
Ifeux*.  Il  se  fait  tard. 

Adieu ,  mon  cher  Dornal. 


n 

LE  MARGHAiND  D£  SMYRNE. 

dorhÂl. 
chère  Amélie  ! 

AMÉLIX4  j 

Je  nj  survivrai  pas. 

KAI.ED. 

Gela  ne  me  regarde  plus. 

von  VAL. 
J'en  mourrai. 

KALED. 

Tout  doucement,  toi ,  je  t'en  prie ,  ce  n'est  pas 
là  mon  compte.  Ne  yas>tu  pas  faire  comme  l'An- 
glois?  (^Repoussant  Doniai.) 

DOBITAI.. 

Ah  dieu  !  faut-il  que  je  sois  enchaîné  ! . .  • 

AjTDné. 
O  ma  chère  n^aîtresse  ! 

SCÈNE  IX. 

KALE0 ,  DORNAL  ,  AJHDRE ,  L'ESPAGKPL  , 

L'ITALIEN. 

kale-d. 
HCeh  voila  quitte  pourtant.  Je  suis  bien  heu- 
reux d'avoir  un  cœur  dur,  j'aurois  succombé.  Ma 
ioki  sans  son  argent  comptant,  il  ne  l'auroit  ja- 
mais emmenée,  tant  je  me  seiuois  éitin.  Diahie,  si 
je  m'étois  attendri ,  j  aurois  peisdu  .quatre  oents  sc- 
quins.  Un ,  deux. ...  il  n'j  en  a  plw  que  quatre* 
Oh  !  j^e  m'en  déferai  bien ,  je  m'en  déferai  bien.. 


aCÈNE  X«  85 

SCÈNE  X. 

KALBD,  0OANAJL,  ANDAJg ,  L'£SPÂGIfOL» 
L'ITALIEN,  HASSAN. 

BASSAK,  à  Kaied. 
£b  bien  !  roisin ,  comment  ya  le  commerce  ? 

KALED. 

Fort  mal,  le  temps  est  dur.  (A  part.)  Il  faut 
toujours  se  plaindre» 

B^aSAV. 

Voilà  donc  ces  pauvres  malheureux^  Je  ne  puis 
I  les  déllyrer  tous.  J'en  suis  bien  fâché,  fâchons  an 
moins  de  bien  placer  notre  bonne  action.  C'est  un 
devoir  que  cela ,  c'est  un  ^eyoir.  ÇA  i'Efpfa^nol,  ) 
De  ({uel  pajs  es -tu,  toi?  parle..  Tu  as  l'air  bien 
haut....  parle  donc... 

l'espa&voi. 
Je  suis  gentilhomme  espagnol 

BASSAir.. 

Espagnols  !  brares  gens  ;  un  peu  fiers ,  à  ce 
qu'on  m'a  dit  en  France. . .  •  Ton  état  ? 

l'espaobol. 
Je  tous  T'ai  déjà  dit  f  gentilhomme. 

BASSAB. 

Gentilhomme ,  je  ne  sais  pas  ce  <}ue  c'est.  Que 
fais-^? 

I.'z8VAOBQt* 

Bien. 

VMâtre.  Coa^diei.   l3,  8 


66       LE  MARCHAND  DB  &MTR]!f£. 

HASSAtf. 

Tant  pis  pour  toi ,  mon  ami  ;  ta  vas  bien  t'cn« 
nnjer.  {A  Kaled.).yon9  n'ayez  pas  fait  là  iine  trop 
bonne  empiète. 

KALED« 

Ne  voilà-t-il  pas  que  je  suis  encore  attrapé  ? 
Gentilhomme!  cest  sans  doute  comme  qui  diroit 
baron  allemand.  C'est  ta  faute  aussi  :  pourquoi 
vas-tu  dire  que  tu  es  gentilhomme?  Je  ne  pourrai 
jamais  me  défaire  de  toi* 

nkssÂTXfà  l'Italien* 

Et  toi,  qui  es-tu  ayec  ta  jaquette  noire?  Ton 
pays? 

l'iTALIEV, 

Je  suis  de  Padoue. 

HASSAV. 

Padoue?  Je  ne  .connois  pas  ce  pajs-là»....  Ton 
métier  ? 

l'italieh; 

Homme  de  loi* 

BASSAN. 

Fort  bien  :  mais  quelle  est  ta  fonction  particu^ 
lière? 

('fTALIEH. 

De  me  mêler  des  affaires  d 'autrui  pour  de  l'ar-^i 
gent,  de  faire  souyent  réussir  les  plus  désespé«| 
réeSy,  ou  du  moins  de  les  faire  durer  dix  ans,,! 
qui/ize  ans ,  yingt  ans» 


SCENE  X.  Bj 

HASSAV. 

Bon  Hiétier  !  Et  dis-moi ,  renda-ta  ce  beau  ser^ 
TÎce-lk  à  ceux  qui  oii.t  tort,  à  ceux  qui  ont  raison  » 
iadifleremment  ? 

l'italiev. 

San&  dt>ute  ;  la  justice  est  pour  tout  le  inonde.L 

HASSAV^ 

Et  on  souffi^e*  cela  à  Padoue  ? 

l'iTALIEir. 

AsMirément. 

BAssAïf,  riant. 

Le'  drôle  de  pays  que  Padoue  !  li  se  passera 
bien  de  toi .  je  m'imagine.  (A  Andpé%  )  £t  toi ,  qui 
e»-tu  ? 

M oina  que  rien.  Je  suis  un  pauvre  homme.  ' 

s.A;aftA9> 
Ta  es  pauvre  t  T»  ne  faia  donc  rien  ? 

Hélas  !  je  suis  fils  d'un  paysan  i  je  l'ai  été  moî« 
même. 

XALED. 

Bon  !  c'est  sur  ceux-là  que  je  me  saure. 

Je  me  suis  ensuite  attaché  au  service  d'un  bon 
maître ,  mais  qui  est  plus  malheureux  que  moi. 

HASSAN;. 

Gela  se  peut  Hien.  Il  ne  sait  petit- être  pas  la- 
bourer la  terre.  Mais  c'est  Thabit  françois  que  tu 
as  là? 


i 


/ 

88       XE  MÂRGHAVB  DE  SMYRNE. 

▲vttni; 
Je  It  SUIS  aussi. 

B  A/S  S  A  9  m 

Tu  es  François  ?  bonnes  gens  que  les  François  s 
ils  ne  haïssent  personne.  Tu  es  François ,  mon 
ami  ?  il  suffit ,  c'est  toi  qu'il  faUt  que  je  délivre. 

'      ANDRÉ. 

Généreux  Musulman ,  si  c  est  un  François  que 
vous  voulez  délivrer,  choisissez  quelqtt^tre  que 
moi.  'Je  n'ai  ni  père,  ni  mère;  ni  femme,  ni  en* 
faut».  J'ai  l'habitude  du  malheur;  ce  n'est  pas  moi 
qui  suis  le  plus  à  plaindre..  Délivrez  mon  pauvre 
maître. 

RASSATf. 

Ton  maître?  Qu'est-«e  que  j'en teords!  quelle 
générosité!  quoi!...  Ces  François,...  Mais  est-eei 
qu'ils  sont  tous  comme  cela?***  Et  où  est- il,  ton' 
maître  ? 

AStaiÉ,  tui  montrant  Datnàl, 

Le  voilà,  il  est  abîmé  dans  sa  douleur«i, 

HASSAN. 

Qu'il  parle  donc  !  il  se  cache ,  il  détourne  la 
vue,  il  garde  le, silence.  (^Hassan  avancer  ^^  consi-i 
dère  malgré luL )  QiieYois-jel  £st-il possible?  Je  ne 
me  trompe  pas  ;  c'est  lui ,  c'est  lui-même  ;  c'est 
mon  libérateur.  CI/  i'embrassc  avec  transporta ^ 

BORNAI.. 

O  bonbeur  !  6  rencontre  impl^évue  !! 


S€ÊN£  X.    .  89 

Gomme  ib  s  embrassent!  Jl  l'aime,  bi^!  il  le 
paiera. 

'  BASSAil. 

Je  n'en  reviens  point.  Mon  àmi  !  mon  bienfai- 
teur! 

KAi&n. 

Peste!  un  arirî,  un  bienfiedtéur ?  cela  doit  bien 
te  Tendre ,  cela  doit  bien  se  vendre. 

Mais ,  dites-moi  donc,  comment  se  feit-il?;.  par 
quel  bonheur?. . .  Qu'est-ce  que  je  dis  ?  La  tête  me 
tourne.  Quoi  !  c'est  envers  vdus-inénie  que  je  puis 
n'acquitter?  J'ai  fai%  vœu  de  délivrer  tous  les  ans 
an  esclave  chrétîén.i  Je  venois  pour  remplir  mon 
vœu ,  et  c'est  vous. ... 

DOnVAL., 

O  mon  ami  !  connoissez  tout  mon  malheur. 

HASSAN. 

lYa  malheur?  il  n'j  en  a  plus  pour  vous«  (Su 
tournant  du  côté  de  Kaled*)  Kaled,  combien  vous 
dois-je  pour  l'emmener  ? 

KAI.ED^ 

Cinq  cents  sequins. 

H  Al^SAlf. 

Cinq  ceiilB  seqnin»!;..  Kaled  ^  je  ne  marchande 
point  mon  ami ,  tenes. 

nossAL^ 
Quelle  générosité  !  ••  • 

8. 


go       LE  MARCHAND  DE  SMTRNE. 

H  A  s  s  A  n ,  à  Kaled, 
Je  vous  doû  ma  fortune ,  car  vous  pouyiez  me 
la  demander. 

KAI.ED. 

Que  je  suis  une  grande  bête  !  l;>onne  leçon*. 

HASSAN. 

Laissez-nous  seulement,  je  vous  prie,  que  je 
jouisse  des  embrassements  de  mon  bienfaiteur* 

KALED. 

Oh!  cela  est  juste ^  cela  est  juste;  il  est  bien  à 
TOUS.  Allons ,  vous  autres ,  suiyez-moi. 

ANDRÉ,  à  DornaL 
Adieu ,  mon  cher  maître. 

dounal. 
Que  dis-tu  ?  peux-tu  penser...  (A  Hassan.)  Motx' 
cher  ami ,  ce  pauvre  malheureux,  vous  avez  vu  s'il 
m*est  attaché ,  s*il  est  fidèle,  s'il  a  un  cœur  sensible  ? 

HASSAN. 

Sans  doute ,  sans  doute ,  il  faut  le  rachetèr« 

KALED. 

Quel  homme  I  comme  il  prodigue  For  !'  Si  j|e 
profîtois  de  cette  occasion  pour  faire  délivrer  mon 
baron  allemand  !....  Mais  il  né  voudra  pas. 

HASSAN 

Tenez ,  Kaled.  ... 

KALED,  rd^ardaut'  les  sequins^ 
En  vériité ,  vt]!isrn ,:'  cela  ne  suffît  pas. 

H  ASSA.N.  ' 

Gomment  I  cent  sequinâ .  ne  suffisent  pas  ?  Un 
domestic[ue. ... 


&CÊNE  X.  9' 

SA  LEO. 

Eh!  mais...  un  domestic^ue... .  Apres  tout,  c'est 
DD  homme  comme  on  autre. 

H  As  s'ait. 

Bon  !  Yoilà  de  la  morale  à  présent. 

KÀLED' 

Eh  pais!  un  valet  fidèle,  qui  a  un  cœur  sensi- 
ble ,  qui  travaille ,  qui  laboure  la  terre-,  qui  n  est 
pas  gentilhomme....  En  conscience. 

H  AS  s  A  n^,  donnant  (fueltfues  sequins», 

Allons,  laissez-nous.  Qu'attendez-vous?  qu'est-* 
ce  que  vous  voulez  ? 

KALED. 

Voisin,  cest  que.  j'ai  chez  moi  un  pauvre  mal- 
heuieux ,  un  brave  homme ,  qui  est  au  pain  et  à 
l'eau  depuis  trois  ans,  cela  fend  le  cœur;  cela 
s'appelle  un  baron  allemand  :  vous  qui  êtes  si 

bon ,  vous  devriez  bien. . . . 

•    .        .  .       ' 

HASSAN, 

Je  ne  puis  pas  délivrer  tout  le  monde. 

KALED. 

A  moitié  perte. 

HASSAV 

Cela  est  impossible. 

kAled.  . 

Quand  je  disois  que  cet  homme-là  meresteroît! 
Oh  !  si  jamais  on  m  j  rattrape.'. . ,  Allons ,  hoihme 
de  ici,  gentilhomme ,' rentrez  là -dedans;  allez 
vous  coucher,  il  faut  que  je  soupe. 


g2        LE  MARCHAND  DE  SMYRNE. 

SCÈNE  XI. 

HASSADÏ,  DÛRNAL. 

HA  s  SA  V. 

Mon  cher  ami  ,  que  je  tous  présente  à  ma 
femme.  SaTez-voas  que  je  suis  marié?  C'est  à  vous 
que  je  le  dotB.  Et  vous ,  cette  jeune  personne  que 
TOUS  deviez  aller  chercher  à  Malte? 

DORKAI.. 

Je  Tai  perdue.. 

HASSAN. 

Que  dites-vous  ? 

dounal. 
Je  Temmenois  k  Marseille  pour  Tépoiufer,  elle  a 
été'prSse  aVec  moil 

HASSAN. 

Eh  bien!  est-ce  l'Arménieh  qui  l'a  achetée? 

DO  UN  AU 

Oui. 

HASSAN., 

Gourons  donc  vite. 

DO  a  N  AD. 

Il  n*est  plus  temp9  ;  le- barbare  Ir'a  vendue. 

B  A  s  8  A.Sn  * 

A  qui? 

D^OBN^X» 

Je   Tignore.    Uik  esctâ'yte  '  def  qusUfCMt.  hosMoe 
riche  l'a  arrachée  de  mes  bras. 


SCÈNE  XL  93 

BAS  9  AV. 

Ah!  malhenreiix !  c'est  peut-être  pour  quelque 
pacha.  Eftt-eile  b^le  ? 

DOEVAL. 

Si  elle  est  belle! 

SCÈNE  XII. 

HASSAN.  DORNAt/ZAlDC 

zaIdb. 
Mos  i^fti,  Yontk  me  laisses  bien  long-tempi 
seule.  Et  votre  esclaye  chrétien  ? 

HASSAK. 

Mon  esclaye  ?  c*est  mon  ami ,  c'est  mon  libéra- 
teur que  je  vous  présente.  J  ai  eu  le  bonheur  de 
le  dclirrer  à  mon  tour. 

zaIde. 

•  •  • 

Étranger,  je  tous  dois  le  bonbeur  de  ma  yie. 

SCÈNE  XIII. 

HASSAN,  DORNAL,  ZÀÏDE,  FATltfÊ. 

FATMÉ. 

Est-il  temps  ?  ferai-je  entrer? 

ZAÎDE. 

Oui,  tu  peux.... 


94       X£  MARCHAND  DE  SBfYRN£« 

^    SCÈNE  XIV. 

ZAÏDE,  HASSAN,  DORNAL. 

HASSAV. 

Quel  est  ce  mystère  ? 

ZAÎDE. 

•Mon .  agii ,  tous  m'avez  tantôt  soup.çojinée  die 
|aloasie  ;  je  vais  vous  prouver  ma  confiance.  Je  me 
suis  servie  de  vos  bienfaits  pour  acheter  une  es- 
clave chrétienne  ;  je  venois  vous  la  pré^entep,  àda; 
qu'elle  tint  sa  liberté  de  vos  mains^ 

SCÈNE  XV. 

HASSAN,  ZAÏDE,  DORNAL,  TATMÉ» 
UNE  ESCLAVE  cbrétienne,  v^e  en  mu." 
iulmane,  avec  un  voite  sur  la  tête. 

ZAÏDE. 

La  voici  ;  voyez  le  spectacle  le  plus  intéressasrt , 
la  beauté  dans  la  douleur. 

HASSAN  s'approche  et  lève  le  vot/e 
Qu  elle  est  touchante  et  belle  ! 

nORHAL, 

Amélie  !  ciel  !  (Il  vole  dans  ses  bras») 

Amélie,  avec  joie. 
Que  vois-je  ?  Mon  cher  Dornal  ! 

DOHVAL. 

Ma  chère  Amélie ,  vous  êtes  libre  !  je  le  suis  aussi. 
Vous  êtes  auprès  de  votre  bienfaitrice ,  de  mon  li- 


I  SCÈNE  XV.  95 

bérateuT.  (Il  saute  au  col  de  Hassan,  et  veut  ensuite 
«mbrasser  Zaide,  qui  recule  avec  modestie») 
CASSAS,  à  DornaL 
Embrassez ,  embrassez ,  il  est  honnête ,  ce  trans- 
port-là. ^ A  Zàide^qui  demeure  confuse,)  Ma  chère 
amie,  c'est  la  couttlme  de  France. 
;  A  H  É  L I E ,  à  Zaîde. 

Madame,  je  yous  dois  tout.  Que  ne  puis->je  tous 
donner  ma  yie  !  ' 

%AiD£.  ' 

C'est  à  moi  de  vous  rendre  grâce.  Vous  be  Jhe 
devez  que  votre  liberté ,  et  je  dois  à  votre  époux  la 
liberté  du  mien.. 

AMÉLIE. 

Quoi!  c  est  lui.... 

HASSAH. 

Oh!  cela  est  incroyable.  A  propos,  vous  n'êtes 
point  mariés  ? 

DORNAL. 

Vraiment,  non;  nous  ne  le  serons  qu*k  notre  re- 
tour. Une  de  ses  tantes  nous  accompagnoit ,  elle 
est  morte  dans  la  traversée. 

HASSAN. 

Vite ,  vite ,  un  cadi ,  un  cadi. . .  Ah  !  mais  à  pro* 
po's,  on  ne  peut  pas;  c'est  cet  habit  qui  me  trompe. 

DOnNAL. 

Ma  chère  petite  musulmane, quand  serons-nous 
en  terre  chrétienne  ?  Ah  !  mon  dieu ,  nos  pauvre» 
compagnons  d'infortunes  ! 


96     L£  MARCHAND,  etc.  SCÈNE  XV. 

Si  j'étolt  afS€X  riclie. . .  Mais ,  après  tout ,  rhommc 
de  loi ,  et  cet  autre  ,,cela  ne  doit  pas  coûter  cher , 
n'est-ce  paa? 

OOAHAI.. 

Ah!  mon  dieu,  non  *  nous  Us  aurons  à  Loi» 
marché. 

FATMÉ. 

Ah!  c  est  bien  vrai.  Je  yiens  de  rencontrer  l'Ar- 
ménien; tout  ce  qu'il  demande ,  c'est  de  les  vendre 
fiu  prix  coûtant. 

DOANAL. 

D'ailleurs,  moi^  je  suis  riche,  et  je  prétends 
bien.. .., 

BASSAH. 

Allons,  délivrons-les.  {A  Fatmé.)\9L  les  clier- 
eher,  qu'ils  partagent  notre  joie,  qu'ils  soient  heu- 
reux, et  qu'ils  nous  pardonnent  de  porter  un  doli« 
man ,  au  lieu  d'un  justaucorps. 

{Fatmé  amène  f Arménien,  suivi  des  esclaves  qui 
ont  paru  dans  la  pièce,  et  de  ceux  dont  il  y  est  parié* 
Us  forment  un  ballet  et  témoignent  leur  reconnois' 
$anc9  à  Zaide ,  à  Hassan  et  à  Dornat  ) 


riB    DU   KAaCBAVX)   DS  SMTRirE. 


LE 


BOURRU  BIENFAISANT, 

COMIËDIE, 

PAR  GOLDONl, 

Représentée,  povr  U  psemiére  ^^^^  Is  4  ngfwbrt 

«77'- 


Ské&tn.  Coa^diei.  |3» 


NOTICE 

SUR  GOLDONL 


Charles  Goldotïi  naquit  à  Venise  6n  1 707. 
U  se  sentit  de  bonue  heure  un  peuelumt  décidé 
pour  le  théâtre  y  et  composa  une  comédie  dès 
Page  de  huit  ans.  Ses  parents  le  placèrent  d'a- 
bord chez  le  procureur,  et  le  firent  recevoir 
avocat;  mais  à  peine  eut-il  plaidé  sa  première 
cause  y  qu'il  quitta  le  barreau  et  se  mi£  à  voyager. 
Nous  n'entreprendrons  pas  de  le  suivre  dans  le 
cours  de  ses  aventures,  dont  il  a  donné  une  rela- 
tion fort  amusante  en  trois  volumes  in-'8''.  Nous 
nous  bornerons  à  dire  qu'il  fut  le  réformateur 
du  théâtre  en  Italie ,  où  il  donna  plus  de  cent 
cinquante  pièces  qui,  pour  la  plupart,  ont  ob- 
tenu un  grand  succès,  et  dont  plusieurs  ont  été 
Imitées  sur  la  scène  françoise.  Nous  ne  pouvons 
cependant  nous  dispenser  de  rapporter,  pour 
preuve  de  l'extrême  facilitéde  cet  auteur^  qu'é' 


NOTICE  SUR  GWiLbONI.  99 

taot  lié  avec  urc  Iro.upç  de  comédiens  à  Venise, 
il  fît  annoncer  à  la  fin  de  Tannée  1749?  ^ue, 
dans  le  cours  de  la  suivante ,  il  seroit  donne 
seize  pièces  nouvelies  du  sieur  Goldoni  sous 
des  titres  qni  furent  indignas.  Oet  engagement 
extraordinaire  fut  rempli  avec  exactitude,  et 
presque  toutes  ces  pièces  réussirent. 

Goldoni  vint  en  France  en  1761 ,  et  ne  put 
résister  au  désir  de  travailler  pour  le  théâtre 
François.  Il  y  fit  jouer  is  Bquhru  bienfaisant* 
Cette  comédie  parut,  pour  la  première  fois,  le 
4 novembre  1 77 1 ,  et  eut  trei£e  représentations. 
Cola  donne  souvent  encore,  et  elle  fait  toujours 
plaisir. 

L'accueil  que  l'auteur  italien  avoit  reçu  à 
Paris ,  le  déteitoina  à  s'y  fixer.  L'agrément  de 
son  esprit,  son  extrême  gaieté,  et  l'aimable 
franchise ,  qui  étoit  la  base  de  son  caractère ,  le 
faisoient  désirer  partout.  Il  devint  aveiigle  sur 
la  fin  de  ses  jours,  et  venoit  d'obtenir  une  pen- 
sion du  gouvernement,  lorsqu'il  mourut  en 
1 792 ,  âgé  de  quatre-vingt-cinq  ans. 


.> —lÉllT— —^—f— !——>—— W»1^^——HII    l|       l>       I  1^        „., 

PERSONNAGES. 

ttovsxEuii  Dalah&oub,  Dèjreu  de  M»  Gcconto» 
DoRYAL,  ami.de  M.  Géronte. 
VAI.È1IE,  amoureux  d'Angéli(|ue«i 
Picaud,  laquais  de  M.  Géronte. 
Un4aquais  de  M.  Balancour. 
Madame  Dalaucovu.* 
Angêiiqve,  soBut  de  M.  Dalancour. 
Mautron,  gouTernante  de  M*  Géronte* 


l^c  ftcéne  se  passe  dans  un  salon  chez  MM,  Géronte- 
et  Dalancour.  Il  y  a  trois  portes ^.  doiit  lune 
introduit  dans  Tappartement  dé  M  Géronte  ;. 
Tantrè ,  Ti»-à-iriB ,  dan3  celui  de  M.  Dalancour;. 
et  la  troisième,  dans  le  fond  ^  sert  d'entrée  et  de 
sortie  à  tout  le  monde.  II  j  aura  des  chaises  ,^ 
des  fauteuils ,  et  une  table  ayecun  échiquier; 


LE. 

BOURRU  MENFAISANT, 

COMÉDIE. 


»^  ^  1^»  ^  ^«f  ^  ^^^«o 


ACTE  PREMIER, 


SCÈNE  L 

MARTHQN,  ANGËLIQUE.^YALÊRK. 

Laissez-moi,  Yalère,  je  tous  en  prie.  Jd  orains 
pour  moi ,  je  crains  pour  tous.  Ah  !  si  nous  étions 
mrpris.... 

Ma  chère  Angélique  ! . . . 

Partez ,  monsieur. 

▼  AL^ftE,  à  MarîfiORé 
De  grâce ,  un  instant;^  si  je  pdutoi^iti'asslfter.., 

M  ARTB017, 

De  <juoi  ? 

De  son  amour ,  de  sa  constance.  •«.«. 

9 


loa     LE  BOURRU  BIENFAISANT, 

ANGÉLIQUE. 

Ah  î  Valère ,  pourriez-^vous  en  douter  ? 

MARTHOH. 

Allez ,  allez ,  monsieur ,  elle  ne  vous  aime  q|ue 
tvop, 

VALÈRE 

C'est  le  bonheur  de  ma  vie. 

MARTHOR* 

Partez  vite.  Si  mon  maître  arrivoit,.««i 

AiraÉLiQUE,  aMarlhon, 
l\  ne  sort  jamais  si  matin. 

mauthos. 
Gela  est  vrai.  Mais  dans  ce  salon  (vous  le  savez 
bien  ) ,  il  s  y  promène ,  il  s  j  amuse.  Yoilà-t-il  pas 
ses  échecs?  Il  j  joué  très  souvent.  Oh!  vous  ne 
oonnoissez  pas  M.  Géronte. 

vALi:RE. 
Pardonnez^moi;  c'est  l'oncle  d'Angélique ,  je  le 
sais  ;  mon  père  étoit  son  ami  ;  mais  je  ne  lui  ai  ja- 
mais parlé. 

.MABTBOW. 

C'est  un  homme ,  monsieur  ^  comme  il  n*^  en  a 
point;  il  est  foncièrement  bon,- généreux^  mais  il 
ost  fort  brusque  et  très  difficile 

ANGÉLIQUE, 

Oui  :  il  me  dit  qu'il  m'aime ,  et  je  le  crois }  ce- 
pendant toutes  les  fois  qu'il  me  parle ,  il  me  fait 
trembler. 


ACTE  I,  SCÈKE  I.  loî 

Y  A I.  il  IL  £ ,  à  Angéli<fuc^ 
Mais  qu'avez-vou9  à  craindre  ?  Vous  n'avez  ni 
père  ni  mère  :  votre  frère  doit  disposer  de  vous }  il 
est  mon  ami ,  je  lui  parlerai. 

M  A.  HT  H  ON. 

£h  ï  oui  s  fiez-vous  à  M.  Dalancour  ! 

VA  L  k  R  E ,  à  Marthon, 
Quoi!!  ponrroit-il  me  la  refuser? 

M  A  n  T  H  o  9.. 
M^  Ibi ,  je  crois  que  oui. 

VAL&BE. 

Gomment  ? 

MARTHOU* 

Êooutez  en  quatre  mots. '(-<<  Ancfélique,)  Mon 
neveu,  le  nouveau  clerc  du  procureur  de  monsieur 
votre  frère,  m'a  appris  ce  que  je  vais  vous  dire. 
Comme  il  n'y  a  que  quinze  jours  qu'il  j  est  entré , 
il  ne  me  l'a  dit  que  ce  matin  ;  mais  c'est  sous  le 
plus  grand  secret  qu'il  me  l'a  conûé  :  ne  me  ven- 
dez pas ,  au  moins. 

VAlèhe. 

Ne  craignez  rien. 

ANGÉLIQUE. 

Vous  me  connoissez. 
UA.SLTnov , adressant  la  parole àValère, àdemi-volx ^ 
et  toujours  regardant  aux  coulisses, 

M,  Dalancour  est  un  homme  ruiné ,  abîmé  ;  il  a 
mangé  tout  son  bien,  et  peut-être  celui  de  sa  sœur; 
il  est  perdu  de  dettes  ;  Angélique  lui  pèse  sur  les 


ïo4     LE  B0URRU  BIENFAISANT 

bras,  et," pou«' s W  débarrasser,  il  voudroit  Ist 
inettre  daïis  un  couvent 

Dieu  !  que  me  ditet^vous  là  ? 

.      TALÈRK. 

Gomment  !  est-il  possible  ?  Je  le  coimois  depuis 
loujg-temps  ;  Dalancour  m'a  toujours  paru  un  gar- 
çon sage ,  honnête ,  yif ,  emporté  même  quelle- 
fois  ;  mais. . . 

MABTBOS. 

Vif!  oh!  très^vif ,  presqu  autant  que  son  oncle; 
mais  il  n  a  pas  les  mêmes  sentiments  j  H  s'en  laut 
de  beaucoup. 

YALÈaE. 

,    Tout  le  monde  J^estimoit ,  le  chérissoiti  Soa 
père  étoit  très  content  de  lui. 

mauthon. 
£h!  monsieur,  depuis  qu'il  est  marié,  ce  n  est 
plus  le  même. 

YALÈnE. 

Se  pourroit-il  que  madame  Dalancour  ?m«  « 

MAnTSON. 

Oui ,  c  est  elle ,  à  ce  qu'on  dit ,  qui  a  causé  ee 
beau  changement.  M.  Géronte  ne  s  est  brouillé 
avec  son  neveu  que  par  la  sotte  complaisance  qu'il 

a  pour  sa  femme  ;  et je  n'en  sais  rien  ;  mais  je 

parierois  que  c  est  elle  qui  a  imaginé  le  projet  du 
couvent. 

A  n  GÉLi  QUE,  à  MarMon. 

.  Qu'entends-je  ?  ma  belle-sœur ,  que  je  crojois 


ACTE  r,  SCÈNE  r.  loS 

si  raisonnable ,  qui  me  marquoit  ta^nt  d'amitié!  j^s 
ne  l'aarois  jamais  pensé. 

VALiaiE, 
C'est  le  caractère  lé  pl^s  dôtix.«  c« 

MAUTHOV. 

C^est  précis^ent  cela  qni  a  sédaît  son  ipari*^ 

Je  la  connoia ,  et  je  ne  peux  pas  le  croire.. 

Vous  Yons  moque»^  je  crois..  Est-il  de  femme 
I  plus  recherchée  dans  sa  paturC?  j  a-t-il  des  modes 
qâ  elle  ne  saisisse  d'abord  ?  j  a-t-il  des  bals ,  des 
spectacles  pu  elle  n'aille  pas  Ui  première  ? 

YVLLànE. 
Mais  son  mari  est  toujours  aTec  elle. 

AHGÉLIQUE. 

Oui ,  mon  fi'ère  ne  la  quitte  pas. 

MAnTHOir. 

Eh  bien!  ils  sont  fcus  tous  de«x,  et  ils  se  rui- 
nent ensemble* 

Cela  est  iqcbncevable. 

MARTHOV. 

Allons,  allons,  monsieur,  Yous  voilà  instruit 
de  ce  que  vous  vouliez  savoir;  sortez  vite,  et  n'ex- 
posez pas  mademoiselle  à  se  perdre  dans  leàprit 
de  son  oncle,  qui  est  le  seul  qui  puisse  lui  faire 
du  bien. 


io6     LE  BOURRU  piENFAI^ANT- 

Tranquillisez-YOus ,  mçi  chère  Angélique  i  Fini 
térét  ne  fonnera  jamais  un  obstacle....!, 

MARTBOir. 

J'entends  du  bruit  \  sQrtez  vite. 

(  VaUre  sort,  ) 

SCÈNE  IL 

MAHTHON,  ANGÉLIQUE, 
Qus  je  suis  malheareuse! 

MABTHQM. 

C'est  sûrement  votre  oncle.  Ne  ravois-je  pas 
dit? 

AiraéLiQVE. 
/    Je  m'en  vais. 

MA&TBOH.. 

Au  contraire ,  restez ,  et  ouvres-lui  votre  cœur» 

ANGÉLIQUE, 

Je  )e  crains  comme  le  feu.     . 

MARTHQN, 

Allons ,  allons ,  courage.  Il  est  fougueux  quel^ 
quefois  ;  mais  il  n'est  pas  méchant. 

ANGÉLIQUE. 

Vous  êtes  sa  gouvernante ,  vous  aveï  du  crédit 
auprès  de  lui  ;  parlez4ui  pour  moi^ 

MAnTBON. 

Point  du  tout i  il  faut  que  vous  lui  parlies  vouy- 


ACTE  I,  SCÈNE  H.  107 

cerne,  tout  au  plus ,  je  pourrois  le  prévenir,  et  le 
disposer  à  vous  entendre.  ^ 

Oui ,  oui ,  dites-lui  quelque  chose  ;  je  lui  parle- 
rai après.  (EUe  veut  s'en  aUer^) 

MAIiTH05. 

Ne  vous  en  allez  pas. 

ANGÉLIQUE. 

Non ,  non ,  âppelez-moi  ;  je  n'irai  pas  loin. 

(ElUsorL) 

SCÈNE  III. 

M  A  RtB  ON,  Mtt/e 

I 

Qu'elle  est  douce!  qu  elle  est  aimable!  je  Taî 
vue  naître;  je  l'aime;  je  la  plains ,  et  je  voudrois  la 
voir  heureuse.  (  Apercevant  M.  Gérante,)  Le  voici« 

SCÈNE  IV. 

M.  GÉRONTE,  B^ARTHON.. 

u,  GÉROSTE,  adressant  la  parole  à  Marthon* 
Picard! 

hartbob* 

Monsieur. ... 

M.  g£bonte. 

Que  Plcaid  vienne  me  parler» 

M  ART  H  OH. 

Oui ,  monnienr.  Mais  pourroit-t)n  vous  dire  nu 
mot? 


^ 


loS     LE  BOURRU  BIENFAISANT.. 

M.  cé ROUTE,  fort  et  avec  vivaeilém 
Picard  I  Picard  ! 

MARTHOBT,  fott  Cl  £U  Colèr€. 

Picard!  Picard! 

SCÈNE  V. 

if..  GÊRONTE,  PICARD,  MAHTHOIT. 

piCAUD,  â  3farMoit. 
Mb  Toilà ,  me  yoiià. 

MAaTHOBT,  à  Ficwrd',  avec  humeur. 
Votre  maître..». 

PICARD,  à  M^  Géronte. 
MonBieur. . .  • 

M.  QtnoJUTE,  à  Picard.  ' 

Va  chez  mon  ami  Dorval;  dis -lui  que  je  l*at- 
teaàs  pour  jouer  une  partie  dëehecs« 

PICARD.. 

Oui  «  monsieur  ;  mais . ... 

* 

M.  «énONTE. 

Quoi? 

PICARD, 

l'ai  une  commission., 

M.    GÉRONTE. 

Quoi  Honc  ? 

PICARD. 

Monsieur  votre  neveu.... 

M«  «iRovTE,  viyeneHU 
Va*t*en  chex  Doryal. 


ACTE  I,  SCÈNE  t.  109 

vie  A  no. 
Il  Youiîroit  vous  parler. ... 

M.    Ç,iti01STZi 

Va  donc ,  coquin. 

Quel  homme  I 

(Il  sort) 

scI;në  vi. 

M.  GÉRONTE,  MARTHON. 

if«  géeobttE,  s'apptochant  de  la  table* 
IiÉ  fat  \  le  miséralïle  !  Non ,  je  ne  ireux  pas  le 
voir;  je  ne  yeux  pas. qu'il  vienne  altérer  m&  tran* 
^illitéi 

if  authobt,  à  parU 
Le.Toilà  maintenant  dànS  lé  chagrin  :  il  xt^f 
manqnoit  qoe  cela. 

M.  o£rOsté,  asiisi  - 
Le  coup  d'hiei'I  Oh!  ce  coup  d'hier  !  GoiniÊient 
ai-je  pu  être  mat  avec  un  jeu  si  bien  disposée 
Vojons  un  peUi.  Je  n  ai  pas  dormi  de  la  nutt^ 

(1/  examine  le  jeu,  ) 

Monsieur,  poûrtoit-oa  vous  parler? 

M*  oéaoftTEà 
Non<. 

MAÀTHOil. 

Non  /  Cependant  j'aurois  qufîlquei  chose  d'iiit4« 
ressant.... 

TKéltrc.  Comédiei.   l3.>  lO 


^ 


110     tÊ  BOURRU  BIËNFAISÀJNT, 

M.  oâaosTE. 
£h  bien  !  qu'at-tu  à  me  dire  ?  Dépéche-toi, 

MARTHOSr. 

Votre  nièce  votidtoit  vous  parler. 
Je  n*&i  pas  le  temps; 


MAATSOV* 


Bon  I . . .  C'est  dond  quelque  "chose  tl«  bien 
rieux  que  yons  finites  Ù  ?  - 

A.  GénoNTS» 

Oui ,  cela  est  très  sérieux.  Je  ne  m*aiiiu»e  g^^re  ; 
mais,  quàn<l  je  in'amtiseV  }®' À'afme  pas.q[u*oii 
irletineibet^mprelatète,enteuds^tu'1  * 

MAATHON. 

Cette  panyre  fille  !  •  • . 

M.    GinORTI. 

Que  lui  est-il  arrivé  ? 

«ARTHOift 

On  veut  la  mettre  dans  tdn  côuyent* 
'    tt.  oÉROSTE,  tt  levant. 

l)ans  Un  couyent  \  Mettre  ma  nièce  aU  «èuvênt  f 
Disposer  d^  ma  nièce ^ans  ma  participation,  sans 
înon  consentement  ! 

MARTHOn* 

Tous  sayez  les  dérangements  de  M.  Dalancour? 

M.    GÉBONTE. 

Je  n  entre  point  dans  les  désordres  de  mon  ne- 
yeù  /ni  dans  les  folies  de  sa  femme.  Ha  son  Bien  ^ 


1 


ACTE  l,  SCÈNE  Yh  in 

^aïl  k  Qiangç ,  cpi-il  se  ruine ,  ^Qt  pi^  pour  lt|i  ; 
mais,  pour  ma  nièce,  i&suis  le  chef  4e  ia  famille. 
je  suis  le  maitxe  ,.c  est  à  moi  à  lui.doun,ç];un  étajt. 

MARTHOW. 

Tant  mifiux  ppnjr  e]le«  monsieur;  tant  mieux» 
Je  81ÛS  encUaiitée.deyottS  .xoir  prendre  feu  pour 
bs  intérèta.  de  cette  çhèv^  enfant. 

st.  oéno^Ti^.. 
Où  est-elle-? 

» 
Elle  est  tout  près  <ri<ci ,  iiionsi<ttti^;.£U!&  attend 

le  moment. . .  • 
Qu'elle  yiçnne« 
Ouij  elle  le  désire  très  foct;  mais****.. 

•  .à  ^ 

II.    Gi&OVTE. 

Quoi? 

B|.AllTHOV<i 

'l)l)e  est  timide^,.. . 

M.  <i.énoKTE«. 

Eh  bien? 

-  » 

MAaTBQH* 

Si  TOUS  lui  parlez. . . . 

if.  atK0.7S.Tz,  vhênunin 
U  faut  bien,  que  je  lui  parle. 

ItAlITHOV*. 

Oui.;  mais  ce  ton  de  ^oijL. . .  « 


lia     LE  BOUHRU  BIENFAISANT. 

M.     G  é  HONTE. 

Mon  ton  lie  fait  de  mal  à  personne.  Qu'elle 
vienne ,  et  qu'elle  s'en  rapporte  k  mon  cœur  ef. 
non  pas  à  ma  voix. 

mauthoit. 

Gela  est  yrai ,  monsieur  ;  je  vous  connois  ;  jo 
sais  que  vous  êtes  bon,  humain,  charitable  :  mais, 
je  vous  en  prie,  ménagez  cette  pauvre  enfant j, 
parlez-lui  avec  un  peu  de  douceur. 

M.  oénoNTE. 

Oui ,  je  }ui  parlerai  avec  douceur^ 

Me  le  promettez-vous  ? 
Je  te  le  promets. 

MARTHOir. 

Ne  l'oubliez  pas. 

M,  oénoNTE. 
Non. 

(Il  commence  à  s'impatienter,  ) 

MÀBTHOir. 

Surtout ,  n'allez  pas  vous  impatienter. 

Mt  GÉnoNTE,  vivemenU 
Non ,  te  dis-je. 

MABTHON,  à  part,  en  s'en  atlantf 
Je  tremble  pour  Angélique. 

(me  sort.) 


ACTt:  I,  SCÈNE  VII.  ii3 

SCÈNE    VIL 

Itf/GÉRONTE,  wtf/. 

Elle  a  raison.  Je  me  laisse  emporter  qntlqvLe^ 
fois  par  ma  yiTacité  ;  ma  petite  nièce  mérite  qu'on 
la  traite  avec  doucetir. 

SCÈNE  VIII. 

M.  GÊR>Oî¥T£ ,  ANGÉLIQUE ,  se  tenant  à  quel^tu 

distance»,  ^ 

Bt.    GÉnONTE. 

Approchez^  .    .  - 
AHGÉLiQUE,  avec  timidité ,  ne  faisant  qu'un  pa^» 
Monsieur. ... 

M.  GÉnONTE,  M/i  peu  vivement. 
€omment  voulez-vous  que  je  vous  entende ,  si 
VOUS  êtes  à  une  lieue  de  moi  ? 

ANGÉLIQUE  s'avuncc  en  tremblant» 
Excusez ,  monsieur. 

M.   GénoNTE,  avec  douceur»* 
Qu'avez-vous  à  me  dire? 

ANGÉLIQUE. 

Marthon  ne   vous  a-t-elle  pais  ^it  quelque 
chose? 

M.    GÉBOVTE,    commençant  avec   trànquittité  et 
s*échàuff(int  peu  à  peu. 
Oui  ;  elle  m'a  parlé  de  vous  ;  elle  m'a  parlé  de 
votre  frère,  de  cet  insensé,  de  cet  extrayagarjt , 

id. 


ii4     LE  ÉOURRU  BIENFAISANT. 

qui  se  laisse  mené?  par  uoe  femme  imprudente  , 
qui  s  est  ruiné ,  qui  s'est  perdu ,  et  qui  me  inaQC[uc 
encore  de  respect  !  (  An^étique  veut  s'en  aller.  )■  Où 
allez- vous? 

AvothiqvEf  en  tremhlanU 
Monsieur,  vous  êtes  en  colère...» 

M.    OÉROUTE. 

Qu'est-ce  que  cela  tous  fait  ?  Si  je  me  mets  ea 
colère  contre  un  sot,  ce  nest  pas  contre  vous.. 
Approchez ,  parlez ,  et  n'ayez  pas  peur  de  ma  co^ 
1ère. 

."  '  ''       • 
Mon  cher  oncle ,  je  ne  saurois  vous  parler,  si  j^ 

ne  vous  vois  tranquille. 

M.  oinoRTE,  a  part. 

Quel  martjre!  {A  Angélique,  ea  se  contraignant») 

'    Me  voilà  tranquille.  Parlez. 

▲  BGÉLIQUE. 

Monsieur. . . .  Marthon  vous  aura  dit. . . . 

M.    GERONTE. 

Je  ne  prends  pas  garde  à  ce  que  ma  dit  Mara- 
thon ,  c'est  de  vous  que.  |e  le  veux  savoir. 
▲HOÉLiQuE,  avec  timidité* 
Mon  frère... « 

M.  aénoNTE,  la  contrefaisanf^ 
Votre  frère. . . . 

ANGÉLIQUE. 

Youdroit  me  mettre  dans  un  couvent* 

M.    OÉnOHTE. 

Ehbien'I  aimez-vous  le  couvent? 


ACTE  I,  SCÈNE  ?VUr.  ïi5 

Mais ,  monsieur. . . ., 
Padez  donc. 

* 

Ce  n^est  pas  à  moi  à  me  décider.. .  • 

M»  GÉBONTiT,  encore  plus /ifiifemet^t.   .^, 
Je  ne  dis  pas  qne  yous  vous  décidiez  :  mais  je 
Teux  sayoiir  quel  est  votre  penchant. 

▲  HOélilQUX. 

Monsieur,  vous  me  fiiites  trembler. 

J'enrage  !  (  En  se  confrai^nanf. '^-Approehez ,  j^ 
vous  comprends  ;  tous  u'aimez  donc  pas  le  cou- 
Tenl?  .     r ..  I 

ffon ,  monsieur. 

Quel  est  lëtat  qiie  yous  aimeriez  davantage  ? 

▲  VOÉLIQUE.' 

Monsieur. . . , 

M.  GinoJXT^t  un  pçu  vivement» 
,Ne  craignez  rien ,  je  suis  tranquille ,  parleÀ-œoi 
librement. 

ANGÉLIQUE^  à  part. 
Ah!  que  n  ai-je  le  courage  ?.. 

.     u,^,  GiB.OVXfi. 

Tenez  ici.  Youdriez-yous  yous  marier  7 


fiG     LE  BOURHU  BIENFAISANT. 
Monsieur,.., 
Oui ,  ou  non  ?' 

AHGÉLIQUE., 

Bi  vous  vouliez^ ... 

M.  GÉRONTÈ,  vivemeni^-i 
Qui ,  ou  non  ?  ^ 

-     ANOÉLiQUZi, 

Mais ,  oui. 

H.  GÉRONTE,  €%oort  plus  vhemenf^ 

Oui  ?  Vous  Toulez  vous  marier,  perdre  U  liberté, 
la  tranquillité  ?  £h  bien  !  tant  pis  ppur  vous  ;  oui^ 
je  TOUS  marierai. 

▲HGÉiiQ^Ey  à  paru 
Qu'il. est  charmant ,  avec  sa  colère  ! 

M.  GÉnèiTTE,  brusquement, 
Ayez-Yous  quelque  inclination  ? 
AifGil.iQVE,  à-part. 
Si  j*Oftois  lui  parler  de  Valère  ! 

M.  GÉRONTE,  v£veme/jf.. 
Quoi  !  auriez^Yous  quelque  amant  ? 

AU  OBLIQUE,  à  pari 
Ce  n -est  pas  le  moment  ;  je  lui  ferai  parler  par 
isa  gouYemante. 

M.  GÉRôNïE,  toujours  avec  vivacité. 
Allons ,  finissons.  La  maison  où  vous  êtes ,  les 
personnes  avec  lesquelles  vous  vivez,  vous  au-* 


ACTE  ï,  §CÈÎÎE  Vin.  uj 

roient-elles  fourni  l'occasion  de  yous  atacher  à 
qoelqn'nn  ?  Je  yeux  sayoir  la  yérité  ;  oui ,  je  voua 
ferai  du  bien  ;  mais  à  condition  que  tous  le  méri- 
tiez ;  entendez-yous  ? 

AvoiLi'QUE,  en tremblànU 
Oui ,  monsieur. 

M,  oÉR  on  TE,  apee /em^m^  (oii«| 
Parleis-moi  nettement ,  franchement  î  ATei-TOna 
quelque  mclinatioxi  ? 

AHGÉLiQUEyen  hésitant  et  trembiant* 
Mais...  non,  inonsieur,  je  n'en  ai  aucune. 

M.  oéaoHTE.. 
Tant  mieux.  J9^  penisurai  à  yout  trouver  un 
mari. 

Dieu!  je  ne  youdrois  pas.,.,«  ( ii! iU*  Gcfrodle^) 
Monsieur. . , . 

M*   9ÉaOHTE« 

Quoi  ? 

ANGÉLIQUE» 

Vous  connoissez  ma  timidité. 
M.  aénovTE. 

Oui ,  oui  j  votre  timidité.  Je  connois  les  femmes  s 
vous  êtes  à  présent  une  eoloqibe  ;  quand  vous  se- 
rez mariée ,  vous  deviendrez  4tin  dragon, 

AlVCÉlIQUE. 

Hélas  !  mon  oncle  ^  puisque  vous  êtes  si  bon, . .  • 

M.  GÉnONTE. 

Pas  trop,- 


ué     LE  BOUBRU  BIENFAISANT, 

TPcrmcttcx-mpi  de  vous  dire,  m 

M.  GÉRONTByen  $' approchant  de  la  iable». 
Mais  Doryal  ne  vient  pas. 

4NGiLIQT7E. 

Ëcoutezrinoi ,  mon  cher  oncle..» 

M.  GÉnovTK,  occupé  à  son  échi^uiegm 
Laissez-moi. 

AHGlÊOblQVE. 

Un  seul  mot.... 

M.  G  é  n  o  N  T  E ,  fort  vivemenf* 
Tout  eftt  dit. 

Avtkti* Kju E ,  à  part ,  ea  s'en  allant. 
Ciel  !  me  voilà  plua  malheureuse  que  jamais  ;- 
que  vais- je  devenir?  £h!  ma  chère  Marthbn  ne^- 

inab^ndonnera  pa9« 

(EUesoft^) 


•r      • 


SCÈNE  IX. 

M.  QÊRONTE,»»/, 

C'est *une  bonne  fille;  je  suis,  bien  aise  de  J»i 
faire  du  bien.  Si  mêm^elle  avoit  eu  quelque  incli- 
nation, i'àurois  tâché  de  la  contenter;  mais  elile 
n'en  a  points  Je  verrai.. .  je  chercherai...  Mais  quo 
diantre  fait  ce  Dorya^,  qui  ne  vient  pas  ?l  Je  meurs 
d'enyie  à  essayer  une  secondcifois  c^inau4it  coup 
qui  m'a  fait  perdre  la  partie.  C'étoit  aûr ,  je  devoi» 
gagner.  Il  falloit  que  j'eusse  perdu  la  tête.  Voyons 
un  peu...  Voilà  l'arrangement  ie  mes  pièces;  voilà 


ACTE  I,  SCÈNE  IX  iig 

ceiai  ûè  Hoiral.  le  pousse  le  roi  à  la  cAse  de  ta 
loar.  Doryal  place  son  foû  k  la  seconde  case  de 
son  roi.  Moi...  écliec;  oui,  et  je  prends  le  pion.' 
Donral*..  a-t-il  pris  mon  fou,  Dorvàl?  Oui,  il  a 
pris  mon  fou ,  et  moi...  double  échec  avec  le  caya^ 
lier.  Parbleu  !  Dorval  a  |>erdu  sa  dame.  Il  joue  son 
toi  ;  je  prends  sa  daikie.  Cé  coquin ,  ayec  son  roi ,  a 
pris  mon  cavalier.  Mais  tant  pis  pour  lui  ;  le  Toilà 
dans  mes  filets  ;  le  voilk  engagé  avec  son  roi.  Voilà 
ma  dame  ;  oui ,  la  voilà  ;  échec  et  flôi'at  ;  c*est  clair  f 
échec  et  mat,  cela  est  gagné...  Âh!  si  Dorval  vfl^ 
noit ,  je  lui  fetois  voir.  (1/  âppeUe»)  Picard  ! 

SCÈNE  X. 

M.  GÉRONTE,  M.  DALÂNGOUR. 

B.  DALAHCOUB,  à  part,  el  d*an  air  tris  embaf 

'  ratsé, 
M  OS  oncle  est  tout  seul ,  s'il  votiloit  mëcouter* . 

M.  o£  E  ov  t  £ ,  sans  voir  Daiancour, 
J'arrangerai  le  jeu  comme  il  étoit.  (It  appetie 
pius  forte  p  picard  ! 

M.   DALAHCOUa. 

Monsieur... 
HL  oi^BOHTE,  tans  se  détourner,  croyant  pariât  à 

Picard. 
Eh  bien  !  as-tu  trouvé  Doirval  ? 


<  '»  r 


120     L£  ÔOtJRRU  BIEfiiFAISANr. 

SCÈNE  XL 

H.  GËRONTE»  DORYAL,  H.  DALANCOUR. 

DonyAL,  <iui  entre  par  ta  porte  du  milieu ,  à  mon* 

sieur  Géronie. 
Me  Yoilà ,  mon  ami. 

M.  UAtAircoiJB,  ttun  air  résoium 
•Mon  oncle... 

(M.  Géronte  se  retournant,  aperçoit  Dalancoat*^ 
se  lève  brjusquement,  renverse  la  chaise ,  s*en  va  sans 
rien  dire ,  et  sort  par  la  porte  du  milieu»  ) 

SCÈNE  XII. 

M.  DALANCOUR,  DORYAL. 

D  o  R  y  A  L ,  en  souriant, 
Qv'zftT-CE  que  cela  signifie? 

■ .  D  A  L  A  H  G  o  u  R ,  vfVemeaf . 
CMa  est  affireu^i^  c'est  moi  à  qai  il  en  yetit« 

DORyAL,  toujours  du  même  ton. 
Je  reconnois  bieù  là  mon  ami  Géronte^ 

M.   DAr^AVCOURv 

J'en  sais  fâché  pour  yoUs< 

DORYAL. 

Yraiment  !  je  suis  arriyé  dans  un  mauyais  m<»« 
ment. 

M.    DALAllGOVB.k 

Pardonnez  sa  yiyacité* 


ACTE  I,  SCÈNE  XîL  tnh 

DO K Val,  souriant* 
Oh  !  je  le  gronderai. 

M.   OALAVCOUR. 

Ah  !  mon  cher  ami ,  il  nj  a  que  tous  tjpa.  puis- 
•iex  me  rendre  service  auprès  de  lui. 

DOBVAL. 

J«  le  Youdrois  Jbien  de  tout  mon  cœur;  mais...« 

M.  DAtAncotra. 

Je  conviens  que,  sur  les  apparences,  mon  oncle 
a  des  reproches  à  me  faire  ;  mais ,  s'il  pouvoit  lire 
Ku  fond  de  mon  cœur ,  il  me  rendroit  toute  sa  ten- 
dresse ,  et  je  suis  sûr  qu'il  ne  s'en  repentiroit  pas. 

QORVAZ.. 

Oui ,  je  vous  connois  ;  je  crois  qu'on  pourroit 
tout  espérer  de  tous  ;  mais  madame  Dalancour* . . . 

M»  DALAtfcouR,  uti  peu  v'tvetnent. 

Ma  femme ,  monsieur  ?  Ah  !  vous  ne  la  connois- 
sez  pas  y  tout  le  monde  se  trompe  sur  son  compte , 
et  mon  oncle  le  premier.  Il  faut  que  je  lui  rende 
justice ,  et  que  je  vous  découvre  la  vérité  :  elle  lie 
sait  rien  de  tous  les  malheurs  dont  je  suis  accablé  : 
elle  m'a  cru  plus  riclic  que  je  n'étois  ;  je  lui  ai  tou< 
jours  caché  mon  état.  Je  l'aime  ;  nous  nous  som- 
mes mariés  fort  jeunes  :  je  ne  lui  ai  jamais  donné 
le  temps  de  rien  demander, 'de  rien  désirer;  j'al-> 
lois  toujours  au-devant  de  tout  ce  qui  pouvoit  lui 
faire  plaisir  :  c'est  de  cette  manière  que  je  me  suis 
ruiné. 

Tkéatrec  Cosiédie».   1 3.  H 


t^t»     LE  BOURHU  BI£NFAI$AXiT. 

DORTAXié 

Contenter  une  femme  !  prévenir  9es  désirs  !  La 
besogne  n'est  pas  petite 

M.   DAlAirCOVK* 

Jç  âuis  sur  qat ,  si  elle  ayolt  su  i&oa  état ,  lellc 
eût  été  la  première  à  me  retenir  sur  les  dépense» 
que  j'ai  flûtes  pour  elle.  ^ 

DO&TAL. 

Cependant  elle  ne  les  a  pas  empêchées. 

M.   DALÂHCOtrni 

Kon ,  ^ârce  Qu'elle  né  s'en  doutûit  pas^ 

DonvAi,  en  rianf. 
Mon  pauyre  ami  T 

M.  -DlLtAvcôvù,  d'un  air  piché* 
Quoi? 

noATAL,  ioûjourt  en  tUuit* 
Je  TOUS  plains. 

VL,  j} A.LAV co VA,  vhementu 
Vous  mo^ueriez-YOUS  de  moi  ? 

n  o  n  V A  L ,  toujours  en  souriaaU 
Point  du  tout.  Mais. . .  vous  aimez  prodigeuse- 
ment  votre  femme. 

M.  DALANCOVR,  encorc  plus  vhemenU 
Oui ,  je  l'aime,  je  l'ai  toujours  aimée ,  et  je  l'ai» 
merai  toute  ma  vie  :  je  la  connois  ;  je  connois 
toute  l'étendue  de  son  mérite ,  et  je  ne  souffrirai 
jamais  ^u'on  lui  donne  des  torts  qtl 'elle  n'a  pas.. 
DO  AVAL,  sérieusement» 
Doucement ,  mon  ami ,  doucement  )  ïnodér^ 
cette  vivacité  de  famille. 


ACTE  I,  SCÈNE  XIÏ,  ,13 

M.  D A LANGOUR^  touj.àurs  vwement. 
Je  roQs  demande  mille  pardonsi;  je  serois  au 
êéseapoÎT  de  vous  aToir  déplu  ;  miii  auand  i\  »'a- 
^itden^a&miBie.., 

doutav 
Allons ,  allons ,  n'en  parlons,  plns^ 

Um  DALASGOUn. 

Mais    je  youdcoia   que  tous  en  (fi^ssie^^  con^ 
▼aincQ, 

D  o  a  T  A  L ,  froidement 
Oaî ,  je  le  anis» 

Bc,  slAlavcoùb,  'hivernent,, 
fïon ,  TOUS  ne  letes  pas* 

D  o  a  VA  &  y  an  peu  phu  vi9tmenh     ■ 
Pvdonnez-moi ,  tous  dis->je. 

M,    pAt.AVGOVa. 

Allons,  je  tous  crois  ^  j'en  suis  rayi^  Ah!  moot 
ober  ami ,  parler  k  xcton  oncle  pour  itM>u 

DonyAi:.^ 
Je  lui  parlerai*. 

IC   BAtAHCOtra.) 

Que  je  TOUS  aurai  d'obligations  i 

DOnTAI. 

Mais  ^  encore ,  il  faudra  bien  lui  dire  quelques 
raisons.  Comment  ayez-YOus  fait  pour  tous  ruiner 
en  si  peu  de  temps?  Il  n  j  a  que  quatre  ans  que 
Totre  père  est  mort  ;  il  tous  a  laissé  un  bien  consi* 
dérable ,  et  on  dit  que  tous  aTez  tout  dissipé  ? 


124     LE  gOURRU  BIENFAISfANT, 

Si  VOUS  sayie;p  tqus  les  malheurs  qqi  me  sont 
ArrÎTés  !  J'ai  vu  que  mes  affaire?  alloient  se  déran- 
ger, j'ai  Youlu  j  remédier,  et  le  remède  a  ^té  en- 
core pire  que  le  mal.  J'ai  écouté  des  projets;  j'ai 
entrepris  des  affaires  ;  j'ai  engagé  mon  bien ,  et  j'ai 
tout  perdu, 

DORVAt. 

Et  Yoiià  le  mal.  Des  projets  nouTeatiz!  ik  ea 
ont  ruiné  bien  d'autres. 

M.    DADAVCOUIU 

Et  moi  sans  retour. 

BOlITAlu 

Vous  avez  très  mal  fait ,  mon  eher  ami  ;  d*aii* 
tant  plus  q[«e  vous  avez  une  sœur. 

M.    DALAjrCOUR. 

Oui ,  et  il  fau^ïiTQit  p«ns«^  k  lui  donner  un  état» 

nonvAL* 

Chaque  Jou^r,  elle  embellit.  Madame  Dalancoixip 
voit  beaucoup  de  monde  chez  elle  ;  et  la  jeunesse , 
mon  cher  «^mi....  quelquefois,..»  tous  devez  m'en-^ 
tendre^ 

M*  p.AiiAiicoun.. 
C'est  pour  cela,   qu'en   attendant   que   j'aie 
trouvé  quelque  expédient ,  j'ai  formé  le  projet  de 
(a  mettire  dans  uu  couvent. 

i)OBVAL. 

lift  njettre  au  couvent  ;  cela,  est  bon  :  mais  en 
avez-vous  parlé  à  YOtrç  oucle  ? 


ACTE  I,  SCÈNE  XII.  iiaS 

•     •  •        . .  ' 

M.    DALAHCOUn. 

Non  ;  il  ne  veut  pas  m  écouter  :  mais  yona  Inf 
parlerez  pour  moi ,  vous  lai  parlerez  pour  Angé- 
lique; il  vous  estime,  il  tous  aime,  il  tous  écoute, 
it  a  de  la  confiance  en  tous,  il  ne  vous  refusera 
pas. 


DOBYAl. 


Je  n'en  sais  rien. 

M.  o  AL  A  ne  au  n,  vivemenK 
Ob  !  j'en  suis  sûr  ;  yojèz-le ,  je  you»  en  pnef 

tout  k  rheure. 

■  t 

DO  a  TA  t.. 
Je  le  Yeux  bien.  Mais  où  est41  maintenant  ? 

M..  DALAVCOUn'. 

Je  Yais  le  savoir.  Yojons ,  bolà ,  quel<ju*iinl 

SCÈNE  XIII. 

PICARD,  M.  0Aj;A«GOUa;  DOHVACi« 
Ptc!A.RD,  à  M.  Datancour, 

MOHSIEVB. 

M,  DALASCOUR,  à  Picard, 
Mon  oncle  est-il  sorti  ? 

PICABD.' 

Non  «monsieur;  il  est  descendu  dans  le  jardin 

M.    DALAir^COUB. 

Dans  le  jardin  1  à  l'heure  qu'il  est? 

lPIGABD« 

Gela  est  égal ,  monsieur  :  quand  il  a  de  Thu- 
meui^y  il  se  promine,  il  va  prendre  Tair. 


1 1. 


L_ 


i^e     LE  BOURRU  BIETÎFAISANT, 

dorVal,  à  M*  Dalàncourm 
Je  vais  le  joindre.   . 

M.  DÀLAVCouR,À  DorvaU 
Kon,  monsieur;  je  connbis  mon  oncle.:  il  faut 
lui  donner  le  temps  dé 'se' calmer,  il  faut  l'at- 
tendre. 

DORVAL. 

Mais ,  s'il  alloit  sortir,  s*il  ne  remontoit  pas  ? 
PICARD,  h  Dorval. 
'  Pardonnéz-moi,' monsieur,  il  ne  tardera  pas  & 
remonter.  Je  sais  comme  il  est  :  un  demi-quart 
d'heure  lui  suffit.  D'ailleurs ,  monsieur,  il  sera  bien 
aise  dé  vous  trouver  ici. 

M.  DiLLÀircovR,  vivement,, 
£n  i)ien  !  mon  cher  ami ,  passez  dans  son  appar- 
tement \  faites-moi  le  t)lai|ir  de  l'attendre, 

DORYAL. 

Je  lè  veuxl)ien.  JW  sens  conibïenyotrië  situation 
est  cruelle ,  il  faut  j  remédier  ;  je  l\ii  parlerai  pouiV 
vous  ;  mais  à  condition . ... 

M.   DALAvcouR,  vwemtnl. 

Je  TOUS  donne  ma  parole  d'honneur. 

DORYAL. 

Gela  suffit.  . 
[It  entre  dans  l*apparteméni  de  Ht,  tiérohte:) 


ACTE  I,  SCÈNE  XIV.  lay 

SCÈNE  XIV. 

PICARD,  M.  DALANCaÙK, 

H.  DAtAflCOUR. 

Tu  n  a  pas  dit  à  mon  oncle'  ce  qtic  je  t  avoiâ 
charge  de  lui  dire? 

PIGAKD. 

Pardonnez-moi;  monsieur,  je  lui  ai  dit;  mais 
il  m'a  renvojé  à  son  ordinaire. 

M.    nALAHCOVR. 

J'cfi  suis  fâché.  A'vertis-moî  des  bons  moments 
OÙ  je  |k>nrrai  lui  parle*;  un  jour  je  te  récompen- 
serai bien. 

piCAuBv 

Je  vous  suis  bien  obligé,' monsieur  ;  mais ,  Dieu 
merci ,  je  n'ai  besoin  de  rien, 

M.    DALAVCOUn- 

Ta  es  donc  riche  ? 

pigaud. 
Je  ne  suis  pas  riche  j  mais  j'ai  un  maître  qui  ne 
me  laisse  manquer  de  rien.  J'ai  une  femme ,  j  ai 
quatre  enfants 3  iedevrois  être  d^s  l'embarras; 
mais  mon  maître  est  si  bon  :  je  les  nourri?  s^ns 
peine ,  et  on  ne  connoît  pas  chez  moi  la  misère. 

(ïtsorU) 


i 


laS     LE  BOURRU  BIENFA-ISAIClC 

S€ÈNE  XYi' 

H.  DALANGOUR»  soiL 

Ah  !  le  digne  hoi|une  que  mon  oncle  !  Si  Dorral 
gagnoit  quelque  chose  sur  son  esprit  !  Si  je  pou- 
vois  me  flatter  d  un  secours  proportionné  à  mon; 
besoin  ! ....  Si  je  pouvois  cacher  à  ma  femme  ! . . . . 
Ah!  pourquoi  l'ai- je- trompée  ?  Pourquoi  me  ^uis- 
je  trompé  moi-même  ?  Mon  oncle  ne  xeyient  pas.! 
Tous  les  moment?  sont  précieux  pour  moi  ;  allons, 
en  attendant ,  chez  mon  procureur. . . .  Que  jy .vais 
ayec  peine  !  H  me  flatte ,  il  est  vrai ,  que  »  malg^ 
la  sentence,  il  trouvera  le  moyen  de  gagner  du 
temp^  :  mais  la  chicane  est  odieuse;  1  esprit  soufl&e^ 
€t  l'honnenr  est  cpniLpromis.  Malheur  à  ceux  qui 
ont  besoin  de  tous  ces  honteux  détours  \  >    , 

(li  veut  s'en  aller.) 

SCÈNE  XVL 

M.  DALANGOUR,  MADAME  DALANGÔUR, 

w.  D  ALAN  corn,  apercevant  ta  femMB,, 
Voici  ma  femme. 

0 

MADAME    DÂLAVCOUll. 

Ah ,  ah  !  vous  voilà ,  mon  ami  ?  Je  vous  cher- 
chois  partout. 

M.    DALASCÔUR# 

J'allois  sortir...'. 


ACTE  l,  SCÈNE  XVI«     ^      x^ 

U  A  O  À  KE   D.A  L  A  KG  O  U  H. 

Je  Tiens  de  cencoatc^r  oe  bourru.. m  ilgrondoity 
il  grondoiti 

Estvce  de  mon  oncle  que  vous  parles? 

MADAME  DALAHCOUA.. 

Oui.  J'ai  yu  un  cajon  de  soleil  ;  j^al  été  me  pro# 
mener  dans  le  jardki,  et  je  Tai  rencontré  :  il  pes- 
toit,  il  parloit  tout  seul  et  tout  haut;,  mais  tout 
haut. ..«.  Dites-moi  une  chose....  n  j  a-t-tl  pas  chez. 
Lui  quelque  domestique  de  marié  ? 

U^  QACiAaco^ua.. 

Oui. 

MApAM]^nALA»C01Tft. 

Assurément,  il  faut  que  cela  soit  :  iidisoit  do 
mal  du  mari  et  delà  feînme;  mais  du  mal!..«  ie 
▼ous  en  réponds. 

H«  i>.A|.AHC0iin,  à  p^ri, 

Jo  me  doute  bien  de  qui  il  parloit. 

MADAME  DAZ.AHCOVB. 

C*est  un  homme  bien  insupportabhï- 

M.    DALAVOOnV^a* 

Cependant  il  iaudroit  avoir  quelques  égardii 
pour  lui. 

MADAME  DAl'AVCOVR. 

Peut-il  se  plaindre  de  moi  ?  Lui  ai-je  manqué 
en  rien?  Je  respecte  son  âge,  sa  qualité  d  o«cle.  Si 
je  me  moque  de  lui  quelquefois.,  c'est  entre  vou» 
et  moi  ;  vous  me  le  pardonne?  bien.  Au  reste ,  j'ai 
tons  les  égards  possibles  pour  lui  ;  puais  dites-^moi 


iSô     LE  BOURRU  BIENFAISANT. 

f  incèrement  ,*  en  a-t-il  pour  vonâ  ?  en  ar-t-il  pour 
pioi'?  il  nous  traite  très-durement,  il  nous  hait 
sou yerainement ;  moi ,  surtout,  il  me  méprise  on 
pe  peut  pas  davàiitage,  Faut-il ,  malgré  tout  cela , 
le  flatter,  aller  lui  faire  nôtre  cour? 

M.  nALABCOun,  avec  un  air  embarrassé. 
Mais..*,  quand  nous  lui  ferions  notre  cour....  il 
est  notre,  oncle;  d'ailleurs,  nous  pourrions  ei\ 
(lyûir  besoin. 

MADAME  DALAKCOUn, 

Besoin  de  lui  1  Nous  ?  Comment  ?  N'avons-noua 
pas  assez  de  bien  pour  vivre  honnêtement  ?  Vous 
êtes  rangé;  je  suis  raisonnable;  je  ue  vous  de- 
mande rien  de  plus  que.  ce  que  vous  ave»  fait  pour 
moi  jusqu'à  prçsent.  Continuons  avec  la  même 
modération ,  et  nous  n  aurons  besoin  de  pe^onne. 

M.  D  A I.  A  V  C  o  u  R ,'  d'ùii  olr  passionné. 
Continuons  avec  H  même  modération. . ,  « 

MADAME   DALANCOUB. 

Mais  oui  ;  je  n*ai  |{oint  de  vanité ,  je  ne  youa 
demande  pas  davantage, 

M.  uALAVconR,  à  partm 
Malheureux  que  je  suis  ! 

MADAME    DALAHCOVft.! 

Mais  vous  me  paroisse?  iiidfniet ,  rêveur  ;  voni 
avez  quelque  chose. . . ..  vous  n'ête^  Jàs  tr'attqtoille. 

'     M.    DALAWCoÛRi 

Vous  vous  trompez,  je  n'ai  rien. 


ÀCÏE  1,  SCÈÎVJS  XVl.  t3i 

MADAMEDAl^ANCOUll. 

Pardonnez -moi,  'je  vous  connois,  mon  cher 
àmi  :  si  quelque  chose  vous  fait  de  la  peine,. tou* 
driez-vous  me  le  cacher  ? 

Mi   DALAHCOUA,  toujoun  eméotrassém 
C'est  ma  ^œur  qui  m'occupe ,  yoilà  tout. 

MADAME    OAtAHCOrE* 

Votre  sœur?  Pourquoi  donc?  C'est  la  ineilleute 
enfant  du  monde  ^  je  l'aime  die  tout  mon  cœui:* 
Tene*,  mon  ami,  si  vous  rouliez  m'en  croire^ 
vous  pourriez  vous  débarrasser  de  ce  soin ,  et  la 
rendre  heureuse  en  même  temps'. 

V.    PAI.AHCOUIL. 

Comment  ? 

MADAME   DALAITCOVII; 

Vous  voulez  la  mettre  dans  un  couvent;  et  je 
sais,  de  bonne  part ,  qu'elle  en  seroit  très  fichée J 
M.   J) ALAVCOt IL,  un  peu  fiichéi 
A  son  âge ,  doit-elle  avoir  des  volontés  ? 

MADAME   DALABrCOUn* 

Non,  elle  est  assez  sage  pou^  se  soumettre  k 
ctlle  de  ses  parents.  Mais  pourquoi  ne  la  .lûiar^ez- 
YOttspas? 

M.    DALANCOUR.  i 

l^e  est  encore  trop  jeune. 

,u  MADAME  DALAIfCppa^ 

Bon!  étois-je  pluï  âgée,  quand  Ài>m  nom 
•ommes  mariés  7 


ii^%     LE  âOURRU  BIENFAISANT. 

If..  DAL^BGOUBy  vivemenU 
Eh  bien  !  irai- je  de  porte  en  porte  lut  chercher 
un  mtri  ? 

MADAME  BAtAHCOVft. 

Écoutez ,  écoutez-moi ,  mon  cher  ami  ;  ne  vous 
ii^chez  pas ,  je  tous  en  prie.  Je  «rois  »  si  je  ne  me 
trompe ,  m'être  aperçue  que  YaHre  l'aime ,  et  qu'il 
en  est  aimé. 

M.    DAIiAlICOUB)  1^  /Kirt. 

Dieu  I  que  je  souj&e  I 

MADAME    DALAMCOVar 

Vous  le  connoissez  :  y  auroit-il  pour  Angélique 
un  parti  mieux  assorti  que  celui-là  ? 

M.  DALANCOun,  toujours  embarrauém 
Nous  verrons  ;  nous  en  parlerons» 

MADAME   DALAETCOUE. 

Faites-moi  ce  plaisir,  je  vous  le  denianile  en 
grâce  ;  permettez-moi  de  me  mêler  de  cette  alTairc  \ 
toute  mon  ambition  seioit  d'jr  réussir. 

M.  DALARCOua,  irès  embarrattém 

Madame. ... 

MADAME  DALAlircOUa. 

£h  bien  ? 

M.    DALAVCOCB. 

Cela  ne  se  peut  pas* 

MADAME   DALAirCdUa. 

ffon  ?  pourquoi  ? 

H.  DALAETCouB,  toUfours  embortAssé. 
Mon  oncle  y  consentiroit-il?  4 


ACtÊ  ï,  SCÈNE  XVÎ.  i3l 

MADAME  DALAnCOUn. 

A  la  bonne  heure.  Je  veux  bïen  qu'on  lui  rende 
tout  ce  quricd  est  dû;  Aiaû  tons  été»  1^ frère.  La 
dot  est  entre  yos  mains  ;  le  plus  où  le  moins  ne 
dépend  que  de  vous.  Permettez-moi  de  m^assurec 
de  leurs  inclinations ,  «t  que  j'arrange  k  peu  près 
l'article  de  l'intérêt,  v. . 

M.,  DALAvcov^,  vivement, 

Bfon  ;  gardez-yous-en  bien ,  s'il  tous  plait. 

MADAME  DALAirCODIl. 

Est-ce  que  vous  ne  voudriez  point  marier  votit 
wearl 


U   DAlAHCOVa. 


Au  contraire. 

MADAME  DALAHCOUR» 

Est-ce  que. .. . 

M.    DALAMCOUll. 

Il  itnt  que  je  sorte;  nous  parlerons  de  cela  à 
mon  retour.  (Il  veut  s'en  altéré) 

MADAM.E  D,ALAHG017a. 

Trouyez-yous  mauvais  que  je  m'en  m41e  ?  ' 
M.  DALABr<;ouR,  en  s'en  aliant^ 

•   -  •     * 

Point  du  tout. 

MADAME  DALAHCOUR. 

Écoutez  ;  seroît-ce  pour  la  dbt  ? 

Mk   DALASCOUR. 

Je  n'en  sais  riien. 

(Il  sort.} 


HMtn.  ComièU;  i3«  la 


iZi     LÉ  50URKU  BIENi?AÎ3*»T, 

SCÈNE  XVÏL 
Madame  dalangouk,  teu^e^ 

Qu'e8t-<!E  que  cela  signifie?  Je  n'y  entends  rien.- 
Se  pourroit-il  que  mon  mari..^.  Non,  il  est  trop 
sage ,  pour  ayoir  rien  à  se  reprocber.^ 

SCÈNE  XVIII. 

MADAME  PALAJ^COiU^»,  ANGELIQUE. 

AHaétjQirc,  sans  voir  Madame  DAlûncour., 

i' 

S I  je  pouyois  jparler  à  Marth(m . . .  w 

MADAME  l»ALA9FCOUR4 

Ma  sœur. 

AKaiLtqvÈ,  d'un,  ait  fiiçhé. 
Madame.: 

MADAME  tAïkvcoim,  avtc  amUU,e  " 
Oiyt  allez-yous,  ma  sœur? 

ANGÉLIQUE}  d*an  ait  fHchéi 
Je  m'en  allais ,  madaiAe.. 

MADAME  ÛALASCOtTRét 

Ah,  afai  yoùsêtes  donc  fâchée? 

■.;/.'<•         '  ■ 

ANa£LIQ¥E.: 

Je  dois  1  être. 

MADAME  DALAirCOttR» 

«  -  I  V  l  J       "  -  t 

Ëtes^yQUS  fàehée  contre  moi  ? 

AII&ÉLIQUB»' 

MaiKs,  ma<ïame.... 


>   K*    «  •  C  * 


ACTE  I,  SCÈNE  XVlïf,  i35 

MADAME  JiAjéASCàiJtL* 

Écoatex ,  mon  enfaot.  Si  c'est  le  projet  ^n  coo^. 
%eiit  qui  TQuà  fâche,  ne  crojret  pas  que  ]j  aie 
part  ;  au  contraire^  Je  vous  aime ,'  et  je  ferai  tout 
ce  que  je  pourrai  pour  vous  rendre  heureuse. 
AxrcÉLiQUB,  A  pfwi,  en  pleutantl 

Qu'elle  est  fausse  ! 

MADAME   SALAÎICOUH. 

Qu'ayes-yous  ?  vous  pleurez ,  je  croi^ 

Air'aiL'iQirx,  h  part. 
lElle  ma  bien  trompée.  (EUe  t'efsffie  tes  jfecu^J 

MADAME  QALANCOPn- 

Quel  est  le  sujet  de  votre  chagtin  ? 
AvaÉLiQUE,  avec  dépit* 
Hélas  l  ce  sont  les  dérangé!mèiita  de  mon  lrére« 
MADAME  DAiiA^cotin,  aveç  éhnnefnenh 
Les  dérangements  de  votre  frère  ? 

AVdtLUfVÉ', 

Oui  ;  persoilde  ne  U  sait  mieùs  qne  votia.. 

IÉAd'ÂME   DAIiAVCOUB. 

Que:dftea-voTis  Vh?\  Etplîqtiét-vqtis ,  à'iî  yf^ia 
plaît. 

A1I6iL|QVB« 

Cela  eKt  fnutite. 


SCÈNE  XIX. 

H.  GÉRONXE,  IIIADAM]^  PALXNCOUR^ 
ANGÉLIQUE;  PICAHD,  for|an«  dt(  tla^ 
partement  de  M*  Qéronte^. 

Ift.  oIbovts^ 

PlCA^B  !. 

94GAAI>*. 

Monsieur^ 

M.  GÉHONTEyà  Picard j  vlv€mei!tti> 
Eh  bien  I  Dorval  ?  t 

PICABO. 

MonsieHr  ^  il  est  dsLu».  votre  chgpbT^  v  il.  tqu». 
attend,. 

M.  a  tuas  T£^ 
Il  est  dans  ma  chambre ,  et  tu  ne  mj^  le  dia  pas  î 

Monsieur ,  je  n*^ai  pas  eu  le  temps^ 
M.  oé  a  oq  T  S ,  apercevant  AngéUff^e  èLinad^dime  Da- 

lancour-,,  parle  à  An^Uf^ue ,  mais  ea  ^  tournant 

de  temps  «n.  ()Siii|M  «eri  madame  Daiancçur^  pour 

quelle  en  a^  sa  part. 

Que  faites-yous  ici?  C'est  nM>n  salon.  Je  ne  veui^ 
pas  de  femmes  ici  ;  ye  ne  yeux  paaide  yotve  funiUe;. 
allez-YOUft-en.. 

AKO]^.LIQ9E. 

Mon  oher  onclte. . . 

M.  GéaosiTE.. 
AllezrYouB-en ,  vous  dis-jc. 

(Angélique  s'en  va  mcrtifiée^) 


ACTE  I,  S€ÈKE  XX.       ;     i^y 

âCÊNE  XX.        ' 

PICARD/ MADAME  DALÀHCOUR, 
M.  GËROKTE. 

«AS AME  JiAiAV<iovti,àM,Gir6nte. 

SovsifeTTii,  je  TOUS  demande  pàtdon. 
JL  cénoviZfie  tournant  du  c6té ' par' bà  Angélique 

est  sortie;  mais,  de  temps  en  temps j  se  tournant 

vers  madame  Datancour^. 

Gela  est  singalier!  Cette  impertinente!  elle  vent 
Tenir  me  gêner.  Il  y  a  un  autre  escalier  ponr  sortir. 
7e  condamnerai  cette  porte^ 

MADAME    DAI.AVCOUB. 

Ne  TOUS  fâches^^  pas ,  monsieur.  Ponr  moi ,  je 
vous  assure. . . 
M.  ftéaoïfTE  voudrait  alter  dans  sei^ appartement, 

mais  il  ne  voudrait  pas  passer  devant  madame  Da- 

àancour.  Il  dit  ^  Picard  : 

Dorval ,  dis-tu ,  est  dans  ma  chambre  ? 

PlCAltD. 

Oui ,  monsieur  .1 
MADAME  DALAHCOURy  s'apercevont  de  la  contrainte 
de  M,  Gérante,  se  recule. 
Passez,  passez,  monsieur;  je  ne  tous  gêne  pas. 
M.  GiaONTE,  à  madame  Dalancoar ,  en  passant ,  et 

la  saluant  à  peine» 
SerTÎteur.  Je  condamnerai  cette  porte. 

(Il  entre  chez  lui;  Picard  le  suit.) 


la. 


i38;     ILE  BOURRU, BIENFAISANT., 

SCÈNE  XXI. 

MADAME  BALANCOUR;  feule. 

Quel  caractère  I  maii  ce  nei\  pas  cela  qui  m'in- 
quiète le  plw,  c'est  le  i^oble  dç  mon  mari ,  ce 
sont  les  propos  d'Angéliqae.  Je^ doute,  je  er^iiBS  , 
je  youdrpis  .poopioltre  la  vérité ,  et  je  tremble  jd« 
l'approloudiv* 


jrilt.  D^,?]lEMIEIt   ACi;!. 


.«Il       '    «. 


f 


ACTE  SECOND. 


SCÈKE  I. 

DO R VAL',  M-.GÉRONTÊ. 
Allpss' jouer  ^  et  ne  m  en  parles^plns. 

DOBY.AI,,, 

Mais  il  s*agit  d'nn  neveu.  j 

M.  GÉBoiTTE,  viveiMnU 
D'un  sot ,  d'un  imbécile ,  qui  est  l-eselaTe  de  sa 
fiemme ,  et  la  victime  cie  sa  yanité. 

De  la  douceui*,  mon  cher  ami ,  de  la  (louceur. 

•   '  w.  oéaoHTB. 

£t  vous ,  avec  votre  flegme ,  vous  me  fêtiez  en-< 
rager. 

nOBVAL. 

Je  parle  pour  le  bien. 

M.  GÉROirW.'        ; 

Prenez  une  chaise.  (li  i'ûsiieit.) 
BoavAL,  d'un  ton  compàtUiant',  pendant  (fU^ii  ap- 

proche  de  ta  chaise. 
Le  pauvre  garçon  ! 

Tojrons  ce  coup  d'hier^  ' 


»4o     L£  BOURRU  BIBNFÂISÀNX. 
DO  AVAL ,  toujours  du  même  ion* 
Vous  le  perdrez.    ,  .  , 

Point  dtt  tout;  yojons. 

Vous  le  perdrez ,  vous  dîs-je. 

Je  »ui8  sûr  que  Apn,,  ,^ 

BonyAL. 
Si  TOUS  ne'lè  ^ecou^éz  pas ,  vous  lé  peiures* 

M.  olnoïTi. 
Qui? 

DOAVAB. 

r.  .Vbtw.neveii.: ..'  r.i.  . 

M.  G^soNTE,  vwementj  :'■ 
£h!  je  parle  du  jeu ,  moi.  Asseyez-vous^ 

)>:      .  -6 onT Ah f s' asseyunU 
Oui ,  je  veux  bien  jouer  ;  mais  écoutez-moi  aiH 
paravant.'  .■..       ....,•  ■  .    >  ■ 

M.    GÉnOVTE. 

Me  parlerez-vous  encore  de  Dalancour  ? 

non  VAL.'       ' 
Cela  se  pourroit.bien4 

M.   GéR0.STX,   .    ■ 

Je  ne  vous  écou,te  pas.  .       ..  ,  ^ 

naavAL.     . 
Vous  haissez-donc  Dalancour?  .  • 

Point  du  tout  ;  je  ne  hais  personne* 


'  ACTE  II,  SCiKBl.  i/Si 

Mais  si  ron»  ne  Toaléz  pas.  .jp  w. 
Finissot;  Joue»-;  jouons,  ou  j^mleu-TaM* 

DQ&YâL.. 

Encotenninpt,  et  jefinisA      .,  .   • 
Quelle  patience!. 

OOBYAL.. 

Vous  avex  du^bien: 

Oui  ^  grâce  a»,  ciel. 

ooayAsi, 

Plus  ^'il.  ne  ^oas  en  faut. 

Oui  ;  au  ftervice  de  mes  amis* 

Bo^ayAi..  ' 
Et  vous  ne  voulez  rien  donner  î^YOtt^  ùertnj 

?as  une  obole». 

souyal.. 
Par  consé)[}uent. . . 

Par  conséquent  ? . . . 

\ous  le  haïsses^ 

M.  oénovT»,  piitsmvement 

Par  oonséquent  vous  ne  savez  ce  que  YOUfc dîtes: 
îe  haU ,  je  déteste  sa  fiiçon  de  penser ,  sai  njauvaise 
conduite  i  lui  donner  de  l'argeitit  i^e  serviioit  jn'à 


i4^     LE  90UREU  BIEJVTÂXSANT. 

eatretenir  ta  vanité^  «ar  prodigalité ,  ses  ialiea^ 
-Qu'il  change  de  s^«tème ,  }h  efaaiig«tat  aiissi  viÀ-à* 
vis  de  lui.  Je  yeux  tfuet  le  repeffûr  mérite  le  bien- 
fait, et  jéti»  3iretix\fta  ^oe  le  Wetti«tt  «upèchè  I« 
xepentir. 

9  0  A  Y  A  L ,  aprég  un  mèiHeht  ifir  silëàèe',  '  jfifhûU  conf 
vaincu^  efjâH  ftiriéoiiÊement: 
Jouons,  joi^ns. 

,Jo^ons« 

POItVai^,  en' ja liant, 
J'jBa  suis  fâché. 

M.  G  É  a  ô  Vt  e',  en  jouanL 
Échee  au  roi., 

ooayAL,  en  j<mai:iU 
Et  cette  pauvre  fille? 

...  M.  ^énoHTX^ 

Qui?' 

QOAYAL. 

Angélique* 

M.  GiHONTJB. 

Ah!  pour  celle-là ,  c'est  antro  chose.  Parlez^noi 
de  cela.  (  Il  iaUse  le  jeu.  ) 

DO^YAL. 

Elle  doit  bien  souffrir  aussi. 

jy  al  peméy  j  j  ai  pourYu;  je  ta  marnrai. 

00%  Y  AL.  (^ 

'    HJÈÔt  iikiènx^  Elle  le  mérite  bien.. 


I 

Voilà,  par  exemple ,  une  petite  petioàne  ac^ 
tompiie ,  n  est-ce  pas-?         >  . 

Oni» 

Ui  GÉROHTE.  , 

Heoreul  celtii  qj;^  X^xff9i\  {Il  tévt  un  instant,  et 
se  lève  enappe^i^i^  poxvdl  \ 

s  O  UVAL. 

.  ».  I  ^    îi 
Mon  aii^« 

H.  oénoïiTC.  f 

(Ecoutez. 

s  o  H  y  A  L ,  ^e  levanti, 

(Bfabien? 

il.   oéROUTEé 

Vous  êtes  mon  ami. 

DOATAZm 

Oh!  sûrement. 

K.  cinoÀTÉ. 
Bi  vous  la  voulez,  je  Vbiis  14  dbline. 

noRTAt^ 
Quoi? 

M.  OlÈBOiTTKi. 

Oui ,  ilia  nièce. 

B011TA£« 

Gomment  ? 

Mi  àtvLOVTTf  ifiuément. 

Cornivuen^î  çonment!  ÂXe^^yno^êMot^^  ?,«^  |tt'«i- 
tendeft-Yous  pas?  Je  parle  iâUisefnont..O.^>.«ii  ▼/O^ 
la  Toulez,  je  tous  la  donne. 


j 


9iS     LE  BOURRU  BIENFAISANT. 
Ah! ah! 

Et,  SI  TOUS  réponses ,  outre  sa  dot ,  je  hn  «Ïob- 
nerai  cent  mille  livres  du  mien.  Hem  !  qu'en  dlteft* 

TOUS? 

.BOBTAL. 

9fon  cher  ami,  yous  me  faites  honneur. 

M.  aiaovvE.  ^ 

Je  TOUS  connois;  je  ne  ierois  que  le  bonhcuir  de 
ma  nièce, 

DonvAfc* 
Mais. . . 

Quoi  ? 

Son  frère  ! . . . 

Son  frère!  Son  frère  .n'est  rient  •••  C'est  moi  qtti 
en  dois  disposer  ;  la  loi ,  le  testament  de  nxoa 
frère....  J'en  suis  le  mahre.  Allons,  décidez^voua 
aur-le-champ.. 

BORTAL. 

Mon  ami,  ce  que  voi^s  me, proposez  là  n«at  pas 
une  chose  à  précipiter;  vous  êtes  trop  yif« 

M.    O.]&a0HTE. 

Je  n*j  vois  point  de  difficultés;  si  vous  l'aimez , 
si  vous  l'eitimez,  ti  eUe  tous  convient,  tout  «st 
dit.  < 


4GTE  II,  6Q%M%lf^  t45 

..fiOUYA».!   ' 


•  •« 


I    I 


DORYAt. 

Comptea-Yons  pour  rien  la  dlijn>opOf tion"  ^ 
Mise  ans  à-qiianmt»-<^aq?  .    '        ; 

M.  >9£kostb.       "• 
Point  ^n  tont(  t4>iis  étsB  «acom  fcane ,  et  js 
conçois  Angélirque  ;  ce  n'est  pas  une  tâte  éYeutsW^ 

BoaVAi.; 
D'aiUenn,  «lie  poucsoît  afvir  «pni^M  indintp 

tjûU,  /. 

K..  GÉaOUTX. 

Elle  n  en  a  point. 

DOaYAli, 

£9  étes-Yoas  '^ien  aûv  ? 

M.  aiaovTZ. 
Très  sûr.  AUops ,  concluons.  Je  Yais  chez  mou 
notaire;  je  ^}»  dresser  le  contrat;  elfe  e^t  à  yous« 

PO  ^  TA  t. 
Doucement,  mon  ami ,  doucement. 
M.  atnovTZtVivefnent'- 
Eh  bien!  quoi?Y0u1ec-'YOus  encore  me  fatiguev, 
me  chagriner,  m  eonujer  ayec  yo^re  lenteur,  YOtrp 
•ang-^id?  .  

Vous  Ypndriei^  donc? t  «  ^ 


i46     LS  B9UE»U«IBKrAl>8A{ri:. 

Oâf ,  Tou  donnée  nae  jolie  fiUe ,  Mger,  hoa^ 
néte ,  rertaenie ,  »reo  eent  atUe  écus  de  dot ,  et 
cent  mille  liyre»  4iÊ'ffé»étit  de  iiooe.)  ceto  9oiu  £tk- 
che-t-il? 

C'est  beaucoup  plus  qwk  ja  aflimévite* 

Votve  ai^daMie^  daiif  ee  novient-ci^  >nie  ievoit 
dcianer  a«  diable^ 

fit  TOM  flriiiiT.  iM.  YjMit  4e  yeofe»^. 

M.   GiaOSTS. 
J>0aTAL.     .. 

Ebblee!  j]7C099e]ift, 
Vrai?  -, 

PPATAL. 

Quoi? 

ooavAL. 

Qu  Au^litjne  j  opnseutifa, 

M.    GÉBORTE^ 

Vous  n'ayez  pas  d'autres  difficultéa? 
Que  celle-là. 


Tint  mîeoK ,  li  cela  M  ¥érifiiB« 

m.    OÉBOHTS. 

9Ar,  très  sûr.  Emib^aàsèîMlioî,  mon  cher  neyeu* 
Sn^>f«Bfloa»-o«u«d<H»c,  aaoa  cher  onde.- 

SCÈÎfE  II 

H.  DALimCOUR,  M.GÉ110NTE,  IKniTAL. 

(Mi  IMkncMf  eùtrê  ^W  là  j^fttf  oti  roâaj  u  ttiR  son- 
aade,  il'écoate  en  passetkt  fl  se  seaT«che»lmvmiii 
ii  reste  khla^poKe  fomr  éo&j^mJ) 

M.    O-énONTE. 

C'est  Ib  jbttr  Îb  phis  heunetul  de  ma  t48«- 

Qne  vous  êtes  adorable,  mon  cher  aBÛl 

M.  a£ax)v<^TE. 
Je  vais  cfae^-  mon  notaju^  *,,  tout  ierA-pjcét  ||0«v 
aujburd'huii  (ltapp*iie^)  Pioard! 

SCÈNE  iir. 

M.  nAI;;àN€OUR,  SI.  GËROIfXErDOUyAL^ 

BIGARI>i 

IK.  aâaoK«s»dPM«Mf: 
KacaBae,  «on  ehapem.- 

(9icardtpt4,y 


«4S     LE  BOUaftU.  BIEItËAlSA.ITT^ 

*   SCÈNE  IV. 

Dt>RtAL,  M.  GÉKOirFE;  M    1DALAN0OUR, 

à  sa  périei 

D  O  B  Y  A  II» 

J*xXAi,  en  attendant,  chez  moi. 

■^SCÈNEV. 

ibORYAL ,  M.  â£RO]!fr£  ,  M.  DALANCOUR  y 

PICARD. 

(  t\cmà  donae.  ^  son  nattce  sa  canne  et  son  chapeau  ,  et 

jréntre.) 

SCÈNE  Yî. 

iTORt  At ,  M.  GÉRONTE  j  M.  DALANCOUR  , 

À  sa  porte» 

ik:  GÉlvoHT** 
Nos ,  nOtt  ;  vous  n'avez  qu'à  m'attendrez  Je  vai» 
devenir  ;  Vous  diherez  avec  moi. 

^  DORVAL. 

J'ai  k  écrire'*  Il  fafit  âue  je  fasse  venir  mon 
komme  d'affaires  qui  est  à!  une  iîcue  de  Paris. 

'  di..   GtaOlTTE. 

Àlleï  dans  ma  chambre;  écrivez;  envo^pex  la 

lettre  par  PiOard/  Otui,  Picard  ira  lui-même  la 

porter;  e'est  un  bon  garçon,  sage,  fidèle;  ft  le 
gronde  qUe^j^tfifois ,  mais  }e  lui  jv^eux  du  bieui 


ACTE  II,  SGÊKë  TL  149 

Allons,  j'écrirai  là-dedms,  pui^oe  yoas  k 
Tonlez  absolnment. 

tout  est  dit^ 

DOayAL. 
Oui\  comme  nous  sommes  convenus. 

M.  Gi&o B TE,  en  /ui  prenant  ta  main^ 
Parole  d'honneur  ? 

non  VAL,  en  donnant  la  main^ 
Parole  d'honneur. 

Hi  GÉBOHTE,  fln\s'eii  aiiaMi^ 
Mon  cher  neveu  ! . . .  (1/  sort.  ) 
(Jtf«  Daianeeur,  au  dernier  mot,  manque  de  la  \oie!^) 

SCÈNE   VIL 

M.  DAXANGOUR,  DORVAL. 

Es  vérité^  tout. ce  qui  m'arrive  me  paroit  un 
ftongCi  Me  marier ^ moi  qui  u'j  ai  jamais  pensé! 
X.  SALAHCOVR)  avec  la  plus  grande  joie. 

Ah  !  mon  cher  ami ,  je  ne  sais  comment  Voua 
marquer  ma  reconnoissauce» 

DOÀVAL. 

De  quoi? 

M.  DAlAHCOtJB.  • 

N'ai-je  pas  entendu  ce 'qu'a^'dh  mdto-t>ncle?{l 
m'aime ,  il  me  plaint  4  il  va  che2  son  notaire  ;  il 
Yooa  a  donné  fa  parole  d9iO]Màeiir«  je  voislnj^^ca 

idii 


i5o     LE  BOURRU  BIE3ÏFAISANT: 

que  yous^  ayez  fait  poarmoi.  Je  suis  l'homme  da 
monde  le  phift  heoiwttw 

OORTAL. 

Ne  vous  flattes  pas  tatit ,  mon  cher  àmi.  Il  n'y 
k  pas  le  mot  de  yrai ,  de  tout  ce  ^ne  vots  imagi- 
nez là. 

M.    DAlAHCOVB. 

Gomment  donc  ?    ' 


"^  soayAL. 


J'espère  Bien ,  avec  le  temps ,  pouvoir  vous  être 
utile  auprès  de  lui; et,  désormais,  j'aurai  même 
un  titre  pour  m'intéresser  davantage  en  votre  fa- 
veur :  mais ,  jus^'à présent. •.m 

M.  DALAHcoun,  vivement. 

Sur  quoi  A-t-il  donc  donné  sa  paroler  d'hon- 
neur? 

OOHVAL. 

Je  vais  vous  le  dire...  €'est  qu'il  m'a  &it  l'hon* 
iKfur  de  me  proposer  votre  somt  en  mariage*. «,. 

«,  DAiAi^covff,  tfveb/ole. 
Ma  soeur!  Vac6epte2-vous ? 

DoavAi.., 
Si  vous  en  êtes  content. 

M.    DALAHCDUB. 

J'en  suis  ravi  ;  j'en  suis  enchanté.  Poar  la  dot  ,> 
rotL$  eave z  mon  état  actuel. 

DO&TA».  « 

-   2fouspai^ltroM4Ue«Ift« . 


.ACTE  ir,  acÈBîË  vni:      fSi 

If  on  ^h^t  frère ,  qné  je  vous  embrftSM  de  tout 
non  eœiir  ! 

Je  me  flatte  qae  Tatte  oncle,  dam  cette  occe« 
sion<-4»  > 

M.    DALAHCOUBé  r 

Voilà  nn  lien  qui  fera  mon  bonheur.  J'en  àrois 
le  plus  graad  besoin*  J'ai  été  «lm.iaoQ  procureur, 
}e  ue  Tai  pas  trouvé. 

SCÈNE  yiii. 

MADAME    DALA^COtK' ,  ».    tiAt£EreOt7R  , 

BORTAL. 

M.  DALAVCOUE,  aperc^sfUiit^tt  femttH» 
Au!  madame  DaiauçQUf^..* 
MADAiis  DALAHcoun,  à  M.  Doi^iuiifur» 
Je  Yous  att^ndois  «yec  impatience.  J*ai  entendu 
votre  voix. ... 

M-  DAtAveomi. 
Ha  ienitae,  voilà  M.  Dorval  qvte.  je  vout  pré- 
sente ,  en  qualité  de  aaoa  frère ,  d^époum  d'AngéL 
lique. 

MADAME  DAftAVCovay  a¥ec  joU. 
<hM7 

non  VAL,  à  maéAmé  Bàl^&ùài^i  - 
Je  «erai  bien  â«llé,«ad4ifte/si  mon  bonheur 
peut  méritet  votre  approbati^*    - 


i 


i5a     LË.BOVRRt.  BIEWFAISANl^i 

&f  A&AMç  vAiAUceviky  à  DorvaL 
^   Mdnùè^r,  i«acfiui»  «ochaatéec  Jfe  volis  en  féli- 
cite de  tout  mon  cœur.  (A  part.)  Qu'est^e  q^u'on 
liie  disait  donc  du  dérflLQgeaneiit  de  mon  mari  ? 
.  .  n*  DALAircouii,  à  Dontaii, 

Ma  sœur  le  sait-elle  ? 

SORTAL,  xf.Mi  Datancour, 
Jette  le  crois  ipas.     « 

'     ^   lIlABAÏtfE    DÀl;A^eOUB,  k  ffÛtU 

Ce  n*est  donc  pas  Dalanconr  qui  fait  ee-  m»- 
riàge-là? 

•Ml    DAl»ÂirC0i7Si 

VouleirYpus  que  je  La  fasse  Tenir? 

901|yA&, 

Non;  il  faudroit  U  préyenir  :  il  pourroit  j  arOis 
encore  une  diffîi;ulté. 

Mi  -D'AlAircobiii 
Quelle?         ' 

b^dkvAir  >■ 
Celle  de  son  àjgrément.  * 

M.  HAHASCOvAi 

ITe  craignez  irien  ;  je  kionnois-  Atigéliqtie  :  d'ail^ 
leurs,  votre  état,  Yotre  méricew;;  LaisseaL>^moi 
faire  ;  je  parlerai  à  ma  sœur. 

BO&VAI.. 

Non ,  cher  ami ,  je  vous  en  prie  ;  ne  gÀton»  tbtn  \ 
Laissons  ûdre  M.  Géronte.    .  \ 

A  la  bonne  hetir^..  . 


ICÎE  II,  SCÊNÊ  Vifï.  t&a- 

J«  B'eiitflikda  rien  à  tùut  cela^ 


DOUTAI.. 


Jfe  |>asse  dans  rapjtartçment  de  votre  oncltf 
pour  y  écrire  ;  mon  ami  me  Ta  permis  :  il  m'a  or- 
donné même  de  l'attendre.  Sans  adieu.  Nous  nou»^ 
reverrons  tantôt* 

(If  entrd  éani  V  appartement  de  Hit  Oéronte^) 

SCÈNE  IX/ 

M.  BALANCOUR  ,  MADAME  ÎTALANCOUR. 

MADAMt   ÙAlInCOUB. 

A  ce  que  je  vois  y  cte  n'esjt  pas  vous  qui  marie3i> 
YOtre  soeur. 

M.  a At hlf c 0 ii3 n,  emùarrassé. 
C'est  mon  oncle. 

MADAME    DAI.ABC017R. 

Votre  oncle!  Vous  en  a^t-il parlé?  Vous  a-t-il 
demandé  votrç  consentement  ? 

M.   DALA5COUR,  tfn  pcu  vivemcnt 
Mon  consentement  7  n'avez -vous  pas  vu  Dor-  . 
val?  Ne  me  l'art-il  pas  dit?  Cela  ne  s'appelie-t-il 
pas  demander  mon  consentement  ? 

MADAME  JiÀ.hÀ,vcovm.f  uni  peu  vivement.: 

Oui,  c'est  une  politesse  de  la  part  de  M.  Dor^  . 
val  j  mai»  votre  oncle  ne  vous  en  k  rien  dit. 
^  i>  AL  AM COUR  f  entbatrassé» 
€'e5tque«... 


s54     tË  ËOITRRU  filEN FArSANT. 

MADAMS  4»ALAirattfr«. 

C'est  <iv», ...  il  ■««•  iiié(>ffM  tùÉÊK^fiÈmmênt* 

u,  BALAVCO'Dii,  viv^e/nenl.' 

Mais  Yous  preaez  tout  de  traver»,  cela  est  af- 
freux; vous  êtes  insupportable. 

MADAKE  fiALAircona,  au  pça  fdchée.- 

Moi ,  insuppOTteble  I  Yea»  me  troorei^  insup- 
portable!  {Fort  tendrement.)  Ah!  mon  ami,  voilà 
ia  première  foi«  qu'une  tdle  expression  vous 
échappe.  Il  faut  que  vous  ayez-  biea  dir  chagrin  , 
pour  vous  oublier  ht  ce  pomt. 

M.*  dalaugoVR,  a  part,  twic  transport. 

Ah!  cela  n'est  que  trop  vrai*!  (A  madame Dafan-' 
eoar.)  Ma  chère  femme,  \e  vous  demaiHle  pardon* 
de  tout  mon  cœur  :  mais  vous  connoissez  mon- 
oncle;  voulez- vous  que  nous- nous- brouilètons  da- 
vantage? Voulez-vous  que  je'  fasse  tort  à  ma  sœur?" 
Le  partir  est  bon ,  il  n'j  a'  rien  à  dire;  mon  oncle 
l'a  choisi,  tant  mieux;  voilà  un  emliàrras  de  noinst 
pour  vous  et  pour  moi. 

MADAME    d'AtAircOVR. 

Aillons ,  j^'aime  bien  que  vous  prenfez  fti  choie 
en  bonne  part  :  ]p  vous  en  loue  et  ^us  admire  ; 
mais  pei-mettez-moi  une  réâexibu.  Qui  est<4fe  qui;^ 
aura  soin  des  a'pprèts  nécessaifes  pôttv  itiië  feune^ 
personne  qui  va  se  marier?  Est-ce  t(fm  oitdle 
qui  s'en- charger»?  Seroit4A  kwmefBi'ieroit'fl  àé^ 
eent?.,.. 


▲CTE  11,  SCÈNE  IX.  |5S 

Mv    »ÂIrAliCO«A. 

Vous  aTe» raison...  Mais  il  y  a  encôn  éxi  temps, 
.fions  en-  parleronv. 

•lAOAMÏ  BAlASOOVa. 

ÊGOOtez.  J'ainie  Angélique,  vous 4e aaves;  cette 
petite  ingrate  ne  inériteroît  pas  <^ue  je  prisse  ai|* 
«an  soitt  d'elle  :  évadant  elle  eet  rotve  «Mr.  ^ 

Comment!  yont  appelles  aMieenif  «sa  ingrate l 
Pourquoi  ? 

MAOAKS  9A<&AaC«V<fe.. 

N'en  parlons  pM«  pwtr  le  présent.  Je  lui  de- 
manderai une  expUeatîon'  eatve  elle  «t  mAt;  et, 
essai  te...  # 

>«f.  'i>AiAirci>ii]r>H 

IVon^  je  reuK  le  savoir. .  • . 

M^pAMC  J[>A«.AirCOVl|' 

Attende? ,  mon  cber  ami. . . . 

M.  BAi.Avi>o«it,  h4s  vit^emenU 
Mùu  ife  yettx  le  evrôtr,  Tôas  dis-je. 

«TAB^lf^   DAtAMCOira. 

Pnisqne  yous  le  voulez,  ii  faut  vous  coptei^ter* 

M,  laAiAHCOUR,  à  paru 
Ciel!  je^tremble  toujours. 

«AttAM-B   9A|.A«C0«|I. 

Totfe'flttfif.^«. 

ir.  »ALAiiGO|^a. 
Elî  bien  ? 

MADAME   DAtAlVCO|7a. 

le  la  oroit  du  parti  de  votre  oncle. 


f 


I 


i5$     LE  B^OUERU  BlÈHirAiSAIvr. 
Pourquoi  ? 

MÀQAMB  SALAHCOUa» 

Elle  a  eu  la  hardiesse  de  me  dirç ,  à  moi-même, 
f ae  vos  afaires  étoiçnt  dérangées  ^at  qiie* . .  ^ 

M.  pAi-Aivcoua.  .  . 

Met  affaires  diérangéf  s  1  f  * ,  Le  <«>|re^Toa8  ? 

M  AI>)AJfS>  l>A,i,A4rcjonR. 
|(0jQ  ;  mikia  elle  m- a  parlé  4U  fafQn  k  me  faire 
croire  qu'elle  me  soupçonne  d'en  être  U  causât  oiy 
du  moins  d  j  «Yoir  eoatrîbqé* 

ji»  OAEABCi^njl,  9it90rfi  piuê  vivement, 
Voas  ?  Elk  70J1S  soupçonna ,  y<pns  ?    .  -  . 

MADAME  DALASCOUI. 

Ne  vous  fâchea  pan,  mon  cher  ami.  Je  rois  bien 
quelle  n'a  pas  le  sens.commun. 

M.  nAitAvcovViy  Avefip094ion, 
Ha  chère  femme  ! . 

MADAME  pA^AHiCopi^*     ...- 

Que  cela  ne  vous, affecte,  pas.  Poudui>i  jjteiicai , 
je  n'y  pense  pas.  Tout  vi^t  d^lki  YiPtre  oi^ple  ^9% 
la  i!»tt8«  de  tout.  .  >  .^     1  . 

M,.  pAi.Aii.coi7.a« 

Eh  non  !  mon  oncle  n'est  pas  ni^taiumt* 

Il  n'est  pas  méchant  !  ciel  !  j  a-Ml  nep  4^  pis 
sur  la  terre  ?  Tout  k  Theure  encQrie ,  ne  m'ai*t-4}  pat  , 
fait  voir  ? , . .  niai^  je  le  Ivi  pardonna.  ' 


A<?TE  II,  $GÈN£  X.  ^57 

scÈiNrEx.    " 

MADAME  DALANCOUR,  M.  DALAIVCOUR, 

UN  LAQUAIS 

\  ,  ... 

J.Z  LAQUAIS,  à  M,  Dalancour» 
IfonsipuRy  09  yient  d'apporter  cette  lettre  pouf 
TOUS. 

M.  DALAvcojrn,  empressé ,  prend  la  lettre, 
DpnDe. 

(  Le  la(fuais  sort,  ) 

SCÈNE  XL 

MADAME  DALANCOUR,  M.  9'AL'ANCOUIit. 

M.  oALA-ircoua,à  part,  avec  a^ita&ou^ 
YpYOSfi.  G  €8^  de  mon  procureur. 

{Il  oi$vre  la  lettre,) 

MADAME    OALABCOUB^ 

Qojl  e8t-c«  qui  tous  écrU  ? 

M.  ^pALAHCOUA,  en^/irroué*. 
Un  moment. 
{tll  se  retire  à  f  écart ,  il  lit  tout  bas  ,  et  Jttar<ftie  du 

chagrin/) 
MADAMi;   pAi^^Lvcoun,  flt  par/*, 
Y.  anroit-ii  quelque  malheuv? 

v.  DALAHCOPft,  fiprès  avolr  lui 
Je  suis  perdu. 

MADAME   SALAHCODR^  h  pûrtt 

Le  cœur  me  bat. 

Thsâtrv.  CoiMdIei.   l3«  l4 


l5$     LE  BOURRU  BIENFAIBANT. 

H.  DALAVcovAy  à  pMiif  o^tt  ia  fiut  grande  m^U 

tation, 

Hz  panrre  Imma,  qiie  vt-uelle  djnranir?  Coib-» 
ment  lui  dive?  J^  n  en  ni  p#9  le  couvage* 

MABAMS     DALAVCOUBy  «A  pUunutU 

9f on  cher  Dalancolir ,  dites-moi  ce  que  c'est , 
confiez- le -inol  ;  ne  suis- je  pas  yotre  xneiUearv 
amje? 

BI.    DALASCOVa» 

Tenez ,'  lisez  «  roilà  mon  état. 

(  Il  lui. donné  ia  telit^  et^ort,) 

SOÈNE  XIL 

MADAVE  DALANCOUH,  sente. 

Je  tremble.  (Eiée  Ht,}  «  Tout  est  perdu ,  mon- 
«  sieur  ;  les  .creimeiers  n'ont  ptts  vtmlu  «t^er.  La 
n  sentence  Tient  d^étre  confirmée  ;  elle  vous  sera 
«  signifiée.  Prenez-^j  garde  »  H  7^  a  prise  de  corps.  » 
Ah!  qi)'ai-je  lu?  QueTièns-je  d'apprendre?  Mon 
mari...  endette...  en  danger  de  perdrela  liberté  ! . . . 
Mais....  comment  cela  se  peut-il?  poMitde  |ett..w 
l^inf  de  sociétés  dangereuses,. m  poilit  d<e  fe9tp.... 
pour  lui...  Seroit-ce pour  moi?  Ah  dieux!  quelle 
lumière  afireuse  vient  m 'éclairer!  Les  reprocibes 
d'Angélique ,  cette  haine  de  M.  Géronte ,  ce  -mépris 
qu'il  a  toujours  marqué  pQur  moi...  Le  voile  se 
déchire.  Je  vois  la  faute  de  mon  mari.,  je  vois  la 
mienne.  Son  trop  d'amour  1*9  séduit,  mon  inexpé- 
rience m'a  aveuglée.  Dalancour  est  coupi0^ey  et  io 


WsiHi  peut-être  autant  que  lui....  Mair  qliel  re^ 
mède  à  cette  cruelle  situation?  Son  oncle  seul..» 
Mtt,  sou  oncle  porurroit  y  remédier.'. .  Mai«  Dalan- 
tour  seroit^il  en  état ,  danfs  ce  mcinent  d'abatte* 
ment  et  de  chagrin?...-*  £h!  si  j'en  suis  la  eaqse.... 
HivoloAtaîrer..  pourquoi  n'irois^je  pas  moF-inéme? 
Oui ,  quand  je  dertois  me  jeter  à  ses  pieds...  Mais^ 
avec  ce  caractère  âpre ,  intraitable ,  pui»-)e  me  flat> 
ter  de  le  fléchir?.^.  Irai- je  m'esposer  à  ses  dure* 
tés?...  Ahl  qu'importe?  que  sont  toutes  les.humi- 
liationa  auprès  de  1  état  ailreilx  de  mon  mari  ?  Oui  ^ 
)y  cour»;  cette  seule  idée  doit  me  donner  du  coU' 

(£l/e  iftnt  s'en  aiterdtê  eôté  de  V appartement  de  mon» 
sieur  Gérante,) 

SCÈNE  XIII. 

KADAttE  DALANCOUR,  MAKtfiON. 

«▲BTBOBI.-  ' 

Qùs  £utet^ous  ici ,  aadaïae  ?  M.  Dalancour 
l'abandonne  au  désespoir. 

MA1>AM£  0ALAVCOX7R. 

Ciel!  je  rôle  à  son  secours. 

(  EUe  sort.  ) 


#66     LE  AOÙiCRU  ÈlElSFAlSANT. 

•    ■     SCÈNE  XIV.- 

MARTHON,  «eàic. 

Qvc  1.9 malheurs!  quels  désordres I  Si  c'est  ell« 
qui  en-  est  la  cause  ^  elle  le  mérite  bi€a«««^..  Qui^ 
voi«-je? 

SCÈNE  XV. 

MARTÏÏON,  t^ALÈAE* 

MAÈTHClir. 

MoHSiEUR,  que  venez-YOus  faire  ici?  Vous  av^x 
mal  pti»  votre  temps.  «Toute  la  maison  est  daas  *!• 
chagrin. 

Je  m  ett  dotit<)rs  Bien*;  je  vien*  de  quitter  le  prcr- 
eureur  de  Dalancour,  et  je  viens  lui  offrir  ma- 
bourse  et  mon  crédit. 

AT  AU  THON. 

Cela  est  bien  honnête.  Rien  n*est  plus  génë. 
feux., 

VAL  i  RE. 

M.  G^Fonte  est-il  chez  lui  ? 

,  MARTHOH. 

Non*  le  domestique  m*a  d>t  qu'il  v^neit  de  le 
voir  ches  son  notaire^ 

VALÈBS. 

*     Chez  BOB  notaire? 


.       ACtElï,  SCÈJrÊ  XV.  i6i 

HABTHOir. 

Oui  ;  il  a  toujours  des  affaires.  Mais ,  est-ce  que 
TOUS  voudriez  lui  parler  ? 

YALiaz. 

Oui  ;  je  yeux  parler  à  tout  le  monde.  Je  yoû 
ayec  peine  le  dérangement  de  M.  Dalancour.  .J9 
suis  seul,  j'ai  du  bien,  j'en  puis  disposer.  J'aim.e 
Angélique;  je  riens  hii  offrit  de  1  épouser  sans 
dot,  et  de  partager  ayec  elle  mon  état  et  ma  for- 
tune. 

Que  cela  est  bien  digne  de  yous  !  Rien  ne  mar- 
que plus  l'estime ,  l'amour ,  la  générosité. 

yALèas... 
Crojez-yous  que  je  puisse  me  flatter? . . . 

MABT'Boai  avec  loie. 
Oui  ;  d'autant  plus  que  mademoiselle  est  dans 
les  bonnes  grâces  de  son  oncle,' et  qu'il  y  eut  la 
inarier. 

YALàak 
Il  yeut  là  marier  ?  *  * 

11  ART B o  V ,  avec  joU, 
Oui. 

yALkas. 
Mais ,  si  c'est  lui  qui  yeut  la  marier ,  il  youdra 
être  le  maître  de  lui  proposer  le  parti. 

M  A  B  T  B  o  N ,  après  un  moment  de  êUencê, 
Cela  se  pourroit  bien. 

yAiikafe» 
Est-ce  une  consolation  foxa  moi  ? 

«4. 


i6ii     L£  BOUJIRIJ  BIÉlSflAISAUT. 

lÊAmtmùÈm 
Pourquoi  pai  ?  <  £«  i«  tournma  ««fi  ia  couà^sêe.y 
Venez»  venez,  madeinoitelk. 

SCÈNE  XVL 

MAHrnoN,  AKGÉiîQrrfi,  valère. 

Jt  lui»  lottle  afiwjév. 

Y  A I.  k  H  E ,  4I  ^A^tf/i^ue. 
Qu'ayez-Tous,  mtdeoioltelie  7 

Mon  patttTé  frère...» 

M  AET  9o  ir,  A  Angélique. 
Toujours  de  i&dliié? 

AwaihiqtJt,  à  ^àrlhonn 
Il  est  un  peu  plus  tran<jaîj[le« 

MARTHO». 

Écoutez,  écoutez,  mademctiselle  :  monsieur  m'a 
dit  des  choses  charmantes  pour  toqs  et  pour  votra 
frère. 

ASOlÊLiQVE. 

Pour  lui  aussi  ? 

MAaxsos. 
Si  vous  ssrriaa  k  «acnfioe  qu'il  se  propoae  da 
faite! 

TALias»  bat^  à  JAttrlh^n,. 
Ne  lui  dites  peu.  X<$«  t^éimani  vert  Angélique.  ) 
t  a-t-il  des  s«»ifeai.f  Mail»-  na  sg^ita  pai  ? 


ACtE  II,  SCÈNE  XYh  ï63 

MAii;P:HOir. 
Jfttf  y  il  budra  èn.paErkr  à  M.  'Géi«ste« 

▲  ■GiLIQ.UE- 

Ma  bonne  amie,  ii  vous  youliet'TOUS  en  char-" 
ger. 

MÂiirr-Bôir.  ' 

Je  le  veux  bien.  Que  lui  dirai-îe?'Vo;fôttid,  con- 
saltons.  Mais  j  entends  ^[ueïquSin  (  £/ie  court  vers 
Fappartement  de  M.  Gérante  et  revieM.)  C'est  mon- 
sieur Dorral.  (A  Valètê.)  Ne  Vous  montrez  pas  en- 
core^ Allons  dans  ma  chambre  y  et  notis  ptirletons  à 
notre  aise. 

VA  &  à  a  E ,  A  AngéltijUëH 

Si  TOUS  Toyez  votre  frirè.... 

MARTHOli; 

< 

£hi  venez  donc ,  monsieur ,  venez  donc. 
[Elhle pousse^  ie  fait  sortir ^et  eik  sort  avec  lui.) 

SCÈNE  XVII. 

DORVA£r,  ANOXLlQtE. 

AVGÉLjqxjZf  ik  joi-même. 

Qt7e  ferai-je  ici  avec  M.  Dorv^?  Je  puis  in'en 
aller. 

DORVÂL ,  c/^An^éli^Uê,  ^ui  ^  poâr  fOftir. 

Ah!  mademoiselle...  yw^demoisellc? 


I 

i64     L'E  BOVKRU  BI&NKAISAIfT. 

Ayezr-Teus  yn  moustear  votre  oncltf?  ne  Toua 
a-t-il  rien  dit  ? 

AHOÉLIQUE. 

Monsieur ,  je  l'ai  yu  ce  matin^  | 

DO&yAi..  I 

Ayant  qa'U  sortît  ?.   • 

ANGiLIQOKé 

Oui ,  mpnsieur.  _  It     ; 

,   poayAz.. 
£st-il  rentré,? 

▲  HG^LIQUE. 

Non ,  monsieur* 

DoayAL,  à  part 
Ah  !  bon  ;  elle  ne  sait  encore  rien. 

An  OBLIQUE.* 

Monsieur,  je  yOus  demande  pardon.  Y.  a-t>il 
qUelq[ue  chose  de  nouyeau  qui  me  regarde? 

SORTAI,. 

11  yous  aime  bien ,  yotre  on^lè. 

Airoi&KjuE,  avec  modetÛ€^  . 
11  est  bon. 

DonyAx. 
Il  pense  à  yous. .. .  sérieusement i    * 

ANGÉLIQUE. 

G  e9t  un  bonheur  pour  moi.  * 

nonyAt, 
Il  pense  à  yous  marier.  (Angélique  ne  marque 
que  de  ^  tnodutU,  )  Hem  !  Qu'en  diteaKVAua  ?  {Aii- 


JLCirE  U,.  SCÈNE  .XTM,  *65 

géûifue  ne  marque  toajows  que  de  ta  modestie,)  S^ 
FÎes-yoas  bien  aise  de  vous  man«v?r 

A  H  G  i  L I  Qtr  £ ,  modestemenU 
Je  dè^nài  de  mon  oacle^ 

DORTAL. 

Toulez-yous  que  je  tous-  dise  quelque  cli09€  de 
plus? 

AHGéLiQiTE,  açec  an  peu  de  curiosités 
Mais. . . .  tout'  comme  il  voi^  plaira ,  monsieur*- 

tOAYAl.- 

'C*est  que  le  choix  en  est  déjà  fait.- 

Augélique',  à  paru 
Ah  ciel  r  que  je  crains  ! 

€*e9t  de  {à  joie ,  je  crois. 

AiroÉLiQUfi,  en  tremblant. 
Monsieur,  o»erois-je  vous  demander.  .>■,' 

DOUVAI,.- 

Quoi ,  aiademoiseUe  ? 

ANoÉLiQUE,  toit\oun  cH  tcemMonf* 
Connoissezoyous  celui  qu'ox^  m'^  destiné  ? 

DOKYAL. 

Ou ,  je  le  connois  ;  et  vous  le  connoissex  aussîv 

ANGi^LiQus,  avec  un  peu  de  joie*. 
Je  le  conuois  aussi  ? 

nORVAL. 

Certainement ,  vous  le  connoissez« 
Monsieur,  o»eroi»'ie...r  .     . 


f(i6     LE  ffOURRO  HÉ»tAïSÂS%r 

Parlez ,  madesoûelle. 

Vous  demanâer  le  nom  du  jeanc  homnte  7 

DORVÀL. 

Le  v^jivak  du  )etiae  homme  7 

kvaéLiqvz. 
Ouijfii  vouftie  coonoisseï^ 

VORTAt. 

Mai^....  Si  ce  n'étoit  pa»  tout «*à- fait  xiû.  jeaoe 
iiomme  ? 

AHoihiqvt,  à  part,  avec  agitation» 
Ciel  ! 

Ï^ORVAt. 

Vous  éfèa  iflge^.J  Vous  dépendez  de  votre 
oncle  <.-.< 

àaoiLiQUE,  en  tremblant. 

Ctojet-roxu ,  monsieur,  qtte  mon  oncle  yeniller 
tné"  sacrifier  ? 

DORV^l.. 

Qu 'tfp]^le2-tond  sacrifier  ? 

AHo^LfQtTB,  avec  pasthn* 
Mais...<  sans  l'aven  de  mon  cœut.  Il  est  si  boîf  f 
Qni  pourroit  lui  avoir  donné  ce  conseil  ?  Qui  est*^ 
ee  q[nijui  anroit  ptoposé  ee  parti  ? 

DORVAL,  un  peu  piffué* 
Mais....-  ce  parti/.. <  Si  e'étoit  moi,  mademoi* 
adle?... 

AS  OBLIQUA,  «i^ee  de  ta  joiê^ 
Vous ,  monsieur  ?  Tant  mi  tus.. 


ICTÉ  iî,  SCÈNE  XVH,.         167 
dOBYAL,'  avec  an  air  content. 
Tant  juietix  ? 

Oui ,  je  TOUS  conhois ,  vous  èie»  raisonnable , 
TOUS  êtes  sensible;  je  me  confie  à  tous.  Si  TOUji 
ay^ez  donné  cet  ayis  à  ^on  oncle  9  9%  vous  ayez 
proposé  ce  parti,  j  espère  ^ue  tous  tcouTeret'le 
moyenne  Ten  détourner. 

DO  R  VAX  y  à  pari. 

Ab  !  ah!  cela  n'est  pas  mal.  '{A  AngéU<fue:.  )  W^" 
demoiselle  7 

A^GÉLiQUE^  Xriilem^Ji/. 
Monsieur. 

noaTAL. 

Aariez-Tous  le  cœur  preTcnu  ? 

ARG^LiQUE,  avec  pasthttm 
Ahf  monsieur  i 

,|e  TOUS  entends. 
Aj^%  pitié  de  mou 

Je  l'ai  bien  dit;  je  l'arok  bien  préTU;  heureu- 
sement je' n'en  suis  pas  amouceux,  ma»s  je  eom- 
mençois  à  j  prendre  un  peu  de  goût. 

Ilonsieur,  tous  né  me  dîtes  rjen.. 

DORTAC. 

Uais  , mademoiselle..'.. 


i 


V 


f68     tK  BO0RRU  BiENf  AISAffT 

Prendriez -VOUS  qnelqne  intérêt  particulier  à 
celui  qu  on  youdroit  me  doup^r  ? 

DoayAL, 

Un  peu.        / 

AHaéLiQUE,  avec  passion  et  fermeté. 
Je  le  hairois ,  je  tous  en  avertis. 

DOBTAL,  à  part^ 
La  pauvre  enfant  l  j'aime  sa  sincéritéj. 

Hélas  !  soyez  compatissant ,  soyez  généreux* 

oonyAL.. 
Eh  bien!  madeiuoisetle....  je1«  seraJL...  je  yons 
le  promets...  Je  parlerai  à  votre  oncle  pour  vous  ; 
je  ferai  mon  ptMsible  po«r  que  vous  sojez  satisr- 
faite^ 

ALfrGÊLiQtre,  avec  joie„ 
Ah  !  que  je  vous  aime  !. 

noRVAL,  contenir 
La  pauvre  petite  ! 

ASGÉLiQfTB,  ai^ec  transport. 
Vous  êtes  mon  bienfaiteur,  mon  pfCtectAUr, 
mon  père.  (Eile  le  prend  par  la  main,  ) 

DO&yA]« 

Ma  chère  enfant  ! 


ACTE  H,  SCÈKE  XV.HI-         ^69 

SCÈNE  XVIIL 

DORVAL',  W.  GÊRONTE,  ANGÉLIQUE. 

M.  &ÉKOBITX,  avec  gaîlé,  à  sa  manière^ 
fi  os,  bon,  courage!  J'ea  suis  rayi,  mes  cnM 
£iats.  [Angéiique  se  retire  toute  mortifiée,  titJ)ofVtU 
sourit.)  €o]]uneiit 4oilc ?  est-ce  qne  ma  présence 
vous  fak  pev^?  Je  pe  condamne  pas  deSrCmpMte- 
ments  légjiimes.Ta  as  bien  hit,  toi,  Dorralj  de  If 
prévenir.  Allons,  mademoiselle,  embrassez  yotc^ 
époux. 

AHoÉLiQUB,  consternée» 
Qn*entends-:je  ?    .  0 

DO  H  y  Ax ,  à  part ,  en  som'kmL 
He  yoilà  découvert. 

M.  oéBOBTTE,  à  Angélique ,  avec  vivacité. 
Qu'est-ce  que  cela  signifie?  Quelle  modestie 
déplacée  !  Quand  je  n'y  suis  pas ,  tû  t'approches  ; 
et  quand  j'arrive,  tu  t'éloignes.  Avance-toi.  (A 
Dorvai ,  en  colère,  )  Allons ,  vous ,  appro^e^  donc 
aussi. 

DoayAL,  en  riante 

Doucement,  mon  ami  Géronte. 

.M.  OÉBOHTE. 

Oui ,  TOUS  riez ,  vous  sente:^  votre  bonheur  ;  je 
yeux  bieii'qtte  Tou  rie  :  mais  je  ne  veux  paç  qu'on 
ne  fi»se  enrager;  entendea-voas ,  monsieur  }e  rieur  7 
Yenes  ici ,  et  écoutex-moi. 


f7<»     L£  SOirmiU  BIENFAfSAtlT. 

Mais  écouttz  rouê-mème. 

Approches  doiic. 

(  1/  ^èul  la  ùrendre  par  la  mahr } 
Air  OBLIQUE,  pn  pUuranL 
TÊou  oncltt. . . 

m,  oÉÀevTE,  fk Àngêfiiftié, 

Ta  i^etiTtfty  tu  hi*  ïenhoiti  ^vt  te  moqnes  dp 

^oi,  )é  ctàis,  (Il  /«  preN«(  fMW  /a  main  e§  la  frrpe  éts 

f  avancer  au  mîiUu  dm  thééîi^;ensuUe  U  H  tourna  dtf 

côté  de  Dorval,  et  h\  dit  avec\ine  espèce  </e  goHé  :  } 

Je  la  tioxj^s.. 

poijivAL. 

.j^.  GÉROVTKy  vivement. 
f^iXM,.  (,Uçba»ge  dfi  ton  et^dit  tran^Ul0menf:^J'ad 
été  chez  mon  notaire  ;  j'ai  ^out  arrangé  ;  îl  a  iait  1^ 
minute  deyant  mq*  j  il  l'appprtera  tantôt ,  et  nou» 
signerons^ 

Mais,  si  ypus  youliez  m'écoUter^ 

Paix!  Pour  )a  dot ,  mon  frété  a  frât  W  sûtûét  âi6 
la  laisser  entre  les  mains  de  son  fifs  :  je  me  ^dpiHe 
bien  qu'il  7  aura  quelque  mttlTersation  de  sik  pftrt  i 


mait  iSeU  te  m'embarraue  p9»«  Geax  qui  Ont  fait 
des  aflaires  avec  Int  les  auront  mal  faites,  la  dot  ne 
pent  pas  périr  i  et  i  es  tout  oat  ^  c'est  moi  qui  tous 
CB  rép<inds. 

hn^itjdiqwZi  à  paru 
Je  B*e»  pctis  plfi«< 

B^BVAl,  éntkarrmiêèi 
iTont  cela  est  très  bien  ;  mais/ .  ^ 

M*  aiaosTSrf 
Qboî? 

DO  it  TA L ,  regardant  Ârt^éiuiM€i 
Mademoiselle  auroit  q^tMsIqiie  ekose  k  YOhB  ék^ 
Ik-^esaoa. 

avgÏliqoe,  ^ite  et  ert  ifet/UftanU. 
Moi,  iftonsieur?/.* 

M.    G^ROBITE. 

Je  Yondroîs  bien  voir  qu'elle  trouvât  qxtelqocf 
chose  à  redire  iar  ce  qvefe  hhf  svr  ce  que  j'or- 
doaae  et  sur  eé  ^0  jfî  veux.  Ce  que  je  vetix^  cer 
que  j'ordonne  et  c0  que  je  fais,  je  le  iais ,  J4  le  w^uM 
et  je  Tordonve  fo^t  ton  bien  ;  eotends^tu  ? 

DoavAii. 

Je  parlerai  done  moi-même. 

H. oiaONTErf 

Et  qii*aTes-T<»«»  à  me  dire  ? 

Qae  f  en  stiis  fâché ,  mais  qiie  ee  mariagie  He 
peul  pas  se  ûdtt. 

V.  oiaos.TB* 
Yentreblen!  {An^étiqu^  séUi^M  lomU  êffraifée  ^ 


ty^     lE  BCrURRU  BIENFAISANT.     , 

Vorval  recale  aussL  )  Voû»  m'ave^  donné  votre  pm  J 
toLe  d'honneur. 

Otti)  mais  à  cpndition..*. 
M.  G  i  R o  N  T  E ,  ^e  retournant  vers  Angélique. 
Seroit-ce  cette  impertinente?  Si  je  potiyclls  4e 
eroire....  Si  je- peuvoîa  m'en  donter.....  {Il  ia  tne- 

iwce.  y  . 

Hof'O.i^JL'ù-y  sétieusetnenff 

Non ,  monsieur  ;  tous  avez  tort. 

M.  G  É  R  o  H  T  E ,  je  toùniaftt'  versDiH'¥aU 

C'est  donc  vous  qui  me  manquez? 

(  AngéU<fue  saisit  le  moment  et  se  sauve^y.  ^ 

SCÈNE  XIX.    • 

M.  GÉRONtEy  0ORYAL. 

M*- Q tu 09 TE  continue . 
Qui  abuses  de  mon  anritié  et  d^  moa>âtUtche-« 
Ment  pour  vou»? 

Bon  VAL  j  ktiusi$anlia<voUté- 
Mai:»  écoutez  les  raisons... - 

M.  GiaovTE. 
PoinI  de  raisons;  je  suis  un  homme  d'honneurv 
'  et,  si  vous  l'été»  aussi, ^allons  tout  à  l'heure,. <^  fEn 
te  retournant^  il  appeUe  i  )  Angélique  ! 
non  VAL}  en  se  sausranL 
Feste  soit  d«  l'homme!  il  me  pousseroit  à  bout; 

M.   GÉnOITTS. 

Où  est^elle?' Angélique  ^  HoU^Iquelqu'nn*! 


SCÈNE  XX. 

H.  GÊRONTE,  seul,  li  appelle  toujours, 

Picarb!  MartUoa!  la  Pierre^  Courtois!....  Mais 
je  la  trouvetai.  C'est  vous  à  qui  j  ea  yeux,  (li  se 
tourne  et  ne  voU  plusDorval  ;  U  reste  interdit.  )  Com- 
ment donc!  il  me  plante  là?  (1/  appelle,)  Doryal! 
mon  anii  Dorval!  Ah  Tindigne!  ah  l'ingrat!  Holà! 
quelqu'un!  Picard! 

SCÈNE  XXI. 

■ 

PICARD,  M.  GËRONTË. 

piCAaa>. 
MôiisicuR. 

11.   GIÊBOSTE. 

Coquin  !  tu  ne  réponds  pis? 

PICAftD. 

Pardonnez-moi,  monsieur,  me  voilà. 

M.    OÉROITTE. 

Malheureux!  je  t'ai  appelé  dix  £iis. 

PICAUD. 

J  en  suis  fâché... 

M.  .oiftoirT«.i 
Dix  fois,  malheureux! 

PICARD,  à  pariy  d'un  air.  fiché* 
U  est  bien  dur  quelquefois. 

•     As-tu  ▼uDorval  ?,  ' 

i5. 


1^4     L^  BOÙ&KÙ  BIENf'AISANtj 
picABD^  brutqueméku 
Oui ,  monsieur. 

Où  est-il? 

PtCABS.        ; 

rïesf|>àtti; 

ik,  aiabvtty  vivemeAL 
Commtûi  é^fil  parti? 

PICARD,  hrdsquemenU 
Il  est  parti  comme  Tôii  part. 

Mt  à^RÔHït,  ttèt  fHàhéi 
Ah!  pendard!  est-ce  ainsi  (|ue  Ton  r^poiid  à  son 
iiiaitre? 

(  Il  te  menaae  et  te  fait  reculer i) 
p  I c  ÀR  D ,  e/t  reculant ,  d'un  air  très  ftchéi 
Monsieur ,  renra^ez-nloi .  i . 

M.    «liRONTX. 

Te  renvojrer,  màlb^UK^uxl 

Çlt  le  me§9^^  ts  fahwevutât^Pixfardi  en  r$cvù^ni^y 
tombe  entre  la  ckais4  et  I41  t^blei  Mi  Gérante  CQurt  à 
ion  tecours  et  Ufa^  levier,) 

pieARlk 

Ahi! 

(Il  s'appuie  au  d^iftle.  /«  ehaise^  et  U  marque  benU^ 
àoap  de  doaleun) 

M.  ftiaolTTE,  fii^urrassé. 

Qu'est-ce  que  c  est  dluuo  ? 

PtQAR». 

Je  suis  blessé ,  monsieur  ;  vous  H'«hw4  tftoopl^* 


il.  oé&««TBy  ^'mii  tàrpéttét^éti  à  part, 
i'mA  tmêHché,  (À  PieêM.)  Peiu^l»  marehêr? 
y  I  c  A  B  ]> ,  toujourt  fâché  ;  U  estait  et  mofcke  huU^ 
Je  crois  que  oui ,  tnottftienr. 

M.  GjÉBOHTx,  brui^aemênti 

Ya-Ven.  -  " 

PICARD,  trittement 

y  ou»  Hlfe  t6flV0/èt ,  monsieur  t 

lÉ.  a£&ôfttÈ,  virement* 
Point  dn  tout.  Va-t  en  chez  ta  femme ,  ^'on  te 
•oigne.  (1/  tire  sa  bourse,  et  'ùeut  lui  donner  de  taf*- 
geuU  )  Tiens ,  pour  te  faire  panser. 

piCA&o,  à  part,  et  attendri., 
Quel  maître! 

m;  GÉaovTÈ,  en  fui  ofprant  de  i'an^nt*^ 
Tiens  donc. 

picA:a:p«  i^Qdesiement, 
E|ii  npn«|aoi&sieuv  ;  j  espève.^e  cçla  ne  sera 
rieufc 

lf«  otnOHTBr 
Tiens  toujours. 

picAAn,  4ii  éefu^e^t  paf  kdnè^tetéi 
Monsieur,  t.  « 

M.  oiaoïit^  vivement^ 
Gomment!  tu  lilftiMè  ^  l'^t^ent?  est-ce  pàt 
tfegoeià  ?«st<ree  pi^  déptt?  dstnae  |M  haÎKit?  i:t9is^ 
t»  ^e  î»  r«ia  iaît  ui^a?,  Ftènil  «)ef  ai^^anif^ 
prenda-le ,  mon  ami  ^  né  m»Jm  pàn  iaiam»^*    . 


t;d     LE  B.OUftRU  BIENFAISANT. 
VICAKD,  pretMRt  V argent. 
^e  vous  lâchez  pa» ,  monsieur ,  je  tous  remevôie 
de  ¥06  Ëontés. 

M.  aÉSOVTE* 

Ya-t  en  tout  à  Theupe. 

riCARlh 

Oui ,  monsieur. 

(Il  marche  mal,^ 

M.   OÉRORTS* 

,    Va  doucement. 

PICAAD. 

Oui ,  monsieur. 

M*  OÉROBTB. 

Attends^  attend»;  tiens  kna  canne* 
Monsieur. 

M.  OtROttTS. 

Prends-la ,  te  dis-je ,  je  le  veux.. 

PICARD  prend  ta  canne  «f  dit  en  t'en  aiiant. 

Quelle  bonté  ! 

(îitort)^ 

SCÈNE  XXIL 

te.  GËRONTE,  MARXHON. 

M.  aiaoï^TE.  .    '. 
Cei^  la  prcantire  fois  de  ma  Ti#.*.«  Petie  aott 
la  rivacité!  (Se  promenant  à  grandi  pat*)  G*e«% 
Doryal  fki'm'aimpatianlé. 


ACBE  II,  SCÈNE  XXII  .177 

M'ARTHOirv 

Moasiear,  YOule2^yoas  dîner  ? 

M.  G  é  B.  o  n  T  B  y  très  vivement'^ 
Ta-t'en  à  tous  les  diables. 
(ll-.eotirt  et  s'enferme  dans  sQtiappariemenU) 

SCÈNE  XXIIL 

MARTHON,  seule. 

B  as  r  fort  bien.  Je  ne  pourrairien  faiFe  aujonr- 
«n»i4  pour  Ang;élique  ;  autant  vaut  que  Yalère 
fr'eu  aille. 


ris  DU  lECOHO  JkCTB. 


ACTE  TROISIÈME. 


SCÈNE  L 

m 

^tCARD,  ]»<ARTHON. 

(Picard  entre  par  U  poAé  éii  niîtiea ,  MerthOn  pÉr  oetkf 

àb  IL  Matteoiir.) 

HABTHÔV. 

^otrs  voilà  donc  clé  retour  ? 

p  z  c  A  li  D  y  aifjant  la  caniie  été  ton  iHàlttt, 
Oui,  je  boîte  lin  peu;  mais  cela  n'est  rien,  j'ai 
eu  plus  de  peur  que  de  mal  :  cela  ne  nïéritôit  pat 
1  argent  qu'il  m'a  donné  pour  me  faire  pansera 

MAltTHOH. 

Allons ,  allonir }  à  quelque  chose  malheu^  tsf 
bon. 

p  I  c  A  n  n ,  d'un  air  contenu 

Mon  ptfuyre  maître!  Ma  foi,  ce  trait-là  m'a 
touché  jusqu'aux  larlnet;  il  m'auroiH  cassé  lai 
jambe ,  que  je  lut  aurots  pardonné. 

MABTBOBI. 

Il  a  tin  coeur!...  C'est  dommage  qu'il  ait  ce 
tilain  défaut. 

Ricard. 
Qui  est-ce  qui  n'en  à  pÀs  ? 


U  90URRU ,  ex».  ACTE  III  /8GÊNE I.   1 79 

HARTHOV. 

Allez,  allez  le  Toir.  8aytt*Y0uM  bien  ^p'H  ii> 
pa«  encore  diné  ? 

picab;). 
Foofquoi^dott!»? 

Ehl  il  7  a  an  >cho»ea ,  mon  tt»£Mi( ,  à^  çb9se$ 
tembUatÀtmà  egtttmaàaon. 

fxcmtd. 

Je  le  sai9 ,  j'ai  renoofitFé  tptre  nev^eu ,  ef  il  m'^ 
tonteoBté.  C^^ceipQUv  çek  qvtB^v.w^o^nffin»  louf 
de  4Qite.  Le  sait'-ilyiiioi^analtre? 

Je  ne  le «i«|ift  |Hii. 

Ah  !  qvil  en  9tam&thM 

HABTHOH. 

Qui  ;  ^t  la  paufirç  AqgéliqUf  I 

MaisValère.... 

HAmvaoïr- 
WMrt,  Yaléi«Mttpuio«E»»ei;ilA!a{MAVOiilti 
•-'en  .aller  ;  H  est^ll^;  tl  ^noptifage  leUDcve^  il  3»ga«de 
la  sœur,  il  c<»n8ole  madajne.  L*un  ploDO».;  TaiBUBa 
4oapire;  Tautre  se  désespère.  C'est  un  chaos,  un 
Tcritable  chaos. 

PXCABD, 

Ne  vous  éti^-vous  pas  charg^^  de  parler  k 
monsieur?....' 


i8o     LE  BOURRU  BIJBNFAISÂNT. 

MAATHOS. 

Oui ,  je  lui  parlerai  ;  mais  k  présent  il  est  trop 
en  colère. 

picaud. 
Je  vais  voir,  je  vais  lui  reporter  sa  canne. 

MAKTHOV. 

Allez  ;  et ,  si  vous  vojMi  que  J 'orage  soît  àin  peu 
calmé,  dites-lui  quelque  eiiose'de  l'état  malheu- 
reux de  son  neveu. 

.  PICAAD. 

Oui ,  je  lui  en  parlerai ,  et  }e;Ye«8  en  donaorsâ 
des  nouvelles. 

(Il  ouvre  tout  doucement,  il  entre  dans  Vappartement 
de  Mu'Géronte  et  H  ferme  Àa.pori^»)   .     , 

MA&TBON. 

Oui,  mon  cher  ami.  Allez  doucement. 

SCÈNE  IL 

MARtHON,^eii/«. 

C'est  un  bon  gv^rçon  que  ce  Picara,.  doux, 
honnête,  serWable;  c'est  le  seul  qui  me  plaise 
dans  cette  maison.  Je  ne  me  lie  pas  avec  tout  le 
monde  y  moi. 


ÀGTË  m,  SOË^E  III.  idi 

SCÈNE  m. 

MARTHON,  DORVAL- 

n OftTA  t ,  parlant  bas  et  souriant* 
£b  bien ,  Marthon  ? 

MAATHOU. 

Monsieur,  yotre  très-humble  serrante^ 

DO  AVAL,  en  souriant, 
M.  Géronte  est-il  toujours  en  colère  ? 

MAHTHOtTé 

il  nj  auroit  rien  d'extraordinaire  en  cela;  yoùt 
le  connoissez  mieux  que  personne. 

nORVAL. 

"EâuU  toujours  bien  indigné  contre  moi  ? 

MARTBOir* 

Contre  vous  ,  monsieur  ?  il  s'est  fâché  contnt 

TOUS  ? 

D  o  à  y  A  L ,  en  rtant  et  partant  toujours* 
Sans  doute;  mais  cela  n'est  rien  :  je  le  connois, 
je  parie  que,  si  je  yais  le  yoir^  il  sçra  le  premier  k 
se  jeter  à  mon  cou« 

HAaTHOVt 

Cela  se  pourroit  bien  ;  il  yous  aime ,  il  youa 
estime;  yous  êtes  son  ami  unique....  C'est  singu^ 
lier  cependant ,  un  homme  yif  comme  lui  !  ^  Et 
Tous,  sauf  yotre  respect,  yous  êtes  le  mortel  le 
plus  flegmatique..... 

DORyAL. 

C'est  cela  précisément  qui  a  conseryé  si  long- 
temps notre  liaison. 

9rhé«tTc.  Comédies.  l3«  i« 


ia2     LE  JBOURRU  BIEIîFAISAPîl** 

Allez  j  ailes  le  voir.  ^ 

Pas  eneOBe  :  ^  ¥e!ndrotf«v^lur«ViMt  voir  inaJ< 
moiselle  Aii|[éii(jue.  Où  est^eÛe? 

MA-ATRO)»,  of'jec  poiêiôaé 
Elle  est  Afvc  son  ^nàn*  Savfi^TMM  Ho^w  le 
malheur»  de  §QiB.frèBe? 

t»oAi7iAJL ,  ^'ttit  a(J*  pénétfim 
Hélas!  ûài}  tout  le  monde  «11  parle. 

1MA&X110JU 
{Et  qu'est-ce  ^tt^'On  «ô  dit  ? 

Peux*4tB  de  dbtoatoder?  Les  liftwi  le  iplaigoent 
les  méchants  s'en  moquent,  et  les  ingrats  l'ahân 
donwentw 

MAATHOir.  j 

Ah. ciel  !  «t  celte  paityte  demoiselle  7 

DOATA^L.  j 

lil  1  ûm  ^ue  îe  iai  p«de. 

MARTHOir. 

Pourroi»-je  tous  demander  de  quoi  H  s'agit?  J« 
m'iotéresee  itreqp>A  elle  pour  ne  pas  flmkitsr  joett< 
complaieaiice. 

BQft(T*ALr 

Je  ^ns.>  d'jq^pffm»dre  squ'ancertain  iV^aUre.  »  «.  • 

AhlahlValére? 

I<o  conaoissez-TOus  7 


▲  GTE  III,  SC^NE  llf.  |83 

Beaucoup ,  hioih ieur  ',  c  «tt  mfm,  OQYraffe  ^ae 
tout  œla^ 

DOKTAt. 

Tant  mieux  ;  tous  me  secon^rex. 
De  tout  mou  cœur. 

fi  O  HT  AL. 

Il  hfit  que  J'aiUe m'assurer  si  Angéllftie.... 

MAaTBO.ir. 
Et ,  ensuite  /  ei  Y alère.. .  ».    ' 

Oui ,  j'irai  le  chercher  ausst« 

MAaTBOir,  en  tounant, 
Âllea, ,  altex  chez  M.  DaIancour.\'Vottt  jÊh^z 
j  mte  piefT6  deux  coups. 

DOBTAK.; 

Comment  donc? 

MAmTBOS. 

U  est  là.,  - 

noaTAL. 
Valère  ? 

MAaTBoir. 
Oui. 

DOBTAI.. 

Jeu  suis  bien  aise  ;  j  y  Yid$  dé  c«  pn, 

HTABTBO'V. 

Attendez ,  attençfoz  ;  youlez-rons  que }«-  'Tons 
ûieannoneev? 


I 


i84     LE  BOURRU  BIENFAISANT. 

DOUTAI.,  en  riant, 
BoTK  !  irai'-je  me  faire  ^nQOUcer  che^s  mon  beac 

frère  ?  '       r 

Votre  beau.-frère  ? 
Oui. 

MABTHOir.  j 

Qui  donc  ? 

DORYAK., 

Tu  ne  sais  donc  rien  ? 

M  A  B  T  H  o  9- 

Non* 

douyal, 

EH  bien  !  tu  le  sauras  une  autre  fois, 

{Il  entre  chez  M.  DalancoiWf) 


\, 


SCÈNE  IV. 

MARTHON,  seule. 
Il  est  fou,... 

SCÈNE  V, 

M.  GÈRONTE,  MARTHON, 

M.  oéROHTE,  parlant  toujours  vert  la  porte  de 

son  appartement,, 
HsflTE-LA{  je  ferai  porter  la  lettre  par  un  autre  : 
reste-U..».  je  le  yeux....  (1/  se  retourne,)  Marthoa?| 


ACT£  III,  SGËN£.y.  i8& 

.  MABTHOS* 

Monsieur? 

M.    GÉROSTE*' 

Va  chercher  un  dômes tiqne ,  et  qu'il  aille  tout  « 
à  l'heure  porter  cette  lettre  à  Donralr  (Se  tournant 
vers  la  porte  de  ^op.  appartementr  )  L'imbécile  !  il 
boite  encore,  et  il  youdroit  sortir I  (AMarthon») 
Va  donc. 

MAATHOM. 

Hais ,  monsieur. ... 

M..    GEROBTfE. 

Bépéche-toi...» 

MARTHOH. 

Mais  Doryal.... 

M.  aàvio^Tn^vivementm 
Oui,  chez  Doryal. 

IfAATHQVt 

Il  est  ici.  <  / 

M«    SÉROSTEh 

Qui? 

MARTHOir. 

Doryal. 

H.    GÊRONTC* 

Où? 

«ARTHOS..  ^^ 

Ici. 

■•  GÊBOSTE. 

Doryad  est  ici  ? 

*  •  *  ' 

MARTBOa. 

Oui ,  monsieur. 

i6. 


:t86     LE  BOtrftRU  BIEKFAilSAHT. 

OÙ  est-il? 

<Bhctt  M.  Mlanoottii., 

Cfafev  Balanconr!  l>oc^al  cbeB  Diianconr-}  JF« 
irois  k présent  ce  <pre  c'est;  je  cemprcBd»  tout.  (A 
Marthon,)  Va  chercher  Doryal;  dis-^lui  d«  ma 
part. . . .  Non ,  je  ne  Tcrux  pas-  qu'on  aille  Sans  ce 
maudît  appartement.  Si  tu  y  mets  les  pieds ,  j«  te 
renyoie  sux^le*champ.  Appelle  les  gens  de  ce  mii^ 
sérable.,..  Point  du  tout,  qu'ils  ne  yleniieiit;pas..« 
Vas-j  toi ,  oui ,  oui-;  qu'il  yienne  tout  de  suite., Eh' 
bien  ? 

Irai- je  ?  ou  n'irai-je  pas  ? 

Yas-jr ,  ne  m'impatiente  pas  darantsge. 

(Marthon  entre  cAes  M.  Dalancour) 

SCÈNE  VI. 

M.  GÊRONTK,  seuL 

Oui,  c'est  cela.  Dorval  a  pénétré  dans  quel 
abîme  affreux  ce  malheureux  est  tombé  ;  oui  ,41  Ta 
su  avant  moi  ;  et  je  n'en  aurois  rien  su  encore,  si 
Picard  ne  me  l'eût  pas  dit.  C'est  cela  même  ;  Dor- 
yal craint  l'alliance  d'un  hotnme  perdu  ;  il  est  là , 
il  l'examine  peut-éti«rponr  s'en  assurer  davantage. 
Mais  pourquoi  ne  me  l'a-t-il  pas  dit?  Je  Faoroift 


ACTE  III,  SCÈ^B  VI.  187 

MPKtBdé»  )o  rancoi»  eonraiiieQ*..  Poiirqiioi  nVt- 
il  pas  parlé  ?  Dira-t-il  que  ma  Tivacité  ne  loi  a  pas 
donné  le  temps?  Point  da  tœit;  il  n'ayoît  cpi'A  at- 
tendre ;  il  n'vfétt  qu'à  vetteir^  ma  fougue  se  seroit 
calmée  et  il  inrovt  patlé*  JSiewtm  indigne  I  traître  ! 
perfide  !  f«i  »  sacnfié  «on  bien ,  ton  honneur  ;  je 
t*ai  tàmé,  seéléfat!  je  ne  t*n  «imé  que  tnop;  je 
t  efiMsenEi  tumi-à-ifiât  de  mon  ccsui  et  de  ma  mé- 
moire. .  •.  8wê  d'ioi  j  va  pcirir  ailieura. . . .  Mai»  ou 
iroît^il-?  ^'importe,  j«iiy  pense  plus.;  c est  se 
Msiiv  qtii  m'iotértssse,  e'est  elle  seule  qui  mériae 
»a  tendresse ,  mes  8(»fiSi . . .  0orf ii>est.  mon  ami, 
Dorral  1  eponsera  ;  je  lui  donnerai  la  dot ,  je  lui 
donnerai  toat^mon  bien ,  tout.  Je  laisserai  soofirir 
le  eonpable  ;  mue  je  n*al»andonneeai  jamaia  Tin- 
nocente. 

SCÈNE   VU. 

M.  D^ALANGODH,  H.  G£R0^NT£. 

ïc.  DÂLAHGOua,  avec  un  air  efpayê,  $e  jette  aux 

pied$  de  M,  Qéronte, 
Ah!  mon  oncle,  écoutez-moi ,  de  grâce f 
lu  GiéaosTE  te  retourne  y  voit  Dalancour  ei  recule 

un  peu., 
Qu'est-ce  que  tu  yeux  ^  léye-toi. 

