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Full text of "Thresor d'histoires admirables et memorables de nostre temps, recueillies de plusieurs autheurs, memoires, & avis de divers endroits"

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.:^r 


If 


I 


THRESOR 

DHISTOIRES 

ADMIRABLES 

ET    MEMO  RABLES 
de  noftre  temps. 

Recueillies  de  flufieurs  AuthenrSy 

Mémoires ,  d"  Auis  de  di^ 

uers  endroits. 

MISES  EN  LVMIERE  PAR 
Simon   Govlart 

Senlisien»  ! 


A    GENEVE, 

POVR  SAMVEL  CRESJHèfc^L^ 

biblioth:ica 


PN 


A  lEAN   GOVLART, 

ESLEV  ET  CONTROLLEVR  DES 

Aydesôd Tailles  peur  îc^ 

Roy  en  PEflcdion 

deSenlis. 

1^^^^^^  0  N  Frère ,  Durant  nos  mi  [ères 
^  M  ^^Pid^^^  ^^  pouuant  future  d'vn 
^d^^^^^^\  train  lejlude  que  i'aime  Icflm^ 
wSf^^M^^  fi^^^'^^^^y  ^^  fois  A  autre  &  a 
diuerfes  repnfes  l'hijîoire  depuis  cent  cinquan- 
te ans  ,  oh  ie  marqmy  des  particidari- 
tez.  notables  a  milliers.  le  commence  a  faire 
qtielque  corps  de  ces  membres  ejpars  :  cr  four 
ejfayie  "vous  offre  ce  premier  'volume  y  qui  fera 
fuiui  d'vn  grand  nombre  d autres  ^  fi  i'enîcn 
que  mes  recueils  vous  agréent  ,  dr  f  ruent  a 
quelques perfonrtcs  ftlon  7non  intention.  Con- 
tinuez, dereceuoir  de  bon  œil  ce  qui  -vous  vient 
de  mes  mains.  No  (ire  amitié fncere  ,  fer- 
me ,  O'  dont  ie  recueille  vn  grand  contente- 
ment ,  me  permet  de  mettre  icj  vofre  nom-^ 
Ô*  m'affeure  que  vojhe  candctr  fupvortera 
ma  hardiefeffivous  voulez,  rmmner  ainfict 


aue  tef^y  maintemnt,  UmaU  nojtre  mutuelle 
bienvneilUncen  a  fommeillé  :  aujjt  ne  la  ref- 
ueille  je  point  par  cejlefreface-t  ninepreten  lui 
donner  acroijl  par  quelques  fueilles de  papier. 
Ce  fer  on  vn  trof  mince  renfort,  ledefire  que 
'veniez  le  premier  'vohs  ajfeoirpres  de  moy ,  ^r- 
fnqu'enjèmble  (  é'deux  on  trois  autres  auec 
nom)  contemplions  les  meruetlles  de  Dieujuîie 
(^  mifericor  dieux  ylequelie  vom  fouhaite  pro- 
pice y&  h  ma  fœur  5  &  ^  tous  ceux  qui  le  reue- 
rent  d^  qui  nous  aiment.  De  Sain^i  Geruais 
cexîj.  iour  de  May  y  l'an  mil fx  cens. 

Voftre  frerc  &  iîngulier  ami  i  famais, 

Simon  Govlart- 


i^DVERTIS   SEMENT 
au  Leâeur  débonnaire» 

*A  I  marqué  depuis  quelques  an- 
nées pkiîîeL.rs  milliers  d*Hiftoires 
recueillies  de  diuers  autheurs ,  à 
la  conrciencejdefquels  ie  vous 
renuoye,ne  pleigeât  rien  de  leurs 
efcrits  que  le  fidèle  extrait  que 
i*en  fais,  &  voulant  toutefois  penfer  qu'ils  n'ont 
auancé  chofes  faullès  ou  ineptes  ,  ains  ont  penfé 
&  repensé  àcequ'ilsauançoientenpublic.Ieles 
si^^cUc  Admirables,  àcaufeque  les  raifonsd  vne 
gcand'partd'icellesfontforteiîongnecsdemon 
appreiienfion5&  qu'il  y  a  du  miracle, ce  me  fem- 
ble.Elles  font  M^wor4/?/^;aulTî, pour  le  contente- 
ment ,  rinlku6i:ion,&:  les  coniolations  que  les 
bonnes  Ôc  paillbles  âmes  en  pourront  recueil- 
lir. Je  n'ay  point  voulu  palï'cr  au  delà  du  fieclc 
duquel  nous  ne  faifons  que  fortir  que  fort  rare- 
ment 5  &  m'en  abftiendray  encor  d'auantage  é$ 
liures,qui  ruiuront,ri  Dieu  le  permet.  L'hiRoiic 
de  nofire  temps  cft  vn  abrégé d&toutes  les  m.erueil- 
les  des  (iecles  paiTez.  ne  me  (achez  point  m.au- 
uais  gré  fi  i'ay  de(iré  vous  f:n  prefenter  quelques 
clchantillons  ,  pour  rekiciller  voftre  penfee. 
Quand  vous^auicz  veu  la  fuitc,s*il  vous  fouuient 
de  chofes  dignes  d'eftreramencues  a  noftrepo- 
Herité/urmontez  noftre  exemple.  Ce  vous  fera 
chofe  aifee.  Je  vous  y  conuie  6c  adiure.  Dieu  ne 


6    . 

\Q\n  eflre  trop  conn  ni  reueré  de  nous  en  la  voye 

de-  (qz  iu«;cmcns  &  mifeiicordes.  Ceux  qui  peu- 
uenr  lefai.c  d'vn  plus  haut  ftile,  ne  derdaignc- 
ronc  ma  foible  affcttion.  Quant  aux  autres  qui 
ne  pcuuentou  nevculentrien  faire  que  ceniurec 
&  inue6î:iuer,ie  leur  (buhaite  droite  rcience&  cô- 
Iciéce.  A  la  micne  volôté  qu'en  ce  nouueau  (ieclc 
Dieu  fuCcicc  à^s  perionnagcs,qui  en  diuers  lieux 
foicr  foigncux  de  iTiarqueren  Diaires  &  Annales, 
tout  ce  'jue  nous  voyons  digne  d'eftre  referué 
pour  r^nieigncncnr  de  nos  ibcccircuis.  len'ay 
point  voulu  lehanfTcL' de  couleurs  les  limpleshi- 
floircsque  ie  voiisprcfente.  Comme  aux  bons 
cftomacs  il  ne  faut  pomtde  Taupicqucts  :iesc- 
iprirs  robuftcs  aufTi  Te  contentent  de  ledure 
fî;"pple,  laquelle  ils  rumine»:,  pour  la  conuettir 
en  (ubftançe  viuifianrc.  Le  but  de  ce  recueil  OC 
des  ruiuans(eia,Criignez  Dieu, gardez  Tes  com- 
mandernens:voilaletOtitderhomme,CarDieLi 
amcnera  route  œuurc  en  iugcment  3  touchant 
four  ce  qiji  eft  caché/oit  bieujfoit  mal. 


INDICE 


TABLE     DES 

MATIERES    ET   CHOSES 

principales  de  plus  remarquables  craidcesôc 
contenues  au  i.  &  2.  volume  des  Hiffcoires 
admirables  &  mémorables  :  félon  l'ordnalphÂ'* 
betique. 

Le  nombre  tnottpeUpâge. 

A 

Y^^^  Bfces,ou  apoflemes  au  corps  humain pag.6o 
■     '^^îVl  Abjîinence  nomparetlle  ,  ^  vie  merueil' 

Çy^          fê^  -^^^^^^  '^bfl^i^cnce  mentor  allé.  5^? 
j^^^^^^'jîj  Accident  merueilleux  en  'vnefdU,     pag.  l 

y^r<3.-:^:'is^^  Accouchée  abondante  en  lai5.  16.  17 

Atcufateur  niefchant  exterminé.  ^6% 

Accufationfaujfe  grauement  reprirtiee.  6 
Aduertijfemtns  ^  auant  coureurs  de  grandes  ruines  ^  con- 

fufions.  6}i 

A duertijfeur  merueilleux.  Jj .'autre,  18 

Adultère,  caufe' de  grands  maux,  $69 

Adultères  chajlie:^.  -  19 

Agilité  cr  force.  35 

Ambition  fleflrie.^'ji.  ridicule.  4I 

Amitié  coniugale.  ^y/[.jociale.  57^ 

Amour  de  la  patrie.  577 

Apoplecîiques.  57  S 

Apparition  merueilleufe.  4^» 

Apparitions  diuerfes en  l'air.  ^6  fataniqties.  4^ 

Appétit  de  boire  ^démanger  perdu.  64 

Appétits  ejlranges.  6$ 

Appréhendons  fortes  (^véhémentes.  581 

A  rmee  dcsfaiâe  par  froidure  extrême.  i  ^ 


TABLE. 

Armée grunderuinte  pluspxr  elle  me/me ,  queparfes  ennt^ 

tnù.  ^oj 

Armée  nnuale  desféitepar  U  feif.  5  ^4 
Autre  mrmee  riAuaU  desfAtiU  par  les  njents  ér  plttyes.  ^  8? 
Autre  armte  nauale  ,  fttrnommee  l'IrtnincibU  ,  dijftpée  en 

moins  de  rien.  59^ 

Armée  trej^uijfa»te  dijfîpet,  5  9  î 

Armée  puijfavite  de  sfaiiîe.                                        ,  $9^ 

Ajf*illant  téméraire  puni^  ^9 

Affopijfement  ejirange.  ^13 

A jlr  dogues  iudieiaires.  6it 

Attentat  indigne,  puni.  ^15 

Auftleurs.                                                    _  70 

Atianture  notable,  ^14 

Auarice  punie  61^ 
B 

B  Arhares prudemment  adoucii»  78 

Blajphemutcurs  punis.  <î37 

HLffure  à  la  tefie,  fuiuie  d'ejîr^n^es  accidents  6^0 

^lejfures  Ugerts,  neAntmoins  mortelles.  7P 

^lejfure  pertlleuje  à  U  langue Mextrement guérie.  ^41 

Jîléljiires  guéries.  80 
C 

CAs  eflranges ,  horribles  ,  ^  extrêmement  pitoya- 
bles. 108 
Charité  maternelle.  100 
Cœur  humain,  ^  fa  taye.  64^ 
Ce  nibat  hardi  ^  nonjanglant.  64  4 
Combats  fur  mer.  6^% 
Comètes.  115 
CompAJf.on  véhémente.  117 
Con'eptions  ^  enfantements  auant  aagi,  îi8 
Confiance  pei  iUeufe.  6  5  Z 
Confcience.  l\9,&  660 
Corne  il  oportun  mefprisé,  fuyui  de  terrible  ruine.  .  662, 
Cmferuation  meruetUeufe,  ^  c»mme  miractéletéfe,  66^ 
CoK fiance  en  aduerfité.  679 
Continence  mtmorahU,  61").  notable.  113 
Çontiuljiçn  efirange,  ^86 

Cffrfgé 


TABLE. 

Cârne  au  front  d'vn  homme.  ^  ^^ 

Corps  hum^n  pétrifié.  12,4 

Correatonexcejfmeyé*  cruelle.cftufe de  tres-grfinimfil.  189 
Cruels  exterminez  iz*^.  punit  ^9^ 

Curiojitétnefchmteé*  detefifiblecht^fliee.  69^ 


DEhy  dangereux.  7'^o 
Deiiurmces  notables  ,  éf*  p^^  moyen,  extraordinaire. 

Beliurances.  7oi 

Déluges  dangereux.  7^4 

jiutres  déluges.  lo% 

J>0moniaques.  Exemples  de  àiuerfes  illupons  de  Satan.  14  J- 

ï>€nt  d^or  en  la  bouche  d'vn  ieune  enfant  de  Silefie,  J6o 

Dejejpere^  K^i 

De/ir  infâme  chajîté.  7^7 

Diffoluttons  punies.  7°^ 

Dormeurs  merueilUux.  i7? 

Duel.  7op 


ETficace  ejlrange  de  Satan.  i?^ 

Effort  audacieuxjinutile  éf  perMleux,  7 15 

"Embrafement  de  feu.  185 

"Embrajemens  de  feu.  7^4 

Enchanteurs  ^  magiciens  punis,  7  »  ^ 

"Enfant  de  pierre.  2-2,? 

Enfant  efleué  parmi  les  loups.  T^-o 

Enfantvif  très  petit.  72-4 
Enfans.    Cas  mémorables  auant  ^tofi  apresh  naiffance 

d'aucuns.  i8<? 

Enfans  ingrats  ^  peruers.  iif 

Enfans  miraculeufement  conftruex.,  2. 08 
Enfans  morts  au  'ventre  de  leurs  mercs^^  mis  hors  par  mer- 

ueilleux  moyens.  198 

in/mh^n  nombrit  &  A'vn§  venir  te»  W 


TABLE. 

J.nftins  nonrr'uptttmi  les  loups.  zit 

Er;fjns  prat/tquez.  zii7 
J-nfans  produtti  à  diuerfes  fovi  ,  demefme  groffeffepar  fuper- 

fecation.  19^ 

Hnfimtemcnt  CAfahen.  114 

JLcfuiuoqtte  pertUeux.                                                ^  7if 

"JEfnteute  de  Flandres .  716 

JEfmeuteJedttieufe  à  caufe  dexations.  z^i 

Hj}  rcu  ue  notable.  719 

JE-lpriffamiiùr.  7jo 

HJprusdiuers.  754 

ILfprits  prodigieux.  234 

t-jiiiscelicsdefeH.  x^6 


TP  Atnines. 

731 

XFantaJliques. 

.56 

I-'aiteur  particulière  au  hefgin. 

7^? 

^cmrfje  ayant  quatre  tetins. 

7<Î4 

Iremmes  deuenues  hommes. 

»37 

Ttlleefiimee  enceinte,mai4  vierge,^  comment  guérie. 

7<îr 

fille  -vrifiantpar  le  nombril  guérie. 

765 

ilux  de  fang. 

z66 

Torce  corporelle. 

259 

Tohldre. 

141 

Toaldres,  orages,  tourbillons  ejlranges* 

76i^ 

Trttyeur  extraordinaire. 

777 

Trenetiques  meruetUeux. 

78^ 

Tureur  horrible. 

27^ 

Fureur  du  mMin  ejj>rit  limitée. 

G 

/^>Eants. 

*  ^jGracieufeté  heroique. 

7i?o 

^46 

791 

Goûteux  garenti. 

7Ç1 

Cuerijon  extraordinaire. 

Z50 

iJuerifons  tno^inQas. 

803 

H«- 

TABLE. 


H 


HArangueursmtuts.  8oÇ 

Homme  auant  l'ange.  ^  î > 

Homme  aymt  du  ImB  taux  mammeU.es,  808 

Homme  merueiUcux  Soy.robufte.  ^<^^ 

Hydropijie guérie  en  plufieHrsferfonnes.  So  9 

Bypocrifie  punie.  ^  •  ^ 


IAloufie  horrible.  ^55 

Imagination.  "^^ 

Impietéreprimee.  ^^ 

Impieté  ridicule  ^deteflable.  °^^ 

Imagination  'véhémente.  ^^^ 

Impojîures  <^  impojleurs  ejîranges.  2.65 

Imprécations  ^ paroles de^iteujes  ^  bla^hematoires.  282, 
Inhumanité  punie.  ^^*' 

Inondation  terrible.  814 

lugemens  précipitez.,  i  p;  .remarcjuables.  ^^^ 

2uges,non  iuges,mais  tres^iriiques  ^  detcjîabks,  3  ^r 

lujnemeruetlleux  'y09 

Jujîice.^n. redoutable ^ ^re5  i«/?e  rf«  lugefouueraiuyfur  Sa- 

tan.e (^rit meurtrier ,  ^-  fur  fes  injîrumcns  ^  ndherens, 

Hz6, 

L 

LArron  m  erueilleux  512^ 

Léthargiques  ^  au  très  tels  mttlades  ajfopi^ ,  gele:^Jlupi'' 
des,  ^tranfis. 
Libéralité.}!  ^.mémorable.  SjJ 

X-iberalité  ajfaillie, de  fendue, opprimée.  845 


M 


M 


Aladies  eftrangesefirangement  guéries,  ^60 

Malcadfic,malf(icré,malde  tern*  8$i 


TABLE. 

Manage  cUndeflin  ^  ttop  inefgal  tref-tnalheureux.  5 1 7 

Mariages  cUndejUns,  malheureux.  U  8 

Mmudtjfons  detejîables.  315 

Mtlanchûlique  werueil/eux.  87 1 
•MeUncholi^ues.hjfenfer/renetiqueSyfurieux  ,  «»r/rgfz,,c3'^- 

5x4. 

^tmoire perdue  ^retrouuee.  55^4 

Mtre fertile  en  ligna  ilfued:eUe.  35  (î 

^«/rtf  wrre,  'Voyant fe s  defcendunts  iu/quau  6. degré.  5 5  7 

Af  rt-^j  ^  en  fans  prefiruez.  de  mort.  5^  7 

JWrrf  ;  'Vigoureufes.  j  j  7 

Mejpris  de  douleur.  5^  8 

Meurtriers chaJliez.S7j.  defiouuer/spar  notables  moyens (^ 

punU.  3ç^ 

Mmemerueilleufe.  88^ 

Mocquettr  infâme  chaftié.                               "  8S5 

Mocqueursmocqutr.  575 
Mortpreueue  ^  prédite ,  fans  potiuoir  eftre  enuiecypar  vt^ 

terrtble  iugement  de  Dieu.  089 

JVftrrr  remarquable.  ^7^ 

^itîilattontndtgHefHrieufe.  ^9? 


N>^/«rtf  extraordinairetJunt  foulages.  987 

Naturel  changé.  ■^'j-j 

Naturels  merueilleux,  578 

iJaufrages.  898 

i^onchalance  punie,  910 

JUûpces  douloureufei,  3  85 


OCcafion  mef^rifee  fait  perdre  la  viâoire)ô'U  vie  911 
Orages.  ^12. 

P 

PjiiUards  punis.  ^85 

Parricides  ptruis,  913 

fajfionviijimmte,  pt4 


TABLE. 

Talfiùns  ve^mentes  de  dtteilje  toye,  de  ialotifie.  depeur  ,  de 

trijiejle,  à'C.  389 

felerin  Turc  merueilleux»  41S 

ter  jUre  puni.  410 

terfonnss  qui  viumt  long  temps  ftms  hoirey  ni  manger.  4x1 

Tejle ,  jieAu  très-  redoutable.  pzp 

Filîards  cruels  tha/itez.  93Ç 

J^laye  merueilleu(e.  93  S 

Tluyesprodigieufes  érditterfet  43 j 

Totfonsy  veninst  c^  leurs  ejfeéis.  5^3 7 

TrediHion.  437 

Frejdges  (^  vifions  notables,  ^44 

Prefomption  peu  heureufe.  ^947 

Frifonnier  deliuré.  434^ 

Troces  vuidépar  moyen  extraordinaire.  440 

Tronoflications  dangereufes.  44I 

Proscrite  mondaine  renuerfee  dejlrange  façon*  048 

Protecîton  excellente.  ^So 

RAnçon  merueilleufe.  441 

Kapt  malheureux.                                    '  442, 

Râtelle  du  corps  humain^f^  diuers  accidens Vieeux.  9 5 j 
Rauiffettrs  exécrables   chajltez,  de  vaillante  (^  herfisfue 

main.  44^ 

Jiauijfeurs  punis.  ^yo 

Hecompenfes  dénature.  44^ 

Reflux  merueilleux.  ^^q 
Remède  trouué  inopinément  à  vn  mal  contagieux  ^  ex* 

treme.  ^j^ 

Rejiftancevaleureufe.  ^7^ 

Refolutiongenereufe,  merueilleufe,  0>  mémorable,  45 1 

Rejolutions  martiales.  <,y  j, 

Rejfemblance.  '^^£ 

Rttraicîe  remarquable.  084 

Reuoltitions  notables.  çj^I 

Richejfes  d'or  ^  d  argent  mejprifees.  45  4 

Ruine  pitoyable.  4^^ 


TABLE. 

nuines  ejlr anges.  4^^ 

Rufcs  de  l' esprit  S  erreur.  5^8 


SAecagement  horrible.  looi 

Saignée  meruet^leuje.  ^61 

Sautieg.trde  tr  tuflice notable.  I08 

Sauueg'iriie  mcmorable.  loo^ 

SeMtt9ris  en  Efpagne  (^en.  Sicile.  101  r 

Sépulture  dcfirce.  465 

Seruitetir  courageux.  lo^yr.fideU.  10^4. 
Seruuude  infime  ér  cruelle^  emtee  par  tnoyensmerueilleuxy 

1035 

Soldat  courageux  \o^6  fmuémiraculeujement.  1057 

Songei  extraordinaires.  I  j8 

Sorcelleries ,  tmpojiures  ej>  ejlranges  illufians  de  Satan  def- 

couuertes.  464 

Soulagement  notable.  10^6 

Sueur  jangUnte.  47^ 

Suffocation  de  matrice.  1047 

Super (iitions.                                        .  J050 

Sympathie  mémorable.  le  5 j 

r 

TEmerité  miferable.  47? 
Threjorstrouue'^h4tine:^perduS)recerchez  en  vain  ^ 

perilUufemcnt.  4?^ 

Tourmente  mont agneuje.  1054 

ZTraiJîres  punis  ^St 

Tremblement  de  terre.  4X5 

Traijlres  punis  losf 

Tumeur  merueilleufe.  Io5j 
Tumultes  ejlranges  des payfans  en  diuers  endroits  d'jilema- 

gne.  lc6j 

Tumultes  Anabaptifles.                         *.  1075 

VAillattce.  4Pi-io74. 

Vanité. ^ozfurieufe.  5f^4 

F4. 


TABLE. 

Vanité  du  monde  magnifiquement  reprefentee. 

JOi 

Veilles  du  tout  extraordinairei  ^  prodigieujes. 

lOÇT' 

Vengeance  horrible. 

507 

Vers  au  corps  humai».  $ o2.au  nombril.. 

lo5>> 

Viâoires, 

lo9i 

Vieillards. 

5-? 

Vieille jfe  rajeunie. 

52.r 

Villes  brufiees.  , 

iior 

Vin  gardé. 

1104 

Violence  infâme  ^  cruelle  chafliee. 

1104 

Vif  ions  ejîranges,  effroyables  ^  horriblei. 

530 

Vtfions  merueilleufes  en  l'air. 

549^ 

Voleurs  chafiiez.. 

Y 

\\o6 

Y 


Vrejfe.  Turongnes  ,  caufe  de  grands  maux  ,  punis, 

IIIO 


HISTOIR  E  S 

ADMIRABLES 

ET    MEMORABLES 

de  noftre  temps.     . 

Accidens  mermiUeux  en  vneflle. 

Orneille  Gemme ,  ProfefTeur 
en  Médecine  à  Louvain  à  la  fin  du 
4.chap.de  fon  z.  iiv.  de  l'œuvre  inti- 
tulé di  natuTA  diuinU  chara£îerifmis, 
recitevne  admirable  hiftoire  bien  au 
longjacjuelkicreprefenteraiicplus 
fommairemcnt  que  ie  pourrai.  Vne 
ieune  fille  demeurant(dit-ii)en  mon  voiiînage,  dont  le 
père  eftoit  tonnelier ,  aagee  de  quinze  ans ,  de  bonne 
confticution  de  tout  le  corps^belle  &  de  bon  elprir^ayât 
vn  vifagemeflé  d'humeur  melancholic  &  fangum^nom- 
mee  Catherine  Gaulthier ,  vint  à  eftre  afi:oiblie  &  affli- 
gée de  diuers  accidés.  Enuirô  le  mois  de  lanuier  de  Tan 
1^71.  fes  flueurs  s'auancercnt  deux  ou  trois  fois  :  mais  a- 
yans  efté  arrcitees  incôtinent  par  la  violence  de  fa  ma« 
ladie,lui  engendrèrent  vne  fort  grande  lafTitude  de  tout 
le  corps.On  eut foupçô qu'elle auoit elle  empoifonnec 
par  vne  certaine  femme  mal  famée ,  laquelle  lui  domia 
vne  pièce  de  gafteau.  En  le  mangeant  elle  lentit  queU 
que  peine  à  raualler.Depuis,elle  commença  de  tomber 
en  àcs  douleurs  eftranges  de  poidrinc  &  d'eftoraach ,  X 
s'amaigrir ,  à  vamir  par  interualles,à  perdre  Tapperit ,  à 
fcnt^r  des  çowrjooyeraeas  d^  teite,  &  auçres  acadcns  ^ui 

A 


X  mjioires  admirables 

lourmenrcnt  les  femmes  enceintes,  notamment  au  ^.9L 
7.  mois.    Car  cnuitoh  la  mi-Iuin  les  fieurcs  cachées  fc 
dclcouurircnt,  aucc  alteration,erpecc  de  conuullîon,  & 
de  fyncope.  La  douleur  vint  confequemmêt  à  croiftre, 
C\  que  comme  furieufc  elle  ne  cefToit  de  trâcaflcr,  deue- 
nant  enflee>pafle,&  trauaillee  de  courte  halefine:  puis  a- 
prcs  tellement  prefl'ee  que  la  foce  lui  dcuint  toute  noi- 
rccommc  d'vne  pcrfonne  qu'on  eftranglcroit.  Elle  e- 
ftoit  tellemét  agitée  qu'a  peine  quatre  hommes  la  pou- 
uoyent  ils  tenir ,  car  le  jettant  du  lid  en  terre ,  il  n'y  a- 
uoit  forte  de  conuulfîon  qui  no  la  tourmentaft.  Telles 
tortures  ayans  continué  par  interualles  iufques  au  neu- 
fiefmc  mois,  elles  fe  renforcèrent  merueilleufement  :  & 
lors  commencèrent  fes  parens  de  recourir  aux  Méde- 
cins. On  m'appella  le  premier  pource  que  ie  demeurois 
au  voi/înage.  Mais  n'eftant  lors  au  lods,  on  recourut  à 
M.  Beaufard,  lequel  confîderant  cefte  maladie,  iugeû 
qu'elle  eftoit  tourmentée  de  vers.  Il  auint  en  ces  entre- 
faites ,  après  de  terribles  tourmens  ,  que  la  vigueur  de 
Nature,  s'esbranflant  comme  de  foi-mefme,  pou  fia  par 
le  fondement  vne  anguille  toute  viue ,  laquelle  me  fut 
incontinent  apportée.  C'eftoit  vne  vraye  anguille,  plus 
groflc  que  le  poulce,  d'vn  pied  &  demi  de  long ,  auec  la 
forme  &  fes  parties  entières.  Trois  iours  auant  que  for- 
dr,  &la  fille  &ceux  qui  luy  aflîftoyent  ouvrent  au  ven- 
tre d'icelle  vn  grand  bruit,  comme  d'vn  fimet  clair  &  re- 
Ibnnant.  Et  en  fortant  la  fille  declaira  qu'elle  auoit  fen- 
tï  que  Tanguille ,  fortie  la  tefte  deuant ,  s'eftoit  retirée 
en  dedans,  puis  eflancee dehors impetucufement ,  Ôc 
comme  tout  à  coup.    Cefte  anguille  meilee  parmi  les 
cxcremens  y  demeura  long  temps  comme  amortieimais 
jettce  en  vne  cruche  pleine  d'eau,elle  le  remua  fort.  A- 
pres  cefte  vuidange ,  les  douleurs  extrêmes  qui  l'auoy- 
cnt  tant  tourmentée  commencèrent  à  s'alentir.    Mais 
ranguillc,  qu'on  auoit  curée  de  Tes  tripailles,  &  pendue 
en  lieu  ou  les  chats  &  autres  belles  ne  pouuoyent  at- 
teindre, s'efuanouit  en  moins  de  rien,  Toft  après  la  fille 
fcprînt  à  vomir  vne  grande  abondance  d'eau  ,  laquelle 
ie  vins  voir  ,  &  reiicmbloit  à  de  rvriue ,  d'vn  gouft  du 

tout 


cf  mèmorMes,  5 

tout  eftrange,  ce  difoic  la  patiente.  Ce  vomifî'emcnt  du- 
ra i^.iours,en  chafcun  defquels  elle  rendoitplus  de  14. 
liures  d'eau  par  la  bouche.  l'atteftc  ces  choies  non  par 
oui  dire>  mais  pour  les  auoir  veuës  de  mes  yeux;  &  tou- 
chées de  mes  mains.  Et  ne  fus  pas  moins  cfmerueillé  de 
voir  qu'outre  tant  d'eaux  ietrees  par  la  bouche  elle  ne 
laifloit  d'vriner  en  abondance  deux  ou  trois  fois  le  iour, 
fans  auoir  eros  ventre  ni  enfleure  aucune  qui  aparuft  en 
tout  le  refte  du  corps:  aufli  ne  beuuoit-elle  que  bien 
peu,  à  fçauoir  vn  gobelet  de  vin,  ou  de  bière,  ou  d'autre 
liqueur  par  iour.Ie  lui  demandai,fi  elle  fentoit  point  de 
douleur  en  Tvn  des  hypochondres.  Elle  me  relpondit 
que  le  cofté  gauche  lui  auoit  toufiours  fait  grand  mal, 
depuis  cefte  vuidange  de  Tanguille  ,  &  auparauant 
qu'elle  y  auoit  fenti-quelque  pefanteur.-mais  depuis,ce- 
la  eftoit  acreu  de  morfures  &  pointures  afpres;qui  la  fai- 
foyent  crier  quand  ie  prelTois  vn  peu  du  doigt  defTus. 

Apres  tant  d'eaux  vomies,  elle  commença  à  ietter  par 
la  bouche  des  toupeaux  de  poils,  les  vns  longs  comme 
le  doigt,  les  autres  plus,  &  quelques  vns  moins ,  tels 
qu'on  les  void  tomber  à  des  vieux  chiens:  en  telle  quan- 
tité dans  quelques  iours ,  qu'il  y  en  auoit  pour  remplir 
des  eftœufs  à  douzaines.  Elles  les  reiettaauec  grand 
fouleuement  de  cœur  &  beaucoup  de  peine.  Et  fur  vn 
foir,  elle  tomba  en  merueilleufes  pafmoifons.  L'ayant 
trouuee  prefque  femblable  à  vne  perfonne  qui  feroit 
fur  le  point  de  rendre  l'ame ,  &  prenant  foigneufement 
garde  à  toutes  chofes ,  ie  l'apperceusjde  couchée  qu'elle 
eftoit  fur  fa  poitrine,  fe  ietter  de  telle  viteflfed'vn  cofté 
fur  l'autre ,  que  fî  on  ne  l'euft  retenu  bien  foudain ,  elle 
donnoit  de  la  tefte  fort  rudement  contre  la  par oy,  ou 
contre  IVn  des  piliers  de  fon  lid.  Elle  tenoit  les  mains 
clofes  &  ferrées  (î  fort,  qu'il  eftoit  impoflible  les  ouurir. 
Quelquesfois  elle  fe  donnoit  du  poing  fur  la  poidrine 
de  telle  roideur,  qu'elle  fut  en  danger  defebleflerà 
mort.Ce  paroxj'fme  duroit  depuis  7.  heures  du  foir  iuC- 
ques  à  9.  &  lors  elle  ne  conoiifoit  perfonne.  Souuen- 
tcsfois,  comme  en  futfocation  de  matrice,  elle  deuenoic 
roerueiUeufçm©ut  rouge ,  paroiffoit  fort laiTe  &  trauaiJk 


4  Hiftoires  admirables 

lee,  aucc  quelque  comincnccmcns  de  fieure  lente.  Vne 
fois  ou  deux  on  lui  vul  quelque  efcume  autourdela 
bouche.  Et  vne  autre  fois,  coimne  elle  eftoi tau  fore  de 
fon  accès ,  il  lui  auint  de  fe  prendre  foudain  à  rire  i  gor- 
ge defployee,  puis  incontinent  à  pleurer  tendrement. 
Eftant  reuenue  à  loi,&  incontinent  retombée,  en  ex- 
tafc  aflcz  long,  elle  commence  en  vn  inftant  à  parler, 
ne  plus  ne  moins  que  fi  elle  fe  fuft  adreflce  à  Dieu  ,  & 
tendant  les  doigts  vers  le  ciel  dit  ces  mots  en  fubftance, 
O  grand  Dieu,  puisque  ta  bon  té  eft  fi  grande,  &  in- 
croyable, iufques  à  quand  faudra-il  que  nous  demeu- 
rions ici  bas?Quâd  me  rauiras-tu  de  ce  monde,  afin  que 
ie  iouiflTe  de  toi?Celadit ,  comme  en  fe  refueillant ,  elle 
s'adreflant  à  ceux  quiTenuironnoyent,  Quieft-cede 
vous  (fit  elle)  qui  m'a  fait  ce  tort,de.me  rappeller  en  ce  • 
champ  de  mirere,&  en  la  prifon  de  ténèbres,  lors  que  ie 
repofois  fi  fouefuement,&:  me  iouois  es  plus  beaux  iar- 
dins  qu*il  eft  poflible  d'imaginer?  le  ne  péfe  point  quV- 
ne  fille  idiote  &  ignorante,  comme  celle-là,  ait  peu  dire 
telles  paroles,qu*en  extafe.  Cependant  furuenoyent  en 
quelques  vomi(remens,de  grands  Acquêts  de  poils  auec 
beaucoup  de  matière  blanche ,  &  efpaifl'e  comme  boue, 
par  fois  telle  que  de  Texcrement  de  pigeon  ou  d'oifon. 
En  ceft  amas  d'ordurefe  voyoyent  des  petis  morceaux 
de  bois,  &  des  lopins  de  parchemin.  Peu  après  voici  vn 
autre  vomilTement  de  matière  noire  comme  charbon, 
vous  eufliez  dit  que  c'eftoit  pure  cnae,ou  du  fuc  de  fei- 
che>  ou  pluftoft  des  charbons  puluerifez  &  méfiez  en 
eau:  ce  qui  continua  bonne  pièce  de  temps,  deux  ou 
trois  liures  par  iour  :  quclquesfois  auec  tant  de  poils 
blancs,  longs  &  durs,  qu^ily  en  auoit  pour  faire  vne  pe- 
lote. Au  bout  de  deux  iours^elle  vomit  du  fiing  tout  pur, 
comme  dVne  veine  ouuerte ,  enuiron  deux  hures.  Ce 
vomifiement  de  fang  fur  fuiui  dVne liqueur noiraftrc 
&  comme  teinte  en  antimoine ,  au  poids  de  cinq  ou  fix 
îjures  par  iour.  Telle  vuidange  monftrueufe  dura  vne 
fèmaiuô  entière,  reuenant  toufiours  à  certaine  heure 
préfixe  :  &  lors  cefierent  les  accès  <f  Epilepfie ,  dont  elle 
t(ioit  baauc  tous  ks  iours ,  qui  continuèrent  néant- 

niomç 


C^memonhles.  5 

moiiT;  quelque  temps,  de  trois  iours  Tvii ,  &  finalcmenc 
de  fept  en  fcpt  iours.  Cependant  elle  iettoit  encordes 
poils,  non  pas  tantque  decouftume:  mais  plus  noirs, 
plus  courts,  &  qui  fembloyent  auoircfté  hachez  fore 
menu:&  parmi  tout  cela  vne  humeur  vifqucure,&  com- 
me de  la  boue  efpaifle. 

Enuiron  la  mi-Septembre  elle  vomit  de  grandes  pic- 
ces  de  parchemin, rcfifemblantes  à  la  taye  efpefle  &  char- 
nue du  corps  humain,  d'vne  demi  paulme  de  long.  Il  en 
vint  d'autres  apres,plus  tenues,mais  toutes  noires.Fina- 
lement  encores  d'autres  fort  déliées,  mais  tr  es-fer  mes,  &: 
entre  icellcs  trois  qui  auoyent  chafcune  plus  dVn  pied 
de  long,  faites  enlozenges,  auec  des  figures  &  traces 
merueilleufes. Apres  ces  peauxjs'enfuiuit  vn  nombre  in- 
nombrable de  pierres ,  qu'elle  iettoit  par  la  bouche  tous 
les  iours  reiglément  à  certaine  heure  au  foir  ,  auec 
grands  bruits  &  pafmoifons,  telles  qu'on  les  oid  es  mu- 
railles qu'on  abat ,  les  vnes  efpailTes,  les  autres  cornues, 
inefgales  en  forme ,  couleur,  gro fleur  :  toutes  petites,  & 
telles  neantmoins  qu'on  penfoit  qu'à  tous  moments  la 
fille  en  feroit  eftranglee  :  il  y  en  auoit  aucunes  couuer- 
tes  de  chaulx ,  &  cimentées  diuerTement  enfemble,  tel- 
lement qu'on  euft  proprement  dit  qu'elles  auoyent  e- 
fté  arrachées  des  parois.  Vne  fois  en  ma  prefence  elle 
vomit  vne  pierre  cornue ,  de  la  grofleur  de  deux  chafta- 
gnes.  Cette  pierre  lui  demeura  plus  dVn  quart  d'heure 
en  la  gorge ,  &  durant  ce  temps  eUe  demeura  priuee  de 
pouls  &  de  refpiration  ,  tellement  que  lui  mettant  fur 
la  bouche  vne  légère  plume,  icelle ne branfla nulle- 
ment ;  les  pieds  &  les  mains  lui  deuindrent  firoids ,  le 
corps  aufli  roide  que  fi  c'euft  efté  vne  ftatue.  Penlàric 
qu'elle  fuft  au  bout  de  fa  courfe,  &  oultré  de  douleur  à 
<auie  de  tant  de  miferes,  ie  fortois  de  la  chambre,  difant 
que  c'en  eftoit  fait-.quand  la  mère  me  t'appela  foudain, 
affermant  que  fa  fille  bougeoit  &  ouuroit  les  yeux.  In- 
contment  que  ie  fus  rentré ,  elle  ietta  hors  cette  pierre 
auec  vn  grand  effort  :  ie  la  vis  fortir,ie  l'entendis  cheoir 
auec  bruit  dedans  vn  bafTm  >  au  grand  eftonnemenr  de 
moi  &  de  tous  ceux  qui  cftoyent;  en  la  chambre.A  TiA- 

A    5 


^  Hiftùires  admirables 

fiant  mcfmcelle  cracha  vn  cfclar  de  bois  de  la  lonçucuf 
&  grofTeur  du  pouice,  mais  auec  moindre  difficulté  que 
la  pierre  :  item  quelques  poils  noirs,mais  peu,  Suruint 
puis  après  vn  autre  accident,prerque  incroyable,&  dont 
la  fille  faillit  i  eftrceftranglce.Car  elle  vomit  vn  os  fait 
en  triangle,  folide  au  dehors,  creux  &  fpongieux  au  de- 
dans. Le  lendemain  forrirent  des  olfelets,  des  dez,  des 
dojgtiers,  àcs  petites  roues  de  dm crfes  formes  &  pro- 
portions. Parmi  tout  cela  l'on  voyoït  des  pierres  &  des 
poils,puis  d(  s  pièces  de  verre  &  de  cuiure. 

Corneille  Gemn^e  fait  vn  grand  récit  des  remèdes 
qu'il  y  appliqua,  &  maintient  qu'il  y  auoit  en  partie  des 
caufes  naturelles,  en  partie  des impoftures&illufions 
du  malin  efprit  ;  qui  fut  le  principal  agent  en  ces  acci- 
dens  que  nous  auons  reprcfcntez.  Cefte  hiftoireeft 
dcfc-ire  par  Marcellus  Donatus  au  i.  liure  de  fes  admira- 
bles hijloires  medectnales,chaj>.j. 


M 


jicctifationfatijfe  grmement  réprime^. 

Iulian  Taboue  ,  Procureur  gênerai  du  Roi  au 
'arlementde  Ch3mberi,irrité  de  quelques  remon- 
trances qui  lui  furent  faites  par  la  Cour,  fc  mit  aux 
champs ,  &  hazarda  Ton  honneur  par  accufation  ,  qu'il 
cntreprint,  &  commença  contre  melTieurs  Maiftre  Ray- 
mond PelifTon  Prefidcnt,  lean  de  Boiflbnné  Preftre, 
Louys  Gauflerant  dit  du  Rozet,  lay  ,  Craffins,  &  autres 
ConfeiUers  en  ladite  Cour,  leur  mettant  fus  vne  infini- 
té de  corruptions  &  crimes  de  faux  :  &  iuiques  à  foi  in- 
fcrire,  tant  au  grand  Confeil ,  qu*au  Parlement  de  Gre- 
noble,&  ailleurs,  fur  Tinpugnation  de  treize  pièces  pro- 
cedans  defdits  Prefîdent  PelifTon  &  ConfeiUers  fufdits. 
La  première  eftoitvnarreft  donné  audit  Parlement  de 
Chamberi  pour  le  Comte  de  la  Chambre  du  ii.  May, 
iJ59.rautre  &  féconde ,  Tarreft  pour  Maiftre  André  PÛ- 
Ict  du  i^.Iuin,  audit  an.  Autres  deux  arrefts  pour  TEueC 
quû  de  Morienne ,  le  i9.Mars,&  xo.  Septcmb.  l'an  1540* 
h  5.1e5  remonflrances  datées  du  ii.i3.&i8.Ianuier,  15:41. 

faites 


^  memorahy.  7 

faites  &  prononcées  audit  Taboue  le  t.  Fcurier  1^41. la 
fîxiefmc ,  vne  commifTion  de  ladite  Cour  de  Chamberi 
audit  Boiiîonné  du  6.Feurier  if  4i.la  feptiefine ,  les  arti- 
cles enuoyez  audit  BoifTonnéile  15.  Feurier  1541.  la  hui- 
Aiçfn^e,  autres  remonftrances  faites  audit  Taboue,  & 
Tarreft  du  ij.  Fcuriçr  audit  an.  La  9.  vn  arreft  donné  en 
ladite  Cour  le  23.  Décembre  audit  an.  La  dixiefme,  vne 
commifTion  baillée  à  maiftre  Nicole  delà  Chefnayc 
Côfeiller  en  ladite  Cour.  L'onziefme ,  vne  mifliue  à  lui 
baillée  &  efcrite  fous  le  nom  d'icelle  Cour  à  Mon/îeur 
le  Chancelier  de  France,du  i.iour  d'Auril  1J4Ç.L3  dou- 
2iefme,vne  refponfe  faite  par  les  gens  tenans  ledit  Par- 
lement deChamberi  le  ly.Decembre  iy4i.aux  aduertif. 
femens  enuoyez  au  Roy  par  ledit  Taboue,  dénommez 
au  procesjfur  les  cinq  points.La  13.&  dernière,  vn  arreft 
donné  en  ladite  Cour  le  ij.  luin  Tan  1^40.  au  procès 
d'entre  le  Procureur  gênerai  du  Roi ,  &  le  Seigneur  de 
rEfchelIe.  La  matière  rapportée  au  Roi,  8c  trouuee  ar- 
due ,  &  d'importance,  pour  la  grauité  du  fait  &  des  per- 
fonnes ,  fut  commife  au  Parlement  de  Bourgonene  à 
Dijon  ,  où  lefdits  Prefîdens  &  Confeillers  (e  rcncGrenc 
prifonniers,  &  Taboue  pourfuiuanï.  Apres  le  procès 
criminel  &  extraordinaire  contre  eux  feit,  furent  don- 
nez plufîeurs  arrefts  diffinitifs.  LVn  &  premier  du  i.  de 
May  1551.  contre  Craffins  Confeiller,  que  Ton  crouuoic 
le  moins  chargé ,  qui  fut  neantmoins  condamné  à  lîx 
cens  liure?»  d'amende  au  Roy ,  &  ioo.  liures  enuers  Ta- 
boue :  fufpendu  de  fon  office  pour  vn  an.  Tahoué  lors 
plaida  de  grand  apparat ,  prenant,  fuite  des  propos  de 
Moyfe ,  lofué  ,  &  autres ,  pour  remercier  Dieu  de  la  \u 
ôoire  qu'il  voyoit  lui  auenir,tout  ainfi  qu*auoycnc  fait 
(drfoit-il)  les  anciens  peres,des  viftoires  que  Dieu  le^ir 
enuoyoit:commença  &  conclud  fa  harangue  par  le  ver- 
fet  de  Dauid,  Hu  ejl  dies  quam  fecit  Dominup,  ^e.  Mais 
le  pauure  homme,ce  faifant,chanta  l'hynine  du  Cygne. 
Ledit  Craffins  fe  tint  à  ceft  arreft ,  &  ne  s*en  voulut  rcC. 
fentir.Lc  deuxiefme  arreft  fut  du  i9.  iour  de  Juillet  at*- 
dit  an  155^.  aontre  ledit  Pcliflbn  Prefident  :  par  lequel 
fat  dit ,  que  les  arrefts  y  contenus  Çc  impugnez  par  ip* 

A    4 


s  Hijlûires  admirables 

bouc  faits  par  ledit  Prefidcnc ,  dloycnc  faux  &  fauflc- 
nic'ncfabriqucz.-declaira  ledit  Prefident  incapable  de  te- 
nir iamais  office  Royal ,  &  le  condamna  à  crier  merci  à 
Dieu, au  Roi,  &  à  Iurtice:&  en  dix  mil  liures  d'amende 
au  Roi,  &  deux  mille  à  Taboue, fes  biens  confirc]uez:& 
à  vTer  fa  vie  en  tel  lieu  qu'il  plairoit  au  Roi  ordonner. 
La  folennité  de  la  prononciation  &  exécution  fut ,  que 
ledit  l^refident ,  perclus  de  la  moitié  de  fon  corps,  vieil, 
&  calle  d'aage,  de  maladies  ,  &  d'ennui ,  fut  apporté  au 
parquer,»  huis  ouuerts,laCourfeant  en  pleine  audien- 
ce,du  Challcau  de  Dijon  ,  où  il  eftoit  pnfonnier ,  par 
deux  Archiers  dans  vne  chaire ,  habillé  de  taffetas  noir 
picqué,  d'vn  faye  de  fatin  noir,vn  petit  bonnet  de  foye, 
ion  bonnet  quarré  à  la  main.  A  ce  fpedacle  &  en  fa  pre- 
Tcnce  Taboue  déclama.  L'Arrell  fut  après  prononcé,& 
le  pauvre  vieillard  malaifé  de  tous  poinfts  lors  con- 
traint, à  l'aide  des  mortepayes  qui  Taucyent  apporté, 
mit  les  genoux  en  terre ,  tenant  es  mains  vne  torche  de 
cire  ardante ,  pefant  quatre  liures:cria  merci  à  Dieu  ,  au 
Roi,à  Iullice,&  à  Taboue. Furent  en  fa  prefence  lefdits 
arrcfts  lacerez  auec  les  autres  pièces  impugnees.Ce  fait 
il  requit  qu  il  pleuft  à  la  Cour  le  mettre  hors  du  Cha- 
fteau  pour  la  foibleile  &  grande  infirmité  de  fa  perfon- 
ne.Lui  fut  dit ,  que  la  Coury  aduiferoit.  Le  troifiefme 
Arreft  fut  eu  4.  lour  d'Aouft  contre  le  furnommé  Boif- 
Tonné  Prel]:rc;&  Confeiller,  qui  fut  prononcé  connain- 
cu  du  crime  de  faux  ,  &  autres  mentionnez  en  fon  pro- 
ce2,&  les  arrcfts,remonftrances ,  &  autres  pièces  declai- 
rees  faufl'esrpriué  de  fon  eftatde  Confeiller:  condamné 
c\\  l'amende  de  mille  livres  au  Roi,  &  quatre  cens  à  Ta- 
boué,aux  defpens,&  à  tenir  prifon:&  pour  le  delid  com- 
■mun  reiuioyé  à  fon  luge  d'Hglife.  Le  4.Arreft  fut  dudit 
lour  contre  Rozet  autre  Confeiller ,  tout  vn  comme  le 
précèdent, fors  du  rcnvoy. 

Apres  tout,  lefdits  Prefident  ,  Boiflonné  &  Rozct 
Confeiilcis  .,  ayans  en  eux  fermeaffeurance  de  n'auoir 
failli  pour  rcccuoir  telles  peines,  fe  retirent  au  Roi  :rc- 
monftrent ,  que  fi  les  crimes,dont  ils  font  ainfi  condam- 
ï^Zjfont  prouuez  contre  eux ,  ce  n'eft  que  monftre  à  la 

Kepu- 


^  mémorables.  9 

Kepublique  de  les  voir  vivre.  Aufli,au  cas  que  par  ca- 
lomnie de  l'accufateur  ils  fe  treuvenc  conduits  a  ce 
pointjce  n'eft  pas  lu  raifonjouc  pour  la  digniré  ,  dont  fa 
Majefté  les  a  voulu  eftreilluftrez  en  la  fouucraincré  de 
Savoye  ;,  Ton  fe  confie  à  vn  Parlement  feul ,  de  peu  de 
compagnie,  pour  les  dégrader  &  décapiter  ainfi  de  leurs 
noms, fortunes  &  honneursjfans  leur  laiflcr  que  refprir, 
•]U!  n'eft  autre  reftec]ue  d'vn  regret  &  ennui  perpétuel. 
le  fuppliant  d'vne  revifion,qui  eft  accordée  &  commifc 
au  Parlement  de  Pari<:  là  ou, le  tout  bien  reveu  &  exa- 
mine ,  fut  dit,&  jugé  par  arreft  du  \6.  May,i555.  que  les 
arreftsfufdits  du  28.1uiller,&:  4.Aouft,donnez  àDijon^ 
eftoyentnuls,&  que  le  procès  criminel,  fur  lequel  ils  a- 
voyent  efté  donnez  ,(eroitveu&  jugé  de  nouveau, 
fans  avoir  efgard  aufdits  arrefts.  Meflieurs  de  Dijon  ad- 
vertis  de  ceft  arreft,à  la  pourfuite  de  Taboue  ,  fort  effa- 
rouché de  ce  commencement, viennent  au  Roi ,  débat- 
tent leurs  raifons,  fouftiennent  leurs  arrefts,  remon- 
ftrent  louverture  faite  pourTimportunité  des  crimes 
d'importance ,  &  pour  abolir  la  fouveraineté  de  Tes  Par^ 
lemcns.Ils  furet  bien  ouys  avec  ledit  Taboue  alléguant 
nouvelles  chores,&  n'efpargnant  aucun  point  à  defcou- 
vrir,par  où  il  conoifloit  pouvoir  amender  fon  fait  :  & 
mefmes  que  Taccufation  par  lui  faite  eftoit  roufiours 
conduite  en  qualité  de  Procureur  General  du  Roi ,  re- 
ceué&  non  jamais  réprouvée  :&  partant  qn'ilne  de- 
voit  eftre  condamné  aux  defpens ,  dommages ,  &  inte- 
refts,tout  ainlî  qu*vne  partie  privee:ores  que  ladite  ac- 
cufation  ne  fuft  lî  bien  fondée  qu*elle  eftoit. Aucuns  de 
Meffieurs  du  Parlement  de  Paris  ,  qui  avoyentafllfté  à 
"f-^^eliberation  dudit  arreft  de  nullité  ,  font  mandez, 
vienent,&  font  ouys  avec  ceux  de  Dijon. Apres  tout,eft 
donné  arreft  au  privé  Conicil  du  7.  Mars,  i^çf,  par  le- 
quel eft  dit  que  ledit  arreft  du  i5.May ,  fur  lefdites  nul- 
lirez ,  fortiroit  fon  plein  &  entier  efteft  ;  &  pour  procé- 
der fur  le  prîncipal,les  parties  renvoyées  en  ladite  Cour 
à  Parisjpour  eftre  jugé  en  la  prefence  d'vn  Prefident,  & 
deux  Cohfeillcrs  d'icellc  Cour,nommez  par  ledit  arreft,/ 


10  Hijloires  admirables 

&  trois  autrc<j  Confciners  ayans  afllfté  au  ingcmen*^ 
dcfditcs  nullités  ,  trais  Confeillers  au.  Parlement  de 
Dijon  nommes  par  ledit  arrcll ,  &  trois  autres  de  ladite 
Cour  de  Di;on  ayans  affifté  au  iugcment  donnécn  i- 
cclle  contre  ïcÇàn^  accurez,&  de  Ç\x  Maiibes  des  requc- 
ftes  ordinaires  du  Roy  ,  quiferoyentpar  lui  choifîsdc 
douze, dont  les  parties  feroyent  tenues  conuenir  ,  pour 
procéder  au  iugement  dudit  proces,ainfi  qu'il  apartiçn- 
draparraifon.  Depuis,  &parplufieurs  &  réitérées  let- 
tres patentes  du  Roi,du  î8.  d'Auril,  \6.  &  z8.  Iuillet,& 
iS.d'AoulM'an  1^56.  interinees  par  arreft  du  io.  luillet, 
7.&  ly.d'Aouft,  furent  nommés  &  arreftés  les  Prefident, 
Maiftres  des  rcqueftes,  Confeillers, parlcC^uels ledit 
procès  deuoit  élire  iugé.  Le  procès  mis  fur  le  bureau. 
Taboue,  craignant  ce  qui  depuis  auint,  pour  fortifier 
Taccufation  par  lui  conduite,  ou  bien  pour  cuiderem- 
pcfcher  la  vuidange,met  en  auantnouuelles  charges, 
dont  n'auoitau  premier  procès  efté  parlé.Ce  que  les  ac- 
cu fés  empefcherent.  Là  defrus,le  Roi,  par  fes  lettres  pa- 
tentes du  15.  Septembre  audit  an,  fait  déclaration  qu'en 
faifant  le  renuoy  audit  Parlement  de  Paris,  il  n^a  enten- 
du que  ladite  Cour  conuft  d'autres  cas  ,  charges  &  cri-^ 
mes,  finon  de  celles  pour  lefquelles  les  accufez  avoyent 
efté  condamnez  audit  Parlement  de  Dijon  ,  &  dont  ils 
s'eftoyent  plaints  au  Roy ,  fiuf  au  Procureur  General, 
où  il  cognoiftroit  par  U  vifion  dudit  procès  iceux  accu- 
fès  chargés  d'autres  crimes,  d'en  faire  pourfuite,  ainii 
qu'il  verroit  eftre  à  faire.  Outre  ce  eftoit  mandé  par  lef- 
dites  lettres  de  faire  droit  fur  les  répétitions  des  deniers 
taxés  audit  Taboue  pour  la  pourfuitte  dudit  procés,lin- 
Ç\  que  deraifon.Lefdites  lettres  font  par  arreft  du  18.  Se- 
ptembre interinees.  Les  accufés  font  derechef  intcrro- 
gués  &  ouis  par  la  Cour  fur  les  casa  eux  impofés.  Ta- 
boue receu  à  faire  uouuelles  produdions ,  &  bailler  ad- 
uertiflement  :  lefdits  accufez  à  contredire.  A  la  fin  ceftc 
matière  examinée  en  fi  bonne  compagnie,  futiugeepar 
arreft,duqucl  fera  ici  mis  la  difpofitiue  du  didon  qui  eft 
telle  que  s'enfuit, 

La  Cour  en  failànt  droicfè^fur  le  tout ,  &  fans  avoir  ef- 

gard 


^  mentêrâhles.  ii 

garci  à  la  qualité  de  Procureur  General  en  la  Cour  de 
Chambcri,  par  ledit  Taboue  pnnfe  efdits  proccs,qu'en- 
tant  que  touche  les  faulFetés  par  ledit  Taboue  préten- 
dues contre  ledit  PelifTon  ,  pour  raifon  des  arrells  don- 
nés en  la  Cour  de  Chamberi  les  ii.May,i4.Iuin,i559.25. 
luin ,  1540.  veu  les  remonftrances  dattees  des  n.i5.&  \t. 
lanuier,  1^41.  faites  &  prononcées  audit  Taboue  le  i.Fe- 
uner  1541.  la  commifTion  adreflant  audit  le  6.  Feurier,3c 
articles  à  lui  enuoyés  le  zç.  dudit  mois  audit  an  1542. 
autre  commiffion  adreflant  audit  delà  Chefnaye  ,  & 
lettres  miffiues  de  ladite  Cour  de  Chamberi  du  i.  Auril> 
1^4^.  par  lui  portées  audit  Chancelier  de  France  :  ref- 
pôfe  faite  par  ladite  Cour  aux  t.  &  3.  articles  des  aduer- 
tifTemens  appelles  les  cinq  points.Semblablement,quât 
es  faufl'etés  pretédues  par  ledit  Taboue  contare  lefdits  de 
Boiflonné  &  du  Kozet ,  pour  raifon  defdites  remôftran- 
cts  datées  des  11. 15. &  iS.Iâuier  faites  audit  Taboue  le  i. 
deFeurierTan  i54a.&  de  ladite  commifTion  adreffee  au- 
dit Boiflonné  le  id.iour  de  Feuiier,&  articles  à  lui  enuo- 
yés, le  15.  defdits  mois  &  an ,  &  des  remonftrances  &  ar- 
refts  de  ladite  Cour  de  Chamberi  du  x3.Ianuier,i^4i.dc 
la  commiflîon  décernée  audit  de  la  Chefnaye  ledit  i, 
iour  d'Auril ,  &  les  mifliues  à  lui  baillées  au  nom  de  la- 
dite Cour  dudit  iour  1545.&  auflfi  des  refponfes  faites  au 
Roi  par  icelle  Cour,  fur  les  i.&3.  articles  defdits  aducr- 
tifTements  appelles  les  5.  points:Ladite  Cour  a  abfous  & 
abfout  lefdits  Peliflon,  Boiflonné,  &  du  Rozet  refpedi- 
uement  defdites  prétendues  faufletés ,  &  a  condamné 
&  condamne  ledit  Taboue  pour  ce  regard  es  defpens 
defdits  procès ,  dommages  &  interefts  defdits  Peliflon> 
Boiflonné,  &  du  Rozet  :  lefquels  dommages  &  interefts. 
ladite  Cour,  pour  aucunes  caufcs  à  ce  la  mouuans,  a  ta- 
xés,&  moderésjà  fçauoir,enuers  ledit  Peliflon  à  la  fom- 
me  de  deux  miUe  liures  parifis  ,  &  enucrs  ledit  Boilfon- 
né  à  la  fomme  de  huid  céts  liures  parifis,  &  enuers  ledit 
du  Rozet  en  pareille  fomme  de  huift  céts  liures  parifis, 
&  ce  outre  autres  defpens,  dommages,  &  interefts  à  eux 
adiugés  par  ledit  arreft  du  i^.May,i55Ç.Pourle  payemét 
dûfquels  dommages  &  interefts  ledit  Taboue  i;^endp< 


^T2  Hïfl cire 5  admirables 

piilbn.  Et^uantau  furplus  defditcs  accufatiôs  &  autres 
cas,  &crimesimpore7.  par  ledit  Taboue  contre  Icfdifî 
Pelifloii, Boiflonné, ^àw  Rozer, defqucls la  conoifîan- 
cc  a  cfte  attribuée  à  ladite  Cour,  elleaicclles parties 
niifes  &  met  liors  de  cour  &  de  procès ,  fan»;  detpens, 
dommages,  &  interefts ,  dVnc  part  &  d'autre  ,  &  neant- 
inoins a  referuc  & referue  au  Procu'çyr  gênerai  du  Roi, 
de  loi  pouruoir  contre  lefciicsarreftsdu  ii.  May,  1539.9. 
Mars  &  zo.  Septébre  15 4'^-  donnez  au  profit  defdits  Cô- 
te de  la  Chambre,  &  Eueicjue  de  Monenne,  par  voye'de 
nullité,  ouautremcnt,  ainfî  qu'il  verra  eilre  a  faire  par 
railbii  :  &  auldits  Cote  de  la  Châbre  &  Euefque  de  Mo- 
riennc leurs  defenfes  au  cotraire.Et  pour  réparation  des 
faulfes  &  calomnieufcsaccufationsinftitueesparicelui 
Taboue  contre  ledit  Peli(ron,Boiironné  &  du  Rozet,&: 
autres  nialuerfations  refultans  tant  des  anciennes  que 
modernes  produdions  faites  audit  procès  ,  ladite  Cour 
a  condamné  ledit  Taboue  a  faire  amende  honorable  au 
parquet  d'icelle,  iour  de  plaidoyé  &au4ience,à  huis  ou- 
ucrts,  nuds  pieds  &  tefte,  à  genoux,en  chemife,  la  corde 
au  col^tenant  en  fcs  mains  vne  torche  de  cire  ardante  du 
poids  de  deux  liures  :  &illec  dire,  &declairerà  haute 
&intenigible  voix,  quefaufl"ement,malicieurement,ca- 
lomnieufement,  à  tort,&  contre  vérité,  il  a  chargé  &  ac- 
cufé  lefdics  PelilTon ,  Boifionné ,  &  du  Rozet,  defdites 
prétendues  faufretez,crimes,&  délits,  dont  il  s'en  rcpét, 
&  en  requiert  pardon  &  merci  à  Dieu  ,  au  Roy,  à  lufti- 
ce,  &  aufdits  Pcliffon ,  Boiflonné,  &  du  Rozet.  Et  a  or- 
donné ,  &  ordonne,  que  les  remonftrances  &  doléances 
par  ledit  Taboue  prefentecs au  Roi,  enfembleles'mo- 
yens  de  faux  parlui  bailles,:î  l'enconn-e  defdites  pièces, 
Icront  lacérés  &rompusenfaprerence  :  Sccefàiteftre 
mené  enTclfarquedeflus,  conduit  par  Huilïîers  de  la- 
dite Cour,  furie  Perron  &  pierre  de  Marbre  citant  au 
bout  des  orands  degrez  du  Palais ,  &  illec  faire  pareille 
amende  honorable,  &  dudit  lieu  mis  en  vne  charrette, 
6c  conduis  au  T*illovy  des  Halles  de  la  ville  de  Paris 
par  rcxccuteur  de  la  haute  iuftice,  pour  y  cftre  tourné 
tiois  iour>,  &  après  ramené  a  la  Conciergerie  èMàÀt 

Palais. 


O*  mémorables,  13 

PâlaisXt  outre  ceh.a  condamne  &  condamne  ledit  Ta- 
boue à  faire  amende  honorable  au  parquet  &  audjencc 
de  la  Cour  dudit  Parlement  de  Chamberi,ou  il  fera  me- 
né fous  bonne  &:  feure  garde.  Et  fi  l'a  condamné  &  con- 
danne  en  deux  mille  liurcsparifis  d'amende  enuers  le 
Roi ,  &  à  tenir  prifon  audit  lieu  de  Chamberi  iufques  a 
plein  &  entier  payement  defdites  amcndes,d€fpcns,dô- 
mages,  &  intérêts  adiugés ,  tant  au  Roi  qu'aufdites  par- 
ties: pour,  ladite  fatisfadion  &  payement  faits,eftre  per- 
pétuellement confiné  audit  pays  de  Sauoye,ou  autre  tel 
lieu  de  ce  Royaume  >  qu'il  plaira  au  Roi  ordonner.  Et  a 
dcclairé  &  declaire  fes  autres  biens  confifquez  à  qui  U 
apartiendra,  lefdites  amendes,  defpens,  dommages,  & 
inteieftspreallablement  payez  &  acquittez.Et,pour  au- 
cunes caufès  &  confiderations  à  ce  mouuans ,  ladite 
Cour  a  ordonné  &  ordonne  ,  que  ledit  Peliifonfera 
mandé  en  icelle  pour  Lui  eftre  faites  les  remonftrances 
par  elle  ordonnées,  &  auquel  Peliffon  la  Cour  a  cu- 
ioint  de  garder  &  faire  garder  en  ladite  Cour  de  Cham- 
beri les  ordonnances  Royales,  &  defenfes  d'y  contreue- 
jiir,  fur  peine  d'amende  arbitraire.Donûé  en  Parlement 
i  Paris  le  ïi.  iour  d'Oûobre ,  15c (f. 

Tous  ledeurs  de  bon  iugementdoyuent  prendre  ce 
fait  fans  charge  des  luges ,  qui  l'ont  defpefché  d'vne  cô- 
trarieté,qui  eft  fi  grande,  qu'il eft  impolTible  d'en  auoir 
iamais  entendu  vne  pareille.  Mefîieurs  de  Dijon  s'at 
ièuroyent  en  opinion  de  bien  faire  fans  dol&  fans  ma- 
lice.Mrs.de  Paris,  à  leur  couflume,  mirét  la  main, qu'ils 
ont  fupreme  &  ferme ,  fi  auant ,  que  peut  eftre,  pour  a- 
uoir  conu  quelque  chofe  de  nouueau  faite, en  elladuc- 
nu  ce  que  defl'us.Ce  n'eft  pas  à  moi,fimple  recolledeur, 
&  qui  crains  de  parler  de  telles  compagnies ,  d'entrer 
es  raifons  defdites  contrarietcz.  Suffit  d'expofer  le  fait, 
coinme  il  eil,de  parangonnerla  grandeur  du  Parlement 
de  Paris  en  toutes  choies  furies  autres.  le  ne  veux  taire 
ce  que  l'ai  oui  dire  à  vn  Confeiller  de  l'vn  des  Parle- 
ments fufnommez,  qu'en  la  concertation  de  la iufticc 
^s  arrefts  ainfi  contraires,  fur  vn  mesfaift plaidé  dc- 
Hant  le  Roi,  cim  voulut  bien  enteji^dre  tout  le  fubie^ 


14  Hljloires  admirables 

d'iceux  ,  1  on  n'auoit  eu  de  lui  &  de  Ton  Confcil  autre 
refponfc ,  finon  que  ceux  de  Dijon  auoyenc  iugé  félon 
leurs  Gonfcienccs ,  &  ceux  de  Pans  Icgicimeinenr  &  eu 
iuilicc.  Auâr  que  à^t  lailfer  cefte  matière  tant  exemplai- 
re, pour  infinité  d'affaires  pareils  iournellement  oecur- 
rentSji'aduertirai  les  ledeurs ,  de  noter  en  partant  la  fin 
de  celle  accufation  ,  qui  ell  vne  chaflc  où  le  veneur  eft 
pris.  Ce  pauure  Aâicon  ayant  fiance  à  fu  qualité,  &  s'e- 
ûant  laille  conduire  par  fes  paflrions,en  eft  venu  là,apres 
auoir  mis  plufîeurs  grands  perfonnages  en  peinc;car  fai- 
fant  Ton  deflein  de  venir  à  fa  feule  vindide ,  s'eft  trouué 
aueuglé.  Qui  eft  pour  feruir  d'exemple  à  tous,qui  vou- 
dront entreprendre  d'accufer  autrui.  Il  eftoit  Procureur 
General  du  Roi  en  vne  Cour  fouuerainc,&  par  ainfi  ac- 
cufatcur  public,  &  auoir  en  cefte  qualité  puillance  de 
déférer  tous  ceux  qu'il  conoiffoitpreuariqucr  &  faillir, 
fans  crainte  de  peine  reciproque./.ow»«.^tf  delutorib.  lik. 
X.  C.  Mais  il  ne  s'cft  pas  trouué  garni  des  parties  requi- 
fcs  a  tel  cftat,  ains  au  contraire  a  efté  defordonné  en  Ces 
aftedions,  &  furpiis  en  calomnie:auquel  cas,  fans  auoir 
cfgard  a  fh  qualité,  il  eft  fubjed  a  la  peine  réciproque 
comme  calomniateur,  l.ficautiones.  C.  ijsquiacc.nonpo. 
la  où  faifant  fon  deuoir  félon  la  ncceflité  de  fon  office, 
5t  non  autrement,  il  n'euft  deu  craindre  aucune  chofe. 
/.  montntty  c.  tit,  ^l.  PrAtoréiit.  §,  fi  public  anus  meum.  ff. 
vi  bo.ra.   Et  de  vrai,tout  ainfi  qu'il  eft  trefvtile ,  parles 
continuelles  plaintes  que  l'on  void  contre  toutes  fortes 
de  gens  rombans  en  faute  ,  auoir  hommes  pour  la  de- 
fenfe  &  conferuation  du  icpos  public,  des  loix  &  bon- 
nes mopurs,qui  accufencles  malfaiteurs: il  fautaufïî,  & 
eft  neceffaire  qu'ip,  foyent  diligents ,  fermes,  véritables, 
bien  viuans,&d*intcgrité  lînguliere.Car  celui  qui  prend 
charge  d'accufer,  doit  exaftement  faire  preuue  &  examé 
de  fa  vicpremier  que  d'examiner  celle  d'autrui  :  &  doit 
cftimcr ,  qu'à  la  fin  il  fera  honteux,  &  trouué  confus,  & 
infâme,  d'auoir  voulu  faire  rendre  conte  à  autrui  de  fa 
vie ,  s'il  fe  void  &  conoit  lui  mefme  en  peine  d'en  faire 
autant  de  la  fîcne.  Là  deffus  vaut  beaucoup  la  fîmplicité 
deraccufatcur:carinimitiez,vindicle$;&  autres  affediôs 

doiuen; 


ér  mémorables.  15 

doîuent  cftre  forclofes  de  telles  charges ,  pour  eflre  cô- 
traires  à  la  fincericé  qu'il  y  faut  auoir  :  d'autant  qu'il  cft 
malaiféjque  Ton  puifl'c  auoir  fàin  jugement  auec  telles 
paflions,qui  empefchentle  vrai  office,  &  le  poinâ:  plus 
falutairc  d'vn  accufateur ,  quieft,  qu'en  accufantil  ne 
doit  moins  craindre  &  preuoir  fur  Ton  honneur  &  re- 
nommée ,  qu'vn  accufé  fur  la  confer-uation  de  fa  vie  & 
de  fon  bien  :  &  doit  ledit  accufateur ,  s'il  eft  homme  de 
bien,  penfer  &  croire ,  qu'en  commençant  d'accufer ,  il 
entre  en  danger  de  fon  honneur,  qui  lui  doit  eftre  oc- 
cafion  de  ne  mettre  en  auantchofe  dont  il  ne  Toit  afleu- 
ré,fans  rien  hazarder.  A  ce  propos  eft  fort  notable  &  di- 
gne d'eftre  fouuent  leuè  la  loi  criminis.C.de  tjs,qui0ccuf. 
non  fof.  qui  comprend  les  parties  fufdites .  Il  eft  vray- 
fembiable  que  MefTieurs  de  Chamberi  s'eftoycnten- 
tr*eux  enchaifnés  de  beaucoup  de  chofes,  &  que  Ta- 
boue ,  pour  eftre  reuefche  aux  remonftrances  à  lui  fai- 
tes, s'eft  mis  à  telle  pourfuite  contre  fon  chef  &  Prefi- 
dent,qui  auoit  puiftance  de  lui  commander  &  foubs  le- 
quel il  auoit  exercé  fon  eftat  de  Procureur  gênerai  du 
Roi ,  à  qui  il  deuoit  déférer ,  &  endurer  quelque  choie 
de  luijconfîderant  que  la  difTimulation  des  iniufes,qu^il 
a  prétendu  auoir  particulièrement  foufFert  de  fondit 
Prefidcntjlui  euft  apporté  plus  d'honneur  &  de  conten- 
tement au  long  aller ,  que  n'euft  peu  faire  la  vengeance 
qu'il  auoit  obtenue  par  l'arreft  de  Dijô,  encor  qu'il  euft 
forti  eflFeft.  Le  conflift  de  telles  fortes  de  gês  eft  iniufte 
&  inhumain:  &  a  efté  anciennement  par  plufîeurs  iuge- 
més  reprouué  à  Rome.L.Philo  voulant  accufer  C.Ser- 
uilius  fon  Prêteur  &  chef,  duquel  il  auoit  efté  Threfo- 
rier,fut  déclaré  non  receuable.Autât  en  fut  dit  cotre  M. 
AureliusjpourL.Flaccus  sô  chef.T.Albutius  auoit gou- 
uerné  vn  an  lesSardes  &  fous  lui  Pôpee  Threfo ri er. Les 
deux  s*eftoyent  conduits  de  façons  differétes ,  Albutius 
en  pillard,&  Pôpee  en  home  de  bien. Les  Sardes  drefTc- 
rent  leur  plainte  à  Cefar  pour  accufer  Albutius.Pôpec 
i'empefchoit ,  difant  qu'il  cftoit  mieux  auerti  de  fa  vie, 
pour  auoir  elté  tou/îours  auec  lui,le  feruant  de  Threfo- 
acr,&  demâdoit  la  charge  de  racçufer,dôt  il  fut  débouté 


]  6  Hiftoires  admirables 

Cjccro  en  fa  première  accufarion  contre  Verres ,  pour 
obtenir  la  prefcance  d'eihe  accufateur,  &  pour  faire  de- 
nier audience  à  Q^Cecilius,c]ui  fe  prefcntoitjlui  oppo- 
lii  les  trois  raifons  principales  ci  dcfl'us  touchées,  l'vne, 
&.  première,  qu'il  n'elt  pas  entier  &  aflburé,  &:  qu'en  lui 
y  a  a  reprendre  ,  &  notamment  au  gouucrncment  de 
Verres, fous  lequel  il  a  eu  charge  en  Sicile.  La  féconde, 
qu'il  fe  dit  Ton  ennemi,&  par  ainfi  empefché  d'affodion 
qui  cil  toujours  fufpede.La  troilicfme ,  que  Verres  eft 
Ton  chef,&  Prcteur,&  ne  doit  ni  ne  peut  de  lui  eftre  ac- 
cufé  ,  fans  violer  l'honneftcté  publique.  Au  procès  qui 
fut  fait  par  Nonius  le  Noir,  Preuoft  Romain  contre  les 
complices  de  Catilina ,  fut  trouué  mauuais  ,  que  ledit 
Nonius  es  interrogatoires  auoit  cnquis  les  priionniers, 
C\  lui.  Csefarlors  Prêteur  elloit  point  àc  la  coniuration: 
pour  la  dignité  Pretorale  qu'il  tcnoit,  des  plus  hautes, 
&  égales  à  la  confulaire  :  dequoi  ledit  Preuoft  fut  repri- 
mé,&  emprifonné,encores  que  Tvn  des  prifonniers  nô- 
mall  C^far ,  &  qu'il  y  cull:  de  la  faueur  6:  fecours  prôpc 
du  falutdelarepubhque  à  confiderer:  ce  qui  ne  peut 
lors  empefcher  telle  publique  honneiletéji  fçauoir  de 
n'accufer  vn  Magillrat  durant  fon  tcmps,&  notamment 
par  vn  de  fa  famille,  &  a  qui  Ton  a  commandé.  Qui  eft 
vn  cas  que  la  loi  a  dedairé  intolérable,  &  digne  de  pci- 
ne,ainfi  qu'eft  contenu  en  la  loi,  ji  quu  exfamiltAribus, 
en  ce  mo:  familiaribus ,  lointe  la  railbn  de  la  loi  finale, 
C.deiis  qui  accu.non  po[f.  ïz  où  les  Empereurs  declairent 
telles  abfolutions  abominables,  fans  en  excepter  autre 
crime  que  de  lefe  Majefté.  au  refte  ,  vocemfamiliarium 
funeftam  amptitfiripotiusvoluntqHàm  a-udiri.  l'aircpre- 
fenté  cefte  hiftoire  au  long  ,  pource  qu'elle  eft  tref-no- 
toblQ.l.PApon  au  iç.liure  du  recueil  de*  Ar/effs,f^c.arr.ç. 

Accouchée  abondante  en  laici. 

I'A  Y  veu  en  la  ville  de  Breflavv  la  fille  d'vne  fagc  fem- 
me en  fa  gefine  auoir  telle  abondance  de  lai<fl  aux 
mamelles:qu'en  deux  ou  trois  iours,elle  en  rendit  plein 
*  n  grahd  vaifl'eau  de  bois  contenant  plus  de  douze  pin- 
ces 


^  mémorables,  17 

tes  de  Paris.  On  en  leua  la  crcfme  dont  fut  fait  du  beur- 
re &  du  frommage  fort  fauoureuxi&n'ofoitceftevaf. 
che  i  deux  pieds  prefques  rien  manger,  autrement  elle 
rendoit  du  laid  en  quantité  mtt\jié\lQ\kÎQ,MartinVVein- 
richjenfon  Comment Atrt  des  monjlres. 


ADVERTISSEFR 
merueiUcHX. 

IAqv  E  s  IV.du  nom,  Roy  d'Efcofle,  ayant  en  Tan  15:007 
ou  enuiron  deffié  Henry  VIII.  Roy  d'Angleterre, co- 
rne il  s'acheminoit  vers  fon  armée ,  eftant  en  vn  temple 
à  Limnuch ,  pour  y  ouyr  Verpres,on  vid  venir  vn  vieil- 
lard,ayantla  cheuelure  tirant  fur  le  roux,  &  pendante 
fur  les  erpaules,le  deuant  de  la  tefte  chauue,  &  fans  cha- 
peau,auec  vne  longue  robe  bleue,  ferrée  d'vne  ceinture 
de  lin,ayant  vn  port  graue  &  vénérable,  lequel  deman- 
dant à  parler  au  Roy  fendit  la  prefTe ,  &  fe  fit  faire  large. 
Puis  eftant  approché ,  fans  autre  cérémonie  vint  s*apu- 
yer  fur  la  chaire  du  Roy ,  &  lui  dit:S  ire,  i*ay  efté  en- 
uoyé  vers  vous^afin  de  vous  admonnefter  de  rebroulfer 
chemin,  fans  pafTer  plus  auant.  Si  vous  mefpritez  mon 
auertiffement,mal  vous  en  auier.dra,commeau{ri  à  tous 
ceux  de  voftre  fuite.  D'auantage,il  m'a  efté  enioint  de 
vous  dire  que  fi  vous  hantez  trop  priuément  lesfem-' 
mes,  &  fuiuez  leur  confeiLce  fera  voftre  honte  &  ruin  e. 
Ayât  dit  ces  paroles,il  fe  fourra  parmi  la  prefte.  Velpres 
acheuees,le  Roy  fitcercher  ce  vieillard,  lequel  ne  fe 
trouua  point  :  &,  qui  eft  encore  plus  à  remarquer ,  pla- 
ceurs qui  lui  auoyent  ouy  faire  cefte  remonftrance ,  & 
defiroyent  fcauoir  de  lui  les  particularitez,n'auoiét  peu 
aperceuoir,de  quelle  part  il  s'eftoit  retiré.  Entre  autres 
s'y  trouua  Dauid  Lindes  du- Mot ,  perfonnage  doclie^fa- 
ge,&  de  vie  entiere,duquel  i'ay  entendu  ce  que  deflus. 
Peu  de  iours après, le  Roy  mefprifantlebon  auis  des 
principaux  Seigneurs  de  fon  confeil,8{  pourfuiuant  fon 
deffein,donna bataille  aux  Anelois,  en  laquelle  il  fuc 
tué  fur  le  champauec  toute  la  fie  ar  de  la  nobleife  d'Ef* 
CQi[Q,G,BH(hans?f,fH  i^Murê  tU  lUipin  d'EjcoJfe, 


i8  Hiflûires  admirables 

A  V    T  R  E. 

IE  AN,  Baron  dcKitlitz  ,  Seigneur  fort  renommé  ,  m'a 
raconte  qu'autrcsfois  il  a  dcuifé  auec  vne  Dame  hon- 
norable,dc  fort  noble  maifon  en  Silelie ,  lac]uelle  difoit 
qu'ayant  eftéenuoyee  fort ieuncpoureftre  fille  de  châ- 
bre  de  Marie  fœur  de  Charles  cinquiefme ,  &  de  Ferdi- 
nand Empereur  , femme  de  Louys  II. Roy  de  Hongrie, 
tué  en  bataille  contre  les  Turcs,  fur  la  fin  d'Aouft  15 id. 
après  cefte  perte  ,  comme  le  Roy  fe  fauuoit  auec  fon 
train,  elle  ferra  la  couronne  royale  lailfeeà  l'abandon 
pour  J'mcroyable  frayeur  de  tous,à  caufe  des  Turcs.  Or 
adiouftoitelle,quc  peu  auantlamortdu  Roy,cômeile- 
ftoit  à  Bude,&  félon  la  couftume  les  portes  du  chafteau 
fuflent  clofes  durant  fon  difné,arriua  à  la  porte  certain 
en  forme  d'homme ,  tout  contrefait  &  boiteux ,  lequel 
commence  à  crier  qu'il  vouloir  parler  au  Roy,  auquel  il 
auoit  à  dire  chofes  concernantes  fon  grand  bien ,  &  le 
repos  de  tout  le  royaume.Du  commencement  l'on  n'en 
tint  conte,i  la  façon  de  la  cour ,  où  les  pauures  &  mai- 
baftis  font  mefprifez  :maiç  il  fe  print  à  pleurer  &  à  crier 
il  haut,  fuppliant  qu'on  allait  en  faire  promptemcjit 
rapport  au  Roy  ,  que  quelques  vns  des  gardes  meus  de 
CCS  recharges,&  pour  fe  deliurcr  des  cris  importuns  de 
ccft  homme  qui  proteftoit  ne  vouloir  parler  à  autre  o- 
reiile  qu'à  celle  du  Roy ,  allèrent  luy  en  faire  rapport. 
I.e  Roy  commande  à  vn  des  plus  braues  de  fes  courti- 
fans  d'aller  fçauoir  ce  fecret ,  &  fe  feindre  eftre  Roy. 
Mais  le  boiteux  lui  dit  incontinent ,  tu  n'es  pas  le  Roy, 
ie  n'ay  rien  à  fe  communiquer  :&  puis  que  le  Roy  ne 
tient  conte  de  m'ouyr ,  va  lui  dire  qu'il  périra  bien  toft. 
Prononçant  ces  mots,  il  s'efuanouit  de  dcuant  les  yeux 
de  tous.Le  courtifan  ,  les  gardes,&le  Roy  uiefmes,  ne 
prenans  pas  garde  à  cela,  furent  toft  après  au  bout  de 
leurs  vies.  /.  LeondfMim  es  PanMes  de  l'Hiftoire  des 
Turcs, 


^  mémorables.  19 

ADVLTERES    chaflieT^ 

IL  y  a  nouante  ans  ou  enuiron  ,  c^ue  certain  Seigneur 
Piedmontois  defcouurit  de  longue  main  que  la  fem- 
me, ifTue  de  moyene  maifon  ,&  qu'il  auoit  erpoufce 
pour  Ton  plaifir,oubliant  l'honneur  de  Dieu,  l'honneur 
c]ue  Ton  mari  lui  auoit  fair,fon  honneur  propre,auoit  e- 
fté  lî  exécrable  que  de  fouiller  la  maifon^  la  chambre,& 
la  couche  de  Ton  Seigneur  &  mari,  par  fréquent  adul- 
tère auec  vn  gêtilhomme  fien  voifïn  qu'elle  auoit  mef^ 
chamment  desbauché.  Voulant  les  attrapper  tous  deux 
à  fon  auantage,  &fans  qu'ils  peulfent  tergiuerfer  ni 
s'excufenapres  diuerfes  rufes  il  s'en  auife  d'vne,  qui  fut 
de  fe  faire  aporter  vn  paquet,  par  lequel  fon  Prince  l'a- 
pelloit  pour  venir  en  Cour ,  &  de  là  faire  promptement 
vn  voyage  &  long  fcjour  en  France.  Il  monftre  les  let- 
tres à  fa  fcmme,demcure  auec  elle  vn  iour  entier ,  la  ca- 
rcfle  fort,lui  communique  plus  priuément  queiamais 
auparauant  de  tous  Tes  affairesrlui  laifle  fcs  moyens,ioy- 
aux,&  tour  ce  qu'il  auoit  de  précieux  en  fa  maifon,auec 
la  clef  de  foncabinettSc  après  vn  fort  amiable  Adieujde^ 
part  de  fa  maifon  auec  tout  fon  train. Sur  le  foir  il  s'arre- 
fte  chez  vn  iîê  chaftclain  ,  auquel  il  defcouure  fon  mal- 
lieur  &  fon  dcfîcin.  Cependant  la  mcfchante  femme  a- 
uoit  enuo)é  quérir  fon  adultère  ,&  enclos  en  mefme 
chambre  continuoyent  en  leur  crime.  Le  Seigncur^fui- 
ui  de  fon  chaftelain  &  de  fon  valet  de  châbre  feulcmêt, 
bien  armez  &  pourueus  de  ce  dont  ils  auoyét  befoin,la 
nuiâ:  toute  clofe  &auâcee,approche  de  fon  chall:eau:où 
le  chaftelain  commence  à  fe  faire  conoiftre  au  portier, 
difant  auoir  vne  lettre  de  confequvnce  de  la  part 
du  Seigneur ,  laquelle  il  faloit  rendre  promptement 
à  la  Dame.  Le  portier  ouure  à  ce  perfonnage  bien 
conu  :  &  foudain  tous  trois  entrent  :  le  Seigneur 
défendant   au   portier   de  faire   bruit  »  &  lui  com- 

B   ^ 


zo  Hijfoiyes  admirAhles 

mandant  d'alluiner  \n  iianibcau  ,  s'acheminent  droîdà 
la  chambre  du  fcignciir  ,  ou  le  chaftelain  heurte.  A  ce 
bruitvne  vieille  qui  auoit  lerui  de  maquerelle  aux  adul- 
tères ,  lans  ouurir  demande  que  c'eft.  Ceft  inoy  teLref- 
pond  le  Chaftclair.,qui  apporte  vne  lettre  a  Madame  de 
la  part  de  Monfeigneur,  lequel  paflant  haftiuement  pat 
ma  maifon  m'a  commandé  de  la  lui  aporter  (ans  delay. 
Celte  femme,  enyurée  de  fa  vilemc,  dit  à  la  vieille,  re- 
ceucz  la  lettre  à  la  porte  ,  fans  qu'U  entre ,  &  ie  feray  le 
conrenu.  La  vieille  entr'ouurant  la  porte,  fut  rudement 
pouir<»e  par  terre.  Alors  le  Seigneur  &  les  deux  autres, 
auec  les  armes  en  main,  entrent ,  fainHent  lc«  adultères 
nuds  Sw  confus  de  leur  honte.  Les  domeiliques  du  cha- 
fteau  prôptemét  appeliez,  en  leurprefence  le  Seigneur 
ayâc  fait  vn  graue  &  afpre  procès  à  fa  detcftable  femme, 
la  condâna  à  pendre  &  eftragler  de  Tes  mains  en  prefen- 
ce  de  tous  Ton  vilain  adultère,  auquel  on  auoit  lié  bras 
&  ïambes  auec  les  hcols  des  cheuaux.  Ceft  arreft  pro- 
noncéjle  Seigneur  enuoye  quérir  de  gros  clous  de  cha- 
rette,qu'il  fit  attacher  à  vne  poutre  de  la  chambre,fit  ap- 
porter vne  efchelle,  contraignit  la  mefchante  d'attacher 
le  cordeau  au  col  de  fon  adultère.  Et  pource  qu'elle 
auoit  befoin  d'aide  en  ceftc  exécution ,  la  macquerellc 
fut  condamnée  à  la  féconder.  Elles  deux  donc  pendi- 
rent &  eftranglerent  le  malheureux:  après  la  mort  du- 
quel ce  Seigneur  fit  brufler  le  li(5l,&  routTequipage  du 
crime  de  ces  adultères,  tranfporrer  ailleurs  les  autres 
meubles  de  la  chambre,  n'y  laifTant  qu'autant  de  paille 
<ju*il  en  faudroit  pour  le  pîkQ  de  deux  chiens  :  ordonna 
que  le  corps  pendu  demeureroit  là,  que  les  àtux  fem- 
mes le  garderoyent  iufques  àjce  que  la  puanteur  d'icclui 
les  euft  eftouftees,fit  murailler  toutes  les  fencftres  &  la 
porte  mefme ,  referué  vn  pertuis  eftroid ,  par  lequel  on 
leur  donnoit  du  pain  &  de  l'eau.  Ayans  demeuré  quel- 
que peu  deioursen  ceftepuanteur,  fans  confolation, 
vamcues  de  douleur  S^  de  defelpoir ,  finirent  ainfî  leur 
inifcrablevie. 

HiJioiresfU  noftre  temps. 
Vn  aduocac  de  Grafle  en  Prouence,  fuincmméToIo- 

nio. 


^mémorables,  ii 

nio,marié  à  vne  honnefte  Damoifelle,  ayant  charge  des 
affaires  du  Sieur  de  Ghabrie,  gentil-homme  demeurant 
en  vn  chafteau  proche  de  la  :  Veftant  vn  iour  entres  au- 
tres rêconrré  en  la  maifon  du  gentilhomme  pour  lors 
^  abfent,  fuiuant  Tacces  qu*il  auoit  à  lui  &  à  la  Dame  (aa- 
gee  d'enuiron  quari!:eans,&  mère  de  quatre  enfans,dôt 
les  deux  eftoicnt  près  d'cllcieuncs  gcntils-hômes  bien 
nez)  môte  en  la  chambre,&  trouue  celte  Dameencores 
au  lid,  près  de  laquelle  e-ilant  aflîs,  après  auoir  commu- 
niqué de  quelques  affaires ,  pour  Iclquels  il  eftoit  venu 
au  chafteau  ,  entrèrent  en  àcs  propos  eftranges  &  detc- 
ftables  contreThonneur  de  Diei!,  &toutrerpeftd'hon- 
nefteté  &  de  vertu. La  fin  fut  qu'ils  fe  polluèrent  deflors 
enfemble  par  vn  trcl-infame  &  horrible  adultcre.Eftans 
tombez  en  ceft  abyfme  ,  Saran  &  leurs  fales  phifirs  les 
précipitèrent  en  d'autres  du  tout  effroyables.  Car  ayans 
idiuerfcs  fois  complotté  enfemblcle  premier  ctforr  de 
leur  cruelle  mefclianccté  fut  contre  le  Sieur  de  Cha- 
brie,lequel  fu  c  afTaffiné  &  maflacré ,  fe  promenant  feul 
dedans  vne  fiene  garenne,  par  deux  meurtriers maA 
quez ,  apoilez  par  TAduocac.  Apres  ce  parricidejes  a- 
dulrercs  reco/nmencent  leur  tram ,  &  ne  fçachans  que 
c'eftoit  plus  de  honte  &  de  remord,  lafclient  la  bride  à 
leurs  voluptez  exécrables.  Ce  quele  fîlsaifné  nepou- 
uanr  digerer,&  voyant  fa  mère  ne  pouuoir  durer  en  pla-» 
ce  fi  l'Aduocat  n'eftoit  auprès  d'elle  >  lui  en  fît  vne  fe- 
rieufe  &  graue  remonftrance ,  yadiouftant  beaucoup 
d'excufcs  pour  eftrc  fupporté  en  fa  hardiefle.La  maudi- 
te mère  diffimulant  fa  rage  contre  fon  fils ,  fe  pleind  de 
fes  opinions,fe  iuftifie  &  couure  fièrement  :  &  ces  gout- 
tes d'eau  de  bonnes  &  necclfaires  remonftrances  ne  fer- 
uent  qu'a  attrlèr  d'auantage  le  feu  de  fa  concupifcence 
effrénée.   Apres  auoir  accufé  fort  aigfementrindifcre- 
cion  de  fon  fils,  &  haut  loué  Tadultere  &  meurtrier  Ad- 
uocat ,  elle  contraint  fondit  fils  de  baftir  vne  harangue 
pleine  d'excufçs  &  d*amende  honorable.  Dont  non 
contente,elle  délibéra  de  le  faire  mourir.  Il  y  auoit  vne 
gallerieau  chafteau  ,  où  le  ieune  gentil-homme  fe  pro- 
mcnoïc  fouuent ,  pour  voir  vn  beau  payfage  d*alencour> 

B    3 


11  Ht  (loir  es  admirables 

&  le  jardin. Elle  clioit  aunnccc  ,&  dclfous  y  auoit  vn 
rocher  en  pcntcau  pied  duquel  eftoit  ce  lardin.  Lad- 
uocatjpar  î'aduis  de  ceflc  maudite  mère ,  dcfcloue  dex- 
rremcnt  quelque  aix  delà  »^allerie  ,  tellement  que  le 
ieune  gentJl-homme  venant  toR  après  félon  fa  couftu- 
me  ,dcs  le  marin  prendre  l'air  fur  icelle,  ayant  fait  quel- 
que pas  &  mettant  le  pied  fur  les  aix  deioin«;,  tomba 
furie  rocher  la  telle  la  première,  cù  il  cuft  latefte  cf- 
carbouillee,&  le  corps  tout  brife.Hn  voila  deux.  Reftoit 
encores  \  n  fils  puifné  en  la  maifori ,  lequel  ne  prefumâc 
nullement  quefamcre  fuil:  caufe  de  ces  deux  parrici- 
des &  toutefois  trel-marri  des  deportcmens  de  l'Aduo- 
cat,finalement  dcfcouurit  tant  de  mefchâcetez  en  leurs 
priuaute7.,qu'ilfenticaulfi  que  s'eftoyét  les  cruels  bour- 
reaux de  CQ^it  noble  famille,&  commence  à  monftrer  le 
dcfplaiiîr  qu'il  auoit  de  voir  leur  brutale  conuerfation. 
Il  ne  parle  que  rudement  à  TAduocat^Sc  ne  regarde  plus 
fa  mère  que  de  trauers.  Ces  mefchans  furent  d'aduis  de 
lepreuenir/e  doutans  bien  qu'iUeurdrefferoit  quelque 
partie.L'Aduocat  gaigne  par  argent  vn  alfaflln  domelli- 
que  lequel  cheuale  fi  diligémentle  ieune  gentil-hôme, 
qu'vn  iour  eftant  à  la  chafie  ,  &  tandis  que  fes  valets  & 
veneurs  donnoyent  curée  de  quelque  venaifon  à  ces 
chiens  &  s'arreftoit  fur  vne  croupe  de  rocher,  qui  regar- 
doitvne  bafle  campagne  ,&  dont  la  defcente  eftoit  pe- 
rilleufe  du  cofté  de  la  vallec,à  caufe  des  précipices ,  Taf- 
fa/Tin^qui  tout  le  iour  auoit  efpfe  fon  aduantage  ,  acou- 
rut  par  derrière,  &lepoufla  fi  rudement  en  basque  le 
pauure  gentil-homme  fut  pluftoft  au  fond  priué  de  vie, 
que  de  fentir  le  meurtrier  qui  Tauoit  fi  outrageufemenc 
mis  à  mort. Les  parricides  voyans  après  cela  que  les  do- 
meftiqucs  de  la'  maifon  auoycnt  Tail  fur  eux,  complo- 
tèrent de  fe  marier  enfcmble.'AIais  il  y  auoit  vn  entre- 
deux.-c'eftoit  la  femme  de  TAduocat.  Ils  coniurerent  la 
mort  d'icelle  :  &  TAduocat  s'eftant  tourné  fur  diuerfes 
penfeesjfinaJement  vne  nuiâ:  cllant  couché  près  d'elle 
i'eftrangla  dVne  feruiette,  &  comme  elle  eftoit  aux  der- 
niers foufpirsjCÔméce  à  crier  fort  haut,apel]ât  fes  dome- 
ftiqucs  &  voifins  à  TaidcOn  y  acourc  de  toutes  parts.Il 

cricfe 


dr  mémorables.  25 

cricfe  lamente  ,  &  dit  qu\n  catharre  violent  auoit faili 
fa  femme  à  la  gorge,&  TauDit  ainfî  eftoufFee.  Le  fimple 
vulgaire  adiourta  fby  à  ce  rapport.Mais  le  père  de  Fhô- 
nefte  Damoifclle  y  regardant  de  plus  pres,'&  voyant  v- 
ne  face  cxtraordinaircmét  enflée,  la  gorge  noire  &  liui- 
de,aucc  autres  indices  de  mort  procurée  de  dehors  ,  fei- 
gnit eftre  del'aduis  des  autres,  &  ayant  exhorté  fon 
gendre  de  pouruoir  à  la  fepulture  de  fa  femme  ,  s'en  va 
promptement  au  iuge  criminel ,  Tameine  auec  fuite 
d'officiers  &  d'amis  pour  vi/îter  ce  pauure  corps,&  de- 
mande iuflice.Le  gendre  accufé  nômement,  fommé  pat 
le  Magiftrat  de  relpôdre,perd  fon  eloquêce,  &  fe  taifanc 
corne  vn  muet,confefl'e  tacitement  fon  crime.  Les  Mé- 
decins &  Chirurgiens  ayans  rapporté  que  ladamoifelle 
auoit  efté  eftrâgleede  Magiftrat  emprifonne  l'exécrable 
parricide,lequel  fans  torture  côït&^c  fon  crime.  Le  Par-i 
lement  d'Aix  aduerti  le  fait  amener  feurement  pour  le 
voir.Quant  à  fa  deteftable  complice,  ayant  oui  ce  vent, 
elle  fc  charge  du  meilleur  qu'elle  auoit ,  &  fe  fauue  de 
viftefle  fur  les  terres  de  Sauoyej,&  de  là  dans  la  ville  de 
<jcnes,où  elle  châge  de  nô.  L'Aduocat  mené  à  Aix,ou- 
tre  fon  dernier  parricide  defcouute  &  confefle  encor  les 
énormes  crimes  fufmentionnez  ,  auec  toutes  leurs  cir- 
conftances.  Il  eft  condamné ,  par  arreft  de  parlement,  à 
eftre  renuoyé  à  Grafle  pour  eftre  efcartelé  tout  vif  en 
la  grand'  place,où  il  fut  exécuté  au  grand  contêtemenc 
de  fon  beaupere  &  de  tous  ceux  du  pays.  Quant  à  la 
cruelle  Dame  de  Chabrie,  elle  fut  côdâneepar  côtuma- 
ce,&  exécutée  en  effigie.Elle  s'eftoit  accôpagnee  en  fon 
voyage  de  Gènes  d'vn  homme  de  neât,  nommé  laques 
Pallier,  lequel  fc  doutant  aucunement  de  l'occafîon  de 
fa  fuite,au  bout  d'vn  mois  après  fon  arriueo  à  Genes,vn 
matin  tandis  qu'elle  eftoit  allée  en  ville,fe  faifit  de  tout 
ce  qu'elle  auoit,  ne  lui  laiflant  rien  que  ce  dont  elle 
eftoit  vcftue,&  fe  fauue  ,  fans  que  iamais  elle  en  peuft 
auoir  nouuelles.  A  fon  retour  fe  trouuant  defnuee, 
après  diuers  difcours ,  entre  infinis  foufpirs  &  defel- 
poirs ,  elle  fe  range  au  fcruice  d'vne  femme  veufue, 
dont  elle  gouuerna  quelques  filles,  viuant  encor  quel- 

B    4 


14  Hijlôires  Admirables 

qucs  annees,couuerte  enfon  ame  de  continuelle  hon- 
te &  confufion,&  mourant  entre  les  mains  delaïufticc 
de  Dieu, ayant  efchappé  celle  des  iuges  du  monde.  Ht  • 
foires  de  noftr»  temps. 

Lors  que  le  Roy  Louys  Xll.eftoit  Seigneur  de  i*E- 
ftatde  Milan, vn  gentilhomme  y  demeurât,  homme  vi- 
cieux,oubliantrnonneur  de  Dieu, le  fien  propre  ,  celui 
de  fa  femme,fuft  H  mefchant  que  de  quitter  (on  lia ,  & 
courir  après  vne  courtifanne  fe  polluant  par  infâme  a- 
dultererauquel  train  il  fut  longuement  fupportédela 
patience  de  Dieu.  Sur  ces  entrefaites  vn  autre  genuU 
nome  s'eftant  retiré  du  territoire  Milanois ,  en  la  ville, 
pour  y  viure  plus  à  fon  aife ,  fe  rencontra  en  vn  feftm, 
où  eftoir  la  femme  deTadultere  fufmentiônee,  Damoi- 
felle  peu  chafte,comme  elle  le  monftra.  Car  fe  laiflant 
acoflerpar  ce  nouueau  venu,  homme  plongé  en-  deli- 
ccs,&  qui  ne  cerchoit  que  telles  vilaines  proyesàls  s'ac- 
cordèrent tellement  enfemble ,  que  tandis  que  le  mari 
«Telle  fe  fouilloit  deteftablement  d'vn  cofté:eux  de  leur 
partatciroyent  par  horrible  adultère ,  le  iugement  de 
Dieu  fur  leurs  telles.  Ce  train  de  péché  dura  plus  de 
quinze  mois,la  Damoifelle  receuant  fon  adultère  en  I2 
Couche  que  le  mari  abandonnoit,  lequel  en  finfentic 
quelque  flair  de  cefte  fumée  infernale  :  au  moyen  de 
quoyfe  tenant  vn  peu  plus  près  de  fa  femme  que  de 
couftume,  finalement  refolu  de  s'en  efclaircir ,  &  d*en 
fçaaoir  la  ver]té,ii  s'accofte  dVn  cordelier  confeifeur  de 
fa  femme>&  fait  tant  qu'il  obtiêt  de  lui  ce  qui  s'enfuir, 
Vn  iour  de  quarefme,approchât  de  Pafques,  la  Damoi- 
felle à  (à  manière  accouftumee  enuoyedireau  corde- 
lier que  le  lendemain  furie'-,  deux  heures  après  difné 
elle  r-'roit  trouuer  pour  defcharger  fa  confcience&a- 
uoir  abfoluaoR.Le  cordelier  accepte rheure,&  en  dône 
aduis  fecret  au  mari,lequel  ne  fait  faute  de  fe  rendre  vn 
peu  auparauant  près  de  lui.  Leur  couftumc  eft  de  de- 
meurer en  vne  châbrctte  obfcure,de  laquelle  nulle  fé- 
TOC  n'approche  qu'à  Tendroit  d'vn  treillis,  où  le  confef- 
leur  Ci.  ia  confcffante  peuuent  parler  Tvn  à  l'autre  fi  bas 
qu'il  leur  piait,fans  pouuoir  s'étietouchei  que  du  bout 

des 


(^  mémorables.  25 

<lcs  doigts,à  traueis  le  treillis  qui  eft  ePpais  &  ferré.  Le 
confefleur  eft  debout  ou  afTis  à  fa  commodité,&  la^con- 
fefTante  i  genouxrCefte  miferablc  venue  li,  fon  mari  e- 
ftoit  au  deflous  du  treillis  entédant  tous  les  mors  qu'el- 
le difoit  au  côfefTeurJequel  Tayat  enquiie  de  quelques 
autres  péchez, cômence  à  entrer  fur  celui  d'aduiterc ,  & 
à&s  circôftanccs ,  en  outre  fuit  de  fi  près  cefte  femme, 
qu'ellelui  confelTeauoir^qonobftant  rablblution  qu'il 
lui  au  oit  donnée  l'an  précèdent  du  melme  forfait,  con- 
tinué en  icclui  toute  l'année  fuiuante  ,  s'excufant  en 
quelque  forte  fur  les  desbauches  de  sô  niari,&:  pioreiHc 
d'auoir  repentancc  de  tant  de  fautes.  Or  pouice  qu'elle 
fit  entier  refus  de  déclarer  au  confefleur  le  nom  du  Gc- 
til-homme  à  qui  elle  s'abandonnoir,ayantn)efme  tancé 
ce  confefleur  de  ce  qu'il  pafloit  fi  auantvil  ne  voulue 
non  plus  lui  donner  l'abfolution  .-teliement  que  l'ayant 
remile  à  y  penfer,elle  le  quitta  pour  faire  fes  deuotions 
en  i'Eglife  fainâ:  Ange,où  elle  eftoïc  venue.  Le  mari  a- 
yant  prins  congé  du  confefl"eur,&  outré  àts  confeflPons 
qu'il  auoit  entendues ,  attend  fa  femme  en  rue  efcar- 
tee,&  la  voyant  retourner  en  coche  luy  vient  au  denant 
&luy  ayant  en  peu  de  paroles  reproché  fa  vilenie  & 
liefloyautéjtire  fon  poignard,  dont  illui  enfonce  tel 
coup  dedans  le  fein  ,  qu'elle  tombe  roide  morte  en  fon 
coche. C^uant  au  mifcrable  ,apres  ce  coup  il  fe  fauue  de 
viftefle  furie  pays  àts  Vénitiens ,  &  ne  fut  plus  veu  de- 
puis à  Milan.Mais  les  parens  de  fa  femme  le  ponrfuiui- 
rent,&  firent  tailler  en  pièces  quelque  temps  après. 
L'autre  Gentil-homme  adultère  demeura  impuni  de- 
uant  les  hommes  au  regard  de  ce  forfait,' demeurant 
prifonnier  es  mains  du  fouuerain  iuge,  pour  en  rcfpow* 
dre  en  temps  &  ïieu.Hiftoires  d'Italie', 

Il  y  a  eniiiron  cinquante  ans  qu'vn  autre  Milanoi> 
ayant  entendu  en  France  que  fa  femme  fe  gouuer- 
noit  mal,&  (  comme  il  efl:  à  prefuppoiêr  )  en  efianc 
bien  informé,  print  la  pofte ,  pour  plufloft  i'e  rendre  en 
fa  maifonàMilan  :  où  eftant  arriué  ,  fans  monter  iuf- 
ques  en  haut,  fit  appeler  fa  femme,  laquelle  cÛmr. 
incontinenc  dcfcendue  pour  le   carcffçr  ,   comme 


26"  Hîjlôires  admirables 

feignant  fe  refîouir  fore  de  la  venue  de  Ton  mari ,  rcceut 
par  lui  d'vn  coup  de  dague  vne  contre  carcfle  &  \  n  mer- 
ucillcux  rabat-ioyc,  non  fans  elhe  appellcc  pluficurs 
fois  vilaine  Scmeichantcdefloyale  &:  traiftrcfle.  Apres 
le.]uelcoup,  avant  laifle  fa  femme  en  tel  eftat,  cju'il  n'a- 
uoic  plus  peur  qu'elle  luiiouaft  vn  mauuaistour,  il 
monta  à  cheual  &  fa  fauua.HïV/o/m  it Italie. 

Pluficurs  années  auparauant  vn  riche  gcntil-homme 
Sienois, nommé  Ncllo  ,  eftantia  fur  l'aagcefpoufa  vne 
ieune  Damoifelle  ,  laquelle  fe  laifla  corrompre  par  vn 
ieunc  gcntil-homme,  feferuant,  pour  la  pourfuite  de 
fon  crime  ,  d'vne  fienne  fille  de  chambre  qui  faifoitles 
me/lagcs  &  leur  feruoic  de  maquerelle.  Mais  Neilo  a- 
yant  dcfcouuert  parrentrcmife  d'vn  /ïen  fcruitcurle 
tort  qu'on  lui  faifoit,&  ne  pouuant  bien  à  fon  auantage 
atrraper  le  ieune  gcntil-homme  qui  auoit  fi  vilainemét 
pollué  fa  maifon/e  vengea  fur  fa  femme  &  fur  la  fille  de 
chambre ,  lefquelles  il  fie  eftrangler  toutes  deux  en  vne 
/îenne  maifon  champellre  où  il  s'eftoit  retiré  pour  plus 
commodément  faire  cefte  exécution ,  &  s'y  tint  comme 
confiné  le  refte  de  fes  iouïs, Hiftoires  d'Halte. 

Vn  gentil-homme  François  ,  queie  ne  nommeray 
point,  ni  le  lieu  où  cela  aduint,pour  quelque  bon  re- 
fpeft,eftanr  marie  deuint  amoureux  d'vne  ieune  fille  de 
Tvn  de  fcs  fubieds,  &  commença  a  fréquenter  là  dedans 
plus  fouuent  qu'il  n'auoit  de  couRume  ,  &  plus  priué- 
ment  qu'il  ne  deuoit.Cefte  fille  auoit  vn  frère  qui  eftoit 
pre{lre,mais  au  demeurant  homme  de  bon  cœur.  Ce- 
îkiiici  s'aperceut  incontinent  ou  vifoit  ce  gentil-homme 
&  que  ces  allées  &  venues  ne  tendoyent  qu'à  mcfchan- 
ccté  :toutesfois  n'en  fit  fembîant  pour  quelque  temps. 
En  fin  voyant  que  le  gentil-homme  ne  celfoit  de  cour- 
tifer  fa  fœur  (  laquelle  il  corrompoit  )  &  mefme  le  ren- 
contrant vn  iour  comme  il  en  fortoit,lui  dit,  Aîonfieur 
pardônez  moy,fuif  le  rcfpcfl  &:  l'honneur  que  ie  vous 
doy  ,  ic  voy  que  ce  que  vous  venez  faire  céans  n'ell  ni 
beau  ni  honneile.Et  pour  ce  ie  vous  prie  de  vous  dépor- 
ter d'y  vcninaucrcmeac  ic  vous  lurtjquc  fi  ic  vous  y  re- 

trouuc 


C^  mémorables,  17 

trouue  plus  îe  vous  feray  vu  mauuais  tour.  A  ce  propos 
le  gêtil-hommc  ne  fit  que  fecoucr  la  refte,  &  fe  mocqua 
du  preftre:mais  au  bout  de  quelques  loursil  reuint  co- 
rne de  couftumc,&  ayantalTouui  Ion  vilain  defitjfort.Le 
prcflre,  qui  Tauoitprefcjue  furpris  furie  fait,  efrneu  de 
iufte  douleur  leva  choifîr  fur  vn  pont  tout  au  beau  mi- 
lieu de  fes  gens  ,&  lui  donne  d'vne  dague  dans  le  fein 
fans  queperfonne  peuft  l'empefcher.Q^uantà  lui,  il  fut 
maffacré  fur  le  champ  par  les  feruiteurs  de  ce  miferable 
adultère,  lequel  emportante  dague  dans  Teftomach, 
s'en  alla  mourir  entre  les  bras  de  fa  femme.  Ade  vraye- 
ment  heroique,&  dignc,non  pas  dVn  Preilre,  mais  dVii 
Brutus,ou  de  quelque  autre  encore  plus  généreux  & 
vailhntyVrh.Chauuetonyenfes  difcoursfur  le  ip.chap.4u  i. 
Hure  de  Vhiftoire  du  nouueau  Monde  ,  où  Benzo  autheur 
d'icelle  raconte  que  les  Efpagnols  eftans  allez  cercher 
de  For  près  du  goulfe  d'Vraba,leur  Capitaine  enleua 
prifonnierc  de  certain  village  la  femme  du  Cacique  ou 
Seigneur  du  lieu  ,  lequel  s'en  vint  vn  peu  après  vers  ce 
Capitaine,accompagné  de  quelques  vns  de  fes  amis,  & 
feignit  eftre  venu  là  tout  exprès  pour  la  racheter,  &  dô- 
ner  telle  rançon  qu'il  demanderoit.  Mais  quand  il  fut 
arriué  en  la  prefence,  non  feulement  il  parla  à  lui  bra- 
uemcnt,iufques  à  l'outrager  de  paroles  iniurieufes,mais 
mefmes  Toffença  de  fait,defcochant  contre  lui  vne  flef- 
che  enuenimee,  prétendant  le  tranfpcrcer  de  part  en 
part.Mais  il  ne  Fataignit  qu'en  la  cuillc,dont  il  fut  guéri 
tellement  quellement  par  l'application  d'vn  fer  bras é, 
qui  fut  le  falaire  de  fa  mefchanceté. 

Los  Çfpagnols  ayans  ouy  le  bruit  accoururent  foudg^fn 
telle  partjles  efpees  traites,dont  ils  tuèrent  le  Cacique, 
fa  femme  &  leur  compagnie  fur  la  place.  Mais  quelque 
temps  après  eux  &  tous  leurs  compagnons  perirétmal- 
heureufement. Quant  à  ce  vilain  Capitaine  furnommé 
Hojeda,Benzo  dit,qu'ayant  enduré  toutes  les  peines  du 
monde  fur  fa  retraite  hors  du  pays,  en  fin  il  arriua  en 
riile  Efpagnole  fe  trouuant  fort  mal  de  fa  playc,dontil 
mourut  dedans  peu  de  iours  auec  extrêmes  douleurs, 
il  perdit  prcfqucs  toutes  fes  gés  fur  mer  en  ce  voyage.Ec 


iî  Hiffoires  jtdmirâhUs 

Gomara  au  r.  liure  de  Thift.  gen.  des  Indes ,  ch.  57.  ait 
que  defefperé  de  ne  pouuoir  pourfuiure  Tes  conquêtes 
cncomniencces ,  il  quitta  tout,  fe  rendctnt  Côrdclier  a- 
uecracu'fle  mal  accommodée,  &  mourut  en  ce  nouuel 
habit  par  Ini  veftu.  Les  autres  reftez  en  Vraba  au  nom- 
bre deTeptarite  feulement,  fous  la  conduite  de  Fran- 
çois Pizarre ,  chaflez  par  la  famine  de  deffus  la  terre, 
s'embarquèrent  en  deux  brigantins,mais  les  vents  &:les 
vagues  leur  firent  la  guerre  d'eftrange  forte.  Ramaflez 
fur  mer  par  vn  autre  nommé  Ancifo  ils  retournèrent 
en  terrcou  après  vne  infinité  de  trauaux,  les  vns  furent 
tuez  parles  Indiens,  les  autres  moururent  de  dinerfcs 
maladies ,  &  fort  miferablement,  comme  £«»7o  fjy*  Go- 
mars  îe  confefTent. 

De  noftre  téps  vn  bourgeois  d'Vlme,ville  impériale, 
defcouurant  que  fa  femme  commençoit  à  faire  quel- 
que desbauche,raduertit  ferieufement  de  le  comporter 
d'autre  force  :  voyant  qu'elle  tenoit  peu  de  conte  de  Cci 
remon{}r*Tnces,  vn  iour  il  feignit  s'en  aller  aux  champs, 
puis  fans  eftre  apperceu  fe  gliffa  dedans  ia  maifon  ôt  fc 
cachant  en  heu  propre,il  delcouurit  que  les  fcruanrcs  e- 
ftoyenr  occupées  à  aprefter  vn  fcilin,  vid  le  paillard  en- 
trer &  carefl'é  par  celle  mauuaifc  femme ,  neantmoins  il 
fe  retint  lufqucs  après  le  foupé,que  les  voyant  entrer  en 
la  chambrepour  fecoucher,vfans  de  propos  infâmes  tef- 
moins  de  leur  mefchanceté  partie  exécutée ,  &  qu'ils 
vouloyent  continuer,  il  fort  de  fon  embulche,  tue  pre- 
mièrement le  paillard,puis  la  femme:  &  ayant  prou  ué  à 
la  luftice  toute  fa  procédure,  obteint  grâce  de  ce  charti- 
mcnt  procédé  de  lufte  indignation  ,  J.Honfdorjfenfon 
thsatre  a  exemples. 

Tandis  que  nos  Rois  de  France  tcnoyentle  Milanois, 
auint  à  vn  François,  logé  chez  vn  homme  d'hôneur  ca 
îa  ville  de  Milan  ,  d'œilladcr  lafciuement  la  femme  de 
fon  hofte ,  la  careflTer ,  &  foliciter  à  adultère.  La  femme 
defcouure  telle  indigne  prauque  à  fon  mari.Ilsrcfoluét 
de  cliaftier  ce  vilain  folhcitcur.  Elle  lui  aprefte  vn  ban- 
quet,faignàt  c/lre  flefchie  par  fes  prières.  Au  heu  de  vin 
délicieux ,  elle  lui  donne  vn  bruuage  qui  ralfopit  &  cn- 

&C11- 


^  memorahles.  29 

<!orc  profondément  :  le  Milanois  furuicnt  &  couppe  la 
gorge  i  fon  hofte  ingrat.  Lk  mefme. 

L'an  mil  cinq  cens  &  iîx,enuiron  Noël,  vn  Aduocar, 
en  la  ville  de  Conftance;,debaiicha  la  femme  dVn  Pro- 
cureur, lequel,  ayant  fenti  le  vent  de  leur  forfa'd  dete- 
ftable,feipnu  auoir  vn  affaire  preflé  qui  le  contraignoic 
d'aller  aux  champs  pour  quelques  iours.  Il  part  &  re- 
tourne le  foir ,  fceut  qu'ils  eftoyent  aux  bains  chez  vne 
vieille  du  voifînage ,  il  s'y  tranfporte  auec  trois  fiens  a- 
mir-,lefquelsillaiffç  en  rue,  p©ur  empefcher  lefecours: 
puis  entre  dedans  auec  vnc  forte  ejRrille  de  fer  toute 
neufue  en  la  main,re  ruefurTAduocat  tout  nud,le  grat- 
te fi  rudement  qu'il  lui  arrache  les  yeux  de  la  tefte ,  les 
tedicules  Sf.  prefque  toute  la  peau  du  corps  :  il  en  fait 
'prcfque  autant  à  fa  femme,  encores  qu'elle  fur  encein- 
te. L'aduocat  mourut  en  grands  tourmens  au  bout  de 
trois  iours. Le  procureur  fe  tranfporta  ailleurs  &  la  fem- 
me demeura  couuerre  d'opprobre  le  refte  de  fes  iours, 
H.Hedio  en  la  ^^.partie  dejn  Chronique. 

Quelques  années  auparauant,  certain  perfonnage  fai- 
fantprofefllon  d'enfeignerchafteré  auxautresjfollicita 
fcrtinftamment  vne  femme  honncfte  pour  lui  rauir 
fon  honneur,  &  l'esbranlarle  mari  defplaifantde  ct^ç. 
iniure,  menace  l'autre  de  le  chaftrer  s'il  le  rencontroic 
en  fa  maifonrii  ne  celfe  pourtant:au  moyen  de  quoi  vn 
iour  comme  il  paffoitdeuant  la  porte,  (la  femme  ayant 
donné  le  mot  du  guet  à  fon  mari)  commence  à  lui 
faire  des  mines  &carelîes  qui  l'attirèrent  à  la  fuiure 
iufques  dedans  fa  chambre,  où  le  mari  entre  &  auec  vn 
grand  poignard  deftainé  dit,que  l'heure  eftoit  venue 
d'élire  chaftré.  L'autre  changeant  fa  peur  en  fureur ,  fe 
rue  furie  mari,lui  ofte  le  poignard,  le  ferre  de  près  &  le 
contraint  promettre  qu'il  le  lairra  aller  fauf.  Ayant  ex- 
torqué ceftc  promcfle,illafche  pnfe,&eft  fi  defpourueu 
d'entendement  qu'il  met  le  poignard  fur  la  table!  Le 
mariddi'jré,  ne  fe  fo  u  ci  an  t  de  celle  promefle  forcée, 
fe  lette  de  vitelfe  fur  fon  poignard,  puis  de  fureur  nou- 
uel'e,aidéde  fa  femme,  empoigne  fon  ennen?i,lelie 
fi  eftroitteme;it ,  que  fur  i'h,eure  ille  chaftre,  &  ren- 


30  HiîUires  admirables 

uoye  tout  fanelant  en  Ton  logis, ou  ayant  efté  fort  ma- 
lade longue  clpace  de  tcmps,en  fin  il  guérit:  mais  il  cef- 
fa  de  courir  après  les  femmes. L<5  mefme. 

Vn  boulanger  ayant  efpouré  la  leruantc  d'vn  riche 
Clianoine,  c\Tcouurit  que  ce  maillre  desbauchoit  fa 
femme  ,&  le  pria  de  quitter  cefte  infâme  pratique,mais 
en  vain.  Les  ayant  furpris  vn  iourily  eut  du  vacarmerle 
Chanoine  fut  emprifonnéja  femme  aufll.  Finalement 
ce  ne  fut  qu'vne  rifeccôuertic  en  chanfon,  dont  le  bou- 
langer irrité  quitte  femme  &  maifon  pour  prendre  parti 
ailleurs. C'ependant  ii  cfpioit  le  Chanoine,&  l'ayant  au 
bout  de  deux  ans  furpris  à  fon  aduantage  en  certain 
lieu  champeftre,ou  il  ciloit  aile  s'esbatre ,  fans  fe  douter 
de  rien  ;  lui  donna  tant  de  coups  de  dague ,  qu'il  lui  fit 
rendre  l'ame  fur  le  champ.  Là  mejme. 

La  femme  d'vn  Alemand  de  Voitland  fut  fi  impudi-  , 
que  de  permettre  que  pluiîeurs  qui  renrrctcnoyent  fe 
trouuafîent  au  nombre  de  trois  en  certain  banquet 
qu'elle  leur  auoit  appreftc.  Mais  le  mari  qui  n'auoitpas 
elle  fcmond,nclain"a  pas  d'y  venir,  pour  leur  donner  v- 
nc  terrible  aubade  &  fanglantc  deflerte.  Car  ayant  vn 
cfpicu  en  main  il  entre  au  poifle^tue  celui  qui  elloit  af. 
fis  près  de  la  femmc:court  après  les  deux  autres;qui  fai- 
/îs  de  peur  fautent  par  les  fencftrcs  en  bas,&  fe  tuent,Il 
retourne  à  la  femme  ,  &  la  perce  de  part  en  part.  Vvolff 
Schremh  en  fes  Narrations. 

Vn  gentil-homme  Alemand  s'cflant  deshonneftc- 
ment  acoilc  de  la  femme  de  certain  citadin  ,  le  mari  de- 
iîreux  de  fe  venger  de  ccil  affront  infupportable  ,fe  ca- 
che en  vn  recoin  fccret  de  la  maifon  ,  &  void  venir  fon 
cnnemi,lequcl  continue  fes  infolences.  Lefoirvenu 
ces  dcuxmifcrables  fc  retirèrent  en  vne  chambre,où  ils 
foupcnt  &  couchent.Lc  mari  fort  de  fa  cachette,  entre 
en  la  cuiiîne,&  voulant  boire  fait  du  bruit  en  remettant 
le  pot  à  l'eau  en  fa  place. La  femme  veut  cfueillcr  fes 
feruantes,  mais  n'entendant  plus  lebruit,ellc  retourne 
vers  fon  adultère.  Cependant  le  mari  eftoit  entré  au 
poifle  pour  prendre  vn  cafque  &  fi  cuiraflc.  La  femme 
cfueillee  à  ce  bruit  feleue,  vient  au  poifle  ,  démande 
quicft  là.Mais  le  mari ,  ne  fonnantmotj  la  fuie  de  fi 


^mémorables.  Ji 

près  qu*il  fe  iettc  de  villefle  dedans  la  chambre  ,  &  de 
premier  abord  tue  le  gentil-homme,nonobrtant  Ir  refi- 
llance  qu'il  fit  auec  vn  efpicu, lequel  elloit  près  du  lid. 
Hors  ce  lid  s'eftoit  iettee  la  femme ,  à  laquelle  le  ma- 
ri (qui  la  defcouuroit  àlaclairté  dVne  chandelle  allu- 
mée) cric^hors  de  là,putain  ,  autrement  ie  te  perceray  X 
coups  d'efpee.  Elle  lui  ayant  crié  merci  plufieurs  fois> 
fort,&  ne  pouuant  Tadoucir^e  fupplic  permettre  qu'el- 
le fe  confellaft  &  communiaft,auant  que  mourir. Quoy 
donques  dit-il  ,  te  repens-tu  de  bon  cœur  de  ta  faute. 
Helas;Oui,  refpond-elle.  A  ce  mot  il  lui  donne  de  Tet 
pee  à  trauers  du  corpsrpuis  les  ayant  mis  Tvn  auprès  de 
Tautrcfermc  la  chambre.  Le  lendemain  ,  tout  ce  faid 
diuulgué,&  le  mari  prifé  de  telle  exécution, par  le  con- 
feil  de  Tes  amis,  s'efloigna  du  lieu  ,  pour  ne  tomber  es 
mains  des  parens  du  Gentil-homme.  A.  Honfdorff,at* 
théâtre  des  exemples. 

Vn  gentil-homme  Hongrois  ayant  furpris  en  fa  cham- 
bre certain  venu  pour  commettre  adultère  auec  fafem- 
me,le  ietta  dedans  vne  prifon, délibéré  de  Vy  faire  mou- 
rir de  faim.Et  pour  le  tourmenter  d'auanrage ,  il  lui  tai- 
foit  de  fois  à  autre  approcher  du  nez  vne  poule  roiliie 
afin  queTodeur  d'icelle  lui  aiguifaft  Tappetit ,  &  que 
cela  rendift  fa  faim  plus  violente  :  brief  qu'vn  tel  fup- 
plice  haftall  fa  miferable  mort.  Ayant  efté  fix  iours  en- 
tiers en  tels  tourmens  ,  au  feptieime  on  le  vifîta  de  plus 
près  ,  &fut  trouué  qu'il  auoit  mangé  à  belles  dents  les 
moignons  de  fes  deux  bras.  LVvier  au  traitti  de  ieiuniis 
€ûmmentitiis. 

Nous  auons  au  Théâtre  des  Exemples  de  M.  André 
HonfdorffvnQ  femblable  hiiloire  d'vn  ieigneur  Allemaii 
enThuringe,lequcl  traita  de  mefme  certain  gentilhôme 
adultere,lequei  velquit  ii.iours  de  l'odeur  de  viandes 
délicates  qu'on  lui  mettoit  au  deuant  :  fon  forfait  atro- 
ce eftant  chaftié  par  ce  fupplicc  atroce.  Le  mefme  re- 
cite trois  autres  hiftoircs  notables  d'vn  perfonnage, 
qui  fous  ombre  de  dcuotion  corrompit  pluficurs  fem- 
mes parauant  honneftes  ;  viinfi  que  iadis  fit  en  Alexan- 
drie Tyrannus  facnficateur  de  Saturne.   EiUnt  dcfcou- 


5 1  Hi^oires  admirables' 

ucrt&conuaincuiHuc  exécuté  i  mon:.  Vn  autre  pcr- 
fonnage  fort  clo(flc,&  en  grande  dignité  entre  les  fiens, 
furpris  en  adultère  par  vn  cordonnier  fut  poir»  lardé  & 
laiflé  mort  en  la  chambre  d'icelui.tntre  autres  dons  àcÇ- 
quels  li  abufoic  mcfchammenc ,  il  parloic  prooiptemenc 
&  purement  François,Italien,Erpaj4nol,Aleman  ,  Polo- 
nois,Latin,&eftoitbien  veu  de  l'Empereur  &  des  Prin- 
cesjil  y  a  enuiron  80.  ans.     Au  mefine  temps  vn  autre 
perfonnape  notable  voulant  aller  voler  Thonneur  d'vne 
femme,trouua  en  lieu  de  lict  vne  trape  dedans  laquelle 
venant  à  tomber  il  cheut  au  fond  d'vne  caue&fe  rom- 
pit le  col.  Vn  chirurgien  defdaignant  fa  femme  honne- 
fle ,  s'eftoit  abandonné  a  vne  adultercfle.    Certain  iour 
montant  à  cheual,  &enquis  par  fa  femme  où  il  alloit, 
refponditd'vn  fouris  mocqueur,  Au  bordeau.  S'eftant 
toft  après  rendu  vers  Taduiterefle,  au  bout  de  quelques 
heures  remontant  àcheual,  &  voulant  le  manier  en 
rondjfon  cheuai  s'efchaufFe,  ronfle  &  rue  fi  rudement 
qu'il  jette  le  miferable  hors  de  Telle  par  terre ,  tellemenc 
toutcsfois  qu'il  demeure  prins  entortillé  parl'vn  àts 
pieds  à  la  bridc.Cecheualirrité  commence  à  courir  fu- 
rieufementfur  le  paué,trainantceft  adultère  de  telle 
roideur,  qu'il  lui  fit  voler  la  ccruelle  furies  careaux,  & 
ne  cefla  de  courir  iufques  à  ce  qu'il  fut  deuant  le  bor- 
deau,où  le  pauurc  trainé  demeura  mort  eftédu  fur  terre. 
L'an  1553. certain  perfonnage  en  la  ville  de  Clauenne 
au  pays  des  Grifonsjayant  regardé  d'œil  impudique  vne 
trel-belle  fille  du  lieu,eiraya  plufieurs  fois  de  la  desbau- 
cher  &  corrompre.  Ne  pouuant  y  paruenir ,  fous  ombre  - 
d'apparitions ,  &  reuelations,  abufant  du  facré  nom  de 
Dieu,  de  la  bicn-heureufe  vierge  Marie ,  d'vne  façon  e- 
>:ecrable,&  que  ie  m*abftié  de  defcouurir,  pour  n  ofFen- 
cer  l'oeil  ni  Toreille  du  ledeur  honnefte  &  déuorieux;il 
feduifit  la  pauurefillejaquelle  ayant  trop  tard  àç.Çco\x- 
uert  l'impofture,  ce    malheureux  empoigné  prifon- 
nier,nonobftant  l'allégation  de  fes  ordres  ,immunite2 
&franchifes,  fut  décapité  publiquement,  &fon  corps 
réduit  en  ctiiàvQs.StHmpJius  au  lo.lsHrt  de  fin  hifiàindt 
Suifi. 

AGI' 


C^  mémorables. 
AGILITE   ET  FORCE. 

ON  met  au  nombre  des  merueilles  de  nature  le  vol 
&  balancement  de  ceux  qui  courent  &  fe  guindent 
furla  corde.  Ily  aquelcjues  années  qu'il  y  enauoitvn 
aflezconu  par  toute  l'Italie ,  nommé  le  petit  Véni- 
tien ,  tantpource  qu'il  eiloit  natif  de  Venile,  qu'à  caufe 
de  fa  petite  ftaturc:au  refte  fi  adroit,  &  agile  à  courir  fur 
la  ccrde  fans  peine  aucune,que  par  fois  il  fe  coufoit  dâs 
vnfac,  n'ayant  que  les  mains  libres  pour  manier  fon 
contrepois.  D'autresfois  ilmertoit  fous  chacun  de  fes 
pieds  vnbafljn.  tout  rond,  ou  des  boules  à  fes  talons,& 
ainfiequippé  montoit&  couroit  de  hardiefle  &vitefl'e 
incroyable  fur  vne  lôgue  corde  attachée  au  faille  d'vne 
maifon,  depuis  la  tour  du  palais,  iufques  à  la  place  du 
marché. D'auantage  il  eftoit  C\  fort  &  robuftc,qu'il  pou- 
uoit  rompre  au  gcnouil  l'os  de  la  cuilfe  d'vn  bœuf  tant 
grosfuft-il.  Auec  fes  mains  enuelopees  d'vn  mouchoir 
il  tordoit  enfemble  trois  doux  de  fer  de  la  grcflcur  du 
petit  doigt  comme  s'ils  euifent  efté  mois  &ployables. 
Il  chargeoit  fur  Çls,  efpaules  vn  foliueau  de  plus  de 
vingt  pieds  de  longueur  &  d'vn  pied  d'cfpaifleur,  &  le 
foufteaoit  longuement  deflus,  fans  qu'il  touchaft  à  ter- 
re,ne  qu'il  s'aidaft  de  Ç^s  m^ins,puis  le  faifoit  palTer  d'v- 
ncefpaulc  fur  l'autre.  Mon  fils  Théodore ,  dodeuren 
loix,qui  aveu  ces  traids  d'agilité  &  deforce,auec  plu- 
fieurs  autres  tefmoins,m'en  a  fait  le  vtcit.LFijler  aHprc 
mier  liure  àc prxjliviis  dtxmonum^chap.l  8. 

lean  Langius  dofte  Médecin  de  noflre  temps  fait 
mention  du  mefme,  ou  d'vn  femblable,  lequel  il  dir  a- 
uoirveuà  Augsbourg.Item  vn  autre  en  Siieficlequel 
cmpoignoità  belles  dents  vne  grande  pipe ,  contenant 
plufieurs  feptiers  de  bière  ,  comme  font  les  grands  ton- 
neaux d'Allemagne ,  laquelle  il  fouleuoit  de  terre  fans 
autre  aide,&  la  iettoir  par  dcflus  fa  telle.  £n la  d^xlejm« 
Epiîiu  dtfon  premkr  Ut*re, 

c 


34  Hijloires  admirables 

Ferdinand  d'Aualos, Marquis  de  Pcfquairc,  Lîcuttf- 
nantdc  rr.mpcrcur  Charles  cinquicfmc  enla  DucJ'é 
de  Milan, aiioit  en  les  troupes  vn  Efpacinol nomme  Lu- 
pon^homme  /îrobulte  .  &  Ç\  léger  du  pied  ,  qu'auec  vn 
mouton  chargé  fur  les  efpaulcs,!!  deuançoit  à  la  courfe 
tout  autre  homme  qui  enrreprenoit  d'aller  plus  vij>e 
quelui:vaillanr  &  hardi  pour  entreprendre  &  exécuter 
ce  qui  lui  eRoit  commandé  ,  pour  la  confiance  qu'il  a- 
«oiten  Ton  agile  force.  Le  Marquis  ,  dcfîrant  eftre  cer- 
tainement informé  de  Tcftat  dcTarmce  Françoife  lors 
afle?.  proche  de  lui^donne  charge  à  Lupon  de  faire  vne 
courfeiufques  àleur  camp  pour  en  defcouurir  quelque 
chofe.Lupon  ayant  ruminé  ce  qu'il  auoità  faire, prend 
auecfoy  vn^pieton  harquebufîcr ,  en  qui  illefioit,& 
quelque  peu  denantiour  s'cftant  rendu  près  du  camp 
confiderafoigncufcment  Tafr.ete  d'icelui ,  puis  apro- 
chant  d'vn  foldat  François  pofé  en  fentinelle,  &lors 
aflez  malefueillé,en  vn  inftant s'approche  &fc  lance  de 
vifteiïe  fur  lui.  Et  combien  que  ce  Ibldat  fuft  de  haute 
taille,&  gros  à  l'aduenant ,  Lupon  le  vous  troufle  & 
chargefur  fes  efpaule'^:&  quoy  que  ce  pauure  corps  fe 
clebatift,rcfiftaft  le  plus  qu'il pouuoit,&  criaft  àjpleine 
tefte^qu'onvinft  :U'aide,rEfpagnol  l'emporte  fur  fon 
col,comme  fic'euft  efté 'quelque  veau  ,&  commence  à 
arpenter  en  diligence  ,  fouftenu  de  fon  harquebuzier, 
ialuant  à  coups  de  boulets  ceux  qui  entreprenoyent 
s'approcher  vnpcu  trop  près  d'eux.  Arriuéaucamp  E- 
rpagnoLilfedefcharge  gaillardemêt  de  fon  fardeau  aux 
pieds  du  Marquis,,qui  ayant  ri  tout  fon  fioul  de  cellra- 
tageme',  &  fceu  de  la  bouche  du  prifonnicr,  fi  plaifam- 
ment  porté  fur  ce  genêt  :î  deux  pieds ,  Teftat  du  camp, 
alfaïUit  promptemcnt  les  François ,  leur  donnant  /î 
chaude  alarme,  qu'il  les  empefcha  d'exécuter  ce  qu'ils 
auoyeat entrepris  contre  lui  &  les  Cidn^.PauL  Jju€  enla 
vit  (il*  AiArqmf  de  Pcj'qi*aire, 

Vn  Efpagnol nommé  Pierre,  vint  à  Naples  l'an  mil 
cinq  cens  cinquante  cinq,&  dedans  ma  maifon  fitpreu- 
ue  de  fa  force  comme  s'enfuit.  Vn  home  robufte  &  pe- 
faïucrtoitallibà  cheuauchon  fur  fon  efpaule  droiCte,vn 

autre 


cjr  mémorables.  '        5  j 

autre  fur  h  gauche.  Surlebras  droit  il  portoic  encor 
vn  hommer&  ^ur  la  gauche  vn  autre.  Il  auoit  fur  Tes 
deux  pieds  deux  autres  hommes,  lefqucls  en  tenoycnt- 
a  autres  embraliez.il  cheminoit  auec  toute  cefte  char- 
ge,côme  s'il  n'euft  rien  porté. Puis  eftcndant  &  baillant 
fes  mains  contre  bas  faiibit  monter  vn  homme  fur  cha- 
cune d'icelles:  quoy  faiftjiifereleuoit  debout  &hauC. 
foit  ainfî  'ïts  mains  iufques  à  refgal  de  fa  tefte.  Apres  ce- 
la nous  lui  liafmes  les  deux  mains  d'vnc  forte  corde, 
laquelle  à^\yi  hommes  empoignèrent ,  6i  Tenuironnant' 
de  cofté  &  d'autre,en  fe  roidiflant  ferme  de  leurs  pieds 
contre  terre,elfayereat  de  Tesbranler  :  lui  au  contraire, 
retirant  fes  mains  à  foyjes  mit  eu  croix  fur  fa  poitrine 
de  telle  fecoufîe  ,  que  plu/îeurs  de  ces  àiy.  tombèrent 
par  terre.Defon  front,  comme  d'vn  marteau  de  fer  il 
pouffa  vn  clou  iufques  à  moitié  dedans  vue  paroy  : 
vray  eft  qu'il  fe  blefla  quelque  peu  de  ce  coup.  En  e- 
ftendant  le  bras  il  fermoit  la  main  fi  ferré  ,  que  ces  àiyi 
enfemble,ne  pouuoyent  ni  ouurir  cefte  main  ,  ni  faire 
plier  ce  bras.Deux  brigans  le  trouuans  à  l'efcart  voulu- 
rent l'arreftenmaisil  les  empoigna  tous  deux  au  colet, 
les  tint  fi  de  court ,  &  fît  chocquer  fi  rudement  la  tefte 
de  l'vn  contre  celle  de  l'autre,  que  les  ceruelles  en  vo- 
lèrent au  loin, 6c  furet  trouuez  ainfi  efcrafez  fur  la  pla- 
ce.Il  auoit  le  regard  agreable,rœil  vif,&  gracieufement 
feuere,non  de  trop  haute  taille,  mais  bien  proportion- 
né,&  de  chair  tellemêt  amaflee  &  nerueufe,que  quand 
il  eftendoit  le  bras  &  fermoit  la  main, il  m'cftoit  totale- 
ment impofTible  de  le  pincer.Sa  voix  eftoit  forte  ,  hau- 
te ,  &  chantoit  fort  bien. Il  ne  mangeoit  pas  beaucoup. 
Jeun  Baptijte  Porte  Neapolitain  au  4.  liurc  de  fa  Phijlognomie 
huw.chaAz.feÛ.^» 

Antoine  de  Nebriffe  dit  auoit  veu  à  Seu  ille  vn  hom- 
me né  en  Tvne  des  Ifles  nommées  Canaries,le^uelfan$ 
ofter  le  pied  gauche  d'vn  rond  ouil  le  pofoit ,  s'expo- 
foit  en  bute  à  quiconque  vouloitlui  iettervne  pierre 
de  huid  pas  loin,&  n'en  eftoit  inm.ais  atteintrcar  ilfecô- 
tournoit  fi  proprement  &  foupplement ,  en  tant  defor- 
jçs  §c  façons:qu'iinpofrible  eftoit  le  touchcr,&  pour  va 

C   i 


3^  Hijloires  admirables 

Jiard  donnoit  ce  paflctéps  i  quiconque  le  vouloit  prea- 
6lC.Nebrkjf.en  lu  z.  dccadc  de  Ch-jî -d' Efpaigiie^liu.  Z.chap.l. 

Nousauonsveu  en  Italie  vn  certain  ,  marchant  & 
danfant  fur  vnc  corde  tendue  en  Tair ,  tenant  deux  lon- 
gues crpecs,avant  les  cuifl'cs  armees,tellement  que  for- 
ce lui  elloit  d'clquarquiller  les  ïambes.  Ilmarchoitlà 
deflus  hardiment,  &fermcment:puis  il  attachoit  à  Tes 
pieds  des  cfchall'cs,&  auec  icellcs  couroit  fur  la  corde, 
faifant  tels  autres  tours  de  foupplefle  ,  incroyables  à 
ceux  qui  ne  les  ont  veus.  Simen  Mayol  Eue/que  Italien, 
snfes  tours  Caniculaires, coUoq.^^. 

L'an  i^Sz.  en  la  lolcnnité  de  la  Circoncifion  de  Ma- 
l'.umet  III, fils  d'Amurath^Sultan  des  Turcs ,  entre  di- 
vers paflctcmps  qui  y  furent  rcprefcntez  ,  comparurent 
cinquante  hommes  à  cheual  bien  armezjes  cimeterres 
au  cofté,les  boucliers  au  col,les  arcs  en  la  main  gauche, 
&  en  la  droite  des  baft  ons  comme  demi-picques  à  l'A- 
rabefque.L'on  auoit  drefl'é  au  parc  des  lices  à  Conftan- 
tinople  huiâ:  moncea  ux  de  fable  d'efgale  hauteur  &  âi~ 
ftance,quatre  d'vne  part,&  quatre  de  l'autre.  Au  milieu 
vn  chemin  afTez  eftroit,mais  bien  couuert  de  fable  de- 
lié,afin  que  s'il  aucnoit  à  quelqu'vn  de  tomber  en  cou- 
rant ,1a  cheute  fuft  moins  perilleufe. Sur  ces  monceaux 
de  fable  eftoycnt  fichées  des  perches ,  ayans  les  quatre 
d'vn  cofté  des  blancs  tout  ronds  au  bout  :&  les  quatre 
autres  des  bhcs  en  ouale,le  tout  f;iit  de  cuir  &de  papier 
bien  proprement.  C'eiloyent  les  butes  où  vifoit  le  jeu 
de  ces   cinquante  coureurs  ,   qui     commencèrent  à 
marcher  par  ce  chemin  au  pas ,  premièrement  en  gros, 
puis  en  reng,  &  comme  en  bataille. Sur  ce  ils  partent, 
fe  desbandenr  tout  à    coup  ,  &  commencent  à  cou- 
rir à  bride  abat uc, les  vns  après  les  autres ,  de  tant  près, 
&iîiuilemenr,que  les  cheuaux  elloyent   les  vns  aux 
talons    des  autres.     En  courant  ils  prenoycnt   leurs 
flefches    du  carquois  &  deCcochoyent  de  telle  adreC 
fe  qu'ils  touc h oyent  aux  ronds  ,  fi  ville  que  l'œil  des 
fpecliteur^    ne     po  uuoit  a^ez   promptement  remar- 
quer les  traits    ni  les  coupi^'Ala  féconde  courfe  ,  en 
lieu  qu'ils  a'a  uoy€  nt.açit.i|^?^ux  ronds,ils  deicocherent 
•^''^^'  contre 


cf  mémorables.  37 

contre  tousles  deux,  tant  ronds  qu'oiiaIcs,dVncermer- 
ueillablc  promptitude, s'aidans  tantoft  de  h  main  gau- 
che, tantoft  de  la  droitte  ,  Hms  varier  ni  flefchir.  Pour  la 
troiiîefme  chargejendefcochantils  defcouuroyenr  par 
fois  Tefpauledroitejpar  fois  la  gauche  auec  leurs  bou- 
cliers,& ce  d'vne  vitcfîe  incroyable.     D'auantage,   en 
courant  à  toute  bride,  ils  defgainerent  leurs  cimeter- 
res,& coupèrent  ces  ronds,&  tranfporterent  lesouales: 
ce  qui  fut  fait  en  vne  mefme  courfe.  Puis  tournans  bri- 
de tout  court  defcocherent  contre  les  butes,  &  auec  les 
cimeterres,qu'ils  defgamerent  derechef,  abatirent  cela: 
par  mefme  moyen  retendent  leurs  arcs  &  font  vne  ti- 
rade en  Tair.Ils  firent  merueilles  de  leurs  demi-pic- 
ques  en  diuerfes  fortes  de  combats,  &  pour  la  fin  ef. 
planèrent  ces  butes  à  coups  de  cimeterres ,  arrachèrent 
les  baftôs  ou  pieux  fichez  dans  les  monceaux  de  fable, 
les  jettcrent  en  l'air  ,  &  en  courant  les  receurent  &  re- 
tindrentdelamain.  Puis  feleuans  debout  en  pieds  fur 
lesfcUes  delcurs  cheuaux,recommencerent  à  courir& 
manier  comme  deuant  leurs  cimeterres  ,  arcs ,  &  longs 
bois. Sans  m'arrcfter  à  toutes  les  particularitez,ie  tou- 
cherai vnfaiâ:  des  plus  remarquables,&  que  Ton  tien- 
dra peut-cftre,pour  chofe  controuueeimais  ie  l'ai  veuë. 
Du  nombre  de  ces  cinquante  fe  retirèrent  à  part  deux 
ieuneshommes,beaux&  braues  entre  les  autres.  Uvn 
femit  en  pieds  fur  la  felledefon  cheual,&  receut  fur 
fes  bras  fon  compagnon  tout  debout  fur  fes  pieds.   E- 
ftant  en  ceft  eftatils  donnent  carrière  au  cheual,  &  fc 
tiennent  fermes,  mefme  le  plus  haut  monté  tiroit  des 
coups  de  flefche  contre  vne  pefle  de  bois  que  tenoit  en 
la  main  droite  celui  qni  le  portoit.      Outre-plus  cts 
deux  mefmes  ayans  rangé  &  attaché  deux  cheuaux 
par  les  brides,rvn  monta,  mit  vn  des  pieds  fur  vne  des 
felles,  &  l'autre  j)icd  fur  l'autre  felle  :  fe  tenantauffi  fer- 
me fur  les  deux  qucs'ily  euftefté  collé,  &  ponant  fur 
fes  bras  fon  compagnon  tout   debout,&  tenant  en 
main  cefte  pefle  de  bois  contre  laquelle  l'autre  ainfî 
haut  monté  defcochoit  habilement  &  fans  faillir,  tan- 
dis qucics  deux  cheuaux  couroy ont  de  grande  vitefl'e. 

[C   3 


3?  Hijloires  admirables 

ILycn  eut  d'autres,  quiayans  fix  cimeterres  dcrgaincj;, 
&atrache7.  les  pointes  contre  mont  aux  Telles  de  leurs 
chcuaux,re  mirent  la  telle  fur  les  (elles ,  &  lespieds  con- 
tre-mont, fiiifans  en  ceil  cftat  courir  leurs  cheuaux  de 
telle  yireircqu'  on  cuil  dit  qu'ils  voloyent.  D'vn  autre 
cortéil  y  en  eut  qui  le  mirent  deux  en  vne  mefme  fclle, 
&  comme  le  cheualcouroit  a  toute  bride, fautoyent  en 
terrcpuis  remonroyentpromptemcnt(S«:  Tans  délai  l'vn 
apresl'autre.  D'autres  fctournoyent  dans  la  Telle  (  le 
chcLirJ  courant  de  roidcur)  tantolt  derrière  ,tantoil:de- 
uan!:,&  parmi  cela  faiToycnt  d'autres  vire-voulles  & 
fouplelTcs  admirables, Cela  fait  tous  coururenten  trou- 
pe ,  &  montez  à  deux  pieds  Tur  les  Telles  des  cheuaux 
defcocheren t force  fleTches.  Pour  la  hn  ,  eftans  ai n(î  de- 
bout ,  ils  coururent  les  ^  ns  contre  les  autres  auec  leurs 
demi-picques  ,  faifans  diuers  exercices  que  les  lan- 
ciers ont  accoutumé  défaire  es  courTes  de  cheual.  Bref 
tout  ce  qui  Te  fait  en  eTcarmouches,  courTes,  combats, 
duels,  batailles,  retraites,  &  autres  ades  militaires,  Te 
yià.  induftrieuTemcnt  lors  pratiqué  par  c^s  cinquan- 
te caualiers.  Oeor^e  L&heblX^Polonois^cn  la  defcription  des 
chofes  faite-,  k  Conîiantinople  en  la  dreoncifion  dn  fils  ^t>i- 
murath-it  an  1582. 

En  celle  meTmc  fefle  de  la  circoncifion  TurqueTque 
plufîeurs  danTeurs  Tur  la  corde  firent  de  belles  preuues 
de  leur  adrefle  :  mais  il  y  en  eut  vn  qui  gaigna  le  prix 
fur  tous  les  autres.  le  ne  lâche  homme  qui  ne  Toit  de- 
meuré raiii,le  voyant  courir  filoudainement,  defî  bon- 
negrace,  Tans  relaTche  &  de  telle  hardiefl'e.  Certain 
Poète  ancien  diToit  en  quelquVnede  Tes  comedies^que 
leiîmplc  peuple  demeura  arrefté  après  vn  quidam  qui 
cheminoit  Turlacorde:Mais  fi  ce  Poète  euftvcu  vn  cou- 
reur pareil  à  ceftui-ci  il  en  euftperdu  ci  itenance.  Car 
il  montoir  par  les  cordes  attachées  aux»  Toliueaux  &  py- 
ramidc>,au  plus  haut  lieu  qu'on  euftTçeh  voir  ,  de  telle 
vitelTe  qu'on  eull  dit  que  c'cftoyent  eTchellons  ou  de- 
grez:puis  delcendoit  hardiment,  ou  à  reculons,  ou  en 
deuant,n'ayant  pour  tout  appui  autre  choTequ'vn  petit 
bafton  dont  il  Te  faiToit  contrepoids.  Par  fois  il  Tautoit 

Tur 


^mémorables,  39 

furies  cordes  aiicc  les  deux  pieds,  qiielquesfois  d'vn 
fcuLtantoft  du  gauchc,tantoil  du  droit ,  ores  uud ,  ores 
monté  fur  des  efchaffcs ,  puis  cmbrallant  la  corde  auec 
les  piedsildemcuroit  pendu  ôcfc  tournoitaurour,  pui"? 
rcmontoit.I!  gliffoit  jnerueilleuicmcnt  droid  &  hardi- 
ment;duplushautau  plus  bas:&ce  que  i'eftimeleplus 
en  ccfte agilité, de  nuiâ:,il  s'attachoità  chafouc  pied  /îx 
cimeterres  dergainez;,&  continuoit  fon  ieu  à  la  clairté 
des  flambeaux  ,  auec  tel  esbahiiTemc-nt  &  aplaudiffe- 
ment  de  tout  le  monde  ,  que  lî  d'auanture  quelqu'vn 
des  rcgardans  auoitenuie  de  dormir,  ccftui-cipar  fon 
agilité  du  tout  admirable  le  refueilloit  incontinent. 
Au  moyen  dequoyparla  voix  de  tous  les  grands  &:  pe- 
tits de  celte  folennelle  alTemblee,  il  fut  appelle  le  pre- 
mier maiftre  de  ce  meftier.  Le  rnefme  Lebtlsl7:J,en  U  mefnic 
defcription. 

Tay  veu  fouuentefois  auecesbahiflement  en  la  Cour 
du  Prince  de  Bamberg  vn  certain  payfan  Aleman,nour- 
ri&  efleué(comme  lui  mefme  Tauouoit  )parmi  les  be- 
i}es,&  montagnes  proches  delà,lequeleftoit  fî  difpoft  & 
agile  de  fon  corps  ,  que  tous  ceux  qui  le  voyoyent  en 
fcs  mouuemens  &  tours  de  foupleffe  demeuroyenttout 
eftonnez, voire  eftimoyent  qu'il  vfoit  d'enchantemens: 
cequeie  nepenfepas.Ce  qui  eftoit  fur  tout  efmerueil- 
lable  en  lui ,  eft  qu'il  monftroit  fon  agilité  ,  non  pas 
droidfurces  pieds,  mais  marchant  fur  les  pieds  &  les 
mains  comme  vn  chien  ou  vn  chat.  En  la  mefme  Cour, 
y  auoit  vn  nain  ,  quimontoitfur  ce  payfan  ,  comme 
îiirvn  cheual,  le  faifant  tourner  &  vireuolter  en  diuer- 
fes  fortes ,  ainfi  qu'vn  efcuyer  feroit  quelque  genec 
d'Efpagne  :  mais  quand  il  plaifoit  au  payfan  ,  il  iettoic 
aifé ment  fon  nain  par  terre  ,  quelque  effort  qu'il  peut 
faire  pour  fe  tenir  ferme  dclTus.  Quelquefois  il  fe  bat- 
toit  auec  des  maftins  fort  puilfans  &des  dogues  d'An- 
gleterre qu'auoit  lePrince,&  par  certain  aboy  qu'il  cô« 
trefaifoit  naiuement,&  vn  furieux  grôdement  de  chien, 
leur  donnoit  la  cha{re,&  les faifoit  defloger  delà  falle. 
Cela  fait ,  il  fe  mettoit  à  fauter  fur  fes  pieds  &  mains, 
ç»  auaot,en  arrière,  d'vne  foupleffe  incroyable  >  ôc 

C    4 


40  Histoires  admirables 

grimpant  plus  vifte  contre  les  coings  &  vers  le  lambris 
de  la  fallcque  n'eiift  peu  faire  vh  fingc  .-quoi  qu'au  re- 
flc  ce  fuft  vn  ruftique  ,  puiirant,&  de  grolfe  pafte.  l'ay 
veu  par  deux  fois;,eftant  à  la  table  du  Prince, après  qu'il 
eu fl:  jette  bas  fon  nain,  Sfcliafle  de  la  chambre  tous  les 
chiens  qui  y  eftoycnt,  il  faillie  fur  les  efpaules  dVn  des 
conuiez  :  de  là,  fur  la  table  ,  fans  renuerfcr  plats  ni  go- 
belets, puis  s'cflança  de  telle  viftcflfe  vers  le  plancher, 
qu'on  euft  dit  que  c'eftoit  vn  efcuncu  ou  quelque  chat 
fauuage.Il  eftoit  couftumier  de  courir  aufTî  ville  çà  &  là 
furies  toitfts  des  tours  &  des  maifons  bafties  enpoinde, 
que  fcroycnt  nos  chats  domeiliques.Il  faifoittant  d'au- 
tres toups  de  chat  &  de  fînge,  qu'on  parloit  de  fes  tours 
endiuerslieux,comme  dochofedu  tout  extraordinai- 
re,&  non  ou ye.Ic  n'en  euHe  rien  auancé  en  ce  liure,fî 
de  mes  yeux  ie  n'auois  veu  fes  tours  de  foupplefle ,  & 
s'il  n'y  auoitencores  en  vie  beaucoup  de  perfonnes  di- 
gnes de  foy,  qui  l'ont  veu.  Quand  ie  recueilloy  mes 
mémoires  hift-oriqucs  l'an  1^-90.  il  eftoit  encores  viuant 
&  marié  Ph.Camerariué.docie  lurifconfulte  Aleman,tHjei 
méditations  hi (toriques y  chap  7  s . 

Lors  qu  vn  certain  Turc  dançoit  fur  vnc  corde  en  la 
ville  de  Paris,les  pieds  dedans  vn  baflinjplufîeurs  le  vo- 
yans  en  péril  de  fe  rompre  le  col ,  bras  &  iambes^trem- 
bloyentdepeur  ne  Tofans  bonnement  regarder  Ambr, 
Paré  au  z\.liurechapM. 

Le  plus  fçauant,  le  plusfeur,  le  mieux  aduenant  à 
mener  vn  cheual  a  raifon  ,  que  i'aye  conu ,  fut  à  mon 
gré  Monfîeur  de  Carnaualct,  qui  en  feruoit  noftre  Roy 
Henri  fécond. l'ay  veu  homme  donner  carrière  àdeux 
pieds  fur  fa  felle, démonter  fa  felle,  &  au  retour  la  rcle- 
uer,reaccomiiioder,&  s'y  raffcoirjfuyant  toufîours  à  bri- 
de aualee:ayant  pafle  par  defîus  vn  bonnet ,  y  tirer  de 
bons  coups  de  fon  arc:amafler  ce  qu'ilvouloit ,  feiet- 
tant  d'vn  pied  à  terre,(tenant  Tautreen  reftrier)&  au- 
tres pareilles  fîngeries,dequoy  il  viuoit.  //  adioufie  puis 
atres  en  peu  de  lignes, ce  que  nous  auons^defcritci  deuant 
des  Turcs  à  Confiant inople.     Et  tout  à  la  fin  :  En  mon 

Ciifan- 


^  mémorables.  41 

enfance,dit-il,  le  Prince  de  Suimone  à  Naples  maniant 
vn  rude  cheual,  de  toute  forte  de  maniemens  ,  tenoit 
fous  fes  genoux  &  fous  Tes  Grreils,dcs  reaies  comme  iî 
elles  y  euflen»:  efté  c)ouecs:pour  monftrer  la  fermeté  de 
fon  ziTiCnc.  Michel  de  Montagne  au  premier  Hure  de  fes 
E(fai4  chapitre  48. 

l'a  y  veu  feu  mon  Père  par  delà  foixanre  ans  fe  moc- 
cjuerdenos  alegreflestfe  ietterauec  fa  robbe  fourrée 
fur  vn  cheual,  faire  le  tour  de  la  table  fur  fon  pouce ,  ne 
monter  guère  en  fa  chambre,  fans  s'cflancer  trois  olU 
quatre  dcgrez  à  la  fois. Le  me/me  au  i.liu.chap.z. 


K^MBIT  ION 
ridicule. 

CE  conte  me  defpleut,  quVn  grand  me  fitd'vn  mien 
allié  homme  affez  conu  &  en  paix  &  en  guerre. 
C'eft  que  mourant  bien  vieil  en  fa  Cour ,  tourmenté  de 
douleurs  extrêmes  de  la  pierre,  il  amufa  toutes  fes  heu- 
res dernières  ,  auec  vn  foin  vehement>x-difpofer  l'hon- 
neur &  la  cérémonie  de  fon  enterrement ,  &  fomma 
toute  la  Nobleffe  qui  le  vifitoit  de  lui  donner  parole 
d'aflifter  à  fon  conuoy.  A  ce  Prince  mefme  ,  q  ui  le  vid 
furfes  derniers  traits  ,  il  fit  vne  inftante  fupplication, 
que  fa  maifon  fuft  commandée  de  s'y  trouuerremploy- 
ant  plufieurs  exemples  &  raifons  a  prouucr  que  c'eftoit 
chofe  qui  aparteaoit  à  vn  homme  de  fa  forte:  &  fembla 
expirer  content^ayant  retiré  cefte  promefTe ,  &  ordonné 
à  fon  gré  la  diftribution  &  Tordre  de  fa  monftre.  le  n'ay 
gueres  veu  de  vanité  Ç\  perfeuerantc.  Cefte  autre  curio- 
fité  contraire  ;,  en  laquelle  ie  n'ay  point  aulTi  faute  d'e- 
xemple domeftique  ,me  femble  germaine  à  cefte  ci, 
d'aller  fefoignant&paffionnant à  ce  dernier  poinâ:,à 
régler  fon  conuoy  à  quelque  particulière  &  inufitee 
parfimonie,à  vn  feruiteur  &  vne  lanterne.  M  Je  Monta" 
gneau  iMu.de /es  Ej[ati,ch.^. 


A  2,  Hïfloires  admirables 

K^PPAR  iriON 
merneïlleufe» 

VNperfonnage  digne  de  foy,  qui  auoit  voyage  en 
diucrs  endroits  de  TAfie  &  de  l'Egvpte  ,  tefmoi- 
gnoità  plu/îcurs  auoir  veu  plus  d'vncfois  en  certain 
lieujprochc  du  Caire  (où  grand  nombre  de  peuple  fe 
trouue  à  c.ertain  lonr  du  mois  de  Mars ,  pour  eftre  fpe- 
élateur  de  la  refurreftion  d,e  la  chair  ,  ce  difent-ils  )  des 
corps  des  trefpafTczjre  monihans ,  &  fe  pouflans  com- 
me peu  â  peu  hors  de  terre  :  non  point  qu'on  les  voye 
tout-entiers,  mais  tantoft  les  mains ,  par  fois  les  pieds, 
quelques  fois  la  moitié  du  corps  :  quoi  fait  ils  fe  reca- 
chent de  mefme  peu  à  peu  dedans  terre.  Plufîeurs  nç 
pouuans  croire  telles  merueilles,  de  mapart  defîrant 
en  fçauoir  depluspres  cequi  en  eft,ie  me  fuis  enquis 
d'vn  mien  allié  &  lîngulier  ami  ,  gentil-homme  au- 
tant accompli  en  toutes  vertus  qu'il  eft  pofliblc  d'en 
trouuer  ,  cfleué  en  grands  honneurs  ,  &  qui  n'ignore 
prefques  rien.  Iceluy  ayant  voyagé  es  pays  fufnom- 
mez,auec  vn  autre  gentil-homme  aufTi  de  mes  plus  fa- 
miliers &  grands  amis^nommé  le  feigneur  Alexandre 
de  SchuUembourg  ,m'a  dit  auoir  entendu  de  plufîeurs 
que  ceftc  apparition  eftoit^-chofe  tref-vraye  ,  &  qu'au 
Caire  &  autres  lieux  d'Egypte  on  ne  la  reuoquoit  nul- 
lement en  doute.  Pour  m'en  afleurer  d'anantage,  il  me 
monftra  vn  liure  Italien^imprimé  à  Venife,  contenant 
diuerfes  defcripuons  des  voyages  faits  par  les  Ambaf- 
fadeurs  de  Venife  caplufieurs  endroits  de  l'Afie  &  de 
l'Afrique:  entre  Icfquels  s'en  litvn  intitulé  Viaggio  di 
Meffer  Aluigi  di  GeouMnni,di  jilejfandria  nelle  Indie.  l'ay 
extrait  d'icelui  vers  la  fin  quelques  lignes  tournées  de 
l'Italien  en  Latin(&  maintenant  en  François  )  com- 
me s'enfuit.  Le  2j.  iour  de  Mars ,  Tan  1540.  plufîeurs 
Chrefticns,accompagncz  de  quelques  laniifaires ,  s'a- 

che- 


^memorMes.  45 

cheminèrent  du  Caire  vers  certaine  montagnette  fte- 
rile,cnuiron  à  demi  lieuè  de  là  iadis  defîgnce  pourcœ- 
niitiereaux  trcfpaiTez.-auquel  lieu  s'aficmble  ordinaire- 
ment tous  les  ans  vne  incroyable  multitude  de  perfon- 
ne«.,pour  voiries  corps mortsy  enterrez,  commefortaiis 
de  leurs  fofles&fcpulchres.  Cela  commence  le  leudi, 
&  dureiufqucsau  Samedi, que  tous  dirparoilTenr.  Alors 
pouuez-vous  voir  des  corps  enuelopez  de  leurs  draps, 
à  la  façon  antique,  maison  nelesvoid  ni  debout,  ni 
marchans:ains  feulement  les  bras,oules  cuilfes  ,  ou  au- 
tre partie  du  corps  que  vous  pouucz  toucher.  Si  vous 
allezplus loin, puisreuenez incontinent,  voustrouuez 
que  ces  bras  ou  autres  membres  paroiffent  encor  d'a- 
uantage  hors  de  terre.  Et  plus  vous  changez  de  place, 
plus  ces  mouuemens  fe  font  voir  diuers  efleuez.En  mef^ 
me  temps  il  y  a  force  pauillons  tendus  autour  de  la 
montagne.  Car&fains  &  malades  qui  vienent  là  par 
grofîes  troupes  croyent  fermement,  que  quiconque  fe 
lauela  nuift  précédente  le  Vendredi ,  de  certaine  eau 
puifeeen  vn  marell:  proche  de  là ,  c'eft  vn  remède  pour 
recouurer&  maintenir  lafanté,mais  ien'ai  point  veu  ce 
miracle.C'eil:  le  rapport  du  Vénitien.  Outre  lequel  nous 
auons  celui  d'vn  lacopin  d'Vlme,  nomméFeZ/x,quia 
voyagé  en  ces  quartiers  de  Leuant ,  &  a  publié  vnliure 
en  Alemand  touchant  ce  qu'il  a  veu  en  la  Paleftine  & 
en  Egypte.  Il  fait  le  mefme  recit.Commeie  n'ai  pas  en- 
ti-eprisde  maintenir  que  celle  apparition  foit  miracu- 
leufe  ,  pour  confondre  ces  fuperftitieux  &  idolâtres 
d'Egypte  ,  &  leur  monftrer  qu'il  y  a  vne  reliirredion  & 
vieàvenir,ni  ne  veux  non  plus  réfuter  ce]a,ni  main- 
tenir que  ce  foit  illufîon  de  Satan ,  comme  plufieurs  e- 
ftiment  :  auflii'en  laiffe  le  iugement  au  Ledeur,  pour 
enpenfer  &  refoudre  ce  que  bon  lui  fembiera.p/ï.c^- 
merarîus  3  ConfelUer  de  la  Repuhliqttt  de  Nuremberg  ,  mu  fi" 
ptantetroifiefme  chapitre  défis  miditatîons  hifioriques, 

Tadioufteray  quelque  chofe  à  ce  que  delTus,  pour 
le  contentement  des  Lefteurs.  Eftienne  Duplais ,  orfe* 
urc  ingénieux  ,  homme  d'honnefle  &  agréable  coh- 


44  Hilloires  admirables 

uerfatiorijaagé  maintenant  crenuiron  45.  ans,  tjui  a  eftc 
fort  curieux  en  fa  icunefl'cdc  voir  diuerspays,  &a  foi- 
^'ncufemencconfîderc  diucrles  contreesdc  Turquie, & 
d'Bgyptcme  fit  vn  ample  récit  de  ccfte  apparition  \'\xÇ- 
mentionnée,  il  yaplus  dcquinzeans  ,  m'aftcrmant  en 
auoir  efté  le  fpcdateur  aucc  Claude  Rocard  Apoticai- 
rede  Cably  en  Champaene,& douze  autres  Chreftiens, 
ayans  pour  truchcmanSc  conducteur  vn  orfeure  d'O- 
trante  en  la  Pouillc,nommé  AlexandreiManiotu.il  me 
difoit  d'au:uitage  auoir  (  comme aufîi  firent  les  autres^ 
touciié  diuers  membres  de  ces  rcirufcirans.  Et  comme  il 
vouloir  fe  fai/:r  d'vne  terte  cheiicluc  d'cnfa.n,  vn  hom- 
me du  Caire  sefcria  tout  haur,2C<«//,lC.«//,  antémutaraf' 
</^:c*Ci}  à  direjaiffè,  hijfe.tH  ne  fcais  que  cejl  de  cela.  Or 
d'autant  queic  ne  pouuois  bonnement  mcpcriuader 
qu'il  fuft  quelque  choie  de-  ce  qu'il  me  contoit  apporté 
de  fi  loin,  quov  qu'en  diuers  autres  recirs ,  conterez  a- 
uec  ce  qui  fe  lit  en  nos  modernes,  icl'eufre  toufiours 
trouué  fimple  &  verirable,nous  dcmeurafmes  fort  lôg- 
temps  en  cefte  oppofition  de  mes  oreilles  à  fcs  yeux, 
iufques  à  l'ani59i.queluy  ayant  raonftré  les  Obferua- 
tions  rufmenrionnccs  duDofteur  Camcrarius  :  Orco- 
gnoiirez-vous(me  dit-il)  maintenant  queie  ne  vousay 
point  conté  des  fables.  Depuis ,  nous  en  auonsdeuifé 
maintesfois  ,  auec  esbahiflcmcnt  &  rcuerence  de  la  fa- 
gelTe  diuine.Il  me  difoit  li  deiTus  qu'.n  Chrtllien  ha- 
bitant en  Egyptclui  a  raconté  par  drucrfes  fois  ,  fur  le 
difcours  de  ccfte  apparition  ou  refurrecflion, qu'il  auoic 
aprins  defon  aycul  &  percque  leurs  anceftres  recitoy- 
enr,rayant  receu  de  longue  main  ,  qu'il  y  a  quelques 
centaines  d'années, que  plufieurs  Chreftiens,  hommes, 
femmes, enfans,s'eftans  alfemblez  en  cefte  montagne, 
pour  y  faire  quel']ue  exercice  de  leur  religion  ,  ils  fu- 
rent ceints  &  cnuironnez  de  leurs  ennemis  en  tref- 
grand  nombre  (la  montagnccte  n'ayant  guercs  de  cir- 
cuit )  left]ucls  taillèrent  tout  en  pièces ,  couurirent  de 
terre  ces  corps, puisfe  retirèrent  au  Caire.  Que  depuis, 
cefterefurrcdion  s'eft  demonftree  l'efpace  de  quelques 
iours  deuant  &  après  celui  du  maflacre.  Voila  le  fom- 

maire 


^  mémorables,  45 

maire  du  difcours  Q'£l>icnne  du  Plais,  par  lui  confirmé 
&  rtnouucllé  à  la  fin  d'Auril  idoo.queic  defcriuois  ce- 
fte  hiftoircà  laquelle  ne  peut  prciudicier  ce  que  recite 
Martin  de  Baumgartenen  fin  voyage  d! JE^ypte  ,  fa'iEï  Can 
^oy.  pt4Ùltépar/esJf*cceJfeurs  j  f;^tmprime  à  Nuremberg 
l'an  i5i^4.Car  au  i8.chap.du  i.liu.  il  dit  que  ces  appari- 
tions fe  font  en  vne  mofquee  de  Turcs  près  du  Caire. 
Il  y  a  faute  en  Texemplairc  :  &  faut  dire  Colline  ou 
Mont2gnette,non  à  la  riue  du  Nil.comme  efcritEaHm- 
garten,  mais  à  demie  lieuèloin,  ainfî  que  nous  a- 
uons  dit. 


AP  PARiriON S 
Sataniques, 

Lorsque  i'eftudiois  en  droit  en  TAcadcmie  de 
VVitemberg,j'ay  ouyfouuent  réciter  an: es  prece- 
ptcurs,quVn  iour  certain  vcftu  d'vn  habit  eftrange  vint 
heurter  rudement  i  la  porte  d'vn  grand  Théologien, 
qui  lorslifoiten  icelle  Académie,  &  mourut  Tan  154^. 
le  valet  ouure  &  demande ,  qu'il  vouloit  ?  Parler  à  ton 
maifl:re,fit-il.  Le  Théologien  le  fait  entrer  :  &  lors  ceft 
eftranger  propofe  quelques  queftions  furies  contro- 
uerfes  qui  durent  pour  le  fait  ce  la  Religion.  A  quoi, le 
Théologien  ayant  donné  prompte  folutionji'cftranger 
en  mit  enauant  de  plus  difficiles,  le  Théologien  lui 
dit,  Tu  me  donnes  beaucoup  de  peine  :  car  i'auois  de 
prefent  autre  choie  à  faire;  &  la  defl us  fe  leuant  de  fa 
chaire ,  monftre  en  vn  liure  rexpofition  de  certain  paf- 
fage  dont  ils  debatoyent.  En  ceil:  eftrif  il  apperçoit  que 
Tcrtranger  auoit  au  lieu  de  doigts  des  patres  &  griffes, 
comme  d'oiîeau  de  proye.  Lors  il  commence  à  lui  dire. 
Eft-ce  toy  donc  ?  Elcoute  la  fentencc  prononcée  contre 
toi:(lui  monftrant  le  pafî'age  du  troifiefme  chapitre  de 
Genere)la  femcnce  delà  femme  briléra  la  tefte  du  Ser- 
pent II  adioufta,Tu  ne  ne  us  engloutiras  pas  tous.  Le 
malin  efprit  tout  confus,  defpité  &  grondant,  difparuc 
auec  trefgrand  bruit,  laiffant  fî  puante  odeur  dedans  le 


4^  HiJIoires  admirables 

poiflcqu'il  s'en  fcntir  Ljiiclc|ues  iours  aprcs ,  &  verfa 
de  l'encre  derrière  le  fourneau.  leanGtorge  G<^ddinutiy 
DoSlenr  en  droicî  a  Rojioch  ,  an  traité  de  Ma^is  y  yenepcus^ 
L  Amis.^c. Hure  premier  jihap.'^» 

En  h  ville  de  Friberg  en  Mifne,le  Diable  fe  prefen- 
ta  en  forme  humaine  à  vn  certain  malade,  luy  mon- 
trant vn  liure,  ScTexhorcanc  dénombrer  les  péchez, 
dont  il  le  fouuicndroitj  pource  qu'il  vouloit  les  mar- 
quer en  ce  liure.  Du  commencement  le  malade  de- 
meura comme  muet  :  mais  recouurant  &  reprenant  Tes 
efprits  il  refpond  ,  Oeft  bien  ditjc  vay  te  defchifrer 
par  ordre  mes  péchez.  Mais  efcri  au  \defl'us  en  groflc 
lettre  ces  mots,la  femence  de  la  femme  brifera  la  teftc 
du  Scrpent.LeDiablCjOyant  ceftc  condamnation  fien- 
ne  s'enfuit,  laillant  la  maifon  remplie  d'vne  extrême 
puanteur.Lrf  mejme. 

L'an  mil  cinq  cens  trente  quatre,  M.  Laurent  Toner 
paftcur  en  certaine  ville  de  Saxe  ,  vaquant  quelques 
iours  deuant  Pafques  à  conférer  auec  aucuns  du  lieu, 
félon  la  couftume  ,  des  cas  diuers  &  fcrupules  de  con- 
fcienccSatan  en  forme  d'homme  lui  apparut  &  le  pria 
de  permettre  qu'il  communiquaft  auec  lui  i  fur  ce  il 
commence  à  dcfgorger  des  horribles  blafphemes  con- 
tre le  Sauueur  du  monde.  Toner  lui  refifte  ,  &le 
réfute  fi  courageufement  par  tcfmoignages  formels 
recueillis  deTEfcriture  fainfte,  que  ce  malheureux 
efprit  tout  confus ,  iSiflantla  place  infeftee  de  puan- 
teur  infupportable  s'cfuanouit.  loh  Fincd  at*  premier  li^ 
me  des  7niracles, 


A  P  P  A  R  I r  I  ON  s 

diuerfes  en  l'air. 

*An  mil  cinq  cens ,  l'on  vid  en  Alface  près   de  Sa- 
rfuerne  vnc  :elte  de  taureau ,  entre  les  cornes  de  la- 


drmemorahks.  47 

quelle  eftincelloit  vnc  fort  grande  eftoile. 

En  la  raefme  année  le  vingtvnicfme  iour  de  May 
fur  la  ville  de  Lucerne  en  Suifl'e  fe  vid  vn  Dragon  de 
feu,  horrible  à  voir^de  la  grolTeur  d'vn  veau;&  de  dou- 
7  e  pieds  de  long,lequel  vola  vers  le  pont  de  la  riuierc 
de  Rufs  qui  y  palle. 

L'an  mil  cinq  cens  trois,en  la  duché  de  Bauferc,  fur 
vne  villette  nommée  Vilfoc  fut  veu  vn  Dragon 
couronné  ,  &  iettant  des  flammes  de  feu  par  la 
gorge. 

Sur  la  ville  de  Milan  ,  en  plein  iour,le  ciel  net  &  fe- 
rain ,  furent  veuè's  plufîeurs  elloiles  merueilleufement 
luilantes. 

Au  commencement  de  lanuier  Tan  1514.  enuiron  le$ 
huiél  heures  du  matin  ,  en  la  Duché  de  Vvitemberg 
furent  veus  trois  foleils  au  Ciel.  Celui  du  milieu  e- 
ftoit  beaucoup  plus  grand  que  les  autres.Tous  les  trois 
portoyent  la  figure  d'vne  longue  efpee  ,  de  couleur 
îuifante&  marquettee  defang,  dont  les  poindes  s'e- 
ll:endoyent  fort  auant.Cela  auint  le  douziefmc  iour  du 
mois.Le  lendemain  fur  la  ville  de  Rotvil  on  vid  le  So- 
leil montrant  vne  face  effroyable ,  enuironné  de  cer- 
cles de  diuerfe  couleur.  Deuxioursauparauant,  &  le 
dixfepticlme  de  Mars  fuiuant,  furent  veus  trois  So- 
leils:&  trois  Lunes  aufli  ronziefme  delanuier  &  le  ài-a^ 
fcptiefme  de  Mars.  lacques  Stopel  medecm  de  Mem- 
minge  fit  vn  ample  difcours  &  prognoftic  fur  fes  ap- 
paritions,fuiuies  de  grands  troubles ,  notamment  en 
Suaube. 

L'an  mil  cinq  cens  dixfept,  le  iour  de  Noel,es  cnuf- 
rons  de  TAbbaye  de  Vinaire  en  Saxe,  fur  la  minuid,  le 
Ciel  eilant  defcouuertSc  cler^fut  veuë  au  ciel  vne  croix 
de  couleur  roufaltre. 

Au  mois  de  Septébre  l'an  ^^oXon  remarqua  à  Vien- 
ne en  Auftriche  diuers  prodiges  au  cieL  Lepremier 
iour,d€puis  trois  heures  après  midi,  iufques  a  cinq ,  le 
Soleil  fut  veu  enuironné  de  deux  grands  cercles.  Trois 
iours  après  enuiron  vne  heure  après  midi ,  Ton  vid  vne 
torche  ardante.  Le  cwqmdme,  au  matija  «ois  foieiis 


4^  Hifloires  admirables 

apparurent  auec  pluficurs  arcs  en  ciel  de  diuerfes  for- 
tes. Le  fixiefmcj  cnuiron  neuf  heures  du  foir ,  la  Lune 
aparut  pleinement  traucrfce  d\  ne  croix  en  la  face ,  en- 
clofc  en  vn  cercle  ceint  au  dcifus  d'vn  grand  demi-cer- 
cle Au  point  du  fepticfme  iour,  furent  encore  veus 
trois  foleils  :&  depuis  fîx  heures  iufques  à  fept  l'arc  en 
ciel  auec  trois  lunes.  Pamphile  Gengenbach  fit  tailler 
ces  météores  prodigieux,  &  en  publia  vn  difcoursen- 
uoyé  à  l'Empereur  Charles  V. 

En  la  mefmc  année  les  bourgeois  de  Vviflreinbour£;, 
ville  afTîfe  au  bord  du  Rhin,  entendirent  vn  iour  en 
plein  midi  bruire  eflrangement  en  Tair  vn  horrible  cYu 
cjuetis  d'armes,  &  des  courfes  de  gens  combatans  & 
crians  comme  en  bataille  rangée.  Ce  qui  donna  telle 
efpouuanre,  que  tous  coururent  aux  armes  ,penrîms 
que  la  ville  fuft  afriegee,&  que  les  ennemis  fuflentpres 
des  portes. 

Lors  que  l'Empereur  Charles  V.  fut  couronné  en  la 
ville  d'Aixla  chapelle, on  vidle  Soleil  enuironnéid'vn 
pr:md  cercle,  auec  vn  arc  en  ciel.  En  la  ville  d'Erford 
furent  vciis  trois  foleils.Outrc  plus  vn  cheuron  ardant 
terrible  à  rcgarder,a  caufe  de  fa  maffe  &  longueur.  Ce 
cheuron  baillant  en  terre,y  fift  vn  grand  degaft:puis  re- 
montant en  l'air  fe  conuertit  en  forme  de  cercle. 

lob  Fincel  en  fon  recueil  des  merueilles  de  noflre 
temps,re marque  que  l'an  151^.  vnpayfan  de  Hongrie 
faifant  quelque  voyage  auec  fon  chariot,  fut  furpris  de 
la  nuiCt  &  contraint  demeurer  en  la  campagne ,  pour  y 
attendre  le  iour.  Ayant  dormi  quelque  temps  il  fe  rep 
ueillcaiefccnd  du  chariot  pour  fe  promener  ,  &  regar- 
dant en  haut  vid  en  l'air  les  femblances  de  deux  Prin- 
ces combatans  auec  les  efpees  es  mains  l'vn  contre 
rautre:Il  y  en  auoit  vn  de  haute  taille  &  robufte  :  l'au- 
tre cif  oit  plus  petit ,  &  portoit  vnc  couronne  fur  la  te- 
•fte.Le  grand  mit  bas  &  tua  le  petit,  puis  luy  ayant  ofté 
Ja  couronne  la  ietta  comme  contre  terre  ,  tellement 
qu'elle  fut  defpecce  en  diuerfes  pièces. Trois  ans  après 
Ladiflas  Roy  de  Hongrie  fut  tué  en  bataille  par  les 
Turcs. 

Au 


C^  mémorables  6  49 

Au  mois  de  May  de  la  mefmc  anncc  furent  veus  trois 
Soleils  &diucrs  cercles  cntremcflcz  à  Zurich  en  SuifTe; 
Deux  ans  après ,  peu  auant  la  desfaite  du  Roy  de  Hon- 
grictrois  autres  Soleils  furent  veus  auiTi  en  Hongrie: 
c]u^aucuns  interprétèrent  fîgnifier  que  Ferdinand  depuis 
Roy  des  Romains, le  Vaiuode  Iean,&  le  Turc,auroyonr 
guerre  enfemble  pour  le  Royaume. 

En  Tan  1525.  fut  vcu  en  Saxc,enuiron  le  temps  au  ixcC- 
pas  de  rElcfteur  Frédéric  ;,  furnommc  le  fage ,  le  Soleil 
couronné  dVn  grand  cercle  entier  &  tout  rond  ,  refem- 
blant  en  couleur  l'arc  cclefte.  Au  mois  d'Aouftdela 
mc.rme  année  le  Soleil  femonftra  refpnce  de  c|uelqucj< 
ioursainfî  qu'vne  groile  boule  de  feu  allumée,  &  de 
toute  autre  couleur  que  rordinairc.  S'cnfuiuit  toil  a- 
prcs  la  fcdition  des  payfans  en  Alcmagnc. 

L'an  1525.  près  de  KaufFourem,  ville  renommée  cii 
Suaube,  on  vid  trois  Soleils  eneourez  de  plufïeurs  cer- 
cles. Pource  qu'il  a  e-fté  défia  parlé  piufîeurs  fois,  &  fera 
encore  de  l'apparition  de  trois  Soieils,qu'on  appelle  Pa- 
rclies,  ie  ferai  vne  digrefllon  ,  pour  dire  que  c'eft ,  leur* 
génération  ou  fignification.  Autour  du  feul  vrai  Soleil 
créé  de  Dieu  ,  &  failant  en  Ton  ciel  au  milieu  àcs  cicux 
des  C\\  autres  planettes ,  le  cours  qui  lui  eil  prefcrit ,  pa- 
roiflent  es  nuées  des  fplendeurs ,  qui  en  clarté  &  figure 
rcfl'emblent  proprement  au  foieil  :  tellement  qu'à  peine 
peut  oii  difctrner  le  vrai  d'auee  ces  apparcns ,  nommez 
Parelies,  ^%*  «"/iG^comme  qui  diroit,pres  ou  vis  à  vis  du 
Soleil.  Carrelles  images,  refplcndifiantcs  &  formées 
comme  le  Soleiljfcmblent  vis  avis  de  lui,côbien  qu'el- 
les foyent  pinceurs  milliers  de  lieues  au  dcfibus.  Carie 
Iblcil  eft  au  milieu  des  cieux  des  phnere£:&  les  parelies 
font  en  l'air.  Quelquesfois  aufii  par  ce  nom  font  enten- 
dues les  fcmblanccs  de  la  lune.  Et  quand  elles  fe  font, 
Pline  dit  qu'on  les  appelle  Soleils  noclurnes.Lcs  folaires 
ne  fe  font  que  de  icur.  Les  lunaires  ^a.ai>bJ'j.i  de  nuicft. 
C'eft  chofe  certaine  qu'ils  fe  font  es  nuecs  ,  non  pas  éii 
cieux  qui  ncpeuuentreceuoir  telles  imprefilons,  à  cau- 
fc  de  leur  ténuité  &  tranfparence  continue&  non  tcr^ 
minec.    Or  faut-il  qwe  toute  figura  foie  receue  en  vu 


jô  Hijlûlres  admirabUs 

corps tcrminépaicjLiclcjut  moyen  c|ueccroit.  Lcscho- 
fes  c|Ui  fc  fontes  cieux  durennau  contraire  Icsparelies 
s'c-ruanouiflencbien  toit.  Aufiinefc  ront-ilspas  en  Tait 
/impie,  qui  eli  tranlp-arcnr  &  non  limité.  Neantmoins 
ils  aparoi fient  en  Ta-r,  c;uj  eft  l'hofte  des  cxhalaifons 
&  nuages.  D(  nt  s'«  nlujt  que  les  parelies  le  font  ev 
Miices.  tn  après,  il  faut  que  la  nuée  ou  ils  fe  font  foitvn 
peu  erpaiMe,ergaJc,humi(ie,af:n  que  ce  foitvncorps  au- 
quel fepuiiîe  enipraindrerimage  du  Soleil  ou  de  laLu- 
ne,  &L  d'vne  erpaifieur  médiocre  s  pource  que  fi  ellel'c- 
ftoit  trop  elle  ne  pourroit  rectuoir  celle  empreinte. 
AufTi  doit-elleertrevnrc?  comme  font  les  miroirs  :  au- 
trement lareprelcntation  ne  s'y  pourroit  fairerEthumi- 
dc,afin  quebrplendeur&lafembîance  y  pénètre, pour 
€n  faire  réflexion.  Telles  images  ne  peuuent  cftrere- 
ceucs qu'en  vn  corps  tranfpnrent.  Outre  plus,ceftenucé 
doit  eftre  oppofet  au  Soleil,  pour  enreceuoir  Strepre- 
fentcr  toutelaface,laquellc  n'aparoiftroitqu'i  demi,  il 
ellecftoit  de  cofté  :  ou  point  du  tout,  file  Soleil don- 
noità  plomb  delTus  lanuee.Itemla  réflexion  des  rayons 
y  cil  neceiTaire.  Car  s'ils  tranfperçoyent  la  nuce,  nulle  i- 
mage  n'aparoiftroit.  Ilconuient  aulîi  qu'alors  l'air  l'oit 
coyj&  nullement  agité.  Car  fi  les  \cnts  fouffloyent,  la 
nuecferoitesbranlee  ,  &  par  conibquent nullement dif- 
|)ofeei  receuoir  telle imprefi":on.  Comme  vous  ne  pou- 
uez  voir  l'Image  de  voflre  face  es  vagues  d'vn  torrent, 
ou^  bien  en  vnc  eau  coye ,  laquelle  terminée  dedans  vn 
baflln  ou  autre  vaificau  ,  Ç\  le  foleil  luifant  frappe telle- 
mcnr  qu'il  y  air  réflexion  de  rayons,  vous  voyez  la  fem- 
blance  du  foleil  en  celle  eau  ,  tout  ainfi  que  dedans  vn 
miroir.  Le  mefme  fe  fait  en  la  nuée  compofee  d'eau 
comme  dit  a  eOé.  Narurelkment  ces  parelies  font  pro- 
gnoiliques  de  pluye^rpoin-cc  qu'ils  ne  Te  forment  qu'en 
nuces  moyennement  efpai'ies.  Or  telles  nuées  font 
matière  pour  lapluye.  Supernaturcllcment ,  ce  fonta- 
uai. coureurs  des  iugemens  de  Dieu ,  chaftiantlc  monde 
pa  p elfes, guerres,  famines: comme  on  voideftrcauenu 
ce  noftre  temps,  non  moins  qu'anciennemcnr, 
inlamcûneanntîc;  J5i7.fuç  çucçiWu  vn  grand  bruit  en 

l'aio 


tjT  memorMes*  5t 

Tair ,  comme  de  gens  armez  ,  &  qui  fe  cîonnoycnt  ba- 
taille. Toft  après  le  Soleil  luifant  en  temps  ferain  a- 
parut  foudainemenc  ènuironné  d'vn  grand  cercle  né- 
buleux. 

L'an  mil  cinq  cens  vingthùift ,  enuiron  ïa  mi-May 
f:ir  la  ville  de  Zurich  frircht  veus  quatre  partlies  enui- 
tonnez  de  deux  cercles  entiers  &  le  SoJtiI  entoure  de 
quatre  petis  cercles.  Aii  mcfme  an  la  ville  d'Vtrecht  t- 
ftroittement  afllegee,  &  finalement  prinfe  par  les  Bout- 
guignonsjappritut  en  Tair  vn  progholHc  de  ce  malheur, 
dont  les  habîtans  furent  aufii  mcrucil'eufemenr  elton- 
nez.  C'eft  à  fçauoir  vne  grande  croix  qu'on  lurnomme 
dt  Saind  André,  laquelle  elloit  de  couleur  blafarde,  & 
hideuleà  voir. 

Enuiron  dix  heures  de  nùiâ:  à-\x  neuf  èfn-îe  de  lanuicr 
15x9.  futveueén  Alemagnevne  ouuertiire  au  cicLdef- 
crite  par  louianiîs  Pontanus  en  Tes  météores.  Deux  ans 
après,  fur  Lisbonne  en  Portugal  furent  veucs des  apa- 
renccs  de  feu  &:  fanglantes  au  cieî,&  toft  après  tombe- 
ront force  gouttes  de  fang  des  nuecs  en  terre. 

L'onziefme  iour  d'Auril  mil  cinq  cens  trente  deux, 
cTiuiron  fept  heures  du  matin,furent  veus  à  Vcnife  trois 
foleilsluifans  &  diftiads,  auéc  deux  arcs  en  ciel ,  oppo- 
fczau  Soleil.  Lepremier  ne  dura  guercsje  deuxieline 
plus  petit  fe  maintint  lufques  furies  neuf  heures,  Tvn  e- 
iloit  tout  rond  comme  vrie  couronne,  le  vray  foleilau 
p'iilieu,&  les  dcuAparelies  fur  les  bords  vis  à  vis  :  l'autre 
?;rc  à  la  couflume  par  dcflus  cefte  couronne,  fortample, 
&  dont  les  deux  bouts  eftcycnt  ergalcment  diftans  de  la 
terre.  Les  parclies  eftoyent  fi  refpIendiiTansquela  veuë 
nepouuoitles  porter,non  plus  que  la  clairre  du  vray  fo- 
lèil:  mais  celui  du  collé  gauche  veisle  raidi  refplendil- 
foitplusquerautrc,TegardaritauScptentrion,requel  en 
efchangc  dura  vn  peti  d'auanrage ,  i^  fût  plus  luilantfur 
le  déclin.  Ils  cftoient  rougeaftrc.s,eftendans  leurs  rayon* 
fort  auant  en  rair,&  iufques  à  terre. 

Sur  la  fin  du  mefme  mois  d'Auriï  audit  an,  vn  grandi 
cercle  blanc,luirant  comme  criftal,enuironnantle  Soleil 
'tfoïi  leuer,futyeuen  SuifTc,  En  pluiîeurs  Prouùfcts  4^ 

D  ?, 


5^  Hiftoires  admirables 

rEuroperoinid  des  Dragons volans  en  l'airpargron. 
les  troupes  ,  quclc]ucs  fois  iufques  au  nombre  ie 
«quatre  cens,  ayans  tous  des  couronnes  royales  fur  la  te- 
li[ci&  les  telles,comme  celles  des  pourceaux.fur  tout  au 
regard  du  groin. Ceux  de  Munltercn  Vvefphalic  virent 
en  plein  iour,  le  ciel  cftant  clair  &  fercin ,  vn  Cl.cualitr 
tout  armé  courant  en  Tair. 

Le  grandcommandcurde  Malte  fit  pubb'er  Tan  1531. 
par  toute  Tturope ,  vne  aparition  mcrueiUeufe  auenue 
en  Aflyrie,celle  année  mefme  dont  le  fommairc  eft  tel. 
Enuironle  rcptiefmeiour  de  Mars,vncfemmenommce 
Rachiene  ,  d'entre  le  vulgaire  ,  accoucha  d'\  n  beau  tîls 
qui  auoit  les  yeux  cllincellans  &  les  dents  luifantes.Au 
mefme  inftant  qu'il  nafquit ,  le  ciel  &  la  terre  furent  c- 
ftrangemcntenncusje  Soleil  apparut  luifant  à  minuid 
comme  en  plein  midi  :  &  en  plein  iour  dcuintfi  tenc- 
breux,que  depuis  le  matin  aufoir,  l'on  ne  vid  goutte  en 
tout  ce  pays  là.  Puis  après  il  fc  monl1:ra,mais  d'autre  h- 
gure  que  de  couftumc  auec  diuerfes  eitoilcs  nouuellcs> 
errantes  çà  &  là  au  ciel.  Sur  la  maifon  en  laquelle  naf- 
quit ceft  enfant,  outre  quelques  autres  prodiges  tomba 
le  feu  du  ciel,  qui  tua  des  pcrfonncs.  Apres  l'eclypfe  de 
Soleiljfuruint  vne  horrible  tempefte  en  Tairtpuis  il  tom- 
ba des  perles  du  ciel.  Le  lendemain  on  vid  a  oler  vn  dra- 
gon cnfiamme  par  tout  ce  climat.  Dauantage  vne  nou- 
uelle  montagne  plus  haute  que  nulle  autre  aparut ,  la- 
quelle fe  fendit  incontinent  en  deux  parts  &  au  milica 
d'icelles  fut  trouueevne  colomne,oii  elloit  certainecP 
criture  en  grec, portant  que  la  fin  du  monde  aprochoir, 
puis  fut  ouye  vne  voix  en  l'air  exhortant  chafcun  à  fe 
prepaicr.  L'enfant  ayant  vefcu  deux  mois,commencc  à 
parler  en  homme  d'aage,  &  par  diuerfes  illufions  fcmet 
en  crédit  ,  iufques  là  qu'il  ,fut  reueré  &  adoré  comme 
Dieu  ,  fe  dcfcouurant  élire  vn  malin  efprit,qui  eut  Vne 
merueilleufe  efficace  d'erreur  en  tous  c^ s  pays  là. 

Près  de  luban  ville  de  Lufatie ,  furent  veus  au  ciel 
ferein  &  coy,  le  lendemain  de  Pentecolle,  i535.enuiron 
deux  heures  après  midi ,  des  troupes  armées  s'auan- 
^ans  du  Septentrion  à  la  partie  oppofite  ,  &  ouit-on 

des 


^mémorables.  55 

-des  cris  en  l'air,  comme  de  gens  mcflcz  au  combat.  Sur 
la  ville  de  Viiiaire  en  Saxe  furent  veus  trois  chcurons 
de  feu  en  rair:&  le  iour  précèdent  la  prinfc  de  Muntter, 
aparutfur  la  ville  en  temps  defcouuert  vne  croix  &  vne 
clpee  nue. Sur  la  fin  de  luillct  en  la  mefme  annee,es  en- 
uirons  de  Zurich  en  Suifle ,  furuint  vne  furieufe  &  pa- 
rauant  non  ouye  tourmente  en  l'air,  lors  tout  en  feu, 
iointc  à  des  tonnerres  du  tout  horribles.  Il  tomba  de 
l'air  en  terre  des  flammes  ardantes  fort  fpacieufes  ,  qui 
bruflerent  entièrement  cmq   maifons  auprès  d'Adel- 
finge.  Ce  mefmc  mois, comme  les  habitans  de  Smelvvic 
clloient  en  leur  Eghfe  à  leurs  dénotions  deuant  difner, 
vne  clairté  merueilleufe  du  ciel  aparut  tout  à  coup; 
puis  la  fouldre  furuint,  qui  tua  deux  hommes,  &  de  l'ef- 
fort de  fon  exhalaifon  en  ietta  par  terre  trente  autres  à 
demi-morts,  ayantbruflé  tousleurshabillemens.  Mais 
les  corps  furent  garantis,  &  eurent  plus  de  peur  que  dç 
mal. 

Lefepticfmeiour  deFcurierif^^.  cnuiron  deux  heu- 
res après  minuid  ,  furent  veus  au  ciel,  fur  vn  quartier 
d'Efpaigne ,  deux  hommes  armez ,  &  çourans  fus  l'vn  à 
l'autre  auec  TePpee  au  poing,  l'vnportoit  au  bras  gau- 
che vne  rondelle,  où  eftoit  peint  vn  Aigle  auec  ce  mot 
autour,  Regnaho  ,  c'cft  à  dire  ,  le  re^ncay.  L'autre  auoit 
vn  grand  bouclier  auec  vne  cftoille  &'  vn  çroiflant,  & 
ceftc  infcription  Régnant,  c'cÛà  duc,  iayre<^né.  Celui 
quiportoit  l'Aigle  renuerfa  l'autre.  Pareil  combat  fut 
vei*  en  Hongrie,  vingt  ans  après,  que  nous  marquerons 
en  fon  ordre. 

En  l'an  1537.  le  premier  iour  de,  Fcurier  fut  vcu  en  I- 
talic  vn  aigle  volant  en  l'air,  portant  au  pied  droid  vne? 
bouteille,  &  au  gauche  vn  Icrpent  entortillé,  fui ui  dVn 
nombre  innombrable  de  pies.  Au  melmc  temps  fut  veue 
audl  en  Tair  vne  croix  Bourguignonne  de  diuerfes  cou- 
leurs. Qu^inze  iours  auparauant,  fut  veue  en  Franconie 
entre  Pabenberp  &  la  foreft  de  Turingc ,  vne  cftoile  de 
grandeur  merueilleufe ,  laquelle  s'eftant  abaiflec  peu  i 
peu,  fe  reduifit  en  forme  d'vn  grand  cercle  blanc,  dont 
cpll  après  fortirent  des  îourbillons  de  venr,  6c  des  towW 


j  ^  Hijloires  admiraf?les 

fes  defcu,  qui  toinbans  en  terre  firent  fondre  des  poin- 
tes de  picques  ,  fers  &  mords  de  chenal  fans  oftcnfer 
homme  ni  édifice  quelconque. 

L'an  1538.  furent  yeiis  en  l'iiir  fur  diuers  endroits  d'A- 
Icmagne  ,  des  hommes  armez  ,  cpmbatans,  Sccomme 
s'entretuans.  Vers  Orient  luifoit  vnc  el^oile  de  gran- 
deur non  acouftumec  ,  ayant  les  rayons  rouges  comme 
fang,&:pres  d'icelle  vne  croix  toute  fanglantc  ,  &  vn  c- 
ftendard  volant  en  l'air.  Deux  ans  après  futveucvne 
autreei^oile  fortrefplcndifîante  dedans  la  nuée,  com- 
meraubeduiourparoifî'oitlez^.  de  Décembre.  Le  len- 
«îemain  fortirent  delà  Lune  dpux  eftoilcs  cftinçellantes 
&  luifantesà  mcrueilles. 

Onvidrani54i.  trois  Sokils  embraffez  d'yn  arc  eri 
ciel.  L'an  fuiuant  furent  veucs  fur  le  pays  de  Saxe  des 
ver£;cs&  flambeaux  dcfcu  en  l'air.  L'an  1544.  Ie7.  iour 
d'A\irilàS.heurcsau  foir ,  le  ciel  eftant  fort  defcouuert 
futveue  fur  vnc  vilette  de  S uiffe  nommée  VVyl,  c^ 
Turgau  ,  dedans  la  face  de  la  Lune,  vne  croix  blanche, 
fortiuifante  ,  &  dont  Jes  quatre  bouts  paffoyent  beau- 
coup (nommément  celui  d'embas)  hors  de  celle  face  de 
Lune.  Deux  iours  après  fut  veufurvnc  autre  vilette  en 
Suiffc,  vnp  heure  dcuant  midi,  le  temps  eftantfort  clair, 
yn  ^rand  ceiçlc  blanc,  oC  luifaut,  dont  le  centre  depuis. 
ja  parrie  droite  lufques  à  la  partiç  gauche  citoit  occupé 
del'arcen  ciel,  félon  qu'il  aacoullunié  defe  monftrcr. 
Ce  cercle  tournoya  4.  heures  durant  droit  au  deuant  dii 
milieu  du  rond  du  Soleil. 

Le  ZQ.  lourde  Mars,  1Ç45.  enuiron  les  huiâ:  heures 
du  matin  çheut  es  enuirons  d^  Cracouie  vn  efclat  de 
fouldre  après  vn  tonnerre  fî  impétueux  ,  que  toute  U 
JPoloîzneenfutefmeuc.  Incontinent  aparuientau  ciel 
tTois  croix  rouflalhes,  eiitre  lefquellcs  ello:t  vn  hom- 
nie  armé  de  toutes  pièces  ,  lequel  auec  vne  cfpce  ar- 
dantecombatoit  vne  armée  laquelle  ildcsfit:&la  dclfus 
ïuruint  yn  horrible  Dragonlequpl  engloutit celt  h om- 
•me  vidorieux.  Incontinent  le  ciel  s'ouurit  comme 
rfiut  CI)  feu  ,  &  fut  ain/î  yeu  Tpfpacc  d'vne  tonne 
liciire.  Puis  aparurcm  trois  'arcs  en  ciel  auec  leur; 
■  '    '  ■  codeurs 


cjrmeworahles,  55 

touteurç  acouftumccsjlur  le  plus  haut  cîcrqueis  eftoir  la 
forme  d'vn  Ange,comme  on  le  reprefenre  ,  en  figure  de 
feune  homme  qui  a  des  ailes  aux  efpaulcsjtenant  vnSo- 
leil  en  l'vne  de  ces  mains;,  vne  Lune  en  l'autre.  Ce  deu-» 
xiefmefpci^acle  ayant  duré  demie  heure  en  prefence  de 
tous  ceux  qui  voulurent  le  voir ,  quelques  nuées  s'efle- 
uerent  qui  couurirent  ces  aparences. 

En  labalTe  Hongrie  futveuTan  1^46'.  l'elpace  d'v- 
ne  heure  entière  le  ciel  s'ouurir,  dont  vne  fort  grande 
abondance  de  feu  cheuten  terre,  deflus  cefeu  apparue 
vn  bœuf  noir,  lequel  fembloit  piller  du  feu.Deifus  BcU 
gccn  ville  de  Mirne,&:  le  pays  Girconuoifin,futveue  vne 
autre  ouuerture  de  cicHaq-oelle dura  i. heures  de  nui<5t> 
ledixiefme  iourde  Feurier;,  &  cnuoya  ces  rayons  iuf- 
ques  en  terre.  Au  mefmG  temps  furent  veus  trois  che- 
urons  enflammez  ,  &  de  diucrfcs  couleurs  ,  errant 
en  Tair. 

En  Tan  mil  cinq  cens  quarante  fepc  ,  onviddefFus- 
Halberftad  en  Saxe ,  vne  boule  noire  partant  du  milieu 
de  la  Lune,&  courant  impetucufementvcrs  \c  Septen- 
trion. Le  quinziefme  lour  de  Décembre  au  mcfme  an, 
les  mariniers  de  Hambourg  aperceurent  en  Tair  à  la 
minuiâ:  vn  globe  ^rdant  &  luifant  comme  le  Soleil, 
roulant  vers  la  partie  Méridionale,  les  rayons  duquel 
elfoyentfi  chauds,que  les  paffagers  ne  pouuoyét  durer 
dedans  les  Nauires  :  mais  furent  contraints  fe  cacher  & 
mettre  i  couuert  ,  cuidant  que  leurs  yaillcaux  deul- 
fcutbrufler.  L'on  y\à  aufli  en  Tair  au  pays  de  Suifle 
deux  armées  attaquées  au  combat.-itcm  deux  lions  ram- 
pans  pour  s'cntredeichirer ,  dontl'vn  arracha  des  dents 
la  telle  à  l'autre.  Delfus  eux  paroiiToit  vne  croix  blan- 
che eif  édue  en  long,iiyanr  le  bout  d'embas  forme  com- 
me vn  fouët.Cefte  mcime  aiincclc  douzième  lourd' A- 
uril  &  l.es  deuxluiuans,  toli  après  midi,  le  Soleil  fut  vett 
en  fon  ciel  comme  vn  globe  de  feu  ,  &  en  plein  lour 
les  eftoiles  aparurent.  Dix  lours  après ,  qui  elloit  le  Z4. 
on  vid  en  SaxcThuringe,  Suifle,  France  &  Angleterre, 
le  foleil  d'vne  facefombre  &  fanglàte,rerpace  de  4.  heu- 
r£s,au  grand  eitgnneméc  df  pluficurv.il côtinua  en  ccft 

O    4 


5^  Hijloires  admirables 

eftat  quelques  autres  iours  fiiiuans.  Leiour  ifOfto»- 
bre  ruiuant,enuiron  les  7. heures  du  matin ,  fut  veue  au 
pays  de  Saxe  la  forme  d'vne  bière  de  trerpaHe  couuertc 
d'\n  drap  noir  ,  chamarré  d'vne  croix  de  couleur  roul- 
fc,  précédée  &  fuiuie  de  plufieurs  figures  d'hommes 
en  dueiljchacun  d'iceux  portantvne  trompette,  dont 
ils  commencèrent  à  fonnerfi  haut,  que  les  habitans  du 
pays  en  entendoyentaifement  le  bruit.  En  ces  entrefai- 
tes aparutvn  homme  armé  de  toutes  pièces,  de  terrible 
regard  ,  lequel  defgaignant  fon  efpee  coupa  vne partie 
du  drap,  puis  de  (es  deux  mains  deichira  Iç  refte ,  quoi 
fait  lui  &  tous  les  autres  s'efuanouyrent.  Au  mois  de 
Décembre  en  la  mefme  année  es  enuirons  de  Rome, 
aparut  en  l'air  trois  iours  confecutifs  ,  enuironles  trois 
heures  après  midi  ,  vn  balay  comme  mouillé  en  fang, 
&  vnecroixrougc,  au  delfus  de  laquelle  voltigeoit  vn 
aigle.  Au  mois  de  May  précèdent ,  es  enuirons  de 
Saxe  &  du  Marqutfat  de  Brandebourg  ,  furent  vcus 
deux  globes  de  feu,  iautellans  autour  du  Soleil,  le  plus 
grand  defquels  couunt  tellement  le  Soleil,  qu'en  plein 
iour  il  paroifîoit  comme  tout  rouillé.  On  vid  auffi  le 
feu  du  ciel  tomber  en  terre  &  fur  des  villes,  parauantau 
moi^dcFeurier ,  il  en  eftoit  tombé  en  diuers  endroits 
de  Saxe  :  Où  l'on  A-ui  auili  en  la  niellne  année  vn  fu-, 
rieux  combat  de  deux  armées  en  l'air  fur  la  ville  de 
Qu^cdelbourg. 