M.  DAi.Avc0va,  dan$  /«  même  posture» 
Mon  cfae»  oncle^  y»jnle  plus  mâhmuewt  dei 
bommes*;  degrftM, écouteeanei^ 


i88     L^E  BOURRU  BIENFAISANT. 

M,  GÉBOSTE  un  peu  touché,  mais  tdttjoun  avec 

coUre^ 
Lère-toi ,  te  dis-je« 

Vous  dont  le  cœur  est  si  généreux ,  si  sensible, 
m'abandonnevez-YOus  pour  une  faute  ^ui  n'est  que 
celle  de  l'amour  ^  et  d'un  amour  honnête  et  yep- 
tneux?  J'ai  en  tort,  sans  doute,  de  m'écarter  de 
*  vos  conseils,  de  négliger  votre  tendresse  pater> 
nelle;  mais ,  mon  cher  oncle ,  au  nom  du  sang  qui 
m'a  donné  la  vie ,  de  ce  sang  qui  yous  est.eommup 
ayec  moi,  laissez-yous  toucher,  laisse«-yous  fté* 
chir. 
M.  GÉBOiTTE  pêu  à  pcu  0^ attendrit  Ci  s'êssuie  ie$ 

yeux  en  se  cachant  de  Daidncour,  et  dit  à  part: 

Quoi  l  tu  oses  encore  2  •.. 

M.  DALAirCOUB, 

Ce  n  est  pas  la  perte  de  mon  état  qui  me  dé- 
sole': un  sentiment  plus  digne  de  vous  m'anime, 
c'est  l'honneur.  Souffrirez -vous  que  yotr<e  neveu 
ait  à  rougir?  Je  ne  vous  demande  rien  pour  nous. 
Que  je  m'acquitte  noblement  ;  et  je  réponds ,  pour 
ma  fenimei  et  pour  moi ,  que  l'indigence  n'effraiera 
pas  nos  coeurs ,  quand ,  au  sein  de  l'infortune  , 
nous  aurons  pour  consolation  une  probité  sans 
tache  y  notre  amour  ,  votre  tendresse  et  votre 
estime. 

If.   6ÉB0VTK» 

Malheureux!...  tu  mériterois....  Mais  je  suis  un 
imbécile  i  cette  espèce  de  fanatisme  du  sang  me 


ACTE  III,  SOËNf:  VU.  189 

parle  en  layeup  d'im  ingrat  !  Lèye^toi ,  traître  l  ]e 
paierai  tes  dettes',  et  par  là  je  te  mettrai  peut-étie 
en  état  d*en  faire  d*antres. 

M.  nAX.A]f€0T7n,  d^ un  air  pénétrée 
Eh!  non,  mon  onde^  je  tous  réponds*. •..  yous 
yerrec  par  ma  eondui te. . . , 

Quelle  eonduite  ,  misérable  écet yelé  f  celle 
dnn  mari  infatué,  t[ui  se  laisse  mener  par  sa 
femme,  par  une  femme  yaine,  présomptueuse, 
coquette... 

91,  DAi.Aacoi7R^vi<»emejif. 

Non  t  )«  ▼ons  jure  t  ce  n  est  point  la  £iute  de  ma 
femme  ;  yous  ne  la  connoissez  pas. , . 

-     M .  ^  G  é  a  o  a  T  E  ,  fincort  plus  vivement. 

Tu  la  défends!  tu  ments  deyant  moi!  Prends 
l^arde  :  il  a*en  faut  peu  qu'à  cause  4^  ta  femme ,  je 
ne  réyoque  la  promisse  que  tu  m*as  arrachée.... 
Dni ,  oui ,  je  la  réyoquerai  ;  tu  n'auras  rien  de  moi. 
Ta  femme ,  ta  femme  !  je  ne  peux  pas  la  souffirir ,  je 
ne  yeux  pas  la  yoir. 

M.   DALAHCOUB.. 

Ab!  mon  gncle ,  yous  me  déchirez  le  cœarSi 


100     LE  BOURRU  BIENFllSAITT.^ 

SCÈÎfE  VIIL 

M.   DALANCOUR,  M.   Q&MONTS^,,  l|APAA|£ 

DAl«AM<;iOURr. 

H  il.  AS  !  moQsiear ,  si  yous-  me  evoyev  la-oaiit» 
des  dérangements  de  fotre  «ertfU,  il  est  juste  qna 
^'eit  pofkr  Mak  It  peiiie.  L*ignotsttee  Amm  lai> 
^ftelle  j*tl  fééte  îii9^ti'à  pi<é«ént ,  il'Mt  pas  «ne  黫 
•use  swflUnate  à  yoi  jenx.  Jeune,  siitis  dxpériebœ, 
je  me  suis  laissé  conduire  par  un  niavi  qve  j,*ai<i* 
mois;  le  monde  m'a  entrAinée ,  resemple  m*9i  sé*> 
4uite;  j'étoitf  canteiatfF,  et  j«  ltf«  ero^fe^ft  heoreaae  : 
mais  je  parois  eotrpable ,  eek  sviflt^  et  povrm  qoA 
mon  mairi  |oit  digne  de  TQt  bienfiBtîl^^  jeiDQScris 
à  Totre  ^é|  arrêt  ;  je  m'arraelierai  de  ses  hvm.  Je 
ne  von»  demande 'qu'une  grâç«:  iiMdiM  wtra 
kftiae  pour  mor;  excuses  mon  sexe ,  mo«  Age  ;  ex» 
cusév  la  Ibibfette  d'im  mafi  ^t,  par  ttop  A'^ 
Itiout...-.- 

H.  oéaosTB. 

Eh!  ma4ame ,  cro^i-ypas  m  -abuser ?' 
BtA^Asra  nAiiktcevtL* 

G  ciel!  il  n'est  doac  plus  de  ressource I  AIi[ 
aion  cher  Dalancour  ^  je  t*ai  donc  perda.....  Je  me 
meurs. 

(Eiie  fom^e  siir  mfautetUli  V*  Daiancoutt  court 
h  son  secaurs.) 

M.  oinovTi,  intfuiet,  ému  ^touché* 

polà!  <]uelqn*un!M|irtbon! 


SCÊNË  IX. 

M.  G£RONTi>,  UAMlïm,  M.  MtLÂIWUR, 

ICA&THOH. 

MoRSiztrtt ,  inonsieur ,  me  yollà. 

M.  oéHOHïE,  t^iVemefti.  ' 
Vojrez...  là...  aiUonsj  allez,  voyez ^  ^oftefe4ui 
du  secour94 

Madaine ,  fltaâame ,  gu*eit-ce  ^oê  c'est  dbnc  ? 
M»  »éHONT£,  donnant  un  flacon  à  Marthoni 
Tenez,  tenez  ,  iroidi  de  leaa  de  Coiojgne;  ('A 
M^Dalancoaté)  Eh  hieni 

'  U.    BALANCÔVB. 

Ah!  mon  oncle !<.., 
M.  ai  KO  V  rit  ^approéhe  ée  madame  Dalancour,  $1 
y  toi  dit  brusquement: 
Comment  You»*tron¥ez-^oM  ? 
MADAME  DALAvcouB,  Se  Uvant  toutdûKeement 
et  a¥ec  une  vdue  iangaiisante. 
Monsieur ,  vous  êtes  trop  bon  de  TOiks  întéres- 
ser  pour  me^i. 'Ne  p venez -pas  garde  à«na  fbiblesae, 
c*est  le  cœur  qui  parle;  je  reeotDvreiiBâauM force», 
je  partirai ,  je  soutkndjrai.'mon  malh)eur. 

,(  iM.  ^Qéitoi^cs'^Uendrit  jonais  ii  n^  4\t  mqt,  ) 
•U  :1m- hikM  c^v n  y  0rkriemeiH* 
Ab!  mon  oncle,  goufirirez-fffWAt.».. 


ipa      LE  ÔOURRU  BIENFAISANT. 
Mé  aénoHTE)  à  M,  Dalancoup ,  vivement^ 
Tais>toi.  {A  madame  Datancour,  brusquement.) 
Hestez  à  la  maison  arec  TOtre  mari.  . . 

MADAME*  OALAJICOU  m. 

Ah ,  monsieur  ! 

M.   DALANCOtra,  avec  tratisporU 
Ah  !  mon  cher  oncle  ! 

»  '  ,      t       f 

*  •    •        • 

M«  aénoNTE,  sérieux,  mais  sfins  emportement^  et 
les  prenant  l'un  et  l'autre  par  la  main, 
Écoutez  s  mes  épargnes  n'étoient  pas  pour  moi  ; 
vous  les  auriez. trouvées  un  jour;  vous  les  mangez 
aujourd'hui  ,  là  source  en  est  tarie  ;  prenez  >  y 
garde  :  si  la  reconnpissance  ne  vous  touche  pas , 
que  rhonneur  vous  y  engage. 

MADAME   DALARCOUR.. 

Votre  bonté.. 

m;   DiaANGOUIl. 

Votre  générosité.. « 

M.    fté&OITTE» 

GelasuHt.        . 

MAATHOV. 

Monsieur... 

M.  GÉaovTEy  à  Marihon* 
Tais-toi ,  bavarde. 

KARTHOlf., 

Monsieur*,  vous  êtes  en  train  d«  faire  ivt  bien  t 
ne  ferez>vous  pas  aussi  quelque  ohotfè  pour  madé-* 
moiaelle  Angélique? 


ACTE  m,  SCÈNE  ITL  193 

M.  aéRONTE,  vivémenL 
A  propos ,  où  est-eDe  ? 

MABTEOH., 

Elle  n'est  pas  loin. 

M.  aénoiTTÇ» 
Son  prétendu  j  est-il  ? 

'  -  M  A'R  T  H  O  H.. 

.  Son  préfen^tt  ?  -  j 

M.  oiaoiTZ. 
Oui;  est-ce  qu'ilest  courroucé ?. est^£fi  qu\il  ne 
reut  plus  me  voir  ?  seroit-il  parti  ? 

MARTHOV. 

Monsieur....  son  prétendu....  j  est. 

M.    G'^ROHTC., 

Qu'ils  Tiennent  ici. 

.  BfÀHTHON' 

Angélique  et  son  prétendu  ? 

Oui ,  Angélique  et  son  prétendu.      <   i) 

HARTHOH. 

Tant  Uftieûx.'  Tout  à  l'heure,  mdnftieur.  .(En 
s* approchant  de  la  couéisse.)  Tenez ,  T&uè^f  meik  ep- 
fants  ;  n'ayez  pas  peur.^ 


Th^Âtn ..  Com^dici. .  1 3«  17 


194     LE  BOUHRt  BIKIïFÀï^iNT. 

SCÊNBX    ^ 

M.  DALANCOUR  VALÊRE,  DORVAL,  M.  OÊ. 
KOISTE  ,  ANGÉLIQUE  ,  MADAME  "DAIuAlS- 
COUR,  MARTHOIÏ. 

M.  oÉRORTE^  vay49lt  V4iiète  et  Dorvat^ 
Qu'est-ce  que  cela  ?  Que  ye^trftiipet^uUre  ? 

JiABTiOI(4 

Monsieur,  cCert  ,^:il  y  »U  ï^MMid»  e^Xo  té- 
moin. 

ic.  GivLù9TfEf{à  Angélique, 

Ap.proclusB* 
AMOÉLiQUE  s'approche  tem:inenéiant,^et  adresse  la 

parole  à  madame  J^flkv^fiimf      .    . 
Ah!  ma  sœuT,  ^  f*i  d«  pardon»  à  voua  de- 

mandet! 

«  A  ft.Tii»fr ,  ^  madame  Malmcour,, 

Et  moi  aussi ,  4nfuiaxii$.<  •  •  • 

M.  Gin  on  TE  y  à  Dorvai. 
'     Veneft  ioi ,  Monsieur  le;pré«;i]rdn<  £bîbi«J»i  £tes- 

DORTAJti* 

Est-ce  moi  ? 

M.   GÉRONTE* 

Vous-même. 

DOftVA't. 

Pardonnez-moi  ;  je  ne  suis  que  Ke  témoin.. 

M.  aiaoHTB. 
Le  témoin  ?  ^ 


ACTE  tll,  6C£9rp  Xr  19S 

Du  mjstèra  !  {A  Angélique, )  Il  j  a  dti  mjrstÂre ^ 
D  o  n  y  A  L,  ttart^tà»  têrkmç  fit  ferme. 

Écoutez-moi ,  moi»  ftaii,  Yo«s  «oiiBoisfes  Ta- 
1ère;  il  ïf  s«  )«9 éèsam^a  4«  cift*  ttiaiso»;  il  est 
reML  diH'r  ^<M  bim  à^  M^  Df4aiic<mr ,  et  s»  maiii  à 
AngéQqtie;  fM^htief,  i|  Mt  |))|it  à  l^^mifcn:  saaf 
dot,  et  ft'hi^  nsfSttten^  im  d^tniira  àe  diottti&  mille 
lirres  db  rentes*  J«  r^UBeomu»*,  j«  aaî»que  voua 
ahmes  lea  J^eflfeài-aétions^ç  j^  l'ai  MH^fitt,  «t  ]«  hmi 
sais  chargé  àé y^ow^ltf  ^«éseatevr 

Bt«  GiaosTiç,  fbri en  éffière,  e|  ^  Angéiique, 

Tu  u'ayois  pas d'inclinatioa ? Tttm'as  tfompé. 
Non ,  je  ne  le  yem  piatt  ;  o*e«t  tinç  supercherie  ida 
part  et  dautre ,  je  ne  le  spuffrirat  p«Es. 

Mon  oher  oncle. ... 

▼ALkaE ,  efu/i  dir  pafskHunéet  9UppHanlx 
Monsieur  v** 

M.    B4|lAll£d>VR. 

Vous  êtes  si  bon  ! . . . 

MADAME  i^iifiitsreoun^ 
Vous  êtes  si  ||énéreux!... 

HA  ET  a  or. 
Moix  cher  midtre  ! . . . 

X.  oÉaov^»,  h  fmtl>,  êi'têaeki. 
Maudit  Éàkt  mon  chien  ié  caiv^tèr»!  J<s  na  puis 


«96     LE  aOURRU  BIENFAISANT. 

pas  garder  ma  colère  .comme  je  le  Toudrois.  Je  me 
souffleterob  ToloBtietB.-  (  Tous  à  ia  /(t  fbU  répètent 
leurs  prières  et  ^entourent,)  Taisez-yous,  laissez» 
moi  ;  i][ae.  le  .diable  vous  emporte,  et  ^u'il  le- 
pouse., 

MARTHOV^  prt. 

Qu'il  lepoits&sans  dot? 

M.  GÉ  BQVTE,  à  Marthon  vii^ement. 

Comment  sans  dot  !  Est-ce  que  je  marierai  ma 
nièce  sans  4Qt  ?  Est-ce  que  je  n'anirois  pas  le 
moyen  de  lui  donner  une  dot  ?  Je  connois  Valère; 
l'action  généreuse  qu'il  vient  de  se  proposer  mé- 
rite même  une  récompense.  Oui ,  il  aura  la  dot ,  e( 
les  cent  mille  livres  que  je  lui  ai  promis. 

VALinE« 

Que  de  grâces  ! 

Que  de  bonté&I 

MADAHE   DALAHCOUn^ 

Quel  cœur  ! 

M»    DALABICOUR. 

Quel  eicemple  ! 
Vive  mon  maître  ! 

DORVAL. 

Vive  mon  bon  ami  I 
(  Tous  à  ta  fois  t'entourent ,  V accablent  de  caresses  et 

répètent  ses  éiogesJ) 
u,  otKOS'MJi  t^phe  </«  se  débarrasser  et  crie  fort. 
Paix,  paix^  paix-!  {U appelle,)  Picard! 


ACTE  m,  SGËDrE  XI.  197 

SCÈNE  XI. 

M.  DALANCOUR',  VALÈRE;dORVAL  ,  M.  GÉ- 
RONTE ,  ANGÉLIQUE  ,  MADAME  DALAN^ 
€OUR ,  MARTHON ,  PICARD. 

PICARD. 
MOVSIEUB? 

M.    AÉRONTE. 

L'on  soupera  chez  moi  ;  tout  le  monde  est  prié. 
Dorval,  en  attendant,  nous  jouerons  aux  échecs. 


riH    DU   BOURAV    BIEHFÀISAHT. 


»7' 


LA  MANIE  DES  ARTS, 


00 


LA  MATINÉE  A  LA  MODE, 

'  COMEDIE, 

'  PAR  ROCHON  DE  CHi  BANNES, 

Représentée,  pour  la  première  ïoif,  le  merecedi 
i  I."  juin  1763. 


L 


I  li     "I    « 


NOTICE 

SDR  ROCHON  DE  CHABANNES. 


•        • 


MA&C-ANTOINsJiCCI^IIES  RoCHON  DE  CHABÀNmES 

naquit  à  Paris  le  37  janvier  1730.  Panni  ses 
premiers  ouvrages  on  distingue  sa  satire  sur 
leshommes.  Cette  pièce  j  intitulée  les  souhaits  y 
elr  imitée  de  Juvënal ,  parut ,  pour  la  première 
fojs.y  en  1758.  Depuis  cette  époque  9  Rochon 
travailla  pour  le  Théâtre  François  et  pour 
l*Opéra.  On  voit  encore  à  ce  dernier,  et  tou- 
jours avec  un  nouveau  plaisir,  le  s]çiqni:uii 

•BIENFAISANT  et  LES  PRÉTENDUS  « 

La  première  pièce  que  notre  auteur  donna 
an  Théâtre  EralDçois,  fut  Heureusement,  comé- 
die en  un  acte,  en  vers,  jouée  le  29  novembre 
1 763  avec  beaucoup  de  succès, 

La  Manie  des  Arts,  où  la  Matinée  A  la 
MODE ,  comédie  en  un  acte ,  en  prose ,  mise  au 
théâtre  le  !•'  juin  1768,  fut  dès-lors  très  bien 


90»  NOTICE 

accueillie^  ce  qui  n'empécl^a  pas  Rochon  (l'y 
faire  quelques  chapgements  qui  ont  contribue  à 
la  faire  applaudi?  à  tofitas  ses  reprises» 

Les  Valets  maîtres  de  ;<a  maison,  comëdiq 
en  un  acte ,  en  prose ,  fut  donnée ,  pour  la  pre- 
mière foi»i  le  II.  février  1^68;,  çX  Qbtint  pqzt 
ireprésfijatatioBs. 

Le  10  dàtemfloBta  de  I9  méqns:  aonée^  parut 
HYUtô  ETipSiLViz,  pastorale  en  ai|  acte  avec  des 
dmrti^emeiitSt 

Les  Amants^  GÉNÉHEtnc^  éomédiô  en  cinq 
actea  ^  en  prose ,  Hit  mise  au  tbéâ!tre  le  1 3  oc- 
tobre 1774»  et  jouée  douze  fois  avec  un  très 
grand  succès. 

L'ÂMouiv  FRANÇOIS  ^  couiédie  en  un  acte  j  ei| 
v«rs,  repi*ésçntée ,  pour  ^^  première  fois,  U 
17  avril  1 7  79  ,^  eut  treize  représeiitatioQS  con- 
sécutives; mais  çUe  n'a  point  été  reprise. 

Le  Jaloux^  comédie  en  cinq  actes ^  en  vers , 
est  la  dernière  qiie  son  auteur  ait  fait  représen- 
ter au  Théâtre  François.  Elle  y  parut,  pour  la 
pron^ière  fois,  le  1 1  mars  1 784,  Le  16  du  m^iuç 


SUR  iiOCHON'  DK  CHABANNES.   2o5 
mois  elle  fut  }ouëe  à  la  cour^  où  elle  obtint  le 

<  • 

succès  le  pltts^tteur.        \ 

Rochon  de  Chabannes  passa  ses  dernières 
années  au  sein  de  l'amitié ,  et  mourut  à  Paris  le 
1 5  mai  I  BoOy  ftgé  de  smamenlix  aas^ 


PERSONNAGES. 

FoaixsK.  •- 

UvE  Comtesse,  bel-esprit. 

Madame  Forlise^  mère  dé  Foi'lise.    * 

U.ir  Philosophe. 

0v  GoLonis,  peintre^ 

ÈLLLÀQtiO,  musicien. 

Un  Gascon. 

DvMONT,  yalet- de -chambre  de  Forlise. 

Laquais ,  personnages  muets. 


La  scène  est  dan^  un  salon'  de  M.  Forlise. 


LA  MANIE  DES  ARTS , 

OU 

LA  MATmÉE  A  LA  MODE, 

COMÉDIE. 

Le  théâtre  représente  l'appartement  du  protec- 
teur; ou  y  voit  deux  bureaux  remplis  de 
lÎYres  y  de  manuscrits  y  et  d^  papiers  de  mu- 
sique ;  plus  loin  on  aperççit  un  tableau  sur 
le  chevalet.  Le  salon  est  garni  de  Êiutcuils, 
d'instruments  répandus  çà  et  lâ^^ 

SCÈNE  L 


(LE  PHILOSOPHE,  seul. 

Anl  monsieur  Thomme  sensé ^  ou  du  moins  qui 
TOUS  piquez  de  l-étre,  yous  ayez  foit  là  Une  belle 
démarche.  Vous  rencontrez  Forlise  dans  une  mai- 
son, on  yous  l'annonce  comme  un  protecteur  des 
arts;  yotts  yous  préyenez  en  sa  fayeur,  il«e  pas- 
sionne pour  yous  ;  il  yous  engage  «  le  yenir  yoiy  ; 
TOUS  n'hésitez  pas  à  lui  promettre  |  et  yous  ybilà 
Tliéxtre.  Comédies,   l3..  l8 


i 


aaa  liA^MANlE  BK$  ARTS. 

Et  M.  Dumont  son  yalet  de  chambre  ?* 

DU  coion^s-i 
G'esjt  encore  un  aptre  inxpertin.ent. 

A  L  L  É  G  B  0« 

Il  Tous.^protège  ai^sj. 

DU    COLOaiftr 

Il  faut  le  ménager  pour  avoir  Toreille  de  soa 
maitrp. 

LE  PHILOSOPHE,  à  part 
M..  Dumont  doit  valoir  son  pesant  d-or.* . 

t)!/    COLORIS. 

Patience  ^  ^ue  j'aie  fait  mon  chenûq. . . .-. 

ALLÉGRO. 

Que  je  me  voie  au-dessus  de  mes  affaires. . . . 

DU'COLORIS. 

*  j 

Comme  je  vous  le  mène ,  ce  petit  monsieur! 

ALLéG,RO, 

Gomme  je  lui  éiis  changer  de  top  !  Je  ne  reusc 
plus  qu'on  me  parle  musique. 

'    DU    COLORIS.. 

Ni  moi  y  peinture. 

Allégro.-  . 

Je  me  refose  aux  empressements  des  sots, 

DU    COLORIS,. 

On  me  retient  à  dîner  trois  mois  d  avance ,  et 
y  y  manque. 

A  LLÉ  G  RQ^ 

Moi ,  j  j  vais  ;  mais  c'est  pQur  boire  9,  manger  et 


} 


SCÈNE  il.  S09 

ne  dire  mot  ;  si  je  chante ,  ce  n  est  que  par  con- 
tradiction. 

LE    PHILOSOPHE. 

Bravo  !  mes  bons  amis ,  bravo  i  rampants  d'a- 
bord, impertinents  après;  c  est  dans  Tordre  :  voilà 
le  caractère  des  gens  médiocres. 

DU  COLOKIft. 

Monsieur..^. 

I.E  PHILOSOPHE.^ 

▲h!  ne  vous  fitchez  pas  ;  point  d'aigreur  :  rece- 
vez de  bonne  grâce  l'apostrophe  ;  vous  le  devez , 
du  moins ,  par  politique.  J'ai  votre  s^ret  ;  et  il  ne 
tient  qu'à  moi  d'en  abuser  pour  vous  perdre 
.  ALLéoao,  à  dt^  Cohris. 

Il  a  raisoB ,  >eontva^noBS^-nou«. .      . 

LK    PHILOSOPHE. 

Point  d'inquiétude  :  Je  n'ai  point  envie  de  vous 
brouiller.  Vous  êtes  faits  l'un  pour  l'autre.  Fodise 
vous  traite  comme  vous  le  méritez ,  vous  le  trai- 
tez comme  il  le  mérite  ;  c'est  à  sa,  place.  Je  von- 
drois  bien  qu')l  vint  à  paroitre ,  ce  M.  Forlise  ; 
vous  feriez  une  bonne  scène  ensemble ,  je  m'ima- 
gine. On  ouvre* 


• .  «  »»   I 

-•     MI 

18. 


310  LA  MANIE  DES  ARTS. 

SCÈNE  III. 

tB  PHILOSOPEE;  Dtn«0]fT,  DU  COLORIS, 

ALLÈGHO. 

•     Ah  !  c'est  M»  Dat&ont. 

te  PHILOSOPHE,  à  part^ 
Cette  scène  ne  doh  pas  être  moins  curieiifltfST 
rûy%tk9^  le  ▼ftlet  povr  ttooft  éiafenmi  ém  miér  le 

Servîtenr  à  M.  Dmnont. 

Bonjour.  T  a^«-il-  loni^twiftl^^VM* t<é«»  attendez 
monsieur  le  mavqnM  ? 

Ek!  ttais*,  il  y  a  twtiMom  denot  henr«s. 

DUMOll'l'.    ■  ' 

N <Sus  causiont  et  nous  riions  ensejtMé. 

LÈ'pHiLosorBE,  apffr*/. 
Gela  donne  envie  d*attentlT6.. 
DU  coLonis. 
Vous  êtes  de  ses  amis ,  M.  Dumont  ? 

OUMONT. 

Oui ,  nous  vivons  en  assez  bpnne  intelligence* . . 
Je  lui  passe  ses  défauts ,  il  me  corrige  quelquefois 
des  miens  ;  mais  tout  cela  se  fait  de  la  meilleure 
amitié  du  mpnde.'. 


SCÈNE  m.  dM 

n  a  bien  raîftûn  dé  yods  aimer  /tt:  l>i|inûnt ,  il 
a  bies  raison  âe  Vous  aimer ,  tous  hii  /êtes  fort  at- 
taché. 

DtrwoHT. 

£h!  mais,  oui;  îtpaie  liien.  Ce  n*est  pas  l'inté- 
rêt qui  me  mène  ;  naÎB'  il  £int  yme ,  mmtam» ,  il 
fant  viTTe. 

DU  C'OIrORIS. 

Sans  doute.  Mais  c  eM  qae  monsieur  le  marquis 
ne  se  borne  pas  k  lai  dioaner  d«ftpir«ai«»'d«.8on 
amitié  ;  c'est  qu'il  le  conai^èce,  M.  Allégro. 

ALLÉGAO. 

Je  m  en  swft.apierçjHtcopHO^.TOU#» 
MessieurSr.. 

DU,  COIia&LS. 

Axx^fiaao* 

Il  prend  ses  avis. 

ALLiéaito. 
Il  faut  entendre  M..  Dumont  parler  musique. .  .• 

I^U  COLORIS. 

Et  peinture.»  mon  cher ,, et  peinture.... 

Il  a  une  oreille! 

DU  coionis.  . 
Un  coup d 'œil... 


21^  LA  MANIE  DES  ARTS. 

X>  U  M  O  R  T. 

Allons,  TOHS  voulez  rire^.."  Mais  si  nous  nous 
stssc^jions ,  nous  causerions  aussi  à jiotre  aise». 

làXiLÉGRO. 

En  effet  •  nous  vous  tenons  ctebout» 

9V,  COLORIS. 

Yoilà  un  siège,  M.  Dumonu 

DU  MORT  s'assied^ 
Et  vous? 

•       .  ALLÉGRO. 

N«  prenez  pas  garde  à  nous. 

A  la  bonne  heurei 

LE' rtfiLOSOPBfei  à  parh    •  ' 
Je  ne  m'attendois  pas  à  ce  diemier  trait;  les  voilà 
debout  devant  M.  Dumont. 

ALLÉGRO. 

Eh  bien  !  M.  Dumont ,  que  nous  direz-vous  de 
bon  ?  Yerrons-nous  aujourd'hui  monsieur  le  mar- 
quis? 

DUMONT. 

Un  Aoment  tout  au  plus  ;  car  il  a'  de  grandes 
affaires, 

ALLÉGRO. 

Il  est  occupé  sans  doute  du  projet  d'un  petit 
opéra  que  nous  avons  concerté  ensemble,  et  dont 
je  viens  lui  montrer  Texécntion. 

DUMONT. 

Il  n  j  pense  plus  aujourd'hui. 


SCÈNE  nu  ^i3 

JfV   COLORIS. 

Je  me  suis  aperçu  qu*ll  aroit  retouché  notre  ta- 
bleau ,  et  il  ip  attend  sans  doute.... 

n^UMOIIT. 

fîon ,  il  ne  vous  attend  ni  l'un,  ni  l'autre.  Il  at^ 
tend  M.  Oorilas  pour  mettre  la  dernière  main  à 
nDe  tragédie  qu'il  a  composée- ce  matin.  Je  ne  m  j 
coonois  pas;  mais,  en  vérité,  c'est  U  plus  belle 
chose  du  monde...  Mais  quel  est  cet  original, 
cette  espèce  d'ours  qui  se  tient  tapis  dans  un  coin , 
nous  observe  et  paroit  se  moquer  de.  bous  ?  Se 
croiroit-il  déshonoré  de  me  faire  une  réyérence  ? 
{ÀfL philosophe,)  Monsieur,  peutron  savoir.?... 
I.C.  PHILOSOPHA,  à  DumonU 

PonrquCoi  je  n'ai  pas  volé  au-devant  de  vous 
comme  ces  i]&essieups?&...  Vous  en  méritez  bien  la 
peine,  mon  ami,  car  tous,  êtes  ban  à  voir  :  mais, 
tenez,  je  vois  aussi  b^en  de  loin  que  de  près. 

DU  MO  HT,  à  part. 

Cet  hommie-là  se  moque  de  moi., 

LE    PHILOSOPHE. 

Non,  je  TOUS. admire;  ^ons  jouez  le  r61e  de  vo- 
tre maître  si.  parfaitement,  •  si  parfaitement,  que 
ces  messieurs  prennent  le  change.  Oh!  il  faut  avoir 
de  véritable^  t^ents  pour  jouer  ainsi  la  coQiédie. 

DUMOiTT,  a  parL 
Il  me  feroit  perdre  mon  crédit ,  il  faut  l'expé- 
dier. (Haut.)  Votre  nom,  monsieur,  pour  que  je 
vous  annonce.. 


1 

ai4  LA  MANIE  DES  ARTS. 

LE    PBIIQSOVHE. 

Non ,  mon  ami ,  je  ne  yeux  pas  roir  Totve  mal 
tre  ;  je  dpute  qu*;l  puisse  raloii:  mieux  que  tous 
Je  suis  resté  par  curiosité  ;  elle  est  8at|8£ute, 
Adieu. 

scé;ne  IV,  ! 

pir»fONT,  DU  COLQUIS,  ALLÉGRO, 
YeiiiA  un  luH9me  singulier,  mcHtsMun» 

AKLi«|IO. 

A  qui  \t  cUtM-TOus? 
I)  m'a  éttturdi« 

DU   COLOEia. 

On  le  aeroit  à  meins. 

DUMOilT. 

Si  j'avoia  su  à  qui  j'aFois  aâaîre... 

▲  LL^ABO., 

A  un  fou. 

Je  l'ai  pensé  de  même. 

UV    COLOBia. 

Il  hsit  pasftBp  quelque  ehose  à  oea  gens-U« 

VOBCOBT. 

Aussi,  TOUS  vojez  coBime  je  me  aui»  eou^uit» 
Kous  ayons  admivé  yotie  retenue. 


DUMÔHT. 

Il  ne  iaudroit  pas  me  maroher  iur  le  pied^ 

BV  GOI.OBXSA 

On  passeroit  mal  soi!  temps. 

DUMOHT.        V 

Jé  ne  suis  pas  brutid;  mais....  Ah!  j*aperçois 
ttonsMar  leinatt|iiM  ;  |e  tais  Yons  présenter. 


SCÈNE  V 

F  0  R  L'I  S  £  4  suivi  itun  nombreux  domettitfuA  ;  AJU* 
3LÊÔKO,  DU  COLORIS,  DÛBtOl^t. 

^ÔRlilSé. 

MiLtE  parâ<te!r,  messietit»,  tliilkfc  pfti*âdfti*  (^A 
Dumont,  en  Idi  donnanî  Un  tauteau  de  papier.)  Te- 
nex^M.  DnmoBCw 

Dtrnoifr. 

Malepesté  !  c'est  la  (ragédfe. 

P011LIS2. 

t*oint  de  eurioàité ,  mons  Duâiont  ;  mettes  toat 
cela  sur  mon  bureau. 

DtMONT,  à  du  Coloris, 

Il  lie  yetit  pas  que)e  lise  sa  pièce  -,  tantôt  il  me 
forcera  de  Técouter. 

PORLiSK,  à  sei  gensi 
Qu'on  m'habille.  (Aux  protégés.)  Vous  permet- 
tez... (A  Dumont)  À  ptopos,  «ft-tu  porté  ce  livre 
cheKladnchesse? 


2i6  LA  MANIE  DES  ARTS- 

Oui  ;  je  lui  ai  dit  qu'il  étoit  d  un  àt  TOSlamis  et 
qu'il  falloit  qu  elle  le  trouvât  bon. 

rOALlSE. 

A  merveille. 

DtMOirT* 

Elle  ma  remis  celui-ci,  qu'il  faut  ^ue   voue 
trouviez  mauvais. 

FORLISE, 

C'est  juste. . .  Eh  bien  !  mon  cher  M.  du  Coloris , 
que  dites- vous  de  notre  tableâU?  âvez-voua  r«xnat- 
que  ? .  •  •• 

DJ3  COLORIS* 

Des  changements  considérables. 

FORLISE» 

Dont  vous  êtes  content,  sans  doute... . 

DU    COLORIS.. 

Mais,  oui;  l'on  ne  peut  nier..  i 

FORLISE. 

Dumont,  je  sors  à  trois  heures ,  ayee  soin  d'en 
prévenir  mon  cocher. 

DU  M  OH  T.  I 

Mais,  monsieur  le  marquis,  vous  ne  sauriea     ' 
sortir. . . 

FORLISE,  à  Dumont. 

Gomment?...  (A  ses  gens.)  Mon.  habit.... .Vous 
ne  finissez  pas,  entre  nous,  ce  que  vous  faites, 
mon  cher  du  Coloris ,  vous  ne  finissez  pas  ;,  ce  ta- 
bleau avoit  grand  besoin  d'être  retouché*..  Je  Ht     i 


SCËNÊ  V,  ai7 

sauTois  sortir,  M.  Dumont?  £h!  poiirqaoi|,  ^'il 
TOUS  plait? 

BVMOVr. 

Pour  une  petite  bagatelle. 

FoaiiaE. 
Une  petite  bagatelle?  On  saura  sans  doute  cette 
petite  bagatelle? 

DUMOHT.  avec  un  geste  d* impatience  de  ne  pouvoir 

lui  répondre,, 
C4  est*  •  •  • 

FOALI8B,  à  ses  gens. 
Ma  montre....  Apportez-y ous  notre  opéra,  mon 
cber  Allégro? 

ALLÉOBO. 

Le  voici. 

FORLISE. 

Qu'est-ce  qui  me  retient  donc ,  monsieur  Do- 
mont?  qu  est-ce  qui  me  retient  donc?  répondes. 

DUMONT. 

A  qui  répondre? 

FOALisE,  à  Allégro, 
ATek-TOUi  fiât  copier  les  parties? 

▲LLiaao.  j 

Oui,  monsieur. 

Fo Alise,  àDumonté, 
le  ne  me  souriens  d  aucun  engageneutt.«  Parle 
ploiio. 

DUMOHT. 

n  Hmdroit  teé.sùr  que  tous  n'écoutassiez. 

ZU&tn*  CvflUdiet.  l3.  tl9 


âi3  LA  I^AIilE  DES  AKTS^ 

rOBLISX, 

J'écoute. 

Vous  arec. . . 

Foiii.isE,att  musicien^ 
HovLS  ayons  un  ballet  à  la  fin? 

ALiéano.  ' 
Un  grand  chœnr.  ' 

Fo ALISE,  à  Dumoni*. 
Eh  bien  !  achève  donc?  j  ai. . . 

DUKOHT« 

Du  monde  à  diner. 

FOALISE,  à  AUé^Om 

Un  .grand  chœur  :  cela  fera  un  grand  effet,  (A 
Dumont.*)  Du  monde  à  dîner,  dis-tu?  Quel  contre- 
temps !  Il  faut  pourtant  que  je  sorte ,  mons  Du- 
mont  :  comment  faire  ?  J'ai  promis  à  Montfort  d^ 
l'aller  voir;  c'est  un  jeune  artiste  que  je  veux 
mettre  en  réputation  ;  c'est  une  yisite  essentielle  ^ 
cela  marquera. 

Vous  êtes  bien  embarrassé  !  Envojez  votre  oap^ 
rosse  à  sa  porte;  cela  lui  fera  autant  d-bonneur 
que  si  vous  j  alliez  vousHosême. 

FORLISE^ 

Ouï,  l'on  peut  en  effet....  Rien  de  mieux  rai« 

sonné Ta  as  un  gros  bon  sens  qui  m'étonne 

quelquefois.  (A  pari,  )  Il  faut  pourtant  que  |e  ma 
débarrasse  de  ces  messieurs,  (  Haut,  )  Voilà  donc 
notre  GgévtL^  mon.  cher-?  je  verrai  cela  à  tête  repo- 


sée....  De  rénnilation ,  M.  idu  Coloris ,  Ae  rémuliiH 
tton.  Adieu  :  je  ne  tou»  retiens  pas.  Il  j  a  long- 
temps que  vous  m'attendez,  j'en  suis  honteux... J 
M.  Allégro,  en  tous  en  allant,  remettez  les  parties 
copiées  à  mes  musiciens ,  et  dites -leur  qu'ils  ne 
s  écartent  pas.  Si  j'ai  un  moment  k  moi ,  jeles  ferai 
avertir.  Nous  exécuterons  quelque»  morceaux  de 
notre  opéra.  Je  tous  baise  les  .mains  *,  au  revoir..... 
J'irai  tous  rendre  visite  au  premier  jour. 

DUHOlfT.  , 

Oui ,  nous  enverrons  le  carrosse.. 

àlLiOBO. 

Nous  reviendrons  vous  faire  notre  cOur* 

roatiSE. 

Vous  savez  bien  que  je  ne  veux  pas  qu'on-  me 
fasse  la  cour  :  regardez-moi  comme  votre  ami , 
l'un  et  l'autre ,  je  vous  en  conjure.  Tenez  dîner 
ici  quand  vous  voudrez;  je  suis  au  désespoir  de 
ne  pouvoir  vous  retenir  aujourd'hui.  Serviteur  : 
nous  parlerons  musique  et  peinture  une  autre 
fois  ;  je  voi^s  laisse  aller.  Venez  revoir  votre  ta- 
bleau ,  et  vous  votre  opéra ,  vous  ne  les  reconnoi^ 
trez  plus. 

^Le  peintre  et  lepmsicien  tortent  ) 


aao  LA  MANIB  DES  ARTS. 

SCÈNE   VL 

FORLISSE,  DUMONT^ 

OnMOHT* 

Voila  des  gens  bien  reçus  (pour  avoir  attendu 
trois  heures  !    '  ; 

FOnLISE. 

Ils  8*en  vont  les  plus  contents  du  monde...x. . 
(  Appelant  un  de  ses  gens.)  Hola^!  hc  !  <][uelqu'un  ?  Si 
Dorilas  vient ,  qu'on  le  laisse  entrer. . . .  Ma  tragé- 
die 1  étonnera ,  sur  ma  parole.  Gomment  ai- je  pu 
trouver  un  pareil  sujet  ?  Non ,  je  n'en  reviens  pas. 
Qu'on  dise  qu'il  n'j  a  plus  rien  de  neuf;  oui,  pour 
des  esprits  stériles  ;  mais  pour  ces  heureux  génies 
favorisés  des  cieux..,.  M.  Dumont,  il  faut  passer, 
aux  François ,.  leur  demander  lecture  de  ma  part 
pour  Dorilas;  je  veux  lui  faire  présent  de  ma  tra-* 
gédie. 

DUMONT. 

Monsieur  le  marquis  est  magnifique. 

FORLISE. 

Quel  début!  il  fixera  votre  attention ,  messieurs 
les  comédiens ,  il  fixera  votre  attention  ;  vous  prê- 
terez l'oreille  à  Dorilas  ;  il  fera  tomber  la  navette 
de  vos  mairfs,  mesdames;  vous  n'aurez  pas  envie 
de  vous  regarder  pour  vous  faire  rire  ;  vous  pleu- 
rerez, morbleu!  vous  pleurerez  :  et  vous,  mes- 
sieurs ,  vous  ne  vous  amuserez  pas  long-temps  de 
l'embarras ,  de  la  modestie ,  ou  des  prétentions  de 


J 


SCÈNE  VI.  aar 

l'aatear;  il  vous  attendrira,  il  tous  subjuguera. 
Je  TOUS  entends  d'ici  vous  récrier,  vous  extasier. 
«  Ron  !  eneore  mieux!  à  miracle  !  à  merTeille  !  j  e- 
«  touffe ,  je  n  en  puis  plus  ;  laissez^nous  respirer  : 
a  c'est  4]»  Corneille,  du  Racine,  du  Grébillon ,  du 
»  Voltaire!  cela  ira  aux  nues!  voilà  ce  ^ui.  s'ap* 
u  pelle  une  tragédie  !  C'est  un  fier  génie  que  cet 
«  homuie-là  !  Au  scrutin  ,  messieurs  :  point  de 
H  scrutin;  enregistrons  :  faites  copier  les  rôles, 
(c  monsieur  l'auteur.  A  qui  destinez-vous  la  priqi- 
tt  cesse,  l'amant,  le  tjran?.^  »Que  d'embrassades, 
de  la  part  des  dames ,  je  vous  ménage  là,  M.  Dori- 
las  !  Que  de  compliments  vous  allez  recevoir  de 
ces  messieurs  ! ,  La  louange ,  la  flatterie ,  le  miel 
coulent  de  tontes  les  bquches..  Vous  sortez  ",  vous 
descendez  les  marches  de  là  comédie,  c'est  un 
coniul  romain  qui  descend  du  Gapitole  ;  on  vous 
précède,  on  vous  entoure,  on  vous  suit;  votre 
triomphe  est  écrit  sur  tous  les  fronts ,  et  sut  le  vô- 
tre particulièrement,  monsieur  l'auteur  :  les^oisiâ* 
(du  café  sont  sous  les  armes ,  et  vpus  attendent.. 
Quel  moment  !  quelle  sortie!  Je  ne  sais  pas  corn-* 
ment  un.  auteur  peut  quitter  ce  jour-là  la  porte  de 
la  comédie.' 

nVHOVTr 

Voilà  qui  est  beau  :  mais  quand  la  pièce  est  re« 
fiisée? 

POALISZ. 

C'est  nn  eouttisan  disgracié  ,  à  qui  tout  1» 
monde  tourne  k  dos  ;  jl  descend  les  marches  de  la 

«9- 


âaa  LA  MANIE  DES  ARTSr 

comédie  sans  escorte ,  l'œil  morne ,  et  la  tête  bais^ 
sée  ',  sort  sans  regarder  devant  ni  derrière  lui ,  à 
droite  ni  à  gauche ,  et  file  le  long  du  mur  ;  mais 
Dorilas  n'éprouvera  point  ce  revers ,  je  t'en  ré- 
ponds. Voyons ,  continuons  ce  que  nous  avons  si 
bien  commencé  :  Dumont ,  ne  m'interromps  plus, 
mon  démon  me  saisit ,  j'entre  en  verve  ;  écrivons. 

nu  MO  HT,  à  lut-méme. 

Si  je  faisois  aussi  des  vers;  qu'est-ce  qui  m'en 
empêche?  En  les  faisant  recorriger  par  un  autre , 
cela  n'est  pas  difficile.  M.  Dorilas  aura  bien  la 
complaisance  de  faire  pour  moi  ce  qu'il  fait  pour 
mon* maître....  Poétisons....  Mais  pour  qui?  Com- 
ment! pour  Phiiis...  ma  maîtresse  ;  elle  a  un  petit 
ne*  retroussé  bien  capable  d'ouvrir  la  veine. 

FORLISE. 

Quelle  rapidité]  quelle  foule  d'idées!  Gommo 
cela  se  présente  ! 

/  DUMOHT. 

Voilà  une  plume,  de  l'encre,  du  papier;  il  j 
aura  bien  du  malheur,  si  je  ne  fais  pas  des  yers- 
avec  tout  cela.  11  faut  d'abotd  se  frotter  le  front , 
se  ronger  les  doigts,  regarder  le  ciel,  fixer  le» 
jeux  en  terre ,  frappçr  du  pied ,  battre  la  muraille 
de  sa  tête ,  marcher  à  grands  pas  ,*  s'arrêter  tout 
court ,  s'asseoir  tantôt  sur  une  chaise ,  tantôt  sur 
une  autre  :  essayons  toutes  ces  maniéres-là...  Bon! 
je  oommenee  k  entrevoir  quelques  idée»;  proma- 
aons-le»  pour  les  étendre. ...  m'y  voilà*. .  « 


De  mitaie  qa'an  taureau.... 
Mais  cette  comparaison  «là  effirajera  ma  mai' 
tresse. . . .  Tout  coup  vaille  ;  écrivons* 

FOHLISE. 

Tojons  y  que  j'arrange  ma  situation ,  que  je  me» 
snre  un  peu  l'étendue  de  la  scène  pour  mon  coup 
de  théâtre....  Bon....  il  j aura  de  ïa  place;  l'effet 
sera  merveilleux....  On  auroit  mis  là  autrefois  du 
sentiment,  le  cri  de  la  douleur,  du  désespoir;! 
mais  nous  nous  j  entendons  bien  mieux  aujour- 
dhni.Une  déclamation,  un  coup  d'oeil  philoso- 
que;  voilà  ce  qu'il  faut. 

nUMOlTT, 

De  mé^ie  qutm  taureau  bondissant  dans  les  aiiv. . .  • 

FOALISZ. 

Courage!  Forlise. 

D  U  M  O  «  T. 

Courage  !  Dumont. 

FOHLISE. 

Que  je  suis  content  de  moi  î 

.    DUMOHT.i 

Que  je  suis  enchanté  de  ma  petite  personne  !  Je 
me  caresserois ,  je  me  baîserois  volontiers. 

FOHLISE. 

Comment  ai-je  pu  trouver  cela  ?  ^ 

nu  M  on  T. 
Comment  l'esprit  humain  peut- il  aller  jus- 
que là  ? 

FOKLiSB,  embrassant  son  papieré, 
0  trop  heureux  Forlise  !  . 


9a4  LA  MANIE  DES  ARTS. 

D  u  M  o  V  T ,  ie  re^atdanU 
G  est  encore  apparemment  une  des  cérénonies 
de  la  magie.  (Faisant  comme  son  maître.)  O  trop 
heureux  Dûment  ! . . .  En  effet ,  je  sens  que  cela 
m  échauffe  l'imagination....  O  trop  heureux  Du- 
mont! 

FOALISE.  .     . 

Voilà  de  quoi  faire  tourner  la  tète  k  tonte»  nos 
femmes. 

DUBtOHT.. 

Je  ne  sais  si  la  tête  en  tournera  à  Philis  ;  mais 
elle  m'en  tourne,  à  moi.. 

foulise. 

Je  ne  me  possède  pas...'..  Je  suis  dans  une 
iyresse. ... 

DUMONT. 

Et  moi,  je  suis  comme  un  homme  iyre-mort.  Ce 
que  c'est  que  la  poésie! 

FORLISE^ 

Si  Dumont  n  etoit  pas  si  bête 

DU  MO  HT. 

Si  mon  maître  ne  crpjoit  pas  avoir  tant  d'es- 
prit. ... 

FOULISE^ 

Je  Ini  lirois  ce  morceau. 

DUMONT. 

Je  lui  ferois  voir  ce  petit  plat  de  mon  métier. 

FOKLISE. 

Mais ,  non  ;  il  ne  sentira  point. 


fc' 


1 


SCÈNE  Tl.  925 

ovirovT. 
Mtdsy  non;  il  se  modéra  d«  moû 

Domont ,  te  tairaB-to? 

su  MO  HT..' 

Noo,  )»&  Ailis,  don...: 

roRLisE,  se  levanU 
Comaient ,  non  ? . . .  Maraud  ! 

DUMOVT. 

Monsieur,  je  parfois  à  Philis. 

PORLISE. 

Qu  est-ce  à  dire ,  à  Philis  ? 

DUMONT« 

Ce  sont  de  petits  vers. 

FORLISE* 

Je  erois ,  Dieu  me  pardonne ,  que  le  maroufle.. 

DUWOET. 

Oui ,  monsieur. 

•  PonLiSE. 
Ah!  Tojons  cela,  M.  Dumont,  rojons  cela.. 

DUMORT. 

Eh!  mais,  cela  nest  pas  si  mauvais  que  vous 
TOUS  Timaginez  bien. 

PORLISE. 

Tu  te  £âches?  Prends  la  peine  d'aller  boucler  et 
eztravaguer  plus  loin ,  et  laisse-mot. 
DUMOET,  à  iat-même^  . 
Extraraguer  ici  tout  seul ,  à  la  bonne  heure. 

(  J^  iorU  ) 


2^6  l  MANIS:  DES  ART8. 

SCÈNE    VIL 

FORLISE,  seuL 

y  Kl  fait  a^ez  de  poil  ayec  ma  tragédie.  Chan- 
geons d'occupation  pour  nous  distraire.  (li  se  ntet 
au  chevalet ,  après  le  tableau  de  M.  du  Coloris,  )  Ali  ! 
M.  du  Coloris,  que  yous  me  donnez  de  peine! mais 
)e  vous  rendrai  un  homme  célèbre,  en  dépit    de 
vous-même.  (  Il  prend  la  palette  et  donne  quelques 
coups  de  pinceau  au  tableau»  )  C  est  Prométhéë  q^ui 
Tient ,  un  flambeau  à  la  main ,  animer  la  peintcirc. 
Quel  jour  j'ai  répandu  sur  ce  tableau!  quel  feu  ! 
quelle  âme  !  Il  semble  que  la  déesse  respire. 

SCÈNE  VIIL 

FORLISE,  DUMONT,  LA  COMTESSE^ 

DU  Mo  ITT,  annonçant* 

Madame  la  comtesse. 

(il  sort.) 

SCÈNE  IX. 

îfORLlSE,  LA  COMTESSE,  DUMONT. 

roniisE,  surpris  et  se  UfanU 
Eh!  madame,  comment  jusqu'ièi? 

LA  COMTESSE^ 

Oui  ;  votre  salon  est  plein  ;  votre  frère  en  faîf 
parfaitement  les  honneurs,  et  j'ai  esquivé  la  com- 


SCÈNE  IX.  %%fj 

pagnie  pour  venir  voiis  surprendre  dans  vos  haute^s 
occupations. . . .  Mais ,  comment ,  monsieur  le  mar- 
quis, TOUS  peignes!  Eh!  mais,  je  ne  vous  connois- 
sois  pas  encore  ce  talent, 

FOnLiSE. 

Ab!  comtesse,  ce  sont  des  essais  d'écolier, 

LA  COMTESSE, 

Qui  valent  des  coups  de  maître. ,  •  Je  suis  ja^ 
iouse  de  ce  tableau  d'imagination.  Allons ,  remet- 
tez-yous  à  votre  place,  et  moi  je  rais  m'asseoir  ici. 
Peignez-moi. 

ro ELISE,  irh  enUfartasté, 

ËE !  mais ,  vous  n'y  pensez  pas,  et  je  ne  suis  pas 
assez  habile.,.     . 

LA   COMTESSE* 

Pour  attrapper  une  femme.  Nous  verrons.  ^S^as- 
seyant  et  /arrangeant»)  Me  voilà  bien ,  commencez  : 
si  vous  vous  j  prenez  mal,  on  vous  le  dira. 

FORLISE.,- 

Alàis  je  n'ai  pas  de  toile.. 

LA  .COMTESSE.  > 

£h  bien  !  effacez  cefte  tête ,  et  nattevnBloi  à  Irt 
place* 

FOULlSE.: 

Hais  c*est  uue  tête  de  caraotère. 

LA  coutsssb,  avec  un  peu  d'humeur, 
YouB  yevxes  que  je  n'ai  pas  de  ooraotère. 

l!on«  Touf  ètei  trop  joHe. 


aaà  Î-A  MANIE  DES  ARTS- 

LA  COMTXS'SE. 

U  M  quelque  raisonJ 

fORLISE. 

Et  puis  ayez-YOus  des  heures  à  me  donner? 

LA   COMTESSE» 

Bes  moments ,  passe.  M'enyoilà  dégoûtée.  (EUe 
vole  auL  bureau  de  ForUse.)  AVez-YOUS  là  quelque 
chose  de  nouYeau? 
F  o  AL  I  s  s,  À /a  comleise^  <fui  ravage  tout  sur  le  bureau. 

Ah!  comtesse,  prenez  garde. 

LA    COMTESSE. 

Je  ne  touche  à  rien  ;  je  n'en  Yeux  qu'à  cette  mu- 
sique. 

FOaLISE 

C'est  un  petit  opéra.. 

LA  COMTESSE. 

Vous  ayez  fait  un  opéra ,  monsieur  le  marquis  ? 
Voyons ,  yojons.  Gomment  I  mais  cela  me  paroit 
très  agréable  ;  yoilà  une  ariette  tout-à>fait  de  mon 
goût. 

FOaLISB. 

Si  yous  youliez  nous  la  chanter?t*» 

LA   iÇOMTESSE. 

M'accompagnerez-Yous  ? 

rOALISE* 

Volontiers,  comtesse.  C'est  une  bergère  à  qui 
le  réyèil  yient  d'effacer  l'image  de  son  amant.  (Il 
essaie  de  jouer  du  vicihn.  )  Je  ne  suis  pas  en  train , 
je  ne  sais  ce  que  j'ai  dans  les  doigts....  Vcmontl 


SÇËNE  IX«  d29 

DVMOZIT.. 

Monsieur?    -  ^ 

FOALISE. 

If  es  musiciens  sont-ils  là? 

ou  M  ON  T. 

Ses  Yoilà;  il  j  a  une  heure  qu'ils  attendent  pour 
npéter  TOtre  opéra. 

P  on  LISE. 

Qu'ils  jouent;  acte  premier,  scène  troistèmei 
après  l'air  de  basse-taille.. 'Allons,  messieurs, 
LA  COMTESSE  chante» 

Sommeiï,  ponnpioi  me  fuyez- vous? 
7e  ne  retrouye  plus  Silyandre\ 
Sârandre  ëtoit  à  mes  genoux , 
1t  ne  retrouve  plus  Silvandre^ 
Silvandre  étoit  à  mes  genoux  y 
m  lie  pressoit  de  me  rendre. 
Il  me  fixoit  d'un  air  si  doux,, 
n  me  parloit  d'un  ton  si  tendre. 
Somideil,  etc. 
[Bumont,  <jui  n'est  pas  fort  content  de  ia  musique 
de  soa  ttuHtref^  sort  avec  humeur») 


Tkéâtre.  Comédies* ,  1 3;,  ^O 


a3o  iLA  MANIE.DES  ARTS. 

SCÈNE  X. 

FORLISE,  LA  COMTESSE. 

LA  COMTESSE,  continuant. 

Il  ravissoit,  <x  cher  anmnt, 
Mon  cœur,  mes  sens  et  mon  oreille  j 
Toujours  le  bien  vient  en  dormant , 
Et  les  regrets  quand  ob  s'éveille. 

Et  les  regrets  quand  on  s'éveille  :  cela'est  vrai  , 
mon  cher  marquis ,  cela  est  vrai  ;  je  l'ai  éprouT^ 
plusieurs  fois. 

,      FOULXSE. 

Comment  trouvez-vous  mon  ariette  ? 

LA   COMTESSE., 

Charmante; 

FOALISE. 

Je  ne  l'ai  pas  encore  retouchée. 

SCÈNE  XI. 

FORLISE,  LÀ  COMTESSE,  UN  VALET. 

LE    VALET, 

MossiEUA ,  c*est  madame  votre  mère.. 
Eh  bien!  faites  entrer. 

LA   COMTESSE. 

La  i^àcheuse  rencontre  !  Que  vientHelIe  faire  ? 

FORLISE.- 

Comtesse,  un  moment  est  bientôt  paM^, 


SCÈNE  Xt  a3i  * 

LA   COMTESSE^ 

Ah!  je  vais  i^jaindre  la  compagnie.  < 

FORIilSE. 

Non ,  «de  grâce!  Ce  sont  des  conseils,  des  reraon« 
trances  ou  des  sollicitations  pour  des  protégés; 
car  ma  mère  a  aussi  des  protégés  ^  et  yotre  préseoec 
à  coup  aûr  abrégera,  sa  yisite. 

I.A    CON'ÏESSE. 

A  la  bonne  heure  ;  mais  je  m  enftiis ,  si  elle  ne 
finit  pash 

SCÈNE   XIL 

MADAME  f  ORLISE,  LA  COMTESSE*  FORUSË. 

MÀDAXB    FOBLISE. 

M  OH  JSls,  je  viens  vous  parler  en  faveur  dutt 
homme  d'un  vrai  mérite ,  vous  engager  à  lui  ren- 
dre service ,  à  le  présenter  au  ministre  ;  c'est  un 
homme  essentiel ,  rempli  de  bonnes  vues ,  qui  n'a 
jamais  rêvé  qu'au  bien  de  sa  patrie  et  de  ses  conn' 
citojens<  Des  établissements  utiles  et  glorieux; 
des  projets  de  réforme  et  d'amélioration  dans  les 
finances;  d'excellentes'  observations  sur  le  com- 
merce, l'agriculture  et  le  défrichement  des  terres  i 
voilà  les  pièces  de  son  porte-feuille ,  les  trésors  qu'il 
a  amassés  depuis  vingt  ans  ;  il  faut  lui  en  faire  faire 
la  distribution. 

FOaLlSE. 

Tenez ,  ma  mère  ,  les  systèmes ,  les  grandes 


â3s  LA  MAIRIE  DES  ARTS. 

idées,  les  chose»  qui  ont  l'air  da  Lien  publie, 
échauffent  votre  imagination  ;  mais  mei,  je  me  dé- 
fie de  tous  ces  grands  raisonneurs.. 

MADAME    FORLISE. 

yous,  mon  filsi  examinez,  jugei  par  wou»^ 


même. 


FontisE^ 
Eh  bien  l  soit ,  iioas  verrons ,  nous  examine- 
rons ,  nou3  jugerons  ;  eoTOjez-moi  cet  homme-l& , 
qu'il  vienne  me  voir,  cjue  nous  causions  un  peu 
ensemble^ 

MADAME    FOIlftISE« 

Ce  a  est*pas  un  homme  à  se  morfbniïre  dans 
une  antichambre ,  je  vous  en  avertis.  Il  est  fier , 
d'un  caractère  un  peu  dur 11  faut...  « 

IkA   COMTESSE, 

Ne  fâut-il  pas  que  monsieur  le  marquis  aillé  !• 
trouver,  le  prévenir,  lui  offrir  sa  protection  ?. . . 

MADAME    FOBLISE. 

Et  pourquoi  non ,  madame  ?  il  faut  quelquefois 
déterrer  le  talent,  aller  au-devant  du  mérite; 
rhomme  pour  qui  je  m'intéresse ,  craint  le  mépris 
dés  sots ,  le  jargon  des  beaux  esprits ,  la  table  des 
riches,  laudience  des  grands,  et  la  toilette  des 
femmesc 

KA  comtesse; 

Et  avec  toutes  ces  belles  frayeùrs^là,  on  n'at- 
trape rien  :  les  places  se  donnent  aux  gens  qui  lea 
demandent,  les  sollicitent... 


Scène  xai.  *  «33 

MADAME   VaBLISE^        , 

Quelquefois  à  ceux  qui  les  loéritent.  U  est  en- 
core des  riches  et  des  grands  qui  ne  donnent  pas 
aux  flatteurs  et  aux  sots  les  plaees  qui  appartien- 
nent au  mérite  et  à  la  vertu.  Vous  les  yùytfi  cher- 
cher avec  empressement  le  grand  homme ,  lui  ten- 
dre une  main  hienfaisante,  le'^rotégèt,  l'enh^i^dir 
et  vaincre  sa  misanthropie  pa^  la  délicatesse  de 
leur  procédé.  Ils  dédaignent  1  eneens ,  les  petits 
soins ,  et  la  serrile  adulation  des  gens  médiocres  ; 
ils  estiment ,  ils  aiment  même  la  franchise  et  la 
simplicité  des  hommes  de  génie.  Voilà  les  pi'otec- 
teurs  que  je  révère,  voilà  ceux  i  qui  je  voudrois 
qne  vous  ressemhiassiez ,  mon- fils;  ce  sont  les 
soutiens  des  arts  et  de  la  litlétatiire ,  les  autres  en 
5ont  les  fléaux  et  les  destructeurs,  Le  véritable 
proteoténr  est  un  dieu  bienfaisant ,  qui  purge  un 
champ  de  mauvaises  herbes  pour  en  ranimer  les 
plantes  salutaires. 

FORLISE. 

G*est  le  mieux  du  monde ,  madaine ,  et  je  con- 
viens avec  vous  qu'il  est  glorieux  de  s'intéresser 
pour  un  homme  de  mérjte  :  je  pense  même  à  cet 
égard  que  votre  protégé  exige  tèus  mes  soins; 
mais  j'ai  peu  de  crédit,  je  n'importune  guère  le 
ministre. ... 

'  "^       •    tA  COMTESSE. 

Ah  !  pour  cela  rien  de  plus  vrai ,  màdatee.  Te*- 
ne% ,  il  7  a  six  mois  que  je  persécute  monsfeut  le 
mar  juis  pour  présenter  un  de  mes  protégés  au  mi* 

20. 


234    *       LÀ  MANIE  DES  1RT& 

nistre,  et  je  na  saurais  en  yexuf  à  bout...*  G  esf 
pourtant  un  homane  charmant  que  mon  protégé  ; 
il  a  fait  des  vers  délicieux  pour  ma  petite  chienne... 

MADAME    FOKLISE. 

Je  ne  crojois  pas  mon  fils  si  raisonnable ,  ma* 
dame  ;  ce  seroit  mal  faire  sa  cour  au  ministre  que 
de  lui  présenter  .TOtre  protégé. 

LA  <:OMTE8SBii 

I 

Gomment ,  madame  ? 

MADAME    FOabISE« 

Permettez -mot  de  ne  vous  ea  pas  dire  davan^ 
tage.  Je  vous  laifse,  mon  fils;  je  me  flatte  que  vous 
ne  m'oubliereiE^pas ,  et  que  vous  aures  égard  à  ma 
recommandation. . . .  Adieu. . . .'Ne  me  reconduises 
pas....  mes  gens.soot  là....  Vous  aviez^  du  monde... 
Demeurez...*  je. le  veux.... 

(EUe  sort.) 

LA  COMTESSE. 

Heureusement ,  nous  en  voilà  débarrassés. 

SCÈfNE  XIII. 

LA  C0MTESSE,.FORLISE,   UN  GASGON. 

LE    GASCOH. 

Serviteur  à  l'honorable  compagnie.  J*entre 
sans  façon;  j'ai  eu  le  bonheur,  monsu,  d'échapper 
à  vos  valets ,  et  je  viens  mé  présenter  à  vous  avec 
cojifiai],ce»,Jé  né  vous  aurpis  peut-être  pas  vu  d'au- 
jourd'hui ,  sj  j'fvots  rencontré  lé  moindre  de  vos 
gens,  vQtre  petit  hpussard;  car  avant  que  ces  mes- 


SCÈNE  XUU  335 

siears  s'ayisent  d'aBooncer  un  galant  homme, que 
▼on»  leur •  fissiez  réponse,  et  qu*il«  s'ayisent  dé 
nous  la  porter,  dieu  mé  danuse,  la  justice  féroit 
Tendre  les  terres  d  nu.  GJBtscon  par  décroir. . 

FOaiiISE. 

Je  seroîs  fâché,  monsieur,  que  leur  imperti- 
nence m'eût  priyé  du  plaisir* ... 

LE    GASCOV. 

£h  donc  !  je  lé  crois  bien.  Je  viens  vous  rendre   ' 
un  petit  service. 

FORLISErf 

A  moi,  monsieur?  £h!  comment  reconn pitre ?. 

LE   a  A  SCO  V. 
Point  dé  reconnoissance.  J'ai  appris  dé  par  lé 
monde  que  vous  aviez  besoin  d'un  secrétaire., . 

FO&LISE. 

Il  est  vrai. 

LU   GASCON, 

Vous  êtes  un  homme  dé  mérite,  vous,  avez  des 
talents ,  des  connoissances  ;  je  né  suis  pas  un  sot , 
un  ig^oramt.  £h  bien  !  je  viens  mé  pfésenter. 

F011I.ZSE. 

Vous  ? 

LE    OASCOM-« 

Moi-même.  Personne  n'est  plus  en  état  que  moi 
dé  yooft  dise  à  quoi  je  suis  propre  et  ce  que  je 
vanx. 

FcatiSE* 

Mais ,  moasiaiu. .  •• 


a3ô  LA  MANIE  DES  ARTS. 

LE    OASCOir. 

On  né  se  loue  pa»  ordinairement,  je  lé  «ai s  ; 
mais ,  cpànd  on  vent  se  faire  eonnoitre  tout  ^'un 
coup,  il  Irat  bien*^ fai^e  le»  honneurs  d«  sa  per- 
sonne. 

r  tA    COMTESSE. 

Il  a  quelque  raison. 

LE    GASC09. 

Je  n  ai  dé  recommandation  que  moi-même,  et 
ce  petit  placet  dé  ma  façon ,  dont  je  veux  vous  ré- 
galer. 

roax.isE<  ^ 

Madame, 'qu  en  (dites -r  vous  ?'  monsieur  veut 

TOUS  régaler  d  un  placet.  \ 

"    '•  '^      • 

LE    GASCOir. 

Je  me  flatte  qu'il  vous  fera  plaisir^ 

.LA   COMTESSE.. 

C'est  un  fou  dont  il  faut  se  débarrasser. 

LE    GASCON. 

C*est  un  placet  en  vers ,  madame.        ' 

LA   COMTESSE. 

Un  placet  en  vers,  monsieur? 

FORLISE. 

L'idée  est  neuve.' 

LA'  COMTESSE. 

Originale,  plaisante.  (AForiise,)  Ce  pourfoit 

être  un  lidttme  d'un  vrai  mérite ,  monsieur  le 

marquis. 

T 0Ji^l%^E. ,  hia  ôomtesse. 

Nous  pourrions  bien  en  avoir  été  la  dupe.  {Au 


SGËNE  XIII.  137 

faseom.y  Voyons  votre  placet,  monsieur ,  nous 
TOUS  écoutOBS.. 

&A   COBf-TEfSE. 

Nous  sommes  toute  oreille^' 

IgZ    GASCOS» 

Je  commence  :  écoutfBz.. 

Je  sois. diseur  de  petits  vers  ^ 
Et  dé  bourgeoises  comédies  , 
Compositeur  âé  petits  airs , 
Dé  parades ,  dé  parodies  ; 
*     Rieur  et  bouffon  ezcelleot, 

lié  singe  d'une  compagnie.  * 

Je  possède  l'heureux  talent 

D'amuser  un  grand  <pû  s'ennuie«. 

J'ai  £dt  rire  à  temps  un  Anglois 

Qui  songeoit  à  ses  funérailles  ^ 

Uq  Allemand,  un  Hollandois, 

Un  ministre  allant  à  Yersaiiles.. 

Plaise  de  gr&oe  à  monseigneur, 

Laisser,  du. haut  de  sa  grandeur» 

Tomber  un  regard  protecteur 

Sur  son  très  humble  serviteur. 

LA  COMTES3E. 

A.  miracle!  .yoilà  qui  est  cliarmant^  délicieux., 
divin.!  c'est  le  plus  [oli  placet  du  monde! 

FOniiISE. 

On  ne  «auroit  demander  mieux.. 
Avec  plus  d'esprit.. 


ftdâ  LA  MANIE  DÈS  ARTS. 

FOBLisE,  à  la  comtesse. 

Et  à  plus  de  titre ,  s'il  tient  tout  ce  qu'il  ptcH 
met  ;  mais  c  est  un  homme  impayable. 

Lt    OASCOir* 

Je  passe.. 

I.A   COMTESSE.. 

Voilà  mon  protégé ,  moi ,  voilà  mon  protège. 
ie  veux  avoir  votre  placet  ;  vous  me  le  copierez , 
monsieur. 

LE    GASCOV* 

Oui,  madame  i  je  ferai  plus,  j'aurai  soin  dé 
^ous  lé  noter.  Je  l'ai  mis  en  musique.^ 

FQRLISE. 

En  musique? 

LE  OAtcoir«  " 
Oui,  monsttt 

lA    COMTESSE» 

Votre  placet  en  musique?  Oh!  je  Vais  rafbler  dfé 
vous,  mon  cher  petit  monsieur.  Son  placet  en  mu- 
sique, monsieur  le  marquis  !  Oh!  il  n'j  a  rien  au^ 
dessus  de  cela.  Si  vous  ne  le  prenez  pas,  monsieur 
le  marquis ,  je  le  prends ,  moi. . .  Votre  air  ?  votre 
air ,  mon  cher  monsieur  ?  Ne  nous  faites  pas  Iaa-> 
guin 

LE    GASCOV. 

J'en  ai  justement  sur  moi  les  parties  copiées ,  je 
vais  les  distribuer  à  vos  musiciens ,  si  vous  lé  trou« 
vez  bon ,  et  nous  exécuterons  ensemble  m#i  petit 
placet. 


S€ÈN£  :ilIIL  «39 

(Il  chante.) 
Je  sais  faUeur,  etc. 

f.A   COMTBftSE. 

Brayo !  de  mieux  en  mieux!  Tair  surpasse  les  pa^ 
rôles;  on  n'y  tient  pas. ..  G  est  un  homme  unique , 
incomparable.  H4tez-yous  de  yous  l'attacher, 
crai^ez  qu'on  ne  yous  l'enlèye ,  qu'on  ne  yous 
l'arrache..^ 

FOALISE. 

Je  commence  à  sentir,  comme  yous,  tout  le  prix 
de  cette  acquisition.. 

I.Ë   OASCOS. 

Ce  n'est  pas  tout  encore  :  c'est  que  l'air  est 
dansant,  et  que  j'en  ai  fait  une  danse  de  caractère. 

LA   COMTESSE. 

iEh!  mais,  yoilà  qui  est  d'une  folie  unique. 
Vojrons ,  dansons  le  placet. 

F0IILX8E« 

Très  yolontiers,  cela  sera  charmai^t,  allons. 

SCÈNE  XIV, 

l^A  COMTESSE,  FORLISE,  LE  GASGQN, 

DUMONT. 

nUMOVT. 

VOI7S  êtes  seryi ,  monsieur  le  |narquis. 

FORLISE. 

[Remettons  la  danse  du  placet  après  dînert  Al- 
lons, comtesse.  Monsieur,  j'accepte  yos  seif vices j 
nous  suiyez-yous  ? 


*4o    «La  MAmEDESABTS,  SQMEXIVj 

££    OASCOIV. 

Je  mé  garderai  bien  dé  refuser  cet  honneur^ 
Àir  des  petiit  balhU, 

AUûtn  dans  un  bnU«&t  salon 
PtéSéahle  au  sacré  vallon  ;l 
Allons  dans  -an  brillant  saloui 
Kous  asseoir  à  côté  d'ApoUon. 

Les  neuf  sœurs  qu'on  adore  au  Pamasst 

A  Vénus  y  céderont  la  place. 
Et  l'eau  qu'on  y  boit  ne  servira  plus 
Que  pour  mettre  au  frais  la  liqueur  de  Baochss, 

Allons  dans  un  brillant  salon ,  etc. 
(Ih  sortent  touk  trois  en  dansant  et  chantant,) 


nu  DE  I.A  MAaiI  DIS   Aaxs. 


\        « 


1 


LES 


AMANTS  GENEREUX, 

COMËDIE, 
PAR  ROCHON  DE  CHA6ÀNNES, 

Représentée,  pour  la  première  fois,  le  i3  ectobrt 

1774. 


a4o    !L  A  MANIE  DES  ARTS.  SGËIXEXIV^ 

LE    GASCOH. 

Je  mé  garderai  bien  dé  refuser  cet  honneur. 
Air  des  petits  bûUett* 

AUotn  dans  un  briOant  salon 
Piëlîérsbie  au  sacré  vallon  ;i 
Allons  dans  xin  brillant  saloti 
Nous  asseoir  à  côté  d'Apollon. 

Les  neuf  sœurs  qu'on  adore  au  Pamasst 

A  Vénus  y  céderont  la  place , 
Et  l'tau  qu'on  y  boit  ne  servira  plus 
Que  pour  mettre  au  frais  la  liqueur  de  BMchvs. 

Allons  dans  un  brillant  salon ,  etc. 

(Ils  sortent  touk  trois  en  dansant  et  chantant*) 


PIBI    DE   LA    MABIII    DES    AETt. 


LES 


AMANTS  GENEREUX, 

COMEDIE, 
PAR  ROCHON  DE  CHABANNES, 

Représentée,  pour  la  première  fois,  le  i3  ectobrt 

1774. 


«kéâtrt.  CoB^aiei,  l3.  .  <ai 


r 


«4  o    LA  MANIE  DES  ARTS.  SQtJHE  XI  Vl 

LE  oAscoa. 
Je  mé  garderai  bien  dé  refuser  cet  honneur ^ 

Air  de»  petits  baUett» 

Aflom  dans  un  brillant  aalon 
Préiërable  au  sacré  vallon  ;l 
Allons  dans  un  brillant  saloti 
Noua  asseoir  k  c6té  d'ApoUon. 

Les  neuf  sœurs  qu'on  adore  au  Pâmasse 

A  Vénus  y  céderont  la  place, 
Et  r«au  q[u'on  y  boit  ne  servira  plus 
Que  pour  mettre  au  frais  la  liqueur  de  BMchvs. 

Allons  dans  un  brillant  salon ,  etc. 

(Hi  tortent  touk  trois  en  dansant  et  chantant») 


riBl    DE   LA    MASII    DES    AEXt. 


\ 


J 


LES 


AMANTS  GENEREUX, 

COMEDIE, 
PAR  ROCHON  DE  CHABANNES, 

Aeprésentée,  pour  la  première  fois,  le  i3  octobre 

1774. 


«^Mtr«.  Goa^diei.  l3.  tai 


i> 


]    ' 

»4o    !L  A  MANIE  DES  ARTS.  SGÊI^E  XiVi 

LE    OASCOS. 

Je  mé  garderai  bien  dé  refuser  cet  honneur. 
Air  des  petiit  baUeU, 

k&otm  dans  un  brilUou  aalon 
Pn^able  au  sacre  vallon  ^ 
Allont  dans.iui  brillant  sahoùt 
Koua  asseoir  à  cdté  d'ApoUon. 

Les  neuf  sœurs  qu'on  adore  au  Pamass* 

A  Vénus  y  céderont  la  place, 
Et  r«an  qu'on  y  boit  ne  servira  plus 
Que  pour  mettre  au  frais  la  liqueur  de  Baccbu* 

Allons  dans  un  brillant  salon ,  etc. 
(Ib  tortent  tou^troU  en  dansant  et  chantant,) 


riBl    DE   tA    MAIIII    DES    A11T0, 


\ 

r 


■■  ■  ■■* 


LES 


AMANTS  GÉNÉREUX, 

CIOAIËDIE, 
PAR  ROCHON  DE  CHÂBANNËS, 

Représentée,  pour  la  première  fois,  le  i3  octobre 

1774. 


TkéltM.  Comédies,  1^.  .  lai 


PERSONNAGES. 

Le  comte  de  Bhuxhal. 

TéLEiM,  mftjor  dun  régiment  prussien,  amou- 
reux de  Minna. 

Yerner,  maréchal  des  logis  du  frégiment  4u 
major., 

L'hôte. 

Justin,  valet  du  majot. 

Un  Domestique  du  comte  de  Bruxhal. 

Là  comtesse  Misva  x>e  Barleim,  nièce  do 
comte. 

Favchette,  £emme-de-chambre  de  Minna. 

Garçons  de  Tbôte ,  1 

^        ,  }  personnages  muets. 

Qens  du  comte ,       J  * 


La  scène  est  à  Berlin,  dans  un  hôtel  garni,  et 
représente  un  salon  meublé  modestement ,  qui 
conduit  à  plusieurs  appartements. 


LES 


AMANTS  GÉNÉREUX, 

COMÉDIE. 


•>#^ 


ACTE  PREMIER. 


SCÈNE  I. 

•  'é 

L'HÔTE,  UN  DOMESTIQUE  en  iwréé,  GAH^ 
ÇONS  d'aubwge,  et  gens  de  livrée  y  persounayei 
muets. 

(L'hôtt  entré ,  suivi  de  qttelc[ues-uns  de  ses  garçons  qui 
sont  en  veste,  en  bonnet,  en  taiblier  vert,  et  de 
quelques  gens  de  livrée  portant  des  valises.) 

L*  H  d  T  B ,  à  ses  garçons» 

Allohs,  grand  feu  partout  :  que  le  sommeiller^ 
le  cuisinier  et  Téoujer  ne  s'écartent  pas ,  et  soient 
aux  ordres  des  illustres  étrangers  qui  nous  arri" 
vent.  (A  un  des  domestiques, )  Qui  sont  tos  maî- 
tres ? 

LE    domestique^ 

De  grands  seigneurs., 


944       l^ES  AMANTS  GÉNÉREUX. 

l'hôte^ 
Tant  pis  :  cela  6iit  beauftoup  de  bruit  et  peu  3m 
tépense.  (Aux domestiques  portant  des  vaiises.)  At- 
tendez, attende» nn  mement  ici,  messieurs;  on  va. 
TQus  faire  passer  U-dedàns.  (Au  domestique,)  Nous 
donnons  à  yos  maîtres  rappartement.d'nn  officier 
dîsgrâpié  qui  loge  ici  depuis  long-temps ,  et  nous 
le  plaçons  un  peu  plu»  haut;  mais  encore, fant- il. 
bien  le, déménager  pendant  son  absence,. et. avoir 
soin  de  ses  effets  ;  car  vous  n'en  répondriez  pas , 
messieurs. 

LE  nOMES-T^^UE. 

Ce  ne  seroit  pas  la  peine  de  les  trouver. 

l'h6te. 

Je  le  conçois.  (A  ses  garçons.  )  Qu'on  donne  à* 
ces  gens-ci  de  mauvais^  lits^  et  de  bon  vin,  afliv 
qu'ils  s'amusent  plutdt  à  boire  qu'à  dormir.  (Au 
domestique,  j  Vos  maitre»  seront  bien,  auront  de 
bont.  lit» ,  des  appartements  commodes.  C'est  le 
meilleur  b^tel^arni  de  ^rlin.  C'est  ici  que  logent 
tous  les  princesd'Âllemagne,et  j'ai  eu  rhonneurd'j 
recevoir  les  ministres  de  France  et  de  l'empereur. 

LE  9aM£STXQX7S. 

11  vpus  manqupit  d'avoir  reçu  monsieur  le  comte  ;^ 

l'hôte. 
  la  bonne  heure.  Fait-il  de  lu  dépense  ?  Aiine^ 
t-il  la  bonne  chère  ? 

LE  domestique. 
Il  boit  et  mange  en  Allemand,. et  paie  en  An- 
glois.. 


ACTE  I,  SCÈNE  î.  345 

i'hôte- 
Ofe  !  s'il  fait  de  la  dépense ,  je  le  traiterai  comme 
vne  altesse  :  cela  ne  nous  coûte  rien  à  nous- autres, 
et  nons  donnons  ici  du  monseigneur  à  tous  les 
ayenturiers  qui  voyagent  ayec  des  ducats ,  quoi- 
que nous  apprenions-  de  leurs  gens  que  ce  soient 
des  marchands  de  Londres  ou.  de  Paris, 

liE   DOMESTIQUE. 

Fort  bien. . 


l'hÔte^ 


Monsieur  le  comte  est  donc  un  gros  seigneur , 
qui  fait  de  la  dépense  et  qui  paie?  C'est  bon  à  sa- 
voir. Et  cette  personne  qui  vojrage  avec  lui ,  est-ce 
sa  femme ,  sa  fille ,  ou  bien  sa.  ^,.  bonne  amie  ? . .. 
£Ile  est  jolie ,  au  moins. 

LE    DOMESTIQUE. 

C'est  sa  nièce/  Il  n'a  jamais  vx>ulu  se  marier, 
parce  qu'il  n'y  avait  pas  de  paud  asse:^  noble  pour 
lai  en  Allemagne, 

i.'h6te. 
Quel  malheur  pour  sa  postérité  ! 
XiE  domestique. 
Mais  au  reste  c'est  un  bon  humain  que  le  comte 
de  Bruiihal. ...  Il  est  un  peu  fier,  uivpeu  pxpmpt ,. 
un  peu  brutal  ;  mais  il  vous  donnée  un  soui&et ,  un 
coup  de  pied ,  et  un  ducat  en  même,  temps.  . 

l'hôte.    . 
Et  un  ducat  en  même  temps  ^  Ôh!  le  marché  est 
bon;  et  sa  nièce,  donne-t-elle  ides  "soufflets  et  des 
ducats?.  «T..       ' 


9.1. 


ajÔ      LES  AMANTS  G£N£a£UX4 

LE   DOMESTIQUE» 

Oh!  elle  doane »  elle ,  des  dqcats  et  de  Boanes  ' 
paroles.  C'est  U  plus  douce ,  la  plus  aimable»  li» 
plus  modeste  et  la  plus  hoixnâte  personne  du 
monde. 

l'h6te. 

Et  comment  yit-elle  ayec  son  onole  ? 

LE  DOKESTlQtJE. 

Gomme  on  vit  avec  un  oncle  dont  on  attend 
toute  sa  fortune....  Mais  les  yoici. 

(  Les  garçons  de  l'auherqe  se  retirent.  ) 

SCÈNE  II. 

Fanchette,  la  comtesse,  le  comte, 

L'HOTE,  et  tes  gens  de  livrée» 

LE  COMTE  y  avec  kuméur.' 

Ëa  bien  !  où  esc  dpnc  cet  apparteihent  qu'on, 
nous   fait   attendre   là -bas   depuis   trois   quarts 
d'hetire  ?» . .  L'h6te  se  moque-t-il  ? 

l*h6t]e., 

Pardonnec,  monseigneur....  Encore  tin  nio-* 
ment,  et  je  suis  en  état  de  vous  recevoir  comme 
yous  le  mérlteK.  Je  fai*  déménager  un  officier. . . . 

MI  VIT  A,  à  l'hôte* 

Voilà  ce  qu'on  vient  de  nous  dire,  et  j'en  suis 
Vraiment  fâchée  t  j'aurois  bien  voulu,  monsieur 
^'h^te,  que  vous,  n'eussiez  pas  dérangé  cet  offi- 
cier. *  »  • 


/ 


A<2TE  ly  SCÈNE  IK  445 

l'  H  À  T  E^ 

Ok!  les  officters,  madame,  sont  aGcaatiimés  à 
camper  et  à  décamper..». Et  ce  9ont  mes  affaires , 
après  tout., 

LE    CQMTE. 

Oui,  oui,  ce  sont  les  affaires  de  l'hôte,  ma 
nièce  j  et  vous  n'auriez  pas  dû.yous  en  mêler. 

l'bôte. 

ffotre  o£Elcier  se  fâchera,  s'il  vent;  je  m'en  em- 
barrasse peu.  Je  n'ai,  pas  osé  lui  dire  de  s'en  ^ller; 
mais  il  décrédite  ma  maison,  et  je  ne  serois  pas 
fiftché  qu'il  prH  son  parti.. 

LE   COMTE. 

Comment? 

l'hôte.. 

Ah!  c'est  une  longue  histoire,  une  histoire  Hû 
corps....  Et  si  elle  pouyoit  intéresser  votre  excel- 
lence ? . . . 

LE    COMTE. 

Une  affaire  d'hohneur  ?       '  . 

l'h  ÔTfe. 

Won  :  il  se  hat  tant  qu'on  veut  ;  mais  il  aime 
l'argent;  et  au  fond  je  ne  le  hlâïne  pas.  Il  y  a  été 
attrapé  ;  voilà  le  mal,.  Il  nV  a  que  les  maladroits 
qui  aient  tort»  Tant  y  a  que  tout  le  monde  lui 
tourne  aujourd'hui  le  dos  »  et  que  plusieurs  de  ses 
camarades  et  de  ses  meilleurs  amis  même  viennent 
de  quitter  m^  maison ,  poutlr  n'être  pas  dans  le  cas 
deU  voir,  de  le  rencQntrer,  timhm  de  le^saluer. 


'     349      LES  AMAÎfTS  GÉNÉREUX, 

LE    COMTE. 

Ebbienf  ma  nièce,' vous  avez  hitlk  une  belle 
•tourderie ,  Ô'avÔir  envoyé  chez  cet-  homme  ?. . . 

MINNA. 

Lui  faire  des  excuses  d'avoir  pris  son  apparte- 
ment.... Il  n'y  a  pas  d'inconvénient'à  cette  démar- 
che ;  et  nous  ne  devons  pas  entrer. . . . 

LE   COMTE. 

Oh!  nôni  nous  ne  devons  rien  examiner.  Il  est 
du  régiment  {bas^à  sa  nièce)  du  major  ;  et  il  faut, 
à  quelque  pTÎï  que  ce  soit. . .  .* 

l'hôte. 
C'est  un  homme  poli,  au  reste,  et  qui  sait  vr^rt. 

le  comte. 

'Aux  dépens  d'autrui. 

•Il-  '  r'       '.  . 

MI  UN  A. 

Eh!  mon  oncle,  nous  avons  appris,  aux  depen* 
d'un  ami  bien  respectable,  à  nous  méfier  du  juge- 
ment des  hommes  ! . . .  Celui-ci  n'est  peut-être  pas 
^loins  malheureux  que  le  major  Téleim, 
l  '  H  6  T  E ,  ^at^ec  vivacitém 

m 

Le  major  Téleim!  Eh!  mais...  c'est.... 

MINNA. 

Eh!  qui  sait  même,  mon  onde?...  ^     . 

LE    COMTE. 

Es-tu  folle?...  Je  voudrois  bien  que  le  faquin  • 
s*avitÂt  de  me  parler  ah)si  du  major  Téleim. ...  Je 
le  ferois.  mourir  soos  4e  bâton. 


ACTE  I,  SCÈNE  IT.  249 

i'hÔte,  à  part ^ 
Gardons-nous  de  lui  dire  ^ue  c  est  lui-même. . . 
Gallois  faire  une  bçUe  sottise  ! 

LE    COMTE. 

Achevez  de  me  déménager  votre  officier,  et  je^ 
tez-moi  par  la  porte  ou  par  la  fenêtre  tout  ce  qui 
peut  Appartenir  à  ce  firipon-là. 

z.*h6te,  à  paru 

Je  n*ai  garde  de  rien  laisser  chez  lui  qui  puisse 
le  faire  reconnditre,  et.  me  procurer  les  honoraires 
de  mon  p^égjrrique*. 

LB   COVTX. 

Qo'il>.n-ait  rien  à  réclanier  iei,  et  qu'il  se  4i&- 
pense  de  nou^  remercier  de  non  politesses ,  enten- 

dezrTOU»? 

V*  H'^^T  e^ 

Je  ferai  en  sorte  que  yous  n'entendiez  seule^ 
ment  pas  parler  de  lui.  (Aux  domesti<fues  du  comte.) 
Allons,  messieurs,  suiyez-m.oi^ 

(Itsort.) 

SCÈNE  III. 

EANGHETTE,  MINNA!.;  LE  COMTE*^    t 

L,E.  COMTE. 

Nous  allons  avoir  une  visite  de  cet  officier* 

M  19  VA. 

Ehbfen!  mon  oncle,  nous  le  recevrons. 

LE   COMTE. 

J'aimerois  mieux  recevoir  le  diable  qu'un  mal- 


a5<^      LES  AMAOSrTS  GÊNÊREtJX, 

honnête  homme.  Vous  ne  saurez  pas  ce  qu'est  de- 
Venu  T«leim  :  j'en  suis  fâché.  Tâchez  de  le  déçoit^ 
vrir  par  un  antre  moyen ,  à  la  honne  heure  «  je 
vous  aiderai  lAême  Volontiers  dans  vos  recherches^ 
IMlais..» 

M  s  H  H  A-,. 

Mais  f  mon  oncle  «  cet  officier. . .  si  t:*«toit. . . 

L£    COMTE. 

C'est  tin  fripon..^  !iVe  m'en  pade  pins.  Il  n'esl 
pas  le  seul ,  au  reste ,  qui  puisse  nous  donner  des 
iBOùvelles  du  major  Téleim...  Et  je  t'en  promets , 
moi ,  aujourd'hui ,  dans  l'instant  m^e.  On  saura 
«e  qu'il  «st  jdeventt  à  la  cour,  et  j'y  vole^  Ferme  la 
porte  sttr  leaet  à  notre  officier ,  s'il  se  présente,  et 
moi,  je  vais  aller  seryir  Téleim.  Je  n'ai  quitté  Iti 
iSaxe  que  pour  lui ,  et  on  m'écoutera  sans  doute 
ici  :  je  parlerai  haut,  du  moins» 

fAirCHETÏE. 

•     Oh!  nous  n'en  doutons  pas. 

LE    COHTE. 

Oui,  je  dois  jusiîlce  à  Téleim,  et  je  la  lui  ren- 
drai* J'irai  au  directeur  de  la  guerre ,  j'irai  au  roi 
s'il  le  faut)  et  je  lui  dirai  :  <c  Vous  n'avez  pas  un- 
H  plus  honnête  homme  que  Téleim  dans  votre 
«  royaume  j  c  est  un  sujet  fidèle,  un  ennemi  géné-^ 
«  reux  :  rendez-lui  ses  biens ,  son  honneur,  son 
«  état ,  et  placez-le  auprès  de  vous ,  vous  ne  sau- 
«  riez  mieux  faire  ;  les  honnêtes  gens  sont  rares ,  et 
«  surtout  à  la  cour.  » 


ACTE  ï,  SCÈNE  IIi:  eSi 

MINNÂ. 

Ah!  mon  oncle,  adoucissez.., 

LE    COMTE. 

Je  n'adoucirai  rien.  Je  dirai. au  roi  :^<  On  tous 
Il  a  trompé  ;  vous  ayez  cru  les  accusateurs  ou  plu- 
9  tôt  les  ennemis  de  Téleim.  Ils  vous  ont  persuadé 
c(  que  sa  conduite  n'étoit  pas  nette  dans  les  contri-' 
■  butions  qu'il  avoit  levées  sur  nous  pendant  la 
tt  dernière  guerre ,  et  que  Ion  trouyeroit  chez  lui 
•<  des  traces  de  ses  connivences  ayec  nous.  Tous 
«  ayez  fait^nleyer  ses  papiers ,  et  vous  l'ayez  con« 
«  damné  sur  un  billet  qui  ne  prouye  que  sa  bien» 
«  faisance  et  son  humanité.  Yous  aviez  laissé  Té« 
«  leîm  maitre  de  se  contenter  de 'telles  contribu* 

;  c(  tlons ,  s'il  ne  pouvoit  en  obtenir  de  plus  fortes  t 
«  Téleim  a  exécuté  vos  ordres  ;  il  s'est  borné  à  ^ 
V  dernière  extrémité ,  et ,  après  même  avoir  yérifi(S 
«  Texcès  de  notre  misère ,  à  exiger  la  moins  opé* 
«  reuse  de  yos  demandes  ;  mais  cette  demandé 
(c  étoit  encore  bien  au-dessus  de  nos  forces ,  et  il 

I  «  faut  que  vous  saehiez  comment  il  nous  a  mis 
0  en  état  de  vous  obéir.  Nos  bailliages  avoient  en 
«  Tain  représenté  à  Téleim  1  impossibilité  de  voua 
«  satisfure;  il  les  avoit  eQ  yain  menacéft  d  une  exé* 
«  eution  militaire  ;  tous  nos  citoyens ,  les  mains 
«  jointes  et  leyées  vers  lui  »  l'implorant  au  nom  de 
«  l'Être  suprême ,  de  l'humanité ,  et  de  yous-même^ 
c(  sire ,  attendoient  ce  qu  il  alloit  résoudre  ,  la 
«  flanune ,  le  pillage  et  la  mort ,  qu'il  retenoit  en- 
«  core  et  qu'ils  yoyoi^nt  eçiîsr  autour  de  luf; 


J 


ft52      XES  AMANTS' GÉNÉREUX, 

tt  Téleim  écarte  cette  scèDe  d'horreui:, porte  la  joie 
tt  et  la  consolation  dans  Tâme  de  tant  àe.  malheu- 
ic  reux,  délie  en  pleurant  les  cordons  de  âa  bourse 
«  et  complète  avec  eux  la  somme  que  tous  en  «xi- 
c(  eiez.,  Voilà  1^  dette  ^es  Saxons  et  le  crime  du 
«  major  Téleim;  la  reconnoissance  que;  tout  un 
«  peuple  lui  a  signée  à  genoux ,  et  non ,  comme  oiy 
«  a  voulu  le  faire  croire  ici,  le  salaire  de  ses  per- 
ce fides  complaisances  envers  les  bailliages.  Que 
u  votre  majesté  répare  ses  torts ,  c'est  le  p*his  )>eau 
\<  droit  de  l'autorité  et  la  plus  belle  action  que 
«  puisse  faire  un  souverain;  qpi'elle  les  répare,  ou 
c(  nous  les  réparerons  pour. elle.  Oui^  votrelnajesté 
«  peut  garder  le  billet  que  nous  avons  fait  k  Té- 
((  leim,  et  que  la  calomnie  et  la  bassesse  ont  porté 
c<  au  pied  de  son  trône  ;  mais  nous  paierons  tou^ 
•c(  jours  à  ce  brave  officier  les  deux  mille  pistoles 
(c  qu'il  nous  a  avancéeis ,  et  rien  n'efiaoera  jamais 
f<  la  reconnoissance  de  nos  c^urs«  n 

MisrftA.. 

Ab  !  mon  oncle ,  que  vous  êtes  bon 'et  généreux  f 
On  voit  combien  la  vertu  vous  enflamme  ;  mais 
prenez  garde  d'irriter  notre  juge  :  il  famt  parlei 
aux  rois  avec  tant  de  ménagements! . ., 

LE   COMTfe. 

£hr  pourquoi  donc?  Tous  ces  ménagements  tra- 
hissent toujours  la  vérité  ;  et  je  ne  mets  au-dessous 
>de  celui  qui  approche  des  rois  et  la  leur  déguise, 
qu»  k  souverain  (fui  no  veut  pa»  lentendre. 


Acte  i,  sgëne  m.  ns^ 

8f  on  oncle ,  tou»  avez  raison  ;  mats  yoqs  'aimes 
Téleim ,  et  vous  dérèz  craindre  de  le  compromet* 
tre  en  voulant  It  servit. 

LE    COMT£. 

Qn'est-ce  à  dire ,  le  compromettre  en  Voulant  lé 
servir?  Me  prenez-vous  pour  un  sot,  un  idiot?  Ahi 
voilà  comiàe  les  en£uits  en  veulent  toujours  sa- 
voir plus  long  que  nous  !  Eh  bien  I  servez  Téleiià , 
conduisez  cette  gramide  affaire  (^ie  comt^ YasAtâ^i 
je  ne  m'en  mêle  plus. 

FA.ircAETTE,  à  part» 
Elle  n  en  iroit  pas  plus  mal.. 

MIHNA. 

Mais,  mon  oncle,  vous  ne  me  coflOLpreniez  pài« 
Une  téfie^OB. . . 

tZ  COXillfE. 

Je  réfléchis  tout  seul. .  Je  suis  biett  boà  de  Inft 
donner  tant  de  ^eme  et  aè  tracas } . . . 

BiizrNÀ. 
Vous  aimez  à  obliger,  mon  cher  oncle. . . 

LE   COMTE» 

Oui ,  c'est  vrai ,  c>8t  mon  foible  ;  mais  )é  veux 
qu'on  me  laisse  faire. 

irANCHETTE,  à  part. 
JXou$  j  avons,  été  tant  de  fo%%  trompée»  1 

LX   COMTES 

Qù*oiir  ait  eonifiaafoé  en  afous.. .  « 

Tkéatn»  Cenédic*. .  1 3«.  2*' 


a$4      I-ES  AMANTS  GÉKÈREUX. 

114  BNA. 

€'e$t  îaste« 


LE    COMTE. 


Qu'on  me  laisse  réfléchir  tout  seuL^ .« 

FANCHETTE,  à  part. 

Le  mojen  de  vous  en  empêcher  ? 

LE    C0M1>E. 

Et  qu  on  ne  ccoîe  pas  enfin  avoir  plus  d  «Spri2 
^ue  moi. 

M  I  ■  N  iu. 

Je  n'en  ai  jamais  €u  l'idée^ 

FAVCHETTE.. 

Ce  seroit  consoienee. 

MIKVA.. 

Mon  oncle,  mon  cher  oncle,  sojec  periuadé... 

LE  COMTE, 

Voilà  qui  est  bien.  Taisez^yous  doiïc,  «t  me  lais- 
tez  faire.  Je  t'ai  promis  de  courir  après  Téleim ,  et 
Ij  cours  aussi ,  malgré  ma  goutte ,  parée  qu'il  te 
convient  et  me  convient  égaleikent.  C'est  pourtant 
an  homme  singulier ,  que  ton  Téleim. . .  Te  refuser 

parce  que  tu  es  trop  riche  ! L'action  est  belle , 

au  reste ,  et  me  pique  de  générosité.  Oh  !  je  le  ser- 
virai ,  je  le  servirai.. 

MIRirA. 

Que  de  gr&ces... 

LE    COM^^B..    ' 

Oui  ;  car  je  t'avouerai  que  je  ne  suif  pas  trop 
curieux  de  me  présenter  devant  le  roi  de  Prusse^ 
j^arce  que  j'ijg^norfi  çiomm»  il  va^  H«<iFra*  U  a'aimt  i 


  e  rtr  I ,  se  ê  n  e  1 1  r.         a  ss 

fpm  let  mtiitaifres  eft  I«s  gen»  de  lettres ,  ce  prince- 
là.  Je  ae  sais  plus  rrm ,  je  ne  serai  jamais  l'antre  ; 
if  nafpas^enYie  de  déroger* k  mes  seise  quartiers, 
et  de  me  rendre  homme  de  lettres  pour  lui  faire 
plaisir. ..  N*ar-jfî  pas  yndesAt^arottl,  des  Maaper- 
tuU,  àesVoUaire ddais%e9  équipages?  Eh!  qu  est-ce 
ou'ils  prou'^oient,  ces  gens-là? 

Mi^irif  A.- 
Téleim  vous  a  fait  cependant  plusieurs  foi»  con- 
i«nir  quç  la  science. . . 

Je  ne  sui«  jamais  convenu  d^  rien^  a'^c  lai.  Il 
est  taquin  ;  je  me  Ûchois  ;  et  il  étoit  obligé  d'a- 
vouer que  jjavois  raison. 

FAircHBTT]|y  à  part>- 

Cela  persuade. 

lE    CQttTE« 

U  est  aussi  u»  peu  entiché  de  littérature,  notre 
Téleim  ;  mais  je  li^i  pardonne ,  parce  qu'enfin  il 
me  lit  les  gazette» ,  et  qu'à  tout  prendre  it  y  a  de 
bonnes  choses  dans  ces  ouvrages-là- :  on  j  lit  les 
promotions  que  font  les  souyerains ,  les  noms  des 
gens  pn  place ,  les  mariage»  et  lei  morts  des  chefs 
de  maison,. enfin  tout  ce  qu'il  y  a  d'intéressant  à 

savoir.  «.. 

vA»CBETTS,  À  part. 

Peur  les  seize  quartiers. 

tE    COMTE. 

Mais  je  te  Yaisse,  et  vain  voir  ec  qu'on  me 
donne  à: dîner,  et  où  je  coucherai;  après  quoi  j« 


a56      lES  AMANTS  GJÈNiÊREUX. 

vole  ira  directoire,  à  la  cour,  chez  les  ministres  , 
les  commis  même  ;  et  je  fais  entendre  raison  à  tous 
ces  gens-là ,  s'il  j  a  inojipn  fie  la  leur  faire  entend^ . 

(Itsort) 

scé;ne  IV. 

FANCHETTE,  MINNA, 
Hov  oncle  me  fait  trembler. 

FAVCHETTE. 

Gomment ,  monsieur  le  comte!...  Il  aime  mon- 
sieur le  major  autant  que  vous;  il  x^est  qccupé 
qv^fi  de  vos  intérêts.. 

MXSirA. 

Il  est  y?ai. 

FAHCBETTE. 

Il  a  fait  ce  que  tous  n  auriez  osé  faire  9ftn9  lui. 

M I N  H  A. 

J*çn  conviens. 

FAXCHEXTE. 

Il  quitte  s$i  maiflion ,  sa  patrie  pour  yenir  le  dé> 
fjpDdre. 

ni  I V  v  A, 

D'accord.../  G*est  le  meilleur  humain  de  la 
terre  ;  mais  il  nuit  toujours  à  ceux  qii'il  YfKat 
servir. 

f  AVGH^TTE. 

Assez  souvent ,  du  moins. 


ACTE  I,  SCÈNE  lY-     '         ^Bj 

MINNA. 

Il  se  fâchera  dans  l'antichambre  contre  les  ya- 
lets ,  8*ils  ne  le  laissent  pas  entrer  d'abord  ;  dans 
1^  cabinet  contre  les  ministres,  s'ils  ne  lui  font  pas 
excuse  du  moindre  retard  :  il  dira^  «  Vous  deyez 
«  me  connoitre',  messieurs  »  (  à  des  gens  qui  n'au- 
ront peut-être  jamais  entendu  pa^rler  de  lui)  ;  et  si 
l'on  ne  le  connoit  pas ,  si  on  lui  fait  la  plus  lér 
l^ère  observation  sur  l'affaire  de  Téleim,  il  sera 
d*abord  aux  champs ,  dira  du  mal  des  ministres , 
des  commis,  les  traitera  d'envieux,  de  firipouA  et 
«de  sots  ;  et  tout  sera  perdu. 

FAVCHETTE. 

Oui ,  mais  il  revient  aussitôt. 

I  K I B  n  Ami 

£h  !  les  gens  ojQfensés  reviennent-'ils  de  même  ? 
Çt  si  Téleim  n'étoit  pas  justifié ,  autre  embarras  : 
qui  viendroit  à  bout  de  ce  singulier  personnage?.. 
Ne  m  a-t-il  pas  écrit  une  belle  lettre ,  ce  Téleim  ? 
Uon  ;  il  ^r  a  ^es  moments  où  je  suis  tentée  de  le 
ba|r. 

VAHCHETTE. 

Ils  sont  couirts,  heureusement. 

IflHBA. 

Il  est  vrai  y,  Fançhette.  Eh!  ne  dois-je  pas  en 
effet  lui  pardonner  cettp  injwste  délicatesse  qui  l'é- 
loigné en  ce  moment  de  moi?  Elle  a  quelque  chose 
de  si  noble ,  de  si  héroïque ,  de  si  imposant  l . . . 
Non  ;  il  me  sex](ibl^  qtje  Téleim  est  un  être  privilé- 
gié qui  fait  honte  au  rçste  de  la  terré  ;  oui ,  Fan- 

.aa. 


»5S      LES  AMANTS  GÊNÉRHUS:., 

chette ,  oui. ...  De  là  peut-être  un  peu  d'indisesé^ 
tion  et.de  franchise  dans  mon  goût  pour  lui. 

FAVCHKTTE. 

11  faut  bien  ayouer  ce  qu'on  ne  peut  pa»  ca- 
cher. 

MimiA. 

Et  ce  qu'on  ne  doit  pas  cadier.  J'aime  Téleim , 
non  pas  comme  on  aime  les  autres  hommes ,  avec 
cette  défiance  et  cette  réserve  qu'inspirent  le  mé- 
pris qu'on  a  pour  l'humanité ,  et  les  préjugés  dans 
lesquels  on  est  éle?é  ;  je  l'aime  avec  sécurité ,  je 
le  lui  avoue  avec  franchise ,  je  n'en  fais  mjstète  à 
personne ,  parce  que  je  ne  crains  ni  le  public ,  ni 
mon  amant,  ni  moi-même.  H  j  a  des  passions 
qui  en  imposent  même  à  la  perversité  des  moeurs. 
Qui  pourrois-je  aimer  qui  valût  mieux  que  lui ,  et 
qui  répondit  mieux  au  public  de  la  délicatesse  de 
mes  sentiments  ? 

FAHCBETtK. 

N'êtes-vous  pas  veuve  d'ailleuts,  uretive  aflUgée 
de  dix-neuf  ans ,  mais  enfin  maltreise  de  vos  ac- 
tions? 

stixirA.: 

Mais,  quand  je  serois  «ncore  sous  lia  puissance 
paternelle,  je  ne  mettrois  guère  skoi&É  dé  fran* 
chise  dans  mes  procédés.  Je  dirois  à  met  parents  : 
«  Voilà  rhomme  qui  peut  seul  iii6  rètidte  heti-. 
«  reuse;  au  public,  voilà  celui  qtie  j'ai  préféré^ 
«  parce  qu'il  est  le  plus  vertUeùk,  «t  que  je  veux 
u  estimer  et  aimer  mob  mari*.  y>  ^ 


ACTE  I,  SCÊNïT  IV-  aSg 

FAirCHETTE. 

Il  n  j  a  pas  un  mot  à  répondre  a  cela 

MIVNA. 

Que  ces  femmes,  que  ces  hommes  qui  se  ma-» 
rteut  sans  respecter  le  mariage,  ou  qui  restent 
réiibataires  pour  pervertir  l'ordre  de  la  société, 
rougissent  de  leur  conduite;  cette  pudeur  n'est 
«jae  la  honte  de  leurs  dérèglements  ;  c'est  un  re- 
mords ,  et  non  pas  une  yertu.  Mais  moi ,  pais^je 
rougir  d'aimer  Téleim  ?  Je  Temx  être  mire  tendra , 
épouse  fidèle  :  j'ai  consulté  mon  coeur  pour  assurer 
ma  vertu.  Ne  sommes-noos  pas- nées  pour  aimer  ? 
Ah!  labellepassionqoeramour,  quand  il  n'j  a  paa 
un  seul  homme  en  droit  de  nous  la  reprocher,  et 
surtout  quand  nous  ne  pouvons  pas  nous  la  repro- 
cher k  nous-mêmes  l  J'aime  Téteim;  et.,  après  le 
plaisir  de  le  lui  dire ,  je  ne  sens  que  celui  de  l'a- 
vouer à  tout  le  monde. 

FAirCKBTTE. 

Vous  avez  raison  ;  je  pense  comme  vous  :  mais 
je  ne  suis  pa»  si  à  mon  aise  avec  Paul  Vemer ,  et , 
quand  on  m'en  parle ,  je  rougis  ;  et  cependant-, 
madame. .  • . 

M  t  air  A. 

Oh!  je  le  crois.  Tu  es  trop  bien  élevée  pour 
avoir  la  ^sse  pudeur  dont  je  viens  de  parler  ;  à 
ton  âge ,  on  rougit,  parée  qu'on  n'a  pensé  à  rien., 

paucrette. 

Grand  meta  d$  la  politesse,  maâs  j  m  pensé  k 
tout.  * 


s6o      LES  AMANTS  GÉNÉnflPTS:. 

MIVHA. 

Tais>toi....  Mais  Ridera,  que  j'ai  cnyojé  v^pra 
cet  officier  du  même  régi^nent  que  Téleim ,  ne  re- 
rient  pas  :  qui  peut  le  retenir?  Non,  j'ai  une  inir 
patience  àç  sayoir. . . . 

Mais  Rîdern  vient  de  partir  ^  madame. 

MISVA. 

Mais  pour  faire  mes  excuser  k  cet  officier  que 
poas.  avoua  délogé ,  il  ne  faut  pas  taut  d^  temps.... 

FAIICHSTT2. 

Mais  pour  lui  demander  oii  peut  çtre  Téleim  » 
les  circonstances  de  son  affaire. . . . 

M  ^'N  H  A. 

Mai$  je  ne  Tai  point  chargé  de  cela ,  mademoi- 
selle ;  je  ne  lui  ai  ordonné  que  de  prier  1  officier. . . 

FAlfCHJETTE. 

Oh  I  je  ne  sais  pa9  an  juste  ce  que  vout  lui  avez 
ordonné  ;  car  vous  l'avez  fait  venir  et  revenir  dix 
fois ,  pour  lui  faire  son  thème  de  dix  façons  ;  et  je 
lie  serois  pas  surprise  qu'il  n'en  eiit  retenu  aucune. 

MisriiA. 

Nous  voilà  bien  avancées  !  Que  ne  ma  disoisrti^ 
cela  ?  Je  t'aurois  chargée  toi-même. . . . 

#  FANCHETTE. 

D'aller  trouver  un  officier!  Votre  servante,  ma- 
dame ;  ils  nç  soilt  psis  tous  comme  Télei^l. 

MINVA. 

Il  est  vrai.  Conuois..tu  quelqu'un  qui  ait  plus 
de  qualités  que  Téleim  ? 


Yerj^ef  a  hifi^  aiissi  son  mérite. 

Qui  soit  plus  généreux  ^  plus  bienfai&aiit^ 

FArUCHETTC. 

|I  n*a  rien  à  lui, 

MIirVA. 

Qui  se  présente  mieux  ? 

FABrCHETTE, 

Il  ne  fait  que  }*exercioe ,  mais  il  le  fait  bien, 

MIHIf  A. 

Qui  ait  plus  de  liant ,  de  douceur  daQS  le  pa^r^f* 
tire? 

FASCBETTE, 

11  jure ,  maifl  sans  fai^e  de  mal  k  personne* 

MIVIlAf 

Il  jure  ?  •' 

FAHCBETTS. 

Rarement  ;  mais  il  me  donne  envie  de  rive  quan^ 
cala  lui  arrÎTe. 

M 19  VA. 

« 

Et  son  esprit? 

FAHCHETTB. 

Il  est  plaisant ,  il  m'amuse. 

MlUBTAr 

Eh!  mais...  c'est  qu'il  dit  les  choses  çorapie 
per;»«mie  ue  les  dit^ 


i6^      LES  AMANTS  GÉTfÉREUXr 

FANCHETTE. 

Gemment!  Tianmx-yôus  6tttéyiià^iielquefois>? 
Si  jaiearieirdtt  Télètm  ? 

FAVCHBTTS. 

J'ai  crii  que  vou»  me  parliei  de  Vemer. 

MINNA./ 

AuBsi  Ibiles  Tune  que  l'autre,  mon  enfanta 

y  FAHCHETTX. 

Que  voulez-Tous?  ckacua  a  sa  folie;  je  cou»* 
mence  aussi  à  m'impatieater  de  ne  pa»  voir  reye- 
nir  Ridern;  car  je  TaTois  chargé  de  s'informer  de 
Vernér, 

Kiirif  A. 

Gommeirt ,  de  Vcrner  ?  Eh  î  mais  ^  qu  est-><:e  que 
«est  que  cette  extraVagaiice-là ?  Je  ne  sliîs'plu» 
surprise  si  Ridem  ne  revient  pas  ^  il  aura  fait  vo» 
commission»  et  oublié  les  miennes.  C'est  bien  tn* 
téressant .  au  moins ,  de  ftavoii*  où  est  Paul  Yerner  ! 
£h  !  à  qm  voulez-^ous ,  mademoiseUe ,  qu'il  le  de- 
mande? Croyez-vous  qu'un  officier  aura  la  eom- 
plaisaince  de  lui  donner  des  nouvelles  d'un  maré- 
chal des  logis-,  de  Paul  Vcrner?  U  anra^ renvoyé I«. 
questionneur  à  coups  de  canne. 

7AFCHETTE.- 

Il  en  seroit  revenu  plus  vite. 

MI9NA. 

Hest  bien  temps  de  plaisanter!  Voyez  là-ba»v 
deman-dez  It  l'hôte,  à  mes   gens  eu  est  Ridem ^ 


ACTE  1,  SCENE  IV.  «<55 

Mt  qoe  c'est  que  cet  officier ^  et  revenez  prompte^ 
ment. 

FAUCSETTE. 

Tj  oonrs ,  madame.  à 

.   (Mlnnasart/) 

SCENE  V. 

FANGH£TTE,ieii/«> 

M  Aïs,  si  je  rencontre  y  emer,  adieu  la  commift' 
•ion. 


FZH    SV    PKSMiEa   ACTE. 


jt'.rf^l^'^l*»  ^  »!»■  >.»i^«*>^« 


ACTE  SECOND. 


iSCÉNE  1 

JUSTIN,  EHOTE^ 

JUSTIS., 

SloMSiEUB  le  major  ne  veut  ni  de  l'appartement 
où  tu  as  placé  ses  effets ,  ni  de  tout  autre.  Tu  nous 
as  délogés  pdir  des  étrangers,  sans  nous  en  de^ 
mander  lïotre  ayis  ;  yoilà  ton  argent ,  et  nous  sot- 
toÉs.  Retire-toi. 

SCÈNE  II 

JUSTIN,  VERNER,  L'HOTE. 

TERBtEK. 

Que  £utes-yous. ayec  ce  coquin-là,  uonneuc 
Justin  ? 

jùSTiir. 
Je  le  pâle ,  M.  Yerlier ,  et  lui  dis  de  se  retixer. 

TIBSRBA. 

Et  il  se  fait  prier!...  Sors»  on  je  yaiste  pajetf 
ccmune  tu  le  mérites,, 

l*b6tb. 
Je  n«  deiaande  plus  rien. 

(Il  êort  préeipitatiiment  ) 


LES  AMANTS,  etc.  ACTE  II,  SCÈNE  III.  idS 

SCÈNE  IIL 

JUSTIN,  VÉRNER. 

If  ZJ19E  11. 
i*A?POi[TE  de  l'argent  à  monsieur  le  majot,  et 
je  yais  faire  la  guerre  aux  Tartares ,  aux  Cosaquetf , 
aux  Galmoucks. 

j  H  s  T I  #. 

Qui  sont  cet  animaux-là  ? 

V  E  a  v  E  R.. 
Vous  ayez  entendu  parler  de  Pugast-chew. 

StSTiVi 

NdB  ;  qu  eat-ce  qu'un  Pugast-chew  ? 

C'est  un  chef  de  réyolt^s ,  et  je  n'àimè  paê  ces 
gens-là ,  moi.  Je  vais  me  joindre  aux  Russes  pour 
le  mettre  à  la  raison.  Dieu  soit  loué ,  qu'il  j  ait  au 
moins  guerre  en  quelque  coin  du  monde!  J'espé- 
rois  qu'on  recommenceroit  en  Allemagne ,  mais  on 
n'y  fait  que  des  camps ,  des  revues  ;  et  je  yeux  àfis 
batailles ,  moi.  Oui ,  Justin ,  né  soldat ,  soldat  je 
yeux  mourir.  Je  yais  £iire  une  campagne  avec  les 
Russes  contre  les  Calmoucks  et  les  Tartares.  Je 
yeux  voir  si  ces  g6ns-là  valent  nos  Enropé'ens  ^  nos 
Allemands ,  et  surtout  un  soldat  prussien. 

JUSTIN. 

J'espère  que  vous  ne  serrez  pas  assez  fou  pour 
abandonner  votre  jolie  terre. 

Zhéâtrt^LCoaédiei.   i^k  ^^ 


J 


^66      LES  AMACÎTS  GÉNÉREUX, 

VERNER., 

Je  la  porte  sur  moi  :  je  l*ai  vendue. 

JUSTIN. 

Vendue!? 

VERNER. 

Oui  ;  j'en  ai  tiré  hier  deux  cents  ducats,  et  je  les 
apporte  à  mon  major, 

JUSTIN^ 

Eh  f  que  Toulez-Tous  qu'il  en  fiasse  ? 

▼  ERNER.    . 

Qu'il  les  boive ,  qu'il  les  mange ,  qu'il  les  joue. 
11  faut  qu'un  hbmme  comme  lui  ait  de  l'argent. 
C'est  bien  affreux  qu'on  lui  retienne  si  long-temps 
ce  qu'on  lui  doit ,  et  qu'on  traite  le  plus  honnête 
homme  de  l'armée  avec  tant  d'injustice  et  de  bar- 
barie. Ah!  si  j'étois  à  sa  place,  j  enverrois  ce  9€T-> 
vic(;<;ei  au  diable ,  et  j'irois  avec  Paul  Vemer.. 

Vous  êtes  tcop  bon/,  monsieur  Vemer  ?  non»  ne 
voulons  pas  de  votre  argent;  gardes  vo»  dnoats. 
Vous  pourrez  nussi  reprendre  la  somme  que  tous 
avez  déjà  prié  mon  maître  de  tous  oofiserver;  car 
il  m*4  chargé  de  toms  dire  de  venir  l'en  débarrat- 
ser.. 

TSUHSR. 

l^  major  a  donc  de  l'argent? 

jvaTxv. 
Non» 

Eh  1 3e  quoi  Tivez^iYPils  ? 


ACtE  II,  SCÈNE  nu  9&J 

De»  débris  de  notre  fortune. 

Et  il  refuse  de  garder  mon  argent  dam  n&e  pft* 
reille  détresse  ? 

JIKSTIII., 

Oui  ;  et  il  vient  de  me  traiter  très  durement , 
parce  que  je  lui  faisois  entendre ,  comme  nous  ei» 
étions  convenu»,  qu'il  pouroit  en  disposer. 

V£RHER. 

OL  !  nous  verrons  qui  remportera* 

J  D  s  T  I  9. 

Ne  l'espéreo^  pa»,  M.  Vemer.  Tenez ,  il  vient  de 
laire  une  action  qui  a  achevé  de  me  confondre ,  et 
({ùi  doit  vous  dter  toute  espérance  de  kii  faire  ar- 
cepter  votre  petite  ionuBe. 

VERNE». 

Qu  est-^e  que  e  est  ? 

J  V  s  T I  21 . 

Tous  eotinoissez  bien  la  comtesse  de  Blarloff  7 

VERSrZR. 

Otri  ;  c'est  la  veuve  d*nn  de  se»  anciens  camara- 
des ,  une  femme  bien  respectable  et  bien  malheU' 
reuse,  cbargée  d'ime  nombreuse  fimiille  et  sans 
fortune. 

JtrsTiv. 

Elle  sort  d*ici. 

▼  EBSiSR. 

Son  mari  HevMt  considérablement  au  ma^or. 


3(68       LEQ  AJklANTS  GËNËR^IJX^ 

^usTiir. 
Il  ne  lui, doit  plus  rien,  ei  n^OQsieur  le  9isijo|r 
n'eti  est  paa  plus  riche, 

Comment  ? 

JUSTII^. 

J  etois  dans  un  coin  de  )  appartemei^t  ^u.  mstyov 
sfIQs. qu'il  eQ  sut  rleq;  e%  j'ai  été  ténioin  de  la  scène 
la  plus  extraordij^aire  que  j'aie  jamais  vue  de  ma) 
yie  :  madame  Marlo£f  est  entrée ,  lui  a  dit  qu'elle^ 
yen  oit  acquitter  les  dettes  de  son  mari ,  retiver  ses 
billets  et  le  payer.  Le  Qiajor  a  nié  la  dette ,  les  bil- 
lets y  Ta  forcée  de  remporf^r  son  argent,  et  a  tout 
4échjré  dès  qu  elle  a  été  partie. 

Yehker, 

Et  on  persécute  de  pareils  gcQS  !  et  dç!|  camara- 
des ,  qui  deyroient  être  à  ses  pieds ,  sont  assez  lâches 
pour  lui  tourner  le  dos  !  Ah!  {1  faut  que  je  fuie  ce 
pajs-ci  f  Justin  ;  il  le  faut  absolument  ;  car  je  man-r 
q^ero|s  4  1&  subordination,  et  j'^ttaquerois,  jp 
crois ,  notre  colonel  lui-même. 

JUSTIN. 

Eh!  quç  i^e  fuje^-ryous  du  côté  de  la  Sfixe  ? 

yEBVEIl, 

>  Je  ne  peux  pas,  mon  ami.  Monsieur  le  major  j 
)^ laissé  une  maîtresse  aussi  aimable  que  la  mienne, 
et  il  ne  yeut  pas  l'aller  rejoindre.  Il  faut  bien  aller 
se  battre  :  mademoiselle  Fanchette  et  la  gloire, 
moi  Ip  ^ç  reçonnois  que  cesdeuxp[i|fiître9ses-là(4^' 


ACTE  II,  3GÈKE  III.,  .2^6^ 

tene«,  ne  me  rappelez  pds  ce  sourenir;  il  m'aiflige 
le  cœur! 

JUSTIN. 

Mais,  mademoiselle  Fanchette  vous  aime-t-elle 
comme  tous  Taimez? 

VERVEB. 

J^  n'en  sais  rien ,  mon  pauvre  Justin. 

JUSTIN. 

Comment!  vous  n  en  sayez  rien? 

VERNERi. 

Non.  Tous  m'ayez  yu  à  l'armée  ;  je  ne  suis  pai 
poltron,  je  brayerois  le  diable  :  eb  bien!  je  n'ai 
jamais  en  le  courage  de  la  regarder  en  face  et  de 
lui  demander  si  elle  m'aimoit. 

JUSTIN. 

Quelle  foiblessel 

VERNER. 

Mais  je  crois  qu'eUe  n^'aime  ;  et  ce  sont  de  ces 
cboses  qu'on  laisse  toujours  mieux  yoir  qu'on  ne 
les  dit. 

JUSTIN. 

A  la  bonne  heure.  Au  plaisir,  M.  Yerner,  je  yaif 
Toir  où  nous  logerons  la  nuit  prochaine. 

(lisorU) 

tERNZR., 

ShI  nais ,  je  vous  suis. 


d3. 


2^0      LES  AMANÎS  GÉNÉREUX. 

\  SCÈNE  IV. 

MINNA,  VERNER. 

MiHHA,  à  part 
Votez  si  Fanchette  reviendra!  (Haut,)  O  ciel! 
est-il  possible  ?  en  croirai-je  mes  jeux  ?  Quoi  !  c  est 
vous,  M.  Vemer? 

VERHÊB. 

Eh!  mais,  est-ii  bien  vrai? ne  me  trompé-je  pas?, 
Qnoi!  c'est  vous,  madame  la  comtesse? 

M  ISS  A. 

Oui ,  «'est  moi-méine,  et  je  ne  reviens  pas  de  c«t 
heureux  hasard. 

VEAUËft. 

Mais  je  suis  bien  plus  étonné  de  VOUS  hrDttver 
ici  j  qui  vous  amène? 

M  ISS  A. 

Je  viens  consoler  monsieur  le  major.. 

V  s  USER. 

Ah!  madame  la  comtesse,  vous  voilà  bien  là ,  et 
vous  valez  mieux  que  tout  le  reste  de  la  tétrc.  Te- 
nez ,  notre  régiment  est  en  garnison  ici.  Il  n'y  a 
pas  un  officier  du  corps  que  monsieur  le  major 
nait  obligé ,  et  les  ingrats  l'évitent  tous  depuis  sa 
disgrâce»   . 

MIS  SA. 

Ah  dieux!  quel  cotfp  ptnrr  sa  sensibilité  ! 

VERSEA. 

Il  leur  rend  mépris  piAir  mépris;  mais  son  âme 


ACTE  lï,  SCÈNE  IV.  a-i 

rtt  blessée ,  et  il  n  j  a  que  vous  qui  puissiez  1« 
guérir. 

M  1 V  M  A. 

A-t-il  douté  de  ma  tendresse  ? 

TERHEB. 

Ah!  il  est  tout  occupé  de  son  malheur. 

M I H  «  A. 

MUS  est-il  irréparable  ?  et  le  témoignage  de  nos 
Stats. . . 

y  E  a  ff  E  a« 
Il  ne  veut  pas  le  réclamer;  il  dit  qu'on  le  croi* 
roit  mendié ,  et  que  ses  ennemis  en  tireroient  de 
nouveaux  avantages  contre  lut. 

siiirirA. 
Mais,  si  notre  première  noblesse  venott  elle- 
même? 

VEBffCm. 

Vous  amèneriez  ici  toute  la  Saxe ,  que  cela  n'a* 
vanceroit  de  rien.  On  commence  bien  k  s'aperce- 
voir qu'on  a  été  trop  vite;  mais  on  ne  sera  pas  as- 
sez généreux  pour  revenir  sur  ses  pas.  Par  exemple, 
on  lui  avoit  défendu  de  sortir  de  Berlin  :  on  vient 
de  lui  rendre  toute  sa  liberté.  £h  bien  !  il  a  ré- 
pondu qu'il  ne  quitteroit  pas  la  ville  qu'il  n'eût 
confondu  ses  ennemis ,  dusSent-iis  lui  faire  porter 
la  tête  SUT  l'échafaud.  Cela  s'appelle  répondre. 

MIVV'A. 

Oh  l  je  le  reconnois  bien  là.. 

Le  directeur  de  Ucaisin  de  guerre ,  son  •nnemi 


j 


ay^Js      Ï-ES  AMANTS  GÉNÉREUX, 

secret,  vient  mên^e  de  \u}  dire  de  pi(s.ser  dai\9  ukiç 
heure  chez  lui ,  sans  doute  pour  lui  ordonner  àé 
se  retirer,  ou  pour  lui  offrir  une  grâce. . . . 

MIBNA.  , 

Qu'il  rejettera. 

TEBITEK. 

N'en  doutez  pas.  Il  a  promis  de  s  j  rendre^  mais 
je  suis  sur  que  l'accusé  confondra  l'accusateur. 
Heureusement  vous  Toilà  ici,  madame,  et  je  ne 
doQte  pas  de  la  consolation  que  vous  nous  j  ap- 
porterez. Il  reste  encore  à  mon  major  une  braye 
femme  qu'il  aime,  son  maréchaï-des-logis  qui  se 
feroit  tuer  pour  lui ,  et  sa  bonne  conscience  :  en 
voilà  assez  pour  vivre  heureux  et  tranquille»  Je 
cours  le  prévenii^  que  vous  êtes  ici. . .  Ah  dieu  ! 
Qiademoiselle  Fanchette! 
{Verner  fait  un  mouvement  qui  mariftte  son  emhai^ 

ra$,  et  se  met  un  peu  à  t écart  pour  laisser  parier 

mMdemotseUe  Fanchette.  ) 

SCÈNE  V. 

FANCHETTE,  MINNA.YERNER. 

FANCHETTE. 

AhI  madame ,  ah!  madame ,  je  viens  de  le  voir, 
il  s'est  précipité  dans  mes  bras!. . .  Ah  !  Fanchette , 
'ma  chère  Fanchette,  m*a-t-il  dit ,  que  vient  faire 
ici  ta  maîtresse}  Je  ne  dcvrois  pas  la  voir.. . .  Je  ne 
le  devrois  pas;  mais  je  n'ai  pas  le  courage  de  l'évi- 
ter, et  je  te  suis. 


ACTE  II,  SCÈNE  y.  aj^ 

|ih!  Fanchette,  je  vais  donc  le  voir;  H  va  cfonc 
|D*ttre  rendu!  Mais  que  dit-il  j  qu'il  deyroit  m'éyi- 
ter,  qu'il  ne  deyroit  pas  me  voir?  Pourquoi  ne  m* 
{'as-tu  pas  amené?  Je  tremble, 

FAVCQETTE, 

£h!  donne^lui  le  temps  d'arriver  jusqu'ici,  car 
le  pauvre  garçon  étoit  si  abattu,  si  accablé,  qu'il 
pe  pouyoit  me  suivre. . ,  et  puis',  vous  le  savez ,  ils 
sont  fiers  les  hommes. . .  11  faut  que  celui-ci  s'es- 
suie les  jeux,  qu'il  s'arme  de  courage.  Un  peu  de 
patience,  et  vous  allez  le  voir  arriver...  Il  est  peut 
être  déjà  dai|s  votre  apjpa\'tement, 

M|HHA, 

Je  cours  l'y  recevoir.  Mais  je  yeux  te  rendre  seiv 
yice  pour  service ,  ma  chère  Fanchette  ;  tu  m'an^ 
i)onçe3  Téleim,  et  je  te  laisse  ayec  Yerner, 

(Eihsopt) 

SCÈNE  VI. 

FANCBETTE,  VEflNER,  tou§  deux  embarrassés. 

F  A  M  CHATTE.. 

A  h!  monsieur.... 

Ah!  mademoiselle. . ... 

.  fahchette;*!^  p^rU, 
jle  suis  tpate  trouMée.  ».  a 


«74       l'^^  AMANTS  GÉl^ÊRtrUX. 

V  E  R  N  £  R  y  à  paru 

Je  ne  sais  que  lui  dire.  {KauU)  le  yoo»  cvoj<3i9 
bien  loin ,  mademoiselle. 

FAUCHETTfi. 

Nous  n'aurions  jamais  cru  vous  trouver  ici. 

VÊRlfXR. 

Ce  n  est  pa»  que  jje  sois  fâché  de  la  renconfsse^ 
mademoiselle  Fanchette. 

FA1«CH£TT£« 

Ni  moi,  assurément,  M <  VemeT. 

▼  £RV£ll* 

J'àdmirois  tout  à  l'hettre  votre  boor  eififfr  pour 
monsieur  le  major,  mademoiselle  Fanchette  :  avec 
quel  plaisir  yott»  annonciez  son  arrivée  à  madaxner 
la  comtesse! 

Ah!  M*  Venter,  c'est  que  jetois  bien  sûre  de 
lui  apporter  une  bonne  nouvelle....  On  a  tant  der 
plaisir  à  annoncer  aux  autres  leur  bonheur! 

vErber. 
Ah  !  Oui.  (A  part*)  Et  On  est  si  embarrassé  dé- 
parier du  sien  i 

»  FAVCBETTEr 

Il  y  a  si  long-temp»  qu'il  est  absent ,  monsieur 
le  major! 

VERSER. 

II  y  a  deux  ans ,  trois  mois  et  dix-huit  )ours  et 
demi  que  dure  cette  absence-làr 


âiîTE  It,  SCÈNE  Vï,  275 

FANCHETTE. 

C'est  mon  compte.  Et  noire  réunion ,  M.  Verner, 
combien  durera-t-elle? 

▼  EBNES. 

Je  Tondrois  bien  (qu'elle  durât  toujours ,  made» 
moiselle  Fanchette. 

FAirCHETTE. 

Et  moi.  « .  Et  ma  maîtresse  aussi ,  M.  yerner,i 

Elle  aime  donc  toujours  bien  monsieur  le  ma» 
jor,  madame  la  tomtesse? 

JAKCBETTE. 

Est-ce  qu'on  peut  s  oublier,  M.  Verner? 

VEAHEB. 

iCela  n'est  pas  possible, ...  Si  je  vous  disois  tout 
ce  que  nous  faisions  pour  nous  ressouvenir  de 
yous.,^.. 

FABCBETTS* 

Nous  ne  £ûsions  rien,  nous,  et  cela  venoit  tout 
seul,,.  G'étQÎt  à  propos  de  tout,  et  k  propos  de 
tien. 

YltBirER, 

Et  nous  aussi. 

FAHCPETTEr 

AU  milieu  de  la  meilleure  compagnie.,* 

▼  ERITBB.. 

Q9an4  pioiu'étions  absolument  seuls. . .. 

FAVCBETTE. 

Mjtf^f^^^  ^^  disoit  \  ((  Yois-ta  rien  là  qui  re^^ 
«  seo)kle  à  Tisleiiii?  .»^ 


ajô       LES  AMANtS  GÉNÊRÈUi, 

YSRVEIl. 

Nous  disions  :  autant  ne  voir  personne ,  quand 
on  ne  yoit  pas  madame  la  comtesse^.,  et  mademcfi^ 
selle  Fanchette. 

PAVCflETTE« 

Si  Ton  faisoit  à  madame  le  récit  d  une  belle  ac- 
tion, d'une  actioïl  généreuse.  <.' «  Gela  ressemble  à 
«  "féleimi.  a 

YERlTEBq 

Et  k  Vemer  aussi,  avec  votre  permis'sidR,  ma^ 
demoiselle  Fanchette» 

FANCHETTE. 

Ah!  ]e  te  {Jeusois  bieii  de  même,  Mi  Yërner. .... 
Et  puis  nous  prenions  une  carte  de  géographie* 

VEABEIl* 

Alil  et  pourquoi  faire? 

FAirCHETTE.* 

Pour  chercher  où  vous  étiez.  Nous  vous  suivrons 
partout.  Madame  me  disoit  :  *(  Ils  sdnt  ici,  ils'  sont 
<c  là;  le»  Autrichiens  sont  campés  en  cet  endroit , 
«  et  les  Prussiens  en  cet  autre  ;  il  y  aura  bataille 
((  aujourd'hui  ou  detiaîn ,  monsieur  le  major  cbar- 
K  géra  à  la  tête  du  régiment.  » 

V  E  a  H  È  n ,  eil  se  tedressanU 

Et  Vemer  ? 

FANCHETTE. 

Je  n*osois  regjarder,  quand  elle  fftisoit  <^es  ré- 
cits ;  nous  tremblions  comme  des  enfants ,  et  noua 
pensions  qu'il  ne  se  tireroit  pas  Un  cotip  de  fîxsil 
qui  ne  fût  pour  vous ,  M.  Yemer. 


ACTE  11,  SGÊNÈ  Vt;  ayy 

V  E  a  H  E  R. 

Ah!  nf ademoiselle ,  que  de  grâces!...  Et  quand 
bous  étions  d  un  détachement ,  quand  nous  ren- 
versions des  escadrons ,  enfoncions  des  lignes. . .  é 
nous  disions  :  Ah  !  si  elles  n'ayoient  pas  peur,  que 
nous  aurions  de  plaisir  à  combattre  sous  leurs 
^eux  !  Et  puis  je  me  proposOis ,  à  mon  retour ,  de 
vous  contèt  les  belles  actions  qtie  j'atirots  fkites 
pour  la  gloire  6t  pour  vous ,  mademoiselle  Fail- 
ehette. 

F  A  V  c  H  t  T,T  E  ,  un  peu  troubtéei 

Gomment  !  pour  moi ,  M.  Yemer  ? 
YBasER,  décoHoerté* 

Patdon  I  mademoiselle  J'anchetté^ 

FAHCHETTE^ 

Il  n '/  a  pas  de  quoi ,  M.  Verner.  (^A  parti  )  Se 
n'ose  l'écouter. 

VEBirÊB,  à  parL 
Se  n*ai  pas  la  force  de  lui  en  dire  dayantag«r.i 

.   FAVCBETTE. 

Se  Yois  combien  monsieur  le  major  est  attaché 
1  madame  la  comtesse. . . . 

yâaiTEar 

le  Tois  toute  la  tendresse  de  madame  la  coiffa 
teise  pour  rnoorsienr  le  major. .  <- 

rASGHSTTB. 

Et  je  cours  la  prévenir  sur  son  bonheur. 
Et  je  cours  rassurer  dU  sien^ 


a^S      LES  AHARTS  GÉNËREUX. 

(lu  it  ntourntnt  tous  la  deux  pour  s'en  aller,  l'un 

à  drotit^tt  f taire  à  gauche;  mais  un  mouvomenl 

de  earmsiti  les  ramiae  ea  pet,  et  Us  n'ta  eoitt 

tfoe  plus  tmbarrusis. }  ' 

rAnCBirriK 

Voue  terraDte ,  Mi  Veriisr. 


Votn  MTTitcnr,  mademoiielle  F«aclir.tîi'. 
{FoMehetle  toH  préclpitaauBtnt  en  fiiUtuU  une  petit' 
révérence,  et  Verner  reste  an  numenl  con/biittu 
comme  f  B^ff a'un  ou'or  a  taiisé  sur  te  tfu'il  atloif 
dire.) 

SCÈNE   VIL 


L'A  ToiU  putie ,  et  mon  Mcret  en  ieit£  en  «he- 
-'-•—- intaprraelle,  mai)  tem-jt  phHfc<r44' 


laeoas  acci. 


ACTE  TROISIÈME. 


SCÈNE  i; 

FANCHETTE,  MINN« 

Tu  vois  comme  il  te  suiyôit. . .  *  Ab  !  gâfls  àoUt€  ît 
t'a  trompée  !  Il  aura  volé  cbe£  le  mmistre  qui  l'at* 
ten^oit ,  et  il  ny  atira  point  porté  cette  modéra^ 
tion  qui  lui  est  nécessaire  f  ef  que  je  lui  acuroi» 
peut-être  Inspirée < 

FA#CtiETÎt* 

£h  non}  madame,  non  :  il  m'a  dit  qu'il  me  sui« 
t'Oit. . .  Tenez. . .  un  moments .  «  chut  !  je  crois  len* 
tendre.  «*  oui ,  c'est  lui-même. 

M I N  R  A. 

Contraignons-nous,  et  combattons  son  déses» 
poir  par  un  air  rîânt  et  ouvert  ^  qui  lui  fasse  dou- 
ter ,  s'il  se  peut ,  de  la  réalité  de  son  malheur ,  et 
l'assure  es  même  temps  de  mon  empressement  à  le 
réparer. 


aSo      LFS  AMANTS  GËNÉREUX^n 

SCÈNE  ir, 

PANÇHETTE^  MINNA, TÈLEIM. 

(  li'^trio^  qui  représente  le  rôle  de  Minna  doit  dans 

scène  nuancer  SQn  rôle ,  marquer  par  des  moments  de 
tristesse,  en  écoutant  Tâeim,  la  violence  qu'elle  se 
£dt  pour  lui  répondre  gaiment;  passer  peu  à  peu  de 
ce  ton  de  gaitë  à  un  ton  plus  touchant  et  plus  ferme. 
Fanchette  s'assied  derrièce  eux,  et  s'occupe  à  faû«  du 
filet,  oii  d'autres  petits  ouvragesj 

1 É  L  4 1  B| ,  d'iiti  to(i  somkre  pendant  pr^qvit  toute  ta 

sçè^e. 
Quoi!  c'est  vous ,  ma  chèTre  Mipna  ? 

M I N  or  A ,  d'an  ton  gai ,  nobtf  et  consolant, 
Ah ,  mon  cher  Téleim  ! 

TéLElM. 

Vous  ici!  vous  ici!  Que  cherchez-yous.,  ma-r 
datne? 

MINNA. 

Je  ne  cliei^chç  plus  rien.. . .  Et  vous,,  Téleim  ? 

TÉLEIM. 

Hfoi,  je  chçrçhe  ^uelje  yertu  pourra  m'aider  à 
brayer  mes  nialheurs. 

^  M I  ir  N  A... 

.^Quelle  yertu  !  notre  amour^ 

TÉLEIM. 

Il  me  fait  trembler. 

MlNNA.. 

|1  me  rassure.  Télein^  >  m'^iinez-yous  ^ivpore  ? 


ACTE  m,  SGÊNS  II.,  a8i 

t£l£xm. 
Si  je  vous  aime  »  M inna?  Âh  !  cent  fois  plus  que 
Qiqi-méme. 

KIMNA. 

Vous  m'aimez  ,  Téleim. . . .  Yous  avez  votre 
Minna,  et  vous  êtes  malheureux!  Ecoutez  com- 
bien je  suis  y  aine  et  sensible.  Je  m  etois  imaginée 
que  je  suffisois  à  votre  bonheur. 

TÉLEIM. 

Il  n'en  est  pas  pour  moi ,  privé  de  vous ,  ma* 
dame.  Je  puis  supporter  mes  disgrâces ,  m'endur- 
cir  contre  la  cruauté  et  Fin^ustice  des  hommes  ; 
mais  je  ne  survivrai  pas  au  coup  qui  nous  sépare. 

MIHBIA. 

Eh  !  qui  nous  séparera  ?  Sera-ce  vous ,  Téleim  ? 

TÉLEIM. 

Ce  sera  l'honneur.  Je  ne  sufs  plus  ce  Téleim 
que  vous  connûtes  dans  votre  patrie,  cet  homme 
devant  qui  la  carrière  de  Thonneur  et  de  la  for- 
tune étoit  ouverte;  je  suis  un  soldat  disgracié, 
ruiné,  perdu  par  ses  ennemis,  et  je  ne  dois  pas 
vous  associer  à  mes  malheurs. 

MlErHA. 

Et  voilà  précisément  ce  que  je  suis  venue  cher- 
cher. 

TÉLEIM. 

Il  ne  me  Êiut'rplus  qu'un  désert. 

aci^NNA. 
Et  Minna?  Je  vous  permets  d'en  vouloir  à  toute 
la  nature  humaine  j  mais  il  iaut  que  cette  haine-là 


%9i      EÉST  AMANTS  GÉNÈRE0i. 

tourne  au  profit  de  notre  amour.  Vous  avef^à  tous 
plaindre  deft  hommes ,  mon  cher  Téleim  ?  Eh  bien  ! 
Abandonne'2-les  pour  moi.  Que  je  leur  ai  d'oblîga-< 
tion  'de  m'ayoir  cédé  tous  leurs  droits  sur  yous  ! 
Je  ne  les  partageois  qu'à  regret  avec  eux,  je  vous 
en  avertis^  Concevez-vous  tout  mon  boiiheiit? 
Téleim  n'a  plus  d'engagements,  de  devoirs,  de 
liens;  il  ne  tient  plus  aux  rois,  à  leur  cour,  à  d.*iki- 
justes  supérieurs  ;  tous  ses  moments  sont  k  lui ,  et 
il  me  les  donne  :  Tin  justice  dés  lioznmes  la  séparé 
d'eux;  il  retourne  à  Miilna,  qui- connoît,  chérit, 
respecte  ses  vertus  ;  et  rèStlme  et  Tamour  de  Minna 
suffiront  à  sa  félicité. 

TÎLEIM.. 

Où  suis-je?  Laissez-moi;  ne  m'ofirëz  pas  le 
bonheur  trop  incertain  de  vous  appartenir;  et 
tremblez  que  je  n'aie  pas  la  fotce  dcvous  résister. 

]Eh  !  maié  ^  )e  Tespère  bien  pourtant. 

.  TÉtEIllI. 

Rappelez- toiiS  à  vous-ihémè,  et  songez  &  ce 
qu'est  un  homme  tombé  dans  là  disgrâce  de  son 
maître ,  et  attaqué  dans  son  honneur. 

iÉ  I  N  N  A. 

S'il  est  coupable^  je  le  plains;  s'il  est  innocent^ 
je  le  respecte  davantage. 

TÉLEIM. 

C'est  un  homme  rayé  de  la  société ,  que  le  plus 
▼il  citoyen  est  en  droit  dé  mépriser,  dont  on  évite 
rentretjien ,  l'approche ,  lé  regacd ,  et  qui  se  rend 


ACTE  III,  SCÈNE  II,  â83 

justice,  en  s'éloignant  de  tout  le  monde;  il  n'a 
plus  de  connoissances ,  d  amis ,  de  parenu  :  il  est 
marqué  du  sceau  de  Tinfamie^ 

Arrêtez,  arrêtez,  s*il  vous  piait  :  je  ne  yeux  pas 
de  cet  holniiie-là.  J'en  yeux  un  que  tout  le  monde 
m'envie  ;  et  cet  homme ,  c'est  vous.  Venez  ;  venez , 
Téleîm  ,  au  milieu  de  ma  patrie ,  au  milieu  de  ces 
mêmes  Saxons  à  qui  vous  avez  conservé  les  biens , 
la  yie  et  l'hotmeur;  et  vous  verrez  si  je  serai  humi- 
liée de  vous  appartenir  ! 

T^LEIM. 

Ahi  madame,  quelle  ingénieuse  adresse  pour 
m'élever  au--detstts  de  moi-méme« 

atlHEIA. 

£b!  mhiê^  l&on,  il  n'j  a  pas  d'adresse  à  tout 
oek.  Y«ilà  l'homme  qu'on  oonnoit  en  Saxe ,  et 
qu'on  méconnoit  à  Berlin.  Mais ,  si  je  voUs  suis 
chère,  Téieim,  n'*-ai-je  pas  à  me  plaindre  de  votre 
désespoir  ?  Tout  est-il  malheureux  pour  vous  dans 
cette  afiairé,  et  n'jr  voulez-vous  rien  voir  qui  vous 
console  ?  N'est-ce  pas  sur  le  bruit  que  faisoit  votre 
conduite  en  Saxe  que  j'ambitionnai  de  vous  con* 
naître?  Je  volai  dans  toutes  les  sociétés  où  j'espé-»^ 
rois  vous  rencontrer  :  sans  cette  belle  action,  vous 
m'auriez  échappé;  mais  n'est-ce  pas  là  de  quoi 
vous  réconcilier  avec  vos  malheurs?  Tout  ne  réus*> 
sit  pas  également  dans  le  monde,  Téleim;.on  n'a 
pas  toujours  tout  ce  qu'on  mérite  :  mais  il  faut  re- 
cevoir les  dédommagements  que  la  fortune  nous 


a84       LES  AMANTS  GÉNÉREUX; 

'do|ine>  et  dira  :  «  J'ai  perdu  lestime  de  qiielqujç&. 
i{  gens  préyenus  et  trompés  ;  .mais  j'ai  fait  une 
.c<  belle  action  qui  m'a  valu  le  cœur  de  Miuna.  »  Ua 
roi  vous  condamne,  une  femme  vous  rend  justice; 
eli  bien  !  oubliez  le  roi ,  et  prenez -moi  pour  votre 
souveraine  :  nos  récompenses  valent  bien  celles, 
des  rois. 

JÉLEIM. 

Ahl  Minna,  un  trône  et 'vous,  je  vtfi  hBlvace- 
rois  pas  :  mais  je  ne  puis  vous  tendre  la  maioi  pour 
vous  attirer  dans  le  précipice., 

,  MIHHA. 

Mais  vous  avez  de  singulières  idées^..  Vous  crai- 
gnez de  m'associer  à  votre  sort  ;  et  c'est  ce  refos 
de  votre  main  qui  va  me  déshonorer.  Oui,  mon- 
sieur, voilà  le  seul  tort  que  vous  puissiez  me  faire. 
Nos  Saxonnes  ont  connu  mon  amour,  ma  foi- 
blesse  ;  toutes  m'ont  envié  le  bonheur  d*avoir  pu 
vous  fixer. 

TÉLEiM,  avec  an  ris  amer* 

Ah  !  oui ,  je  connois  les  ifemmes.  Elles  vous  en- 
vieront le  partage  de  mon  infortune!...  Non ,  ma- 
(dame,'  non,  l'heureuse  Minna  n'est  pbint  faite 
pour  Ift  malheureux  Téleim. 

MINRA. 

Et  moi ,  je  vous  dis  que  nous  n'avons  jamais  été 
mieux  faits  l'un  pour  l'autre.  Nous  avons  mille 
choses  à  partager;  moi  vos  chagrins ,  et  vous  mes 
consolations.  Je  ne  suis  pas,  à  la  vérité,  la  moins 


ACfE  IH,  SCÈNfi^H.  ajBS 

bfiareuse  dans  ce  partie  ;  mais  tous  m*aimez  trop 
pour  m'enyier  cet  avantage  sur  tous.  O  mon  cher 
Téleim!  voilà  ^es.véritéfl  de  sentiment  incontesta- 
bles. £stimez-vous4  c'est  la  justice  qne  vous  vous 
deve^  :  aimez -moi;  c'^esx  la  consolation  que  je 
vous  offi'e  :  acceptez  ma  maii^;  vous  1^  devez  à  ma 
réputation., 

TÉLEIM,  attendri. 
Yous  vous  trompez,  Minna;  ou  plutdt  voua 
chei:chez  à  vous  tromper  vous-même ,  et  je  n'a!  ja« 
mais  essujé  ui^plus  rudç  Gombjit:enti^  Tamour  et 
le  devoir..  Je  œ  cQnnois.  nr  l'ambition ,  ni  Ta  va- 
rice, ni  toutes  les  passions  qui  tyrannisent  les 
hommes;  {avec  toute  l'expression  4»  sentiment)  je 
9e  connois  que  Tamour,  et  Famouc  que  vous 
m'inspirez  ;  uns  vous ,  point  d§  dédo^imagement 
pour  moi  dans  le  monde  ;  avec  yous ,  point  de  re- 
grets dans  un  désert;  le  ciel  même,  le  QÎel  n  a  point 
de  bienfaits  pour  moi  sur  la  terre,  s'il  Ife  sépare  de 
vous.  Voilà  votre  Téleim ,  voilà  ce  qu'il  sera  jus- 
qu'au dernier  soupir,  et  vous  n'en  doutez  pas  : 
{avec  fermeté)  mais  rien  ne  peut  me  faire  oublier 
ce  qii|e  je  jofi  dpis ,  et  ce  que  je  vous  dois  à  vous- 
même..  Oui ,  daiu  ce  oagment  o^  je  vous  retrouve 
contre  toute  apparence ,  o^  vqua^  enflariimez  mon 
hme  par  l'aspect  du  bonheur,,  où.  votre  générosité, 
votre  délicatesse,  votre  amour  devroient. tout  sur^ 
monter  dans  mpn  cœur,  dans  ce  même  fnoment, 
j'ai  le  courage  de  yous  annoncer  quç ,  si,  le  voi  ne 
mae  rend  pas  mon  état ,  moiji  bopneur. . , . 


%m      LES  AMANTS  GÉNÉKEO:^. 

tllVVA. 

N'acherez  pas ,  Téfeim^ 

T  £  L  E  i  M ,  a\fec  nobUsse  et  fermeté. 

J'achèverai,  madame.  Je  vais,  dans  l'instant, 
ttyoir  un  entretien  qui  décidera  peut-être  de  moxf 
iort.  Lé  directeur  de  la  caisse  de  guerre  m'attend^ 
Tj  yole.  (Avec  transport.)  Si  tout  est  changé  ponr 
moi ,  TOUS  ccmcevez  lexcès  de  mon  honheur.  (Du 
ion  le  plus  sombre,)  Si  Tinjustice  des  homittes  en  a 
autrement  ordonné ,  plus  de  Minna  pour  Téleim  ^ 
plus  rien  potir  Téleim.  Adieu ,  madame. 

(Il  s'échappe.) 

SCÉTSTE  IIÏ. 

F'ANGffBtTE,  IIIINNA. 

fahchette» 
Et  tous  le  laissez  dler  ? 

IttttSA. 

Oui  :  sa  fermeté  tti'en  a  imposé  ;  ^  je  Uê  9ailrol9 
douter  de  son  ûmour^  Que!  homme!  Ah!  respirons. 
Je  riens  d'affecter  vis  k  ris  de  Téleim  une  tran« 
qnillité  qui  me  pèse  encore  sur  le  coent.  Je  Toulois 
é^^rer  sa  douleur,  disèiper  sa  mélancolie ,  le  ra' 
mener  à  lui-même,  en  ne  lui  offlrant  que  mon 
amour.  Vains  projets;  chaque  réponse  qu'il  m'a 
faite,  m'ar  conyaincue  que  tout  étoit  perdu  pour 
nous ,  45 'il  n*obtenott  pas  la  plus  éclfttatite  justifi- 
cation. 


ACTE  m,  SCÈNE  III,  s»^ 

FÀHCHETTE* 

Ab!  ma^an^e,  il  lobtieiidxa;  cxojez  que  la  déf 
marche  de  nos  Êtau ,  1^  témoignage  de  iaon3ie«r 
le  comte  en  faveur  de  monsienr  le  jna^or,  onyri^ 
tpnt  les  j^enz  au  roi  ;  et  qne  sa  jiutioe 

MIVVA. 

Je  l'espère» 

FAI^CHETTE. 

J*en  suis  sûre,. ..  Le  roi  lui  rendra  tout,  et  par-^ 
delà.  C'est  notre  ennemi  ;  mtdê  voilà  comme  je  le 
jugen 

G«  dernier  trait  vaudroit  bien  «m  vietolM»; 
mais,  qpi*il  est  loin,  œt  crinement,'  et  <{»•  dlin- 
«eitittid*  encoce  daaa  mon  sort  I 

FAVCHETTl. 

Point  ;  il  n'est  pas  possible  que  monsienr  yotre 
oncle  ne  soit  écouté  >  ^  que  monsieur  le  m^jor  ue 
reparoisse  «rrno  tout  «on  éclat.  Je  e?ois  que  mon* 
sîeur  yotre  oncle  fait  k  présent  un  b^sn  bruit  diMAS 
les  bureaux. 

ittv«4, 

HsuMfretpop. 

rASCBSTTS. 