L'an  ir.il  cinq  cens  quarante  h  ni  ft  ,  le  vinottrofficl-- 
mciour  dcluillct,  la  Luncquieiloit au  plein  aparurdc 
couleur  de  fang  fur  Rofenfeld  ville  de  la  duché  de  Vvi- 
temberg:  &  dedans  celle  lune  fut  vcu  vn  bras  de  cou- 
leur noiraftre  auec  vne  main  ellendue ,  puis  après  ccfte 
Luncayanrrecouuréfacouilumicreciairce  fut  derechef 
vcuc  ayant  trois  cheurons  ou  larges  barres  de  mefme 
couleur  que  ce  bras,  qui  la  trauerfoyent  diftindement 
&  en  droite  ligne.  Ces  barres  efuanouyes  aparut  vne 
croix  Bourguignonne  noire  audeflusde  la  Lune,  aux 
•deux  collez  de  laquelle  on  vid  deux  autres  petits  ronds 
^ç  Lune. 

tn  Tan  fuxuant: ,  qui  fut  ij4^.r  ur  le  matin  ,  le  folcil 

Ci^<3n; 


^  mémorables.  57 

-  cOantfoi't  clair,  au  moisdc  Mars,  fur  vn  autre  quartier 
d'Aicmagne  fut  vcue  en  Pair  la  iigure  d'vn  homme  vc- 
ftu,equippé  comme  vnPrinceAleman,ciu  defl'us  duquel 
dVn  autre  cofté  paroifloyent  vnlion  &  vn  mouton,  qui 
s'cmbratToyent  comme  de  bon  accord  cnfemblcideuant 
ce  Prince  eftoit  vn  grand  chappelet  de  fleurs  qu'il  vou- 
loitempoigner  delà  main, mais  ne pouuant,  il  empoi- 
gnevnccfpee  laquelle  eftoit  fous  fes  pieds  des  lecom- 
mencement  :  puis  en  fit  trois  ou  quatre  tours  par  def- 
"""tw^a  tefte  :  finalement  tout  cela  difparut  dedans  les 
nuées. 

L'an  1550.  furent  veusdenuid  fur  la  ville  de  Lipfîc 
en  Mifne  trois  globes  de  feu.  Et  au  mois  d'Aouft  de  la 
mefme année,  es  enuironsde  Nuremberg,  le  ciel  eftanc 
fort  dcfcouuert,  on  vidle  Soleil  de  diuerfcs  couleurs* 
ëcfuricelui  vn  vaifieau  ,  lequel  venant  à  panchcr ,  en 
fortitdufangdontle  Soleil  fut  arroufé.  A  cofté  puroif- 
foitvn  aigle  ayanf  les  ailles  cfpandues  ,  bigarrées  aufli 
de  diuerfcs  couleurs,maîs  fans  pieds.  Vn  peu  au  deffous 
du  Soleil&  de  T  Aigle  eftoit  l'Arc  en  ciel,  &  droit  fous 
icelui  vn  homme  tenant  de  la  main  gauche  par  la  bride 
vn  cheuai  harnaché  ,  &de  la  droite  vn  chitn  de  challc 
tout  blanc. 

Ledixncuficfme  iour  de  luillet  précèdent  afl'cz  près 
de  VVittebcrgen  Saxe  fut  veue  au  ciel  la  forme  d'vii 
tiGsbeau  cerf ,  &  au  deft"ous,  des  armées  qui  combatoy- 
entauec  grands  bruits  &  cris  cftroyablcs.  Il  tomba  lors 
dececonnidvne  pluye  de  fang  en  terre,  le  Soleil  appa- 
rut fort  hideux  &  comme  hors  defoncclyptique,  fendu 
en  deux,  &  en  apparence  aprochant  de  terre.  Quelques 
femaines  au  parauant,  l'on  auoit  veu  aufil  prcfques  im 
mcrmc  endroit  vne  efpcefanglante  en  rair,&  \  ne  pièce 
d'artilierie,montee  fur  roues.  Item  le  ungtquatiiefmc 
jour  de  luin  entre  fix  &  neuf  heures  du  matin  ,  le 
temps  fort  ferein,  fe  monftra  au  ciel  vne  croix  noire, 
auec  vn  jauelot  ayant  vn  hameçon  à  IVn  des  bouts, 
a  l'autre  trois  petites  barres  en  façon  de  chcuilles  ou 
arrefts. 

PçfTus  Lisboi^nc  en  Portugal  aparuc  le  vintgthmV 


5*  Hffl cires  admirables 

Ôicfmc  iourdelanuicn55T.  vnc  gro (Te  poignée  de  ver- 
ges fanglantcs  au  ciel,  item  des  feux  cfpouuantables:  \\ 
plut  du  fang,  &  s'cnfuiuireiKtcls  trcmblemens  déterre, 
<}ue  deux  cens  maifons  furent  csbranlees  &  renuerfces, 
«ionts'enfuiuit  aufll  la  mort  de  plus  de  mille  pcrfon- 
nes.  Le  vingt  vnicfme  lourde  Mars  enuiron  les  fcpc 
heures  du  marin  on  vid  à  Magdebourg  fept  arcs  &  trois 
Soleils  au  ciehaufoir  trois  Lunes,  donc  celle  du  milieu 
lavrayceftoiten  fa  couleur  ordinaire  ,  les  deux  autres 
clloyent  de  couleur  de  fang.  Ces  trois  Soleils  furtnr 
aulli  veus  i  VVitebergen  Saxe,  auec  dix  ou  douze cOi- 
clcsqui  les  en  uironnoyenr,  les  vns  tous  ronds,  les  autres 
demi  ronds,fortfpacicux  i  quelques  autres  moindres,  & 
ci'autrespetis  ,  prefques  tous  de  la  couleur  de  Tare  en 
ciel.  Le  dernier  iour  deFeuricr,  c'eft  à  di re  trois femai- 
nes  auparauant  ,  ceux  d'Anuers  en  Brabant  auoyent 
auflî  veu trois  Soleils  enclos  en  diuers  ronds  ,  &  enui- 
ronnez  de  «quelques  arcs. 

L'an  mil  cinq  cens  cinquante  deux,  le  dixneufiefme 
iour  deFeurier,enuiron  trois  heures  après  midi,  ceux  de 
Malinesen  Brabant  virent  le  Soleil  premièrement  de 
couleur  bleue,  puis  de  couleur  rouge,  enuironné  d'vn 
grand  cercle  auec  l'arc  en  ciel,  enuiron  onze  moi^a- 
presafçauoirle  vingtroiftefme  iour  de  lanuier  1553.  fut 
les  huic^t  heures  du  loi- Ton  vid  iBaflela  Lune  enuiron- 
Jice  dVn  cercle  entier  fort  aparent ,  &  grand  ,  de  mefme 
Couleur  queTarc en  ciel,  lequel  dura  trois  heures  entiè- 
res. Au  mois  de  luin  fuiuanr,  furent  veus  en  Tair  Icrain 
&dercouuertfurla  ville  de  Cobourg  ,  entre  cinq  &  lîx 
heures  dufoir  ,  diucrfes  forces  d'hommes  ,  puisdes  ar- 
mées, qui  fe  donnoycnt  bataille ,  &  vn  aigle  Voltigeant, 
les  ailes  tout  efpanducs.  En  Juillet  furent  veus  au  ciel 
«ieuxferpenstntrelalfez,  fe  rongeans  Y\n  l'autre,  &  au 
milieu  d^'eux  vne  croix  de  feu.  Au  mefme  an  la  ville  de 
-JMagdeboufg  fut  afl'<egee  de  prcs,&  entre  autres  merucil- 
les  le  Icndemrjn  de  Pifques  le  Soleil  aparut  fortiuifanr, 
incontinent  après  fou  leuer,  &  enuironné  d'vn  grâd  cer- 
cle bUrie  co,sjine  laiét ,  Icçjuei  çlioic  uauerfé  de  quatre 

trrcs 


cf  mémorables,  59 

arcs  en  cie),les  plus  beaux  qu'on  enft  oncques  veus.  Cc- 
In  ic  monllrarcfpacede  demi-heure,  &le  Soleil  ayant 
leprins  fa  clairté  naturelle   continua  fa  courfe.'   Dix 
iours  au  parauant  entre  fept  &huiâ:  heures  du  matin, 
furent  veus  fur  la  mefme  ville  trois  foleils  :  le  vrai  e- 
ftoittn  fa  clarté  ordinaire  ,  les  deux  parelies  auoyent 
couleur  de  fang,    Ayans  duré  prefques  tout  le  iour,  fur 
le  foir  on  vid  trois  lunes ,  dont  tous  les  habitans  du  lieu 
furcntfort  eftonnez  ,  leurs  couleurs  eftoyent  du  tout 
bigearres:  &  après  eftre  monftrees  quelques  hcuiesdu- 
rant,  les  deux  lunes  apparantcs,  ou  parafelenes ,  deuin- 
drent  rouges  comme  fang  ,  puis  s'ellans  efpandues  ei^ 
|-ayons  de  longue  eftendue,  finalement  difparurent  :  la 
yraye  lune  qui  eftoit  au  milieu  retenant  fàfplendeur& 
joute  acouftumee.En  cefte  mefme  année  deccdale Duc 
George:,  Prince  d'Anhalt,  excellent  Théologien.  Le 
iour  qu'il  trefpafl'a  ,  Ion  apperceut  de  nuid  au  ciel  fur 
la  ville  de  Vvittebergvne  croix  bleue.  Quelques  iours 
deuant  la  bataille  donnée  entre  Maurice  Duc  de  Saxe  & 
Albert  marquis  de  Brandebourg  ,  Tirnage  d'vn  grand 
homme  apparut  es  nuées  en  vn  endroit  de  Saxe.   Du 
corps  de  celt  homme ,  lequel  paroiilbit  nud,  commen- 
ça tout  premier  à  découler  du  fang  goûte  après  goûte: 
puis  on  en  vid  fortir  des  cilincelles  de  feu,  finalement  il 
difparutpeu  à  peu. 

Av  mois  de  lanuier  mille  cinq  cens  cinquan- 
tequatre  ,  aparurent  par  deux  fois  en  Saxe  trois  So- 
leils. Le  premier  iour  de  Feurier  fuiuant  ,  es  enui- 
rons  de  Chaalons  en  Champagne  ,  fut  veu  en  l'air  vn 
grand  embrafement  de  feu  .  qui  tcndoit  du  leuantau 
coucliant  ,  en  forme  &  figure  d'\ne  torche  ardente 
courbée  comme  vn  croiiTant,  Le  feu  craquettoit  » 
&  dardoit  de  toutes  parts  des  eftincelles  ,  tout  ainft 
qu'vne  malfe  de  fer  fortant  de  la  fournaife  ,  & 
fur  laquelle  les  forgerons  frapperoyent  de  leurs 
marteaux  ,  le  plus  fort  qu'il  feroit  pofl'ible.  Au- 
cuns adiouftent  que  cefte  torche  aparut  autour  delà 
'Lune,,  6ç  iQonliiou  à  rvft  des  boucs  la  pointe  d'vne 


^o  Hi/loires  admirables 

lance.    Le  dixncuficrmc  iour  de  Fcuricr  furent  voues  i 
Ncbrc  deux  croix  de  couleur  bleue  au  ciel.  Et  le  mclmc 
iouraGriefen  en  Tliuringe,  l'on  vid  dedans  le  Soleil, 
c^ui  luifoit  clairement,  vne  croix  bleue,  C^  grande  qu'elle 
couuroit  toute  la  face  du  Soleil.     Des  deux  coftez 
elltauoitvn  p.rand  chcuron  de  feu  auec  diuers  cercles. 
Le neuficfinc  iour  d'Auril,dellus  Sult7.feld,à  demi iour- 
necprcsde  Schumfurt ,  ville  impériale,  furent  veues 
de  nuid:  deux  Lunes.  Au  mois  de  Mars  précèdent  eftoy 
cnt  apparus  des   Soleils  de  diuerfes   grandeurs  auec 
quelques  cercles  ,  en   Bauicre  &  es  pays  voifins.   Pre- 
mièrement le  (ixicfmeiourde  Mars ,  entre  h  uiâ:&  neuf 
heures  du  matin  ,  furent  veus  deux  Soleils  auec  Tare  en 
ciel.    Le  15. iour  du  mefme  mois  cnuiron  vne  heure  a- 
près  midi,  ceux  de  Nuremberg  en  virent  autant ,  &  d'a- 
Uiintate  vn  autre  arc  vers  occident ,  &  les  Soleils  enclos 
de  cercles  tout-blancs  aparurent  trois  heures  durant,  a- 
uccvn  long  cheuron  ardent.  Lehuitiefme  iourfuiuant 
on  \ià  trois  Soleils  à  Reinsbourg.Leur  commencement  ' 
futenuiron  vne  heure  après  midi.  Entre  deux  &  trois  ils 
femonftrerent  clairement,  &  finirent  à  4.  heures.    Ils 
lettoyent  des  rayons  d'vn  cofté  comme  d'vne  Comète, 
celui  du  milieu  vers  Septentrion,  les  deux  autres  à  l'O- 
rient &  àl'Occidcnt.  Au  mois  de  Mars  de  la  mcfme  2\\- 
necfurdiuerlès  villes  d'Aîemagne,  entre  quatre  &  cinq 
heures  du  foir  ,  furent  veues  au  ciel  diuerfes  fortes  de 
croix  furnommees  Bourguignonnes,  mais  blanches  & 
aucunement  touchantes  Icsvnes  aux  autres.    Le  ving- 
troiiîefmeiour  du  mtlmemois,  vn  peu  auantquele  So- 
leil fe  couchaft,  furent  veues  deux  parelies  enuironnez 
auec  le  Soleil  dVn  fort  grand  cercle.  Deifus  le  ^  ilage  de 
Blech,non  guercs  loin  deNuiemberg,aparut  ronziefmc 
jour  de  luin  vne  baguette  de  couleur  de  fang  au  trauers 
duloieil,  auecdescfloiles ou  boules  de  couleur  d'azur. 
Incontinent  après  furent  veus  deux  cTcadrons  de  gens 
armez ,  qui  auoyent  des  cornettes  bleues  lefquels  deux 
heures,  durant  fe  meflcrent  en  furieux   combat   \ts, 
vns  contre  les  autres ,  au  trefgrand  cftonnemcnt  àc 
plu^curs  qui  virent  le  commencement   ,    la  fuiie 

.&  h  fia 


^memor4hles.  6i 

&  la  fin  de  cefte  aparition.  Le  treiziefmeiour  de  Juin, 
cnuiron  les  cinq  heures  après  midi  fur  la  ville  dlenc  le 
Soleil  fut  veu  tout  de  couleur  de  fang  ,  duquel  inconti- 
nent après  aprochcrcnt  deuers  Midi  &  Occident  au 
Septentrion  ,  des  grofles  boules  de  feu  en  grand  nom- 
bre ,  lefqMcHes  obfcurcirentla  claitcé  d'icclui.  Confe- 
queminent  deux  cheurons  de  couleur  fort  rouge  appa- 
rurent, trauerfnns  le  rond  du  Soleil. 

Le  vingt  quatrielineiour  de  I[/illet  aparurentcn  Tair 
cnuiron  les  dix  heures  du  loir  ,  au  quartier  du  pays 
nommé  le  haut  Palatinnt  du  Khi  n, -vers  la  forcil:  de  Bo- 
hême^ deux  hommes  armez  de  toutes  pièces ,  i'vn  des- 
quels eiioit  de  beaucoup  plus  haute  iLiture  que  l'autre, 
ayant  à  l'eftomach  vne  elloile  fort  luilànte,  &  vne  el- 
pee  flamboyante  en  la  main,  comme  aufh  au  oit  le  plus 
petit.  Ils  commencèrent  vn  rude  combat,  la  fin  duquel 
fut  que  le  petit  fut  aba-U;,  &  ne  ponuoitfe  remuer  :  ii 
delTus  fut  apportée  vne  chaire  au  vi<ftoneux,en  laquel- 
le s'eftant  ailis  il  demeura  quelque  temps,  &  ne  celia  de 
menacer  de  Tefpee  qu'il  tenoit  en  la  main  celui  qui  «i- 
Ibit  à  fes  pieds  ,  coir.me  C\  a  tous  coups  il  eull  voulu''le 
frapper  d'eiloc  &  de  taille.  En  fin  tous  deux  difparu- 
rent.  Le  cinquiefme  lour  d'Aouft  eufuiuant,  à  neuf 
heures  du  lbir,pres  de  Stolpen,  en  la  partie  méridionale 
du  cieJ,aparurent  des  troupes  guerrieres,quiauec  çrâds 
cris,  &  cliquetis  d'armes  le  donnèrent  les  vns  au'x  au- 
tres trois  charges  furieufes.  Quand  la  première  charge 
fut  acheuee,iliortit  des  nuées  du  feu  en  abondance  qui 
empefchoit  de  voir  ces  troupes.  Ce  feu  dilparoiflan^oii 
les  vid  retourner  d  la  féconde  charge.  Puis  le  feu  fe  ral- 
lumant, oneuft  dit  qu'ily  auoit  quelque  manière  de 
retraittepour  fe  rallier  de  part  &  d'autre.  Ouoi  fai(ft, 
onrcuintà,la  troilîefme  charge,  laquelle  finie,  tout 
difparut. 

En  la  mefme  année  à  Friberg  en  Milhe  fut  veu  en 
plein  iour  la femblance  de  nodre  Seigneur  lefus  Chrilt, 
felouque  plufieurs  peintres  ont  accouilume  de  le  re- 
prerenter,afl'is  defTus  vn  arc  en  ciel ,  dont  les  couleurs  c- 
lloyent  mcruciileufemenc  viucs.     t»;  enuirons  d'vxie 


et  Histoires  admirables 

autre  ville  nommée  Zopcde  le  Soleil  iciantaparutroii"^ 
ee  comme  fano  ,  ayant  au  dcH'usvn  palais  magnifique, 
lequel eftoic  touccnfcu.  Auxdeuxcoftésdu  SoleilTon 
voyoit  deux  hautes  colomnes  fort  artiftcment  façon- 
nées ,  &  de  mefine  couleur  que  Tare  en  ciel  :il  fembloit 
que  leurs  foubafTcmens  touchafient  la  terre,  &  s'eilen- 
clifîent  fort  en  largeur.  Le  lendemain  le  Soleil  fe  leu.i 
auecvnc  couicur  paflc,  &  ce  palais  eitoit  au  delîus  fort 
reluifant.  Aulli  Ics  colomnes  aparurftnr,mais  non  fi  bel- 
les &  longues  que  le  iour  précèdent. 

Ledixierme  iour  de  Feuriermil  cinq  cens  cinquante 
cinqfu'^ent  veus  trois  Soleils  à  Vinaire  en  Saxe  ,  &  le 
treiziefme  de  Marsaparutau  cielcs  quartiers  de  Turin- 
ge,  vne  efpee  flamboyante.  L'ony.iefme  iour  de  lanuier 
1^56".  vers  les  montagnes  qui  ceignent  d'vn  coiK- la  vil- 
le d'Augsbourg,  le  ciel  s'ouurit,  &  fènlblafe fendre, 
dont  tous  furent  mcrueilleufement  eftonnez:  fur  tout  i 
caufedcs  cas  pitoyables  qui  auindrent  incontinent  a- 
près.  Caraumefmeiour  le  meilager  d'Augsbourgtu.i 
d'vn  coup  de piftolc  certain  Capitaine  aux  portes  de  11 
ville.  Lclendemain  la  femme  dVn  forgeur  d'efpees,  e- 
ftimant  faire  vn  grand  burin,  tua  dedans  famaifonvrf 
marchant.  Incontinent  après  fa  feruante  fe  tua  foi  mef- 
me  dVn  coup  de  couileau.Vn  iour  après  en  querelle  vit 
boucher  fut  renuerfé  mort  d'vn  coup  d'efpee  :  ocdeux 
villages  furent  tous  bruflez. Le  quinziefme  iour  du  mcÇ- 
iiie  mois  la  garde  de  la  foreft  de  faincle  Garhenne  fut 
tranfperce  &  trouué  occis  4  vn  coup  de  harquebufe.  Le 
le  dixfeptiefme  ,  vn  valet  d'orfcure,  pouffé  de  defcfpoir, 
fe  noya.  La  nui(5l  (uuiante  plufîeurs  furent  blefîez  à 
fnort  par  les  rues.  Toubliois  à  marquer  que  ce  mefmé 
onzicfmeiourde  lanuier  queleciel  s  ouuritver.s  Augs- 
bourg,  furuintvn  tel  changement  en  Tair  furie  quar- 
tier de  Milhulè  en  Bauiere,  &  vne  clairté  fî  grande  apa- 
rutde  nuiâ: ,  qu'elle  efteignit  la  fplendeur  des  chandel- 
les allumées  en  chambres  &  boutiques,fi  que  trois  heu-^ 
res  durant  ceux  qui  voulurent  trauaiîlcr  n'eurent  be- 
foin  d'autre  lumière  que  de  celle  qui  les  efclairoit  du 
ciel.   Quelques  mois  après  le  cïclaparucouuert  en  vn 

autre 


d"  fnemoralles*  6^ 

autre  endroit  de  Suaube  ,  doncfortoit  teU«  abondance 
defcu,  c]ueplu(îeùrs  en  deuindrcnt  muets  de  peur,  lly 
eut  quelques  bourgades  &  villages  qui  en  furent  at- 
teints &  ruinez.  On  vid  aufll  au  ciel  des  femblances 
de  Chameaux  ,  lefquels  deuoroyent  des  hommes  ar- 
me/. 

Endiuersiours&  mois  de  la  mefme  année  i^')6.  fu- 
rentremarquecs  autres  apantions  s  comme  en  Feuiicï 
furent  veus  au  ciel  fu:  la  Comte  de  Eœts  des  armtes  à 
pied  &acheualquicombatoyentfurieuIement.Auraois 
de  Septembre  lur  Ane  villette  du  irLarquilat  de  Brande- 
bourg ,  nommée  Cuftiin,  enuiron  les  neuf  heuresdu 
foir,on  vid infinies  flammefches  de  feu  faillans  du  cii^y 
&  au  milieu  deux  grands  cheurons  ardans.  Sur  la  fin  fut 
entendue  vne  voix  criant,  malheur,  malheur  a  rF.gli{c. 
Nous  auonsditci  dcuant  quel'iin  i^^^.auoitelle  vei:  en 
Efpagne  vn  combat  au  ciel  de  deux  ieunes  hommes. 
VVolfgang  Strauch  de  Nuremberg  cfcrit  que  Tan  15Ç/Î. 
fur  vne  ville  de  Hongrie  quil  nomme  Br.batfcha  fut 
veueie(5.iourd'0<ftobre  peu  auant  Soleil  Icuant  ,  i» 
femblance  de  deux  garçons  nuds  combatans  en  Tair  a« 
ueck  cimeterre  es  mains,  &  le  bouclier  es  bras.  Cduî 
quiportoiten  Ton  boucher  vn  aigle  double  chamaiUi 
fî  rudement  fur  rautre,dont  le  bouclier  portoit  vncixjiit 
fant,  qu'ilfemblaquele  corps  nauré  deplufîeurs  playes 
tombaftduciel  enterre.  Au  mefme  temps  &  lieu  fut 
veu  l'arc  en  ciel  auec  fes  couleurs  accoullumees,  •&  aux 
bouts  d'iceluideux  Soleils.  Non  gueres  loin  d'Augs. 
bourg  fut  veu  au  ciel  le  combat  d'vn  ours  contre  vn  ly- 
on, au  mois  de  Décembre  en  la  mefmeannee:&  àVVir- 
tebergen  Saxe  le  fixiefme  iour  d'icclui  mois  trois  So- 
leils, &  vne  nuée  tortue,  marquetée  de  bleu  &  de  rouge, 
cftendueenarc,  le  Soleil  paroiifant  paile&  trille  entre 
les  parelies.  Qwatie  moisauparauant  trois  Soleils  auo- 
yent  elle  veus  entre  Ensheim  &  Bafle. 

Quant  aux  fignificarions  de  toutes  ces  aparitions  CuC- 
mentionneesjie  n'y  entre  point.  Depuis  celle  annce-li, 
j)iufîeurs  ont  remarqué  en  diuers  climats  du  monde» 
noramémeniidiîrE^ropCi  4c$am;ie^  lïjcrueillcs  au  ucJ# 


^4  Hifioires  admirables 

iufcjucs  au  fîeclc  prefent.  En  d'autres  liurcs  nous  pour- 
rons faire  mention  d'icellcs.  Pour  le  prefent,  nousrc- 
prcfcntons  celles  que  Conrad  Licafihenes  a  recueillies  dc 
lob  Fmccl.de  Mare  frytrch,&  de  plufieurs autres ,  en  (on 
grand  volume  de  Prodi^ni.i^  Ojlenti>.  Quant  aux  corne 
tes,  pîuyes  de  fang  ,  «^relies  prodigieufes,  &  autres  nici- 
ueilles  du  ciel,  nous  en  parlerons  en  leurs  endroits 
propres. 

APPETIT   DE   BOIRE 
CJr  de  manger  perdu. 

NO  V  s  auons  l'cu  en  certaines  maladies  les  patiens" 
auoir  tellement  perdu  Tappctit  de  boire  &  de 
manocr  ,  qu'ils  ne  prenoyent  aucune  fubftancc  qui  va- 
lu file  parler.  De  ce  nombre  fut  vue  nonnain  au  con- 
ucntde  faincle  Barbe  à  Delft,  laquelle  cftant  tombée 
malade  de  laiaunifle,  Tan  156'i.  demeura  au  lift  malade 
fîxfepmaines  entières  fans  boire  ni  manger.  Tout  ccf 
temps  elle  ne  toucha  nourriture  quelconque  ,  fors 
cjuclques  gramsdecitrons ,  qu'elle  tenoit  en  la  bouche, 
&  fucoit  par  fois. Le  père  de  ce  conucnt  m'y  mena, non 
pour'lamedeciner,  mais  pour  la  voir  comme  par  mira- 
cle ,  à  caufe  d'vne/î  longue  abilinencc.  Mais  le  lende- 
main de  ma  vilîte  elle  trefpaira.  Or  cequci'adiouftcv 
cft  dis"C  de  plus  grande  merueille.  En  la  mefme  ville 
deDclfr,ie  vifîtai,acompagncd'vn  Chirurgien,  certai- 
ne fille  malade,  aagee  de  vingtfeptans  &  demi ,  au  mois 
iteMavl'amsé^.  Depuis  Taage  de  rei7C  ans  clJen'auoit 
bouoe  du  lid,  n'ayant  mangé  par  iour  depuis  ce  temps, 
qu'vn  bien  petit  morceler  de  fromage  (ce  du  pays,  com- 
me aftermoit  fa  garde  ,  &  n'auoit  elle  po^lblc  lui  faire 
auallcr  bruuage  quelconque,  encores  qu'au  rcfte  elle 
vrinaftalTez  :  elle  n'alloit  à  Tes  neccffitez  qu'en  huiâ: 
iours  vne  fois.  Outre  plus  elle  eftoit  aueugle  nec  ,  dé- 
mine hydropique  en  l'aagc  de  vingt  ans,  puis  ccfte  eau 


C^  fnemorahleÊt  6^ 

^^efuanouitj&ruruint  enfon  ventre  vu  bruit  comme  de 
grenouilles  viues  en  grand  nombre,dont  on  oyoit  le 
cri,accompaené  d\-nk)uleucment  &  abaiflcmentmer- 
Ueillcux  de  Ion  vencrctcUemcnt  que  maugré  que  i'ea 
eulie;,iTiamain  mifcdcfTus  fit  foulcuee  fort  haute.  Ce 
rnouuementcroiffoit  en  pleine  lune  auec  grandes  dou- 
leurs,comme  au/fi  au  flus  de  la  meranais  au  dccroirt  de 
ia  Lunc,&  au  rcflus  de  la  mer,  elle  fcntoit  quelque  allé- 
gement. Cemouuementlui  dura  7,ans:&  de  è^iy.  en  dix 
lepmaines  elle  auoit  fes  flucurs ,  comme  fa  garde  me 
Confeila.P.Foreji  Medicin  /lolUndois  an  iSMu»  de  fes  obfer^ 
uationsfecI.S, 

i^PPÉTirS  EST  RANGES. 

IL  n'y  a  prefque  perfonne  au  monde  ,  qui  ne  fâche 
quelques  hiftoires  particuHeres  de«  extraordinaires 
appétits  de  certaincsfemmes  enceintes,  dont  les  Dodes 
médecins  rendent  raifon.Nous  en  alléguerons  quelques 
exemples  pour  inciterleledeur,  entrant  en  la  conlide- 
ration  d'iceux  &  des  autres  dont  ilTefoumendra,  de  rs- 
uerer  Dieu  en  tant  demerueilles. 

Sans  toucher  au  fpccial  dénombrement  de  tels  anpe- 
tits,quifontautantdiuer,sque  les  vifages&  conditions 
des  femmes  enceintes ,  l'enay  veu  vne  i  qui  citant  fur- 
uenul'appetitde  m.ordre  bien  ferré  vn  ieune  homme 
furie  chignon  ducol,&  pour  s'eftre  quelque  peuabite- 
nuedcfatisfaireà  ce  dclîr furieux,  comniencaà  fentir 
des  trenchecs  ,  &  infupporrables  douleurs  de  ventre. 
Pourtant  comme  vnedelefperee  elle  feietre  deflus  le 
ieunehomme,  rempoigne,&  fiche li  auant les  dents  en 
la  chair  de  fon  col,  qu'il  en  cuidamourir.  L.  y  tues  an 
Comment.fnY  U  zyMu.de  la  cité  de  jDk  w^r/^rt''.^  5. 

Ma  mère  me  portant  en  fon  vcntre,rappetitlui  vint 
Je  manger  des  efcreuifl'es.  Elle  en  enuove  prompte- 
ment  quérir  ,&  fans  auoir  la  patience  qu'elles  fullcnC 
lauces,accommodees  &cuites,commcnce  alesm'nccc 
«rues  ôc  viues  iufques  à  ce  qu'elle  cuft  aflouui  ce  dcfir, 

JE      —-..••■; 


'€6  îiijloires  âdmirahles 

TrnicaucUe  aiij.litt.ch.'î.du  moytn  dcgnerirUs  maîadieipartU 
eulieres  du  corj^i  uttmAi»- 

Vne  Alcmandc  de  Mifiiccnccintc  voyâr  vn  iciine  cô- 
^agnô  foulon  qui  auoit  les  ianibes  nues, approche  dcx- 
trcniént,Sc  à  belles  dents  lui  empoigne  vne  ïambe,  &  en 
emporte  vn  lopin  de  chair.  Il  endure  cjuc  par  deux  fois 
tlle  le  carefTc  de  telle  forte  :  mais  voulajit  y  rôrournc? 
|)OUvlatroi/îefraeil  rcfufe&  fe  retire.  Lapauuretce  a- 
ëouche  quelque  tempsapresdc  trois  fils,  deux  defqucls 
cftoyent  vifs  &  vigoureux,le  troifiefme  mort.  George  le 
yeitrCiat*  ^.Ijh.iUs  KnnaUs  de  Aîtfne  e.t  l'an  <)06. 

Quelque  autre  enceinte,  conuoiteufe  de  Tefpaulc 
«l'vn  boulanger ,  qui  poftoit  fon  pain  au  four ,  reicttoic 
toute  autre  viande  >&  nepenfoitqua  celle  li, Son  mari 
defiraru  la  contcnter,fait  tant  que  le  boulager,moyenàc 
certaine foni me, accorde  que  la  femme  talle  de  celle  cC* 
paule  conuoitee.De  fait  il  fourtint  deux  viues  atteintes 
<Ie  fes  dentsmiais  elle  l'auoit  pincé  fi  rudement  qu'il  ne 
f  oulutpas  foufîrir  vne  troifiefme  charge.La  femme  de- 
meurée en  trop  grand  appétit  acoucha  de  trois  fils, deux 
Viuâs, le  troifiefme  movt.L.ingiuf  m  Cepifire  ïz.  du  tome  z. 
En  \  n  village  non  guère  loin  d'Andernac  ville  afî^ze 
fur  le  Khein,  apartcnant  à  Tl.uefque  de  Cologne  ,  vne 
payfanne  enceinte  &  defgouilee  eutfantafie.deman-' 
ger  de  la  chair  de  Ton  mari.Son  appétit  s'enflamma  fi  fu- 
rieufemcnt ,  qu'elle  le  mit  à.  mort,mangeaIa  moitié  du 
corps/ah  le  reileipuis  toft  apres,la  rage  de  TappetitpaC- 
fee  ,  confcfla  franchement  le  tout  aux  amis  qui  ccr- 
choyent  par  toutle  dciuwù.Enla  mefme  epifirè, 

A  Lambergen  SileficjViilc  demanaiflance,  vn  hom- 
me fortantdu  bain  les  iambes  nues  auec  des  pantoufles 
en  fes  pieds,  fut  fuiui  <l*vne  femnîe  enceinte  ,  laquelle 
defireufe  de  tailcr  de  telle  viande,  fe  lance  par  derrière 
aux  iarrets  do  l'hommcSclui  empoignant  à  deux  mains 
Tvnedes  cuifl.es  lui  emporta  du  talon  vn  lopin  de  cha 
à  belles  dents,&  rauala,<juoi  que  l'homme  criall  à  Tn 
me  &  au  meurtrc.Car  elle  ne  lufcha  poiac  fa  prifc  qu  u- 
■  près  auoir  fait  le  coup.Làmefîtie. 

lenepuispalîeiTousiliçpçece  qui.cû  aucnuàla  con-. 


ér  Jnemorahles.  €j 

cnbine  de  certain  grand  Seigneur  laqBclle  mangcoic 
par  diucrfcs matinées  des  groflcs  poignées  de  lin  ou  d'e- 
lle uppcprcftes  à  filer.Eftanc  tombée  par  tel  appétit  en. 
mahulie  d'cftomach  ,  vne  vieille  m'apporta  de  fon  vri- 
ne,ayant  entendu  parauant  qu'elle,  eiloit  de(goull:ce,8c 
enquis  de  la  vieille  ce  qui  me  fcmbloit  de  ccfte  vrine^ie 
•  lui  hs  refponfe  que  la  ddmoifelle  tordoit  plus  de  lin  de 
Ta  bouche  qu'aueclcfufenu.  La  vieille  pcnlant  que  l'in- 
fpe6i:iondei'vrinem'euRfait  deuinercda,  fit  courir  le 
bruit  par  toute  la  ville,  que  l'eftois  vn  cxcellontdeuin, 
ce  qui  fut  tellement  receu,quc  depuis  chacun  mcregar- 
doit  par  admiration./.^  meÇmc, 

Ma  femme  Eue  Sibylle  auoitvncfî^ur  nommée  Gc- 
neuiefuc^aiitrefois  mariée  a  Picrrele  Feure  de  HeideU 
bergjaquelle  enceinte  l'an  î^6z.  &  ja  fort  auant  en  fa 
grollciTcalla  vers  la  boucherie  pour  auoir  quelque  piè- 
ce de  chair.  Ayant  attendu  long  temps ,  &  ne  pouuant 
plusfe  tenir  en  place..elle  empoigna  vnmorceau,,prianc: 
le  boucher  deleluipefcr.  Ce  lourdautle  lui  arrache 
<ies  mains,  le  pere<<c  le  baille  à  vne  autre  femme  pro^ 
chainerdont  celle-ci futteUemcntefmxsuë^  que  le  tang 
commenccincontinent  à  luidilcillerpar  le  nez.  Vou- 
lantle  torcher  de  deffuslaleured'enhautjrcnfantqa'el^' 
le  aiî oi: en  rcceut  il  rude  empraintejqu'aubour  de  quel^ 
ques  (cpmaines  &  le  terme  accompli  elle  fe  dcliura 
d'vn  fils  qui  n'auoitqujE  la  leure  d'embas,&  vcfcat  ain][î 
difforme  vn  an  entier  :puis  mourut  de  pelle.  M.  laines 
Suterjcnfes remarques  de  Aiideàne» 

layconu  desfemmes  enceintes,  qui  ontdeuôré  des 

anguilles  viucs/ans  ritn  iaifl'er  de  relie  :&  n'agueres  en 

la  ville  de  Delft  y  en  eut  vne  qui  mangea  toute  la 

peau  d'vnsiiouron  auec  la  laine.    Vne  aurrecn  la  ville 

d'AlcmarJaquelle  aualoit  à  pleines  cueillerees  du  go- 

<lram  dont  les  matelots  fe  Ceruét  à  enduire  &  calfeutrer 

irs  nainrcsjcomme  fi  c'cuilellé  quelque  potage  bien 

,  refté.Tels  appétits  furieux  ne  tourmentent  pas  feu- 

iement  lesfemmesiînccintesvmaisfiiefmesles  hommes 

&  les  cnhri'^.P.Foreftyiîi  l^diH.ohfirtiAtion  7. 

Maiie  fille  de  Pierre  Sasbout;eftanc  enceinte  mâgecû; 


é  8  Hifloires  admirables 

Je  Licroyecn  trcfgrandcquantitc.Làwy^Jc.Nouspour- 
rionsallcgucr  tliucis  exemples  de  femmes  qui  durant 
leur  oroireHc'  en  lieu  de  painSc  de  bonnes  viandes  n'ont 
mangé  que  de  la  terre ,  des  cendres  &  charbons  du  foy- 
cr,du  plaftre  pinceau  long  des  murailles  ,  du  falpcllre 
des  cauesjdcs  limaces,  grenouillcs.poires,  pommes:,  pru- 
nes nullement  meuresj  &  quand  leur  appétit  n'a  elte 
faoulé  entièrement,  leurs  enfiins  en  ont  porté  la  peine. 
Et  quant  aux  figncs&  marques,à  peine  de  cent  enfans 
s'en  trouuera-il  dix,qui  n'ayent  quclqucmonftre  de  ce- 
lle violente  paflion  de  leurs  mères. 

Quelquestois,  fî  en  tels  appétits  lesfemmes  enceintes 
n'obtiennent ioudain, ce  dont  elles  ont-enuie,  elle^  s'en 
Tentent  mefmcs  long  temps  après  eftre  deliurees.En  vn 
village  nomme  Schuuedcn  en  rEuefché  deFuldcjfc 
trouua  vnc  femme  groHc  quipnflant  chemin  rencontra 
Tn  pefcheur ,  lequel  elle  pria  de  lui  vendre  tout  ce 
<]u'il  auoit  prinsdepoifi'on.Mais  le  ruftique  pefcheur 
larebuta,fans  fefoucier  de  fesini'iantesrequeftes.tftant 
retournée  fort  trifte  en  fa  maifon ,  ce  fut  à  pleurer  amè- 
rement, pourauoirefté  ain/î  fruftreedefon  defîr.  Là 
delVus  elle  fent  furuenir  foudaincmcnt  en  foy  vn  extrê- 
me appétit  de  boire  de  l'eau  :  mais  plus  elle  en  aualoit 
plus  l'cnuie  croifioit  :  tellement  qu'en  vn  iour ,  elle  but 
plus  de  trente  liurcs  d'eau,qu'elle  rendoit  toft  après  par 
vrine.Ceif  e  auidite  d'aualer  de  l'eau  1  ui  dura  iufqucs  au 
terme  de  Ion  enfantement.  Eftant  en  couche  elle  beu- 
uoit  tous  les  ioursvnigtliurcv  d'eau.  Six  mois  après  elle 
continua  de  boire  par  chafcun  iour  fans  interruption 
quatorze  liures  d'eau, puis  vint  me  demander  auis  &  re- 
mède à  ceftepaflion, accompagnée  d'autres  femmes  les 
parentes  &  amies,quiauec  elle  me  iurerent  cefte  extra- 
ordinaire beuuene  eifre  vcritablc.i>/.I*i^»«:i  Oeth.medc^ 
çin  oifes  obferuutioui. 

La  femme  du  magnifique  Francifque  Barbarin  ,  en  v- 
ne  fiene  grofleflc  mangea  à  diuerfes  fois  enuiroa 
vingts  liures  de  poiure^  fans  auortcr.  Apres  fon  a- 
couchement  lui  iclU  vn  flux  de  mcnftrwcs  cholériques 

&rub- 


ér  mémorables.  6^ 

&rubtiles,  qiiilui  caufa  vn  vlccrc  en  la  matrice  donc 
elle  mourut. A/. AT.r/c  Florence  ,  ait  chal>itrc  ^6.  di*  4.  traité^ 
ferrrion^, 

l'ay  veu  vne  femme  ,à  qui  ceft  appétit  extraordinai- 
re Scdefreglé  duravn  an  entier  après  eftrc  rcleuee  de 
gefincice  qui  la  rendit  pafle ,  phlegmatique  &  fort  mai- 
gre.Son  enfant  ne  vefquit  guercs.  Gefner  cnChiJloire  des 
oifeaux  pjirLintde  la  pi:. 


AS  SAILLANT 

téméraire  yptmi. 

M  Arc  Schutingius  citoyen  de  Mime^ayant  querel- 
le contre  vn  autre  de  la  mefme  ville,&  le  renco  n- 
trant  fans  armes,commencc  à  le  picqucr  &  prouoquer, 
l'autre  s'approche,  luy  arrache  Ton  cfpee,&  d'iccUe  lui 
donne  huift  coups  dedans  le  corps,  dont  il  meurt  fur  la 
place,le  vingt  cinquiefmeiourd'Aouft  1554.  G.  le  Fe- 
».«re  AH  ^.liure  dus  ,_Annales  de  AJifne, 

hu infinis  duelsjtolerez  de  noftre  temps,  notamment 
au  royaume  de  Francc,il  cil  fouuent  aucnu  que  les  pro- 
uocatew'sontefté  tue?  fur  la  place  parles  prouoquez, 
11  n'y  aura  guc  e  -Je  le(n:v'ur.  de  celle  fedion ,  qui  ne  fe 
Ibuuicne  de pluiicurs exemples  diuers.  Dieu  iuge,&:  cft 
redoutable  par  tout. 
Il  n'y  a  pas  long  temps  qu  vn  gentil-homme  François, 
fort  qucrelleux  ,  pour  TadreHe  qu'il  le  fentoit  auoir  au 
maniement  des  armes  ,  fit  forger  vn  poignard,  &  grauet 
furicelui  ces  mots, /c  nereîieBc  perjonm.   D'ordinaire  il 
portoitce  poignard:  folaltrant  certain  iour ',  Ton  poi- 
gnard tombe,&  lui  deflus,dont  il  fe  donne  tel  coup  dc^ 
clans  la  cuiffe  qu'il  en  cuida  mourir,  le  ne  fcay  s'il  dc- 
uint  plus  iagcpourtantpuis  apres,mnis  chacun  voidque 
fon  poignard  ne  le  refpe^^ta  pas.  Audi  n'auoit-il  fait  ex- 
ception quelconque  en  l'efcrituie.  Au  moins  deuoi:-il 
rcreruerfaperfonne  ,  &  faire  grauer,»:e  ne  rejpecîe  ^Hemon 
m4/^re.Es  guerres  de  noftre  temps  ,  infinis  ont  efté  fur- 
prins  &  tuez    par  leurs  propres  armes.   De  quoy  les 
guerriers  peuueu^  faif^  ^^^  Uwrcs  ♦  ^  ils  veuleac  cii. 

E  s 


7©  fJtJlûires  adminhtes 

•prendre  le  loifir. 

^r  kA  h  £  V  R  s. 

ijijiotresmerueillcttfes  de  certains  ,  qui  ont  anaîé  par  la^orge 
en  Cefiomach  dttteyfes  chofes  ejtran^es,  ^  de  ce  cj^i  i'en  ejl  en- 
fiiiui, 

Ï'Ai  veiivnhommcqui  pout  vn  liardaualoit  des  pie- 
ces  de  verre,dc  clous  de  fer,  &  autres  chofes  en  cjuan- 
tité  :  puis  incontinent  après  en  fe  ferrant  le  ventre  il 
rendoit  letouc  j>arlabouchc.Lemefnîe  ,  pour  vn  coup 
àualaquatfe  vingts  porrcaux  ciuds.  A  telles  gens  le  ven- 
tre fcrr  de  fac,&  font  du  naturel  des  plongeons.  Cardatt 
au  Un, de  h  d^uerfité  des  chofisjcJiAp./^o, 

Nous  auonsveu  à  Fcrrare  vn  ie  ne  fcay  qui  lequel  ^ 
iialGit,cuifoir&  digeroic  des  morceaux  de  cuir, des  pic- 
ces  dépôts  de  terre  &  de  verres  caliez  :  tellement  que 
chafcunlefumommoitrAujftruche  :  oifcau  qui  digère 
le  fer  comme  nous  auon$  faitl'efprcuueen  vnc,  laquel- 
le eftoit  en  lavûlçd'AnuQïs ,  ^^matus  Portulan  ,  en  U 
deuxi'efme  centuvkiCti::  60' 

Il  mefouukntauoir  vcu  en  monieune  aage  vn  ca- 
pirriine  Alcmancn  rarmcede  France,  lequel  aualoit  le 
yinlan.s  mouuemcnt  quelconque  de  lagorge.Cn-J^;;  U~ 
»re  ^.chap.^o.dela  diuajjîcdei  chofes.  On  a  veu  plufîeurs 
Comédiens  &  enfanslans  fonci  de  noilre  temps, aualc; 
le  vin  &la  viande ,  ne  plus  ne  moins  que  s'ils  l'cuflent 
îetté  dedans  vn  Hic  ,  tout  ce  qu'ils  auoyent  mangé  &  ce 
fa  n  s  e ffort  q  u  elco  n o.  u e. 

l'ay  conu  certain  pcrfon nage, qui  pour  vnc  pièce  d'.ir- 
gcnt  aualoir  plufïcurs  cailloux  ,  puis  les  rendoit  par  ba:; 
àuec  fes  excréments.  i^hrab>tnt de  Porulcon  ei  dialoguei 
ttetor.   \ 

Certain  icune  garçon  mendiant  alloit  par  les  porter 
ideBafle,  ilyaquelquesannees,  gaignantfi  vie  par  va 
vniferable  moyen  :  car  pour  deux  deniers  li  aualoit  for- 
ce pierres  qu/U  crouuoic,  ^  des  noix  cucicres ,  donc 

■  '  il  rcmpliP^ 


ff  memûrahles,  71 

^  remplifloit  Ton  ventre,  tcllemcnc  qu'nu  toucher  on  les 
cnrcndoit  s'cntrechocquér,  comme  iî  elles  euflent  efté 
dedans  \n  fac.Puis  rendant  le  tout  par  la  bouche,  &  les 
lauant,  il  les  aualoi:  derechef  ou  d'autres  félon  qu'il 
plaifoitù  ceux  qui  lui  donnoyent  quelque aumolhe.Ai; 
bout  de  quelques  mois  ielc  trouuai  à  Fribourg,  où  il 
fiifoit  le  mefme  meftier.  Mais  ie  n'ai  peu  fçauoir  depuis 
qu'il  eft  deucnu.i>/cFe/;"x  'PUterAfedecin  k  hajle  ,  en  fis  oh-» 
feruation^. 

De  noftre  temps  ,  vn  Efpagnol  engloutit  en  peu 
d'heurcsjà  certaine  courtifane  de  Venile  quarante  bel- 
les grolfcs  perles  >  auec  vue  croix  d'or  garnie  de  cinqf 
pierres  precieufes  ,  &le  cordon  à  quoi  tout  cela  pcn- 
doit.  Lui  l'ayant  follicitee  fort  pour  en  iouir ,  elle  vou- 
lant vendre  au  poids  de  l'or  ce  plailir  illicite,  lui  deman- 
da cinquante  efcusd'or  pourvue  nuid.  L'Hpagnol  ac- 
corde ,  &  promet  auant  les  approches  de  les  lui  conter. 
Ellepenfant  auoirattrappé  ce  pigeon, prie  vn  gentil- 
homme Vénitien  qui  rentrctcnoit  de  Taccommoder 
de  qocl-quc  précieux  ioyau  de  l'a  femme  ,  afin  d'aparoif 
tant  plus  braue,S:  d'allccherlc  Caftillan:  lequel  voyant: 
celle  proye  lui  conte  cinquante  efcus.Puis  l'ayant  eu  en 
fapuilfiince  dcsleroir,îa  Tentant  profondement  endor- 
mie,ofta  le  colher  à  la  belle,  auala  les  perles  j  la  croix  &: 
Je  cordon:puis  fe  retirade  matin,  laifiTant  fa  courtifannc 
compoTerpuis  après  de  fa  perte  auec  le  Vénitien,  ^^a 
yefdius  au  ^Attire  defon  t^natomie-^ch.'^. 

Il  m'aefté  dit  qu'vn  certain  aiioir  aualé  Japoinde 
rompue  d'vncouileau,pu.;s  Tauoit rendue  parle  fonde- 
ment, P,Forc^)f  an  î<).linie  defes  oùfcrnathns ,  jcc/.zS.ew  l'aur 
notation, 

Monfieur  de  Rohan  çuoit  vn  fol  nommé  Guyon, 
quiauallala  poindte  d'vne  efpee  tranchante  ,  de  lon- 
gueur de  trois  doigts  ou  euuiron  ,  &  douze  iours  apre& 
iaictta  parie  fiege:  ce  qui  ne  fut  Hins  beaucoup  d'acci- 
denseftranges.Toutesfoisil  rcfchappa.  Plufieursgen- 
tils-hommes  Bretons  la  lui  virent  aualer,  M.^mbroiji 
Var^  i^H  t'inpquatriefme  Uitre  chapitre  i6.  Il  y  raconte  7# 
Heauae  luiioirc,  que  i'adioullerayi  celle-ci,    Cabr»l 

£    4 


7  2.  Hiftoires  admirables 

Chirurgien  de  mon/ïeui    le  Marefchal  d'Anuille  m'a 

certifie, ouc  François  Guillemet  Chirurgien  de  Som- 
micres,  petite  \illc à  quatre  licucs  près  de  Montpeflier, 
auoitpenfc  &  guéri  vn  berger,  auquel  des  voleurs  a- 
uoyentfaidaualer  vncoufteaujlong  de  demi  pied, le 
manche  de  corne^de  lagrofleur  d'vn  poulce,  qui  fut  Te- 
(pacedefixmoisenfon  corpSjfe  plaignant  fort  à  caufe 
des  douleurs  qui  le  rendirent  fec  &  fort  maigre.  En  fia 
lui  furuint  \n  apofteme ,  au  deflous  de  Tainc  ,  iettant 
grrrnde  quantité  de  pus  fort  puant  &  infeft.  Par  cefte  a- 
pofteme,en  prcfence  des  officiers  de  iufticc,fut  tiré  le 
coulttau.lequd  Monsieur  loubert.  Médecin  célèbre  à 
Montpclher,  garda  en  Ton  cabinet,  comme  chofe  admi- 
rable,memorablc,&:  monilrueufe.  Ce  que  pareillement 
Jacques  Guillemcau,  Chirurgien  iuré  à  Pans,  m'a  affer- 
me auoir  veu  au  Cabinet  dudid  loubert. 

Adiouftonsencor  du  mefme  liure  &  chapitre  deux 
autrcshiltoircsdechorcsaualees,  par  imprudence,  non 
moins  mémorables  que  les  precedentcs.M.  Antoine  Be- 
aiiuenius,  Médecin  à  Florence,  efcrit  qu'vne  certaine 
femme,auala  \  ne  aiguille  d'airainjfans  en  auoir  fcnti  au- 
cune douleur,  Tefpace  d'\n  an.Iceluipafle  lui  furuinc 
grande  douleur  au  ventre,&  pource  cull:  Taduis  de  plu- 
fîeuis  mcdc  cins ,  touchant  cefte  douleur  ,  fans  leur  faire 
mention  de  l'aiguille  aualee.  Nul  n'ayant  fceului  don- 
jier aucun  allégement,  elle  vefcut  ainfi  refpacc  de  dix 
ans,enfiTi  defquels  tout  à  coup  cçfte  aiguilleiortitpcrj: 
vn  petit  trou  près  le  nombril,  &  fut  guérie  en  peu  de 
pemps.L'autre  hiftoirecft  d'vn efcholier  nommé  Cham- 
fecllanr,natif  de  Bourges ,  efludiant  à  Paris  au  Collège 
de  Piefie.  Icelui  auàla^  n  efpi  d'herbe  nommée  Gra-t 
mcn,lequcirortit  quelque  temps  après  d'cnnelescoftcs 
tout  entier,  di>ntilcuida  mourir,&  fut  penlé  par  Mei- 
lleurs Fernel&HuguetjDodeurs  en  la  faculté  de  Mé- 
decin c. 

Nous  auons  par  potions  conucnables,  lenientes ,  pui-î 
fortes,gucri  vn  (eruiteurdç  Madame  delà  Val,  Icquef 
auoitaualc  vnc  clef  de  fer:&vn  fol, lequel  en  la  ville 

4c Tours;  ipjs  ^u'vîi  cfcrimoit dcuancle  Rpy,  rccueiii^c 

dcccuc 


^mémorables,  7J 

déterre  la  pointe  d'vne  tlpcc  >  laquelle  il  auoicfouilain 
aualee,  &  qui  eiloic  prcfque  d'vn  demi  pied  de  long. 
Alont.  a»  i<^.chap.  de  fa  Chirurgie» 

Quelqu^M^  ,  Ton  ne  içaic  pourquoy ,  ayant  aualé  vn. 
bafton  de  longueur  &  grolleur  du  doigt  mitoyen  le  gar- 
da refpace  d'ni  an  entier  dedans  Ton  corps,  en  fin  du- 
quel lui  furuint  en  certain  lieu  où  il  eftoit  aii;s  auec  plu- 
fîeurj,  autres  vne  colique  très  afpre  ,  qui  le  contraignic 
s'en  retourner  en  fa  maifon  ,  ou  il  rendit  par  bas  ce  ba- 
fton de  bois.  P.  Foreji  en  U  i8.  annotation  fur  le  15.  Hure  dç 
fis  obferuations  Aledecinales. 

Il  y  auoit  à  Zurich  vn  pécheur  bien  conu  lequel  a- 
yant  certain  iourofé  aualer  vneangBilleviue,  laiendic 
entière  &  viue  par  en  bas.  Gcfncr  3  parlant  des  ^yingiéilies 
lU*  quatrîefme  Hure  defon  hijlolre  des  animaux. 

En  la  cour  de  l'Empereur  Charles  V.  Te  trouua  vn 
goulu,  lequel  aiiala  auec  vn  grand  traift  debiere  vn  gros 
hareiic  tout  entier.  Et  en  la  ville  d'Alcmar  en  Hollan- 
de certain  autre  tout  d'vn  traid  auala  trois  dallcrs  d'ar- 
gent, en  vn  pot  de  bicre  :  &  trois  iours  après  les  rendit 
par  bas.  Le  mefme  P^rre  Foreji  au  mefue  Uurc  a^  chapitre 
fufmentionné. 

LES    HISTOIRES     SVÎVANTES     SB 

rapportent  aux  dangers  oufefofit  tromtcH^  plufteurs  ift*i  trnr- 
prudemment  ot*  atttremfnt  ont  aualé  des  chofes  qui  leur  font 
demeurées  en  lagor<^e  ou  ailleurs  ,  dont  fe  font  cnfulups  diuers 
fafcheux  ^pitoyables  acctdens. , 

VNe  payfane  HoUandoife  aagee  de  cinquante  ans 
&  d'auantage,  mangeant  vn  iour  de  trop  grand  ap- 
pétit :  mit  en  fa  bouche  certain  gros  morceau  de  chair 
durcie  à  la  fuinee,&  Payant  au^le  fans  inafcher  il  lui  de- 
meura en  la  gorge,  &y  fut  trois  iours  entiers  fans  qu'on 
peuft  y  remédier.  Elle  ne  pouuoit  prendre  nourriture 
quelconque ,  le  paflage  à  la  viande  &  au  bruuagc  eftanc 
du  tout  eftouppé.  M'ayant  en  fin  appelle,  ie  defcouuris 
<Quc  l'c  morceau  eitoit  tort  auant ,  iJc  y  appliquay  diuer:> 


74  Hijf  dires  admirables 

TLiHcJcs.  Elle  n'atcciuioïc  que  la  morc,Sur  la  fin  duqua^ 
ricrmciour,commc  elles'amufoità  buuotccr  du  petit 
îniâ,  ce  morceau  tomba  impccueufemeiu  en  icllo^ 
niach,au  moyen  dcquoi  elle  retourna  en  fanté.Fore/?a« 

La  fille  d'vn  pcrfonnagc  delà  ville  de  Delft,aagec 
*îe  vingt  trois  ans,  ayant  mangé  auidemcntdes  tripes 
«îebœufjdures  ^n:  glueufcs  ,  quelques  morceaux  lui  e- 
llouppcrcntla  gorge  tellement  que  refpacc  de  trois 
iou'-s  cntiersil  fui  fut  impofi'iblc  de  rien  aualer.  le  lui 
^s  donner  vn  fort  fu j)pofitoire ^  &  après  auoir  fai<!:l  oin- 
dre (on  col  d'huile  de  lis  &  d'amendes  douces ,  puis  en- 
ijelopper  d'vn  cataplafiriC  co^iuenable  au  mal,  lors  que 
tous  ceux  qui  lui  aillitoyent  n'attendoyent  que  la  mort, 
die  fut  gucrie.  l.a  mcfine. 

VncautrefilJeaac'cedc  vingrhuictanç,ayantau  moi? 
<îc  Septembre  i58i.aualé  vn'morceau  de  chair  dure& 
neriîcufcfut  es  meilnes  dangers  que  la  précédente,  l'c- 
fpacede  i4.heures  :  &  finalement  foulagce,le  morceau 
cftantdeuale  en  Tcftomach.Irt  we/îr>e. 

Certain  pcrfonnagc  qui  mangcoit  à  gros  morceaux 
vne  pefchcvoulut  aualer  auffi  le  noyau,  lequel  lui  dc-t 
meura  en  la  gorge, où  ayant  arrcilc  quelque  peu, ce  per-. 
ronnngcprclieboit  An  fi  pr.ind  trait  tout  d'vn  coup» 
qu'il  poulie  ce  noyau  enreil:oma£h,d'où  eftant  deuaU 
its  boyaux  il  s'arreila au  boyau  cuilier  non  loing  du  fon-- 
dément,  tellement  que  trois  jours  durant  le  patient  ne 
}'>eutdcfcharger  Ton  vcntrc,cn  fin  ce  noyau  fortitauec 
lescxcrcmcns,auec  tout  tel  bruit  que  d'vn  coup  de  pi- 
ftolc  que  l'on  laicheroit.  Afais  depuis  ce  tenij-^s  la  il  fur 
toufiours  tourmenté  d'hemcrroides,  à  caufe  de  refcor- 
chcure  en  celte  partie,  faite  par  le  noyau  rabotteuxôc 

Vne  ieune  hile  ayant  mangé  beaucoi^p  de  poulmon 
«le  mouton, &  Tentant  Ton  cftomach  charge  ,  eut  enuic 
^e  vomir.  Mais  le  morceau  s'arrcfta  au  haut  de  la  gorge, 
où  il  falut  appliquer  par  dedms  les  fers  pour  auoir  ce 
jmorceau  qui  s  cftoit  enflé  Se  auoit  eftoupé  le  conduit 
Âoiu  tUe  cuida  m9mir^i././/tf*f//fr.Autaat  eu  auiut  i 

VTtt 


^  memorahles,  7Ç 

yne  autre  oui  auc.ic  mangé  du  poulmon  c!c  boeuf  Scliu- 
gioctoitfans  cell'cnepouuanc  rien  aualcr.  Elle  futfou- 
lagec  fans  application  de  fericmens ,  n  ais  i  l'aide  des 
ventoufes  &  autres  remèdes  ,  elle  reietf^ta  finalement  le 
morceau  qui  dcreftomach  lui  cftoit  monté  en  la  gor- 
ge. Les  SchûUogrtiphcsfnr  le  l.UJt  Md.l^^ouUir,  des  maladies 
internes, 

Vnieunc  enfant  dehniftans  ayant  aualé  l'vn  des 
lettons  dont  Ton  père  fe  fcruoit  pour  compter,  nefe 
fentit  point  autrement  de  ceft  excès  pour  lors  :  Tetile- 
mcntiî  commença  pou  à  peu  à  deuenir  greflc  &  perdre 
delbnenbonpomâ:.  Au]bout  dVn  anil  le  defchargca 
de  ce  letton  auec  fcs  excremens  ,  lequel  tut  trouuc 
demi  vfé  &  tellement  confumé  parla  chaleur  naturelle, 
que  chacun  s'en  esbahifroit.ty^;j(r;zf.Por/^f;»irw.2.r«r.^p. 

Certaine  honnelle  mère  de  famille  de  DuITcldorp, 
voulant  veftir&:  accommoder  vn  Cicn  petit  enfant  au 
mois  de  Mars  i^^4.a)'ant  deux  efpingles ,  True  grande, 
l'autre  petite,en  fa  bouche ,  furuint  que  Tenfant  fut  en 
danger  de  choir  au  feu. Ce  penl  fit  oublier  à  la  merc  fes 
efphigles  qu'elle  au ala  fur  ceftepeur,  nepeniant  qu'à 
fauucr  Ton  petit.  Les efpingles  lui  demteurercnt  quel- 
ques heures  en  la  gorge  auec  grande  douleur.  Appelle 
pourlafccourir^i'ordonnai  que  l'on  gardait  de  lui  don- 
ner A'iandenibruuage,  que  premier  ie  n'culfe  cflayé 
auec  "V  n  engin  propre  de  tirer  ces  cfpingles.Là  delîus  e-. 
liant  forti ,  puis  rentré ,  i'enten  qu'on  lui  auoitfait  hu- 
mer vn  bouilloH,qui  poufla  les  efpingles  plus  bas ,  iuf- 
ques  vn  peu  au  dcfûis  de  l'orifice  de  l'elicmach.  Ce 
fut  nouucllc  &:  poignante  douleur.  Pour  y  remédier 
ie  lui  ils  boire  vn  grand  trait  de  bicre  ,  auec  du  beur- 
rcSc  des  morceaux  du  pain  de  fciglc  ,  affez  gros 
méfiez  parmi, cfperant que  le  poids  du  pain  poulîcroic 
aueclc  bruuage  cescfpmgles  en  reft(*inach,  attendu 
qu'il  n'citoit  plus  pofiible  de  les  auoir  par  haut.  Ce 
quiauint  non  fi  toil, mais  quelques  heurcsapres.  Le 
lendemain  iela  fis  nourrir  de  bons  bouillons  ,  &  boire 
iie  labierc^auecdu  beurre  ,  puis  repofcr  fur  le  collé 
*;îroit;lc  vécrc  non  prcfi'épaucc  des  couflîns  fous  fes  bras. 


7^  Hïftoires  admirMes 

^fouslescuiflcs,  pour  donner  plus  d'aide  aux  erpingleç 
de  dcfccndreaux  boyaux,  A  près  midi  on  la  leua,  mais  ic 
Jcftcndi  qu'on  ne  l'csbranlaft:  en  la  tournant  de  cofté 
&  d'autre  ,  ainscjuclans  fe  courber  en  auant  ou  arrière 
ellemarchaft  doucement, afin  que  les  efpingles  deualaf- 
fennce  quiauint,&  les  rendit  ,1a plus  grande  citant  vn 
peu  courbée.  Hlle  fut  extrêmement  malade  de  ceft  acci- 
denrrmais  toft  après  remife  au  àQi^\xs.le'inynjicr,enfei  oh- 
feruatiom  wtidichuxlesyfur  la  fin. 

Vne  fille  Vénitienne  fe  couchant  auec  vixe  aiguille 
longue  de  quatre  doigts  en  labouche,  s'endormit  &  l'a- 
uala.Aubout  dedixmois,ayantefté  griefuementtour- 
mentce,elle  la  rendit  auec  fon  vrine  :  mais  en  merueil- 
Icufe  forme  :  car  vne  pierre  de  la  grofleur  d'vn  œuf  de 
poule  s'eftoit  concrcec  autour  de  cefte  aiguille,  ^^lex, 
Befioij}  auz.lÎHre  de  fon  ^^natomU  ichajy.^. 

Certaine  Damoifelle  de  chambre  de  la  Ducheffe  de 
luillersfe  coiftant,&  tenant  en  fa  bouche  cinq  efpm- 
gles,  fut  frappée  par  derrière  par  certain  Gcntil-hom- 
me,dont  elle  treflaiUit ,  &  de  peur  auala  lefdites  efpin- 
gles,qu'elle  rendit  aueclVrine  deuxiours  après,  fans  au- 
cun dommage,I.L.ïrt;;/mf  en  L'eptfire  aAu.  z.itolume, 

A  Nieumegue  certain  homme  dilfolu  voulant  l'vnc 
des  fcftes  de  Pafqucs  donner  du  pafletcmps  aux  au- 
tresjs'ingerad'aualer  vn  aufde  poule  entier.-maisl'œuf 
fctreuuant  trop  e;ros  s'arreftaenla  gorge ,  &  boufcha 
tellement  le  conduit  ,  que  tout  a  l'heure  ce  diflblu 
fut  cftoufté.I.  y-vier  au  qiiatricfme  Uitrc  depntjît'rihichapl- 
tre  2. 

L*an  milcinq  cens  huitante  huicl,vn  autre  diflolucn 
la  ville  de  Rouan,  difant  par  gofl'erie  qu'il  n'y  auoic 
pointd'osen  vn  pieddebœuf,  fit  gageure  d'en  aualer 
vn  cuit  en  vn  morceau.  On  lui  en  apporte  vn  :  il  Tem- 
poigne&le  fourre  en  fa  bouche:  mais  l'ayant  en  la  gor- 
ge, le  pied  demeura  li  ,  fans  defcendre  ni  remonter. 
Qiuelquc  diligence  &  remède  que  les  Médecins  yap- 
pliquaflcnt,  il  demeura  en  ceft  eftat  l'efpacc  de  neuf 
iours,au  bo-ut  defquels  il  mourut  fans  parler  ,  ayant  le 
vilagc  monflriicufemcnt  cnâc.  Chacun  Talloit  voir ,  & 

Icr- 


l 


dr  memorMes.  77 

femitde  fpcdacle  du  lugcment  de  Dieu.    Mémoires  de 
nojire  temps. 

Bernard  des  Noirs,  Gentil-homme  Mantouan ,  aagé 
de  foixante  fcpt  ans,homme  grelle ,  mais  vigoureux^  a- 
antcnla  bouche  vngros  morceau  de  chair  ncrucufc 
'engloutit  fans  le  bien  mafcher.  Ce  morceau  s'atna- 
chant  à  l'orifice  delà  gorge^faifit  tellement  le  paflage, 
qu'il  lui  eftoitimpofljble  d'aualer  chofe  quelconque, 
nonpasmefme  de  l'eau  claire.  Une  pouuoit  prefques 
refpnerrla  chair  vifiqueule  tenoit  Lellement,qu'ilfutin^- 
pof^lble  aux  Chirurgiens  de  la  tirer  dthors.ni  de  la  poul- 
feren  auant.  Au  bout  de  fept  ioursicellc  el]:ant  }?ourrie 
&dirioulte  deuala  en  Teltomach:  tellement  que  le  pa- 
tient fut  garanti  de  fufiocation.Maisiln'cfchappapour- 
tanticar  la  gorge  s'eftant  enflammée  par  la  douleur  & 
les  applications  des  fcrrcmens,  outre  la  foiblclfe  furue- 
nue  a  faute  de  manger  refpace  defeptioursjcequi  auoic 
abatu  toutes  les  fcrrces  &  facultcz  de  la  vie ,  au  quator- 
2.icfme  iour  il  momut.AiarceL  Donat,au^.Uure  defss  hiftoi- 
res  admirulleiicha.%. 

M.Pierre  Forelljdode  Médecin  HoUandois ,  raconte 
qu'vn  autre  fçauant  Médecin  attelle  auoirveu  certain 
perfonnage^lequel  ayant  efté  tourmente  d'vnos  poin- 
t\u  'tidié  dedans  Ton  golîer,au  bout  de  deux,  mois  ceft 
osfortitpar  àtrauersla  çq^lu.Es  annotât ionifnr  CohferuA- 
tiomS.defonl^Mu. 

Vn  barbier  ayant  à  mettre  vne  tente  au  fond  de  la 
bouche  d'vne femme,  laifla  efchapper  imprudemmcnc 
icclle  tente,  laquelle  deuala  parla  gorge  en  l'eftomach, 
dojit  s'enfuiuit telle  indifpofîtion  en  la  pauure  femme, 
qu'cllant  dcuenue  toute  lèche, après  auoir  langui  plu- 
fîeurs  années  elle  mourut.  Lcmejhse  en  C annotation fnr  la 
ï^.ohfsruation  de  lel^.liu. 

Il  me  fouuient  qu'vn  ieune  homme  de  Haerlem,qui 
auoitaualé  des  guernettesviues^ce  font  petits  poilfons 
de  mer,  qu'aucuns  appellent  fquillesou  pinnotheres) 
en  fentit  de  grandes  douleurs  en  Teilomach  ,  &  finale- 
ment mourut  tout  fec.£»  l' annotation jiir  L'obferh.  z8.  de  la 


7  8  H'tjlûires  admira^  blés 

Vn  autre  pourauoiraualc  crois  goujons  vifs  iVn  apr«f 
l'aune  ,  fut  cfloufte  du  croificfme  ,  &  en  mourut.  La' 
7nejme. 

Certaincfcmmcayanrfans  y  pcnfer  nualé  vnc  aiguille, 
ne  peut  cilrc  garantie,  ains  niaugré  cous  remèdes  ayant 
langui  quclijuccemps,  mouiuten  chartre.  Entdbjtrua- 
tion  ly.dc  ce  l^diurc, 

Charles  Soderin  auoit  do  fois  à  autre  la  fieure  faiis 
taufe  manifefte  ,  dont  finalement  il  mourut,  aa^é  de 
trente  cinq  ans. OuuertJ'on  trouua  vne  aiguille  à'zcyQv 
£chee  dedans  le  foye.  Ba^.ance  Chirurgien  la  tira  toute 
dentclce,roU2C  du  nemps,&  me  Fa  monllree.  Charles 
aagc  feulemer.t  de  trois  ans  rauoi'c  aualce  par  mef. 
garde.      N entée  Aledecm  deï^lorencc  ,  en  Jh  oiferuatlons. 


BARBARES    P  RF- 
demment  adoucis, 

ROt5  E  R  T  de  Sainâ:  Scncrinfort  vaillant  Capitaine 
en  Ton  tempsjfaikint  le  voyage  de  Syrie  &  tirant  au 
mont  Sina  (  pour  acomplirvn  certain  vœu  parJuif::ic 
itlon  la  deuotion   d'alors  )    ayant    dcfconuerr  qi; cl- 
oque nombre  de  cheuaux  qui  venoyerit  le  rencontrer, 
demanda  à  ceux  qui  le  conduifoyenc  par  le  fauf-con- 
duit  qu'il  auoit  du  Sultan  ,  quelles  gens  c'eftoycnt. 
Qu^and  ils  eurent  refpondu  en  tremblant,  que  c'eftoy- 
cnt Arabes ,  les  plus  hardis  &  dangereux  brigands  du 
mondcluifans  fe  monftrer  aucunement  effrayé, &  au 
contraire acourageanr  fa  compagnie,  leur  dit  qu'il  fa- 
Joitdefployer  là  le  bagage,  afin  que  ceux-ci  qui  venoy- 
cnt,  trouuaflcnt  le  difnë  preft  incontinent  qu'ils  fe- 
royentarriuezjSuquelilsauroyenfe  grand  befoin ,  veu  la 
faiclicrie  (]ue  la  chaleur  &  la  poudre  du  chemin  Icurau- 
royenc  donnée.  Tandis  que  fes  gens  faifoycnt  ce  qu'il 
auoit  commandé,il  s'en  alla  au  deuant ,  les  falua  dVnc 
façon  fort  gracicufe  (  cilant  aulfi  oatmçUement  beau 


^memorahles.  jf 

^erfonnage  &  de  taille  &  cic  traift  de  viTage  3:  cnrcfij- 
riant  leur  ditqu'ils  eftoycnt  les-biCn  venus  .-adioullanc 
Jjliifîeuis  petits  propos ,  par  le  moyen  des  truchemeaç 
qu'ilmenoit,  en  les  carcflant,&  montrant  n'auoir  aiv- 
tune  desfiancc  d'eux.  Lefqucls  propos  ayanselié  agrea^ 
tles  à  ces  brigands»  Arabes,  ils  acceptèrent  volontiers 
l'offre  qu'il  leur  failoit ,  tellement  qu'ils  difnerent  auec 
lui  ioyeufcment  :  &  après  auoir  reccu  quelques  pctitsf 
prefens,  s'en  aUerent,ayans  oublié  toute  leur  cruauté 
barbarefque,  &  au  contraire  auec  pluiieurs  remercie- 
mens  de  ia  bonne  cherc.F.n  ce  récit  nous  voyons  dVne 
part  vn  traift^dc  merueilieufc  prudence  en  -  vm  homme 
tôbant  foudaincmcnt  &  au  defpburueu  entre  les  mains 
(de  gens  ians pitié.  D'autrepart  vn  traid  de  grande  hu- 
manité des  nommes ,  femblans  n'auoir  lien  d'humam 
que  la  facCj&retenans  en  cruauté  du  naturel  <^,^s  lions» 
tygres ,  &  autres  beftes  fauuages.  De  forte  que  ie  croy 
que  les  Poètes  n'eu/Tcntdonné  guercs  moins  de  louan- 
ge à  ce  Capitaine  qu'ils  donnoycnt  à  Orpheus,  d'auoir 
fceu  par  les  doux  fons  de  fa  harpe ,  amollir  les  cœurs  des 
beftes  fauuages  &  cruelles.  Conformité  des  mernsillcs  an- 
tiennes aufcles  moderne^, 

B  LE  s  SV  RES    LEGERES. 
ncA'ntmoins  mortelles, 

\J  N  mien  frerejc  Capitaine  Saind  Martin  ,aagé  de 
vinot  trois  ans ,  qui  auoit  defîa  faid  affez  bonne 
preuue  defa  valeur,  iouantala  paume  reccutvn  coup 
d'eftœuf;qui  Taflena  vn  peu  au  deffus  deTaureille  droi- 
â:e,fans aucune  apparence  de  contufîon  ni  de  blelfure. 
Il  ne  s'en  affit  ni  repofa:mais  cinq  ou  iîx  heures  après  il 
mourut  d'vne  apoplexie ,  que  ce  coup  lui  caufa.  AlÀe 
Xylontagne^AH  iditudefes  E(ftii,chap.l9- 

Querelle' s'cftant  efmeuc  entre  deux  ieunes  hom- 
mes, l'vn  eftend  le  bras  adonne  vn  foufflet  à  l'autre, 
dont  lui  furuient  apoplexie  ,  de  laquelle  il  eilel-louffe, 
Ujg^^rt  j^p  bj^;.i  peu  d'heure.  Le  frapeur  eit  conftitué 


8o  Hijiûircs  admirables 

proniptcmentpiilonnicr,  &  appcllc-oii  les  Medccim, 
pour  entendre  Jeurauis  fur  la  caufc  delà  mort  de  ce 
ieunc  homme.  Les  vns  rattribuoyent  au  coup  mefme, 
difans  que  Ja  matière  auoit  elle  efmcue  pariccJui  :les 
autresà  replctjon  &  fuperfluicé  d'humeurs caulees  par 
tropm<in^cr&boire:lesautre,sà  riiumidiré  dulicu  ,  où 
le  mort  auoic  parauant  dormi  par  longue  cfpace  de 
temps.  Ceftc  diucriitc  d'auiscnipcicha  le  iuge  depro- 
noiîcer  fenrenccdchnitiue.  Nousauons  aufil  conu  ^  w 
foulon  nomme  Picrrclequcl  tua  vn  ieunc  homme  d'Mi 
coupccpoin  quillui  donna  contre  rcllômach.  o/4"f. 
Bemitenius  ai*  cent  dixiefme  chapitre  de  [es  exemples  meduh 

7MltX, 

Ardoufn  du  Fcrricr  ieunccnfant,  aagé  de  treize  ans, 
futk'uercment  bicire  d'\  n  ballon  defaulsc-]ui  dauan- 
ture  Uiifutie-îté  J'vn  grenier  delfusla  tcftc.On  n'y  re^ 
conoifloit  fiacturcni  entamcurc  quelconque:  mais  le 
iîxiefme  iour  vne  infîamauion  liiruintenla  blefleurc, 
le  lendemain  conuulfion  &paralyfieen  la  cuiflc  droite 
&  au  bra,sgauciîe,auec  fieureScrefuerie.  L'onziefme 
iour  il  rendit  relprit.  Fr.  y  allerioU  en  la  i.  oh  fer  nation  dit 
S'iiiire, 

B  L  E  s  SF  R  ES  guéries. 

FHANçorsde  Lorraine  ,  Comte  d'AumaJc ,  depuis 
Duc  de  Guifctué  dcuant  Orléans,  fut  rudcmer.t 
blcIledcuantBoulongne  d'vncoup  delance,quiaudcf. 
fous  uel\i'il  droictdeciinant  vers  le  ncz,cntra  &  palîa 
outre  de  l'autre  partjcntre  la  nucque&Taureille  ,  d'vne 
il  grande  violenccquc  le  fer  de  la  lance  auec  vne  portio 
duboisfutrompue,&dcmeuradcdans  en  forte  qu'il  ne 
peuteftre  tiré  hors  qu'a  grande  force  ,  mefme  auec  te- 
nailles de  marcfchal.Nonobftant  toutesfois  celle  gran- 
de violence,  qui  ne  fut  fans  fradurc  d'os,nerfs,  veines, 
arteres,&  autres  parties  rompues  &br!fees  par  ce  coup 
delaiice ,  il  fut  gucri ,  &  vcfcut  plufîcurs  années  après* 

tue 


^  memorahles.  ii 

tùéaufiege  d'Orléans,  fur  la  fin  des  premières  guerres 
ciuiles  de  noftre  temps  en  France.  H/^.  de  nofire  temps, 

Henri  de  Lorraine  Ton  fils ,  en  vne  rencontre  prés  de 
Dormans,  l'an  1^75.  ayant  eu  le  dcCus ,  &pouriUiuanc 
quelques  fuyards  ,  receut  vn  coup  de  piilolc  en  laioue, 
lesaurrcsdifentquc  ce  fiit  d'vne  icopecce:  dont  il  tom- 
ba demi  mortfur  le  champ.  Neantmoinsilenfut  gueri, 
puis  tué  i  Blois  l'an  158^.  H^j^om-  âe  Kcnry  m. 

Le  fieur  de  Saindieanefcuyer  du  feu  Roy  Henri  i, 
en  vn  tournoi  deuant  l'Hoftel  de  Guifc,  receut  vn  coup 
d'cfciac  de  lance  par  dedans  fa  vifîere  ,  de  la  longueur  & 
«grolfeur  d'vn  doigr/ous  l'œil  dedans  Torbice,  pénétrant 
trois  doigts  ou  enuiron  dedans  la  telle.  le  le  traitai,  a{^ 
lillé  de  pluficurs  doCles  T\îedecins  &  Chirurgiens:  & 
combien  quclaplaye  faite  par  vn  fi  grand  coup  fuft  tref- 
perilleufc,  fifutelle  gueriei  l'aide  de  Dieu.  M.  t^mb, 
Pjtré  Ai*  9.  lU.th.ip.ç. 

Vn  feruiteur  du  fieur  de  Champagne,  gentilhomme 
Angeuin,fut  nauré  d'vn  coup  d'efpee  à  la  gorge,en  forte 
qu'il  auoit  Tvne  des  veines   iugulaires  coupée  auec  la 
trachée  artère ,  au  moyen  dequoy  furuint  vn  bien  grand 
flux  defang,'hoint  qu'il  ne  pouuoit aucunement  parler, 
iufques  a  ce  que  fa  piaye  fuft  courue&  medicamenteç. 
Or  pendant  que  les  medicamens  eftf;yent  hquides  ,  il 
les  atriroit  entre  les  poinds  d'aiguille  ,  &  les  rendoic 
par  la  bouche.-    Dont  conaderant:  la  grandeur  de  la 
playe,  &la nature  des  parties' blcfiees,  principalement 
de  la  trachée  artère  &  veine  fugulairc  ,  lefquclles  font 
fpermatiques  ,  froides  &  feiches ,  par  amfi  dimeilcsà 
rérnir ,  auec  ceaufiiqucla  trachée  artère  eil  fujette 
au  mouuement  qui  fe  faid  en  la  dcglurion ,  à  raifba 
delatunique  interne  ,  laquelle  tient  à  celle  de  i'œfo- 
phage  (qui  eftla  voye  du  boire  &  du  manger)  obeilîanc 
i'viie  à  l'autre  par  mouuement  réciproque  ,    comme 
corde  i  double  chef  dedans  vne  poulie  :  confideranc 
auflli  l'vfage  defdites  parties,  afçauoir  que  la    trachée 
artère  fert  à  la  refpiration  ,  laquelle  eft  neceffaire  i  la 
lyrameuie  Se  chaleur  vitale  du  cœur,  &  qu^laveiuq 

F 


tt  Hijlûires  âdmirMes 

iugulairceftfortrcquifc  à  la  nourriture  des  parties  fff- 
pcricurcs:Dauant.igc  ;iyant  cfgard  à  la  trcficrandc  quan- 
tité dcfnne  qu'il auoit  perdu  &  perdoïc  par  fj  playc  (le 
fane  tftaiîtle  thrcfor  de  nature  ,  le  conlcruatcur  delà 
chaleur  naturelle  &:  des  cfprits  vitaux  )  6c  autres  acci- 
densiicfaifois  mon  ]ir(jgnoftic  de  mort  prochaine:  tou- 
tcsfois  ie  vous  puis  afl curer  qu'il  en  eichapa.  Ce  que  ic 
€roy  eftre  plultoll  aducnu  parla  grâce  de  Dieu,  que  par 
moyen  &  aided'homivicni  des  médicaments. ^\/.,^,<;/vr. 

Eftanti  Thurin  au  feruicc  de  dcffunâ:  Mon/îcur  de  / 
^Montcian,  ie  fus  ajîpellé  pour  penlcr  \  n  foldat  nommé 
iTuclquc,  natif  uc  Paris,  lequel  eftoit  lors  fous  la  char- 
ge du  Capitaine  Renouart,  bielle  de  trois  orandi  coups 
d'efpce,  dont  l'vn  aurv)jc  donné  au  cofté  droift  fous  la 
mammcUc,  ou  la  playe  eftoit  affe?.  grande,penetrant  cn| 
la  capacité  de  la  poic'^trine  ,  &  eftoit  decoulce  grandu 
quantité  de  fangfur  le  diaphragme  ,  qui  cmpefchoit 
la  refpiration  ,  &:ne  pouuoit  parler  qu'à  l>ien  grand 
peine  ,  ayant  vncficure  fort  véhémente  ,  &  auec  la 
toux  icttoit  le  fâng  par  la  bouche  ,  &  difoit  fentirvnc 
douleur  extrême  au  coftc  blclîe.  Or  le  chirurgien  qui 
premièrement  rauoitpcnfé,  auoit  du  tout  coulb  fa  pla- 
yc ,  de  forte  que  rien  n'en  p(;uuoit  fortir  :  &  le  lende- 
main ie  fus  appelle  ponr  viiirer  lemalade,  ou  eftant  ar- 
riuc,  voyant  lc«;  accidens,  Se  la  mort  proche  ,fu-,d'auis 
de  delcoudre  la  playc  ,  à  l'onficc  de  laquelle  ic  crouuai 
du fang caillé,  dontfoudain  ie  hs  cfleuerlc  malade  par 
les  ïambes ,  la  tefte  en  bas ,  iaiffant  vne  partie  du  corps 
deffus  le  liét  ,  s'apuyant  vne  main  fur  \  ne  efcabellc 
MusbaHc  que  le  iid:.  Eftant  ainfi  fitué  ic  lui  fis  fer- 
mer la  bouche  &  le  nez,  afin  que  les  poulmons  s'enfla!^ 
fenr  ,  &  le  diaphngme  s'cnlcuaft  ,  &  les  mufcles  in- 
tercoftaux,  cnfemble  ceux  dclepigaftre  fercfcrraflîc^wt, 
sfinquele  fmgdecoulc  en  la  poitrine  fut  ierté  hors 
par  la  playe;&  encore  pour  mieux  faire,  mettoi.s  le  doigc 
aflC7.  }  rofondenlaplayc  ,  pourdesboucher  le  fang  cail- 
lé ,  dont  il  en  fortitpresde  fept  a  huid  onces  dciîa 
puant  &  corrompu.   Pui^iclc  fislîcucraulift  ,   faifanc 

des  in- 


^  mémorables,  'Sj 

cJcsinJeftionsen  i:i.  phyc  aueccau  liorgc,  en  laquelle 
i.'auois  fai(ft  bouillir  miel  rofat  ^fucrc  Qànài  ,  puis  le 
faifoiv  tourner  de  coité  &  d'aurre:  &  derechef  le  Hs  elle- 
uer  parles  iambes,  comme  auparauant.  Lors  on  voyoït 
forcir  aucc  ladidc  inie(fïion  des  petits  grumeaux  de 
Tang.  Cela  fait  Içs  accidcns  diminucrent  ,  &  petit  à 
petit  cefl'erent.  Le  lendemain  ie  lui  hs  cncorcs  in- 
iedion  ,  en  laquelle  TadioulUi  centaurée  3  abfynthe^ 
aloès  ,  pour  encore  mieux  nettoyer  ;  mais  le  malade 
m*ayant  di(ft  toit  après  ou'il  fenioit  grande  amertume 
en  la  bouche  &volonté  de  vomir,  ic  conu  que  telles  in- 
ieâions  amercs  profitons  d'vn  cofté  nuiioyent  de  l'au- 
tre t  &  ne  les  continuai  pas  ,  mais  traitant  plus  douce- 
ment la  playe  ,  outre  mon  erpercnce  ce  malade  gué- 
rit. Lemefme  3  en  et  muficjîne  Hure  ,  chapitre  trcnudcti^.^ 
xi  e fine.  "  ■[ 

M.  Pi  £  R  R  I  Solery  ,  fameux  Médecin  d'AurillaQ, 
pourfuiui  durant  les  premiers  troubles  par  certains  co- 
ualiersqui  cerchoyent  fa  vie  ,  &  atteint  a  vn  quart  de 
licuè  d'Argentat  en  Limo/in  ,  ain/î  qu'il  cuidoit  le  fau- 
uer  comme  quelques  autres  ,  receut  plufieurs  coups 
tres-dangereux  ,  &  neantmoins  fut  mir.^culcufemcnc 
garCnri  :  comme  le  tout  fat  vérifié  oculairemenr  par 
ceux  qui  viiîterenti>:pearer.cnc  Tes  piayes.  'Première- 
ment il  receut  vn  coup  dliarqiiebuze  le  prenant  au 
deifusdelos  delà  cuific  ,  &  pallant  de  l'autre  coité 
au  mclme  endroid  tiraatfur  le  deuant:  en  après  vnc  au- 
tre harquebuzadcdellbusle  Bras  gauche  à  quatre  doigts 
del'efpaule  qui  emporta  la  pièce:  vn  coup  de  piftolélur 
3a  nieline  efpaule  ,  tirant  en  bas  :  vn  autre  au  vifagC;  le 
prenant  fous  Tceil  &  Ibrtant  fous  la  mâchoire  :  quatre 
coups  d'efpee  fur  le  bras  gauche  dtt  couldc  cnibcis  :  vn 
coup  de  dague  fous  la  mammelle  gauche  ,  qtif  ren- 
contra la  coite  fanspalfer  plus  auant  :  vh  autre  coup 
àepiltolcprefquesau  mefmc  endroiéi ,  coulant  entre 
la^eau  &  les  coftes ,  &  forçant  par  derrière  :  vn  grand 
/coups  de  rcucrs  d'cfpec  dcfTus  l'yeil  :  vn  autre  fcuaaijt 
lurktçlk, 


^4  Hijfûires  admirables 

Ellanr  ain/î  naure  &  laiffé  comme  pour  morr ,  les  aflaf^ 
/înslui  ayansolic  la  bourfc  &  trois  baguc<;  d'orcju'il  a- 
Uoic  aux  tloigtsjlui,  ayant  demeuré  cnuiron  deux  heures 
fur  la  place,  tînalemcnt  fc  leua,  &  comme  il  tafchoit  de 
fetraincr,  vidvnfoldat  acourant  vers  lui  auecTcrpee 
nue,  auquel  ayant  demandé  fecours au  nom  de  Dieu, 
cela  fut  caufc  que  ce  folJat  ne  lui  fit  nul  mal,air!s  Tayant 
vcu  en  ceft  eftat ,  s'enfuit  comme  si\  euft  eu  l'ennemi  a 
dos.  Sur  cela s'eftantvn  petit  traîne  Icmieux  qu'il  pou- 
uoit,  voici  vn  fïcn  fils  aagé  feulement  de  huift  ans,  fuy- 
ant a  ufll  cfga  ré  parles  champs,  qui  le  rencontre,  &  le 
foufleuant  d'vn  cofté  comme  ilpouuoit,  le  conduit  iijfl 
qucsàvn  village  ,  auquel  tout  le  fecours  qu'il  peura- 
uoirfutqu'on  n'achcua  point  de  le  tuer,  combien  qu'il 
,  fuft  en  11  piteux  eftat,  &i  que  ce  pàuure  enfant  auecquc s 
pleurs  &  larmes  leur  prcicnraft  Ces  habillemens,  &  fe 
vouluft  defpouillcr  deuant  eux,  à  ce  qu'ils  fccouruflcnt 
fonpauurepcrc.   Partant  outre,  tantolt  debout ,  tcnto le 
couché.  Dieu  lui  prefcnta  au  mefme  inftantvn autre* 
delcsfilsaagéd'enuiron  dix  ans,  par  lequel  eftantfouP' 
leué  d'autre  cofté.  Dieu  voulutqn'il  euft  aifez  de  forcé' 
pour  arriuer  en  vn  autre  village,  la  où,  non  fans  diffi-i' 
culte,  il  rccouura  deux  œufs  aucc  quelques  cftouppes,* 
qui  furent  appliquées  fur  fes  principallesplayes  ,   puis, 
luycftant  baillé  vn  petit  de  vm,&:  monté  (  comme  orr" 
peut)  fur  vneiument,  il  fut  conduit  à  vn  autre  villaoe 
auquel fafemrae,  retirée ehczvn  Gentilhomme  voi/in 
de  ce  lieu,  le  vint  incontinent  trouuer:  &futtellemenr 
affifté  dVne  fînguHere  &  extraordinaire  grâce  de  Dieu, 
qu'il  réunit  en  pleine  vie  &  fanté.  Uipire  de  Vrance  forts 
Charles  nettfiefme, 

D  v  R  A  N  T  les  mefmes  premiers  troubles  entre  autres 
batailles  données,  fc  remarque  celle  de  Sainâ:  Gilles 
en  Proucnce,le  17.  iour  de  Septembre  \^6z.  En  iccllc 
fe  trouuerent  quelques  Capitaines  Elpao;nols  auec 
leurs  compagnies  ,  lefquels  voulans  tenir  bon  fur* 
la  dcfrouce  furent  rudement  blefiez  ^  à  caufe  qu'ils 

$*obiU* 


L 


^  mémorables.  8  j 

^obftincrent  à  vouloir  foullcnir  l'effort  des  vidiorieux. 
Maisilsne  gaigncrenc  que  des  coups,  furent  prcfqucs 
tous  taillez  en  pieces,&  expirèrent  furie  champ. 

Ce  V  X  c]ui  furuefquircntfc  couchèrent  par  terre,  & 
contrefirent  les  morts.  De  ce  nombre  furent  deux  Capi- 
taines, Tvn  nommé  Alfonce  ,riiutre  Manric  ,  tous  deux 
Cartillans.  Alfoncc  receut  fept  coupji  de  couftc- 
las  fur  la  tefte  ,  fon  cafque  ayant  efté  abatu  ,  & 
lui  terrafle  :  quatre  d'iceux  auoyent  entamé  le  teft, 
les  trois  autres  n'auoyent  fait  que  fendre  le  cuir  iufi 
quosàTos  :  fur  chafque  bras  on  lui  auoit  fait  quatre 
erandes  taillades  :  deux  autour  d'vn  des  couldes  &  du 

oignet.  Il  receut  outre-plus  fix  coups  d'eftoc  dedans 
es  cuilfcs.  Lui  &  Manric  auec  deux  cens  foixante 
autres  bleÛez  fc  fauuerent  comme  ils  peurcnt ,  6c 
furent  apportez  à  Arles  ville  proche  de  là  ,  où  ils 
furent  penfez.  Manric  fut  blellé  de  plufieurs  coups  â 
la  tefte,  au  bras ,  à  la  poidrine  ,  aux  coftez  ,  à  la  fa- 
ce ,  &  fut  deux  iours  fans  parole  &  fans  poulx.  En 
fuyant  il  s*eftoit  iccté  dedans  le  Rhône,  où  il  eftoit  de- 
meuré caché  près  de  quatre  hcuresiulqucs  an  menton, 
tantoftleuant  vn  peu  la  tefte,  parfois  faifantle  plon- 
geon, iufqucsà  ce  que  la  nuid  venue  ,  Sclesvidlo- 
lieux  rerirez  ,  il  paifa  la  riuiere  à  nage.  Plus  de  cent 
autres  blelîez  auoyent  enfemblc  voulu  traueiferce  fleu- 
ue,  aimans  mieux  fe  bazarder  ainfîquc  de  tomber  en 
iapuiftance  des  François,  merueilleufement  &  iuftc- 
ment  indignez  contre  eux.  Mais  plu/îeurs  de  ces  lia* 
geurs  furent  noyez,  la  force  leur  défaillant  au  milieu 
des  ondes. 

C  E  V  X  qui  efchapperent  demi  morts  moururent  preC- 
que  tous  en  THofpital  d'Ailes.  Les  deux  capitaines  fuf- 
nommez,  après  auoir  fouftert  des  nouuelles  morts 
entre  les  mains  des  Chirurgiens  &  Médecins,  furenc 
au  bout  de  quelques  fepmaines  remis  fur  leurs  pieds; 
Wais  bien  marquez  en  diuers  endroi<fts,  pour  s'enfou^ 
uenir&feruir  d'exemple  à  leurs  patriotes,  qui  toutes» 
fois  n'y  ont  pas  bien  penfé.  Manric  auoit  rccci* 
deux  COUPS  dç  baicbatde  eiiwe  les  coftes  ,   dootf 


f6  BiHoires  admirables 

il  ne  forti't  guère  de-  pus  par  les  pcrtuis  des  playes  :'maf« 
au  bout  de  crois  Icp  mai  nés  vue  grande  quantité  de  pour- 
riture lui  fortic  par  le  fondeinciu,  au  grand  csbahilîc- 
inentdu  Médecin  ,  attendu  que  delà  poidri ne  aux  bo- 
yaux il  n'y  a  point  de  voyc  commune  pour  le  pus  conte- 
nu en  icellc  poiCtrine.  En  cette  mcfmc  batajlle,vn  pi*:- 
tonreceutvn  coup  de  liarquebu/e  ,  qui  lui  perça  la 
tempe  gauche  ,  6i  fcrtit  par  l'autre  cofté  vn  peu  au  àcÇ- 
fusdelarempedroirte,  ayant  fracafleje  tendes  deux 
p?rt<v:neantinoins  il  tut  miraculeufementgueri.  Il  auoit 
eite  penfe  à  Nifmcs ,  mais  ne  i'e  Tentant  pas  bien  guéri, 
il  vint  i  moi,  &  iclc  Iccourus  ce  tout  mon  pouuoir.  Ce 
n<.n.,b"antT  d^puur^.au' ui-ie  &:  lourd  de  ce  coup. Ni 
leccrueau  ni  les  rayes  d'icelui  n'auoycnt  cfté  atteintes: 
mais  le  boulet  ayant  rompu  le  tctl  ar.oit  erté  poulie  rez 
■à  rez  d'jcelui  iniques  à  le  percer  de  l'autre  part.  Au  rc- 
fle,  à  caufe  du  coip&de  la  contufîon,  quelque  por- 
tion du  Ihnr,  s'efpancheant  es  nerfs  de  la  veuë  &  de 
i'ouye,  procTui/ît  6biir;i(ftion,  dont  s'enfpiuit  l'aueugle- 
nient&  lalburdcfie.  Vn  autre, natif  de  x^îar^eîlïe,  8c  j;n- 
feignc  d'vne  compagnie,  receut  vne  harqucbu/adc  à  la 
rofârincdont  le  boulet  fortit  par  le  dos.  Ncantmoins 
il  fwr  guéri. 

V  K  autre  ,  d'Arîcs  ,  eut  le  col  i  demi  couppe 
dVn  coup  de  couf^eias  ,  tellcmear  que  la  tcfte  auoit 
beloin  d'eftrc  fouftenuc  ,  le  coup  citant  donné  en- 
tre la  première  &  féconde  vertèbre  ,  fi  profond  & 
Jarge  j  ^u'on  y  n-.ettoit  la  main  :  toutesfois  il  fut 
l^ueri  ,  &  viuoitencores  quatre  ans  ?prcs  ccfte  mci-^ 
peilleufeblefl'eure.  Vn  autre  nomme  Claude  de  Sa^ 
lîoye  ,  avant  eu  la  teite  fendue  prefque  de  part  en 
partd'vn  coup  de  couilch^s  ,  n'en  eut  lamais  fieuiq 
niaccidentquelconque  ,  afcouilumé  en  telles  playe«, 
ruais  les  os  brifez  ayans  efte  oftez  ,  félon  que  l'arc 
de  chirurgie  porte,  en  deux  mois  il  fut  debout.  Deux 
autres,  l'vn  ayint  eu  la  cuifle  froiffee  d'vn  coup  de 
faucouncau  ,  dont  le  boulet  lui  fut  tire  hors  :  ôiTau- 
trcattcint  à  la  chenille  du  pied  ,  après  auoir  beaucoup 
endure  ifiirent guéris ,  Uns  <ju'pn  Iç^ur  coupaft  cuifle  ni 


érmemoraffles.  8t 

iambe,  Fr.  ^ aller ivLi  au  4.  Ut*,  de  fa  ohjèritations  meiecino;^ 
Ui ,  obfevH.lo.  rccitc  CCS  hiltoircs  fort  amplement ,  & 
rcprcfcntc  les  remcdes  applique?  ,  &  moyens  tenus  en 
la  cure  de  ces  hlcHez  ,  lefquels  nous  ne  dcfcnuons, 
cela  apartenant  aux  doétcv  médecins  &  chirurgiens» 
qui  outre  Les  medicamens  ont  cr^,ard  à  plu/leurs  cir- 
conftanccs  necplfaircs  d'cftre  coniidcrce^  en  tels  au. 
cixiens. 

En  la  rencontre  près  de  Cifteron ,  vn  gentil-homme, 
nomme  le  Cadet  du  Monltier,  fut  atteint  dVne  harque- 
buzade  entre  la  cinquiefme  &  fixiefmccofte  :  le  bou- 
let trauerfa  la  poidrinc  ,  &  fortit  par  le  dos  à  deux 
doigts  près  de  rcfpine.  Aucc  le  boulet  furent  tirez 
douze  annelets  d'vne  cpfte  démaille  que  portoit  ce 
Cienril-homme  ;  plu/îeurs  autres  annelets  de  la  rnelme 
cofte  demeurèrent  parmi  les  mufcles  ,  enirelescofles 
Si.  le  dos ,  &  quelques  autres  pouffez  iufqucs  dedans  la 
poi6trine  en  fortirent  auec  le  pus  de  la  playe  ,  çle  la- 
quelle il  fut  guéri  en  Tefpacc  d'vn  an.  Mais  vne  dif- 
f.culté  derefpirer  lui  dura  le  relie  de  cesipurj^à  caufc 
de  ce  coup.  Le  fcruiteurdu  fîeurde  Meiaiïej;  ,  Gen- 
til-homme d'Arles  ,  blefîé  en  la  mefme  rencontre,  d'v- 
nc  harcjucbuzade  au  bras  droift  ,  entre  le  coulde  &  l'ef- 
paule,&  mal  traité  par  les  Chirurgiens  qui  eftoycnterj 
i'armeejvint  à  Arlcs,ayant  le  bras  fphacelé ,  puant  fi  fort^ 
qu'on  ne  pouuoit  durer  auprès  .tout  noir,moJ,  extre- 
n-iementfroid,&  le  patient  tombant  de  fois  à  autre  en 
pafmoiron.  Les  Chirurgiens  a(}^t:ml!)ics?  auec  moi,  nous 
fjufmcs  d'aduis  de  lui  couper  promptement  le  bras,pour 
fauucrle  reftc  du  corps.  Ayant  donc  à  CQup»  de  ra- 
foirdefchiqucré  le  bras  au  dcffus  delà  chair  morte,  a- 
lîcc  la  fcie  on  luy  coupa  l'os  :  &  retenant  le  flus  de 
fiingauec  cautères  propres ,  dansvn  mois  ccll  homme 
fut  l'ueri.  V AÎlerioU  en  la  mefme  ohfernaùoUf 

F.n  cefte  mefme  rencontre ,  vn  foldat  Prouencalfuc 
atteint  au  bras  dVne  baie  de  moufquGt,  laquelle  lui 
caflalesos  Ôcdefcbira  tellement  tout  le  refte  ,  quele 
Ufis  n.e  lenoit  p;is  i  refpeffçur  d  ru  doigt  ,  qu'ii  iilî 

%   4 


88  Jii^ûires  admirables 

tombaft.  Les  Chirurgiens  cftoyeiu  d'aduisdelccou« 
per,  fors  vn  nommé  Maiftrc  Didier  Tefte  ,  homme 
fort  expert  en  Ion  art  ,  qui  dans  vn  mois  guérit  ce  fol- 
dat;  lequel  eut  prefqiies  entiers Scfams  tou^  Icsmou- 
uemens  de  ce  bras  ainfi  fracafifé.  Vn  autre  foldat  frap- 
pé dVne  harquebuzadc  a  laface  ,  le  boulet  lui  donna 
dedans  la  bouche  ,  Séfortit  par  la  future  coronale  du 
cofté  gauche  vers  les  os  furnommez  pierreux  ,  &  la 
tempe  gauche,  lui  ayant  brizé  lamafchoire  d'enhaut: 
neantmoins  il  fut  guéri  &  fe  porte  bien.  Certain  cro- 
chetcur  de  la  ville  d'Aix ,  s'eftant  rengé  aux  armes ,  en 
vne  rencontre  rcceut  vn  coup  d'elloc  trois  doigts  def- 
fous  le  nombril  à  coftc  gauche  ,  lancé  de  telle  roi- 
deur  qu'il  donna  dedans  la  poidrine,  la  pointe  ayant 
percé  le  dps  entre  la  troifiefme  &  quatriéfme  coftc  au- 
près de  rcfpine.  Neantmoins  il  fut  gucri  par  le  Chi- 
rurgien rufnommé.  Nousauons  (  dit  V3lcriola)iugé 
dignes  de  reçit  les  cures  fus  déclarées  ,  afin  que  nul 
ne  defefpere  en  chofcs  difïicilcs^ni  ne  fe  confie  trop  en 
celles  qui femblent  légères  :  veu  que  par  fois  nous  vo- 
yons mourir  celui  que  le  Médecin  s'afl'euroit  de  voit 
bien  tofl  debout,&  refchapper  l'autre  dont  il  auoit  per- 
du tu  utecfperance  :  &  que  le  Médecin  (&  tout  autre 
qui  lit  ces  cccidens  )  fe  fouuicne  que  mcrueillcs  a- 
uienent  en  telles  blefleu^cs  &  guerifons  ,  ainfi  qu'ci, 
autres  oeuuies  de  n-iturc  ,  à  la  louange  de  Dieu  toiit- 
puiflant. 

En  la  guerre  de  Sauoye  l'an  i<^î§.  &  fuiuans ,  vn  ieu- 
ncfoldatreccut  vn  coup  de  harquebuzc  au  milieu  du 
front  dont  le  boulet  lui  demeura  dedans  la  tcftc.  Il 
fut  penfé  &  traité  pc-r  vn  expert  Chirurgien,  en  telle; 
forte  qu'au  bout  de  quelques  mois  il  retourna  foire  le 
meftier  des  armes.  Le  en  certaine  efcaladc  cftant  tom- 
bé de  fort  haut  en  vn  folfé  ,  le  caffa  tellement  la  telle, 
qu'il  en  mourut.  Le  boulet  demeuré  des  la  bleffeure 
précédente,  lui  fut  trouué  fur  le  derrière  du  teft  ,  fans 
dommage  de  la  partie  cirçonfèante.  Alemoires  denofire 
iempu 

Vn  2ut:c  en  ji^  mçrmc  guerre  ay^nt  receu  vn  copp 


C^memoYtihks.  %^ 

dcharqucbii7adc  traucrlanc  cntrclc  boyau  cullicr,  la 
vernc)lcstcfticulcs,nc  fut  nullement  offencé  en  aucun 
endroit,  ains  après  auoirefté  foigncufcmcnt  traite  s'cft 
toufioursbicn  porté  depuis,  comme  il  fait  encoreà  prc-    , 
îç.y\X.  Me  moire  de  7ioj}re  temps. 

Tai  penfé  plusieurs  qui  auoycnt  des  coups  d'cfpec  & 
de  piftoles  au  trauers  du  corps,quiibnt  c^ucris.Pour  tcf- 
moignage,  icpcnfai^Melun  l'argentier  de  TAmbafla- 
dcur  de  Portugal,qui  auoit  vn  coup  d'elpce  au  traucrs 
ducorps,  par  lequel  les  boyaux  furent  tellement  blr,l- 
fe7. , qu'en  l'habillant  il  fortoit  par  la  playe  alie/  grande 
c|uantité  de  matière  fecaic  :  neantinoinslediâ:  argen- 
tier fut  guéri,   le  fus  aufll  en  autre  temps  appelle  pour 
vn  Gentil-homme  Pari/îen  ,  nommé  Gilles  le  MailViC, 
fîeurde  Belle-jambc, demeurant  en  la  rue  fainft  André 
des  ArsjCn  laprefencc  de  MefTicurs  Botal^,  Médecin  or- 
dmairc  du  Roy  &  delà  Roine,     Richard  Hubert  Chi- 
rurgien ordinaire  dudit  Seigneur,  &  lacques  GuiUe- 
mcau, Chirurgien  du  Roy  &  luré  à  Paris  ,  hommes  ex- 
pcrimcntezenlaChirurgicrlequel  auoit  reccu  vncoup 
d'efpee  tout  au  trauers  du  corps.-dont  par  plulieursiours 
il  icttale  fangparla  bouche  &  par  Ic./iege,  en  affcz 
grande  quantité,  qui  dcnotoit  lesinteftms  eftre  ofien- 
ie7.:toutesibis  en  quinze  ou  vingt  ioursil  fut  guéri.  /»/. 
f^nihr.PAré  (iu  dix is fin?  liii.  hap.  55. 

Vn  icune  homme  de  Ta^-afcon ,  Bis  de  Dame  Elco- 
ncr  Labiancmaniantimprudcmmcnt  vn  piftolct  char-. 
ge,lela^chacontrc^oy-mefmc,tcUell^ent  que  le  boulet 
lui  entra  dansles  boyaux  trois  doigts  au  dellusdu  petit 
ventre.  Les  Médecins  &  Chirurgiens  dçfefpcroyenr  de 
favie,  maisau  bout  de  quelques  iours  ,  avant  prinsvn 
cl'ftcrcilrendicle  boulctparlc  fondement,  &  contre 
rcipcrancc  de  tous  quelque  temps  après  il  fut  guéri. 
F  r.  Kalieriolit  en  la  ^.alferuiition  dn  4Jiu. 

Gafpar  de  Varadere,gentil-hommc  d'Arles ,  ayant  re- 

ceude  nuidvn  coup  de  pillolet  lafché  de   fort  pre*;, 

fut  tellement  garanti  que  le  boulet  le  print  au  long  de 

1  poidrine  depuis  Tvn  des  coftez  iufques  à  l'autre» 

lyan:  defchirélcs  mufclcs,&pafle  tout  oatrc;  ilfut 


9  9  Hiftoires  admirables 

loigneufcment  pciiic,&  gut  ri  dedans  vn  mois  après,   le 

wcjf'tfcn  lo-'ilirHation  S.an  ^.liitre. 

Vn  cordonnier  d' A uignon, ayant  cftc  rudement blel- 
fé  de  nui<fl:d'vn  coup  d'cfpcc  fur  la  telle  ,  entamée  iul-, 
c|ucs  à  la  première  membrane  ,  dont  s'enfuiuirent  plu- 
/îcurs  redoutables  accidents,! iifcjues  li  qu'après  les  pre- 
miers appareils,  faignecs  &  médicaments ,  il  tomba  en 
fyncopes,  &  fut  fcpt  iours  fans  parler  ,  finalement  fut 
|;ucri,&  remis  au  deflus.  Le  mejhje  tn l'ohferuation  y.t/e  ce  5. 
luérr. 

Anroinejferuitcur  de  mon  pcre  ,  Fhment  de  nation, 
s'eibnt  charge  devines  fcftcs  qu'on  appelle  les  iours 
i;ras,  &  monte  envne  haute  chambre  de  la  maifon  il 
s'approche  des  fcneftrc^ouuertes,  où  alî'opi  des  fumées 
du  vin,la  teftc  emporta  le  corps  ,  tellement  qu'il  tomba 
en  la  rue  fur  le  paue ,  où  il  Te  cr.ila  prefques  toute  la  te- 
fl:e,cftant  tenu  pour  mort:car  il  ne  remuoit  membre 
quelconque, ii'auoit  fcntimenr  ni  parole  aucune,  ains 
ilupide  &  comme  expirant  demeura  fept  iours  en  tel  c- 
ilatauli^h  Ce  nonobftaiu  trois  des  principaux  Méde- 
cins pour  lors  à  Monrpellierjàfçauoir  Gvifon  l'ancien, 
Tremolet  &  Faucon  ,  accompagnez  de  Pierre  Alzine, 
Antoine  Barrelier  &  Nicolas  le  Blois  Chirurgiens  ,  le 
f  arentirent  de  la  mort,à  l'aide  de  Dieu.  Vray  elt  qy'il 
iiemeuraprcfque  aueugle  &  totalement  fourd  de  celle 
cheutCjtoutlereftc  de  fa  vie.  lemefuteen  U  ^.objerHatioit 
Jfé  6  Mure» 

BRIGANDS    ET 
meurtriers, 

VN  Joftc  Théologien  de  noftre  temps  recite  vnc 
hiftoireprerqiiefemblable  à  celle  d'Ibycus.  Car  il 
<litqu'vnAîemaneftant  en  voyage  comba  es  mains  de 
«quelques  brigands  qui  eftaus  fur  le  point  de  refgorgcr, 
cepauure  homme  defcouurant  vne  volée  de  corneil- 
les, commence  i  dire  ,  O  «ornçilles*  /cvotîsprpns  i 


C^  mémorables*  9I 

tcfmoins  &  vengercfrcs  de  ma  mort.  Il  fut  mé  touc  i 
l*hcurcpar  les  brigands,  qui  trois  iours  après  buuans  en 
vnchodeleric,  voici  venir  vnotroupc  de  corneilles  qui 
fciuchentfurlcfais  du  logis.  Alors  les  brigands  com- 
mencèrent à  rire  &  à  dire  IVn  à  l'autre ,  Ho,  voila  ceux 
qui  fe  vengeront  de  la  mort  de  celui  que  nous  dcrpcf- 
chafmcsauanthier.  Le  valet  entendant  cefte  rifee  la 
defcouureà  fonmaiftre  qui  en  fait  rapport  au  Magi- 
ftratJcquelfe  faifît  des  brigands ,  fur  leurs  variations  & 
diucrfesrerponreslesprelTc  tellement,  qu'il  en  tirevc- 
rité,donts'enfuitleur  exécution  à  mort,  ^^a  recueil  des 
pYojJOi  mémorables  de  ce  T  heolo^ien. 

Conrad  de  la  Rofejfecretaire  de  l'Empereur  Maximi- 
lian  premier  du  nom,gentil-hommc  vaillant  &  rage,a- 
yant  trauerfé  vnc  lonc-ue  foreft,  &  contraint  à  cauïe  de 
lanuidfuruenantc  àt^Q  loger  comme  il  lui  futpoffi- 
ble,cntra  en  vne  boftellerie  dontl'hofte  eftoit  brigand. 
Eftant  en  fa  chambre  affc?.  honneftement  recueilli ,  il 
appcrçcut  la  feruan ce  larmoyer  ,  &  fccettenlcnt  en- 
tendit d'elle  en  queldangeril  eftoir.  Elle  lui  àh  entre 
autres  chofes ,  que  la  couftume  deThoftc  eftoit  de  Ton- 
ner vne  clochettc,au  Ton  de  laquelle  plufieurs  brigands 
cntroyent  aulogis,&  incontinent  vn  d'entr'eux  entroit 
en  la  chambre  ou  elloyent  logez  les  paflans,&  faignant 
moufcherla  chandelle  l'efteignoit  :  les  brigands  en- 
troyentfur  ces  entrefaites,  qui  fe  ruoycnt  furlespaf^ 
kins,&  les  tuoyent.Conrad  penfant  à  foi  fe  fit  apporter 
vnc  lanterne  par  la  feruante  &vnc  chandelle  allumée 
qu'il  mit  dedans  &  cacha  h  lanterne  fous  vn  banc,  tint 
fes armes  preftes,&  attendit  fes  ennemis.  A  peine  ei^oit 
il  à  table,  qu'\n  payfan  entre  ,  lequel  conrrefaifant  le 
valet,amortit  la  chandelle.  Mais  Conrad  faifant  prom- 
ptemcnt  tirer  lalanternc&lumiere,  &  ayant  les  armes 
en  main  comme  aufll  auoycnt  fes  fcruiteurs,  repouflb 
vaillamment  lesaffaflins  ,  cntueles  vns,met  les  autres 
^n  fuite,failit  fon  hofte  au  colct,remmeinc,&le  liure  au 
Maoiftrat,qui  en  fait  iuftice.,^»  mcfme. 

Ilya^juulqu es  années  quei'ay  veureuërparfentlçç 


9  i  Hijloires  admirables 

<iu  Bailli  de  Morgcs,I'ousla  domination  des  illu ftrcs Sei- 
gneurs de  Berne  ,  vn  ieune  homme  aagé  d'cnuiion 
vingtans,  lequel  conrrcfaifantle  muet ,  &!demandant 
l'aumorneauxpafl"ans/©us  prétexte  de  palfer  chemin  a- 
uec  vneclocheteen  m;?in,  qui  eftoit  le  fignalàfcs com- 
pagnons (le  nombre  des  coups  leur  feruant  d'indice 
pour  difcerncr  lespcribnnes  au  nombre  &  à  la  qualité) 
s'eAoit  trouué  en  vmgt  deux  meurtres,  &  de  fa  main  a- 
uoircfgorgépluiicurs  hommes.  Il  mourut  milcrablc- 
ment, en  mugiflant  comme vnbeuf auquel  l'on  bnlc- 
roit  les  os.Extrait  de  mes  mémoires. 

L'Empereur  Charles  V.cftant  en  Alemagnc ,  où  les 
afairesdela  guerre  le  retenoyent,  fut  contraint  d'enuo- 
yervn  des  principaux  de  fa  Cour  en  Efpagne,  pour  a- 
uoir  1  œil  aux  afaires  &  difficultcz  qui  s'y  prefentoyent. 
Ce  Viccroy^ieune  Prince  fort  addonné  à  la  chaffc  ,  e- 
ftant\niourau  royaume  de  Grenade,  àla  pourfuite 
d'vne  beftefauuage  ,  s'eflongna  tellement  de  {es  gens, 
que  brolTant  après  fa  proye,  à  trauers  vn  grand  bois,f3ns 
prendre  garde  à  l'heure  ni  au  chemin,  fe  vid  en  lieux  el^ 
cartez&presdelanuid.  Au  moyen  dcquoiil  commen- 
ce à  ietter  l'œil  de  tous  cofte7.,pouï  defcouurir  quelque 
mailon  où  ilpeuftfe  mettre  à  couuert.  Làdeflusilap- 
perçoit  vne  maifonnette,  &picquant  celle  part ,  prie  le 
payfan  qui  y  demeuroit  de  le  loger  pour  celle  nuid. 
Ce  que  le  payfan  lui  accorde, &  le  reçoit  en  famaifon- 
nette,où  eiloycntlorsfîx  pcrfonncs,  afcauoir  lepay- 
fan,fa  femme,  fon  fils  aagé  de  vingt  ans,  la  belle  Hlle  de 
nouucau  efpoufee  ,  vn  valet  qui  gardoit  le  beftail  du 
payfan, homme  robuile  &  de  mauuaife  rencontre ,  puis 
vne  petite  fille. LePrince  defcendu  decheual  le  baille  & 
commande  à  ce  valet,puis  entre  chez  le  payfan  ,  &s'a- 
proche  du  feu  ,  tandis  qu'on  lui  aprefte  le  fouper  ,  fans 
foupçonner  rien  de  mal.  Tous  ces  ^ens  ne  conoiflant 
nullement  ce  Prince,lequelnefe  dcfcouuroirà  perfon-» 
ne  d'eux,ie  voyant  richement  vellu,  de  fort  belle  apa- 
rence  ,  eftimerent  que  c'elloit  quelque  riche  homme, 
^  ptnfans  qu'il  ne  faloit  laiflcr  cfchapper  cefte  graifç 
proyc,  commencèrent  à  dcuifer  enfcniblc  des  moyens 

delc 


d*  tnemorahîes,  ^ 

?de  le  tuer»  pour  en  auoir  la  defpouillc.  Apres  foupéjils 
luiapreftent  vn  liift  en  certaine  chambre  ,  qui  n'auoit 
iju'vne  porte  foible  ,  aiiee  à  enfoncer ,  &  ne  fermant 
gueresbien.En  allant  &  venant,  la  belle  fille  ,  nouuelle 
manee  ,  qui  auoitfenri  lèvent  de  ce  cruel  complot, 
ayant  pitié  Je  ce  icune  Pnnce  qu'elle  voyoit  de  belle 
taille  ,  d'honorable  port  &  façon  ,  Tayaiit  tiré  à  part^ 
prie  de  tenir  fccrct  ce  qu'elle  auoit  à  lui  dire  ,  lui  ddt 
couurit  bricfucmcnt  rcntrcprife,  tandis  que  le  père ,  le 
valet,  le  fils  complottoyent  eniemble  de  n^^uueau  en 
Tcftable.Le  Pnnce  ei'mcu  àcce  rapport ,  &  enclinant  i. 
en  croire  quelque  choie,  fut  fur  le  poini't  de  romprelc 
coup,pour  defcouurir  qui  il  cftoit.Mais  foudam  ic  dou- 
tant que  ce  ferait  auanturerfa  vie  en  la  commettante 
la  foy  de  tels  barbares,  quivioloycnt  fimefchammenc 
tous  droits  d'humanité  &  d'hofpitalité  ,  de  contpirer 
contre  vn  homme,  qu'ils  voyoyent  en  braue  équipa- 
ge, bien  monté  &  par  eux  courtoifemcnt  rcceu  ,  aima 
mieux  reconfier,apresDicu,en  (à  valeur  &  preud'honv- 
mie  ,  qu'en  la  parole  de  gens  qui  n'auoyent  point  de 
foy,ainsdonT  le  cœur  eitoit  couuerc  de  feintife  &de 
fang.  Il  fclaiile donc  conduire  parle  payran  dans  la 
chambrette  ,  &  ayant  fermé  lapor^c  delTus  foy  ,  traine 
pour  contrebarre  vn  coffre  allez  pelant  :  qui  fetrouua 
dedans  lachambrette,puis  tient  fon  cfpee  prefte,&pres 
de  foy  vnc longue  piilolc  chargée,  bandée  Se  amorcée, 
veillant  &  attendant  que  ce  fcroit  du  rapport  de  la  bel- 
le fille.  Incontinent  lepayfanqui  Teièimoit  endormi 
à  caufedu  trauail  de  la  chalfe  &  du  chemin  ,  s'appro- 
che tout  bellement  de  l'huis,  qu'il  tafte&  toiiche  pen- 
fànt  entrer  fans  difficulté.  Mais  fruftré  de  fon  attente» 
il  com.mencc  à  prier  fon  hoftc  de  vouloir  ouurir ,  pour- 
ce  qu'il  vouloir  prendre  en  ce  cofire  quelque  couueî)- 
turc  de  Mù.  dont  il  auoit  neceflaîrement  affaire.  Le 
Prince  qui  ne  dormoit  pas  lui  refpond ,  retire  toy ,  inv 
portun  ,  ie  repofe  ,  &  ne  t'ouuriray  point  pour  celle 
heure.  Alors  le  paylàn  commence  a  faire  du  mauuais, 
jreplaindr€,cwer,direqu*iJeitoitpcrdu,qu'onvouloit  le 
gourmander  en  fa  maifon  :  prend  les^rmcs  j  ôc  menace 


(f  4  Hijioires  ddmirAhtei 

de  rompre  tout  ,  voirc  de  ruer  celui  qui  eftoit  en  îâ 
chambrettcs'il  ne  taifoit  prompte  ouuerturc  Ôcnefc 
rcndoità  famerci.  Lu:  &  Ton  valet  approcbaiu  pour 
rompre  la  porte  Je  f  K  tafchoïc  entrer  en  la  chanibrette 
par  vne  fcntftrc  :  è^L  conimençoyent  a  faire  vn  merueil"- 
leuxctfort.  Le  Prince  fc  voyan:  réduit  d  l'extrémité, 
donne  de  l'a  piftole  n  la  porccU  peice  aifëmcnt ,  &  tue 
le  payian,puis  riranc  le  cofre  arrière  fort  auec  l'tfpee  au 
poing, ck.petchcle  rL  ,& court  après  le  valet  ,  cjui  Itt 
iàuuc  de  viilèlTe.  Ce  ne  fut  pas  fai«5l  pourtant ,  car  les 
cris  de  l'hoiteAe ,  (S:  le  bruit  extraordinaire  qui  le  taifoit 
lors ,  efueille  d'autres  bergers  voi/îns,qui  y  accourent  a- 
ucc  leurs  armes, enuironnent  la  mailbn,  crient  au  meur- 
tre &  alarme. Le  Prince  fc  donnanc  g^rde  d'cirx,  patien- 
te iufqucs  auiour,&  vovcnt  queceftc  troupe  de  mutins 
fe  renforçoit,  commence  à  leur  faire  entendre  qui  il  e- 
ftoit,  menaçant  de  les  fane  tous  pendre ,  s'ils  rcfuibycnt 
de  lui  faire  main  forte  Si  le  reconduire.  Q£e  s'ils  ne 
vouloyentle  croire,  quils  allalTent  quérir  la  iuftice  au 
plus  prochain  lieu:  &  que  s'ils  n'acceptoyent  telle  con- 
dition,leur  ruine  &  confuiîon  n'eftoit  pas  loin.  Lux 
efmcus  du  langage  &dela  prefcncc  d'vn  perfonnage 
d'cftoffe  fi  dillemblable  a  la  leur ,  commencèrent  à  ^'a- 
doucirien  telle  forte  neantmoins  qu'ils  s'en  faifiifcnt,le 
garortent ,  &  s'acheminent  pour  le  mener  au  Gouuer- 
neurd'vne  ville  ,  quieftoiti  quelques  licués  loin  de 
li.  Les  gardes  du  Prince  arriuans  en  ces  entrefaites, 
le  voyansentcl  équipage  ,furent  fur  le  poincl  de  tail- 
ler en  pièces  celle  troupe  depayfans  :  mais  le  Prince 
le  leur  défendit  tres-cxpres.  Tout  ce  que  delTus  defcou- 
ucit&  examine,  les  complices  du  payfan  furent  punis 
fclon  leurs  démérites.  Le  valet  roué,  lamaifondc  ces 
brigands  fut  réduite  en  cendre ,  &  la  belle  fille  fut  riche- 
ment recompenfce  de  fon  hdele raporr.uU.t>^«ûVr/ioM/. 
é9rlf  en Jhn  théâtre  d'exemples, 

Vn  Italien, nommé  Francifquin, après  auoir  demeu^ 
iù  quelque  temps  à  Boulongae  Iâ  Gra%  ,  en  l'vne 


é'  mémorables  ^5 

<ïcs  boftric<;  maifons  de  Gentil-homme  qlii  fuft  là,&  ë- 
flé'tcnupour  quelque  honnefte  fcigncur,  &  de  bon 
lieu, veu  les  magnificences  dcfquelles  ilvfoit^fut  en 
fin  defcouuert  mener  le  train  qui  s'enfuir.  C'eft  que 
fous  prétexte  de  tenir  le  brelan  de  tous  jeux  de  cartes 
&  de  dez,  &  fous  couleur  aufii  d'eilre  fort  defîreux  d'à-, 
uoir  touiiôLirs  nouuclle  compagnie;  &  fe  monilrer  ma- 
gnifique,il  fe'faifoit  n/îccr  par  ceux  mefme  qui  elloyenc 
nouucUcmentarriue/.  en  la  ville.  Et  fi  toil:  qu'ils  elïoy- 
cnt  entrez,  après  leur  auoir  faid  les  carelîes  accouftu-. 
mees  au  lieu  ,  il  le  nicttoit  à  louèr  auec  eux  ,  comman- 
dant qu'on  apprcftait  cependant  ledifner,  ou  le  fou- 
pcr,  ou  la  collation, félon  l'heure  qu'il  eftoit.  Mais  en 
lieu  d'apprcfter  cela  ,  Francifquin  auoit  vn  brigand  ou 
aflommeur,  lequel  fc  tenoit  derrière,  &  s'apprelloit 
pour  frapper  à  mort  celui  qui  n'y  penfoit  pas ,  qunnd 
Francifquin  en  faifoit  figne.  Jl  conrinuace  train  ii lon- 
guement ,  qu  ond'C^îii^  quand  ils  furent  pris,&  qu'ils 
curent  tout  confefic  ,  on  trouua  en  despriue/.  quator- 
7.e  ou  quinze  corps  de  ceux  qui  auoyenL  elle  ainfî  tuez, 
tantpar  ceft  affommeur  que  par  Ion  niaiilre  Francif. 
quin.En  fin  leur  fupplice  fut  tel,  c'efh  qu'après  auoir  e- 
ilé  tenaillez, on  leur  fendit  lapoidrine:puis  on  Icurrira 
hors  fou dainemcnt  lecaur,  lequel  on  leur  monftra. 
Conformité  des  înerHf.:!les  (incitnres  atacles  modernes,  lintc 
prenier. 

Vn  aufe  brigand  de  noftre  temps ,  nommé  Villeui- 
neufjde  la  Comté  de  Tonnerre  ,,  menoit  quai^c  &  ici 
vn  valet  qui  lui  feruoit  d'alîommeur,&  vn  laquai. Tous 
trois  furent  attrapez  finalement  &chaitiez  à  Parls:lc  la- 
quai fouetté, l'aflbmmeur  brufié  yifjSi.  le  mailtrc  roué. 
x^H  mefme  Ut*tt, 

Certain  Hermite  ,  demeurant  en  vnc  montagne  do 
Suilfcou  durant  quelques  années  il  auoit  vefcu  aulte- 
rement  &  auec  vne  réputation  de  faindeté  entre  ceux 
■âiu  pays, vin tvn  loura  LiicerncoC  fc  logea  chez,  cerraî- 
4ic  temme  vcfue,de  laquelle  tol^  après  voulat  i'acoAer, 


9^  Hilioïres  admit  Me  s 

du  pour  lui  oftcr  Ton  honneur,  ou  fa  bourfc  ,  elle  s'cfcri- 
ant  acourut  vn  valet ,  que  l'hermite  tua  fur  le  champ 
d*vn  coup  de  poignard.  La  vcfuc  fc  icttant  de  viftelïc 
horsTamaifonconimcncc  à  crier  à  l'aide.  Vn  payfan 
entre  dcdan.s  au  Tccours,  &  cft  tué  comme  le  valet  ;  con- 
fct]uemmcnt  vn  bourgeois  de  la  ville,  puis  Ion  Icruir^ 
teur.  Quck]uc'i autres  y  acouranç,  &deuenus  plusaui- 
lez:  en  l'auantuie  dc•^  prccedens,  s'cquippcrcnt  i3c  muiii- 
tindrcnt  Ç\  bien  ,  qu'il;  laccagcrent  ce  brigand  ,  lequel 
tombant  par  terre,  ne  dit  autres  paroles,  finon  ,  ieti^h.tl^ 
un  -jjfder  tAfhcn:  c'eilà  dire,  maintenant  i'ay  delTusU 
ïc. i:  ë.  L.  St»nipfl i  et:  Chifioire  des  Smjfe. 

Vn  tirteran  natif  de  Bafle,  s'ciUnt  adonné  à  desba^i- 
clic  &  gourmandife  >  &  ne  pouuant,  à  caafe  du  peu  de 
moyens  qu'il  auoit  ,  continuer  ce  malheureux  train, 
machina  vn  infigiie origan da<j;e.  Demeurant  furies  ter.-  . 
res  de  Solcurre  ,  il  s'auife  d'ailcr  à  Bade  chez  ion  parain 
nommé  André  Ager  relieur  de  liures.hommc  de  vie  ir- 
repreheniîble  ,  &  qui  auoit  efté  tuteur  &  comme  père  à 
ce  mauuais  garçon  nommé  Paul,  lequel  refould  de  tuer 
Ion  parain  &  tuteur,&  piller  la  maifon  d'icclui.  Il  vient 
Iccinquiefmciourdc  Feurieri^^^.de  grand  matin  heur- 
ter à  faportedcfon  di:  parain  ;  la  chambrière  qui  le  co- 
noilfoit  ne foupçonnant  aucun  mal,  luiouurj.  Il  entre 
en  la  chambre  d'André  lequel  eiloit  encore  au  lia;, 
homme  d'aage  &  maladif.Ala  coul^umcdu  pays,  André 
l'iiuerrogue  gracieulement  de  la  caufe  dcfon  Aoyage, 
CQinment  (a  femme  &.  fes  enfans  fe  portoyent.  Pour  rel- 
ponfc  ,  le  brigand  empoigne  vn  marteau  de  libraire  & 
tn  alibmmclebon  vieillard.  Ceftcferuante  qui  auoic 
oUuertla  porte  eiloit  vne  honnelte  ieune  fille  nom- 
mée S.^ra  Falckifc,  parente  d'André  ,  &  qui  gouuernoic 
le  melnaged'icelui ,  laquelle  le  iour  précèdent  auoit 
eftépromifeen  mariage  &  fiancée  i  leati  Hofpinian 
profclfeur  euphilolopliie  à  Baflc  Icelle  acourant  au 
bruit,  {ut  atterreed'vn  coup  du  mefme  marteau  parce 
birigand.puisefgorgcc  auec  vn  couReaù  crenchantdoru 
les  relieurs  de  liures  feferuentordinairemenr.  Cela  fait 
Uouurelescûfrcs,  trouue  quelques  gobelets  d'argent,, 

maie 


^  mémorables»  97 

Ihâispeu  de  monnoye,  &  s'en  charge.  Pour  couuiir  ("on 
îiornbleforfaÏMlinctlefeuau  poifle,  efper.Tnt  rju'auec 
rcmbrarement  de  la  mailon ,  ces  deux  corps  lerpyenc 
réduis  en  ccndres.Maislefeu  ayanr  cH:é  <>})portunemenc 
cfteinc  parles  voiiins,on  trouueces  dciiAperfonncs  a:n- 
fî  afi'ommecs  &  miferableinent  meurtries.  Le  mcrchanc 
agite  de  fureurs  vent;erG(]'cs  ,  &  tellement  arrellé  par  les 
cordeaux  de  fa  melchante  conîcience  ,  cju'il  ne  pouuoic 
plus  cheminer  de  iour,  futattrappé  envnviila^ie  près 
tie  Baflc,&:  ramené  en  la  ville  ,  ou  à  caufe  de  Ton  brigan- 
dage, larcin  &  embrafèmcnt ,  il  fut  exterminé  &  exécuté 
vif  par  trois  fupplices,  de  la  roué" ,  du  gibet  &  du  feu  ,  le 
dernier  iour  du  merme  mois,  jh.ztt^ii-^^er  *w  19.  ■voLde 
fon  théâtre f  litt.i. 

Thomas  Rodolphe  de  Schafouze  du  nombre  de  ceux 
qui  fous  le  nom  d'cil:udians  fe  donnent  quelquesfois; 
plus  de  licence  qu'il  ne  conuient ,  ayant  defcouuert  que 
lean  SchuanfeldcrSc  fa  femme,  en  la  maifon  defouels 
il  auoit  fréquence  auparauant,  eftoyent  allez  à  Franc- 
fort, fe  tranfporta  foudain  à  Seprcndelinge  village  pro- 
che de  là  ,  ou  demcuroyenc  les  lulhommez  ,  fait  enten- 
dre quils  eftoyent  fur  leur  retour  &  bien  près  dcii, 
fuiuis  de  bonne  compagnie,  &  (iu'illesauoit  deuanccz 
pour  faire  appreder  le  difné.  Il  enuoye  donc  la  feruan- 
re  quérir  au  poiflon  ,  puis  commence  à  prier  h  file  de 
la  maifon  nommée  Amélie,  qu'elle  lui  allait  tirer  du 
vin.  Lile  difant  qu'il  faloit  attendre  la  venue  de  fcn  pe- 
ie,il  entre  en  cholerc,  &lui  demande  vn  couikau  pouf 
peler  vne  pomme.    De  ce  coufteau  il  tue  vn  enfant  de 
quatre  ans,  petit  fils  de  Ican  Schuanfelder ,  puis  Ame-' 
lie,  laquelle  vouloit  défendre  fon  nepueu.  il  le  fauue: 
les  payfans  courent  après ,  Taùtrapent  ,  lemcinentau 
Chai1:eau  d'Ofenbach  ,  où  il  confefie  ce  que  dcllus. 
Mais  vne  nujdt  fuiuantc,  par  vn  moyen  du  tout  extra- 
ordinaire, il  fe  dcsfcrre,  fort  de  fon  cachot ,  entre  fubtji- 
,  lemcnt  en  la  chambre  du  Comte  lors  ablent,  y  demeure 
<;  caché  deux  jours,  crochette  vn  coffre,  prend  vn  fac 
.où  il  y  auoit  cinq  cens  florins  de  Rliin  ,  &  le  ict- 
tç  fur  k  bgui;  du  ^lin  >  fieuue  paflaoc  au  long  de  ce  du-^ 

G 


'^B  Hiftoires  Admirables 

âeau  :  puisdcualc  parvncfeneftrc  treilliflee  ,  à  l'aict^ 
d'vne  corde  dcbaftcau  qu'il  y  trouua  attachcc  ,  &  s'cn- 
fuità  Francfort,  ou  dcfcoauert  par  les  payfans  &dccclé 
au  Magiftrat,  le  iz.  iour  de  Fcuner  ijyo.  il  tut  tenaillé  &: 
roué.  Lk  Tnefme. 

Deux  Anglois  logez  cnfcmblc  près  la  porte  fainift 
Marceau  i  Paris,  dontTvn  auoit quelque fommc  d'el- 
cus  &  vne  groffe  chai  ne  d'or  ,  auec  quelques  autres  ri- 
chcs  bagues  qu'il  portoit  ordinairement  fur  loi  :  Ton 
compagnon  voulant  s'emparer  de  tels  loyaux  ,  fit  tant 
t\u'i\  le  mena  iouèr  vers  le  bois  de  Vincennes ,  &  eftant 
dedans  les  vignes  fe  rue  fur  lui ,  lui  coupala  trachée  ar- 
tère &rœfophague,  lui  donna  certains  coups  de  dague, 
&pcnrant  bjen  Tauoirtuc,  le  lailfa  prefquc  enfache- 
mife.Ayantfaid  ceftetrahilon  &  mcfchancetCjilretour- 
rieincontinent  en  la  ville.  Le  nauré  qui  auoit  faitlc 
mort  feleua  puis  après,  &  fit  tant  qu'il  fc  traina\  ers  la 
maifon  d*vn  payfan, lequel  par  pitiéle  fitpenrer&  mc- 
dicamenter.  Il  fut  apporté  a  Paris,où  toft  après  vn  de  fes 
compagnons  m'cnuoya  quérir  pour  le  pcnfer  :  &  tiou- 
liai  qu'il  auoit  la  trachée  artère  &  l'cefophague  (  qui  eft 
la  vôyedu  boire&  du  manger)  enticrementcoupec. Su- 
bit icrecoiifu  la  playe  prenant  la  trachée  artère  ,  &  ra- 
prochanricplus  près  qu'il  me  fur  pofl'ible  les  deux  ex- 
tremitez  l'vne  contre  l'autre:  mais  de  l'aefophague  non, 
parce  qu'il  c'eftoit  retiré  vers  l'eRomach  :puis  ija'playe 
appliquai  remèdes  auec  comprcfie  &  ligature  propre. 
Incontinentquilfutainfi  habillé,  il  commença  à  par- 
ler ,  &  nommer  celui  qui  lui  auoit  faiâ:  ccll  excès.  Le 
meurtrier  fut  pris  toft  après  au  fauxbourg  faind  Mar- 
ceau,&  le  trouua  on  faifi  des  hardcs  du  patient ,  dont  il 
full  conftitué  prifonnier,!:  le  fait  vérifie  après  la  mort 
du  patient,  laquelle  fut  le  quatriefme  iour  de  Ta  bleflu- 
rc.  Toft  après  le  meurtrier  fut  rompu  &  mis  fur  la  roue 
près  fainfte  Catherine  du  Val  des  clcholiers.  M.  ^m^ 
iroije  Paré  an  iicujicfme  littre  ch>if,^l. 

Avx  premiers  troubles  vn  Gentil-homme  ioint  aux 
troupes  qui  afîiegeoyent Moulins  en  Bourbonnois  ,  fut 
jurprisd'vne  celle  ttioladie  qu'^  lui  ^W  fort  difficile  de 


(^  fmmoy/ilksl  j») 

fuiure  la  compagnie  qui  tleflogeoft  :  &  Te  froMMant  Io~ 
gé  che7-vn  boulanger  nommé  Ican  Mon,  qui  fc  difoic 
eftrefonami  Scfcruireurj,  fe  lia  tellement  en  lui ,  qu'il 
aima  mieux  demeurer  en  arrière  que  palier  outre,  ayant 
monllré  à  fon  holte  Targcnr  qu'il  auoitjequellui  pro- 
inettoit  de  le  bien  garder  contre  la  coniinune  ,  auec  vii 
autre  petit  frcrc  d'icclui  r*agé  de  treize  a  quatorze  ans. 
Mais  tant, s'en  faliit  que  ce  malheureux  leur  tint  pro- 
meiî'c,  qu'au  contraire  fî  toft  quelanuidfut  ciofc,  il  les 
mena  hors  delà  maifon  fur  letofl'é,  là  où  il  ne  les  tu» 
qu'a  demi, tellement  qu'ils  y  demeurèrent  refpace'd'vn. 
iour  à  refpirer  j  fanspouuoir  viure  ni  mourir ,  &  fan* 
qu'aucun  en  cuft  compaflion.  Mais  Dieu  en  fit  la  ven- 
geance quelque  temps  après  :  car  il  adliirit  que  ce  meur- 
trier eftaiiten  garde,  vn  lien  compagnon  fans  y  pcnfcr, 
lui  perça  le  bras  d'vne  harquebuzadc  ,  dont  il  languie 
l'efpace  de  trois  mois,puis  niourut  enrage.  H*j;?Jl«  Fr^w^ 
(ejoui  Charles  ^. 

La  ville  de  Bourges  ayant  eftë  rendue  par  le  "neuc 
d'Iuoy  durant  les  premiers  troubles  ,  on  y  fit  defcnfes  i 
Ceux  qui  l'auoyent  tenue  auparauanc,  de  parler  ni  en  la; 
ville  m  aux  champs,  ni  citre  plus  de  deux  enfemble.  En- 
tre ceux  qui  prenoyerit  plaiiir ,  fous  couleur  de  cefteor-? 
doniiLincc  ,  de  meurtrir  ceux  qu'ils  rencontroyent  par- 
lons enfemble,  il  y  auoitvn  nommé  Garget ,  Capitaine 
tîu  quartier  de  Bourbonnc,qui  en  failoitmeÛier,  lequel 
tofl;  après. frappé  d'vne fieure  chaude  courut  publique- 
ment parles  rues ,  blat'phemant  le  nom  de  Dieu ,  inuo- 
quant  les  diables,  è^  difantà  tous,  que  il  quelqu'vn  vou- 
Joit  venir  aucc  lui  en  enfer,  il  payeroit  les  defpens,  8ç 
ainlî  mourut  infenfc^-furieux,  dont  fes  compagnons  ne 
faifoycnt  que  fe  rire.  £>i  la  mcfme  hiji, 

Pierre  Martin  chcuaucneùr  d'efcuirie  du  Roy,  te-r 
nât  la  porte  au  lieu  appelle  Liege,vers  Poiâ:ou,hommc 
làns  reproche,  fur  vnc  limple  accufacion  ,  fans  autre  for- 
me ni  figure  de  procès,  fut  condamn<f  par  vn  grand  Sei- 
gneur ,durantj  la  fureur  des  premiers  troubles  ,  à  eftre 
iioyé.Ce  Seigneur  commanda  à  vn  ficn  fauconnier  d'aU 
tçifurlexhauip  jexfifu^g:  cffte  feacence  ,  fous  poiiQ 


Q 


K      * 


100  Hifioires  admirables 

d'eftvc  noyc  lui  mcfmc. Ainfi  fut-il  fait  :  mais  Dieu  n'ar- 
refta  guercs  à  en  faire  la  vengeance ,  eftant  aduenu  trois 
iours  après  que  ce  fauconnier  &  vn  laquay  cftans  entrez 
en  querelle  pour  la  defpouillc  de  ce  perfonnage ,  s'en- 
tretucrcnt  fur  le  champ.  Ce  qu'eftant  rapporte  au  Sei- 
gneur, iuge  très  inique,  le  contraignit  d'auoir  quckjuc 
remord,  &de  dire  tout  haut,  qu'il  voudroir  qu'il  lui 
cuft  couftc  cinq  cens  el'cus  ,  &  quece  pauurechcuau- 
cheurn'cuft  point  elU-  noyc.Maisc'eftoit  trop  peu  eili- 
Bier  la  vie  d'vn  homme  innocent.  En  la  mefme  h:j}.lii*,7, 

Qv  E  L  q^v  E  s  troupies  de  paylansdc  Coulours,  Ceri- 
iîers,  &  autres  lieux  en  Champagne  ,  ayans  fait  plu/îeurs 
meurtres,  &  rauagesen  diuers  lieux,  furent  dcsf.iits  cj  & 
là,  &perirentprelquestous  de  mort  \iolcnte  durant! 
premiers  trouble^  le  marquerai  ici  des  particularité, 
notables  touchant  deux  de  ces  troupes.  L'vn  voulr.nc 
mettre  le  feu  en  vue  maiion  ,  tomba  roide  mort  par  te.  - 
le,  frappé  d'vn  coup  de  harciuebuzclafché  par  vn  de  les 
compagnons.  L'autre  tramant  vn  pauure  homme  &  fa 
femme  ivn  pofteau  ,  pour  les  y  faire  harquebiJ7cr,  re- 
ceut  aufll.vn  coup  de  harquebuzc  qui  lui  ofta  la  vie ,  & 
ICipiilbnnicrsefchapperent  par  tel  moyen,  ^umejme 
lime.  Il  a  L\\r  remarqué  en  rhillone  de  France  depuis 
Tan  1560.  iufques  a  la  dernière  paix  ,  c}ue  de  mille  meur- 
triers qui  y  lont demeurez  inipunis,au  regard  des  hom- 
mes, il  n'en  cft  pas  relié  dix,  que  tous  ne  lovent  priiez 
parles  mains  vcngcrefles  de  Dieu  ,  &  n  ayent  fait  ties- 
>i,  ai-heure  ufe  fin. 


CAS  EST  RANGES,  horribles,  & 
extrewement  ptoyables. 

E  nollre  temps  vn  laboureur  de  Beaufle,  quinuoit 
'aflez  bien  dcquoi  ,  lianr  des  gerbes  aux  champs,, 
^nuoya  Ton  fils  en  la  inaifou  pour  lui  apporter  quelc]ue 
choie.  Contre  lequel,  eftanc  retourné,  il  fe  choiera 
^pource  cju'il  auoi:  ciop  demeuré  à  fon  gré  )  tellement 

qu'il 


d; 


C^  memord'les,  lor 

qu'il  lui  îcttavnc  morte  à  la  telle,  dont  l'enfant  tomba 
mort  par  terre.  Ce  que  voyant  il  le  couurc  de  gerbes,  & 
tout  dcfcrpcré  s'en  va  vers  fa  maifon,  où  fa  femme  cftoic 
fe  baignant  &  baillant  à  tetcr  à  fon petit  enfant,  duquel 
elle  eitoit  fraifchemenr  accouchée  ;  entre  en  fa  grange 
&  fe  pend.  Lefaid  rapporté  à  la  panure  femme ,  pap 
quelqu'vn  qui  y  cftoit  entré  bien  tollapres,de  grand  ef- 
froi qu'elle  eut,  en  le  iettant  hors  du  bain  pour  y  courir> 
fit  tomber  fon  petit  enfant  dedans,  lequels'y  noya.Toft 
après,  la  pauure  femme  ,  cfpcrdue  du  trifte  fpeclacle 
qu'elle  venoit  de  voir ,  trouuant  à  fon  retour  ce,  petit 
enfant  noyé,  entra  aufli  en  tel  defefpoir  qu'elle  .s'en  re- 
tourna en  la  grange,&  là  s'eftant  entermce  fe  pendit  au- 
près de  fon  mari.  Quels  horribles  efFefts  &  fruids  c- 
ftrangeiîient amers  delà cholere  d'vn  père  maî-auiré!&; 
combien,  pères,  mcres,  enfans ,  ont  ils  occafion  defe  re- 
commander humblement  &  incefl'amment  a  Dicu!Co»-< 
formitpdes  merueilles  anciennes  au>cc  les  modernes. 

L'an  1578.  vnc  femme  en  la  ville  de  Bochne,baignanc 
fon  petit  enfant ,  oit  hors  de  la  maifon  la  voixlamenta- 
ble  d'vn  (îen  fils  ia  grandelet.  Elle  y  court  hatiucment> 
&  trouuc  ce  garçonnet  tombé  par  terre  ^  tranfpercé  par 
foy  mefme  infcicmment  d'vn  coufleau  qu'il  auoit  en  la 
main.  La  mère  outrée  de  douleur  retourne  vers  le  pe- 
tit au  bain ,  &  le  trouue  noyé.  Sur  ce  le  mari  entre,  & 
deuenu  furieux  à  tel  fpedacle ,  empoigne  fa  femme ,  & 
l'afiomme  de  coups.  Voyant  ces  trois  morts  li  eftranges, 
prcfi'é  de  faconlçience,  6c  de  compaffion  d'vn  tclfpe- 
d:aclc,il  cerchc  &  trouue  vn  cordeau  duqucUls'eltrarx« 
£;le.  tendre  Duditiw,  an  tra:cté  dc:>  Comètes, 

Au  marquifut  de  Brandebourg,  certaine  mcre ,  tranf- 
portée  de  fureur  du  tout  ciliange,  tua  fon  mari  &  deuiC 
fîensftls,  puis  ayant  attaché  des  grofles  pierres  à  leurs 
cols,  les  ieita  tous  trois  au  fond  du  ticuue  Odeie.  M* 
^^ndré  Hofifdorjf  tnfon  théâtre  d'exemples. 

L'an  155^.  en  vn  village  de  Sileiîe ,  nommé  Kuken- 
dorfF,  vn  autre  femme  tua  trois  fiens  enfans,  en  Tabfen- 
<e  de  fon  mari,  puis  fe  tua  aufli  foi  fliefme.  Mnarneja^ 
thsiitret 


ÎÔL  ïiîjtoires  admirahln 

L'an  1540.  en  vn  vilhgc  prcs  d'AnncbcrgiCCrtain  paya 
fan  eîeorgca  &  clcorcha  vn  veau  en  pielenccdc  quel- 
<Jues  ncnspctiscnfans.  Eftantallc  toll  apics  à  quelque 
■afairc,  &  la  femme  fortic  de  la  maifon  ,  les  enfuis  qui 
y  eftoycnt  demeure?.,  auccvn  petit  couché  au  berceau, 
Tont  exécuter  vn  horrible  cas.  Ils  prenent  vn  cou- 
■ftôau  ,  &  cfgprgent  le  petit,  chantans  nousefgorgerons 
le  veau.  Mais  voyans  Icfangôc  le  petit  roide  mort ,  ilc 
'commencent  à  s  effrayer ,  &  vont  fe  cacher  dedans  le 
fourneau  du  poiflc;  pour  n'cftre  point  trouuez.  La  me- 
Tc  ne  foupçonnant  rien  de  mal^rcuient  en  la  maifon ,  & 
deuant  qu'entrer  au  poidc,  allume  vnc  giolîe  poignée 
dcchencuottt>,&  la  iette  dcdanslefouincaurpuis  entre 
au  poifle,&  voyant  Ton  petit  mifcraWcmcnt  efgorgé ,  & 
i)aignant  en  fon  fane^s'enfuit  demi  defefperce  en;laruc,. 
criant  mifericordc.  Les  voifins  accoururent,  demandent 
que  c'eft;clleles  mcineau  poiHcleur  nionftre  ce  mafl'a- 
cre.  Comme  ils  s'occupent  a  dcfucloper  &  vifiter  l'en- 
fant;la  mère  demande  les  autres.  On  les  appelle ,  on  le? 
cerchc  haut  &  bas  :  en  fin  fur  le  bruit  que  le  dernier  ex- 
pirant auoit  faid  ,  on  les  trouue  cftouffez  dedans  le 
fourneau.  Quelque  voilîn les  auoit  ouy;  chanrans,Nous 
cfgorgcronsie  \eau.  lùh  rinctldtizJnrtedei  tneinteiUcs  de 
xc  ieinps. 

Le  vingtitAnc  Jour  de  Nouembrcif^ï.  en  vn  village" 
âe  Hcirc,  nomme  Vvcidcnhaufcn ,  vne  femme  cilran- 
ceraent  dcfeipercc ,  ferma  en  toutes  les  fortes  qu'elle 
peut  les  portes  de  fi  maifon,  puis  empoigne  \nc  hache 
irenchante,  &  court  après  fon  fîl.saifné  ,  aagc  de  huicl 
ans.  Lui  voyant  le  mauuais  courage  dcfa  mère,  s'en-» 
fuiten  lacaue,  &  fe  cache  derrière  vn  grand  tonneau; 
ÏÎIc  allume  vnc  lampe,  &  commence  a  cerchcr  par  tous- 
les  coins  de  celrccaue.  Le  petit  carçon  la  \oyant  venir, 
pleurant  à  chaudes  larmes,  &  les  mains  loin  tes  ,  la  fup- 
plicdelui  pardonner.  Mais  elle  ne  fe  fouciant  de  plcuri 
nidepriercsjluifcndlatcfteen  deux  ,  puis  lui  coupcles 
iras  en  plufieurs  pièces.  Cela  fait ,  elle  fort  de  la  caue, 
^  court  fus  ù  vrve  fîene  fillette  aagcc  de  àmi  anj, 
iiiaquçUc  cUc  itiidla  tcftci  la  noiftrincj  &  les  brax. 


Derrière  la  porte  cftoic  caché  tu  ioli  pérît  garfonner,' 
dctroisans,  que  cefte  enragée  empoigne  parles  clic- 
ueux,Ie  trame  en  vne  petite  cour,  &lui  coupe  le  col.  Il 
yauoitdans  le  berceau  vn  cnfançon  de  fix  mois  qui 
plcuroit  tendrement  :  elle  le  tire  de  fon  repos ,  le  iette 
en  h  cour,  puis  lui  tranche  la  telle.  Quoi  açheué  ,  ne 
rcftant  plus  perfonnc ,  elle  'ic  donne  d'vn  coufteau  de- 
dans la  gorgCjduquel  coup  toutesfois  elle  ne  meurt  pas 
foudain.  Les  voifîns  qui  auoyent  ouy  vn  peu  trop  tard 
le  cri  des  cnfans ,  après  auoir  heurté  quelque  temps  %. 
la  porte,  finalement  l'enfoncèrent,  &  trouuansce  pi*. 
rcux  rpedaclc  >  vii^drcntà  la  mère ,  laquelle  rcuenue  S» 
foi ,  &  demeurant  encor  vn  peu  de  temps  en  vie  ,  dc^ 
ckra  ce  que  dellus,  &  auec  grande  reconoillance  de  Tes 
péchez ,  &efpcrance  delà  mifericordc  de  Dieu  ,  rendis 
rcfprit  :  lôb  F ineel^at* premier  Uurc,  M.t^udr^Utnfdorjf 
fnfon  rheatre. 

En  Tan  mil  cinq  cens  cinquante,  auint  au  pays  d*Al- 
facc,  en  certain  village,  ce  qui  s'enfuk.  Adam  Stckmaw. 
payfaii  qui  eaignoit  fa  vie  à  labourer  les  vignes,  ayant 
receu  quelque   fomme  pour   les   iournees  dVn  fîe%^ 
maiftre  qui  le  mettoit  en  befougne  ,  alla  cnvne  ta~- 
uerne  &  perdit  fon   argent  au  ieu   de  cartes.     Bien. 
fafché,  Scluifuruenantli  deflusvne  douleur  de  teftc» 
il  tombe  en  defefpoir.   Les  feftcs  de  Pafques  venues  la. 
femme  contrainte  parla  nece{rit;c  ,  prend  fon  fils  aifaé 
ia  grand  auec  foi  &  s'en   va  trauailler    aux  vignes: 
priant  le  mari  de  garder  la  maison  &  les  enfans,   Ertant 
feul  il  fe  remet  fi  auant  ertfes  pcnfees,  que  furmonté  dç 
defefpoir  à  caufc  de  fa  pauurecé  ,  il  délibère  defe  tuer 
foimefme.  Il  prend  vne  coignee,  &  choiiitvn  endroit 
où  il  puiOc  fichervn  clou  pour  y  attacher  quelque  pot- 
de  &  s'en  eftranglcr.    Mais  ne  trouuant  aucun  heu  pro-^ 
pre,  voici  venir  à  lui  vne  fiene  fillette  aagee  dcfept  ans» 
qui  lui  demande ,  mon  père  que  cerchez  vous  ?  Sans  lui 
rcfpondre  ,  il  entre  au  poifle  ,  où  vn   petit  garfoo- 
pet  plus  ieune  le  fuit  &  lui  demande  du  pain   :  Ap- 
porte vn  coufteau  ,  dift-il ,  &:  ie  t'en  douneraL   La 
^e;ceacvurs&  lui  prçfeacçlç  conftcau  :  donc  il  l9S^ 

Q    4 


ar  o  4  Hijloires  Admirahles 

^Igorgctous  c!cux,  puis  \n  aune  petit  au  berceau,  la 
fiiere  de  retour  voyant  ce  piteux  fpcdacle  ,  fc  pafme ,  &: 
de  douleur  rend  Pcfprit.  Le  parricide  ell  empoigné ,  te- 
tialllc,&  roue  vif.  ta  mcÇmc. 

L'an  55c.  -y  n  payfan  pics  d'Aldendorff  en  HcfTcayant 
i'efpritrout  brouillé  ,  demandant  à  fa  femme  quelle 
fuidonnaiHdifncr,  ÔceUe  embefoignec  ailleurs,  nei'e 
halbnt  pas  afTez  à  ion  gré  :  ce  malheureux  s  en  va  cou- 
|>crrvne  des  cuiflcs  à  vn  lien  petit  enfant  au  berceau: 
puis  le  portant  i  la  mère  :  Tien,  diâ:-il,pren  ce  gigot,& 
te  taitroftir,  Gujpard  GijU-f^'vrrnsMttrMdedesmerueilUs, 

hn  la  mcfme  .innce,vne  femme  fort  enceinte,du  dio- 
cefe  de  la  Coince  dlfcnberg  ,  pria  doucement  Ton  man 
deconuierà  dilncr  quelques  femmes,  qui  deuoyentUu 
3fiiitcr&  aider  quand  elle  accoucheroit.  Lui  furpris  de 
fu  reur  eftrange  la  frappe  du  pied ,  puis  lui  donne  quel- 
que coups  de  poignard  &.la  tue  fur  la  place  auec  fo« 
fruia,&  le  fauue.  /•  incfim, 

La  femme  de  George  VVedering  de  Halberftad,  aa- 
çecdc  vingtquatrc  ans,  modeJl:e&  vertueufe  ,  eftant  a- 
couchccle  z5.iour  de  Nouembrc  i5Ç7.d'vne  fillebapti- 
y.t.-c.e lendemain,  ne  le  tiouua  point  en  fonli<fl.  La 
fauanre  oyant  pleurer  l'enfant,  Aint  au  Vid  ,  cL'idant  y 
fouuer  fa  maiilrelfe,&  rcfueiller.  Eilonnee  de  l'ab- 
f  ace,  clic  court  efueillcr  Ion  maiilre  ,  qui  mcrucilleu-' 
îl.ment  e {il ay éprend  l'cnfrtnt  en  fcsbras,  &  ccrclicU 
inerepar  toute  la  maiibn.  Les  rues  &  autres  chemins  e-. 
iloyentcouucrcs  déneige  ,  Si  ne paroiiibit  traces  quel-, 
conques  dont  l'on  peuftconiecfturerque  la  femme  fuit 
fortie  de  la  maifon.  Finalement  le  mari ,  la  feruante,  ë: 
autres  dcfccndcnt  en  la  caue  ,  ou  ils  ne  la  treuuent 
point -.bien  entendent-ils  patouillcr  dedans  l'eau  du- 
puits  proche  d'icellc  eaue.  Le  mi:ri  tout  perplcx,  eA 
licillc  les  voiiin.s,&  leur  raconte  fa  inifere.  La  dcfl'us  on 
entend  quelque  perfonne  au  iardin  del'vn  d'iceux ,  qui 
vient  heurter  à  la  porte,  &  lui  ayant  ouuert,  ils  virent 
lapauure  accouchée  prefque  rranfîe  de  froid  ,  ;Cc  plai- 
gnant cf  au  oi;  trempé  longtemps  au  puits,  dont  far- 
it>^entfuy  l^svvIlçmcajJtÇUtaiOUiUeî,  Enquife  corn. 


^memorMes.  lo^ 

iment   elle  eftoit  ilcLi?.lee  en  ce  puits  bicfi  couuert& 
cîoS;&c|ui  n'auoitqu'vne  petite  lencllrc  forteftroitte> 
clic  n'en  fçauoit  rendre  raiibn,  &  n'y  auoit  homme  qui 
pcull  comprendre  comme  cela  s'efloit  fait.   Ayant  de- 
puis elle  griefuemcnr  malade  refpacc  de  quelques  iours 
elle  commença  de  fe  bien  porter  :tellement  que  le  qua- 
torziefme  tour  de  Décembre  elle  fe  leua  du  ii'ft ,  eni- 
jnaillotta  Ion  enfant,&  le  mift  à  table  pour  difacr.  Cô- 
ine  laferuante  tull  allée  en  la  caue  pour  tirer  delà  biè- 
re., elle  fe  remet  au  lid  &  s'endort.    La  feruante  de  re- 
tour void  fa  maiftrefle  dormant^mais  elle  trouuele ber- 
ceau vuide.  Toute  effrayée  elle  court  au  puits,qui  lu£ 
leuint  en  penfee,&  void  l'enfant  fur  l'eaujequel  en  fut 
tiré  hors  par  deux  Sénateurs  de  la  ville ,  en  prefence  de 
Conrad  de  la  Perche  patleur  de  l'Eglife.     La  mcre  dor- 
moit  comme  vne  femme  du  tout  aifopie.  Apres  la  priè- 
re faite  au  pied  de  fon  lidjellc  ouure  les  yeux,  &  com- 
mence à  dire  aux  afilftans,    Pourquoy  m'auez-\  ous  ef- 
^  uc!llee?ieiouyffois  d'vn  contentement  indicible:  i'ay 
vcumon  Sauueur,i'ay  oui  les  Anges.  S'eftanrremife  à 
dormir,au  bout  de  quatre  heures  elle  s'efueille  ,  fefou- 
uient  de  fon  enfantje  demande,  &  ne  le  trouuantpas 
s'afHige&  fe  tourmente  dVne  façon  pitoyable,  lob  Jrir.-^ 
eel  ai*  deuxicfme  liurs. 

Il  y  a  quarante  ans  ou  enuiron  quV  n  certain  Itaheii 
nommé  Barthelemi,  ayant  perdu  quelque  procès  à  Ve- 
riife,lcqucl  lui  iinportoit  de  tout  fon  bien,  oublia  telle- 
ment lapuifiance&  la  mifericorde  de  Dieu  :  qu'il  f  tfl 
concluuon,  que  force  feroit  que  fes  hlles  venues  en 
aagcfe  pioiHtuafl cnt ,  en  lieu  d'eftre  honorablement 
mariées.  A  quoi  il  ne  trouua  autre  expédient.  (En  la 
boutique  de  celui  d;iquel  il  prcnoit  lors  confeil ,  &qui 
lui  auoit  misteiieconciu/îon  en  la  fantaiîe)que  de  leur 
couper  la  gorge,pendsnt  qu'elles  cftoy cnt  cncores  peti- 
tes. Ce  qu'il  exécuta  en  vne  nuid  ,  ayant  emprunté 
le  foir  de  deuant  le  rafoir  d'vn  barbier.  Le  lendemain 
on  courut  à  ce  piteux  fpc(ftacre,&:  trouua-on  que  l'vnc 
de  ces  filles  auoit  la  main  prefque  à  moitié  coupée, 
4ç  J?-<|ueUe  U  «ft  »»  prefujocf  qu'elle   auoit  pciifo 


J^^  Hijloires  admirables 

faire  bouclier  contre  la  raL;c  paternelle. Le  briiîtcouri» 
«depuis  que  ce  malheureux  s'ertoit  précipité  du  hautdc 
«juclquc  mouraone,veisla  Comté  de  Tirol,ouilseltoic 
lauue.  Traulédtlacênf^rmitgdH  ratritcilltt  ancktmêi  au<$ 
il  s  nie  dentés. 

Vn  Suiilc,  ayant  furpris  fa  femme  en  adultère  ,  &  lui 
ayant  paidoné  àriicuic  ,  au  bout  de  quelques ioursfc 
xauiià  ,  ^ircrra<5tant  ccpardon,latua:alleguant  que  fon 
/:œurnepouuoit  porterquil  laiflaitviure  vncfemmc 
<îui  lui  auoit  loue  vn  tel  tour.  Ce  qu'ayant  fait ,  il  def- 
pefcha  aufli  Tes  cnfr.n.s,alleguant  qu'il  ne  vouloit  point 
auoird'enfansqui  fuflent  nonmiez  cnfans  de  putain. 
iît  dit-on  qu'après  auoir  eftc  ainfi  meurtrier  de  fa  fem» 
.«le  &  de  Tes  cnfans,il  fut  aufli  meurtrier  de  foi-mcfmejfe 
prccipitantdu  haut  dVme  tour,  après  auoir  cfçrit  en  vu 
papierjequcl  il  mit  fur  foi^l'ai^c  qu'il  auoit  commis,  & 
J€s  raifonsquiluiauoyentiuduit:,&:  que  fâchant  que  la 
luftice  leferoic  mourir  pour  raifon  dudic  ade,  il  auoit 
Jui-mennc  mieux  aimé  s'cxccuter,  que  d'endurer  vnc 
^^onhontcuCc^M  ntejhe  traiclé. 

Au  mefme  temps,  ou  peuapres ,  vne  femme  de  SuilTc 
ayanr  reccu  vn  autre  en  fon  lid  en  la  place  de  fon  ma^ 
rij6cs'aperccuant qu'elle  auoit  eilédeceué,&  que  ce 
«elloit  point  fon  mari  qui  auoit  couche  aucc  ellc,vn  il 
^rand  courroux  &  creue-coeur  la failît  ,  quelle  s'aili 
«»'-»ycr.<_xâf„  ntefvxt  traité. 

Certain fecretaire  d%ne  ville  de  SuiCTe  rudemen: 
jjourfuiui  par  fa  propre  confcience  (  comme  aufli  fes 
xûcfchancetez  elloyenralfc?.  diuulguces  )  apres^auoir 
.failli fouuent  à  fon  coup,  exécuta  f  nalemcntrarrelHe 
faf  confcience  ,  alors  qu'on  l'en  penfoit  mieux  garder. 
Car  ayant  eftc  trouué  vue  fois  es  bains  fe  defchiquetanc 
le  corpi  à  coups  de  caniuet,futretenu:mais  le  iour  mef- 
me il  trouua  moyen  de  fe  rompre  le  col  en  defpit  d^ 
tous  ceux  qui  legardoyent,  fe  iettantdu  haut  d'vnefc- 
Jieftre  en  bas.  tàntepne, 

Bonaucncure  des  Periers,  autheurd'vndjsteftable  II- 
■  tire  iaticulé  C^tiàd*fm  MWi«^>y  ù  ii  fp  »ipcqi;e  de  la  vrayc 

rcligiun. 


•I 


f^' 


ér  mémorables.  107 

igion,autant  &  plus  que  des  rupcrftitions^nonobftanc 
)a  peine  qu'on  prenoit  à  le  garder  (à  caufe  qu'on  le  voy- 
pit  ertré  dercrperé,&  en  délibération  de  fe  desfaire  )  fut 
trouué  s'eftre  tellement  enferré  de  Ton  efpecfur  laqucU 
le  il  s'cl^oit  iettéj'ayant  apuyec  le  pommeau  contre  ter- 
re,quc  la  poinde  entrée  par  reftomach  fortoic  parTcl- 
chine.  L^we/îwe. 

lean  Guy  fils  d'Emé  Guy  bonnetier  en  la  ville  de 
Chaftdionfur  Loin,auoit  cfté  toute  fa  vie  fort  desbau- 
ché&  grand  coureur:à  quoi  auoit  fort  aide  la  trop  gra- 
de indulgéce  paternelle.  Auint  vn  Samedi  pcnultiefme 
de  Septembre,  Tan  mil  cinq  cens  foixante  cinq ,  que  ce 
fils  fe  desbaucha  félon  facouftume,  &  nereuinten  la 
maifon  iufques  au  foir  bien  tard.  Dequoi  fon  pcrefe 
courrouça  bien  fort  à  luijiufquesà  dire,  puisqu'il  conti- 
nuoit  ce  mefchant  train  ,  il  fer'oit  finalement  contraint 
le  chafl'er  hors  de  fa  compagnie.  A  quoi  le  fils  plein 
jd'orgueil  relpondit  fort  audacieufement  ,  qu'il  eftoic 
tout  prcftdcs'en  aller,voire  des  l'heure  mefme,  pour- 
ueu  qu'on  lui  baillaft  fesacouflremens.  Sur  celle  difpu- 
te  le  peres'en  alla  coucher:&  eftant  au  lift  fut  contraint 
(de  menacer  fon  fils,  pour  le  faire  taire ,tantil  repliquoit 
fièrement  contre  lui.  En  fin  ,  voyant  qu'il  ne  gaignoic 
rien,  &  ne  pouuant  plus  porter  tant  de  longues  &  or- 
giieilleiîfes  replii|ues ,  fclcua  en  cholere  de  fon  li(5t 
pour  aller  cballier  l'arrogance  &  irreuerencedece  mau- 
liais  garfondcquel  voyant  que  fon  père  approchoit  en 
courroux  pour  lebattre,iette  viftement  la  main  fur  fon 
efpee  qureftcit  en  la  mefme  chambre  ,  &  fe  rebellant 
centre  fon  père  lui  donna  d'icelle  au  trauers  du  corps. 
Duquel  coup  il  tomba  foudainement  à  terre  ,  s'efcriant 
i  haute  voix,qu'il  cftoit  mort.  Les  voifins  eilonnez  de, 
ce  cri  furuindrent  incontinent,  &  toil  après  la  iuftice: 
iefquels  trouuercnt  le  panure  pcre  eftendu  fur  la  pla- 
çp,  &  n'attendant  plus  que  la  mort  ,  laquelle  s'enfuie 
uitbien  toil  après.  Aulïlfut  trouuee  l'efpee  toute  fan- 
plante  auprès  dU  fils  qui  fe  chaufoit  :  auquel  le  perc 
tneu  de  compaflion  ,&  oubliant  la  cruauté  qu'il  auoic 
|çççu^  ^ç  Im auoic  ia  ditpluiieurs foi*,Sauue  toi,S^wuc 


*o8  Hijloires  admirables 

toMiionfiîSjie  te  pardonne  ma  mort:aufliauoic  h  mcre 
vie  <ic  niefmc  auerrillemcntpoiirlc  faire  cuadermais  la 
pujfrancede  Dieu  l'arrcfta  tcUcmeiu,  qu'il  n'eut  onc  la 
force  de  deHoger.Mené  es  prifons  &  intcrrogué,  du 
commencement  il  pallia  Ton  parricide,  accufant  mefme 
ion  pcrc  &  alléguant  qu'icelui  >>*eftoit  enferré.  Mais  Tes 
exaifcs  trouuees  friuoles  ,  il  fut  condamné  à  auoir  le 
poing  dextrc  couppé,  puisa  eftre  tenaillé  vif,  finale- 
ment pendu  par  les  pieds  à  vne  potence  ,  &  eftranolé 
<1'\  ne  pierre  du  poids  de  fix  vingts  liures  qu'on  lui^at- 
tacheroit  au  col.Vn  mefchant  fauflaire  prifonnier  auc^ 
fui,  le  confcilla  de  fe  porter  pour  appellant  à  Paris. 
Mais  après  ayant  franchement  confelle  fon  parricide^ 
îlreuoqua  fon  appel,  &  fut  exécuté,  H^Jiouede  no(ï,e 
temps»  •' 


C  OEFR  HFM  A  IN.drfa  iaje. 
Diuerfes  biftoire  sd'icelui^en 
nojlre  temp, 

AYakt  percé  vn  apoftcme  formé  des  long  temps 
fur  la rcptiefme  vertèbre,  ou  ilauoit  fair,parla  vi- 
rulence de  fon  pus,vne  grande  ouuerture,  &rongé  la 
membrane  intime  du  cœur,  ceux  qui  eftoyent  prefcns 
virent  vn  bout  du  cœur  que  ieleur  monftiai.t^.^f/;»«e- 
«/w>,rfM  lime  de  x^ibditu  caufiSj^cchap.  i  z. 

Deux  frères  gentils-hommes ,  eilans  entrez  en-conte- 
ftcà  table, Tvn  donne  vn  coup  de  coufttau  à  l'autre, 
eîroid  au  ficge  du  ca^ur  :  force  fang  fort  delà  playe  :  on 
porte  le  bielle  fur  vnlicl.-les  veines  commencent  às'uf- 
foibhrje  vifagc  paflit,vne  fueur  froide  s'efijand  par  tout 
le  corpsjes  artères  jie  battent  plus ,  tous  ngnes  de  mort 
aparoilfent-Ellant  appelle  ,  ie  fais  appliquer  fi^r  le  cœut 
ce  qui  efl:  propre  pour  le  fortifier.  Le  blcilé  ayant  cfté 
comme  au  dernier  pas  de  la  mort  iufques  à  minuid, 
coiîunence  à  fe  reprcndrç.ic  pouriui ,  lui  appliquant  cç 

dont 


érmemorahles,  lo^ 

«^ontie  puis  m'auifer  pour  là  conreruation,&  finalement 
îele  voy  gueriidontiecogneu  que  lecœur  n'auoicpas 
cfté  atteint ,. comme  ic  craignois  au  commencements 
maisquelatayc,membrane,oucaprule  d'icelui  (nom- 
mée péricarde  des  Grecs,c.fus-cœur)  auoit  cftélcgtre- 
iîicnt  touchée,  k  mefme, au fotxante cinqnicf/ne  chapitre  d» 
rfiejîne  Hure. 

Nous  auons  vcu  Antoine  Algiat  bîefle,&  n*ayantle 
péricarde  entier.  Vray  eft  qu'il  ibufpiroit  haut  &  feu- 
uent,  &  mourut  quelques  années  après  ccite  bleiTure, 
Les  parties  internes  bleiFees  attirent  la  mort  en  quatre 
iortes:ou  par  neccdité  de  leur  funftion  &  oflîce ,  coiPr- 
me  le  poulmon:ou  acaufe  de  Texccllcnce  de  leurna- 
ture^comm'eie  cœur:ou  par  grande  perte  de iang,  com- 
me le  foyejes  grandes  arteres,les  vemes:ou  par  la  mali- 
gnité des  rymptomes&:  accidens,comme  les  parties  nei- 
ueufesjle  ventricule,  la  vefîie.  Encores  que  des  parties 
foyent  incurables,  elles  ne  font  mortelles  pourcantde 
neccffité  abfoluerautrcmentjla  mort  s'cnluiuroic  de  la 
bicirure  incurable  des  os,cartilages,&  ligamens.  Le  pé- 
ricarde donc  n'eft  point  mortel  de  foirmais  à  caufe  qu'il 
cft  comme  impollible  de  Tatteindre,  que  pluiieurs  au- 
nes parties  nobles  ne  foyent  ofFenfees.  Cardan  oi  fo» 
CommetUaire  fnr  les  x^phorifmei  d'Hippocrates  ,  linre  â.a^ 
jp/jor.i8. 

;^natomizantvn  mien  difciple  mort  en  l'Académie 
de  Kcmc,ie  trouuaique  ce  ieune  honmie  n'auoit  point 
de  péricarde  :  au  moyen  dequoi  viuant  il  tomboit  fou- 
uent  tnlyncopej&fembloit  comme  mort:  de  laquelle 
défaillance  auHi  finalement  il  mounit.ColHntÙHi  au  anhy 
Z^iejme  liitre  de  fou  x^natomie. 

Vn  certain  brigand^ofté  du  gibetjoù  il  auoit  efté  pen- 
du,&  nçn  du  touteilranglé ,  fut  foigneufement  penfé 
&  guéri.  Mais  comme  c'eiioit  vn  defcfperé  garnement, 
il  retourne  âfon  mcfchant  train,  eil  attrappé,  &  c- 
ilranglé  tout  à  fait.  Nous  en  voulufmes  faire  l'anato- 
mie  ,  &  trouualrncs  qu'il  auoit  le  ca-ur  tout  velu.  Ce 
que  Ton  raconpe  aufïi  entre  les  Grecs  d'Ariifomenes> 
licKermogencs  ic  Ki^etoticieajde  Leomdasjds  Lylaa- 


iio  Tîiftoiires  admlrâhles 

tlcrf&:  autresjvoire  d'vn  chien  d'Alexandre  le  GrJin^.Ct 
poildenotenon  feulement  promptitude  de  couraçc,  &*. 
obrtination  mauuaifejmaisauflî  quelcjuesfois  vaillance 
mclprifant  tout  danger.  Benimnim  m*  chap.  gj.  de  abdkn 
euufis, 

Faifantiadisà  FerrarcrAnatomicd'vn  homme,  nous 
lui  troiiuarmcs  le  cœur  tout  couuert  de  poiLaulVi  eftoit- 
ce  de  ion  viuant  vn  détermine  Tpadaflin,  &  voleurinlî- 
^nc.f^nj.itus  Fortn^atf  itn  U  cenlur:c  6. cure  6^, 

Ertant  à  Venife ,  ie  vis  tranciier  la  tefte  à  vn  brigand 
fort  renommé  ,  auquel  le  bourreau  qui  fit  des  pièces  du 
corpSjtrouuale  cœur  merucilleufement  velu.  AL^yl, 
JVittret  ai*  iz.Uure  de  Ces  dli^t.  .jh  le^ojSj  ch.ipJO. 

rayvc\ien  qLciqucs  corps  humains  l'en tredeuxd i- 
^inguant  les  ventricules  du  cœurelbc  vn  cartilage  :  es 
autres  le  ventricule  défaillant  ou  li  petit  qu'à  peine 
pouuoit-onlereconoillre.  CoUmb.au  15.//**.  defoni^na-^ 
tomie. 

l'ay  trouuéen  deux  corps  d'hommes  par  moi  ouuerts, 
vn  os  aux  racines  de  la  grande  artère  ,  h  de  la  veine  ar- 
teriale.  com.  Gemme auUure de fa\cyclognomte  ypa<^.7$. 
Envn  autre  ic  trouuai  vn  offelet  entre  les  cercles  carti- 
lagineux du  cocur,derartere  aorte  ,  &dela  veine  artc- 
riale,telquelesosqui  letrouuent  au  coeur  du  cerf. c o>-7. 
Gemme  au  l.lin.chap.é.de  fon  C  ofmocritic. 

Le  fils  d'vn Imprimeur  de  Balle  ,  ieune  enfant  bien 
dîfpoft  ,  prenant  plaiiîr  à  faire  fouuent  la  roue  fur  les 
deux  mains  en  terre  ,  à  la  couilume  des  garçons  qui  le 
deledcntà  donner  du  palletempsà  qui  les  regarde,  vn 
iour  en  ceft  exercice  commença  de  fentir  vn  grand  bat- 
tement de  cœur  à  l'endroit  du  petit  ventre  au  coftégau- 
chc,iufques  où  le  coeur  s'elloit  abaifîé  ,  ayant  fait  relaf- 
chc  de  les  vafes  &  membranes,  &  futtrouué  toutren- 
uerfe, quand  on Touurit  apresfon  trcfpas.  vdix  PUterm 
enfes  ohferuations  an.ttomiqms* 

LeDodeurMelanchthon  en  fon  premier  liure  de 
l'ame  ,  attende  deCafimir  Marquis  de  Brandebourg, 
Prince  grandement  affligé  en  fa  vie  de  diuers  ennuis,& 
accablé  dt;  longues  veilles  >  q^u'ciUui;  ouiiCK  après  fon 


♦fcfj>as,il  fut  tfoiiué  que  riuimcur  encîoi  en  la  tayc  du 
cœur  cfloit  entièrement  îiireché  ,  &  que  le  cœur  eftoic 
rolli  &  tel  qu'vne  poire  bruflec  au  feu.  ï/;.  Iorclau.an  i, 
iiHre  des  apparcncfs  de  U  pefieychap.lé. 

Il  n'y  vi  paslong  temps  que  mourut  vn  gentil-hoiu- 
mc  Romain, après  auoir  longuement  langui.  Onlou- 
unt,&  trouua-cn  qu'il  nauoitplus  de  cœur,&  quericï* 
ne  lui  en  clloitrcfte  que  la  tayc:la  delmefuree  chaleur 
de  falonguc  maladicjiui  ayant  conflimc  le  cœur.  Bern, 
T tlcfim  au  xSuh^ft-du-  ^.liu.de  Nature  reri*in. 

Vn  jeune  Prince, valctudmaire,&  forcprcfle  de  dou- 
leurs de  cœur^ficaflcmbler  force  Médecins  pour  conful- 
fccr  de  la  maladic.Entrc  autres  fe  trouua  vn  ieune  Méde- 
cin lequel propofa  auoir  Icu  en  certains  mémoire?, 
t[uc  Tviagc  des  aulx  tous  les  matins  challoit  vne  forte 
de  vcrsquisatcachoyentau  cœur.  Etle  remède,  &  la 
jeune  homme  qui  le  propoloit,  furcntmefprilez. Quel- 
que temps  après  ce  l^rmce  mourut ,  &  le  corps  d'icc- 
lui  fut  ouuert  par  le  commandement  de  ion  percpouo 
trotiucr  la  caufe  de  celle  maladie  &  du  trefpas.La  dilfe- 
Ction  faire  fut  trouué  vn  ver  blanc,  ayant  vn  becpoi»^ 
Au  &  de  corne  comme  celui  d'vn  poulet,  attaché  air 
cœur.  Les  Mcdccinsle  font  tirer  vif&poler  furvnc 
table-,  dans  vn  cercle  fermé  &  couuertcnfon  tour  de 
fuc  d'aulx. Le  ver  commence  à  ie  pliera  contourner ci^ 
maintes  forresjfe  donnant  garde  de  touchera  cefucqui 
J'cnuironnoit.  t'inaleniA^nt  lurmonté  par  la  force  &  To- 
dcur  des  aulx,  il  mourut  dedans  ce  cercle,  àreltonne- 
ment  de  ceux  qui  auoyent  mefprirc  vn  iî  aifé  rcmcdc 
1.  H  ebcijieirt  enfon  trait  té  de  laptjle. 

Il  n'y  a  pas  long  temps  qu'au  palais  du  grand  Duc  de 
Thcfcanc,  certain  Florentin  alllftant  aux  plaifans  récits 
que  faifoit  vn  charlatan,  fut  lai  fî  tour  à  coup  demorç 
(oudaincdont  Tafliftance  &  Tes  amis  ettonnez ,  pour  (e 
>efoudre,  après  qu'jl  fut  conu  roide  mort,  le  firent  ou- 
ur!r:&ne  trouua-on  caufe  dételle  mort  fînon  vn  ver 
viuanc&fe  remuant ,  que  les  Anatomilfcs  trouuercnt 
detlans  la  capfub  ou  taye  du  cœur,  IKS^herer  Aîcdtiâu  hk 
Jls  objlïitkitioui,» 


m  Ftt(Ioirfs  admirables 

Vne  certaine  fcnimc  ayant  rendu  rcfpacede  qiieK 
<:|Lics  iours  Ton  vrinc  erpaiffc  &  purulente  ,  morte  au 
bouc  de  quatre  mois,  &  ouuertc  ,  fut  trouuee  intcrclfee 
au  cœur,  de  quelques  apoitemes  ,  &  de  deut  pierre*;^ 
/,  Houlicr  j  cominent.  i,  fitr  le  6.  Uure  Jecl.  Z.  aphor:f.  4.  dtf 
Co.ujues  pr»d'Hippùcr»  <^  au  comment,  j'itr  le  75,  aph,du/\^ 
Uure. 

L'on  ttouua  au  cœur  de  l'empereur  Aîa>;{milHan  fé- 
cond trois  petites  pierres  ,  grolîes comme  vn  pois,  non 
d'efgrJe  qualité  3:  pefantcur,  &  l'vne  de  couleur  cirant 
fur  Tcnrouilie.  Tn  fon  viuant il  eftoit  fort  affligé  d'vii 
battement  de  caur.  /.  f^Tier  an  4.  Uur,ch.\6.de  l'i/njwft:*  € 
des  malins  ejpr» 

Dedans  le  cœur  de  lerome  Schreibct  mort  à  Paiit 
l'an  1547. &  ouucrten  prefeiice  de  mefl.  Syluius,  Hou- 
lier  &  FerncL  ProfelTcurs  en  Mftiecine,  fut  trouuee  ^  ne 
pierre  de  la  grofTcur  d'vne  noix  mufcade ,  dure ,  notra- 
lirc,  ronde  /pefant  quelques  drachmes,  au  grand  cilc-^ii- 
iiement  de  tous.  ^^hr.  Mur^d  Médecin, 

Hn  phdîcurs  cœurs  humains  fe  font  trcuuez  des  cals 
ou  durillons  ,  comme  pierics  de  la  grolleur  d'vne  noix- 
csaiUres  de  la  g  rai  fle  es  vcntricaies,  ou  ài:s  carnofïtc  - 
fort  efpaiiTes  ,  parfois  iufques  x\à.  pefanteur  dedcuv 
Jiures:  ou  autre  lubilance  ,  comme  de  la  moueile  de 
bœuf,ia  cuite. Item  des  tumeurs  &  apoilemes  de  la  grof- 
feur  d'vn  œuf  de  poule,qui  ontcaufc  es  mis  corruption 
de  la  raye  du  ca-ur,  es  autres  erohon  du  cœur  mefme,  es 
autres  des  vlcercs  purulens  &concreez  de  longue  main. 
Leshiftoires  en  font  defcri tes  par  les  Dodeurs  Méde- 
cins BcnittiniiiSylacot  3  BanhtUi  f-^efid  ,  Enift.  Colnmliny 
yerTicl^  UcM-lier  >  louhcrt ,  ^autres  en  leivi  OhferuationSy 
Commentaires  ,  &  dirj»tes.  Ce  qu'il  fufîit  toucher  eu 
vn  mot. 

Qv  A  n:  t  aux  blefluresdu  cœur ,  Fernei  au  $.  liu.  i\c 
Ta  Pathologie, chap.u.  tientque  l\  elles  ne  font  profon- 
dcs,&:  auant  dedans  les  ventricules  du  cœ^ur,  laperfon- 
ne  blelfee  ne  meurt  pas  incontinent.  Auquel  propos 
Ican  Schenk  de  Grafenhergy  Dotieur  Médecin  a  fribour^^y 
raconte  ah  î.  Un,  de  jh  ohjerttahous  vtedectufiUsj  qhjer,  zo^r 

auoir 


auoir  entendu  d'vn  autre  dode  Mcdecîii ,  que  certain 
efcolier  eftudiant  à  Ingolftad ,  bleûé  d'vn  coup  de  poi- 
gnard au  cœur,  dont  les  deux  ventricules  ib  treuuerent 
jperccTi  de  part  en  parc ,  courut  bien  loin  tout  fanglant, 
6i  vefcutencoresvne  heure  entiere^-pariant  iSi  fc  rcccm- 
mandantà  Dieu. 

le  protefte  auoir  veu  à  Thurtn  vn  gentil-homme  le- 
quel fe  combattoit  aucc  vn  autre.qui  lui  donna  vn  cot-p 
d'efpee  fur  la  mammellc  ieneitre ,  pénétrant  luiqucs  en 
la  fubilance  du  cœur ,  &  ne  laifTa  de  tirer  encores  quel- 
ques coups  d'efpee  contre  Ton  ennemi  qui  s'enfuyoîtje 
pourfuiuantla  longueur  dedeux  cens  pas ,  piîis  tomba 
en  terre  mort,&en  fis  oiiuerturc^ou  ietrouuay  vnc  pla- 
ye  en  la  fublliuicedu  cœur,  de  grandeur,  à  mettre  le 
doigt,  &  grande  quiniité  de  fang  tombé  fur  le  dia- 
J'hragme.  ^Amhr.  Part  ait  oMu.chap.i^, 

Quant  aux  diuerles  hiiloires  des  maladies  &  niorts 
précédées  en  plufreurs  perfonnes  par  vne  £''equente& 
prefque  ordinaire  palpitation  de  cœur.caufee  d'extrême 
chaleur  de  foye^prefques  en  la  plufpartrd'autant  que  les 
exemples  en  font  prefqucs  infini.s ,  &  conus  de  chacun> 
ien'enreprelente  aucuns  , pour  ne  faire  en  ce  recueil 
des  obferuations  médicinales  plus  aua;it  que  mon  in- 
rmrion  ne  requiert.  Referuant  vn  très-grand  nombre 
•  d'nuticshiftoircs  mémorables  des  accidcns  ésprincioa- 
les  parties  du  corps  humain  ,  pour  les  liures  fuiuans  ,  fï 
Dieu  le  permet.  Le  Dofteur  Schenck,pvofe{îcur  à  Fri- 
bouig,clt  celui  duqueli'ay  reciicilli  la  plus  part  des  pré- 
cédentes hiiloires  du  cœur,  &queie  fliiuray  es  autres 
qui  concernent  les  mcrucilîes  des  corps  humains. Caril 
a  publié  pluiîeurs  liures  d'Obfcrijatiôs  inedecinalcsdes 
anciens  modernes  Medccins,auec  grande  louange,  pou"? 
fa  diligence. Qusnt  à  larecerchc  des  csuibsde  tantd'ac- 
cidcns  autour  du  peric  monde  ,  qui  eix  Hiumme  ,  nous» 
lahillons  deprefent  aux  Théologiens  &  Natutaliilcs, 

COMETES. 

EN  cefte  fe  d'ion  ,  ic  reprefenteray  briefiicmcnt  Ici 
CoiHCtes  vcues  en   l'Europe  depuis  cent  aas  on 

H 


114  Hiftfiires  admirables 

tnuiron ,  y  adioullant  ce'<]uc  Garcazus  en  (à  mcteorol^ 
gje,  l,ycoil:henes&  autres  ont  rcmarcjué  fur  ce  poin^. 

L'an  mille  cinq 'cens,  au  mois  d'Aurilvnc  Comere 
apparut  au  Septentrion  ibuslefigne  du  Capricorne,  tn 
1.1  intHnc  amicc  naftjUJt  le  Prince  Charles,  depuis  Em- 
pereur ,  oC  cinquiefme  du  nom  :  &:  Soliman  Sultan  des 
Jures.  S'cnfuiuittoft  après  le  raua^e  que  les  Tartares  fi- 
rent en  Pologne-la  famine  en  Suaube,la  peftc  par  route 
r  Alemagne,la  prinfe  de  Kaples  par  les  Françojs,le  fou- 
le uement  des  payransauDiocefc  de  Spire  contre  PEuef^ 
que  &  les  CIianoincs,lc  iiege  de  Modon  &  de  quelques 
autres  places  en  la  Moree  par  les  Turcs  ,  Ifniael  Sophi 
clialfe  les  Turcs  du  royaume  de  Pcrfe  duquel  il  s'empa- 
re. Au  deuxiefme  an  iuiu.mtla  \^ti\e  fît  vn  horrible  ra- 
liage  prclque  par  tout  le  monde,  laquelle  eut  pour  a- 
uaiit-coureurs  àcs  figures  de  croix  tombantes  de  Tair  lur 
les  habillcmens  des  perfonnes.  La  guerre  s'efaieut  en 
Bauicre  deux  ans  après  celle  pefic  :  s'enfuiuit  aufl'i  la 
mort  de  plufieurs  grands  perlonnages  en  diueilcs  vo- 
cations ecclelialHqucs  i^:  politiques.  L'empereur  M.f 
milian  premier  dompta  le  Ducde  Gueldrcs,  ]>uis]; 
Hongrois, qu'il reduilît  fous  Ton  obeill^.nce. 

En  Tan  mil  cinq  cens  iîx  vne  Comète  aparut  au  m  , 
d'Aoulcvers  le  Septentrion, couur.mt  Jes  lignes  du  Iio 
Scdela  Vierge,  ayancprci  du  chariotyiie  queue  efpaiiic 
ikluilànte  ,  clpanduc  entre  les  roue!,  de  ce  chariot^à  rai- 
fon  dequoi  quelques  Ailronomes  la  furnommcrent 
queue  de  pan.  Au  mois  de  Septembre  s'enfuiuit  le  rief- 
|)as  de  Philippe  I.Roy  dTfpagne,pcredeChaiies&  Fei- 
dinand  depuis  Empereurs.Au  meime an  lesTurcs  {"ureac 
d&>taits  en  bataille  rcngce  par  les  Perfes ,  &:  d'autre  part 
prir.drentfur  les  Chrétiens  Modon  en  laMoree,&  desfi- 
rêt  leurs  flottes.  Puis  furuint  guerre  ciuile  entre  l^aia? et 
&fon  filsSclim.  Prancifque  Sfurce  Duc  de  Milan  fut 
prins  en  Italie  par  les  François.  Qj^ant  à  ce  qui  cp  laruc 
es  années fuiuantes,  riiilloirc  de  noflre  temp:>  lemou- 
ilrej  foitan  regard  des  guerres ,  inondations ,  mort  d'il- 
lullrcs  perfonnages,  changemensmerueilleux  en  l'Eu- 
cppC;  dont  nous  n'attribuolis  les  caufes  iinon  aux  iuiies 


^memorMcSo  115- 

îiiigcraens  de  Dieu,piiniirant  les  péchez  du  môde.Nous 
«liions  feulement  c]ue  fouuenresfois  les  comètes  fem-* 
bient  eilre  comme  les  auant-coureurs  &  trompettes  de 
ces  merueiilcux  lugemens  du  Souuerain  ,  ajnfiqucle 
Poète  François  parlant  d'vnc  comète  venue  Tan  1577^ 
dilbit  au  2.  lour  de  la  femainc, 

(^  nt  fuh-titprojit^ô  frcnetique  Fravce 
Vsifigiu'i  dont  le  cul  t'appelle  k  repcntnu<e} 
Peux-'.ii  -voir  d'njn  œiljec  cefenprotUgieuxj 
Qui  nous  re)id  chafqnefoir  ejji  oyal'le  les  cknx^ 
Ceji  ajtre  cheuelujC^ui  menace  la  terre 
Du  pejïe,gmrreifuini-itroii  pointes  di*  tonnerre) 
•  Q^tn  ft plm  vrand  fureu-r  Di>:i:  foi  droye  furnotu» 
'  Mais  confîdcrons  les  autres  comètes  félon  i'orJrc  ae« 
années. 

Au  mois  de  Nonembse  dcTan  ip^.fut  veuè'  vue  co- 
mete,&  toft  après  ie  ciel  tomba  tout  en  feu,  hncant  a  ne 
infinité  d'el"ciairs&  foudres  en  terre,  lac)ucllc  trembla: 
puisfuruindrcnt  dcseftranjes  rauines  d'eaux,  notam- 
ment au  royaume  de  Naples.Peu  après  s'enfuiuitla  pii- 
fe  &  cantiuité  de  François  T.Roy  de  France,rAlemaizn<?  " 
fut  troublée  dhorribles  fcditions ,  Louys  Roi  de  Hon- 
^>ric  fut  tué  en  bataJUe  contrciesTurcs.il  y  eut  par  rou- 
te TLurope  de  merueiilcux  remuemcni.Komc  fut  prie-» 
fe  &  pillée  par  Tarmce  impériale. 

En  celle  mcfme  année  de  la  prinfc  &  du  fac  de  Ro- 
nic,a  fçauoir  Tan  15'Z7.  on  vii  vr.e  comece  plus  tfiroya- 
blc  que  les  precedcntes^Aprcs  icellc  furumdi  ent  les  ter- 
ribles vauagcs  des  Turcs  en  Hongrie,la  famine  en  Su?u- 
be,Lombardie  &  Venifc,la guerre  en  Suiiic,  le  ITege  de 
Vicne  en  Auftriche,la  Suete  en  A 'i  g  le  terre;,  le  cesbord 
dcl'Ocean  en  Hollande  &  Zelande,  où  il  noya  granJe 
'tendue  de  pays ,  &  vn  tremblement  de  terre  de  huicc 
ui  s  durant  en  FortugaL 

L'an  1531. depuis  le  fixiefme  iourd'Aoufl  iufqucs  au 

I  troifiefme  de  Septembre  aparut  vne  Comète,  marchanc 

!  aflc/ lentement  par  les  iigncs  del'Efcreui(Te,du  Lio,  de 

^a  Vierge^  de  la  B4auce;luiui  de  plufîeui-s  troubles  fit 

H  *  . 


iify  fîijfûir^s  admirables 

xliucrs  changcmcns  en  Alemagnccn  Danemarch  &  ail- 
Icurs.Vne autre Comcte  fut  veuè Tan  fuiuant,  cncores 
plus  grande  que  ccUc-b.Toll  après,  a  icauoir  l'an  3553. 
iuruinc  vne  autre  Cometclur  lafin  de  luillct.  Les  Hi- 
ftoriensdefcriuansles  merueillcux  chan^emcns  dont 
elle  fur  fuiuie.Cellcs  de  Tan  1c58.1555.155  8.  Et  e.  année* 
fuiuantesjiufques  à  la  fin  de  ce  iîecie-la  ,  on:  eité  mer- 
ueillcufes,  précédées  pour  la  plufparc  des  grandes  ecli- 
pfci  de  Solcil.Etquâtàcc  qui  cil  auenu  depuis  enTlu- 
rope;,nuI  ne  Tignorcs'il  n'ert  extrêmement  ignorât.La 
f\\i%  redoutable  de  toutes  les  Comètes  de  noltre  temps 
fut  celle  de  l'an  15 17. Car  le  regard  d'icelle  donna  telle 
frayeur  à  pluiicuis  qu'aucuns  en  moururét,  autres  tom- 
bèrent malade^.Hllefut  vcue  de  plufieurs  milliers  d'hô- 
.  mes  paroiiîant  fortlôgue  &  de  couleur  de  fang.  Au  fom- 
metd'icelle  fur  veue  lareprcientation  dVn.bras  courbe, 
tenant  vne  grade  efpee  en  fa  main,  corne  s'il  eull  voulu 
frapper.  Au  bout  de  la  pointe  de  celte  efpee,  il  y  auoic 
trois  eiloiles:mais  celle  qui  touchoit  droitemct  la  pom- 
te  elloit  plus  claire  &  luifante  que  les  autres.Aux  deux 
collez  des  rayons  de  celle  Comète  fe  voyoyent  force 
haches»poignards,efpees  ianglantesjparrni  leiquellcs  on 
remarquoit  grand  nombre  de  telles  d'hommes  dccapi- 
te'/-,ayans  les  b^irbes  &  cheueux  hcriflcz  horriblement. 
Et  qu'a  veu  l'elpace  de  63. ans  depuis  touue  l'Europe  fî- 
non  les  horribles  eifeds  en  terre  de  ceil  horrible  prcfa- 
ge  au  ciel?  Mais  il  ne  faut  oublier  l'eiloilc  nouuelle, 
grande  comme l'eftoille  du  lour, laquelle  aparutau  ciel 
des  eftoilcs  h"xes,aupres  de  la  Cafîiopee  le  p.iour  de  No- 
uébre  içji.ayâtla  forme  d'vnclo/engç.  Cornélius  Ce- 
rna &  autres  doctes  Allronomes  qui  en  firét  des  liures 
imprimeZjdisêt  qu'elle  ne  bougea  de  fa  place  l'efpace  de 
3.fcpmaines,&:  tiennent  qu'elle  refsébloit  à  l'elloile  la- 
quelle aparut  auxfagei  venans  adorer  I.Chriil  enBeth- 
lehcmjiiicôtiaér  après  fa  naifsàce.tUe  le  môlVa  au  ciel, 
Itlpace  de  p. mois  ou  enuirô. Les  autres  disét  qu'elle  du- 
ra iulquesau  cômécemét  de  Marsi574.  défaillant  peu  à 
peu.Géma  en  dit  inerucilles  au  z.liu.dc  ià  Cofmocnti- 
^iiCch.^.Aîiaispource  qu'il  4ifcourt&dilputc  fort  am- 
ple, 


^  memorAhlcs*  i{y 

plcment,  il  nous  hifrK  tic.  marquer  ccftc  mcrue!lIc;qu'i^ 
c^llime  merucilleuie  (  comme  elle  a  efté)  entre  toutes 
les  mcrueilles  extraordinaires  du  ciel ,  depuis  Ja  natiuiré 
de  noilre  Seigncur.Ce  récit  des  Comètes  (uf-efcrit  eft 
extraie  de  Gatcaus  en  fa  météorologie  3(le  Lycojlenes  enfin  re- 
(uetl  des  prodiges ^(^  autres* 

COMPASSION  yehemevte, 

HAOan  AgaJVn  des  chambellans  de  Sultan  Soli- 
man,enuoyé  par  fonmaiftre  pour  traiter  quelque 
accord  auec  le  Perfe,  fuiuant  la  commifllon  à  lui  don- 
née fe  faifit  deBaiazet  fils  deSolymanjprifonnicr  enPcr- 
fe,  &  par  le  cômandement  du  père  l'cltrangla  d*vne  cor- 
de d'arc.  Ses  quatre  fils  paflcrenr  le  mcfmepas.  S'en- 
fuyant  d'Amafic ,  il  y  en  auoit  laillé  vn  nouueliemene 
né,queSolyman  auoitf^.it  porter  à  Prufe  cnBithynio, 
où  il  eftoit  eflcué.Mais  les  nouuelles  venues  que  Baia- 
•aet  eAoit  dcpcfché,  Solyman  enuoyc  vn  valet  de  cham- 
bre, en  qui  il  fe  fioit  beaucoup  pour  aller  à  Prufe  faire 
mourir  le  petit  en  fant.  L'Eunuque  ou  valet  de  cham- 
bre ,  homme  débonnaire,  auoit  mené  quant  &foy  va 
des  huiiliers  de  la  chambre,  fait  à  exécuter  toutes  corn- 
millions  ruincufes&fanglantes,  pour  s'en  feruir  à  e- 
flrangler  le  petit  fils  deBaiazet.  Icclui  entre  dedans  la 
chambie  ,  &  mettant  autour  du  col  de  l'enfant  le  cor- 
deau pour  rei^ran8lcr,renfant  commence  a  lui  foufrire> 
^  fc  fpufleuât  lui  tend  fes  petits  bras  pour  l'empoigner, 
clfayantdelebaifer.  Cefte  contenance  donna  fi  rude 
coup  au  cœur  du  barbare  ,  que  fanspouuoir  pafTer  ou- 
tre tombe  pafmé  &roide  mort  fur  la  place.  Au  côtraire* 
i'tunuque  esbahi  du  rctardenièt,monte  en  haut,&  vou- 
lant entrer  tronuelhuifTier  efttndu  toutdefon  long  à 
la  porte  de  la  chambre,mais  n'ofant  faillir  d'exécuter  là 
comnuilion>il  eftrangla  de  fes  mains  le  pauurc  petit  en- 
fan  t.Ce  qui  monftra  quele  perc  grand  Solyman  n'auoic 
pas  efpargué  fon  petit  fils  quelque  temps,par  pitié  qu'il 
iSj^  euft,inai3  dcboyit/niuawt;  Vopimoa  des  Turcs,  c^ui 

H    ? 


ïi8  Hijloires  admirMes 

diskCt  c]ue  Dieu  eft  auteur  de  toutes  les  chofesqui  fe  fôt;, 
pourucu  que  rcucncmcnt  en  (bit  à  leur  gré.Pourtât  tâ- 
dis  que  les  afaires  de  Baiazet  furent  en  dqute  &  contre- 
poids, Solyniâ  ne  vouloit  point  qu'on  touchaft  au  petit 
enfant,  de  peur  que  s'il  profpcroit  on  ne  dit,  que  Soly- 
man  auroit  voulu  relîftcr  à  la  volonté  de-Dieu.  IVIaisa- 
prcsla  mort  de  Baia/et,  tenu  comme  pour  condamné 
par fentenceduiine, puisqu'il  auoit efté  recule  de  leç 
oeflcins;,puis  cxtc miiné  fans  rcfource  ,  Solynian  fut  d'à- 
uis  que  l'enfant  ne  fu:  pas  garde  d\iuant3ge.  lefieur  de 
Busbeijhcat*  dijiotf.s  defes  -voyages  de  Turquie, epifi./^, 

CONCEPTIONS  (irenfante- 
?ni'}i5  atta?ît  au^e. 
T  E  tref-illuftre  Prince  de  Salerhe ,  Fermnd  de  S.  Se- 
JL^uerin,  dernier  decedé  ,  m  araconté  autresfois  en  la 
Ville  d'Aîar«,ou  il  s'ell:oit  marie,  que  pour  certain  en  fon 
pays  de  Svdernevne  fille  auoit  enfante  à  neuf  ans, &  quo 
l'enfant  veiquit.I'ay  ouy  parler  dVne  autre ,  qui  à  Paris 
enfanta.»  dix  ans.Onafîeritie  auri:(&:ceci  eft  bié  tefmoi- 
gi;é)q  j'à  Leclore  ville  de  Grdcongnc,  vnc  fille  enfanta 
À  neuf  ans.Mle  cil  enco- e  viuantc ,  nommée  Iean»e  du 
Peine,quifutmarieeà  Vid^uBcpjie  en  Ton  viuantrc- 
ceueur  des  amendes  pour  le  Koi  ue  Nauarrc  audit  lieu, 
lilîe  auorta  d'vn  fis  à  Taage  de  neuf  ans;>  puis  ù  onze  ans 
enfanta  vue  file  qui  vefquitjS;  a  eu  dêo  enfans,&  à  qua- 
torze vn  fils  nommé  Laurept,cnçores  viuant,d  Cci7.e  vn 
autre  aurîlviuantjiiomr.ié  Pierrc.Cinq  ans  apres,quifut 
le  vingt  vnici'nican  de  fon  aage  ,  e'ieenfanta  vnc  fille: 
poiule  iourd'hui  veufue  dHn  apotiucaire.  Et  depuis 
ceiTud'cngrciiiCi'j'iaçoii:  ouc  fon  mari  vefquit.  C'eftvnc 
petite  femme  de  moyenne  corpulence  qui  an  mois  d'A- 
uri  (5  7.7.e.(loit  aagce  de  44.ans.Ie  Vay  veuè"  &  parle  à  el- 
ie  de  tout  ce  que  defTus.Llle  me  dn  entre  autres  choies, 
que  depuis  ion  premier  enfant ,  duquel  elle  auorta  n'a- 
y*nt  que  neuf  ans,  elle  ciii  toufîours  fcs  ilucu  is  bien  ré- 
glées. Ayant  ccfic  au  21  2n  depoitcr  enfant,  elle  demeii- 
raeiicort.  aiicç  iuu  niai4 1  cfpace  dz  dixneuf  ^ns.^!/.  x  .î«- 


^  memùrMes.  ii  9 

rf?i^  ^otihcrtian  deuxiej-me  lin.dei  erreurs  pofyulalrei.rljap.l. 