Oh!  les  grands  braillenrs  y  ont  quelquefois 
raison.  PrépareB^Tons  à  le  bien  «mbtasunr  4r  >on 
fetour* 

Ah  !  Fanchette ,  je  n'ose  encore  t'en 


9S8      LES  AMANTS  GÊNË&ËUX. 

FAlfGHETTi:. 

Ou  pkitdt,, madame.  occupons-nGas  du  soin  de 
Inî  Cure  tronyer  son  diner  prêt  ;  car  voilà  'ji  meit« 
leope  htqon  de  lui  faire  notre  cour  ^  et  de  ie  vemer- 
cier  de  ses  peinesv 

MiimA. 

Tu  9ê  raisoh  ;  mais ,  à  propos ,  as-tu  ddnné  des 
ordres  ? 

•■     rAltCBETTB. 

Des  Ordres?..*  Ah!  il  les  aura  donnés  lui-même. 
Tranquillisez-vous  :  il  ny  a  point  d^ffaire  qui 
puisse  le  distraire  du  soin  de  son  diner  ;  et  le  mo- 
ment de  la  table  ekt  le  seul  où  il  oublie  de  se  met- 
tre en  colère ,  et  de  parler  de  ses  aïeux. . .  Mais ,  te- 
nez ,  voici  monsieur  ï'hète  qui  achèvera  de  'vous 
mettre  Tesprit  en.  repos  à  cet  ^rd.. 

SCÈNE  IV. 

FAIfCHETTE,  MINNA',  LfiÔt». 

FAHCHETTE. 

Monsieur  Thôte^  vous  arrivez  à  propos  ponv 
nous  dire  si  monsieur  le  comte  vous  a  conunftndé 
son  diner« 

•  l'hâte. 

Oui  ^madame,  et, des  plus  fins. 

FAHCBETTS. 

£k  bien  !  n'avois^-je  pa»  raison  dt  ne  paf  m'en 
înqijiéttr? 


t 


ACTE  Ut,  SCË^ËIV.  289 

Il  aime  la  bonne  chère,  les*  bcrn» nxotcetfni ,  le 
bon  vin,  monsieur  le  comté;  il  en  parle  en  homme 
instrait ,  éclairé ,  qui  a  le  tact  un ,  le  jgoût  eletcé) 
mai»  je  ne  suis  ni  maladroit,  ni  ignorant;  et  il  est 
bien  tombé.  Tout  jeune,  madame^  tout  jeune  j'a^ 
Tois  des  dispositions  ;  je  les  ai  perfectionnées  par 
de  bonnes  études.  Car  enfin,  madame, la  nature  ne 
fait  qu'ébaucher  un  homme  ;  il  .faut  que  lart  j 
mette  la  dernière  màin.  J'ai  yojagé,  j'ai  couru  Itf 
monde,  j'ai  servi  en  Angleterre,  en  ^France  «  en  Ita- 
lie; je  me  suis  fait  aimer,  estimer;  enfin  j'espèrd 
que  monsieur  le  comte  sera  content  de  mpn  sayoir* 
ûdre. 

fîe  diroit-on  p^  que  «'est  un  sarant  qui  Tient 
de  ^aire  le  tour  du  monde? 

l'hàtIU 

Feu  monsieur  le  baron  d'Ematri  m'honoroit  de 
son  amitié,  et  je  le  servirois  encore ,  s'il  n'étoit  pat 
mort  d'indigestion  d'un  petit  diner  que  je  lui  ai 
ferrL 

FAHGHSTTE* 

Oh!  nous  ne  tous  demindêns  pas  d*attestajion 
de  Tos  talents  :  songez  seulement  à  ne  nous  pas 
•eryir  comme  tous  serriez  feu  monsieur  lei baron. 

l'hôte. 

Je  venois  demandera  son  excellence  quand  elle 
Toudroit  être  serrie. 

Théâtre.  Comédiei.    l3'  25 


S90      l^ES  AMAHTS  GËSIËREUX, 
£li{  «MUS. ,(.  qoaad  mon  onele  ^erg  arriirc. 

L*HÔTZ« 

C'est  joste^ 

£t  d^s  ç|a'il  paroitra. 

Ton;  |sst  mât, 

SCÈNE  V. 

LE  COMTE ,  FiUfCaEITE ,  MII^A ,  L'BOTE. 

LE  cpHTE,  derrièrt  le  théâtre, 
Hola!  hé!  quelqu'un;  Ridem,  Frîcht!  Les  ma- 
rauds me  feront,  je  crois  ;  égosilljsr, 
l'bÔtc,  àFanchette, 
Yoicf ,  je  crois ,  irionsieur  le  comte. 

FAÎfCHSTTE. 

Oui,  c*est  luj-m^e, 

l'bôti. 

J*espèref  qu'il  me  fera  bonne  mjae ,  et  surtout 
quand  il  sera  k  table«..  Je  vais  lui  dire  qu'il  est 
servi. 


scÈrfE  VI. 

riIfCHETTE,  MINNA,  LE  COMTlS,  L'fîOÎ^V 

eOMESTIQXTES  D0  COMTZ. 

LE  cov^x,  aitec  beaucoup- d'kameur  el  d*empoi>' 

tement- 
Je  suis  d'une  fiireUr  contre  le  directeur  de  la 
guerre. .. ,  (Ases  gens-,  ^  le  suivent*)  Où  f otifl  V^ 
Bez-Touft?-  qu  aveib-yous  faU?  pourquoi  le  couTert 
ii*est>il  pas  mis?  (A^art*^  Non  y.  je  ne  lui  pardon- 
nerai jamais» 

Mais ,  monseigiieur.... 

L|5  COMTE.  y 

Allez,  et  ne  répliquez  pas. 

(li  tes  pousse  dehors.) 

SGÈ^NE.  VIL 

ITANGaETTÇ,  VXmXK,  CE'  GOWFE,  L'AÔTJE, 

MossEioifEirR,  il- est  là-bas  dans  lesalon# 
»E  c  o  M  T  E ,  sans  prendre  garde  à  t'hâte ,  (fui  prend' 
peur  tui  Vh  umeur.  dw  eomtei 
Le  foi!  rimpertinent.^ 

l'hôte.. 

Sais  l^otre  excellence  n'a  pas  passé  par-là  :  elle- 
fatiroit  Ytt. 


à9«      L\Ea  AMANTS  GËMfiRSÇX. 

LE   COMTE. 

Oui  y  j*ar  m  le  pins  audaciçuis,  le  p}u9  impQ^ 
ident  d^ft  liofluaea^  , 

L  9ÔTÇ,, 

Mais,  monseigneur ,  je  prends  la  liberté  dft  tous 
aire  qu'il  ^t  dans  le  salon. 

I.E   COHTE. 

•Qui,  lui? 

'  '  x'h^te. 

Bans  doute  ^  et  en  état  de  tous  recevoir, 
&  £'  c  a  u  iSE',  tirant  son  épée  à  moitié. 
Allons,  j'y  vole. 
(L'hôte  oroU  (jue  U  comte  veiit  lui  remettre  fon  épé^ 
pour  dtner,  et  fait  un  'pas  pour  la  recevoir.  Le 
comte  le  repoussaijit,  ) 
Je  crois  que  le  faquin  veut  me  dé$aTmer? 

'  l'hAte. 
Je  crojois  que  vous  vouliez  ni&  remettre  votre 
épée  pour  dîner  ? 

LE    COMTE. 

Il  est  bien  question  de  ton  chien  de  diner  ! 

FABTCHETTE. 

Non;  ils  soiit  trop  plaisants. 

ts  COMTE,  à  Vhête» 
Connois-tu  le  directeur  de  la  caisse  de  g^uerre  ? 

l'hôte. 
Il  dîne  quelquefois  ici.. 

LE  coi^TE. 
.Fuisse-t-il  j  être  empoisonné  ' 


ACTE  III,  SCÈNE  VII,  29$ 

l'ii6te.  ^ 

Mais,  avec  votre  permission. . . 

L  ^  COMTE,  €ivee  cotère. 
Mais,  avec  ta  permission,  c'est  un  &t.  (Sera** 
doueissant,  )  Me  fais-tu  faire  bonne  chère  ? 
(  Le  visage  àa  comte ,  pensant  à  son  dîner  et  au  direct 
teur,  s'éclaircit  et  te  rembrunit  tour  à  tour.) 

l'hôte, 
ffe  TOUS  embfurassez  pas. 

LE  COMTE,  en  colère. 
Ah!  mon  petit  monsieur.  (A  l'hôte.)  Macaroni? 

l'  R  Ô  T  E. 

Pouding,  rôt-d^bif ,  le  rôti  à  l'allemande,  et 
des  entremets  françois. 

LE   COMTE. 

Fort  bien..,,  {En  colère,)  Quand  un  homme  td 
que  moi  fait  tant  que  devons  attester....  de  vous 
Are  qu'il  a  vu. ...  (il  fhote.)  Et  les  vins  ? 

l'qôte. 
Vins  de  France,  de  Hongrie,  d'Espagne,  d« 
Portugal. ... 

LE  COMTE,  en-colère. 
Ah!  vous  doutez,  vous  doutez!  Je  vous  ap^ 
prendrai  à  douter. ...  (A  Vhâte,)  Vin  d'A{ ? 

l'hôte. 
Mousseux  ? 

hx,  comte. 
Mousseux. ...  (En  colère,  )  Savez  -  vous  que  |e 
mis  honune  à  vous  faire  sauter  qomme  uti.bua- 
chon  ? 

a5. 


/ 


294      LES  AMAlvri^  GÉNËJlEtJX. 

Monèienr. 

LB  COMTE,  (i  l'hôte», 
Liqueurs? 

i*aÀT«r 
D^  Dantziek ,  des  Barbades  ? 

lE  COMTE,  «Il  eoUre^ 
Sors. . .  (Le  rappelant,  )  Et  fais-les  rafiraichir. 

[Vh(^esorL) 

SCÈNE  VIIL 

FA!NCHETTE,'  MINffA,  LE   COMTE. 

F  A  HC  BETTE,  HanU 
Nov,  je  tCj  puis  plus  tenir.  Ah!  ah!  ah!  ah!.... 
MiHsr  A ,  voulant  d'abord  se  retenir,  pais  écèatanU 
Te  tairas-tu  ?  Ah  !  ah  !  ah  !  ah  !.. ., 

LE   COMTE. 

Riez ,  riez  ;  vous  en  avez  les  plus  grands  sujets 
.'du  monde.  Je  viens  du  directoire  de  la  guerre 
pour  ce  malheureux  Téleim. 

mihha,  troublée. 

Eh  bien ,  mon  oncle  ? 

FAUCHETTE* 

Eh  bien  ^  monsieur  le  comte  ? 

LE  -COMTE. 

Eh  bien ,  ma  nièce  ?  ah  !  yous  voilà  sérieuse  à 
présent,  et  Fanchette  aussi  :  continuez,  continuez 
donc  de  rire  ;  )*ai  de  Thumeur,  et  cela  me  la  Itta 
passer» 


ACfE  m,  SGËNE  TIII.  ^9$ 

hKi  mmi  oacle  !  de  grâce  I . .  .• 

LE  COMTE,  avec  un  ris  forcé, 

Fanchette,  cëtoit ,  sans  doute ,  quelques  obser- 
Tfttions  malignes,  quelques  bons  mots  de  ta  fa- 
$on  :  mets-le»  au  jour,  que  nous  t'applaudissions. 

FAH  CHETTE. 

Je  ne  parle  plus;.,  et  puis ,  en  conscience,  vous 
n*atez  jamais  eu  moins  d'envie  de  rire  qu'à  présent. 

LE   COMTE. 

Non  ;  car  j'étouffe  de  colère. . . .  Un  fat ,  un  sot , 
un  présomptueux. . .  c*est  ce  directeur  de  la  guerre.. . 
On  ne  lui  parle  pas....  on  lui  parle....  il  ne  donne 
pas  la  main  cbez  lui  ;  il  ne  tous  reconduit  que  jus- 
que dans  son  antichambre  ;  mais  ce  n'est  pas  une 
aiEûre ,  et  s'il  entendoit  raison ,  s'il  rendoit  jus- 
tice..X.  Enfin,  j'entre,  je  sors....  Il  &ut  que  tu 
sacbes. . . .  Tiens ,  je  suis  encoi^  tout  ému  :  laisse- 
moi  mettre  de  Tordre  dans  mes  idées. 

MisrvA. 

Je  suis  an  supj^ice. 

LE  COMTE. 

GËconte,  écoute....  Je  m'annonce  :  il  me  £ùt  au 
tendre....  Le  fat  ne  sait  pas  qu'il  y  a  pins  de  six 
cents  ans  qu'on  n*a  fait  attendre  ancun  de  mes 
aïeux.  J'entre ,  je  trouve  un  petit  homme  maigre , 
sec,  le  teint  livide,  tout  chamarré  d  ordres  et  de 
ridicnles. 

MJV1IA,  avec  Unpatiûnce, 

Ledirecteuir?    ...  j 


996      L£B  AMANTS  GÉNÉREUX. 

tE   COMTE. 

Un  fat ,  qui  ne  sait  nen ,  qui  ne  vm  conkioit 
feulement  pas. 

MiffR A,  du  piême  ton. 
Il  vous  dit?.., 

lE   COBfTE« 

Il  ne  me  dit  rien.  Je  lui  prouve  qu'une  pareille 
^^tion.... 

MtHHA,  du  même  ton,^ 
De  Téleim  ? 

LE   COMTE. 

Eh!  de  qui?.,  (i)  ne  peut  surprendre  qu'âf  Ber- 
lin, et  qu'il  ny  a  pas  un  Prussien  capable  den 
faire  autant. 

jFAHCHETTE, 

Cela  a  dû  lui  faire  plaisir. 

l£    COMTE. 

u  £h  !  comment  voule7v*vous  donc ,  me  dit>il , 
«  que  nous  crojons  un  fait  si  extraordinaire  ?. . .  » 
Parce  que  je  l'atteste ,  moi ,  le  comte  de  Bruxhal , 
président  des  États  de  Tburinge ,  comte  du  Saint* 
Empire,  commandeur  de  l'ordre  Teattonique,  di- 
recteur général....  (L'aoteuf,4o^  distinguer i^^vec 
soin.  i«  ton  diL  eçmU  ei  eetUi  du  directeur,  )  a  JSb 
(c  bien  !  tout  cela  ne  fait  qu'un  témoin ,  et  .noua 
c(  avons  cent  preuves...  Enfin  l'affiiire  est  j^gée.  .•  » 

I  Ces  traits  de  désaison  caractéristat.  les  gens  impé- 
tueux ,  e)^  ne  peuvent  offenser  pers9nne« 


ACTE  III,  SCËN£  YIII.  «97 

Je  le  menaoe  de  voir  le  roi  (et  en  effet  je  le  verrai)  : 
admire  ma  modératioii  et  son  impertinent  laco-* 
nisme....  <c  Yojez<-le,  monsieur...,  »  Sur  quelrap^ 
port  a-t-il  fait  juger  cette  affaire  ?,..  «  Sur  les  nô^ 
très.,,.  »  On  auroit  bien  dû  nous  consulter,  aii 
moins...  «  L'affaire  étoit  claire,.,  »  Oui,  monsieur 
le  directeur ,  claire ,  et  très  claire  -,  et  nous  paie- 
rons notre  dette  à  Téleim,...  u  £t  votre  billet  à 
«  nos  grenadiers...,  »  Comment,  comment,  mon« 
sieur  le  directeur^  à  yos  grenadiers  en  temps  de 
paix?...  «  Cela  nV  fait  rien,..;  »  Il  me  tire  une 
froide  réyérence ,  qu'il  accompagné  d'un  froi^ 
n  serviteur,.,  »  Je  l'envoie  au  diable;  je  lui  tourne 
|e  dos  sans  le  saliier  i  et  me  voilà. 

MINpfA. 

Ah!  mon  oncle ^  Téleim  est  perdu  l 

LE    COMTE. 

Est-ce  ma  fs^ute  à  moi ,  si  touâ  ces  gens-là  n'en-, 
tendent  pas  raison  ?. . ,  Mais  la ,  la,. . ,  il  j  a  du  re- 
mède à  tout  .ceci,  et  le  roi...,  Mais  qu  avons-nous 
besoin ,  le  major  et  moi ,  du  roi?..  Téleim  n'a  qu  à 
abandonner  sa  patrie ,  et  venir  avec  nous. , . .. 

M  I  a  BT  A. 

Quoi  !  vous  consentiriez ,  mon  oncle  ^  malgré 
son  malheur?*,.  ^ 

I.E    COMTE. 

Oui  :  on  ne  croira  pas  au  jugement  du  direc* 
toire  de  Berlin ,  quand  on  saura  que  le  comte  de 
Bruxlial  a  donné  ^a  nièce  à  Taccu^é, 


i^      LïfS  ASTAI^f  s  GÊNÉREtiX. 

H1V1SA. 

iRoii,  Sans  doute,  mon  oncf^s; 
il  faut  chéro&er  Téleim. 

M  S'il  JSà.4       ^ 


n  est  ici. 
GonuDieAt  ? 


LÉ'  COUTE, 


d'est  cet  officier  que  nous  avons  délogé.. 

1£   COMTTE. 

Ët'dôtft  de  coquin  d'hOte  pawloh  tantôt  si  mal? 
Ah!  je  lui  apprendrai....  {Se  retourHant-,  levant  /« 
canne,  et  faisant  quelques  pas,  comme  pour  l'aller 
étriller f  puis  revenant  à  Minna.)  EnTOyez-moi  let 
jnajor,  enyojefr-ïe-tooL  Je  lui  dirai  qu'il  n*a  pas  le 
sens  commun ,  avec  son  ^^roîsme ,  de  refuser  une 
Veuye  jeuAe-)  riche  et  helle ,  parer  qu'il  n*ar  rien. 

Mfl  V  jf  A> 

Que  dV^â'ce£r,.mdn  oncle î .. .  Miais  que  puis- je 
espérer  de  vos  bouféis  ?..«  Je  lui  ai  dé^a  offert  touâ- 
ces  biens.... 

lE'COatfE. 

Ahl  parbleu'î  je  voudrois  bien  qu'il  s'avisât  de 
tere&sefïGela  ne  se  fait  pas  entre  gentilshommery 
et  je  m'en  vengeroh. . . .  Mais  il  %e  sera  pas  si  sot , 
je  pense,  d'aimer  mieux  se  couper  ht  gOrge  avec 
Inoi ,  que  d'épquser  ma*  itièce  ;  et  je  suis  homme  à 
lui  olOTrit  l'un- ou  l'auttertmais,  evt  attendant  cet 


ACTE  III,  SCÈNE  Vïlï,  599 

grands  éyènements,  qu'on  me  fasse  diner.  Oh'  çkl 
point  de  maux  d*e9tomac  et  de  migraine  ;  de  lap- 
pétit  et  de  la  bonne  humeur  ;  et  qu'on  me  passe  )• 
Tidrecome  fQ^v  hoipe  à  la  santé  du  major. 

SCÈNE  IX. 

FANtHBTTE,  MINHA. 

UIVTSA* 

Ah  ,  Fânchette  !  je  suis  an  désespoir.  Je  vois 
d*ici  le  jugement  de  Téleim  confirmé,  et  Téleim  n« 
songeant  qu'à  in'àhandonner. 

SCÈNE  X 

FANGISETTE,  MIÏVNA,  YERNER. 

Avec  La  permission  de  son  excellence,  srj'o* 
sois.  • .  w 

M  I H  H  A. 

Approchez,  apprpchez,  M  Verner.  Qu'j  a-t-il? 

Madame,  c'est  à  vous  de  nous  retenir  ici.  Mon-* 
sieur  le  major  est  revenu  de  la  conr  plus  triste  et 
plus  sourcilleux  que  de  coutume.  J'ai  eu  bien  de 
la  peine  à  lui  arracher  qnelques  mots;  mais  enfin 
il  m'a  parlé  :  «  Il  faut,  Verner,  m*a-t-il  dit  en  sou- 
«  pirant ,  il  faut  nous  éloigner  de  Berlin  ;  il  n'j  a 
«  pins  d'espérance  ;  il  u*j  a  plus  d'espérance.  » 


Sod      LES  AMANTS  GÉNÉREUX, 

'  M  1 1!^  N  A. 

£h  bien  !  Au  rois',  FanchettCi . . .. 

VEBiîEll. 

Il  m'a  ajouté  que  le  ministre  à  qui  il  s  etoit  fait 
annoncer,  ne  lui  ayoit  pas  donné  d'audience,  ei 
qu'il  étoit  sorti  sans  le  regarder.  J#^lui  ai  'repré- 
senté yotre  constance,  vos  procédés,  et  lui,. de 
soupirer  de  nouveau.  Ah  !  madame ,  c'est  an 
hotome  mort  si  vous  le  laitfge.^  partir,  et  moi  aussi, 
mademoiselle  Fanchette  !  Mais ,  après  la  mort  de 
monsieur  le  major,  il  ny  a  plus  rien  à  pleurer. 

MIRNA. 

Ah!  M.  Verner,  que  faut-il  faire  pour  le  retenir^ 
et  que  n'ai-je  pas  déjà  vainement  tenté?  Où  est-il? 
Allez  le  trouver  de  ma  part;  dites-lui  que  je  le  de- 
mande; que  je  veux  le  voir;  que  je  suis  dans  le 
trouble,  la  douleur,  la  consternation^  et  si  vou» 
n'ébranlez  pas  sa  fermeté;  venez  m 'avertir  de  ses 
dernières  résolutions ,  et  je  cours  m'opposer  noi" 
même  à  son  départ. 

VEBVXE.. 

Je  vais  exécuter  les  ordres  de  madame  la  corn* 
tesse. 


\ 


ACtE  llf,  SCÈNE  XL  3oi 

SCÈNE  XL 

FANCHETTE,  MINNA, 

Ml  USA* 

Comment  laretenir  et  lai  persuader?  Ah,  mau* 
dite  fortune  ! 

PAVCHETTB^ 

Que  diantre!  ne  pourroit-'pn  pas  s'en  défaire 
pour  un  moment  ? 

M 1 H  V  A. 

Pour  toujours  ^  et }  en  serois  charmée.  Mais  un 
nouTeau  trait  de  lumière  yient  échûrér  mon  âme 
et  calmer  mon  désespoir.  Fanéhette,  il  se  pour- 
roit...  Non,  je  n*en  doute  pas ,  et  je  le  tiens.  Fan- 
chette,  il  veut  en  yain  me  fait  :  je  suis  sûre  à  pré- 
sent de  son  retour. 

FASCHETTC. 

Mal^é  le  procès  perdu? 

MIN5A. 

Il  ya  reparoltre  et  tomber  à  mes  pieds» 

VASCHETTE. 

Comment? 

MI5NA. 

Comment  ?  Ah  !  rien  n  est  plus  sâr.  11  faut  qu« 
tu  ailles  trouyer  Téleim. 

rAjIGHETTE. 

Bon. 

MIK5A. 

Que  tu  lui  dises. . . 

Théâtn..  Coa4di«f;i3«  ^S 


?09       LESAMAKTS  GÉNÉREUX..  \ 

fàh'chette. 
Quoi? 

M I V  N  À ,  c^mme  par  réflexion,  ] 
Il  n*a  pas  tu  mon  oncle  ? 

FAVCHETTZic 

Non. 

Je  ne  lui  ai  point  parlé  de  la  démaiche  de  no« 

£uxs7 

FJLNCHETTE. 

J'jei)te9d8;  il  faut  que  je  l'en  inforine. 

mihna. 
Au  «optraire.      < 

FA5GHKZTEr 

Au  contraire? 

M|1SI«A. 

Oui ,  tout  cela  ne  réussiroit  paji;  c'est  un  tomm^ 
généreux ,  qui  m'abandonna  par  délicatesse  ;  il 
.£iLut  nous  emparer  de  cette  délip9tess.e-là.  Ol^!  il 
faut  être  moi  pour  ayojr  imaginéjce  projet-là,  et 
ayoir  un  amant  comme  Téleim  pour  n'en' pas  dou- 
ter. Il  n'échappera  pas  à  ma  tendresse  ;  je  vaincrai 
sa  fierté,  Fanchette;  oui,  je  la  vaincrai.  Viens, 
suis-moi,  j'ai  besoin  dé  ton  secours;  tu  Verras  si 
j'ai  bien  coi^nu  mon  amant. 

Flflr.DUTaOISlàMB    AGTt. 


^,J,^tif^>^  <^^««^  .^«^«^^«^w^»^*»*^ . 


ACTE  QUATRIÈME, 


SCÈNE  L 

TERNER,Mtt/. 

Ou  Sie  cacbe  donc  monsieiiT  le  Aiajor?  Je  crois  que 
jie  ne  pourrai  le  repindre  aujourd'hui.-  Quand  on 
laoroit averti  ^ue  )e yetcx  hii  remettre  de l'argient 
et  lui  parler  de  sa  maîtresse. .  *■ 

SCÈNE  IL 

iUSTi^N,  TERRER. 

JirSTit.- 

#E  Votfs  troure  à  propos^-  TA*  Veraetf.  VôiKF  lés 
cent  pistoles  que  vous  a'riex  prié  monsieur  le  ma« 
jor  de  TOUS  gafd^r,  et  qu'il  m'a^chargé  de  Vou» 
rendve*  Je  vais  achever  d  emporter  ses  effets. 

SCÈNE  IIL 

VÉRNÈR^#cit/r 

^ù  moment  de  son  départ,  etqûàitd  il  en  a^pIuB 
Besoin  que  jamais,  il  me  fait  remettre  cet  argent... 
Ah  !  cÊt  afgent'et  tout  ce  que  je  possède  est  à-lur^ 


I*  ■  ■_ 


M      JU£S  AMANTS  GÉNÉREUX,.. 

et  je  le  forcerai  bien  à  l'accepter.  Je  suis  un  hon-> 
Qête  komme,  je  lai  biea-senri,  et  il  ne  doit  pas  1119 
re^er,, 

SCÈT>fE  IV. 

TÉLEIM,  VERNEK, 

Ah!  te  Toilà,  Verner? 

Verneb. 

Oui,  mon  major,  et  je  vous  cherchois.  Vous  ve* 
nez  de  me  faire  remettre  une  partie  Je  mon  bien , 
et  je  viens  vous  forcer  de  prendre  le  tcmt. 

TÉLEIM. 

Il  seroit  bien  placé  aujourd'hui  l 

VIIillEllt 

Au  plus  haut  intérêt, 

xéLElM,. 

MMs  sais-tu  que  je  n'ai  plus  tien  ? 

VEnffER. 

£b  !  VoiU  pourquoi  je  vous  l'ofire.! 
'  tAlsim, 

Et  voilà  pourquoi  je  ne  puis  le  recevoir. 

VIORNE]!. 

Je  sais  qu'on  pent  vous  enlever  tout  iei;  mais  je 
sais  en  même  temps  que  le  major  Téleim  trouversi 
toujours'dans  ses  talents  et  son  courage  le  mojen 
de  réparer  sa  fortune,  et  dans  sa  probité  oelni  de 
conserver  la  mienne,  et  je  la  dépose  en  vos  mains, 
Piienef ,  prenez, mon  cher  majqr ,  tout  oe  qui  m'Ap> 


ACTE  IV,;  SCÈNE  IT.  3o5 

parlent,  et  ne  vous  embarraftsez  de  rien.  Jf  n'ai 
que  faire  d'argent ,  moi  ;  partout  on  a  besoin  d'un 
marécbal-des-logîs,  et  on  le  paie;  mais  U  faut 
qu'an  homme  comme  vous. .. 

TÉtEIM. 

Vive  et  meure  sans  devoir  rien  à  personne. 
Vous  n'avez  donc  pas  d^amis  ? 

TÉLKIU. 

A  qni  je  veuille  être  à  charge. 

VERITER. 

Cert  les  mépriser  q.ue  de  ne  pM  accepter  leurs 

seiv^ces^ 

TéLEim- 
Non;  j'en  sens  tout  le  prix,mon  cherVerner,  et 
îe  commence  par  te  remercier ,  comme  le  plus  ten- 
dre  de  mes  amis.  Laisse-moi;  je  n'ai  pas  besoin  de 
ton  argent. 

Vous  me  trompei,  monsieur  le  major. 

XÉLEIM. 

Je  ne  yeux  pas  ^tre  ton  débiteur. 

Vous  ne  le  voulel  pas?  Et  si  je  vous  disois  que 
yo«  iête»  déjà!  Quand  à  larmée  jemport..  le 
bras  de  lennemi  qui  vous  ajustoit  jour  tous  éten- 
dre à  terre  -,  quand  »ne  autre  fois  je  me  précipita. 
nv^r»f,t  dun  soldatqui  alloit  vous  fendre  la 
téte,  et  ,»e  je  ^eçus  le  coup,  ne  me  ^>f'^^^ 
pa.  redevable  de  Wtre  yie,  et  même  de  la  m.enne 


3«8       LES  AMANTS  GÉNÉREUX. 

TéLEiau 
Nous  Toilà  contents  l'un  et  l'antre ,  mon  cher 
Yerner...  LaiftM-moi;  il  faut  que  j  ecriye  à  Minna. 

VERIISR. 

Qn'allez-Yous  écrire  à  madame  la  comtesse? 
que  TOUS  désespérez  de  vos  alTaires  ?  que  tous  de- 
yez  TOUS  éloigner  d'elle  ?  £h  mais  !  c'est  bien  con- 
fiant après  ce  qu'elle  a  fait  pour  tous  ,  son  em- 
pressement à  vous  chercher  ici....  VoulezxYOttS  la 
réduire  au  désespoir?  Elle  est  dans  un  chagrin,  un 
accablement ,  une  aûUction,  que  vous  seul  pourex 
dissiper. 

TiLElM.  / 

Gomment  !  Que  dis-tu  7  Sauroit-elle  ? . . . 

TKftHEE. 

Qui ,  mpnsieur  le  major  :  croyant  qu.'il,  n'j  avpit 
que  madame  au  monde  qui  pût  tous  consoler ,  je 
lui  ai  tou^  dit  ;  et  en  yérité  elle  vous  auroit  at- 
tendri. 

TÉLEIIIm 

Malbieui;eux  !  qu'as-tu  fiût  ? 

YSAHEE. 

Mon  deTOÎr  :  j'irois  vous  chercher  un  consola- 
teur au  bout  du  monde. 


•«^ 


ACTE  IV;  SCÈNE  V,  Sag 

SCÈNE  V. 

•FJANCpETTE,  TËLEIM,  YÊRNER. 

YEnKEn  continue^ 
Mai^ ,  Unez ,  voilà  mademoiselle  Faiichett«. . .  « 
Fujez-'nou9  tous ,  monsieur  le  major }  o  est  le 
mojen  de  nous  rendre  tous  aussi  malheureux  que 
vous, 

TitEifi. 
Ah  !  t^  yoiià ,  ma  chère  Fanchette  ? . . . .  J'alloîï 
passer  chez  ta  maitresse\ 

FANCHETTE. 

Vous  ne  sauriez  la  voir,  monsieur  le  major,..^ 
elle  vient  de  m  ordonner  de  ne  laisser  entrer  per^ 
ionne ,  et  elle  m'envoie  vous  faire  «es  adieux. 

TiLEIM, 

Comment  !  elle,  me  quitte  ? 

FANCRETTC. 

Elle  sait  vos  résolutions ,  monsieur,  et  n'y  veut 
plus  mettre  obstacle. 

VEUffER. 

Et  vous  m'aviez  chargé  tantàt,  mademoiselle 
Fanchette.... 

FANCHETTE. 

De  nouveaux  malheurs ,  dont  je  ne  devrois  pas 
même  informer  monsieur  le  major,  changent  nos 
résolutions. ...  M.  Yerner ,  permettez. . . . 
TÉLEXM,  à  Veriier. 

I«ais6e-noas<  (  Verner  sort.  ) 


Sïà      tÈSAMANTS  OÉNÉREfU^i 

SCÈNE  'VI. 

FANCfiEtfE,  TÈlrEIMr 

FA  jr'  c  É  ET  TÉ,  à  part 

Votôiirà  ii  le  projet  de  mai  maîtresse  ré^ssitv.- 

TÉLExnr. 

De  n(rtivé^tt±  lûalhettr^!  Tu  at^'effiràie». 
fAitCHET.TE,  avec  deux  visages  ,$  il  se  peut;  an  qtil 

mette  le  puklic  daits  ta  cahpdence  de  sa  malice , 

et  f  autre  qUl éti  împùië  au  majôr^ 

J'ai  ùrdré  de  ne  vobs  rreii  dire,  monsieifr^  mail 
je  ne  puis  me  taire;  car,  du  fond,  je  crois- q^uep 
vous  aimez  ma  maîtresse. 

TÉLEIM/ 

JeVAàorti 

Et  elle  ne  ▼ons  est  pas  mohxis-  tchdrement  atttî» 
chée* 

Oé  tend  ce  discours  ? 

FAirCHETTE. 

Et  tou^  tous  sépare»  j  ^uan^  tcïtis  deVet  être 
plus  tiniîs-  ^ue  jamais ,  quand  vous  aveï  plu»  qu* 
jamais  besoin  Funde  l'autre. 

l'ÉLEtBI. 

Je  ne  te  cènipretfdsr  pas. 

FANCliÊTTE. 

Vous  Tarez  vue  tantôt  tendre  j  empressée ,  cher*   j 
diant  à  vous  consoler  de  vos  malheurs  $  elle 


ACTE  IV,  SCÈNE  Vï.  3i, 

cTOjoit  que  l'amour  suffisoit  au  bonheur  Tun  de 
Tautre;  point  du  tout,  tous  lui  ôt^  tout^9  ces 
id^es-ià  de  la  téte^ 

J*Ai  du  lui  conseiller  de  fuir  un  infortuné, 

FAHGBETTE. 

'Et  TOUS  l'avez  forcée  à  vous  déliyrer  par  géné- 
rosité d'une  iaaaxf^  encpjre  plus  à  pjlaipidrç  ^u0 
yott». 

Comment,  plus  à  plaindre  que  moi? 

FARCHETTS. 

Oni.  Yoi|s  connoissez  le  comte  de  Bruxhal  ? 

Son  cher  P9cl^? 

C'est  sop  ennemi ,  c'est  le  y^U'C  Nous  tous  avpns 
sacrifié  sj^  t.eodresse ,  sjgi  fortune ,  un  époux  qu'il 
Tonloit  nous  donner  de  sa  main  ;  et  nous  gommes 
maintenant  déshéritées ,  fugitives ,  et  pgursuiTi^s 
par  cet  homme  impétueux  et  absolu. 

TÉLEIBI. 

O  ciel!  que  me  dis-tu? 

FAHCHETTE. 

Madsgne  la  comtesse  étpit  venue  vopA  chercher; 
mais  TOUS  ayez  refusé  sa  main,  et  elle  a  cru  qu'elle 
dcToit  renoncer  à  tous  pour  jamais» 

T^LEin.. 

Pour  jamais!  Minna  malheureuse  m'appartient  » 
et  je  la  disputerois  à  tout  l'univers. 


3i2      LES  AMâMTS  CÉNÉRËUX 

F  Aire  BETTE,  à  part 
Bon  !  nous  le  tenons. 

TÉLEIM.  . 

Il  falloit  mourir  tantôt ,  n  étant  plus  souNtfenti 
par  l'espoir  de  la  posséder;  Minnd,  environnée  de 
tout  1  éclat  de  sa  fortune ,  me  sembloit  une  divi-^ 
nité  que  je  devois  respecter;  mais  Minua  avec  ses 
malheurs  est  la  personne  du  monde  la  pins  înté< 
ressante  pour  moi ,  et  je  dois  Voler  k  son  secours. 
Que  de  plaisirs ,  de  devoirs ,  d  engagements  cfaers 
et  sacrés  vont  m*attacher  à  la  vie  et  me  la  retldre 
précieuse  en  dépit  du  monde  entier!  Mes  malheurs 
m'avoient  accablé  :  je  ne  formois  que  des  projets 
sinistres,  enfantés  par  la  mélancolie  et  le  déses- 
poir. Minna  malheureuse!  Je  sens  mofl  connue 
s  élever,  mon  âme  renaître ,  et  je  tiens  enfin  à  une 
Vi^qui  peut  faire  la  sûreté  de  la  sienne.  Elle  m'a 
sacrifié  ropiniôii  des  hommes,  elle  me  fait  oublier 
leur  injustice ,  et  je  me  pique  de  l'ég^aler  en  géné- 
rosité. Elle  est  à  moi,  je  suis  à  elle ,  et  il  ne  nous 
manque  plus  rien.  Vois-tu,  vois-tu  tous  les  biens 
que  me  procure  so#  infortune  ?  Ah  !  je  suis  trop 
heureux  ! 

PAVCHETTE. 

Eh!  mais....  oui,  en  effet*.. .  Je  n'y  àVois  pas 
pensé  :  ce  malheur-là  pourroit  rapprocher,  bien 
des  choses. 

TÉLEIM. 

Tout,  tout,  tout.  Mais  est-il  Bien  vrai  qu'elle 
»oit  persécutée,  déshéritée,  poursuivie  par  sûr 


ACTE  IV,  SCÈÎÎE  Vr.  3i3 

oncle;  en  nn  met,  aussi  malh'eùTeiise  que  tu  me 
l'as  représéniée  ? 

FAVCHETTS. 

Ohr^TOUs  n'avez  rien  à  désirer  là-tlessns.  £il« 
attendoit  tout  de  son  oncle,  et  le  barbare  l'a  dé-* 
pootllée  de  tout* 

'TéLEIM. 

Â-t-il  pu  lui  enlever  ses  grâces,  sa  douceur,  son 
honnêteté,  sa  sendresse  pour  moi?  Voilà  Minna, 
voilà  ses  trésojrs  :  c'est  encore  la  plus  riche  héri- 
tière de  la  nature;  et  je  vole  à  ses  pieds  abjurer  les 
résolutions  que  le  soin  de  son  bonheur  m'avoit 
fait  prendre ,  lui  offrir  uh  consoltttèw ,  un  vengeur  ^ 
un  époux;  et  je  part  avec  elle,  et  je  me  dérobe  à 
un  monde  qui  n'altérera  plus  par  ses  opinions  la 
félicité  de  deux  époux  séparés  de  lui,  contents 
d'eux-mêmes,  et  ne  pensant  plus  au  reste  de  la 
terre. 

{lisortr) 

SCÈNE   VIL 

FANCHETTE,^ic«/e. 

I L  ne  trouvera  pas  de  grandes  difficultés  à  nous 
arrêter  et  à  nous  faire  consentir  à  un  prompt  ma- 
riage. Mais  l'oncle  nous  laissera>t-il  le  temps  d^ 
terminer  cette  grande  affaire  ?  S'il  rencontre  Té- 
leim,  il  va  lui  offrir  sa  nièce  avec  tout  ce  qu'il  pos- 
sède; et  voilà  précisément  l'épouse  dontTéleim  ne 
veut  pas,  et  qu'on  ne  lui  fera  jamais  accepter.  Tâ« 


3ij      LES  AMANTS  6ÉNÉR£^X, 

i;hons  de  conclure  et  d  épouser  :  nou9  dirops  aprèi 
à  Téleim  que  nous  ayons  le  malheur  d'être  riches  f' 
et  il  faudra  bien  qu*il  en  passe  par-là;  il  ne  se  dé« 
Iftariera  point  ppuraTOfr  épk  tro|Dp^  de  la  sorfe. 


r|«    su  QUATRliME   ACTE. 


ACTE  CINQUIÈME» 


JmmA 


SCÈNE  X 

MifTSA  œëpdvbie ,  Minnat  paît  atecf  mtA:  hs  né 
Vcnx  in'occti^év  aujourd'hui  quede  mon  bonlieur*; 
loin  de  moi  tonte  idée  qui  poutroit  1  altérer!  Je 
possède  Minna ,  et  je  rends  grâce  aux  malheurt 
qui  nous  réunissent/ 

SCÉNË  It 

A  ri  !  mon  cher  Terner,  ellc^  est  malheuréUler  ^ 
déshéritée )  poursuivie  par  son  oncle! 

YERHEH/ 

Qui,  mon  major? 

Minna;  et  je  l'épouse. 

yerheha 

Et  vous  faites  foft  bien.  £pou8et  C6tte  dàâie,  «t 
prenez  mon  argent;  voilà  deux  belles  actions  qu% 
vdiis  devriez  faire  ensemble. 

TÉLEIM. 

Eii!  sâîs^je  quand  je  pourrai  te  le  rendre? 


Ue      LES  AMANTS  GÉNÉREUX. 

VERKER. 

Je  ne  votiê  le  demai^de  pas.  le  yals  ^o^s  aj^or- 
ter  tout  ce  que  je  possède. 

T^IE^tM. 

Va,  nous  partagerons  m^me  fortune  ensemble; 
et  j  espère  que  non  nom  et  mon  <tpée.... 

VÈRHER. 

Oui ,  nou«  ne  âaurions  manquer  de  rien. . .  •  AU 
iens^AQua^tt^  b«ttre  les  GaliliQiAek»;,  |)»<9n9éeur  le 
inai4Nf  ayec  madame  la  comteifte-^tt  niadal|KÛ80li« 
f^neheitiB  areo  moi*.    .  >>'     .    i. 

Nous  y  songerons  Je  rentre  çhfi^  JPM  «  :  «t  je 
t'attends. 

y»aBÇ|L.; 
Je  suis  à  vous  dans  le  moment.  Vire  les  Russes, 
la  guerre  de  Tartarie ,  et  surtout  mon  major,  qui 
veut  bien  enfin  aocepter  mou  argent! 

{Il  sort.} 

SCÈNE  IIL 

JUSTIN,  TÉLEIM. 

JUSTIN^  entrant  d'un  côté ,  pendant _^ut  Vtiraer  sort 

par  l*a{Ure. 
Sauyez-yous  f  mon  oher  maître  -^  ftauve^i-yous , 
^'il  en  est  temps  encore...  On  vous  demande  là-bas 
de  la  part  du  roi  ;  on  parie  4  un  prdre  pour  vous 
faire  arrêter,  et  j'ai  même  aperçu  quelques  m,ou<- 
vements  autour  de  rbô^l. 


ACTE  V,^  SCÈNE  III.  di^ 

TÉLEIM. 

Au  moment  où  MinQa  n  attend  plus  rien  que 
de  moi,  la  conr  attenteroit  à  ma  liberté!  Ah! 
tonte  ma  constance  m 'abandonne ,  et  je  succombe 
à  ce  derpier  reyers. 

aUSTlM. 

L'hôtesse  a  dit  d*abosdiC{ae  vous  n  j  étiez  pas, 
pour  TOUS  donner  le  temps  de  vous  sauver;  et  elle 
a  imaginé  de  tous  fûre  sortir  par  une  porte  4e 
derrière  qui  est  toujonirt  iermée ,  et  qu  on  aura 
pent-étre  oublié  de  faire  investir. 

Va  lui  demander  la  clef  de  cette  porte;  observe 
si  perionàe  ne  rôde  «.utour  4e' cet  endrçtt,  et.  re- 
viens me  chercher  ;  je  yole  à  Minna. 

SCÈNE  IV. 

TÊLEIM,  TERNER. 

VEBaEB,  rentrant  du  côté  opposé  à  céliiî  par  oh 

sort  Justin. 
Ah  !  monsieur  le  Biajor  !..  Ah!  monsieur  le  ma- 
jor, tout  est  perdu  !...  Je  viens  de  le  voir  ;  je  viens 
de  l'eatendre.^^.  ^ 

TEI.EJM. 

Qui? 

VEB.HX.K. 

Ne  venez-vous  pas  de  me  dire  que  le  comte  de 
Bruxhal  persécutoit ,  poursui voit  Minna  ? 

27, 


âx^      L£$  AMANTS  GÊNËRËUl^^ 

£h  bîeii  !  il  est  ici: 
Il  est  ici  ? 

▼  EKHE&. 

Et  sans  dpute  il  la  chescke ,  et  yoat  «hercLe 
Tous-même» 

£&  estHïe  assex  ? 

'     SCÈNE- V,    . 
TÉLsaM;  y;ERNBa,  le  comte* 

ts  COMTE,  àerrière  le  théâtre. 
Eh!  pourquoi  ne  m'avertissez-vous  pas.^u'it 
estjci? 

TéLEXKi, 

Dieux  !  qu  entends-je  ? 

VERlfEn, 

C'est  lui-ménie. ...  Il  entre. 
liai»^e->iù>a8. 


-< 


Acte  V,  Scéné  Yt  319 

SCÈNE   VL 

Tthmm,  LE  COMTE- 
TÉLEiM,  à  part. 
In  fiint  qu'il  me  donne  la  mort,  on  m'accorde 
Miniiâ. 

L  £  G  o.lf  T  E ,  à  part ,  en  entrante 
Vojon»  s'il  s'ôDStmera  toujours  à  refuser  ma 
niècei  (Avec  amitié ,  mais  avec  son  ton  bourru  qui 
trompe  toujours,  )  Et  parbleu  !  le  voilà*. 
réhEiMy  d^unairfieri 
Oui ,  m6nsic!tir  ;  et  nies  malheurs  nC  m'ont  pas 
rendu  indigne  de  votre  'amiiié« 

LE  COMITE ,  toufoun  dU  tnéme ton^ 
Et  ma  niè<ïe ,  où  est-elle  ? 

xéiEiM^  très  affectueusement 
itonsieui*,  vous  êtes  son  oncle,  son  père«..ti 

LE  cOftxfty  avec  impatience» 
Après? 

J'étois  digne  d'elle  autrefois  $  «t  de  votre  aveu 
même*  i  •  * 

tE  COMTEi 

Autrefois  ?  belle  distinction  l 

TthZlU, 

Ah!  monsieur  j,dldgnez  m'en  tendre,  et  s6u£«t 
qu'à  Vos  pieds J... 

%±  cbiittf  à  paH. 

Il  n*feh  Vctit  pas.  {Haut,  éi  avec  hànveur.)  EhT 
qu6  ptétendc«*Toas  me  persuader,  monsieut? 


320      LES  AMAWTS  GÉNÉREUX,  ^ 

TÉI.EIM» 

'  % 

Je  prends  la  liberté  de  tous  représenter. . . . 

<h%  cofATÏ,  d€  mémêm  '  Â 

Je  prends  la  liberté  de  te  dire,  moi,  que  ta  c<^ 
duite  m'ofiense ,  et  que  je  ne  sonffirirai  jaoïais. . . . 

TÉLEiM,  fièrement, 
£t  moi»  monsieur,  jamais  je  ne  permettrai. . . . 

LE  COMTE,  à  part. 
Il  faut  être  bien  endial)lé   pour   refuser  ma 
nièce.  (Haut,)  Monsieur  le  major,  on  n'offense 
pas  impunément  un  homme  tel  que  moi. 

T|ÉI.EIM. 

Monsieur  le  coQ^fe ,  un  IjiçmjBUB.tel  que  moi  mé- 
rite qu'on  l'écoute;  etyos  persécutions... * 

a»B    COMTE.. 

Sontétran^es,  en  effet!  ; 

Je  respecterai  toujours  l'oncle  deMinnÉ;mais... 

LE  COMTE,  avec  ta  plus  grande  vivacité. 
Maïs  vous  n'épouserez  pas  sa  nièce  ?...  'Ah!  c'en 
est  trop. 

t£l'£im. 
Oui,  monsieur,  c'en  est  trop;  mon  honneur.... 

&S    COMTE. 

Ton  honneur  ?  et  le  mien ,  morbleu  f...  Eh  !  que 
voudriez-Tous,mQnfieUc,  qu'on  .dit  de  ma  nièce 
>iet  de  moi,  si- je  cédois  à  tous  yqs  Ijeauz  rai^onne^ 
nents? 


ACTE  V,  SCÈNE  VI.     ^        3ai 

TiiEiv,  fièrement.    . 
Que  Tcleim ,  ^^Ijxeuveux  M  disgracié ,  a  su    , 
TOUS  j  faire  consentir. 

SCÈNE  VIL 

I 

TËLEIlff,  FAllCH£n*B,MIII«A,  LE  COMTE. 

MxvvA,  4^  p^irt,  en  entrant, 
TthMiM.  et  mon  oncle ,  tout  est  découvert. 

TÉLEiM,  courant  à  Minna, 
Venez,  venez,  Minna,  vous  joindre  à  moi. 

LE  covTE,  à  part. 
Il  pèié  l'esprit,  (  Courant  à  sa  nièces  et  vouiatït 
t emmener,)  Viens,  viens,  manièce.  6t  renonce*... 
T  é  L  E I M ,  arrachant  MUnut  des  mains  du  comte^ 
Je  ne  souffrirai  pas  qu'elle  me  soit  enlevée. 
LS  COMTE,  dans  U  fias  ^rand  étonnement 
En  voici  bien  d'un  autre!  . 

V  ARCHET  TE,  uu  comte  ,  en  riant. 
Don,  ftûrement ,  il  ne  le  souffrira  pas. 
Il  E  COMTE,  avec  impatience* 
Quoi!... 

M  m  HA,  riant.. 
Que  je  lui  sois  enlevée. 

LE    ÇOHTE« 

Quel  diiadkie  de^alimatias  me  faites- vous  là? 

T^LEIM» 

Minna,  ma  chère  Minna,  tombons  à  ses  genoux. 

L  s-  C.0  M  T  E,  à  part 
Il  a  le  diable  au  corps.  (  Haut.)  Monsieur  W 


3fti      LES  AMANTS  GÈI^ËRÉÙX. 

major ,  point  àé  înflieti  ;  on  yôxïs  épotiserçz  Mmtia 
tout  à  rheùFèy  oii  vous  m'en  rendrez  rdson.  Vous 
m'entendez ,  monsieur  le  major? 

Quoi!...  comment!  vous  me  raccordes?  Yôixs 
oubliez  votte  ccturroùx^  àes  Uttt»,  sft  Mx<iû,,4 

LE  COMTE. 

Oli!  pour  ie  coup ,  il  exirayagnea 

MUrNA;. 

Vous-  ne  me  déshéritez  pluê,  inôn  Oncle/ 

SE    COMTE. 

Ils  som  tous  devenus  fous.  Sa  fuite,  ttoa  coitr^ 
rOta,  ses  torts,. déii^érité!  Qui? 

Votre  mèeei 

ht  COMTÈu 

J'arrive  avec  cÛe« 

.TéLsisr. 
"Vônas  arriver  avec  elle  ?  ^ 

iE   COMTE. 

De  U Saxe, et  je  viens  exprès  pour  te  là^âoniier^ 

t£l£IM; 

A  mol? 

lE  GOltfTE.*' 

A  tbij  et  îi  y  &  phià  d'une  heiire  qtie  tu  me 
la  refuses. 

TitEtM. 

Moi!  je  y<ms  la  demànd6i!(  \  çenoux^  Ah! 
Miiinâ..«.i 


\ 


ACTE  V,  SCÈ^KE;  VII,  323 

LE    COMTE-, 

débrouilles -moi  donc  tout  ceoi.  E^t-ce 
Ufi  ipd  lu}  aa  &rgé  cette  bistoirji? 

Ouï ,'  mon  oncle  :  pour  l'arrêter  et  )'at|ajBher 
éternellement  à  jnoi.  Mats  je  crains  bien  ^ne  ypa 
bontés  ne  noua  aépai^nt  h  jamais, 

ï»r.  COMTE. 

£b!  mais,  oui;  je  te  conseilla  enpo^  dit  d^ 
^e  je  m  j  suis  çial  pr^s  !! 

.  9on ,  pionsieur  ;.  e(  yos  emportements ,  dont  je 
connôis  enfin  la  cause,  n^e  font  voir  toute  Thoi^né- 
teté  de  votre  Âme...  l^Iaia  aiissi,  de  }a  part  de  TOtre 
nièce,  quelle  générosité!  <jueUe  délic^^Me! 

.   L^    COMTE. 

Quelle  extravagance!  Je  te  déclare ,  pioi»  <Tue  je 
te  maintiens  pour  un  braye  hompie,  et  cpie  je  yeux 
te  donner  ipa  nièce  :  c'est  bien  plus  simple,  et  tn 
dois  mieux  me  reconnoitre  à  ce  procédé. 

TÉtEIM; 

Ab!  monsieur,  abl  Bfinna!  (  A  part  )  Non,  je  i 

n*ai  pas  la  force  de  leur  résister  davantage...  Mais 
les  ordres  du  roi  vont  m'acracber  sans  doute  à  ces  ' 

généreux  aittis,./}ui  yeulent  se  per^ie  ayec  moi*  ' 


-  % 


3a4      LES  AMANTS  GÉNÉREUX.' 

SOÈNE  YIII. 

JUSTIN,  TÉLEIM,  MINNA,  LE  COMTE, 

FANCHETTE. 

JV9riv,  àTéleim, 
Monsieur,  là  porte  de  derrière  en'ouYcrte;  on 
n'aperçoit  personne  aox  environs,  et  tous  pouvex 
Vdtts  souatraire  aux  ordres  du  roi. 

Comment!  aux  orilre&du  roi ?Qu*ai-je entendu? 
(  Télelm  fait  sicfite  à  son  <ûalet  de  ne.pui  parler 
davantage.  ) 

LE  COMTE. 

Eh!  la,  Sa;  de  quoi  t'effarouches-tu?  Des  ordres 
du  roi  doivent  être  des  actes  de  justice,  et  j'atten- 
dois  presque  ceux-ci.  Vous  ne  savez  pas  tout  ce 
crue  je  viens  de  faire. 

VASCRETTE,  à  part. 
Il  me  Sit  frémir,  avec  s^  démarches*. 

LS  CQUTii. 

Je  n*ai  pu  r« joindre  le  roi ,  mais  je  lui-  ai  laisas 
un  placet  où  je  ne  ménage  rien^  ei> cela  doit  opécei 

une  révolution. 

~    .  ». 

TÉLElMr 

Oui,  oui,  ràssurez-vous ,  Minna;  on  m'a  jugé 
préci{)itamment  ;  on  ne  peut  avoir  que  des  éclair-* 
cissements  favorables  sur  mon  compte,  et  je  n'ai 
pas  de  nouveaux  malheurs  à  craindre.   Adieu  j 


ACTE  V,  SCÈNE  VIIL  325 

Minna  :  je  yole  au-devant  de  la  justice  du  roi;  elle 
me  ramènera  sans  doute  à  vos  pieds.  (^li  fait  si^nt 
à  Justin  de  se  taire,  )  Suis-moi ,  Justin.. 

SCÈNE  IX. 

JUSTIN,  MINNA,  LE  COMTE,  FANCHETTE. 

7USTIir.    '. 

Eh!  mais,  je  n  j  comprends  rien.  Comment!  il 
vouloit  se  sauver  tout  à  l'heure,  et  à  présent  il  va 
S6  livrer  à  l'homme  ^ui  vient  l'arrêter! 

M  X  H  V  A. 

Qui  vient  l'arrêter? 

JUSTXS. 

Eh!  vraiment ,  oui  ;  il  7  a  là-has  un  homme  qui 
a  la  mine  rébarbative,  qui  regarde  de  tous  côtés, 
comme  quelqu'un  qui  a  peur  que  sa  proie  ne  lui 
échappe,  et  qui  l'attend  depuis  une  heure  de  la 
part  du  roi ,  muni  de  papiers  qui  contiennent  peut- 
être  l'ordre  de  se  rendre  dans  quelque  citadelle. 

MINR  A. 

Ah!  mon  oncle,  ne  perdons  pas  de  temps;  cou- 
rons ,  volons  à  son  secours. 

LE  comte; 

Nous  nuirons  pas  bien  loin ,  si  le  roi  a  résolu  de 
le  faire  arrêter;  et  vous  n*avez  que  faire  dans  cette 
bagarre-là,  ma  nièee.  Demeurez.  {Passanf  devant 
sa  nièce  et  allant  à  Justin.  )  Mon  ami ,  es-tu  homme 
de  résolution?...  Suis-moi,  et  allons  rejoindre  Té- 
leim.  J'ai  des  chevaux ,  des  armes  ;  nous  nous  sau- 

Théâtro.   Comcdies.    l3.  20 


3aâ      LES  AltfANXS  GÊNÈHEUX. 

yerons  d'ici  le  pistolet  au  poing,  et  nous  feroma  ^« 
lur  tout  ce  qui  voudra  nous  arrêter.  (Us  font  quel" 
ques  pas.) 

MIVSA. 

Ah!  mon  clier<onole,  vous  me  faites  fiëmirl 

tE  COMTEy  retournant  à  sa  nièce. 
Ma  chère  nièce ,  embrasse-moi  :  ne  crains  rican* 
jnon  en&nt. 

SCÈNE  X.    .      ' 

JUSTIN?  LE  COMTE,  TÉLEIM,  MINNA, 

FANCHETTE. 

YÉLEiM,  des  papiers  à  ta  nnain,  et  dans  ta  ftat 

grande  joie. 
Ah  !  Minna ,  ah  !  Minna ,  partagez  ma  joie ,  mes 
transports,  mon  ravissement!  Je  ne  me  possède 
plus;  je  suis  dans  une  ivresse!...  Le  roi,  le  roi... 
madame....' 

H  I N  «  A. 

Eh  bien]  quoi  ?  le  roi  ? . . . 

TÉLEIH. 

Lisez ,  lisez ,  madame ,  la  lettre  que  je  riens  de 
•l^cevoir  de  ce  généreux  monarque^ 

faiicb:ettb. 
Comment?  une  lettre  d*un  roi? 

LE  COMTE.  J 

£hl  pourquoi  pas  ?  Est-ce  qne  tn  crois  qu'JH  »* 
tarent  pas  écrire?  ( 


f  ACTE  y,  SCÈNE  X.  $27 

r  FASCBSTTE,  prenant  les  papiers^ 

ToLjez,  Tojrez,  madame. 

MiirvA  Ou 
«  Monclier  Téleim.'.^. 

7AVCHErTE«. 

«  Mon  cher  Téleim!  »  Madanve,  ah!  ie&kfmet 
V  en  Tiennent  aux  yeux.. 

HiHiA,   confiffi^anf  de  lire  avec  ta  plus  grandit, 

émothonc»^ 

«  Mon  cher  Téleim ,  je  «uis  détrompa ,  et  j)B  me 
((  hâte  de  tous  rendre  justice.  La  cai«se  d'Ét«t  af 
«  ordre  de^  vous  remettre  votre  hiJtlet,  et  de  rouft 
«  pajer  vos  avances  pour  le  régimei^t.  Y o»  accusa** 
«  tiona  sont  hifféea  à  la  chanceUerie  de  jg^erre;  et 
K  je  ne  désire  plus  que  de  vou3  voir  rentrel:  au  sern 
K  vice.  Je  suis  le  plus  heureux  des  souverains  d«^ 
«  pouvoir  justifier  le  plus  honnête  homme  de  moil^ 
K  TOjaume.Q  Voilà,  mon  cher  Téleim,  une  lettre 
•dont  je  n'aurois  j^amais  eu  besoin. 

FASCmTTB* 

EUe  fait! bien  de  Thonneur  à. un  sajet  quM% 
ieçoit« 

LE  COUTE. 

Et  à  iw  souverain  qui  Técrit.  Donnes-moi  cette^ 
lettre....  Elle  est  bien ,  mais  fort  bien., ^i  ta^arde-la^ 
dans  te&  archives ,  mon  cher  neveu  ;  et  dans  queU 
ques  centaines  d'années ,  elle  fera  la  joie  et  la  con< 
flolatian  de  tes  descendants.  Ma  conversation  aveo: 
le  directeur  et  mon  placet  au  roi  ont  fait  leur  ef  j^ 
Ceti.ils  ont  eu  peur  de  çioi,  et  je  ieur  ai  fait  enteor 


528      LES  AMANTS  GÉNÉREUX. 

dre  raison.  Oh  ça  !  Téleim,  il  faut  que  nous  allions 
ensemble  remercier  le  roi  ^t  le  directeur  de  la 
guerre,  quoique  ce  soit  un  fat;  car  enfin  il  a  fait 
tout  ce  que  je  youlois...  Mais  quelle  est  cette  autre 
lettre? 

TÉLEIM.. 

Elle  est  du  directeur  :  après  celle  du  roi ,  elle 
m*a  peu  intéressé.  Ce  sont  sûrement  des  compH-* 
ments. 

LE    COMTK. 

Passe,  passe-la  moi.  C'est  peut-^tre  le  billet  de 
nos  États ,  le  remboursement  dé  vos  avances ,  une 
(gratification ,  un  mandat  sur  la  caisse.  Oh  !  vous 
ne  pensez  jamais  à  rien ,  vous  autres  jeunes  gens. 
(1/  lit,  d'abord  fort  haut,  ensuite  d'un  ton  plus  bas , 
mais  de  façon  cependant  qu'on  tentende.  )  «  Si  vous 
c<  aviez  pu  perdre  votre  cause ,  vous  l'auriez  per- 
ce due ,  par  la  manière  dont  un  comte  de  Bruxhal , 
«  qui  se  dit  de  vos  amis ,  l'a  défendue.  La  cour 
«  n'est  pas  un  pajs  qui  lui  convienne ,  et  vous  de- 
(c  vez  l'engager  à  retourner  dans  ses  terres,  n  Efa 
parbleu!  croit -il  que  je  sois  venu  à  Berlin  pour 
l'admirer?  partons,  partons,  mes  enfants;  il  n'y 
a  pas  moyen  de  demeurer  ici;  on  n'y  aime  fit  la 
vérité ,  ni  la  noblesse,  ni  les  honnêtes  gens. 

(Il  sort.) 


ACTE  V,  SCÈNE  XI.  829 

SCÈNE  X;i. 

JUSTIN,  VERNER,  TÉIJEIM,  MINNA, 
,  FANCHETTE.. 

y  E B  irEn ,  avec  la  ptus  grande  joie  et  ia  plus  grande 

précipUation. 
Ab  !  monsieur  le  major,  yous  la  savez ,  sans 
doute ,  cette  heureuse  nouyelie ,  dont  tout  Berlin 
se  réjouit  ?  Souffrez  que  je  ypus  embrasse ,  et  que, 
le  premier  de  tout  le  régiment. . . . 

TÉLEIM. 

Oui  i  mon  ami ,  embrasse-moi.  Allons  aux  pieds 
du'  roi  lui  rendre  grâces  ;  et  puis ,  acquittés  de  ce 
devoir,  nous  partirons  pour  la  Saxe  ;  moi ,  Tépoux 
de  Minna;  toi,  celui  de  Fanchette;  et  tous  les 
quatre  les  plus  heureuses  personnes  de  la  terre. 


Fin    DES   AMAHTS    GÉSÉREUX. 


28. 


PARTIE  DE  CHASSE 

DE 

HENRI  IV, 

COMEDIE, 

PAR  COLLÉ, 

S«pnMntée,poacIapMinièTefiïn,loifiMTCiBBT« 
•274. 


NOTICE  SUR  COLLÉ, 


Charles  Collé  naquit  à  Paris  en  17.09.  Quand 
çon  éducation  fut  achevée ,  son  père ,  qui  étoit 
sabstitut  du  procureur  dti  roi ,  le  fît  entrer  dans 
le  notariat.  Il  suivit  assez  long-temps  cette  car- 
rière ,  et  se  dédommagcoit  de  Faride  rédaction 
de  ses  minutes  par  la  composition  de  grand 
nombre  de  couplets  piquants.  Devenu  ensuite 
secrétaire  de  monsieur  de  Meulan,  receveur- 
général  des  finances,  il  s'occupa ,  ainsi  qu'il 
nous  Papprend  lui-même ^  de  s'assurer  une  pe- 
tite  fortune  indépendante ,  et  avoit  atteinttrentc- 
sept  ans  lorsqu'il  commença  à  travailler  pour  le 
théâtre.  La  plus  grande  jpartie  des  pièces  qu'il  a 
composées  ont  été  représentées  sur  des  théâtres 
de  société.  Trais  seulement  ont  paru  sur  la 
scène  françoise.  * 

Dupuis  etDesronais  y  comédie  en  trois  actesj 
en  vers  libres,  fut  donnée ,  pour  la  première 
fois,  le  17  janvier  1763,  et  eut  dès  lors  uir 
succès  qui  s!est  toujours  soutenu. 


NOTICE  &UR  COLLÉ.  333 

La  Pa&tie  de  chasse  de  Henri  IY^.  comédie 
en  trois  actes ,  es  prose,  imprimée  dès  l'année 
1766,  ne  fut  jouée  que  le  16  novembre  1774* 
Elle  eut  vingt- SIX  représentations  «  et  l'on  sait 
qu'elle  est  vivement  applaudie  à  toutes  ses  re- 
prises.. 

La  Yeuvei,  comédie-  en  un  acte,  en  prose j 
représentée  au  Théâtre  Français  le  29  novembre 
1 771 ,  fut  retirée  le  lendemain. 

Coiy  a  retouché  plusieurs  anciennes  corné- 
dies^  et  fût  un  des  membres  de  la  société  du 
Caveau.  Il  mourut  à  Paris  le  3  novembre  1788^ 
âgé  de  soixante -quatorze  ans.' 


■<Jfcw(w>— I  #n  ]»»  ^  1 1  I 


.       PERSONNAGES. 

SEeitai  IY,  roi  de  Franct» 

Lk  DUC  HZ  Svhhtf  premier  mioiststr 

Le  duc  de  Bex&egabde,.  grand  écujer>. 

Le  marq¥is  de  CeircHHri,  fkvori  de  la  reine.. 

Le  MAsQuift  de  P&A8L1H,  capitaine  des^  gardes^ 

tDiffëreiit»  seiâfneur^de  lacoitr.V 

-.  j     5  }per8onnaC)0Mnueu. 

Deux  gardes  du  corps ,  y  ^ 

Sautt-Jeaii^^/I  officiers  des  chasses  de- la  forêt  de- 

LABnisés,    j       Fontainebleau. 

Michel  RïxShaud,  surnommé  Mich Au,  meumer. 

à  Li€ursain. 
Richard,  fils  de  Micbaa,  et  amoureax  d'^Àgathe*. 
Maboot,  femme  de  Michau. 
G  ATAÛ ,  fille  de  Michau ,  et  amoureuse  de  Lucas* 
Lucas  ,  pftjsan  de  Lieursain ,  et  amoureux'  de 

Gatau^ 
Agathe,  pftjrsaane  deLieursain  ,et  amoureuse  di^ 

Richard. 
Un  Bucherobt. 
Deux  BaAcoirirtEns. 
Uh  Garde-chasse,  demeurant  à  Lieursain.. 

La  scène  est,  au  premier  acte ,  à  Fontainebleau', 
dans  la  galerie  des  réformés ,.  au.  bout  de  Ia« 
quelle  est  Tantichambre  du  roi;  au  second  acte, 
dans  la  forêt  de  Sénart  ;  et  au  ttoisième  acte , 
dans. la  maisoa  de  Michau ,  au  vilbgç  dje  Lieur^. 
sain. 


PARTIE  DE  CHASSE 

DE 

HENRI  lY,      ' 

COMÉDIE. 


ACTE  PREMIER. 


SCÈNE  L 

LE  DUC  I>£  BELLBGARDE.Xfi  MARQUIS  Bfi 
GONCHINI ,  t&Uf  deux  en  uniforme  de  chàtst^ 

LE  MAftQVIS  DS  COBTCHURI,  d'utl  ait  tHSle, 

iNovB  voici  donc ,  depuis  quatre  jours ,  à  Fontai- 
nebleau,  et  nous  allons  partir,  dans  deux  heures  ^ 
pour  la  chasse,  mon  cher  duc  de  Bellegarde. . 

&E  l>U-C  DE  BSLtBaAKDE,  à  pUrU 

Mon  cher  duc  de  Bellegarde  !..  Le  fat!..  {KauU) 
Oui ,  mon  très  cher  marquis  de  Conchini ,  nous 
allons  aujourd'hui  prendre  un  cerf....  peut-être 
deux. ...  et,  au  retour,  nous  soupons  avec  le  roi 


â 


336  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IV. 

(carilYOus  a  nommé  aussi,  vous,  monsieur).... 
(  D'un  air  mystérieux»  )  Gela  s'arrange  meryèilleu- 
semeut  ayec  yosr  vues ,  que  j'ai  pénétrées. . . .  Pour 
moi,  cela  me  contrarie  un  peu;  mais  cela  fait  le 
désespoir, à  coup  sur ,  d  une  très  grande  dame,  qui 
ne  m'avoit  pas  destiné  à  souper  ce  soir  ayec  le  roi. 

LEMARQUiS  DE  CONCBINI. 

Je  yous  en  liyre  autant  ;  et  cette  chasse  et  ce 
souper,  surtout,  que  dans  tout  autre  temps  )  eusse 
désiré  ayec  passion,  me  désolent  dans  ce  mo« 
ment-ci. 

LE  DUC  DE  BELLEOAKDE,  d'un  olr  léger.  . 
Vous  désolent,  M.  de  Gonchini?..«  Eh!  mon 
dieu ,  oui ,  je  sais  hien ,  et  yous  me  dites  encore 
hier  au  soir  que  yotre  dessein  étoit  d'aller  faire 
aujourd'hui  un  tour  à  Paris ,  pour  yoir  yotre  pe- 
tite Agathe. . . .  (  D'un  ton  plus  sérieux,  )  Mais ,  mon 
très  cher  monsieur,  yous  n'êtes  pas  assez  constam- 
ment dans  les  bonnes  grâces  du  roi  pour  que  ce 
contre>temps-ci  (si  c'en  est  un  si  grand  que  l'hon- 
netir  de  souper  ayec  yotre  maitre)  puisse  tant  yous 
désoler. 

LE  MARQUIS  DE  CONCHIITI. 

D'accord ,  monsieur  le  duc  ;  et  je  sens  bien  que 
je  dois  tout  sacrifier  pour  suiyre  cette  grande  af- 
faire que  yous  sayez. ,%. 

LE  DUC  DE  bEllegArde, /'inferrompanf. 

Eh!  y  a-t-il  donc  à  balancer  ?  Oh!  monsieur,  il 
faut  faire  marcher  les  affaires  d'abord... «Que  les 


ACTE  I,  SCÈNE  L    •  337 

fenunes  Tiennent  après,  on  leur  donne  son  temps, 
s'il  en  reste.  . 

LE  MARQUIS  DE  CONGHIITl. 

Je  conviens  de  tout  cela  ;  mais  c'est  qîie  vous 
ignorez  que ,  dans  Tinstant  même  y  je  reçois  une 
lettre  de  Fabrici ,  de  mon  valet-de-chambre  de 
confiance ,  de  celui  qui  a  chez  moi  le  détail  de  ces 
choses-là  ;  et  ce  négligent  coquin  me  marque  que 
cette  petite  pajsanne  s'est  sauvée  hier,  dès  le 
grand  matin ,  en  attachant  ses  draps  à  sa  fenêtre , 
de  la  maison  de  Paris ,  où  je  la  faisois  garder  à  vue 
par  ce  maraud-là. 

I.E  DUC  DE  B  ELLE  G  AK  a  E,'<^'iin  air  iur^rû. 

Agathe  s'est  enfuie  de  chez  vous  ? ...  Je  ne  con- 
çois rien  à  celav  Gomment  1  ehl  à  quoi  en  étiez- 
vous  donc  avec  elle  ? 

LE  MARQUIS  DE  COBtCBINI. 

.    J'en  étois. .. .  j'en  étois  à  rien« 

LE  DUC  DE  BELLEGARDE. 

A'  rien  ?  Allons  donc ,  quel  conte  ! 

LE  MARQUIS  S$  CONCHIITIi 

Ob  !  à  rien  ;  ce  qui  s'appelle  rien. 

LEDUCDEBELLEGARDEw 

Eh  mais  !  cela  est  fabuleux ,  ce  que  vous  voiilex 
me  faire  croire  là. 

LE  MARQUIS  DE  CONCHINi. 

Ce  n'est  point  une  fable,  vous  dis- je  :  d'hon- 
neur, rien  n'est  plus  vrai.  La  petite  sotte  aime  un 
animal  de  pajsan,  qu'elle  alloit  épouser  quand 
je  la  fis  enlever  par  Fâ^brici^  elle  adore  M.  Hi- 

Théatre.  Comédies.   l3«  29 


338  EA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IV. 

chard,  le  fils  d'un  meunier  qui  est  de  son  yillagc, 

^ui  est  de  Lieursain. 

LE  DUC  DE  BELLEGARDE,  d'un  air  raUieur, 
Un  pajsan  de  Lieursain  ?  l'héiitier  |)résomptif 

d*nn  meunier  ?  Yoiià  ce  qui  s*appelle  un  rival  à 

craindre!  Goifiment  diable!!  voilà  des  obstacles 

qni  ont  d^  vous  arrêter  tout  court. 

LE  MAnQUiS  DE  CONCHIffl. 

He  pensez  pas  rire,  monsieur  le  duc,  iU  ont  été 
insurmontables ,  du  moins ,  pour  moi.  C'est  que 
e'est  «me  vertu  ! . . .  c'étoient  des  fureurs! . . .  Quoi 
donc  !  une  fois  n'a-t-elle  pas  pensé  se  poignarder 
avec  un  couteau  qu'elle  trouva  sous  sa  main ,  que 
l'eus  toutes  les  peines  du  monde  à  lui  arracher. 
LE  DUC  DE  B^Ltz ^ AU  B t ,  d'un  air  badin. 

Fort  bien  ! . . .  Continuez ,  monsieur  ;  vous  ren- 
dez ,  de  plus  en  plus ,  votre  petit  roman  fort  vrai- 
semblable; car,  enfin,  rien  n'est  plus  commun 
que  de  voir  une  femme  se  tuer,  surtout  quand  on 
l'en  empêche. 

LE  MABQUis  DE  GoiTCBiHi,  vivemenU 

Oh!  parbleu!  elle  ne  jouoit  pas  :  elle  y  alioit 
bon  jeu ,  bon  argent. 

'     LE  DUC  DE  B  ELLEOA  A  DE,  </'mii  ton  6a<c/îa.. 

Tout  de  bon,  cela  étoit  sérieux?  Mais  c'est  du 
vrai  tragique ,  en  ce  cas -là  ! 

liE  MAUQuis   DE  coNCHiNi,  sons  i*écouttr,  ei 
après  avoir  rêvé  un  momenU 

J'aurois  toutes  les  envies  du  monde  de  vou» 
laisser  courre  votre  cerf,. à  voua  antres,  et  de 


ACTE  I,  SCÈITE  K  W^ 

pensaer  ^nsqu'à  Paris ,  moi ,,  si  le  ceadet-reiu  de  la 
chasse  étoit  de  ce  côté- là.  (  Voyant  paroUre  deiuk 
•fpciers  des  chasteté)  Eh!  parbleu!  j'aperçois  là-de- 
dans deitK  officiers  de^  cha»ie$»  Permettea^Toas. 
qae  je  sache  d  eux  ? . . .  /  ÀppeAaM  lês  deux  officiers.) 
Ues&ieurs^»  messieurs ,  an  mot,  s'il  yoiw  pûdu 

SCÈNE  IL 

DEUX  OFFICIERS  DES  CHASSES  ;  LE  DUC 
DE  BELLEGARDE,  LE  MARQUIS  DE  CON- 
CHINK 

«ES  omciEBS  SES  CH Aa^%v.s f,  eosémbie ^  ait 

marquU. 
QvE  souhaîteahToas  »  monsiear  le  marquis  ? 

LE   UÀUQUIS   DE  CaVGHIFI. 

Dites-moi  un  peu ,  messieurs ,  de  quel  côté  de^ 
k  forêt  est  le  tende^TOus.  de  la  chasse  aujour* 
d'hoi? 

PmBHlEE  eFFICnSB  DES  CHASSES;. 

Monsieur  Id  marquis  g  e  est  au  c»rrelbiir  d» 
Chailli. 

&S  MABQVIS   IXB  CORCHIHU 

Eh!  OÙ  est  ce  carrefour-là? 

DEUXIÈME  OFFICIEL  DES  CHASSES. 

Eh!  mais,  monsieur  le  marquis,  c'est  à  près  de 
trois  lieues  d'ici ,  en  tirant  droit  vers  Paris  ;  et  pai 
le  rapport  que  nous  ayons  entendu  faire  à  la  Bri- 
sée, qui  a  détonmé  le  cerf  an  buisson  des  halliers ,. 
U  Youa  fiira  faire  du  chemii»»  Il  a  les  pinces  et  les^ 


34 o  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IV- 

08  ^os/il  est  fort  bas  jointe  ;  et  parles  fomées  ,  a- 
t-il  dit,  qu'il  a  vues  dans  les  guignages,  il- le  juge 
tout  aussi  cerf  qu'il  l'est,  à  cou|>  sur,  parle  pîed. 

PBEMIEA  OFFICIES    DES    CB'ASSZS,  aumûrCfuis. 

Ohl  oui ,  il  assure  que  c'est  un  cerf  dtx-cors. 
Oh!  il  TOUS  conehiira  loin'!  Que  sait-on?  peut-^tre 
jusqu'à  Rosni.  {D'une  voix  basse  et  d^un  air  de  mys- 
tère, au  duc  de Bellegarde,)  Où-  l'on  dit  que  M.  de 
SuUi  eu.  exiU  d'hier  au  sois. 

D.E.uxi.ÈjiE  ««ffiçieh  DES  chasses,  d'aa,   air 

ihiportant. 

Non ,  il  n'est  parti  que  de  ce  matin.  (Au  duc^) 
La  nouyeUe  est*«Ue  vraie ,  monsieur  jie  dtic  ? 

LE  DUC  DE  belleoabde,  avec  indignation. 

Eh!  fi  donc!  eh!  non,  messieurs,  il  n'j  en  a 
point  de  plus  fausse. 

£E    MARQUIS    DE     CÔHCBIVI,    aUX    ofjtcièr»   dcM 

chasses. 
Et  qui  ail  moins  d'apparence  Je  viens  de  levoir 
entrer  au  conseil  avec  le  roi. 

FREMIEB     OFFICIER     DES    CB  ASS  E  S  ,    «i'tfft    aÎF 

d'humeur:, 
J'aimeroîs  bien  mieux  qu'il  fÙt  entré  dans  sok 
exil  ;  il  ne  continueroit  pa»  là  ses  injnstiees ,  qu'il 
appelle  des  économies  royales. 

SEUXlilME    OFFICIER    DES    CHASSES,   OU    tlUir^ 

quis* 
^Gelfl  est  vrai;  car,  tout  récemment  encore;  il 
vient  de  non»  supprimer  de  nos  droits  ;  et  sûre- 
ment c'est  pour  en  profiter  lui-même..  Je  suis  bien 


ACTE  I,  SCÈNE  IL  341 

certain  qu*il  ne  revient- rien  au  roi  de  ces  retran- 
chements-là. 

LE  DUC  DE  BELLCGABDE,  d'un  tOU  à  BH  tmpOStr. 

Doucement,  messieurs,  doucement;  parlez  ayee 
pins  de  retenue  et  de  respect  d'un  si  ^nd  mi- 
nistre. 
LE  HA&Quis  DE  coscHisi,  aux  dcux  oficUrs* 

Messieurs ,  monsieurle  duc  de  Bellegarde  a  rai- 
ton  ;  il  ne  faut  jamais  dire  du  mal  des  gens  en  place... 
(à  part)  tant  qu'ils  j  sont. 

LE  DUC   DE   BEX.LE&AEDE,  ttllX  offieierS. 

Allons,  allons,  messieurs,  laifssez-nous. 
(  Les  deux  oficiers  se  retirent  dans  la  pièce  du  fond» 
eà  Us  restent  juscfuà  la  fin  de  l'acte.  ) 

SCÈNE  III. 

LE  DUC  DE  BELLEGARDE,  LE  MAHQUIS  Dfl 

CONCHiNl. 

LE  MARQUIS  DE  covcHivi,  vivcment» 
£h  bien  !  monsieur  le  duc ,  vous  voyez ,  par  ce 
bruit  général  de  lexil  de  M.  de  Sulli ,  la  preuve 
du  désir  que  Ion  en  a  ?  Ma  foi ,  je  ne  m'éloignerai 
pas.  Je  ne  veux  m'occuper  que  du  souper  de  ce 
soir ,  et  d'jr  saisir  l'occasion  de  parler  au  roi ,  pour 
achever  dé  le  désabuser  de  son  M.  de  Rosni ,  que 
)e  crois  actuellement  perdu ,  si  vous  voulez  j  don- 
ner les  mains. 

LE  DUC  DE  BELLEOAftDB. 

Eh  bieu!  teaes,  j^e  serois  fâché  qu'il  le  fàt  :  au 


342  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  BE^Kl  IV, 

rvai,  j'en  serois  f^cM»  car  j^ftiaie  la  personne  àe 
M.  de  Sulli ,  moi  ;  mais  cependant  on  ne  ftanroit 
»  empêcher  de  désirer  un  peu  ^'ii  ne  soit  ^us  en 
place  :  car,  dès  qu'on  demande  la  moindre  grâce  ,• 
l'on  rencontre  toujours  en  son  clieinin  Idumeur 
inflexible  de  ce  cher  homme-là ,  et  cela  est  ex* 
cèdent: 

LE  MARQUIS   BU  COaCKIHl. 

Sans  doute ,  et  c  est  ce  caractère  intraitable  et 
qui  ne  se  plie  point,  qui  auroit  du  vous  engager, 
monsieur  le  duc ,  à  yous  mettre  de  noitre  partie ,  qui 
est  bied  liée.  Pour  tous  j  déterminer ,  je  vais m^ou^ 
Trir  entièrement  à  T0ug«  J'ose  ^oos  assucer,  d*a-i 
bord ,  que  pour  peu  qm  n0U9  fossioiui  «ppujrés 
d'ailleurs,  notre  homme  seroit  bientôt  culbuté;  je 
yois  cela  claiTement.  La  signora  Galigai  est  sublime 
pour  ces  sortes  d'opérations^là;  c'est  elle  qui  a  tout 
conduit.  GVst  un  génie  ! 

LE  DUC  DE  BBLLEiHARDK., 

Oui ,  c'est  une  iorame  adroite ,  à  ce  qu  ilft  disent 

tOUS4 

lE   MAEQuiS   DE   C  O  V  C  B  1  BT I ,  If ^S  i;i0eil|$ttf. 

Oh!  elle  est  a^uiirable!  Indépendamment  des 
écrits  satirique^  et  des  pasqifinades  qu'elle  a  fiût 
semer  à  la  cour  contre  M.  de  Rosni ,  (  et  que  je 
croiSi  même  qu'elle  a  fait  composer  }  c'est  encore 
par  êefk  soins,  et  d'après,  ses  reoherchea,  que  le  pu- 
blic a  été  inondé  de  Uiémoires  yéridâquas  et  San* 
glants ,  qui  déyoiknt  toutes  les  nuilyersations  de- 
If.  de  Sulli»  et  qui  démasquent  tes  projets  asibi*< 


ACTE  I,  SCENE  III.  .  34a 
tieiix  et  «rîflMQel».  Ensuite^  jç  «ais  q»*^  a  fait 
paster  i«i^«kau.rot,  par  des  persoaiie»  sure»  et 
honnêtes,  des  ac«ii»aitoiis.pIa«  directes,  on  1«  vrai 
ist  si  bien  mêlé  aii<ic  1«  Ycaiseivblable»:,  quk  moins 
^m  misade  je  le  défie  de  s'en  tirer. 

.      1.9    DKÇ.   DE    ^ELLEfrAa9£. 

Monaieiir ,  mpusieui;,  je  ne  serois  point  surpris 
qu'il  s'en  tirât  encore  ;  il  a  de  fiirieusea  ressources 
dans  l'asceiidiant  qn'il  a  pris  sur  l'esprit  du  roi,  et 
dans  l'inclinatiiOiL,  oat^relle  qua  qe  prince  a  tou- 
fam»  eue  pour  hii. 

&E  HÀE^^iFiA  QX  4iOimÇBin\y.ti^  vivemsnt. 

Mhl  nsonsi'eiir:  \ft  due,  c'eat  tipm.cela  même  qui 
to«is«era  ^mfi^we  ooipue  luii»  Plua  le  c«i  a  eu  et  coa» 
serré  d'amitié  pour  M.  de  SuiU,  et  plu«  il  sera  in« 
digne  de  l'abus  qu'il  en  aura  fait.  {Conduisant  nuf^^ 
tèiiuUfimfiakU  4l*ç  de  BelU^wdfi  à  uncoin  du  thééL- 
tre,^t  baissanl let4Hidela  voix»)  IHous  ayons  porté 
Uev  la  denuier  o<Mip.  C'esit  un  écrit  de  Itf,  de  Rosnî 
lui-même...  c'est  un  bjUlet  de  lui ,  qi^  nous  avons 
tonnM  contre  lui,  eVcela  pourtant  sans  malignité. 
Après  l'avoir  Iw,  le.roi.,  àfifn^  la  dernière  colère ,  le 
loi  r«»ioja;Sui«-liB-cbamp,pajr  laXarjSni^e,  qui  Tint 
m«  le  dire,  et  qui ,  sht  qu^ques  mots  échappés  à 
sa  maîesté,  a  aemé:  ici:lei^uijt,4^  soi^.e^,  qjui  s'est 
répand» ,  cbouna  yous  l'aies  ta.  Ah,  !  nioas^eur  le 
duc  f  si  vona. aviex  rwl».  nous  aider. . . 
liS  Duajas  ^Mhhn^àMii>^\  ^int/irrompanl  ié^è' 

fument* 

Vous  aidMyMMM?  J^'ea  «ndia.lHeii  éJioif né^»  M.  da 


344  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  lY. 

Gonchini ,  assurément;  et ,  comme  je  yons  l'ai  «ilt , 
il  me  reste  toujours  pour  ce  chien  d'homme-là  un 
fonds  d'amitié  dont  ja  ne  saurois  me  débarrasser. 
£t  puis,  d'ailleurs,  c'est  que  je  suis  si  peu  iait  à 
rintrig;ue  ;  j'j  suis  si  gfiuche ,  que  j'aime  cent  fois 
mieux  me  trouver  aune  surprise  de  place  que  dans 
une  tracasserie  de  cour.  J'j  suis  moins  maladroit ,' 
vous  dis-je. 

lE  MARQUIS  DE  COVCHIITI,  SOUTUint. 

Monsieur  le  duc ,  vous  avez  plus  d'adresse  que 
VOUS  n'en  voulez  faire  paroître'.  La  vôtre ,  dans  ce 
moment-ci ,  ne  m'échappe  pas  ;  et  voici  en  quoi 
elle  consiste  :  vous  profiterez  de  l'effet  de-la  mine , 
s'il  est  heureux',  et ,  au  cas  qu'elle  soit  éventée , 
vous  ne  pourrez  pas  même  être  soupçonné  d'avoir 
été  un  des  ingénieurs. 

tE  DUC  DE  B  ELLE  G  ARDE,  c/'un  air  sérieux  ef/Serj 
et  avec  beaucoup  de  hauteur. 

Un  moment ,  monsieur,  s'il  vous  plait;  vous  ne 
pouvez  ni  devez  penser  que... 
LE  MARQUIS   DE  cov CBtv  1 ,  i'interrompaiit d'utt. 
air  soumis  et  respectueux* 

Eh!  non ,  non ,  monsieur  le  duc  ;  je  vois  à  pré- 
sent ce  que  je  puis ,  et  ce  que  je  dois  penser  de 
votre  Inaction.  Tenez ,  votre  vieille  franchise ,  à 
vous  antres  seij^eurs  françois ,  vous  fiiit  regarder 
une  intrigue,  même  la  plus  juste,  comme  un  mal  -: 
moi ,  je  n'j  en  trouve  aucun  ;  au  contraire ,  vu»  ce- 
lui que  M.  de  Rosni  cause  dans  le  rojaume  >  c>st 
uneohligatîon  que  la  France  nous  aura ,  à  lasignora 


ACTE  î,  SCÈNE  m.  345 

Galîgaîeif  h.  moi,  d  avoir  intrigué  pour  la  délivrer 
de  ce  ministre-Jà.  Dans  tout  ceci ,  notre  intention 
est  bonne;  nous  ne  voulons  quç  le  bien  du  Fran- 
çois ,  nous  auttes. 

tE  DUC  DE -BEt'iE GARDE,  d*un  air  railleur. 

Oh!,  je  sais  bien  que  c  est-là  votre  but.  (^Voyant 
croître  Ifi  roi  avec  le  duc  tte  Suliu]  Mais  voici  le  roi 
qui  sort-  du  conseil. 
LE  MA&QUfS  DE  coiTCBiiri,  hot ^  au  duc  de 

Bellegardel 
M.' de  SuUl  l'accompagne.  Ils  ont  toujours  l'air 
du  plus.gcand  froid  ;  ils  sont  toujours  mal  ensem^- 
ble  :  cela  est  excelleat. 

SCÈNE  IV. 

HErilil»  en  uniforme  dé  c^aiie;>L£  DUC  DE 
S.0LLI,  en  habit  ordinaire;  suite  des  Goubti- 
sANs;  LES  DEUX  OFFICIERS  DES  CHASSES, 
qui  se  tiennent  à  la  porte  de  l'antichambre  du  roi  ; 
LE  DUC  DE  BELLEGARDE,  LE  MARQUIS 
DE  CONCHim. 

mtvm,  4MC  duc  de  Beileqardey  en  s'avançant  avec  /W 
due  de  Sulli ,  auquel  il  marque  avoir  envie  de  par^ 
1er- d*  abord, 

Bo9  jovR,  mon  cher  Bellegarde...  (Au  marquis,) 
Bon  jour,  M.  4e  Conchini....  (A  SullL)  Le  coi^seH 
a  fini  plus  tât  que  je  ne  crojois.  M.' de  Sulli....  (Au 
âme d^.BeiU^arde  el  eui  marquis  deConcktni,)  Notre 


346  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IV. 

rendez-vous  n  est  qu'à  midi.  J. .  Messieurs ,  nous 
aurons  du  temps  pour  tout. 

LE  DVC  HE  BEtLEOA]l]>E. 

Ma  foi  !  sire,  votre  majesté  aura  aujourd'hui  un, 
temps  admirable  pour  sa  chasse. 

HENRI,  d'un  air  inqi^U 

Oui  y  Tou  ne  pouvoit  pas  désirer  une  plus  helle 
|0urnée  pour  cette  saison-ci*  «^^  •  pûur  Tautomne. 

LE  DUC  DE  SULLl. 

Avant  son  départ,  votre  majesté  n*auroit-èlIe 
point  encore  quelques  autres  ordres  à  me  donner? 
H  E  9  n  I ,'  d*ua  air  froid  et  ^éné. 

Non,  monsieur.  Il  me  semble  vous  les  avoir 
tous  donnés  dans  le  conseil.. «  A  moins  que,  vou9~ 
même ,  vou&  n'aje%  qujelque  chose  de  particulier  k 
me  dire» 

LE  DUC  DE  SiULLI.. 

No^,  sire,  je  ne  crois  pas  avoir  rien  oublié.... 
(Après  avoir  un  peu  rêvé.)  Ah!  pardonnez-moi ,  je 
me  rappelle  à  présent  Taffaire  du  brave  Grillon.  Je 
vais  de  ce  pas  chez  lui  pour^ .. . 

H  E  N  R I  y  f  interrompant  ^  d'un  air  d'impatience. 
Vous  n'aurez  pas  le  temps  de  finir  avec  Grillon  ^ 
monsieur,  il  vient  à  la  chasse  avec  moi...  Mai* 
n'auriez- vous  rien  à  me  dire  (de  l*air  de  V embarras^ 
qui  vous  regardât ,  vous ,  monsieur  ?..  Tenez ,  au- 
riez-vous  le  loisir  de  m'attendre  ici  un  mènent  1,^ 
Gela  se  vous  géne-t^il  point ,  monsieur  ? 
LE  DUC  DE  svLLif  s'inciinaht  profrndémenl» 
Moi  y  sire  ?...  Ma  vie  et  mon  tempa  ont  toujours 


ACTE  I,  SCÈNE  IV.  347 

appartenu  \  vôtre  majesté.  "Dans  l'instant  même , 
fi  TOUS  Tordonnez. . . . 
H  ES  El ,  l'interrompant ,  d*un  air  plus  affectueux, 
Non,  dans  cet  instant-ci ,  il  faut  que  j'aille  voir 
la  reine,  que  j'aille  embrasser  mes  enfants;  j'en 
meurs  d'envie  2...  Attendez  «moi  ici  même,  dans 
cette  galerie....  (Vun  air  contraint,)  Il  faut  bien 
que  je  vous  parle  de  vous ,  puisque  *vous  ne  vou- 
lez point  m'en  parler  le  premier.,.  (Aa  duc  de  Bel" 
tegarde,)  Vous ,  mon  cher  Bellegarde ,  suivez-moi. 
Vons  n'entrerez  pas  cbez  la  reine  ;  il  est  de  trop 
bonne  heure  :  il  ne  fera  pas  encore  grand  jour; 
mais,  en  y  allant,  j'ai  un  mot  à  vous  dire  sus 
votre  gouvernement  de  Bourgogne.  Venez  avec 


moi ,  mon  ami. 


(  Le  roi  sort ,  saii>£  de  M,  de  Belleqardeei  d'une  partie 
des  courtisans;  les  autres  restent  dans  le  fond, 
avec  les  deux  cardes-chasses,) 

SCÈNE  V. 

LE  DUG  DE  SULLI,  LE  MABQUIS  DE 

GONGHINL 

X.E    MABQUIS    DE   COUCHliri  ,   à   part. 

Faisons  parier  M.  de  Sulli....  Il  lui  échappera 
sûrement  quelques  propos  indiscrets  et  pleins  de 
hauteur,  et  je  les  rendrai  au  roi,  ce  soir,  tels  qu'il 
me  les  aura  tenus...  (-4a  £/ac.)  Vous  me  voyez,  mon- 
sieur le  duc,  dans  la  plus  grande  joie  de  l'entretien 
particulier  que  le  roi  veut  avoir  avec  vous.  Vous 


34Ô  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IV.. 

dissiperez  facilement  tous  les  nuages  qui  se  sont^ 
élevés  entre  vous  et  lui  ^  depuis  quelque  temps.... 
Je  le  désire  bien  yiyeAient ,  du  moins. 

it  DUC  DE  suLLi,  d'iin  oLt  fro'id^ 

Je  TOUS  en  ai  toute  l'obligation  que  je  dois 
TOUS  en  avoir,  M.  de  Goncbini. 

LE  MAHQuis  DE  c ô vc H I N I ,  tr^i  viVeme/i/." 

Ah  !  monsieur ,  qu*un  grimd  ministre  est   à 
plaindre  !  L  envie  et  la  calomnie  le  'poursuivent 
sans  relâche.  Avec  tout  autre  prince  que  notre 
monarque  je  craindrois  que. ...  * 
LE  DUC  DE  s vvLi  y  l'interrompant  d'tui  air  fier^ 

Oui  ;  mais  avec  lui  je  n  ai  rien  à  craindife ,  et  je 
ne  crains  rien ,  monsieur. 

LE  MARQUIS  DE  c ovc HIV  1 ,  très  vivement. 

Vous  pouvez  avoir  raisota  avec  ce  prince-ci , 
qui  a  toujours  devant  les  yeux  vos  services  en 
tout  genre;  qui  se  souvient  que,  dans  les  premiers 
temps,  vous  lui  avez. sacrifié  votre  fortune;  que 
vous  avez  exposé  mille  fois  votre  vie  à  ses  côtés  ; 
que  des  blessures  clont  vous  êtes  couvert,  vous  en 
avez  encore. . . . 
&£  DUC. DE  suLLi,  t* interrompant  avec  impatience , 

Eh!  monsieur,  de  grâce,  abrégeons. 
LE  MARQUIS  DE  coHCHiNi,  continuant. 

Je  n'en  dis  point  trop,  monsieur,  et  le  roi  doit 
toujours  avoir  présent  à  l'esprit  que  vous  avez  né^ 
gocié,  au-dedans,  avec  tous  les  grands  de  son 
£tat,  desquels  il  a  été  oblfgé  de  racheter  sou 
royaume  pièce  à  pièce....  qu'au  dehors,  vos  né- 


ACTE  I,  SCÈJNE  y.  349. 

gociadons  ont  encore  été  ^lus  brillantes.  Il  ne 
doit  pas  lui  sortir  de  sa  mémoire  que  ia  feue  reine 
Elisabeth  tous  donna  à  Londres. . .-. 
ikB  Btjç  DB  suLLi,  avec  une  mpatiçnce  encore 

plus  viPe^ 

Vire  dien!  monsieur,  e'ncore  une  fois,  finis- 
sons!... Toutes  ces  louanges  si  sincères  ne  me 
tourneront  point  la  tête,  je  vous  en  préviens.... 
Voyons ,  à  quoi  en  voulez-vous  venir  ? 
lE  MABQuis  DE  covcBini,  avcc  la ptuM  grande 

vivacité. 

J'en  veux  venir,  monsieur  le  duc,  à  la  consé* 
^ence  de  tout  cela  :  c'est  qu'il  est  impossible  que 
le  roi  n'ait  pas  conservé  pour  vous,  au  fond  de  son 
cœur,  toute  la  reconnoissance  qu'il  doit  à  vos  ser- 
vices; et  je  irons  supplie  de  me  dire  si  vous  n'êtes 
pas  de  la  dernière  surprise  que  ce  prince ,  après 
toutes  les  obligations  qu'il  vous  a ,  et  connoissant 
aussi  bien  votre  âme,  puisse  un  instant  prêter  l'o- 
reille aux  imputations  calomnieuse?  dont  on  ne 
cesse  de  vous  noircir  dans  son  esprit  ^depuis  quel- 
ques mois. 
LE  nn€  UE  suLLÎ,  ni^ec  an  air  froid  et  railleur. 

Tenez ,  M.  de  Gonchini ,  avec  un  homme  moins 
franc  que  vous  ne  l'êtes ,  et  qui  n'auroit  pas  le 
cœur  sur  les  lèvres,  comme  vous  l'avez,  je  pour- 
rois  imaginer  que  la  question  que  vous  me .  faites 
là  seroit  tout-à-fait  insidieuse ,  et  qu'il  me  seroit 
également  dangereux  d'y  répondre  ou  de  me  taire; 
mais  avec  vous.... 

Théâtre.  G««n««lics»   |3«  3o 


35o  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DÉ  HENRI  IV^ 
LE  MARQUIS  DE  covcHivi,  f interrompant. 

Moi,  qui  tous  suis  dévoué  et  qui. . .' 
LE  suc  DE  S17LLI,  l'interrompant  aussi» 

Oh  !  je  le  sais  bien ,  M.  de  Conchini  :  aussi  je 
vous  dis  qu  avec  tout  autre  que  vous ,  si  je  gardois 
le.  silence  da\is  ce  cas-là ,  ce  silence  pourroit  être 
interprété  au  roi  (par  tout  autre  que  par  vousj 
comme  l'effet  d'une  fierté  criminelle ,  et  que ,  si  je 
parlois  au  contraire,  ou  qi^e  je  convinsse  de  la  fa- 
cilité prétendue  du  roi  à  croire  mes  ennemis,  j'of- 
fenserois  injustement. mon  maître  et  mon  bien- 
faiteur. ' 

LE   MARQUIS    DE  CONCHIKI. 

Oui,  j  entends  très  bien.... 

LE  DUC  DE  suLLï,  ^interrompant. 

Cependant,  monsieur,  malgré  les  risque» qn 'il 
y  auroit  à  courir  en  s  expliquant  dans  une  circtius- 
tance  si  délicate,  je  dirois  à  ce  quelqu'un  d'artiii- 
cieux  ,  mal  intentionné  ,  et  qui  viëndroit  pour 
sonder  mes  sentiments  sur  tout  cela,  ce  que  je 
vous  dirai  à  vous-même,  M.  de  Conchini,  ce  que 
je  dirois  à  mon  meilleur  ami  :  c'est  qu'a^nt  tou- 
jours vécu  safns  reproches,  et  comptant  fênnement 
sur  la  justice  du  roi,  je  suis  si  persuada,  si  con- 
vaincu d'ailleurs  de  ses  bontés  ponr  moi ,  que , 
quand  j'entendrois  de  la  bouche  même  de  «a  ma- 
jesté qu'elle  m'tibandonne ,  je  ne  len  croirois 
pas,  et  j'imaginerois  qu'e  sa  langue  a  trompé  son 
cœur. 


ACTE  I,  SCÊNÈ  V-  .'35i 

LE  MABQVis  DE  coHCBisi;  d*un  air  d'embarros. 

Ah!  monsieur...  oui...  Maid  gardez-vous  bien  de 

vous  livrer  à  oette  confiance  aveugle...  et  voyez... 

Li  Dvc  os  suLLi,  ^interrompant  d'un  air  fier  et 

avec  un  mépris  marqué. 

Je  ne  vois  rien  et  \e  ne  veux  rien  voir  que  cela  , 

monsieur.  Ce  sont  les  purs  sentiments  démon  âme, 

et  que  vous,  pouvez  rendre  à  sa  majesté  dans  les 

mêmes  termea»...  C'est  ce  que  je  n'attends  pas  de 

vous ,  cependant ,  monsieur,  si  vous  voulez  que  je 

TOUS  parle  à  présent  d'un  style  plus  clair  et  moina 

figuré 

X.B  KiiAQUia  DE  covCBiiii,  trou&lé. 
Cornaient,  mon&ieur»  Vki>i^'"  Pourriez- voua  me 
croire  capable?...  (Voifant  fepêf&ltfe  le  rioi^)  Mais, 
Toioi  le  rej  de  retour. 

{Le  roi  s'arrête  à  la  parte  dé  la  galerie  avec  le  diic  dû 
BeHegarde,  le  marquis  de  Pratlia,  les  deux  offi- 
ciers des  chasses,  et  quelques  autres  personnages 
ÊÊmeis.  Le  duc  de  Sutli  et  le  marquis  de  Conchini 
vont  au^evant.du  roi,^et  Cot^chini  pa^s^  dans  t  an- 
tichambre j  ou  il  reste  en  vue  avec  les  autres  cour- 
tisans, qui  marquent  j  pendant  toute  la  scène  sui-* 
vante,  leur  inquUte  curiosité  sur  l'événement  de 
l'entretien  dm  roi  avec  SuilL) 


î5»  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  BffiNRI  IV. 

SCÈNE  YL 

ELENRI,  LE  DUC  DE  BELLEGARDE  ^  LE  MAR.. 
QUIS  DE  PRASLIN»  piu^ewbb.  cûfr^^Ans, 
LES  OFFICIERS  DES  CHASSES ,  LE  DUC 
DE.  SULLI ,  LE  MARQUIS  DE  CONCH£l>U. 

Hekhi-,  dwinant  ses-  ordres^  à  i' entrée  dé  ta  ^at^r*^^ 
BELLEGÀBi>r,  d'Aumont,  Brîssae,  Duplessis, 
Matignon ,  VillaTS ,  La  ChÂtre ,  Clermont ,  et  vous 
aussi ,  monsieur  de  Montmorenci ,  tenez-yous  <pieU 
ques  moment^  dans  cette  pièce-ci ,  je-  toos.  prie. 
Nous  partirons  après!  pour  la  chasse..  Mais  j*ai  à 
parler^  anparayant  en  pa,rti<culîer  à  monsieur  de 
Sulli;....r  {An  mar^uU  de  FrasUn,)  Mai%[ais  de 
Praslin,  tenez>TOus  aussi  là- dedans,  et  mettez  à 
cette  porte  deux  de  mes  garde«  en  sentinelle  airec 
la  consigne  de  ne  laisser  entrei;  personne  dans  m^ 
galeriel...  N'en  ^tes  pourtant  pas  ferp&er  les 
portes.  Je  i^p^ m'embarrasse  pas  que  l'on  noi^  voie; 
mais  je  neveux  pas  que  Ton  soit  à  portée- de  nous 
entendre>.*«.(M..de  Prasim.  pose  lui-même  tes- senti- 
neUe$.  Henri,  prenant  M.,  de  SutU  par  ië-main,  t'a- 
mène,  sans  rien  dire,  jusqu^au  bord  di^  rampes, 
quitte  sa-  maiit,  le  regarde ,  et  reste  un  momfini  sans 
parler,)  Eh  bien!!  monsieur,  la  façon  dont  noua 
sommes  ensemble  depuis  six  semaines,  le  firpid  qpQ 
je  TOUS  marque  et  la  contrainte  'dans  laquelle  nous, 
vivons  vis-à-vis  l'un  de  l'^itfre,  vous  vous  acco-. 
modez  donc  de  tout  cela ,  monsiieur  ?  voua  n*ête& 
donc  point  inquiet  ? 


Acte  i,  scène  vi.  353 

lE  SUC  i>x  siriLi ,  d'un  air  noble  et  respectueux. 

Sire ,  arec  tout  autre  prince,  que  Henri  je  me 
croiroii  perdu ,  en  voyant  qne  tous  m  avez  retiré 
cette  bonté  familière  que  vous  me  témoigniez  tou- 
jours; mais,  avec  votre ^  majesté^  j*ai  pour  moi 
votre  équité^  vos  sentiments...  oserois-je  dire  vo- 
tre amitié  et  mon  innocence  ?  Tout  cela  me  ras- 
sure ;  je  suis  tranquille. 

H  E  V  a  £ ,  d'tttt  air  un  peu  attendri. 

Cette  tranquillité  peut  marquer,  je  vous  l'avoue, 
le  témoignage  d'une  conscience  pure ,  et  qui  n'a 
point  de  reproches  à  se  faire;  mais,  cependant, 
monsieur,  vous  nepou^^zpas  ignorer  que  toute  la 
France  crie  et  m'adresse  des  plaintes  contre  vous , 
et  vous  gardez  le  plus  profond  silence. 
LE  Dire  DE  snLX.1,  d'un  air  ferme  et  respectueux. 

Oui ,  sire ,  c'est  dans  un  silence  respectueux 
que  je  dois  attendre  que  votre  majesté  m'ouvre  la 
bouche  sur  des  faits  dont  il  n'y  a  pas  un  seul  qui 
ne  soit  de  la  plus  grossière  calomnie. .  ,\  Parler  le 
premier  à  votre  majesté  de  toutes  ces  imputations 
odieuses  et  absurdes  ^  c'eut  été,  en  quelque  façon , 
leur  donner  du  crédit ,  et  en  reconnoître  jia  vérité. 
Il  ne  me  convient  pas  de  craindre  de  pareilles  ac-* 
cusations  auxquelleai  vous-même  ne  crojez  p^s» 
itre. 

B  E  ir  À I  ',  avec  bontés 

Ehl  mais,  mais.... 

LE  Dvc  DE  suLLi,  ovec  fifrcc* 

Non,  sire,  vous  nj  croyez  pas... «'Il  n*j  a 

3o. 


954  LA  PARtlË  D£  CHASSE  D:E  HENRI  lY. 

qu  uae  seule  de  «se»  accusations  qui  ait  quelquo 
«ir  de  \érité ,  ou ,  pour  mieuK  dire ,  de  la  vraisem^ 
bUnce....  (  TiraiU  de  sa  poche  un  papier, )  C'est  ce 
billet  de  moi ,  qi^P  yousi  me  reuyoy&tes  hier  au  soir, 
par  La  Varenne.  Quatre  mots ,  que  j'ai  mis  au  bas, 
vous  en  déy^lopperout  toute  1  énigme.  Que,  votre 
majesté,  daigne  jeter  les  jeux  sur  l'explicatioii  qu^ 
j'y  donne.  (It  donne  au  roi  ee  papier,) 
B  K  H  a  I ,  retfardant  le  papier. 
Je  tombe  de  mon  haut!...  (Prenant  ta  main  du 
dite  de  SuiU.  )  Ah  !  M.  de  Rosni ,  comme  ils  m  ont 
trompé ,  les  cruelles  gens  ! 

LE  DUC  DB  SITL!.!. 

Quant  aux  satires ,  et  surtout ,  sire ,  au  libelle 
fait  par  Juyigni ,  ayec  tant  de  force  de  style  et 
d'éloquence,  et  que  j'ai  lu,  tout  aussi  bien  que 
yotre  majesté...» 

HENRI,  l'interrompant  j  avec  feu. 
Quoi!  yous  l'ayez  lu,  Rosni  ?  et  yous  n'êtes  pas 
yenu,  tout  de  suite,  pour  yous  expliquer  ayec 
xnoi?.« 

lE  DUC  DE  SULLJ,  l'interrompant. 
Non ,  sire ,  je  l'ai  méprisé.  Ce  n  est  pas  que  si 
TAtre  majesté  m'en  eût  parlé. la  première,  j'eusse 
y^ulu  et  que  je  veuille  encore  avoir  l'orgueil  cri- 
minel de  ne  point  entrer  daoA  les  détails  d'une 
justffieation  qui  doit . .  « 

Hxvm,  l*i»tefromp€nt, 
Qa  apjpekB-Yoïis  jutlificatiOBÏJBkoa  «mi  ?  Yen- 


ACTE  I,  SCÈNE  VI.  355 

tre»9ai^gtU]  Téclairciftsement  q«e  vous  mfi  donnez 
sur  ce  billet  répond  lui  seul  à  toul..»..à  tout ,  et  je 
n'ai  plus  rien  à  entendre* 

jciE  ou  G  ns  svLhï ,  avecie  pius  ^ran4  fifu. 

Pardonnesb-moi,  sÀre,  il  est  de  toute  nécessité 
qpis  TOUS  Ajez  la  bonté  d'entendre  ma  justifica- 
tion ;  et  la  voici....  l>epuis  trente-trois  ans  je  vous 
sers;  j'ose  tous  dire  plus,  je  yous  aime.  A  mon 
attachement  inviolable  pour  votre  majesté  se 
joint  l'honneur  ^dont  je  ne  me  suis  et  dont  je  ne 
veux  jamais  m  écarter*  Ils  se  réunissent,  Tun  et 
l'autre ,  à  mon  intérêt  personnel ,  qui  est  de  vous 
servir  jusqu'à  mon  dernier  soupir. ...  Ce  aont-lÀ 
mes  vrais  sentiments....  Pour  vous  persuader,  au 
contzaire,  ou  que  je  veux  ou  que  je  puis  voua 
trahir,  nu»  eaneqtis  couverts ,  ces  petites  gens , 
B^étaJatissent  dans  leurs  propos  et  dans  leurs.  li-< 
belles  qi^e  des  posaibilitéft  purement  chimévi- 
ques....  Eh!  en  effiet,  quel  secoit  mon  but  dana 
une  trahison  piiae  dans  le  grand  ?..  De  mé  mettre 
votre  ooiuonne  sur  1^  tête  ?  Vous  ne  me  croyes 
pas  assea  dépoiurvu  de  jugement  ponir  tenter  l'im- 
l^oflsiblo.  De  la  fifcke  passer  à  quelqu'autre  bran-> 
che  de  votre  maison  ,  ou  à  quelque  pui$sance 
étrangère  ?  Ah  !  mon  prince  !  ah!  mon  héros  !  quel 
autre  monarque ,  quelles  puiisances ,  quels  États 
peavent  jamais  élever  ma  fortune  aussi  haut  que 
vous  avez  élevé  la  mienne  ? 

H  z  9  a  I ,  le  serrant  dam  ses  bras. 

Ah  !  mon  ehec  fiosni  l  mon  cher  Rosni  l 


^56  LÀ  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  lY. 

LE  DUC  DE  81TLI.I,  pounutvant  ttve'c  fettm 

Ah'!  mon  cher  maître ,  vous  le  sereï  toi!tjeurs.. . 
Vous  m  aimez  »  tous  m'estimez. .. .  oui ,  sire ,  voas 
m'estimez  au  point  que  )'ai  la  noble  présomption 
àe  croire  que  tous  n'avez  point  eu  (dans  cette  af- 
i&ire-ci  même)  de  soupçons  réels  sur  ma  fidélité*., 
ce  que  j'appelle  de  vé  ri  tables  soujpfons*  Non ,  sife^ 
vous  n'en  ayez  point  eu. 

H  E  a  a  I ,  reprenant  vivement. 

Point  de  vrais  soupçons,  Bon,  mon  ami,  je 
n  en  ai  point  eu.;  à  peine  étoient'-ce  de  légères  in- 
quiétudes ,  et  si  fo^bhss  encore  qu'elles  n'avoient 
aucune  tenue. .. .  Eh!  tiens,  mon  cher  R<^nif  je 
vais  t'uiVrir  mon  cœur  :  je  n'eusse  jamais  eu  ces 
légère»  inquiétudes ,  jamais  l'on  ne  fût  parven,u  a 
me  donner  les  moindres  ombrages  sur  ta  fidélité , 
si  nous  eussions  vécu ,  tous  les  deux ,  dans  un  au- 
tre teinps  :  mais ,  dans  ce  siècle  affreux ,  dans  ce 
siècle  de  troubles,  de  conspirations,  de  trahisons, 
où  j'ai  vu,  où  j'ai  éprouvé  les  plus  noires  perfi- 
dies de  la  part  de  ceux  que  j'avois  traité^  comme 
mes  meilleurs  amis  ;  où  j'ai  pensé  être  mille  fois  le 
jouet  et  la  victime  de  la  scélératesse  de  leurs  com- 
plots..^, tu  me  pardonneras  bien ,  mon  cher  ami , 
ces  petites  échappées  de  défiance....  Je  les  répare- 
rai ,  M.  de  Rosni ,  par  de  nouveaux  bienfaits ,  qui 
porteront  au  plus  haut  point  d'élévation  et  voua 
et  votre  maison.  Je  veux  que. ... 

LE  DUC  DE  «ULLi,  t interrompant  avec  feu. 

Arrêtez,  sire!  Vos  bontés  pour  moi  iroient  peut-. 


ACTE  r,  scjfeNE  yr.  357 

éftre  trop  loin  :  il  âiut  j  mettre  des  bornes.  Vos 
malheurs  «t  les  plus  noires  ingratitudes  ont  dû 
nourrir  et  étendre  ▼os-déilançes;  que  yotre  coeur 
n'en  ait  ^ns  dlÊïomnais  pour  iqsoi' :-)e- 1a  mérite. 
Mai»  que  TOtre  majesté  mette  la  plu9  grande  pm* 
dence  et  une  extrême  circonspection  dan^  les  bien- 
âtitB  dont  elle-  Toudroit  encore  a^'honorer».  Je  suis 
le  prexniçE  à. lui  demander  à  genoux  de  ne  jamais* 
me  donner  déplaces  ibrtes^  de  principautés;  en  un 
mot,. de  ne  jan^s  m.e  faire  de  ces  sortes  de  grâces 
qui  puissent  mç  donner- la. possibilité  de  me  dé- 
clarer che£  de  parti»  *i.  je  ypulois  1&  tenter.  Ces 
grâces-là,  sire,  sont  d^s. armçs.  qui  n'en  seroient 
ifimais  pour  moi;  mais  je  yeux  ô'terA^nies. ennemis 
le  prétexte  de  m'en  £ûre  des  crimes, 
a  E  v  A I ,  avec  la  plus  grande  vivacité  de  sentiment  * 
Grand-maiire- ,.  tu  n-'auras  jamais  d'ennemis  à 
craindre  tant«que  je  vivrai. 

i»E  Buc  DE  BVt.Lj{^  après  s'étreAncHné  pour  le 

remercier. 

Akl  sire,  plût. à  Dieu  que. cela  fût  vrai/....  Mais 
cet  entretien-ci  est  la  preAVf'  du  .contraire.,  et  des 
effets  cruels  que  peuvent produin^ des. calomnies,, 
travaillées  de  main  de  cour^js^n.» 

B&if  AI,  avec  la  dernière  vii^acité^,^ 

Eh!  mais^  ctlles^n 'en  auroient^psoduit aucuns^ 

si  ;  depuis  que.  je.  vous  boude ,  cruel  homme  que 

vous  êtes,  vous,  eussiez  voulu  venir  bonnement 

vous  éclaircir  avec  moi...  Ah!  Rosni ,  cela  n'est 


358  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IV.. 

pas  bien  à  toi»!  Depuis  trente  aos  que  je  vous  »î 
juré  amitié,  moi,  je  n'ai  rien  eu  sur  le  eœur  que  je 
ne  l'aie  déposé  dan»  votx»  sein  •  p»>îâts ,  affaires , 
pJaisiirs,,  amitiés ,  amoiors.,  obagcÎBS.  domestiques , 
îe  TCftus  ai  tout  eonfié  ;  et  vous ,  vou»  you&  teiie^  sur 
la  réserve  pour  uoe  miuce  explication  avecmoi!... 
hta  larmes  m  en  vieiuMAt  aux  jeux!  Lie»  princes 
ae  peuvent^iJU  doue  avoir  un  ami? 

IX  DUC  ux  SULLI,  du  ion  le  plus  attendri. 

Ah!  mon  adorable  makre!  cette  force ,  cette  vé-- 
rîté  de  sentiment  m'éclairent  à  présent  sur  ma 
faute.  Oui  j  sîre,  j*ai  eu  tort  de  ne  m'ètre  pas  expli-* 
que  dès  le  premier  instant,  et  de  .. 
a  E  H  R I ,  t* interrompant  avec  ta  plus  grande  vivacités 

Oui,  monsiear!...  et  vous  sentiriez  encore  mille 
fois  davantage  Votre  tort ,  si  vous  saviez ,  mon  ami , 
ce  que  j'ai  souffert,  moi ,  pendant  notre  espèce  de 
hrouillerie....  Que  cela  n'arrive  donc  plus...  Je  ne 
vaux  pas  que  nos  petits  dépits  durent  plus  de 
vingt-quatre  heures;  en  tendez- vous ,  Rosni? 
Lc  DUO  HE  SUI.LI,  avec  passion. 

Ob!  je  les  pi«viendrai  dès  leur  naissance.  Ah! 
sire  i  ah  !  mon  ami  !  Pardonne»  au  trouble  de  mon 
cœur...  ce  mot....  qui  vient  de  m 'échapper. 
H  £  ■  a  I ,  avec  ta  dernière  vivacités 
.  A|»pellermoi  toa  ami ,  mon  cher  R<Am  !  ton 
ami!  Ehl  que  ye  l*ai  bien  sentie  cette  amitié  que 
î  ai  pour  toi  !  Tiens ,  lorsque  tout  à  l'heure ,  aupa« 
rayant  de  passer  cheib  la  reine,  |e  me  suis  contraint 


ACTE  I,  SCÈNE  Vï.  ^^ 

t  te  faire  nn  accueil  froid ,  et  que  je  t'ai  appelé 
monsteur,  te  rappeUe»-tu  tle  ne  m'avoir  répondu 
que  par  une  inclination  de  tête  et  une  révérence 
profonde?  £h  btenl  en  voyant  ta  douleur  et  ton 
attendrissement,  mon  cher  Rosni ,  peu  s'en  est 
fallu  que ,  dans  ce  moment,  je  ne  t'aie  jeté  les  bras 
au  col,  et  que  je  n'aie  commencé  par  là  notre  expli- 
cation. 

LE  DUC  DZ-8ULI.I,  datiS  le  dernier  attendrissement, 
et  d'une  voix  entrecoupée. 

Ah!  sire!  ce  dernier  trait...  Ah!  permettez  qu'a- 
vec les  larmes  de  la  joie  et  de  la  plus  tendre  sensi- 
bilité ,  je  me  précipite  k  vos  pieds  pour  Ir-oot  re-^ 
mercier...  (U  se  jette  aux  pieds  du  roi.) 

H  EK  R4 ,  te  relevant  avec  wvacité* 

Eh!  que  faites-vous  donc  là,  Rosni?...  Hcleves^ 
vous  donc...  Prenez  donc,  prenez  dotlc  garde.  Ces 
gens-là  qui  nous  voient,  maisn'ont  pas  pu  entendre 
ce  que  nous  disions,  vont  croire  que  je  vous. par- 
donne. Vous  n'j  songez  pas  :  relevez-vous  donc... 
(  M.  de  Rosni,  un  genou  en  terre,  reste  la  bouche  col-, 
lée  sur  la  main  du  roi  pendant  tout  ce  couplet.  Le  roi 
ie  relève  et  l'embrasse  à  plusieurs  reprises,  puis  il  va 
vers  ta  porte.)  (Au  marquis  de  Praslin.)  Marquis  de 
Praslin  ,  faites  relever  vos  sentinelles  ;  tout  le 
monde  peut  entrer,  et  partons  pour  la  chasse.  {A 
tous  tes  courtisans.)  Mais,  auparavant  que  de  mon- 
ter à  cheval ..  je  suis  bien  aise ,  messieurs ,  de  vous 
idéclarer  à  tous  que  j'aime  Rôsni  plus  que  jamais, 
«t  ^*entre  lui  et  moi  c'est  à  laTÎe  et  à  la  «mort. 


I 
36o  tA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  lY. 

I.E  SUC   DE  8ULLI. 

Ah!  sire,. comment  pourrai-jé  jamais  recot*^ 

noittCt .  •  • 

HEimi,  finterrompanîm 

Encontinaant  de  me  serrir  comme  tous  m/ ayez 
toujours  servi,  M.  de  Rosni. 

LE  BUC  SE  BiLiéL-tGATHit  y  au  duc  de  Suili^ 
Ah!  parbleu!  mon  cher  duc,  je  prends  bien 
part. .  • 

&s  MARQUIS  DE  coHCHiHi,  l' interrompant f  au 

duc  de  SuUL 
Ah!  monsieur,  l'excès  de  ma  joie.... 

B  E  ir  B I ,  ies  interrompant  tou$  les  deux^ 
Allons ,  allons ,  vous  lui  ferez  tous  vos  compli- 
ments à  la  chasse ,  où  je  veux  qu'il  vienne  avec 
nous. 

I.E    DUC    DE    SVLL-l.  « 

Moi ,  sire  ? 

HE811I. 

.  Vous-même ,  mon  cher  Rosni.  Je,sais  bien  que 
vous  n'aimez  pas  autrement  la  chasse;  mais  j'aime 
à  être  avec  vous  aujourd'hui ,  moi ,  toute  la  jour- 
née ,  mon  ami. 

LE    DUC   DE   SVLCI. 

Je  suis  pénétré  de  ce  que  vous  dites  là,  sire^ 
cependant,  si  votre  majesté  m'en  dispensoit. .. . 
BEVni,  l'interrompant. 
Non  y  mon  pauvre  Rosni,  ma  chasse  ne  peut 


ACTE  i;  SCÈNE  yi.  3Gi 

être  heureuse  si  tous  n  j  Tenez  pas;  et  ]*ai  des 
preSMntimenfs  ^ue^  si  yqu»  eu  ètes.^  ^1  mms  i^rri- 
Tera  des  aTeiitures  agréables  i  j  ai  ceU  4a&s  H'idé^ 
Allez  doaç  yous  habiller^  et  yenepi  nous  joindre 
au  rei)dex-Y0U4.  L'on  i^'anaqinev?  pM  que  rqus  n  j 
soyez.  (1/  lui  donne  un  petit  coup  sur  lajoueuniiaii/f 
(tumUU.) 

LE    DÇC    DE    SULLI. 

Allons,  sire,  je  cours  doue  bien yite  m'lii|]bil}er« 

(U  sçrt.) 

SCÈNE    VIL 

HENRI,  LE  DCJÇ  DE  BELLEGARDE,  LE 
MARQUAS  DE  ÇONCHINI,  plusisuki 

COUaTISABrS,LESOFriCI£KSnESC|lASSES« 

u^jxrt.ty  à  ConchinL; 

M.  de  Concbini ,  il  j  aura  bien  des  gens  à  qui  C0 
raccommodement.-ci  ne  plaira  pas  jusqu'à  un  cer» 
tain  pointa. 

LE  MARQUIS   DE  GO^CBIITI* 

Ce  nVst  pas  à  moi ,  sire ,  je  tous  le  jure^ 

LE  DUC  DE    BSLLEGAl^PE,  OU  fOt. 

» 

Ma  foi ,  sire ,  ce  raccommodement-ci  étoit  désiré 
de  tous  ceux  qui  aiment  le  bien  de  yotre  État. t.. 
Cet  homme-là  sera  toujours  le  bras  droit  de  yotre 
majesté ,  et  il  est  d'une  habileté  dan«  9ea  alTaipeat,. 

(  Tboâtre.  Com«^Uff   l3.  3l 


S6a  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IV. 

Qn'ftp'pdez^Vom  éstn»  lés  afSdres?  Ajouta  donc 
ai  la  tête  de  mes  armées ,  dans  mes  conseils ,  dans 
les  ambassades^...  Je  VtA  toujours  présenté  avec 
•uccès ,  à  mes  àmh  et  à  mes  «aaemis.*.»  Hais ,  par- 
tout f  partons* 

(Le  roi  tort ,  et  ett  suivi  de  toute  sa  ctmr.) 


Fin  DU  PftSMIBi;  ACTE. 


ACTE  SECOND.  , 

Uf-  Ib^toe'  représente^  l'entrée  de  la  forêt  de 
Si&iiarty  du^côlé  deXtfursain. 


"«. 


SCÈNE  l. 

UTCA9^  GATAU ,  hahUiés  en  pausans.  du  temps  de 

Hennir. 

(L'oo  enicau)  on  cor-dp-ch«Me  danç  râoifpcment) 

Pabgitzvsii  !.]naii&*sallp  Gatan»  entendaif-yous  cet 
comeuK-là?  Encore  un.cQup,  ▼, nais  Ypus  en  voir 
la  chasse  avec  moi.  AU  n  est  pas  loin  d'ici..  Allons 
du  côté  que  j  entcQdonjsIjes  c^ars^ 

ca:](au.. 
Oh  !  Lucas ,  je  i^  on^  pas  te  temps  ; Jl  .fapt  que  je 
nous  en  retournions  cheu]L.nous. 

LUCAS. 

Pâme!  c'est  que  ça  n  arriye  pas  to^/s^left  jours , 
au  lopins,  que  la. chasse  vi:pn.pç.  jiusqu'à  Lienr- 
sain.....  J'j  verrons  peut-être  ngïticp  hçff%  rpj  Henri. 

CATAU. 

Vraiment ,  j 'aurions  hie&enyie  di^lVoir,  car  je 
ne  Tconnoissons  pas  pus  qu'toi ,  LuQas  ;  mais  il  se 
fait  tard ,  ina  mère  m'attend  :  faut  que  je  Vj  aide 


364  LÀ  PARTIE  DB  GËASSE  D£  &ENRI  IV. 

à  faire  le  souper.  Mon  frère  Richard  arrive  ce 

•oi». 

ttrcAs. 

Qaoi!  M.  Richard  arrive  ce  soit?  Qoen  plaisir  ! 
queu  joieJ...  J  espérons  ^tx'il  détèmiinera  à  mon 
mariage  avec  vous,  M.  Michau ,  Totre  père,  qtfi 
barguigne  toujours. . . .  Mais  f  parguenne  !  cf  est  ' 
bian  mal  à'  yous  de  ne  m'avoir  pas  déjà  dit  c*te 
nouyell&'là  ! 

CATAU. 

Est-ce  que  j'ai  pu  tous  la  dire  pus  tôt  donc  ?  Je' 
yiens  de  l'apprendre  tout  à  Theure. 

LUCAS. 

Eh  bian  !  falloit  me  la  dire  fout  de  suite. 

CATAÙ. 

Qtiètl  raison  !  E5t-<;é  que  je  pourois  tous  dire 
ça  auparavant  que  de  vous  avoir  rencontré? 

iucAs. 

Bon  !  vous  pensiais  bian  à  me  rencontrer,  tani 
seulement  !  Yous  ne  pensiais  qu'à  courir  après  la 
chasse.  £st-6e  là  de  Talniquic  donc ,  quand  on  ai 
Une  bonne  nouvelle  II  apprendre  à  quelqu'un  ? 

CATAtr,  à  part. 

Hfais,  vojez  donc  qtieue  querelle  il  me  fait, 
pendant  que  je  n'ai  voulu  voir  la  chasse  que  parce 
que  je  savois  ben  que  je  l'rencontrerions  en  che- 
min, ce  bijou-là  (i.j  et  il  faut  encore  qu'il  me 
gronde  ! .  »*  fA  Lucas,)  Allez ,  vous  êtes  un  ingrat* 
LUCAS,  d'un  air  tendre. 

EhT  pardon ,  mam 'selle'  Gaf^  ;  c'est  que  j'igno- 


ACTÈII,  SCÈNEL  â€5 

rions  tout  çaj  nons....  Damelrojais-rotts?  Ces! 
i[ae  je  toq^  aimons  tant ,  tant ,  tant  ! 

GATAU. 

Eh!  pardi!  je  yons  aimons  ben  aussi,  nous, 
monsieur  Lucas  ;  mais  je  n  Vous  grondons  pas  que 
Vous  ne  Iméritiais. 

LUCAS,  en  rianL 
Oh!  tatigué!  vous  me  grondais  bian  queuque* 
fois  sans  que  je  le  méritions  ! . . .  Par  exemple ,  hier 
encore,  devant  M»  et  madame  Michau,  ne  me 
grondites-vous  paa  d'importance,  à  propos  de 
c'te  dévergondée  d'Agathe ,  qui  a  pris  sa  volée 
avec  ce  jeune  seigneur  ?' Dirais -vous  encore  que 
j'aviona  tort  ? 

CATAir,  d'un  air  mutin. 
Oui ,  sans  doute,  je  le  dirai  encore.  Je  ne  sao* 
rois  croire ,  moi ,  qu'Agathe  se  soit  en  allée  exprès 
avec  ce  monsieur.  C'est  une  fiUe  si  raisonnable, 
elle  aimoit  tant  mon  frère  Richard!..  .  Allais, 
allais ,  il  j  a  quetoque  chose  à  cela  y,  que  je  ne  com- 
prenons pas., 

LUCAS,  en  se  moquant. 

Oh  !  jamigoi  !  je  le  comprends  bian  y'moi. 

CATAU.. 

Oh!  tiens, Lucas,  ne  renouvelons  pas  c'te  que- 
relle-là, car  je  te  gronderions  encore,  si  j'en 
avions  le  temps.  Mais  j'ons  affaire..»  Adieu ,  Luca^. 

LUCAS. 

Adieu ,  méchante. 

Si. 


366  LA  PARTIE  DE  CHÂSSE  DE  HEIIRI IV. 

c  XT%v ,  /ici  jetant  son  bouauet  au  nés- 
Méchante!.,.   Tiens y.v*l&  poujr  t'apprjBQdce  i 
parlervi 

(  Eite  ^en  va.  ) 

SCÈNE  IL 

LtJC  AS,  seat,  regardant  du  côté  par  ou  Catau  est 

partie» 

Attendais  donc,  attendais  donc...«  La  petite 
espiègle,  aile  est  déjà  bian  loin.'...  C'est  gentil 
pourtant  ça. . . .  La  façon  dont  allme  baille  son 
bouqilet,  en  faisant  semblant  de  me  l'jeter  au  nez^ 
en  est  tout-à*fait  agveyahie*..  (Bamassant  le  hoa^fuet 
et  apercevant  Agathe  ea  se  relevant.)  Mais,  que 
▼ois-' je?  ons-je  la  berlue?...  Avec  tous  ces  biaux 
ajustoTionr-là  ?  c  est  mam'selle  Agathe ,  dieu  me 
pardonne! 

SCÈNE  III. 

i^GATHE,  habillée  comme  une  bourgeoise,  étoffe  du 
temps  de  Henri  IV;  vertugadin  en  grand  collai 
monté,  en  dentelles  fort  empesées,  et  coiffe  en 
dentelles  noires;  LUCAS. 

AGATHE. 

C'EST  jnoi-même ,  mon  cher  |4ucas. .  » .  De  grâce  ! 
écoute-moi  un  moment. 

tu  CAS,  ^interrompant. 
Tàtigué  !  comme  vout  vlà  brare  i'  mam 'selle 


ACTE  II,  SGÈIVE  III.  367 

Âgs^theï  Vous  vUà  vêtue  comme  une  princesse. . . . 
Vous  arrivais  donc  de  Paris....  de  la  cour  ?...  Faut 
qu'vous  y  ajiez  fait  eune  belle  forteune ,  dépuis 
six  semaines  qu'vous  êtes  disparue  de  Lieursain  ! 
M.  Jérôme ,  vot  père ,  qu'est  le  pus  p'tit  fennier  de 
ce  canton,  il  n'a  pas  dû  vous  reconnoitre...  Allais, 
voua  devriais  mourir  de  pure  honte. 
AOATBV,  d'unL  air  triste* 

Bêlas  !  les  appareQcea  sont  contre  moi  ;  mais  je 
ue  suis  poiqt  coupable.  Le  marquis  de  Gonchinî 
m'a  fait  enlever,  malgré  moi ,  et  m'a  fait  conduira 
a  Paris.  Ce  cruel  m'a  tenue  six  semaines  dans  une 
espèce  de  prison....  Ma  vertu ,  mon  courage  et  mon 
désespoir  m'ont  prêté  les  forces  nécessaires  pour 
me  tirer  de  ses  mains.  Je  me  suis  écbappée;  j'arrive 
à  l'instant ,  et  t  ajant  aperçu  d'abord ,  et  ajant  à 
te  parler,  je  n'ai  pas  voulu  me  donner  le  tempt 
de  quitter  ces  habits,  qu'on  m'avoit  forcée  de 
prendre,  et  qui  paroisseut  iiéposer  contre  mon 
honneur. 

LUCAS,  d'un  air  tno<jueur, 

a  Déposer  coiiktre  n^on  honneur  ! . . .  »  Les  biaux 
tarmes  !  Comme  ça  est  biae  dit  !  V'ià  ce  que  c'est 
que  d'avoir  demeuré,  depuis  yot'  enfance  jusqu'à 
l'âge  de  quatorze  ans ,  cheux  c'te  signora  Léoaore 
Galigai ,  là  ousque  ce  marquis  de  Çonchini  est  de«  " 
venu  vot'  amoureux.  Diime!  d'avoir  été  élevée 
cbeax.  ces  grands  seignei^rs ,  ^a  vous  ouvre  Tesprit 
d'ecne  jeune  fille,  ça!  Ça  vous  a  appris  à  bian 
parler....  et  à  mal  a^ir.«««  Mais,  parce  qu*ous 


i6B  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  tiENRI  IV. 

avais  de  lesprit,  pêtisaia-voii»  pour  ça  que  je 
io mines  des  bétes,  nous?.«^  Crajais-YOUs  que  je 
vous  crairons  ?  Tarare  !  comme  je  sis  la  dupe  de 
c'te  belle  loquence-li^  ! 

AGATBEi 

Mais ,  si  tu  Veux  bien ,  mon  ami* . . . 
LUCAS,  l'interrompant. 

Moi ,  TOt'amî ,  après  ce  qu'ous  ayais  fait  ?  l'ami 
d'une  parfide  qui  trahit  M.  Richard ,  à  qui  aile  as- 
sure qu'air  l'aiiiie  ;  et  qui  après  lé  plante  là ,  pour 
eUn  seigxieur  qu'ail'  ne  peut  épouser?...  à  qui  ail' 
vend  son  honneur  pour  avoir  dé  biaux  habits ,  et 
n'être  pus  vêtue  en  paysanne  ?  Moi ,  l'aitii  d'une 
criature  comme  ça!...  ûl  morgue!  ignia  non  pus 
d'amiqnië  pour'  vous  dans  mon  codur  qui  gni  en  a 
sur  mai  main ,  vôjais-vous  ? 

■        ■  à'gàtrç. 
'    Encore  un  coup;  Lucas  $  rieh  n'est  plu»  faut 
que.  ».i 

LUCAS,  ^interrompant. 

Rian  n'est  pus  Vrai. ...  et  çà  est  indigne  k  Ybm 
d'avoir  mis  comm'çale  trouble  dans  tiot*  village... 
d'aVoir  arrêté ,  tout  court,  nos  mariages...  J'étois 
près  d'épouser,  moi ,  mam 'selle  Câtau ,  la  sœur  de 
Ml  Richard.  M.  Michau ,  son  père ,  à  elle  et  à  lui , 
M.  Michàu,  qu'est  lé  plus  riche  meunier  de  ce 
royaume ,  vous  aUroit  mariée ,  yous-mênke ,  à 
M.  Riehard,  son  fils,  qu*est  un  garçon  d'esprit» 
qu'a  fait  ses  études  a  Melun ,  qui  parle  comme  un 
livre,  de  même  que  Vôti8j<».  qui  sait  le  latin,  et 


ICfË  il,  SCÊI^E  IIL  ^69 

éfià ,  it  cause  de  ça ,  et  de  dépit  de  ce  que  vdufl  l'ai» 
Tes  abandonné,  va,  se  dit -il ,  se  précipiter  dans 
leglise ,  à  celle  fin  de  derenlr ,  par  après ,  not* 
curé^ 

AOATHK. 

Fuisqtie  tu  ne  Yeux  pas  m  >n  tendre,  dis  -  moi  ^ 
dn  moins ,  si  Richard  est  ici.  ' 

LtTCAS. 

Non ,  il  nj  est  pasj  il  n'y  seYa  que  ce  soir.  N'a** 
t-il  pas  en  la  difperie  d'aller  pour  tous  à  Paris  ^ 
mam'selle,  à  celle  fin  de  demander  justice  à  not* 
bon  roi ,  qui  ne  la  refuse  pas  pu»  atlx  petits  qu'aux 
grands  7 

A  o  A  T  H  s ,  À  paft  f  en  ioupitànU        >- 

Que  je  suis  malheureuse  !.-..  Comment  me  jttsti-^ 
fier  ? . . .  (A  LucaSi  )  Sans  que  je  puisse  m'en  plain<* 
dre,  Richard  aura  toujours  droit  de  consenrer  de» 
soupçons  odieuxA 

lÙCAS. 

Il  auroit  un  grand  tort  deti  consarTer,  oui..^.. 
(Voyant  Agathe  en  pleurs,)  Bon  !  tous  larmojez!.... 
Eh  !  ouîche  !  tous  ces  pleurs  de  femmes- là  sont  de 
Vraies  attrappe-minettes. 

AGATHE* 

Hélas  !  je  te  pardonne  de  ne  pas  me  croire  sin<< 
cére...^  Mais ,  si  ce  n'est  pas  pour  moi ,  du  moins  ; 
par  amitié  pour  Richard,  rends-lui  un  serrice^ 
qu'en  t 'apercevant,  au  commencement  de  la  forêt ^ 
je  suis  venue  te  demander  ici...  C'est  pour  lui  qu« 
tu  agiras* 


970  LA  PARTIE  DE  GRASSE  BE  HlBNRl  lY. 

LUCAS» 

Yojon^  ».  quelque  c  est ,  mam.*sell^  ?- 
j^o^T  H  E  ;  tfét  affietueusemetU» 

C'est  un  service  qui  tend  à  me  jastifier  ris-à-ivis 
de  mon  amant,  s'il  est  possible...  De  grâce!  rends- 
lui  c^tyt  lettre  (eile  lui  préseg^te  une  lettfe)  qup  je 
lui  écrivois ,  h.  tout  hasard ,  et  que  loccaÛQ!^.  ijae 
je  trouvai,  sur-le-champ,  de  me  sauver  ne  m'a  pas 
mèm^  laissé  le  temps  d.'aoheyer. . . .  Donue-la.lui 
doxu;.  •  V  Prends-nipieu.  pitié ,  et  ne  me  isldui^  pi^ 
auidQsespoijc  eu  me  refusant. 
i,.u  c  AS ,  attendri  et  se  retenant  de  h  taUser  Vflir, 

Bailiez-moi  c'te  lettre ,  la  belle  pleureuse  ;  je  la 
lî  reudroua.  Vous  m'avez  atteudri  ;  mais  ne  peu- 
saia.pas  pour  ça  m'avoxr  fait  donner  dans  le  pa- 
/  gneau,  non....  non,  palsajigué!  et  je  ly  parlerons 
conti^  vous;  je  vous  en  prjéveuou^.d'av,anoe....  Jn» 
n  voulons  pas  que  not'  ami  Richard ,  et  qui  sei^ii 
bientôt  not'  biau-frére ,  achetient  chat  en  poche , 
en  teu  jdaisrvous ,? 

aoat.be. 

Y^KCfr  n'est  pas  toi  qu'il  m'importe  4e convain- 
cre de  mon  innocence  ;  c'çst  uipu  amant ,  c'est  sou 
père,  aux  pieds  desquels.)^  suis  résolue  de  m 'aller 
jeter  pour  leur  jurer  qu^  je  ne  suis. point  coupa- 
ble. . .  Ayertis-moi  seulemeu^  4^9.  que  Richard  sert 
arrivé. 

LUCAS. 

Oui ,  oui ,  je  ypus  avartîrou^f  Allais  »  allaif ,  je 
vous  le  promettons,  (  4$alhe  séhi^ne*  ) 


ACTE  II,  SCËITE  IV.  371 

SCÈNE  IV. 

tVC  AS,  seul,  et  mettant  ta  Uttre  dans  ta  poche. 

ComuM  ces  femelles  ayont  les  larmes  à  comman- 
dement! Ça  pleure  quand  ça  veut ,  déjà  et  d'un... 
et  pis,  quand  ils  agit  de  leux  honneur  >  ces  filles 
TOUS  font  d  shistoires ,  d*shistoires.<.  qui  n'ont  ni 
père,  nîmère^  et,  presque  toujours,  nous  autres 
hommes ,  après  avoir  bian  bataillé  pour  ne  les  pas 
craire ,  j'finissOns  toujours  par  gober  ça...  Je  som- 
mes assez  benêts  pour  ça....  (Le  jour  baisse,)  Et, 
d'ailleurs ,  c'te  petite  mij'aurée-là,  qui  par  son 
équipée  m*a  reculé ,  à  moi ,  mon  mariage  avec  ma 
petite  Gatau,  que  j 'aimons  de  tout  not'  cœur! 
c'est-ii  pas  endévant  ça?...'.  Mais,  l'ami  Richard 
deyroit  être  arrivé,  car  le  jour  commence  à  tom- 
ber un  tantinet. . .  ;  (Voyant  parottre  Richard,)  £h  l 
mais ,  c'est  li-même. 

SCÈNE  V. 

RICHARD,  LUCAS. 

XVGAS,  courant  tembrasser, 
PAanr!  M.  Richard ,  que  je  nous  embrassions  !•• 
EneoTe..i.  morj^é!  encore.  Je  ne  m'en  sens  pas 
d*aise ,  mon  ami. 

aiGHAKU. 

Ah!  mon  cher  Lucas,  j*ai  plus  besoin  de  ton 
amitié  que  jamais  ;  mon  malheur  est  sans  ressource. 


^yn  LA  PARTIE  D£  CHASSE  D£  HENRI  ly. 

L  JJ.C  A  9« 

J'nous  en  étioa^  toujours  bian  douté.....  M»|s, 
«oi|ini9Ut  ça,  dooc? 

Gomment?.,.  Tu  as  tu  que  j*étois  parti  pouik^ 
Paris ,  dans  le  dessein  de  m'aller  jeter  aux  pieds 
de  sa  majesté;  mais  ce  malliçureux  marquis  de 
C!!ouchini ,  qui  a  su  mon  projet  /  sans  doute  ^  par 
ses  espions,  dont  je  me  suis  bien  aperçu  que  j*é- 
tois  suivi ,' ma  &it  dire  qu'il  me  feroit  arrêter  si 
je  restois  à  Paris. 

LU)CAS. 

Queu  scélérat  ! 

B  I  c  H  A  B  x>. 

Cp  ne  sont  point  ses  menaces  qui  m*ont  déter- 
miqé  à  revenir,  c'est  Une  lettre  qu'après  cela  j'ai 
reçue  d'Agathe...  La  perfide  p 'écrit  qu'elle  119 
tat'aime  plus.. 

tVCASr 

Air  vous  aveit  déjà  écrit? 

n  I  c  H  A  nj) ,  trèf  vivement. 

Oui ,  Lucas.  Bile  m'a  écrit  qu'ellls  ne  m'aimoit 
plus,  elle!.,.  elji«j...  Ab!  »axi$AqtUfi  «et  infâme  sé- 
ducteur ,  ^it  par  fbr0e ,  soit  pai;  adosse,  est  par- 
venu à  s'en  fair^  ai^er,  luirméne. .  Elle  an^a  éti 
éblouie  par  la  grandeur  imposant^  dei  qa  "viX  ^ 
gneur  étranger.  * 

Quoi!  allTaime?  vrai? 


ACTE  H,  SCÈNE  V,  373 

AiGHABD,  avec  transport. 

Oui,  elle  laime-;  elle  ne  m'aime  plus. . .  Ma 

rage!...  Hais  calmoûs  ces  transports ,  qui  ne  font 

qu'irriter  mes  maux...  Oubiions-la...  Je  ne  là  veux 

jSàit  de  ma  yie. 

LUCAS^ 

Oh!  TOUS  &T6i  trè»  bian.  AU* est  ici,  c'tapen.'x 
dant. 

ftrcHA&Dy  très  vivement^' 
Elle  est  ici  ?  elle  est  ici  ? 

LUCAS. 

Oui,  air  est  ici  de  tout  à  c*theure.  AU'  m'est 
déjà  venu  mentir  sur  tout  ça ,  la  petite  fourbe!  et 
pour  se  justifier,  ce  dit-elle,  ail'  m'a  même  baillé 
pour  TOUS  eune  lettre,  que  j'ons  là. 

mCHAiiD,  encore  plus  vivement» 

Quoi!  tu  as  une  lettre  d'elle,  et  pour  moi? 
Donne  donc* 
LUCAS ,  lui  montrant  la  lettre  sans  la  lui  donner r 

Tenais,  la  v'ià;  mais,  crojais-moi,  déchirops- 
la  sans  la  lire.  Gnia  que  des  faussetés  là-dedans. 
niCH  Abd,  M  /tti  arrachant. 

Eh  !  donne  toujours. ..  (A  pari.  )  QueUe  est  ma 
faiblesse  !.. .  (A  Lucas.)  Tu  as  raison,  Lucas,  je  ne 
devrois  pas  la  lire. ..  Mon  plus  grand  tourment  est 
de  sef^tir  que  j'adore  encore  Agathe  plus  que  ja" 
mais. 

LUCAS. 

C'en  feian  adoré  à  vous.  (Richard  ouvre  la  UUrê 

Tlxikxtt.  pomédies.    l3.i  33 


374  LA  PARTIE  DE  CHASSE  M  HENRI  IV. 

et  se  met  ik  ta  iife  bas.  )  Mais,  lisais  donc  tout  haut, 
que  \e  voyions  c*  qu'ail'  chante. 
RICHARD,  lisant  ta  lettre  haut ,  d'une  voix  altérée  ^ 
et  le  cœur  palpitant. 

Très  volontiers.  (Il  lit.  ) 

«  Le  lundi ,  à  six  heures  du  matia.  >i 

<c  N'ajoutez  aucune  foi ,  mon  cher  Richard  ^  à 
<{  Taffreuse  lettre  que  vous  avez  sans  doute  reçue 
u  de  moi  ;  c'est  le  valet--de-chambre  du  marquis  de 
«  Gonchini ,  ce  vilain  Fabricio ,  qui  m'a  forcée  de 
u  vous  l'écrire,  en  m'apprenant  que  vous  étiez  à 
ce  Paris ,  et  que  son  maître  étoit  déterminé  à  se 
ce  porter  contre  vous  aux  dernières  violences,  si  je 
ce  ne  TOUS  l'écrivois  pas.  Il  m'a  promis ,  en  même 
«  temps,  que,  pour  prix  de  ma  complaisance,  l'on 
c(  m'accorderdit  plus  de  liberté.  Ce  dernier  article 
tt  m'a  décidée;  car,  si  l'on  me  tient  parole,  je 
«  compte  employer  cette  liberté  à  me  sauver  d*ici. 
c(  Nul  danger  ne  m'effiraiera.  Je  crains  moins  la 
((  mort  que  de  cesser  d'être  digne  de  vous.  Je  vous 
((  écris  cette  lettre  sans  savoir  par  où  ni  par  qui  je 
.«  puis  vous  la  faire  tenir.  G  est  un  bonheur  que  je 
(•  n'attends  que  du  ciel ,  qui  doit  protéger  l'iuno- 
«  cence.  Je  vous  aime  toujours;  je  n'aimerai  jamais 
«que....  Mais  j'aperçois  que  la  petite  porte  du 
«  jardin  est  ouverte. . .  Ma  'fenêtre  n'est  pas  bien 
Îr  haute...  avec  mes  draps,  je  pourrai...  J'j  vole.  » 
(A  partj  après  avoir  Ifi,,) 

Ah  ciel!  elle  sera  descenduepar  la  fenêtre!  (A 
Idteas.)  Eh!  si  elle  s'étoit  blessée,  Lucas? 


ACTE  II»  SCÈNE  Y.  375 

LVCA9,  4iH»,  air  miUèur^ 
Blessée?...  Je  vei^OAS  de  la  voir....  Vous  don- 
nais don/c  comme  i;iii,gigiiavi  d^i^  toute  c't'ecnture- 
U^Tons? 

Comment!  qu^e  Teux-tu  dire? 

LUCAS. 

Tatigué  I  qu'aile  a  d'gnimagiAation  cHe  fiUerUi! 
La  bell^  lettse  !  qHBU  biau  s^le!  c<mim'  ça  est  ea 
même  temps  magDÎfique  et  parfide  ! 

BiCBABrD. 

Quoil  Lucas,  tu  pounrois  penser  queUe^me 
trompe  X  qu'elle  pousseroit  la  perfidie  jusqu  âk«.  « 
lUCAS,  tinterrompanU 
Oui,  morguéi  je  Icrojons  de  çeste.  Ce  marquis 
et  «lie ,  ils  auront  arrangé  c'te  lettçe-là  ensemble- 
ment,  et,  par  exprès,  po^r  quaus  en  sojrais  le 
Claude. 

11^109  Ans. 
Non,  elle  ne&t  point  capable  d'une  telle  bor-. 
reu1^;  et  toirmême. . . 

LUCAS,  l'interrompaHU 
-  Et  mpirméme. . .  je  vous  disons  que  c'est  sûre- 
ment Iftun  tour  de  ce  niarquis.  U  n'en  veut  pus; 
îl  la  renvoie  à  son  village. 

RICHABD. 

Comment ,  malheureuxl:  tu  t'obstinea  k  vouloir 
qu'une  fille  comme  Agatbe. . .  ^ 

LUCAS,  l'interrompant» 
Malheureux?....  Obi  point  d'injures ,  not'  amL 


3^76  LA  PAlltlE  ÔÈ  CHASSfE  DE  HÊIÎRI  tV. 

Mais,  tenais,  quand  je  n  nous  j  obstin^ions  pas  ^ 

là,  posez  qu'air  soit  innocente Après  ayoir  été 

six  semaines  clieux  ce  seigneur,  qu  est-ce  qui  le 
croira?  Faut  qu'ail'  le  prouve  paravant  que  vous 
puissiais  la  revoir  avec  honneur.  Voucbriais-vous, 
en  la  revoyant  avant  qu'ail'  soit  justifiée ,  coUFÎr 
les  risques  de  vous  laisser  eneorë'  ensorceler  par 
elle ,  et  qu'ait'  vous  conduisisse  à  l'épouser?  C'est 
ce  qui  vous  arriveroît,  ds,  et  ee  qui  sieroit  biav , 
H'est^e  pas? 

R I  c  d  A  K 1^ ,  tfès  tristemehU 
Our,  tti  a»  raison,  Lucas;  je  ne  dotapa»Ai'eX^ 
poser  à  la  voir.  Je  sens  trop  bien  la  pente  que  j'ai 
à  me  faire  iUusion.  Mais  allons  chez  toi ,  mon'  cher 
ami  :  j*^  veux  passer  une  heure  ou  detrx  pour  cal- 
mer mes  9ens  et  me  remettra  uii  peu.  (  U  est  tout^à-- 
fait  nuit,  )  (  Tendrement,  à  part.)  Ne  portons  poitit 
chez  iBon  pète  ^  et  au  sein  de  ma  famille ,  les  appa^ 
tfences  ,  4u  moins ,  du  cfaagrito  qui  me  dévore. 

LUCAS., 

Oui ,  V  nais-vou»-en  cheux  notis.  Auffs»  bian  rlk 
la  nuit  close I  et  c'tefbrét,  corajiie  vous  savais, 
n'est  pas  sûre  à  ces  heûres-ci.  Ignia  tant  de  bracon* 
niers  ef  de  voleurs  ;  c*est  tout  un.  (  Entendant  du 
hruité)  Tenais,  tenais,  il  me  semble  que  j'en  en* 
tends  déjà  quelques-uns  dans  ces  taillis, 
n  I C B  A B  n ,  écoutant  et  soupirant. 

Oui,  allons,  mon  ami.  Nous  parlerons  chez  toi 
de  ton  mariage  avec  ma  soeiir  Catau.  Puisque  le 
mien  tie  peut  pas  se  faire,  je  veux  presser  mon  péri 


»  ÀGTE  II,  SCÈNE  V-  877 

de  Unir  le  tien^  II  n'est  pas  juste  que  tu  touffres 
de  mon  malheur.  Ce  seroit  un  chagrin  de  plus 
pour  moi.. 