MonfîeurChappcIain  médecin  du  feu  Roy  François 
premier  m'a  proccftë  auoir  veu  vne  fille  qui  en  l'aagç 
de  neuf  ans  fut  enceinte ,  &  porta  Ton  eufant  à  term*e> 
puisacoucba.  Sy^uim  »i»  comnKHialre  des  wo>i  des  femmes, 
I.Foxius  a  efcrit  le  mefme  dVnc  autre  fille  de  neuf  ans. 
1  .Dansait  ai*  Z.Utt,  de  ces  Ethiqms  Chrcfiie^neSych.ijt.i  4. 

CONSCIENCE. 

IL  n'eft  rampart  tel  qucla  bonne confcience,nibourw 
reau  plus  cruel  que  la  mauuaifc.  Les  exemples  deVv-. 
ne  &  de  l'autre  font  infinis.  Qu^ant  aux  efforts  delà  con- 
icience  torturée  du  (buucnir  des  forfaits ,  fur  tout  au  rô- 
gard  du  fang  innocQot,  en  voici  quelques  hiftoires. 

Certain  hofte  vieillard  honnoiable,  en  vne  ville  d*A- 
lcmagne,auoit  vne  fille  vnique,bien  inflruite,  &  de  bô» 
moyens.  Le  fcruitcur  de  la  maiCon,honnefte  homme  8c 
allez  adroit,  pourchalic  de  Tauoir  en  mariage,  dont  il 
fut  efconduit^pourcc  qu'il  eO:oiteftranger,pauure&  fer-^ 
uiteur  delà  maifon.  Neaatmoins,  pource  qu'il s'eftoit 
touuours  monilré  loyal^lepere  de  famille  voulant  aller 
aux  bains ,  &  mener  quant  &  foi  fa  femme  &fa  fille* 
lui  iaifle  en  charge  fa  maifon.  Durant  leur  voyage» 
vn  marchant  vient  à  ce  logis ,  où  la  nuid  faïuanteil  eft 
efgorgé  par  ce  feruiteur,  qui  l'enterre  en  Tcftabie,  vend 
leïendemain  fon  cheual  &  Ces  hardes.  Ce  meurtre  de- 
meure caché.L'hoftereuenu  des  bains,  peçifant  que  fou 
fcruitcur  euft  gouucrné  &  mefnagé  coii^^me  il  couu^ 
noit,continue  de  l'aimer  encore  plus  que  deuant. Quel- 
que tcps  après  ce  brigand  s'auife  d'vnc  ru/x.H  cRrric  des 
lettres,  au  nom  de  certains  fiens  parons  ,  qui  l'auertiC 
foyent  delà  mort  de  fon  perc,  '6c  lui  confcilloyentde  ro* 
tourner  au  pays.  Rcuenant  du  luarciié  il  môftre  feslec- 
tresaucc  quatre  vingt  pièces  d'o^  ù  fon  maifire,  adiou- 
ilantcôbicnque  fesparens  fufi'ent  dauis  qu'il achctaft 
vn  cheual  il  ne  voulûit  pas  fairo  fi  grand  frais  ,  &dcU* 
bieroic  il'^Wçi  à  pied.  Qu'il  iailbic  ce  voyage  à  regr<;i;. 


Jioi  HiFi  cires  admirables 

TIC  dcfîrant  rien  tant  que  de  demeurer  près  de  Ton  mâf- 
îlrc.    Aucjuel  ayant  baille  en  garde  la  plufparr  de  ces 
pièces  d'or,  aucc  pronieflc  de  retourner  ,  h  fe  mec  en 
chemin.  Combien  que  cela  fufl;  incommode  pour  lors 
au  pcrc  de  famille  de  lui  donner  congé  ,  ncanrmoinse- 
ftimant  cev  Icrtres  trcl-vrayes ,  il  le  laifTe  aller.   Au  bon: 
de  quelques  Icmaincs  il  retourne: commet  autre  plus 
jgrandTommcà  ion  maiftre,  lui  fait  entendre  que  la  lue-, 
ctfîi  ;n  patcrnellemonroitbcaucoup,&  fait  fi  bien  que 
Thoite  lui  donne  fa  fille  à  femme  :  finalement  il  de- 
tiient   héritier  de  Ton  bcaupere.    IVIefmes  ,  pour  ce 
qu'il  ie  compo:coit  honncilcment,  &lans  reproche, 
jl  fut  eflcu  &  mi^  au  rang  (àcs  Seigneurs  Je  la  ville  :  où 
ils'acquita  fi  bitn  de  Ton  dcuoir,  qu'il  n'y  auoit  rien  a 
re  ifre  en  lui.  iMais  fa  confcicncele  trauaillant  &  tenail- 
lant rudement,  il  aima  mieux  fe  delcouurir  &  mourir, 
quelangnir  d'auanrage.  Eftantvn  lour  appelle  parles 
autres  Seigneurs  Tes  compagnons,  pour  iuger  le  procès 
d'vn  brigand ,  il  le  loue  de  grand  matin ,  va  ouir  Mefle, 
prie  fa  femme,  auec laquelle  il  auoittoufiours  vefcu  en 
bonne  paixt&  amitié,de  lui  aprefter  quelque  viâde  d'ap- 
pecit, alléguant  qu'jl  n'eftoit  pas  à  fbn  .'iirc,&  fe  trouuoic 
en  peine  d'aflifttr  ce  iour  à  vn  procès  &  arrcrt  de  mort, 
Filant  reuenu  de  la  Mclfe  au  logis ,  on  lui  dit  qu'il  y  a- 
uoit  pour  Ton  à^Cxciiné  vnc  telle  de  vcau>viandc  dont  il 
mangeoit  volontiers.  Defircuxdcla  voir,il  outivel'ar- 
mairc<^ùeftoitcefte  tcite;mais  hiCi  d'horreur  &  de  fra- 
yeur, il  commc;ice  a  fepbind'-e  &  demander  qui  auoit 
jH  lérré  vne  tefte  d'hôm.e  ?  Sa  fçmme  lui  remonftrc  gra- 
fieuiemem  qu'il  fe  Lrompc:luifc  retient,  deiieunelege- 
temcnti,\ichcmine  en  la  cîiambrç  du  confcil,  &  s'aiïîed 
en  fa  pfice  acoullumee.  Qn^and  ce  fut  a  lui  de  dire  Ion 
auis  ,^yan: dcclarc  qur-felon  les  loix  le  brigand  dont  c- 
floit  quefticn dçuoif  eitrc  decapité,il  fe  Icue  en  pied.s,& 
cômence  à  dire,  ijull  auoit  mérite  mcrmeTupplicc.  Sur 
ce  il  repreiente  par  ie  menu  toutes  les  circonftances  du 
^Ticurtre  par  lui  perpétré  au  logis  de  feu  fon  maiftre, 
^  tout  ce  qui  s'en  eftoit  enfuiuirfuppliant  à  ioinétc» 
p^ins;  miÇ  lufUce  le  çoptent^Hç  iui  f^irc  tranche: 

is  tçfrc* 


é' mémorables.  12.1 

(  tefte.  Aucuns  eftimoyent  que  quelque  humeur 
.lancholiqucle  faiibitainfî  parler,  lui  confcilloyenc 
.'  rccourner  en  Ton  logis,  &  fe  mettre  es  mains  des  Me- 
'  cins.  Ilreprintla  parole  difant,  lefçaj,  me(lieurs,que 
vous  m'auez  en  bonne  réputation  :  aufll  ne  iu!s-ie  coul- 
pable  de  crime  quelconque  puniflable  par  les loix  hu- 
maines, que  de  celui  là.  Toutesfois  ie  vousfnppliein- 
ilamment ,  que  m'oftant  la  tefte  de  deffus  les  efpaules, 
vous  me  deliuriezde  l'horrible  tourment  que  l'endurc 
;(&  à  bon  droiâ:)  depuis  le  iour  de  mon  forfait  :  &  don- 
nez ordre  que  la  iuftice  de  Dieu  ne  me  pourluiuepa^ 
d'auantage.  Surce  ,  les  luges  vont  faire  fouiller  au  lieu 
parlai  de/Igné,  ou  Ton  trouue  les  os  du  marchand  aC 
{alÏÏnérpar  ainfî  ce  pcrfonnage  eft'mené  de  fon  plein  gre 
au  heu  du  rupphce,&  ell  décapité  auec  l'autre  brigand. 
lean  lacqMs  Grincta  ^  do3e  Théologien  3  en  fon  c  ommentiiire 
fur  le  Prophète  loufti jch.l.p.li^.(^c. 

l'ay  entendu  que  depuis  quelques  années  en  ci.  cer- 
tain perfonnage  en  la  ville  de  Lip/îc  alla  de  fon  bon  gre 
vers  le  luge  criminel,  auquel  il  confelfa  franchement 
^'eftre  trouue  au  vol&  faccagement  des  chariots  de  l'E- 
JeCteur  de  Saxe,  adiouftant  qu'il  aimoit  mieux  mourir, 
que  de  lupportcr  plus  long  temps  la  geine  de  fa  conf. 
cience. /A7/;c/77/c. 

Il  y  a  enuircn  4^.  ans,  quedeux  frères  demeuransJ 
Laufannceflans  allez  coupper  du  bois  au  mont  lura, 
le  plus  ieunc  defpité  pour  quelque  légère  occafion, don- 
na tel  coup  de  fa  hache  fur  la  tefte  de  rairnë,qu  illeré- 
uerfe  par  rerre,où  il  l'acheue,  puis  l'enterre.  Rccouvné 
en  la  mairon,il  fait  entendre  à  leur  mcre,que  fondit  fre- 
^e  lui  auoit  donné  charge  de  faire  fes  excufes,  &s'cn:oic 
mis  au  chemin  de  SuiiTeS:  d'Alemagne,  pour  voirie 
pays,cfperantde  retourner  au  bout  de  quelque  têps.  La 
mercfe  payât  de  telle  excufe  ,  le  panicidc  montoit  prei- 
ques  tous  les  iours  en  la  montagne  ,  fe  profternoit  à  ge" 
noux  fur  la  foîTc  de  fon  frcre,pleurantà  chaudes  larmes, 
cnant  merci i  Dieu,  &  fouhaitantque  l'ame  de  fon  frère 
fut  en  repos.  Ayant  côtinné  ce  train  plusieurs  mois/ans 
que  |icrronnelcaicrcrcufi  en  force  quclGonquc  dVntel 


121  Hî [foires  admirables 

forfait ,  micnant  vn  lour  de  c(i''\c  montagne  en  la  viîîc^ 
comme  il  approchoit  de  fa  rue,  il  reç^arde  derrière  foi, 
&  defcouuranr  aflez  près  le  Bourcmairtre(q'.ii  ert  le  prc- 
Diiercîu  confeil  des  Seigneurs  en  ce  lieu  ,  ibusla  prorc- 
^ton  du  Canton  de  Berne  )  fuiui  tle  fon  officier  portant 
manteau  de  Liurce,  il  commence  à  fuyr  de  toute  fa  force 
Tcrs  Tautre  bout  de  la  ville. Le  Bourgmairtre  crmerucil- 
Ic  de  tel  fait ,  commande  à  Ion  officier  de  courir  après. 
L'officier  diligcnte,&  cric  à  pleine  tefte,  Arreftcarrelte. 
Qi^elqucsgens  forcent  en  rue,  &fe  mettent  au  deuant 
du  coureurJcquel  voyant rofficier,puis le  Bourgmaillre 
approcher  de  lui, commence  à  dire,  le  ne  Tai  pas  tué,  le 
ne  Tai  pas  tué.  Le  Bourgmailire ,  homme  prudent ,  le 
fc'.t  mener  en  prlfon,promptementrinterrogue ,  en  peu 
d'heures  entend  tout  le  fait,  en  vérifie  toutes  les  circon- 
ftances,  &  peu  de  iours  après  fait  exécuter  de  fupplice 
rieritc  ce  miferablc  parricide ,  marchant  à  la  mort  auce 
vne  confiance  &  repentance  fi  grande ,  que  tous  les  fpc- 
^ateurs  fondoyent  en  larmes,  /e  tien  ce  récit  d''unex^ 
ctlUiii  perjmnA^e  ,  qui  fut  prej'çnt  att  procès  ^  'vid lafind'i^ 
eelnl. 

Vn  nommé  N.la  Laincenfant  de  Toulourc;,ayant  en- 
trepris fur  la  vie  de  fon  père  ,  fefauua  d'heure  &  fercrira 
tîedans  Gencuc,  où  il  demeura  quelque-temps  ftnseftrc 
conu.  Vn  iouv  fepourmcnant  au  long  des  foifczdela 
vilkj&dcfcouurantde  loin  quelques  Syndiques  fuiuis 
«le  leurs  ufficicrs,fe  donne  l'alarme,  &  commence  à  fuir 
rant  qu'il  peut  vers  le  pont  d'i\rue  proche  de  là,  pour  fe 
fauner  en  autre  Seigneurie.  Les  officiers  courent  âpres, 
^  par  rencontre  d'autres  pcrfonnaoes ,  fur  le  chemin  ,  il 
c'carrcilc.  L'on  defcouure  en  fes  paroles  vne  confcien-^ 
ce  mal  afleuree.  Mené  es  pnfons  &  tenu  de  près,  il  con- 
fcfTc  finalement  fon  deteftableatLcntac.  Les  Seigneurs 
di4Gcncue  ciiuoyentvn  héraut  à  Touloufc,  entendent 
p.Tla  cupic  du  procès  qu'on  leur  enuoye  ,  la  vérité  des 
confcnîcns  de  la  Laine,  lequelcftcxecure  à  mort,  & 
monilre  jufqucs  au  dernier  foufpir  vne  viue&  remar- 
quable repentance  de  fes  faute?.  Aîentoim  de  iniftoire  de 


tf  memorahks.  tij 

CONTINENC  E  nouUc, 

LVchin  Viualde riche  geiitil-hômeGeneuois,  ieiine, 
beau, de  bonne  grâce,  s'eftant  extfememct  amou- 
raché d'vne  paaure  jeune  fille,  belle  par  excclk-nccnô- 
luec  Ianic}uette,fit  tous  cftortspofllbles  pour  la  icdniie, 
6r.s'en  fcruir  de  concubine.  Majsen  vain  ,  à  caufe  de  la 
chafteté  &  pudicité  inuincible  de  cefte  vierge,  laquelle 
finalement  fut  manee  à  vn  barquerot,  auec  lequel,  quoi 
qu'elle  vefcui}  auec  peine  du  trauail  de  Tes  mains,neant- 
moins  elle  fe  comporta  vertueuremcnt&  eut  plufîeurs 
çnfans  en  ce  loyal  mariage.  Luchin ,  qui  auoit  efpoufé 
vnel>ellc  &  riche  Damoifelle ,  par  l'aduis  de  Tes parens, 
nelaifToit  d'aimer toufîours  Ian:qMette,&fous  prétexte 
de  faneur  &bien-vueillance  enuersle  barquerot  j  el^ 
fayoit  defoisà autre  de  lui  coirompre  fa  femme,  la- 
quelle fe  maintenoit  inexpugnable,  au  grand  esbahif- 
femenc  de  Luchin, qui  admiroit  celle  itnpuliere  vcrtu:& 
finalement  fcmbla  lui  auoir  comme  donné  trefucs,  fan'? 
.toutesfois  renoncer  ^.u  tout  à  Tes  pourfuitcî's  &  vicicufes 
efpcrances.En  ces  entrefaites  auint  que  le  barquerot  fuc 
pris  prifonnier  par  àcs  Couiraires,&  mené  en  tel  endroit 
que  (à  pauure  féir.e  le  vid  tout  à  coup  corne  acablee  de 
idifctte  &  de  deferpoir.  La  cherté  eltoit  grande  à  Genesi, 
elle  eiloit  chargée  de  quatre  ou  cinq  petis  enfans,crians 
après  le  pain,dont  clic  eftoit  defnuee,  &  de  tout  moyen 
humain  pour  y  rcmcdier.La  charité  maternelle  la  poul^ 
fecnvn  confeil  de  dcfefpoir.  Elle  va  droit  au  logis  de 
Luchin  ,  qu'elle  rencontre  feul.  Lui  raui  de  la  voir^  fut 
/encores  plus  eftonné  de  fa  contenance  &  des  propos 
qu'elle  lui  tint.S'eftant  ictrec  à  fes  pieds,  elle  lui  dit  e- 
ftrc  venue  pour  le  donner  à  lui,  quYllc  eiloit  prcfte  de 
fe  foumettre  entiers  met  à  ia  volôtc  fans  refiliace  quel- 
ce  quc,ainfî  que  pur  le  jialle.Lc  fuppliât  au  rcRc  de  fou- 
lager  Tes  petis  cnmns  ailaillis  de  la  faim.  Luchin  arrcfté 
itout  court  par  diucrs  mouuemcs,fut  à  l'inilant  furmôté 
car  celui  delà  vraye  raiibnjS»:  pouifc  à\'ï\  bon  cfprir,dit 
A  la  pauure  fc^ncproilcrnec  à  fcii  pied^Je  incvainciaf 


ii4  Hijfoires  admirables 

maintenant  moy-nic;mc,ie  gaidetai entier  voftrcho». 
iieurciuci'aytanrpourchaHc  devousofttr  contre  mon 
deuoir,&  vousafiilleray  de  iînccrc  aftection,  comme 
jnaiœur  propre.Quoi  diidntjillamcincà  fafemmclui 
récitant  coût  le  paffc ,  &  recommandant  la  panure  lani- 
<îuctre,!a(]ueIJcfur  ft;ulagee  aucc  toute  fa  bmille  :  &  la 
conrincncc  de  Luchinincontinent  publiecpar  tout,3u 
grand  esbahiflemcnt  de  ch2.k\xn.uifiA"itaUe. 

CORPS  HF  MAIN  pétrifié. 

L'A  N  mil  cinq  cens  nonantc  (îx ,  Monfîeur  Billio<5l-i^ 
homme  d'honneur,  de  la  ville  d'Aixen  Proucnce, 
citant  à  Lyon  recita  à  Monficur  &  Madame  de  Bo^ 
thcon  ,  plufîeurs  autres  perfonnagcs  prefcns  ,  puis  mit 
auf^.  par  efcrit  &  foufllgna  de  fa  "main  ce  qui  s'enfuit. 
L'an  m'î  cinq  cens  huitante  &  trois  ,  vn  citoyen  delà 
ville  d'AiX  en  Prouence ,  ayant  vne  plantée  d'oliuicrs à 
vneharquebu7ade  des  portes  de  la  ville,  print  certain 
iour  ai'is  de  f^iirc  rompre  vn  petit  roc ,  qui  eftoit  en  ce- 
lle plantée,  tt  comme  il  eulH'air  auancerlabefonenc, 
fiit  trouué  au  milieu  du  roc  le  corps  entier  dVn  hom- 
me de  petite  ftature,incorporé  dedansce  roc,  de  telle 
façon  que  la  pierre  du  roc  rempliftoit  le  vuide  &  entre- 
deux,qui  eftoit  d'vn  membre  a  Tautre.  Ce  qui  eftoit 
encorcs  plus  admirable, ores  queîes  os  fuflent  forten- 
^urcisjfi  eft-ce  qu'en  les  grattant  auec  l'ongle  onlesre- 
duifoit  en  poudre.  Mais  la  moucile  d'iceux  eftoit  h  du- 
re,qu*vne  pierre  ne  Teft  pas  d'auantagc ,  &  n'eftoit  pof- 
fîble  d'en  rien  enleuer.  Voire  que  le  cerceau  eftoit  en-r 
<lurci  &  pétrifie, qu'en  le  touchant  d'vn  fulîl ,  on  faifoin 
voler  les  eftincelies  comme  d'vn  caillou  à  feu.  Ce  fke- 
Ictceft  demeure  en  la  puifl'ance  de  M.  Bakazar  de  la 
Biîrle  habitant  à  Aix,&.  premier  audiancier  en  laChan-^ 
cellerie  de  Prouence.  Tout  ce  que  dellus  ai-ie  oculai- 
rcmcntveujdifoitBilliodia'cnfuis  bon  tefmoin,  ayanc 
jnefnie  tenu  entre  me .  mains  le  cerucau  de  ce  corps, 
iouucrt  u  os  en  vne  partie.  Ce  quçi'actcftç  eftrc  yerita- 


(^  mémorables.  iiç 

blctt  en  foi  de  ce  i'ay  fîgné  la  prclcncc  le  iz.  iourcîeNcA 
uenibre  159<>.  Billiodi,  AIcmuires  de  Lyon, 

C  R  K  E  L  s    extermineX^ 

L'An  mil  cinq  cens  quatorze  ,  furuint  en  Hons^ric 
Thorriblc  leduion  5:  boucherie  des  Croifez.  Vn 
bruic&  propos  commun  couroit  entre  le  peuple  con- 
tre le  Roy  t<.  les  principaux  du  Royaume,  ài^ct  queloa 
ne  tcnoïc conte  de  reconquefter  furies  Turcs,  lors  fort; 
empcfche/.jlcs  places  qu'ils  occupoyent  dedans  la  Hon- 
grie. Mais  le  Roy  Ladiilas  aimant  le  repos  nes'efmou- 
woit  point  pour  tout  cela  :  &  les  grands  Seigneurs  le 
gouuernoyent  tellement  ,  qu'il  ne  leur  commandoic 
en  rien. Sur  ce  le  Légat  du  Pape  mit  en  auât  des  pardcns 
pour  tous  ceux  qiii  fc  croifcroycnt,  pour  aller  à  la  guer- 
re contre  les  Turcs.  En  vn  initant  fe  fit  vn  meruciUeux 
amas  de  biigandeaux  ,  cueillis  de  tous  les  coins  delà 
Hongrie.  De  mefmc  vol  s'eHeucrent  de-grolîes  trou- 
pes de  payfans,qui  ne  pouuansplus  porter^les  infoîen- 
ces  delà  Noblelîe,moins  encore  celles  des  Euefques,  a- 
couroyent  de  toutes  paits  au  camp.  La  nonchalance  da 
Roy  auoitlaifiC  prendre  racine  à  l'audace  ,  diflolutioa 
&.cruauté  inrupportabic  dc-s  Seigneurs  fur  leurs  fub- 
jets.  Ccfte^rmee  de  payiàns  s'eilant  créé  vn  chef  >  en 
n-Hjiris  de  rien  s'efpandit^  &  fit  vnrauage  le  plus  horri- 
ble qu'on  fçauroitpenfer  prcfqucs  par  toute  la  Hun- 
grieimallacranttous  les  gentiis-hoaime.>  &  Eucftjues 
qu'elle  pouuoit  attrapper.  Les  plus  riches  &  de  plus 
grande  maifon  eiloyent  ampalcz  tout» vifs.  Ccile 
rage  cruelle  continuant ,  le  Roy  s'efueilla,  &i  par  foa 
commandement  quelques  villes  ayans  leué  des  trou- 
pes ,  &  icelles  iomres  a  bon  nombre  de  nobleffe  fous 
la  conduite  d'vn  Seigneur  nomme  Bornemilfe  ,  il  y  eue 
quelques  rencontres,  ou  grand  nombre  de  ces  Croi- 
fez demeura  fur  la  placc,&  piufieursprins  furent  exé- 
cute/à mort  en  la  ville  capitale  du  Royaume.  Fma- 
lemeac  leau  fiii  du  Vaiuodc  Lfwene ,  lequel  s'empara 


11^  tiijloires  /tdmirablei 

puisaprcsduRoyaume,délitccsCroi(l-z  en  bataille  rari-^ 
gee:&  ayant  taillé  en  pièces  la  plufpaïc,  attrapa  leur;» 
chefs,qu'jl{it  mourir  de  fuppplice  fi  eftrange  qucc'eii 
horreur  de  s'en  fouuenir.Car  il  fit  eftcndre  n-ud  le  gêne- 
rai de  ccspayfans  nommé  George ,  auquel  le  bourreau 
mitfi.ir  latefte  vnc  couronne  deferardantrpuisillui  ou- 
in it  quelques  vcir.es,  &  fit  boire  le  fang  qui  eu  dccou- 
loit.î  Lucatiustrere  de  Gcore.c.  En  après  on  amena  les 
principaux  decespayi'ans  qui  auoyent  efté  gardez  trois 
jours  lans  manger,&  les  confiai gnit-on  de  fe  ruer  à  bel- 
le dents  fur  le  coips  de  George  encore  rcfpirant ,  &  en 
emporter  &  manger  chafcun  leur  pièce.  Au  milieu  de 
ces  horribles  cou;  mens  George  ne  crioitpointifculemét 
il  prioit  qu'on  euil  pitié  de  fou  frère  Lucatius ,  qu'il  a- 
uoittiré  par  force  en  celte  guerre.  George  ayant  elle 
puis  après  defciiiré  par  piecesjon  lui  arracha  les  entrail- 
les qui  furent  hachées  en  morceaux,lcs  vns  bouillis ,  les 
autres  roftisiquoi  fait  on  contraignit  les  prifonricrs  de  . 
faire  vn  repas  de  ce  cruel  aprel];:puis  après  tous,  tât  qu  ils 
tlloyent/auec  Lucatius,furent  mafracrez  à  pecits  coups, 
&:  les  fit-on  languir  tant  qu'il  fut  po/îible.  A  peine  f:; 
trouucra-il  vn  exemple  déplus  grande  cruauté  depuis 
que  le  mode  ei't  monde.  Et  nefautpass'esbahir  fi  Dieu 
apunile  KoySile  Royaumede  Hongrie  à  caufe  d'vne 
cruauté  \\  enragée ,  ayant  lafché  la  biide  aux  plus  cruels 
peuples  de  Septentrion, à  fçauoir  les  Turcs  ;  pour  y  faire 
les  rauagcs  que  chalcun  lçait,&:  qui  continuent  eucores* 
Chaibmens  cruels  font  apreftez  aux  cruels  &  inhumains 
loach.Curxni  enfes  x^nnalcs  de  Silefic^ p.t^.  155.  Les  li urcs 
fuiuans  reprefenteront  très-grand  nombre  d'autres  hi-- 
ftoires  de  cruautez  efirangcs. 

Durant  la  guerre  des  payfans  en  Alemagne  ,  l'aliifi^, 
parauant  S:  depuis,vn  gentil-homme  leur  ennemi ,  non 
courent  d'en  auou-  malfacré  trel-grand  nombre,  mef- 
me  de  ceux  qui  lui  demandoyeat  pardon  à  iointcs 
mains,  confeflans  qu'ils  auoyent  efie  mal  confcillez,  fe 
glorifioiten  toutes  compagnie^  de  fes  braues  exploits* 
adiouftanten  outre  les  louanges  de  fes  picorees,  ayant 
«oupc  fo;ccbourib>  bieo  garujes  ,  ôctué  mefmc  grande 


Ijuantitë  de  beftail.  Quelques  mois  après  cefte  furie  ,il 
tôba  malade  &  languit  plufieursiours  ci'\ne  ellrange& 
incurable  douleur  de  reins ,  Irquelle  le  précipite  tcllt> 
met  en  deferpoir,  qu'il  ne  cefla  de  dei'pitcr  &  renier  ion 
Createur,patient,  iuRc  ik  redoutable  en  Tes  vengeances» 
iufquesà  ce  que  la  parole  lui  faillit  auec  la  vie.  Laleue- 
ritédiuinepourfuiuitencorcs  famaiion.  Cartollapies 
fon  fils  aifne  voulant  exalter  les  prouclfes  de  Ton  père, 
qui  en  la  guerre  des  payfans  auoit  fait  les  merueilies  iuï- 
mentionnees,  & furmonte  tous  fes compagnons,  &ïe 
vantantfort  de  telles  vaillances  en  pleiii  banquet,  va 
villageois  irrité  de  telle  braucrie  defgainc  Ion  ^oi- 
gnard,  &  en  donne  fi  rude  coup  à  ce  fils,  qu'il  le  tue 
toi'troidefur  la  place.  Quelques  iours  après  la  pe-ic 
s'allume  en  la  maiibn  du  cruel,  &  tue  tout  ce  qui  y  r^ 
iloit.  Ie<z;?.  le  Gaftj  dt  B^vj5Cîf  ^  au  Z.  tome  dtipropoi  de  tubls^ 
L'an  mil  cinq  cens  iëptante-lept,  lurlaiîndc  Se- 
.  J>tembre,&  au  comnicnccmcnc  d'O  dobrC;  le  feli  des  fé- 
conds troubles  r'allumé  en  France, le  Prefîdent  de  îiira- 
gucdcpuis  Chancelier  &Carûinal,eftant  pour  lors  go«- 
uerneur  de  Lion,  le  trouuerent  audit  Lion  dcuxfreraB 
nommez  les  Bourgats ,  orfeures  de  leur  ellat ,  mais  fort 
desbauchez, Comme  la  licence  d'alors  clonnali  moyen  à 
plufieursd'afiouuir  leurs paifions  iur  ceux  à  quiiUen 
vouloyent:  les  Bourgats  mirent  la  main  fur  ^  n  compa- 
gnon teinturier,  fous  prétexte  qu'il  efloitde  conriaire 
religion,  mais  pour  fe  vcger  d'vne  querelle  qu'ils  auoy- 
.enteuë  patauant  contre  lui,  &  non.defiiicll(  càlcurgrç. 
Ils  renleuent,&  le  meinent  en  la  maifon  de  leur  habia- 
tiô,vcrs  Tabbaye  d'Efnayjlieu aflez  efcarté,le  garrottent, 
&  après  lui  auoir  eftroitement  ferre  les  mains  ratta- 
chent par  le  col  à  la  cheminée,  de  forte  qu'il  pendoïc 
tout  debout,  lànspouuoir  s'afleoir  ni  pancher  aucune- 
inct.Ils  le  laifsent  en  cert  eif  at  tout  le  iour,auec  menaces 
de  mort  prochaine.  Lefoir  ils  amènent  à  fouper  gens 
de  leur  forte,  pour  eilre  fpedatcurs  de  la  tragédie ,  font 
bonne  chère  ,  &  après  louper  paifent  le  temps  les  vu» 
^iouè'r  aux  cartes,  les  autres  i  pincer  ,  jnqutr,  uazar- 
4^;  iJc  Ûaieboyer  Icncjdu  p;iuure  prifgnruer^  acuciié 


1  li  fJifloires  admirables 

pieds  &  mains ,  &pcnduau  coin  delà  cheminée.  Cefâf 
dura  iufques  fur  les  on/.c  heures,  c|ue  les  compagnons' 
fe  retirèrent.  Quant  aux  Bourgats,  fans  pourfuiured'a- 
uantage,  ilsleietccnttout-voftus,  leurs efpces  au  coil:é> 
fur  leur  lift,  où  ils  s'endorment  incontinent.  Leur  la- 
quay,  qui  eAoït  au  coin  du  feu,  fait  comme  ['es  maiftrcs^ 
Le  prilon nier  Tentant  Tes  gens  endormis,  &  feramcnc^- 
uant  les  menaces  quMs  lui  auoyent  faites  ,  commence 
àpenfcraux  moyens  d'cfchappcrj&s'eftant  recomman- 
de à  Dieu,  duquel  feul  il  attendoit  fecours ,  fait  en  fortes 
&  tourne  tant,  qu'il  fc  dcftache  vue  main,  6:  de  celle  la 
l'autre,  puis  des  deux  le  col,  conl'equemment  les  pieds. 
Cela  exécuté  il  demeure  fort  perplcx  de  ce  qui  lui  fe- 
ftoit  à  faire.  Car  Ci  fes  gens  le  fufîcnt  cfueilîe'z  il  tftoit 
morr,n\;vant  moyen  de  fe  deicndre,  eux  armc2,hii  de-' 
farmé,&feul  contre  trois:  carie  îaquay  eftoitia  grand. 
S'ileuft  eu  vnenape,ou  vn  linceul,  ou  vnecouuerture, 
ilpouuoitdefcendre  parla  fenelhe:  mais  Fouurant,  le 
bruit pouuoit les efueiller tellement  qu'ils  rcufTenria- 
trapé,  les  places  cllans  lors  gardées  près  à  près.  En  celle 
perplexité  il  defcouuic  que  le  Iaquay  qui  dormoit  à 
l'autre  coin  du  foyer,  auoitvne  dague  à  fa  ceinture.  I^ 
fe  refould  de  tuer  fes  ennemis  auec  celle  dague.  Mais  il 
y  auoit  de  la  difficulté  &  du  ha7ard  à  la  prendre,  pourte 
que  le  Iaquay  s'efueillant  euil  donné  Talarme.  Neant^ 
jmoins  à  la  clairté  du  feu  il  s'approche  bellement ,  &  rire 
celle  dague  fi  dextrement ,  que  le  Iaquay  ne  s'en  remua 
nullement.  Soudain  qu'il  l'eut  il  faute  fur  les  Bourgais, 
&leur  enfonce  a  chafcun  detoutefa  force  vn  coup  de 
celle  dague  dedans  le  fein.  Comme  il  vouioit  redou- 
bler,  l'vn  d'eux  fe  iette  en  pieds  par  la  chambre ,  empoi- 
gne vnehalebarde,  &  court  après  le  teinturier  qui  {e 
iauuoit  par  les  degrez  ,  au  bas  defquels  ce  Bourgac' 
tombe,  &inconrinenty  mourut,  ayant  elle  frappé  à 
mort.  Le  teinturier  remonte  Se  trouue  l'autre  ellendii 
mort  par  la  chambre.  Il  commence  à  menacer  le  Iaquay 
de  le  tuer  tout  roide  fur  la  place  ,  s'il  fonnoit  le  moindre 
mot  :  prend  vne  chandelle  3llumee,meine  le  Iaquay  en 
la  caue  ,,le  coutrainî  de  manger  &  de  boire  vn  yerre  de 

vini 


dr  mémorables.  ii^ 

vîn.puîs  rattache  &  lie  fermement,  fans  autrement  i'of- 
ien{er,fermc  la  porte  d'iccUe  caue  au  vcrrouil ,  remonte 
en  haut,s*accommode  de  ce  qui  ciloitplusaifé  i  empor- 
ter de  la  chambre  de  les  ennemis.  Et  comme  les  gardes 
des  places  furent  leucz  au  pointdu  iour.,  part  du  logis 
cju'il  ferme  à  clefiforr  par  la  porte  S.Sebailiâ/ans  qu'au- 
cun Tarreftaft ,  ni  Tcnquill  ou  il  alloit  :  ce  qui  fut  mer- 
ueilles,  attendu  qu'on  ne  laiifoit  forcir  aucun  fans  paf- 
feport.  Les  amis  &  compagnons  des  Bourgatsn'ayan* 
veu  ce  matin  ni  Taprefdince  ces  deux  frères  entrercni:  en 
quelquefoupçon,&  après  aduertifTemcnt  donné  au  Ca- 
pitaine du  quartier  ,  fous  lequel  ces  Bourgatsauoyenc 
charge,  du  confcntementd'iceîui  enfoncèrent  la  porte, 
tirèrent  le  laquay  criant  à  l'aids  en  la  caue  ,  trouueren't 
le  refte  en  Tellat  que  hous  auons  dic.Le  teinturier  à  vei» 
eu  quelque  temps  depuis  >  a  conté  à  pluficursceftc  hi- 
iloire,  &  cft  mort  ailleurs.  Aïemoires  de  L  yon. 

DELIFRANCES  notMes ^  &  far 
moyen  extraordwaire. 

Simon  Grynee,  tres-dofte perfonnage^cncre  pluficurs 
de  Rollre  tcmps,eftant  allé  Tan  I5ip.  de  }ri(iiciQ.loç.i^  X 
Spire,  où  le  tenoitvneiournee  impériale,  voulut  ouyc 
certain  prefcheurTTort  eftimé  à  c.'îufe  de  fon  éloquence, 
Mais  ayant  entendu  diuerspropofirions  contrçja  Maie- 
fté  &:  vérité  du  fils  de  Dîei«,auiortir  ^\i  fèrmon,!!  fuit  le 
prefcheurjefaluehonorablcinent,  &lepricd'ci}re  fup- 
porté  en  ce  qu'il  auoic  à  dircllseiiti-ent  doucement  en 
propos.  Grynee  lui  remonftre  viuement&grauemenc 
les  erreurs  par  lui  auancez,  lui  ramentoïc  ce  qu'auoit  a- 
couftumé  faireS.PolYcarpe,difciple  des  Apoltresjs'illui 
auenoit  d'ouyr  desfaulTctezÔc  blafphemcs  en  riielife. 
L'exhortât  au  nom  de  Dieu  de  penfer  i  la  confcicr.ccà 
fc  départir  de  fes  opinions  erronées.  Le  prefchcur  de- 
meure court,  &  feignant  vn  defîr  de  conférer  plus  par- 
lticulieiement,comme  ayant  halle  de  fe  retirer  chez  f^ y, 
^çniande  i  Cryuee  Cbn  nom^furnom^logis,  &lc  coiiuicî 


i}0  JRift  pires  admratlei 

à  l'aller  voir  m^ndemain  pour  deuifcr  amplemenr ,  & 
Jemonftre  afTc^ftionner  ramitië  de  Grynee ,  adiouftant 
<juele  public  rccueilliroitvn  grand  profit  de ceftclcur 
Goiifcrcncc.  Outre-plus  il  monftre  fa  maifon  à  Grynee, 
lequel  dclibet  é  fe  trouuer  à  l'heure  afTisnecfe  retire  en 
ion  hoftcller.'C.Mais  le  prefcheur  irrité  delà  cenfurcqui 
lui  auoit  cftc  faite ,  badit  en  fa  penfee  vne  prifon,  vn  cf- 
chaflaut&lamort  à  Gryi.cc  :  lequel  difnant  auecplu- 
ficurs  notables  perfonnagcsjleur  raconta  les  propos  qu'il 
auoit  tenus  à  ce  prefcheur.  La  dcfTus^  on  appelle  le  Do- 
cteur Philippe  aifis  â  table  auprès  de  Grynee,  lequel 
fort  du  poiflej&  trouue  vn  honorable  vieillard,  beau  de 
vifagchonnorablcment  habillé  ,  inconu,  qui  de  parole 
ÇraucSc amiable,  commence  à  dire  que  dedans  Theure 
d'alors  arducroyét  en  Ihoftcllerie  des  officiers  enuoycz 
dt  la  part  du  roy  des  Romains ,  pour  mener  Grynee  en 
prifon.  Le  vieillard  adioultcvn  commandement  à  Gry- 
nee de  deflogcr  promptement  hors  de  Spire ,  exhortant 
Philippe  à  ne  différer  d'auantage.  Et  furce  le  vieillard 
<}ifparoit.  Le  Dodeur  Phihppc,  lequel  raconte Thiftoi- 
re,  eufon  Commentaire  fur  le  Prophète.  Danid)  chap.  (îtxicjhte^ 
adioufte  CCS  mots.   le  rcuin  vers  la  compagnie ,  ie  leui 
commande  de  fortir  de  table ,  racontant  ce  que  le  vieil- 
lard m'auoitdit.  Soudain  nous  trauerfons  la  grande plaw 
ce,  ayans  Grynee  au  milieu  de  nous ,  &  allons  droi<ft  au  - 
Rhin  ,  que  Grynee  pailc  promptement  auccfon  ferui- 
teur,dcdans  vn  cfquif.  Le  voyans  à  fauuetc,nous  retour- 
tions  i  rhoilellerie  ,  où  l'on  nous  dit  qu'incontinent  a- 
prcsnoftrc départ, les  fergens  eftoyent  venus  cercher 
Gr\  nce.  Dieu  foit  loué  qui  nous  a  baille  les  SainûsAn- 
«es  pour  tuteurs  &  gardiens,  afin  que  de  penfees  plu* 
paifibles  nous  facions  noftre  deuoir  en  la  vocation  i 
laquelle  nous  fommes  appeliez  de  lui. 

L'an  1559.  au  commencement  de  Iuin,vne  honiiefle 
femme  vefuc,chargec  de  deux  fils, au  pays  dcSaxe,n'ayâr 
dequoi  viure  en  vn  tcmprde  griefue  famine,fc  vclHtde 
fes  meilleurs  habits ,  &  fes  deux  fils  aulli ,  prenant  fou 
chemin  vers  certaine  fôtaine,pour  y  prier  Dieu  qu'il  lui 
|»lcuil  auoir  pitié  d'eux ,  pour  Ip  fçmjagçr,  £û  forçant,. 


C^  memorahlesl  tri 

file  rencontre vn  homme  honorable ,  qui  la  faluc  dou- 
cement, Se  après  c]uclqucs propos,  lui  demande  iî  elle 
penfoit  trouuer  à  manger  Vers  celle  fontaine?  Lafcm- 
me  refpond ,  Rien  n'elt  impoflible  à  Dieu.  S'il  nelui^ 
point  efté  diflfïciie  de  nourrir  du.Ciel,  par  Tefpace  de 
quarâte  ans  au  delert  les  enfans  d'Ifraeldui  l'croit-il  maU 
aifé  de  luftanter  moi  Scies  miens  a  ucc  de  l'eau  ?Difeiît: 
CCS  paroles,  de  grand  courage  &  d'vn  vifage  aifcuré  ,  cfc 
pcrlûnnage(lc4ueli'ell:ime  auojr  efté  vnîaind  Ange;^ 
lui  djt,Voici;puis  que  tu  as  vue  foy  fi  conftantc,  retour^ 
ne  &  rentre  en  ta  maifon:  tu  y  trou ucras  trois  charges  de 
farinc.EÛc  reucnuechez  loyjVidrcfFeift  de  celle  promcf- 
fe.D.o^n^re  llon'^dorff^enfin  tînutr:  cCex'empUs'. 

Le  i4.ioui  de  Feuriençig.aprei  Soleil  couché  furuinç 
yn  tourbillon  de  vent,  lequel  mit  en  racrueilleux  efFrov' 
tous  les  habitans  deErellawen  Silefie.Ilyauoità  Sain-. 
^teElizabct,  eglife  parocciale  dchi  ville,  vne  haute- 
vieille  tour,dontle  faifteeftoiccouuert  de  cuiure  &  de- 
plomb, trauerfé  de  grofl'espoultrcs  dechcfne,  qui  char- 
geoittcUementla  voute;queparplufieurs  fois  les  Sei. 
gncurs  du  lieu  auoycntcerché  les  moyens  de  faire  def- 
mohrceftetour  fans  dommage  dii  temple  nidesmai^. 
fons  voifinc.',:maisles  charpentiers;appcllez  pour  en  di- 
re Icurauis^n'auoyét  encorepeu  troi-iuer  les  moyés  de  I* 
mettre  bas.  Or  es  tourbillon  rompit  &  renuerfa  tellcmêt: 
celle  tour,qiril  en  fit  cômo  deux  pièces  entaifees  droic 
Tv  ne  fur  l'autre  ,  &  fans  toucher  àncnla  fit  tomber 
a  plomb  fur  terre.  Le  temple  ctlenuironnë  demaifons 
idc  toutes  parrs:mais  ccûc  ruine  n'atteignit  en  forte  quel- 
conque pas  vne  d'icelles ,  fort  vne  des  plus  baires,donc 
elle  brifa  le  haut  du  toift,iî  doucement  &  vi  jlement  que 
ceux  qui  yhabitoyent  n'en  fentirent  rien.  Lesvoifîni 
idc  l'Eglife  n'entendirent  bruit  quelconque  de  celle; 
rheute,coDibieri  que  le  fracas  d'icellc  reteniifl  forcloiri 
hors  delaville,!:ousles  Seigneurs  te  habitansdelaquel- 
furent  merueilieufemenc  csbahis  de  voirie  lende- 
.aain  matin  vn.telfpeâ:acle,&  bénirent  Dieli  qui  auoi!; 
monftré  fa  main  pour  leur  deliurance.    ^/.  t^mluc^h 

1  i 


j}i  Hijloiresadmrahlef 

L'an  l^^^.^c  iS.ioiir  de  Nouembre,auint  à  Schildc,  vfl- 
lete  du  Dioccfc  de  Torge,ce  qui  s'enfuiL  Vrbaiii  Ermc- 
traut citoyen  du  lieu, ayant  vn  puits  profond  enfonlo- 
gis,raais  demi  fec,  à  caulc  de  quelques  pierres  cheutes 
de  la  muraille  au  fond,  fit  marché  auec  vn  maflbn  nom- 
mé Vrbain  Hembcrg,pourremettre  ces  pierres  enleurs 
tndroits.Icclui  s'cftant  accommodé,aucc  des  engins  & 
picccs  de  bois,vn  cfchafaut  au  puits  en  endroit  propre 
defcendit  par  vnc  efchellc  plus  bas^afin  de  reprendre  6c 
rapporter  vn  fîen  marteau  laifle  entre  certaine  ioinôu- 
re  de  pierres. A  peine  eftoit-ildefcendujqued'cnhautU 
terre  &les  pierres  commencent  à  s'esbouler  en  telle 
quantité  qu'elles  emplifl'ent  le  fond,&  couurent  le  maf- 
fon  lequel  elloitau  pied  dercfchelle.  Tout  le  monde  y 
accourt,  fie  chacun  tient  que  ceA  homme  eftoit  efcar- 
bouillé,adiouftant  qu'jl  faloit  combler  du  totît  le  puits, 
qui  lui  feruiroit  de  fcpulchre.La  iuftice  au  contraire  cft 
d'anis  qu'on  leue  les  encombres,&  ordonne  que  le  corps 
du  niaflbn  foit  enterré  auec  les  autres  Chreftiens  au  ce- 
mitierc  cômun.  Suiuant  ceft  arreft,on  met  la  main  à 
i'oeuure  le  ii.iour  du  mcfme  mois.  Sur  les  deux  heures 
après  midi  les  ouuriers  trauaillerent  à  tirer  vne  grolle 
pierre,&  Tentant  qu'il  y  auoit  du  creux  delTous ,  deualc- 
rent  vnc  longue  perche  pour  fonder  refpace  du  haut  de 
ia  terrcjiufqucs  au  fond.Du  bout  de  celle  perche,ils  pic- 
^uêt  le  nez  du  panure  mafl'on ,  lequel  cômencc  à  crier 
éi  prier  qu'on  le  tire  de  là. Les  ouuriers  cntendans  le  Ion 
confus  de  ccfte  voix,prenét  courage  à  trauaillcr  mieux 
que  deuant ,  &  furies  dix  heures  du  foir  le  defcouurent 
debout  derrière  les  efchelles  ,  ertant  enfoncé  dans  terre 
iiifques  au  deflus  des  genoux.  Tout  ioyeux  ils^s'appre- 
ftent  à  le  tirer  ;  mais  voici  vn  autre  aualanche  de  terre 
qui  vient  à  le  couurir  par  dell'us  la  telle.  Alors  tous  cui- 
dans  que  ce  furtfaitdelui,eltoyentfurle  pointdc  quit-^  " 
ter  bcfongne:  mais  par  Taduis  &  cômâdemct  du  Bourg- 
maiihe  nommé  lacques  le  Feure,ils  fe  remettent  après, 
&  ayans  ofté  la  terre  enuironla  minui(flilslerctrouuc- 
rent  vif>ransblefl"eurc  quelconque,  &  le  tirèrent  fain  & 
faufhor$dupuics,oùUauQicdW  prcs  de  quatre  iour» 


^memorâhïes.  155 

le  nui Asfans  boire  ni  manger,  ni  voir  cLiirté  quclcon- 
c|uc,mais  fortifié  de  lapreicnce  diuinc,par  le  miniftere 
des  Sainds  Anges,  loh  Fmctl  a»  z.Ume  du  recueil  des  ?w^- 
tteilles  de  nofirc  temps» 

L'an  mil  cinq  cens  cinquante  deux,François  Pelufien 
faifeur  de  puits  ,aagé  de  foixante  ans ,  fouyflant  le  cin- 
quiefme  iour  de  Feuricr  vn  puits  à  Lyon, en  la  grange  de 
JLouys  d'Hexc,fîtuee  en  la  cofte  ou  montagne  S.  Seba^ 
ilian,vers  la  croix  roulTcque  tient  auiourd'hui  vn  mar- 
chant Lionnois  nônié  Particclly:côme  ce  puits(duquei. 
on  fe  fert  encore)eull  ia  quarante  pieds  de  profondeur, 
voici  la  terre  qui  fe  lafched'en  haut,&  comble  I0,  puits» 
Xe  bon  home  cftât  au  fond  fur  cefte  cheute,femet  fous 
vn  ais  qui  fe  trouua  près  de  lui ,  par  le  moyen  de  quoi  il 
fut  garanti  d'cftrc  acablé  de  ce  pefant  fardeau  de  ter-. 
re,qui  autremêtTeuft  eftoufï"c,&  eut  moyen  de  refpirer^ 
enfonçât  quelquesfois  le  poing  dedans  la  terre  prochai* 
ne,pour  auoir  plus  d'air.Il  demeura  fous  ce  fardeau,&  e» 
ce  fond  ainfî  couuert  fept  iours  entiers  fans  mâger,  con- 
tentant fon  cftomach;auec  fa  feule  vrine ,  fans  trifteffe, 
au  contraire  plein  d'efpcrâcc  que  Dieu  le  deliureroit.  Il 
crioit  par  fois  à  l'aidcmais  il  n'cftoit  aucunement  entê- 
du  &  toutesfois  il  entédoit  bien  le  marcher  des  gés ,  & 
le  bruit  que  l'on  faifoit  en  haut,voire  le  parler  des  gens, 
lesheures&lcfon  des  cloches.Lefepticfme  iour  venu, 
côme  Yon.  faifoit  eftat  de  le  trouuer  mort,&  qu'on  lui  a- 
preftoitfontôbeau,ceuxqui  trauailloyent  audefcôbre- 
niêtdupuits,entêdirét  vne  voixdu  profod  comme  s'ils 
cuflcntoui  la  voix  d'vn  efprit  fouterrain:ce  qui  fit  hafter 
la  bcfongnc;le  cri  &  la  voix  pourfuiuât  de  celui  qui  de- 
mandoit  fecours.En  fin  on  le  defcouure ,  &  après  lui  a. 
uoir  faitprendre  vn  verre  de  vin,  on  le  tire  fain  &faufi 
l'aide  d'vne  corde  cju'il  empoigna  vigoureufement, 
t:incilefloitcncoresrobuftc&  gafllard^letmt  fort  bien 
fans  cftre  lié  pi  aidé  de  perfonne.Eftât  dehorsXain  d'en* 
tendcmét  &  de  corps,apres  auoir  remercié  Dieu ,  il  ou- 
unt  fa  bource  eu  prefence  de  plufieurs,  &  ayant  compté 
fon  argent  leur  dit  en  iouant,  qu'il  auoidogé  chez  à^s 
bôshofte^pvcu  qu'en  fcptiôurs  qu'il  n'en  e.\loicbou^^ 

l  3 


^54  Tîi/tûirâs  admirables 

il  n'auoit  rien  cîcrpciidu./'V/f//ic</r<'i-  de  Lyon, 

Beaucoup  de  gcs  efchapcnt  des  danger»;,  au  fortir  def^ 
4^ucls;par  la  cofidcratiô  des  cuencmens  cflrâgcs,  ilsTonc 
toncrains  côrefl'er  q  ue  Dieu  les  a  deliurcz  fans  aide  d'au- 
trunes  caufcs  fécondes. De  plu fîeurs  exemples  i'en  choifï- 
«ai  &  reciterai  vn  qui  efl  remarquable.  Les  Ducs  de  Sa-^ 
?xe,Friderîc  Eledteur  &  Ican  fon  frère,  mutèrent  vniour 
Idir  la  riuicre  d'Elbe ,  pour  aller  de  Torge  à  Vviteberg, 
l'eau  eftoitcou'iertede  grandes  pièces  de  glace  fraii- 
thcment  rôpue.  Ces  pièces  heurtèrent  tellement  le  ba- 
'fleau^qu'incontincntqueccs  Piinces  eurent  prins  terre 
<au  port  le  plus  proche  du  chafteaude  Vvitéberg,lefond 
«lu  bafteaus'entr'ouurit;,&  les  aix  de  collé  &  d'autre,tô- 
^JCrentrtcUement  queTcau  entra  dedans  de  toutesparts. 
9- es  Princes  confidérans  de  defiusle  riuage  luec  grand 
*tsbahiflcmcnt;vn  tel  fpeéiacle ,  &  en  quel  danger  ils  a- 
•iioyent  c{}'c(à  caufe  delà  largeur.profondeur  &  roideur 
*le  cefte  riuicre)reconurent  que  Dieu  auoit  conferué  le 
*bafteau  en  foncnticr,iufqucsà  ce  qu'ils  en  fufl'entfor- 
itis.Ayans  eftc  tous  deux  aîVc?-  long-temps  en  cefte  con- 
•fideration,  fans  fonncr  mot ,  TEleâteuv  dit  a  fon  frère, 
XZIonfellons  que  Dieu  nous  a  garantis ,  &  le  remercions 
<ie  fon  affiftaiicccnce  danger,&  en  d'autrcs.Majs  quant 
*à  ce  qucycusvoye?.  Icbafleau  en  pièces  incontinent  a- 
*p^cs  noilrcfortic:ccitainenient  ic  cain  bien  qu'après  \i 
mort  de  nous  deux  ,nGftre  maifon  de  Saxe  n'aille  eiv 
^ieçcs.Pf  «ar  3  d»  Commentaire  des  priti^ipalei  fortes  de  dettl- 
-Wiahonijliure  J.cljap,!^. 

L'ani5:4^.vn  grand perfonnageAlemand, ayant  eftc 
tirrcfté  troisioùrs  il-Iale  en  Suaube  parles  eaux  desbor- 
^ecs  ,  finalement  ,  prelfé,  de  paifcr  outre  ;  s'embar- 
Vua  dan-:vnc  naflellcpour  traucrh?rla  riuicre  ,  aconi-^ 
^agné  de  trois  ficns  fils,&  d'vii  doflc  Théologien  deCcs 
amis.Eftantfur  le  point  devoirfon  bafteau  rcnuerfcjui 
^  les  autres  noyez-jfansaparence  de  refcoufî'e,  plein  de 
Toi  &  d'cfperâce  en  Dieu;.il  côrrience  à  dire  à  ce  fié  ami." 
<Juel  triuphc  Satan  fcra,&  quel  plaifir  lui  fera-ce,à  vo- 
i^rc  auis/i  nous  deux  &  mes  trois  fils ,  fommcs  noyez  en 
ife  dchige.Mais  avansfurmonté  Ki  pcril;iisamoerét  fains 


ér  mémorables,  13  j 

&  fîiufs  enterre  &  ceperfonnagc  ayant  pourueu  à  cer- 
tains grands  afaires,  mourut  quelques  fcmaincs  aprcs 
paifiblement,  en  Tinuocation  du  nom  de  Dieu.A/.o/^/i- 
dré  Uonfdorffenfon  théâtre  d^  exemples  y  pag.l^  6. 

L'an  i5Ç(î.  le  14.  iour  de  luin  fur  le  foir,  vne  horribl®, 
(tourmente  s'efleua  fur  la  mer  Septentrionale  au  deffous 
de  Noruegue,  laquelle  engloutit 'plu/îeursvaifleaux,  &: 
en  fracafl'a  d'autres  contre  les  efcucils.  Le  pilote  d' vu 
grand  nauire,  home  fort  expert,  vieil,  &  quiauoit  paffé 
toute  la  vieen  nauigations,  grimpe  de  fois  à  autre  au 
maft  pour  abaifler  les  voiles.  En  fin  voici  vn  tourbillon^ 
qui  Tenleue  de  force;,&  le  précipite  loin  delà  dedans  les 
vagues.Incontinêt  après,  nouuelles  bourafques  accueil» 
lent  le  nauire,  &le  poufl'ent  de  violence  indicible  à  tra^ 
uersdes  bancs ,  efcueil.s,rochers&rables,parlefquels  ci% 
nuls  temps  calme  vn  vaifteau  n'eu/lpeu  paffer  fans  pé- 
ril de  naufFrage,  &  portent  ce  vaiil'eau  tout  entier  en  vu 
port,au  grand  eilonnement  des  matelots,  des  paflagers* 
&  de  tous  ceux  qui  virent  ccko.  mcrueille.  Làmcfme. 

L'aniççS. aduint  à  Mecheirodeen  Alemagne,  vn  cas 
merueilleux  ,  confermé  par  les  tefmoignages  de  plu- 
fîeurs  hommes  dignes  de  foy.  Suilefoir^enuirôlesneuf 
heures,  vnperfonnage  veftu  d'vne  robe  blanche,  fuiuî 
d'vn  chien  blanc ,  vint  heurter  à  la  porte  dVne  pauure 
honnefte  femme,&  l'appelle  parfon  nom.  Elle  cftimanir 
que  ce  fuft  fon  mari ,  lequel  auoit  efté  fort  long  temps 
en  voyage  lointain,  courut  viftcà  la  porte.  Ceperfon- 
nage  la  prenant  parla  main,  lui  demande  en  qui  ellç 
mettoit  toute  la  fiance  de  ion  fahit  ?  En  Icrus-Chrift,re- 
fpond  elle.  Lors  il  lui  commande  de  le  fuiure  :  dont  fair 
fantrefus,  il  l'exhorta  d'auoirbon  courage ,  denecrain- 
dre rien  :quoy  dit,  il  la  mcnatoutelanuid  parvnefo-i 
reif.  Lelendemain,il  la  fit  monter  enuiron  midi  fur  vnc 
tref-haute  montagne,  &  lui  monftra  des  chofes  qu'elle 
nefceutiamais  direnidefcouurir  de  parole  à  perfonne. 
Il  lui  eniointdes'en  retourner  chez  foy,  &  d'exhorter 
chafcun  à  fe  deilourner  de  Ton  mauuais  traintadiouftani; 
^u'vn  ambrafement  horrible  eftoit  prochain  :  &  lui 
^o|nmâ^a  aupi  de  fc  reposer  huit  ^ours  en  fa  9iîii(o;i,  Çi? 

X    4 


j^6  Hijfûires  ndmirahUs 

fin  defcfuels  il  rcuicndroit  à  elle.  Le  jour  fuiuant  au  ma- 
tin,lafemrre  fut  rrouucc  à  l'entrée  du  village,  &  emme- 
née cnfon  logis,  où  elle  demeura  huit  iours  entiers  fans 
boire  ni  manger.  Comme  Tes  amis  &  voi/îns  Texhor- 
laflent de  prendre  quelque  nourriture,  fa  rcrponfe  fut, 
«^u'cftant  cxtrcmemcnt  lafTe ,  rien  ne  lui  eftoit  plus  a- 
greabicque  le  repos  :  que  dans  huit  iours  l'homme  qui 
Tauoit emmenée  viendroit,&  lors  elle  mangeroic.  Ain- 
Ç\  auint-il:mais  depuis,ccfte  femme  ne  bougeadi}  lid  le 
plus  à\.i  temps  ,  foufpirant  du  profond  du  cœur  ,  &  s'ef- 
criant  fouuentcsfois  :  O  combien  font  grandes  les  ioyej 
dzctÇit  vie-là!u  quelavie  prcfcnteell:  mifcrable.^ Quel- 
ques vnslui demandans,  il  elle  eilimoit  que ceperfon- 
-nage  veftu  de  blanc  ,  qui  lui  clloit  ainfî  aparu ,  fuft  vn 
bon  Ange,  ou  pluftoll:  quelque  malin  efprit  J  lequel  fe 
full:  transformé  en  Ange  delumîcrcPellcrefpondoitjCc 
n'eft  point  vn  malin  efpritx'eft  vn  faindAnge  dcDieu, 
cui  m'a  commandé  de  prier  Dieu  foigncufement,  d'ex- 
horter oiands&  petits  à  amendement  de  vie.  Si  on  Tin- 
terrogoi^t  de  fa  créance:  le  côfcfrc(difoit-e]le)que  ie  fuis 
vne  pauurc  pecherefle  :  mais  ie  croy  que  lefus  Chrift 
in'aacqujs  pardon  de  tous  mes  péchez,  parle  bénéfice 
de  fa  mort  &  pafllon.  Le  pnfteur  du  lieu,rendoit  tefmoi- 
cnagc  de  iinguliere  pieté  &  humble  dcuotion  à  cefte. 
femme,  adiouifant  qu'elle  eftoit  bien  mihuite,  &  pou^ 
ucit  rendre  laUon  de  la  religion,  lob  fmcel  au  troifiefrne 
liure  des  AlirncuS, 

Va  s  i^ST-fur  vne  villctte  de  Silefîe, nommée  Olfte, 
furuint  vnetempeftccnrairla  plus  cftrange  &  furieufc 
que  l'en  cufi  oncques  veuc  :  car  clic  faifoit  crouflcr  les 
plus  fermes  edi&ces  baftis  de  picrics  de  tailles,  &  c^ 
renuerfa plusieurs  de  fond  en  comble.  Vn  des  habitans 
eu  lieu, nomme  Laurent  Thofarofquc,  ayant  fon  logis 
•près  de  la  grand  place,  &.  tenant  pour  certain  que  la  fiii 
du  monde  fuiHenuc,  à  caufe  que  l'air  eftoit  tout  allu- 
mé ,  Se  que  des  grands  fiambeaux  de  feu  voloyentde 
outres  parts  :  s'enfermccn  famaifon  ,  &  fe  profternant 
i  genoux  auec  fa  femme  &  fes  enfans,  comméce  à  prier 
i  Dieu  d'affectioa  tref-ai-dence,  &  à  chanter  auec  fà  fa- 
mille 


(^  mémorables,  ijj 

mille  des  Pfeaumes  de  pénitence.  Durant  ccsfainâs  e- 
xcrcices  voici  vn  efclat  de  tempefte  :  qui  d'impctuolîté 
merueilleufc  arrache  k  haut  de  la  maifon  bafti  tout 
de  pierre  dctaille,cnséblc  le  toid,  fracaflc  &  pouldroye 
tout  cela  :  fans  que  le  perc,  la  mère  ni  les  enfansfuflenc 
offenfe/.  en  forte  que  ce  fuft.  Mais  en  vn  autre  cndroi^. 
ccfte  tempefte  fit  vn  coup  pitoyable  :  car  ayant  rcnuerfé 
vn  pignon  de  l'hoftel  de  ville ,  fait  de  gros  quartiers  de 
pierre ,  cimentez  proprement ,  ^  attache?,  par  tenailles* 
clefs  &  gros  crampons  de  fer  ,  cinq  perfonnes  furent 
acrauanteesdela  ruine  des  maifons  fur  lefquelles  ceft 
encombre  fondit.  Au  contraire  ,  il  s'en  trouua  troi$ 
«utres  &  vn  enfant  couché  en  vn  petit licl  qui  furent 
cûcferuezen  vn  autre  logis  fous  lamefme  ruine,  & 
quan<l  onjdemandoit  à  ceft  enfant ,  qui  commençoiti 
gazouiller,  qui  lui  auoit  affifté  en  ce  danger ,  il  hauifoit 
(a  petite  main,  &  monftroit  le  Ciel.  Al»  t^mbroife  Moi- 
hixn  en  Cexpofitîon  di*  Pfeamne  I9. 

Non  moins  horrible  &  efp ouMan table  fut  vne  autre 
tempefte  qui  courut  par  le  pays  de  Mifnc  le  treziefme 
lour  d'Aouft.l'an  i5^9.Cômeelletonnoit  cftrangement 
cnTair,  &  venant  à  heurter  la  terre  ,  rcnuerfoit  tout  ce 
qui  lui  eftoit  de  rencontre  :  vne  mère  de  famille  fe  reti- 
ra haftiuement  dedans  fon  poifle  auec  quatre  fîens  fils 
&  fa  fcruante.Puis  fe  tournant  vers  fes  fils  leur  dit,Nous 
auonsfouuent  ouy  parler  du  dernier  iour,  nous  n'yar 
uons  point  penfé ,  maintenant  nous  le  voyons  s'appro- 
cher :  quoi  dit,  elle  &  eux  fe  mettent  à  genoux ,  inuo^ 
quant  la  miftricordc  de  Dieu.  La  dcftus  vn  vent  impé- 
tueux enleue  &  rcnuerfé  le  toiét  de  la  maifon,  puis  abat 
vn  mur  mitoyen  d'iceile  ,  fracaffe  &  efpard  çà  &  la  des 
cloifons,coiôneS;fueils,  foîiueaux,lâbris&  planchez  du 
poifle,auec  vn  bruit  horrible. Or  quoi  que  ceftc  tépcfte 
fut  effroyable,  la  mère,  les  enfans ,  la  fcruante  demeure^ 
rentfains  &  faufs  en  leur  petit  recoin  ,  encore  que  les 
pièces  de  bois,les  aix  &  les  pierres  volafsét  autour  d'eux 
de  toutes  parts.  Satan  fcmblanc  meflé  parmi  ceft  orage> 
&  confondu  pai- la  prière  ardente  de  ccfte  petite  trou- 
f^>  cflaiice  vne  grofic  poukic  de  douze  coudcc^  de 


if^i         '      Hijioires  admirables 

long  à  l'aide  d'vn  tourbillon  impétueux,  de  vlnçx.  qua- 
tre pas  loin  de  là,  comme  fi  c'cuft  cité  vue  flefchc  vo- 
lante ,  qu'il  defcoclu il:  droit  f-àr  la  fencftre  du  poille, 
§)renant  pour  mire  celle  humble  compagnie,  apuyee  à 
igcnoux  contre  vn  banc.  Mais  les  lainfts'^Angcs  dé- 
tournèrent le  coup  ,  -tellement  que  ce  trait  furieux  alla 
<lonner  contre  vn  coin  oppolîte  du  fourneau  de  cepoi- 
le.Celie  mefmc  ternpeilc  ayant  renuerféla  maifon  d'vn 

Î)ayran,  fa  femme  &  certain  de  leurs  voifins  qui  fe  trouua 
ors  chez  eux, furent  couuert?  du  plancher  &  des  encom- 
fcrcs;,  fans  toutefois  eftre endommagez  de  la  ruine.-F/»- 
t^elau^.liit.des  menteilies  de  nojlre  ternes. 

lean  Spangenbcrg,  paiteur  de  Northeufejeflantallé 
aux  efteuues  à  la  façon  des  Alemans  ,  y  demeura  quel- 
<jues  heures  àfe  baigner  auec  les  enfans.  Eftans  fortis  de 
là ,  tout  le  lieu  fondit ,  &  tomba  par  terre,  fans  endom- 
■nager  perfonne.  I.Aîanlinsau  l.  litire  dtfes  recueil^, 

Tayconuvne  femme  honorable,  de  lînguliere  pieté 
&  modeftie ,  laquelle  il  ya  enuiron  vingt  ans ,  par  vne 
extraordinaire  &  longue  fu ppretTion  de  menftruesfut 
ireublee  du  cerueau ,  à  diuerfes  rcprifcs ,  &  aflez  long 
«éps:durant  lequel  elle  fut  plu/îeurs  fois  en  volpntc'de 
tuer  Ton  mari  dormant,  &  elle  après.  Vn  iour  fa  garde  c- 
dtant  allée  en  quelque  paît  où  il  conucnoit,  ellefelcue 
f>romptement  du  h6t ,  &  en  chemiff'  s'encourt  au  iardin 
^tÙL  maifon  ,  où  elle  fe  deuale  par  la  chorde  du  puits 
îufquesaufûd,quiell:  deCcpt  ou  de  huict  toifes,  puis  s'en 
a-emoute  par  la  mefme  chordc,&  s'en  reuient  en  fachâ" 
jLrej  toute  mouillée,  &ayanr  efté  en  l'eau  iufquesau 
»ienton.Quelquesioursapres,feignant  fe  porter  mieux, 
iclic  fort  en  rue ,  cmmeine  quand  Se  ell^  vn  fîen  fils,  au- 
jourd'hui de  trcs-grande  cfperance ,  lors  aagé  de  quatre 
pu  cinq  ans,  en  délibération  de  le  ietter  &  elle  après  de- 
4^ans  vn  fieuue  prociiain,iufquei  fur  le  pont  duquel  elle 
£l  diuers  voyages  ,  Tenfant  fe  fouriant  à  elle,  &  dcflors 
l'entretenant  de  paroles  de  confolation.  Reucnue  chez 
foi,  peu  de  temps  après  elle  fut  foula^ce&dcliurec  par 
moyen  avfc,  c'eit  a  içauoir  parvnefaignec  à  la  faphene, 
^ pa-quelquc bcnignc  puigauc^i.  D.epuis  clkpat en- 


é"  mmorahles.  13  5 

^ore quatre  ou  cinq  beaux  enfis.Elle  m'a  déclaré  main- 
jtesfois  dcpui.s,qu  en  ces  accidés  vn  home  veftu  de  blane 
&  de  face  merucilleufementaereable;,  lui  aparoifToitjle- 
quel  lui  renoit  la  main ,  &  rexhortoit  bcnignement ,  & 
côme  en  fouriantjd'clperer  en  Dieu. Comme  clleeftoit 
dedans  le  puits,&  ie  ne  fçai  quoi  de  fort  pefanrjui  poul^ 
Ibit  la  tefte,pour  la  plonger  du  tout  en  Teaujôc  tafclioic 
yui  faire  lafcher  la  corde^pour  couler  en  fond:  ce  mefme 
perfonnage  vint  à  clle,la  fouleua  parles  ailTelles  ,  Si  lui 
aida  à  remonter:  ce  qu'elle  ne  pouuoit  nullement  fair^c 
de  foy-mefme.  AufTila  confola-il  auiardin ,  &  la  remena 
doucement  vers  fa  chàmbrejpuisdifparut.    Le  mefme 
luivint  à  la  rencontre,  comme  eUc  approchoit  du  pot: 
&lafniuoitcleloin  iufqucsà  ce  qu'elle  fuft  de  retour. 
Eftant  pleinement  guérie ,  elle  ne  fouhaitoit  rien  plus 
que  de  fortirdu  monde,  Scfes  prières  ordinaires  ten- 
doyentlà:finalementDieurexauça,&  cnuironvn  mois 
deuant  fa  maladie  mortelle ,  entrant  en  fa  cuifine  pour 
îauer  fes  yeux  &fes  mains,la  dét  œillère  de  delTus la  mâ- 
choire droite  lui  tôba  dans  la  main,fans  quelcôque  dou- 
ïcur  précédente  ni  fuiuâte.S'eftantlauee  &  cfl'uyee  pai- 
?îblemént,e].le  vient  à  fon  mari  cftant  encoresau  U(ft,lui 
monftre  la  dent,8i  adioufta  ces  mots,  Mon  mari ,  Dieu 
i"n'appelle;c'cft  raccôplilfement  de  mesfouhaits.O  que 
ie  fuis  heureufe  ?  Le  mari  efmeu,  eflaye  neantn^oins  de 
îa reiîouir,&  deftournât  do  uccmét  le  propos  fe  leue,prie 
Dicuj&  chacun  s'cmploye à  fon  deuoir.  Depuis,  cefte 
femme  honorable  ne  ceflade  monftrer  vne  chère  plus 
ioyeufe  que  de  couftumc  à  fon  mari,à  fes  parens,à  fes  a- 
misjcftant  graue  &  feuere  à  fes  enfans.Aurefte  plus  bel- 
le Scdifpoftc  qu'elle  n'auoitoncques  efté,en  dixfept  ans 
qu'elle  vefcut  en  mariage.  Au  bout  du  mois  ,  lors  qu'il 
îi'y  en  auoit  aparence  quelconque,  comme  elle  vouloit 
feleuer,debô  matin,dlbn  acourtumcc,  pour  remuer  vn 
^'en  petit  enfant,&  vacquer  aux  affaires  de  fon  mefnagc, 
elle  eft  contrainte  demeurer  nu  lia:.   Son  mari  reucnu 
quelques  heures  après ,  elle  lui  ramentoit  les  paroles 
de  la  dent  tombée  ,  &  l'exhorte  de  fc  ref«uldf  c  à  la  vp- 
lontpdeDieu.    Lui  monté  en  haut  pour  recomman- 
flcr  àpa;c  fa  chçrç  gjoitic  *i  ^eluj  (ju^     jj^  reietcç 


Ï40  Hijlûires  admirAhles 

point  I«  prières  des  /îcns,  elle  le  fait  apporter  Tes  ba- 
Çues,Ies  met  dâs  rabourre,&  l'enuoye  par  fa  fille  aifnce 
à  fon  mari,lc  priant  de  ferrer  le  tout  foigncufcnienc  a- 
uecfon  demiceint  ,les  chaincsdela  bourfcdercrpin- 
£licr,&  àcs  cifcauxric  tout  d'argent. Le  mari  defcend ,  & 
la  tance  doucement  de  cefte  apprehenfion.Ha  !  mon  a- 
nii  dit-clle,ie  n'ai  plus  faute  de  rien  qui  foit  au  monde. 
le  m'en  vai  au  mon  Dieu.O  que  ie  fuis  heureufe!  Du- 
rant fa  maladie,qui  dura  vingt  iouvs ,  ie  lui  affiliai  pour 
la  confolerjy  eftant  tenu  pour  plusieurs  raifons.  Elle  nie 
ramenteutcequedelTus  ,  dont  autresfois  elle  m'auoit 
fait  quelque  déclaration  pour  eftre  confolee,  &  prenoic 
argument  de  tant  d'excellentes  dcliurances  des'alTeu- 
rcr  defoRfalutdont  ie  lui  propofai  quelques  tefraoi- 
gnages:  mais  elle  lesauoit  imprimez  tellement  en  fa 
pcnlce,qu'elle  m'en  fuggcroit  plufîeurs  autres,& me  fit 
de  beaux  fermons.Le  iour  de  fon  trefpas  aprochant  elle 
fe  rourioiCp&  comme  ie  lui  demandarfc  la  raifonielle  me 
ïefpondit  tout  bas,  le  voy  mon  homme.  O  qu'il  elt 
bcaulpuis s'efcriant,Attcn,atten  moijdifoit-elle.Duranc 
fa  maladj celle  ne  tint  conte  ni  d'enfans ,  ni  de  parens, 
311  d'alliez^ni  d'amis, ni  de  chofe  quelconque  du  mon- 
«le.Et  comme  fon  mari  lui  amenaft  de  fois  i  autre  leurs 
enfans,cllc  nedifoit  autre  chofe ,  finon  ,  Dieu  vous  bé- 
nie,Dieu  loit  voftre  pcrc  &  merc  :  &:  au  plus  icune  d'i- 
€eux,Ha  petit  foldat .'Elle  les  recommanda  vnc  fois  feu- 
lement à  l'on  mari.  Depuis  elle  les  regardoit  fans  dire 
mot.Vn  quart  d'heure  auant  fon  decesjcUc  fe  fit  appor- 
ter fa  cotte  pour  fe  leuer,  &  comme  elle  eftoit  pour  for- 
tir  du  li<fl,  elle  requiert  qu'on  la  deuefte  ,  &.  s'eftantre- 
couchee,fait  appellerfon  mari,  lui  dit  ct^  mots ,  Voici 
la  Sn  àc  mon  louhair,&le  commencement  de  ma  féli- 
cité :  Iclus  Chrift  eft  mon  efperance  :  mon  ami ,  ie  ne 
vous  demande  plus  qu'vnechofe.Pric?  Dieu  pour  moi. 
le  mari  bc  les  cnfans  s'eftans  profterncz  à  gcnoux^apres 
vnc  ardan  te  prière  à  Dieu  ,  elle  ferma  les  yeux  comme 
pop- dormir ,  &:  expira  auecvn  vifage  le  plus  agréable 
quoncqucs  cileèuft  eu  dçfon  viuant.    Extrait  de  mes 


é*  wemorahks.  141 

îl  y  a  enuiron  iS.ans,  qu'vn  perfonnagc,  qui  n'a  vou- 
lu eitre  nommé  ,  eftant  enla  duché  de  Bourgongne, 
pour  afaires  d'importance, après  les  auoir  expediees,de- 
uant  que  partir  fut  coauié  de  difncr  auec  notable  com- 
pagnie de  lo. ou  ix.  liens  fanaiiliers&  bien  vueillans.  £- 
liant  tout  bottéjefperonné.refpee  au  cofté^vn  long  ma- 
:cau  fur  fes  efpaules ,  il  fe  met  à  table,  fait  bonne  chere 
auecfes  amis;&  entre  autres  deuis  fut  longuement  par- 
lé entre  eux  des  merueilleuxaccidés  de  nollre  vie,  Tho- 
llequilestraittoit  de  bonne  aftedion,&  i-ttentifà  leurs 
difcours,ne  print  garde  a  ce  qui  auint  toit  après.  Grâces 
rendues  à  Dieu  par  ceperfonnage,ilfeleue  le  premier, 
&  pour  dôner  moyen  aux  amis  de  faire  le  mefme  à  leur 
aife,  commence  à  reculer  en  arrière  en  la  chambre  affez 
cftroite.Les  autres  fe  leuans  en  foule,ii  recule  tant,  que 
fans  voir  vne  trape  derrière  lui ,  par  laquelle  on  deualc 
14. ou  iç.degrez  eitroits  de  bois  pour  aller  en  la  caue  du 
logis,laquellc  auoit  efté  lailfee  ouuerte  par  impruden- 
ce de  rhoftelfe  911  de  la  feruante,il  tombe  i  la  renuerfe, 
les  pieds  contre  mont,  latefte  contrebas,  &en  vnin- 
ftantfe  trouue  tout  au  fond,  fansfonnervn  feul  mot. 
Ses  amis  penfans  qu'il  fe  fuft  rompu  le  col,  commencée 
à  lamenter  &  crier  à  haute  voix.    Qu,elques  autres  de- 
meurent tranfis  depeur,&  fans  bouger  fe  tenoyent  plâ- 
tez  furie  bord  de  la  trape. Lui  comme  fe  refueiliât  dVa 
dormir  commencer  les appellergracieufement.  Deux 
ou  trois  dcualent,&  le  releuent,  à  caufe  qu'vn  de  fcs  ei- 
peronseftoit  acroché,il  remonte  gaillardement  en  hauc 
cft  contemplé  d'eux  tous ,  &  tallé  comme  par  miracle^, 
n'ayant  blcfleure,  froiffure  ,  ni  efgratigneure  quelcon- 
que, nulle  efmotion  de  fieure ,  nul  vomiflementni  cra- 
chement de  fang ,  nul  changement  de  vifage  :  fon  man- 
teau boutonné  n'eftant  defchiré  ni  agencé  autrement 
qu'avant  la  cheute,  fon  efpeelôgue&  eftroite  non  fau- 
cee  m  gailee.Ayans  enfemble  loué  Dieu  de  cefte  excel- 
lente conferuation,  il  monte  foudaineraent  à  cheual, 
taid  vne  traide  defîx  lieues Taprefàinee,  en  vn  Diman- 
che du  mois  de  Iuin,&  ayant  voyagé  encore  à  chenal  (:7Ç 
OU  fcpt  idurs  apresparujét  en  ftîmç  fanté  çn  fa  maifon^ 


142.  HiftoircS  admirables 

où  ilvit  cncoresà  prcfcnt,  fans  s'eftre  iamafs  fcntiû^' 
ccfte  chcute,à  laquelle  il  n'appliqua  auflfi  lemcclc  quel^ 
conque  ni  intérieur  ni  extérieur,  ni  n*cn  perdit  repas  iiî 
repos.  Le  mefme  perfonnàge  dix  ou  douze  ans  aupara- 
uant,  loge  en  l'hoUelcrie  de  la  cloche  à  Dijon  après  fou- 
pé  voulant  dcfcendrc  d'vnc  haute  chambre  en  Teftable 
pourvoir  Ton  cheual  tomba n.ou  12.  degrez  deTefcalicr 
<lc  bois,  en  telle  forte  qu'il  fe  trouua  affis,  s'esballilTanc 
de  ce  qu'il  ne  s'eltoit  rompu  bras  &iambçs  mais  fe  rele- 
vant il  fit  ce  qu'il  prctcndoit ,  remonta ,  repofa  &  para- 
cheuafon  voyage.  Souuent  il  fcramentoit  telles  &  au- 
tres dehurances ,  &  m'a  conté  vne  chofc  mémorable  fur 
ccfte  cheute  de  Dijon  :  ceft  qu'au  bout  de  quelques 
mois  il  s'en  fentit ,  en  telle  forte  toutesfois  que  s'eftant 
commis  à  Dieu,  illaiffa  les  remèdes.  Au  bout  de  15.  ans 
après  il  s'en  eft  encore  fenti ,  &  dit  que  de  prcfcnt  vue 
■fois  ou  deux  l'année  il  en  a  quelque  legcrt  atteinte:mais 
cela  pafTcSc  lui  fert  pluftoft  d'aucrtincment  pour  fe  fou- 
uenir  du  palTé ,  &  en  remercier  Dieu ,  que  d'occafion  de 
recourir  aux  Mededns  ni  aux  Chirurgiens.  Extrait  ds 
mes  mémoires. 

Au  mois  de  Nouembre  1^70.  vii  déluge  d'eau  furucnu 
en  quelque  endroit  d'Alemagne  emporta  la  maifoni; 
champeftrc  d'vn  notable  perfonnàge  ,  laquelle  flotta 
«juelque  temps  fur  l'eau,  &  fut  portée  fore  loin  de  fa  pre- 
mière Situation ,  fans  dommage  de  ce  pcre  de  famille  ni 
de  ce  qui  eftoitdedansla  maiîbn  aueclui.  H,  Aiollcr  en 
icxpojition diipfsiiiiwe  cent -vinjy^t-cjHAtrtefme. 

D  E  M  O  N  I  ^  QJT  ^  S. 

t  xempUs  de  diiterfes  illufions  de  Satan, 

GO  M  B I  E  N  qu'il  y  ait  par  fois  quelques  caufes  natu- 
relles de  la  phrenefieou  manic-.c'cft  toutesfois  cho- 
fc affeureequc  les  diables  entrent  en  certaines  perfon- 
ncs,&  ycaufcnt  des  fureurs  &tourmcns,ou  aucc  les  cau- 
fes iraturelles,  ou  fans  iceiles:veuque  Ton  void  par  foii 
|d|^mdadç5  eftre  guéris  parrçiaedss  qui  ne  font  point 
""'    " n* 


naturels. Souuent  auffi  tels  fpeftacles  font  autant  dé 
J)ro(liges&  prcdidions  dechofcs  àvenir.Ily  a  douze 
ans,quVne  femme  du  pays  de  Saxe ,  laquelle  nefçauoic- 
lire  ni  efcrirceftant  agitée  du  diabicle  tourment  cefTé, 
parloit  en  Grec  &  en  Latin  dclaguerredcSaxe,qui  a- 
aintpuisapresj  &prononçoiten  GrccSc  en  Latin  des 
mots^dont  le  fens  ciloit ,  Qu'il  y  auroit  grande  angoiiTe 
çn  terre,&  fcdition  entre  le  peuplc.P.  AleUnchthon  en  'v-^ 
nedejhepifires. 

Quatre  ans  auparaunncyanoit  eu  vne  fille  au  Marqm"- 
fi.t  de  Brandebourg  ,  laquelle  en  arrachant  des  poils  dic 
vertement  de  quelque  pcrfonnage  que  ce  fuft,  ces  poils 
eftoyent  incontinent  changez  en  pièces  de  monnoye  àvt 
paysjlcfquellescefte  fiile  miifchoit  auec  vn  horrible  cra-. 
quetis  de  dents.  Quelc,ues  vns  lui  ayans  arraché  de  ces 
pièces  d'entreles  mains,trouuerent  que  c'eftoyét  vrayes 
pièces  de  mônoye,&  les  gardét  encore.  Au  refte,cefte  fil- 
le cftoit  fort  tourmétec  de  foi^  a  autre  :  m.ais  au  bout  de 
quelques  mois  elle  fut  du  tout  guérie,  &  a  vefcu  depuis 
en  bônc  sâtc.On  fitfouuêt  prières  pour  elle,&  s'abftint". 
on  exprelTément  de  toutes  autres  cérémonies,  le  mefme, 

l'ay  entendu  qu'en  Italie  y  auoit  vne  femme  fort  i- 
iliote,agitec  du  diable,laquelle  enquife  par  Lazare  Bo- 
nami,trcs-doâ:e  perfonnagcaflifté  de  fes  difciplcs,  quet 
cftoit  le  meilleur  vers  de  Virgile^reipôdit  tout  foudain, 

Dtfcite iujlit^amnionkîy^  non  tcmnere  Dluos. 

C'cft,adiou{l:a-elle,  le  meilleur  &  plus  digne  vers  que 
le  Poète  Virgile  fie  oncquesiva  t'en  &  ne  retourne  plus 
ici  ^om  me  tenter:. Ph.MsUnchhort  en  fei  i^ijîres:  G.Peu- 
(er^aul.liu're  de  fon  Comment  dire  des  Deuin4tl<jns  jchap.^.P^ 
^odiJîtéattjaH  z6.ch4p.de  fei  hîftoi'rcs  prodigîeufes. 

Antoine  Beniuenius  au  8. cha.du  liure  des  caufes  cà- 
cheesjdes  maladicsjcfcritauoirvcu  vne  ieune  femme  aa-> 
gee  de  feize  ans^dôt  les  mains  fc  retiroyét  eftrangemét. 
Il  toft  que  certaine  douleur  la  prenoit  au  bas  du  ventre. 
A  fon  en  effroyabie,tout  le  vêtre  lui  cnfloit  fi  fort,  qu'6 
l'euft  eftimee  enceintedchui(5tmois:cn  fia  ellcpcrdoiç 
le  roufle;&  ne  pouuant  demeurer  en  place  fe  tourmen- 
toitçàSc  là  dedans  fonlid,  mettant  quclquesfois  fes 


X  4  4  HiBoires  eulmirahUs 

culcbucc.   Ce  qu'elle  recommençou  tant  &  lufquesàce 
que  fon  mals'accoifart  peu  à  peu  ,  &  qu'elle  fuu  aucu-* 
nemcns  foulagee.Lors  cnquilefur  ce  qui  lui  ertoir  auc- 
nu,ellc  contciroK  ne. s'en  reflbuucniraucuncmér.Mais, 
ciit-il,rccerchâc  les  caufcsde  cefte  maladie,  nous  eulines 
opinion  qu'elle  procecioit  dVne  TufFocation  de  matrice, 
&  de  vapeur:,  malignes  s'cfleuan.s  eu  haut,  au  détriment 
du  cœur  &  du  ccrucau.   Toutefois  après  nous  eftre  ef- 
forcez de  la  foiilaper  par  medicamens ,  &  celane feruant 
de  rien,  iccllcdeuint  plusfurieufe,  &  regardant  de  rra- 
iiersfemit  finalement  à  vomir  des  longs  doux  de  fei 
tout  courbczjdes  aiguilles  d'airia  picquees  dedans  de  la 
cire, &  tntrclaflecs parmi  des  cheucux,  auec  vne  portion 
de  fon  defiunc  ,  fi  grand  qu'homme  quelconque  n'cuit 
peu  launllei  entier.  Ayant  en  maprefence  recommen- 
ce plufieurs  fois  tels  vomiflemens ,  ie  me  doutai  qu'elle 
eftoit  poftedec  d'vn  elurit  malin  ,  lequel  charmoit  les 
yeux  à(^s,  afldl:ans,pcndàt  qu'il  remuoit  ces  chofes. Aufîl 
inchofe  fut   bien-toil  aueree   par  fiî^nes  &  preuues 
plus  manifelles.  Car  depuis  ijous  l'enteuddûncs  faifanc 
des  prédictions  &  autres  chofes  qui  furpaifcnt  toute  vé- 
hémence de  maladie,  voire  toute inteUigence  humaine.. 
/.  y-oier  AU  4.  Hure  des  impoflHrti  diaboliqusi)cha^.6. 

MeinerCiath,  gentil-homme  demeurant  d  Bouren- 
brouk,  chaftcau  de  la  Duché  de  Iuilliers,auoit  vn  lèrui- 
tcurnommé  Guillaume  ,  qui  quatorze  ansdurantfuc 
tourmenté  du  diable.  Vniour,  commelagorgeluifuil 
deuenue  fort  enflée,  la  face  ternie  ,  &  qu'on  craignoit 
qu'il  ellouftail  tout  a  l'heure  >  ludith  femmede  Clath, 
honnerte  damoireIle,enicmble  fes  domeftiques,c6men- 
cerent  à  inuoqucr  Dieu  :  &  foudain  de  la  bouche  de  ce 
Guillaume  fortit  entre  autres  barbouillerics  toute  la 
partie  de  deuant  des  braycs  d Vn  berger,  des  cailloux  les 
vns  entiers  les  autres  rompus^des  petites  pelottesde  fil, 
vnefaufle  perruque,  des  aiguilles  ,  vn  morceau  de  dou- 
bleuredu  layed'vn  petit  garçon,  &  vne  plume  de  paon. 
Enquis  de  la  caufc  de  fon  mal ,  refpondit  auoir  rencon- 
tré vne  femme  près  de  Camphufe,  qui  lui  auoitfoufflé 
au  vifage^Ôc  que  tout  fou  mal  ne  venoit  d'ailleurs.  Mais 


^memorahleU  14  j 

eftant  guCri ,  il  nia  que  celle  accufarion  fuft  vraye,  con- 
feflanc  auoir  cité  induit  par  le  diable  à  dire  cq  qu'il  auoic 
dit.Dauâtage,  il  adioufta  que  toutes  ces  matières  prodi- 
gieufcs  n'auoyent  point  efté  dedâs  Ton  corps,  ains  auoy-^ 
C)Ucftépou{lces  contre  fa  bouche  par  le  diable,  pen- 
dant qu'on  le  regardoit  vomir.  Satan  le  deçeut  par  lUu- 
flons.On  pcfa  plusieurs  fois  qu'il  vouluft  fë  tuer,ou  s'en, 
vouluft  fuir.  Vn  iour  s'cftant  letté  dedans  vn  teâ:  à  por- 
ccaux,  &  gardé  plus  foigneufcment  que  de  couflume,  i\ 
demeura  les  yeux  ccllcmcnr  fermez  ,  qu'impofîlble  fuc 
les  defclorre.  En  fin  Gcrtrudc  filie  ailiiee  de  Clath ,  aa- 
gee  d'onze  ansrs'approchnnt  de  lui  J'admôneilade  prier 
Dieu, que  Ton  bon  plaifir  fultlui  rendre  la  veué.Sur  cela 
Guillaume  la  requit  de  pricr^cc  qu'elle  fit,&  incojitinét; . 
elle  lui  ouuritles  yeux,  au  grand  esbahiflcment  de  cha- 
cun. Le  diable  l'exhortoit  fouuent  de  ne  prefter  l'oreille 
ni  à  fa  maiftrefle,  ni  aux  autres  qui  lui  rôpoyentla  telle, 
en  lui  parîant  de  Dieu  ,  duquel  il  ne  pouuoit  cftre aidé> 
puis  qu'il  eftoic  mort  vnefois,ainfi  qu'il  Tanoit  entendu 
prefcher  publiquement.  Or  comme  vn  autre  fois  ils  ef- 
Torçoit  de  tafter  impudiqucment  vne  chambnere  de 
cuihne ,  &;  qu'elle  le  rançall  par  ion  nom  ,  il  refpondit 
d'vnevoix  cnrouée^qu'ii  ne  fenommoit  pas  Guillaume,, 
JnaisBcelzebub:  à  quoilamailbeilererpondit,  Penfe-tu 
donc  que  nous  te  craignons  >  Celui  auquel  nous  nous 
fions,  cil:  infiniment  plus  fort  &  puilîant  que  tu  n'es.  A- 
lorsClath  poufle  à'\  n  faind  zele,en  prefence  de  tous  les 
domeiHqueS;CÔmence  à  commandera  Satan  qu'il  euftà 
fortir,  au  nom  de  Iclus  Chritl ,  liHint  ronziefme  chapi- 
tre de  l'EuâtTile  feLon  famâ:  Luc,  où  il  eil  fait  métion  du 
diable  muet  ictté  hors  parla  \)VA{sbiC(i  de  noftreSauueur, 
:  aullidcBeclzebub  prince  des  diables.  A  laparfn,Guil- 
•unie  commence?  rcpofer,  &  dortiufques  au  matin> 
commc*"n  homme  cluanoUi:  puis  à;Y?.nt  prins  vn  bouil-- 
lon,&  le  fénrâtdu  tout  allégé, il  fut  remei.ié  chez  (es  pa- 
tés,aprcs  auoir  remercié  les  mail'tre  &  maiilrcfic,  &  prié 
Dieu  qu'il  vouluft  les  recôpenfer  pour  les  ennuis  qu'ils 
ûuoyent  receus  de  celle  affii(ftion.  Depuis  ilfe-mari*» 
tiut  des  ç;jfans,  &  oe  foitit  plus  da  tourment  du  duble^ 


i4<3  Hijfûirâs  a^mirahles 

X.r'vîer^AU  Uti.ify'  ch.fufmentionué. 

L'an  mil  cinq  ccnsfoixantc  fixjledix-huidfefme  îouf 
de  Mars,  auiiu  enla  ville  d'Amftcrdanen  Hollande  vu 
cas  mémorable  ,  duquel  M.  Adrian  Nicolai  Chancelier 
deGucldres  fit  vndifcourspublicjcontcnant  ce  qui  s'en- 
fuir. Il  y  a  deux  mois  ou  enuiron(dic-iI)qu'en  cefte  ville 
trente  enfans  commencèrent  à  crtre  tourmentez  d'vnc 
façon  eftrange,  comme  s'ils  euflcnt  efté  maniaques  ou 
furieux.Par  interuallesils  fe  iettoycnt  contre  terre,  &  ce 
tourméc  duroitdemie-heurc,ou  vnc  heure  au  plus.  S'e- 
ftans  relcuez  dcbout,ils  ne  fe  fouuenoyent  d'aucun  mal, 
ni  de  choie  quelconque  faite  lors,  ains  penfoyentauoir 
dormi.  Les  MedecinsVaufquels  on  recourut,  n'y  firent 
tien,  pource  qu'ils  eftimoyent  que  ce  fuft  vne  maladie 
procédante  decaufes  naturelles.  Puis  après  leurs  parena 
cftimans  que  les  forcierss'en  fufTent  meflez,eurent  leur 
refuge  à  eux  :  mais  ils  ne  firent  rien  auec  toutes  leurs 
forcelleries.Finalement,à  caufc  que  l'on  croyoit  que  ces 
en  fans  cftoyentdemoniaquesjons'adrella  versplufieur"; 
cxo'.ciftesrpource  que  les  enfans  difoyentjfans  y  pcnlcr, 
beaucoup  de  chofes  qui  furpalloyentleur  portée  &  leui* 
iaage.Cesexorciftes  defployerent  toute  leur  fcience  ,  & 
perdirent  temps.  Durant  leurs  exorcifmes  les  enfans 
vomirent  force  aiguilles ,  des  efjnngles,  des  doigtiersi 
couldre,  des  lopins  de  drap,des  pièces  de  pots  caliez, du 
verre,  des  cheueux,  &  telles  autres  chofes  :  pour  cela 
toutesfois  les  enfans  ne  furent  guéris,  ains  retombèrent 
en  ce  mal  de  fois  à  autre,  au  grand  eftonncment  de  cha- 
cun pour  la  nouueauté  d'vn  {{  eftrâge  fpeducle.Lf^tÙT 
^n  /^.Uu.chap.S. 

LemcrmeauintàRomc,ran  15^5.  car  en  rHofpftal 
deà  orphehns,en  vne  nuift,  enuiron  Tep tante ie unes  fil- 
les deuindrent  démoniaques,  &  demeurèrent  en  ceft  c- 
'  -flat  plus  de  deux  3.ns.Cardati3au  ^.liurAe  varieiateicha.jâ, 
lean  Langius  tres-dode  Médecin  ,  cfcrit  au  premier 
iiurede  Tes  epiifres  élire  aucnul'an  1559.3  Fugêllal,  vil- 
lage dcrEuerchcdT.yileten,  ce  qui  s'enfuit,  vérifié  par 
grand  nombre  de  tetmoins.  Vlnc  Neufelferlaboureur 
demeurant  en  ce  village  çftoi^  urf^raWcoiçnt  tour- 
mente 


^  mîmordUeFé  14;^^ 

Imcnte  d'vne  douleur  de  flancs.  Vn  l'ourle  chirurgie  a^ 
yant  fait  quclc|^ue  incifîô  en  la  peau  ,ron  en  tira  vn  clou, 
de  fenpour  cela  les  douleurs  ne s'appaifercnt ,  au  con- 
traire acreurcnt  tellement,  quclepauure  homme  tom- 
be en  dcrerpoir,d'vn  couftcau  tranchâtfe  coupe lagor- 
ge.Conlrae  on  vouloir  le  cacher  en  terre,dcux  Chirur- 
gicnslm  ouurirent  l'eftomach  en  prefcnce  de  plufîeurs, 
&  dans  icelui  trouucrcnt  du  bois  rond  &  long  ,  quatre 
coufteaux  d'acierjles  vns  aigusjcs  autres  dentelez  corn-» 
me  vne  fcie:enfcmble  deux  baftons  de  fer,  chacun  de 
neuf  poulces  de  lôgucur  :  &  vn  gros  toui'pillon  de  chc- 
ucux.  le  m'esbahi  comment  celle  ferraille  a  peu  eltrc 
^mafl'ce  dedans  la  capacité  de  l'eftomach,  &  par  quelle 
oUuerture.C'eft  fans  doute  vn  artihce  du  diable,  lequel 
luppoledextrement  toutes chofcs, pour  fe  mointcnip 
&  faire  redouter. f.7/''y/cr  aï*  ^.Uv..ch:i»9. 

Lestourmens  que  les  diables  firent  à  quelques  Non- 
nains  enfermées  à  Vvcrteten  la  Com.té  de  Horne,  font 
efmcrijeillablcs.  Le  commencement  vint  (  à  ce  qu'on 
dit)  d'vne  pauurc  femme ,  laquelle  durant  le  Carefmc 
emprunta  des  Nonnains  vne  quarte  de  feLpefanc  enui- 
ron  trois  huresj&  en  rendit  deux  fois  autant, vn  peu  de-' 
uantPafques.Denors  elles  commencèrent  à  trouuer  de- 
dans leur  dortoir  iles  petites  boules  blanches  ,  fembla- 
blcs  à  de  la  dragée  de  fucrCjfalees  au  gouft ,  dont  tou- 
tesfoisonne  mange  point,  &  ne  fcauoit- on  d'où  elles 
venoyent.  Peu  de  temps  après  elles  s'apperceurent  de; 
cjuelque  chore,qui  fembloit  fe  plemdrc ,  comme  feroic 
vn  homme  malade  -.ellex  entendirent  auflî  vne  fois  ad- 
monncftant  quelques  Nonnains  deCe  leuer&venirà 
Taidcd'vnc  de  leurs  fœurs  maladerinais  elles  ne  trouuc-* 
rent  rien, y  citant  courues.Si  quclqucsfois  ellevouloy- 
cntvrinercn  Icurpotdc  châbrc^illeur  cftoit  foudaine- 
ment  ofté ,  tellement  qu'elles  gaftoyent  leur  lid.  Par 
fois  elles  en  cftoycnt  tirées  par  les  pieds  ,  trainees  aiFeis 
loin,&  tellement  chatouillées  par  les  plantes,  qu'elles 
en  pafmoyêtderirc.On  .arrachoitvne  partie  de  la  chair 
à  quelques  vnes,aux  autres  on  retournoits'cndeuât  der- 
licreles iaiïibes;les  bras  §ç la f^çç.  Caciques  \n^^  ai^iJJ 

4  ^ 


i  48  Hijl&ires  admirMes 

tourmentées,  vomifToyent grande  quantircdeliqueuf 
noirccomme  ancre j  c]uoi  que  auparauant  elles  n'cuf. 
lent  mangé  lix  fcpmaincs  <iurant,que  de  ius  de  raifort?, 
.sâspain.Ceftc  liqueur  cAoït  fi  amere  &  poignâte,qu'el- 
le  leur  efleuoitia  première  peau  de  la  bouche,&  ne  fça- 
uoit-on  leur  faire  Tau  ce  quelconque  quipeuftles  mettre 
en  appétit  de  prendre  autre  chof'e.Aucunes  eftoyét  efle- 
uecs  en  Tair  à  la  hauteur  d'vn  hôme,&  tout  foudain  re- 
iettees  côtrc  terre.Or  come  quelques  vns  de  leurs  amis, 
iufques  au  nombre  de  ij.fultcnt  entrez  en  ce  Conuent 
pourrefiouircellcsquisébloycnt  foulagces&  prefqucs 
gueries,Ics  vues  tomberennn continent  a  lareuerfehors 
delà  table  ou  elles  eftoycnt ,  fans  pou uoir  parler  ni  co- 
noiftre  perfonnejc s  autres  demeurèrent  étendues  co- 
rne mortesjbrai  &  iambes  renuerfees.  Vne  d'entre  elles 
fut  fouleuee  en  TairA  quoi  que  les  afi^iftans  s'efl-orçaf- 
fent  répefcberjôc  y  mifTent  la  main  ,  toutesfois  elle  leur 
eftoit  arrach  ee  maugré  eux,puis  tellement  reiettee  con- 
tre terre^qu'eilefembloit  morte.  Maisfe  releuantpuis 
apres; comme  d'vn  fomne  profond ,  elle  fortoit  du  refc- 
^oir,n'ayn.nt  aucun  mal.Les vnes  marchoyent  furie  dc- 
uant  des  iâbes^côme fi  elles  n'euiîent  point  eu  de  pied'., 
&  fembloit  qu'on  les  trainaft  par  derrière,  côme  dedans 
vn  Tac  deflié.Les  autres  grimpoyent  au  faifte  des  arbres, 
comme  des  chats,&  en  defcendoyent  à  Taifejdu  corps.Il 
adueint  aufli  côme  leur  Abbefl'e  parloir  à  madame  Alar- 
gucrite  Contefl'e  de  Bure,  qu'on  lui  pinça  fort  rudeméc 
la  cuifiejcomme  i^\  k  pièce  en  eu  il  cité  emportée^,  donc 
elle  s'efcria  fort.Ponec  incontinent  en  fon  lid,la  playe 
fut  veuè  liuide  &  noue,dont  toitesfois  elle  guérit.  Ce- 
lle bourreillerie  de  Nonnains  dura  trois  ans  à  defcou- 
uert,depuis  on  tint  cela  cache./. /'-v/Vr  an  /^diu.  ihaf.  10. 
Ce  qui  aduint  iadis  aux  Nonnains  de  Brigitte  ,en  leur 
conuentpresdeXante^conuient  i  ce  que  nous  venons 
de  reciter,Maintenât  elles  trcflailloyent  ou  beelloyenc 
côme  brebis,ou  faifoyent  des  cris  horribles.Quelqucsfois 
elles  eftoyent  poulfees  hors  de  leurs  chaires  au  teniplc> 
ou  là  mefmes  on  leur  actachoit  la  voile  delfus  la  telle;6c 
^ucl^ucsfois  Icirr  gauioa  cftoii  çeilciiiçai5  cftouppé. 


^memoYiihles*  149 

oa'impoflîble  leur  eftoit  d'aualcr  aucune  viande.  Celle 
eilrangc  calamité  dura  rcfpace  de  dix  ans  en  cjuelques 
vnes.Et  difoir-on  qu  vnc  icune  Nonnain,  efprifc  de  Ta- 
inour  d'vn  ieurte  homme,en  eftoit  caufcpouuce  que  fcs 
parés  le  lui  auoyent  rcfufe  en  mariage.  Et  que  le  diable 
prenant  la  forme  de  ce  ieu ne  homme  s'eftoit  monftré  à 
elle  en  fcs  plus  ardâtes  chaleurs,&  lui  auoit  confeillé  de 
fe  rendre  Nonnain,commc  elle  fit  incontinent.  Enfer- 
mée au  conuent  elle  deuint  corne  furieufc&mDnftra  à 
chacun  des  horribles  &  eftrangcs  fpedacles.  Ce  mal  fe 
glifla  comme  vnepefteen  plufîeurs  autres  Nonnains. 
Ccfte  première  fequellirec  s'abandonna  à  celui  qui  la 
gardoit,&  en  euft  x.enfans.Ainfi  Satan  dedans  &  dehors 
le  conuent  fit  Tes  efforts  deteftables;,^MWfyȕe/^  ^  ch, 

l'ai  entêdu  que  le  diable  tourmenta  durant  quelques 
années  les  Nônains  de  Heflimot  à  Nieumeghe.Vn  iour 
il  entra  par  vn  tourbillon  en  leur  dortoir ,  où  il  cômen- 
ca  vn  ieu  de  luth  &  harpe  lî  mélodieux  ,  que  les  pieds 
fretilloyent  aux  Nonnains  pourdanfcr.  Puis  ilprintU 
forme  d'vn  chien,  fe  lançant  au  lia  d'vne  foupçonnee 
coulpable  du  péché  qu'elles  nomment  muec.Autres  cas 
eftranges  y  font  aduenus,  corne  aufli  en  vn  autre  conuét 
près  de  Cologne,enuirô  l'an  15^0.  le  diable  fe  pourme- 
noit  en  guife  de  chien ,  &  fe  cachant  fous  les  robes  des 
Nonnam8,y  faifoit  des  tours  honteux  &  fales.  Autant  en 
faifoit-il  a  Hensbergen  la  Duché  de  Cleues,fous  figure 
de  chats.c/^«  me^mc  llure  (<;  chapitre* 

Antoine  Sucquet,  cheualier  de  l'ordre  de  la  toifon, 
perfonnage  de  grande  renutation  par  toute  laFlâdrcSc 
Confeiller  au  priué  Conieil  de  Brabant ,  outre  trois  en-, 
fanslegitimes^eut  vn  baftard;qui  print  fcnmie  à  Bruges^ 
IccUepeu  après  les  nopces  comme  ça  d'eitre  miferabic- 
ment  tourmentée  par  le  maHn  efprit,  tellement  qu'en 
quelque  part  qu'elle  fuft  ,  mefmes  au  milieu  des  damci- 
&damoifelles,  elle  eftoit foudain  emportée  &trainee 
parles  châbres,&  fouuentesfois  iettee  puis  en  vn  coin, 
puis  en  l'autrcquoi  que  ceux  qui  eftoyét  presés  tafchaî^ 
lent  de  la  rctenir,&  de  l'épefcher.  Mais  en  fes  agitations 
cUç  n'eftoit  pas  beaucoup  intcreilee  en  fon  corps.Chacti 

K  --; 


^p  Hijleires  admirables^ 

^pcnfoitque  ccmal  luicuîl  cftéprocururépar  vnegar-^ 

'4c,aiitrestois  entretenue  par  fon  mari,ieune  homme  de 

Ibclle  taille, gaillard  &:  difpoft.  V.n  ces  entrefaites  cllede- 

^«int  enccintc,&  ne  laifla  refprit  de  la  tourmenter.     Le 

'lermc  de  l'accouchement  venu  ,  il  ne  fe  trouua  qu'vne 

'femme  en  fa  conipagniejaquellc  fut  incontinent  cnuo- 

yee  vers  la  fage  femme  &  autres  qui  pouuoyentluifub- 

fuenir  en  ccfte  nccefîîté.    Cependant  il  lui  fut  auis  que 

•celle  garfejdont  \:\i  parlé,entroit  dedans  la  châbre ,  & 

lui  ieiiioicdefa^e  femme,  dontlapauure  damoifclle 

'fut  il  cfpeiducque  le  cctur  lui  faïUit.Keuenue  àfoi^cl- 

'îe  fe  trouua  dcfchargee  de  fon  fardcau.-toutcsfois  il-n'a- 

yarut  enfant  quelconqucjdot  chacun  demeura  elperdu. 

le  iourfuiuâcracGUchee  trouua  en  fon  rcfueilvn  en- 

"îant^emmaiilotté  &  couché  dedans  le  lid:qu'elle  allaita 

•par  deux  fois. S'eRât  peu  après  cnuormie^renfantluifuc 

*pris  de  Tes  coft e7.j&  oncques  depuis  ne  fut  veu. Le  bruic 

courut  que  l'on  auoit  trouué  en  la  ferrure  de  la  porte 

«quelques  billets  aucc  descharaderes  magiques.  Celle 

hiftoire  m*a  elle  racontée  par  mon  beau-frere,  gétilhô- 

me  dode  &  \'ert!ieux,qui  Tauoit  apprinfe  du  mari  ,  du 

frercjdubcau-frcrc  dcl'accouchec&de  qlques  autres 

<jui  l'auoyct  vifitec  en  fa  couche.LK'v/er .w J.//W/7.34. 

Nous  pouuons  ici  rapporter  lesconuulfions  mon- 
îlrueurcs&  innombrables  nuenuesaux  Nonnains  du 
conuentd.e  Kcntorp  en  la  Cote  de  la  Marche  presHâ- 
monc.Vn  peu  deuantlcur  accès  6:  durant  celui  elles 
poufToyétdelcur  bouche  vnc  puante  halainc,.qui  con- 
tinuoitpai  fois  quelques  heures.  En  leur  mal  aucunes 
jic laiifoycnt  d'auoir  i'entendemct  fain,d'ouir  &  de  re- 
conoiftre  ccuxqui  eiloyent  autour  d'elles,  encores  qu'à 
caufe  des  conuulfions  de  la  langue  &  des  parties  feruâ- 
tes  à  la  refpiration,  elles  ne  peufîent  parler  durant  l'ac- 
rcs-Orcftoyentlcs  vues  plus  tourmentées  queles  au- 
tresjSc  quelques  vues  moins.  Mais  ceci  leur  dloit  corn- 
mun-qu'aulli  toft  que  Tviie  elloit  tourmentee,au  feuj 
■bruir,lesa:itrcsrepareesen  diuerfes  chambres  eiloyent 
tourmcrccsaulh.Vne  des  plus  anciénes  de  ce  conuent, 
',^§e<;  4espreniiçrçs,nômee  Anne  Lengon,  m'a  fait  le- 


récit  detoutc  rhiil^Mvc.Dcs  qu'elle  fe  fcntit  mal  au  cofté 
gauche,  &  cfu'on  eut  opinion  c|U  cilcfull:  attaiiKe  à'epi^ 
Icpfie  ,  elle  fut  enùoyce  au  monaftcre  ào.  ÎNonhertic:  â 
quoi  elle  condcicciidit  par  quelque  deuotion  ,  &  après 
auoir  beu  là,  dedans  le  tefl  de  S.Corneille,le  bruit  cou- 
rut qu'elle  fe  portoit  beaucoup  mieux  que  de  coullumc: 
ce  qui  fe  rrouua  tout  au  rebours.  Car  elle  &  les  autres, 
(en  pire  eftat  que  deuant,  enuoycrcnt  vers  vn  deuin  ,1e- 
quelleuc^t  entendre  qu'elles  auoyentefté  toutes  em-» 
poifonnces  par  leur  cuifînierc ,  nommée  Elfe  Kamenfc. 
Le  diable  empoignant  celte  occafîon  commence  à  le^ 
tourmenter  plus  que  deuant,  qui  pis  futles  indui/ît<k 
s'entremordre ,  cncrebatre,  &  fe  ietter  par  terre  les  vne» 
les  autres.  Ce  qu'elles  faifoyent  fans  aucun  mal,  &  aulït 
aifémentquefî  elles eufTentietté  des  plumes,  tellement 
qu'elles  aperceuoyent  bien  que  leur  volonté  n'eftoit  cif 
leur  pilifTance.  Qu^and  on  les  ^mpefchoit  de  fraper  oqi 
faire  autre  violence,  elles  fe  tourmétoyentgriefuement: 
&  Il  tofl  qu'onles  laifioit  faire,  elles  s'entremordoyent» 
.  fans  toutesfpis  fentir  blefl'eure.  Si  Anne  parloit  en  fort 
accès,  cela  fcmbloit  fe  faire  par  le  moyen  de  quelque  au- 
tre, qui  tiroit  &  repouiîoit  fon  vent.  Elle  s'entendoie 
bien  parier  ;  mais,  les  paroles  finies ,  elle  ne  ferefouue-^ 
noit  nullement  de  ce  qu'elle  auoit  dit  >  lî  ce  n'eftoic 
qu'on  lui  repetaft;  car  lors  elle  fe  rcmemoroitles  auoio 
prononcées  :  mais  la  honte  faifoit  qu'elle  aimoit  mieux 
fe  taire.  Si  quelquesfois  elle  fe  mettoit  en  oraifon,  fou- 
dain  elle  eftoit  troublée  par  le  malin  efprit  :  tellement 
quelle  ne  pouuoit,  comme  elle  euit  bien  voulu,  atten- 
tiuement  pourfuiure  fon  propos,  ni  mouuoir  fa  lan- 
gue. Mais  s'ilauenoic  qu'elle  murmuraft  ,  fansypen-i 
fer,  lc5  prières  ou  heures  vulgairement  nommées  Ca- 
noniques, tant  s'en  faut  c|u'alors  elle  fe  fentit  empef- 
çhee,que  mefmes  elle  fcatoit  allégement.  Au  refte^ 
elle  demeura to ut hebctee,  dellitucc  defens  ,  de  difcre- 
rion,  &  deiugemcnt:fi  qu'elle  ne  peut  onques  penfcp 
attentiuement  à  quelque  chofpque  cefuft.  S'il  aduc- 
poitque  quelque  homme  de  bien  deuot,&  craionani: 
Dieu,  parlaft  à  elle  ,  lors  il  fcmbloit  que  le  (ïiable 
fca  puiii^,   .{m  fgnuairc   ^  iî  Ifis  autres  fci^jmt^ 


%  5 1  Hijloires  admirdbUs 

«icuifoycntaucccllc  de  menus  afaires,&  dechofescîo 
néant,  clic  y  prcnoicplaiiîr,  &  en  cftoit  allcgcc.  De^ 
puis  aulîljors  qu'on  rcxorcifoit ,  elle  ictta  grande  quan- 
tité de  ling  par  la  bouche,  fans  que  pour  l'heure  il  lui 
en  aduint  autre  irul.  Or  toutes  ces  Nonnamsainfi  tour- 
iTicntces,rcntoycnt  vnc  douleur,  laquelle  gaignoitinef- 
galement  depuis  la  plante  de  leurs  pieds ,  qui  leur  fem- 
'bloitellrebruflec  d'eau  chaude.  Etencoresque  toutes 
fullentain/î  cftrarigement  affligées,  fi  n'en  perdirent- 
elles  point  Tappctit ,  &:  ne  laiOcrcnt  de  prendre  nourri- 
ture. Le  diable  pailoit  rouuentesfois&  beaucoup  par  la 
bouche  des  ieunes ,  lefquelles  auoyent  Tefprit  troublé, 
aurqaelîes  aufli  il  fc  reprefentoit  en  forme  de  chat  noir, 
&:fouslaligurc  d'Elfe  Kamenfc,  ou  fous  celle  de  fa  mè- 
re, ou  bien  celle  de  fon  frère:  tellement  que  toutes  pen- 
foycnt,mais  faufl'ement ,  que  ces  perfonnes  funTent  caufe 
dctelstourmcns.  Anne  s'eRant  refoluc  de  ne  plus  re-. 
tourner  auConuentjduquelfesparenil'auoyent retirée, 
mais  deferuir  à  Dieu  dcuotcment ,  &parvn  iugement 
beaucoup  plus  arreftc,  cefte  calamité  lalaifiTa:  toutesfois 
il  elle  reccuoit  feulement  des  lettres  deTAbefle,  elle 
fentoit  vnlTemifl'cmçnt  par  tout  fon  corps,  comme  ft 
iii<^  bref  elle  euft  deu  retomber  en  ce  premier  mal.  Peu 
ce  temps  après  elle  fc  maria,  &  oncqucspuis  ne  fercfen-^ 
titdccclVj  calamité.  Elle  me  racoiitoit  aufl'i  qu'Elfe 
Kamcnfc  efloit  affligée  de  mefmc  mal  que  les  autres ,  à 
f^auoir  d'epilepfie ,  &  que  inefine  quelqucsfois  elle  te- 
jicit  des  propos  fans  raifon  :  qui  fut  caufe  que  les  Non* 
nains penferentqli'elle  s'eftoit  enforccUec  >  afin  qu'on 
ne  la  foupçonnail  de  mcsfait,tellement  que  toutes, tant 
qu'elles  citoyent ,  fe  prenoycnt  à  cefte  femante,  que  le 
deuin  leur  auoir  dit  élire  forcicre  cefte  pourc  fille ,  tireo 
en  iuftice  ,  confcfta  pFcmiercmcnt  qu'elle  auoit  efté 
caufe  de  ce  trifte  fpeiftacle,  excité  par  le  moyen  du  mcr 
flangc  de  quelques  venins:  toutesfois  eftant  au  fupplice, 
^  fur  le  poinft  de  mourir,  elle  protefta  n'auoir  onc  vfé 
4e  poifoii:i ,  ains  feulement  prononcé  par  fois  quelque? 
n^audiftbns, 
Ap.rç§  ^u'^Qacf;iK;Q;ççmcn:  çftg  bruilees,  quel. 


^U€i  V^î 


i 


cf  memorahles.  X55 

«juès  vns  des  habîtans  de  Hammonc,  bourgade  prochai- 
ne de  là,  commencèrent  à  eftre  rourmentez  du  malin  e- 
fprit.  Le  palpeur  de  l'Eglife  en  appeila  cinq  en  fon  lo- 
gis, afin  de  les  inftruirc&  fortifier  contre  lesimpoftu- 
rcs  deTennemi.  Mais  après  auoir  recité  quelques  arti- 
cles de  la  créance  des  Chreftiens ,  ils  commencèrent  â 
ic  mocquer  du  Pafteur ,  &  à  nommer  certaines  femmes 
du  lieu,  chez  Icfquelles  ils  difoyent  vouloir  aller,  mon- 
tez lur  des  b6ucs,qui  les  y  porteroyêt.  Incontinent l'vn 
d'eux  fcinet  à  cheuauchon  fur  vnc  fcabelie  ,  s'efcriant 
qu'il  alloit&  cilioit  porté  là.  Vn  autrefè  mettant  à  crou- 
pcton,re  recourba  du  tout  endeuant,  puis  fe  roula  vers 
h  porte  de  la  chambre,  par  laquelle  ,  foudainement  ou- 
ucrte,ilfe  iétta,  &  tomba  du  haut  en  bas  des  degrez  fans 
îe  faire  mal.  Au  mefme  tei^ïips  ,  en  vn  village  nommé 
Houel ,  près  la  mefme  bourgade ,  plufîeurs  hommes  fu- 
rent encore  tourmentez  cruellement  par  ce  malin  cl^ 
prit.  I.  f^-vier  au  ^.Un.chA.U, 

Les  Nonnainsdu-Conuent  de  Nazareth  à  Cologne, 
furent  prefquc  tourmentées  côme  celles  de  Kentorp.  A- 
yanseiîé  par  long  efpaçe  de  temps  tcmpeftees  en  diuer- 
fes  fortes  par  le  diable ,  elles  le  fuient  encore  plus  horri- 
blcmêt  l'an  i^6^.  Car  elles  eftoycnt  couchées  par  terre> 
ikrebraffees  comme  pour  auoir  compagnie  d'homme: 
Durant  laquelle  indignité  leurs  yeux  dcmcuroyct  clos, 
qu'elles  ouuroyent  après  honteufcmcnt,  &  comme  /î 
elles  eufsét  enduré  quelque  griefuc  peine. Vne  fort  ieu- 
pe  fille, pommée  Geitrudc,aagee  de  quatorze  ans,  la- 
quelle auoitefté  enfermée  en  ceConuent,ouurit  la  por- 
te à  tout  ce  malheur.  Elle  auoit  fouuent  efté  tracaflce 
de  CCS  folles  apparitions  en  fon  h<ft ,  donc  Tes  rifees  fai- 
foyent  la  preuue,  quoi  qu'elle  eflayat  parfois  d'y  remc- 
dieT,mais  en  vain.  Car  ainfi qu'vne  ficne  compagne  ^i^ 
foit  en  vne  couchette ,  tout  exprès  pour  la  dcffcndre  de 
celle  apparition  ,  lapauurettccut  frayeur  entendant  le 
bruitquife  faifoitau  lidde  Gcrtrudc  ,  de  lacjuelle  le 
diable  print  finalement  poflcfiTion  ,  &  comença  de  Taf- 
8iger  par  pluficurs  fortes  de  conuullîons.  En  fon  accès, 
elle  fcmbloit  çommç  aucuglcCp  profcrant  paroles  trc5- 


IH  Bisioires  admirables 

erttanges,  inconllaïucS;  &  (]ui  tcndoycnt  à  dcfcrpoi'r, 
i\utant  en  faifoycnr  plu/icurs  autres ,  &  ^infî  celle  pclte 
^aii^na  périt  à  petit ,  &i  s  augmenta  encore  ù'auancagc, 
«juandces  pauurcs  affligées  commencèrent  i  recourir 
auxrcmedes  illégitimes.  Or  tandis  que  le  diable  les 
tjourrclloit  ainfi,  aucunes  d'elles  furent  faifies  de  pcilc, 
^  tandis  qu'elles  en  furent  affligées ,  le  malin  efpdt  ne 
"îes  tourmenta  nullement ,  par  vne  iînguliercibonté  de 
Dicu,qui  limite  à  Satan  certaines  bornes  ,  lefquelles  il 
^cpcutoutre-pairer(tcrmoin  Iob)en  affligeât  ceux  que 
Dieu  lui  liurcpour  vn  temps  en  ce  mode.  Lecômence- 
^nét  de  toute  celle  calamité  proccdoit  de  quelques  ieu  - 
ncs  homes  desbauchez,qui  ayans  prinsaccointance  par 
^n  ieu  de  paulme  proche  delà,auec  vne  ou  deux  de  c  es 
SNonnains,eftoyct  depuis  montez  par  deflus  les  murail- 
1cs,&  auoycnt  iouy  de  leurs  amours.  Mais  ayans  defifté 
<îepuis,  pourcc  que  les  moyens  leur  en  furent  oftez ,  le 
-tîiablc  corrompit  la  phantafîc  de  ces  miferables  ,  &  les 
^traita  comme  a  efté  dit.  /.  K-v/er  att  ^Mu.chap.ii, 

On  peut  mettre  en  ce  rang  vn  autre  Nonnaim  du 
Conuét  de  BollcduC;pres  le  temple  de  fainâ:  lean  Bap- 
tifte,  nommée  Judith ,  laquelle  i'ay  vcu  tourmentée  du 
diable  par  ellianges  conuulfions  :  car  il  luifcrroit  la 
€;orge tellement, qu'elle  ne  pouuoit  aualer  aucune  vian- 
.•cle,&:  lui  tenoit  aulfi  la  lâgue  par  fois  en  telle  fort  e,  qu'il 
i'épcfchoit  de  parler.  D'autresfois  ie  lui  ai  oui  proférer 
^es  propos  ridicules  &  horribles.  Padioufterai  encorv- 
*ie  autre  icune  fille  fcruante  d'vne  religieufe  de  noble 
maifon.Vnpayfan  lui  auoit  promis  mariage  :  mais  il  s'a- 
mouracha d'vnc  autre:dontceil:e-ci  fut  tellemét  contri- 
ftee.,qa'cilât  allée  enuiron  vne  demielienë loin  duCon^ 
ftient,  elle  rencotra  le  diable  en  forme  d'vn  icune  hom- 
me, lequel  cômcnça  à  deuifer  familièrement  auec  elle, 
lui  delcouurant  tous  les  fecrets  du  payfanj  &  les  propos 
<ju'il  auoit  tenus  à  fa  nouuelle  amie  ;  &  ce  afin  de  faire 
rombcr  cefteieunc  fille  en  deicfpoir,&;  en  rciolution  de 
s'eilrangler.Eftans  paruenus  près  d'vn  ruilleau,  lui  princ 
l'huile  qu'elle  portoit,  afin  qu'elle  paHall  plus  ailement 
Ja  ^I.khc  ;  i^  l'ir.uiu  d'*iiki:  çn  i^T^Uii^  Iku  tju'il  nômoit: 


^  memorahlcs.  155 

^t  qu'elle refura,clifant  eue  voulc/-vou<;  que  i'aille  fai- 
re parmi  ces  marefts  &  elKitîs?  Alors  il  dirpariit,  dôt  la  fi- 
le coçeut  tel  cfTroy  qu'elle  tomba  pafmeecft  maiftreP-C, 
en  eftât  auertic  la  fit  rapporter  au  Côuent  dedans,  vne 
liftiere.Là  elletut  malade,&  comme tranfportee  d'en- 
tcndement,eftant  agitée  de  façon  eftrâge  en  Ton  t'î'^nty 
&  par  fois  le  plaignoit  eftre  miferablement  tourmen- 
tée du  malin,  qui  vouloit  l'ofter  de  là  &  l'emporter  par 
lafeneftre.Depuiselle  fut  mariée  à  ce  payfan,  &  recou- 
ura  (a  première  fauté,  l  a  n:?fme. 

Il  y  auoit  à  Leuenfteet,village  apartenant  au  Duc  de 
Brunfuicvne  ieane  fille  nô.nee  Marguerite  Achels,  aa- 
^ee  deio.ans,laquelle  demcuroit  auec  fa  fœur.  Vn  2. 
Jour  de  Iuin,voulâc  nettoyer  quelques  foulicrs^elle  prie 
Tvn  de  fcs  coufteaux^de  demi-pied  de  lôgueur  :  &  côme 
elle  côméçoit,airireen  vn  coin  dechàbre>&  encore  tou- 
te foible  d'vne  fieure  qui  l'auoit  tenue  lôgtemps  ,  entra 
foudain  vne  vieille, qui  l'interrogua  fi  elle  auoit  encore 
la  fieure,&  cômét  elle  fe  portoit  de  fa.  maladie ,  puis  for- 
tit  hors  fans  dire  mot.  Apres  que  les  fouliers  curent  efté 
ncttoyezjccfte  fille  laifla  tomber  le  coufteau  en  sô  girô, 
lequel  depuis  elle  ne  peut  retrouuer,encores  qu'elle  le 
cerchall  diligemmét:ce  qui  l'efFroya,  mais  encores  plus 
quâdelle  defcouurit  vn  chien  noir  couché  deffous  la 
table,qu'clIcchafla,e(perâttrouuers6coufteau.Cechié 
tout  irrité  comêce  à  lui  monftrer  les  dcnts>&  grondât  fe 
lance  en  rue,puis  s'enfuit.Ilséblaincortinêtà  cefte  fille 
qu'elle  fentitie  ne  fçai  quoi,  qui  lui  defcendoit  par  der- 
rière le  lez  du  dos,c5me  quelque  humeur  froide,&  fou- 
dain elle  efuanouitjdemeurantainfi  iufques  au  troificf. 
me  iour  fuiuât,qu'elle  commença  a  refpirer  vnpetit,& 
^  prêdrc  quelque  cho  fe  pour  fe  iuftanrer.  Or  eftant  di- 
ligemment interroguee  delà  caufedefon  mal, elle  réf. 
pondit  fçauoir  certainemêt  que  le  couReau  tôbé  en  fon, 
^çir5  eftoit  entré  dedans  fon  cofté  gauche,&  qu'en  cefte 
partie  elle  sêtoit  douleur.  Et  encore  quefes  parenslui 
tOrrediflentjd'autant  qu'ils  attribuoyét  cefte  indifpofitio 
à  vn  humeur  melancholique,  &  qu'elle  refuoit  i  raifon 
de  la  maladie,  de  fes  longues  abftincnces  &  aut  res  acci- 
-^en^iineçcflVcUcpoiui;  de  perlîftcr  en  fçs  plainiesj. 


i^^  Hijloires  admirables 

larmes  S:  veilles  continuelles,  tellement  qu'elle  en  a- 
woit le cerueau  troublé,  &.cfloit  quclquesfois  Tclpace 
<ic  deux  iours  fans  rien  prcndrc,encores  qu'on  l'en  priaft 
par  c{ouccur,&quelqucfoison  la  contraignoir  par  force. 
Or  auoit-elle  Tes  accès  plus  forts  en  vn  temps  qu'é  Tau- 
trctelleinent  que  Ton  repos  duroit  peu, à  raifon  des  con- 
tinuelles douleurs  qui  la  tourmcntoyent:  tellement 
qu'elle  eftoit  contrainte  de  fe  tenir  toute  courbée 
fur  vn  ballon.  Et  ce  quiplus  augmcntoit  Ton  an^oifle 
6c  diminuoitlbn  allcgcmcnt ,  eftoit  que  véritablement 
elle  croyoït  que  le  coufteau  fuft  en  Çon  corps ,  &  qu'en 
cela  chacun  lui  contredifoit  opiniaftremét^&lui  propo- 
foic  rimpofllbilité,  iugeant  qu'elle  auoit la  phantalîe 
troublée ,  attendu  que  rien  n'apparoifl'oit  qui  pcuft  les 
"^induire  à  tel  auis,  fors  Tes  continucUeslarmes  &  plain- 
tes, efquelles  on  la  vid  continuer  l'efpace  de  quelques 
i.nois,&iurquesàce  qu'ilaparut  au  cofté gauche,  va 
peu  au  deffus  delà  râtelle,  entre  les  deux  dernières  co- 
lles que  nous  nommons  faulfesjvne  tumeur  de  la  grof- 
feur  d'vn  œuf,en  forme  de  croifîant ,  laquelle  acreut  8f 
<iî  mi  nu  a,  félon  que  l'enflure  aparut,&  printfin.  Alors 
celle  pauure  malade  leur  dit,  «ufqucsà  prefent  vous 
n'auez  voulu  croire  que  le  couftcau  fuft  en  mon  corps 
rcaisvous  verrez  bien  toft  comme  il  cft  fiche  en  mon 
cofté.Ainfî  le  trcntiefme  de  luin^à  fçauoir  enuiron  trei- 
ze mois  acomplis  de  cefte  affiiclion,  forritli  grande  a- 
bondance  de  boue  hors  de  Tvlçere ,  qui  s'eftoit  fait  eri 
ce  cofté  ,  que  l'enflure  vint  à  diminuer,  &  lors  parut  la 
poinfteducoufteau,  queiaiîlle  defiroit  arracher  :  tou- 
tesfoiS  elle  en  fut  empefchee  par  Çits,  parcns,lçfquels  en- 
uoycrent  quérir  le  chirurgien  duDuc  Henri,  qui  pour 
lors  z^oit  au  chafteau  de  Vvolffbutel.  Ce  chirurgien 
venu  le  qiratriefmeiour  de  Juillet  pria  le  Curédecon-» 
folcr,  inftruire  &  acourager  la  fille,  &  de  prendre  garde 
aufli;ïfcsrefponles,  pour  autant  que  chacun  la  repu- 
toit  démoniaque.  Ellecondefcenditàeftre  gouuerneç 
parie  chirurgien  ,  non  fans  opinion  que  la  mort  fou- 
daine  s'en  cnftjiuroit.  Le  Chirurgien  voyant  la  poindg 
à*^  couik-auoui  fe  moaftrou  lous  ics  coftes,  le  tira 


cf  memorahlesl  ij7 

auec  fes  inftrumens  :  &  fut  trouuéfemblable  à  l'autre 
qui  eftoitrefté  en  la  gaine,  &  fort  vfé  enuiron  le  milieu 
du  tranchant.  Depuis  Tvlcere  fut  guéri  par  le  chirur- 
gien »  t>^«  mefme  liiire  chapA/^. 

Cardan  efcrit  qu'vn  laboureur  l'îen  ami,  homme  de 
bien,  lui  raconta  que  par  longues  années  ilauoitefté 
malade  d'vne  maladie  inConue:pendant laquelle  par  le 
moyen  de  quelques  charmes  ,  il  auoitfouuentesfois  vo- 
mi du  verre,dcs  doux  &  des  cheueux  :  &  encores  que 
depuispar  cemoyen  ileuftefté  guéri,  que  toutesfois 
C\  fentoit-il  en  fon  ventre  vne  grande  quantité  de  verre 
rompu ,  lequel  faifoit  vn  bruit  pareil  à  celui  qui  fe  faiâ: 
parplufîeurs  pièces  de  verre  rompu  enfermées  dedans 
vn  fac.  Il  adiouftoit  que  ce  bruit  le  trauailloit  fort ,  & 
que  de  dixhuid  en  dixhuid:  nuits  furies  iept  heures, 
encores  qu'il  n^obferuaft  le  nombre  d'icelles,  fî  eft-ce 
qu'il  auoit  fenti  par  refpace  de  dixhuidt  ans ,  qu'il  y  a- 
uoit  qu'il  en  eftoit  guéri ,  autant  de  coups  en  fon  cœur, 
comme  il  y  auoit  d'heures  à  fonner  :  ce  qu'il  enduroit, 
non  fans  vn  grand  tourment.  ,^u  mefme  Hure  ch.tp.j» 

Pour  monftrer  encor  les  entortillemens  &  rufes  de 
Satan,  qui  auec  efficace  d'erreur  agite  ceux  que  la  iufti- 
ce  diuineluiliure,  i*adioull:e  vne  autre  hiiloire  touchât: 
vnieune  enfant  démoniaque,  efcrite  par  le  Docteur 
Henri  Colen  de  BoHeduc,  à  Auguftin  Hunarus  Doâ:eur 
de  Louuain  le  5.  iour  de  Mars  1574.  comme  s'enfuir.  Va 
ieune  enfant  de  noftre  ville  prédit  ,  que  le  raefchani: 
&  tyrannique  complot  des  gueux  du  pays  bas  s'ea 
va  prendre  fin.  Nous  craignons  toutesfois  que  ce  ne 
foit  vne  fourbe  du  malin  efprit  :  combien  queperfonne 
d'entre  les  hommes  docles  qui  font  pardeçà  ,  n'en  aie 
peu  encores  rien  defcouurir.  Cert  enfant  crie  &  deman- 
de qu'on  prie  Dieu  continuellement  &  d^  bon  cœur: 
lui  mcfmes  tro'is  heures  du  lour  prie  i  bras  eilendus.  Il 
a  prédit  mcrueillesdc  noftre  temps,  &  tout  ce  qu'il  a 
prédit  eft  aduenu,  lans  qu'il  fe  foit  abufe  en  aucune  cii- 
conftance.  Il  ditauffique  l'Ange  Gabriel  luiareuelé 
que  toutes  ces  tragédies  de  Flandres  prendront  fin,  a- 
liïtiit  que U  Jïigitic dç  l'cftc  prochain  foit  expires;  que 


i  ^  8  m  (loir es  admirables 

le  Roy  d'Êfpagnc  viendra  es  pays  bas,  &  .ipaiTera  toîi^ 
par  trcs-hcurcux  moycns.Il  a  prédit  aufTi  le  moment  de 
temps  de  la  prinfe  de  Midelbourgj&  infinies  autres  cho- 
fes  auenues  félon  Tes  predi«5i:ions.  Moi  indigne  ay  eflé 
aiilli  appelle  pour  examiner  ce  ieune  enfant ,  &  ay  elle 
tout  eftonnc  &  raui  de  voir  vn  (î  fîmple  enfant,  oui  ne 
fçait  ni  lire  ni  efcrirc,refporiire  fî  promptcméta  toutes 
demades.tc  fouldrc  les  plus  grades  dîtficultez  qu'on  lui 
euftfçcu  propofer.  Etpourcequc  Satan  fetransfiguc 
en  Ange  de  lumière, ie  lui  ay  faid  pîufîeurs  &  diuerfes 
c|ueftions:mais  tant  s'en  fautquc  celbit  vn  Ange  qui  ait 
horreur  de  la  croix  du  Seigneur  ou  du  nom  de  lefus: 
qu'au  contraire  il  t  aprins  vne  pierre  à  ceft  cnfant,côte- 
nât  en  fiibftance  ces  mots.-O  lelns  de  Nazareth  ,  qui  as 
efté  crucifié  pour  nous,aye  pitié  de  nous ,  fubuien  aux 
pourespecheurs,afin  que  nous  retournions  a  la  foi.  I, 
V'-ijler  eiH  i.U.ch.io.oii  il  adioufte  cefte  cenfure.L'cuene- 
metcôtvaire  a  môftré  que  ceft  enfant  eftoitpolTedé  du 
diable;,qui  parloit&prognoftiquoit  paria  bouche  d'ice- 
lui. Car  les  troubles  de  Flandres  n'ont  pas  prins  fin  l'c- 
llé  iuiuât  ni  trois  ans(difons,nivingtcinq  ans)  après,  & 
n'cftoitni  n'eft  nouuelle  delà  venue  du  Roid'Efpagne 
cspayS'bas.Aucotraire  il  y  elt  furuenu  dcschangemés, 
efquclslesdo<ftcursde  Louuaia&  leurs  compagnons 
perdent  leur  latin.  Or  Tefprit  ce  Dieu  ne  peut  errer  ni 
faillir  au  moindre  point  du  môde.Parainiîrô  peutvoir 
qui  eft  ce  GabrieLqui  a  peu  annôcer  le  momêt  du  têps 
de  la  redditiô  de  Midelbourg  tn  Zelandc  ,  à  fcauoir  le 
<liable,qui  pour  cftre  efprit ,  en  vn  inftant  ic  ainfportc 
de  lieu  en  autre,à  caufc  de  fa  viftefl'cincomprehen/îble. 
Lemefme  a  incité  ce  ieune  enfant  aux  prières  fufmen- 
tionnees,afin  de  donner  couleur  à  fes  impoftures  &  fauf. 
fête/..  Ainfia-ilacouftume  de  méfier  la  vérité  auecle 
menfonge.Cc  que  le  Doîleur  Colen  peut  recohoiftre,ft 
d'auanturcil  eft  encores  en  vie,en  ce  commencement 
dunouueau  fieclc  i^oo.  S'il  eft  hors  du  mondeji'en 
laifl'e  la  decifîon  à  fes  compagnons. 

L'an  T^P4.au  Marquifat  de  Brandebourg  furent  vcus 
|)lus-de  huiâ  vingts  perfonnes  demoniaqucspc^ui  profe- 

ïcrit 


t^  wemorahlesl  ij5i 

:6ïioyent  chofcsefmcrueiilables,  conoifîbyent  &  noni-i 
hioycntccux  quils  n'auoycnt  jamais  veiis  :  entre  ces 
perfonnes  on  en  remarquoit  qui  long  téps  auparauanc 
eftoycnt  décédez,  lefquels  chemin  oyét ,  criant  qu'on  fê 
repétift>&  qu'on  quittaft  lei  dilTolutionsen  habits, &e, 
denonçoyétle  lugcment  de  Dieu ,  auouans  qu'illeure- 
ftoit  commandé  aeparle  fouuerain  de  publier,  mau^é 
bon  grc  qu'ils  en  cuirent,  qu'on  s'amêdaft,  &  qu'ain/iles 
pécheurs  fulTent  ramenez  au  droit  chemin.  Ces  demc 
niaqucs  faifoyentrage  par  où  ils  pafloycntjVomifToyenc 
vne  infinité  d'outrages  contre  les  pafteurs  de  rE^life^  ne 
parloycntquc  d^appr.ritions  de  bons&  mauui^s  Angesj, 
le  diablele  monftroitfous  diucrfes  fembIances:lors  que 
le  fermon  fe  faifoit  au  temple  j  il  voloit  en  Tair  auec 
grand  fiffl[emêt,& par  fois  crioit  Hui,hui  :femant  parles 
places  des  efguillcttesj  de  pièces  de  mônoye  d'or  &  d'ar- 
gent, laques  H orft  Docicur  Médecin  en  fen  H ijioire  delà  dent 
d'or  de  tenfunt  Sileften.  Adiouflons  ce  qu'en  reprefcntc 
aufli  vn  certainFrifon^en  Ton  recueil  d'Hiftoircs  intitulé 
JKlcrcmiin  Gallobel^:cui,cnVa.n  15^4.  en  ces  mots;  le  veux 
clorre  ce  diicours  par  les  paroles  de  laques  Coler  Do- 
âeur'&  Frefcheur  au  MarquifatdeBrandebourgjqui  en. 
ipubLic  vn  cÇcm  en  Aleman.  Apres  auoir  exhorté  les 
Alcmans  de  quitter  toutes  diilolutions^exces  &  dcsbau- 
ches,en  habits  principalement:puis  tous luremens,  exe- 
crati6s,imprecations,finalementil  condâne  &dctejfte  U 
mefchante  couftume  de  fon  pays  ;  où  quand  quclqu'vii 
veut  maintenir  que  ceci  ou  cela  eft  véritable  ,  il  dit  in- 
continent, Si  ainli  n'eÛ,  que  tel  &  tel  diable  m'emporte. 
Quand  on  veut  ibuhaiter  mal  à  quclqu'vn  c'eilàprier 
que  plufieurs  pipes  de  diables  puiffent  lui  entrer  au  ven- 
tre, &  y  demeurer  (î  bien  clos,que  nul  n'en  puilTe  fortir. 
De  là  vient  (dit-il)  que  l'on  entend  maintenant  à  Span- 
davv,d  Friberg,  &  autres  villes  du  Marquifat  de  Brande- 
bourg,les  diables  s'efcrier.  Vous  nous  auez  appeliez  de- 
puis vn  téps,forcenous  aeftc  de  venir,nous  voici.  Vous 
ii'auez  tenu  conte  de  vos  fupcrieurs,  &:  vous  nous  obéi- 
rez, vueillezou  non.Nous  vous  prcfcherons l'amende- 
»ient  d^-viçj  quoi  que  contre  goitre  gré.   Coinmç 


î/S'o  Hijloires  admirables 

le  malin  crpric  vouloir  faire  noyer  vue  fille  de  Sçtti^ 
davvjl.iquclle  ilpoiTcdoic,  &  quelques  gens  de  Bieîi 
s  y  opporafieiit ,  allcguans  i'hifloire  des  Gadareniens,es 
pourceaux  defqucls  les  diables  n'auoyent  peu  entrer 
que  parla  licence  &  pcrmifîion  de  IcfusChriil  :  le  dia- 
ble cftendant  les  doigts  commence  à  dire,  Vouseftc? 
CCS  pourceaux  là  puis  que  vous  ne  cclfez  de  gourman- 
de: &  d'yurongner,  vous  ci^cs  en  ma  puifîance.  Les  au- 
fies  enquis ,  pourquoi  ils  tourmentoyent  ainlî  les  créa- 
tures de  Dieu,  rcfpoildoyent ,  Le  Souuerainle  nous 
commande.Vous  ne  voule?  ercouter,obcyr,croire,prier: 
pourtant  Ibmmes  nous  vos  bourreaux.  Ce  nousell  pci- 
îic  &  douleur  d'cftrc  contraints  de  vous  parler  de  chan- 
£;ement  de  vos  mefchaiiccte?..  Le  Dofleur  Horft  mon- 
îire  par  diuerfes  rnifons  que  cefte  reiurreclion  de  morts 
fufmcntionnee  ell  diabolique  ,  &  telle  que  l'apparition 
d'vn  f^ujx  Samuel  eu oqué  parla  Necromantiennc men- 
tionnée en  rhiftoire  fainCte  :  &  en  tout  le  refte ,  piouuc 
qu'en  tout  ce  fait  Tondefcouure  rimpofture&  fureur 
Je  Satan  execureur  redoutable  dc3  iuftes  iugemens  de 
Dieu. 

DENT  D'OR  enkhcnched'vn 
ieune  enfant  de  Sile fie, 

VN  payfan  nommé  lean  Muller  charpentier  &  muf- 
nier  de  Ton  eftat,demeurant  à  VVeigeldorff,  villa- 
ge deSilcfie,  apartcnant  a  vn  gcntil-hôme  nommé  Fri- 
dcricde  Geihorn  ,  fouslarouucraincté  de  l'Empereur, 
print  à  femme  vne  nommée  Hcdvvigk,  d'Enderfdorfi", 
village  en  la  Duché  de  Brcflavv  aumefme  pays.  Ces 
deux  mariez  viuans  honell:en>ent  &  fans  reproche  en 
leur  bafle  condition  eurent  vn  lîls  qui  leur  nafquit  le 
aa.  iour  de  Décembre  1585.  fut  baptife  quatre  iours  a- 
pres,nommé  Chriftoflcfoigneufemcnt  cHcué,  puis  l'an 
i^pj.enuoyé  à  l'efcbole  du  village  auec  les  autres  en- 
fans,   Vnpcu  deuanc  Pafques^  çciuùje  filiq  4cic<)uure 


ér?nemorahlesl  i^i 

<ju'à  ce  ieune  enfanc  aparoilToit  la  dernière  <iétmafchc% 
liere  du  cofté  gauchcjd'or  affez  luifant  :  piufîeurs  autres 
incontinent  vnent  le  mefme.  Soudain  le  bruit  de  cela 
s'efpand  de  telle  forte ,  ciuclcs  Ducs  deSilefîe  ,  de  l.i-' 
gjuts,  de  Brige,  de  Munllerbevg,  &:c.  piufîeurs  gentils- 
hommes &  citadins  le  firent  apporter  ceft  enfant  pour 
le  voir.  Entre  autres^monfieur  André.KuefoucdelNifre, 
grand  gouuerneur  de  Silelicde  fît  venir  exprcz  vers  lui  ^ 
Niffe,  &  par  les  chirurgiens  fit  artentiuemér  côfîdtrer  la 
forcera  matiere,torme  &  difpofîtion  de  cefte  dent.  L'aii 
1594.  au  mois  de  Septembre  cilantallé  en  Silelie  pour 
vendre  quelque  maifon  que  l'auois  à  Sueidniz ,  &  m'e- 
ftant  arrefté  a  Reihcnb;?cJi,  ville  dillantedvne  heure  de 
cheminloinde  VvcigeldcrfF,  l'obtins  aifement  de  Fri- 
deric  de  Gellion ,  duquel  ie  medicamentoisle  fîls  niaia» 
de  ,  que  ceft  enfant  me  fuft  amené  par  fa  mère  au  logis 
de  Melchior  Horft  notaire  mon  parent,oii  auec  les  prin-' 
cipaux  du  lieu  ,  ie  rcgr.rdai  vn  matin ,  deuantle  djfné, 
bien  attentiuemét  par  deux fois^ccfte  dent  d'or  de  Chri- 
ilotîe.aeren-' poigne  de  mes  doigts,ie  la  touche  ScremuiS 
de  cofté  &  d'autre:  mais  iela  trouue  ferme  &  immobile. 
Lui  ayant  fiiit  ouurir  la  bouche,  ie  voy  Tor  luifantd'i- 
celie  dent;,qui  eftoit  la  dernière  mafcheliere  ;,  en  la  maf^ 
choire  d'embss  du  coftë  gauche ,  eitant  vn  peu  plus  ef^ 
paifTc  que  les  autres  maichelieres,  mcis  de  mefme  forme 
6:  hauteur  que  les  autres,  ayant  la  genciue  entière  ,  mol- 
lc;rouge,&  tellcqu  ilconuient.  le  remarque aufJVqu'en 
ce  temps  l'enfant  aagc  de  huid  ans  auoit  toutes  fes  ^cts, 
excepté  la  mafchjeiicre  proche  de  cellcd'or  j,  qui  par  ce 
moyen  pavoiiroit  encore  mieux  par  vne  fpeciale  proui- 
dcncedeDicu.  Sur  ce,  eftant  en  doute,  s'.'l  mcfchoitdc 
celle  dent,  comme  des  autres,  ie  priay  mon  hoftc  de  fai- 
re difner  la  mère  &  l'enfant.  Ils  n'auoyent  pas  atheué, 
queie  r'appelleles  principaux  delà  viiie  ôcenleurpre- 
fcncei'ouurc:  la  bouche  à  l'enfant,  &  trouue  encore  dd 
la  viande  mafchee  (ur  ceft.e  dent  d'or.  leluifailorslauer 
la  bouche  auec  eau  pure,  &d'vne  pierre  de  touche  le 
irottcla  dent,  &  trouue  quel'.r  approchoitdu  carat  de 
ççlui  de  Hongrie.  Au  refte^ceft  enfajjceiè  de  complexée». 


r. 


16  z  Hijlûtres  admirables 

chaude  &  feichcle  corps  grcHcdc  belle  taille,  de  vif  cC 
prit,  paifîblc  &  forttraitable,  ftudieux  mcrueillcufc- 
rient  :&falutquc  ic  lui  donnaflc  deux  liurcs  qu'il  nie 
demanda.  I.  Uorfi  y  Doîkur  Alcdccimcn  fou  dtfcours  hijhn- 
qiic  ^  Philofophiqttede  U  dsnt  d^or  de  Voifint  Silejten, 

DES  ESPEREZ. 

VN  dercfpere  de  noftre  temps  difoit  en  mourant(cn- 
tre beaucoup  d'autres  difcours horribles  )  qu'il euli 
dcfia  V  oulu  eftre  en  enfer.  Et  enquis  de  la  caufc  d'vn  ii 
mcfchant  deiir  :  pource  (dit-il)  que  rapprchcniîon  des 
tourmens  q*ii  m'y  attendent,  me  font  de  celle  heure- 
xn  double  enfer:quand  ie  ks  fentirai  du  tout,ie  n'atten- 
drai plus  rien,  l'ay  ouy  vn  autre  defefperé,lequel  ellant 
ïemonftré&  exhorté  de  feconueitir  de  latrop  viueap- 
rehenfion  duiugementde  Dieu  à  la  mifcricorde,  qui 
ui  eftoit  fort  amplitiecrefpondoitfort  froidemét,  vous 
<iites  vray,  Dieu  eft  Dieu,mais  de  les  enfans ,  non  pas  de 
moi  :  fa  mifericorde  eft  certaine  ,  mais  à  Ces  elleus,  &  ie 
fuis  reprouué  ,  icfuis  vaifleau  d'ire  &  de  maledidiion  ,  & 
défia  ie  fens  le  tourment  des  enfers.  Quand  on  Texhor- 
toit  d'appeller  Dieu  fon  père,  &  lefus  fon  Sauueur ,  ma 
bouche  le  prononce(diloir-il)mais  mon  cœur  en  a  hor- 
reur, le  croy  bien  qu'il  Teft  des  autres,mais  non  pas  de 
moi.  Quand  on  lui  reprefentoit  qu'il  auoit  leconu 
DicUjOui  fa  parole?  communiqué  aux  facremens  :  il  rel- 
pondoit,  Oui,maisi'eftois(adioull:oitil)  vn  hypocrite, 
coulpable  de  beaucoup  de  blalphemcs  contre  Dieu. 
Puis  retournoir  a  fcn  ordinaire ,  le  fuis  vaifleau  préparé 
à  ire  &  damnation  :  ic  fuis  damné,  ie  brufle.  H.  Belon  ait 
threfor  de  famé  Chreftiewje, 

Vn  dofte  perfonnage  à  Louuain  nommé  M.Gucrlach 
ayant  efté  auancé  tellement  à  l'cfrude  qu'il  elloit  des 
premiers  entre  lesfç'-uâs  de  noftre  temps ,  atteint  d'vne 
gnefue  maladie,  neeclfoitdc  foufpirer,  &  fe  fentanc 
près  de  fa  fin,  commença  à  defcouurir  le  fond  de  ï^ç:^ 
roufpirs,  dil;yitdesparoWefpouuancablç$ ,  que  gens 

d^fcfi 


cf  memora  Mésl  i6j 

cîererpcrez  ont  acouilumé  de  proférer  :&  continuant  de 
s'ercricr&  lamenter  qu'il  auoit  mal-hcureulemcnt  vef. 
eu,  qu^ilnc  pouuoit  foulicnir  le  iugcment  de  Dieu: 
d'autant  qu'il  conoifloit  Tes  péchez  eftrc  R  graiid>,que 
iamais  il  ne  pourroit  en  obtenir  pardon  :  de  forte  qu'ea 
celle  deftrcfTc  il  mourut  accablé  d'vn  horrible  defc- 
fpok.HJenoftre  temps. 

M.ArnoulBomcl,  perfonnage  dofte  au  mefinelieirV 
s'eilant  laifle  imprimer  au  cerueau  par  certain  Sophiftca 
des  opinions  cllrangcs  touchant  noikefalut,  commen- 
ça à  deuenir  comme  farouche  &  hebeté.  Vn  iour  eftanc 
forti  de  Louuainjauec  trois  cicholiers  ,  comme  pour  fa 
|>romener , fur  le  retour  en  la  ville  s'affit  auprès  dVnc 
fontaine,feignâtferepofer.  Les  efcholiers  alloyent  va 
peu  deuant  fans  fe  douter  de  lien.Cepêdant  Bomel  teic 
fecrettement  vn  ûen  petit  co ufteau ,  &  s'en  frappe  bien 
àuantdansIapoidrinc.D'aucrepartlescfchohersretour-" 
nans  vers  lui  aperceurent  qu'il  felaifloit  cheoir,&  acou- 
rans  virent  la  fontaine  rouge  de  fang.Ils  s'approchent» 
tout  efFray  ez:ie  regardent  par  tout  le  corps,&  defcouurâs 
laplaycl'emmenentau  mieux  qu'il  leur  fut  poflible  en 
vne  maifon  prochaine:&  doutans  fî  laplaye  efioitmor- 
tellc,rexhorroycnt  à  crier  merci  à  Dieu  ,  de  ce  qu'il  a- 
uoit  ainfi  forfait  à  foi-mefmc.Il  monftroit  (ce  leur  fem- 
bloit)quelque/ïgnedc  deplaiiîr,  tant  par  contenance 
extérieure;,  que  par  quelques  mots  prononcez  de  voix 
ianguiffante.  Mais  fur  ces  entrefaitcs:,apcrceuant  vn  cou-. 
ilcau  qui  p-cndoit  en  la  ceinture  de  Tvn  de  ces  trois  ef. 
cholicrsjil  s'en  faifît  de  villeife,  &  s'en  donne  Ci  ferme 
iufques  au  cœur,  qu'il  expira  fur  le  champ.  La  mefme. 

M.Iaques  Latomus,rvn  des  principaux  do<ftcurs  ds 
TAcademie  de  Louuain, ayant  en  vn  femion  dcuanc 
l'Empereur  Charles  le  Quint  perdu  toute  parole  Se 
CDnucnablea<fcion,s'en  retournant  honteux  &  confus 
de  Bruxelles  à  Louuain,toit  après  entre  en  telle  appjrc- 
henfion  de  ce  deshonncur,qu'il  tomba  en  defefpoir,dôt 
il  rendit  plufîeurs  tefmoignages  en  public:  cequiin- 
i^i^i  fcs  compagnons  à  ie  fee  ter^r  fermé  de<iaH^ 

I.    i 


1^4  mjloires  admirables 

fa  maifon.  Depuis  ce  temps  iniques  au  dernier  roufpli 
«k^favicilcpauure  Latomus ne tcnoit  autre  propos,  /î- 
Bon  qu'il  clloit  rcicttc  de  Dieu, qu'il  eftoit  damné,qu'il 
n'efperoit  plus  aucun  falut,  ni  pardon^  comme  ayant  de 
certaine  malice  bataille  contre  la  grâce  &  vérité  de- 
Dieu. 11  mourut  en  fe  defefpoir ,  &  ne  fut  pofliblc  ni  aux 
Medecnis  du  corps  m  à  les  amis  de  lui  faire  changer  d'a- 

Sur  la  hn  de  l'an  T548.fetrouua  en  vnevillettc  du  ter- 
ritoire de  Padouè" ,  nommée  Ciuitelle  ,  vn  do«fle  luriC- 
confulteSc  Aduocatjhommefngejriche  honorable  perc 
de  famille,  nommé  Francifque  Spicra  lequel  ayant  dit 
&  fait  contre  fa  confciencediuerfcschofespour  mainte- 
nir foi  &  les  fîcns  au  monde, eftant  de  retour  en  fa  mai- 
fon ne  peut  oncques  repofer  vne  feule  hcure,non  pas  v- 
ne  feule  minute  de  temps,nifentir  aucun  allégement  de 
rançoifie  qu'il  auoit  en  fon  cfprit.  Et  mefmes  des  cefte 
iiuiS:-la,il  fut  tellement  eftôné,  &eut  fî  grande  horreur 
de  fon  fait,qu'il  fc  tint  pour  perdu.  Car  (  ain/î  que  lui 
mefnie  confcfla  puisaprcs)il  voyoit  clairement  deuanc 
Tes  yeux  tous  les  tourmens,  toutes  les  peines  àcs  enfers 
&  desd.âncz,  &  oyoit  desfentences  redoutables  en  foa 
amc  jtiré  deuant le fîege iudicial  de  lefus  Chrifl.Le  len- 
demain &  les  ioursfuiunnsjilfut  impoffibledele  voir  re- 
prendre courage  ou  rcfpit:au  contraire  fon  efprit  cftoic 
ellrangcmcntagitCj&la  terreur  qui  renuironnoit,luio- 
ôoit  aufli  le  repas  &  le  repos.  C'eiUnconucnient  fut  fî 
grief  à  tous  fes  amis  &  domeftiqucs,  qu'aucuns  fe  re- 
pentoyenr  grandement  d'auoir  cllécaufce  d'vn  C\  gràd 
mal  par  leurs  prières  &c6fcils.  Lcsautresj,eftimans  ce- 
la procéder  de  quelque  humeur  cholérique  ou  melan- 
choliquc,  (dont  les  cffefts  font  ellrangcs  fouuentesfois 
cscerueaux  qui  en  font  trop  rudcir.ent  atteints)  furent 
d'auis  de  l'enuoycr  à  Padouc,pour  y  eftre  medicamérë 
par  les  do(fles  Médecins,  refîouy  &redrelVé  par  les  Ho- 
norables compagnies  &  cômunications  des  gens  fçauâs 
qui  y  eiloyent,&  d'aucuns  defquels  il  eftoit  conu.  Sa 
femme,  fes  cnfans,&  quelques  plus  familiers  amis  l'y  a-. 
t6pagnerçtp&  futlogé  ea  vu.ç  dcspriocipalcsmaifons. 


cf  mémorables.  k^j 

FiiTimilega,Bclloquat,  &Craflus  renommez  &  cxcel- 
Icns  mcdccins,le  vilitereiit  &  traitcerent  de  fîngulierc 
aftcélion  :  &conurentbien  toft qu'il  n'eftoit  comme 
point  malade  au  corps,mais  griefucmêc  en  l'ameicar  en 
toutes  autres  chofes  &  propos  ilparloit  &  iugeoic  gra- 
iicmentôc  conftamment  en  forte  que  nul  de  fesgius  fa- 
miliers ne  pouuoit  conoiftrc  que  la  viuacité  du  dif^ 
cours  fut  diminuée  en  lur,  ou  que  fa  raifon  fut  afoiblie 
en  forte  quelconque.  Perfcuerantdonc  en  fon  angoif^ 
fe  continuelle  ,plufîeurs  en  furent  grandemêt  efmeus, 
&  tous  les  iours  fa  chambre  cftoit  pleine  de  gens,  les 
vns  curieux  de  voir  &d'ouir,  les  autres  (  mais  en  petit 
nôbre)dc/îreuxdeleredreller  en  bon  efpoir  de  la  mi- 
fericorde  de  Dieu  Je  fusprefent  à  pluficurs  de  cespro* 
posjauec  quelques  homes  d'hôneur  &  doftes.  Pour  dire 
cequeiepeuxyremarquerriecômençaipremiereméta 
côfiderer  fon  aage,&  toute  fa  façon.  Il  eftoit  d'enuiron 
jo.ans,eflongnédcs  bouillons  &eflansdeieunefl*e;,  & 
du  refroidiflement  de  vieillefTe.  Rien  nefortoitde  fa 
bouche  quifuft  dit  legeremeiU,ou  fottement,  ne  qui 
defcouuriftaucûfigne  derefuerie  enlui;quoiquetous 
les  iours  il  deuifail  de  chofes  graues&  importantes  a^ 
uec  lesdodes,&  qu'aucuns  propofalfent  des  queftions 
hautes;fur  tout  en  Theologie.Ie  reciteraribriefuement 
quelques  vns  des  propos  qu'on  eut  auec  lui ,  durant 
fon  feiourà  Padoue:&  n'oublierai  ceilui-ci,qu'ildecla-i 
roit  de  fcns  raffis  qu'il  voyoit  la  vengeance  de  Dieu  e- 
ternelapareillee  manifellement  contre  le  péché  qu'il 
auoit  commis.D'autant  qu'il  fentoit  bien  en  foi  que  les 
chofes  que  Dieu  a  données  aux  autres,  pourre/îouir 
leurs  efprits,&  pour  bien  &heureufement  viure,auoyét 
toutes  confpiré  contreluien  defpit  de  fon  forfait  exe- 
crablc.Car  combien  (difoit-il)  que  Dieu  pourvn  grand 
bénéfice  euft  promis  à  plufîcurs  fainds  perfonnages 
belle  lignée  &  grand  nombre  d'enfans,en  l'amour  Se  o- 
beifl'ancedefquelsils  peufibnt  ferepofer  en  vieillefle, 
&  qu'il  n'y  euft  rien  de  plus  doux  que  ce  bien  en  la  vie 
prcfente:toutesfois  au  milieu  de  ces  maux  jles  mains  8c 
les  faces  4c  ces  enfanslui  e^ftoyejit  auflî  horribles  c^uç 

J-  3 


^^6  Hijloirs  admirables 

celles  desbourreaux.  On  ne  fç.iuroit  bonnement  cxpri* 
mer  combien  d'angoifrc  &  fafcheric  il  monftroit  rece- 
noir  quand  fcs  cnfans  lui  aportoyent  à  manger ,  le  fai- 
fant  aualcr  par  force  la  viandc,&  le  menaçant  lors  qu'il 
la  rcfufoit.Il  côfefioit  que  ces  cnfans  faifoyent  leur  de- 
tioir:&:  neantmoins  prcnoit  le  tout  en  mauuaifcpartjdi- 
fant  qu'il  ne  recQiioiiroit  plus  Dieu  pour  père ,  ains  le 
ledourant  corne  aducrfaircarmé  de  vcngeance.Caril  a- 
iioit  eflé  trois  fcmnines  en  ccftcapprehcnfîon,quandil 
tlifoit  CCS  chofcs.fhns  rien  boire  m  mâger,{;non  ce  qu'ô 
luifailbir  entrer  à  force  par  la  bouchc,&  qu'il  prenoit 
r.  grande  difficulté, y  rcfiftant  de  tout  l'on  pouuoir  ,  re- 
iettât  &  crachant  ce  qu'on  le  cÔtraignoit  de  prédr-cAu- 
eus  des  afiiitaps  furent  d'auis  de  lui  faire  peur,  pour  le 
difpofer  mieux  à  rcceuoir  pafture  à  l'ame  premieremêt, 
puis  au  corps:&  lui  demandèrent  s'il  craignoit  point  de 
plus  arpres'&  plus  grands  tourmens  après  cefte  vie,que 
ceux  qu'il  fcntoit  lors^Il  confefl'a  qu'il  en  attendoitde 
"beaucoup  plus  arpres,&  les  auoit  dcfia  en  horreur  :  tou- 
tesfois  qu'il  ne  fcuhaitoit  rien  tant  que  d'y  eftre  fi- 
Tialemétprecipité,aHn  de  ne  plus  craindre  d'autres  plus 
griefs  tounnés.  On  lui  demâda  cncores.s'il  cftimoit  que 
îbn  péché  fuft  fi  cnovnic,  qu'il  ne  pcuft  eftre  pardonné 
par  la  mifcricorde  t<  bonté  infinie  de  Dieu?  Sarefponfc 
fut  qu'il  auoit  peçhé  connc  le  S.  Efpritipeché  \\  grand, 
*]u'il  eft  appelle  pechc  à  la  morr.c'eft  à  direailrint  à  la 
vengeance  éternelle  Je  Dicuj&  aux  peines  d'enfer.  De 
cfuoi  ce  paiiurc  mal-henreux  dî(couro;tamplement,di-^ 
5crtement,6i:  trop  fubtjlcment  contre  foy-mefine.  Les 
hommes  dodes  &  craignans  Dieu, qui  lui  afllftoyent 
?ie  iaifTerr.nttelmoignaee aucun  en  arrière,  dont  l'on 
puifrealfcarcr  vne  conicience  eitonncc,  que  Dieu  eft 
mircricordieuxjbcnin  ,  prompt  &  affcdionné  à  pardon- 
ner. Mais  ces  tcfmoignagcs  ne  pouuoycnt  le  diuertit 
<ie  Ion  opinion  :  &  n'eftoit  pofîlble  arracher  autre  cho-, 
fc  de  îuijfinon  qu'il  voudroir  bien  &  defiroit  fort  pou- 
noir  retournera  quelque  efperancedepardon.  Mais  il 
m'en  prend (difoit-iljcomme  aux  criminels  enclos  ea 
prifon  bien  fçrrçe,  enferrez  de  fortes  chainespar  \i:s 


drmemorahles,  16*7 

jjîeds  &:  les  mains.  Qu^elquesfois  ils  font  falfiez  p^r 
leurs  amis  pafTanS;,  qui  les  admonelleiic  de  rompre  leurs 
fers  s'ils  peuuciit,  &  dé  tromper  leurs  gardes  pour  fc  fau- 
uer.  Telsprifonniers  dcfîreroyent  fuiure  ce  confcihmais 
c'eil;  vn  vain  defîr.  Aufli  eft  le  mien,  difoit-il.  Qu^anr  aux 
paiîages,qui  lui  cftoyent  alléguez,  touchant  l'adedioa 
miiericordieufe  de  Dieu  le  Père  à  caufe  de  fon  fils  le- 
fus-Chrirt^il les  auouoic,  adiouftat  qu'iceux  apartenoyêt 
feulement  a  ceux  que  lefus  Chrift  reputoit  Tes  frères 
&.  mcmbres:mais  quant  à  lui ,  qu'il  auoit  renoncé  ccfte 
amitié,  &  de  fon  propre  gré  reietté  toute  alliance  frater- 
liclle:&  qu'il  n'ignoroit  point  en  combien  grande  tran- 
quilité  &  repos  d'efprit  pouuoyent  eftre  ceux  qui  auoy- 
ent  vne  fois  cmbraffé  les  promefTes  de  falut,  &  fc  repo- 
foyentincefTammentenicellcs.  Pour  confirmation  de- 
^uoy  ce  trifle  fien  inconueniêt  (di (oit-il) eftoit  propofc 
pour  exemple  deuant  les  yeux  de  tous:ques'ilscftoycnt 
fagcsilsne  deuoyent  eftimer  cclacliofe  légère  ou  fui- 
uenueàrauanturemiaisaprendrecn  fa  ruine,  quel  dan- 
ger il  y  a  de  fe  dclliourner  tant  peu  que  ce  fdit  de  ce  qui 
aparticnt  à  la  gloire  du  fils  de  Dieu.  Adiouftant  que  c'ç- 
ftoit  vn  paffage  dangereux  &  gliifant ,  voire  tref-redou- 
rable  à  quiconque  ne  feroit  foignçufement  fur  fes  gar-* 
des.  Outre-plus,  d'autant  que  tels  euidens  exemples 
de  la  vengeance  de  Dicufcprefentoyent  rarement  aux 
yeux  des  hommes,  d'autant  plus  attentiuement  meii- 
toyent-ils  d'eftre  confîderez.  Qu'au  milieu  de  ce  grand 
nombre  de  reprouuezau  monde,  fa  calamité  n'eftoic 
point  particulière  ;ains  que  la  punition  &  ruine  de  lui 
feul  fuffifoit  i  Dieu,  iufte  iuge ,  pour  aduertir  tous  Içs 
autres  depenfer  à  eux.Il  adiouiloit  ençrorc,  qu'en  cela  il 
reconoifloitia  feuerité  du  iugement  de  Dieu,lequel  l'a- 
uoitchoifî  pour  le  produire  en  fpeélacle  pluftoft  quq 
quelque  autre  :  afin  de  dire  à  tous  par  la  voix  d'vn  qu'ils 
s'abftinfcnt  de  toute  impiété,  confefiant  en  outre  qu'il 
n'y  auoit  opprobre  ni  fupplice  qu'il  n'euft  bien  mérité, 
3  caufe  de  sô  forfait  fi  énorme.  Apres  auoir  fur  ce  poin6t 
«lifcouru  fincerement&  crânement  delà  iuftice  diui" 
;}C^iI  dit  ençprcp  (^u'ilnp  iaiiloit  pas  ciouuer  cilrafigç  ^ 


€(d^  Hijloires  admirables 

long  propos fîcn ,  touchant  la  vraye  raifon  cîc  la  volon- 
té de  Dieu;  veu  cjuc  bien  Ibuucnt  Dieu  a  celle  couftu- 
me  d'arracher  de  la  bouche  des  rcprouuez  des  tcfmoi- 
gnages  tres-veritablcsde  fa  Maiefté  ,  de  fa  iufticc,  de  fa 
vengeance  redoutable:  comme  on  void  en  ludascon- 
feflantfon  propre  peché,S<:iuftifiant  Ton  maiftre.  Tenâc 
plufieiiH'»  propos  fur  cefte  rcntcnce,&  voulant  monftrer 
qu  el  abyline  c'edoit  que  des  iugemens  de  Dieu  :  il  y  en 
a  (diroit-il)aurqucls  toutes  chofes  viencnt  tellcmenc 
à  fouhait  qu'ils  vjuent  en  toutes  délices,  fans  crainte  ni 
aprehcnnon  d'aucun  mal,  comme parucnus  au  comble 
de  toute  félicite  :  qui  toutes-fois  font  enrôliez  à  perdi- 
tion,dontIcfus-Chrill  propofe  l'image  en  ce  riche  iou- 
ilTant  de  tousplaifîrs  à  cœur  faoul  au  monde,  &  après  fa 
•  mort  fe  trouuant  tourmenté  en  enfer  :  comme  il  en  eft 
parlé  aufeiziefme  diapitre  de  l'Euangile  félon  fainft 
Luc. Que  Dieu  propofe  fouuentvnc  efperâce  de  loyers 
au  genre  humain,  pour  l'attirer  à  la  droicle  croyance  de 
fa  fainde  volonré:bien  fouuent  aufll  il  vient  le  deftour- 
ner  d'impiété  par  prodiges  &:  fîgnes  efpouuantablcs.  Et 
toutcsfois  comme  l'impiété  eft  naturelle  aux  hommes, 
ils  ne  font  point  leur  profit  de  telles  inftrudions,  &  ne 
penfent  point  que  cela  les  touche  :  au  contraire  le  rap- 
portent à  toute  autre  chofc  qu'à  la  fageffe  de  Dicw, 
pour  le  craindre  &reueicr.Sur  ce  propos  ilfit  vne  afpre 
inuedhuc; contre vn  certain  philofophe,  lequclilauoit 
conu  plus  de  vingt  ans  auparauant ,  en  ccque  cemoro- 
fophe  auoit  efté  C\  iinpudentde  dire  en  fes  leçons,voire 
cfcrire,  &  publier  par  îiures  imprimez ,  que  tous  les  mi- 
racles que  lefus-Chrift  auoit  faifts  en  terre  ,  pourroyeiit 
bien  auffi  eftre  îàhs  par  vn  homme  qui  feroit  fçauant 
€s  chofes  naturelle:;. 

Il  feroit  mal-aifc  de  reprefenter  l'esbahiflementdonc 
cftoyentfurpri^,  &  de  quelle  compaflion  fe  trouuoyent!* 
efmcus  ceux  qui  venoyent  le  vi/îter,  pour  les  propos 
qu'ils  entendoyent  de  fi  bouche.  Chacun  s'efForçoitde 
franche  atîedion  à  remcncr  ce  pauurc  homme  à  quel-  -j 
que  fiance  de  fon  falur.  Entre  tous  autres  ,  s'en 
trouua  yn  ;  perfonnagc  vcneiabk   pour  la  famftc- 

té  da 


(jr  memorahles.  i^^9 

té  de  vie,  lequel  ne  bougeoir  prekjue  du  Uà  du  ma- 
lade. IceluicftoitEuelquede  Capod'Iftria  ,  furies 
terres  de  Venicierrs.  Il  ne  cefToit  d'exhorter  Spicra^ 
&parfrequens  tefmoignagcs  de  rEfcnture  fainde  cf- 
fayoitledeftourncrdcfonapprchenhon  :  le  fuppliant 
parleur  amitié,  par  fa  chanté enuers  fa  femme  &  fes 
cnfans,&  autant  que  fon  falut  lui  dcuoit  eftrc  preciciiX;, 
qu'il  euft  efgard  à  foy-mefme  ,  qu'il  imprimai!:  en 
l'on  cœur  l'efperance  &  la  fiance  de  falut  par  lefus- 
Chrift.  Adiouftant  qu'il  ne  lui  fembloit  pas  que  fon 
efpfitfuft  du  tout  vuide  &  deftitué  de  quelque  bonne 
&  celefte  infpiration ,  veu  qu'il  parloit  fi  faindement 
&  dcuotement  de  l'excellence  de  la  rehgion  Chrcitieii- 
ne.  Or  combien  que  le  mahide  conufl  que  ces  re- 
monftrances  procédaient  dVn  cœur  fîncere  &  entier: 
toutesfoispource  qu'il  les  auoit  purauant  &  à  diuerfcs 
fois  rebutées  ,  il  commence  à  ce  renfroigner,  &  dit 
i  l'Euefque  :  Vous  croyez  ,  comme  iepenfe,  queie 
nourrifle  de  mon  propre  gré  celle  obllination  en  mon 
tfpiit,  &queieprene  plaifircn  cefte  véhémente  paf. 
fîon  de  defefpoir.  Si  vous  en  elles  là  logé  ,  ceft  abus. 
le  vous  dirai  feulement  (  afin  que  vous  fçachiez  où  l'en 
fuis)  que /îiepouuoisme  pcrfuadcr  que  le  ingénient 
deDieupeullpar  quelque  moyen  ertrc  changé  oua- 
douci  en  moi,  il  me  defplairoit  d'cftre  tourmenté  dix 
mille  ans  entiers  des  plus  afpres  peines  d'enfer,  afin 
.que  quelque  efperance  de  repos  m'aparufl  au  bout  de 
ce  long  terme.  Mais  en  cela  niefmepar  le  moyen  dc- 
quoyvous  m'exhortez  de  cueilHr  quelque  efperance, 
ie  voi  que  toute  attéte  de  falut  &  de  pardon  m'cll  oilec. 
Car  fi  les  tcfmoignagcs  de  l'Efcriture  fainâ:c  ont  quel- 
que authorité  (  comme  ils  ont)  pcnfcz-vous  que  Icfus- 
Chnltaitditenvain,  Qifil renoncera  deuanr  fon  Pcre 
celui  qui  l'aura  renoncé  dcuant  les  hommes  ?  Voyez<^ 
vous  pas  que  cela  m'apartient ,  &  qu'il  cft  comme  parti- 
culièrement vérifié  en  ma  perfonne  ?  Qu'auicndra-il  i 
celui  que  le  Fils  aura  defauoué  deuant  le  Père ,  quand 
Vous  dites  qu'il  ne  faut  efpcrer  falut  finon  en  Tefusr 
Chrilt?ll  cxpofa  la  deffus  quelques  paflages  de  rcpiiUc. 


^7^  Hijloires  admirables 

aux  Hebricux ,  &  delà  féconde  epillrc  Catholique  de 
lai n 61  Pj erre,  defqucls  il  tiroic  des  terribles  cbnclu/Ions 
contre  foi-mefine.  On  ne  fçauroit  croire  de  quelle 
'£rauitc&  vehcmcnccfa  parole  elloit  acompa^nee  :  & 
n'ouyt-on  lamais  homme  mieux  plaidant  pour  foi, 
*:|ue  Spicra  fit  lors  contre  foi.  Ilalleguoit  chofes  tre.s- 
iiotableçdclaiurticede  Dieu,  dcteilant  fa  vie  pallcc: 
admoncftant  fort  exprès  tous  ceux  de  la  compagnie  de 
*ie  penfcr  point  que  la  vie  Chrefticnne  fuft  chofc  legc- 
îe  &  de  petit  acquit.  Que  ce  qui  fe  rapporte  à  icelle^^c 
confiftc  point  en  auoirla  tefte  baptifce ,  lire  des  verfets 
&  du  texte  de TEuangilc,  &s'appeller  homme  debien: 
fnais qu'il  eiloit  befoinde  viure  ielon  queladodrine 
ide  vérité  le  commande.  Sur  ce  il  recita  vn  paflage  ds 
ïaind  Pierre,nouv  exhortant  à  monftrer  par  faindeté  de 
^ie  des  fîgnes  certains  de  la  bien-vucillancc de  Dieu  en- 
tiers nous,  &  de  la  confiance  que  nous  deuons  auoir  eji 
îui.  Difoiten  outre  auoir  vcu  plufîeurs,  qui  après  auoir 

f;oufté  les  douceurs  de  la  vrayc  vérité  ,  fe  laifloyent  tel- 
emcnt  aller  qu'il  ne  leur  chaloit  plus  de  faire  ce  qui  eil 
f^\x  deuoir  dVn  enfant  de  Dieu.  Proteftoit  auoir  elle 
-«^uelquesfois  en  ccfte  pcnfee  ,  que  Tes  péchez  efloyent 
sachez,  &  qu'il  n'en  pourroiteiîre  puni  :  pourceque 
Chrill:  auoit  fatisfaiï  pour  iceux  :  mais  pour  lors  il  co- 
ïioiiîoit  trop  uird  que  ces  chofes  apartenoycnt  aux  c- 
ïîeus  de  Dieu,  encre  les  péchez  dclqucls  &:  le  thronc  ce^ 
icllc ,  Icfus  Chriit  met  fon  fang  précieux  &  la  dignité 
<ie  fon  obciiTance,  comme  vn  voile  p  our  les  cacher  :  & 
les  plantes  à  la  rencontre  de  la  vengeance  diuine,ainfî 
quVn  haut  &  ferme  rcmpar,afia  q.uclcs  pecheursrepen- 
.xans  nefoyent  acablez  &  noyez  du  déluge  de  leurs  of- 
fcnfcs.  Qu^ant  X  lui,pui:^  vju'il  auoit  renOcc  lefus  Chrilî, 
il  auoit  par  manière  de  dire  démoli  ce  rcmpfir  de  fes 
propres  mains  :  tellement  qu'après  cefte  ruine,  1  abyfiqe 
ii'eaux  de  cçfte  vengeance  auoit  couucrt  5ç  englouti  fqn 
,*tme. 

Vn  de  fes  plus  familiers  dit  là  defTus  ,  qu'il  cftimoiç 
l.-caufe  à\-i\  fi  grand  tourmentproceder  d'abondance 
ri'hunicarmsjancholique,  (jui  lui  troubloic  »iuii  Je  cer-, 


(Cf  mémorables.  17 1 

ucau.  Spicra fe  fouiicnant  d'auoir  defîa  plufieurs fois 
amplement  refuté  ceftc  opinion,&  voyant  cjuc  c*eftoit  à 
lecommcnccrjdit  à  l'autre,  Vous  pcnlerez  ce  qu'il  vous 
plaira:  maisvrayemcnt  Dieu  m'a  bien  troublé  l'efprit, 
priucde  vrayeraifon  ,  puisqu'il  m'cft impoflible  d'a- 
uoircfperanccdemon  falut.Ayantpcrfeucré  en  tel<î  & 
fcmblablcs  propos  durant  Ton  fcjour  à  Padouè,on  le  rt-> 
porta  en  Ton  logis  à  Ciuitclle,  où  il  mourut  en  ce  ddi-^ 
efpoir.  Ce  que  dcftus  digne  de  coniîdcration  entre 
les  hiiloires  de  noftre  temps,,eft  extrait  du  difcours 
qu'en  a  publié  par  cfcrit  Aï.Hcyir.Scrim^eriDoch  lurif- 
comjulte  de  nojire  tejnpsAcquelpom  lors  cftoit  à  Padouè"  S: 
parla  plufieurs  fois  à  cepauure  Spicra. 

Enuiron  vingt  ans  auparauant  vn  Dodeur  fort  reno- 
mé  par  toute  l'Alcmagncnommé  Kraus ,  demeurant  à 
Halle  en  Suaubc,ayant  plufieurs  fois  tourné  faconfcic- 
ce,tantoft  deuers  Dieu ,  tantofl  deuers  le  monde  ;,  pour 
s'eftre  finalement  rangé  au  mauuaispartijdit  &  confclTa 
publiquement,  qu'il  eftoit  perdu, &  tomba  fi  auant  en 
dcrcfpoir,qu'ilnereceuoitconrolation  ni  remonftrance 
quelconque  qu'on  lui  fceuft  propofcride  forte  qu'en  ce 
miferablc  eftat  de  fon  ame  il  le  tua  mal-heureufement, 
Hiftolre  d^  t_yilemagne. 

Le  Cardinal  de  Crefcence  eftoità  Vérone  ,  pour  s'a- 
cheminer plus  auant  à  caufe  d'afaires  importans,fuc 
fort  empcfché  le  vingt-cinquicfme  iour  de  Mars  à efcri- 
rc,&  ayant  trauaillé  iufques  bien  auant  en  la  nuiftjfe  Iç- 
liant  de  fa  chaire  pour  reprendre  vn  peu  fes  elprits  ,vid 
ce  lui  rembloit,yn  chien  noir,  de  grandeur  excefliue ,  a- 
yât  les  yeux  flamboyâts,&les  oreilles  pendâtcs  iufques 
en  terre>lcquel  entroit  tirant  droict  à  lui,  puis  fe  cachoic 
deflbuslarablc.  Al'inftant  il  demeura  comme  pafmé: 
maiseftantreuenu  à  foi,  ils'efcria  fort  haut  appellant 
les  feruiteurs,qui  eftoycnt  fur  la  chambre  de  deuant ,  & 
leur  commanda  de  cercher  ce  chien  auec  la  lumière. 
Mais  pource  qu'il  ne  fe  trouuoitlà,  ni  en  l'anticham- 
bre: la  fieurclefaifit,&  d'heure  à  autre  fc  renforça,  de 
forte  qu'il  en  mourut.  Sur  la  fin  de  fa  vieil  crioit  fou- 
uent  à  fes  gcnsrChafl'ez  ce  chien  qui  môtc  fur  mon  lid. 
îlncfullpofliblcùelc  coiiTolcrui  icil»iuirç:^iiis  en  vu 


17^  Hifloires  admirables 

grand  ellonncment"&  ddefpoiril  mourut  en  la  ville  de 
'^'^'-'Onc.Hijloirc de  nojlre temps.  SLeid.  au  l^.Uif.dcfesCom- 
Pientaîre<i. 

Sousie  règne  du  Roy  François  II.  l'Aduocat  duKoy 
'au  Parlement  de  Dauphine,  furnommé  Ponfenas.a- 
,prcs  auoir  aliéné  Ion  panimoine ,  celui  de  fa  femme ,  & 
beaucuup  d'argent  dcfcs  amis  pour  acheter  cellcftac, 
confominace  qu  ilauattdereftc,à  tenir  maifon  ouucr- 
^-îefpcran  t  d'en  cl>ie  bien  toit  rembourfé  au  double. 
Mais  eftant tombé  au  lia:  d'vne  maladie  inconue  aux 
Mcdecms.jl entra  en  defefpoir  de  l'aide  &  mifericordc 
lie  Dieu:&le  rcprcrentantprefcjue  toufîours  la  mort  de 
X|ucloucs  hommes  innoccns  exécutez  à  Romans  &  i 
Valence,lac]uelleil  auoit  pourfuiuie^renioitDieu,  ap- 
5>elloit  les  diables,&  hKoit  toutes  les  fortes  d'impréca- 
tions horribles  cîu'ileftpofTiblc  de  penfer.  Son  clerc  le 
voyant  en  ce  deiefpoir  lui  parla  delà  mifericordc  de 
I>ieu,& lui  ramentut  q uelaues  paflages  de  TEfcriture à 
ce  propos. Mais  en  lieu  de  le  retourner  à  Dieu,  &  lui  de- 
siiander  pardon  ce  fes  offenfes ,  il  dit  à  fon  clerc ,  O  E- 
itiene,c]uc  tu  es  noir  !  O  Eftiene,  que  tu  es  noirîLe  ieu~ 
«e  hoinme,c]ui  eiloit  roufTeaUjs'excufa:  mais  l'Aduocat 
rechargea  difant,  Que  tu  es  noir!  mais  c'cft  de  tes  pé- 
chez.Trop  bien  cela,repliqualc  Clercmaisi'ay  efpcrâ- 
<:eenlabonté&  mifericorde  de  Dieu.  Puisadioultant 
vnc  expolition  aflcz  ample  i  fon  dire  ,  Ponfcnasfe 
|>rcnd  a  crier  comme  vn  defefperé ,,  deteftant  fon  ferui- 
teur.comme  iVn  des  plus  mefchans&  miferables  hom- 
mes du  monde. A  ce  criacoururent  quelques  amis,  auf- 
<îuelsil  commanda  qu'Eltiene  fuihnené  prifonnier,  & 
qu'on  lui  fiil:  fon  procès.  Sur  ce  le  defefpoir  fe  renforça 
tellement  en  lui.qu'auccfanglots  &  hurlemensil  ren- 
oicreiprit  d'vne  façoncfpouuantabic. Ses  créditeurs  ne 
donnèrent  quafi  loi/îr  de  tirer  le  corps  hors  du  lift.  Car 
chacun  enuoya  ieans  rauir  fi  peu  de  meubles  qui  e- 
ftoycnrreftezà  Ponfenasdc  tout  ion  bien  :  mais  beau- 
coup s'en  falutqu'iisculfent  leur  compte.  Cequel'ou 
trouL'oit  mcruciileufementeftrangc:  attendu  qu'auant 
t^u'ilfciuailfurlcs  offices,il  efloit  houiiue  licheSc  ai-. 


(^mémorables.  173 

fé,autant  que  nul  de  Ibn  ellac.  Ncanrmoins  iamais  tel- 
le pauurecé  ne  fut  veuë:car  il  ne  demeura  que  la  paille 
à  fa  femme  &  à  Tes  enfans  ,  qui  furent  par  compafTioii 
pris  l'vn  deçà,  l'autre  delà,  pour  Icsnourrir  :  autremenc 
ilseftoyent  prefts  d'allerinendier  ou  mourir  de  faim, 
tant  celle  maifonfe  trouuadefuuee.  ^ifiM  France,  fot^ 
FrAnfon  deiiXiefme, 


DORMEF RS  meruei lieux. 

I'Ay  conu  vn  ieune  homme  ,  lequel  fongcant  de 
nuid,  qu'il  faloit  monter  i  cheual  pour  quelques  af- 
faires, fe  leue  profondément  endormi  ,iiors  de  Ton  liâ:> 
s'habille,  febottejs'efpcronne ,  &  montant  du  planché 
fur  vnefcneftrcfemet  deifusà  cheuauchons,&  com- 
mence à  piquer  de  cofté  &  d'autre  la  paroy ,  comme  /î 
c'euft  eftéfon  cheual  ,  criant  &  Tacourageantà  mar- 
cher. Refueillé  puis  après ,  il  eut  telle  horreur  de  cel^ 
accident ,  qu'il  vint  vers  moi  pour  remédier  à  Ton  mal. 
p.  Sdhn  DiaerfurS,  Médecin,  au  i8.  cha^.  de  fin  traité  de  ajfe- 
^ibt-ti  partie  ut . 

l'en  ay  guéri  vn  aurre^  cholere  &  qucrelleux ,  lequel 
fongeoit  ordinairement  qu'ilfe  battoit.auec  quelqu'vn; 
&fur  celafelcuoitdu  liift,  couroitaux  firmes ,  dcfeni- 
"  noit  ibn  efpee,  &  s  en  efcrimoit  d'eftrange  façon  ,  frap- 
pant de  tous  coftezjd'eftoc  &  de  taille,  les  parois  deli 
chambre  oùilfe  trouuoit.  Force  fut  de  lui  ofterdedc- 
uant  toute  chofe  quelconque  ,  qui  peuft  oftenfer  lui 
mefmeou  autre  ,  lufques  à  ce  qu'il  reconuftle  dan- 
ger oùileftoit  i  en  le  refuciilant.   ,_^«  mejme  traiClé 

Outre  ces  dçuxi'ai  conu  vnartifan  ,  qui  dormant  fe 
leuoit  de  fon  lid,  &  fortant  delà  chambre  rodoit  parla 
maifon  ,  montant  i^  defcendaut  les  degrezlàns  fe  faire 
mal.  Vne  fois  il  s'en  alla  tout  nud ,  dormant ,  vers  fa 
ooutiquejl'ouurit  auec  les  clefs.  Sur  ce  eftat  efueiHé  par 
^uelc^ucs  ai;ftis  quilcrcncougrerefit;  ijlei^  conceut:  celle 


174  Hijloires  admirables 

honte  &  horrcur.quc'iiepuis  cela  ne  lui  zumt.lumefmei 

Ainfî  que  l'cfcriuois  ces  chofes,  i'.iy  efté  appelle poiif 
viHtcr  ^  ucicunc  fcmine;.laquellc  dix  lours  après  Ton  ac- 
couchement ,  fur  la  niinui*':!  ,  vint  à  fongcr  qu'il  faloii 
donner  ordre  à  quelque;  aff  lires  du.nierna^e:&  fur  ce  au 
Coeur  de  rhyucr  le  Icue  en  clicinife  ,  &  voulant  defccn- 
dre  de  la  chambre  haute  où  elle  cltoit  couchée,  en  bas, 
le  brui«ft  delà  porte  cfueillcra  mcre  couchée  en  mefmcï 
licl:,qui  appellanr  à  haute  voix  fa  fille  ,  commence  à  Li 
ranccr.Ellc  efueillcc  retourne  au  li (51.  Trois  femai nés  a- 
pres  couchée  auec  Ton  mari,  elle  fc  iette  à  bas  du  lic^  e- 
ilant  à  Ton  pren-iier  romnCj&  court  vers  la  portccommc 
poinrs'enfuir.Son  mari  l'ayant  refu cillée-,  ic  fongeois, 
dit-elle,  queie  tafchois  de  me  fauuer  des  mains  dVn 
qui  vouloir  me  violer.  le  fus  appelle  pour  lui  donner 
quelque  lecours  contre  ce  m^l.SJiui  .w  mefme  chapitre  (3^ 
truite. 

Comme  i'eftois  couché  en  vne  châbre  haute  du  collè- 
ge de  Francfort  fur  Odere  auec  M.  Martin  Cuttembcr- 
ger,eftudiant  en  Médecine ,  ieune  homme  d'efprit  vif^ 
de  petite  taille,greile;,mais  de  cerueau  humiderm'efueil- 
lâtiele  vis  tout  nud  cheminant  endormi  parlacham- 
bre,puistailônatK  il  monta  fur  vne  grande  feneRre  ou- 
uerte,Sc  y  demeure  debout.Soudain  ie  l'empoigne, crai- 
gnâtqu'il  fe  precipirall:,&  l'ayant  retiré  dedâs  la  châbre* 
ie  lui  demâde,Que  faites-vous? Rien,  dit-il ,  &  rcfueillc 
ne  fe  fouuint  nullement  de  ce  qu'il  auoitfait.  i.Horfij 
Aiedeàn,en  fon  doSl'^  traité  de  Natirra.  Noffambulonu7n. 

Auant  qu'aller  elludier  es  arts  &  en  Médecine  à  Frac- 
fort  fur  le  Viadre  defireux  de  voir  quelques  autres  Aca- 
démies, ie  fus  appelle  pour  élire  précepteur  de  ^.  ieune<î 
gentils-hommes  de  Mifne  ,  le  père  defquels  nommé 
<jeorgede  Schleints,  Confeillerde  plusieurs  Princes, 
pcrfonnagegraue  &  irreprehenfible,  m'a  raconté  que 
lut&  deux  autres  (îensfreres,auoyét  plufieurs  fois  che- 
mine de  nuift  &  tout  endormis,ciurant  qu'ils  eftudioy- 
cnt  à  Liplîciufques  à  monter  es  greniers  &  fur  les  toid:ç 
des  maifons:dont  auint  vne  fois  àl'vn  de  fes  frères  de 
tomber    &  fc  brifcr    la  cuilfe.    En   fin  leur  prece- 

pi;eM| 


^  memoYahlcs^.  ij^ 

ptcur  prenant  de  fore  prcs  garde  a  eux ,  les  fouéttoit  al- 
prcmentjfi  toft  c^u'iisfe  icttoyentbas  du  li(ft;ce  qu'ayant 
continué  par  deux  ou  trois  fois  iufcjucs  à  leur  refueda 
il  furent  guéris  par  tel  moyen,  Vu  me  (me. 

Trois  leuncs  gentil-hommes  frères ,  furnomme?.  de 
Bcrileinjdormans  en  mefme  chambre ,  l'vn  d'iceux  fe  le- 
ue  nud  &  profondement  endormi ,  emporte  fa  chemife 
en  Tes  mains,  &  s'en  va  vers  la  fencilre  ,  empoigne  vnc 
chordc  pendante  à  certaine  poulie  ,  &  fc  guinclanrau 
faille  de  la  maifon  ,  rencontre  vn  nid  de  pies ,  le  rompr, 
enuelopeles  petits  en  fa  chemife,  redeuale ,  r'entre  pat 
lafeneftre  enlachambrejfe  recouche,  cache  fa  chemife 
&  les  petits  dans  le  liLl,&  dort  comme  deuant.  S'efucil- 
lant  le  matin  il  commence  à  dire  à  Tes  frères,  Vous  ne 
fjauez  quei'ayfcngé,  ilmefembloit  queie  meleuois* 
marchois,  &  montois  au  faifte  de  la  maifon  ,  où  l'a- 
uoisrompuvn  nid  de  pies,  &  emporté  les  petits.  Ses 
frères  commencèrent  à  nie.  Apres  quelques  autres  dé- 
nis, voulant  feleuer,  il  cercheëc  reccrchci'a  chemife  la- 
quelle il  trouue  auec  les  petits ciuiclopc?.  dedans,  &  en- 
core tout-vifs.  Ilsccfurentfoudjin  vers  la  tour  du  lo^is^ 
&  voyent  ce  nid  de  pies  rompui,  là  mefine. 

Vnieune  cfcholicr  à  13lankenbourg  faifoit  diuerfes 
befongnes  en  doimaat.  Si  toil  qu'il  auoit  l'oupé,iis'en 
dormoit  fî  profondemct;,q;jcpour  crier  ùl  iieurcer  ou'oa 
lîft,on  ne  pouuoitleiiieilicr.Apres  qu'à  force  de  pincer, 
&  pouifer  &  tépeftcr,on  lui  au  oit  fait  oaunr  l^s  yeux ,  iî 
©nleportoîtaulicl,  ils'endormoitcômc  deuanc.  Mais 
ilfe  fouuenoit  auffi  peu  le  matin  de  rouîlcmai  &  tour- 
ment du  foir,comme  fi  rien  ne  lui  fufl  auenu.  Dauanra- 
ge,totit  ce  qu'il  tenoit^ainiî  endormi,  fuit  vn  bout  de  ta-« 
blcvne  cheuillc,ou  vn  clou  de  la  paroy,  \ ne  nappe,  om 
quelque  habillement ,  il faloir  deux  ou  trois  hommes 
pour  lui  ouurirles  doigts,  ficlui  fôire  lafchcrprife  :  teU 
lementque  force  eftoit  de  iaiffer  par  fois  les  habille- 
nicns  en  fesmains,&  Je  porter  ainlî  au  lid,  iufques  à  ce 
qu'efueillé  il  les  laiflaft  &.  rcpiinil  pour  s'en  accommo- 
der conuenâblemenr,/ù  mtfine. 
^du^jtà  v^  fçmicfUï  doruianc  dciQontç;:  ^u.  i^^iiiç^ 


l'y  6  Hijîûires  admirables 

d'v  ne  rouèMaqucUc  fciusit  à  leucr  &  dcfccncirc  àci  fi;- 
liciiux.  Iiluint  au  plus  hautil  s'aiî'eoic,&  la  rouefe  mou- 
uaiu  il  dcfccndoit,  puis  l'ans  mot  dire  fe  recouchoit.  Le 
maiihedcla  mailbn  dcfcouurant  vne  fois  ce  tout  mer- 
ucilleu'c,  cipialcltvuireur  ,  isifir  prompccuicnc  aporre. 
force  li<fts,  puis  appelle  à  haute  voix  ce  dormeur  aflii,  au 
faiftedclaroue.  Iccluis'eruciilanren  furfaut,  &  toute- 
itonne  tombe  bas/ans  (c  blcll'er^mnis  depuis  ne  remon- 
ta plus  fur  ceitc  roue.  Ht  mcjmc 

Vn  dodc  t':  cxccllcn  lurifconfulte  m'a  raconte,  qu*ea 
îli  ieuneircilTouloitrcleuerdu  Ud  ,  cheminer  longue* 
ment  dormant  parla  chambre ,  puis  fe  recoucher:  dont 
il  n'auoit  f^nrinicntouclconqucni aucun  louucnir,  iî- 
non  ce  que  Ion  pcrc  &  fa  mère  ciui  le  rcgardoyent  fai- 
re,luicn  rccitoycnt.  Il  a  velcu  fort  long  temps,  feruani 
heurcufcment  à  fa  patrie  :  &  es  autres  aagcs  de  fa  vie 
rien  de  tour  cela  ne  lui  efl  aduenu.  la  mcfme. 

Il  n'y  a  pas  long  temps  que  le  cuifînicr  du  Duc  de 
Holface  s'ciiant  Icué  dormant,defccndit  en  bas,  puis  a- 
vant  traucile  la  cour  du  logis, vint  en  la  cui/îne,cntra  de 
dans  le  puitSjefquaiquiliant  les  pieds  cotre  les  murailles, 
&  s'y  acrochat  des  doigts  fi  ferme,  qu'il  defcend  de  cell:e 
fortc,touten  cheniireiufquevprcsdc  l'eau, où  fachemi- 
fecômençantà  tremper  parle  bout  plus  auancé  ,  enui- 
ron  quatre  doigts ,  &  ce  linge  ainfi mouille  lui  donnant 
contre  les  talons ,  il  s'efucille,  &  commence  à  crier  en 
fon  langage,  O  main  heinhelfft  i.tir.  C'cil  à  dire  ,  O  mes 
iambcs,aidc7.  moy  !  Lesdomcftiques  efucillcz  au  cri,& 
difcernans  aucunement  la  voix  ,  le  cerchcnt ,  le  trou- 
uent  acrochc  de  pieds  &  de  mains,  à  la  paroy  du  ^uiis, 
luitcndent  \ne  efchellc  auec  vne  chandelle  allumée 
en  vne  lanterne.  Mais  ne  pouuant  remonter  par  tel 
moyen  ils  deualent  vne  grande  cruche  TauertilTant  de 
mettrele  pied  droit  dedans,  &  delà  main  droite  em* 
poigncr  la  chaine  du  puits.  Par  tel  moyen  il  fut  tiré  à 
mont.  Or  ayant  efte  comme  gelé  dedans  ce  puits,on  le 
porte  au  lid,  où  il  perd  la  parole  ,  &  n'ouure  les  yeux 
qu'à  force  &  rarement.  Elhnt  appelle  pour  le  fecourir, 
ic  çombdcis  cOwç çeiour  l'apoplexie^  Ûfç r^fliua  quel- 


dr  mémorables^  ijy 

que  peu,commençâ  à  murmurer  quelques  mots,  vomir 
auec  langloc ,  tout  hebccé  ,  &  comme  hors  du  fcns.  Le 
lendemain  ie  le  trouuc  remis  &  parlant  :  il  médit  auoir 
longé  la  nuit  de  Ion  accident  qu  il  chcminoit,  &auoic 
branffépour  cheoir ,  qu'il  lui  fembloit  que  du  feu  lui- 
foit  furîui,  &quilauoiccfté  fousTeau.  Que  fixiours 
auparauantil  nepouuoitoller  de  fa  telle  que  quelque 
grand  mal  lui  aduiendroit  bicii-toft.  Finalement  au 
bout  de  quelquesiours  il  fut  foulage.  La  mifme. 

Vn  gentil-homni';;  Blpagnol  furnomme  Tapia ,  fe  le- 
uoit  fouuentesfois  de  nuift  en  donnât ,  pour  faire  main- 
tes choies  en  fa  maiibn,  allât  de  lieu  en  autre  fans  fe  ref- 
ueiller:  &  aHn  qu'il  ne  lui  mcuàuinll  ,  on  mettoit  touf- 
iourspresdc  Ton  lift  vn  bali:n  auec  de  Tcau.    Orvne 
nuit  d'efté  il  fc  leue,  prend  vne  cape  fur  fachemife ,  fore 
delà  maifon,toulîours  dormant  &  rcn cotre  (  ce  lui  fem- 
ble)  vn  autre  homme  qui  lui  demande  où  il  alloit  ainfî 
tard.Tapia  relpôd,;!  fait  iî  chaud^que  i'ay  délibéré  m'al- 
1er  baigncr.Et  moi  auPii,fit  l'autre.  Sur  ce  ils  vont  vers  la 
riuiere,ou  Tapialailfant  cape  &  chcmife  voulut  fe  met- 
tre en  l'eau  :  maisl'autre  le  raillant  dit,  Vous  ne  fçauez 
pasn?ger:le  gentil-homme  répliqua,  Si  fai,  peut  eftre 
mieux  que  vous.Er  bien,adiouiie  l'autrcjuiucz  moy.  Il 
va  defî'us  vn  pont  proche  de  là,&  fc  ictte  au  haut  en  bas 
dedans  vn  creux  d'eau,  &  nageât  appelle  le  gcnril-hom- 
me,difant,Puis  que  vous  vous  vantez  tant,  faites  ce  que 
i'ay  fair.  Tapia  le  fuit,&  fe  précipite  en  reai'.Côme  toun 
cela  ic  fuft  fait  en  dormant ,  ainli  qu'il  toucha  des  pieds 
la  riuiere  il  s'efueiUc ,  &  lors  faifant  tout  eiFort  à  lui  pof- 
(îblc,  comméce  a  appeller  l'autre  qui  ne  paroiifoit  plus. 
Se  doutant  lors  qu'vn  malin  efprit  l'auoit  poufle  en  ce 
danger,aprcs  s'eftre recommande  à  Dieu  il  trauerfe  la  ri- 
lUerc,  reprend  fa  cape  &  fa  chemife,  &  retourne  vers  f» 
imifon  ,  racontant  ce  qui  lui  eftoit  aduenu  :  &  depuis 
dbnna  ordre  de  ne  tomber  en  telmiferableperil.t^.ror- 
^Memadt  k  Ujinde  la  troifiejhe  tournée  dejun  /Jexamcron, 

Il  s'en  eittrouué  plullcurs,  qui  feleuantainfi  dor- 
mans,&  montez  fur  des  fcneftres  ouuercr^,font  tombeï 
i^^  h^uteabas^fe  rompant  bra^  6c  ïambes  :  aut^resoac 

M 


lyS  Hijloires  admirables 

elle  trouucz  roidc-morts  ':  autres  fi  gncfuementble/îeX 
cjue  toft  après  ils  ont  rendu  l'amc.  Mais  il  nous  fiiffit  de 
propofcr  ceux  qui  font  efchappez ,  &  dont  les  exemples 
font  marauez.  es  cfcrits  que  nous  auons  peu  voir  :  atten- 
dant que  le  temps  ncusdefcouure  le  refte,  par  quelque 
"homme  plus  diligent  que  moi  ,  lequel  remarquera  le 
tout,s"ilIuiplait. 

l'ay  oui  parler  d'vne fille  à  Paris,  qui  fouloit  aller 
chafquc  nuid  fe  baigner  dedans  la  riuicre  tout  en  lon- 
geant.Ce  qu'elle  continua  long-tcps,  iufques  à  tant  que 
fon  pere,cn  eftantaduerti,  Tattcdit  vnc  fois  au  chemin, 
fie  la  fouè'ta  tres-bié^pour  lui  faire  perdre  ccftc  enuierde- 
cjuoy  la  fille  s'erueilla,&  fut  fort  ellonnce  de  fe  voir  tou- 
te nue  cmmi  la  rue.  717.  l.  'louhert  uu^AittJu  rnjckip.io. 

On  raconte  auffi  qu'vn  efcolicr,  ayant  eu  querelle  le 
foir  auparauant  auec  vn  de  fcs  coinpagnons,fe  leua  tout 
endormi,&  alla  tuer  fon  enncmi,en  vnc  autre  chambre, 
dedans  fon  lid:puis  s'en  retourna  coucher,  fanss'cfueil- 
1er,  ainfî  qu'on  prefuppofe.  Carie  lendemain  matin  la 
iuftice  requife  de  par  Thofte  le  trouua  encor  endormi: 
&  faific  que  fut  la  dague  ,  trouuee  langlante ,  il  confclFa 
d'auoir  fongé  qu'il  tuoit  celui  que  Ton  difoit  meurtri. 
là  rnefine. 