(l/f  se  retirent  ensembie.) 

SCÈNE  VI. 

LE  DUC  DE  BELLEGARDE ,  LE  MARQUIS  DE 
COIÏCHINI ,  arrivant  dans  i'obtcurUé  et  en  tdr- 
tonnant,. 

LB  MA&QUI9  SE   COVCHIHIr 

Ifous  ayons  manqué  nos  relais,  monsieur  le 
due  ;  eelà  est  cruel. 

LE  DUC  DE  BELLEGABDE. 

AhS  d*autan1^  plus  cruel ,  mon  cher  Conchini , 
que  nos  chevaux  né  peuvent  plus  même  aller  le 
pas...  Gomme  la  nuit  est  noire  ! 

LE.MABQUIS    DE  OOHCHIiri. 

L'on  n'y  voit  point  du  .tout.  J*ai  même  de  la 
peine  k  vous  distinguer.  Il  faut  que  ce  damne  cerf 
nous  ait  fait  faire  un  chemin. . . 

Z.E  DVG  DE  BELLEaABDB,  t interrompant. 

Un  chemin  du  diaMe  ! . . .  Quel  cerf  ! ....  11  s'est 
fisiit  hattre  d'abord  pendant  trois  heures  dans  ces 
bois  de  Chailli  :  il  passe  ensuite  la  rivière ,  nous 
ifait  traverser  la  forêt  de  Rongeant ,  où  il  tient  en- 
core deux  mortelles  heures.  Il  nous  conduit  enfin 
bien  avant  dans  Sentrt ,  ou  nous  sommes. . . 


3^3  LA  PAHTIE  DE  CHASSE  DE  HP^RI  IV. 

.  LE  MAB-Qiris  DE  C09 CBiVï ftifiterrofnpantm 

Sans  savoir  où  nous  sommes.  (Enfan^anf  venir 
quelqu'un,  )  Mais  j'entends  marcher»  Qudqu'uo 
vient  à  nous. 

SCÈNE   VII. 

LE  DUC  DE  SULLI,  arrivant  en  tâtonnant,  et 
saisissant  te  bras  du  duc  de  Bettegarde;  LE  DUC 
DE  BELLEGARDE,  LE  MARQUIS  DlË 
GOKCHINI. 

LE  DUC  DE  SVLLI,  au  duc  de  Beliegarde,  qu'U 

prend  pour  te  rol^ 

Ab!  sire,  seroit-ce  vous?...  Est-<îe  vous,  sire? 
LE  DUC  DE  BZLLza  A  fiB'K,  au  marquis  de  ConchinL 

C'est  la  voix  de  M.  de  Rosni ,  et  son  cœur  ;  car 
il  n'est  occupé  que  de  son  roi. 
LE  DUC  DE  suLLi,  reconnoîssant  te  duc  de  BeÙe^ 

garde. 

C'est  moi-même.  Eh!  c*est  vous ,  duc  de  Belle- 
garde?  Êtes-vous  seul  ici?  Savez-vous  où  est  le 
roi  ?  a-t-il  quelqu'un  avec  lui  ? 

LE  DVG  DE  BELLEOARDE. 

Il  ja  deux  heures  que  j'en  sois  séparé;  il  n'étoit 
point  avec  le  gros  de  la  chasse  quand  je  l'ai  perdu; 
et ,  pour  moi ,  je  suis  ici  uniquement  avçc  le  mais 
quis  de  Conchini.  ^ 

LE  MARQUIS  DE  covcaivt,  AM.  </e5ft//i. 

'Avec  votre  serviteur ,  duc  de  Sulli.  Mais ,  vo«f  i 
qu'avez-vons  donc  fait  de  votre  cheval  ? 


ACTE  II,  SCÈNE  TU.  3^ 

LZ   SUC    DE   8UI.LI4 

Je  lai  donné  à  un  malheureux  valet ,. qui  s'ççt 
cassé  la  jambe  devant  moi.  Mais,  dites-moi  donc, 
messieurs ,  en  quel  endroit  de  la  fbrét  nous  trou- 
yons-nous  ici? 

LE  MARQUIS  DE  C0RCHI5I., 

Ma  foi ,  nous  j  sommes  égarés  ;  voilà  tout  ce  que 
nous  savons. 

.  LZ  DUC  DE  BELLEOARDE. 

Cela  est  agréable^  et  surtout  pour  un  galant 
chevalier  comme  moi ,  qui  devois ,  ce  soir  même , 
mettre  fin  à  une  aventure  des  plus  brillantes.  Soit 
dit,  entre  nous,  sans  vanité  et  sans  indiscrétion» 
meifliears. 

iiE  DUC  DE  SULLI,  d*un  air  brusque. 

Duc  de  Bellegarde ,  vous  n*avez  que  vos  folies  en 
tête  !  Je  pense  au  roi ,  moi.  Il  n'aura  peut-être  été 
suivi  de  personne;  la  nuit  est  sombre  :  je  crains 
qu'il  ne  lui  arrive  quelqu'accident* 
is  MABQUis  DE  covcuivi,  d'un  air  indi0rent* 

Bon!  quel  accident  voulez-vous  qulil  lui  ar- 
rive? 

LE  DUC  DE  suLLt,  vic^emenf. 

Eh  quoi  !  monsieur ,  ne  peut  *•  il  pas  être  ren- 
contré par  un  braconnier,  par  quelque  voleur? 
Que  sais-je,  moi?  {iiAvec  colère*)  En  vérité,  le  roi 
deVToit  bien  nous  épargner  les  ^larm^s  où  il  nous 
met  pour  lui!  Que  diable!  ne  devroit-il  pas  être 
cantent  d*étre  échappé  à  mille  périls ,  qui  ét9ient 
peut-ôtre  nécessaires  dans  le  temps?  et  cet  homme* 


38o  LA  PARTIE  D|:  CHASSE  ÛE  HEKRI  lY. 

ê 

là  ne  sauroit-il  se  retenir  de  s  exposer  encore*  $Lty> 
jourd'hui  &  des  dangers  tout-à-fait  inutiles? 
LE  DUC  DE  BELLEGAnDE,  (fuii  air  léger. 

Eh!  mais,  mais,  mgn  cher  Sulli,  tous  mettez 
les  choses  au  pis.^..  J  aime  le  roi  autant  que  tous 
l'aimez ,  et. . . . 

LE  MARQUIS  DE  coscaiNi,  t interrompant ,  d'un^ 

air  indifférent. 

Et  moi  aussi,  assurément...  mais,  par  ma  foi! 
c'est  vouloir  s'inquiéter  à  plaisir  que  de. . . . 
LE  DUC  DE  SULLI,  l'interrompant  brusquemcnt. 

Vive  dieu!  messieurs,  nous  avons  une  feçon 
d'aimer  le  roi  tout-à-fsiit  différente  ;  car  moi ,  je 
vous  jure  que,  dans  ce  moment-ci ,  je  ne  suis  nul- 
lement rassuré  sur  sa  personne.  J'ai  peur  de  tou^ 
pour  lui ,  moi>  je  ne  suis  pat  aussi  tranqtiîlle  que 
vous  l'êtes. 

SCÈNE  VIII. 

UN  PAYSAN,  ayant  sur  le  dos  une  charge  de  bois; 
LE  DUC  DE  SULLI,  LE  DUC  DE  BEL- 
LEGARDE,  LE  MARQUIS  DE  GON- 
GHINL 

LE  VAtsàm,  chantant,  A  part,  sur  l'air  des  Forge- 
rons de  Ctfthère. 
ce  Je  suis  lin  Lficheron 
a  Qtd  travaille  et  qcri  chante.. .  » 
ts  DUC  DE  SULLI,  au  pagsan,  en  f arrêtant. 
Qui  valà?  Qui  es-tu? 


XS  ^ATSAir,  jietant  son  bois  de  frayeur,  et  tombanf 
aux  genoux  ete  M,  de  Sulti. 

Miséricorde!  messieurs  les  voleurs,  ne  me  tuais 
pas.  Mon  cher  monsieur,  si  rous  êtes  leux  capi*^ 
taine ,  ordonâais-leux  q^u'il»  me  laissiont  la  vie. . . . 
La  vie,  monsieur  le  capitaine,  la  Yiel'( Tirant  de  sa 
poche  son  argent  et  l'offrant  au  duo  de  Sutli.)  Vlà* 
quatre  patards  et  trois  carolus  ^  e  est  tout^ce  quer 
j'avons. 

L£    MARQUIS    DE    COVCBIV  l  y  à  M.  de  Sulil. 

Vous  !  capitaine  de  voleurs ,  mon  cher  surin-^ 
tendant  I  cela  est  piquant ,  atf  moiss  )  mais  très  ^i* 
quanti 

£  Ê  &u  c  »E  s  u  L  L 1 ,  d^tin  ton  sévère* 
C*est  plaisanter  mul-à^propo^  et  bien  légère^ 
ment ,  monsieur* 

LE  DtrC  DE  7£>tLÊGARlft'E,  UU  paySOtt, 

Lève-toi ,  mon  bon-homme ,  lève-toi.  Nous  ne 
sommes  point  des  voleurs ,  mais  des  chasseurs  éga-^ 
tés,  qui  te  prion»  d«  nous  conduire  ati  plus  pro- 
chain village. 

LE  FATS  AS ,  M  relevant. 

Eh!  parguenne!  messieurs,  vous  nétes  qu'à 
une  portée  de  fusil  de  Lieursain. 

LE  DX7C  DE  SVLLI^ 

D«  Lifeu^ata ,  dis-^tu  ? 

lE   PATSAK. 

Oui ,  moiisieav ,  et  vous  n'avez» qu'à  me  8uwr«v 


38a  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HEKRI  lY. 

I.E  DUC  n£  BKI.t.SaABOB. 

Bien  nous  prend  qne  ce  soit  si  prés  t  car  nous 
iommea  excédés  de  lassitude^ 

I,£    MAI^QUKS    DE    C0IICHI9I,att  p^yffiU. 

Et  nous  mourons  de  faim.  Dites-moi,  raoû, 
trouverons-nous  là  de  quoi  ? . . . 

L«  BATSAH,  ^interrompant, 

Ohl  oui ,  c^r  je  vous  voua  meuer  cIiqz  le  garde^ 
chasse  de  ce  canton.  Vous  j  trouverais  des  lapine 
par  centaine;  car  ces  gens-là  j  mangiout  les  la- 
pins ,  eux ,  et  les  lapins  nous  mangiont ,  nous  1 
LE  DUC  DEjSULLi,  donnant  de  l'argent  au  paif$a^. 

Tiens ,  mon  enfant ,  voilà  un  Henri ,  condui»- 
nous. 

LE  DUC  DC  BZLj,itoAKt>E,  au  paysan  y  en  lui  doU" 
nant  aussi  àe  targenK 

Tiens ,  mon  pauvre  garçon. 
LE  MARQUIS  DE  coscHiBi,  au  paifêaih,  es  tui 
donnant  de  n^me  de  l'argent. 

Tiens  encore.  Eh  bien  !  nous  crois-tu  toujours 
diss  voleurs  ? 

LE  PATSJlEr. 

Au  contraire ,  et  grand  merci ,  mes  bona  sei- 
gneurs !  Suivais-moi.  Dame!  si  je  vous  ous  pris 
pour  des  voleurs ,  c'est  que  c'te  fbrét-ci  en  four- 
mille ;  car ,  depis  nos  guerres  civiles  ^  biaucoup  de 
Ijgueux  avont  pris  c'te  profession-là. 

LE  DUC  DE  STLLI. 

Allons,  allons,  cou dttis-n&ùs;  et  marche  le  pre» 
mier.  .         ,  . 


ACTE  l!,  SCÈNE  Vllî.  3»3 

IS  ^ATSAH ,  leur  montrant  de  la  nuiin  un  chemin, 
quii  leur  fût  prendre^ 
YeBàis ,  venais  par  oe  petit  sentier  ;  par  ilà ,  par 
ilà. 

LE  DUC  DE  suLtiyÀ  part ,  en  faisant  passer  les  au* 
très  devant  lui  et  en  les  suivant. 
Je  sois  toujours  inquiet  du  roi  ;  il  ne  me  sort 
point  de  l'esprit. 

(  lis  ^éloitfnent  tous  les  (jUûtreJ) 

SCÈNE  IX. 

HENRI  ly,*  seul,  et  arrivant  en  tâtonnante 

Ov  vaisr-je?  où  suis-je?  où  cela  me  cohduit-il? 
Ventresaingris!  je  marche  depuis  deux  heures  pour 
pouvoir  trouver  l'issue  de  cette  forêt. ...  Arrêtons* 
nous  09  moment  et  voyons. . .  Parhleu  !  je  vois. . . . 
que  je  n'j  vois  rien.  Il  fait  une  obscurité  de  tous 
les  diables  !  (  Tâtant  avec  son  pied*)  Ceci  n'est  point 
un  chemin  battu ,  ce  n'est  point  une  route*;  je  suis 
en  plein  bois...  Allons,  je  suis  égaré  tout  de  bon... 
C'est  ma  faute.  Je  me  suis  laissé  emporter  trop 
loin  de  ma  suite,  et  Ton  sera  en  peine  de  moi. 
C'est  tout  ce  qui  me  chagrine-;  car,  du  reste,  le 
malheur  d'être  égaré  n'est  pas  bien  grand....  Pre- 
nons notre  parti  cependant.  Reposons-nous,  car 
je  suis  d'une  lassitude. .  »  Je  suis  rendu  ! . . .  (2/  s'as^ 
sied  au  pied  d*un  arbre  et  taie  le  terrain.  )  Oh!  oh  ! 
oette  plaée-ci  n'est  pas  trop.désagréablcfc  Eh! mais, 
là ,  l'on  n'jr  passeroit  pas  mal  la  nuit. -{Ce  coucher^ 


384  ^^  PARTIE  DE  CHASSE  SE  BEN  RI  IV. 

ci  n'est  pas  trop  dur.  X  en  ai ,  parbleu  !  trouvé  par 
Ibis  de  plus  mauvais.  (1/  se  couche  el  te  remet  tout 
At  suite  en  son  séant.)  Si  ce  pauvre  diable  de  duc  de 
SuUi ,  qui  ne  vient  à  la  chasse  que  par  complai- 
aance,  que  j'ai  forcé  aujourd'hui  de  m'j  suivre, 
s'est ,  par  malheur ,  égaré  comme  moi  !  Oh  l  je  suis 
perdu;  et  ce  seroit  encore  bien  pis  si  j'étois  obligé 
de  passer  la  nuit  dans  la  forêt;  il  Qie  £eroic  un 
train!..,  il  me  feroit  un  train!...  je  n'aurois  qu'à 
bien  me  tenir!...  Il  me  semble  que  je  l'entends  qui 
me  dit,  avec  son  air  austère  :  «  J'adore  Dieu,  sire! 
ce  vous  avez  beau  rire  de  tout  cela ,  je  ne  vois  rien 
«  de  plaisant,  moi,  à  faire  mourir  d'inquiétude 
(c  tous  vos  serviteurs.  »  Si  je  pouvois  cependant 
reposer  et  m'endormir  quelques  heures,  je  repren- 
drois  ûes  forces  pour  me  tirer  d'ici.  Essajons.  (ii 
se  recouche  et  paroU  reposer  un  instant  :  on  tire  un 
coup  de  fusil;  il  s'éveilie  et  se  relève,' en  metiani 
la  main  sur  la  tfarde  de  son  épée.  )  Il  7  a  ici  quelques 
voleurs.  Tenons-nous  sur  nos  gardes.. 

SCÈNE  X. 

DEUX  BRAGONNIERS^HEISRI  iT. 

LB  pnSMiEA  BBAcoNHiEB^  à  SOU  camara4e^ 
Es-tu  sûr  de  l'avoir  mis  à  bas? 

LE  SBCOSD  BaACOVSlBfL.. 

Oui  ;  c'est  une  biohe.  11  me  semble  l'avoir  evtr 
tendue  tomber. 


■  m  K  A« ,  à  part ,  en  se  relevant  et  allant  vert  U  fond 

du  théâtre^ 
Ce  sont  des  braconniers  ;  je  vois  cela  à  leur  en-- 
tretien. 
Zi^  pAEMiEn  BBACOHRiER,  à  4on  Camarade^ 
Ne  dis<-tu  pas  (joe  tu  la  tiens  ? 

IX   SECOlfD    BRAGOIf  KIER, 

Tu  reyes  creux.  Je  n'ai  point  parlé. 

LE    PEEMIBB    BRACONVISÏ. 

Si  toe  nest  pas  toi  ^ui  as  parlé ,  il  7  a  donc  ici 
^pl^u  ua  ^ui  nous  guette. .. .  Je  me  sauye ,  moi. 

(Il  s'éloigne,) 

SCÈNE  XL 

HENRI,  LE  SECOND  BRACONNIER. 

LE    SEC09D  BBACONHIEB,  à  part, 

I^AftouENfiB  !  et  moi ,  je  m'en  fîiis. 

(Il  s'éloigne,) 

SCÈNE  XII. 

HENRI,  seul,  et  appelant  les  braconniers^ 

£h  !  messieurs  !  . .  messieurs  ! . . .  Bon  !  ils  sont 
déjà  bien  loin..,.  Ils  auraient  pu  me  tirer  d'ici,  et 
pue  Toilà  tout  aus^i  ayancé  q[ue  j'étois. 


Théfttrt.  Goméai««.  l3«  '33 


»86  LA  PARTIE  DE  CBASSE  DE  &ENRI  IV. 

SCÈNE  XIII. 

MIC  H  AU  y  ayant  deux  pistolets  à  sa  ceinture,  et 
une  tanterne  sourde  à  la  main  ;  HENRI.  - 

V I C  B  A  u ,  saisusant  Henri  par  te  hras. 
Ah!  j'tenons  le  coquin  qui  yient  de  tirer  sur 
les  cerfs  de  notre  bon  roi ... .  Qu*£tes-yous?  allons, 
qu'étes-YOUs  ? 

BEiini,  hésitant. 

Je  suis,  je  suis....  (A  part,  en  se  boutonnant^ 
pour  cacher  son  cordon  bleu,)  Ne  nous  découvrons 
pas.. 

MICUAII. 

Allons,  coquin  !  répondais  donc.  Qu'étes-vous? 

,      HEM  RI,  riant. 
Mon  ami ,  }e  ne  suis,  point  un  coquin. 

*  MICBAU. 

M  est; avis  que  vous  ne  valais  guères  mieux,  car 
vous  ne  répondais  paa  aet!'Qnest-ce  qu'a  tiré  ce 
coup  de  fusil,  que  j Venons  d'entendre? 

Ce  n'est  pad  moi ,  je  vous  jure., 

AflCHAV. 

.Vous  mentais,  vous  mentais« 

BEBAI.. 

Je  mens..:,  je  mens...'*  (A  part»)  Il  me  semble 

bien  étrange  de  m  entendre  parler  de  la  sorte 

{A  Michau,^  Je  ne  meus  point ,  mais. . .« 


ACTE  II,  SCÊNS  Xni,  387 

.    MIC  H  AU,  tialerrompantm 
Mais....  xnais...«  malt. ..h  je  n*8ons  pas  obligés 
de  yoos  craire.  Quel  çst  yot  nom? 

9S9RI,  en  rianU 
Mon  nom. . . .  mon  nom  ? 

MICH^Air. 

Vot'  nom  ;  oui ,  yot'  nom.  N  ayous  pas  de  nom? 
Q*où  yenaift-yous  ?  Queuque  yous  faites  ici  ? 

H E nu I ,  à  paru 

Il  e&t  pressant....  (A  Michau,)  Mais,  yoilà  ide^ 
questions. . . .  des  (questions. . . . 

X I  c  H  A  u  ,  t* interrompant 

Qui  yous  embarra8sont«..,  je  yojons  ça.  Si  vous 
étiais  un  honnête  homme ,  yous  ne  tortillerais  pas 
tant  pour  j  répondre.  Mais  c  est  quVous  ne  l'êtes 
pas  ;  et ,  dans  ce  cas-là ,  qu'on  me  suiye  cheux  le 
gardenehasse  de  ce  canton. 

HENAI. 

Vous  suiyre  ?  £b  !  de  quel  droit  ?  de  quelle  au- 
torité? 

MtCHAV. 

De  queu  droit  ?  du  droit  que  je  nous  arro- 
geons ,  tous  tant  que  nous  sommes  de  pajsans  ici , 
de  garder  les  plaisirs  de  notre  maître....  Dame, 
c'est  que,  y4>jais-^you8,  d'inclination,  par  amiquié 
pour  not'  bon  roi ,  tous  Ts  habitants  d'ici  li  sar- 
yont  de  gardes-chasses ,  sans  être  payais  pour  ça , 
afin  que  yous  Tsachiais. 

9  V  V  a  I ,  a  part,  et  d*un  ton  très  attettdrl^ 

M 'entendre  dire  cela  à  moi-même  !.«.••  Ma  foi  ! 


308^  LA  FAïiTIE  1>E  CflASSE  DÉ^HENRT  IV- 

c  est  une  sorte  de  plaisir  q^  je  ne  connoissois  pas- 
eneore. 

niCHAYJ. 

Queuque  yoos  marmotai»  Ik  tottt  bas  ?  AUont , 
allons ,  qu'on  me  »niye. 

H  E-ff  a  1 ,  d*un  ton  de  badinage. 
Je  le  veux  bien.. ^.  Mais ,  auparavant ,  voudriez- 
vous  bien  m  entendre?  me  ferev-vous  cette  grâce- 
là? 

MkiCHAu,  d'un  ton  badin. 

C'est,  je  crats,  pu9  qu'où»  ne  uLérkîûs.  Mais, 
voirons  ce  qu  ous  avais  à  dire  pour  votre  défense. 
H  E  sr  n  I  ,•  toujours  d'un  ton  6adùu 

Je  vous  représenterai  bien  humblement ,  mou- 
«ieur,  que  j  a»  l'honneur  d'apparteniir  au  roi,  et 
que ,  quoique  je  sois  un  des  plus  minces  officiers- 
de  sa  majesté ,  je  sui^  aussi  peu  disposé  que  vous, 
à  souffrir  qu'on  lui  fluse*  fort.  J'ai  suivi  le- roi  à  la> 
chasse  :  le  cerf  nous  a  menés  de  lafo»ét  de.Fontai-^ 
B«bleau  jusqu'en^  celle-ci  ;  je  me  suis  perdu ,  et.  —  ^ 
M  te  H  AU,  ^interrompant. 

De  Fontainebleau  le  cerf  vous  mener  à-  Lieui^ 
lain  ?  ça  n'est  guère  viaisemblable; 

fl^EKRi,  à  part,, 

Ah  !  ah!  je  suis  à  Lieursain^ 

MICHAV. 

Ça  se  peut,  pourtant.  Mais>  pourquoi  avons- 
<[uitté,  avons  abandonné  notre  cheii  rcri  à  la 
chasse  ?  Ça  est  indigne ,  ça  ! 


ACTE  II,  SGËl^E  XIII.  369 

HEKItl. 

H«Ias  !  liion  enfant ,  c'est  que  mon  chcTal  est 
mort  de  lassitude. 

MICHiLir. 

Fàiloit  le  suÎTre  à  pied ,  morgné  S  S'il  y  airrive 
qnenqu'accident ,  vous  m  en  répondrais  déjà!.... 
Mais ,  tenais ,  }'ons  Lian  de  la  peine  à  tous  crairé. 
Là ,  dites-moi ,  là ,  dites-vous  vrai  ? 

HEVRI. 

Encore  un  coup,  je  vous  dis  que  je  ne  œns 
jamais. 

MiCRAtr,  h  paru 

(}ueu  chien  de  conte  !  ça  vit  a  la  cour,  et  ç^.  ne' 
ment  jamais.  Eh  !  c'est  mentir,  ça. 

H  EN  AI,  lé^èrémenU 

Eh  hien  !  monsieur  Tincrédiile ,  dohnex-moi  re- 
traite chez  vous ,  et  je  vous  convaincrai  que  je  dis 
la  vérité. . . .  (îl'ÏÙè  dé  sa  poché  Une  pièce  d'or,  et  ia 
lui  donne.)  Pour  commencer,  Véici  d -abord  une 
pièce  d'or,  et  demain  je  vou'S'  promets  de  vouis 
pa  jer  mon  gîte ,  au-delà  même  dé  vos  soiihaits. 

MI  G  B  AIT. 

Oh  !  tatigué!  je  voyons  à  présent  ^le  vous  dites 
vrai  ;  vous  êtes  de  la  cour.  VcrùS  béilkis  Utile  baga- 
telle aujourd'hui,  et  «vous  faisîèn  pdtirle  lende- 
main de  grandes  promesses ,  que  vous  n'qhivoârais 


pas! 


Il  a  de  l'esprit. 

33. 


3ç)D  LA  FAHrjE  m  CflASSE  DE  BEIÏRI IV .. 

MICHAU. 

Mais ,  apprenais  que  je  n'sis  pas  courtisan, moi, 
que  je  m'appelle  Michel  Richard,  ou  plutôt, 
qu'on  me  nomme  Michau;  et  j'aime  mieux  ça, 
parce  que  ça  est  pus  court  ;  que  je  sis  meunier  de 
ma  professions^,  (lui  rendant  sa  pUce)  que.i*nons 
que  faire  de  vot'argent  ;  que  je  sons  riches,. 

B£NBI« 

Tu  me  parois  un  bon  compagnon ,  et  je  serai 
charnié  de  lier  connoissance  avec  toi. 

MICHAU,  fronçant  tes  sourcils, 
(c  Tu  me  par6is! . . .  avec  toi  !.  ^.  »  £h !  mais,  y*8 
êtes  familier ,  mG|nsieur  le  mince  officier  du  roi  ! . . . 
£hî  mais,  j 'vous  valons  bien  peut-être.  Morgue! 
ne  m'tuta^ais  pas ,  je  n'aimons  pas  ça. 
H  £  H  n  I ,  du  ton  du  badinage. 
Âh!  mille  excuses, n^onsieur! bien  des  pardons... 

^ ,  u  X  c  H  A  V',  l'inUprompant» 
£h!  non,  ne  gouaillais  pas.  C 'n'est  point  que  je 
soj^ons  fiars;  mais  c'est  qi|.e  je.  n'admettons  .poini 
de  familiarité  avec  qui  que  ce  soit  que  paravant  je 
n'sachions  s'il  le  mérite ,  yojais-vous  ? 
BEsmi,  d'un  air  de  bonté. 
Je  vous  aime  de  cette  humeur*là.  Je  veux  deve- 
nir Fotre  ami,  M.  Michau,  et  que  noub  nous  tu- 
toyons quelque  jour. 

H I  c  a  A  u ,  /ai  frappant  sur  C  épaule. 
Oh  !  quand  je  vous  connoîtrons ,  çà  s*ra  diffé- 
rent. 


ACTE  II,  SCÈNE  XIIL  391 

a  s  5  B I ,  souriantm 
Oh!  oui,  tout  différent...  Mais,' de  gr&ce,  tirev 
moi  d'ici  à  présent^ 

Très  volontiers ,  et  pis  que  vous  êtes  honnête , 
je  veux  vous  faire  voir ,  moi ,  que  je  sis  bon-homme. 
\enei,  vous-en  cheux  nous;  vous  y  verrez  ma  femme 
Margot ,  qui  n'est  pas  encore  si  déchirée ,  et  ma 
£lle  Catau ,  qui  est  jeune  et  jolie,  elle  h 
benui,  avec  vivacité. 

Votre  fille  Gatau  est  jolie  ?  elle  est  jolie ,  dites- 
vous  ? 

MICHAU« 

Guiahle!  comme  vous  prenez  fîeu  d'abord!  vous 
m'avez  l'air  d'un  gaillard. 

H  ES  AI,  vivement. 

Mais ,  oui ,  j'aime  tout  ce  qui  est  joli ,  moi ,  j'aime 
tout  06  qui  est  joli. 

MICHAy^ 

Eh  !  oui ,  l'on  vous  en  garde  ! . . .  Oh  !  mais ,  né 
badinoii^  pas....  Yenais-vous-en  tant  seulement 
souper  cheux  moi...  Mon  fils  arrive  c'soir;  j'ons 
une  poitreine  de  viau  en  ragoût»  un  cochon  d« 
lait  et  eun  grand  lièvre  en  civets 

HENRI,  galment. 

Vous  aurez  donc  un  lit  à  me  donner  ?..•••  Mais, 
sans  découcher  mademoiselle  Catau, 

Oh!  je  vous  coucherons  dans  un  lit  qui  fist  dans 
not'  grenier,  en  haut ,  et  qu'est,  au  contraire ,  fort 


39a  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HEtIRI  IV, 

éloigné  de  lendroit  on  couche  Catau ,  et  ça  pour 

caase Je  vous  aurions  bien  baillé  le  lit  dç  nof 

fils ,  s'il  n  etoit  pas  reyenu  ;  mais ,  dame  !  je  tou» 
Ions  que  not'  enfant  soit  bian  couché,  par  par* 
férence.. 

H  E  BT  n  I ,  toujoai*s  gatment  et  avec  hotité. 
Gela  est  trop  juste.  Pardteu  !  je  serois  fâché  de 
le  déranger ,  et  vous  avez  liaison  ;  cela  est  d'un  bon 
père. 

MICHAU. 

G*e$t  qu'y  sera  las,  cesf  qn'j'Ben.  barrasse, 
vojais-TOUs?..,  Allons,  allons,  yenais>vou8-en , 
monsieur. . .  Avous  faim  ? 

HEiTBi,  i;f(^emeft(. 
Oh  !  une  faim  terrible  !  / 

MicnAv. 
Et  soif  k  Tayenant ,  n  est-ce  pas  ? 

H  EU  RI. 

La  soif  d  un  chasseur  ;  c  est  tout  dire« 

MICBÀU. 

Tant  mieux  !  morgue  !  y'm'àyais  Pair  d*un  bon 
vivant!  Bute^-vous  sec? 

H  SUBI,  gàtment. 
Oui ,  oui ,  pas  mal ,  pas  mal. 

MICBA17. 

Vouv  êtes  Inon  homme. . . .  Suivais-moi. ...  Je 
voyons  que  nous  nous  tutoierons  bentôt  k  table. 
J* allons  vous  faire  boire  du  vin  que  j 'faisons  ici.  Il 
est  excellent  ;  quand  ce  seroit  pour  la  bouche  du 
roi.. .  Lalssex  faire ,  nous  allons  nous  en  taper., 


lOTE  11^  SCÈNE  XriT*  SgS 

YEHAI. 

TeBCi^saingris  i  je  ne  demande  pas  mieux^ 

MICBAU. 

OL!  pour  le  coup,  j^  tojrons  bian-qne  tous  n'a- 
Tais-  pas  menti  ;  vous  M'  officier  de  not*  bon  roi , 
car  vous-  y'nais  de  dire  son  juron. 

H  £  V  B I ,  À  pof^f  0'i  ^^n  allaïu. 

Continuons  à  lui  cacher  qui  nous  sommes. .  •  Il 
me  paroît  plaisant  de  ne  me  point  faire  connoître. 
(Xi  j'eM  va  avec  Michau,  qui  ie  prend  paf  la  main.  ) 


via  »«  »x.coft>  Acss«. 


596  LÀ  PARTIE  DE  CHÂSSE  t>^  H£3mi  IV. 

>CATAV. 

Eh 'bien!  ma  mèi«,  contez-nu>î  donc  d'autres 
histoirei. . .  Contez-moi ,  par  exemple ,  d's'histoirei 
d'espritSL  C'est  ben  singulier!  je  n'youdrois  pas 
Toit  eun  jBsprit  pour  tout  l'or  du  monde,  et  si  c*ta- 
N  pendant  je  sis  charmée  quand  j*entends  raconter 
d's'histoires  d'esprits.  Si  ben  donc ,  ma  mère ,  quv 
TOUS  allez  m'en  dire  eune  ? 

M  A  n  Or  o  T  «  tout  en'fiiant. 
Volontiers ,  Catau ,  puisqu'ça  te  réjouît. . .  Mais 
c't'ella  est  ben  sûre ,  ma  ^Ue  !  c'est  Michau ,  c'est 

rot'  père  li-méme  qu'a  vu  ^reTenir  c't*esprit4à 

qui  reyenoit. 

CATAU. 

M  on  père  l'a  TU  ? . . .  il  l'a  yu  ? 

BIABGOT. 

Vot'  père. ...  Ce  ne  sont  pas  là  des  contes ,  puis- 
que, c'est  li-même  qui  l'a  tu.  . .  Je  n'yenions  que 
d'être  mariés ,  et  j  yenoit  de  perdre  son  père  j  et 
y'ià  que ,  tout  d'un  coup ,  quand  Michau  fut  oou> 
ché,  et  que  sa  chandelle  fiit  éteinte,  il  entendit 
d'abord  l'esprit ,  qui  reyenoit  sans  doute  du  sab- 
bat. . .  qui  s'glissoit  tout  le  long  de  sa  cheminée. , 
et  qui  entrit  dans  sa  chapbre  en  traînant  de 
{grosses  chaînes. . .  trela  à. . .  trela  à. . . .  trela  à. . , 
trela  ! 

c  ATA  V ,  tout«  tremblante, 
-  De  grosses  chainei  7  Ah  !  U.cçiur  me  b^  f, .  •  D« 
grosses  chaînes ?..• 


ACTE  ïli,  SCÈNE  L  % 

MAHGOT. 

ùvd,  mon  eiif«ut,  du  grosses  ûhaines;  et  ^ui 
foisient  un  bmlt  terrible  ! ...  Et  pis  après ,  le  reye^ 
nànt  allit  tout  droit  tirer  les  rideaux  de  aon  lit  2 
cric  ! .  < .  cracl. .  «  cric!  * . .  crac!  * . . 

c  AT  A  u ,  tremhkint  encore  davantage, 

Âlil  bon  Dieu!  bon  Dieu!  que  j'aurois  t'^ea  de 
iirajeur  !...  £lxJ  de  queue  couleur  sont  l'slesprits! 
Dites-moi  donc  ça,  pisque  mon  père  a  yu  c'ti-l&? 

MARGOT. 

Oh!  pardienile!  il  n'dl*  yit  pas  en  fade;  car  do 
peur  de  IVoir ,  vot*  père  fourrit  brryement  sa  tèté 
SOUS  sa^couyerture.  Mais  il  entendit  ben  dîstincte-r 
ment  lesprit  qui  lui  disoii  :  a  Hettds  II  monsieur  le 
u  étiré  six  gearbes  de  bled  dont  ton  pèrtf  li  à  hit 
«  tort  sur  la  dime ,  où  sinon ,  demain  je  yiendraî 
u  te  tirei^  par  les  piedSi  » 

cATAv^  piat  H^nUftantê» 

Ah  !  tout  mon  sang  se  fige  !  ;  < .  Et  mob  père  eut' 
il  ben  peur?  ( Ou  frappe  à  ta  porHé)  Bonté  diytnel 
n>M-«e  pas^làtin  esprit  ? 

MAAGOTj  ttemiiani auisL 

Kon,  non,  c'est  qu'on  fri^pe  à  It  porte. .V  Va- 
ft*e«  ooyrir,  Gatau. 

t AT At i  àêoUrkkt  dé  peurM 

Ah!  ma  mère ,  je  n*Oserois  !  Allez-j  yous-lnêjtat. 
Vous  êtes  plus  haBardeuss  que  moi* 

'  iiA.aGbt. 

Eh  ben!  eh  ben!  idt0ns-7  toutea  les  deux  tn* 
iemble. 


a^S  LA  PARTIE  Î)E  CHAS5IÇ  DE  HENRI  iV, 

CATAU. 

Mais  ne  pariai»  donc  pas  comme  *i  vous  aviaia 
pear ,  ma  mère  ;  ça  me  fait  trembkr  dayaatage,     - 

MAROOT., 

Non,  non,  mon  enfant,  81  je  pis  m'en  empêcher 
(On  frappe  encore  plat  fbn.)QvLi  va  là?  qui  ya  là? 
Tncaktiti^  endekors. 

C'est  moi  ;  ouTre». 

CATAU,  frissonnant  de  tout  son  corps. 
Ah!  ma  mère,  ça  ressemble  à  la  voix  de  mon 
frïre  Richard^...  T  uéra  mort,  9%  c'est  son  esprit 

qui  reviaqt» 

fi  AB  <»  o  T  »  se  rasswTMnU 

A  Dieu  ne  plaise  !....  J>i  daiis  ri4ée ,  moi  ^qat 

cleat  li-mème,, 

(  On  frappe  encore.  ) 

BiCBAftO,  endekors,, 

Oavitt  donc...  Eh  !  mais,  ouvres  done. 

H  A  a  a  o  T ,  courant  ouvrir^ 

Oh!  c'est  li-même  ;  je  vons  ouvrir.' 

SCÈNE  II. 

KICHAKD,  MARGOT,  CATAtJ. 

aicHARn,^  Margot ,  en  l'embrassantu 
GoMMEHT  vous  portez-vous ,  ma  mère? 

MAÏIOOT. 

fort  bien  ^  mon  cher  eufant. 


ACTE  ni,  SCÊÎTE  II.  399 

BiCHARD,  à  Qàtau ,  en  ^embrassant  autsL 
Et  TOUS ,  ma  sœur  Catàu  ? 

CATAU. 

A  merveille ,  mon  eher  frère. 

KiGaAK»,  à  Mar^oU 
J'ai  cru,  ma  mère,  que  vous  ne  vouliez  pas 
m'ouvrir? 

MARGOT. 

Mou  Dieu  !'  sifait ,  mon  pauvre  garçon  ;  mftis 
eest  que  ta  sœur  a  eu  une  sotte  frajeur.... 
GATAIT,  l'interrompant,  à  Richard, 
"Qxxi ,  c*est  qUe  ma  mère  a  eu  peuri..  Mais  qu'a- 
vovs  fait»  cher  frère? . . .  £h  biij9n  h  avons  vu  le  roi? 
MARGOT,  à  Richarde 
Est-il  bel  homme  ?  Oh  !  il  doit  être  biau ,  il  est 
si  bon! 

R I CH  A  R  D.. 

Hélas!  je  n'ai  pas  pu  le  voir.. .  Je  vous  conterai 
tout  cela.  Mais  permettes-moi  de  youb  demander 
auparavant  où  est  mon  père. 

MARGOT., 

Il  a  entendu  tirer  un  coup  dé  fusil  :  it  est  sorti 
pour  voir  qui  s'péut  être. 

RICHARD.. 

Lès  braconniers  ne  vous  laissent  point  tran- 
quilles? 

MARGOT. 

Oh!  c'est  eune  varmine  qu*oh  né  peut  dé- 
tranger. 


4qo  hk  PARTm  DiE  CÏÏA^E  W  ^ENRl  IV. 

M I C  8  ▲  V ,  fruppaHt  'en .  dehotB» 
Holkï  héel  Margot!  Çatftu  !  çunc  lumière ,  «up© 
luinièret 

M  A  n  G  o  T ,  À  Richard j  sn  aUant.ottvrlr  la  portç- 
Tians ,  tian$ ,  v'ià  ton  père  qu'arrive, 

SCÈNE  IIL 

9£NRI,   MICHAU,  MARGOT,  CATAU, 

HIGHARD. 

MÂnaOT,  à  Michau^ 

En  benl  rçoqain  ^u'ai  tiré  )e  coup  fiç  fiisil.est- 
jpris? 

H I C  8  A  v  ,  lajM  voir  d'abord  Richard ,  et  en  mofi'' 

trant  Henri. 

Non,  Margot.  Je  n'ons  rian  trouvé  que  c't  etraii* 
ger,  à  qui  faut  qu*tu  donner  ^  souper  et  tvm  loge» 
ment  pour  c'te  nuit, 

M^n^OT. 

Oh!  j'bnft  I>en,  nous,  trouvé  eun  étranger l)e|i 
majeur ,  pisqull  nous  appiirtient.  (  Montrant  Rt- 
chard%)  y Ikl^ichAvàr^Yenn. 
MiCBAv,  poufsant  très  fort  Henri ,  fMur  tUter  k 

Richard. 
I^ot*  fils  est  revenu!  ( Montrant  Richard  et  aUant 
i'émhrasser»  )  Eh  !  }e  vlà  ce  cher  enfant! 
.HENRI,  à  part  et  en  rianU 
Qn'il  xn'isnt  poussé  nn  peu  pliis  jPort,  et  il  m*«û| 
jçté  à  terre. 


ÂGTB  III,  SGËNB  III,  <ûi 

xiCHAU,  ^  IUckard% 
Mais  f|ueae  joie.de  te  revoir!  £h  bianl  comment 
t'en-ya,  mon  garfoii? 

BIGRAKD.. 

A  merveille ,  mopt  père ,  et  le  eifint  attendri  de 
Votre  bon  accueil, 

H  EN  ai,  a  paru 
Quelle  joie  nalye  ! 

Ma  foi  !  monsieur ,  vous  excuserais ,  je  si«  ravi 
de  voir  ce  pauvre  Richard,  si  ravi...  (A  Riclmrd, 
en  tournant  le  dos  à  Henri)  Ignia  pus  d  un  mois 
que  je  n'toos  vu. . . .  Obi  oui ,  faut  <|u*gniait  pus 
d'un  mots, 

MARGOT,  s  Richard^, 

Je  t'trouvons  un  peu  maigri. 

CATAu,  à  Richardr 

Oui ,  t^as  la  mine  t|n  peu  pàlote. , 
aiCHÂan,  à  Margot, 

Je  me  porte  bien ,  ma  mère....  (A  Catau,)  Cela 
Ta  bien ,  Gatau. 
HicHATJ,  s^atseifant  pour  se  pure  ôter  ses  guêtres. 

Tant  mieux ,  mon  ami  1,,{A  Margot  et  à  Catau.) 
Msis ,  ardez-onoi  un  peu ,  vous  autres ,  h  me  débar- 
rasser de  mea  guêtres,  car  j*ons  peine  à  nont 
baisser. .,.  (A  Richard,)^  Et  toi ,  mon  fils ,  di»-nou8 
idkmc;  aooate  ici.  (U  continue  de  parier  bas  avec 
Margot  f  Richard  et  Caiau,  4fui  p^oissent  tui  ré 
pondre  j  et  U  ne  àe  the  que  Ur$<fWit  U  toi  a  fini  son  k 

parte.) 

34. 


4oa  LA  PARTIE  D£  CHASSE  DE  HENRI  IV. 

HEHBi  y  à  part,  ïanAis  i^uits  causent  tous  enstmbie. 

Quel  piftiftir  !  Je  irtifs  donc  avoir  encore  une  foi» 
la  satis&ction  d'être  trahé  coinkiie  un  homme  or- 
dinaire y  de  Toir  la  nature  hamaine  sans  déguise- 
ttent;  celactot  ckarmant!...  (Regardant  Miehau  et 
sa  fiimllle»)  Ils  ne  prennent  seulement  pas  garde  à 
moi« 
M I  c  H  A  u ,  paroissant  achever  ce  ijuit  diséii  tout  bas. 

Mais  enfin ,  Richard ,  qu*est-ce  qui  t'a  fait  reve- 
nir sitôt"?  Est-ce  que  t'aurôis  réussi?  Aurois-tu 
parié  au  roi  ? 

/âichAan. 

Non ,  mon  père  ;  je  ne  Tai  pas  vu  plus  que  vous 
tous  ;  et  ce  qui  m'en  a  empêché ,  c'est  que  . . .  (Re- 
gardant Henrié)  Je  vous  eitpliquerai  cela  en  détail, 
quand  nous  serons  eu  particuiîer. . 

MICHAU» 

T'as  raison  ;  je  causerons  de  tout  ça  quand  je 
serons  seuls. . . .  Mais  »  à  c't'heure^^ci ,  mpi ,  .parions 
donc  de  la  chasse  du  roi ,  qu'est  venue  ici ,  d« 
Fontainebleau.  C'est  singulier,  çai....  (Montrai^ 
Henri,)  Et  ce  monsieur,  qu'est  un  petit  officier  de 
sa  majesté ,  à  ce  qu'il  di| ,  qui  l'a  soivi  kjtk  çhti$$9 1 
qui  s'estigavé ,  et  que  je  ramassons.,.        .  . 

aic^Anpv 

Cela  est  trè^  bien  à  vous ,  mon  fènyttJÈtoat»  !• 
recevrons  de  «ofrè mieux.. ^  -r  ;v    •< 

En  vérité ,  messieurs ,  je  suis  l)ien  sensible  à'  ti^ji 


ACTE  III,  8CÈ^E  m.  4o3 

bonnes  façons  paUr  moi l.,.(A part.)  Pardieu !  ces 
pajsans-ci  sont  de  bien  bonnes  gens. 

TÊicmt,  à  Margot  ^t  à  Cataa., 
Allons,  Mariât,  allons,  Catau,  iaites  -  nons 
ioiiper,  mes  enfants. 

lÉAAeOT. 

Not'  homme,  je  voils  demandons  encore  nn 
petit  (Judri  d'benre., 

(Etie  sorti) 

SCÈNE  IV. 

HENRI,  MICHAU,  RICHARD,  CATAU. 

CATAU,  à  Michauy  en  lui  montrant  la  table, 
M  OH  père,  v'ià  h.  nappe .  qvietoit  deja  mise 
d'avance....  (Montrant  Henri)  Je  vons  cha^chcr 
encore  un  couvert  pour  monsieu. . . .  (ii  Henri ,  en 
lui  filtrant  la  révérence,)  Monsieu  a-t'jr  euo  couteau 
sur  lui  ?  . 

HENRI. 

Non ,  belle  Catau ,  je  n'en  ^i.ppiftt:    .. 

GAVAV- 

J«  VOUS  f^povteséiii  dgne  «eluî  de  \m  cuisiae. 

(  Elle  9m!U) 


»  ' 


'  I 


4o4  LA  PARTIE  m  CnASSJ^  VE  HQItRI  IV, 

SCÈNE  V- 

BEIiRI,  MJC9AU,  RIiqBARD. 

Vous  ayiez  bien  raison,  papa  Miehan,  iiiad«- 
moiselie  Gat%ii  est  la  beauté  inéme, 

'  ariçHAy. 

Ob  !  sans  vanitaî ,  j'nons  jamais  fiiit  qne  d'biao^ 
•nfants ,  nous. ,.,  (^ppe/aiil.)4if air ,  Gatau  ï  béeï* . , 
J'onbUois,..^ 

SCÈNE  VI, 

ÇATAU,  HJENRJ,  AfIGHAU,  RICHARD, 

CATAu,  ^  MfcAaif. 
QviVQtfs  TOUS  sonbaitez ,  mon  père? 

WICBAU.' 

.Parguenn«  î  fille ,  c'est  que  j*n'y  pensions  pas. 
Rince  un  grand  gobelet. .,.  (montrant  Henri)  et  ap. 
porte  à  monsieu  eun  coup  de  cidre.  Il  le  boira  ben , 
en  attendant  le  souper  ;  il  doit  être  ajtéré  ;  c  nesl 
pas  comme  nous  V  ly.  ' 

«Esait 

Vous  me  prérenes;  j  aUoi&vou^.fbmanider  un 
ooup  à  boire. 

catau. 

Vous  Tallais  avoir  dans  l'instant  >  monsieu, 

H  £  V  a  X ,  /ai  pauant  ta  main  sous  U  menlon. 

Et  de  Totre  main ,  il  sera  délicieux. 

(  Catatf.  sott } 


ACTE  III,  SCENE  VII.  4o$ 

SCÈî^E   VU, 

*  ■  • 

HKNRI,  MIGHAU,  RI€HABD, 

MiGBAv,  à  Henri, 

C*fST  qjaqn  )^,»oi£  quand  on  ïi<:bMSéf-<  Je.  9^ 
yons  ça...^"^  Richard» )Eh  bian  !  mon  garçon ,  disr 
nous  donc ,  quenqu'  t'as  yu  de  bian  à  Paris? 

Mon  père,  quand  je  suis  arriyé,  quoiqu*il  y 
eût  plus  d'un  mois  passé  depuis  la  maladie  de 
notre  grai^ d  monarque ,  tout  Paris  étoit  encore 
iyre  de  joie  de  la  couyalescence  de  ce  roi  bie)) 
aimé. 

MICBAV. 

C'a  été  d'nféme  par  tonte  la  France  ;  mon  en- 
fant. Eh,  tians,  le  seigneur  de  uot*  yillage  ayoit 
bian  raison  de  d%eque  cest  lorsqu'un  roi  est 
bian  malade  qu'on  peut  connohre  tjusj^u'à  queu 
point  il  est  aimé  de  ses  sujets. 

beK'hi,  à  paru 

Quelle  douce  satisfaction  ! 

BiCBAAD,  à  Michau* 

Oui,  mon  père.  Hélas!  j'ai  yu  k  Paris  tout  Iç 
monde  heureux ,  excepté  moi. 

B  V  H  R I ,  avec  une  grande  vivaéit^  de  sentiment. 

Excepté  vous  y  M.  Richard?  Eh!  pourquoi  cette 
exception  ?  Quelle  raison ,  quel  chagrin  yous  avoit 
donc  fait  quitter  yotre  yillage  pour  aller  à  Paris  ? 


.4o6  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IV« 

MICBA¥. 

Oh  çâ!  c'est  euae  autre  Histoire  qne  Riehard 
ne  »e  soiicie  peUt-êt'  pas  de.  tous'  di^re ,  Yo jais- 

TOUS. 

benhi.  à  Richard, 
En  ce<îa3--l^>  j'aitort;  pardonniez  mon  in3iacré« 
tion. 

ICICBAV.'* 

Oli  1  %iiia  pfts  grand  tnal  à  ça. 

SCÈNE  Vlli. 

C  AT  AU,  apportant  an  pot  de  cidre  et  un  verre  ^ 
HENRI,  MiCHAU,  RICHARD. 

M  ic  H  A  u ,  k  Cataa.,  en  tnonlMnt  Kettri',. 
AliiOns  ,  rarsi  à  bcôre  à  monsigeto ,  ista  Gatau  ;  y 
t'saryira  l'^our  de  tes  noces. .  ^.{'Cflifiikfaii  prendre 
ie  verre  à  Henri  s.  et  lui  verse  d^  cidre.  )i{A  Henri.  ) 
JVous  ont  iÎEiit^doBner  du  cidre  ,  putôt  que  du  yin,. 
parce  qtie  ça  rafraîchit  mieux.. .^  ATakÛ^nnoi  ça , 
père.  (  Il  lui  frappe  sur  VépauU»)  ■ 

A  votre  santé ,  M..  Michau..  ...^  (A  Richard. }  A  la 
vitre,  M.  Richard.....  (A  Catau.)  A  la  vôtre,  et 
pour  vous  remereier,  très  Leilè  et  très  obligeante 
Catau.. 

HIGHAlT^ 

Eh  !  motgnc!  j'oublîois...  f^KicAarj. ) Richard, 
avant  de  iOuper  viens -l'en  ranger,  avec  moi  ^ 
queuciues  sacs  de  &rine ,  ém  sont  dans  not'  cour. 


ACTE  m,  SCÈNE  VIlî.         407 

Ne  faat  point  leux  laisser  passer-là  ]a  nuit  h  l'air.. < 
{Â Henri.)  Vous  voulais  bi»u  le  pfrtiMttrçv  non- 
sien?...  (À  Catau,)  Toij  Catau,  refte  ay^  not* 
h6te  pour  11  tenir  compagnie. 

C  A  T  A  n.. 
Vous  n*aui>ez  donc  pas  besoin  de  moi ,  mon 
père? 

MICHAV. 

ïfon ,  fille ,  tians-toi  là. 

(Il  4ort  avec  Richard  A  ' 

\      *' 

SCÈNE  IX. 

HENRI,  CATAU. 

H  E  V a z ,  <k  part,  fur  te  bord  du  ihéâlre. 
(Eir  yérit^,  la  petite  €atftu  est  ciianftaiMe!... 
mail  ^  ehamante  ! . .  ••  Si'  elle  snyoét  ^  j<e  «uisT. . .' 
Non ,  non ,  rejetons  cette  idée-,  ce  Mfott'vii^eT  les 
droits  de  rhospkalité. 

QaeoqaVoos  faites  donc  là,  tout  debout  ,^an» 

un  coin,  monsieu?  Qne  ne  yons  assisez-TOUs ? 

J>ons  TOua  chercher  une  chaise. 

(  ÉUe  faU'  (pÊei<fite$  pat  pour  alier  'cfurehet  une. 

.  chaiê», } 
H  B  S  a  I ,  Vunritant  jpar  la  r^aia ,  et  la  relemamt*    * 
Demeurez,  belle  Catau...  Je  ne  souffinouà  pAÎst 

que  TOUS  preniez  cette  peine. 

CA.TA17. 

Aga,  T'ià  encore  eune  belle  peine  l  Est-ce  que 


4o8  LA  PARTIE  DE  CHASâ^  DE  â£]^U  IV. 

vouft  noua  {>i«iiftîs  pour  vos  poapée»  die  tilles  de 
Paris ?.«.  Mti«  lâclmts ,  lâc&ais-i&oi  donc  la  main* 
B-ERAi,  la  lui  retenant  et  la  caressant:^ 
Totre  main  ?  Oh  I  pour  cela  non  ;  elle  est  tr6p 
jolie  ;  je  TOUX  la  garder. 

t  A  T  À  y ,  retirant  sa  main  rudetnent. 
Oh!  laissais,  s'il  vous  plaît.  J'n'aimons  pas  le» 
compliments  ;  et ,  surtout ,  ceux  des  messieux. 
Ignia  toujours  à  craindre  pour  les  filles  qui  les 
écoutons....  Je  savons  ça. 

,     ItEHBl* 

Oh!  vkùn  petit  co0ur!  vous  nOftiyien  à  crain- 
dre avec  moi. 

CATAtJ. 

ie anous  y. fions  pas ,  vojrais-vo^s...  (S'apcece- 
çant  ifige  Mej^ri  Ut  r^^rds  d'an  œit  de  eonvoitite*y 
Vous  me  regardait.  • . .  vous  me  «egardaia.  • .  •  /avec 
Ides  jeux....  avec  des  jeux....  qui  me  font  peut!..' 
Oh  !  vous  m'avez  tout  Tair  d'un  bon  enjoleux  de 
filletl...  ypjait  encore  comme  j  me  regarde  l 

BEitai,  eji  tianU 

Eh!  mais ,  voua,  Gatau ,  vous  m'aves  Tair  bien 
JEirouebe*  Dites-moi  donc ,  rétes-voua  àutaiit  que 
cela  ayec  tous  les  pajsans  de  votre  village?..  Avec 
une  auasi  jolie  mine ,  voua  deves  avoir  bien  dea 
aÎBOttreux? 

Eh"!  niait)  tredame!  monsiea,  je  u*e&  man*. 
quona  pat* 


ÀGTÊ  III»  SGENË  IX.    .        409 

HKVRIl. 

Je  le  crois  bien..'»*  Eh!  sans  doute,  il  j  en  a 
q[tiel<pi*nn  auquel  yotre  petit  cœur  donne  la  pré- 
férence ?  Je  le  trouve  bien  heureux!^ 

OATÀV. 

Eh  ben  !  y  dit  toujours  comme  ça ,  lui ,  qu'y 
n'est  jamais  assez  heureux....  Ces  hommes  ne  sont 
jamais  conten,ts. 

HBHBl. 

Cependant ,  vous  l'aimez  bien  ;  avouez -le  moi. 

CATAtr. 

&iî  queSt-cequî  n'aimeroit  pas  Lucaà?  G*ta« 
pendant,  parcie  qu'il  n'est  pas  autrement  riche, 
mon  père  barguigne  toujours  k  nous  marier  en- 
semble* 

HSHIII. 

Oh  !  il  faut  que  votre  père  vous  fasse  épouser 
Lucas,  qu'il  en  finisse  :  je  le  veux  absolnment^ 
je  le  veiïx. 

CATAtf. 

a  Je  le  veux ,  je  le  veux...  »  Gomme  j  dit  ça ,  c* 
monsieu!  «  Je  le  veux!...  »  Eh!  le  roi  dit  ben  s 
«  Nous  le  voulons. ...  »  Oh!  sachais  qu'on  ne  £iit 
vouloir  k  mon  père  que  ce  qu'il  yeut ,  luii 

H  E  B  a  I ,  en  riant. 

Quand  je  dis< . . .  que  je  le  veux.  • . .  cela  signifie 
aeolement  que  je  le  souhaite....  {A  patt,  en  t'éioi- 
^nant  un  peu»)  Tû  pensé  me  trahir  j  j'at  fait^là  le 
ffoi ,  sans  m'en  apercevoir. 

^  Tké«ir««  GoaidM««  t3«  35 


4.10  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IV. 

G  A  T  ▲  u  «,  ià  part  f  en  allant  à  Henri.  - 
T  rsou&aité  I  et  jr  me  planta  \ht ,  pour  aller  se 
moquer'  de  moi  tout  là-bas. 

B-BViii,  /a  caressant» 
Non,  ma  chère  fille;  et  tous  verrez  si  je  me 
moque..*  Je  compte  parler  à  M.  Michau ,  de  façon 
que  vous  épouserez  .votre  amoureux....  et  j  ose 
vous  prédire  qu'auparavant  que  je  sorte  dlici 
vous  serez  heureuse...^.  {La  serrant  dans  ses  bras.  ) 
Mais  bien  heureuse, 

GATAu ,  «e  défendant  de  ses  caresses. 
Allons,  allons,  ne  me  prenais  pas  commença; 
aussi'-ben  vlà  que  j'aperçois  mon  père. 

SCÈNE'X. 

MIGHAU,  MAOIGQT,  RICHARD,   HENRI, 
_     .   CATAU.      . 

MI  G  H  A  ir ,  ^  Henri ,  en  montrant  Catau, 
Paedov,  monsieu,  de  not'  incivilitai,  de  vous 
avoir  laissé  seul  avec  c*te  petite  fille ,  qui  ne  sait 
pasêticofe  entretenir  les  gensr^mais  cest  qu*fkat 
faire  «et  afiilres ,  ' primo ,  d'abord., 

KAB60T. 

Mon  mari ,  tout  est  prêt  pour  le  souper* 

(EUesorU) 


A.CTE  III,  3(!:ËNE  XI.  4ii 

SCÈNE   XL 

H£NRI«  JtfICHAU,  BIGHARD»  GATAU. 

MieHAV,  à  Henri. 
£b  Kiaa  !  boatons^noos  à  table. 

GATAU.    ■ 

Faudrpit  l'avancer  ici-,  la  table,  ponr  ^u'on 
puisse  passer  par  derrière^.. ^  (A  Rickard.)  Mon 
frère ,  prêtez-moi  un  peu  la  main.  {Elle  va  pour^ 
prendre  ta  table  avec  Richard,  et  Henri  veut  lui  en 
épargner  la  peine.  ) 

HENnl. 

LaisseznmOii  faire ,  ma  belle  enfant.  Vous  n*êtes. 
pas  assez  forte.  ^ 

G  AT  AU,  te  repoussant.i 
Je  ne  sons  pas  assez  forte  ?..  Allons  donc,  mon> 
siea,  }e  ne  souffrirons  pas  qu'cheux  nous,  voua 
preniez  la  peine... 

H  EH  m,  t^interrompanH. 
Eh  !  non ,  laissez-jvioi  faire. 

MfCHAu,  à  Richard. 
A  noua  deux.  Richard....  (Miehau  et  Rtehard 
tfont  prendre  ta  table,  et  ils  V apportent  iur  te  devant 
du  théâtre.)  {A  Catau.)  Toi,  Catau,  va-t'en  avartit 
ta  mère ,  et  sarye^nous  à  souper  tout  de  suite» 

(  Catau  sort»  ) 


4 1  »  LA  PARTIE  DE  GBASSE  DE  HESmi  IV. 

SCÈNE  XII. 

HENRI,  MICHAU,  RICHARD.. 

(Pendant  que  Micliau  et  Richard  apporteQt  la  table, 
Henri  va  chercher  le  banc ,  et  range  les  ^jbçol  chaises 
de  paille  aïoE  deux  coins  de  la  table.) 

MiC'QAp  j  ^  Menfi,  0n  lui  arrachant  une  chaise  de  ia 

main. 
ObI    parguenoe  !  monsicu  ,  permettez -nous 
défaire  les  honneurs  de  cheux  nous.  Richard  et 
moi ,  j'aurions  été  chercher  le  bal|0  et  arrangé'  fort 
bi^n  nos  chaises ,  peut-être, 

^  BEITRI. 

Bon  !  bon  !  sans  fa^on ,  Jtf .  Mfchati. . . .  OK  !  par- 
bleu !  sans  façon» 
9iicnAv,  iui  arrachant  l'autre. chaise  de  la  iiùiiii.* 
Koi^ ,  monsieu ,  ça  ne  se  passera  pas  comme  ça  ^ 
TOUS  dit-on.. 

SCÈNE  XIII. 

MARCOT,  CATAtJ  ,  apportant  les  plats  du  souper  ; 
HEITRI,  MiCHAU,  RICHARD. 

M  fc  H  A  D ,  À  ioui  le  monde, 
Alicohs,  boutons -nous  vite  tretous  k  table,... 
(A  Henri,  en  lui  montrant  une  chaise,)  Mettais- voQf 
sur  c'te  chaise-li, monsieu...  {AMar^ot,  eu  lui  rnow 
trant  une  autre  chaise,)  Toî^ftlargot,  prends  <^*taate 
chaise ,  et  mets-toi  Ik, 


ACTE  III,  SCÈNE  XIU.         4, a 

Ehi  non,  prenais-la  pntôt;  vonf  ayais  d*cou« 
tcmiM  de  vous  mettre  sus  eune  chaise ,  mon  ami, 
H  s  V  B I  «  ^  Michau ,  en  lui  offrant  sa  chaise^ 

Mon  dieu  2  ne  vous  déplacez  pas ,  M.  Michàn  ; 
reprenez  rotre  chaise.  Je  serai  ravi  d'être  sur  le 
banc ,  moi  :  cela  m  est  égal ,  en  yérité. 

MICHAU. 

Morgue  !  monsieu ,  est-c*  qu  Vous  vous  gausser 
de  nous ,  ayec  vos  façons  ?  Je  sayons  viyre.  Est-c' 
^  Vous  nous  prenais  pour  des  cochons  ?  Faut-y 
pas  qu'un  étranger  ait  le  mejeur  siège ,  donc  ? 

BENllI. 

Allons ,  allons ,  j'obéis ,  monsieur. 

MiCBAU. 

Vous  faites  bian...  (A  Margot,)  Sieds-toi  donc^ 
femme.  Je  voulons  rester  là ,  entre  ma  fille  et  mon 
fils.  (Ils  s'asseyent  tous.)  {A  tout  le  monde.)  Ohl  ça  ' 
beuvons  un  coup ,  d'abord  :  ça  ouvre  rappétit. 

BEBBI. 

Vous  êtes  homme  de  bon  conseil ,  et  vous  in|« 
pirez  la  fi>anche  gaité,  M,  Michau...  (Refusant  de  la 
finie  qui  est  devant  Michau,  et  dont  celui-ci  /Si  offre  ^ 
et  se  saisissant  de  celle  qui  est  devant  lai.)  Non ,  ser- 
vez madame  Michau.. ..  (Montrant  Catau.)  Je  vais 
en  verser,  moi,  k  notre  belle  enfant,  et  je  m'en 
servirai  après* 

^  MIGBAV.. 

C'est  bian  dit (A  Margot)  Tiens  donc, 

femme. . .  ÇA  Richard.)  Tiens  donc ,  Richatd. . .  (lis 

35- 


4 1 4  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IV.. 

boivent  tous  à  la  santé  de  Henri  comme  leur  eom^iéJ) 
(A  Uenn.)  Monstev,  j'ons  Tfaonaeiir  dt  boire  k 

VOt'.Stttt^. 

fttCHAUD^A  Henri,  tnr  humant  à  sa  santés 

Monsieur ,  pctnûiettCT-vous  ? 

BEimi. 
Bien  obligé  y  messieurs  et  mesdames.  {A  Catau, 
en  lui  serrant  la  main.)  Je  tous  remercie ,  cbarmante 
Catau. 

c  AT  AU ,  faisant  un  petit  crL 
Aye  !  aje  !  monsieu ,  comme  vous  me  sanez  la 
main!  Ça  m'a  fait  mal,  da. 

HESni. 

Pardon ,  ma  belle  enfant  ;  je  suis  bien  éloigné 
d'avoir  l'intention  de  vous  jfaire  du  mal  ;  au  con- 
traire. 

M I G  H  A  u,  servant  Henri. 

Tenais I  monsieu»  je  vous  sars  ç'te  première  fois- 
ci  :  passé  ça ,  sarvons-nous  nous-mêmes  sans  çari- 
monie.  C'est  aisé,  car  nos  viandes  sont  toutes 
coupées. 

Kl  9  n  I ,  prenant  ce  que  lui  offre  Michau. 

Grand  merci ,  monsieur^  {A  Catau ,  ««  la  servant.l 
Que  j'aie  l'honneur  d«  vous  servir ,  ma  belle  voi> 
•ine.  Je  ne  sais,  si  tous  arex  ie  l'appétit j  mais 
vous  en  donneriez. 

QATAV. 

C'est  vat* gcftdQl  Ben  obli^^monueui  v's*étes 
bea  ^lil 


ACTE  III,  SCÈNE  XIIL  4i5 

M IG  H  A  V ,  À  MÀrgoL 
Prends  doBC^  femme.  (  A  Margot  efà  Biekard.  ) 
Allons,  prenais,  vous  autres;  je  sissenri,  moi« 
( Us pmroiisenlmauger  commn  des  geais. afiunéi, sur^ 
tout  Henri,  ^tU  frange  avec  une  grande  vivaeiléj  ce 
qui  est  marqué  par  des  silences.)  V'ià  un  biau  mo- 
ment de  silence.  Allons,  ça  ya  bian  :  nous  man- 
geons comm*  des  diables. 

C'est  qu'il  n  est  .chère  que  d'appétk. 

HBvmi,  foui  en  mangeant  avec  vitesse, 
Ob  l  ma  foi  !  voilà  un  civet  ^ui  en  dtonneroit 
quand  on  n'en  aurait  pas.  Il  est  actommodé  admi« 
rablement  bien. 

MAnaoT. 
Ob  !  je  Tons  accommodé  à  la  grosse  morguenne  ; 
mais  G  est  que  monsieu  n  est  pas  difficile^ 
•^  bichaud. 

Non ,  ma  mèn ,  c  est  que  moileienr  est  honnête* 
Il  veut  bien  trouver  k  son  goût  oe  qu'il  voit  que 
nous  lui  donnons  de  bon  cœur< 

BEiTBi ,  en  mangeant  et  dévorant  encore^ 
ffon,  en  vérité,  sans  complimeiit ,  ee  civet-là 
est  une  bien  bonne  chose ,  d'honneur. 
M I  c  H  A 17 ,  prenant  la  pinte^ 
Eh  1  mais ,  si  je  bvàviàasas? 

C'est  bien  dit ,  ear  je  m'ésf  ooe .  (  VefBéUit  à  Ca- 
tau. }  Et  puis  je  vauK  griMt  un'  peu  madettoîsclle 
Gatau,  pour  lavoii  si  elle  a  le  vin  tendre. 


4 16  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HEKRI  lY. 

c  ATA V ,  hausMani  fon  ^àheleL  ^ 
Amus  ,  ànidfl ,  monsieu.  Comme  tous  y  «llaîi  ! 
(  Us  boivent  et  choquent  tous.  ) 

XAAaoT,  à  Richard,  oui  cesse  de  nuaufer^ 
-Quenque  t'as ,  mon  fils  ?  tu  ne  manges  point.. 

AIGHABD. 

J'ai  assez  mangé ,  ma  mère ,  et  je  n'ai  rien. 
MiCBiluj  ia  bouche  pleine.^ 

Ehbian!  Richard,  pisqne  tu  ne  manges  pus, 
chante-BOU»  la  p'tite  chanson.  {Â  Margot.)  Ou 
putôt ,  femme ,  commence ,  toi ,  ça  yanra  mieux. 
Tians ,  dis-nous  la  celle  que  le  gard**-cha96e  rap* 
portit  de  Paris  la  semaine  der^ète? 

MAnOOT.. 

Laqueulle  donc  ? 

MlCBAV. 

Eh!  parguenne!  la  celle  qui  décourre  le  pot 
aux  roses  des  amours  de  not*  bon  maître  arec  c*te 
belle  jardignière  du  châtiau  d'Anet. 
V  A ^ oo T ,  avec  embarras. 

Eh  !  mon  ami ,  je  n'me  souylans  pus  d'iair. 

-MtCHAV. 

Tu  rêyes  donc?  Eh!  c'est  l'air  decenoël  nou- 
Tîau; 

(Chantant.) 

et  Où  s^en  vont  ces  gais  beige»,  ete.  » 

MAEoo^T,  ^interrompant* 

^    Ah!  oui ,  oui ,  je  ml'ri^^eUe.  En  r'ik  assex  {A 

MenrL  )  Voua  exiWferais ,  .monv^pu ,  ai  j  chantons 

comme  au  yilli^e. . 


ACT£  III,  SCËNB  XIII^        .^ly 
Oh  I  je  Sttts  sûr  que  tous  chantex  tvèê  bien. 

•     MARaOT. 

C'est  Tot'  grâce. . .  Maia  y'ià  to9  joun  la  chantoa, 
à  bon  compte; 

(  Elte  chante. } 

C'est  dans  Anet  que  Von  Toit 

La  belle  jerdigpière, 
Qu'un  grand  prince  y  à  ce  qu'on  croit , 

Aime  d'une  magaière 
Qu'avant  deux  du  trois  mois  Ton  prëyoît 

Qu'aile  deviendra  mère.  ' 

jfiCHAir,  à  Henri j  en  interrompant  Margot. 
V.  Aile  dcTiendra  mère!  »  C'est  un  peu  libre,  ça* 

HElTBi,  soarlant. 
Oui ,  oui  ;  ce  n'est  pas  autrement  se  gèner« 

MAAOOT. 

Acoutais  àone  le  reste  ;  ignlen  a  encore  deco^ 
yarsets. 

(  Elle  chante.  ) 

C'ait  lui  qui  de  ta  beauté, 

La  belle  jardignière, 
CeuiBit  avec  loyauté 

Cette  fleur  printagnière 
Dont  le  fruit, '4  sa  maturité , 

Te  dent  rendre  ben  fière* 


*  Le  grand-père  de  Dufresny,  dont  nous  avons  des 
09médies,  étoit^  fils  de  la  belle  jardii^ère  d'Anet  |t  de 
^ettri  tV.  (Note  de  l'auteur.) 


4i3  LA  PA&TIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  lY. 

,  M I  c  H  A  V ,  À  'Renri ,  tn  Interrompant  Margot» 
AUe  «un  raisoni d'être  fiarel  Tenais,  sli'aTioi& 
été  jolie  fille,  jauriois  touIv  ,moi ,  avoir  eun  reje- 
ton de  o'héro»»là  par  moirméme» 

CATAU. 

Fi  donc ,  mon  'pètt  ! 

MA]|«ox,  à  Michaum 
Ah!  ça  n'est  pas  sage,  not*  homme «, ce  qn'ons 
dites -là.   Ça  R«Bt  pas  benséyftnt^  Vaux  mieux 
mUaisser  acheTer  de  chanter. 

(  Ëtte  chanté, } 
Ta  fais  courir  après  toi, 

La  belle  jaidignière, 
Va  galant  ipi  sons  sa  loi 
A  mis  la  France  ^aquière  : 
Gaaoo»,  soldat  «  capiuine  et  lo», 
Tu  dois  être  bian  fiëve. 

BttCRAu,  à  HênrL 
L'appeler  gascon ,  ça  est  plaisant ,  ça  !  pi|^  Trai? 

B  £  V  ai ,  d'un  ton  ^dîn,  mait  sans  rire. 
Oh  I  très  plaisant ,  très  plaisanj  ! 

MICHAV. 

Oh!  oui,  oui,  ça  est  drâle!  {A  Rickard,)  Mais  k 
toi ,  à  présent.  Dégoise-nous  c'te  chansoo  que  t*a-i 
Yois  faite  pour  Agathe. 

mcHAan.. 
Ah!  mon  père!  depuis  qu  elle  m'a  trahi.... 
a  E  ir  a  I ,,  ^interrompant ,  tout  en  dévorant. 
Quoi  !  Totre  maîtresse  vous  a  tra}ii ,  M.  lUchard  ? 
Eh  !  contez-moi  donc  ^a. 


ACTE  ÏÎI,  SCÈNE  Xni.  419 

M I G  H  A  n ,  toujours  mdntfeaM. 
Ne  li  en  parlais  donc  pas  ;  vous  le  feriais  pleu- 
rer. Point  de  queustion  là-dessus.  V*s  êtes  trop  cu- 
rieux, au  moins.  {Â  Richard,)  Allons,  chante  ça^ 
te  dî^-je. 

^ A iiù or,  à  Richard. 

Oui ,  chante ,  inon  fîeu  ;  9a  t  eg'ajrera ,  et  nous 
itout.' 

CATAU,  à  Richard. 

Oh!  otû^  oui,  clunu^z,  chantes,  mon  frère;  et 
pift  j'en<cJifmi^xon3  evne  après. 

'HENRI,  at^ec  feu. 

Je  serai  ravi  de  vous  eft tendre  !  j'en  serai  en- 
chantée 

M I G  H  A  V  4  à  Richard. 

Allons ,  chante  donc;  je  le  yeux':  ne  fais  pas  Ici 
henais. 

K IC  H  A  n  D ,  d'un  air  triste  et  contrainti 

G  est  par  obéissance  pour  y'oùs  ,  mon  père , 
(  montrant  Henri)  et  .par  égard  pour  monsieur,  qui 
n  a  que  faire  de  ma  tristesse,  que  je  vais  «hanter i 
car  je  n'en  al  nulle  envie ,  en- vçrit^. 

(  Il  ch^tnte.  ) 

> 
Si  le  roi  m'avoit  donné 

Paris ,  sa  grand'ville , 
Et  qu'il  me  ÊiOftt  quitter 

L'ianour  dé  ma  nriey 
ladiff^iB  au  roi  Hèmi  t 


420  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  RESill  lY. 

«  Reprenez  votre  Paris. 
«  J'aime  mieux  mtmiA» 

«  Ogué, 
«t  J'aime  mieux  ma  mîe!  > 

[Eenri  se  détourne  et  répète,  à  demi-voix,  aU  roi 
Henri ,  d'une  façon  ^aU  et  d'un  aif  satisfait,  ) 
B  B  BT  R I  ,r«i  Michau ,  en  montÊ'ant  Richard,^ 
li'a  chanson  est  jolie ,  très  jolie ,  et  moAsietir  la 
ehante  à  merveille.  ^ 


MtCHAt!.  / 


Je  1  croîs,  qà*i  la  chante  ben !- Pargnenne !  eh! 
c'est  li  c[ui  l'a  faite. . .  Dame!  monsien ,  il  est  sayant 
not*  fils. 

a£«Hi,  àCaiaUé 

Et  vous ,  aimable  Gatau  ;  la  TÔtre ,  à  présent? 

CATAtJ. 

Je  n'nous  ferons  pas  presser  ^  je  n'ayons  pas 
tune  assez  belle  voix  poitr  ça.       \ 

(Eite  chante,  en  ayant  le  visage  touhié  vêts  Henri,) 

Charmante  GabrieUe,  ^ 

Perce  de  mille  dards , 
Quand  la  gloire  m'appelle 
Sous  les  drapeaux  de  lillarsy 
Cruelle  départie  ! 

Malhenreuxjovr  I 
Çtte  ne  sois- je  sans  vie» 

Ou  sans  amour! 

f^  Henri  se  détourne  et  répète  tipec  émotion  i  l^har- 
mante  Gabrielle ,  pendant  que  Catau  eontiniie  de 
chanter,  «f  sans  qu'eiie  iHnUtrompe  pour  ce/a. } 


à€TË  ni,  S€ÈN£  XnU         à%i 
asiiBi. 
C'est  ckanter  comme  un  ange,  {Il  einbrasse  Ca- 
tau,  )  CSela  mérite  bien  un  baiser. 

c  ATAu ,  honteuse  et  s'essu^ant  la  joue. 
Pardi  !  monsieu ,  y*«ites  ben  libse  avâc  les  filles. 

Allons;  tu  t'es  t'attire  ça  par  ta  gentillesse  j  faut 
en  conrenir.  (Sérieusement,  à  Henri.)  Mais  i  n'fau« 
roitpas  recommencer,  au  moins , monsieur;  jVous 
en  prions.  Guiable!  i  n'faut  que  tous  eu  montrer, 
à  ce  qu'i  me  parott. 

B  E  H  a  I  y  ^tUmcni. 

Pardon,  papa  Mitefaau  :  madëmoiielle  Catau 
m*aToit. transporté.  Je  n'ai,  ma  Ml  pas  été  le  maî- 
tre de  moi. 

MicBAU.fe  versant  h  boire. 

Gnia  pas  grand  mal. . .  £h  ben  I  moi ,  je  tous 
itou  TOUS  dite  eune  cbanson ,  et  pis  vous  vienrais 
me  baiser  par  après,  si  je  Tons  méritai...  Atten- 
dais que  je  trouvions  l'àir. . .  C'est  l'air  d'Henri  IV 
dans  les  Tricolets. . • .  La,  la,  la,  la;  m'y  Toici  :  j'y 
suis. 

(Il  chante») 

i'aimonsles  filles, 
Et  j'aimons  le  bon  vin.. .. 

(S'InterrompaHt,  &  tout  le  monde,) 

Allons  y  cborû. 

(  Tous  chantent  ç^^fuf  jpnmUn  vers,  ensemble*) 


422  LA  PARTIE  D£  CHASSE  D&BBNUi  IV. 

MiCHA'V,  chantant. 

De  nos  boDÂ  drilles 
"VoUiitoutlercfrafti: 

Eti'ftiBoliéleJAm-iiiik  r 

(  S'interrompàm  ;  à  toufte  monde. 

Chorû. 

'  «  •  » .     • 

(  Tous  chantent  Us^eux  derniers  vers  en  refrain  et. en 

chœur.  ) 

M 1 0  H  A 17 ,  chantant  Seud* 

Moins  de  toadriltes 
E««aait  troi4il^  leaiifi: 

D«no6;&miU9s, 
Si  r  lîguenx,  plus  humain,  ^ 

Eût  aimé  les  allés, 
.    ]Çût  aime  If  boQ  vin, 

(  S' interrompant  ^  à  tout  le  monde,  ) 

Gfaorû/ 

{fous  chantent  iet  deux  derhUlts  hfets,  eti  cAttur.) 

viiciiKv ,  chantant  seul. 

Vive  Henri  Quatre  ! 
Vive  œ  roi  vaillant  ! . . . 

(Henri  marque,  pendant  que  l'on ch^te  ce  couptet , 
une  sensibilité  si  grandie  ,  qu'elle  paroît  aller  jus- 
qu'aux  larmes  ;  et  c'est  dans  ce  poin\  de  vue  qu'ii 
doit  jouer  le  reste  de  cette  scène,  en  pleurant 
même ,  jusqu'au  montent  oè^lÉ^  lève  la  table.  ) 


À  le  triple  talent 
Pe  hoire  et  de  battre, 

Et  d'être  un  verd  galant. 

.'  '  '.     .  . .   • 

{^jApfè9SV<^  iihanté  y  à  tout  te  monde*  ) 

Ah  !  grand  chorû  po«ir  e«liii-là. 

(  Tous  reprennent ,  en  chœur,  te  couptet  entier,) 

Vive  Henri  Quatre , 
Vive  ce  roi  vaillant  ! . .  • 

(A  Henri X  en  interrompant  su  chanson,  ) 

Mais ,  parguenne!  nion»Î€u ,  Imyons  4  la  santaî 
de  ce  bon  roi,  et  tous  U  dirais ,  an  moins  ?..  Mais, 
dites-li,  vous  qu  avais  l'honneur  de  rapprocher , 
dites-li  ;  promettais-ie  moi  ? 

H  E  N  a  I ,  dahs  t'atteudrissemenL 
Je  vous  le  proçiets. ...  Il  le  saura  sûremefit. 
(Its  se  versent  du  vin,  et  choquent  tous  as^c  te  roi,  ) 
M  A  B  GO  T,  à  llff^,  en  ,s§  tfivant.pour  choquer. 
Et  que  je  l'bénissons  ! 
M I  c  H  A  u ,  à  Henri,  en  s€  ievant  et  choquant. 
Et  que  je  1  chérissons  ! 

G  AT  AU,  À  Henri  f  en  se  tevant  aussi  et  choquant, 
£t  que  je  l'aimons  pus  que  noui-mêmes  l 

9iG9AiiD,  à  Henri,  en  se  levant  tmssi  et  s'aitonr 

^eaut  pour  choquer, 

£t  que  nous  Va^rf  u#  l 


{a4  liA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IT« 

a  B  K  ft  I  •  À  part,  attendri  au  point  d'êtn  frit  à  venet- 

des  tarmet. 
Je  n  j  puis....  plus  tenir....  Je  suis  prêt  à  rerser 
des  larmes».. •  de  tendresse  et  de  joie. 

(itMedétOttrite,) 

Comme  tous  vous  détournais!  £st-c*gue  tous 
n'topais  pas  à  tout  ce  <|tte  je  disons-là  de  not*  roi, 
donc? 

BEHBi,  d*un  ton  entrecoupé. 
Si  fiiit..^  mes  amis...  an  contraire...  votre  amour 
pour  votre  roi....  m'attendrit....  au  point....  ^ue 
mon  cœur*...  Allons,  allons,  à  la  santé  do^ ce 
prince* 

^I/i  recommenoenf  à  ehoquêc^)^  ~ 

MAAOOT. 

D^  ce  bon  roi  I 

De  ce  cher  roi  ! 

MiCB^AV,  à  HenrU 
De  ce  vaillent  roi  1 

AiesABo,  à  HenW. 
De  ce  grand  roi  ! 

MICBA17,  à  Henri, 
De  ses  enfants ,  de  ses  descendants  f...  £h  bian  I 
dites  donc  itouf  un  mot  d*éloge  de  not*  roi.  Est-ce 
que  vous  n\>seriais  le  louer  donc ,  vous?  Avoui 
peur  ^*ça  ne  vous  écotcbe  k  langue  ?  M *est  avis, 
ii^orgtté  !  qu'vous  nl*aimaift pas  autant fue  qom... 


ACTE  III,  SGÊNEJCIII.         4^5 

Ne«^iex*Tons  pat  da  ces  anoMDg.  ligneux  ?^0h,  T*i 

n'êtes  pas  na  bon  François ,  morgue  l 

tfBvai,  dans  ie  dernier  aUendrUseme.ml, ^ei  cho* 

Fardonnez-moî. . . .  de  tout  mon  cœur....  k  la 
santé  de  ce  bon  roi  ! , . . 

mCHAu,  avant  d'avaler  so{i  via,  en  nontrefà^nk 

HenrL 
«  De  ce  bon  roi  !.. .  ir  Parguenne  !  Von  a  ben  de 
la  peine  à  yous  arracher  ça.. 

M  A  a  G  o  T ,  ^  Henri ,  après  avoir  bu. 
G*tapendant ,  ses  louanges  venont  d  elles-mêmes 
Il  la  bouche. 

G  AT  A  V  f  à  Henri ,  aprêÈ  avoir  bvu 
Ailes  ne  coûtent  rian. 

BiCHAAD,  à  Henri,  après  avoir  hu. 
Elles  partent  du  cœur. 

MiCHAUy  à  Henri ,  après  avoir  bu, 
Tatigué!  ça  fait  du  bian  de  boire  à  la  santé 
d'Henri. •..  \A  tout  ie  monde.)  Oh  ça!  je  n'man- 
geons  pus;  leyons-nous  de  table.  Aussi -ben, 
quand  on  a  eune  fois  bu  à  la  santé  du  roi ,  on  n'o- 
seroit  pus  boire  à  personne. 

AICBARD. 

Reportons  la  table  ,  mon  père  ,  afin  qu'on 
puisse  desservir  plus  commodément. 

MICHAV. 

T'as  raison.  .».(A  Henri,  qui  veut  aider  à  trant^ 
porter  la  to6/e.)Oh  ça!  allais-Tous  encore  fidre  vos 
çarimoniat  ?  J«  yous  le  défendons. 

36. 


4a5  LA  PARTIE  DE  CHASSE  DE  HENRI  IV. 

BSjiaiy  oidaAt  toujours  à  deuervir. 

Je  Yous  laiMàrai  iieiire  ;  faid«râi  seulement  an 
peu  la  t>elle  Gatau. 

MtCH  AU.. 

Je  ne  le  voulons  pas ,  vous  dis- je. .. .( ^4  Margot 
et  à  Catau ,  en  montrant  Henri.  )  Allons ,  '  Margot , 
GaAu,  achevais  de  nous  ôter  tout  ça,  et  pis, 
allais  mettre  des  draps  blancs  au  lit  de  monsieu. 

MABGOT. 

Oui ,  mon  axni ,  ça  va  et'  fait. 

c  ir  A  u ,  à  MUhau,  en  montrant  Henri, 
Oui ,  mon  père ,  quand  j*aurons  tout  rangé  ici , 
j*iron8 ,  ma  mère  et  moi ,  faire  le  lit  de  monsieu. 
B  E  n  n  I ,  tenant  (fuelgaes  assiettes. 
Tenez ,  ma  chère  Gatau ,  où  faut-il  porte?  ce 
^ue  je  tiens-là  ? 

CATAtJ. 

EhT  laissez-moi  faire.  Pardi!  mon  cher  mon* 
sieu  y  vous  avais  toujours  les  mains  fourrées  par- 
tout. 

M I  c  H  A  u ,  à  Henri. 
Pargnenne  !  voulais-vous  ben  leux  laisser  faire 
leux  besogne  elles-mêmes?  Vous  êtes  bian  têtu  , 
toujotts. 

H  E  V  n  I ,  aidant  encore  à  desservir. 

Eh  !  non ,  non  ;  j[e  ne  me  mêlerai  plus  de  rien  : 
voilà  qui  est  £iit. 

(On  frappa  à  ia  port»  de U ihatson. ) 


ACTE  III,  SCÈNE  XIll.  ^ay 

jf  £C  H  A  u ,  à  Richard. 
L'on  frappe'  k  &ot'  porte  ;  Ta  voir  qui  «est ,  Ri- 

I^IGH-AaS. 

jy  cours ,  mon  père. 
(Il  va  ouvrir  la  porte,  et  Margot  et  Catau  passent 
dans  la  cuisine  avec  les  ustensiles  du  souper.  ) 

SCÈNE  XIV. 

ffENRI,  MICHÂU,  JUGSARD, 

RICHARD,  A  Michatt ,  apercevant ÀgathCm 
J|XSTE  ciel  j  ç  est  A|^athe. 

SCÈNE  XVr 

AGATHE,  LUCAjS,  9BNRI;  MIC^AO, 

£  u  tt  A  ft ,  h  Agathe ,  ^êtue  en  paysanne^  • 
Eh  bian  !  mam 'selle ,  le  vlà,  M.  Richard  ;  par- 
lais-li  donc  ;  mais  y  ne  yous  croira  pas ,  yentais* 
vous-en. 

A&ATH  E,  à  Michau  et  à  Richard,  en  se' jetant  aux 
pieds  de  l'un  et  de  l'autre  successivement. 
Ah!  M.  Michau!....  Ah!  Richard!..  Je  yiens  me 
jeter  à  yos  pieds ,  et  yous  »upplier  de  m  enten- 
dre. « .  « 

RiGBABD^  t interrompant ç<  la  relevant. 
Releyes-TOUji,^  Agathe  • .  ^e  ne  souffrirai  pas. . 


4a8  LA  PARTIE  D;E  GBAj3$E  DE  HBNftI  lY. 

«  1 G  H  A  « ,  à  Agathe ,  en  inUir^mpant  Rickard. 
.    Oh  !  oh  !  ipi  TDui  amène  ici ,  ma  mie  ?  Faut  et* 
ben  impudente  pour  oser  eneore  remettre  lei  j^ed* 
«hettx  nous ,  après  €*qa*ous  avais  iait„ 

aiGBAED. 

Eh  !  mon  pire ,  épargnez. . .  « 
A  G  AT  H  s',  en  pleurs,  à  Miehau,  en  inUrrompani 

Richard, 

J'avoue,  monsieur,  que  l'excès  de  ma  hardiesse 
mériteroit  ce  nom,  si  jëtois  coupable;  mais  c'est 
le  marquis  de  Conehini  qui  m'a  enlevée ,  malgré 
moi. . .  Mes  pleurs  m'empêchent.  • . 

HKVBi,  à  part» 

Conehini!  Conehini!...  (JiMiehaa,*)Qiù  est 
cette  fille-là?  £Ue  m'intéresse  infiniment;  elle  est 
jolie.. 

IIIGBAI7. 

Ah  !  ouichel  c'est  eune  jolie  fille ,  qui  s'est  ven- 
due à  ce  vilain  marquis  de  Conehini ,  putôt  que 
dapouser  honnêtement  mon  fils.  Ça  fidt  eune  jolie 
fille  ça  ! 

(  On  frappe  encore  à  la  porte.  Margot  et  Cataa ,  <fui 
reviennent  de  la  cuisine,  vont  ouvrir, } 


1 


rfb 


ACTE    Ul,X>:^ 

SCÈNE  XVL 

MARGOT,  GATAU,  LUCAS,  LEOAED& 
CHASSE^  HEI^RI,  MICHAU,  AGATHE. 
RIGn'ARD. 

MAR60T  ET  ckt^Jf,  cmembte ,  à Mtchau». 

Mon  mari,  \    .    ^  '        «       m         j     t. 
_        .      .•  >  c  est  monsieur  le  earafH»ia8se. 
Mon  père,  J  ^      ^ 

M I G  H  4i  u ,  au  garde-rchasseiK 

Ah  !  ah!  q  cat  hian  tard  que« ... 

XiE  «.4ap£-CSA8ftE,  f interrompant». 

Cest,  M.  Michau,  qu'il  j  a  trois  seigneurs  qui 
QnX  chassé  aujourd'hui  avec  le  roi ,  qui  ont  soupe 
chez  moi ,  et  à  qui  ma  femme  vient  de  dire  qu^ 
TOUS  ayiei  cheji  tous,  un  seigneur  de  leurs  amis , 
ayec  lequel  elle  vous  ayoit  tu  rentrer  de  la  forêt* 
^Voyant  entrer  ie  duc  dé  SuJU,  te  duc  de  Betiegarde 
et  le  martfuis  de  Conchini.)  Mais  les  voici.  Bonsoir  ^ 
M*  Michau..  ^ 

MtC^AlL. 

Bonsoir ,  monsieur  le  garde-chasse. 

(  Le  gardc^hasse  se  retire»  ). 


»  I  <i 


I£  D£  CHASSE  PS  HMRI IV. 

SCÈNE  xyiii. 

LEDUC*ï)ESU't/LI,UE  DU€  DE  BELLE- 
.    OâHDE,  liE  MARQUIS  DÉ  CONGKIKI, 
HENRI,  MICHAU,  MAiRG'OT^  CATAU, 
AGATHE,  RICHARD,  LUGA^. 

MICHAU,  aux  deux  dv.cs  et  au  marquis ,  en  leur  mon- 
trant HenrL 
Votais  ,  mes  biaux  seigneurs ,  si  ce  monsieu4à 
est  un  seigneur  itout.  Je  nierais  pas.  Il  s'est  dit 
officier  du  roi.  (Tirant  Henri  par  te  bras,  qui  a  le 
visage  tourné  d'un  autre  côté,  )  Voirais ,  reeonnois^ 
sais-Tous  c't*lionnéte  homme-lk  ? 

r 

lE    DUC   DE   StriLl,    lE    DUC    DE   BEI.LEGABDZ, 

ET  £E  MARQUIS  DE  coNCHiiri,  ensemble,  à 
Henri. 

Quoi  !  c'est  vous ,  sire?....  Sire,  c'est  vous- 
mème? 

MICHAU,  MAB&^T,  LlUïAS,   GATAU,   BICBAUD 

EX  AGATHE,  tombant  tous  à  genoux  aux  pieds 

du  roi.  ^ 

Quoi!  c*est-là  le  roi?  o'est-là  notre  bon  roi, 
tiotre  grand  roi  ? 

HENRI,  avec  attendrissement. 

Relevez-Tous ,  mes  bonnes  gens  ;  relevez-yous , 
mes  amis...  je  le  Veux,  mes  enfants...  relevez-vous; 
je  vous  l'ordonne.: 

Agathe,  restant  seule  aux  genoux  du  roi. 

Non ,  sire ,  puisque  c'est  vous ,  je  resterai  à  vos 


ACTE  m,  sOÈNi:  xvn,      431 

pieos  pour  Voas  dtîaiatfâtff  foMlke  d'dn  cruel  ra- 
Tisseur,  du  mar<]«ilé  déConéllh»i  ,^ti»  m'A  arrachée 
t  tout  ce  ^{oe  )  aknè ,  ûh  motfteht  oit  j*étbi§  prête  L 
épouser  Richard*. . .  Les  larme»  éilbtifféiit  mi  T<oilc 
au  poftft. ...  * 

LE  MÂtLqjitê  A£  <:0lllCfirItfI,'<!pa/^ 

Ciel!  c'en  A^the. 
fl  z  H  R I ,  r«/«rvft»tt  ÂéfÉ^é,  «t  cl^tffi  Idii  èw/iw  auL  mat' 

ijuiï  dé  ConëhiHL 

Gotiob!nk . .  qu'atec'TOUs  i  ré|>0hd^e'?  £h  bfei^^ 
eh  bien?  répondes  deinc.  Vous-  paroisseï:  interdit? 
te  MA^QOi»  HZ  téVG'aivtfSë  Minutant  un  pet^l 

O'e^t  qttVitt  rieik  m'emba^ras^le,  sire...  cA^,  danft 
le' fond, poiir(}«ioi  serois-je interdit?. .;.  et., ..  n'af- 
yonerois-)ie  pas  à  votre  majesté  liiM  tàSeSvé. . . .  dt 
pure  galanterie'?  ' 

te  0trtt' DB  svjthi,  viviemenU 

J'adore  Dieu  !  quelle  galanterie!  y 

LE'I)0C  dB  BEttlBOAUDt. 

Eht  midè ,  il  fie  &u«  pai  prendi^e  cela  au  grave. 

HBITRI. 

Laîsset4e  don«  achevée.  (Àà^maf^uU)  Eh  bien? 

LB^HABQVtS  1>B  C'OffCHiflI. 

Eh  bieni  sire,  lo  fidt  est  que  j'ai  eu  en  vie...  ^ 
(  afftc  un  rhe  fbfcé)  mais  bien  envie  de  cette  jenne 
paysanne...  qu'à  la  vérité,  j'ai  aidé  un  pcfti  à  U 
lettre  pour  lui  fiedre  voir  Paris  mal^  elle.. . 
HBBBi,  't'intertompûnt, 

Maigté  elle?...  Vous  7  atés  éohc  etisj^Ofé  la 
violence? 


43ft  LÀ  PÀaTIE  D£  CHASSE  DE  HËHHI IT* 

LS  MJL^qvlé  OS  GOVGHim* 

Eh  !  mais ,  sire ,  si  tous  touIob.  ,  «.  G  est  mon  Ta- 
let-d»-chamb];ex[ai  me  l'a  ameift^,  ayec  bien  de  la 
peine;  et  je  Yais... 

V  E  V  B I ,  tiHîerrpmpakt,  d'un  àir  sivèrtm 

Eh!  c  est  cette  violeiiee:^e  je  punirais 
LB  MAK^vis  DE  cosicHiax,  avec /kl. 

Ah!  sire ,  ne  ^'accablez  point  de  votre  colère  s 
j'arpué  mon  «rime;  mais  mon  orime  m'a  été  inn- 
tile,  et  n'a  &it  qne  tourner  à  ma  honte.  Agathe  est 
▼ertueose.  «.  •  Agathe  ne  m'a  point  cédé  la  victoire  ; 
et,  pont  la  remporter,  elle  a  été  jnsqn'à  yoolotr 
attenter  elle-même  à  sa  vie.  J'atteste  le  ciel  de  la 
.vérité  de  cç.que  je  dis.«.  et  qu'il  me  punisse  sur- 
l^-champ ,  si  je  vous  en  impoie«  «.  EhJ  dans  l'ins- 
tant, c'est  moins,  je  le  jure  à  votre  majesté^,  la 
crainte  de  ma  disgrâce  que  lea  remords  cruels  et  U 
repentir,  qui... 
«EVEi,  V interrompant,  d*an  air  no^te  et  sévère. 

Mais  il  ne  qie  suffit  point ,  à  moi ,  que  par  cet 
aveu,  par  vos  remords,  par  votre  repentir,  A gath* 
soit  justifiée  vis^vis  de  ces  gens-ci  ;  le  crime ,  d« 
votre  part.,  n'en  est  pas  moins  commis.  Je  leur  en 
'dois  la  répatation.  Ainsi  donc,  je  veux  que  voua 
lasties  une  rente  de  deux  cents  écus  d'or  à  cet^« 
fille,  et  qUe.... 

A.OATHE,  ^interrompant. 

Non ,  sire  „  je  me  çroirois.  déshonorée ,  si  j^ac- 
oeptois  de  cet  homme  des  bienfiûts  hontens  qai 
pourroient  laisser  des  soupçons.  .^ . 


ACTE  m,"  ip^îÈNE  xvir,       433 

B I  ç  H  A  A I» ,  l'interrompant  à  son  toui. 
Ah!  divine  Agatlie!  cet  areii  du  marquis  4e 
Çoncbiai...*..  et,  pjns  ^ncov^,  le  r^fos  que  ypifs 
yeqez  de  £ûre  des  bien^  ignominieux  ^  que  r,<^ 
vouloit  le  forcer  de  yo^s  donner ,  est  pour  j^qi 
une  p|eii)!3  et  entière  «onyiction  de  yotre  ii^nq* 
cence.,u..  Non,  vous  ne  fûtes  jamais  çoup^bjç; 
c'est  moi  qui  le  suis  d'avoir  pu  yo)is  çrpîre  un  seul 
instant  criminelle ,  et, . ,  • 

m;  CE  AU,  l'interrompant^, 
T'as  raison,  mon  ^Sjfet  tu  peux^à  présent 
apouser  c'te  digpp  enfant-là, 

EEiiai. 
En  c^  ca«-là ,  je  me  charge  dpnc  de  la  dette  de 
Conchini... .  (4ti  marquis*)  H^tirèz-vous ,  et  ne  pa« 
roissez  pas  dcyant  moi  que  je  nç  tous  le  fasse  dire* 

^Cor^clùni  se  retire») 

SCÈNE  xym, 

HENRI,  LE  DUC  DE  SULLï;  LE  DUC  DE 
BELLEGARDE,  MICHÀU,  MAHGOT, 
CATAU^  RICHARD,  AGATHE,  LUCAS. 

|i  E  H  B  X ,  ^  4emi'VQiXi  ^u  duc  de  Sutlh 
^usSi«bien^  mon  ami  Rosni ,  je  soup^nne  yio* 
lemment  ce,  malheureux  Italjen-là  d'être  l'auteu»- 
de  toutes  les  noirceurs  qu'on  youa  a  faites.  Sous 
en  parlerons  idms  u^  autre  temps^. . . .  (A  Michau 
et  aux  autres  paifsai^,')  Oh  !  çà ,  mes  enfants ,  j  >i 
bien  des  engagements  à  remplir  ici*.,  (A  Miohaa^) 


434  tk  TÂWTÎE  DE  CHASSE  DÉ  HENRI  IV. 

Pour  l]ir*acqtiittèr  du  premier,  je  donne  dix  mille 
francs  à  Agathe  et  &  votre  fils ,  W,  Miehau....  Mais 
vous  ne  sàye2  pas  que  j'ai  promis  à  la  belle  Catan 
de  lui  faire  épouser  un  certain  Lttcas,  soniunon- 
reux ,  qui  n^est  pas  bien  ricbé  ;  et ,  pour  réparer 
Cela ,  je  leiir  donné  aùàsi  dix  mille*firàncs  ;  |K>nr  lef 
unir.         , 

ttrcÀs,  à  part,  sautant  dé  joU. 
Dix  mille  francs  et  Gatau  î 

MicBAO,  à  pari. 
Quel  bon  toi  ! 
Tous  les  tfuatre  \       '    îixtBAttn,  Â  IfeiU'f. 
à  la  fou.       \    Ah!  site!.... 

catav  et  ÂaAfttÉ,'  ensembie^ 
Quel  bon  prince  ! 
H  EN  m,  à  SutiL 
Duc  de  Stdli ,  que  cette  somme  de  yingt  mille 
francs  leur-8<Ht  oomptée  ici  dettain  dans  la  jour* 
née  ;  je  yoùs  en  donne  Tordre. 

!,£  pu'G  DE  suXiLx,  s'IneitHont., 
\  Vouf  serez  ol|éi  ,.iirt[...;  (Se  ret^vanlj  et  d'un 
aJif  altehdrL)M\>^l  |iu>n  cher  maître ,  paj.  ces  traits 
de  justice  et  de  générosité, tous  me  ravissez.  Vous 
venez  d'en  agir  en  rdi  et  en  jpère*  ayep  ces  bons 
paysans,  qui  soht  vos  sujets  et  vds  étifani'sVtbus 
aussi  «bien  que  vôtre  noblesse  :  màîs,  sire,  vous 
nous  devez  aux  uns  et  aux  autres ,  de  ne  point 
exposer  votre  ^e  à  la  chasse ,  commës  vous  faitef 
tous  les  \omi.,,,(Àvec  colère.)  Pëitnettez-moi  de 
le  dire  à  votre  majesté  ;  cela  me  met .  moi ,  dans 


ACTE  lu,  iSGl^iys  :s^yiii.      4^5 

âne  véritabie  coUre^..  -  Vît©  Bifu  ,.3irc ,  yotre  vie 
B*«st  point  k  TOUS ,  tous  ea  êtes  comptable  {moi^ 
trmntle  due  d&BeUc^rde)  k  des  scfyitears,  comme 
nous  f  qui  yoixs  adorent^  {montrant  Us  pq^samt)  et 
«Q  peuple  ^ai}çois>  dp&t  vous  YOjea^  que  tchis  êtes 
ridole. 

Oui ,  oui ,  tu  as  raison ,  rao»  akK.  .  •  Ta  m'ail* 
tendris..,.  Ne  me  .gronde  plus,  XMm  ehei  Hosai;  à 
l'aTiQiiîr  J0 .  serat  plus  sage. 

n  E«  H  A  v  ,  uèt  «ipefiMfif # 

Morgue  \  sire ,  c'est  que  ce  gentilhomme- là  n'a 
pas  tort.  Au  nom  de  Dieu  ^  consaryez-nou»  yos 
^ours  y  il  nous  sont  si  cher  s. 

TOUS  LES  PAYSANS,  cnsemBle,  à  HenrL 

Ah  !  notre  roi }  ahl  notre  père ,  conseryais-yous , 
conseryais-yous  J 

WEJXJki^à  ptfrt,_ etk  regardant  tous  ces  paysans^ 

Quel  spectacle,  diyin! 

MICHA9,  encore  plus  vivement 

£h!  ooi ,  yentrégué  !  conseryais-yous  ;  yous  ve- 
nais de  marier  nos  jeunes  gens  :  faut ,  sire ,  que 
yous  yiyiaisplus  qu  eux.. ..  Mais ,  queul  excellent 
homme!.»  Pardon,  votre  majesté,  si  je  yous  ons 
si  mal  reçu  ;  je  ne  connoissions  pas  tout  not'  bon- 
heur :  et,  si  j  ayons  manqué  au  respect r....  de  la 
consiiâération. ... 

H E Nifr I ,  VinteprompanU 

Voua  m'ayez  très  bien  re^u,  et  je  yeux  demeurer 


4 3ê  LA  PkttTiÈ,  «Jtc.  ACTE  IH ,  S€^£  iVIII. 

votre  ami ,  au  moins  «  M.  Michâti.«.<  Msiîs,  brisoni 
fâ^  j'ai  besoin  dé  rejJos-,  et.... 

mc^Au,  Ciniti'tompànti 

Vétiàis ,  site ,  venait  coucher  dans  incm  pi^ljpe; 
Ihi...  Ces  seigneUTï  prenront  ceux  de  mon  fils  et 
de  Catau  ;  et  nous ,  j'irona  tretous  passer  la  ùuH 
au  moulin.  i,i  Ëfine  nuit  est  bentôt  passée ,  quand 
oik  la  pas8e>  pour  votre  majestés 

L  u  c  A  » ,  prenant  Agathe  sous  le  bras^ 

Et  nous ,  je  vous  ramener  Agathe  chéuz  elle. .  r« 
Bt  à  demain  aux  nooes ,  mes  enÊintiw 


r'îir  OE  tÀ.  vÀÀTiÊ  dé  cbasàe  x>e  béAkï  if • 


_t[   -j  I  I  ■  I  I    *i-Miirri        11    i|i    II aiiijiiinii  II   ir   t  ri<  i^^Mfcp^^^iajl^ 

L  TABLE 

DES  PIÈCES  ET.  HES  NOTICES 

GOÏlTEHV'tS    DAVa   CE    TOLUMt. 


NôTUCE  sur  Sédaine  *•«....< <  .  Pag.  d 

La  Gageure  mcpnéyuE,  comédie  en  un 

acte ,  pat  Sedaine^ ,  *  i é  »  *  ,  .m  5 

Le  Mabch avd  de  Smtrne  ,  comédie  en  un 

acte ,  par  Ghampfort.  «...  i  •<...*  ^  % .  67 

Notice  sur  Goldoni  <  *  .  ^  «..«.«  • 98 

Le   Bot7Rntr   biestfaisaut^  comédie   en 

trois  actes  ^  par  Goldoni  é  .  w  .  <  <  .  .  •  •  < ..  10 1 

Notice  sur  Rochon  de  Chabannes '•  20  i 

La  BIasie  des  arts  ,  ou  la  Matihée  a  lÀ 

MODE ,  comédie  en  un.  acte ,  par  Rochon' 

de  Chabannes *  .  .  é  .  é .  <  .  <  é  «  20S 

ILes  Amavts  aivéREux,  comédie  en  cinq 

actes ,  par  le  même.  .*...«..<.«..<«  ^4 1 

Notice  sar  Collé * .  .  « .  < 33:1 

La  Partie  dE  chasse  de  Hesri  ly,  comédie 

en  trois  actes ,  par  Collé.  ..*...<.<. .  335 

riV  DE  LA  TAttLE  DV  TREIZIEME  V0IiUME« 


♦ 


f 


NOTOCK'  sur  n&vnxîCcBxm    a 

Le  Baebieil  dk  Si?iu.s,  comédie  jouée  d'a- 
bord en  cinq  «cte&y  et,rédttite  de^iuÂs  à  quatre  > 
fut  donnée  9  pouisla  prewàrô  fcis,  le  s3  février 
1 776.  Elle  eut  alors  treize  représentations.  On 
la  revoit  toujours  avec  plaisir. 

La  Folle  journée  ,  ou  le  Mariage  de  Figaro, 
comédie  en  cinq  actqs ,  en  prose ,  plus  connue 
sous  ce  dernier  titre,  parut,  pour  la  première 
fois,  le  37  avril  1784*  EUe  fut  jouée  soixante- 
treize  fois  de  suite.  Une  indisposition  d'acteur 
en  fit  alors  suspendre  les  représentations  ;  elles 
furent  bientôt  continuées  et  allèrent  au-delà  de 
cent.  • . 

L'Autre  Tartupe  ,  ou  la  Mère  coupable  , 
drame  en  cinq  actes ,  en  prose ,  avoit  été  joué 
îe  a6  juin  179a  au  théâtre  du  Marais;  mais 
l'auteur , sur  la  demande  des  acteurs  du  Théâtre 
François,  la  leur  fit  représenter  le  S  mars  1 797. 

Beaumarchais  fut  honoré ,  pendant  sa  vie ,  de 
la  protection  de  personnages  puissants  et  res- 
pectable $.  n  se  vit  en  butte  à  toutes  sortes  de 
peines ,  et  comblé  de  succès  en  tous  genres  ;  il  a 
laissé  le  public  incertain  de  l'idée  qu'il  devoit 


4'       NOTICE  sur  BEAUMARCHAIS, 
fe  faire  de  cet  homme  extraordinaire.  Il  mourut 
dans  la  nuit  du  17  au  18  mai  1799,  d'une 
apoplexie  qui  le  frappa  au  milieu  de   son 
iommeif. 


liEfeSONNAGES. 

[Les  babîtt  des  acteurs  dmveDt  être  dans  l'ancten  oostnme 

espagnol.} 

Le  comte  AlmAviya,  grand  d'Espagne,  amant 
inconnu  de  Rosine ,  paroît ,  au  premier  acte ,  en 
Teste  et  culotte  de  satin;  il  est  enveloppé  d'un 
^and  manteau  brun ,  ou  cape  espagnole  ;  cha- 
peau noir  rabattu  ayee  un  ruban  de  couleur 
autour  de  la  forme.  Au  deuxième  acte ,  habit 
uniforme  de  cavalier,  avec  des  moustaches  et 
VUs  bottines.  Au  troisième, habillé ;en bachelier; 
cheveux  ronds;  grande  fraise  au  cou;  veste, 
culotte ,  bas  et  manteau  d'abbé.  Au  quatrième 
acte ,  il  est  vêtu  superbement  à  l'espagnole  avec 
un  riche  manteau;  par  dessus  tout,  le  large 
.  manteau  brun  dont  il  se  tient  enveloppe. 

Baetholo,  médecin,  tuteur  de  Rosine  :  habit 
noir,  court,  boutonné;  grande  perru({ue; fraisa 
et  manchettes  relevées  ;  unt  ceinture  noire  ;  et 
quand  il  veut  sortir  de  chez  lui ,  un  long  man- 
teau écarlate. 

RosiHE,  jeune  personne  d  extraction  noble  et 
pupille  de  Bartholo  ;  habillée  à  l'espagnole. 

Figaro,  barbier  de  Séville;  en  habit  de  major 
espagnol.  La  tête  couverte  d'une  rescille,  ou 
filet  ;  chapeau  blanc ,  ruban  de  couleur  autour 
de  la  forme  ;  un  fichu  de  soie ,  attaché  fort  lâche 
à  son  con;^let  et  _haut- de -chausse  de  satin, 

j. 


ayec  des  boutons  et  bout<MiiMèf«»  frangés  d'ar^ 
gent;  une  grande  ceinture  de  soie;  les  jarre- 
tières nouée»  avec  des  glanda  ^i  pendent  aur 
chaque  jambe  ;  yeste  d^  couleur  tranchante ,  à 
grands  reyers  de  la  couleur  du  gilet  y  h^9  t>)ap^ 
^  et  souliers  .gri$.. 

Dov  B  4^9  IL  s  t  oirg%nUte,  imuitT«  k  ^baqtec  de 
liosine;  eh^p«au  noir  ir^tJ^,  fl<H»^A^  et 
long  otaViteai^ ,  ^m%  fr^s«  i^i  am^nçli^tt^. 

liA  JfsuvKSSB,  yieux  demestiqutf  de  ilartàolo« 

L'ÈvEïLzt ,  autre  yalet  de  Bartholo ,  garçon  niais 
et  endormi.  Tous  deux  habillés  en  Galiciens  ; 
tous  les  cheyeux  dans  la  queue  ;  gilet  couleur 
de  chamois;  large  ceinture  de  peau  ayec  une 
boucle  ;  culotte  bleue  et  yeste  de  même ,  dont 
les  manches ,  ouyertes  aux  épaules  pour  le  pas- 
sage des  bras ,  sont  pendantes  par  derrière.  ' 

Un  Notâiae. 

Un  Alèaite,  homme  de  justice,  ayec  une  longue 

baguette  blanche  à  la  main. 
Plusieurs  alguazils  et  yalets  aytec  des  flambeaux.; 

La  scène  est  à  Séyille,  dans  la  rue  et  sou9  les 
fenêtres  de  Rosine ,  au  premier  acte  ;  et  le  reste 
de  la  pièce  dans  la  maison  du  docteur  Bartholo. 


^ 


' 


THÉÂTRE 


DES 


AUTEtJRS  DU  SECOND  ORDRE. 


COMÉDIES  EN  PROSE.  —  TOME  XIY. 


I    t 


AVIS  SUR  LA  STÊRÊOTTPIE. 

tiA  STÉBÉOTTffiBi  oo  Tart  d'imprimer  sur  des  plaît* 
cbes  solides  que  Ton  conserve,  ofire  seole  le  moyen  de 
parvenir  à  la  correction  ptififtite  des  textes.  Dès  qu'une 
^ttte  qvà  seroit  échappée  est  découverte ,  elle  est  corrigée 
à  l'instant  et  irrévocablement;  en  la  corrigeant,  on  n'est 
point  exposé  &  en  fiiire  de  nouvelles,  comme  il  arrive 
dans  les  éditions  en  caractères  mobiles.  Ainsi ,  le  public 
est  sûr  d'avoir  des  livret  «umpts  de  fautes, et  de  jouir  du 
grand  avantage  de  remplaoer>  dans  ub  ottvrage  composé 
de  plusieurs  volumes ,  le  tome  manquant ,  gftté  ou  déchiré. 

Les  premiers  Stéréotypée^»  ont  employé  de  vilain 
papier,  parce  qu'ils  vooloîent  vendre  leurs  livres  à  un 
très  bas  prix.  On  a  trouvé  leurs  éditions  désagréables  à 
lire  ;  o^  s'e»  lest  promptemeàt  /légoàt^,  et  on.  en  a  «ondtf 
fort  ma]  k  propos  que  les  caractères  stéréotypes  fatiguolent 
la  vue.  Ce  sont  les  inventeurs  de  cet  art  qui  ont  manqué 
de  le  perdre.  Mais  les  proîpriétau'es  de  l'établissement  de 
M. .^erhan^  pour  détruire  le  préjugé  dé&vorable  qui 
exisuûi  contre  les  stéréotypes,  but  soigné  davantage  leurs 
éditions,  se  sont  servis  de  caractères  convenables  pour 
chaque  format,  et  ont  employé  de  beau  papier.  U  u  y  a 
point  d'éditions  en  caractères  mobiles  qui  soient  supé- 
rieures aux  leurs.  Onseconvaincra  de  la  vérité  de  cette  as- 
sertion, en  les  comparant  les  unes  avec  les  autres.  Sous  le 
n^pport  de  la  correction  des  textes ,  les  éditions  en  caractèret 
mobiles  ne  peuvent  nullement  soutenir  la  oomparaisou. 


Les  éditions  Stéréotypes,  d'après  ce  procédé, 

se  trouvent 

Gbez  H.  NI  COLLE,  rue  de  Seine,  n»  ta, 
hôtel  de  la  Rochefoucauld. 

Et  chex  A.  AuG.  RENOUARD,  Libraire,  rue 
Salut-André-des-Arcs  ;  n**  55, 


THEATRE 


AUTEURS  DU  SECOND  ORDRE 


RBCVGIL  DBS  TRAGfiDIBS 

ET  COUËOIES 

RESTEES  AU  THËATSE  FRANÇOIS; 

FooT  lura  niiu  aux  èdhioai  it^r^otjpn  de  Cornsilk, 
Radiie,  Molière,  BegDard.CiâHUoD  et  Vollairaa 

At<c  des  Noiioe*  nir  diiqne  Aamir,  U  lùte  de  l«an 
Kècea ,  et  U  dau  dee  ptemiÈn*  reprëuDÙlioni, 

<ST.ËREOT,YE£  D'HERHAN. 


PARIS, 

DE  L'IUPRIHEHIK  UK  HUME,  FRÈRES, 
1810, 


LE 


BARBIER  DE  SÉVILLE,  ' 


OU 


LA  PRÉCAUTION  INUTILE, 

COMEDIE, 
PAR  BEAUMARCHAIS, 


Représentée,  pour  la  première  fôii,  le  a 3  février 

1775. 


A«lt)r«r  GoflUdiM.  I  {n 


NOTICE 

SDR  BEAUMARCHAIS. 


Pierre  -  Augustin  Garon  de  Beaumarchais 
naquit  à  Paris  le  24  i^nvier  17 Sa.  Son  père 
étoit  horloger,  et  il  le  fut  d'abord  lui-même, 
sous  le  nom  de  Caron ,  qui  étoit  celui  de  sa  fa- 
m:ilïe. 

Nul  auteur  ne  mena  une  vie  plus  agitée.  Tout 
le  monde  a  entendu  parler  de  ses  procès,  et  ses 
mémoires,  qui  Tiennent  d'être  rëimj>rimés,  l'ont 
rendu  bien  autrement  célèbre  que  son  théâtre  : 
mais  c'est  à  parler  de  ce  dernier  que  nous  de- 
vons nous  borner.  On  j  trouve  cinq  pièces 
composées  pour  le  Théâtre  François. 

Eugénie,  drame  en  cinq  actes,  en  prose, 
parut  pour  la  première  fois,  le  29  janv.  1767, 
et  fut  joué  seize  fois  avec  succès. 

Les  deui^Amis,  drame  en  cinq  actes,  en 
prose,  représenté,  pour  la  première  fois,  le 
1 3  janvier  177P,  fut  donné  douze  fois. 


BARBIER  DE  SE  VILLE, 

ov 

LA  PRÉCAUTION  INUTILE, 
COMÊPÏE. 

ACTE  PREMIER. 

Le  théâtre  représente  une  rue  de  Séville,  où 
toutes  les  croisées  sont  grillées. 


SCÈNE  l 

LE  G'OMTK,  teui,  en  grand  manteau  brun  et  chu" 
peau  rabattu.  Il  tire  sa  montre  en  te  promenant» 

Lit,  jour  est  moins  avancé  qn^  j^  ne  oro  jois.  L'heure 
à  laquelle  elle  a  coatume  de  te  montrer  derrière 
ta  jalousie  est  encore  éloignée.  K'importe ,  il  vaut 
mieux  arriyer  ti^op  tôt  que  de  manquer  l'instant 
de  la  Toir.  Si  quelque  aimable  de  la  cour  pouyoit 
me  deyiner  à  cent  lieues  de  Madrid,  arrêté  tous  les 
matins  sous  les  fen^treu  d'une  fenunç  à  qui  je  n'ai 


s  LE  BARBIEBTBE  SÉVJCLEJ 

jamais  parlé,  il  me  prendroit  pour  un  espagnol  du 
temps  d'Isabelle.-— ] Pourquoi  non?  Chacun  court 
après  le  bonheur.  Il  est  pour  moi  dans  le  cœur  de 
Rosine. — B^ais ,  quoi  !  suivre  une  femme  à  Séville ,' 
quand  Madrid  et  la  cour  offrent  de  toutes  parts 
des  plaisirs  si  faciles  ?"«-i£t  c  est  cela  même  que  je 
fuis.  Je  suis  las  des  conquêtes  que  l'intérêt ,  la 
convenance  ou  la  vanité  nous  présentent  sans  cesse. 
II  est  si  doux  d'être  aimé  pour  soi>même  !  et  si  je 
pouvois  m'assurer  sous  ce  déguisements. .  An  dia». 
ble  l'importun.. 

SCÈNE  IL 

FIGARO,  LE  COMTE,  caché: 

FioAao,  une  guitare  sur  le  dos  attachée  en  bandou." 
Hère  avec  un  large  ruban';  il  chantonne  galant,, 
un  papier  et  un  crayon  à  la  main. 

Bahissobs  le  cha^tf , 

H  nous  consume. 
Sans  Ib  feu  du  bon  vin' 
Qui  nous  rallume  ; 
Réduit  à  languir, 
L'homme  sans  plaisir 
.    y ivToit  comme  un  sot  | 
Et  mouiToit  bientôt  ; 

Jusque-là  y  ceci  ne  va  pas  mal ,  ein ,  ein.' 

Et  mourroit  bientôt 
Le  vin  et  la  pnresse 
Se  disputent  mon  cœur.,.* 


ACTE  I/SGËNE  IL  9 

Eh!  non,  ils  ne  se  le  disputent  pas ,  ils  j régnent 
paisiblement  ensemble.. «  . 

Se  partagent:...  mon  cœur. 
Dit-on,  se  partagent? £b!  mon  Dieu!  nos  fai- 
seurs d^opéras  comiques  n  j  regardent  pas  de  s? 
près.  Âujourdliui ,  ce  qui  ne  vaut  pas  la  peine 
d'être  dit ,  on  le  cbante., 

(1/  chante,^ 
Le  vin  et  la  paresse 
Se  partagent  mon  cœur. 

Je  Toudrois  finir  par  quelque  chose  de  beau ,'  de 
brillant,  de  scintillant,  qui  eût  lair  d  une  pensée. 

(1/  met  un  genou  en  terre  et  écrit  en  chantant*) 

Se  partagent  mon  oœor. 
Si  Tune  a  ffîa  tendresse.... 
L'autre  fait  mon  bonheur. 

Fi  donc!  cest  plat.  Ce  n'est  pas  ça...  Il  me  faat 
une  opposition ,  une  antithèse  : 

Si  Tune....  est  ma  maîtresse, 
L  autre.... 

£h!  parbleu!  j'y  suis... 

ij'autre  est  mon  serviteur: 

Fort  bien ,  Figaro  !...(!/  écrit  en  chantant»  ) 

Le  vin  et  la  paresse 
Se  partagent  mon  cœur  ; 
Si  l'une  est  ma  maîtresse , 
L'antre  est  mon  serviteur. 
L'autre  est  mon  serviteur, 
L'autrt  est  mon  servitenr. 


10        L£  QAiRBISa,  DE  SBYILLE. 

Hen  »  heo ,  qu^ig^  i}  y.  aursi  d<ip  «^ccon^pa^ii^ineiits 
là'dessous,  noua  yerrons.ençQWi  iiie»^«uv9  de  la 
cabale,  si  je  ne  %^\%  ce  <]|ie  je  diA>.(i/  Af»erçoil  /« 
comte.)  J'ai  mi  cet  abl>é-là  quelque  part.  (  U  $t  re- 

LE  cottTB,  ^  par(. 
Cet  homme  ne  m'est  pai  incoQnu. 

FJOÀRO. 

Et  non ,  ce  n'est  pas  un  abbé  ;  cet  air  altfer  et 
noble. . . 

LE  COMTE. 

Cette  tournure  grotesque. . . 

F I  o'A  n  o. 
Je  ne  me  trompe  point  ;  c'est  le  comte  Aima- 
viva. 

LE    COMTE.. 

Je  cro^  que  c'est  ce  coquin  de  Figaro. 

FIGARO. 

C'est  lui-même,  monseigneur^^ 

LE    COMTE. 

Maraud ,  si  tu  dis  un  mot. . . 

FXGABO. 

Oui,  je  Tou^  reconnois;  voilà  les  bontés  fami- 
lières dont  vous  m'avez  toujours  honoré. 

LE  COMTE. 

Je  ne  te  reconnoissois  pas ,  moi.  Te  voiU  si  gros 
et  si  gras. . . 

FXC>RO. 

Que  vouleat-voQf^,  m.oo«eigi^^uf ,  cV\^^  misère. 


AGft  t,  SCËKE  II.  ti 

tfe  COMT%. 

PauTTé  petit!  Mais  que  &is-ta  à  Séville  ?  Je  tV 
Tois  autrefois  recommandé  dans  les  bureaux  pour 
un  emploi. 

FIOAaO. 

Je  Tai  obtenu ,  monseigneur  ;  et  ma  reconnoi^ 
sance.  •  « 

LE  COMTE-. 

Âppelle-jnoi  Lindor.  Ne  yois-tu  pas,  &  mon  dé- 
guisement ,  que  je  yeux  être  inconnu  ? 

FiaABO. 

Je  me  retire. 

LE  COMTE. 

Au  contraire.  J'attends  ici  quelque  chose,  et 
deux  hommes  qui  jasent  sont  moins  suspects 
qu'un  seul  qui  se  promène.  Ayons  lair  de  jaser. 
£h  bien  !  cet  emploi  ? 

riGAno. 

Le  ministre  ayant  égard  k  la  i^ecommandation 
de  TOtre  excellence ,  me  fit  nommer  8Ur-le^hamp 
garçon  apothicaire. 

LE  QO'MTB. 

Dans  les  h6pitattx  de  l'armée  ?    • 

Non  ;  dans  les  haras  d'Andalousie. 

LE  coMYB,  tiant. 
Beau  début. 

FIG-'A!K<X, 

Le  poste  n'éf  oit  pas  mauvais  $  porce  qu'ayant  le 
district  ^»  panaasieiitti^t  des  dtogues,  je  rendoii 


la        LE  BARBIER  DE  SlYILLE. 

souvent  aux  hommes  de  bonnes  médecines  de 
ÉueTdl*»» 

LE  COMTE* 

Qui  tuoient  les  sujets  du  roi« 

FIOÂBO. 

'Ah!  ah!  il  n  j  a  point  de  remè%  ûniyersel; 
mais  qui  n'ont  pas  laissé  de  guérir  quelquefois*  des 
Galiciens ,  des  Catalans ,  des  Auvergnats. 

LE  COMTE. 

Pourquoi  donc  las-tu  quitté  ? 

FIGARO. 

Quitté  ?  C'est  bien  lui-même  ;  on  m*a  desseryi 
auprès  des  puissances  : 

L'Envie  aux  doigts  crochus ,  au  teint  pâle  et  livide...  •) 

LE  COMTE. 

Ohl  grâce ,  grâce ,  ami  !  Est-ce  que  tu  fais  aussi 
des  vers  ?  Je  t'ai  yu  là  griffonnant  sur  ton  genou 
et  chantant  dès  le  matin. 

FIGABO.. 

Voilà  précisément  la  cause  de  mon  malheur , 
e3Ecellence.  Quand  on  a  rapporté  au  ministre  que 
je  faisois ,  je  puis  dire ,  assez  joliment  des  bouquets 
à  Cloris,  que  jenyojois  des  énigmes  aux  jour« 
naux ,  qu'il  couroit  des  madrigaux  de  ma  façon  ; 
en  un  mot ,  quand  il  a  ^u  que  j'étois  imprimé  tout 
yif ,  il  a  pris  la  chose  au  tragique ,  et  m'a  fait  ôter 
mon  emploi ,  sous  prétexte  que  l'amour  des  lettres 
est  incompatible  ayec  l'esprit  det«iUret. 


ACTÇ  I,  SCÈNE  II.  i3 

Ll  COMTE, 

Puissamment  raisonné!  et  tu^e  lui  fis^pas  tt^ 
présenter... 

FIGARO. 

le'me  crus  trop  heureux  d'en  être  oublié  ;  per- 
suadé qu'un  grand  nous  ÏFait  assez  de  bien ,  quand 
il  ne  nous  fait  pas  de  mal. 

LE  COMTE. 

Tu  ne  dis  pas  tout.'  Je  me  souviens  qu'à  mon 
service  tu  étois  uii  assez  mauvais  sujet. 

fioâho. 

Ehr  mon  Diéti,  monseigneur 7  c^est  qu'on  veut 
que  1^  pauvre  soit  sans  dééut. 

lE  COMTE.. 

Paresseux ,  dérangé. . . 

FIGAKO. 

^UT  vertus  qu'on  exige  dans  nu  (domestique, 
votre  excellence  connoît-elle  beaucoup  de  maîtres 
qui  fiissent  dignes  d'être  valets  ? 

LE  COMTE,  riant. 

Pas  mal.  Et  tu  t'es  retiré  en  cette  ville? 

FIGAAO. 

Non ,  pas  tout  de  suite. 

LE  COMTE,  ^arrêtant. 
Un  moment. .«. . .  J'ai  cru  que  c'étoit  elle..^.  Dis 
toujours ,  je  t'entends  de  reste. 

FioAno. 
De  retour  à  Madrid ,  je  voulus  essayer  de  nou- 
veau mes  talents  littéraires ,  et  le  théâtre  me  parut 
an  champ  d'honneur... 

T2i«âtr«..  ComédÎM.   l4«  A' 


A 


t4        LE  BARBIER  DE  SËVILLE. 

AK!  mlsérîcOtfdé! 

FiaARO. 

{Pendant  sa  réptique, le  comte  regarde  av9c  attention 
du  côté  de  la  jalousie,  ) 

En'yérité,  je  ne  sais  eomment  je  n*eus  pas  le 
plus  grand  succès ,  car  jj'avois  rempli  le  parteire 

des  plus  excellents  travailleurs';  des  mains 

comme  des  battoirs  ;  j'ayois  interdit  les  gants  »  les 
cannes ,  tout  ce  qui  ne  produit  que  des  applaudis- 
sements isourds;  et  d'honneur,  ayant  la  pièce,  le 
café  m'àyôît  paru  dans  les  meilleures  dispositions 
pour  moi.  Mais  les  efforts  de  la  cabale. .'. 

LE  COMÏE. 

Ah  !  la  cabale ,  monsieuc  lautèur  tombé  ! 

VIOAKO. 

Tout  comme  un  autre  :  pourquoi  pas?  Ils  m*ont 
siiHé  ;  mais ,  si  jamais  je  puis  le^s  rassembler. . . 

Lt    COMTÉ. 

L'ennui  te  yengera  bien  d  eux? 

FIGARO. 

Ah  !  comme  je  leur  en  garde  !  morbleu  1 

LE    COBCTX. 

Tu  jures!  Sais-tu  qu'on  n'a  que  Tingt-qaatre 
heures  au  palais  pour  maudire  ses  juges  ? 

FîoAao. 

On  a  yingt'^ustre  ans  au  théâtre;  la  yîc  est 
trop  courte  pour  user  un  pareil  ressentiment. 


ACTE  I,  SCÈNE  lU  i5 

Ta  jojeaae  colère  note  réjouit.  Mw  tu  ne  m«  dit' 
pas  ce  qui  t*a  fait  quitter  Madrid. 

pi'aJkao. 

G  etft  mon  bon  aoge ,  e:(cellence ,  puisque,  je 
suis  assez  heureux  pour  retrouver  mon  ancien 
maître.  Voyant  à  Afadrid  qup  la  république  des 
lettres  étoit  celle  des  loups ,  toujours  ar^és  les 
uns  contre  les  autres ,  et  que  livrés  au  mépris  où 
ce  risible  acharnement  les  conduit.,  tous  les  in- 
sectes ,  les  moustiques ,  les  cousins ,  les  critiques , 
les  maringouins,  les  envieux  ^  les  feuillistes,  les 
libraires,  les  censeurs,  et  tout  ce  qui  s'attache  k 
la  peau  des  malheureux  gens  de  lettres ,  achevoit 
de  déchiqueter  et  de  sucer  le  peu  de  substance  qui 
leur  restoit;  fatigué  d  écrire,  ennuyé  de  moi ,  dé- 
goûté des  autres,  abîmé  de  dettes  et  léger  dar- 
genit ;  i(  la  £i,n  cop.vaincu  que  lutile revenu  du  ra- 
soir est ,  préférable  aux  vains  honneurs  de  la 
plume,  j'ai  quitté  Madrid;  et,  mon  bagage  en  sau- 
toir, parcourant  philosophiquement  les  deux 
Gastilles,  la  Manche,  l'Ëstramadoure ,  la  Sierra- 
Morena,  l'Andalousie;  accueilli  dans  une  ville, 
emprisonné  dans  l'autre,  et  partout  supérieur  aux 
événements  ;  loué  par  ceux-ci ,  blâmé  par  ceux-là  ; 
aidant  au  bon  temps,  supportant  le  mauvais,  me 
moquant  des  sots ,  bravant  les  méchants ,  riant  de 
ma  misère ,  et  faisant  la  barbe  à  tout  le  mbnd0  ; 
vous  me  voyez  enfin  établi  dans  Se  ville ,  et  prêt  à 
servir  de  nouveau  votre  excellence  en  toi^t  ce 
qu'il  lui  plaira  de  m'ordonner. 


i6        LE  BAHBIER  D£  SÊYILLE. 

LB    COMTE. 

Qui  t'a  donné  une  philosophie  aussi  gaie  ? 

FIGARO. 

L'habitude  du  malheur.  Je  me  presse  de  rire  do 
tout ,  de  peur  d'être  obligé  d'en  pleurer.  Que  re^ 
gardeib-yous  donc  toujours  de  ce  côté  ?, 

LE   COMTE« 

$auTons-nott8. 

FIOAAO. 

Pourquoi  ? 

LE   COMTE« 

Viens  donc ,  malheureux  !  tu  me  perds. 

[Ils se  cachent.) 

SCÈNE  III. 

BARTHOLO,  ROSINE. 

(La  jalousie  du  premier  étage  s'ouvre ,  iet  Bartholo  et 
Rosine  se  mettent  à  la  fenêtre.) 

nosiVE^ 

Gomme  le  grand  air  fait  plaisir  à  respirer!  Cette 
jalousie  s'ouvre  si  rarement.. . . 

BARTHOLO. 

Quel  papier  tenez-vous  là  ? 

ROSINE. 

Ce  sont  des  couplets  de  la  Précaution  îatitile 
que  mon  maître  à  chanter  m'a  donnés  hier. 

BARTHOLO. 

Qu'est-ce  que  la  précaution  inutile  ? 


ACTE  1/ SCÈNE  III.'  ,;^ 

BOSIVE. 

C'eut  une  comédie  nouyelle. 

BÀATBOIiO* 

Quelque  drame  eneorei  quelque  sottise  d'un 
nouveau  genre  ■  ! 

ROSIVE.- 

Je  n'en  sais  rien. 

BABTBOLO. 

Euh!  euh!  les  journaux  et  rantorité  nous  en 
feront  rafson.  Siècle  barbare  ! . . . 

BOSIBE. 

(Vous  injuriez  toujours  notre  pauyre  siècle. 

BABTBOI.O. 

Pardon  de  la  liberté;  qu'a^t-il  produit  pour 
qu'on  le  loue?  Sottises  de  toute  espèce*:  la  liberté 
de  penser,  l'attr&ction ,  l'électricité,  le  toléran- 
tisme,  l'inoculation,  le  quinquhia,  l'encyclopé- 
die et  les  drames. ... 
BOSiHE,  ie  papier  lui  échappe  et  tombe  dans  la  ruei 

Ah!  ma  chanson!  ma  chanson  est  tombée  en 
TOUS  écoutant;  courez,  courez  donc,  monsieur, 
ma  chanson  ;  elle  sera  perdue. 

BABTBOLO. 

Que  diable  aussi  !  l'on  tient  ce  qu'on  tient.. 

{Il  (Quitte  le  balcon,  ) 
BOSiBE  regarde  en  dédans  et  fait  signe  dans  la  rue, 
S't,  S't;  (le  comte  paroît)  ramassez  vite  et  san« 

'  Bartholo  n'aimoit  pas  les  drames.  Peut-être  aToit-il 
fait  quelque  tragédie  dans  sa  jeunesse. 

2. 


i8       CE  fiARBIER  0E  SCVILLE. 

yez^TOOS.  (  Le  eomU  ne  fiûi  qu'un  saui ,  ramasse  le 
papier  et  rentre, } 

BAnTROLO  sort  de  la, maison ,  et  cherche» 
Ott  donc  est-il  ?  Je  ne  toU  rien. 

I108I1IE. 

Sous  le  balcon ,  au  pied  du  mur. 

BAATBOLO. 

Vous  me  donnez  là  une  jolie  commission!  Il 
est  donc  passé  quelqu'un  ? 

BOSIVE* 

Je  n'ai  vu  personne. 

.BABTHOiiO,  à  iukrméme» 

Et  moi  qui  ai  la  bonté  de4)hercher...  Bartholo, 
VOUS  n'êtes  qu  an  sot ,  mon  ami  ;  seci  doit  Vous 
apprendre  à  ne  jamais  ouTrlr  de  Jalonsies  sur  la 
rue.  (1/  rentre*) 

&  o  ■  t  s  B  y  toujours  au  balcon. 

Mon  excuse  est  dans,  mon  malheur  :  seule ,  en- 
feianée,  en  butte  à  la  perséctttioii  d'un  li«aiae 
odieux  y  est-ce  «m  crime  de  tenter  à  sortir  d'escla- 
^ge? 

BABTHOLOy  poToissaM OU boUom^ 

Rentrez,  sijgnora;  c'est  ma  faute  si  tous  ayez 
perdu  votre  chanson;  mais  ce  malhear  ne  vous 
arrivera  pl^s,  je  vous  jure.,  (1/  ferwtû  la  jalousie  h 
la  clef.  ) 


ACTE  I,  SCÈNE  IV.'    ^  ig 

SCÈNE  IV. 

LE  COMTE,  FIGARO.  | 

(  Ils  entrent  avec  pi'écaution.) 

K.B  caafTB, 
A  présent  qu'ils  ftonl  v^Ufés ,  9X&i»inoi|ft  cette 
chanson ,  dans  laquelle  un  mjst^tê  «it  9Ûv^oi^nt 
renfermé.  C  e9t  un  billet  I 

WlQAtkOm 

î\  demandoit  ce  que  e*est  que  la  précaution 
inutile! 

1.8  couLTE  Ht  vipemenu 

u  Votre  empressement  e^icite  ma  curiosité}  sitôt 
«  que  mon  tuteur  sera  sorti ,  chantez  indifférem- 
tt  ment  sur  4  air  ooanu  de  ce«  couplets ,  quelque 
«  chose  qui- m  apprenne  enâii  le  nom ,  Vétat  et  les 
«  intentions  de  celui  qui  paroit  s'attacher  si  obsti- 
il  aémeat  à  l'infortunée  Rosine.  » 

7IOÂBO ,  eùHtrefùêani  lo  vois  4e  l^ofiiie» 

Ma  chanson ,  ma  chanso»  est  tombée  ;  courez  ^ 
courez  donc.  (1/  rit)  Ah!  ah!  ah!  nh!  Oh!  ces 
femmes!  youlez-vous  donner  de  l'adresse  à  la  plus 
ingénue  ?  enjfenuez^la. 

I.B   OOMVB. 

Ma  chère  Rosine  ! 

PIOABO. 

Monseigneur,  je  ne  suis  plus  eu  peine  des  mo^ 
tifr  de  votre  masearade;  tous  &ices  ici  ramour  en 
perspective. 


ao       LE  BARBIEK  DE  SÉTlLLE. 

LE   COMTE. 

.Te  Toilà  instruit,  mais  si  tu  jases...* 

FioAao.. 

Moi  jaser!  je  n'emploierai  point  pour  yous'ra»' 
surer  les  grandes  phrases  d'honneur  et  de  dévoue- 
ment dont  on  abuse  à  la  journée;  je  n*ai  qu'un 
mot  :  mon  intérêt  tous  répond  de  moi  ;  pesez  tout 
à  cette  balance ,  et. .« 

LE    COMTE. 

Fort  bien.  Apprends  donc  que  le  hasard  m'a 
fait  rencontrer  au  Prado ,  il  y  a  si^  mois ,  une 
jeune  personne  d'une  beauté  ! . . . .  Tu  yiens  de  la 
voir.  Je  l'ai  fait  chercher  en  Vain  par  tout  Madrid. 
Ce  n'est  que  depuis  peu  de  jours  que  }'ai  décou' 
vert  qu'elle  s'appelle  Rosine ,  est  d'un  sang  noble, 
orpheline  et  mariée  à  un  vieux  médecin  de  cette 
ville ,  nommé  Bartholo. 

FIGARO.^ 

JoQi  oiseau,  ma  foi!  difficile  à  dénicher!  Mais 
qui  vous  a  dit  qu'elle  étoit  femme  du  docteur? 

'  LE  G0MTE.I      . 

Tout  le  monde.. 

FIOABO. 

C'est  une  histoire  qu'il  a  £>rgée  en  «rrivtnt  de 
Madrid ,  pour  donner  le  change  aux  galants  et  les 
écarter  :  elle  n'est  encore  que  sa  pupille^  mais 
bientôt. . . 

LElcowTE,  vwenietti» 

Jamais.  Ah!  quelle  nouvelle!  J'étois  résola  de 
tout  oser  pour  lui  présenter  mes  regrets  ;  et  je  la 


ACTE  I7SCÊNEÏV.  Hr 

tronre  libre  !  Il  n  j  a  pfts  an  moment  à  perdre ,  il 
faut  m'en  faire  aimer  bt  l'arracher  à  l'indigne  en- 
gagement ^'on  lui  destine.  Tu  oonnoit  donc  ce 
tuteur? 

PICAHO. 

Gomme  ma  mère. 

LK  COMTZ. 

Quel  homme  est-ce? 

FIGARO,  vivement^ 
C'est  uni>eau  gros ,  court ,  |j.eune  vieillard ,  gris 
pommelé ,  rusé ,  rasé ,  blasé ,  qui  jguette,  et  furète, 
et  gronde ,  et  geint  tout  à  la  fois. 

LE  COMTE,  impatUnti- 
£h  !  je  l'ai  tu.  Son  caractère  7. 

FioAn'o.! 
Brutal ,  arare  j  amoureu^et  jaloux  à  rezc'ès  de 
sa  pupille ,  qui  le  hait  à  la  mort. 

LE  COMTE. 

Ainsi  ses  moyens  de  plaire  sont. .  • 

PIOAAO.. 

Nuls. 

LE  COMTE. 

Tant  mieux.  Sa  probité? 

FIGARO. 

Tout  «juste  autant  qu'il  en  £Eiut  pour  n'être  point 
pendu. 

LE  COMTE. 

Tant  mieux»  Punir  un  fripon  an  se  rendant 
heureux.  !.. 


as        LE  a^ltBIER  0B  «ÉVILLE. 

FIOÀAO. 

.  C'est  &ite  à  la  Ibis  le  lûeii  public  et  pertica* 
lier  :  ehef-d'ceanre  de  morale ,  en  vérité ,  mon- 
seigneur ! 

LE  COMTE. 

Tu  dis  que  la  crainte  des  galants  lui  fait  fermer 
sa  porte  ?l 

FI&ÂRO. 

A  tcrot  le  monde  :  s'il  pouvoit  la  calfeutrer.  • . 

LE  COMTE. 

Ah!  diable,  tant  pis.  Aurois-tu  de  Taccès  che» 
lui? 

FIGABO. 

Si  j'en  ai  !  Primo,  la  maison  que  j'occupe  appar^ 
ll^nt  au  docteur ,  qui  m'^  loçe  gratis. 

LE  COMTE. 

Ah!  ah! 

FIGAnO. 

Oui.  Et  moi ,  en  Teconnoissance ,  je  lui  promets 
'dix  pistoles  d'or  par  an ,  gratis  aussi. 
LE  COMTE,  impatienté. 
Tu  es  son  locataire  ?, 

*     FIGABO. 

De  plus ,  son  barbier,  son  chirurgien ,  son  apo« 
thicaire  ;  il  ne  se  donne  pas  dans  sa  maison  un 
coup  de  riaoir,.de  lancette  on  de  piston,  qui  ne 
soit  de  la  main  de  votre  serviteur. 
LE  COMTE  temhrasse, 

Ahl'  Figaro ,  mon  ami ,  tu  seras  mon  ange ,  mon 
libérateur ,  mon  dieu  tutélaire. 


AGTK  I,  BCÈlTf:  IV-i    .  a3 

Peflte!' comme  rbtiiité  yoas  a  bUntdt  rappiro-^ 
ché  les  distances!  parlez-moi  des  gens  passionnés! 

LE  COMTEé 

^e.ureux  Figaro  !  tu  vas  voir  ma  Rosipe  !  tu  y  as 
la  voir!  Gonçois-tu  ton  bonheur? 

FIGARO. 

C'est  bien  là  un  propos  d'amant!  Est-ce  que  je 
l'adore ,  moi  ?  Puissiez-yous  prendre  ma  place  ! 

LE    COMTE. 

Âh!  si  Ton  pouvoit  écartbr  tous  les  surveil- 
lants ! 

Yi'oAao., 
C'est  à  quoi  je  rêyois. 

tt.  CO'MÏËt 
Pour  douze  heures  seulement., 

FIGAHO. 

£n  occupant  les  getis  de  leur  propre  intérêt,  on 
les  empêche  de  nuire  à  l'intérêt  d^utfui. 

LE  COMTE» 

Sans  doute.  Eh  bien  ? 

Fi&Ano,  réifant. 
Je  cherche  dans  ma  tête  si  la  phaMnaclè  ne  four- 
niroit  pas  quelques  petits mo3renr innocents.... 

LE  ooAif  s. 
Scélérat  ! 

FvGAno. 
£st-K^  que  je  veux  leur  nuiœ  ?  Ils  ont  tous  be- 
soin de  mon  ministère.  11  ne  s'agit  que  de  les  trai- 
ter ensemble. 


a4        L£  BARBIER  bs  SÊVIULE, 

LB  COMTS. 

Mais  ce  médecin  peut  prendre  nû  soupçon. 

FIGARO. 

Il  faut  marcber  si  vite,  que  le  soupçon  n*ait  pas 
le  temps  de  naitre.  Il  me  vient  une  idée  :  le,  régi* 
ment  de  Royal-Infant  arrive  en  cette  villes 

LE  COMTE. 

Le  colonel  est  de  mes  amis. 

r 
FIGARO» 

Bon.'^PMsentez-vous  chez  le  Socteur  en  habit 
de  cavalier ,  avec  un  billet  de  logement  :  il  faudra 
bien  qu*il  vous  héberge  ;  et  moi ,  je  me  charge  du 
reste, 

S.B  COMTE. 

Excellents 

PIOARO., 

Il  ne  seroit  même  pas  mal  que  vous  eussiez  Fair 
entre  deux  vins. . . . 

LE  dOMTB. 

A  quoi  bon  ?, 

FIGABO. 

Et  le  mener  un  peu  lestement  sous  cette  appii* 
rence  déraisonnable. 

LB   COMTE» 

A  quoi  bon? 

FIGARO*. 

Pour  qtt'il  ne  prenne  aucun  ombrage  »  et  voua 
Croie  plus  pressé  de  dormir  que  d'intriguer  chea 
lui- 


AOSTË  I,  SCÈNE  IT.  &5 

LE  COMTE. 

SopérieuremoDt  yo  !  Mais  que  nrj  vas-tu,  toi  ?  . 

FIGABO. 

Ahl  oui.  Moi  !  Nous  serons  bienheureux  s'il  ne 
vous  reconnoit  pas,  vous,  qu'il  n'a  jamais  tu.  Et 
comment  vous  introduire  après? 

LE  COMTE.  •• 

Tu  as  raison. 

FIOâKO. 

C'est  que  vous  ne  pourvest  peut-être  pas  soute- 
nir ce  personnage  difficile.  Cavalier.. .-  pris  de  Vin. 

LE  COMTE. 

Tu  te  moques  de  moi.  (  Prenant  un  ton  ivrù,) 
N'est-ce  point  ici  la  maison  du  docteur  Bartholo , 
mon  ami? 

FiaAEO. 

Pas  mal ,  en  vérité  ;  vos  jambes  seulement  un 
peu  plus  ayinées  (i/'an  ton  plus  ivre  ).  N'est-ce  pas 
ici  la.maisou.... 

LE  COMTE. 

Fi  donc  !  Tu  as  l'ivresse  du  peuple. 

FIGARO. 

C'est  la  J)onne  ;  c'est  celle  du  plaisiVà 

LE   COMTE. 

La  porte  s'ouvre. 

figaao. 
C'est  notre  homme  :  éloignoos-nous  jusqu'à  et 
qu'il  soit  parti. 


^UÂtra.  Com<di«t;:l4^ 


»a       LE  BABBIEIi  PB  S#VaLL£. 

.SCÊNB  V. 

LE  COMTE  et  FIGARO,  cachés j  BARTHOLO. 

V  A  HT  B  p  t  •  Jd/t  en  juttiaut  à  la  maison». 
Je  reviens  à  rinstant;. qu'on  ne  liiste  entrer 
personne.  Quelle  sottise  à  moi  d'être  descendu  ! 
Dès  qu'elle  m'en  prioit ,  je  deyois  Ixen  ine  dou- 
ter  Et  Basile  qui  ii«  vient  pas!  Il  devoit  tout 

arranger  ^our  que  mon  maria^  se  ik  secrètonent 
demain  :  et  point  de  nouvelles  !  Allons  voir  ce  qui 
peut  l'arrêter. 

SCÈNE  VJ. 

LE  COMTE,  FJGARO. 

LB    COMTfi. 

Qu*Ai-JE  entendu?  Demain  11  épouse  Rosine  en 
secret !> 

F  I  e  ▲  B  o. 

Monseigneur,  la  difficulté  de  réussir  ne  fait 
qu'ajouter  à  la  nécessité  d'entreprendre. 

LE   COMTE. 

Quel  est  donc  ce  Bazile  qui  se  mêle  de  son  ma* 
riage? 

F10>A&0. 

Un  pauvre  hère  qui  montre  la  musique  à  sa  pa- 
pille, infatué  de  son  art,  friponneau,  besoigneux, 
à  genoux  devant  un  écu ,  et  dont  il  sera  facile  de 


ÂGTB  I,  6GËNE  VI.  a^ 

Tenir  à  bout ,  monseignear. . .  «  (  Regardant  à  la  ja- 

Qui  donc  7 

YIGAAO. 

Derrière  sa  jalousie ,  la  voilà ,  l'a  voilà.  Ne  re* 
gardez  pas ,  ne  Regardez  done  pas. 

LE    âOMTE. 

Pourquoi? 

Ne  vous  écrit -elle  pas?  «  chantez  indifferem" 
(c  ment;  »  c'est-à-dire,  chantez  comme  si  vous 
chantiez....  seulement  pour  chanter.  Oh!  là  v'ià, 
la  vlà. 

X.    COMtE. 

Puisque  j*ai  commencé  à  Tintéresser  sans  être 
connu  d'elle ,  ne'qnittons  point  le  nom  de  Lindor 
que  j'ai  pris  ;  mon  triomphe  en  aura  plus  de  char- 
mes, {li  déploie  te  papier  (fue  Roaiae  a  jeté,)  Mais 
comment  chaiktet  sur  c^te  mvuîque?  Je  ne  sais 
pas  faire  de  vers ,  mok  ' 

ptoAno. 

Tout  ce  qui  Voué  viendra,  monseigneur,  est 
excellent  :  en  amour,  le  cœur  n'est  pas  difficile  sur 
les  productions  de  l'etpriti,...  et  prenez  ma  gui- 
tare. 

,1,%  COMTB 

Que  yeuxrrtu  que  js'en  ftsie?  j'«n  |o«esi  malî 


98       LE  BARBIER  DE  SSVICLE: 

Fit>Aao. 

Est-ce  qu*un  homme  comme  voini  ^nore  quel- 
que chose  ?  Ayec  le  dos  de  la  main  ;  firom ,  firom  / 
from...  Chanter  sans  guitare  à  Séyille!  tous  seriez 
bientôt  reconnu  ma  foi ,  bientôt  dépisté. 

(Figaro  se  coite  au  mur  sous  te  batcon,  ) 

LE  COMTB  chante  eu  se  prqmeaantf  et  s'accompa- 
^  quant  sur  sa  guiiare. 

Premier  couptet^ 

Yous  rordonnez ,  ie.me  ferai  coniioitre  ;[ 
Plus  inconnu ,  i'osai  tous  adorer  :. 
£n  me  nommant,  que  pourrois-je  espérer? 
Hlmporte,  il  faut  obéir  à  son  maîfre.  * 

FIGARO,  bas* 
Fort  bien ,  parbleu  \  cours^ge ,  monseigneur. 

<        LE  COMTEft  .      -     •» 

Deuxième  couplet» 
Se  suis  Lindor,  ma  naîssanoe  est  commune; 
Mes  voeux  sont  ceux  d'un  simple  bachelier  ^  ] 
Que  n'ai-)e ,  hélas  l  d'uli  brillant  cheTalier 
A  vous  oiTrir  le  rang  et  la  Ihrtuàel 

FiGAao. 
Et  comment  diable!  je  q«  feroia,  pas.  mieux, 
moi  qui  m'en  pique^    .    .  , 

LE  COMTE. 

Troisième  couplet*^ 
Tous  les  matins  ici  d*une  Voix  tendre , 
Je  chanterai  mon  amour,  sai^s  espoir; 


j  ACX£  I,  SCÈNE  VI.  ag 

Je  bornerai  mes  plaisBra  à  tous  voir  ; 
'  Et  puissiez-vous  en  trouver  à  m'entendre  ! 

FIGARO. 

Oh  !  ma  £fH  !  pour  celui-ci. . . .  (  //  s* approche. ^  et 
6ais€  te  bas  de  i'hahit  de  son  maître:) 

I.E, COMTE.; 

Figaro  ? 
Excellence? 

LS    COMTE. 

Crois-tu  que  Ton  m'ait  entendu  ? 

KosiVEf  en  dedans',  chante,  ' 

'Ain  :  Du  maître  en  droit. 

(Tout  me  dit  que  Lindor  est  charmant, 
Çue  je  dois  l'aimer  constamm^L..; 

(  On  entend  une  croisée  qid  se  ferme  avec  bruits  ) 

FioAno. 
Groyez-Yous  qu'on  vous  ait  entendu  cette  fois? 

LE    COMTE. 

Elle  a  fermé  sa  fenêtre;  quelqu'un  apparejk-* 
ment  est  entré  chez  elle.  ' 

FIOAROi: 

Ah!  la  pauvre  petite!  comme  elle  tremble  en 
chantant!  Elle  est  prise,  monseigneur.. 

LE  COMTE. 

Elle  se  sert  du  mojen  qu'elle-même  a  indiqué. 
«  Tout  me  dit  que  Lindor  est  charmante  »  Que  do 
grâce»  !  que  d'esprit  l 

3. 


1 

J 


3o       L:E  BÂRBIEÏil  Ï>E  s&Y.irrE, 

Qne'de  rose  f  que  d'amonrli 

Croift-tn  qu'elle  se  donne  à  moi ,  Vigiaito  ?i 

Elle  passera  plutôt  à  traren  cette  jalousie  que 
d'jmanquer* 

IC   CQMTE« 

C'en  est  fait,  je  suis  à^ma  Rosine. ;••.  pour  la 
vie. 

FIGARO.. 

Vous  oubliez,  numseigneur ,  qu'elle  ne  tous 
entend  plus. 

LS   C0MT«. 

M.  Figaro  ?  Je  n'ai  qu'un  <mot  À  vous  dire  :  elle 
sera  ma  flemme  ;  et  si  tous  servez  bien  mon  projet 
en  lui  cachant  mon  nom....  tu  m  entends ,  tu  me 
£onnois.... 

FioAao. 

Je  me  rends.  Allons ,  Figaro ,  vole  à  la  fortune, 
mon  fils. 

LE    COMTE. 

Retirons -nous ,  crainte  de  nous  rendre  sus- 
pects. 

FIGARO,  vivemenK 

Moi ,  j  entre  ici ,  ou ,  par  la  force  de  mon  art ,  je 
vais ,  d'un  seul  coup  de  baguette ,  eoéoimir  la  vi- 
gilance ,  éveiller  l'amour,  égarer  1|  |aloii«ie,fouv 
vo^e^  l'intrigue ,  et  renverser  tqpas  les  çbst«ci»^« 


L' 


é^^'FS  I,  fi^GÊNE  Vli  il 

YoiiB^  monseigneur,  chez  moi ,  riia}>it  4e  solclat  ; 
le  billet  ide>  logement,  et  de  l'or  dans  to9  poches. 

L-E  COMTS. 

Pour  qui.^  Tor  ? 

ri qÂMQ ,  vivement' 
De  l'or,  mon  dieu ,  dé  i*or  :  ç  est  le  nerf  de  Tin-» 
trigue. 

LE   COMTE. 

Ne  te  fâche  pas,  Figaro,  jen  prendrai. beau-^ 
conp. 

FIGARO,  s'en  (allant. 
Je  vous  rejoins  dans  peu. 

LE    COMTE« 

Figaro?   . 

V1«AE0. 

Qa  est-ce  que  e  est? 

LE   COMTE. 

Et  ta  guita»e  ? 

FioA&o  revient. 
J'oublie  ma  guitare  !  Moi ,  j'e  suis  donc  Ibu  Z 

(U  t'en  va,) 

LE    COMTE. 

Et  ta  demeure ,  étourdi  ? 

FiG-Aao  revient.  , 

Âh!  réellement  je  suis  frappé!  Ma  'boutique 
à  quatre  pas  ^  d'ici ,  peinte  en  bleu ,  vitrage  en 
plomb ,  trois  palettes  en  l'air,  l'œil  dans  la  main , 
consiiio  manuque ,  fi garo.  ( U  s'enfuit,  ) 

FIN    DU    PREMIER   ACtE. 


ACTE  SECOND. 

Le  théâtre  représente  Tappartement  de  Rosine. 
La  croisée  dans  le  fond  duthéâtre  est  fermée 
par  une  jaioasie  grillée.  * 


SCÈNE  I. 

ROSINE ,  sefite,  un  bougeoir  à  ta  main,  Eiie  prend 
du  papier  sur  la  tabie  et  se  met  à  écrire» 

OlÀiicELf  HE  est  malade  ;  tous  les  gens  sont  accu* 
pés  y  et  personne  ne  me  Toit  écrire.  Je  ne  sais  si 
ces  murs  ont  des  jeux  et  des  oreilles,  ou  si  mon 
Argus  a  un  génie  malfaisant  qui  l'instruit  à  point 
nommé  ;  mais  je  ne  puis  dire  un  mot  ni  faire  un 
pas  dont  il  ni^  deyine  sur-le-champ  Tintention.. . . 
Ah!  Lindor !  (Eiie  cacheté  ia  lettre.)  Fermons  tou- 
jours ma  lettre ,  quoique  j'ignore  quand  et  com- 
ment je  pourrai  la  lui  feire  tenir.  Je  Tai  tu  à 
travers  ma  jalousie  parler  long-temps  au  barbier 
Figaro.  G  est  un  bon-homme  qui^a'a  montré  quel- 
quefois de  la  pitié';  si  je  pQurois  l'entretenir  un 
moment! 


LE  BAITBIER,* etc.'KCTE  II , BGËNE.II.    33 

SCÈNE  II 

ROSINE,  FIGARO; 

AosiffE,  turpfiseu 
Ah  !  M.  Fijgioo ,  que  je  suis  aise  de  yotts  voir! 

FIGAIIO. 

Totre  santé ,  madame  ?  • 

IIOS2HE. 

Pas  trop  lH)niie ,  M.  Figaro.  L'enaai  me  tne« 

FIGAHO. 

7e  le  crois  ;  il  n*eiigraisse  que  les  sots. 

ROSIVE. 

AVec  qui  parliez-rous  donc  ià4)as  si  vÎToment? 
je  n'entendois  pas  ;  mais. . . 

FIOÀRO. 

Avec  un  jeune  bachelier  de  mes  parents,  de  la 
plus  grande  espéranee;  plein  desprit,  de  senti* 
méats ,  de  talents  >  et  d  une  figure  fort  revenante. 

BOSIRCi 

Oh!  tout- à- fait  bien  ,  je  tous  assure.  Il  se 
noBime  ? .  • .. 

# 

|>IGAR0. 

Lindor.'  Il  n'a  rien  ;  mais ,  s'il  n*eût  pas  quitté 
brusquement  Madrid ,  il  pouroit  j  trouver  quel- 
que bonne  place. 

aosiirB,  étourdimeni. 

Il  en  trouvera ,  M.  Figaro ,  il  en,  trouvera.  Uit 
jenne  homme  tel  que  vous  le  dépeiguest,  n'est  pas 
fait  pour  rester  inconnu. 


i 


8(        rS  BilREIBR^DE  ÇÈYIt'LE. 

FfGAKQ,  à  paru 
For)  bien.  (Bout.)  MsA»  il  «  tin  g^and  défiiat, 
qui  nuira  toujour»  à  son  aT«acement. 

AOSIKE. 

Un  défaut ,  M.  Fi|;tiro  l  Un  dé^ut  !  en  étes-vons 
bien  aûtZ       ^ 

Il  est  amoureux. 

It  est  ttmeuTeux!  et  voua  app«l«fe  oela  un  dé- 
faut? 

FIGARO. 

A  là  vérité ,  ce  n  en  est  un  que  relativement  à  sa 
mauyaise  fortune. 

nosiiTB. 
Ah!  que  le  sort  est  injuste!  Et  nomine-t-il  la 
personne  qu'il  aime  7  Je  suis  d'ulie  curiosité. . . 

piGAaO. 
Vous  êtes  la  dernière,  madeane^  à  qui  ye  voti<; 
drois  faire  une  confidence  de  cette  nature. 

&OS1VE,  vivement 
Pourquoi,  M.  Figaro?  je  suis  discrète;  ce  j^tOkQ 
homme  tous  appartient ,  il  m'intéresse  infini- 
ment...  dites  donc. 

F  <  «  A  11  o ,  /a  PêQûtdant  pniment,. 
Figurez-Tous  la  plus  jolie  pecit«  mignonvie, 
douce ,  tendre ,  aceorte  et  fraîche ,  agaçant  Tappé- 
lit,  pied  Inrtif ,  taille  adroite,  élancée,  bras  do- 
dus ,  botieba  roiëe ,  et  des  mains  !  des  jones  !  idof 
dents  !  des  jeux  ! . . . 


AGinS  II,  SÇËHE  II.  3S 

aosisx» 
Qui  resu  en  cette  rUM 

En  ce  quartier. 

BOSIB*. 

Dans  cette  rne ,  peut-être  ? 

FIGAEO.  *  ^ 

A  deux  pas  de  moi. 

n  o  s  I R  E. 
Ah!  que  c  est  charmait. ..  pour  monsieur  votre 
parent  !  Et  cette  personne  est? . . . 

FIGARO. 

Je  ne  Tai  pas  nommée? 

ROSi.HE,  vhemeMt. 
C'est  la  seule  chose  que  yous_  ajez  ouhliée, 
monsieur  Figaro.  i)ites  donc ,  dites  donc  vite  ;  si 
l'on  rentroit ,  je  ne  pourrois  plus  savoir. . . 

FioAno. 
Vous  le  voulez  .absolument,  madame?  £h  bien! 
cette  personne  est...  la  pupille  de  votre  tuteur. 

BOSIHE.  « 

La  pupille?...  i 

FIGARO. 

Du  docteur  Bartholo  ;  oui ,  madame. 

ROSINE,  avec  émotion. 
Ah  !  M.  Figaro  ! ...  je  ne  vous  crois  pas ,  je  vous 
assure. 

FiaA»c. 
£t  c'est  oe  qu'il  brûle  de  venir  roui  petsnftder 
lui-même. 


36        LE  BARBIER  DE  SÉVILLE. 

mosisE. 
Yoas  me  faitfes  trembler ,  M«  Figaro. 

piaAmo. 
Fi  donc,  trembler!  mauvais  calcul,  madame; 
^and  on  cède  à  la  peur  du  mal ,  on  ressent  déjà 
le  mal  de  la  peur.  D'ailleurs ,  je  viens  de  tous  dé- 
barrasser de  tous  vos  surveillants  jus<|u*à  demain. 

ROSIHE. 

S'il  m'aime,  il  doit  me  Ib  prouver,  en  restant 
absolument  tranquille. 

FIGARO. 

£h  !  madame ,  amour  et  repos  peuvent-ils  habi- 
ter en  même  cœur  ?  La  pauvre  jeunesse  est  si  mal^ 
heureuse  aujourd'hui ,  qu'elle  n'a  que  ce  terrible 
choix  :  amour  sans  repos ,  ou  repos  sans  amotir. 
B  o  s  I N  E ,  baissant  tes  yeux. 
Repos  sans  amour. . .  paroît. . . 

FioAno. 
Ah  !  bien  languissant.  Il  semble ,  en  effet ,'  qu*a- 
mour  sans  repos  se  présente  de  meiïlei^e  grâce  :  et 
pour  moi ,  si  j'étois  femme... 

ROSINE,  avec  embarras. 
Il  est  certain  qu'une  jeune  personne  ne  peut 
empàcher  un  honnête  homme  de  l'estimer» 

FIOABO. 

Âtissi  mon  parent  vous  estime-t-il  infiniment.. 

nosivz. 
Mais  s'il  alloit  faire  quelque  imprudence ,  mon- 
sieur Çigaro,  il  nous  perdroit.. 


ACTE  II,  SCÈNE  II.  37 

FiGAno,  à  part. 
Il  nous  perdroît.  (  Haut. }  Si  yous  le  lui  défen- 
diez expressément  par  une  petite  lettre...  Une 
lettre  a  bien  du  pouvoir. 
TiOSiVB,  lui  doi/ne  la  lettre  qu'elle  vient  d'écrire. 
Je  n'ai  pas  le  temps  de  recommencer  celle-ci; 
mais,  en  la  lui  donnant,  ditesrlûi....  dites-lui 
Lien. . .  (  Elle  écoute.') 

FI6AH0. 
Personne ,  madame. 

Il  o  s  I  9  E. 
Que  «est  par  pure  amitié  tout  ce  J^ue  je  fais< 

F I  o  A  n  o« 
Cela  parle  de  soi.  Tuàièu!  Tamour  a  bien  une 
autre  allure  ! 

nos  IRE. 

Que  par  pure  amitié ,  éntendëz-vôus  ?  Je  crains 
seulement  que  rebuté  par  les  difficultés 

FiaABO. 

Oui,  quelque  feu  £oIlei.  Souvenez  (-vous,  mar 
dame ,  que  le  vent  qui  éteint  une  lumière ,  alluma 
un  brasier,  et  que  nous  sommes  ce  brasier-là.  D'en 
parler  seulement,  il  exhale  un  tel  feu  qu'il  m'a 
presque  enficvré  *  de  sa  passion ,  moi  qui  n'y  ai 
que  voir. 


*  Le  mot  enfiévré,  qui  n'est  plus  françois ,  a  excité  la 
plus  vive  indignation  parmi  les  puritains  littéraires;  \e 
ne  conseille^  auc^n^g^nt  j^omme  de  s'en  servir  :  n^, 
M.  Figaro!.... 

Tlkéâtre.   Comédie*.    l4*-  4 


/ 


36        LE  BARBIER  DE  SÊVILLE. 

nosiNE. 
Dieux!  j'entends  mon  tuteur.  S'il  tous  trouToÉ 
ici...  Passez  par  le  cabinet  du  clavecin,  et  descea 
dez  le  plus  doucement  que  vous  pourrez. 

FioAno. 
Sojez  tranquille.  (A  part^  en  montrant  ta  teftre.) 
Voici  qui  vaut  mieux  que  toutes  mes  observa- 
tions. (  Il  entre  dans  te  cabinet. } 

SCÈNE  IIL 

ROSINE,  seuUn 

Je  meurs  d'inquiétude  jusqu'à^  ce  qu'il  soit  de* 
hors...  Que  je  l'aime  y  ce  bon  Figaro  !  c'est  nn  bien 
honnête  homme ,  un  bon  parent  !  Ah  !  voilà  mon 
tjran;  reprenons  mon  ouvrage.  (Eite  souffle  la  bott- 
gie^  s  assied,  et  prend  une  broderie  au  tambour.) 

SCÈNE  IV. 

BARTHOLO,  ROSINE. 

BARTHOLO,  en  colère. 
Ah!  malédiction,  l'enragé,  le  scélérat  corsaire 
de  Figaro.  Lk,  peut-on  sortir  un  moment  de  chez 
soi ,  sans  être  siir  en  rentrant  ?.. 

AOSINE. 

Qui  vous  met  donc  si  fort  en  colère ,  monsieur  ? 

BARTHOLO. 

Ce  damné  barbier  qui  vient  d'écloper  toute  ma 
maison  en  un  tour  de  main  :  il  donne  un  narcoti^ 


AUTB  II,  SCÈNE  IV.  89 

^ae  à  r£yeillé ,  un  stemutatoire  à  la  Jeunesse  ;  il 
saigue  au  pied  Marceline  :  il  n  j  a  pas  jusqu*à  ma 
mule...  sur  les  yeux  d  une  pauvre  bête  aveugle  un 
cataplasme  !  Parce  qu'il  me  doit  cent  écus ,  il  se 
presse  de  faire  des  mémoires.  Ah!  qu'il  les  ap- 
porte! Et  personne  à  Tan ti -chambre;  on  arrive  à 
cet  appartement  comme  à'  la  place  d'armes. 

BOSIVE.  ( 

Et  qui  peut  y  pénétrer  que  vous ,  monsieur? 

BAATHOLO. 

J'aime  mieux  craindre  sans  sujet ,  que  de  m^ex** 
poser  sans  précaution  ;  tout  est  plein  de  genë  en- 
treprenants, d'audacieux...  'N'a-t-on  pas  ce  matin 
encore  ramassé  lestement  votre  chanson  pendant 
que  j'allois  la  chercher?  Oh!  je... 

nbsiNE. 

C'est  bien  mettre  à  plaisir  de  l'importance  à 
tout  !  Le  vent  peut  avoir  éloigi^é  ce  papier,  le  pre-* 
mier  venu...  que  sais-je? 

bautholo. 
Le  vent,  le  premier  venu!...  Il  n'j  a  point  de 
vent  y  madame,  point  de  premier  venu  dans  le 
monde;  et  c'est  toujours  quelqu'un  posté  là  ex- 
près ,  qui  ramasse  les  papiers  qu'une  femme  a  l'air 
de  laisser  tomber  par  mégarde* 

nos  I  SE., 
A  l'air,  monsieur?     . 

BAATBOLO. 

Oui ,  madame ,  a  l'ait. 


4a        LE  BÀRBIER^DiE  SÉYILLE, 

L*éYËlLt£. 

Monsieur,  j 'étois. . .  ah ,  aah ,  afa. .   . 

BARTHOLO. 

A  machiner  quelque  espiégleBΫ ,  sans  doute  ? 
Et  tu  ne  l'as  pas  vu  ?  ^ 

Sûrement  je  l'ai  vu  ;  puisqu'il  m'a  trouvé  tout 
malade,  à  ce  qu'il  dit;  et  faut  bien  que  ça  soit 
vrai ,  car  j 'ai  commencé  à  me  doulpir  dans  tous  les 
membres ,  rien  qu'en  Fentendant  parl.w..  Ah  !  ah  I 
aah. ... 

'     Bkutno'Lo,  ie  confrefiiUant, 

Rien  qu'en  l'entendant....  Où  eSt  donc  ce  vau- 
rien de  la  Jeunesse  ?  Droguer  ce  petit  garçon  sans 
mon  ordôUnance!  Il  j  a  quelque  friponnerie  là- 
dessous.. 

SCÈNE   VII. 

BARTHOLO,  L'ÉVEILLÉ,    LA  JEUNESSE. 

(  La  Jeunesse  arrive  en  vieillard  avec  une  canne  en  bé- 
quille ;  il  ëtemue  plusieurs  Sois.) 

l'iêveillé,  toulours  bdiUanU 
L'a  Jeunesse  ? 

B  ASTHOLO. 

Tu  éternueras  dimanche^ 

LA    JEirifESSk. 

Voilà  plus  de  cinquante....  cinquante  fois.... 
dans  un  moment!  {Il  éiernue.)  Je  suis  brisé. 


ACTE  II,  SCÈNE  VII.  43 

BABTHOLO. 

Comment  !  J6  tous  demande  à  tous  deux  s'il  est 
entré  quelqu'un  chez  Kosine ,  et  yous  ne  me  dites 
paA  qoe  ce  barbier.  •  ■ 

■LÈYTihLÈ,  continuant  de  bdilier. 

Est-ce  que  cest  quelqu'un  donc  M.  Figaro? 
Aah ,  ah. . . 

BARTHOLO. 

Je  parie  que  le  rusé  s'entend  arec  lui. 

L* ÉVEILLÉ,  pleurant  comme  un  sot. 
Moi. ..  je  m'entends  !. , 

LAJEtJNESSE,  éternuant. 
Eh!  mais,  monsieur,  j'a-t-11....  j  a-t-il  de  la 
justice  ? 

BAltTBOLO. 

De  la  justice  !  C'est  Bon  entre  tous  autres  misé- 
rables ,  la  justice  !  Je  suis  yotre  ftaitre ,  moi ,  pour 
avoir  toujours  raison. 

•  iA  jtvsJLisz,  éternU'aat^ 

Mais  pardi  i  quand  une  cho|e  est  vraie. . ..  • 

BARTHOLO. 

Quand  une  chose  est  vraie  !  Si,  je  ne  veux  pag 
qu'elle  soit  vraie ,  je  prétends  bien  qu'elle  ne  soit 
pas  vraie.  Il  n'^  auroit  qu'à  permettre  à  tous  ces 
faquins-là  d'avoir  raison ,  vous  verriez  bientôt  ce 
que  deviendroit  l'autorité. 

LA  JEUVESSE,  ^t^rnuant, 

J*aitoe  autant  recevoir  mon  congé.  Un  service 
terrible ,  et  toujours  un  train  d'enfer. 


J 


44         LE  BARBIER  DE  SlÈVIIiLE. 
z.*]ÉiyEii.Lé,  pleurant» 

Un  pauvre  homm^  de  hian  e^x  traité  comme  an 
miséral>le«       .    . 

BARfrHOLO. 

Sors  donc ,  pauvre  homme  de  bien.  (Il  les  con- 
trefait.) Et  t chi  et  tcha;  lun  mët^rnue  au  nez, 
l'autre  m  j  bâille.. 

LA   JEDHESSI. 

Ah  r  moi^sijeur ,  je  vous  jvre  que  sans  mademoi- 
selle ,  il  n  j  aucoit..».  il  n'y  auroit  pas  mojren  de 
rester  dans  la  maison; 

(  (1/  sort  en  éternuant.  ) 

Dans  quel  état  ce  Figaro  les  a  mis  tons  !  Je  rois 
ce  que  c'est  :  le  maraud  vou.droit  me  payer  mes 
cent  écus  ss^ipis  bourbe  délier^ .. . 

SCÈNE  VIIL 

BARTHOLO,  DON  BAZILEij  FIGARO,  eac^iS 
dans  le  caèiinet, .paédlt  dt  fem^scti  Ump$,  el  les 

écoute» 

»À']rTttoi.'0  continué,. 
Ah!  don  Bàziïé,  vous  véttiëz  donner  à  ftosine 
sa  leçon  de  musique  t 

BAZILE.. 

« 

€'est  ce  qui  presse  le  moins. 

B  A  n  T  H  o  L  o.« 
J'ai  passé  chez  vous  sans  tous  trouTer. 


AGXEIP,  SCÈNfeVIIl:  55 

BAZILE. 

J'étois  sorti  pour  y  os  affaires.  Apprenez  une  uoi>> 
Telle  assez  fâcheuse.  ^  > 

BARTHOLO. 

Pour  vous  ? 

BAZILS. 

Non,  pour  TOUS.  Le  comte  Almayiva  est  en 
cette  Tille. 

bautholo. 

Parlez  bas«  Celui  qui  faisoit  chercher  Rosine 
dans  tout  Madrid  ? 

BAzrLE.. 

II  loge  à  la  grande  place,  et  sort  tous  les  )ours 
îdeguisé. 

babtbolo. 

Il  n  en  faut  point  douter,  cela  me  regarde;  et 
^ne  faire  ? 

BAZILE. 

Si  cëtoit  un  particulier  ^  on^  nriendroit  à  bout 
3e  récarter. 

BAUTHOLO. 

f 

Oui ,  eu  s  embus(|uant  le  soir,  armé ,  cuirassé.. 

BAZILE. 

Bonfi  Deus  !  Se  compromettre  !  Susciter  une  mé- 
chante affaire ,  à  la  bonne  heure  ;  et  pendant  la  fer- 
mentation calomnier  au  dire  d  experts  ;  concedo. 

babtbolo. 

Singi^er  moje'n  de  se  défaire  d'un  homme 

BAZILE..  j 

L«  calomnie,  monsieur?  Vous  ne  savez  guère  À 


48       XE  BARBIER  DE  SËYILLE. 

BAItTHOLO. 

Non  pas.  Je  yeux  fermer  sur  yous  la  porte  de  la 
rue. 

SCÈNE  IX. 

FIGARO,  seul,  sortant  du  cabinet. 

•'Oh!  la  bonne  précaution!  Ferme,  ferme  la 
porte  de  la  rue ,  et  moi  je  vais  la  rouvrir  au  c6inte 
en  sortant.  C'est  un  grand  maraud  que  ce  Basile  ! 
heureusement  il  est  encore  plus  sot.  Il  faut  un 
état ,  une  Camille ,  un  nom ,  un  rang ,  de  la  co^nsis- 
tance  ei^fîn ,  pour  faire  sensation  dans  le  monde  en 
calomniant  :  mais  un  Bazile ,  il  médiroit  qii'on  ne 
le  croiroit  pas. 

SCÈNE  X. 

ROSINE,  accourant;  FIGARO. 

BOSIVE. 

Quoi  !  VOUS  êtes  encore  là ,  M.  Figaro  ? 

'  FIOARO. 

Très-heureusement  pour  vous,  mademoiselle. 
Votre  tuteur  et  votre  maitre  à  chanter,  se  crojant 
seuls  ici ,  viennent  de  parler  à  cœur  ouvert.. . . 

ROSINE. 

Et  vous  les  avez  écoutés ,  Af.  Figaro  ?  Mais  sa- 
vez-yous  que  c'est  fort  mal. 

FtaARO. 

I 

D'écouter?  C'est  pourtant  te  qu'il  j  a  de  niibuz 


ACTE  II,  SCÈNE  X.  49 

pour  bien  entendre.  Apprenez  (jue  votre  tuteur  se 
dispose  à  vous  épouser  demain. 

nosiiîE. 
Ah  !  grands  dieux  ! 

Fl&ARO. 

Ne  craignez  rien.;  nous  lui  donnerons  tant 
d*ouyrage ,  qii'il  n'aura  pas  le  tetnps  de  songer  à 
celui-là. 

Le  Yoici  qui  revient;  sortez  donc  pan  le  petit 
escalier.  Vous  me  faites  mourir  de  frajeur. 

(Figaro  s^enfuit») 

SCÈNE   XL 

BARTHOLO,  HOSmE« 

nosiiTE. 
Vous  étiez  ici  avec  quelqu'un ,  monsieur? 

BARTHOLO. 

Don  Bazile  que  j'ai  reconduit,  et  pour  cause. 
Vous  eussiez  mieux  aimé  que  c'eût  été  M.  f'igaro. 

nosiNE. 
Cela  m'est  fort  égal ,  je  vous  assure. 

BARTHOLO. 

Je  Toudrois  bien  savoir  ce  que  ce  barbier  avoit 
de  si  pressé  à  vous  dire  ? 

ROSINE. 

Faut  -  il  parler  sérieusement  ?  Il  m'a  rendu 
compte  de  l'état  de  Marceline ,  qui  même  n'est  pa^ 
trop  bien ,  k  ce  qu'il  dît.       ,  .  '  .   .  • 

Théâtre.  Comédie*.    l4*  ^ 


5o        LE  BARBIER'  DE  SÊYILLE. 

BÀUTHOLO. 

Vous  rendre  compte  !  Je  vais  parier  qu'il  étoit 
chargé  de  vous  remettre  quelque  lettre. 

ROSI  HE, 

Et  de  qui ,  s*il  tous  pi  ait? 

BARTROLO. 

Oh  !'  de  qui  ?  De  quelqu'un  que  les  femmes  ne 
nomment  jamais.  Que  sais-je,  moi?  Peut-être  U 
réponse  au  papier  de  la  fenêtre. 

ROSiVE,  à  part. 

Il  n'en  a  pas  manqué  une  seule.  {Haut.  )  Vous 
mériteriez  bien  que  cela  fàu 

BARTHOLO  regarde  tes  mains  de  Rosine. 
Ctela  est.  Vous  avez  écrit. 

.    R  o  s.  I H  E ,  avec  embarras. 
Il  s'eroit  assez  plaisant  que  vous  eussiez  le  pro* 
jet  de  m'en  faire  convenir. 

B  A  B  T  H  o  L  o ,  luî  prenant  ta  main  droite. 
Moi!  Point  du  tout;  mais  votre  doigt  encor« 
taché  d'encre!  Hein?  rusée  signora! 

ROSINE,  à  part. 
Maudit  homme  ! 

BARTHOLO,  lui  tenant  toujours  ta  mainJ 
Une  femme  se  croit  bien  en  sûreté  parce  qu  elle 
est  seule. 

ROSIVE. 

Ah  !  sans  doute. . .  La  belle  preuve  ! . . .  Finissez 
donc,  monsieur ,  vous  me  tordez  le  bras.  Je  me  suis 
brûlée  en  chiffonnant  autour  de  cette  bougie ,  et 


ACTE  II,  SCÈNE  XL  5i 

l'on  m'a  toujours  dit  qu'il  falloit  aussitôt  tremper 
dans  Tencre  ;  c'est  ce  que  j'ai  fait. 

BAnTHOX.O« 

G*est  ce  que  vous  ayez  fait?  Voyons  donc  si  un 
«econd  témoin  confirmera  la  déposition  du  pre- 
mier. C'est  ce  cahier  de  papier ,  où  je  snis  certain 
qu'il  j  avoit  six  feuilles;  car  je  les  compte  tous 
les  matins ,  aujourd'hui  encore.  « 

a  o  s  I V  E ,  à  part.  > 
Oh!  imbécile!.,.. 

B  A IV  T  H  o  I.  o ,  compf anf . 
Trois ,  quatre ,  cinq. .  • 

ROSINE.; 

La  sixième... 

BARTHOLO. 

Je  vois  bien  qu'elle  n'y  est  pas ,  la  sixième.' 
R  o  s  1 H  E ,  baissant  les  ifcax. 

La  sixième?  Je  l'ai  employée  à  faire  nn  cornet 
pour  des  bonbons  que  j'ai  envoyés  à  la  petite 
Figaro.   " 

BARTHOLO. 

* 

A  la  petite  Figaro  ?  Et  la  plume  qui  étoit  toute 
neuve  ;  comment  est-elle  devenue  noire  ?  Est-ce  en 
écrivant  l'adresse  de  la  petite  Figaro? 

ROSINE,  à  part. 

Cet  homme  a  un  instinct  de  jalousie...  (Haut.) 
Elle  m'a  servi  à  retracer  une  fleur  effacée  sur  la 
veste  que  je  vous  brode  au  tambour. 


5a        LE  BARBIER  DE  SÉVILLE. 

BARTHOLO. 

Que  cela  e^t  édifiant  !  Pour,  qu'on  vous  crut , 
mon  enfant,  il  faudroit  ne  pas  rougir  en  déguisant 
coup  sur  coup  la  vérité  ;  mais  c'est  ce  que  yous  ne 
savez  pas  encore. 

nosiNE. 

Eh  !  qui  ne  rougiroit  pas ,  monsieur ,  de  voir  ti> 
rer  des  conséquences  aussi  malignes  des  choses  le 
plus  innocemment  faites? 

BARTHOLO. 

Certes ,  j*ai  tort;  se  hrûler  le  doigt,  le  tremper 
dans  Tencre ,  faire  des  cornets  aus:  bonbons  pour 
la  petite  Figaro,  et  dessiner  ma  veste  au  tambour! 
quoi  de  plus  innocent!  Mais  que  de  mensonges 
entassés  pour  cacher  un  seul  fait!...  Je  suis  seate, 
on  fie  me  voit  point;  je  pourrai  mentir  à  mon  abe; 
mais. le  bout  du  doigt  reste  noir ,  la  plume  est  ta-- 
chée ,  le  papier  manque  ;  on  ne  sauroit  penser  à 
tout.  Bien  certainement,  signora,  quand  j'irai  par 
la  ville,  un  bon  double  tour  me  répondra  de 
vous. 


ACTE  II,  SCÈNE  XH.  Sa 

SCÈNE  XIL 

"LE  COMTE,  BARTHOLO,  ROSINE- 

(Ce  comte,  en  uniforme  de  cavalerie,  ayant  l'air  d'être 
entre  deux  vins,  et  chantant  :  Réveillons-la  j  etc. 

BART0ÛLO. 

Mais  que  nous  veut  cet  homme?  Un  soldat! 
Rentrez  chez  TOQ»,  sigftora. 
LE  coKTs  chante,  ré^eilloitâ^ht^  et  ^Mvaa9e  vers 

Rosine, 

Qui  de  vous  d.eux ,  mesdames ,  se  nomme  le 
docteur  BAlardxx  ?  ( ^  Rosine,  bas.  >  Je  sim  Lindor. 

BABTHOLO. 

Bartholo. 

BOSINE,  à  part. 
Il  parle  cte  liindor. 

LE  COMTE. 

Balordo ,  Barque  à  l'eau,  je  m  en  moque  comme 
de  ça.  Il  9'agit  seulement  de  sfavoir  laquelle  des 
deux. ..(A Rosine ,  lui  montrant  un  papier, ) .Prenez 
cette  lettre* 

BAETHOLO. 

Laquelle!  Yqus  yojez  bien  que  c'est  moi.  La- 
quelle !  Rentrez,  donc ,  Rosine ,  c€t  homme  paroît 
avoir  du  vin. 

nosiNE. 

C'est  pour  cela  y  monsieur  ;  vous  êtes  seul.  Une 
femme  en  impose  quelqaefoki» 

BARTHOLO. 

Rentrez ,  rentre»;  je  ne  suis  paa  timide. 

5. 


54        XiE  BARBIER  DE  SËVICLE, 

SCÈNE  XIII. 

LE  COMTE,  BARTHOLO. 

L£  COMTE. 

Oh  !  je  tous  ai  reconnu  d'abord  à  votre  signa^ 
lement.  v 

BABTBOLO,  Att  comU ,  qui serte la lettrem 

Qu  est-ce  que  c'est  donc  que  vous  cachez  là 
dans  votre  poche? 

I.E  COMTE. 

Je  le  cache  dans  ma  poche  pour  que  tous  ne  sa* 
chiez  pas  ce  que  c'est. 

BAnTHOtO. 

Mon  signalement!  Ces  gens>là  croient  toujojirs 
parler  à  des  soldats. 

XE  COMTE.. 

Pensez-vouS  que  ce  soit  une  chose  si  difficile  à 
faire  que  votre  signalement? 

Air  :  Ici  sont  venus  en  personne. 

Le  chef  branlant ,  la  tête  chauve , 
Les  yeux  vërons ,  le  regard  fauve , 
L*air  farouche  d'un  Algonquin , 
La  taille  lourde  et  de  jetée , 
L'épaule  droite  surmonte'e,       \ 
Le  teint  grenu  d'un  maroquin , 
Le  nez  fiiit  comme  un  baldaquin  ^ 
La  jambe' potte  et  circonflexe , 
Le  ton  bourru ,  la  voix  peiplexe  y 


ACTE  II,  SCÈNE  XIII.  55 

Tous  les  appétits  destractenrs , 
Enfin  la  perle' des  docteur».  < 
bautholo» 
Qu'est-ce  que  cela  veut  dire?  Ëtes-Tous  ici  pour 
m'insulter?  Délojges  à  l'instant. 

LE  COMTE. 

Déloger!  Ah!  fi!  que  c'est  mal  parler!  Savez- 
vous  lire,  docteur...  Barbe  à  leau?. 

BÀRTHOLO. 

Autre  question  saugrenue! 

LE    COMTE.^ 

Oh!  que  cela  ne  vous  fasse  point  de  peine  ;  car, 
moiqui  suis!pour  le  moins  aussi  docteur  que  vous... 

B  A  n  T  H  o  L  o. 
Gomment  cela  ? 

LE    COMTE. 

Est-ce  que  je  ne  suis  pas  le  médecin  des  chevaux 
du  régiment?  Voilà  pourquoi  l'on  m'a  exprès  logé 
cheï  un  confrère. 

BARTHOLO. 

Oser  comparer  un  mai'échal. . . . 

LE  COMTE. 

Air  :  Vive  te  vin. 

(Sans  chanter.) 
Non ,  docteur,  je  ne  prétends  pas , 
Que  notre  art  obtienne  le  pas 
Sur  Hîppocrate  et  sa  brigade. 

'  Bartholo  coupe  le  signalement  à  l'endroit  qu'il  lui 
plftit. 


56        LE  BARBIER  DE  SÉYILLE« 

(En  chantanL) 

Votre  savoir,  mon  camatade» 
Est  d'un  succès  plus  général; 
Car  s'il  n'emporte  point  le  mal, 
n  emporte  au  moins  le  malade. 

Cest-il  poli  ce  que  je  vous  dis  là  ? 

BARTHOLO. 

Il  VOUS  sied  bien ,  manipulèur  ignorant,  de  ra- 
yaler  ainsi  le  premier,  le  plus  grand  et  le  plus 
utile  des  arts? 

LE    COMTE. 

Utile  tout-k-&it ,  pour  ceux  qni  Texercexit. 

BAnTHOLO., 

Un  art  dont  le  soleil  s'hoiiOEe.  dëclairer  les 
succès. 

LE  COMTE. 

Et  dont  la  terre  s'empresse  de  couTrir  les  hér 

vues. 

»  ... 

BA&THOLO« 

On  voit  bien ,  mal  appris ,  que  vous  A'étes  ha- 
bitué de  parler  qu*à  des  chevaux.. 

LE.  COMTE, 

Parler  à  des  chevaux  ?  Ah  !  docteur  !  Pour  un 
'docteur  d'esprit....  N'est-il  pas  de  riotoriété  que 
le  maréchal  guérit  toujours  ses  malades  s{ms  leur 
parler;  au  lieu  que  le  médecin  parle  beaucoup 
aux  siens... 

BAATBOLO 

Sans  leii  guérir,  n'est-ce  pas  ? 


ACTE  II,  SCÈNE  XIII.  S^ 

LE  C0MT4E. 

G  est  VOUS  qui  layez  dit. 

liARTHOLO. 

Qui  diable  nnyoie  ici  ce  maudit  lyrogne  ? 

LE  COMTE. 

Je  crois  que  vous  lâchez  des  épi  grammes ,  l'a-* 
mour! 

B  autholo. 

Enfin ,  que  voulez-yous  ?  que  demandez-vou»? 

L  E  '  c  O  M  T  E ,  feignant  une  grande  colère, 
£h  bien  donc!  il  s'enflamme!  Ce  que  je  yeux? 
Est-ce  que  you»  ne  le  yoyez  pas  ? 

SCÈNE  XIV. 

ROSINE,  L'E  COMTE,  BAKTHOL'O 


""y 


RasiVE,  accourant, 
MoHSiEUR  le  soldat,  ne  yous  emportez  point, 
de  grâce.  (ABarlhoto.)   Pariez -lui   doucement, 
monsieur  :  un  homme  qui  déraisonne. . . . 

LE   COMTE. 

Vous  ayez  raison;  il  déraisonne ,  lui  ;  mais  nous 
sommes  raisonnables ,  nous  !  Moi  poli ,  et  yon& 
jolie....  enfin  suffît.  La  yérité,  c'est  que  je  ne  yeux 
ayoir  affaire  qu'à  yous  dans  la  maison. 

ROSINE. 

Que  puis- je  pour  votre  service,  monsieur  le 
soldat  ? 


58        LE  BARBIER  DE  SÊVILLE. 

LE    COMTE. 

Une  petite  bagatelle,  mon  enfant.  Mais,  s'il  y  a 
de  l'obscurité  dans  mes  phrases. . . 

ROSINE. 

J'en  saisirai  l'esprit. 

LE  COMTE,  /ut  montrant  la  lettre. 

Non ,  attachez-vous  à  la  lettre ,  à  la  lettre.  U 
s'agit  seulement....  Mais  je  dis  en  tout  bien ,  tout 
honneur ,  que  vous  me  donniez  à  coucher  ce  soir. 

BÀRTHOLO. 

Rien  que  cela  ?  .. 

LE    COMTE. 

Pas  davantage.  Lisez  le  billet  idoux  que  notre 
maréchal-des-logis  vous  écrit. 

bautholo. 
.Voyons^  (  Le  comte  cache  la  lettre  et  lui  donne  un 
autre  papier,)  (Bartholo  Ut.)  «  Le  docteur  fiartholo 
«  recevra ,  nourrira ,  hébergera ,  couchera. . . 
LE  COMTE,  appuyant. 
Couchera. 

BARTHOLO. 

«  Pour  une  nuit  seulement ,  le  nommé  Lindor , 
K  dit  l'Ecolier,  cavalier  au  régiment...  » 

ROSINE. 

C'est  lui ,  c'est  lui-même. 

BARTHOLO,  vivcmcnt  à  Rosine. 
Qu'est-ce  qu'il  y  a  ? 

LE   COMTE..  ' 

Eh  bien!  ai-jç  tort  à  présent /^docteur  Barbaro? 


ACTE  II,  SCÈNE  XIV.  69 

BAnTHOLO. 

On  diroit  que  cet  homme  se  fait  un  malin  plai- 
sir de  m  estropier  de  toutes  les  manières  possibles; 
allez  au  diable ,  Barbaro  !  Barbe  à  leau  !  et  dites'  à 
votre  impertinent  marécbal-des-logis  que ,  depuis 
mon  YO  jage  à  Madrid ,  je  suis  exempt  de  loger  des 
gens  de  guerre. 

LE  COMTE,  à  paru 

O  ciel  !  fâcheux  contre-temps  ï 

BARTHOLO. 

Ah  !  ah  !  notre  ami ,  ce)a  vous  contrarie  et  vous 
dégrise,  un  peu  ?  Mais  n  en  décampez  pas  moins  à 
rinstant. 

LE-  COMTE,  à  part, 
>  J'ai  pense  me  trahir.  (Haut.)  Décamper!  Si  tous 
êtes  exempt  de  gens  de  guerre,  vous  n'êtes  pas 
exempt  de  politesse  peut-être?  Décamper!  mon- 
trez-moi votre  brevet  d'exemption  ;  quoique  je  ne 
sache  pas  lire ,  je  verrai  bientôt. . . . 

BABTHOLO. 

Qu'à  cela  ne  tienne.  Il  est  dans  ce  bureau. 
LE  COMTE,  pendant  cju*U  y  va,  dit,  stins  quitter  sa 

place^ 
Ah  !  ma  belle  Rosine  ! 

ROSINE. 

Quoi  !  Lindor,  c'est  vous  ? 

LE    COMTErf 

Recevez  au  moins' cet^e  lettre.,  *' 

RU  SI  HE.  ^ 

Prenez  garde ,  il  a  les  jeux  sur  nou^A' 


Co        LE  BARBIER  DE  SÉVILLE. 

LE    COMTE. 

Tirez  votre  mouchoir,  je  la  laisserai  tomber.  ] 

(  Il  s'approche,  ) 

BARTHOLO. 

Doucement,  «doucement,  seigneur  soldat»  je 
n'aime  point  qu'on  regarde  ma  femme  de  si  près. 

LE  COMTE.,     ' 

Elle  est  votre  femme  ? 

bauthoio. 
Eh  quoi  donc  ? 

Lï  COMTE. 

Je  vous  ai  pris  pour  son  bîsateni  paternel ,  ma- 
ternel ,  sempiternel  ;  il  j  a  au  moins  trois  généra-* 
tions  entre  elle  et  vous. 

BARTHOLO  lU  utt  parchemin» 
u  Sur  les  bons  et  fidèles  témoignages  qui  nous 
«  ont  été  rendus. . .  » 

LE  co MTE  donne  un  coup  de  main  sous  les  parche- 
mins, (fui  tes  envoie  au  plancher. 
Est-ce  que  j'ai  besoin  de  tout  ce  verbiage  ? 

BARTHOZ.O. 

Savez-vous  bien,  soldat,  que  si  j'appelle  mes 
gens,  je  vous  fais  traiter  sur-le-champ  comme 
vous  le  méritez? 

LE  COMTE. 

Bataille?  Ah!  volontiers,  bataille!  c'est  mon 
métier,  à  moi;  (montrant  son  pistolet  de  ceinture ) 
et  vo'i^de  quoi  leur  jeter  de  la  poudre  aux  jeux- 
Tous  n'jb^ez  peut-être  jamais  vu  de  bataille,  ma- 
dame? 


ACTE  II,  SCÈNE  XIV  6i 

ROSINE. 

Ni  ne  veux  en  toi* r^ 

LE  COMTE. 

Rien  n*est  pourtant  aussi  gai  que  bataille  :  ù^- 
reZ'youi(  poussant  le  docteur  )d'aLboTà  que  lennemi 
est  d'un  côté  du  ravin ,  et  les  amis  de  l'autre.  (  A 
Rosine ,  en  lui  montrant  la  lettre.  )  Sortez  le  mou- 
choir. (Il  crache  à  terre,)  Voilà  le  ravin ,  cela  s'en- 
tend. 

^Rosine  tire  ton  mouchoir;  le  comte  laisse  tomber  sm 

lettre  entre  elle  et  lui.  ) 

bautholo,  se  baissant. 

Ah!  ah!.. 

LE  COMTE  la  reprend  et  dit  : 

Tenez....  moi  qui  allois  vous  apprendre  ici  les 
secrets  de  mon  métier...  Une  femme  bien  discrète, 
en  vérité  !-  Ne  voilà-t-il  pas  un  billet  doux  qu'elle 
laisse  tcMnber  de  sa  poche  ? 

BARTROI.O. 

Donae&i ,  donnez. 

LE  COMTE. 

Dulciter!  papa,  chacun  son  affaire.  Si  une  ov- 
donnance  de  rhubarbe  étoit  tombée  de  la  vÀtre?.. 
ROSINE  avanée  la  mxiin. 

Ah!  je  sais  ce  que  cest,  monsieur  le  soldat. 
iJEUe  ptendla  lettre  qu'elle  cache  dans  la  petite  poche 
de  son  tablier,  ) 

BÂRTHOLO. 

Sortez-vous  enfin  ? 

Th^itre.  Comédlei.  I^»  ^ 


6:1       ^E  BARBIER  DE  SÉYILLE. 

'  Le  COMTE. 

Ehbien!  je  sors  :  adieu,  docteur;  sans  rancune. 
Un  petit  compliment ,  mon  cœur  :  priez  la  mort 
de  m*oublier  encore  quelques  campagnes  \  la  vie 
ne  ma  jamais  été  si  chère. 

BÀUTHOLO. 

Allez  toujours,  si  j'avois  ce  crédit-là  sur  la 
mort.... 

LE  COMTE. 

Sur  la  mort  ?  T9  'étes-yous  pas  médecin  ?  Vous 
ïEutes  tant  de  chose  pour  elle ,  qu  elle  n'a  rien  à 
TOUS  refuser^ 

(U  sort.) 

•SCÈNE  XV. 

BARTHOLO,  ROSINE. 

BAETHOLO  ie  regarde  aller  m 
Il  est  enfin  parti.  (A  part.)  Dissimulons  ' 

ROSINE. 

Convenez  pourtant,  monsieur,  qu'il- est  bieo 
gai,  ce  jeune  soldat!  A  travers  son  ivresse,  on  voit 
qu'il  ne  manque  ni  d'esprit,  ni  d'une  certaine  édu- 
cation. 

BABTHOLO. 

Heureux,  m'amour,  d'avoir  pu  nous  en  déli- 
vrer! Mais  n'es-tu  pas  un  peu  curieuse  de  lire  avec 
moi  le  papier  qu'il  t'a  remis  ? 

BOSISE. 

Quel  papier?     ^ 


ACTE  II/SCÈNE  XV.  63 

BlARTHOLO« 

Celui  qu'il  a  feint  de  ramasser  pour  te  le  faire 
accepter* 

ROSIVE. 

Bon  !  c'est  la  lettre  de  mon  cousin  l'officier ,  qui 
étoit  tombée  de  ma  poche. 

0ARTHOLO. 

J'ai  idée ,  moi ,  qu'il  l'a  tirée  de  la  sienne.. 

•  * 

ROSINE. 

Je  l'ai  très  bien  reconnue. 

BARTHOLO. 

Qu'est-ce  qu'il  coûte  d'j  regarder? 

ROSIITE. 

Je  ne  sais  pas  seulement  ce  que  j'en  ai  fait* 

BARTHOto,  montrant  la  poàkettd 
Tu  l'as  mise  là. 

ROSINE^ 

AhT  ah!  par  distraction. 

BARTHOLO. 

Ah  !  sûrement.  Tu  vas  voir  que  ce  sera  quelque 
jolie. 

ROSINE,  à  part» 

Si  Je  ne  le  mets  pas  en  colère,  il  n'j  aura  pas 
moyen  de  refuser. 

BARTHOLO. 

Donne  donc ,  mon  cœur. 

ROSINE. 

Mais  quelle  idé^  are^yous  en  insistant,  mon- 
sieur? est-ce  encore  quelque  méfiance  ? 


64        LE  PAllBIER  DE  S£VILL£. 

EAATHQ.LO. 

Mais  YOUB  y  quelle  raison  »y€Z«yottP  d«  ne  pas  le 
montrer? 

nosiKE^ 

Je  Vous  répète ,  monsieur ,  que  ce  papier  n'est 
autre  que  la  lettre  de  mou  cousin  y  que  vous  m'a^ 
vez  rendue  hier  toute  décachetée;  et  puisqu'il  en 
est  question ,  je  vous  dirai  tout  net ,  que  cette  li- 
berté me  déplaît  excessivement. 

BAfiTHOLO. 

Je  ne  vous  entends  pas. 

ROSINE. 

Vais-je  exapiner  les  papiers  qui  vous  arrivent  ? 
Pourquoi  vous  donnez-^vous  les  airs  de  toucher  à 
ceux  qui  me  sont  adressés  ?  Si  c'est  jalousie ,  elle 
m'insulte;  s'il  s'agit  de  l'abus  d'une  autorité  usur^ 
pée,  j'en  suis  plus  révoltée  encore. 

BAnXHOLO. 

Gomment ,  révoltée  !  Vous  ne  m*avez  jamais 
parlé  ainsi. 

nosiNE. 
Si  je  me  suis  modérée  jusqu'à  ce  jour   ce  n'étoit 
pas  pour  vous  donner  le  droit  de  m'offenser  im- 
punément. 

bArtholo. 
De  quelle  offense  me  parlez-vous  ? 

ROSINE. 

C'est  qu'il  ^pt  inouï  quVn  sç  pçmettu  d'ouvrir 
les  lettres  d«  quoiqu'un» 


r 


ACTE  II,  SCÈNE  XV.  65 

BARTHOLO. 

De  sa  femme  ? 

nosiETZ^ 

Je  ne  la  suis  pas  encore.  Mais  pourquoi  lui  don- 
neroit-on  la  préférence  d'une  indignité  qu'on  ne 
fait  à  personne  ?  ^ 

BABTHOLO. 

Vous  YQuIez  me  faire  prendre  le  change  et  dé- 
tourner mon  attention  du  billet ,  qui ,  sans  doute , 
est  une  missive  de  quelque  amant  :  mais  je  le  ver- 
rai ,  je  you»  assume. 

ROSïHE. 

Vous  ne  le  verrez  pas.  Si  vonë  m'approchez  ]  je 
m*enfuis  de  cette  miateoa  »  et  )e  demande  retraite 
au  p;^M«U«  YSa^ 

BARTHOLO. 

Qui  ne  vous  recevra  points 

ROSINE. 

C'est  ce  qu'il  faudra  voi^. 

BARTHOLO. 

Nous  ne  sommes  pas  itî  en  France,  où  l'on 
idonne  toujours  raison  aut  femmes  :  mais  pour 
vous  en  ôter  la  fantahte ,  fe  t^s  fermer  la  porte. 
R  o  s  I  a  E ,  pendant  qu'il  y  va. 
Ah!  ciel!  que  faire?....  Mettons  vite  à  la  place 
la  lettre  de  mon  cousin ,  et  dônnoni^lui  beau  jeu  à 
la  prendre.  (Eiie  ptH  téùhange  et  met  la  lettre  du, 
cousin  dans  la  pochette,  de  façon^a^elie sort  un  peu.) 
BARTHéCO,  revenant. 
Ah!  j'espère  maintenant  la  voir# 

6. 


66        LE  BARBIER  DE  S£VILL£. 

ROSIVE. 

De  quel  droit,  s'il  yoas  plaît? 

BARTHOLO. 

Du  droit  le  plus  universellemeni  reconnu  ,  ce- 
lui du  plus  fort. 

no  SI  HE. 

On  me  tuera  plutôt  que  de  Tobtenir  de  moi« 

BARTHOLO,  frappant  du  pied. 
Madame  !  madame  ! . .  • 

ROSINE  tombe  sur  un  fauteuU  et  feint  de  se  trouve^ 

matm 
Ah  !  quelle  indignité  !..  « 

BARTHOLO; 

Donnez  cette  lettre ,  ou  craignez  ma  colère. 

R  o  S 1 9  E ,  renversée^ 
Malheureuse  tlosine  ! 

BARTBOLO. 

Qu'ayea^TOUs  donc? 

rosive; 
Quel  avenir  affireux! 

BARTHOLO; 

Rosine  ! 

ROSIVB. 

J  étouffe  de  fureur. 

BARTHOLO» 

Elle  se  trouve  mal. 

Rosine; 
Je  m'affoiblis ,  je  meurs.  , 


ACTE  II, 'SCÈNE  XV-  67 

BAATHOLO  tui  tâté  U  pouts,  et  dit  à  part  : 
l>ieux!  la  lettre!  Lisons-la  sans  quelle  en  soit 
instruite.  (It  continue  à  lui  tâter  le  pouls,  et  preiid 
la  lettre,  quU  tâche  de4ire  en  se  tournant  un  peu.  ) 
B  o  s  I N  E ,  toujours  renversée. 
Infortunée  !  ah  ! 

B  ART  H  OLO  /ui  (fuUte  le  bras,  et  dit  à  part  : 
Quelle  rage  a-t-on  d'apprendre  ce  qu'on  craint 
toujours  de  savoir  ! 

BOSlHEi^ 

Ah  !  pauyre  Rosine  ! 

BABTHOLO. 

Lusî^  des  odeurs....  produit  ces  affections 
ipasmodiques. 
(Il  lit  pat  derrière  le  fauteuil  en  lui  tâta^t  le  pouls* 

Rosine  se  relève  un  peu ,  le  regarde  finement ,  fait 

un  gsste  d.e  tête  et  se  remet  sans  parler.) 
BAETHOLO,  à  part. 

O  ciel  !  c'est  la  lettre  de  son  cousin.  Maudite  in- 
quiétude! Gomment  l'apaiser  maintenant?  Qu'elle 
ignore  au  moins  que  je  l'ai  lue  !  (Il  fait  semblant  de 
la  soutenir  et  remet  la  lettre  dans  la  pochette,  *) 

BOSINE  soupire. 

Ah!.. 

BABTHOLO.. 

Eh  bien!  ce  n'est  rien,  mon  en&nt;  un  petit 
mouyement  de  vapeurs ,  voilà  tout  ;  car  ton  pouls 
n'a  seulement  pas  varié. 

(Il  va  prendre  un  flacon  sur  la  console.) 


£8        LE  BARBIER'  DE  S£VILL£. 

Il  a,  Tfonift  la  lettre  :  fort  bi eiu 

BAAT]IO,I<Ou 

Ma  chère  J^b^i^e,  un  pem  de  cetfe  eau  »piri>- 
tueuse. 

ItOSlITE. 

Je  ne  yeu:(  rien  de  you9  :  laissez-moi. 

BARTHOLO. 

Je  conviens  que  j*ai  montré  trop  déyiyacité  sur 
ce  billet. 

nosiNE. 
Il  s'agit  bien  de  billet  !  C'est  vôtre'  h^otk  àé  de- 
mander les  choses  qui  est  r'ëyôltante. 
'    toAitÉOLO*,  à  ^êitffui:^ 
Pardon  :  j'ai  bientôt  senti  tous  mteS*  tortsi;  et  m 
mé  vdi»  à  tesr  pie^  prêt  à  le»  répafret. 

Rosiifrt. 
Oui,  par^wî  lorsque  vou»  croyez  qtic  <*ettc 
lettre  ne  vient  pas-  de  hïoA  cousin.' 

BARfftOIrO. 

'  Qe^èlle  soit  d'un  «trtre  ou  de  liit ,  je  H^  fé^soÊ. 
anân»  éclaircissement» 

A  o« 1 1^  £ ,  tui  préseMavit  k»  tèttre>r 

Vous  vojez  qu'ayee  de  bonnes  façons  on  ob- 
tient tout  de  moi.  Lisez-la. 

BfARTKOLO. 

Cet  honnête  procédé  dis«iperoit  més.selipçOns, 
si  j'étois  assez  malheureux  pouz  en  conseryer. 

n  o  s  I  ]»  E^ 
Lisez-la  donc ,  monsieur. 


ACTE  II,  SC6NE  XV.  69 

9Ar%TnQt.o  se  Pfiféffe. 
A  DUn  se  pk»^  qiïe  }e  t«  lassa  «xi/&  f  areîlle 
injure! 

Vous  me  eon'trariez  de  la  refuser. 

BARTHOIiO. 

Reçois  en  réparation  cette  marque  de  ma  par- 
faite confiance.  Je  vais  voir  la  pauvre  Marceline , 
^ue  ce  Figaro  a ,  je  ne  sais  pourquoi ,  saignée  dv 
pied  ;  n'y  viens-tu  pas  aussi  ? 

nosiNE. 

J*j  monterai  dans  un  moment. 

BAUTHOLO. 

Puisque  la  paix  est  faite,  mignonne,  donne- 
moi  ta  main.  Si  tu  pouvois  m'aimer,  ah!  comme  tu 
serois  heureuse  I  / 

iiOS»]iE,  bmi^a^iiiet  i^us. 

Si  vous  pouviez  me  plaire ,  ah  !  comme  je  vous 
aimerois  ! 

BAliTHOLO. 

Je  te  plairai ,  je  te  plairai  j  quand  je  te  dis  que 
je  te  plairai. 

(UsorL) 

SCÈNE  XVI. 

ROSINE,  le  regardant  aller, 

Ab!  Lindor!  il  dit  qu'il  me  plairai...  Lisons 
cette  lettre ,  qui  a  manqué  de  me  causer  tant  de 
chagrin.  (Elle  lit  et  s* écrie  : )  Ahî...  j'ai  lu  trop 


70       I£  BÀBBI£R;D£  SËYILLE. 

tard  ;  il  me  recommande  de  tenir  une  querelle  ou- 
verte avce  mon  tuteur;  jen  ayois  une  si  bonne! 
je  l'ai  laissé  échapper.  En  recevant  la  lettre ,  j'ai 
senti  que  je  rougissois  jusqu'aux  jeux.  Oh!  mon 
tuteur  a  raison.  Je  suis  bien  loin  d'avoir  cet  usage 
du  monde  qui ,  me  dit-il  souvent ,  assure  le  main- 
tien des  femmes  en  toute  occasion.  Mais  un  homme 
injuste  parviendroit  à  faire  une  rusée  de  l'inno- 
eence  même. 


rm  n«  «bcobd  actB. 


>^iii^  ^O^M 


ACTE  TROISIÈME. 


SCÈNE  I. 

BAKi:HOLO,  seul  et  déioU. 

QuELiE  humeurî  quelle  humeur!  Elle  paroiwoit 
apaisée...  là ,  qu'on  me  dise  qui  diable  lui  a  fourré 
dans  la  tête  de  ne  plus  vouloir  prendre  leçon  de 
don  Baiile?  Elle  sait  qu'il  se  mêle  de  mon  ma^ 
riage...  (On  heurte  à  la  porte,)  Faites  tout  au  monde 
pour  plaire  aux  femmes  j  si  vous  omettez  un  seul 
petit  point.. .  jedis  un  seul...  (On  heurte  awseconde 
fois,)  Vojons  qui  c'est. 

SCÈNE  II. 

BARTHOLo/lE  comte  en  bachelier. 

l'E   COMTE., 

Que  la  paix  et  la  joie  habitent  toujours  céans  I 
BARTHOLo,  brusquement. 

Jamais  souhait  ne  vint  plus  à  propos.  Que  vou- 
lez-vous?  r     r       X 

I<E   COMTE. 

Monsieur,  je  suis  Alon^o ,  bachelier,  licencié.. 

bauthoj:.». 
Je  n'ai  pas  besoin  de  précepteur. 


^a        LE  BARBIER  DE  SÉVILLE. 

LE   COMTE. 

.\>t  Élève  de  don  Bazile,  organiste  da  grand 
couvent ,  qui  a  l'honneur  de  montrer  la  musique 
à  madame  votre. . . 

BARTHOLO^ 

Bazile T  organiste!  qui  a Thonneur !  je  le  sais; 
au  fait. 

LE  c  o  Bf  T  E ,  à  parL. 

Quel  homme  !  (Haut.)  Un  maf  subit  qui  le  forc« 
à  garder  le  lit. . .. 

BÀRTHOLO. 

Garder  le  lit!  Bazile!  il  a  bien  £ût  d'envojers 
}e  vais  le  voir  à  l'instant. 

LE  COMTE,  à  part» 

Oh  diable  !  (  Haut.  )  Quand  je  dis  le  lit ,  mon 
sieur,  c*est. ..  la  chambre  que  j  entends. 

•       BAUTHOLO. 

Ne  fùt-'il  qu'incommodé,  marchez  devant ,  je 
vous  suis.. 

LE  COMTE,  embarrassé. 
Monsieur,  j'étois  chargé...  Personne  a9  peut-il 
nous  entendre  ? 

BARTHOLO,  à  part. 
C'est  quelque  fripon.  (Haut.)  Eh  npnî  mon 
sieur  le  mystérieux,  parlez  sans  vous  troubler,  s 
vous  pouvez., 

LE  CoiItTE,  à  part. 
Maudit  vieillard!' (Hauf.)  1)on  Bazile  m'avoi 
chargé  de  vous  apprend]»*..     /      ^'    ' 


ACTE  III,  SCÈNE  IIJ  ^3 

b^utholo. 
Parlez  haut ,  je  suis  sourd  d'une  oreille. 

LE  COMTE,  élevant  la  voix. 
Ah!  volontiers.  Que -le  oomte  Almavtva,  qui 
restoit  à  la  grande  place. . . 

BARTBOLO,  efftaifé. 
Parlez  has ,  parlez  has. 

t  E  COMTE,  plus  haut. 
....  En  est  délogé  ce  matin.  Gomme  c'est. par  "* 
moi  qu'il  a  su  que  le  comte  Almaviya. . . 

BARTHOLO. 

Bas  ;  parlez  bas ,  je  vous  prie. 

LE  COMTE,  du  même  ton, 
....  Etoit  en  cette  ville,  et  que  j'ai  découvert 
que  la-  signora'  Rosine  lui  a  écrit. . . 

BARTHOLO. 

Lui  a  écrit  ?  Mon  cher  ami ,  parlez  ^lus  bas ,  je 
vous  en  conjure.  ^  Tenez ,  asseyons-nous ,  et  jasons 
d'amitié.  Vous  avez  découvert,  |ii  tes -vous,  que 
Rosine. . . 

LE  COMTE,  fièrement. 

Assurément.  Bazile ,  inquiet  pour  vous  de  cette 
correspondance ,  m'avoit  prié  de  vous  montrer  sa 
lettre;  mais  la  manière  dont  vous  prenez  les  cho- 

•les*  t  «l** 

BARTHOLO. 

Ah'mon  dieu!  je  les  prends  bien  :  mais  ne  vous 
est-il  pas  possible  de  parler  plus  bas  ? 

LE  COMTE.. 

Vous  êtes  sourd  d'une  oreille ,  avez-vous  ^it. 

Théâtre.  Comifdieir  l4*i  7 


^4       LE  BAKEIËH  DE.  SÊTILLE. 

Pardon ,  pardon,  seigneur  Alonzo ,  sî  TOtis  m'a- 
vez trouyé  méfiant  et  dur  ;  mai*  je  suiiB  tellement 
entouré  d'intrigantâ ,  de  piégea....  et  puis  votra 
tournure ,  votre  âge ,  votre  air...  Pardon ,  pardon. 
Eh  bien  !  avezp-vons  la  lettre  ? 

LE  COMTK. 

A  la  bonne  heure  sur  ce  ton ,  monsieur  :  mais 
^  }e  crains  qu'on  ne  soit  aux  écoute^. 

ftARTttOXiO. 

Eh  !  qui  voulez-t^us  ?  tous  mes  valets  sur  les 
dents!  Rosine  en£irmée  de  fur-dur!  Le  diable  est 
entré  chez  moi.  J«  vais  encore  m'assurer. . . 

(1/  ^a  ouvrir  doucement  ta  porté  dû  Raêine*  ) 
LE  COMTE,  à  pari* 
Je  me  suis  enferré  de  dépit...  Garder  la  lettre  à' 
présent,  il  fendra  m'enftdr  :  autant  vaodi^oit  n'être 
pas  venu....  La  lui  montrer....  Si  jepuis. en  préve^ 
nir  Rosine ,  la  montrer  est  un  coup  d«  mahre! 
BAaTHOLo  revient  sur  la  pointe  du  pied. 
Elle   est  assise  auppès  de  sa  fenêtre,  le  dos 
tourné  à  la  porte,  occupée  k  relire  une  lettre  de 
son  cousin  l'officier,  que  j'avois  déoach^tée.... 
Voyons  donc  la  sienne. 

LE  COMTE  lui  remet  la  lettre  de  Rosine* 
La  voifi.  (À  part,  )  C'est  ma  lettre  qu'elle  relit. 

BARTBOLO  Utm 

«  Depuis  que  vous  m'av^  appris  votre  nom  et 
«  votre  étatji  »  Ah  !  la  perfide  !  c'es^  bien  là  &a 
maiti.! 


ACTE  III,  SCÈlfS  II.  9S 

&É  OOMTX  9ffrwféf 
Pavks  don«  1mm  à  votre  teur. 

bAuthoio.         ) 
Quelle  obligation ,  mon  cher  : . . 

LE  COMTE. 

Qjaand  tout  sera  fini ,  si  vous  crojez  m'en  de- 
voir, vous  serez  le  maître.  D'après  un  travail  que 
fait  actuellement  don  Bazile  avec  un  homme  de 

I 

loi... 

BAATHOLO. 

Avec  un  homme  de  loi ,  pour  mon  mariage  ? 

LE   COMTE. 

Tous  aurois-je  arrêté  sans  cela?  Il  m'a  chargé 
de  vous  dire  que  tout  peut  être  prêt  pour  demain»^ 
Alors  si  elle  résiste. . . 

BARTBOLQ. 

£1U  résistera.. 
LE  COMTE  veut  reprendre  la  lettre,  Bartholo  la  serfe». 

YoiU  l'instant  où  je  puis  vous  servir  :  nous  lui 
môotrercms  sa  lettre,  et»  s'il  le  &ut,  (plus  mysté- 
rieusenânt)  j'irai  jusqu'à  lui  dire  que  je  la  tien« 
d'un«  femme  à  qui  le  comte  l'a  sacrifiée;  vous  sen- 
tez que  le  trouble ,  la  honte ,  le  dépit  peuvent  la 
porter  sur-le-champ. . . 

BAjiTJioLO,  ffiani. 

De  la  caloÉinié  !  mon  cher  ami ,  je  vois  bien 
maintenant  que  vous  venez  de  la  part  de  Bazile. 
Mm  pour  que  ceci  n'eût  pas  l'air  concerté,  n« 
•eroit-il  pas  htm  qu'elle  vous  connut  d'avance?  . 


76        LE  BARBIEK  DE  SEVILLE. 
LB  COMTE  réfrime  un  grand  mouvement  de  joie. 
C  etoit  assez  l'avis  de  don  Bazile  :  mais  com- 
ment faire?  il  est  tard..,,  au  peu  de  temps  qui 
reste./. 

BABTBOLO. 

Je  dirai  que  vous  venez  en  sa  place.  Ne  lui  don- 
nerez-vous  pas  bien  une  leçon? 

tE    COMTE. 

11  n'y  a  rien  que  je  ne  fasse  pour  vous  plaire  : 
mais  prenez .  garde  que  toutes  ces  histoires  de 
maîtres  supposés  sont  de  vieilles  finesses  ,  des 
moyens  de  comédie  :  si  elle  va  se  douter  ?. . . 

BARTHOLO. 

Présenté  par  moi  ?^  Quelle  apparence  !  Vous 
avez  plus  l'air  d'un  amant  déguisé ,  que  d'un  ami 
officieux. 

lE   COMTE. 

Oui  ?  Vous  croyez  donc  que  mon  air  peut  aider 
à  la-tromperie  ? 

BABTBOLO. 

Je  le  donne  au  plus  fin  à  deviner.  £lle  est  ce 
soir  d'une  humeur  horrible  :  mais ,  quand  elle  ne 
feroit  que  vous  voir...  Son  clavecin  est  dans  ce  ca- 
binet. Amusezrvous ,  en  l'attendant  :  je  vm  faire 
l'impossible  pour  l'amener. 

LE    COMTE. 

Gardez-vous  bien  de  lui  parler  de  la  lettre. 

«  BA11THOLO. 

Avant  l'instant  décisif  ?  Elle  petdroit  tout  son 
effet.  Il  ne  faut  pas  me  dire  deux  fois  les  choBes  :  i) 
ne  faut  pas  me  les  dire  deux  fois*  (1/  s'en  va,) 


ACTE  III,  SCÈNE  IIL  77      ^ 

SCÈNE  m. 

LE  COMTE,  seuL 

Me  yoilà  sauvé.  Ouf!  que  ce  diable  d'homme 
est  rude  à  manier  !  Figaro  le  connoit  bien.  Je  me 
vo  jois  mentir  ;  cela  me  donnoit  un  ;  air  plat  et 
gauche;  et  il  a  des  yeux!..  Ma  foi,  sans  l'inspira- 
tion subite  de  la  lettre,  il  faut  Tavou^ier,  jetois 
éconduit  comme  un  sot.  O  ciel  !  on  '  dispute  là- 
dedans.  Si  elle  alloit  s'obstiner  k  ne  pas  venir! 
Écoutons. . . .  Elle  refuse  de  sortir  de  chez  elle ,  et 
j'ai  perdu  le  fruit  de  ma  ruse.  {Il  retourne  ééouter.) 
La  Yoici  ;  ne  nous  montrons  pas  d'abord.  (Il  entre 
dans  Le  cabinets) 

SCÈNE  IV. 

LE  COMTE,  ROSINE,  BARTHOLO. 

n  o  s  I N  E ,  avec  une  colère  simulée. 
Tout  ce  que  vous  direz  est  inutile ,  monsieur, 
l'ai  pris  mon  parti  ;  je  ne  veux  plus  entendre  par-  « 
1er  de  musique. 

BABTHOLO. 

lËcoute  donc ,  mon  enfant  \  c'est  le  seigneur 
Alonzo ,  rélève  et  l'ami  de  don  Bazile ,  choisi  par 
lui  pour  être  un  de  nos  témoins.  La  musique  te 
calmera,  je  t'assure. 

no  SI  HE. 
Oh!  pour  cela ,  vous  pouvez  vous  en  détacher  2 
fi  j«  chante  ce  soir  !...  Où  donc  est-il  ce  maître  que 

7-- 


^8        L£  BARBIER  DE  S£rVltL£. 

vous  craignez  de  renyojrer?  je  vais,. en  deux  mots, 
lui  donner  son  compte  et  celui  de  Bazile.  (£//< 
aperçoit  son  amfuU  :  ette  ftàt  kh  cWt)  Ahl .  ^ 

bautholo. 
Qu'ayez-vous? 
jiosiRE ,  les  deux  atains  sur  sùn  cœur,  avec  un  grand 

trouble. 
Ah!  mon  dieu,  monsieur... /"Ah!  mon  dieu, 
monsieur... 

BAUTHOLO. 

Elle  se  trouve  encore  mal  !  seigneur  Alonzo. 

nosxHE. 
Non,  je  ne  me  trouve  pas  mal...  mais  c'est  C[u  en 
m  e  tournant. . .  Ah  ! . . 

LE  COMTE. 

Le  pied  vous  a  tourné ,  madame  ?/ 

ROSINE. 

Ah  I  oui ,  le  pied  m'a  tourné.  Je  me  suis  fait  un 
mal  horrible.. 

Je  vh  les  eais  bien  .«pen^ 

ROSINE,  regardant  le  cemie^. 
Le  coup  in 'a  porté  vx  ooeur« 

BJlRTBO&iO.. 

JJntià^^  ua^iitiÇe.  £c  pa«  Un  fauAeii^ii  ici? 

{il  sw  le  €b&n^r..  ) 

I.E   COMTE. 

Ah!  Rosine! 
Quelle  îsKiprvdieniBe  ! 


ACTE  lîl,  SCÈNE  IV.  79 

J*ai  mille  cbosèB  ^»sé&tiellet  à  Tom  dire. 

S9SISS. 

U  ne  nous  opittera  pas. 

LE    CO.MTE» 

Figaro  va  venir  fi^u^  aider., 

B  A  !RT  a  o  1  o  appuie  un  fhutetiiL 

Tiens,  mignonne,  aâ${eels-4oi.  Il  n'y  a  pas  d'ap- 
parence, bachelier,  qu'elle  pternie  de  leçon  ce 
8oiT,'c%  Beta  pour  na  autr6  jour.  Adieu, 

B  o  s  I N  fi ,  au  comte. 

ffon ,  attendes  ;  tea  doulettt  eèt  un  peA  apaisée. 
(A  Bartholo.)  Je  sens  qne  j'ai  eu  tort  avec  tous, 
mônsiefur  :  {«  TenK  vous  fcmiter)  tu  féparant  sur- 
le-champ.  . . 

BABTnOLj». 

Oh  !  le  i>on  petit  naimxrl  ide  îammo  !  Mais  après 
une  pareille  émotioil^  «son  enfant ,  je  ne  souffrirai 
pas  <{!#€  tu  {ap«e»  le  mwtiàx^  eflbrt.  A«ii«u  i  adieu , 
bapUelier. 

ROSiVE,  q^eem^Cf 

Un  momanf,  de  grâce!  (ÀBwiMe»  )  Je  croirai , 
monsieur^  xjvl^  tous  n'aimez  pas  à  m'obliger,  si 
vous  m'emp^che^  de  y.au9  prouver  1W^  regrets,  ea 
prenant  msi  leçon. . 

x,E  C09iTB«  à  partpàBarlfioh* 

IHa  la  «oiitrajrie»  ]His ,  «  vous  «l'en  oroyez. 

BA&THOLO. 

Voilà  qui  est  fini ,  mon  amoureuse.  Je  auis  si 


8o        LE  BÂRBI'EK  DE  SËYILLE. 

loin  de  chercher  à  te  déplaire ,  que  je  venx  rester 
là  tout  le  temps  que  Va  vas  étudier. 

R>0  9I1I]^ 

Non ,  monsieur  :  je  sais  que  la  musique  n*a  nul' 
attrait  pour  vous. 

B'AtlTHOLC. 

Je  t'assure  que  ce  soir  elle  m'enchantera. 

n  o s I N E ,  aa  comte,  à  part. 
Je  suis  au  supplice. 
LE  COMTE,  prenant  un  papier  de  musique  sur  ie 

pupitre. 
Est-ce  là  ce  que  yous  voulez  chanter,  madame? 

BOSISE. 

Oui  ;  c  est  un  morceau  très  agréable  de  la  Pré- 
caution inutile. 

BARTHOLO. 

Toujours  la  précaution  inutile  ? 

LE   COMTE. 

G*est  ce  qu'il  j  a  de  plus  nouveau  aujourd'hui. 
C'est  une  image  du  printemps  d'un  genre  assez  vif. 
Si  madame  veut  l'essayer. . . 

R  o  s  I  ff  E ,  regardant  ie  comte. 

Avec  grand  plaisir  :  un  tableau  du  printemps 
me  ravit  ^,  c'est  la  jeunesse  de  la  nature.  Au  sortir 
de  l'hiver ,  il  semble  que  le  cœur  acquière  un  plus 
haut  degré  de  sensibilité  :  comme  un  esclave  en- 
fermé depuis  long-dtemps,  goûte  ^  avec  plus  de 
plaisir,  le  charme  'de  la  liberté  qui  vient  de  lui 
être  offerte., 


ACTE  III,  SCÈNE  IV.  8i 

BAnxHOLO,  bas,  au  comte. 
Toujours  des  idées  romanesques  en  tête. 

LE  COMTE,  bas. 
Et  sentez-vous  ^application  ? 

bautholo. 
Parbleu  !  {Il  va  s'asseoir  dans  le  fauteuil  (fua  oc- 
eupé  Rosine.  ) 

nos  19  £,  chante, 

'  Quand  dans  la  plaine, 
L'amour  ramène 
Le  printemps , 
Si  chéri  des  amants  7 
Tout  reprend  l'être , 
Son  feu  pénètre 
\DaBS  les  fleurs  9     . 
Et  dans  les  jeunes  cœurs. 


»  Cette  ariette,' dans  le  goût  espagnol,  fut  chantée  U 
premier  jour  à  Paris,  malgré  les  huées,  les  rumeurs  et 
le  train  usités  au  parterre  en  ces  jours  de  crise  et  de 
isombat.  La  timidité  de  l'actrice  l'a  depuis  empêchée  d'oser 
la  redire ,  et  les  jeunes  rigoristes  du  théâtre  l'ont  fort 
louée  de  cette  réticence.  Mais  si  la  dignité  de  la  comédie 
françoise  y  a  gagné  quelque  chose,  il'faut convenir  que  le 
'Barbier  de  SéviUe  y  a  beaucoup  perdu.  C'est  pourquoi 
sur  les  théâtres  où  quelque  peu  de  musique  ne  tirera  pas 
tant  k  conséquence,  nous  invitons  tous  directeurs  à  la 
restituer,  tous  acteurs  à  la  chanter,  tous  spectateurs  à 
l'écouter,  et  tous  critiques  à  nous  la  pardonner,  en  faveur 
du  genre  de  la  pièce,  et  dtl  plaisir  que  leur  fera  le 
morceau. 


0*        LE  BAHÇiEH  D£  SËVILLE. 

On  ToU  les  troupeaux 
Sortir  des  hameaux  ; 
Dans  tous  les  coteaux 
Les  cris  des  agneaux 

Retentissent; 

Us  bondissent  ; 

Tout  fermente  ; 

Tout  augmente; 
Les  brebis  paissent 
Les  fleurs  qaï  naissent  ? 
Les  chiens  fidèles 
Veillent  sur  elles  ; 
Mais  Lindor  enflamme, 

fie  songe  guère 
Qu'au  bonheur  d*étrs  au 
De  sa  bergère. 

Même  aini 


Loin  de  sa  mère. 
Cette  bergère 
Va  chantant, 
Où  son  amant  l'attend. 
Par  cette  ruse 
L'amour  l'abusis  ; 
Mais  chanter, 
Sauve^t-il  du  danger? 
Les  doux  chalumeaux, 
Les  chants  dei  oiseaux  « 
Ses  charmes  naissants , 
Ses  quinze  ou  seize  auti 
.Tout  l'excite  ; 
Tout  l'agite  ; 


'Vv. 


; 


,      ACTE  m,  SCÈNE  ï?.  83 

• 

La  pauvrette 
S'inquiète  ; 

De  sa  retraite  y 

Lindor  la  guette  ; 

Elle  s'avance  ; 

Lindor  s'élance  ; 
Il  vient  de  Vembras^cr  : 

Elle ,  bien  aise , 
Feûit  de  se  courroucer , 

Pour  ({u'on  l'apaise. 

jpeiitc  reprise, 

"Les  soupirs , 
Les  soins ,  les  promesses , 
Les  y  ivés  tendresses , 

Les  plaisirs , 
Le  &i  badinage  y 
Sont  mis  6n  usage  ; 
Et  bientôt  la  bergère 
Me  sent  plus  de  colère. 
Si  quelque  jaloux 
IVouble  un  bien  si  dopz , 

Nos  amants  d'accord 
Ont  un  soin  extrême. . . 

De  voiler  leur  trauspprt| 

Mais  quand  on  s'aime , 
La  gêne  ajoute  encor 
Au  plaisir  même. 

(lEn  ^écoutant,  Bartholo  s'est  assoupi  Le  comte,  pen^ 
dant  ta  petite  reprise,  se  haiarde  h  prendre  utm 
main  qu'ii  couvre  de  baisers.  L'éthétiôn  ratentit  te/ 
chant  de  Rosine,  taffclblit  et  finit  même  par  tuf^ 


i 


84        LE  BARBIEa^E  SËYILLE. 

couper  la  voix  au  milieu  de  la  cadence,  au  mol 
atrème.  L'orchestre  suit  le  mouvement  de  la  chan- 
teuse y  affaiblit  son  jeu  et  se  tait  avec  elle.  L'ab- 
sence du  bruit  (fui  avoit  endormi  Bartholo^  te  ré- 
veille. Le  comte  se  relève  j  Rosine  et  ^orchestre 
reprennent  subitement  la  suite  de  l'aif\  Si  ta  petite 
reprise  se  répète,  le  même  jeu  recommence^  etc.) 

LE    COAITE.' 

En  vérité ,  c'est  un  motceau  charmant ,  çt  <ma- 
dame  Texécute  avec  une  intelligence... 

ROSINE. 

Tous  me  flattez ,  seigneur  ;  la  gloire  est  toute 
'  entière  au  maître. 

BAnTHOto,  bddlanU 
Moi ,  je  crois  que  j*ai  un  peu  dormi  pendant  le 
morceau  charmant.  J'ai  mes  malades.  Je  vas ,  je 
viens  ,  je  toupille  ,  et  sitôt  que  je  m'assiedsi,  me» 
pauvres  jambes. . . . 

(  //  se  lève  et  pousse  le  fauteuil.  ) 
ROSINE,  bas  f  au  comte, 
Figaro  ne  vient  point. 

LE    COMTE* 

Filons  le  temps. 

BARTHOLO. 

Mais,  bachelier,  je  l'ai  déjà  dit  à  ce  vieux  Ba- 
zile  :  est-ce  qu'il  n'j  auroi^  pas  moj^en  de  lui  faire 
étudier  des  choses  plus  gaies ,  que  toutes  ces  grandes 
aria ,  qui  vont  en  haut ,  en  bas ,  en  roulant ,  hi , 
ho,  a,  a,  a,  a,  et  qui  me  semblent  autant  d'enter- 
rements. Là,  de  ces  petits  airs  qu'on  ch»ntoit  dans 


ACTE  m,  SCÈNE  IV.  85 

ma  jeunesse ,  et  que  chacun  retenoit  facilenient. 
J'en  savois  autrefois...  Par  exemple... 

(Pendant  la  ritournelle,  il  cherche ,£n  se  grattant 
la  tête,  et  chante  en  faisant  claquer  ses  pouces  et  dan- 
sant des  genoux  comme  les  vieillards»  ) 

Yeux-tu,  ma  Rosinette, 
Faire  emplette 
Du  roi  des  maris  ?«.. 

(  Au  comte ,  "en  riant.  ) 

Il  j  a  Fanchonnette  dans  la  chanson  ;  mais  j  j 
ai  substitué  Rosinette  pour  la  lui  rendre  plus 
agréable  et  la  faire  cadrer  aux  circonstances.  Ah  1 
ah  !  ah  !  ah  !  Fort  bien  !  pas  y  rai? 

LE  COMTE,  riant» 

Ah  !  ah  !  ah  !  Oui ,  tout  au  mieux.. 

*•  SCÈNE  Y. 

FIGARO,  dans  le  fond;  ROSINE,  BARTHOLO, 

LE  COMTE. 

BAKTBOLo  chante. 

Veux-tu,  ma  Rosinette, 
Faire  emplette 
Du  roi  des  maris? 
Je  ne  suis  point  Tircis  ; 
Mais  la  nuit,  dans  1  ombre, 
Je  vaux  encor  mon  prix  ; 
Et  quand  il  fait  sombre , 
Les  plus  beaux  chats  sont  pM.  . 
Tbéatrc.  Comédies*    l4-  8 


86        LE  BAKBIER  DE  SÉVILLE. 

(  1/  répète  in  reprise  en  dansuiiU  Figaro,  derrière  lui, 

imite  ses  mouvements.  ) 
Je  ne  6uii  point  Tiret». 

(Apercevant  Figaro.)  Ah!  entrez,  monsieur  1« 
barbier;  ayanceai,  tous  ét«»  charmant  ! 

FiaAaOf  saiuant. 

Monsieur ,  il  est  vrai  que  ma  mire  me  Ta  dit  au- 
trefois; mais  je  suis  un  peu  déformé  depuis  ce 
temps-là.  {A  part,  au  eomle.)  Braro!  monseigneur* 

{Pendant  toute  cette  scène,  le  conte  frit  ce  qu'il 
peut  pour  parler  à  Rosine  ;  mais  tœil  inifuiet  et  viai- 
iant  du  tuteur  Vèn  empêche  toujours,  ce  cfui  forme  un 
jeu  muet  de  tous  tes  acteurs,  étranger  au  débat  du 
docteur  et  de  Figaro.  ), 

BAATHOLO. 

,  Venez-vous  purger  encoi'e,  saigner,  droguer, 
mettre  sur  le  grabat  toute  ma  maisoi|  T 

flOARO. 

Monsieur ,  il  n'est  pas  tous  les  jours  fête  ;  mais, 
/tans  compter  les  soins  quotidiens ,  monsieur  k  pu 
voir  que ,  lorsqu'ils  en  ont  besoin ,  mon  zèle  n'at- 
tend pas  qu'on  lui  commande. . . 

B  ABTHOLO., 

Votre  zèle  n^attend  pas  '.  Qu€  direz-vous ,  mon- 
sieur le  zélé ,  à  ce  malheureux  qui  b&llle  et  dort 
tout  éveillé?  et  l'autre  qui,  depuis  trois  heures, 
éternue  à  se  faire  sauter  le  crâne  et  jaillir  la  cer- 
velle !  que  leur  direz-vt)us  ? 

Figaro. 

Ce  que  je  ledr  dirai? 


ACTE  III,  SG£]N£  V.  Bj 

BAATHOLO.    ' 

Oui. 

Je  leur  dirai. . .  Eh  !  parbleu  !  je  dirai  à  celai  qui 
étemue ,  Dieu  vous  bénisse;  et  va  te  coucher  à  celui 
qui  bâille.  €e  n'est  pas  cela,  monsieur,  qui  gros- 
sira le  mémoire. 

BABTHOLO. 

Vraiment,  non  ;  mais  c'est  la  saignée  et  les  mé- 
dicaments qui  le  grossiroient ,  si  je  voulois  y  en- 
tendre. Est-ce  par  zèle  aussi  que  vous  ayez  empa- 
queté les  ^eux  de  ma -mule,  et  votre  cataplasme 
lui  rendra-t-il  la  vue  ? 

PiaARO. 

S'il  ne  lui  rend  pas  la  vue,  ce  n*ett  pas  cela  non 
plus  qui  l'empécheva  à'y  voir. 

bautiolo. 

Que  je  le  trouve  sur  le  mémoire!..  On  n'est  pat 
de  cette  extravagance-lk  ! 

fioaho. 

Ma  foi,  nionsieur,  les  hommes  n'ajant  guère  à 
choisir  qu'entre  la  sottise  et  la  folie ,  où  je  ne  vois 
pas  de  profit,  je  veux  au  moins  du  plaisir;  et  vive 
la  joie  !  Qui  sait  si  le  monde  durera  encore  trois 
semaines  ? 

BABTHOLO. 

Vous  feriez  bien  mieux ,  monsieur  le  raison- 
neur, de  me  pajer  mes  cent  écus  et  les  intérêt» 
»ans  lanterner;  je  vous  en  av^^rtîs. 


88        LE  BARBIER  DE  SÉVILLE. 

FIGARO. 

Doutez- VOUS  ^e  ma  probité ,  monsieur  /  Vos 
cent  écus!  j'aimerois  mieux  vous  les  devoir  toate 
ma  vie ,  que  de  les  nier  un  seul  instant. 

bâutholo. 

Et  dites-moi  un  peu,  comment  la  petite  Figaro 
a  trouvé  les  bonbons  que  vous  lui  avez  portés? 

'  FIGARO. 

Quels  bonbons  ?  que  voulez-vous  dire  ? 

B  AR.THOLO.. 

Oui,  ces  bonbons,  dans  ce  cornet  fait  ay«c 
cette  feuille  de  papier  à  lettre-,  ce  matin.. 

FIGARO.. 

Diable  emporte  si. . . 

V   ROSINE,  V interrompant, 

AVez-vous  eu  soin  au  moins  de  les  lui  donner 
de  ma  part ,  M.  i  Figaro  ?  Je  vous  l'a  vois  recoin^ 
mandé. 

FIGARO4 
Ah!  àh!  les  bonbons  de  ce  matin?  Que  je  suis 
bête ,  moi  !  j'avois  perdu  tout  cela  de  vue. . . .  Oh  î 
excellents ,  madame ,  admirables. 

BARTHOLO. 

Excellents!  admirables!  Oui,  sans  doute,  mon- 
sieur le  barbier,  revenez  sur  vos  pas.  Vous  faites- 
la  un  joli  métier,  monsieur  1' 

FIGARO.  * 

Qu'est-ce  qu'il  a  donc ,  monsieur  ? 


s 

I 


a<:te  III,  scène  v:  89 

BAaT4BtOLO. 

£i  qui  TOUS  fera  une  belle  répuution,  mon-* 
Bieur! 

FIGARO. 

Je  la  soutiendrai ,  monsieur. 

BÂRTHOLO. 

Dites  que  vous  la  supporterez ,  monsieur» 

FiGAno.. 
Gomme  il  vous  plaira ,  monsieur. 

BARTHOLO. 

Vous  le  prenez  bien  haut,  monsieur!  Sacliez 
que  quand  je  dispute  avec  un  fat ,  je  ne  lui  cède 
jamais.  " 

F I G  A  B  o ,  lui  tournant  le  dos. 

Kous  différons  en  cela ,  monsieur  ;  moi ,  je  lui 
jcède  toujours. 

BARTHOLO. 

Hein  ?  qu'est-ce  qu'il  dit  donc ,  bachelier? 

FIGARO. 

C'est  que  vous  Croyez  avoir  affaire  k  quelque 
barbier  de  village ,  et  qui  ne  sait  manier  que  le 
rasoir?  Apprenez,  monsieur,  que  j'ai  travaillé  de 
la  plume  à  Madrid ,  et  que  sans  les  enviei^x.. . 

BARTQOLO. 

Eh!  que  n  j  restiez -vous,  sans  venir  ici  chan^ 
ger  de  profession  ?  . 

On  fait  comme  on  peut;  mettez^vous  à  ma 
place. 

8. 


^       LE  BARBIER  DE  SfiYILLE. 

BABTHOLO. 

Me  mcttTC  à rottt  place!  Ahf  pteblenl  ye  dirois 
de  belles  sottises  I 

FIGABO^ 

Monsieur  y  vous  ne  commence  pal  trop  mal; 
je  m'en  rapporte  à  yotre  confrère  qui  est  Ik  rêvas-. 
sant. . .. 

LECOMTE,  revenant  à  lui. 

Je. . .  je  ne  suis  pas  le  confrère  de  monsieur. 

FIG-A&O.     ^ 

Non?  Vous  TOjant  ici  à  consulter,  j*ai  pensé 
que  TOUS  poursuiviez  le  même  obje^. 
BAATHOLO,  en  colère* 

Enfin ,  quel  sujet  vous  amène  ?  T  a-t-il  quelque 
lettre  à  remettre  encore  ce  soir.à madame?  Parles, 
faut-il  que  je  me  retire  ? 

FIGABO.. 

Gomme  vous  rudoyez  le  pauvre  monde!  Ehf 
parbleu  !  monsieur,  je  viens  vous  raser,  voilà  tout  : 
n'est-ce  pas  aujourd'hui  votre  jour-? 

BABTHOLO. 

Vous  reviendrez  tantôt. 

PIGABO. 

Ah  !  oui ,  revenir  !  toute  la  garnison  prend  m^ 
decine  demain  matin  ;  j'en  ^  obtenu  l'entreprise 
par  mes  protections.  Jugez  donc  comme  j'ai  du 
temps  à  perdre  !  Monsieur  passe-t-il  ches  lui  ? 

BAftTaoltO. 

Non ,  monsieur  ne  pastfe  point  chec  lui.  eh, 
mais. . .  qui  empêche  qu'on  ne  me  rase  ici  Z 


ACTE  ni,  SCÈNE  T.  91 

BOSIVE,  avec  dédain. 
Yons  êtes  honnête!  Et  pourquoi  pas  dans  mon 
appartement  ? 

bautholo» 
Tu  te  fâches  ?  Pardon  ,  mon  enfant ,  ta  vas 
achever  de  prendre  ta  leçon;  c'est  pour  ne  pas 
perdre  un  instant  le  plaisir  de  t'en  tendre., 
FIGARO,  bas,  au  comte. 
On.  ne  le  tirera  pas  d'ici  !  (  Haut  )  Allons ,  l'É- 
veillé ?  la  Jeunesse  ?  le  Lassin ,  tke  l'eau ,  tout  ce 
qu'il  £iut  à  monsieur. 

^  BARTHOLO.' 

Sanft  doute ,  appelez-les  !  fatigués ,  harassés , 
moulus  de  votre  façon ,  n'a-t-il  pas  fallu  les  faire 
coucher? 

FIGARO.    • 

Eh  hien!  j'irai  tout  chercher  :  n'est-ce  pas  dans 
votre  chamhre?  (Bas,  au  comte.)  Je  vais  l'attirer 
'dehors. 

BAKTHOLO  détache  son  trousseau  de  clefs  et  dit  par 

réflexion  : 

Non,  non,  j'j  vais  moi-même,  (fias,  au  comte  en 
s^en  allant.)  Ajez  les  yeux  sur  eux ,  je  vous  pi'ie. 


9»         LE  BARBIER  DE  SÊVILLE. 

SCÈNE  VL 

FIGARO,  LE  COMTE,  ROSINE; 

FlGAno. 
Ah!  que  nous  l'avons  manqué  belle!  il  alloit 
me  donner  le  trousseau.  La  clef  de  la  jalousie  nj 
est-elle  pas  ? 

a  o  s  I N  e; 
C'est  la  plus  neuve  de  toutes. 

SCÈNE    VIL 

BARTHOLO,  FIGARO,  LE  COMTE,  ROSINE. 

BAnTHOLO,  revenant,  à  part. 
Boh!  je  ne  sais  ce  que  je  fais  de  laisser  ici  ce 
maudit  barbier.  (A  Figaro,)  Tenez.  (Il  lui  donne  le 
trousseau,)  Dans  mon  cabinet ,  sous  mon  bureau; 
mais  ne  toucbez  à  rien. 

FIGARO. 

La  peste  !  il  j  feroit  bon ,  méûant  comme  vous 
ètQs  !  {A  part  y  en  s'en  allant,)  Y  oj&i  comme  le  ciel 
protège  l'innocence  ! 

SCÈNE  VIII. 

BARTHOLO,  XE  COMTE,  ROSINE». 

BARTHOLO,   buS,  au  COIRf f. 

C'kIbt  le  drdle  qui  a  porté  la  lettre  au  coiute. 

LE  COMTE,  bas. 
Il  m'a  l'air  d'an  fripon. 


ACTE  m,  SCÈNE  VIII.  95 

B  A  B  T  H  O  L  O: 

Il  ne  m'attrapera  plus. 

LE    COMTE. 

Je  crois  qu'à  cet  égard  le  plus  fort  est  fait. 

BAATHOLO. 

Tout  considéré,  j'ai  pensé  qu'il  étoitplus  pru- 
dent  de  l'enyoyer  dans  ma  chambre ,  que  de  le 
laisser  avec  elk« 

lE    COMTE. 

Ils  n'auroient  pas  dit  un  mot  que  je  n'eusse  été 
en  tiers. 

ROSINE. 

Il  est  bien  poli ,  messieurs ,  de  parler  bas  sans 
cesse.  Et  ma  leçon  ? 

[Ici  l'on  entend  uii  hrait ,  comme  de  ia  vaissetle  ren- 
versée, ] 
BAHTBOLO,  criant. 
Qu'est-ce  que  j'entends  donc?  Le  cruel  barbier 
aura  tout  laissé  tomber  par  l'escalier,  et  les  pluf 
belles  pièces  de  mon  nécessaire  !...  (li  court  de  hors.) 

SCÈNE  IX. 

LE  COMTE,  ROSINE. 

LE  COMTE. 

Propitobs  du  moment  que  l'intelligence  de 
Figaro  nous  ménage.  Accordez-moi  ce  soir,  jeyous 
en  conjure ,  madame ,  un  moment  d'entretien  in- 
dispensable pour  vous  soustraire  à  Tesclayage  ou 
vous  allez  tomber. 


gi        L£  BARBIER  DE  SËVILLE. 

R09I8E. 

Ah!  Lindor! 

LE  COMTt. 

Je  puis  moBtîer  à  votre  jalousie  ;  et  C[i>ant  à  la 
lettre  que  j'ai  reçue  cle  vous  ce  matin ,  jis  me  suis 
vu  force. ... 


SCÈNE  X. 


ROSINE,    BARTHOLO,   FIGARO,    LE 

COMTE, 

BAnTHOLO. 

Je  ne  m'étois  pas  trompé ^  tout  est  brisé,  fra- 
cassé. 

FIGARO, 

Voyez  le  grand  malheur  po'ur  tant  de  train  !  On 
ne  voit  goutte  sur  lescalier.  (1/  montre  la  clef  au 
cQmU*)  Moi,  en  montant,  j'ai  accroché  une  olef... 

bautbolo. 

On  prend  garde  à  ce  qu'on  fait.  Accrocher  une 
clef  !  l'habile  homme  ! 

FI&ARO. 

Ma  foi ,  monsieur,  chcfrchez-en  un  plus  subtil. 


AGTEHI,  SCÈNE  XL  95 

SCÈNE   XL 

ROSINE,  BARTHOLO,  FîOARO,  LE  COMTE, 

DON  BAZILE. 

AOSiiTE,  effrayée,  à  part, 
DoirBazilel... 

LE  COMTE,  à  paru 
Juste  ciel  ! 

FiaAnOy  à  part. 
C'est  le  diable  ! 

BAETHOLOva  eui-devant  de  lui. 
Ah  !  Bazile ,.  mon  ami ,  soyez  'le  bien  rétabli ^ 
Votre  accident  n'a  donc  point  eu  de  suite?  En  vé- 
rité, le  seigneur  Alonzo  m'avoit  fort  effrayé  sud 
votre  état;  demandez-lui,  je  partois  pour  vous 
aller  voir ,  et  s'il  ne  m'avoit  point  retenu. . . 

B  A  z  1 1.  X ,  étonné. 
Le  seigneur  Alonzo  ?  «.  « 

F I G  A  K  o ,  frappant  du  pied,, 
Bh  quoi!  tonjours  de»  acroos?  Deux  heures 
pour  une  méchante  barbe. . .  Chienne  de  pcaitlqae  ! 

BAZILE,  regardant  tout  le  monde. 
Me  feitez-vous  bien  le  plaisir  de  jot  dire,  lues- 
tieurs?... 

riGAno. 
Vous  lui  parlerez  quand  je  ftertil  patvti. 

«AZILE. 

Mais  encore  faudroit-il. . . 


90        LE  BAHBIER  DE  SÉVILLE. 

LE    COMTE. 

Il  fau'droit  tous  taire ,  Bazile.  Croyez-vous  ap« 
prendre  à  monsieur  quelque  chose  qu'il  ignore  ?  Je 
lui  ai  raconté  que  vous  m'aviez  chargé  de  venir 
donner  unevleçon  de  musique  à  votre  place* 
B>  z  I L  E  ,  plus  étonnée 
La  leçon  de  musique  ! . . .  Alonzo  ! . . . 

B  o  s  I  ir  E ,  À  part,  à  Bazile, 
Eh  1  taisez>vou8. 

BAZILE. 

Elle  aussi  ! 

LE  COMTE,  bas,  à  Barlhobù. 
Dites-lui  donc  tout  bas  que  nous  en  sommes 
convenus. 

BABTHOLO,  à  Bazîle ,  à  part» 
N'allez  pas  nous  démentir,  Bazile,  en  disant 
qu'il  n'est  pas  votre  élève  ;  vous  gâteriez  tout., 

BAZILE, 

Ah! ah! 

BAaTHOLO,  haut. 
En  vérité ,  Bazile ,  09  n'a  pas  plus  de  talent  que 
votre  élève. 

BAZILE,  stupéfait. 
Que  mon  élève!...  (Bas,)  Je  venois  pour  yous 
dire  que  le  comte  est  déménagé. 

BABTHOLO,  baS, 

Je  le  saisj  taisez-vous. 

BAZILCy  6a«. 

Qui  vous  l'a  dit  ? 


ACTE  III,  SCÈNE  XL  97 

«  BAILTBOLO,  baS. 

'  Lui ,  apparemment. 

LE  COMTE,  bat. 

Moi  y  sans  doute  :  écoutez  seulement.  ^ 

« 

n  0  s  I N  E ,  bas ,  h  Baùte. 

Est-il  si  diJËcile  de  vous  taire  ? 

♦ 

FIGARO,  bas ,,  à  Bazite. 
Hum  !  grand  escogrif  !  Il  est  sourd  ! 

p  AziLfi,  à  part. 
Qui  diable  est-ce  donc  qu'on  trompe  ici?  tout 
le  monde  est  dans  le  secret. 

BAnTHOLO,  haut. 
£h  bien  !  Bazile ,  votre  homme  de  loi? 

FIGARO.  ' 

Vous  ayez  toute  la  soirée  pour  parler  de  l'homme 
de  loi.  * 

BARTHOLO,  àBasi/e. 
Un  mot  :  dites-moi  seulement  si  vous  êtes  con- 
tent de  l'homme  de  loi? 

BAziLE,  effaré* 
De  l'homme  de  loi  ? 

X  E  c  o  M  T  E ,  «oorianf ,. 
Yo«s  ne  l'avez  pas  vu ,  l'homme  de  loi,? 

BAZILE,  impatienté. 
Eh!  non,  je  ne  l'ai  pas  vu,  l'homme* de  loi. 

LE  COMTE,  à  Barthoio,  à  part. 
Voulez-vous  donc  qu'il  s'explique  ici  devant 
elle  ?  Renvo jez^le. 

Théitrc  Comédies.  ,l4«  9 


98        L£  BARBIER  DE  SÉVILLE. 

Vous  ayez  raison.  (A  BatUe.)  Mats  qtxel  mal 
TOUS  a  donc  pris  si  snbicemeat? 

BAziLK,  en  cùlèré^ 

Je  ne  vous  entends  pas. 
LE  G  o  M  T  E  /ai  met,  à  part,  une  bourge  danâ in  main. 

Oui  :  monsieur  vous  demande  ce  que  yous  ye- 
nez  faire  ici ,  dans  l'état  d  iodisposicio&-  où  ^ous 
êtes? 

Il  est  pâle  comme  un  mort! 

SAZILE. 

Ah  !  jie  comprends. . . 

LB  COMTE. 

Allez  you9  coucher,  moA  cher  BfttUe  :  tdus 
n'êtes  pas  bien,  et  yous  nous  laites  mourir  de 
frayeur.  Allez  vous  coucher. 

FIGARO. 

Il  a  la  phjsionomie  toute  renversée.  AHe2  vous 
coucher. 

BAATHOItO. 

D'honneur ,  il  sent  la  fièvre  d'une  lieue.  Allez 
yous  coocher« 

ROS'lHE. 

PourqfBoi  donc  étes-^^os  serti?  Qln  dit  que  cela 
se  gagne.  Allez  yous  coucher.. 

B  ▲  z  I  &  H  >  Oie  derkiet  HmiAMKjiI • 
Que  j'aille  me  coucher  ? 


ACTE  lU,  SGËNE  XI.  99 

TOUS  LES  ÀCTEUllft  eusemble.' 
£h!  sans  doute. 

B  A  z  I L  E ,  /ef  regfirdant  tou^i 
En  effet ,  messieurs ,  je  crois  que  je  ne  ferai  pas 
mal  de  me  retirer;  je  sens  que  je  ne  suis  pas  ici 
dans  mon  Msiett«  ««dkiftire. 

<      BAkTHOI.«. 

A  demain ,  toujours  :  si  vous  ates  imeux. 

LE  COMTE. 

Bazile,  je  serai  chez  vous  de  très  bonne  heure. 

FIGARO. 

Grojez-moi ,  tenez-vous  bien  chaudement  dans 
votre  lit. 

ROSIHE, 

Bonsoir ,  M.  Bazile. 

BAziLE,  à  part 
Diable  emporte  ai  j  j  comprends  rien  ;  et  sans 
cette  bourse. . . . 

TOUS. 

Bonsoir ,  Bazile ,  bonsoir. 

BAZILE,  en  s'en  aliant. 
Eh  bien  1  bonsoir  donc ,  bonsoir. 

(  Ih  i*ttccompagneitt  tous  en  riani, } 


tt>o      1£  BÂRBIEft  I>£  SBVILLE. 

r 

SCÈNE  XII. 

ROjSINE,  BARTHOLO,  LE  COMTE,  FIGARO. 

BARTHOLO,  d'ttA  tou  important. 
Cet  homme-là  n  est  pas  bien  du  tout* 

ROSIITE. 

Il  a  les  jeux  éjgarés. 

lE    COMTE.» 

Le  grand  air  Tauira  saisi. 

FI  G  AU  o. 

Ayez-Yous  tu  comme  il  parloit  tout  seul  ?  Ce 
que  c*e»t  que  de  nous  !  (A  Bartholo.)  Ah  I  ça ,  yo:is 
décidez-YOUS ,  cette  fois  ?  (1/  lui  pousse  un  fauteuil 
très  loin  du  comte ,  et  lui  prétente  le  linge.) 

LE    COMTE. 

Ayant  de  finir ,  madame ,  je  dois  yous  dire  un 
mot  essentiel  au  progrès  de  l'art  que  j'ai  l'honneur 
de  YOUS  enseigner.  (1/  s*approche,  et  lui  parle  bas  à 
l'oreille,  ) 

B  A  a  T  HO  L  0 ,  à  Figaro. 
Eh  mais  !  il  semble  que  yous  le  fassiez  exprès 
de  YOus  approcher,  et  de  yous  mettre  deyant  moi 
pour  m'empêcher  de  yoir . . . 

LE  COMTE,  bas,  à  Rosine. 
Nous  ayons  la  clef  de  la  jalousie ,  et  nous  serons 
ici  à  minuit. 

FiGAEO  passe  le  linge  au  cou  de  Bartholo. 
Quoi  Yoir?  Si  c'étoit  une  leçon  de  danse,  on 


ACTE  m,  SGÊNE  XII.  lOi 

TOUS  passeroit  d'j  regarder;  mais  du  chant!..  Ahi! 
ahi! 

BAATBO.IO. 

Qu'est-ce  que  c'est? 

FIGABO. 

Je  ne  sais  ce  qui  m'est  entré  dans  l'œil. 

(1/  rapproche  sa  tête,) 

BAUTHOLO. 

fïe  frottez  donc  pas. 

F  I6AR0. 

C'est  le  gauche.  Voudriez- vous  me  flaire  le  pUi» 
sir  d'j  souffler  un  peu  fort? 
BA&THOLO  prend  la  tête  dp  Figaro,  regarde  par-dessus i 

te  pousse  violemment,  et  va  derrière  les  amants 

écouter  leur  conversation^ 

LE  COMTE,  bas ,  à  Rosine, 

Et  quant  à  votre  lettre ,  je  me  suis  trouvé  taiv 
tôt  dans  un  tel  embarras  pour  rester  ici...' 
viGAiLOyde  loin ,  pour  avertir. 

Hem  ! . .  hem  ! . .. 

LE    COMTE. 

Désolé  de  voir  encore  mon  déguisement  inu- 
tile. . . 

isARTHOLO,  passant  entre  deux» 
Votre  déguisement  inutile  ! 

ftOS^iSE,  effrayée,. 
Ah!.. 

BARTHOLO. 

Fort  bien ,  madame ,  ne  voiu  gênez  pas.  Gom- 

I        9* 


lo»      LE  BARBIER  DE  SKTîLLE. 

« 

tuent!  sommes  jreux^K^ne»  em  i&a  pfétenae»  on 
m'ose  outrager  de  la  sorte  ! 

&B    COMTE. 

Qu'ayez-vous  donc ,  seignéuf  ? 

BAAtllOLO., 

Perfide  Alonzo  ! 

LB   COlIlTE^ 

Seigneu^Bartholo,Sî  tous  ayez  souyent  des  lu- 
bies comme  celle  dont  le  hasard  the  rend  'témoin , 
je  ne  suis  plus  étonné  de  Téloignement  que  made- 
moiselle a  pour  devenir  vt)tre  fe^me. 

nosiiTE. 

Sa  femme!  Moi!  passer  mes  jours  auprès  d*nn 
vieux  j|l1oux,  qui ,  pour  tout  bonheur,  offre  à  ma 
jeunesse  un  esclavage  abominable  ! 

BAUTHOLO. 

Ah!  qu est-ce  que  j'entends! 

nosiVE. 
Oui ,  je  le  dis  tout  haut  ;  je  donnerai  mon  coeur 
et  ma  main  à  celui  qui  pourrie  m'arracher  de  6ette 
horrible  prison,  où  ma  personne  et  mon  bien  sont 
retenus  contre  toute  justice^ 

(Rosine  sort,) 


ACTE  IIirSCËNE  XIII.  io3 

SCÈNE  xin. 

BÂRTHOLO,  FIGARO,  LE  COMTÉ. 

BABTHOI.O.. 

L'a  colère  me  snfibque. 

LE    COMTE.. 

En  effets  seigneur,  il  est  difficile  qu'âne  jeune 
Kinme.  ..• 

FI&ARO. 

Oui,  une  jeune  fiemme  et  on  grand  âge;  voilà 
ce  qui  trouble  la  tête  d'un  vieillard. 

BARTHOLO.    ' 

Gomment!  lorsque  je  les  prends  sur  le  fait! 
Maudit  barbier!  il  méprend  des  envies....  | 

FxaAno. 
Je  me  retire ,  il  est  fou.- 

LE  COMTE. 

Et  moi  aussi  ;  d!honneur  il  est  fou.. 

FIGARO. 

Il  est  fou ,  il  est  fou. . . 

{lii  sortent.) 

SCÈNE  XIV. 

BARTHOLO,  seuif  les  poursuit» 

Je  suis  fou!  Infâmes  suborneurs!  Émissaires  du 
diable,  dont  vous  faites  ici  l'office,  et  qui  puisse 
TOUS  emporter  tous!...  Je  suis  fou  !...  Je  les  ai  vus 
comme  je  vois  ce  pupitre....  et  me  soutenir  effron- 


io4      LE  BARBIER  DE  SËYILLE. 

tément  !»..  Ah!  il  n  y  a  que  Bazile  qui  puisse  m  ex- 
pliquer ceci.  Oui,  envojons-le  chercher.  Hola! 
quelqu'un....  Ah!  j  oublie  que  je  n'ai  personne.... 
Un  voisin,  le  premier  veUu ,  n'importe.,  Il  y  a  de 
quoi  perdre  l'esprit  !  ttl  j  a  de  quoi  perdre  l'es- 
prit !i 


FIS    su   TAOISlàME    ACTZ. 


(Pendant  Tentr'acte,  le  théâtre  s'obscurcit  :  on  entend  nn 
bruit  dWage,  et  l'orchestre  joue  celui  qui  est  gravé 
dans  le  recueil  de  la  Musique  du  Barbier.) 


I>«^<»^»^<»lrf*^^<*<^i*''**< 


»»>^^N»<^»^I^I^1^  ^'  ^  l^»^»^!!^»^  .<i 


ACTE  QUATRIÈME. 


SCÈNE  I. 

(Le  théâtre  est  obscur.) 

BARTHOLO;  DON  BAZILÉ,  une  lanterne  de 

papier  à  la  main, 

bAutholo. 

Comment,  Bazile,  vous  ne  le  connoissez  pas?  Co 
que  TOUS  dites  est-il  possible? 

BAZII.E. 

Vous  m'interrogeriez  cent  fois  que  je  yous  fe- 
rois  toujours  la  même  réponse.  S'il  vous  a  remis  la 
lettre  de  Rosine,  c'est  sans  douteun  des  émissaires 
du  comte  :  mais ,  à  la  magnificence  du  présent  qu'il 
m'a  fait,  il  se  pourroit  que  ce  fàt  le  comte  lui- 
même. 

BARTHOLO. 

'    Quelle  apparence  ?  Mais ,  à  propos  de  ce  présent, 
ehî  pourquoi  l'avez-vous  reçu? 

BAZILE. 

Vous  aviez  l'air  d'accord;  je  n'y  entcndois  rien; 
tt,  dans  les  cas  difficiles  à  juger,  une  bourse  d'or 
me  parolt  toujours  un  jipgument  sans  réplique.  Et 
puis ,  comme  dit  le  proverbe ,  ce  qui  est  bon  a 
prendre*..  ^ 


toÇ     ILE  BAllBIER  DE  SÊVILLE. 

BA-BTBOIiO. 

J'entends ,  «it  bon.  »« 

BAZILE.' 

A  garder. 

BARTBOI.0,  surprix 
Ah'!  ah! 

BA»IS,E, 

Oni^  j'ai  arrangé  comme  cela  plusients  petits 
proverbes  avec  des  variations  :  mais,  allons  au 
ifait ,  à  quoi  vous  arrêtez>vous  ? 

BABÏHOLO. 

En  ma  place ,  Basile ,  ne  feriez^vons  pas  les  der- 
niers etfbrts  pour  la  posséder? 

BASILE. 

A|a  foi  non ,  docteur.  En  toute  espèce  de  biens , 
posséder  est  peu  de  chose;  c'est  jouir  qui  rend 
heureux  :  mon  avis  est,  qu'épouser  une  femme 
dont  on  n'est  point  aimé,  c'est  s'exposer... 

BARTHOLO. 

Vous  craindriez  les  accidents  ?i 

BAZILX. 

Eh  !  eh  !  monsieur. . .  on  en  voit  heaueetip  edtte 
année.  Je  ne  ferois  point  violenee  à  âon  oesur. 

BAETHOI.O. 

Votre  Tslet ,  Basile.  Il  vaut  loieiiz  qnVUe 
plenre  de  n'avoir,  que  moi  je  tteuie  de  ne  Vfltvoir 
psts. 

Il  j  va  de  la  vie  ?  Epouses ,  idootenr ,  époiiiM« 


ACTE  IV,  SCÈNE  I.  407 

BAATHOLÔ. 

Aussi  l«riH-j« ,  «t  cette  irait  niâme. 

Adieu  donc.  — «  Souveiiez-vous,  en  {>aTUTit  à 
la  pupille  j  de  les  rendre  tous  plus  noirs  c[ue  l'en-^ 
fer 

BAHTlfOIO. 

Vous  avez  maison. 

BAZIlC. 

La  calomnie,  docteur,  la  calomnie.  M  faut  tou« 
jours  en  venir  là. 

BARTHOLO. 

Voici  la  lettre  de  Rosine  <^ue  cet  Alonzo  m'a 
remise,  et  il  m'a  montré ,  sans  le  Touloit,  lusage 
que  j'en  dois  faire  auprès  d'elle. 

BAZXI.Z. 

Adieu  :  nous  serons  tous  ici  à  quati^  beurei» 

BARTHOLO. 

Pourquoi  pas  plus  tôt?  v 

BAZILÊ.  ' 

I 

Impossible  ;  le  notaire  est  retenu. 

BARTHOLO.  ^ 

Pour  un  mariage?  ^' 

B  AZILE. 

Oui,  chez  le  barbier  Figarp;  c'est  sa  nièce  qu'il 
marie. 

BARTHOLO. 

Sa  nièce?  il  n'en  a  pas. 

BAZILC 

Voilà  ce  qu'ils  ont  dit  au  notaire. 


1(9      LE  BARBIER  DE  SÉVILLE. 

BABTBOLO» 

Ce  drôle  est  du  complot;  que  ^diable  £ 

BAZILE. 

Est-ce  que  vous  penseriez?.. 

BARTHOLO. 

Ma  foi ,  ces  gens~là  sont  si  alertes  !  Tenez ,  mon 
ami ,  je  ne  suis  pas  tranquille.  Retournez  chez  le 
notaire  :  qu'il  vienne  ici  sur-le-^hamp  avec  vous. 

BAZILE. 

Il  pleut ,  il  fait  un  temps  du  diable  ;  mais  rien 
ne  m'arrête  pour  vous  servir.  Que  faites -vous 
donc  ?i 

BARTHOLO.. 

Je  vous  reconduis  ;  n'ont-ils  pas  fait  estropier 
tout  mon  monde  par  ce  Figaro  !  Je  suis  seul  ici. 

BAziLt. 

\  J'ai  ma  lanterne.-  ' 

BARTHOLO. 

Tenez,  Bazile,  voilà  mon  passe -partout,  je 
vous  attends,  je  veille;  et  vienne  qui  voudra, 
hors  le  notaire  et  vous ,  personne  n'entrera  de  la 

nuit. 

BAZILE. 

Avec  ces  précautions  y  vous  êtes  àûr  de  votr« 
fait. 


ACTE  lY,  SCÈNE  II.  1*9 

SCÈNE  IL 

ROSINE,  seule ,  sortant  de  sa  chambre* 

^ 

Il  me  sembloit  avoir  entendM  parler.  Il  est 
minuit  sonné  ;  Lindor  ne  vient  point*  Ce  mauvais 
temps  même  étoit  propre  à  le  favoriser.  Sûr  de  ne 
rencontrer  personne....  Âh!  Lindor,  si  vous  m'ar- 
viez  trompée  ! . . .  Quel  bruit  entends- je  ?...  dieux  ! 
c'est  mon  tuteur.  Rentrons. 

SCÈNE  ni. 

ROSINE,  BARTHOLO.. 

BARTHOLO,  tenant  de  la  lumière* 
Ah!  Rosine,  puisque  vous  n'êtes  pas  encore 
rentrée  dans  votre  appartement. . .  r 

R  o  s  I H  B* 
Je  vais  me  retirer» 

BARTHOtO. 

Par  le  temps  affreux  cfu'il  fait ,  vous  ne  repose- 
rez pas,  et  j'ai  des  choses  très  pressées  k  vous  dire. 

ROSINE. 

Que  me  voulez-vous ,  monsieur  ?  n'est-ce  donc 
pas  assez  d'être  tourmentée  le  jour  ?, 

BARTHOLO. 

Rosine ,  écoutez-moi, 

ROSIBIE. 

Demain  ^  je  tous  entendrai. 

Théâtre.  Comédies.  K^-^  '^ 


i^      LE  BARBIER  D£  SÊVILLS^ 

BÂRTHOLO, 

Un  moment ,  de  grâce» 

no  SINE,  à  parU  ' 

S'il  alloit  venir! 

BAUTHOLO,  lui  montrant  sa  lettre*    • 
Gonnoissez-vous  cette  lettre  ? 

ROSINK,  la  rceonnoissant. 
Ah  !  grands  dieux  ! . . . 

BAILTHOt.0.i 

Mon  intention ,  Rosine ,  n'est  point  de  vons 
faire  de  reproches  :  à  votre  âge  on  peut  s'égarer  ; 
mais  je  suis  votre  ami ,  écoutez-moi. 

ROSISE. 

Je  n'en  pui^  plus. 

BARTHOL0. 

Cette  lettre  que  vous  avez  écrite  au  coïnte 
Almaviva. ... 

ROSI  SE,  étonnée» 
Au  comte  Almaviva  ! 

BARTHOLO., 

Voirez  quel  homme  affreux  est  ce  comte  I  Aussi- 
tôt qu'il  l'a  reçue,  il  en  a  fait  trophée;  je  la  tien» 
d'une  femme  à  qui  il  l'a  sacrifiée. 

R0SI9E. 

Le  comte  Almaviva  I . . . 

BARTHOLO. 

Vous  avez  peine  à  vous  persuader  cette  «horreur. 
L'inexpérience ,  Rosine ,  rend  votre  sexe  confiant' 
et  crédule  ;  mais  apprenez  dans  quel  piège  on  vous 
attiroit.;  Cette  femme  m'a  fait  donner  avis  de  tout, 


ACTE  IV,  SCÈNE  lU.  tu 

apparemment  pour  écarter  une  rivale  aussi  dange- 
reuse que  TOUS.  J*en  frémis  !  le  plus  abominable 
complot ,  entre  Almaviya ,  Figaro  et  cet  AlonzO , 
élève  supposé  de  Bazile ,  qui  porte  un  autre  nom , 
et  n^est  que  le  yil  agent  du  comte ,  alloit  vous  en- 
traîner dans  un  abîme  dont  rien  n'eût  pu  vous 
tirer. 

H  o  s  I  s  E ,  accablée. 

Quelle  horreur  ! . . . .  quoi  !  Lindor  ! . .  • .  quoi  !  et 
jeune  homme  ! . . . 

4m         B kHT no LO\  à partv 

Ah  !  c'est  Lindor. 

ROSIMC. 

C'est  pour  le  comte  Almaviya...  C'est  pour  un 
autre. , . . 

BARTHOLO. 

Voilà  ce  qu  on  m'a  dit,  en  me  remettant  votrf 
lettre» 

a  O  s  I  ir  B ,  outrée. 

Ah!  quelle  indignité!...  Il  en^sera  puni.  Mon-» 
•leur ,  vous  avez  désiré  de  m'épouser  ? 

BABTHOLO. 

.Tu  connois  la  yiyacité  de  mes  aentiments. 

ROSINE. 

S*il  peut  VOUS  en  rester  encore  ^  jje  suis  à  vousi; 

BABTHOLO. 

f  • 

£h  bien  !  le  notaire  viendra  cette  nuit  même.'' 

BOSIITE. 

Ce  n'est  pas  tout  ;.ô  ciel!  suis- je  assez  humiliée  1 
Apprenez  que  dans  pieu  le  perfide  ose  entrer  par 


119     LE  BIKBIEH'DE  SSVILLE. 

cette  jalousie,'  dont  ils  ont  eu  Tart  de  vous  déro- 
ber la  clef. 

BARTHOLO,  regardant  au  trousseau. 
Abf  les  scélérats!  Mon  enfant,  je  ne  te  quitte 
plus. 

no  SI  SE,  avec  effroU 
Ah  !  monsieur ,  et  slls  sont  armés  ? 

BAUTHOLO. 

Tu  as  raison  :  je  perdrois  ma  vengeance.  Monte 
chez  Marceline  :  enferme-toi  chez  elle  à  double 
tour.  Je  vais  chercher  main^forte  et  l'attendre  au- 
près de  la  maison.  Arrêté  comme  voleur ,  nous  au- 
rons le  plaisir  d'en  être  à  la  fois  vengés  et  déli- 
vrés ;  et  compte  que  mon  amour  te  dédommagera. 
A  o  s  I  s  E ,  au  désespoir. 

Oubliez  seulement  mon  erreur.  (A  part.)  Ah! 
je  m'en  punis  assez. 

bautholo,  4'eii  allant» 

Allons  nous  embusquer..  A  la  fin ,  je  la  tiens. 

(lisori^y 

SCÈNE  IV. 

ROSINE,  «ea/e. 

.  Sow  amouirme  dédommagera!.. 7  Malbeareuie ! 
(  Elle  tire  son  mouchoir  et  s'abandonne  aux  larmes.  ) 
Que  faire?...  Il  va  venir.,  Je  veux  rester  et  feindre 
avec  lui ,  '  pour  le  contempler  un  moment  dani 
toute  sa  noirceur.  La  bassesse  de  aon  procédé  sera 
mon  préservatif.,.  Ah!  j'en  ai  graud  besoin.  Fi- 


MiTC  noble ï  air  doux  !  iu|e  ygIx  si  tendre  !,».  et  ce 
n'est  qne  le  vil  agent  d'wn  corrnptenr!  Ah!  mal- 
heureuse! malheajreuse !.....  Ciel!  on  ouvre  la  ja-. 
lonsle.  (^EUe  se  sauve,  ) 

SCÈNE  V. 

LE  COMTE,  FIGARO,  éni^eloppé  d'un  manr 
teau,  paYoU  à  la  fenêtre, 

FIGARO  parle  en  dehçrs,  ; 
QuELQU *UN  s*enfuit  ;.entrerai-je  ? 
I.E  CQJCTE,  en  dehors, 
Unhonnne? 

FIOARO. 

Non.  -,  t 

LE  COMTE. 

C'est  Rosine ,  que  ta  figure  atroce  aura  mise  en 
faite. 

FIGARO  saute  dans  la  chambre,^ 
Ma  foi,  je  le  crois...  Nous  voici  enfin  arrivés, 
^malgré  la  pluie ,  la  foudre  et  les  éclairs. 

I.E  COMTE,  enveloppé  d'an  lonq  manteau,- 
Donne-moi  la  main.  {Il  saute  à  son  tour,)  A  nous 
la  victoire» 

FIGARO  jette  son  manteau, 
lions  sommes  tout  percés.    Charmant  temps 
pour  aller  en  bonne  fortune  !  Monseigneur ,  com- 
ment trouvez- vous  cette  nuit?. 

LE   COMTE. 

Superbe  pour  un  amant* 

lO. 


ti4     LE  BARBIER  DB  BBYIXLE. 

r  I G  A  R  o.. 
Oui  ;  mais  pour  un  fcoufideAt  ? ....  Et  fri  €jnth 
qu'un  aHolt  nous  surprendre  ici  ? 

LE    COMTE. 

N*es-tu  pas  ayec  moi?  J'ai  bi?n  une  autre- in- 
quiétude ;  c'est  de  la  déterminer  à  quitter  sur-le- 
chip^p  U^naisoii  4^  tuteur. 

Vous  avez  pour  tous  trois  passioss  tontes  pais- 
santes sur  le  beau  sexe;  l'amour,  la  haine  et  la 
crainte. 

LE  COMTE  regarde  dam  i' obscurité. 

Gomment  lui  annoncer  brusquement  que  ie  no> 
taire  l'attend  chez  toi  pour  nous  unir  ?  Elle  trou- 
vera mon  projet  bien  hardi.  Elle  va  me  nommer 
audacieux. 

FIGÀBO. 

Si  elle  vous  nomme  audacieux,  vous  l'appelle- 
rez cruelle.  Les  femmes  aiment  beaucoup  qu'on  les 
appelle  cruelles.  Au  surplus ,  si  son  amour  est  tel 
que  vous  le' désirez ,  vous  lui  dites  qui  'VOUS  dtes  ; 
elle  ne  doutera  plus  de  vos  sentiments^ 


.    JLCTE  IV,  SQÊNE  Vi.  ii5 

SCÈNE  Yî, 

LE   COMTE,   R0S!NE;^FIGAR0. 
Figura  allume  tootç»  1«$  ^u|^  <{uji  aoi^i  sur  U  uUe.^ 

LB  GOMTK. 

La  Toici...  Ma  belle  MosHiel.w 

'  1)  o  s  I  ■  ^ ,  d'-ua  tOA  tris  ocmpo$è. 
Je  coamen^eis  •tnonsièur,  à  cvaindce  que  TOiu 
ae  Tinsfiez  pas, 

I.B  COMTE* 

Charmante  inquiétacEe  !....>  Bfta^bmowriie ,  il  ne 
me  convient  point  d'abuser  dèidttOiiBtaacet  pour 
vous  proposer  dfi  pact^Qr  \9  ^^ojc\  d'un  infortuné  ; 
mais  qnelqu'asile  quçypi»  çjiioî^i^si^z,  je  j)»çe  mon 
honneur.... 

R  o  s  I K  £..- 

Monsieur ,  si  le  don  de  ma  main  n^avoit  pas  dû 
fuiTre  à  Tinstant  celui  de  mon  cœur ,  vous  ne  se- 

q9«  p99i»  ^ifttM.Twe  a  d'irrégulkr.. 

I.E   ÇOUTE. 

Vou« ,  Bpsi^e  »  la  compago^  d!uii  malheureux  ! 
sans  fortune ,  Mins  naifts^nçe  !.>.. 

nqsjiifE. 
L'a  naissance ,  la  fortune  !  Laissons  là  les  jeux 
du  hasard ,  et  si  vous  m'assurez  que  vos  intentions 
•ont  pures... 

LE  COMTE,  à  ses  pieds. 
Ah!  Rosine ,  je  tous  adore. 


lia     LE  BAKBIER  DE  sevILLE. 

BosiHE,  indignée» 

^Arrêtes,  malheureux!'. . .  yoiis  osez  profaner  !. . .  i , 
m  m'adores!...  Va!  tu  n*es  plus  dangereux  pour 
moi;  j*attendoia  oe  mot  pour  te  détester.  Mais^  ; 
ayant  de  t'abandooner  au  remords  qui  t'attend ,  ^ 
{en  pleurant)  apprends  que  )e  t'aimois,  apprends 
que  je  faisois  mon  bonheur  de  partager  ton  mau- 
vais sort.  MiséraUe  Lindor!  i'aliois  tout  quitter 
pour  te  suivre*  liais  le  lâche  abus  que  tu  as  fait  de 
mes  bontés,  et  l'indignité  de  cet'a£Ereux  comte 
'Almaviva ,  à  qui  tu  me  vendois ,  ont  £ut  rentrer 
dans  nuss- mains  ce  témoignage  de  ma  £(>iblesse« 
Goanois-tu  cette  lettre  ? 

L  z  c  o  K  T  B  vivemenU 

Que  votre  tuteur  vous  a  remise  1^     ^ 

Aosiirit^  fièrement^ 

Oui,  je  Iym  «q  ai  l'obligationr 

AE  COMtB. 

Dieux ,  que  je  suis  faenrenx  !  Il  la  tient  de  moi  J 
Dans  mon  embartas ,  hier,  je  m'en  suis  servi  pour 
arracher  sa  confiance;  et  je  n'ai  pu  trouver  l'ins- 
tant de  vous  en  informer.  Ah  !  Rosine ,  il  est  donc 
vrai  que  vous  m'aimez  véritablement  l 

FiaAAO, 

Monseigneur,  vous  cherchiez  une  femme  qui 
vous  aimât  pour  vous-même.  «• 

aosiRE, 
Monseigneur  !  Que  dit-il  ?. 


ACTE  jrV,  SCÈNE  VI.  117 

I.E  COMTE ,  jetant  son  iarge  manteau ,  paraît  en  habit 

magnifique, 
O  la  plus  aimée  des  femmes  !  il  n  est  plus 
temps  àe  Ypus  abuser  :  l'heureux  homme  que 
vous  voyez  à  vos  pieds  n  est  point  Lindor;  je  suis 
le  comte  Almaviva,  qui  meurt  d'amour,  et  vous 
cherche  en  vain  depuis  six  mois. 

ROSINE  tombe  dans  les  bras  du  comte, 
AhS., 

LE  COMTE,  effratjé, 
Figaro? 

FioAno. 
Point  d'inquiétude  ,  mpnseigneuc  ;  la  douce 
émotion  de  la  joie  n'a  jamais  de  suites  fâcheuses  ; 
la  voilà ,  la  voilà  qui  reprend  ses  sens  ;  morbleu  I 
qu  elle  est  belle  t 

EOSlir,£. 

Ah!  Lindor!..,  Ah!  monsieur,  que  ^  suis  cou« 
pable  !  j'allois  me  donner  cette  nuit  même  à  mon 
tuteur. 

LE    COMTE. 

Vous ,  Rosine  2L 

ROSINE. 

Ne  voyez  que  ma  punition.  J'aurois  passé  ma 
vie  à  vous  détester.  Ah  !  Liudor ,  le  'plus  affreux 
supplice  n'est-il  pas  de  haïr,,  quand  on  sent  qu'on 
est  faite  pour  aimer? 

I       FIGARO  regarde  à  la  fenêtre: 

Monseigneur,  le  retour  est  fermé ^  l'échelle  est 
enlevée. 


1x8      LE  BARBIER  DE  SËVILLE. 

LS   COMTE. 

Enleyée  ! 

mosiHE,  troublée» 
Oui ,  c'est  moi...  c'est  le  docteur.  Toilà  le  fruit 
de  ma  crédulité.  Il  m'a  trompée.  J'ai  tout  avoué , 
tout  trahi  :  il  sait  que  vous  êtes  ici ,  et  va  venir 
avec  main-forte. 

F I  o  A  n  o  regarde  encore. 
Monseigneur ,  on  ouvre  la  porte  de  la  rue. 
aosiVE,  courant  dans  les  bras  du  comte  avec  frayeur. 
Ah!  Lindor... 

LE  COMTE  y  avec  fermeté, 
•Rosine,  vous  m'aimez!  Je  ne  crains  personne, 
et  vous  serez  ma  femme.  J'aurai  donc  le  plaisir  dt 
punir  à  mon  gré  l'odieux  vieillard  \ . . 

ROSINE. 

Non ,  non ,  grâce  pour  lui ,  cher  X'indor  !  Mon 
cœur  est  si  plein,  que  la  vengeance  ne  peut  ^ 
trouver  place. 

SCÈNE  VIL 

LE  NOTAIRE ,  DON  BAZILE  ,  LE  COMTE, 
ROSINE,  FIGARO. 

F I G  A  a  o. 
MovsEioHEVR ,  c'est  notre  notaire, 

LE   COMTE. 

Et  l'ami  Bazile  avec  lui  ! 

BAZXLE, 

Ah!  qi|*e8t-ce  que  j'aperçois? 


ACTE  IV,  SCÊJSE  VIL  119 

'  '  FIOARO;      > 

£h!  par  quel  hasard,  notre  ami?.. 

BAZILE. 

Par  quel  accident ,  messieurs?** 

LE    NOTAIRE. 

Sont-ce  là  les  futurs  conjoints? 

LE    COMTE. 

Oui ,  monsieur.  Vous  deviez  unir  la  signorr 
Rosine  et  moi  cette  nuit  chez  le  barhier  Figaro  ; 
mais  nous  avons  préféré  cette  maison ,  pour  des 
raisons  que  vous  saurez.  Avez -vous  notre  con- 
trat? 

LE    NOTAIRE. 

J*ai  donc  Thonneur  de  parler  à  son  excellence 
monsieur  le  comte  Âlmaviva? 

FIGARO. 

Précisément. 

BAZILE,  à  part. 
Si  c'est  pour  cela  qu'il  m'a  donné  le  passe^par» 
tout... 

LE    NOTAIRE. 

G^est  que  j'ai  deux  contrats  de  mariage,  mon- 
seigneur ;  ne  confondons  point  :  voici  le  vôtre  ;  et 
c'est  ici  celui  du  seigneur  Bartholo  avec  la  si- 
gnora....  Rosine  aussi.  Les  demoiselles  apparém* 
ment  sont  deux  soeurs  qui  poitént  le  même  nom. 

LE   COMTE. 

Signons  toujours.  Don  Eazile  Toodrabien  nous 
servir  de  second  témoin. 

{Its  tifiuent) 


lAO      LE  BARBIER  tE  SÉYILLE. 

BASILE. 

Mais,! votre  excellence.....  je*  ne  comprends 

'    LS  COUTS. 

Mon  maître  Bazile ,  un  rien  tous  embarrasse , 
et  tout  vous  étonne., 

BAZILE. 

Monseigneur. . .  mais  si  le  docteur. ... 

L  E  c  o  M  T  E ,  lui  jetant  une  bourse^ 

Vous  faites  lenfant.  Signez  donc  vite. 

BAziLE,  étonnée 
Âhfah!.. 

FIGABO. 

OÙ  donc  est  la  difficulté  de  signer? 
BAZILE,  pesant  la  bourse^ 

W.  ny  en  a  plus  ;  mais  c  est  que  moi ,  quand  j'ai 
donné  ma  parole  une  fois ,  il  faut  des  motils  d*un 
grand  poids. . .  (1/  si^ne,  ) 

SCÈNE  VIII. 

BÂiRTHOLO,  UN  ALCADE,  des  alguazils,  des 
VALETS  avec  des  flambeaux,  LE  NOTAIRE,  DON 
BAZILE,  LE  COMTE,  ROSINE,  FIGARO. 

BABTHOLO  voU  te  comte  baiser  la  main  de  Rosine , 
et  Figaro^  qui  embrasse  grotesquement  don  Baùie: 
il  crie  en  prenant  le  notaire  à  la  gor^e» 
Rosine  avec  ces  fripons!  arrêtez,  tout  le  monde 

J'en  tiens  un  au  collet.. 


ACTE  IV,  SCÈNE  VIII.  1211 

LE    BTOTAIBE^. 

C'est  YOtre  notaire. 

BAZILE* 

C'est  YOtre  notaire.  Vous  moqnez-vous? 

BARTHOLO. 

Ah  !  don  Bazile ,  eh  comment  êtes-yous  ici  ? 

BAZIIE.. 

Mais  plutôt  vous ,  comment  nj  étes-yous  pas  ? 

l'alcade,  montrant  Figaro, 
Un  moment  ;  je  connois  celui-ci.  Que  yi'ens-tu 
faire  en  cette  maison ,  à  des  heures  indues? 

FIGARO. 

Heure  indue? Monsieur  yoit  hien  qu'il  est  aussi 
près  du  matin  que  du  soir.  D'ailleurs,  je  suis  de  la 
compagnie  de  son  excellence  monseigneur  le 
comte  Almayiya. 

babtholo. 
Almayiya  ! 

l'alcade» 
Ce  ne  sont  donc  pas  des  voleurs? 

BARTHOLO. 

Laissons  cela Partout  ailleurs ,  monsieur  le 

comte,  je  suis  le  serviteur  de  votre  excellence; 
mais  vous  sentez  que  la  supériorité  du  rang  est  ici 
sans  force.  A  jez ,  s'il  vous  plaît ,  la  bonté  de  vous 
retirer. 

LE    COMTE. 

Oui,  le  rang  doit  être  ici  sans  force;  mais  ce 

Tîiê«tr«.  Comédies.    1 4*  XI 


i2a      LE  BA^ABIER  DE  SÉYILLE. 

qui  en  a  beaucoup ,  est  la  préférence  que  made- 
moiselle vient  de  m'accorder  sur  vous ,  en  se  don- 
nant à  moi  volontairement. 

BA&TBOLO. 

Que  dit-il ,  Rosine  ? 

nosiBts. 
Il  dit  vrai.  D'où  naît  votre  étonnement  ?  Ne  de- 
^  vois-je  pas ,  cette  n^ît  même ,  être  vengée  d'un 
troitipeur  ?  Je  le  suis. 

Quand  je  vous  disois  que  c'étoit  le  comte  lui- 
même  ,  docteur  ? 

BARTHOLO. 

Que  m'importe  à  moi?  Plaisant  mariage!  Où 
sont  les  témoins? 

LE    HOTAXaC. 

Il  n'^  manque  rien.  Je  suis  assisté  de  ces  deux 
messieurs 

BAllTHOtO. 

Gomment ,  Bazile ,  vous  avez  signé  ? 

BAZILÇ. 

Que  voulez-vous  ?  Ce  diable  d'homme  a  toujours 
ses  poches  pleines  d'arguments  irrésistibles. 

BARTHOLO. 

Je  me  moque  de  ses  arguments.  J'userai  de  mon 
autorité. 

LS    COMTE. 

Vous  l'avez  perdue  en  ^n  abusant. 


ACTE  IV,  SCÈNE  VIIL  ii3 

BARTBOLO. 

lia  demotseAe  est  mineure. 

FIGARO. 

Elle  Tient  de  s'émanciper. 

BARTHOLO. 

Qui  te  parle  à  toi ,  maitre  fripon? 

LS  COMTE. 

Mademoiselle  est  noble  et  bejyie  ;  je  suis  homme 
da  qualité ,  jeune  et  riche  ;  elle  est  ma  femme  :  à  ce 
titre ,  qui  nous  honore  également ,  prétend-t-on 
me  la  disputer? 

BARTHOLO* 

Jamais  on  ne  Tôtera  de  mes  mains. 

LE  COMTE. 

Elle  |k*est  plus  en  votre  pouvoir.  Je  la  mets  sous 
Tautorité  des  lois ,  et  monsieur ,  que  vous  ayez 
amené  yous-méme ,  la  protégera  contre  la  violence 
que  TOUS  voulez  lui  faire.  Les  vrais  magistrats  sont 
les  soutiens  de  tous  ceux  qu*on  opprime. 

1*ALÇADE. 

Certainement  :  et  cette  intitile  résistance  au  plois 
honorable  mariage  indique»  assez  sa  frayeur  sur  la 
mauvaise  administration  des  biens  d^  ^  pupille, 
âom  il  faudra  qu'il  rende  çpinp^. 

ht  COMTE.. 

Ah!  qu'il  consente  à  tout ,  et  je  ne  lui  demande 
rien. 


ia4      LE  BARBIER  DE  SÊVILLE. 

FX6ARO. 

Que  la  q[tiittance  de  mes  cent  écus  :  ne  perdons 
pas  la  tête. 

BART'HOLO,  irrité,  . 

0 

Ils  étoient  tous  contre  moi  ;  je  me  suis  ^urré  la 
tête  dans  un  guêpier  ! 

BÀZXLC.  ' 

Quel  guêpier  ?  ne  pouvant  ^yoir  la  femme ,  cal» 
culez,  docteur,  que  l'argent  vous  reste;  et  oui, 
TOUS  reste. 

BA&iTHOLO. 

Eh  !  laissez-moi  donc  en  repos ,  Bazile  ;  vous  ne 
songez  qu'à  l'argent.  Je  me  soucie  bien  de  l'argent, 
moi.  A  la  bonne  beurç,  je  le  garde;  mais  croj'ez- 
TOUS  que  ce  soit  le  motif  qui  me  détermine?  (/i 
$i^ne.  ) 

FiGAao,  riant. 

Ah|  ah!  ah!  monseigneur;  ils  sont  de  la  même 
famille. 

tE    ROTAiaE. 

Mais,  messieurs,  je  n  j  comprends  plus  rien. 
Est-ce  qu'elles  ne  sont  pas  deux  demoiselles  qui 
portent  le  même  nom? 

FIGARO. 

Non ,  monsieur ,  elles  ne  sont  qti'une; 

BARTBOLO,  s't  désotont. 

Et  moi  qui  leur  ai  enlevé  l'échelle ,  pour  que  le 
mariage  fût  plus  six  !  Ah  !  je  me  suis  perdu  fiiute 
de  soins. 


ACTE  IV,  SGÈWE  Vin.  laS 

FIGAAO. 

Faute  âe  sens.  Mais  sojons  Trais ,  dootenr  : 
quand  la  jeunesse  et  Tamour  sont  d'accoid  pour 
tromper  un  vieillard ,  tout  ce  qu'il  fait  pour  l'em- 
pêcher  peut  bien  s'appeler,  à  bon  droit, la Précaic- 
tian  inutile^ 


riH  DU  ^KtiTtizjKvz  s£yiLX.i« 


»r» 


LA  FOLLE  JOURNÉE, 


OU 


LE  MARIAGE  DE  FIGARO, 

COMEDIE, 

PAR  be;aumarchâis, 

Bleprésentée/  pour  la  première  fois,  le  37  arril 

1784. 


En  &veur  du  badinage , 
Faites  grâce  à  la  raison. 

Vaud,  de  la  pièce^ 


.  .1  . 


^CARACTÈRES  ET  HABILLEMENTS 

1>£  LA  PIÈGE. 


Le  comte  Almayiva  doit  être  joné  très  noble^ 
ment,  mais  a^ec  grÂce  et  liberté.  La  corruption  du 
coeur  ne  doit  rien  ôter  au  ffon  ton  de  ée»  manières. 
Dans  les  mœurs  de  ce  temps-lh  les  grands  traitoient 
en  badinant  toute  entreprise  sur  les  femmes^.  Ce 
rAIe  est  d*antant  plus  pénible  à  bien  rendre  que  le 
personnage  est  toujours  sacrifié:  mais  joué  par  un 
comédien  excellent  (AL  Mole),  il  a  fait  ressortir 
tous  les  rôles ,  et  assuré  le  succès  de  la  pièce. 

Son  Tètement  du  premier  et  second  actes  est  un 
habit  de  chasse  avec  des  bottines  à  mi-jambe ,  de 
l'ancien  costume  espagnol.  Du  troisième  acte  jus^» 
qB*à  la  fin  y  un  habit  superbe  de  ce  costume. 

L'a  coMTSSSiE,  agitée  de  deux  sentiments  con- 
traires, ne  doit  montrer  ^qu'une  sensibilité  l'épri- 
anée ,  ou  une  colère  tvès  modérée  ;  rien  surtout  qui 
«légrade  aux  yeux  du  spectateur  son  caractère  ai- 
nMàble  et  vertueux.  Ce  rôle ,  un<  des  plus  difficiles 
de  la  pièce,  a  fait  infiniment  d'honneur  au  grand 
.talent  de  mademoiselle  Saint-Val  cadette. 

Son  yétement  dû  premier,  second  et  quatrième 
actes ,  est  une*  lévite  .commode  »  et  ttvX  ornement 
sur  la  tète  :  èllb  est  chéi  eUe  et  censée  Incommo- 
dée. Au  cinquième  acte ,  elle  a  l'habillement  et  la 
haute  coiffure  de  SuvaSniie, 


J 


i3o  CARACTÈRES 

FiAARO.  L'on  ne  peut  trop  reootaaiftnder  à  i 'ac- 
teur qui  jouera  ce  vêle ,  de  bien  se  pénétrer  de  son 
esprit ,  comme  l'a  hi%  M,  I^aain^oart.  S'il  j  To/oit 
autre  chose  que  de  la  raison  assaisonnée  de  gaité 
et  de  saillies,  surtout  s'il  y  mettoit  la  moindre 
chasge ,  il  ayiliroit  un  rôle  que  le  premier  comiqne 
du  théâtre ,  M.  Préville ,  a  jugé  deyoir  honover  le 
talent  de  tout  comédien  qui  sauroit  en  saisir  les 
nuances  multipliées,  et  qui  pourvoit  s'élever  à  sov 
entière  coiiceptiott« 

Son  yètement  comme  dans  le  BarbUr  de  SévUie» 

SuzAvvE.  Jeune  personne  adroite,  spirituelle 
et  rienie ,  mais  non  de  cette  galté  presqu 'effrontée 
de  nos  soi^>rettes  corruptrices* 

Son  Tdtemei^t  des  quatre  premiers  actes,  est  un 
juste  blanc  à  basqttines  ^  très  ^égant ,  la  jupe  de 
même,  ayeo  une  toqu«y  appelée  depuis  par  nos 
marchandes,  à  ia  Sutànne,  Dens  la  fête  du  qua- 
trième acte,  le  comte  loi  pose  sni  la  tèt&une  toque 
k  long  Toile ,  k  liantes  plume»,  et  k  rubans  blancs. 
Elle  porte  au  cinquième  acte  la  lévite  deea  maî^ 
tresse ,  et  nul  ornement  sur  ia  tdte. 

M ARCEums  est  une  feiume  d.'esprit,  née  un  pen 
vive,  mais  dont  les  fimtes  et  rexpérience'ont  ré- 
formé le- eavaotève.  Si  raotrioe  qui  le  joue  s'élève 
avec  une  fierté  bien  placée^,  ^  la  haittenr  très  mo- 
rale qui  suit  la  tecomioéssaaoe  du  troisième  acte , 
elle  ajoutiera  beaucoup  k  l'intéfèt  éJd  l'ooMage. 

Son  vêtement  est  cclhi  des  duègnes  «epagnoles , 
d'une  couleur  modeste  |  m  bonnet  noir  sur  la  tête. 


^T  HABILLEMENTS.  i3i 

AsTovioae  doit  montrer  qu*ane  demi-irresse, 
qui  se  dissipe  par  degrés;  de  sorte  qu'au  cîr- 
quième  aete  on  n*en  aperçoive  presque  plus. 

Son  Tétement  est  celui  d  un  paysan  espagnol , 
où  les  manches  pendent  par  derrière  ;  un  chapeau 
et  des  souliers  blancs. 

Fascbbtte  est  une  enfant  de  douze  ans,  très 
naîy«.  Son  petit  habit  est  un  juste  brun  ayec  des 
gances  et  des  boutons  d'argent,  la  jupe  de  couleur 
tranchante,  et  une  toque  noire  à  plumes  sur 
la  tête.  Il  sera  celui  des  autres  paysannes  de  la 
noce. 

GHtavBiH.  Ce  r61e  ne  peut  être'joué,  comme  il 
l'a  été,  que  par  une  jeune  et  très  jolie  femme  ^ 
nous  n'avons  point  à'  nos  thé&tres  de  très  jeune 
homme  assez  formé  pour  en  bien  sentir  les  fines- 
SCS.  Timide  à  l'excès  devant  la  comtesse ,  ailleurs 
un  charmant  polissoiM  un  désir  inquiet  et  vague 
est  le  fond  de  son  caractère.  Il  s'élance  à  la  pu- 
berté, mais  sans  projet,  sans  connoissances ,  et 
tout  entier  à  chaque  événement  ;  enfin  il  est  ce 
que  toute  mère ,  au  fond  du  cœur,  voudroit  peut- 
être  que  fàt  son  fiis ,  quoiqu'elle  dut  beaucoup  en 
souffirir. 

Son  riche  vêtement  au  premier  et  second  actes , 
est  eelui  d'un  page  de  cour  espagnol ,  blanc  et 
brodé  d'argent;  le  léger  manteau  bleu  sur  le- 
paule ,  et  un^  chapeau  chargé  de  plumes.  Au  qua- 
trième acte ,  il  a  le  corset ,  la  jupe  et  la  toque  des 
jeunes  paysannes  qui  l'amànent*  Au  cinquième 


( 


i^a        CARACTÈRES 

icte ,  un  habit  uniforme  d*officier ,  une  cocarde  et' 
tue  épée. 

Babthoio.  Le  caractère  et  1  habit  comme  dan» 
ie^arbierde  Sévitle;  il  n*est  ici  qu'un  râle  secon- 
daire. 

£âzxle.  Caractère  et  vêtement  comme  dans  ie 
Barbier  de  Séville,  Il  n  esit  aussi  qu  un  rôle  secon- 
daire. 

Bbid'oisov  doit  ayoir  cette  bonne  et  lranch« 
assurance  tles  bétes,  qui  n'ont  plus  leur  timidité. 
Son  bégaiement  n'est  qu'une  grâce  de  plus ,  qui 
doit  être  à  peine  s;entie  y  et  l'acteur  se  tromperoit 
lourdement  et  joueroit  à  contre-sens  y  s'il  y  cher- 
choit  le  plaisant  de  son  rî^le.  Il  est  tout  entier  dans 
l'opposition  de  la  gravité  de  son  état  au  ridicule 
du  caractère  ;  et  moins  l'acteur  le  chargera ,  plus 
il  montrera  de  vrai  talent. 

Son  habit  est  une  robe  d^  juge  espagnol ,  moins 
ample  que  celle  de  nos  procureurs ,'  presque  une 
l«utane;  une  grosse  perruque ,  une  gonilie,  on 
rabat  espagnol  au  col ,  et  une  longue  baguette 
blanche  à  la  main. 

DovBLE-MAiH.  Yêtu  commc  le  juge,  mais  la  ba^ 
guette  blanche  plus  courte. 

L'huissier  ou  alguazil.  Habit ,  manteau ,  épés 
de  Crispin ,  mais  portée  à  son  côté  sans  ceintur« 
de  cuir.  Point  de  bottines,  une  chaussure  noire, 
une  perruque  blanche  naissante  et  longue  à  mille 
boucles ,  une  courte  baguette  blanche. 

OAipa-soi.xix..  Habit  de  paysan,  les  manches 


ET  HABIL1.EMENTS.  i3S 

pendantes,  veste  de  Couleur  tranchée,  chapeau 
blanc.  ^ 

Uhe  jEtTHE  BEftaàBE.  Son  yétement  comme  celui 
de  Fanchette. 

PÉnnxLLE.  En  yeste,  gilet,  ceinture,  fouet  et 
bottes  de  poste ,  une  récille  sur  la  tête ,  chapeau 
de  courrier. 

Pe&sovsages  muets,  les  uns  en  habits  de  jnges , 
d'autres  en  habits  de  paysans ,  les  autres  en  habits 
de  livrée. 

Placement  des  acteurs. 

Four  faciliter  les  jeuxjdu  théâtre ,  on  a  eu  l'at* 
tention  décrire  au  commencement  de  chaque 
icène  le  nom  des  personnages  dans  Tordre  où  le 
spectateur  les  voit.  S'ils  font  quelque  mouvement 
f:.rave  dans  la  scène ,  il  est  désigné  par  un  nouvel 
ordre  de  noms ,  écrit  en  note  à  l'instant  qu'il  ar- 
rive. Il  est  important  de  conserver  les  bonnes  po^ 
sitions  théâtrales; le  relâchement  dans  la  tradition 
donnée  par  les  premiers  acteurs ,  en  produit  bien- 
tôt un  total  dans  le  jeu  des  pièces ,  qui  finit  pai; 
assimiler  les  troupes  négligentes  aux  plus  foible» 
comédiens  de  société. 


Tbéâtr*.  Gomédie«7  l{,  Ift 


.Ui 


PERSONNAGES. 

Lé  comte  a lmayi ta,  grand corrégidor  d'Anda- 
lousie. 

La  Comtesse,  sa  femme. 

Figaro,  valet- de-chambre  du  comte  et  concierge 
du  château. 

SuzAVME,  première  camariste  de  la  comtesse ,  et 
fiancée  de  Figaro. 

MAbcelihe,  femme  de  charge. 

Ahtonio,  jardinier  du  château,  oncle  de  Suzaane, 
et  -père  de  Fanchotte 

Fahghette,  fiUe  d'Antonio. 

GHiatiBik,  premier  page  du  comte. 

Baatholo,  médecin  de  Séyille. 

Bazile,  maitre  de  clavecin  de  la  comtesse. 

Don  GvsMAir  Bnm'oisoir ,  lieutenant  du  siège. 