Il  y  a  (dit-il,  fur  ce  récit)  plufîei^s  tels  exemples ,  par 
lefquclson  peut  confirmer  qu  outre  les  facultez.  natu- 
relles &  vitales  de  Tame  (qu'il  conitc  eitrc  tres-puiflan- 
tcs  es  dormans)  les  animales  auffi  trauaillent  :ie  dis  cel- 
les qui  font  dédiées  &  fuicttes  à  noftre  volonté  ,  faites 
par  le  moyen  des  mufcles  :  comme  le  cheminer  ,  l'em- 
Kraficr,lc  parler. 

EF  F  IC  f^C  E  eflran^e  de  Sut  An. 

M.  Théodore  fils  deCorneiiJciadisCôiul  delà  ville 
dcGoudecn  Hollande,  m'a  recité Thiftoire'qui 
s'cr.riiit:,l'affcrmanttres-veri'table.  En  vn  village  nom- 
me Ofi;brouchpresd'Vtreâ:,'re  tenoit  vnc  veufue  ,  au 
fcruice de  laquelle  eftoitvn  quidam,  s'occupant  à  ce 
ijuî  elloit  requis  pour  les  afaircs  de  ia  maifç^.   Icelui, 

ayauC 


^  memorahUs.  179, 

fiyantprins  gaid>c,commc  les  valets  font  curieux,  enco-» 
rcsquece  nefuft  qucconamc  enpaflancque  bien  a* 
ûant  eiilanuiâ:,&  lors  quetousles  domelliqueseftoy^ 
entcoucheZjCcfte  veufueentroic  d'ordinaire  en  l'efta- 
ble  vers  vn  certain  endroit^lorseftendant  les  mains  elle 
cmpoignoitle  raftclierd'iceile  eftabie,ou  lo  met  d'or- 
dinaire le  foin  pour  les  belles  :  Luis'esbahifiant  qua 
vouloic  dire  cela,  délibère  àt  faire  le  mefi  le  au  deîceub 
de  fa maiftreflc- ,  &  eflaycrrefted  dételle  cérémonie. 
Ainfi  donctOil  après,  en  fumant  fa  maiifreilcjqui  eftoic 
çntrec  en  Teftableàly  va  &  empoigne  le  raftelier.  Touc 
foudain  ilfe  fentcnleué  en  Tair  &  porté  en  vue  cauer- 
nefous  terre,  fn  vnc  villette ou  bourgade  nommée 
yvych,oùil  trouuevne  fynagogucdeforcieres ,  deui- 
fautes  cnfemble  de  leurs  maleiîces.  SamairtreiTe  efton-, 
heede  telle  prefenccnon  attendue,  lui  demanda  pac 
quelle  adrefle  il  s'cftoit  rendu  en  telle  compaçnie- 
II  lui   dicfchiftre  de  poind  enpoinâ:   ce  que  delfus. 
Elle  commcnceà  fe  defpiterfii  courroucer  contre  lui, 
craignant  que  telles  aficmblces  nocturnes  ne  fufîene 
defcouucrtes  par  tel  moyen.  Neantmoins  elle  fut  d'à-, 
uis  dcconfulter  auccfes  compagnes  ce  qui  feroit  de 
faire  en  k^difHculté  qui  fc  prefcntoit.  Finalcirient  elles- 
furent  d'auis  de  recueillir  amiablement  ce  nouucau  vc- 
nu,en  ftipulant  de  lui  promcfle  exprclfe  de  fetaire,&  da 
iùrer  qu'il  ne  manifeilieroit  à  peifonne  les  fecrets  qui 
lors  lui  auoyent  eftc  delcouucrts,  centre  fon  opinion  & 
mérite.    Ce pauurc  corps  piomet  mons&  merueilles, 
flatte  les  vues  &  les  autrci,&  pour  n'eftre  pas  rudement: 
traité  feint  auoir  tvefgrande  cnuie  d'cftre  de  la  çn  suant; 
admis  en  leur  fynagogue  ,  s'il  leur  plaifoit.  £n  ces  con- 
fultations,rheure  fc  pafle ,  &le  temps  de  defloger  apro- 
choit.Lors  fefait  vne  aurreconfultation  à  l'initancedc 
delà  maif{:reire,fçauoir,fipourla  conferuation  de  plu- 
fieurs ,  il  eiloit  point  expédient  d'égorger  ce  feruiteut;» 
ou  s'il  faloit  le  reporter.  D'vn  commun  confentemenc 
fut  encline  au  plus  doux  auis,dele  reporter  en  la  mai- 
fon,  puis  qu'il  auoitprefté  ferment  de  ne  rien  déceler. 
,1*4  maiftreile  prend  ceftç  thargç  ^  ^  après  prooa^Çj 


lîo  Hijloires  admirables 

cxprefre'.&recipïoqiie,  elle  cfiargc  ce  fcruftcur  furfc; 
ei'paulcs,promettant  le  reporter  en  îi  maiibn.  Mais 
comme  ils  turent  faittvne  partie  du  chemin,  ils  dc(- 
couuvirent  vn  lac  plein  de  ioncs  &  rolcaux.La  maifhcl- 
rerencontrantcell:eoccafion,&  craignant  toujours  cjuc 
ceieune  homme  Te  repentant  d'auoir  tllé  admis  à  ces 
fefte.s  d'enfer  ne  dclcouariftce  qu'il  y  auoit  veu  s'cfla- 
cc  impetueuiemeiit ,  &  fecoue  de  dclFus  Tes  efpaules  le 
ieune  homme,clperant  (comme  il  cftà  prcfumer  )  que 
cemal-auifé  perdroit  la  vie,  tant  par  la  violence  de  la 
cheute  du  fort  haut,quc  par  ion  enfondrcment  en  l'eau 
bourbcufe  de  ce  lac,ou  il  dcmeureroit  enfeueli. 

Mais  comme  Dieu  efl  infiniment  mifericordieux,  ne 
voulant  point  la  mort  du  pécheur,  ains  qu'il  fe  conuev- 
tifle&viuc,  il  borna  les  furieux  defleins  delaforcicre, 
&:  ne  permit  que  le  ieune  homme  fut  noyé,ains  lui  pro- 
longea la  vie,  tellement  que  fa  cheute  ne  futpasmor- 
telle.Car  roulant  &  culcbutant  en  bas,  il  rencontre  vne 
toufteerpaiffe  de  cannes  &rofeaux  qui  rabattirent  au- 
cunement la  violence  du  coup,en  telle  forte  toutesfoj 
qu'il  fut  rudement  blefl'é,&  n'ayant  pour  aide  que  ht 
langue,toutlereftedelahuidilfentit  des  douleurs  ex- 
trêmes en  ce  lid  de  ioncs  &  d'eau  bourbeufe. 

Le  iour  venu, en  fe  lamentant  &  criant,  Dieu  voulut 
que  quelques  paiTans  cftônez  de  celle  clameur  du  tout 
extraordinaire; après  auoir  diligemment  cerché,trouuc- 
rcnt  ce  pauure  corps  demi  tranfli,  tout  efrené  &  froifle, 
ayant  outre-plus  les  deux  cuilîes  delnouces.  Ils  s'en- 
quierentd'oùilelfoit,quirauoitmiscn  tclpoint:&  en- 
tendans  J'hi/loire  précédente  ,  après  Tauoir  tire  de  ce 
mircrablegifte,le  chargèrent  &  firent  porter  par  chariot 
à  Vtreft.  Le  Bourg-maiftre  nômc  lean  de  Culébourg, 
Gentil-home  vertueux, clincu  &rauien  admiratiô  d'Mi 
rasfî  nouucau,fit  loigneule  cnquefte  de  tout,  décerna 
jjrinic  de  corps  cotre  la  ibrcjerc,&  la  fit  ferrer  en  prifoii, 
où  elle  confefla  volorairemcr,  fans  torture  &  de  poinét 
en  poind,toiitcequis  eitoitpafl'c:fupphant  qu'on  eufl 
\nùé  d'clie.La  conclufion  du  procès  ,  par  commun  auis 
«le  jouc  kçonfcil  ;  proçluiiî;  çoud^ttouaùontiemorr^ 


é*  mémorables.  lîi 

i  lîcment  que  cefte  fcinmc  fut  bruflce.Le  fcrufteur  ne 
fut  de  longtemps  après  guéri  de  fa  fvoiflure  vniuerfcl- 
le,&  particulièrement  de  fcs  cuilles  ,  chaftié  deuant 
tous  de  fa  curiofire  detcllable.  A/.  ^mdoHoin  de  Ronjjey, 
en  fis  epifires  inedicinaleSyepi.^o. 

Eraimc  cnfes  epiftrcs,.furle  rapport  de  Henri  de 
Glaris  dodc  perfonnage  de  noftre  temps,  cfcrit  que  le 
dixicliiie  iour  d'Aurild'an  mil  cinq  cens  trente  trois,  en 
me  horteileric  de  Sciltac  ville  au  pays  de  Suifle^diftan- 
te  de  celle  de  Fribourg  quclquc's  h uid  bonnes  lieues, 
comme  la  nuift  commençoit  dvcnironouyt  certain 
fîfflement,  quifembloit  partir  de  l'vnc  des  chambres. 
jLc  maiftrede  la  mailon  foupçonnant  que  ce  fufTenc 
quelques  larronSjacourtfoudain  celle  part,là  où  il  ne 
trouuaperfonncjmais  il  ouyt  encore  la  mefmcvoixau 
grenier,  &  de  là  fur  le  fummct  du  tuyau  de  la  chemi- 
née. Alors  prefumant  que  ce  dcuftelcre  vnmauuaise- 
fpritjht  venir  deuxpreftres  pour  le  coniurerjlefquels  a- 
yans  commencé  leurs  exorcifmes  ,  le  fanrolme  leur  fie 
relponce  qu'il  ne  fe  donnoit  pas  peine  d'euxjCarTvn  e- 
fioitpuner,&  tous  deux  larrons:au  moyen  dequoy,iTiaI- 
gré  qu'ils  cufientil  vouloitbrufîevla  ville  ,  corne  il  Ta- 
uoit  entrepris.  On  eftimeque  ccfutdcialoufîepar  lui 
conceuë  contre  le  fils  derhoftc,  pour  vne  chambrière 
delà  mailbn^auec  laquelle  il  auoit  eu  acointâce  char- 
nelle par  Telpacc  de  14. ans, comme  ellcconfeira  depuis 
à  la  mort.  Ayant  doncques  tout  à  ruiftantenleué  cefte 
créature  fur  le  tuyau  de  la  ch  eminee,  il  lui  commanda 
d'cfpâdrc  du  feu  qu'il  lui  bailla  en  main.  Ce  qu'elle  lïr, 
&  en  moins  d'vnc  heure  toute  la  ville  fut  réduite  en 
cendres,  iansqu'auec  aucune  eau  ni  vinaigre  onpeuft 
trouucr  remède  d'amortir  cefcu.Or  cftoit  ce  chofe  réel- 
le,&  par  confequcnt  le  feu  aulli ,  que  ce  doemon  appor- 
ta jrccl&  matériel,  mais  d'vne  autre  nature  quclc 
commun,mtous  les  artificiels  que  nous  fçaurions  fai- 
re. Et  Ci  ne  venqit  pas  d'cnhaut  >  comme  le  feu  des 
foudres  qui  brufle  peu, fi  d'auanture  ce  n'cft  pas  acci- 
dent en  tombant  dans  des  poudres  à  canon,  inflamma- 
bles :  comme  l'an  mil  cinq  cens  ,  ilarriuaa  Parii  c{i 


«Si  îlljlôircs  admirables 

la  tour  de  Billy:depuis  à  Maltncs  enBrabant,  &à  Vcni-i' 
fe,  -rIM  Figenen  au  traiclé  des  Comètes,  l'adioufteray  fur 
ieftehiftoire,cec^u'cn  récite  cncor  M.Philippe  Came- 
Tarius,lequel  dit  que  le  feu  tomboit  çà  &  là  fur  les  mai- 
fons,en  forme  de  boulets  enflammez,  8c  quâd  quelques 
vus  couroyent  pour  aider  à  •eilcindre  rembrafement 
chez  leurs  voifins^on  les  rappcUoit  incontinent  pour 
fecourir  leurs  propres  maifons. On  eut  toutes  les  peines 
«iumondeà  empcfcher  qu'yn  cluilcau bafti  de  pierre 
*de  taille,  &  aflez  loin  de  la  ville  ne  fuft  confommé  de 
reftembrafemenc.  Tay  entendu  (  dit  Camcrarius)les 
|)articularitezde  celle  terrible  vifîtation  delà  bouche 
"propre  du  Cure  du  lieu  &  d'autres  habitans  di'gnes  de 
foy.qui  auoyent  efté  fpedateurs  de  tout,  félon  le  Ibm- 
maire  ci  deuant  propofé.  Le  Curé  me  raçontoitque  ce 
malin  &  cruel  cfpritcontrefaifoit  au  nr.turelies chants, 
ramages  &  mélodies  de  diuers  oifcaux.Plufieurs  qui  me 
tenoyent  compagnie,s'esbahifl"oycnt  auec  moi, de  voir 
<iuece  Curé  auoit  comme  vne  couronne  entour  fe^. 
îongs  cheueux  qu'il  portoit  à  rantiquc^toute  de  diuer- 
ies  coulcurs:i^v'  difoit  que  ceb.  lui  auoic  eftc  fait  par  ceft 
efprit,lequcl  lui  letta  vn  cercle  de  tonneau  à  la  teftc.  I! 
adiouftoitquelcmermc  efprit  lui  demanda  vniour& 
a  quelques  autres,  .s'ils  auoyent iamais  ouy  crailler  vi) 
xrorbcau  ?  Quelà  dell'us  ccil  ennemi  auoit  crouaflc  (î 
Jhorrlblement,  quêtons  tant  qu'ils  eftoycnt  demeure- 
xent  fi  efperdus,que  Ci  ce  ram;is;e  infernal euft  duré  tant 
Toit  peu  pluslongtemps,ilsfuirenttous  traniTis  de  peur. 
X3utrcplus  ce  vieillard  affermoir,non  fans  rougir ,  que 
fouucntesfois  ceft  ennemi  de  falut  dcfchifroit  à  lui  & 
aux  autres  hommes  qui  Tacompagnoyent  ,  tous  les 
yechez  feciets  par  eux  commis, (î  exactement  que 
tous  furent  contraints  de  quiter  la  place,&fe  retirer  en 
ïeur  maifons:tant  ils  ej'loyent  confus. j^'s  mtdiîatkns  hifio- 


^  memorMes, 


EMBRASF^MENT  defcu. 

ÏE  n'entre  pour  le  prefent  en  confideracion  des  embra- 
femeni  caufcz  par  la  fureur  des  guerres-,  ayant  refc^^ 
uc  la  dcfcription  d'iccux  au  dénombrement  des  in- 
croyables maux  furuenus  es  guerres  de  noftre  temps. 
Seulement  en  celle  fetftion  nous  traiterons  des  feux  al- 
lumez par  autres  moyens.  Il  y  a  enuiron  cent  ans  que  Iç 
dernier  iour  de  luin  ,  fur  le  foir  le  feu  fe  print  à  Craco- 
uie  capitale  du  Royaume  de  Pologne,  laquelle  il  brufla 
prefque  toute.  Ce  fut  vn  ruine  mer  ueilleufcà  caufe  de 
plufîeurs  milliers  de  maifons  que  le  feu  reduifiten  cen- 
dre ccHq  niiid  là.  M,  Cromen  an  trernUfme  linre  de  Chiftoire 
de  Pologne, 

L'an  mil  cinq  cens  quatorze,  ronziefmeiourde  lan- 
4iicr  furie  foir,  le  feu  fe  print  en  Rcalte  à  Venire,&  deC- 
pcchn  premièrement  les  riches  boutiques  qui  y  eftoy- 
ent  en  trcf-grand  nombre.  La  bife  qui  fouffloit  en  ve- 
liemcnfe  porta  rembrafemcnt  es  maifons  prochaines: 
en  moins  de  tien  Ton  vid  tout  allumé ,  dont  s'enfuiuic 
laruine  d'infinis  édifices,  du  temple  de  fainâ:Iean,de  la 
place  aux  farines,  du  marché  aux  farines,  &  de  tous  les 
baftimcns  des  cnnirons.  •  Les  boutiques  des  changeurs 
&  oïfcures  furent  bruflees.  Le  feu  dura  toute  la  nuid:, 
&  ne  peut  eftre  cfleint ,  qu'en  lui  faifant  place  large 
par  la  ruine  des  maifons  &  rues  e.itieres.  La  pluiparç 
de  la  ville  fut  delfigurec  pa:  tel  accident.  Depuis  elle 
a  erté  tellement  rebaftie,  embellie  &  agrandie  ,  que  ce- 
fleperue  deslongtemps  neparoit  plus.  P.Ioue  4ti  la.  Uttra 
de  fcshijïoires.. 

L'an  1518.  au  mois  de  luin  ,  vae  horrible  ecb'pfe  de 
Soleil  fut  fuiuie  à  la  mefme  heure  d'vn  terrible  cmbra- 
fementdefeu  à  Vienne  en  Autriche,  lequel brufla  va 
quartier  de  la  ville.  L'empereur  MaximiliamLeftanc 
auec  fa  Cour  à  Infpruk  tomba  malade  entendajir. 
tclk  nouuellc  ,    &   fut   emporté  du  mondç    pas 


184  Hijloires  admirables 

Vnc  fieure  lente.  Cujpiniuu  en  U  -vie  dcsEmperettrs. 

Van  i^^6.  Le  dcuxicfmc  iour  de  May ,  vn  tombillon 
de  vent  ayant  crpandii  çà  &:  là  des  cdinccUcs  ,  le  feu  fe 
print  en  plu/ïcurs  maifons  à  Delfc  ville  grande  ,  belle 
Se  rcnoniinee  en  Hollande,  tellement  qu'en  peu  d'heu- 
res la  plurprrt  d'icclle  ville  fut  ruinée  ,&  peu  s'en  falun 
«qu'elle  ne  fut  du  tout  confumee  &  mile  en  poudre  par 
cell  embrafemcnt.  Maiselleaefté  tellement  reftauree 
depuis,  que  cciï  auiouvd'hui  l'vne  des  plus  plaifantes  & 
agréables  villes  que  l'on  fçauroit  voir.  Auint  au  refte 
en  ceft  cmbraicment  vn  cas  mémorable.  Gens  dignes 
de  foi  virent  lors  vnc  Cigongne  ,  dont  il  y  a  grand 
nombre  en  Hollande  ,  qui  reuenant  de  la  quelle, 
dcfcouunt  que  la  flamme  auoit  enuahi  le  nid  où  e- 
ftoycnt  Tes  petits.  Elle  commence  à  fe  lancer  dciTus, 
poureflayerdelcs  garantir  du  feu  :  mais  pourcq  qu'ils 
eftoycnt  cncorcs  fans  plumes  &  n'y  auoit  moyen  de 
les  tirer  de  U,  elle  fe  iette  à  ailes  bai(îees,&  couurant  Tes 
petis  fut  réduite  en  cendres  quant  &  eux.  Quel  procès 
ce  charitable  oifeau  a  fait  aux  percs  &  mères  qui  n'ont 
rien  de  nature  &  d'humanité  que  la  face  I  t^dr.  lun.Hs 
efiju  defcriplteti.  de  MolUnde. 

L'an  mil  cinq  cens  trente  neuf  entre  luin  &  Juillet, 
furlefoir  d'vn  Icudi  le  feu  fe  print  à  Conilantinoplc, 
auprès  delà  piitcn  des  criminels,  es  boutiques  des 
vendeurs  de  gvaifle  ,  fuif ,  noix  refîfles  ,  liuiles&  telles 
denrées  :  doù  il  fe  lança  dedans  celle  prifon  ,  bien  clofe 
&  treillifiee  ,  &  y  eftoutFa  Icpt  cens  homme,?.  De  là  il 
s'epandit  à  droi<fte  tk  à  gauche  par  la  ville  :  &  parucnu 
iufquesàvn  autre  pnfon  nommée  de  peagcrs,  force 
fut  de  les  laifler  fortir  ,  autrement  ils  elloyent  tous 
perdus  :  car  en  vn  inftant  toute  ccftc  maifon  ou 
prifon  fut  réduite  en  cendres.  Puis  rembrafemcnt 
s'auanca  versla  poite  du  bois,  où  font  les  boutiques 
des  forgerons  &  arrifans  qui  manient  le  fer.  De 
ceft  endroit  il  gaignela  m.aifon  du  Capitaine  àos  la- 
jiifl"aire>,  &  defoefchctous  ce  qiii  fe  rencontre  en  ce 
quartier  là.  En  après  il  gaigne  la  rue  des  Tour- 
neurSi&iceUcconfuinee,fiiiiîtvnc  grande  placcnom- 

mee  Ta- 


érmemorahles.  i8^ 

mec  Tachtal  Cala  ,ci'ou  il  tourne  \crs  les  cîiaudcrou- 
nicrsj  puis  aux  vitriers  ,  cnuironnant  tout  le  quartier 
qui  eft  aurour  des  cftuucs  peintes.  Pouflant  outre,  il 
jjaruient  à  la  luifucric  ,  où  il  fait  vn  terrible  rauage> 
à  caufc  c]ue  les  maifons  y  cftoycnt  fort  ellroittes  & 
ferrées.  Les  flammes  s'efpandirent  de  là  iufciues  d  la 
portedelapoiflonnerie,  engloutilfant  tout  ce  cjni  fc 
rciicontroit  depuis  ccft  endroit  iufques  à  la  rue  des 
ïuifs  ,  toutes  les  maifons  dcfquels  furent  réduites  en 
cendres.  Et  ne  fut  onc  poffible  d'cpLeindrc  ce  feu,  quoy 
qu'on  y  iettalf  pour  Teftouftcr  ou  pourrcRcindre  :  tel- 
lement qu'il  dura  toute  la  nuift  ,  &  tout  le  lendemain 
iufques  au  foir ,  ayant  confumé  la  meilleure  partdcla 
ville  &  des  fauxbourgs  au  riuage  de  la  mer.  t_yînndes  de 
T  ui(jiule. 

L'an  mil  cinq  cens  quarante  fix,  le  Samedi  fcptierme 
iourd'Aoufllefcu  du  Ciel  crtant  tombé  à  Malines  en 
.^rabant  donna  fur  vne  tour  où  il  y  auoit  plus  de  cent 
cjquesde  poudre  à  canon.  Celle  tour  fut  prcmicre- 
n»ent  rcnuerfce  de  fond  en  comble  aucc  vn  pan  de  mu- 
railles de  la  ville,  près  d'icelic  tour/ iufques  à  deux  cens 
pas  de  long.  Puis  le  feu  de  tanç  de  poudre  faifit  les 
lieux  prochains  ,  &  embrafîa  tellement  coure  la  vil- 
le,  que  fans  vne  pluye  véhémente  qui  iurumt,  cefte 
grande  ville  s'en  alloit  eftre  réduite  en  poudre.  Le 
lendemain  on  rrouua  plus  de  cinq  cens  corps  morts 
&  fî  puans  ,  qu'en  toute  diligence  il  conuint  faire 
des  grandes  fofles  ,  ou  ils  eftoyent  charriez  &  enter- 
TC/ par  douzaines,  à  la  fois.  Tout  le  Dimanche  fut 
5îmployc  à  telles  fepulturcs.  De  blelTez  le  nombre  mon- 
ta à  plus  de  deux  mille.  On  trouua  vne  fomme  enceinte 
acableede  quelques  ruines  &  encombres,  laquelle  c- 
ftantpromptemcnt  ouuertc,  fon  enfant  encore  refpi- 
rantfutbaptile.  Vne  damoifelle  fe  iettant  du  iid  à  bas 
pourouurir  vne  feiieftrc  de  fa  chambre,  vn  efclatlui 
coupa  le  col ,  tellement  quelatcfce  pendoit  fansvie 
àvnbouc  de  peau.  En  vn  coin  de  vue  près  le  Palais 
Bernard,  vn  Tauernier  furnommé  Crocs  cftant  del^ 
ccndu  ,en  lacaue  pour  tirer  de  la  bicrc  à  fes  holUsjau- 


iS^  Hilîoircs  acbmrMes 

c.tnsdefquel.siouo'/cnr  aux  cartes  ,  la  maifon  fut  en  vu 
l'-irtrintrcnncrfct* par  terre,  les  loueurs  entre  autres  fu- 
rciit  tous  .icrauantcz  ,  ayans  les  cartes  cncores  es  mains, 
«7uaniîon  les  rira  de  dcirous  les  ruines.    Nul  de  la  mai- 
fon n'efchappa/inon  rhoile,  garentj  par  le  moyen  de 
Jj  caue  voutcc  en  laquelle  il  eftoit  dcfcendu.  Trois  ou 
*{uatrciours  après  ce  pitoyable  accident ,  furent  troii- 
ifc?  cscaucs  plusieurs  morts  de  faim,  autres  cllouffe?, 
ru  iranfîs  d'cfpouuantcmét  &:  de  rinfupportable  puan- 
teur de  la  foudre.    On  trouua  vn  homme  &  vne  femme 
.<:mportC7,,&  comme  ferrez  de  force,  entre  les  branches 
<^Vn  arbre.  Vnfauxbourg  entier  fut  prefques  tout  ruiné. 
Cefte  ville  là,  tantpiailante  &  belle  auparauantfutpai 
^out  défigurée  &  comme  defchi récries  ma2;niiîques  ba- 
itimens  caliez  Sirenuerfez  ;  entre  autresles  Palais  de 
l'Empereur,  de  Madame  Marguerite  de  Bergue,  foui- 
«iroyezSc  renuerfe/.  La  maifon  des  banquiers  Italiens 
auince  de  fond  en  comble:tc  logis  de  la  polie  galfé  ,  Te- 
ilablc  emportée  auecques  les  chenaux.  Vne  partie  du 
conuent  des  AagulHns&:  des  autres  temples  de  la  ville 
futbrifee.  La  maifon  du  Conte  de  Hocftrate  foulbnt  & 
brilalechocde  Toiagc  ,  qui  s'appaifa  l'ayant  abatue. 
jSans  cela  rien  ne  fuit  demeuré  debout  ni  en  la  ville  ni 
ics  enuirons.  A  plus  de  fix  cens  pas  des  murailles  furent 
trouuez  des  gros  quartiers  dcpierre  de  taille  iertez  par 
îa  tempcite  au  grand  dommage  des  lieux  où  elles  tom- 
i)erent.   Ce  fut  vne  cftroyable  tcmpefte  :  preiagp  de  la 
guerre  d'Alcmagncà  laquelle  s'achcminoit  lors  TEm- 
pereur  Charles  cinquicfme. 


I 


EN  F  AN  S,    Cas  mémorables  auAnî  & 
toji  après  U  naijf^nce  d'aucuns, 

L'A  N    mil   cinq   cens   cinquante   8c   vn    au   mois 
dAouft  ,    certaine  Alcmande   de     Mifne  acou- 
cjiHti'vnc  lîUe,  liçjuuUciDourucdcla  petite  vairoie  iî  • 


^  mémorables,  187 

jiqois  après.  Cinq  ioursauant  que  forcir  &  venir  en  a- 
pantau  monde,  on  Touyt  fore  intelligiblement  crier 
clans  le  ventre  de  fa  mère.  lela  prefenrai  au  fainft  Ba- 
pte(me  auec  la  femme  de  MaiRre  Ican  Kentman  ,  Do- 
cteur en  medecine.G./e  Feme  au  5.  Imre  des  ^ylnndes  de 
Mifne. 

Au  commencement  de  lanuier  15^8.  vne  autre  femme 
de  la  mefme  vllle,eftant  au  fermon, l'enfant  qu'elle  por- 
toit  en  fon  ventre,y  cria  par  trois  fois  (i  haut ,  que  ceux 
&  celles  qui  eftoyent  au  tour  de  la  mcre  l'entendirent 
clairement.  Vn  moisapres,ccil  enfant  vint  au  monde  en 
bonne  profperité.  là  mefine,  * 


]ENF  AN  S*  en  nomhre-,&  d*vne  ventrée, 

ÏE  reprcfenrerai  ici  quelques  hiftoires  desfieciespre- 
cedentS;à  c  ufedeleurraretc,efperantquelc  difcours 
en  fera  agréable  ,  auec  proteftation  cependant  de  me 
contenir  ailleurs  en  mon  intention,  qui  eft  de  ne  pafler 
que  peu  fouuent  des  merueilles  du  iîecle  ,  dont  nous 
nefaifons  quefprtir,  dontieproduiray  aufTi  quelques 
exemples. 

Aupaysd'Agenoisy  al'Illuftre  maifon  de  Beau-vil- 
leâadis  fort  opulante,  &  de  grand'  efcenduc  en  biens  & 
honneursrDe laquelle  eft fortie  Madame  laMarefchnle 
deMonluc.  On  tient  pour  vraye  hiftoire  que  l'aycuUe 
de  ladite  Dame  fit  d'vne  ventrée  neuf  filles  ,  qui  toutes 
furent  mariees,&  eurent  des  enfans.La  mere&  lefdiftes 
filles  fucceffiuement  furent  enterrées  à  S.Crepafî,Eglife 
Collégiale  d'Agen,baftie  &  fondée  de  ladite  maifon  de 
Beau>ville  :1a  mère  ayant  fait  drefler  fa  fepulrure  au 
cœmitiere  fur  vn  portail  en  ;re  les  neuf  qu'elle  fit  auffi 
pour  fcs  filles,  en  mémoire  décela.  Ton  ayveu  cncor 
quelques  vnesj  eftant  à  Agenl'an  mille  cinq  cens  fe- 
ptnnte  fcpt  en  la  {\x{^\diç.  Sglife:  les  autres  ont  efté  rui- 
nées par  les  guerres  ciuiles.  L'hiftoire  eft  telle.  Mada- 
fnpjfçUc  de  Bcau-viUc  auoit  vne  fille  de  chambre  belle 


i88  HÏÏhircs  admirables 

6<.  r^illardccîe  Incjucilc  Ton  mari  Icmbloit  cftre  amou- 
reux. H!lc,  poui  s'en  desfaire  plus  honncLlemcntJa  ma- 
nc.  Ceftciillcûcs  h  première  croffcHe  faid  trois  cn- 
f  msulecjiioy  la  DamoifcUc  prinr  fantafie ,  que  fon  mari 
y  auoic  parcicipcmcfepouunntpcrruader  qu'vnc  fem- 
me peuil  conccLioir  dVn  fcul  homme  tel  nombre  d'cr.- 
fans.  Dont  elle  redouble  la  ialouiic,  6c  quoi  qu'on 
Içeuft  lui  remontrer  au  contraire,  fc  print  d  diffamerez: 
liayr  d'auantatic  la  panure  fille.  Auint  delà  à  quelque 
temps,  que  laDamoiicile  fut  enceinte  ,  &  tantgrolFe 
qu'elle  enfiinta  neuf  filles.    Ce  qu'on  interpréta  élire 
ti'vne  punition  àc  Dieu^afin  qu  elle  eull:  honte  de  fa  ca- 
îomnie,puis  qu'on  pouuoit  lui  obiedcrvne  plus  grande 
fiurcscommc  d'auoir  eu  acointance  auecplufieurs.  Car 
ellelouftenoit  toujours  opiniâtrement  que  la  femme 
ne  pouuoit  conccuoir  d  vn  homme  au  plus  haut  que 
«ieux  enfans.Ain/i  fort  hontcufccraignant  d'eftrc  difta- 
niee  &:  condamnée  par  fa  propre  Tentencc  ,  fut  telle- 
ment tentée  du  mauuais  efprit ,  qu'elle  refolut  de  faire 
noyer  huid  de  Tes  filles^ik  n'en  retenir  qu'vnc  :  ayant  la 
clîofefecrctte  entre  lafîige  femme  &vne  chambrière, 
à  laquelle  fut  donnée  celle  maudite  commiffion.  Mais 
Dieu  voulut  que  le  mari  reuenant  de  la  chafle  ren- 
tontra  la  chambrière ,  &,  defcouurant  le  fait ,  preferua 
^c  mortfes  filles  innocentes ,  les  fit  nourrir  au  del- 
ceu  de  la  mère  ,  &  au  baptefme  les  nomma  routes 
td'vn  nom,à  fçauoir  Bourrue  :  comme  aufl]laneufief- 
mequclameres'eftoit  rcieruce.  Puis  quand  elles  fu- 
rent grandettes,les  fit  venir  en  fii  maifon,  toutes  habil- 
lées d'vne  eftoffe  &  femblable  façon, ayant  aufii  fait  ha^ 
biller  de  mefme  celle  delà  maifon. Lilant  mifes  cnfcm- 
l)le  dans  vnechambrc^il  y  fait  venir  fa  femme,  acompa- 
encedes  parens  communs  &.  familiers  amis,  &  lui  dic 
qu'elleappellailBourfTue.  A  celle  appellation  chafcu- 
nedes  neufs  relpondicDequoi  la  mère  bien  eftonnee, 
&.  plus  cncor  de  les  voir  autant  iemblables  de  taille, 
de  face ,  contenance  &  voix ,  que  d'habit,  fut  confufe 
c\\  elle  mcime  :   &foudaiu  le  cœur  lui  dicquec'c- 
iloycnt  fts  neuf  ailes;  &  que  Dieu  auoitpreierue  les 

huiél. 


^mémorables.  il<) 

huifflj  qu'elle  auoic  expofées  &  cuido.t  eftre  mortes. 
Dequoilc  mari  rcfclaircit  mieux,  lui  reprochant  de- 
uant toute  la  compagnie  Ion  inhumanité,  &  remon- 
ftrant,  que  cela  pouuoitcilrcaducnu  pour  la  confon- 
dre delà  mauuaife  opinion  qu'elle  auoit  toufîourseuë 
de  lui  à  l'endroit  de  Çà  lîlle  de  chambre.  Voila  a  peu  près 
comme  on  le  recite.  /,/.  L.  lou'jrrt  ait  tfûificfme  Urne  de  fa 
^rrcirrspophLures^chjt'.l. 

l'enten  ,  qa'enla  maifon  de  Stourneau,  en  Peri- 
gort,  arriua  vn  faid  fembiable  ,  il  y  a  plus  de  trois 
cens  ans.  La  Dame  fit  neuf  cntans  mafies  d'vne  ven- 
trée, &  en  voulut  expofer  les  huid  :  qui  furent  heu- 
reulement  preleruez  (parla  grâce  de  Dieu)  du  ren- 
contre de  leur  père.  Tous  les  neuf  vcrouirenr,  8c  furcnc 
pourueusde  grands  eftats,  quatre  en  l'Eglife,  &  cinq 
au  monde.  Des  Ecclefialliques,  Tvn  fut  Euefque  de 
Perigueux&  Abbé  de  Branlaume  :  L'autre  Euefque 
de  Pamie-/  :  Le  tiers  Abbé  de  Grand-Sclue ,  &  le  quart 
delà  cafe-Dieu.  De  ceux  du  monde,  l'vn  fut  Lieute- 
nant de  Roy  à  la  Reole  contre  les  Anglois:  L'autre  eue 
vn  gouuernement  en  Bourgongnc  :  Les  autres  trois 
furent  en  grand  crédit  auprès  du  Roy.  On  void  encore 
auiourd'hui  tout  cela  peint  en  vne  fale  du  Chafteau  de 
Srourneau  ,  ainli  que  m'a  did  le  iieur  de  Stourneau» 
yffu  de  celle  tres-illudre  &  ancienne  maison,  l'vn  des 
maiftres  del'hofteldu  Roy  de  Nauarre  ,  depuis  Roy  Je 
France.  L  e  mefmej  ait  4 .  liitre  des  erreurs  populaires  ,  chapi" 
trei,  ^  « 

Prefque  fembiable  eft  le  fait  des  Pourcelers  de  la 
ville  d'Arles  en  Prouence  ,  d'où  ell  ibrtie  la  noble  mai- 
fon des  Conuertis  :  lefquels  furent  ainli  nommez,  parce 
que  la  chambrière  qui  portoit  noyer  les  huid  ,  e- 
itantrencontiee  du  mari,  dilbit  que  c'eltoyen:  pour- 
celers qu'elle  alloic  noyer,  d'autant  que  lacruyen'eii 
pouuoittant  nourrir.  On  dit  que  ce  fut  par  l'impréca- 
tion d'vnepauure  femme,  qui  dcuiandoit  i'aumoineà 
la  Dame  de  la  maifon  ,  iccUe  femme  eilant  enui-' 
ronnee  deplufieurs  ficns  pcarscnfans.  Ceouela  Da- 
Ijjc  lui  reprocha,  comme  procédant  dclaiciueté.  Se 


190  Ht  (loir  es  admirables 

d'cftrc  rrop  adonncc  aux  hommes.  Lapauure  fcmmfjl 
qui  ciloir  femme  de  bien,fitlors  ceftc  imprécation, qu'i- 
ccUe  Damepeuft  tncrolTci- d'autant  d'cnfans ,  qu'vnc 
truyefaitde  cochons.Ilen  auintainfi,  par  le  vouloir  de 
Dieu, pour  monftrer  à  la  Dame ,  qu'il  ne  faut  imputer  à 
vice  ce  qui  cil  dVne  grande  bcnedidion. 

On  en  dit  autant  de  la  magnifique  famille  Dcllx 
Scroua  à  Padouè,qui  porte  en  armoiries  vne  truye  ,  en 
Italien  dite  Scroft,8i  en  langage  corrompu  Scroiu  ,  fur- 
nom  de  ladite  famille.  Es  annales  de  Lombardieon  lit 
que  du  temps  d'Algimont  premier  TRoi  des  Lombards: 
vne  purnin  acouciia  de  lept  fils,&  que  Tvn  d'iceux  fuc- 
ccda  avdir  Algimonr.Ican  Picus  Prince  de  la  Mirando- 
le  efcrit  en  Tes  commentaires  fur  l'hymne  recond,qu'cn 
Italie  vne  Alemandeacoucha  en  deux  fois  de  vingt  cn- 
fans:Ia  première  ventice  eilant  de  douze^  &  que  ce  far- 
deau pefoit  tant,qu'ellc  le  fourtenoit  auec  vne  feruiet- 
te.Albucafis  ,  grand  Médecin  &  Chirurgien  Arabctef- 
moigne  dVne  fem.me  qui  fît  fcpt  enfans  ,  &  d'vne  autre 
qui  auorta  de  quinze  bien  formez.  Pline  fait  mention 
dVnc  qui  auorta  de  douze.  Martin  Cromer  en  Ton  hi- 
ftoire  de  Pologne  efcrit  que  la  femme  du  Conte  Vir- 
boffas  en  Cracouie  fit  dVne  vcntrce  trente  fix  enfans 
vifsjl'an  1:69.  Mais  ce  qui  excède  tous  autres  exem- 
ples,&  qui  cft  extraordinaire,  furnatiirel  &  miraculeux, 
eft  ce  quePon  efcrit  d'\neConreirc  d'KoUande  ,  dont 
ie reprefentcray  ce  qu'en  remarque  Louys  Guichar- 
din  en  fa  defcription  du  pays-bas,felon  Pinfcription 
qui  en  eft  en  vne  Abbaye  près  de  la  Haye,  &  mife  dé 
Latin  en  François:  Marguerite  fille  d'IUuftre  Seigneur 
Florent  Conte  de  Hollande,  &  de  Mathildc  fille  de 
Henri  Duc  de  Brabant,fœur  de  Guillaume  Roy  d'Alc- 
ma^ne  eftant  en  Paage  de  41.  ans,  acoucha  le  vendredi 
deuant  Pafquesjà  9.  heures  de  mann,ran  ii275,(la  mer 
deshiftoires  met  l'an  I5i5.)dc  5(î^5.  enfans  vifs,  maf- 
les  &  femelles ,  qui  (  en  prefcnce  de  plufieurs  grands 
Seigneurs  &  gentils-hommes  )  rangez  '  dedans 
vn  grand  baffin  proprement  accommodé  furent 
tous  bapufez  par  vn  Euefciuc  3  les  malles  nommez 

4'y4 


^vn  mefmc  nom,  Ican:&  les  femelles  Elizabeth.  Tou5 
moururent  toft  après,  comme  la  mère;  &  furent  rous 
enfemblc  mis  en  vn  nKTme  lepulchre.  L.ViuesjHrafme, 
&  autres,c]ui  racontent  cefte  hiftoire ,  difent  que  ce  fut» 
d'autant  qu'icelle  Damcs'eJloitmccfjucc  d'vjiepauure 
femme  qui  lui  demandoit  rauraofne,  portant  deux  bel- 
fons.  Elle  la  tança  fort,  difanteftre  irnpofîlble  quVne 
femme  eulldeuxenfansà  vn  coup, engendrez  dVii  mel- 
me  père.  Sur  cela  pauure  mendiante  fit  vne  prière  i 
Dieu,  que  pour  prcuue  de  Ton  innocence,  chargée  i 
tortjla  Contefle  lill  autant  d'enfans  d'vne  venrrce,  qu'il 
y  a  de  iours  en  Tan. 

Pourreueniraux  hiiloircs  de  moins  d'enfans  d'vne 
portée.  Nous  auons  veu  vne  femme  d'Aubenas  en  VI- 
uarets,qui  de  la  première  ventrée  fît  deux  cnfans ,  de  la 
féconde  trois ,  &  de  la  troifîerme  quatre!  A  Orillac  en 
Auuergne,la  femme  dVn  nomjiié  Sabatier  enfanta  trois 
fils  d'vne  ventrec.  Le  premier  &  le  dernier  vefquircnc 
vingtquatie  heures.  Ceiui  du  milieu  (  qui  pour  ce  fut 
nommé  lean  de  Trois)deuinthorameparfair,futhiané 
à  Paris,(Si  a  vefcu  long  temps.  Ir.  femme  d'vn  bonnetier 
en  la  ville  de  Rouan ,  bolfue  &  de  peu  te  taille ,  fit  ciûq. 
.mafles  dVne  ventrée  rani55o.Tout  ce  que  deiîus  eft  es- 
tratde  M»  Laurert  loubert  att  ^.liure  de  jcs  erreurs  popu-^ 
lairesychap,!.  Adiouflons  encore^  quelques  autres  lu-- 
floires. 

L'an  mil  cinq  cens  cinquante  quatrc,à  Berne  en  Suif^ 
fcla  femme  de  lean  Gchnger  l^ofteur  enfanta  d'\ne 
portée  cinq  enfans,  trois  malles,  &  deux  femelles.  Pline 
parle  d'vne  Grecque  qui  en  q-udv.c  portées  htvinet  en- 
fans,  defqucls la  plufpart  \ eiquirent.  Dalechanlps^en la 
Chirurgie  Françoife  ditquVn  gcntil-hommc  Sienois, 
nommé  Bonauenture  Suuclli  ,  lui  a  aftcrmé  qu'vne 
/ïenne  efclauc  &  concubine  Ht  fept  enfans  d'vne  poi- 
r.'je,dontles  quatre  furent  baptizez.  Et  de  noftre  temps, 
entre  Sarte&  Maine,  paroi  lie  de  Seaux,  près  Cham- 
bellay  ,  il  y  a  vne  maifon  de  gentii-iiomme  appellce 
la  Makiemerc  ,  la  femme  duquel  eut  la  piemiere 
iU),nee  qu'elle  fuit  mariée  deux  enfans  ,  h  féconde 


192,  Hïjloires  admirables 

année  trois ,  la  troifiefmc  quatre ,  la  quamefme  cinq ,  \t 
cmquieiine  fix ,  dont  elle  mouruu.  Vn  de  ces  lix  entane; 
elt  viuant  auiouvd'hui  ,  iîcurde  ce  lieu  delà  Maldc 
merc.    Aï.  i^mUr.  P.ué  att  •viagtc^UAtriej'me  liitr.  ch.x'u:.. 

L'on  aveu  maintesfois  en.noftrc  Efpagnc  ynetcni- 
me  faire  trois  cnfans  :  Si  n'y  a  pas  longtemps  qu'vn. 
femme  le  deliurade  quatre  d'vne  ventrée.  Il  y  a  aflV/ 
longtemps  que  le  bruit  courut  par  tout  dVnc  grand 
Dame  acouchee  àMedinc  dclCamp,oii  elle  fît  fept  t\\- 
fans.  Et  dit-on  qu'à  Salamanque  la  femme  d'vn  Li- 
braire en  fit  neuf.  Puis  que  nous  fommes  fur  ces  hiltoi- 
les  admirables  d'cnfans  produits  en  nombrc,ie raconte- 
rai ce  qu'Auîccnne  teilnoignc  au  g.  liurc  des  animaux, 
«.iVnefemmclaquelle  auoit  enfante  d'vnc  rentrée  foi- 
xante  &  dix  enfans  bien  formez.  Et  Albe^tlcGrand  ci- 
critauoir  entendu  pour  chofe  affeuree  d'vn  Médecin, 
qu'ellant  appelle  en  certaine  ville  d'Aleniagne,  pour 
vifiter  vne  dame  malade  ,  trouua  qu'elle  auoit  enfanté 
dVne  venrree  cent  cinquante  cnfans ,  tous  enuelopcz 
en  vnc  petite  taye  ou  pellic:ile,aulî!  grands  que  le  petit 
doigt  de  la  main  ,  lefquels  fortircnttous  en  vie  ,  &  for- 
mez, '^yi.  T orcjucrnade  en  lu  l.i'jHrncedc  fon  Hexameron. 

Cela  eft  admirable  qu'vne  femme  idlTc  desenfans  vifs 
en  fi  grand  nombre ,  lî  petis ,  neantmoins  formez  &  vi- 
iians,  comme  ce  que  nous  auons  veu  dclaComtelie  de 
Hollande,  &  des  femmes  mentionnées  prefentemenc 
après  Auicenne  6:  Albevcje  tefmoigne.Pour  etclaircii- 
fcmcnt  de  tou.t,  i'adiouileray  ce  qu'efcrirConiiant  Va- 
Tol  philofophe  &  médecin  c^  Bologne  la  Graflc,au  qua- 
trielmeiiure  de  fon  anatomie.  l'ai  veu  (dit-il)  vn  auor- 
ton  de  trois  femain  ;s,  confufément  figuré  ,  de  la  gran- 
deur d'vn  grain  d'orge,  où  ie  remarquai  la  teife&la 
poi(ftrine,  mais  nuls  bras  ni  cuiffcs  encor.  Outreplirs 
i'ay  v^u  vn  autre  auorton  ou  germe  de  fîx  fcp- 
jnaincs  ,  ayant  forme  diifinc^c  de  la  groflcurd'vnea-- 
beiUe,  où  paroifîoyent  les  yeux,  Ic^  narines,  la  bouche, 
le  cœur,  les  poulnions,  les  coilcs,  le  dos ,  le  foycle  dia- 
phragmeareilomach,  les  rcius ,  les  boyaux  ^  le  membre 


érmemorahlesl  195  ' 

Tinl,&  autres  parties;cc  t^ue  ie  monftray  à  plu/îeurs.Lcs 
bras  &  les  cuill'cs  conimençoycnt  a  pulluler ,  cflans  fore 
petites  en  proportion  au  rcftc  de  ce  petit  corps  :  car  les 
cuiflcsn'eiloyent  pas  plus  groU'ei-qu'vn  grain  dérailler. 
Les  bras  deux  fois  autant.  Tay  veu  plulîcurs  autres  tels 
fruits  abortifs,de  la  grandeur  &  grofîeur  d'vne  feue,d'vu 
cfcarbot,  d'vncgrenouillc,où  i'ay  toufiouis  trouué  tou- 
tes les  parties ,  &  remarqué  que  Icscxtremitcz  eftoyenc 
touliours  moindres  ù  proporriô  que  le  refteten  telle  for- 
te neannneins  que  Tciprit  vjuii:antcei^emaire,fcrmc  & 
figure  toutes  les  pairies  d'icellcs  cnfemblc  r  mais  il  in- 
troduit fuccefliuement  le  plein  6i  entier  accompliffe- 
ment  de  la  forme.  C'ell  en  fomme  vne  riche  &  admira- 
ble; tiflure,  ou  pièce  de  tapifferie  de  haute  lific  ,  que  no- 
'ftrc  corps  i  qui  nous  doit  induire  a  pcnfer  fouuentau 
contenu  du  pfeaume  15^. 

Conrad  Lycojihthc  en  fou  recueil  des  prodiges  recJtanC 
rhiftoire  de  TAlcmande  ,  qui  fit  vingt  enfans  en  deux 
couches,  adiou fie  qu'au  territoire  de  Modene  vne  Ita- 
lienne nommée  Antonia  ,  aagec  d  enuiron  quarante 
ans,  &qui  parauant  au<jiL  acoultumé  de  faire  touliours 
quatre  enfans  à  la  fois,ou  trois  du  moins,  en  fit  lors  qua- 
rante,comme  atteirc  TEuefque  de  Come  qui  en  efcriiuc 
rhiftoire. 

LailTant  les  hiftoires  anciennes ,  que  Jious  pourrions 
produire  en  grand  nombre  :  nous  en  alléguerons  enco- 
res  quelques  vues  de  noilre  temps,  v^ne  payfanne  Sui/ie 
acouchaTan  ; 53^.  de  quatre  malles  qui  \eicurcnt  quel- 
ques heures.  Vn  raitrc  es  enuirons  de  Zurich  fit  aulîî 
d'viic  ventrée  quatre  mafles  qui  furent  baprifcz.  Su'M" 
ffiui  e*r  Lycojihaics. 

Vne  Sicilienne  nommée  Pamique,  mariée  à  Bernard 
Bellouardd'Agrigente,  fut  iî  fertile  qu'en  trente  cou- 
ches elle  fitfeptante  troii  enfans.  Vne  femme  deMefilne: 
aagce  dcvintquatrc  ans  eut  d'vne  ventrée  neuf  enfans, 
dont  s'cftant  deiiuree  elle  &  tous  les  enfans  moururent. 
jh.Faz.el.aH  6.  Uttrc  de  la  I.  décade  de  Chijtoire  de  Sicile. 

L'an  1579.  YÏuoit  ençor  viie  femme  nommée  àalullt^. 

N 


194  HîHûirfs  admirables 

graifc  &  de  petite  caille,  laquelle  en  deux  acouchemeiïs 
fit  dixhuit  enfans.  /.  Mich-d  vafih.l  es  jchol.jur  le  l.Uttre  de 
de  P.Paid  Pende  ,  de  Li'nten'fond^s  m.dadies,  chu.  ^9.  A  Bo- 
logne la  Grairelule  Scatmairc,  homme  qui  a  beaucoup 
d'enfansjcft  le  repticlme  enfant  d'vne  ventrée.  Sa  mcrc 
eftoitfœurdu  Seigneur  Florian  de  Dulphemon  allie. 
Et  l'ay  V  eu  vnc  femme  de  la  ville  de  Garpi  enfanter  d'v- 
ne ventrée  cinq  fils.  Curptïi  en  jon  anatomie.  On  lit  es 
annales  de  Gencs  ,  cfcrites  par  t^Au^ujiinlufiiniMi^au*). 
liure  y  que  de  la  mémoire  de  nos  pères  Bartholomec 
femme  de  lean  Anthoine  Boccanegre  en  vn  leul  enfan- 
tement fit  dixneuf  enfans,  chacun  de  lagrolfeur  dVnc 
datte ,  &  ayant  forme ,  mais  confufe.  La  femme  d'vn 
Confeiller'de  Bologne  â  la  première  couche  eut  deux 
befTonsjtrois  en  la  féconde,  dont  Tvn  eut  vie,  quatre  à  la 
troifiefmequi  moururent  incontinent,  i rincauelle  liitre 
Jl.cha.  17.  de  U^nerifon  des  muladies. 

Du  temps  de  TEmpereur  Maximilian  premier  vnc 
femme  Suifleacoucha  de  trois  filles  en  mefme  heure, 
lefquelles  velcurent  &  paruindrent  toutes  en  aage  de 
marier.  I.  Ruejf.au  ^.liure  de  la  coiiceptton  ^  génération  de 
tho'i-nme  cha.  4.  Ccs  années  palfces  la  femme  d'vn  artifaa 
nommé  Brandimarr,  aagee  de  vingtfix  ans ,  enceinte  de 
huiâ:  mois,ne  pouuant  plus  porter  Ton  fardeau  ,  fe  deli- 
ura  de  quatre  enfans  bien  formez,  deux  maflcs  &  deux 
femelles  ,  qui  toft  après  auoircflé  baptifez  moururent, 
'  la  mère  demeurant  en  vie.  Tout  le  peuple  de  Matitouë 
courut  voir  cefte  acouchee  &  Tes  quatre  enfans.  La  Du- 
chefie  mefme  honora  de  fa  prefence  la  pauure  femme, 
&  lui  fit  de  grandes  aumofnes.  Marcel,  Donat^a»  4.  Uurt 
de  fis  hiftoires  ynedecinules  cha.  i^  Vne  femme  de  la  vill'e 
de  Leyde  en  Hollande,  vman:  encoreTan  mil  cinq  cen» 
nonanre  fept ,  &  lors  aagee  de  trente  hind  ans  auoit  fait 
dixhuid  enfans  eu  quatre  portées  ,  dont  les  douze  01*, 
«rcize  viuoyent  alors.  Mémoires  de  mjhe  temps. 

KN- 


i^mimorahîes.  i^y 


BNFA2i  S  produits  a  diuerfesfois^de  mefmt 
grojfcjfe^farfuperfetation.  * 

IL  n'y  a  pas  long  temps  qu'au  pays  d'Agenois>  on  aveif 
vne  portée  de  trois  gcmeaux^qui  font  créez  huidû 
iours  IVn  après  l'autre.  On  cicrit  dVne  femme  d'Ale- 
xandrie, quiûit  vcueà  Rome  du  ttmps  d'Adrian,  aucc 
cinq  fils,  defquels  le  cinquiefme  eftoit  né  quarante 
iours  après  les  quàtres.nez  en  mefmc  temps.  M.  l.  ioh^ 
bert  nu  yliure  des  emun  f>opulaires, cha.Ii 

A  Beaufort  en  Vallée, pays  d'Anjou, vne  ieunt  femme 
fille  de  feu  Mace  Cliaunicrc,  acoucha  d'vn  enfant,  & 
huid  ou  dixiours  après  d'vn  autre  ,  qu'il  falut  lui  tirée 
hors  du  ventre,dont  elle  mourut.  M.  t^mbr.Paré^au  24. 

Vne  grand' Dame  Hfpagnole,  eftant  en  trauail  d'en- 
fant fedeliura  d'vn:  dont  la  nouuelle  portée  à  Ton  Sei- 
gneur &  mari,fa  refponfe  fut,à  ceux  qui  lui  en  faifoycnc 
le  recit,rctoarnez,ce  n'ell  pas  aclieué  ,  elle  en  fera  bien. 
d'auantage.Il  dit  vraircar  quelques  heures  après,  par in- 
teruallcs  elle  fit  encore  cinq  cnfans.i^.  Torquernade  etil^A 
prennert:  tournée  de  fon  \iexamero7u 
\  ^  La  femnK'  de  Zacharie  de  Scarpairc  ,  ellant  acouchee 
d'ynfîls,  trois  mois  après  acoucha  d'vn  autre,  &  tous 
deux  vefquirentjl'vn  ellât  elpicierà  Florence  au  bourg 
Saind  Laurent.,v*fo/.*î^»  6Jifcûi*ri,triUchaf>.zi.Vnc  cer- 
tainefernmefedeliurad'vn  beau  fils,  &  le  lendemain 
d'vn  fort  laid.  Elle  fut  eftimec  auoir  forfait  à  fon  hon- 
neur.Gorr/o/z/w  Mi  Uure  intitulé  Lilinm fefl.j .ch.t.z. 

Combien  que  lanaiirance  des  monltresfoit  chofê 
rare  toutesfois  la  fuperfetation  Tell  encore  d'auantage, 
voire  fi  rave  qu'aucuns  reAimentimpofiible.  Ce  non- 
obftantnous  en  auons  eu  vn  exemple  euident  en  la 
femme  d'vn  honnelfe  homme.  Elle  acoucha  dVn  fila 
bien  ù  terme  le  7.  iourde  Décembre  içyo.  i^i\  hcu- 
4C>  du  fojr ,  auçc  deliuwiicc  dç  tout  ce  qui  a  açQUn 


19^  Hîjlôires  admirables 

ftumé  de  venir  aprcsTcntantcmcnt  heureux,  le  lende- 
main à  mefmc  heurccontrc  toute  aprelien/îon  d'elle &: 
de  la  fage  femme,  elle  acoucha  d' vn  autre  fils ,  mais  qui 
n'efloit  pas  encore  a  demi  terme ,  pource  que  les  yeux, 
les  narines  &  la  bouche  n'auoycnt  point  leurouuertu- 
TCDodonaiis  enfesobfcmationsfHrchap.lll.de  ^yi.  Beniin^ 
mus. 

Lafemme  de  Monfieur  Gaillart,  Prefidentenla  Châ- 
celleric  de  Valence,quatre  mois  après  le  trefpas  de  Ton 
mar;  acoucha  d'vn  nis,&  cinq  mois  après  d'vn  autre.  P. 
Paitl  p^red".  l'ay  veu  vne  damoifelle  portant  deux  ge- 
meaux,dontIe  premier  fortit  mort  le  i.  lour  du  5?.  mois: 
puis  le  y.iour  fumant  elle  acoucha  de  l'autre ,  qui  eftoit 

MUZni.t^.  l. aurcnt.au  zdime  defon  t_y4}iatoînie,qutiFi.$l. 

Dame  Marie  de  Neufchaftcl  ayant  eu  du  Baron  de 
Cremaille  neuf  enfans^deuint  en  fécondes  nopces  auec 
le  Sieur  de  Malorcie  grolle  de  trois  fils  enfemble,duquel 
nombre(  petite  comme  elle  cil)  ellcelloit  iî  chargée, 
cju'enuiron le  5. mois,  elle  en  acoucha dVn  feulement. 
Etcuidant;(comme  aufîl)M.  Thibaut  célèbre  médecin 
à  Chafteauthierry,qucles  deux  autres  ne  fuflentque 
ijuelques  fardeaux  :  lui  ordonna  vne  forte  purgation 
propre  à  vuider  ceschofes  laquelle  abatit  deux  autres 
enfansjfi  entiers  &  viuaces,que  le  médecin  melme  fe  re- 
pentant de  fon  ordonnance,difoit  qu'ils  cftoyent  indu- 
bitablement pour  venir  à  terme  nonobllant  l'auorte- 
ment  de  Tautre^fi  la  purgation  ne  leur  euil  fait  tort.  De- 
puis lors  elle  eutplufîeurs  grofieffcs,  Se  prefques  toutes 
de  iumeauxjtantoil  mafles,tantoil:femellcs;en  l'vne  def. 
quelles  elle  fut  par  le  violent  heurtement  d'vn  chien 
tellement  blecee,qu'incontinent  fe  trouuant  fort  mal, 
elle  ne  douta  point  que  fon  fruid  ne  fut  mort  :  de  façon 
que  quinze  iours  après  elle  acoucha  de  deux  enfaiis, 
l'vn  defquels  eftoit  mort ,  &  manifcltemcnt  recognoiQ 
fable  d'auoir  efte  long  temps  auparauant  .eileintrrau- 
tre  eftoit  vif,  maisiî  débile  ,  pour  la  communica- 
tion du  mal  de  fon  frere,compagnon  &voifin  ,  que 
par  trois  iours  il  ne  peut  teter.  Neantmoins  il  fut 
iî  bien  fubilanté   quil  reuinc  ,  &  fuc  depuis  page 

çhQZ 


C^  mémorables.  197 

che7lc  Roy  en  la  grande  cfcuirie.  /V/.  François  Rohfjlt  m 
Joff  cornwetJt.de  t evfu^nimttit  Cefirin^chnp.J .fi.fl.6 . 

Quant  aux  ruperfxtationsnaî:urcl!cs,il  elt  certain  que 
<icux  cnfansjconccus  par  interuallc  de  temps  l'vn  après 
1  aucrc,dcclairent  afïez.  cela:cc  que  (  long  temps  y  a)i'ai 
remarqué  vne  fois  àPithuicrs  le  vieil,en  vne  femme  qui 
coucha  d'vn  fécond  enfant  trois  femaines  après  vne  au- 
tre cnfantcmcntjdont  elle  clloitia  releuec.  Lamef- 
me. 

Lafcmme  delean  Pliegc  dVn  village  appelle  Rix- 
lieim  à  deux  heures  de  chemin  loin  deBafle^ayant  por- 
te à  terme  deux  befl'ons,le  premier  vefquit  vn  an  entier, 
le  fécond  ne  vint  au  monde  que  fîx  femaines  après  fou 
frère ,  a  vefcu  long  temps ,  s'ell  marié  ,  &  a  eu  huiâ:  en- 
iâV\S.Ai.Gus^.BaiihÎ7i  en  fis  ohfiruations. 

Chreftienne  Schichtin  ,  ayant  eu  de  fon  premier  mari 
dix  enfans ,  efpoufa  en  fécondes  nopccs  Michel  Vogel 
preuoft  de  BoUickhcin, village  a  trois  heures  de  chemin 
loin  deBafle,&  deucnue enceinte  enuiron  le  cinquan- 
tiefmc  an  de  fon  aage(  &:  le  trenticfme  de  mariage  )ratt 
1575. vn  Dimanche  du  mois  d'Auril,  fon  terme  venu  elle 
fcntit  les  douleurs  d'enfantement,  &  fc  dcliura  d'vne 
fille  nommée  Mariejaqueile  mourut  au  bout  de  quin- 
ze iours.  Eftant  relcuee,&  faifant  fon  mcfnage ,  cinq  fe- 
maines &  cinq  iours  aprc^s  ce  premier  cnfantement,nou- 
uellcs  douleurs furuicnent,  oui  rarrellenta  tellement 
qu'elle  acouche  d'A  n  fils ,  nommé  Michel ,  comme  fon 
pcrc,&  vitencores  à  prefent.  Depuis  elle  nefîtpluii 
d'en  fans.  L^iwe/we. 

L'an  1584.  mourut  à  Hirshon  villctte  au  Palatinat 
proche  de  Heidclbcrg,vn  gcntil-homme.  Seigneur  du 
licu^nomé  Philippe  Ludouicde  Hirshorne  ,  fanslaiffer 
aucuns  hoirs  viuans  procréez  de  fon  corps,  mais  bien 
fa  vefue  enceinte.  Ceux  quife  prctendoyent  héritiers 
de  lui,  cas  aucnantquela  vefue  auortaftjon  ne  gardait 
fojifruid  long  temps  en  vie,  commencèrent  inconti- 
nent à  molefter,luiarrachans  par  force  toutes  les  clefs 
des  chambres,  coffres,  cabinets  ,  caues  &  greniers  :  ce 
qui  la  coutrifta  de  celle  forte ,  que  mettant  fcs  mains 

N   i 


VpS  Hijloir es  admirables 

fur  fa  teftcelle  fe  piint  à  crier  de  toute  fa  force  :  &  peif 
de  iours  après  acoucha  d'vn  beau  fils,mais  mort  &  n'ay- 
ant point  de  tcftc.     Les  héritiers  acoururcnt  inconti-. 
jjcnt,&  faillirent  la  fucceflîon  du  defund.Maisils  n'en 
iouyrcnt  pas  long  temps.     La  vcfuc  rcleuec  de  cou- 
che fe  fcntoit  fort  pefentc,  &  pcnfoit  cjuc  ce  fuft  c]uel- 
€jue  enficure,  &  amas  d'humeurs  en  Ton  corps  affligé  de 
tnlkflc.    Quelques  Medccinsjaufjucls  elle  demanda 
iiuis^difoyentic  mcfme,n'cftimans  nullement  ce  qui  a- 
uinttoft  après.  Pourtant  lui  confcillerent-ils  d'aller  à 
certains  bains  &  eaux  minérales  au  long  du  Rhin  ,  où 
elle  s'achemina  acompacnee  d'vne  fcruante,&:  s'y  ren- 
iait au  mois  de  luillct.  Alors  l'Eledeur  de  Saxe  y  eftoit 
aucc  fa  femme,  enfcmble  plufieurs  autres  Princes  & 
Trincefles  :  tellement  que  la  pauuie  vcfue  ne  pouuant 
Irouucr  logis    ,  fut  contrainte  recourir  au  Preuoft  ou 
jMaire  du  lieu, lui  dçclairantfa  condition.    Somme  elle 
obtint  a  grande  rcqucfte  licence  de  loger  pour  la  nuift 
Suiuante  en  la  maifon  de  ce  Preuoft.   En  cefte  nuift^, 
^  dix  fcpmaincs  entières  après  le  premier  cnfantemct^ 
elle  acoucha  A'xn  autre  beau  fils:  dont  les  Princes  auer- 
tis  le  lendemain,  &  de  toute  Thiftoire  ,  honorèrent  l'a- 
couchcc.  CarlLledeurde  Mayencelui  fitvn  magnifî- 
<|ue  feltin/clon  la  couft umc  d'Alcmagnc.  Celui  de  Sa- 
^elui  donna  mille  djJlers.On  contraignit  ceux  qui  s'e- 
l^oyent  empare?  de  la  fucceflîon  de  la  iaifter  entière  au 
légitime  héritier  nouucau  néjaiftc  en  la  garde  noble 
de  fa  nicrc  &:  tutrice.Ccft  enfant  fut  foigneufement  efr 
leucSSc  ell:  en  xic.Lamcfme. 


XNF  AN  S  morts  au  ventre  de  leurs  meres^ 
e^  mis  hors  par  merueillettx  moyens. 

LOvYSE  Paupard  femme  de  maiftre  Nicolas  Sc- 
uin.dit  Champgafté,  d'Orléans,  penfant  que  cc« 
mois    ne    fulTenr  'retardez    que     pour    vne    fieurc 

quarte  (  Cpir.mc  U  nduicnc  ordinairçmçnf  T"'^  }^^l 
^  "-  i^ççiîçnt; 


C^  Tncmôrahlcs.  19^ 

lis  ccflenr)auoit  neantmoins  conccu  :  mais  ne  fe  dou- 
tant pas  d'eilrc  groflc,  nelaiiTad'vfer  de  telles  liiedeci- 
;-;c'>,(ragnees,&  autres  applications,  dont  on  p.  acoulèu- 
mc  dVferjtant  poutlad)te  quarte,  que  pour  les  duretcz. 
Jufoye,&  delà  rate,  furucnantcsà  ce  mal,  Icrquelles 
on  prenoit  lors  pour  l'enfant  eftant  au  ventre  ,  fans 
qu'on  le  reconuft  pourccqu'ileftoic,maispluftcfl:pour 
quelque  fcirrhe ,  ou  autre  amas  fait  de  la  prétendue  ré- 
tention fymptomatique  du  fang  menftrual.  En  fin 
l'enfant  mort,  &  les  parties  d'icelui  plus  molles  ellans 
pourries,  fans  y  auoir  apparence  d'enfantement ,  les  os 
îedefnuerent  là  dedans  a.uecle  temps,  apercèrent  la 
matrice  fur  le  derriere,vers  le  gros  inteftin,de  forte  qu'el 
le  commença  deflorspcu  à  peu  à  les  vuider  par  le  jfîe- 
ge  allant  à  fes  affaires,  &  entre  les  autres  vn  os  entier  de 
la  iâbe.Ayant  ainlî  long  tempslangui,elle  inourut,&  fuc 
ouuertelefîxiefmeiour  de  Feurier  ,  mil  cinq  cens  foi- 
xante  cinq,par  M.Florent  Philippe  &  Michel  Pichard, 
lefquels  ne  trouuerent  leans  qu'olTemens  pourris,  & 
principalement  ceux  de  la  tefte^auec  admiration  d'auoir 
peu  fubliftcren  ce  bourbier  matrical.Cettefemmefem' 
ble,quantà  cela,  auoir  efté  curable  par  la  gaftrotoinic, 
ou  feûion  du  ventre,fi  le  maleull:  eifé  conu  d'heure,lc 
remetii;  pratiqué  es  enfantemcns  C^fariens  receu  en 
viage,  &  pratiqué  difcuetement.  Vr.  Ronfjcttnfon  Upjle^ 
rotomotne, 

Catherine  des  Fiefs,  Damed'Oucy  près  Milly,dc« 
uint  en  fécondes  nopces  nialade,&  grofîe  en  niefm» 
temps,ne  pcnfant  pas  ellire  enceinte,  &  i\xz  à  Paris  pen- 
fec  malade,  comme  l'aune  auoitefté  à  Oilcans^par  v- 
nc infinité  d'aidcs>voire  iufques  à  la  dicTte  fudatoire> 
nonobllant  que  quelque  fage  femme  de  la  Roinela 
iugcant  grofre,par  tous  les  accidens  de  groireiTe ,  remar- 
quez par  elle  félon  leur  ordre,  depuis  l'aircir  des  mois 
iufques  au  laidt  des  m  ara  m  elles  ,  &  de  U  au  neuf- 
iefme  mois:  auquel  temps  tous  ceflerent  auec  le  mou- 
uement  libre  de  l'enfant  :  furuenans  adonc  douleur 
d'çnfuntcmcm;  faïui  cfifeCt ,  ficincontincnr  après  fui- 

N  4 


200  Hifloires  admirables 

uanstous  fignes  d'ciifanc  mort  :  àcjuoycncor  ne  prc- 
noir-on  Svîrde.  Ainfi  retournée  de  Paris  en  famaiibn, 
porta  toujours  dcpuis'l'enfant  clicinc  ,  qui  fut  po'..: 
Tout,de  compte  fait,  uifqncs  au  iourdc  Ton  dcces ,  qun 
2.e  mois  outre  les  neuf  preccdcns  qu'il  cftoit  vif.  Lt 
parties  molles  s'en  allans  en  pourriture  par  en  bas  fu- 
rent (  non  fans  quelque  raifon  )  eftimees  par  N.  Ponet, 
do(fce  Médecin  de  Melun  ,  pour  boue  lortant  d'vlcere 
matrical  ,  &les  os  y  reftans  pour  Icirrhe  de  rate.  Yn 
fin  citant  morte ,  &  ouuertc  le  troifiefme  iour  A'O- 
^obre  mil  cinq  cens  feptantepar  Luc  Champenois  &; 
laques  D'^?ier  ,  barbiers  à  MiUy,  es  prefences  des 
$iicurs  de  Vertau  &  la  Gamiere  ,  auec  plufieurs 
autres  ,  hn  trouuee  en  icellc  encore  force  boue, 
.point  de  matrice,  &tous  les  os  d'vn  enfant,  quelques 
"vns  pourris,  les  autres  entiers,  &  entre  iceux  Tv-n  des 
<îeuxclauiculcs  ayant  de/la  percé  le  péritoine,  &  les 
inufcles  de  l'abdomen, n'y  rcdant  plus  que  le  cuir,  qu'il 
nç  paruft  dehors  par  le  cofté  fcnellrc  de(îa  tout 
liuide  ,  lequel  auoit  longtemps  au  parauant  efté 
prins  pour  va  fcirrhe  de  rate.  Si  le  mal  euft  efté 
bien  reccrché  par  la  concurrence  &  fuite  de  fîgnes  en 
la  grofieffe  de  ^enfant  mort  ,  &  autres  coïnciden- 
ces bien  remarquées  par  ordre  :  &  reconu  pour  tel 
^u'ileftoit,iiy  auoit erperancc,  lorsqu'elle  nepouuoic 
acoucher,  dcfauuereilc  &  ion  fruiifl  parla  gaftrono- 
mie  ou  fcdion  Carfàriennc  :  ou  bien  encore  après 
l'enfant  mort  (  qui  fut  vn  long  traid  de  temps  )  de  (au- 
uerpour  le  moins  la  mcre  ,  pnrle  moyen  de  celte  me^. 
mefeûio'n,  lorsf£ul(Sc  necellane  remeder.  ^u  înc/me 
traitée. 

Pareil  &  aufil  trifte  efted  eft  bien  enfuiui  de  pareille 
caufe  en  1".  femme  d'vn  chirurgien  mcfme,  de  Montpel- 
lier nomme  Aufme  ,  gratifie  (comme  il  eft  bien  à  croi- 
re) des  plus  fiuneux  Àledccins  de  ce  vénérable  collège, 
laquelle  (  comme  recite  M.  Rondelet  au  foixante  cin' 
quiefme  chapitre  de  fa  méthode  curatiue  )  ayan- 
vn  enfant  pourri  en  la  matrice  ,  en  ictta  vne  part 
tic  par  monceaux  ,  les  grantis  os   rcftans  à  vuider- 

def*-" 


C^  mémorables,  2  o  i 

cîc  façon  c]uc  lûngrcmps  aprcs  clic  en  mourut.   ^^« 
Tncfme. 

M.  I.  d'Aliboux,  Aodio.  Mcdccin  à  Sens  en  Bourgon- 
ne,  cfcrit:  en  vnc  fîene  Ictrrc  à  F.  RoulTcc  ces  mots.  Ici, 
près  mon  logis  ,  eft  aduenu  vn  cns  aufTi  eftrange  que  vo- 
îl-rc  feélion  CrEfaricnnc.  Vne  femme  enceinte  ,  & 
pourcftreia  aagee,  ou  auti"ement>  n'ayant  peu  acou- 
clicrfinon  par  morceaux  :  auoitlVnSc  l'autre  cofté  du 
pcrif  ventre  fort  enfié ,  à  caufe  de  la  violence  dcsfcrrc- 
r.'cns,  aucc  tous  fîgnes  d'apoileme,  lelqucls  le  conimu- 
inquoyent  auffi  auxvoycs  de  la  Nature.  De  ce  lieu  du 
ventre  amplement  ouuert  par  cautère  Ibrtit  grande 
quantité  de  boue,  &  cncor  autant  de  pareille  fubftance 
&  couleur  par  les  parties  bafle".  Elle  ne  voulut  fouflrir 
que  ie  la  fifle  fonder  au ec  lefpecule  ,  pouriuger  à  rœil 
le  fond  de  la  finuofité  :  mais  làns  cela  il  aparoilToit 
afles  que  TapoiU'me  &  l'ouuerture  d'icelle  penetroit 
iufques  dedans  la  matrice,  parles  communs  accidcns 
eilimcz  lelon  Tordre  des  temps ,  &  par  les  excremens 
fc^mblables:  eftant  laguerifon  de  IVne  &  l'autre  partie 
parmclmc  moyen  venue  à  pareille  fin  ,  &enmerme 
temps.  ,^t>  mcfine. 

Ayant  à  vne  nommée  Collette  Simon,  boulangère 
en  la  ville  de  Sens  ,  efté  auscfcr  violentement  tire  vn 
enfant  mort  fans  la  fuite  des  vuidanges ,  &  fans  la  fe- 
condine  ,  il  lui  furuint  en  cinq  iours  au  bas  du  ventre, 
d'vn  coité  &  d'autrc,vnefort  groliç  tj.meur,  aucc  mani- 
fcftesfîgncs  d'apofteitie,  &  fut  par  cautère  actuel  ou- 
licrte  profondement  d'vn  defdits  coftez  :  d'où  le  chi- 
rurgien tira  awecla  main  quantité  de  fang  caillé,pourri, 
&  puant ,  fans  que  l'autre  cofté  s'abaiflait ,  ni  que  ledit 
chirurgien  pcuft  rien  amener  de  la  fccondine  :  qui  lui 
fut  caufe  de  faire  nouuelle  ouucrture  de  l'autre  part, 
d'oii  il  tira  ladite  fecondine.  Ce  ne  fut  pas  fins  ex- 
trcmes  douleurs  en  tel  hazard  &  dcfefpoir  :  car  elle  en 
rcfta  comme  à  demi-morte  ,  &  garda  trois  ans  le  lift, 
&  deux  ans  après  elle  alla  à  potences  ,  puis  à  vn  bafton, 
ipres  qtioy  redcuint  peu  à  peu  en  telle  fanté  qu'el- 
le eut  depuis  pluiîcurs    enfans  ,  &  entre   Içs  autres 


^01  Hijloires  admirables 

vn  nomme  Sebnftian,pius  a  vcfcu  long  temps,  ^it  mtC- 
me  traie  fê, 

^  M.  N.  de  Villcnciifuc  ancien  médecin  en  Prouence 
clcnt  au  mefmc  Fr.  Koufl'et  ces  mors.  le  confefle  en  ce 
long  temps  que  Tay  vcfcu  (il  auoit  lois  5o.  ans  ,  &  en 
vcfcut  depuis  plus  de  vingt  cinq  en  grande  vigueur  de 
corps  &  d'cfpritjn'auoir  onques  vcu  celte  pratique  que 
m'efcnuez  delà  femme  acouchee  parle  codé  ',  qui  foit 
rcikeviue.  Bien  ay-ic  fouuenancc  que  tout  le  bas  du 
"ventre  ellanr  trcsfort  tumcfîé  à  madame  de  Piles  No- 
nics,  ie  lui  fis  parmairtre  Maurice  chirurgien  de  celle 
ville  de  Vaurcas  faire  ouucrture  en  l'abdomen ,  par  cau- 
tère aftuel ,  pro fondant  iufques  à  la  cauité  de  la  matri- 
ce, d'où  fortit  tant  parle  bas ,  que  parle  lieuainfiou- 
L'crr.plus  de  fcptliures  debouc,  pareille  iVnc  à  l'autre: 
&  pour  ellrc  à  l'œil  plus  certifiez  du  lieu,  nous  dilatafl 
mesle  basauecle  fpeculum,  où  nousvifmes  la  gran- 
<leur  dePvlcere  matrieal  ,  que  nous  guerifmes  dedans 
lefixiefmemoisj  depuislequel  temps  elleeutvne  fille. 
Ce  fut  l'an  1351.  ViUencufuc  femble  defigner  vne  con- 
ception,&  le  fruid  totalement  putréfié ,  voire  fondu  & 
réduit  en  ccfte  merueilleufe  quantité  de  pus  :  combien 
que  M.  R'julfct  ci-lime  que  c'ait  efté  feulement  vn  apo- 
iîemc  en  la  matrice.  Le  mefme  Villencufuera'conte  en 
vnc  autre  lettre  audit  RouHctauoir  fait  faire  fcmblable 
cauterifation  de  Thypogalbe  d'vne  femme  mariée  à 
BriHet  apoticaire  de  ÏMontclimar  ,  l'an  1558.  profondanc 
iufques  à  Tinterieur  delà  matrice  ,  dont  le  pusiaillit 
outre  les  pieds  de  la  couche  &  en  meline  inftant  Ibrtii; 
quantité  de  pareiUe  ordure  par  cmbas.  Elle  fut  guérie 
en  trois  mois,  &  ibudain  après  conceut  i  &  depuis  lors  a 
enfanté  trois  fils  &  vne  fille.  t_^u  ynefmt  tratClé. 

M.  Matthias  Cornax,  dode  Phiiofoplic ,  &  médecin 
de  l'Empc-eur  à  Vienne  en  Auilriche,  recite  en  vn  trai- 
té Latin, plu/îeurs  fois  imprimé ,  quelques  hiftoires  mé- 
morables &  admirables  cj^ui  fe  rapportent  aux  prece- 
dcnte.^.Ic  Irâflcrai  vne  infinirc  decirconrtanccs  de  lieux, 
'àns,iours,pcrronnagcs  &  tcfmoius  y  alléguez  ,  pour  fuir 
prolixité  3  k  Ibiiiiiwire  cil  tel. 

Km- 


cf  memorahles.  2.05 

Marguerite,femme  deThoile  de  i'Efcreinire  rouge  à 
Viennc,aagee  de  vingt  ans,  &  qui  pnrauant  ,  eftoic  a- 
couchée  de  quelques  enfans,  deuenue  enceinte  pour  la 
troilîcrme  ou  quatriefme  fois^l'an  1545. ayant  fenti  com- 
me d'ordinaire  bouger  Ton  enfant  ,  &  le  terme  venu 
d'enfanter,  par  vn  effort  du  fruid  au  dedans,  ne  peut 
rien  produire  :tellement  que"  par  refpacc  de  quatre  ans 
entiers  elle  porta  Ton  enfammort,  icclui  eftant  pafie 
(  comme  il  aparut  )  de  la  cauité  de  la  matrice  pour- 
rie par  autrauers  ducorps  vlcerc  d'icelle,  vers  les  inte- 
ftins,  &  la  reprefentant  au   venn-e   auec  grande  tu- 
meur,fut  ouuertepar  Taduis  de  Cornax,  au  milieu  de 
i'epigaftre ,  comme  pour  vuider  vn  abfces.    Les  Méde- 
cins &  Chirurgiens  ne  pouuoyent  penfer  qu'il  y  cuft  en- 
fant ,  attendu  le  laps  de  temps,  durant  lequel  la  pauure 
créature    auoit   efté  trauaillec  de  douleurs  eftranges. 
Neantmoins  lui  fut  tiré  vn  enfant  non  encor  fî  pour- 
ri (   chofe    admirable   )  qu'il  ne  fuft  reconu   pour 
malle. Vne  autre  meruciile  furuint  :  que  celfe  honne- 
jîeicune  femme  ,  qui  auoit  vefcu  dedans  la  mort  par 
tant  d'années ,  fut  comme  rairaculeufement  tirée  du  fc- 
pulchrc&reuint  en  pleine  conualefcence.  Adiouftons 
vne  troifiefme  merueille:au  bout  d'',  n  an  elle  conceut, 
&  porta  à  bon  terme  vn  autre  enfant  maflc.    Le  terme 
de  l'acouchement  venu,  comme  elle  fe  trouuaft  en  dif- 
ficulté &impofr»bihté  d'enfanter  à  la  façon  ordinaire 
des  femmes  ,  Cornax  appelle  pour  la  féconde  fois  con- 
feilla  la    metc   &  autres  femmes    li    prcfentes    de 
crouuer  bon   qu'on   l'ouurift  comme    à   l'autre  fois  : 
monftrant  les  raifons   de   fon  confeiljà  quoi  laieune 
femme  s'accordoit.     ?vlais  la  mere&  les  autres  fem- 
mes s'y  oppoferent  fort&  ferme,  dilans  qu'il faloit re- 
mettre le   tout  àDieu,&:  laiffer  faire  nature  ,  en  la 
loulageant  de  quelques  autres  remèdes  moins  hazar- 
dcux.   Cornax  ainfî   rebuté  fe  retire  auec  le  Chirur- 
gien qui  auoit  faiét  la  fecftion   précédente.     Mais  in- 
continent après  la   ieune   femme  rendit  rcfprit  fans 
pouuoir  enfanter.     Incontinent   on    court  les   rap- 
pcUer  5   &  fut   d'çlle    morte   tiré    par    fedion    va 


i04  Htjîoires  admirables 

beau  fils  fort  viablc,n  on  l'cull  l'ccouru  aucc  fa  mcre, 
comme  ce  ciodc  Mcdccin  prcteiiuoir. 

En  ce  mefme  opufculcilya  \ne  lettre  cfcritc  à  ce 
ir.cfine  Cornax  par  Maiftrc  Achillcs  GaHar ,  dodc  Mc- 
«iccin  d*Augsboure, contenant  pareille  hiiloire  en  mcÇ- 
mcscirconltanccsjd'vne  femme  à  laquelle  près  d'vnan 
aprcs  auoir  failli d'acouchcr en fon  temps,  l'enfant le- 
cjuel  (ainfi  que  Tautre  de  Vicnnoife)  cftoit  paffé  de 
îr.  cai'.ité  de  la  matrice  vlcerce  verslcsinteilins(comme 
il  aparoifloiteuidemment,  parce  v-nu'ilauoitfait  appa- 
rence d'apoftcme  en  l'abdomen  ,  &  principalement  au 
colèe  ^i.auche)  fut  tire  par  le  Chirurgien  os  après  os. 
La  iricre  gucriceut  encore  enfant  naturellement  de- 
puis. 

Il  raconte  en  ce  mcrme  liuret  Thiftoireà  lui  enuoyee 
par  M.  Gilles  de  Hertogccelcbre  Médecin  à  Bruxelles, 
d'vne  femme^aqucUe  n'ayant  peu  acoucher ,  les  chairs 
&  parties  molles  de  l'enfint  eftans  vuidees  en  forme 
de  pourriture  par  cnbas,  onfentoit  les  os  craquetter, 
fi:lesremarcuoit-on  à  la  main/ous  repigaUïe/ans  que 
tel  accident,  quoi  qu'efcrangemcnr  fafcheux  &  infup- 
portable  à  vne  femme  délicate  ,  empefchaft  beaucoup 
lesadionsdecefte  femme  courageufe  .-laquelle  porta 
ccRe  croix  trei7c  ans  entiers.  Cela  ne  pouuoit  crtre  fans 
auoir  percé  la  matrice,  laquelle  neantmoins  cftoit  gué- 
rie,comme  il  faioit  bicn:parce  qu'il  n'en  diftilloit  poinc 
de  boue  par  en  bas  ,  comme  autrement  il  euft  fait,ioint 
qu'elle  auoit  fesflucurs  bien  rciglees  :  &:  mefmes  ne 
iouhaitoitrien  tant  quedetrouuer  Médecins  &  Chi- 
rurgiens qui  entreprinfl'ent  lafe«ftion  conuenable,  pour 
Textradion  de  ces  os  ain/î  craqucttans. 

M.  François Roufl.et,  reprefentant  en  fsn  traiclc  de 
renfantementCcfaricn  les  trois  hilloires  fufmchtion- 
iiecsdcCornaXjlesconfcrme  par  vne  autre  dutoutad- 
mirabîe  d'Albucafîs  Medccm  &  Chirurgien,  laquelle 
ïe  defcriray  ici  quoi  qu'ancienne  >  pour  digiefl^ion  qui 
ne  fera  dcfagrcable,commc  l'clptre  &  defire.  l'ay  veu 
(dit-il,au  fecoud  liure  de  fa  Chiiurgic  )  vne  femme ,  au 

ven- 


ér  mémorables.  2  o  ç 

ventre  de  laquelle  cibnc  mort  vn  enfanr,  redeuînt  groP- 
fe  dVn  autre  ,  lequel  auffi  y  mourut  long  temps  après 
s'cnleua  vue  enflure  au  nombril,qui  fut  ouuertc,  &  rern 
dit  matière.  l'y  fus  appelle  &  lapenfàylongtcmpSjnefe 
pouuantconfolider. :parquoi  l'y  appliquay  de  forrsat- 
tradifs ,  &  fortircntplufieurs  os,  Tv-n  apics  Tautrc-ce  qui 
m^eftonna ,  fâchant  qu'il  n'y  a  point  d  os  au  ventre.  Par- 
quoi  faifant  recerchc  de  LOUt,ic  conu  que  s'eiloyent  ot- 
femens  d'enfant  mort,  de  forte  qu'après  en  auoir  tire 
plufieurs,ie  la  rendi  guérie  :  toutcsfois  il  refudoittouf- 
lours  quelque  chofc  de  Tvlcere.  ^^lexandre  Benaiji 
JViedecin  de  nojlre  tempsycn  fa  ùraticjuc  y  au  traité  de  Ix  difjictil- 
té des  enfajjtemensficcitc  vnepareille  hiftoire  à  celle  d'Al- 
bucafîs. 

Aufauxbourgde  SuUyfur  Loire,  Marguerite  Prc- 
uoftifemme  de  Pierre  Doret  Mufnier,  cftant  manifefte- 
mentgrofle,  &venu  le  terme,  n'ayant  peu  acouchcr> 
quelque  aide  qu'elle  euft  des  matrones  ,  deuintpeu:;? 
peu  extrêmement  malade,&  en  tin  fi  tendue,  pour  l'en- 
fant &  les  enuelopes  fe  putréfiants,  qu'outrela  générale 
enflure  de  tout  le  ventre  il  lui  furuintlehuiâ:ouneu(- 
iefme  mois,  vne  particulière  tumeur  fort  efleueeenui- 
ron  le  nombril,  reprefentant  apoftume  molle  ,  rcugé, 
prefte  à  percer  :  ce  que  fit  maigre  îcier  Gallement  Chi- 
rurgien^ l'an  1550.  le  lour  de  Noël ,  auecvn  cautère a- 
ducl.  Lelendemain  au  fécond  appareil,  voulant  fça- 
uoirquepouuoyent  eflre  quelques  poils  fe  reprefen- 
tans  à  Tonuertiire  ,  trouua  que  c'elloit  la  telle  d'vn  en- 
fant iapourriifante,  quil  tua  par  l'orifice  amplifié  de 
ladite  ouuerture  aucc  le  relie  du  corps,  reconu  pour  vnc 
fiUe.  Elle  en  guérit  en  aflcz  peu  de  temps  :  &  après  la 
mort  dudit  Doret  fe  remaria,  &  vefcut  depuis  bien  fiinc 
tnuiron  37.  ans ,  trefpalfec  d'vn  flux  de  ventre  l'an  1557, 
elle  n'auoit  eu  auparauant  aucuns  enfans  &  n'a  eu  cn- 
corcs depuis.  Fr.  /iot^ffet  ait  traité  de  Ctufanttment  C^- 
farien. 

M.  I.  Houlier,  fur  la  fin  du  premier  tome  de  for» 
liure  intitulé  des  maladies  internes  ,  ditvne  femme  a- 
noir  eu  enfant  i  Paris,lequcJ  par  ij.  jours  auant  que  aai,-' 


2LO(3  Hijtoircs  admirables 

ftre  eut  le  'oras  hors  d'elle  parle  nôbril ,  qui  nenntmoîns 
vcfta  viuc,cômc  rcnfanc  auflu  II  ne  fpcciali/c  point  co- 
rnent elle  enfanta, ne  par  où,  wqCx  elle  eut  encore  enfant 
depuis:  ce  qui  euft  bien  mérité  d'elVie  recherché  &  mis 
en  hiftoire,  veu  que  c'eftoit  a  raporte:co'îdcvee  la  gran- 
de importance  de  cela,  tant  pour  la  tneorique  que  pour 
la  pratiquc.Tanty  aquecela  nepouuoit  eflrefans  bien 
grand  vlccre  matiical,  encore  que  l'enfant  fe  fut  depuis 
tiré  par  en  bas.  C'eft  d'autre  part  chofe  fort  efmerueil- 
lablcquVn  enfant  ait  peu  tâteilre  vif  en  ccil:  eftat,  ayant 
fait  vn  tel  mefnage  en  la  matrice  &  en  fcs  cnuclopcs,  la- 
quelle il  auoiîpar  le  haut  trauerfezaueclc  bras:  car  au- 
trement ne  pouuoit  il  élire,  ^^n  mefmc  traicfé. 

l'ay  apris  de  monHeur  Bunot  tres-docle  Médecin  de 
tref-illuftre  Princelîc,  Antoinetede  Bourbon,  douai- 
rière de  Guifcqu'elle  luiaraconté  par  diuevfesfois  que 
quelque  tcps  auantfon  mariage,  de  lia  âaiîecde  2.0.  ans, 
&  encore  nourrie  fous  fa  mère  ,  elle  vit  cUanten  vnc  E- 
glifedela  Fere  en  Picardie,  qu'on  prefenta  à  fadite  mè- 
re vne  ieune  malade  decoulouree,  foibîc,  ériflee,  &  fî  c- 
flrangement  tourmentée  de  douleurs ,  qu'on  n'y  co- 
noiiroit&  efperoitrien.  La  Prince/îe  l'ayant  fait  vifi- 
ter  par  quelques  lages  femme^ ,  defcouurit  ce  qui  en  e- 
ftoit  rfçauoir  eil,  que  cefic  malade,  qu'on  penfoic  eftre 
fille  &  pucelle,auoit  en  clic  vn  enfant  conceu  8ciagrâd 
qui  cftoit  de  long-temps  mort  &  pourri  dcdansle  ven- 
tre. Dequoi  neanrmoins  en  brief  elle  guérit,  &  vefcut 
longtemps  après  en  bonne  fan  te.  ^1:  m.fmc  tnùfié. 

Barbe  Fhirer  demeurante  Zupfringe  au  bailliage  de 
Brcmgartcn  en  Suifle  ,  ellant  enceinte  de  fon  troificlnic 
enfâtj'S:  prefte  d'acouchcr,fut  en  trauail  hui^ïioursen- 
tiers  auecgriefues  douleurs, fans  dcliurance.  Au  bout  àd 
ce  temps,  &  n'en  pouuant  plus ,  elle  demeura  tout  i  fait 
au  lid  :  finalement  lui  aparut  fur  le*  ventre  au  deflus  du 
nôbril  vne  vcfcie  de  la  grolVeur  d'vne  noifette  ,  qui  lui 
ayant  caufé  griefues  douleurs  durant  trois  iouis  entiers, 
finalement  fut,  à  fon  inftante  prière  ,  percée  &  ouuerte 
par  certaine  fiene  voifîne  ,  s'aidant  à  ceft  efleâ:  d'vne  a- 
iefnc.  La  vefTie  ouucrte  &fort  eflargie  à  cauie  de  l'en- 
fle uré 


cf*  Tvemorahles,  i^y 

Heure  du  ventre,  incontinent  l'enuelope  de  l'enfant  a- 
parut.  On  appelle  Ican  Bourgeois  Chirurgicn,le<]uel 
ayant  confideré  auec  les  fages  femmes ,  &  de  commun 
auis  d'icelles,  fit  auec  le  rafoir  ouucrture  telle  ,  c]uc  IVn 
descouldesde  l'enfant  fortit  &  fe  monltra.  Le  Ch - 
rurgieh l'empoigne auectenailles  propres,  Sctireren- 
fant  entier  par  celte  ouuerture  ,  mais  mort  &  ia  demi 
pourri  :  la  mère  n'ayant  fouffcrt  autre  mal  que  quelque 
légère  défaillance  durât  l'opération.  La  playe  ayât  cfté 
adoublee  félon  les  préceptes  de  Chirurgie  ,  cefte  acou- 
chee  fut  debout  trois  fcmaines  après  ,  non  fans  grande 
incommodité,  pource  qu'il  faloit  qu'elle  vfaft  d^vn 
bandage continuel,&  nepouuantfe  fouftenirqu'à  tou- 
te peine  :  au  moyen  dcquoi  elle  trefpalfa  au  bourde 
deux  ans.  M.Gnf^-  Bauhiny  tn  t addition  aux  hiJJoiresde 
t  enfantement  Cxfarieii. 

Vne  payfanne  enccinte,&  défia  au  huidiefme  mois  de 
fa  grolVeffe  ,  eftantcn  clicmin  pour  aller  au  marché  à 
Sanccrre  ,  fut  iettee  par  ion  cheual ,  &  tomba  donnant 
contre  vn  caillou  :  de  ceftecheute  elle  demeura  vingt- 
quatre  heures  fans  parlev'  ni  mouuoir.  Le  lendemain 
vne  Heure  aiguë  la  faiiit,  fuiuie  de  fort  rudes  accidens, 
comme  défaillances  fréquentes ,  vominemens  &  refue- 
ries.On  la  purge  &  faigne,&  fait  on  ce  qu'il  futpofliblc, 
pour  apaifcr  l'ardeur  de  la  ficurc.  Au  bout  dVn  mois  a- 
parut  près  du  nombril  vne  enflcure  de  la  grolleurdit 
poing.  Icelle  ouuerte  il  en  fortit  du  pus  viruleutea 
quantité,  p^iis  des  morceaux  de  chair  pourrie,  finale- 
ment pieceà  pieceles  os  du  petit  enfant  qu'elle porttDÎr. 
Ayant  eu  cefte  playe  dix  mois ,  finalement  elle  en  gue- 
fit,  demeurant  toutesfois  ilerile.  On  eftime  que  fi  Ton 
Teurt  aidée  par  difledion  au  ventre, l'enfant  cuit  peu  e- 
ilre  garanti.  Maurice  C o-rde  ,  ait  i.comm.ftir  le  iMu,  d'Hip- 
f  ocrâtes  des  maladies  des  femjneSitext.lJ. 

Vne  Flamcnde  ayant  fon  enfant  mort  au  ventre ,  ne 
peut  s'en  dchurcr  ,  telleinent  qu'il  pourrit  là  dedans, 
fans  que  diuers  remèdes  appliquez  par  dedans  léruiit 
fentpour  en  faire  fortir  les  pièces.  Finalement,ellc  raef^ 
|ge  emprunte  vn  inflrumenc  Chuurgique,  nôme  bec  do, 


•io8  Hiftôiresadmiréihles 

grue  ,  à  r.iide  duquel ,  de  les  propres  mains  elle  tira  le* 
os  de  ceft  enfant  pourri  :  puis  s'eltant  foulagce  parlaue- 
mens ,  fomentar;o!is  ,  cituucs  &  autres  aides  conuena- 
bles,  reuinr  en  pleine  lantc.  /?. SolaKindre  an.  5.  im.  de  fa 
coiifcils  5  f /i .  1 5 . .  i  )■/ .  4  o . 

E  NF  A  N  S  miracaleufement 
conferuezj. 

L'An  mil  cinq  cens  quarante  fîx,  en  lîi  ville  de  Mifne 
en  Saxe ,  h  feruance  de  Thomas  le  Feure  threlbncr 
du  publiCjtcnantvn  petit  enfant  en  fcs  bras  &  regardant 
par  vne  fencfoc  haute,  ik  du  troifiefine  eftacc ,  par  mcf- 
garde  le  laifia  efchapper  de  Tes  bras,  teliei^ient  qu'il 
tomba  en  vn  inftantfur  le  paué  ,  d'où  il  fût  rccuilli, 
fans  ellrc bielle  ni  endommagé  en  endroit  quelconque 
de  fbn  corps.  George  le  Feurcenjl'S  ^^ylnmdes  de  AIijij<^ 
linre  5* 

Aumoisdeluin  i^^z.  vne  fillette  de  Pierre  Pelicepa- 
ftifîler  en  la  me.rme  ville  &  rue'  du  thrcforier  furnommé, 
ciiant  montée  a  li  plus  haut  de  la  maiion,  le  laiiTa  cheoir 
à  bas  &  ne  (c  fit  mal  aucun,  ai*  mcjhte  Uurc. 

Le  fils  de  Simon  Cramer  Conleiller  delà  mefmc  vil- 
le ,  &  demeurant  en  mefmc  rue  que  les  deux  preccdens 
tomba  d'vne  fcnclire  haute ,  &:  emporgna  le  challs  d'v- 
ne  feneftre  au  deilousjmais  il  nclaifla  de  tomber  incon- 
tinent fur  le  paué  qui  ell  de  pierre  fort  dure  ,  &  toutes- 
fois  ne  fc  blefla  en  nui  endroitxc  qui  auint  lan  1559.  ai* 
mcfme  linre. 

Au  mois  de  Septembre  Tan  i<^66.\?.  feruante  deSimon 
Richter,  citoyen  de  Mifne  ,  logé  cliez  Vvolfgang  lier, 
lailla  tomber  d'vne  fort  haute  fenellrc  vn  petit  garfon- 
net  qu'elle  tenoit  en  fes  bras.  Il  chcut  fur  vn  bout  à<:. 
chariot,  puis  de  là  fur  le  paué  :  mais  il  ne  fut  endomma- 
gé ni  ofFenfé  en  forte  que  ce  fuli  au  mefme  Hure, 

L'an  15^8.  au  mois  de  Juin,  Lrafincfils  de  Vvolfgang 
.Beme;,aagé  de  quatre  ans,  tomba  d'vne  feneftre  du  logis 
ilc  fon  pae  en  laruè;&  ne  fc  fit  aucû  mal,  ah  tueftue  linre. 

Eu 


C^  mémorables.  209 

En  vn  village  proche  de  Cygnee,  cerranie  payfanne 
con-^iianda  à  vn  lien  ieune  fils  d^aller  queiir  &  ramener 
à  Teftable  Içurs  hauts  paifrans  à  Tentree du  bois. Tandis 
que  l'enfant  tardoit,  voici  de  la  neige  en  telle  abon- 
dance qu'en  moins  de  rien  les  chemins  furent  couuerts 
&  la  nui(ft  toute  noire  luruint,  tellement  que  ce  garçon 
demeura  enclos  es  montagnes  ,  fans  en  pouuo^r  fortir. 
Le  père  &  la  merc  penfans  moins  aux  bœufs  cu'àleur 
fils,  felcuerentde  grand  matin  pour  en  auoirnouuel- 
ics  :  mais  la  neige  efioit  fi  haucc,  qu'ils  ne  fçiuioyent  oùt 
l'aller  cercher.  Leiour  enluiuanc  ils  tracnlîentpar  jafo- 
reft,  pour  trouuer  le  corps. qu'ils  ellimoyent  priué  d'à- 
ine:mais  en  fin  ils  le  trouuer  en  r  en  vn  abri,  que  la  neioe 
n'auoit  point couuert  ni  touché,  oùileftoitafîls  ,  ^& 
qui  commença  a  leur  morillrer  ioyeufe  chère  d'aufli 
loin  qu'il  les  defcouuri  t.  Ils  lui  demandent,  pourquoy 
il  tardoit  tant  à  reuenir?  L'enfi-nt  reipond,  fans  auoir 
fenti  neige,  ni  froidure,  ni  bleflure  quelconque,c]u'ilat- 
tendoit  le  vefpre.  Derechef,  ils  l'enquierenr, s'il  auoit 
mangé  ?  Vn  homme  que  ic  ne  conois  point,dic-il,eft  ici 
venu  qui  ma  donne  du  pain  &  du  fromage.  Ils  le  reme- 
nent  tour-ioyeux  en  la  maifon.  I.  Alanlna  ,  atypemier  i/- 
Mre  defs  reçut  ils. 

L'an  1565.  fur  la  hn  de  Septembre,  vnehlle  delà  ville 
deMifiiclaqueUc  des  quelques  temps  auparauint  efioit 
idiotc,&  de  petit  Icns,  emmena  (fans  que  l'on  s'en  don- 
iiaftaurrc  ment  garde)  hors  de  la  ville  certaine  fillette 
aagee  de  trois  oiis ,  Se  l'ayant  conduire  iufques  auprès 
il'vne  riuicre  nommée  la  TrcbiP^, allez  large  à  caufe  des 

Îduyes,defpouilla  cefte  fille,  la  charge  d  foa  col,  rrauerfe 
ariuiere  :  puis  reuient ,  &  reueit  ce  pauure  enfant  :  & 
laflec  du  fardeau  iaiHc  l'enfant  à  tene  à  la  pluye&au 
•vent  ,  qui  eftoyent  fort  afpres  alors.  La  fillette  de- 
meura toute  la  nuid,  &  la  moitié  du  iomfuiuant,  a- 
bouchee  fur  la  terre  ,  où  elle  fut  trouuee  (  cymme 
Dieu  voulut)  par  vn  ieune  villageois  ,  Icqueila  princ 
en  Cts  bras  ,  &  la  porta  en  vne  mellaine  proche  de  ià. 
D'où  elle  fut  reportée  à  Tes  père  &  mère  cfperdus  de  U 
PS^Sî  i<i  \^  fiy^^wc.   En<luU'(4  qui  lui  auoit  âlllfté ,  ref- 


210  Hijfûirâs  admirahles 

pondit  qu'elle  auoitefté  toujours  enuironncedcpeti'^ 
ciiicns  blancs  qui  l'auoycnt  garantie.  C.L-  Feurcau^.lîH. 
defes  ^nnuUsdi  Mtjr.c. 

L'an  1Ç58.  furuint  vne  tempeftc  &  pJuye  fi  horrible  en 
Thuringc,  qu'en  peu  d'heures  elle  ruina  pluficurs  édifi- 
ces, Scies  torr  en  s  furent  fi  furieux  qu'ils  cmporterenc 
grand  nombre  de  pcrfonncs  de  diuers  aagcs.  Or  comme 
vnc  impecueufc  rauinc  d'eaux  fuft  venue  heurter  U 
maifon  d'vn  pauurepayfan  de  Burcktonne,  en  laquelle 
fa  femme  eftoitacouchec  quelques  heure-s  auparauanc 
é\\\  fils ,  la  maifon  commence  i  branfler ,  &  en  vn  in- 
ftantTeau  emportepierres ,  bois  ,  toid ,  &  engloutit  la 
paùurc  acouchee,  emportant  l'enfancon  qu'on  auoit 
ocu  auparauant  couché  en  vn  auge  en  façon  de  mct,qui 
fut  arrefté  par  vne  branche  de  pommier ,  où  il  demeura, 
iicfut  trouué l'enfant fain  &fiuf  quelquesheures  après 
que  la  rage  du  torrent  fuft  efcoulee  :  chafcun  rcconoil- 
fant  la  vérité  de  ccfte  notable  fentence  que  le  fecours 
de  Dieu  commence  a  fe  monftrer  ,  lors  que  celui  des 
hommes  vient  à  desfaiJlir.  vh.  Lonicer  au  thcutrcde!'  exem- 
tiesp.in-.^^é.  H.HuranusIurifconfulte  dcfciiten  beaux 
vers  Latins  vn  pareil  miracle  qui  auint  lors  en  certain 
autre  endroit  du  melme  pays  à  l'efgardd'vn  petit  enfant 
au  berceau,  lequel  fut  emporté  fort  loin  par  la  fureur 
des  eaux,  puis  poi'e  doucement  en  vn  aflcuré  nuage ,  où 
ilfuttrouuc  viuant. 

André  Merkcr  récite ,  en  certaine  oraifon  funèbre 
parluiefcrite  touchant  les  afflictions,  ou'eftant  ieune 
garçon  jî  lui  cft  aucnu  d'auoir  efté  miraculeufemcn: 
conferué  des  eaux ,  &  du  manifeftc  danger  d'cftre  noyé, 
par  trois  diuerfes  fois  :1a  première  à  Scchoufe,  la  deu- 
xiefme  a  Vviteberg ,  la  dernière  à  l'erleberg,  où  ce  qui 
s'enfuitlui  auint.  Comme  il  cftoit  fur  le  pont  fort  haut 
de  celicu  ,  certains  Rciilres  en  grand  nombre ,  courans 
impetueufement  &  en  foule  par  Li ,  le  pouficrent  C\  ru- 
dement, qu'il  chcutpar  dellusles  apuis  du  haut  en  bas 
au  plus  profonddu  courantdu  fieuue,  d'où  il  remonta 
far  trgis  toia  au  dclTus ,  en  prefcnce  de  plusieurs  crians 

mife* 


^memorahies,  ni 

tnîrerkordCj& le  tenans  pour  perdu.  C'cftoir  en  hyuer, 
&  les  pièces  déglace  le  couuroyenr:  tellement  qu'em- 
porté du  hl  de  l'eau  fous  la  glace,  ilfutpotffié  iufquasi 
vn  moulin  afi^sfur  Icflcuuc,  ou  l'eau  ne  fe  trouuant 
glacée,  à  caufedu  mouuemeut  rapide  &  du  faut  des 
eaux  pour  faire  tourner  les  roues  de  ce  moulin  ,il  fut  ti- 
*té,&rauué  de  mort.  vh.  honicer  au  tmf/ne  théâtre. 

En  vn  village  nommé  i^MmHe/wc/jt/î,  près  deFriberg 
en  Mifnervn  petit  garçonnet,  fils  d'vn  tifîcran  de  toiles 
cheminant enfantilcmentcscntours delà  maifon,cheut 
dedans  vn  large  canal  d'eau  qûifert  à  vn  moulin,  & 
ibu  dain  emporté  par  le  roidc  courant  de  1  eau,  palfc  par 
delVus  cefte  maifon  paternelle ,  qui  couure  le  canal  puis 
deffusvn  pont,&e(l  porté  fi  loin,  que  c'eftoir  pour  e- 
ftre  noyé  dix  fois ,  îans  la  protection  diuine,qui  voulue 
quel'enfant  fut  porté  iuiques  au  moulin,  ou  il  empoi- 
gne de  Tes  petites  mains  la  barre  qui  fertà  fermer  l'eC-' 
clufe  de  Teau  ,  &  fe  prend  à  crier  tant  qu'il  peut.  Vnc 
vieille  femme rentcnd,y  acourt,  Rappelle  le  mufnier, 
tellement  que  le  petit  garçonnet  eu  reciré  fain  &  fauf 
lîors  des  eaux  imperueulés.  iJ»  loefnte. 

L'an  1565.1e  dîxiefme iour  de  Mars,  fur  les  fcpt  heures 
Au  matin,le  threforierdc  Rotembourg, ville  afllfe  fur  le 
fleuueSala^;acheminât  delà  ville  au  cliafteau,pafle(cô- 
me  ilfaloit  neceiTaircment)  par  dclTusle  pont  ,  fuiui 
d'vn  fîen  fils  leune enfant,  lequel s'eftanc  amusé  à  re-' 
gpi-der  l'eau  impetueufc,Scà  oller  quelque  ordure  atta- 
chée à  fes  foulicrs ,  glifla  tellement  en  vn  endroit  mal 
clos,qu'il  tombe  au  profond  de  Tcau.  Vn  pefcheur  de- 
meurant en  certain  jardin  proche  du  pont ,  oit  le  bruit 
de  ccfie  chcute,court  viftement  celle  part ,  &  au  grand 
péril  de  fa  vie  fe  iette  a  nage  après  ce  pauuie  petic 
corps  ,  que  les  flots  auoyent  porté  au  long  des  mu- 
railles du  chafteau.  Il  l'empoigne  par  la  robe  ,maisli 
pièce  lui  demeurant  en  main  ,  &  le  corps  retom* 
bé  en  l'eau  ,  pour  la  dcuxiefme  fois  il  le  happe 
par  Tvn  des  pieds,  &  le  porte  a  fapauurc  mère  de- 
■li-mortc    Se   outrée   de    frayeur  ,  qui    ratteadoiç 

O      2. 


2fi  Hijl cires  admirables 

à  la  tiué.Au  bour  de  deux  heures  rcnfantreuint  à  fo/, 
&fut  cotalemcnc  iiucii  deux  iouis  après,  à  laioye  de 
tous  qui  louercntDicu  de  fon  afllllancc  miraculeulg. 
1  a  mefme. 

La  veille  de  Pafques  en  la  mcfmc  annecapres  quel- 
ques horribles  tourbillons  de  vcntSjConnerrcs,  grefles, 
efclairs/ouldres  6i  figncs  de  feu  enTairjvneimpetucu- 
fc  rauine  d'eaux  desbondatout  à  coup  fur  vn  gros  vil- 
lage nommé  Gr^fz,du  Dioccfe  de  Friberg  en  Mifne; 
dont  les  torrcns  &  ruilfeaux  s'eniicrent  de  telle  furie  en 
vn  inftantjqu'ils  ruinèrent  &  renuerferent  40.  maifons 
cncevillagcfanspertcdeperfonnequed'vn  eiif.mt.  H 
y  en  eut  pluficurs  conferuez  comme  par  miracle  :  deux 
autres  auec  leur  mère  furent  trouuez  à  (te  fous  les  rui- 
nes dVnemairon;,dedansvn  monceau  depaille,qu'icel- 
Ics  ruines  n'efcraicrcnt.point:  item  deux  autres  en  vne 
faulaycjvne  nourrifle  auec  fon  petit  enfant  apuyé  à  vn 
efcalier  ,vn  aueugle  à  Tcntree  de  famaifom&  plufîeurs 
autres  grands  &  petits  en  des  lieux  eileuez.^qui  auoyent 
fubfiftc  contre  la  fureur  de  l'eau,  l 4  mej'me. 

Ce  mefme  iour  &  an, fur  le  foir,vnc  autre  rauine  d'eau 
s'eftant  desbondec  fur  la  ville  d'Iflebe  en  Saxe,  donna 
fpeciaicmcnt,&:  comme  de  complot  fait  entre  les  eau>, 
contre  le  logis  à'yn  honncfte  citoyen  du  lieu  nomme 
Bcrthold  Vogt.Incontmentle  dcuant  de  ce  logis  &  viv 
partie  du  poille  tombentb:is.Ded*»nsce  poiflc  ettoit  vi. 
petit  enfant  au  berceau. Le  pcre  &  la  mère  eltonnezde 
vifîtationiî  foudaine,&oyans  le  bruit  du  berceau  agité 
des  vagues,  pallent  à  trauers  ,  emportent  Tentant  en  la 
Inaifon  de  Michel  le  Feure  leur  voifin.  Reftoyent  qup.- 
tre  autres  enf:ms  couchez  en  vne  chambre  haute  du 
logis.  Le  pere,foucieux  de  leur  vie  plus  que  de  la  fîenc 
propre  rentre  dedans  la  mort  prcrente,&  aya  nt  trauerfé 
dç.s  très-grands  périls  monte  en  hauncmbrafie  deux  <\''u 
ceux  enfans  pour  lesfayuer.  Lùdefl'usle  planché  lui 
fond  fous  les  pieds  ,  tellement  qu'il  tombe  en  l'eau, 
laquelle  l'emporte  iniques  à  a  n  ^ros  pau  de  bois  où' 
il  s'aneif c  &  y  demeura  enuiron  demi-heure  ,  s'y  fou- 
ileiianc;!  grand' pciuc  diaigc  dcfçs  4çusÛls,  &  criant 


5  haute  voix  au  fecours.  Mais  peifonnc  n'ypouuoit  al- 
leri  caufede  la  fureur  cftrange  des  ondes  imperucufo. 
Se  voyant  dcfnué  de  toute  alfiftancc  humaine, &  com- 
me defefperant  de  la  vie  de  foi  &  de  Tes  enfans ,  ilfe  re- 
commande &  eux  humblement  à  la  mifericorde  de 
Dieu  ,  fcfouucnanc  du  Prophète  louas,  qui  auoit  efté 
preferué  dans  la  mer ,  &  au  ventre  du  poiflon.  Tandis 
qu'il  inuoquoit  ardamment  le  Seigneur ,  voïci  vn  gros 
foliucau,qui  pouflé  des  vagues  lui  arrache  &  emporte 
vn  ce  Tes  fils.  Vn  autre  plus  gros  ruruenant&  roulant 
d'incroyable  roideur,lui  fait  lafcher  ce  pau  où  il  auoit 
demeuré  quelque  temps,  &  maugré  qu'il  en  euft  rem- 
porte auecfon  autre  fils  en  vn  iardin  derrière  fa  mai- 
fon.Ilsn'auoyentque  les  telles  hors  de  l'eau  fort  enflée: 
fe  fouuenant  de  l'autre  fils,il  fe  prend  àl'appeller  :  l'en- 
fant refpond  de  defl'usvnfoîiucaujoù  le  père  le  def^ 
couure  afllsacheuauchon.il  nage  droit  celle  part,&les 
chargeant  tous  deuxfur  fésefpaulcs,  gaignevn  haut  & 
grand  monceau  de  bois/ur  lequel  il  grimpe  &  s'y  repo- 
le  auec  fcs  deux  fils,enuiron  cinq  heures.  De  grand  ma- 
tin les  eaux  s'eftans  cicoulees ,  il  les  porte  au  poifle  du 
Feure  fulnommé,©!!  ils  commencèrent  à  fe  reprendre. 
Quant  aux  autres  deux  ewfans  refl:ez  au  lia:  en  la 
chambre  haute,  la  bonté  de  Dieu  les  y  conferua  de  fa- 
çon excellente.  Le  père  n'y  pouuant  aller  parl'efcalier 
acouftumé ,  obtint  de  fon  voifin  de  faire  percer  la  mu- 
raille mitoyenne  ,  &  entré  dans  la  chambre  les  trouue 
dormansaulift^lapuiflance  diuinc  ayant  fouftenu  de 
fa  main  cerefte  de  chambre,comme  en  l'air,  tout  le  re- 
ftc  du  logis  ayant  efl:é  renuerfé  &  emporté  par  les 
eaux.  Aufll  toft  qu'il  fut  forci  par l'ouuerture,  &  euft 
emporté  hors  fes enfans,  lachambrclelid  &  le  reftc 
de  la  maifon  tresbucherent  incontinent.  Les  mai- 
fons  voifines  auoyent  efl:é  grandement  endomma- 
gées par  cefte  ruine  d'eaux:  mais  Dieu  les  fiipporta;cel- 
fedcBertold  ayant  efl:é  renucrfee  ,  toutcsfoisauec  ce 
fi'pport  miraculeux  que  nous  venons  de  voir,  t^ 
mefme, 

O     1 


^14  Htjloires  admirables 

L'an  mil  cinq  cens  huitantc,Ic  vingtcinquiefmcfour 
de  luin/ur  les  dcuxheures  après  midi  Anne  du  Pré  fillet 
de  Monfieur  du  Pré  confciller  au  fîege  Prcfidialdo 
Lyon,&:  deDamoifelle  Catherine  deBonuoi/ïn^fa  me-. 
re  aagee  de  deux  ans  trois  mois  ou  enuironjeftant  mon- 
tée au  hautd'vn  cfcalicr  &  vis  de  pierre,  fcruant  à  trois 
cftagcsjdcla  hauteur  de  foixante  deux  marches,  en  la 
mailbn  quia  pourenfeiene  vn  flacô  de  relief  fur  la  por, 
te,'pource  nommée  le  nacon  d'argent,  en  rue  S.Iean  à 
Xyon,&  s'eftant  auancee  par  vn  treillis  qui  cftoit  fur  v- 
^e  platte  forjnp  au  haut  dudit  efcrJierjtombe  bas  en  la 
cour  du  logis  toute  pauee  de  pierres  de  taille:&  peu  s'en 
falut  quelle  ne  cheut  dedans  le  puits  prochain  de  là. 
Soudainement  on  accourt  au  bruit,  mcfmemejit  vnc 
ieruantc  qui  i'auoit  veu  cheoir.  L'on  trouue  celle  fîllc 
en  fon  feant ,  laquelle  commence  à  nrc  à  ceux  qui  l'a- 
bordèrent ,  fans  le  monftrer  eftonnee ,  en  forte  que  ce 
-/uft.Le  bruit  va  par  la  maifon  &  iufques  aux  voifins.  On 
l'emporte  en  haut  ,  on  la  met  fur  le  lia:,  feu  monfîeur 
Dalcchamp,3fmpniîcur  Ponsençorcs  viuans,  Dodcs 
medccinswppellcz ,  y  ^indrent  proniptenient  acotnpa- 
gnezd'vn  Chirurgien,  Le  perc  &  la  mère  pçnfoyeni 
Cîue  leur  fillette  fut  toute  brifee.Nous  la  trouuons  (  dit 
]MonfieurPons,au  difcours  qu'il  en  a  drelfé  ,  &  de  qui  iç 
l'ay  eu  comme  le  prcecdcnr  ,  &  quelques  autres  hiftoi- 
rcs  admirables  )  cfucilke  ,  &:  qui  d'abord  commence  ii 
nous  rire.  Nous  la  faifons  defpouiHer,  la  manions  &  vi- 
fîtons  par  tout  ,  noys  n'y  trouuons  rompure  aucune, 
point  de  dcfloueure  :  upus  lui  faifons  mouuoir  tous  Tes 
membre*^,point  de  doukur,rien  d'offcnfé  ,  non  pas  meA 
inevnç  feule  marque  de  froifl'urc  tn  endroit  quelcon- 
«^uede  tout  (on  corps,  nul  mal  de  coeur,  nulvomifle-; 
mennnul  afloppiffement,  nul  crachement  ou  difiilla- 
tion  de  fang.  Bref  nous  la  trouuons  faine  &  dç  fesfens^ 
&  de  toute  <a  oerfonnc,  &  en  toutes  fes  actions  point  Cr 
fiqneC;,pointfafçhee:au  çôtrairçriants  ehafçuo,  &"ous 
entretenant  de  fes  petites  mines.  Ceipur  elleipangca 
dcbonppnctu>dormit  bien;leuee  le  lendemain, chemi- 
na ^ufTi  faine  &  drue  qu'elle  eiloupsrauant  facheute^ 


(^mémorables,  zi^ 

Au  commencemcnc  de  l'an  i5oï.  que  i'afïciribîois  ces 
hiftoire.s,elIc  cftoit  cncorcs  en  vie,  belle  &  grande,  de 
force  taiile^&preftc  à  :n2.nQT.  Manches  de  Lyon. 

EN  F  ANS  Ingratscrperuers. 

ENVIRON  l'an  1470.  ilyaLjoic  vn  icune  Duc  de 
Gueldrcs,  nomrnf^  Adolt,  qui  commit  vn  cas  trcs- 
hurnblc.  Carilauoit  prins  Ton  pereprifonnier  vn  foir, 
comme  il  Te  vouloit  aller  coucher ,  &  mené  cinq  lieuè's 
d'Alemagnc  à  pied,  fans  chauiTes,par  vn  temps  tresfroid, 
oc  le  mit  au  fond  d'vne  tour,  où  il  n'y  auoit  nulle  clarté> 
queparvnc  bien  petite  lucarne  ,  &  là  le  tint /îx  mois: 
dont  fut  grand  guerre  entre  le  Duc  de  Cleues  (dont 
ledit  Ducprifonnierauoit  efpotirélarœur)  &ceieune 
DucAdolf.  Charles  dernier  Duc  de  Bourgongne  plu- 
sieurs fois  les  voulut  apointer:  mais  il  ne  peut.  Le  Pape 
&  l'Empereur  à  la  fin  y  mirent  la  main  ,  &  fur  grandes 
peines  fut  commandé  au  Duc  deBourgongne  ,  de  tirer 
l'autre  nommé  Arnoul ,  hors  de  prifon.  Ainfilefit,  car 
Adolfn'ofale  lefufcr,  pourcetju'il  voyoit  que  tant  de 
gens  de  bien  s'en  cmpefchoycnt,  &  C\  ciaignoit  la  force 
du  Duc.  le  les  vi  tous  deux  (ce  dit  Philippe  de  Commi- 
nes)  en  la  chambre  du  Duc  de  Bourgongne,  par  plu- 
sieurs fois  &  en  vne  grande  allcmblee  de  Confeil,  oh  ils 
pLaidoyent  leurs  caufcs:&vi  le  bonhomme  vieil  pre- 
fcnter  le  gage  de  bataille  i  Ton  fils.  Le  Duc  de  Bour- 
gongncoefiroit  fort  les  apointer,  Scf^uorifoitle  ieunc, 
&  lui  ofFroit  le  pays  de  Guddrcs  auec  leieuenu  ,  fauf 
vnepcticc  ville  nommée  Graue  ,  aHr/.e  auprès  de  Bra- 
bant,  qui  deuoit  demeure;-  au  pcre  auec  lereuenu  de 
trois  mille  florins,  &  autant  de  pcnfîon.  Ainfile  toutlui 
cuft  valu  ftx  mille  florins,auec  le  tiltie  de  Duc.  Commi- 
nés  auec  autres  fut  commis  pour  porter  celle  parole  à  ce 
îcunc  Duc,  lequel  fit  refponfe  qu'il  aimcroit  mieux  a- 
Moirietté  fon  perc,late{te  deuant  ,  en  vn  puits,  &  de 
i'elheictté  après,  que  d'auoirfaict  cettapointcmentî 
<iu*il  y    auoit   «quarante   quatre   ans  que   fon  père 

O  4 


^i6  Kjloires  admirables 

cftoit  Duc  ,  &  cju'il  eftoit  bien  raifonnable  que  lui 
le  full  :  mais  que  trcf-volon tiers  il  lui  laifTcroit  troii 
mille  florins  par  an  ,  par  condicion  qu'il  n'entrtroir 
îamais  dedans  la  Duché  :  &:aflez  d'autres  paroles  très- 
mal  fagcs.  Ccciauint  comme  le  Roy  Louys  on/icf- 
me  print  Amiens  ftrrte  Duc  de  Eourgongnc ,  lequel  e- 
ftoitaacc  ces  deux-ci  à  Dourlans,  où  il  fe  trouuoit: 
trcf-cmpefché ,  &  partit  foudainement  pourfe  retirer 
à  Hefdin,  &  oublia  celle  matière.  Ccieune  Duc  print 
vn  habillement  de  François,  &  partit,  lui  deuxiefme 
feulement,  pourfe  retirer  en  Ton  pays.  Pafiantvneri- 
uicre  il  fut  reconu  en  payant  le  poit  ,  piins  prifonnier 
&:  amené  à  Namur ,  ou  il  demeura  ferré  iufqucs  au  tref- 
pas  du  Duc  de  Bourgcngne(lcquel  tut  tué  dcuantNan- 
ci  au  commencement  de  Tan  1477.)  que  les  Gantois 
le  mirent  dehors  ,  &  auoyent  vouloir  de  lui  faire  c.Ç~ 
poufer  par  force  celle  qui  depuis  fut  Duchcflc  d'Au- 
ilriche  &  le  menèrent  auec  eux  deuant  Tournay ,  où  il 
fut  tué  mefchamment  &  mal  acompagné  :  comme /î 
Dieu  n'euft  pas  efté  faoul  de  venger  ceil  outrage  qu'il 
auoit  fait  à  fon  pcre,  qui  çftoit  mort  auant  le  trcfpas  du 
Duc  de  Bûurgongne  eftant  cncores  fon  hls  en  prifon,  & 
à  fon  trefpaç  laifTa  au  Duc  de  Bourgongne  fa  fucccfTion, 
à  caufc  de  ringraticude  de  fon  fils.  Ph.  de  Commines  ait  4. 
liare  defes  mémoires, ch.l, 

Vn  quidam, dcuenu  riche  ,  voyant  mendier  fon  pcre, 
eut  quelque  honte,  &:le  retira  en  la  maifon.  Vn  iour 
comme  on  lui  .aportoit  à  table  vn  plat  de  viande  fort 
exquifc ,  entendant  que  fon  perc  entroit  en  la  chambre 
il  fit  ferrer  ce  plat,  puis  quand  le  père  fut  forti,  ayant 
commandé  de  rapporter  la  viande,  le  feruitenr  trouua 
leplatplein  de  ferpens.  Ce  qu'dyautfait  entendre  à  fon 
inaillrc,il  voulut  aller  voir  que  c'elloh.  Aprochi-nt  près, 
le  plus  grand  de  ces  ferpens  fe  lança  à  fa  face,  ioignant 
fa  bouche  tellement  à  celle  dclhommc ,  que  ianiviis  il 
ne  pouuoit  manger  que  le  ferpenr  n'en  euft  fa  part: 
&  demeura  en  ceft  eftat  tout  le  reftc  de  fa  vie.  Aïan- 
lias  en  Jes  recueils,  Ph.  Lotiicer  en  fon  théâtre  d'exemples^ 
£a^elSs, 

Vn 


^memoYciUes.  217 

Vn  père  vieil  &  pauiire,  vint  prier  Ton  fils  de  lui  afli- 
i\cr.  le  fils  eftimantcjuecelui  fcroit  déshonneur  de 
s'auouer  dVn  tel  père  /faignit  \z  mcrconoiftre,&  l'ayant 
t2i\^cc  bien  rudement  lui  comanda  de  fc  retirer.  Lcpau- 
ura  père  auec  les  larmes  aux  yeux  Te  retira  :  mais  à  peine 
3uoit-il  tourne  le  dos ,  que  ce  fils  ingrat  deuint  enragé, 
&  mourut  en  ce  miferable  cftat.  ManUns  en  fss  recueils, 
Ph.  L  onicer  enfin  théâtre 3  pa.iS^. 

L'an  mil  cinq  cens  cinquante,  en  la  ville  capitale  de 
la  Duché  de  Prufe,  nommée  Coniksberg,  vnferrurier, 
ieune  homme  fort  dtsbauché  ,  tua  Ton  père  &  fa  mère 
auec  vn  pilon  de  fer,  fous  efperance  d'auoir  leur  argent. 
Incontinent  après  le  coup  il  fe  tranfporte  en  la  bouti- 
que d'vn  cordonnier  où  il  acheté  des  fouliers  neufs,  &y 
iaifîe  fes  fauates  ,  que  le  fils  du  cordonnier  iette  fous 
vnbanc.  Deux  ou  trois  heures  après,  la  boutique  du 
perc  ayant  efté  ouucrte  par  commandement  du  Magi- 
llrat,  qui  auoit  entendu  qu'ily  auoit  du  defordre  Icans, 
l'on  trouua  les  deux  corps  aHomme?,  ,  dont  le  fils  fe 
montra  en  aparencc  fi  outré  &  affligé,  que  perfonnc 
ncpcut  fe  douter  qu'il  fut  auteur  d'vn  fi  exécrable  for- 
faid.Or  auintque  le  cordonnier,remuant  fous  fon  banc 
appcrctut  les  fauates  ou  vieux  foulicis  de  ceieirtiefer- 
rurier,  marquetez  de  fiing.  Et  fut  aufli  remarqué  par 
ci''autres,quc  ce  malheureux  auoit  outre  coullume  bon- 
ne bourfeSc  bien  garnie.  Ce  qifcflant  rapporté  à  iu- 
ftice,  on  remprifonne.Soudain&  fans  torture  il  confeffe 
fon  parricide, &eft  exécuté  comme  il  mcritoit.  Le  pi- 
lon attaché  au  palais  de  iuftice  branfle  continuelle- 
ment ,  ce  dit-on.  Philip.  Lonicer  en  fin  théâtre  ,  pa^e 
284.  fir  le  rapport  d'i/n  des  prcmien  Théologiens  de  nofire 
tewps. 

L'an  mil  cinq  cens  foixante  ,  en  ia  ville  de  Baf- 
le,  vn  mcfchant  garnement  fit  mourir  par  poifon  fon 
propre  père,  homme  riche  &  de  bonne  conuerfation. 
Ce  parricide  ayant  efté  dcfcouuert  &  conuaincu,  fut 
parfentcncedu  Magiflrat  attaché  nudàvnaix,  rrainé 
pai  les  rues ,  tenaillé  es  quatre  places  principales  ,  puis 


^  I  o  Hi (loir es  admirables 

bnle,  &  laiflé  vif  fur  vnc  roué,  où  ayant  langui  en 
^^randstourmcns  rdpace  de  neuf  heLn'cs  ,  auccreco- 
noiflancc&dcccftaciondcfon  forfait,  il  expira.  Caf^At 
UedLoy  en  la  <^t4xtriemepart.  defes  Chroni<ji*es. 

Vn  mien  ami  homme  dcgrand  cfpnt,  &  digne  de  foy, 
citant  vn  iourà  Napleschez  vn  ficn  parent, entendit  de 
imià  en  rue  la  voix  d'vn  liomme  criant  à  Taidc  ,  qui  fut 
caufe  qu'il  alluma  la  ch-a43dclle  ,  &y  courut  pour  voir 
<]uec'elloit.  Eilant  fur  le  lieu,  ilvid  vn  horrible  fan- 
cufme,  d'vn  port  effroyable  &  du  toutfurieux  ,  lequel 
■^ouloit  à  toute  force  entraincrvn  leune  homme.    Le 
pauure  miferable  crioit  &  fc  dcfcndoit  :  mais  voyant  a- 
procher  ceflui-ci,  foudain  il  courut  au  douant ,  l'empoi- 
gne par  la  main  &  faifit  fa  robe  le  plus  eftroittement 
<îu'iIluifutpoirible,  &  après  s'eftre  longtemps  debatu, 
commence  i  inuoqucrle  nom  &  Taidc  <ïc  Dieu ,  &  ef- 
chappe,  Icfantofme  difparoifTant.    Mon  ami  meinccn 
ion  logis  ce  ieune  homme  ,  prétendant  s'en  desfaire 
doHcemcnt,  &lcrenuoycrchcz  foy  ;  maisilne  fçcuc 
obtenir  ce  poinà. ,  car  le  ieune  homme  eftoic  tellement 
eftonncS  qu'on  ne  pouuoit  le  ralfeurer ,  treflaïUant  fans 
celle  de  la  peur  qu'il  auoit  pour  /i  hideufe  rencontre. 
Ayant  en  fin  rcprîns  aucunement  Tes  efpiits  ,  il  confclîa 
<l'auoir  mené  iufques  alors  vno  fort  mcfchantc  vie,  elle 
contempteur  de  Dieu  ,  rebelle  à  pcrc  &  i  mcre,  auf- 
quelsil  auoit  dit  &  fait  tant  d'iniurcs  &  d'outrages  in- 
fuporrablcs,  qu'ils  l'auoycnt  maudit.  Surce  il  eftoitforti 
delamaifon,  &  auoit  rencontré  le  bourreau  fufmcn- 
lionné.   t^ltxutidreiCt^Uxandiiei  au^.littre  de  fes  iûhrs 

Vn  icunc  homme  natif  de  Gabies  ,  non  loin  de  Ro- 
me, &  de  petit  lieu,  eftanc  d'vn  naturel  farouche,  fal- 
cheux,  inrupporcablc  &du  tout  mcfchant  ,  dit,&tîc 
beaucoup  d'outrages  à  Ion  perc  :  puis  agité  de  rage 
commence  à  fc  doliner  au  diable  ,  &  fort  incontinent 
dclainaifon^s'acheminant  à  Rome,  pour  y  machiner 
quelque  nouucllc  mcfchanccté  contre  fon  dit  per^ 
tîtUïlL  çhciiîai  il  rencontre  le  fiable  ;  en  guifc  de  bri- 

cand 


cf  memorahles,  119 

grand  furieux  ,  la  barbe  &  les  chcucux  mal-pcigneï: ,  le 
veftement  fale  &  rompu  lequel  s'acoflant  de  lui  l'inter- 
roguc  descaufcs  defon  mcfconrcntcmcnt.  Leieunc 
homme  rcfpond  qu'il  auoit  quelques  paroles  auec  fon 
pere,&  fcdelibcroitdc.lui  faire  vnmauuais  tour.  Alors 
le  diable  adioufle ,  que  tel  inconuenient  lui  eftoit  aue- 
nu,&le  prioit  qu'ils  fufient  compagnons,  pour  auifer 
çnfcmblc  aux  moyens  de  fe  venger  des  tors  qu'on  leur 
auoit  fait.  La  nuiél  venue  ils  entrent  en  vne  hoftellerie 
iurleur  chemin,&  couchent  en  mefmeliâ.Mais  le  mal- 
heureux compagnon  fai/ità  la  gorge  le  pauure  ieune 
hommc,lcqucl  dormoit  profondement,  &reufteftran- 
glé,  fî  le  ieune  homme  fe  refueillant  n'euftiuuoqué 
Dieu  à  fon  aide.  Dontilauint  que  ce  cruel  &  furieux 
^ifparut,&  en  fortant  esbranla  tellement  toute  la  cham- 
brcquc  les  roliueaux,le  toi<5(:  &  les  tuiles  en  furent  fra- 
caffces.  Le  ieune  homme  efpouuanté  de  tel  fpeftacle, 
&  prcique  demi-mort,  fe  repentit  de  fa  mefchante  vie, 
&  guidé  de  là  en  auant  parle  bon  efprit^dcuint ennemi 
des  vicesjpa/Ta  fa  vie  loin  des  bruits  du  peuple,&  feruic 
de  bon cxeipplçà  {(^s  prochains,  ^ume^mz  liarc  ^  ch^^ 


EJSIF  AN  S  pratiquez, 

Y  'In  v  E  N  T I  o  N  a  efté  rrouuce  par  aucunes  femme:» 
JL-ftcrilcs(lcs  vues  portées  à  cela  de  leur  propre  mou- 
Viemcnt,pour  complaire  à  leurs  maris ,  &  amener  vn  hé- 
ritier en  la  maifonfous  leur  charge,au  preiudice  des 
vrais  héritiers  :  les  auprès  confentîintes  aux  impofturcs 
de  Içurs  propres  maris,  pretendans  auanccr  leurs  affai- 
res par  telles  pratiques  deteftablcs  )  de  garnir  leur  ven- 
tre de  force  linge  &  petits  coufTmcts,  toutesfois  peu  à 
peu,pour  ne  faire  croiftrel'enfiure  qucpar  mcfurerde 
contrefaire  les  defgouftees,  les  chagrines  ,  lesenuieufes> 
Jes  pelantes  &  malairees;&  au  terme  de  neuf  mois  fupo- 
i'br  quelque  enfant  apporté  recrcttçnjéc  delà  maifoii  c^ 


i  io  Hîjloires  admirahles 

<Iuclqucpourevoiiînc  ,,ou(à  faute  d'aune)  de  rhoflcl 
r>icu;p.-îrtbîs  acheté  a  beaux  deniers  contant,  ou  fuppo- 
lé  par  le  mari^rayanc  eu  dVnc  concubioe.  Ce n*cft  pa-î 
toutjcar  comme  celles  qui  font  fteriies  fe  font  feruies  du 
iiioyé  de  telles  fiippofitiôstaufTi  s'é  font  aidées  aucunes, 
<îui  au  lieu  qu'elles  defîroyentauoirvngarçô  pour  plus 
S"and  contentement  de  leurs  maris,voyoyentque  Dieu 
leur  auoit  donné  vne  fille.  Comme  on  fcait  aflez  qu'il 
3^  a  cnuiron  cinquanteans  qu'vneDanic  de  Dauphmé 
iic'  \  oyant  cllre  en  la  maie  grâce  de  fon  mari, de  ce  qu'el- 
le ne  lui  izxÇolx.  que  des  filles,  forgea  vne  rufe  telle  pour 
3c  rendre  côtentjC'efi qu'elle gaigni  vne  femme  de baf- 
ie  condition,  des  le  commencement  delà  grofleflc  d'i- 
■cclle,&la  fitconfentirà  lui  donner  fon  enfant,  incon- 
tinent qu'elle  feroit  acouchrce.Apres  laquelle  pratique^ 
■celle  Dame  ayant  vfé  de  touteslcs  mi  nés  ci  deiîus  mcn- 
rionncesuequifes  pour  contrefaire  l'enceinte,  enfin, 
fiounouër  le  principal  8c  dernier  ieu,incontinent  qu'el- 
le entendit  que  la  fufdite  eftoit  en  trauail  d'enfant,  & 
tju'elle  eftoit  deliurce  d'vn  fils/e  mit  au  lift  feignant  e- 
ilreenla  mefme peine,  attendant  qu'on  lui  aportall  ce 
garçonnet,  qui  lui  auoit  cRé  promis.  Ce  qui  fut  fait ,  & 
lui  tut  apporté  par  certaines  fagcs  femmes  fî  fecrette- 
nent,  qu'il  fut  rcceu  du  mari, comme  ifl'u  du  ventre  de 
4*a  fcmme:tenu  aufli  &  réputé  pour  tel  de  la  plufpart  du 
y  cuple.  Surquoi  ic  ne  veux  omettre  vn  exemple  nota- 
î)le  du  iugement  de  Dieu.Car  celle  Dame,  qui  ne  pou- 
noit  naturellement  élire  induite  à  porter  aucun  amour, 
nia  donner  aucune  puiflance  en  fa  maifon  à  ceft  en- 
Tant(combien  qu'au  moyeiideladitefuppofîtion il eulï 
elle  laide  héritier  par  celui  qui  penfoit  élire  fon  père) 
rayant  toujours  en  mefpris  de  plus  en  plus ,  en  fin  le 
contraienitd  fe  bander  contre  elle  :  &:  auoir  recours  à 
iuflicejpourfuiuant  Tes  droits  comme  fils  héritier  :  iuf- 
quesà  vouloir  lui  faire  rendre  comprc.Cc  qui  irrita  tel- 
lement ladite DamCpqu'eUepourchaifa  fa  mort :pour le 
•moins  a  etle  tenu  que  le  meurtre  commis  en  lui ,  fut 
parla  follicitation  d'icelle.  liu.i.deU  conférence  des  mer- 
italles  ancic.tixs  ^  modernes. 


dr  mémorables.  zit 


E  NF  ANS  nourris  far  mi  les  loups, 

DIe  V  fe  repentit  d'auoirfaitrhommejce  dit  Moyfe, 
Gcncf.  ^.  Etlesliuresdes  Philofoph^s  font  rem- 
piisdc  plaintes  touchant  la  malice  du  coeur  humain. 
Platon  au  y.liurc  dcsioix,  ditquVnieune  enfant  cilla 
belle  la  plus  farouche ,  la  plus  violence ,  &  plus  mal-ai- 
fec  a  apriuoifer  d'eurre  toutes  les  belles  ;  &  qu'on  ne 
fçauroitlerefcner  de  trop  près.  Item  Arillotc  au  i.  li- 
ure  de  ces  Politiques  confermc  le  mefiiie.  ^^^  Lions, 
les  Ours  Vautres  belles  fauuages font  intraitables  :  non 
pas  toutesfois  tant  que  les  enfans  laiHez  à  leur  aban- 
don,&  deftituez  de  leur  adreffe.  On  recite,qu'vn  ieune 
enfant  d'vn  village  au  Landcraviat  de  Heffe ,  fut  perdu 
par  la  nonchalance  de  fon  père  &:  de  fa  mère,  qui  le  cer- 
clîcrent  longtemps  puisaprcs^  &  ne  peurentle  trou- 
uer.  Cevillage  cftoit  plein  d'arbres &; de  iardins,  af- 
fcz  proche  d'^-ne  forell  ,  d'où  lés  loups  fortoyent  pour 
aller  à  la  |»icoree.  Quelques  années  après ,  on  aperceuc 
entre  les  loups  qui  enrroyent  dedans  les  iardins;,  vn  a- 
nimalnon  du  tout  t.el  qu'vn  loup  ,  &  qui  ne  fautoitpas 
fi  difpoilement  pardeffusleshayes.Cequ'ayanteflé  veu 
plufieursfois  auec  ellônement  paries  payfans,&  cuidans 
que  ce  fuil  quelque  belle  d'autre  eipece^ils  en  firent  rap- 
port au  gouuerneUr  du  lieu,  lequel  en  donna  auisau 
Landgtaue.Icelui  ayant  commandé  que  ceit  animal  fuft 
chafi'é,  prins  vif,  &  amené,  par  vn  moyen  ou  autre  :  les 
pàylans  firent  en  forte  qu'ils  l'attrapèrent  &  l'amené- 
Tcnt,  cheminant  a  quatre  pattes  comme  vn  loup,  &  dV- 
ne  mine  truculente.  Eftant  en  la  laie  du  Prince,  il  i^j  ca- 
che fous  vn  banc  ,  où  il  commence  à  fiffler  &  huiler 
comme  vne  belle.  Or  ayant  defcouuert  en  lui  quelques 
traits  (quoi  quedesfjgurez)  de  face  humaine,  le  Pnncc 
commanda qu'icclui  tuft  nourri  quelque  temps  entre 
lèihommci.'iufquesà  ce  que  l'on  peull  conoiitre  plus 
Cicattcme'ot  (JkTc  ce  pbuuoiteftre.  Ccui  qui  en  auoycnc 


m  Hijloires  admirMes 

charge  s*y  employèrent  tellement ,  que  Tanf  mal  corrt-i 
mençaà  s'appriuoiler,&re  tcnirdebour,6:  marcher  co- 
rne Icsautre*.  hommes,  finalement  à  parler  diftinfte- 
ment:&  lois  (  autant  que  fa  mémoire  peut  fournir  )  il 
raconta  &  confcf^a  aùoir  vcfcu  dedans  vne  foffe  anec 
les  loups,qu' le  f^aitovcnt  doucement, &  lui  baiilovcac 
toufiours  la  meilleure  parc  de  leur  chafle.  M»  DreffinU» 
enfon  liwc  de  la  vo'mellc  ^  ai:ci«'nne  dtfcipane. 

Plufîeu'-sgcnrils-l:ommes  François  ont  peu  tcfinoi- 
gnerauofr  vcu  vn  homme,lequcl  fut  pris  enlaforeftde 
Compi.  gne,  &  amené  au  feu  Roi  Charles  IX.lequcl 
marchoit  à  quatre  pieds,  comme  vne  pauure  beftc,  & 
couroi:  plus  vide  quVn  chcual.  II  ne  pouuoit  Te  tenir 
debout,auoitla  peau  fort  Jure,  eftoit  velu  prefque par 
tout,  &  pour  tout  langage  s'aidoit  d'vn  cfpouuantable 
cri  qu'il  acompagnoit  d'vn  refrongnementde  vifage  iî 
hideux  ,  qu'il  nVa  bcftc  fauuagc  plus  mal-plaifante  i 
voir  que  ce  pauure  corp  v,qui  auoit  vefcu  aucc  les  loup\, 
&  apris  d'eux  à  hurler.  Au  demeurant  il  eftrangloit  les 
chiens  à  belles  dents,&s'il  pouuoit  atcrapper  les  hom- 
mcsjil  ne  s'y  feignoit  non  plus.  le  n'ai  peu  fçauoir  qu'il 
eftoit  dcucnu. Exh'Mt  des  mcmoin'S  dennjlretem^i. 

Quant  à  la  première  hiftoire  extraite  de  Dreflerus,  ic 
ne  fcay  fi  c'eft  la  mcfme  que  reprefente  le  Dodeur  l'h, 
CumerariU6  enjes  belles  incdit étions  hiftorlques,  chapitre  J^.dté 

La  répétition  (pour  en  eftrc  courte)  ne  fera  point  défi 
agrcablccomme  i'efpere.  C'eft  (dit-il  )  choie  merueil- 
leufcfi  véritable,  qu'on  lit  esadditions  i  liiiltoire  Je" 
Lambert  deScharnabourg,comme  s'enfuit.  L'an  1544. 
on  printés  quartiers  de  Hcfl'e  vn  enfant,  lequel  (  à  ce 
<ju'ilrecita  depuis  &  fut  ainfi  verihe  )  n'<iiyant  que  trois. 
ans  fut  emporté  ,  puis  nourri  &  efleuépar  lt<Ioups. 
C^uand  ils  aportoyent  quelque  proye,ils  apportoyent 
toufiours  la  meilleure  part  autour  d'vn  arbrej,  &  la 
bailloyent  à  l'enfant  qui  la  mangeoit.  En  temps  d'hi- 
uer&  de  froid  ,  ils  creufoyent  vne  fofle  ,  qu'ils  ta- 
pilToyent  d'herbes  &  de  fueilles  d'arbres  ,  fur  quoi 
lis  couchoycnc  ce  petit  >  &  l'cnuironnaiis  de  toutes 

parc^ 


cf  7n  emorahles.  iz^ 

T»atts  le  garantiffoycnt  .contre  l'iniure  du  temps  :  pms 
Us  le  côtraignirent  de  marcher  fur  les  pieds  &  les  mains, 
&  de  courir  aucc  eux ,  tant  que  par  vfage  &  à  la  longue* 
ilfccuc  fauter  &  courir  comme  eux.  Eftant  prinsonle 
contraignit  peu  à  peu  d'aller  feulement  fur  les  deux 
pieds.  Ordifoit-il  fouuentque  C\  cela  cuit  cfté  en  fi 
puillance,  laconuerfation  auec  les  loups  lui  elloit  plus 
agréable  qu'aucc  les  hommes^  Ilfut  apporté  pourlpe^ 
ttaclccnla  Cour  dcHcnri  Landgraue de  HefTe.  l.nlz 
mefmc  année  auint  le  mcfmc  en  la  meftairie  d'Echrzcl: 
car  vn  enfant  de  douze  ans,  fumant  les  loups  en  la  fo-» 
rclt  prochaine,  fut  prins  en  temps  d'hiuer  par  quelques 
gentils-hommes  qui  chaflovcnt  aux  loups. 

ENF  K^NT  de  pierre. 

VNe  femme  de  la  ville  de   Sens  en  Bourgongnc, 
nommée  Colombe  Chntry,  mariée  à  Louys  Chan- 
té coufturicr,  ayant  elle  fort  long  temps  auec  lui  ihns 
i?,uoir  cnfans  ,  finalement  conceut  ,  &  durant  fa  groP- 
feife  eut  les  diuers  accidens  de  femmes  enceintes.   Mais 
le  terme  d'acoucher  venu  ,  les  efforts  de  la  pauure  Co- 
lombo >  &les  aides  des  fages  femmes,  furent  inutiles, 
tellement  que  fon  fruift  mourut   :  &:  fut  trois  ans  en- 
tiers au  li(5t  en  beaucoup    de  langueurs.    En  fin  telle- 
ment quellementfoulagee  ,  elle  commença  à  fe  trai-. 
ner,  &  languit  encore  vingt  cinq  ans  ,  portant  ce  fruift 
mortjdont  en  fin  elle  deceda  auffi  ,  Tayant  porté  vin£;r- 
huict  ans  entiers  en  fon  ventre.    Son  mania  fit  ouurir, 
&futtrouué  Tcnfant  cftre  conuerti  en  pierre  nefdu- 
rc,  puis  tiré  de  fon  ventre  ,  gardé  depuis  par  grand  mer- 
ueiUe,  comme  pluficurs l'ont  veu  bien  formé,&  comme 
fi  quelque  Sculpteur  ingénieux  l'cult  taillé  dedans  ce- 
rtecauerne,  ayant  fcs  membres  entiers  à  leurpropor- 
rion,refaits  comme  l'aage  d Vn  enfant  de  neuf  mois  bien 
nouiri  le  requiert.  Le  dedans  creufé  :  on  trouuaaudî  le 
Coeur,  le  foye,  Iccerucau  &  autres  parties  foit  dures: 
mais;  non  du  tout  tant  que  les  externes.    C'eil  vne  fîî- 
mcUc.     Ce    cor^>s  n'eit  fuict  ni   i  pourriture   ni 


214  Hijioires  admirâhles 

à  vermoulure,  non  plus  qu'vne  pierre  des  plus  dur<rj 
que  les  maiftresStacuaires  puifl'cnt  mctcrccn  befongne. 
jM.Jean  d\y4liboux  j  &  Simon  de  Prouuunchtres  ,  dodcs 
Médecins  de  noftrc  temps  ,  qui  ont  vcu  ccil  enfant  de 
pierrc,&  eu  en  leurs  mains  ccfte  merucille,  en  ont  cfait: 
riiiftoirc  ,  &:  publié  vn  nes-amplc  &beau  dilcoursfur 
le  tout. 

l'adiouftcrai  à  cela  vue  autre  hiftoire  mémorable 

ilefcrite  par  M.Iean  Schcnck  de  Grafcnberg  Médecin  i 

Fribourg  on  Brifgau,  duquel  i'ai  tiré  vne  grand'  parnc 

des  récits  des  accidens  mcrueilleux  au  corps  humain 

mentionnez,  en  ces  recueils  d'iiiltoires  de  no  tire  temps. 

Claude  de  iaind  Maurice,  Médecin  renommé  &pro- 

fclleurà  Dole  ,  eicrit  à  monfîcur  Qu^enz  Sénateur  &: 

premier  Médecin  de  Fribourg  ,  quele  vintciiiquierme 

iour  de  lanuicr  mil  cinq  ccnsnonantc  cinq,  failani  ou- 

urir  vne  femme  decedee,  en  l'aage  dc57.ans,ontrouaa 

qu'elle  auoit  le  ventre  de  pic'rre,  &  pefoit  fept  liures,  le 

foye  auec  vn  fcul  lobe  cartilagineux  ,  la  râtelle  ronde, 

la  vefîîe  de  pierre ,  le  péritoine  lî  dur  qu'à  peine  le  ra- 

foirdu  Chirurgien  peut  l'entamer.    Ces  choies,,  dit-il 

nous  tirèrent  en  grand  esbahiflement ,  &  en  dilpute  par 

quelle  voye  les  elpiits  eftoyentportez  partoutle  corps: 

éi  comment  ii  fut  polfible  à  colle  femme  de  viure/î  long 

temps  fans  aucune  manitefte  maladie.    le  fis  incifcr  ce 

Tentre  de  pierre,  eiperant  y  trouuer  quelque  fruit  de 

iiiefme,  comme  celui  de  la  femme  de  Sens  en  Bourgon- 

gne.  Maisietroauai  que  ce  n'elloit  que  pierre  dedans, 

comme  dehors. 


ENFANTEMENT  Cdpirem, 

L'H  K  F  A  N  T  E  M  E  N  ï  ca^farein  eil  vne  extraftfon  dcx- 
trement  faite  de  l'enfant  par  le  colle  de  la  mère,  ne 
jT'Ouuant  autrement  acoucher  que  par  furtifante  inci- 
fîontantdel'epigallre,  ou  ventre  extérieur  ,  que  du 
iUjrpsmacrical,  îans  toutesfois  preiiidiciçr  i  U  vie  de 


(jr  mémorables»  zaç 

de  l'autre  :  (  pourueu  que  d'ailleurs  ne  leur  furuiennc 
mal  )  voire  melmc  fans  que  la  mère  laiflc  pour  cela  de 
porter  puis  après  enfaar.  Ce  qui  s'entend  pour  l'en- 
fant encore  vii  dans  le  ventre  de  la  mcre.  Sous  ceftui-cî 
eftaufTicomprifc  vne  autre  pareille  extradion  de  l'en- 
fant défia  mort  dedans  la  miire,  quand  par  autre  aide  de» 
lago  femme,ou  de  médecine,  ou  de  chirurgie,  plus  faci- 
le, plus  feure ,  &:  plus  commune,  il  n'y  a  moyen  de  Ta- 
uoir,&:  qu'autrement  on  void  qu'il  doit  emporter  la  mè- 
re auec  foy  :  comme  de  iour  à  autre  il  auicnt  par  tout  en 
femmes  de  toutes  qualicez  ,  après  auoir  cité  eu  entrées 
&  rompues  mifcrablement. 

N'a  pas  long  temps  que  l'ay  fu/fifamment  defcouuerc 
par  le  rccit  de  quelques  anciens  prf.-ud- hommes  près 
Milly  en  GaiHnois  cela  eiirc  vray  ,  duntencoreson  ne 
fait  doute  fur  le  lieu  ,  que  la  femme  dSn  nommé  Go- 
dart,  demeurant  lors  au  Melnil,  parojfTe  de  Miliyauoic 
quelques  ansauparauant  enfante  par  iîx  fois  en  celle 
nysde,  aifauoir  l'enfant  ayant  elî-é  ciré  par  incifion  faite 
jTu  cofté  d'icelle  mère,  ôciamais  autrement  toufîours 
cnfans  viuans.  L'operateur  fut  Kiculas  Guillet,  barbier 
de  Milly>apiesla  mort  duquel,  par  faute  defecoursacou- 
ftume,  celte  femme  mourut,nepcuuantacoucher.  Ar- 
gument vrai-ferablable  que  c'elloit  vue  profonde  phy- 
mofe,  ou embouclurc naturelle  ,  fufftfanteà  rcceuoir 
la  geniture ,  mais  non  à  rendre  l'enfant.  Fr.  Roujja ,  aj* 
traité  de  V enfantement  c^fari^n. 

l'ay  fceu  veritablemcnL  par  M.  Ambroife  le  Noir, 
chirurgien  de  Pithuiers,  fôrt''expcrt,  &  par  Gilles  le 
Brun,  qu'ils  auoyenr  cnfemblemcnttiré  u  pluficurs  fois 
parie  coité  trois  enfant;  viuans  à  vne  pauure  femme  prc« 
Mcrinvilie  en  Beaufle  :  vers  laquelle  me  voulant  tranf- 
porter,  pourvoir  le  lieu  de  l'inci/ion,  ic  fceu  qu'elle  e-' 
îloit  vn  peu  auparauant  morte  de  pelle ,  lors  fort  conta- 
gieufe  iJc  violente  en  ces  pays-ia. 

l'ay  vne  dofte  epiixrc  de  monfieur  Alibous  Médecin 
à  Sens,  deduifant  au  long  &.  par  bon  ordre,  comme  lean 
des  Marais  chirurgien  i  la  Chaftrc  en  Bevry  ,  fils  de 
JL^uys  (ies  ^fcM:aJ$  çijifurgien  w^naiic  de  l'Atciitfn^- 

P 


ii6  Hijloircs  admirables 

cjue  de  Sens ,  tira  par  le  coftc  à  la  femme  mefme  vn  fils 
nommé  Simon  des  Marais,  depuis  aufll  chuurgien  &  va- 
Jet  de  chambre  de  la  Roinemcredu  Roi.  Apre»quoy 
elle  ne  laiflavne  autre  fois  d'acoucher  bien  &  naturel- 
lement d'vne  hlle  nommée  Renée  ,  depuis  mariée  à  vn 
grenetier.  D'icelui  Simon  (qu'on  furnommoit  fans  me- 
re)&  de  Rofe  Gallardet  forcirét  Claudejefpoufee  à  Mai- 
ftre  François  Artus  d' Ylloudun  ,  &  Françoife  mariée  à 
Oliuicr  Gannier:toutes  deux  fuffinintes  tciHficatrices  de 
la  naiffance paternelle, tant  parle  cômun  bruit,  cjue  par 
le  fréquent  &  domeftique  récit  de  leurditpere.  Uimjim. 

Monfieur  Pelion  fameux  Médecin  à  Angers,  ^ant 
par  ci  deuant  recire  à  maille  Laurent  Collot  chirurgien 
cyftotomique  de  Pans,  vne  femblable  opération  en  An- 
ioujlui  en  a  de  nouueau  ratifie  la  vente  par  vne  miiîlue 
qu'il  m'a  baillée,  portant  cela  auoir  cité  exécuté  par 
Math urin  Débonnaire  chirurgien. 

M.  Denis  Armenaut  Médecin  à  Gyen  &  moi ,  auons 
veu  enfemblemcnt  vn  peu  auant  les  troubles ,  en  l'hoP 
pital  de  Chaftillon  fus  Loir,  vne  femme  y  cftant  malade 
de  Heure  continue,  ayantau  collé  feneftre  du  petit  ven- 
tre vne  grande  hargne,  &  en  icelle  vne  longue  cicatrice, 
auec  apparentes  marques  de  points  d'aiguilles  ,  rellans 
del'ouuertuied'icelles  parties  recoufues  ,  par  laquelle 
fon  mari&  elle  teflihoyent  lui  auoir  elle  tire  quelque 
temps  auparauant  vn  fils,lors  que  nous  parlafmes  a  eux, 
d'enuiron7.ans,qu'ilsnousmonftrerêt,  n'ayantpcunai- 
fire  autrement.  Cela  futfait  en  Bouvgongne  par  vn  viel 
barbier  de  leur  village  merme,expert(d  leur  dire)en  tel- 
les opéra tions. La  fcme  n'auoit  point  côceu  ne  porté  de- 
puislors,côbien  qu'ils  fufiént  tous  deux  leùnes.  Li  mejme. 

Bernarde  Arnoul,  femme  d'Hftienne  Mafllcaule  de  v_ 
Nangeuille,entre  Lilarnpes,Puireaux  &  Pithiïiers,apre$ 
vn  extrême  &:  vaintrauail  de  quatre  iours  à  enfanter, 
merccerchant  par  fon  itKu-i  mefme  fur  le  dernier  auis 
de  fon  fecours,  eut  bien  le  courage  contre  le  gré  de  fon 
dit  mari,  de  fè  faire  par  mon  confeil  ouurit ,  voire  C\  ha- 
ftiutti'Cnt,  après  auoir  oui  la  refolution,  qu'elle  ne  vou- 
ut  pas  attendre  M.  Ambroife  Ig  jSoir ,  Mnoaimé ,  que 

ie  pro-; 


^  mémorables,  X  ty 

îepromcttois  lui  cnuoycr,  comme  ia  expérimenté  ert 
relie  opération, parce  que ie  ne  m'y  pouuois  trouuer, 
pour  cftrc  lors  au  lict  griefuement  malade  :  mais  y  em- 
ploya le  premier  trouu<f,qui  futlean  Lucas,  ieuAe  bar- 
bier demeurant  lors  à  Bunou,  petit  village  prochain, 
qui  exécuta  dextrcment  celle  opération  à  lui  nouuelle, 
en  prclcnce  de  gens,aucuns  defquels  font  cncor  ,  com- 
me lui, tcfmoins  de  ce  fait.Ce  fut  le  lourde  Paiqucs  mil 
cinq  cens  cinquante  fix.     L'incifion  commcnçoit  à  la 
partie  dcxtrc  du  vcntre,vn  doi?,t  plus  bas  que  l'endroit 
du  nombril5&  plu*,  de  quatre  doigts  à  cofté  d'icelui,  & 
delà  delcendoitdiredemoiLiufquespresdu  penil/ans 
toucher  nullement  aux  niufcles  droits,  defquels  elle  c- 
ftoit  par  le  haut  diluante  d'cnuiron  trois  doigts  ;  &  par 
le  bas  quelque  peu  moins.  Apres  les  mufcles  ,  &  le  péri- 
toine aufTi  de  haut  en  bas  incifez  ,  fans  guercs  faigner, 
apparut  manifeftemeutramarry. Laquelle  il  inciia  aafîi 
à  parr,voirc  allez  amplement,  afin  quels  playe  futlUf- 
fifantepour  en  lirerplus  aifémènt  l'enfant  encore  vif, 
auec  fa  fecondine.Puis  il  rccoufut  à  la  façon  commune 
desplayes ,  non  la  matrice,  maiî  les  mufcles  &  le  péri- 
toine auec  cinq  pomts  d'aiguille  ,  comme  ie  noray 
bien  ,  y  eftant  exprcfl'ëment  allé  pour  la  viiîtcr ,  /î  tofî 
que  ie  fus  rcleué  du  li6t.  Ce  que  i'ay  fouuent  depuis  re- 
marqué en  elle  mcfme,  lui  cuidant  faire  guérir  vne 
hargne,quilui  en  eft  tou/iours  depuis  reliée  ,  pour  n'a- 
uoir  pas  cfté  bien  coufee,  ous'eftre  trop  toft  releuec. 
Et  faut  noter  que  ce  barbier  ne  fçauoit  que  c'eftoit  ni 
de  mufcles,  ni  de  péritoine,  procédant  en  tout  ce  fait 
comme    s'il  euft  percé  vn  apofteme,  ou  détaillé  d'vn 
coufteau  tranchant  quelque  pièce  de  chair,  comme  le 
remarque  M.  Maurice  Corde,  en  fon  commentaire  fur 
Hippocrates  des  maladies  des  femmes,  liu.i.text.ii.  En- 
uiron  vn  an  &  demi  après  eftant  fon  mari  decedc,&  elle 
remariée  à  Pierre  Chanclou,rcdeuintgrolVc,&  enfanta 
naturellement vnefille,&  demeure  maintenante  Nan- 
euiUe,  .uquel  lieu  font  encore  plulleurstefmoins  de  ce; 
peftacle.LrtOTe/w*. 

P     ^ 


% 


zii  mjloires  admirables 

A  Vry  en  Biercpres  Fontainebleau,  à  deux  lieues  de 
Nemours  ,  Collette  Beranj^ci,fenime  de  Simon  de  la 
Gardo,  outrepallant  defialedixiefme  moisdefa  grof- 
fc{l"e,&  portant  de  long  temps  Ion  fruift  mort,  fans  cjue 
pour  le  rendre  les  parties  balles  s'ouuriflent,  manda  en 
fin  Vincêt  Valleau  chirurgien  de  Nemours^lequcl  n'a- 
yant autre  moyen  appoient  de  lui  aider  Tincifa  fur  la 
fin  de  lanuier,mil  cinq  cens  quarante  deux  non  au  co- 
i\é  dextre,mais  au  feneihe ,  quelque  peu  plus  hautque 
n'auoit  elle  celle  de  Nangeville  ,  couppant  première- 
ment rabdomcn,ou  ventre  extericur,puis  la  matnce,de 
laquelle  il  tira  le  fruid  mort  ,  enflé  &  puant,  aucc  la 
lecondine  ia  pourrie. Puis  fans  recouldre  la  matrice ,  re- 
print(commcparacquit,&àla  defefperade  )  par  cinq 
points  d'aiguille  la  peau  auec  quelque  petite  partie  des 
mufcles,  comme  long  temps  après  il  aparoilfoit  aile/, 
n'y  ayant  que  le  iîmplecuir  cicatrizé  lur  les  intertins. 
Sa  gefine  fut  pour  tout  d'vn  mois  &  demi ,  deux  ans  a- 
près  lequel  temps  elle  acoucha  naturellement  d\  ne  fil- 
le;&  deux  autres  ans  après  d'vn  fils  nommé  Pierre  de 
laGardcdepuismarefchal  dclbn  eflat.tUe  exerça  de- 
puis l'office  de  fagc  femme  audit  Vry,feruant  aux  autres 
femmes  &  rcceuantleurs  enfans.  Lrf  mejme. 

Agnes  Boyer  ,  femme  de  lean  Canipan  ,lab9ureur  a 
Villereau,prcs  Neufuillecn  Beauflc  ,  après  auoir  cité 
par  quatre  lours  toute  rompue  par  l'importunitc  des  fa- 
ges  femmes,fans  V rien  proriter,fut  ouuerte,  &ce  au 
cofté  dextrcpar  Philippe  Migneau  barbier  de  Neuhiii- 
le,l'an  mil  cinq  ceusquarantequatie,puis  rccoufue  aux 
mufclcs&  au  cuir,fur  lelourd,&  comme  il  peut.  De  h- 
quelle  incifîon  elle  fuft  toft  guérie  au  ventre  :  mais  les 
mcurtriflcures,  que  les  matrones  auoyent  faites  :  à  la 
nature ,  cmpefchcient  le  chirurgien  plus  de  lept  mois 
aies  guérir.  Elle  eutaufli  vnc  belle  tîUc  ,  qui  vefcut 
feptmois&  plus^bien  faine  :  mais  au  huidiefmede- 
uint  malade  à  nourrice  au  village  mefmc  ,  dont  elle 
moUriit.Peu  de  temps  après  elle  redeuint  groife, por- 
tant i'enfanc  prefque  toufiours  pendant  vers  la 
hargne  ,  qui  luircftoit  «omme  aux  autres*  fajj^s  dou- 
leur 


leur  neantmoins.  Mais  elle  ne  pouuoit  non  plus  que 
dcuant  acoucher,pour  quclqu'vnc  clcs  fufditcv  caufes, 
comme  il  ell:  à  coniedurcr.Parquoy  volontairement  re- 
quit d'cllreinaiee  comme  cieuant  :  ce  qu'elle  ne  peut 
(pour  prière  qu'elle  fit)  obtenir  de  deux  autres  ieunes 
Ciiirurgicns  illccexprelVcmcnc  mandez  de  Neufuille, 
ou  ils  fe  tenoyent  après  la  mort  peftilentiale  audit  Plii- 
lippe:ce  quifutcaule  qu'elle  &  fonfruift  moururent  pi- 
tcufemcntenremblc,  parleur  pufillanimité  :  fi  toutes- 
fois  la  foiblelle  delà  femme,  ou  quelque  autre  piteux 
accident  nclcs  empefcha  decefaire.z:^  msfme. 

L'an  157cr.le12.iour  de  Juillet,  à  Ambedoye,  près  S. 
BrilTon  au  territoire  deGien,fut  aufTiounerte  Antoi- 
nette André ,  femme  de  Louys  Garnier  maneuure,par 
AT.  Adam  Aubry,  natif  de  Pithuiers  chirurgien  demeu- 
rant à  Aubigny , lequel  m'en  a  fait  le  rapport.Depuis  i- 
ccUe  deuenuegrolTe, naturellement acoucha  d'vn  au- 
tre enfant  vif.La  mcfme. 

Encore  de  plus  fraifche  mémoire  ,  le  premier  four  de 
Feurier,  mil  cinq  ccnsfcptaHte  &  huift ,  leanne  Mi- 
chel natiue  d'Argent,  femme  de  George  Renauld,  de- 
meurant aux  faux-bourgs  d'Aubigny  ,  auancee  en 
la  gïoirelîc  plus  que  dudixiefme  mois  ,  portoit  des 
long  temps  fon  fruid  mort  ,  ne  laiflant  neantmoins 
de  tracalTer  à  ics  afEiires-,  tant  qu'en  fin  elle  fut  con- 
trainte s'arrefterau  lid  ,  où  après  auoirefté  tourmen- 
tée long  temps  fans  effe<5l,es  mains  des  fages  femmes, 
enuoya  quérir  mailtre  Adam  Aubry  iurnommé,&:  M. 
Guillaume  Collas  dode  Chirurgien,  Icfquels  ayans 
coupé  à  l'enfant  vn  bras  tout  liuide  ,  qui  fortoit  de 
long  temps  auparauant  pi:r  la  nature  de  fa  mcre: 
mais  nepouuansauoirprinlefurlercilc  du  corps,  in- 
ciferentlecoflédextred'iccllejvnpcu  orbiculairemenr, 
ik  d  ouuerture  allez  eftroitte  ,  pour  efpargncr  la  mère: 
quifutcaufed  l'extradion  de  l'enfant  de  caufer  fort 
grandes  douleurs  à  ladite  mère  :  pource  que  la  matrice 
ne  pouuant  quitter  l'enfant  (pour  l'ellroitte  ouuertu- 
tc)  luiuoit  le  traid  du  petit ,  comme  fi  l'on  eutt  voulu 
Varracher  elle  mefmc.LefqueUcs  douleurs  neantmoi«s 


ijd  Hijioires  admirables 

cefferent  incontinent  que  l'enfant  &  la  fuite  furent  mis 
hors.  Ainfiapreslesdcfcharges  ordinaires  de  la  gefine 
{qui  vindrent  aufli  bien  que  /î  elle  euft  acouché  natu- 
TcH.cmcnt)pcu  de  temps  après  elle  fe  releua  ,  S:  eut  Tes 
xnoisacouihiniez  au  bout  de  cincjfemainesr&inconti- 
rient  après  fe  trouua  groflc  ,  fcauoir  cil:  à  la  fin  de  May, 
fefouciant  défia  pour  la fraifche  mémoire  du  pafle,de 
ce  quipourroitauenir  de  ccftc  grofl'efl'e.  Auquel  temps 
elle  acoucha  naturellement:  &:  combien  que  l'enfant 
prefentall  vne  des  ïambes  feulement  la  première  (qui 
eftvn  trcs-mauuais  commencement  de  deiinarche  en 
tclchcmm)toutcsfois  icelle  eftant  remifc  par  la  fage 
femme;,lc  tout  fucccda  très-bien.  Depuis  lequel  temps 
deuenuc  enceinte  derechcf,elle  eut  heureufe  deliuran- 
cc,&  fe  porta  bien  en  après,  l^  rnefme. 

Enuironl'an  mil  cinq  ccnsliuidantç  deux,  leanlacot 
chirurgien  demeurant  en  vn  village  auprès  d'Auxerre, 
pommé  Tirouailie ,  rencontrant  M.  lean  Aliboux  Mé- 
decin de  Sens  allant  en  pratique ,  le  pria  de  fe  deftour- 
ner  pour  quelque  peu  de  temps  de  fon  chemin,  pour 
aller  en  vn  village  prochain  nommé  Marry,pour  foula- 
gcrvne  pauure  fcmme,3  laquelleil  auoit  quelques  heu- 
res paraunnr  tnélc  fruid  par  fcftion  de  Tabdomen. 
Aliboux  cltonnc  de  la  hardielfe  de  ce  chirurgien  ,  ap- 
pelle le  fieurde  Vaux,baillid'Auxerre,&  fa  femme, pour 
>ihtcr  ceftcacouchee  ,  leur  chaftcau  cllant  proche  du 
village  ou  elle  elloit.Ils  trounerejuTenfant  au  berceau, 
où  ilfe  dcmenoit  :  criant  &  demandant  à  manger  :  mais 
la  pauure  mcreacablce  de  rourmcnt ,  de  fieurc,de  veil- 
lcs,ne  pcnfcit  ni  à  loi  ni  à  Ton  petit. Le  Médecin  defcou- 
ure  la  femme, void  lafcCtion  radoubée  grofTiercmcnt 
auec  dix  ou  douze  points  d'aiguilie:pouvuoit  /î  dextre- 
iTient  à  la  merc  'àc  à  l'enfant  ^  que  tous  deux  ont  Acfcu 
longuement  depuis,  e  xtruitdç  la  Uiire  de  M.  Daliboux  cf- 
'Crlte  le  zo.de  Décembre  1>  8^. 

Enuiron  l'an  i5oo.tliAabet  Alefpachm  femme  de  Jac- 
ques Nufer  operateur  &  chirurgien  demeurant  au  vil- 
lage de  Sigers-Haufem  en  Suifî'e,  enceinte  de  fon  pre- 
^^licr  enfant  j  au  terme  d\Kouchcr  preflcc  de  gran-. 

àç,s  doUi 


^  mémorables.  2ji 

(îes  douleurs ,  appclla  grand  nombre  de  fages  femmes  & 
de  chirurgiens  pour  la  fccourir  :  mais  en  vain.  Le  mari 
voyant  fa  femme  à  rcxcremité  lui  defcouure  à  Toreille 
Ton  intention.  Elle  raprouuancil  va  trouuer  le  bailli  de 
Frauvenfeld,  lui  expote  Tcilat  de  fa  famille,  fa  délibé- 
ration pour  foulager  fa  fcmnîe,&  demande  congé  d'exe- 
curci  ce  qu'il  auoit  entrepris,  tn  fin  le  bailli  conoiflant 
foninduilrie,  &  l'amitié  qu'il  portoit  à  fa  femme  ,  lui 
odroyc  fa  requefte.  11  retourne  promptement  au  logis, 
parle  aux  fages  femmes ,  exhorte  les  plus  courageufesi 
luiadiftcr,  prie  lescramtiues  de  fortir  hors  du  poiflc, 
pour  n'entrer  en  pafmoifon,  &  troubler  la  compagnie: 
pource  qu'il  entreprenoit  chofe  vrayemcnt  perilleufe, 
mais  dont  il  efperoit  heureufe  ifluc  ,  moyennant  Tafli- 
ftance  fauorable  de  Dieu  tout  puilîant.  Ces  femmes  c- 
ftonnecs  de  farefolution  fortirent  toutes,  exceptées 
deux,  Icfquellcs  demeurèrent  auec  les  chirurgiens  pour 
affilier  à  la  patiente.Son  mari  ayât  au  préalable  inuoqué 
Dieu  par  vne  ardantepricre,  &  ferme  foigneufemcntle 
poiflejprendfa  femmej'eftend  fur  vne  table,  &  dVn  ra- 
loir  tranchant  lui  fait  vne  mcïÇion  au  ventre ,  fi  heurcu- 
fement,  que  foudain  l'enfant  en  fut  tiré  fans  dommage 
ni  offenfe  de  la  mère  ni  de  fon  petit.  Les  fages  femmes 
qui  efcoutoycnt  à  la  porte  ,  cntendans  crier  l'enfant, 
heurtoyentpourentrer:mais  on  les  contraignit  d'atten- 
dre, iufquesàce  que  le  périt  full  ncttoyé,&bien  accom- 
modé, &  la  playc  coufue  ,  laquelle  fe  foulda  en  peu  de 
iours ,  fans  ficure  ni  fafcheux  accident  quelconque  à  l'a- 
couchee,qui  puis  après  fit  d'vne  ventrée  deux  fils  ,  l'vii 
defquels  nomme  lean  Nufer  viuoit  Tan  1585.  aagédc 
60.  ans,  Prcuoif  de  Sigers-Haufem.  tlleacoucha  depuis 
de  quatre  autres  enfans.  Quant  au  fils  qui  lui  fut  ain/î 
tiré  du  ventre  parl'ouuerture  dont  nous  venons  de  par- 
ler,ilvefcut  iufques  a  l'an  1577.  Auiourd'hui  cncoreon 
voiden  ces  quartiers  là  iesenfans  de  cefte  femme  iuf- 
ques en  la  troifiefme  &  quatriefme  génération.  G.tjpard 
Baithm  do^Q  Alcdtcia  a  hafe  3  cnfes  hijloira  de  t enfanternent 
C£pirien, 

le  penfoy  trouuer  entre  autres  hiftoires  que  i'sd 

^    4 


251  Hiflûires  admirables 

parmi  mes  papiers  celle  que  ie  vous  ai  piomifc  dVn  en- 
fantement c^farien  ,  mais  elle  cft  demeurée  parmi  d'a'u- 
tres  mémoires  en  ma  maifon  en  France.  le  «ionncraj  or- 
dre de  la  me  taire  apporter  entière  à  Montbeîliard,où  ic 
fuis  à  prcient,  pour  la  vous  cnuoyer.  Il  me  fouuicnt  du 
nom  du  village  &  du  chirurgien,  item  de  l'an  &  du  mois 
<]uand  cclaaduint  :  mais  i'ai  oublié  les  noms  du  père  &" 
de  la  mère.  Le  village  eft  en  la  Duché  de  Bourgongnc 
s'appelle  Marfilly,  près  du  mont  faind:  lean.  Le  chirui- 
gien,  Antoine  Robin, natif  de  Beaunc,dcmcurant  à  Re- 
né le  Duchoinme  fort  adroit  en  fa  \  ocation.  Ce  iut  au 
mois  d'Auril,  Fan  mil  cinq  cens  huiClante  deux.Lafcm- 
me,  ieune  oc  robuflc  payfannc  ,  auoit  efté  en  grand  tra- 
uaildeuxiourscntiers,&routfritneantmoins  courageu- 
fcment  Tincifion  ,  laquelle  fucceda  heurcufcraent. 
X'enfan:  ne  vcfcutgueres  :1a  mère  fe  porta  bien, &  fub- 
fîfta  au  monde  long  temps  après,  la.  mcjme, 

ESMEFTEfediîieufe  a  caufe  d'exaclions. 

L'An  mil  cinq  cens  quarante  huid,les  communes  de 
Guyenne,  Saintonge,  &  Angoulmoisfe  foufleuc- 
rcnt  à  caufe  des  cxtor/îons  que  leur  faifoyent  les  gabel- 
Icurv  &  fermiers  du  fcl.  En  peu  de  femaines  fe  trouue- 
rent  amaffez  près  de  quarante  mille  hommes  armez  de 
tous  baftôs  de  rcncôtre,  aufquels  fe  ioignirét  les  infulai- 
rcs.De  commun  accord  ils  coururent  fus  aux  gabelleur*;, 
&  cûbien  que  du  cômcnccmentle  Roy  de  Nauarre  cu\k 
effayé  de  les  efcarter,  cencâtmoins  ils  fe  mainrindrct,  & 
pourfuiuirent  leur  pointe  aucc  extrême  furie,  contre 
tous  ceux  qu'ils  pouuoyentattrapper.Lcs  communes  de 
Gafcogiicfc  foufieuerét  en  diuers  cndroits:donts'cnfui- 
uicle  maiTacre  de  plu/îeurs  Ofhcicrs  du  Roy  ,  quiabu- 
lans  de  leurs  charges  auoyent  cilé  caufe  de  cefte  muti- 
nerie. Les  Maire,Iurats,&autres,ayans  charge  en  la  vilJc 
de  Bourdtaux,&  le  Cicur  de  Monncms,  qui  y  comandoit 
en  qualité  de  Lieutenant  pour  le  Roy,  en  lieu  de  remé- 
dier a  ces  tumuiccs  des  le  commencement  téporifcrent 

trop> 


trop,  nommément  Monneins,qui  pour  n'aiioir  reprime 
l'inffjlence  d'vn  chef  de  ces  mutins,  nommé  la  Vergne, 
lui  donna  hardiefle  de  faire  f'jLil eu er  pnis  aprc's  tout  le 
peuple  parlctocfain.  S'cftât  enclos  au  chafteau  du  Ha, 
de  fois  à  autre  il  lettoit  dehors  quelque  nôbre  d'arquc- 
buficrs  pour  donner  Tcffroy  au  peuple  :  mais  ceil  expé- 
dient ncfucceda  pas.Car  telles  fortics  efcliaufcrcnt  fi  a- 
uantles  citadin»;, qu'ayâs  trouué  gens  à  leurpofte,  com- 
mcla  Vergne,rEftônac,  iMaquanâSi  autrcsjfoudain  on 
\  intaux  armes ,  les  gabelleiirs  eurent  la  cliaU'e,  &  plu- 
sieurs maifons  honnorablcs  (  fous  prétexte  d'y  ccrcher 
les  exafteurs  qu'on  fouftcnoit  y  ei^re  cachez)  furet  C^c-- 
cagces.  Sur  ce,  les  Communes  receuès  enla  ville,  on 
ionna  le  tociain,nul  n'olant  marcher  qu'armc,&  accom- 
pagné des  mutins,  autrement  s'enfuiuoit  mafiacrcdes 
pevfonncs  quifc  rencontroyentJ-csConfcillers  duPar- 
Icment  furent  contrains  quitter  leurs  robes, pour  le  met- 
tre en  pourpoint ,  &  affublez  de  bonnets  i  la  matelotte 
portèrent  la  picquc  &  marchèrent  parmi  la  racaille ,  la- 
quelle  contraignit  aufil  les  iîeurs  de  Saulx ,  frères ,  IVn 
Capitaine  de  la  ville ,  l'autre  du  challeau  Trompette,  à 
élire  chefs ,  &  afl'ifter  au  faccagement  de  plufieurs  mai- 
fons  de  leurs  concitoyens  &amis,lef<;ueis  on  maflacroit 
deuant  leurs  yeux.  L'hodelde  ville  muni  d'armes  en 
nombre  prefque  infini,  fut  pillé.  Monneins  ay^int  cfté  iî 
malauiféque  dequitterfon  fort  pour  venir  haranguer 
des  enragez, cruellement  aiTafliné:&  les  Carmes  en  dan- 
ger de  faccagementî'pour  l'auoir  honnorabicment  enfc- 
uclien  leur  temple.  Toit  après  les  pillards  chargez 
commençans  à  fe  retirer',  le  Parlement rcprint courage, 
ire  empoigner  &  exécuter  quelques  vns  des  principaux 
dcccfteefmotion,  entre  autres  la  Vergne,  qui  fut  ti- 
ré à  quatre  chcuaux.  Le  Roy  aucrti  de  ces  defordres 
efcriuit  aux  Communes,  les afleurant  qu'il  pouruoiroic 
en  brief  à  leurs  doléances  :  &  leur  enioignitde  pofer 
les  armes  :  au  moyen  dequoi  chacun  fe  retira,  l'Efton- 
nac  dextrement  chafle  hors  du  challcau  Trompette, 
Cependant  François  de  Lorraine  ,  Comte  d'Auma- 
Icj  fuiui  de  quatre  mil  Lanrqucnets&  de  force  caua- 


-^34  Hijloires  admirables 

Icrie  Françoifccncroit  en  Saintongc  ,  laquelle  il  p3- 
afia  fans-refillancc  &  punition.  Anne  de  Montmorency 
Coniieftable,  aucc  toutes  les  forces,  &:  les  dciix  armées 
Jointes  en  vne,  entra  dedans  Bourdeauxparvoye  autre 
Qiidacouftumee  iSisclliantrcndu  maillre  de  tout,(ans 
<.oupferir  ,  oftaaux  citadins  (en  vertu  de  la  comnulîion 
-  lui  décernée)  tous  les  tiltrcs ,  rcgiilrcs  &  documcns  de 
leurs  droits  &  franchilcs  ,  les  priua  de  toushonncurb, 
brulij  cous  leurs  priuilegesjfxtceffer le  Parlcmentjdefar' 
i?î.i  entièrement  les  habita ns,  fit  abatreles  cloches,priua 
toiir  le  Bourdelois  de  les  immunitez  &  franchifes  :  con- 
trJii^nit  les  principaux  delà  ville  de  Bourdeaux,au  nom- 
l-re  de  cent  quarante,  d'aller  quérir  aux  Carmes  le  corps 
*îu  /leur  de  Moiîneins,  &le  conuoyer  en  dueil  iuiques  i 
^-André ,  ou  il  fut  inhumé  :  ayans  auparauant  auec  vn 
cicroc  allumé  en  mam  crié  merci  àDieu,auRoy,&  à  lu- 
i^iccdeuan tic  logis  du  Connelhble.  L'Eftonnac,  les 
deux  frères  de  Saulx,  &  autres,  eurent  les  teftcs  tran- 
chées. Vn  Preuofi:  des  Marefcliauxaucc  puiflante  trou- 
pe courut  le  BourdeloisjBazadois,  AgenoiSjfaifant  mou- 
rir les  fonneurs  de  tociain.    11  attrapa  finalement  les 
deux  Colonnels  des  Comnuines,nommcz  Talemaigne 
&  Galaffrclelquels  furent  rouez  après  auoir  elle  cou- 
TonnezdVnc  couronne  de  fer  toute  ardante ,  pour  fup- 
plicede  la  fouueraincré  qu'ils  auovent  vfurpec.  Quel- 
ques mois  après  Bourdeauxfutrcltablien  Ton  premier 
cîtat;,  &,  moyennant  grandes  Ibmmes  de  deniersjes  exa- 
â;ions,caures  de  ce  troublc,abolics.  Hijloircs^  t^rmales 
de  France  fot*s  Henry  z, 

Diuerfes  efmeutcs remarquables  aucnues  depuis  cent 
ans  en  diuerles  parties  du  monde  le  verront  (  li  Dieu  le 
permet)  es  volumes  luyuans.  Pour  le  prêtent  nous  pre- 
îentonsThiftoiie  précédente,  pour  efpreuuc  des  autres. 

ES  P  RI T S  pYûâi'T^ieux. 

ÎL  n'y  a  pas  long  ternp^  qu'eft  mort  vn  certain  nomé 
Conilantm,  qui  rcprefentoit  prcfques  toutes  fortes 
vie  ycix ,  uucoflic  chant  des  I^oflij^aols ,  qui  n  culfenç 

pas 


^mémorables.  25^ 

pas  mieux  fceudefgoircr  leurs  ramages  que  fuijtantoft 
le  bravement  d'vn  arnc,tantoft  les  voix  de  trois  ou  qua- 
tre chiens  qui  fc  battent,  &  en  finie  cri  de  celui  qui 
pour  eitreraordspar  les  autres  le  va  plaignant  :auec  vn 
peigne  mis  dans  fa  bouche  il  reprefcntoit  le  Ton  d'vn 
cornet  à  boucquin:Toutes  ceschofesfïà  propos,qucni 
rafncni  les  chiens  en  leur  naif;ni  vn  homme  iouant  du 
cornet  à  boucquinn'euffent  eu  l'auantagj^furlui.  l'en 
parle  comme  celui  qui  l'ai  veu  fouuêtesfois  en  ma  mai- 
Ibn  :  maisfurtout  eftoit  admirable  qu'il  parloir  quel- 
quesfois  d'vne  voix ,  qu'il  tenoit  tellement  cnclofe  de- 
dans Ton  eftomachjfans  ouurir  que  bien  peu  lesbaleu- 
resjà  manière  qu'eftantpres  de  vous,  s'il  vous  appelloit, 
vous  eufllcz  crcu  que  c'eftoit  vnc  voix  qui  venoitde 
bienloinySc  ainfi  ay-ie  veu  quelques  miens  amis  trom- 
pez par  lui.  A/.  Pafqi':israi*  ^. lucre  des  recerches  de  la  Fr.incc 
cha.z^.Lù.  il  recite  encor  deux  autres  exemples  d'efprits 
prodigieux  quci'adiouftcray  ;    Leprcmier  eft  prirrs  de 
Moulinet  vieil  poète  Françoisjlcquel  dit  auoir  veu  ho- 
me chantant  d'vne  mefmc  teneur  &  promptitude  de 
voix  le  defTus  &  la  taille  d'vne  chanfon.  L'autre  eft  d'vn 
ieunehommelequel  vint  à  Paris  l'an  144^.  aagé  de  20. 
ansreulemcnt,lcqucirçauoit(  ce  lent  les  mots  d'vn  ef- 
criuainences  temps-là)  tous  les  fcpt  arts  libéraux  par 
le  tefmoignage  de  tous  les  Clercs  de  rVniuerfîté  de 
Paris, &  fi  fçauoitiouè'r  de  tousinftruments,  chanter  & 
dcfchanter  mieux  que  nul  autre  ,  peindre  &  enluminer 
mieux  que  nul  autre  qu'on  fccut  à  Paris  ne  ailleurs.  I- 
tem,en  fait  de  guerre  nul  plus  expert,  &  iouoit  del'ef- 
pee  à  deux  mains  fi  merueiUeufement ,  que  nul  ne  s'y 
côparoit:car  quâd  j1  voyoit  ion  ennemi,il  ne  faloit  point 
à  faillir  fur  lui  vingt  ou  i4.pieds  à  vn  fault.    Item,  il  cil 
Maiftreesarts,  Maiftre  en  médecine,  Dofteur  enloix 
&  décret,  Dodcur  en  Théologie  :  &  vraycment  il  a  dis- 
puté à  nous  au  Collège  de  Nauarre,qui  cftions  plus  de 
cinquante  des  plus  parfaits  Clercs  de  l'Vniuerfitë  de 
Paris,&  plus  de  trois  mille  autres  Clercs:  &  a  fi  haute- 
ment refpôdu  aux  queftiôs  qu'on  lui  a  faitcs,que  c'eft  v-» 
pe  droite  merueille  à  croire  à  qui  ne  l'aiiro  i:  veu.  Icern 


^3^  Hijloires  admirables 

il  parle  Latin  tropriibti],Gvec,Hcbricu,Cbal(laiqae,A- 
rribuiuc>8:pluficui\s  autres hnaaucs.Iccm  il  cft  Chcu.i-  • 
lier  en  arine^:&  vraycmcnt  Ci  vu  homme  pouuoitviure 
cent  ans,ransboirc,fans  ma ngcr,raris dormir,  il  n'auroit 
pas  Icsfciences  que  celhu-ci  a  du  tout  par  cœur  aprifev. 
Fr  pour  certain  il  nous  Hr  trcfgrand  frayeur  :  car  il  iVait 
plus  c]ue  nepeutfçauoir  nature  huma:ne:car  il  reprend 
tous  les  (juatre  Bodcurs  de  laindc  Egbic.  Bref  c'cft  de 
lupicnce  la  nompaicilie  choie  du  monde.  Voila  quant 
ù  ceil  cfpnr  prodigieux  par  defius  pluiîcuvs  autres  qu'on 
a  veu  depuis  &  de  noilrc  temps,  entre  iefquels  on  nom- 
jnc  lean  Picus  &Ican  François  Picus  Ion  neueu,Frin- 
cc?  de  la  Mirandoie,ïulesCa:iar  Scaligerjoleph  Sca- 
liger  Ton  fils,S: aunes,  la  plulpart  hors  du  monde  quel- 
qMQs  vus  cncoves  viuans,  Iefquels  ie  me  déporte  de 
nommer. 

E  S  TINC  ELLES  de  feu. 

IL  eft  auenii  de  mon  temps  à  vn  Carme,  que  toutes  & 
quancesfois  qu'il  tiroit  ion  capuchon  du  deuancde 
La  telle  fur  le  derrière,  Ton  >  oyoït  fortir  des  bluettcs  de 
feu  du  pofi  de  Ja  teite.  Ce  qui  continua  en  lui  l'clpace 
de  treize  ans  entiers,  ^.Carduri  SUiure  du  U  dhterjltctLs  cho- 

Madame  de  Caumont ,  femble  ietreides  eftincelles 
de  feu  de  la  relief  en  ténèbres  elle  peigne  les  cheucux. 
ScaL'^cr  en  jcs  exarcitatijus  çop.tte  Ca,\Lin. 

Efiant  vn  iour  auenu^  certain  prefcheur  en  Efpaçnc, 
cjue  depuis  le  fommet  de  la  telle  iul'quesaux  clpa'ules 
on  vidlbrtir  vne  flamme  de  feu ,  cela  fut  tenu  pour  mi- 
racle. Herm.IiarharurS  ait  ^  .Uia-e  de Ju phyfique.chap.^ . 


1 


FANTjiSTlQV  ES. 
L  y  a  des  nations  qui  fe  couurent  en  mangeant.    le 
ùay  vne  Dame,&  des  plus  grandes,  qui  a  ccfte  mcrme 

opi- 


C^  mémorables.  i-^j 

opinion  ,  que  c'eil  vnc  contenance  defagreablccfe  ma,C 
cher:qui  rabat  beaucoup  de  leur  grâce ,  &  de  leur  beau- 
té, &  ne  fc  prefente  pas  volontiers  en  public  auec  appe- 
tir.  le  fçay  vn  homme  cjui  ne  peut  fouftnr  de  voirman- 
eer,ni  qu'on  le  voyc,&  fuit  toute  afllUancc,  plus  quand 
il  s'emplit,  que s'illevuide.  EnTcmpiredu  Turc,  ilfc 
void grand  nombre  d'hommes,  qui  pour  exceller  les 
autres  ne  fe  laiil'ent  lamais  von  quand  ils  font  leurre- 
pas,qui  n'en  font  qu'vn  lafcniaineiqui  fe  defchiquetent 
&decoupcntla  tacc.'&  les  membres,  qui  ne  parlent ic- 
mais  à  pcrfonnc.  Gens  fanatiques,  qui  penfent  honorer 
leur  nature  en  fe  dcfnaturant ,  qui  fc  prifent  de  leur 
mefpris,&  s'amendent  de  leur  einpirement.  Quel  mon- 
ftrueux  animal,  qui  fc  fait  horreur  à  foi-mefme  !  à  qui 
fes  plaifirs  poifcnt,  &qui  fe  tient  à  mal-heur.  M,dt 
Alonta^fne  ai*  5.  linre  des  ejj.itfj  ch.ip.''). 

le  ne  puis  tenir  rcgilhe  par  mes  avions  :  fortune  les 
met  trop  basrie  le  rien  par  mes  fanrafîes\  Si  ay-ie  veu  vu 
gentil-homme  qui  ne  communiquoit  fa  vie  que  par  les 
opérations  defon  ventre.  On  voyoit  chez  lui,  en  mon- 
tant vn  ordre  de  ba{Tîn^,de  fcpt  ou  huid  iours.  C'eftoy- 
ent  fes  eihides,fes  difcours  :  tout  autre  propos  lui  puoit. 
Z«  nitjive  au  i9.chap.dtt  ^J.iure. 

FEMMES  deuenues hommes, 

A  M  A  T  V  s  Médecin  de  grande  eftime  en  Portugal,en 
fes  centuries,  recire,  qu'en  vn  lieu  appelle  l'El- 
gueyrie,à  neuf  lieues  de  Coyinfcre,  demeuroit  vn  Chc- 
ualier ,  pcre  de  certaine  damoifclk*  nommée  Marie  Pa- 
chcco,  laquelle  parucnui.'  en  i'a.ige  auquel  les  hlles 
ont  acouftumé  d'auoir  leurs  f}ueurs;en  lieu  d'icelles  lui 
(brcit  le  membre  viril  qui  luf.'^ues  lors  eiloit  demeuré 
caché  au  dedans  ,  par  ainfî  de  femine  elle  deuinthom- 
mcjfut  hahillee  en  homme,  <il  chanpciint  de  nom, com- 
me dcfexe,fut  nommée  Manuel  Pacheco.  Ceft  homme 
nouueau  pafla  en  l'Inde  Orientale,  &  retournant  de  U 


i^i  Hijioires  admirMes 

fortrichc&  aucc  rcpucation  debraiic  Chcualicr  ,ef- 
poufa  vue  noble  Dame.  Ainatus  confcflc  n'auoir  fçcu, 
s'il  en  cutcnfansoii  non  :  ditauoir  remarqué  ,  que  la 
barbe  ne  lui  crtoic  iamais  venue,&  qu'il  auoit  vn  vifagc 
{cïï\inin.'V  oyc^i4emA(ie  en  fa  I.  iou,fnee. 

Ce  quci'aylcu  cnHippocrate  au  <?.  liuve  des  mala- 
dies populaires  de  Phetula  femme  de  Pitheus(&  en  Pli- 
ncau  7.1iurech.4.  )  m  ennardicà  mettre  en  auanrvnc 
hiiloire  queic  n'ai  iamais  \oulu  dive  à  perfonne  ,  elli- 
mant  que  ce  fuft  vn  conte  fait  à  plaifir.  Vn  mien  ami 
bommede  grande  autliorité,  &  digne  de  foi, m'a  recitc 
qu'en  certain  beu  d'Efpagne  vne  icune femme,  mariée 
.i  vn  pauureîaboureur,entraen  quelque  contefte  con- 
trcluijpavialoufic  ou  autre  occafîon.  L'cflrifs'enPiam- 
iTla  dételle  forte,  que  la  femme  trouuant  de  nuift  le<; 
veftemens  d'vn  icune  garçon, qui  demcuroitleans,  s'en 
equipa,puis  s'en  allantauliaur  &  au  loin  fe  faignit  cibc 
homme,  feruantfous  ce  nom  pour  gaigntr  fa  vie.  h\\ 
ccll  cibt,loit  que  nature  opcrail  en  elle  fi  puiilamment 
queGcbruffiftifoit  qu'vncardantc  &  exccffiuc  imagi- 
nation de  fe  voir  equippee  en  homme  euft  la  force 
d'en  caufer  l'efi-'eftielle  deuint  homme  ,  &  fe  mariaà  vn 
autre femmc:ce  qu'elle  tcnoitfecretjiufquesà  ce  qu'vn 
certain  honime,qui  parauantla  conoifi'oit,  fe  trouuant 
auUeuoù  elle  eftoit ,  &voyantla  femblance  <le  cell 
homme  nouuellemcnc  imprime, auec  ia  femme  qu'il  a- 
uoitconuclui  demanda  s'il  n'elloit  point  Ton  frerc. 
Lors  celle  femme,  fai  de  homme  :  fe  confiant  en  lui, 
dcfcouuritccqui  eftoit  aucnu, priant  inftammcntque 
cela  fuft  tenu  fecret.L.f  tncjme. 

louianusPontanus  cfcritd'vne  femmeà  Gayette  nu 
Royaume  de  Naplcs  ,  laquelle  après  l'cfpace  de  qua- 
torze ans  qu'elle  auoit  elle  mariée  à  vn  ieune  pefcbeur, 
fut  châgec  en  homme,  &  pource  qu  on  fe  mocquoit  de 
lui,  fe  rendit  moine  en  vn  cloiftre ,  où  il  dit  Tauoir  co- 
nu,&y  eftantmort  futenfeuclià  Rome  en  l'Eglife  de 
fainde  Marie,à  la  Minerue.  Il  adioufte  qu'vne  autre 
nômee  -Emilie  ayant  efté  mariée  à  vn  nommé  Antoine 
Spcnfc  par  l'cfpace  de  douze  ani,fut  finalement  châgce 


e« 


^mémorables.  i^t) 

en  homme ,  &  efpoufa  femme,  après  auoir  reftitué  ion 
<lor  par  le  com.mancicment  de  Ferdinand  Roy  de  Sicile. 
De  noftre  temps  à  Bruxelles  en  Brabant,  onavcuvn 
nommé  Peter  ou  Pic-ne >  parauant  Life  ou  £lizaber,à 
caufc  qu'il  auoitefte  du  fexe féminin.  Philippe  dt  Mur- 
nix  att premier  tonte  duTahlean des  dtjferevs  delà.  reUgion,p:ii^ 
tic  $.chap.l^. 

Paflant  à  Vi(ftry  le  François;ie  peuv  voir  vn  homme, 
ciucrHuefque  de  So'fTons  aiioit  nommé  Germain,  ea 
conFrmation  ,  lequel  cous  leshabitans  delà  ont  conu  & 
vcu  fiUejiufques  à  Ixige  de  vingt  deux  ans ,  nômee  Ma- 
rie.  Il  eft  deuenu  fort  barbu  ,  a  vefcu  long  temps ,  &  ne 
s'eft  point  marie.  Failant,  dit-il ,  quelque  eftort  en  fan- 
tantjfes  membres  vinls  fe  produifirent:  &  eft  cnccrcs  en 
vCagejentre  les  filles  de  là,  vne  chanfon,  par  laquelle  el- 
les s'entr'auertifîent  de  ne  faire  point  de  gi  an  des  enjam- 
bées ,  de  peur  de  dcuenir  garcoas,  comme  Marie  Ger- 
main. Af.de  AîoiU.vrne  ai*  l. Vitre  de  [es  efjuificihtp.il, 

FORCE  corporef/e. 

AV  Royaume  dcGaîice s'cft  t'oauc  de  nollre  temps 
vn  appelle  le  M.ircrch;il  Pcrc-;  Pardo  de  Kibade- 
ncyra , lequel  nuoir  inimitié  capitale  auec  vn  certain  t- 
ucfque,dont  ne  pouuantauoi^  raifcB  comme  il  preren- 
doit,  par  entremife  d'amis  qui  le  mefioycnt  d'appointer 
le  différent  ,&  les  réconcilier,  il  confcnrit  à  vne  enrre- 
ueuè.  Comme  ils  approchèrent  Tvn  de  Tautre,  ce  Ma- 
rcfchal  feignant  auoir  oublie  tout  le  pafle  ,  &:  vouloir  o- 
fire  ami  de  TEuefque  pour  rauenii  ,  courut  rembralTer. 
Maiscefutvnecarefle  mortelle  à  Ttueique  :  car  Icm- 
brafl'emcnt fut /î  rude,  &  le  Marcfchal  Icfcrra  fî  forr, 
qu'il  lui  briûi les  coftes,  luicreualecœur,  &  les  autres 
entraillesJelaifTant  mort  fur  la  place,  o^.  ïQrqttciniideei* 
la  I.  tournée  defon  Hexarmeron. 

Tayveuenla  ville  d'Aft  vn  homme,  lequel  en  pre- 
fencedu  Marquis  de  Pefcairc  empoigna  vn  pilier  de 
marbre  ayant  trois  pieds  de  long  ,  &  vn  pied  de  dis- 


z^o  Htsiotres  âdmuahles 

mctrc,  lequel  il  letcoic  haut  en  l'air,  puis  Juieccuoir  c  ; 
fesbiM>,  foudain  lcreLinçoii:,ores  dyne  fiicon  >  ores  d'\ 
ne  autre,  comme  fî  c'cuil  elle  quelcjue  cllœuf  dont  il  ic 
tull  iouc.  Il  fe  iî:  apporter  de  ia  boucherie, des  pieds  de 
bœuffraiichcnien.teicorché  ,  mitvn  coufteau  dcirous, 
&  frappant  ilu  poing  deflus  ,  les  coupoitde  traiicrs  en 
deux  pièces  :  prenant  vn  autre  pied  de  ce  bœuf,il  le  càÇ- 
fa  contre  Ton  front ,  comme  s'il  en  eulb  frappé  contre-  \  - 
ne  pièce  de  marbre,rans  fe  bleifer  nullement.  En  nofti  ^ 

fneience  il  en  empoigne  vn  autre  ,  &  à  coups  de  point^ 
c  mit  en  plufîcurs  petites  pièces.  Ilyauoitd  Mnncoue 
vn  nomme  Rodamas,  homme  de  petite  raille:  mais  !Î 
fort,  qu'il  tovdoit  &  rompoit  ce  fes  mains  vn  fer  de  chc- 
ual;&  vn  cabledcla  grofl'curdu  brasjcommeiic'euircn'. 
ciié  des  bvins  de  cheneuottes.  Monte  fur  vn  courfiti . 
&  menant  l'autre  en  lefle,  il  leur  donnoit  carrière  à  tou-»- 
tes  brides, &  les  arrcftoitau  plus  fort  de  leur  couri'el-t 
où  bon  lui  fcmbloit.  Simsn  jlfaiol  jEaejyhe  Ita'ten ,  enjcs 
tours  canHid.f.irtSy  co'lo(j,:\.. 

L'an  mil  cinq  cens  huiclante  deux  ,  es  mois  de  May 
&de  luin,  en  certain efelle  Iclcnneile  de  la  Circoncis 
fionde  Mahumctf.ls  d'Amurat  Sultan  ,  fut  veu  entre 
plufieurs  liiitteurs  vn  ,  mémorable  entre  les  autres, 
homme  puiiiant  >  robufte  à  merueilles ,  &.  digne  d'cllre 
comparé  à  ce  tât  célèbre  Milon  de  Crotone.Pour  preu- 
uedcfaforceprodigieLle,  jI  efieiioit  hautvne  longue 
pièce  de  bois  que  douze  hommes  ne  pouuoyent  foule- 
ucr  de  terre  qu'auec  peine,  puis  lareceuoit&  pofoit  fur 
fes  efpaules  ,  où  il  la  portoit  fans  la  foullienir  de  fes 
mains.  Y.n  après,  ellant  couché  toutplat,  enchaîné  par 
les  efpaules  &  par  iescuillcs,  ilfourtenoit  fur  fa  poitri- 
ne vne  grande  &  grofl'c  pierre  que  dix  hommes  y  a- 
uoyent  roulée  :  mais  il  ne  faifoit  que  rire  de  ce  fardeau». 
Et,  qui  eft  chofe  encore  plus  efmerueiUable  ,  quatre 
hommes fendoyent  de  longues  pièces  de  bois  fur  fon 
ventre.  Outre  ce  il  brifa  aucc  les  dents  &  les  mains  vn 
fer  de  cheual,  de  telle  force,  que  la  moitié  lui  demeura; 
entre  les  dents,  du  reftc  itcn  fit  deux  pièces,  en  chafquc 
main  vae.    Au noiiicfme  coup  de  poing  (iouné  fur  vu 

ço\ùr: 


(jr  mémorables.  x^i 

couître  de  charue  il  le  rompit.  Il  lechoit  de  fa  langue  ce 
niefme  coukre  mis  au  feu,&  tour  rouge.  On  le  couuric 
dVn  grand  monceau  de  pierres  :  mais  il  ne  s'en  bouge.i 
d'vn  feul  pas^ains  demeura  ferme  &  immuable  en  fa  pla- 
ce comme  s'il  y  euft  efté  planté. Le  mcfme  auec  Ces  dents 
feulement,  felh,brida,  &  harnacha  vn  cheual,  &  fit  plu- 
sieurs autres  merueillcs ,  à  raifon  dequoy  il  récent  gran- 
de femme  de  deniers ,  &:fut  loué  de  tous,  à  caufe  de  fa 
force  du  tout  extraordinaire.  George  Leheskl  PolonotSiCn  I4 
defcription  dti  chofes  fuites  a,  Cû)ijl.wtinople  ^  en  lu  circoncifion 
(ittjUi  itt^mfiratjl'itn  l$'èz. 

Entre  les  vobuftes  Alemans  denoflre  temps  l'on  en 
1  ematcjue  deux:  George  Baron  de  Fronfperg,&  lean  Ba- 
ron de  Schuuarzebcrcr.  Ils  rompoyent  fort  aifément  dç 
leurs  mains  des  fers  de  cheuaî.  Fronfperg  ne  trouuoic 
homme  fi  ferir.e  en  pieds,qu'iine  pouitaftaifémenthors 
de  pbce,  auec  le  feul  doigt  moyen  de  la  main  droite.  Il 
arreftoit  tout  court  parla  bride  tel  cheual  que  Ton  vou- 
loit ,  quoy  qu'il  couruft  impetucufement,  &  remuoic 
feul  auecl'efpaule  vn  gros  canon  ,  le  poufî'ant  où  bon 
lui  fcmbioit.  Celui  de  Schuuarzcberg  tordoitles  fers  de 
cheual  ,  comme  s'ils  eufl'ent  elle  de  quelque  matière 
ployablc.  Potocoua,  Capitaine  àts  Cofaques  Polonois, 
décapite  par  le  commandement  du  feu  RcyEftiene, 
rompoir  auflîaifément  des  fers  de  cheual ,  que  nous  fe- 
rions vn  morceau  de  gros  papier.  Camerariws  en  fes  medr 
tatio7ishijlori(jueS)ch.:J'.Si.dii  l.uolume. 

George  le  Feure^dode  Aleman,reciteque  defon  têps, 
enuiron  l'an  mil  cinq  cens  vingt  neuf,  viuoit  à  Mifne 
cnThuringe,  vn  perfonnnge  nommé  Nicolas  Klun- 
cher,  PreuofI:  de  la  grande  Fglifc ,  lequel  eiloit  fi  robu- 
ïte,  que  defccndantenvnecaucilen  tiroitluiieuifans 
cable,  fans  poulains,  fans  aide  quelconque,  vnepipe 
pleine  de  vin,  l'embiafToit  &  portoit  dehors ,  puis  l'erfe- 
uoit  fur  vn  chariot.  Vn  Chanoine  delà  meOne  Eglife, 
nommé  Erneif ,  de  la  maifon  des  Comtes  de  Mansfeld, 
homme  robufte  &  de  haute  taille,  voulut  s'elfayerva 
iour  à  la  lutte  corps  à  corps  contre  lui.    Nicolas  l'em- 


141  Hiftûires  admirables 

poigne  ,  rcflcue  haut  en  l'air ,  puis  le  iette  6e  telle  foi- 
deur  contre  vnc  porte  clofe  >  qu'il  en  rompit&  fit  voler 
au  loin  la  ferrure  defclou ce.  i^u^.lmredcfeSi^nnalei 
di  Alifne. 

Le  Roy  Charles  IX.  prenoit  plaifir  aux  exercices  du 
corps.  Eftant  vn  lour  à  Blois,  on  entra  en  propos  de  la 
lutte  corps  à  corps,  &  lui  fit  on  cas  d'vn  Preftre  Breton, 
qui  pour  lors  eftoit  en  cour,  lequel  il  fit  venir.  CeftoJt 
vn  petit  homme  trappe,  mais  difpoft  &  robufte  a  mer- 
ueilles.  Plufieurs  grands  &  petits  s'efprouucrent  contre 
luijaufquels  il  aprintdiucrs  faults  de  Breton ,  ietranc  les 
vns  par  deflus  fa  tefte  ,  les  autres  les  pieds  contremonr, 
aucuns  comme  s'il  euft  fait  virer  vue  fonde,  les  autres 
comme  des  pierres  en  Tan-  ou  iettees  contre  terre  :  n'a- 
yant efté  pofllble  à  aucun  de  le  terraiier.  Quelquefois  il 
fecouchoit  par  terre  :  mais  quiconque  scw  aprochoit 
deuoit  s'attendre  de  faire  quelque  fault  qui  donno/t  du 
pafle-temps  à  la  compagnie.  Finalement,vn  autre  braue 
lutteur  voulut  le  colleter,  &furent_aux  prinfes  quelque 
peu  de  temps.  Mais  en  finie  preilre  ayant  du  genouil 
donné  vne  rudefecouife  à fon  aduerfaire,  le  foulleua  en 
l'air,  puis  le  ferra  de  telle  vigueur  entre  fes  bras  qu'il  le 
fit  defaiUir,  l'ayant  tout  froiiié  :  puis  pour  1  acheuer  de 
vaincre  le  letta  de  telle  violence  contre  terre,  qu'ayant 
erté  releuc  &  porte  demi  mort  en  fon  logis ,  il  y  movirut 
bien  toft  après.  Mémoires  de  mfire  teinpi. 

TOVLDRE. 

L'An  mil  cinq  cens  foixantc  deux,eftanten  Champa- 
gne ,  &  partant  par  vne  petite  ville,  nommée  Ville- 
ncufue  L'Archeuelque  ,  non  gucresdiftantcde  Sens, 
quelques  gentils-hommes  &  autres  gens  honnorables 
recitoyent  vn  faiteflrâge,  aduenu  par  la  foudre  fur  deux 
ieunes  Prelhes  du  pays,lefquelsati  rempsde  moiffons, 
comme  ils,venoycnt  de  chanter  meflc  jpour  vn  tref- 
paffé^  fort  riche  ,  fc  retirans  après  difaé  turent  acueil- 
lis  dVne  tourmente  d'air,  accompagnée  de  tonnerre 

&  d'ef- 


C^  mémorables,  2.45 

8c  d'efclairs'eftranges.  Ces  icunes  hommes  firent  tant 
qu'ils  fe  rendirent  en  vn  petit  verger  à  Tefcart ,  où  ils 
s'aiîirent  ibus  des  arbres  près  Tvn  de  l'autre.  Mais  ils  fu- 
rent tuez  parle  tonnerre,où  le  lendemain  leurs  parens 
les  rrouuerentjaprcsles  auoir  diligemmentcerchez.On 
cftimoit  qu'ils  dormiflent  :  mais  c'eftoit  du  fommcil  de 
mort.Les  fouillant  &  viiîtant.  Tonne  trouuefur  leurs 
corps  blefl'ures  ni  marques  quelconques  ,  /înon  qu'à 
chafcun  de  leurs  bonnets  quarrez,&  au  milieu,  y  auoit 
vn  pertuis  de  la  grandeur  d'vn  carolus.Leurs  pauures 
corps  puoyenteftrangement ,  tellement  qu'on  ne  pou- 
uoit  durer  autour  d'eux.  J\^.  de  Beanliett  aifon  traiâéda 
tonnerre  iefchxiTi^c. 

Enuiron  l'an  mô.vïi  lour  de  Dimanche  en  cfté/e  fi-^ 
rent  des  nopces  fort  excefTmes  &  diiîolucs  en  certaine 
petite  ville  à  demi-iournee  près  de  Poidicrs,  laquelle 
n'a  qu'vne  rue  eftroitce  èc  aflez  lôgue.En  ce  jour  &  lie», 
enuiron  midijfuruint  vn  tonnerre,grand  &  efpouuanta- 
ble,duquel  tomba  en  vn  des  bouts  de  la  ville  vn  globe 
de  feu,  delà  grolfeur  d'vn  boifleau^lcqueirans  oftenfer 
pcrfonne ,  pairatoutlelongdelaruciufques  àTEglifc 
nommée  faind  George,  oîi  citant  entré  il  fit  vn  eftian- 
gcrauagcleuant  plusieurs  tombes  de  morts ,  &  alla  au 
grand  autel,  où  ilgafta  vnc  belle  image  de  la  Vierge  te- 
nant l'on  petit  enfant  entre  Tes  bras  :  outre-plus  defchira 
en  plufieurs  endroits  les  parois  d'icelle  Eglife.  Quoi 
fait  il  rompit  vne  chai  ne  de  fer ,  qui  de  la  voûte  fou  lie- 
noit  le  Crucihx,auquel  il  rompit  vn  bras.  En  après,  gra- 
uiliantle  long  des  murailles  à  main  gauche ,  fans  faire 
mal  à  ceux  qui  fonnoyent  les  cloches ,  iînon  les  efpou- 
ijanter&  mctrreen  fuite,il monta  au  clocher,baftiment 
tort  beau,lcquclil  embrafade  telle  forte,que  toutes  les 
cloches  grofles  &  petites  fondirent,  &  tomba  le  métal 
fondu  fur  le  pauement  du  temple.  L^m^/me. 

Le  Vicaire  d'vnc  paroifle  nommée  Chappelk-ba- 
fton,rurlesfronticrcs  d'Augoumois&  de  Limofin  ,  preç 
la  ville  de  Charroux,  s'cftant  ingéré  de  vouloir  coniu- 
rer  quelque  furieufe  cempeftecïmeucen  l'air,  com- 

Q.1 


244  Hifloircs  admirables 

me  il  fc  fuftauancé  derEclife  au  cœmiiiere  pour  faire 
ccfTcr  le  tonnerre  &  les  ciclairs  efpouuantablesjfurumt 
tout  foudain  autour  de  lui  vn  tourbillon  de  vent  impe- 
tueuxjlequel  chargea  prcftre,rurplis,eftole  ,  &:  afpcrges., 
cmportanttoutàdcmielicuè  de  là,  où  il  laifla  tomber 
ce  pauure  vicnire  dedans  vn  efpais  hallier,oii  il  fut  trou- 
ué  le  lendemain  par  fes  pair oillî eus ,  après  Tauoir  lon- 
guement Sifoigncutement  ccrché  iufques  àn'yelpav- 
gner  leurs  cliiens,comme  s'ils  euiTent  voulu  faire  quel- 
que groHechafîe,  &  fans  Tes  habits  à  peine  reufl'ent-ils 
peu  rccognoiftrercar  il  auoit  la  face  &  les  mains  tout  ef- 
gratigneesjfa  robe  &  Ton  furplis  en  pièces  &  lambeaux, 
6c  Talperges  auflibrifé  &  rompu.  Il  eut  encore  plus  de 
peur  que  de  mai,&  depuis  quitta  tout  a  fait  fon  grimoi- 
rc^ayantietté  au,feu  celui  dont  il  s'clloit  ferui  aupara- 

Eftanten  Italie,  comme  ie  marchois  par  pays  >  non 
gueresloind'F.ugubio,  ievi  la  foudre  tomber  fur  deux 
payfans,  qu'elle  tua  fur  la  place  auec  les  deux  afnes  fur 
lefquels ils  cftoyent montez.  Ilseiloyent  acoinpagnez 
d'i  n  troiiiefme ,  auquel  la  foudre  poudroya  tellement 
les  os  de  l'vn  des  bras  ,  que  fans  que  rien  de  tel  eflort  a- 
paruft,  ce  bras  branfloit  comme  vn  lopin  de  chair  pen- 
dant de  refpaule,fans  que  l'on  peuft  remarquer  qu'il  y 
euft  os  quelconque.  Ce  coup  etincut  des  douleurs  in- 
dicibles en  ce  pauure  homme  ,  don:  il  ïui  tellement 
tourmenté ,  qu'à  tout  propos  il  fouhaittoit  la  mort.  h. 
Moller  en  la  prefaee  de  lu  ^.partie  de  fon  commentaire  fttr  Us 
rftauines. 

l'ay  veu  deux  hommes>pere  &:  fils,  dont  les  corps  fu- 
rent tellement  cftonnez  &  ^iupcHez  de  la  foudre ,  que 
i'elfimois  entièrement  qu'ils  fuiicnt  frappez  d'apople- 
xie.Ils  demeurèrent  fept  iours  fans  boire  ni  mangerjni 
parler,  ni  fe  mouuoir.  Finalement  ie  leur  fis  tirer  du 
fang,  donner  desclill:eresacrcs,frotcer longuement  les 
corps, les  nourrir  peu ,  fî  qu'en  hn  ils  recouurerentlcur 
première  ùnté,,_y4.Bet}iueniut  ah  J^.chap.dealidith, 

Quelque  mois  deuant  la  mort  d'Hippolyte  d'Ei^ 
Cardinal  deFcrrare>  la  fou drvi  tomba  delîus  fon  palais, 

à  vuit 


^  mémorables,  145 

&:vm:  îufqucs  à  ma  chambrcou  elle  atteignit  Iclpieu 
dVii  de  mes  feruireurs  pendant  au  cheuetdulid,  en 
fondit  la  poirite,&  en  fit  vn  petit  boulet ,  fans  entamer 
ni  endommager  aucunement  le  fourreau.  Aiuret  en  fs 
annotations  fur  le  ^i.chap.dii  zJiure  dss  quefî.nattérellcs  de  5*?- 
iieque. 

Enuiron  l'année  1550.  prcsdeBenavide  village  d'E- 
rpgne,CGnime  àcu\  hommes  chcmino)  cnt  de  compa- 
gnie en  raze  campagne  fe  Icua  vne  tempefte  fi  eftran- 
ge^quc  chacun  en  eftoit  ei^onné.Lorsces  deuxvoulans 
fuir  peur  gaigner  quelque  couuert ,  &  fentans  la  tem- 
pefte fe  renforccrfe  ietcerent  tout  plat  contre  terre  :  où 
ilsfentirent  la  tourmente  les  acueillant  commçpour 
les  enleuer.En  fin  Tvn  d'eux  entendant  le  bruit  cj:fie,fe 
leuafortmalaifément,  tant  ce  tourbillon  Tauoit battu. 
Ceux  qui  le  rcgardoyent  venir,voyansque  l'autre  nefe 
leuoitpointjfetranfporterentvers  lui,  &  le  trouuercnt 
niort,ayant  les  os  tellement  bvoycz,qu'on  plioitfesbras 
&  ïambes  comme  vn  gan,tout  le  corps  relfemblant  vne 
m.îfi'c  de  chair.  D'auantage  il  n'auoitpoint  de  langue, 
car  la  foudre  la  lui  auoit  arrachée  ,  &  ne  futtPouuee 
quelquerecercheque  l'oneti  fit.  Il  y  eut  diuersiuge- 
mens  fur  ceft  accident.  En  fin  chacun  vint  à  dire^quc 
ceft  homme  eftoit  vn  iureur  &  blafphematcurordinai- 
rerpourrant  auoit-il  efté  challié  particulièrement  en  ce 
membre  ,  dont  il  s'eAoit  ferui  à  deshonorer  fon  Créa- 
teur.,^. Tor^w^wd^c  cnU  $.îûtirnee de  fon  Hcxameron. 

Par  vn  tel  tourbillon  que  le  rufmcntionné,  vn  village 
d'Efpagne.nommé  Algadefie ,  fut  totalement  r^inéjes 
maifonsSc  édifices  y  ayans  elle  abatuesâflcur  de  teire. 
1  a  niefim. 

Le ,15.  lour  de  May  i5(J ^.furies 5. heures  après  midi 
la  foudre  tomba  fur  le  chaileau  de  Mime,brullaleplan- 
ché  dVne  chambre,  fendit  les  grolfes  poutres  &  les  fo- 
liueaux  du  toJc>:courut  &  rauagea  par  toutes  les  cham- 
bresjcntrant  &  forçant  par  les  fenefties,  puis  donna  iuf- 
quesau  fondement  descaues,au  grand  eftonnement 
de  tou'  ,1  ans  blefier  perfonnc.  CleFenre  ah  troifitfme  limç 
dejh  annales  de  AUjhe. 


^4^  Hijlûires  admirables 

Trois  an^apresje  ip.iour  de  luillet,  les  tonnerres  a-' 
yans  canonné  depuishuiâ:  heures  du  matin  jiufquesâ 
<juatrc  après  midi  Ja  foudretomba  cnuiron  vnc  heure 
furTEglifedu  collège  delà  maifon  de  ville.  Es  champs 
force beftail  futtué:&  trouua-on  des  hommes  morts, 
intre  autres  mémorables  accidens,  vnieune  payfan  at- 
t€in  delafoudre,troisiours  durant  brufla  par  tout  Ion 
Corps,puis  expira,  l  a  rnefme. 

La  mère  de  lerofme  Fracaftor  excelIentphilofophc> 
admnable  poëtej&  tresheureux  Médecin  de  noftre  téps, 
lors  qu'il  alai<5loic  encores  ,  le  tenant  vn  ioiir  entre  les 
brasjfut atteinte  &ruec  d'vn  cfclat  de  foudre ,  fans  que 
renfançonen  fuft  atteint  ni  oft en fé  en  forte  quelcon- 
<iue;qui  futvn  prefage  de  la  gloire  dont  ce  perfonnnge 
(qui  vefcutlongtcmps,&  mourut  d'apoplexie) deu oit  e- 
ftre  couronné.  L'4f4fe/*r  de  fa  a/c. 

FFREV  R  horrible. 

DE  la  mémoire  de  nos  anceftrcs  yn  charpentier  de 
Vvifmarcvillc  renommée  en  Saxe^agité  dclrcne- 
fie  par  interualles,trauaillant  vn  iour  auec  quelques  au- 
tres de  fon  cflatjcmpoigne  fans  dire  mot  la  hache,&s'eu 
va  vers  fa  maifon ,  où  cftant  entre  il  fend  par  le  milieu 
deux  fîcns  cnfans  :  fa  femme  enceinte  acourt  au  bruit 
pour  garantir  le  troi/iefme,leq.uel  il  laiffa,  &  s'adreflant 
à  fa  femme  la  met  en  pièces  ,  cnfcmble  le  fruiâ:  qu'elle 
portoit.  Ainlî  couuert  Je  fang  il  retourne  vers  fes  com- 
pagnons;&  enquis  qui  l'auoit  ainfi  acouftré  ,  l'efprit  lui 
reuint.Lorî  fe  fouuenant  de  ce  qu'il  auoit  fait,il  retour- 
ne vers  fa  maifon, où  il  empoigne  vn  coufteau,  s'en  don- 
ne vn  coup  dedans  la  poitrine,  &  tombe  mort  fur  la  pla- 
ce.Cran\iHi  a'-t  lO. Httre  de  fa  yandaucjchap.lo. 

Ù  E^N s. 

L'An  ifii.l'Empereur  Maximilian  premier,  cftant  à 
Ausbourg  en  vnc  iopmec  des  EftatS;on lui  prcfenta 

vq 


I 


^  memorMes,  247 

vn  homme  de  dcrmefarcc  grandeur  &  groffeur,  le- 
quel mangeoit  en  peu  de  morceaux,&  fiins  s'arrefter,  v- 
ne  brebis  ou  vn  veau,  fans  ^ç.  foucier  que  la  chair  en  fuft 
cuite:  difantque  cela  ne  faifoit  que  lui  aiguifer  l'appé- 
tit. S  mi  m , en  [on  cofn,nentaire  des  chofes  memor^ihles  de  noftre 
temps. 

loachim  TI.  dece  nom  Eledeur  de  Brandebourg  a- 
uoit  vn  paifan  en  fa  cour  nommé  le  petit  Michel ,  par 
antiphralc  ^  car  il  auoit  près  de  huid  pieds  de  haut. Qui 
cftvne grande  ftature  d'homme  de  nolhe  temps,  mais 
médiocre  &  petite  à  comparaifon  des  grandes  de  iadis, 
notammentdc  Goliath  &  autres  es cnuirons  delà  lu- 
dee,  Matthieu  Uorji  j  en  fi  recevchefi*r  Is  duel  de  Dauid  ^ 
de  Goliath. 

l'ai  veu  vneieunc  fille  de  flaturcgigantale,  qu*on 
menoit  de  ville  en  autre  ,  pour  la  monftrer  comme 
chofe  prodigieufe  ,  &  pour  laquelle  voir  grands  & 
petits  contribuoyent  volontiers  leur  pièce  ,  dequoy 
l'a  mère  qui  la  conduifoic  &  elle  eftoyent  entrete- 
nues. Elle  eftoit  en  vnc  chambre  de  louage  à  part, 
&  s'y  faifoit  voir  auec  eftonnement.  Y  cllant  allé 
comme  d'autres  ,  ie  m'cnquicrs  foigncufement  de 
tour>  &apren  desrefponfes  d'elle  &de  fa  mereaufïi, 
qui  eftoit  femme  de  moyenne  taille  ,  que  le  père  de 
la  fille  n'eftoit  pas  grand  ,  qu'en  tout  leur  parentat^c 
il  n'y  auoit  aucun  ni  aucune  ,  qui  furpalTaft  en  hau- 
teur les  autres  perfonnes  :  que  la  fille  iufques  à  Taa-. 
ge  de  douze  ans  auoit  elle  petite  :  mais  qu'ayant  au 
mefme  temps  efté  faific  ^swo.  ficure  quarte  ,  qui 
1  auoit  tenue  quelques  mois  ,  venant  à  la  quitter,  el- 
le commença  lors  à  croillrc  ,  tous  les  membres  cor- 
rcfpondans  par  cfgalc  proportion  à  ccfte  hauteur:  tel- 
lement que  quand  ie  la  vis  elle  auoit  cnuiron  vingt- 
cmqans,  &  ne  remarquay  en  elle  depuis  la  leftc  iuf- 
ques à  la  plante  des  pieds  difproportion  quelconque  en 
pas  vn  des  membres  :  mais  vne  rnefure  continue  &  con- 
uenable  en  chacun  d'iceux.  En  ceft  aagc  de  vingt  cinq 
ans  elle  n'auoit  point  encore  eu  fes  flueurs  :  naturefein- 
blant   auoir  requis  &  retenu  ce  fang  excrementcux 

Q  4 


14^  HtFioires  admirables 

pour  la  nourriture  &  conicruation  dVn  fi  grand  corps. 
Elle  fc  porcoit  fort  bien ,  vn  peu  laide  de  vifage,  noire, 
d'efpritfimple&grofikr,  &  tout  le  corps  pelant.  Car 
la  vertu  animale  infufe  des  le  commencement  en  ce 
corps,  félon  la  nict'ure  deuè  à  la  grandenr  d'vnc  pcvfon- 
ne  vulgaire  ,  efpanduç  puis  après  en  vne  fi  grande  & 
lourde  mafie,  ncpouuoit  d'efgale  puilî'ance  monftrcr 
l'efficace  de  Ton  oeuure,  comme  en  vn  corps  médiocre: 
&  l'expérience  monftre  que  la  vertu  recueillie  &  ramaf- 
fee  fe  monllre  plus  vigoureufe  ,  que  quand  elle  eft:  ef- 
parfc  &  trop  eirenduc.  Au  regard  des  caules  naturel- 
les de  cefte  grandeur  extraordinaire  ,  par  le  moyen 
de  la  fieure  quarte,  nous  en  lailFons  la  decifion  aux 
médecins ,  &  n'en  difputons  auec  eux  :  mais  en  vn  mot, 
fî  vnéperlbnnc  en  l'aage  de  douze  ou  vingt  ans  vient  i 
prendre  cruifTance  parla  maladie  ,  tellement  qu'en  pro- 
portion de  corps  elle  deuienc  deux  fois  aufïi  haute  que 
les  autres,  il  faut  confeffer  qu'vn  tel  effort  de  nature 
elf  extraordinaire  &  admirable.  Nous  auons  tiré  cefte 
hiftoire  de  Alarcel  Donat,  doâe  ptedecinj  an  troijiefme  linrey 
chapitre  qtiatorX^efme jOU  il  traite  amplement  àcs  caufes  de 
ccfte  hauteur  gif,an:ale,  félon  que  fa  profefhonlere- 
queroit.  En  ces  recueils,  nous  nous  contentons  d'vn 
flmple  lecit. 

Apres  la  vidoireque  le  Roy  Louys  douziefme  ob- 
tint en  la  iournee  de  LoJceftantalléàAhlan,  ie  rrou- 
uai  dedans  Thofpital  \n  leune  homme  fi  grand,  quM 
ne  pouuoit  fe  tenir  debout  :  n'ayant  fccu  obtenir  de 
nature  aScz  de  nourriture  pour  rcfpaiiieur  de  fon 
corps  &  la  proportion  de  fes  forces.  Pourtant  eftoit- 
îl  couché  fur  d>-nix  li(fl:s  ,  ioinâ:s  en  long  l'vn  à  l'autre, 
lefquels  il  emplifFoir  de  fa  longueur.  Les  Saniogiticns, 
qui  habitent  entre  la  Prufle  &  Liuonie ,  font  de  fort 
haute  taille  :  Scncantmoins  ils  engendrent  quelques- 
fois  des  cnfans  qui  paruenus  en  aage  font  de  petite 
ftature  ,  par  fois  d'autres  qui  dcuiennent  merucil- 
leufement  grands.  Scuhger  en  U  z^^.  cxe-rcitation  contre 
Ciirdar>f 

llyac 


e^  memora  h  le  s  249 

Il  y  a  eu  de  noftrc  temps  en  Bourdclois ,  vn  lioni- 
mcde  grandeur  ou  hauteur  dciniefuree  ,  à  rai  Ton  de 
laquelle  il  eftoit  furnommé  k  Géant  de  Bourdeaux. 
Le  Roy  François ,  ellonné  dt  voir  vn  \\  long  corps,  or- 
donna cju'il  fut  du  nombre  de  Tes  gardes.  C'eftoit  vn 
payfan  de  groflcpafte,  au  moyen  dequoi  nepouuant 
sacommoderàla  vie  de  Cour  ,  au  bout  de  quelques 
io^ursquitra  la  hallebarde,  &  s'en  retourna  en  fon -vil- 
lage. VnpGrfonnage  honorable  ,  qui  le  vid  archer  de  » 
la  garde  ,  ni!a-  a^ermé  qu'il  eftoit  de  telle  hauteur» 
qu'vn  autre  homme  de  îrature  ordinaire  pouuoit  paf- 
fer  tout  droit  &  debout  entre  les  jambes  cfquarquiUecs 
d'iceîui.  I.  Chajfignion  en  [on  tmiité  de  Glgantihus  ,  cha- 
■pitre  6. 

L'an  mil  cinq  cens  feptante  \n  fut  à  Paris  vn  Géant, 
après  lequel  chafcun  couroit  pour  le  voir.  11  fe  te- 
noit  à  requoy  en  vue  hollellerie  ,  &  nul  n'enauoit  la 
vcué  ,  qu'en  payant.  Entrant  dedans  la  chambre, 
où  il  eftoit  enfermé  ,  l'on  voyoit  auec  eftonncment 
vne  homme  d'énorme  hauteur  aflls  en  vne  chaire: 
li.nis  l'eftonnement  redoubloit  à  tous,  lors  qu'ils  le 
voyoyent  fcleuantde  fa  chaire.  Carlors  il  touchoit 
'^^i't  refte  le  planché  de  la  chambre  ,  lequel  eftoit  fort 
haut  ,  à  la  couftume  de  la  plufpart  des  trauaifons 
Françoifcs.  On  le  difoit  eftre  Polonnois  ou  Ttanf- 
fyluain.  Ce  géant  auoitvne  femme  d'ample  corfagc 
&fortgraft'e  :  mais  de  petite-taille  à  comparaifon  de 
lui  ,  de  laquelle  leur  eftoit  né  vnhls  lors  bienieune, 
&quiauoit  Taparence  de  deuoir  eftre  vn  iour  à  peu 
près  aufti  grand  que  fon  pcre.  Es  Indes  Occidentales, 
dcfcouuértes  il  y  a  cent  ans  pafle/,  fe  fontveus  plu- 
fîcurs  Geans  ,  comme  attcftcnr  ceux  qui  enontefcric 
les  hiftoires.  Près  du  Pôle  Antarcftique  ,  il  s'en  trouue 
de  dix  &  de  douze  pieds  de  haut:  comme  auffien  Tlfle 
de  Sumatra  ou  Taprobane,  qui  eft  vers  l'Inde  Orien- 
'e.  lamejhte. 

Mtlchior  Nugnez  en  fes  lettres  ,  où  il  difcourt  des 
afanesdu  royaume  de  la  Chine  ^  récite  quen  la  ville 
capitale  nommée  Paquin  ,  les  porutri  font  grands  de 


^  5  ^  Hiflotres  admirables 

<]uin7e  pfcds  de  haut.  l:n  d'.:utrcs  lettres  efcrites  l'an 
mil  cinq  cens  cinquante  cinq,  le  mefme  attcfteque  le 
Koy  de  la  Chine  entretient  &  nourrit  cinq  cens  de  tels 
hommes,  pour  archers  de  fa  garde.  Simon  Muiolen  [es 
tours  camruL'Jres,  colloq.i. 

Louys  Viues,  dofte  Efpagnol ,  en  Tes  annotations  fur 
lei5.1iurede  faind  Auguftin  delà  Cité  deDieu,ch«pi- 
tre  p.  efcritauoir  veu  au  grand  temple  de  ValenCc  vne 
<îentmeuhere  d'vn  homme  ,  plus  groflfe  que  le  poing, 
loieph  Acofte  en  THiftoire  des  Indes ,  dit  en  auoir  veu 
vne  encore  plus  groffc  ,  &  les  autres  à  l'equipoUent. 
Mais  pource  qu'ileft  à  prefupofer,  que  telles  dents  c- 
lloyent  d'hommes  morts  plufieurs  fiecles  auparauant, 
nous  n'y  infiilons  d'auantage. 

De  noftre  temps  on  a  veu  entre  les  archers  du  feu 
Roy  de  Nauarre  vn  Bearnois  de  Ç\  haute  taille ,  qu'il  ef^ 
gaioit  Ton  maiftre  ,  eftant  monté  fur  vn  grand  cheual, 
tellement  qu'il  furpafloit  en  ftature  depuis  les  efpaules 
en  fus  les  plus  grands  qui  fuflcnt  en  tout  le  pays.  C'e- 
iloit  vn  beau  perfonnagejdifpoft  &  alaigre.  Au  contrai- 
re on  aveu  à  Paris  vn  nommé  le  Gi?.nd  Marefchal, hom- 
me mal  balli  :  mais  aufh  merueilleufement  haut  & 
grand  ,  a  comparaifon  de  plufieurs  de  moyenne 
taille. 

Antoine  Pigafcttc  Itahen  ,  grand  voyageur  de  fon 
temps  ,  afferme  auoir  veu  vers  le  Pôle  Antardiquc  vn 
géant  jfî  haut,  que  les  autres  afl'e/  grands  hommes  ne  lui 
pafloyent  du  haut  de  la  rcfte  à  grand  peine  le  nombril: 
&  d'autres  par  delà  ledcflroitde  Magellan  ,  quiauoy- 
cntlecold'vnecouldee  de  long,  &lercftcdu  corps  à 
Tau  en  an  t. 


V 


GVERIS  ON  extraordinaire. 

N  certain  Italien  ayant  eu  querelle  contre  quel- 
que autte,coinbi  malade  Ti  ^riefuemciu,  qu'on  n'y 


^memoYohles,  2.51 

ïattcndoit  plus  de  vie.Son  ennemi  fâchant  cela  vient  au 
logis:s'enquicrt  du  fcruitcur,&  lui  demande ,  où  eft  ton 
iTiaiftre?  Le  feruiteur  refpond.il  eft  aux  traits  de  la  mort, 
&  ne  pafTcra  pas  ce  iour.  L'autre  grondant  à  bafle  voix, 
#epliquc,il  mourra  par  mes  mains.  Quoy  dit,il  entre  en 
la  chambre  du  malade,  lui  donne  quelque  coup  de  poi- 
gnard,&  fefauue.  On  adoube  les  playesde  cepauure 
malade,qui  par  le  moyen  dVne  (î  extraordinaire  faignec 
reuint  en  conualcfccnce.Ainfi  rccouura-ilfanté  &vic 
par  les  mains  de  celui  qui  ne  dcmandoit  que  fa  mort. 
/(.SolenamUryait  ^Mttr.dcjes  co)ifeils,qmnz,iefme  conf,  netipef-, 
meftil. 

Il  raconte  en  mefme  endroit  d'vne  femme  qui  fe 
purgeoit  de  fcs  mois  par  les  narines,  ordinairement  3  en 
grande  abondance  ,  l'efpnce  de  treize  mois  durant  :  la- 
quelle ayant  elle  faignee  à  la  fiphcne  &  purgée  fut 
guérie,  Et  d'vn  homme  qui  ayant  cnTcfpace  de  vingt 
quatre  heures  rendu  parla  bouche  vingtfixliures  de 
fang.cajllé,  liuidc  &  foit  noir,  fut  guéri  par  diete> 
repos  ,  &  clyfteres,  fans  prinfe  de  medicamens  par  la 
bouche.Vn  payfanfailî  dVne  ficure  ardente,  mené  à 
J'hofpital ,  &  medicamenté  foigneufcment ,  vmt  àTex- 
tremité.  Le  médecin  ,  dode  perfonnage ,  lui  demande, 
que  vèux-tu ,  mon  ami?  comment  gouuernois-tu  ci- 
deuant  ?  le  n'auois  acouftumé  (refpond  le  malade  )  de 
manger  &  boire  comme  on  mcttaittc  ici  ,  ie  nefca- 
uois  que  c'eftoit  de  fyrops ,  de  drogues,  ni  de  méde- 
cines :  ie  ne  fçaurois  dormir  fur  la  plume.  Il  y  a 
près  de  vingt  ans  qucie  n'ai  rcpofé  en  aucun  lia:.  Ma 
nourriture  ce  font  des  oignons  ,  du  fromage  dur, 
&  telles  autres  délices  ,  mon  gifle  fur  de  la  pail- 
le à  Tcnfcigne  de  l'eftoille  ,  &  couucrt  de  mes 
habillemens  ,  c^ft  à -dire  tout  chauile  &toutvc- 
flu.  Le  medecm  lui  permit  de  coucher  vne  nuiftfur 
li  paille ,  lui  fit  donner  des  oignons ,  du  fel  &  del'eau 
fraifche  :  eftimant  qu'il  faloit  lui  complaire  en  ce- 
fte  extrémité.     Mais  le  lendemain  il  trouu  e  fon  ma- 


^5^  H'tjloires  xdmirdbles 

lade  à  demigueri,lc  chauffant  auprès  Ju  feu.  Nousa- 
iions  rcmarquc(dit]c  rùefmc  Solcnander)  certains  ma- 
lades pour  foulagejricnt  en  leurs  tourniens  auoir  mal- 
ché  &  aualé  les  rcceptes  efcritcs  par  leurs  médecins ,  cc 
elle  gneris  par  tel  moyen.  Vn  ouicam  eftimé  hydrop:- 
cjue,&pcu  foigncNpar  le  bénéfice  particulier  de  natui\ 
permit  refaire  ouucrture  en  fon  corps  au  cofté  gaucl 
foDs  la  râtelle,  entre  le  péritoine  &  les  mufcles  du  vêcrt, 
dont  nous  lui  tirafmes  plus  de  deux  cens  veilles  pa- 
jcilles  à  desa-ufs  de  poules,  qui  eiloyent  molles ,  &; 
pleines  d'eau  pourrie  &  puante,  in  ceconfcil  i^M  ^Mm.. 

GOFTEFX  lArantu 

L'An  mil  cinq  cens  hui(flnnte  neuf,  Guillaume  des 
^liche"5,honi;-ac  ancien, tout  eftropié  de  goutes,eut 
enuie  d'allci  voir  vue  Abbaye  de  moines  au  defiusde 
Lyon,que  l'on  nomme  illle  Barbe  ,  où  il  y  auoit  vogue 
ce  iour  là.  Des  le  matin  il  fe  «et  en  vn  bafteau  auec  fa 
iille,fon  gendre,&.  quelques  voifîns.  Ayant  vifitë i'Ab- 
^3ve,faitfesdeuotionsA'  bonne  chere,lui  &  fa  compa- 
gnie fcrembarquent.JLe  baftelierquilesconduifoit  a- 
yantbeupliîs  de  vin  que  d'eau,  comme  ilfahit  pafler 
fous  le  pont  de  Saône,  au  lieu  de  drefler  fa  barquette 
fous  Tarcqui  eil  grand  &  fpacieux,donna  contre  la  pile, 
tellement  quef^-barquctteeft  renuerfec  &:  tous  ceux 
qui  eftoycnt  dedans  noyez,  fauf  le  pauuve  goûteux,  qui 
fans  fepouuoir  bouger  fut  porté  par  l'eau  au  riuage, 
d'où  il  fut  retiré  &:  reporté  chez  foi:&  depuis  a  vefcu 
quelques  ^nueQS.Aleawircsde  Lyon. 

HOMME  auantl'Aage, 

I'Ay  conu  vn  homme  en  Efpagne,lequelau  b<iut  de 
quelques  années  le  rendit  moine,  de  l'ordre  des  Cor- 
deliers,  ce  a  demeure  au  Conucnt  nommé  noltre  Da- 
me 


é'memorAhles,  253 

me  du  Val,puis  en  celui  del  Soto,p  res  la  ville  de  Zamo- 
TC.  Il  eft  de  fi  petite  :ailie,quefans  lui  faire  tore  on  peuc 

"  l'appcller  Nain  :  quoi  qu  au  rellie  il  ait  belle  î^on^  Se  le 
corps  bien  acompli.  Chacun  fçair,  &  pluheurs  moines 
defon  ordrem'ont  afleuré  pour  chofe certaine  ,  c^u'il 
nafquit  en  vn  village  nommé  Taind  Tiio,  Se  que  venant 

i  au  monde, il  auoit  toutes  Tes  dents  qu'il  auoiten  Taage 
de  i^.  ans,  &  a  toufiours  eu  depuis ,  ians  ks  auoiriamais 
changees,ni  qu'aucune d'icclicsfoit  tombée;  de  maniè- 
re qu'ilfut  nourri  &eî]euc  auecpcine,  &teta  peuau/ïi. 
Quand  il  fortit  du  ventre  de  la  mère ,  il  auoit  les  parties 
lecrettes  auflî  velues  que  les  a  vn  homme  fait.  A  Taage 
de  feptans  il  eut  le  menton  couucrt  de  barbe,  &  engen- 
dra vn  fils  à  dix  ans  :  ayant  en  tel  aage  toutes  fesfucul- 
tez  naturelles,  vitales  &  animales ,  aufli  entières ,  qn'vn 
homme  de  trente  ans.  ^.  Torqitunade  en  U prermere  tour- 
née de  [on  hexameron. 

l'ay  veu  en  vnc  ville  d'Italicnommee  Prato^enuiron 
deux  lieues  &  demie  de  FiorencS;Vn  ennint  nouueau  né 
ayant  le  vifage  couuerr  d'vne  barbe  efpaiiTe ,  dvn  grand 
demi  pied  delong ,  fort  blanche ,  douce  &  déliée  com- 
me lin.  Ayantatteinti'aage  de  deux  mois ,  ceîle  barbe 
vint  à  tomber,ne  plus  ne  moins  que  li  le  vifage  lui  fuit 
pelé  par  quelque  mr.ladie.  Là  msfm, 

Vn  certain  perfonnage  alloit  par  toute  VLÇozonQ 
monftrant  vn  fien  fils  pour  de  l'argent.  L'enfant  an^é 
de  dixou  onze  ans  auoit  au  vifage  tant  de  poillono-^  qÇ^ 
pais,&crcfpé,queronncku  voyoitquc  la  bouche  ^;: 
les  yeux.  U  mefmc. 

Vn  leune  gaixon  aagé  feulement  de  neuf  ans  en- 
groffa  vne  nourrifie,  ce  dit  lean  Foxius.  L.  Danean  un  h». 
Uefa  phdofophie  morale  ^chapA^. 

lALOFSlE  horrible. - 

ENuircjn  l'an  i5i7.vnieuneCitoycn  de  Modene,forc 
riche  ,  &  non  marie,  nommé  Fiancifque  Torte ,  s>.- 
bandonnaiu  aux  plaifiii  du  monde ,  fe  prait  à  frcqucn- 


254  Hifloires  admirables 

ter  en  la  iTuifon  dVne  dainoifelle  mariée  qu'on  Tur- 
nommoit  la  Calore  ,  laquelle  tenoit  maifon  ouucrtc, 
parlaconniucncc  de  Ton  mari,  pour  le  bal,  lesieuxde 
cartes  &  de  dez,les  deuis  &  carelfes,  à  tous  venans  ,  de 
qui  elle  tiroit  toufiours  quelque  plume ,  cftanc  au  lellé 
fort  attrayante^  magnifique  en  habits,meublcs,fen:;ns, 
&  tout  ce  qui  en  dépend.  Ce  ieune  Modcnois  qai  a- 
uoitde  quoy  dcfj^cndre  ,  commence  à  hanter  en  ce 
porche  d'enfer  ,  &  dans  peu  de  temps  s'cnyure  telle- 
ment des  allcchemens  &  appafts  de  celte  courtilannc, 
qu'il  ne  cefTede  la  pourfuiurc  dételle  forte  qu'ils  s'ac- 
cordent fe  porter  de  lien  auant  amitié  mutuelle  & 
plusfpcciale  qu'à  nuls  autres.  Ils  viuentcn  ceft  eilat 
enuiron  trois  ans,  que  le  ModenoispolFeJoit  &  eftoit 
totalement  pofl'edé  de  ceile  Calore  ,  à  laquelle  il  don- 
noitfa  perfonne  &  Tes  biens ,  plus  qu'il  n'cuit  fait  à  vne 
ftmme  légitime. Elle  le  manioit  dextrcment;  mais  vn 
iour  comme  elle  louoit  aux  efchccsauec  vn  certain 
Gentil-homme ,  aduint  que  fe  fouriant  elle  empoigna 
la  main  de  ce  ioueur  j  &  la  lui  ferra  en  femme  dcfoii 
mefl-ier.  Francique  prend  la  mou^chc  fur  ceftc  conte- 
nance,&  de  là  en  auant  fait  du  renfrongné.Calore,fem- 
me  licencicure,&  non  acouftumee  à  la  bride,  com.nen- 
ce  à  ruer  &;  à  le  rabrouer.En  fin  le  defdain  croift  de  pa- 
role en  autre,  tellement  que  lui  ayant  dit  qu'elle  nefe 
loucioit  de  Tes  quintes  &  deipits-lc  mallieureux  s'enfer- 
me en  vne  chambre,ou  ayant  izit  quelques  billets  con- 
tenans  ce  qu'il  ordonnoii  de  Tes  biens,  &  qu'il  ne  vou- 
loit  qu'aucun  fuft  accufc  de  fa  mort  que  lui-mefmes, 
il  les  accomnioda  dans  fcs  efcarpins  ,  tellement  qu'on 
pouuoitincontinentles  voir,  puis  auec  la  ceinture  de 
fon  efpee  &  les  iaitieres  i:t  vne  façon  de  licol, &  fe  lan 
çant  de  dellus  vn  grandcoft're-s'eftrangla  tout  i  l'heure, 
C'eftoit  en  la  maifon  melmc  de  Calore, qui  depuis  vef- 
cutplusrcferrce.En  ce  temps  François  Guichardin  ,  ex- 
cellent hiitorien  de  noihe  ficelé , eftoit  gouucrneur  de 
Modcne  pour  le  Pape,H//fom  d'Italie. 

Enuiron  Tan  1518.  auint  à  Rimini  ville  de  la  Ro- 
magncjvnc  hiftoire  notable.   Certaine  ieune  Damoi- 

feUe 


^  mémorable/,  2^< 

îelle  mariée  à  vn  vieil  Gentilhomme,oubliantfon  hon- 
neur ,  fe  proftitua  vilainement  par  adultère  à  vn  ieunc 
gentil-homme  du  lieu  nommé  Pandolfe.  Et  continua 
leur  train  infâme  parTcntremife  dVne  fille  de  chambre 
leur  macquerelle  l'efpace  de  deux  ans.  Il  y  auoit  en  la 
chambre  de  celle  malheureule  femme  vn  grand  coffre, 
où  elle  ferroit  vnc  partie  de  Tes  loyaux  &  deniers  .-de- 
dans lequel  fecachoit  le  paillard ,  fi  quelquefois  furue- 
noit  tel  cas  ou  furprife,  qu'il  ne  peut  fi  toll:euader.  Et  le 
coffre  auoit  air  par  vn  endroit  iecrct,tcilcmentquePan- 
dolfey  demeuroit  par  fois  endos  aÛez  long  temps.  A- 
uint  au  bout  de  ce  temps, que  la  iuffice  diuine  commen- 
ce à  appeller  a  compte  celle  adultereffe,par  vne  griefue 
&  incurable  maladie,en  laquelle  le  voyant  abandonnée 
des  médecins ,  elle  le  fut  encore  d'auantage  au  regard 
de  ion  ame.  Son  mari  furuenant  fur  la  minuiâ:  comme 
àTimprouiile,  Pandolfe  fe  iette  dans  le  coffre  fermant 
aifément  tie  ibi-mefme.  Alors  celle  femme  ttanlportec 
d'vn  horrible  elprit,  commence^  après  quelque  haran- 
gue ,  à  faire  vne  humble  requcfte  à  ion  mari ,  lui  faiiant 
promettre  auec  ferment  qu'il  ne  l'efconduiroit  point, 
C'eft  qu'il  fit  mettre  dedans  Ion  fepuichre  au  caueau. 
près  de  fli  quaifl'c  ce  coffre  que  elle  lui  montra  ,  fans 
vouloir  regarder  ni  permettre  que  aucun.quel  qu'il  full, 
regardai!:  dedans  ,  y  ayant  quelques  hardes.&  meubles» 
dont  elle  ne  vouloit  qu'aucun  euil  Tvlàge  après  elle. 
Ce  quele  marilui  odroya.  Le  miferable  Pandolfe  en- 
tendoit  ces  terribles  propos ,  qui  lui  firent  maudire  mil- 
le fois  fes  mefchancetez ,  &.  celle  adulterelfe  fa  compli- 
ce, laquelle  enukon  deux  heures  après  expira  ,  fans  re- 
pcntance  ni  confeffion  de  fes  plus  énormes  péchez» 
voulant  traîner  auec  elle  à  la  mort  celui  qui  auoicefté 
compagnon  de  fa  mefchante  vie.  Apres  fon  trefpasjcom- 
mc  on  donnoit  ordre  à  fa  fepulcure ,  quelques  domefti^ 
qucs &  parens  vouloyét  qu'on  laifiaft  ce  cofre  en  la  mai- 
fon,  ou  du  moins  qu'onl'ouurill  &  vifiraft.  Mais  le  mari 
fe  tenant  à  la  promeffe  folcmnelle  par  lui  faite ,  empef^ 
cha  celle  ouuerture,&  fit  enleuer  le  cofre  clos,lequel  a- 
preslesoblequcs^ela  defûcc  futdeualç  auecla  quaifle 


1^6  Hijloires  admirables 

dedans  le  caueau  ,  &  vne  groffe  tombe  mifc  dcfTus  Çzw'^ 
cimenter,  pourcc  que  défia  il  eftoit  nuid ,  &  qu'on  s  at- 
tcndoic  d'agencer  promptement  le  tout  le  lendemain. 
Le  miferabic  Paadoîfc  qui  auoit  cyuy  chanter  dedans  le 
temple  S.  Lataldc,  faifoitlors  Ton  conte  de  mourir  de- 
dans le  coffre,  &  en  le  remuent  en  iceluifentit  quelques 
lacs  pleins  de  io)aux  :  mais  fans  penfer  à  orni  argent  il 
fc  dilpoloiL  à  autres  penfces,  quand  Dieu  voulut  lui 
donner  nouucau  rclpit  pour  pcnfer  à  r-aucnir  à  fa  coii- 
fcicnce,  mieux  qu'il  n  auoit  hit  parle  padc,  Vn  ieunc 
homme  domcftiquc, &  qui  Icauoitquela  défunte  auoi 
cje  bonnes  hcrdes  en  ce  cofre  ,  &  conuoitcux  de  tel  bu- 
tin, trouua  moyen  d'entrer  fur  les  dix  à  onze  heures  du 
loir  dans  le  temple  de  ùÀnci  Cataldc  ,  où  eftoit  le  ca- 
ueau &  fepulture  de  la:  trcrpaffcc.  ATaice  de  deux  liens 
compagnons  illcue  la  pierre,  &com.mencc  à  croch.c- 
ter  Ôc  ouuriv  le  cotre  ,  prétendant  cmpoirervne  bonne 
proye.  Pandolfc  prenant  refolution  foudaiîieen  acci- 
dent fi  eftrange  Çc  leuc  ,  &  fort  du  cofre ,  auec  vn  tel  cri 
que  les  autres  peniàns  que  ce  fuil  quelque  diable,  fè 
lauuerenr  de  viilefîc.  Pandolphe  s'eftant  mieux  rcconw 
allume  vne  torche ,  &,  vifitauc  fo;i  cofrc,  fe  charge  des 
basues,  ioyauxSc  deniers  qally  trouua,  puis  fortant  du 
temple  fefauuapailcsiardins  duconucntcn  fa  muifon, 
ayant  ferme  le  cofrc ,  &:  remis  la  tombe  en  fon  heu.  S'il 
cutoccafion  depcnferau  fupport  de  Dieu  ,&dranicn- 
ccmentdefavie,  ielelaifl'e  à  pcnfer  au  leéleur.  Hifi, 
d'jtalie. 


IMAGINATION, 

FEr  K  E  L,  tiCsdode  Médecin  de  noftrc  tcmps,fc  moc- 
que  de  l'opinion  de  ceux  qui  difcn:  qu'il  y  a  trois 
ventricules  diftinfts  au  cerueau  :  l'vn  pour  l'imagina- 
uue,  i'autrepour  l'entendement  ,  l'autre  pour  la  mé- 
moire :  &  eftime  que  ces  communes  fundions  de  no- 
ftreefpric,  aflauoirimaginatiuc  ,  iudicadi»e  &memo- 

riale. 


cf  mémorables.  x^j 

mie,  y  font  confures ,  faifans  chacune  d'elles  leurs  ope- 
tarions  à  leur  rang  ,  fclon  que  chacun  de  nous  tend  les 
nerfs  defon  cfprit  à  riiTiagniatton,iugement  ou  mémoi- 
re. Il  vouloit  en  peu  de  paroles  dire;,que  noftre  efpntne 
rrauaille  que  là  où  noftre  coeur  eft  fiché.  l'en  parleray 
comme  vn  aucugle  de  coulcursimais  lî  vous  me  permet- 
tez de  commenter  ce  grand  perfonnage  :  croyez  que  ft 
fon  opinion  n'eftbonne^fi  eft-elle  afhftee  détroit  grands 
prétextes  :  car  fi  dar  s  noftre  ccrueau  il  y  a  trois  ventricu- 
les feparez ,  il  faudroit  en  Timaginatiuc  autant  de  cel- 
lules diftindcs ,  comme  il  y  a  de  diuers  effeâ-s  ;  Nous  a- 
uons  veu  vn  Tulcnus ,  pleni  de  doctrine  &fçauoir,  qui 
ne  failloit  en  Timaginatine  que  de  deux  points  :  c'eft  à 
fçauoir>  en  l'amour  d'vne  grande  Princeffe,  qui  eftoit 
long  temps  auparauant  decedce,&  en  l'opinion  qu'il  e- 
ftoit  Euefq  ue  de  Cambray.En  toutes  autres  chofcs^piein 
de  dodrine&bon  fubiet.  Soudain  queTon  le  mettoit 
fur  l'vn  ou  l'autre  de  ces  points  >  vous  le  voyez  trauerfer 
&fortirhors  de  foy-mefme.  Voire  qu'i  la  première  ren- 
contre de  Damoifellc  jfoudain  ilfe  donnoità  la  penfee 
que  c'eftoit  celle  pour  laquelle  il  eftoit  tant  efpcrdu.  Ec 
auparauant  lui,  fous  le  règne  du  grand  Roy  François, 
nous  eufmes  en  VillemO'nochejquinepechoiccn  toutes 
lesfundionsde  fon  entendement,  finon  lors  qu'il  en- 
troit  fur  l'efpoir  de  fes  mariages  :  eftimant  qu'il  n'y  a- 
uoit  grande  Princcffe  qui  ne  fuft  énamourée  de  lui.  £■. 
Pa^qmer  au  ô.liu.des  Recerches  de  la  FrancCycha.S. 

Vn  luif  reucnanr  des  champs  de  nui(ft  en  fa  maifon 
s'endormit  liirTafiie  qui  le  portoit.  La  bcftequi  conoif- 
foit  les  chemins,  pafîe  vn  pont  haut  &:  profond  ,  fur  vnc 
planche  cftroitte  :  le  lendemain  ce  luif  imaginantpro- 
fondement  le  danger  qu'il  auoir  paflé ,  de  par  la  force  de 
l'imaginât: ue  le  rcprefentant  à  fes  yeux  ,  en  fut  frappé 
de  rtUc  horreur,  qu'il  en  mourut,  l.  F  lues  au  yl.dc  rj/i' 
fne parlant  de  lapeur pioctdante  de  trop ^runda imagination. 
.  Vn  domeftiquc^apothicane  de  feu  mon  père,  hooimc 
lîmple  &  Sauyfie  ,  nation  peu  vaine ,  me  contoit  auoir 
conu  long  temps  vn  marchant  à  Thouloufe,  maladif, 
&fujçt;  àla  piene,  qui  auoitfouueut  befom  de  clyilerej 

K 


15  8  Hisiûires  Admirables 

&felcs  faifoit  diueifcment  ordonner  aux'7Mcdcanj; 
fclon  l'occurrence  de  fon  mal.  Apportez  qu'ils  e- 
Aoycnt  ,  il  n'y  auoic  ncn  omis  des  formes  acouflu- 
mces.  Souuent  il  taftoit  s'ils  eftoyent  trop  chauds  :  le 
voila  couche,venuciTé  &  toucesles  aprochcs  faites ,  fauf 
qu'il  ne  s'y  faifoit  nulle  inic(ftion.  L'apothicaire  reti- 
ré après  celle  cérémonie,  le  patient  accommodé  com- 
me s'il  cuit  véritablement  pris  le  clyftere,  en  fentoit 
'pareil  efteft  à  ceux  cjui  les  prenoyent.  Et  fi  le  Méde- 
cin n'en  trouuoit  l'opération  futïifante  ,  il  lui  en  redon- 
noitdeuxou  trois  autres,  de mefme forme.  Mon  tef- 
moiniurc,  que  pour  efpargner  la  defpencc  (carilles 
payoït,  comme  s'il  les  cuft  rcceus  )  la  femme  de  ce  ma- 
lade ayant  quelquesfois  efTayé  d'y  faire  feulement  met- 
tre de  l'eau  ticde  ,  l'etfeâ:  en  defcouurit  la  fourbe  ,  & 
pour  auoirtrouué  ceux-là  inutiles,  qu'il  falut  rcuenir 
à  la  première  façon.  Le  S»  de  Aloatagne  un  iMure  dcfes  tf- 

Ces  jours  paiïezjvncfemmejpenfantauoiraualévnc 
cfpinglc  auec  fon  pain ,  crioit  &  fe  tourmentoit ,  com- 
me ayant  vne  douleur  infupportable  au  goficr  ,  où  elle 
penfoitlafcntir  arreftee  :  mais  parce  qu'il  n'yauoitni 
enflure  ni  altération  par  le  dehors,  vn  habile  homme 
ayant iugé  que  ce  n'cftoitque  fantaifie  &  opinion,  pri- 
fe  de  quelque  morceau  de  pain  qui  l'auoit  picquee  en 
paflant,la  ht  vomir,  &iettaù  la  defrobc^^,  dans  ce  quelle 
rendit,  vne  efpinglc  tortue.  Ceftc  femme  cuidant  l'a- 
uoir  rendue,  le  fentit  foudain  dcfchargce  de  fa  douleur. 
là  mefme. 

le  fcai  qu'vn  gentil-homme  ayant  traité  chez  lui  vn  c 
bonnc^compagnie  jfc  vanta  trois  ou  quatre  iours  après, 
par  manière  de  jeu^(car  il  n'en  elloit  rien)  de  leur  auoir 
fait  manger  vnchat  en  pafte  :dequoy  vne  damoifclle  de  , 
la  troupe  print  telle  horreur  ,  qu'en  citant  tombée  en 
vn  ^rand  defuoyemcnt  d'cilomac  &;  de  fieurc ,  il  fut  im- 
pofllble  de  la  fauuer.  la  mefm^. 

Icncpenfe  auoir  leu  es  hiftoires  chofe  prefqucsplus 
admirable  ,  que  cela  qui  eft  cfcrit  par  ce  dode  perl'on- 
aage  Louys  Viucs,cn  ibii  Commentaire  fuf  le  1,5.  chap. 

du  12. 


^  memorMes.  i  j  9 

^U  tî.liure  de  la  Cité  de  Dieu:  Les  li'ures  des  Naturali- 
ftes,dit-il,  font  pleins,que  les  chofes  veuès  en  conce- 
uant,ont  grande  efficace  en  la  femme  enceinte  &eii 
Ton  fruift.  Au  moyen  dequoi  ils  commandent  aux  fem- 
mes d'auoir  de  belles  images  &  pourtraidures  autour 
de  leurs  liâs.Il  y  a  vne  ville  en  Flandres  nommée  Bof- 
leducen  laquelle,  comme  es  autres  de  ce  pays-là ,  tous 
les  ans  le  iour  de  la  dédicace  de  la  grande  Eglife  de  ce- 
fte  ville,onfaitdiuersieux  &  paflTetemps.  Aucuns  fe 
defguifent  en  Anges,Des  autres  en  diables.  L*vn  d'iccux 
cfchaufé  du  regard  de  certaine  ieune  Damoifclle  ,  en 
fautant  &  gambadant  fe  retira  en  Ton  logis  ,  où  rencon- 
trant fa  femme,  tout  mafqué  &  barbouillé  qu'il  eftoit,il 
la  iettefur  vne  couchette,  difant  qu'il  vouloit  lui  faire 
vn  petit  diable.De ccfte  aproche la  femme  conçoit:mai« 
fî  toft  qu'elle  fut  acouchee ,  renfant,dont  elle  deliura» 
fe  print  à  fauteller,  eftant  tel  qu'on  a  acouftumé  de 
peindre  les  diables.Marguerite  d'Auftriche  fille  de  Ma- 
ximilian,  &  tante  de  Charles  depuis  Empereur,  cin- 
«juicfmedu  nom  ,  recitoit  ceftehiftoireà  lean  Lamus 
ambafladcurde  Ferdinand  Roy  des  Romains. A/. A/<îrf/>» 
V'venrich  Medecinjan  Commentais  traitant  des  jnonjlres  cha-' 
pitre  17. 

Ambroife  Paré,Chirurgien  expert  &  renommé ,  ra- 
conte, qu'à  certaine  femme  en  Beaufle,  fut  liée  dans  la 
paulme  de  l'vne  des  mains  vne  grenouille  viue,  iufques 
à  ce  qu'elle  fuft  eftouffee  en  icelle  main  ,  &  ce  pour  la 
guérir  de  quelc][ue  fieure.La  nuiftfuiuant  celle  femme 
fut  engroflee  par  fon  mari,  &:  fit  vn  enfant  de  cefte  por- 
tée, qui  auoitle  vifage  tel  que  le  mufeau  d'vnc  gre- 
nouille.t^M  mefme  Commentaire  ^  chapitre. 

Vn  dofte  &  fçauant  Théologien  raconte  en  certain 
fîen  Commentaire  fur  Genefe  auoir  vcu  vne  femme 
honnefte,  belle  &  charte,  qui  acoucha  d'vn  loir.  Ce 
qui  auint,  de  ce  qu'vn  des  voifins  ayant  prinsvn  loir 
lui  attacha  vne  fonnette,  afin  qu'il  esfarouchaft  &  don- 
nait la  chafTc  aux  autres.  Celle  femme  enceinte 
rencontrant  ce  loir  en  conceut  tel  efFroy  ,  que  fotk 
iiuiCt  en  print  la  forme  enuerç  ^  par  vne  imagination 

R    * 


X^o  HiftoîresadmirahUs 

eftrangament vehemenrc.il  lacontoïc aufîî  auoir  vcu  5 
Vviteberg  vn  homme  d'aagc  lequel  auoit  la  face  d  vu 
mortipoiirce  que  la  mcrc,  enceinte  de  lui ,  s'eftoit  don- 
né peur  d'vnmort,  &  auoit  empreint  par  Ton  imagina- 
tion telle  couleur  à  fon  enfant.Z-ù  mefme. 

Nous  auons  veu  en  la  ville  de  Brefîavv  en  Silefic,  vno 
femmequiregardantvn  enfant  nouueauné,  fansper- 
tuis  au  fondement,peu  de  temps  après  en  fit  vn  demel- 
me.Item  vnepayfane  enceinte,  qui  retournée  de  la  vil- 
le feule  en  fa  maifon,y  ayant  mangé  vn  Ibrpent  en  lieu 
d'anguille  ^  fon  mari  de  retour  fut  fi  mal-auifé  de  lui 
dcfcouurirceft  erreur,  dont  elle  conceut  telle  horreur, 
que  foudain  elle  en  mourut.  Plufieurs  emprifonnez 
pour  forfaits,  &imaginans  perte  de  leur  vie,  en  vne 
nuid,  de  noirs  ou  roufi'eaux  &  blonds  qu'ils  eltoyent, 
comme  en  fleur  d'aage,{ontdeucnus  tous  blancs  cojii- 
me  vieillards.  On  recite  que  certain  eilantcn  doute 
qu'vnautreattentaft  à  fa  vic,encores  que  celle  appre- 
henfi'onfuft  fa  uffe,vint  à  le  rencontrer  :&  comme  l'au- 
tre par  jeu  lui  donnait  d'vne  grofl'e  laue  qu'il  tenoit 
fous  fon  manteau  contre  la  poitrine,  il  s'imagina  que 
c*eftoitvn  coup  de  poignard,  &  tomba  roidc  mortfur 
la  place.  Le  mefme  à  peu  près  fc  dit  d'vn  plaifant  qui 
condamné  par  feinte  à  eftre  decapité,pour  auoir  mis  vn 
grand  Prince  fon  maiftreen  danger  de  mort,commeon 
culfdifpofe  toutes  chofes  a  l'exécution  ,  en  lieu  de  le 
fraperdcla  hache  ,  le  bourreau  luiicttavn  feau  d'eau 
froide  fur  le  col.-mais  venant  à  le  desbander,  il  le  trouua 
roide  mort ,  autant  que  s'il  lui  euft  tranché  tout  net  la 
IzitQ.  la  mefme. 

Il  y  a  enuiron  vingt-cinq  ans  ,  qu'vne  damoifellç 
en  Balfignys'ellant  trouuee  en  vn  notable  fcllin  auec 
honnorable  compagnie,  au  bout  de  trois  femainesren- 
contrant  vne  partie  des  conuieZ:>quelqu'vnfe  jouant, 
dit  qu'en  ce  feftin  au  lieu  d'vn  quartier  de  cheureul 
on  les  auoit  feruis  d'vne  cuifle  de  chien  bien  afiai- 
fûnnee,&qu'elle,aufl~i  bien  quelesautres,en  auoit  biea 
tiré  fa  part.Soit  qu'il  fut  vrai  ou  non,  celle  damoi- 
iellc  conceut  tçut  i  Theurç  islle  boïrçi^r  d&  cela, 

qucie 


^  mémorables.  ±6t 

rjue  fc  leuant  de  table  elle  tombe  en  parmoifon,  vomif^ 
fenicns  continuels/yncopes  &  fieurc  fi  violentcqu'im- 
poflible  fut  delagarâtirdeia  mort.f.rn-.i^^  we5  mémoires. 
Il  y  a  peu  de  temps  qu'vn  de  nos  Princes  :  en  qui  la 
Soute  auoit perdu  vn  beau  naturel:  &  vne  alaigre  com- 
pofitiôjfe  lailla  {i  fortperfuadcr  au  rapport  qu'on  faifoit 
des  merueilleufcs  opérations  dVn  Preftrc  ,  qui  par  la 
voye  des  paroles,  &  des  gcftes ,  î^ucrifToit  toutes  mala- 
dies,il  fîtvnlôg  voyage  pour  l'aller  trouuer,&  par  îafor- 
cc  de  Ton  aprehenfion  pcrfuada  &  endormit  Tes  ïambes 
par  quelques  hcures;>fi  qu'il  en  tira  du  feruice ,  qu'elles 
auoyent  defapris  lui  faire,  il  y  auoit  long  temps.  Si  la 
fortune  euftlailTé  emmonceler  cinq  qu  fix  de  telles  a- 
uantures, elles  eftoyent  capables  de  remettre  ce  pauurc 
miferable  en  nature. On  trouua  depuis  tant  de  fimplef. 
le  &  fi  peu  d'art  en  l'architedc  de  tels  ouurages ,  qu'on 
le  iugea  indigue  d'aucun  chaftiment,  M  Je  Montagne  at* 
i . lime  de <  Ejfan^chapitre  1 1 . 

IMPIETE  réprimée. 

L'An'  mil  cinq  cens  &  cinq  ,  certain  Curé  dVne  des 
paroiiTes  de  la  ville  de  Mifnc  en  Turinge^regardant 
de  dcflusle  pont  de  rElbe,riuiere  large  &  profonde,lcs 
bafteauxquipafloyent:  fans  qu'aucun  le  touchaft,ne 
qu'il fuft  altéré  de  cerucau,maispar  lefecretiugement 
deDicu,cheutdu  pont  en  bas  dedans  l'eau,  &fe  noya 
tout  à  rheure.ll  auoit  acouftumé,  toutes  les  fois  qu'on 
lui  prefentoit  des  fille?  àbaptizer,  après  leur  auoirad- 
miniftré  le  baptcfme  ,  par  mcfpris  du  fcxe  féminin  ,  & 
fans  efgard  à  la  dignité  des  amcs  Cbrcftiennes  ,  dire 
qu'il  ne  faloit  point  les  rapporter  en  la  maifon  ,  mais 
les  ietter  dedans  Vtzxx.Ceorgi  le  Feurc  au  $.liure  defes  ^yin- 
nalcs  de  Aiifnt^ 

Vn  Imprimeur  de  Tranflyluanie^  ayant  efté  C\ 
mal-heureux  que  d'ofer  imprimer  des  liurcs  &  poui- 
traids  exécrables  drcflcz  par  certains  hérétiques  enne- 
mis de  lafainfte  Trinité  mourut  defcfperé  &  enragé. 

R   3 


i6t  Hijlûires  admirables 

Jofias  Slmler  en  la  prefiue  dejcs  Uures,  tonchunt  le  fils  éternel  de 
Z>/e».Lcsnouueax  Arians,  Samofateniens  &  Tritheitcs 
de  noftrc  tcmps,commc  Michel  Seruct,  Valcntin  Gcn- 
til,&  leurs  difciplcs  en  Pologne,  en  Tranflyluanie  &  es 
cnuiron.s>  font  tous  péris  malheurcufcmentjau  regard 
de  leurs  âmes  premièrement,  &  la  plufpart  aufl'i  au  re- 
gard de  leurs  corps  :  Seruet  ayant  efté  bruflé  vifjfansia- 
mais  vouloir  reconoiftre  lefus  Chrift  pour  fils  éternel 
de  Dieu>Valcntin  dccapité,les  autres  morts  furieux,dc- 
fçfJ3erez,tuez  ou  de  leurs  propres  mains  ,  ou  exécute/, 
pariuflicc,  fans  abiuration  ni  detcftationdeleursim- 
pietez  deteftablcs,qu'il faut  enfeuelir  aucc  les  noms  de 
Jeurs  Auteurs. 

Enuiron  l'an  i^5o.certaingarnimcnt,qui  des  long  téps 
faifoit  eftat  dcfe  moquer  de  toute  religion  ,  &  des  pcr- 
fonnes  deuotes,  entra  dedans  vn  temple ,  où  lors  fe  fai- 
foit la  prédication  par  le  Pafteur  du  lieu.  Ce  mal-heu- 
reux faifant  tout  au  contraire  des  autres  là  prefensjcom- 
mcnce  à  grommeler,  &  par  diuerfcs  contenances  tcf- 
moigner  qu'il  cftoit  vn  profane:à  quoy  le  paileur,attcn- 
tif  à  fa  prédication  ,  ne  dit  mot,ains  foufpira  feulement 
à  Dieu, priant  qu'vn  tel  gaudiiïeur  fuft  reprimé  :  lequel 
voyant  que  le  prefchcur  ne  contcftoit  contre  lui  :  & 
meiprifbit  Tes  indignes  façons:fort  hors  du  templc.Mais 
toutàTinftant  vnc  tuile  du  toiâ:  lui  tombe  fur  la  tefte 
&le  tue  fur  laplace.Cela  auint  au  royaume  de  Danne- 
marccommcTatefte  N  Jiemmingidotie  TheologienjcnÇon 
expf>jitlon^Hr  le  l.ch np.de  f  F.  uaiigile  feloiï  S.  ï  ean. 

Chriftofie  Turc,  Confcillcr\i'eftatd'vn  grand feigneur 
Alcman,montant  vniour  à  cheual,&fe  mocquant  d'vn 
Prince  excellent ,  alors  prifonnier  entre  les  mains  de  {es 
ennemis  ,  commence  à  dire,  que  font  deuenus  ces  ga- 
iands,qui  chantoyent  tantlcsvns  aucc  les  autres,  e;»^;.^ 
jie  borchtiis  on  Je  Godt,ce(i  à  due  en  nollrc  vulgaire,t>^»/ 
fi  toft  (jne  C cti  nous  off^ncs  j  Dieu  7io»s  cjl  fecours  ç^  defence, 
Maisà  pemeauoit-il  :rcheué  de  parler  qu'vn  mal  fou- 
dain  le  fai/ît ,  tellement  que  contraint  de  mettre  pied 
à  terre,  on  le  porta  au  licft,  dedans  lequel «n  heu  de 
fhanter  il  ton^ba  ^  mourut  eu  defc/poi retirant  &  mon- 


^  memerxhles,  i  ^j 

ftrantla  langue  noire  comme  vn  chavb&n  ,  &  pendante 
hors  de  la  bouchclcneufiefme  lourde  luin  ,  Tan  1^47. 
Au  merme  temps  certains  autres  gaudifîeurs  s'apreftans 
à  vne  grande  feftc,  en  lieu  de  trembler  fous  la  puifTantc 
main  de  Dieu  qui  frappoit  rAlemagne,&  s'eftans  aflem- 
blez  en  troupe ,  furent  chaflez  à  coups  de  tonnerres  & 
fouldres  eftrangesqui  les  contraignirent  de  demeurer 
COIS,  M.Atartin  Lidms dofleT heologienyen  jonUitret  intitulèy 
Celebratiû  dextrx  E  xcelfi,  ^c» 

IMP  os rVR ES  & imfojleurs 
ejlranges, 

L'An  mil  cinq  cens  foixante,  comme  M.  Adrian  Tur- 
ncbus,  lors  profefTeur  en  Grec  à  Paris  ,  interpretoit 
xno.  comédie  d'Ariftophane  ,  intitulée  les  Guefpes ,  où 
il  eft  faid  mention  de  certain  Eurycles,infîgne  En- 
gaftrimythe ,  il  afferma  en  vne  de  Tes  leçons  publiques, 
ou  fe  trouuerent  mes  deux  fils ,  Théodore  lunfconiul- 
te,&  Henri  Dodcur  Médecin  :  qu'autresfois  il  auoit 
veu  dedans  Paris  vn  tel  impofteur  qu'Eurycles,  lequel 
s'appclloit  Piene  le  Brabançon.  Icchii ,  quand  bon  lui 
lembloit ,  parloir  du  ventre ,  tenant  la  bouche  ouuerte 
fans  remuer  les  leures  :  &par  telle  d'exterité  ,  ou  par 
l'impofture  du  diable,  il  affrontoit  bcaucoup^de  gens. 
Il  deuint  amoureux  d'vne  ieune  &  belle  Paniienne,  or- 
pheline de  père.  Ne  pou uant  induire  la  merc  au  maria- 
ge qu'il  pourchafToit  :  finalement,  comme  vniour  ils 
en  eftoyent  en  propos ,  il  commence  à  taire  fortir  vne 
voix  de  fon  corps  ,  comme  fi  lo  defund  mari  fc  fuft 
plainâ:  d'eftre  tort  tourmenté  en  purgatoire,  à  caufc 
de  ladeftiancedefa  vefwc,  qui  refufoit  de  bailler  leur 
fille  à  Brabançon ,  lequel  l'auoit  tant  de  foisdeman- 
dce,  &  qui  eiloit  C\  homme  de  bien.  La  femme  ef- 
frayée de  telles  complaintes  ,  ayant  compaflion  de  fon 
mari,  confentit  a  la  demande  de  cell  afîronteur  ,  le- 
quel aucc  la  fille  cerchoit  aufl'i  certaine  grande  fom- 
mc  de  deniers  à  cUc  laiITez  par  le  telkmcnt  de  fon 

K   4 


2^4  Hiftoires  Admirables 

perc  ,  comme  il  apariit  bien  toft  après.  Car  ûx 
mois  après  les  efpouraillcs,  &  qu'il  cuft  mangé  tout  le 
mariage  de  fa  femme  ,  il  lalaiffe  auecfa  bel}c  mère ,  & 
s'enfuit  à  Lyon.  Il  y  aprinc  qu'vn  riche  baiiquier  eftoic 
mort  quelque  temps  auparauanc,  lequel  auoit  elle  mal 
renommé  defon  viusnr,  à  caufc  de  Tes  viurcs  &  rapines. 
Sur  ce  il  va  rrouuer  le  fils  &  héritier  vnique  de  ce  ban-, 
quierjequel  fe  promenoir  en  vne  galeriepres  du  ceme- 
tiere,&  lui  fit  entendre  qu'il  eftoit  enuoyé  vers  lui,  pour 
lui  aprendre  quclc^oie  casimportant ,  dont  il  auoic  à  fai- 
re. Et  fur  ce  qu'il  l'admoneftoit  de  pcnier  plus  à  l'hôii' 
neur  &à  l'ame  de  feu  fon  père  qu'à  fa  mort,on  entendit 
foudain  vne  vaix  contrcfaifant  celle  du  percjaquelle  le 
Brabançon  faifoit  fortir  defon  ventre,  &  cependant  il 
iouoit  à  l'esbahi  auec  vne  dcxteritc  /înguliere.  Par 
cefte  voixle  fils  eftoit  admoncllë  de  l'cftat  auquel  le 
père  eftoit  réduit  p.ar  fa  merdianceté  ,  &  de  quelles 
peines  il  eftoit  tourmenté  au  feu  de  purgatoire  ,  tant 
pour  foy  que  pour  foa-fils  ,  qu'il  auoit  laifle  héritier 
de  tous  fes  biens  acquis  en  mauuaife  confcience  : 
déclarant  qu'il  ne  pouuoit  eftre  deliuré  ,  ft  fon  fils 
ne  fatiifaifoit  dcuèment  ,  diftribuant  des  aumofnes 
à  ceux  qui  pour  lors  pouuoyent  en  auoir  plus  grand 
faute  :  que  ceux  là  eftoycnr  les  Chreftiens  prifon- 
niers  des  Turcs  :  &  qu'il  s'en  fiaft  au  perfonnagequi 
parloit  à  lui  ,  lequel  eftoit  enuoyé  en  Conftantmo- 
ble  par  d'autres  gens  de  bien  :  &  que  Dieu  l'auoit  adref. 
fé  bien  à  poind  vers  ce  fils  pour  ce  mefme  tffeâ:.  Le  filj; 
qui  n'eftoit  pas  des  plus  auifez  du.  monde  ,  encor  qu'il 
ne  fe  doutaft  d'aucune  fraude  ,  toutesfois  ne  pou- 
vant bien  digérer  ce  mot  de  fournir  argent,  refpon- 
dit,  qu'il  y  pcnferoit,  &  aftîgne  le  Brabançon  au  lende- 
main en  ce  niefme  lieu.  Cependant  il  fut  en  mcrueil- 
leufc  angoiiTe ,  tenant  pour  fufpefte  la  place  où  la  \oiyi 
auoit  parlé,  pourcc  que  c'eftoit  vn  lieu  couuert  à 
l'ombre  ,  rcfonnant,  &.  propre  à  faire  quelque  four- 
be. Parquoy  le  lendemain  il  mcinele  Brabançon  en 
vn  autre  lieu  defcouucrt ,  plat,  &'  où  il  n'y  auoit  buiffoa 
tli  ombre  quelconque,  Neantmoius  deuifans  eafcmbie, 

le  fils 


drmemorahïes  16^ 

le  fils  ouyt  la  chanronfufmenrionnee,  aucc  addition, 
que  fans  aucun  délai  il  baillaft  fîx  mille  francs  au  Bra- 
bançon ,  &  que  tous  les  iours  il  fill:  chaiiter  trois  Méfies 
pour  le  falutde  Tainedefon  père  :  autrement  il  eftoit 
damné  pour  tout  iamai's.  Le  nls  ,  confciencieux ,  &  c- 
ftonnc,  fans  s'auiferde  plus  ferme  refolution  (les  biens 
mal  acquis  ayans  des  ailes)  mit  es  mains  de  l'importeur, 
aflcz  à  regret  toutesfois  ,  cefte  fomme  de  fîx  mille 
fiancs,  fans  en  prendre  recepifle,  ni  tcfmoin  des  cho- 
ies qui  fe  pafl'oycnt.  Le  père  ne  reuint  plus  importu- 
ner Ton  fils ,  ains  demeura  en  fon  lieu.  Quant  au  fih> 
après  auoir  did:  à  Dieu  au  Brabançon  (lequel  s'en  alla 
viftement  hors  de  Lyon  auec  fa  proye)  comme  il  fe 
monftraft  plus  ioyeux  que  de  couilume,dont  les  autres 
banquiers  eltoyent  esbahis;  après  en  auoir  entendu  l'oc- 
caîîon  ,ilsfe,mocquerentdelui,  pource  qu'auecfi  peu 
de  lugement  il  s*ci^oit  ainfî  laiflë  aftronter ,  &lui  def- 
couurirent  rimpofturercc  quile  picqua  tellemenr,que 
peu  de  lours  après  il  mourut ,  &  alla  vers  fon  père  pour 
Içauoir  la  vérité  de  ce  faid.  l.^'vier  au>  z.  Uure  de  pr^fii- 
gm  chdp.  14. 

L"an  mil  cinq  cens  douze  fur  veuë  en  la  ville  d'Augs- 
bourg  vne  fille  ,  aagee  d'enuiron  quarante  ans  ,  la- 
quelle affermoit  auoir  vefcu  plufieurs  mois-ians  boire 
ni  manger ,  ni  dormir.  Pour  vn  tcmp.v  elle  fit  croire  ce- 
la non  feulement  au  fimplcpeuple,mais  mefmes  à  l'em- 
pereur Maximihan  ,  &  à  plufîeurs  Princes  &  grands 
leigneurs,  qui  Tayans  fait  garder  &  veiller,  croyoyent 
qu'elle  eltoit  conduite  par  Tefprit  de  Dieu  ,  &  nourrie 
miraculeufement.  Mais  enfin  Çon  impoil-urc  futdef- 
couuerte,  tellement  qu'elle  s'enfuit  d'Augsbourgheu 
de  fa  naiflance  à  Fribourg  en  Suifîe  ,  où  cftant  defcou- 
ucrte  on  lui  fit  fon  procès  &  fut  noyec.  tycofthenes  enfin 
recttril  desprodi^es^page  Çl8. 

Enuiron  lan  mil  cinq  cens  quarante  fix ,  Marguerite 
fil'e  delcan  Vlmer  d'Eflii-igeen  la  Duché  deVirtébcrg, 
feignit  de  fentir  des  douleurs  extrêmes  au  ventre,  qui  là 
deUus  commence  à  s'enfici  de  telle  forte  qu'en  peu  de 
iours  il  parut  fi  gros  que  c'efloit  comme  va  tabourim 


i66  Hijloires  admirables 

Elle  fe  plaignoit  Je  ("cntir  en  fon  vcnrrc  diucrfcs  for- 
tch;  d'animaux  ,  qui  fe  nourrifloycnt  de  fon  Tang,  di- 
iànc  ne  pouuoii  manger  viande  quelconque  ,  finon  vu 
f  eu  de  conhtures ,  &  flairer  quelques  frui«fls.  Les  pcr- 
fonnes  qui  approchoycnt  de  Ibnlid  encendoyent  Ai- 
uerfes  vojx  en  fon  ventre  ,  &rembloic  qu'onyouyll 
chanter  Acs  coqs ,  des  poules  cloquer,  des  oycs  canctcr, 
des ch'ens  abayer,des  brebis  beeller,des  porccaux gron- 
f,ner,  d'auantage,  des  bœufs  mugir,  des  chenaux  hennir, 
&  d'autres  cris  de  beftes  furpallans  de  beaucoup  le  bruit 
cjueplufieurs  hommes  euflent  peu  faire.  Ellefe  plai- 
gnoitfortlà  dcffus  ,  difantquc  ces  animaux  la  deîchi- 
loyent  miferablement.  Pour  coulourcr  encore  mieux 
«efteinuention  ,  elle  tira  hors  de  fon  cofté  des  vers, le- 
5:aids&  autres  ferpens,  de  merueilleufe  longueur  iuf- 
ques  au  nombre  de  cent  cinquante  ou  enuiron.  Au  bruit 
de  chofe  C\  nouuelle,acoururent  gens  de  toutes  parts,de 
près  &  de  loin,pour  contempler  ce  prodige,  &  par  pitié 
fît  on  de  grandes  &  riches  amnofnes  au  pere&  à  la  me- 
iej>qui  gardoycnt  cefte  fille. On  demande  confeil  à  quel- 
<i;ues  médecins  &  chirurgiens.  Certains  gentils-hommes 
i^  médecins  de  l'Empereur  Charles  V.  &  de  Ferdinand 
Koy  des  Romains  y  vindrent&ne  defcouurirent  rien 
^e  celte  impoltuve.  Marguerite  ayant  iouefesicux  qua- 
tre ans  entiers,  comme  iljfemblaft  que  les  douleurs  a- 
creufl'ent,  le  Magiitrat  (  ou  par  pieté,  ou  foupçonnant 
cjuelquc  fraude)  appelle  le  pcrc  &la  mere,leur  deman- 
de s'ils  voudroyent  côfentir  que  par  aduis  des  médecins 
on  fiftincifion  au  ventre  de  leur  tîUe.  Le  père,  homme 
iîmple,&;  qui  ne  fçauoit  rien  de  cefte  impolture,côfent. 
Mais  la  mcre  complice  de  toutk*  mal ,  commence  a  s'y 
oppofei  formellement ,  menace  les  iuges  de  la  male- 
«iiction  de  Dieu  ,  en  ce  qu'ils  vouloycnt  que  fa  fille  fuft 
en  manifeftc  danger  de  mounr  entre  les  mains  des  chi- 
rurgiens :  infiftc  fort  fur  laage  &  fur  la  foiblelfc  de  ccfte 
panure  patiente,  a  laquelle  on  enuoya  gens  lui  remon- 
ikcr  qu'elle  auoitfouucntestois  de(îrc,qucles  médecins 
la  fouiagcafient,  qu'iceux  eftoyent  prcfts  ou  de  la  dcli- 
l)rcr  du  rout;OU  d'appliquer  quelques  ieuitjfs  à  fon  mal. 

Elle 


^memorMes.  ^^7 

Elleinftruiteparramcrerefpond  fa  rcfolution  eftredc 
fouftnr  patiemment  celle  douleur,  puis  qu'ainfi  plaifoit 
à  Dieu,&  que  l'ayant  fupportee  l'efpace  de  quatre  ans, 
elle  efperoir  forces  pour  acheuer  fans  fecours  d'homme 
viuant.Le  magiftrat  ayant  oui  la  refponce  du  père  com- 
mande à  vnDodeur  en  médecine,  a  trois  chirurgiens, 
&à  vnefage  femme, de  vifîter  foigneufementceftefil- 
le,&  venir iufques  à  la  feftion  d'icelle,  félon  qu'ils  co- 
noiftroyenteftrede  befoin.  Eux  entrèrent  en  la  cham- 
bre,leuerent  par  force  IcscouucKures  de  deflus  la  fille 
criant  à  pleine  tefte  ,  &  comme  ils  voulurent  mettre  la 
main  à  bon  efcient  à  cefte  cure  ,  defcouurirentla  four- 
bercefte  fille  ayant  vn  ventre  artificiellement  fait  &  ac- 
commodé fur  le  fien  naturel  aucc  des  engins  en  arcade, 
des  couflinets,&  autres  inuentions.  Le  tout  ayant  efté 
defcoufu  &  tiré  hors  par  la  fage  femme  on  vid cefte  fille 
à  nud,d'vn  corfage  bien  compofë  ^  &  beau  au  pofTible. 
La  tromperie  aueree,le  pere,la  mcre,la  fille,&  quelques 
côplices,  qui  de  nuidauoyêtfaitgrâd  chère  enlemble& 
dilfoluemcnt  gafpillé  tout  ce  que  les  allans&  venans  a- 
uoyent  libéralement  aufmofné  furent  ferrez  en  prifon, 
puis  appliquez  à  la  torture.  La  mère  tenue  &  ferrée  de 
près  confeffe  que  par  la  perfuafion  &  aHlftâce  du  malin 
cfpritjCÔtrefaifantles  diucrs  bruits  fufmêtionnez,elle  a- 
uoitparTefpace  de  4.ans  joué  cefte  tragedie.Parfentéce 
de  magiftrat  elle  futeftrâglec&  bruflee. Quanta  la  fille> 
ayant  eu  les  ioues  fleftrics  d'vn  fer  chaud,  elle  fut  con- 
damnée à  prifon  perpétuelle  entre  4.murailles.Le  Pcre 
conu  innocent  de  telles  impoftures ,  fut  relafché  auec 
quelques  vns  non  coulpablcs,les  autres  punis  félon  les 
circonftances  àcs  forfai<fts.  ^nce  mefme  traité. 

le  puis  bien  adioufter  à  Ihiftoirc  précédente  ce  qu'on 
recite  d'vne  fille  Angloife,  qui  eftimce  s'cftre  abftenue 
fortlongtêps  de  boire  &  demanger,futreueree  de  tous 
du  téps  de  nos  anccftres  &  appellee  la  fainde  vierge  de 
Câtorbery.  Faignât  vouloir  prendre  quelque  nourritu- 
re,clle  fe  mettoit  à  genoux  deuât  le  grâd  Autel ,  &  ou- 
urât  la  bouche  receuoit  d'éhaut  rhoftie,comme  vn  pain 
defcédârduuelpourfon  repas:  chafcun  la  regardant  de 


^^8  Hiftoires  admirabhs 

loin, &auec grand  eftonncirient  raui  en  li contempla- 
tion Jç  ce  miracle.  Ellcfc  glorihoit  delà  nourriture 
d'vn  tel  pain  celclle  ,  dont  s'cnfuiuoit  félon  Ton  dire  fa 
Trgucur  corporelle  &  Ton  en  bon  point,  fans  qu'autre 
viande  entrai!  en  Ton  corps:  ayant  au  relie  l'apparence 
de  fainâete  de  vie,  tellement  que  le  Koy,  les  Princes 
&:  Seigneurs  du  royaume,  &  autres  perfonnagcs d'auto- 
rité, venoyent  la  voir  comme  par  deuotion.  Cefte  tra- 
gédie dura  aflcz  longtcmp«;.En  fin,le  confeil  du  Roy  fc 
coûtant  de  quelque  impofturc,  enuoye  des  Commif- 
faircs  en  l'abbaye  ou  celle  fille  dcmeuroit  lors,^our  fai- 
re diligente  cnquefte  de  tour.  Ils  feignent  eftre  venus 
Il  pour  quelque  deuotion. Puis  ayansfoud-^in  referré  à 
parT,&  faitfoigneufcment  garder  cefte fillciliui  fut  im- 
poûlble  de  iufneriufquesà  trois  iours;&  comme  le  fexe 
fememn  eftimbccillc,eileconfefle  toute  Pimpofture.a- 
fçauoir  qu'on  lui  deualoitThoftic  par  vn  pertuisdela 
voure  du  tcmpie^attachee  à  dcîfort  déliiez  cheueux  de 
femme  qui  ne  pouuoycnt  eftre  difcernez  par  ceux  qui 
lîefegardoyent /inonde  loin.Qu'au  partir  delà  elle  aU 
loît  faire  grand  chère  auec  quelques  Abbez  qu'elle 
nommoit,quiauecelle  a  caufe  d'autres  mefchancetez 
furent  mis  à  mcf  t.,^»  mej'mc  traie fé. 

Vne  Vénitienne  prétendant  mettre  tant  plus  en  crc- 
Cît  certain  ordre  iurnomme  de  perfection  ,  nouuellc- 
mcntinuenté,fe  fit  accommoder  deux  liurcs  de  mefme 
grandeuril'vn  dcCqucis  eftoit  la  Bible  ;  l'autre  vn  coffret 
garni  de  fermoirs,  où  elle  cachoit  des  bouteilles  quar- 
rees  pleines  de  maluoifie,  &  des  marfepains  fort  deli- 
^'cux.  Auec  ces  deuxliures  ,  ellcs'enfermoit  en  vne 
chanibretre,où  elle  demcuroit  clofe  en  contemplation, 
fsjis  fortir  durant  cinq  ou  C\x  iours ,  fueillctant ,  ores  vn 
îinre,ores  Tauticle  bruit  courant  qu'en  ceft  cxtafe  elle 
ne  prenoit  aucune  noinnttfre:.  Ayant  pippé  pourquel- 
^]ue  temps  la  ville  de  Vcnile,en  fin  l'on  dcfcouuritfoa 
inipofrurcuf  lui  trouua-o«  outre  ce  coftVet  force  lettres 
•1  amour ,  tellement  que  par  fcntcncc  de  la  Seigneurie 
clic  Ai t  reicc  uce.  L a  m-^fme. 

Au  Maïquilât  Je  SenctenEfpagnefu;  defcouuerte 

Taa 


C^  mémorables  >  z6^ 

Tan  mil  cinq  cens  foixante  cinq  vne  ieune  fille  aagec 
d'enuiron  feize  ans ,  de  laquelle  on  faifoit  acroire  que 
par  la  vertu  du  faind  Efpric  elle  auoitdefîa  vcfcuraas 
manger,  ni  boirC;  ni  ietcer  excrcmens  de  fon  corps,  lef- 
pacede  deux  ans.  Deux  fils  du  Duc  de  Médina  cctU 
voulans  voir  que  c'eftoit ,  entrèrent  en  fa  chambre  >  Sc 
leuans  la  couuerture  du  lid  ou  elle  eftoit  couchcc>trou- 
lièrent  les  linceuls  tout-mouillcz  de  iVrine  d'icelle.  La 
fourbe  couue,  elle  fut  liuree  auxinquifîteurs]pourlui 
former  procès.  La  rnefme. 

On  a  furprinsen  telles  impoftures  certaines  filles  es 
pays  bas,comme  à  Vianc  près  de  Maeilncht,  a  Gorconi 
en  HoIlande,à  la  CapcUe  es  enuironsdu  Liège.  Otïk 
mcrueille  de  Tentendement  humain,  qui  fe  lertdela 
vanité  de  Ton  fens,  pour  acquérir  bruit  de  fainâ-etéSc 
de  perfcdion.  Les  gens  de  bien  ne  veulent  pas  feule- 
nicntfemblerreftrc,  mais  s'efforcent  de  Teftre  déplus 
en  plus,&  deuant  Dieu. 

Ces  impoftures  de  ieufneurs  me  ramentoiuent  vne 
hiftoire  marquée  au  z.  hure  des  faits  &  àits  mémora- 
bles d'Alphonfe  Roy  d'Aragon  &  de  Naples ,  grand  on-^ 
cle  de  leanne  mère  de  TEippereur  Charles  V.  L'auteur 
raconte  qu'on  vint  direnouuelle  vniourau  Koy,  delà 
morthidcufe  de  certain  moine  Auguftin  nommé  An- 
toine, lequel  peu  auantfa  mort  voinic  plufieurs horri- 
bles outrages  &  blafphemes  contre  lefusChrift  &rheu- 
reufe  Vierge  fa  mère.  Ce  moine  eftoit  tenu  par  toute 
ritalie,  la  Sicile  &  rEfpagne,  pour  vn  laincl  homme, 
quiauoitieufné  quarante  lours  &  quarante  nuids  fans 
boire  ni  manger,  s'enfermant  alors  qu'il  faifoit  tels  ip.i- 
xles  dedans  vnechambrette,  où  n'y  auoit  viande  ni 
v  rcuuage  quelconque,  &  ou  il  eftoit  gardé  par  gens  qui 
le  vcilloycnt.  Lebruit  eftoitquelcs  Anges  le  feruoyenc 
&  dcuifoyent  auec  lui.  Mais  il  faifoit  porter  dedans  U 
chambrctte  force  grofles  chandelles  ,  la  plufpartdcf- 
quellescftoycnt  couucrtes  legereriient  d'vn  peu  de  ci- 
re, crcufcs  au  refte  ,  &  remplies  de  tuyaux  pleins  de 
marlepains  &  de  fauciftons  faits  de  chairs  de  cha')ons  & 
dcpiiaifaiis,  faupoudrez  de  fucie  ,  de  cançlle  &  autres 


170  Hijloires  admirables 

t)onnes  efpîces.  Il  portoic  vne  large  ceinture  Creufe  ,  St 
garnie  d'vne  longue  bourafic  plcmc  d'hypocras.  Ces 
friandifcs  ,  dont  il  u'auoit  faute,  feruoyent  à  maintenir 
fon  ieufnc ,  fc  comportant  fi  dextrcmcnt  en  Ton  impo- 
fture,quc  le  peuple  tenoit  que  ce  moine  menoit  vne  vie 
Angelique.Lors  que  le  Roy  Alphôfcreceutlcsnouuel- 
le9,que  finalemét  la  fourbe  cfloit  dcfcouuerte,  &  que  la 
vermine  auoit  mange  tout  vif  ceft  impofteur,  il  dit  que 
Dieu  traittoit  ainfi  luftement  les  hypocrites ,  quife 
couurent  du  prétexte  de  fon  faincT:  nom  pour  trom- 
per les  hommes.  Que  bien  fouuent  en  leur  vie,  & 
deuant  les  yeux  de  tout  le  monde  ,  ils  cftoyent  def- 
couuerts  &  chaftiez  extraordinairement  ,  afin  que 
ceux  qui  contemploycnt  tels  fupplices ,  aprinlTent  d'a- 
uoir  toute  hypocriiîe  en  abomination,  t^nt.  de  Païenne 
ai4  2.  Hure  des  dtcli  ^  faiBs  mémorables  d'^lfonfe  ,  chapi- 
tre i). 

L'an  mil  cinq  cens  fcptante  trois  futdefcouuerte  en 
la  Comté  delà  Mark  ,  fous  la  domination  du  Duc  de 
Cleues ,  vne  infigne  impofturc.  Barbe  fille  de  feu  Hcr- 
man  Kremers  &  d'Anne  fa  vcîut  mariée  en  troiliefmes 
nopces  à  Eurad  Leidecher ,  aagce  d'enuiron  dix  ans ,  & 
fubornec  par  fa  mère,  contrefit  fi  dextremcnt  Tabfti- 
nence  au  boire  &au  manger  par  refpace  de  pluficurs 
mois, que  grands  &  petits  y  furent  amnez  :  tellement 
que  quiconque  reuoquoit  en  doute  ce  miracle  cftoic 
eftime  prefq-ucs  autant  qu'hérétique.  M.  Ican  VVier, 
médecin  ordinaire  du  Duc  de  Cleues,  homme  dofte 
entre  ceux  de  faprofefllon  ,  prudent  &  autant  adroit 
qu'autre  de  noftrc  temps  à  delcouurir  les  impoftures, 
ayant  parla  permifi'ion  du  Duc  de  Cleues  vifite  celle 
fîlle,&  conuparlacoiifiderationde  toute  lataille,du 
vifagCjdes  paroles,  de  la  contenance  de  celle  fille  (qui 
le  fourtenoit  fur  des  potences,  &  feignoit  nepouuoir 
marcher  au-tre met)  qu'impofllble  elloit  que  le  portant 
fi  bien  corne  elle  faifoitjvermeille,  fraifche  &  alaigrcfa 
maladie  fuft  telle  que  fa  mère  &  elles  difoyent:  après  a- 
uoir  obtenu  du  Duc  permiflion  de  rctciur  chez  foi  pour 

(juel^ 


cf*  fnetnarahles*  zyx 

«quelques  fcmalnes  ccfte  fille  auec  vne  fîcnne  fœur  pi  ^J» 
aagee,  il  defcouurit  finalement,  à  l'aide  de  fes  domcft  i- 
(|UGs,que  tout  ce  miracle  n'eftoitqu'impofture,  dont  a- 
uoycnt  efté  trompez  les  principaux  de  tout  le  pays  & 
le  peuple  :  tellement  que  les  efcrits  qui  en  auoyent  efté 
imprimez  &  publiez  en  Latin  &  en  Alcman  furcntfup- 
primez,  &  la  fille  auec  fa  mercfupportees&  renuoyees 
fans  bruit  chez  eux.  A  Toccafion  de  cefte  impofture  ain- 
li  defcouuerte,  ledodeur  VVier  monftrepar  preuues 
infaillibles,  tirées  de  la  médecine ,  que  les  perfounes  qui 
font  en  bon  point,  comme  eilioit  celle  là  ,  ne  peuuenc 
fubfîfter  longuement  fans  boire  &  manger  :  &  requière 
qu'on  examine  diligemment  toutes  circonftances:  fur 
tout  au  regard  de  la  face,  de  la  conftitution  de  tout  le 
corps ,  &  des  diucrs  excremens.  Si  la  face  cft  viue ,  Iç 
corps  fuccalent,  s'ily  a  excremens, es  yeux ,  narines ,  pu- 
ftules,  gales ,  vrines,  &  repos  :  il  y  a  occafion  de  prendre 
garde  à  foy  pour  n'eftre  deceu.  Ce  qui  eft  trcs-rcquis, 
pourdifcerner  le  menfonge  d'aucc  la  vérité.  .^utrMté 
de  ieimiin  commentitips. 

En  la  ville  d'Artigues,  diocefe  de  Ricux ,  rcfTort  du 
parlement  de  Thouloufe  ,  auintqu'vn  Martin  Guerre, 
ayant  elté  marié  Icfpace  de  dix  ou  onze  ans  auec  Ber- 
trande  Rofli ,  depuis ,  par  vn  ie  ne  fçay  quel  mefcon^ 
tentemcnt  qu'il  eut  de  fonpcre,  abandonna  fa  maifbn, 
fe  retirant  au  feruice  de  l'Empereur  Charles  cinquief- 
me,  &  depuis  du  Roy  Philippe  fon  fils ,  ou  il  futl'efpa- 
cededeuze  ans  ,  iufques  a  ce  qu*à  la  prife  de  la  ville 
de  Saind  Quentin  il  perdit  vne  iambe.  Or  y  ayant 
enuiron  hui<ft  ans  que  fa  femme  n  auoit  eu  ni  vent  ni 
voixdelui,  vn  nommé  Arnaut  Tillier  ,  (aucunsl'ap- 
pellent  ArnautduTil)  natif  du  Comté  de  Foix,  que 
<]uelques  vns  eftimoyent  auoir  efté  nourri  en  la  Ma- 
gie, print  argument  de  iouèr  le  perfonnagc  de  Martin 
Guerre,  aidé  en  ceci  tant  delà  longue  abfencedelui, 
comme  aufti  que  les  traits  &  Hneamens  de  fon  vifagc  fc 
rapportoyent aucunement  à  ceux  de  Tautre.S'eftantpre- 
fente  àla  femme  ,  du  commencement  elle  ne  le  vou- 
loïc  reconoiftre  :  mais  outre  Içs  conformit«2  du  corps,  U 


2.7  i  Hïjhires  admirables 

luidifcourutdespnuautc/  quis'eftoyeiit  paflTees  enfro 
eux  deux  ,  mefmcs  la  première  nuift  de  leurs  nopces, 
voire  iufqucs  aux  harJts  qu'il  auoit  laiflces  dans  vi> 
coffre,  lors  delon  partcment.  Chofcs  qui  ne  pouuoycnt 
eftrefceuès  qucpar  le  vray  mari  :  tellement  qu'eu  fin 
non  feulement  elle  ,  mais  lapiufpart  defcs  proches  pa- 
ïens &  ami"),  le  recognurcnt  pour  Martin  Guerre  :oc  en 
celle  opinion  s'efcoulerent  quatre  ans  entiers  lansau- 
cune  contradiction.  Au  bout  deiciuelsvn  foldatpalfani 
parla  dit,  que  Martin  Guerre  auoit  perdu  vne  ïambe. 
Peu  auparauant  celte  femme  elloit  entrée  en  quelque 
desfîanccde  Ton  mari  putatif  :  au  moyen  dequoy  elle 
prinîtaflcfous  mainpardeuanrdcûx  Notaires  delà  dc^ 
datation  du  foldat.  Ceftc  dcpofîtion  ,  pour  bien  dire, 
elloit  efuolcc:  premier  mal-heur  to'jtesfois  de  ccmife- 
rablc  Tillicr.  Car  comme  il  cil  malaifé  à  vn  menteur  de 
nevaricr,  auffi  recueillit  la  femme  pluficurs  propos  de 
lui,  qui  la  firent  esbranflcr  contre  lui:  &  de  fait  folli citée 
par  Pierre  Guerre,  oncle  de  Martin,  non  feulement  l'a- 
bandonne, maislepourfuit  extraordinaircment  par  de* 
uantle  Senefchal  de  Kieux  ,  où  il  fut  condamné  a  mort 
par  fentcnce,  de  laquelle  il appella  au  Parlement  de 
Thouloufc  ,  lequel  fe  trouua  mnnimentpcrplex  fur  U 
nouueaute  de  ce  fait.  Card'vncoilé  TiUicr  dcfcouuroir 
de  point  en  point  toutes  les  particularité/,  qui  s'eiluycni: 
paflecs entre  lui  &  Eertranùedcuant  fa  dcsbauche  ,  ks 
difcours  qu'ils  auoyent  eus  enicmblement  le  premier 
foir  de  leurs  nopces,nommoit  ceux  qui  leur  auoyent  ap- 
porté lelendcmain  matin  le  chaudeau  :  qu'on  leur  a- 
uoitnoiK:  l'aiguillette  l'cfpacc  de  huiet  ans  entic s,  la- 
quelle lear  fut  depuis  defnouee  par  le  moyen  d'vne 
vieille,  racontant  par  le  menu  le  temps,  le  lieu  ,  les  pei- 
fonnes qui  auoyent.  elle  employées.!  ceil  afaire.  Que 
depuis  ellans  allez  aux  nopccs  d'vn  de  leurs parens,  aux 
champs,  pour  autant  que  Iclieueftoit  trop  ellroit  pour 
les  coucher ,  &  qu'il  faloit  que  fa  femme  couchaft  aucc 
vne  autre:  il  fut  enti'euxaduife  que,  lors  que  les  autres 
feroyent  endormis,  iliroit  fc  coucher  àuec  fa  femme: 
ûu'iUauoyen:  eu  vu  enfant^  uomniant  le  nom  du  Pre- 


^  mémorables.  2,75 

lire  qui  le  baptifa,  &  des  parrains  qui  l'auoyent  tenu 
fur  les  fonts  :  le  tout  d'vne  telle  franchife  &  afleurance> 
quclafemmcyperdoit  pied  :  adiouitant  les  motifs  de 
fon  partement ,  les  fatigues  qu'il  auoit  eues  tant  en  Ef- 
pagne  qu'en  France.  Toutes  lefquellçs  particularité?:  fe 
trouuerent  depuis  eftre  vrayes  ^  par  le  raport  de  Martin 
Guerre. 

Ce  qui  rend  ceftehiftoire  plus  efmcrueillable ,  c"c{i 
que  ce  fuppoie  mari  n'auoit  iamais  familiarifë  aucc 
l'autre. Les  prefomptions  qui  combatoyent  encore  pour 
lui  eftoyentvne  dent  eemellc;  vn  ongle  enfoncé  en  la. 
main  dextre ,  certains  pourrcanx,  &  en  l'œil  vne  tache 
rouge ,  tout  ainfi  comme  Mavtjn  Guerre  :  mefmes  qu'il 
reflembloit  aucunement  a  fes lœurs ,  lefqueiles  s'cifoy- 
ent  tellement  aheurtecs  à  vne  fotte  opinion  ,  qu'elles 
Tauouoyent  pour  leur  frere.D'vn  autre  coftéfaifoit  con- 
tre lui  la  depofirion  du  foldat,  vne  infinité  de  tcfmoins 
produits  parla  femelle;  entre lefqueis  vn  hoflelicr  d'vne 
ville  prochaine  depofoit,  que  le  conoiffant,  &  l'ayant 
veu  palfer,  puis  appelle  Arnault  par  ion  nom ,  il  le  pria 
en l'aureille  de  ne  le  nommer  ainfî,  mais  bien  Martin 
Guerre.  Outre  cela  fe  troiiua  autre preuue  d'vn  fien  on- 
de, lequel  le  voyant  en  voye  de  perdition ,  vint  tout  ef- 
ploré  de«erslui,pourraéHionneiler  de  fa  faute  ,  &  qu'il 
fte  vouiuftachcuer  de  fe  perdre.    Ce  neantmoins  ces 

reuues  n'eftoyeiit  fî  pregnantes ,  qu'elles  annuiiaffcnc 
es  autres  :  car  à  toutes  les  obietftions  qu'on  lui  faifoit,  i\ 
tefpondoit  conftamment,  rej errant  tout  l'artifice  de  ce 
qu'on  le  tourmcntoit  contre  Pierre  Guerre  fou  on- 
de, lequel  il  auoit  quclqiJ-c  temps  auparauaat  mena- 
cé de  lui  faire  rendre  compte  de  la  tutelle ,  &  curatelle 
qu'il  awoit  autrefois  eùë  de  lui.  tt  pour  donner  fueille  à 
fon  dire, il  requit  que  fa  femme  fuit  a(lcrmentec,fcauoir 
fi  clic  ne  vouloir  le  rccognoiftre  pour  fon  vrai  mari  -.'de- 
clarant  qu'il  remcttoit  fa  vie  eu  fa  mort  au  fermenr 
qu'elle  teroit.Ce  qui  l'eftonnatellejnent  qu'elle  ne  vou- 
lutl'acceptcr.  Circonftances  <]ui.eiincurent  tellement 
ies  luges  eo  la  faueur  4c  i'accui'é ,  qu'ils  firent  mettrer 

S 


l 


174  Hijloires  admirMes 

en  prifonsTeparecs  Toncle  &:  la  nicpccafin  qu'ils  n'euH. 
fcnt  à  prendre  langue  Tvn  de  l'autre.  Lftimans  que  ce- 
fie  femme  audit  elle  fubornee  à  faire  ccftc  accufation 
par  les  menées  de  l'oncle ,  qui  eftoit  en  danger  de  fa 
perfonne. 

Or  commclcsiugcseftoyent  en  ccft  eftrif ,  ilauint 
que  le  vray  Martin  Guerre  retourne  en  fa  maifon  ,  où  il 
fut  des  la  première  falutation  reconudetous  fesparens 
écvoilinsy  &:de5  Tinftantauerti  de  Tafront  que  l'autre 
lui  auoit  fait,  il  s'achemine  droit  à  Tholoufe ,  ou  il  pre- 
fcntereqacfte,  pour  eftrereceu  partie.  Des  lors  les  lu- 
ccs  ferrouucnt  plus  eftonnez  qu'auparauant  ;  parce 
qu'Arnaut  auec  honte  effacée  fouftenoit  que  ceitui  c- 
ftoit  vn  affiontcur,atil:ré  par  Tes  parties aduerfcs.  C'e- 
floit  proprement  la  rencontre  de  Mercure  &  de  Sofias, 
dedans  l'Amphitruon  de  Plaute.En  ceil:  eftrif,les  luges, 
pour  s'afleurer,  firent  atteindre  de  prifon  l'oncle,  tout 
pafle  &  desfait ,  &  mirent  Martin  Guerre  au  mihcu  de 
quelques  autresjhabillez  de  mefme parure  que  lui^pour 
voir  s'il  le  reconoiftroit  :  mais  foudain  il  vint  le  choi/îr' 
auec  vne  infinité  de  carefres&  accolades.  Lefemblable 
fit  puis  après  Bertrande,  lui  requérant  pardon  du  tort 
qu'elle  lui  auoit  faitinfciemment.    Toutesfoisle  mari  ' 
ne  prenant  ces  paroles  en  payement,  d'vn  mauuaisocii 
commença  delà  blafmcr.  Comment  ell-il  po/Tiblc,  lui 
dit-il,  que  tu  ayes  predc  confcntement  àceft  abus  ?  car 
&  en  mon  oncle,  &  en  mesfoeurs,  il  y  peut  auoir  quel- 
que excufe.    Mais  nulle  en  l'attouchement  del'hom- 
ine  à  la  femme.    Et  en  celte  aigreur  perfeucra  longue- 
ment, quelques  remontrances  qu'on  lui  fill.  Ce  qui 
£echit  les  cœurs  des  luges,  &  leur  donna  aucunement 
à  penfcr  que  celle  violente  douleur  elloit  vne  tres- 
poisnante  prefomption  pour  le  recognoiftre  vrai  ma- 
ri. ^Toutesfois  ce  qui   les  tint  aucunement  en  fuf- 
rend,  fut  que  les   Commiflaires  de  la  Cour  interro- 
ruans  Martin  Guerre,  s'il  auoit  iamais  eu  le  Sacre- 
xiient  de  Confirmation,  refpondit  qu'ouy,  en  la  vil- 
le de  Pamiers  ,  &  cotta  le  temps  ,  l'Euefque  ,   Tes 
parrains  &  jnauaiacs.    A  qtioy  Arnaut;  feparémcnr 

fittOlKC 


I 


idrmcfkorâbles,  17^ 

Çt  toute  pareille  rcfponre.  Cenonobftant,  en  fîn,parar-. 
left  du  mois  de  Septembre  15^0.  il  fut  déclaré  atteint  & 
conuaincu  du  fait  dont  il  eftoit  acculé.,  &  en  ce  fajfanc 
condamné  a  faire  amende  honorable  en  themilè,la  tor- 
che au  poing,  en  plein  parlement,&  en  après  dcuantla 
porte  de  la  principale  Hglife  d'Artigues,puis  à  eftrc  pen- 
du &  eftranglé,fon  corps  brujflé  &  conucrti  en  cendres, 
luçement  qui  fut  prononcé  aux  grands  arrelh  de  Thou- 
loufe  en  la  mi-Septembre  ,  &  depuis  exécuté  :  ayant  ce 
mal-heureux  homme  parauantque  mourir  rcconu  toute 
la  vérité  de  Thiftoirc  ,  dcfcrite  depuis  &  pubHce  par  M. 
lean  Corras,grand  lurifconfulte  ,  rapporteur  de  procès, 
aucc  certains  Commentaires,  E.PaJ,juter  au^.Utt.des  Re- 
cerches  de  laFrance,ch.Ic). 

Souslercgne  du  Roi  Charles  IX.  vn  certain  Touran- 
geau,de  légère  tailie/e  retira  dedans  Geneue  ,Cq  faifanc- 
nommer  lean  Allard,peu  conu ,  pource  qu'il  viuoit  du 
mcfticrde  Jardinier.  Ayant  beaucoup  enduré  ,  pour  le 
peu  de  profit  &  grand  trauaii  de  telle  vacation,  il  s'en  aU 
la  au  bout  de  quelque  temps  en  Aleraagjie,  finalemenc 
en  Suéde ,  où  il  fit  tant  qu'il  paruint  à  élire  iardinier  du 
Roi.  Par  fes  artifices  il  s'auancapeua  peu,  iufqueslà 
quedextrementil  obtint  charité  d'agent  pour  le  Roy- 
vers  la  feigne uric  de  Venife,ou  ellant  il  fait  vn  voyaçe  à 
Miliin,vi{îte  le  Duc  de  Selfe,lequel  y  commandoit  p'our 
le  Roy  d'Efpagne,  &  iouë  C\  dexireincnt  fon  perfonna- 
ge,que  le  Duclui  prcfta  enuiron  huUt  mille  efcus.Non 
content  de  celle  bourfe  ^iicU'aye  d'en  faire  vne  autre, 
retourne  à  Venife,  pî;opofe  aux  Seigneurs  certaine  ven- 
te de  vailleaux  &  d'art!llerie,&  fonne  de  fi  douce  chale- 
mie  ,  qu'il  tire  d'eux  pur  forme  d'emprunt  iufques  à  14. 
mille  efcus. 

Il  dcfioge  pour  fe  retirer  en  Suéde. Etpaflant  par  Mi- 
lan retourne  fane  la  reuerence  au  Duc  ,  &  lui  rend  feç 
Sooo.efcus.I-ftant  à  table  au  logis ,  &  la  rclk  vn  peu  ef- 
chaufce;il  parle  d-u  Pape  6c  de  les  cérémonies  fi  rudeméc 
qu'on  Tarrefte  prilbnnier,&  de  Milan  ilelf  côduità  Na- 
pies. Le  Pape  Grégoire  Xlll.  ayâtentcdu  qu'vn  prifon- 
■icr,fc  qualifiât  ai»bûlladeur  du  ^oïdc  Suéde  eitgit  €« 


%j6  Hijloires  admirables 

mains  de  riiiqUilkion  commande  qu'on  l'amcinc  dç 
Maplesà  Romc:ou  elUt  il  veut  le  voir  &ouyr,dôt  naift 
€n  fan  fi  grande  priuauté  encr'eux,  que  le  Pape  lui  pro- 
met d  femme  certaine  fiennc  parente  ou  fauorite.  Puis 
SI  lui  donne  garde  librejogis  commode ,  &  permiflion 
de  vifiter  fa  promiiejlaquelle  aufll  FaUoityoïr:  priuauté 
xjui  s'embraza  telleiÀent,quele  ventre  commença  à  en- 
fler à  refpoufepretcndue.Ce  qui  fut  couucrtd  vn  brujc 
d'indirpofition;qui  requeroit  que  la  Signorc  changeait 
«l'air. 

Allard  preuoyant  que  bien  toft  on  luiiouèroit  \n 
mauuais  tour  à  caufe  de  ceft  atfront/ait  tant  qu'il  prati- 
que vn  Angloisferuitcur  de  certain  Cardinal  François, 
fciournantpouriorsà  Kome:  &  par  le  moyen  d'icelui 
fut  mené  fur  le  Tybre,&  fe  fauua  dextrement,  puis  fans 
arreftergaigna  la  Prouence  ,  ou  eilantarriue  au  porc 
d'Antibe,il  fe  fit  conduire  chez  le  Baron  d'Alemagnc,& 
y  demeura  quelque  temps  auec  fon  Anglois.  Le  Baron 
s'en  défait,  &lcs  enuoye  auec  deux  ou  trois  autres  fer- 
uiceursdcleur  fuite  vers  le  feigneur  des  Diguieres  en 
Dauphiné.  Icelui  dcfiranr  faire  fcruice  au  Koy  de  Na- 
uarre  ,  comme  aufli  pour  fcdefcharger  de  ladefpenfe 
d'Allard&  des  iiens ,  donne  auisau  Koy,  qu'outre  celle 
qualité  d'ambafiadeur  ,  Allard  mamtenoit  auoir  les 
moyens  alfeurez  défaire  toucher  plus  decinqmilhous 
d'or. 

Allard  s'cftant  rendu  près  du  Koi  de  Nauarre,  &lui 
ayant  prefcnté  les  lettres  du  feigneur  des  Diguicres,  & 
conferme  de  bouche  le  contenu  ,  on  fit  pour  vn  temps 
aflcz  d'cllatde  ce  prometteur.  Le  bruit  de  fes  dilcours 
paruint  toft  après  aux  aureilles  de  laKoinemere  ,  qui 
en  eut  moufche  en  tefte,pour  quelque  temps.  Le  Koi 
de  Nauarre  eftant  venu  en  la  Rochelle  en  cesentrcfai- 
tes,&:  Allard  en  fa  fuite,quelqucs  nainres  de  Suéde  vm- 
drent  furgir  au  port  de  la  Rochellc,dontles  Capitaines? 
Marchans, Patrons  &  MaiftreS;,  a)^ns  eu  nouuelles  d-Al- 
Iard,auquel  ils  parlerent,firent  entendre  à  quelques  vns 
de  leur  conoilTance ,  que  ceft  Allard  eftoit  vn  affron- 
|cur,4ui  auoi;  feduuJrC  Roi  4€  Suéde  >  &  aiiec  vn  fîe«^. 


cf  mémorables.  zyy 

compagnon  natif  de  Gafcongne  eftoit  caiife  de  la  diui- 
(îon  liiruenue  entre  le  Roy  de  Suéde  &  Ton  frerc.xe  <^u{ 
auoit  mis  le  Royaume  en  combuftion. 

L*impofteur  fe  Tentant  defcouuert  fe  retire  prompte- 
ment  auec  les  fîens  vers  le  feu  Roi  Henri  III,  &  vers  la 
Roine  mère ,  aufquels  il  fit  entendre  bien  au  long  les 
moyens  qu'il  auoit  de  les  feruir ,  leur  faifant  recouurer 
ces  cinq  millions  d'or  fufmentionnez,  &  encore  d'à- 
uantagc. Qu'ayant  efté  fort  prefle  parle  Roi  de  Nauar- 
re  V  de  lui  déclarer  les  lieux  &  places  où  efloyent  tels 
grands  threfors ,  &  les  moyens  de  mettre  la  main  deifus, 
pour  n'eftre  contïaint  i  ce  faire  ,  s'eftoit  retiré  comme 
en  la  cachette  delà  Cour  &  fuite  du  Roi  de  France. 

Le  Roi  &  fa  mère  ioycux  de  telles  nouuelles,  firent 
bien  traiter  Allard ,  la  venue  duquel  publiée  en  Cour, 
il  s'acofta  des  vns  &  des  autres  ,  entre  tous  du  fieur  de 
Cleruan,  auquel  il  fit  entendre  qu'il  auoit  à  Rome  des 
papiers  de  grande  importance,  lefquels  ilnepourroit 
ailement  retirer  que  par  le  moyen  des  Suifrcs,afin  qu'ils 
en  efcriuifîent  au  Pape,  lequel  en  leur faueur  les  feroir 
reftituer.  Qu'en  cas  de  retraitte  d'iceux  papiers  il  feroit 
prcfent  de  foixante  mille  Tallers  que  la  ville  de  Nu- 
remberg lui  deuoit  de  principal  auec  les  intcrefts  de 
<lou7.eans,  a  raifon  de  cinq  pour  cent  par  an  ,  telle- 
ment que  tout  enfemble  montoit  à  la  fommede  no* 
nante  mille  Tallers.  Cleruan  5'achemine  en  ces  entre- 
faites vers  fa  Baronnie  de  Coppet ,  ou  ayant  pourueu  à 
quelques  affaires  particuliers,  il  fc  rend  à  Berne ,  à  deux 
iournees  &  demie  de  là:fait  entendre  le  tout  à  plufieurs 
Seigneurs  de  ce  Canton ,  les  priant  de  vouloir  prendre 
la  charge d'efcrire  au  Pape  pour  r'auoir  ces  papiers,  8c 
tirer  ce  profit  en  Icwrs  cofres.  Eux  refpondent  qu'il  y  a- 
uoit  danger  qu'Allard  ne  fuft  quelque  aflronteur. 
Qu'ayant  accès  vers  la  Roine  mère  bien  voulue  du  Pa- 
pedequci  ne  les  aimoit  point ,  il  n'e^oit  befoin  y  em- 
ployer autre  qu'elle.  Ou  que  fi  Allard  dcmandoit  autre 
adrcflc ,  qu'il  allaft  vers  les  cinq  petits  Cantons  leurs 
pliiez. 

îiur  ce ,  Cleryan  reçoprne  à  Coppet  proche  de  GenCr 

s  j 


Xyi  Tïtfiûires  admirables 

■ue,oii  il  parle  de  ce  fait  à  vn  marchant  notabîe,nommé 
îean  Ternault,  &  le  prie  d'en  cômuniquer  auec  le  Cai- 
ionnel  Pfifterdc  Luccrne.l'Ammâ  Luci  d'Vndervvaldi  • 
«8rau:rcs  Seigneurs  des  5.Cantôs,cilans  lors  en  ce  quar- 
tier U.Cc  qui  fut  exécuté,  &:  eux  y  prefterét  L'orcille,rc- 
feruans  la  conclufion  apresauoir  communiqué  de  bou- 
che auec  AUard  &  Cleruâ,  Icfquelsauertis  que  ces  Sei- 
gneurs Suifiescntroyenten  France  (  on  ils  Ce  rendirent 
es  mois  de'Nouembre  &  Décembre  1581.  )  allerentlcs 
trouucrâ  Paris, où  ayant  fait  quelque  cntreueuë,  futre^ 
folu  qu'ils  s'affcmbleroyent  à  S. laques  de  THolpitali 
pout  conclurre  ccli  afaire.  Tout  fut  avreftc,  a  conditiort 
<rju'Allardbciilleroit  en  main  lespromeffés  des  Seigneurs 
de  Nurcbérg ,  touchant  le  principalSc  intcreft  fufmcn- 
tiormé,n1ontant  à  lafoiriméde  rionante  fix  nulle  Tal- 
ler^,de  laquelle  Icfdits  Seigneurs  des  5. Cantons  auroyét 
les  trois  quints  montans  57^co.Cleruan  &  Ternault  le 
refte  par  moitiéjoui  cftoità  chacun i5?ioo.Tallers.D'a- 
bondantjAllard  deuoit  fourniv  de  contant  fix  mille  cinq 
cciis  effu*:  ]>oiir  faii-c  le  voyage  de  Rome  ^  &  Naplcs,  à 
cjuoy  Ternault  deuoiteftre  employé,  ' 
•  £n  ces  accords  31  reiolutions  ',  Pfifter  homme  d'enten- 
dement fe  fermti  en  fa  première  opinion  ,  qu'Allard  c- 
ftoit  vn  infigne  iirpofteur.  Neahrmbins  il  efcrimoit  /î 
foupîcment  delà  lahguc,ayant  le  Fr:"ncois,rAlemâ,lT- 
talié  en  main, qu'en  vne  nouucllc  aflcmblee  auec  iceux 
Seigneurs  il  leur  propofa  de  vifa^e  rafFs  &  pofémcnt  à 
fon  acouftîimee  ,  qu'il  cftoit  après  à  contra<fler  auecle 
Koy,2uquelildeuoitprefter  deux  millions  d'orjiç'.iours 
après  Triccc-d  fairt  fcnuoir  fèize  cens  mille  (fciis  com- 
ptant, &  quatre  cens  mille  eicus  à  prendre  fur  les 
Verisdtffeu  monfieuvle  Çoniieilablc  de  France,  du- 
quel il  difoit  kuôii-  &  promettoit  bailler  'a  cedule  & 
promeffe  au  Roy,lcquei  aiioit  eu  route  ceft-e  onùerture 
pour  àgreable/conime  Ailard  ail'euroit.  Il  mefloit  à  là 
muerfe  vne  difFculté  ;  touchant  la  feurrë  de  fi  nôta- 
\j\q.  fonimè  de  deniers  i  à  quoy  \c  Conff'il  condefcen- 
^loit,pfoniettant lui  bailler  Icsfalines  dé  Brouage,  & 
mtcnu  d'icelui  :  ce  qu'jUIard-difoir  troiJî»er  bon,rerer- 


C^  memorahles,  2.7^ 

né  qu'il  fe  doutoit  qu'on  ne  reuoquaft  telle  affeurance. 
Pourtant  pria-il  les  ambafradeurs  du  Canton  de  Lucer- 
ne  de  vouloir  faire  en  forte  vers  leurs  Seigneurs  ,  qu'il 
fuftreccu  au  nombre  de  leurs  bourgeois  :  offrant  pour 
reconoiflancc  de  telle  faueur  la  fomme  de  vingt  mil- 
le efcus  à  la  Seigneurie  de  Lucerne,  &  à  chacun  d'iceux 
AmbaiTadêursdeux  mil  cinq  cens  efcus.  Là  deffusil 
court  à  Lucerne,  preftele  ferment,  retourne  en  France 
auec  douze  Suilfcs  pour  fa  garde  ,  fans  toutesfois  rien 
fournir,  mais  endormant  tout  le  monde  auec  fespro- 
melfcsd^or,  &  urant  de  grands  &  petits  en  diuers  en- 
droits bonnes  fommes ,  dont  il  fe  maintenoit  en  fes  al- 
lées &  venues.  Tous  y  eftoyenttrompez,excepté  leCo- 
ionnd  FfitFér,  lequel  eilant  trcf-riche,  nefe  foucioit 
de  telles  promeffes,  &  fe  founoit  de  la  crédulité  des 
autres. 

Comme  les  affaires  paffoyent  de  la  façon  ,  hu  Mada- 
me la  Connectable  eut  aduis  des  propos  «^u'Allard  auoit 
entremettez  delà  cedulede  feu  monfîeur  le  Connefta- 
ble.  Elle  efcriuit  incontinent  que  l'on  fe  donnait  gar- 
de de  ce  parleur  :  fouftcnant  que  feu  fon  Seigneur& 
mari  n'auoit  pas  elle  fi  mauuais  mcfnager ,  qu'il  fuftre- 
deuable  de  telle  fomme  à  vninconu  ,  que  Ton  trouue- 
roit  finalement  eftre  vn  trompeur.  Suruint  encore  vn 
Rochellois,  lequel  aduertitplufieurs  qu'on  fe  donnait 
garde  d'Allard.  Ce  qui  efmeut  Ternault  d'efcrire  par 
home  feur  au  fieur  Gargouillaud,  Maire  de  la  Rochelle, 
lequel  fitrefponccqu'Allard  eftoitvnabufeur.Les  Am- 
bafladcursSuilîcsayansiurë  l'alliance  auec  le  Roylaif. 
ferent  Ternault  en  Cour  pour  l'expédition  de  certains 
dfaircs  qu'ils  y  auoyent.  Comme  ils  montoyent  à  che- 
nal,  Allard  acompagné  de  gens  honorables  ,  partici- 
pans  au  nci^occ  ,  leur  promit  &  cuxauffi  ,  qu'au  dépare 
de  Ternault ,  ils  le  feroyent  acompagner  de  deux  hom- 
mes auec  les  (^500.  efcus  aHigne/.  pour  le  voyage  dq  Ro- 
me. Comme  Ternault  fut  prcft  à  fe  mcttrç  en  chemin, 
ces  hommes  ne  le  furent  pas  :  mais  lui  promirent  d'ellre 
auflj  toft  à  Lyon  que  luicotfransneantmoins  de  lui  dclir 
IJrçr  ç^fte fomme  dp  ^500.  clcus  s'il  vouloitla  prejidi-ç 

-M 


jjtSo  Hi/loires  admirables 

à  fa  rifque:  ce  qu'il  ne  voulut  faire ,  puis  qu'Allard  &  fe^ 
affociez  deuoyent  enuoyer  après  lui. 

Qu^elque  temps  après  le  départ  des  SuifTcs,  le  Pape 
aduerti  qu'Allard  eftoit  en  la  Cour  de  France,s'en  plci- 
gnic  au  Roy  .  lequel  fit  emprifonncr  AUard  en  la  Con'r 
dergeric;  ou  il  rrouua  certain  Gentil-homme  qui  fe  fai- 
foit  nommer  Comte  de  SanfiTyjeftimé  de  vif  efprit,  père 
de  trois  ou  quatre  fils ,  dont  l'vn  auoit  efte'  nourri  chez 
l'Eledeur  Pakrin  ,item  d'vne  fille,  laquelle  durant  ce- 
ftepiifon  il  promit  à  vn  nommé  du  Val  par  l'entremife 
d'Allard,  qui  s'appellpit  oncle  d'icelui  du  Val  ;  &lu; 
promettcit  denjc  cens  mille  clcys  de  mariage.Mais  toutç- 
cefte  pratique  demeura  imparfaite  ,  à  caufedc  ce  qui 
s'enfuiuit.  Au  bout  de  ccrtum  ternps  AUard  fut  eflargi 
lors  il  pria  par  lettres  Ternault  de  Taller  trouuer  à  Pa- 
ris, dont  Xernault  s'excufa,  mandant,  à  l'autre  que  s'il 
vouloir  venir  en  Suiflc,  en  Sauoye.ou  à  Laufanr,e,Gex, 
Morges;&  autres  lieux  voifinS;Ternault  l'iroit  nouuer. 

Sur  ces  lettres  AUard  fe  met  en  chemin,  acompagné 
•  jdes  deux  fils  du  Comte  &  de  Ton  train:  vient  en  laCom-i 
jtéde  Bourgongne,  ou  il  s-'acoll:e  d'vn  Geatil-hommc 
du  pays,  auquel  il  fill  de  grandes  promeiïes,  l'ameine  a 
Morgcs,&  fe  loge  à  la  Croix  blanche:enuoyequcrirTer-^ 
ijault  à  Geneuc,  lequel  arriué ,  Allard  tafche  à  l'induire 
de  lui  faire  prcllcr  millpefcus  ,  adioullant  qu'il  defiroit 
jqueTernauit  vouluil  prendre  la  peine  d'aller  en  Suéde, 
pourreceuoii  &  apporter  dix  huicl  cens  mille  Tallers, 
dont  il  auroir  cent  mille  pour  fa  peine  ;  &  d'auantage 
promettoit  vn  trcf-riche  prefent  4  certain  honncfte  pepfc- 
Tonnage  bcaufrcred'iceluiTcrnault,qui  ne  voulant  riea 
entreprendre  de  tout  cela,tous  contracts  furent  rompus^ 
moyennant niillecfcus,qu'Ajlarddeuoit  payer  côptant: 
irais  ih  font  encorcs  à  payer.  Ce  prcjmcttcur  renoue  v- 
ïie autre  pratique  aucc  IcsSeigneursBaillifsdel.aulannc 
<Sc  de  Morgcsjlci quels  le  conduisirent  a  ik-rne ,  ou  il  con- 
îraftc  auec  quelques  Seigneurs,  aufquels  entr'autres 
firoits  il  promet  ton  bailler  vne  obligation  de  ]a  fomme 
de  cinq  cens  mille  eùus  à  lui  deuëpar  Emanuel  Phili- 
jbe?tpuc  de  Sauoye,  laquelle  obhc;;?rionildifoitauoii 


cf*  mémorables.  til 

ïaiffee  à  Paris.  Sortant  de  Berne  auec  promefTe  d'eftre 
honoré  &  recompenfé,il  tira  vers  Neufchaftel.  Cepen- 
dant Tes  impofturcsfe  dcfcouurirent  dediuers  endroits. 
On  fçeut  l^ien-roft  que  ccfte  obligation  du  Duc  de  Sa- 
uoyc  eftoic  de  mcfme  nature  que  lacedule  du  Conne- 
ilable,  &  que  toute  la  negotiation  auec  les  AmbafTa-- 
deurs  des  petit?  Cantons  n'eftpit  qu'vne  fourbe  du  co-. 
fté  d'Allard.  Pourtant  fut  doyfné  ordre  qu'on  Tarreftail 
prifonnicr  à  Ncufchaftel  Se  doutant  bien  qu'en  brief 
on  lui  drefl'eroit  de  terribles  articles  ,  &  par  les  deman- 
des quon  lui  auoit  ia  faites  çonoiilant  vne  partie  de 
fcs  importâtes  defcouuertes,  Ton  train  s'eilant  fondu 
prefque  en  vn  inftant,  il  refolut  en  foy-mefme  d 'inuen- 
ter  tous  moyens  d'efchapper.  Mais  ne  rencontrant  rien 
d'afleuré,  vne  nuid.  voulant  cffayer  de  fe  couler  par  vne 
haute fcneflre  delà prifon  ou  il  eftoit enclos,  cequjile 
fouftenoit  venant  à  rompre  comme  tout  à  coup  ,  fa 
chcute  fut  de  fi  haut ,  &  fur  vn  plan  fî  rude ,  qu'il  fe  tua 
tout  roidc ,  mettant  fin  h  fa  vie  &  à  fes  impollures  touc 
enfemble. 

Le  Gentil-homme  Comptois;  qu'il  auoir  amené  à 
Morgcs,  ayantrefponduà  l'hoftedela  Croix  blanche 
pour  les  àc^^cns  qu'AlIard  y  auoitfaits,  fut  conftitué 
prifonnier  &  contraint  de  vendre  Ton  bien  pour  fatisfai- 
re.  Infinis  furent  les  affronts  &  farciures  de  cemaiftre 
iardinier  en  diuerslieuK,&  à  l'endroit  de  toutes  fortes  de 
^cns.  Ce  fera  aflez  pour  conclufion  de  marquer  le  mef* 
chant  tour  qu'il  ioua  à  Phollc  delaci^onp.neà  Baile,  où 
il  auoit  longuement  feipurné,  faifant  gioifc  defpcnfe. 
Comme  il  voulut  partir  pour  aller  ailleurs ,  en  lieu  de 
payer,  encore  emprunta-il  de  ce  bon  Suiffe  nouuclle 
fomme  de  deniers  :  &  pour  gage  lui  hifia  vne  valife  fer- 
mant à  trois  clefs  &  bons  çadcnats  ,  affermant  qu'icelle 
(îftoit  plaine  d'or ,  de  bagues  de  grand  prix  &  de  papiers 
d'importance  :  promerrant  que  fi  Ton  en  faifoit  bonne 
gardci  au  ietour;iJ  dotieroità  fondit hofte  outre fon  deu 
fa  Ibmme  de  trente  mille  TaÏÏers.  JLes  nouuellcs  de  ce- 
île  mort  apportées  à  Balle  ,  le  pauure  liol>c  bien  cfton- 
-Tcfait  par  auchorité  dçiiîfticc  ouurir  c'v,itc  valize  ,  la- 


fS-S  t  Hijîoires  admirables 

quelle  fur  trouuce  pleine  de  briques  &  cailloux  propre? 
ment  empacquecrcz.  i\xy  ce  récit  dnficur  TernMdt,é>  m.unf 
duquel  îay  ueu  plujïeurs  coh\its,afhs  ^  papier  s, fui  fan  >  foy  cL\- 
ne partie  de  Chiftoire  de  ccfle  infi^ne  impofieur  :  le  procès  duaueL 
ejî  es  mains  des  Seigneurs  du  Cou  fil  de  la  njille  de  Neufchaftel. 

JMP RECATIONS  & faroks dej^ï- 
tcttfes  ér  hUjfhematoires, 

/^V  A  N  D  nous  voulons  obtenir  quelque  chofe  fort 
V^de/îree,  nous  promettons  beaucoup,bien  hardimér: 
Scfouuentesfois  il  aduient  à  plufieurs  de  faire  en  ccft 
cfgard  des  imprécations ,  contre  eux  mcfmcs  ou  contre 
les  autres,  dont  ils  recueillent  les  fruids  à  leur  ruine. 
Nousenauons  rexemple  notable  en  Charles  Duc  de 
Bourbonjequel  corne  recitêt  duBdlay  ai*  ^.liu.^Fr.  G  ui- 
chardin  at*  ijdiu.des guerres  d'Italie^  vo'ulât  tirer  deniers  de 
la  bourfe  desMilannois,pour  payer  Tes  foldats:&  nepou- 
uant  obtenir  vne  grande fomme  qu'il  demandoit,à  caufe 
des  groîTes  charges  que  portoit  la  ville  durant  la  guerre: 
il  leur  promit,que  fi  pour  cefte  feule  fois  ils  lui  côtoycnt 
l'argent  demandé,  casaduenât  quepuis  après  on  leur  fift 
la  moindre  extorfion  du  mode, il  prioit  Dieu  qu'à  la  pre- 
mière rencontre,  ou  au  premier  allault  qu'il  donneroit, 
vn  boulet  de  harquebuzc  le  trauerfaft  &  réucrfaft  mort. 
Ou,  comme  dit  Guichardin,  que  Ci  la  ville  de  Milan  lui 
vouloir  fournir  trente  mille  ducats  pour  la  paye  d'vn 
mois,qu'ilferoitfortir  l'armée  deMilan A' ialogeroit  au- 
tre part.-afleurant  que  fi  autres-fois  ils  auoycnt  efté  trom- 
pez en  femblables  promefl'es,  que  maintenant  il  ne  leur 
en  auicndroit  pas  ainfi,  parce  qu'il  ne  voudroitiamais 
côtreuenir  à  fa  parole  &  tlÙi.  foy,  fur  laquelle  ils  fc  pour- 
royent  tres-feurement  repofer  :  adioultant,  qu'il  priôic 
Dieu  ,  que  s'il  leur  failloit  de  promcflc  ,  la  tefte  lui  fuft 
emportée  du  premier  coup  de  Tartilleric  des  ennemis. 
Sur  celle  promefl'eles  Milannois  firent  vn  effort  &  con- 
tèrent la  fomme.  Mais  ils  furent  tellement  foulez  puis 
apies,   que   piuficurs  par  dclefpoir  le  pendirent  de 


é^  mémorables,  2.83 

leurs  propres  mains  :  les  autres  fe  précipitèrent  du  haut 
Jestoids  de  leurs  maifons  furie  pauc  des  rues.  Peu  de 
temps  après ,  le  Duc  de  Bourbon  mit  aux  champs  fou 
armee,&  tira  vers  Rome  pour  s'en  emparer  :  mais  il  fut 
tuéd'vnearquebuzade  fur  lerempar  en  donnantraf- 
faut.Ce  que  plufieurs(dit  du  Bellay) attribuèrent  à  ven- 
geance diuine,à  caufe  qu'il  n'auoit  tenulapromefl'e fai- 
te auxMilanois  auec  telles  imprécations.  Sa  mortef- 
cheut  le  fixiefme  de  May,  i^zy. 

Fadioufteray  à  ce  propos  vne  autre  hiftoire,quoi  que 
anciene,recitee  par  ,^lhcrt  Crant\.  an  6.  liuJcs  affaires  de 
Saxe  .  chap.  45.  où  il  efcrit  que  l'Empereur  Fridericprc- 
mier.eftant  au  Conuent  de  S.  Pierre  d'ErfordJe  plan- 
cher fur  lequel  il  marchoit  fôdit  tout  à  coup;&  s'il  ne  fe 
fuft  prins  aux  barreaux  de  fer  d'vnefencftre ,  iltomboit 
dedans  les  latrines  de  ce  Conuent:efquelles  cheurent  & 
furent  eftouffc?.  quelques  Gentilshommes  ,  entr'autres 
Henri  Comte  de  Schuartzebourg  ,  lequel  portoit  le 
prefage  de  fa  mort  en  vnc  imprécation  ordinaire  ,  Si  \q, 
fai  ceci  ou  ccla^ie  puilTe  (  difoit-il)  eflre plongé  dedans 
leslati'ines. 

'^'  Mais  laiflant  pour  cefte  fois  les  autres  hiftoires  ai>cié-. 
nés  ,  noftre  intention  n'eftant  d'y  toucher  en  ces  rc- 
Jçueils^ains  referuant  cela  pour  quelques  autres  mains  & 
'ouuragesrie  reprefenterai  des  exemples  de  noftre  temps, 
touchant  les  imprécations  &  paroles  de  defpit  contre 
Dieu, ou  contre  le  prochain.Vn  homme  de  guerre  voy- 
ageant par  le  Marquifat  de  Brandebourg,  fe  fentahtma- 
lade  &  arrefté  en  vne  hoftellerie,bailla  fon  argent  à  g^ar- 
der  à  fon  hoftelîc.  Quelques  iours  après  eftantgueri  il 
le  redemandai  cefte  femme  ,  laquelle  auoit  defia  déli- 
bère auec  fon  mari  de  le  retenir,  parquoy  elle  lui  nia  le 
dcpoft,&  Taccufa  comme  s'il  lui  euft  fait  iniiire  ilepaf- 
fant  au  contraire ,  fc  courrouçoit  fort ,  accufant  de  dcf- 
loyauté  &  larcin  cefte  fiçnchoftcftc.  Ccqucl'hofte  a- 
">  ant  entendu  ,  maintint  fa  femme  ,  &  ietta  l'autre  hors 
ij  fa  maifon, lequel  cholcré  de  tel  aft'ront  tire  lonef- 
ce,  &  en  donne  de  là  pointe  contre  la  porte.  L'hofte 
•jinmencc  à  crier  à\x  voleur  ,  fe  complaignant  qu'il 


t^4  Hiftûir es  admirables 

vouloftforcer  famaifon.Ce  quifutcaufc  quelefolda: 
futpns,mcné  en  piifon,&  Ion  procès  faicpar  le  Magi- 
ftracpreft  aie  condamner  à  mort.  Le  iour  venu  queU 
fcntcnce  deuoit  eftre  prononcec,&  exécutée ,  le  diable 
entra  en  la  prifon  ,  ^<:  annonça  au  prifonnier  qu'il  tlloic 
condamné  à  moiirir:toutesfois  que  s'il  vouloir  fe  don- 
ner a  lui, il  lui  promcttoir  de  le  garantir  de  tout  mal.Lo 
prifonnier  fît  rcfponfe  qu'il  aimoit  mieux  mourir  in- 
nocent ,  que  d'eftre  dcliuré  par  tel  moyen.  Derechef  le 
diable  lui  ayant  reprefente  le  danger  ou  il  eftoit,&  fe 
voyant  rebute  ,  fit  neantmoins  promellc  de  l'aider  pour- 
lien, &  faire  tant  qu'il  le  ven^^eroit  de  Tes  ennemis.  Il 
lui  confcilia  donc  lors  qu'il  feroit  appelle  en  lugement, 
de  maintenir  qu'il  clloit  innocent:  &  de  prier  le  luge 
de  lui  bailler  pour  Aduocat  celui  qu'il  verroit  là  pre- 
fcntaucc  vn  bonnet  bleu:  c'eftafîauoirlui  quiplaide- 
roitla  caufe.  Le  prifonnier  accepte  l'offre  :  &  le  lende- 
main amené  au  parquet  deiuftice»  oyantl'accufation 
<lefes  parties &raduis  du  Iugc,requierc  (  felaa4a  cou^ 
ftume  de  ces  lieux-là)  d'auoir  vn  aduocat  qui  remon- 
ilraft  f^^n  droit:  ce  qui  lui  fut  acordé.  Ce  fin  Dofteur  es 
loi X  commence  à  plaider  &  à  maintenir  fubtilement  fîi 
partie,alleguant qu'elle  eftoit  faulfementaccufce  ,  par 
confcquent  maliugce:  quel'horteluidetenoit  fon  ar- 
gentine rauoitforcc:iiicfmes  il  raconta  comme  tout  l'af- 
faire eftoit  paffc,&  declaira  le  lieu  cù  l'argent  auoit  clf  é 
ferré. L'hofte  au  contraire  fe  defendoit,&  nioit  tant  plus 
impudemment,  fe  donnant  au  diable  ,  &  priant  qu'il 
remportaft,s'il  eftoit  ainfi  quil  l'euft  pris.Alors  ce  Do- 
CtQur  au  bonnet  blcu,Iaiflant  les  plaids,  empoigne  l'ho- 
fte ,  l'emporte  dehors  du  parquet ,  &  l'efleue  fi  haut  en 
l'air  que  depuis  ori  ne  peut  fçauoir  qu'il  eftoit  deuenu. 
^-P^uicr  au  ^.l turc  de  Prxfiù'r^iis  D£mor,nin,  ch.zo.  PauI  e*>- 
Z,en  an  éJUi.dtfcs  Morales  \  cl).  19.  dit  que  ceci  auint  l'an 
1541.&:  que  ce  foldatreuenoic  de  Hongrie. 

L'an  mil  cinq  cens  cinquante  &  vn,  il  auint  près  Mec- 
j£clbourg,ioignâc  Vvilftat  es  feftes  de  laPentecofte,ain- 
li  que  le  peuple  s'amufoit  à  boire  &  yurongner,  qu'v- 
n::;  femme  laquelle  eftoit  de  U  compa^^iue^iieftoit  ordi- 


dr  mémorables.  28  j 

^inairement  parmi  Tes  iuremens le nomdu  Diable ,  qui 
prefent  chacun  l'cnlcua  par  la  por:e,  &  l'emporta  en 
rair.Ceux  qui  virent  ce  rpeélaclc  fortircnt  incontinenc 
touteftonnez  ,  pour  voir  où  celle  femme  eftoit  ai niî 
portée  ,  laquelle  ils  defcouurirent  hors  du  village, 
iufpendue  quelque  temps  bien  haut  en  l'air,  dont  elle 
tomba  bas  j  &  la  trouucrcnt  après  morte  au  milieu  d'vi* 
champ,  l.y^-vier  ai*  mefme  littre  <^  chapitre. 

Pierre  Alvarado  Capitaine  tfpagnol,  faifant  la  guerre 
auîi  Indiens  du  Peru  ,  fut  rudement  blelTé  en  vne  ren- 
contre, dont  il  mourut  deux  jours  après.  Eftant  au  lid, 
&  enquis  qui  lui  faiioit  mal.  C'eft  l'ame,  dit-il,  qui  me 
deult  extrêmement.  Les  nouuelies  de  fa  mort  appor- 
tées à  fa  femme  Beatrix  de  laCueva,  femme  fuperbe,lors 
refidenteà  Guatimala,  on  l'entendit  fe  defpirer,  faire 
des  imprécations,  &re  prendre  à  Dieu  ,  iufques  à  dire. 
Qu'il  ne  lui  euftfçeu  pis  faire,  que  de  lui  auoiroflé  fou 
mari.  Quand  &  quand  elie  fait  peindre  &  parer  fa  mai- 
Ion  tout  de  noir  ,  &  fe  met  à  mencrvn  dueïUepluse- 
ilrangedu  monde.  On  ne  pouuoit  la  faire  manger,  ni 
difpofer  à  receuoir  confolation  quelconque.  Elle  ne 
failbit  que  pleurer,  fe  veautrer  parterre,  s'arracher  les 
chcueux,  &feportcr  en  femme  forfence.  Parmi  les 
pompeufes  obfcqucsde  fon  mari  (duquel  Gomarae- 
fcrit  qu'il  au  oit  cfpouic  les  deux  fcturs  ,  &  s'eltoit  pol- 
lué d'incelle  fort  long  temps)  &  tout  ce  dueil  dcfpi- 
teux,  ellcn'oubliapasde  faire  affembler  en  confeil  les 
principaux  de  la  ville  ,  &  là  fe  faire  déclarer  gouuer- 
nante  detoutlepays  ,  &leur  fit  prefter  à  tous  ferment 
de  fidélité  entre  les  mams.  Or  entendons  ce  qui  furuinc 
fur  fes  imprécations  &  dcfpits.Lc  huictiefnc  Septembre 
IÇ41.  il  plut  tout  le  iour  &  la  nuift  aufli  de  fi  grand  ran- 
don  ,quele  lendemain  enuiron  les  neuf  ou  dix  heures 
du  foir,  deux  Indiens  vindrent  aueitir  l'Euefque  de 
Guattimala  ,  qu'ils  auoyent  ouyvn  tracas  ellrangcau 
pied  de  la  montagne  ,  proche  de  la  ville.  L'Euefque  les 
renuoyarudement,  &leutditque  ce  n'eitoycnt  qu'il- 
iuiîons.  Mais  fur  vne  heure  après  la  minuid ,  voici  vn 
4cii»ge  d'eaux  qui  commence  à  fe  desboider  du  fon:  de 


iî  6  Hifloires  admirables 

la  montagne,&  vcrfcr  en  la  plaine  ,  de  furie  {{  violentCj,' 
<qu'il  abatoit  des  rochers  tout  entiers,  dVnc  efpaifeur  in- 
croyableiCcs  monceaux  roulans  impetueufement  con- 
tre bas  brifoycnt  tout  ce  cjui  eftoit  à  leur  rencontre. 
Parmi  cela  vous  n'eufTiez  ouy  que  des  cris  &voix  ef- 
pouuantablesen  Tain&y  en  eut  qui  remarquèrent  vue 
rache  noire  de^Ians  ce  rauage  d'eaux,  laquelle  alloit  ex 
&là  faifant  beaucoup  de  dommage. La  première  maifon 
Tuinee  par  ce  deluge,Fut  celle  d'Aluarado  ,  &  y  mourut 
Beatrix  fa  veufue ,  auec  tous  ceux  &  celles  qui  l'accom-. 
pagnoycnt  en  vn  Oratoire ,  où  elle  s'eftoit  retirée  pour 
faire  Tes  deuotions.  Au  mefine  inftant  la  ville  fut  cnCz- 
uelic  dans  les  eaux.  Il  y  mourut  cnuiron  fix  vingts  per- 
fonnes,  tant  hommes  que  femmcs.Ceux  qui  s'enfuirent, 
au  commencement  du  bruit  efchapperent.  Le  déluge 
cfcoulé  l'on  ttouuoit  les  Efpagnols  çà  &  là  mutilez  de' 
bras  &iambes.radioulteray  cemotVqu'vne  petite  fille. 
qu'Aluarado  auoit  eue  d'vne  Indienne,  emportée  du 
déluge  comm'e  les  autres,  fut  rroauee  allez  loin  de  la' 
■ville  ,  fans  blcircure  ni  dommage  quelconque  en  fon 
corps,/.  BenX^  enj'onhijioire  du  Miuteau,  monde  3  lia.  2.  chapl~ 

Pourrcpafferen  Europe,  il  n'y  a  pas  long  temps  (dit 
le  Dodeur  Ph.Camcrarius)que  mon  frère  nommé  ïoa- 
chin  retourné  depuis  quelques  iours  du  paysdcHcflc, 
inc  conta  ce  r]uis'cnfuit,T'ay  \eu  n'agueres,  dit-il,en  la 
Cour  du  Landgraue  Guillaume, vn  ieune  garçop  muet 
&:  fourd,  fi  ingénieux  que  ie  ne  pouuois  affcz  m'eCmer- 
ueiller  de  fon  adrefle  à  faire  tout  ce  qu'on  lui  comman- 
<loit:car  au  clin  de  l'œil  il  difccrnoitcequele  Prince  Gc 
autres  vouloyent.Le  Lâdgraue  le  voyant  ainfi,picqué/ 
Vous  voyez(nie  fit-il)ce  muet?  tout  ce  qui  furuient  dé, 
nouueau  en  ma  Cour  &  par  la  ville,s'il  le  peut  fentîr  5c  ' 
<lefcouurir  tant  peu  que  ce  foit,il  le  méfait  entendre 
fort  dextrcment  par  Tes  contenances.  Mais  ie  veux  vous 
dire  encor'  vne  hiftoire  notable  de  laiuftice  deDicu. 
Sa  mère ,  accufee  de  larcin  ,  ne  voyant  moyen  d'efcha- 
per,eut  recours  aux  imprécations  :  &  d'autant  qu'elle  e- 
itoitlors  enceinte  dcceft  cnfaiU;pour  adiouikr  plus 

d<5 


^  mémorables.  287 

^e  poids  à  Tes  paroles  ^  fit  telle  imprécation,  Queiîcc 
qu'on  lui  imputoit  elloit  véritable  ,  elle  prioit  Dieil 
c|ue l'enfant  qu'elle  auoit  au  ventre,  venant  à  rortir&: 
croirtrc,ne  parlait  nullement,  ains  demcûraflmuettouc 
le  temps  de  fa  vie.  Ses  imprécations  l'ont  defcouuerte, 
ayant  adioufté  le  pariure  au  larcin.  Caînerarim  an  85, 
chapitre  defts  meditatiojis  hifioriques^Luol. 

N'y  a  pas  long  temps  qu'il  auint  en  noftre  voi/i- 
nage  à  certain  GcntU-homme  de  tourmenter  par  im- 
précations &  maudiflons  fes  pauures  fubieds,  &  les 
contraindre  par  grandes  couruees  à  lui  baftirfon  cha- 
fléau.  En  les  challant  à  la  belbngne  illesappelloic- 
ordinairement  fes  chiens.  Le  bailiment  n'eftoit  pas 
acheué,  qu'il  tomba  malade  :  &  comme  il  continuaft 
fes  imprécations,  maudiflons  &iniures,  Dieu  l'en  repri- 
ma tellement  qu'il  deuint  muet,  &  comme  l'eicriuois 
celle  hilloire ,  il  ne  pouuoit  prononcer  parole  quelcon- 
que articulée  ,  ains  leulcmcnt  il  hurloit  comme  vu 
chien.  La  rnefme. 

Vn  autre  exemple  noîi  moins  mémorable  auint  n'a- 
gueresenla  Courd'vn  Prince  voiiîn  où  certain  Gcn- 
til-homme  chargé  de  plufieurs  iniurieufesparoles  dites 
à  la  volée ,  pour  les  couurir  &  faire  croire  que  ceflc  ac- 
Cufàtion  eftoit  controuuee,  commence  à  iurer&  prote- 
fter:  adiouftantque  s'il  ^'uoit  prononcé  tels  ouirases,  il 
defiroitquc  Dieu  l'en  cha{liaft  tout  a  Theure  en  Ton 
corps,&que  fi  Dieu  di[Fcroit,le  diable  le  fit.  Sur  ces  pa- 
rolcs&  autres  telles  imprécations,  il  tombe  foudaine- 
mentfurle  vifage  à  terre,rai(i  d'epilepfîe  (qu'il  n'auoit: 
iamais  rentie)fi  rude ment,qu'apres  auoir  ietté  des  grands 
cris  &  hurlemensjpuis  demeuré  comme  demi-mort ,  on 
l'emporta  dedans  vne  chambre ,  ou  il  eftoit  encore  grie- 
uement  maladel'an  1591.  que  ie  recueillois  celle  hilloi- 
re,challié  de  la  téméraire  &  impie  imprecatiô.  Lamefine, 

lean  Vvier  récite  en  fon  œuuredc  rimpofture  des 
diables,  vne  hilloire  mémorable  auenue  en  Gueldrcs 
cnuiron  l'an  1575.  Vn  Capitaine  portant  les  armes  pour 
le  Roy  d'FJpagne,  marie  à  vne  honefte  Damoifelic  ,  la- 
quelle il  traitoit  indignement,  entendant  qu  elle  clloiç 


288  Hijloiresadmirahtes 

enceinte  commence  à  fiure  àcs  imprécations  contre  ct- 
le,&; lui  dire,  lepoignarderay  cediableton  que  tu  as  au 
ventve.  Peu  cie  ccn:}>^  apies ,  elle  acoucha  d'vn  fils  qui 
depuis  les  hanches  eabaseftoit  bien  formé  :  mais  le 
haut  eftoit  tout  couuert  de  taches  rouges  &  noires,  les 
yeux  au  froncla  bouche  ronde,  noire,  hideufe,les  oreil- 
les longues  ,  comme  d'vn  chien  de  chafTe,  deux  corni- 
chons rtcoquillez  au  haut  de  la  tefle,  qui  deuenoyent 
Touy,es  comme  fang,  (i  toft  qu'on  les  touchoit.  Platon 
efcrit  au  7.I1U.  des  loix,  qu'il  n'y  a  rien  plus  redoutable> 
qucles  maudillonsdu  père  concrel'enfant.  Le  contrai- 
re eft  fouhaitable  en  toutes  (brtès  aux  bons  enfans.  C'eft 
vn  /îngulicr  ^ermoignage  de  k  faneur  de  Dieu  à^tn  a- 
noir,  qui  défirent  &  pourchaiTcnt  legitimemenc  la  bé- 
nédiction dcleuis  pères  &  mcres.  U  mcpne. 

M.  André  Honldorfl-",  en  ion  thcatte  d'exemples , Tut 
le  4. commandement,  propolc  encoresquelqucshiftoi-' 
res  au  propos  que  nous  traitons ,  lelquciles  le  toucherai 
briefuemeat.  Vne  mère  demeurant  en  la  Duché  de  Sa- 
xe ,  amena vnefienne  fille  démoniaque  à  Vvitebergj 
pour  receuoir  quelques  aunK>lnes ,  &  la  recommander 
:uix prières  de  l'Egliie.  Elle  confeflciî  ceftc  afflidion  e- 
jtrcfuruenue  à  fa  filic  ,  vn  lour  qti'eftmt  ftn  courroux 
tUe  auoit  faict  vne  imprécation  que  le  diable  faifill  ce- 
i\chllc:cc  qu'il  auo::  faitincontinent,  &l'auo"30it  auil^. 
Ayant  vne  fois  eftc  inencc  en  l'Eglife,  comme  on prioit 
pour  elle,  vn  docle  perfonnage  encendant  qucHucs  fu- 
reurs deTelpritmabn  lui  dit,  6  Satsn,.  l'rtcrnel  te  tcdar- 
i;uc,  i'Efprit  refpondit  foudain^  Q^'il  me  redarguc,qu'il 
jne  redargue  :  puis  fe  tei:t. 

A  FribeigcnMifne  ,  auiiitqu'vnperebouillât  de  cour- 
toux  contre  vn  fien  fils,  qui  ne  depefchoit  pas  afl'ez  toll 
çuelque  afaire,co'rimenccH  dire,  Duu  vucille  que  tu  ne 
lénifies  bouger  àcM.  Aufii  toft  dit ,  aufli  toil  fait  :  le  hl', 
demeura  tout  ioudain  côme  planté  &  cloue  fur  la  place, 
i\.\ns  que  par  force  aucune  on  ptuft  l'en  arracher.Lt  d'au- 
tant qu'il  ne  pouuoit  plier  ni  courber  fon  corps  pour 
s'aileoir  ,  on  mit  derrière  lui  vn  appui  pour  le  foulager. 
iVyant  demeuré  enccfl  eiUt  tioii  ans  enucrs;Dieu  exau- 

^au£ 


cf  mem&rahles.  l8^ 

çimt  les  prières  qu'on  faifoit  pour  ce  panure  enfant,  pei-* 
mit  qu'il  pouuoit  s'afleoir  &  baifTcr ,  puis  releueri  II  fut 
en  ccft  eftat  quatre  autres  années  fuiuantesja  face  mai- 
gre &  defchernecmangeant  fort  peu,  &  ne  parlant  pref- 
qucs  point.  Enquispar  fois,  comment  il  feportoit,  fa 
tefponfe  ordinane  fut  que  Dieu  le  chaftioit ,  que  la  mi-» 
Icricorde  d'icelui  fcauoit  qu'elle  ilTue  auroit  cefte  affli-- 
ftion  ,  laquelle  n'empefchoit  point  TafTeurance  qu'il  a- 
uoit  de  Ton  falut  éternel  par  lefus-Chrili  Au  bout  de 
fept  ans ,  il  mourut  paifiblemcnt,  plein  de  l'efprit  de  rc-- 
pentance ,  de  foy,  &  d'cfperance  en  la  grâce  de  fon  Sau- 
ueurjl'onziefmeiour  de  Septembre,  Tan  mil  cinq  cens 
cinquante  deux. 

Il  n'y  a  pas  long  temps ,  dit  M.André  HonfdorfF,que 
nousauons  vcu  vn  certain  Alemanfottpauuie  S^imalar- 
«iif,malheureux&;  n^iferable  en  toutes  fortcs,à  caufe  des 
imprécations  qwe  fon  père  âuoit  faites  peu  atiantfon 
trefpas  contre  icelui  î  fouhaitant  que  tout  malheur  l'a- 
cueillift  &  pourfuiuift,  tant  qu'il  feroitau  monde. 

Vnemere  ayant  certain  fih  fort  rebelle,  fe  mit  à  ge- 
noux ,  priant  Dieu  quece  mauuais  enfant  peufteitre 
bruflé  d'vnfeufecret.  Cefte  imprécation  netombapas 
à  terre  :  car  le  fils  eltant  foudainement  laifî  de  ce  feu  par 
tout  le  corps ,  commence  à  s'efcrier ,  Mère ,  mère ,  vos 
prières  font  exaucées  :  &  ayant  langui  trois  iours  ea 
tourmens  indicibles  fut  confumé  de  ce  feu. 

Vn  fils  rebelle  en  la  ville  de  Milan ,  fe  mocquoit  de 
fa  mère,  efquarquillant&  eilendantles  doigts,  tordanc 
la  bouche,&  lui  faifant  la  moue.  La  mère  indignée  d'va 
Il  vilain  mefpris  :  Pui(fcs-tu  (  lui  dit-elle  )  faire  vn  lour 
telle  grimace  au  gibet.  Auint  peu  de  temps  après, 
que  ce  garniment  furprins  en  larcin  fut  condamné  i 
cilrc  pendu:&  comme  le  bourreau  le  tiroit  par  l'efchelle 
en  haut  chacun  le  vid  tordre  la  bouche  &  faire  la  moue 
ne  plus  ne  moins  qu'il  Tauoit  faide  à  fa  incre.  Ces  hi- 
ftoires  &  infinies  autres prefques  fembiables  (dont  chaf. 
cunpcutfefouuenir,carlaplufpart  d«  cesmilerablcs  qui 
finilîent  leur  iours  es  mains  de  luilice  ,  i  caulc  de  leurs 
larcins,  meurtres,  ou  autres  dcceilables  forfaits,  auoucnc 

T 


2.9  o  Hi/!ûires  admirables 

©rdinaitement  cnrrc  autres  caufes  de  le u m  mal-heurs,' 
la  rébellion  à  pères  &  mères,  item  les  imprécation» 
d'iceux)  admoneftent  les  percs  &  mères  de  fuir  telles 
paroles ,  &  par  remonftrances  ou  punitions  opportunes 
ramener  leurs  enfans  à  quelque  deuoir.  Elles  exhortent 
aufTi  les  enfans  de  fe  monftrer  humbles,  traitablcs  &  o- 
beiflans/à  celle  fin  de  n'eftve  accablez  parle  iufte  luee- 
ment  de  Dieu ,  maintenant  le  droit  de  ceux  qui  font  ia 
viue  image  en  terre. 

En  Silefic  auindrent  deux  mémorables  hiftoires ,  qui 
monftrent  le  dangereux  fruit  des  imprécations,  &  le 
fupportde  Dieu,  nousafliftant  par  le  minilH-rede  Tes 
fain»fls  Anges  ,  à  l'encontre  delà  fureur  des  malins  ef- 
prits.  Vn  Gentilhomme  ayant  conuie  quelques  amis,  & 
l'heure  du  lomptueux  feftin  venue,  fc  voyant  fruftré 
parrexcufedesconuiezjentre  en  cholere,&  commence 
à  dire.  Puis  que  nul  homme  ne  d  ligne  eftre  chez  moy, 
ouetous  les  diables  y  vienent.    Quoydit,il  fort  de  fa 
maifon  ,  &  entre  au  temple,  où  le  Pafteur  de  l'Eglife 
prefchoit, lequel  il  efcoute  aflcz  long  ttps  &  attcntiue- 
ment.  Comme  il  eJtoitli,  voici  encrer  en  la  cour  du  lo- 
gis des  hommes  à  cheual,  de  haute  parure  &  tout  noirs, 
qui  commandent  au  valet  de  ce  Gentil-homme  d'aller 
dire  a  fon  mailxre,  quefeshoftcsei^oyent  arriucz.    Le 
valet  tout  eifrayc  court  au  temple  ,auertit  Ton  maiftrc, 
lequelbieneÛonné  demande auis  au  Pafteur.  Icelui  H- 
niffant  Ton  fermon  coni'eillc  qu'on  face  Ibrtir  toute  la 
famille  hors  du  logis.    Aufl'i  toft  dit ,  aufTi  toft  exécuté: 
mais  de  halle  que  ces  gens  curent  de  dcfloger,  ils  laiiTc- 
rent  dedans  la  maifon  vn  petit  enfant  dormant  au  ber- 
ceau.   Ces  hoftes,  c'eft  à  dire  les  diables,commcncent  à 
îf  muer  les  tables,  à  hurler,  à  regarder  parles  feneftres, 
en  forme  d'oiîrs,deloups,de  chats ,  d'hommes  terribles, 
tenans  es  patte  s  des  vc^res  pleins  de  vin  ,  des  poifTons, 
de  la  chair  roftie  &  bouillie.  Comme  les  voifins,le  Gen- 
tilhomme.lc  PaiUHir,&  autres  contemployent  en  grand 
h^ytm  vn  tel  fpeéfacle  ,  le  pauure  père  commence  i 
cKér,hclas,pù  elt  mon  enfant?ll  auoic  encore  le  dernier 

mol 


é 


ér  mémorables,  t^t 

ittôtcnlabouchcquaid  vn  de  ces  hoftes  noirs  appor-» 
te  en  Tes  bras  rcnfaHt  aux  feneftres ,  &  le  monftie  a  tous 
ceux  qui  cftoycnt  en  rue.Le  Gcncil-homme  tout  efper- 
-du ,  Ib  prend  à  dire  i  celui  de  Tes  l'eruiteurs  auquel  il  fe 
fîoitleplus  ,Mon  ami,  queferai-ie?  Mo<îfieur,refpond 
le  feruitcur,ie  remettrai  &:  recômandcrai  ma  vie  à  Dieu, 
puis  au  nom  d'icelui  l'entrerai  dâs  la  maifon,d'ou  moy- 
ennant fa  faneur  &  Ion  fccours,ic  voub  rapporceray  Ten- 
fant.  A  la  bonne  heure, dit  le  maiftrc,  Dieu  c'accompa- 
gnct'afllftc  &  fortifie. Le  fcruitcur  ayant  receu  la  bene- 
di(frioR  du  pailcur  &  d'autres  gens  de  bien  qui  l'accom- 
pagnoycnt,entrc  au  logis,  &aprochant  du  poifle  ou  e- 
iloycnt  CC5.  hoftes  ténébreux,  fe  proikrne  à  genoux ,  fe 
recommande  à  Dieu, puis  ouure  la  porte,&  voidles  dia- 
bles en  horrible  forme,lesvnsafî]s,les  autres  debour,au- 
cuns  fe  pourmenans  ,  autres  rampans  concre  le  planché, 
qui  tous  accourent  à  lui, crians  enfemble,  Hui,  hui,que 
viens-tu  faire  céans?  Lclcruiteur  fuant  de  deftrefl'c,& 
neantmoins  fortifié  de  Dieu ,  s'adrell'e  au  malin  qui  te- 
noit  l'enfant,  &  lui  dit,ça,  baille  moy  ceil  enfant.  Noa 
feray,refpondrautiC:il  eft  mien.  Va  dire  à  ton  maiil:re» 
qu'il  vienc  le  receuoir.Le  feruitcur  infillc,&  dit,ie  fai  la 
charge  que  Dieu  m'a  coinmife  ,  &  Tçai  que  tout  ce  que 
ic  fai  félon  icelle  luiel^  agréable. Pourtant  à  l'efgard  de 
mon  office  ,  au  nom  ,  en  1  allUUncc  &  vertu  de  lefus 
Chrift,ie  t'arrache  &  i^2L[C\  ceft  enfant,  lequel ie  reporte  l 
l'on  pere.Ce  difantjil  empoii  nel'enfant^puis  le  ferre  e- 
ftroittementcn  Tes  bras.  Les  hoftes  noirs  ne  relpondenc 
que  cris  effroyables  &  ces  mots,  Hui  mc.chant,huj  gar- 
nement, laillclaiffc  ccil  enfajK  :  autrement  nous  tedcf- 
pecerons.  Mais  lui  meljjnrant  leurs  menaces  forritlâia 
&  fauf,  &  rendit  l'entant  de  mcfine  es  mains  du  Gentil- 
homme Ton  pcre.  Qu^eiques  iours  après  tous  ces  hollcs 
s'efuanuuirent  ,&  le  gentil-homme  deuenu  iiige  &  bon 
Chrefticn,retournaen  la  maifon.!)?.»;»  Geov^e  Goddmun, 
Dofleifr  en  droicl  a  Rofioch  ,  eiifon  traité  de  Ai.ign,  f'^enefiafp 
(jp'c.litt.l.chitp.l. 
Vu  autre  gcntilhomir.':  couflumier  de  fe  donner  aux 

T  X 


i^L  Mifloires  admirables 

<iiiiblcs,allant  de  nuiCt  par  pays ,  acompagné  d'vn  valèr;^ 
fut  alfaïUi  d'vne  troupe  de  malins  efprits ,  cjui  vouloycc 
remmener  à  toute  force.  Le  valet  defireux  de  fauuer 
fonmaiftre  commence  à  l'embraflcr.  Les  diables  fepre- 
ncntà  cner,Valetlafche  prife:mais  le  valet perfeuerant 
en  radcliberation,fon  maiilrecfchappa.  Larnefme. 

En  Saxe,vne  ieune  fille  fort  riche,  promit  mariage  X 
vn  beau  ieune  homme,mais  pauure.Lui  preuoyant  cjue 
les  richefl'es&la  légèreté  du  fexe  pourroycnt  aifémenc 
faire  changer  d'auis  à  cq[\q.  fille  ,  lui  defcouurit  franche- 
ment ce  qu'il  en  pcnfoit.Hlle  au  contraire  commence  à 
lui  faire  mille  imprécations  ,  entre  autres  celle  qui  s'en- 
fuit :  Si  l'en  efpoufc  vn  autre,  que  le  diable  m'emporte 
le  iour  àt%  nopces.  Qu'auicnt-il>Au  bout  de  quelque 
temps ,  l'inconltante  elt  fiancée  à  vn  autre ,  fans  plus  fe 
(bucierde  celui-ci,  qui  l'admonnefte  do*icementplus 
d'vne  fois  de  fa  promeûe  &  de  Ton  horrible  impréca- 
tion.Elle  hochant  la  telle  à  telles  admonitions  s'apprc 
ftepourlescrpoufaillcsaucclefecondrmais  le  iour  des 
nopces^les parens,  alliez  ,  &amis  faifans  bonne  chère 
l'elpoufee  efueillce  par  fa  confcience  fe  monliroitplus 
trifte  quedccouftume.  Sur  ce  voici  aniuer en  la  cour 
du  logis  où  Tefaifoit  Icfeftin,  deux  hommes  de  che- 
nal, qu'on  ameine  en  haut,oii  ilsfe  mettent  à  table  ,  & 
après  difné  ,  comme  l'on  commencoit  à  danfci^on  pria 
i'vn  d'iccux  (comme  c'eil  la  couitume  du  pays  d'ho- 
norer les  cltrangcrs  qui  fe  rencontrent  en  tels  feftins) 
de  mener  danfer  Felpoulee.  Il  l'empoigne  parla  main, 
&.lapourmeineparla  fallc:puisen  prelence  desparens 
&amis,  illafaifît  criant  à  haute  voix,fort  de  la  porte  de 
lalallcrcnleuecnl'air,  &  difparoit  auecfon  compa- 
gnon &  leurs  cheuaux.  Lespauuresparens  SfamisTa- 
yanscerchee  tout  ceiour,comrac  ils  continuoyentie 
lendemain,  cfpcrans  la  trouuer  tombée  quelque  part, 
afin  d'enterrer  le  corps  :  rencontrent  les  deux  chcua- 
liers,  qui  leur  rendirent  les  habits  nuDtiaux  auec  les 
bagues  &  ioyaux  de  la  fille  :  adiouitans  que  Dieu 
leur  auoit  donné  puiflance  fur  celte  fiUc,  &  non  fur  les 

acou- 


C^memorahles,  293 

acouftremcns  d'iccIlc:pLiis  s'efuanouirent.  Lrfw>e/î»e. 

IF  G  EM  EN  S  freàpitez. 

L*An  ijf  o.  auixit-eii  vnc  ville  des  plus  famcufcs  de  la 
Duchéde  Saxe  que  certain  marchant  notable  al- 
lant en  voyage  laifTa  fa  femme,  fa  fille ,  &  raferiiante  en 
iamaifon.Presd'Kelle  cftoitlogérexecutcurdeiuftice, 
lequel  ayant  efpié  celle  occafion  ,  trouua  moyen  d'en- 
trer &  dcfe  cacher  en  la  caue  du  logis  où  la  feruantc 
defcendant  le  foir  pour  tirer  d'vn  vin  il  raHomme.  La  fil- 
le defcend  pour  appeller  la  feruante,&  eft  tnce  aufluFi- 
nalcment  la  mcre  y  va,&  reçoit  mefme  traitement:  puis 
ce  bourreau  icttc  les  trois  corps  en  vn  coffre,  pille  la 
maifoni&re  retire  en  la  fienne.  Quelquesroiirs  apresje 
marchant  de  retour ,  &  Tauteur  de  tant  de  forfaits  inco- 
jiujce bourreau  vient  accufer  auxiuges  lepauure  mar- 
chant5&  dapofa  que  le  iour  auant  Ton  départ  il  auoit  eu 
fort  alpre  querelle  aucc  fafcmme.Le  marchant  eft  pris 
&  appliqué  fi  rudement  à  la  toTture,qu'il  confelfa  auoir 
commis  ces  trois  meurtres, eft  condamné  &  roué.  Mais 
peu  de  iours  après  le  bourreau  fc  defcouure  foi-aiefme, 
en  la  vente  de  quelques  goubelets  d'argent ,  porrans  la 
marquedu  marchant.  Empoigné,  il  confelîa  Tes  me(^ 
chancctez,eft  tenaille  &  mis  en  pièces.  PaitlEitT^en  ait  5. 
littre  d'j  jl'S  Ai  or  de  i, chapitre  15. 

En  vne autre  ville  de  Saxe  r^uint  qu'en  certain  feftin 
de  nopccs  quelque  lanon  defroba  vn  gobelet  d'argent. 
Comme  ceux  du  guet  couroycnt  apres^  il  rencontre  en 
la  place  vn  valet  dormant  pour  auoir  plus  beu  que  de 
couftume,&  cache  le  gobelet  en  lynfaye.Le  ^uetayant 
cfueillé  ce  dormeur  le  trouuclaiil  du  gobeleclc  meinc 
en  prifon  ,  où  furmonté  par  la  torture  il  confeiîe  auoir 
commis  ce  larcin, dont  s'enfuit  lenrencc  de  mort ,  &  eft 
pendu  &eftranglé.  Quelques  iours  après  le  larron  fur- 
pris  en  autre  larcin  ,  confeifa  ce  premier,&  eft  exécuté. 
En  ce  mefme  hn.^  chap. 

Vne  icune  femme  demeurant  en  certain  chafteau  de 
TArcheuefcbé  de  Brcme,auec  fon  fils  marié,fc  laifla  ac- 
cointer d'vn  fienleruiteur  domeftique.Ce  que  le  fils  a- 

T   5 


194  Hijî (lire s  admirables 

yant  dcfcouuert  &  ne  pouuant  lupporterjlupplia  fa  mè- 
re de  fb  déporter  de  telle  mefchanceté.  Vn  iour  reue- 
nant  de  dehors  en  lamaifon  jlc  Sc':uircu;qui  cftoit  a- 
uec  la  mcre  en  fa  chambre  le  deicoLuirant  de  loin  j.'en- 
fuit.Lc  fils  court  après, &d*A  ne  houillne  qu'il  tcnoitcn 
main  lui  abat  le  chapeau  tit  terre.  Ce  feruitcur  cfcha- 
pe,  &  s'en  va  au  feruicc  d*\  n  nouueau  maiO.re  à  deux 
journccs  de  chemin  loinde  là.  Ses  parens  le  cerchent, 
&  le  demandent  au  fils  ,  qui  leur  dit  commcles  chofes 
cftoycMt  aduenucs,  adiouftant  quclon  chapeau  eftoic 
demeuré  ,  mais  qu'il  ne  fcauoit  pr^s  qu'cfloit  deuenu  ce 
feruitcur.}  ux  prcnans  cefte  rcrponfc  au  pis,  accufent  ce 
icunchonune  d'auoir  tué  leur  parent.  Incontinent  le 
luge  ferre  ce  fiLsinnocent,&  l'.ipplique  à  la  tortuTC,  où 
le  tourmenrmfupportablclui  fait  confefTer  qu'il  auoit 
tué  ce  feruitcur,  &  ietté  le  corps  en  vne  riuierc  proche. 
Il  cil:  condamné  à  perdre  la  tefte, Comme  on  le  mcnoit 
cîufupplicc,  on  Tadmonnefte  de  dire  franchement  la 
verité.-il  refpondjie  fuis  innocenranais  oi;e  me  fert  de  di- 
re ver:  té?ieriy  tué. Somme  il  cil  exécuté  à  mort  &rcnd 
Tamcen  l'inuocation  du  nom  de  Dieu.  Toft  après  le 
ftruitcLir  &:!a\erue  font  dcfcouucrts  ,  attrapez  &  ch a- 
ilie?  ce  tel fupplice qu'ils  mcrito\^nr./.  Gcor<^'^  GodeLnuit 
4if  trdpté  de  Afa-^^-)'vc?^(ji.ny^-c,li»-^-c>iaJ'Ao, 

Deux  icuncs  artilans  Alem-ns  partis  de  leur  ville 
pour  aller  voir  du  paysj'vn  rcuicnt  uA\  après  \  efiu  des 
fjabi'kniensde  fon  compapnon  ,  ai;ecquiil  en  auoit 
fancfchanec.  Les  parens  S:  amis  de  Tabfent  conieâu- 
ranspar  çc  chanf;ement  dhabitsqi'C  leur  parent  auoit 
cfté  tué  par  ctftuj-ci ,  l^'ccuflnt  de  meurtre  deuant 
le  iugedulieu,  lequel emprifonne  promptcmcnt l'ac- 
cufe.  Icclui  niant  le  fai(ft  cil  applique  à  la  torture, 
où  d  force  de  tourmens  il  confelTe  auoir  meurtri  fon 
compaGron,s'ellicreueftu  àes  habillemcns  du  defunâ:, 
ayant  mangé  les  iTenscn  vne  hollcllerie.  Ileftcon- 
ijamné  à  mort,  &  roué,  expirant  en  bon  Chrcllien. 
Quelques  iours  après  fon  compagnon  retourna  fiin  5c 
fauf.Pour  perpétuelle  mémoire  de  ce  procès  &  de  l'ini- 
que fentcnçe  contre  rinnaccm^au  temple  du  lieu  fe 

void 


C^  memorahles.  2^^ 

voidtaillcc  en  pierre  rcflrigie  d'vn  homme  mis  fui- la 
roué'.  Car  il  ne  faut  procéder  à  torture,  fi  raccufé  n'efl- 
chargé  par  beaucoup  cTnidiccs ,  &  (  comme  dit  Vlpian, 
l.i.§.z.iS.§Aj.%o.l.fin.D.deq»xJ}io.)  prer^uc conuaincu  • 
par  tefmoignaqes  euidcns  :  eftanc  requis  es  procès 
criminels  que  les  prcuues  foyent  euidentes  &  plus 
claires  que  le  iom*.  l,  ScUatcmâi.i').  Cde  ^rob.  La  ' 
mcfme. 

Quelques  querelles  fur uenu es  en  certain  mefnace 
dedansla  ville  de  Bafle ,  la  femme  ne  pouuant  plus 
fupportct  les  outrages  de  Ton  mari,  qui  ne  ccfioit  de 
la  molcllcr,  s'enfuit  delà  maifon  ,  &  s'tftant  retirée  ail- 
leurs &  cachée  chez  quelques  gens  de  conoifTancc,  les 
pria  de  s'employer  à  faire  fa  paix  auec  Ton  mari.  Auint 
au  temps  de  Ton  départ  qu'vnc  autre  femme  s'eftant 
noyée  dedans  le  Rhin  futicttee  abord.  On  y  court,  8c 
pource  qu'elle  eftoit  veftue  tout  de  mefme  que  lab- 
l'ente,  &  qu'elle  auoit  le  vifage  tout  meurtri ,  tellement 
qu'on  ne  pouuoit  plus  la  reconoiftre,  incontinent  la  po- 
pulace aiiiairee  fe  met  i  crier  que  ce  cruel  mari  auoit  tué 
la  femme  ,  puis  l'auoit  ainn  iettce  en  l'eau.  Le  Ma^i- 
Ihat  prenant  plus  de  pied  qu'il  ne  faloit  fur  ce  brmt, 
fai<ft  mener  cil  prifon  le  mari, qui  fui  l'heure  futfi  roidc- 
ment  torture,  qu'il  confefla  ce  qui  n'elloitpas,  à  fcauofr 
d  auoir  tucfa  femme  ,  puis  iette  le  corps  au  Rhin  ;  fui- 
uantlaquelle  confcfi  on  il  fut  condamné  &:  exécuté  à 
mort,comme  parricidc.Trois  iours  apresi  fa  femme  fugi- 
tiue  reuientpour  le  reconcilier  à  fon  mari  :  n^ais  enten- 
dant les  pitcufesnouuelles  de  ce  fuppliccfondant  tou- 
te en  larmes,&i  courant  comme  \  ne  infenfee  vers  lamai- 
fon  de  Ville,elle  fe  prcfente  aux  Seigneursjprouuerin- 
nocencede  fon  mari, les  accufed'iniurtice.  Eux  baifians 
la  telle  &  les  efpaulesj&condamnans  leur  fenrenccpre- 
cipitee;pourueurcnt  au  moins  mal  qui  leur  fut  poflible 
i  ccile  panure  vcfue.  Aï.  ,^>idré  Honfiorfenjonthcatre 
aexempUs. 

Deux  brigands  fe  cachèrent  en  la  ville  d'Erford,  chei 
vne  femme  vefue  en  intention  de  lui  couper  la  gorge 
&  cmporccr  le  meilleur  de  Ton  bien.   Pour  la  tira  hors 

T    4 


1^6  Hijloîr es  admirables 

de  fa  chambre  où  elle  repofoit,  ils  entrèrent  en  l'efta- 
ble  du  logis,&  commencèrent  à  pincer  vnc  cheurc  qui 
y  cftoit ,  afin  d'attirer  la  chambrière  à  defcendre  en  bas; 
comme  il  aduint.  Car  la  fille  venant  vifiter  la  cheure,  ils 
la  raifififent  au  collet  &  lui  coupent  la  gorge.  La  vefuo 
(qui  n'auoit  autre  chambrière  que  celle  là  )  oyantla 
cheure  crier,  &  la  fille  ne  reucnant  pas,  fort  de  fa  charn- 
brc,defcend,&  eft  tuce  par  ces  meurtriers  ,  qui  pillent  la 
maifon,  &  fc  fauuentauantqu'il  fuft  iour.  Le  matin  vc- 
jiu,  lesvoi/îns  entendent  hurler  vn  petit  chien  delà 
jnaifon,  dont  ni  maillrelTc  ni  feruante  ne  fortoit,  finale^ 
ment  firent  ouurir  la  porte,  &  trouucrent  ces  deux  per- 
fonnes  efgorgees.  Soudain  ils  commencent  à  charger  & 
accufer  certain  homme,  lequel  auoit  la  garde  d'vn  tem- 
ple prochain  ,  pource  qu'il  hantoic  pnuément  icelle 
vcfue.  Laiufticc  s'apuyant  fur  quelques  coniedures  & 
ïapportSjfe  faifît  derhomme,&  le  géhenne  fi  rudement, 
qu'il  cDnfcfl'e  auoir  commis  ce  que  iamais  ne  lui  eftoiç 
venu  en  penfee.  Toute  la  ville  commence  à  crier  au 
meurtre  après  celi innocent,  donts'cnlumitrcxccutioii 
à  mort  d'icelui.  Les  brigands  y  ^ihlloyent  en  la  prefTe» 
&qucUjucs  fepmaines  après  attrapez  &  emprifonnc? 
pour  autres  maléfices,  conférèrent  à  la  torture  ccft  af- 
îaiîinat  de  la  maiil:ielie&  de  la  chambrière  ;  2c  furent 
exterminez, comme  jIs  meiitoycnt,  11%  mefmf'. 

Ladiflas  Roy  de  Hongrie,  ayant  eftabh  Preuoft dç' 
fonhoftel  lean  Capirtran  ,  auint  qu'vn  certain  Corn- 
rc  fut  accufé  de  trahifon ,  &  appliqué  à  la  géhenne  con- 
fcfiace  dont  il  eftoit  condamné  :  rellcmenr  que  Capif- 
tran  condamna  le  Comte  à  eftre  décapité  enfemble  ion 
filsMTiajsfousvn  r^.e.ifMw  fecret ,  que  le  père  feulement 
feroit  exécuté  à  mort  le  premier ,  &  qu'on  efpargneroïc 
)efils,  fiTon  defcouuroit  tantfoit  peu  qu'il  fuft  inno- 
tentanais  qu'il  feroit  mené  iufques  au  lieu  du  fuppUcc. 
Le  fils  voyant  trancher  la  tcfte  à  fon  pere,&:  tenant  pour 
certain  que  la  fiene  feroit  bien  toft  abatue,  frappé  de 
frayeur  vçhemcntc  tombe  roide  mort  par  terre.  Ca- 
pirtran  fort  troublé  de  td  accidcnt  j  tjuiwc  Tefpec  &  Ce 

Tcndac  cordclier.  là  meftm, 

Viimar- 


é"  mémorables.  297 

Vn  marchant  de  la  ville  de  Mets  eftant  allé  aux  châps, 
le  bourreau  nouua  fnoycn  de  fe  cacher  en  la  caue  de  fa 
maifon  :  ou  fur  l'heure  du  fouper  la  chambrière  dcfcend 
pour  tirer  du  vin,&  y  cil  efgorgee  par  ce  mefchant ,  qui 
toft  après  tue  aufTi  la  maiftrefTe  ,  venant  cercher  fa 
chambrière.    Quoy  fait  il  fouille  à  fon  aifc  par  tout> 
&  emporte  du  plus  beau  &  du  meilleur  de  la  maifon. 
Xeniarchant  de  retour  voyant  ce  carnage  &  faccage- 
nientjcourt  à  la  iui1ice&  implore  Taidc  d'iccUc.  Eftant 
deuantles  luges,  plufîeursy acourent  pour  entendre 
te  plaintif  :  entre  iceux  fe  trouuecebdurreau  ,  lequel 
commencer  dire,  fur  les  diuersauis  touchant  ceft  hor- 
rible aflaillnat,  que  le  bruit  commun  eftoit  que  le  mar- 
chant &  fa  femme  eftoyent  en  perpétuelles  noifes  en- 
femble  :  &  que  nul  autre  que  lui  ne  pouuoit  auoir  com- 
mis telle  mefchanccte.   Ces  propos  &  autres  qui  s'y  rap- 
portoyent  fe  recueillent,  &  courent  d'oreille  &  de  bou- 
che en  autre,  paruicnent  aux  luges,  qui  y  adiouftans 
^rop  légèrement  foy  cmprifonnent  le  marchand,OTdon- 
nent  fur  fort  légers  indices  qu'il  fera  appliqué  à  la  tci- 
tur^* ,  à  quo}'  ce  bourreau  s'cmployc  de  grand  courage, 
&  donne  la  géhenne  fî  crucJlcment  au  bon  perfonnage* 
que  tout  defmembrc  il  confcfla  (  quoy  qu'innocent)  a- 
uoir  tué  fa  femme  &  fa  feru:inte:&:  cft  exécuté  d'horri- 
ble fupplicc  par  les  mains  dudeteftable  bourreau,  le- 
quel ,  enyuré  de  fa  fureur  pour  v  n  temps,  fait  grand  chè- 
re de  fon  malheureux  butin.    Mais  l'ail  de  la  iuftice  à\- 
uine  ne  fommeillant  point ,  Tartrappa  lors  qu'il  y  pen- 
foit  le  moins.    Ayant  gourmande  ,  yurongné  &  dilTipé 
_^fes  larcins,  &fe  trouuant  labourfe  vuide,  il  porte  à  cer- 
'tam  changeur  demeurant  en  la  ville,  vn  gobelet  d'ar- 
gent en  gage  pourrccouurcr  quelques  deniers. Le  chan- 
geur recognoit  au  gobelet  la  marque  du  marchand  exé- 
cuté i  mort.  II  le  reçoit  fans  bruit ,  &  après  que  le  bour- 
reau fe  fuft  retiré  ,  va  porter  le  gobelet  en  iuftice ,  dé- 
clare que  c'eftoit,  &quileluiauoit  apporté  pour  gage. 
Soudamementle  brigand  eft  empoigné, ferré  en'  prifoa 
cftroitte,  &cnqui.siurlagcfne  d'où  eftoit  venu  ce  go- 
-bektpar  Im  engagé.  Ducoinnienccmcnt,iltergiucrft;;: 


^9^  Kjlofres  admirables 

mais  en  fin  il  confcile  tout  le  fait.  Ainfi  fut  aucrcc(trop 
tard  dcuant  les  hommes)  l'innocence  du  marchant,&:  le 
cruel  coulpable  raclé  du  monde,  par  duier-,  fuppliccs 
toXs  cjuc  Tes  horribles  mefchâcctez  mericoyenc.  U  najinc, 
Bapcifte  Fulgofe raconte  que Hermolas  Donat ,  I'yii 
des  Seigneurs  des  dix  i  Venifc,  perfonnaLC  de  grâdeau- 
thoritc  ,  ayant  charge  de  faire  le  procès  crimmel a  va 
icunc  homme  accufc  de  crime  infâme,  le  ht  torturer  & 
tirer  plufîcursfois  pour  en  tirer  U  verité.Ce  que  ne  pou- 
uant,vn  comphce  de  ce  prironnier,voulanc  fe  venger  de 
telle  pourfuite,  &  procurer  quelque  foulagement  a  1  au- 
tre délibéra  de  iouër  \  n  mefchant  tour  au  ScigncurHci- 
juolas  ;  de  fait  il  l'efpie  retournant  vn  loir  fort  tard  du 
Palais  en  fa  maifonjacompagné  d'vnleul  homme  ,  por- 
tant vn  flambeau, lequel  foudaincmct  eitdnt,Hcrmolas 
reccut  vn  coup  de  poignard ,  &:  tomba  roide  mort  fur  la 
place.  Tous  les  Seigneurs  de  Vcnifc  mcrueilleufement 
e^meus  &  irritez  de  Tatrocité  du  fait  &  ne  pouuans  def- 
couurirlc  meurtrier  délibérèrent  de  rccerchcr  foigncu- 
lement  toutes  circonftances  qui  y  pourroyent  feruir.    Il 
leur  fouuient  qu'au nesfois  il  y  auoit  eu  groflc  querelle 
€nnc  Hermolas &Iacques  filsdcFrancifque  Fofcari  Duc 
de  Venifc.  Edimans  Lî  dcfl'us  que  lacques.appuyt  fur  U 
dignité  defon  pereauroitpeu  entreprendre  ce  meurtre, 
Icfontemprifonncr  &  gciner  rudement.    Mais  n'ayant 
voulu  confefler  ce  dont  il  n'eftoit  coulpable,  neâîmonis 
ils  le  reléguèrent  en  Candie,ou  il  mourut.  Le  meurtrier 
chafTe  de  fa  confcience  fouillccs'ellant  rendu  moineau 
bout  de  quelques  années  venant  i  mourir  defcouunt  à 
fon  confefleurce  forfait  :  ce  qui  fut  après  Ton  trel'pas ,  fî- 
gnifiéàla  Seigneurie.  Cela  eftaucnu  dcuant  Jc  fiecle 
nouuellementpafie:  mais  nous  rauonsioint  aux  autres 
hiftoires,  pour  le  rapport  qu'il  y  a.  ,^u6.Ut*Jejls  exèpUs, 


\1. 


IFGEMENS  remarquables. 

gentil-homme  Italien  fort  riche  &  bien  vou- 
d'Alexandre  de  Medicis  premier  Duc  de  Flo- 

lenccj 


dr  mémorables.  ^99 

rencc,  s'eftant  amouraché  d'vne  fort  honncfte  &trcs- 
bcllc  fille>mais  pauure  &  de  bafle  condition  ,  clUnt  fil- 
le d'vn  mufnier  demeurant  es  champs,  non  gucresloin 
de  Florence,  cfTaya  diuers  moyens  de  la  corrompre, 
maiscn  vain,  la  pucelle  ayantfonhonneur  cnfingulic- 
re  recommandation.    Finalement  outré  de  fapaflion 
vthcmcntc,&  fuiui  de  gens  qui  adheroycntâ  Tes  vo- 
îontcz,  il  fe  tranfportc  de  nuift  vers  ce  moulin,  raiic 
la  fille  d'entre  les  bras  de  Ton  pauure  pere,&  l'emporte 
troufTtefur  vn  cheual  en  vneficnne  maifon  champê- 
tre ,  où  elle  eft  violée.     Ce  pauute  pcre  s'achemine 
prompremcnt  vers  Florence,  &  le  iour  venu  attend  le 
Ducfurfon  retour  de  la  Mefle,  lui  fai t fa  plainte,&  dc- 
n^andciuftice.  Le  Duc  celant  fa  penfee  lercnuoyecn 
fj  maifon  ,  promettant  qu'il  y  pouruoiroit.    Inconti- 
nent npres  fon  drlhé  ,  il  monte  i  cheual  feignant  vou- 
loLt  aller  d  la  chaflc:  &  tire  vers  ccftc  maifon  du  gen- 
til-homme ,  s'arrcftant  auprès  en  vn  lieu  plaifant.    Le 
^,cntiI-hommcaucrti  qucle  Duc  eftoit  fi  proche,  &  f  n- 
yu'-é  de  fa  pafl'on,  ne  peni'ant  que  le  mufnier  eull  tilé 
fi  hardi  de  fe  plaindre  ,  &  fe  confiant  en  fon  crédit ,    en- 
ferme la  fille  en  vn  endroit  efcartc  &:  bien  accommo- 
dé de  fa  m.aifon  ,  puis  va  faire  la  reucrcncc  au   Duc, 
prcfcnte  Ton  palais  pour  logis  :  ce  que  le  Duc  acce- 
pte,&  feint  prendre  grand  plaifir  au  baftiment  de  ccfte 
maifon  dcplaifnncc,  vifite&  contemple  fort  curieufc- 
mcnt  tous  les  coings  ,  endroits  &  membres   d'iccUc, 
anec  leurs   ornemens  &  dépendances  :  fe  tait  ouurir 
toutes  les   portes  des  chambres  &  cabinets.      Fina- 
lement il  entre  en   vne  belle  &  longue  gallerie,  au- 
bout  de  laquelle  y  auoit  vne  porte  clofe,  mais  pein- 
te ^   enrichie- de  belles  &  gentilles  inuentions.     Le 
Duc  fait   femblant  d'auoir^cela  plus   agréable    que 
tout  le  reftc,  &  en  fe  fou  riant  dit,  qu'il  efiimoitque 
là  eftoyent  les  tiltres,  threfors  &:  bagues  plus  precieu- 
fcs  du  gentil-homme.  C'eftoit  la  prifon  de  l'honnefte 
fil'.e  rauie  &  violée.    D'autant  que  le  gentil-homme 
delayoitd'en  faire  ouuerture  ,leDuc  fe  douta  incon- 
tinent que  là  cftoit  ce  qu'il  ccrçhoit,Pourcant  comman- 


30©  Hijlûires  admirables 

de-ilqu'onouurc:  mais  le  geiuil-homme  allègue  qu'vn 
iîenferuitcur  eftoitallé  a  Florence  &  en  portoitlaclef. 
Mais  voyant  que  le  Duc  infiftoit  tant  plus  a  vouloir  en- 
trer dedans  ,  il  s'approche,&  après  vne  grande  reueren- 
ce,Iui  à\t  en  roreillc,quelcans  eftoit  vne  garrcjaquclle 
il  nede/îroiteil:revcuë,s'jl  ncplaifoitau  Ducfonfei- 
gncur  de  la  voir.Oyi,oui,  refpond  le  Duc,c'eft  ce  que  le 
cerchc.  Le  gentil-homme  cflimant  que  cela  paireroit  en 
niee,i  caufe  que  le  Duc  eftoitlui-mefmcfort  adonné  à 
telles  desbauchcs,  qui  furent  caufe  puis  après  defâ 
r'iort,ouurc  la  porte.  Alors  la  pauure  fille  ,  elcheuclcc, 
cfplorec, déshabillée, fc  proilerne  aux  pieds  du  Duc, 
lui  demande  luftice  du  tort  qui  lui  auoit  cfté  fait.  Sur 
cc,le  Ducluienuoye  quérir  promptement  le  mufnier, 
tance  fort  afprementlc  Gentil-homme  &  deux  fiens 
principaux  complices  .-propofe  au  gentil-homme  deux 
conditions,  ou  la  mort  fansremiflîon  quelconque,  ou 
qu'il  efpouraftla  fille  par  lui  rauie.  Le  gentil-homme 
quinepenfoit  pascfchaper  :  attendu  la  cholcre  de  ion 
Seigneur,accepte  le  mariagc,&  paricntence  du  Duqeft 
condamne  à  donner  à  la  femme  pour  douaire  trois  mil- 
le ducats.  Quoy  fait  en  prcfence  du  Ducdcfa  fuite,  & 
du  mufnicr,la  fille  licnorablcment  parce ,  iirefpoufcla 
tient  pour  femme  légitime,  &  elle  cil  tenue  pour  telle, 
nimce  de  lui  reuerec  en  toute  la  Torcane,&  le  Duc  fort 
honoré  de  chacun  pour  vn  fi  bel  ade  deiuftice.  niji.  de 

Florctrre. 

Il  y  auoit  vn  citoyen  de  Corne  détenu  prilbnnier  par 
vn  capitaine  Efpagnol  &accufe  d'auoir  cômis  vn  meur- 
rre,à  raifon  dcquoy  ilciloitcn  grand  danger  de  fa  vie, 
1  an  mil  cinq  cens  quarante  fept.  La  femme  de  ce  pri- 
lbnnier,bcllc  &  de  bonne  grâce  entre  celles  d'alors,  au 
reftcpudiquej&treflbigneufc  du  bien  &  delà  deliuraii- 
ce  defonmari,  alloità.  venoitfoUicitantpour  lui  en 
toutes  les  fortes  dont  elle  pouuoit  s'auifer.  Sellant  pré- 
sentée &  agenouillée  deuant  ce  Capitaine,  elle  le  lup- 
plie  de  fauuerla  vie  à  fon  prilbnnier.  Le  mal-heureux 
la  tirant  à  part,  lui  dit ,  il  y  a  vn  moyen  de  garantir  vo- 
ihe  mari^fans  quoy,acccflaireméc  c'cll  fau  de  lui.  Apres 

quel; 


cf  memoYâhles.  301 

qujeîques  propos  là  deffus ,  il  defcouure  finalement  Ton 
vilain  cœur,  lafoUicitantde  s  abandonner  à  lui  ,  auec 
promefl'eque  puis  après  il  luirendroit  ce  qu'elle  defî- 
roic  tant.  La  pauure  femme  retombée  en  nouuelle  affli- 
ôion, après  auoir  longuement  combatu  en  fa  penfee ,  & 
en  extrême  amertume  de  cœur,  déchire  à  Ton  mari  la. 
crucUe&vilaine  volonté  du  Capitame.  Le  mari  defi- 
reux  de  fauuerfa  vie  confeille  la  femme  d'obtempérer 
au  brutal  defirderEfpagnol; lequel ayantiouy  du  corps 
de  celle  femme  defolee;,  voulut  encore  qu'elle  aflouuift 
ion  auari.ce ,  &  lui  contall  deux  cens  ducats.  Il  adiouftc 
à  ces  deux  horribles  crimes ,  vn  troifîefine  du  tout  detc- 
ftablc  :  c'cft  qu'ayant  fait  tirer  le  mari  hors  desprifors 
comme  pour  le  remencr  en  fa  maifon  ,  &  le  rendre  à  fa 
femme  qui  refperoit  ainfî ,  ce  deP.oyal  Capitaine  faic 
incontinent  remener  en  prifon  le  pauure  homme,  puis 
lui  fait  trancher  la  telle.  La  femme  outrée  de  douleur, 
raconte  toute  l'hilloire  àfesamis,  &parleur  confeilfa 
plaint  au  Duc  de  Ferrare  ,  lequel  extrêmement  irrité  de 
tels  forfaits  enuoye  promptement  quérir  le  Capitaine, 
lequel  interrogué  &  conuaincu,puis  demandantpardon 
eft  premièrement  condamné  à  rendre  fur  le  champ  les 
deux  cens  ducats,  &  à  en  adioufter  encores  fept  cens  au- 
tres. Secondement  il  fait  venir  vn  Preftre ,  &  contraint 
le  Capitaine  d'efpoufer  la  vefue  en  prefence  de  tous. 
Tiercement,  tout  à  l'heure  enheude  lidnuptial,  aui^ 
partir  de  TEglife ,  il  fait  drelTcr  vne  potence ,  ou  le  Ca- 
pitaine Efpagnol  eft  pendu  &  eftranglé  :  la  vefue  hono- 
rablement enuoyce  en  fa  maifon.  Hijioire  ci' Italie. 


IF  G  ES  mn  iugesy  mm  très -iniques 

dr  detejlahles, 

EN  certain  lieu  d'Alemagne  que  ie  ne  nomme  poinc 
pour  bonnes  confiderations,ciduint  l'an  1557.  aux  lu- 
ges de  iaifir  au  collet  certain  foldat  pafTant,  lequel  auoit 
commis  quelque  infolence  punilFable  ,  mais  pluslegcn 


301  Hîflûires  Admirables 

remcntquc  de  fupplicc  au  corps.  Aucuns  difent  qu'vnc 
bonne  bouifcdont  il  crtoit  chargé  , fut  caufc  qu'ils  le 
condamnèrent  à  mort.Lors  qu'ils  prononcèrent  fenten- 
ce  contre  lui  il  leur  dit  d'vn  vifagc  afleu'-é  ,  Vouseftes 
iuges  iniques ,  qui  pour  complaire  à  vos  fouuerains  ,  ou 
pourauoir  mabourfe,  m'cnuoycz  au  fupplicc.  Mais  fi 
vous  eftes  tant  aflfnmcz  d'argent  ,  prenez  tout  ce  que 
i'ay  &  me  lai  (lez  aller  :  ie  ne  veux,  ni  ne  puis ,  quand  ie 
le  voudrois,  me  venger  du  rort  que  m'auez  fait:  &  vous 
promets  de  nemettre  iamaislepied  en  celicu.  Pour 
complaire  à  deux  ou  trois ,  gardez-vous  d'efpandre  le 
fang  innocent.  Redoutez  le  lUge,  auquel  rien  n'ell  ca- 
ché,qui  rendra  à  chacun  félon  ce  qu'il  aura  fait,foic  bien 
foit  mal.  Mais  n'obtenant  rien  par  toutes  fes  plaintes  & 
remonllrances,  iladioulla,  Puis  donc  que  vous  bouf- 
chez  les  oreilles  à  mon  cri ,  ie  vous  adiourne  deuant  le 
fîegeiudicial  deDieu.  Vous  elles  luges  mefchans& 
corrompus  par  argcnr.îleft  exécuté  à  mort. Mais  deuaut 
que  Tannée  fut  expirée  ,  quatre  de  ces  iuges  iniques  pé- 
rirent mal-heureufement.  L'vn  fut  tuéd'vn  efclatdc 
foudre  ,  l'autre  poignardé  en  vn  banquet ,  le  troifiefmc 
pendu  &  eftranglé  au  gibet ,  à  caufe  de  quelque  larcin: 
le  quatriefme  trauaillé  d'vne  fieurc  rref-ardantc  acom- 
pagnee  de  gnefues  douleurs  &  tourments  ,  mourut  dcG- 
cfperé,&  peu  deuantque  rendre  l'ame  s'efcrioit  difant, 
Satan  ,  que  tardes-tu  ?  que  n'arraches  &  n'cmportes-tu 
mon  ame  hors  de  ce  corps  :ie  t'ay  ferui  iufqucs  à  pre- 
fent:ie  fuis  donques  à  toy.  le  ne  veux  pas  comparoir 
deuant Dieu  auec  le  foldat.  ic.xn  le  G.iji  dz  b r/^ùr  ,  w»  2. 
'-^ohtme  de  fci  propos  de  table  j^a^^^Al'), 

L'hiftoire  fuiuante  cil:  encore  plus  eftrange.  Vn  fils 
defpouille  rellcmeat  le  nom  de  lîls  qu'il  accufe  Ton 
propre  père  de  s'elbe  méfie  auec  vne  berte.Le  perc  cft 
cmprifonné,  &  appliqué  à  la  torture, oùil  confeflca- 
uoir  commis  Tade.  Hors  b  rorrur  -  il  nie:puis  confefle 
y  eftant  ramené  ,  fon  corps  eftant  Ci  foible  qu'impofllble 
lui  ertoit  de  fupportcr  tels  tourmcns.  Auffi  difoit-il, 
i'aime  mieux  mourir, qu'elbe  plus  ainfî  defpiecé.  Ame- 
né dcuantles  luges  auparqucc,&:  derechef  enquis  félon 

la  C0U2 


é^  memârMes.  505 

la  ccuftumc ,  s'il  auoit  pas  commis  ceftc  enormité ,  nie 
fermement,  &  adioulte  que  la  torture  lui  auoit  extor- 
€\\xé  telle  confeflion.  Que  iamais  il  n'auoit  eu  en  penfce 
de  fe fouiller  fi  vilainement,  tant  s'en  faloit  qu'il  cuft 
commis  l'afte.  On  lui  confronte  fept  tefmoinsjcfquels 
maintiencntlui  auoir  ouy  confcffer  en  prifon  tel  for- 
fiit.  Sur  ce  il  eft  condamne  à  eftre  bruflè  vif.Commc  on 
le  menoitau  fupplice,il  ne  celîoit  de  dire  au  peuple  ,  le 
regardant  palfer ,  qu'il  eftoit totalement incoulpabic  8c 
innocent  de  telle  accufation  braflee  par  fon  fis ,  lequel 
ne  ccrchoitquefa  mort  pour  elhe  maiftre  des  biens  & 
les  difllper.  Il  fut  bruflé  \ïi ,  mourut  conilammenr, 
&:  rendit  Tame  paifibiemcnt  à  Dieu.  Mais  dedans  va 
mois  après  les  luges  &  les  tefmoins  périrent  tous  mi- 
ferablement:&  le  parricide  exécrable  s'eftant  defefperé, 
s'eftrangla  dVn  cordeau.  Le  tntjme  ,  en  ce  fecoud,  ■voUmey 
pageizé. 