DouBLEMAiir,  greffier, secrétaire  de  don  Gusman. 

U's  Huissier  Audiencier. 

Grife-  Soleil,  jeune  pastoureau. 

UmE  JEVUE  BEROàRE. 

PÉ DRILLE,  piqueur  du  comte. 

Personnages  muets* 

Troupe  de  yalets. 
Troupe  de  paysannes . 
Troupe  de  pajsans. 

La  scène  çst  au  château  d'Aguas  Frescai ,  à  trois 

lieues  de  Séyille. 


XIA  FOLLE  JOURNÉE , 

OU 

LE  MARUGE  DE  FIGARO, 

COMÉDIE. 


"^ 


ACTi;  PREMIER. 

Le  théâtre  représente  une  chambre  à  demi  dër 
meublée,  un  grand  fauteuil  de  ms^lade  est  ai| 
milieu.  Figaro,  avec  u^e  toise,  'mesure  le 
plancher^  Suzanne  attaciie  à  sa  tête ,  devant 
une  glace,  le  petit  bouquet  de  ^eur  d'of ançe| 
appelé  chapeau  de  la  inariée. 


SCÈNE  L 

,     PIGARO,  SUZANNE. 

FIGARO» 

Dix-VBUF  pieds  sur  thigt-six* 

SUZAVHE. 

Tiens /Figaro,  Toilà  moA  petit  chapeau  :  le 

trouy^s-tu^ieus  ainsi?-  .  > 


iS6      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

r  I G  A  n  o ,  lui  prenant  les  mains. 
Sans  comparaison,  nra  charmante.  Oh!  que  c« 
joli  bouquet  virginal ,  élevé  sur  la  tête  d*une  belle 
fille ,  est  doux ,  le  matin  des  noces ,  à  l'œil  amou- 
reux d'un  époux  ! . . . 

suzASHE,  5e  retirant» 
Que  mesures-tu  donc  là ,  mon  fils  ? 

FIGARO. 

Je  regarde ,  ma  petite  Suzanne ,  si  ce  beau  lit , 
que  mooseigneur  nous  donne ,  aura  bonne  grâce 
id.. 

SUZAVVE. 

D'ans  cette  chambre? 

FIOAKO» 

Il  nous  la  cède^ 

SUZAVHE» 

Et  lAoi ,  je  n'en  veux  points  . 

FIGABO., 

Pourquoi? 

suzahhbJ 
Je  n'en  veux  point.. 

FIGA&O. 

Mais  encore?  ,    ^ 

SUZA5VE« 

FJle  me  déplaît. 

FIGAli04        ,> 

On  dit  une  raison.. 

Si  je  n'en  yeux  pat  dire?' 


.    AOTE  I,  SCENE  I,  tty 

Obi  quand  elles  sont  siires  de  nous  l 

'   suasAisrirs. 
Prouver  que  j*ai  raison ,  seroit  accorder  qud  j« 
puis  ayoir  tort.  Es-tu  mon  setviteur,  ou  non  ?. 

FIGARO. 

.Tu  prends  de  l'humeur  .contre  la  chambre  du 
château  la. plus  commode,  et  qui  tient  le  milieu 
des  deux  appartements.  La  nuit ,  si  madame  est 
incommodée ,  elle  sonnera  de  son  c{^té  ;  zeste ,  en 
deux  pas,  tu  es  chez  elle.  Monseigneur  veut^il 
quelque  chose  ?  il  n'a  qu'à  tinter  du  sien  ;  crac ,  en 
trois  sauts  me  voilà  rendu. 

suzAHiri;. 

Fort  bien  :  mais ,  quand  il  aura  tinté  le  matin  ^ 
pour  te  donner  quelque  bonne  et  longue  commis* 
sion  ;  zeste ,  en  deux  pas  id  est  à  ma  porte ,  et  crac, 
en  trois  sauts.... 

pioaro. 

Qu'entendez-vous  par  ces  paroles  ? 

SVZAirVE. 

Il  faudroit  m'écouter  tranquillement. 

FIGARO.. 

Eh  f  qu'est-ce  qu'il  j  a ,  bon  dieu  7 

SUZAVUS. 

H  j  9,  mon  ami,  que  y  las  de  courtiser  les 
beautés  des  environs ,  monsieur  le  coûte  Âlmaviva 
veut  rentrer  au  château,  mais  non  pas  chez  sa 
femme  ;  c'est  sur  la  tienne ,  entends-tu ,  qu'il  a 
jeté  ses  vues ,  auxquelles  il  espère  que  ce  logement 

IR« 


i38      lE  MARIAGE  DE  ElG'ARO. 

ne  nnira  pa8.l  Et  c'est  ce  qo«  le  lojal  Baxile ,  hon-r 
néte  agent  de  êes  pluiairs ,  et  mon  noble  «Aitve  à 
chanter ,  me  répète  ohftfnt  fOur  en  me  donnant 
leçon*. 

Bazile  !  6  mon  mignon  l  ai  jamais  volée  de  boii 
Tert,  appliqoÂe  sur  nne  édhÂney a- damant   re 
dreMé  la  moéUe  épinière  à  qnel^'iniM  «« 

SVZAV9E:. 
Ttt  crojois ,  bon  garçon  ',  qné  cette  dot  ^'on 
me  donne ,  étoît  ponr  les  bèani:  jéuX  de  ton  mé- 
rite? 

FIG'AllO. 

J'ayois  assez  fait  pour  l'espérer. 

suza^he. 
Que  les  gens  d  esprit  sont  bêtes  ! 

rioAao. 
On  le  dit. 

SUZAVKE. 

Mais  c'est  ^  on  ne  TeutpJi^  le  croire« 

k      On  a  tort. 

i^n^A^i».». 
Apprends  qu'il  la  destine  k  obtenir  de  moi ,  ie« 
orètement»  <vertain  qnavt-d'hfUfe»  Mu}  à  fevle, 
qu'un  aacieii  droit  du  4e^«i»v,  • .  Tu  «Mi  t%  él«U 
triste.' 

J«  le  sâii'teUem^,  qnt,  «î  auintîenr  le  comte , 


ACTE  i;  gGÈNE  i:  t?9 

en  M  Q^ita&t)  aVint'pas  tIboU  C9  droit  luMKtcm:, 
jamate  je  ne  t  «iifliM  «pomsée  d^n^tei  dpnaines. 

Eh  bien f  f  *U  Te  détruit,  il  i  en  repentç  et  e*eit 
de  ta  fiancée  qu'il  veut  le  racheter,  en  (eciet,  an-« 
jourd*hni.  ^ 

Wt(^%^'Os  #«  /Cueilli  U  tél0^ 

U9,  t^  f  >9igUi^4e  9^vp»i9^i  e(  mt»  iBona.Ui^ 

tUisé..^ 

!Ne  le  frotte  dqnp  pas.  .        ,    * 

FIGARO« 

>     ■  •  • 
Quel  danger? 

suzAirifE,  tianL 

S*il  y  Tenoit  un  petit  bouton ,  de^  cens  8uper9-r 

Sitieux.... 

Ta  ris,  friponne!  Ah!  s-il  j  a¥oitttié*fen  d^at< 
traper  ce  grand  trompeur,  de  le  faire  donner  dans 
nn.bpq  piège ,  et  d^'empecher  soq  or  i 

De  TinIrig^iB  ^X  ^e  l'argent  )  te  yoilà  dans  ta 
sphère. 

FIGABO. 

Ce  n'est  pas  la  honte  qui  me  retient. 

SUZAHHB. 

LacYâhite? 

FI«ABO. 

€e  n^est  rien  d'entreprendre  «ne;  ehose  dange- 
reuse f  mais  d'échapper  au  péril  en  Ia  wnant  k 


9v!o      LE  IILARIAOS  I>£  FIGARO. 

)>i«n  veaa ,  d'entrer  chez (purl()ii^un  la  nuit,  de  Ini 
souffler  sa'&mjoe  et. d'y  ?eceTow.cent  cq^s  de 
fouet  pour  la  peine ,  il  .n!est  rien  de  plus  aisé  ; 
miile  sots  coquins  Font  £iit«  Mais.  ;  à  (  OnL^nne  de 

^  SUZAVBIE. 

Voilà  ma^altfe  éi^lléis  ;  elle  m'a  bien  recom- 
mandé d^ètre  la  préini^tè  à' lù?  parler  le  matin  de 
mes  noces, 

P'ifrARO. 

iT  a-t-il  encore  quelque  chose  là-dessous? 

SUZÀVNE. 

Le  berger  dit  que  cela  porte  bonheur  aux  épou- 
ses délaissées.  Adieu ,  mon  petit  Fi,  Fi,  Figaro, 
rèyelî  notre  affaire. 

F.I0ABO.  , 

._  Po^r.  m  ouvrir  l'esprit.,.  doDue  un  petit  baiser. 

svbabiie. 
A  mon  amant;  aujourd'i^ui?  Je  t'en  sôub^te! 
Et  qu'en  mroit  demain môH  mari? 
'     .     >   »i."'     ••  ^Figaro  l*einkra9se,) 

-svzAirtiE. 
Eh  bien!  eh  bien! 

<       .  •  * 

FIGARO. 

C'est  que  tu  n*as  pas  d'idée  de  mon  amour.  , 

8UzAirii£,5e  défrippantm 
Quand»  cesserei»-T0us ,  importun ,  de  m'en  parler 
iSu  matin  au  soir? 


AUTE  I,  SCÈNE  I.  >4t 

FIGARO,  mystérieusement. 
Qaand  je  pourrai  te  le  prouver  du  soir  jusqu^au 
matia.(  Oit  50n»e  une  seconde  fbisJ) 
svsAiriiKyc/e  loin  y  les  doigts  unis,  sur  sa  boucht» 
Voilà  YOtre  baiser,  monsieur;  je  a'ai  plus  rien 

k  TOUS. 

FIGARO,  court  après  elle.. 
Oh  matf  !  ce  n'est  pas  ainsi  que  you&  L'avez  teçn. 

SCÈNE  IL 

FIGARO,  seuU 

La  charmante  fille!  toujours  tîante,  verdis- 
sante ,  pFeine  de  gaîté ,  d'esprit ,  d'amour  et  de  dé- 
lices !  mais  sage (//  marche  vivement  en  se  frot- 
tant les  mains,  )  Ah  I  monseigneur  !  mon  cher  mon- 
seigneur! TOUS  voulez  m'en  donner......  à  garder? 

Je  cherchois  aussi  pourquoi  m'ajant  nommé  con- 
cierge, il  m'emmène  à  son  ambassade  ^  et  m'établit 
courrier  .  de  dépêches.  J'entends  ,  monsieur  le 
comte  :  trois  promotions  à  la  fois;  vous.,  com«. 
pagnon  ministre;  moi,  casse-cou  politique ^  et 
Suzon,  dame  du  lieu,  l'ambassadrice  de  poche ,  et 
puis  fouette  courrier  !  Pendant  que  ).e  galopperoi« 
d'un  cdté ,  vous  feriez  faire ,  de  l'autre,  à  ma  belle 
un  joli  chemin  !  me  crottant ,  m 'échinant  pour  la 
gloire  de  votre  famille  ;  vous ,  daignant  concourir 
à  l'accroissement  de  la  mienne  f  Quelle  douce  réx 
ciprocité!  Mais,  monseigneur,  il  j  a  de  l'abus.^ 
Faire  a>Loùdre$^  en  même  teinps,  le»  aiBliires  à» 


i49      LE  MA1RIA6E  DE  FIGARO. 

votre  maître  et  celles  de  vetre  yalét  l  représenter  à 
Ift  foi»  le  rOè  et  inoi,  daas  une  eour  étrangère,  c*est 
trop  de  moitié,  c  est  trop.-— -Pour  toi,  Bazile,  fri- 
pon mou  eadet ,  je  yeux  t'apprendre  à  clocher  de- 
Tant  lesl^oiteux;  }e yeux...  non,  dissimulons  ayec 
eux ,  pour  les  enferrer  Tun  par  l'autre.  Attention 
sur  la  journée.  M*  Figaro  r  d'abotdatvmncer  l'heure 
de  yolre  peti^  féte ,  pour  épouset  plus  sûrement  ^ 
écarter  une  Marceline ,  qui  de  yous  est  friande  eq 
diable  ;  empocher  l'or  et  les  piésênts ,  donner  le 
change  aux  petites  passions  de  monsieur  le  comte, 
étriller  rondement  monsieur  du  Bazile ,  et. . . . 

SCÈNE  HL 

MARCELINE,  BARTHOIÔ,  TIQARO; 

FIGARO,  ^'intenrompanU 
HÈiitj  voiU  le  gros  docteur,  la  fête  sera  com? 
plète.  Eh!  bonjour,  t&her  docteur  de  mon  cœur. 
Est-ce  nia  noce  ayec  Suzon  cpii  tous  attire,  aif 
château? 

»  A  A  T  B  6  z.  0 ,  aveu  dédàlii,  • 
Ahl  mon  cher  mousienr ,  point  dii  tout. 

rioAi^o., 
Gela  seroit  bien  généreux  l 

BABTHOLO; 

Certainement ,  et  pur  trop  sot. 

v^aA'j^o^. 
Moi  foi  «us  le  nalheiir  'de  troolibvp  1»  TÔtitT 


ACTE  I,  SCÈNE  IIÏ.  i/|3 

BARTHOtÔ» 

AVez-yous  autre  cfhose  à  nous  dire?. 

FIGARO. 

On  n'aura  pas  pris  soin  de  votre  mtile. 

B  A  AT  H  o  L  o ,  Cil  colère. 
fiavard  enragé  !  laissez-nous. 

FIGARO. 

■Vous  vous  fâchez ,  docteur  ?  Les  gens  de  votre 
état  sont  bien  durs  !  pas  plus  de  pitié  des  pauvres 
animaux....  en  vérité...  que  si  c'étoit  des  hommes. 
Adieu  ,  Marceline  :  avez- vous  toujours  envie  dé 
plaider  contre  moi  ? 

«  Pour  n'aimer  pas,  &ut-il  qu'on  se  haïsse?  » 

Je  m'en  rapporte  au  docteur. 

BARTH02.0. 

Qu'est-ce  que  c'est  ? 

FIGARO. 

Elle  vous  le  contera  de  reste.  (1/  sort.) 

SCÈNE  IV. 

MARCELINE,  BARTHOLO. 

BARTHOLO  U  regarde  aller» 
Ce  drôle  est  toujours  le  même,  et  à  moins 
qu'on  ne  l'écorche  vif^,  je  prédis  qu'il  mourra  dans 
la  peau  du  plus  fier  insolent.... 

MARCEliiïÊ/e  tetùurne. 
Enfin  vous  voilà  donc ,  éteriMl  docteur  ?  tou- 
jours si  grave-et  compassé,  qu'çn  poli^'oit  mourir 


i4{       L£  MARIAGE  D£  FIGARO. 

en  attendant  vos  secours,  comme  on  sest^marië 
jadis  f  malgvé  yos  précautions. 

BAnTHOLO.' 

Toujours  amère  et  provoquante!  Eh  bien!  qui 
rend  donc  ma  présence  au  château  si  nécessaire? 
Monsieur  le  comte  a-t-il  eu  quelque  accident? 

MARCELIN  £. 

fiùn  y  docteur. 

BARTHOLO. 

La  Rosine ,  sa  trompeuse  comtesse  ^  est-elle  in- 
commodée i  dieu  merci  ? 

MARCELINX. 

Elle  languit. 

BARTHOLO* 

Et  de  quoi? 

MARCELIKÏ. 

Son  mari  la  néglige. 

BARTHOLO,  avec  joie. 
Ah  !  le  digne  époux  qui  me  venge  ! 

MARCELIITE. 

On  ne  sait  comment  définir  le  comte  ;  il  est  ja- 
loux et  libertin. 

BARTHOLO. 

Libertin  par  ennui ,  jaloux  par  vanité  ;  cela  va 
sans  dire. 

MARCELINE. 

Aujourd'hui,  par  exemple,  il  marie  notre  Su- 
zanne à  son  Figaro^  qu'il  comble,  en  faveur  de 
cette  union... 


ACTE  I,  SGËNE  IV.  i^j 

■BABTBOLO. 

Que  son  excellence  a  rendis e  nécessaire  ? 

MARCELIN  £• 

Pas  tout-à-fait  ;  mais  dont  son  excellence  vou- 
droit  égajeren  secret  l'événement  avec  l'épousée. . , 

BAATHOLO. 

De  M.  Figaro?  C'est  un  marché  qu'on  peut  con- 
clure avec  lui. 

.     MARCELINE. 

Bazile  assure  que  non. 

.  BAATHOLO. 

Cet  autre  maraud  loge  ici?  C'est  une  caverne. 
Eh!  qu  j  fait-il? 

mabcelise. 

Tout  le  mal  dont  il  est  capable.  Mais  le  pis  que 
]j  trouve,  est  cette  ennuyeuse  passion  qu'il  a 
pour  moi  depuis  si  long-temps., 

BARTHOLO* 

Je  me  serois  débarrassé  vingt  fois  de  sa  poursuite. 

MARCBIiIHC. 

De  quelle  mfiniére? 

BAATHOLO. 

En  l'épousant.. 

MAKCELINE., 

Railleur  fade  et  cruel,  que  ne  vous  débarrassez- 
vous  de  la  -mienne  à  ce  prix  ?  ne  le  devex-vous 
pas?  Où  est  le  souvenir  de  vos  engagements? 
qu'est  devenu  celui  de  notre  petit  Émanuel ,  ce 
fruit  d'un  amour,  oublié,  qui  devoit  nous  con- 
duire à  des  noces? 

Théâtre»  Comédiei.  l4*  I^ 


ij6      LE  MARIAGE  DE  FIGAAO^ 
BARTHOLO,  ôêunt «OU ehap€au,>^\ 
Est-ce  pour  écouter  ces  sornettes  que  vont  m'a- 
vez fait  venir  de  Séville?  et  cet  accès  d'hymen  qui 
TOUS  reprend  si  vif... 

MARCEIIITE. 

Eh  hien!  n  en  parlons  plus.  Mais  si  rien  n*a  pu 
vous  porter  à  la  justice  de  m  épouser ,  aidez-moi 
donc  du  moins  à  en  épouser  un  autre. 

BAATHOLO. 

Ah!  volontiers  :  parlons.  Mais  quel  mortel 
fthandonné  du  ciel  et  des  femmes... 

MABCEI/IKB. 

£h!  qui  pourroit.«e  être,  docteur,  sinon  Is 
beau , le  gai ,  laimable  Figaro.? 

BAATBOliO. 

Ce  fripon-là? 

XABGELIKS.. 

Jamais  (fâché  ;  toujours  en  belle  humeur;  don- 
nant le  présent  à  la  joie,  et  s'inquiétant  del'ftve- 
nir  tout  aussi  peu  que  dû  passé*  Sémillant,  g^é« 
reux,généreuz«.. 

BARTBOIO. 

Comme  un  voleur, 

MARCELINE. 

Comme  un  seigneur.  Charmant  enfin;  mais  c'est 
le  plus  grand  monstre  ! 

BARTBOX.0* 

Et  sa  Suzanne? 


ACTE  i,  SCÈNE  IV.  147 

Elle  ne  Iftaroit  pes,  la  rasée,  si  tous  voulies 
m'aider,  mon  petit  docteur,  à  £ure  valoir  un  en- 
gagement que  j'ai  de  lui. 

BARTHOlOt 

Le  Jour  de  son  mariage? 

MAACE1.1HE. 
On  en  rompt  de  plus  avancés  :  et  si  je  ne  crai- 
gnois  d  éventer  un  petit  secret  des  femmes.,.. 

BAETHOLO. 

En  ont-elles  pour  le  médecin  du  corps  ? 

MAECELISE. 

Ah!  vous  savez  que  je  n'en  ai  pas  pour  vous. 
Mon  sexe  est  ardent,  mais  timide  :  un  certain 
charme  a  beau  nous  attirer  vers  le  plaisir,  la 
iemme  la  plus  aventurée  sent  en  elle  une  voix  qui 
lui  dit  :  Sois  belle  si  tu  peux,  sage  si  tu  veux; 
mais  sois  considérée,  il  le  fiaiut.  Or,  puisqu'il  faut 
tttre  au  moins  considérée,  que  toute  femme  en 
sent  l'importance  ^  efirajons  d'abord  la  Suzanne 
sur  ia  divulgation  des  offi*es  qu'on  lui  &it. 

BAETBOLO. 

où  cela  aiiènera-t-il? 

MAECELIITE. 

Que  la  lionte  la  prenant  au  collet,  elle  conti* 
nnera  de  refiiser  le  comte,  lequel,  pour  se  venger, 
appuiera  l'opposition  que  j'ai  faite  à  son  mariage, 
alors  le  mien  devient  certain. 

BAATBOLO. 

Elle  a  raison.  Parbleu  !  c'est  un  bon  tour  que 


( 


i4a      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

de  faire  éponser  ma  vieille  gourernante  au  coquin 
qui  ût  enlever  ma  jeune  maitrene* 

MAncELivE,  vite. 
Et  qui  croit  ajouter  à  ses  plaisirs ,  en  trompant 
mes  espérances. 

BABTHOto,  vite. 
Et  qui  m*a  volé  dans  le  temps  ceift  écus  que  j'ai 
sur  le  coeur. 

MARCELINE. 

Ah  !  quelle  volupté  !.. 

BARTHOLO. 

De  punir  un  scélérat. . . 

M  ARCELIlf  E.^ 

De  l'épouser,  docteur,  de  l'épouser! 

SCÈNE  V. 

MARCELINE,  BARTHOLO,  SUZANNE. 

s  u  z  A  is  jf  E ,  ii/i  bonnet  de  fitmme  avec  un  large  ruban 
dans  la  main,  une  ^obe  de  femme  sur  le  bras. 

L'ÉPOVSEB  !  l'épouser!  qui  donc?  mon  Figaro? 

MABCELiVE,  aigrement. 
Pourquoi  non?  Vous  l'épousez  bien  li 

BARTHOLO,  riant. 
Le  bon  argument  de  femme  en  colère!  Nous 
parlions ,  belle  Suzon ,  du  bonheur  quil  aura  de 
vous  posséder. 

MABCËLIHB. 

Sans  compter  monseigneur  dont  on  ne  parle 
pas. 


ACTE  I,  SCÈNE  V.  i4g 

s  v  z  A  V  M  E ,  ane  révérence^     ^ 
Votre  serrante ,  madame  ;  il  /  ^  toujours  quel- 
que chose  d'amer  dans  vos  proposa 

MARCELiHE,  Une  révéretice. 
Bien  la  vôtre,  madame;  où  donc  est  lamer- 
tume?n  est-il  pas  juste  qu'un  libéral  seigneur  par- 
tage un  peu  la  joie  qu'il  procure  à  ses  gens? 

SUZAVITE. 

Qu'il  procure? 

MARCELINE. 

Oui ,  madame., 

SUZANNE. 

Heureusement  la  jalousie  dç  madame  est  aussi 
connue  que  ses  droits  sur  Figaro  sont  légers, 

MARCELINE.. 

I 

On  eût  pu  les  rendre  plus  forts ,  en  les  cimen- 
tant k  la  façon  de  madame. 

SUZANNE. 

Oh  l  cette  façon ,  madame ,  est  celle  des  dames 
savantes. 

MARCELINE. 

Et  l'enÊint  ne  l'est  pas  du  tout!  Innocente 
comme  un  vieux  juge  ! 

BARTHOLO,  attirant  Marcelinem 
Adieu ,  jolie  fiancée  de  notre  Figaro.,  i 

MARCELINE,  uile  révérence. 
L'accordée  secrète  de  monseigneur.. 
SUZANNE,  une  révérence»» 
Qui  vous  estime  beaucoup,  madame. 

i3. 


i5o      LE  MARIAGE  DE  FIGARO.  * 

MARCEiiKE,  a/M  févérênce. 
Me  £era-t-elle  aussi  i'honcueur  de  me  cli«éi*îr  un 
peu,  madame? 

SUZANNE,  une  révérence. 
A  cet  égard ,  madame  n'a  rien  à  désirer. 

MAaCEiiNE,  une  révérence. 
C'est  une  si  jolie  personne  que  madame  ! 

SUZANNE,  une  révérence. 
Eh  mais  !  assez  pour  désoler  madame. 

maugkline^  ane  révéreHee*,    . 
Surtout  bien  respectable  ! 

SUZANNE,  une  révérence» 
C'est  aux  duègnes  à  Tétre. 

MARCELINE,  oa£reeq 
Aux  duègnes  !  aux  duègnes  ! 

BAHTHOLO,  torrétanU 
Marceline  ! 

MABCEX.INE. 

Allons,  docteur;  car  je  nj  tiendroû  pas.  Bon 
jour,  madame.  (Vne  révérence.) 

SCÈNE  VI. 

SUZANNE,  mW«. 

Allez,  madame!  allez,  pédanAe!  je  crains  aussi 
peu  vos  efforts  qn.e  je  méprise  vos  outrages.  «-*- 
Vojez  cette  yieille  sibjrlle  !  parce  qu'elle  a  ùdt 
quelques  études  et  tourmenté  la  jeunesse  de  ma- 
dame, elle  reut  tout  dominer  au  château.  (Eth 
jette  la  robe  tfu'eUe  tient  mr  une  chaise. }  Je  ne  sais 
plus  ce  que  je  renois  prendre. 


ICTB  I,  SCÈNE  yn.  i5ï 

SCÈNE  VII. 

SUZANNE,  CHijaUBIN. 

CBliRUBtv,  accourant, 
âr!  Suzon!  depuis  deux  heures  j  epSe  le  mo* 
ment  de  te  trouver  seule.  Hélas  !  tu  te  maries ,  et 
moi  je  vais  partir. 

SVZÀIIVC. 

Gomnientîmon  aariage  éloigae^t  il  du  château 
I0  premier  page  de  monseigneur? 

CBiauBtv,  piteu^meuU 

Suzanne ,  il  me  renvoie. 

•  vzAHVE,  ie  contrefaUanU 

Chérubin ,  quelque  sottise  ! 

CHénuBiv. 

Il  m'a  trouvé  hier  an  soir  chez  ta  cousine  Fan- 
chette ,  à  qui  je  faisois  répéter  son  petit  rôle  d'in- 
nocente pour  la  Ute  de  ce  soir  :  il  s'est  mis  dans 
une  iureur  en  me  voyant!  SorUZj  mVt-il  dit, 
petit, ...  Je  n'ose  pas  prononcer  devant  une  femme 
le  gros  mot  qu'il  a  dit.  Sortez  i  et  demain  vous  ne 
coucherez  pas  au  château.  Si  madame ,  si  ma  belle 
marraine  ne  parvient  pas  à  l'apaiseir ,  c'est  fait , 
Siison,  je  suis  à  jamais  privé  du  bonheur  de  te 
voir. 

SVZAVSE* 

0e  me  voir  f  moi?  G  est  mon  tour  !  ce  n'est  donc 
plus  pour  ma  maîtresse  que  vous  soupirez  en  se- 
cret? 


iSa      LE  MARIAGE  DE|FIGARO.^ 

CHÉRTJBIV^ 

Ah  !  Suzon ,  qu'elle  est  noble  et  bellc^!  mais 
qu'elle  est  imposante  ! 

SUZASKE.. 

C  est-a-dire  f  que  je  ne  le  suis  pas ,  et  qu'on 
peut  oser  avec  moi. . . 

CHinirBiii. 

Tu  sais  trop  bien ,  méchante ,  que  je  n*ose  pas 
oser,  ^ais  que  tu  es  heureuse  !  à  tous  moments  la 
voir,  lui  parler,,  l'habiller  le  matin  et  la  déshabil- 
ler le  soir,  épingle  à  épingle...  Ah!  Suzon ,  je  don- 
nerois...  Qu'est-ce  que  tu  tiens  donc  là? 
stizArriTE,  raitlant. 

Hélas  !  l'heureux  bonnet ,  et  le  fortuné  ruban 
•qui  renferment  la  nuit  les  cheveux  de  cette  belle 

marraine. . . 

CBÉntTBiv,  vhement. 
Son  ruban  de  nuit?  donne^le-moi ,  mon  cœur. 

SUZANNE,  ie retirant. 
,  Eh  !  que  non  pas.  Son  cœur!  Comme  il  est  fami- 
lier, donc!  si  ce  n'étoit  pas  un  morveux  sans  con- 
séquence.  (  Chérubin  arrache  le  ruban.  )  Ah  !   le 
ruban  ! 

CHénuBiN  tourne  autour  duqrand  fauteuil. 
Tu  diras  qu'il  est  égaré,  gâté;  qu'il  est  perdu. 
Tu  diras  tout  ce  que  tu  voudras. 

SUZANNE  tourne  après  lui. 
Oh!  dans  troisouquatreans,  je  prédis  que  vous 
serez  le  plus  grand  petit  vaurien  ! . .'.  Rende»- vous 
^le  ruban?  (Elle  veut  le  reprendre.) 


ACTE  I,  SCÈNE  VII.  i53 

<:  H  É  RU  B I H  tire  une  romance  de  sa  poche. 

Laisse  ;  ah  !  laisse-le  moi ,  Suzon  ;  je  te  donne- 
lai  ma  romance ,  et  pendant  que  le  souvenir  de  ta 
belle  maître^e  attristera  tous  mes  moments ,  le 
tien  y  versera  le  seul  rayon  de  joie  qui  puisse  en- 
core amuser  mon  cœur. 

,  SUZANNE  arrache  la  romance. 

Amuser  votre  cœur,  petit  scélérat!  vous  crojez 
parler  à  votre  Fanchette  ;  on  vous  surprend  chez 
elle ,  et  vous  soupirez  pour  madame  ;  et  vous  m  en 
contez  à  moi ,  par-dessus  le  marché. 
CHÉnuBiv,  exalté. 

Cela  est  vrai ,  d'honneur!  je  ne  sais  plus  ce  que 
je  suis  ;  mais  depuis  quelque  temps ,  je  sens  ma 
poitrine  agitée  ;  mon  cœur  palpite  au  seul  aspect 
d'ufne  femme  ;  les  mots  amouf  et  volupté  le  font 
tressaillir  et  le  troublent.  Enfin  le  besoin  de  dire 
à  quelqu'un  \e  vous  aime,  est  devenu  pour  moi  si 
pressant,  que  je  le  dis  tout  seul,  en  courant  dans  le 
parc ,  à  ta  maîtresse ,  à  toi ,  aux  arbres ,  aux  nuages , 
au  vent  qui  les  emporte  avec  mes  paroles  perdues. 
Hier  je  rencontrai  Marceline. . .. 

suzAHNE,  riant» 

Ah!  ah!  ah!  ah! 

CHÉBUBlir. 

Pourquoi  non  ?  elle  est  femme  !  elle  est  fille  !  une 
fille!  une  femme!  ah!  que  ces  noms  sont  doux! 
qu'ils  sont  intéressants  ! 

SUZAHirB» 

Il  devient  fou. 


i5i4      LE  MAKIAGE  DE  FIGAHO. 

CRÉmTBZN. 

Fanchette  est  douce ^  el'le  m'écoute,  au  moins; 
tu  ne  Tes  pas,  toi. 

8T7ZA5NE. 

C'est  bien  dommage;  écoutez  donc  monsieur! 
(  El  te  veut  arracher  le  ruban.  ) 
CHÉRUBIH  tourne  en  fuyant. 
'Ah  !  ouiche ,  on  ne  l'aura ,'  vois^tu ,  qu*ayec  ma 
Tie.  Mais,  si  tu  n'es  pas  contente  du  prix,  }y  join^ 
drai  mille  baisers. 

(  Il  lui  donne  chasse  à  son  tourJ) 
s  u  z  A  V  N  E  tourne  en  fuifant. 
.    Mille  soufflets ,  si  vous  approchez.  Je  vais  m'en 
plaindre  à  ma  maîtresse ,  et  loin  de  supplier  pour 
VOUS',  je  dirai  moi-même  à  monseigneur  :  c'est 
bien  fait,  monseigneur;  chassez-nous  ce  petit  yo<« 
leur  ;  renvoyez  à  ses  parents  un  petit  mauvais  vêt- 
jet ,  qui  se  donne  les  airs  d'aimer  madame ,  et  qui 
veut  toujours  m'embrasser  par  contre-coup. 
CHéauBiJï  voit  le  comte  entrer;  il  se  jette  derrière  le 

fauteuil  avec  effroi. 
Je  suis  perdu! 

Quelle  frayeur! 


1 


ACTE  I,  SCÈNE  VIII.  i35 

SCÈNE  VIII. 

SUZANNE ,   LE  COMTE ,   CHÉRUBIN,  caché. 

8  u  z  A  M  9  E  aperçoit  le  comte. 
Ah!....  (Elle  s'approche  du  fauteuil  pour  masquer 
Chérubin,  ) 

4LE  COMTE  s*avance. 
Tu  es  émue,  Suzon  t  tu  parlois  seule ,  et  ton  pe- 
tit cœur  paroît  dans  une  Agitation...  bien  pardon- 
nable ,  au  reste ,  un  jour  comme  celui-ci. 

suzANiTE,  troublée. 

Monseigneur,  que  me  youIez-yous?Si  Ion  tous 
trouyoit  aTec  moi....  ^ 

LE   COMTE. 

Je  serois  désolé  qu'on  m  j  surprît  ;  mais  tu  sais 
tout  rintérêt  que  je  prends  à  toi.  Bazile  ne  ta  pas 
laissé  ignorer  mon  amour..  Je  n'ai  qu'un  instant 
pour  t*expliquer  mes  vues  :  écoute.  (2/  s'assied 
dans  le  fauteuil,  ) 

snzAHRE,  vivement* 

Je  n  écoute  rien. 

L  E  G  o  M  T  E  /iif  prend  la  maiit» 

Un  seul  mot.  Tu  sais  que  le  roi  m'a  nommé  son 
ambassadeur  à  Londres.  J'emmène  avec  moi  Fi- 
garo :  je  lui  donne  un  excellent  poste  ;  et  comme 
le  devoir  d'une  femme  est  de  suivre  son  mari.., 

SVZAVVE^ 

Ah  !  si  j'osois  parler. 


i55      LE  MARIAGE  DE  FïGARO. 

LECOMTE  la  rapproche  de  lui. 
Parle ,  parle ,  ma  chèr«  ;  use  aujourd'hui  d'un 
droit  que  tu  prends  sur  moi  pour  la  vie., 
SUZANNE,  effrayée^ 
Je  n'en  yeux  point ,  monsei^eur ,  je  u-én  ye^tx 
point.  Quittez-moi ,  je  yous  prie.. 

LE    COMTE. 

Mais  dis  auparayant. 

SUZANNE,  en  coièf^e^ 
Je  ne  sais  plus  ce  que  je  disois. 

LE    COMTE. 

Sur  le  deyoir  des  femmes.. 

SUZANNE., 

Eh  bien  !  lorsque  monseigneur  enleya  la  sienne 
de  chez  le  docteur ,  et  qu'il  l'épousa  par  amour  ; 
lorsqu'il  abolit  pour  elle  un  certain  aâî*eux  di'oit 
du  seigneur.... 

LE  COMTE,  gaîment. 

Qui  faisoit  bien  de  la  peine  aux  filles  !  Ah ,  Su^ 
zette  !  ce  droit  charmant  I  Si  tu  yen  ois  en  jaser  sut 
la  brune  au  jardin ,  je  mettrois  un  tel  prix  à  cette 
légère  fayeur... 

B  Az 1 1 E  parte  en  dehors. 

Il  n'est  pas  chez  lui ,  monseigneur. 

LE   COMTE  5e  lèvC, 

Quelle  est  cette  yoix? 

SUZANNE..  , 

Que  je  suis  malheureuse  ! 

LE    COMTE. 

Sors ,  pour  qu*on  n'entr«  pas. 


ACTE  I,  SCÈNE  VIII.  iSy 

guzAHBTE,  iroubtéen 
Que  je  TOUS  laisse  ici?. 

B  A  z  I L  £ ,  criant  en  dehors,  . 
Monseigneur  étoit  chez  madame,  il  en  est  sorti  : 
je  vais  voir. 

LE  COMTE. 

Et  pas  un  lieu  pour  se  cacher.  Âh!  derrière  ce 
fauteuil...  assez  mal  ;  mais  renvoie-le  hien  vite. 

(  Suzanne  lui  barre  te  chemin,  H  ta  pousse  douce- 
ment,  ette  recule,  et  se  met  ainsi  entre  lui  et  te  petit 
pacfe;  mais  fiendant  que  te  comte  s'abaisse  et  prend  sa 
place  f  Chérubin  tourne  et  se  jette  effrayé  sur  te  faU' 
leuîL  à  genoux,  et  s'y  blottit.  Suzanne  prend  ta  robe 
qu'elle  apportoit,  en  couvre  le  paye  et  se  met  devant 
le  l'auleuiL 

SCÈNE  IX. 

LE  COMTE  ET  CHÉRUBIN, cacAe'*;  SUZANNE, 

BAZILE, 

B  A  Z  I  L  E. 

N'auriez- VOUS  pas  vu  monseigneur,  made- 
moiselle ?• 

SUZANNE,  brusquement, 
£h!  pourquoi  Taurois-je  vu?  Laissez-moi. 

BAziLE  s'approche. 
Si  vous  étiez  plus  raisonnable,  il  n'y  auroit 
rien  d  étonnant  à  ma  question.  C'est  Figaro  qui  le 
cherche. 

Théâtre.  Com^djies.   l4*<  l4 


i58      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

SVZAHirE. 

Il  cherehc  donc  l'homme  qni  lui  yeiit  le  plus  de 
mal  après  vous? 
>  LECOHTE,^  part, 

Yojons  un  peu  comme  il  me  sert.. 

BAZILZ. 

Désirer  du  bien  à  une  femme ,  est-^e  vouloir  du 
mai  à  son  mari? 

SVZAVVE. 

Non  y  dans  vos  afireux  principes ,  agent  de  cor- 
ruption. 

BAZILB. 

Que  vous  demande>t-on  ici  que  vous  n'alliez 
prodiguer  à  un  autre  ?  Grâce  à  la  douce  cérémo- 
nie, ce  qu'on  vous  defendqit  hier,  on  vous  le  pres- 
crira demain. 

SUZANNE. 

Indigne! 

,  BAZILE. 

De  toutes  les  choses  sérieuses,  le  mariage  étant 
là  plus  bouffonne,  j'avois  pensé... 

SUZANNE,  outrée. 

Des  horreurs.  Qui  vous  permet  d'entrer  ici? 

BAZILE. 

j  La,  la,  mauvaise!  Dieu  vous  apaise,  il  n'en  sera 
que  ce  que  vous  voulez  :  mais  ne  crojez  pas  non 
plus  que  je  regarde  M.  Figaro  comme  l'obstacle 
qui  nuit  à  monseigneur  -,  et  sans  le  petit  page. . . 


ACTE  I,  SCÈNE  IX.  169 

suzAsirz,  tiaUdemenU 
Pon  Gbérabin? 

B  A  Kl  LE,  ia  eontrefaUaat, 
Cherubino  dl  amore,  qui  tourne  autour  de  tobj  , 
sans  cesse,  et  qui ,  ce  matin  encore,  rôdoit  ici  pouc 
j  entrer,  quand  je  vous  ai  quittée;  dites  que  cela 
n'est  pas  vrai? 

BVXAVVZ, 

Quelle  imposture  !  allez-TOUS>en  ,  méchant 
homme  ! 

BAZILE. 

On  est  un  mécliant  homme,  parce  qu'on  j  voit 
clair.  N'est-ce  pas  pour  vous  aussi  cette  romance 
dont  il  fait  mjstère? 

svzAHiTE,  en  colère. 
Ah  !  oui ,  pour  moi  ! . . 

BASILE. 

A  moins  qu'il  ne  l'ait  composée  pour  madame. 
En  effet ,  quand  il  sert  à  table ,  on  dit  qu'il  la  re« 
garde  ayec  des  jeux!..  Mais  peste!  qu'il  ne  s'j 
joue  pas  ;  monseigneur  est  brutal  sur  l'article. 

suzANifE,  outrée* 

Et  TOUS  bien  scélérat,  d'aller  semant  de  pareils 
bmits  pour  perdre  un  malheureux  enfant  tombe 
dans  la  disgrâce  de  son  maître. 

BAZILE. 

L'ai- je  inventé?  Je  le  dis,  parce  que  tout  le 
monde  en  parle. 


i6o       LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

LE  COMTE,  se  levant,  ^ 
Gomment  !  tout  le  monde  en  parle  ? 

SUZAHBE. 

Ah  ciel  ! 

BAZILE. 

Ah! ah! 

LE    COMTE. 

Gourez ,  Bazile ,  et  qu'on  le  chasse. 

BAZILE. 

Ah  !  que  je  suis  fâché  d  être  entré  l. 

s  u  z  A  xr  H  E ,  troublée. 
Mon  dieu  !  mon  dieu  I 

LE  COMTE,  à  Bazile, 
Elle  est  saisie.  Asseyons-la  dans  ce  fauteuil. 

SUZANNE^  le  repoussant  vivement. 
Jeaie  yeux  point  m'asseoir.  Entrer  ainsi  libn- 
mcnt ,  c  est  indigne  ; 

LE   COMTE. 

Nous  sommes  deux  ayec  toi ,  ma  chère.  Il  n  j  a 
plus  le  moindre  danger. 

BAZJLF. 

Moi  je  suis  désolé  de  m'être  égayé  sur  le  page , 
puisque  vous  l'entendiez;  je  n'en  usois  ainsi  que 
pour  pénétrer  ses  sentiments  ;  car  au  fond... 

LE    COMTE. 

Cinquante  pistoles,  un  cheval,  et  qujon  le  ren- 
voie à  ses  parents. 

'  Chérubin,  dans  le  fauteuil;  le  comte,  Suzanne, 
Bazile. 


ACTE  r,  SCÈNE  IX.  tGt 

BAZILE.  " 

Monseigneur,  pour  un  "badinage? 

lE  COMTE. 

Un  petit  libertin  que  j'ai  surpris  encore  hier 
avec  la  ûlle  du  jardinier. 

BAZILE. 

Ayec  Fanchette?' 

LE    COMTE4 

Et  dans  «a  chambre. 

SUZANNE,  outrée» 
Où  monseigneur  avoit  sans  doute  affaire  aussi  ? 

LE  COMTE,  gatmenl, 
J*en  aime  assez  la  remarque. 

BAZILE.. 

Elle  est  d  un  bon  augure. 

LE  COMTE,  calment. 

Mais  non  ;  j  allois  chercher  ton  oncle  Antonio, 
mon  ivrogne  de  jardinier,  poyr  lui  donner  des 
ordres.  Je  frappe,  on  est  long-temps  à  m'ouvrir; 
ta  cousine  a  Tair  empêtré ,  je  prends  un  soupçon , 
je  lui  parle,  et,  tout  en  causant,  j'examine.  Il  y 
avoit  derrière  la  porte  une  espèce  de  rideau ,  de 
porte-manteau ,  de  je  ne  sais  pas  quoi ,  qui  cou- 
vroît  des  hardes  ;  sans  faire  semblant  de  rien ,  je 
vais  doucement ,  doucement  lever  ce  rideau ,  {pour 
imiter  le  geste  y  U  lève  la  robe  du  fauteuil)  et  je  vois.... 
1/  aperçoit  le  page,  )  Ah  ! . .  « 

*  Suzanne;  Chérubin,  dans  le  fauteuil;  le  comte, 
Bazile, 


i6a      lE  MA!RIAGE  DE  f  IGARO. 

BAZII.E. 

Ah! ah! 

I.E   Ct>MTE^ 

Ce  tonr-ci  raut  1  autre^ 

BAZILE. 

Encore  mieux. 

LE  COMTE,  à  Suzanne»- 
A  merreille!  mademoiselle  :  à  peine  fîancée 
TOUS  faites  de  ces  apprêts  ?  C'étoit  pour  receyoîr 
mon  page  que  vous  désiriez  d'être  seule?  Et  tous, 
monsieur ,  qui  ne  changez  point  de  conduite ,  il 
TOUS  manquoit  de  tous  adresser,  sans  respect 
pour  TOtre  marraine ,  k  sa  première  oamariste ,  â  la 
femme  de  votre  ami!  Mais  je  ne  souiSriraî  pas  que 
Figaro ,  qu'un  homme  que  j'estime  et  que  j'aime , 
soit  victime  d'une  pareille  tromperie  :  étoit-il  avec 
vous,  Bazile? 

suzAWE,  outrée» 
Il  n'j  a  ni  tromperie,  ni  victime;  il  étoit  là 
lorsque  vous  me  parliez. 

LE  COMTE,  emporté. 
Puisse-tu  mentir  en  le  disant  !'  son  plus  cruel 
ennemi  n'oseroit  lui  souEaiter  ce  malheur. 

s  u  z  A  K  sr  E. 
Il  me  prioit  d'engager  madame  à  vous  deman- 
der sa  grâce.  Votre  arrivée  l'a  si  fort  troid)l4y  qu'il 
s'est  masqué  de  ce  fauteuil. 

LE  COMTE,  en  coiii^ 
Buse  d'enfer!  je  m'jr  suis  assis  en  entitint* 


ï 


AGTEI,  SCËNE  IX.  i63 

C  H  £  A  U  B  I N. 

Hélas!  monseigneur,  j  etois  tremblant  derrière. 

Autre  fourberie  !  Je  yiens  de  m  j  placer  moi- 
même. 

CHJÊnuBiir. 
Pardon ,  mais  c  est  alors  que  je  me  suis  blotti 
dedans. 

tE  COMTE,  plus  outré. 
C«st  donc  une  couleuvre  que  ce  petit.. ••  ser- 
pent-là! Il  nous  écoutoit. 

CHlÉaUBIK. 

An  contraire,  monseigneur,  j*ai  fait  ce  qœ  j'ai 
pu  pour  ne  rien  entendre. 

LE  COMTE. 

O  perfidie^  {À  Sutanns.)  Tu  n  épouseras  pas 
Figaro« 

BAZIIiE» 

Gontenez-Yous ,  on  rient. 
IB  COMTE  9  tirant  Chérubin  du  fauteuil  et  le  mettant 

sur  ses  pieds, 
il  resteroit  là  devant  toute  la  terre* 


i64      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

SCÈNE  X. 

CHÉRUBIN,   SUZANNE,   FIGARO,   LA 
COMTESSE,  LE  COMTE,  FANCHETTE, 

BAZILE,  BEAUCOUP  DE  VALETS,  PATS AVUES, 
PATSASS  VÊTUS  DE  BLANC. 

FIGARO ,  tenant  une  toque  de  femme,  garnie  de  plumes 
blanches  et  de  rubans  blancs,  parle  à  la  comtesse, 
lit  n  y  a.  que  vous ,  madame ,  qui  puis3iez  nous 
obtenir  cette  faveur. 

LA   COMTESSE. 

Vous  le  voyez ,  monsieur  le  comte ,  ils  me  sup- 
posent un  crédit  que  je  n'ai  ^int;  mais,  coinm 
leur  demande  n  est  pas  déraisonnable... « 
LE  COMTE,  embarrassém 
Il  faudroit  qu  elle  le  fÙt  beaucoup...., 

F 1 6  A  B  o ,  bas,  à  Suzanne^ 
Soutiens  bien  mes  efforts. 

SUZANNE,  bas ,  à  Ficfdro. 
Qui  ne  mèneront  à  rien. 

FIGARO,  bas» 
Va  toujours.    . 

LE  COMTE,  à  Figaro^ 

Que  voulez-vons? 

FIGARO.- 

Monseigneur ,  vos  vassaux ,  touchés  de  Taboli- 
tîon  d'un  certain  droit  fâcheux ,  que  votre  amour 
pour  madame....     • 


ACTE  I,  SCËNE  X.  i65 

LE    COMTE. 

Eh  bien!  ce  dtoit  n  existe  plus;  que  yeux -lu 
dire? 

TiGAEO,  mali^nemenU 

Qu'il  est  bien  temps  que  la  vertu  d'un  si  bon 
maître  éclate  ;  elle  m'est  d'un  tel  avantage  aujour< 
d'hui ,  que  je  désire  être  le  premier  à  la  célébrer  à 
mes  noces. 

LE  COMTE  plus  embarroMSé, 

Ta  te  moques ,  ami  ;  l'abolition  d'un  droit  hon- 
teux n'est  que  l'acquit  d'une  dette  envers  l'honne* 
teté.  Un  Espagnol  peut  vouloir  conquérir  la 
beauté  par  des  soins  ;  mais  en  exiger  le  premier,  le 
plus  doux  emploi  comme  une  servile  redevance  ; 
ab  I  c'est  la  tyrannie  d'un  Vandale,  et  non  le  droit 
avoué  d'un  noble  Castillan. 

F I  o  A  n  o ,  tenant  Suzanne  par  ta  main. 

Permettez  donc  que  cette  jeune  créature,  de 
qui  votre  sagesse  a  préservé  l'honneur,  reçoive  de 
votre  main  publiquement  la  toque  virginale ,  or- 
née de  plumes  et  de  rubans  blancs ,  symbole  de  la 
pureté  de  vos  intentions  :  adoptez^^n  la  cérémonie 
pour  tous  les  mariages ,  et  qu'un  quatrain  chanté 
en  chœur,  rappelle  à  jamais  le  souvenir.... 
LE  COMTE,  encartasse. 

Si  je  ne  savois  pas  qu'amoureux ,  poëte  et  mu- 
sicien sont  trois  titres  d'indulgence  pour  toutes 
les  folies....' 

FIGARO.  '  ^ 

Joignez-vous  à  moi ,  mes  amis. 


i66      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

TOUS    ENSEMBLE. 

4 

Monseigneur!  monseigneur! 

s  u  z  A  H  5  E ,  aa  comte. 
Pourquoi  fuir  un  éloge  que  vous  méritez  si 
bien? 

L£>  COMTE,  à  part, 
La  perfide! 

FIGARO. 

Regardez-la  donc,  monseigneur;  jamais  phi» 
jolie  fiancée  ne  montrera  mieuii  la  grandeur  de 
votre  sacrifice. 

SUZANNE. 

Laisse  là  ma  figurée ,  et  ne  vantons  que  sa  vertu. 

LE  COMTE,  à  part. 
C'est  un  jeu  que  tou^  ceci. 

LA    COMTESSE. 

Je  me  joins  à  eux,  monsieur  le  comte;  et  cette 
cérémonie  me  sera  toujoui*s  chère ,  puisqu'elle  doit 
jon  motif  à  l'amour  charmant  que  vous  aviez  pour 
moi. 

LE   COMTE- 

Que  j'ai  toujours,  madame;  et  c'est  à  ce  titre 
que  je  me  rends. 

TOUS    ENSEMBLE. 

Vivat! 

LE  COMTE,  4  partw 

Je  suis  pris,  (Haut,)  Pour  que  la  cérémonie  eût 
un  peu  plus  d'éclat,  je  voudrois  sejilemcnt  qa'on 
la  remît  à  tantôt.  (A  part)  Faisons  vite  chercher 
Marceline. 


ACTE  I,  SCÈNE  X.  167 

"^       FIOASO,  à  Chérubin, 
Eh  bien!  espiè^e,  vous  n'applaudissez  pas? 

SVZANVE. 

Il  est  au  désespoir;  monseigneur  le  renvoie. 

LA   COMTESSE. 

Ah  !  monsieur,  je  demande  sa  grâce. 

Z.E    COMTE. 

Il  ne  la  mérite  point. 

LA  COMTESSE. 

Hélas  !  il  est  si  jeune  ! 

LE   COMTE. 

Pas  tant  que  tous  le  crojez. 

CHÉRUBiv,  tremblant,, 

Pardonner  généreusement  n'est  pas  le  droit  du 
seigneur  auquel  vous  avez  renoncé  en  épousant 
madame.! 

LA  COMTESSE. 

11  n*a  renoncé  qu'à  celui  qui  vous  aiBigeoit  tous.. 

SUZAVNE. 

Si  monseigneur  avoit  cédé  le  droit  de  pardon- 
ner ,  ce  seroit  sûrement  le  premier  qu'il  voudroit 
racheter  en  secret. 

LE  COMTE,  embarrassé. 
Sans  doute. 

LA   COMTESSE. 

Et  pou^^quoi  le  racheter? 

c  H  £  R  V  B 1 9 ,  au  comte, 

•Je  fiis  léger  dans  ma  conduite^  il  est  vrai ,  mon- 
seigneur ;  mais  jamais  la  moindre  indiscrétion 
dans  mes  paroles. . .. 


i68      L£  MÂfi«iAGE  DE  FIGAKO. 

I.E  COMTE,  embarrassé» 
Eh  bien  !  c'est  assez. . .    . 

FIGARO. 

Qu  entend-il? 

LE  coMT^f vivement. 

C'est  assez,  c'est  assez  ;  tout  le  monde  exige  son 
pardon ,  je  l'accorde ,  et  j'irai  plus  loin.  Je  lui 
donne  une  compagnie  dans  ma  légion, 

TOUS    RffSEMBLE. 

,     Vivat! 

LE    COMTE* 

Mais  c'est  à  condition  qu'il  partira  sur-le-champ, 
pour  joindre  en  Catalogne. 

FiaAao. 
Ah|  monseigneur!  demain. . 

LE  COMTE,  insiiXanU 
Je  le  yeux. 

CH£AUBIV« 

X  J'obéis. 

LE  COMTE. 

Saluez  votre  marraine ,  et  demandez  sa  protec- 
tion. (  Chérubin  met  un  genoux  en  terre  devant  la 
comtesse,  et  ne  peut  parier,) 

LA  COMTESSE,  énuie. 

Puisqu'on  ne  peut  vous  garder  seulement  au- 
jourd'hui ,  partez ,  jeune  homme*  Un  nouvel  état 
vous  appelle  ;  allez  le  remplir  dignement.  Honores 
votre  bienfaiteur.  Souvenez>vou^  de  cette  maison, 
où  votre  jeunesse  a  trouvé  tant  d'indulg^^nce. 
So^ez  soumis^  honnête  et  brave;  nous  prendrons 


ACTE  I,  SCÈNE  X.  169 

part  à  vos  succès.  (  Chérubin  'te  relève  et  retourne  à 
sa  place.) 

^E  COMTE. 

Vous  êtes  bien  émue,  madame* 

LA   COMTESSE* 

Je  ne  m'en  défends  pas.  Qui  sait  le  sort  d'un 
«nfant  jeté  dans  une  carrière  aussi  dangereuse  !  Il 
est  allié  de  mes  parents  ;  et  de  plus ,  il  est  mon 
aUeuI. 

LE  COMTE,  à  part. 

Je  Yois  que  Bazile  ayoit  raison.  (Haut»)  Jeune 
homme,  embrassez  Suzanne....  pour  la  derniers 
fois. 

FiaAap. 

Pourquoi  cela,  monseigneur?  Il  viendra  passer 
ses  hivers.  Baise-moi  donc  aussi ,  capitaine.  (  Il 
l'embrasse,)  Adieu,  mon  petit  Chérubin.  Tu  vas 
mener  un  train  de  vie  bien  différent,  mon  enfant  : 
dame  !  tu  ne  rôderas  plus  tout  le  jour  au  quartier 
des  femmes  :  plus  d'échaudés,  de  goûtés  à  la 
crème  ;  plus  de  main  chaude  ou  de  colin-maillard. 
De  bons  soldats,  morbleu!  basanés,  mal  vêtus,  un 
grand  fiisil  bien  lourd;  tourne  à  droite,  tourne  à 
gauche,  en  avant,  marche  à  la  gloire;  et  ne  va  pas 
broncher  en  chenûn ,  à  moins  qu'un  bon  coup  dt 
fieu... 

SUZANNE, 

Fi  donc!  l'horreur! 

LA  COMTESSE, 

Quel  pronostic! 


lya      LE  M'âRIAGE  D£  FIGARO. 

I.E  COMTE. 

OÙ  donc  est  Marceline?  Il  est  bien  singulier 
qu  elle  ne  soit  pas  des  ydtres  ! 

FAKCHETTE. 

Monseigneur,  elle  a  pris  le  chemin  du  bonrg, 
par  le  petit  sentier  de  la  ferme. 

LE  COMTE. 

Et  elle  en  reviendra? 

BAZIIiE* 

Quand  il  plaira  à  Dieu. 

rioAAO. 
S'il  lui  plaisoit  qu'il  né  lui  plût  jamais. .  • 

fASCB^TTE.. 

Monsieur  le  doeteur  lui  donnoit  le  bras. 

LE  COMTE,  vivement. 
Le  docteur  est  ici  3 

BASILE.* 

Elle  s'en  est  d'abord  emparé... 
LE  COMTE,  à  part. 
Il  ne  pouvoit  venir  plus  à  propoi. 

FAUCHETTE. 

ïlle  avoit  l'air  bien  échauffe;  elle  parloit  tout 
haut  en  marchant,  puis  elle  s'arrêtoit  et  faisoit 
comme  ça  de  grands  bras. . .  et  monsieur  le  doc- 
teur Wi  faisoit  comme  ça ,  de  la  main ,  en  l'apai- 
sant :  elle  paroissoit  si  courroucée  l  elle  nommoit 
mon  cousin  Figaro. 

LE  COMTE  iui  prend  ie  menton. 

Cousin,...  futur. 


ACTE  I/SCÈNE  X,  171 

FAirCHETTE,  montrant  Chérubin» 
Monseigneur ,  nous  ayez- vous  pardonné  d*hier . . . 

LE  COMTE,  l'interrompant. 
Bonjour,  bonjour,  petite. 

^  FIGARO. 

C'est  son  chien  ti'amour  qui  la  berce  ;  elle  au< 
roit  troublé  notre  fête. 

LE  COMTE,  à  part. 
Elle  la  troublera,  je  t'en  réponds.  {Haut.)  Al- 
lons, madame,  entrons.  Bazile,  tous  passerez  chez 
moi. 

suzahue,  à  Figaro, 
Tu  me  rejoindras ,  mon  fils? 

FIGARO,  bas,  à  Suzanne.' 
Est-il  bien  enfilé? 

SUZANNE,  bas. 
Charmant  garçon! 

(  Ils  sortent  tous.) 

SCÈNE   XL 

CHÉRUBIN,  FIGARO,  BAZILE. 

(Pendant  qu'on  sort,  Figaro  les  arrête  tons  denx  et  les 

ramène.) 

FIGARO. 

Ah  çà  1  vous  autres,  la  cérémonie  adoptée |^  ma 
fête  de  ce  soir  en  est  la  suite;  il  faut  bravement 
nous  recQrder  :  ne  faisons  point  comme  ces  ac- 
teurs, qui  ne  jouent  jamais  si  mal  que  le  jour  où  la 
critique  est  le  plus  éveillée.  Nous  n'avons  point  de 


lya      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

lendemain  qui  nous  excuse,  nous.  Sachons  ïbien 
nos  rôles  aujourd'hui.. 

BAziLE,  malignement. 
Le  mien  est  plus  difficile  que  tu  ne  crois. 
FIGARO,  faisant,  sans  qu'il  le  voie,  le  geste  de  U 

rosser. 
Tu  es  loin  aussi  de  savoir  tout  le  succès  qu'il  te 
Taudra«  ^ 

CHÉRUBIN. 

Mon  ami»  tu  oublies  que  je  pars. 

FIOARO. 

Et  toi ,  tu  voudrois  bien  rester.: 
Ah!  si  je  le  voudrois  ! 

FIGAROr   ' 

u  faut  ruser.  Point  de  murmure  à  ton  départ. 
Le  manteau  de  voyage  h.  1  épaule  ;  arrange  ouver- 
tement ta  trousse ,  et  qu'on  voie  ton  cheval  à  la 
grille;  un  temps  de  galop  jusqu'à  la  ferme;  reviens 
à  pied  par  les  derrières;  monseigneur  te  croira 
parti  ;  tiens-toi  seulement  hors  de  sa  vue  ;  je  me 
charge  de  l'apaiser  après  la  fête.. 

CHÉRUBIN. 

Mais  Fanchette  qui  ne  sait  pas  son  rôle. 

BAZILE. 

Que  diable  lui  apprenez-vous  donc,  depuis 
huit  jours  que  vous  ne  la>quittez  pas? 

FIGARO. 

Tu  n'as  rien  à  faire  aujourd'hui ,  donne-lui  par 
grâce  une  leçon. 


ACTE  irSCÈNE  XI.  173 

bAzile. 

Prenez  garde ,  jeune  homme ,  prenez  garde  !  le 

père  n*èst  pas  satisfait;  la  fille  a  été  souffletée;  elle 

n'étudie  point  ayec  vous  :  Chérubin!  Chérubin! 

TOUS  lai  causerez  des  chagrins!  Tant  va  la  cruche  à 

rioAAo; 
Ah  !  voilà  notre  imbécile ,  ayec  ses  vieux  pro- 
verbes  !  Eh  bien  I  pédant ,  que  dit  la  sagesse  des 
nations? !Sant  va  la  cruche  à  l'eau,  qu'à  la  fin„*m 

BAZlIiE. 

Elle  s'emplit. 

FIGARO,  en^'en  àllanù 
Pas  si  béte ,  pourtant ,  pas  si  béte  I 


fis   nv   PRBMIBE  ÀCTIi 


i9. 


ACTE  SECOND. 

lie  théâtre  représente  une  chambre  à  coucher 
superbe,  un  grand  lit  en  alcoYe^  une  es- 
trade au-devant.  La  porte  pour  entrer  s'ouvre 
et  se  ferme  à  la  troisième  coulisse  à  droite  ; 
celle  d'un  cabinet,  à  la  première  coulisse  à 
gauche.  Une  porte ,  dians  le  fond  j  va  chez  les 
femmes.  17né  fenêtre  s'ouvre  de  l'autre  côté. 


MWI 


SCÈNE  I. 


SUS^AICEVE ,  LA  COMTESSE  entrent  par  ta  porte  à 

droite, 

LA  COMTESSE,  se  jetant  dans  une  berbère. 

Fekme  la  porte  V  Suzanne ,  et  conte-moi  tout  dans 
le  plus  grand  détail. 

SUZÀNHE. 

Je  n'ai  rien  caché  à  madame. 

LA    COMTESSE. 

Quoi  !  Suzon ,  il  vouloit  te  séduire? 

SUZANVE. 

Oh  !  que  non.  Monseigneur  n'jr  met  pas  tant  de 
façon  avec  sa  servante  :  il  vouloit  m'acheter. 

LA  COMTESSE. 

Et  le  petit  page  étoit  présent? 


1 


!LEMÂRUGE,et<s.AGT£  II,  SCÈNE  I.   i^S 

sirzAvirs. 
C'est-à-dire,  caché  derrière  le  g;rand  £ioteail. 
Il  yenoit  me  prier  de  tous  demander  sa  grâce. 

LACOMTESSE.. 

Eh!  pourquoi  ne  pas  s'adresser  à  moi-même? 
est-ce  que  je  l'aurois  refiisé,  Suzon? 

buzaithe: 

C'est  ce  que  j*ai  dit  :  mais  ses  regrets  dé  partir, 
et  surtout  de  quitter  madame  !  Ah!  Suzon,  tju'eUe 
est  noble  et  belUl  mais  qu'elle  est  imposante! 

LA   COMTESSE. 

Est-ce  que  j'ai  cet  air-là,  Suzon?' moi  qui  l'ai 
toujours  protégé. 

suzanvb; 
Puis  il  a  TU  Totre  ruban  de  nuit  que  je  tenois , 
il  s'est  jeté  dessus... 

LA  COMTESSE,  souriant* 
Mon  ruban  ? . .  quelle  enfance  ! 

SUZAHVE. 

J'ai  Toulu  le  lui  ôter;  madame,  c'étoit  un  lion; 
ses  jeux  biilloient. . . .  Tu  ne  l'auras  qu'avec  ma 
▼ie,  disoiit-il  en  forçant  sa  petite  Toix  douce  et 
grêle 

LA   COMTESSE,  révunt. 

Eh  bien,  Suzon? 

STTZANVE. 

Eh  bien  ,  madame  !  e8t-<:e  qu'on  peut  faire  finir 
ce  petit  démon-là  ?  Ma  marraine  par-ci  ;  je  Toudrois 
bien  par  l'autre;  et  parce  qu'il  n'oseroit  seulement 


ir6      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

baiser  la  robe^de  madame ,  il  youdroit  tonjourf 
n'embrasser,  moi. 

LA  COMTESSE,  rivant. 
Laissons...  laissons  ces  folies...  Enfin,  ma  pau- 
yre  Suzanne ,  mon  époux  a  fini  par  te  dire? 

8nzA9BIE« 

Que  si  je  ne  voulois  pas  lentendre / il  alloit 
protéger  Marceline.. 

LA  c  o 01 T e  8  s  E  s€  lèvé  et  se  promène,  en  se  servant 
fortement  de  i'éventaiU 
Il  ne  m'aime  plus  du  tout. 

BUZANEIE. 

Pourquoi  tant  de  jalousie? 

LA  COMTESSE. 

Gomme  tous  les  maris ,  ma  chère ,  uniquement 
par  orgueil.  Ah!  je  l'ai  trop  aimé!  je  l'ai  lassé  do 
mes  tendresses ,  et  fatigué  de  mon  amour  ;  TOilà 
mon  seul  tort  avec  lui  :  mais  je  n'entends  pas  que 
cet  honnête  aveu  te  nuise ,  et  tu  épouseras  Figaro. 
Lui  seul  peut  nous  j  aider  :  yiendra-t-il  ? 

SVZAHIIS. 

Dès  qu'il  yerra  partir  la  chasse. 

LA  COMTESSE,  ««  Servant  de  f  éventail, 
Ouyre  un  peu  la  croisée  sur  le  jardin.  Il  fait 
une  chaleur  ici  2 . . 

suzAirvE. 
C'est  que  madame  parle  et  marche  ayec  action* 
(^//e  va  ouvrir  ta  croisée  du  fond,) 


ACTE  II,  SCÈNE  I.  177 

I.ACOMTE8SE,  rêvant  iong-tempMm 
Sans  cette  constance  à  me  fuir,  i , .  Les  hommei 
•ont  bien  coupables  ! 

8  u  z  A  s  N  E ,  criant  de  la  fenêtre, 
Âh!  voilà  monseigneur  qui  traverse  à  cheval 
le  gçand  potager,  suivi  de  Pédrilïe,  avec  deux, 
trois ,  quatre  lévriers. 

LA   COMTESSE.. 

Nous  avons  du  temps  devant  nous.  (  Elle  s'ai- 
sied.)  On  frappe ,  Suzôn? 

s  v  z  A  H  H  E  coart  ouvrir  en  chantant. 
Ah  !  c'est  mon  Figaro  !  ah  !  c'est  mon  Figaro  ! 

SCÈNE  IL 

FIGARO ,  iSUZANWE ,  LA  COMTESSE,  assise. 

8UZABirE« 

Mon  cher  ami  !  viens  donc.  Madame  est  dans 
une  impatience  ! .  • . 

FIGARO. 

Et  tpi ,  ma  petite  Suzannç  ?  Madame  n'en  doit 
prendre  aucune.  Au  fait,  de  quoi  s'agit-il?  d'une 
misère.  Monsieur  le  comte  trouve  notre  jeune 
femipe  aimable ,  il  vondroit  en  jfaire  sa  maltresse  ; 
et  c'est  bien  naturel. 

SUZANNE. 

•  Naturel? 

pxaAAo; 
Pui«  il  m'a  nommé  courrier  de  dépêches,  et 


178      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

Suzon  conseiller  d'ambassade.  Il  n  j  a  pas  là  dë< 
tourderie. 

BUXAVITE. 

Tu  finiras? 

I  '  riGÀBO. 

Et  parce  que  Suzanne  ma  fiancée  n'accepte  pas 
le  diplôme ,  il  va  favoriser  les  vues  de  Marceline  ; 
quoi  de  plus  simple  encore  ?  Se  venger  de  ceux  qui 
nuisent  à  nos  projets  en  renversant  les  leurs,  c'est 
ce  que  chacun  fait ,  ce  que  nous  allons  faire  nons<- 
mêmes.  Eh  bien  !  voilà  tout  pourtant. 

LA  COMTESSE.  * 

Pourez'vous ,  Figaro ,  traiter  si  légèrement  un 
dessein  qui  nous  coûte  à  tous  le  bonheur? 

pioAno. 
Qui  dit  cela ,  madame  ? 

sirzAiritE. 
Au  lieu  de  t'affliger  de  nos  chagrins,  .t; 

t^IOAR0> 

N'est-oe  pas  assez  que  je  m  en- occupe?  Or,  pour 
agir  aussi  méthodiquement  que  lui,  tempérons 
d'abord  son  ardeur  de  nos  possessions.,  en  Tin- 
quiétant  sur  les  siennes. 

LA  COMTESSE. 

C'est  bien  dit  ;  mais  comment? 

FIOAEO. 

€*est  déjà  fait,  madame;  un  faux  avis  donné 
sur  vous. . . 

LA,  COMTESSE» 

Sur  moi  !  la  tète  vous  tourne. 


ACTE  II,  SCÈNE  II.  179 

FiaARO. 

oh  i  c'est  à  lui  qu  elle  doit  tourner. 

tA   COMTESSE.  .^ 

Un  homme  aussi  jaloux  ! . ., 

FIGA&O* 

Tant  mieux  :  pour  tirer  parti  des  gens  de  ce  ca<*-  f 
ractère,  il  ne  faut  qu  un  peu  leur  fouetter  le  sang; 
c'est  ce  que  les  femmes  entendent  si  bien.  Pais  les 
tient-on  £ftchés  tout  rouge ,  avec  un  brin  d'intri- 
gue on  les  mène  où  l'on  veut ,  par  le  nez ,  dans  le 
Guadalquivir.  Je  vous  ai  fait  rendre  à  Bazile  un 
billet  inconnu ,  lequel  avertit  monseignear  qu'un 
galant  doit  chercher  à  vous  voir  aujourd'hui  pen- 
dant le  bal. 

LA  COMTESSE.  ' 

Et  vous  vous  jouesB  ainsi  d«  la  vérité  sur  le 
comte  d'une  femme  d'hoiineur..« 

FIGARO. 

Il  j  en  a  peu ,  madame ^  avec  qui  je  l'eusse  osé, 
crainte  de  rencontrer  juste. 

LA  COMTESSE. 

11  faudra  que  je  l'en  remercie. 

FIGARO. 

Mais  dites-moi  s'il  o'es.t  pas  charmant  de  lui 
avoir  taillé  ses  morceaux  de  la  journée ,  de  façon 
qu'il  passe  à  rôder,  à  jurer  après  sa  dame,  le 
tcmp6  qu'il  destinoit  à  se  complaire  avec  la  nôtre.  . 
Il  est  déjà  tout  dérouté  :  galopera-t-il  celle-ci?  sur* 
veillera-t-il  celle-là  ?  Dans  son  trouble  d'esprit , 
tenez,  tenez,  le  voilà  qui  cpurt  la  plaine,  et  force 


i8o      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

un  lièvre  qui  n'en  peut  mais..  L'heure  'du  mariage 
arrive  en  poste;  il  n'aura  pas  pris  de  parti  contre; 
et  jamais  il  n'osera  s'j  o|»poser  devant  madame.^ 

SUZAHVE.' 

Non;  mais  Marceline,  le  bel  esprit,  osera  le 
faire ,  elle. 

FIGAIIO* 

Brrrr.  Gela  m'inquiète  bien ,  ma  foi  !  Ta  feras 
dire  &  monseigneur  que  tu  te  rendras  sur  lii  brun» 
au  jardin. 

svzAirvE. 

.Tu  comptes  sur  celui-là? 

FIGARO* 

Oh  dame  !  écoutez  donc  ;  les  gens  qui  ne  veu- 
^    lent  rien  faire  de  rien ,  n'avancent  rien ,  et  ne  sont 
bons  à  rien.  Yoilà  mon  mot. 

suzANirs. 
Il  est  joli!  : 

LA   COMTESSE. 

Gomme  son  idée  :  vous  consentiriez  qu'elle  s'j 
rendit? 

FIGARO. 

I 

Point  du  tout.  Je  fais  endosser  un  habit  de 
Suzanne  à  quelqu'un  :  surpris  par  nous  au  ren- 
dez-vous, le  comte  pourra-t-il  s'en  dédire? 

SUZANHE.. 

A  qui  mes  habits? 

FIGARO. 

Ghérubia. 


ACTE  II,  SCÈNE  IL  t8i 

Lk  COMTESSE. 

Il  est  parti* 

Non  pas  pour  moi  :  yeut-on  me  laisser  faire? 

SUZAHHE. 

On  peut  s*en  fier  à  lui  pour  mener  une  intrigue* 

'  riGAno* 

Deux,  trois  y  quatre  à  la  fois;  bien  embrouillées, 
qui  se  croisent.  J'étois  né  pour  être  courtisan. 

SUt^ABTVS. 

On  dit  que  c'est  un  métier  si  difficile. 

rioÀAo* 
Recevoir,  prendre,  et  demander;  yoilà  le  se- 
cret  en  trois  mots. 

LA  COMTJESSE. 

II  a  tant  d'assurance ,  qu'il  finit  par  m'en  ins- 
pirer. 

FIOAAOc 

C'est  mon  dessein. 

StTZAtrSB.  ^ 

Ta  disois  donc? 

F10AAO4 
Que  pendant  l'absence  de  monseigneur,  je  vais 
TOUS  enyojer  le  Chérubin  :  coifEez-le,  habillez-le; 
|e  le  renferme  et  l'endoctrine;  et  puis  dansez^ 
monseigneur. 

(Il  sort.) 


Tliéa(r«.L  Cofflédiei»  l4«  '^ 


i8a      LE  MARIAGE  DE  FIGARO, 

SCÈNE  m. 

SUZANNE,  LA  COMTESSEy  mîs«. 

tA  COMTESSE,  tenant  sa  boîte  à  mouches* 
Mon  dieu,  Suzon,  comme  je  suis  faite!...  Ce 
jeune  homme  qui  ya  yenir. .  • 

SUZAIIIIE. 

JUadame  ne  vei^t  do^ic  pa»  a^'i^  en  réclii^[^? 

£A  COMTESSE  réve  devant  sa  petite  glace* 
Moi ...  4»  yerrai  comme  je  yais  le  groAder. 

SOSAVVB. 

Faisons-lwi  chanter  sa  romaoce»  (£/le  ia  met  sur 

ia  comtesse,) 

LA  COMTSS8C« 

Mais ,  c'est  qu'en  yérîté  mes  cheyenx  sont  dans 
un  désordre. . . 

suzAKHEy  riant. 
Je  n'ai  qu'à  reprendre  ces  deuK  boucles,  ma- 
dame le  grondera  bien  mieux. 

LA  COMTESSE,  revenant  à  elle, 
Qa'eathce  qw  xam  dites  4^^  >  inAclenoiiAlle  ? 


ACTE  II,  SGÊIME  IV.       ,      i83 

SCÈNE  IV. 

GHÊRUam,  l'air  honteux  ;  SUZANNE;  LA 
COMTESSE,  assise. 

8UZAVHE. 

EffTBBX,  monûeur  l'officier;  on  est  visible. 
'caAnOBiv  avance 'Jen  trém$(anf, 

Ab!  que  ce  non  ni 'afflige,  màdaïné!  il  m^àpi- 
prend  qn'il  faut  quitter  des  lient. ..  nht  mtfkftlné 
si...  Isonne!... 

•  V^AVITE*  . 

Et  M  belle! 

caÉRUBiv,  avec  un  soupir» 
Ab!  oui. 

suftAViTE,  ie  contrefaisant 
Ab!  oui.  Le  bon  jeune  bomme!  arec  ses  longue* 
paupières  bjpocrites.  Allons ,  bel  oiseau  bleu, 
chantez  la  romance  à  madame. 

LA  COMTESSE  la  dépite^ 
De  qui...  dit-on  qu'elle  est? 

suftAaaa. 
Voyez  la  rougeur  du  coupable  ;  en  a-t-il  un 
pied  sur  les  joues? 

catauBia.  ^ 

Est-ce  qu'il  est  défendu...  Ae  chérir... 

bvzJlvve  lui  met  le  poing  sous  le  nez. 
Je  dirai  tout,  yaurten! 

LA   COMTESSE. 

La.r«.  cbante-t-il? 


i8f     LE  MARJ^âGE  de  FIGARO. 

ClléAUBIV.. 

Oh!  madame,  je  suis  si  ttemblant..* 
8USAVVB,  en  riant. 

Et  gnian,  gnian,  gnian,  giiîan,gnian,  gnian, 
gnian  ;  dès  que  madame  le  veut,  modeste  aateur! 
je  Tais  r&ocompagner. 

LA  COMTESSE. 

Prends  ma  guitare.  (Lacomiesse,  assise,  tient  le 
papier  pour  suivre»  Suzanne  est  derrière  son  fimteuil, 
et  prUude  en  regardant  la  musique  par-dessus  sa  mat- 
tresse*  Le  petit  page  est  devant  elle,  les  yeux  batuét^ 
Ce  tableau  est  jiute  la  belle  estampe  d'après  Vanho , 
appelée  H  conyersation  espagnole.  ' 

ROMAfilGE. 

Air  i  Malbroug  s'en  vat^en  guerre, 

PREMIER   COUPLET. 

Moni  eouiner  hprs  d'haleine , 
CQuc  mon  cœur ,  ooEon  cœur  a  de  peine  ! } 
J'errois  de  plaine  en  plaine r 
Au  gré  du  destrier. 

DEÎTZxèME   COUPLET. 

Au  gré  du  destrier; 
Sans  varlet  n'ecuycr; 

*  Là  près  d'une  fontaine ,  I 

(Que  mon  cœur,  mon  cœar  a  de  peine  !) 

'  Ghérulnny  la  comtesse,  Suzanne. 
*  An  spectacle  on  a  commence  la  romance  à  ce  ttrsi 
en  disant  :  Auprès  d'une  fontaine* 


ACTE  lï,  SCÈNE  IV.  i85 

Songeant  à  ma  xnairaixie, 
Sentois  mes  pleurs  couler. 

'     TROISIEME    COVPLET. 

Sentou  mes  pleurs  cQuler  y 
Prêt  à  me  désoler; 
Je  gravois  sur  on  frèat , 
{;Que  mon  oœur ,  mon  oœur  a  de  peine  !} 
Sa  lettre  sans  la  mienne  ; 
Le  roi  vint  à  passer. 

QUATBliSME    COtrPIET. 

lie  roi  vint  à  passer  ; 

ISes  barons ,  son  dergier. 

Beau  page ,  dit  la  reine , 

XQue  mon  cœur,  mon  oceiir  a  de  peine  !') 

Qui  vous  met  à  la  gène  / 

Qui  vous  fait  tant  plorer? 
t 

CINQUIEME    COUPÏ.ET. 

Qui  vous  fait  tant  plorer? 
Nous  £iut  le  déclarer. 
Madame  et  souveraine , 
(Que  mon  coeur,  mon. oœur  a  de  peine  0 
J'avoîs  une  marraine 
Que  toujours  adorai  * 

,  SIXIÈME    COUPLETS* 

Que  toujours  adorai  ; 
Je  sens  cps  j'en  mourrai 


»  Ici  la  comtesse  arrête  lé  page  «n  fermant  le  papier. 
Le  reste  ne  s6  «banie  pas  au  théâtre.  ^ 

i6.  ^ 


i36      LE  MARIAGE  HE  FIGARO. 

Beau  page,  dit  la  réaCf 
(Que  mon  coeur ,  Àton  ooeor  a  de  pems  i) 
N'est-U  qa'une  ntanaîni } 
Je  TOUS  en  servirai. 

SEPTIÈME    GOITPl^ET. 

Je  von»  en  servirai  ; 
Mon  page  vous  ferai  f 
Pliis  à  ma  jeuM  Hëlèiie', 
(Que  mon  ccBor ,  mon  coeur  ardi  ipàorn  !) 
Fille  d'un  capitaine  f 
Un  jour  vous  maricraL 

HUITIÈME    GOUPtET. 

Un  jour  vous  marierai  •— 
Nenni  n'en  £wit  pivrler  ; 
Je  veux ,  traînant  ma  chaîne , 
(Que  mon  coeur ,  mon  coeur  a  de  pein«  !}^ 
Mourir  de  cette  peine  ; 
Mais  nqn  m*en  consoler. 

LA  COÙTBSSÉ. 

11  jr  a  de  la  naîyeté...  du  sentiment  même. 
suzAVHBiNi  poser  la  guitare  siir  un  fauteuU»  ' 
Oh!  pour  du  sentiment,  c*est  un  jeune  homme 

qui Ah  !  çà ,'  monsieur  l'officier ,  yoas  a-t-on  dit 

que  pour  égajer  la  soirée,  nous  Toolons  sayoir 
d'ayance  si  un  de  mes  habité  youi  ira  passable- 
ment? 

I.A  coAtess'b. 

J'ai  peur  que  non. 

..    '  •      t     • 

*  Chêruhîn^Susanne^kcomtfliJet 


N 


ACtE  11,  SCÈNE  IV.  ri87 

suzAiltf'E  id  mesure  avec  IuÎm 
Il  est  cle  ma  grandeur.,  Otons  d'abord  le  man- 
teau, i  EiU  te  détache.  ) 

lA  COMTESSE. 

Et  si  quelqu'un  entroit? 

suzAirirE.. 

Est-ce  que  nous  faisons  du  mal  donc?  Je  vais 
fermer  la  porte.  (  £//e  court)  Mais  c'est  la  coiffure 
que  je  yeux  Toir. 

LA  COMTESSE. 

Sur  ma  toilette,  une  baigtîetise  à  moi.  (Suzanne 
entré  dans  lé  cabinet  4ont  là  porte  est  au  bord  du 
théâtre.  ) 

'SCÈNE. V. 

CHÉRUBIN,  LA^  C01IITESSE,  àssue. 

LA  COMTESSE. 

{  >  .     w      .      ,        •  •>     ;         ».   .  •  ... 

JusQtr'A  l'instant  du  bal,  le  comte  i^orera  que 
TOUS  soyez  au  château.  Nous  lui  dirons  après  que 
le  temps  d'expédier  vôtre  Érévet  nous  a  fait  naître 

c H lÊ  RU B 1 5 ,  /e  /tft  montrant.  '      . 
Hélas  fmadâriie,  lé  t6ii!î;  ffaXité  me  l'a  remis  de 
sa  part.. 

•  ta  tài^'^tii^ 
Dé}â?r<ïrfaeti(lrftd'y^Vdt^ûii*iiiîti*te.  (E//e 
Ut.)  Ils  se  sont  tant  pressés ,  qu'ils  ont  oublié  d  j 

mettnr  w»  «ivlisr.' 

(Eildlèluirend.) 


i88      LE  MARIAGE  BE  FIGARO. 

SCÈNE  VL 

CHÉRUBIN,  LA  COMTESSE,  SUZANNE. 

s  u  z  A  ir  H  E ,  entrant  avec  un  grand  àonneU 
Le  cachet,  à  quoi? 

tA  COMTESSE* 

A  son  brey«t.'. 

SVZAHSS* 

Déjà? 

LA  COMTESSE. 

C  est  ce  que  je  disois.  Est -ce  là  ma  baigneuse? 

suzASHE  s'assied  près  de  la  comtesse,  * 
Et  la  plus  belle  de  toutes.  (  EÛe  chante  avec  eu 
épingles  dans' sa  bouche^  ) 

Toume^-Tous  donc  enveins.ici, , 
Jean  de  Lyra ,  mon  bel  omL 

(  Chérubin  se  met  à  genouXm  Elle  te  coiffe,  )  Ma-  i 
dame,  il  est  charmant!  ' 

LA  COHTESSE.  ^ 

Arrange  son  collet  d'un  air  un  peu  plu»  £- 
minin. 

svïAiniE  tarrange, 

La....  Mais  yojez  donc  ce  moryeux,  comme  il 
est  joli  en  fille!  j'en  suis  jalouse,  moi.  (Elte  lui 
prend  le  menton,)  Youlez-yous  bien  n'être  pas  joli 
comme  ça? 


X  Chérubin ,  Suzanne,  la  comtesse^ 


ACTE  II,  SCÈNE  VI.  189 

LA.  COMTESSE. 

Qu'elle  est  folle!  Il  faut  releyer  la  manche ,  afin 
qoe  Famadis  prenne  mieux.  (  Elle  le  retrousse.) 
Qu'est-ce  qu'il  a  donc  au  bras?  un  ruban. 

8UZAVNE, 

Et  un  ruban  à  vous.  Je  suis  bien  aise  que  ma- 
dame l'ait  vu.  Je  lui  avois  dit  que  je  le  dirois), 
déjà.  Ob!  si  monseigneur  n  etoit  pas  venu ,  j'aurois 
bien  repris  le  ruban  ;  car  je  suis  presque  aussi 
forte  que  lui. 

lA    COMTESSE' 

II  y  a  du  sang!  (  EUe  détache  le  ruban.  ) 
CHÉRUBiv,  honteux* 

Ce  matin ,  comptant  partir ,  j'arrangeois  la 
gourmette  de  mon  cheval  \  il  a  donné  de  la  tête,  et 
la  bossette ma  effleuré  le  bras, 

LA    COMTESSE. 

On  n'a  jamais  mis  un  ruban*.. 

SUZANNE. 

Bt  surtout  un  ruban  volé.  —  Voyons  donc  ce 
que  la  bossette. ...  la  courbette. ...  la  cornette  du 
cheval, . ,  Je  n'entends  rien  à  tous  ces  noms-là.  • — 
Ah!  qu'il  a  le  bras  blanc!  c'est  comme  une  femme, 
plus  blanc  que  le  mien;  regardez  donc ,  madame. 
(  Elle  les  compare») 

LA  COMTESSE,  d'un  ton  glacé» 

Occupez-vous  plutôt^  de  m'avoir  du  taffetas 
gommé  dans  ma  toilette. 

(Sutanne  lui  pousse  ta  téta  en  riant;  U  tombe  sur 
les  deux  ¥nains.  Elle  pnWe  dans  le  cabinet  au  bord  du 
théâtre.) 


iga      LE  MARIAGE  DE  FIGARO, 
brin  de  raison  dans  tout  ce  qne  vous  dites .  (  Oit 
frappe  à  ta  portej  elle  élève  la  voix.)  Qui  frappe 
ainsi  chez  moi? 

SCÈNE  X. 

CHÉRUBIN,  LA  COMTESSE,  L*E  COMTE 

en  dehors, 

LE  COUTE,  eu  dehors, 
PouBQUOi  donc  enfermée? 

LA  COMTESSE,  troubléc, se  tèi^e. 
C'est  mon  époux,  gran4s  dieux!  {À  Chérubin, 
qui  s'est  levé  aUssL  )  Vous ,  sans  manteauj,  le  col  et 
les  bras  nus!  seul  arec  moi!  cet  air  de  désordre,' 
un  billet  reçu ,  sa  jalousie  ! . . . 

LE  COMTE,  ûK  dehors. 
Vous  n'ouvrez  pas  ? 

LA  COMTESSE. 

C'est  que.V*  )e  suis  seule. 

LE  COMTE,  en  dehors, 
JSeule?  Avec  qui  parlez*vous  donc? 
LA  COMTESSE,  cherchant 
. . .  Ayec  TOUS ,  sans  doute.. 

CHiauBisr,  àparU 
Après  les  scènes  d'hter  et  de  ce  matin,  il  me 
tueront  sur  la  place.  {Il  court  uu  cabiugide  toUettCf 
y  entre ,  et  tire  la  porte  sur  luL)  ' 


ACTE  II,  SCÈNE  XI.  193 

SCÈNE  XL 

LÀ  COMTESSE,  seulcj  en  ôte  la  clef ,  et  couri 

ouvrir  au  comtem 

Aal  quelle  faute!  quelle  faute I 

SCÈNE  XIL 

LE  COMTE,  LA  COMTESSE. 

L  s  COMTE,  uù  peu  sévèrem 
Vous  n'êtes  pas  dans  l'usage  de  vous  enfermer. 

LA  COMTESSE,  troubUe, 
Je.*.*  je  chiffonnois*...  oui,  je  chiffonnois  avec 
Suzanne;  elle  est  passée  un  moment  chez  elle. 
LE  COMTE,  l'examinant. 
Vous  ayez  lair  et  le  ton  bien  altérés» 

LA    COMTESSE» 

Cela n'estpas  étonnant.. pas  étonnant  du  tout... 
je  vous  assure...  nous  parlions  de  vous...  elle  est 
passée,  comme  je  vous  dis. 

LE   COMTE. 

Vous  parliez  de  moi  ! ...  Je  suis  ramené  par  l'in- 
quiétude; en  montant  à  cheval,  un  billet  qu'on 
m'a  remis,  mais  auquel  je  n'ajoute  aucune,  foi, 
m'a....  pourtant  agité. 

LA   COMTESSE. 

Comment,  monsieur?...  quel  billet? 

LE    COMTE. 

Il  faut  avouer,  madame,  que  vous  ou. moi 

Théâtre.  ComédIe«.    I^.  '7 


194      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

sommes  éntpurés  d'êtres. . .  bien  méchants.  On  me 
donne  ayis  i^ne,  dans  la  journée ,  quelq[u*an ,  que 
je  crois  absent ,  dqit  chercher  à  vous  entretenir. 

LA   COMTESSE. 

Quelque  soit  cet  audacieux ,  il  faudra  qu'il  pé- 
nètre ici  ;  ear  mon  projet  est  de  ne  pas  quitter  ma 
o)hambre  de  tout  le  jour. 

lE  COMTE. 

Ce  soir,  pour  la  noce  de  Suzanne? 

LA  COMTESSE. 

Pour  rien  an  monde  ;  je  suis  trea  incommodée.. 

LB   COMTE. 

Heureusement  le  docteur  e»t  ici.  (Le  page  frit 
tomber  iMe  ohaite  dans  4e  cà^ÎMl.)  Quel  bcuit  en- 
tend»*je? 

LA  couxESfE,  pim  troubiée. 

Du  bruit? 

LE   COMTE. 

On  a  hit  tomber  un  meubla. 

LA  COMTESSE. 

Je. . .  je  n*ai  rien  enteiidM ,  pour  moi. 

LS  COMTE. 

Il  fiiut  que  TOUS  soje«  iurieiisem«nt  pvéoccp* 
pée! 

LA  COMTESSE. 

Préoccupée!  de  quoi? 

LE  COMTE. 

I 

Il  j  a  quelqu'un  dans.  <ie  cabioet ,  madame^ 

LA  COMTESSE. 

.   $h|. . ,  que. voulez YQiia  qu'il  7  ait ,  mens icar  ? 


ACTE  II,  SCÈNE  XIL  195 

LE  COMTX. 

C'e^  moi  qui  vous  le  demande,  j 'ardre. 

LA   COMT£»&E. 

£h!  mai».é...  Snsanne  apparemment  qui  range* 

I/E   COMTE.. 

Vou»  avez  dit  qu  elle  étoit  fasaée  chez  elle. 

LA  G0MTE5»E. 

PdMée4#«  ou  entrée  là;  je  ne  sais  lequel. 

LE  COMITE. 

Si  c*est  Sozanne^  d'où  rient  le  trouble  ou  j^e 
rousroU? 

IrA  COMTESSE. 

ÎHl  trouble  pour  ma  camaristé.. 

LE    COMTE. 

Pour  rotre  camariste  ^  je  ne  sais  -,  mais  potir  dtf 
trouble  ^  assurément. 

lA  COltTESSE. 

Assurément,  monsieur,  cette  fiUé  rous  trouble 
et  rousjyccupe  beaucoup  plus  que  moi. 
tE  c o HT E,  <it  eo/^re. 

Elle.m  occupe  à  tel  point, madame,  que  je  reuai 
la  roir  à  l'instant. 

LA  COMTESSE. 

Je  crois,  en  effet,  que  rous  le  roulez  sourent; 
mais  roilà  bien  le»  soupçon»  le»  moins  fondés  »... 


igô      LE  MARIAGE  DE  FIGAEO^ 

SCÈNE  XIIL 

LE  COMTE ,  LA  COMTESSE,  SUZANNE,  entramt 
avtc  4^  hard^  et  pouss^ant  h  /forte  du-  fmd^ 

1*%  COMTE. 

Ils  en  seront  plus  aisés  à  détruira.  (li  parle  ait 
cabinet.)  Sortez,  Suzon  ;  je  vous  l'ordonne. 
(Suzannfi  s'arrête  auprès  de  Vaicove  dans  le  fond.) 

LA  COMTESSE. 

Elle  est  presque  nue„  monsieur  :  Tient -on 
troubler  ainsi  des  femmes  dans  leur  retraite  ?  Elle 
essajoit  des  hardes  que  je  lui  donne  en  la  ma* 
riant;  elle  s  est  enfuie,  quand  elle  vous, a  en- 
tendu. 

I.E  COMTE. 

Si  elle  craint  tant  de  se  montrer,  au  moins  elle 
peut  parler.  (  1/  se  tourne  vers  la  porte  du  cabinet.  ) 
Répondez-moi ,  Suzanne  ;  êtes-vous  dans  ce  cabi- 
net? 

ÇSuzanne,  restée  au  fond,  se  jette  dans  l'alcove  et  s'if 

cache.  ) 

LA  COMTESSE,  vivement ,  partant  au  cabinet. 

Suzon,  je  vous  défends  de  répondre.  [Au  conte*) 
On  n*a  jamais  poussé  si  loin  la  tyrannie. 
LE*  COMTE,  s'avançant  au  cabinet. 

Oh  bien  !  puisqu'elle  ne  parle  pas  ^  vétne  pu 
non ,  je  la  verrai. 

LA  COMTESSE,  <e  mettant  au-devant. 

Partout  ailleurs  je  ne  puis  l'empêcher;  maîf 
j'espère  aussi  que  chez  moi... 


.  AGT^  JI,  SCÈNE  Xni.  19; 

LE  COMTt* 

Et  moi  j  espère  savoir  dans  un  moment  quelle 
est  cette  Suzanne  mystérieuse.  Vous  demander  la 
clef,  seroit,  je  le,  vois,  inutile;  mais  il  est  un 
moyen  sûr  de  jeter  en  dedans  cette  légère  porte. 
Holài,  quelqu'un! 

LA   COMTESSE. 

Attirer  vos  gens,  et  faire  un  scandale  public 
d'un  soupçon  qui  nous  rendroit  la  jGBd>le  du  châ- 
teau? 

LE  COMTE. 

Fort  bieti.,  madame;  en  effet,  j'j  suffirai;  je  vaia 
à  l'instant  prendre  chez  moi  ce  qu'il  faut....  (1/ 
marche  pour  sortir  et  revient)  Mais,  pour  que  tout 
reste  au  même  état ,  voudriez-vous  bien  m'accom- 
pagner  sans  sqindale  et  sans.bruit,  puisqu'il  vous 
déplaît  tant?..  Une  chose  aussi  simple,  apparem- 
ment ,  ne  me  sera  pas  refusée. 

LA  COMTESSE,  troubtée. 

Eh!  monsieur,  qui  songe  à  vous  contrarier? 

LE  COMTE. 

Àh!  j'oubliois  la  porte  qui  va  chez  vos  femmes; 
il  &nt  que  je  la  ferme  aussi ,  pour  que  vous  sojez 
pleinement  justifiée.  (1/  va  fermer  la  porte  du  fond , 
ei  en  âte  la  clef») 

LA  COMTESSE,  à  part» 

O  ciel  !  étourderie  funeste  ! 

LE  COMTE,  revenant  à  elle. 
Maintenant  que  cette  .chambre  est  close ,  accep- 
tez mon  br^s,  je  vous  prie^  (il  élève  la  voix)  et 

»7» 


198      LE  MARIAGE  BS  FIGARO. 

quant  à  la  Suzanne  do  cabinet ,  il  faudra  qu'elle 
ait  la  bonté  de  m'attendre ,  et  le  moindre  mal  qui 
puisse  lui  arriver  &  mon  retour.. « 

'  lA  COItTZSBE. 

En  Yérité,  monsieur ,  voilà  bien  la  plus  odieuse 
aventure...  (Le  comte  C emmène  et  ferme  ta  porte  à  ia 
clef.) 

SCÈNE  XIV. 

SUZANNE,  CHÉRUBIN. 

svtAHSE  sort  de  Caicove,  atcottrt  ou  tabtnet  et  parie 

tt  ht  êerràre» 
Chjvmzz,  Chérubin  y  ôunez  vite,  c'est  Suzanne; 
ûtorvrez  et  sèttet.  ^ 

c  &*£  a  irirt  ilf ,  sortant,  ' 
Âfk  l  èùi3b\i  f  cjùéÛë  fcôfriblé  scène  ! 

SUZANHE. 

%>rtez ,  vous  n*ave2  pas  une  minute. 

CHiauBtH,  effrayée 
Et.par  ou  sortir? 

SUZAHVE. 

Je  n'en  sais  rien ,  mais-  sortez. 

CBéaUBIV. 

S*il  n'j  a  pas  d'issue? 

strz:Aii]i£. 
Après  la  reaeokict*  dtf  tmUn^  il^foas  écrate- 

X  C9kÀitbin,S«teiiiti& 


\ 

ICTÉ  II,  SCÈNE  XI V/  tgg 

roif ',  et  nous  seriont  perclaes.  Courez  conter  à  Fi« 
garo. . . 

CHÉnUBlIf. 

La  fenêtre  du  jardin  n'est  peut-être  pas  bien 
iiairte.  (  ii  ctntrî  y  regarder»  )     ^ 

suzAHiTK,  avec  effroi. 
Un  ^nd  étage!  impossible.  Abl  ma  pauyre 
maltresse  !  et  mon  mariage ,  6  cîel  ! 
csfauBiv,  réifenant 
Elle  donne  sur  lamèlonnière;  Quitte  à  gâter  une 
coucbe  bu  deux. 

s  u  K  A's  1^  E  /e  Mleni,  et  scierie  : 
Il  Ta  se  tnerT    • 

ÉHâBVBiii,  exàité. 
Dans  un  gouffre  ailuiné,  Suzon!  ouï,  je  m'j  jet-* 
t'erois ,  plutôt  que  de  Itd  nuire. . . .  Et  ce  baiser  ra 
me  pester  bonbeum.  (1/  ftmbMute  et  court  fauter 
pat  la  fenêtre,) 

SCÈNE  XV. 

SUZANNE,  teule,  un  cri  de  frayeur. 

Ah!..  {Êité$^mbef  àtsîse  un  moment,  EUeva  p«- 
niblèàveni  téfdtdëf^  è  ttefinitre  et  revient.^  Il  est  déjà 
bien  loin.  Obî  le  petit  gaYn!ieiÀent!  Aussi  leste  que 
joli ,  si  oekîi^là  maii^é  de  femmes. . . .  Prenons  sa 
place  au  plus  tôt.  {En  entrant' dans  lé  eabinet,)Yoiiê' 
pouyez  à  préieiM ,  iftonsieur  le  comté ,  rompre  la 
cloison ,  si  eek  Tout  amuse  ;  au-  diantre  qui  répond' 
un  mot.  (£i/e  l'y  enferme.) 


20Q    lb  mariage  de.figaro. 
SCÈNE  XVI. 

LE  COMTE,  LA  GOMTESiSE  rentrent  dam  la 

chambre. 

LE  COMTE,  ttae  pince  à  la  main,  qu'U  jette  sur  te 

fauteuil. 
Tout  est  bien  comme  je  Tai  laissé.  Madame ,  en 
m'exposant  à  briser  cette  porte ,  réflécbissex  aux 
suites  :  encore  une  fois  youlez-yous  TouTrir? 

LA  COMTESSE. 

Eh!  monsieur,  quelle  horrible  humeur  peut  al- 
térer ainsi  les  égards  entre  deux  époux? Si  l'amour 
TOUS  dominoit  au  point  de  vous  inspirer  ces  fa-- 
reurs,  malgré  leur  déraison,  je  les  excuserois; 
^'oublierois ,  peut-être,  en  faveur  du  motif,  ce 
qu  elles  ont  d'offensant  pour  moi  :  mais  la  seule 
vanité  peut-elle  jeter  dans  cet  excès  un  galant 
homme  ? 

LE   COMTE. 

Amour  ou  vanité,  vous  ouvrirez  la  porte,  on  ja 
vais  à  l'instant. . . 

LA  COMTESSE,  oU'devanU 

Arrêtez,  monsieur,  je  vous  prie.  Me  croyex» 
VOUS  capable  de  manquer  à  ce  que  je  me  dois  ? 

LE    COMTE.. 

Tout  ce  qu  'il  vous  plaira ,  madame  ;  mais  je  ver- 
rai qui  est  dans  ce  ca3>ia(t. 

LA  COMTESSE,, ejf>ay^«. 

Eh  bien!  monsieur,  vous  le  verrez.. Écoutez- 
moi. ...  tranquillement. 


•  «.• 


ACTE  H,  scÈKK  s;yi.        ioi 

Ce  il*^t  do;nc  pas  Suzanne? 

LA  COMTESSE,  timidement. 

Au  moins  n'est-ce  pas  non  plus  une  personne, 
dont  vous  deviez  rien  redouter...  Nous  disposions 
UQe  plaisanterie*.  «  bien  iiinocente,  en  vérité  «  pour 
ce  soir...  et  je  vous  jure«,« 

LE  COMTE. 

Et  vous  me  jurez? 

LA   COMTESSE* 

Que  QOi^s  n'avions  pas  plus  de  dessein  de  vouf 
çffienser  I'uq  que lautre,' 

l«E  COMTE,  vite. 
L'un  que  l'autre?  C'est  un  homme? 

L.A  COMTESSS^.  . 

.Un  enfpoit,  monsieur.. 

LE  GOMTE^ 

Eh  !  qui  donc  ? 

LA  COMTESSE. 

.  A  peine  osé^fe  le  nommer. 

LE  COMTE,  furieux. 
Je  le  tuerai. 

LA  GOMTESaS.  ^ 

Grands  dieux  ! 

LE. COMTE, 

Parlez  donc. 

LA  COMTESSE^ 

Ce  jeune. . ,  Chérubin ... 


202      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

« 

LE    COMTE. 

Gliérubin?  Tinsolent  !  Voilà  mes  soupçons  et  le 
billet  expliqués. 

LA  COMTESSE,  joignant  le$  tnàlnst 

Ah  !  monsieur,  gardez  de  penser #. .. 

X.E  COMTÉ ,  frappant  du  pied ,  à  part* 

Je  trouyerai  partout  ce  maudit  page!  {Haat,)t 
Allons,  madame',  ouvrez;  je  sais  tout  n»aintenant« 
Vous  n  auriez  pas  été  si  émue ,  en  lé  congédiant  ce 
matin  ;  il  seroit  parti  quand  je  Tai  ordonné  ;  vous 
n*anri^z  pas  mis  tant  de  fausseté  dans  votre  conte 
de  Suzanne  ;  il  ne  se  seroit  pas  si  soigneusement 
caché ,  s'il  n'^  avoit  rien  de  crimineL 

LA  céiÀtt,iwt4 

fi  a  craint  de  vous  irriter  en  fé  montrant* 

tE  COMTE,  hors  de  lui  y  criant  tourné  Vèti  lé  cabinets 
Sors  donc ,  petit  malheureux;! 

iiA  COMTESSE  ie  pftnd  à  bras  te  corps,  en  t éloignant» 
Ah!  monsieur,  monsieur,  votre  colère  me  fait 

trembler  pour  lui.  N*eti  croyez ~  pas  un  injuste 

soupçon,  de  grâce;  et  que  lè  désordre  où  vous 

l'allez  trouver.,  4 

LE   COMTE* 

Du  désordre  ! 

tA   COMTESSE.. 

I 

Hélas!  oui;  prêt  à  s'habiller  en  femme,  une 
coiffure  à  moi  sur  la  tête,  en  veste  et  sansmanteaii) 
le  col  ouvert ,  les  bras  nus ,  il  àlloit  essajer.»* 


ACTE  II,  SCÈNE  XVI,  ao3 

I.E  COMTE. 

£t  VOUS  vouliez  garder  votre  chambre!  Indigne 
ëpouse  !  ah  !  vous  la  garderez....  long-temps  ;  mais 
il  faut,  ayant,  que  j'en  chasse  un  insolent,  de  ma» 
nière  à  ne  plus  le  rencontrer  nulle  part. 
LA'  COMTESSE ,  se  jetant  à  ses  genoux,  les  bras  élevés. 

Monsieur  le  comte,  épargnez  un  enfant;  je  ne 
me  <$oiisolerois  pas  d  avoir  eausé. . .. 

LE    COMTE. 

Vos  frajeurs  aggravent  son  crime. 

LA  COMTESSE. 

Il  n'est  pas  coupable ,  il  partoit  :  c'est  moi  qui 
i*ai  fait  appeler. 

LE   COMTE,  furieux. 

l4(evez-voos..  Otez^vous...,  Tu  es  bien  auda* 
deuse  d'oser  me  parler  pour  un  autre? 

LA  COMTESSE. 

Eh  bien  !  je  m'Àterai ,  monsieur,  je  me  lèverai , 
je  vous  remettrai  même  la  clef  dv  ca)>inet  ;  mais , 
au  nom  de  votre  amour. . . 

LE   COMTE, 

De  mon  amour,  perfide  ! 
LA  COMTESSE  se  iève  et  lui  présente  la  clef, 
Promettez-moi  que  vous  laisserez  aller  cet  en- 
flât sans  lui  faire  aucun  mal;  et  puisse  après  tout 
votre  oouTTOux  tomber  sur  moi,  si  je  ne  vous  con- 
vsiiicspas,..  • 

L  E  c  o  MT  E ,  prenant  la  clef^ 

Je  n*écout^  plus  rien. 


&o4      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

tA  COMTESSE.  M  jetant  iUf  une  berbère ,  un  mouchmr 

sur  les  yeux^ 
O  ciel  !  il  va  périr. 

LE  COMTE  ouvre  ta  porte,  et  recule, 
G*est  Suzanne  ! 

SCÈNE  XVII. 

LA  COMTESSE,  LE  COMTE,  SUZANNE. 

bUZAHVE  sort  en  riant.' 
u  Je  le  tuerai ,  je  le  tuerai.  »  Tuez-le  donc ,  ce 
méchant  page  ! 

LE  COMTE,  à  pari» 
Ah!  quelle  école!  (Regardant  la  comtesse  qui  etf 
restée  stupéfaite.)  Et  vous  aussi ,  vous  jouez  leton- 
nement?...  Mais  peut-être  elle  n'^  est  pas  seules 

(Il  entre») 

SCÈNE  XVIII. 

LA'  COMTESSE,  atiUe,  SUZANNE. 

S  u  z  A  H  Bi  E  accourt  à  sa  maltresse. 
Bemettez'Yous  ,  madame ,  il  est  bien  loin  \  il 
a  fait  un  saut. . . 

LA  comtesse. 
Ah!  Suzon ,  je  suis  morte.. 


AGt£   II,   SCÈNE  XIX         îiô5 

SCÈNE  XIX. 

L'A  COMTESSE,  assUe,  SUZANNE,  LE  COMTE. 

LE  COMTE  soi*t  du  cohinet  d'un  air  confus.  Après  un 

Court  silence. 
Il  n'j  a  personne,  et  pour  le  coup  j'aî  tort.  Ma« 
dfiune ?. *  vous  jouez  fort  bien  la  comédie. 

suzAHNEy  ^aiment» 
Et  moi ,  monseigneur? 
{La  comtesse,  son  mouchoir  sur  sa  bouche  pour  se  re* 
mettre  f  ne  parte  pas.)  ' 
LE  COMTE,  l'approchante 
Quoi!  madame ,  vous  plaisantiez? 

LA  COMTESSE,  se  remet(a/if  ttit />ea« 
Et  pourquoi  non ,  monsieur? 

LE  COMTE. 

Quel  affireuk  badinage!  et  par  quel  motif,  je 
VOUS  prie?., 

LA  COMTESSE. 

Vos  folies  méritent-elles  de  la  pitié  ? 

XE  ,  COMTE.: 

Nommer  folies  ce  qui  touche  à  Thonneur  I 
LA  COMTESSE,  assurant  son  ton  par  degrés», 
Me  suis-je  unie  à  ypus  pour  ôtre  éternellement 

dévouée  à  Tabandon  et  à  la  jalousie ,  que  vous 

seul  osez  concilier  ?~ 

-■«■        ■  s     ■  '.  ■     '    ■   ■  ■■  ■  ■  ■       ■ 

1  Suzanne ,  la  comtesse  assise ,  le  comte. 
Théâtre.  Comédioi.  l4«  id 


ao6      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

I.E  COMTE. 

Ah!  madame,  c est  sanâ  ménagement, 

SUZASNE. 

Madame  n'ayoit  qii*à  tous  laisser  appeler  Ut 
gens. 

LE  COMTE. 

Tu  as  raison ,  c'est  à  moi  de  m'humlier...»  Paiv 
don ,  je  suis  d*ane  confusion  !.. 

SOZAVVE. 

Arouez,  monseigneur,  que  rovs  la  aécitea  tm 
peu. 

&B   COVTB. 

Pourquoi  done  ne  sovtoi^rtii  pas ,  lorsque  je 
t  appelois  ?  MAuTaiae  ! 

Je  me  r*habiUois  de  mon  miens ,  à  grand  fren- 
fort  d'épingles ,  fit  madame ,  qui  me  le  défendoit, 
ayoit  bien  ses  raisons  pour  le  faire. 

LE  COMTE. 

Au  lien  de  rappder  mea  torts ,  aide-pioi  plntAt 
à  l'apaiser. 

lik  COMTESSE, 

Non ,  monsieur;  un  pureil  outrage  ne  se  couyre 
point.  Je  vais  me  retirer  aux  Ursulmef ,  et  je  Tois 
trop  qu'il  en  ett  tcpipa,. 

LE   COMTE. 

Le  pourrie«*voas  sans  quelques  regrets? 

SUZASBIE. 

Je  suis  sûre ,  ^oji ,  que  le  jonittdo  déport  leroit 
la  veille  d«»l(U»ff9» 


ACTE  11,  SGÈÏï£  XIX.  3o>; 

LA  GOMTEitfl. 

£E  î'  qifaïkd  cèfa  séroit ,  Sazûn  ;  j*aime  mieux  le 
regretter,  <|ùe  d'avoir  la  bassesse  de  lui  pardon* 
ner  ;  il  m'a  trop  offensée^ 

LÉ   COMTE. 

Kosine  ! . . 

LA    tôAfTE99£. 

Je  ne  la  suis  plus ,  cette  Rosine  que  tous  aye^ 
tant  poursuivie  !  je  suis  la  pauvre  comtesse  Alma« 
viya  ;  la  triste  femme  délaissée ,  <pie  vous  n^aimea 
plus. 

suzAune. 
Madame* 

LE  COMTE,  tuppUanL 
Par  pitié. 

LA  COMTESSE*. 

Vous  n'en  aviez  aucune  pour  moi. 

LE   COMTE. 

Mais  aussi  ce  billet...  Il  m'a  tourné  le  iangl 

LA   COMTESSE. 

Je  n'avoii  pas  consenti  qu'on  l'écriTit^ 

LE  COMTE» 

Voua  le  savleE? 

LA  COMTESSE 

Oat  cet  étourdi  de  Figaro. .  • 

LE    COMTE. 

Uenétoit? 

lA  COMTESSE. 

«..•  Qui  l'a  remis  à  Bazile* 


9oa      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

ik%  cascTE. 

Qui  m  a  dit  le  temr  d'un  pajsao.  O.  perfide 
chanteur  1  lave  à  deux  tranchanu!  c'est  toi  qui 
paieras  pour  tout  le  monde. 

i;a  comtesse. 

Vous  demander  pour  vous  uafkardon  que  tous 
sefusez  aux  autres  ;  yoilà  bien  le»  hommes  !  Ah  !  si 
jamais  je  consentois  à  pardonner  en  fareur  de  L'er- 
reur où  vous  a  jeté  ce  bilht ,  j'azigerois  que  l'am- 
ilistie  fût  ^nérale. 

£t   COMTE* 

Eh  bien  !•  de  tout  mon  Ojoeur,  comtesse.  Mais 
comment  réparer  une  faute  aussi  humiliante  l 

LA    COMTESSE,  $6  ieVO^im 

Elle  l'étoit  pour  tous  deux. 

LE  COMTE. 

Ah!  dîtes  pour  moi  sei|l. — Mais  j.e  suis  encore 
il  concevoir  comment  les  femmes  prennent  si  vite 
et  si  juste  Tair  et  le  ton  des  circonstances.  Vous 
rougissiez,  yous  pleuriez,  votre  visage  étoit  dé- 
£dt. ,  .  D'honneur  il  l'est  encore. 

LA  COMTESSE,  s'cfpirçaRi  àe  tfituitt* 

Je  rougissois....  du  ressentiment  de  vos  soup- 
çons. Mais  les  hommes  sont-ils  assee  délicats  pour 
distinguer  l'indignation  d'une  âme  honnête  ou- 
tragée ,  d'avec  la  confusion  qui  nait  d'une  accusa- 
tion méritée  ?     . 

LE  COMTE,  toiitiauU 

Et  ce  page  en  désordve,  en  veste,  et  presque 
nu..k. 


ACTE  I.I,  SCÈNE  XIX.  309 

I.A  COMTESSE  «  montrant  Suzanne, 
Vous  le  Toyez  deyant  tous.  N'aimez-yons  pas 
mieux  l'ayoir  trouvé  que  l'autre?  en  général,  tous 
ne  haïssez  pas  de  rencontrer  celuî*ci. 
LE  coMTE^i  riant  plus  fort. 
£t  ces  prières ,  ces  larmes  feintes* . .  « 

LA   COMTELSSE. 

Vous  me  faites  rire,  et  j'en  ai  peu  d  enyie* 

LE   COMTE. 

Nous  croyons  yaloir  quelque  chose  en  politique, 
et  nous  ne  sommes  que  des  enfants.  C'est  yous, 
c'est  yous,  madame ,  que  le  roi  deyroit  enyoyer  en 
ambassade  à  Londres..  Il  faut  que.yotre  sexe  a;t 
fait  une  étude  bien  réfléchie  de  l'art  de  se  compo« 
ser  pour  réussir  à  ce  point. 

LA  COMTESSE. 

C'est  toujours  yous  qui  nous  j  forcez. 

SUZASHE. 

Laissez-nous  prisonniers  sur  parole,  et  yous 
yerrez  si  nous  sommes  gens,  d'honneur. 

LA  COMTESSE. 

Brisons *là,  monsieur  le  comte:  J'ai  peut-être 
été  trop  loin  ;  mais  mon  indulgence  en  un  cas 
aussi  graye  doit  au  moins*  m'obtenir  la  yôtre. 

LE   COMTE. 

Mais  yous  répéterez  que  yous  me  pardonnez. 

LA  COMTESSE. 

Est-ce  que  je  l'ai  dit ,  Suzon  ? 

SUZAVVE.i 

Je  ne  l'ai  pasi  entendu^  madame 

iS. 


«<6      LE  IflRlAÔË  î>^  Él^A^O* 

tZ   COMTE. 

£lt  biétH  ^tÉe  ce  met  votts  échappe* 

LÀ  Û0ÉTEB8Ê. 

.  Le  méritev-TOùÈ  ctonc ,  ingrat  ? 

LE   COMTE. 

Otii  )  par  meta  ^cùtir. 

8VZA1I1IE.< 

Soupçonner  tin  homme  dànâ  ie  ed:>met  chs  bia- 
dame* 

file  tn'en  tf  ii  fférèrenient  ptttii'.. 

8t7ZAirilE. 

ffe  pat  s'en  fier  À  elle ,  qnand  elle  dit  qtit  e'M 
êk  eallsaristeé 

LE  COli^TE. 

Rosine ,  êtes-tons  done  iniphttable  ? 

i  COkTES^B. 
Ah  !  Suzon ,  que  je  suis  Iblble  !'  quel  exemple  je 
te  donne  !  (Tehdûnt  )a  (nain  un  comtés)  On  ne  entirft 
plus  à  la  colère  dër  femmes. 

'  stcrtAirsfÉ.; 
Bon!  madame,  ftrec  eui^iiéfttH-ifjfAi  tôl^j^mrs 
en  venir  là  ? 
(Le  cornu  baise  atdeMméttt  M  àUUa  thf  sa  filkniè.) 


\ 

ACtE  n,  SGËHË  XX.  lit 

SCÈNE  XX. 

SUZAKWE,  flGARO,  LA 'COMTESSE;  LE 

COMTE. 


F I  o  ▲  B  o ,  arrivant  tout  ^stouffé. 
On  disoit  madame  incommodée.  Je  suia  i^iu 
accouru. ...  je  yois  avec  joie  qu'il  n'en  têt  rien. 
lE  C0MTS>  sèchement» 
Yons  êtes  Ibrt  attentif. 

FIGARO. 

Et  c'est  mon  deyoir.  Mais,  puisqu'il  n'en  est 
rien,  mbnseîgneur,  tous  vos  jeûnes  Tassaux  des 
deux  sexes  sont  en  bas  avec  les  yiolons  et  les 
corsettuses  »'  attendant ,  pour  m'accompagner  , 
VfaiBtant  où  roui  permettrez  que  je  mène  ma 


tS  COMTE. 

Et  qui  surveillera  la  comtesse  au  chAteau? 

FiaAAO. 

La  veiller!  elle  n'est  pas  «uLade. 

.     ,       X»E    C,plfT$..         .       . 

Non  jamais  cet  homme  absent  qui  doit  l'entfé^ 
tenir! 

FIGARO. 

Quel  homme  absent  ? 

LE   COMTÉ.. 

L'homme  du  billet  que  vous  avez  remis  àB'ftzile. 

Ftoixo. 
Qui  dit  cela? 


aia      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

lE  COMTE. 

Quand  je  ne  le  saurois  pas  d'ailleurs,  fripon  !  ta 
physionomie  qui  t'accuse,  me  prouyeroit  déjà  que 
tu  mens. 

FiaAaq. 

S'il  est  ainsi,  ce  n'est  pas  moi  qui  mens,  c^est 
ma  physionomie 

SnzAHVE. 

Va,  mon  pauvre  Figaro,  n'use  pas  ton  élo^ 
quence  en  défaites;  nous  avons  tout  dit. 

FIGARO. 

Et  quoi  dit?  Yôus  me  traitez  comme  un  Bazilcii 

SUZAVHE.' 

Que  tu  avois  écrit  le  hillet  de  tantôt  pour  £ure 
accroire  à  monseigneur,  quand  il  entreroit,  que  le 
petit  page  étoit  dans  ce  cahinet ,  où  je  me  suit  en- 
fermée, 

LE   COMTE, 

Qu'as-tu  k  répondre? 

LA  COMTESSE. 

Il  n'y  a  plus  rien  à  cacher,  Figaro  ;  le  badinage 
est  consommé. 

FIGARO,  cherchant  à  devinerm 
Le  badinage. . . .  est  consommé? 

LE   COMTE. 

Oui«  consommé.  Que  dis-tu  là-dessus? 

FIGARO. 

Moii  je  dis..*  que  je  youdrois  bien  qu'on  etf 


r" 

AQTE  H,  SCÊNB  XX.  ai3 

put- dire  autant  de  mon  mariage;.. et  si  tous  lor-^ 
donnezji..* 

LE    COMTi;, 

Tu  conyiens  doAc  enfin  du  bijlet? 

FIGAaO. 

Puisque  madame  le  yeut ,  que  Suzanne  le  veut, 
que  YOU9  le  Toulez  Yous^mème-,  il  faut  bien  que  je 
le  veuille  aussi  :  mai^  à  votre  place,  en  vérité , 
monseigneur,  je  ne  croirois  pas  un  mot  de  tout  ce 
que  nous  vous  disons. 

X9  GOMTl.^ 

Toujours,  mentir  contre  l'évidence!!  à  U  fin ,  cela 
m'irrite^ 

LA  coHTESsE,  e»  rUuU. 
Eli!  oe  pauvre  garçon!  pourquoi  tou)^z-vq.us, 
monsieur,  qu'il  dise  une  fois  la  vérité? 
FIGARO,  bas ,  à  Suzanne* 
Je  l'avertis  de  son  danger;  c'est  tout  ce  qu'u9 
Ivpnnète  homme  peut  faire. 

SUZABIBIE,  6aiv 

Âs«tu  vu  le  petit  page? 

Fi«.Ano,  bas. 
Encore  tout  froissé» 

svzAviTB,  dos» 
AhïPécairef^ 

LA   COMT.ESSEv 

Allons,  monsieur  le  comte,  ils  b];ûlent  de  s'u- 
nir :  leur  impatience  est  naturelle  :  entrons  pour 
la  céirémoi^îe» 


I 


»i4      LE  ttARlÂGÈ  bË  FIÔÂRCK 
Lk  céiitt^  à  part* 
Et  Maticeline,  Marceline.  (Hoiifv)  JeTottdron 
être...  au  moins  yètu. 

t  tànttsst. 
Pout  nos  gens  l  Est-ce  que  je  le  suis  ? 

SCÈNE  XXI. 

tlOtJitiO^   SUZANHEv  "Là  GOtttEgSÈ, 
LÉ  COMTÉ,  ANTONIO^ 

AVT09I0,  demi^tls ,  î^âizf  tin  ^  de  ^iroflé^ 

éctasées» 
MoHSSi^aiieuii!  monseigneur! 

lÉ  coAte, 
^e  itte  véux-tù, "Antonio  t  ^ 

▲  ttTONIO. 

Eaites  donc  une  fois  griller  ks  croisées  «ni 
donnent  sur  mes  couches.  On  jette  toutes  sortes 
de  choses  par  ces  fenêtres;  et  tout  à  l'heure  enoor« 
Ipn  yient  d'en  jeter  un  homme. 

tE  COMtE^ 

Par  ces  fenêtres? 

▲  VTOBriO> 

itcgardez  comme  on  arrange  mes  giroàéevv 

BuzAirif  Sy  bas,  é  Figaro^ 
Alerte,  Figairol  alerte. 

FIGA&O. 

Monseigneur,  il  est  griA  dés  le  ftiati»» 


ACTIC  n,  SCENE  XXU  oi5 

A9T0VIQ* 

VoQ»  nj  êtes  pas.  C'est  uq  .p«l|^  mte  d*luep. 
Voilà  conuxLe  oiji  ùdt  des  JQgemc^ts...  téQé))reiu« 

Cet  homme!  oçt  liommç!  on  est-il? 

À97P9^0.. 

Où  il  est? 

lis  COMTC, 

Oui. 

abit:ovio, 
C*est  oe  que  je  dis,,  Il  fiiUt  mé  le  trouver  déjà.  Jjp 
suis  y'ûti'e  domestique;  if  ny  a  que  taài  qui  prends 
foin  de  yotre  jardin  ;  il  y  tombe  un  homme ,  et 
TOUS  sentes  ..  que  ma  réputation  en  est  iSbatt^ic, 
iVzAVJKE^Sas,  à  Figaro, 
Détourne,  détonmé. 

PIftAÀD. 

Tu  boiras  donc  toujours? 

AJtTOVIO. 

£t  si  je  ne  buToÎ9^|>as,  je  dériendrois  enragé., 

KA  OOifVBffSI.  V 

Mais  en  prendre  ainsi  san»  besoin.^.. 

AVtOVlO. 

Boire  sans  êoff  et  fmtfi  l'ianoor  en  tout  temps, 
madame;  Il  n  j  a  que  ça  qui  nons  distin^Bt  des 
autres  bétes« 

1.1  COUTE  t  vhipmeHU 
Répoiidft*>moi  donc,  on  )e  rais  te  chasitr. 

AVToirid, 
£st-ee  que  je  ra  en  irois? 


i 


ai$      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

LE  COMT£. 

Comment  donc? 

A  ir  T  o  N I  o ,  «e  touchant  lé  front* 
Si  TOUS  n'ayez  pas  assez  de  ça  pour  garder  tiiw 
bon  domestique,  je  ne  suis  pas  assez  bête,  moi, 
p«ur  renvoyer  un  si  bon  maître. 

LE  COMTE,  le  secouant  avec  cotère^ 
On  a ,  dis-tu,  jeté  un  hoxAme  par  cette  fenêtre? 

AHTOKIO. 

Oui,  mon  excellence;  tout  à  Thenre,  en  Teste 
blanche,  et  qui  s  est 'enfui,  jami,  courant.... 
LECOMTE,  impatienté. 
Après? 

ASTOiriO. 

J*ai  bien  roulu  courir  après  ;  mais-  je  me  suis 
donné  contre  la  grille  une  si  fière  gourde  à  la 
main,  que  je  ne  peux  pluç  remuerai  picid  ni  patte 
de  ce  doigt-là.  {Levant  le  deigt^y 

LE   COMTE. 

Au  moin»  tu  recoanoitrois  Thomme?, 

AVTOirio. 
Oh!  que  oui  da...^  si  je  Tavois  tu  j  pourtant. 

suzÀRBiE,  ba^i  àFigaro. 
Il  ne  l'a  pas  vu. 

FIGARO. 

Voilà  bien  du  train  pour  un  pot  de  fleurs! 
Combien  te  faut-il,  pleurard,  avec  ta  giroflée?  Il 
est  inutile  de  chercher ,  monseijgneur  ;  c'est  moi 
qui  ai  sauté. 


ACTE  li,  SÇpN^  TilLl,  ^i^ 

I.S   COMTE,! 

Gommentioestvoas?  . 

▲  ifTÛSiar 
f  CQfnb'^e^^  te  faut-il j  flpu^atd?,  Votre  corps  a  <|onc 
tjfen  grai^di  depuis  ce  tempa-l^;  car  je  tous  ai 
trouyé  beaucoup  plus  moindre ,  et  plus  fluet? 

FtGAEQ, 

,  Gertaineiçent;  quaud  oq  saute ,  on  se  pe)otO)intt. 

A9T09I0. 

M'est  aris  que  c'étoit  plutôt..* ••  qui  djrqit,  1« 
gringalet  de  page. 

I  '    LE    COMTE* 

Chérubin,  tu  veux  direll 

FIGARO. 

Oui,  revenu  tout  exprès,  avec  soii  cherali  de  (a 
porte  de  Séyille,  où  peut-être  il  est  déjà. 

AVTOHIO. 

Ob!  nop,  je  ne  dis  pas  ça,  je  ne  4i9  P&s  Ç^;  je 
n'ai  pas  tu  sauver  de  cheval ,  car  je  le  dîroit  de 
inéme. 

LE  COMVE, 

Quelle  patience! 

FioAao, 

J'étois  dans  la  chambre  des  femmes ,  en  Teste 
blanche  :  il  fait  un  chaud!...  J^attendois  là  Sutan- 
nette,  quand  j'ai  oui  tout  à  coup  la  Toiz  de  mon- 
seigneur ,  et  le  grand  bruit  qui  se  faisoit  :  je  ne 
sais  quelle  crainte  m'a  saisi  à  l'occasion  de  ce  bil- 
let; et  s'il  faut  ayouer  jua  bêtise ,  j'ai  sa\ité  ftans  ré- 

Thé&tc*.  Coa^diet.  1 4*  ^9 


2i8      LE  MARIAGE  D£  FlC^^ARO. 

flexion  sur  les  couches,  où  je  me  sais  mé]o«  tm  peu 
foulé  le  pied  droit»  (2/  frotte  ^n  f^ièd»  ) 

AsrTosia» 
Puisque  e'est  tous  J  il  est  juste  de  tous  vendra 
ce  brinborion  de  papiitt  qvd  a  coulé  de  votre  Teste 
tn  tombant.' 

LE  COMTE,  se  jetant  dessus», 
Donne^le  moi.  (1/ ouvre  le  papier  et  le  refrrmt,} 

FiaAEo,  à  part. 
Je  sut^  pris« 

ht  court ^àFigaro. 
*  La  firajeur  ne  tous  aura  paa  £ût  oublier  oo  que 
contient  ce  papier, ni  comment  il  se  trouToit  dans 
TOtre  poche? 

px&AAO,  embarraâài,  fbttiUe^dans  ses  pocket  et  en 

tire  des  papiers- 
Kon,  sûrement..»  Mais  c'est  que  j'en  ai  tant;' II 
faut  répondre  à  tout....  (Il  regarde  un  des  papiers.) 
Ceci  ?  ah  !  c'est  une  lettre  de  Marceline ,  en  quatre 
pages  ;  elle  est  belle  !...  Ne  seroit-ce  pas  la  requête 
ie  ce  pauTre  braconnier  en  prison?...  ^on;  la 
Toici...  J'aTois  l'état  des  meubles' du  petit  chiteav 
(Sans  l'autre  poche. .« 

(  Le  eonUe  réouvre  U  papier  qu'U  Cienf «J 
'  &A  coHTEfrSE,  ^â5j  à  Suzanne. 
Ah  dieuE!  Suzon.  C'est  lei>reTet  d'offictor*' 

su-EAHSE,  bas,àFlféro. 
Tout  est  perdn^  c'est  le  brcTet. 


ACTE  II,  6CÈW5  XX»I.  ai9 

1^  E  c  0  BIT  fi  reptie  le  papier  jt 
E&bMtt!  Ihpiame  aux exj^dientsi,  roua  ne  de- 
yinez  pas?- 

ANTON  \Oy  »*€Lpprûekan%  d^  Figaro,} 
Bfon$.^ig;neur  dit,>i  vou»  ne  dctinei  pas? 

F  y^k  iLO ,  '/e'  repoassant^i 
Wi  donc  r  yilai<n ,  qui  me  parle  dans  le  ne*!l 

LE   COMTE. 

Yows.pe  xous  wppelez.  pas  ce  qijç  ce  pç^t  être? 

'A,  a ,  a  ^  ah  I  poverp!  ce  siéra  le  brevet  de.cc  mal- 
heureux eiifant,  tgHÏ  m'aroit  remH,  et  que  j*aî 
oublié  de.  lui  rendre.  O ,  o ,  à ,  oh|  étourdi  que  je 
suis!  que  fera-t-ijl  sans  son  brevet?  il  faut  courir. . . 

lE   COMTE. 

f pu^uoi  vous  l'auroitril  remis? 
FIGARO,  embarrassé, 
|L . .,  désijoit  q^'on  j  fît  quelque  chose^ 
LE  c  o MT E ,  regarÀaAt  sçii  papier^^ 
iXxïj  manque  rien. 

LA  COMTESSE,  bras,  à  Stà^nne*^ 
\te  cachet.. 

s  ç  z  A  N  N  E ,  bas  ,  a  Figaro*^ 
I^  cachet  manque. 

LE  c o  M  T E ,  A  Figaro. 
Vous  ne  répondez  pas  r 


\ 


-<^ 


(  AntûQÎp  t.  ?i8<^ro  >  Snzanne ,  Is  comtesse ,  le  comte. 


«M      LE  MAntAOE  DE  FiCAliO. 

C'est.. i  cp'en effet,  il  j  maiiqae  peti  dé  cbtlse, 
Il  dit  que  c  est  l'usage. 

liE  COMTE. 

L'osagé  !  Tusage  l  l'usage  de  quai  ? 

FiGAAp. 

Dy  appp^  le  sceau  de  tos  ainiies.  Peot^étr^ 
aussi  que  cela  ne  yaloit  pas  là  peine. 
lE  ConCTE  r'ottfre  lé  papier  et  'lé  chiffonne  de  colère. 

Allons,  il  est  écrit  que  je  ne  Saurai  rien.  {A 
part.)  C'est  ce  Figaro  qui  les  mène,  et  je  ne  m*en 
Vexigerûîs  pas!  {Il veut  sortir  avec  dépit.) 
'  F I  &  A  R  o ,  t^ arrêtant. 

Vous  sotftct  sàtts  dtdètiner  mon  mariage? 

SCÈNE  XXIL 

BAZiLE,  BARttiOLd,  MARCELINE,  FtGASO, 
LE  COMTE,  GRIPE-SOL^IL,  LA  COM- 
TESSE, Str^ANNE,  ANtOWÏO,   vAlêxi 

DÛ  COaÎTE,  SES  VASSAUX. 

MAKCELiiTE,  ail  comte* 
Ne  l'ordonnez  pas,  monseigneur;  avant  de  lui 
faire  grâce ,  tous  nous  devez  justice.  Il  a  des  en- 
jgagements  avec  ^oi. 

LE  COMTE,  0  part* 
Voilà  ma  vengeance  àrrivëét 

FIGARO. 

Des  engagements?  dé  quelle  nature?  expliquez- 

VOUSi  -  s 


ACTE  lî,  SCÈNE  XXII.  .       aai, 

MA11CELI9E. 

Otii ,  je  m'expliquerai ,  malhonnête  ! 
(La  eomtest^  s'assied  sur  une  bergère,  Suzanne  est 

derrière  etie,  )  ' 

lE   COUVEt 

De  quoi  s'agit-il ,  Marceline? 

MABCiSLlAE* 

D'une  obligation  de  mariage. 

FIGARO. 

Un  billet ,  voilà  tout ,  pour  de  l'argent  prêté. 

MARCELINE,  au  coinfe. 
Sous  condition  de  m'épouser.  Vous  êtes  .un 
grand  seigneur,  le  premier  juge  de  la  province.. .• 

LE    COMTE. 

Présentez-vous  au  tribunal;  }j  rendrai  justice 
à  tout  1&  monde. 

BAziT^E,  montrant  Marceiinet. 
En  ce  cas ,  votre  grandeur  permet  que  je  fasse 
aussi  valoir  mes  droits  sur  Marceline? 

LE  COMTE,  à  part» 
Ah!  Voilà  mon  fripon  du  billet. 

fioarO. 
Auti^e  foU  de  la  mêine  espèce  ! 

LE  COMTE,  en  colère,  ^Éaziië» 
Vos  droits  !  Vos  droits  !  il  vous  convient  bien 
de  parler  devant  moi ,  maitre  sot  ! 

ANTONIO,  frappant  dans  ia  main. 
Il  ne  l'a,  ma  loi ^  pat  maoqué  du  premier  coup: 
é'$%t  son  nom*  , 


m%m      LE  MARIAGE  P£  FIGARO. 

IK   COMTE. 

Marceline ,  on  luspendra  tout  jnsqu^à  l'exAmeii 
éo^  TOt  titrts ,  qai  se  fera  publiquement  dant.  la 
grand 'salle  d  andience.  Honnête  Ba^le  !  agent 
fidèle  et  sur  !  allez  an  bonrg  chercher  les  gens  da 
siège. 

'  BAVILE. 

Pour  son  affaire? 

LE  COMTE. 

Et  VOUS  m'amènerez  le  pa^an  du  billet. 

»AZILE. 

Ett-ee  qne  je. le  connois? 

IB  COMTE. 

Vous  résistez! 

BAZILE. 

Je  ne  suis  pas  entré  au  château  pour  en  fiiiie  les 
commissions. 

LE  COMTE. 

Quoi  donc? 

BAZILE. 

Homme  à  talent  sur  l'orgue  du  village,  je 
montre  le  clavecin  à  madame,  à  chanter  à  ses 
Jemmes ,  la  mandoline  aux  pages  ;  et  mon  emploi , 
surtout,  est  d'amuser  votre  compagnie  avec  ma 
guitare ,  quand  il  vous  plait  me  l'ordonner. 
OBiPE*soi<Bix»,  s'avançauL 
J'irai  bien ,.  monsigneu ,  si  cela  vous  plaira? 

IB  coacTB. 
Quel  est  ton  nom ,  et  ton  emploi?.  - 


AGTJG  11,  SGÈNË  XXIU         aa^ 

0BirS-6  0I.E|I.. 

J.0  snb  Gripe-Soleil ,  mon  hwn  ûgneu;  le  petit 
patonriau  des  cbèTres ,  |  conuftftndé  pour  le  feu 
d'artifice.  G  est  fête  aujonrd'hvi  dans  le  troupiau; 
et  je  sais  dus-ce-qu'e«t  toute  1  enragée  boUtique  h 
procès  du  pajs. 

hZ  COMT«. 

Ton  zèle  me  plait  ;  Tas-j  :  mais  ^  rous ,  (a  Baûle) 
accompagnez  monsieur  en  jouant  de  la  guitare, 
et  chantsnt  pour  Tamuscr  en  chemin.  11  est  de  ma 
compagnie; 

ORiPE>soLEXL,  joyeux» 
Oh  !  moi ,  je  suis  de  la. ..«  ^ 
(Suzanne  ^apaise  de  ta  main,  en  lui  montrant  la 

comtesse,  J[ 

AAziLSy  surpris» 
Que  j  accompagne  Gripe-Soleil  en  jouante. 

LE  COMTl. 

G  est  votre  emploi  :  partez  ;  où  je  tous  chasse. 

(Il  sort,) 

SCÈNE  XXIII. 

BAZILE,  BARTHOLO,  MAHGELINE,  FIGARO, 
GRIPË-SOLEIL,  LA  COMTESSE,  SUZANNE, 

ANTONIO  ,  VALETS  DU  COMTE  ,  SES  VASSAUX. 

BASILE,  àiairméme. 
Ah!  je  n'irai  pas  lu^er  contre  le  pot  de  fer, 
moi  qui  ne  suis.  * . 


itiA      1£  MARIAGE  DE  FIGARO. 

PIGABO.'  « 

Qu'une  cruche.. 

BAziLE,  à  part. 

Au  lieu  d'aider  à  leur  mariage,  je  m'en  ràis  aa-s^ 
hvktet  le  mien  aTec  Marceline^  (A  Figaro»)  !Ne  eon> 
clus  rien,  croia-moi ,  que  je  ne  sois  de  retour.  {I4 
va  prehdre  la  guitare  sur  h  putteuit  du  fond,) 

FioABo  ie  suit. 

Conclure  1  oh  I  ya  ^  ne  crains  rien  ;  quand  même 
tu  ne  reyiendrois  jamais....  Tu  n'as  pas  l'air  en 
train  de  chanter;  yeuiL-tuque  je  Gom|netice?4.  Al- 
lons, gai!  haut  la^mi-la,  pour  ma  fiancée.  {It  se 
inet  en  marche  à  reculons ,  danse  en  chantant  la  sé- 
guedille suivante;'  Bazile  accompagne  ^  et  tùut  ie 
monde  le  suit,) 

SÉGUEDILLE. 
* 

7é  préfôt«  à  richesse 

La  sagesse 
De  ma  Suzon; 

Zon ,  zon ,  zon , 

Zon,zoD,  zon, 

Zon, zon, zoh, 

Zon ,  zon ,  zon. 
ÂOBsi  sa  gentillesse 
Est  maîtresse 
De  ma  raison  ; 

Zon ,  zon ,  zon  « 

ZOn,  ton,  zon, 

2on,zoii,zoni 

Zon,  zon,  zon 
(te  h r ait  s'éloigne,  on  n^tUttHi  pas  le  teslté) 


,  SCÈNE  Xïiy. 

StJiîÀNNE,  LA  COMTESSE. 

•■'••/        •     •     ,        ■     • 

lA  COMTESSE,  donssa  bergère, 
'Yo.tjft  VOjBs^iSazaime  j  la  jolie  sdène  que  vO^ré 
étourdi  ma  valu  w^ec  son  billet. , 

•  Ail  !  î&adànie ,  quand  je  sui»  rentrée  du  cabinet, 
si  TOUS  aviez  yu  votre  visage  I  il  s'est  terni  toUt  à 
coup  :  mais  ce  n'a  été  qpa'un-.ii.iiage;  et,  par  degrés, 
vous  êtes  devenue  rouge ,  rouge ,  rouge  i 

LA   COMÏESSEw 

Il  a  donosanté  par  la  fenêtre? 

.    SUZAHSE. 

SàHè  hésitet  ^  le  charmant  enfant  !  léger.  < ..  comuseï 
une  abeille. 

LX  COMTESSE/ 

Àh!  ce  fatal  jardifnier!  Tout  cela  m'a  remuée  au 
point...  que  je  ne  poavois  rassembler  deux  idées. 

SUZANNE; 

Ah!  madame,  au  contraire;  et  c'est  la  que  j'ai 
vu  combien  l'usage  du  grand  monde  donne  d'ai- 
sance aux  dames  comme  il  faut ,  pour  mentir  sans 
qu'il  j  paroisse. 

la'comtesse. 

€rois-tu  que  le  comte  en  soit  la  dupe?  Et  s'il 
^rouvoit  cet  enfant  au  château? 

SUZANNE. 

Je  vais  recommander  de  le  cacher  si  biené^« 


K^a      LE  MARIAGE  0E  flQ^ÎLO: 

LA'  ÇpBCTESSE. 

1}  faut  qu'il  parte.  X^rèê  ce  qui  vient  d'arrireT, 
toui  crojneat  ^ieQ.qae  je  ue  buîs  pai^  teutée.d^  ^'^n~ 
yojrcr  au  jardin  à  votre  place.^ 

sos^AaiiE.-  - 
Il  ett  jpertaiu  qtie  je  u'ini  paa-uooLpIoi^  VoiU. 
donc  mon  mairiage  encore  une  lois.  •«  •  . 
LA  COMTESSJE,  $fi  levant* 
Attends. ...  Au  Ueù  d'un  auti^a  ^a  de  toi ,  $i  j  j 
«llois  9noi*9ième  ?  /      / 

■v^AirvE.  ' 
y  ous ,  ma4Ml«  ? 

LÀ  GOMTBaSE»' 

Il  i|  j  auroit  pecsom^^  d*<K^pQ0é...  14  eomtm 
alors  ne  pourroit  nier.».  Avoir. puni  sa  jalousie,  et 
lui  prouver  soti  in-fidélité!  cela  serott...  Allons  :  le 
bonheur  d'un  premier  hasard  m'enhardit  &  tenter 
le  second.  Fais -lui  savoir  prompte^ent  que  tu  te 
fendras  au  jardin.  Mais  surtout  que  pi^rsonne.,.. 

SOZAVKB.' 

Ah!  Figaro, 

I.A  COMTItSSB, 

Nou,  non.  Il  Toudroit  mettre  ici  du  sien...  Mq^. 
masque  de  velours  et  ma  canne,  que  j'aille  y 
rêver  sur  la  terrasse«  {Suz<vme  entre  dans. h  cabinet 
de  toilette,) 


ACTE  II,  SCÈNE  XXV.'  ft%'j 

SCÈNE  XXV. 

LA  COMTESSE,  seule. 

Il  est  assez  effronté ,  mon  petit  projet  !  (  EUe  te 
retourne.)  Ah!  le  ruban!  mon  joli  ruban!  je  t ou- 
blioisl  (  EUe  le  prend  sur  sa  bergère  et  le  roule.  )  Tu 
ne  me  quitteras  plu».  .*  ttt  me  vappellerA»  la's^nje 
où  ce  malheureux  enfrnt. ^..^  Ah  !  monsiew  le 
eointe,  qu'ayes-^FOU»  fait'?.#.  El  moi!  que  faii-j«  en 
•e  moment? 

SCÈNE  XXVI. 

LA  COMTESSE,  SUZAKNÉ. 
ÇiM  comtesse  met  furtivement  le  numi^dans  son  sein.} 

SUZAHHE. 

Toicrla  canne  et  votre  loup 

LA  COMTESSE. 

Souyiens-toi  qne  je  tu  défendu  d'en  dire  un 
mot  k  Figaro. 

SU2AII1IE,  avec  joie» 
OMadamcy  il  est  charmant,  votre  projet.  Je  viens 
ày  réfléchir.  Il  rapproche  tout,  termine  tout,  em- 
brasse tout;  et  quelque  chose  qui  arrive,  mon  ma- 
riage €Bt  maintenant  certain*  (£//e  baise  la  main  de 
sa  snàttitue4) 

(EUe  sortent.) 

ri>    DU    SECOHD    ACTE. 


(Pendant  raiitr*aei»,  àéê  valets  arrangent  la  salle  d'aa« 
dienoe  :  on  ap|x>rte  les  deux  banquettes  à  dossier  des 
aVoeals ,  <{ne  l'on  place  aux  deux  o6tës  du  t)ië$txe,  de 
fiiçon  que  le  passage  soit  libre  par  deirièrp.  Oq  pose 
une  estrade  à  deux  marcbes  dans  le  milieu  du  thëAtre 
yers  le  fqnd»  sfur  laquelle  op  place  If  fauteuil  du 
comte.  On  met  la  table  du  greffier  et  son  tabouret 
de  edté  sur  le  devant,  et  des  ^èges  pour  Brid'oison 
ft  d'Autrfs  JDg^ ,  des  d^pz  pUfê  à»  l'eairadf  du 
comte.] 


ACTE  TROISIÈME. 

r  ••  • 

r  ^       '  /        - 

Le  théâtre  représente  une  salle  du  château, 
appelée  salle  du  trône  et  servant  de  Italie 
d^audiei^çe ,  ay^nt  sur  le  côté  une  impériale 
en  dais  ;  et  dessous ,  le  portrait  du  roi, 


SCÈNE  I, 

LE  COUTE,  PËDRILIiE,  en  vaU  et  botté, 

.  .  teiiant  un  paquet  4:achetém 

I. 

LE  COUTE,' -vite. 
Al  ASrTir  bien  entendu  ? 

*      ./ 

Excellence  /  oui, 

(lliorU) 

SCÈNE  II 

LE  COMTE,  $p^l,  eriani 
P^drilleT 


Théâtre»  Com<4iet«.l4«  2IO 


»iio      L£  MA&IAGE  DE  F.IGARO. 

SCÈNE  III.      , 

LE  GOMTE^  PÉDRILLE,  revenante 
p£diiille« 

ExCEII<!É5CE? 

^   LE    COMTB« 

Onnét'apas  yù? 
Âme  qui  vive. 

tB  COKTE^ 

Prenex  le  cheyal  barbe*< 

(ÉDHltLE. 

Il  eàt  h.  la  grille  du  potager,  tout  itUêé 

t.  lE  comte; 
Ferme,  d'un  trait,  jusqu'à  SéyiUe* 

Il  ny  a  que  trois  lieues  ;  elles  sont  bonnes. 

LE  GOMTE.J 

En  descendant ,  sachez  si  le  pag^  est  artÎTe. 
Dans  r  hôtel? 

&E'  COMTE. 

Oui;  surtout  depuis  quel  temprf 

piBRILlE. 

J'entends. 

LE   COMTE. 

Aemets-lui  son  breyet ,  et  reyiens  rite. 


ACTE  III,  SCËNB;  m;  aSi 

Et&lli^jétoiipas? 

lE    COMTBr 

ReTe||«s  pl^  lite,  et  m'en  ftiidea  compte: 

SCÈNE  IV, 

LE  COMTE,  seul ,  marche  en  riçantm 

J'ai  fçilt  une  gauclierie  en  éloignant  Bazile.^... 
la  colère  n'est  bonne  à  rien.  —  Ce  billet  remift  pav 
liii,quipi'ayertit  d'une exjtreprise  sur  la  comtesse; 
la  camaviste  enfetmée  qn^pd  j'arrive;  la  maltresse 
affectée  d'pne  terreur  £iusse  ou  vraie  ;  un  homme 
qui  «autç  par  la  fenêtre ,   et   l'autvt  «près  qui 

avoue ou  qui  prétend  que  c'est  lui Le  fil 

m'éçhapp^.  Il  7  a  l)i-dedans  uiie  obscunté,,..  Des 
Iibt#rtés  cfcez  mes  va^sauii;  qa'importe  à  gens  d^ 
cette  étoffe  ?  Mais  la  comtcMe  !  ai  quelque  insolent 
attentoiti,..  Où  m'égaré<tje?  £n  vérité,  quand  la 
tête,  se  monte ,  rimagination  la  mieux  réglée  de-r 
vient  fo]le  comme  un  rêve!  ——  fille  s'amusoit  ;  ces 
ris  étoiles ,  cette  joie  mal  éteinte.,  —  Elle  se  res^ 
pecte;  et  mon  honneur...  où  diable  oiwl'a  placé! 
De  l'autre  part  ^  où  suis-jé  ?  Cette  friponuç  ^e  Su-i 
zanne  a-t-elle  trahi  mon  secret?  comme  11  n'est  pas 
encore  le  sien....  Qui  donc  m'enchaîne  à  cette  fan* 
taisie  ?  J-ai  voulu  vingt  fiyis  y  renoncer....  Étrauge 
effet  de  l'irrésolution  !-  s|  je  la  voulois  sans  débat , 
je  la  désirerois  mille  fois  lùoiuSt  —  C«  Figaro  sç 


ar3a'  LE  MARIAGE  Ï)E  FJOAHC 
fait  bien  attendre  !  U  imt  le  sondet  adroitement 
(  Figaro  paFoU  dans  te  fond  :  il  s'aç/râtè,}  eh  tftdftr , 
dans  la  conversation  que  ^  vai*  avoir  aveelm ,  de 
d^mel^cv  dcUDfi^aiiièi^  détouji^née/^'il  est  instruit 
ou  non  de  mon  amour  pour  Suzanne. 

.SCÈNE  V. 

..  LE.CQMÎEj  figako-^     . 

;^       FIGARO,  à  part.    . 
îïcfus  y  voilât 

LE.COMTE.. 

S'ileil  sait  par  elle  un  seul  noot,... 
.  riGrAnOt  à  farU 
ieni-eA  suis  douté..  .... 

'.  .'  L«  cé'ltT■l^- 

.-. .  ^e  lui  fais  épouser  ta  tieilléi 

Les  amours  db  M.  Bazile  ? 

;..  Et  Voyons  te  que  nous  ferons  dé  la  ]etuie> 

viQAno,  à  part 
Ah  !  ma  femme ,  s'il  vous  plaît.  . 

LE  COMTE,  M  retournant 
Héin?  quoi?  qu'est-ce  ^ue  c'est?  v 
.  F lo ^ jjt Q ,.1* avançant 
Moi,  qui  me  re»4&.A  vos  ordipet^ . 

LE. COMTE.   '      < 

Et  pourquoi  ces  mot»  ^ 


'  1  i 


ACTE  IIÎ,  SCÊNE*V^  îi33. 

J«  n'ai  rien  dit. 

LE  C0MTS|^  répétant. 
Ma  femme,  s'il  vous  ptalt?. 

FIGARO.    , 

C'est. . .  la  fin  d'une  réponse  (pie  je  faisois  :  Atiez 
dire  à  ma  femme,  s'il  vous  plaît. 

LE  COMTE,  se  promenant» 

Sa  femme  /. . .  Je  voudrois  bien  savoir  quelle  af- 
faire peut  arrêter  monsieur,  quand  je  le  fais  ap^ 
peler? 

FIGARO,  feignant  d'assurer  son  habUlement. 

Je  m  etois  sali  sur  ces  couches  en  tombant  ;  je 
me  changeois. 

LE  COMTE. 

Faut-il  une  heure? 

FiGAao. 
Il  faut  le  temps.  ^ 

I  LE  COMTE. 

Les  domestiques  ici...  sont  plus  longs  à  t'ha- 
I      biller  que  les  maîtres. 

I  '        ■         t  FIGARO., 

C'est  qu'ils  n'ont  point  de  valets  pour  les  j 
aider. 

LE  X:0MT£« 

Je  n'ai  pas  trop  «<»ikpris  ce 'qui  tous  avait 
foreé  tantôt  de  caurtc  «a  danger  inutile ,  en  vous 
jetant.. «  .  ; 

ao 


a34      LE  MAfilÂGE  DE  FIGARO. 

Un  danger  !  On  diroît  que  je  me  anif  eOgonîM 
tout  Tiyant. . . 

LE  COMTE. 

Essayez  de  me  donner  le  change  en  feignant  d» 
le  prendre,  insidieux  yalet!  tous  entende* ' fort 
bien  que  ce  nest  pas  le  danger  (][ui  in'in<}uiète , 
mais  le  motif. 

FIGARO. 

Sur  un  faux  avis,  vous  arrivez  furieux,  renver- 
sant  tout,  comme  le  torrent  de  la  Morena;  vous 
cherchez  an  homme,  il  vous  le  faut,  ou  vous  allez 
briser  les  portes,  enfoncer  les  cloisons!  je  me 
trouve  \k  par  hasard ,  qtiî  sait  dans  rotre  empor- 
tement si.... 

LE  COMTE,  t'interrompaaL 

Vous  pouviez  foir  par  lescalier. 

FIOA&O. 

Et  TOUS ,  me  prendre  au  corridor. 
LE  COMTE,  en  colère^ 
Au  corridor  !  (A  p*^')  Je  m*emporte ,  et  nuis  à 
ce  que  je  veux  savoir. 

FioAEO,  à  part,. 
Vojronvk  venir,  et  fottojas  Bené^ 
LE  COMTE,  radoueL 
Ce  n  est  pas  ce  que  jeyonlois  dire',  laissons  cela, 
i'avois...*  o»,  j^ayoii  yptyopim^de  t  ernsMaer 
k  Londres,  courtiy  A  >dépl*iwt.^«>  ■!«■•  t#atef 
réflexions  ftitet 


ACTE  m,  SCËIVE  T..  a35 

FlOiiAO. 

lieftfdîgneQY-a  changé  dayis? 

^  LE  COMTE. 

Pramièrement ,  ta  ne  aais  pats  Tasglois^ 

'   FIGARO« 

Je  sais  God  dam. 

IZ  COMTE. 

Je  n'entends  pas* 

Je  dis  que  je  sais  God  dqmm 

LE  COMTEm 

Ehbien? 

FIGAAO. 

Diable  !  c  est  une  belle  langue  que  langlois  ;  il 
en  faut  peu  pour  aller  loin.  Avec  God  dam  en  An- 
gleterre, on  ne  manque  de  rien  nulle  part.  — 
Youlez-Yous  tâter  dun  bon  poulet  gras?  entrez 
dans  une  taverne ,  et  faites  seulement  ce  geste  au 
garçon  (il  tourne  là  Broche) ,  God  dam!  on  tous  ap- 
porte un  pied  de  bœuf  salé  sans  pain.  C'est  admi- 
rable. Aimez-Yous  à  boire  un  coup  d'excellent 
Bourgogne  ou  de  Clairet?  Rien  que  celui-ci  (il  dé- 
bouche une  Bouteille  ),  God  dam!  on  tous  sert  uxi 
ipot  de  bière ,  «subel  étain ,  la  mousse  aux  bords. 
Quelle  satis&4^n!  ftenedfntrez-^ous  une  de  ces 
jolies  personnes,  qui  Yon*  trottant  menu,  les 
yeux  baissés ,  coudes  en  ftt^ièœ ,  «t  tovtiUaiit  un 
peu  des  hanches?  attt«i  mignardement  tous  let 
d«igts»«i»«BrlaiÉoiiduu  Jkkl  ^  daml  tUe  Yout»^ 
sangle  un  soufflet  de  crocheteus;  prouï»  qK'«ll* 


laô  LE  MARIAGE  DE.  FIGAHO. 
entend.  Les  Anglois,  à  lavvcritc,  ajoutent  par  ci, 
^ar-là  quelques  autres  mots  en  couTecsaiit  ;  mAÎs  il 
est  bien  aisé  de  vois  que  God  dam  e»t  le  foad  d«  la 
langue  ;  et  si  monseigneur  n  a  pa*  d  autre  molîC 
de  me  laisser  en  Espagne. , . . 

LE  COMTE,  à  pari. 

Il  veut  Tenir  I  Londres  ;  elle  n'a  pas  parlé.. 
FiGABO,  à  patt' 

Il  croit  que  je  ne  sais  rien  ;  travaillona-le  wa 
peu  dans  son  genre.  ' 

LE  COMTE. 

Quel  motif  avoit  la  comtesse  pour  me  jouer  nit 
pareil  tour  ? 

ri&Ato. 

Msl  foi ,  monseigneur,  vous  le  savez  mieux  que 
moi» 

LE  COMTE. 

Je  la  préviens  sur  tout ,  et  la  consble  de  pri-' 

sents. 

FIGARO.. 

Vous  lui  donnez ,  mais  vous  êtes  infidèle.  Sait- 
on  gté  du  superflu  &  qui  nous  prive  du  nécessaire? 

LE  COMTE. 

. . .  .Autrefois  tu  me  disois  tout. 

,  riGAao. 

Et  maintenant  je  ne  roua  cache  rien» 

LE  CaMTS« 

Combien  la  comtesse  t*a«t-elle  donné  pour  cette 
l>eU«a«iociation? 


r 

FIOAA6'. 

C<^ml>kiii  me'  doniràtes-TOus  pour  ht  tirer'  ^et 
înains  du  docteur?  Tenez',  monsei^eur;  n'humi-' 
lions  pas  l'homme  qui  nous* sert  bie&,  crqinte  d'eft 
faire  un  msiurais  yalef . 

LK  coMrt,. 

Poutquori  faUt-il  qu'il  y  ait  tOHijours  du  fôuche 
en  ceq<ie  tufais? 

FIGARO. 

€'est  qu'otr  en*  voit  partout  quand  on  cfaereh» 
des  torts.- 

£E    COMTE. 

Une  réputation  Jét'éàfàble^ 

•  PIGAROr. 

Et  si  je  yaux  mieux  qu  elle ,'  j  a-t-il  Beaueôtrj)! 
de  seigneurs  qui  puissent  en  dire  autant? 

BB    COKTE. 

Cent  fois  yfi  t'ai  Ttt  marcher  à  Ift  fortufte ,  et  ja- 
mais aller  droit. 

pioAnô*. 

Gomment  yofileï-yous  ?  la  fôule  est  là  :  chacun 
yeftt  courir,  ûn  se  presse ,  on  pousse ,  oiï  eôlfdoie ,  ' 
on  renyerse ,  ffrriye  qui  peut  ;  le  reste  est  écrasé. 
Atlssr  c'est  fiut  ;  pour  moi  j'j  renoncé! 

LE   COMT^. 

A  la  fortune  ?  (A  paru)  YoUA  du  neuf  .> 
FtOARO,  à  patU 

A  iàon  tour  maintenant.  (Hùut.)  Votre  e&cel- 
lèiidlB  1&*tk  gratifié  de  là  conciergerie  du  cfaftteau  ; 
c^est  un  £om  joli  sort  :  k  la  yérité  je  ne  serai  pas  lé 


a3B      LE  MARIAGE  DE  FIGARO, 

courrier  étrenné  de^  nouvelles  iatéressantes  ;  mai* 
eq  reT^u^che,  heureux  ayefs  qia  femmis  ap  foud  de 
)' Andalousie.... 

.  LE  COB|TEe 

Qui  Vemp^pheroît  de  remmener  ^^  Lçudi^es  ? 

FIGAKO. 

Il  faudroit  la  quitter  si  souyent,  ^e  j'aurois 
bientôt  du  mariage  par-dessus  la  tête. . 

L^UGOMTE. 

Avee  du  caractère  et  de  l'esprit ,  tu  pgurrois  un 
jour  t'ayancer  dans  les  bure4UX%. 

FIGARO, 

De  Tesprit  pour  s'avancer  ?  monseigneur  se  rît 
ivL  mient  Médiocre  ctt  rampant  ;  et  To^  firrive  à 
tout^> 

I.E   COMTIS. 

...  .11  ne  foudrok  qu*étudi<;i>  nn  pen  sous  moi  la 
politique*         . 

Je  la  sais^ 

Comme  l'anglois ,  l€|  fond  de  la  langue; 

.     FlGAfO... 

Oui ,'  s'il  7  nyôit  ici  d^  quoi  se  vanter*  Mais , 
feindre  d'ignorer  ce  qu'pn  sait,  de  savoir  tout  ce 
qu'on  ignore,  d'entendre  ce  qu'on  ne  comprend 
pas  f  de  ne  point  ouïr  ce  qu'on  entend ,  surtout  de 
pouvoir  au-delà  de  ses  forces  :  avoir  souvent  pour 
grand  secret,  de  cacher  qu'il  u'j  en  a. point;  s'en 
fermer  pour  tailleç  des  plumes ,  et  psi)roitre  pro- 


ACTE  Ilf,  SCÈNE  V.     '        aSg 

fond  quand  on  n  est ,  coiùme  on  dit ,  qne  Vide  et 
cr^uz  :  jôtter  bien  ou  mal  un  personnage;  répandre 
des  espions  et  pensionner  des  traîtres  ;  amollir  des 
cachets  ;  intercepter  des  lettres ,  et  tâchet  d'enno- 
blir la  pauvreté  des  moyens  par  l'importance  dea 
objets.  Vcilà  toute  la  politique,  ou  )t  meure! 

Le  C0MTE4 
jËfai!  c'est  rinirigiue  que  tu  définis.' 

FioAno.. 
La'  politique^    l'intrigue ,' volontiers  ;  'mais^ 
comme  je  les  crois  Un  peu  gerûiaines ,  en  fasse  qui 
voudra.  «J'aime  mieux  ma  mie  au  gué  »,  comme 
dit  la  cbai^son^du  bon  roi.- 

l£   comte  y  à  paru 
Il  veut  rester.  J'entends....  Suaumne nt'a  trabl. 

wt^À.B.Of  à  parti 
Je  l'enfile  et  le  paie  en  sa  monaoie.     < 

&K  G^MTB. 

Ainsi  tu  espères  gagner  ton  procès  tfonfre  Mar* 
celine  ? 

*  vi»Aa'0«. 
Me  feriez-yous  un  crhué  de  tékuni»  ttfi«  vi«Ule 
fille,  quand  votre  eiëeftiened  se  permet  de  nous 
•oui&er  toutes  les  jeunes  ? 

%"£  COUTE,  raiilanU 
Au  tribunal  le  magistrat  s'oublie  f  et  ne  TQit 
plus  que  l'ordonnance. 

F I  a  ▲>&  o« 
Indulgente  aux  grands ,  dure  aux  petits. «.r., 


34o      CE  91ARIAQE  DE  FIGARO. 

'  é 

Cr4>ia-tu  iloi^c  qae  ye  plaisante  ? 

Eh!  qj^i  la  «ait,  ^lonseigneur ?  Tempo  ê  gaîafi- 
t'uomfi,f  d^  l'Italien;  il  dit  toujpi^rs  I9  yéri.té  :  ç  est 
lui  ^ui  m'apprendra  qni  mp  y.^iit  du  191^  p)i  du 
bien. 

i.^  cp^Ti:,  à  part''  r 

Je  Tois  qu  on  lui  a  tout  dit  ;  il  épousera  la 
duègne..  ^ 

f  xgAro,  à  part.' 
l\  a  joué  au  fin  avec  moi;  <}u*a-4-il  appris? 

SCJÈINE  VI; 

LEGOMTE^  CN  LAQUAIS,  FI0AQ0. 

L  B  .  L  A  Q  tJ  A I  s ,  oAMoaçanl. 
00 II  Gusman  Brid'oison. 

LE  CQMTI^. 

BridoiaoA?.. 

FIOAI^O. 

Eh!  sans  doute.  C /est. le  juge  ordinaire,  le  lieu- 
;leiûi^t  dn  ^igPf  TOtre  pmd'hpmm^ 

Qu'il  attende.' 

« 

IffC  laefuaU  sort,} 


ACTE  lïl,  SÇÊNP  Y.IÎ.         Ml 

SCÈNE   VIL 

LE  COMÇTE,  FIGARO^ 

f  xaARO  reste  m  mpment  à  regarder  le  comte,  qui 

rêve, 
£flT-CE  là  ee  <{ue  inonseigne\^r  youioit? 

fiE  C  OBI  TE,  revenant  à  lui, 
'Moi?...  je  disois  d'arranger  ^e  salon  pour  l'au- 
dience  publique. 

piçAno. 
jÇh!  qu  est-ce  qu'il  manque?  Le  grand  faujteutl 
pour  vous,  de  bonnes  chaises  aux  prud'hommes, 
le  tabouret*  du  greffier ,  deux  banquettes  aux  aro* 
cats ,  le  plancher  pour  le  beau  monde ,  et  la  ca« 
naille  derrière.  Je  vais  renyoyer  les  frotteurs» 

{li9ort.) 

SCÈNE  VÏIL 

LE  qOMTE«  <ea/. 

Ls  maraud  m  embarrassoit.  £u  disputant ,  il 
*^rend  son  avantage,  il  tous  serre,  vous  enve- 
loppe... Ah!  friponne  et  fripon!  vous  tous  enten^ 
de^  pour  me  jouer?  Sojez  amis ,  soyez  amants , 
soyez  ce  qu*fl  tous  plairit,  j'y  consens  ;  mais ,  par* 
bleu,  pour  époux, ;« 


Hi^art;  C^mé4iei.  14»  *l 


Z 


Ji4^      LE  MARlAâE  D£  l^IGAAO. 

SCÈNE  IX. 

SUZANNE,  LE  COMTE. 

^  SV2ANSE,  essou0ée. 

MossEifiSEVR....  pardon,  menseigneur. 

LE  GOMTEj  avec  humeur, 
Qu  est-ce  c[u'il  y  a ,  mademoiselle? 

SVZAHSE* 

Vous  êtes  en  colère? 

LE    COMTE* 

Vous  youlez  quelque  chose  apparemment  ? 

SUZANNE,  timidementn 
C'est  que  ma  maîtresse  a  ses  vapeurs.  'J*accou- 
rois  vous  prier  de'  nous  prêter  votre  flacon  d'éther. 
Je  Taurois  rapporté  dans  l'instant. 

LE  COMTE,  /e  iiii  doitnanU 
Non,  no4,  gardez-le  pour  v6u»»méme.  Il  n« 
tardera  pas  à  vous  être  utile. 

stJzAirvE. 
Est-ce  que  fos  femmes  de  mon  état  ont  des  y* 
peurs  donc?  C  est  un  mal  de  condition ,  qu'on  n* 
pr«nd  que  dws  les  boudoifs. 

LE  COMTE. 

une  fiancée  bien  éprise  et  qui  p^td  son  fiitur... 

suzAirvs. 
En  payant  tfarceline  avec  la  clôt  que  vous  ii|*ft- 
vesB  promise... 

,  LE    COMTE. 

Que  je  voui  ai^romisci  moi? 


ACTE  m,  SCÈNE  IX,  943 

8  n  z  A  ir  V  s  I  baissant  les  yeuxm 
M onMigneav,  j'ayoîs  cru  Teiiteiidret 

le(comt&. 
Oui  ,  si  vous  «ïonseiitiez  à  m'eotendre  yous- 

a  u  ^  A  V  V  E  y  /«#  yecfx  haiuéu 
Et  n*eit-ce  pas  mon  deyoir  d'écoute^  son  ei;« 
pellence? 

LE  comte; 
Pouvquoi  donc ,  cruelle  fille  !  ne  ine  Tayoïr  pM 
dit  plus  tôt? 

SUSAVVE. 

^t-ril  jamais  trop  tard  pour  dire  la  vérité? 

LE  COMTE. 

Tu  te  sendfoia  sur  la  hrune  aii  jardin? 

SU^^AVSE, 

f  st-ce  que  je  ne  m  j promène  pas  tous  les  soirs? 

LE  COMTE» 

Tu  m'as  traité  ce  matin  si  durement  \ 

SUZAVITE, 

Ce  ii\atin  ?  Et  le  page  derrière  Je  fruteuil? 

LE   COMTE.. 

Elle  a  ralAon ,  je  roubliois.  Mais  pourq[uoi  ce 
refus  obstiné,  quand  Basile,  de  ma  part? .... 

SUZAVRE. 

Quelle  nécessité  qu  un  Bazile  ?... 

LE    COMTE. 

Elle  a  toujours  rftison.  Cependant  il  j  a  un  cerv 
tain  Figaro  à  qui  je  c|:ains  bien  que  Tous  nSLje^t 
tout  ditr 


l44      L£  ]rfARIA.(ï(B  DE  FfOAAO. 

Dame.!  otf^,  je' lui  didtont...  hoM^ee  qu*il  feut 
lui  taire. 

LE'toii(TlE,-eA  AanU 
Ahï  charmante!  £t  ta  me  le  promets?  Svtir- 
man(^aois  à  ttf^arole  ;  entendons-nous ,  mon  cœur  : 
pdint  de  renldez-YOus ,  point  de  dot,  point  de  ma- 
riage. 

svzAHVE,  faisant  iârévéreneen 
'  Màis'aussi  point  de  mari^^ ,  point  dtf  droit'du 
seigneur,  monseigneur. 

LÉ  CÙMTt. 

OÙ  pt^tftd-ell»  <Jè  qu'elle  dit  ?  d*lioffnear ,  ^Vd^ 
raffolerai  l  Mais  ta  méitre^Sé  àtftnd  le  flacon. . . . 
BVz-kPlfAf  riant  et  rendant  te  flacon. 
Aurois-je  pu  vous  parler  sans  un  prétexte? 

*  tE  cote  TE  veut  fembrùsse/'.. 

ihélioieuse  créature! 

su  B  A  KIT  E,  s'échfap'panti 
y oiUi  du  monde. 

tt  âOMTB,  a  partir 
(Elle  esfk  moi.  (li  s'enfuU,) 

SUKAMVE.  ' 

Allons  Vite  rendf e  compte  à  ma  janiév 


ACTE  III,  SCÈNE  X.  .  445 

SCÈNE  X. 

SUZANNE,  FIGARO. 

FIGAftO. 

SxjzASVE  !  Suzanne  !  où  cours-tu  donc  si  vite 
en  quittant  monseigneur? 

SUZANNE. 

Plaidera  présent,  si  tu  le  veux;  tu  viens  de  ga-< 
gner  ton  procès.  (  Eite  s'enfuit.  ) 

viGAno  (a  suit 
(Ah  mais  !  dis  dolsc. .  • 

SCÈNE  XL 

LE  COMTE,  rentrant  seuL 

Tu  vtetis  d^  gagner  ton  procès!  "-^  Je  donnois  là 
dans  un  bon  piège!  O  mes  chers  insolents!  je  voui 
punirai  de  feçpn....  Un  bon  arrêt,  bien  juste...] 
Mais  s'il  alloit  payer  la  duègne...  Avec  quoi?..'; 
S'il  pajoit....  Eeeeh!  n*ai-je  pas  le  fier 'Antonio, 
dont  le  noble  orgueil  dédaigne,  en  Figaro,  un  in^ 
connu  pour  sa  nièce?  En  caressant  cette  manie. . .  { 
Pourquoi  non?  d^ns  le  vaste  champ  de  Tintri- 
gue,  il  faut  savoir  tout  cultiver,  jusqu'à  la  vanité 
d'un  sot.  (îl  appelle,)  Anto....  {Il  voit  entrer  J&af* 
cetinCf  etc.) 

{Il  sort.) 


ftt 


»46      LE  XAHIAGE  DE  fJGARO. 

SCÈNE  xii: 

BARTHOLO,  mARGELINE,  BRID. OISON. 

MAiiCELiNE,  à  Brid'oisoum 
.    MoBsiEuii,  écoutez  mon  affaire, 

brib'oisobt,  en  robe ,  et  bégayant  un  peii« 
Eh  bien!  pa-arlons-en  yerbalexnent« 

BAATHOLO., 

C'est  une  promesse  de  mariagf , 

;ilA.aCBLlBS. 

Accompagnée  d'un  prêt  d'arjg;entr 

BBiD'otSOEr. 

J^'en-entends ,  et  estera,  le  reste^  ^ . 

MABCELI5E. 

I>fon ,  monsieur ,  point  d'ef  cœteta, 

brid'oison. 
J'en-entends  :  tous  ayez  la  somme? 

MARCEXrIVE. 

\     Non ,  monsieur ,  c'est  moi  qui  l'ai  prêtée^ 

brid'oisov. 
J'en-entends  bien  ;you-ous  redemandez  Tardent  ? 

MARCELINE.. 

JNon,  monsieur;  je  demande  qu'il  m'épouse. 

brid'oijon. 
Eh  .^aift ,  j  *en-éntends  fort  bien  :  et  lui  Teo-eut- 
il  vous  épouser? 

MABCX&IVS. 

Non,  monsieur;  voilà  tout  le  procèsC* 


ACTE  III,  SCÈNE  XII,  a^j 

Bft<D*0190K« 

Croyez -YOu$  que  je  ne  ren-enfande  pu,  {e 
procès?' 

Non ,  muniienr*  {4  Bai^hoh.)  Où  fommes-nous! 
(Ji  Brid'oUon,)  Quoi  !  c  est  yons  qui  nous  jugerez? 

Bnin'iOlSQir.         ^ 
^stHse  que  j'ai  iMioheté  ma  chatge  pour  âutra 
chose? 

UAn.C'^LtVKf  en  soupirant 

C'est  un  gran4  abus  que  de  les  yen'dre! 

B)IID*OISON. 

Oui ,  Fon-^n  feroit  mieux  de  nous  les  donner 
pour  rien.  Contre  qui  plai-aidez-yousZ 

SCÈNE  XIII. 

BARTHOLO,  MARCELINE,  BRID'OISON,' 
FIGARO  rentre  efi  se  frottant  les  mains, 

MARCCitiifK,'  montrant  Figaro, 
MoNsiEp&  y  contre  ce  malhonnête  homme. 

F I G  A  a  o ,  très  gatmenl ,  à  MarceUne^ 
Je  TOtts  gène  peut4tre.^-*<*Monseigneur  revient 
dans  l'instant ,  monsieur  le  conseiller.. 

Biun'oison. 
J'ai  vu  te  ^a-arçoinlà  quelque  part« 

FioAaOk 
Chez  madamiB  -votM  ftmimê ,  à  Séyille  ;  pour  la 
servir,  motisieur  kmMMtiiler*. 


a48      JL£  MAAIÂGE  DE  FIGARO. 

I 
ïKity'oisoar* 

Dan-aei»  quel  temjps? 

F I  G  A  B  Ori        ' 

Un  peu  moins  d  nn  am  arant  la  naissance  de 
monsieur  votre  fils  le  cadn,  qvà  est  un  bien  joli 
enfant ,  je  m'en  rante. .  . 

Bain'oxsosr* 
Oui,  c*est  le  plus  jd-oli  de  toUSéOn  dit  que 
tu-u  fius  ici  des  tiennes? 

FiaAao. 
Monsieur  est  I>ien  bon.  Ce  n'esfe»Ui  qu'une  mi- 
sère.. 

Ba4D*0IS0S. 

tJne  promesse  de  mariage?  A-ab!  le  pauTve 
benêt! 

FIOABO. 

Monsieur..* 

B&lt>*OXS0tf« 

Aft>il  vu  mon-on  secrétaire,  ce  bon  garçon l 

FIOABO* 

N'est-ce  pas  Double-main  Us  greffier? 

bbid'oisov. 
Oui  y  c*è-est  qu'il  mange  à  deux  râteliert. 

FIOABO. 

Manger!  je  suis  garant  qu'il  dévore.  Ob!  que 
oui ,  je  l'ai  tu  pour  l'extrait  et  pour  le  supplé- 
ment d'extrait;  comme  cela  se  pratique ,  an  ^te« 

BBin'oisov^ 
,   On-on  doit  remplie  les  finmes. 


ACTE  III\  SGÈlK^â  XIÏl.  ^g 

FtoAftO; 
'Assurément ,  monsieur  :  si  le  fonds  des  prdcé»-' 
appartient  aux  plaideurs ,' on  sait  bien  que  la 
forme' ésf  le  patrimoine  des  tribunaux. 


^ 


«A'in^rsoBT:.  »  1 


Ce  garçbn-là^  n'è-est  pas  si'  niais  ({ue  )è  Tarois 
erU  d'abord.  Eh'  bien  !  Tami ,  puisque  tu  en'  sali' 
tant,  notf-ous  aurons  soin  dè^oUaifaire* 

Monsieur^  je  m-en  rapporte  à  votre  équité, 
quoique''rous  sojez  de  notre  justice. 

BRID*0IS0V.. 

Hein  ?..  Oui ,  je3Uis  de  là-a  j^stide  :  mais,  si 'tu 
dois,  et  que  tu  ne  paies  pas?. .. 

FXOARd.. 

AToTS  monsieur  voit  bien  qUe  c'est  comme  si  j« 
ne  devois  pas; 

beidoison: 

«  » 

San-ans  doute;  -—  Eh  mais!  qu est-ce*  donc 
qu'il  dit?** 

SCÈNE  XIV. 

dABTHOLO,  MARGELmE,   LE  C03MTE  , 
BRID'OISON,  FIGARO,  UN  HUISSIER. 

l'huissier,  précédant  U  comté.', 4:rU s- 
tf  o  miz  X  ousu-a ,  messieurs. 

£B  comte. 
En   roSe*  ici, ^seigneur  firid'oisoa^  ce  n'est 


aBo      LE  MARIAGE  D£  FIGARO. 

qu'une  afiaire  4omestique^  L'habit  de  yille  étoit 
trop  bon* 

B|lID*01S0Ji. 

G*è-est  TOQf  qui  l'étps  »  monsieur  le  coHoite. 
Mais  je -ne  Tais  jamais  ^^n-ans  elle;  parce  que  la 
Ibnne ,  yojes-vçws  \  la  forme  i  Tel  ri'^  d  un,  juge  en 
habit  court,  qui-i  tremble  au  seul  aspect  dup 
procureur  en  robe.  La  forme ,  la->a  forme  ! 
LE  COUTE,  à  fhu'usUr. 
Faites  entrer  Taudiençe. 

l'huissisk  va  ouvrir  en  glapissant. 
L'audience. 

SCÈNE  XY. 

BARTHOLO,  MARCELINE,  LE  COMTE, 
BRID'OISON,    D0U3LE-MAm,   FIGARO, 

UN  HUISSIER,  ANTONIO,  les  valets  du 

CHATEAU  ,  LES  PATSA.BrS  ET  PATSAHHES  61^  hoSitS  de 

pu. 

(I^  comte  «'assied  sur  le  grand  Êiate^il;  Brid'oison  sur 
une  chaise  à  c6të;  le  greffier  sur  le  tabouret  deiriëre  sa 
table  i  les  juges,  les  aTQCfiti  9pi  les  buMpiettes  ;  Marce- 
line  à  côté  de  Bartholo;  Figaro  sur  l'autre  banquette; 
les  paysans  et  valets  debout  derrière.) 

BAI  n'o  I  s  o  V ,  à  Dott6ie-Main. 

povBLE-MAiir,  a^appelez  les  causes* 

inei««         no vBLB-M A f  ir /îf  lin  ^pier.' 

es  noble ,  infiniment  noble,  don  Tédfo 
.    On-On  doi^A,  kantn  de  h^sJ^tlp^,  y  m«A<es  fîe- 


AGTB  IIi;SGÈN£  XT«  ji5i 

foSi  y  otrot  montes  :  eontr«  Aionzo  Caiderom ,  }ean« 
auteur  dramatique.  Il  est  question  d'vae  conédi* 
mort -née ,  que  chacun  désaToue^  et  rejette  sur 
l'autre^ 

I.B    COICTB^ 

lis  ont  raison  tous  deux.  Hors  de  cour.  S*iU 
font  ensemble  un  autre  ouvrage  ^  pour  qu'il  mar^ 
que  un  peu  dans  le  grand  monde ,  Ordonné  que  lo 
noble  J  mettra  son  nom ,  le  poëte  son  talent. 
DOUBLS-MAIN  Ut  uh  ouîré  papier. 

André  PétrutchiOj  laboureur;  contro  lef  rece- 
veur de  la  province^  Il  s'agît  é*uk  forcement  arbir^ 
traire* 

tE   COMTE. 

L'affaire  n*est  pas  de  mon  resiott.  Je  serviTal 
«ueax  mes  vassaux,  en  les  protégeant  près  du  roi,î 
Passes. 

DOUBLE-MAiv  en  prend  un  troisiètne,  BartkolQ  t( 

Fiquro  se  lèvent, 

Barb€'A^ar-  Raab^MsuUhine^î^looie'-'MareeUn^. 
de  ^értê^AUuré,  îâi%  majeure;  {MureeUtus  se  lèfe  et 
tûitu)  contre  Figaro.,,  nom  de  baptlaiB  en  blâtM  ? 

FIOABO. 

AnonTme* 

BBin'oisl^ii^ 
A-«non jmtf  !  Què-el  patron  es^è  là? 

FSOABO. 

C'est  le  mien. 

Dov Bfts-itf  1  tv  tfcrîb 
€os€re  aBMmjmo  Fs^am,  QttiIrtéB? 


a5o      I'C  mariage  de  FIGARO. 

qtt*une  aiEure  ^omettîqiie.  L'habit  d^  yille  étoit 
trop  bon. 

B|l¥D*OXSOff. 

G*è-est  TOUS  qw  l'êtes ,  monaiear  Iç  coDate. 
Mais  je  119  vais  jjunais  ^fai*aii8  elle  ;  parce  que  la 
forme ,  yojes-yoas  \  la  fonne  i  Tel  ri'^  d  un,  joge  en 
habit  conrt,  qni-i  tremble  au  seul  aspect  dnn 
procureuv  en  robe.  La  forme ,  la-^  forme  l 
LE  COMTE ,  à  fhuUsUr, 
Faites  entrer  Taudience. 

L* HUISSIER  va  ouvrir  en  qlapUsan\. 
L'audience. 

SCÈNE  XY. 

BARTHOLO,  MARGELmE,  LE  COMTE, 
BRIDdSON,  DOUBLErMAIN,  FIGARO, 
UN  HUISSIER,  ANTONIO,  les  valets  nv 

CHATEAU  ,  LES  PATSAHS  ET  PATSAHHES  eti,  hobiU  de 

fëu. 

(li)  comte  s'assied  s^r  le  grand  faiitenil;  Brid'oison  sur 
une  chaise  à  côté;  le  grefllier  sur  le  tabouret  deirièie  sa 
table  i  les  juges,  les  avQc^^  for  les  banquettes  ;  Marce- 
line à  côté  de  Bartholo;  Figaro  sur  l'autre  banquette  j 
les  paysans  et  valets  debout  deiriëre.) 

BEin'oisov,  à Doubie-Main. 

pouBLE-MAiv,  a->appelez les  causes. 

meu»         D  G  u  B  L  E-M  A  r H  iU  fin  papier^ 

kê  noble ,  Infiniment  noble,  don  Fédfo 
.    On-on  àmf^o,  kwron  de  L^s^lift§,  y  inoAl^s  fit- 


ACTE  IIi;SGËN£  XT«  %5i 

nos  f  y  otrot  montes  :  contre  Monzo  Caldsrom  y  jean« 
auteur  dramatique.  Il  est  question  d'une  comédie 
mort -née  ,  que  chacttu  désaToue^  et  rejette  sur 
l'autre^ 

I.B    COMTB^ 

Ils  ont  raison  tous  deux.  Hors  de  cour.  S*ilt 
font  ensemble  un  autre  ouyrage ,  pour  qa*il  mar^ 
que  un  peu  dans  le  grand  monde ,  ordonné  <pie  le 
noble  7  mettra  son  nom ,  le  poète  son  talent, 
n  O  u  B  II  B-H  A 1 H  lit  un  autre  papier» 

André  Pétrutchio,  laboureur;  contt*  le  rece- 
veur de  la  province^  Il  s'agit  d'un  forcement  arbn 
traire. 

LE   COMTE. 

L*aAdre  n'est  pas  de  mon  reHort.  Je  seiYiml 
mieux  mes  Tàssattx,  en  les  protégeant  près  du  roi,i 
irasacVr 

DOUBLE-MAiv  en  prend  un  troisième*  Barthoh  tf 

Figaro  te  tèvent. 

Barbé'- A^ar'Raab''Mad»ieine'J9leole''Mareeiin^ 
de  Vé/^ê'Aiiure,  fille  majeure;  (MareeUae  se  iè9e et 
saàmé)  contre  Figaro..,  nom  de  baptiale  en  biiBic  ? 

FIOABO. 

AiionTme. 

BBin'eiS'f^ii^ 
A-ttaon)rBi«!  Qaè-el  patron  ei^eç  là? 

fl^ABO. 

G'eBtlemien. 

noVB&E-itfAtCi  écriU 
€on€re  ason jmo  Figaro. 


a5o      LE  KÀRIÂ6E  )D£  FIGARO. 

qu*aiie  aiiaire  domestique.-  L'habit  d^  yille  ëtoit 
trop  boa. 

B9lfD*OX80ji. 

G*è-eft  Tona  qui  l'ét^ ,  monsieur  I^  comte. 
Mais  je  nu  vais  jamais  ^fui^ns  elle  ;  parce  que  la 
forme ,  yoje^yoas  i  la  forme  i  Tel  rft  d'un,  juge  en 
habit  court,  qni-i  tremble  au  seul  aspect  d'un 
procureur  en  robe.  La  forme ,  la-a  forme  ! 
LE  couTZf  à  thu'usiet. 
faites  entrer  l'audience. 

l'huissieh  va  ouvrir  en  ^tapissant. 
L'audience. 

SCÈNE  XY. 

BARTHOLO,  MARCELINE,  LE  COMTE, 
BRIDOISON,  DOUÇLE.MAIN,  FIGARO, 
UN  HUISSIER,  ANTONIO,  les  valets  dv 

CHATEAU  ,  LES  PATSA5S  ET  PATSAHBIES  Cl^  hobitS  de 

ftu, 

(I^  comte  s'assied  sur  le  grand  Êtuteuil;  Brid'oison  sur 
mie  chaise  à  côté;  le  greffier  sur  le  tabouret  déniera  sa 
tabler  les  juges,  lés  avocats  fur  les  banquettes  ;  Marce- 
line à  côté  de  Bartholo;  Figaro  sur  l'autre  banquette  j 
les  paysans  et  valets  débout  derrière.  ) 

BEin'oisov,  à Douàie-Main. 
poiTBLE-M Aisr ,  a'-appelcfz  les  causes. 
Biei.«         no  u  B L E-M  A  f  K  m  un  papier, 

es  noble ,  infiniment  noble,  don  Fédt^ 
.    On*on  àoi^o,  ùaron  de  h^4^ipn,  y  mnkfUtê  fit- 


ACTE  III,  SCÈNE  XT«  âi5i 

ros ,  y  oiros  montes  :  contre  Ahnxo  Calderon ,  jeune 
auteur  dramatique.  Il  est  question  d'une  comédie 
mort -née ,  que  chacun  désavoue  ^  et  rejette  sur 
Tautrcw 

I.B    COMTE., 

Ils  ont  raison  tous  deux.  Hors  de  cour.  S*ilt 
font  ensemble  un  autre  ouyrage ,  pour  qu'il  mar^ 
q^ue  un  peu  dans  le  grand  monde ,  Ordonné  que  le 
noble  J  mettra  son  nom ,  le  poëte  son  talent. 
D  o  V  B  L  ■-M  A 1 H  fil  un  auire  papier, 

André  Pétratchio,  laboureur;  contre  le  rece- 
veur de  la  proyinoe.  Il  *  agit  d'un  forcement  aib£-i 
trAire. 

i.£  cOmtb. 

L'affaire  n*eftt  pas  de  mon  ressort.  Je  setrM? 
mieux  mes  rassaux,  en  let  protégeunt  près  du  r«^é 
K^Bseesr 

DOUBLE-MAIS  en  prend  un  troisième.  Barthùio  tt 

Fiy4if0  se.  lèvent, 

Bitthé^À^uf'  Raab'Madêieine*J9looie'Mareetin$> 
de  Veriê^iture,  fille  majeure  ;  (MureeUne  se  lève  ei 
sntme)  contre  Figaro.»,  nom  de  bâptlaie  en  MiBie? 

FIOAftO. 

AiionTme« 

BEin'oi^l^iiw. 
A-anonjmel  Què-el  patron  ei^ee  là? 

f  lOAftO. 

C*e«tlemien. 

DOVB&E-MASS  écriU 
Contre  aBMmjme  W^am.  Qttalvti»? 


juSo      LE  ITARIâGE  ^E  FIGARO. 

qu^une  aiEdre  domest^iie.  L'habit  d^  Tille  étoit 
trop  bon. 

G'è-est  Yoni  qui  l'êtes ,  monsiear  le  coHoite. 
Mais  je  ne  vais  jamais  qçuK-;-ans  elle;  parce  qae  la 
forme ,  yoje^yçws  ;  la  fon&e  i  Tel  riV  d'un,  juge  en 
habit  court,  qui-i  tremble  au  seul  aspect  dui| 
procureur  en  robe.  La  forme ,  la-a  £c>nne  ! 
LE  coMTZ,  à  i* huissier, 
Faites  entrer  l'audience. 

l'huibsiek  va  ouvrir  en  glapissant. 
L'audience? 

SCÈNE  XY. 

BARTHOLO,  MARGELmE,  LE  COMTE, 
BRID'OISON,  DOUÇLE-MAIN ,  FIGARO, 
UN  HUISSIER,  ANTONIO,  les  valets  dv 
CHATEAU ,  LES  patsabts  ET  PATSAVHES  en,  habits  de 

(I4)  comte  s'assied  8|ir  le  grand  Ê»|tei;il;  Brid'oison  sur 
une  chaise  à  côté;  le  grefiier  sur  le  tabouret  derrière  sa 
table;,  les  juges,  les  avoqi^  §nr  les  banquettes  ;  Marce- 
line à  côté  de  Bartholo;  Figaro  sur  Tautie  banquette  ; 
les  paysans  et  valets  debout  denière.) 

BRI  n'o  I  s  o  ir ,  à  Doubie-Main, 
»0TrB£E-MAiir,  a-appelez  les  causes. 
.      "^    no UBLE-MArv /if  un /mpier.^ 
/    Noble ,  fi«i^oble ,  infinîment  noble ,  don  Pédfo 
George,  Hidaï^  àarvn  ée  LqsMlpn,  y  ffWlUef  fe- 


ACTE  III^SGÊNE  XT.  %Si 

rot  f  y  otrot  montes  :  contre  Monxo  Caideron ,  jenne 
auteur  dramatique.  Il  est  question  d'«ne  comédie 
mort -née ,  que  chacun  désaToue^  et  rejette  sur 
l'autre^ 

LE    COMTE., 

Ils  ont  raison  tous  deuE.  Hors  de  cour.  S*ils 
lont  ensemble  un  autre  ouvrage ,  pour  qull  mar- 
que un  peu  dans  le  grand  monde ,  Ordonné  que  le 
noble  j  mettra  son  nom ,  le  poëte  son  talent. 
D  o  u  B  L  s-K  A 1 H  /if  un  auire  j^apier* 

André  PéîrutchiOf  laboureur;  contt*  le  rece- 
veur de  la  provincCé  II  ft'agif  d'un  forcement  arbi^ 
traire* 

LE   COMTE. 

L'aiaire  n*eit  pas  de  mon  resiort.  Je  seiYlml 
mieux  mes  ràssauz,  en  les  protégeant  prêt  dn  toi^ 
Passez. 

DOUBLE-MAiv  en  prend  Un  troUiè/ne,  Barthùh  H 

Figaro  te  Uvent. 

Barbe  -  A^ar  -  Raab'Màdêhine^Nloole  -  7âareeUn§. 
de  Vériê^AUure,  fille  majeure  ;  (MureeUae  te  iè9e  ei 
gmiae)  contre  Figaro,  é.  nom  de  baptême  en  blftnc? 

FIOAEO. 

Anonjme. 

BEin'ois^ii^ 
A-anon  jmtf  !  Què-el  patron  es^ct  là? 

flOAEO. 

G'eatlemien. 

nov BSE-Mâ  19  Arril< 
€oB€re  aatonjmo  Figaf<o.  Qtt»lité»-7 


%i%     LE  MARIAGE.  D£  FI£AAO« 

FiaA&o.. 
IjÈentièliomme. 

Vous  êtes  ^entUhoiiiQie? 

{Le  greffier  écrit .  ) 

FIOARO. 

Sti«xi«l  l'eût  voulu ,  je  seroîs  (ils  d*un  -^xïosie* 
t£  coût z y  au  gtefper m 

AU»; 

i.'H,m894&li)  glapisganl* 
Silenae ,  mesMeurSj 

....  Pour  cause  d opposition  faite  au  mariaga 
dttdit  Figarù,  par  Jadite  de  VjerU-AUare.  Le  doc^- 
teujr  Baràtoio  plaidant  pour  la  demand^c^se ,  et 
ledif  Figv^  pour  lui-|nèine  ;  si  }a  cour  Ifi  permet, 
contre  le  vœu  de  l'usage,  et  la  juriaprudeiMie  dn 
,iiè(|e,. 

^  L'usage ,  mattve  I3iDuble<»Main ,  est  souvent  un 
abus;  le  client  un  peu  instruit  sait  toujours  mieux 
sa  cause,  que  certains  avocats  qui ,  suant  ^  fropd» 
criant  à  tue  tête,  et  connoÎHant  tout,  hors  le  hit, 
s'embarrassent  aussi  peu  de  ruiner  le  plaideur,  que 
d  ennujer  l'auditoire ,  çt  d'endormir  messieurs  ; 
phu  bour$OuiBés  après;  que  s'ils  eussent  composé 
Vcratio  pro  JâHrena;  moi  JQ  dirai  le  fait  en  peu  de 
mots.  Messieurs..» 

00U9Lp-MAlir, 

£n  voilà  btaQffoop  d*intttile»|  otr  tou»  a'étts 


ACTE  -III,  SCENE  XV.  a53 

pas  ctemftndeur,  et  n'ayez  que  la  défense  :  arancex» 
docteur,  et  lûez  la  promesse.^ 

FIOAROo 

Oui ,  promesse  I 

•BARTHOLO,  mettant  ses  lunettes^ 
Elle  est  précise.' 

Ba:iD*OI>SON/ 

I-il  faut  la  voir.. 

DO.nBLË'MAlsr» 
Silence  donc,  messieurs. 

l'huissier,  glapissant*       « 
Silence.  '  >  ; 

BAftTHOLp  IUm 

a  Je  soussigné  reconnois  avoir  reçu  de  damoi" 
«  selle,  etc....  Marceline  de  Verte-Allure ,  dans  le 
«  château  d'Aguas-Frescasi ,  la  somme  de  deux  mille 
«  piastres  fortes  cordonnées  ;"  laquelle  somme  je 
«  lui  rendrai  à  sa  réquisition  ,  dans  ce  château  j  et 
K  je  réppùserai  par  forme  de  reconnoissance ,  etc. 
«  Signé,  Figaro^  »  tout  court.  Mes  conclusion» 
sont  au  paiement  du  billet ,  et  à  l'exécution  de  U 
promesse,  avec  dépens.  (1/  plaide.)  Messieurs.... 
jamais  cause  plus  intéressante  ne  iiit  soumise  au 
jugement  de  la  cour;  et  depuis  Alexandre  le 
grand-,  qui  promit  mariage  à  la  belle  Thalestri}»... 
LE  COMTE,  interrompant. 

Avant  d'aller  plus  loiû,  avocat,  convienl-On  de 

la  validité  du  titre? 

brïd'oisou i  nFigfrfro. 
Qu'oppo...  qu'oppô-osez-?vous  à  cette  lecture? 

Thcati-Q.  Comédies.  ï^^  I  ^21 


t54      LB  MARIAGE  D£  FIGARO. 

FXGABO. 

Qu'il  j  a,  messieurs,  malice,  erreur,  oa  dit* 
tractioa  dans  la  manière  dont  on  a  lu  la  pièce  \  car 
U  n'est  pas  dit  dans  iiécrit  :  «  laquelle  somme  je 
(c  lui  rendrai  ET  je  1  épouserai  ;  »  mais,^«  laquelle 
tt  somme  je  lui  rendrai ,  OU  je  Tépouserai  ;  »  ce 
qui  est  bien  différent. 

LE   COMTE*'    . 

Y  a-t-il  ET  dans  Tacte^ou  bien  OU? 

BAATHOX'O. 


Il  y  a  ET« 
Il  y  a  OU. 


FIGARO 


BBID   OISOR. 

Dou-ouUe-main  ^  lisez  vous-même* 

DOUBLE-MAIN,  prenant  iejpapier, 

-Et  c  est  le  plus  sûr  ;  car  souvent  les  parties  dé- 
guisent en  lisant.  (2/  /il.)  £  e  e  damoiseiiey  e  ee  de 
yerte^atiure,  e  e  e..  Ab!  laquetle  somme  je  lui  rendrai 
à  sa  réquisition,  dans  ce  château.»,  KT...  OU...  ET... 
OU,  .  Le  mot  est  si  mal  écrit...  il  y  a  un  pâté. 

BBIO'OXSOV. 

Un  pà-^âté?  Je  sais  cq  que  c  est. 

B  AB T  H  o  L o  ^  p/ai</ant 
Je  soutiens,  moi,  qu9  c'est,  la  conjonction  co- 
pnlative  ET ,  qui  lit  les  membres  corrélatifs  de  la 
phrase;  je  paierai  la  demoiselle,  ET  je  l'épouserai. 

FIGARO,  plaidante 
Jersoutiens,  moi,  que  c  est  la  conjonction  alter- 
^ftliye.OU,  qui  sépare  lesdirs  membres  \  je  paierai 


ACTE  III,  SCENE  XV.  .  !i55 

la  donzelle,  OU  je  I  épouserai  :  à  pédant,  pédant 
et  demi;  qu'il  s'avise  de  parler  latin^  ]j  suis  grecj 
je  l'extermine. 

LE    COMTE. 

Comment  juger  pareille  question? 

BARTHOLO. 

Pour  la  trancher,  mesSieuirs,  et  ne  pkiseliica- 
uer  sur  un  mot,  nous  passons  qu'il  y  ait  OU^ 

FI&ARO. 

J'en  demande  acte.  , 

BARTHOLO. 

Et  nous  y  adhérons.  Un  si  mauyais  refuge  ne  san- 
yera  pas  le  coupable  :  examinons  le  titre  en  ce 
sens.  (1/  UL)  LaqueiU  somme  je  lui  rendrai  dans  eu 
château  oii  je  l'épouserai;  c'est  ainsi  qu'on  diroit, 
messieurs  :  Vous  vous  ferez  saigner  dans  ce  lit,  où 
vous  resterez  chaudement,  c'est  dans  lequel.  Il  pren- 
dra deux  gros  de  rhubarbe  ,  où  vous  mêlerez  un  peu 
de  tamarin  :  dans  lequel  on  mêlera.  Ainsi  château 
ou  je  V épouserai,  messieurs,  c*est  château  dans  le- 
€fuet...* 

FIGARO. 

Point  du  tout  :  là  phrase  est  dans  le  sens  de 
celle-ci  :  ou  la  maladie  vous  tuera,  ou  ce  sera  le  mé- 
decin, ou  bien  le  médecin;  c  est  incontestable.  Au- 
tre exemple  :  ou  vous  n'écrirez  rien  (jui  plaise,  ou 
les  sots  vous  dénigreront,  ou  bien  les  sots;  le  sens  e&t 
clair  ;  car ,  audit  cas ,  sots  ou  méchants  sont  le  sub- 
•tantif  qui  , gouverne.  Maître   Bartholo  croit -il 


a58      LE  MARIAGE  DE  BIGARO. 

à  défaut  de  paiement  ;  les  deux  ensemble  impU^ 
queroient. 

Silence,  i&essïeut^.        * 

'  t' H  iri  S  S 1 E  R ,  glapissant 
Silence.. 

tE   COKTE. 

Que  nous  répond  le  défendeur?  qu*il  veut  gar- 
der sa  personne;  à  lui  permis. 

Fi6ÀnO,  ai/jsc  joie,  ^ 

J'ai  gagné. 

'  £e  CÎOMtE. 

Mais  comnle  le  telte  dit  :  Laquelle  somme  /e 
paierai  à  la  première  réquisition,  ou  bœn' j'iêpbtueraiy 
etc.>  la  cour  condamné  le  défendeur  à  payer  deux 
mille  piastres  fortes  à  la  demanderesse ,  ou  bien  à 
répouser  dans  le  jour.  (1/  se  lève.) 

FIGARO,  slapéfaH^ 
J'ai  perdu.  • 

'    AVT.o VIO,  avec  joiem 
Superbe  artêt..     ""    i    '  '       **' 

"''"'^'-    '•  '-'"  FIGARO.. 

En  quoi,' superbe? 

En  ce  que  tu  ft^ék  plui  mon  neréa.   Grand 
merci ;*iû<i>'n^eigneur.  ;  :     i    :.   >     i 

"  '  '*       '      -  l'a  V I  S's  r e r  ,  glapissant,, 

Passe:£,  messieurs.  {Le  pé(tpte?iàrî.) 

■    '■   ;■"'■  "  ■Av.'iùtfioi'-  '^ 

Je  m*eir  vas  .tout  conter' à'  làn  nièce. 

^i^^^iifllsort.) 


ACTE  III,SCÈNE  XVI.  aSg 

SCÈNE  XVI. 

LE  COMTE,  allant  de  côté  et  d'autre;  MARGE- 
X-INE,  BARTHOLO,  FIGARO,  BRID'OISON. 

MAnCELXVE,  s'asseyantfi 
Ah!  jeredpire. 

FX&A&O. 

Et  moi,  )  étouffe^  .  - 

.I.E  COMTE,  (k  part» 
Au  moins  je  suis  yengé,  oela  soulage. 

FiGAno,  à  part. 
Et  ce  Bazile,  qui  devoil  8*opposer  an  mariage 
de  M&rceUne,  vojez  comme  il  revient!  (Au  eomte, 
i/uiêon.)  Monseigneur,  tous  nous  quittes?  * 

LE   COMTE.        . 

Tout  est  jugé. 

F I G  A.n  o  ^  à  Brid'oUon,^ 
C'est  ce  gros  enflé  de  conseiller...* 

buid'oisoh 
Moi,  gro-os  enflé! 

-    -     FIOARO. 

Sans  doutCM  Et  je  ne  Tépouserai  pas  :  je  suis 
gentilhomme I  une  fois.  (Le  comte s'aeréte.  )• 

^autholo. 
Vous  1  épouserez. 

FIOAR'O.. 

Sans  l'areu  de  mes  nobles  parents'* 

BAATHOLO. 

fNommez-les,*  mbhtréz-les. 


a6o      LE  MAEIAGE  DE  FIGARO. 

FIGARO. 

Qa*on  me  donne  un  peu  de  temps  ;  je  suis  bien 
près  de  les  reyoir  ;  ii  y  a  quinze  ans  cju'e  je  les 
cherche. 

bautholo.. 

Le  fiât!  c'est  quelqu'enfant  trouvée  . 

.  FIGARO. 

Eafant  perdu ,  docteur  ;  ou  plutôt  enfant  volé. 

I.B  COMTE,  revenant 
Voté,  perdu;  la  preuve?  11  crieroit  qa  on  lui  &it 
injure.: 

FIGARO. 

Monseigneur,  quand -les  langes  à  dentelles^  ta- 
pis brodés  et  joyaux  d'or  trouvés  sur  moi  par  |es 
brigands  n'indiqueroient  pas  ma  haute  naissance; 
la  précaution  qu'on  avoit  prise  de  me  faire  des 
marques  distinctives ,  téraoigneroit  assez  combien 
j'étois  un  6I9  précieux  :  et  cet  hiéroglyphe  à  mon 
bras...  (  1/  veut  se  dépouUier  le  bras  droit  ) 
MABCELiiTE,  se  levant  vivementm 

Une  spatule  &  ton  bras  droit? 

FIOARO.. 

D*ou  savez-vons  que  je  dois  l'avoir? 

M  A  R  CE  L I  V  E. 

Dieu!  c'est  Ini! 

riGABO. 

Oui,  c'est  moi. 

B  AaT  H  o  so ,  i  M^cetifUm 
£tqul?luL 


ACTE  III,  SCÈNE  XVI.  a6i 

ICARCELIHE,  vlvemenL 
C'est  EmmanueU 

BABTHOLO,  à  Figaro, 
Tu  fds  enleyé  par  des  Bohémiens? 

FIGARO,  exalté* 
Tout  prés  d'un  château.  Bon  docteur,  si  tous 
me  rendez  à  ma  noble- famille ,  mettez  un  prix  à  ce 
tervice  ;  des  monceaux  d'or  n'arrêteront  pas  mes 
lllastres  parents. 

BAHTHOiiO,  montrant Marceiine* 
Voilà  ta  mère. 

FXGABO. 

...Nourrice? 

BABTHOLO. 

Ta  propre  mère. 

T.%  COÏMTE. 

Sa  mère! 

FIGARO. 

Expliquez-vous- 

MARCELINE,  montrant  Barthohm 
Voilà  ton  père. 

FIGARO,  désolém 
O  o  oh!  aje  de  moi. 

MARCELIIIE. 

Est-ce  que  la  nature  ne  te  la  pas^dit  mille  fois? 

FIGARO. 

Jamais» 

I.E  COMTE,  à  part. 
Sa  mère! 


fl63       LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

BItlo'oiSÔV. 

C'est  clair,  i-il  ne  1  épousera  pas. 

^  bautholo. 
Mi  moi  non  plus. 

MAaCELIlfE. 

Ni  vous!  et  votre  fils?  Voiis'in*ayiex  juré..., 

BARTHO<LO. 

J'étois  fou.  Si  pareils  souyenirs  engageoient,on 
seroit  tenu  d'épouser  tout  le  monde. 

BKIO'OISOV. 

£-et  si  Von  j  regardoit  de  si  près ,  per-eraonne 
n'épouseroit  personne. 

BABTHOLO. 

Des  fautes  si  connues  lune  jeunesse  déplorable  ( 
MAncEiiBE,  s^échauffant  par  degrés. 

Oui,  déplorable,  et  plus  quon  ne  croit.  Je 
n'entends  pas  nier  mes  fautes,  ce  jour  les  a  trop 
bien  prouvées  :  mais  qu'il  est  .dur  de  les  expier 
Après  trente  ans  d'une  vie  modeste!  J'étois  néc^ 
moi ,  pour  être  sage ,  et  je  le  suis  devenue  sitôt 
qu'on  m'a  permis  d'user  de^ma  raison  :  mais,  dans 
l'âge  des  illusions ,  de  l'inexpérience  et  des  be« 
soins,  où  les  séducteurs  nous  assiègent,  pendant 
que  la  misère  nous  poignarde ,  que  peut  opposer 
une  enfant  à  tant  d'ennemis  rassemblés?  Tel  nous 

I  Ce  qui  suit,  enfermé  entre  ces  deux  signes,  a  été 
retranché  par  les  Comédiens  François  aux  représentationa 
de  Paris. 


ACTE  ni,  SCÈNE  XVI.  ^63 

juge  ici  séyèrement ,  qui ,  peut-être ,  en  sa  vie  a 
perdu  dix  infortunées. 

rioAiio.- 

Les  plus  coupables  sont  les  moins  généreux, 
e*est  la  régie. 

MARCELINE,  vivement» 

Hommes  plus  qu'ingrats,  qui  flétrissez  par  le 
mépris  les  jouets  de  vos  passions ,  vos  victimes , 
c'est  vous  qu'il  faut  punir  des  erreurs  de  notre 
jeunesse;  tous  et  vos  magistrats,  si  vains  du  droit 
de  nous  juger,  et  qui  nous  laissent  enlever,  par 
leur  coupable  négligence ,  tout  honnête  mojen  de 
subsister.  Est-il  un  seul  état  pour  les  malheureuses 
filles  ?  Elles  avoient  un  droit  naturel  à  toute  la  pa- 
rure des  femmes  :  on  y  laisse  fonner  mille  ouvriers 
de  l'autre  sexe. 

FiGÀaOy  en  colère. 

Ils  font  broder  ju^u'aux  soldats* 

MAACELiirE,  exaltée. 

Dans  les  rangs  même  plus  élevés  /  les  femmes 
n'obtiennent  de  vous  qu'une  considération  déri- 
soire; leurrées  de  respects  apparents,  dans  une  ser- 
vitude, réelle  ;  traitées  en  mineures  -pour  nos  biens , 
punies  en  majeures  pour  nos  fautes.  Ah  !  sous  tous 
les  aspects,  votre  conduite  avec  nous  fait  horreur; 
ou  pitié  ! 

FIOAEO. 

Elle  a  raison. 


264       L£  MâKIAGË  de  FIGARO. 

tE  COMTE,  à  part. 
Que  trop  raison  ! 

brid'oisoh.  , 

Elle  a ,  mon-oi\  dieu ,  raison. 

M  AB  CELINE. 

Mais  que  nous  font,  mon  fils,  les  refus  d'un 
homme  injuste?  Ne  regarde  pas  d'où  tu  viens, 
vois  où  tu  vas  ;  cela  seul  importe  à  chacun.  Dans 
quelques  mois  ta  fiancée  ne  dépendra  plus  que 
d elle-même;  elle  t'acceptera,  jen  réponds  :  via 
jsntre  une  épouse ,  une  mère  tendre  qui  te  chéri- 
ront à  qui  mieux  mieux.  Sois  indullgent  pour 
elles ,  heureux  pour  toi ,  mon  fils  ;  gai ,  lihre  et 
bon  pour  tout  le  monde  :  il  ne  manquera  rien  à  ta 
mère. 

FIGARO. 

Tu  parles  d'or ,  maman ,  et  je  me  tiens  à  ton 
avis.  Qu'on  est  sot  en  effet  I  II  7  a  des  mille  mille 
ans  que  le  mofide  roule,  et  dans  cet  océan  de 
durée  où  j'ai  par  hasard  attrapé  quelque  chétifs 
trente  ans  qui  ne  reviendront  plus,  j'irois  me 
iourmenter  pour  savoir  kqui  je  les  dois?  tant  pis 
pour  qui  s'en  inquiète.  Passer  ainsi  la  vie  à  cha- 
ii\ailler,  c'est  peser  sur  le  collier  sans  relâche 
comme  les  malheureux  chevaux  de  la  remonte  des 
fleuves,  qui  ne  reposent  pas,  même  quand  ils  s'ar- 
rêtent ,  et  qui  tirent  toujours ,  quoiqu'ils  cessent 
de  marcher.  Nous  attendrons,  f 

LK   COMTE. 

Sot  événement  qui  me  dérange  l 


ACTE  m,  SCÈNE  IVL  a65 

bbid'oisobt,  à  Figaro. 
Et  la  noblesse  et  le  château  ?  votis  impo-osez  2i 
lai  justice? 

FIGABO. 

Elle  allott  me  faire  Dure  une  belle  sottise,  la 
justice!  après  que  j  ai  manqué,  pour  ces  maudits 
cent  écus ,  d'assommer  vingt  fois  monsieur,  qui  se 
trouve  aujourd'hui  mon  père  !  mais ,  puisque  le 
ciel  a  sauvé  ma  vertu  de  ces  dangers ,  mon  père , 
agréez  mes  excuses....  Et  vous ,  ma  mère ,  embras- 
sez-moi... le  plus  maternellement  que  vous  pourrez. 

(Matceline  lui  saute  eut  cou.) 

SCÈNE  XVII. 

BâRTHOLO,  FIGAROt  MARCELINE,  BRID'OI- 
SON ,  SUZANNE ,  ANTONIO ,  LE  QOMTE.. 

suzAVNE,  accourant f  une  bourae  à  la  main. 
MoHSEioNEUB,  arrêtez  ;  qu'on  ne  le  marie  pas  : 
je  viens  pajrer  madame  avec  la  dot  que  ma  maî- 
tresse me  donne. 

LE  COMTE,  h  part.. 
Au  diable  la  maltresse!  Il  setnble  que  tout  cons« 
pire.». 

(//jor(.) 


Théâtre.;  Com^diei.   l4«         '  a3 


,66      LE  MARIAGE  DE  FIGAHO. 

SCÈNE  XVIII. 

BARTHOLO,  A»TOWO,. SUZANNE   FIGARO. 
,  MARCELINE ,  BRID  OISON. 

APtON.o,  voyant  Figaro  embrasser  u.  nUre,  dU  à 

Suuinne  : 
Ah!  oui,  payer!  Tiens, tiens. 

ftUxABSEjiereJoiir/ianf. 
J'en  vois  assez  :  sortons ,  mon  oncle. 

FioABO,  l arrêtant. 
Non ,  s'il  vous  plaît.  Que  yois-tu  donc? 

Ma  bêtise  et  ta  lâcheté. 

'     Pas>plu8  de  l'une  que  de  i'autrt 
suxAHHE,  en  co/érc* 

■»,  x^^A  *%inoaue  tu  la  caresses. 

Et  que  tu  l'épouses  à  gre ,  puisque 

FIGARO,  gàîment 
Je  la  caresse  ;  mais  je  ne  l'épouse  pas. 

iSazanne  veut  sortir,  Figaro  la  retienU) 
s  u  2  A  »  s  E ,  /«i  donnant  un  soufflet. 
Vous  êtes  bien  insolent  doser  me  retenir  ! 

FIGAHO,  à  la  compagnie. 
Cest-il  ça  de  l'amQur?  Avant  de  nous  quit- 
ter,  je  t'en  supplie,  envisage  bien  cette  obère 
femme-là. 

Je  la  regarde. 


ACTE  III ,  SCÈKE  :?:VIIL        267 
Et  ta  la  trouves? 

8VXAHNE. 

Affreuse. 

FiaAHO. 

Et  vive  la  jalousie!  elle  ne  vous  marchande 
paa« 

HAiicEtiHE,/ei  bras  ouverts. 
Embrasse  ta  mère ,  ma  jolie  Suzanne.  Le  mé-^ 
chant  qui  te  tourmente  est  mon  fils. 
'  suzAiiVE,  eouraai  h  elie. 
Vous  sa  mère  ! 

(Elles  resteat  dans  les  bras  l'une  de  foutre^) 
AHTonio. 
C'est  donc  de  tout  à  l'heure? 

FtOARO.      ' 

•  ••  Que  je  lésais. 

,  màac'eliue,  exaltée. 
Non ,  mon  cœur  entraîné  vers  lui  ne  se  trom- 
poit  que  de  motif;  c'étoit  le  sang  qui  me  parloit., 

Fi&Aao. 
Et  moi ,  le  bon  sens ,  ma  mère ,  qui  me  servoit 
«l'instinct  quand  je  tous  refîisois,  car  j  etois  foin 
de  vous  hait  ;  témoin  l'argent. . . 

M  A  n  G  £  L I  n  E ,  lui  remettant  un  papier^ 
Il  est  à  toi  :  reprends  ton  billet ,  c'est  ta  dot« 

SUZANNE,  lui  jetant  la  bourse^ 
Prends  encore  celle-ci. 

FIOAEO.. 

Grand  merci., 


s6a      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 
MA&CELiBE,  exaltée^ 

Fille  assez  malheureuse»  î  allois  deveuir  la  plu» 
misérable  des  femmes ,  et  je  suis  la  plus  fortunée 
des  mères.  Embrassez-moi,  mes  deux  enfants; 
î'unia  dans  tous  toutes  mes  tendresses..  Heureuse 
autant  que  je  puis  Tétre,  ah!  mes  enfants,  com- 
bien je  yais  aimer  ! 

r  1  a  A  B  o  y  attendri  j  avec  vivacités 

Aii'éte  donc,  chère  mère,  arrête  donc!  TOu« 
drois-tu  Toir  se  fondre  en  eau  mes  jeux  nojés  des 
premières  larmes  que  je  connoisse  ?  elles  sont  de 
joie,  au  moins.  Mais  quelle  stupidité!  j'ai  manqué 
d  en  être  honteux  :  je  les  sentois  couler  entre  mes 
doigts ,  regarde  ;  (i/  montre  s£s  doigts  écartés)  et  je 
les  vetenois  bêtement  !  ya  te  promener ,  la  honte  ! 
je  veux  rire  et  pleurer  en  même  temps  ;  on  ne  sent 
pas  deux  fois  ce  que  j  eprouye.  (1/  embrasse  sa  mère 
i^un  c6téj  Suzanne  de  i^ attire,)  > 

KABCSLIVE. 

O  mon  ami  t 

swAiisr» 
Mon  cher  ami  1 

BRiD'oisoBr,  s'essuyant  les  yeux  d'un  moncAoirw 
Eh  bien  !  moi,  je  suis  donc  bê-ête  aussi? 

FIGARO,  exalté. 
Chagrin ,  c  est  maintenant  que  je  puis  te  défier  : 

'  Bartholo,  Antonio,  Suzanne,  Figaro ,  MarGcUne, 
Brîd'oison 


ACTE  III,  SCÈNE  XVIII.         269 

atteins -moi,  situ  l'oses,  entre  ces  deux  femmes 
chéries. 

A  v  ï  o  V  X  o ,  à  Figaro» 

Pas  tant  de  cajoleries,  s*il  vous  plaît.  En  fait  de 
mariage  dans  les  faimilles ,  celni  des  parents  ya  de- 
Tant,  sayez.  Les  y^tres  se  baillent-ils  la  main? 

BAHTHOLO.. 

•JUa  main  !  paisse-t-elle  se  dessécher  et  tomber, 
si  jamais  je  la  donne  à  la  mère  d'un  tel  drôle  ! 
AVTOVio,  àBarihûio» 

Vous  n'êtes  donc  iquNin  père  mar&tre?  (itf  Fi* 
garo*)En  ce  cas ,  nôt'  galant,  plus  dé  parole^ 

.    Ah!  mon  oncle,.. 

AHTOVIO. 

Irai-J6  donner  l'enfant  de  not'  sœnr  a  sti  qui 
■"est  l'enfant  de  personne? 

Baio'ois.on. 
Est-ce  que  cela-a  se  peut,  imbécile  ?  on-on  est 
toujours  l'enfinnt  de  quelqu'un., 

ABTTOVIO. 

Tarare! . .  il  ne  l'aura  jamais. 

(  Il  9orî.  ) 


I 

a3. 


ayo      LE  MARIAGE  DE  FIGARO, 

SCÈNE   XIX. 

BARTHOLO,  SUZANiNE,  FIGARO,  MAR< 
CELINE,  BRib'OISON. 

baiitr6l(^,  a  Figaro. 
Et  cherche  à  présent' qui  t  adopte. 

(  Il  veut  sortir?) 
MARCELisK,  couratit  prenUre  Bartkoio  à  beat  It 

corps  y  le  ramène^  ^ 

^    Arrêtez;  docteur,  ne  sortez.pas, 

FiGAno,  à  part. 
Non ,  toug  les  sots  d'Andalousie  sont ,  je  crois, 
déchainés'contre  mon  pauvre  mariage  ! 
SUZANNE,  à  BarMo/o   » 
Bon  petit  papa ,  c'est  votre  IGIs. 

MARCEL  1  H  E  /  à  BoTtholo. 

De  lesprît ,  Aés  tàlcn'tà ,  «îe^a %urè. 

FiGABo,^'^  ïïartfhôib. 
Et  qui  ne  vous  a  J>as  coôfté  une  obole. 
^"'  '•    '  BknrwQLoJ 

Et  les  cent  écu»  qu'il  m'a  pris? 

M  A  a  c  E-L I N  s  »  /e  caressant. 
Nous  aurons  tant  de  soin  de  vous,  papa! 

SUZANNE, /e  coreffanf. 
Nous  vous  aimerons  tant,  petit  papal 

BAUTHOLo,  attendrL 
Papa  î  bon  papa^I  petrt-  papa  !  voilà  que  je  suis 


»  Suzanne^ Bartholo,  Maredine,  Figaro,  Brid'oisoîî. 


ACTE  III,  SCÈNK  XiX.  ^71 

plus  béte  encore  que  monsieur,  moi  {montrfint 
Brtd'oison)i-  Je  me  laisse  aller  comme  un  enfant» 
(Marceline  et  Suzanne  VembrassenU)  Oh!  non,  je 
n'ai  pas  dit  oui.  (1/  se  retourne.)  Qu*est  donc  de- 
venu  monseigneur? 


'  FiGAno. 


'  Gonrdns  le  joindre  ;  arrachons-lui  son  dernier 
niot.  S'ili  machinoit  quelqu  autre  intrigue ,  il  fau-^ 

droit  tout  recommencer.  . 

w 

TOUS  ENSEMBLE. 

Courons,  courons. 

(Ils  entraînent  Bartholo  dehors.) 

S.CÊNE  .XX. 

BRID'OISON,  jca/. 

Flvs  bâ-éte  encore  que  monsieur?  On  peut  se 
dire  à  soi-même  ces-es  sortes  de  choses-là,  mais... 
i-iis  ne  sont  pas'  polis  du  tout  dan<ans  cet  en- 
droit-ci. 

(lisort.) 


PIS    DU    TAOXSièllE    ACTE. 


•  ^  <^>^^^i^»»l^< 


ACTE  QUATRIÈME.  . 

Le  théâtre  représente  une  galerie  ornée  de 
candélabres,  de  lustres  allumés,  de  fleurs, 
de  guirlandes,^ en  un  mot  préparée  pour 
donner  une  fête.  Sur  le  devant  à  droite  est 
une  tabjf  avec  une  écrîtoîre ,  '  un  fauteuil 
derrière. 


SCÈNE  I. 

FIGARO,  SUZANNE. 

FIGARO,  ia  tenant  à  bras  U  cûrps.' 

£iH  bien  !  amour,  es- tu  contente  ?  Elle  a  converti 
son  docteur,  cette  fine  langue  dorée  de  ma  mère. 
Malgré  sa  répugnance  >  il  l'épouse ,  et  ton  bonrm 
d'oncle  est  bridé;  il  n'j  a  que  monseigneur  qui 
rage  :  car  enfin  notre  hjmen  va  dçvenir  le  prix  da 
leur.  Ris  donc  nn  peu  de  ce  bon  résultat. 

SUZAUBTE. 

As-tu  rien  vu  de  plus  étrange  ? 

FIGARO. 

Ou  plutôt  d'aussi  gai.  Nous  ne  voulions  qu'une 
dot  arrachée  à  l'excellence  ;  en  voilà  deux  dans 
nos  mains ,  qui  ne  sortent  pas  des  siennes.  Une 
rivale  acharnée  té  poursuive! t  ;  j'étoii  tourmenté 


liE  MâRIâGE,  etc.  ACTE  IV,  SGÊISE I.  273 

par  ane  fdrie  :  tout  cela  s  es^  changé ,  pour  nous , 
dans  la  plus  bonne  des  mères..  Hier,  j.  etois  comme 
seul  au  monde.,  et  voilà  c[ue  j'ai  tous  mes  parents , 
pas  si  magnifiques ,  il  est  vrai ,  que  je  me  les  étois 
galonnés ,  mais  a^z  bien  pour  nous,  qui  n*avons 
pas  la  vanité  des  riches.  % 

9  V  z  AN  v  E« 
Aucune  des' choses  que  tu  avois  disposées  ^  que 
noa&  attendions ,  mon  ami,  n  est  pourtant  arrivée. 

Le  hasard  a  mieux  fait  que  ivous  tous,  ma  pe« 
tite  ;  ainsi  va  le  monde  :  on  travaille ,  on  projette, 
on  arrange  dun  eôté,  la  fortune  accomplit  de 
Tantre  :  et  depuis  Taffamé  conquérant  qui  vou- 
droit  avaler  la  terre  ^  jusqu'au  paisible  aveugle  qui 
se  laisse  mener-  par  son  chien ,  tous  sont  le  jouet 
de  ses  caprices;  encore  l'aveugle  au  chien  est- il 
souvent  mieux  conduit,' moins  trompé  dans  ses 
Tue^ ,.  que  Tautre  aveugle  avec  son  entourage.  —— 
Pour  cet  aimable  aveugle ,  qu'on  nomme  amour... 
(Il  la  reprend  tendrement  à  krin  h  corps,) 

SUZANNE. 

Ah!  c'est  le  seul  qui  m'intéresse. 

FIAARO.. 

Peirmets  donc  que,  prenant  lemploi  àe  la  folie  ^ 
je  sois  le  bon  chien  qui  le  mène  à  ta  jolie  migaone 
porte  'y  et  nous  voilà  logés  pour  la  vie. 

SUZANNE,  riantn^ 

L'amour  et  toi  ? 


a74      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

FIGARO.. 

Moi  et  Tamour. 


8  u  z  A  v  or  E.. 


Et  vous  nç  chercherez  pas  d'antre  gîte  ? 

FIGAnO. 

Si  tu  m  j  prends ,  |e  veux  hien  que  mille  mil- 
lions de  galants.  • .      . 

'SUZANNE. 

Tu  vas  exagérer  :  dis  ta  bonne  vérité.. 

"FIGARO. 

M^  vérité  la  plus  vraie. 

SUZANNE. 

Fi  donc  ,i  vilain ,  en  a-t-on  plusieurs?  • 

FIGAR0'> 

.a 

Oh  que  oui!  Depuis  qu'on  a  remarqué  qu'avec 
le  temps  vieilles  folies  deviennent  sagesse,  et 
qu  anciens  petits  mensonges ,  assez  mal  plantés ,  ont 
produit  de  grosses,  grosses  vérités ,  on  en  a  de  mille 
espèces;  et  celles  qu'on  sait,  sans  oser  les  divul- 
guer, car  toute  vérité  n'est  pas  bqinne  à  dire;  et 
celles  qu'on  vante  sans  y  ajouter  foi,  car  toute  vé- 
rité n*est  pas  bonne  à  croire  ;  et  les  serments  pas- 
sionnés ,  les  menaces  des  mères ,  les  protestation? 
des  buveurs ,  les  promesses  des  gens  en  place ,  le 
dernier  mot  de  nos  marchands  :  cela  ne  finit  pas. 
Il  n'j  a  que  mon  amour  pour  Suzon  qui  soit  une 
vérité  de  bon  aloi. 

*  SUZANNE. 

J'aime  ta  joie  parce  qu'elle  est  folle;  elle  an. 


ACTE  IV,  SCÈNE  I.  275 

nonce  que  tu  es  heureux.  Parlons  du  rendez -vous 
(du  comte. 

FXGAaO.      , 

Ou<  plutôt  n  en  parlons  jamais;  il  a  failli  me 
coûter  Suzanne., 

SUZANHE. 

Tu  ne  veux  donc  plus  qu'il  ait  lieu? 

F  I  a  A  R  o. 
Si  vous  m'aimez,  Suzon;  votre  parole  d'hon- 
neur sur  ce  point  :  qu'il  s' j morfonde,  et  c'est  sa 
punition. 

strzAVVE. 
Il  m'en  a  plus  coûté  de  l'accorder,  que  je  n'ai 
Ûe  peine  à  le  rompre  :  il  n'en  sera  plus  question.. 

FIGARO. 

Ta  bonne  vérité  ?  * . 

SUZAISHE. 

Je  ne  suis  pas  comme  vous  autres  savants  ;  moi, 
je  n'en  ai  qu'une. 

fioaho. 
Et  tu  m'aimeras  un  peu? 

SUZANNE. 

Beaucoup., 

FIGARO. 

Ce  n'est  guère. 

SUZANNE. 

Et  comment? 

FIGARO. 

En  fait  d'amour,  vois-tu ,  trop  n  est  pas  même 
assez. 
/ 


s^6      LE  MARIAGE  DE  FIGARO.. 

SUtANSE. 

Je  n'entends  pas  toutes  ces  finesses;  mais  je 
n'aimerai  que  mon  mari. 

FIGARO. 

Tiens  parole,  et  tu  feras  une  Helle  ezceptionà 
l'usage.,  (U  veut  f embrasser,) 

SCÈNE  IL 

.  FIGARO;SUZANNE,  LA  COMTESSE. 

LA  COMTESSE. 

Ah!  j'ayois  raison  de  le  dire  :  En  quelqu  endroit 
qu'ils  soient ,  croyez  qu'ils  sont  ensemble.  Allons 
donc,  Figaro,  c'est  voler  l'avenir,  le  mariage  et 
vous-même,  que  d'usurper  un  tête-à'-tête.  On  vous 
attend ,  on  s'impatiente. 

PIOARO* 

Il  est  vrai ,  madame ,  je  m'oublie.  Je  vais  leur 
montrer.mon  excuse. 

(U  veut  emmener  Suzanne.) 
LA  COMTESSE,  iu  retenant* 
Elle  vous  suit. 

SCÈNE  IIL 

SUZANNE,  LA  COMTESSE. 

LA  COMTESSE^ 

As->TU  ce  qu'il  nous  faut  pour  troquer  de  vétc^ 
ment? 


.   AGT£  ly,  SGÊNP  m.  377 

8UZABINZ. 
11  ne  faut  rien,  niacUme;  le  rç]i4e3;«TOUt  ne 
tiendra  pas« 

LA  COMTESSE. 

Ah  !  vous  changez  d'avis  ? 

suzAirirE. 
G*est  Figaro. 

&A  COMTESSE. 

Yous  me  trompez. 

SUZAMSX. 

Bonté  divine!' 

LA  COMTESSE. 

Figaro  n  est  pas  homme  à  laisser  échapper  nne 
dot. 

SUZANNE. 

Madame ,  ehl  que  crojez-yous  donc  t 

«  LA  COMTESSE. 

Qu*enfîn ,  d'accord  avec  le  comte ,  il  vous  fâche 
à  présent  de  m'avoir  confié  ses  projets.  Je  vous 
sais  par  cœur.  Laissez>moi.  (£//e  'Oeul  sortit.) 
SUZANNE,  ie \etànl  à  genoux. 

Au  nom  du  ciel ,  espoir  de  tous ,  vous  ne  savez 
pas,  madame,  le  mal  que  yous  faites  à  Suzanne! 
après  vos  hontes  continuelles  et  la  dot  que  vous 
me  donnez.... 

LA  COMTESSE,  la  relevant. 

Eh!  mais...  je  ne  sais  ce  que  je  dis!  en  me  ce- 
dant  tal  place  au  jardin, tu  n'j vas  pas,  mon  cœur; 
tu  tiens  parole  à  ton  mari,  tu  m'aides  à  ramener  le 
mien. 

Théâtre»  Comédie».  l4»  94 


278      L£  MARIAGE  DE  FIGARO. 


SUZAVNE. 


Comme  vous  m'ayez  afHigée! 

LA   COMTESSE. 

G  est  que  je  ne  suis  qu'une  étourdie.-  (  Elle  la 
baise  au  front.)  Ou  est  ton  rendez-yous? 
suzANNSy/tti  baisant  la  main. 
Le  mot  de  jardin  m*a  seul  frappé. 

LA  COMTESSE,  montrant  la  table.. 
Prends  cette  plume,  et  fixons  un  endroit. 

SUZANSE. 

Lui  écrire!. 

.  LA  COMTESSE.. 

Il  le  faut. 

SUZANNE. 

Madame ,  au  moins ,  c'est  vous. . .   \ 

LA  COMTESSE. 

Je  mets  tout  sur  mon  compte.  {Suzanne  s'assied, 
{a  comtesse  dicte.)  «  Chanson  nouvelle,  sur  Tair.... 
K  Qu'il  fera  beau, ce  soir,  sous  les  ^ands  marro- 
c(  niers.....  Qu'il  fera  beau  ce  soir....  » 
SUZANNE,  écrivant. 

Sous  les  grands  marroniers. . .  après  ?  ! 

LA   COMTESSE. 

Crains-tu  qu'il  ne  t'entende  pas? 
SUZANNE,  relisant. 
C'est  juste.  {Elle  plie  le  billet.)  Avec  quoi  ca- 
cheter? 

LA    COMTESSE. 

Une  épingle ,  dépêche  :  elle  servira  de  réponse* 
£cris  sur  le  revers  :  Renvoyez^moi  le  cacheU 


ACTE  IV,  SCÈNE  111.  a^g 

suzAHVE  écrit  en  riant. 
Ah!  Iç  cachet!.,.  Celui^i,  madame ,  est  plus  gai 
^ue  celui  du  brevet. 

LA  COMTESSE,  avec  un  souvenir  douloureux, 

Ahr 

fuzAHifE,  cherchant  sur  etlc 
Je  n'ai  pas  dëpin^le,  &  présent! 

LA  COMTESSE,  détachant  sa  lévite. 
Prends  celle-ci.  (Le  ruban  du  pa^e  tombe  de  son 
sein  à  terre.)  Ah!  mon  ruban.. 

SUZANNE,  le  ramassantm 
C'est  celui  du  petit  voleur!  Vous  avez  eu  la 
cruauté.... 

LA  COMTESSE. 

Falloit-il  le  laisser  à  son  bras?  ceût  été  jolil 
Donnez  donc. 

SUZANNE. 

Madame  ne  le  portera  plus,  taché, du  sang  de 
ce  jeune  homme. 

LA  COMTESSE,  le  reprenante 

Excellent  pour  Fanchette....  Le  premier  bou« 
qnet  quelle  m'apportera..» 


I 


ifcSo      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

SCÈNE  IV.' 

UKE  jeuî:e  BERGJÈRE,  GHËHUBIN  «H 

fille;  FANCHETTE,  ei  beaucoup 'de  jeunes, 
filles.  hakUlées^  commà.  elte ,  et  tenant  des  bouquets  ; 
'     M  COMTESSE,  SUZANNE. 

FÂHCHETTE. 

Madame,  ça -sont  les  filles  du  bourgs  qui  yien- 
Beat  TOUS  pi^ésenter  des  fleurs. 

lX  comtesse,  serrant  vite  son  ruban* 

Ellbs  sont-  charmantes  :  je  me  reproche,  mes 
belles  petites ,  de  ne  pas  tqus  connoitre  toutes. 
{JULontcant  Chérubin.)  Quelle  est  cette  aimable  en- 
fant qui  a-  Fair  si  modeste  ? 

UNE  BEROiaE.. 

C'est  une  cousine  à  moi,  madame,  qui  n'est  ici. 
que  pour  la  noce., 

LA   COMTESSE. 

Elle  est  jolie.  Ne  pouvant  porter  ving^  Ijou- 
qttets,  faisons  honneur  à  l'étrangère.  (  £//e  prend  le 
bouquet  de  Chérubin  et  le  baise  au  front*  )  Elle  en 
rougit.  {A  Suzanne.)  Ke  trouves-tu  pas,  Suzon.... 
qu  elle  cessemble  à  quelqu'un  ? 

SUZANNE.. 

A  sj  méprendre,  en  vérité. 

CRÉnuBiN,  à  part,  les  mains  sur  ion  «eiir^ 

Ahl  ce  baiser4à  m'a  été  bien  loini 


ACTE  IV,  SCÈIÏE  Y.  a8i 

SCÈNE  V. 

»  _ 

\^l^%.  JEUBXS  riLUESy  CHÉRUBIN  au.  miiieu  d'elles, 

FANCHETTE ,  ANTONIO ,  '  LE  COMTE  ]  LA 

COMTESSE,  SUZANNE.. 

AlTTOVXO. 

Moi  je  vous  dis,  monseigneur,  qull  j  est;  elles 
Tont  habillé  chez  nia  fille;  toutes  ses  hardesy  sont 
encore,  et  voilà  son  chapeau  d'ordonnance  que 
j*ai  retiré  dn  paq^t.  (Il  s'avance,  et  regardant 
toutes  les  filles ,  il  reconnoU  Chérubin ,  lui  enlève  son 
bonnet  de  femme ,  ce  qui  fait  retomber  ses.  longs  che" 
veux  en  cadenette.  Il  lui  met  sur  la  tête  le  chapeau 
d' ordonnance ,' et  dit  :  )  Eh!  parguenne,  vlà  notrq 
officier.. 

L  A.  C  O  M  T  E  s  s  E ,  reeif/<|Af « 

Ah!  ciel! 

sozAirif^E. 
Ce  friponnean! 

AVT09I0. 

Quand  je  disois  là-haut  que  c'etoît  lui^**. 

LE  COMTE,  en  colère. 
Eh  bien ,  mad^e  ? 

LA  COMTESSE. 

Eh  bien ,  monsieur  !  vous  ipe  'vojes.  plus  stir» 
prisè  que  vous,  et  pour  le  moins  ausa^i  fil^hée. 

LE    COMTE. 

Oui;  mais  tantôt ,  ce  matin? 

a4- 


aSa       LE  MARJAGj:  D£  FJGÂRO. 

^         LA   COIITSSS£* 

Je  serois  coopabie  en  effet,  si  je  dissinmlou  eo- 
eore.  Il  étoit  descendu  chez  moi.  Nons  entamions 
le  badinage  que  ces  en&nts  viennent  d'acheTer; 
Tons  nons  ayex  surprises  rhabillant  tNotie  pre- 
mier mouvement  est  si  vif!  il  s  est  sanré ,  je  me 
suis  tronblée  ;  l'efitM  ^néral  a  frit  le  reste. 
LE  COMTE,  av0c  dépit,  à  Chéntbim. 

Pourc|^uoi  n'étes-Tons  pas  parti  ? 

c^cHV  B  m ,  ^Idjil  son  chapeau  énu^acmeaf. 

H.onsei^enr....  ^ 

LE   COMTE. 

Je  punirai  ta  désobéissance. 

FfA.  ■  c  H  E  T  T  E  ,  étouniimenL 

Ah!  monsei^eur^entendei-moi.  Tontes  les  foi» 
que  TOUS  venez  m'embrasser,  vous  savez  bien  qoe 
vous  dites  tqujji^prs  :  «  jSi  ^q  veux  m'aimer,  petite 
f<  Fancbette,  je  te  donnerai  œ  que  tu  voudras,  n 

LE    COMTE,   rOUqUsaHt. 

Moi,  j'ai  dit  cela? 

FAHCHETTE. 

Oui ,  monseigneur  :  au  lien  de  punir  ChérnhiD . 
idonncs4e  moi  en  mariage  -,  et  je  vous  aimerai  à  la 
folie. 

ES  COMTE,  à  part 

Etre  ensorcelé  par  ub  page  ! 

fcA  COMTZSSe. 

Eh  bieM%  montîoir!  à  votre  tour;  l'aven  de 
cette  enlànt,  anasi  n«if  *qaeie  mien,  atteste  enfin 
deox  vérités;  que  CfiSMOVJqnn MB» k jroiiloùr>  >* 


ACTE  IV,  SCÈNE  V-  .  a83 

je  vous  cause  des  inquiétudes ,  pendant  que  vous 
épuisez  tout  pour .  augmenter  et  justifier^  les 
miennes; 

ACTTOETIO. 

Vous  fltissi,  monseigneur?  Dame!  je  yons  la  re^ 
dresserai  comme  feu  sa  mère,  qui  est  morte....  Ce 
n'est  pas  pour  la  conséquence  ;  mais  c'est. que  ma- 
dame sait  inen  que  les  petites  .filles,  quatad  elles 
sont  grandes.... 

I.  K  COMTE,  déconcerté,  à  patU 

lll  y  a  UB  mauvais  génie  qui  tourne  toiit  ici 
contre  moi. 

SCÈNE  VL 

Les  JEUNEs.FiLLES,  chérubin,  ANTONIO, 
FIG^fi^p,  ^E  COMTE,  LA  CO^T^SSE 

SUZÂNI(^.." 

s 

FIGAaO. 

Mon  sEionEUR,  si  vous  retenez  nos  filles,  onne 
pourra  commencer  ni  la  fête  ni  la  danse. 

LE    COMTE. 

Vous,  danser!  vous  n'j  pensez  pas.:ApvfB  votre 
chute  de  ce  matin ,.  qui  vous  a  Joule  le  pied  droit. 

Je  souffre  encore  un. peu;  ce  n'est  rien.  (Aux 
jeunes  fiUes.  )  Allons ,  mes  .belles ,  allons* 
LE  COMTE,  le  retour  liant. 

Vous  avez  été  fort  heureux  que  ces  couches  ne 
fussent  que  du  terreau  bien  doux  ! 


a84     ILE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

FIGABO. 

Très  heureux,  sans  doute;  autrement.... 

AVTOVio,  le  retournanU 
Puis  il  t'est  pelotonné  en  tomlMiit  jusqu'en  bas. 

FIGARO. 

Un  plus  adroit,  n'est-ce  pas,;seroit  resté  en 
Tair?  {Aux  jeunes  fiiies.)  Yenez-yous ,  mesdemoi- 
selles?   . 

ANTONIO,  /«  reiournani, 

!Et  pendant  ce  temps  le  petit  page  galopoit  sur 
son  cheval  à  Séville? 

FIGARO. 

Galopoit,  ou  màrchoit  au  pas... 

L-E  COMTE,  ie retournant- 
Et  vous  aviez  son  brevet  dans  la  pocbe? 

FIGARO,  un  peu  étonné. 
Assurément,  mais  quelle «nquête ?  (Aux  jeunes 
fiUes,  )  Allons  donc ,  jeunes  filles  t 

ANTONIO,  attirant  Chérubin  par  te  bras^ 
En  voici  une  qui  prétend  que  mon  neveu  fotnr 
n'est  qu'un.menteur.- 

FiGARo,  surprit* 
Chérubin?..  i(u^  part,)  Peste  du  petit  fcti 

ANTONIO." 

y  es-tu  maintenant?* 

FIGARO,  cherchant» 

Jj  suisJ.,.,!  j'j  suis....  Eh!  qu'est-ce  .qu^ii 
ichante? 


ACTE  IV,  dÇÊNE  VI.  a85 

.    i.£  coMT^E^  sèchemenU 
H- ne  chante  pas  ;  il  dit  que  c  e^rlui  qui  a  santp       * 
sur  les  giroflées. 

FIGARO,  rêvant,  « 

Ah!  &'il  le  dit.. ..cela se  peut  :  je  ne  dispute  pa^ 
4e  ce  que  j 'ignore.. 

LE  COMTE.! 

Ain^i  vous  et  lui?.. 

FIGARO' 

Pourquoi  non?  la  rage  de  sauter  peut  gagner  : 
ypy«z  les  moutons  de  Panuige;  et  quand  vous  êtes 
en  colère ,  il  n  j  à  personne  qui  n'aime  mieux  ris- 
quer... 

LE    COMTE.. 

Comment  \  deux  à  la  fois. . .. 

FIGARO. 

On  auroit  sauté  deux  douzaines;  et  qu.*est-ce 
que  cela  'fait ,  monseigneur ,  dès  qu'il  nj  a  per- 
sonne de  blessé?  (Aux  jejines  filles, î)  Ahçà!  vou- 
lez-vous venir,,  ou- noi\? 

LE   COMTE,  outré,. 

Jouons-nous  une  comédie? 

'    {On  entend  un  préludé  de  fanfare,) 

FIGAHO. 

Voilà  le  signal  de  la  marche.  lA  y^s  postes ,  les 
belles ,  à  vos  postes.  Allons.,  Suzanne ,  donne-moi 
le  bras. 
(  9ous/ enfuient.  Chérubin  reste  seul  la  tête  baUsjéé,) 


»89      LE  AlAaiAGE  DE  FIGARO. 

SCÈNE    VIL 

CHÉKUBIîf,  LE  COMTE,  LA  COMTESSE. 

i  E  COMTE,  regardant  aller  Figaro, 
Ék  voit-on  de  plus  audacieux?  (Au  page.)  Pour 
rous,  monsieur  le  sournois,  qui  faites  le  honteux, 
allez  vous  r'habiller  bien  vite  ;  et  que  je  ue  vous 
rencontre  nulle  part  de  lâ  soirée. 

LA   COMTESSE. 

f         ■ 

Il  va  bien  s'ennuyer. 

CHÉRUBIN,  étourdimenU 

M  ennuyer?  J'emporte  à  mo-.  front  du  boubeur 
pour  plus  de  cent  années,  de  prison.  (,Il  met  son 
chapeau  et  ê'enfaiu)      ^  y 

SCÈNE  VIII. 

LE  COMTE,  L'A  COMTESSE. 

(La  comtesse  s'évente  fortement,  sans  parler.) 

LE    COMTE. 

Qu'a-t-il  au  front  de  si  heureux? 

LA  COMTESSE,  avec  embarras. 
Son. . . .  premier  chapeau  d'officier,  sans  doute  ; 
aux  enfants  tout  sert  de  hochets.  (Elle  veut  sortir,) 

le    COMTE. 

Vous  ne  restez  pas ,  comtesse? 

LA   COMTESSE. 

Vous  savez  que  je  ne  me  porte  pas  bien. 

LE    COMTE. 

Un  instant  pour  votre  protégée ,  ou  je  voui 
croirois  en  colère.. 


ACTB  IV,  SCÈNE  Vin.  287 

l'À   COMTESSE. 

Voici  les  deux  noces,  assejrons>nous  ^onc  pour 
les  recevoir. 

LE  coviTE,'  à  part. 

La  noce!  il  faut  souffrir  ce  qu'on  ne  peut  eni'* 
pêcher. 
(  Le  comte  et  la  comtesse  s'asseyent  vers  un  des  côtés 

de  la  galerie.  ) 

SCÈNE  IX. 

LE  COMTE,  LA  COMTESSE,  assUj  l'on  jçue  lei 
folies  d*  Es  pagne  d'un  mouvement  de  marché 

M  ABQRE.. 

LtB  GARDES-CHASSE,  fusU  sur  l'épàùlè. 

L'ALGCAzn..  Les  pbud'hobimss  ,  Bnis'oîsON. 

Les  patsaks  et  patsaeines  en  habits  de  fête. 

Deux  jeunes  pilles  portant  la  toque  virginale  à  pltoneé 
blanches.      r^ 

Deux  autres  ,  le  voile  blanc. 

Deux  autres  ,  les  gants  et  le  boucpiet  de  côté. 

Avtoujo  donne  la  main  à  Suzanne,  comgie  étant  celui 
qui  la  marie  à  Figaro. 

D*AUTRES  JEUNES  FILLES  portent  unc  antre  toqae ,  un 
autre  voile,  un  autre  bouquet  blanc,  semblables  aux 
premiers ,  pour  Marceline. 

Figaro  donne  la  main  à  Makceline,  comme  celui  qiû 
doit  la  remettre  au  docteur,  lequel  ferme  la  marche , 
un  gros  bouquet  au  côté.  ï^s  jeunes  filles ,  en  passant 
devant  le  comte  ,  remettent  à  ses  valets  tous  les  ajus' 
tements  destinés  a  Suzanne  et  k  Marceline. 


a88      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

Les  PÀTSAiis  et  pAtsAmiEs  s  étant  rangés  sur  deux  oo^ 
lonnes  à  chaque  côte  du  saloD^  on  danse  une  .reprise 
du  fendango  avec  des  castagùéttes  :  puis  on  joue  la 
ritournelle  du  duo,  pendant  laquelle  AaTovio  conduit 
StTZAHHE  au  coaiTE  ;  eHe  se'met  à  genoux  devaut  lui. 

(Petidant  que  le  comte  lui  pose  la  toque,  le  voile , 'et  lui 
donne  le  bouquet,  deux  )eunes  filles  chantent  te  duo 
suivant  ':  ) 

«  Jeune  ëpouse,  chantez  les  bienfaits  et  la  gloÙ!^ 

«  D'un  maître  qui  renonce  aux  droits  qu'il  eut  sur  vous. 

«  Préférant  au  plaisir  la  plus  nohie  victoire, 

a  U  vous  rend  chaste  et  pure  aux  mains  de  votre  époux.  » 

StJxAiniE  est  à  genoux,  et,  pendant  les  derniers  vers  du 
jàjOQ,  elle  tire  le  coWte  par  son  xoanteau  et  lui  montre 
le  billet  qu'elle  tient  :  puis  elle  porte  la  main  qu'jeUe  s 
du  côté  des  spectateurs,  à  sa  tête,  où  le  comte  a  Vair 
d'ajuster  sa  toque;  elle  lui  donne  le  billet. 

Le  comte  le  met  furtivement  dans  son  sein;  on  achève  de 
chanter  le  duo;  la  fiancée  se  relève,  et  lui  fait  une 
grande  révérence. 

FioABo  vient  la  recevoir  des  mains  du  comte-,  et  se 
redre  avec  elle,  à  l'autre  côté  du  salon,  près  de 
Mabcelihe. 

(On  danse  une  autre  reprise  du  fandango,  pendant  ce 
temps.) 

Le  comte  ,  pressé  de  lire  ce  qu'il  a  reçu ,  s'avance  au 
bord  du  théâtre  et  tire  le  papier  de  son  sein  ;  mais  en 
le  sortant  il  fait  le  geste  d'un  homme  qui  s'est  cmel- 
iement  piqué  le  doigt;  il  le  secoue,  le  presse,  le  suce» 
et,  regardant  le  papier  cacheté  d'une  épingle,  il  dit  : 


ACTE  IV,vSCÈNE  IX.  sd^ 

i\   COHTE4 

(Pendant  quH  parle,  ainsi  que  Figaro,  IV^rdiestre  foiuf 

jHanissiîQo.) 

Diantre  sdit  ides  femmes,  qtii  fourrent  de« 
épingles  partout!  (li  la  (etu  à  terre,  puU  U  lU  ié 
billet  et  le  haise,) 

FiQjLtiOjquia  tout  vu,  du  à  $a  %ere  et  à  Suzahne  : 

C'est  un  billet  doux,  qu'une  fillette  aura  glissé 
dans  sa  main  en  passant.  Il  étoit  cacheté  d  une 
épingie ,  qui  Ta  outrageusement  pi^ué. 

(La  danse  reprend  :  le  coote,  cpii  a  lu  le  billet,  le  re-f 
retonnife;  il  y  voit  l'invitation  de  renvoyer,  le  cadiec 
pour  réponse.  Il  cherche  à  teire,  et  retrouve  en^ 
Vifiùi^t  qu'il  attache  à  sa  manche.) 

F I G  A  a  cr ,  à  Suzattne  et  à  MarceUne. 

D'un  objet  aimé  tout  e^t  cher.  Le  voilk  qui  ra- 
masse l'épingle.  Ah  !  c'est  une  drôle  de  tête  I 

(Pendant  ixl  tem}»,  Suzanne  a  dès  signés  dUntelligeneé 
avec  la  comtesse.  La:  danse  finit,  la  ritournelle  du  duo 
recommence.) 

(Figaro  ôCHidùit  Mabceliné  im  comte,  ainsi  qu'on  a 
conduit  StJZANNE;  à  TinstAnt  où  le  comte  prend  la 
toque,  et  où  Ton  va  chanter  le  duo,  ob  est  inter^mpu 
pft^  les  cris  suivants  :  ) 

i^' HUISSIER,  criait t  à  la,porte. 

Arrêtez  donc ,  messieurs ,  vous  ne  pouvez  en- 
trer tous^^..  Ici  les  gardes,  les  gardes. 

{Le$  qar4ei  vont  vite  à  cette  por^,) 
rlicjlkre.  Cofnédica*  l4-  Sr5 


3^      tK  JIARIAG£  D£  ^IGA&O. 

LE  c&MTX,  se^UvatU*' 

MoQseigncnTy  c'est  M.  Bazîle  «ntoaré  4'Uii  ril- 
lag«  entier,  parce  qu'il  chante  en  marohaiiu 


LE    COMTE. 


Qu'il  eQtre  seui* 

LA  COMTESSE. 

OrdoV^Weic^iâibi  d^  ihè  Vetfi^K 

'  LB  CtJTitl'IS. 

'    Je  n'oubïib  pas  ybVrb  I^6tiplaisanc9« 

Bozaàne?..  Elle  veratk^kfSL.^fApArî,  à  Smanne.) 
Alkms  efaatig6r  d'faabitî.       « 

{Etksort  àvetSttïannfi.) 

MAECELIVÉ.     , 

Il  n'arrive  jamais  xpie  pournoire. 

FIGARO. 

Ah!  je  m'en  yais  vous  le  faire 'décbanteti 

SCÈNE  X. 

Tous  uïs  lACTEuns  FfiécÉDEiTTS,  excepté  ta  com- 
tesse et  Suzanne;  BAZÏLË,  tenant  sa  -^nUan; 
GRIPE-SÔLEIU 

BAZILE  entre  en  chantant  surfait  du  VVUàê^lik  di 

4a  fin. 
Cteurs  sensibles ,  cœurs  fidèles . 
Qui  blâmez  râmôur  léger , 
Cessez  vos  plaintes  cruelles , 
Est^^ceun^crime  de  changer?  : 


ACTE  IV^  SGÈKE  X.  119X 

Si  l'amour  ports  dei  âks, 
N'est-ce  pas  pour  toUigér  ? 
N'estrç^  pas  pour  volôgçr  ? 
H'est'ce  pas  pour  -voltiger?' 

F I  &A  n  o  ,  l'avançant  à  iuL 
Oui ,  c'est  pour  cela  justement  qu'il  a  des  ailes 
*  au  dos;  nôtre  ami-,  qu  entendez-TOUS  par  cette  mu- 
sique? 

BASILE,'  jHonlriNil  GHfer-SotéiL 
<2u*aprés  avoir  pcouyé  mon  obéissance  à  mon- 
seigneur, eu  amusant  monsieur,  qui  est  de  sa 
compagnie,  yt  pourrai,  à  mon  tour,' réclamar  sa 
^stice^ 

OA-IVE-'SOft^SI.. 

Batt!  monlBigttou,  il  ne  m'a  pas  amusé  du  tout  ? 
avec  leux  guenilles  d'ariettes^.;.  ' 

1.%  cows. 
EnfiO'^  que  demandez-TOus ,  Bazîie?  * 

Ge  qui  m'appartient ,  monseigneur  ^  la  Jiiaiu  de 
tlarceline.;  et  je  viens  a»*oppeser.... 
^  rxGA»e ,  s'apptùhhtmi. 

T  a-t-il  long^temp»  que  toouMeur  n*a  vu  la  fi- 
gure d'un  Ibu?  • 

«▲affala 
Housieut ,  eu  ee  moment  mèm*<- 

Puis^pse''«Mlt:yeaBa  wov»  aenresc  tk  ^ie&  de  mi- 
roir ,  étudiez-j  l'efiitf  de  ma  prédrction.  Si  vous 
laites  miueeéideineac  d'a|i;^roxtmer  madame.... 


«« 


%ff2      tE  MARIAGE  0£  FIGARO. 

9  A  R  T  B  o  KO ,  en  rionf . 
Eh  !  pourquoi  ?  Lais8e-4e  parler» 

bbid'oisov,  t'ai^an^ant ,  ejiliv detup, 
Fau-aut-il  que  deux  amis  ?...., 

-   Fxoi^ao^ 
Nous  anus  ! 

aAi;i|.B«       '^ 
Quelle  erreur  l 

ra^Ano,  vUe^ 
Parce  qu'il  fût  de  plata  airs  de  ehaptUe? 

BAsiLB,'i;ile. 
Et  lui ,  des  v«rs  cçmme  un  joun^i? 

FIGABO,  vite. 

ïJn  musicieii  à&  gm&guette  ! 

pQ  p08tjll/>ii  degttUBtte  ! 

F|GABo,j;ife» 
Cuistre  d'oratorio] 

BAïllKy  im(«^ 
Jockey  diplf^matique:!! 

.  JnsoIeQts  tons  le»  deux. 

3A&IIrB. 

Il  me  manque  isn  toute  occasion. 

.vs<^A&o. 
C'est  bieo  dit  v-St  cela  ^  pouroit» 

s  -H'AXlIIiS. 

Disant  partoaiA^qu^  je  ne  srâ.qnjiiii<«0(t 
Vous  'me  pren^  dioAC  poj^  «n  69IMK? 


ACITE  IV,  SCÈIIÏE  %.  293 

Tandis  qu'il  q  est  pas  un  chanteur  que  anoQ  ta;> 
lent  n'ait  fait  briller. 

Brailler.  .    .     . 

•  > 

BAziLKf 

^       Ille  répète.         .       i  .,- 

iriGARO. 

Et,  pourquoi  npu,  «i  cela  est  vrai?, Es-tu  un 

prince ,  pour  qu^on  te  ^agorne  ?  Souffire  la  vérité , 

,  coquin!  puisque  tu  n'a  pas  de  quoi  gratifier  un' 

menteur  :  ou  si  tu  crains  de  notre  part ,  pourquoi 

viens-tu  troubler  àos.'no^es? 

B  Az  I  LE ,  à  Marceline. 
M^vezrvoi»  p^mis,oui  ou  non,  si  dans  quatre 
ans,  vous  n'étief^^jp^s  pourvue^- de  me  donner  la 
préférence? 

MABGEM9E. 

A  quelle  condition  }'ai-je  promis  ? 

BAZILE. 

Que  si  voufi  retrouviez  un  certain  fils  pêrdfi ,  je 
l'adopterois  par  coBiplaisance. 

T0V4  ENSEMBLE. 

Il  est  trouvé. 

BAZXtE,.  '      ^i    ■ 

Qu'à  cela  ne  tienne.  ,   î  . 

TOUS   ENSEMBLE  y  montrant  Figan>»      ' 
iEt  le  voici. 

BASILE,  reculant  de  frayefir» 
J*ai  vu  le  diable. 

a5. 


o$j       LE-MAfilAGE  DE  FIOAllO^ 

B  n  I  !>' o  I  s  tr  A ,  À  Bati/^» 
'  Et*  "^ù-éus  tenoncez  à  ts.  chère  mèie« 

BAZILE. 

Qu  j  auroit-il  de  plus  iftéfiienz  que  d  être  crtt  le 
père  d'un  garnement? 

'  rtOAiio. 

D  en  être  cru  le  fils  ^u  te  moques  de  1110U 

B  ▲  z  I L  £ ,  montrant  Figaro.. 
Dès  que  monsieur'  est  ^e  quelque  chose  ici,  je 
déclare,  moi,  que  je  n  j  suis  plus  de  rfem 

{Il  sorti) 

SCÈNE  XL 

l£S  AGT)^URS  FKËCÈPENIIS;  Wiepté  BwU. 

BA]lTHOLO,«tilitf. 

ÀHÎahUhraki 

'   F I G  A  11  o ,  fautant  de  joltm 
'Donc  à  la  fin  j'autaî<ma  fetnme. 

l£  comte,  à  part* 
Moi,  ma' maîtresse.  {Il  se  téi^e») 

BRiD*oisoN,  à  Marceline»  "* 

Et  tou-out  le  monde  est  sdtrsfait»  ^     ^ 

LE  COMTE.  ^ 

Qu  on  dresse  les  deux  contrats  f'jj  si§p[ierai. 

'     %  TOUS  ENSEMBLE. 

Vi9ât!  {Ils  sortent,) 

LE  COMTE. 

J'ai  besoin  d'une  iieure  de  retraite. 

(1/  veut  sortir  açieéiês  aafrer.) 


AOTS  IV,  SCËNB  XII.  a^S 

SCÈNE  XU. 

GRIPE^OLEIL,    FIGARO,    MARCSLIITE^ 

LE  COMTE. 

oHiPE-soLEiL,  à  Figaro, 
£r  flioi ,  je  vais  aider  à  ranger  le  £ea  d'artifice 
•OQ9  les  grandsfmarronlerB ,  comme  on  la  dit. 
iiZ  COMïs  retient  «Il  eourantm 
Quel  sot  a  donné  un  tel  ordre? 

FIGARO,. 

Où  est  le  mal? 

LE  COMTE,  vivement. 
Et  la  comtesse  qui  est  incommodée,  d*où  le 
verrâ^t'^lle,  l'artifice  ?  C  e^t  sur  Ja  terratse  qa'il  le 
faut,  vis-à-yis  son  appartement. 

rioAno. 
Ta  l'entends,  Gripe-soleil  ?  la  terrassiu 

tZ   CO.MTE. 

Sous  les  grands  marroniers !  belle  idée!  (En 
een  allant ,  à  part.)  Ils  alloient  incendier  mon  ren« 
dez-YOus. 

SÇÈN^  XllL 

FIGARO,  MARCGLINE. 

FjiaAaor       ^      ^         , 
QuEA  excès  dattention  pour  sa  £smme! 

'  '      (Il  veut  sortir») 

aiA|ioni««)  VartrMaM- 
Deux  mots ,  mon  fils.  Je  veux  m*acq[iiitter  ftvee 


%g$      LB  MARIAGE  JTZ  FIGARO.  '■ 

toi  :  an  sentiziient  mal  dirigé  .m  ayoit  rendu  in- 
juste envers  ta  charmante  femme  :  je  la  supitosois 
.  d'accord  avec  le  ^omte^y^uoiquîe  j  eusse  appris  de 
Bazile  ^u elle  layoît  toujours  rebuté. 

Fl&ÀAO, 

Vous  connoissiez.  mal  votre  fils,  de  le  croire 
ébranlé  par  œs  impubiotis  féminines.  Je  pais  dé- 
fier la  pliift  rusée  de,  m'en  faire  aceroirc 

WARCELINE. 

Il  est  toujours  heureux  de  le  penser,  mon  fils^ 
la  jalousie... 

FI&ARO. 

, . .  N'est  qu  un  sot  enfant  de  l'orffueil ,  ou  c'est 
la  maladie  a  un  fou.  6h!  j'ai  là>dessus ,  ma  mère . 
une  philosophie. . . .  imperturbable  ;  et  si  Suzanne 
doit  me  trom|>er  xm^  jour,  je  le  lui  pardoBi^e  d  a- 
vance  ;  elle  aura  long- temps  travaillé...:,  (li  êe  re* 
fourbe  et  apprçoU  fançheltt,  tful  cherche  4e  calé  et 
d*autre^) 

SCÈNE  XJV. 
FiGAHo;  fanchette;  Marceline. 

riGAao« 
x!esb!.,^  ma  petite  cousine  qui  noua  écoutd. 

FANGB^TiTS» 

Oh  »  pour  ja,  poi|  ;  on  dii.qaq  c*e»t  malhoii* 
néte^ 


ACTE  rV,  SCÈIÏE  XIV,  ^97 

FIGARO. 

il  est  vrai  ;  mais ,  comme  çe)a  est  uti)e  ^  oi|  fait 
aller  souvent,  Tun  pour  l'autre, 

FANCHETTE. 

\ 

Je  r^gardois  si  quelqu'un  étoit  là, 

FIGARO. 

D^ja  dissimulée,  fripon^e!  vous  savesi^  bien 
q^'il  n'y  peut  $tre, 

FASCfl^TTE» 

Et  qui  donc? 

rioAaô, 
Chérubin. 

FAjIGHETTE. 

Ce  n'est'  pas  lui  que  je  cherche ,  car  je  sais  &rt 
bien  où  il  est  ;  c'est  ma  cousine  Suzanne,. 

fioaho. 
Et  que  Iu|  yent  ma  petite  cousine? 

FAVCHETTE. 

A  vous,  petit  coi^sin ,  je  le  dirai.  -^^  C'est....  ce 

n'est  qn  une  çpingle  que,  je  vais  lui  remettre. 

FIGARO,  vivement.  ■ 
,  Upe  epiojgle  I  une  épingle  !....  et  d^  quelle  part, 

coquine?  à  votre  ^ge  vous  faites  déjà  |in  met...... 

(li  se  reprend  et  dU  d'un  ton  do(tx,)  Vous  faites  déjà 
très  bien  tout  ce  que  vous  entreprenez,  Fanchette; 
et  ma  jolie  cousine  est  si  obligeante  .  ,\ 

,  FARCHETTE. 

AqiU  donc  en  â-t>il  de  se  fâcher?  je  m'en  vais. 

vicKno,  l'arrêtait. 
Kou ,  non ,  je  badii^e  *,  tien^ ,  ta  petite  épingle 


sg9      LE  M^ARfÀOË  0É  FÎGAÀO; 

est  celle  que  nonsefgneor  t*a  dit  de  remette  h 
Slazanne,  et  qnt  sertoit  II  cacheter  Ub  petk  papier 
qu'il  tenoit;  tu  vois  que  je  suis  attfak« 

FABTCBETTE. 

Pourquoi  donc  le  demander ,  qpaaâ  tous  ïù  sa- 
vez si-  bien  ?• 

rioAao,  ckerchanU 
C'est  qu'il  est  aesseï  gai  de  savoir  comsieQf 
monseigneur  ifj  est  pris  pour  t*en  donaer  la  com- 
mission. 

fAircHETTB,  MÙifemenU 
'  Pas  autrement  qtie  tous  le  dites  :  (cl*i«n#,  petite 
(c  Fancliette   rends  cette  épingle  à  ta  belle  cou- 
Il  sine ,  et  disant  sefdement  que  c'est  le  caobet  de» 
<(  grands  marroniers.  » 

TIGAR0<^ 

t)es  gratfds. . . . 

I  TAirCâBTTÉ: 

(t  Marroniers.  »  H' est  vrai  quH  ir  apoté  : 
«  Preûds  g^Tde  que  perkonnetic  te.Toie<  y> 

YiOARO. 

Il  faut  obéir  ;  ma  cousine  :  heureftsemeitt  per-» 
^nné  ne  Tbtis  af  TirCé  Faites  donc  joliment  TOtre 
conrmiftsion;  et  n'en  dites  pas  plus  à  Suzanne  ^  que 
inonseigt»eur  n*a  ordonné.' 

fAirGBETVE. 

Et  pourquoi  lui  en"  dirois-^e?  il  me  preirà  pOU9 
Un  en^nt^mobcotisin.    V       • 

{EHesortemautant*) 


ACVE  IV,  SCÉKJE  XV,     •     «${9 

SCÈNE  XT/ 

FIGARO,  lHARC'ELmC, 

FiaAAQ, 

£b  bien ,  ma  nière  ? 

Eli  bien  9  mon  fils? 

rioAROy  (fonune  étouffer 
four  celuifci! .  • .  il  j  a  véiellement  des'chosa» j  ^  ^ 

U  jr  a  des  choses!  héï  qp^e$uce  ^a*il  j  a? 

vi^kKOf  les  mains  sur  ta ^çitritie.   .  , 
Ce  que  je  viens  d*entendre  ,.ma  mère^  je  l'ai  1)| 
coinm<e  un  plomb» 

MAa«£i.iiiE,  rianir 
C«  coeur  plein  d'assurance  «'écpit  donc  qu'uii 
ballop  gpnâé?  une  ipingle  a  touit  &it  parti|,.  , 

^Wii^A^.Of..  furieux. 
Mais  cette  épipgb^  mapèjr^,  esf  celle  qu'il  ^ 
ramass4,e. . . 

MABCELINE,  rappelant  ce  (jiu'ii a  dit^ 
La  jalousie?  'çiiï.f  ai  là -dessus ,  ttia  mère ,  une 
philosophie...  imperturbable  ;  et  si  Suzanne  im'at- 
trape  un  jour ,'  jt  lelui  pardonne,  i ., 

f,  jiiiiiÂULO,  vivement,,  ■ 

. . . ,  Qlîl  J.ma  m W ,  on»  parle  cc^nme  ojx  sefit  :  ^ 
i0  >pl?is  jglacé  d^s  juge^f  à  p^ider  da,nî$  M.pi^oprf 
c0fa§Bii  et.  Y4^yi9*nle  e^lfi^uer  ia  loi.  ->-r  Je  nç.  m  e- 
|0«^«^}l^»41^<oU  t^mid'iwïg^.fur  ce  ieu!  — 


3oO      LE  MARIAGE  D£  FlèTARO. 

Pour  la  migiioiiiie  aux  finet  épingiet ,  elle  n^enest 
pas  ou  elle  le  croit,  ma  liièfe,  avec  ses  màrro- 
niers  :  si  mOn  mariage  est  assesbfait  pour  légitimer 
ma  colère  ;  'en  revanche ,  }i  ne  Test  pas  assez  pour 
que  )e  n'en  puisse  épouser  line  autre ,  et  Taban- 
donner.  «  » 

MAttCELXnE. 

Bien  conclu  !  abimons  tout  sur  un  soupçon^ 
Qui  t'a  prouvé,  dis -moi,  que  c'est  toi  qu'elle 
joue ,  et  non  le  comte  ?  L'as-tu  -étudiée  dé  nou- 
veau pour  la  condamner  saiis  appel?  sais-tu  si  elle 
se  rendra  sonil  les  arbres,  à  quelle  intention  elle  j 
va ,  ce  qu'elle  j  dira ,  ce  qu'elle  j  foa  ?  Je  tt 
lirovois  pltis  fort  en  jugement. 

p  I  o  A  n  o ,  tut  baisant  la  main  avec  resfieeL 

Elle  a  raisdn ,  ma  mère ,  elle  a  raison ,  raison , 
ioujoui^  raison!  Mais,  accordons,  mainati,  quel* 
que  chose  à  la  nature  ;  on  en  vaut  mieux  aj^rès. 
Examinons,  en  effet,  avant  d'accuser  et  d'agir.  Je 
fais  où  est  te  rendez^vous.  Adieu ,  ma  mère. 

(Usori.) 

SCÈNE  xyi. 

M A.R CELINE,  «ea/f. 

Adieu  :  et  met  aussi,  je  le  sah.  Après  l'avoir 
iitêté ,  veilloh^  sur  les' voies  de  Suzanne  ;  otr  ][kln- 
tdt  avertissons-la;  elle  est  si  jolde  créature!  Ah{ 
quand  l'intérêt*  penonnel  ne  nûu»  arïne  pas  les 
nnés  cottiv^  leV  aàttes ,  néxkâ  Maak»  tdutM  poi^ 


■; — r- 


ÂCrE  IV,  SCÊ^E  XVI.  3oi? 

fées  à  sontenir  notre  pauvre  ^^e  opprimé ,  contre 
ce  fier,  ce  terrible.*.,  («it  rianl)  et  pourtant  un  peu 
ni|^ud  de  sexe  masculin* 

(EUê9orU) 


PIS   BV  QOATmikMB  ACTBé 


< 

I 


ACTE  CINOtJlÊME, 

ts  théâtre  raprisente  une  salle  de  marroniers, 
dans  un  parc;  deux  pavillons  kiosques,  ou 
temples  de  jardins,  sont  à  droite  et  à  gauche; 
le  fond  est  une  clairière  ornée ,  un  siège  de 
l^aton  sur  le  devant  Le  théâtre  est  obscur^ 


■«r 


SCÈNE  I. 

•  •  *  t 

Fi^NGHETTE,  seule,  UmnSd^imâ  nudH  dear 
biscuits  et  une  orange,  fii  d§  fauXte  une  lanterne 
4e  papier  allumée, 

DWv»  le  payiHon  à  ^a»ché ,  a-t-il  dit.  G  est  celais 
ci»  " —  S'il  alloit  ne  pas  yenir  à  présent;  mon  petit 
rôle.  ...  Ces  vilaines  ^ns  de  l'office  qui  ne  you- 
loient  pas  seulement  me  donner  an,e  orange  et 
deux  biscuits  i — .Pour  qui ,  mjftdemoiselle  ? — Eh 
bien  !  monsieur,  c'es$  pour  qu^elqu^un,  —  QJi  ! 
nous  sayotts.  ^-f*  Et  quand  ça  seroit  :  parce  que 
monseigneur  ue  yeut  jpas  le  yoir,  faut-il  qu'il 
meure  de  faim  ?  —  Tout  ça  pourtant  m'a  coii|:é  un 
fier  baiser  sur  la  joue...  Qujb  sait-on?  il  m^  le  ren- 
dra peut-être.  (£//e  voft  Figaro  qui  vient  l'exami- 
her;  elle  fait  un  cri.)  Ahl.,(£(/e  ^enfuit,  t  elh  entre 
dans  le  pavillon  à  sa  gauche*) 

•■\  • 


lE  iÙLHiàGÉ,  etc.  ACl%  V,  SCÎJtE  II.  3oS 

SCÈNE  IL 

9 1  G  A  R  O/an  qrandi  Aianteau  $uf  les  épautei,  Un 

large  ckapeau  rabnttu;  BAZitË,  ANTONIO, 

''  BARTflOLO ,  BRID  OISON,  GRIPE-SOLEÏL, 

TtfOUBE  BE  YÂLETS  ET  Dt  TRÀYAXIiLETTRS. 

r  I  ç  AU  o  ^  d'abord  teuL 
€*^EST  Fànchette  !  (|I/  parceurî  d€s  yea»  lei  atttre$ 
à  mesure  (j^'its  arrivent,  et  dU  d'un  ton  farouche  :  ) 
Boiayoàt,  messieurs  ;  bon  soir  c  ôtes-rous  tous  tci  î 

^  '»Azii.e. 
€eitz  q^e  %VL  at  pteatét-d'y  Vtfbtf/ 

QtuMt  heant  «st-il  bien  k  pcrU  pirtt  ? 

4H T ov  I G ,  regftf^dtftiC  en  tùir» 
La  lune  deyroit  ét«e  lëy^e. 

BASTHOLOf 

£b!  quels  noirs  apprêts  feis-ttt  ^dottc  ?  U  tf  t  W 
^iih  ooufpîtatear* 

FIGARO,  s'agiéant, 
N'est- de  pas  pour  «ne  noce ,  je  vous  prie ,  qutf 
«trous  êtes  tassemblés  au  château? 
J  '  •  Bmin'oxsoBr^ 

Céi-ertaioeintiit. 

A^q«bftiO. 
Nous  allions  là  basi,  dans  le  paré,  att«9âte  uir 
signal  pour  ta  fête.    ' 

'VIOARO* 

Vous  n*îre^  pas  plus  loin,  messîettt»}  c'est  idf« 


3o4      LÉ  MARIAOIS  P£  FIGARO^ 

sous  ces  marroniers  que  nous  devons  tous  celé- 
hvev  rhonnête  fianoée  que  j'épouse,  et  le  loyal 
seigneur  qui  se  1  est  destinée. 

«  A  9 1 L  £ ',  f  e  rappelant  la  journée. 
Ah  !  yrain|e^t ,  je  sais  ce  que  c'est.  Retirons- 
nous  ,  si  vous  m'en  cro  jez  ;  il  est  question  d  uq 
rendez-vous  :  je  vous  conterai  cela  près  d'ici. 
HB I d'c^x s o Xf , '<3f  i^'i^aro. 
ffoiirpu»  T«viénÂpons. 

PI<|ÀRO.>  ^ 

Quand  vpps  m'entendrez  appeler,  ne  manques 
pas  d'accourir  tous,  et  dites  diTmal  de  Figaro,  s'il 
ne  vous  fait  voir  une  belle  chose^ 

BA&THQLO. 

Souviens-toi  qu'un  homme  sage  ne  se  &it  point 
d'affaire  avec  les  grands. 

FX&ARO. 

Je  m'en  souviens.' 

BAXITROZ.0* 

Qu'ils  ont  quinze  et  bisque  sur  nous ,  par  leur 
état. 

•  4 

1 

FIGARO. 

SanI  leur  industrie,  que  vous  oubliez.  Mais 
spuyenez-Yous  aussi  que  l'homme  qu'on  sait  ti- 
mide ,  est  dans  la  dépendance  4e  tons  les  fripons. 

BAjRTBOLO. 

*  Fort  bien. 

FXOARO* 

£t  que  j'ai  nom  de  Veiie-Ailure,  du  chef  honoi^ 
4e  ma  mérf. 


ACTE  V,  SCÇKE  II.  3o5 

BASTHOLO, 

li  a  lé  diable  au  corpft.    , 

I-illa. 

nAf>lLZ,à  part. 
Le  comte  et  sa  Suzanne  se  sont.airangés  sany 
moi?  Je  ne  suis  pas  fâché  de  Talgarade. 
F I G  AR  o ,  aMX  va/ets. 
Pour  vous  autres,  coquins,  àq:ui..j*ai  donné 
Tordre,  illuminez -moi  ces  entours;  ou,  par  la 
mort  que  je  voudrois  tenir  aux  4e|nts,  si  j'en  saisis 
un  par  le  braS...(iV  5ecoue  le  bras  de  Gripe^&oieiL) 
G  B I  PE-s  o  LE  IX  s'en  va  en  triant  et  pleurant» 
A ,  ^ ,  o ,  oh  l  damné  brutal  !. 

B  A  z  I L  s ,  en  5  en  allant» 
Le  ciel  vous  tienne  ei|  joie,  monsieur  du  marié! 

(Ils  sortent*) 

SCÈNE  III. 

FIGARO,  seulf^e  promenant  dans  V obscurité ,  dit 
du  ton  le  plus  son^bre* 

Oh!  femme!  femme!  femme!  créature  foible  et 
décevante!...  nul  animal  créé  ne  peut  manquer  à^ 
son  instinct;  le  tien  est-il  donc  de  tromper?.... 
Après  m'avoir  obstinément  refusé  quand  je  len 
pressais  devant  sa  maitresse ,  à  Tinstant  qu  elle  me 
idonne  sa  parole,  au  .milieu  même  de  .la  cérémo- 
nie.... Il  rioiten  lisant,  le  perfide!  et  moi,  comme 
un  benêt  !....  Non,  monsieur  le  comte    vous  né 

.    a6. 


^o6      LE  MARIACÈ  DË.f l&ARO. 

l'aurez  pas....  vous  ne  Tautez  pas.  Parce  qa6  Tons 
êtes  un  grand  seigneur,  tous  vous  croyez  un  grand 
génie  ! . . .  noblesse*,  fbrmne ,  un  rang ,  des  places  ; 
tout  cela  rend  si  fier  !  qu'ayez-Voùs  fait  pour  tant  de 
biens?  vous  vous  étés  donné  la  peine  de  naître ,  et 
rien  de  pins  :  du  reste , 'bomme  a^sez  ordinaire! 
Tandis  que  moi ,  morbleu  !  perdu  dans  là  fonle  ob- 
scure ,  il  m'a  fallu  déployer  jitus  de  science  et  de 
calculs  pour  subsister  seulement,  qu^on  n'en  a  mis 
depuis  cent  ans  à  gotivemer  toutes  lesEspagnes;  et 
vous  voulez  joute^. . .  On  vient. . .  c*e]tft  elle. . .  ce  n'est 

personne. La  -nuit  est  noire  en  diable ,  et  me 

voilà  faisant  le  s6t  métier  de  mari,  quoique  je  tie  le 
sqisqu'à  moitié.  (2/  s'astîed  sur  un  banc.)  Est-il  rien 
de  plus  bizarre  que  ma  destinée  ?  fils  de  je  ne  sais  pas 
qui,  volé  pat  des  bandits^  élevé  dans  leurs  mœurs,  je 
m'en  dégoûte  et  veux  courir  nne  carrière  bonnéte; 
et  partout  je  suis  repoussé.  J'apprends  la  cbimie, 
la  pharmacie ,  la  chirurgie ,  et  tont  le  crédit  d'un 
gX^nd.  seigneur  peut  à  peine  ne  mettre  à  la  main 
une  lancette  vétérinaire.  -i^.Las  d'attrister  des 
bétes  malades ,  et  pour  faire  un  métier  contraire , 
je  me  jette  à  corps  perdn  dans  le  théfttre;  me  fiis* 
sé-je  mis  une  pierre  au  cou  !  Je  broche  une  comé- 
die dans  les  mœurs  du  sérail  ;  auteur  espagnol ,  je 
crois  pouvoir  j  fronder  Mahomet ,  Sans  scrupule  '; 
h  rinàtant  un  entOjé. ...  de  je  ne  sais  où ,  se  ]^laint 
que  j'offense  dans  mes  vers  la  Sublime  Porte,  la 
Perse ,  une  partie  de'  la  pttéCftî'île  de  Tlnde ,  toute 
VÉg/pte,  les  ro/atrmes  de^tdr(ià,; dé' Tripoli,  de 


-     ACTE  t,  SGËK£MU.  3o«^ 

^trntt,  â^jA^ret  de  Maroc  ;  «et  vofl»  ma  ôomédie 
ilâmbéé,  |k^T  Claire  ai»(  p^in^es  maboipétaiii , 
dont^pas  uti;  jié'cMis,  ne  »ait  lire,  et  qui  noruB 
metnrtifsseftât  r^iiio^late ,  en  nûusdiMiït:  ChUnf 
rfe'CWlteikr/^-**— 'île  pottTrtnt 'avilir  Fas{>Tit,  on  se 
-reniée  enlé^ttëlitaitfint.  ^«^  Hits  joues  creU«oie«t  ; 
mon  tème  étoit  écfku  :  je  yejbis  de* loin  arrr^er 
l'affreux  record  i  la  ptnme  fichée  cblns  sa  porriKjUje; 
enMraissant'fe-nf'éTertue»  fl  s^Vè  une  question 
9ur  la  natutè  des  TiehtoMesi  «tnconiBie'  il  Wètft  pas 
néeessaîre  de  tenir  les  choses  pour 'en  raisonner, 
n'ayant  pas'  un  sou,  j'^rîs  attr^ldvàlielir'^e  l'ar- 
gent ,  et  Btftf'  son  'produit  nHjiilèC  j«  >y^M ,'  du 
ixind  d'unfiaere-,  baisser  pouir  moi  -le  pont  d'^n 
ckàteau  ^rt,  a  i  entrée  duquéljejafîsaai'  l'espé- 
rance et  la  liberté,  {li^e  iève.)'  Que  je  voudrois 
Inen  tenir  un  de  ces  puissants -d^^jMIre  jours,  si 
légers  sur  le  mal  ^nlls  .ordonnent, -^uand  une 
'bonne -disgrâce  a  <mTé  M>n  oi^g«eil2  je  lui  dirais....^ 
que  les  sottises  impriniées  -n'onj:  d'importance, 
qu'aux- lieux  où  l'on  «n  gène  lé  cours  ;  que  sans  la 
liberté  de  (blâmer,  il  n'est  point  d*él<^  flatteur; 
et  qtr'tl.n'^a^qtieles petits 'boilmes qui  redoutent 

'  les  petits  éctits.  «-^(1/  se'ràêtUd:)  Las  de  nourrir 
un  dbscut  ^nsionnaire ,  on.  me  met  un  jour  dans 
la  rue  ;  et ,  comme  il  iaut  dtner ,  quoiqu'on  ne  soit 
plus  en  priaon ,  je  taille  éneore  ma  plume  )  et  de- 

.  Inande  à  cbaeun  de  quoi  il  est  question  ;  on  me 
dit  que  pendant  ma  retrtit^  économique ,  il  #'est 
établi'  dans 'Madrid  an  sjstème  de  liberté  sur  H 


308      LE  MAHIAGB  D£  FiQARO. 

vente  àe$  pxoductîoiva ,  qoi  s  «tend  même  à  celles 
de  la  pres»e  ;  et  que ,  pourvu  que  je  ne  .pA^le  en 
mes  éprits,iii  de  rantorité,  ni  du  culte,  ni  de  la 
pglitique ,  ni .  de  la  morale ,  ni  des  ge^^  en  place^, 
ni  des  corps  en.çrédijt ,  ni  de  l'Opéra,  ni; des  autres 
apeetaaleS)  ni  de  p^sonne  qi^i  tienne  à  quelque 
chose,  je- puis  tout  imprimer  libremenft,  sous  Tins- 
pection  de  den^  ou  trois  c^^o^eurs.  Pour  profiter 
de  cette  donce  liberté ,  j'annonce- un  écrit  pério- 
dique, et  cvojant  n'aller  sur  l^s  bridées  d'aucun 
autre,  je  le  nomme  Journal  inulUe.  Poumon!  je  vois 
s'élever  contre  moi  mille  pauvres  diables  à  la 
feuille f  on  me  supprime,  et  me  voilà  de  rechef 
sans  emploi!  **->'  Le  désespoir  m'alloit  saisir  ;  on 
pens<  à  moi  pour  une  place ,  maispar  malheur  j'j 
étoiSi  propre  :  il  fisUoit  un*  calculateur,  ce  fiit  un 
danseur  qpil  l/obtii^t.  Une  .me  restoit  plus  qu'il 
•voler;  je  me  fais  banquier  de  Pharaon  :  alors, 
bonnes  gens!  je,  soupe  en  ville,  et  les  personnes 
dites  €O0i«t>e   U.  fiuU,   m'ouvrent  poliment  leur 
nuuson ,  .en  retenant  pour  elles  les  trois  ^quarts  du 
profit.  J'au^ois  bien  pu  me  remonter  ;  je  commen- 
fois  même  à  comprendre  que,  pour  gagner  da 
bien,  le  savoir-faire,  vaut  mieux  que  le  savoir; 
ma|s  comme  chacun  pillpit  autour  de  moi ,  en  exi- 
geant que  je  fusse  honnête ,  il  fallut  bien  périr  en- 
cor^.  P'Our  le  coup  je  quittois  le  monde ,  et  vingt 
brasses  d'eau  m'en  alloient  séparer,  lorsqu'un 
die,u  bienfaisant  m'appjelle  à  m^n.  premier  état.  Je 
f éprends  ma  trousse  et  mon  cuir  apglois;  puis. 


ACTE  V,  SCÈNE  lll.  309 

labsant  la  fîintée  «iQX'Bpts  qui  fl*en  nourrissent ,  et 
la  honte  au  milieu  du  chemin ,  comme  uop  lourde 
à  un  piéton,  je  jtàs  rasant  de  ville  en  ville,  et  je 
vis  enfin  sans  souci.  Un  grand  seignçur  passe  k 
Séville  ;  il  me  reoonnoît\  je  le  marie ,  et ,  pour  prix 
d'avoir  eu  par  mes  soins  spn  épouse ,  il  veut  inter- 
cepter la  .mienne  !  intrigue ,  orage* à  ce  sujet.  Prêt 
k  tomfier  dans  un  ahime,  au  moment  d'épouser  ma 
mère,  mes  parents  m'arrivent  k  la  file.  (1/  5e  iève 
en  s'échauffant.)  On  se  débat  ;  c'est  vdus ,  c'çst  lui, 
c'est  moi  l' c'est  toi;  non  ce  n'est  pas  nous;  eh! 
mais  qui  donc  ?  (1/  retombé  assis*)  O  biuirre  suite 
d'événements  !  Copument  cela  m'est -il  arrivé  ? 
Pourquoi  ces  choses  et  non  pas  d'autres?  Qui  les  i| 
fixées  sur  ma  tête  ?  Forcé  de  parcourir  la  route  ou 
je  suis  entré  sans  le  savoir»  comme  j'en  sortirai 
sans  le  Vouloir,  je  l'ai  jonchée  d'autant  de  fleurs 
que  ma  gaité  nie  l'a  permis;  encpo^e  dis  mag>aité 
sans  savoir  si  elle  est  k  moi^  plus  que  }e  reste ,  ni 
même  quel  est  ce  nmi  dont  je  m'occupe  :  un  as»^ 
semblage  informe  de  parties  inconnues;  puis  un 
ohétif  être  imbécile;  un  petit  animal  folâtre,  un 
jeune  homme  ardent  au  plaisir  ;  ajant  tous  le^ 
goûts  pour  jouir;  faisant  tous  les  métiers  pour 
vivre;  maître  ici,  valet  là,  selon  qu'il  plait  à  la 
fortune  ;  ambitieux  par  vanité  ;  laborieux  par  né- 
cessité; mais  paresseux. .,.  avec  délices;  orateur 
selon  le  danger;  poète  par  délassement;  musicien 
par  occasion  ;.  amoureux  par  folles  «bouffées  :  j'ai 
tout  vu». tout  fait,  tout  usé,  Piils  l'Ulusion  s*eàt 


irô      LE  MfARiAâE  DE  F KSÀRCT. 

^«traite ,  tt trof  détabusé. . . .  Désabuiié !... .  SiifeOti, 
Suson ,  SiAoïi  2  que  f 4i  me  donnes  de  tourtaieiits  t 
'•i —  J entend»' inar€he#<...  on* rient.  Yok»  Tînstaiit 
de  la  crise.  ~ 
(U  te  retire  pi'ié  de  la  panière  eotUiité  à  ea  droke.) 

SCÈNE  IV. 

ÈIGARÔ;  tA  COMTE*SSE,  avec  tes  habits  de 
Suzon;  SUZANNE^  avec  ceux  de  la  comtesse i 
MARCELINE. 

l^tAS^B ,  k^.  Il  la  tùliiieiUs 
Ovit  flTAteeline  tt'a  dit  ql^  Figaro  y  êttotit 

Af  A1ICEI.IVE.- 

U  7  esi  èit»9i  9  baisse  la  voix« 

Ainsi  l'un  n6Us  écoute^  et  VmUé  m  tenir  mtf 
thereher;  comipiençons. 

MAHCELI^E. 

P'onr  n  enf  pafTpefdre  un  mot,  je  vais  m^caobet 
dans  le  payillonf  (  Elle  entre  dans  le  papiUam  ok  est 
entrée  Fanehetie») 

SCÈNE.  V. 

tlGARO^t  COMTESSE,  StJ^ANNÊ. 

svzÀ.)fJtZih^t» 
MAnAKs-trentble!  est-ce  qn'ette  auroît  froid? 

LA    COKTESSByAmil. 

La  soirée  est  bnmide,  je  vais  me  retirer^ 


V 


ACTE  V,  SCÈNE  V.  3ii 

SUZASVE,  hai^L 
fii  madasne  n'aroit  pas  besoin  de  moi,  je  preo* 
«Lroift  l'aîx.ttn  moment  sous  ces  «i^ras*. 

LA  COMTESSE,  hautm 

C  est  le  ^evciB  que  tu  prendra'- 
.  8]ir^AH9rc,  hanf, 
fy  sois  tioiite  faite. 

■    FiaAAO,  à  paru 
Ab  !  oui ,  le  serein  ! 
(  Suzanne  se  Jpet^tt  pfisd^  ia  potttis$fi}  dtt  çété  ûppofé 
àFUfàrà.J 

.       .  SCÈNE  VL     ■    • 

FIGARO,  CHÉRUBIN,  LE  COMITE,  Î-A 
COMTESSE,  SUZANNE. 

(FigaTO  et  Suzanne  retirés  de  chaque  o4léi«wll0^dj^|UDt.) 

jeH^liyBiN,  eii  fiattlt  d'offifiier,  arrive  en  chantani 
g ala^nVta  reprise  de  ^fiir  4.e  ià  romance,  ' 
tA;ia,la;èkc.  

J'avois  une  marraine 
Que  toujours  adorai. 

LA  cpoiTjÇSSE.,  .a'pW. 
te  petit  page!         ' ^      . 

^  CHÉ'avBiN,  ^arréianû 

On.^e  promène  f  c^^^^s^oqs  vite  mon  as,ilçr,  ou 

^  la  petite  Fanchette C'est  n^e  fém|ae  !      ■   ,      ^ 

L  A  c  o  ijuc^u^  1^  f.  écoutant, 
^hr  grands  dieit)f^! 


3ia      LE  MARIAGE  0£  f  IGARO. 

GBÎaiiBiBi  se  ifaisse],  en  regardant  de  loin* 

)tfe  trompé' je?  à  cetce  coiffure  en  plumes ,  qni 
se  dessine  au  loin  dains  le  crépuscule,  il  me  semble 
que  c'est  Suzon^ 

lA  COMTESSE,  à  part» 

Si  le  comte  arri vol t  ! . . . 

(  Le  comte  parétt  dans  le  fbnd.  ) 
CB^BUBxa  s'approche  et  prend  la  main  de  la  com- 
tesse j  (fui  se  défend. 

Oui ,  c'est  la  charmante  fille  qu'on  nomme  Su* 
zanne  :  eh!  pourreis^je  m  j  méprendre  à  la  dou- 
ceur de  cette  main ,  à  èe  petit  tremblement  qui  l'a 
saisie,  surtout  atif  battement  de  mon  cœur!  (Il 
veut  y  appuyer  te  dos  de  la  main  de  U  cOù^esst}  eDe 
la.  retire,)^ 

tA  COMTESSE,  boi, 

Alle£^v(Hili>énv« 

C^HiRÙBiii* 

Si  la  compassion  t'aToit  conduite  expi*ès  dans 
cet  endroit  du  parc ,  où  je  suis  caché  depuis' 
tantôt? 

LA  COMTESSE*. 

Figsro  va  Tenir. 

Z.B  COMTE,  s* avançant',  dit  à  partm 
K  est-ce  pâs'Suzanne^e  j'aperçois  ? 

CHERUBIN,  à  la  comtesse^       f 
Je  ne  crains  point  du- tout  Figaro ,  car  ce  li'est 
pas  lui  que  tu  attende. 

lA  aOM'TSSSif. 

^  Qui  donc? 


ACTE  V,  SCÈNE  VI.  3i3 

LE  COMTE,  à  part»    > 

Elle  est  ayec  quelqu'un. 

,  CHénOBiH^ 
C'est  monseigneur,  friponne,  qui  t*à  demandé 
ce  rendez-Yous  ce  matin ,  quand  j  etois  derrière  le 
fisuteuil., 

LE  COMTE,  à  part,  avec  fureur*^ 
-C'est  encore  le  page  infernal! 

Fi&ABO,  à  part. 
On  dit  qu'il  ne  faut  pas  écouter! 
BUzAHNE,  à  part» 
#'etitbayard! 

LA   GOMTES'Slf,  AU  paqt» 

Obliges->tnoi  da^yous  retirer. 

ÊBiaUBIN. 

Ce  ne  sera  pas  au  moins  saVi^  ayoir  reçu  le  prû 
Je  mon  obéissance. 

LA  COMTESSE,  effrayée* 
Vous  prétendez. .  « 

G  H  £  R  tr  B I H ,  avec  feu* 
D'abord  yingt  baisers  pour  ton  compte ,  et  puia 
cent  pour  ta  belle  maîtresse. 

LA    COMTESSE^ 

Tous  oseriez? 

CHÉRUBIir» 

Oh!  que  oui,  j'oserai;  tu  prends  sa  place  auprès 
de  monseigneur,  moi  celle  du  comte  auprès  de 
toi  :  le  plus  àtti^apé ,  c'est  Figaro^ 
•  >    •  <     PioAAO,  à  part» 

Ce  brigandeau  !  ^^ 

fTkiitM*  Comédies.  l4«  37 


3i4      LE  MAEIAGE  DB  FIGARO. 

t      SITZANNE,  à  paH^ 

Hapdi  comme  ua  page, 
^Chérubin  veut  embrasser  la  comtesse;  le  comte  se 
mêi  ênÈre^ux  et  reçeit  le  baiser.) 

lA  coMTiPff&Eî  seretirantm 
Ah!  ciel! 

F I  o  A  B  o ,  à  part,  entendant  le  baiser^ 
J'épousois  une  jolie  mignonne  !  (Il  écoute,)  ' 

CBitLVBiv  f  tâtant  tes  habits  du  comte. 
(A  part.)  C'est  monseigneur.  {Il  s'enfuit  dans  i« 
•pavUfon  oU  sont  entrées  Fanchette  et  Marceline.) 

SCÈNE  VIL 

FIQARO,'LE  COMTE,  LA  COMTESSE, 

SUZ4N»E. 

FIGARO,  S* approchant., 
jEYais... 

lE  COMTE,  croyant  parler  au  page. 

.    Puisc[ue  vous  ne  redoublez  pas  le  baiser (Il 

croit  lai  donner  un  soufflet.  ) 

F I G  A  n  o ,  qui  est  à  portée,  le  reçoit* 
Ah! 

LE  COMTE. 

. .  »  Voilà  toujours  le  premier  pajf;ç. 
F  X  G  A  i^ç| ,  à  purt,  s'éloi^e  en  se  fr^titant  la  jou^» 
Tout  n  est  pas  ^^  qou  «pjua.ep.  pfiQ^%K!9^U 

SUZANNE,  rimU  tçut , Wl>»  4e  Vautre  coté. 
Ahiah!ah!ahi  . 


Acte  t,  scène  vu.         3i5 

LE  COMTE  f  à  la  comtesse,  (fà'U  prend  pour  Sutannci^ 
'     £ntend-t-On  qùetqne  ch<>'se  à  ce  pa^e  !  il  reçoit 
le  plas  rude  souffief^et  s'en^it  en  éclatant  de  rire.- 

i^iGAiiô>  à  parti 

S'il  s'aiffigeait  de  celui-ci  î 

lE  côrsrt*.  \ 

Comment!  je  ne  pôlirrai  faire  ùii  pas...  (À  ia 
comtesse.)  Marts  laissons  cette  bizarrerie,  elle  em/- 
pohoniieroit  Te  plaisir  que  j'ai  de,  té  trouver  dané 
cette  salle/ 

LA  COMTESSE^  imitan  t  le  parlef  de  Suzanne, 

L'espcriez-vous  ? 

IÇ   tOMTC. 

Après  ton  ingénieux  Itillet!  (.1/  /fii  pren^  h 
neaiii.)  Tu  trembles? 

L^  .ctfuiTjÊssai*  ^ 

J'ai  eu  peur. 

I>E   COURTE. 

Ce  it*estpMponr  te  priver  dtt.baiaer,  ^ué  je  l'ai 
pris.  (Il  la  baise  ttu  frofit* ) 

LA   COMTES SE« 

Des  libertés.  .  , 

.  Coquine!  < 

avz.KSjnz^àparti 
Charmai^te! 

LB  COMTE,  prenant  la  main  de  sàfeHÙnéê     a 
Mais  quelle  peàa  fine  et  d;ottee,  et ''qu'il  é>ft  ' 
faut  ^«le  la  comtettè  ait  la  main  Aussi  belhl 


9i$      LE  M AlilAj&E  DE  FIGARO« 

%  A  COUTES  s^  y  à  part. 
Oli2  U  préyention! 

i;b  C0MT£. 

A^t-elle  ce  bras  fernici  et  rondelet  ^  ces  jolii 
doigts  pleins  de  grâce  et  d  eq>iéglerie? 

LA  COUT zss^j  4ç  ta VQUf  4c Suzanne^ 
Ainsi  l'amour? 4. ( 

LÇ  COMTE. 

L'amour. .  r  B*est  que  le  roman  di|,cœur  :  c'est  la 
plaisir  (jai  eu  est  rhistoire  ;  il  m'amène  à  tes  ^e« 

DOUX» 

LA   COUTBSSE. 

Y0U8  ne  l'aituez  plus? 

LE    COMTE. 

Je  Taime  beaucoup  ;  mais  trois  an^  d'unioi^  rea^ 
dent  rhjmen  si  respectable! 

LA  COMTESSE. 

Que  vouliez-yous  en  elle  ? 

LE  coscTEy  ia  caressant., 
Ce  cpe  je  trouve  en  toi ,  ma  beauté..., 

LA  COMTESSE.. 

Mais  dites  donc. 

LE   COMTE. 

, ....  Je  ne  sais  :  moins  d'uniformité,  peut-être} 
plus  de  piquant  dans  les  manières  ;  un  je  ne  sait 
quoi,  qui  fait  le  charme  ;  quelquefois  un  refus,  que 
sais-je?  Nos  femmes  croient  tout  accomplir  en 
nous  aimant  :  cela  dit  une  fois,  elles  noua  aiment, 
nous  aiment!  (  quand  elles  n<$us  aimex^t,  )  Et  sont 
si  compl^santes ,  et  si  coiistamioeAt  obligeantes , 


ACTH  V,  SCENE  VlJ.  3i7 

et  toujottr9,^t  fans  relâche, qu'on  e/»t  tont surpris, 
un  beau  t^h ,  de  trouyer  la  satiété  pu  Ton  recher- 
choit  le  bonheur*. 

I.A  comtesse;  â  paHt 
Ah!  ^elle  leçon! 

LE  COMTE.  '' 

En  vérité,  Suzon,  j'ai  pensé  mille  fois  que  si 
nous  poursuivons  ailleurs  ce  plaisir  qui  nou^  fuit 
chez  elles ,  ic  est  qu'elles  petudient  pas  assez  l'art 
de  soutenir  notre  goût,  de  se  renouveler  à  IV 
mour,  de  ranimer,  pour  ainsi  dire,  le  charme  de 
leur  possession  par  celui  de  la  variété^ 
'  LA  coMTBs.sEj  piquée^  ' 
Donc  elles  doivent  tout?.. .' 

LE  COMTE,  riant, 
«  Et  l'homme  rien  ?  Changerons-nous  la  marche 
de  la  nature?  Notre  tâche,  à  nous^  fut  de  les  obte-> 
nir^laleur... 

■  LA  COMTBSSEi 

La  leur? 

LE    COMTE» 

Est  de  nous  retenir  :  on  l'oublie  trop. 

LA  COMTESSE. 

Ce  ne  sera  pas  moi. 

LsIboMTC* 
Ni  moi. 

.    FioAao,  à  part,. 
Ni  moi. 

suzAviTE,  à  paru 
Ni  moi. 

»7- 


.^ié  VÈ  liAKiAGE  i>E  tîi^ÂkÙ. 
is  CokTÉ,  prénaàt  là  màiti  dÈià  fèMme. 
U  yà'àé  r&ho  icî;  parh)ns  plu^  bas.  Tun  à« 
nul  besoin  d'y  songer ,  toi  que  rinhontâr  ^îte  et  si 
vive  et  si  \X)\ié'l  avec  un  grain  de  caprice ,  tn  seras 
la  plus  agaçante  maîtresse  !  (  J/i  ta  baise  au  p-ûM.  ) 
Ma  Suzanne ,  un  GaMiUan  n'a  que  sa  parole.  Voici 
tout  Tor  promis  pont  le  rachat  du  droit  que  ^  n'ai 

£Ius  È\XY  le  délicietil  moment  qiie  tu  m'atcordes. 
[ais  f  comïne  la  grÂcè  que  tu  daignes  j  mettre  est 
sâris  priîk ,  j*^  joîhdtai*ée  brillant,  que  tu  porteras 
fouri'amoùvdfetndi,"  '  * 

Li'cbittf  ÉssE,  une  rêvétence, 
Suzanne'accepte  tout. 
^  ^IGABO,  A  part. 

On  n'est  pas  plus  coquine  que  cela. 

.,  ,  ;  stTZ4>NBr£,  à  part.'         \ 
Voilà  du  bon  bien  qui  nous  arrive. 

LE  COUT  M,  à  part. 
Elle  est  intéressée  ;  tant  mieux. 

LA  COMTESSE,  rc^anèant  au  foiià. 
Je  vois  des'fiéHiïieaux^ 

Ce  sont  les  apprêts  de  ta  wtHè  \  éim'(Mis*4A>us 
lin  moment  dans  l'^n  4e  <|»B  ipavillons ,  pour  les 
laisser  passer? 

Sans  lumière  ? 

LE  COMTÉ,  Cen&tAnattt  Uoucemenii 
A  quoi  bon?  nous  n'avojns  rien  à  lire» 


AGtE  V,  SCÈNE  VIL  "  819 

.   iMOAROj  h'p'arU- 
Elle  j  Ta ,  itaa  foi  !  Je  m  en  doatoist 

{li  s* avance.) 
LE  COMTE,  grossit  ta  voix  en  se  ret&urnànU 
Qui  passe  ici  ? 

^     ■  PioAno,  ex  co/^e^ 

Passer  î  on  vient  exprès. 

LE  COMTE,  has  y  à  la  comtesse» 
Gest  Figaro!..  (I/5'e/t/àif.)  •    • 

LA  COMTESSE. 

Je  vous  suis. 
(  EUe  entre  dans  le  poiftllon  à  sa  droite ,  pendant  (jaé 
le  comte  se  perd  dans  le  bois,  au  fbnd,) 

.  .sgén.e  viil  ■ 

PiGARÔ,  ^UZANNIi:,  dans  l'6bscurité. 

F 1 G  A  n  o  eliénée  à  voir  «ù  vmit  te  comie  et  la  com- 
tesse,  ^ià'il  ptend  poiàr  Smianne» 
Cl%  4^*l(fltentl»  plus  rien;  ih  sont  «nttHssf  m  y 
voilà.  (  D'un  (on  altéré.  )  Vous  autres  ej^ux  mala- 
droits ,  ,(][ui  tenez  des  espions  à  gages ,  et  tournez 
des  mois  entiers  autour  d'un  fl<H»p)^B->tai»s  l'as- 
seoir, que  ne  m'Imiteai-iFOUS  ?  iMùf^  le  premier  jour 
je  suie  iitii'félximie,^t  Je  l'écoute î'«n  un  toui?  de 
mara  on -e^e^u  feit  :  c'est  oharmant ,  plus  Se  dou- 
tes ;  on  sait  à  quoi  s'en.tenir.  (^aràlvànivivemênt.) 
fiettteu^êtaieiit  que j&Ad m'en  soueie, guère,  et  qtt^ 
sa  trahison  ne  me 'fait  l4en  du  ^t>6ut.  Je  les  tîciu 
donc  enfin«^  -,         .    > 


3ao      le  mariage  de  FIGARO. 

•  nzAVHBy  ijtti  s'ést  avancée  doucement  dans  tobt' 

Cur'Ué,  à  part.  ,  % 

Tu  vas  pajrer  tes  beaux  soupçons.  (Du  ton  de 
voix  de  la  comtesse^)  Qui  ya  la? 

FIGARO,  extravagant. 
Qui  va  là?  Celui  qui  voudroit  de  bon  coiiir  que 
la  peste  eût  étouffé  en  naissant. .. 

'  suzÀS HE ,  du  ton  de  la  comtetêe. 
Bh  I  mais ,  c'est  Figaro  ! 

F I G  A  B  o  regarde,  et  dit  vivemtnt  : 
Madame  la  comtesse  ! 

V  8UZAiril£^. 

Parlez,  bas»  , 

fioaho,  vite^ 
Ah!  madame,  que  le  ciel  vous  amène  &  propos! 
Où  crojez-vous  qu  est  monseigneur? 

SUZAiffKE. 

<}ue  m'importe  un  ingrat?  Dis*moi.«. 

FI oAa o ,  p/tfs  vile. 
Et  Suzanne  mon  épousée,  ou^crojes-vous 
qn*eUe  soit? 

Mais  parlez  bas. 

rioABo^  très  vit»' 
Cette  Suzon  qu'on  cro^rolt  si  vertnense,  qui 
faisoit  de  la  réservée!  Ils  sont  enftrmés  là-dedfiu. 
Je  vais  appeler. 

SfrzAffNE ,  lui  fermant  la  bouche  avecia  main,  oublie 

de  déguiser  sa  voix» 
IVappelez  pas. 


acte;  y,  scène  viil        321 

Fi6A»0',  à  paru 
£h  !  c'est  Suzon  !  God  dam  ! 

svzAvivE,  du  ton  de  la  comtesse. 
Vous  paroisses  inquiet. 

FiQARO,  à  partm 
Traîtresse ,  qui  veut  me  surprendre  ! 

^  SUZANNE. 

Il  fj^ut  nous  yenger,  Figaro^ 

FIQAJIO. 

Çn  sentez-you^le  vif  désir'?  , 

Je  us  serois  donc  pas  de  mon  sei^e?  Mais  les 
bommes  en  ont  cent  moyens., 

FIGARO,  confidemmenf* 
Madame ,  il  n  j  a  personne  (ci  de  trop*  Celui 
des  femmes, . .  les  vaut  tous. 

SUZANNE.,  à  i^arU 
Comme  je  le  soufHetterois  ! 