Les  hiftoiresdoquelques  luges  non  iuges,  mais  iu- 
gez  défia  dcuantDicu,deuanteux-mefrnes  ,  deuanties 
homme-s ,  comme  luges  tres-iniques&  deteftabless  ne 
font  mifesenauant  pour  fauorifcr  tantpcu  que  ce  (bit 
aux  fureurs  dciifantaftiques,  qui  pour  les  fautes  de  cer- 
tains particuliers  ont  ofé  condamner  les  vocations  lé- 
gitimes des  adminiftrateurs  de  luilice.  Que  les  iniques 
continuent  d'aprcndre  à  ceux  qui  aiment  le  vrai  hon- 
neur, la  paix  de  leurs  confciences,  la  gloije  de  Dieu  ,  la 
conferuarion  du  droit  a  qui  il  aparticnt,  de  s'acquiter 
honnorablement  &  fidèlement  de  leurs  charges.  le 
continue  de  toucher  aux  iniques  deportcmens  de  quel- 
ques vns,  ce  qui  fert  d'efchantillon  au  lecteur ,  pour  lui 
ramenreuoir  plufieurs  autres  exemples.  On  ne  s*cll 
point  contenté  de  noftre  temps  de  prendre  des  prefens 
buuables  &  mangeables  ,  pour  l'expédition  des  procès: 
on  ne  s'eft  point  contenté  de  voir  apporter  les  eftof- 
fes  precieufes  pour  monfieur  &  madame,  nidelaiifer 
cmbraceler,  ou  enchainer  ,  ou  cmbaguer  madame  & 
inadamoifelle  ,  fans  faire  femblant  de  Içauoir  que  c'cfi^ 
ni  d'en  voir  rien  ;  on  ne  s'elt  point  contenté  de  faire 
demander  &  prendre  par  fçruiteur  domcrtiqucs,  par 


304  HiHoirfs  ndmirahles 

amis  &courraticrsdcxtrcmcncapoftcz:  on  ne  s'eft  point 
contenté  de  trafiquer  de  la  iuilice  auec  toutes  fortes  do 
mcftiers,  pour  tirer  es  maifons  toutes  pièces  de  mefna- 
ge,  ne  trouuer  rien  trop  chaud ,  trop  pcfantà  trop  viî> 
brief  on  a  vendu  les  orphelins ,  lesvctucs,  lespauure.s, 
les  perfonncs  innocentes ,  pour  des  bottes ,  des  ioulicrs;, 
des  chapeaux,  &c.  Mais  on  eft  venu  info ues  à  dire,  que 
me  donneras-tu?  Orçaiquand  &  quand  tendre  la  main: 
voire  (  fauf  l'honneur  du  prouerbe  qui  défend  de  regar- 
der en  la  bouche  au  cheual  donné  )  on  eft  venu  iufquc-- 
aie  manier,  tantoft  derrière  le  dos  feignant  fe  prome- 
ner auec  le  marchant,  puis  à  le  regarder ,  le  fonner ,  le 
".pcfer,  deuant  que  vouloir  dire,  Or  bien,  or  doncafleu- 
rez  vous  de  moy.  Encore  ne  s'eft  on  point  contenté  df 
celaicar  on  eft  venu  lufques  à  fe  faire  donner  par  le  pau- 
urc  inftantla  vigne  de  dix  arpens  pour  lui  faire  iuftice 
de  la  vigne  de  cinq  ou  /îx  arpcns:a  demander  vn  cheuai 
àc  cent  efcus  pour  en  taire  gaigner  cinquante  :  à  fe  faire- 
veftir  de  pied  en  tefte  auec  la  femme,  pour  donner  voi.x 
fauorableen  vne  cauferoigneufc.  Etquelquesfois  fi  \c. 
droid  a  moins  donné  que  le  tort,  il  eft  dcuenu  inutile 
&,côme  difoitquelqu'vn,  les  quatre  chenaux  du  dernic 
ont  entrainé  le  coche  qu'auoit  donné  le  premier  venu. 
On  a  encore  palfé  plus  auant  :  car  on  eft  venu  iufques  i 
demander  ce  que  Ton  fçait  ne  fe  pouuoir  ni  félon  Dieu, 
ni  félonies  hommes,  prefter,  ni  vendre  >  ni  engager  :  ce 
dont  la  perte  eft  beaucoup  plus  grande,  &  n'elt  moins 
irréparable  que  de  la  vie.  L'on  eft  venu  (di-ic)  iufques  à 
vouloir  faire  acheter  la  iuftice  d'vn  payement,  qui  eft 
non  feulement  contraire  à  toute  honneftete  &  iuftice, 
mais  duquel  Tinfamie  redonde  iur  ceux  qui  font  enco- 
res  à  naiftre.  Et  pour  parler  en  termes  non  ambigus ,  de 
noftre  temps  s'eft  trouué  vn  Prciidcnt  mort  Abbe,  qui 
voulut  eftendre  fes  prétentions  iufques  là  ,  de  demander 
à  vne  honorable  Damoifclle  qu'elle  lui  preftaft  fon  de- 
uanr,à  la  charge  qu'il  lui  preftcroit  audiancc. 

On  allègue l'hiftoirc  dVn  qui  fit  encores  pis.  Ce  fuft 
Ic^Prcuoft  la  Voufte,  lequel  loua  vn  tref-mefchanr  tour 
à  certaine honnefte  dame.   Elle  cftanc  venue  vers  lui ,  à 

ceU<; 


dr  mémorables*  305 

celle  fin  d'intercedci  pour  Ion  mari  que  cePreuoft  dcce-- 
noit  en  prifon  ,  fut  requiic  par  lui  du  piaifîr  dVnc  nuicl:, 
à  la  charge  de  lui  odroyer  tout  ce  qu'elle  lui  deman- 
doit.  Ceite  femme  ie  trouuant  fort  empcfcheejdVn  co- 
fte  regardant  la  foy  qu'elle  romproit  i  ion  mari ,  d'autre 
coftéla  vie  qu'elle  lui  fauueroit,  voulut  communiquer 
de  cefaift  à  Ion  mari. Lui  Payant  dirpenfee,  clic  condcf. 
cendit  à  la  brutalité  du  Preuoft/c  tenant  route  aiTcuree 
qu'il  lui  ticndioirpromelfe.  Mais  au  matin  ce  mclchant 
trimefchantifiime  après  lui  auoir  fait  pendre  &  eftraii- 
glerfon  mari,  le  vous  auois  (dit-ilj  promis  de  vous  ren- 
dre voftrc  marj::e  ne  le  garde  pas,iclc  vous  rend. 

Ce  mefme  Preuofteilant  après  pour  faire  pendre  vn 
homme  lequel  cltoit  défia  deflu^refchellc,  on^  vint  lui 
due  a  Toreilie  ,  que  s'il  le  vouloir  deliurer  ,  on  lui 
donneroit  cent  efcus  comptant.  Aufquellcs  nouuelles 
ayant  prins  gouil,  fit  figne  au  bourreau  qu'il  atrendiit: 
puis  ayant  longé  vn  efchappatoire  s'approcha^&dit  tout 
haut  en  Ton  barragouin  ,  ce  que  nous.dirions  ainficn 
noltre  vulgaire:  Regardez  i  mefixurs,  en  quel  danger 
ce  mal-heureux  me  mettoit.  Car  il  a  couronne  (encore 
equmoquoitiliur  cemot,qui  lignifie  vn  cfcu  d^orlbl,  & 
la  couronne  de  ceux  qui  commencent  à  eftre  in  facrts 
comme  on  parle,  Si  au  premier  degré  pour  deuenirpre- 
ftre  )  &  il  ne  le  me  difoit  pas.  Maude  terre  te  vire, 
deuale  ,  deuale,  tu  feras  mené  dcuant  TOificialton 
iugci 

Vn  autre  Preuoft  defirant  fauuer  la  vie  a  vn  larron 
qui  elloit  tombé  entre  fes  mams ,  à  condition  qu'il  par- 
ticiperoit  au  butin,  dont  ils  eftoyent  d'accord:  d'autre 
parc  confidcrant.quc  le  murmure  feroit  grand  s'il  ncn 
taifoitiuilicc,  &  mefme  qu'il  Te  mettoit  en  grand  dan- 
ger, vfa  de  ce  moyen.  C'ell  qu'il  fit  prendre  An  pauure 
bon  homme,  auquel  il  dit  qu'il  y  auoit  long  temps 
qu'on  le  cerchoit,  ^:  que  c'cftoit  lu;  qui  aufâit  fait  vn 
tel  ade  &  vn  tel.  Ccil  homme  ne  faillit  à  lui  nier  fort  & 
ferme  ,  comnie  ayant  la  contéicncc  netce  de  tout  ce 
qu'on  lui  mettoit  a  fus.  Mais  ce  Prcijoft  eftant  refoiu 
Uc  palTcr  outre  ,  lui  fit  rçmonftrer   ou'il  gaigneioïc 

V 


jo^  Hijloires  admirables 

bien  mieux  de  le  confcfTcrjpuis  qu'aufll  bien  ain/î  qu'en 
çailluifaloit  perdre  la  vie  :  &  que  s'il  confefloic  ,  le 
Preuoft  s'obligeroit  par  Ton  ferment  de  lui  faire  tanc 
chanter  de  mcflcs  qu'il  pourroit  eftre  afleuré  d'aller  eu 
"paradis  :  au  lieu  qu'en  ne  confefl'ant  pointilnelairroïc 
d'eftre  pendu,  &  ii  iroit  à  tousles  diables ,  d'autant  qu'il 
n'y  auroit  perfonnc  qui  fift  chanter  vne  feule  melfe 
pour  lui.    Ce  pauure  homme  oyant  parler  de  mort  & 
d'enfer  aima  mieux  eftrc  pendu,  &  puis  aller  en  paradis. 
Tellement  qu'en  fin  il  vint  à  dire  qu'il  ne  fefouuenoit 
point  d'auoir  faid  ce  dont  on  le  chargeoit.  Tourcsfois, 
que  fi  on  s'en  fouuenoit  mieux  que  lui,  &  fi  on  en  eftoit 
bien  afTeuré,  ilprendroit  la  mort  en  gré  :  mais  qu'il 
prioit  qu'on  lui  tint  promefie  touchant  les  méfies.    Il 
n'euft  pluftoiHafché  1?  parole  qu'on  le  mena  tenir  la 
place  del'autre  qui auoit  mérité  la  mort.  Maisquand  il 
fut  à  refchelle,il  entra  en  des  propos  par  lefquels  il  don- 
noit  à  entendre  qu'il  fcrepentoit,  nonobftant  tout  ce 
qu'on  lui  auoit  promis.  Pour  à  quoy  remédier  ccPreuoll 
fit  fione  au  bourreau  qu'il  ne  le  laiiïaft  acheucr.  Et  ainfi 
fut  faid.   Lmr.  1.  de  la  conférence  des  merueilles  anciennes  (J* 
modernes. 

Vn  Lieutenant  ciuil  voulant  gratifier  quelqu'vn,  a 
l'endroit  duquel  ildeuoitfe  monllrer  feuereprotedeur 
dciuiticc  ,  ne  fe  contenta  pa^  d'auoir  engagé  facon- 
fcience  trop  auant,  mais  qui  pis  fut  vfa  de  telle  rhétori- 
que à  l'endroit  de  plufieurs  pcrfonncs  ,  qu'il  leurper- 
fuada  de  fe  perdre  comme  lui.  Car  il  fut  Ci  afpre  à  la 
pourfuite  d'vn  procès  contre  la  Comtefie  de  Senigan 
(laquelle  on  chargeoit  à  tort  d'auoir  faift  efchapper  le 
Ducd'Arfcot,  prifonnierauboisde  Vmccnncs)  qu'il 
vintiufques  à  fubornervn  grand  nombre  de  tefmoins 
contre  icelle  ,  s'aidant  en  cefte  pratique  d'\n  Commif- 
faire  nommé  Bouuot:  maisl'vn  &  l'autre  clchappans  a 
bon  marche,  après  auoir  cfté  condamnez  pour  crime 
de  faux  commis  à  l'inftrudion  du  procès  contre  la  Com- 
tefle,  firent  amende  honorable,  puis  furent  pilotiez  aux 
haies,&  relegu cz.  ^tt  înefjnç  littrc  (hap.lj.  l tem  en  Chijï.  dt 
France  foHS  Heurt  z, 

Guy  de 


&memOYâhles,  307 

Guy  de  Seruille  foi  difant  Lieutenant  du  Preuoft  des 
MarclchauxenlaSencfchaufree  deXaindonge,  ayanc 
fai/î  prifonnier  deux  ieunes  enfans,  les  fit  pendre  vn  iour 
de  Dimanche ,  fans  leur  faire  procès  entier:&  par  lequel 
procès  ils  fe  trouuercnt  prefques  innocens.    11  efl:  prins 
à  partie  ,  comme  Ion  aacouftumé  de  faire  contre  luges 
procedans  ex  officia  ,&  fans  partie  pourfuiuant  &  reque- 
rant.-car  en  ce  cas  ils  tienneut  lieu  d'accufateur:  Apres  le 
procès  veu,  par  ordonnance  delà  Coutil  efl  conlHtué 
prifonnier  &  mené  en  la  Conciergerie  de   Bourdeaux: 
là  ouileftenquis:  &parfes  refponfes  il  fouftientqtie 
Icfditsenfans  auoyent  mérité  la  mort^  pour  plu/ieui.scaç 
qu'il  met  en  auant.  Ce  trait  empefcha  la  Cour  de  Bour-- 
deaux,s'ildeuoiteftrereceud'en  faire  preuue.  Aucuns 
grands  lurifconfultes  eftimans  qu'vniugc  après  l'exé- 
cution peut  aubefoin  par  preuues  &  produftions  iu- 
ftifier  fon  iugement,  notamment  contre  les  vagabonds, 
coureurs  &  pillards,  aufquelsles  Preuofts    des  Marel^ 
chaux  font  procès  fommairement,ioint  aufTi  qu'vn  iuge 
peut  interpretcr,declarer  &  fouilenir  fa  fcntence.La  ne- 
c^atiueeft  plus  commune. Car  tout  ce  que  deflus  a  lieu 
en  cas  d'imminent  péril, &  en  temps  de  guerre:  autre- 
ment Ton  ne  doit  fans  propos  foy  tant  eflongner  de  la 
loy&deiuftice:&n'eftreceuable  vniugeà  laiuftifica- 
tion  de  foniugement  par  autres  moyens  que  ceux  qui 
font  au  procès ,  &  qui  font  efcrits  par  deuant  lui.   Car  le 
condamné  &   exécuté  cuit  peu  fe  défendre  &  iuflificr, 
ou  bien  reprocher  les  tcfmoins,  en  forte  que  toutfuft 
venu  à  fon  innocence.  Mais  de  tout  cela  l'occafion  lui 
a  efté  oftee  auec  la  vie  ce  qui  ne  fe  doit  faire.     Ce 
neantmoins  par  arreft  de  Bourdeaux  fut  Seruille  re- 
ceuà  faire  preuue  parades  ,  ou  tefmoins  des  cas  donc 
il  chargcoit  les  deffunds.  Et  pource  que  depuis  il   n'en 
fit  rien,&  furent  les  deux  ieunes  garçons  trouuez  inno- 
cens ,  par  autre  arreft  prononcé  le  z4.iour  d'Aouft  152,8, 
il  tut  condamné  &  exécuté  à  mort,i.  im/jo»,  at*  quatriejme 
Hure  dtt  reciteU    des  ^rrejis  donnez,  es  Cours  fouhcr Aines, 
arrejl^. 

V   X 


5o8  Hijloires  admirables 

Vn  foy  difanc  fauil'cnicnt,  &  fous  ce  nom  de  Preuofl 
desMarefchauxcMiIa  Scnelchauflec  des  Landes  nyant 
fait  mourir  fcpt  femmes  accufccs  dcforccUerie  à  tort  & 
fans  preuiie,fLic  dccapité  par  arrcll  de  Bordeaux ,  donné 
le  ^.lanuier '515,11  auoit  commis  trois  fautes.  LVncdc 
i unfdi die a,tel  fait  n'cltant  Preuoftable.  Lafecondcdc 
ce  qu'elles  n'eifoyentconuaincues. La  troifiefme,de  ce 
c]uefiuirementilfe  difoit  Preuofl:  ,  &  fous  couleur  de 
charge  publique  auoit  perpètre  autant  de  meurtres.  Lt 
HHpne  Pupon  en  ce  mej'mc  lini  Cyarreft.  7 . 

Le  Confal  d'vne  ville  de  Suiîîe  (  i'efpargne  les  noms 
pour  le  prefent)homme  riche ,  faifoit  baftir  \  ne  maiion 
magnifique  l'an  155^.  tntre  autres  ouuricrs  excellens 
qu'il  tecercha,  il  fit  venir  delà  ville  de  Trente  vn  tref- 
expert  fculpteur  &  architecte  nommé  lean, lequel  pour 
iullesraifons  fie  refus  de  venir  :  finalement  ayant  receu 
promelfe  de  toute  feureté  &  gracieux  traitement,  il  vint 
&trauailla  long  temps  pour  l'autre.  Sur  la  fin  delà  bc- 
fongne,  venant Tarchicedc  à  demander  les  ialaires  ils 
entrèrent  en  quelque  conteftaticn,dont  l'iffuc  fut  que, 
parle  commandement  du  Conful ,  lean  fut  conftitué 
prjfonnier,  6c  parle  mcfme  Conlul  (  contre  fa  foy  & 
promefîe)  accule  d'auoir  parlé  contre  quelques  céré- 
monies. Le  Conful,accufateuriuge  &partie3pouriui- 
uitfa  poindc  fî  furicufement  ,  que  lean  fut  condamné 
à  auoiria  telte  tranchée.  Comme  on  le  menoit  au  lup- 
pliceilmavchoitauec  vn  vifage  ouucrt,  &  mourut  fort 
conltamment.  Adioullant  au  rellc,apres  vn  long  pro- 
posjtefmoignantla  conf!;ance,&  fincereafi'cdion  ,  que 
le"  Couiul  autheur  de  fa  mort  mourroit  aulli  dedans 
trois  iours,&colTiparo!iîroit  deuant  le  ficgeiudicial  de 
Dieu  ,  pour  rendre  railbn  de  fa  fentence.  11  en  aduint 
comme  ce  perfonnage  auoit  prédit  :  car  le  ConfuI 
(quoi  qu'encorcs  en  fieur  d'attge  &  bien  difpoft  de 
fa  perfonne  )  coriinença  des  le  mefme  iour  à  élire  M 
aflailli  tantoit  c'vne  chaleur,  puis  d'v^ie froideur  ve-  »■ 
liemence  6c  extraordinaire,  bnef à  eftre  frappé  d'\nc 
nauîielle  maladie  :  tellement  q',u:  dedans  le  troifîcl- 

nieiour 


/^  memorâhles,  509 

me  iour  il  alla  refpondre  à  l'innocent,  duquel  il  auoit  e- 
fté  trcf-iniquc  partie,  accufateur,  &  luge:  eftant  arraché 
de  la  terre  des  viuans  par  vn  terrible  iugement  de  Dieu. 
Aï.lûjlus  Simler  de  7  urich^en  la  vie  de  H.BydUnger. 

1  V  s  N  Emerueilleux. 

H  En  r  I  de  Hafleld,  s'eflant  tvanfporté  des  pays-bas  à 
Bergen  Norvvergue,ou  il  trafiquoir  ,y  veicutirrc- 
})rchen/îblcmcnt,rans  élire  mane,fort  charitable  enuers 
les  pauuresj  lefquels  il  reueftoit  libéralement,  &em- 
pîoyoit  à  cela  vnc  partie  de  fcs  draps  dont  il  faifoit 
marchandife.  Vn  iour  ayant  oui  certain  prefcheur  par- 
lant mal  à  propos  des  iufnes  miraculé ux,comme  s'il  n'e- 
rtoit  plus  en  la  puiflance  de  Dieu  de  maintenir  auciihe 
pe"fonne  viuante  fans  aide  de  viande  &  breuuagc,  &in- 
digné  que  ce  prefcheur  efloit  vn  homme  difîolu  ,  qui 
poluoit  les  chofes  fainfles ,  cfi'aya  de  iulher  &  s'abftenir 
totalement  de  boire  &  manger.  Ayaiit  continué  troii» 
iours  entiers  il  fentit  la  faim  afle?.  rude.  Pourtant  print- 
il  vn  morceau  de  pain  en  intention  de  Taualer  auec  vn 
verre  de  bière.  Mais  tout  cela  lui  demeura  tellement  en 
la  gorge  ,  qu'il  demeura  quarante  iours  &:  quarante 
nuifts  fans  manger  ni  boire.  Au  boutdecetemps,ii  re- 
letta  par  la  bouche  la  viande  &  le  brcuuage  qui  lui  e- 
ftoyenr  demeurez  en  la  gorge.  Vne  ii  longue  ablHnence 
l'aftoiblit  de  telle  forte  ,  qu'il  f.ilutie  fubftanter&  re- 
mettre au  delfus  auec  du  laiâ:.  Le  gouucvncur  du  pays 
ayant  entendu  celle  merueille  ,  fait  \enir  Henri,  î'en- 
quiert  delà  vérité  du  faid  :  &  nepouuant  adioufter  foy  à 
la  confefl'ion  de  Henri ,  voulut  en  faire  vn  nouuel  elfai. 
Pourtant  le  fit-il  enferrer  ,  veiller  &  garder  foigneufe- 
mcnt  en  vne  chambre  Tefpace  de  quarante  iours  & 
quarante  nuifts  ,  fans  qu'on  lui  donnall:  nourriture 
quelconque. Ce  qu'il  fupportafans  bruit,&  auec  moin- 
dre difficulté  que  la  première  fois  :  ne  fc  glorifiant  nul- 
lement, ni  n'attribuant  ticnàfoi-mefaïc,  mais  rappor- 

V    z 


3  i  o  Hijloires  adm  trahies 

tant  le  toutà  la  puiflancc  &:  à  l'honneur  de  Dieu. A  eau- 
fe  d'v  ne  fi  rare  &  furnaturelle  abllinence,&  pourcc  que 
fa  vie  eftoit  fans  reproche ,  il  fut  iurnomme  de  piuficurji 
le  Saind  de  Norueguc.  Quelque  temps  après  cftant 
venu  pour  Tes  négoces  à  Bruxelles  en}3rabant,  vn  Ç\én 
débiteur  n'ayant  aucunebonne  monnoyc  pour  k  payer 
&:  moins  encore  de  confcitnce,  l'accufe  d'herefie,à  rai- 
fon  dequoy  il  fur  pris  &  mené  en  prifon ,  ou  il  demeura 
lans  boire  ni  manger  longue  efpacc  de  iours:aubout 
delquels  il  fut  condamne  elhe  brufle  vif,  fans  que  rien 
de  (on  procès  fuft  expofc  au  peuple  qui  le  \id  marcher 
au  fupplice  auec  mefmevirage  &  contenance  que  de 
couHume.  On  l'attacha  d'vne  longue  chaine  de  fer  à 
vn  gros  pof}:eau,&  alluma-on  des  fagots  en  abondance  à 
quelques  pas  tout  autour  de  luiichafcun  eftimant,  qu'il 
courroitiulquesau  dernier  Ibufpir  autour  de  ce  poftcau. 
Lui  au  contraire fe  proftemant  à  genoux,  &  leuant  les 
yeux  au  ciel,tit  vne  prière  ardantc  à  Dieu  :puis  fe  leuant 
debout,s'approche  couragculcmcnt  des  flammes  arden- 
îes,entrc,s'aîTieddedans  ,  &yrubfiilefi  pailiblemcnt, 
que  nul  ne  lui  vid  remuer  bras,niiambes, telle  ni  corps: 
ainsfans  bougerni  fe  tourmenter  il  expira  dedans  le 
feu.  L'on  netrouua  parcelle  quelconque  de  Tes  os  :  &: 
pluficurs  pallans  depuis  par  Tendrojt  ou  il  auoit  e- 
ft-é  réduit  en  cendres  tenoyent  celle  place  pour  vn 
lieu  de  dcuotion. Cela  aumt  enuiron  Tan  mil  cinq  cens 
quarante  cinq:  ce  que  i'ay  aprins  de  la  boucljc  de 
î^ens  trei-dignes  de  foy  ,  bons  amis  de  ce  perfonna- 
oe  ,  aucc  lequel  ils  auoyent  hanté  fort  familiere- 
jnent.L   V-oier  nti  trui^iê  de  witvnn  Commentitiis, 

N'y  a  pas  long  temps  qu'vn  Chanoine  en  la  ville  de 
Liège  voulant  faire  eflay  àc^Qs  forces  i  iufncr,  ayanc 
continué  iufqucs  au  dixleptieli-ne  iourjfe  fcntit  telle- 
ment abatu,  que  fi  toutfoudain  en  ne  Teuftlouftenu 
d'vn  bon  reftaurant,il  defailloit  du  tout./à  mefmc. 

Vne  ieunç  fille  de  Buchold  j  au  territoire  de  Munftre 
tnVvefphalie,  affligée  de  triftefle&  ne  voulant  bouger 
dclamaifon/utbatcucâcaufe  de  cela  par  fa  m  ère.  Ce 

qui  rc~ 


^  mémorables.  jir 

qui  redoubla  tellement  Ton  angoifle ,  qu'ayant  perdu  le 
repos  elle  fut  quatre  mois  fans  boire  ni  manger  ,  fors 
que  par  fois  elle  mafchoit  quelque  pomme  cuite  ,  &  Te 
lauoit  la  bouche  auec  vn  peu  de  ptifanc.  Elle  deuint  ex- 
trêmement maigre ,  en  fin  Dieu  la  remit  fus ,  &  a  vefcu 
longtemps,  en  grande  modeftic>  &  douée  de  fînguliere 
pieté.  i4we/we. 

Au  mois  d'Odobrcde  Tan  mil  fix  cens ,  monfîeur 
Rapin,  lequel  ie  nomme  par  honneur,  perfonnage  tres- 
digne  de  foy  ,  me  certifia  d'auoir  veu ,  comme  ont  aufli 
plusieurs  autres,  à  Confolant  en  Poidou  ,  enuironla 
fin  du  mois  d'Aouft  précèdent ,  la  fille  de  lean  Balan 
marefchal,  nommée  leannc,  aagee  de  quatorze  ans  j  la- 
quelle auoit  lors  ia  vefcu  dixhuit  mois  fans  boire  ni 
manger  en  forte  quelconque.  Elle  auoit  la  langue  fore 
retiree,les  dents  blanches  &  nettes,  le  petit  ventre  tout 
retiré ,  comme  vn  Skelete  par  deuant ,  vn  peu  charnue 
par  derrière.  Si  tofl  qu'elle  eft  leuee  le  matin,  elle 
ouure  la  feneftrc ,  &  fe  tient  à  l'air  faifant  au  reftc  quel- 
que menue  befongne  parle  mefnagc.    ixtraiCi  de  nos 


IV  sr  icE, 

IEa  N  des  Marefts  ayant  cftë  meurtri  parle  Seigneur 
Je  Talart ,  de  haute  &  ancienne  lignée,  &  gentilliom- 
me  fupporté  deplufieurs  grandes  alliances  ,  nommé- 
ment de  meirne  lean  du  Bellay  Cardinal ,  qui  en  faifoic 
Ton  propre  faid,ilfembloit  queTexpedition  de  laiuftice 
n'en  fuil  fi  prompte  ,  comme  la  vengeance  rcxigeoit. 
L'aycule  du  defund  ayant  fon  feul  recours  au  roy 
François  premier  fe  iettade  genoux  deuant  lui  ,  tou- 
te elploree  ,  à  Fontaine-bleau.  Dequoy  le  roy  e- 
ftonné  lui  demanda  qu'elle  chofe  elle  vouloit  de 
lui  ?  luftice  j  Sire  (refpondit-elle)  s'il  vous  plait.  A  la- 
quelle parole  il  lui  coiuaianda  de  fc  Icucr  promptemcnç 

y  4 


312.  Hijloires  admirables 

&s'adrefrant  à  toute  la  compngme  qi!i  Tenuironnoit, 
foy  de  Gcnril-hommc,  dic-il ,  ce  n'eft  pas  raifon  que  ce- 
flc  Damoirclicfcpiofterneen  vain  dcuantnioy,  me  de- 
mandant vne  chofcquepourle  deu  de  mon  eftat  ic  lui 
doisnniis  c'cft  à  ceux  qui  m'importunent  fur  les  rcmif- 
iîons  &  abolitions ,  Itfquelles  ic  ne  leur  doisfînon  de 
grâce  &  puifî'^nce  royale.  Parquoy  après  Tauoir  longue- 
ment entendu  fur  le  difcours  de  la  requelle,  qui  tendoit 
feulement  à  fin  debriefueiuftice  ,  &  la  lui  avant  promi- 
fe,  il  monltra  que  la  parole  dVn  tel  Roy  le  troua  en 
tout  acomplie  par  i'eucnen'.ent  qui  s'en  cnfuluit.  D'au- 
tant que  ne  pouuant  eilrc  Q.Qi'cm  'par  aucune  prière  de 
ceux  qu'il  fauoriibir,ni  mefmcs  par  ambafladeurscftvan- 
gcrs,  voulut  la  punition  en  ei^t:  faite  ,  telle  que  la  gra- 
uité  du  delidl  portoic.  Comme  de  faid  ie  vi  décapiter 
Talartauxh.^llesde  Paris,  l'an  mil  cinq  cens  quaraiite 
fix. A/.  E  .l\ijquicr  an  (■h:qi4icjmc  linre  des  nccrchcs  de  la  Fran- 
ce, clutl'.j. 

L  A RR  ON  merucillcux* 

EN  V  I  R  o  N-  Tan  m:l  cinq  cens  trois  viuoit  .ï  Geneue 
vn  terrible  larron  nommé  le  Mortaic.  en  françois 
le  Mortel.  Il  euchantoit  les  cens  dételle  façon,  que  nul 
nenouuoitle  garder  de  dcfrober,  ni  le  pu, iir  après  le 
forfait.  Chrfcun  fcauoit  que  c'eitoit  vn  larron,  &  le  gar- 
doitondelui  du  mieux  qii'6  pouuoit.îl  y  auoitlors  vne 
voix  commune  en  toutes  les  mailons  de  la  ville  ,  quand 
la  niii^f^eûoi:  clofe,  des  maiftres  &  mairtreiles  à  leurs 
valets  &  chambrières,  ferme  à  caufe  du  Morra  ,  dont  fut 
faitvn  prouerbc  vfîtc  depuis  quad  on  fe  doute  de  quel- 
qu'vn  qui  a  les  doigts  crochus.  Mais ,  il  n'y  auoit  porte, 
ferrure  r.iverrouil,  qui  le  gardait  d'entrer  où  bon  lui 
fembloitifans  toutesfois  qu'il  allait  par  tout ,  ains  feule- 
ment chez  ceux  qui  le  regardoyent  de  traucrs  ,  &  mon- 
ftroyent  fe  desficr  de  lui.  Car  il  prenoit  plai/îr  à  defro- 
berpour  cftre  ellimé  habile  5c  meruciJlcux;&  ne  le  îou- 

cioic 


dr  mémorables.  313 

cioit  nullement  de  fane  cfpaiiinc  ou  monceau,  ioinc 
qu'il  fe  contcntoii:  tic  peu  ,  ne  preiiât  cjue  ce  qu'il  lui  fa- 
loïc  pour  vnc  cinquantaine  de  bons  icpas  auec  certains 
bons  conipaonons  qu'il  menoit  banqueter  cà  &îà  fur 
fil  bourfe, quand  il  Tauoit  remplie.  Et  n'eftoit  queftion 
de  le  garder  d'acomplir  fa  volonté.  Car  il  enchantoit 
tcliement  ceux  de  la  maiTon  ,  qu'ils  perdoyent  parole  & 
tour  moyen  de  lui  rcfiftcr ,  les  rendant  immobiles  com- 
me des  ftatues,  lors  qu'il  entroit  en  leurs  maifons.  Or 
dcuant  que  gripper  ce  qu'il  pretendoit,  c'eftoit  au  pré- 
alable à  repaiflre  tout  à  Ton  aife.La  première  cbofe qu'il 
failbit  eftoit  d'allumer  la  châdelle,  puis  prendre  les  clefs 
de  la  maiibn  ,  voire  lulqucs  fous  les  ccufîms  &  oreillers 
des  maiPjres & maillrefles,encores qu'ils veillaifent.Non 
qu'il  eull  faute  de  clefs,  car  Tes  doietslui  feruoyent  de 
cela.-maisil  vouloit  monftreren  telle  procédure  fon  au- 
thorité  larronefque.il  alloit  ouurir  puis  après  la  defpen- 
fe  £:  la  cauc  ,  d'où  il  apportoir  la  a  iande  &  le  vin  ,  cou- 
uroicia  table,  buuoit&  manî^eoità  fonloiiir&  plaifîr, 
fans  que  perfonne  de  toute  la  maifon  fe  remuaft  pour 
Tempcfcber  ou  aconîpa?ncr,ni  pour  crieï,ou  autrement 
parier  i  lui,fuK  en  mal>fuft  en  bien.  Cela  fait,en  lieu  de 
monnoyc  de  Cordelier,  comme  oii  dit ,  il  payoit  à  l'E- 
fpagnollc\-  car  il  aiioit  ouurir  les  cofrcs  de  fon  hoftc ,  & 
prenoit  de  l'argent  qu'il  y  trouuoit  ce  qui  lui  faifoit  bc- 
foin  pour  faire  bonne  chère  auec  fes  mignons  ,  l'efpacc 
de  trois  fcmames  ou  dvn  mois  en  quelque  cabaret.  Le 
lendemain  lui  &  fa  bande  fe  campoyent  oii  il  y  auoit  du 
meilleur  :&  les  tnuerniers  acueilioyenc  gracicuièrnent 
toute  ccftc  brigade  :  car  ce  Morta  ne  faifoitpoiat  de  mal 
es  lieux  où  il  frcquentoic  d'ordinaire  ,&  dont  les  mai- 
ftreslecarefîbyent.  Apres  auoir  faid  pliifieuis  bons  re- 
pas, quandcevenoità  compter,  ilneportoitpoint  d'ar- 
gent; mais  difoit  à  l'hofte,  va  quérir  ton  payement  au 
coin  de  telle  ou  telle  chambre  de  ton  logis,  qui  peut  c- 
ftre  n'auoitcfté  ouuerteni  f;-equentee  d'vn  mois  aupa- 
rauant.  Ce  que  faifanti'hofte,  il  trouuoit  fa  fonimc  en- 
tière iuflement  ,  fans  qu'il  y  eull:  vnc  maille  plus  ou 
moins.  L'on  pourroit  s'efuicrueillcr^commcntla  iuftice 


314  Hisîoires  ddmirahles 

nelepunifloic.  Il  fut  Ibuucncesfois  cinprifonné  :  mais 
les  Syndiques  n'ofoyent  outrepafler  les  loix  qui  défen- 
dent de  condamner  aucun  accufé,  deuantqu'auoircon- 
ferté.  Or  ce  Morta  eftoit  fi  ferme  à  nier  la  vérité  ,  qu'il 
n'cftoitpofùblerien  tirer  de  fa  boucheifoit  qu'il  ne  len- 
nk  point  les  tourmens ,  ou  qu'il  les  mefprifafl:.  Car  il 
craignoitaufll  peu  vn  traicl  de  corde  que  de  danler  vn 
branfle.Si  on  lui  donnoit  quelque  rude  cftrapadc,il  fai- 
gnoit  endurer  bcaucoup,&  crioit,mettez  moy  bas,ie  di- 
ray  la  vérité.  Quand  on  l'auoitdeualé  &  defl:aché,il  di- 
loitaux  Seigneurs,  Qu^e voulez-vous  que  le  die?  On 
luidemandoit  làdefTus,  Sçais-tu  qui  a  fait  ceci  &  celu? 
luifc  mocquancreiteroit  telinterrogat,  difant,  fcais-tu 
quiafaitceci&cela  ?  puisadiouftoit  en  gau (Tant,  don- 
nez moi  encore  vnc  eftvape  pourl'amoiir  des  Dames: 
tellement  qu'on  eftoit  contraint  lelafcher  :  Il  fit  des  lar- 
cins fans  nombre  de  la  forte  rufmcntionnee  :  mais  il  ne 
mourut  pas  Ç\  honteufement  qu'il  meritoitrouy  bien  au- 
tant cruellement;  la  pefte  l'ayant  fiiifi  tellement  à  la  gor- 
ge,cu'il  en  perdit  la  parole,fa  mère  le  gouuernant.cram- 
te  qu'il  cfchapaft,  pour  aller  au  gibet ,  Tenfeuelit  &  en- 
terra tout  vif.  Ainfi  vcfcut  &  mourut  le  mortel.  hxtrMcl 
iies  f^nnules  de  Gettcue, 

LIBERALITE. 

LEmperevr  Maximilian  I.  s'eftoit  fié  du  manie- 
ment de  bonne  fomme  de  deniers  à  vn  gentil-hom- 
me prodigue^du  mauuais  mefnagc  duquel  eftant  aduerti 
il  rappelle  &  lui  demande  compte  d'vn  refte  montant 
deux  mille  efcus  &  d'auantagc.  L'autre  demande  terme 
pour  le  dreficr,  qwi  lui  efi:  accordé.  Ayant  prou  rauafl'é 
fur  fonafaire,  il  renient  des  le  lendemain  fe  prefenter 
à  l'Empereur,  qui  efmerueillé  de  fi  prompt  retour  le 
remet  fur  les  termes  du  iour  précèdent.  Sacrée  maiefté» 
dit  lors  le  gentil-homme,  ievous  reprefentcray  fom- 
maircmciutoutela  vérité  démon  fait,  afin  de  nevous 

cmpercher 


drmemorMes,  31^ 

cmpefcher  longuement.Vous  eftes  bénin  cnuerstous.Ic 
confefle  auoir employé  la  plufpart  de  vos  deniers  en 
entretenement  de  putains ,  en  achept  de  cheuaux,  en 
ieuxjcn  banquers:&  fans  m'excufer  a  auantage ,  l'ay  mal 
faitji'ay  mérité  d'eftre  puni  par  iuftice.  Mais  il  vous  plai- 
ra fupporter  ma  ieuneiTcSc  pourTamour  de  mon  paren- 
tagc  me  faire  grâce  :  s'il  plaift  à  voftre  Maiefté  fe  leruir 
de  moijie  ferai  fage  ci  après.    L'Empereur  efco  utant  ce- 
il:e  franche  &  naifue  confefllon  ,  fe  prend  à  foufvire ,  & 
commande  tout  à  l'heure  qu'on  appellaft  fon  Barbier, 
auquel  il  ditjtondez  viftement  ce  gentil-homme,&  lui 
faites  au  rafoir  vne  belle  couronne  furlatefte.    le  veux 
tout  maintenant  en  faire  vn  Abbé.L'on  auoit  à  ce  mef- 
meinftant  apporte  lettres  d'auis  à  l'Empereur  de  la  va- 
cance dVne  Abba)'e ,  par  le  deces  de  l'Abbé  &  deuifoit- 
on  en  prefence  de  Maximilian,  qui  auroit  ce  deuolu.Cc 
fera  cellui-ci ,  dit  l'Empereur ,  monftrant  du  doigt  fon 
gentil-homme  entre  les  mains  du  Barbier.  Puis  l'ayant 
fait  venir  tondu  &  couronné,  il  lui  dit,  le  te  donne  telle 
Abbaye  :fî  tu  continues  comme  tu  as  commencé  ,  tu 
mangeras  les  Moines  &  le  Conuent.  Le  gentil-homme 
a  quilebien  eftoit  venu  en  dormant  (  comme  au  cha- 
noine du  Roy  Louys  onziefmc) ayant  accepté  cefte  col- 
lation auec  beaucoup  de  reuerencc  &  de  remcrciemens^ 
printpofl'eflion  de  l'Abbaye ,  deuint  bon  mefnager ,  & 
gouuernalcsnioinesà  leur  contentement.  l.U  Cuji  da 
hrifiCjJH  %.tome  de  fcs propos  dt  table. 

Mcffirc  George  d'Amboife,  Cardinal, l'vn  des  princi- 
paux ConfciUcrs  du  bon  Roy  Louys  dou/icfme  ,  louvf- 
foit  du  bien  de  Gaillon,dcpcndant  de  fon  Archeuelché 
de  Rouen,  qu'il  augmentoit  &  accemmodoit  de  tout 
fon  poffiblc, comme  maifon  de  plaifance,  iclafche  de 
fes  plus  ferieufes  occupations.il  y  auoit  vn  gentil-hom- 
me ficn  voifîn,  grandement  afairé  ,  lequel  pour  fe  met- 
tre au  large  ,  parle  à  l'vn  des  domeftiques  du  Cardi- 
nal, à  ce  qu'il  vouluft  moyenner  enuers  fon  maiftrc, 
qu'il  achetais  vne  fienne  terre,  qui  eftoit  grandement 
à  la  bicnfeance  de  Gaillon.  Or  comme  la  nature 
de   tous  Courtifans  cft  prompcc  à    telles  négocia- 


3 1  ^  Hï (loir  es  xdmïrAhles 

tiohs,ccrtui-ci  çiw  ndiicr-i-rjudaiii  Ton  iiiailhc,  l'auifant 
qu'iîpourroir  auoilà  bon  cotnpre  cel^c  rerrc  dont  illui' 
portoir  parole.  A  quoy  le  Cardinal ,  d'vnc  face  gave  & 
TiantcrcfponJir,  qu'il  nedeniandoitpas  mieux  que  de 
communiquer  de  cell  afaire  auccle  gentil-homme  ven- 
deur,&  que  partant  on  le  conuiall  à  difncr.Cc  comman- 
dement fut  incontinent  mis  en  œuure  par  le  Courti- 
lan  :  &  de  faid  quelques  lours  après  le  gentil-hommc 
ayant  pris  la  refedion  auecce  bon  Seigneur,  les  tables 
leuees,&:  vn  chacun  retiré,  pour  leslailîer  de^iifer  i  leur 
aircfur  ce  qu'ils  auoyent  à  fairc,le  Cardinal  commença 
dclui  tenirpropos  decefte terre,  l'admonncllantà  Ton 
pofîlble  comme  voifin  &  ami  de  ne  vouloir  le  défaire 
de  ce  lieu  ,  qui  eftoit  de  Ton  ancien  eftocl'au'irc  au  con- 
traire in  fîll:ant,alleguoit  pour  les  raifons  ,  qu'il  efperoit 
rapporter  de  ccftc  vente  trois  profits  :  Tvn  en  gaignant 
par  ce  moyen  fa  bonne  grace:l'autrc,  parce  que  d'vne 
partie  de  l'argent  il  mariait  vne  fiennc  fille:  &  la  derniè- 
re, qu'il  cmployeroit  le  refte  de  fes  deniers  en  rentes 
couranre'J^qui  lui  profiteroycnt  tout  autant,  comme  le 
reucnu  de  fa  terre  entière:  &  pourcc  ,  Monfeigncur  (ad- 
iouîtoit-il)  qu'elle  vous  eft  trop  plus  fcante  qu'à  nul  au- 
trcîc  me  fuis  adrelfc  a  Vous ,  pour  vous  en  faire  tel  mar- 
ché que  fouhaitcrcz.  Voire  mais,mon  voifîn,  refpondic 
le  Cardinal ,  fî  vous  auic2  argent  d'emprunt  pour  loger 
voflre  f.lle  en  bon  lieu,n'auric7.-vous  pas  beaucoup  plus 
cher  que  la  terre  vous  dcmeuraR?  Ac^uoi  le  gcntil-hô- 
me  fît  rciponfe  que  celui  feroit  vne  autre  difficulté  de 
rendre  à  iour  nomme  l'argent  qu'il  auroit  cmprunr- 
Mais  il  on  vousattermoyoit  à  tel  tcp/(pourfuiuitlerc. 
gneur)que  fans  vous  malaifer  pcullîe/.  acquitter  voifie 
debce,que  dirie7.-vous?Ha,  monfeigneur,  rcpliquaTau- 
rre,vcus  dites  bien  :  mais  où  font  maintenant  ces  pre- 
neurs ?Ainfî  eftans  tombez  en  vne  tailible  altercation 
tirée  delà  vente  &  du  prcft,  en  fin  ce  bon  Cardinal  s'el- 
cria ,  &  vrayemcnt  ce  feray-ie  &  non  autrc,qui  vous  fe- 
ray  ce  parti.  Ce  qu'il  fit:car  il  lui  prclfa  argent  conuena- 
blcaucc  term^  \\  long,que  comblant ,  comme  l'on  èiii^ 
de  la  terre  le  foilé  j  ce  geiitil-hommc  maria  fa  fille  à  ion 

deiîr. 


^  mémorables.  3 1 7 

dcfir/ans fc  dcrpouiller  de  fa  place.  Or  Comc  fonttou, 
tes  gens  de  Cour  foucicux  des  auaiuages  de  leurs  mai- 
ftres,  par  vn  droit  de  bien  rcâce,au  preiudicc  des  a.ucrcs; 
fof^ans  de  ce  confeil  eitroit  furuint  rentremcttcur ,  le- 
quel en  particulier  demande  à  Ton  maiftre  s'il  auoit  ccn- 
uenu  de  prix  ?  O  uy,dit-il,&  penfc  y  auoir  trop  plus  çai- 
gnc  que  vous  n'eftnnez.  Car  au  lieu  delà  Seigneurie 
dont  vous  m'auiez  parlé  ,  i'ay  fait  acquifiiion  à\n  aniî, 
aimant  trop  mieux  vn  bonvoifînque  toutes  les  terres 
du  monde.  Le  pauurc  Courtifan  confus,  de  W  en  auanc 
ne  fe  fouuint  plus  de  telles  pratiques. A  la  nijcnc  volon- 
té que  tous  Seigneurs  fe  ionuinilént  bié  de  ccile  liiitoi- 
re.  £t  toutesfois  ce  Cardinal  en  mourant  rcgrettoit  a- 
uec  pleurs  &  larmes  le  temps  qu'il  auoit  cmplovc  plus 
à  la  fuite  de  la  Cour  d'vn  Roy  que  d'endodriner  fes 
brebis .  iM.E.  PufijHier  au  5 diK.dejcs  reccrchesjch.'). 

MAGNANIMITE, 

LE  Capirafne  Bayard,  du  temps  de  François  I.  fe  fen- 
t^înt  blcfie  à  mort  d'vne  harquebuzr.de  dâs  le  corps, 
coufeillé  de  fe  retirer  de  b  meflce  ,  refpondi:  qu'il  ne 
commcnccroit  point  fur  la  fn  à  tourner  le  dosa  Tcn- 
nemi  :  &  ayant  combatu  autant  qu'il  eut  de  force/e  fen- 
tant  défaillir  8c  efchapper  du  cheual,  commandai  fon 
maiftre  d'hoftel  de  le  coucher  au  pied  d'vn  arbre  :  mais 
que  ce  fuit  en  façon, qu'il  mouruft  le  vifage  tourné  vers 
rcnnemixomme  il  fit.  Ai.  de  Alonta^^^na  an  i.liure  de  fes  e/- 
fa^f ,  chapitre  ^.  Plufîeurs  autres  exemples  fe  verront  es 
volumes  fuiuans. 

MARIAGE  clandeJUn^  dr  trop  wef 
galy  tref- malheureux. 

N  feigneur  Lfpagnol  s'eftant  amouraché  dVne  fil- 
le d'exquife  beauicdont  le  pcrc  auoiL  efic  orlcurC:> 


V 


j  i8  Hiftûires  admira  hles 

en  la  ville  de  Valence,  l'ayant  follicitee  en  diuerfcs  ^or- 
tes  pour  en  ionir,  fut  rebuté.  Vaincu  de  Ton  afFe(fî:ion,iI 
lapourchaflc  à  femme  ,  l'erpoufe  en  chambrejprefens  la 
mère  &  les  frères  d'icelle.  Sous  ce  prétexte  l'ayant  entre- 
tenue vn  an  &  demi  ou  enuiron  ,  finalement  tranfporté 
d'autre  nouucau  défini  erpoufe  publiquement  vnc  da- 
me de  grande  maifon.  La  hllc  qu'il  auoit  C\  mal-heure:i- 
fementfcduirctrouue  moyen  par  lettres  Scmeflagesce 
l'attirer  derechef  à  foi,  feint  &  lui  perfuade  d'eftre  con- 
tente qu'il  fe  férue  d'e'le  comme  de  concubine ,  venant 
en  fa  maifon  deuxfoisla  femaine.  L'amadoue  tellemer,t 
qu'il  prometla  venir  voir  le  lendemain.  Ellelui  braf- 
fe  vn  terrible  potage.  A  l'affignarion  ,  il  vient  auec  \n 
fienferuitcur  ,  auc^ttd  il  donne  charge  de  le  venir  re- 
trouuer  leiourfiiiuant.  Receu  auec  grandes  carefles 
aulogis,  ilypaiîe  leiour  enplufieurs  propos  meflc/. 
La  nuid  venue  il  couche  auec  elle, qui  trouue  tantd'cx- 
cufes  que  ce  feigneur  eft  remis  lufques  après  le  premier 
Ibmnc  à  iouïr  d'elle.  S'eftant  endormi  profondement, 
cefte  fille  outrée  de  douleur  &  de  fureur,  aidée  d'vne 
fiene  efclauc  qui  lui  auoit  fait  prouifion  de  deux  grands 
coufteaux  tranchans,  &  d'vne  forte  corde  attachée  à  vn 
des  coftez  du  lia:  ,  îdi'it  ferrer  la  corde  à  trauers  le  corp« 
de  ce  feigneur  endormi,  puis  empoignant  foudain  l'vn 
des  coulteaux  en  donne  de  toute  fa  force  vn  coup  de- 
dans la  gorge  de  fon  homme. Il  trelfaure  auec  vnpeu  de 
vie.  Mais  d'vn  colfé  l'efclaue  tiroit  tant  qu'elle  pouuoit 
la  chorde  dont  fe  mifcrable  ertoit  tellement  ferre  par 
les  bras  &  le  corps,  que  comme  il  tafchoit  fe  delpellrcr- 
ilelt  rudement  chargé  de  plufieurs  autres  coups  de 
danslefcin,  qui  en  vninftant  lui  ollent  la  voix&  la  vie. 
La  chandelle  allumee,cefte  fille  tranfportee  de  fa  fureur 
douloureufe,procedanted'vn  tref-iufte  defdain, cerne  fie 
tire  les  yeux  de  la  telle  a  ce  mort ,  lui  arrache  la  langue, 
puis  le  cœur,  qu'elle  defchiquette  par  pièces,  le  perce  & 
mutile  en  diuers  endroits  de  fon  corpsjequel  à  l'aide  de 
l'efclaue  eft  ietté  parla  fenêtre  fur  le  paué  d'vne  rue 
forthantce.Leiour  venu  chacun  acourt  à  ce  fanglâtfpe- 
<^acle.  On  parle  diuerfement  du  faid ,  le  corps  ne  pou- 

uanc 


(^  mémorables.  319 

uant  eftre  reconu,tant  il  eftoit  desfigurc ,  n'ayant  que  la 
chemife  fanglante  &  defchirec  de  coups.Commeles  vns 
&  les  autres  difoyent  leurs  auis ,  la  fille  defcend  en  rue, 
declairc  afl'earément,  &  dVn  oeilfec,  tout  ce  que  defl'us, 
qui  eft  vérifié  outre  la  confelTion  par  les  déportions  du 
feruitcur  de  ce  feigneur^du  preilre  qui  auoit  fait  les  c(- 
poufaillcs  ,  de  la  mère  &  des  fi:eres  qui  y  auoyent  afTifté. 
Si^oft  que  le  corps  cuft  efté  ietté  en  la  rue ,  la  fille  don- 
ne à  Ton  cfclaue  bonne fomme  d'argent,  &auisdefe 
fauuetjce  qu'elle  fit  des  le  matin.  Qjjant  à  la  fille  /  e- 
ftantafl'ouuic  d'vnc  fi  extraordinaire  vengeance ,  elle 
auouafranchemcntpluficurs  fois  deuanties  iugestou!: 
ce  qu'elle  auoit  fait ,  &  ayant  cité  condamnée  à  perdre 
la  terte,marchaconftamment,alaigrement,&la  teftele- 
uceau  fupplice,  endurant  trcs-volontiers  la  mort,  au 
grand  eftonnement  de  tous  les  habicans  de  Valence. 
Uij}.  d'  Efbagne, 

Queîquestemps  après  la  bataille  de  Raucnne  don- 
née Tan  1511.  vn  Gentil-homme  Neapolitam,  nommé 
Anthoinc  Bologne ,  ayant  ferui  de  maiftre  d'hoftcl  Fré- 
déric d'Aragon  roy  de  Naples,  qui  delpouillé  de  Ton  e- 
flatfe  retira  en  France,  fut  appelle  par  laducheilede 
JMalfijpuiifante  dame,fortie  de  la  maifon  d'Aragon,rceur 
d'vn  Cardinal  des  plus  auancez  de  Ton  temps,vcfue  dVn 
grand  fcigneur ,  &  mère  d'vn  fils  vnique,  pour  lui  feruir 
demaiftre  d'hoftel.  Ce  qu'ayant  accepté  ,  quelque 
temps  après  cefte  vefue ,  ieune  &  belle ,  l'ayant  regardé 
d'autre  œil  qu'il  ne  faloit,  le  conuoiM:mais  pour  prétex- 
te a  fa  faute ,  elle  cercha  la  couleur  du  mariage ,  &  après 
pluficurs  vains  difcours  en  fa  penfec,  en  lieu  de  recourir 
auconfeilSc  bon  auisdefcs  frères  &  honnorables  pa- 
rcns,  quelle  auoit  en  bon  nombre  ,  &  accepter  parti  de 
fa  qualité,  qui  fe  fuft  trouué  aifcment  près  ou  loin  :em- 

t)ortee  de  Ton  defir,  defcouurit  fa  penfce  au  gentil- 
lomme  ,  quienyuré  de  Ton  fcns  ,  &  laifTant  en  arriè- 
re le  refped  qu'il  deuoit  à  fa  dame  ,  au  parentage 
d'iccUe,  à  fa  petitefl'e ,  ne  voulut  s'excuier,  ni  fe  re- 
tirer, ni  donner  confeil  tel  qu'il  dcuoitenccfte  oc- 
currence ;  mais  prcfompcutux  &    voluptcux   accepta 


310  Hifloires  admirahlesi 

de  s'approcher  fous  le  voile  de  mraiagc'  clandcftin  de 
celle  qui  s'clloit  oubliée  à  luiiettcr  de  longue  main 
beaucoup  d'ailladcs  peu  chaftes,&de  laquelle  il  s'eftoit 
imprudemment  ce  contre  tout  dcuoir  amourache.  Ces 
deux  malaciuifc/,  donc  fe  couchans ,  en  prefence  d'vne 
fille  de  chambre  feulement,  fous  la  couuerturc  du  ma- 
ria<:e,comnKnccrér  à  faire  tel  train  qu'au  bout  de  Qiicl- 
cjues  mois  laDuchefic  dcuint  enceinte^  &  acouchad'va 
fil.s,qui  fut  efleiîc  aux  champs.  Ce  premier  enfanrcmenc 
demeura  fecretimais  deucnue  enceinte  &  dcliuree  d'v- 
ne file,  le  bruit  en  vcîa  inconcinentpar  tour,&  paruint 
aux  oreilles  du  Cardinale  d'vn  ficn  autre  frcrc  à  i\o- 
mc. Comme  ils  efroyent  après  a  s'enquérir,  qui  pouuoic 
élire  celui  qui  s'eftoit  approché  iî  priuement  de  leur 
fotur ,  Bologne  voyant  qu'elle  cftoit  cfptee  de  tous  co- 
ft.c/,print  congé  d'elle' encei/ire  uu  troiîicfme  enfanta- 
fin  de  fe  retirera'  Naplcs,puisà  Ancone^pour  y  attendre 
quelque  autre  euentmeiit  à  leurs  afanes.  Ayant  moïC 
fes  deux  enfans  auec  foi ,  &  loué  maifon  conuenable,  la 
Ducheflc  y  enuoya  fcs  plus  précieux  meubles ,  U  coil  a- 
pres  fouscouleurd'vn pèlerinage  à  Lauretce,  au  retour 
elle  fe  rendit  dedans  Ancone  aucc  tout  fon  train,  où  des 
ielédemain  de  fon  arriuee  ayàt  fait  appeller  tousfe:»  do- 
meftiqués  &:  gentils-hommes  dcfifuitCccUc  leur  fit  en- 
tendre que  Bologne  efioit  fon  mari,  &  c|u'eile  auoit  re- 
foludcs'arrericr  auec  lui  :  permertanrà  ceux  qui  voii- 
droycnt  aller  faire  feruiceau  leune  Duc  fon  fils,  àcÇc 
retirer,&  pro:r.etraut  bonne  rcco'i-penfe  à  c^iw  oui  dc- 
meaveroyent  près  d'elle  ,  K'Ur  r-ionftrant  leurs  deux  en- 
fans.  Les  domc(tii]ucs  elperdus  au  bruit  de  celle  haran- 
gue quirtcrét  la  Duchicile6<:  Bolcgni;:puis  eilansdcflo- 
gezde  leur  prefence,  enuoyerent  vn  d'entr'euxà  Rome 
auertirle  Cardinal  <Sc  le  Prnice  fon  frerc  ,  iic  tout  le  fait 
de  leur  fœur.  Le  premier  cftoit  de  ces  deux  frères  contre 
Bologne  &  fa  prétendue,  fut  de  le^  hure  clia/fer  d'Anco- 
ne  parItjcredirqLi'ils  auoyctenuer  Sigifnond  de  Gon- 
zagueLcf-af  du  Pape  en  ce  lieu.ïls  ic  retirerc't  à''ic  vi^àQ- 
ment  à  Sienermaisforceleur  fin  à'cn  fortir ,  chalfcz  par 
Alphonfe  Caftrufe ,  Cardinal  de  Sicnc ,  &  par  la  iuiiace 

du  lieu. 


^f^emorahles.  321 

<îu  lieu.  Apres  diuerfes conlultationsjils  refolurent  cic  fe 
rerirer  i  Venife  ,  &  prendre  pour  ccft  efFcdl  le  chemin 
dela'Romagne.    Maisclians  fur  le  territoire  de  Furli, 
ils  defcouiireiit  de  fort  loin  Mie  tronpe  de  chcuauxve- 
nans  au  galop  à  eux.   La  Duchcflefut  promptemenc 
d'auis  que  Bologne  fe  fauuaftauec  fon  fils  défia  grand: 
ce  qu'ils  firent  eilans  tous  deux  montez  à  i'auantûge, 
&  fe  rctuerét  à  Milan.  Les  caualicrs  ayan .  failli  vnc  par- 
tic  de  k  ur  pioye,  pailcrent  gvacicufementà  la  Duchef- 
fe,  &:la  conduifirent  auec  Tes  deux  autres  enfans,  au 
Koyaume  de  Naples ,  en  vn  des  chafieaux  d'à  icune 
Duc  loii  fils ,  où  elle iwx.  incontinent  cmprifonnec  auec 
Icvdeux  enfans  qu'elle  auoit  eus  de  Boloene  ,  &  il  fiUe 
de   chambre.     Quelques  iours  après  ,  trois  de  ceux 
qui  rauoycnt  prinfe  en  la  plaine  de  Furli ,  vindrent  en 
fa  chambre  ,  lui  annoncent  la  mort ,  permettent  qu'elle 
fe  rccomm.ande  à  Dieu,  puis  lui  artcchentvne  cordeau 
col,  &  l'citranglent.    Qu^oy  fidt ,  ils  faifillert  la  fille  de 
chambre, laquelle  crioit  à  pleine  tefte  ,  &reftranglenc 
auffi.    Confcquemraent  ils  empoignent  les  deux  petis 
enfans ,  &  leur  font  pafTer  le  pas  de  la  mère  &  (cruante. 
\^Q.s  deux  frères  pourfuiuans  leur  pointe  font  confifquer 
à  Naples  les  biews  de  Bologne ,  &  ayans  defcouucrc 
qu'il  eftoit  à  xMilan ,  apoitent  gens  pour  le  paiftre  d'ef- 
perance  qu'auec  le  temps  on  feroit  l'a  paix  ,  en  lui  fai- 
lant  croire  qi^t  fa  femme  &  Tes  enfans  eRoyent  en  vie, 
Orquoy  qu'il  fuil  aducrti  par  vn  gentil-horame  Mi- 
lannoisde  la  mort  de  laDuchefle  ,  &  de  Tembufcbe 
qu'on  lui  dreffoit ,  il  n'en  voulut  rien  croire  ,  ni  fe  reti- 
rer de  Milan,  oiiil  y  auoit  des  aflaif  ns  apoflez  pourlc 
tuerrdu  nombre  dcfcuels  fe  trouua  vn  certain  Lombard 
capitaine  de  quelque  com.paniie  de  gens  de  pied  :  tel- 
lement quetoft  après  Bologne  foitantdes  Cordcliers, 
où  il  eltoit  ailé  ouyr  MelTe  ,   fe  trouua  enueloppé 
d'vne  troupe  de  folciats  bien  aimez  S:  de  leur  capi- 
taine, qui  le  maflacrerent  fur  la  place  incontinent,  cn- 
uiron  deux  ans  après  la  mort  delà  Di'.ciicffe.    Quant 
à  Ion  Hls,  qui  n'eiloit  lors  à  la  fuitcfoiceiui  fy.t s'enfuir 
de  Milan,  changer  fon  nom,  &:  fe  retirer  loin,  ou  il  mou- 

X 


3it  Hijloires  admirAbles 

l'ut  inconu>  fans  que  l'on  ait  peu  fçauoiilc  lieu  de  C2  re^ 
traite  &  fin.  Hifi.  d'Italie.- 

Du  temps  que  le  Pape  Iules  dcuxicfme  faifoitli 
ffucrre  en  Italie,  Icsfaftions  cftansprefquespar  toutes 
les  villes,  vnieune  gentilhomme  Romain  nommé  Fa- 
bio  s'amouracha  d'vne  Damoifelle  nommée  itmylie: 
fille  d'vn  des  mortels  ennemis  de  Ton  père.  Elle  enflam- 
mée demefme  affeftion  par  rcntremife  de  fa  gouuer- 
nante,ils  efcriuirent  des  lettres  l'vn  à  l'autre ,  puis  s'cn- 
treparlcrcnt ,  finalement  fe  firent  mutuelle  promefle  de 
mariagcfur  vne  vaine  cfpcrance  que  ce  feroitle  moyen 
de  reunir  leurs  nriaifons  ennemies.  Le  pis  fut  qu'ils  con- 
fommerent  ce  mariage.   Au  bout  de  quelques  ioursle 
pcrede  Fa^iole  fentant  vieil ,  commandai  fon  fils  de 
prendre  parti,  &  lui  dire  quelle  fille  il  defiroit  à  fem- 
me. Fabio  ayant  différé  de  refpondre,  finalement  lui 
nomme  i'Emylie,dontilfuteftrangement& en  extrême 
courroux  rebuté  par  fon  perc  ,  aux  defirs  duquel  finale- 
ment ilfelailla  aller,  abandonnant  j€niylie  ,  après s'e- 
ftre  excufé  comme  il  peut  enuers  elle.  Ceftc  dolente  fil- 
le,enragec  qu'on  lui  euft  ioué  tel  tour  ,  feignit  auoir  a- 
ualé  la  pilule ,  priafa  gouuernantc  d'obtenir  de  Fabio, 
que  du  moins  il  lui  pleuft  la  venir  voir  quelquesfois  la 
femaine ,  pour  la  refiouir,  &  ainfi  petit  à  petit  enfeuelir 
leur  amitié  palfee.  Fabiofelaiflantaller  à  tcllepalfion> 
]a  vint  voir.  Elle  lui  fit  grand  acueildeuifantfortpriue- 
menttoutlefoirenfemble,  iufquesà  coucher  auec  elle, 
comme  auparauant.  Mais  l'ayant  prié  de  ne  lui  toucher, 
ains  d'attendre  fur  le  matin  , alléguant  fes  fafchenes& 
douleurs paflTecSjfi  toft  quele  milerable  fut  cndormi,el- 
le  empoigne  fon  poignard  &  le  tuçtout  roide   :  puis 
ayant  appelle  fa  gouuernante,  en  prefence  d'i celle  fe 
donna  du  mefme  poignard  tel  coup  dedans  la  poitrine 
«jue  fur  l'heure  elle  rend  l'efprit.  Ce  pitoyable  cas  rendit 
le  iour  fuiuant  les  deux  pères ,  leurs  familles  &  tousfort 
ellonnez  &  durement  affligez  :  attendu  que  tout  rcmc- 
niedecitoit perdu.  Hijî.d Italie, 


(^  memorÀle^.  31$ 


MAFDISSONS  detejlables. 

EN  vne  ville  d'Efpagnc  certain  perfonnage  dodc  & 
honnorable  auoit  deuxfilsjl'vh  defquels  aagé  d'en- 
uiron  treize  ans  fit  quelque  traid  de  malicc,dont  la  mè- 
re fut  tellement  indignée  &  oultrce  de  cholere  qu'elle 
commence  à  le  maudire  '6l  donner  aux  diables  ,  priant, 
qu'ils  vin  fient  l'emporter.C'eftoit  fur  les  dfx  heures  du 
foir:&  comme  la  mère  continuaft  fes  maudiirons ,  Ter.  - 
fanttout  eftonné  defeendit  en  la  cour  du  logis,  où  il  ài-^ 
fparutde  manière  qu'ij^po/iiblc  futle  trouuer,  quel- 
que enquefte  que  l'on  en  fit.  Tous  cftoyent  cfp^rdus  de 
cell:  accidcnt,attendu  qu,il  ne  fe  trounoit  ouuerture  de 
portes  ni  feneltres  pour  fortir.  Au  bout  de  deux  heures^ 
le  père  &  la  mère  fort  àe-Ahltz  entendjîct  grand  bruit  ciii 
vne  chambre  au  delTus  de  la  leur,  &  l'enfant  qui  lamen- 
roit  douloureufemcnt.Ils y  montent, &  ouuran5.auecià 
clef  la  porte  d'icellc  chambre  bien  fcrmec,trouuent  ccit 
cufant  en  fi  pauure  eftat,que  c'ertoit  la  plus  grand'  pitié 
du  monde  de  le  voir.  Car  outre  ce  que  (es  veilcmense- 
ftoyent rompus  &  defchirezjil  auoitle  vifagcles  mainsi, 
&  quafi  tout  le  corps  meurtri  &  cfgratigné  comme  d'ef^ 
pines:tant  deffiguré  5ç  troublé,  que  dé  toute  cefte  nui<i:t 
il  ne  peut  reuenir  à  foi.  Le  père  &  la  merc  firent  pour 
fonloulagcment  tout  ce  qu'ils  eftinicient  eonuenuble: 
puis  le  lendemain  voyans  qu'il  eftoit  aucunement  re- 
uenu  à  foi, lui  demandèrent  raifon  de  Ton  aduanture  ca 
la  nuid  précédente,  llrefpondit  qu'ellant  enla  cour 
certains  hommes  defmefurement  grands,  laids  &  eflroy- 
abless'aprochans  delui,rans  dire  motrauoycnt  prins  ^ 
enleué  en  l'air  d'vne  viilefic  incroyable, puis  defcendans 
en  certaines  montagnes  pleines  defpincsl'auoyenttrai- 
né  àtrauers  d'icelles,&  mis  enl'eftatoii  il  auoit  efté  re- 
trouuc.Qu^e  finalemétilsTeuIfent  tué  tout  à  fait,n'eu{l 
elle  que  fe  rccômâdât  en  fa  pelée  a  Dieu  ,  ces  bourreaux 
rauoycnt  remportée  fait  entrer  par  vne  petite  tenC' 
ftrc  de  la  charabre,puis  s'cftoycQt.çruanouis.Ce  ga'  ^orî 


314  Hijhires  admirables 

demeura  fourd  &  tort  mal  en  point:  de  telle  vi/îratiorij 
honteux  &  ennuyé  fi  quelqu'\  n  Tcn  encjucroit  ou  la  lui 
\ZïnQntC\Xoil.^_yi. T or qtiewaàe  en  la  jJoh)  me  de  fon  hexamer. 

MEL  ANCHOL  I^ES,  infenfez^fre- 
netiques^furteuxe^nragez^^é^c, 

IE  n'entre  point  esdifputcs  des  dodes  Médecins  tou2 
chant  la  différence  qu'il  y  a  entre  ces  maladies ,  feloa 
que  rhumeur  domine  le  plus  ,  ou  au  cerueau  ,  ou  es  hy- 
pochondres,  ou  par  tout  le  corps:  moins  encores en  Ja 
côfideration  des  remèdes  qu'ils  y  apportent.Ht  fans  m'af- 
luiettir  à(|uclque  ordre  cxad  pour  ce  commencement, 
ie  tafche  d'cfueillerles  elprits  du  ledeur  par  celle  diuer- 
£té  entremeflce, afin  de  le  difpol'er  a  plus  hautes  confi- 
derationsjuc  fur  chacune  hilloire  l'amener  à  la  reueren- 
ce  de  Dieu  toutpuiilantjiufte  &  mifencordieux. 

Quant  aux  malades  frappez  d'humeur  raelancholi- 
quc  ,  dont  iereprelbnteplufieurshiftoitcsen  celte  fe- 
ction,  nous  en  auons  veu&  ouy  parler  auHî  de  diucrfes 
cfpeces.  Tousbleffez  en  la  faculté  imaginatiuc  princi- 
palement ont  des  apprehenfions  fortes  &  merueilleufe- 
ment  bigeavres.  Les  vns  pcnfcnt  eftrc  dcuenus  pots  de 
terre,oudeverre,en  tout  k  corps,ou  partie  d'icclui,  fuy- 
enttoutes  compagnies  peur  d'ellre  caliez.  Ltsautres 
cuidenteftrc  deucnus loups  ou  coqs,hurlans,chanrans, 
&  fe  battans  des  bras  ,  comme  fi  c'ertoycnt  des  aiflcs. 
Il  y  en  a  qui  redoutent  infiniement  que  la  rené  ne  s'ou- 
urc  fous  leurs  pieds:  d'autres  qui  ne  le  reprelentent  que 
des  fantolines  hideux,  6c  la  mort.  Quelques  vnsfe  in* 
^enttrefpaficz  ,  &  ne  veulent  plus  manger  ni  boire. 
Certains  penfent  auoir  des  cornes  de  cerfs  en  telle.  Au- 
cunsfe  font  précipitez  dedans  les  puits  &riuieres,  ou 
ils  font  peris,ou  bien  le  font  trouuez  en  dangers  exrre- 
me,&  ont  elle  retirez  àla  bonne  heure  pour  eux.  Ils'ell 
troui-é  vn  moine  Italien  ,  eue  l'humeur  mclancho- 
iiqije  poufla  à  Te  ietter  dedans  la  vafe  de  la  mer  de 
Vcnile ,  ou  il  fe  pcrdii.Vn  autre  confclTa  que  les  njalms 

cfprics 


érmemorahles*  ^z^ 

cïpritsrauoyent  fouiicnt  rcfueillé  la  nuid  ,  &  confcillc 
Je  feprccipiter  dedans  vn  puirs.Prcfques  tous. craignent 
chofes  de  néant,  &.ne redoutent  les  vrayement  nuifi- 
blcs.  ris  ont  apprchenfion  d'vne  queue  de  renard  dont 
en  voudra  les  fouetter  ,  de  brins  de  paille  dont  on  vou- 
dra les  garotter,&  C\  auec  des  fellus  on  les  attache  par  les 
ïambes  a  vn  pilier  de  lidijne  bougeront  non  plus  que  des 
flatues  :  au  contraire  rompront  quelquesfois  les  cor- 
deaux &  chaine  de  fer  dont  on  pcnfera  les  retenir.  Par- 
fois ils  chantent  &:  parlent  inceframmentjd'autrcsfoisils 
pleurent  &  demeurC4it  muets.  L'humeur  venant  à  s'al- 
térer d'auantage  ,  la  fureur  croill: ,  ils  tombent  en  defet 
poir&  perpétuel  defir  dcmort ,  ne  fontqu'efpicr  cou- 
Iteau  pour  s'oftcnfer  cux-mcfiTies,  feneftres  pour  fe pré- 
cipiter, portes  pour  efchapper  &  faire  quelque  rauage, 
:^find'euiner  celle  peur  qui  les  agite.  Pourtant  les  void- 
on  toufiourstriftes,eftonnc7.,efiTaye2  comme  petits  en- 
fans  qui  marchent  en  ténèbres,  la  fumée  de  Thumeur 
bjlicufe  &  noire  à  merucilles  troublant  le  Ciege  de  ]*en- 
tcndeatcnt,  dont  n'aillleurefpouuante.  Aufllles  fages 
cftimcnt  que  les  humeurs  du  corps  altèrent  noftrc  com- 
plcxion,dont  procède  puis  après  le  changement  des  a- 
(ftions  de  l'amc  :  tellement  que  les  facultez  del'amc 
fuiuent  l'habitude  du  corps.  Ils'eft  trc^ué  melancholi- 
quequiseil!moitvraycmenteftreriHistefi;e:pourà  quoi 
rcmcdier,onlui  chargea  la  teflc  d\  n  chapeau  de  plomb, 
qui  le  prelîoitlans  celle  tellement,  qu'en  fin  il  fut  gué- 
ri de  ion  imagination.  Celi'i  qui  pcnfoit  cfire  tout  de 
verre  fut  remis  fus  par  Taj-prochc  d'vn  ficn  aiv;iqui  fe 
d.loit  eftre  encore  pks  frelle ,  S^^c  i<iuanr  dextrcment 
autcluile  tirapar  bellesparolcs  loin  de  Ton  imagina- 
tion.On  en  a  vcu  vn  qui  le  iugeant  condamné  à  mort, 
n'a  cfté  retiré  de  fon  apprehenîion  qu'en  voyant  lettres 
de  grâce,  coatrefaitcs  à  cefte  fm  ,  &  qu'il  prcnoitla  pei- 
ne de  lire  lui  mefmes  pour s'affeurer  d'auantage.  Va 
Jutie  fe  difant  mort  &  au  fepulchrc,  en  cft  retiré  par 
Vadteffe  d'vn  fîen  com.pagmon ,  qui  s'enferme  auec  lui, 
&  mangeant  le  perfuada  démanger ,  allegantquecela 
fc  prarique  entre  les  morts.  Lesvns  ticnent  tounouis 

X   î 


1 1  ^  Hijloires  admirables 

les  yeux  fichez  en  terre,  font  infiniment  dcrpitcz  d'ouïr 
liréjnc  trouiientrien  de  bon,  de  beau  ni  de  bien  faitfoit 
près  foit  loin  ,  penfcntà  tous  coups  qu'on  vucille  les 
cmprifonner,  battre  ou  tuer,  crient  merci  au  pieds  d'vn 
cnfant,ou  deuant  vn  petit  chien  ,  n*aimenc  que  cachet- 
fes  &  lieux  obfcurs,  fe  font  acroire  qu'on  les  a  charmez, 
cnforcelczjempoifonnez.  Ccfte  maladie  en  fommc  eft 
vn  arbre  dont  l'on  ne  içauroit  conter  les  rameaux  ni  les 
fucilles.  Toubiiois  à  dire  qu'il  y  en  a  qui  craignent  & 
haiflent  leurs  plus  familiers  &  grands  amis  :  les  autPCs  ne 
peuuent  fupporter  perfonne,  &  ne  redoutent  rien  tant 
c?ue  d'crtre  \mus.  Les  vns  ont  peur  de  toutes  créatures 
C|uelconques,de  quelques  vnes  particulièrement  :  ceux 
oui  ontefté  mords  des  chiens  enragez  ,  ont  infiniment 
peur  de  rcau.Bref,autant  qu'il  y  a  de  particulières  fanta- 
«cs  &  de  maladies  d'humeur  mclancholique,  autant  fe 
trouuent  de  refueriçs  Se  frenefiçs.Maisc'elt  vn  mal  com- 
mun prcfques  d  toutes  perfonnes  atteintes  d'humeur 
mclancholique,  excefhf  i?^  troublant  le  ccrueau  fimple- 
ment  agité  ces  fumées  ci^rangcs  qui  procèdent  de  ccftc 
humeur  vcnimcufe,  ou  doublement  truubic  par  acci- 
dent noiiueau,  comme  dg  morfuresde  chien  enragé, 
d'îUu/îon  extraordinaire  ,  ou  autrcmcKt ,  de  fe  donner 
peur,  nom,niCmcric  de  çhofcs  qu'il  ne  faudroitnullc- 
m  en  r  craindre. 

Keftemaiiitcnant.quenous  confiderions  quelques hi- 
ftoires  notables  de  nollre  tcp^ ,  toucliant  telles  pafllons. 
Aïon  intention  en  la  lifte  d'icelles  eit  de  monftrer  com- 
bien nous  ceuons  tous  redouter  nos  propres  mifercs, 
nous  loiuienirde  noibc  vanité  ?  penfcrque  Dieu  n'a 
que  faire  de  courir  loin  pour  trouuer  des  verges ,  afin  de 
îiousfouétter;Veu  que  nous  les  portos  en  nos  entrailles, 
^ue  la  mort  cil  en  celle  chaudière  de  nos  corps:  &  que 
nos  âmes  y  sot  en  vne  cantiuité  miferable  ,  Ç\  la  lumière 
cîe  grâce  &  de  vérité  celefte  ne  les  efclaire  incefl'ammét. 

De  noftre  tempç  vn  Seiçneur  tomba  en  telle  melan- 
fholie  qu'il  ne  futpofllblc  au  fort  de  fa  maladie  lui  orter 
ç;iflc  opiniO  qu'il  ellojtmprt.'tcllcintc  que  fi  ics  amis^ 

(truitcuri 


é*  me  mot  a.  blés.  ^ij 

fcrnîtcurs  vcnoyent  le  flatter,  prier  &  preflcr  de  prendre 
i|iielque  nourriture  ou  médicament,  il  lettoit  tout  au 
loin,  difantquc  les  morts  n'auoyent  bcfoin  de  telles 
chofcs.  Ayant  eftéfixiours  entiers  fans  prendre  nour- 
riture, &  le  feptiefme  venu  ,  qui  eftmor:âlaux  faméli- 
ques ,  fcsamiss'auiferent  d'vne  rufe  pour  lui  ofter  cefte 
fantaifie.  On  fait  entrer  en  fa  chambre,rendue  artificiel- 
lement obfcure ,  certains  hommes  mafquez  ,  vcftus  de 
Imceuls,  bandez  &  agencez  comme  ceux  qu'on  enfe- 
uelir.  La  table  eftoitcouuerte  de  viandes:  dont  ces  maP 
quez  commencent  i  fe  farcir  fans  guère  de  bruit  que 
des  mafchoires  ,  &  à  boire  d'autant.  Le  malade  voyant 
ce  icu, demande  qui  ilsfont,&  ce  qu'ils  font  là.  Eux  rcfl 
pondent,  qu'ils  font  morts  qui  banquettent.  Comment 
donc?dit  le  malade  :lcs  mors  mangent  ils  }  Oui,direnc- 
îls ,  &  de  bon  appétit.  Si  vous  voulez  cftre  de  la  compa- 
gnie ,  vous  verrez  que  nous  difons  vérité.  Incontinent 
le  malade  fecoue  les  oreilles  ,  fe  ietto  à  bas  du  lid ,  &  a* 
uec  ces  morts  commence  i  mordre  de  bon  appétit.  S'e- 
ftant  biengouifé,  le  fommeilîe  prtnd  à  Taide  d'vn  bru- 
uagc  qu'on  lui  auoit  apprcllc  &  fait  aualer  en  ce  ban- 
quet des  morts.    Ce  fut  le  moyen  de  le  foulagcr  de  (a 

meiancholie.  Lemn  Lemne  Mt  6.  chaf).  du  X.lntre  de  Lt  Com" 

fflcximdu  corps  luim.nn.VaïCiWç  hiftoirc  fe  lit  cn  loiiianus 
Pontanusu»  4.  lii*r«  De prtidenti.i:>ckip.U. 

Vn  autre  s'eftant  fait  acroitc  qu'il  auoit  non 
feulement  vn  pied  ,  mais  plusieurs  pieds  &  toifes  de 
nez  de  longueur  dcfmefuree  ,  &  s'cllimant  porter 
vne  trompe  d'elephant  ,  qui  lui  pcfoit  &  l'empeP- 
choit  à  merueillcs,  difoit-il  :  iufqucs  la  qu'il  croyoit 
furmcment  que  fon  nez  trempoit  dedans  les  fauces 
&  plats  qu'on  feruoic  fur  table  :  vn  ho^o.  Médecin 
appelle  pour  lui  affifter  ,  &  s'accommodant  à  fon  hu- 
meur d'vnc  habilité  giandc  approcha  du  nez  de  ce 
patient  vn  long  boyau  plein  de  fang  &  empoi- 
gnant le  nez  auec  ,  d'vn  coup  de  rafoir  trancha  ce 
boyau  :  puis  donnant  foudain  vn  brcuuage  endor- 
mant à  fon  malade  ,  à  fon  refueil  lui  fit  acroirc 
^uccçftc  ^laadc  croiflance  Ue  nez  auoit  cfté  Coupccj 

X    4 


318  Hifioircs  admirables 

&  lui  ayant  prefcnc  vn  bon  régime  de  viiue,  le  garan- 
tit de  (à  mclancholie.  Lcuin  Lemne  at^ure  ^  chap.  fuf- 
went-otmé. 

Vn  autre  trauaillc  de  mclancholie  hypochondria- 
que,  fe  pcfi-adoitqiîe  lc>  grenouilles  &  crapaux  lui 
pciçoyent  le  vi-ncre  ,  &  n'y  auoit  moyen  de  lui  oftev  ce- 
fte  opinion  de  la  teilc.  Son  Médecin  lînaicmentlui  dir, 
qu'il  efèimoit  voircment  qu'il  v  auoit  de  telle  vermine 
en  Ton  corps.  La  delfus  il  lui  donne  vnc  purgation ,  & 
fait  dextrement  ierter  dedans  Ion  bafîin  quelques  cra- 
paux  &  grcn(;uilles.  La  médecine  ayant  opéré  ,  le  mala- 
de le  dcfcharge  amplement:  &  foudain  on  lui  monibc 
les  excreiiîcns,  &  CCS  beftioi'^s  nageans  dciTus  :  ce  qui 
chaflala  mclancholique  qui  le  pofledoit.  Leum  Lemne 
au  traiclê fiifhicyitu  n'ié. 

Vn  autre  imaginant  qu'il  auoit  les  fcfles  de  vene,  ne 
pouuoit  eftre  pcriuadé  de  s'afîeoir  pour  quelconque 
afaire  qui  lui  furuinft  :  crdignanL  que  s'il  fe  mettoitlur 
vne  chaire  ou  autre  fîege,  lesTcIIes  ne  ferompiflent,  & 
que  les  pièces  en  volailcni:  çà  is:  H.  £7  ce  mrjht:  traité. 

l'ai^cu  Vil  nrelancholiqi!e:,leque'  imaginoitque  tou- 
te la  fuperficic  du  monde  c'it\ih  de  verre  tori:  délie ,  que 
le  dcflous  eftoit  tout  plein  defcrpcns ,  &  que  Ton  lict  c- 
floit  comment  vne  ifle,  duquel  s'il  le  bougeoit ,  c'elloit 
pour  rompre  le  verre,f<:  tomber  entre  ces  fcrpens  :  pour- 
tant n'cftoit  il  podlble  le  tirer  de  là.  ic^i  hjftijlc  Monta- 
ji.ti  en  fis  Coiijctb  de  Médecine ^  Cuuf.Z^. 

Vn  Bourguignon  malade  de  tîeure  ardantc  à  Pans> 
aftermoit  cnfil  cftoit  mort  ;  puis  la  fantaifîe  venant  à 
changer, il  prioit  les  Médecins  de  ne  poiiil  cmpefchcr 
que  Ion  ame  qui  ciloit  en  Purgatoire  ne  s'cnuolaft  e« 
Paradis.  Qucloucsfoisil  contrefaifoiL  le  mourant ,  qui 
lend  l'eiprit  :  puis  difoit,  regardez  comment  ie  rrefpaire: 
puis  après  il  eiloir  fiirprins  de  delefpoir  &  de  peur  mer- 
ueilleufemenc  eftrange.  On  lui  prouoqua  les  h^mor- 
thoides ,  &:  auec  autres  remèdes  opportuns  il  fut  remis 
t  n  fan  té.  Schol.Jfér  le  i7.ch.du  iMuJe  Ai.  i .  H  ottUer ,  des  ttia- 
Lîdfes  internes, 

Prdqijcs  ordinairement  il  aduient  aux  mclancholi- 

ques 


CrmemorMes,  32.9 

qucsS:  gens  trouble/,  du  ccrueauce  ne pouuoir  dormir, 
Il  durer  longuement  en  tel  eftat  pluiîeuis  iours&  nmiy. 
comme  il  auint  à  vn,lequel  fut  i4.mois  entiers  fans  dor- 
mir. Fer>:eL  an  $.Uu.defa  Patholo^^ie^ch-Z. 

Deux  gentils-hommes  Italiens,affiigcz  d'humeur  me- 
lancholique  &  d'epilcp/îe  alternatiuemét ,  fans  pouuoir 
repofer  ,  Tvn  Telpacc  de  quelques iours  ,  l'autre  {\x  mois 
entiers,  ne  celFans  de  crier,  &  fans  fieure,  furent  par  m.oi 
guéris  tellement  en  rtfpace  de  huidiourspar  buemenj 
cndormans,  dillillez  fur  la  te(le,&  bruuage  de  chryfolitç 
puluerifee  ficinfufe  en  vin,que  depuis  ils  n'ont  efté  tour- 
mentez de  ces  maux.  Caïdan  an  Uttre  des  cures  admirable^ 
cttre  ^. 

Vn  melancholique  courant  de  nuiâ:  par  les  vues ,  fut 
d'auâture  blelfé  en  la  cuific,&  ayant  perdu  beaucoup  de 
Çàn  fang  fut  allégé  &  giieri  par  tel  moyé.  uouUer  anccm- 
yutntaite  furie  é.Uu.  des  ^phortfnes  d'Hippncrat<:Syi:phor.zi. 

La  vefue  d'vn  orfeurc  de  Lyon  prefl'ec  d'vnc  mclan- 
choliccxtrcnic,  à  caufcde  diucrfes  fafchcries  depuis  la 
mort  de  Ton  mari, en  la  maladie  donna  beaucoup  de  pei- 
ne à  fc  faire  garder.Ht  ne  fçeurcnt  ceux  qui  la  vcjlloycnt 
auoir  h  blé  l'œil  fur  elle,  qu'vn  iour  en  moins  d'vn  tour 
ne  main  elle  i'c  letra  delà  feneftrc  d'vne  haute  chambre 
ouelleeftoitfurlepaué  en  rue  Raifin,  où  elle  fe  blefla 
rudement  à  la  tefte,  dont  fortifie  fang  en  trei-grande  a- 
bondance,& par  tel  accident  rcuint  en  Ton  bon  fens,  $c 
fut  dans  quelques  iours  guérie  de  celle  clicute.  Ce  qui 
cil:  aucuu  depuis  25.  ou  30.  ans  en  ci.  Extruu'l  de  mes 
mémoires. 

Vn  Alcmau  demeurant  à  Paris  en  la  rue  des  noyers, 
failî  d'ÎTumeur  melancholique  &tranfporré  de  frene/Te> 
la  nuitfc  fe  coupa  la  gorge  d'vn  couileau  ,  &  fc  dôna  plu- 
fîeurs  autres  coups  tant  en  la  poitrine  qu'au  ventre,  dont 
aucuns  penetrwyentau  dedans ,  &lcs  autres  cftovent  fu- 
perficiels.  Lclcndemain  aucuns  de  fes compagnes  voy- 
lans  le  vifîter  en  la  maifon  d\n  banquier  nomméPeror, 
où  il  eftoit  en  pcnfîon ,  le  tiouuercnt  ainfî  accouftré,  a- 
ucc  grande  quantité  de  fang  rclpandu  autour  de  lui. 
Vovins  tclfpcéuclc,  ilspuifcrcnt  &  creurcnt  que  fon 


55®  Hijlôir es  admirables 

îeruitcuil'aiïoitainii  blefTé  ,  parce  qu'il  couchoir  en  fa 
chambre.  Il  eftprins&mené  prifonnicr  au  Challclct, 
en  lui  mettant  fus  d'auoirainfî  meurtri  Ton  maiftre.  Or 
ie  fus  enuoyé  quérir  pour  viiiter  &  pcnfer  le  malade  :  & 
voyant  la  trachée  artère  &  rœfophague  coupé, auec  plu- 
fleurs  autresplayes,n'eusaucuneerpcrancc  delà  vie.Par- 
<îuoyfus  d'auis qu'on  appcllaft  Eftienne  delà  Riuiere, 
chirurgie»  ordinaire  du  Roy ,  &  Germain  Cheual ,  chi- 
rurgien iuréà  Paris,  &  fut  conclu  entre  nous  qu'il  faloit 
recoudrclaplaye  de  la  gorge.  Promptement  la  playc 
coufuc  S:  bandee,le  patient  Aleman  commençai  parler: 
&  confefl'a  que  lui-mclme  s'eiloit  fait  tel  excès  ,  &  d'^l- 
chargea  du  tout  Ton  pauurc  feruiteur  en  nosprefcnces, 
&  de  plufieursautrei,principalemcnt  de  deux  Notaires, 
&  d*vn  CoramifTaire  du  Chailelet  :  par  ce  moyen  fut  mis 
le  feruiteur  hors  de  prifon,  &  abfous  entièrement  par  la 
cofefsion  que  fitfon  maiftrc,  lequel  velcut  quatre  iours, 
faiii^  pouuoir  auajer  durant  iceux  aucune  nourriture, 
mais  eltant  aucunement  alimenté  par  clyilercs  nutritifs, 
Scchofes  odoriférantes  nutritiues,  comme  mie.dc  pain 
cha  ud  trempée  en  vm^  &  autres  fcmblables.  M,  ^^mhr. 
Paré  nu  p.liu.chup.p. 

Vu  artifan  fari;ier,nommé  Efiienae,  homme  paisible, 
&bon  ouuricrde  fon  eliat  ,  ayant  laiflc  gaigiicrfur  foi 
l'humeur  melancholique,  engendrant  peur  &  desfiance 
CQ  iui,fe  dona  de  plein  iour  quelques  coups  de  coufleau 
dans  le  vétre,cftât  allé  pourceft  erfedenvn  fien  iardin, 
Ainfi  blelTé  il  retourne  en  fi  chambre,  fe  fait  coucher, S: 
penlàntiîfacôfciences'humilie  deuantDieuJui  deman-. 
<ie  pardon  de  tous  fes  pechc/ ,  fpcciaîement  de  celui  la, 
pcrfeuere  en  fa  repentance  èc  confeflion,  en  prefencc  de 
plulîcurs  qui  le  vifîtercnt  durant  qucKiues  iours  qu'il 
languit.  l'en  fus  l'vn,  &le  vis  raerueilieufen>entefmeu 
des  paroles  qui  lui  eftoyent  dites  ,  tant  au  regard  de  fes 
pèche?,  que  delà  mifericordedeDieUjenl'apprehenfîoa 
de  laquelle  il  rendit  paifiblemcnt  fon  ame ,  en  vne  ville 
où  ilauoit  longtemps  demeuré,  f.xtrat^demes  mémoires. 
Ican  Cranequin  Aduocat  au  fiege  prcfidial  de  Bour- 
^csjhûmme  de  fort  bon  fcns  naiurd,  &  grand  praticien, 

mais 


^memorahles.  551 

fna's  fort  ignorant  en  droi<ft  efcrit  &  es  bonneç  lettres» 
ayant  en  Tan  ijjj.fcrui  mal  à  propos  en  despourfuitesà 
l'appétit  d'vn  tref-mefchant  hommc,qui  abufoit  de  lui, 
tomba  malade  d'humeur  melancholique  &  frenefîc 
nicrueillcufcmenteftrange.Cartoutcequi  lui  effcitre* 
prefcntc  deuantfes  yeux  lui  fembloit  eftre  des  fer^ 
pens  fe  remuans:te]lcment  qu'après  auoir  en  vain  eilayé 
tous  remèdes  lufqucs  à  faire  venir  des  forci  ers  &  dc- 
uins,finalement  il  deuint  tout  infenfé,  &  mourut  en  tel 

Ci\^t.H iftoire  de  7ioJ}re  temps  fom  Frans^oU  I. 

Vn  autre  dode  perfonnage.faifantprofefTion  du  droift 
ciuil ,  ayant  commis  quelques  cas  indignes  de  fon  éru- 
dition &  iugcment ,  fut  tellement  pofledé  de  frencfie  & 
d'humeur  mclancholique,qu*eftant  tombé  n^aladcfans 
grande  affliction  en  fon  corps ,  pour  fa  nourriture  man- 
gcoit  fes  propres  excremcns:&  ayantlangui  en  cefte  mir 
fere  quelque  tcmps,mourut  fans  fc  rcconoiflre.  uijîoire 

de  nojire  temps. 

Vn  gentil-homme  fort  fage  &  modéré  fut  furprinj 
d'vne  iîeure  continue  au  mois  de  Juillet  1574.  dont  lui 
furuintvne  frcncfic,  &fc  précipita  des  fenelhes  du  fé- 
cond cftage  de  fa  maifon  furTclpaule  de  monfîeur  Va- 
terre  Médecin  ordinaire  du  Duc  d'Alençon  ,  puis  fur  le 
paué,où  il  fcblefla  auxcoftez,  &fe  fît  vne  grandçcon- 
tufion  fur  Tos  ifchion.Si  toft  qu'il  fut  tombé  ,&  rappor- 
té en  fonlid  ,ilreiiint  en  fon  bon  fens,  par  rranfporcdc 
niatiere.caufantlafrcnefiedehauten  bas.Auffin'aguc- 
res  vn  Gafcon  malade  d'vnc  tieure  ardentc,tôbéenfre- 
neficertât  logé  en  la  rue  Pauee  à  Paris,fe  ietta  de  nuid 
d'vne  fencftrc  dufccôd  eftage  furie  paué,  &feblcfraen 
plufieurs  endroits  de  fon  corps,  où  ic  fus  appelle  pour  le 
medicamenter  ,  &  fubit  qu'il  fu  t  pofe  en  fon  li<ft,  com- 
mença à  difcourir  par  raifon,perdit  fa  frenefie,  &  quel- 
que temps  après  fut  du  tout  gaeri. Monfîeur  d'Ortomâ, 
dodeurregenc,  &profefl'eur  du  Koi  en  l'vniucrfité  de 
Montpelicr  ,  m'a  aft'ermé  qu'vn  mufnier  demeurantà 
Broquiersen  Albigeois,dcuçnu  frénétique,  feiettapar 
me  fcneftre  dedans  l'eau,  d'où  cftant  tiré, tout  foudain 
fi  perdit  la  ùcncdc.M.iuivthrotft:  Ftiitau  derot^r  (ha^itre. 


35^  Hijloir es  admirables 

de  fin  t'utroduHion  a  la  Ch:.t*:-i^:c,    ^ 

Anne,  nourrice  de  Pierre  fils  de  M. François  Biord, 
iieutenant  du  Preuoft  d'Aix  ,  ieune  femme  de  tempé- 
rature chaude  Scfeiche,  atteinte  au  plus  fort  de  rhyuer 
«i'vne  phrcneiîe  au  cofté  gauche ,  auec  vne  fieure  crefai- 
grc>acompagncc  de  courte  haleine,  de  douleur  fort  poi- 
gnante au  collé ,  &  ne  crachant  que  fang  à  grande  dif- 
Éculté  ,  tombaenrefucrielc  7.iour.  Sur  ceelle  fe  leuc 
de  Ton  li(ff,ouure  fon  cofre,  où  d'auanture  il  y  auoit  du 
fublimc,&  en  auale  enuiron  demie  drachme;pui  fe  don- 
rcplufîcur^  coups  decoufteauau  ventre  &  aux  cuiflcs. 
Le  niclmeiour  enuiron  minui(ft,elle  court  toute  nue  à 
A  ne  feneftrcfe  précipite  furie  paué  d'vne  cour  fait  de 
f  icrres  tref-durés:&  demeure  là  toute  ellenducfansfen- 
timenr/ans  voix ,  fans  pouls,roide  de  froid  (  car  c'elloit 
au  folfticed'hyuer  )  iufques  à  ce  que  les  domcftiqucs  de 
lu  ma!fon,voulansfçauoir  qu'elle faifoit,  vindrent  à  foii 
îiift.où  ne  la  trouuans  point,f  ut  à  crier.  En  fin  ils  la  trou- 
itentau  miferableertat  queie  vien  de  dire,  la  portent  en 
fa  chambre,&m'appcllent,pourcc queie demcurois  au 
voifr.age.ry  acours  auec  fa  maillrcfie  ,  Damoifclle  ver- 
tutufc,  qui  me  prie  d'v  faire  tout  ce  qui  fcroitpofTibJe. 
Combien  quei'eneuflepeu  d  elJ3erance,toutc.sfoisplu- 
iloll  par  mnnicrc  d'clîay  qu'autrement  ie  me  mis  après 
en  toute  diligence,  &  par  diners  remèdes  la fai  leuenir  a 
foi,  peu  à  peu  ic  la  refchauftîs,  ie  pouruoy  extérieure- 
mental  intérieurement  à  ce  fublimé,qui  lui  auoit  vlce- 
T'-  la  bouche  5c  la  gorge,  &vai  au  deuant  de  ladyffen- 
tcrie  que  ce  poifon  a  uoit  caufee.Sommc,  au  bout  de  ilx 
femaines  elle  fut  entièrement  guérie  de  tous  fes  maux 
j-ar  vne  faueur  fpeciale  de  Dieu  ,  &  fe  porta  mieux  de- 
puis qu'elle  n'auoit  oncquesfait  auparauant.  fV.  K.iUt- 
rtoll.i  en  CohferHation  SJu  I  .l:tt, 

Vne  femme  Romaine,deuenuc  melancholique,pour 
auoirefté  mariée  contre  fon  gré  à  vn  qu'elle  n'aimoit 
pas,&  couuant  fa  fureur  fous  vn  trifte  filcnce,  M.Antoi- 
rc  Brafauole  Ferrarois  ,  excellent  Médecin  de  noftre 
temps  eflayade  diuertir  ceft  humeur  pardiuers  remc- 
ilcs,qui  ne  icruiicni:  de  rien.     Pour:anc  il  s'aa;fa d'vne 

rufe 


^  mémorables.  3  jj 

lufeineJecinale,  dont  ayant  donné  auis  au  mari,  lequel 
s'y  accorda,  comme  les  parens  d'elle  fuflent  venus  vn 
lourde  fefte  la  vifîter,  Braiauole  entre  dedans  la  cham- 
bre, s'approche  du  li  (51  delamal;ide,  la  falue  amiable* 
ment  comme  fi  elle  eullefté  fa  femme  ,  &  s'approche 
d'elle  pour  la  baifcrxUcieune&robufte  le  repoulTetluî 
continue  de  plus  fore:  elle  arrache  le  chappeau  ,  labar- 
retce,  &  tout  ce  queBrafauole  portoit  en  rcitc  félon  Ion 
aage&  la  façon  d'alors,  &iettc  tout  par  terre.  Toute  la 
compagnie  fe  prend  à  efclatcr  de  rire  à  ce  plaifant  ipc- 
(ftaclc.  La  ieune  femme penfant  que  ce  médecin  hom- 
me d'aagefull  y  urc, commence  de  fon  cofte  à  rire  à  gor- 
ge dcfployee.  Depuis  lequel  temps  fa  melanchoiic 
commença  i  s'efclaircirS:  efuanouir.  Th.  T^ungemu  je- 
ftiejhte  'volume  de  fon  thcatre  pliure  2. 

Vn  notable  perfonnage,  aagé  d'enuiron  quarante ahs 
agité  de  maniejlafentoit  comme  venir,  le  lang  cômen- 
çanri  bouillir  en  la  poidrine  :  lorsfaveue  s'obiCurciH 
loit  ,& incontinent  vn  vertige  furuenoit  .-puiïil  fe  met- 
toit  à  crier  à  gorge  dcrployce ,  à  fe  debatre  ol  tourmen- 
ter,tellemét  qu'on  eftoit  bien  empcfché  à  le  tenir.Com- 
bicn  qu'on  l'euii  faignéau  bras  droiifl,  &  tiré  grande  ?.- 
bondance  de  Hing,  toutcsfois  la  frcncfic  ne  diminua 
point.  IlrGcitoit  force  vers  par  cœur,  chantoit ,  crioit  à 
pleine  tefte,rautoit,efl~ayoit  de  fe  précipiter  :  à  caufc  de- 
quoyfalut  le  lier  bien  ferme,  &auoir  l'œil  fur  lui.  L'a- 
yant medicamenté  conuenablcmcnt ,  ilreuinten  con- 
ualefccncc.  Mais  au  bout  de  quelques  fepmaiHes  il  re- 
tomba en  mefme  maladie.  Finablenientpourcc  que  les 
fumées  efpailTesdu  fimgne  montoyent  plus  en  quanti- 
té à  la  tcftc ,  la  frcnefie  cefla  :  mais  il  lui  iuruin:  vn  cra- 
chement defang  auec  toux  violentcpuis  vn  crachcméc 
ile  poulmons:teîlcmentque  la  première  maladie  termi- 
na en  phtifie,  de  laquelle  il  mourut.  Aï.  Ramba-t  Dodo- 
ncat*  en  fis  obferuatiom  medici-nale^johfirAO. 

le  fus  appelle  pour  vifîter  vn  ieune  home  luif,  nom- 
mé Raphaei,fur  les  deux  heures  de  nu'-'l:.  Il  eftoit  cou- 
uert  de  tumeuis  ou  eipeces  d'enthracs  en  diuers  en- 
droids  de  fon  corpr:  entre  ajAtre  d'vnc  allez  large  au  col. 


i  5  4  Hi/fûires  admirahUs 

laquelle  fc  fit  petite  incontinent,&  lors  Raphaël  fe  i^iint 
à  rirc,&  vouloit  d'vnc  clef  qu'il  tcnoit  ouurir  la  veine  à 
ceux  de  la  compagnie:  maisccfte  folie  fe  tourna  tout- 
foudain  en  farcur:car  il  nous  vouloit  battre  tous,&  cou- 
roit  ci  Sclà  dc'chirant  tout  ce  qui  lui  tomboit  entre 
mains,  fi  forrau  reftc  en  ceft  accès  qu'à  peine  pouuoit- 
il  cftrc  rcccnu  par  fix  hommes  robuftes  &  puiflans  qui  le 
gardoycnt.  Y  ayant  appliqué  quelques  remèdes  ic  me 
rctirc,&lc  venant  voirie  lendemain  ,  dernier  iour  d'A- 
urilisjH.ieletîouucaflcz  quoy.-mais  après  difné  il  fut 
faifî  de  grand  appétit  de  dormir ,  que  ceux  qui  lui  afli- 
floyenr  nepouuoyent  en  Tortequeccfuft  garder  qu'il 
ne  fommeillaft.LaniaLicre  chaude  efmeutprcmicreméc 
lafrcnefîerpuisla  froide  eut  Ton  tour.  Eflât  defpcftré  de 
ce  fommcil  ptofondàl  commence  par  intcru ailes  à  fe  ba- 
tre  les  cofte?. ,  &  rcfpacc  de  quatre  heures  demeura  ec- 
flatique,courant  comme  agité  du  malin  cfprir.  En  ces 
entrefaites  il  contrefaifoi:  les  voix  des  oifeaux  &  beftes 
à  quatre  picds,parl oit  entre  fesdcnts^auoit  dcsmouuc- 
mens  du  tout  extraordinaires  :  tellement  que  tout  cela 
feiTlbloit  pluftoft  vn  miracle  que  chofe  procédante  de 
caufe  naturelle.  Il  eftoit  ainfî  agité  deux  fois  le  iour,  & 
Ventrée  de  ce  mouuemcnt  venoit  des  hypochondrcsi 
fon  mal  le  prenant  parle  faut  du  corps.Icclui  paiTcTon 
éuftdit  que  ce  icune  homme  n'auoit  fouflcrt  douleurs 
quelconques.il  ne  voulut  plus  vfcrde  remèdes* ,  Tes  do- 
meftiques  difans  qu'il  auoir  efté  enforcelé,  &  lui  faifant 
vferde  prefcruatifs  contre  les  forcellerics  :  ce  qui  ne  lui 
feruit  de  rien. Pourtant  ils  changèrent  d'aduis,  pubiians 
qu'il  auoic  le  diable  au  corps,&:  le  firent  exorcifcr ,  mais 
en  vainxar  c'eftoit  maladie  qui  fe  chafl'e  par  bohs  remè- 
des ou  par  laps  de  temps.  Comme  de  fait  il  auint  qu'aii 
bout  de  huiâ  mois  il  recouura  fa  fanté  /  en  laquelle  il  z 
continué  depuis.  B)\ifxnole  ai*coinmcnt.fHT  le  6^.  aphorifme 
du  5 . liu re  d' H ippocr ate. 

levi  dernierenient  vn  perfonn.tgc  tel  qu'il  potiuoit 
feruir  de  patron  à  qui  eufl  voulu  peindre  la  melancho- 
lie  mcfme.  Avant  efpoufé  enuiron  le  commencement 
de  luiilct  vne  gaillarde  icune  femme  il  lafcha  la  bride  de 

tell« 


Cr  mémorables,  3  j  j 

telle  impetuofîté  à  l'adc  VencrJen,qu'au  bout  de  quel- 
<juesiours  il  deuint  furieux.  le  le  fis  enchaincr,&  àfor- 
celauemens  de  tefte  refraifchir  le  ecrueau  &  prouoquef 
le  dormir  :  item  i  l'aide  d'vn  régime  de  viureconutna- 
ble  ie  le  remis  deflus  :  mais  non  pas  tellcmcnc ,  que  ic 
mevoulufTcgueres  ficrenlui.  Car  fesycux&  fa  force 
fombfe  ne  pfefagent  que  fureur,  lacclnn  en  fou  Commen" 
taire  fur  le  ^.Intr.iie  Rajisjchap.l'). 

II. y  a  trois  fortes  de  refucric  aiguc.  LVnequâdenrac- 
ces  delà  ficure  ou  au  plus  fort  d'i celle  le  malade  refuc, 
oc  dit  chofcs  elhangcs  :  mais  après  la  fieure  reuicntea 
bonfens.  L'autre  nommée  frencfîe,  toufioursacompa- 
p^çc  de  folie  :  pource  que  combien  que  le  malade  aie 
des  interuallcs  moins  troubles  vne  foi*,  qu'autre,  toutes- 
foi^  il  a  tou/ioursTentendemcnt  agité  de  quelques  fan- 
tofrnes.La  troiiîcfme  cil:  plus  dâgereufcà  fçauoir  quand 
lafolie  n'a  point  d'intcruallcs  ciiiremcnt  :  mais  outre 
plus  fait  toutes  cliofes  imperucufcmêt  &:  aucc  violence, 
Vne  leune  Damoifellc  eibmt  tombée  e«  ceitc  troi/îef^ 
me  forte  de  refucric,  iefusippelle  fur  la  minuidpour 
la  vifitcr,Ô:  la  trouuay  en  relie  furie,  qu'elle  s'eflancoit- 
impetueufcmentjtantoft  d'vn  collc,tantolt  de  rautre,& 
tout  ce  qui  lui  venoit  au  deuantjdle  Tcmpoignoit,  def. 
chiroir/ou  tronconnoit  à  belles  dents,  fufl-ce  chcueux;. 
bras,  ou  mains  d'elle  ou  d'autres ,  ou  quoy  qu'elle  peuft 
attraper,  elle  en  emportoit  la  pièce ,  tellement  qu'il  fa- 
îut  renchainer,de  peur  qu'elle  ne  fift  mal  d'auantage  ni 
à  foi  ni  aux  autres.  Au  bout  de  quelques  heures,  cefte 
tcmpertc  vn  peu  appaifee,  elle  fe  print  à  dormirprofon- 
dément.  Enfin  par  diuers remèdes ,  à  rvfagcdefquels 
elle  fe  monftroit  fort  difficile  ,  elle  recouura  ia  pre- 
mière fanté.  Mais  à  la  couftume  des  femmes,  nommé- 
ment des  Damoifelles ,  ne  fe  foucians  pas  de  fuiure  les 
expcdicns  qu'on  lui  auoit  propofez  pour  la  mainte-; 
nir  en  fanté,  &  viuant  àfon  plaifir,  vn  mois  après  elle 
retombe  en  mefme  maladie,  &  vingt  quatre  heures  a- 
pres  rend  l'efprit,  fans  qu'aucuns  remèdes  y  peufTenc 
leruir.  Beniucmuf  nttp^.  chA^.dnlmre  intiinUde  t^bditm 
Ttrwn  €4Hfu. 


33<î  Hijlmesadfmrablcs 

Vn  homme  ayant  pafTe  trente  ans  fe  portait  bien  de 
iour ,  ayant  l'entendement  fain  &  les  fens  entiers  ;  mais 
la  nuict  venue,  s'il  Te  niet:oicauli(fr  &dormoir,  inconri- 
nentil  entroiten  fienefic,  crioit  de  fois  à  autie  tant  que 
fa  gorge  pouuoit  porter,  ne  ccfloit  d'efcrimer  dcsbra- 
&  iksjnainb,  quelquesfois  fe  leuoit,  lautoit,  couioitpai 
laniailon  ,  fînon  qu'on  le  rctinft.  Eitant  refueillé  &  le 
iour  venu,  dcreclief  il  recournoit  à  Ton  bon  fcns,  ma- 
nioit  dextrcmcnt  (es  afîaiics  d'cfprit  raffis  entieremcn', 
ennemi  de  foluudc,  quiaimoità  deuiferauec  icsaniii 
bi  domeiirîqucs.  Dodo-nxan  cnfs  obferuatious. 

Daniel  Fedenc  chciuderonnicr  demeurant  à  Triboui .: 
en  B!irc;avv,de  Taage  de  vingt fcpt  ans,  hit  alfailli  d'vi: .. 
manie  tres-dan^^ereule,  qui  le  tranlportoit  fur  Icstoict-. 
des  mailbns',  ou  il  f  rimpoit  &  couroit  au  péril  de  la  vie, 
fans  rien  n|  pvchcndcr.  On  fut  contraint  dttl'cncli.iincT. 
Au  bout  de  quelques  mois,  Dieu  lelbulagea  benigr.e- 
ment ,  à  Tnide  des^roiîcs  veines  ou  v.irices  qui  lui  aoa- 
rurentescuifles  ,  lercuiellcs  s'eftnns  eflargics  dcmefurc- 
ment&  finalement  ouuertes ,  il  farfouîagé.  Et  depuis 
tous  les  ans  iufques  au  50. de  fon  aage  où  il  fe  retrouuoit 
l'an  1585.  vfant  d'incifion  propre  en  icelles  veines,  il  a  c- 
uité  la  renchcute ,  &  fai-js  ce  remède  ne  pourroit  fubli- 
if  cr  en  fante.  Sccmkim  en  U  z^d  ohferuution  du  i.littre  dej'cs 
doch's  ^  dui:^t?ites  recerches. 

Aux  hirtoues  précédentes,  nous  en  adioindrons  quel- 
ques autres  touchant  les  Lycanthropes  &  enragez ,  lef» 
quels  nousconfidero.ns  de  deux  fortes.  Car  il  y  a  des  Ly- 
craithropes  efqucls  l'humeur  ir.elancholique  domjne 
tellement  ,  qu'ils  penfent  vcnrr.blement  eftrc  tranl-. 
mue/,  en  loups.  Celle  maladie,  comme  tefmoigne  Ac- 
tius  au  fîxiefmeliure  chapitre n.&  Paulusau3.l1u.chap. 
1(5.  &  autres  modernes  ,  eft  vne  efpece  de  meJancholie, 
mais  eltrangcmcn:  noire  &  vehementc.Carceux  qui  en 
font  atteints  forcétdc  leurs  maifous  au  mois  de  Feurier, 
contrefont  les  loups  prefqucs  en  toute  chofe  ,  &  toute 
nuid  ne  font  que  courir  par  les  cet  mi  ti  ères  &  autour 
CCS  fcpulchres ,  tellement  qu'on  defcouure  incontinent 
en  eux  vne  mciueilicule  altération  deccrueau  ,  lurtOuc 

en 


^  mémorables,  337 

^\  rimagination  &  ppnlee  mifcrablcment  corrompue: 
en  telle  forte  cjuc  leur  mémoire  a  quelque  vgueur, 
commeicTay  remarqué  en  vn  de  ces  melanchohques 
.Lycanthropes,quenous  appelions  Loups  garoux.  Car 
lui  qui  me  conoiHoit  bien  ,  eftant  vn  lour  faifî  de  Ton 
mal,&me  rencontrant,  ie  me  tiray  à  quartier  craig;nanc 
qu'il  m'orFcnfalt.  Lui  m'ayant  vn  peu  rcg.-îrdépafia  ol.- 
trCjfuiuid'vnc  troupe  de  gens.  Il  portoitlorslur  fes  ef^ 
paulcs  la  cuille  entière  &  la  lambc  d'vn  mort.  Ayant  e- 
fté  loigncufcment  mccîic.-îmenté,  il  fut  gucri  de  celle 
maladie.Et  me  rencontrant  inc  autre  fois  me  demanda 
iîi'auoispointcu  peur,  lorsqu'il  nie  vint  à  la  rencontre 
en  tel  endroit  :  ce  qui  me  fait  penllrquefa  mémoire 
n'citoit  point  bleflee  en  l'accès  &  vcliemence  de  fou 
mal,  combien  que  fon  imagination  le  fuit  grandement. 
Donat  du  ll.wte  ymr  mi  y.  ch.ifitre  de  jht  trait  lé  De  la  f'ueri^ 
fon  des  maladies. 

Guillaume  de  Brabant  a  efcrit  en  fon  hiftoire ,  quVa 
homme  de  fens  &  ent  *idemcnt  raffis,  fut  toutesfois  tel- 
lement trauaillé  du  malin  efprit,  qu'en  certaine  faifon 
de  l'année  il  penfoitellrevn  Loup  rauiifant,  coufoit  çà 
&  là  dedans  les  bois,  cauernes  &  deferts,  fur  tou:  après 
les  petits  enfans:mefmes  il  dit  que  ccil  homme  fut  îbu- 
uenttrouue  courant  parles  deierts  comme  vn  homme 
hors  du  fens,  &  qu'en  fin  par  la  grâce  de  Dieu  il  reuin:  à 
foy  &  fut  gucri.  Il  y  cuft  auin ,  comme  récite  iGbFii.cel 
tit*  z.  lin.dcs  Alirades ,  vn  nilageoii  pre$  de  Pauie ,  l'an 
mil  cinq  cens  quarante  &  vn,  lequel  penfoit  cftreLoup> 
&alfa:llit  plufieurs  hom.mes  par  les  champs  :  en  tua 
quelques  vns.  En  £n,prins  &  non  fans  grande  diff.culté, 
il  afl'eura  fermement  cu'jI  eiloir  loup,  &  qu'il  n'y  auoic 
autre  différence,  fînonque  les  loups  ordinairement  e- 
ftoyent  velusdehors ,  &  lui  l'eiloit  entre  cuir  &  chair. 
Quelques  vns  trop  inhumains  Se  loups  par  efte<fr ,  vcu- 
lans  expérimenter  h  vérité  du  fai(ft ,  lui  firent  plufîeuis 
taillades  fur  les  bras  &  fur  les  iambcs  :  puis  cojioiffans 
leur  faute,  &  l'innocence  ùc  ce  pauure  mclancî-.oli- 
que,  le  commirent  aux  chirurgiens  pour  le  pcnfcr,  en- 
tre les  mains  dcfqucls  il  mourut  quelques,  iours  après. 


3  5?  Hijlôires  admirables 

Les  afflige?,  de  telle  maladie  font  pafles,ont  les  yeux  en- 
foncez &  haues,  ne  voyent  que  malaifcment,  ont  la 
langue  fort  feichejfont  altérez  &  fans  falme  en  bouche* 
Pline  &  autres  cfcriuent  que  la  ceruelle  d'Ours  efincut 
des  imaginations  belliales.  Mefmesilfedit  que  l'on  en 
fitmangoi  de  noftrc  temps  à  vn  gentil-homme  Efpa- 
gnol,  lequel  en  eut  la  fantaifie  tellement  troublée ,  que 
peniant  eftre  transformé  en  O  urs  il  s'enfuit  dedans  les 
montagnes  &  dcfcrts.  I.  ynjîer  au  4.  liure  des  preftiges 
ehap.z^. 

Quant  aux  Lycanthropcs,  qui  ont  tellement  l'ima- 
gination blcflee,  qu'outrepluspar  quelque  particulière 
efficace  de  Satan  ils  aparoillcnt  loups  &  non  hommes 
à  ceux  qui  les  voyent  courir  ,  &  faire  diuers  dommages. 
Bodin  en  difputeforr  amplement  en  fa  Dcmonomanie, 
chapitre  5.  du  luire  i.  ou  il  fouillent  que  le  diable  peut 
changer  la  figure  d'vn  corps  en  autre  ,  veu  la  puilfancc 
grande  que  Dieu  lui  donne  en  ce  monde  élémentaire. 
Il  veut  donc  qu'il  y  ait  des  Lycanthropcs  transformez 
réellement  &  de  fait  d'hommes  en  loups,  alléguant  di- 
uers exemples  &  hiitoires  à  ce  propos.  En  fin  après  plu- 
fïeurs  difputes ,  il  maintient  d'vne&  Tautrc  forte  de  Ly- 
câtrophie.Etquant  à  celle-ci  ,reprefentc  tout  à  la  fin  do 
ce  chapitre  le  fommaire  de  fon  propos, a  fçauoir,quc  les 
hommes  font  quelquesfois  tranfmucz  en  befte,  demeu- 
rant la  forme  &  la  raifon  humaine  :  foitque  cela  fe  face 
par  la  pui  flan  ce  de  Dieuimmcdiatcment,foit  qu'il  don- 
ne cefte  puiflance  à  Satan ,  exécuteur  de  fa  volonté, ou 
pluftoft  de  fes  redoutables  iugemens.  Et  fi  nous  confef- 
fons  (dit-il)  la  vérité  de  Thiitoire  facree  en  Daniel,tou- 
chant  la  nansformarion  de  Nabuchodonofor  ,   &  de 
l'hiftoiredelafemmede  Lot  changeeen  pierre  immo- 
bile,il  eft  certain  que  le  châgement  d'iiomme  en  bœuf, 
eu  en  pierre,eftpoflible:&  par  confequentpofi^ible  en 
tous  autres  animaux.  Mais  pource  que  Bodin  allègue 
Peucer  ,  touchant  la  transformation  des  Pilappiens 
&  ne   recite    nettement  ce  qu'tcelui  en    remarque, 
digne  de  confideration  fur   ce  propos  ,  ic  le   tran- 

fcnray 


^  me?norahle5c  ^^ 

cfcriray  fclon  qu'il  elt  contenu  en  Ton  dofte  œuurcini 
litu{é)CoumtentéiiYe  des  principales  fortes  de  cltmnutijns  lime 
4.c/7.i/>.9. félon  l'édition  Fiançoife.  Aur?ng  &  nombre 
des  Hcftatiques  font  mis  ceux  qu'on  appelle  Lycaons  & 
Lycanthropcs,  qui  penfcnt  eftrc  changez  en  loups  ,  & 
en  forme  d'iceux  courent  les  champs,  &  fe  ruent  fur  les 
troupeaux  de  gros  &  menu  bcftail,defchirenten  pièces 
ce  qu'ils  rencontrent,  rauilient  ce  qu'ils  pMiuent ,  & 
vont  rodant  autour  dcsfcpuichres&  cœmiticies.  lîyà 
en  Hérodote  au  4.  liure  vnpaffage  touchant  les  Neu- 
riens,  peuples  de  Scythic,  qui  ic  transfornioycnt  en 
Loups,  ce  que  lui  dit  n'auoirpeu  croire  ,  quelques  rap- 
ports &  difcours  qu  on  lui  en  fiif.  Quant  eft  de  moy, 
i'ayautresfois  eftimé  fabuleux  &  ridicule  ce  que  l'on 
m'afouucnt  conté  de  celle  transformation  d'hommes 
en  loups.Mais  i'ay  apns  par  certams  &  efprouuez  indi- 
ces,&par  tefmoignages  dignes  de  foi,  que  ce  ne  font 
chofesdutout  controuuees  &:  incroyables  de  ce  qu'ils 
difent  de  telles  transformations,qui  auiennent  tous  les 
^ns  douze  iours  après  Nocl  en  Liuonic  &es  pays  limi- 
trophes xomme  ils  l'ont  fceu  au  nay  par  les  confeflîons 
de  ceux  qui  ont  efté  emprifonnez  &  tourmentez  pour 
tels  forfaits.  Voici  commet  ils  difent  que  cela  fe  fait.  In- 
continent après  que  le  iour  de  Noël  eil  pa(rc,vn  garçon 
boiteux  va  par  pays  appeller  ces  efclaucs  du  diable,  qui 
font  en  grand  nombre ,  Ù.  leur  euioint  de  s'acheminer 
apreslui. S'ils  diftcrent  ou  retardent ,  incontinent  vienc 
vn  grand  homme,tenant  vn  fouet  de  chaifnettes  de  fer,i 
dontiUes  haftebien  d'aller,  &  quelqucsfoiseftrille  /i 
rudement  ces  miferables ,  que  long  temps  après  les  mar- 
ques du  fouet  demeurent,&  fontgrande  doiileur  à  ceux 
<iui  onterté  frappez.Incontinenr  qu'ils  font  en  chemin, 
les  voila(ce  leur  femble)  tous  ciiangczc^  transformez 
en  loups,  llsfe  trouuentpar  milliers,  ayans  pour  coudu- 
deur  ce  porte  fouet ,  après  Icquelils  maichenc,  s'eiti- 
mans  eibe  deuenus  loups.  Eftans  en  campagne ,  ils  fé 
ruent  fur  les  troupeaux  de  boRail  qui  fc  nouuent ,  de!- 
chiient  Se  emportent  ce  qu'ils  peuuent ,  font  plui>eurs 
autres  dommages  :  mai^  il  ne  leur  cil  pomt  pcrm;;,d<: 

y  j. 


34©  Hijîoires  Admirables 

toucher  ni  de  blcfler  les  perfonnts. Quand  ils  aprochent 
desriuieresjlcur  guide(dii'ent-ils)fendles  eaux  auec  fon 
fouëtjtcUement  qu'elles  femblent  s'cntr'ouunr,&  laifTer 
"Vn  entre  deux  pour  pafler  à  Icc.  Au  bout  de  douze  iourj» 
toute  la  troupe  s'efcarte  ,  &  chacun  retourne  en  la 
maifon, ayant  defpouillé  la  forme  de  loup ,  &  repris  cel- 
le d'homme.  Celle  transformation  fe  fait,  difent-ils ,  en 
telle  forte.  Les  translormez  tombent  ioudainemcnt 
par  terre ,  comme  epilepnqucs  ^  &  demeurent  eftenùus 
comme  morts  &  priucz  de  tout  fcntiment.  Or  ils  ne 
bougent  de  li;nine  vont  en  lieu  quelconque,  ni  ne 
font  aucunement  transformez  en  loups,  ains  relfctn- 
blent  à  des  charongnes.  Car  quoy  qu'on  les  roule  &  l'c- 
couè,ilsnc  monftrent  apparence  quelconque  dévie.  L'c 
là  eft  née  vne  opinion,  que  les  âmes  extraites  des  corps 
entrent  en  cesfantofmesjcourans  en  forme  de  loupsrpuis 
quand  Tœuure  entrcprife  par  le  diable  eft  acheuec,ellcs 
retournent  en  leurs  corps  qui  lors  recouurentla  \ie.Les 
Lycanthropes  mefmcs  conferment  celte  opinion  ,  con- 
fellans  que  les  corps  ne  defpouillent  point  la  figure  hu- 
maine ,  ni  ne  reçoiucnt  celle  du  loup  :  mais  feulement 
que  les  âmes  font  poufîees  hors  de  leurs  prifons,&  s'en- 
uolent  dedans  des  corps  de  loups,  par  qui  elles  font 
portées  vne  el'pace  de  temps.  Les  autres  ont  maintenu 
quettansenchainez  en  vn  cachot,ils  ontprms  la  figure 
d*vn  loup, &  l'en  font  allez  trouuer  leurs  compagnons  à 
plufieurs  lournees  loin  de  là.Interroguez,comme  ils  ont 
peu  ibrtir  de  la  prifon  eftant  bien  clofe  ,  pourquoi  ils 
lont  reuenus  ,  comment  ils  ont  peu  traucrlcr  dcsriuie- 
resfort  larges  &  profondes?  ontrcfpondu  que  les  fers, 
murailles  &  portes  n'auoyent  peu  les  empefcher  de  for- 
tir  ,  qu'ils  eftoyent  retournez  par  contrainte  ,  qu'ils 
voloyent  par  defl'us  les  riuicres  ,  &  couroyent  par 
rerre. 

lufques  ici  i'ay  reprefentc  les  paroles  du  doâeur 
Peucerjlefquellesmonilrent ,  que  celle  transformation 
de  Lycanthropes,  non  plus  que  celle  des  forciersmen- 
tionnezpar  Bodin,  n'a  point  de  rapport  aueclatranfl 

muta-- 


^mémorables,  541 

mutation  du  Roy  de  Babylone, ,  ni  celle  de  la  femme  de 
Loth  :  &  qu'en  cefte  Lyc.inthropic  il  y  a  des  manifeftcç 
illulîons  de  Satan ,  lelquelles  ne  doiuent  cftre  cowUm- 
duesaueclestefmoignages  euidens  d'vne  vifitation  di- 
uine  fur  certaines  perfonnes  :  comme  lesTheologien'î 
cjuiont  cxpcfé  les  hiftoircs  le  monftrent  amplement. 
Aurefte,  lean  Vvkreft  d'opinion  contraire  à  Bodi» 
touchant  les  Lycanthropes  dont  nous  parlons  :  &en  di- 
fpute  amplement  au  fixielme  liurc  des  preftiges  chapi- 
tre 13.&  14.0Ù  il  nie  la  transformation  réelle  de  Bodin^Sc 
maintient  qu'elle  ell:  feulement  en  la  phantafie  troublée 
parrmdifpoiîtiondelaperfonne,  &  parTimpcflurc  de 
Satan.Mais  nous  lairrons  leur  débat,  à  qui  en  voudra  fai- 
te recerche,&  propoferons  quelques  exemples  touchant 
les  enragez. 

Il  y  en  a  de  deuxfortes.Aucuns  le  deuienent  par  la  vi- 
rulence de  l'humeur  melancholique,  tant  en  tout  leur 
corps,que  principalement  au  cerucau,  à  quoi  n'ayant  c- 
fté  remédié  d'heure ,  la  fîmplemciancholie  deuientfrc- 
nefic  ,  celle  la  fureur,  &  finalement  rnge  redoutable  & 
du  tout  incurable.  De  quoy  M.Pierre  Salins  &  Marccl- 
lus  Donatus,  do  des  Médecins  traitent,  &  en  pro^o- 
fent  quelques  hill:oires.Parlons-cn  rpres  eux,&  leur  fer- 
uons  detrucheman  à  nos  François, On  demande /î  l'hu- 
meur vcnimeufe  ou  virulcte(nommee  Rage)quife  pro- 
crée en  tant  de  fortes  d'animaux,lcfquels  la  cômuniquent 
iThomme,  comme  nous  fçauons ,  peut  commencer  par 
laperfonne  mcfme  &  des  principes  internes,  fans  qu'au- 
cune contagion  furuiene  de  dehors.  La  raifon  nous  fait 
cnchner  àceftauisj^uis  que,du  confenrcmcntdetous, 
les  venins  mortels  peuuent  eftrc  engendrez  en  i'hom- 
me,quela  rage  auH:  ne  doit  eftrc  forclofe  de  ce  rang, 
l'homme  ne  difterant  d'aucc  leferpcnt,  qui  crache  le 
venin  ,  non  plus  que  des  autres  beftes  fuiettcs  à  la 
rage,  ains  ayant  plus  de  rapport  auec  les  ferpens  qu*a- 
i^ec  les  autres  animaux.  Mais  d'autant  que  les  ancien*, 
pourlaplufpart ,  onteftimc  qu'vnc  perfonne  ne  pou- 
uoit  deuciiir  enragce,fi  elle  n'auoit  elle  atteinte  au  de- 
hors par  vue  autre  perfonne  oubcftc  enragée  »  il  fcm« 

Y    i 


314  Hifl aires  admirables 

tic  que  nous  ne  dcuons  pas  aifémcnt  nous  cflongnef 
cic  leurs  auis.    Toutcsfois  puis  que  l'expérience  pcuç 
rclouldrc  ccfte  dil-ncuUé  j  ic  diray  ce   que  incs  yeux; 
en  ontvcu.  Vnc  femme  aagecce  trcntefîx  ans,  trauail- 
Icc  d'\  ne  fît^ure  lente,  m'appeila  po'irhfecourir,  icla 
tiouue  faille  d'vne  fieure  pefi:ilen:;eUe,  ie  la  traitte, 
tellement,  qu'onze  iours  après  elle  cit  pucrie.Au  bout 
^'autres  n.  iours  elle  eft  affligée  d'vnc  fort  douloureufç 
dyficntcrie,  acompagnee  de  fleure.  le  fuis  rappelle  :  ic 
commence  a  combatrc  celle  maladie,  &  la  furmonte  de- 
dans fept  iouri  après.  Reftoitvn  peu  de  Heure  ,  laquelle 
voulant  exreimincr,ruruient  à  celle  femme  vn  fi  grand 
cicldain  de  toutes  liqueurs^  que  non  feulement  elle  ab- 
îiorroit  tous  medicamens  liquides  &  tous  bruuagespour 
farefedion,.nais  encoresne  pouuoitfupporter  ceux  qui 
buuoycnt  en  fa  prelence.   le  conu  par  ce  feul  accident 
qu'elle  eiloit  atteinte  de  rage,laquelle  s'augmenta  telle- 
ment qu'elle  ne  pouuoit  lupportcr  qu'on  portail  en  fa 
chambre  rien  de  clair  pour  le  regard  de  fa  nourriture,  a-, 
bommant  &  tous  bruuai^es  &  tous  medicamens  liqui- 
des. Et  d'aucantquela  fieure  5y  la|ongueurde  fa  mala- 
die ne  lui  permettQi t  de  fe  pouiioir  ailëment  mamtenir 
par  folijp^'  alinî>:i,,L!lc  deuint  extrême  ni  eut  foible,  mais 
elle  languit  fcpt  iours  entiers  depuis  qu'elle  euft  ain/ï 
commei^vc  a'reictter  toutbruuagc&  nourrirure  liqui- 
de, I  e  n  c  r  r  o  u  ij  a  y  e  n  e  1  le  a  u  rrç  c  a  u  fe  dt'  4  efa  u  t ,  fo  r  s  ce 
^cuhiVi  de  boire  Si  prendre  ce  qui  elluit  clair.  Aufti  ne 
le  pin)gnoit-clle  de  lien,  fiiicm  quand  on  le  lui  prc- 
lenroirtlorson  la  voyoit  s'cfmouuc.ir  d'cftrange  forte. 
Kors  cela  j  s'eRojt  vncfoit  paihbk  malade  ,  SiTinterro- 
guant,fi  iamaiscUc  auoit  eltc  atteinte  des  dents  de  quel- 
que chien  cnragé,farelponfe  fut  que  chien  aucun,  quel 
<ju'ilfurt,ne  l'auoit  onç  touchée,  n'en  ayant  eu  chez  foi, 
ni  elle  en  compagnie  où  il  yen  euft.  Sa  inere  enquife 
par  moi,fi  iamais  chien  n'auoit  touché  fa  fille  en  quel- 
<]ue  temps  &  aagp  que  ce  fuft  4e  fa  vie ,  m'afferma  que 
non,  Cela  me  fît  douter,  fi  vneperfonncpouuoit  point 
<des  principes  internes  ,  &  de  fa  propre  corruption  deue- 
nir  cnragcc.  Car  ii'aya^t  en  cçfle  maladie  ci  coniedure 

^UCUllQ 


C^  mémorables,  ^43 

aucune  de  contagion  de  dehors,  ^cefte  h^-drophobie, 
ou  peur  de  bruuage&  dechofesliquides ,  n'ellant  point 
coniointeaueclesaccidensqui  oncacouitumé  d'acom- 
pagncr  ceux  qui  font  mords  par  les  belles  enragées  :ie 
me  penfay  que  ce  mal  procedoit  d'vne  cauie  interne,qui 
ne  fut  pas  (î  violence,  n'ayant  efté communiquée  du  de- 
hors par  vne  befte  enragée  :  iî  nous  ne  voulons  dire  que 
fa  violence  fut  rabatue  par  les  contrepoifons  donnez 
cnlacurc  de  la  fieurc  peflilente,  Scàcaufe  d'vne  eui- 
dente&  notable  euacuation  des  mauuaifes  humeurs  en 
la  dylfcnterie.  Outre  celle  expérience ,  i'eftois  confer- 
mëparrauthorité  de  Cœlius  Aurelianus^efcriuant  que 
quelques  fois  vneperfonne  dénient  enragée  fans  caufe 
manifefle:  &  par  Thiftoire  que  raconte  Soranus,  difant 
auoir  veu  vn  enfant  lequel  auoit  horreur  àcs  mammei- 
les  de  fa  nourriflc  ,  fans  aucune  contagion  précèdent*, 
P»  Sulitti  au  liu,  JJe  affccitiH^  partimlaribui. 

Il  aumtran  1573.au  mois  de  Scptembre^quc  Gabriel 
Nouarc homme  aagé  de  cinquante  ans  ,  &  vefue,  de- 
meurant fur  les  terres  du  Duc  de  ATantouè  ,  en  difnant 
(cncit  le  ne  fçay  quoy  qui  lui  racloit  le  golier.  Il  com- 
mence à  prendre  fon  verre  pour  oiler  ce  mal  :  ma^» 
il  lui  futimpcfl'ible,  quoy  qu'il  fift,  dV.ualer  ce  qui  eftoit 
dedans.  Defpite  contre  foy  mefme  il  coutt  à  vne  feilie 
pleine  d'eau  pour  boire  auec la  main:  mais  l'appio ch  ant 
de  fa  bouche  il  tombe  à  la  renueiic  :  il  le  relcue  prom- 
ptement,&s'en  va,&  n e  loup c  point  ce  iour  là.  Le  len- 
demain, tant  au  diincr  qu'au  (biiper,  il  foudVe  le  inef^ 
me  accident.  Au  troinefmc  iour  il  vient  à  moi  à  cheual; 
en  chemin  il  mange  à  fon  aiic  force  railins.  Ayant  en- 
tendu delui  tout  ce  que  deiTui» ,  pour  conoiftrc  exade- 
ment  le  mal  ,  ie  lui  porte  d  la  bouche  vne  ,  deux» 
trois  diuerlcs  fois  vn  verre  plein  d'eau  ,  i'appelle  de  mes 
amis  à  ce  fpeftacle  :  à  chafque  fois  le  cœur  lui 
bat  &  fouleue  ,  il  tremble  ,  il  défaut ,  &rcntcom» 
me  vn  eftranglement.  Sitoftque  ie  tire  le  verre  arric- 
re,il  reprend  les  cfprits,  entend  &difcourt,  fe  inonftrc 
vigoureux ,  n'a  point  de  fieure,eft  fans  douleur  ,  toutes 
fci  fuaâioiis  fottt  entières ,  excepté  qu'il  ne  peut  boite, 

Y    4 


344  H'tjloires  admirables 

le  lui  prcfcri  des  coiurcpoifons.  Dedans  trois  tours  i{ 
meurt.  le  ccrchciefondcjieconfîdere  tout:&  ne  trouue 
nulle  caufc  euidcntc  de  ceft  accident.  Alarccltm  Uona- 
titi  ,m  premier  clh:ffitr2  duô.lmrc  des  hijloires  admirabUseh 
médecine. 

L'an  T57/;.  au  mois  de  May^îa  femme  de  Blaife  deVold, 
hommcc  Magde!ainc,r.;ntit  vn  iour  douleur  au  col, puis 
au  bias  droit.  Le  lendemain  elle  b'alitte,  fbn  bras  oultie 
la  doiulcur  ayant  commencé  à  trembler.  Cofte  douleur 
ceila  au  troiilerme  iour ,  mais  il  lui  furuint  vn  tremble- 
ment par  ton:  le  corps  ,  puis  après  appétit  de  vomir 
fansaucun  cfi-'ct,  cllcfue,  iJ:  fe  fcnt  comme' eftouftce. 
QjMnd  on  lui  prefenroit  du  \in,  de  l'eau,  cpclqucs  cou- 
lis, àcs  conuulfion^;  &  pafmoifons  lui  furuenoycnt  :  elle 
mangcoitbien  des  œufs  &:  du  pain.  Son  altération  eûoit 
grande,  les  faculté?  principales  entières  en  elle,  &Ics 
fens  exterieuisaufiT:  Son  efprit  doux ,  &  fa  parole  paifî- 
ble.  On  cuil  dit  qu'elle  n'auoic  fieure  quelconque.  Le 
Chirurgien  du  lieu  fit  plufîejrs  rcuuliîons.  ÎS'eant- 
moins  elle  mourut  ûu  ciuquieline  iour,  la.viefmc. 

Au  mois  deFcuiier,  ra'M57v  Dominique  Pancauld, 
ieune  fille  dcfeizc  ans ,  ayant',  eu  quelques  xnsit  vou- 
lans  entrebattre  auec  les  eîpecs  trairtes,  en  fut  eOra- 
yee  ,  &  la  nui^t  fe  l'enrit  faif^c  dVne  grolfc  fieure  :  tout 
ùrinlhnt  lui  vindrcnt  des  pullules  autour  des  leures. 
Dou7.c  heiiies  après  l'accès  elle  deuint  toute  eflonnee: 
&  !2.  autres  j-i cures  après,  il  lui  fcmbla  que  la  (îcure  le 
paifoit.ïlle  felcucpercliife  <Xu  bras  c;auchc.  Quand  on 
le  lui  touchoit ,  elle  l'entoit  douleur  au  coilé  côme  fî  on 
le  lui  cuO:  perce  à\-n  coup  dcpoirnard  iufques  au  cœur, 
tellement  qu'elle  defailloit.  On  n'oublie  rien  pour  la 
foulager.  Au  quarriefme  iour  vn  friffon  la  contraint 
de  fe  mettre  au  Ikl,  fa  douleur  croift,  furuientvn  ap- 
pétit de  vomir ,  ellefe  tourne  detou»;  coftez  fans  arrell:, 
cfcume  par  la  bouche  ,  ne  peut  fupporter  la  clairté, 
pleure,crie  à  gorge  defployee,  s'efl^raye,  repouile  &:  chaf. 
fe  tous  ceux  delà  maifon.  On  lui  prefente  à  boire, 
elle  rire  la  tefte  en  arriere,a  horreur  du  bruuage,  tombe 
cnpafmoifon,  par  incerualics  elle  parle  de  lens  rafifs: 

puisaprcs 


cf  mémorables.  345 

piiL«.  après  cllecommcncca  craqueter  des  dent?,  fe  tron- 
çonne Li langue,  8c  rend  lefprit  au  commencement  du 
J.iouv.  Urnefme. 

L*an  1^76. au  mois  de  luin,  Dominique  Beretjpayfan, 
m.irié  ,  homme  robufte ,  aagé  de  trente  fept  ans ,  fcntit, 
huiâiouvs  duran:,d©uleuren  Tes  bras,  fans  fcauoir  d'où 
ce  mal  procedoit,S:  ne  cefla  de  trauailler ,  n'ayant  point 
de  fieurc.  Vniour  après, qui eftoit le  ncufiermc,  voulant 
prendre  \  n  potage  à  Ton  fouper ,  vn  frilTon  rempoigne, 
au  moyen  dequoy  il  fe  met  au  lid  fans  fouper.  Sur  la 
m!nui(ft  vnc  frayeur  le  faifit,  tellement  qu'il  ne  peutfe 
contenir,  ainsellonné  &treflaillant,  ils'efcrie,  &  com- 
mence à  prier  ceux  qui  lui  aiî'irtoyenc  de  vouloir  le  te- 
nir, comme  de  fa  part  il  fe  tint  comme  collé  à  eux.  De 
grand  matin  Ton  va  au  ccnfeil  vers  vn  Médecin  proche 
de  l:»,qui  lui  ordonne  de  pF€Xidre  vne  decoftion  deici- 
chorec  fauuage  ,  lacruelle  il  vomit  peu  après  l'aucir  a- 
iiaî]ce,aucc  quelques  grumeaux  de  fang,  ce  difoit-oii. 
L'cliant  venu  voir  après  difné  ,  ie  ti:e  à  parties  domefti- 
qnesjle  Curé  du  l!C!ij&  autres  illecafieip.blcz:ic  leur  d:, 
vous  verrez  a  cefte  heure  chofes  efiranges  :  c'^ft  que  ce 
patient  ne  boira  point ,  quoy  que  l'on  len  prellè^  &  s'il 
s'efTayc  de  le  faire  ,  il  tombera  en  pafmoifon  ,  &  mourra 
bien  coft.  O  n  apporte  vn  vecrc  ,  &  lui  prefcnte-on  à  boi- 
re :  ce  qu'il  refufe  a  ucc  horreur,  &icvoulanr  contiain- 
dve,le  cœur  lui  faut  ;  dont  tous  furent  merueilleufcjnenc 
cftonncz.-cncorcs  plus  qurind  ils  le  virent  quatre  heures 
après  rendant l'efprit,  a^-iresauoir  cfté  agité  d'vn  ticm- 
blementinefgal  Scinc-anfiât^,  auoircrié  fuisccfîeà  plei- 
ne tcftceftéen  inquiétude  continucUe,  fuantpar  tout  à 
groflcs  gouttes, fors  es  extrémité?,  qui  eftoyent  froides: 
au  reftc  en  refuerie  &  manie  eftrange  ,  acompagnec  de 
fantolmcs  diabohqucs,comme  il  difoit.  La  mefme. 

Le  g.iourd'Auril  l'an  1^75?.  lacques  Piuc,  laboureur, 
ieune  home  marié,fain,  robufte,  reuenât  des  châps  en  fa 
maifon,fans  aucune  caufe  manifefteprecedentc,cômen»- 
Çafu'-  le  foirà  fucr,  &  fentir  fon  cœur  comme  ferré  & 
angoiiïe.  La  nuiiflilfrifonnoit  &  tremblottoit  par  in- 
tcrualcsjfe  icctoic  bas  de  fou  iid  j  ne  ccffou  de  cuck  fore 


3  4^  H/ flaire  s  Admirables 

hautj&fuoit.Lc  Chirurb^icn  du  lieu  lui  donna  de  grand 
matin  quelque  tontrepoifon.  Sur  le  loir  citant  appelle 
pourlc  voir,ic  conus  quec'cftoit  vnc  maladie  aiguc,  & 
derechef  j'auerris  ceux  qui  lui  afllftoyent  (  dont  ils  fu- 
rent fort  eftonnez  )  qu'il  auroit  en  horrear  toute  force 
dcbreuuage  ,  &  que  pour  certain  il  mourroit  bien  toft. 
Ce  qui  fut  incontinent  vérifié.  Car  lui  ayant  efté  pre- 
fenté  à  boire ,  il  commence  à  fe  tourmenter  &  i  s'efua- 
nouir.  Le  breuuai^e  cflon^^né,  foudain  [\  reuint  i  foi.  Il 
nepouuoit  foufirir  qu'on  le  touchaft,  &  fi  toft  qu'on 
l'approchoitjc'eftoità  crier.  On  n'ofoit,tant doucement 
<5uecefuft,lui  efîuyer  la  face  Tuante.  La  nuid  venue,  il 
voulut  faire  fon  teftameii^,  mais  les  Tueurs  &conuuU 
fions,  qui  fe  renforçoyent ,  ÎN^mpefchcrent.  Quelques 
heures  après  il  mourut  de  fens  taflis.  lamefme. 

Il  y  a  vne  autre  forte  de  rage  procédante  aufll  de  cau- 
fe  externe  ,  à  fçauoirdela  morfure  des  bcftes  enragees> 
^ont  nous  auons  à  dire  quelque  chofe,&  produire  des 
hiftoires,  félon  noftrcintention:pourdefcouurir  déplus 
en  plus  nos  mifercs ,  &  nous  induire  de  recourir  dcuote- 
ment  à  la  mifcricordieufc  proteclion  de  Dieu  tout-puiP 
fant.  Voici  ce  qu'en  dit  le  doiflcFernel,  nommément  , 
au  regard  des  chiens  enragez  qui  mordent  les  hommes,  ' 
le  chien  enrage  en  mordant  iette  quelque  faliue  ou  hu- 
meur venimeufe^  laquelle, pénétrât  par  la  partie  acrcin- 
te,  corrompt  foudainemcnt  les  cfprits ,  le  fang  ,  les  hu- 
meurs: puis  (ci^lilfe  périr  à  petit  au  loing  es  parties  prin- 
cipales, mais  îî  lentement,  que  le  mal  ne  le  defcouurc 
au  piuftoil  que  trois  femaines,  quelquesfois  tant  feu- 
lement au  bouc  de  l'an  ,  encores  obfcuremeiit.  Durant 
cefte  intcrualle  de  temps  le  patient  ne  lent  fieure,ni  au- 
tre douleur ,  brief  ne  fe  doute  nuUcmétdela  mort  qu'il 
porte  en  fes  entrailles.  Mais  quand  le  venin  par  fuccei- 
fîon  de  temps  cft  paruenu  au  cœur,  toutes  les  autres  par- 
ties nobles  font  comme  chatouillees,le  malade  dénient 
chagrin  ,  ne  peut  demeurer  alTis  ni  debont,  il  s'agite  & 
cîemeine  corne  vn  furieux,  s'efgratigne  la  face,  mord  les 
autres,  l'efcume  lui  fort  de  la  bouche  ,  il  regarde  de  tra- 
itcis  èc  affrcuicmcnt  :  il  Cil  prcfl'é  de  la  ficure ,  cxtreme- 


C^  mémorables .  3  47 

nient  altcré,  toutesfois  il  abhorre  tellement  les  eaux  & 
toi'tcs  autres  liqueurs, qu'il  aimeroit  mieux  mourir,quc 
de  boire,ou  d'cftre  plongé  en  quelque  riuiere.Cesmaux 
là  finalement Taccablent  &  lui  oftent  la  vie.  ^A**  ^dittre 
de  t_y4l>ditts  rerum  caufis  ch.rp.ï^. 

Ce  venin  là  eit  chaud  extrêmement  &  au  quatriefme 
degré,  comme  l'expérience  en  fait  foi  :  car  ayant  fait  vrp 
iour  ouurir  Iccorps  de  certain  perfonnage  ,  mort  de  tel 
accidenr,on  y  defcouurir  trois  chofes  remarquables. Pre- 
mièrement il  n'y  anoitau  péricarde  humidité  quelcon- 
que pour  rcfraifchir  le  cœur  :  ains  elle  au oirefté  toute 
confumee  par  ce  venin  ardant.  Secondement  les  ventri- 
cules du  cœur  parauât  fecs  &  du  tout  delHtuez  de  fang. 
Ticrcem.ent  on  remarqua  quVnc  portion  du  péricarde 
çftoit  preiqucs  bruflee  &  réduite  en  poudre,  lero^e 
Capde-ijache an  y.Uu.defaprKticjueich^p.lz. 

l'ay  vcu  vn  ieune  enfant  lequel  ne  fe  fentit  àc  ce  mal 
quehuiâ:  mois  après  la  morfure^maisaufli  toft  quecela 
fe  defco^iurit  l'enfant  mourut.  FYacAftor  auz.liuJeim.jLi- 
dies  coi.'tayietifeSych'.ip.^O. 

Qiiclquesfois  la  morfureeft  (î  afpre  &  violente,  ioint 
rapprchen/îondesperfonnes  oftenfees-que  dans  peu  de 
ioursla  mort  furuicnt.Cômei'ay  veuenplulieurs,nom- 
mément  en  vn  rnonnoyeur  nommé  Martin  Butin,  &  en 
vn  maiftre  d'cfcole  nommé  Robert.  Vn  iour  d'hyuer,y  a 
cnuiron  xo.ans,allansdc  grand  matin  de  leurs  mairons> 
l'vn  trauaillcr  i  la  nionnoye,rautre,faire  dire  la  leçon  X 
quelques  amfansjils  furent  i'vn  après  l'autre  aHaillisd'vn 
mefme  chien  enrage  qui  les  mordit ,  &  eurent  chafcun 
prou  peine  à  s'en  dcTpefirer.  Le  mefme  iour  ils  fe  met- 
tent au  lid-,&  peu  de  temps  après  moururent  de  fens  rai- 
fi^,ayans  eu  plufieurs  fafcheux  &  pitoyables  mterualles. 
L'vn  eftoit  mon  voifîn,&  ie  le  viiitois  fouuent.  Il  prc- 
noit  plaifir  à  ouyr  parlçr  de  fon  falut ,  &  mourut  Chre- 
iliéncmentjCommeaufTi  fit  l'autrç.Mais  ce  mien  voifin  à 
mon  entrée  s'efcrioit  qpe  ic  ne  m'approchaflc  point  de 
lui, fi  ic  ne  vouIgis  qu'il  me  mordift.Vne  fois,  n'y  péfanc 
pas.pourlacôpaflGon  quei'auoisde  Ton  tourmét,carila- 
bayoït  de  fois  à  autre  CQmç  vn  çhiê;iç  m'approchai  plus 


54^  Hijioircs  aamirahles 

jrciiquc  dccoulliime.  Il  le  lance  de  viitciTc  contre  moi 
pour  ni'empoigncr  le  bras  auec  les  déts:c:qui  n'eut  au- 
cun cftc(^,à  caulc  que  fon  mouuemen't  ne  fut  fi  foudain 
c]ue  le  mien.  Il  conut  promptement  fa  faute,  m'en  de- 
mandant pardon,  &  s'cxcufant  fur  la  véhémence  de  fon 
nialAutanr  de  fois  que  ie  pcnfe  à  ce  que  i'ay  veu  en  la 
maladie  de  ces  deux  bons  pcrfonnages  ,  autant  de  fois 
m'auicnt  de  frifonner  en  mon  amc,  &  de  m'efcrier , 

IJhÎ  dans  Lipdclc  cachette    . 

Dit  ti-ef-huut  je  'va  tapijfint, 

Jl  i'efi  imf  en  fènrc  re truite 

D(j]o!iS  l'ombre  du  tout-pn.iJfant. 

0>  doue  ai*  Seivueur  ie  -veux  dire, 

1  »  es  mu  force  ^  mon  remf)art. 

Aloii.  Dieit^t'ejl  It  toi  que  la^irs» 

A /on  cœirr  n  a.  refu'^e  a:*trepart: 
Et  ce  qujs'cnfuitau  Plcaume^i.n'cnrcndanrpour  cela 
condamner  ceux  que  la  lagcfle  de  Dieu  mile  &  miferi- 
cordicux  veut  ainii  vifitcr  en  ce  monde.  Cardequel- 
ciucs  verges  &  ballons  qu'il  vue:lle  frapper  ceux  qui  a- 
parcienncnt  à  fon  fils ,  fa  grâce  éternelle  ne  leur  défaut 
pomt.-ains  ils  entrent  par  toutes  portes,Laat  Ibyent-cllcs 
iîidcufes  au  ferts  humain  ,  dedans  ie  palais  de  vie  bien- 
•neurcLife  &  de  eloirc  afl'eurcc.  Extrait  de  mes  mémoires. 
le  fus  appelle  Tan  1545.  vniourde  grand  matin  pour 
aller  voir  vngcntil-homme  nommé  Alexandre  Braf  que: 
auec  quelques  autres  Médecins.  XI  ne  vouloit  boire  en 
forte  que  ce  fu{l,&  comme  on  s'enqueroit  de  la  caufe  de 
fa  maladie ,  ceux  qui  lui  afl^iftoycnt  confefee-ftt  qu'il  a- 
uoitbaifë  vn  certain  chien  qu'il  aimoit  fort,  auant  que 
renuoyereftouftcr  dedans  l'eau  ou  autrement,  pource 
qu'il  elloit  enragé.  Il  mourut  le  lendemain  comme  ic 
l'auois  prcdn.Curdanufi  traiCfé  <)Mti.z.coittradici.9' 

Vn  payfan  deuenu  enragé, &  entendant  qu'il  n'auoit 
plus  gueres  à  viuife  au  monde,  pria  auec  grande inftance 
ceux  qui  le  pcnfoyent  &  tenoyent  eftroittemcnt  lié(cai: 
il  auoit  des  interuallcs  paifibles, durant  lefqucls  il  parloit 
dcfens  rafris)qui  lui  fut  permis  de  baifer  vnc  fois  fcs 
enfanspourlc  dernier  adieu.  Cela  lui  ayant  eftë  ac- 
cordé 


cf  mémorables.^  349 

corclcilbaifc  Tes  enfansy  &  toft  après  rend  l'efprit.  Mais 
au  7.iour  fuiuant,les  eiifans  deuienent  enragez,  &  après 
diuers  tourmens  meurent  comme  leur  père.  Aï,  Paitmier 
enfon  traité  des  maladies  conta^ieujesj  pag.  i66.  l'ay  veu  en- 
cores  d'auantagc,  des  cheuaux,  des  bœufs,  des  brebis,  & 
autre  forte  de  beftail  dcucnir  &  mourir  enrage?,  pour  a- 
uoir  mangé  tant  foit  peu  de  paille  fur  laquelle  auoyent 
couche  des  pourceaux  enragei'.  '^' ^h  mefine  traité  pa- 
ge zôy. 

Adam  Schneidtlin,  ChiYurgicn,m'a  affermé  pour  cho- 
Te  certaine  ,  qu'il  y  a  trente  ans  qu'à  Haffuclfelen  Ba- 
ujere,  vncheuahcr  voulant  monter  a  cheuaUut  raords 
au  pied  par  vn  chien  enrage  ,  dont  il  ne  fit  cas  ;  mais  vn 
an  &  demi  après,  ilcom.mença  a  deuenir  furieux  &  en- 
rage :  tellement  qu'il  mordoit  les  bras  à  belles  dents,  & 
ne  fur  malade  euidemment  eue  deux  iours,  J.Banhin 
Docltur  Alcdecin  a  Bajh  ^^enfa  doiie  Ivjîoire  des  loups  e7iTage\^ 
coitrans  antoHr  de  AlomLelliardj  l'an  '  5 90. 

L'an  15 5^  vn  certain  hoRe  en  la  Duché  de  Vvirtem- 
berg,feruit  lur  table  à  fes  hollcs  de  la  cl'iaii  de  pourceau» 
qu'vn  chien  enragé  auoit  mordu.  Eux  après  aucir  tafté 
de  celle  chair  deuindrent  enragez,  uiji.  d'^^y^lema^ne. 

Quelques  chafTeurs  ayans  attrapé  &.  tué  vn  loup  ,  fi- 
rent des  diuers  aprefts  de  fa  chan-.  Mais  tous  ceux  qui 
en  mangèrent  deuindrent  enragez  ,  &  moururent  mile- 
rablement.  TerneLtii  z\  De  t^bditis  rerum  c,uifis-,chap.l^, 

Tay  remarqué  que  la  morfure  des  loups  enragez  fait 
mourir  incontinent  les  beftes  atteintes  de  leurs  dents. 
Ai.  ^auinieren  fon  tr  ai  fié  des  maladies  contagieufes.  l-'lufieurs 
ont  remarqué  ,  que  des  loups  non  enragez  ,  ne  laiUcnc 
pourtant  à  caufe  de  leur  fureur  &  imp.etuofîté  ordinai- 
re ,  tefmoignee  parTeftincellante  clairté  de  leurs  yeux, 
Scieur  gloutonnie  infariable  ,  détendre  fort  dange- 
rtufe  la  chair  des  beftes  qu'ils  touchent  ou  cllranglent, 
fi  on  la  garde  tant  foit  peu.  Vnillullrc  Prince  m'a  iuré 
qu'vn  de  fes  pages  ayant  trouué  chez  certain  gentil-ho- 
me vne  efpee  cachée  fous  vn  liifl,  dont  quelques  années 
auparauantl'on  au  oit  "occis  vn  chien  enragé  ,  pria  qu'on 
la  lui  donnaft.  Quoy  fait  comme  il  vouloir  nettoyer  & 


550  Hijloir es  admirables 

^olir  cède  cfpcc  ci.rouillee  en  diuers  endroits,  par  mcH. 
garde  il  s'en  blefîa  légèrement  a  l'vn  des  doigts ,  dont  il 
Jcmnt enragé,  &  mourut  fans  que  l'on  eult  preucu  ni 
[preuenu  fon  mal.     Ey^/e  MtUhfner  médecin  3  enfes  obferua- 


On  a  veu  en  Portugal  vn  homme  mords  par  rn  chien 
enrage,  qui  couua  fa  rage  trois  ans,  au  bout  dcfqucls  il 
parut  &  mounit.^_y4!nAtns  inedecm  Portu^dn  en  fa  7. centurie, 
cure  41. 

Balde,renommé  lurifconfulte ,  fc  iouanr  auec  vn  /icn 
petit  chien, quieiloiccnragc,ne  fâchant  qu'il  fuit  tel, en 
fut  légèrement  mordu  en  laleure,  dont  il  ne  tint  autre- 
ment conte.  Mais  au  bout  de  quatre  mois  il  mourut  fu- 
rieux6c  enragé,  &  n'y  eut  remède  quipeuft  lefauucr, 
pour  ne  l'auoir  prins  d'heure.  M.  .^mhroijc  Paré  ait  -uing- 
ticfmc  liure  chapitre  vin'^t-vmefme.  En  CC  mefme  endroit  il 
propofe  diuers  remeaes  contre  la  morfure  du  chien  en- 
ragéjlefqucls il cftime valables,  moyennant  qu'on  vfc 
promptement  de  l'vn  d'iceux,&  dit  auoir  gucri  plufieurs 
perfonnes  atteintes  de  telles morfures.  Entreautres  il 
ipecifie  l'exemple  fuiuant.L'vne  des  filles  de  madamoi- 
iélle  Grom,  natiue  de  Paris ,  fut  mordue  d'vn  chien  en- 
ragé au  milieu  de  la  ïambe  dextre,  ou  le  chien  imprima 
Tes  dents  bien  profondement  en-  la  chair:  laquelle  fut 
gucrie.Entietousrcmcdcs  le  thcriaque  (dit-il)  eft  fin- 
gulier^lefaifant  difloudre  en  eau  de  vie  ,  ou  en  vin  ,  en 
frottant  aflez  rudement  la  playe,  tant  qu'elle  faignc. 
Puis  faut  lai  (Ter  dedans  du  charpi  imbu  en  iccllc  mix- 
tion: &  par  defl  us  la  playe  appliquer  deux  aulx  ou  oi- 
gnons pilez  auec  miel  commun  &  térébenthine.  Tel  rc- 
mcdeeft  excellent  par  deflus  tous  ceux  que  i'ay  veus 
par  expérience.  Et  l'en  vray(dit-il)  enlaguerifondc  la 
fille  rufnommee. 

K/indré  BOccidf  en  fi  préface  fur  te  tittre  des  -venins  ^  con^ 
trepoifons,  dcfcrit  Pcpitaphe  û'vnc  femme  Romaine  ,  la- 

quclr* 


w 


ér  mémorables.  ^<^t 

«jucllc  mourut  enragée,  pour  n'auoir  remédie?  prompte- 
ment  à  la  playe  de  l'on  doigt  mordu  par  vn  chat  qu'elle 
tiroit  par  la  queue.  FuJ^  allertol.  en  [on  comment.fttr  le  liurc 
d'iitppocrat.  de  artu  mcâic£  conjlùtttione,  ch,io.  fau  mention 
d\n  /îen  mulet  enragé.  ^  M citthiol  fur  le  ^é.chuJh  6Mtt, 
de  Diofcond.  dit  auoir  veu  vn  chenal  enrage,lequei  ayant 
rompu  tout  ce  qui  le  retenoit,  courut  d'imperuofîte  par 
certain  endroit,  oii  trouuant  vne  panure  vieille  il  lem- 
poigna  auec  les  dents  par  fa  coifture,  &  la  porta  plus  de 
dix  pas  ,  lufpendue  en  Taitjfans  lui  fafre  playe.  En  ce 
meime  chapitre  il  remarque  l'hiftoire  de  Balde  lurifcon- 
fultc,  rut-mentionnec. 

Vn  marchant  Portugais  &  quatre  fîeiis  do melliques 
furent  blefTcz  en  vn  mefme  iour  des  dents  &  grifcs  d'vn 
chat  enragé,  dont  leur  furuindrcnt  de  terribles  6c  pitoy- 
able^ accidents,  finalement  la  niorr.  ,,yirihitu{  Purtugatfp 
centur.T .cur.  6^. 

Ces  années  pafTces  vn  lardinier  Italien  fut  aSsilli  fans 
y  penfcr  par  vn  vieil  coq  qui  lui  apartenoit,  ayaiitie  bec 
poinclu  ,  Les  plumes  rougeaftïcs  ,  qui  le  picqua  Ci  rude- 
ment en  la  main  gauche  qu'il  en  fortit  quelques  goures 
de  liing.  Le  mefme  louu  ic  fus  appelle  poiir  le  voir ,  &,io 
trouuay  défia  tordantla  bouche  ,  &  n'y  eut  remède  de 
fcarificationsjincifions,  cautères,  ni  d'applications  par 
dedans  ni  par  dehors  qui  feruit:  tout  levoifînage  efton- 
né  vidcepauurehommeauli6tayantle  vifagerouge,& 
les  yeux  ellincellans  &  enflammez  cô«ïme  ceux  d'vn 
coq  cfchaufte  au  combat,tellement  qu'au  troifîermeiour 
de  fa  bleflTure  ce  patient  mourut.Cela  me  fit  penlcr  que 
ie  Bafihctant  renommé  entre  les  ancieus,eft  noftre  coq. 
qui  me  donna  occafion  &  à  plufieurs  autres  d'y  faire  dî- 
ners epigiammes ,  dont  le  fens  eil  compris  en  ces  deux 
vers: 

Dum  fwit  lu  dominum gallus ,  peremitqne  veneno 
Commorfum,  ervo  a,Um  non  bajiitfcus  ern. 
C'cftce  que  remarque  ^yindré  HAccim  en  la  préface  de  fon 
Uure  des  iienins  (^  contrepoifons. 

Il  adumt  à  vn  ieune  homme  Italien  d'cftre  mordu 
par  vn  chien  enrajjéjdôtilnc  tint  contc:mai$  au  bouc  de. 


3)1  Hifioirâs  admirables 

«quatre  mois  il  commence  à  s'eftonncrA  fe  donnerpeuf 
incroyable  de  la  viande  &  de  tout  brcuuagc,cjuoy  cju'au 
reftcil  culirelprurairis,  tellement  qu'au  bout  de  quel- 
ques iours  il  mourutdefaim  &  de foif.  Kidiui  en  U  z.pai^ 
tie  djfa  mcd>  duc.  Secl.z.ch^^p.ô. 

11  y  2  des  rtfmoins  dignes  de  foy  &  en  grand  nombre> 
qui  artcllct  auoir  v  eu  es  vvincs  des  hommes  mordus  par 
des  chiens  c  nrartz  des  rcprelentations  de  chiens  ,  &  des 
lopins  ccinme  de  chair  de  chien,  ihonjo^s  de  f^etgtt  ancour 
wciH:.  f"r  L'  ^^,ch.xi)Je  art.med.  G  al.  Alatthtoljlir  le  6.  li».  de 
Viofcoiidey  ih.:f>.^6.  clciit  ces  mots  :  Auicenne  dit  qu'il 
aduientqiiclcjutsfois  que  ceux  qui  l'ont  mordus  (I'mî 
chien  enrage  rendent  auec  Tyrine  c,uci<]Ucsmorccai!X 
de  chc:ir:,noii  fans  grade  douIeur,qui  rcircmblencquaiîà 
des  pecis  chiens:  ce  que  i'aïaufh.  ouy  dire  à  aucuns  mo- 
dernes ,  mclmcsa  ceux  qui  difoyent  auoirpifle  de  ces  ^ 
petis  chiens.  Ce'qui  n'eft  vray-lcmbiablc  ,  Se  toutcstois 
qui  voudra  fcauoir  les  raifons  &  tclrnoignages  veriHans 
Cela,  qu'il liie  Gentihs  commentateur  d'Auicenne,  8c 
Pierre  d'Apone,  dinerence  179.  Delà  il  entendis  com- 
ment quel(]UCsfois  telles chofcsauienentcontrerinteii- 
tion  de  nature.    Le  merme  auteur  dirnuoir  vcu  vn  Cicn  ' 
voifin  ouuricr  delaines,qui  ayant  eftégarcnti  delamor- 
fured'vn  chien  enragé,  pourauoir  battu  la  laine  auec 
des  veiges  de  l'arbre  nommé  Sorbier,  deuint  enragé  & 
mourut.   Cci\  arbre  a  quelque  fympathie  en  Ton  bois  a-  ; 
uec  la  rage, par  îe  rapport  de  plulîeurs  médecins.  IJ  nous  i 
relie  pluficurs  autres  liiiloires  de  gens  affligez  de  ce  , 
lleau  eftrangc  ,  Se  des  accidcrîs  merueiUcux  de  leurs  ma-  , 
Radies  ,  que  nous  releruerons  à  vn  autre  \olumc,cepi- ^ 
toyable  chapitre  des  nutcrcs  humaines  ncîlant  délia', 
que  trop  long,&:  par  confcquent  ennuyeux  au  ledeur.     1 

MEMOIRE  excellente, 

A4  A  î  s  T  R  L  Théodore  Zuinger  au  i.  Uu.  dm.  'vclwne  - 
'1  à<:\on  ^iAnd  thcutnde  U  u:e  hHma:ne  ,  'a  recueilli  les 

noms  . 


/  (^  memùrahleS»  3y) 

ilioms,  dcplufîeiirs  perfon nages  du  vieux  temps  &  d  j 

nollre  qi  ont  eu  excellente  inemoir^ . 

/  Entreiutrcs  n'eiT:  à  oublier  vn  certain  jeune  efcholitfr 

natif  dd'Ifle  de  Corfc  ,  letjucl  rediioii  pioiuptcment: 
^ufijucsà  trente  fix  mille  mors  de  toutes  fortes  difFcren- 
tes,&  d-  diuers  langages,  &  affaires,  entrcmefiezÔ:  con- 
fondussftrangement,  incontinent  ou  quelque  temps  a- 
prcslesauoir  ouy  prononcer,  &  les  difoit  auffi  aifcment 
àreboïîs,  &  à  les  prendre  par  le  milieu,  comme  parlé 
commencement,  làns  broncher  ni  deuiner ,  d'vn  vifage 
alaigre,6c  auHi  peu  cfmeu  que  s'il  les  cutleus  dedans  wx 
liure.Il  difoit  i'auoir  apris  d'vn  François  fon  preccpreur> 
&;enpcu  deioursfit  comprendre  fa  fciencc  à  Francit- 
quedu  Moulin  genril-homrac  Vénitien,  lequelpar^ 
uantauoitla  plusfoibleSi  pauurc  mémoire  qu'il  elloic 
poillble  de  trouucr. 

L'auteurdeU-viedeChriftoflcde  Longueil  cloquent  per- 
fonnage  de  noPtre  temps,  raconte  qu'il  au  oit  la  memoi" 
re  fi  ample  &  ferme  ,  que  le  temps  n*cn  pouuoit  effa- 
cer ce  qu'il  auoitleu  &  ouy.  Quand  on  l'inrerroguoit 
(&  fouuent)  de  pluiicurs  &:  diucrfès  chofcs ,  dont  il  n'a-» 
uoit  rien  Icu  (\qs  longues  années  auparauant  ,  ilrei- 
pondoit  fur  pied  de  chacune ,  ne  plus  ne  moins  que  iî 
tout  à  l'heure  il  en  cuft  Icu  les  mots  &  fcntences  dedans 
vn  liure.  _  Si  quelquefois  on  parloir  de  mcfmes  chcfes, 
mais  traitées  par  diuers  autcuis,ii  en  parioit  nettement, 
mais  en  telle  forte  qu'il  propoibit  dilb'ncicmcnt  &  mot 
à  mot  tout  ce  que  les  autheurs  grecs,  latins,  philofo- 
phes,  orateurs,  poètes,  hiftoriens,  rhaphodes  en  difcnt^ 
fansequiuoqucr,  cottanc  les  liures, traitez,  chapitres,  fe- 
rions de  chacun ,  au  grand  esbaiiiffement  de  tous  Ceux 
quil'cfcoutoyent. 

Subdlic  Alt  loAiu.  de  fa  exemplei ,  chap.ç.  fait  mention 
d'vn  Antoine  de  Kiuenne  ,  qui  approchoitdc  l*adreffc 
du  Corfefufmentionné.  Cufpir.ian  dit  que  l'Empcreux 
Maximilian  premier  auoit  Ci  bône  memoire,que  fi  quel- 
qu'vn  auoit  vne  fois  parlé  à  lui, au  bout  de  pluficari;  an-' 
«ces  le  voyant  il  le  rcconoiffoit,  ramentcuant  Ici  chofet 
^ui  lui  auoycnt  clU  dites  par  celui-Ia.  leao  Francifquc 

Z 


354  HiHoires  Admirables 

récite  de  fon  oncle  lean  Picus  prince  de  la  A^ânrfoîei 
que  s'il  oyoit  prononcer  grand  nombre  de  vet  ,  fans 

autre  répétition  il  les  rcdifoit  à  droit  ou  à  reboik ,  ainfi 
quelon  vouloit.  \ 

Il  y  a  auiourd'huy  plufieur-s  doftes  perfonnageulico- 
logicns,  Médecins,  lurifconfultes,  Philofophes,  Vlathe- 
maticiens,  Profeiî'eurs  en  éloquence,  &  es  fciencts  libé- 
rales &  humaines,  queie  pourroy  nommer  énigrand 
nombrcqui  n'ignorent  prelque  rien  de  ce  qui  eAen  lu- 
micre.Qui  parlent  de  toutes  chofes  aufTi  promptennent, 
&  enfuiuant  les  autheurs  ancicns,qu*on  diroit  qu'Us  ont 
infinis  liures  ouuerts  deuât  les  yeux.  A  qui  Ton  ncpeut 
rien  dire  ni  alléguer  qui  leur  foit  nouucau.  l'en  conoy 
vn,que  ie  ne  nomme  point,  pour  grandes  cofîderations: 
lequel  outre  Tadmirable  conoifTance  qu*il  a  des  lâgages 
diuersdu  monde,&desrcienccs,rerouuientdc  moindres 
chofes  qu'il  aitveues  en  fa  vie  en  diuers  paysjiufques  aux 
noms  des  perfonnes  viles ,  de  bourgades ,  de  villages  & 
hameaux ,  marquant  les  circonftances  d'infinies  chofes: 
tellement  que  fi  on  le  met  en  difcours  d'vne  ville  ,  où  il 
n'ait  efté  depuis  15.  ou  30,  ans,  il  parlera  de  toutes  les 
particularitez  d'icelle  plusexadcment  qu'vnquiyau- 
roit  demeuré  ^o.ansfans  en  bouger,  &  qui  ne  fcroit  que 
d'en  fortir.Ie  ne  touche  point  à  plu/ieurs  autres  grandes 
&  excellentes  mémoires  en  France,  Italie,&:  aillcurs,mc 
contentant  de  celle  la  pourle  prefent,dont  quelque  au- 
trefois ie  diray  d'autres  remarques  admirables. 

Mémoire  ferdttCy  &  retromee. 

VN  Sienois  nommé  Antoine  retournant  à  conua- 
lefccnce  d'vne  maladie  ,  fctrouua  fi  court  de  me- 
moîrcqu'il  ne  fe  fouuenoit  de  rien.  Eftant  à  Florence  il 
penfoit  eftre  à  Siene  ,  ne  fçauoic  difcerner  fes  amis  d'a- 
uec  fes  ennemis.  Eftant  abandonné  dcn  médecins  com- 
me infenfé  ,  au  bout  de  trois  fcmaines  vn  flus  de  ventre 
luifuruint,  à  l'aide  dequoi  il  le  purgea  d'humeurs  e- 
Aranges,  dont  les  vapeurs  virulentes  auoyent  donné  à 
cefte  faculté  de  rame,&  au  fiege  d'icelle.  Au  moyen  de 
iaqHelle  euacwatiqn  l'entca^j^ment  &  la  mémoire  lui 

içuindrcnc 


i^  memorahlesl  5  ^ç 

rcuindrcnt  en  telle  forte  ,  qu'il  ne  fe  fouijenoîtnuljb- 
ment  de  ce  qui  lui  eftoit  auenu,&  qu'il  auoic  fait  durant 
ces  trois  remaines.t^.Be/î/.W;«W  au  chap./[j. 

Tay  veu  vn  coidclier ,  lequel  garanti  d'vne  Heure  ai- 
guë &  véhémente  qui  l'auoit  tourmété  ,  fe  ti-ouua  priué 
de  memoire:tellement  que  lui  qui  parauant  eftoit  grand 
Théologien  ne  conoifloit  lors  ni  A.ni  B.ayant  efté  qua- 
tre mois  en  ceft  eftat^il  retourne  à  refcholc ,  à  Texercice 
des  petits  enfans,  aprenant  à  coftoilirc  Scaflembler  les 
letcres.On  commença  à  lui  appliquer  diuers  remèdes.  3l 
Taide  defquels  la  mémoire  lui  reuint  comme  tout  i 
coup,  tellement  qu'il  fe  monftra  docte  comme  douane 
fa  maladie.  Chrèjhde  Fcgue^au  l.limede  arte  msdendi  y  ch:^^ 
fitre  10. 

Francifque  Barbaro,dode  ycnitien,oubIîa  en  fa  vicil- 
lefl'c la  langue  grecque  en  laq^ieUe  il  citoit  rrerdo<5î:e: 
combien  au  rcfte  qu'il  euft  le  lugement  bon ,  &  Terpric 
prompt  à  efcrire  &  diùcr. Baj^iau.  l antw-,at*i'Uure de  l'hi,^ 
Jielre  de  Chomme»  1 1  mefine  ayant  à  faire  vne  harangue 
deuantIcDuc  de  Milan,  demeura  «ourt  ayant  oublié 
ce  qu'il  auoit  entrepris  de  dirc/J^/^^e/^e  f^olterre  aniu 
littre de  fon  antlyropolot^ie.  George  Trapezonce,  trei-do- 
<fte  Grec  deuenu  vieil  oublia  tout  ce  qu'il  auoit  fce'u. 
l  a  mefme. 

Monfieur  Rondelet  do<fte  médecin  de  noftre  temps 
racontoit  qu'vn  ieunc  homme  eftudiantà  Montpellier 
allant  de  nuift  par  les  rues  rencontra  des  batcursdepa-i 
iié,qui  lui  tirèrent  v  ne  tref-dangereiife  eftocade  au  corps 
&  lui  oftcnferent  grandement  l'vn  àcs  yeux.Par  la  dili- 
gence des  médecins  &  chirurgiens  il  fut  garanti:  mais 
tne  oubliancc  des  arts/ciences ,  &  particulièrement  de 
la  faculté  de  médecine,  en  laquelle  il  eftoit  fort  aucncé> 
lui  furuint,  qu'il  ne  fefouuenoit  de  chofc  quclcohque> 
tellement  qu'il  falut  le  traiter  comme  vn  enfant  de  fepc 
ans,  &  le  remettre  à  l'abc.  Thomas  loutdMi, au  i.ch.di*  i. 
i'aité  des  apparences  de  îupejlc, 

l'ay  conu  vn  homme  d'aagè  en  Frarice,lequel  pàrloit 
bon  François  &  Latin  ,  iouoit  excellemment  de  la  flu-; 
P^f  fort  adroit  i  x,o\is  les  ÇXf  rejçes  du  corps ,  8c  qui  ma^ 


55^  Hijiûires  admirahles 

oioîtbîen  les  armes ,  par  maladie  deucnir  tellement  pri- 
ué  de  toutes  ccsjchofcs,  qu'il  n'en  fçauoitpas  mefmcs 
lesnoms.nin'auoit  adrelFc  quelconque  autour  d'icel- 
les,non  pins  qu'vn  petit cnfant,&  falut  le uaitter  ainfi, 
€c  le  remettre  à  aprendre,comme  ne  fâchant  rien.  r.04- 
mian.au  l^.ch.defa  Théorie  de  médecine. 

Gonfaluc  Gilles  de  Bourges ,  dode  Théologien  Ef- 
pagnol,  eut  defon  temps  Tv-ne  des  plus  belles  mémoi- 
res du  monde,  laquelle  neantmoinc  il  perdit  entière- 
ment par  vne  griefue  maladie ,  qui  le  faifît  à  Ton  retoui 
<Ie  Pans  en  LCpa^ne.^Utar.Gomel^z.aH  4.  linre  de  thijhr 
re  dM  Cardinal  xiiiîrenes. 

Certain  perfonnage  rudcmcntblefle  à  la  tcftc,&  guei  i 
à  peine  au  bout  de  trois  mois,pcrdit  la  mémoire  de  tout 
ce  qui  lui  efloitauenu.F^me/  an  i.li.  de  [a  Pa(holo^ie,ch.';. 

MER  E  fertile  in  ligme  ijj'ue  d'elle, 

NOvs  voyons  dans  la  ville  de  Paris,  au  cœ  mi  ci  ère 
de  Sainâ:  Innocent. vn  epitaphe  d'Yolant  le  Bail- 
ly ,  vcfue  de*maiftre  Denis  Capeî  procureur  au  Chaftc- 
Ictjportant  qu'elle  auoit  velcu  quatre  vingt<i  huidnns, 
auoit  peu  voir  deux  cens  quatre  vingts  hui<f^  liens  en- 
fans:&  trcfpafla  le  ly.iour  d'Auril  1^14.  Imagine?,  com- 
bien elle  euft  elle  empefchce  s'il  luieuft  conuenuap- 
pcllcrd'vn  vrai  mot  ceux  qui  eftoyent  dillans  d'elle  en 
la  quatre  ou  cinquiefme  génération  &  lignée.  E.Pafqitier 
au  6, lime  des  Recerches  de  U  Pranceycha^.^6. 
Père  fertile. 
De  la  mémoire  de  nos  pères  on  a  vcu  en  Efpagnc  vn 
village  d'cnuironcent  maifons ,  donttous  les  habitans 
eftoyentifTusd'vn  certain  vieillard,  leuu  cl  viuoit,  lefdi- 
âes  maifons  ainfi  fournies:  tellement  que  le  nom  de 
proximité  (en  montans  & dcfcendans,  tant  en  ligne  di- 
redc  que  collatérale)  defaïUoic.pour  de/îgner  &diftin- 
^uer  comment  les  pluspetis  enfans  deuoyent  l'appel- 
iCT.i. frittes  enfin  eommtnt  aire  fur  k  ^.çhaji,  att  IJ.  ln*r^  de  la 
Citfdç  Phh» 


cf  memorMes.  357 

K^iitre  werej'voyantfes  defcendani  tuf- 
quci  an  6 ,  derré» 
T>c  noftre  temps  on  a  veu  en  la  noble  famille  des  Dal- 
bourgs,  vue  dame  laquelle  vi4  de  fa  race  iufques  au  fi- 
xiefme  degré.  Les  Alemans  en  ont  fait  vn  quatrain  ren- 
du en  ce  diftique  Latin  ainfi.  i.  Mater  ait  i.  NatXjDic  3* 
IS^aufîliai/^.Natam, 

y  t  rnmtat^^^N at£ pUu^erç  é.Viliolam» 

c'eft  à  dire. 
L  .1  mère  dit  4  fa  fille,  Ma  fille  3  di  a  ta  fille  quelle  auertijfe  fii 
fille  ^que  la  fille  defafillepUurt» 

Cela  eft  recité  &  defcritpar  Ai.  Théodore  Zumger. Mede» 
cin  4  Btijleyatt  3.  'vol.de  fon  théâtre  de  la  -vie  httmaineJLii**lU 
Aleres  njiçrpitreufes. 

VNe  femme  ayant  eu  vomiflcment  defangrefpace 
de  fept  mois-entiers  &  continuels ,  ne  laifia  de  con- 
ccuoirSc  enfanter  vn  tref-beau  fils  &  vigoureux.  Certai- 
ne autre  enceinte  auoit  fcs  flueurs  reiglees,  &  en  plus 
grande  quantité  que  deuant  fa  grofl'elTe.Elles  continuè- 
rent lufqucs  à  fon  acouchcment,  &  ne  rempefchcrent 
d'auoir  heurcufe  deliurance.  Item  :  i'ai  veu  vne  autre 
près  Greucmbrouch,  qui  proche  de  renfantement,eut 
Tes  mcnftrues  en  quantité  du  tout  extraordinaire,  dVw 
faiig  caillc,&  à  gros  grumeaux  :  neantmoins  elle  efchap- 
pa  auec  fon  ïmiù..R,Sokmundtr  ait<^.liuïe  defesconfi:ils,ch,u 
^.art.s6.sS.S9. 

Mères  ^  enfans preferuez,  de  mort. 

L'An  ij^4.  cnuiron  dix  ou  douze  i»urs  après  Paf- 
ques,  comme  plufieurspcrfonncs  de  la  ville  d'Aft 
nauerfaflcnt  en  vn  ballcau  la  riuicrc  picfonde  &  large 
qui  pafleaulong  de  la  villc,lcballeauellantau  milieu 
de  la  riuiere ,  il  commence  à  pancher  &  va  en  fond  :tcl- 
lement  que  tous  les  baftcUers&paflagers  dcm curèrent 
cnfcuelis  dedans  les  vagues  &  furent  noyc/..  Il  y  auoic 
en  la  troupe  vne  pauure  femme,bquclle  s'cftoit  mife  au 
baiteau  pour  aller  cueillir  du  bois  ,  &  ainii  fubucnir  à 
la  difette  de  foi  &  de  deux  fiens  petits  cnfans ,  l*vn  deT- 
quels  elle  tengic  de  fa  main  gauche  à  fa  mammeUcai 

Z    1^ 


35^  Hifloires  admirables 

l'autre  delà  main  droi<flc  ,  aagé  de  trois  ans.Ellc  fut  ^où 
tee  fur  l'eau, faine  &  fauue  aucc  fts  deux  enfans;  au  ^iu^ 
gCjfans  aide  quelconque  de  fcsbrascinperchez  ailleurs, 
&  tous  les  autres  du  balleau  perirent,tors  CCS  trois.  HUe 
ayant  plus  de  foin  de  fcs  petis  que  de  foi-mefrae,futain- 
fî  miraculé ufeiuent  conrcrueeaueceux.5/wio»A/<ryo/  E-r 
uefijHeltalkn^UH  I5.  Dc«»5  de  [es  iours  caniculaires. 

MB   S  P  R  I  S  dedouleur. 

'  A  I^PR^CHANT  deBudclcBafianousenucye  au 

jtTLûcuanî:  quelques  vns  defesdomeftiques  auec plu- 
sieurs heraux&officiersrmais  entre  autres  vne  belle  trou- 
pe de  ieunes  hommes  à  cheual,  remarquable  à  caufe  de 
la  nouueautc  de  leur  équipage.  Ils  auoyenr  la  tcfte  def- 
couuerte  &rare,rur  laquelle  ils  auoycnt  fait  vne  lon- 
gue taillade  fanglantc  ,  &  fourre  diuerfes  plumes  d'oi- 
fcau  dedans  la  playc,  dont  ruifleloit  le  pur  lan^  :  mais  en 
lieu  d'en  faire  femblantjLsmarchoyent  à  face  riante  & 
la  tefte  leuce.  Deuanc  moi  chemnioyciit  quelques  pie- 
tons  ,  Tvn  defqucls  auoit  les  bras  nuds  8c  fur  les  colic/, 
chafcun  defquels  bras  au  diefTus  du  couldc  cftoirpercé 
d'outre  en  outre  d\n  couiteau  qui  y  eiloit.  Vn  autre  e- 
iloitdefcouuert  depuis  la  tefte  lufqucsau  nombril,  a- 
yantla  peau  des  reins  tellement  dcfcouppec  haut&;  bas 
en  deux  endroits,  qu'a  traucrs  il  auoit  fait  palier  vne 
inafle  d'armes  qu'il  portoit  comme  nous  fcri(.>iis  vn  cou- 
fcelas  en  efcharpc.  l'en  vis  vn  autre.lequel  auoit  fiché 
"fdr  le  fommet  de  fa  teik*  vn  fer  de  cheual  auec  plufieurs 
cloux,&  de  fi  long  temps  que  les  doux  s'ciloycnt  telle- 
ment prins  &  attachez  à  L  chair,  qu'ils  ne  bougcoyent 
plus. Nous entrafmes  en  celle  pompe  dansBuoe  ,  &  fuf- 
mes  menez  au  logis  duBalTa  ,  aucc  lequel  ie  traitai  de 
jncs  afaircs.  Toute  celte  icunefle  peu  foùcicufe  de  bief, 
fciares  eftoit  dedans  labafle  cour  du  logis  :  &  comme  ie 
m'amufois  à  les  regarder,  le  Bafla  m'enquit  &  demanda 
ce  qui  m'en  fembloit  ?  Tout  bien,fis-ie:  excepté  que  ces 
gens-lifont  delapeau  dclcurs  corps  ce  queienevou- 
'drois  pas  faire  de  ma  r*bc,car  l'c/îayeray  delà  garder 
j^nritrc.   Le  jBaiu  ic  puiit  a  rire,  ^  notis  donna  coi-»gq 


^  mémorables.  3j9 

l  efieur  de  B usheqtte  au  dtjcours  defon^yîmbajjade  en  T (tr<^hie , 

MEFRTRIERS  defcouuerts par 
notables  moyens^  ô* punis, 

MAisTREEmeryBigot,  Aduocatdu  Royau  Par- 
lement de  Rouan,  m'a  autresfois  conté  l'hiftoire 
qui  s'enfuit:  m'ayant  dit  ies  noms  Scfurnornsdesperron- 
nes,quc  l'ai  oubliez,me  fouuenant  feulement  de  la  fub- 
llance  du  fait.  Il  y  auoit  vn  marchant  Lucquois  qui  s'e- 
ftoit  habitué  des  longtemps  en  Anglcterrc,auquel  ayant 
prins  enuie  d'aller  mourir  auec  fes  parens ,  il  les  pria  par 
lettres  de  lui  aprefter  vne  maifon,  fc  délibérant  de  les  al- 
ler voir  dedâs  fîx  mois  pour  le  plus  tard,&:  finir  auec  eux 
fes  iours.  Vers  ce  mefme  temps  il  part  d'AngIeterre,fuiui 
d'vn  ficn  feruiteur  François ,  auec  tous  fes  papiers  &  o- 
bligationv ,  &  defcend  en  la  ville  de  Rouan ,  où  après  a- 
uoir  tait  quelque  feiour,  il  prend  la  route  de  Paris:  mais 
côme  il  etl  fur  la  montagne  près  d'Argentueil,  il  eft  tué 
par  fon  valet ,  fauorifé  de  la  pluye  &  du  <ni;îuuais  temps 
quilorseftoit,  &  le  corps  ictté  dedans  les  vignes.  Com- 
me cela  fe  faifoit  palfe  par  Li  vn  aueugle,  conduit  de  foa 
chien,  lequelayant  entendu  vne  voix  quife  dueilloit, 
demanda  que  c'cftoir  li  ?  à  quoi  le  meurtrier  xefpond, 
quec'eftoit  vn  malade  :  qui  aloit  à  fes  afaires.  L'aueu- 
gle  pafie  outre,  &  le  valet  chargé  à.Q.%  deniers  &  papiers 
de  fon  maillre  fe  fit  payer  dans  Paris ,  comme  porteur 
des  obligations  &  ccdulcs.    On  attendit  dans  Luc- 
qucs  vn  an  entier  ce  marchant,  &  voyant  qu'il  nevç- 
noit ,  ondcfpcfcht;  homme  expies  pour  en  auoir  àt^ 
nouuellcs,  lequel  entendit  dedans  Londres  le  temps  de 
fon  partcment,  &  qu'il  auoit  fait  voile  ;i  Rouan.  Ou  pa-  ' 
reiliemcntluifut  ditenl'vnc  des  hoftelleries,  qu'il  y 
auoit  enuiron  fix  mois  qu'vn  inavcliât  Lucquois  y  auoic 
iogé,  &eftoit  allé  à  Paris.  Depuis, quelque  perqui- 
fition  qu'il  fift,  il  fe  trouuaen  défaut  ,  &  ne  peut  a- 
uoir  vent  ni  voix  de  ce  qu  il  cerchoit.    Il  en  fai<fl  fa 
flaintc  àla  Co-ur  de  Parkmct  de  Rouan ,  laquelle com* 

Z    4 


j^o  BîfloiresadmtrMes 

jnencc  d*embrafler  ccft  afaire ,  coaimandant  au  Lieute- 
nant criminel  d'en  faire  diligente  recerchepar  la  ville> 
&  à  monfieuv  Bigot  au  dehors. 

La  première  chofe  que  fit  le  Licutcnant,fur  décom- 
mander àrvndefes  fergens  de  s'mformcr  par  toutelî 
villcs'ilv  auoit  point  quelque  homme,  qui  depuis  fept 
ouhuidmois  en  la  euftleué  vnenouuelle  boutique. 
Le  mcurchard  ne  faut  au  commaadement,&  raporte  au 
luge  qu'il  en  auoit  trouué  vn, duquel  ayit  fceu  le  nom, 
IcLieurenâtfait  fuppofcrvne  obligatiô  par  laquelle  ce 
lîouucau  marchand  s'obligeoic  corps  &  biens  de  payer 
la  fomme  de  deux  cens  efcus  dans  certain  tcmp.^ ,  &  en 
vertu  d'iccîle,  commandement  lui  eftantfait  depayer,il 
lefpond  que  l'obligation  deuoit  eÛrc  fauffc  ,  &  qu'il  ne 
fçauoit que  c'eftoit.  Le  fcrgenr  prenant  ccfte  rerponfç 
pour  refusée  conftitue  prifonnienSc  comme  il  alloit  do 
compagnie,ilauint  au  marchâd  de  lui  dire,  qu'il  fe  fçau- 
Toit  bien  défendre  contre  ccfle  procédure  ;  mris  n'y  a-il 
çointautre  choie  ?  adiou'fta-il.  Le  fergerit  dreflc  Ton  ex- 
ploiâ:.  Se  rapporte  au  Lieutenant  cnmincl  comme  le 
tout  s^ctloit  pâlie.  Lequel  s'attachant  à  zos  paroles,  S'il 
n'y  auoiL  point  autre  chofe  ,  dcflors  commar.da  qu'on 
iuiamcn.Uileprifonnier,  &  arriuc  deuantlui,  il  fait  «c- 
tirer  chaican:puis  d'vne  douce  parole  lui  d:t,qu'jl  auc:t 
fjitretirer  tous  les  autres,  voulant  traiter  doucement 
ceftafaireaueclui.  (^'à  la  vente  ill'auoir  fait  mettre 
en  prifon  fous  vne  obligation  fuppoiee,  mais  qu'il  y  i- 
uoit  bien  autre  anguille  fur  roche.  Car  ilfçauoitpour 
certain  que  le  meurtre  du  Lucquois  auQit  cité  pat  lui 
comiTiisrque  do  cclu  il  en  nuoit  certaine preuuc ,  tourcf- 
fois  dellroir  m.înier  zq.{x.  afaire  aucc  toute  douceur. 
Que  îe  defunft  cftoit  eiirangerjdcrpourueu  de  toutfup- 
port:partant  efloitforc  ailé  de  faire  oalTcr  toutes  chofes 
par  oubliance,  moyennant  que  le  pïilonîiicr  vouluft  de 
Ion  coftc  s'aider.  CeL:  fe  difoit  de  telle  façon,  comme  iî 
le  luge  l'euit  voulu  fonder  peur  tirer  argent  delni,  à 
quoy  il  n'auoit  veine  qui  tendilL  A  cefk  parolelcpri- 
fonnier  fo]lic;:c■d^■n  co'iié  du  remords  de  iàconfciencc; 
4'autre  çHiman:  que  i'ar^enr  le  garaiiaroiC  ,  rcipon- 


C^  mémorables,  3  6'i 

^itau  luge  ,  qu'il  voyoït  bien  <]u'cn  ceciil  viuoi:de 
Toeuure  de  Dieu  ,  puis  que  où  il  n'y  auoit  autre  telmom 
que  lui  cela  çfloit  venu  à  conoiflancc,  &;  que  fur  h  pro- 
meflc  qui  lui  èiloit  faite,  il  reconoifticir  franchement 
ce  qui  eftoit  de  la  vérité.  A  ccfteparoîcle  luge  cdimant 
eflrearriué  à  chef  de  fon  intention,  mande  quérir  le 
greffier.  Mais  cependant  le  prifonnier  voyant  qu'il  a- 
uoit  fait  vn  pas  de  fot  ,  après  que  le  luge  lui  eutl  fciit  \c- 
uer  la  main  pour  dire  la  vérité,  commence  à  iouer  autre 
roolc,&  foullenir  que  foute  cefte  nrocedurc  cftoit  plei- 
ne de  caloniîlie  i^  defauil'etc.Le  luge  aucunement  fru- 
ftré  de  fon  opinion  ,  rcnuoye  le  marchand  aux  priions, 
attendant  plus  ample  preuuc.  Mais  lui  après  auoir  prin*? 
langue  des  autres  prifonniers  (  qui  font  maifircscn  tels 
afaires)  appelle  de  fon  emprironnement,&  prend  à  par- 
ties tant  le  fergent  que  le  lieutenant  criminel.  le  vous 
laiffe  à  penfer  /i  la  caufe  eftoit  fans  apparence  de  raifon. 
Il  s'infcript  en  faux  contre  Tobligation.  Il  n'y  faloit  pas 
grande  preuuc  :  parce  que  les  parties  en  eftoyent  d'ac- 
cord. Et  de  fait  le  Ireutenant  vint  exprès  au  Parlement, 
où  il  difcourur  tout  au  long  comme  les  chofes  s'^^ftoyent 
pafTecs.  La  Cour  qui  conoifloit  la  procédure  de  ccit 
nor»icftehomm.e,  rufpendit  le  cours  de  celle pourfuite 
iniques  à  quelque  temps. 

Cependant  elle  donna  charge  à  mon fîcur  Bi^^ot,  de 
s'informer  fur  tout  le  chemin  de  Kouen  à  Paiis  s'il  en 
pourroit  fcauoirnouuelles  :  ce  qu'il  fît  auec  toutes  les 
diligences  à  cerequi fes.  EnfinpafTant  par  Argentueil, 
le  Bailli  lui  die,  que  depuis  quelques  mois  on  auoic 
trouué  vn  cadauer  dans  les  vignes,  mi-mangé  des  chiens 
&  corbeaux,  dont  il  auoit  fait  fon  procès  verbal,  duquel 
le  lieur  Bigot  printla  copie.  Sur  ces  entrefaites  furuint 
raucuglcdemandantl'aumofne  en  rhodcUeiie  ou  il  e- 
ftoitlogé,  lequel  entendant  la  perplexité  en  laquelle 
ils  eftoyent  ,  leur  difcourut  amplement  ce  qu'il  auoit, 
verslemefme  temps  entendu  fur  la  montagne.  Bigot 
lui  demande ,  s'il  recognoiftroit  bien  la  voix  ?  l'autre  lui 
rcfpond,  qu'il  eftimoie  qu'ouy.  Sur  cela, il  le  fait  mettre 
en  trouffefui  vn  cheual,a^  l'oineinc  en  U  ville  dcRouan» 


Hijlotres  admirables  5  6*  z 

lamaisnait  n'juoiccrté  plus  hardi  m  luftice  que  cAui 
dulieurensnt  criminel,  toutesfois  grandement  fuiet  i 
calonînic.  Celui  que  ie  recit|:rai  maintenant  ne  fera 
de  moindre  eflcd.  Le  fîeur  Bigot  eftant  de  retour,  après 
auoir  rendu  compte  de  facommifTion,  on  fe  délibère 
«i'ouirccinueugle,  &:cn  après  le  confronter  au  prifon- 
laicr.  Lui  ùoncjues  ayant  tout  au  long  difcouru  ce  qu'il 
auoit  entendu  fur  la  montagne  &  ce  qu'on  luiauoitre- 
fpondu.-interrogué  s'il  reconoiilroit  bien  la  voix^re- 
ipond  qu'ouV.  On  le  confronte  de  loin  au  prifonier, 
ù.n%  lui  faire  parler.  Apres  que  l'aueugle  fe  fut  retiré,  on 
demande  a  l'autre  s'il  auoit  moiens  de  propoicr  re- 
proches contre  lui  ;  Dieu  fçait  s'il  fut  lors  en  beau  châp. 
Car  il  rcmonliraque  iamaison  n'auoit  prartiquc  tanc 
<l*artihces  pour  calomnier  l'innocence  d'vn  homme  de 
bien,  comme  l'on  auoit  fait  contre  lui.  Que  première- 
ment le  lieutenant  criminel  en  vertu  d'vne  faufle  obli^ 
gationTanoit  fait  conftiruer  prifonnicr:  puis  lui  auoit 
voulu  faire  acroire  tefte  1  tefte  qu'il  auoit  fait  vnere- 
conoifiance  particuHere  de  ce  qui  n'eftoit  point  i&ai» 
bout  de  cela  lui  reprefentcr  maintenant  vn  aueugle 
pour  tefmoin  ,  c'eiloit  outrepafTer  toutes  les  reigles  de 
fens  commun.  • 

Nonobftant  cela  ,  la  Cour  voyant  qu'il  ne  difoit  aU' 
trechoib  ,  on  fait  parler  vnc  vingtaine  d'homes  les  vns 
après  les  autres,  &  à  mefure  qu'ils  fe  teurcnr,  on  demâ-^ 
^aà  l'aueugle  s'il  reconoilVoit  leur  voix.  Aquoy  il  fie 
leipOfc  que  ce  n'eiloit  aucun  d'eux.  En  fin  ie  prifonniei 
iiyâtparléjl'aueugle  ditquec'eltoitla  voix  de  celui  qui 
lui  auoit  refpondu  fur  la  montagne  pies  d'Argentueil. 
Ce  mefme  brouillement  de  voix  ayât  elle  deux  &  trois 
fois  réitéré  , l'aueugle  tomba  toufiours  furvn  mcfme 
poinftfans  varier.  Prenez  fcparément  toutes  les  rencô- 
tres  de  ce  proceb,vous  y  en  trouuercz.  beaucoup  qui  iôc 
pour  l'ablolution.  Mai$quand  vous  aurez  meurement 
confïdcré  le  contraire,  il  y  a  yi»e  infinité  de  circonftau- 
tes  c|ui  vont  à  la  mort:vn  nouueau  citoyen,  qqi  auoit 
çlieRc  nouucllc  boutique  quelque  temps  après  b  dilps- 
îicioii  d;i  LucquQ>S;la  preudlioimnic  duUçutçuant  cvi- 


drnu^morables.  '      3^5 

fiuncl  conuede  tous,la  depofition  par  lui  faite,  afliilee 
de  celle  du  Scrgeîitrmais  fur  tout  la  miraculeufe  de  rtn- 
côtrc  de  Taueugle ,  qui  fe  trouua  tant  a  la  mort  du  Luc- 
quois,que  depuis  en  l'hoftclleric  où  el}oitBigot:&  fina- 
lement que  fans  artifice  il  auoit  reconu  la  voix  du  meur- 
trier au  milieu  de  plufieurs autres.  Toutes  ces  confide* 
rations  mifesen  la  balance, firent  condamner  ce  pauurd 
malheureux  à  eftre  roué:  &  auparauant  eftant  mis  fur  le 
meftier ,  il  confefla  tout  à  la  defcharge  de  la  confciencc 
des  luges:  &  fut  le  mefmeiour  exécuté  à  mort.  i^.Pa^ 
quisr  au^.linre  des  Recerches  de  la.  Francejch.ip.ZQ. 

En  l'an  1551. la  nuid  de  Noël  vn  homme  afiomina  d'vn 
marteau  près  de  l'Eglife  fainfte  Oportune  de  Paris  vne 
ieune  femme  allant  à  la  mefTe  de  minuift,  &  lui  ofta  ces 
bagues.  Ce  marteau  auoit  efté  defrobé  le  mefme  foir  à 
ynpauurc  marefchal  voi/in  ,  lequel  pour  cefte  caufe 
foupçonné  d'auoirfait  ce  meurtre  ,  fut  tref-rudement 
traiâé  par  la  iuftice.  Car,pour  en  tirer  quelque  preuue, 
on  Texpoia  à  vne  torture  extraordinaire  pour  Icsprc- 
fomtions  violentes  qui  couroycnt  encontre  lui.  De  ma- 
nière qu'on  le  rendit  eftropié,  lui  ollât  le  moyen  de  gai- 
gner  f.i.  vie,&  mourut  ainfi  mirerablc,apresauoirci"le  re- 
auit.à  vne  grande  pauureté.O  a  demeure  près  de  ican-;, 
lansreconoiilre  le  malfaicleur  ,  &fembloit  que  la  mé- 
moire de  ceft  afTafFm  euft  eftéenfeuelic  dans  lafofle 
de  celle  pauure  femme.  Or  entendez  comme  cela  vint 
en  fin  à  conoilfançcquoy  que  bien  tard.Ican  le  Flamég> 
fergêt  des  tailles  de  Parjs ,  qui  depuis  fut  premier  Huif. 
fier  en  la  Cour  des  Généraux  des  Aides, eftât  au  village 
de  S.Leu  près  Môtmorêcy,pour  exécuter  vne  cômifTioa 
des  Eleus,vn  iour  d'elle  pendant  Ton  fouper,en  prefencc 
de  quelques  habitas  du  Heu,  racontoit  en  quel  eftatil  a- 
poit  laiifé  la  mairon:Qu^e  fa  fcme  y  eiloit  malade  ,  afli- 
ilec  feulemét  d'\n  ieune  garçô, Il  y  auoit  lors  prefent  vu 
vieillard  nommé  Mouftier,&  vn  iîen  gendre  lefquelsfur 
celle  parole ,  partent  la  nuid  portans  chafcun  d'eux  vn 
cofin  de  cerires,&  vn  oiibn,  &  arriuent  fur  les  dix  heures 
de  matin  en  U  maifon  de  Flameng.  JLà  ils bucquent,la 
fcnimcfe  métaux  feneftrcs,pour  fcauoir  qui  c'cftoit.  Us 
lui  refpondent  qu'ils  auoycnc  charge  de  Ton  mari  de  iui 


3^4  Hifloires  admirables 

aportcr  ccftc  oiTon  &  des  cerifes.  A  cefte  parole  la  porte 
leur  cftant  ouuerte  par  le  ieune  garsjilsla  referment  fur 
lui,&  à  l'inflant  mermc  lui  coupent  la  gorge. Ce  pauure 
enfant  fe  debatanr,  la  femme  oyant  le  bruit ,  le  met  en 
vnc  gallcnt:,qui  rcfpondoit  fur  fa  chambre  ,  pour  voir 
que  c'cftoit.    Elle  aperçoit  vnruiflcau  defang  dans  la 
cour.  L'vn  d'eux  lui  dit  que  c'eftoit  du  fang  de  roifon. 
Cepédantrautrc  montoit  de  viftelfe  pour  penfcr  la  fur- 
prendre.     Elle  fe  doutant  delà  vérité  dufaitrcgaignc 
pjomptcmentfa  chambre ,  ferme  fa  porte  au  verroud.-Sc 
commence  de  s'efcrier  par  la  feneftre ,  qu'on  vinftla  fc- 
courir.&qu'iiyauoit  des  voleurs  en  fa  maiso.  Ces  deux 
malheureux,voyans  qu'ilsauovent  failli  à  leur  entrepri- 
fejveuleniibrtir  auant  que  la  rumeur  fuft  plus  grande. 
La  porte  s'ouuroit  Scfermoit  à  clef  par  dedans.  Dieu 
veut  que  la  voulant  ouurir,  la  clef  fe  rompt  dans  la  fcr- 
rure.Se  voyans  pris  comme  le  rac  dedans  la  ratière ,  tou- 
te leur  efperancc  fut  d'auoir  recours  aux  cachettes.    Le 
plus  ieune  femulTe  au  fommet  d'vne  cheminee,le  vieil- 
lard au  profond  d'vne  cauc ,  &  defcend  dedans  le  puic' 
par  vn  foufpirail  qui  y  regardoit:  Le  tumulte  fe  fait  grâd 
par  tout  le  voifinage.Plufieurs  y  accourent  auccques  ar- 
mes ;  la  porte  enfoncée  dedans,  on  trouue  le  corps  du 
ieune  garçon  eftendu  fur  la  place.  On  court  part  tourc 
iamaifonxcluiqui  ertoit  dedans lachemince  futleprc- 
'inierpris:&  après  vne  longue  reccrchc ,  l'autre  qui  au 
■profond  du  puits  ne  monftroit  que  la  telle.  Ils  font  me- 
nez auChaftellet,  le  procès  leur  eft  fait&  parfait  du 
iouraulcndemain,  condamnez  à  eftre  rouez, &  à  trois 
"ccnsliures  de  réparation  enuers  leFlameng.    Appelrla 
fentence  confirmée  par  arreft ,  ils  font  menez  aux  Hnl- 
les  pour  eftre  exécute/.     Comme  ils  eftoyent  fur  l'el- 
chafaut,  le  vieillard  requiert  qu'on  lui  amenaftla  vef- 
ue  du  marerclial,dont  i'uy  n'agucres  parlé. Venue  qu'el- 
le eft,  lui  demande  p^don  ,  dit  qu'il  ne  veut  mourir  fa 
confcience chargée  do  ceft  autre  meurtre.  Que  c'eftoit 
lui  qui  auoit  tué  la  ieune  femme,  près  fainftc  Oportu- 
ne.Le  GrefBcr  rédige  tout  au  long  par  eitrit  fa  confef 
fîon.Ce  fait  ils  font  rouez. 