'FiaAno,  à  part, 
XI  seroit  bien  gai  qù*ayant  la  nooe  ! .  ^ 

SUZANNE. 

Mais  qu*e9t-ce  qu'une  telle  yengeance»  Ç[Q*ttil 
peu  d  amour  n'aissaisonne  pas? 

FIGARO.. 

Partout  où  vous  n'en  voirez  point ,  croyez  que 
le  riespect  dissimule. 

SUZANNE,  piquée* 

Je  ne  sais  si  vous  le  p^sez  de  boi^ne  foi ,  mais 
vous  ne  le  dites  pas  4^  tisonne  grâce. 


Sat      LE  MARIAPS  DE  FIGARO. 

tiotre  faute  à  nous ,  si,  Youl&nt  museler  un  renwd, 
nous  en  attrapons  deux? 

FiaAEa* 
Qui  donc  prend  l'autre  ? 

SU£AV1!riS« 

Sa  femme. 

rtoAaa. 
Sa  femme? 

Sa  femme. 

FioAfiOy  fbiiementé 
Ah!  Fiçafo,  pends-toi;  tn  n*a  pas  deviné  ce- 
lui-là!—-Sa  femme!  O  dottsfie  ou  quinze  mille  feis 
^irituelles  femelles  !  • —  Ainsi  les  baisera  de  cens 
lalle?'... 

s«»Air«x« 

Ont  été  domés  à  madame* 

■   '  I 

.  P1«AA0« 

£t  celai  du  page  2 

suzASHE,  HanU 
A  monsieur. 

rioABo* 
Et  tantôt ,  déniera  U  fauteuil? 

svxAiiBrz^ 
A  personne.' 

FIGA'AO. 

« 

En  étes-yous  sûre? 

soaAjrvB,  riani. 
11  pleut  des  soufflets ,  Figaro. 


ACTE  V,  SCÈWE  Vin.  Satf 

TfiGAtLO,  lui  faisant  la  maiHM 
Ce  sont  des  bijoux  que  les  tiens.  Mais  celui  du 
«omte  étoit  dé  bonne  guerre. 

S17ZA.H]fE. 

Allons,  superbe!  humiliè-toi. 

Tt&kfiO,  faisant  tout  ce  quii  annoneem 
~^Cela  est  juste  ;  à  genoux ,  bien  courbé ,  pros- 
terné, ventre' à  terre. 

s  v  z  A  a  H  E ,  enf  riant,' 
Ah!  ce  pauvre  comte!   quelle  peine  il  s*est 
donnée... 

FIGARO,  se'rttéi^ant  éur  'ses  qenoux, 
«.  •  Pdur 'faire  la  Conquête  de  sa  femme  l^' 

SCtlNE  IX. 

LE  COMTE  entre  par  le  fond  du  théâtre,  et  va  droU 
au  pavillon  à  sa  droite j  FIGARO,  SUZAIVNE, 

LB  COMTE,  à /ll(HV|Àae« 

Je  la  cherche  en  vain  dans  le  bois';  elle  est  jpauc^ 
dtre  entrée  ici. 

« 

suzAsvE,  à  Pigarà.,.  parlant  boêm 
C'est  lui. 

ift  comte,  oindront  ïe  pavillon* 
JSuzon,  es-tu  là-dedans? 

FXAABO,  bas:    ' 
Il  la  cherche ,  et  moi  je  cro jois. . .» 
SUZAHSB,  ^bd$4 

,        Il  ne  Ta  pas  reconnue^ 

Tliéatre.  Comédiei«  x4«  ^v 


Ua,      LE  M:A^iAG£  DE  FIGAAO. 

,  'AçJlq&irqi|»r^»  veu^-tu?  {IL  lui  baUe  Ifl  maitu) 
LE  COMTE,  se  retournant^ 
Un  homme  aux  pie4^  4^.1^  comtesse  t.. .  AH!  je 
suis  sans  armes.  (  H  f*a.vanc4. ) 
FIGARO ,  se  rei^anJt  tau^-^fait^en  dégtùsat^lsAvou:* 
.  Pardon^  Ij^^dapie ,  s^  je  n'ai  pas  réâéehi  que  ce 
rendez-YOUs  ordinaire  étoit  de%tiné  pour  L|  noce.  , 

LE.CQMXEi  à  pajçl, 

5  Cesfii  riM^nifi  du  caibinçt  de.Cf^.matû^  "(U^se 
frappe  le  front.  ) 

Mais  i}  .«f.  99r%  P9A  dit  ^u'uu  ob^^s^ÇjJMnisi  sot 
aura  retardé  nos  plaisirs. 

LE  GovxB,  a  pati. 
. .  Massacre  !  içoct  !  ^nfer  !  . 

j^iaJLiLO,  la  .CQjidtilsant  au  cabinet. 
(Bas.)  n  jure.  {Haut,)  Pressons-nous  donc,  ma- 
dame ,  et  réparoas^l»  tort  qu'on  nous^  a  fait  tantôt  « 
^pua^  i'M)ia«|tié  |mx  U.fenêtjw^ 

I.E  COMTE,  à  part*   . 
Ahl  tQiiâ;ici4âQQ)|y^teiiifib4 

SUZAKSE,  près  du  pavUton],  à  sa  ^Mucht^ 
Ayant  ^'«ntai»^  TO^!9»M.pe;wiiiiie.»  %tuiyi.  (1/ 
ia  baise  au  front,) 

XE  cauxE,  s'cwrMAf* 
Vengeance»!.. 

{Suzanne  s'enfuià^dofls  le  pûsdUon  oh  sont  entrée 
Faachette,Marceiine  et  Chérubin.) 


SCËÎÎE  X. 

t£  COMTE,  FIGiLUCK 

f  Le  comte  saisit  le  bras  de  Fi^ftro.  ) 

riGAnb,  puant  ia  frayéuf  ^excessive»- 
C*£f  «  mou  matitre  l;       .       ;     ^  •       i 

&£  GO  M  V ■  f  ie  0>econnois9Oht» 
Ah  I  sciéljécat ,  c'est  toi  !  HoHi  i  ^neiqiinn ,  €|uel- 

C[U*UII.' 

SCÈNE  XL 

PÉD.RILLE,  LE  GOMTC^  FIGAR@. 

Mo vsÈxakÈmt:,  je  Votis  tt&U^  enfin. 

I.E  COMTE., 

Bon!  c  cstPcdriîle..E5-lu  tônt  setil? 

péniiii.i.s. 
Anriyant  4e  SéviUe ,  à  etripe  cbeyak 

LE   COMtE, 

Approche-toi  <îè  tnoi ,  et  crie  bîteh  foirt.         "    * 

PÉDBiLLE,  criailt  à  tue  tête. 
Pas  plus  de  page  gue  sur  ma  main.  Voilà  \h  pa- 
fjuet. 

lE  céMri,  te  repoussaht 

rt'HÀtt'i.-E, 
"Mtirtsèî^éiif  me  dît  dè'ctiet. 
V       "le  t: 6 in t ê  ,  te'àûnt  tèUf'oUfir  f'i^arb,  '' 

Pour  appeler,  i—** Holà!  quelqu'un  ?  si  l'on  m'en- 
tend ^  accourez  tous. 


3aa      L£  MARIAGE  D£  F I.GARO. 

Figaro  et  nfoi,  nous  voilà  dieux;  que  peut-il 
idonc  TOUS  ârrmr? 

SCÈNE  XIL 

LE  COMTE,  FIGARO,  PÊ0RILLE,  BRID^OI- 
SON,  BARTHOLÔ,  BAZI1.E,  ANTONIO, 
GRIPE^SOLEIL,  toute  ta  noce  accourt  avec 
des  fiaaiheauxi 

BABTBOLOjiî  Figaro. 
•Tu  Tois  qu'à  ton  premier  «ignal.  ! . 
LE  COMTE ,  montrant  le  pavillon  à  sa  gauche, 
Pédrille,. empare-toi  de  cette  porte.  (PédrHlej/ 

^AzihUf  bas,  à  Figaro,, 
Tu  Tas  surpris  avec  Suzanne? 

LE  COMTE,  montrant  Figaro, 
Et  TOUS,  tous  mes  vassaux,  entourez-moi  cet 
homme,  et  m'en  répondez  sur  la  vie. 

BAZILE.. 

Ah!  ahr 

LE  COMTE,  furieux, 
Taisez^vous  donCr  (A  Figaro,  d'un  ton  glacé,) 
Mon  cavalier,  répondez-vous  à  mes  questions?* 
FIGARO,  froidement,. 
Eh!  qui  pourroit  m'en  exempter» monseigneur 2 
Vous  commande^Evà  tout  ici,  hors  à  vottS«méme. 
LE  COMTE,  se  contenant. 
Hors  à  moi-même! 


'  ACTE  V,  SCÈNE  XI L  3:»5 

ANTONIO. 

C*est  ça  parfer.   , 

L  E  c  o  M  T  E ,  reprenant  sa  colère, 
Nqq  y  si  quelque  chose  pouvoit  augmenter  ma 
fureur  »  ce  seroit  l'air  calme  qu'il  affecte. 

FiGAno. 
Sommes-uous  des  soldats  qui  tuent  et  se  font 
tuer  pour  4e^  intérêts  qu'ils  ignorent  ?  JÇ;  yeux  Sa- 
voie ,  moi ,  pourquoi  je  me  fâche» 

I.E  COBKTE,  hors  deJuL 
O  rage ï  (Ss  contenant. )  Homme  de  hien ,  qui 
feignez  d'ignorer!  nous  ferez-rvous  au  moins  la  fa- 
veur de  nous  ^dire  quelle  est  la  dame  actuellement 
par  vous  amenée  dans  ce  payillon? 

F I G  A  n  o ,  montrant  l'autre  avec  malice» 
Dans  celui-là? 

LE  COMTE,  vite. 
Dans  celui-ci. 

figAbo,  froidement. 
C'est  différent.  Une  jeune  persontie  qui  m*ho- 
nore  de  ses  bontés  particulières. 

BAZXLE,  étonné* 
Ahlahl 

LE    CâBCTE,  vite. 

Vous  l'entendez ,  messieurs? 

B.AnTHOLo,  étonné, 
Nous  Tentendons... 

LE  COMTE,  à  Figaro.' 
Et  cette  jeune  persoiiue  a^t-ellc'  tm  antre  enga- 
gement que  yoitjL^achiez  ? 

a8. 


33«       tE  MARIA&E  DE  FIGARO. 

F I G  A-fc  6 ,  froUemenL 
Je  sais  c[U*un  grand  seigneur  s*en  est  ocdnpé 
^elque  temps  :  Aiais ,  îsoît^qn 'il  l'ait  négligée,  ou 
Jque  je  lui  plaise  teieux  (^n'ùn  pluï  kixnable ,  elle 
me  donne  aujourd'hui  la  p'réfêrenée» 
LE  co'|iTC,  vivement, 
La  préf....  (Se  contenant)  Ati  moins  il  est  naïf  ; 
ear  ee  qu'il  aTOue ,  m\eBsieuts.,  fé  l\k!  blil ,  je  vous 
jure ,  de  la  bouehe  ixÀine  de  sa  ôbiÀpHce. 

-BRlIi'ôISOH,  stùpëfiUi. 

iSa-^a^eomplice! 

LE  COMTC,  avec'fûreaK 
0r,  quand  le  désfiotmeUr  evt  pu1>lië,  fi  Ikut  quie 
la  vengeance  le  soit  aussi. 

{ït  entrai  dûiis  le  pavittoh,) 

SCÈNE  XÏII. 

PÊDRILLE,  FIGARO,  BRID'QISON,  BAR:. 
THOLO.  BAZILÊ,  ANTONIO,  GRIPE- 
SOLÉiL 

G'xsT  juste^ 

BniD'oisaii)  AFtljàro. 
Qui-i  donc  a  pris  la  fHKOtè  àé  )'aftti<fr^ 

•  vi^Atkéi  ênrtdhi. 
Aucun  il  a  eu  cette  joie-là. 


'IJU 


•-  .  .    SCÈNE  XIV.  ■    .. 

I 

PJBDRILLE,  FIGÀkcl,  iBRID  pîSÔN,  BAR- 
THOLO,  BAZitÈ,  ANTONIO,  GRIPE- 
SOLEIL,  LE  COMTE,  CHÉRUBIN. 

us  COMTE ,  parltmî  dans  4e  pai^l^n ,  ef  attirant  quel^ 
qu'UÂ  qu'on  hé  vott  pà^  encore, 
T«u»  tK»  6ir0tt«'^nt  illuUks;  youB.  ètfi^  pec- 
é\xe ,  madatfte;  et  TOtre  hexsrt  '^«tbien  âmr^e«  (U 
tort  sans  regarder.  )  Qnfik  hoiihçat  ^u'tutsu*  gage 
d'une  anion  aussi  détestée! . . 

F I G  À  À  o ,  s' écriant  : 

LE  COMTE. 

Mon  page? 

■      •  •  ■  •  -iliiii,'       ■    ' 
Ah!  ah! 

LE  GOMTS,  /tors  4^  lui ^  à  part. 
Et  toujout^Ié  page  ehdiablé  !  (A  Chérubin.)  Que 

§Atà0r-it6tA  d<k)(e^isaloii?    '  i 

CBÈti^ttlftii ,  HntiltAéakt. 
ié'me^tUdrdiS,  <$ommë.  v<$iS&  Vmtz  i^éèii^âk 

pénniLLE.' 

Bien  la  peine  de  crever  un  cheval  ! . 

.     ,  ...      • .  *    i  •  •  ■ 

•    LE   COMTE. 

Entres -j  toi,  AntQhiô^  <Jondijis  devant  ion 
C*est  madame  que  vous  j-j  cherchez? 


33»      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 

AVTOVIO., 

L'j  a,  pairgiieiine,  une  bonn«  proTÎdettce^  Toui 
en  ayez  tant  fait  dans  le  pays. . . 

LE  COUVE,  furieux. 
Entré  donc. 

{Antonio  entre.) 


■    .'SCÈNE.  XV.       ' 

I  • 

PËDRILLE^  FIGARO;  BRID'OISON,  BAR- 
TâOLO  ^  RAZILE  ^  OHaPE^SOLEIL  ,  LE 
COMTE,  GHËRUBIN.  '    ■    '■ 

LE  COMTE.. 

Vous  allez  voir,  messieurs,  que  lo  page>n  j 
étoit  pas  seul.. 

CHéaUBiv,  timidement. 

Mon  sort  eut  été  trop  cruel ,  si  quelqulàme  ffen- 
•ible  n'en  eût  adouci  Tamertuine.. 

SCÈNE  XVI. 

PËDRILLE,  FIG'ARO-;  BRID'OÏSONrBàR:^ 

THOLO,  BASILE,  ORIPB-SOLEIL,  LE 

COMTE,  CHERUBIN,  ANTONIO,  FAN- 

CHETTE. 

•       ■  •      •■ 

A9TOVIO,  attirant  fuw  le  bras  qu^qu'un  qu'on  ne  voit 

.    .      pas  encore. 

Allons  ,  madame  ^  il  ne  Êiut  pas  vous  faire  prier 

pour  en  sortir,  puis^u'pn  3Û^  que  vous  j  êtes  en- 


trée. 


♦  •     ., 


ACTE  V,  SCÈNE  XVI.  33d 

F I  oA RO ,  g^écrtant  : 
La  petite  eoasine  ! 

lAZILE. 

▲h!  ah! 

LE  COMTC 

f 

Fanchettef 

AVTOHio  se  retourne  et  s'écrie  : 
Ah!  palsei&bleu !  monseigneiir,  il  est  gaillard 
'de  me  choisir,  pour  montrer  à  la  compagnie  que 
c'est  ma  fille  qui  cause  tout  ce  train-là  ! 

LS  COMTE,  outrée 
Qui  la  savoit  là-dedans  ?  (It  veut  rentrer.) 

BAaTHOz.0,  au-devant. 
'Permettez,  monsieur  le  comte,  ceci  n'est  pas 
plus  clair.  Je  suis  de  sang  firoid ,  moi.  (1/  entre.) 

bhid'ozsov. 
Voilà  une  affaire  au-4iussi  trop  embrouillée. 

SCÈNE  XVIL 

PÊBRILLE,  FIGARO,  BRID'OISON,  hÂK^ 
THOLO,  BAZILE,  GRIPE-SOLEIL,  LE 
COMTE,  CHÉRUBIN,  ANTONIO,  FAN- 
CHETTE,  MARCELINE. 

BAETHOLo,  parlant  en  dedans ,  et  sortant. 
SIe  craignez  rien ,  madame ,  il  ne  vous  sera  fait 
aucun  mal.  J'en  réponds.  (1/  se  retourne  et  /ecfîe:) 
Marceline  ! .  • 

BAZILE. 

Ahlah! 


33'4      LE  MA  AI  AGE  D£  PI&ARCl 

Vi«ArO',  )riàkt 
Èh  !  quelle  folie  I  ma  mère  en  és€t  ' 

AVTdvro.  « 

A  qui  pis  fera. 

Que  m*ii»porte  à  moi?  La  comtesktî  .v^ 

SCÈNE  XVIII, 

PÉD^MLLE/riGAÏia,  Bïllè'OISOîr;  BAR. 
THOLO,  BAZILÊ,  GRIPÊ-SOLEl(L\  LH 
COJMTE^  CHÉHtlBIN,  ABTONIO,  F'^V- 
CHETTE,  MARCELINE,  StJZANNJS,:  wa 
éventail  sur  le  visage* 

te 

LB   C'01IT«« 

..«  Ah  !  la  Yoici  qui  sort.  (Il  ta  prend  violemment 
par  lé  bras»)  Que  croyez-yoûs ,  méssîe«YB ,  que  mé- 
dite une  odieuse...  (S,u^Mtnne  se  jette  à  genoux  la  tête 
baissée,)  ITeû,  non.  (Figaro  se  jette  à  genoux  de 
l'autre  ùâté,).»*  (P4us  fert,)I^ùn ^  n<Hi.  (Mareeiûiese 
lette  à  genoux  devant  luL)».*  (Plus  fortJ)  Non  »  non. 
(Tous  se  mettent  à  genoux,  excepté  Bdd'ohon,.).^*. 
{Hors,  de  lui.)  Y  fussies-yous  un  cent  ! 


■  I  m ifci. 


ACTE  V,  SCÈNE  XKX.  ^35 

SCÈNE  XIX. 

PÊDRILLÇ,  FIGA&O,  BRIiPOt^ON,  BAR. 

.  TB.OhO,  BAZIIiE,  GRiPE-^aLEIL,  LE 
COMTE,  CHiÊRUBIN,  ANTONIO:,  FAK- 
GH£TT£,i.  MARCELLE,  SUZANNE,  LA 
COMTESSE,  si^rtoMi  dt  tûulr^iiaMànA    > 

LA  c o  M T E  S â  E ,  se  jetant  à  ^enquxm 
A^  moins ,  je  ferai  nombre. 
I.E  COMTE,  regardant  ta  comtesse  ti' Suzanne. 
•^  Ah!  qu'est-ce  que  jfe  vois? 

BKi d'oison,  riant. 
Et,  pardi!  c  e-est  madame.   ' 

LE  COMTE,  voulant  relever  la  comtesse,. 
Quoi!  cétoit  TOUS,  comtesse?  {Wun  ton  sûp^ 
pliant,)  Il  n'j  a  qu'un  pardon  généreux.... 

LA  COMTESSE,  en  riant,',      "    '   " 
Vont  dirJeft-fton^  non,  à  ma  p^aeo;  et  moi  j  pour 
la  troisième  fou  d'aujourd'hui,  je' FaetTordè  sans 
condition.  (^Etlese  reUve,} 

suzAJSVE,  st  retevanU  ' 

Moi  aussi. 

M.A.B1CIE  Li  K  K(, .  je  rele¥wUi 

I 

.    Ifi^  agkim  :  il Ijr^ a^e  J, -éobo. iioi.  (  Tauê  sertéimAt,) 

LE^OQBf>TS« 

Q^  réoho.I  J,'ai.voiiA«ivu»er  aTto^euK»;  ila  m'ont 
traiji^>c0»Mleitti»i«nÛiKW 


336      LE  MARIAGE  DE  FIGARO. 
LA  G0MTE»6E,  en  rianU 
Ne  le  regrettez  pas,  monsiear  le  comte. 
F 1  o  A  A  O ,  s'estuyakl  iet  genoux  avec  son  chapeau. 
Uae  petite  joamée  comine  celles:!  f^Bie  bieo 
un  unbaBsadenr. 

'  lE  COMTE,  à  Sazaaaem 
Ce  billet  fermé  d'une  épingle. . . 

SUZANNE. 

C'est  madame  qui  l'aToit  dicté. 

LE  COMTE. 

La  réponse  lui  est  bien  due.  (1/  baUe  lamaia  ele 
la  comtesse.  ) 

LA   COMTESSE. 

Chacun  aura  ce  qui  lui  appartient.  (  EUç  donnt 
la  bourse  à  Figaro  et  le  dUupMut  à  Suzanne,) 
s  0  z  A  H  B  E ,  <k  Fi4^aro« 
Encore  une  dot. 

F I  o  A  R  o ,  frap^fit  la  bourse  dans  sa  nuUa* 
Et  de  trois.  Celle-ci  fi&t  rude  à  arracher. 

SVZA1I«E.. 

Comme  notie  matiage. 

GRIPE-SOLEIL. 

Et  la  jarretière  de  la.i|iariée ,  Tatiroiis-je? 
LA  COMTESSE^  arrachant  le  ruban  qufeiée  a  laitt 
gardé  dans  son  fein ,  et  le  jetant  à  terre. 
'La  jarretière?  elle  étoit  aveo  ses  habit»;  là  Toilà. 
(  Les  garçons  de  la  noce  veuUtU  ta  ramasser,  ) 
r€RÉBVBiv,  plus  alerte ,  eoarî  la  prendre ,  et  dit  : 
Que  celui  qui  la  veut  yieiiBe  me  la  ditpater. 


ACTE  V,  SCÈNE  XIX.  337 

LE  COMTE,  en  riant,  au  page.. 
Pour  un  monsieur  si  chatouilleux ,  qu'aTeat-rous 
trouvé  de  gai  à  certain  soufflet  de  tantôt  ? 

en  é'aUB  m  recule,  en  tirant  à  moitié  sen  \êpée^ 
A  moi ,  mon  colonel? 

F I  a  A  m  o ,  avec  une  coière  comique.* 
G*est  sur  ma  joue  qu'il  la  ^eçu  :  voilà  comme 
les  grands  font  justice  ! 

LE  COMTE,  riant. 
C'est  sur  sa  joue?  Ah!  ah!  qu  en  dites -vous 
donc,  ma  chère  comtesse? 

LA  COMTESSE,  absorbée ,  revient  à  elle,' et  dit  avec 

sensibilité  : 
Ah  !  oui ,  cher  comte ,  ]et  pour  la  yie  »  sans  dis^ 
traction,  je  tous  jure... 

LE  COMTE,  frappant  sur  i*éffaule  du  juge., 
Et  TOUS ,  don  Brid'oison ,  votre  avis  maintenant? 

brid'oison. 
Su-ur  tout  ce  que  je  vois,  monsieur  le  comte? 
Ma-a  foi ,  pour  moi ,  je-e  ne  sais  que  vous  dire  ;  voilà 
ma  façon  de  penser. 

TOUS  ENSEMBLE. 

Bien  jugé. 

FIGARO., 

J  etois  pauvre ,  on  me  méprisoit.  J'ai  montré 
quelque  esprit,  la  haine  est  accourue.  Une  jolie 
femme  et  d^  la  fortune. . . 

BARTHOLO,  enrianf. 

Les  cœurs  vont  te  revenir  en  foule. 

Tkéatre.  Com^diet.  l4*  29 


1r 


23a      LE  MARIAGE  DE  FIGAKO. 

PIOAAO* 

Eftt-il  possible? 

J«  l«s  çonnois^ 

FIGARO,  saluant  tou$  kê  ^ohdturs» 
(Ma  fequne  et  mou  bien  nia  à  pei^tj^  .tQOS  me  fe-- 
HpBt  homjiewr  et  pkiiût.  - 

(  0/1  joue  la  ritournelle  duivat^eiitiiU*  ) 

VÀUDEVrtLE. 

BAZiILE^ 
PAILIIIISR.  COU.PL£r« 

Triple  dot,  femme- snperiie, 
Que  dé  biens  .pm}r;im  époux^! 
D'un  seigneur,  d'un  pageimlierbe,. 
QaeltqiiK*  sot:  «e^t.iaj[ffiuu 
0^  ;lfa;iA  d'un  yieux  pf oyerbe,. 
L'homme  adroit  ii)jt  spçt  p^rti* 

Gaudeant  benè  nati 
f 

BAZILÏ. 

Si^on. . . .  (  1/  chante,  ) 
Gaudeat  benè  nanti, 

DEUXIEME   GaO«llB4t 

Qu'un  marfss  foi  trahisse',  ' 
H  s'eq  TMit»^  ttJckaettA  nV| 


VAUDEVILLE.  33^ 

Qut>  sa  fenuiie  ait  un  caprice^ 

S'il  L'açease ,  0a  la  punit. 

De  cette  absurde  injustice 

Faut-il  dire  le  poun|uoi  ? 

Les  Pilas.  jEbrts  ont  fait  la  loL  (JBi5») 

TAaxstkuE  cotrïi&T. 

Jean  Jeannot  »  jaloux  risiUe , 

iVeut  unii;  femme  et  repos  ; 

H  achète  un  chien  terrible, 

Et  le  l&che  en  son  endûs.   ' 

La  nuit ,  quel  Yaearme  horrible  l 

Le  chien  court ,  tout  est  mùtda  « 

fiotsl-amantguiraveodu.  ^.  {BuJ^ 

hX  COMTESSKo 
QUATRIÈME    CO«rLET«. 

TeOe  est  fiètt  et  repond  d'elle , 

Qui  n'aime  plus  son  mari  ; 

Telle  autre,  presque  infidèle, 

Jure  de  n'aimer  que  lui. 

La  moins  folle,  hélas  !  «st  celle 

Qui  se  veille  en  son  lien, 

Sans  oser  jurer  de  rien^  (Bû.) 

LE    COMTE. 
ClHQUlàME     COUPLET* 

D'une  fisnme  de  province 
A  qui  ses  devoirs  sont  chers  f 
Le  succès  est  assez  mince  i 
Vive  la  femme  aux  bons  ûrs  l 


3$t>      h^  MARIAGE  DE  FIGARO. 

Semblable  à  l'ëcu  du  prince, 

Sous  le  coin  d\in  seul  époux , 

Elle  seict  au  bien  de  toui.  (Bis.) 

MARCELINE» 
SIXIEME    COUPLET. 

Cbacun  sait  la  tendre  mère 
Dont  il-a  reçu  le  jour  ; 
Tout  le  reste  est  un  mystère , 
C'est  le  secret  de  l'amour. 

F 1 6  A  R  o  /  continuant  Vain 

Ce  secret  met  en  lumière 

Gomment  \t  fils  d'un  butor 

Yaut  souvent  son  pesant  d'or.  (B/s.) 

SEPTIÈME    cou VLET. 

Par  le  sort  de  lu  naissance,' 

L'an  est  roi ,  l'autre  est  hetfgtr  ; 

Le  basard  fit  leur  distance^ 

L'esprit  seul  peut  tout  changer. 

De  vingt  rois  que  l'on  encense , 

Le  trépas  brise  l'autel , 

Et  Yolteire  est  immortel.  (Bis.) 

CHÉR.UBtV. 
HUITIÈME    COUPLET. 

Sexe  aime,  sexe  volage. 
Qui  tourmentez  nos  beaux  jours , 
Si  de  vous  cbacun  dit  rage , 
Chacun  vous  rerient  toujoan. 
Le  parterre  est  votre  image  ; 


VAUDEVILLE.  3(4i 

Tel  paroit  le  dédaigner , 

Cm  (ait  tout  pour  le  gagner.  (ETis,) 

SUZAVBTE. 
HETITlèllE    COUPLET* 

Si  ee  gai ,  ce  fol  ouvrage 

Renfennoit  quelque  leçon , 

En  Êiyeur  du  badinage, 

Faites  grftce  à  la  raison!. 

Ainsi  la  nature  sage 

Nous  conduit  dans  nos-  désirs 

A  son  ]>at  par  les  plaisirs.  {Bis,) 

baid'oisoit.  ' 

dixieme  couplet. 

Or ,  messieurs ,  la  coromédie 

Que  l'on  juge  en  ce-et  instant, 

Sauf  erreur  nous  peint-eint  la  vie 

Du  bon  peuple  qui  Fentend. 

Qu'on.l'opprime,  il  peste ,  il  crie , 

Il  s'a^te  en  cent  £i-açons  ; 

Tout  finit  par  des  cbansons.  (Bis,) 

Ballet  général. 


FIS    ou    MAAIAGE    DE   FIGAEO. 


'39. 


AUGUSTE 

ET  THÉODORE, 

ou 
LES  DEUX  PAGES, 

/ 

/ 

/  COMEDIE, 

PAR  DEZÈDE. 

Représentée ,  pour  la  première  fois ,  le  2j  mars 

1789. 


NOTICE 

SUR  DEZÈDE. 


On  prétend  que  ce  nom  cache  celui  d'un 
seigneur  allemand  retiré  en  France ,  à  qui  l'on 
doit  la  musique  de  plusieurs  jolis  opéras  joués 
au  théâtre  Italien,  tels  que  Blaise  et  Babet^ 
Alexis  ET  Justine  ,  etc.  Nous  n'essaierons  pas 
a  lever  le  voile,  et,  nous  bornant  à  parler, 
comme  nous  l'avons  toujours  fait,  de  ce  qui  est 
relatif  au  Théâtre  François,  nous  dirons  que 
Dezède  j  fit  jouer,  le  37  mars  1 789,  une  jolie 
comédie  historique  en  deux  actes,  en  prose, 
intitulée  Auguste  et  Théodore  ,  ou  Lbs  deux 
Pages.  Cette  pièce  eut  le  plus  grand  succès 
pendant. trente  représentations.  Le  jeu  de  tous 
les  acteurs  y  contribua  beaucoup,  surtout  celui 
de  Fleury,  qui  produisoît  l'illusion  la  plus  com- 
plète dans  le  personnage  du  grand  Frédéric.  Le 
frère  de  ce  monarque ,  le  prince  Henri  de  Prusse, 
assistant  à  la  première  représentation  de  cet  ou* 


346  NOTICE  SUR  DEZÊDE. 

yrage,  fut  si  frappe  du  jeu  de  Facteur,  qu'il  lai 
envoya  le  lendemain  une  tabatière  fori  riche, 
ornée  du  portrait  du  roi  qu'il  avmt  si  bien  re- 
présenté. 

Dezède  mourut  à  Paris  en  1 792  • 


■  —      » 

«I I    ■ 


COSTUMES. 


■  Le  Roi.  Habit  bleu,  boutons  blancs  aux  deux 
côtés;  collet,  parements  et  doublure  écarlate, 
rbabit  boutonné  jusqu'en  bas;  veste  jaune,  cu- 
lotte noire;  bottes  tirées  par-dessus  les  genoux; 
éperons  d  or,  épée  de  cuiyre  avec  une  dragonne 
noîre  et  argent ,  passant  au  travers  des'  plis  de 
irhabit;écbarpe  noire  et  argent  par-dessus  Thabit'; 
aiguillettoU  argent;  la  broderie  de  l'ordre,  grand 
chapeau  à  plumet  blanc,  avec  une  cocarde  noire  et 
une'  gance  richement  brodée  ;  cravate  noire  ,  coif- 
fbre  très  négligée  ,  <|ueue  longue  et  mince  ;  canne 
à  bec  à  -Gorbin ,  grande  boîte  d'or  k  tabac  et  de 
forme  'carrée  ;  gants  à  ht  euiratsière. 

AuovsTSt  Au  premier  aete ,  en  petite  mlitigotte 
.bleue ,' veste  blaiiehe,  culotte  jaune,'  honeê  et 
^^œfwonB ,  ka  obcvcnx  en^  désotdYo ,.  «hapena  ga^ 
kn^né  tti'^v.  Att^«0oond  adte ,  h«]lit  éoâriMé^lAa^ 
galons  d'or  festonnés  sortotite»  lM^tNlillet)-pa«s^ 
rnenta  et  vdsti  de  velours  bleu  ^riomé»  dé  mtee, 
cula.tte  noire ,  col  de  veiomrs  soir^  tpàeum  kMi^pUtfw 
.  Ta'ioDQnK  eat>  vêtu  d«  mèm»  $  ià  mrrive  a»  pre- 
mier 4cté  fodtt  habillée 

Les  ;QUAtre  Pages  de  la  suite  du  roi  ont  le  petit 
habit  anec  un  petit  galon  uni  et  rien  sur  les  tailles. 

La  BckBE  SE  Gaboliite,  en  robe  grise,  au  premier 
acte;  et  fta  «econd  de  même ,  mais  un  peu  paiéfi* 


CiiOLiKE ,  an  premier  acte  en  robe  grise ,  et  i 
■econd  en  robe  blancbe. 

L'HAtc  ,  d'abord  ea  robe -de -chambre  arec  l 
bonnet  de  veiour*  noir  sur  la  tête,  easuite  n 
babit  d'une  couleur  foncée;  boutons  d'or  jusqu'e 
bai ,  grandi  parement!  ,  grandes  manchettes  ,  per 
ruque  îi  bourie  avec  dei  rubans  noirs  qui  Tiennen 
tomber  inr  le  jabot  ;  vesie  riche  et  culotte  noire. 

L'BAteiie,  coriet  de  soie  groi  Tert ,  jupon  de 
«oie  coquelicot,  bordé  d'une  dentelle  en  or,  le 
corset  lacé  avec  une  chaîne  d'ot;  bonnet  d'un* 
étoffe  d'or. 

La  BoaaE ,  robe  d'élamïDe  bnine ,  lac^e  avec  un 
ruban  blanc ,  un  bonnet  noiï. 

Lu  QDii'KK  Glaçon.  L'AuiaUBUi  veitt  de 
dc*p  btun ,  perruque  ronds  et  un  tablier  vert. 

L'Abowi)  ,  gilet  rouge ,  culotte  de  peau ,  Douéi 
MUS  lel  genoux  avec  dei  ruban»,  cheveux  coupél.  | 

L'Ituibr  ,  habit  bien ,  court.et  étroit ,  avec  un  , 
petit  galon  uié  ;  veste  et  culotte  de  couleu»  ttBn< 
«hantei ,  coi&re  ridicule. 

UCOH,  fracet  gilet  élégant,' culotte  jaun^ 
et  cbausiure  «oignéea. 
roii  gat^oni  étrangen,  en  paroiMant  I* 
fois ,  ont  chacun  une  aerriette  à  la  main-     , 


COSTUMES.  349 

SUITE  DU  ROL 

Des  Officiers  j  habit  bleu  de  roi  hk  grands  bran-'^ 
«lebthirgs  d'argent;  doublure,  collet,  parements 
ccarlate  ;  veste  et  culotte  jaune ,  guêtres  blanches, 
l'écharpe  sur  la  Teste., 

D'autres  officiers,  habit  écarlate,  boutons  d'ar- 
gent aux  deux  côtés  -,  parements ,  veste  et  collet 
bien  de  roi;  culotte -pantalon  de  peau,  grandes 
bottes ,  éperons ,  Thabit  boutonné  et  1  echarpe  par 
dessus  ;  aiguillette  d'argent. 

Vautres  officiers, huULa  galonné  d  or;  parements 
et  collet  rouge;  culotte-pantalon  de  peau;  grandes 
bottes,  éperons,  aiguillette  d'or,  l'écharpe  sur  U 
bufEe  et  grand  sabre^ 

D'autres  officiers ,  buffle  galonné  en  argent ,  pa- 
rements et  collet  rouge;  culotte-pantalon  de  peau, 
grandes  bottes,  éperons;  aiguillette  d'argent, 
l'écharpe  sur  le  buffle ,  et  grand  sabre,  . 


shMtif  ;  Oon^itiTi  {1  3o 


V   \ 


\ 


PERSONNAGES 


}     pages  de  la  chambre. 


Le  Roi. 

A.UOUtTI 

Théodojle 

La  MkBB  D*AnâusTB. 

Caeolivs,  sa  fille  et  soeut  d'An^vaw. 

LiSBEYH,  gouTernante  de  Cardlme. 

HossiEVR  Phlips,  maître  d'hôtellefie. 

Madame  Prlips,  sa  femme. 

Ub  Garçon  Allemabd. 

XJjf  Gauçob  Fbabçois. 

Ub  Garçob  Abglois 

Ub  Gabçob  ItaiiIBB. 

Ub  Gocbkb. 

Uv  GVUIBIBA. 

Suite  du  roi» 


L^  scène  est  en  Allemagne. 


V 


>       \ 


LES  DEUX  PAGES, 

COMÉDIE. 

ACTE  PREMIER. 

Le  théâtre  reprësepte  un  salon  honnête  avee 
une  gmnde  porte  dans  le  fond ,  et  une  porte 
onHnaûre  de  chaque  côté ,  adossée  à  la  cou- 
lisse ;  à  la  ^troisième  ou  roit  dé  chaque  côté 
une  croisée.  Sur  la  droite  des  acteurs  est  une 
grande  pendule  à  Pantique ,  et  sur  la  gauche 
un  grand  bureau  et  un  grand  fauteuil  auprès: 
sur  le  bureau  sont  deux  livres  de  comptoir^ 
une  sonuette  et  une  ëcritoire. 


SCÈNE  I. 

L'fiÔT£|Mtt/. 

(1/  entre  par  la  porte  à  gauche  des  acteurs  ,'et  il  est  en 
robe-  de  chambre  avec  un  bonnet  de  velours  sur  la 

téu,) 

Ijzyt  ayant  tout  le  monde,  couché  le  dernier, 
soins,  activité,  vigilance j  exactitude  et  probité, 
voilà  les  moyens  dont  se  sont  servis  mes  bons 


S5s  LES  D£UX  PÂ&ES. 

aïeux,  et  que  j  emploie  moi -même  pour  conduire 
ma  inaison.  On  doit  toujours  chercher  ht  se  distin- 
guer dans  son  état,  et  puisqu'il  faut  jouer  un  rôle 
ici  has ,  je  préfère  celui  de  hon-homme  à  tous  les 
autres.  Je  suis  d'un  caractère  facile,  je  n«  rançonne 
ni  ne  poursuis  jamais  personne.  Je  plains  ceux  qui 
sont  dans  l'impossibilité  de  me  pajer,  et  quand  je 
trouve  une  bonne  occasion  de  rendre  service,  ie 
la  saisis.  Il  nj  a  pas  de  pins  grand  plaisir  pour 
moi.  Aussi  tout  me  réassît,  tout  me  profite.  Ce  qui 
ruineroit  un  autre,  m'enrichit,  moi.  En  vérité ^  je 
ne  sais  pas  comment  cela  se  fait;  mais  je  gagne 
plus  d'argent  à  moi  seul  que  tous  mes  voisins  en- 
semble r  il  est  vrai  que  mon  hdtel  et  moi  nous 
sommes  connus,  je  crois.,  dans  le  monde  entier. 
Tous  les  étrangers  viennent  loger  ici  de  ]^éference« 
Princes,  ducs,  gens  de  qualité,  prélats,  tous  les 
ordres  dfecitojens  me  font  l'honneur  de  descendre 
chez  M.  Phlips,  à  l'hÂtel  des  Quatre-Nations.  (1/ 
s'assied  près  du  bureau ,  sonne  et  appelle.)  L'Aile^ 
mand  !  l'Anglois  l  Romain  !  Parisien  !  (  Les  quatr& 
garçons  entrent  et  se  placent  sur  une  lignée) 

SCÈNE  IL 

L'HOTE,  LESQUATKEGARÇONSv 

l' H  ô  T  E ,  au  garçon  allemande 
Ersest! 

ERKEST.. 

Monsieur? 


ACTE  I ,  S  CÈNE  r  I.  3^53 

Î'HÔTE. 

.  Ayez-YOns  fait  pattir  les  trois  gar^hâ  que  j'ai 
venvojés  hier? 

Ils  vont  partir  à  1  rastant.  ils  ont  bien  du  regret 
àe 'quitter  votre  maison. 

l'hôte. 
C'est  leur  faute. 

SRITEST. 

'Ils  espèrent  qunn  si  bon' Maître  voudra^  bien 
lent  donner  deft  certificats. 

Des  certl^catfi!  Dans  ci&  pays^i ,  on  n*en  donne 
point  aux  mauvais  sujets.  Deux  florin»  à  ^aciin^ 
et  que  je  n'en  entende  pins  parler. 

>  '  (Le  yarçon  aitenuuid iotiJ) 

SCÈNE  IIL 

LHÔTE,  LÉS  TROIS  GÀUÇONS. 

l'b  ô  T E ,  au  gatçon  angloUm 
CoartcÊvï  vont  nommez-voua?. 

'  ^on*6., 

Et  vous? 


t  •  ■     I 


LE  aARÇOH  ITALIEB. 

'Gftrlo.  ■     -^^    ■ 

'  l' a  6  T  E ,  au  garçon  fratiiç0i$p>    . 
Et  VOUS? 

3o; 


364  t£S  0EIIX  FAG^Efi^ 

LE    OAaç.OI  T^VÀSÇOIB. 

La  France..  , 

l'hôte. 
Jon's,  Carlo  et  la  France,  écontez.  SaTeas-yoai 
pourquoi  les  autres  ont  été  mis  à  la  porte? 
LES  TROIS  G  A  fiqov  s,  cfi4»cundan$  son  largoUm 
Non ,  monsieur. 

L*HÔTE. 

Je  vais  vous  rapprfadse.  L'Anglois  étoit  inso- 
lent', mé^tMnt  toul^  ce^^^ii  n  e^f>a»  de,  ^a  nation , 
et  toujours  tout  prêt  à  fntre  le  eoup  de  poi<ig  M^ec 
le  premier  qu'il  rencontroit  sur  son  chemin.. 

L'ItluKen '.ét«^/jki:Mi^4  birpocrite'*  et  yindicatif, 
d'ailleurs  très  suspect  du  côté  de  la  fidélité. 
LEGÀRçoiràitA lOK ir ^  dums.  sou  jargon^ 

Mon«ieusLy.  je  tous  j^auyerai  (pi'il  j.  »  4çs  gens 
dans  mon  pdjs  qui  n'ont  pas  ces  dé{auts<-là. 

Et  TOUS  ferez  Kîbbu  Le  JNfMJyoîiy  yidl^dolMpageT 
il  étoit  doux,  pféy«asBiir^<ig;Biy.¥i£vibon  garçon; 

mais  libertin Toutes  mes  servantes  es  d^e- 

noient  folle8<.fi^  l^'i9nfni]>oii  taittCft^  et  elles  l'en 
\aimoient  encore  davantage.  Que  celavousnervade 
yçon.  .•:  I  ".i  '  -  r      .»  wr  A  »<  .  .: 

Vb  GARçoii  rnÂv^oiSf  avec  taceent  gtÈMnoM^ 


J'en  profilMwl;  'V  ""î  '' ,   »  *  •  -•    'ii  -i 


\ 


ACTE  I,  SCÈNE  IV.  355 

SCÈNE  IV. 

L'HÔTE,  LES  QUA^TRE  GARÇONS. 

LE    GÀRÇOH    ALLEMAND.. 

M  OB  SI  EUR  ,1a  maison  se  remplit  de  monde.  Les 
étraagecs  arrivent  ée  toute»  parts  pour  la  revue. 
Youlez-vous  bien  donner  vos  ordres? 

,A|;j|ei4tidQ.  Je  aie  sers  ^e  ^àtm  garçons  difle- 
TfN^  j^na  Ik  i?oiifia»odilé.«ft  le  «erVic^  dts  persoo^ 
nés  qui  T^eni^Wt  loger  chez  moi..  Sojez  polis ,  dis- 
crets ,  empressés ,  et  fidèles  surtout.  Point  de  con- 
duite, point  d'^^me;  point  de  travail,  point  de 
salaire  :  vous  serez  bien  pajés,  bien  nourris,  mais 
je  veux  être  sérvî  de  même.  Allez,  courez,  rendez- 
^0«ii«;è(yM9ni  éwoutj  mouteez  ^pattttnf.  lemêaeBèle , 
ajez  pour  tout  le  mi^oadt^les^inétaes  attentions;  il 
faut  que  chacun,  dise  en  pfirUint  :  on  est  très  bien 
ici^  je  reviendrai,  je  suis. content,  je. reviendrai,  je 
reviendraî  à  rhôtel  Ses  Quatre-ÎVations. 

LE  GABION  À.V Ci f,oi s  ^  dans  soÊi  jarqon. 

Quand  on  a  Servi  en  Angleterre ,  on  peut  se  pré- 
senter partout  ïiard'iment,  je' vous  assure. 

(lisortj 
LE  GARççoH  ITALIEN,  dans  son  jargon*. 

Nous  autres ,  nôtis  cherchons'  à  deviner  ce  que 
Ion  peut  désirer,  et  ntrtré  âbdplesse  nous  fait  ton- 


S56  LES  DEtJX  PAGES. 

&  s  GABÇOa  F11A5Ç0IS,  gOSCOn,  . 

Pour  moi ,  monMeur ,  je  ne  me  yante  pas ,  mais 
je  tâcherai  par  mon  service  d'être  agréable  à  tout 
le  monde. 

(UsorU) 
l'hôte. 
Fidèle  Allemand,  je  n'ai  pas  besoin  de  te  re- 
commander. . . 

LB   aAnÇOBT   A'LL'EMAHD. 

.Vous  me  connoÎMez.,  monsieur  ;  sans  faire  beau- 
coup de  brui^,  je  fais  tout  doucement  mon  devoir. 

(  Il  iotL  ) 

'  SCÈNE- .V- 

LHÔTE,  L'HÔTESSE.* 

(L'bôtesae  entre  par  la  même  porte  que  son  marL  Blle^fl 

>  toute  kabillée.) 

L*H  ô  T  E  s  s  E ,  g  aiment, 
BiEv!  fort  bien!...  Voilà  ce  qu*bn  appelle  un 
maître  de  maison.; 

l'hôte,  toujours  d*un  air  grave. 
Je  m'en  i9;atte.  Bonjour,  ma  femme.;  (  1/  iui  tend 
la  main.  ) 

l'hôtesse. 
,    Bonjour ,  bonjour ,  mon  mari. 

l'hôte«  .         .    ' 

Te  voilà,  comme  de  coutume  »  toujours  vive, 
toujours  gjMeii' 


ACTE  I,  SCÈNE  V.  357 

L*  H  ô  T  E  s  5-E ,  Vinterrompant^ 
Bt  toujours  biea  éveillée. 

l'hôte^ 
On  m  en  fiait  conrpliment.  Tenez  m  embrasser. 

l'hôtesse. 
De  tout  mon  coçm*. 

l'h ô T E ,  d'un'air  un  peu  goguenard. 
Entre  nous,  je  erois  que  vous,  ètei  bien  aise 
d'être  ma  femme. 

l'hAtesse^ 
Entre  nous ,  je  ne  dis  pas  non: 

k*h6te. 
Je  m  en  doutois. 

Ir*àèTESSE. 

Mais ,  c  est  tout  simple  ;  notre  forttme  est  hon- 
nête, et  nos  humeurs- ne  s'accommodent  pfts  mal. 
Vous ,  mon  ami ,  vous  êtes  un  brave  homme;  moi , 
[fi  suis  une  bonne  femme  ;  tu  fais  tout  ce  que  je 
veux;  cela  fait  que  je  n'ai  jamais  d'tiumeur  ;  tu  ne 
me  laisses  jamais  manquer  de  rien ,  cela  m'empê 
che  d'avoir  des  fantaisies  ;  tu  me  reproches  par-ci 
par-là  d'être  un  peu  coquette;  moi ,  je  te  permets 
d'être  un  peu  jaloux;  aussi  qu'est -ee  que  nos 
petites  brouilleries  ?  presque  rien.  .On  se  boude 
un  moment ,  on  se  querelle  une  minute  ;  eh  bien  ! 
tant  mieux;  on  meurt  d'enviée  de  faire  la. paix.  On 
0e  rapproche ,  x>n  s'explique ,  on  se  raccommode , 
et  un  raccommodement,  c'est  toujours  une  fort 
bonne  chose. 


35a  LES  DEUX  PAG£& 

l'hàte. 
Ah  !  ah  !  ah  !  ah  !  la  voilà 'bien.  Toujours  le  petit 
mot  pour  rire.  Madame  Phlips ,  en  vérité ,  plus  je 
vous  connois,  plus  je  trouve  c[ue  j'ai  bien  fait  de 
vous  avoir  épousée. 

L*HÔTSSSE. 

Mon  ami ,  vous  êtes  fort  galant* 

l*h6te. 
Point  du  tout  ;  mais  )  ai  refléchi ,  et  je  suis  bien 
eertain ,  malgré  les  railleurs.  • . 

I.*HdTSSS£« 

Quoi  donc? 

Rien. 

QVQ  vo^Jçff-TQus  d»e? 

SuÇtf 

i'hôtxss». 
ExpIiquez^yoQS. 

i'b6tx.  ' 

Une  autïe  fois. 

l'h6t£sse. 
À  l'instaDt^;  j«  \%  veux. 

L'nâvir 
.  Ahl 

Eh  KienJ  vous  n*avez  pas  encore  vingt-dcuz  ans. 


ACTE  I,  SCÈNE  V.  359 

l'hôtesse. 
:Tant  mieux  pour  tous. 

I.*  H  6  T  E., 

Od  m'en  fiiit  un  compliment ,  mais....  Tout  1* 
inonde  vous  trouve  si  jolie. 

l'hôtesse^ 
Tant  mieux  pour  moi. 

LtlÔTE. 

Assurément  ;  mais. . . 

l'bôtS^se. 
Mais* 

l'hôte. 
Bien  des  gens  m*ont  trouvé  hardi ,  moi.. 

l'hôtesse. 
Et  pourquoi  donc ,  s'il  vous  plaii? 

l'hôte. 
Les  uns  croyoient  ;  d'autres  prétendoient  :  en- 
fin ,  mon  cœur,  que  veux-tu  que  je  te  dise?     _ 

l'hôtesse.  . 
Ce  sont  des  envieux ,  des  jaloux  qui  t'en  veu- 
lent,'parce  que  je  t'ai  donné  la  préférence.  Écoute, 
mon  ami ,  sois  doux,  complaisant,  ne  me  contra- 
rie jamais ,  et  aime-^moi  toujours  de  même,  je  te 
promets. .  «  . 

l'hôte,  l'interrompant 
Ma  chère  amie,  je  te  promets  tout  ce  que  tu 
voudras. 

L' HÔTESSE. 

f 

Et  tn  seras  hentetix.  D 'ailleurs  ^  tu  sais  l^i^  qu« 
dans  notre  famille  nous  n'aimons  que  nos  maris. 


36o  L£$  DEUX  PAGES. 

C'est  cela  qui  ma  décidé. 

L*HÔTESS£. 

Eh  bien  !  sois  donc  tranquille.  A  1  égard  de  ces 
messieurs  qui  tournent  la  tête  à  toutes  nos  femmes, 
on  sait  ce  que  c'est.  J'avois  une  amie  qui  les  con- 
noissoit  bien ,  et  voici  ce  qu^elle  cbantoit  toute  la 
journée. 

AIR. 

AlME&A 

Qui  voudra 
Les  hommes  ; 
O'est  noijre  &ute,  si  nous  soiyunes 
EsclaTes  dé  ces  messieurs-là. 
Sans  aSecter  un  air  sévère, 
A  leur  joug  on  peut  se  soustraire; 
Et  le  bon  mùytm.,  le  voilà. 
Pour  nous  plaire  y     ^ 
Vous  les  voyeï 
Insinuants , 
Complaisants, 
Tremblants, 
Rampants , 
Entreprenants^ 
Humiliés  : 
Dans  cet  état  il  faut  qu'Os  viennent 
A  nos  pieds  ; 

w*^     j -r  ^  f  qu'ils  s'y  tiennent, 

Et  quand  lis  y  sont  <  ^  ^       .        \     , 

''I  que  ces  messieurs  s  y  tiennent. 


actM' ^^^^^  IX. 


36a 


veille ,  et  cette  bonne  amie  avè^USTE. 

— ^      •.    .  ^     ^  ^^  ^  totit  défaits. 

Et  moi ,  je  pense  tout  coi^me  eUe./^  .' . 

SCÈNE  VI.       '*^' 


L'HÔTE,  L'HÔTESSE,  LES  QUATRE  GA 
ÇONS,  f un  après  l'autre;  VTX  GQÇH^He 

LE  OARÇOBr  ALLEMAND.. 

9f  ovsiEun,  on  demande  le  mepUf, 

I 

l'hôte. 
Je  vais  m'en  occuper. 

(Le  qarçen.  atiemamà  sort,  ) 

LE  OABÇOir    ITALIEir. 

^lonaieur,  on  demandé  les  papiers  publicii., 

l'h>ôte. 
Ils  ne  sont  pa^  encore  arriyés. 

(Le  garçon  itatien  sort^ ) 

LE  QARÇOS  Alf  OLOIS- 

Mdosieur^  mjlord  veut  pajer. 

l'hôte. 
J'y  Tais. 

(Le  garçon  angiois  sorL) 

LE  aAaÇOV  FAABTÇOia.. 

Monsieur,  monsieur  le  chevalier  you4roit  tou» 
parler. 

L'HÔtE.      ^ 

Va-t-îl  aussi  me  pajcr? 

Théâtre.  Comédiei.    li»  3 11 


\ 


3^  Tt^^^^     ^X^AGES* 

^^*^^,A  w  ç  o  I S ,  en  ioriaïCi. 

C*        ^  ,K  fij^C^isàs  il  donne k  bon  jour  k ma- 
*'   ^^  • 

^4l«^-  l'K  COCHER. 

^^^^T^7  îl  fftut  un  chariot  y  denx  calèches ,  et 
^/^traux  de  selle. 

L  HÔTC.I 

Allons ,  allons ,  )y  cours  ;  je  suis  atout  te  monde, 
qn  on  «c  4ase  Tien^aAs  stoi.  I«  rais  iaectre  af  per« 
ruque: 

SCÈNE  VIL 

L'HÔTE,  L*9ÔX£$SJEL 

<.'mi6TE. 
Adieu  ,  ma  dièrelemme,  tous  -allez  régler  vos 
li'yrei ,  «c  moi ,  je  yais  donner  le  «««p-âVoeil  da 
iiaaitre. 

SCÈNE  VIII. 

L'HOTESSE,  leufe., 

Il  va  merttre  sa  perruque ,,  pour  donner  le  conp- 
d'csil  du  maître.  Ces  maris  !  avec  leur  ton  d'auto- 
rité,ils  ont  toujours  l'air  d'ordonner,  et  ils  obéis- 
sent sans  cesse.  Les  pauvres  gens  !  pour  peu  qu'on 
veuille  s'en  donner  la  peiitf ,  on  les  mène  ab&ola- 
.ment  tout  comme  on  yeut.lLe  mien ,  par  exemple, 
je  l'aime  de  tout  mon  cœur,  mais  je  ne  ferois  pas 
une  seule  fois  sa  volonté ,  dut-il  être  rfkQji  lytari 
pendant  cent  ans. 


ACTE  I,  $G£lf£  IX.  362 

SCÈNE  IX. 

L*eÔT£âS£,  AUGUSTE. 

A  u  o^  S  T  E ,  i'air  harassé  et  ses  cheveux  tout  défaits, 
Pabdoh,  madame  :  i^estrce  pas  youi  ^i  éte«. 
l'hôtesse  de  cette  maison?' 

l'hôtesse. 
Oui ,  monsieur,  c'est  moi  qui  suis  l^tnaitresse^ 
^u'y  art-il  pour  rotre  service? 

AvavsTE. 
youd«iQ«-T9«»  bien  me  dir»  s»  deux  dwiMS  de 
U  proTiace  sont  arrivées  dans  cet  hÔHlî . 

Un«  mère  a^veo  sa  fille? 

Our ,  madame ,  une  mère  avec  sa  fiilév> 

l'hôtesse. 
IXhierau  soir;  deux  dames  angloises? 

AUaVSTE. 

Non,  madame;,  celles  que  j'attends  w-nn^nt 
de  Stettin..  Le  carrosse  n'est  donc  pas  encore  ar« 
rivé? 

l'hôtesse. 

Il  ne  sera  ici  au  plus  tôt  que  dans  une  heure^. 

Ah  !  madame ,  je^us  supplie ,  je  vous  en  con- 
jure, tenez -leur  un  petit  appartement  tout  prêt^ 
ajrez  pour  elles  tous  les  soins ,.  toutes  les  atten- 


364  LES  DEUX  PA&ES. 

tions  ;  que  tien  ne  leur  nianque ,  rien  au  inonde  \ 
entendez -TOUS,  madame?  Vous  pouyez  compter 
sur  mon  exactitude  et  sUr  toute  ma  reconnois- 
sance. 

L*BÔTE8SÉ,  a  ^ar/. 
L'aimâblé  enfant!  ( Hau^ )  Sojez  tranquille, 
Itionsieur  le  page  ;   j  aurai  sOiii   dé  Ceft   damei 
comme  de  moi-mêMe. 

AlTGtrSTE. 

Vous  êtes  bien  bonne  :  je  n*ai  reçu  leur  lettre 
qu'hier  fort  tard ,  et  au  mdtaie  instant  un  ordre  du 
toi  nf'a  fait  paitir  Ayec  des  dépêches;  }'ai  couru 
toute  la  niitt^ 

zt'b^tessb» 

Toute  la  nuit  par  le  temps  affireuz  qu'il  a  bXxl 

auguste. 

Ah!  madftme.,  j'y  suis  accoutumé.  (Bas.)  Mais 
ma  pauyre  mère.  (Hizut.)  Et  à  mon  retour,  ayant 
appris  que  sa  majesté  étoit  sortie  de  la  ville ,  j'ai 
saisi  lé  ptémier  moment  pour  vôIer  ici. 

l' HÔTESSE,  s' attendrissant  peu  à  peu ,  à  pari. 

Ce  cher  enfant!  (Haut.)  Exposé,  toute  la  nuit, 
au  vent  et  k  la  pluie,  à  cet  âge-là.  Mon  dieu! 
comme  ses  paurres  cheveux  sont  mouillés  !  Repo- 
sez-vous donc,  mon  gentilhomme,  reposez- vous 
uU  moment. 

ÀVGUS:^. 

Cela  n'est  pas  possible  ;  il  faut  qUe  je  fii'én  aille 
Ibîen  vite ,  que  je  retourne  au  château  :  je  n'ai  pas 
Une  minuté  à  perdre; 


ACTE  1/SCÈNE  IX.  365 

L*b6t£89E 

Mais,  cest  comme  si  vous  j  étiez ;.  ma  maison 
n'en  est  qu'à  deux  pas ,  et  puis  on  Toit  par  cette 
fenêtre  tout  ce  qui  se  passe  sur  la  grande  place. 
AVGUSTE ,  s^avançant  vers  la  fenêtre  et  frisant  un  cri, 

O  ciel  !  voilk  le  monde  qui  accourt  :  c'est  le  roi 
qui  arrirc  Adieu  ,  madame.  Dites  à  ma  mère 
qu'Auguste....  dites-lui  que  je  reyiendrai  bientôt , 
le  plus  tôtque  je  pourrai.  (It  court  et  revient»)  Ah!.. 
Ditçs-lni  aussi  que  sa  lettre.  (  îi  montre  une  Lettre 
sous  sa  camisole,  )  Vojez  y  elle  ne  quitte  pas  mon 
cœur  ;  diteis-luiLien,  je  vous  en  prie.  (Il  lui  presse 
tes  mains,  )  Ah  !  madame ,  je  vous  recommande  la 
plus  tendre ,  la  meilleure  des  inères. 

(Il  sort,) 
(  Vhôtesse  est  attendrie  jusqu'aux  larmes ,  qu'elle  es* 

suie  avec  son  mouchoir.  L'hôte  paroU  dans  ce  ma- 

ment  :  U  est  surpris  de  voir  s'enfuir  un  page,  ) 

SCÈNE  X. 

L'HÔTESSE.  L'HÔTE,  <ojctW^/e\ 

l'hôte,  s'àpprochant. 
Ma  feïnme. . . .  ma  felnmei ...  (It  lui  ôté  te  mou- 
choir,) Gomment  donc?  vous  pleurezl 

L*  H  ô  T  £  s  s  E. 
Sûrement ,  que  je  pleure,  et  vous  en  feriez  bien 
autant ,  si  vous  sayiez. . . 

l'hôtE. 
Cela  se  pcat{  daft  torons ,'  do  quoi  s  agit-Sl? 

di. 


366  L£S  D£UX'  PAGES. 

L*BèTEI(»£. 

Un  plttsJntéreMast  îeuDe  homme,  d*un  fils  qui 
adon  sa  mève  e  elle  Ta  arriyer  ;  il  m*a  demandé  un 
petit  appartement  pour  elle.  Je  lui  ai  promis  celui 
ci  ;  je  lui  doniMroifi  le  mien ,  je  lut  donnerois  to- 
lontiert  toute  ma  maison. 

i'hôts. 

Toute  la  maisOU:,  toute  la  amison..»  comme 
vous  prenez  feu  pour  monneur  le  page  ! 

I.'«ÔTESSE.,' 

Eh!  pourquoi  doitc  pas ,  mon  ami? 

l' Il  6  TE. 
PotîrquOi?...  C*ést  que  vous  ne  les  connoissez 
pas  ;  vous  n'êtes  jp^  âU  fiiit  comme  moi  de  toutes 
les  geuttllésses  de  ces  messieurs  :  défiez-TOus-en , 
ma  fiçiHmè ,  dé6éz-yous-éh ,  c'est  moi  qui  irons  le 
conseille. 

l'hôtesse. 
Encore  de  la  jalousie  !  Un  page ,  un  enfant. 

l'hôte,  à  demi-bas, 
Uaenluvt^  un  enfant  :  quand  une  fois  ils  ont 
mis  le  pied  dans  une  maison...  Cflonl.^  Tenez,  si  je 
chantois  aussi  bien  que  vous ,  je  vous  dirois  des 
couplets  qui  ont  été  faits  sur  eux. 

l*h6xesjb. 

ï)es  collets  1  Yojrons,  mou.ami}  wM£e  oban^ 
son. 

Mais  je  ekAata  si  mal ,  «t  fta  voii. .  « 


ACTE  I,  SCÈNE  X.  367 

Je  sais  bien  qu  elle  n'est  pas  belle  ;  mais  yoni 
n^avez  rien  k  me  refuser,  et  vous  chanterez  pour 
me  plaire. 

l'  H  6  T  E. 

Je  tâcherai  donc  de  fiaiire  de  mon  mieux* 
phemizh  couplet. 
Ias  toon  que  font  menieurs  les  pages , 
If  e  sont ,  dit-on ,  que  jeux  d'enfants , 
Et  l'on  doit  voir  leurs  badinages 
Avec  des  yeux  très  indulgents. 
Tant  qu'ils  ne  sont  pas  dans  un  Age 
On  l'on  peut  causer  quelqu'ombrage 
A  des  ép<iux ,  b  des  mamans , 
Les  tours  que  font  messieurs  les  pages,  > 
Ke  wntiincor  que  ienz  d'cn&nts. 

DEITXxàliC   COVmBf. 

On  en  rit ,  on  les  encourage , 
Et  même  on  dît  quHs  sont  channants. 
Alors  ils  osent  davantage , 
Et  l'on  «'y  fût  avec  le  temps. 
Itoiir  séduire  «aeifillesoge , 
Pour  troubler  la  paix  d'un  ménage , 
Que  leur  faut-il  ?  quinze  ou  seize  ans. 
Les  tours  que  font  messieurs  les  pagpp 
Sont-ils  encor  des  jeux  d'entots  ?j 
I  l'hôtesse. 

Ce  que  vous  dites  là  n>st  point  du  totit  pla^* 
sant. . .  pour  un  mari.r 

x*,ajàuxx. 
Je  vous  le  demande. 


368  LES  DEUX  PAGES.   , 

SCÈNE  XL 

L'HÔÏKSBË,  L'HÔTE,  LE  GARÇON  ALLE« 

'  MAND.. 

LB  OAHÇOH  ALLEMASDi 

Li  carrosse  de  Stettin  vient  d'arriver. 

(1/  fort.) 

1*h6tE8SE. 

Ah!  tant  miteux!  viens,  mon  bon  alni^  allons 
vite  au-devant  de  ces  dames  :  mais,  les  voilà  déjà.. 
Oh  !  oui  )  ce  Sbnt  sûrement  elles.. 

SCÈNE  XIl. 

L*HÙTESSE,  LA  MÈRE  D'AUGUSTE,  GARO 
LiNE ,  L'HÔTE ,  LA  BOIWE  dans  le  fond. 

l'Iiôtésse. 
Mesdames,  donnea^vous  la  peine  d'entrer,  et 
sojez  les  bien-ventes.  On  vous  attendoit  avec  im- 
J>atience.  Un  jeune  gentilhomme ,  un  page  de  la 
chambre. . ., 

LAMènk. 
Mon  fils  ! 

caholive. 
Mon  frère  ^ 

l'hôtesse^ 
Oui ,  madame. 

tA  Mknt  ET  CAROLtBSv 

Cher  Auguste  2  où  est-41f 


ACTE  I,  6GËNE  %IL  869 

L*HdTE. 

Vue  iniiiiite  plus  tôt,  tous  le  trouviez,  iSies* 
dames. 

t'aÔTCSSE. 

Il  nj  a  qu'un  instant  qu'il  vient  cle  s'en  aller; 
<;e  cher  enfaiit!  il^a  couru  toute  la  nuit  pour  le  ser- 
vice du  roi ,  et  il  a  été  obligé  de  retourner  àU  châ- 
teau bien  vite^  mais  il  m^'a  promis  qu'il  reviendroit 
dès  qu'il  le  pourroit.  Ab!  madame,  quel  fils  vous 
avez  !  quelle  tendresse  pour  Sa  mère  et  sa  sœur  l  Si 
Vous  aviez  vu  son  empressement,  ses  inquiétudes 4 
et  votre  lettre,  madame,  qu'il  pOrte  sur  son  cœur< 
Ah!  je  ne  puis  j  songer  sans  verser  encore  doé 
larmes ,  mais  elles  sont  bien  douces. 

CABOLiNB^  aitendrief 
Ah ,  ma  mère  l 

LA  M i n E  ^  attendrie* 
Chhe  Caroline  !  nous  l'embrasserons  bientôt* 
mopsieur  L'hôte  ^  dès  que  mon  fijis  sera,  arrivé , 
vous  voudrez  bien.  *  é 

l'hôtesse. 
C'est  moi ,  madame ,  qui  vous  l'amènerais 

l'hôte. 
Non ,  ma  femme  ;  c'est  moi  qui  aurai  cet  hon« 
neur  :  vous  conduirez  ces  dames  à  leur  apparte» 
ment  ;  elles  auront  besoin  de  vous  ;  et  mdi ,  je 
reste  ici  ;  j'attendrai  monsieur  le  page ,  et  le  pré^^ 
senterai  moi-mème<  (A  la  mète»  )  Madame  »  quand 
il  vous  plaira. 


LA  IcàttE. 

JHonnear  l'hâte,  je  yoas  remACcie  de  vas  atten* 
tion»  et  de  yotre  boo'  aecueil. 

(Vhôtesse  conduit  ce*  dame*  à  leur  appaMement , 
et  lu  bonne  n'otunt  poster  devant  Vhote**e.,  itf^è*  un 
\eu  muet  de  part  et  d'auire,  finit  parpastet  ia  pre* 
mlire  en- faisant  une  révérence  à  t hôtesse^), 

SCÈNE  XIII. 

L*  H  ô  T  B ,  les  suivant  des  yeui^» 

L'ÀiB  noble,  de  la  décence,  de  la  politesse;  ces 
iiames  n'auront  qH  a  se  loaer  de  moi.  Mais,  pour 
ne  pas  perdre  de  temps ,  voyons  si  ma  femme  sest 
occupée  de  ses  livres.  (Il  va  au  bureau,  ouvre  les 
livres  et  les  examine^  )  Elle  ne  les  a  pas  seulement 
ouverts.  £Ue  a«ra  jasé  avec  l'aimable  enfatit,  mon- 
sieur le  page.  Allons ,  allons  y  il  n  y  a  pas  grand 
mal  ;  il  est  encore  bien  jeune.  Mais  »  ponr  la  punir 
de  sa  négligexice ,  je  vais  faire  les  comptes  moi- 
même  ;  cela  vaudra  mieux  que  de  la  gronder.  (If 
^ assieds)  Voyons.  Son  excellence,  monsieur  le 
comte%  (JU  compte  et  tialcule  t^ut  ta*.  ^  Vin  de  Boi^ 
deaux,  vin  de  Ghampagm^,  du  Marasquin.  (U 
compte  et  chiffhs  bas.  ).  Fort  bien»  (li  tourne  une 
feuille^)  Mesfieuï»  ks  conseillers  a«l«j[!iiM.  A  ubk 
d'hdte.  iU écrit  H  totàrne  une  femiU.)  Messieurs  les 
cfaambelkns.  Us  dînent  tcwj^wrs  an  Villa  et  re- 
viennent se  coiiciiar  sans  soupar.  (U  ipurne  une 
feuille,  l  Article  des  Anglois^  Oh  !  c  est  tta  pas  âif* 


ACTE  I,  SGÊNl:  XIIK  371 

livrent.  [Ùcalcuie bas,)  Trente  ducats  dans  un  jour  ! 
(1/  écrit  et  tourne  une  /Cruîtfe.)  A.I1!  TOici  monsieur  le 
chevalier.  (li  tourne  plusieurs  feuillets»)  Il  vemplit 
j[>re9que  seul  tout  mon  livre,  il  est  vrai  qu'il  ne^ 
se  laisse  manquer  de  rien.  Il  mange,  bmt,  ne  va 
jamais  à  pied,  crève  tous  mes  chevaux',  se  sert 
de  tout  mon  monde ,  me  fait  enrager ,  me  promet 
tous  les  jours  de  Targent,  ne  m'en  dohne  ja- 
mais ,  et  finit  toujours  par  m'en  emprunter.  Mais 
comihe  ce  n'est  pas  la  première  fois  que  cela  m'ar- 
rive,  le  crédit  lui  sera  continué.  J'attendrai  un 
peu  ;  n'importe  ;  j'aime  les  François ,  moi.  Ce  sont 
de  bonnes  gens,  fb  vous  font  attendre  souvent; 
mais  on  finit  toujours  par  être  pajé  assez  bien* 

SCÈNE  xiy.  ' 

L'HÔTE,  L'HÔTESSE^ 

l'hâte. 
V9I2A  ma  femme,  {ll^e  lève,)  Qu'art-elle  donc? 
'lime  iemble  qu'elle  a  l'air  bien  «riste. 
4*>a6TBse'^,  d'un  air  affligé. 
le  ¥ieas  de  montrer  l'ai^artement  à  oesdaauHi, 
mais  elles  n'ont  besoin  que  d'une  chambre. 

x'aÔTiS., 
Sh^bien,,  mA^Aète  «mie? 

l'hôtesse.  \ 

Elles  ne  sont  pas  intenses.  Sûrement  elles  ne 
-sont  *pM  ^ftttMî  Jifeitteuses  q»'«llci  nftériteiit  de 
l'être. 


379  hEB  DEUX  PAGES. 

CeU  n'imTe  ^e  trop  loayent,  et  snvtoat  ans 
honnétet  g«{u> 

^       l'hAtesss, 

La  inère  ma  parlé.  «  Ma  bonne  hétesse ,  m*a-tHellé 
«  âi%,  je  ne  fais  point  dp  pru  avec  yous ,  ï^s 
u  cette  première  pièce  nous  suffit.  »  Ensuite  elle 
a  baissé  les  jreux.  Elle  youloit  me  cacher  se9  peines 
et  «es  larmes.  Mon  }>op  ami,  il  faut  cl^s  att^ption^^ 
des  égards.,.. 

|.*a6TE. 

EUes  garderont  l'apparteinent  et  pe  paieropt 
que  la  clmnbre  ;  et  si  ce  n'est  pas  assez.. ^ 

Braye  homme!  Viens  m'embra^er  à  ton  to^. 
Qui,  je  suis  heureuse  d'être  ta  femme.  Je  te  préfère 
k  tous  les  niarîs  du  monde.  Quel  cœur  excellents 

l'a d TE,  aîUn4rL 

Il  fiiut  offirir  nos  seryiees  à  ces  dames'.  Ce  soin 
te  regarde  ;  il  faut  ne  les  laisser  manquer  de  rien  ; 
ne  crains  pas  que  }y  trouye  k  redire  ;  plus  tu  fer^ 
de  bien ,  plus  ti|  me  £iras  plaisir*  Seulement ,  mé- 
nageons leur  délioatesse.  Ma.boniie  amici  prenons 
bien  garde  de  les  offenser. 

l'hôtesse,  en  fixant  an  moment  ton  mari* 

Ayec  cet  air  bnisqu^ ,  qui  croiroit  qp*il  a  l'Ame 
si  iepsiblç  ? 

l'bôts. 

Ma  «hère  foune,  il  faut  xàsik^t  de  ivettie  la 
bonae  dans  nos  intérêts. 


ACTE  I,  SCÈNE  ^IV.  $7^ 


l'hÔtesse. 


C*e8t  à  qQoi  j'ai  songé  ;  car,  en  sortant,  je  lui  ai 
lût  signe  que  je  serois  bien  aise...  La  yoilà. 

s<::ène  XV, 

VHÔTE,  LISBËTH,  L'HÔT£SS£. 

LiSBETH,  avec  emltarrat* 
Excuspr-Moi,  madame.  Je  ne  sajs  si  je  me  suj» 
trompée ,  mais  yous  aviez  l'air  de  yoaloir  me 
parler. 

t*H6TESSE« 

Il  est  yrai ,  et  je  vous  suis  obligée  d'être  veiiue. 

l*h<5te. 
Quelles  sont  ces  deux  dames  ^ui  viennent  d'aç- 
i^iver  chez  n|oi  ? 

^ISBETH, 

Je  n'ai  pas  l'honneur  de  les  connoitre. 

l'hôte, 
V.ons  les  ayez  cependant  accompagnées, 

l;sbeth. 
Pendant  le  vojage  seulement. 

l'h6tesse.. 
Mais  la  jeune  perspfine  vous  appelle  sa  bonne. 

LISBE'TH. 

■Tantôt  sa  )>onne',  tantôt  lantrement. 

l'bôtesse. 
Elle  a  l'air  de  vous  aimer  beaucoup» 


37<  LES  DEUX  PAGES. 

LISBETH. 

Elle  a  bien  de  la  bonté.  Je  crois  qn^on  m'ap 
pelle.  Pardon  ;  il  faut  qne  je  rentre  ;  on  peut  avoir 
besoin  de  moi. 

l'hôte,  l'arrêtant.       / 

Encore  un  moment,  s'il  yqjïs  plait. 

LISBETH. 

Mais  pourquoi  donc  toutes  ces  questions  ?  Je 
ne  sais  rien ,  rien  du  tout.  Je  tous  l'ai  déjà  dit ,  je 
ne  connois  pas  ces  dames. 

L'nÔTE. 
Vous  êtes  une  brave  feinme.  Votre  embarras  et 
votre  discrétion  prouvent  vos  sentiments ,  et  votre 
attachement  |K>ur  vos  maîtres  :  et  quand  tous  sau- 
tez. .. 

l'hôtesse. 

Oui ,  ma  chère  amie,,  quand  vous  connpltrez  nos 
intentions ,  vous  serez  la  première. . . 
LISBETH,  les  regardant  Vun  après  l'autre,  et  hési- 
tant un  peu. 
Parlez-vous  de  bonne-foi?  Ah  !  ne  cherchez  pas 
&  me  surprendre. 

l'hôtesse* 
Mous  en  sommes  incapables. 

LISBETH. 

,  Prenez  bien  garde.  Vous  me  feriez  mourir  de 
chagrin  ;  et  qui  serviroit  alors  ma  pauvre  mai- 
tresse? 


ACTE  ï,  SCÈNE  XV.  EyS 

Mais  pourquoi  donc  loupçonner  d'hoimétes 
cens  ^  qui  ne  veulent  que  faire  le  bien  ? 

I.I8BETB. 

J'aime  à  le  croLce,  Mais  si  tous  saviea.. .  ^ 

l'hôtesse. 

£h!  nous  savons  déjà  la  tristesse  extrême  de  ces 
dames^,  et  puis  monsieur  le  page ,  ce  bon  fils  »  a. 
laissé  entrevoir... 

LISBETB. 

U  vous  auroit  ifait  confidence.v . 

l'hôtesse. 
Il  nous  en  croit  dignes ,  au  moins., 

LISB£TH« 

Ce  cher  enfant!  mon  petit  Auguste!  je  le  recon» 
nois  bien  là.  C'est  moi  qui  l'ai. élevé;  c'est  moi  qui 
élève  ses  autres  petits  frères  :  je  ne  suis  qu  line 
pauvre  veuve,  mais  on  m'aime,  on  m'honore  dans 
la  maison.  Ab!  madame,  ah!  monsieur,  si  vous 
eonn/oissies  cette  respectable  famille.  U  nj  a  que 
leurs  malheurs,  qui  puissent  égaler  leurs  vertus. 

l'hôtesse. 

£h!  ma  chère  amie,  plus  ils  sont  à  plaindre ^ 
et  plus  il  faut  s'empresser  de  venir  à  leur  secours. 

l'  h  ô-t  e. 

Instruisez-nous  donc  bien  vite ,  afin  que  nous 
puissions  trouver  des  mojeus. . . 

LISBETB* 

£h  bien!  je  vous  dirai  tout  :  mais ,  pour  Dieu  S 
que  jamais  on  ne  puisse  se  douter... 


^7^  LÈS  DEUX  Pâ6ËI$. 

L*HdTE9SE. 

Le  plaisir  de  faii«  une  botane  actrou  rous  té^ 
pond  du  secret. 

ttSBÉtlf. 

Vous  êtetf  de  bien  bonnes  gens.  Ëcofitez-mo» 
bien.  (£//e  regarde- si  personne  ne  tes  écoute.  )  Vous 
Mttrez  donc  que  madame  e^t  la  veUVe  d'un  brave 
officier.  G'étoit  te  plus  honnête  homme  et  le  meil^ 
'  leur  major  de  l'armée.  Il  estimoît  beaucoup  mon 
ttari,  qui  étoit  sergent  dftns,  le  même  régiment. 
Tous  les  deux  étotent  d'un  courage  et  d'une  intré- 
pidité.^. Et  c'est  cela  même  qui  les  a  conduits  au 
tombeau  ;  caf  ils  ont  été  tués  tou»  les  deux  le 
mèmejouTy  à  la  même  bataille.  Vous  pOùfez  juger 
^ùeîle  Alt  ndtte  désolation,  en  apprenaut  cette 
triste  houyelle.  Janiaîs,  noii^  jamais  nous  n'an* 
tfOns  pu  survivre  à  ce  malhetif,  sans  le  tableau 
déchirant  der  enfailt»  qui  ajoutott  encore  au  dé<*- 
tes'poit  de  la  mère.  imaglne<'>^yous  six  pauvres  pe<> 
tltes  créatures  autour  d'elle ,  qui  gémissoient  et 
qui  «lioient  :  «  0*en  est  donc  fait ,  nous  ne  ver» 
ce  rons  plus  ce  bon  pète.  Qu*allonB-nous  devenir?» 
Et  les  vcrll&  touis  ensemble  qui  se  jettetit  à  genoux, 
qui  lèyent  leur»  bras  hinocents ,  et  qui  crient  eu 
sanglotant  t  «  Chère  macman  !  prends  pitié  de  ta 
«(  inalheureuse  petite  faliïille;  Ite  te  livre  pas  au 
«  désespoir;  conserve- toi  poat  tes  enfants  :  nous 
<c  t'aimerons ,  nous  te  consolerons ,  nous  n'existe- 
u  rons  que  pour  prolonger  tes  jours  et  pour  fidre 
«  le  bonheur  de  ta  vie.  »  Ils  ont  tenu  parole*^ 

\ 


ACTE  I,  SCÈNE  XV.  377 

{Pendant  cette  $cène,  ihéU  et  i*hâtesse  t^attendrU" 
.    •  .  sent  peu  à  peu*) 

LHÔTEi 

Que  je  me  sens  attendri  l 

L^HÔTESSE.. 

Comment  retenir  ses  larmes  ? 

tXSBETB. 

Enfin  la  mère ,  ne  s'occupant  pki^  que  des  de- 
voirs  maternels ,  a  mis  ordre  k  ses  affaires  f  a  ter- 
miné celles  de  feu  monsieur  le  major,  a  vendu  sa 
maison ,  a  placé  son  argent  chez  un  négociant ,  et 
nous  nous  sommés  retirées  dans  une  petite  cam- 
pagne Cj[ui  lui  restoit.  Là ,  nous  vivions  depuis 
quelques  années,  et  nous  commencions  à  jouir 
d  un  peu  de  tranquillité ,  lorsqu'un  monstre  abo- 
minable... Ab!  grand  Dieu!  prends  pitié  de  nous. 
Hélas I  un  procès  aussi  cruel  qu'injuste.... 

l'hôte. 

Un  procès  injuste!  vous  le  gagnerez. 

X.XSBETH. 

Mais  il  fiant  de  l'argent ,  des  amis,  des  protéc^ 
teurs. 

De  l'argent ,  j'en  ai  ;  dçs  aaiis ,  nous  en  trou- 
verons ;  des.  protecteurs ,  avec  notre  bon  r4>i ,  une 
bonne  cause  n  en  a  pas  besoin.  Comment  s'appelle 
votre  maîtresse?! 

IXftBXTR. 

Riesberg.. 

3%. 


37S  LES  0EUX  PAGES^ 

L*  H  ^  T I ,  avec  te  plus  grand  étomnemeiU- 
Gomment!  madame  est  la  veure  du  major  Ries* 
bcrg,  mon  bienfaiteur? 

LISBETH. 

Youi  le  oonnoissiez ,  monsieur? 

l'hôtesse^ 
S'il  le  connoissoit  ! 

l'  H  6  T  E.' 

La  yeuve  du  major  Riesberg  çst  malhenreuie, 
et  je  ne  Tai  pas  su  plus  tôt? 

i4*HÔT£SSE. 

Mon  ami  ! 

•  L*HÔTE,  àLlsbeth* 

Qu^elle  ne  craigne  rien  ;  qU'èUe  soit  ttanqiuiUej 
qu'elile  compte  sur  la  recohnoiàsance  i^u'e  je  dois 
à  feu  monsieur  le  major,  et  'dont  Je  dotiit6rai  dèi 
preuves  à  sa  famille.  Inon  bien ,  tôiLt  ^  ^ù'e  je 
possède  ;  je  lé  lui  oifté  dé  Vàft  ikètn):  :  elle  féat  th 
disposer. 

1. 1  ftiBi  E  t  H ,  wetrànt  UsêtàuM  )de  fkSte. 

Le  braye  homme!  l*feotelidle  homme!  La  proyi- 
dence.  nous  a  eonduhes  oln»  yous.  J'enlteAds  ma- 
dame. 

Retiit>iis-noas  vite.  Vous  ftcbey^res  de  m*in^ . 
truire  :  tùi ,  nia  lem»e ,  teaîé^  ttt  Mi»  àt  ^uoi 
tton's'ràalhès  ocmVeiitttk 
(L'hâte  et  hUbeth  sortent  ensemble  f»' té  pùHe  du 


ACrS  I,  SCËJfE  XYI.  979 

SCÈNE  XVI. 

jLA  MËRE  D'AUGUSTE,  L'HÔTESSE. 

LÀ,  ukuty  à  elle-même. 

Mov  fils  ne  vient  point.  (Haut)  Madame,  il 
n'est  pas  encore  arrivé? 

^t/hôte9se.i 
l^as  encore.  Si  madame  vouloit,  en  attendant, 
me  donner  ses  ordres? 

LA  MknE. 
Je  ne  pense  qu'à  mon  fils.^ 

L*HÔTESSE. 

Peut-être  qu'il  ne  peut  pas  quitter  :  il  faut  qu'il 
•oit  de  service  auprès  du  roi. 

LA  MiAE. 

Il  me  tarde  bien  de  le  voir. 

l'hAtb&sb. 

Ah  !  ).e  le  crois  :-  mais  il  me  vient  une  idée.  Je 
TMS  envojer  quelqu^nn  au  château ,  qui  parlera  à 
l'officier  de  garde ,  et  par  ce  mo jeu  non§  aurons 
bientôt  des  nouvelles  de  M.  Aujgiwte.  Un  moment 
de  patience ,  madame  ;  je  cours  et  reviens  à  Tfas- 
tant. 

LA  MtsB. 

Ma  bonne  MtesKe ,  |e  suis  sensiMe  k  tontes  vos 
«ittentidns.  Voudriez -vous  aussi  ^re  un  mot  en 
sortant ,  pour  iqu*<m  ait  bien  toin  de  la  peftonne 
qui  nom  tt  AefMnttpajgnécs? 


380  1£S  DEVX  PAGES. 

Oh!  rien  ne  lui  manquera.  Mais,  vous *> même i 
madame ,  tous  ne  daignex  pas  me  commander.  v« 

LA  MkBE. 

Je  ne  demande  que  mon  fils. 

L*HÔTESSE^  à  part 
Elle  me  reiiise.  Gomment  Enire?  Je  n*ose  en  dire 
davantage.  (HauU)  Votre  très  humble  serrante*, 
je  vais  enyojer  au  ch&tean. 

(Elle  sort.) 

SCÈNE  XVII. 

L'A  MÈRE,  seule. 
I 
Grabid  Dieu!  que  j'ai  de  grâces  à  te  rendre  de 

m'ayoir  accordé  des  enfants  comme  les  miensr,  sur- 
tout ce  fils,  modèle  de  Tamour  filial!  Je  vais  le  re- 
voir :  sa  douce  présence  va  ramener  le  calme  dans 
ce  cœur  affligé.  Tiens ,  mon  fils  ;  en  te  pressant 
dans  mes  bras ,  j'oublierai  les  rigueurs  de  la  for- 
tune ,  mon  Âme  pourra  se  livrer  à  toute  ma  teo- 
dresse.  Ah!  ma  tendresse,  toute  extrême  qu'elle 
est,  ne  pourra  jamais  pajer  ni  ton  amour,  ni  tes 
bienfiûts.  Heureuse  mère  !  cet  enfant,  que  ton  sein 
a  nourri ,  n'existe ,  ne  respire  que  pour  toi.  Il  re- 
nonce à  toutes  les  douceurs  qu'à  son  âge  on  désire 
toujours,  et  il  se  prive  de  tout  pour  que  je  sois 
moins  k  plaindre.  Mon  fils ,  mon  .fils  !...  Mais  il  ne 
vient  point*  Chaque  inst^t  redouble  mon  impa- 


ACTE  I,  SCÈNE  XVfi:     .      38i 

^.  - 

ti^nce^  Gb«r  Auigofite!  ah!-  qtt'rl  est  doux  pour  un 
isœnv  sensible  de  joindre  les  sentiments  de  la  re-' 
coaneissan^  à  ceux  de  la  pla»  tendre  mère! 

SCÈÎirE  XVIIL 

tA  MËHE,  CAHOUNE. 

CABOI.tHB# 

Vous  Ûissez  seule  v^otre  fille,  itta  mère?. 

LA   MÈRE. 

Viens  y  mon  enfant.  Te  voilà  tonte  trend>l»ilkfe/ 
Qn'as^tù  done ,  ma  cfhère  Caroline? 

CAROLINE. 

Ah  ^  màînâiï!  ai  les  cruels  qui  nous  persécutent, 
filloienf  nous  poursuivre  jus(ju'*i<;ic  O  ciel!  ye  îk'é- 
Èaïs  pour  lâà  nière« 

LÀ    MÎli£< 

Tu  frémis  pour  ta  mère,  fille  infortunée!  tu  ne 
songes  point  à  tes  propres  chagrins;  tu  ne  i'affliges 
que  de  mes  peines.  Mais ,  mon  enfant ,  les  tiennes 
sont  aussi  iàr  (Elle  ia  attfe  contre  spà  ccéUr.)  Ma 
fille ,  souffrons ,  mais  ne  nous  déihontons  jamais. 

CAnOLINZ. 

Votre  Caroline  sera  toujours  digne  de  yôus< 

LA  DtànE. 

Ah!  je  n'en  doute  pas.  J*âiirols  voulu  assurer 
ton  bonheur  aux  dépens  de  ma  vie.  Je  n'aspi^ois 
q«'«u  JDonent  de  te  voir  unie  à  Ferdinand;  Bi«it 


S8»  lES  DEUX  PAGES. 

vfi'inêe,  sans  bien ,  sant  espoir  peut-être.  •'*.  Et  Fer« 
diiund  est  toHJours  le  nème? 

CAneLiKB.. 
Ah!  iKDujaors  le  même. 

SCÈNE  XIX. 

LA  MÈRE,  CAROLINE,  LA  BONNE, 
THÉODORE,  arrivant  aj^t. 

VA   BOKHE. 

Ma&Amb  ,  madame,  bonnes  nouTeHes!  Toici  un 
page  dé  la  chambre. 

Kl  A  MÈRE,  sans  voir  Théodore 

C'est  mon  cher  Auguste! 

cAaoïiiiE,  sans  voie  Théodore*, 

C  est  mon  frère. 

THÉODORE, (^ia  porte,  aux  gens  de  la  maison^ 

Bonjour,  Ernest  x  bonjour  »  tous  autres..  Avec- 
tissez  tout  le  monde»  j*ai  best>tn  de  toute  la  mai- 
son pour  me  servir. 

CAROLIHE,   LA   MèRB. 

Ce  n'est  pas  luL 

SCÈNE  XX. 

CAROLINE/ THEODORE,  LA  MÈRE 
D'AUGUSTE. 

TBl&O-D^RX. 

M  AB  AME ,  moDsienc  votre  fils ,  mon  emi  »  ajrant 
été  subitement  nommé  de  aemoe  avprèi  du  roi, 


ACTE  I,  SCÈNE  XX.  383 

xn  envoie  ici  vous  ofirir  ses  respects,  son  chagrin , 
et  toQt  le  zèle  et  toutes,  les  attentions  du  plus  dé- 
voué de  ses  camarades. 

LA  MèRE. 

Quoi!  monsieur,  nous  ne  le  verrons  pas? 

THÉOBORE. 

Dans  ce  moment-ci ,  c'est  absolument  impossi- 
ble ;  mais ,  si  j'ai  le  bonheur  de  faire  agréer  mes  ser- 
vices,  je  pourrai,  par  ma  place. . .  Oui ,  mesdames, 
comme  le  roi ,  après  sbn  dtner ,  s'accorde  ordinai- 
rement quelques  instants  de  sommeil ,  j'espère ,  je 
réponds  de  réussir  à  combler  les  vœux  les  plus 
chers  de  mon  ami ,  et  ceus  de  la  plus  juste  impa« 
tience. 

LA  U^RE. 

Ah  !  monsieur ,  si  vous  connoissez  celle  d*une 
mère ,  vou^  devinez  déjà  son  premier  désir.  Que 
pense-t-on  ?  que  dit-on  de  mon  fils? 

TRéOSORE. 

Les  bontés  du  roi  répondent  à  cfiHe question. 

LA   M^RE. 

Qudie  douce  satisfaction  pourvue  mère! 

CAROLlHjE. 

'  £t  pour  une  sosur  ! 

LA  MÈRE. 

Auguste  est  donc  estimé? 

THÉODORE. 

<£t  c^ride  tous  eeuK  qui  le  eonneissentbien.. 
Ah i croyez, «mon9io«r y  qu'il  fagne  à  ètve  conim. 


LES  DEUX  FACES, 

Mais  pardon  :  je  ne  parle  que  de  ^on  fils,  et 
j'ignore  encore  à  qui  je  doi»tousittes  remercim^iits. 

THÉODORE. 

Je  suis  le  fils  unique  du  général  Kronscfalld, 
frère  du  baro^  immédiat  du  Saint  Epipire ,  qui 
porte  le  même  nom*  J'ai  eu  quelquefois  Tbonneur 
de  voir  madame  chez  mon  onch  ie  commandeur , 
et  mademoiselle  chej(  ma  grand -tante  :  il  est  vrai 
que  dans  ce  temp^-Jà  jëtois  si  jeune,  que  ces  dames 
n*ont  peut-être  pas  trop  daigné  prendre  garde  à 
moi, 

CAAOLIIIE. 

Ah!  oui ,  ma  mère ,  je  m  en  souviens  fart  bien  ; 
et,  si  je  ne  me  trompe,  on  appe|oit  monsieur, 
Théodore. 

-    ^  THÉODOBE»  r 

Lëtourdi;  car  jelëtois  alors  et  beaucoup: mais 
aujourd'hui  oe.  n'est  plus  ceUy  tout  est  changé. 
Maintenant,  permettes,  jnes^anies,  que  je  m'ac- 
quitte de  lë|nploi,que  m'a  çon|ié  mon  ami,  Cette 
maison  est  fort  bonne,  in^ia  il  ÙluI  crier  une  heure 
avant  d'être  entepdu.  {Il  te  tourna  vert  la  pointe  da 
fond.)  Holà!  hé!  garçons,  arrivez.  [Aux  dames.)  Se 
vous  demande  bien  pardon.  {Il  va  vers  la  porte  du 
fond.)  Ernest!  Ernest  !  (Il  relent.)  Mille  pardons, 
mesdames^  {Il  retourne  à  la  porte,)  L'hôte!  l'hô- 
tesse !  garçons  !  tous  les  garçons  !  (  h  revient.  )  Quand 
je  vous  l'ai  dit,  Yous  voyez  copum^  on  est  servi. 
{Il  prend  la  sonnette  qui  $st  smr  le  bureau,  ouvre  la 
porte  du  fond  et  tonnf  tant  i^uU  peut  en  criaA^) 


ACTE  I,  SCÈNE  XX.  385 

Bdlli,  donc!  rAUemand!  TAnglois!  tous  les  gar- 
dons! rhdte!  rMtesse!  * 

On  j  va. 

SCÈNE  XXL 

CAROLINE,  THÉODORE/LA  MÈRE  D'AU- 
GUSTE, LES  QUATRE  GARÇONS. 

l'al&emavd. 
Novs  Yoilà  :  qu'ordonnez^ tous,  monsieur  le 
page? 

THÉODOUE. 

Il  est  temps ,  ma  fi>i ,  car  il  y  a  deux  heures  que 
je  crie. 

l'aliemaivd. 
'   Pardon  :  mais  la  veille  d  une  revue ,  on  ne  sai  t  à 
qui  entendre. 

THÉODORE.        '     ' 

Tenes,  prenez.  (1/  donne  de  tardent  à  chacun.) 
Et  àttendez-pioi  ici.  Je  reviens  dans  la  minute. 
(  Aux  dames.  )  Je  suis  au  désespoir  ;  mais  ici  c'est 
impossible  autrement  :  si  j'avois  le  bonheur  de  re- 
cevoir ces  dames  chez  moi. .. 

L^  MÈEE. 

Monsieur,  nous  allons  vous  laisser.' 

l'HiODOI^E. 

Paigne*  accepter  ma  inaiii,  (14  U$  .reconduit  à 
leur  apparUmfiiU^) 

Th^ilre.  GamMt«f.  1 4*  33 


38$  LES  DEUX  PÂÛES. 

SCÈNE  XXII. 

LES  QUATRE  GARÇONS. 

LE   FRANÇOIS^ 

Cadédis  Î  le  channaut  jeupè  homme I  comme  il 
est  généreux!  il  ma  doâné  cela., 

^•'italien. 
A  ttioi  aussi. 

x'AvotoiJ.. 
A  moi  d»  çiéme. 

l'allsiiaiid« 
Et  à  moi  donc. 

tm  jpaAHçoia*' 
C'est  un  seigneur. 

L*AHOXOIS. 

C'est  un  jovd« 

l'italieh.. 
C'est  un  marquis., 

L'AtLBMAVp. 

Point  do  tout  :  c'est  un  gentilhomme; 

SCÈNE  XXIIL 

LES  QUATRE  G^gÇQBTS,  THEO0ORE.' 

TBioBOBC. 

ALI.OHS ,  mes  amis  :  alerte  !  j'ai  besoin  de  toute 
U  maison»  Faites-aftoi  venir  l'hdte  et  i'h^^esae.  Il 
me  faut  tout  le  monde  pour  me.serWr.. 

(VAUtmandiorU) 


ACTE  1,  SC£N£  XXIV.  387 

SCÈNE  XXIV. 

TH£0I>0K£  I  LES  TROIS  GARÇONS  daat  te 

fond^ 

TKÉODOnE. 

La  .soeur  de  mon  ami  est  charmante  :  courjige  ! 
Théodore ,  vôîlà  une  conquête  digne  de  toi.  Voilà 
la  femme  qu'il  me  faut,  je  Tadore.  Il  s'agît  de 
briller  ici  de  toutes  les  manières.  (li  sort  de  fardent 
de  toutes  ses  ^poches,  et  le  met  dans  son  chapeau,  ) 
Il  né  faut  rien  négliger,  et  je  vais  commencer  par 
lui  donner  un  repas  magnifique. 

SCÈNE  XXV. 

LHÛTESSE,  THÉODORE,  LES  TROIS 
GARÇONS  dans  te  fond. 

l'hàtesss. 
Monsieur  le  baron;  on  dit  que  tous  voulen 
vous  em{>arer  de  toute  ma  maison. 

THÉODORE. 

Rah!  je  ne  sais  pas  même  si  j'en  aurai  assez^ 
Bonjour,  madame  Phlips,  vous  êtes  toujours  la 
plus  jolie  femme  de  Berlin  ï  je  meurs  d'amour 
pour  vous. 

l'hôtesse. 

Tous  avez  bien  de  la  bonté  ;  Yoiià  mon  mari\ 


38S  LES  I>£UX  ?AG£S. 

SCÈNE  XXVL 

t*]^ÔTESSE,  THEODOItE,  LH^M,  LES 
QUATRE  GARÇONS  i/iiiM  ie  fimd. 

Mais,  qu  est-ce  donc  qui'  i^  passe  ici  ?  Quel 
bruit!  quel  traia!  On  diroit.qu9  la  rerue  «e  fait 
citez  moi  ^  ' 

ÏRiODOaKr 

Ëbr  arriyez  donc,  arrirez  donc  :  roua  vous 
Élites  bien  attendre. 

t' a  6-T  B., 
Ah  !  je  ne  td*en  étonne  plus ,  c'est  un  pajge.  £b 
yen,  monsieur? 

tHÉoironE. 
%VL  yérite ,  charmante  hôtesse ,  Tou»  Vfet  1» 
mine  la  plus  piquante^  (^  i'oreille*^  Je  yous  aime 
k'ia  fi>lie«- 

Monsieur,  je  tous  demande  bien  pardon  ;  mais 
quand  on  yient  dans  mon  hôtel ,  tf *est  au  maître , 
e'est  à  moi  ^eui  qu'on  s'adresse. 

Cela  se  peut ,  mails  j'aime  mieux  ayoir  afîiite  à 
ttadame.- 

i'hôtb. 

Monsieur  k  baron ,  trêve  de  badtnage  :  noas 
n'ayons  pas  comme  yous  Thabitade  de  perdre 


ACTE  I^  SCÈNE  XXVI.  389 

»otre  temps.  Dites-moi  ce  qui  me  procure  Thou- 
ia«ur  de  tous  yoir,  ou  trouvez  bon. ... 

THÉODORE. 

Ce  qui  tous  procure  Thonneur  de  me  .voir  ?  je 
▼ais  TOUS  le  dire.  Savex-vous  fiure  un  repas?. 

l'hôte,  choffui. 
Si  je  sais  fiure  un  repas  I 

l'hôtesse. 
C'est  son  fort  que  les  repas. 

TaéoDoas., 
Eh  bien  !  écoutes.  Je  yeux  être  seryi  comme  on 
l'est  en  France.  La  plus  belle  argenterie ,  le  plus 
beau  linge ,  quatre  services ,  la  plus  grand 'chère , 
et  les  mets  les  plus  délicats  «  des  vins  exquis ,  et  U 
dessert  le  plus  recherché.  Je  me  moqu^  de  la  dé« 
pense.  (1/  lui  met  son  chapeait  plein  d* argent  tout  le 
nez,)  Prenez  autant  d'argent  que  tous  youdrec, 
mais  je  yeux  un  festin  qui  ne  finisse  pas. 

l'hôtz. 

Combien  de  couverts? 
s 

THÉODORÉ. 

Trois. 

l'hôte. 
Trois  ! 

THÉODORE. 

Dans  l'appartement  de  ces  dames. 

l'hôte,  étonné» 

Dans  l'appartement  de  ces  dames!  ah!  tril  TO- 

33. 


3go  LES  ryÈVX  PAGES. 

tôïkïicfs,^(jiux  ^àrçétiê.)  Allons,  îjiie  tont  \é  viande 
s'empresse  à  ^ÀVîr  Àbnsieur.  AbnsféiiTlê  l>ârbn , 
TOUS  serez  traité  à  là  fratiçûise  ;  et ,  comme  bon 
ÂBeiiJtâikid ,  tous  mvrex  Aïk  diner  qm  ne  finira  ^as. 


FIBI    DU    pniMlEA   ACTK. 


ACTE  SECOND. 

lie  ibéâtre  r^ësente  l'antichambre  del'appar- 
îëtAmt  royal  dans  le  château.  Une  grande 
porte  est  au  fond;  deux  autres  inoins  grandes 
placées  vers  les  troisièmes  coulisses.  Une 
table  très-ôrnée  dans  le  fond  avec  une  pen- 
dule dess\is^  une  autre  table  sur  le  devant 
ëgaf^mént  omëë^  et  Tsm  laquelle  est  une 
écritoire  en  or.  Dès  bliàtses  et  des  tabourets 
de  velouns  bleu  à  firanges  d'or  et  à  pieds 
datés. 


SCÈNE  i. 

THÉODORE  entre  par  ïà  'parte  du  fbnd  et  vient  en 

i'aulakt, 

IlBiniïnx  Théodoire  !  heureux  Théédore  !..  Je  Ittts 
dans  une  joie,  dans  une  ivretsie;  la  tête  m'en 
tounie.  Ah!  la  céleste  créature  4[ùe  toa  chère  Caro- 
line !  Yoilà  qui  est  fait.  J'aime  comme  on  n'a  ja- 
xdais  aimé,  et  je  suis  fix'é  pour  toujours.  Quelle 
douceur  !  quelle  modestie  1  et  quelle  grâce  !  Je  ne 
parle  pas  de  sa  figure ,  c'est  un  an^e.  L'amont  l'a 
faite  exprès  pour  moi.  Quels  ^eux  !  une  taille ,  et 
paiB  ce  ^nris  OBchànteurji  et  puis  nnè  mélancolie 


1 

399  LES  DEUX  PAGES. 

•i  donee»  û  yoluptueuse,  une  mère  si  respectable, 
un  frère,  mon  meilleur  ami,  j'épovse  tout  cela  :  je 
tenda  hommage  à  l'amonn,  à  ramitié ,  k  la  vertu. 
Je  comble  de  biens  tont  ce  q,Uf  m'est  cher,  et  met 
parents  ne  pourront  pas  faire  un  plus  noble  usage 
de  leur  fortune. 

SCÈNE  H. 

Théodore;,  auguste. 

(Auguste  est  gai  comme  Théodore  |  et  il  entre  par  la 

mémeporte. 

AUGUSTE. 

Ah  !  mon  ami ,  te  voilà  !  eh  bien  !  Sont-«lles  ar- 
rivées ?  Les  as-tu  vues  ?  Gomment  se  porte  ma  mère, 
ma  sœur  ?  Ne  leur  est-il  point  arrivé  d'accident 
dans  leur  vojage?  Qu  ont-elles  dit?  Qu'ont-clles 
fait?  Les  verrai-je  bientôt? 

TBéoDoas. 

Point  d'inquiétude,  mon  ami,  tout  va  bien.  Ces 
dames  se  portent  k  meiveille ,  et  elles  vont  venir. 
Elles  sont  enchantées  de  toi,  de  moi.  Ta  aosur  est 
adorable.  {Ba$,)  Il  ne  sait  pas  qo'il  sera  mon  bean- 
frère  bientôt.  (Hoaf.)  Je  t*ai  représenté,  j  ose  dire, 
avec  succès;  tu  n'as  qu'à  demander.  Dans  deux 
heures  tu  les  verras. 

AU o u s T E ,  tristemenU 

Dana  deux  heures  !i 

THiO»OBB. 

Ecouta  donc,  mon  ami.  U  iatttbiatt  les  laisstr 


ACTE  II,  SCËNE  IK  398 

reposer  un  peu;  et  puis-,  ne  faut-il  pas  une  toilette 
une  grande  toilette  pour  ta  soeur?  et  puis  ne-faut-il 
pad  dîner?  Enfin  )'ai  fait  des  merveilles^  o»te  dira 
tout  cela* 

▲UOUSTft» 

O  ma  mère!  dans  deux  heures ,  yç  mêlerai  met 
larmes  aux  Y6tres  ! 

"  THÉonoaE. 
Ce  sera  un  moment  bien  doux  pour  tous  lei 
^atre.  Car  j'y  serai  aussi  ;  pas  vrai ,  mon  ami  t 
AuovsTE,  lui  serrant  ta  main,^ 
Ah  !  de  tout  mon  cœur. 

THÉODons,  lui  sautant'  au  cou: 
Cher  Auguste  !  c^e  tu  me  fais  de  plaisir  !  (  Bas.  ) 
le  meurs  d  enyie  de  lui  dire  que  je  vais  me  marier 
avec  sa  soeur*  Ok!  non^  il  faut  faire  ma  déclaration 
d*abord.- 

itVOV»'Tt, 

Que  4>^  tu  donc,  mon  ami  ?.' 

THÉODORE'- 

Je  dift  tfopjl  faut  te  reposer  aussi;  tu  as  eottru 
foute  la  nuit,  tu  nen  peux  plus  de  lassitude.  Tiens, 
mets-toi  là.  Mets-toi  sur  cette  chaise ,  et  tâche  de 
dormir  un  peu. 

▲  VG9SÏB. 

Moi  !  dormir,  quand  j  attends  m» mère. 

XBÉonoiLE. 

£h!  ne  t'inquiète  donc  de  rie&.  Laisse-moi  le 
soin  de  tout  ;  je  te  réponds  q;ne  je  ferai  les  choses 
comme  il  £iut*  Vois-tu  ce  rouleau?  lesgaltons  sont 


39l  tES  fcEtJX  PAbES. 

arrîrés.'  Cent  ducàtâ  (fais  ih'ètivôiè  ma  fattille  pom 
1«  {onr  de  nié  fête.  Titûi^  àKod  attii,  partageons , 

en  pIiîfAtp^di  tont^ta  me  ftraff  eteeoré  plm  de 
plaisir. 

Mon  ohet  Théodore,  }e  te  renkercie, 

THÉODORE. 

Ne  te  gêne  pas,  je  iùis  en  fonds.  (Il  baisse  la 
holx,  )  Depuis  un  mors  ,  je  gagne  tous  lès  jours  au 
jeu  ;  prends  mon  roiileaii. 

AÎIGUSTZ. 

'  Bien  obligé ,  mon  ami. 

THÉODORE, 

Je  ne  tcux  pas  que  tu  me  remercies  j  je  veux 
^ue  tu  acceptes. 

*  * 

Auguste. 

Je  suis  sensible  à  tes  offres  ;  mais  je  n'ai  besoin 
de  rien,  (Il  étouffe  un  saupir,) 

THÉODORE.  , 

Tu  n'as  besoin  de  rien?  Yoilà  donc  comme  tu 
me  chagrines  toUjburs?  et  tu  te  dis  mon  ami! 

Auguste. 
Théodore  I 

Won ,  tu  ne  1  es  pas.  Pas  plus  que  de  tes  autres 
camarades,  qui  se  plaignent  dé  toi,  et  qui  ont  rai- 
ton  de  se  plaindre. 

AUGtTSTE. 

flrfiébçloreî 


ACTE  II,  $GÊN£  II.  3^9 

Je  ne  lai  îamais  Toutu  croire  :  j'aTois  toujoun 
pris  ton  parti  contn  eux  ;  mais  je  roii  )>ien  k  pe^ 
sent. .'. . 

AVOVSTl. 

Et  que  peut-on  me  reprocher? 

THÉODOEB.. 

Pourquoi  refuser  mon  argent?  Pourquoi  se  sin*    « 
gulariser  en  tout?  S  éloigner  toujours  de  tout  le 
mou4e,  yiyre  presque  seul,  n'être  d'aucun}  fUm 
tie ,  toujt  cela  ressepible  à  4^  ^éprf s. 

AVOUSZS. 

TBioDoas. 
Oui ,  monsieur,  à  du  mépris  :  le  sait-tu  T 

Ah r mon  ami! 

T9ÉODORE. 

•»  .  f.  .  ». 
Ils^disent  cependant  qu'il  y  a  pour  moi  des  pré- 

ferences.  Ils  le  croient ,  et  tu  ne  reux  pas  accepter 

mon  argent;  et  dans  quel  moment  encpre!  Ah! 

monsieur,  est-ce  là  une  marque  d'amitié? 

ATTOyST^. 

Cher  Théodore  !  il  jfaut  qu^  je  sois  hieu  k  pjbiin- 
dre ,  si  je  suis  obligé  de  me  justifier  auprès  d^  toi. . 

ZHÉODOXLE,  honteux. 
Est-ce  que  je  te  le  demajade?£h!  non,  mpn  cher 
Auguste  ;4iveo  moi^  jamais  àê  justificf^tio^*^ 


3gS  LES  DEUX  PAGES. 

AVOVSTE. 

Mût  que  Teax*tii  donc  que  je  fasse  contre  d'in- 
justes jonpçons  et  de  fiiusses  accusations  ? 

TBÉODOBB. 

Nj  pas  donner  lieu  ;  ne  plus  cactîer  tes  dé- 
n^arches,  tes  dépenses,  tes  plaisirs,  cela  te  fait  des 
ennemis  ;  et  si  enfin  le  roi. . . 

AUGUSTE,  aiarmé* 

Le  roi? 

THEODORE. 

Eh!  mon  cher  camarade,  manquons -nous  de 
surveillants,  et  les  surreillants  manquent-ils  de 
rapporteurs  ?  Crois-tu  qu'ils  te  pardonneront  ja- 
mais la  pension  que  tu  as  obtenue  à  ton  âge? 

AUGUSTE. 

Ah!  grand  Dieuj  conservez-moi  les  bontés  de 
mon  maître  !  Malheureux  enflant  !  que  deviendroit 
mk  pauvre  mère? 

TH^OSORE. 

.  Tranquillise-toi ,  mçn  ami  ;  il  ne  t'abandonnera 
jamais.  19 'as-tu  pas  pour  toi  sfi  justice,  ton  inno- 
cence, et  la  mémoire. de  ton  père?  Ce  grand  roi 
oublia-t-il  jamais  un  brave  officier  tué  sous  ses 
drapeaux?  {Auguste  soupire.)  Calme-toi  donc, mon 
cher  Auguste,  et  ne  t'afOige  pas.  Surtout,  par- 
donne-moi ma  petite  vivacité ,  je  te  promets  de  la 
bien  réparer  ;  mais ,  en  attendant ,  ne  songeons 
qu'au  plaisir  de  revoir  ta  mère,  ta  sœur.  Je  vais 
de  ce  pas  retourner  auprès  de  ces  dames,  et  pen- 
dant g[ae  je  vais  les  chercher,  tu  te  repoterài 


ACTE  II,.SG£;N£  If-  897 

un  peu  :  mon  ami ,  entjends^tu  ?  tu  en  as  grand 
besoin. 

AUGUSTE., 

Il  est  yrai ,  je  n'en  puis  plus  ;  mais,  si  |e  roi. .  ^ 

ZHÉODOAE. 

A  l'heure  qu'il  est?  Il  nj  a  qu  un  moment  qu'il 
s  est  jeté ,  comme  de  coutume ,  tout  botté  sur  son 
lit  de  repos.  Toute  la  nuit,  il  Ta  passée  au  milieu 
des  dépêches ,  et  toute  \a  matinée  au  milieu  des 
bataillons.  Voilà  un  roi  qui  se  donne  bien  du  bon 
temps.  Allons ,  allons ,  mets-toi  là  et  dors  un  peu^ 
Moi ,  je  vais  agir.  Compte  sur  mes  soii^s ,  mon  in- 
telligence, et  surtout  sur  mon  amitié}  je  ne  te  de- 
mande ,  pour  tout  cela ,  que  de  vouloir  bien  prendra 
mon  argent. 

AuovSTE,  attendri. 

Mon  cher  Théodore ,  mon  cher  ami ,  je  t  en  de- 
manderai quand  j  en  aurai  besoin. 

THÉonoâB,  t*embrassant. 

C'est  parler  cela!  Adieu,  mon  ami.  (A demi-bas.) 
Adieu, mon  petit  frère.  (Haut.)  J'ai  bien  des  pro* 
jets .:  je  veux. . . .  Mais  je  te  dirai  tout  cela.  Adieu , 
adieu,  mon  cher  Auguste..  (1/  dit  tout  cela  en  sau- 
tant ,  et  sort  par  la  porte  du  fond  :  on  voit  dfis  gardes 
fin  9entinelU») 

SCÈNE  IIL 

AUGUSTE,  seut. 
Quel  ami  j'ai  là!  Il  s'est  fâché,  parc£^ que  j'ai 
refusé  soa«  argent.  (.//  s'assied  sur  une  chaise  et  lire 

Thétttre.   Ccmédie*.    l4«  ■■^'i 


398  LES  DEUX  PAGES. 

la  lettre  de^éestàuM  sa  eamisoie,)  Hélas!  s'a  ssroit! 
(  U  regarde  ia  lettre,  )  Ah  !  qu'il  m'en  voudroit  !  (A 
ouvre  ta  lettre  et  ta  boue.)  O  ma  malheureuse  mère! 
ma  malhenrense  mère!....  Voilà  donc  où  nouf 
sommes  réduits!  (1/  parcourt  ta  lettre  et  lève  la 
jfetix  au  ^iel  en  soapirmit.  )  Mais  tout  n'est  pas  en- 
core desespéré.  Le  roi  sera  instruit; il  saura  tout; 
rieu  n'échappe  à  sa  Tigilance;  il  admet  et  écoute 
tous  ses  sujets.  Tous  ont  également  part  à  sa  bonté 
et  à  sa  justice;  c'est  le  dieu  tutélarre  de  son  peuple; 
il  sera  sensible  à  nos  malheurs  ;  il  s'attendrira  sur 
le  sort  d'une  &mille  persécutée. . .  Je  vois  déjà  nos 
ennemis  confondus,  pnnîs.  (À  demi-bas.)  Oui,  j* 
me  sens  déjà  plus  calme. . . .  Un  doux  espoir  renaît 

dans  mon  âme {Plus  bas.)  Ma  mère!  tout  ra 

changer. 4.  Bientôt  nous  ne  pleurerons  plus...  (  U 
s'endort  et  laisse  tomber  sa  lettre  sur  ses  yenoax. } 

SCÈNE  IV- 

AUGUSTE  endormi,  LE  ROL 

(Le  roi  entre  par  la  porte  du  cbîé  droit  des  acteurs,  il  i 
plnsienis  pi^eis  à  la  main  :  il  n|;aRiB  la  pendule.) 

£  E  a  o  I ,  son  ton  brusque. 
Je  me  suis  reposé  trop  long-temps...  Lisons  vite 
ces  lettres.  (Il  en  ouvre  une, )  Le  prince  de...  11  a 
le  temps  d'attendre.  {Il  met  la  lettre  dans  là  poche 
gauche  :  il  en  ouvre  une  autre.)  Le  èonseiller  intime 
de....  jOn  ne  me  trompe  pas  deux  fois.  (Il  met  cette 
lettre  de  même  dans  ia  poche  gauche  :  U  en  ouvre  une 


ACTE  II,  SCÈNE  IV.  399, 

Mutre»)  Fidèle»  sujets,  les  colons  de....  (1/  lit.  )  Il<9- 
ebiiendront  ce  qu'ils  demandent....  L'activité  et; 
L'industrie  peuvent  toujours  compter  sur  ma  pro^ 
tection...  (li  met  cette  lettre  dans  la  poche  droUe,  et 
U  en  ouvre  utu  autre,)  Les  pauvres  habitants  de.... 
Voilà  les  plus  pressés  :  les  malheureux  ont  tout 
perdu  par  le  ravage  des  eaux.  Ils  auront  tous  les 
secours,  nécessaires.,  et  seront  exempts  d'impôts 
peadant  deux  ans.  (Il  ouvre  la  dernière  lettre. yh^ 
ifoiiuiiaadeur  de....  Ah!  qu'il  vienne,,  j'ai  des  torts. - 
à  réparer....  {Il  la  met  dans  sa  poche  droite.  Aperce- 
vant Auguste  endormi ,  1/  s'approche  de  lui  et  le  fixe 
un  moments)  IX  dort  mieux  que  moi....  Cet  enfant 
m'intéresse.....  On.  l'accuse  cependant..,.  Mais  je  me 
sottviensde  soupère...  Quel  est  cet  écrit?  Voyons... 
}.'jr    trouverai,  peut -«être   quelqu'cclaircissement. 
(  Le  roi  se  met  dans  un  fauteuil  de  l'autre  côté  et  VÎS' 
à-vis.  d'Auguste ,  et  il  lit.  )  «   Cher  Auguste ,  seul, 
«i  appui.de  ta  mère  et  de  ta  malheureuse  famille...  » 
(  Le  rot  étonné  regarde  Auguste  avec  intérêt.  )  «  La^^ 
<(  pension  que  le  roi  a  daigné  t'accorder,  vient  cn- 
i<  core  de  m'ètre  payée.  »  Voilà  donc ,  enfant  gé- 
néteux ,  Vusage  que  tu  en  fais...,  £t  on  t'accuse..... 
le  ^verrai  toujours  paj^  moi-mêm«.  tTeneur  des 
rois  coûte  cher...  (Il  continue  de  lire.)  u  Ce  n'étoit 
«,  pas  assez  qu'uae  fsaude  impunie  »  (  d'une  voix 
Urrible)  impunie!  «  engloutit  le  bien  acq^uis  par 

«  le  sang  d»  ton  père la  haine  d'uQ  magis» 

«  trat  puissaQt  et  oppresseur.....  des  frais  pour. 
«  payer  notre  perte.   .  O  mon  fils  !...,  L'existmçe  «^ 


4oo  LES  aEUX  PAGES. 

«  rbonneur  de  ta  mère ,  le  chaume  qui  couvre  une 
«  noble  famille  va  lui  être  arraché  avec  ignominie. 
«  (1/  s'attendrit.)  Menacée  du  plus  accablant  dé- 
«  cret ,  poursuivie  peut-être  jusque  dans  la  capi- 
«  taie...  J'y  cours  chercher  des  protecteurs  à  mes 
«  enfants, et  un  ami,  un  seul  ami  qui  se  souvienne 
u  de  leur  père.  »  (  U  essuie  une  larme  de  ses  yeux.  ) 
Qu'elle  vienne  à  moi ,  je  suis  cet  ami-li. 

AUGUSTE,  pariant  en  son^e  et  tendant  les  bras,  dit  à 

demi-voix  : 
C«nt  ducats ,  (plus  haut)  cent  ducats.  O^ma  mère  • 
le  ciel  nous  les  envoie. 

XiS  ROI ,  écoutant  avec  intérêt  et  se  levant  avec  préci- 
pitation. 
Oui ,  il  te  les  envoie ,  pauvre  et  noble  enfant  ! 
(1/  tire  un  rouleau  de  sa  poche  et  le  met  dans  celle 
d*Auguste,)  Remettons -lui  sa  lettre;  mon  or  ne  la 
lui  paieroit  pas. . , 

(Uênfiint  se  réveille,  et  le  roi  se  hâte  de  s'èloicfner,  en 

feignant  de  lire*) 
AuausTZ. 

Le  roi  !..  {Il  se  lève  avec  effroi.)  Âhl  mon  Dieul.r 
(Il  est  tremblant  et  n'ose  lever  les  yeux.  Le  roi,  qui 
Va  entendu,  se  doutant  de  son  embarras,  se  détourne 
encore  davantage.  Auguste  se  permet  de  regarder  du 
com  de  l'ceU,  et  voyant  le  roi  qui  lit ,  il  se  rassure  un 
peu,)  Il  ne  m'a  pas  yu.  (14  voit  la  lettre  par  terre ,  U 
la  ramasse  avec  vivacité,  )  Ah  !  ma  lettre  \\llla  met 
sur  son  eeeur,) 


A€tE  I!,  SCÈNE  IV.  401 

K. E 'n o r,  iaki  (flè'Hter  tes  yeux^  dé  iiessû^'M'ieUre» 
'Qbelqu'ttii'!.*  (Aaéiu^e  avance  timidement* }  Qui 
a  porté 'e«t|«'nvitib68^d4plcfae»?  ^  ' 

AuavsTiT.  '       '   ' 

Sire ,  c'est  moi.,  ' 
X.  s  n  o  I ,  adoaeUaant  son  ton  naiUfiei^  (fui  cependant 

perce  toujours» 
Et  pou»|vioi  iMte  ^»e-t-on  pas  leposef? 

Qadlie  bonté  !  •  .     , 

LE  HO'!*        ,.•>..  i  .■.,•  »    :  ,  ■ 

Auguste;  des  soupçons  6'élè'«i0Btio|  conm  toi. 
(^Au^uste  Cet  altéré.)  Qne  fàis.>ta  deton  argent? 
^  A  u  «  u  3  T  E ,  avec  te  ptus  grand  embarras, 

Sivè.  * 

Z.E   AOI. 

Te  rêproebes-tu  de  l'ayoir  mal  employé? 

AU&U6TI. 
Non ,  sice.  Dieu  m'en  est  Ijémoin.. 

LE    ROI. 

^  Pourquoi  donc  tant  de  myetére? 

AUGUSTE. 

Sire. . .  Votre  majesté, . . 

LE  ROI,  d'un  air  satisfait,  à  part. 
Il  n*àvouè  Tten.Xffdiif.)  Augtfsté,  tto  n'as  pittf 
de  père,  (U  tè  regarde  avecdiie  extrême  tfonté*  ) 
AiTGVSTE ,  transporter,  avec  un0  confiance  respectueuiêm 
Pardonnesb-moi,  sire. 

lE  ROI,  avec  ta  mémiebonti. 
Achève. 

34. 


4<»a  LES  DEUX  PAGES. 

AV^vtkTEf  euêiBi  pKécipUoHt  aux  pieds  du  roL 
N^  suiji-jê  pa0  an  des  suints  de  yotoe  majesté  f 

LE  ROI,  apré»  ait^ir  put  reUftr  Auguste^ 
Quel  &it  ta  mère? 

AUGUSTE. 

'    SÀre ,  elle  hétùA  Bon  roi,  et  lui.  éUve  de»  aerrî- 

teprft., 

LE  Bôi»  avec  uU€ndri$semfitiiff  mai*  d*un  ton  tissez 

Auguste,  je  veux  ia  voir ,  ta  m^..  (  Ufiiiédeux 
pas  et  se  retourne.  )  £Qftend*-tu  ?  Je  yeux  la  Yoir. 
ÇLâeùLsori  pariém^rte  du  foud,  tfu'U'ouwte*  Un  jr»- 
nadiènest  en  semtineUûj  U  observe  un  iftstant  et  sort  : 
ta  porteuse  firme*). 

AUGUSTE,  Â  genoux  et  tes  bras  étendus  vers  le  ciet . 

aveu  enthousiasme, 

O  Dieu  ^  ^ui  lisex  dans  mon  âme,  accosdez^moi 
le  bonheur  de  mon  pèce^>*....  Mourir  pour  un  tel 
maître. ... 


SCÈNE  V, 


THÉODORE,  CAROLINE,  AUGUSTE, 

SA  MER E» 

iiS^od<|i)i  f^tre^^T^  foes  dames>  paf  la  porte  à  fsiielie, 
,  au  momipn^.  pu  le  roi  est  sorti.) 

o         T&iOR04L|E- 

Auguste? 
Mon  fils  ! 


ACTE  u;  SCÈNE  V.  4o3 

CAll.OtIIIE« 

Mon^  frère  ! 

▲  CTGUSTE.; 

Ma  mère  !  Grand  Dieu  !  Ma  chèfe  Caroline  l  (Il 
se  jette  dans  les  hras  de  sa  mère  et  de  sa  saur.) 

THÉOOORlE^  '      ' 

Voilà  mon  ouvrage. 

(  Momeni  de  siUnce*  ) 
LA  mIsex* 
Reste»  lette  dans  mea  brat,  mon  fils. 

THÉODOUE* 

Quel  spectacle!  r 

LA  MkAB,  à  Théodore, 

Monueur ,  ^ue  peut  dire  une  mière  à  son  fils  qui 
la  fait  subsister?  , 

A  VG  u  s  T  E ,  aa  désespoir  de  ce  <iu'U  vient  d'entendre. 

Que  ^i«ns*je  d'entendre!  Orna  mère!  tous  faites 
soulfriT;  vous  faites  mourir  votre  enfant. 

(  Théodore  s^étoigneÀoueemeat  et  sort  par  éa  même 
porte,) 

SCÈNE  VI. 

CAROLINE,  AUGUSTE,  SA  MËHE. 

LA   MiaE. 

C'EST  en  vain  que  tu  m'ûpipole»  iileuce;  ton 
eonir  généreux. orciut  les  témoins ,  et  le  mien  le« 
désire  et  s  en  honore. 

AV/I»U9TIB. 

Vous  vous  abfÛBsez,  ma  mère.  Ah!  padevmol 


4o4  Lf:S  DEUX  PAGES. 

de  ce  que  je  vous  doit.  Oraqd  Dieu  l  qui  peat  ja- 
mais  pajrer  une  mère? 

LA  ntttE: 
Un  fils  comme  Aaguste! 

c  AROLIirZ. 

Un  frère  comme  Auguste! 

(  Ils  se  jettent  encore  une  fris  damies  béas  fun  de 
t  autre,  et  Use  frit  un  moment  de  silence,  ) 

avcs^vste; 

Ma  mère!  ma  sixur!  queAOS  cteurs  s'oQTrent  à 
l'espérance.  Le  roL.»  Ah! -si  tous  saviez.  11  m'a 
parlé  de  tous  ,  ma  mère  ;  il  m'a  répété  deux  fois , 
ayeo  une  extrême  boaté  :  «  Je  veux  la  voir ,  en- 
K  "tends-tu?  jev#1lxlâ>voitf.»  11  faut  lui  faire  le  r»- 
cit  de  tons  nos  malheurs. 

tA  Miaz. 
Oui ,  mon  fils ,  il  faut  rinstnlire.de  tout.  Sfons 
avons  été  parsécutés,  nous  avon»  tour  perdu;  mais 
nos  corars ,  bos  annemis  mime ,  ni  ont  pas  un  seul 
reproche  à  nous  faire. 

AUGUSTE. 

Nos  ennemis  ! . . ..  Qu'ils  tremblent. . . .  Mair ,  ma 
mère ,  commis  le  regard  di|  roji ,  ce  ce|^ar4  unique , 
arréteroit  peut-être  les  expressions  sur  vos  lèvres, 
mette^vous  à  cette  table ,  éerivex  sans  apprêt  : 
votre  sensibilité. . .  Voilà  le  stjle  qu'il  font  :  parlez 
beaucoup  de  mona  pève,  de'vm  enfants...:.  Bien 
de  moi.. 

LA  Mèas,  ttntmtompakt- 

^ien  de' toi)  mon  ehev-  AttgQstéi 


ACTE  II,  SCÈNE  VI.  4o5 

AUGUSTS. 

0}i  !  non ,  rien ,  je  yong  en  conjure  t  nommez 
ma  soeur,  mes  pauvres  frères  ;  peignez -lui  comme 
sous  notre  humble  toit ,  nous  entourions  son 
iinage ,  comme  de  jeunes  oœurs  s'enflammoient  & 
son  grand  nom...  Tout  cela,  comme  le  vôtre  vous 
r^iispirera.  Le  vôtre*  •<  entende^^vous,  ma  mère,  et 
soyez  sûre  que  chaque  ligne,  chaque  mot  iront 
di'olt  au  oœuF  du  monarque, 

hA.  MknEt 

Ah  !  mon  fils ,  le  sentiment  qui  comble  l*âme 
peut-il  s'exprimer  ? 

ApausTE. 

Tout  est  là ,  tout  est  prêt  ;  prenez  cette  plume 
et  écrivez,  ma  mère.  (1/  lui  donne  ta  plume  et  lui 
baise  la  main.)  Le  ciel  guida  toujours  cette  main 
maternelle.  {La  mère  s'assied  et  se  met  à  écrire;  Au- 
guste conduit  doucement  sa  sœur  au  coin  de  la  scè^^ 
du  côté  opposé,)  Bonjour,  ma  chère  Caroline.  Il  y 
a  bien  Ion  g- temps  que  nous  ne  nous  sommes  vus^ 
Suis-je  toujours  ton  cher  Auguste? 

CAR0LINC«  ^ 

Ah!  toujours, 

AUGV8TE. 

Que  font' mes  petits  frères?  Ptensiez-vous  quel- 
quefois à  moi ,  comme  je  pensois  à  vous? 

cArolive. 

Quand  nous  recevions  de  tes  nouvelles ,  si  tu 
avois  pu  nous  voir ,  mon  cher  Auguste!  nous  nous 
rassemblions  tous.  Maman  les  lisoit,  nous  écou- 


4o6.  tJTS  ITEirX  PAOfES; 

tion»,  nous  faisions  yii^  fois  recommencer  mi- 

man,  etca  n'étoil  jionaifl  assez  p^nr  naus^ni  pour 

•Ue.c 

Je  fiuMÎi  (îe  même  en>  recevant  iros  lettres.. 

c  A  B  ot  ur  K. 
Quelthenreux  temp»  que  celui  où  non»  ne  nous 
quittions.)  amais  ! 

AU,OU9TE. 

Oui,  ma  obère  Caroline.  Te  souTient^il  de  notre 
union,  fraternelle ,  de  ces  douces  promenades  du 
soir,  autour  de  notre  solitaire  enclos?  Mai^  à  pro- 
pos de  tout  ce  qui  nous  est  cbyer  »  nj  a-t-âl  pas  en- 
core quelqu'un  dont  nous  aurions  à  parlera 
c  aholine  ,  en  baissant  tpf  yeuxiL 

Quelqu'un? 
lijk.  MilBE ,  les  regardant  de  temps  en  temps*- 

Ces  cbers  enfants!..^  ils  s'aiment  comme  ils 
m'aiment...  Heureuse  mère! 

AUGUSTE.. 

Autrefois  ,  j  etois  le  confidtet  de  ma  petite 
lœur....  £h!  Uye  donc  tes  granda  jreux.  noin< , 
qu'on  aime  tant,  à  Toir* 

CAAOAIHE,  afiec  etnbarrog, 
£-h.  bien,  mon  frère? 

A  u  o  u  8>T  Sj  nvec  malice^ 
Comment  se  |>orte  mon  ami  Ferdinand  ^ 

CAEOblKS. 

Kous  aoffomes  pavti^  sans  l'ai^oii:  vOi. 


ACTE  M,  SCENE  VI.  ^07 

AUGUSTE. 

Cela  dtit  lui  être  bien  sensible. 

CAHOLIirE. 

A  moi  aussi ,  mon  cher  Auguste. 

AUGUSTE. 

Je  paiie  que  dans  ce  moment -ci  il  pense  k 
nous. 

CAROLINE. 

C'est  qu'il  s'imagine  que  nous  parlons  de  lui., 

AUGUSTE. 

11  t'aime  toujours?....  Tu  baisses  encore  les 
yeux. . . .  £st>ce  qu'il  n'en  est  rien  ? 

CAROLIBrB. 

J'en  serois  bien  fâchée....  C'est  un  si  honnête 
homme. 

AUGUSTE. 

Et  qui  mérite  si  bien  le  cœur  de  ma  petite 
sceur. 

gauoiiINE. 

Jl.le  partage  avec  toi.  Comment  ne  pas  l'aimer? 

Il  est  si  sensible;  si  compatissant....  Mon  cher 

Auguste ,  le  croirois-tu  ?  Depuis  nos  malheurs ,  il 

est  encore  plus  tendre,  il  m'aime  encor  davantage, 

il  veut  tout  sacrifier 

ÀiraiiSTE. 
.  Voilà  comme  agissent  les  bons  cœurs  « 


4oa  LES  DEUX  PAGES. 

SCÈNE  VIL 

AUGUSTE, THÉODORE, CAROLINE, LA  MÈKE 

D'AUGUSTE. 

THioDoiiEy  ae^Cfuratit  par  la  perte  du  fond. 

Ah  ,  mon  ami  !  ah,  madame!  quelle  nouvelle! 
Je  suis  hors  dé  moi. 

AUGUSTE.  -" 

Qu*e8t-il  donc  arrivé?  »   , 

LA    HiHB    ET    tA.  FILtE. 

Comme  il  est  saisi  ! 

THEODORE. 

£coutez-moi ,  mais  surtout  pTomettez^-moi  d'être 
tranquilles  ;  voici  le  fait.  J'étois  occupé  dans  cette 
pièce  voisine  à  lire  les  papiers  publics,  lorsque 
tout-à-coup  un  grand  bruit  sëléve  flans  la  rue.  J  j 
vole .:  que  vois-je  ?  une  foule  immense  devant  Tau- 
berge  de  madame ,  des  gens  de  loi ,  tout  leur  si- 
nistre cortège....  Au  même  instant,  ces  mots ,  unr 
ience,  fuite,  saisie,  frappent  mon  oreille.  Les  cruels 
Vous  poursuivent  jusqu'ici.  <> 

AUGUSTE. 

Juste  ciel  !     ■ 

LA    MÈEE» 

G  mes  enfants  ! 

GAROLISE. 

Voilà  mes  pressentiment!,  ( 


ACTE  II,  SCÈNE  VII.  409 

TEBiODORE,   frappant   du   pied  tt impatience ,    et 

pleurant. 
Eh!  non  ^  non.  Si  jayois  des  malheurs  à  vous 
apprendre  y  serois-je  si  tranquille  ? 

CAKOLIRE. 

Y031S  tranquille ,  monsieur  !  eh  !  vous  êtes  en 
larmes. 

THÉO  no  RE. 

Mais,  c'est  votre  faute, mademoiselle; pourquoi 
plenrez-YOUs  tou^?  remettez-vous  et  écoutez-moi 
jusqu'au  bout. 

AuansTE. 

(Écoutons ,  écoutons ,  ma  mère» 

THÉODOAE. 

An  milieu  de  cette  troupe  maudite  étoit  notre 
brave  hôtesse ,  qui  ctioit  à  tout  le  monde  :  «  Arré'^ 
«  tes ,  arrêtez  f  que  &ut-il  à  la  justice ,  à  l'injustice  ? 
i<  de  l'argent,  des  sûretés,  toute  ma  maison? 
c<  P«r]eA,  mon  mari  est  instruit  de  totit,  il  se 
«  charge  de  tout,  il  répond  de  tout.  »  L'époux 
atrive ,  sa  femme  se  jette  dans  ses  bras  et  lui  crie  : 
<c  O  mon  cher,  mon  bon  mari,  ne  souffrez  pas 
c(  qu'on  outrage  chez  vous  la  veuve  d'un  brave 
ce  officier,  qui  ne  vécut  que  pour  nous  défendre, 
«c  qui  mourut  en  nous  défendant,  et  dont  les  en- 
«  fants  nous  ^défendront  encore.  Payo^is,  mon 
«  ami,. c'est  une  dette  sacrée,  payons  au  nom  de 
«  lapatfie.  » 

AUGUSTE,  I.A  MàaE  ET  CA&OX.IS&. 

Cœurs  vertueux  !  cœuts  sensibles  I 

Tlkôâtrs.  Comédies.  l4«  35 


(lé  LES  DEUX  FACES. 

Toat  le  monde  est  dans  la  consternation ,  et  on 
attend  en  tremblant  ce  que'ya  faire  Tépoux.  «  Je 
«  dépose  mille  ducats ,  dit-il ,  et  j'engage  tonte  ma 
«  fortune.  Respectez  la  noblesse  mal^heureuse ,  et 
(c  Tenez  recevoir  votre  argent.  »  Tous  les  j^eux 
versent  des  pleurs,  mille  cris  répètent  :  «c Vivent 
<f  les  bons  citojens!  »  Et  soudain  un  nouveau 
bruit  se  fait  entendre  ;  on  écoute  ;  on  regarde  ;  on 
^t  place  :  arrive  le  père  de  l'État. 

AUGUSTE. 

Le  roi  ? 

THÊODOBE. 

r 

Lui-même  j  il  étoit  déjà  instruit.  i 

AUGUSTE,  avec  un  cri  de  joie,. 
O  ma  mère  ! 

THÉODORE- 

Déjà  l'iniquité  est  sans  pouvoir  ^  déjà  deux  boni 
cœurs  goûtent  leur  récompense»  et  vos  bienfai- 
teurs ,  au  milieu  des  acclamations  »  suivent  le  mo- 
narque en  ces  lieux. 

LA  Màas ,  en  prenant  L'écrit  qu'elle  avoU  laissé  sur  la  ^ 

îable^ 

Vérité  !  tu  vas  approcher  d'un  roi. 

THiODOEE,  tirant  Autjustt  à  part. 

Pour  le  coup,  mon  ami,  je  ne  pouvois  pas 
trouver  une  circonstance  plus  henrettàte  pour  te 
forcer  d'accepter  mon  argent.  (li  ehêrthé  son  rou- 
leau,) Où  est-il  donc?..  Mkis  qtt*est-«e  que  j'en  ai 


ACTE  II,  SCÈNE  VII«  4ii 

ôt  ?  (1/  cherche  eneoreJ)  J«  lue  l'ai  pas  laisié  suc 
^wtte  table... ^ 

AUGVSTE^ 

Que  chexches^tu  donc  ? 
!]IIon  touleau. 

LA    MànE..' 

Quel  ronleau? 
(On  eutend  an  ^aad  mouvement  deupiêre  ta  scène^ 

ADGVSTE. 

Cestleroi! 

I..A  MiRE  ET  LA  VILLE,  en  eonroM  çàet  là. 

Le  roi  ^  le  roi. 
A  vGVftTE  »  en  poitssaut  sa  sœur  dans  ta  perte  gauche 

qiêi  reste  entr'ouverte^ 

Retire-tei,  ma  8C9ur....yoàs ,  ma  mère ,  demeu- 
rez.. Mais.,, peur  dieu!  ua  peu  de  fermeté» 

SCÈNE  VIIL 

ÎLA  MÈRE  D'AUGUSTE,  LE  R01„  AUGUSTE., 
THÊOPORE,  SUITE  Dv  kox  dansiefimd, 

LE.  ROI,  en  entrant. 
Si  te  £âible  eût  toujours 'dû  trembler  et  se  voir 
aecabler  par  le  puissant  j^  on  n'auroit^pas  .songé  k 
faire  desi  lois.  11  n'y  a  point  de  foible ,  point  de 
puissant  où  je  régne.  Mon  pouvoir  est  pour  les 
i^pprimé&,  et  ma  présence  pour  tous  mes  sujets., 
(lé  apér^oU  ^4^  «Mk^  d'Auguste  (jui  s*lncUne  profondé- 
ment* Il  âte  son  chapeau^  le  garde  à  la  main,  et 


4ia  LES  DEUX  PAGES. 

s* avance  vers  eHe,  La  suite  reste  dans  hfond.'^  Que 
désirez-yous ,  madame  ? 

LA  MkRE,  tremblante. 
Sire,...  Yotre  majesté,...  Les  ordres  de  Totre 
majesté. 

▲  UGUSTK. 

Sire ,  c'est  ma  mère. 

LE  ROI,  en  la  fixant. 
Vous  aviez  nn  brave  homme  pour» époux,  ma- 
dame; que  puis -je  faire  pour  sa  famille?  (La 
mère  lui  remet  le  placet,  le  roi  le  prend  avec  bonté  et 
tj  ]ette  tes  yeux ,  en  fronçant  le  sourcU,  )  Vous  ayez 
perdu  TOtre  bien  par  une  faillite? 
(  Théodore,  toujours  occupé  à  chercher  son  routeau . 
raconte  bas  son  aventure  aux  pages,) 

LA  M-èRE..    ' 

Oui ,  sîrc. 

LE    ROI. 

Le  tribunal  a  déclaré  yotre  débiteur  insolyable? 

LA;  tfiRE. 

Oui ,  siw. 

LE    ROI. 

Qu  est-il  deyenu? 

LA  M^RE. 

Il  yit  dans  l'opulence.' 

LE  ROI,  s* avançant  d'un  air  terrîbie. 
Qui' est  le  misérajble  qui  a  jugé? 

LA  MÈRE.    . 

Sire ,  le  même  qui  me  condatthàte  ÉK^jourd'hoi  k 
pajrer  ce  que  je  ne  dots  point. 


ACTE  Hi  SCENE  VIII.  4i3 

L. 'B^' Hao I  marcke  avec  agitation,  et  froissant  io 
placet  entre  ses  maini,  il  dit  à  un  officier  de  sa 
suite  : 

Approchez. . . .  (  Changeant  d'avis ,  ii  dit  brusque" 
srnettt  h  Auguste:)  Non,  toi,  éctls'.  {îl s' arrête  un  ïïmt 
ment.  )  Sont-ils  mariés ,  ces  gens-lk?*  '  ^ 

(Uinguiétude  se. Ut  sur  tous  tes  visages.) 

'■'  '  •  '  •••''•'•■',''  •  '  ' 

lA  HEBE... 

Sire ,  ils  ne  le  sont  ni  l'un  ni  l'autre. 

Z.E  AOi,  avec  un  mouvement  de  Jfie  vtvejneni 

Ênarguéu. 

£cris. . . .  (  Auguste  met  uni  gei^fm  à  Urn  auprès  de 
la  table,  regai^df  le  roi  avec  une  contenance  assU' 
rée,  et  attend  ce  gu*on  va  Jui  dicter.)- Tovdqane  q|ie 
tous  les  créancierg  du  faux  négociant...*  (mets  les 
noms)  soient  payé^.à Tinstant  ^yec  les  intérêts  des 
ini5§rets,  en  commçn^ant  lU>pération  par  le  capital 
du  juge.  (lotfs  les^assîstanUrdonnent  des  marques  de 
joie,)  Qu'on  porte  cet  ordre  au  chef  dé  la  justice.. 
(Vnofficier  le  reçoit  et  part,) 

(  La  mère  et  la  'fille , .  ainsi  guA.uguste ,  sortent  Uuf 
,  mouchqir  et  essuient   leurs  armes,  Auguste,  en 
tlrOiit  le  'iien,  laisse  tomber  uii  rouleau*) 

.   AUGUSTE. 

0  ma  mère  1  voilà  de  bonnes  larmes. 
TBtoDOEB ,.  étourdimentf  voyant  tomber  (e  roiUcaa 
entre  Uni  et  ÀiÊ^U» 

Mon  rouleau! 

35. 


I 
4i4  I^ES  DEU^  ?AG£5. 

VlirSXEVES  PA«EB  ET  YEASOH'BSS  0£  tJL  SV ITE  BV 

koi,6ai. 
Son  rottleaa  ! 

LE    EOI. 

Qu  est-ce  ?(!/  se  niet  devant  ThéodoreM^tu  ^ut 
ramauer  le  roii/eau.) 

THiODORE, 

«  •     .  ».   ^ 

Sire...  (Bas.)  Que  dirai-je?  (Haut, en  baibattanU) 

Votre  majesté....  (BiM^  à  Auguste»)  Tu  Tas  donc 

trouvé ,  et  tu  lië  me  le  dis  pas. 

P£VSIEnES  PAQZi  Et  PEA80SSE8  DE  LA  StTlTE  DU 

Jioi,  bas. 
-  Il  a  pris  son  rouleau. 

{La  mère  piUU,) 
Auguste,  ckanceiaM  et  tombant  sur  un  genou,  ^ 
Je  me  meurs. 
LA  BfàRE ,  avec  un  cri,  n'ôsahi  aller  à  son  fils  de  peur 
'  'de  'manquer  de  respect  au  roc« 
Aûj^ste  )  à  mon  mâlhçureuz  fils  l 
'le  b 6 i ,  à  la  mire, 

_  ^  •    »    « 

Eh  bien  !  eh  biep  !  par  respect  pour  moi ,  ma- 
dame ,  ràvà  laissez  mourir  votre  enfant...  (Il  court 
h  Auguste  ,  le  soutient  et  lé  'relève  avec  la  plus  grande 
bonté. }  Auguste' ,  'Auguste. 

AUGUSTE,  revenant  à  lut. 

O  mon  maître!...  O  mon  dieu  tntélaire!  {avec 
êecHdeià  ffiHié^)  je  s^t  innooe'nt« 
l  B  &  o  I ,  at^ec  atiôndrUsénant  et  hU  serrant  la  main. 

Je  le  sais,  mon  amû 


ACTE  II,  SÇIÈNE  VIII.  4i5 

T  B  É  o  Dp  RE ,  au  désespoir  m 
lËtoundi  que  je  suis  I  * 

;.  s  B  o  i,  faisant  relever  Auguste  sur  qui  it  pose  une 

main  protectrice, 
Qui  est-ce  qui  ose  accuser  cet  enfant? 
THÉODORE,  tremblant, 

LB  .aoi. 
Qu^  parliejB-Y0us.de  rouleau?, 
(Ai^gustejêve  sur  le  roi  un  œil  reconnoissant,) 

,TBiODOR£. 

\vzjRpi,lf(^us(ii^f,ment. 
Ehbien? 

THÉpDORE,  nen  pouvant  plus» 
Sire,  j'en  avois  un,  je  l'avois  offert  à  mon  ami... 
Il  Ta  refiisé. . .  Je. . .  je. . .. 

LE  ROI,  plus  brus<iuement  enc&re. 
En  bien?  , 

Tnionovi'E,  précipitamment,. 
Je  l'ai  mis  dans  sa  poche. 

LE    ROI. 

'  Vous  rayez  mis  dans  sa  poche  !* 


,\  • ,     I        .      •  *  -^  111 


i 


4i<l  liES  DEUX  PAGES. 

SCÈNE  IX. 

LA  MÈRE  D'AUGUSTE,  LE  ROI,  AUGUSTE, 
THÉODORE.  CAROLINE;  suite  du  aoi  dans  te 

fond. 

CAEOLiiiB  ouvre  la  porte  avec  viotenee,  iravene  et 
s'élance  tvers  son  frère, 

MoH  firère,  ma  mère,  pardon,  sire....  mais  i\ 
s'agit  de  rhonneur  de  mon  frère...  Le'roilà,  votre 
rouleau.  C'est  moi  ^i  l'ai  trouvé  sur  un  Ànteuil 
dans  ce  salon  :  prenex ,  monsieur ,  prenez  TOtre 
argent ,  et  n'exposez  paA ,  ne  perdez  pai  mon 
frère. 

THioDOBE,  transporté t  ^ans  prendre  le  rouhau, 
s* adresse  à  toute  la  suite  du  roij^  et  surtout  aux 

* 

pages. 

Messieurs,  vous  l'entendez...  Auguste  est  inno- 
eent.  (Au  roi.^  Grâce,  sire,  grâce.  Mon  ami  étoit 
livré  aux  soupçons;  je  ne  savoisce  <jue  jedisois, 
ce  que  je  faisois  ;  je  ne  sentois  que  la  peine 
de  mon  ami.  Votre  majesté  peut  ime  faire  punir; 
mais  mon  coeur  vaudra  toujours  mieux  ^e  ma 
tète. 

LE  E G I ,  eA  retenant  an  sourit» 

'Ceci  s'examinera,  monsieur.  Cil  «e  tourne  vers 
Auguste.)  Auguste....  tantôt,  quand  tu  dormois 
0ur  cette  chaise. . . .  (  Auguste  baUsu  /«f  t/eux.)  quel 
papier  tenoîMu  à  la  main  ? 


ACTE  H,  SCÈNE  iX.  417 

AUGUSTE.. 

La  lettre  de  zoa  mère. 

(Hhéodore  fixe  souvent  Caroline ^  U  craint  déliai 

L  E  R  o  I ,  avec  bonté' 

Si  je  l'ayoîs  lue ,  tu  me  U  p«rdonneroiS| ,  je 
lense. . .  ^  Quand  on  place  si  bien  son  àrgeiirt ,  ce 

i*est  pas  trop  d'un  témoin et  pendant  ton 

ontge. . .  ne  crojQÎs-tu  pas  que  1&  ciel  t  envo^oit 
:ent  ducats? 

AUGUSTE,  jetant  un  regard  sur  sa  mère^ 

Ah!  sire. 

LE   HOl., 

Eh  Bien!  c*est  moi  qu'il  a  chargé  de  te  les  re- 
mettre. Voilà,  messieurs,  toute  lënigme.  Les  mo- 
destes yertus  de  cet  enfant  devroient  serrir  d'iex-em-i 
pile  à  ceux  qui  l'accusoient.  (  Théodore  court  à  son 
ami  et  l'embrasse.  )  Faites  venir  ce  brave  homme  et  sa 
femme..  (^  /a  mère,)  Combien  aye^YOusd  enfants, 
madame? 

I»A   MÈREa 

Sire,  cinq  fils  et  une  fille.  *     , 

LE    ROI. 

•    •      ■       / 

J'aurai  soin  des  yôtves.  Je  vois  qne  vous  leur 
pairlex  spuyent  de  leur. père...  Aye^yous  fait  un 
choij;  pour  cette  demoiselle? 

(  Théodore  fait  un  pas  en  avanh  ] 


4ia  t£S  DEUX  PAGES. 

LA  xàKE. 

Sire,  son  cœur  ayoit  choisi  j  mais  nos  x&alheuii 
et  le  peu  de  fprtune  du  fîitur.. 

LE    ROI.. 

Qu'elle  lepoHseet  ^u'il  serve;  le  reste  me  re^ 
garde. 

T  A  f  tVDO  ^Zyà  paru 

Adieu  ^  mon  mariage.  I 

SCÈNE  X. 

LA  MÈRE  DAUGUSTB,  LE  ROI,  AUGUSTE, 
THÉODORE,  CAROLINE,  PHLIPS  ET  SA 
FEMME  %  SUITE  DU  AOi ,  dans,  te  fond^ 

LE  B  oi ,.  À  Phtips  et  sa  femme. 
Appiioc0Ea.>.«  Venez,  madame  :  l'action  que 
VOUS  venes  Ûe  faire-  ne  me  surprend  pas  \  je  sais 
que  ce  n  e»t  pas  la  première. 

VJBLlPft  ET  SA  FEMME. 

Ah!  sire.». 

LE  nota 

Je  vous  confie  tous  les  biens  de  mes  maisons  dei 
eharité. . .  Il  faut  un  honnête  homme  pour  remplir 
cette  place ,  et  personne  ne  la  mérite  mieux  que 
vous.  Théodore,  |e  vous  donne  une  cornette  dans 
mes  gens-d*arme9.  Auguste,  je  double  ta  pension, 
et  mon  fi^re  t'accorde  une  Ireùtenance  dans  son 
régiment;  tu  es  bon  fîU,  tu  seras  brave  comme  ton 
père ,  et  tes  vertus  te  rendent  digne  de  servir  sous 


ACTE  H,  SCÈNE  X.  419 

un  tel  général.  {Aia  mère.)  A'dieu,  madame...  Je 
TOUS  remercie  d  être  bonne  mère. 

.  (M'ort.) 

TOUT  LE  M 0  5 DE  cntoure  le  roi,  en  s* écriant  : 
Ah!  le  bon  roi!ie  grand  roi!  le  bon  roi! 

(  La  suite  du  roi  sort  avee  lui.) 


riV   DES    DEUX  PAOIS. 


TABLE 

DES  PIÈGES  ET  DES  NOTICES 

€01ITZBlV£f    BAVS    CB    fOLVHS.' 


Notice  but  Beanmarchait. ...••.  p«g.  s 

Le  Barbier  de  S^tiiaç  ,  ou  la  pRicAUTiov  , 

ivuTiLE,  comédie  en  qaatre  actes,  par  ' 

Beaumarchais •  7 

La  Folle  jotjrvée,  ou  le  Mariage  de 
Figaro,  comédie  en  cinq  actes,  par  le 
même »      1 37 

Notice  SUT  Dezède. , 345 

ÀUOUSTB  ET  ÏBiODORE  ,  OU  LES  DEUX  PaOSS  , 

comédie  en  deux  actes ,  par  Desède. ...      35i 


m  BB  LA  TABLE  DV  QUATORZikMC  VOLUME. 


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