ç^  mémorables.      ^  ^6^ 

levousay  iufqucs  ici  difcouLU  comme  ces  mifcra- 
bles  furent  pris  pcr  vn  exprcs  miracle  de  Dieu,  &  qu'en 
fin  c*e  mefchanc  vieillard  acquitta  le  démente  du  meur- 
tre par  lui  commis ,  il  y  auoit  vingt  ans  pafTez.    Ce  que 
ie  diray  maintenant  parauanture  meripe  bien  de  vou$ 
eftre  reprefentc.    La  vefue  du  marefchal  demande  par 
deuantle  Preuoft  de  Paris  réparation  fur  les  biens  du 
vieillard  :  qui  lui  eft  adiugee  par  fentence ,  iufques  à  U 
fommc  de  quatre  cens  hures.  De  là  (ourdvne  autre 
quelHon ,  d'autant  que  ccftç  vefue  fouilienoit  deuoir  e- 
ftre  payée  deuant  les  trois  cens  liures  du  Flamcng,  Se 
ainfi  fut  iugé  pour  elle,  don:  le  Flnmeng  ayant  appelle, 
fa  caufefut  par  moi  plaidee  contre  i\l.  lean  Chipart,  ad- 
uocat  delà  vefue,  pour  laquelle  il  dilbit  que  le  delida- 
uoitellé  commis  vingt  ans  pafîez,  &  puis  que  Ton  mari 
innocent  en  auoit  porté  la  tare  ,  laraifon  vouloir  bien 
aulfi  que  l'amende  de   quatre  cens  liures  fufl  la  pre- 
mière payée:  embcUifTant  fa  caufe  de  plufîeurs  autres 
railbns.    Au  contraire,  ie  fouftenois  qu'il  ne  faloit  aifé- 
mentadioutterfoy  à  la dcpofition  du  vieillard,  au  pre- 
iudicedu  Flameng,  car  lors  il  eftoit  ^  ne  perfonnc  morte 
ciuilemcnt^iointque  mourant  fur  la  pourfuite  qu'en  a- 
uoitfaitle  Flameng,  ce  mefchanc  homme  pouuoit  a- 
uoireflé  induit  à  faire  celle  depolîtion  pour  fe  venger 
de  lui.  Qu'en  matière  de  deliéls  il  n'y  auoit  point  d'hy- 
pothecque  :  &  finalement  ,  que  fans  la  pourfuite  fai- 
te par  le  Flameng,  iamais  le  vieillard  ne  fuft  venu  à 
rcconoiifance.  Que  tout  ainu  que,  celui  qui  fait  des 
defpenfes  neceffaires  pour  la  conleruation  d'vne  mai- 
'fon ,  eft  payé  auparauant  tous  autres  créanciers  hy- 
pothécaires, ores  qu'il  leur  foit  fubfequent  de  date  :  auH 
ïî  deuoic-il  eilre  le  femblable  au  cas  preCent  en  faucur 
du  Flamcng.    Sur  cela  Ips  parties  appointées  au  con- 
ieil,  en  fin  s'enfuiuit  arreft  ,  par  lequel  il  fut  ordonné 
qu'elles  feroycnt  payées  par  defcontîture  ,  c'eft  à  dire 
au  fouis  la  Jiurc ,  fur  les  biens  de  ce  vieillard.  £ .  Pa/quier 
ai*  mejme  Unrç  ^  chapitre  mentionné  (n   l'exemple  precc 
dttit. 

Qozfi  9tt  4pvixç  Çemilif-hoflinDes  Danois  aflem- 


^66  Hifteires  admirables 

bIe7,&deuiTans  certain  iour  au  foir  dedans  vn  poifîo 
s'cAneut  débat  de  paroles  entre  eux ,  ce  qui  s'efchaufta 
tellcment,que  les  châdelcs  foudainemcnt  efteintes  \\n 
fut  tué  d'vn  coup  de  poignard.  Parmi  ces  gétiI<;-hommcs 
ciloit  auflivn  certain  courrier  du  Roi  de  Dannemarc. 
Or  comme  le  meurtrier  fuft  inconu  à  caufe  du  nom- 
bre, combien  que  les  gentils-hommes  en  accufafrent  le 
courrier,  le  Roy  ne  vouloitlesen  croire^difant  qu'ils  a- 
uoyent  confpiré  contre  Ton  feruiteur.  Sur  cefte  perple- 
xité il  les  fait  tous  arrefter  dedans  le  poifle,  &ranger  de- 
bout autour  du  mort ,  puis  commanda  que  les  vns  vinf- 
fcnt  après  les  autres  eftcndre  leur  main  droite  fur  la  poi- 
trine nue  du  meurtri, iurant  qu'ils  n'auoyeRt  point  don- 
né le  coup.  Les  gentils  hommes  obéirent  promptement» 
&  ne  furuint  aucun  indice  contr'eux.  Reftoit  le  courrier 
Icquclconuaincu  défia  en  fa  confcience,alla  baifer  pre- 
mièrement les  pieds  du  mort:  mais  fi  toll  qu'il  appliqua 
la  main  fur  la  poiâ:rinc  d'icelui,  le  fang  commence  à  re- 
iaillcren  abondance  hors  de  la  pîaye  ,& hors  des  nari- 
ties  :  tellement  que  prefle  de  ceftc  euidente  accufation, 
il  confefle  le  meurtrc,&  par  fcntence  diî  Roy  eft  incon- 
tinent décapité. H'eur*  de  Ra7iz,o'v^}  Lieutenant  pour  le 
Roy  de  Dannemarc  enlaDuché  deHolface,faitce  ic- 
citen  -vue  fiene  lettre  imprimee:&  adiouftc  que  le  Roi  fon 
mairtre  lui  auoit raconte  l'hiftoirefusefcrite,  &i  fon 
gendre  Vlric  Duc  de  Meckelbonrg,  adioullant  ces  mots^ 
Auiourd'hui  premieriour  de  luillet  i55>i.viuoycntcn- 
corcs  aucuns  des  gentilv-hommes  accu  fez  de  ce  meur- 
tre.  Et  que  depuis  ce  temps  de  l'exécution  du  courrier, 
le  Roy  Chriftierne  II.  auoit  permis  que  par  totftfon 
royaume  les   meurtres   inconus  fuffent  ainfi  fecer- 
chez. 

l'adioufteray  vri  autre  exemple  (  dit-il  en  ceftemtfl 
me  lettre  enuoyec  au  DodeurChytrxus)  qui  auintà 
Itzehovv  en  Dannemarcdu  téps  de  mon  père.  Vn  paf- 
fant  fut  tué  fur  le  chemin  ,  &  pource  qu'on  ne  poauoit 
defcouurir  le  meurtrier ,  h  luttite  d'Itzehovv  ,  fit  enlew 
lier  le  corps,  &  recueillir  vue  main  coupée  d'icelui,  la^ 
Quelle  fut  portée  enlapriiisii  du  lieu,  &peudue  «i'vne 

corde-»' 


dr  memorahles»  ^6-^ 

cordolctteau  planché  d'vnc  des  chambres.  Au  bout  de 
<ijx  am,comme  le  meurtrier ,  pour  certain  afairc  fuÛ  ve- 
nu en  icclle  prifon ,  la  main  feiche  de  fort  long  tcmps^ 
commencer  dégoutter  du  fang  furla  table  qui  eîloit  au 
<ie{rous.Le  geoher  voyant  choie  fi  extraordinaire  arreftc 
rautrc,&  auertit  la  iuftice ,  laquelle  fait  ferrer  cftroitte- 
ment  l'homme  :  puis  appelle  mon  pcre,en  prefence  dit- 
quel  ce  meurtrier ,  donnant  gloire  à  Dieu,  confclTalc 
meurtre  qu'il  auoit  perpétré  tant  d'années  auparaaant;» 
fe  foumettant  à  touterigueur  de  lufticeJaqueUcauflî le 
fit  mourir  du  fupplice  qu'il  auoit  mérité. 

Hierofmfi  Magius,  tk>cte  Philofophc,  difputantde 
tels  accidens  au  3.  tùfJe  fcs  Aïejlun<ycs.  chu.  6.  après  auoir 
cotté  les  autheurs  anciens  &  r.ioàcrnes  qui  en  ont  trai- 
té ,  &  propofé  ce  qu'il  penfe  pouuoir  fcruir  i  telles  di- 
fputes,  eonclud  finalement  ,  que  ces  dcrcouuerrcsdo 
meurtiiersfont  chofes  miraculeurcs.  Les  Autheurs  qu'il 
allègue  font  Homcrc  au  17.  linrc  de  Tliiade,  parlant 
du  corps  mort  d'Euphorbe  ea  prefencc  de  Mencîas  qui 
rauoittué:lepoëtcLucret.3u  4.1iureen  ces  vers,  Ntf?M^«« 
hominci pltrumquc  cadant  in  -jnlnut  3  Scc.  Thaddec  Floren- 
tin en  Tes  er^pïîcations  furllfagogc  de  Ioannirius:Hc*u/ 
de  Gand  en  fez  QuodlibcLs,  Gilics  de  Rome  en  la  que*- 
Uion  z^.duç.quodlibet  :  leaii  Alaior  fur  le  4.  îiure  des 
Sentences,dift.i^.qua;ft.i4.  L'Autlieur  du  liurc intitule 
Vcrf'rr inarum  qttxflionttm  3  en  la  queftion  6.  de  la  rroificf- 
me  Décade  :  Marfille  Ficin  au  16.  luire  de  l'immortalité 
des  âmes,  ch.ç.  Galcoc.  Marcius  au  ii.chr.p.dc  fon  Jiure 
de  VotirinaproînifcuA  :  lean  Langius  Médecin  en  fa  40. 
€piftre:&  Leuin  Lcmnius  au  x.  liurc  des  Miracles  de  na- 
ture, ch.7.  îtem  Gaudcnce  Merulaau4,liuiedcschof©s 
mémorables,  chap.18.  Paris  de  Puteo ,  au  traité  de  Synif 
f4fM,fur  lemot  Tortura  :  HippolyteMarUlJe  en  fa  prad- 
qu«,au  paragraphe  DUigentfr ,  nombre  81.  Marc  Anthoi- 
HC  Blanc  au  Comrhcntairc  furla  Loy  final. num.  ^©8.  C. 
de  qiijeftiombw  :  Ludouic  Carere ,  au  co.nm  en  cernent  de. 
fapratique.num.i4o.&  François  Cafon  d'Opiterge,  au 
traité  de  iftdicïps  ^  Tortura'  Le  Lcftcwr  curieux  aura  <le- 
quoy  s'esbacre. 


3^8  Hîfioires  admirMe^ 

Eiilaviilccle  Tubinguc,  certain  palfanr  arriuéea 
l'ijoftcUcrie,  i^:  tleuifant  à  table  du  clicmin  qu'il  auoif 
à  ^airc:,  dcmanJanc  à  rhoilc  s'ilpourroi:  point  trouuer 
<]uelqa'vn  de  compagnicpource  qu'il  ciaignoitfcfour- 
iioyci ,  vn  autre  inconuliiidit  ,  le  vai  en  ce  quartier  & 
fautqucicpaffcpar  laforeft  ,  dont  ie  fçai  toutes  Ifsa- 
drcllcs.  S'eftans  acheminez  cnfemblc  danJlcboisWe 
dernier  cuidant  faire  quelque  grand  gain  le  rue  fur  le 
palTant  &le  tue.  Mais  ne  lui  ayant  trouué  prefques  rien 
vnillant,  il  s'en  reuint  trille  &  foufpirant  vers  celte  ho- 
Itcllerie.  Toll  après ,  le  bruit  court  d'vn  hommerronué 
meurtri  dedans  laforeft.  Et  pourcc  que  le  meurtrier  fc 
defcouuroitrifiezparresfoufpirs  ,  onTempoigne  &  in- 
terrogue.  Ilauouèle  forfait  &  cil  exécuté  a  mort.  Ph, 
£.onicsr  enfin  théâtre  d'exempas. 

En  certaine  ville  d'Alemagne  fe  firent  desnopces, 
où  vn  icunecoullurier  ayant  mené  danler  quclqucieu- 
ne  iîlle,comme  chafcun  des  conuiez  elloit  après  à  fc  re- 
tirer, &  iecouilurier  ne  fe  trouuant  pour  reconduire  la 
iîllc;vn  leune  cfcholier  la  conduiiît  honneftcment  mi- 
ques  au  logis  de  Ton  percToll  après  le  GOuil:urier,vienr, 
&  cftimantauoirrcceu  quelque  atFront  en cela,court  au 
logis  de  ce  pere,appelle  aimablement  l'clcholier ,  &  lui 
donne  tel  coup  d'cfpce  en  trahifon  ,  qu'rlle  renuerfc 
mort  fur  ie  paué.  Le  père  de  lelcholier  accablé  de  tri- 
ftelfe  rend  l'ame  ù  Dieu  trois iours  après ,  &  ert  enterré 
auprès  de  Ion  fils.  La  mère  du  couilurier  trefpalîede 
dueil.  Ce  coultuner  defefperé  fe  iette  en  \n  courant 
d'eau  &  te  noyc.  Lumefme.  Ccfte  hiitoirc  fe  peut  rap- 
porter au  chapitre  des.  Cm  horribles  (^  pnoyabUs. 

Vn  meurtrier,  qui  auoittué  plufieurs  hommes  & 
quelques  femmes  enceintcs,éftant\  en  u  la  veille  dePa{^ 
ques  en  la  ville  deVvinshcin  tin  Alcmagne,ncheta  d'vn  ' 
boucher  en  la  boucherie  publique  tfois  telles  de  veau, 
lefquellcsil  mit  dans  vn  facfait  en  forme  de  filé,  &  char- 
geant le  tout  fur  foQ  efpaule  reprint  le  chemin  de  fa 
maifon.  Surceilfutauis  a  ceuxquile  voyoyenc  palTer 
par  les  rues  qu'il  portoit  des  telles  d'hommes,  tellemenc 
qu'on  courue  en  aucmcU  luilice/  qui  cnuoyedcs  fer-* 


O' f^C9norahle$>  3<^ 

gensapres.Ilsrempoigpcnt:,ramcinent  deuant  les  lu- 
ges.Enquisoù  ilaiioit  piins  ces  teftes  d'hommes  ?  ref- 
pond  qu'il  les  auoit  achetées  en  pleine  boucherie.  On. 
enuoyc  quérir  le  boucher ,  lequel  maintient  auoir  ven- 
du des  teftes  de  veau  non  pas  d'homme.  Le  Confeil  ef^ 
meu  de  ce  prodige  enuoyc  Tacheteur  en  prifon  ,  Tinter- 
rogue  de  pres,&  finalement  lui  prcfente  la  géhenne.  Il 
confefl'e  Tes  meurtres  :  foudain  les  trois  teftes  tirées  du 
fac  rcprenent  leur  première  forme  ,  &  ce  meurtrier  eft: 
exécuté  à  mort.L<i  mefme. 

Vn  gentil-homme  de  Chalanccen  FofTigny  eftant  eri 
l'armée  du  Duc  de  Sauoye  au  mois  de  Septembre  Tan 
i589.contrifté  d'auoir  veu  lescruautcz  &  vilenies  exer- 
cées fur  les  panures  habicans  du  Bailliage  de  Gez  ,  refo- 
lUt  fe  retirer  de  ladite  armée. Or  d'autant  quil  n'y  auoic 
chemin  bien  feur  ni  abrégé  pour  lui  que  de  traueribr  le 
Lacpuis  fe  rendre  en  Bonne,  n'y  ayant  que  pour  trois 
heures  de  chemin  à  faire  cela  (en  lieu  que  pafTanr  au 
pontde  Chanciillui  faloitpres  de  iournec&  demie  a- 
uec  danger)  il  s'adrcfle  à  vn  homme  de  (a  conojifance 
nommé  lean  Villain  du  ^  illage  de  Thaney  au  Balliage 
de  Nyon  ,  près  du  bourg  de  Coppet,  &le  prie  delui 
trouuer  gens  qui  le  pafTenr  delà  le  lac. Villain  l'ameine  à 
Coppet ,  où  vn  des  principaux  du  lieu  mené  le  geutjl- 
homme  en  vne  tauerne,  &  après  vn  bon  repas  de  quatre 
teftons,fut  accordé  ci-e  deux  bafteliers  du  heu  ,  là  pre-. 
fens,le  paflcroyent.  Lui  s'achemine  vers  Thaney  pour 
amener  fon  cheual  &  bagage.  Eftant  à  fon  retour,  \cÇ^ 
dits  bafteliers  ,dont  le  prmcipal  le  nommoit  iMartin 
Bourry,feruentfurlui&lui  couppent  la  gorge.  Villain 
furuient  toft.  apres,qui  fe  plaignant  défi  cruelle  perfi- 
die,ouyt  pour  rci'ponfeque  c'eftoit  vn  ennemi  qu'on  a- 
uoit  defpefché.  Ce  meurtrier  fe  doutant  qu'il  en  pour- 
roiteftrerecerché ,  afin  d'amortir  le  tout,fit  prefent  du 
cheual  de  grand  pris  de  ce  gentil— homme  à  vn.  certain 
maiftrc,&  retint  le  rcilc  pour  lui:  tellement  que  l'on  ne 
parla  depuis  de  ce  meurtre  :  Villain  mefme  nofanc 
cnfake  beaucoup  de  bruit,  pour  crainte  qu'il  lui  en 
rtieCatnnft;  Mais  Dicw  y  pourucut.     Car  cnuiron  le 

Aa 


57^  Hîjtoires  admirables 

l^.  Juillet  de  l'an  15 91.  ce  Bourry  s'apreftant  auccplu- 
fîcurs  autres  audit  lieu  de  Coppet  pour  tirer  à  quelque 
prix,  comme  ilpenfoit  charger  ,  &  accommoder  la 
propre  harqucbuze  qu'il  auoit  volée  au  pauure  gentil- 
homme alors  qu'il  le  meurtrit,  eftant  apuyé  fur  icclle 
harquebuze,elle  fe  defchargea  (l'on  ne  fçait comment) 
&  tranfperça  ce  meurtrier,qui  fans  parler  ni  mouuoir,e- 
ftant  frappé  au  cœur,éxpira  fur  la  place.  Mémoires  de  no- 
Jire  temps, 

lacques  d'Aqueire  gentil-homme  d*  Arles,  ayant  efté 
bleflë  au  ventre  d'vn  coup  qui  perçoit  les  boyaux, 
mourut  au  ç.iour.Celui  qui  auoitfaitce  meurtre  ayant 
efté  amené  deuant  le  corps  par  le  commandement  du 
magiftrat ,  le  fang  commence  à  bouillonner  &  couler  a- 
uec  cfcume  méfiée  hors  de  la  playe  &  des  narines  du 
mort,en  prefence  de  plufieurs  acourus  à  ce  fpe<flacle,du 
nombre  defquels  ie  fus.  Sur  quoy  l'on  demanda  pour- 
quoyle  mort  faigneainfî  deuant  celui  quiluiaoftéla 
vie.  C'eft  merueilles  qu'en  vn  corps ,  dont  toute  la  vi- 
gueur eft  efcoulee  &  difloulte,le  fang  viene  par  certain 
inftinâicômeà  crier  cotre  celui  qui  a  fait  la  playe.  Pour 
en  dire  mon  auis  en  Philofophe  &  Medecin,cela  doit  e- 
flrehors  de  difpute,qu'en  vn  homme  fraifchemcnt  tué 
toute  chaleur  ne  s'efuanouit  pas  incontinent ,  encores 
que  la  vie  s'en  aille:  ce  que  nous  auons  defcouuert  par 
experience.Car  nous  voyons  que  les  corps  de  ceux  qui 
font  décédez  depuis  peu ,  demeurent  chauds  quelques 
heures  apres,quelque  refte  de  chaleur  vitale  s'arreftant 
après  le  departrcomme  nous  fentons  es  poifles,eftuues, 
&  fourneaux  ,  arrière  defquels  on  ofte  le  feu.  Encore 
qu'il  n'y  ait  plus  de  braifes  la  chaleur  cachée  s'y  fent,8f 
y  dure  vn  iour  ou  deux,com  me  chafcun  fçait.Ainfî  dôc 
puis  que  toute  chaleur  n'eft  pas  cfuanouie  d'vn  corps 
fraifchement  tué,ni  toute  agitation  &  vigueur  intérieu- 
re amortie:  (am  fi  qu'on  Tapperçoit  es  beftes  efgorgees, 
lefquellcs  font  chaudes  quelque  temps  après,  &  leurs 
chairs  tremblottantes)ils'enfuit,quc  par  la  vertu  fecrcc- 
tc  &  cachée  au  corps  mort,lcs  humeurs,  Ipccialcment  le 

fang 


drfnemorables.  y^x 

fa^ig  &  l'humeur  bilicuxjfont  efmeus  &  esbranlezrd'au- 
tant  que  par  certain  fecrct  &  non  afl'ez  comprchcnfîblc 
mouucmenc  dénature,  celle  vertu  intérieure  fcmblc 
quafî  requérir  vengeance:  puis  tout  foudain  l'humeur 
bihcux  efmeu  par  cefte  vertu  cachée  du  fangfe  refueil- 
ic&  trefTaute a  caufo  delà  viftcfl'c  &  promptitude  de 
fonmouuemcnt.  Icelle  efmeue  &  enflammée  le  fang 
s*esbranle,court  &  fort  par  la  playe,  qui  eft  la  porte  pro- 
pre à  le  monftrcr.L'efprit  vapoureux  qui  eft  au  fang  lui 
vient  auffi  à  la  rencontre ,  lequel  d'vn  certain  mouue- 
raent  fpiritucux  s'eflance  foudain  tout  droit  contre  le 
meurtrier,  nommément  s'il  regarde  atcentiuement  le 
meurtri.  Qui  eft  caufe  que  la  playe  efpanchc  du  fang 
par  ceft  admirable  &  fccret  mouuement ,  &  le  iette  vers 
le  meurtricr:pource  que  la  chaleur  demeure  au  corps  du 
meurtri  iufques  a  huid  ou  dix  heures  après  le  trefpas.A 
Taide  &  au  mouuement  d'icellele  fang  rappelé  les  e- 
fprits,&au  réciproque  les  efprits  rappeile4it  leur  fang: 
dont  prouient  fon  flux  par  la  partie  entamée:  Voila  vne 
raifon  probable  que  peut  inuenter  vn  homme  nonigno- 
rant  de  la  Philofophic,en  afaire  tant  difficile  &  enuelo- 
pé. Mais  certainement  ilconuient  pluftoft  croire  que 
tout  cela  fe  fait  par  le  fecret  iugement  de  Dieu,  qui  par 
telle  marque  veut  defcouurir  le  meurtrier.  Car  le  fane 
des  meurtris  crie  de  la  terre  à  Dieu,lui  demendant  vcn- 
geance,comme  quand  Moyfe  au  4.  chap.de  Genefe  par- 
le d'Abel  tué  par  Cam,il  declaire  que  le  Seigneur  Dieu 
dit  à  ce  parricide,  La  voix  du  fang  de  ton  frère  crie  à 
raoy  de  la  terre.  Ne  nous  arreftons  donc  point  a  des  re- 
cerches  qui  furpaflentla  portée  de  nos  entcndcmcns; 
mais  foyons  médiocrement  fages.  Tr.  VallerioU  en  la  9, 
êbferuMton  du  iMure. 

•  Le  dodeur  loubert  en  propofe  fon  aduis  en  ces  ter- 
mes.Il  eft  confermé  parle  tefmoignage  deplu/îeurs  & 
receu  des  plus  fages  lurifcôfultes  ,  que  le  corps  de  ceux 
qui  ont  efté  tuez  ,  fi  le  meurtrier  eft  prcfent ,  faignent, 
combien  que  lamortfoit  extindion  delà  chalcurna- 
turcUe ,  &  que  de  fa  froideur  elle  fige  &  arrefte  le  fang. 
Pirons-nous  auec  certains  Philofophes,  que  quelque* 

Aa    i  ' 


37^  Hifloires  admirables 

forces  cîc  l'ime  rcn/îtiue(rçauoir  cft,la  cupidité  âcvtxr 
Çeancc  )  fubfiftciu  cncorcs  après  la  mort  dans  le  fang, 
lufques  à  ce  qu'il  pourrifTejQÛât  àmoy,pour  rauthorité 
de  ceux  qui  TafFermencic  fuis  content  de  croire ,  que  fi 
le  meurtrier  furuint  dedans  fept  heures  ou  enuiron  ,  le 
fang  peut  eftre  eflancé  contre  luy.  Dequoy  aucuns  ren- 
dent ccfte  rairon,que  le  meurtri ,  lors  qu'on  le  tue ,  ell 
tout  attentif  au  meurtrier.il  fe  voudroitreucnger,&  ne 
penfe  qu'à  la  vengeâce  en  tres-grâd  marrilTon.Adoncla 
cholere  s'enflammcjde  laquelle  foudain  eft  cfchaufFé  le 
fang  qui  haftiuement  de  toute  fapuifTance  acourt  à  la 
playecôme  pour  la  défendre. Les  cfpritsenfcmble  y  vo- 
lent de  toutes  parts,&  de  naturelle  légèreté ,  incôtinent 
fc  icttentà  Tentour  du  meurtri er,&  s'entretiénent  quel- 
que téps  de  cefte  chaleur.Dôt,{î  cependant  le  meurtrier 
regarde  de  près  la  blelVure,le  fang  fe  vcrfe  cotre  lui  :  par- 
ce que  la  chaleur  n'cft  encoies  ellteinte,  &  que  i'agitatiô 
intérieure  n'a  pas  cefré:&  aufli  d'autant  qu'il  s'eiloit  au- 
parauantauancéau  dehors,Maisfaudroit-il  point  que, 
pour  ce  faire,reftaft  dedans  le  corps  quelque  intelligen- 
ce,à  pouuoir  reconoiibc  le  meurtrier  ?  comme  il  auicn- 
dra  bien  aifément  à  celui  qui  n'eft  du  tout  mort  ;  iaçoir 
qu'on  le  tienne  pour  tel,d'autant  qu'il  eil  à  l'extrémité. 
Autrement  il  ne  fc  peut  faire  naturelleméc  que  la  playe 
ait  telle  difcrction  ,  qu'elle  reiette  du  fang  de  là  a  quel- 
ques heures  contre  qui  que  ce  foitià  quoy  reuienent  les 
fufdites  raifons.  Aucuns  des  Théologies  Scholaftiques, 
fuiuans  les  précédents  difcours ,  veulent  que  les  eiprits 
fortans  de  la  playe  caufent  l'effluxion  du  fang,  quand  il 
les  rappelle,&  puis  ils  répètent  le  fang.  Ce  qui  aduient 
par  la  volonté  exprefle  de  Dieu,  pour  plus  grand' hor- 
reur &  deteftation  du  pcchc.  Dont  en  Genefe  Dieu  dit 
à  Cain,le  fang  de  ton  frère  crie  à  nioy,  M.Papon  a  traité 
cefte  queftion  en  fon  liure  des  arrefts  :  liu.4.tiltre  9. art. 
^.Imbert  en  la  préface  de  fon  z.UuJh  rit. 

MO  DESTIE  Singulière  acquieffant  à  vne  feuereeenfure. 

ILfeirouuepeu  d'hommes,  notamment  entre  ceux, 
qu'on  appelle  dotfles ,  qui  ne  prife  beaucoup  fes  ou* 
Ura^cs  i  &  ne  porte  impacieramcnt  les  rcprehcn/îons 


^  mémorables.  37} 

S'il  s'en  rencontrcils  méritent  d'eftre  adrnireîL  &  enfui- 
uis.  MarfîllcFicintrcs-dode  Philofophe&  renouuellé 
difciple  de  Platon  en  noftrc  temps ,  ayant  mis  la  main 
aux  œuures  de  Platon, pour  les  traduire  de  Grec  en  La- 
tin,porta  &  prefenta  fa  verfion  à  vn  autre  tres-doéle  per- 
fonnagc  nommé  Marc  Mufurus  Candiot,  pour  en  auoir 
fon  auis.  Mufurus  voyant  que  .cefte  tranflation  eftoit 
précipitée  ,&  qu'elle  ne  rcfponudoit  pas  à  Pefperancc 
que  plufieurs,  quiladefiroyent  afFeduieufement  ,  en 
auoyent  conceue  ,  pour  n'expofer  en  rifee  fon  ami ,  & 
s'acquitter  de  la  promelTc ,  empoigne  vneefponge,  la 
plonge  en  vn  ancrier^Sc  en  barbouille  toute  la  première 
page  de  la  tranflation  de  Ficin  ,  puis  fe  tournant  vers 
lui, dit ,  tu  vois  comme  i'ay  corrigé  la  première  page  :  fî 
tu  veux  i'en  feray  autant  aux  autres.  MarfiUe  fans  s'esfa- 
roucher  ne  refpondit  autre  chofe  finon ,  Il  n'eft  pas  rai- 
fonnable  que  par  ma  faute  Platon  doiue  eftrc  ainfi  cha- 
foun-é,Puisre  retira,  &  ayant  eu  des  fécondes  penfees 
mieux  digérées  fitvne  nouuelle  tranflation  digne  du 
maiftre  ^  du  difciple.  ZHtnger  tM  premier  tome  de  fon 
théâtre, liure  i. 

MO JQVEVRS   mocquez. 

CERTAIN  perfonnage,  demeurants  Onzainpres 
d'Amboife,perfuadé  par  vne  hoftelTclaquelle  com- 
mettoit  le  crime  infâme  d'adultère  auec  lui,de  faire  fem- 
blant(pour  oflier  à  l'auenir  tout  foupçon  au  mari  )  de  fe 
faire  tailler  par  vn  nommé  Maiftre  Pierre  des  Serpens, 
opcratcnr,de  Villantrois  en  Berri,enuoya  quérir  fes  pa- 
ïens, &  après  leur  auoir  dit  qu'il  n'auoitiamais  oféde- 
dairer  fon  mal,  mais  qu'en  fin  il  fe  trouuoit  réduit  i 
tels  termes,  qu'il  lui  eftoit  force  d'en  pafler  parla  :  fit 
fon  teftamcnt.  Et  pour  faire  encore  meilleure  mine, 
après  auoir  dit  à  ce  Maiftre  Pierre  (auquel  toutcsfois 
il  auoit  baillé  le  mot  du  «uct  de  ne  faire  que  fem- 
blant,  &pource  lui  auoit  donné  quatre  cfcus)qu*il  lue 
pardonnoit  fa  mort  de  bon  cœur,  s'il  aucnoit  qu'il  en 
Diouruft  :  fe  mit  entre  fes  mains  &  fc  lailfalier  &  du 

Aa   5 


574  Hijtoires  admirables 

tout  acouftrcr,cônîc  celui  qu'on  voudroit  tailler  vrayc- 
mcnt.  Or  faut-il  noter  que  comme  le  paillard  auoit 
baille  à  Maiftre  Pierre  le  mot  du  guet  de  ne  faire  que 
rcmblant,aufl~i  le  mari  de  Ton  colle,  après auoir  entendu 
celle  farce,auoit  donne  le  mot  du  guet,dc  le  faire  à  bon 
efcient,  auecpromclfe  de  lui  donner  le  double  de  ce 
qu'il  auoit  receu  du  paillard,pour  faire  la  mine. 

Tellement  que  lui  perfuadé  par  le  mari  >  &  tenant  le 
paillard  en  fa  puiflance,  après  l'auoir  bien  attaché,lië  & 
garrotté;,  exécuta  Ton  office  realemcnt  &  de  fait:  puis  le 
paya  de  celle  raifon, qu'il  n'auoit  point  acoullumc  defe 
mocquerde  Ton  meftier.  Voila  comme  le  paillard  fc 
trouua  de  l'inuention  de  l'impudique  adulterefle,  & 
comment  au  lieu  qucfuiuant  ceflefinefle  ilfeprepa- 
roit  à  tromper  le  mari  plus  que  iamais,  il  fut  trompé  lui 
mefme  d'vnc  tromperie  beaucoup  plus  preiudiciable  à 
fa  perlbnne.  Conformité  des  merueiîles  anciennes  nuec  Us 
modernes. 

Vn  marchant  drapier  en  Tvne  des  principales  villcf 
frontières  de  France,ayant  oublié  Dieu  ,  fon  honneur, 
le  refpetfl  de  fa  femme,  honnefte  &  vertueufe ,  iufqucs 
là  que  de  prétendre  à  desbaucher  vne  /îene  feriiantc, 
fiancee,&  niepcc  de  faditefemmc  ,  penfant  à  quelque 
expédient  de  couurir  Ton  ordure ,  s'en  aduifa  dVn  mer- 
ueilleufement  deshonnefte  &  infâme.  Il  auoit  vn  ferui- 
teur  ieune  homme  de  zo.ans,honteux,&  qui  ne  fçauoit 
encorcs  gueres  que  c'efloit  du  monde. Le  Maiftre  lui  a- 
yant  promis  rccompenle  de  fon  fcruice  &  fîlence ,  l'in- 
dui/îtà  aller  tenir  la  place  en  fon  lid,  lors  que  fa  femme 
feroit  endormie:  &  que d'auanturc  elle  commençoit 
feulement  à  fommeiller,  il  fe  contentall  de  lui  dire  bon 
foir  tout  basjla  touchant  de  la  main  à  la  poitrine  ,  puis 
lui  tournant  le  dos,&  ne  s'approchant  d'auantage.  Lui 
ccpendât  va  trouucr  fa  feruante  ,  peu  auant  les  nopces 
d'icelle.  Le  ieunogLi-fon  touteftonné  de  la  commif^ 
iîon  qui  lui  eftoit  donnée  jobeyt  neantmoins  à  la  des- 
honnefte volonté  de  fon  maiftrc,&  obfcrue  diligem- 
ment ce  qui  lui  auoit  efté  dit. Mais  la  femme ,  eftimant 
que  ce  fuft  fon  mari ,  le  carcffe  Screlmcut  tellement, 

que 


^mémorables,  J7J 

éjue  cette  nuiâ  il  la  coiiut  plufîeurs  foii,  fans  qu'elle  le 
conuflDe  grand  matin  le  maiftre  &  le  feruiteur  fc  re- 
tire. La  femme  ietcant  priuément  &  en  particulier  quel- 
que trait  derifee  au  mari  du  traitement  delà  nui<^ 
précédente  ,eftimant  que  lui  &  non  autre  s'eftoit  appro- 
ché d'elle,  il  defcouurit,  mais  trop  tard ,  fon  malheur. 
Dont  irrité  contre  le  ieune  homme ,  par  Ton  rude  trait- 
tement  il  le  coniraignit  de  s'enfuyr,  &  de  defcouurir  ce 
qui  clloit  auenu  :  mefme  procura  que  près  &  loin  la  iu- 
fticc  vill  cefte  turpitude,  &  fut  honnie  du  fouuenir  de 
telle  ordure.  La  femme  ayant  fceu  le  mefchant  tour  que 
Ton  mari  lui  auoit  ioué ,  finalement  meurt  de  regret.Lc 
mifetable  mari  demeure  mocqué  &  expofé  en  rifee  aux 
gens  de  néant,  hors  de  la  réputation  &  du  relpeft  def 
gens  àc  hiç.n.Mtmoirede  nojire  temps. 


MO  R  T remarquable. 

GVi  L  L  AVM  E  Nelènus,  perfonnage  excellét  en  fça- 
uoir& crainte  deDi  ev,  s'eftantietté  dedans  vne 
barque  de  pefcheur,en  temps  d'elle,  pour  trauerlèrrEU 
be,riuiere  qui  pafle  à  Vviteberg  en  Saxe ,  comme  c*e- 
iloit  fa  couftume  de  s'esbatre  quelquesfois  à  pafTer  ain- 
fî  cette  riuiere ,  &  conduire  lui  mefme  fa  barque ,  alla 
heurter  alors  contre  vn  tronc  d'arbre  caché  dedâs  l'eau» 
qui  renuerfa  la  barque ,  &  Nefenus  au  fond ,  dont  il  ne 
peut  efchapper,ains  fut  noyé. Cela  auint  fur  le  foir.  Le 
mefme  iour  vn  peu  après  difné ,  comme  il  fommeilloic, 
auiî  lui  fut  qu'il  entroit  en  vne  barque  depefcheur,& 
qu'il  tomboit  en  l'eau.  Surce  arriua  uers  lui  Philippe 
Melanfthonfon  familier  ami,  auquel  il  fit  en  riant  le 
conte  de  ce  fion  fonge ,  tenant  fa  vifîon  pour  chofe  vai- 
ne. Vn  autre  grand  perfonnage,  le  voyano  mort  eftendi* 
fur  la  riue  de  reau,s'efcria,les  larmes  aux  yeux ,  O  Nc- 
fcnusjfi  i'auoy'  le  don  des  miracles,  que  ie  te  reflufcitc- 
roy  volontiersîll  fut  infiniment  regretté  des  grands  fiC 
des  petits.  Mclandhon  &  Camerarius  deuifans  enfcnv 
ble  de  ce  fonge  §c  tiiftç  accUcn; ,  fe  ramenturent  l'va  I 

Aa    4^ 


37^  Hljioires  admirables 

l'autre  ce  qui  leur  cltoïc  aduciui  &  à  Ncf"enus  peu  de 
iours  auparauant.  Ils  faifoycnt  eux  tiois  quelque  voya- 
ge en  Hcfle ,  &  ayans  couché  en  vne  petite  ville  nom- 
mée Trcfejlc  matin  pafierent  vn  ruifl'eau  proche  de  là, 
pour  y  abrcuuer  leurs  cheuaux.  Comme  ils  cftoycnt  en 
l'eau,  Nefcnus  defcouure  en  vn  coftau  proche  àc\i 
trois  corbeaux  croquetans ,  battans  des  aifles ,  &  faute- 
lans.Surceil  demâde  à  Mclâchthon,que  lui  lembloit  de 
cela?Melanchtlîon  refpondit  promptcmcnt,  Cela  /îgni- 
fie  que  i'vn  de  nous  trois  mourra  bien  toft.  Camerarius 
conieffe  que  cefte  refponfe  le  peignit  iufques  au  cœur, 
&  le  troubla  grandement  .-mais  Nefenusne  fit  qu'en 
fecouèrla  teftc,  &  pourfuiuit  Ton  chemin  alaigrement. 
Camerarius  adioulle  qu'il  fut  en  termes  de  demander 
à  Melanchthon  laraifon  de  cefte  fiene  coniedure:& 
que  toft  après  Melanchthoa  lui  dit ,  que  fe  Tentant  foi- 
blc&  valétudinaire  il  ne  pouuoit  eftimer  que  fa  vie 
deuft  cftre  gueres  plus  longuc.Et  ic  ne  ramentoy  point 
ces  chofes (dit-il)  comme  (ï  l'attribuois  quelque  effica- 
ce au  vol  &  mouuement  des  oifeaux  ,"ni  ne  fay  point 
de  fcience  des  couicdures  qu'on  voudroit  baftir  là  def- 
fus  :  comme  aufTi  ie  fçay  que  Melanchthon  ne  s'en  eft 
jamais  foucié.  Mais  l'ai  bien  voulu  faire  ce  recitpour 
monftrer  que  par  fois  on  void  auenir  des  chofes  mer- 
ueilleufes,  dont  il  ne  faut  pas  fe  mocquer ,  &  qui  après 
l'eu  enement  fuggerent  diuerfcs  penfces  à  ceux  qui  les 
voy  entou  en  entendent  ^?.ÛQx.loach.  Cumerarius  en  la 
'viedePh.  Melanchthon.  Et  Abr.Bucolcer  en  fin  Indice 
Chronologique ide  /'*»  1514. 

Cefte  hiftoire  me  fera  faire  vn  pas  en  arriere,pour  en 
propofer  vne  autre  non  moins  efmcrueillable,du  fiecle 
précèdent  :  fur  l'efperance  que  i'ay  queles  ledeurs  ne 
me  fçauront  mauuais  gré  pour  telle  difgreffion.  Am- 
broife  Grimani  Gcneuois  eftant  en  garuifon  dedans 
rifle  &  ville  de  Chio  ,  l'an  1451.  où  il  fe  portoit  fidèle- 
ment &  vaillamment ,  dormant  profondement  vn  foir, 
eut  la  vifion  fuiuante.  Auis  lui  fut  qu'vn  fort  grand  & 
grosferpent  venoitdroidà  lui  les  yeux  eftincellans  & 
lageule  ouuerte  pour  l'engloutir.  Effrayé  de  tel  fpe- 

aade  a 


^  memorahles.  377 

^acle  il  s'efueille  en  rurfaut,&:  en  grand  trouble  d'crpnt 
examine  ce  fongejdont  il  fait  récit  le  lendemain  d  quel- 
ques amis,aucuns  defqucls  lui  confcillcrent  de  s'abfte- 
nir  de  là  en  auant  d'aller  aux  efcarmouches ,  &  de  quit- 
ter la  guerre  :  eftimans  que  ce  monilre  le  mcnaçoit  de 
mort  violente.Lui  refoluc  de  les  croire. Quelques  temps 
après  lesfoldats  &  habitans  du  lieu  prouoquez  par  Ten- 
nemi  firent  vne  fortie.  Grimani  fc  fouuenant  de  la  \u 
fîonjfuit  de  loin  au  petit  pas  les  autres/eulement  pour 
voir  la  meflcc ,  &  iuger  des  coups, &  pour  n'eftre  aucu- 
nement en  danger  fe  cache  derrière  vne  muraille  efpail^ 
fe.Mais  entendans  les  cris  des  combatanS:,il  ne  peut  fe 
contenir  d'auancer  la  tefte,&  de  regarder  par  vn  trou  de 
ceftc  muraille.  A  Tindant  vn  boulet  de  canon  donne 
droiâ:  à  cefte  couuerture,&  emporte  à  Grimani  la  telle 
de  deflus  les  efpaules^le  corps  tombant  de  l'autre  cofté. 
F.  Bizarre  es  hifioires^  Annales  de  la  République  de  Gènes, 
page  7S7.788. 


NATFREL  changé. 

DE  noftre  temps  aduint  en  Brcflavv  en  Silefie  que 
certaine  ieune  fille  alTiftantauec  plufieurs  autres 
au  fupplice  dVn  brigand,que  l'exécuteur  décapita  ,  fut 
tellement  efmeue  &  troublée  ,  qu'elle  deuintepilcpu- 
ique.On  y  appliqua  diuers  remèdes  qui  ne  feruirent  de 
rien.Quelque  voifin,  fe  meflant(  à  la  couftume  du  vul- 
gaire )  d'en  dire  fon  auis,alla  dire  que  fi  on  bailloit  du 
fang  de  chat  à  boire  i  cefte  fille, le  mal  cefleroir.  Ceux 
qui  la  gouuernoyent,  fuiuant  ce  fol  confcil,lui  en  font 
aualcr.Mais  toft  après  la  pauure  fille  change  de  naturel, 
&  par  interualles  prend  le  naturel  des  chats,  miaulant, 
fautillât,fe  côtournant  &  courant  comme  font  tels  ani- 
maux,efpiant  fort  coyemét  les  rats  &  Iburis  par  tous  les 
coins  de  la  maifon:&  elTayant  en  toutes  fortes  de  les  at- 
traper.Elle  continuoit  en  tels  exercices  de  char,iufques 
à  ce  que  la  véhémence  de  l'accès  fuft  paffe.  M.  Martin 
Veinriçh  en  fon  Comment.de  l  origine  des  monjîres. 


37  8  Hijloires  admirables 

N  AT  F  RE  L  s  merueilleux, 

ILs*efttrouué  vn  gentil-homme  qui  nepouuoicfouf» 
frir,quVne  vieille  femme  iettaft  la  vcuë  fur  lui:&  co- 
rne vne  fois  fuft  auenu  qu'en  vn  banquet  s'y  en  trouua 
certaine,  qu'on  y  auoitinuitee,  fans  que  lui  en  fceuft 
rien  ,  ni  ne  peuft  euiter  qu'elle  'e  regardaft ,  fon  apprc- 
hcnfionfat  fi  vehemente,qu'il  en  mourut  foudain.Enrc 
tnefme  Comment xire  des  monftres. 

Les  chats  ofrcnfent  plufieurs  perfonnes  de  leur  rc- 
garcî:tellement  qu'aucuns  oyans  ou  voyans  vn  chat  tré- 
blcnt,&  en  ont  grand  peunce  que  ie  croy  prouenir  non 
feulement  du  venin  des  chats ,  ains  auffi  du  propre  na- 
turel de  ceux  qui  les  regardent  ou  oyentrcar  tels  ont  de 
hature  cefte  influence  du  ciel,  qui  ne  s'efmeut  iamais  à 
faire  fa  propre  adion ,  fans  que  l'obicfl  de  fon  contraire 
fe  prefente.  l'en  ay  veu  plufieurs  de  ce  naturel  en  Ale- 
magne,&  aucuns  de  cefte  nation  demeuras  en  Goritic. 
Or  que  cela  viene  feulemêt  d'vne  qualité  naturelle  qui 
cft  en  peu  de  gens, ceux  qui  y  font  fuiets  le  monftrent 
euidemmcnt.Car  eftant  enAlemagne,&  foupant  en  bô- 
necôpagnie  dans  vn  poifle  en  temps  d'hyuer ,  l'vn  de  la 
troupe  eftoitfuiec  à  cela.  L'hoftcfle  conoiflantle  natu- 
rel de  l'homme  enferma  dans  vn  cofrc  qui  eftoit  au  poiC 
le  certain  petit  chat  qu'elle  nourrifioit  :  de  peur  que  ce 
perfonaoe  le  voyât  ne  fe  courrouçaft.Mais  encorc.s  qu'il 
ne  le  \'in,ni  ne  l'ouift,  peu  de  temps  après  ayant  attiré 
l'air  atteint  de  l'haleine  du  chat,  fa  téperature(ennemic 
des  chats,)irritee,il  commence  à  fuer,paflir  ,  &  en  trem- 
blant crier,  non  fans  esbahifTement  de  tous, qu'il  y  auoit 
vn  chat  caché  en  quelque  coin  du  poi{\c.MAtthiol,/Mr  le 
6. Hure  de  Diofcoride>chap.i^. 

Tay  conu  vne  Princelle  ,  ornée  de  toutes  vertus ,  la- 
quelle ne  fçauroit  fupporter  de  voir  vn  chat,  eftant  au 
refte  d'vn  efprit  vif,&  muni  contre  les  plus  difficiles  cf- 
preuues  du  mode.Ellc  wpportoic  la  caufe  de  cefte  peur. 


^  TnêmorMes.  579 

à  et  qui  eftoit  furuenu  à  fa  mère  enceinte  d'elle.Car  vn 
iour  quelque  chat  lui  fît  telle  peur ,  qu'elle  tomba  pafl 
mce,&  fut  malade  afTez  long  temps  de  ceft  accident.Les 
chats  ne  l'eftonnoycnc  auparauant,lors  qu'ils  luy  appa- 
roifToyent:  mais  eftant  auenu  que  celui-là  cheut  à  Tira- 
prouifte  comme  à  Tes  picds.cUe  en  fut  ainfî  effrayee.T^. 
Erafiui  e» /es  diiputes. 

Hippolite  Lanzon,gentil-homme  Mantouan,  abhor- 
roit  tellement  voir  vn  heriflon  ,  que  fi  on  ne  l'euft  tiré 
foudadainarrierciltomboiten  fueur  &  fyncope.  Mar- 
tell.  Don^t.  tnfes  admimbles  h  ift.  médicinales ,  liu.  6  xhup.^ . 

l'ay  conu  vn  payfan  en  Normâdie,  qui  n'a  iamais  gou- 
flé  nipain,ni  chair,ni  poiflon,  ni  fromage.  Les  œufs  sot 
fa  vi'^èic  &  wouxnturt.BrHgerin.au  \.ti  des  viandesy  ch.  14. 

Nousauons  veu  aulfi  Ican  de  la  Chefnaye  Parifien> 
fecretaire  du  Roy  François  premier ,  hayr  &  auoir  telle- 
ment à  contrecœur  la  fenteur  des  pommes  ,  qu'il  eftoit 
contraint  fortir  de  table,  fi  toft  qu'il  en  defcouuroit 
quelqu'vne.Et  fi  on  Ics  lui  approchoit  du  nez  ,  inconti- 
nent il  faignoit  parlés  narines.  S'ilenvoyoit  inopiné- 
ment,&  qu'il  ne  peuft  bonnement  fe  retirer  du  tout  ar- 
riere,il  fe  boufchoit  promptement  les  narines  auec  des 
morceaux  de  pain. 

Nous  auons  entendu  que  la  noble  famille  de  Canda- 
les  en  Guyenne  a  eu  plufieurs  yiTus  d'elle,qui  ont  eu  ce 
naturel,  de  ne  pouuoirfupporter  l'odeur  des  pommes. 
tk  mefmt. 

Jacques  de  Forly,excellent  Médecin  de  Ton  temps,  at- 
tefte  de  foy-mefme  ,  qu'autant  lui  faifoit  de  mal  &  de 
tourment  vn  ail  mangé,  qu'vn  breuuage  de  poifon  aua- 
lé  en  fon  eftomach  :  &  adiouftoit  que  les  mcfmes  fym- 
ptomesqui  paroifl'ent  en  ceux  qui  ontbcu  de  la  poifon 
lui  aduenoyent  ayant  mangé  des  aulx.Quelquesdode* 
cftiment  que  cefte  haine" prouient  de  l'opinion  que 
nous  auons  que  \c%  chofes  que  nous  auons  à  contre- 
cœur font  mauuaifcs,ou  à  tous  en  gcncral,ou  à  nous  en 
particulier.!*  mefme. 

Ilyauoità  Chauni  en  Picardie  vnc  fille  d'honneftc 
niaifon,aagee  de  fcizc  ans  ou  cnuiron ,  laquelle  iufqucs 


3^0  Hijloires  admirables 

lors  n'auoit  efté  nourrie  d'autre  viande  que  de  laid.^1- 
le  ne  pouuoic  fupportcr  le  flair  du  pain:&  Ci  l'on  en  euft 
ierté  tant  foit  pente  miette  dedans  fon  laid,  elle  la  fen- 
toit  de  loin,  ce  que  i'ay  veu  de  mes  yeux  ,  &  foigneufe- 
ment  remarque.  Le  mefme  Brugerin  auz.liu.chAp.6. 

l'ay  conu  vn  homme  haiflant  fort  le  frommage,que  fi 
Ton  en  mefloit  tant  foit  peu  parmi  les  viandes  ,  il  le 
fentoitSc  quand  &  quand  rendoit  fa  gorge  de  façon  e- 
Rrâoe. Adarcel.Donat.au  Hure  j^  defes  obferu. médicinales. 

LelaquaydVn  Comte  Italien  ne  pouuoit  manger 
des  œufs  ,  que  tout  foudain  fes  Icures- ne  commençât 
fent  à  grofllr ,  fa  face  à  deuenir  violette ,  &  tachetée  de 
noir  en  diuers  endroits  ,  refcume  lui  venant  à  la  bou- 
che,comme  s'il  euft  aualé  de  la  poifon.  Làmefme. 

Vne  Dame  Itahenncbelle  &  vertueufe^nômee  Fran- 
cifquine,  femme  du  Comte  Matthieu  Phrygepan  ,  feir 
gneur  puiflant  &  excellent ,  auoit  atteint  l'aage  de  qua- 
torze ans  auant  qu'on  peuft  lui  faire  manger  de  chair 
quelconque.  Vn  certain  Cardinal  abhorroit  l'odeur  des 
rofes.Les  médecins  modernes  difent  qu'à  Milan  y  auoic 
vne  famille  cntiere,à  laquelle.lVfage  de  la  cafle  eftoit  R 
contraire, que  fi  quelqu'vn  d'icelle  en  euft  pris  il  mou- 
roit.Le  nombre  de  ceux  qui  ne  peuuent  goufter,ni  boi- 
re quelconque  goutte  de  vin,  fans  fe  faire  mal,  cft  grâd. 
l'ay  vn  de  mes  hls  qui  a  les  choux  en  abomination.Si  ie 
voy  du  creiToHïil  me  fait  horreur.  Chacun  a  quelque  af- 
feÀion  particulière.  Scaltger  en  la  IJ5.  exercitation  contre 
Cardanyfeci.io. 

Tay  conu  vne  vieille  femme,  qui  fuyoit  l'vfage  des 
melons,en  vn  pays  chaudreftimant  telle  viande  (infini- 
ment agréable  aux  autres  peifonnes  de  mefiiielieu,&dc 
fon  aage)la  plus  mauuaife  du  monde.  Mon  père  n'aia- 
mais  fceu  aualler  morceau  quelconque  de  heure ,  ni  de 
volaille  aucune.N'y  a  pas  long  tempsqu'\  n  Seigneur  de 
marque  mourut,  lequel  ne  pouuoit  mafchcr,  ni  aualler 
viande  aucune  ,  Ci  elle  eftoit  falcc  tant  peu  que  cefuft. 
Murante  au  ^Jiure  de  la  méthode  de  conoijlre  lesfimples, 

La  fille  puifnee  de  Frédéric  Roy  de  Naplcs  Princeflc 

très- 


tres-illuftre,quclquesfois  traidee  par  moy  pourceft  ef- 
feâ-jne  pouuoit  manger  de  chair,  non  pas  melmes  en 
goufter.Si  elle  en  mcttoit  vn  morceau  dedâs  fa  bouche, 
elle  tomboit  en  fyncope  tres-vehemente ,  &  iettoit  de 
terribles  cris,&  hurlemens,  tombant  de  Ton  haut  en  ter- 
re,ou  elle fc debattoit.  Cernai  lui  duroit  demi  heure: 
puis  elle  rcucnoit^  i'oy. Brafxuol.auComment.^/^.fitr le  i. 
iu  d'Hipp0crates,de  la  manière  de  viure  es  maladies  argues. 
Nousauons  conu  pluîieurs  perlonnes  qui  ne  pou- 
uoyét  en  forte  que  ce  fuil:  manger  chair.  Des  autres  qui 
euifent  mieux  aimé  goufter  de  la  poifon  que  mettre  vn 
morceau  de  fromage  en  leur  bouche.Il  me  fouuiêt  dVn 
Efpagnol,  qui  n'auoitiamais  mangé  de  poiflon ,  Toit  de 
mer,ou  d'eau  douce,  quel  qu'il  fuft.  Vn  iourconuiéà 
foupcr  par  vn  fîen  ami, on  le  feruit  d'vn  plat  d'œufs  par- 
mi lefquels  on  auoit  dcxtremét  mellé  du  poiflon  broyé. 
Mais  il  le  fentit  incontinent,  &  en  eut  tel  mal  de  cœur, 
que  le  vomiflemenr  &  le  flux  de  ventre  s'en  enfuiuifent 
tout  à  rbcurcfi  véhéments, qu'on  cuidoit  qu'il  en  deuil 
rendre  Vame.jimatus  Portugais  en  fa  z.CertturieiCure  ^6. 

Tay  veu  vn  homme  qui  ne  pouuoit manger,  ni  voir, 
ni  fentirles anguilles:  qui  plus  eft,  s'ilentroiten  quel- 
que maifon  &lieu  où  il  y  en  euft  de  viucs  fecretcment 
cachees,il  lui  eftoitimpofîible  d'y  rubiîfter,&  l'apperce- 
uoit-on  incontinent  en  eftrange  peine. Af.  Vveinrich,  au 
comm.des  MonJlres,chap.B.M.  Amhroife  Taré  fait  mention 
en  quelque  endroit  d'vn  Seigneur  en  France  ,  lequel 
tomba  pafmé  à  table  en  vn  banquet,où  Ton  auoit  ferui 
d'vn  anguille. 

Vn  dode  perfonnage  m'a  recité  auoir  veu  en  la  ville 
d'Anuers  certain  homme  qui  ne  failioit  de  tomber  en 
fyncope,fî  ésbanquets,où  ilcftoitconuié,ron  apportoic 
cochon  farci.  Car  i\  toft  qu'il  le  defcouuroit  de  Ci  loin 
quecefuft  ,  onle  voyoit  changer,  &  la  défaillance  de 
cœur  le  faifir.  Lacques  Horjlitu  en  fes  annotations  fur  L. 
Lemnius. 

Vne  grande  Dame  eftant  à  table  chez  vn  Côte ,  ayant 
tnangé  vn  morceau  de  rétine  de  icune  vache  (viâde  dé- 
licate i  plufieurs^fcs  leures  commencèrent  incontinent 


jSi  Hijloir es  admirables 

a  s'enfler  &  grofllr  merueilleufemciu:  Elle  confefloit  ai- 
mer telle  viande ,  mais  qu'incontinent  qu'elle  en  gou- 
ftoit  celle  cnfleurc  de  leures  furuenoit;  fans  qu'elle 
fceuft  }poux(\\xoy. Là mejme. 

Tay  remar  que  le  Comte  d'Arnftad  auoir  en  telle 
horreur  Thuilc  d'oliue,  qu'il  faloitpromptcmcnt  leuer 
de  deuant  lui  toute  viande  où  il  y  en  eut  tant  foit  peu, 
voire  l'emporter  toute  hors  de  fa  chambre  ,  autrement 
tout  foudain  il  tomboitcn  fyncope  merueiileufemenc 
dangereufe.L/i  mefme. 

Plufîeurs  de  noftre  temps  n'ont  point  mangé  de  pain, 
l'ayant  à  contre-cœur.Ie  conoy  vne  famille,dontlcs  fils 
ne  p«uuettt  manger  du  fromage  :  au  contraire  les  filles 
en  mangent  de  fort  bon  appétit.  Leur  père  n'en  man- 
gcoit  poinr>&  le  haiffoit:  la  mère  en  mangeoit.  P.  Torefl. 
en  l'annotai  ion  fur  l'okferuations.du  ^.Uu.ou  iltraitttdes 
fiettres, 

Vn  payfan  de  certain  village  près  d'Alcmar  en  Hol- 
lande,n'auoit  pour  viande  &  bruuage  choie  quelcon- 
que que  du  laiâ:  de  vache,  &feportoit  auffi  gaillard 
qu'homme  defon  quartier.L«  mefme. 

Conrad  Huber;,payfan  Suiifejdu  village  de  Tornac  en 
Tur^oUjbon  ioueur  de  fifre  entre  ceux  de  noftre  temps, 
depuis  fon  premier  an  iufques  au  ibixantiefme  qu'il 
mourut,ne  prit  \  iande  ou  nourriture  quelconque^fînon 
debouinie,fai(5le  de  farine  deftrempee  en  laid  ou  ea 
eau.  Etfi  parefprcuuc  ou  autre  finelle  onymcfloità 
fon  defceu  la  moindre  miette  de  pain  ,  ou  autre  chofe, 
tant  petite  qu'elle  fuft  ,  il  vomifloit  &  reiettoit  tout  ;  & 
ne  pouuoit  aualer  tant  peu  que  ce  fuftde  laid  crud. 
Quant  aux  autres  viandes,il  en  fupportoit  le  flair  :  mais 
impoflîble  luieftoit  d'en  goufter.  Quant  au  vin,il  en 
gouftoitquclquefois,rarement&  peu.  Zuingerau  é.li- 
ure  du  i.vol  defon  théâtre. 

Il  fe  trouue  beaucoup  de  gens  qui  ne  peuuent  porter 
l'odeur  des  rofes.    EftantàKomc  l'ayveu  le  Cardinal 
Carafe,  feigneur  fort  renommé  de  fon  temps  :  lequel 
tout  les  ans  au  temps  des  rofes  eitoit  contraind  fe  reti- 
ra 


dr  mémorables»  3S5 

rer  &  tenir  clos  en  vn  fîcn  palais  cfcarté  ,  dont  il  faifeit 
fermer  les  portes,  &  y  cftabliiToit-on  des  gardes  ,  pour 
donner  ordre  que  fes  amis ,  feruiteurs  &  autres  qui  ve- 
noyent  lui  faire  la  reuerence  &  receuoir  Tes  comman- 
demens,par  mefgarde  ne  portafTent  des  rofes  en  leurs 
mains. Entre  les  gentils-hommes  Romains  ,  y  en  auoic 
vn  nommé  Pierre  Melin,  dode  &  ingénieux  ,  lequel  e- 
ftoit  merueilleufement  interefle  en  fa  fanté  par  le  flair 
des  rofes.  Pierius  Valerianus  au  8.  Uure  des  Hiéroglyphe' 
ques  .traittant  de  l'efcarbot. 

Tayconuvn  moine  lacobin  ,  de  noble  maifon  en  la 
ville  de  Vcnifc  ,  lequel  fentant  vne  rofe ,  ou  la  defcou- 
urantdeloin,  fentoit  incontinent  défaut  de  cœur,  & 
tomboit  à  terre  tout  pafmé  ,  où  il  demeuroit  comme 
mort.  Pourtant  les  Médecins  lui  confeilloyent  de  ne 
bouger  de  la  maifon  du  temps  des  rofes  ,pour  fe  main- 
ceoir  tnÇznté.  Am<nttit  Portugais  en  fa  x. Centurie, cure  ^6, 

Dom  Henri  de  Cardone,Cardinal,tomboit  en  fynco- 
pc,fî  toft  qu'on  lui  prcfentoit  des  rofes  :  ce  dit  Philippe 
Ingrajfe  Médecin, en  la  queRion  de  la  Diette.  Et  de  noière 
temps  il  y  a  eu  vne  Prnicefle  qui  ne  pouuoit  fouffriren 
forte  que  ce  fuft  le  flair  des  rofes  ,  ains  efuanouifl'oit  lî 
l'on  en  portoit  dedans  fa  châbre.  Martin  Cramer  au  8./J- 
ure  de  Phijloire  de  Pologne  ,  tefmoigne  qu'vn  Euelque  de 
Breflavv,nômé  Laurét,fut  eftouffé  de  Todeur  des  rofes. 

Le  Dodeur  Ican  Echt,  médecin  ,au  moindre  flair  de 
chofe  odorante,efchaufee  &  fumante  ,fentoit  vne  mer- 
ueilleufe  altération  de  cerueau:  &  fi  toft  qu'il  fentoit  v- 
nc  rofe  rouge;ilcfternuoit  fort.  Cronenbourg  au  lo.  liu, 
decom.med. 

Quelqu'vn  ayaut  fenti  mal  au  coeur  de  voirie  ius  ti- 
ré d'vn  bafton  de  cafle,  eftant  malade  priafon  ^AcA^cin. 
de  ne  mefler  rien  de  cefuc  en  remède  quelconque  pour 
fon  fouIagement.Le  Médecin  ayant  oublié  ceft  aducr- 
tiflemcnt,  ordonna  vn  médicament  ou  il  entroit  de  la 
caiTc.  Le  malade  l'ayant  prins,commence  à  crier,  ie  fuis 
mortjla  cafl'e  me  tue,&  roft  après  ç^\nxz.AlexAnd.  Bene- 
diâ.en  U  préface  du  Uure  de  la  fieurepeftilentielle. 
il  y  a  toute  vne  noble  famille  en  la  ville  dôîie  fuis^dc 


384  Hijioires  admirables  * 

laqucUcpcrfonnCjnihommc,  nifcmme,nigrand,  nipc- 
tit,ncpcut  fupportcr  ca  mccîicamens  le  ûiaphenicon: 
ains  tous  le  vomiflcnr,comnic  ie  l'ay  veu  pluficurs  fois. 
Mareel.Dottat.au  liure  du  Mechoacan. 

Bernard  Bony,dc  la  noble  famille  des  Ragoufesjieunc 
gentil-homme  aagé  de  vingt  ans,&de  tempcracine  bi- 
licu(e,ertant  venu  vers  moy  pour  me  faire  voir  de  (on  v- 
ri!iCj&  eftrcfecouru  de  mon  aduis^fi  ie  conoiflc»is  quel- 
que indifpofition  en  lui  :  ie  defcouurcdu  mal  en  Tes 
reins,&  des  commencemcns  de  grofle  vérole.  Pourtant 
ie  commence  à  efcrire  l'ordonnance  de  quelques  fyrops 
poùrrenuoyer  àl'Apoticaire.  Mais  il  dit,que  ie  ne  me 
haftaflc  pas, d'autant  qu'il  abhorroit  Toutes  cholbs  dou- 
ces,ainfi  que  ic  l'aperceus  puis  après:  comme  le  mieil,  le 
fucre,&  tout  ce  qui  en  eftoit  comporé  :  poifon  pour  le 
faire  mourir  en  peu  d'heures ,  s'il  en  taftoit.  Il  né  man-  ' 
geoit  nullement  de  raifîns,de  figues,  de  poires,  de  pom- 
mcs,de  coings,de  grcnadcdepefchesjde  prunes  ,  difanc 
qu'il  y  trouuoit  de  la  douceur.Il  mangeoit  des  noix,  de* 
amendes  &  pignons. Le  vinaigre  eftoit  fa  faulfe ,  &  pre- 
noit  gouft  aux  chofes  falees  ,  ne  pouuant  boire  du  vin 
blancni  de  la  maluoific.  Son  brcuuage  eftoit  de  l'eau. 
Ccfte  difpofîtion  confideree,  ielui  ordonnay  des  reme-* 
des  propres  à  fa  maladie  ,  dont  il  fut  foulage.  Amatus 
Pfirtugais,en  la  6.centur.eure  6. 

Il  y  a  des  corps  aufciuels  les  medicamens  doux  &  bé- 
nins font  autant  de  peine  que  les  violcnsrce  que  les  mé- 
decins ontmaintcfois  obfcrué  en  vnc  grand' Dame  de 
noftre  temps  ,  luidonnant  vn  peu  de  manne  pour  la. 
purger  doucement.  Car  après  î'auoir  prinfejonroyoit 
plaindre  le  vctrc,auoir  appétit  de  vomir ,  crier ,  eftre  a- 
batue,ruer  de  façon  extraordinaire,&  agitée  d'autres  di-; 
uers  accidcnts:&  toutc.sfoisellc  aefté  fouuent  purgée 
par  autres  plus  forts  mcdicamers,  fans  aucune  molefte. 
Vn  fien  neueu,  feigneur  belliqueux  &  dode  en  toutes 
fciencesjde  tépcrature  bilieufe,n'aiamais  peu  eftre  pur- 
gé par  prinfe  de  manne  :  tellemct  que  cefte  famille  fem- 
ble  auoir  celade  propre  que  la  mànc  lui  eft  cô traire. Af/^- 
runte  au  iMn.de  la  Méthode  de  conoijire  Us  Jimples,chap.^i 

Nous 


é^  memouhles.  jgj 

Nous  auons  conu  vn  vaillant  ibldat,  lequel  ne  pou- 
uoit  voir  ni  Centir  la  rue,  herbe  commune  :  mais  m1  la 
dcfcouuroitdeloin,  on  le  voyoirincontinentgaignei: 
le  haut,  &  s'enfuir  comme  vn  homme  vamcu.  Marcel, 
DonatiOH  6Mt*re  des  hift.  admirables  de  médecine,  chup./^. 


NO  PC  ES  dûuloureufei. 

ANtoin'e  PeriUe  Neapolitain ,  ieune  homme  ri- 
chômais  deftitué  de  confcil ,  ayant  defpendu  pre(^ 
<jues  tout  fon  bien  aux  leux  de  cartes  &  de  dez ,  s'amou- 
racha comme  tout  à  coup  de  la  fille  d'vn  notable  mar- 
chant>&  ayant  fondé  la  volonté  d'icellcla  requit  en  ma- 
riage. Le  perc  nommé  Pierre  Minio ,  lui  en  fit  refus,  ^ 
caufedefon  mauuais  mefnageconu  partout,  PeriUc 
picqué  de  honte  &  d'amour  commence  à  Te  rcrucjiler,&: 
ramaflant  Ion  refte  délibère  faire  vn  voyage  en  Alexan- 
drie d'F.gypte;pour  commencer  quelque  trafic.  Il  s'em- 
barque aucc  quelques  marchans  pourceft  eiled  :  mais 
ayant  faitvnc  bonne  partie  du  chemin, il ell  acucilli  d'v- 
nc  furieufe  tourmente  demer,&  au  boutde.troisiours  le 
raifleau  qui  le  poitoitprinspar  vn  cotrfaire.  Ayant  ert4 
captif  en  grand  qiilcre,  Minio  riche  marchant ,  &  chari- 
table, (couîlume  qu'il  auoit  de  longue  mainjeuchar- 
gca  quelques  fiens  fadeurs  faifans  voile  en  la  coite  de 
Barbarie,de  racheter  des  majns  des  courfaires  Mahume- 
tains  dix  prifonniers  Neapolitains  ,  defquels  (s'il* 
auoyent  quelques  biens  au  pays  )  il  fe  faifoit  rembourfer 
auec le  temps.  Et  quant  aux  pauures ,  il  les  gvatifioit  de 
leur  rançon.  PeriUe  fut  du  nombre  des  dix,&  de  retour 
à  Naples  ayant  communiqué  fecrettemeut  auec  la  fille 
de  Minio,  qui  lui  promit  mariage ,  il  trcuue  m.oycn  de 
le  rembourfer  de  fa  rançon,  &.  Cx:  faire  vn  nouucauvoy- 
ageenLeuant,  où  il  ht  heureux  trafic,  &  en  peu  de 
temps  fe  vid  plus  de  biens 'que  fon  père  ne  lui  en  auoic 
Iflifle  :  le  comportant  au  tefU  û  vcrtueufemeatiq w*il  ac- 


JÎ6  Mijloires  admirables 

<juit  la  bicn-vueillance  de  tous,rpccialeir»cnt  cîc  Minfa,! 
auquel  ayant  pour  la  féconde  fois  demandé  fa  fille  en 
mariaecjcllc  lui  fut  accordée,  au  grand  contentement  de 
tous  les  parensflc  amis.  Les  nopccsce  célébrèrent  en 
grand  ioycau  mois  de  luin  :  &  comme  fes  ie unes  gens 
cfteyent  au  lift  deuifans  des  merueilles  paffecs  voici  vn 
orage  impétueux  qui  s'eflcue  ,  &  des  tonnerres  du  tout 
cftranges,  acompagnczd'eidairs  terribles  :  finaieirienc 
furumtvncoup  de  foudre,  lequel  tualerpoufé  ScTef. 
poufecqui  le  tenoycnc  embraflcz ,  finiflant  le  plaifîr  de 
leur  mariage  folennizé  ce  four,  auec  les  douleurs  & 
Ibufpirsde  leur  vie.  Ils  furent  enterrez  enfemblc  fore 
îionnorablement ,  &  auec  vn  magnifique  conuoy  ti« 
toute  la  ville,  nijl.  di Italie. 


PAILLARDS  funls. 

LO  R  s  que  le  Roy  Louys  Xll.fit  la  guerre  a  ux  Véni- 
tiens, &  que  ritalie  eftoit  rudement  csbranflcc  par 
la  fureur  d*vne  longue  guerre ,  certain  Gentil-homme 
Milannois  ennuyé  de  tant  de  maux  fe  retira  en  vnfien 
chafteau,poury  viure  en  Ion  particulier.il  eftoit  veuf,^ 
aagc  de  6o.ans,ayant  vn  fils  aagé  de  xo.  ans.  &  vn  autre 
beaucoup  plus  ieunc.  Son  aage,la  mifere  du  temps,&  fa 
qualité  dcuoyent  le  retenir  en  la  voye  d'honneur  :  mais     i 
oubliant  le  deuoir  dVn  gcnul-homme  il  s'amouracha    v 
dVnepayfane  fille  de  fon  piellayer,  laquelle  il  acheta    a 
deniers côptant  de  l'exécrable  pere,qui  laluivêdit&li-    i' 
ura.  Ccftegarcelubrique&defcfpercment impudente,  ji 
ayant  ferui  quelque  têps  à  la  vilenie  du  père  deuintef-   );. 
pcrduemêt  embrafec  de  l'amour  de  fon  filsaifné,lcquel  \) 
ayant  chcualé  par  diucrfcsrufcs,finalcmentvniour:>'ai-  i  , 
dât  d'vne  ficne  coufinc & macquerclle,  raborde,&  après  I  i 
les  préfaces  acouftumees  à  telles  impudiques  lui  defcou- 
ure  honteufementfa  poitrine  &  fon  coeur,  eilayantauec 
larmes  &  foufpici;  de  l'induire  au  crime  d'incefte.L'hon- 
pcftç  adolefcent,  «ffrayé  de  telle  refponfç  eil  tellement 

forcifié 


(^  memgrxhles.  %%y 

fortifié  de  Dieu  ,  que  ^on  content  d'cxcufe  modelle  & 
^  fimpk  refusjil  tance ^riefuemcnt  &  celle  qui  le  ten- 
roit ,  &  l'autre  qui  la  fccondoujles  renuoyant  &  mena* 
çant  par  beaucoup  de  paroles. 

La.conuoitife  furieufedc  cefte  chienne  le  conuerric 
incontinent  en  haine  horrible,  qui  lui  fait  prendre 
le  chemin  de  confufîon.Si  toft  que  le  pcre  eil:  de  retour, 
la  paillarde  fc  plaind  à  lui, que  ion  tils  auoit  trois  ou 
quatre  mois  durant  cilayé  de  la  corrompre  :  finalemenc 
s'el^oit  eftorcé  de  la  violer  ,  fans  laferuante  qui  eftoïc 
acourue  au  fecours.  Lui  adiouftant  foy  à  cemefchann 
rapportjconhrmé  parla  maqucrelle  ,  commence  à  mur- 
murer entre  les  dents:  &  fur  ce  voici  entrer  fon  f.ls^ 
contre  lequel,  fans  dire  autres  parolcb,  /inon  ,  ha!  mef^ 
chant  traiftre  ,  eil-ce  a  moi  que  ru  veux  t'adrefîcr ,  pour 
iouër  tels  traits  ?  ilfe  rue  Tefpee  au  poing.  Le  ieune 
Gentil-homme  fe  dellournîmt  pour  euiter  le  coup: 
&  ne  fe  ibuuenant  qu'il  eftoit  fur  vn  deftroit  non  a- 
puyé  refpondant  a  deux  logis,  toicbe  à  la  rcnucrfe 
de  haut  en  bas,  latelledeuant,  laquelle  fur  efcrafee, 
ayant  donné  contre  vne  pierre  au  fond  du  folle,  telle- 
ment qu'il  expira  foudain.  Le  parricide  penfant  qu'il 
îuiliauté  de  ion  mouuement,  courut  après  vfant  de 
nouuelles  menaces.  Mais  defcenJu  à  bas  ,  &  voyant 
fon  fils  en  tel  eftat,  après  des  cris  de  fureur  &  de  del- 
crpoir,ioind  à  vne  deteftation  de  Tes  forfaits  prece- 
<lens,&de  la  mefchanceté  de  fa  paillarde, il  le  perça 
de  part  en  part  de  ion  efpee,  tombant  fur  le  corps  enco- 
les  chaud  ^  trcmblottant  de  fon  fils,  &  fe  veautrant  au 
fang  commua  d'eux  deux  s'en  alla  en  fon  lieu.  Quant  ^ 
la  paillarde ,  entendant  par  les  clameurs  cflVoyables 
des  domeifiqucs  ce  qui  elloit  auenu,  toute  agitée  de 
fureurs  vcngcrefl'cs,  ou  pluftoft  pourfuiuie  du  redou- 
table ujoemcntde  Dieu,  vengeur  du  fang  innocent^ 
elle  s'enfuit  deuers  vn  puiîis  de  la  maifon  ,  où  elle  fe 
lance  la  telle  deuant,&:  y  ell  eltoufce.  Le  Podcilac 
de  Milan  appelle  pour  voirie  tout, le  laifitde  la  1er-- 
nante,  lui  fait  coutelier  à  la  queftion  tout  le  fait  :  au 
»oyen  dç  quoy  çllc  fui  pendue  &  clbanglce  :  les 


'388  Hijloires  admirables 

corps  d'elle ,  de  la  paillarde  &  du  vieillard,  exjiofcz  6R 
proye  aux  oii'eaux&aux  loups.  Mais  le  ieune  gentil- 
homme fut  en  grande  pompe  porté  en  terre,&  pour  fa 
vertu  regrette  de  grands  6c  de  petits,autant  que  les  coul- 
pablcs  furent  &:  font  encorcs  detcftez  de  la  pofterité. 
Hifi.  d'Italie. 

Vn  Flamand, natif  de  Gand,de  fî  bas  liei, qu'on  ne  le 
conoifToitpoint^ayant  couru  &  rodé  par  la  France  &  au- 
tres régions  pour  le  defpayfcr ,  y  aprint  à  eftre  hardi  en 
paroles  &:  ehtreprifes,  &  deuenu  homme  fait,rufé ,  par- 
lant diuerslangages,&  afTez  bien  équipé  vint  à  Bruges, 
où  il  fit  en  forte  qu'il  eut  entrée  &  demeure  en  la  niai- 
fond'vn  fort  honnefte  &  riche  marchant,  pered*vne 
tres-honnefte  fille,aagce  d'enuiron  feize  ans.Ce  galand 
fait  a  croire  qu'il  eftoitde  bonne  maifon  d'Alemagnc, 
&  que  pour  n'eftre  forcé  d'efpoufer  vnc  certaine  hlle 
qui  lui  eftoit  defagrcable ,  il  s'eftoit  abfenté  pour  vn 
temps  de  la  maifon  de  fon  pere.Sur  ce  il  fc  comporte  a- 
oec  tant  d'artifices ,  que  fous  prom  efle  de  mariage ,  il 
desbauche  mefchamment  la  fille  de  fon  hofte,&  fanale- 
ment  TengrofTe.  La  merc  ayancau  bout  de  quelques  fe- 
maincs  defcouuert  ce  fale  mefnage ,  tire  la  fille  à  part, 
cjuien  prefencedu  pere^defcouure  fa  faute.  Lepcr% 
homme  decœur,nepouuantrouftrirvn  tel  affront,  fait 
empoigner  ce  matois,  &lepourfuit  criminellement. 
Tenu  de  près  par  fes  iugcs,  il  confelTe  ne  fçauoirquie- 
ftoit  fon  père ,  fa  mère  eltoit  perie  de  pauuretc  ,  n'auoic 
parentage  ni  aueu  de  perfonnc  ni  à-GandjOÙ  il  eftimoic 
eilre  né;ni  ailleurs.  \.qs  luges  voyant  l'audace  de  ce  bc- 
liftre,quiauoitfi  indignement  fouillé  vne  maifon  ho- 
norablc,le  condamnèrent  &  firenc  publiquement  exécu- 
ter à  moK.uijiûire  de  noftre  temps. 

Nicolas  prince  d'Opohc  en  Silefie  fut  de  fon  temps 
homme  eil:rangement  adonné  à  corrompre  femmes,  & 
filles,tellcment  que  la  pudicité  des  plus  chartes  n'eftoic 
pas  alTeurec  près  de  lui.  Ayant  continué  ce  malheureux 
train  quelque  temps,  le  iugemcnt  de  Dieu  Tattrappa 
J  an  i458.comrae  s'enfuit.  Lui  &  le  Prince  lean  ion  frè- 
re îT^ 


C^memorAhles.  389 

Tcs'eflans  trouuczà  Nifl'e  enrafTemblee  des  eftats  de 
Silcfie,conuoque7,par  Cafimir  prince  &  gouuerneur  du 
pays:  d'auanture  Ton  apporta  en  pleine  afTcmblee  à  Ca- 
fimir vn  paquet ,  lequel  ouuertil  bailla  les  lettres  à  l'E- 
uefque  de  Niffelà  prefent  pour  les  lire.NicolasJioramc 
turbulent  &  impetueuxjimaginant  que  c'eftoit  quelque 
partie  drelTee  contre  lui,pour  s'emparer  de  fa  perfonne, 
met  la  main  au  poignard  ,  &  devitefl'e  férue  contre  Ca- 
/îmir  & l'Euefque ,  Icfqucls ils blefla,  mais  légèrement: 
pource  que  plufîeurs  Seigneurs  &  gentils-hommes  fc 
mirent  incontinent  entre  deux.Nicolas  ayant  failli  fo» 
coup  fe  fauue  en  la  franchife  du  temple  ,  d'où  il  fut  tiré 
parlccommandcmét  de  l'Euefque,  qui  allégua  que To» 
ne  deuoit  eu  tel  cas  fc  foucier  des  loix  Ecclefiaftiques,5t 
qu'aifément  il  reconfacreroit  le  lieu. Nicolas  ramené  e« 
l'aflemblec  &  afprement  rabroué  ,  fut  ferré  en  prifon,&; 
le  lendemain  17.  luin ,  par  fentencc  du  naagiftrat  ordi- 
naire décapité  publiquement. La  couftume  de  ce  temp»- 
li  n'eftantque  l'onportaft  hauts  de  çhaufl'es  en  ces 
lieux-là,quand  le  corps  de  Nicolas  tomba,  il  fut  veu  en 
tel  eftat  que  Nature,  par  lui  tant  corrompue  fembla  luî 
reprocher  deuant  tous  les  ordures  palfees.  JoâcluCm<£M^ 
tnfes  annale i  de  Silefiejpag.zi^. 

PASSIONS  vehemenies de dueiU deioycy 
de  idoufie^defeuYyde  trijtejfey&c. 

DV  temps  que  Csefar  BorgiaDucdcVaIcntinois,5^' 
fils  du  Pape  Alexandre  fixiefme  ,  dominoit  en  U 
Komagne,  comme  François  Guichardin  le  monftre  ei> 
fonhiitoirc  des  guerres  dltalie  ,  fe  trouua  dedans  la 
ville  deCefenc  vnieune  homme  nommé  Liuio,  le- 
quel s'eftant  amouraché  de  la  fille  d'vn  fien  voifirr^ 
nommé  Camille  ,  &  fe  voyant  rebuté  du  commence- 
ment tomba  en  maladie  qui  le  menaïufque.^  au  fueil 
de  la  mort.  Camille  entendant  ceftc  nouuelle  ,  changp 
«i'auis ,  &  cftant  allée  voir  la  foeur  de  Liuio,  laquelle  Çj- 


3  9  ©  Hijfoires  admirables 

ftoitaufïî  griefucmcnt  malade  en  vne  chambre  proche, 
fa  voix  rcconucpar  Liiiio,  ilfutfaifi  de  fi  vchcmcnte 
pafïron,  qu'après  quelque  cri  la  parole  &  toute  vigueur 
lui  fiiillic.Sa  loeur  &  Camille  y  eHans  courues ,  car  ji  n'y 
auoit  ou'vne  cloifon  de  bois  maliointc  entre  deux,  Ca- 
mille ne  pouuant  plus  fe  feindre , commença  à  ioindre 
fa  hcc  à  la  fiene  ,  tellement  cju'il  reuient  à  foy ,  &  en- 
tend d'elle ,  que  fi  Ton  père  trouuoit  bon  leur  mariage, 
elle  n'y  contrcdiroit  point.  Liuio  guéri  fait  demander 
Camille  fclon  Tordre  acouftumé  entre  gens  d'honneur, 
le  père  remet  la  decifion  au  retour  du  voyage  de  Ton 
filsaifiié  lequel  eftoit  à  Rome.  Camille  attendant  ce 
retour  s'apprmoife  tellement  de  Liuio,  que  fanspou- 
uoir  patienter  d'auantage,  il  fe  promettent  mariaoc  par 
Jjaroles de  prefent.  Or  ce  frère  nomme  Claude,nt  tant 
qu'ildcftournafon  père  de  ce  mariage,  tellement  qu'on 
donna  congé  &  refusa  Liuio,  dont  Camille  fut  fi  do- 
lente ,  qu'après  eftre  tombée  en  diucrfes  pamoifons 
«'alitta.  Liuio  d'autre  cofté  la  foîlicite  par  lettres  &mef- 
fagcs  fccrets  à  raccompliffementdc  leur  mariage.  Eux 
trouuent  moyen  de  dcuifcrenfcmble,& prennent hcu^ 
rc  au  foir  pour  leurs  nopces  clandeftines.  Ce  qu'ayant 
"fait,  &  couche/  enfemble ,  le  icune  homme  tranfporcé 
de  ioye  &  de  Timperuofitc  defon  dcfir,  au  bout  de 
quelques  heures  trefpafla  près  de  Camille  ,  laquelle  le 
ftntant  froid  &  expiré  rendit  aufli  Tcfprit.  La  fer- 
i.Tntcqui  auoit  fait  lcsmcflages,conimencc  àcrier  ,l,c 
frère  accourt,&  voyant  ce  inelhage  lui  donne  vn  coup 
mortel,  tlle  dedure  tout,  &  meurt  deux  iours  après, 
Claude  û la  telle  n^uichec  pour  ce  meurtre.  Hifioire  cCi- 
faite. 

En  la  guerre  quele  Roy  Ferdinand  mena  contre  la 
Vefue  du  Roy  Ican  de  Hongrie:autour  de  Bude,vn  gen- 
darme fut  particulièrement  remarqué  de  chacun  pour 
auoir  excenîuement  bien  fait  de  fa  perfonne  en  cer- 
taine mçllee  ;  &jinconu,  hautement  loué,  &  plaint, 
y  eftant  demeuré.  Mais  de  nul  tant  que  de  Raifciac, 
Seigneur  Aleman  ,  cfpris  à'\nQ  Ci  rare  vertu.  Le 
toip  eilant  rapporté ,  ccftui-ci  d'ruc  commune  cuno- 

/îcéi'a/K 


érmemorahl»,  391 

(îté  s'approcha  pour  voir  qui  s'eftoit  :  &  les  armes 
oilccs  au  Mcfpaiîe  ilrcconut  Ton  fils.  Cela  augmen- 
ta la  compaffion  aux  aflillans  :  lui  feul  i'ans  ri  eh  à\- 
rc  ,  fans  filler  les  yeux,  fe  tint  debout,  contemplant 
fixement  le  corps  de  Ton  fils  ,  iufques  à  ce  cjue  la  vé- 
hémence de  la  trilteflc  ,  ayant  acablé  fc$  efprirs  vi- 
taux,lc  porta  roide  mort  par  terre.  Paul  loue  en  [es  hifii»~ 
rei,  Aîichel  Seigneur  de  Montagnes  aie  iMure  defei  EffxU^chx- 
fitrex, 

L'ani^oi. lors  que  les  François  conquirent  po*ir  la 
féconde  fois  le  Royaume  de  Naplcs,fous  la  conduite  du 
Seigneur  d'Aubigny,  Lieutenant  du  Roy  Louys  XII. 
vn de  fils  des  GilbertDucdc  Montpenfier ,  eftant  allé 
à  Ponzzol  pour  voir  le  fepulchre  de  fon  pcrc  (  mort  es 
précédentes  guerres  d'Italie,  &  Li  enterré)  fe  faifît  telle- 
ment, qu'après  auoir  refpandu  vne  infinité  de  larmes,  il 
tomba  mort  fur  le  fepulchre  mefme.  GmcharilnauciiT- 
^uiejme  U un  des  guerres  d' Italie, fe^l,'). 

Sur  la  fin  deTan  mil  cinq  cens  cinq ,  le  Cardinal  Hip- 
polyte  d'Eft,  aimât  ardemment  vne  ieune  fille  fa  paren- 
te, laquelle  n'aimoitde  moindre  affedion  Don  lulcs^ 
frercbaftard  du  Cardinal,  &  confcilant  elle  mefme  au 
Cardinal  que  fur  toutes  chofcs,  ce  qui  la  rendoit  fi  fore 
amoureufe,eiloitla  beauté  des  yeux  de  Don  Iules  :  le 
Cardinal  plein  de  furie,ayant  efpié  le  temps  auquel  Iu- 
les fortiroit  de  Ferrare  pour  aller  à  la  chafTe,  Tenuironna 
en  la  campagne,  &  l'ayant  fait  dcfcendre  de  cheual ,  lui 
fit  par  quelques  fiens  rftafficrs  tirer  les  yeux  hors  de  la 
tefte,pource  qu'ils  eftoyenccopagnons  dcibn  amour,  de 
eut  bien  le  cœur  de  regarder  vne  relie  mefchanceté  :  ce 
qui  fut  depuis  caufe  de  trcfgrands  fcandalcs  entres  le« 
ircTCS.  F.  G  uichardin  tout  à  lifin  du  6.liu.  des  guerres  d'itaUs. 
Ferdinand  frerc  d'Alfonfe  Duc  de  Ferrare,  &  de  Iules 
(fufnommé)  auquel  le  Cardinal  Hyppolyt^  d'Ert  auoic 
fait  arracher  les  yeux ,  mais  Icfqucls  par  la  propre  &  dili- 
gente cure  des  Médecins  lui  furent  remis  fans  perte  de  la 
vcue,côfpiraensébleauec  leditluleslamort  duDuc.Fcr 
<iinâdqui  eitoit  le  fccôd  après  le  Duc  fut  incité  i  ce  fai- 
Vpar  la  côuoicife  des'tparcr  de  la  duché;&  Iules,pour- 

Bb   4 


39^  Hiffûires  admirahks 

ce  qu'il  lui  fembloit  qu'Alfonfc  ne  s'cftoitrcfTcnti  du 
toit  qu'on  lui  auoit  fait,  &  parce  qu'il  cftoit  hors  d'ef, 
perancedefepouuoir  autrement  venger  du  Cardinal. 
De  leurs  confeils  &  cntreprifes  eftoit  participant  le 
Comte  Alberrin  Bofchct,  Gentilhomme  de  Modene:  & 
comme  Us  cuiTentgaionc  &  corrompu  quelques  gens 
de  baffe  condition  ,  qui  eftoyent  continuellement  près 
d'Alfonfe  pour  lui  donner  plaifir,  ils  eurent  plufieurs 
fois  vn  trefgrand  moyen  de  le  taerî:  mais  retenus  d'vne 
timidité  fatale,  ils laifTcrent  toufîourspaiTer  Toccafion, 
en  forte  que  (commeilauientprefque  toufiours,  quand 
l'exécution  àcs  coniurations  eft  différée)  la  chofe  eftant 
venue  en  lumière,  Ferdinand  &  les  autres  complices 
furent  emprifonnez ,  &  Iules,  qui  (la  confpiration  dcC- 
couuerte)  s'en  eftoit  fui  à  Mantoue  vers  fa  fœur,fut  par 
l'ordonnance  du  Marquis  enuoyé  prifonnierà  Alfbniè, 
après  auoirreceu  promefle  qu'il  ne  le  feroit  point  mou- 
rir. Le  Comte  Albertin  fut  efcartelé  auec  les  autres  coul- 
pables,  &  les  deux  frères  condamnez  à  demeurer  perpé- 
tuellement prifonniers  dans  le  Chafteauneuf  de  Ferra- 
re.  ».  GtHcharcUnait  'jMa.f.cl.^. 

Le  Cardinal  de  Pauie  ,  Légat  du  Pape,s'en  eftant  fui 
de  Bologne  aff  cgee  par lesFrançois  l'an  1511.&  efté  cau- 
le  de  laperrc  à'icclle  ,  &deplu/îcurs  grands  defordres 
<\\.n  s'en  ciloycntenfuiuis,  fut  accufé  d'infidélité  parles 
vns,de  couardife  &  d'imprudence  par  les  autres. S'eftant 
retire  à  Rauennc,  pour  fe  purger  de  ce  qui  eftoit  auenu, 
flenuoyaiîgnifier  fa  venue  au  Pape,  &  lui  demander 
audiance.  Dequoy  le  Pape ,  qui  l'aimoit  grandement, 
futfenrtioyeux,  Ôcle  conuia  au  difncr  auec  lui.  Mais 
comme  il  y  alloit,  accompagné  de  Gui  de  Vaine  fon 
beaufrere ,  &  de  la  garde  de  fes  gen«  de  chenal  ,  le  Duc 
d'Vrbin,  chef  de  l'armcc  du  Pape,  ancien  ennemi  de  ce 
Cardinal  j  encorcs  enflammé  de  defdnin  &  defpir,  de  ce 
qu'il  difoit  la  rébellion  &  perte  de  Bologne  eftve  aue- 
nue  par  fa  faute,  &  au  moyen  d'icelie  la  defroute  de  l'ar- 
mée, dont  il  eftoit  chef,  l'alla  trouucr,  &  eftant  entré 
parmi  leschcuaux  defagarde,  qui  par  honneur  lui  fai- 
foycm  largue,  iJytua  àc  fa  propre  main  auecvn  poi- 
gnard cç 


S'^cmorâbles.  593 

grardcc  Cardinal,  parauanture  digne  j  pour  le  degré 
c]u'iltcnoit,de  n'eftrc  point  violé  &  outragé  :  maistrcP 
digne  de  tout  cruel  fupplice ,  à  catife  de  fes  vices  enor- 
Jnes  infinis.  Fr.Gttlchardin  au  ^Mi*re  fefl.lS, 

Le  Sjeur  Yucsd'Alegre  ,  chef  d'vnc  compagnie  de 
gcnfdarmes  en  la  bataille  de  Rauenne,donneel'an  iju. 
voyant  vn  bataillon  de  piétons  Italiens  faire  telle  aux 
Gafcons  ,  leur  donna  fi  rude  charge  qu'il  les  fitrcculer, 
inaisauec  plus  grande  valeur,  que  bon-heur  au  regard 
du  fucccsrparce  que  le  fieur  de  Viuarais ,  Ton  propre  fils, 
ayant  cfté  prefques  aufTi  toft  tué  deuât  Ces  propres  yeux, 
lui  ne  voulant  furuiure  après  vne  fi  grande  douleur ,  fe 
iettaauecfon  chcual  en  la  foule  la  plus  efpailfe  de  fes 
ennemis ,  où  il  fut  tué  (  après  en  auoir  fait  mourir  vn 
grand  nombre  )  combattant  comme  il  apartenoit  à  vn 
vaillant  capitaine.  Fr.Gmchardm  ait  iz.littre  feâ.n^.     ' 

Philippe,pcre  de  Pierre  Strofli,chef  des  bannis  de  Flo- 
rence contre  le  Duc  Cofmc  de  Medccis,ayant  efté  prins 
prifonnier  en  bataille,  craignant  d'eflre  exécuté  à  mort 
parles  mains  de  iuftice,refolut  defc  deffairc  foi-mefme. 
Là  defTus  auint  quVn  Efpagnol  qui  le  gardoit,fortant  de 
la  chambre  où  Philippe  eftoit,'fut  Ci  mal-aduifé  d'y  laif- 
fer  fon  efpee.  Si  toft  qu'il  fut  vn  peu  eflongné,  Philippe 
ferme  la  porte  au  vcrrouil  dcfl'us  foi,  &  empoigne  prôp- 
tement  cefte  efpee ,  dont  il  met  la  pointe  contre  fa  gor- 
ge, &  fe  panchant  de  toute  fa  force  deflus,  fe  tranfperça 
&  tua  fur  la  place.On  trouua  fur  la  table  vn  petit  billet 
efcritdefarnain,  portant  que  lui  quin'auoitfceu  viure 
comme  il  apartenoit  ,  s'cftoitabregé  fesiours,  pour  ne 
fubfifter  pltis  long  temps  au  monde.  Entre  les  Stoiques 
ce  fait  feroit  au  tant  célèbre,  qu'il  mérite  d'cftre  detefté 
de  tous  ceux  qui  font  inthuits  en  lavrpyc  Philofophie. 
P.  Joue  en  fes  hijioires.  Shpplcment  de  SubcUù. 

Antoine  Vrcé,  furnommé  Codrus  ,  ào6tc  perfonnage 
de  noftre temps,  côme  fes  cfcrits  imprime/,  en  font  foy, 
auant fa  chambre  Si.  cHudc  en  vn  endroit  reculé  du  pa- 
lais de  Forli ,  mais  R  obfcur  furie  commencement  du 
jour  lufques  fur  les  neuf  heures ,  qu'il  faloit  neceflaire- 
tiicnx  allumer  la  chandelle  pour  y  voir  viair,    11  fe  fer* 


5  94  Hijioires  admirables 

lioit  dVnc  lampe  de  terre,  fort  belle  &  ingcnicufcment 
faîte,  au  haut  de  laquelle  eiloit  emprainte  vne  deuiie 
iatinc,  pji^rtant  en  fommaire,  Que  les  eOudcs ,  qui  fcn- 
tcnt  la  lampcfeiucnt  bon.  L'ayant  laifle  allumée  en  fa 
chambre,  auint  qu'il  en  forticdu  matin  pour  vaquer  à 
ç|uclque.s  ataires  par  la  ville.  Surce,on  ne  Içait  commet, 
le  feu  le  pnat  a  des  papiers ,  &  en  peu  de  temps  enuahit 
tous  les  coins  &  endroits  de  ceft  eftude,  où  tout  fut  con- 
Tume^cât  papiers,liures,que  meubles. Entre  autres  efcrits 
dciamainfutbruflé  vnliure, intitulé  Paftor,  corne  tout 
îcrefte  de  fbn  vaillant ,  au  regard  des  biens  du  monde. 
Onditqu'aux  premières  nouuelles  de  ceft  embrafe  met 
il  entra  en  tel  delpitôc  courroux  contre  foi-mefme  ,  que 
i»'craianc  comme  vn  forcené,  &  courant  par  les  rues  vers 
le  palais,eftâtpres  de  la  porte  de  fa  «chambre,  où  il  n'ofa 
entrera  cauic  du  feu,  il  commence  à  djre,  adrcirantfoii 
propos  au  Fils  de  Dieu  ,  Quet*ay-iefait,  O  Chnft,  ou 
qui  ai-ie  oiFcnfé  des  tiens,  pourquoy  tuayes^ume 
frapper,  &  delployepfur  moi  le  tcfmoignagcd'vne  hai- 
neincxpiable  ?  Se  tournant  puis  après  vers  vne  image 
<iela  vierge  Marie  :  Efcoute  vierge ,  dit-il,  ce  que  ie  te 
(declairc  d'entendement  raffis,  &  comme  ic  le  penfe.  Si 
«î'auanture  fur  l'heure  de  montrefpas  ic  me  recomman- 
<îc  a  toi ,  ie  te  prie  ne  m'exauce  pas  ,  ni  ne  m'accepte  au 
nombre  des  tiens,  ie  fais  cftat  d'eftrc  damne.  Ses  amis  li 
prefcns  firent  tout  leur  poflible  ,  pour  adoucir  cefte  fu- 
reur :  mais  la  cholcre  bouillante  &  faifant  vn  feu  dc- 
«iansTamedc  cemiferable,  plus  ardant  &  violent  que 
nulfeu  du  monde,  nepcrmettoit  qu'il  peuil  ouyrpa- 
lole  quelconque  qui  le  redrcflaft.  Il  fut  tellement  aca- 
blé  de  fa  pad'ion, qu'ayant  menacé  tous  Tes  amis  s'ilss'in- 
^croycnt  de  la  fuiurc  ,  il  fortit  de  la  ville  ,  &  fans  pou- 
noir  s'arreiler  courut  Te  fourrer  dedans  vne  foreft  efpail- 
fe  proche  de  Forh  ,  ou  ilpafla  tout  le  iour  en  terribles 
<ii(cours  &.  tracas  d'elprit,  comme  chacun  peut  p<;nrer. 
Jîftant  reuenu  fort  tard ,  &  tronuant  les  portes  fermées, 
il  fe  coucha  fur  vn  fumier,  où  il  attenditle  iour.  Au  ma- 
tin il  lentrp  ,  &  fe  va  cacher  en  la  maiibn  d'vn  char^ 
f  cutierptn  lac^uellc  il  demeura  lix  mois  eucieis ,  fans  li- 

uros 


^  mémorables.  59^ 

u'esquelconques,&  fans  communiquer  nuec  perfonnc. 
lî  vefcut  aHcz  long  temps  apres,deuenu  tout  autre  qu'il 
ii'ciî:oitparauant,  pculoucieux  de  vraye  ou  fauflc  reli- 
gion,&raourut  mirerabl,nncnt.B4rr/?Wt'/?«Ve  Bologne  en  la 

'Vie  d'i celui. 

L'an  1551  Aldana  Efpagnol,  lieutenant  du  Roi  Ferdi- 
nand en  la  guerre  de  Hongrie;  s'cilant  acheminé  au  fîc- 
se  de  Segedin ,  commit  Figucroc  capitaine  Efpagnol ,  â 
la  garde  des  bafteaux  au  pafTage  d'vnc  riuiere  nommée 
la  Tiffe.îcclui  ayant  eu  nouucUcsdela  honteufe  fuite 
d'Aldana ,  lequel  s'eftoit  donné  vnc  vaine  efpouuante> 
lit  comme  fon  maiflrc ,  &  ayant  quitté  le  paflage  penfa 
.i  faire  retraite.  Toil  après  defpité  contre  foi-mefmesde 
rafaute,ilrefolut  de  fctucr,ceque  fon  cfcuyer  empef^ 
cha  tant  qu'il  peut:mais  Fi^ucroe  délibéré  de  faire  fon 
coup,  pria  fon  efcuyer  de  l'attendre  fous  vn  arbre ,  iuf- 
qucsà  ce  qu'il euftefté  a  fcs  neceflltcz.  L'efcuyerqiri 
rauoit  deffaifi  de  fcs  armes  lui  obéit  au  refte.Mais  cftant 
i  repos  fous  l'arbre,  il  s'endormit  en  attendant  fon  mai- 
ftre.Figueroe  rapprochant  tout  bellement  toftapres,fe 
failît  furtiuement  d'vne  pillole,  qu'il  lafclic  contre  foi- 
mefme,&  fe  tue  fur  la  phcc^^^fcaniHi  Centonu6:,au  ^.Intre 
de  f:n  hijhire  dela<;^uerre  de  rranjjyluanie. 

Les  Vénitiens  ayans  efté  dcstaits  à  la  Guiaraddadc  par 
le  Koy  Louys  XI. le  i4.iour  de  May  if o«?.puis  après  def- 
pouillezdela  plufpart  de  ce  qu'ils  tenoyeut  en  terre 
fermeTcftonnez  de  leurs  maux,  &  craignansmerueillcu- 
lèmeiitquc  le  Roy  ne  paiTall  outre,&  les  affaires  par 
ieu/ opinion  iugees  réduites  à  l'extrémité  ,  la  crainte 
CQnceuë  en  leurs  cœurs  fut  fi  violente, que  fans  prendre 
l^ifir  de  regarder  à  eux,&  fe  bien  confeiller  ,  &  leurs 
compagnies  retirées  en  vn  lieu  nommé  Mettre  ,  viuan- 
tes  lans  difciphne  militaire:ils  deliberevcnt  de  quitter  la 
Seigneurie  de  terre  ferme,  afin  de  n'auoir  plusTEmpe- 
rcur,  le  Roi  &  le  Pape  fur  les  bras»  comme  ils  auoycnt 
eu  parauant:  &  pour  oftcr  aufli  au  Koy  l'occafion  d  ap- 
procher de  Venife.  Ils  craignoyenr  qu'en  leur  ville  ne 
îcfift  quelque  tumulte  par  le  peuple  >  ou  parla  grande 
multitude d'cftrangers  qui  y  Labiccnt ,  ceux-ci px)m  k 


39^  Hifloir es  admirables 

défît  de  piller,  &  ceux  la  pour  ne  vouloir  endurer,  puis 
qu'ils  eftoycntnezpar  longue  fuite  d'annccs  en  mcfme 
cite, voire  plusieurs  de  mefme  faug  &  famille,  de  fc  voir 
priucr  des  honneurs  &  charges  publiques ,  &  en  toutes 
chofcs  prefqucs  fuicts  aux  gentils-hommes.  Pour  acroi- 
ftrelcdefcfpoir&ia  faute  décourage,  ccil^c  raifonfut 
cncoreallcguecau  Scrtat,queiî  volontairement  ils  quit- 
toyent  la  Seigneurie,  pour  fuir  les  dangers  prefens,la 
bonne  fortune  retournant,  ils  la  recouuroyétplus  ailc- 
mennpar  ce  que  les  peuples  qui  auroycnt  cfté  volontai- 
rement fcparez  d'eux,ne  reiîlleroyent  Ci  fort  pour  ne  re- 
tourner fous  l'obéi  fiance  de  leurs  anciens  Seigneurs,c5- 
me  ilsfcroyent  ,  s'ils  en  eltoyent  partis  auec  manifcfte 
rebelhon.Pour  ces  raifons^lagenerofitë  Vénitienne  mi- 
Icfouslepied,  enfemble  la  grandeur  d'vne  fi  glorieufe 
Kepublique ,  contents  de  fe  retenir  feulement  les  eaux 
falccs,  ils  enuoyerent  des  mandemens  aux  Magiftrats  & 
oflicicrs  qui  eftoyent  dedans  Padouë,dans  Verone,&  au- 
tres villes  deftinees  par  les  articles  de  la  ligue,à  l'Empe- 
reur Maximiiian,le(quels  portoycnt  qu  ils  eulfeiu  à  en 
panir  aufli  toft,  les  laiflant  au  pouuoir  des  peuples. 
OutTepîus,afin  d'obtenir  de  Maximilian  la  paix  i  qucl- 
«îue prix  &  condition  que  cefuft,ils  luienuoyerent  en 
grande  diligence  Antoine  luftinian  Ambafladeuv,  le- 
^  <îuel  admis  douant  lui  en  publicfit  vne  harangue  pitoy- 
able,&  auectref-grande  fubmifiTion:  mais  en  vain  ,  parce 
<ïue  l'Empereur  refufa  de  faire  aucun  accord  fans  le  Roi, 
auec  qui  les  Vénitiens  ncvouloyent  traitter  en  façon 
<jue  ce  fufl:.  Cefte  harangue  fe  lit  tout  du  long  en  Gui- 
chardin,  &  monftre  (comu^c  portent  les  annotations 
<iui  y  ont  efté  adiouilees  en  marge)  la  petiteflede  la 
grandeur  humaine,à  qui  Taduerfité  olle  les  efchaflcs ,  & 
Ja  fait  voir  ce  qu'elle  eft,à  fçauoir  chetifuc  en  toutes 
ibrtes:&  que  quand  Tcloqucncc  humaine  eft  eftonnec, 
les  difcours  font  en^antiles,&  pleins  de  flatterie  impor- 
tune &  infupportabLe.    Briefen  toutes  les  foumiHions 
des  Venifiens,qui  fercndoycntla  corde  au  col  à  vn  qui 
ne  les  pouuoit  gueresfoulagcr ,  on  defcouurit  lesfrui(fts 
delà  crainte  ouiproftiti^e  à  chofcs  viles  a  uUi  bien  va 
■     ■"  corpj 


^  mémorables.  397 

corps  d'eftatqu'vn  particulier  :& le  luge  fouuerain  aba- 
tantlcs  puiflansdeleuts  lîeges,  &  vendangeant  les  ef^ 
prits  des  grands  de  ce  monde.Fr.  Gi*îchardm  attS.  limefe' 

En  la  bataille  tant  renommée  à  Pauiel'an  1^14.  leaa 
Diefpach  ,  Colonnel  des  Suifles,  voyant  Ton  bataillon 
charge  &  mis  en  route  par  le  Marquis  Del  Guaft  gêne- 
rai de  Tinfantcrie  ImperialejCans  auoir  prefté  aucun  cô- 
bat,  &  que  de  paroles  ni  à  coupsd'cfpee  ilnepouuoic 
arreftcr  les  pori'enfeignesjfut  faifî  de  telle  douleur,qu'il 
refolut  n'auoir  part  à  (î  honteufe  retraite.  La  deflus  il  fe 
iette  à  tefte  baifîee  à  trauers  les  ennemis  où  auec  les  ar- 
mes au  poing  il  mourut  en  digne  chef  de  guerre.  i?ai»1 
lotte  en  la  'vie  du  Marqmii  de  Pefqttaire.Uur.l6 . 

Pomperan ,  gentil-homme  François ,  voyant  Aucrfe 
prinfc  par  les  troupes  de  l'Empereur  Charles  cinquieC 
me,  cltonné  de  telle  defconuenue  ,  Icuant  les  yeux  au 
ciel  &faifi  de  douleur  extrême,  tomba  tout  defonlong 
à  terre,&lesyeuxain(î  ouuerts  expira  :  fans  que  par  re- 
mèdes aucuns  Ton  peuft  empefcher  l'ame  de  quitter  le 
corps.  Va»l  loue  au  i6.  lium  de  (es  hiftoires. 

Zeangirfilsdu  Sultan  Solyman,  voyant  par  terre  le 
corps  de  Ton  frcre  Muftafa ,  eftranglé  d'vne  chorde  d'arc 
parle  commandementdu  ptre,  en  prefencede  ce  parri- 
cide defgaina  fon  poignard ,  &  après  quelques  repro- 
ches fe  tua  foi-mefme.  ^^fcaniii^  Centerius  au  6.  Hure  dei 
vuerres  de  T  raujjyluanie. 

Alfonce  Albuquerque  Lieutenant  pour  le  Roy  de 
Portugal  enTIndeOriencalcayant  enuiron  l'an  1514.  e- 
ftabli  gouuerneurs  en  Malaca,  pour  adminiftreriuitice 
aux  marchands,  deux  Seigneurs  du  pays,  l'vn  nommé 
Ninachetuen, l'autre  Vtetimutaraia,  quelque  temps  a- 
pres  changea  d'aduis,  &  pria  Ninachetuen  de  refîgnet 
fa  dignité  pour  la  bailler  à  vn  autre  Seigneur,  Roy  de 
Campar,  qui  cftvn  petit  royaume  en  ces  pays  là  vers  le 
midi.  Ninachetuen  fâchant  qu'où  eftoit  allé  quérir  ce 
roitelet,  pour  l'inflallcr  en  fa  place,  conclud  enfoi-mef- 
me  ne  fouffrirnullementd'eftreainfi  dégradé.  Pourtant 
fic-U  drcffer  vn efchaflfaut  cfleué  ^longuet,  apuyéfur 


398  Hiftûires  admirables 

tjuelqlies  colomnesjtapifTé  orne  de  fleurs  &  parfums  e«' 
abondance. Cela  fait,il  fe  veftit  d'vnc  robe  de  drap  d'or, 
&  tout  couucrc  de  pierres  precieufes  fortit  en  rucainlt 
ccjuipé)moiuâtpar  des  degrez  fur  rcfchafaut.  Il  yauoic 
au  bas  vn  bûcher  de  bois  odoriférant  bien  agence  &  al- 
lume. Cwile  pompe  extraordinaire  de  Ninachetucn  fit 
leuer  les  yeux  &  les  oreilles  de  tout  le  peuple, ne  iachinc 
que  vouloit  dire  tout  ceft  appareil.  Nmachetucn  com- 
mença lors  à  faire  vnc  piteufc  Jiaranguc  ,  &  en  premier 
lieu  ramenoic  Tes  fcruiccs  faits  aux  Portugais  aïKint  la 
prife  de  Malaca  :  ce  qu'il  auoit  fait  depuis  en  faucur  de 
leur  Roi:  &  combien  il  s'eftpit  monllré  ferme  &fidele 
en  Ton  deuoir  :  auec  quelle  refolution  il  auoit  hazardé 
fa  vie  en  plj^curs  endroits  ,  pour  prcuuc  de  fa  loyauté. 
Qu^e  pour  recompenfc  de  tant  de  bons  deuoirs,les  Por- 
tugais vouloycnt  diflamer  de  telle   forte  fa  vieillefîe, 
qu'il  eftoit  impoflible  de  ttouucr  homme  ayant  fon 
honneurcn  quelque  recommendation,  qui  voulu  11  ni 
pcuft  digérer  telle  honte  en  aucune  façon.-car  ils  le  de'.- 
pouilloyent  de  la  charge  qu'eux  mefmcs  lui    auoycnc 
commife,le  dcgradoyent  de  fes  honneurs,  le  reputans  ii 
peu  que  de  vouloir  qu'il  acheuaftfcs  ioursignominicu- 
fement,  &fcrui{l  defable  &  derifce  à  tout  le  monde. 
Qu'il  auoit  quant  à  lui ,   tou/îours  moins  eftimé  fa  vie 
que  fon  honneur,  &  fait  mcfmcs  fa  refolution  de  mou- 
rir pourconferucr  fa  réputation  :  pourtant  qu'i  l'heure 
prefenteil  changcoit  volontiers  fa  vie  à  lamorcplulloft 
qiîC  de  receuoir  l'afifront  qu'on  lui  vouloir  faire.  Hinif^ 
fant  ce  propos  il  fc  ierte  dedans  le  feu.oii  il  cxpira.Cha- 
cun  regretta  &  pleura  ce  perfonnage  ainfi  mort,  con/îds- 
rant  ce  qu'il  auoit  fait  pour  les  Portugais,  fa  fidélité  en 
tous  accidens ,  &  la  pitoyable  fin  de  fa  vieillelfe  :  telle- 
lîicnt  que  leschcueux  drelToyent  en  telle  à  plulicurs 
qui  s'efloyent  trouué  à  ce  fpcCtaclc.O/r»-/**;  ►♦/♦  ^.U.d^jbn 
htjl.de  PortnrraUcU.  17, 

Vil  riche  marchand  s*cftant  amouraché  de  cerrauie 
fille  lafcha  tellement  la  bride  i  fa  paffion ,  qu'elle  l'em- 
porta hors  des  limites  de  toute  raifon,  tellement  qu'il 
«ieuinc  infenfc»  6;  dc/i  diran^chumcuc  mclancho- 

Uquc^ 


é*  memoYahles*  '3  9^9 

liquc,  qu'il  eftoit  agité  d'horribles  vifiohstantdeiour 
que  de  nuid:quelquesfois  criant  &  temp^ftant,  par  fois- 
riant  à  gorge  defployee.  Iliuroit  que  fa  bicn-aimeee- 
ôoit  continuellement  deuant  Tes  yeux ,  la  fiattoir  &:  ca- 
reiToit  corne  fi  elle  eufteftéprefentc  :  puis  tout  foudain 
la  tançoit  &  l'outrageoit  de  toutes  façons, pource  qu'el'- 
Je  refufoit  de  Taimer.  11  ne  parloit  que  d'elle,  tout  le 
iour  il  nç  cefloit  de  foufpirer  &  plaindre  :  la  nui<fiil  a- 
uoit  toufiours  les  yeux  ouuerts  en  gemiflant  :  &  fefuil 
maintesfois  tué  roi-mcfme ,  fi  fcs  païens  &  amis  ne  len 
euil'ent  gardé.  Ayant  efte  i\x  mois  entiers  en  tel  ei}ar,ie 
fus  appelle  où  il eftoit  pour  y  remédier,  &  auec  beau- 
<ïoup  de  difïicultez,parh  grâce  de  Dieu, ie  le  medeclrfay 
fi  heureuremeur,qu'il  fut  remis  en  Ion  bon  fens.  Fu^u^ 
4f:riola^cn  fes  obf:rH.mtdecmales,Utt,z.obfcru.7 , 

Vn  Confeiller  au  Parlement  de  Grenoble,  efpri^  de 
l'amour  dVne  Damoifellc  ,  en  fut  fi  extrêmement  ppfl 
fionné,  qu'il  quitta  fon  eflat  &  toute  honneftet^j  oour 
Ja  fuiure  par  tout  où  elle  alloit.  Mefprisé  d  elle ,  il  s*a- 
nonchalit  tellement,  que  ne  tenant  conte  de  fa  propre 
pcrfonncil  fut  acueilli  de  poux ,  qui  prindrent  telle  ha- 
bitude eu  lui,qu'on  ne  peut  iam,ais  l'en  defenger.Car  ils 
croifloyent  fur  lui ,  &  fortoycnt  de  toutes  les  parties  de 
fon  corps  comme  Ton  void  iortir  les  vers  d'vne  charon- 
sne  pourrie.Finalcment,quelques  iouvs  deuant  fa  mort, 
fe  voyant  atteint  de  la  main  de  Dieu  ,  il  commençai 
defefperer  de  la  mifericorde  d'icelui  :  &  pour  abréger Vcs 
iours,concluddefelaifler  mourir  de  faim  :  joint  que  les 
poux  le  renoyét  de  fi  court  à  la  gorge,  qu'ils  fembloyenc 
vouloirTeibangler.  Ceux  qui  voyoyent  ce  fpedacle 
furent  grandement  efmeus  ,  &  de  pitié  conclurent  de  le 
contraindre  à  manger,  vouluft-il  ou  non:5:  pour  lui  fai- 
re prendre  de  coulis  &  prefTis,  d'autant  qu'il  y  refiiloïc 
«le  toute  la  force  ,  ils  lui  lièrent  les  bras  ,  &  le  baailloii- 
nercnt  d'vn  ba{lon,pour  tenir  la  bouche  ouuertc,  pen- 
dant qu'on  y  mettoit  la  viande.  Eilant  ainu  baaillonné, 
ilmourutcomme  vn  beiU- enragée ,  de  l'abondance  des 

oux,  qui  entrèrent  iufquescn  la  gorge.    Cela  auinc 

au  155^.  \ii^Uiu<U  fYnii(jhJsç(/nd, 


ï- 


400  Hijloires  admirahles 

Le  Pape  Léon  X.  ayant  efté  aduerti  de  lapriiife  àMi^ 
lan,qu  il auoi*  extrêmement  fouhaitee,  entra  en  tel  ex- 
cès de  loy c,c]ue  la  fieure  Ten  print ,  &  en  mourut.  M.  de 
Alontavne  an  l.  Ut*re  de  fa  ^Jfuh  3  ch.z,  Panl  lout  en  lu  uie  de 
Léon  y..  Un,  4. 

Sinas,  gênerai  des  galères  Turquefques ,  ayant  recou- 
urcvn  iicn  fils  vnique,qu'jleftimoitperdu,moururtouc 
foudain  de  grande  ioyc.  vatU  lohe  en  fis  h/Jtoires.  Quel- 
ques femmesfont  mortes  deioye,  de  trillefle  ,  &  d'au- 
tres pafl~ions  véhémentes.  Mais  nous  referuons  d  en  par- 
ler nilleursr&  leur  gardons  vn  liure  à  part. 

J\.  la  iournec de  ScrifoUes  monfîeur  d'Anguyen  eflTaya 
deux  fois  defe  donner  de  l'efpce  dans  la  gorgcdelefpe- 
ré  de  la  fortune  du  combat ,  qui  fe  porta  mal  à  l'endroit 
où  il  eftoit  :  &  cuida  par  précipitation  fe  priuer  de  la 
iouyfianced'vne  fî  belle  vidoire.  L'Iflc  de  Goze forcée 
par  les  Turcs,  il  y  a  quelques  années ,  vn  Sicilien  qui  a- 
uoit  deux  belles  filles  preftes  à  marier,  les  tua  de  fa 
main,  &  leur  mère  après  qui  acourut  à  leur  mort.  Cela 
fait  fortant  en  rue  auec  vne  arbalefte,S:  vne  harquebou- 
2e,  de  deux  coups  il  en  tua  les  deux  premiers  Turcs  qui 
s'approchèrent  de  fa  porterpuis  mettât  l'efpec  au  poing, 
alla  fe  méfier  furieufemcnt ,  où  il  fut  foudain  enuelopé 
&  mis  en  pièces,  fe  fauuant  ainfi  de  feruagc ,  après  en  a-» 
uoir  deliuré  les  fiens.  Aï  Je  Montagne  au  z.Um,  defei  ijfau. 

On  m'a  conté  qu'vn  prifonnier  de  qualité,  eftant  en 
nos  conciergeries ,  Tes  parens  aducrtis  qu'il  feroit  certai- 
nement condamne  ,  pour  euiter  la  honte  de  telle  mort, 
apofterent  vn  preïlre  pour  lui  dire ,  que  le  fouuerain  re- 
mède de  fa  deliurance,cftoit  qu'il  fe  recommandait  à  tel' 
faindj  auec  tel  &  tel  vœu  ,  &  qu'il  furt  huKft  iours  fans 
prendre  aucun  aliment,  quelque  défaillance  &  foiblelîe 
qu'il  fentift  en  foi.  Il  l'en  creut,&  par  ce  moyen  fe  desfit, 
fans  y  penfer  de  la  vie.  Ihmefme. 

Il  y  a  quelques  années  qu'à  deux  lieues  de  ma  maifan 
vn  homme  de  village,  qui  a  vefcu  long  temps  depuis, 
ayant  la  terte  de  long  temps  rompue  par  la  ialouûe  de  iTa 
femme  rcuenauc  vn  lour  de  fa  befongne»  de  elLele  bieiv> 

veignanç 


C^  mémorables*  40I 

veigaaût  de  fes  criailleries  acoiiftu'rnces ,  entra  en  telle 
fjiricque  fur  le  champ  à  toutla  feipc  cju'il  renoit  enco- 
re en  fes  mains,  s'cftâtmoiflbnné  tout  net  les  pièces  tjiiî 
la  mettoyent  en  Heure ,  les  lui  ietta  au  nez.  Ht  il  fe  àizy 
<ju'vn  ieune  gentil-homme  des  noftres  ,  ayant  paiia 
pourfuitc  feduit  vne  damoifclle,  defefperé  de  ce  que  fur 
le  point  d'en  iouyr,  ils'eftoit  trouué  mol  lui-mermcs&: 
défailli ,  il  fepriuafoudain  de  fes  parties  honteufes  ;  en 
fon logis,  &  cnuoya  celle  cruelle  &  fanglante  vidime 
pour  la  purgation  de  fon  offenfe.  Mje  Montagne  an  iMtK 
tU  fes  ejjun il h.2. 9. 

André  Contarin  gentil-homme  Venir'en, maladif,  & 
à  caufc  de  fon  indiipolîtion  ,  vu  peu  tendre  du  cerueau, 
faifoit  inftance  pour  obtenir  quelque  charge  d''\!-,por- 
tance.  Ayant  cfte  refuf:-  en  plein  confeil ,  toft  après  il  fe 
trouua  parmi  quelques  ieunesgentils-hommesjlefquels 
cuidans  fe  railler  auec  lui ,  dirent  que  François  Fofcarin 
Duc  de  Venife  aucut  efte  caufe  de  ce  rebut,Sc  que  tnndis 
qu'il  viuroir,  Contarin  ue  deuoit  pas  s'attendre  d'ellre 
auancé.  Lui  pcuile  de  paffion  véhémente  de  cholere  & 
dedcfpit,  efpievniour  qu'il  defcendoit  en  la  chapelle 
dorée  pour  y  ouyr  Mefle.  Il  Tarrefte  fur  les  dcc,rez, ,  fei- 
gnant a  uoir  à  lui  communiquer  de  quelques  ati'airesdo 
confequence.Ceux  qui  accorapagnoycntleDuc  fe  tire- 
rerent  vn  peu  i  quartier ,  afin  que  Contarin  pcuî}.  parier 
mieux  à  fon  aife.  Alors  il  tire  de  dedous  fon  manteau  va 
poignard, dot  il  tuoitle  Duc,(i  l'Ambairadeur  de  Sienc, 
n'euft  faifi  le  bras  de  Contarinjteilemét  qu'en  lieu  de  lui 
dôner  dedâs le  feinde  coup  porta  en  i'vne  des  ioues  près 
du  ncz.Incontincr  plufieurs  Seigneurs  acourctli,côfer- 
uét  le  Duc,&  faififlcnt  Côtarin  qui  tafchoit  fe  fauuer.U 
eut  puis  après  le  poing  coupé  fur  ces  mcfmes  degrez, 
puis  fur  pcdu  &  elhâglé  en  le  place acouilumee.Tel  fut 
Je  loyer  de  fa  pafùon  veheméte.  Sahdl.aa  i.ii.  dcfuVuud, 

La  véhémence  du  defefpcr  fat  eilrange  en  Laurent 
L  aurentian  dofte  Mctierrin  à  Florence. .  Icelui  ayant  a- 
cheté  vne  nlaifon,  Ce  payé  le  tiers  d'iccllc,auec  paiï  qu,e< 
«'il  ne  fatisfaifoit  du  relie  dedans  f  x  njois  après ,  ce  tiers 
payé  feroit  perdu  pour  lui  :  le  terme efcheu,  n'aya^iç 

C  c 


4  o  i  Hijloires  admirables 

deniers  pour  fournir  ,  ils'crmcut  tellement ,  que  fans 
confulter  d'auantage,  il  s'en  alla  fe  prccipitcr  dedans  vn 
puits  profond,au  temps  que  Pierre  Soderin  grand  gon- 
falonnicr  de  Florence  ,  gouuernoit  la  République ,  peu 
auant  la  dommatjon  des  Medgcis.  P.  loue  en  U  -vie  des 
hommes  ilhtjhes, 

l'ay  veu  vn  homme  lequel  s'efpouuantoit  de  foy- 
mefme ,  &  fe  mcttoit  par  fois  à  crier  comme  vn  enfant; 
Se  en  tout  le  demeurant  ,  il  auoit  autant  de  force  &  de 
couraçequ'vn  autre  hommecuftpeu  auoir. L'on  racon- 
te aufli  d'\  n  Seigneur  Efpagnol ,  qu'il  ciloit  fî  peureux, 
que  fi  on  lui  fermoir  quelque  porte  de  la  mailon  en  la- 
quelle il  eftoit  a  certaine  heure  de  la  nuic^il  prenoit  tel- 
le frayeurj&  le  troubloitfi  fort,queplufieurs  fois  il  vou- 
loir fe  ietterpar  lesfeneftrcs  en  bas.  f_yînt.Torqi*cmude  eit 
la  ^.iûttrnee  defes  difconn. 

l'ay  veu  vne  femme;,ma  proche  parente^trauaillee  de 
certaine  maligne  humeur  melancholiquc  j,  nommée 
d'aucuns  Mirrachie  ,  caufe  fouuent  de  frencfie  &  de  fu- 
rie en  ceux  qui  en  font  atteints ,  s'aider  tellement  de  la 
difcretion  &  raifon,  que  lamais  celt  humeur  nepeutl'a- 
cheuer  de  vaincre. Ceftoit  merucillcs  de  voir  le  combat 
de  la  raifon  &  de  la  melanchohe  en  celte  femme,  laquel- 
le fciettoit  à  bouchon  contre  terre  au  fort  de  l'accès, 
dcfchiroit  Tes  habillemens,,  iettoit  des  pierres  à  ceux  qui 
la  regardoyent ,  fcbattoit  contre  ceux  qu'elle  rcncon- 
troir,  Scfaifoit  tout  plein  d'autres  telles  tolies  :  maispar 
la  raifon  ellefe  maintint  fi  ferme,  qu'en  fin  ceit  humeur 
s'efcoula,  demeurant  en  fon  iugement  fain  &  libre,com- 
meauparauant,  Latnefine. 

L'an  mil  cinq  cens  cinquante  huid  ,  le  Curé  de  Cu- 
pre  en  tfcoile  ,  voyant  que  fes  paroifllensjau  mefpris  de 
Tauthonce  qu'il  pcnfoit  auoir  acqiiife  fur  eux,  clloyenc 
mausrélui  entre/ dedans  le  temple  de  fa  cure  ,  yauoy- 
ent  abatu  les  images  ,  fans  en  laiiîcr  \  ne  entière  ni  dc- 
bout,entra  en  telle  cholere,melanchohc  &  dcfefpoir  ,  à 
caufe  de  cell  ade,  que  la  nuiâ:  fuiuantc  telle  exécution 
iliedesfit&tuafoy  mefinede  fa  propre  main.  Buchu- 
nan,Uhilixief>m  ln*re  dtfon  hijioire  d' tfcojja. 

Vn 


^  memomhles.  '        40c 

Vn  quidcim  auoit  les  mcdccincs  en  tel  dcrdain ,  que 
l'odeur  feule  d'vne  fentie  contre  fon  ^ré  lui  dcfuoya 
tellement  le  ventre, qu'il  fut  contraint  a  aller  fept  fois  à 
fes  affaires  à  l'inliantjiufqucs  à  en  auoir  vn  accès  défie- 
ure,là  où  celui  qui  auoit  prins  volcnraiiement  la  mede- 
cincn'en  fit  que  trois.  Al.  ,_Ambroife  Paré  en  fon  introJu- 
dufl:on  alachirttrgicych.  iz. 

L'homme  de  chambre  du  fieur  de  Lanfàc  le  ieunc  ra- 
contoit,qu'vn  gentil-homme  François  eftant  en  Polon- 
gne  ayant  la  fieure  quarte  fe  promenant  le  long  de  I2 
yiftuie  fleuuc,au  commencement  de  fon  accès  fut  pouf- 
fé par  vn  fien  ami, en  rinnt,dedans  ledit  fleuuc:dont  il  eut 
telle  frayeur ,  combien  qu'il  fçcuft  bien  nager ,  comme 
aufli  l'autre  qui  l'auoit  pouifé,,  que  depuis  il  n'eut  la  he- 
ure. L  a  mefmeych.z^. 

Du  camp  d'Amieiisle  Roi  Henri  T  I.  m^  commanda 
«l'aller  à  Dourlan  pour  pesfer  plulieurs  Capitaines  & 
foldats,qui  auoyenc  elle  hleffez  par  les  Efpagnols,en  v- 
nefortie.  Le  Capitaine  Saint  Aubin  dcmeurantprcs 
d'Amiens  ,  gentil-homme  vaillant ,  s'il  y  en  a  eu  de  foji 
temps  en  France,quoy  qu'il  fuft  lors  de  l'alarme  en  l'ac- 
cès de  fa  fieure  quarte,le  lèua  du  lia:  ;,  monta  à  cheual 
pour  commander  à  vne  partie  de  fa  compagnie,  fut  bief- 
le  d'vnc  harquebufade  tout  à  trauers  du  col,  dontil  eut 
telle  apprchenjfîon  de  la  mort,  qu'à  Tmftant  il  perdit  fa 
fieure,  &  depuis  fut  guéri  de  fa  blcflinc^a  vefculong 
temps  après.  Qui  voudroit  faire  recerche  de  tel- 
les hiftoires,  il  s'en  trouueroit  vn  grand  nombre,  l^ 
mefme. 

François  Valleriola,  Médecin  tte(-renommé  d'Arles, 
çfcrit  en  l'obferuation  4.  du  z.  liure  de  fes  obfcruations, 
<l*vn  habitant  en  ladide  ville  d'Arles^  nommé  Ican  Bar- 
Icn  ,  lequelauoit  efté  par  plufienrs  années  confine  en 
vnlidjciraifon.d'vne  paralylie.  Auint  que  le  feu  fe  mit 
«nia  chambre  ou  il  eltoit  couché,  &  fut  tel  qu'il 
brufla  le  planche  &  quelques  meubles  aflez  près  de  fon 
iid.Lui  lè  voyant  en  danger  d'cllre  brufit-,  ''c  lant  qu'il 
gaigna  vne  feneilre  par  laquelle  il  fe  ictte  en  basj 
èi.  commença  iiiconrincnt  a  cheminer  ,  8c  fut  gucri 

Ce  i 


404  HiBûires  admirahles 

de  fa  pai-aly/îe.  Le  mcfme  Vallei  iola'efcrit  en  ceftc  ob- 
feruation  vnehiftoiremerueilleurede  ce  qui  :4uincà  vn 
fîen  coufin  maternel  nommé  lean  Sobirac,  lequel  eftoit 
en  Auiî^non  perdus  de  deux  iambes,ayans les  iarrecs  re- 
tirez deconuulfion  ,  enuiron  fixans  y  auoit.  Ceftui-ci 
vn  iour  fe  colera  tellement  contre  Ton  valet,  &  s'efforça 
de  forte  à  l'attendre  pour  le  battre, qu'à  l'inftant  les  nerfs 
s'eftendirent  &  amolIirent,dont  il  recouura  la  force  &  de 
les  iambcs  &  marcha  droit,  comme  il  a  toufîours  fait  de- 
puis, laniefme, 

L'Archcuefque  de  Bourges ,  homme  fort  ancien,  & 
«]ui  n'auoit  che  miné  depuis  enuiron  quatre  ans ,  ayant 
oui  le  bruit  de  certain  nombre  de  cauallerie,  que  le 
comte  de  Montgommery  auoit  amené  d'Orléans,  moy- 
ennant quoy  il  s'eftoit  rendu  maiftre  de  Bourges,  &  fa- 
chant  combien  il  cftoit  coulpable  enucrs  ceux  qui  e- 
ftoyent  pour  l'heure  les  plus  forts  emporté  de  cefte  ap- 
prehenfion  trouua  jfî  bien  fcs  ïambes  qu'il  s'en  alla  à 
pied  depuis  fachambre  enlaruc&  iufques  dedans  la 
grolî'c  tour,faifant  aporter  fon  argenterie. h t/îo/j-e despn- 
7iHers  troubles  de  Frame^joHS  Charles  ^.UikJ. 

En  mefme  temps,  &  près  d'Iffoudun  en  Bcrry  le  fieur 
de  Coudray  (  chafteau  afllegé  parles  troupes  du  fîeur 
d'Yuoy)  ayant  vn  peu  auparauantprins  quelques  pau- 
ures  gens,&  iccux  liurez  au  fîeur  de  Sar/.ay  ,  aiors  com- 
mandant à  Kfoudunjqui  les  auoit  fait  prendre, craignant 
d'cftre  attrappé,fe  fauua  de  bonne  heure  en  vne  fienne 
inc{lairie,appellee  Roziers,où  ilmourut  de  peur.  En  la 
mefme  hifiûire3(^  au  /nejmc  liure. 

En  vne  ville  d'Italie  nommée  Eugubio,  certain  fort 
tourmenté  de  ialoufîe  ,  voyant  qu'il  ne  pouuoit  conoi- 
flrefi  fafcmmes'abandonnoita  vn  autrcl'ayant  mena- 
cée de  lui  iouer  vn  mauuais  tour,fe  cliaif  ra  foy  mefme, 
afin  que  fi  elle  deucnoit  groffe  puis  aprcs,elle  fut  incon- 
tinent conuaincue  d'adultère.  Liwe  i.dc  la  confereme  des 
mertteilles  anciennes  ^  moderne:. 

Enuiron  l'an  ]54o.lebaftard  delamaifonde  Campois 
près  de  Romorantin,  après  auoir  fohcite  vne  damoi- 
/îrlJeJ'efpacc  de  deu.\ans,  &i'auoir  finalement  leduire, 

elknt 


cf*  mémorables,  40  j 

cftaiit  auenu  qu'à  rheuie  qu'elle  s'eftoît  prefêntec  &  a-> 
bandonnee  à  lui,il  ne  s'elloit  trouué  difpoft  pour  en 
iouyr,fe  retira  en  fon  logis  à  Chabris,fî  derpirc  contre 
Iby-mefme  qu'ayant  pris  vn  ralbir  cbez  vn  barbier,il  s'en 
couppa  la  partie,  Tindirpcfîtion  de  laquelle  l'auoit  fru- 
ftrëdcfon  efperance ,  &'du  fruift  condamné  d'vnefî 
aialheureufe  attente.  Et  l'ayant  couppce  l'enferma  en 
vn  bufter.t>4«  mcfmc  liu.  Ce  peut  eftre  le  gentil-homme 
duquel  parle  M.de  Montagne,comme  nous  l'auons  mar- 
qué ci  deuant. 

Vn  certr.in  pafl'cmentier  furnommé  Perauld,  marié  à 
vne  fcmme'non  fufpcdte  de  maluerfation  de  fon  corps, 
mais  peu  agréable  à  fon  mari ,  pour  n'eftre  pas  aflez  à 
fon  gouil ,  s'auifa  finalement  de  le  feparer  du  lid  de  fa 
di&e  femme,  qu'il  abandonnoit  obliquement  à  Ces  fer- 
uiteurs  logez  près  de  la  chambre  d'icelle  :&  continua  ce 
^t,ain  pluiieurs  mois  ,  prétendant  la  furprendre  pour  lui 
ioUer  vn  mefchant  tour ,  mais  ellcfe  maintint  honne- 
ilemtnt.  Au  contraire  le  miferable  fc  pollua  d'adulterc 
en  ces  entrefaides,&  depuis  a  fait  pauure  fin.  Mémoires 
de  nojlre  temps. 

Tay  veu  de  mes  yeux  vn  gentil-homme  aflîs  près  de 
certain^  damoifcUe  vefue  honnelle,  laquelle  il  pour- 
chaifeitd'auoirà  femme,&:  l'eut  auec  le  temps. Comme 
ildeuifoit  auec  elle  en  difnant,  vne  veine  delà  tempe 
près  del'aureillG ,  vint  à  s'ouurir  d'elle  mefme  ,  dont  il 
fortit  beaucoup  de  fang,qu'iltafcha  de  rellrcindre  auec 
fon  ipouchoir.l'eftois  afl^is  auec  eux  à  mefme  table  en  vu 
chafleauoù  i'auois  efté  appelle  pour  traiter  vn  gentil- 
homme m^hdc.Aiatth'Corihix  ai*  i.Uure  dt  fis  confdîatiom 
de  médecine, chap.^. 

Vne  leune  hlle  que  l'on  empefchoit  de  fe  marier,  fe 
contnllia  tellement  que  ne  celfant  de  pleurer,  fans  vou- 
loir adm.cttie.confolation  quelconque,  s'enfuiuit  vne 
extrême  douleur  de  tefte,dont  nalquit  l'cpilepiie,  & 
roft  après  la  mon.hk  mefme. 

Certain  cheualier  Albanois  ayant  par  diuerfcsfollicî- 
tations  tant  fait  qu'il  eiloit  parucnu  à  obtenir  en  maria-» 
ge  vne  honneite  femme  vefue  Italienne  ,  Tvne  des 

Ce  î 


40^  Hijloires  admirables 

plus  belles  de  fon  rcmps,au  bouc  de  quelques  mois  cfe- 
ïiint  lans  caufe  quelconque  ialoux  d'elle  ,  d'vne  paffion 
du  touteftranpc.Car  il  ii'auoit  opinion  quelcôque  quel- 
le forfirt  m  qu  clic  vouluft  forfaire  à  fon  honneur  :  mais 
leulcmenr  il  eftoic  en  peine  de  ce  qu'elle  feroit  après  la 
anortdelui:craignâr  quequelque  autre  iouift  après  fon 
Trelpas  d';^'ne  fi  rare  beauté.Sur  ceftepaf/îon  qui  legei- 
noitfansccUe  il  prend  refolution  furieufe.  Vnenuid, 
*]i!i  fuftla  derniere^ayant  fait  toutes  les  carefles  dont  il 
•feutsauilcrà  fa  femme,  laquelle  raimoit/încerement, 
pour  la  fin  il  tira  de  deflbus  le  cheuet  de  fon  lia:  vn  poi- 
gnard nud  ,  &tcnantfa  femme  embrafîcc  d'vne  main 
li  poignarde  de  l'autre.  Quoy  fait,il  fe  donne  tel  coup 
«u  mefme  poignard  tout  à  Tinftant,  qu'il  expire  incon- 
iment.Sa  femme  non  du  tout  morte ,  raconte  à  ceux  qui 
acourcnt  au  cri  à'vnt  fille  de  chambre  furuenue  au 
oruit,  cequeie  chcualierlui  auoit  defcounert  defa  ia- 
loufîe  ettrange  «S:  crucllc,peu  auant  qaie  la  frapper,  puis 
meurt  paifiblement.  lufl.  dltalie. 

Vnieune  gentil-homme  en  la  cour  de  l'Empereur 
CJiarles  cinquicfme,s'eftant  amouraché  d'\  nedamoifcl- 
le^fit  tat:,queparcie  par  amour,partie  par  forccil  cueillit 
la  ficurdc  la  virt^inité  d'icelle.-ce  qu'cftant  defcouuerr, 
pour  auoir  fur  toiiz  cor^mis  Tade  au  logis  de  l'Empe- 
reur,ayant  efté  emprifonné.ilfut  condamné  à  perdre  la 
tcfterdontayanteu  auislc  foii  que  le  lendemain  termi-i 
neroitfa  vie,  celle  nuid  là  lui  fut  fi  cfpouuantable  & 
de  tel  efted  ,  que  le  lendemain  venant  à  fortir  de  pri- 
Ion,  pour  comparoir  deuant  le  fiege  de  iuftice  ,  afin 
fl'ouyrla  fentence  de  mort,tous  le  mcfconnoiffoyent,& 
rinnpereur  mefme.  Car  la  peur  TauGit  tellement  chan- 
ge ,  qu'en  lieu  que  le  iour  précèdent  il  auoit  vne  cou- 
leur vermeille  ,  le  poil  blond,  les  yeux  agreables,tout  le 
tiaid  du  vifage  fait  pour  regarder  :lors il  cftoitdeuenu 
comme  vn  corps  déterré  ,  auoit  les  cheucux  &  la  bjr- 
be  blanche  ainfi  qu'vn  fcptuagenaire  ,  &  fcmbloit 
pluftoft  à  quelque  pendu  qu'à  vn  homme  viuanr> 
ij'Empcreur  ^ilimant  qu'on  euft  fait  quelque  frau- 
de ;  &  ^UG    ce  fuft    vu  autre  cnnùaei  fuppofe  en 

ia  place 


(jr  memorMes,  407 

la  place  Ju  icuiic  gentil-hoinine  ,  Jequel  n'auoit  pas 
atteint  range  de  vingthuitans ,  fitfoudafn  enquérir, 
&receTchci"d'où  vcnoitce  merueilleux  &  fubit  chan- 
gement &  confîdeicr  de  prcs  la  chofc  :  puis  regardant 
de  fort  près  ce   pauurc  criminel  eÔrayé  ,  le  defîr  de 
iullc  vengeance  fe  conucrtit  en  mifcricorde  :  &  com- 
me rcucnu  d'v  n  profond  ell:onncnient  en  fa  penfee ,  lui 
dit,  le  tc.pardonne  ton  forfait  :  &  commanda  qu'on  le 
laiflaft  allef  ,  adiouftant  qu'il  auoit  efté  allez  chaftié 
défia  de  Ton  forfait  :  fans  y  laiflcr  encores  la  telle.  Leuin, 
Lemnini  au  2.  chapitre  du  fécond  Uure  de  la.  complexion  di4 
corps  humain.     Où  il  adioufte  quelques  raifons  d'vn  fî 
notable  changement  :  dont  i'ay  extrait  ce  qui  s'en- 
fuit ,   y  adiouftant  quelques   mots  pour  plus  grand 
efclaircinemcnt.    Enquisparvn  grand  perfonnage  de 
la  caufe  de  iî  prodigieux  changement  ,  ie  refpondis 
qu'il  falloit  la  rapporter  à  la  profonde  apprehenfioit 
i^  tref-attentiue  penfee  de  la  mortprocliaine ,  tranfper- 
çant  l'ame  comme  de  part  en  part  :  car  ceftc  aftedion  & 
paflion  de  l'ame  cftonnee  ,  fut  i\  violente  &  tant  aipere 
au  ieunc  genril-homme,  que  le  chaud  &  l'efprit  vital 
eftoit prefquc  amorti &ruffoqué en  lui  ,  toutesles  par- 
ties du  corps  perdans  leur  couleur   viue  &  agréable 
fe    fleftrircnt  &   paifercnt  foudain  :   tellement   que, 
les  racines  du  poil  ,  nourries  &  arrouzces  parla  fu- 
mante vapeur  qui  eft  entre  cuir  &chair,commc  les  hef- 
besdela  terre  atteintes  d'vne  froide  &  feiche  quahté» 
s'aiîecherent  &  derpouillcrent  promptemct  leur  naifue 
beauté.  Cartout  ainlî  quclesfucilles  verdes  d'arbres  & 
de  vigne  ,  en  plein  efté  deuiencnt  quclquesfois  iau- 
naftrcs&  blafardes,  àl'arriuee  d'vnc  chaleur  trop  ar- 
dante,  d'vnc  grefle,  d'vne  pluie,  d'vnc  bife  froide  :  aufsi 
la  vigeur  du  corps  ,  la  couleur  ,  l'aparence  extérieu- 
re,  le  poil  qui  n'eft  pas  vne  partie  ,  mais  fimplemcnt 
vne  dépendance  du  corps ,  prenent  vne   teinture  de 
grisou  de  blanc,  à  caufe  que  ce  qui  les  maintenoit  eft 
cfteint.  Ce  que  nous  voyons  aucnir  à  la  plufpart  de  ceux 
qui  fe  trouuent  es  hazarJs  de  la  guerre  ,  &  es  périls  de 
Ximcr,  ou  qui  loue  prwû'ti  Uc  maladies  dangercufcs; 

Ce    4 


4û8  Hîflôir es  admirables 

carlorsilsncpenfcntcju'à  vncchofe,  fçauoir  efl:,  quels 
mort  les  tient  au  colet  :  finonque  d'auanture  par  lon- 
gue acouftumancc  (&  folideinilrudion  &:  bonne  refo- 
lution  parles  cnfeignemens  de  la  viaye  philofophie ,  & 
par  raÔiftanceid'vn  efp rit  autre  qu'humain)  ilsfoycnc 
accouftumez  à  ne  le  donner  tant  depeur.Ce  qu'on  void 
nuenir  au  regard  de  l'accowftumance  es  vieux  foldars  8c 
mariniers  :  &  quant  à  la  louable  refolution  es  gens  de 
bien.Orquâd  l'horreur  delà  mort  vient  à  faifîr  vn  hom- 
me, ou  que  l'imagination  d'icelle,  plus  atroce  que  li 
mort  mefme  fe forme  en  la  penfee  ,  on  meurt  quelques- 
fois  deuantque  mourir,  comme  il  cftauenuù  plufieurs: 
ou  bien  les  fens  fe  lliupificnt ,  tellement  que  les  crimi- 
nels ne  Tentent  point  les  coups,  ain/îquc  nous  auons 
veu  en  piufieurs  décapitez  &roue7,refl'emblans  à  àcs.  a- 
popleâ:iqucs,lethargiques,cpilcptiques,palmez,  ou  au- 
tres qui  ouurentlesyeux,  &  ne  voycnt  ni  ne  conoiflcnt 
perfonne.  Les  dangers  occurrens  fur  mer  &  fur  terre, 
cfquels  l'image  de  mort  paroic  deuant  les  ycux,&  fe  for- 
me encore  plus  en  la  penfccfont  trembler  &  paflir  ceux 
Cjuis'y  trouuent  ,  le  langie  retire  &  s'enfuit  de  toutes 
parts  vers  la forterefle  du  cœur  :  toutes  les  parties  da 
corps  fetrouuent  en  vn  inftantdeftituees  de  leur  fuc 
viral ,  nulle  ne  s'acquitte  de  fa  charge  ,  ains  on  void  les 
pieds  chancelier,  la  veuë  s  obfcurcir  ,  la  force  fondre, 
Tcntendemcnt  deuenir  moufle  ,  refprit  abatu,lesioues 
pendantes  &  flacqu  es,  la  langue  beguaye  ,  &  les  dent? 
craquent  en  la  bouche. 

^An-c^hque  h  )rrore  romt  -oox  fcimih'M  n.eret. 
ce  dit  le  p.ocre.Brief  il  n'y  a  homme  (î  lobuiic  &  afl'eurc, 
qui  ne  branfle  quand  quelque  danf^cr  mortel  vient  i'a- 
cueillirfoudain.  Vray  cflque  le  C.hrcllien  conceuant 
cfperaacecn  la  grâce  de  ion  Dieu  ,  reprend  peu  à  peu 
fcs  elprits,  fecouë  la  peur,s'aft"ermit ,  &  dcuient  inuinci- 
ble,  s'oppofantd'vn  courage  alaigre  &:  inexpugnable  au 
danger  qu'il  void  cftrcinefuitabie.  i^xceptc  celui  là  ,  li 
mort  eifc  horrible  &  eipouuantablc  à  toute  nature  qui  a 
rofpiration  de  vie  :  pc-urcc  qu'elle  deicruit  celt  nature. 
Ilictiouucbien  des  flupides,  des  fuueux ,  des  rcfucurs, 

&  autrci 


e^  mernorahles.  4^9 

&  autres  cerueaux  altérez  par  vieilleffc  décrépite,  indiP 
j  ofitions  corporelles,  par  enfcignemens  erronne?:,  par 
jr^ifTions  violentes  &  defreiglees  ciicorcs  plus  que  la 
peur,  qui  n'appréhendent  rien  ,  ains  pcrifTc^nt  au  dan- 
gcr,8ifont  eftcints  auantciue  s'en  eftre  doutez. 

Vn  autre  ieune  gentil-homme  Efpagnol  ,  nommé 
laques  Ororio,né  d'^'illulhe  famille,  deuenu  amoureux 
dVnc  Damoifelle  de  la  Cour ,  ayant  fait  quelque  com- 
plot auec  elle,  grimpe  en  vn  arbre  toufu  duiardin  du 
Rov,&  s'y  cache  attendant  fa  commodité.  Là  dclTus  vn 
petit  chien  iuruient  lequel  par  Tes  abois  defcouure  le 
perfonnagc,  que  l'on  fait  defccndre  pour,  aller  en  pri- 
ion ,  afin  de  refpondre  aux  defpens  de  fa  tefte  de  ceftc 
faute  tenue  capitale  en  ces  lieux,  pour  diuerfes  raifons. 
L'aireftde  mort  donné  contre  lui  refpouuantafifort 
que  le  lendemain  matineôant  deuenu  tout  blanc  com- 
me vn  vieillard  de  quatre  vingts  ans,  on  ne  le  reconoiC- 
foit  non  plus  que  l'autre.  AufTi  obtint  il  grâce  du  Roy 
d'Efpagne  ayeul  de  Charles  cinquiefmé.  W-air.  lumuiiHte 
Commeniaire  de  Conta,  ch.ip, lo.  L,  Vlua  en  fa  préface  fnrle 
Sonnre  de  Sclpion, 

La  raiion  enreigne,.&  les  exemples  confcrment ,  que 
de  peur,  le  poil  noir  ou  d'autre  couleur  blanchit.  Si  l'a- 
liment défaut  au  poil,  nous  dcucncns  chauues  :  «'il  ell 
corrompu, il  blanchit,  pourcc  qu'vne  humeur  non  natu- 
relle fucccde  à  celle  qui  fe  refroidit.  Nous  en  auons  vne*- 
Inilonede  noftrc  temps  fous  Francifque  Gon/.ague.  I- 
celui,  ayant  pour  furped  de  trahifon  vn  fien  allié  ,  le  fit 
cmprifonner  en  vne  forte  tour,  en  délibération  del'ap- 
plicjuer  à  la  torture  &  le  faire  mourir.Le  lendemain  ma- 
tin,le  oeolicr  vint  lui  dire  que  ce  pnfonnier  eiloit  deue- 
nu tout  bianc.  Vn  tel  accident  amoUit  le  cœur  du  Prin- 
ce,6«:  fut  caufe  qu'il  pardonna  6c  donna  la  vie  au  prifon- 
nier.  lulcs  C^far  scaliger  f.  fu}\z.  hxercitation  5  contre 
Ciirdiiu. 

Vn  chaffeur  cerchant  au  haut  de  certain  rocher  des 
petisdeipreuier ,  Tentant  que  la  corde  dont  il  s'aidoit 
pourdercendrererompoit>conccut  telle  peur,querou- 
<iain k poillui  deuinttouc  blanc.  Cdl. lihudi^imfi an  13. 


4ÏO  HifloiresâdmirMes 

Ui^chAp.zj.  de fcs  a)iti(]ites  leçons.  l'en  ayconu  qui  cfchnp- 
pez  contre  cfpcranccd'vn  naufrage,ciloyenten  vn  mo- 
WiCntdcucnus  tout  chenus.  H^dr.  lunim  uu  co7nimnt.  de 
Coma,cJ}.i*>Ao. 

le  ne  lui  V  pas  bon  naturalifte  (qu'ils  difent)  &nerçay 
guiere  par  quels  reflortsla  peurai^itcn  nous  ,  mais  tant 
y  a  que  c'ell  vnceftrange  palfioniSc  difent  les  médecins 
.«qu'il n'en  eft  aucune,  qui  emporte  plu^ort  nolheiuge- 
menthorsdefa  deuè  alTiette.  De  vray  i'ay  veu  beau- 
coup de  gens  deuenus  infenfez  de  peur  :  &  au  plus  rafsis 
il  ert  certain  ,  pendant  que  Ton  accès  dure,  qu'elle  en- 
gendre de  terribles  esblouiflcmens.  le  lailfe  à  partie 
vulgaire,  à  qui  elle reprefcntetantoft les  bifayculs  for- 
TÀs  du  tombeau  ,  cnueloppez  en  leur  fuaire  ,  tantoft  des 
loups  garous,  des  Lutins  &  des  Chimères.  Mais  parmi 
les  guerriers  mefme,  où  elle  deuroit  trouuer  moins  de 
place,  combien  de  fois  a  elle  changé  vn  troupeau  de 
brebis  en  cfquadron  de  corfelets?  desrofeaux  &  des  can- 
lîescngensd'armes&lanciers  5  nos  amis  ennos  enne- 
«lis?  &  la  croix  blanche  à  la  rouge?  Lorsque  Monfieur 
*ie  Bourbon  print  Rome ,  vn  port-enfeigne  qui  eftoit  à 
Id  garde  du  bourg  faind  Picrrc,print  tel  effroy  à  la  pre- 
mière alarme,quepar  le  trou  d'vne  ruine  il  fc  letta,  l'en- 
ieigne  au  poin,hors  de  hî  ville  droit  aux  ennemis ,  pcii- 
Tant  tirer  vers  le  dedans  de  la  ville  &  à  peine,  en  fin  vo- 
yant la  troupe  de  Monlîeur  de  Bourbon  fe  ranger  pour 
lefouftenir,  ellimawtquece  fuft  vncfortic  que  ceux  de 
la  ville  fiflcnt,ilfereconut  ,&  tournant  r;fte  t'entra  par 
ce  mefme  trou  par  lequel  il  eftoit  forti  plus  de  trois  cens 
pasauantciilacampagne.  Il  n'en  auint  pas  dutout(î 
heurcufement  à  l'enfeigne  du  Capitaine  luillc,lors  que 
S.Polfut  pris  fur  nouspar  le  Comte  de  Burc&monfieur 
Au  Reu.  Car  eftant  fi  fort  efperdu  de  la  frayeur ,  que  de 
ic  iettcr  à  tout  fon  cnfcignt  hors  de  la  ville,  par  vneca- 
nonierc,  il  fut  mis  en  pièces  par  les  aifaïUans.  Et  au  mel- 
mefîegetut  mémorable  la  pcur,qui  ferra,  faifit,  &  glaça 
Il  fort  le  cœur  d'vn  gentil-homme,  qu'il  en  tomba  roi' 
de  mort  par  terre  à  la  brefche  ,  Hms  aucune  blclfeure, 


ef  memorMes.  411 

le  Pape  Paul  troifîcfiiae  ayant  en  l'an  1556".  exhorté 
r£nipereur  Charles  cinquJefme  &  le  grand  RoyFran- 
i^ois  de  s'aboucher  a  Nice  ,  la  flotte  de  l'Empereur  vint 
inrgir  au  port  de  Vilie-franche^où  ellefe  mit  à  l'anchre. 
Vn  iour,  enuiron  midi  comme  quelques  Imperialiftes 
le  proumenoyent ,  regardans  la  mer,  &  les  Alpes  fort 
hautesjils  defcouurirent  vne  nuée  cfpaille,  qui  s'ede- 
uoit  comme  fumée  d'vn  bafliment  efleué  en  vn  coftau 
non  trop  loin  d'eux.  Etpource  que  celle  nuée  ^^rolfif- 
Toit  peu  à  peu  ,  quelques  v^ns  commencèrent  à  mainte- 
nir,que  c'elloit  vn  tnite  fignal  &  que  Barberoufîe  gêne- 
rai de  la  flotte  du  Turc  aprochoit  pour  attraper  le  Pape 
&  l'Empereur.Sur  cefte  peur  ils  crient  alarme.  Toute 
i'armade  prend  Tefll-oy,  /î  chaud,  que  le  Marquis  del 
Guafl:  Colonnel  de  l'infanteriejconfeilla l'Empereur  de 
gaigncr  le  haut  de  l'Apennin, «Se  André  Dore  qui  com- 
mandoità  la  flotte  fît  leuerlesanchres  &  tourner  les 
galères,  l'Empereur  ne  bougea,  diiant  que  e'eftoit  vn 
faux  bruit.  Auf/î  fut-il  fceu  tofl  après  qu'vfi  payfan  ef- 
couant  des  feues  en  l'aire  à  defcouuert.  pour  les  tirer  de 
leurs  gouflcs,  auoitefmeu  force  pouffiere  &  à  trentelîx 
repnfcs  fait  efleuer  cefte  fumee,queplufieurscontoyenc 
pour  trente  /îx  galères,  au  commencement  de  leur  peur, 
&  y  eut  mefmes  des  mattelots  l'afFermans  ainli  ^  &  que 
c'eftoitla  flotte  Turquefque.Mais  la  fourbe  dcfcouuer- 
te^cefte  peur  qui  auoit  fait  paflir  &  trembler  la  plufpart 
futchangee  en  contes  plaifans  ,  ^  en  ris  i  gorge  def- 
\)\oy (^Q.Paitl  lûHc  au  17 Mure  defes  hifioires.  le  ne  marque 
point  ici  la  peur  des  armées  au  royaume  deNaples,& 
de  la  bataille  de  Montlheii:en  l'vne  deiqucUes  on  print 
vn  troupeau  de  cerfs  &  de  biches  pour  mi  bataillon  de 
genfdarmes:  en  lautve  deschardons,  pour  vn  cfcadroii 
^e  picquiers:comme  loman.Pontanw  au  z.lùt.  deUgtterre 
de  JVaplesj^h.de  ComnUnes  en  Chijtoire  de  Louys  XI,^  VauI 
t^Emile  au  loMure  en  fontmcntionrpource  que  ie  m'ar- 
reite  principalement  aux  hilloiiesdu  /iecle  3  duquel 
iious  ne  faifons  que  fortir. 

Jin  1^  troifleimc  guerre  ciu;lc  des  François,  fous  le 


41^  Hiflotres  admirables 

rcg,  e  de  Charles  ÏX.l'an  15 ^8.  les  armées  eftansen  Vol- 
^o  près  de  lafenucil  aduint  que  le  Prince  de  Condé 
aya  r  failli  quelque  entrcprife  &fe  recirant  furie  loir, 
tou  le  bagage  de  Ton  infanterie  vints'arrcftcr  au  long 
d'vn  bois.alicz  près  de  la  queue  des  genfdarmes  :  ou  les 
goujats  &  valets  s'accommodèrent  ,  penfans  qu'on  y 
«leuit  camper,  y  faifant  quatre  mille  feux  &d'auantage, 
&  n'appcrceureut  l'armée  du  Prince  fc  retirer  à  caufe'de 
la  nuid,  de  manière  que  plufîeurs  maillrcs  foupercnt 
bien  maigrement  ce  foir  li.Qu^elques  vns  de  larmec  du 
Duc  d'Anjou  oppofee  à  celle  du  Prince ,  apcrceuans  ce 
^rand  nombre  de  feux,  tcnoyent  pourcertain.que  c'e- 
fioyent  l'armée  du  Princc,&:  s'attendoycnt  d'auoir  ba- 
taille lendemain.-ce  qui  les  rcnditplus  diligent  a  fortiher 
leurs  armées.  Le  Capitaine  Garics  s'oftrit  d'aller  conoi- 
flre  que  c'elloitrmais  on  ne  "oulut  rien  bazarder  contre 
ces  brauesguerricrs,quicaufoyenc,  chantoyent,  &fai- 
foyent  grand  chère  auprès  de  leurs  feux,  fans  appréhen- 
der chofe  quelconque:  ils  laiiToyent  la  peur  aux  autres, 
cjui  s'imaginèrent  ce  qui  n'eftoit  pas.  Hifioire  de  noTirc 
temps. 

11  y  a  enuiron  vingt  fix  ans  qu'vn  faux  bruit  femé  de 
rarriucc  de  l'armée  Turquefque  enuahit  dételle  l"or:e 
toute  la  h^utc  £c  bafie  Auftriche,  que  citadins  &  pay- 
sans ,fans  fjauoirl'autheurjfe  donnèrent  vue  alarme  c- 
i^range,  difans  les  vns  aux  autres  que  le  Tuic  auec  tant 
&  tât  de  milfcrs  d'hommes  approchoit ,  &  n'auoit  plus 
Tien  à  faire  fînon  entrer  dedans  le  pays.  La  peur  fut  tel- 
ie,que  tous  abandonnans  leurs  maifons,  villages,  bour- 
J'.ades  &  A-illettes  commencèrent  à  dellogcr  par  grofles 
.troupes  auec  leurs  femmes  &  leurs  enfaas,  les  vns  à  che- 
uaf.les  autres  en  chariots,  &  la  plufparr  à  pied,  courans 
tant  qu'ils  pouuoyent  vers  les  villes  &  places  fortes,cn  /î 
^rand' foule  &  de  telle  impetuofîte  ,  que  pluiîeurs  cn- 
fans  tombe/  parterre  ,  y  furent  mifcrablemcnt  efcrafez 
ious  les  pieds  des  chenaux  &  les  roues  des  chariots  cou- 
rans impetucuicment.La  Baronne  de  Kolcniteiii,  dame 
honorable  &  de  finguliere  pieté  ,  m'a  dit  de  fa  bouche, 
que  ion  mari  citant  pour  lors  i  LiiUi ,  le  Capitaine  du 

chov 


(^memoTAhles.  4Tj 

chafteaudeSchallenbourg,  afllsfur  l.i  croupe  d'vn  ro- 
cher où  elle  eftoitlors,viiit  l'auertir  que  plu/îeurs  baiT 
des  d'hommes ,  de  femmes,  d'enfans ,  acouroyent  celle 
part.  Qu,'ellemit  lors  la  telle  à  l'vne  des  feneitres,  &: 
vovant  ces  pauures  gens  courir  comme  moutons  elpars, 
fit  monter  à  chcual  l'vn  de  les  valets,  pour  leur  aller  au 
deuant,  &fçauoirla  caufc  dVne  teHe  efpouuantc.  Ce 
valet  de  retour  dit  ,  que  ces  pauures  gens  aftermoyenc 
que  les  efcadrons  des  Turcs  eftovent  i  leur  queue.  Sur 
cerapportlaBaronncrcçoitlcsfuyards,  tellement  que 
le  charteau,  les  bafles  courts  &  fofîez  en  furent  remplis. 
Ceftc  frayeur  courut  depuis  Vienne  iufqucs  a  Lints, 
Teipace  de  trente  heures  de  chemin.  Le  trompette  de 
Lints,quieilau  gueten  vnefenrinelle,d'ouil  dcicouure 
de  fort  loin,donneralarmc,  comme  files  Turcs  eulTenc 
cité  tout  auprès  ,  tellement  que  tous  ceux  de  la  ville 
coururent  incontinent  aux  armes.  Mais  ayant  elle  deP- 
couuert  toft  après  que  c  clloit  vn  haras  de  bœufs  de 
Hongrie  ,  qui  en  rafe  campagne  auoyent  efmeu  force 
pou(hcrc,chacun  fe  retira:  &  les  fuyards  cipars  en  mfinis 
eudro!ts,ieprenans  peu  à  peu  leurs  cfprits  s'en  retournè- 
rent chez  eux.  Ai.  Jacques  H orfi  medecm-i  enfon  hijhîre  deld 
dent  d'or  de  l'enfant  StUjïcn.  * 

L'an  1591.  vn  autre  peur  csbranfla  tellement  toute 
la  ville  de  Labac,  capitale  de  Garnie,  quc4qu'vn  eilant 
venu  rapporter  qu'vne  puiffante  armée  Turquefque  e- 
floit  près  delà,  que  fans  dire  qui  a  perdu  ,  nequiagai- 
gne,tous  grands  &petis,  ieuncs&  vieux,commcnçent  i 
Te  donner  l'alarme  ,  &  i  troufler  bagage.  Vous  cufTiez, 
veulesvns&les  autres  faire  pacquers,  charger  chariots 
du  plus  beau  &  meilleur  qu'ils  cuffent  :  les  pauures  ac- 
commoder à  leurs  efpaules  des  ballots  de  tout  ce  qu'ils 
pouuoyentporter,  femmes  chargées  de  leurs  pctis  en- 
fans  &  menans  les  grandelers  par  la  main.  Les  rues  re- 
tentiffoyent  de  hauts  foulpirs  ,  de  lamentations,  de  cris 
&brayemens  miferablcs  ,  meflcz  dedans  vn  bruit  con- 
fus &  tintamarre  eilrange  p:'.r  toute  la  ville  :briefvn  pi- 
toyable fpedaclc.   Tcll^nacnt  que  lesnouuellcs  vcûans 


414  Hijloires  admirables 

àcontinucr  que  les  Turcs  apiochoycnt  ,  il  nefutplifl 
cjucftion  que  de  voir  vnc  fuite  horrible  de  tous^aucc  tel 
dcfordrc,&  tumulte  fî  impétueux  &aueugle,  qu'en  la 
foule  des perronnes;dcschcuaux  &  chariots,  plufieurs 
enfansSc  quelques  femmes  perdirent  la  vie  ,  ayans  elle 
eftouffez.La  peur  dura  trois  iours,  fans  qu'il  fuR  polTiblc 
par  moyen  quelconque  der'aflcurer  ni  de  ramener  les 
fuyars^qui  finalement  remis  en  autre  pcnfce  ,pardiuers 
auis&  mefl'ages,  retourneront  en  leurs  maifons;  lo, 
mejjne, 

Aldana,  Capitaine  Efpagnol,  lieutenant  du  Roi  Fer- 
dinandcn  TraniTyluanic,  craignantque  Mahumet Bal- 
fa  de  Bude  ne  vinil;  ailleger  Lippe  ,  felaifîa  tellement 
gaigner  par  cefte  peur,  qu'il  délibéra  de  ruiner  la  ville 
&  le  chatlc'iu.  Deux  genfd'armcs  ayans  efté  enuoyez  ;î 
la  defcouuerte  ,  n'ayans  eu  vent  ni  voix  quelconque  du 
Baiïa,approchans  delà plibce  commencent  à  picquer  & 
courir  à  bride  abarue,pour  annoncer  qu'il  n'y  auoitricn 
à  craindre.  Ils  elloyent  fuiuis  à'vn  gros  haras  de  beftail. 
Aldana  fe  figurant  que  c'eftoitTarmee  du  Turc ,  dcuant 
laquelle  ces  deux  genfd'armes,  fuyoycnt^  fans  ruoir  pa- 
tience qu'ils  fuflentarriuez,  Sctraiifi  de  peur ,  fit  mettre 
le  feu  à  vne  traînée  de  poudre ,  qui  rcnuerfa  les  toursjc 
challeau,  &  brifales  canôs  au  grâd  regret  de  les  foldats, 
condamnans  vne  telle  lafchete:  quoy  faitil  s'enfuit  en 
Tranllyluanie.  LcBalIa  s'empare  incontinent  desrui- 
nes,&  d'vn  chafleau  inexpugnable,  nomme  Solimon,a- 
bandonné  des  Chrcrticns  eftonnez,  lefquelsil  pourfui- 
uitcn  telle  diligence,  qu'il  les  atteignit  &  tailla  en  pie- 
ces.Puis  ayant  empoigné  la  Tranlîyluanie  par  ces  deux 
corn  es, la  loumit  aifémcnt  au  ioug.  /Mdana  emprifohne* 
&;conuaincu  de  fa  lafchetéifut  condamne  a  perdre  la  te- 
lle ,  mais  parrinterceflion  de  Marie  Roine  de  Bohême, 
fille  de  Charles  le  Qiiint  &  femme  de  Maximilian  fe- 
cond,il  eutla  vie  l au uc.^_y4 fi am m  Centoriu^  au 5.  //.^  6  dé 
jon  Cormnentairc  de  Li 'riicrre  de  TranjjylHanie. 

Le  Turc  Solyman'ayant  alTiegé  Vienne  en  Auftriche 
lei^.iour  de  Septembre  ifi5?.lcs  aflx'gez  firent  vne  for- 
tie  en  laquelle  y  auoic  hui(fl  milhoinines  ,  le/ixiclme 

iouf 


ef"  mémorables,  4 15^ 

îourd'Oélobre  ,  en  intention  de  chaiïer  les  ennemis 
hors  des fauxbourgs,&  d'efuenter  leurs  mines.  Ils  chaf. 
fcrent  les  Turcs  qui  eftoyent  vers  la  porte  du  chaAeau, 
&  taillèrent  en  pièces  plufîeurs  vers  la  tour  de  Carin- 
thie.Orcommeils  eftoyent  furie  point  d'entreprendre 
d'auantage,&:  qu'ils  s'auançoyentcourageufement^ie  ne 
fcai  qui  vmt  crier  à  haute  voix  qu'on  le  retiraft  ,  &  qu'il 
faloit  fe  ranger  en  ordre  de  bataille.  Ce  cri  donna  G. 
foudaine&  telle  peur  aux  foldats,  qu'ils  commencent 
à  le  desbander,&  fuir  vers  la  ville,  en  tel  defordre ,  qu& 
Icsvnspouflez  impetueufemcnt  des  autres  tombèrent 
dans  les  feffez  &  tranchees,où  plufîeurs  furent  blel^"ez& 
tuez  de  leurs  propres  armes.  Le  Capitaine  Vvolfgang 
Hag,  voulant  recueillir  fes  foldats,  &leurramenteuanc 
la  valeur  des  anciens  Alemans,fe  trouua  enueloppe  par- 
mi les  Turcs,  &  abandonné  des  liens  mourut  les  armes 
au  poing.  Uiftotre  dufie-re  de  V ienne. 

Aullun,  feigneur  Gafcon,  vaillant  &  de  grande  expé- 
rience au  faid  de  la  guerre  &  duquel  on  auoit  fait  telle 
eftime  en  Piedmont,quefaproueire  eiioiten  la  bouche 
detous:fetronuantà  laiournee  de  Dreux  ,  aux  premiè- 
res guerres  ciuilcs  de  l'an  15 ô"!.  print  telle  efpouuante 
à  la  première chargcqu'jl  fut  chaflé  delà  peur  iufquesà/ 
Paris,  où  fc  reconoiflant  il  mourut  de  regret.  Htjioire  d& 
Jrr^nce  foiii  Ch.trles  IX. 

lean  Defgorris  ,  tresdode  médecin  de  noftre  tempç> 
comme  fon  liure  des  définitions  médicinales  en  fait  fo y,, 
ayant  efté  appelle  par  l'Euefque  de  Melun  ,  afin  dele- 
traiter  en  quelque  maladie,  pour  retourner  feuremenn 
a  Paris  ,  ou  il  demeuroit  ,  &  afin  que  ceux  de  la  vil- 
le eftanslors  en  armes  (c'eftoit  durant  les  premiers  trou- 
ble^) ne  lui  fiffent  dommage  à  caufe  de  la  religion  ,  TE- 
ucfquele  fit  monter  en  ion  coche  ,  &  conduire  couuerc 
&  caché  en  icelui.  Quelques  marcha/is  au fqucls  l'Euef' 
quedeuoit  bonne  fomme,  &  n'en  pouuoyent  rien  ti- 
rer,ayâs  ienti  le  vent  de  la  venue  de  ce  cochclefontar- 
refterpar  desfergens,  en  intention  de  f;u(îr  aufii  tout  le 
meuble  qui  y  pouuoiteftre.  Cefte  laificfaifit  tellement 
Defgorris ,  &  Un  donna  telles  afFrei;,péiant  elhc  tôbê  es 


41  ^  Hijloires  admirables 

mains  de  gens  qui  l'crgorgcro)^<ît  ,  qu'il  en  fut  pour 
quelque  temps  blefTé  en  fon  cnteildcment,&  eut  on  aP 
fez  d'afairc  à  le  remettre  au  deffus.  T  h. x^iivg^r  au  premier 
Uurc  dit  premiers  njolnme  de  fon  threatrCypar  le  rapport  de  Hu- 
bert La!\^ttet. 

Charles  du  Moulin  dofte  iurifconfulteParifîen  citant 
en  l'académie  de  Tubingue ,  pour  y  lire  en  droi6t  ,  aux 
gaecs  du  Duc  de  Vvirtembcrg,  fut  logé  comme  par  for- 
ce en  la  maifon  d'vn  certain  Aleman  natif  du  lieu  ,  le- 
quel ne  prenant  plaifir  d'auoir  vn  tel  hofte  ,  qu'il  appel- 
loit"'eftranger,pour  lemolerter  fit  vne  recerche  de  ats 
Se  de  fouris,  &  en  lafcha  bon  nombre  par  les  membres  de 
fon  logis.  Ce  que  voyant  du  Moulin ,  qui  hailFuit  mer- 
ueilleufcment  tels  animaux  ,  tout  effrayé  deflogea  au 
mefnie  iniiant ,  &  s'encourut  cercher  autre  demeure, 
T^hs^sr  e7icemijmcUirfc. 

Vn  Lfpagnoirurnommé  ValladarC:,  eftanten  prcfcn- 
ce  du  Cardinal  Ximencs,  entre  ceux  qui  afpiroyent  .î 
cil:re  graduez  en  Théologie ,  &  voyant  qu'on  en  auoit 
delîanommé  cinq  ou  fixdeuant  lui  ,  entra  en  tel  àcÇ- 
pit&:  fafchcried'efprit,  fc  voyant  poftpofe  aux  autres, 
qu'vne  conuulfion  le  faffît,tellement  que  tous fes  mem- 
bres trembloyent  :  &  eitant  appelle  le  huidiefme ,  en  fe  ^ 
leuant  delà  place  où  il  clloit,  pour  s'en  aller  feoir  au 
banc  des  graduez,ceiU^  place  fut  vcuc  toute  mouillée  de 
l'vrine  :  qui  lui  cftoit  efchappeeen  celte  detrefle.,^/M4- 
rj**  Gcmez.iau'  ^.liUrc  de  ihijl.du  CardiuM  Ximciies. 

L'an  mil  cinq  cens  trente  fîx  ,  Nicolas  Groupe  eftant 
enlaville  d'Annebcrg,  où  des  longtemps  il  attcndoïc 
la  première  bonne  prébende  vacante  que  i'Euefquede 
Mifne  lui  auoit  promife  ,  ayant  receu  lettres  d'icclui  qui 
le  declairoit  fon  fuftlagant  &  grand  Vicaire,  fut  tel- 
lement esbranic  delà  ioye  qu'il  feinoit,  que  fansauoir 
ncheucdclirc  relies  lettres  iulqucs  au  bout  ,  tout  à 
l'heure  il  rendit  felprit.  c;.  le  Peui-t;^it  3.  Uure  de  j}s  aihîU" 
les  de  MtJ'uc. 

De  noftre  temps  la  lugeffe  de  Vic-fezenfac  en  la  cô-  | 
té  d' Armaignac,  aagee  de  foixante  ans ,  a  laquelle  on  a-  l 
uoicdic(pourlarcurer  de  quelque  compagnie)  que  fa     ! 

fiXLer« 


ef  memoYahlesl  4  \f 

fille  fe  mouroit,  cftant  arriuce  ,  &  la  trouuant  frîinc  &:• 
gaiUarde,mourut  fouciain.  loubert  atiiUlure  c{ttrh3cha.u. 

Apres  la  iournec  de  Moutconcour,vne  honnefte  Da- 
moirelle,eftimanteftie  vefuc  de  Ton  mari,braue  Gentil-* 
homme  ,  duquel^iilui  auoit  faitrappor.t,  qu'il  y  aucic 
cftétué,  le  voyant  au  bout  de  quelque  mois  de  retout 
inopinément,  fut  efprife  de  telle  ioye  qu'elle  mourut 
foudain  entre  Tes  bras.  UtjlJc  n^fire  temps. 

Durant  la  ligue  vne  autre  Damoifclle,  ayant  après 
beaucoup  de  folicitudcs,  foliicitations,  dcrptnfes,  peurs 
&  grandes  fafcheriesjrctiré  Ton  mari,  doftc  perfonnage, 
&  prifonnier  plufieurs  mois,en  trefcruelles  mains,  ou  il 
fut  garanti  &  conlerué  comme  par  miracle  ,  &  prefques 
ainh  que  Daniel  en  lafoflc  des  lyons  ,  le  voyant  fain  & 
faufderetûur,futrauic  de  tel  contentement,  que  toft  a-^ 
près  fon  arriuee  ,  die  rendit  Tauie  à  Dieu.  Uijt.  de  noft-e 
temps. 

Vne  femme  honnorablecftimant  que  fon  mari  euft 
cfte  tué  à  Paris  le  ^4.  iour  d'AouJf  1^72..  pource  qu'il  ne 
paroifi'oit  point  au  terme  qu'il  lui  auoit  promis  ,  d'eftre 
de  retour  vers  elle  au  comi^enccment  de  Septembre, 
entendant  trois  fcmaincs  après  qu'il  approcjioit  fain  & 
fa  uf  de  fa  mailon,  perdit  la  parole,  <3<:  ne  peut  lui  dirt,le 
voyant>mot  quelconque,fînon  le  regarder  comme  touc 
cfperdue: Ayant  elpandu  force  larmes,  ellereprint  quel- 
que peu  la  parole,  comme  reticn-int  à  iby  de  quelque 
paîmoifon.  Lesnuifts  fuiuantcs  iufcjucs  à  plus  de  quïïI'-. 
zciours  après,  il  lui  fut  impoflible  de  clorre  l'œil  plus 
de  rrois  quarts  d'heure  chafquc  nui<ft,  touchant  de  fois  à 
autre  fon  mari  dormant,  &  de  iour  le  regardant  par  ad-* 
miration,  comme  il  elle  n'euft  point  crcu  à  Tes  fen^,.  Fi-» 
nalement  elle  fc  rcprint  tellement  qu'elle  m'a  confefl'é 
plus  de  dix  ans  après,  que  ccfte  palTion  l'aucit  indici- 
blemcnt  choquée, ècesbranlee.  Meîmcs  par  fois  ie  lui 
ay  oui  dire  bien  à  certes  qu'en  la  grofîeifc  d'vndeies 
^nfrms  ne  plus  d'on/e  ans  après  ceft  accident,  elle  auoii: 
Icnti  vne  nouuelle  recharge  en  la  phantafie  deccc;ui 
cftoit  auenu  ,  îk  tenoit  pour  allcuié  que  Ton  fruids'cn 
ientiroit  :  en  quoy  elle  u'a  pas  equiuocjué.  Mais  le  rcl^ 

Dd 


4i8  Hifloiresadmirdhtss 

ped  que  ie  porte  à  iccUe  famille  me  garde  dédire  le  re- 
lie. Etcequedefluseftà  mon  propos  de  la  véhémence 
des  pafTions.  E^ttrait  de  mes  mémoires. 

l'ai  oui  parler  dVn  ieunc  homme,  que  deux  filles  en 
iouaiu  chacouilloyenc  tant  &  C\  importunément  que 
l'ayans  efmçu  à  rire,  il  rit  tant  qu'il  cefl'a  totalement  de 
rire,  &  ne  dit  plus  mot.  Elles  penfoyent  qu'il  fut  efua- 
liouy,quandcsbahies  lecognurcnt  mort  citoufFe./o;</;e)-t 
aul.UuÀti  rh)chj.zj. 

Monfîcur  BoilToiinade,  médecin  d'Agen ,  trefdoâe, 
expert,  diligent ,  homme  de  bien  &  d'honneur ,  m'a  tef- 
moigné  quelapaumicre(c  cft  à  dire,lamaiftrefle  du  icii 
de  paume  de  ladite  ville  d'Agen)  femme  aagec,  mourut 
à  force  de rire,oyant conter  vne  chofe  fort  inopinée,  e- 
llrange  &  ridicule.  ^_yiit,  ^.Utt.chap.iS. 

En  cemefmeliure  troifiefmcchap. 14.1e  dofteurlou- 
bert  recite  trois  plaifantes  hiftoires  de  certains  mala- 
des abandonnez  des  médecins ,  guéris  inopinément  .1 
force  de  rire,  voyans  quelques  plaifans  aftcs  de  certains 
cinges(animaux  ridicules  )  fc  iouans  en  leur  chambrcsj 
tels  moyens  excitans  &  releuansla  nature  accablee,aba- 
tue,& comme  eftoufïec  du  mal. 


PELERIN  Turc  y  mertieilleux, 

ÏE  veux  vous  conter  merucillcs  d'vn  pèlerin  Turc.  I- 
celuicheminoit  veftu  d'vnc  foutane  &  d'vn  manteau 
blanc,  ioignant  iufques aux  talons,  auec  vne  longue 
barbe  :  bricftclque  nos  peintres  nous  rcprefentcnt  la 
plufpart  ddsApoftres.  Sousvn  graueportil  cachoit  vne 
^imecauteleufe.  Les  Turcs Tadmiroycnt  &  honoroyent 
comme  vn  fainâ:  &  faifeur  de  miracles  :  melmes  in- 
citèrent mes  truchemaiis ,  à  le  m'amcner  afin  que  ie 
levifle.  Il  difna  en  ma  table  fobrcnicnt  &  modeftc- 
ment.  Puis  defcendit  en  la  cour  du  logis  ,  &  rcuinll 
toll  après  ,  ayant  Icué  de  terre  vn  fort  gros  caillou, 
dont  il  le  donna  des  coups  contre  la  poi^flrine  nue ,  af- 
fez  roides  pour  aflommer  vn  bœuf.  Cela  fait  il  iettc  la 
main  fur  vn  fer,qucroi:i  auoit  expreircii^eut  mis  au  feu,. 


cf"  mem&rablesl  4r^ 

-tcîlemenr  qu*i]  elloit  tout  rouge.  Il  le  mie  dedans  £a 
bouchc,&  l'y  tourna  defrous,dcflus,de  touscoftex,  la  fa- 
liue  freniiflant  comme  fait  Tcau  dedans  laquelle  vn  for- 
geron plongeroitfon  fer  chaud. Ce  fer  cftoit  allez  long» 
gros  au  bout  en  la  main,&quarréparlebout,  qui  entra 
dedans  la  bouchcfi  efchauffé ,  qu'il  relTembloit  du  touc 
à  vn  charbon  tout  enflamme. 

Ce  fait  il  remet  k  fer  au  fcu.puis  m'ayant  fait  la  reue- 
rence,&rcceu  quelque  prefeut,  ils'enva.Mesferuitcur? 
ellonnez  d'vn  tel  fpcdacle^i)  y  en  eut  vn  qui  s'eftimanc 
plus  habille  que  Tes  compagnons,commence  à  leur  dire^ 
Pauuresfots  dequoy  vous  csbahiirez-vousPPenfcz-vous 
que  ce  triacleur  ait  réellement  &  de  fait  mis  ce  feu  en  fa 
bouchePCe  font  impofturcs  &  tours  de  pafle-pafTc:  Di- 
fantcelail  empoigne  le  fer  parle  fin  bout  hors  du  feu, 
fourmonftrer  que  l'on  pouuoitlc  manier  fansbruflu- 
re  ni  bleffure  quelconque.  Mais  il  ne  l'eulf  pas  pluftolt 
îferre  de  la  main  qu'il  lefecoua  bien  viftemcnt  :  non 
de  telle  habilité  que  par  l'cfpace  de  pluiieurs  iours  il 
lî'euil  la  paume  &  les  doigts  de  la  main  tellement  at- 
teints de  l'ardeur  du  feu  qu'on  cuil  beaucoup  de  peinç 
à  le  guérir. 

Ses  compagnons  ne  peurent  toutesfois  fe  contenir  de 
rire  tout  leur  raoul&  lui  demander  ,  s'il  commcncoit 
point  i  croire  qu'vn  fou  ardant  &  enflammé  fuft  chaud?" 
adionftans qu'il  cftoit  enlui  d'en  faire  vn  de uxiefmeef- 
fay,fî  bon  lui  fcmbloitjpour  conuaincre  ceux  defquels  il 
i'elloit  tant  mocqiié.  Mais  il  ne  voulut  plus  s'y  frotter^ 
En  difnantjce  Turc  qui  fe  dilbit  moine,  me  contoit  que 
Ton  Abbé  ,  homme  faind  &  renommé  pour  fes  mira- 
cles, auoit  la  couftume  d'eftendre  Ton  manteau  deil'uç 
vn  lac  proche  du  conuent ,  puis  s'afleoit  deifus  ,  &  s'ef- 
fcatoit  à  i'aife  fur  Teau  en  celf  équipage  ,  comme  s'il 
i^uft  vogué  en  temps  fcrain  i&  paiiible  dedans  vnc  gon- 
dole. Qii^tcuajid  on  efcorehoitvn  mouton,  la  cou- 
ftwine  elloitde  couldvc  ceft  Abbé  dedans  la  peau,  telle- 
ment que  les  pieds  de  deuant  eftoyent  accommodez 
au  bras ,  &  ceux  de  derrière  aux  cuifies  :  puis  en  cel^  c- 
ijyuippagc,  on  le  ieuou  dedans  vn  fout  ardant,  ^uil 

DU    » 


!4  20  Hijleires  admirables 

•Jcmeuroitiufquesà  ce  que  le  mouton  fuft  roûj,puiso.a 
le  tiroit  fain  &  fauf  de  la  fournaifc ,  pour  manger  i©yeu- 
fcmcntfaparcdu  mouton  aucclcs  moines.  Si  vous  me 
dites  ,  que  tels  miracles  de  Satan  ,  font  impafturcs  auf- 
cjuelles  vous  n'adiouftez  nulle  crcâccne  fay-ie  pas  moy, 
le  vous  reprefente  le  récit  du  moine  :  maisquant  au  fer 
ardant,  ie  vous  recite  ce  que  i'ay  veu  de  mes  yeux.  Ce 
qui  n'eft  pas  tant  admirable  qu'on  cuidcroit  de  prime 
face.  Car  ie  ne  doute  point  que  ce  triacleur  miracleur 
feignant  chercher  vn  caillou  par  la  cour  du  logis  pour  fe 
battre  la poidrine  ,n'euft  muni  lors  fa  bouche  de  médi- 
cament propre  contre  la  violence  du  feu  :  comme,  vous 
fçauez  qu'il  s'en  trouue.Ilme  fouuicnt  auoirvcu  en  la 
place  de  Vcnife  vn  charlatan^lcquel  manioit  librement 
Ju  plomb  fondu,  &  s'en  lauoit  les  mains  fansbruflureai 
dommage  quelconque,  te  Sieur  de  BufUque  .miLiffadehr 
des  Empereurs  Ferdinund  ^  Maximilian  il.  atfon  d^fcoHn  dit 
njoy.ige  en  Turquieippifir^  4. 

Terme  pum. 

ENlavilledeRutlingue  ,  certain  paflant  arriué  e« 
rhoftellerie  baille  en  garde  àfon  boftc  vne  bou- 
gcttcoù  y  auoit  grande  fomme  d'argent.  Répétant  fui 
fon  départ  ce  depoft,rhoftenierauoirreceu,riniuiie& 
Icmocquc  dclui.Le  paflant  le  tire  eniuftice  ,  &  pource 
c]uetout  cclas'eitoit  manié  fanstefmoins,  ileftoit  furie 
poind  d'en  faire  preilcr  ferment  à  l'holle,  lequel  ne  de* 
mandoit  autre  chofe,&  délia  fe  donnoit  au  diable  au  cas 
qu'il  euft  receu  &  recelé  labougettc  dont  eftoit  que- 
ftion.  Le  demandeur  requiert  délai  pour  auifer  s'il  dc- 
fereroit  le  ferment  au  défendeur  :  &fortant  des  plaids 
rencontre  deux  hommes,qui  lui  demandent  l'occa/îon 
de  fa  venue  en  tel  Ij^u, il  leur  recite  le  faid.Et  quoijui 
difent-ils,veux-tu  bien  que  nous  t'aidions  en  celte  cau- 
rc?Ily  confentit,ne  fâchant  qui  ils  eftoyent.  Là  deflu» 
tous  trois,retournercntdeuant  le  luge:  où  les  deux  der- 
niers venus  commencent  à  foullenir  à  l'hoile,  qui  ne 
ï'eneftoit  pas  encore  allé,que la bougerte  lui  auoite- 
fté  baïUee  ,  qu'il  l'auoù  rcceuè'&  ferrée  en  tel  &  tel 

endroit 


^memorahks.  ^n 

ecidroit,qu'ils  dcfignent.Lc  periure  mal-heureux  neiça-. 
uoitque  rcfpondve:  &  comme  le  iuge  deliberoic  Tcn- 
uoyer  en  prifon,  les  deux  tefmoins  commencent  à  dire» 
Il  n'en  eft  pas  befoinmous  fommes  enuoyezfjour  le  pu- 
nir de  fa  mefchanceté.Difant  cela,ils  empoig  nenc  &  ef- 
leucntcc  periure  en  l'air ,  où  il  difputaauec  eux  :  fans 
qu'oncques  depuis  on  peuft  le  trouuer.  i.  le  GjJI  de  Br^- 
fac  auz.uoUrme  defesprojjos  de  table.  Gillebert  Confinde  JVo-' 
Jeret  enfes  tiarrutions. 

P  i  R  s  o  N  N  E  s    qui   'xjiuent  long  ternes 
fans  boire  m  manger, 

M  Aiftrei- Gérard  deBucold  Médecin  de  Ferdinand 
depuis  Empereur,  attelle  par  cfcrit,  imprimé  en 
Latin  &  en  Alemand ,  que  l'an  1559.  fe  trouua  en  vn  vil- 
lage près  de  Spire  vne  nommée  Marguerite  fille  de  So- 
froy  Vucis  &  de  Barbe  fa  femme  ,  laquelle  en  Taage  de 
dix-huid  ans  atteinte  fur  la  fin  de  Septembre  dVn  mal 
de  tefte  &  de  ventre ,  allez  légèrement ,  commença  de 
perdrelegouft  des  viandes,  ce  quilui  duraiufques  à  Ix 
fin  de  l'année  :  qu'ayans  reprins  quelque  appétit  elle  fie 
vn  repas  ou  deux  :  mais  depuis  ceffa  totalement  de  man- 
ger, &beuuoit  quelque  peu.  Apres  Pafque  de  l'année 
fuiuante,  elle  refufa  de  boire,  tellement  qu'es  plus  gran- 
des chaleurs  de  l'Efté  elle  ne  beuuoit  point:  dont  s'en- 
fuiuit  qu'elle  nerendoitni  vrine  ni  autres  excremens. 
Ferdinand  lors  Roy  des  Roniains,  la  voulut  voir  ,  6c 
pour  obuier  à  toute  fiaude  la  fit  foigneufement garder  Ôc 
confiderer  par  ledit  de  Bucold  entre  autres,  lequel  en  2 
fait  ce  rnpport,confcrmépar  pluficurs  autres  tefmoins. 

Vn  gentil-homme,  qui  s'eft  acquité  dignement  de 
pluficurs charges,  difoit  où  i'eftois  ,  qu'il  eftoit  allé  do 
Madril  à  Lisbonne ,  en  plein  Eilé,fans  boire.  Il  fe  porte 
vigoureufement  pour  ion  aage,  &  n'a  rien  d'extraordi- 
naire en  l'vfagc  de  fa  vie ,  que  ceci ,  d'eftre  deux  ou  trois 
mois,  voire  vn  an  ,  ce  m'a  il  dit,faas  boire.Il  fent  de  Tal- 
teration  ,  mais  illa  laiffe  pailerV^c  tient  que  c'cft  vn  ap-^ 
petit  <jui  s'alanguit  aiféiacnt  4c  f^i-werinp  >  &  boit  plu% 

l>4  i 


j^ii  Hijloires  admirables 

par  çapriccpour  le  bcfoirijou  pour  le  plai/îr.  Le  Sieur  et 
Atontugncun  ^.tiure  dejès  tjjuh^chup.clernter.  On  rccitc  le 
Inermc  dVn  grand  Sci^zncur  en  France,  lequel  a  cfte 
;?mbafl"acicur  à  Rome.  OrsIls'cJt  trouue  iadis&  Uc  no- 
ilre  temps  des  pcrlonncs  oui  ontfait  des  abftinences  fore 
^randes;dont  nous  auons  produit  ouclques  vns  parlant 
ipi-deilus  des  iufhes  merucilleux  :  mais  n'ayans  exemple 
^lus  remarquable  entre  plufîeur,sc|uc  celui  que  nous 
iîdiouflerons  incontinent ,  nous  laurons  «u  Icdteur  le 
loifir  de  fe  ramenteuoir  ceux  qu'il  peut  auoir  veus ,  & 
«iont  on  lui  aura  parlé. Cependant  nous  lui  prefcnterons 
celui  qui  s'enfuit, 

Le  mardi  14. tour  de  Nciicmbrc  i584.par  le  comman- 
•djment  de  trei-illuilre  Prince  lean  Cafimir  Comte  Pa- 
latin du  Khindc  gouucrneur&  fupcrintendantde  Kai- 
ferlauter  acompagné  de  Henri  Smctius  &  lean  lacques 
Theodore,dodtei!rs  Mcdecins,fircntcnquelle  au  village 
<le  Schmidvveiler  en  la  lurifdiâion  de  Colbcrg  ,  do- 
maine dudit  Seigneur  Prince  ,  couchant  la  fille  dont 
hous  auons  à  reprefcnterrhiitoirc. 

Kun  To)inciier  natif  de  Spishcim>  honncftcpayfan, 
C.iquis  de  ces  Commifïi>ircs,cntre  autres  articles  afferma 
c]ue  Catherine ,  aagec  lors  d'enuiron  vingt  fcpt  ans  fille 
de  lui  &  de  fi  femme  aufii  nommée  Caiherine,  s'ellant 
bien  portée  iulques  à  auoir  fes  purgations  mcnllruales, 
au  retour  de  certaines  nopces  fur  lài(ie  de  heure  ,  qui 
lui  oifa  l'appctit  de  man^'cr  viandes  chaudes  Tefpacc 
de  cinq  ans  >  durant  lefc'uels  elle  ne  lailVa  de  fe  bien 
porter,trauaillcr,le  rt-ndantfort  obeifl'antc  ,  inuoquant 
Dieu^deuote  &  aftcdionnte  .i  opu  fa  pa<-olc,&  bien  in- 
l^ruitecniccile.  Pour  lui  faire  rccouurcr  le  gouft  des 
viandes  chaudes, le  père  &  la  mcre  outre  quelques  mé- 
dicaments ordinaires  la  mirent  entre  les  mains  d'vn  em- 
55 yriquc  ,  lequel  en  heu  de  la  fouJager  par  certain  bru- 
tiage  ,  lui  fit  perdre  Tappetit  de  toutes  viandes;&  chau- 
des &  froides:tclIement que  depuis  lufques  alors,  ceft 
à  dire  Tefpace  de  fcpt  ans  entiers  ,  aucune  viande 
ni  breuuage  n'auoir  peu  paflcr  parle  go/îcr  de  celle 
Èlle.cjui  lix  mois  après  cç  %IcigoulU'mccit:cçoit  le  lus  de 


drtncmtrrahles.  41  j 

^^nelqucs  poires  &  pommcs,&  en  crachoir  le  marc.  Mais 
n'ayant  peu  longuement  vTer  Je  ce  remède ,  elle  fe  la- 
uoit  la  bouche  de  pure  eau  de  vie ,  fans  pouuoir  en  aua- 
Icr  vne  feule  goutte.  Cclauementla  tortifioit  en  quel- 
que forte  :  mais  eftant  trop  afpre ,  elley  mefloit  vn  peu 
<i'eau  fiaifchc.  Son  père  adiouftt)it  que  pendant  ce  téps 
il  n'auoit  apcrceu  aucune  euacuatfon  de  matière  fccale 
m  dVrines  enicelle  fille,  ni  lueur  ni  vermine  en  endroit 
quelconque  du  corps  ;  ams  touiîours  trouué  fon  \[6t  net 
èi  fon  corps  fans  tache  nifouillure  ou  crallc  aucune  :  ex- 
cepté que  par  fois  elle  fembloit  auoir  quel<jue  diftila- 
tioii  de  cerucau,qui  lafaifoit  cracher,  mais  fort  peu.  Ec 
quelques  fois feleuoit  au  coite  quelque  vapeur  qui  lui 
montoitaucœur,  &  caufoit  douleur  de  tefte,  dont  lui 
furuenoit  grande  foiblefl'e,  mais  de  petite  duree.Quant 
auxviandesjaveuënilcflairne  lamoleftoit,  mais  elle 
n'auoit  appétit  ni  deiîr  quelconque  d'en  vfer.  Si  quel- 
<}ues  défaillances  lui  furuenoyenr,cllefe  frottoit  fous  le 
nez  de  quelques  eaux  de  fenteur,  commcauffi  auxtem- 
pes,fur  la  poiâ:rine,&  aux  poignets.  Ce  qui  la  fortifioit. 
La  dcpofition delà  mère  &  des  voifîns fe  rapportoït  à  ce 
<]ue  delTus. 

Icelle  Catherine  vifitcç  parles  quatrcs  CommilTaires 
à\x  Prince,  fut  trouueed'vn  vifage  beau  &  entier  ,  de 
bonne  ceulcur,  pleine  de  vie  &de  bonne  difpofîtion, 
les  yeux  clcrs ,  vifs  &  bif  n  voyans ,  comme  vne  perfon- 
ne  faine,excepté  qu'ils  lui  eftoyent  aucunement  enfon- 
cez en  la  tefte ,  &  que  par  fois  s'ef.euoit  fous  iceux  vne 
tumeur  qui  ne  continuoit  pr.s  longuement.  Elle  n'a^ 
Uoit  aufl'i  aucun  defiut  es  fens  de  l'odorcment  ,  de 
Touye  &  du  gouft.  Sa  parole  eftoit  douce ,  gracieufe, 
décente,  clairc,fignifiante,8c  intelligible.  Seulement  U 
bouche  lui  eftoitdcuenuè  fi  eftroite,  àcaufe  des  deux 
iouës  qui  lui  faifoyent  fort  mal  (comme  elle  mef- 
medifoit)  qu'elle  n'y  pouuoit  pas  mefmc  faire  entrer 
fon  petit  doigt  ;  toutesfois  fans  apparence  d'enfleure, 
Eftant  debout  elle  ne  pouuoit  d'elle  mefmc  leuer  la 
tefte  &  la  tenir  droite,^  caufe  de  fes  eflourdiifemens.I-es 
thçucux  lui  çftans  tombez. du  tout, recommençoyçiîj; 


4  ^  4  Bijloires  admirables 

à  croiftre.  En  cefte  (îcnc  maladie  ou  infirmité  ,  elle  n*a- 
lioitprefque  eu  aucune  parole  ni  entendement  trois 
ans  dcuant  :  mais  le  Icudi  deuant  Pafqucs  1585.  elle  re- 
couura  la  parole  nucc  entendement  beaucoup  meilleur 
<;juc  lamais  elle  n'auoit  eu  es  iours  defa  faute  ,  &  ce  de 
l'admirable  façon  qui  s'enfuit. 

Comme  fon  perc  en  ce  temps  \\  fuft  allé  en  la  forcit 

Î ►roche  du  village  faire  des  planches  de  marrain  ,  &  que 
a  mcre  iud  forcie  aufîi  de  h  maifon  pour  aller  vers  lui, 
ayant  fermé  toutes  les  portes ,  &  lailTé  leur  fille  toute 
feule  :  vn  homme,  en  habit  de  Pafkur  de  l'F.î?life,entra 
dedans  le  poifle,s'approcha  du  lici,  print  la  fiile  par  laif- 
felle  gauche,la  leua,  fouftint,  &  fit  pourmener  :  puis  lui 
•demanda  fi  elle  fçauoit  prier  Dieu.  Catherine  aucu- 
nement eftonnce  de  ceiledemande,nc  pouuoitrefpon- 
'dre  ellant  muetce.  Il  commença  donc  à  reciter  les  dix 
Commandemens  de  Dieu  en  langue  vulgaire  ,  puis  les 
articles  dcfoy ,  TOraifon  Dominicale,  rinftitution  du 
S.  Baptefme,&dela  faindc  Cencircxhortant  outreplus 
a  paticncc,la  confolant  Scralfcurant,  que  de  briefla  pa- 
role lui  reuiendroit.  Suiqucy  il  fc  départit  foudain  d'a- 
uec  elle.  La  parole  lui  reuint  incontinent,  tellemét  que 
fa  merc  eftanc  de  recour  en  la  maifon  ,  la  fille  deuifa  a^ 
uec  elle  intelligiblement ,  &auecfon  père  puis  après 
donc  tous  deux  furent  merueilleufcment  esbahis  & 
commeeftrayez.  Depuis  cctcmps là ,lapalole&^en- 
tcndement  nelui  ont  point  défailli. 

Le  rapport  des  Médecins  contient  cncores  rcqui 
5'enfuit,quei'adiouilepourlecontéteincn''  diiLedeur, 
(.^antà  ce  qui  concerne  ûpoirrine  ou  ertomach  ,  elle 
^  vne  hr.laine  fouefue  &:  bien  fcnrRnic,\  n  pouK-  naturel 
viux  bras  &aux  pieds,,bicn  ordonne  ,  proportionné  &  ef- 
•  gahmais  par  dehors  deuant  &  dcrric.e  les  aifl elles,  haut 
€l  bas,elle  ed  aucunement  matte  &:  laffc.  Les  deux  ma- 
melles lui  font  plus  longuettes,  plus  molles,  &  pendan- 
tes,qu'elles  ne  font  coullumiercmét  aux  filles.  Elle  fent 
parfois  de  la  douleur  aux  à^ux  cortc/.  au  dcfTous  des 
f:ii;fics  coftcs,  qui  tend  &  paHe  vcr^  la  fofléttc  de  Tefl-o-. 
;3iaçhA  h  rcijd, ii  abatHe ,  qui  peins  peut  elle  rcfpirer„ 

^fcm- 


(^  mémorables.  42.5 

fx  femble  quelquesfois  que  le  fouffle  lui  doiuc  faillir. 
Toutesfois  celte  douleur  le  pafic bien  toft,par  Tapplica- 
tion  &  frottement  de  quelques  eaux  de  fenteur.  On  ne 
lui  peut  toucher  la  foifete  de  rcftomach  ,  qu'elle  n'en 
fente  douleur.  Qu^ant  au  petit  ventre,  il  lui  eft  aucune- 
ment abaifle  comme  vn  corps  vuide  :  toutesfois  parle 
dehors  il  eft  aflcz  bien  fourni,  charnu  &  graflct,  comme 
auffi  Tentour  des  hanches,8c  le  bas  de  Tefchine.  Elle  ne 
ientaucunes  ventoficez  ne  coliques  dedans  foi,  ni  au- 
cunes pointes ,  hocquets,ou  autres  tourmês  eu  fon  efto- 
mach.  Et  combien  que  fbuuent,  fans  contrainte  ni  ne- 
ccllitc, elle  fe  foit  efforcce'de  prendr£  &  aualer  quelque 
chofc ,  elle  ne  l'a  peu  nuU'cment ,  encore  qu'elle  puifle 
endurer  &fentir  les  viandes,  &  ce  qu'on  mange"&  boit 
près  elle,  mais  en  vn  temps  plus  qu'en  autre.  Car  elle  a 
cfté  &  eft  encores  ,  comme  C\  le  gofierlui  eftoit  entiè- 
rement clos  &  eftouppé  ;  aufsi  n'a  elle  ni  felle ,  ni  vrint, 
ri  purgations  menltruales  ,lefquelles  elle  a  eu  quelque 
cfpace  de  temps  parfaitement  &:  ordonnément  deuanu 
fon  intirmité,&  maintenant  luifontcnticrement  defail- 
iies.  Scnibiablemcntelle  n'a  iamais  foif,  neantmoms  el- 
le prend  quelqucsfois  vn  peu  d'eau  fraifche  &  d'eau  d"c 
vie  méfiées  eniemble ,  pour  lauer  fabouchc  feulement, 
&.  la  crache foudain.  Ce  qu'elle  a  fait  par  ci  deuant  auec 
de  l'eau  de  vie  toute  pure,  mais  maintenant  ne  la  peut 
plus  end urer,efl:ant  trop  afpre  &  forte  en  fa  bouche^  qui 
lui  eft  ores  trop  tendre  &  délicate,  &  ne  fait  cela  que 
pour  récréation  &  foulagement  de  la  tcfte  &  du  cœur. 
Au  regard  des  bras  &  des  ïambes,  les  bras  font  charnus 
&  entiers  :  principalement  le  feneftre  lui  eft  à\x  tout  àx- 
fpos,&  en  bô  point,nins  aucii  défaut.  Mais  quant  au  bras 
droit,illui  eft  perclus  depuis  le  cou!de,  iufquesauxcx- 
tremitez des  doigts,  &  lui  en  eft  deuenue  la  main  couiv 
be,&les  doigts  roidcs  ,  tellement  qu'elle  ne  peut  Icsre- 
jnuer.  Toutesfois  elle  peut  aucuncinêt  mouu(Mr  le  bras 
dextrcpar  le  hautjpres  Faiftclle ,  mais  non  pas  le  porter 
fur  ['à  tefte,ni  le  paffcr  de  coftc  à  autre,faivs  aide.  Les  iâ- 
bcs&les  cuiftes  font  aucunement  pleines  &  charnues; 
imaisfoûtclçucnuçs  tortçs  teUcmcftO  cju'cll.c  |ie  J)eutlftç 


42-^  hlijloires  admirables 

cftendrc:  toute^fois  elle  meut  aucunement  fcs pieds  & 
icsorcils.  I.t  lui  clt  cleuenu  ledit  bras  perclus  ,  &lcv 
jambes  ainfi  tortcsjdcpuis  qu'elle  a  eu  pafle  trois  ans  ^i- 
lantcfans  rien  mander.  En  tout  Ton  corps  enricremeiu 
y  a  vne  clialcur  tempérée  ,  naturelle  &  gvacieulc.  Les 
ongles  tant  des  pieds  que  des  mains  font  d'vncbelle  for- 
me, longuette,  &;  en  bonne  difpofîtion  ,  telle  qu'il  con- 
uientà  vne  perfonne  faine. 

Les  Médecins  ayans  fait  ce  rapport ,  tout  examiné  3c 
bien  conîîdcré  j  les  Comniilfaires  furent  d'auis  ,  pour 
grandes  raifons,  que  Ton  choifiroit  quatre  femmes  fa- 
gesjbien  entendues  &  propres  à  tel  affaire  ,  qui  feroyent 
enuoyees  à  Schemidvveilcr,pour  garder  cefte  fille  alter- 
natiuement ,  deux  de  iour ,  &  deux  de  nuit ,  Tefpace  de 
deuxfemaines  auec  toute  diligence  ,  à  ce  qu'aucune 
viande,  ou  bruuage  ne  lui  fuft  adminiftré  par  perfonne 
quelconque:  &  que  le  li<fl:  fur  lequelle  elle  couchoitlors 
fuft  change, vn  autre  mis  en  la  place ,  &  que  par  tout  le 
poifle  on  fift  diligente  recerche.  L'on  auoit  entendu  de 
la  bouche  mefme  de  la  fille,  quedeTeucfcbé  deTrcucs 
venoyent  vers  cllehômes&  femmes,  quiTenqueroyent 
de  reuelations&prcdidions. Outreplus  l'on  auoittroii- 
ué  près  d'elle  des  lettres  efcrites  comme  à  vne  fainde 
vierge,  l'intention  de  ces  efcriuans  eftantd'en  faire  vne 
jdole,&  drellct  autour  d'elle  vn  pèlerinage.  L'cnquefte 
<les  payfans  ne  parloir  que  par  ouy  dire ,  &  faloit  fe  rap- 
porter de  tout  au  pere,à  la  mere,à  la  fiUclaquelle  ellant 
iî  vigourcufe  ,  les  Commiffaiics  fc  trouuoyent  comme 
perplex  en  tel  rapports.  Pourtant  ils  font  leur  rapport 
Aie  tout  ccque  delfus  au  Gouuerneur  de  Neuftad  &  aux 
Confeillers  du  Prince  ,  lefquels  toft  après  décernent 
commifli'jn  au  Gouuerneur  de  Kaifcrlautcr  pourpour- 
uoii  i  ceft  afaircà  quoy  il  fatisfait  en  diligencc,&  en  fait 
toft  après  fon  rapport,  que  l'ay  tranfcnt,  tranllaté  de 
l'Aleman,es  termes  fuiuans. 

Suiuantvoftre  Commifllon  du  24.de  Pccembre  1584. 
à  n©us  adreffantc  ,  touchant  l'atfaire  de  la  fille  du  villa- 
ge de  Schinidvveiicr,nous  auons  de  tout  co\}cé  f:iit  dili- 
gente pc;quiliuû  de  quatre  icruiucs  honoiableio  &  "'^i^ 


Cr  mémorables.  4^7 

•jons  vn  long  temps  peu  trouucr  aucune  qui  voululfc 
.  c  mployçr  à  tel  afaire,iu!ques  à  ce  qu'en  fin  nous  auons 
a  ce  induit  &  pcrfuadë  AnaeBrening,vefuecie  feu  An- 
dré Zils  de  celle  ville, appellee  autrement  la  vieille  mc- 
nuifjcre:Anaihfîe  vefuc  de  feu  de  bonne  mémoire  lean 
Ebcrard  en  Ton  viuant  paftcur  de  VValhalben  :  Agnes 
femme  du  paftcuroui  eft  à  prefcnt  à  Stcinvvcrden,  & 
Marguerite  vefue  delcan  Gauffcnenfon  viuant  bour- 
geois de  ceftc  ville,&icelles  menées  de  puifTance  &  au- 
thorité  en  tel  cas  requifcs.Et  aprc-s  les  auoir  côpetémét 
inilruites  &  informées  de  leur  deuoirjfclon  la  teneur  de 
Tauis  qui  auroitdésle  commencement  elle  enuoyé  à 
Monfeigneurj,&  de  toutes  quatre  pris  &  receu  le  fermét> 
icclles  auffi  fait  côd uire  le  i(5.iour  de  lâuier  derrfîet  paf^ 
fé  audit  lieu  de  Schmidvvciler,  aueclefieur  Loleman 
fuperintendant  ,  ou  elles  ont  demeuré  près  ladite  fille 
iuiquesau  3o.iour  du  mefmc  mois:eftans retournées  en 
ce  lieu  elles  nous  ont  recité  &  au  long  raconte  le  iour 
eniuiuant,  ce  qu'elles  auoyent  aprins,  deicouucrt  &  ex- 
perimentéjtouchantceft  afaire,ainfi  qu'il  s'enfuit. 

Commcleditfieur  Superintcndant,auec  les  quatre 
femmes  lufmentionnees  fut  arriué  le  i<î.Ianuier  vers  le 
foir  à  Kolbelbeig,  ils  ne  voulurent  pas  s'auancer  d'auan- 
tage.pour  ceile  nuidiàimaisle  lendemain  fe  rendirét  en 
chariot  à  Schmidvveiler,  où^abordansde  prime  faccle 
père  &  la  mère  leur  firent  entendre;,  comme  par  le  com- 
mandement des  Gouuerneursils  comparoilloyent  audit 
lieu, aucc  charge  de  garder  leur  fille  quinze  iours  durât. 
Et  que  cela  ne  fe  faifoic  finon  afin  de  fermer  la  bouche 
ceux  qui  de  tous  cofte?.  parlét  en  mauuaife  part  de  leur 
fille, voire  mefnics  du  Prince.d'autant  qu'il  adioulle  foi 
aux  paroles  delcurdire  fiile^aflauojrqu'vn  iî  long  temp« 
clic  n'a  rien  mangé  nibeu  ,  &  fe  perfuade  entiercmenc 
t]u'ellenc  ditcholespar  mcnterie  6:impofturc,bref  c'eft 
afin  quVne  fois  pour  toutes  l'enticre  a  ericé  puifl'e  fortir 
en  lumière.  Acelalc  pcre&  la  mcrc  le  font  volontiers 
fuhmis  &  accordez, receuans  iceux  ainiablement,&  alai- 
grement,  &|escondui(ircnr  \  ers  la  fille  en  fa  chambre 
Où  cllans,le  Superintendant auroit  parlé  de  mefinema- 
fiicrc  àiafi,lle,^onvne  auparauant  ùresperç&  lyççc. 


4-^8  Hijfoires  admirables 

&  fait  entendre  bien  au  long  loccafion  de  leur  venue. 

Surquoy  la  fille  auroic  commence  à  fc  plaindre  &  de- 
mander à  quelle  occasion  on  vouloit  ores  commencer  à 
Iatancrrauailler&  moleiler.Principalementelle  fcicn- 
toit  fort:  grcuee  de  ce  que  fon  peie  &.  fa  mère  ne  dc' 
Vioyent  coucher  h  nuift  près  d'elle  en  fa  chambre,donc 
elle  pleura  forrmiais  incontinent  après  le  départ  du  Su- 
perintendant Anne  Brennig  auroit  parle  li  gracicufe- 
menta  ladite  fille  ^ qu'elle  s'accorda  fr;inchement  à  ce 
qu'on  vouloit ,  &  permît  non  feulement  qu'on  empor- 
tai!: la  couche  de  fon  père  &  de  fa  mcre:  maisaufli  qu'on 
vifitaft  fon  proprclid ,  voire  qu'on  l'oftaft  du  tout ,  & 
qu'on  lui  en  drefl^all  de  nouueau  vn  autre  en  autre  en- 
droit dedans  le  petit  poillerde  forte  que  le  père  &  la  mè- 
re n'y  couchèrent  point.Et  quand  ils  entroyent  deiour 
en  la  chambre,  ils  n'aprochoyent  de  leur  fille,ninecô- 
muniquoyentenfecretauec  elle.  Or  pendant  les  iours 
&  nuits  de  ces  deux  femaines  les  quatre  femmes  enten- 
tlirent  d'eux  bieii.amplement  comment  auoit  commen- 
cé ct^Q  maladie  delà  fille ,  &  combien  elle  auoit  paiie 
d'années  fans  manger  ni  boire.  Ce  qui  conuient  Se  s'ac- 
corde <iu  tout  auec  ce  qui  en  auoit  efté  dit&  déclare 
jpremierement  aux  Seigneurs  Commilfaires.  AufTi  on: 
trouuéleiditcs  femmes  qu'icelle  fille  eft  en  vn  temps 
flusfoiblc  &  débile  qu'en  l'autrej&ront  tounours  veil- 
Jee,deux  de  iour&dcux  de  nuid.  Et  pour  plusexafte 
recerche  de  vérité, auroittouhours  c]uelqu'vne  des  qua- 
tre couché  la  nuid  presladite fille  en  fon lict,a  ce  qu'eii 
nulle  manière ^.il  n'ypeuil  entreuenir  aucune  fraude, 
Aquoy  elles  ont  diligemment  obuie,&  prins  foigneu- 
iementgardeiour  &nuic1:,&  neâtmoins  n'ont  rien  trou- 
vé,finon  qu'il  en  va  tout  ain/i ,  comme  ladite  fille  au- 
loit  ci  deuant  dit  &  aileuré  de  foi  en  toute  vérité.  D'a- 
uantaoe,  toutes  lefdites  quatre  femmes ,  &  finguliere- 
rrientladitc  Anne  Brenning  ,  ont  confclfé  deuant  nous, 
folennellement  aftcrme&  aileuré  qu'elles  ti^nent  la 
faluation  de  leurs  ames,&  veulent  là  dclTus  mourir  que 
ladite  fille  n'a  mangé  ne  bcu^  ne  morceau  ni  goût- 
te,ne  prins  nielmcs  aucunes  confitures.    Qu'elle  n'a 

auiU 


C^  mémorables.  4^9 

aufïî  rendu"  aucune  vrine,  ni  aucuns  autres  excremens 
hors  de  foi.  Qu'elle  a  encores  moins  dormi.    Et,  que 

Suiconquesreuoque  en  doute  ces  chofes  fait  tort  àl2 
lie. 
Ce  rapport  fut  enuoyé  de  Caiferlauter  le  dixneufief^ 
me  Feurier  mil  cinq  cens  huidantc  cinq,figné  du  Gou- 
uerneur  &  de  fon  fccretairejau  confeil  du  Prince  àNeu- 
ftad.  Quelques  temps  aprcs  l'hidoire  en  fut  imprimée 
en  Alemand^  puis  rourncc  en  François  ,  &  publiée  Tan 
mil  cinq  ccnshuidante  fcpt.  Lctranflatcur,  homme  de 
qualité,  ayant  adioufté  au  bout  de  fon  liuret,  dédié  au 
Baron  de  Pardaillan lors  ambafladeurdu  roy  de  Nauar^ 
rc  en  Alemagne,  les  mots  quis'enfuiuent:  Lesledeurs 
feront  aduertis  que  ladite  Catherine  eft  encores  viuan- 
tc,  en  mefrre  dirpofîtion  &  eitat  que  porte  ce  récit,  Et 
ainil  a  duré  &  vclcu  fans  manger/;ans  boire ,  &  fans  dor- 
mir ,  rcfpace  de  neuf  ans  entiers  &  complets ,  &.  vit  en- 
core miraculeufement,  d'vne  linguliere  pure  &incaro- 
prehenfible  grâce  de  Dieu  tout-puiflant.  -Extrait  de 
fliifiotre  entière  de  et:  faicl ,  imprimée  a>  Fi-aiicfort ,  cheXjlean 

l'entens  qu'il  y  a  pour  le  prefent  en  Auignon,vn  hom- 
me de  foixante  ans,  qui  mange  fort  peu  fouuent ,  &  par 
longs  intcrualles,de  cinq,fix,  dix,  &  plulîeurs  iours.  Ce 
qu'Albert  efcrir  eftfemblable,  qu'ily  auoit  vnefemme> 
laquelle pall'oitquelquesfoisvingtioursians  manger,  & 
bien  fouuent  trente.  Il  dit  aufn  auoirveuvn  homme 
mclancholique,lequel  vefquit  fept  fepmaines fans  man- 
ger,ne  buuant  que  de  Teau,  vn  iour,  &  Tautre  non.  Per- 
lonncsgraues  rapportent  auoir  elle  veuëen  Efpagne 
vne  fillcqui  ne  mangcoit  rien,entretenoit  fa  vie  ne  bu- 
uant que  de  Teau,  &  auoir  dciia  vingt  &  deux  ans.  l'Ii.-« 
J(îeurs  ont  veu  en  Languedoc  vne  garfe  ,  qui  dcmct  ra 
trois  ans  fans  manger  :  &  nous  fçauons  par  ce  qu'en  ont 
efcrit  quelques  bonsS:  dodes  perlbnnages ,  qu'il  y  en  2. 
eu  vne  autre  à  Spire  en  Alemagne  ,  oui  vefquit  a::!anc 
d'années  fainemét,rans  autre  viande  ou  bruuagc  que  de 
rair.GuillaumeRôdclctattellcd'cn  auoir  \  eu  vne  autre, 
<iui  de  pareille  manière  de  viure  parulat  lufques  à  di:ç 


43^  HiBoius  admirables 

aiis,pui's  quand  elle  fur  grande  fe  maria,&  eut  de  beauj*' 
cnFans.Iean  Bocacc  efcrit  d'vne  Alcmande,laqucllc  vef- 
c|uirrrcnteans,rans  manger  aucunement.  Pierre  d'Aba- 
no  racontcdVne  Normande  qui  ne  mangea  rien  de  dix 
liuiâ:  ans,&  d'vne  autre  qui  dura  trente  fix  ans  fans  man- 
ger.On  tient  pour  fccrtain  qu'à  Rome  vn  Preftrevcfquit 
quarante  ans  de  la  feule  infpiration  de  Tair  ,  cela  cftant 
bien  obferuéjfous  la  garde  de  Léon  di^ciefmc ,  &  de  plu- 
/: eu rs  Princes  ,  &fidcremer.t  tefmoigné  parHermolao 
Barbare.  Alexandre  Bcniueniu.^  raconte  d\n  Italien 
qu'il  iufna  quarante  ioursen  la  ville  de  Venifc.  l  .  io«- 
hcrt  ait  z.  paradoxe  de  fa  première  Décade  ^  aui.  Hure  défis 
tr-renri  populaires  fur  la  fin  ,  où  il  adiouftc  vn  difcours  no- 
table, que  ie  n'ay  voulu  pafTer,  ains  ieTofirc  au  Le- 
i^cur. 

le  preuoy  facilement,dit-il  qiic  deux  fortes  de  gens  fe 
}>euuétefmouuoir,oudufeulfujct4e  ces  difcours(tou-. 
chant  ceux  &  celles  qui  ont  vefcu  fans  manger)  ou  de 
icspreuues.Les  vns  fontignorans  de  la  philofophic  na- 
turelle &  de  la  Médecine,  perfonnes  vénérables  pour 
leur  /implicite  &  pieté, comme  le  fimple  peuple,&  tous 
ceux  qui  n'appliquent  leur  eftude  à  examiner  les  eau- 
fes  de  chafque  chofe.  Les  autres  font  diaboliques,  qui 
pourfuiilcnt  de  calomnie  tref-impudente  ce  qu'ils  fça- 
tientclhe  bien  dit.  le  ne  m'arrcfteraypoint  à  ceux-ci, 
parce  qu'ils  n'attendent  pas  l'explication  de  mon  dire,& 
qu'ils  dcprauent&  infectent  Je  leur  poifon  tout  cequi 
teitreccu  de  leur  penfce  impure.  Aux  autres  il  me  fem- 
bic  qu'il  conuient  fatisfairc   benignement  &  fînccvfe- 
meiit.Ie  voy  qu'on  me  pourroit  obiefter  ceci. Les  luf- 
*es  de  quarante  ioiirs  entiers,lefquels  leliis  Chtift,  Eiie^ 
&  Moyfe  ont  foufténus,  ainfi  que  tefmoignent  les  fain- 
des  Efcritures  diiflees  parle  S.Hfprit ,  ne  feront  plus  te- 
nus pour  miracles,  /î  par  quelque  raifon  naturelle  oa 
peut  endurer  le  ieufne  i  voire  par  plufîeurs  mois  &  ans; 
Certainement  il  feroit  vray,  fi  On  ne  reconoiil'oit  que 
cela  euil  elle  doniié  tellement  contre  les  loix  de  Natu- 
re,à  des  hommes  paifaidemenè  fains ,  par  certain  priui- 
legc  i  comme  nous  croyons  piègient.  Car  il  Jpur  fut  àU 


ér  memOYahlesl  4ji 

umcmentoâiroyé  exemption  de  rinfirmité  cte  la  chair 
pour  vn  temps:  de  force  que  leur  condition  elloic pour 
lors  autre  que  du  genre  humain.  Mais  ceux  que  nous  a- 
uons  aprins  des  hiftoires  profanes  auoir  vcfcu  durant 
quelques  années  fans  manger,  fî  elles  difent  vray,  il  faut 
que  ces  gens-la  ayent  tous  cfté  malfains  &  pleins  de 
beaucoup  de  fuc  froid,  duquel  le  corps  a  peu  cllrc  nour- 
ri longuement.  Ainfî  nous  aprenons  de  ccquiauient 
iournellement ,  que  plufîcurs  malades  n'ont  point  d  ap- 
pétit, à  caufc  que  leur  ventricule  eft  farci  de  mauuaiies 
kunieurs  :  Se  ils  prencnt  moins  de  viande  en  vne  femai- 
ne,qu'ilsne  prenoycntchafquciour,  quand  ils  le  por- 
toycnt  bien.  Maisqu'vn  homHic  de  corps  tref-fain  puif- 
fe  paffcr  feulement  vn  iour  ou  Jeux  fans  vkinde ,  &  n'a- 
uoir  pas  faim,  cela  excède  les  bornes  de  Nature,  &  eft 
vn  miracle  diuin.  Combien  plus  eft-il  admirable,  quVa 
tel  homme  iufne  quarante  iours  entiers  ,  de  forte  qu'il 
ne  fente  point  de  faim,  n'ait  à  combatte  la  conuoitife 
de  manger ,  &  n'appete  la  viande  ,  ou  le  bruuage ,  norj 
plus  que  l'vn  des  Angcs?Nous  croyons  que  lefus  ChriR- 
a  eu  le  corps  extrêmement  tempéré  &  pur,  iaçoit  qu'il 
fuft  fuieità  nosinfirmirez  félon  la  condition  de  fa  na- 
ture humaine ,  excepté  péché.  Nous  reconoiffonsfem- 
blablcmentque  Moyfe&Elie,  quand  ils  s'abftindrent, 
durant  quarante  iours,  de  manger  &  de  boire  ,  eftoyenc 
parfaitement  fains  pour  lors  ,  &  par  certaine  prerogati- 
ue  exempts  de  la  commune  yie  des  hommes. Dcquoy  il 
s'enfuit  qu'à  bon  droit  on  eftime  cela  illuftrcs  miracles, 
par  lefquels  Tauthorité  de  ces  Prophètes  &  de  lefus 
Chriftfutellablie.  Orcen'elVpas  chofenouuellequ,e 
femblables  effeds  auienent  par  l'ordre  des  chofcs  que 
Dieu  tref-bon &  tref-grand  a  prcfcrites  à  Nature,  &par 
vn  miracle  euident  contre  les  loixdela  mefme  Na- 
ture. Caries  fieures  &pluficurs  autres  maladies,  que  les 
Sain<ftsontgueries,lesMedecinsles  ortcnt  aufTi.  Mais 
les  moyens  dcfqucls  Us  vfcnt,  y  apportent  tref-grande 
jdifferéce.Car  les  Sainfts  de  leur  feule  parole,ou  de  l'at- 
touchcmét  desfaifoycnt,  moyennant  la  grâce  de  Dieu, 
lescaufes  de  tels  efteds  ,  auec  la  nccefïité  impofee  à 
X>Jaturç.    JLes  Médecins  ue  font;  auçre  ahofe  qu'op- 


451  Hijiûires  admirMes 

poicr  aux  caufcs  naturelles  d'autres  Icmblablcmcnt  na-^ 
turellci,  pariclliucUcs,  fî  la  \crtu  des  remèdes  donnée 
du  Créateur  cft  plus  puifTante,  &c]u'il  ne  vueille  cjuu 
pour  lors  clic  foit  ^  aine,  la  caulc  qui  fait  le  mal  cil:  elVa- 
cec.  IciusChrill  guérit  parfaitement  le  fang  mcnO.rual 
inueteré,  du feul attouchement  delà  frange  de  (a  ro- 
be  :  &  dit  auolrfenti  que  vertu  citoitiirue  de  lui  pour 
celtcfted  :  mais  la  femme  toucha  en  foy  ce  qui  fe  {^rc- 
fentoit  à  fa  main  ,  embraflant  en  fa  penlèe  la  puiifancc 
dcrhonuiie-Dicu.  Nous  par  art  mcdccinal  ('  duquel  lui 
mehrics,  comme pcre  bénin, ayant  pitié  de  la  condr^ 
tion  humaine,  eit  auteur  6c  vray  iniliturcur)  remédions 
à  fcmblable  mal  par  certains  medicamcns.  Ainfi  certai- 
nement l'humeur  phlcgmatic  plus  copieux,  peut  indui- 
re naturellement  le  iufne,  conimcil  a  cité  aux  fufnom- 
mez  le  porta ns  bien  ,  deia  feule  volonté  de  Dieu  t\  es- 
haut.  Mais  outre  ceux-ci  il  y  a  infinis  miracles,  quiex- 
ccdentnoftre  cntendcment,lefquels  ni  l'art  humain  ,  ni 
la  Nature  mefme  ne  fçaitimircr  en  aucune  manière. 
Telle  eftjaguerifon  dci'aueugkment  naturel:  de  chaf. 
fer  les eipnts  immondes  du  corps  humain:  reiî'ulcitcv  les 
morts  ja  demi-pourris,  &  femblablcs  ,  qui  confirmenc 
l'authorite  deDieu  rout-puiiTant.  le  penfc qu'il  appert 
de  ceci,  que  les  chofes  qu'on  dit  aucnir  par  certaine  loy 
dcNaturc  (  ia^oit  que  rarement)  ncrepvouucnt  point 
les  vrais  miracles  ni  ne  diminuent  leur  certitude  :&  que 
celui  ne  contredit  à  la  foy  Chrcltiennc,  qui  cxiiminc  di- 
liaemment  Icscaufes  de  tels  euenemcn^  :  ains  plulloft, 
n'en  confirme  Ton  pas  mieux  la  vcritc  des  miracles  non 
fcints,en  oftant  quand  &  quand  l'occaiion  des  impollu- 
res,afin  qu'elles  n'abufent  facilement  le  peuple  mal  ex- 
pert :  Car  fi  quelquVn  de  ceux  qui  viuent  fans  mangcT 
à  caufe  de  leur  intempcrature  froide ,  i><:  l'abondance  de 
phleçmc,  vouloir  contrefaire  le  prophète  mfpire  de  I 
Dieu,  combié  de  milliers  d'hommes  precipitcroit-il  en 
trcf-grands  erreurs  &  ruines  ?  Certainement  celui  ell 
impie  &  ignorant  de  la  vrayc  (  c'eiUa  diuine)  philofo- 
phie,qui  penfant  à  ces  chofes,  &  les  eftimant ,  pronon- 
cera citie  impie  &  ties-irrelieieux  de  vouloir  diilin- 

guer 


L, 


J 


drmemorMes.  435 

çTuer  par  raifons  non  fardées  les  œuures  &  (  comme  les 
Tiollres  parlent) miracles  de  Nature,  des  miracles  diuins. 
Cequetoutcsgensde  bien  &  de  pieté  confeflcrenr  li- 
brement conuenir  à  vn  homme  de  bien,  religieux  &  no- 
tamment charitable.  Ce  font  les  mots  du  Doflettr  loubertj  le 
Uurc  dftquel  a  ejîé  Imprimé  a  Paru  11  an  If  79* 

L*on  m'a  dit  pour  chofe  fort  certame  cju'à  Salaman- 
que  s'ell  trouué  vn  Chanoine,qui  alloità  Tolède,  &  re- 
tournoir ,  y  ayant  demeuré  quinze  ou  vingt  iours  ,  fans 
que  depuis  qu'il  eiloit parti  de  fa  maifon ,  iufques  à  fou 
retour,  il beuft aucune  goutte  d'eaunide  vin.  Maiscc 
dont  ic  fuis  plus  efmerueillé  eft  de  ce  que  lean  louian 
'du Pont  efcrit  au  liure  de  Météores  ,  d'vn  homme  le- 
quel en  toute  fa  vie  ne  beuil  pas  vne  goûte  :  ce  que  La- 
dil^asroyde  Naplcs  fâchant  le  fit  boire  vn  peu  d'eau, 
quilui  fit  grand  mal  à  l'eilomach.  l'ay  oui  dire  auflî  à 
pluiîcurs  perfonnes  dignes  de  foy  ,  qu'en  la  ville  de 
MAnfillc  près  de  Léon  le  trouue  vn  homme  viuant,  le- 
çjuel  à  couftume  de  demeurer  deux  ou  trois  mois  fans 
boire ,  &  ne  reçoit  de  cela  fafchcrie  ni  dommage  quel- 
conque. iy4.Torqttem.idc  eti  la  l.iournee  de  fou  hexamero??. 

P  LFTES  prodigietifes  dr  diuerjès. 

L'An  mil  cinq  cens  &  deux  5  le  vingt  deu::iermeiour 
de  luin  ,  tout  le  pays  d'auteur  de  Bcrne,Soileure,  & 
Bieniie,  de  grande  eilendue,  fut  battu  d'vnegrefie  fore 
drue,dont  les  grains  eftoyent  plus  gros  que  des  œufs  de 
poule.  Sept  iours  après ,  vne  autre  plus  grofic  grefle  ra- 
uagea  tout  le  territoire  de  Zurich,tua  plufieurs  payfans, 
le  beftail  domeftique  qui  paill'oit  es  champs ,  force  vo- 
laille &  beftes  fauuages. 

Huiftansapres ,  à  fçauoir  l'an  1510.  cheurent  du  ciel 
en  Lombardie  enuiron  douze  cens  pierres,  entre  lef- 
quclles  ,  comme  recite  Cardan  au  liure  d.'  rerum  -varie tate, 
fut  trouuee  vne  du' poids  de  fixvingts  hures,  vne  autre  de 
foixante.  On  en  porta  plufieurs  aux  grands  Seigneurs 
de  France,  ;ilors  commandans  pourle  roy  en  ces  lieux- 
là.  Ces  pierres  çftoycnc  de  couleur  de  rouille  ,  trel^ 


454  Hiftoires  admirahles 

durcs,&  fentoycnt  îc  foulphve.Dcux  heures  âuant  cefte 
pluye,  le  ciel  fut  vcu  comme  tout  en  feu.  Quel  fut  de- 
puis le  milcrable  el^at  de  Milan  &  des  pays  voi/îns, 
Guichardin  le  monftieen  Ton  hiftoirc  des  guerres  d'I- 
talie. 

Lcdixncwfiefmeiour  de  Juillet  i^-iS.  Le  pays  es  en- 
uironsde  la  ville  d'Augsbourg  fut  infiniment  endom- 
mage de  pierres  de  grefle  ,  plus  groflcs  que  le  poin^ 
d'vn  puifTant  homme,  tombantes  du  ciel  par  l'efpace  de 
c]uelqucs  heures.  Trois  ans  après  chcut  de  la  grefle  iî  im- 
petueufe  es  enuirons  de  Bafle,  que  toutes  les  vignes  fu- 
rent entièrement  fracafTees.  A  Lisbonne  en  Portugal  il 
pleut  du  fang  en  grande  quantité.  II  pleut  du  fang  l'an 
i)  4t.au  diocefe  de  Munilre  es  enuirons  deSalTembourg, 
non  guercsloin  de  VVarcndorfF. 

L'an  mil  cinq  cens  quarante  quatre,  il  tomba  de  la 
■  grefle  en  trcfgrande  quantité  es  quartiers  de  Sile/îe> 
dont  les  grains eftoyent  gros  comme  àcs  œufs  d'Auihu- 
che,en  iccux  paroifioyent  figurées  proprement  des  lon- 
gues chofl'cs  balafrées  à  la  lanfquenette.  Item  parmi 
plufieurs  de  Tes  grains  caflcz  furent  trouuez  àcs  pierre? 
faites  en  façon  de  turbans  Turquefques. 

En  la  haute  Alface ,  es  enuirons  de  Colmar  ville  im- 
périale cheut  du  ciel  vne  grolîc  pluyc  de  grenouilles  & 
de  crapiux:,ran  mil  cinq  cens  quarâtc  neuf.  Les  payfans 
furent  cmpefche/.rcrpace  de  quelques  ioursatucrceilc 
vermine  à  coups  de  bafèon  :  puis  afin  queTair  n'en  fufl. 
infedé, le  Magiftratlesfiramaflcrpar  monceaux,  dont 
on  remplit  de  grandes  folfes. 

L'an  mil  cinq  cens  cinquante,  quelques  iours  deuanr 
Pafques  au  mois  de  Mars,deux  heures  durât,  il  cheut  du 
ciel  es  enuirons  de  Chgenfurt&  Villac,  villes  de  Ca- 
rinthic,  de  bon  froment  en  grande  quantité,  que  les  ha- 
bitans  des  lieux  recueillirent,  &  en  fircuc  de  bon  pain 
vn  long  temps  pour  leur  nourriture. 

Vn  an  après  qui  furif^i.  il  pleut  du  fangfur  Lisbon- 
ne en  Portugal. En  celle  mefmc  année  vn  peu  dcuantla 
Penrccofte,  les  nuées  s'eftans  creuces ,  il  cheut  de  telles 
lauincs  d'eaux  es  cnuiroasvlç  ICicçingeu  çij  Franconie>, 

qu.ç 


t^  memorMeii  43  c 

queles  torrens  d'i celles  en  terre  cftoufferent  vn  grand 
nombre  'ie  gens  &  de  beftail,  prefques  en  vn  inftanc.  V- 
ne  grande  mertairic  compofecdc  plufîeurs  maifoiis  ea 
fut  renuerfee,&  prefque  tous;  ceux  qui  y  habitoycnc 
noyez.Lepont  de  Kittingenfutabatu  &  emporté  :&ii 
Ton  n'euftpromptement  donné  paflageàleau  perçanc 
les  murailles  de  la  villc,cout  eftoit  perdu.  Cinq  maiioiis 
y  furent  entièrement  renuericcs.  Troisautresen  vn  vil- 
lage nommé  RotoUecrcinq  en  vn  autre  endroit.  Plu- 
sieurs perfonnes  &  Force  beitail  périrent  en  ce  déluge. 
Quinze  hommes  furent  noyez  à  Speckfurt,8cforcc  mai- 
fons  abatuesjcomme  aufli  à  Pabenberg,ou  les  vignes  & 
terres  à  bled  furent  rauagees  de  Façon  clFrange.  Au  mef- 
me  temps  entre  Gotlie  &  Ifeniic  en  Thuringc  ,  les  plu- 
yes  continuelles  enflèrent  &  Hrent  tellement  desbordei: 
lesriuieies  ,  qu'au  village  de  Theutlebe  cinqmaifons 
furent  emportées  auccvn  fermier  &cinq  enfans/îens. 
En  vn  autre  village  les  eaux  noyèrent  le  beftdil,  qui  fc 
trouua  es  champs  ,  enfenible  les  ieunes  garçons  quile 
gardoyent.  Vers  Schalkcnvvals,  ou  font  les  mines,ccs 
déluges  y  Hrent  des  dommage?  inelHmables.  L'Elbe  en- 
flée deseatixdu  ciel  ht  beaucoup  de  maux  en  s'elpan- 
dant  parle  plat  pays,comme  firent  aufli  les  autres  riuie- 
rcs  en  ce  mefme  temps. 

Le  vingtquatricfme  lour  d'Aouft  mil  cinq  cens  cin- 
quante deux,vne  rude  tempeile  en  l'air  s'eftant  efmeuë 
îur  la  Hollande  ,  il  y  tomba  de  la  grefie  en  abondan- 
te, dont  chafque  grain  peibit  vne  liure  pour  le  moins: 
èc  eftoycnt  tous  dediuerfes  Formes,  Aucuns  rclFem- 
bloyent  au  Soleil  ,  les  autres  à  vne  couironne  d'efpi- 
nés  ;  les  autres  à  des  roués,  &  autres  chofes.  Le  Soleil 
les  ayant  fait  fondre,  ilen  fortit  vne  trefpuantefumeei 
laquelle  infeda  l'air,  donts^nfuiuit  grande  mortalité 
de  bcitail.  Quelques  mois  auparauant  ,lcSal  &lé 
Mein  ,  fleuues  renommez  d'Alemagne  ,  fe  dcsborde- 
rcnt,  renuerfcrent  force  cdiFces ,  &.  noyèrent  gens  &: 
t>elFc3  en  tref-grand  nombre.  Il  pleut  du  fang  en  Eran- 
f€  I  &  près  de  Maipurg  vn  eftang  Fut  veu  plufieuœ 

JBs    ji 


4î^  Hljlûirâs  admirahlcs 

fois  tout  fanglant. 

BudidinejVille  afllfc  au  pied  des  montf,c]uc  PcoIc.Tice 
nommée  Sudeces:à  l'entrée  de  la  haute  Lufarie,  à  vnc 
lieuèloindclafourccdu  flcuueSucuus,  fcntit  letrci- 
7.icfme  iour  d'Aouft  au  mefme  an  1551.  le  mal  qui  s'en- 
fuit. Sur  le  foirvne  nueeefpaiflc  s'cftant  creuee&  ef- 
pandue  impetueufemcnt  dedans  les  vallées  ,  ou  il  y  a 
force eftangs  &  viuiers,iceux  ellansremplis,&lcs  chauf^ 
fccs  rompues,reau  trouuantpaflage  commence  à  pren- 
dre fa  courfe  vers  ce  fleuuc  proche  delà ,  le  fait  groifir 
&  enfler  en  hautcur:telle  que  Ton  netrouue  point  que 
iamais  il  ait  cfté  fî  grand ,  eftant  fa  courfe  roide  &  fou- 
dairie,attendu  qu'il  tombe  des  montagnes.  Lors  acom- 
pagnë  de  ccfte abondance  d'eaux  impetucufes,  ilrom- 
pit,renuerfa&  arracha  iufques  auxfondemcns  tous  les 
ponts,  iardins&  édifices  qui  eftoyent  vnelieuë  autour 
de  lui:  tellement  que  ()uis  après  on  ne  pouuoit  remar- 
quer trace  quelconque  de  iardins  ni  dci>  ballimcns  pre- 
cedens.  De  mefme  fureur  ce  torrent  d'eaux  emporta  ^ 
noya  trente  deux  perfonnes  ,  qui  ne  peurent  gaigner  la 
ville  à  temps.Pluiieurs  qui  eftoyent  dehors  fe  fauuercnc 
de  viftefl'e  es  montagnes  prochaines.  On  tient  qu'en  ce 
déluge  furent  noyez  plus  de  cent  perfonnes. 

L'an  1555.  ^"  fréquentes  &  extraordinaires  pluyes  fi- 
rent tellement  enfler  le  Rhin,  qu'il  fe  desbordn ,  dont 
s'enfuiuitlc  degaft  d'vne  infinité  de  pays  proches  de  Ces 
liuages.  La  ville  de  Ruftach  entre  auttes  fut  en  danger 
d'eftrefubmergé  par  le  torrent  que  fit  ce  flcuue  alors, 
qui  s'eftantefcoulé  en  peu  d'heures,  laifla  pour  recom- 
pcnfc les degafts qu'il auoit  faits,  vne  merueilleufe  a- 
bondance  de  poiflbns  tr0uue7.es  champs,  es  prairies  & 
niarefts,mefmes  dedans  les  caues  de  la  ville.  Il  plut  du 
fang  à  Erford,  le  ç.iour  de  luin  en  la  mefme  année  ;  &  à 
LipficleS.iour  deluillct.En  ce  mefme  mois,  quelques 
loursauant  la  bataille  entre  Maurice  Eledeur  de  Saxe> 
&  Albert  Marquis  de  Branidebourg,  vers  H ildeshci meu- 
rent veus  pluficurs  arbres  &  herbes  couuerts  de  fang 
tombé  du  ciel. 

En  Tan  1554.1e  itf.iourâe  May  il  pleut  du  fang  près  de 

Dupçkefpuel 


cf*  mémorables,  Ji^^y 

Dunckefpuel  ville  d'Alemagne.L'an  fui'uant  il  plut  auf- 
/î  du  lang  à  Friberg  en  Mifnc.  Et  le  fixicfme  de  luin  dâs 
lefofféduchafteaude  Vinaircen  Saxe  ,  fut  vcue  vnc 
fôtaincde  fang.Item  vne  autre  entre  Erford,  &  Vinairc, 
&vne  autre  à  Erford^qui  parauât  eftoit  d'eau  belle  &  clai 
re.L'an  lyjd.enuiron  le  douziefaie  &  treziefine  de  May 
il  tomba  delaroufee  du  ciel  es  enuirons  de  Brefle,  Ôc 
près  de  Don;au  Canton  de  Bernc,laquelle  auoit  le  gouft 
plus  doux  que  miel.  Deux  iours  apres,il  pleut  du  fang 
auprès  de  Schatoufe.  Le  fécond  iour  de  Septembre  les 
pluvcs  tombèrent  du  ciel  en  telle  abondance  fur  la  vil- 
le de  Locarne,qu'elle  en  fut  prefque  toute  gaftee ,  &  en 
danger  de  ruine.C«  hijloiresfont  extraitei  du  recueil  des  pre" 
digespar  C.LycoJlhene, 

Au  mois  de  Juin  Tan  mil  cinq  cens  quatreuingts/îx, 
s'eflcua  fur  la  ville  de  Conftantinople  vne  nuce  obfcu- 
ïe, laquelle  venant  à  s'cfcarter  fut  fuiuie  dVne  pluye  de 
fauterellcs  qui  broutèrent  tous  les  fruits  &  fueilles  des 
arbres. L'an  fuiuant  au  mois  de  Décembre  furuint  chofc 
non  moins  eibange  es  frontières  de  Croatie  près  de 
Vvithiizjchafteau  apartenât  à  Charles  Archeduc  d'Au- 
flriche.On  y  vid  vne  nuec  de  canards  &  d'oifons  à  mii- 
lieiSjlcfquels  baiffans  en  vn  eftang  proche  delà ,  drefle- 
rent  la  nuid  fumante  vn  combat  fi  furieux  ,  quetoutle 
voifinageTenteiidit.  Au  matin  les  foldats  &  payfans  y 
courent,trouucrent  vn  nombre  prefque  infini  de  ces  ca- 
nards &  oifons ,  qui  s'cftoycnt  entretuez ,  &  en  amaflc- 
lent  en  abondance  :  les  vns  cent  ,  les  autres  deux  cens^ 
qu'ils  accommodèrent  à  leur  façon, &  en  vefcurcntlong 
temps.  Ce  qui  eftoit  rcfté  de  celle  pluye  &  armée  de 
combatcansjs'cftant  reconu  en  vne  grande  prairie  ,  print 
le  vol  &  fe  retira  ailleurs,  i.  teonchiUm ,  au  fuplemcnr  dus 
tonnait  s  de  Turquie. 


F  R  £  D  I  C    T  I  O  N. 

Edixiefme  iour  de  Septembre  Tan  mil  cinq  cens 
<crei2,e,lac^ues  c|uatiiefme  de  ce  nom,  Koy  d'Efcoi- 


4  3  8  Bijloires  admira,  blés 

ÏCjayantembrafTc  le  parti  de  France,  s'eflcuacôtrcrAn-t 
jglcterrc:&  la  querelle  s'efchauffa  tellement ,  c|u'i]  y  eut- 
bataille  donncccn  la(.juclleleRoiIacques6i:  la  fleur  de 
la  noblefle  d'Efcolle  mourut  fur  le  champ.  Lors  y  auoic 
Tn  gentil-homme  fXcoilois  ferre  fort  cftroittementcn 
çrilbn  à  Londres,lequel  dit  tout  haut,plufieurs  Toyans^ 
«quelques  heures  dcuant  la  bataille,  Si  les  deuxarmccs 
^Angloife  &  Efcofîoife)combattcnt  aujourd'hui, ic  fcay 
cour  certain  cjueleKoy  mon  fei|îneur fera  le  plus foi- 
ble.  Cariercmarquc  en  ceconm(ft&  tourbillon  des 
vents  en  rair,quc  les  vents  font  merucilleufement  con- 
craires  à  l'Efcofl'e.Cefte  parole  ne  fut  fans  raifon  &  fans 
'cuenement:car  il  eft  certain  que  les  Anges  conferuateurs 
desEllats  publics,  &  de  Tordre  eftabli  de  Dieu  combat- 
lent  fermement  contre  les  malins efprits  oui  prennent 
ylai/îr  aux  meurtres,  &  au  renuerfement  du  bon  ordre 
■<]ueleSeigncnraprouue:comme  on  lit  en  Thilloire  de 
'PcrfejOuTAnge  raconte  à  Daniel ,  que  par  longue  cfpa- 
ce  de  temps  il  a  reprimé  le  malin  elprit ,  lequel  incitoit 
les  Grecs  a  aller  ruiner  la  monarchie  Perfique.  louchim 
C'ttr£:*fy  doéle  PhUofophe  &rnedecm  de  noîir:  temps  cnfes  ai.-, 
\i  aie  s  ce  SU  fie. 

Quelques  années  parauant  l'Empereur  Maximilian 
|)remicrnuo:tfait  la  guerre  aux  Suifles,  &  ayant  cfté 
desfaid  en  diucrfcs  rencontres,  certains  Allrologues  & 
ileuins  lui  confejllcrent  d'alfaillir  ces  gcnv-ii  par  autrçs 
endroits,  &  nueç  noputlles  troupeç  ,  aliegunns  que  cer-i 
ïainç  cftoile  fauorifante  aiix  Suiflcs  s'en  eltoit  aile  cou- 
tcher,  &  que  d'autres  clîoiksfauorablcs  aux  Princes  & 
Monarques  aparoiHoyent.  Pour  auoir  creu  ces  predi- 
feurs,mal  lui  enprintrcarà  la  première  rencontre,  non 
^uercsloin  deBafle,lcs  Suiffes  demcurercntvidoncux 
&  gaigncrent  tout  le  bagage  :  H.Mmua  uu  50.  Iture  de  j^ 
4:h,<  n.iiKyiicrnngne.  Es  liures  fuyuans  nous propofcrons 
piu/Icuis  autres  hiftoires  des  prcditaons. 


y  Kl  SON' 


.  i 


^  memorMes,  439 

FRlSON'^ilER.  deliuré, 

VN  gentil  homme  Lombard,nommé  Pccchfo,  vail- 
lant &  fagc,  mais  goutteux  ,  eil:ant  entré  en  la  dif^ 
^race  d'vn  grand  Seigneur ,  cojnme  vn  iour  fans  y  pen- 
(«r  il  fuft  allé  fur  Ton  mulet  à  quelques  licuès  loin  de  fa 
maîfon  ,  futcheualé,  allaiilipar  ce  Seigneur  fuiuide 
cjuelques  foldats,  puis  mené  prilbnnier  en  vn  fortcha- 
iieau  à  l'elcart ,  ferré  en  vne  haute  tour,  &  commis  en 
garde  à  vn  valet  des  plus  alleurez.  On  le  nouiriffoit  là 
de  pain  &  d'eau  ,  comme  vn  criminel  condamné  à  pri- 
foji  perpétuelle ,  fans  qu'aucun  fceuft  quel  homme  c'e- 
Jftoit.  Cependant  on  cerchoit  cà  &  là  Pccchio ,  duquel 
n'entendant  voix  ni  vent,  Jaiuftice  du  lieu  où  il  demeu- 
Toit  cftima qu'il  auoit  efté  tué.  Car  on  auoit  trouué 
fon  mulet  -,  &  quelque  goutte  de  fang  fur  icelui.  L'on 
fait  diligentes  informations,  &  font  chargez  deux  cer- 
rains  pcrfonnages ,  contre  lefquels  il  auoit  eu  querelle 
autresfois.  Sur  cell:  indice  on  les  emprifonne&  torture 
Il  rudement  qu'ils  confelfent  auoir  tué  Pecchio  :  telle* 
ment  que  Tvn  eil pendu,  l'autre  décapité.  Mais  Pec- 
chio elloit  en  l.i  prifon  ,  ouil  demeura  dixneuf  ans  en- 
tiers, fms  changer  ni  defpouillcr  l'habillement  qu'il  a- 
uoit  lors  qu'on  le  faiflil:  muni  d'efperancc  que  Dieu  le 
deliureroit  quelque  iour.  Ses  fils,felon  la  coutume,  lui 
auoyent fait fes funérailles,  puis  partagé  fes  biens.  Ha- 
uoicellé  prins  l'an  1Ç40.  &:  fut  deliuré  l'an  15Î9.  en  la 
manière  qui  s'enfuit.  Ce  Seigneur  qui  le  trairoit  de  tel- 
le forte,  eftant  mortjtmcontinuoit  à  Pecchio  fon  trai- 
tement acourtumé  :  fans  qu'en  tout  ceft  efpace  de  temps 
aucun  le  vill  ou  parlaft  à  lui.  Auint  q  uc  l'héritier  de  ce 
Seigneur  printfantaifie  de  baftir  près  de  cel^e  tour,  & 
comme  on  dcmolilfoitla  muraille  qui  fermoit  de  tou- 
tes parts  Pecchiojlequel  n'auoit  clairté  que  par  vne  fête 
iort  eftroitccpar  où  ilreceuoit  fon  boire  &  manger  :  on 
vid  ceft  homme  auecfes  habillemcns  tout-rgmpu$ ,  lit. 

te  4 


44®  Hîjîoires  admirables 

barbe  longue  iufqucs  aux  genoux,&,lescheueiL\battans 
furie  dos.  Chacun  acourt  à  ce  nouucau  fpcftacle. 
Quelcjucs  gens  aduircz-confeillcrcnt qu'on  ncramenaft 
pas  fi  toft  au  iour,dc  peur  que  la  claircé  ne  roft'ufquaft, 
&quc  trop  d'air  ncTaffolblift  &  amortift.Peu  à  peu  donc 
il  fut  remis  en  lumière  &vigeur.  Lors  il  fait  entendre 
qui  i\  eftoit,  &  toute  fon  auanture  :  finalement  il  eft  re- 
conu,  rentre  en  Tes  biens  aliénez  par  Tes  fils,  &  eftanc 
nettement  gueri  de  fcs  gouttes  vit  alaigre  &  difpoft  le 
rcfte  de  les  lours.  Ce  que  i'ai  entendu  de  fa  propre  bou- 
che en  la  ville  de  Milan,  où  ic  le  priai  de  me  faire  le  dii- 
cours  de  ce  que  deflus  ce  qu'il  fit  amplement,  l'an  1^5^. 
Simon  Aiayol  Eitefc^t^  Ital/cnjsnfes  loan  cMu'culaneSidtfc.'^. 


PROCES  vuidepar  moyen 
extraordinatre. 

DV  temps  que  Grégoire  XIII.  a  eftéPapcycuft 
querelle  6i  procès  en  fait  de  religion  contre  lean 
Cafier  grand  maiftre  de  jMalte.  Les  iuges  déléguez  ,  les 
Gre  fiers,  les  Procureurs  &  les  tefmoins,  auoycntfait  à 
JVIaltemefme  tout  ce  qui  pouuoit  les  concerner  en  ce 
fait.  LeChcualier  Ronicgaseftoit  le  principal  accufa- 
teiir,  &  comme  partie.  Tous  furent  adiournez  à  compa- 
roir deuant  le  Pape  Grégoire  à  Rome  l'an  159T.  où  i*c- 
flois,  &y  visarnucrau  mois  de  Noiîcinbrc  Romcgas  & 
le  grand  Maiflre.Au  mois  de  Décembre  fuyuant  Rome- 
^as  mourut,  &incontinent  apre^îc  gr.ind  Mniflre,  & 
fijrcnt  enterrez  tous  à{:.u\  au  temple  de  la  Tnnitc. 
Qu^ant  aux  luges,  Greffiers,  procureurs  ^c  tefmoins, 
embarquez  en  mcfme  nauire  auec  les  informations  & 
pièces  du  procès  ,  ils  périrent  tous  iur  mer  en  ce  melme 
jiioisj&nereftapas  vnfueillet  de  toute  celle  procédure, 
iùrquoy  Tonpeuft  fonder  iugcmcnc  quelconque.  Si- 
7iKn  Aluyol  j  E:H'f£U3    Italien  ,    en  Jes  tonn  caaictilaireh 

FJRO 


é"  mémorables.  441 


P  RO  GNOSriCATIONS 
dungereufes, 

FRakçois  Marquis  de  SallufTes^Lieutenant  du  Roy 
François  en  Ton  armée  delà  les  monts,  infinicrnent 
fauorifc  de  noftre  cour ,  &  obligé  au  Roy  du  Marquifat 
mernie,qui  auoit  elle  confifqué  de  fon  frère  :  au  refte  ne 
fe  prefentant  occafîon  de  le  faire ,  fon  affettion  mcfmc 
ycontredifant,  feJaifla  û  fort  efpouuanter,  comme  il  a 
efté  aueré,aux  belles  prognoftications  qu'on  faifoir  lors 
courir  de  tous  collez ,  àl'auantage  de  l'Empereur  Char- 
les cinquierme,&  à  noftre  defauantage  (  mefmes  en  Ita- 
lie,où  ces  folles  prédictions  auoyent  trouué  tant  de  pla- 
ce, qu'à  Rome  fut  baillée  grande  fomme  d'argent  au 
change,pour  ccftc  opmion  de  noftreiruinc)qu'aprcss'e-' 
lire  fouuent  condolu  à  Tes  priuez ,  des  maux  qu'il  voyoit 
meuitablcment  préparez  à  la  Couronne  de  France ,  & 
aux  amis  qu'il  y  auoit,  fereuolta  S:  changea  départi  :  à 
fon  grand  dommage  pourtant,  quelque  conftellation 
qu'il  y  euft.  iMaisilVy  condui/it  en  homme  combatu  de 
diueifes  pa{Fion«;  :  car  ayant  &  villes  &  forces  en  fa  main, 
Tarmee  ennemie  fous  Antoine  de  Leuc  à  trois  pas  de 
lui.&nousfans  foupçon  defonfaid,  il  ciloit  en  lui  d*r 
faire  pis  qu'il  ne  fit.  Car  pour  fa  trahifon  nousneper- 
difmcs  ni  homme,ni  ville,  que  Fofran,encores  après  Ta-^, 
uoir  long  temps  conteftee.  M.  de  Montaigne  au  l.  Ui*.  defr, 

RANÇON  merueilleufe, 

LE  s  Hiftoriens  Efpagnols  parlent  amplement  delà 
rançon  qu'Atabalipa  Roy  du  Pcrupaya  poureftre 
cteliuré  des  mains  de  Pizarrceftimee  monter  à  plu/îeurs 
millions  d'or  :  nonobftant  quoy  les  Elpagnols  le  firent 
mourir,  &  pillèrent  infinis  thrcfors  ;  partie  apportez  en 


4  4  -  Hlfloires  adm  trahies 

rEuropcoùils  ont  cite  nialhcurcurcmciug:7rpiîlc7, par- 
tie perdus  aucc  les  pillards  Scieurs  vallFcau  au  fond  de 
la  mer. 

Mais  en  la  guerrefaite  de  noftre  temps  par  le  Vayuc- 
<3e  de  Valachic  auxTurcs.à  fçauoir  Tan  mil  cinq  cens  fc- 
ptante  quarre  ,  quelques  gcnfdarmes  Polonois  ayant 
ticsfaic  \n  puiflant  fecours  prindrent  vif  prifonnier  le 
chef  des  troupes,  homme  de  haute  taille,  &  gros  à  laue- 
nant,  Seigneur  fi  riche,  qu'il  offrit  vne  rançon  prefqucs 
incroyable:  combien  que  plufieurs  ayent  affermé  qu'il 
•auoit  moyen  d'en  donner  cncores  d'auantage.  Il  oifrit 
lioncaux  Polonnois  ,  s'ils  vouloyent  lui  lauuerlavic, 
&  nelc  point  mener  au  Vayuodc  ,  delcur  payer  deux 
foisautant  d'or  ,  trois  fois  autant  d'argent,  &  vne  fois 
autant  de  perles  ,  qu'il  fc  trouucroit  pefant.  C'cftoic 
fommc fuffifante pour  gaigner  les  cœurs  de  gens  déplus 
haute  qualité.  Neantmoins  ces  Polonois,  gens  qui  vi- 
uent  duport  des  armes,&  vont  fouuentàla  folde  de  qui 
plus  leur  donne,, aimèrent  mieux  tenir  lapromefle  par 
eux  folenncllcment  faite  au  Vayuode,  de  lui  amener 
fidèlement  touslcs^prifonsiiersqu'ilsauroycnt  attrape?,' 
que  fe  charger  d  or,  d'argent ,  ni  de  perles.  Ils  ramenè- 
rent donc  au  Vayuodclcquel  fans  demander  ni  accepter 
rançon  :  le  fithalcher  en  pièces  auec  les  autrei  prifon- 
iiiers  :  &  toft  après  lui  mefme  fut  tué  par  vn  Bafla  Turc: 
&les  Polonoisfe  fauuercnt.  Léonard  Goret^n  thiftoirc  dt 
la  guerre  a  l  itone  f^ayuode  de  l-^nUchie. 

RAPT  malheureux, 

DV  temps  que  les  François  faifoyent  la  guerre  en  I- 
talic  fous  le  règne  de  Louys  XII.  vn  riche  mar- 
chant de  Milan  ayant  vn  fils  vniquc  nommé  Galeasaa- 
gé  de  dix  ans, vint  à  deceder,laillant  force  bicsà  Ton  he-« 
ritier,  lequel  la  mcre  ,  honorable  &  vertucufc  Damoilcl-  ' 
ie,fit  cfleuer  fongneufcment  &.  inftruire  en  rous  exerci- 
ces honnelles  &  conuenables.E.ftant  paruenu  à  l'aage  de 
^ixhniifta  vingt  ans,il  commence  d'vne  part  i  entendre 
jÂiiac  dp  ich  uioi^ei  ,  Xa  mtrc  n'ayant  point  voulu  fe 


(^  mémorables.  445 

remarier:  de  l'autre  à  eftre  tenu  par  diuerfes  exhorta- 
tions pour  fe  contenir  en  la  voye  de  vertu.  Là  defTus, 
aduintqu'eftant  c]ueftion  durecouurement  de  certai- 
ne grande  partie  deue  par  vn  gentil-homme  Veni- 
tUîn  lequel  faifoit  grand  trafic  cnLeuant,  Galeas  qui 
n'auoitencores  gueres  bougé  delainaifon  ,  requit  fa 
merc  lui  permettre  de  faire  le  voyage  de  Venile  ,  pour 
donner  ordre  i  ceft  afaire,ayantl'erprit  prompt  Se  propre 
à  tout.Lamerey  confenrit,  &  après  plusieurs  belles  re^ 
inonftrances;lui  ayant  donne  vn  feruiteur  pourl'acom- 
pagnerje  laifla  partir.S'eftant  rendu  à  Vcnife,  le  gentil- 
homme debteur  le  recueillit  courtoifcment  j  &  au  bout 
de  quelques  iours  le  conduifit  à  Padoue  où  eftoit  fa 
famille,  afin  depouruoir  au  payement  defadebte.Lc 
Vénitien  auoit  vne  fille  nommée  Lucrèce,  aagee  d'cn- 
uiron  feize  ans,  de  laquelle  à  la  première  entre-veue 
Galeas  deuint  amoureux.  Et  la  nuid  fuiuante  eut  \ix 
fonge  effroyable  ,  lui  eftant  aduis  qu'vn  certain  inco- 
nufendoitla  poitrine  à  lui  &  à  Lucrèce  >  puis,  le  paii^- 
foit  de  leurs  cœurs.  S'elueiUanr  en  furfaut  tout  elton- 
né ,  &  criant,  il  conte  à  fon  feruiteur  te  pafllon  fur  hr 
quelle  il  auoit  fait  puis  après  ce  fonge.  Le  feruiteur  qui 
lelloit  vn  fin  macquereau  ,  lui  donna  vne  expofition  de 
ce  fonge,  telle  qu'il  conoilfoit  propre  d  Thumeurdc 
ce  paliionné,  &:fit  tant  que  bien  toil  après  le  ieune 
homme  &  la  ieune  fille  parlèrent  fecrettement  en- 
femble,  Galeas  promettant  à  Lucrèce  de  Tenleuer  & 
mènera  Miian ,  ou  quand  tous  deux  feroyent  parue^ 
nus  en  plus  grand  aage  il  Tefpouferoit.  Leurs  concupil- 
cenccs  defordonneeslesaueuglerent  &  tranfporterenc 
tellement, que  merprifans  tous  honneftcs&legitime^ 
lîvjvens  ,  qui  elloyent  aifcz ,  ils  fe  précipitèrent  es 
malheurs  qui  s'enlbiuent  :  Galeas  viant  de  diuerfes 
trahifous  feignit  renuoyer  fon  feruitcnr  à  MiUn 
auec  force  lettres  d'afaircs  :,  à:  auec  fon  gcntil-liom- 
me  retourna  à  Venile,  où  il  toucha  deniers,  ik  mie 
prdrc  a  toutcc  pourquoy  il  y  auoitelté  cnuoyé  parla 
piere.Au  bout  de  troi*-  iours  on  apporte  nouuelles  au 
pauurc  geuùl-homnic  Vénitien  ,  uuc  Ton  ne  f<jauo;ç 


444  Hijloires  admirables 

qu'cltoitdcuenue  la  fille  Lucrèce.  Maislc  feruitcur  Je 
Galcasjcnchc  à  Padoue,  Taucit  cnleuee&mcnccà  Mi- 
lan,ou  il  auoitlouë  maifon,  &  baillé  Lucrèce  en  garde 
à  vne  vieille  femme  iadis  nourrice  de  Galcas,qui  fai- 
foit'du  pleureur  auprès  du  Venicicn  :  lequel  entendant 
<]ue  fa  fenune  rerccc  à  Padouë  fe  defcfperoit  pour  la 
perte  de  leur  fillc;)- alla  pour  la  confolerjaiflant  Galeas, 
lequel  incontincntprend  vne  autre  route,  difant  qu'il 
s'en  alloit  vers  fa  mère  3  la  quelle  le  rappelloit.  Venu  à 
Milan ,  après  auoir  rendu  railbn  des  affaires  communes, 
il  s'accofte  de  Lucrece,laquelle  il  entretint  en  œ[\c  mai- 
fon/î  dextremcnt  ,que  durant  trois  ans  entiers  rien  de 
tout  ce  mefnagc  ne  fut  dercouucrt.En  fin  Galeas  futaf- 
failli  de  d.  ux  endroits.  Dcl'vn  par  Lucrcce,qui  deiiroit 
acompliflementde  fa  promcfTeiderautre  parla  mere,la- 
c]uellele  lollicitoitde  prendre  parti.  Ilcnclinoit  totale- 
ment à  garder  fa  parole^Sc  à  efpoufer  Lucrèce.  De  i'au- 
tre,il  eftoit  en  peine  de  s*ea  del'couurir  i  fa  merclaquel- 
lelc  voyant  autre  que  de  couftume,  &  fort  changé  de- 
puis Ton  raour  de  Veniie ,  fut  plufîeurs  iours  à  deuiner 
<]ue  vouloyent  dire  les  excufes  de  Ton  fils,  qui  deucnu 
robufte,trcs-riche,  &  en  fleur  d'adolefcence ,  eftoit  fou- 
iiaitté  des  meilleures  familles  de  Milan,qui  n'en  euflcn: 
î>as  defdai^nc  l'alliance.  En  fin  elle  fit  tant  qu'elle  efuc- 
ta  la  mine  ,  &  defcouurit  que  Ton  fils  entrecenoit  d'ordi- 
naire vne  fort  belle  ieune  fille  en  ce  logis  ou  la  nourrice 
auoit  efté  acommodce  :  mais  en  lieu  d'y  procéder  fran- 
chemenr,elle  print  vn  coafeil  oblique,  qui  produifit  de 
terribles  ctFeâ:s,la  iuitice  diuine  fe  feruant  de  tels  moyés 
pour  l'éxecution  de  fes  arrefts  redoutables  &  irrepro- 
•chables-.Efpia]it  vne  heure  propre, elle  enuoyc  quelques 
rnafqucsen  la  maifon  où  eftoïc  Lucrèce.  Ils  lui  mettent 
Tn  baaillon  en  la  bouche,  le  menacent  de  mort/î  elle 
crie,puis  la  tranfportcnt  Iccrettementcn  vn  monaftcre 
<lefemmcs,ou  elle  eftcommilcen  mains  fcures.  Galeas 
reuenant  tv^rd  en  ce  logis,&  hc  la  trouu.ant.entcndit  de 
la  nourrice  ce  qui  eftoit  aducnu  :  dont  il  entra  en  furie 
cftrange,&:  demeura  couc  le  lendeaiaia  lans  vouloir 


manger.  Lamereaucrtieyacourt,&  voyant  qu'il  eiloïc 
en  train  de  defetpoir,  commence  Taireurer  que  Lucrèce 
cftoitenlieu,  dont  elle  fcauroitluireadre  bon  compte. 
Qu'il reprinft  courage^  fiit bonne  chère.  Lui  fc  remec 
vn  peu  au  deflus ,  mais  ayant  eu  promelFe  qu'on  lui  ren- 
droit  dedans  le  foirfuiuant  fa  Lucrèce.  Cependantil  va 
s'imaginer  que  les  mafquez  en  auroyent  abulé,&  autres 
fureurs  eftranges  que  l'cxcreme  courroux  lui  fourra  de- 
dans la  telle  :  tellenient  que  fur  le  foir  Lucrèce  lui  ayanc 
efté  ramenée  &  rendue^il  lui  fit  affez  maigre  acueil,puis 
s'approchant  plus  près  d'elle  lui  dit,il  ne  faut  plus  qu'on 
nousfepare  ,  ainsconuientqu'vne  mcfmemort  nous 
ralfemble  ;  quoydifantil  tire  fon  poignard,  &  lui  en 
donne  dedans  le  fein  fî  rude  coup  qu'elle  tombe  roide 
morte  à  fcs  pieds.  Dumefme  poignard  tout  fumant  du 
fang  de  Lucrèce ,  il  s'en  donne  promptcment  àtrauers 
reitomach,&  tirant  aux  trait  de  la  mort,dit  quelques  pa- 
roles, puis  expira. La  mefme  nuitfl  tous  deux  furent  en- 
terrez, fur  vn  bruit  que  c'elloyenc  corps  de  pelliferez, 
que  la  contagion  auoit  cllouffezfoudauiemcnt.  uijloire 
d'Italie. 

RAFISSEFRS  exécrables chajliez, de 
V Aillante  &  héroïque  main. 

LA  ville  de  Gènes  ayant  efté  prinfe  par  Tarmce  de 
l'Empereur  Charles  le  Quint,  les  rues,  places  5:  mai- 
fonsretentilfoyentde  pitoyables  cris  de  femmes  &  de 
filles,crians  mifericordejSciecours.  D'autre-part  c'eftoïc 
vn  horreur  du  terrible  bruit  que  faifoyciirlcs  Ibldats, 
loinpans  portes  &feneftres,  pillans  les  riches  pa'a  s& 
demcures,d'vne  impetuofité  du  tout  eftrange,les  autres 
s'cftorçans  de  violer  filles  &  femmes  qui  fetrouuoyenc 
dedans  les  maifons.En  cefte  horrible  confulîon  ,  Alton- 
le  d'Aualos,  Marquis  de  Pefcairc  ,  Colonnel  de  l'infan- 
terie Impériale,  courant  à  cheual  par  lesrues ,  pcurueuc 
wc  remédia  à  ce  tortqucl'on  alloic  faire  à  l'honneur  des 


44^  Hijlûires  admirables 

femmes.  Carvn  gcntil-hommc  Geneuois  ,  le  prenanf 

{)our  quelque  Capitaine,  commécc  à  le  fupplicr  de  vou- 
oir  rcpnnicr  l'infolencede  deux  foldats  Efpagnols,  quî 
vouloyent  violer  fa  femme ,  damoifclle  honorable ,  la- 
quelle crioir  à  Taide.Soudain  le  Marquis  met  pied  à  ter- 
re^monrc  en  la  chambre  ,  tranfpercec  de  fon  efpec  Tvii 
de  CCS  mcfchans  qui  tcnoit  la  pauure  damoifclle  par  les 
cheacux,&  s'efForçoit  la  rcnucrfer  par  terre. Celui  la  dc- 
pefche,il  court  après  l'autre  qui  fuyoit  par  les  degre7,& 
lui deflerre  tel  coup, qu'iilui  fend  la  tcfte  en  deux.  Puis 
les  ayant  faitietter  tous  dcuxroide  morts  parles  fcne- 
ftres  de  la  chambre  fur  le  paué ,  fait  defenfes  par  fon 
trompette  à  peine  delà  vie>  qu'on  n'cuft  a  offcnferde 
fait  ni  de  parole  tille  ni  femme  honnelle.  Cefte  exûcu- 
tion  retint  Irlubricité  des  foldats,&  le  Marquis  pour  vu 
aftcfiheroiquc,  fut  magnifié  de  tous  les  gens  de  bien. 
PAoue  an  ^. Un. de  fis  iujî.de  jiofire  temps, 

RE  C  0  M?  EN  s  ES  dénature, 

LA  prouidence  &  fohcitude  que  le  Créateur  de  tou- 
tes chofes  a  donné  à  Nature  eft  efmeruéillable.  Car 
icellc  par  couftumcioiirnaliere  fournît  telle  force  &  a- 
«Ireflc  aux  animaux,qui  ont  les  membres  tords>  ou  man- 
ques,ou  foibles ,  ou  qui  en  font  priuez  du  tout ,  ou  qui 
en  ont,faifans  outre  ce  qui  leurs  cil  prcfcript:  que  l'on 
jpourroit  dire  que  la  perfeftion  de  l'animal  coofirte,non 
pointen  diftindion  de  membres,  mais  au  continuel  vfa- 
^e  d'iceux.I'ay  pcnfé  maintesfois  à  cela,lors  que  nous  e- 
ftionsà  Cobourgaulogisd'Erafme  Neufteter,  fage  & 
vertueux  gentil-homme  Aleman.  Nous  ayant  faid  toud 
iegracieux  acucil&  bon  traidement  dont  ildeuts'ad- 
iiifcr:,il  enuoya  quérir  en  certain  lieu,  non  trop  eflôgné 
dcla%certain  ieune  homme  aagé  de  trente  vn  an  ,  venii 
au  monde  fans  bras  ,  lequel  faifoit  de  fes  pieds  tour  ce 
qu'vn  habile  homme  fçauroit  faire  dcfesmains  :tclle- 
mentque  lui-mefuie  aôermôiÉ  àuoir  efté  recoœpenfé 


ér  memorahleSé  447 

«S'rn  don  pour  l'autre.  S'eftant  afTis  en  vn  endroit  efga- 
îàt  la  hauteur  de  la  table  furlaqucllc  on  pofoit  la  vian- 
de, il  print  de  les  pieds  vn  coufteau  commence  a  cou- 
perdu  pain  &  détailler  des  viandes ,  qu'il  porcoit  de  Tes 
pieds  à  fa  boucliejCûiiimeaufl'i  Ton  gobelet  ,  auflî  aifé- 
ment  qu'aucc  fcs  mains.  Apres  dilné  il  commence  à  eS- 
crire  fi  droit  &  élégamment  des  exemples  en  charade- 
res  Latins  &  Alcman.s,que  chacun  de  nous  en  voulut  a- 
noir  pour  les  garder  par  fîngularité.  A  ma  requeile  ,  i\ 
tailla  d'vnganiuet  des  plumes  fort  propres  pour  efcrire^ 
dontilfitprefentà  moi  &à  d'autres.  Eitant  ainfî  embe- 
foigné  ,  ic  confideray  foigneulement  la  forme  de  fes 
pieds  :  &  viquc  les  doigts  en  eftoyent  longs,  propres 
pour  empoigner  les  chofes ,  &  à  les  contempler  de  loin 
fembloyent  doigts  de  mains  :  quant  aux  ianibes  ce  per- 
fonnage  les  tenoit  honellemcnt  couuertes  de  fon  man- 
teau. Ph.Canierarltfs  lurifconjitlùe  ^yiLemMi,  en  fa  doèhs  mè'* 
dUdtions  hiftoriqueSjchap.^j. 

leviende  voir  chez  moi  tn  petit  homme  natif  de 
Nantes,  né  fans  bras,  qui  a  fi  bien  façonné  fes  pieds  ara 
feruicequclui  deuoyentfcs  mains,  qu'ils  ont  â  la  vérité 
à  demi  oublié  lear  office  naturel.  Au  demeurant  il  les 
nomme  fes  mains ,  il  tranche ,  il  charge  vn  piftolet  &  le 
lafchc,  il  enfile  fon  cfguille  ,  il  could ,  il  efcrit  j  il  tire  le 
bonnet,  il  fe  peigne,  il  louc  aux  cartes  &  aux  dez,  &  les 
remue  auec  autant  de  dextérité  que  fcauroit  faire  quel- 
que autred'argent  que  ie  lui  ai  donné ,  il  Ta  emporté  en 
fon  picd,comme  nous  faifons  en  noftre  main^l'cn  vi  vu 
autre  eftant  enfant,qui  manioit  vnc  efpee  à  deux  mains, 
&  vne  hallebarde,du  pli  du  col  à  faute  de  mains,  lesiet- 
toit  enrair&lesreprenoit,  lançoit  vne  dague  ,  &.  fai- 
foit  craqueter  vn  fouet  aufii  bien  que  charretir  de 
France.  Aïichel  Seigneur  de  MontagnCiUn  idmre  déjà  Ejfais, 
thap.  2z. 

De  ce  dernier,à  mon  aduis,ou  d'vn  autre ,  non  moins 
efmerueillable,fait  auffi  mention  M.  Ambroife  Paré,  ea 
ces  termes.  On  a  veu  depuis  quelque  temps  en  ca  à  Pa- 
ris vn  home  fans  bras,aagé  de  4o,ans  ou  enuiron  ,  fort  & 
robufte,  lequel  faifoit  prefqucs  toutes  les  aj^ioiis  qu'vn 


4  4-8  Hijloires  admirables 

autre  pouiioit  faire  de  Tes  mains;  à  fçauoir  auec  Ton  mol* 
gnon  d'crpaule,&  La  telle,  luoit  vne  coignee  contre  vnc 
pièce  de  bois,  ;iuln  ferme  qu'vn  autre  homme  cuft  fçcu 
faire  en  Tes  bras.  Pareillement faifoitclic|uetter  vn  foue- 
decharticr  5  Scfaifoit  plusieurs  autres  adions  j  aueclc 
pieds,mangeoit,buuoic,iouoitaux  cartes  &  aux  de/:  à  1^; 
fin  fut  voleur  &  meurtrier,  &  exécuté  à  mort  en  Gucl- 
dres.  t>^w  %/^.lturejtraiflant  des  monjhrehchapM. 

De  récente  memoire,on  a  veui  Paris  vne  femme  fjr. 
bras,  qui  tailloit ,  coufoit,  &  failbit  pluficursautre?  ;2- 
à.iom.inmefme.  Tay  parlé  maintesfois  au  frère  d'viK. 
nommée  N.Madame,laquelle  ayant  eu  dansle  berceau 
en  Taage  d'vn  an  &  demi ,  les  deux  mainsj  mangées  pai 
les  pourceaux ,  s'aidoit  de  fcs  poings  &  moignons  eftar.r 
deuenuegrande,au(ri  bien  que  nous  de  nos  doigts,  tllc 
trauaiUoit  exceliement  en  tapiflcrie,  enfiloit  dextre- 
ment&promprcment  Ton  aiguille,  &  coufoit  bien  e ni 
lin^e.  Memoirci  de  nojlre  temps. 

Nous  auons  à  Nuremberg,  vnieune  homme ,  &  vne 
ieune  fiUcnez  de  mefme  père  6c  nicre ,  de  inaifon  hon- 
neile,  lefquelsfont  fourds  &  muets  de  nature.  Neanr- 
moins ils  içauent  tous  deux  fort  bien  lire,  efcrire',  chi- 
frer,&  drelfer  vn  compte.  Le  ieune  homme  compieni 
du  premier  coup,  aux  lignes  qu'on  lui  fait ,  ce  que  l'on 
requiert  de  lui  :  iî  fa  plume  lui  defaut,par  Tes  contenan- 
ces il  reprcfente  fcs  penfees,  citant  le  plus  habile  &a- 
droitioueur  de  tousieux  de  cartes  &  de  de/  qu'on  fcau- 
roit  trouuer  entre  les  Alemans.  Sa  fœur  paflc  toutes  les 
autres  filles  à  trauaiUer  de  Taiguillc  ,  en  tous  ouuragcs 
de  lingerie ,  de  tapifferie  ,  broderie,  &c.  Mais  entre  ic^ 
merueilleiifeî  recôpélbs  de  nature,ceci  eft  remarquable, 
que  prelques  ordinairemct  voyans  remuer  lesleures  aux 
perfonncsjilsfemblent  entendre  ce  qui  fe  dit.Ils  aflirtent 
Ibuuentes-fois  aux  fermons  ,  &  diroit-on  qu'ils  puifcnc 
&perçoiucnt  de  leurs  yeux  les  paroles  des  prédicateurs 
comme  les  autres  ont  acouiluine  de  les  receuoir  par 
l'ouye.  Car  toutes  &  quàtesfois  qu'ils  veulét,&  fans  que 
perfonne  les  induife ,  ni  leur  en  monftre  des  pourtraits 
&cxempici,  lU  cfcnuciu  l'oraùbu  Dominicale  &  au- 
tres 


C^  memorahles.  449 

Vtesfaînftes  prières ,  fcauenc  par  cœur  les  textes  des  H- 
izangiles,  que  Ton  prefche  esiours  de  fcftes ,  &  peuuenc 
les  efcnrc  prompcemcnc. Quand  es  fermons  le  prcdica- 
ceur  fait  mention  du  nom  delcfus-Chriftileieune  hom- 
me deuance  tous  les  autres  afiiftans  à  mettre  la  main  an 
chapeau,&  à  plier  le  gcnouil  en  grande  reuerence. 

Du  temps  de  nos  pères  on  aveu  en  Flandres  lean  Fer- 
<linand,aueugle  né,  &  pauurc,  lequel  furmonta  rcutes- 
fois  tellement  ces  deux  difficultez  ennemies  des  iiom- 
mes  dodcs,qu'il  deuint  dodc  Poète  &  Philo fophe:  ou- 
treplus Ç\.  excellent  Muficien,  qu'au  grand  plaiiir  de  tous 
ceux  qui  Tefcoutoyent  il  iouoit  exccllément  de  diuer- 
fcs fortes  d'inftrumens  de  Musique  :  &  mefmcscoir.pofa 
<le  fa  mémoire  quelques chanfons  muiîcales  f"ort  harmc^ 
nieufes  à  quatre  &  cinq  parties.  Ilyavn  peu  plus  de 
cent  ans;  qu'on  vid  merue.'Ucs  en  Nicaife  de  Vverdc> 
natif  de  Malinesen  Brabant.  Eftantdeiienu  aueugle, 
lors  qu'il  n'auoit'pas  encore  trois  ans  acomplis  ,  néant- 
moins  il  profita  tellement  en  route  dodrme  diuinc&: 
humaine  (combien  que  iamais  il  n'cuft  veu  A  ni  B)  que 
tous  en  furent  efmerueillez.  Il  fut  fait  mailîre  es  :  rts  à 
louuain  ,  regcnt  des  efcholes  i  Malines,  puis  créé  hi- 
centié  en  Theologie,leut  en  public  les  liures  des  Euai:- 
geliftes.  Depuis  ayant receu  en  rAcademic  de  Cologne 
le  degré  de  Docteur  en  droit  ciuil&:  Canon  ,  ilyîeut 
publiquement  en  i'efchole  des  liures  de  l'vn  &  l'autre 
droit  ,  recirant  les  textes  par  cœur  :  &  continua  long 
temps  en  cefte  profefilon.  vh.Camsr<x;-m<  enjcs  Trcdùano?is- 
hi'ftoriqueSfch.'^J. 

N'yapas  long  temps  qu'on  a  veu  en  Italie  Louys 
GrotOjfurnommé  ordinairement  ilnecod^iiadria y  le- 
<juel,tout  aueugle  qu'il  eft  des  fa  naiifancc  ,  defcouurc 
en  fcs  harangues  &  poefîes  mifcs  en  lumière  ,  vn  efpnt 
non  moins  vif  &  prompt,  que  lî  tout  à  l'aife  &si:ecde 
bons  yeux  il  auoit  fueillctté  tous  les  dodes  cicrjcs  an- 
ciens &  modernes.  l'ay  leu  en  fcs  poefies  des  epigr.imes 
aufli  pointus  &  ingénieux  ,  qu  ileft  pofnble  dercncon' 
trer  aillcurs.Ln  France  auffi  l'on  a  veu  l'aucugle  Romi- 
glxus,lcqueU  efté  de  uoilrc  tcps  grand  Philofophcdo- 

F  i 


'450  Hîjloircs  admirables 

^te  grammairien  ,  fubtil  difputeiir,  &  excellent  preC 
cheur  d'vniugcmtnc  vif  &ii'vnc  mémoire  prompte.I'ay 
parlé  à  lui  deux  fois,  &  ay  profité  en  fesdilcours  graues 
&  folldcs.  Extrakl  de  mes  rruînoires. 


REFLFX  merueilleux. 

LE  Rhofne  eÛ  vn  des  plus  rapides  fleuues  de  l'Euro- 
pe. Et  neantmoins  par  v  n  fecret  merueillcux  on  la 
veu  remonter  &  lailTcr  a  Çcc  fon  lid.    Dont  i'allegueray 
deux  hiftoires.    Sortant  du  pays  de  Valais  ,  il  entre  fort 
enflé  dedans  le  long&fpacieux  lac  Léman,  depuis  la 
Villcneufuc  où  il  demeure  méfié  Tcipace  de  douze 
heures  de  nauigation  aifee  iufqucsà  Gcneue,  où  for- 
tantdu  lac  en  fonlid:  particulier,  d'vne  ville  courfe  il 
dcfcendà  Lyon.   A  vndemi  quartdelieuè  de  Geneue, 
TAruc  fieuue  ou  torrent  ordinaire  &  profond  venant 
du  cofté  du  Fofsigny  fe  rend  dedans  le  Rhofne.  Tay  en- 
tendu de  gens  digne  de  foy  (  ce  dit  Aïaijke  Nicolas  da 
Gédlan  >    en  ftn  Com>mntaire  fur  le  14.  chapitre  d^ Exode) 
cjue  de  noftre  temps  comme  foixante  ou  feptantc  ans 
font  ou  enuiron,  qu'à  l'endroit  où  le  Rhofne  fort  du  lac 
il  Geneue,  pour  entrer  en  fon  iid:  ou  canal,  parla  vio- 
lence dSn  vent  Auftrial  fut  tellement  repoufle  contre 
mont ,  que  les  eaux  s'amoncelantcs  au  lac ,  le  canal  de 
mcura  fccprcsd  vne  heurc,&  fut  veu  de  pluficursen  tel 
eltat,  lefqucls  ontvefcu  long  temps  depuis.  L'an  1^00. 
fe  fit  vn  autre  reflux  du  mefme  fleuue  à  trois  ou  quatre 
reprinfcs  depuis  le  grand  matin  du  iei/iefmc  iour  de 
Septembre  ,  iufques  furies  on/.e  heures,  précédé  de 
çrands  tonnr.rrcs.  Lcsbafleaux  demeurèrent  à  fec.   Ce 
qui  parut  admirable  ,  fut  que  le  reflus  ne  fe  monftra 
qu'en  vne  partie  du  YïOl  du  coflé  de  la  ville  à  l'Orient 
d'hiucr/Sc  deflbus  vne  partie  du  grâd  pont ,  où  les  ferui- 
teurs  des  couflcliers  allèrent  anrafler  des  doux&ferrc- 
mcns.C'efl:  vn  des  bras  du  Rhofne,  ayant  là  plus  de  cincj 
piedsde  hauteur  alors.  L'autre  plus  grand  bras  vers  les 
moulins  recula  de  moitié  d'eau.  Ce  icflus  dura  peu  :  s'il 
eut  continué  vn  quart  d'iiewrc  d'cftoit  pour  noyer  tout 

Ûlbuorg 


é*  mémorables^.  4fî 

le  bôurg  de  faina  Gcruais.  Tel  aduertiflement  eftonna 
«quelques  pej:ronncs:&  coll  après  le  Roi  de  France  s'epara 
de  la  BrctTe  &  de  la  Sauoye^laus  coup  ferir:puis  rendit  la 
bauoye  par  traiâé  de  paix  au  'Dac.Memolres  de  nofiretejjU 

RESO  LFT  1 0  N gêner  eufe^  mer- 
ueilleufe  dr  mémorable. 

LE  Roi  Ladiflas  de  Hongrie  ayant  efté  àQ^^{Q.Sltué 
parles  Turcs  à  la  iournee  de  Varne^entre  autres  pri- 
lonniers  menez  à  Conilantino^lc/e  trouuercnt  douze 
icunes  gentils-hommes  Polonois ,  qui  furent  mis  à  parc 
pour  élire  circoncis  &  feruir  aux  mfamctez  abominables 
de  Sultaiî  Amurath,au  ferrail  duquel  ils  furent  conduits 
^our  tel  horrible  etfe<5î:.  Eux  délibérez  de  n'endurer  ia- 
mais  tel  opprobre,  confpirercnr  genercufement  de  tuet 
ce  vilain  nran.  Mais  leur  délibération  ayant  efté  efuen* 
tee  par  certain  traiftrej,eux  le  fentans  deicouuerts,  pouf 
fe  deliurer  tout  à  faid  de  la  bruftalité  &  cruauté  Tur- 
quefque  ,  ayans  fermé  foigncufement  fur  eux  les  portes 
de  leur  ferrail,  empoignèrent  leurs  efpees  &  poignards, 
&  s'entretuerent  tous  par  vne  efcrime  fanglanre  ;  telle- 
ment qu'après  que  parfradion  de  portes  Ton  fut  entré 
oùilseftoyent  on  les  trcuua  tous  roides  morts  cften-^ 
dus  ci  &  la  fur  le  planché  fors  y\\  qui  refoiroit  encores,8c 
quiauantqu'expirer,commeii  fit  tcil  apres,dcclaira  touc 
ce  que  delfus,p!iis  mourut  ioyeux  &  content.  Cramer  at* 
Zl.ltthile  Chlji»de  Pologne. loachim  ÇnrAH^  es  annales  de  Silefie^ 


RES  SEMB  LANGE. 

LOvYs  Viues  ,  dode  Efpagnol ,  récite  auoir  veU 
en  la  ville  de  Malines  deiixieunes  enfans  hercs> 
l'vn  nommé  Pierre,  Tautre  lean  ,  iîls  d'vn  Confeiller 
de  laviUc  ,  beaux  &biea  formez,  nuis  ferellemblang 


"4^^  ^i^oires  âdmirahles 

tellementj«juc  non  feulement  les  cibangers,  mais  lepe* 
re  &  la  mcre  merme/e  mcrprenoycnt  oïdinaircmenr, 
prenans  lean  pour  Pierre  &  Pierre  pour  Ican.  infes  ah- 
ftotations  fur  le  U.chap.xl.litt.de  la  cité  de£)ic». 

Don  Rodrigue  Giron  &  le  Comte  d'Vrucgue  fe  ref- 
fembloyent  iîbien  que  ceux  mcfmequiles  fcruoyenc 
&  hantoyent  tous  Icsioursjiiepouuôyentle  difcerne» 
ni  cognoiihe ,  fi  non  par  leurs  habits  &  agcncemens  de 
leurs  perfonnes,v/^.  Tor^«emu£/c  enfen  fjexameran^remicr 
iour. 

Le  Comte  de  Benauentauoit  vn  laquay ,  lequel  cer- 
tain homme  vint  trouuer  difant  qu'il  clloit  fcn  frerc,  & 
qu'eftantplus  ieune  il  cftoit parti  d'auec  ^ts  parens.Ilsfe 
reflembloyent  fi  bien,qu'onneles  pou  uoit  aucunement 
difccmer ,  fînon  en  ce  que  celui  qui  eftoit  furuenu  ,  fe 
monflroit  plus  aagéque  l'autre.  Et  combien  que  leJa- 
quayfuft  appelle  par  lui  pour  aller  prendre  fa  part  de 
certain  héritage,  il  difoittoufîours  à  l'autre  ie  ne  vous 
conoy  pointjie  ne  fuis  point  de  voftrc  pays;&  iuroit  qu'il 
oeluiattouchoitdefang.  L'autre  au  contraire  perfeuc- 
roit  à  Taimcr  comme  frère  :  fî  qu'en  fin  le  Comte  leur 
commanda  d'aller  cnfemble  vers  vne  certaine  femme 
ancienne  qui  fcdifoit  leur  mère.  Le  laquay  s'y  tranfpor- 
ta  :  eftant  chez  eUc.q  uoy  qu'il  alleguaft,il  ne  peut  ofler 
à  ceftc  femme  l'opinion  qu'il  eftoit  fon  propre  fîls.  D'a- 
uantage>  pour  l'cfmouuoir  tant  plus  elle  lui  dit,fî  vous 
cftesMion  hls  vous  dcuez  auoir  vne  marque  en  tel  pied, 
&  en  tel  endroit ,  qui  vous  cft  aucnu  d'vne  bvuflurc ,  e- 
ftant  petit.  Le  laquay  s'efmerueillant  de  cela  confcffa 
d'auoir  telle  marquc:neantmoins  perfcucra  de  nier  qu'il 
fuft  fon  fils^affermant  qu'il  n'auoit  iamais  eltc  en  ce  lieu 
la,commela  vérité  elloit  :car  depuis  fut  aueré ,  que  fon 
naturel  elloit  différent  de  ce  peuple,  &  fccut-on  au  vray 
qui  efloycnt  lès  parens.  La  nnfmc. 

Eftanticunc  garfon,  i'ay  vcu  vn  autre  cas  merueil- 
leux,  en  vn  lieu  pies  de  Segonie ,  ayant  feiourne  4.  ou 
cinqiours  enlamaifon  de  certain  pcrfonn.agc  dont  la 
femme  viuoicauffi.  lis  auoyent  deux  filles  lî  fcmbla- 
Mc5;que  roiirnanclcsycuxonnc  pouuoit  conoiflrcni 

dif^ 


^  mémorables.  4j} 

n;  difcrrnerrvne  de  l'autre. Ces  ieunes  filles  poMuoyenc 
juoir  treize  ou  quatorze  aiis:&  comme  l'euli'e  demande 
à  la  mcre,Iaquellccftoitrairnce,elle  m'en  môilrarvne> 
&  me  rcfpondit  qu'elle  eftoit  de  demie  heure  plus  aa- 
«^eeque  l'autre  :  pourcc  qu'elles  eftoyent  toutes  deut 
d'vnc  mefme  ventrée  :  &  qu'auec  elles  eftoit  pareille- 
ment venu  au  monde  vn fils, lequel  le  tenoitauecvn 
fîen  oncle  en  Segonie. Et  comme  ie  m'esbahiifois  de  fo» 
propos,  elle  me  dit  :  Le  frère  reffemble  tellement  à  fes 
deux  fœurs ,  que  comme  il-fut  venu  nous  voir,  Scfcref- 
iouir  aucc  nous  les  fefîes  pafî'eesde  Pafques  ,  vniour 
lui&  cefte  llene  fœuraifnec  changèrent  leurs  habille- 
mens  &  nous  deceurent  lepere&moy,  tout  le  long  d» 
ioutjfe  mns  auec  grande  ioye  de  ce  que  nous  ne  les  co- 
noiflîoîis  pas,&  que  nous  prenions  l'vn  pour  l'autrciuf^ 
ques  à  ce  que  furie  foirils  fe  donnèrent  à  conoiftTc; 
&  ce  nonobftant  à  peine  le  pouuionsnous  croire.  Li 
mtj'tne. 

De  noftre  temps  ontefté  veusenla  ville  d'Auignon 
deux  Gentils-hommes  frères,  fe  rajpportaijs  Tvn  â  l'au- 
tre ,  tous  deux  nez  d'vne  ventrée,  hls  d'vn  Audiancier 
de  la  cour  du  Pape,  Ilsparuindrtnt  à  grand  aage,biea 
forme7,,membrus  &  puilfans,  de  poil  blond  ,  ayans  tous 
deux  la  veuë  courte ,  la  parole  douce ,  refprit  gentil^ 
de  contena-ice  &  conuerfation  amiable.  Tous  deux  do- 
iftes  ,  aflfeftionnez  à  fuiurc  les  grands  Seigneurs  & 
vaquer  aux  afaires  :  tous  deux  iouans  du  Luth  ,  chan- 
tans  en  mufique,  efcriuansl'vii comme  l'autre,  ayans 
lefon  de  la  voix,la  parole ,  le  gefte  ,  !e  cheminer,  les 
trai<fcs,rair,la  façon  de  faire ,  &  toutes  leurs  adionsii 
femblables ,  que  leurs  propres  pcrc  ,  mère  &  frcres,fc 
trompoyentà  en  marquer  la  diATercacc.  lean  Vville- 
mindodc  perfonnage,  m'afouucnt  confeÛ'équeplu- 
lîeurs  fois ,  lui  viuant  prefques  ordinairement  auec  ces 
deux  frères  ,  &  parlant  comme  à  toutes  heures  enfeni- 
ble,il  s'eiltrouuéne  f^ioir  lesdifcerner ,  tellement,' 
^uepenfant  conim>miquer  à  l'vn  quelque  rccrct,ille 
trouuoit  puis  après  que  c'eftoit  à  l'autre:  de  forte  que 
i'i^iioulc  leaguueUcmeiu  du  double  SoHas  eaTA^çp: 


4  54  Hifloires  admirables 

jphitruon  de  Plaucc.     11  y  a  d  auaiuai;e  :  c'eft  qu'on  a 
Surpris  en  mcHnc  temps  ces  deux  frères,  fepare?  i'vn  de 
TautrCjtouchczdc  mefme  défit  Scpenfee  fur  ledcficin 
<iechofc  particulière.     Ceftencores  plus  ,  que  I'vn  fc 
trouuant  aucunement  malade  ,  l'autre  pareillement  en 
lento]trapprehcnfîonj&  fouffroit  Aqs  atteintes  du  mal 
<iefon  frere.D'auantageA'vn  nefçachantrien  dcTautie, 
el^ans  affedioniiez  à  vne  Damoifelle,lui  tcnoyent méf- 
iées propos,ouoy  qu'à  part  &  a  diuerfcs  heures  jau  M- 
w:eurvn  de  i'aïuie.-aulquelsla  damoilclle  refpondoit,o- 
ics  à  Tvn  ,  penfant  que  ce  fufl  l'autre  ,   puis  au  fécond 
<îu'ellc  carefioit  fous  ce  voile  qui  la  dcceuoit  Au.  rap- 
port de  fon  vifage  à  celui  de  fon  frère.  Au  rcfte ,  iamais 
on  ne  pouuoit  en  tirer  la  différence  ,  que  pnr  eux-mef- 
iTîes,rvn  monftrant  au  côlcertaine  marque  apportée 
du.  ventre  de  fà  merejcnfiniprcffon  de  laquelle  nature 
iiuoit  voulu  cncor  ttacor  quelque  difTeiîibl'J^t^ejpouro- 
iicrence  traidlapaii-ud'ertfieir!blance,&;  tenir  com- 
me fapropiieté  ,  qui  cil  de  s'cnouiren  la  diucrfiré  des 
fhofes,  Ùl  ne  faire  du  tout  efrrangeen  l'opinion  ce  qui 
eit  de  fon  cilence.,^»  i.tom.da  hifioncs prodigisufes par- 
tie i.hifioire  i. 

Du  temps  de  François  SforceDuc  oc  Milan,  y  eut  en 
fa  cour  vji  bouffon  nommé  Marquelîn  ,  lequclrappor- 
toit  tellement  de  vif;:ge  ,  geftcs  &  contenances  a  S'\%iC- 
jnor.d  Mabtcftc,  Seigneur'dc  Kiminy ,  ictpel  auoit  cf. 
j'oufé  la  fille  de  Sforcc,que  (î  Aîalatelte  venoit  à  Milan, 
Sfûice  fçachant  qu'il  fe  defplaifoit  de  Aoir  quVn  plai., 
fant  tue  p::ns  pour  lui  de  ch-'ciir  ;  eftoit  contraint  d'cn^ 
iioyer  ailleurs  Marquc/în,  tandis  que  Sigifmondfeiour- 
n oit  à  ^Vihn.h.Fulgûh^cnjei  LxewpUsi  lm.9. 

RICHESSES  d'or  &  d'argent  y  mej^rifecs. 

IE  A  N  Reuchlin,ayant  cfl-c  enuoyc  par  Eberard  Duc  de 
Virteuiberg  en  ambaffada  vers  l  Empereur  .-îprcs  a- 

UOXï 


\hles. 


^oirfidelen:iéc exécuté  telle  commifïlon,  comme l'Em- 
pereur  fift  aux  vns  &  autres  de  tref-riches  prcfens,  Reu- 
chlm  refufa  tout  net  ceux  qui  lui  eftoyentoflerts  ,  & 
fupplia  TEmpereur  c]uile  prefloit  d'en  prendre  ,  puis 
qu'il  n'eftoit  raifonnablc  de rcfufcr  quelque  choie  de  la 
libéralité  d'vn  grand  Prince  ,  de  lui  vouloir  donner  cer- 
tam  exemplaire  d'vn  Bible  Hcbraique  efcrite  a  la  main, 
pluficurs  hecles  auparauanr:ce  qu'il  obtint.  l.Brajitcan  en 
fa  PrejAce  fur  S^duian^de  U providence  de  Dieu. 


RFI2iE  ptoyMe, 

L'An  1540.  trois  gentil-hommes  Bourguignons,  des 
premières  maifons  de  France  ,  le  Baron  de  Senecé, 
le  Baron  de  Corberon  ,  &le  Baron  de  Sarry  tous  trois 
ieunes,  grands  feigneurs,  François ,  bons  amis  ,  venus 
tous  trois  à  Lyon ,  pour  acheter  des  ioyaux  &  draps  de 
loyespour  leur  fiancées,  fe  logèrent  en  l'hoftellerie  du 
pouicelet ,  rué  de  Flandres ,  logis  renommé^  mais  vieil 
de  baftimcnt,  &  fort  ruineux.  Pour  l'amitié  qui  eftoit 
cntre-cux  ils  voulurent  eilre  en  mefme  chambre,&  après 
auoir  pafle  certain  iour  le  matin  &  l'aprefdinee  ioyeufe- 
ment,  voulurent  coucher  enfemble ,  pour  auoir  plus  de 
commodité  dedeuifer.  Orauint  il  comme  ilsfurenn 
couche7,rvn  d'eux  lifant  en  vn  liure,les  deux  autres  de- 
batansqui  tiendroit  le  milieu  du  lid,  que  tout  à  coup  le 
planché  de  la  chambre  leur  tombe  deflus,tellement  que 
tous  trois  demeurèrent  acabkii  tous  le  faix  de  cefte  rui- 
ne. Ils  furent  fort  regrettez  :  &  fur  ceft  accident  pi- 
toyable 6c  efpouuan table  fut  faiét  le  qua drain  fuy- 
uajit. 

Dedans  le  corps  a'vn  Lyon  mcrucilleHX^ 
Trou  K^dcnvs  'vn poitrceat* périlleux 
Tua  fans  dent,  ^  fans  les  at*oir  mords. 
Qui  enterrcT^  fu-rent plujlojl  ^m  rnêrts. 

Mémoires  de  Lyon. 

Ff  ♦ 


45^  Hijloires  admirables 


RVItiES   €p anges. 


IE  donne  tiltre  tel  à  Thiftoire  fuiuante,  merueilleuf^ 
en  toutes  fortes ,  efcritc  par  vn  marchant  des  pays  ba^ 
en  vn  difcoiirs  de  fon  voyage  de  Molcouie  ,  non  enco- 
Tcs  imprimé  que  iefçaclic.  Et  ie^le reprefenterai  le  plus 
brief  qu'il  mcferapoflible.  Mofcovv  ,  capitale  des  pays 
du  grand  Duc  de  Mofcouie  ,  cil  vnefort  grande  ville, 
mais  mal  allcniblec,  ayant  de  circuit  trois  lieues  &  de- 
mi d'Alemagne,compris  lesfauxbourgs,  autant  jiabitcz 
que  la  ville  ,  l'entourdc  laquelle  n'a  point  plusd'vne 
bonne  lieue  Françoife.  Les  rues  &  chaulfecs  font  de 
Grands  arbres  rangez  près  à  près ,  &  des  pl.inclics  à  co- 
ite des  maifons  :  &  y  fait  fi  fangeux  en  temps  de  pluye. 
^u'il  eftimpofsible  d'aller  par  la  ville  autrement  qu'à 
chenal,  à  la  coulhiine  du  pays  où  les  cheuaux  font  à  vil 
prix,  &  de  petite  defpenfe ,  fans  eftre  ferrez,  pour  long 
chemin  qu'on  leur  face  faire  ,  iinon  durant  les  glaces. 
X.QS  maifons  ne  font  guercs  que  dVn  eftagc,  ou  deux  au 
piusjtoutcsbailies  tie  bois  arrange  l'vn  fur  l'autre.  II  y  a 
tanten  la  ville  qu'es  f3uxbourgs&  auchafteau,  cinq  mil 
cinq  cens  temples,  qunfi  tous  comme  des  chappelles: 
plufleurs  conftruits  aucc  grands  arbres  rangez  l'vn  fur 
l'autre:  &  ont  des  hautes  tours  de  bois,  fans  fer  ni  piei»» 
re,  fort  bien  faites  Le  logis  du  grand  Duc  eft  aufsi  de 
bois  :  qu'il  eftime  beaucoup  plus  fain  ,  que  s'il  eftoit  de 
p:erre.  Le  challeau  eft  alfcz  fort  de  muraillcs&  ce  fef- 
ie/.  largcs.Il  tient  autant  déplace  que  le  reite  delavil.'e. 
A  vn  des  codez  d'icelui  demeurent  les  Sins,  à  i'atitrc  les 
Oprifsins,  qui  fon:  comme  les  intcndans  des  finances 
du  grand  Duc.  Içeux  defpefchentles  marchans  eftran- 
(fers;&  fi  tofl:  qu'elles  arriué  la,  faut  configner  es  mains 
des  vnsou  dçs  autres  toutes  vos  marchandifes.  Ellant 
parti  deNcrue  cnuiron  le  dixicfme  de  luillct  i^yo.i'ani- 
11  ai  fur  le  comencement  d'Aoult  à  Mofcovv,  ou  ic  trou- 
udy  le  grand  Duc  6c  Tes  gciis  cmpcichezà  ccrchercnui- 

ion  504 


tf  memorahles,  457 

Tonjo.perfonnes  ciuipaffcrcntpar  refpcc du  bourreau: 
&  yen  eut  vn  ietté  tout  vif  en  eau  bouillanLc:&  ce^our 
auoir  reccu  prefens  &  argent. La  plufpart  li'iceux  eftoyét 
jrands  Seigneursjdes  plus  familiers  duDuc.  Les  autres, 
fliarchansde  Novvgart,auec  leurs  femmes,  enfans&  fa- 
iiiiUes^accurez  de  trahifon  en  faueur  du  Roy  de  Polon- 
gue.  Peu  de  iours  après  vnc  peftehorrible  enuahitla 
ville  de  Mofcovv  &  les  enuirons  ,  de  telle  violence 
qu  en  moins  de  quatre  mois  moururent  plus  de  deux 
cens  cinquante  nulle  perfonnes.  Et  fut  remarqué  par- 
ticulièrement qu'en  hui(ft  iours  aOauoir  depuîs  le  lo. 
lufques  au  18.  d'Aouil  moururent  1705.  preftres,  de 
comptcfait:  &  continua  ccfte  pcfte  Ç\  horriblement, 
qu'en  fin  d'icelle  chafcun  s'efmerueillûit;  rencontrant- 
quelqu'vn  de  fa  conoifl'ance. 

Ccûe  mifcre  extrême  fut  fuiuie  Tan  d'après  ct'vnc 
ruine  eftrange,  le  quinzicfmeiour  de  May.  L'occafîon 
fut  que  l'Empereur  des  Tartares  mal  contant  de  ce  que 
les  Mofcouitcsne  lui  payoycnt  plus  certain  tribut  an- 
nuel, &:e3itendint  d'autre  part  que  le  grand  Duc,  par 
fcs  tyrannies  &  maffacrcs,  auoit  tellement  desfriché  Tes 
pais^que  la  rcfiftence  ne  feroir  grade  de  ce  cofté,ie  fom- 
madcpayer  Ictnbui.MaislcDuc  ne rcfpondit  qu'outra- 
ges &  mocqueries.  Au  moyen  dequoy  îe  Tartare  partit 
de  Tes  pays  enuirô  la  fin  de  JFeurier,  fuiu'  d'vnearmee  de 
cent  mille  chcuaux,qui  en  deux  mois  &  demi  firctpres 
de  cinq  cens  iieuès  d'Alcmagne.Eftans  à  deux  iournees 
près  desfrôders  du  Duc^d  délibéra  leur  aller  au  deuant, 
&  de  fiitjeur  donna  batai]le,mais  il  ]j  perdit,  auccvne 
horrible  defroute  &  carnage  de  les  gens,  i  c  Duc  conoif- 
fant  que  le  Tartare  le  cerchcroit,s'enfuit  à  grandes  iour- 
nees au  plus  loin  qudpeiit.Tl  r.'elloit  qu'à  neuf  liencs 
de  Mofcovv,  qiîund  les.Tar.t  iCb  vindrent  ceindre  la  vil- 
le,eliimans  qu'il  y  fut.  Ils  mirentle  feu  par  tous  les  vil- 
lagcb  d'aJenuiron:&voyans  que  la  guerre  tireroit  trop  en 
lôgucur  pour  cux,refblurcnr  de  bruflcr  celle  grâd'  ville, 
ou  du  m6ins  le  faux-bourg  d'icelle.  Pour  ccH  cfFe<5l  ayâs 
difposéleurs  troupes  tout  au  tour,  i!i  mirent  le  feu  pat 
tout;Cclicnicncqucc'cibuvn  cercle  enflauuuc.  Adon^ 


45  s  Hifloircs  admirables 

E'clleua  vn  tourbillon  de  vent  fi  furieux  qu'en  moins  de 
rienil  poufla  de  toutes  parcs  les  cheurons  &  lon?s  ar- 
bres allume?  des  fauxbourc-s  en  la  ville.    L'embrafe- 
ment  fut  fi  loudain,  que  peHonne  n'eut  loifir  de  fe 
rauuerfinonà  i'endroitoù  il  fe  trouuoic  tout  à  l'heu- 
re.   Les perfonnes  bruflecs  de  cefte  embrafement  mon- 
tèrent à  plus  dedeuxcens  mille:  ce  qui  auintpar  ce  que 
Icsmaifons  cftoyent  toutes  de  bois,  &  mefme  le  paué 
toutde  grâd  fipinsarrâge?.,  qui  eftant  huileux rendiréc 
rembrafement  extrerae;tcllemét  c,\itn  refpace  de  qua- 
tre heures  la  ville  &le.s  fauxbourgs  furent  entièrement 
confumcz.  Ajoi,&  vnieunehôme  delà  Rochelle  ,  mon 
trucheman.crtions  au  milieu  du  feu  ,  dedâs  vn  magazin 
♦out  vouré  de  pierTe,meTueilleuremcnt  fort,  dot  la  mu- 
laillc  auoit  trois  pieds  &  demi  d'efpaifleur,  &  n'auoit 
ouuerture  que  de  deux  coftezil'vn  par  où  l'on  entroit  & 
^ortoft,  qui  eftoirvne  aflcz  longue  allee^cn  laquelle  il  y 
auoit  trois  portes  de  fer  ,  diftantes  l'vne  de  l'autre  enui- 
xon  fix  pieds.  De  l'autre  cofté  il  y  auoit  vnc  fcneftre  ou 
cerneau  ,  muni  de  trois  huis  de  fer,  à  demi  pied  l'vn  de 
l'autre,  Iclquels  ouuertures  nous  bouchalinespar  de- 
dans au  moins  mal  qu'il  nous  fu^-  poflib.'ercc  neantmoins 
il  y  entra  tant  de  fumccque  c'eftoit  plus  que  trop  poui;^ 
nous  eftoufter,n'euft  efté  qu'auiôs  vn  peu  de  bicre,dont 
nous  nous  refrai fchiffions  de  fois  à  autre.   Pluficurs  Sei- 
gnciirs  &  Gentils-hommes  furent  ettcints  cscauesoù 
ils  eftoyent  retirez,  parce  que  leurs  maifons  ,  faides  de 
gros  arbres,  venans  à  fondre  ,  foudain  accabloyent  tour. 
Les  autres  réduites  en  cendre  boufchoyét  toutes  ouuer- 
tures &  emboucheures:tcllemcntqu'i  faute  d'air  les  en- 
fermez pcrifloyét.  Les pauures  paifansjqui s'eiloyét  fau- 
uez  de  viii^t  lieuës  à  la  ronde  aucc  leur  beftail ,  voyans 
i'enibrafementfeiettercntenlapius  grande  place  de  la 
ville,  laquelle  n'eft  pauce  de  bois  côme  les  autresmeant- 
nioms  ils  y  furent  tous  roftis  ,  dételle  forte  quvn  hom- 
me delà  plus  haute  raille  ne  fcmbloic  qu'vn  enfant,tanc 
l'ardeur  du  feu  les  auoit  retirez  :  &  ce  a  caufc  des  gran- 
des maifons  a  Tenuiron.    Chofc  la  plus  hideufe&z  ctFro  • 
yablcà  voir,  qu'il  cft  pofl'iblc  de  pcnfer.En  pluficurs  en- 
droiD,  d'icellc  place  les  hommes  eftoycc  par  h?uts  moB- 


ér  memoYd  hles,  4  S  ^ 

ceaux  plus  de  demie  picque:  ce  cjui  m'cftonna  mcrueil- 
Icufementrncpouuantcomprcniirc  comincilseftoyent 
ainfi  cntafle'/.  les  vns  fur  les  autres. 

Ceft  horrible  cmbr^ifement  fit  tomber  la  plufpart  des 
créneaux  des  murailles  de  la  ville  ,  &  crcucr  aufli  toute 
l'artillerie  c]ui  eftoit  fur  icelles  murailles  faite  de  brio  ue 
à  Tantique  aucc créneaux  ,  (ans  rcmpars  ni  foflez  à  Tcn-. 
tour.Plufieurss'eftans  fauuezlà  au  long  y  furent  neant- 
iVioinsroftisjtantle  feu  eftoit  véhément  :  entre  autres 
beaucoup  d'Icalicns  &  de  Wallons  de  ma  conoifiance. 
Tandis  qucle  feu  dura,il  nous  fcmbloit  qu'vn  million 
de  canôstônoyent  enremble;&  ne  pt'fions  qu'à  la  mort, 
cftimansquele  feu  dureroit  quelques  iours:à  caufe  du 
grand  pourpris  du  chaftcau  de  la  vilie^ô:  des  fauxbourgs. 
Mais  tout  cela  fut  dcpcfché  en  moins  de  quatre  heures: 
^n  fin  derquelles  le  bruit  s'amortiflantjil  nousprint  en- 
uie  de  voir  fî  les  Tartares  eftoyêt  entrez,  deiquels  nous 
n'auions  pas  moins  de  peur  que  du  feu.Ce font  gcs faits 
à  la  guerre,encores  qu'ils  ne  mâgcnt  que  àzs  racines  ou 
autre  telle  fubftance ,  &  ne  boiuent  que  de  Teau ,  &  lest 
plus  grands  Seigneurs  d'entre  eux  ne  viuét  que  de  cha:r 
cuiteentieledosd'vn  cheual&la  felle  en  laquelle  eil 
monte  le  caualicr.  Si  IbiiL-ils hommes  robuftes  faits  à  la 
peine,Gommeaufll  fontleurschcunux  qui  courentmei- 
ueillcuremét  viil:e;&  font  plus  de  chemin  en  vn  iour^ne 
mangeant  que  de  Therbc;  quv':  les  r.oftres  ne  fçauioyenc 
faire  en  trois  iours,eji  leur  donnant  force  auoine.  Ccft 
pourquoy  les Tartaies  vienent  aifément  défi  loinaf- 
iaillir  les  Mofcouites.  Or  ont-ils  cr^fte  adrefTe,  de  ne  ve- 
nir quertfté,  pour  ia  commodité  de  leurs  chcyaux. 
Leur  pays  efttéperé,  duquelils  partent  à  la  fin  de  Fc- 
inicr^pour  eftre  en  MofcoLie  au  cômenccmcnt  de  luin, 
&  s'en  retournent  à  lafin  d'ic^îui  en  leur  pays,pour  n'e- 
jftre  furprins  de  Thyuer  en  Ùuflîe  :  ce  qu'aucnant  ils 
mouiroyent  tous  oc  faim  ,  eux  à  caufe  des  grands  dc- 
fcrts  contenons  plus  de  crois  cens  lieues  d'Alcmagne> 
inhabiccz,&  partant  hors  de  toucfccoursde viurcs,& 
leurs  cheuaux  aufïi  n'ayant  aucune  herbe  :  ce  qui  les 
contraint  de  faire  t^\  voyage  ,  qui  eft  de  plus  de 
VmÇQ.  lieues  d'AlemagnC; ou  quatre  ou  cinq  mois^uçc 


4^<^  Hïjfoires  admirables 

toute  leur  armée,  f]ui  cil  ordinairement  de  centcinquS- 
t-' nul  ou  ^twx  ccnv  nulle  cheuaux  ,  bons  au  poflible; 
tt>ajsic.s  caualiers  font  malequippcz,  ne  portans  pour 
toutes  armes  <]u'\'ne  chcmile  de  maille  aucc  vne  jaucli*- 
nc,vn  arc  &  des  flefches ,  ne  fcauent  que  c'eft  d'artille- 
iicniharqucbufern'ayanscntoucleurpaysquedeuxvil- 
lesoù  leur  Empereur  tiene  fa  Cour,  (ans  bourgs,  villages, 
ni  nu-'irons  :  ains  fe  contentent  de  demeurer  fous  des pa- 
uilloas  qu'ils  remuent  tantoft  çà,tantoft  la. 

Pour  reuenir  à  noilrc  mifere ,  ayans  efcouté  quelque 
peu,  nous  entendifines  courir  à  trauers  la  fumée  deci  & 
«îelà  quelques  Mofcouitcs,  qui parioyent  de  murer  les 
rortes ,  peur  empeicher l'entrée  aux  Tarrares  qui  atten- 
tioyent  que  le  feu  fuft  du  tout  efteinrt.  Moi  &mon 
nucheman  fortis  du  magazin  ,  trouuafmesles  cendres  fi 
chaudes  qu'a  peine  ofions-nous  marcher;  mais  la  nccefli- 
re  nous  contraignant,  nouscourufmes  vers  la  principale 
porte: où  nous  trouuafmcs  15.  ou  50.  hommes refchap- 
pezdufeu,  auec  lefquelsenpeu  d'heures  nous  mura(l 
mescefte  porte  &  les  autres,  &  fifmes  le  guet  route  la 
nuicl auec  quelques  harquebu7.cs  garanties  de  l'embra- 
leriient.  Au  matin  voyans  la  ville  non  tenablcpir  lî  peu 
ce  î?ens  que  nous  eftions,  cerchafmes  moyen  d'enrerr  au 
chaftcau  dont  Tentree  eftoit  lors  comme  inacceflible. 
Celui  qui  y  commandoitfut  tref-aife  d'entendre  noilrc 
intention>&  nouscria  que  nous  yferiôs  les  bien-venus. 
Mais  il  elloit  tres-difficile  d'y  entrera  caufe  des  ponts 
ferulle7,de force  que  force  nous  fut  de  monter  par  deflus 
les  murailles,  ayant  pour  eichellcsdes  hauts  fapins  que 
l'on  nous  auoit  iettez  de  dedans,  &  aufquels  Ton  auoic 
♦donné  des  coupv  de  hache  de  pied  en  pied  ,  pour  nous 
garder  de  glifler.  NoiLsmontafinesdonc  à  toute  peine: 
car  outre  Tincopimodité  euidente  de  ces  efchelles  fca~ 
breufes,nous  portions  fur  nous  la  fomine  de  quatre  mil- 
le tallers  &  quelque  pierrerie  :  ce  qui  nous  empefchoic 
jnerueilleufemcnt  à  grimper  au  long  de  ces  arbres  :&  ce 
qui  redoubloit  noftre  peur  eftoit  que  dcuant  nos  yeux 
nous  voyons  quelques  vns  de  nos  compagnons,  n'ayans 
«}uc  ieiir^tforps  à  ikuuer,roulct  ncantmoins  du  milieu 


C^  mémorables.  46"! 

ou  du  haut  de  ces  arbres  dedans  le  fofTé  pleiruie  corps 
bruflez  :  &  ne  pouuions  marcher  que  fur  des  morts,les 
monceaux  delquels  eftoyenc  fi  "drus  &  efpais  prefques 
par^tout.qiie  force  nous  cftoïc  de  palier  par  deflus,  com- 
me fî  c'euffent  efté  des  coilaux  à  monter.  Et  ce  qui  nous 
redoubloitTenuieftoit  qu'en  marchant  deHus  ,  bras  Se 
iambesrompoycnt  tout  net,lcspauures  membres  dcc^ 
créatures  eftans  tout  calcinez  parTardeur  dufeu.  En- 
fondrans  ainfî  dans  ces  miferables  corps ,  lefang  &  l'or- 
lîure  rcjaillifl'oit  fur  nous.  Ce  qui  caula  telle  puanteur 
par  route  la  ville,  qu'impoisible  eftoit  d'y  fubiîller. 

Le  15.  May  furie  foir,  comme  nous  attendions  eïi 
grande  perplexité  ce  que  les  Tartares  entreprendroyenç 
contre  nous,  qui  eflions au  nombre  de  quarte  cens  ou 
enuiron  dedans  le  cha{leau,les  Tartares ,  aufqucls  nous 
auions  fait  vne  falue  d'arquebuzadcs,  &  abatu  quelques 
vnsqui  s'eftoycnt  approchez  trop  près  d'vne  des  portes 
du  challeau  ,  commencèrent  à  tourner  vifage  droit  vers 
ic  chemin  par  où  ils  elloyent  venus,  de  telle  viileûc  que 
le  lendemain  matin  tout  cctorrcnc  fut  efcoulé  :  donc 
ayant  loué  Dieu,&  donné  ordre  à  nos  afaires,  co  nme  la 
calamité  ptefentelc  permettait,  nous  partifmesde  ce 
pays  defolé. 


SAIGNEE  merueille\fe. 

IE  fus  appelle  aux  fiuxbourgSaindGermin  desprez> 
à  Tenfeigne  de  S.Michel  au  logis  du  SircIeanMatiau, 
pour  vifiter&  medicamenter  vn  icunehomme  aagé  -.le 
28.  ans  ou  enuiron, &  de  tempera:  irc  fanguincdomeili- 
quedVn  des  maiftres  d'hofléliie  l'Amiral  de  Brion.  Il 
çftoit tombé  la  refte  dcuant  fur  vne  pierre,  &  s'eftoit 
blefie  à  l'endroit  de  l'os  pariétal ,  partie  fcneftre  :  &  au 
moyen  du  coup  s'eftoit  fait  vne  phyecontufejfanstou- 
tesfois  aucune  fradure  de  l'os  par  le  moyen  de  laquci!(î 
luifuruintlcfcptielme  lour  vne  heure  continuée:  ref^ 
aeric,auec  grande  inflammation  phlegnioneufejcauiec 


4^2,  Hijloîrcs  admirables 

parla  bicflure  du  pcricranc,  acompagncc  d'vne  cnflt/rô 
inerucillcufe  de  toute  la  telle  &  le  col ,  ayant  vn  vifaoc 
mcrueilleufemcntdcsfiguré,  ne  pouuant  voir  ni  parler, 
&  moins  aunlcr  aucunes  chofcs,  C\  elles  n'elloycnt  bien 
liquides. Soudain  voyant  tels  accides ,  cncor  que  le  iout 
de  dcuaut,  qui  eftoit  le  hui^liernie  de  la  blclTurcil  cull 
elté  faigne  par  Germain  Agace  maiftre  barbier ,  lequel 
lui  auoit  tire  quatre  palettes  de  sâg  ,  &  voyât  les  accides 
i?  grands,  &la  force  du  panent  bonne  ,  ie  reiteray  la  fai- 
gnee,&lui  tiray  quatorze  palettes  pour  celle  fois  .-puis 
le  lendemain  voyât  que  la  fieure  ni  aucuns  des  accidens 
nes'eftoyentnullemétdiminuczomaispluftollelloyenc 
augmétezjie  réitérai  la  faignee  ,  &  lui  tirai  encore  qu.v 
tre  palettes.    Le  lour  luiuantjles  accidens  n'eftans  dimi- 
nuez,ie  fus  encore  d'auis  de  leiefaigner,  cequcien'o- 
fai  faire  feul,  veula  grade  euacuation  qu'on  auoit  ja  fai- 
re, le  priay  dôc  moniîeur  Violaine,dod;eur  régent  en  la 
faculté  de  iMedecine,hôinc  doite&  de  bon  iugemét,de 
voir  ce  malade.  Lui  ayant  taftë  le  pouls,  le  irouuant  fore 
robufte, voyant  aufli  la  grande  enfleure  &  rimpetueufe 
véhémence  de  Tinflâmation,  fut  d'auis  qu'on  le  faignail 
promptement:&  lui  ayant  dit  que  ja  Ton  auoit  tire  Z2. 
palettes,  me  dit  que  quand  on  lui  enauroittiré  d'auan- 
rage, fi  ell-ce  qu'il  lui  en  faut  encore  tirer  :  attendu  que 
les  deux  indications  principales  qui  nousihduifent  à  tai- 
re la  laigneejiont  prefentes,  à  fçauoirlagrandeut  de  la 
maladie  &  la  force  du  patieut.  Adoc  bien  ioyeux,  ie  iuî 
en  tire  encore  trois  palettes  en  la  prefencejSc  lui  en  vou- 
lois  tirer  d'auantagerce  qu'il  remit  i  raprefdinee  ,  ou  ie 
lui  en  tirai  encores  deux,qui  font  vingtl'cpt  palettes(les 
palettes  de  Paris  ticnent  trois  onces  i>c  plus  )  qui  furent 
tirées  au  patient  l'efpace  de  quatre  iours.     La  nuit  fui- 
uante  il  repoia  fort  bien  ,  &  le  lendemain  ic  le  trouuay 
fans  fieure,  l'entlure  grandement  diminuée ,  l'inflamma- 
tion prefques  toute  eileinte  ,  hors  mis  les  paupières  fu- 
perieures  des  yeux,&le  mollet  des  oreilles,  lefqucls  en- 
droits s'apoilumerent ,  ôcictterent  aflez  grande  quan- 
tité de  bouc.    Ainii  fut-iiendcrcmviutgucri,  grâces  à 

Dieu, 


dr  mémorable f.  4<5^j 

r)i«J^  par  les  remèdes ,  qui  fans  la  benediiftion  d'icclui 
font  du  tout  in  unies.  M.Kyimhr'Paréan  ^Mtt.cha.l^. 

Baptifte  Fulgofe  au  i.  bure  de  fes  exeniples,ch.^.  ra- 
conte cju'vn  Preftrc  Italien  nomméGcrmain^ayantcfté 
laigné,perdittoutclouuenanccdcslcttrcs,non  pas  des 
choies  communes  &  ordinaires:  tellement  qu'il  nefca- 
uoit  ni  lire  ni  efcrire>  non  plus  que  s'il  neleuIHaniai.sa- 
prins  :  &  demeura ,vn  an  en  tclcftat.  Au  bout  dérangea 
mefme  temps,  &  en  mefme  endroit,  ayant eilé  fàigné,il 
recouura  la  fcience  de  lire  &  d'eicrire  ,  qu'il  auoit  aupa- 
rauant.  t  h.  Xutnger  am.  -vol.  de  fin  théâtre  ,  litt.  I,  Tadioa. 
ftc  ceftc  hilloirc  ,  encore  qu'elle  Toit  d'vn  (lecle  précè- 
dent le  noftre  :  eftanc  fur  la  rencontre  d'vne  faignee 
mcrueilleufe. 

SEFFLTFRE  defiree. 

AV  temps  d'vne  pcftiltnceaffligeantle  quartier  de 
pays;Ou  le  demeure,  leremarquay  vue  nierucilleu- 
fe  rcfolution  en  la  fimplicité  de  tout  le  peuple:  &  pour- 
ce  que  tous  ceux  a  vne  maifon  mouroycnt  en  mefme 
mois,cnfans;,ieunes,^cillards,  \}is  neseltonnoyentpius, 
ils  ne  pleuroyent  plus.  Ten  vis  qui  craignoyent  de  de- 
meurer derrière,  comme  en  vne  horrible  folitude:&  nV 
conus  communément  autre  loin  que  des  ie'-»ultures.  ït 
leur  fafchoit  de  voir  les  corps  efpars  einmi  les  champs,, 
à  la  merci  des  beftes,qui  y  peuplèrent  incontinent.  La 
feule fcpulture  eiioir  eltimee  heureufe  entr'cux.  Tel 
fain  faifoit  deiîa  fa  fofl'e  :  d'autres  s'y  couchoyent  cncor 
viuans.  Et  vn  maneuurc  des  miens,  aucc  fes  mains  &  lès 
pieds,  attira  fur  foi  la  terre  en  mourant.  Eftoit-ce  paç 
s'abrie^  pour  s'endormir  plusàfon  aife  ?  d'vne  entre- 
prifc  en  hauteur  aucunement  pareille  à  celle  è^o.^  foldats 
Komains ,  qu'on  trouua  après  la  iournce  de  Cannes ,  la 
telle  plongée  dans  àzs  trous  qu'ils  auoycnc  faits,&  com- 
blez de  leurs  mains  en  s'y  fuHoquanc.  M.àe  Manti^i^ 
^u  yliitre  dei  î.jjkhifh'-t^.li* 


4<3  4  Hijloires  admirables 


SORCELLERIES^  tmpojhires  &  eftran- 
ges  illufions  de  Satan  dcfcouuertes. 

IL  y  a  des  luges  qui  puur  delcoaurir  les  forcicrcs  ,  & 
leur  faire  confefTcr  à  la  torture  les  péchez  énormes  paf 
elles  commis ,  ont  celle  couftume  de  leur  faire  rafcr  le 
poil  de  tout  les  endroits  dû  corps,  &  changer  leurs  ha- 
billt^mens,  auec  celle  peribalîoii  que  lors  elles  conftr- 
fciitpluftoft  ce  dont  elles  fonrVoulpables.  Bodin  en  fa 
Dcmonomanie  l'cmble  approauer  ceftc  couftume  par 
dellus  tous  autres  expédiés.  Aufii  fait  Sprangcr  au  mail- 
let des  Ibrcieres.  Et  y  a  cent  ans  qu'vn  inquifitcur  fuf- 
nomméCuman  tintceRe  procédure  à  l'endroit  de  qua- 
rante vne  forcieres  qu'il  fit  bruller.  Le  Mefme  aefté  ob- 
'erué  par  ^1/.  icj^  D^^nhoudcrcAo^e  luriÇconj'ulte  enFLindrt^., 
lequel  en  fa  pratique  criminelle  ^uu  ch  .^6 .  nomb.  II.  récite  vue 
hiftoivc  mcmorable  i  ce  propos.  Ce  n'eft  point  fait  n\- 
confidcrcmment  ,  dit-il,  que  Ton  rafc  tout  le  poil  du 
corps  À  certaines  perfonnes  puis  après  appliquées  à  li 
torture  ;  car  on  veut  par  tel  moyen  cmpeichcr  Tcrflcacc 
^es  remèdes  qu'elles  ont  pour  fc  rendre  impaflibles  cs= 
tourmcns  :  ce  qu'elles  ont  acouftumé  de  pratiquer  par 
arts  magiques,  fovcelleries ,  enciiantenu  ns  &  charmes  e- 
xecrables  ,  comme  moy-melmeray  v*  u  du  temps  que 
l'cftoisConleillerdela  ville  de  Bruge^  j  fur  tout  en 
vn  vieille,  qui  en  Ion  port,veftement,  en  fa  façon  de  vi- 
iirc,en  les  meurs,irreprchenlîbles  en  apparcnccfe  com- 
povtoit  tellement  que  tous  Tanoycnt  en  reucrcncc  ,  la 
prilbyent&eftimoyent  autant  qu'vn  des  Apoftires  de 
lefus  Chriit ,  pource  qu'elle  gucrifloit  comme  miracu- 
Icufement  les  fils  &  filles  <ic  pluficurs  honnorables  mè- 
res de  famille,  redreflant  les  bofles ,  remettant  foudain 
en  leur  lieu  lev  ïambes  &  cuiAcs  rompues  ou  dcfnouces> 
non  point  par  a\^t  ni  par  medicamens  :  mais  par  paroles, 
&  ioignant  quclèïuc  dcuotion  parucuherc ,  comme  vn 
iufne  de  trois  iour<;  au  pain  &  à  l'eau  ,  dire  trois  fois  l'o- 
railon  dominicale  ,  aller  en  pelerinageànoftreDame. 

d'Aïc 


t^  memorahlei.  4<5'ç 

^'Atdenbourg ,  ou  à  S.  Arnoul  d'Audenbouîrg,  oui 
Saindlofle,  ou  a  SaiiiCt  Hubert  es  Ardenncs  :ou  faire 
chanter  vnc  ou  deux  McfTes  le  iour,  &  y  afiiiler  dcuotc- 
ment,ou  faire  dire  quelquesferuiccs,&  menus  Tuffrat^cs: 
à  leurs  deTpcns.  Ces  deuotions  cxafteirient  acomplies, 
dedans  peu  de  iûurs  après  les  malades  eftoyent  guéris, 
pour  refperance  qu'eux  &  les  leurs  mettoyent  en  ce- 
lle femme.  Les  deportemens  &  miracles  de  laquelle 
cflans  publiez  par  le  pays,  les  Confcillers  &  gens  de  i\x-' 
fticc  (qui  auoycnt  l'entendement  rafils  &  voyoyeni; 
plus  clair  que  la  populace  )  firent  empoigner  de  nuid: 
celle  vieille,  &  l'amener  en  prifon,  non  eftroitte  ,  mais 
aflez  libre,  en  laquelle  le  lendemain  elle  fut  cnquife, 
comment  ,  par  quels  moyens,  en  a  erru  de  quelle  al- 
liance ,  &  fur  quelle  confiance  elle  faifoit  fes  gu^n-» 
fons  ?  Ellerefpondit  touliours  afleurément  ,  qu'elle 
auoit  faidle  tout  en  bonne  intention  &  deuotion, 
pourraifonsfainâics,  S^  que  pour  auoir  /î  bien  befon- 
ené  ,  il  ne  faloit  pasl'enleuer  ni  emprifonner  ignomi- 
nieufement.  Ce  neantmoins,  le  Confeil  efmcu  par 
des  indices  certains  &  manifeftes  ,  ordonna  qu'elle  fe- 
roit  appliquée  à  la  torture  ,  y  eftant  amenée,  &. dou- 
cement exhortée  de  dire  vérité ,  d'v  n  vifage  afleuré  el- 
le pcrlillacn  fa  negatiue,  affermant  n'auoir  rien  fait 
que  par  moyens  licites  ,  &  fans  communication  auec 
aucun  malin  efprit.  Lors  afllftoit  aux  interroeats  le, 
Bourgmaiilre  de  Bruges  ,  perfonnage  fort  atîiigé  des 
gouttes  ,  à  l'occafion  dequoy  failant  Texam-en ,  par 
fois  il  foufpiroit  &  s'efcrioit  comme  vn  homme  que 
Ton  torture.  La  vieille  fe  tournant  vers  lui ,  dit,  Mon- 
iîcur  le  Bourgmaiftre,  voulez  vous  élire  nettement  de- 
liurc  du  tourment  de  vos  gouttes  :  Si  vous  voulez, 
ie  vous  en  guérirai  du  tout  ,  &  bien  toft.  Seroit-il 
pofTible  ,  dit  le  Bourgniaillre  ?  le  voudrois  auoir  donné 
tl^ux  mille  crcus&  en  eilre  foulage  :  ie  te  les  conterai,  Ç\ 
tu  effectues  ce  que  tu  dis. Alors  les  Confcillers  &  Gref- 
fiers qui  luiafliftoyent  ,  fe  prindrcnt  à  dire  s  Moniteur, 
pieaez  garde  l  ce  que  vous  ducs  îic  voulez  taire.    Cro- 


J^6é  Hijlùires  admirables 

ycz  nous,  &  renuoyant  ccrtc  forcicrc  en  fa  chambre,  ef- 
coûtez  paifiblement  ce  que  nous  auons  i  vous  remon^ 
flrcr.  La  femme  eftancramenee,ils  adiouftercnt,  regar- 
dez à  quel  danger  vous  elles  réduit  par  vne  vaine  per- 
fualîon,  queceftefemme,  comme  efgale aux Apoltrcs, 
peut  par  moyens   licites  vous  gucnr  de  ccfte  vortre 
goutte.  En  apparence,  tout  ce  qu'elle  fait  femblefaind 
&  diuin,  mais  (i  vous  prenez  de  presgardc  à  Tes  adions, 
il  y  a  bien  à  dire.  Faitesla  rapellcr  deuant  nous, que  l'on 
s'enquierc  comme  elle  prétend  vous  guérir  :  fi  elle  pro- 
met vous  guérir  miraculeufemcnt  comme  les  Apollrcs 
ont  fait  les  maladies  de  leur  temps  &  qu'elle  fuyue 
le  moyen   qu'ils  ont  tenu  ,    nous  n'y   contredirons 
point  ,  fachans  que  la   main   de    Dieu  n'eft    point 
acourfie.    Si  elle  s'aide  de  moyens  illicites,  &  qu'elle  s'y 
confie  ,  à  bon  droit  elle  &  toutes  fesinuentions  vous 
doyuenteftrcfufpefres,  ànousauflî.    Eftant  donc  rap- 
pellee,  l'vn  de  ces  Confeillerslui  demande,  fi  tu  prefu- 
mes  de  guérir  Monfieur  le  Bourgmaiftre  de  l'es  gouttes, 
quels  remèdes  &  moyens  y  appliqueras-tu  ?   nul  autre, 
dit-elle ,  finon  que  le  Bourgmaiftre  croye  &  tiene  pour 
afleurëquei'ay  la  puilfance  de  le  guérir  :   lors  il  fera 
guéri  &  remis  fur  Tes  pieds.    Ce  propos  entendu  elle  fut 
rcnuoyee  en  fa  chambre.    Alors  les  Confeillersd'N  ne 
mcfme  voix  &  penfee,  dirent  au  Bourgmaiftre  &  aux  af- 
fiftans:  Vous  entendez,  Mcflleursquede  la  refponfede 
ceftc  femme  refuke  qu'elle  ne  fait  rien  que  par  l'efficace 
de  Satan,  &  qu'elle  entreprend  de  guérir  par  moyens  il- 
licites monfieur  lcBourgmaiftre:car  en  fa  cureclle  n'cn- 
fuitpaslesfainâs  Apoftres,  qui  gueriftoyent  les  mala- 
des en  la  foy  Sc^^uillance  diuine ,  difans  au  boiteux.  Au 
nomdenoftre  Seigneur  lefus  Chrift,  leue  toy  ôiche^ 
mine.  Et  à  Taueugle  ,  au  nom  de  noftrc  Seigneur  lefus 
Chrift,  fois  illuminé,    L'vn  fut  remis  en  pieds,  l'au- 
tre recouura  la  veuc,  non  point  par  fecours  humain, 
mais  par  la  puiflancediuine  au  nom&  en  la  foy  de  le- 
fus-Chrift.  Or  cefte  forcicre  ci  fe  vante  de  guérir,  pour- 
ucu  que  le  patient  Te  fie  en  elle ,  &  croye  qu'elle  le  fera. 

Telle 


cf  memofahles.  \Gy 

Telle  foy(ou  perfidie)  ell  diicdement  contraire  ï  la  foy 
des  Apoilres.Ccfte  relponfe  bien  comprifc,  &  les  chofes 
biçn  digérées,  le  Eourgmailbc  marri  de  ce  cju'il  auoit 
diCjne  voulut  Te  commeccre  à  la  vieille,  &lereftedefà 
vie  eut  regret  de  la  légèreté. Pour  reuenir  à  la  forciere, 
àcaufe  qu'elle  pcrfeueroit  en  la  negatiue  des  forfaits 
tjuiluieftoyent  mis  fus  auec  manifeftes  apparences  de 
vérité,  derechef  il  fut  dit  qu'elle  feroit  appliquée  à  la 
torture  :  ou  ellant  rudement  tirée  elle  fit  confefllon  de 
quelques  légères  fautes. Quant  aux  rorceileries&  maie* 
fices  ellcles  nia  fort  &  ferme.  Pourtant  fut-elle  relaf. 
chee  &  ferrée  en  fa  chambre.  Qu^clque  temps  après  re- 
chargée par  nouucaufc  indices ,,  elle  fut  rcmife  à  la  tortu- 
re,ou  elle  confelîoit  certaines  légères  fautes ,  comme  i 
i'autrefois.  Orfe  fentant  tourmentée,  elle  commence  à 
crier,& dire,  Oftez-moi  d'ici,autrcmenti'cmpuantiray 
vous  &  ce  lieu  de  ma  fiente  que  ic  ne  puis  plus  retenir. 
Il  y  auoit  près  de  là  certaines  latrines ,  où  quelques  afil- 
llans  furent  d'auis  qu'on  la  lai  il  ail:  aller.  Les  autres  plus 
auife/ n'eiloyent  nullement  d'auis  qu'on  la  relarchall:„ 
de  peur  que  delà  ne  furuinft  quelque  nouuelle  difficul- 
té pire  que  les  précédentes. 

Mais  à  la  pluralité  de  voix>  elle  fut  dcHieeSc  menée 
où  elle  pretendoit,  y  ayant  feiourné  demi-heure  &  plus, 
fans  reuenir,  quoy  qu'on  l'appellaiè  par  deux  &  trois 
fois,  en  fin  on  la  contraignit  de  fortir  de  là  ,  pour  eftre 
rcmife  a  la  torture  ,  laquelle  on  commence  à  lui  donncf 
plus  rude  qucdeuant.  Hlic  fans  fc  lamenter  &  efcriér 
comme  prarauant  fe  met  à  rire,  &  cliquetant  de  fes  doigts 
fe  moquoit  de  la  iuRice,difant,  Vous  autres ,  meflieurs, 
&  toy  mefclîant  bourreau  ,  faites  tout  ce  eue  vous 
voudrez  ,  vortre  cruauté  ne  peut  rien  contre  moy.  La 
plus  part  des  afiTiftans  edimoyent  que  le  diable  l'eiift 
rendue  impafiible.  Car  elle  ne  vouloir  rien  auouèi' 
de  ce  do  m  elle  elloit  gricfuement  chargée  par  les 
nouuel^es  informations:  mais  cilendue  a  la  geine  elle 
lioit  ou  dormoie.  Au  moyen  dcquoy  relalchce  & 
lîiife  bas  >.  dcr<;chcf  on  la  mcine  en  ion  heu  acou- 
ituraé.  Dcpuis,cj^uelque> autres  tefaioins  furent  ouyi.,  ôC 


4^8  Hijlûires  admirables 

nouucllcs  prcuucsicccucs.fiircjuoi  futordônéque  pour 
latroificfmc  fois  on  lui  donneioit  la  geinc.  Mais  auant 
qu'y  cftrc  mifcnousla  fifmcs  tondre  &  raferjtout  le  poil, 
puis  on  reftcnclit&  tira  rudement.  Poùrce  qu'elle  pcr- 
feucroitcn  fon  obllination,  quelques  vns  de  la  com- 
pagnie fc  fouuindrent  qu'on  nelui  auoit  pointrafe  le 
poil  fous  lesaifelles&en  quelqucsautres  endroits  que 
le  ne  nomme  point.On  appelle  quelques  femmes ,  Ici- 
quelles  en  y  mettant  la  main  trouuercnt  des  billets  de 
parchemin  fourrez  dans  les  parties  balFes  ,  &contenans 
des  noniseftranges  de  malins  elprits^  &  quelques  croix 
entre-deux.  Ces  billets  prcfentez  à  iullice  furent  caufe 
qu'on  Teftcndit  derechef  fur  le  banc  ,  où  lors  elle  com- 
mence à  crier  au  premier  trait,  &  confefl'cr  de  pomdt  en 
poindtout  ce  dont  ellecftoit  chargée  par  trois  informa- 
tions. Enquife  de  la  caufe  de  fa  perfeuerance  obftinee 
en  Tes  negatiues  précédentes ,  dir,que  fi  on  ne  Teuft  en- 
tièrement rafee^èc  dcfgarnie  de  tclsbrcuets,iainais  la  ac- 
rité  ne  fuft  fortie  de  fa  bouche  ;  d'autant  que  l'efficace 
du  mahnefpriteftoit  telle,  qu'auec  fon  poil  &  Tes  bil- 
lets elle  demeuroit  impafllblc  :  comme  il  eitoit  aparu. 
Les  chofcs  ainfi  auancees  ,  il  fut  queftion  de  lui  faire  & 
parfaire  fon  procès.  Aucuns  la  condamnoyent  à  eifrc 
bruflee  viae^ies  autres  pour  la  plufpart  à  vne  rigoureufc 
amende  honorable  en  publicpuis  i  eftrc  bannie  à  per- 
pétuité fur  peine  du  fcu.Suiuant  cedeuxiefme  auis  elle 
futcfchafaudee^vne  faufle  perruque  qu'on  lui  auoit  ac-i 
commodee,  prinfe  dedeflus  fa  telf  e  par  les  mains  du 
bourrcau,puisiettee  dedans  vn  feu  allumé  pour  ceû  ef- 
fc(5t;elle  menée  par  deux  Sénateurs  &  TAduocat  de  Bru- 
ges hors  du  territoire.  Ainfi  elle  fc  retira  de  Flandres 
en  Zelande,  &:  demeura  quelques  lemaines  à  iMiddel- 
bourg.ou  elle  retourna  incontinent  à  Ion  premier  me-^ 
ftier.Florent  Dam^iuge  delà  ville  ,  futaducrti  par  nous 
de  ce  qui  s'eftoit  pâlie  au  procès  de  celle  femme ,  &  en 
faucur  deiuftice  lui  fut  cnuoyee  copie  des  informa- 
tions de  les  depofitions  à  la  torture,  &  delafentence 
donnée  contre  elle.     Au  moyen  dequoy  il  eut  l'œil 

dcûu$ 


C^  mémorables.  46^ 

^îcfTus  8c  defcouurant  par  diuers  indices  afleurcz  qu'elle 
■connnuoit  en  fcs  forcellciics  diaboliques, la  taie  lai/!i& 
cmprilonncnou  l'ayant  ciiquilè  de  près ,  par  Tes  volon- 
taires conftfl^.onsi&fuiuaunleiugementprecedentjilla 
condamne  à  eftre  bruflee  viuc:  ce  c]ui  fut  exécuté.  Puis 
il  enuoya  lettres  d'auis  au  Confeil  de  Bruges  de  tout  ce 
■t]ui  s'eitoitpalTé,&  en  hc de  bouche  vn  ample  difcours  à 
Damhoudere,duquelnous  auons  ce  récit.  /.  George  Go- 
dehn.vi  an  traiBéde  Aiagn  ^  ^  'venejicts  ,  Ihre  3.  chapitre  I  o. 

F.nuiron  Tan  mil  cinq  cens  quarante  cinq  ,  fe  defcou- 
urit  à  Cordouè  ville  fort  cclcbre  ,  tk.  renommée  du  roy- 
aume d'Andanoiîe  en  Efpagne,  ce  qui  s'enfuit.  Vnc  fille 
de  pauure  maifon  nommée  Magtlclaine  de  la  Croix, 
des  i'aage  de  cinq  ans  fut  mile  par  fes  parensou  tuteurs 
en  vn  conuent  de  nonnains.  L'on  ne  fçait  fi  c'efloit  par 
deuorion^ou  à  caufe  de  pauureté.Eflant  en  ce  bas  aage» 
<)ui  ne  fçait  encor  que  c'e'i:  de  mal ,  on  dit  neantmoins 
{tant  les  iugemcns  de  Dieu  font  profonds  )  que  le  dia- 
ble lui  aparuten  forme  de  more  ,  fort  noir  &  hideux. 
Combien  que  de  prime  face  elle  en  eull:  grand  hoireur, 
toutesfois  cell  ennemi  la  fiatta  tant  &  lui  promit  tant 
<ie  ces  menucsbefongnes  àquoy  les  petis  enfans  prc- 
nentplaifir,  qu'il  Tacoufrumaà  dcuifcr  auec  lui,  touA 
ioursîui  enioignantfortexprcsqu'elle(quieft-oit  encor 
craintiuc)ne  dcfcouurift  rien  de  celle  aiîociation.  Oreii 
ce  temps  la  fille  monilira  auoir  vnefprit  mcrueilleufe- 
mcntprompt&  vn  naturel  difFcrent  des  autres  :  dont 
<:llc  cftoit  tort  eftimec  des  nonnains  aagecs  &c  des  au- 
tres ieunes  filles.  Fftant  paruenue  à  I'aage  de  douze  ans 
<^u  enuiron,  elle  fut  folUcicec  par  le  diable  de  fe  marier 
^ucc  lui  :  &  pour  fa  dote  il  lui  promit  de  faire  que  par 
l'efpace  de  trente  ans  ou  enuiron  elle  viuroiten  telle 
opinion  de  faindeté  par  toute  l'Eipagne ,  qu'il  n'y  en 
auroit  iamais  la  pareille.  Tandis  que^  Magdclaine 
loi'.s  l'opinion  de  ce  contrat  palloit  le  temps  en  fa 
chambrette  auec  ceftefprit  immonde,  qui  l'cntretcnoit 
jjarfcsiUufions  :  vn  autre  diable  prenoit  la  forme  Sc 
Iknblance  de  Magdclaine,  fc  trouuoit  au  tcmplcjau  ie^ 

<^ë  S 


47^  HiHoires  admirables 

train  ,  au  cloiftre ,  &  en  toutes  les  aflcmblees  des  Non- 
jiainsyiucc  grande  aparence  de  deuotion.  Item  il  faifoit 
fçauoir  j  Mandela ine,apres  auoii  fait  Ton  Icruicc  en  l'E- 
glifc  ,  tout  ce  Ciui  le  manioit  au  monde  :  dcnr  elle  don- 
nant aduertiflement  à  ceux  qui  lauoyent  defiaen  gran- 
de reputatHMi  j  fut  eftinice  eftre  vncfainfte  vierge,  & 
^■ommençad'auoir  le  nom  de  Prophctcflc.  A  caufe  de 
<]uoy,&  combien  qu'elle  n'euft  pas  encore  atteint Taa^ 
£e,elle  fut  eflcuè  Abbefle  parles  \oi\  de  tous  ]es  Moi^ 
Ties&  de  toutes  les  Nonnains,vnanimement.Quandle5 
iNonnainsfaifoyent  leurs  Pafques  es  iours  acouftume/. 
entre  elles  ,  le  preilre  crioit  toufiours  qu'on  luiauoic 
pris  vne  de  Tes  hoiries,  laquelle  eftoit  portée  par  TAnge 
fufmentionnee  àMagdelame,  qui  eftoit  au  milieu  de 
fes  rœurs,&  qu'elle  mettoit  dedans  labouchc&la  leur 
monftroir  comme  par  grand  mnacle.  On  dit  d'auanta- 
ge  ,  qu'auenant  quciquesfois  que  Magdclainen'ertoïc 
pas  prefente  quand  la  meile  fe  ^iÇfÀt ,  combien  qu'il  y 
curt  vne  paroy  entre  deu>:,neantmoins  quand  on  leuoit 
le  coYpuy  Donnni,  ccHc  paroy  fc  fendoit  en  dtux,3fin  que 
J^.Iagdelainc  vif^rholne  ,  &.  qu'elle  la  mangeaft  puis  2- 
p-es.C'eil  suiTi  vie  choie  toute  not:oiie,q2iefî  en  quel- 
que iour  de  feRe  folennelle  les  Nonnainda  menoyent 
en  procefiîon  ,  pour  rendre  l'afte  plus  vénérable  ,  par 
c]uclc]^iîe  mcrueille  extraordinaire,  elle  eftoit  foufleuee 
dereire  en  prefencc  dctous,  de  la  hauteur  déplus  de 
trois  couldees.  Par  fois  elle  porioit  vne  petite  image  de 
I  E  <;  vs-Ch  rt  st  ,  nouueau  ne  ci  nud  ,  S:  en  pleurant 
Ccar  elle  cfpandoir  des  lanî^es  en  abcnci>.rce  quand  il  lui 
f  !airoit  )  les  chcueux  lui  croifloyent  iu<~qucs  aux  talons, 
dont  elle  couuroit  l'image  :  puis  fes  cheueux  paroill 
Joyent  foudainement  en  leur  première  longueur. 
3- île  faifoit  plufieurs  telles  autres  iliufions,  principa- 
lement les  iours  folennels  ,  pour  rendre  le  tout  plus 
recommandabk.  Ce  fuient  (es  principaux  mira- 
f  clés. 

tn  ces  entrefaites  les  Papes ,  l'Empereur,  les  grands 
Seigneurs  d'Elpagne  lui  elcriuoyeut  ,&  par  leurs  lettres 
Ja  iuppUoycnt    d'auoir   çax  ^  leurs  afaires  ponr  re-, 

com» 


^  mémorables,  j^ji 

rommande:?'.  en  fes  prières  :  mefmeslui  dcmandoyent 
auis  en  chofes  de  tref-grande  importance  :  comme  il  a- 
parut  par  lettres  trouuees  puis  après  en  Ton  cabinet.  Ou- 
treplus il  fe  trouuoit  plusieurs  Dames  &  Damoifelles, 
cjui  n'enuelopoyent  leurs  enfans  nouueau  nez  que  pre- 
mièrement TAbbcile  Magdeîaine  n'euft  de  fes  mains 
facrecs  touché  &  bénit  les  bandelettes.  AufTi  toutes 
les  Nonnains  d'Efpagne  efloyent  merueillcufemenc 
contentes  d'auoirvne  telle  mère,  à  qui  elles  attribuoy- 
ent  vne  bonne  partie  delà  faindetc  de  leurs  ordres.  En 
fin  Dieu  voulut  que  cefte  fraude  Satanique  fut  mani- 
fcftce.  Car  Magdeîaine  ,  après  auoir  employé  trente 
ans  pour  le  moins  en  cel-te  acointance  aucc  le  diable,  & 
cftéAbbe/fe  douze  ans,  fc  dcfpieut  en  fa  vie  paflée. 
Partant  après  auoir  detcfté  les  arts  diaboliques  &  Thor- 
riblc  focieté  de  Satan ,  clic  defcouurit  franchement,  & 
lors  qu*on  y  peiifoit  le  moins ,  aux  vifîteurs  de  Tordre, 
cefte  infîgne  mefchanceté.  Qijelques  Efpagnols  dignes 
<lefoy,  &fort  do  des ,  m'ont  recité  que  Magdeîaine  a- 
uoit  conu  que  fes  Nonnains  apperceuoyent  la  fraude: 
&  que  craignant  d'eftreaccufec,  elle  lespreuint;&con- 
fcfla  la  première fon forfait  :  pource  quelacouftume 
d'Efpagne  eft  que  fi  quclqu'vn  conl\;f]e  volontairement 
vn  forfait  méritant  grief  fupphce,  neantmoinsonlui 
fait  grâce. 

A  cefte  confefllon  chacun  dcuint  tout  efperdu, 
tant  ces  nouuellcs  eftoyent  eftran£:cs  ,  &  fut  on  d'a- 
uis  de  s'enquérir  fort  curicufjment  de  ceft  afairc. 
Pour  y  procéder  légitimement  ,  &  par  meilleur  or- 
dre ,  Magdeîaine  fut  emprifonnee  au  ccuiuent  donc 
elle  eftoit  Abbeflc.  0\\  Tinterrogue  ;  elle  confcT- 
fe  tout  ;  cependant  le  More  continuoit  Çqs  iUu- 
fions.  Car  tandis  qu'elle  eftoit  en  prifon  ,  veillée  de 
prcs  par  gens  qui  eftoyent  d'ordinaire  i  la  porte  de 
fon  cachot ,  &que  Ton  cxaminoit  fon  afairc ,  les  Non- 
nains eftans  entrées  au  temple  à  minuid  pour  chanter 
iiiatiacs;  le  fantofme .  de  Magdeîaine  fc  vint  aûeoir  e^i 


47^  Hiftoires  admirables 

la  principale  chaire  du  chaur  à  la  manière  p.couftunicc> 
&  fut  vcu  à  p,cnoiix  comme  priant ,  &  atrcnd.-rnt  les  au- 
tres Nonnains  :  tellement  que  chacune  d'elles  penfoit 
<]uecefutlcur  AbbeflTej.&quelcs  vifiteurs  lui  eulîent; 
permis  de  fe  tro'juer  à  mannes,  pour  les  grands  tef- 
Xiioiqn.''gcs  qu'elle  donnoit  de  fa  repentance.  Mais  le 
jour fuiuant les  Nonnains  cntendans  que  Magdelaine 
elloit  encore  en  prifon  ,  rapportèrent  aux  vifitcurs 
cja'elieauoitefté  veuë  la  nuit  précédente.  Eux  ayans 
examiné  le  fait,  trouuercnt  que  Magdelaine  n'eiloit 
point  Ibrtie  de  prifon.  Son  procès  fut  en uayé  Hnalc- 
mcnt  à  Rome  :  &  pource  qu'elle  nuoit  volontairement 
confeflé  Ton  maléfice  ,  on  lui  donna  abfolution.  CajUc- 
dore  Reney  en  [es  relations,  z  uhiger  an  théâtre  de  la  -vif  hum^ii- 
9ie)  -voLime  5.  lin.  qu.itriefmc.   ^odin  ait  i.  Un.  déjà  Vsmonom. 

le  vousdirayce  que  i'ay  veu  eftant  à  Calaris  ville 
en  rifle  de  Sardagne  ,  où  lors  on  parloir  du  procès  de 
certaines  forcieres,  Iciquelles  on  difoit  auoir  commu- 
nication aucc  celles  de  Fiancée  de  Nauarre  ,  quia- 
iioyenc  efté  recerchees&  chaft  ces,  n'y  auoit  pas  long 
temps.  Vne  fort  belle  damoifellc,?.agee  de  dixfcptàdix- 
huict  ans  ,  alléchée  par  vne  de  cesforcieres,  vint  à  auoir 
intelligence  &  communication  auec  vn  diable  ,  lequel 
venoit  auciinesfoisla  voir,cn  forme  de  trcs  bel  homme: 
an  moyen  dequoy  il  la  deccuoic  &  en  faifoit  à  Ion  plai- 
iîr,  elle  ej^ant  deuenue  fort  amoureufe  de  lui.  L'ayant 
entretenue  quelque  temps ,  on  defcouurc  qu'elle  eiloic 
forc!erc,&  combien  ou'clU  fui}:  coiui-incue  ,  neanc- 
nioins  on  ne  peut  gaigncr  cela  fur  elle  ,  de  lui  faire  con- 
fefîer  fes  fautes,  ains  demeurant  obl^inee  &  arreftee 
furcepoin<fl: ,  que  le  diable  lafauucroir,  comme  il  lui 
auoit  promis, &  mcf.nes  elperduedc  l'afTedion  qu'elle 
luiportoit,  difoit  maintes  chofes  qui  failbyent  peur  à 
ceux  qui  Tentendoyent  parler.  Sonune  clic  fe  laiiîa 
illettré  toute  viue  dedans  le  feu  ,  appeilant  toufioursce 
diable  :  &  périt  ain/î  malheureulement.  ^4nt.de  Torque^ 
mnde  en  la  j.  iournec  de  fou  hexam. 

Vnc  autre  damoiicile  nchc,  belle  ;  6c  de  fort  grande 

qualité. 


^  memorMes.  47^ 

<|ualité,  voyant  vncliciialicr  fon  voifîn  ,  gentil-homme 
de  moyens  &  trcs-agrcab!e ,  s  énamoura  de  lui, le  regar- 
dancde grande  affedion  ,  fans  routcsfois  lui  defcouurir 
d'auantr.ge  fa  piMifee.  Quelque  temps  s'eft-int  ainiî  ef- 
coulé  ,  vn  diable,  cfoiant,  ceRc  damoiielic,  piintla  figu- 
re deccchcualicr,&:  pioccde  tellement ciu'il  gaigne  la 
damoifelle  ,  à  condition  de  Terpoufer.  Elle  qui  penfoit 
que  ce  fuft  le  cheualier,  l'accepta  ,  &  le  rcccut  plufîeurs 
YiUits  en  fa  chambre  ou  il  couchoit  auec  elle.  Ain(ï  fe 
paflcrcnt  entre  eux  quelques  mois,  durant  lefqnclsU 
diable  lui  pcrluada  de  ne  lui  enuoycr  meflage  quelcon- 
que:pource  qu'il  faloit  que  leur  afaire  demeurail:  fccret: 
ocque  quand  il  la  verrou,  il  ne  leroit  aucun  femblant 
delaconoiilrc  ;  parquoi,  combien  qu'elle  fe  trouuail 
aucunefois  deuant  le  vrai  cheualier ,  c'eftoit  à  ne  mon- 
Ibcr  ficnc  aucun  de  fon  afîcdion, comme  aufl^.  elleim- 
putoit  a  difTimulationce  qu'il  ne  parloit  point  à  elle ,  & 
ne  donnoit  aucun  indice  de  ce  qui  concernoit  leur  al- 
liance. 

Quelouc  tcm.ps  aprcs,  la  mcrc  de  la  damoifelle  don- 
ne à  ia  fiile  certaine  relique  pour  porter  fur  elle  ,  dont 
le  feint  cheualier  feignant  prendre  i'efpouuante  nere- 
uiét  plus:&  ainfî  fe  paflcrcnt  quelques  mois,  durant  le'- 
quels  la  damoifelle  conoilfant  cfue  le  cheualier  faifoit 
l'amour  autre  part,  elle  entre  en  vnc  extrême  ialoufie: 
&  ne  pouuant  plus  porter  ce  cintam.irre  en  fa  teftel'en- 
uoya  prier  vn  iou.r  de  venir  parler  à  elle,  ayant  quelque 
chofe  à  lui  dire.  Le  cheualier  ignorant  la  raifon  ,  mais 
au  rei^'  gentil-homme  gracieux,  s'achemine  inconti- 
nent vers  ellcla  trouue  feule  ,  &  lui  èi\\.  qu'il  eftoit  ve- 
nu pour  Touir  &  receuoir  fcs  commandcmens.  La  da- 
moifelle le  voyant  &;  oyant  parler  comme  celui  qui  à 
peine  la  conoiiloit ,  commence  à  fe  plaindre  de  lui  ,  de 
ce  qu'il  va uoit  fi  long  temps  qu'il  ne  s'ciloit  foucié  de 
Li  voir  ni  dépariera  elle.  Le  cheuaher  fort  efmerucil- 
lé,comme  celui  qui  ne  comprenoit  rien  de  l'intention 
de  ccfte  femme,lui  refpondit  en  forte,qu'ellc  penfa  que 
c'eftoittropdifTmuler,  attendu  qu'il  n'y  auoit  là  per- 
l'onng  auec  eux.  Pour  ccile  caufe  eutran:  eu  cholere,  cl- 


474  Hijloires  admirables 

leconimcncc  à  le  tancer,  ciifaiu  puis  qu'îl.uioirjouy  Ci 
loDCtcnîps  d'elle,  ce  n'eftoit  raifon  qu'il  pcnfafi  i  Li 
«Jufrrer,  ainsfaloit  qu'il  acompliftln  pvomefle  qu'il  lui 
aïioft faire  de  l'erpoufcrSc  que  quand  il  voudroit  faire 
autre  m  en  r,  outre  ce  qu'elle  en  feroit  Tes  plaintes  à  Dieu, 
5tau  monde,  elle  mettroit  toute  peine  de  Icfaire  venir 
par  force  à  l'cxecutiô  de  fa  promefl'e,  puis  qu'il  ne  vou- 
îoirracomplirde  Ton  bon  gré.  Le  chcualicr  encore  plus 
eiîonné  que  deuanr  ,  fitrerponfe  qu'il  n'entendoïc  rien 
m  tout  ce  îangaoc,&  qu'elle  fe  mefprenoit:  pource  qu'il 
n'auoir  oncques  parle  à  elle  fccrettemcnt,  ne  lui  auo'it 
den  promis  ,  &  qu'elle  ne  lui  pouuoit  rien  demander. 
l^:i  damoifcllc  forcenée  de  telle  refponfe,  en  répliquant 
dit ,  Sçauez-vous  pas  bien  que  vous  auez  fait  auec  moi 
telle  &  telle  chofe,  en  luiracôtant  de  poind  en  poind 
ce  qui  lui  eftoit  auenu  auecl'impofteur  fous  la  forme 
du  cheualier ,  adioufianr,  vous  ne  pouuez  ciiiter  d'eftre 
mon  mari,&  moi  voftre  femme.  Le  cheualier  fort  con- 
fus&esbahi  ,  commence  à  protefter  qu'elle  s'abufoit 
de  penfcr  que  cela  fuft  vrai  :  &  debattâs  V\  delFus ,  la  d^- 
naoïfelîe  lui  remarqua  le  iour  delapromefle,  quiauoic 
efté  en  vne  feftcioicnncllc  &  notable.  Alor^  le  chei;  ;- 
lier  lui  iitra  que  tel  iour,  &  trois  femaines  dcuant ,  : 
trois  femaines  après  ,  il  n'auoit  efté  en  la  ville  ,  ni  en  . 
mairon,ni  en  la  maifon  d'elle:  ce  ouq  ie  vous  prouuern.v 
ficlairement,  dit-il,  que  vous  en  ferez  contente  ;  &  ix 
cjuelqu'vnvousa  trompée  fous  mon  nom,  ie  n'en  puis 
mais,&  n'en  dois  porter  la  pénitence.  Mais  afin  que  ne 
doutiez  de  la  vérité  de  mon  dire  ,  ie  le  vous  verifieray 
prefentemcnt.  Lors  fans  bourjer  d'auprès  d'elle,  il  ht 
venir  feptou  hui<1'  persônes  de  (^^à  maifon  ,  ik  de  dehors 
<|Uifans  fcauoir  la  hnàt  l'afaire,  iurerent&  declairc- 
rentque  le  cheualier  difoit  la  vérité,  &  que  tout  ce 
temps  il  auoit  efté  abfcnt,  à  plus  de  cinquante  lieuè's  de 
là.  La  damoifclle  cfmerueillec  &  fort  efmcué  de  telle 
déposition,  commence  à  fe  fouucnir  d'aucunes  particu- 
îaritczau  fait  pafle  ,  &  appréhenda  foudain  qu'aucun 
Jiommc  mortel  ne  pouuoit  les  auoir  faites,  &  illuminée 
Ciii'clpac  conuc  que  c'cftoycuc  iinpofturcs  de   Satan: 

tel- 


^  memorMes.  ^Jy 

tcllciTîcnt  que  peu  après  la  retraite  ci'vn  vrai  chcualier, 
cîlc  commença  de  voirla  fourcc  de  l'abus:  &  dcteftant 
fcs  folles  concupifcences^s'humiliâten  roi-mcfme ,  déli- 
béra ne  plus  penfcr  à  mariage, ains  fe  rendant  en  vn  mo- 
iiaîîere,y  acheua  le  rcfte  de  Tes  iours.  t^i*  meftve  Hure. 

SFEV  RfafigUnte. 

LA  pcftccllantfuruenuc  en  la^-ille  de  JVîifne  en  Sa:<e, 
qui  emporta  grand  nombre  de  perfonnesjl'an  mille 
cinq  cens  cinquante  deux  au  mois  de  Juillet  aduint 
qu'vnc  femme  honnefte,  nommée  Agathe  Alterman 
tomba  malade,&  par  lefpace  de  quatre  iours  fua  du  fang 
à  grofles  gouttes  par  le  front,tellement  que  /ï  toft  qu'on 
lauoitelfuyce,  d'autres  gouttes  fourdoyent.  Elle  mou- 
rut enuiron  le  zo.iour  de  Septembre.  George  Feare  es  an- 
nale} de  Mi  fie  liure  J. 

T EMERITE  miferMe, 

CL  A  V  D  E  ,  Elle  baftarde  de  Sinibald  Fiefque  Comte 
dcLauagné,ayanteftc  mariée  à  vn  gentil-hôme  de 
Chiauaripres  de  Gencs.rurnomme  Rauafchier/ur  folli- 
citee  plufieursfois  de  fou  deshôneur,  par  vne  autre  gen- 
til-homme du  mcfme  iiciJ,  nomme  lean  de  la  Tour,  le- 
quel abufant  de  i'itmitiê  eue  lui  portoit  Rauarchier,s'ef- 
foiÇoitlui  defrobcria  femme.  Mais  ceil:e  vcrtucufe  da- 
moifelle  l'ayant  rebuté  plufîeursfoisjil  fut  fi  aueuglc  de 
fe  faire  acroire  que  les  refus  elloyét  des  femôces  Ôc  aile- 
cheniens,&  s'imprimât  au  cerueau  ceil.e  indigne  penfee, 
cfpi:!nt  vn  ioiir  rabfence  de  Ton  ami  il  stw  alla  coucher 
dcfiousle  lia:  delà  damoiieliCjefperâtquc  la  nuit  venue 
&icclle  couchée  feule,il  en  pourroit  louir  facilement. 
Elle  s'eftant  retirée  le  foir  &  milb  en  fon  repos,  auât  que 
faire  retirer  fa  fille  de  chambre  en  vn  cabinet  procham. 


47  '^  Hiftoires  âdmirahles 

lui  commande  de  ic^iiidcr  par  tout  s'il  y  auoitrien  cjuî 
durant  la  nuid  pcuiî:  troubler  leur  fommc.  La  fille  ay5c 
regardé  çà  &  làlîn.aJement  le  baille  &void  fcfusleiift 
de  fa  mailrreire  ie  ne  fçay  quoi  de  noir.  C'cR  à  crier  &.  x 
s'enfuir  toutes  deux  hors  celle  chambre  ,&bicnvifte- 
iiient,  en  vneautre  Judeirusoù  eiloit  le  beau-pcre  de 
Ja  damoirclle.  La  Tour  revoyant  defcouucrt ,  ouure  vi- 
ilemcnt  les  feneftrcs  de  la  chambrcfe  ietce  en  rue, ou  il 
ïn  froifle  mirerablemcnt,&:  aTaide  dVn  ami  qui  furuict, 
&  l'emporte,  eft  mis  à  couuert  chez  foi.  Quelques  heu- 
res après  on  fcait  la  tragédie, pource  que  Chiauari  ell  \\\ 
petit lieu.Lebcau-pere  enuoyeletttesà  Rauafchier&à 
LoysFjefque  fi'ere  de  la  damoifelle,  lequel  cnuoyo 
Corneille  leur  frère  auec  Rauafchier  &  quelques  fol- 
<lats,qui  fecrctement  vienent  en  des  barques  à  Chiaua- 
li^ie  font  donner  entrée  de  nuidau  lieu,  quieftfort,& 
bien  gardé  pour  les  Geneuois:enfonccnt  incontinent  la 
porte  de  lean  de  la  Tour,  détenu  de  fa  cheute  tout  plat 
au  lid,lui  coupent  la  eorge,&  le  hachent  en  pièces  :  puis 
fc  fauuent.TcUe  fut  la  fin  de  fa  témérité. /:fi>/.cfitu//e. 

"T  H  RE  SO  RS  troHuez-i  hutinez^ferda^i^re- 
cherchez  en  vain  d^ferilleufemcnt. 

ENviRox  Tani^^cprcs  dcDeue,  villeen  Tranflyl- 
uanJe,  Ip.  pi u ves  &.  raui nés  d'eaux  ayanseibé  fort 
f  rades  >&:  le  beau  tépsreucnu  ,  quelques  payfans  fortis 
pourcrauaillcrdcfcouurent  &  appcrcoyucntà  lareuer- 
berationdu  Soleil  ,vn  grand  threfor  eltincellanr ,  fous 
vn  arbre  toutpourri  &  ronge  de  >  ieiilcfle.  Ilyauoic 
premièrement  vn  ferpent  tout  d'or  ,  lequel  après  la 
mort  dVn  moine  nomme  George,  qui  s'en  eftoit  l'aifî,  & 
futtué,paruintesmainsdcrKmpjreur  Ferdinand.  On 
yrrouuavn  tref-grand  nombre  de  médailles  d'or,  du 
poids  de  trois  efcus  la  pièce ,  ayans  la  figure  de  Lyfima- 
ciius  Roy  de  Thrace  dVn  cofté,  &au  rçuers  vne  vi- 

âoire 


dr  mémorables.  47-7 

fioire.Lespayfans  eurent  la  valeur  de  plus  cîe  vingt  ml 
efcuspourleur  part.Lereftefut  enuoyéà  Ferdinâdlors 
roy  de  Bohême  par  lean  Baptifte  Caftalde  Ton  lieute- 
nant, auec  deux  médaillons  d'or  de  Ninus&de  Sciiii- 
ramis,  donnez  à  TEmpereur  Charles  cinquielme.  Ce 
threfor  fut  eftimé  valoir  plus  de  cqwz  mille  eicus.  ^jc. 
Centorim  nu  ^.ItPi.df.  la  <ruerre  de  Trttnjjyhtanie. 

Vn  pauurepefcheur  demeurantà  Breflc,nomméBar- 
thelemi,ayeul  d'Antoine  CodreVrcé  dodegrâmairien 
de  noftre  temps,  en  fouillant  dedans  terre  trouua  vnc 
grade  vrne,toutc  pleine  d'argent,  dôtilachetà  vne  héri- 
tage fuffifant  à  nourrir  honneftement  la  famille  quie- 
ftoit  grade  :  &  outre-plus  drclTa  \ne  belle  boutique  d'eî- 
picerie^  deuint  Tvn  des  plus  aiicz  hommes  du  pays, 
"Biirthelcwi de  "Bologne ^en  la  'vie d',^)itonie  Cadre  Krc\ 

Le  Marquis  de  Pefcaire  ayant  gaigné  Tunis  fur  Bar- 
bcrouife,  &  introduit  en  la  Citadelle  par  les  Chrcftiens 
qui  y  e{loyentdetenus,vn  d'iceux,  Geneuois  de  nation, 
luideicouunt  vn  threfor  cache  dedans  desiacs  de  cuir  . 
iertezen  vncifterne,  où  fe  frouuerenc  plus  de  trente 
mille  ducats  en  or,  defquels  l'Empereur  Charles  cin- 
quiefme  fit  p^efent  au  Marquis.  P,  loue  att'^^.  lin.  de  fei 
'    hijhire^  de  nojlre  temps. 

Le  threfor  de  Charles  Duc  de  Eourgongne  gaigné  par 
les  Sui{rcsj,es  batailles  qu'ils  lui  donnèrent  près  Granfoii 
&  Morat,montoit  X  tref-grandes  fonimes  d'or  &  d'argcr» 
monnoyé  &  non  monnoyé  :  dont  toucesfois  l'on  n'a 
fceu  iurtementla  valeur,  pource  qu'alors  IcsSuiffesnri- 
foyent  plus  le  fer  de  leurs  picques,  hallebardes  'de  efpcesv 
que  l'or  &  l'argent  des  Princes  eftrangers. 

Enuiron  l'an  mil  cinq  cens  vingt,  vne  ieune  homme, 
fimple  en  toutes  fes  façons  nommé  Léonard  ,  furnom- 
mé  Lieniman,  filsd'vn  couilurier  de  Bafle,  eilant  entre, 
l'on  ne  fçait  commentjdedans  vne  grotte  ,  qui  n'eft  gue- 
res  loin  de  la  ville ,  où  il  s'eftoit  auance  plus  auantquç 
nul  autre,en  raconta  merueilles  au  retour.  Ayant  porté 
quand  &  foi  vn  crand  cierge  bcnit&  allumé  lorsqu'il 
voulut  entrcr,defcendu  allez  auant  en  la  grotte  ,  rêcon- 
tra&trauerfa  premièrement  vne  porte  de  fer  :  delà  il 


47  8  Hifloires  admirables 

penctre  &  va  de  chambre  en  chambre  iufqucs  à  tarie 
qu'il  trouue  des  iardins  verdoyans&  magnifiques.   Au 
milieu  Ion  voyoitvne  fale  richement  parée  ,  &dedan3 
icellc  vne  fort  belle  fillc,portant  fur  la  telle  vne  couron- 
jie  d'or,lcs  cheueux  efparpille?.,  mais  depuis  le  nombril 
en  bas  c  elloit  vn  horrible  ferpent.  Elle  empoigne  Léo- 
nard parla  main,&  le  nieine  vers  vn  collVe  de  fer  au- 
tour duquel  eftoyent  couchez  deux  fort  grandschier.s 
noirs  qui  commencent  a  abayer    horriblemeut  contre 
lui.    Mai^  la  fille  commence  à  les  menacer ,  &  les  ayant 
fait  taire  ,  tire  de  ion  col  vn    gros  trouffeau  de   clef-; 
quelle  portoit  :  ouure  le  cofïre,en  tire  toutes  fortes  de 
médailles  d'or,  d'argent, &  de  cuiure:de  la  plufpart  ànÇ- 
quellcsellc  fitprefent  à  ce  ieune  homme  ,  qui  en  fit 
jnonllre  puis  après  à  plufieurs  dedans  Balle.    Il  adiou- 
iloitqueccftc  fille  lui  dit,  qu'elle  eiloit  ifl'ue  de  iang 
royal  :  que  dés  long  temps,  par  horribles  imprécations, 
elle  auoit  eftë  aiiifi  monllrueulement  transformee:Sc 
n'efperoit  deliurance,  finon  après  qu'vn  ieune  homme 
chaile,&:qui  n'auroitencoces  eftclouillé  de  pollution 
quelconqucl'auroit  baifee  par  trois  fois.    ^^\ilorsèlle 
recouureroitfa  première  forme,  &donneroitaulfi pour 
recompenfe  au  ieune  homme  quil'affrâchiroit,  le  thre- 
for  enclos  en  ce  coffre.    Il  aficrmoit  que  là  deflus  il  s'e- 
ftoit  approché  d  clle,&rauoit  baifee  par  deux  fois:  mais 
qu'elle  auoic  fait  à   toutes  les    deux  fois  des  grimaces- 
tant   horribles    qu'il  penfoit  à  chafquc   coup  qu'elle 
ê.c\i^  le  deuorer  ou  defchirer  en  mille  pièces.    Ayant 
elle  mené  par  quelques  desbauchcz  en  vn  cabaret,  ia- 
mais  depuis  il  ne  peut  retrouuer  ni  l'entrée  , ni  la  dcl- 
cente  en  celle  grotte  :  Dontla  miferable  lamcntoit  fore 
fouuent,&  en  pleuroit  à  chaudes  larmes.  Chacun  void 
<?ue  celle  fille  eiloit  vn  fantofme  Satanique  Et  d'autre- 
partjles  très  anciennes  médailles  Komaines, qu'il  rapor- 
ta  de  celle  caueine,&  qu'il  vendit  i  plufieurs bourgeois 
de  Balle,  monllrcnt  qu'il  peut  y  auoir  quelque  threfor 
caché  en  celle  grotte  ,   garde  par  quelque  auaricieux 
compagnon  de  Satan, comme  es  mines  d'or  lesouuriers 
rencontrent  parfois  des  malins  elprits ,  qui  ks  tounnen- 

tçnc 


cf  mémorables.  ^yc^ 

îcnteftrangement.  Apres  ce  icune  homme,  certain  na^ 
tif  de  Bafle ,  preifé  de  grande  neccfïité  en  vne  cherean- 
nce ,  defcendit  en  la  grotte ,  fous  efpcrance  d'y  trouuer 
cethrefor,  pourlefoulagemcnt  &  anobliflement  de  fa' 
famille.  Mais  ayant  fait  bien  peu  de  chemin,  &  n'y  trou- 
uant  que  des  os  de  morts,  il  eut  telle  frayeur ,  que  fans 
regarder  derrière  foi  il  regaigna  villement  l'entrée  de 
la  grotte,  &  les  mains  vuidcs  s'en  retourna  tout  elptrdu 
en  la  maifon.  Stnn/j>f.  en  Vhifioire  de  Sitiffe, 

L'an  mil  cinq  cens  trente,  le  diable  monftra  à  va 
Preftre  au  traucrs  d'vn  chriiial ,  quelques  threibrs  près 
la  ville  du  Nuremberg.  Mais  ainfi  que  le  Predre  its  ccr- 
choit  dedans  vn  lieu  fofToyé  dehors  la  ville ,  ayant  prins 
vn  lien  ami  pour  fpefflateur ,  commençoit  a  voirTn  co- 
frc  au  fond  de  la  cauerne,aupres  duquel  elloit  vn  chiea 
noircouche,  il  entra  dedans  ,  ou  incontinent  il  fut  e- 
flouftc  &  acrauanté  de  la  terre  ,  laquelle  lui  tomba  deC- 
ius,&;  combla  derechef  la  cauerne.  lean  y^vier  m  z.  Uurt 

Enuiron  à  huiâ:  lieues  &  demie  de  la  ville  de  Léon 
en  la  nouuelle  tfpagne,  y  a  vne  montagne,  au  fommec 
de  laquelle  ontrouuc  vne  ouucrture  &  gueule  mcr- 
ueilleufementgrande,dont  elle  ierte  quelquesfois  défi 
grandes  flambes  de  feu,  que  Ton  en  void  reluire  de  nuit 
la  clarté  à  plus  de  vingtcinq  lieues  de  la\  Pluiîcurs  ont 
eftimé  que  ce  fut  quelque  veine  d'or  fondu  qui  fut  îi 
dedans,&  qui  entretinitce  feu.  Cela  fut  cauie  qu'vn  Ia> 
copin  en  voulut  faire  refpreuue.  Pour  en  venir  % 
bout  il  fit  forger  vne  chaine  auec  vn  Ibau  de  fer  au 
bout,  &  s'en  alla  furie  lieu  auec  quatre  autres  Elpa- 
gnols.  Là  ei-tans,ils  aualcnt  le  feau  auec  la  chaîne  à  bas: 
mais  le  feau  demeura  foitdu  auec  quelques  anneaux  de 
la  chaine.  Le  lacopin  retourne  tout  fafché  vers  Léon, 
fe  plaind  au  ferrurier  de  ce  qu'il  lui  auoit  fait  fa 
chaine  beaucoup  plus  menue  qu'il  ne  lui  auoit  com- 
mande. Le  ferrurier  en  refait  vn  autre  beaucoup  n\us, 
grofle  que  la  première.  Icelle  acheuee  ,  le  feau 
ilc  cjualibre  conuenablc  au  bout,  le  lacopin  fc  craiif. 


4S0  Hijloires  admirables 

porte  pourladeuxicfmc  fois  xcxs  la  montagne  auec  Tef 
compagnons  :  &:  font  couler  la  chaîne  &lcfcaii  à  bas, 
comme  la  première  fois.  Il  en  auinr  de  mcline,  &  quafî 
pis  :car  toiitàrjnllant,il  vafortir  de  ce  creux  vnboulec 
de  feu  fi  gros ,  cjue  le  lacopin  &  fcs  compagnons  y  pcn- 
ierentdcmcu'-cr,  Ôcpenrcnt  bien  conter  pour  vnc  :  au 
moins  en  demcurerent-ils  fi  eitonncz,  qu'ils  n'eurent 
garde  d  aller  plus  remuer  ni  attifer  ce  feu  ains  s'en  re- 
tournèrent tout  effrayez  en  la  v;lle,  fans  parlcriamais 
plus  de  la  montagne  ni  du  thrcfor.  l'ay  conu  en  la  mcf- 
me  ville  vn  preftre,  lequel  ayant  conoilfance  auec  vn 
threforier  Efpagnol,  eut  moyen  par  entrcmife  d'icclui 
de  faire  tenir  vne  lettre  au  roy  d'Efpagne,  en  laquelle  il 
fupplioit  fa  Mniclté  le  faire  prouuoir  de  deux  cens  e(- 
claues,pourouurir ccfte  montagne,  &  promertoitd'en 
tirer  de  grandifluncs  threfors.  Le  roy  lui  manda  qu'il 
rouuriit  à  ils  defpens ,  s'il  vouloi tiquant  à  lui ,  qu'il  n'a- 
uoit  point  d'efclaucs  pour  y  cnuoycr.  Par  ainfi  la  mon- 
tagne eil  demeurée  en  fa  place,  finis  eftre remuée  ni  vi- 
fitee  d'auantage  du  prell;re,ni  d'autres  après  lui .  -lerofme 
Bt'»^  xMiUnnois ,  cw^.  liure  de  Chijloire  du>  hchucah  inonda 

Encifo  Efpagnol,  ayant  auec  les  fiensdesfi?it  en  ba- 
taille quelques  Indiens  qui  Tcmpefcboyent  de  fourra- 
ger leur  pays,  entra  dedans  leur  principal  village,  &y 
trouuant  force  pain  ,  fruits,  racines,  C>c  autres  choies  à 
manger,rc  reiit ,  &  challa  la  faim  d'encre  fes  gens.  Puis 
tous  remirent  a  cercher  le  long  delariuc  d'vn  fleuue? 
proche  de  là,&  trouuercnt  force  bagacc,couucrtcs,  &  v- 
tenfiles  de  terre  &  de  bois  que  l'on  auoit  cachez  parmi 
des  rofeauxjauec  enuiron  douze  cens  mille  eicus  en  or, 
clabouré  &  mis  en  œuure,que  Coir.acco  Seigneur  de  cô 
village  auoit  ferré  là  ,  pcnfant  bien  le  iauuer  d'entre  les 
mains  des  Efpagnols.  De  fait  n'euil  elle  que  certain» 
Indiens  leur  enfeignerent  ce  threforli  ,  lamais  il  ne 
l'eufient  trouuc:cncore  falut-il  qu'ils  les  geinaifentpouif 
leur  faire  confelîer  ou  il  eil  oit.   Benijo  ui*  dei4Xtejht&  Linre 

fhAp.  z. 

Mais  ce  chrefor  &  autres  particuliers  deçà  ou  delà  la 


cf  memorahlesl  481 

mer,  defcouuerts  de  noftre  temps,  ne  font  que  poignée 
d'argent,à  côparaifon  de  ceux  des  Rois  du  Peru,  tant  en 
Icuriardin  magnifie ,  où  tout  eftoic  d*or,  qu'en  leur  ca- 
binet, où  fe  trouuoit  toute  chofe  crée  &  artificielle  de 
pur  or.  Puis  la  rançon  d'Atabalippa  montant  à  plus  de 
foixante  deux  milions  d'or ,  &  qui  euft  monté  à  plus  de 
cent  millions,  fi  Pizarreeuft  eu  patience:  &  finalement 
les  threfors  du  temple  du  Soleil,  qui  cftoyent  encore 
plus  grands,&  furent  pillez  parlesErpajnols,qui  puis  a- 
près  s'encrctuerent ,  les  autres  deipouillercnc  la  terre 
pour  enrichir  la  mer,  comme  leurs  propres  Hiftoriens  le 
rcconoi{rent&  confeflfent. 

Lorsque  l'Empereur  fit  la  guerre  aux  Prince  d'Ale- 
magncvn  riche  gciuil-homme  fit  dcftourner  certaine 
riuierepaflTantau  long  de  fon  chafteau  ,  &  en  vne  pro- 
fonde folle  crcufcc  an  canal  cacha  tout  ce  qu'il  auoit  de 
précieux,  puis  fit  ramener  l'eau  en  fon  cours  acouP.umc. 
Neantmoins  les  Efpagnols  defcouurirent  d'eux  mernies 
cefte  cachette ,  deftoHrnerent  l'eau,  &  trouuerent  tout> 
puis  fouillèrent  encores  encore  plusauant,  ils  rencon- 
trent d'autres  bicns,mais  prefquestous  confumezparla 
longueur  du  temps.  Ph.  Camcmrius  au  6^.  chapitre  de  [es 
méditations  hijlo,'. 

Le  Roy  Philippe  dernier  decedé,s'eftant  après  la  paix 

faite  auecHenri  2..  Roy  de  France  embarque  es  pays  bas 

pour  eftre  tant pluiloft en  Efpagne,  auecgrand  nombre 

denauires,  &  toutes  les  plus  precieufes  bagues  &  io- 

yaux,  que  le  feuEmpercurCharles  V.fon  père  auoit  peu 

acquérir  en  toute  TAlemagneSc  l'Italie,  durant  fes  vi- 

<5loires  &.  profpcritezjauec  les  riches  tapifferics  &  autres 

choies  magnifiques  faides  à  grâds  frais  &  defpés  es  pays 

de  Flandres  :ainfi  qu'il  arriuoit  au  port  de  S.  laques  en 

Galice,  ils'cfleua  vne  tourmente  fi  grande ,  que  de  tout 

ce  magnifique  equippage  ,  amaille  de  Ci  longue  main,& 

auec  tant  de  trauaux,  rien  n'arriua  à  fauueté",  ains  fur  la 

nier  héritière  de  tous  ces  riches  thrcTors ,  X  la  veuë  des 

'HCpagnols  ,  qui  en  mcnoycnt  vn  merueilleux  dueil.  £c 

quant  au  Roy  Philippe,  cefte  tourmente  l'efpargna  (i 

peu, qu'à  peine pcuc-il mettre  lopied  dedans  VHçbar- 

H  h 


48 1  Hijloires  adrnirahlei 

que,quc  le  nauire  dedans  lequel  il  cftoit  n'cnfonçaft  au 
profond  de  la  mer ,  tant  grande  clloic  la  fureur  d'iccllé 
&  des  vents.  //;/?.  deFawçon  II. 

Les  threfors  apportez  des  Indes,cn  or,argcnt,  perles, 
pierresprccieures,&  riches  marcliandifes,  depuis  cent 
ans,  font  commcinombrables.  Quel  en  a  eftc  le  fruid, 
ic  m'en  rapporte  au  Ledeur.  C'ell  matière  pour  vn  li- 
ureenticr,dontlaconclufîon  fera  ,  Tout  cfl  vanité  fu- 
rieufe  &  pernicicufc  en  infinies  fortes. 

r RAISTRES  îfunls, 

EN  T  R  F,  autres  fortes  jplaces  que  le  Turc  a  prinfes  en 
Hongrie  fur  les  Chreftiens ,  on  peut  nommer  Giu-     à 
ia,rendue  par  le  traiftre  Ladiflas  Kcrct/in, lequel  y  com-    i 
mandoit  au  nonideTEmpcreur  Maximilian  aucômcn-     f 
cément  de  luin  156^.  Combien  qu'on  Teuftaucrti  que 
dedans  deux  iours  îl  feroit  fecouru  infailliblement.    La 
place,  rendue  par  compofîtion,  premièrement  les  Turcs 
cfgorgerent  tous  les  foidats  ,  rcferuez  quelques  vns  qui 
fe  fauuercnt  dextrement.  Quant  à  Ladiflas,  il  fut  mené 
pieds  &  poings  liez  à  Sclim,  accufc  d'auoir  fait  cruelle- 
ment mourir  quelquesprifonni ers  Tares,  condamné  par 
Selim,&liuré  à  Tes  accufateurs,pour  le  traiter  à  leurpîai- 
flr.   Ils  l'enfermèrent  dedans  vn  grand  tonneau  ,  qu'il 


garnirent  puis  après  de  clous  aigus  ,  puis  le  roulèrent 
d'vne  montagnecnbas ,  en  telle  forte  que  donnant  fur 
fes  doux  qui  le  perçoyent  de  toutes  parts ,  il  expira  en 
destoufmcns  hotribles.Son  fils,complice  de  la  trahifon, 
mourut  miferablement,dernué  de  moyens ,  abandonne 
de  chacun  ,  après  auoir  vendu  tous  fes  biens  meubles  & 
immeubles  &  mefchammentconlumc  tout  fon  vaillant, 
I.  leoucluuiuiyuu  jhppletnent  des  ^nnaks  de  Tt*rquie. 

Soliman  pcre  de  Sclim  fit  cruellement  mourir  les 
foldars  de  la  garnifon  de  Budc  :  lelcjuels  auoyêt  côtraint 
leur  Capitaine  de  rendre  aux  Turcs  celle  fortereflc  im- 
prenable. QuantauCapitancilfut  garanti,  &  honoré. 
Vn  trairtrc  en  la  ville  de  Rhodes  fit  plufieurs  feruices  i 
Solyman,rous  promciTc  de  grands  ellats,  &  d'auoir  vne 

dcJ 


^  mémorables.  483 

des  filles  de  Solyman  en  mariage.L'ifle  &  ville  gaignee 
il  fe  ircprefente  à  Solyman  ,  lequel  le  fit  cfcorcncr  tour 
vif,all'e^ant qu'il  eftoit  Chreflien,  &il  p'tetendoit  cl- 
poufer  vne  fcmmeTurquefqucàl  falciit  lui  oiler  fa  vieil- 
le peau.  Am/îcicorchë  5  on  le  couche  fur  vn  licltouc 
couuert  de  Tel ,  où  il  expira  cli  tourmens  indicibles,  p]). 
CamerarlHi  cnfes  meditatians  hiJlonqi*eS}chap.y. 

r  R  EMBLEMENT  de  terre, 

L'An  mil  cinq  cens  &  hui(5l  ;  la  nuicl:  entre  vn  mardi 
&  mecrcdîjà  deux  heures  la  terre  le  print  a  trembler 
à  Conftantinople,de  telle  fccruflc,  nue  quelques  tours 
de  Mofquces  tombèrent,  les  voûtes  d'icelles  Mofquees 
is'entr'ouurirent,&  les  autres  fondirent  à  terre.  Les  che- 
minées des  maifons  furent    renucrrees  ,  les  murailles 
partie  entr'oiiUerres:  partie  ruées  jus.-le?  créneaux  des 
murailles  de  la  villeictiez  bas  ,  &  des  pans  entiers  d^- 
ccUes  murailles  aiiec  leurs  tourrions  bouleuerfeT-..    Plu- 
(îeurs  fupcrbes  baftimcns  renuerfez  de  fond  en  com^ 
ble  ,  &  grand  nombre  de  perfonnes  acrauantées  delfous 
les  ruines.îsJul  ne  içauoitoù  fê  lauucr.     Le  peuple  Ibr- 
rant  des  ch ambres  &maifons  (e  ietiroit  es  balles  courts; 
les  plus  rpacieufcs^ou  es  grandes  places^ou  es  iardins.afin 
de  fe  garantir.   Car  le  tremblement  dura  ians  intcrualle 
toute  la  nuicl ,   &  continua  quarante  iours  api  ts  ,  telle- 
ment qu'on  pouuoitle  ientir  &   difcerner  d  heure  en 
heure.    ^^nn.i.les    de   iHrij^i*'':  ,    publiées  ^^r  l,    leoncUt- 
uitu. 

Le  Doflcur  Garcaews  en  fa  Météorologie  defcïitfom- 
mairemcnt  cent  foixante  cinq  tremblcmens  de  terre 
mentionnez  es  hiltoires  deuant&:  après  la  venue  de 
nortre  Sauueur  lufquesenran  1564.  nous  repicfente- 
rons  ce  qu'il  en  dit  de  ceux  de  nolhc  temps ,  l'uiuaiu  le 
but  de  ce  recueil  d'hiftoires. 

L'an  150p.  le  qiiacorzieiirle  tour  de  Septembre  ,  vu 
horrible  tremblement  de  terre  csbranla  fi  rudement 
la  Ville  de  Conii-witinople ,  l'elpace  de  dixhuid  loursj 

Hh   a 


484  Hifioire$  admirables 

que  toutes  murailles  qui  regardent  la  mcr&  toutes  îes 
maironsvoifincs  furent  renucrfees,&  les  fofl'ez  combler, 
de  ruines.  AuHî  futmis  basie  chalteau  oùic  Turc  tient 
Tes  threfors,  aucc  cinq  tours ,  &  le  palais  où  l'on  nourrie 
les  lions.  Semblablcment  tous  les  aqueduds  du  Danube 
à  Conlhntinoplc furent  esbranlez  &  gaftéz.Le  deftroic 
de  mer  entre  la  ville  &  le  bourg  de  Peras'efmeut  telle- 
ment, que  Teau  reiaillifloit  par  deflus  les  murailles  de 
part&d'autre.Lamaifon  du  pcage,fut entièrement  ren- 
uerfee  dedans  l'eau.  Treize  mille  perionncs  furent  acca- 
blées de  ruines  en  ce  tremblement.Le  chailcau  de  Gai- 
lipoli  fut  toutbrifé,&  n'y  eut  maifon  c«  enuirons  qui  re- 
fiaftentierd'eftimeque  c'eft  letrembbpmeiit  tiré  des 
Annales  de  Leonclauius,&rufmentionné. 

L'an  fuiuant  prefques  toute  l'Italie  fut  eflochcepar 
plufieurstrembleraens  réitérez.    L'an  1517.  vn  tremble- 
ment de  terre  en  Alcmagne  rcnuerfa  deiix  mille  mai- 
rons&  granges  à   Nordlinges  &  es  enuirons.    Tout  le 
Portugal  fut  esbrâléTan  ijji.Quinze  cens  maifons  bel- 
les &rpacieufes  furent  renuerfees  en  la  ville  de  Lisbon- 
ne,&  prefques  tous  les  temples  abatus.  Ce  tremblement 
dura  huid  iours,donnant  par  interualles  des  fecoufl'cs  & 
7. ou  S.fois  chafcun  lour.  11  fc  fit  aufli  des  ouuerturcs  de 
tcrre,dont  fortit  vn  air  contagieux,qui  produi(ît  vnc  pe- 
fte,laquelle  emporta  fore  grand  nombre  de  perfonncs. 
Deux  ans  après  y  eut  vn  tremblement  en  Turgovv  en 
Suiire,qui  dertourna  vn  afle/large  fleuue  de  fon  lid,où 
il  ner'cntra  qu'après  auoircreufe  &renuerfé  vncoftau 
qui  le  rcfcrroit.  Toft  après  la  ville  de  Baflc  fut  fecoueç 
de  j.tréblcmés  diuers  en  l'efpace  de  quelques  femaines. 
En  l'an  1557.1a contrée  de  Pouzol  fut  firudemét  agi- 
tée par  mouuenicns  de  terre  J'elpace  de  zo.  mois  &  d'a- 
uantage,qu'il  n'y  relia  quelconque  edihce  entier.  Mais 
fur  la  lin  de  Septembre  de  l'an  fuiunnc ,  ce  bruit  recom- 
mença de  telle  véhémence ,  &  l'ans  difcontinuer  ni  lour 
ni  nuid,que  la  meirccula  dedeuxcens  pas,  dont s'cn- 
ruiuitprinfe  de  grande  quantité  de  poillons,  &  vit-on 
fourdre  des  eaux  douces.  1^.5o.iour  du  mefme  niois,vn 
grand  continent  de  terre  entre  le  pied  delà  montagne 

nommée 


^  mémorables.  48  j 

jiommcc  Barbaro ,  &  la  mer  près  de  lac  Auerne,  fembla 
s'cflcucr ,  &  prendre  foudain  la  forme  dVnc  montagne. 
Ce  mefme  iour,fur  les  i. heures  de  nuift,ce  mont  de  ter- 
re s'cntr'ouurant  commence  à  vomir  des  flammesauec 
vn  bruit  merueilleux.  Parmi  ces  flammes  il  eftançoit  àcs 
pierres  ponce  &  des  cailloux,  auec  tant  de  cendrespuâ^ 
tes,qu*il  encouurit  toutes  les  ruines  de  Pouzol,  &  les 
campagnes  voifines^es  arbres  furent  fracaffcz,  &  les  vi- 
gnes iufques  à  vn  quart  delieuèes  enuirons  réduites 
en  poudre.  Lesoifcaux  &beftes  des  champs  en  eurent 
leur  part. Qu.int  aux  habitans  de  Pouzol,  ils  fe  fauue- 
rent  de  nuiâ:  dedans  Naplcs.  Ces  cendres  puantes  s'ef- 
pandirentà  plus  de  huid  lieues  loin  ,  eftans  toutes  fei- 
ches  près  de  ceftc  ouuerture,  maisbouèufes  &  humides 
plus  loin  :  Qui  plus  fut^ceftc  montagne  de  pierres  pon- 
ce &  de  cendre  née  autour  del'ouuerture,  futamaflee 
en  vne  nuid  à  la  hauteur  de  mille  pas  &  d'auantage ,  a- 
yant  plufîcurs  rourpiraux,deux  defcjuels  y  ont  duré  long 
temps  depuis.  L'ambrafementdura  quelques  mois. 

Le  lo.iour  delanuieri538.  Baflefut  derechef  esbran- 
leepar  mi  tremblement  de  terre  ,  &  deuxans  après  au 
mois  de  Décembre  toute  TAlemagne  s'en  fentit,  à  la 
ruinedeplufieursbaftimens.  Etl'an  15:41.  vne  valee  de 
Suifie  fut  esbranlee,&  près  de  l'Apennin  fut  veu  vn  tor- 
rent de foulphre  merueilleufement  puant ,  courir  par/^ 
campagne.  L'aniy5i.  le  vingthuiftiefme  iour  de  lan- 
uie^  ,  Lisbonne  en  Portugal  fut  agitée  d'vnnouueau 
tremblement,  qui  renuerfa  deux  cens  maifons  ,  &  tua 
plus  de  mille  perfonnes.En  Tan  fuiuant,  au  mois  de  Se- 
ptembre,y  eutnouueau  tremblement  à  Bafle,&  en  plu- 
/îeurs  villes  de  Mifne,&  es  enuirons ,  dont  s'enfuiuirent 
beaucoup  de  ruines,peftes&  morts  violentes.  Au  mois 
d'Aouft  de  l'an  fuyuant  le  pays  au  long  de  la  riuie- 
Tc  d'Hlbe  en  Saxe  ,  euft  fa  part  de  telle  vi/îtation. 
Garcarus  adioufte  vn  autre  merueilleux  tremblement 
en  vn  quartier  d'Alemague  ,  où  quelques  bourgades 
&  villages  furent  engloutis  auec  grand  nombre  deper- 
fonnes:&  ditqueceft  ébranlement  déterre  dura  quin- 
ze iours.    Ce  <]ui  auint  aulTi  dc»x  mois  auparauanç 

Hh  3 


48^  Histoires  âdm'tr Me  s 

à  Cattaro  ville  de  Sclauonie,aparte'iantc  aux  Vénitiens 
en  lac)uelle  périt  jurande  multitude  de^en*  engloutis 
par  ouuerturc  de  terre.  L'an  içyo.  la  ville  de  Fcrrare  fut 
csbianlcc  d\  n  tremblement  refpacc  de  plufieurs  iours, 
aucc  vne  ruine  de  plu/îeurs  beaux  palais  &  autres  riches 
édifice:..  Lesguprrev ,  pelles ,  famines ,  déluges  de  mers 
&riuiercs,  furucnus  après  tels  coups  du  ciel,  font  les 
marquez  es  hiftoires  dp  noftre  temps  :  comme  aufli 
jious  en  reprefcncerons  ks  hiftoircs  en  leurs  endroits 
"propres. 

Le  Dimanche  premier  lourde  Mars  1584.  es  pays  de 
Lyonnois,Mafconnois ,  Dauphinc,  Sauoye,Piedmont, 
Valais,  Suifles  &  Bourgongne  ,  .1  onze  heures  &  demie 
Tenant  à  midi,l'air  eftant  coy ,  allez  clair  &  fcrain  ,  &  le 
Soleil  luilant,  fe  Et  vne  rccoulfe  ou  prompt  efiance- 
ment  &  tremblement  de  terre,  qpi  ne  dura  pas  plus  de 
dix  ou  dou?e  minutes  d'orlooe  pour  ce  coupla.  Ilfut 
fcnti  principalementpar  le  cliquetis  des  verrières ,  cra- 
«^uetisdcs  édifices,  branflcment  des  planchez  &  lam- 
brisjcrouflement  des  paroi.s,murailles  bi  arbres, auec  grâd 
"bruit  ou  mugi/Tcment  en  l'air.  Beaucoup  ce  cheminées 
tombcrcnt.  Qucsqucs  murailles  furent  entr'ouuertes, 
^' des  rondemcn.s  d'cdifices  esbranllcz  ,  notammentcs 
cnui^rons  du  Lnc  de  Laufanne/ur  tout  es  pays  de  Vaut, 
î"of!'gny,Chriblais  &  lieux  \  oiiîns.  Trois  ou  quatre  che- 
jr.inecs  ,  &  la  muraille  d'\n  vieil  edififc  tOiiiberent  à 
<jencue,&n  ycutautremal.  Le  lendemain  ce  tremble- 
jncnt  redouble  es  quartiers  du  bout  d'enh.nut  du  lac  de 
Laufarnc  &^  renfo'-ct  le  mardi  au  nvuin  3c  aufoirauec 
■■>  n  vent  &  ncigc,auint  ce  qui  ^'enfuit  en  \  n  quartier  de 
pays  cflcnene  de  ce  bout  du  lac  ,  enuiion  deux  heu- 
rc>»  de  chemin  ,à  quairc  harqucbufades  ou  cnuirou 
ôe  la  ville  d'Aillc,  apartenante  au  Canton  de  Berne, 
^  ce  le  Mecredi  quatriefmc  iour,entre  neuf  &  èi\y.  heu- 
ics  de  marin.  Grande  quantité  de  terre  tombant 
des  iommcrsoc  replats  des  ipontagnes  (de  aiçlme 
prcfqucs  que  feroit  vne  rauinç  dVaux  précipitées 
i  val  d'\  n  rocher ,  s'edança  de  bien  loin  ,  &  comme  au- 
cuns on;  atccftë  d'cnuiron  vucUcuC;  non  t;ant  de  ion 

mouuement 


ér  mémorables,  487 

mouiic  ment  naturclqai  tend  du  Faut  en  baS,  que  poul^ 
fe  par  vents  &  exhalaifons  niellées  parmi.    Ccrte  terre 
fur  fi  rudement  agitée,  qu'en  vn  inl1:an  telle  couuritles 
lieux  prochains  du  bas  fur  lefquels  elle  fc  verfa  ,  & 
fChaHant  deuant  foy   toute  l'autre  terre    qu'elle  ren- 
controit,  l'emporta  licelleaufri  confentit  tant  plus  ai- 
sément qu'elle  eftoit  efmeuè  de  ces  tremblemés  &  vents 
remuans  aufll  rudement  que  la  première  :  &en  print 
comme  xi Vne  mer  agitée ,  ou  vn  flot  poulTe  l'autre  flot 
tour  de  fuit<!.Lespétes&  vallées  ne  fclafcherêt  pas  feu- 
lement: mais  (ce  qui  ell:  eftrangc)  les  terres  eminens  au 
dellus  des  combles  &  v-alees  en  furent  fcmblablcmét  re- 
muez.  Or  eilà  noter  que  le  lieu  dcceremuementefti 
l'endroit  d'vnc  gorge  caufee  de  pluiîeurs  terres  &  crou- 
pes qui  le  trouu-ent  ordinairement  es  recoins  &  abou- 
rilfemens  des  rochers  &  montagnes.  A  l'endroit  &  iifue 
de  celle  première  gorgeclloit  le  haut  de  Corberi ,  pc- 
•tit  village  ou  hameamd'enuiron  huidmaifons  ,  &dix 
ou  douze  granges,  aucc  quelques  moulins,  tournans à 
l'eau  d'vn  ruilTeau.La  terre  donna  d'enhaut  fi  roidemanc 
fur  ce  village,  qu'Ufut  toui' couuert  en  vn  inilant,  ex- 
ceptée vne  maifon,ou  auint  que  le  maiftrc  ,  eilonné  du 
grandfracasqu'il-cnccndoit,ditifafenime  qu'il  croyoic 
quela  fin  du  monde  eftoit  venue  ,  &  qu'il  filoit  prier 
Dieu,i  ce  qu'il  leur  fill  mifericordc.  Sansdelay  fe  met- 
rans  à  genoux  dans  leur  maifoniisfentirent  vn  icïhm^t 
<ie  leurs  prières  que  la  terre  qui  rouloit,  comme  a  elle 
<lit,pafla  en  forme  de  vague  impetueufe  per  deiîus  leur 
mailbn  lans  l'endommager  ni  ofrenler  aucun  leans,  fors 
le  maiilre  mefme,  vn  peu  blclfé  i  la  tefte  ,  Ion  chapeau 
ayât  cfté  perec.  Quant  aux  autres  maifons&.  grâgcs  elles 
furet  toutes  abatues  &  prcfques  entièrement  couuertcs. 
Il  auint  en  ce  mefme  lieu  vn  autre  chofe  notable.  C'eft 
qu'vn  enfant  de  douze  ou  treize  femaincs  fut  trouué 
(ain  &  faufen  fon  berceau  ,  &  a  vefcu  depuis ,  ayant  au^ 
presde  foy  fapauure  mevc  morte,  laquelle  eftendant 
fcsbrasfur  cel>erceau  pourgarentir  fon    enfant  auoit 
^rté  toute  froïifee  par  la  ruine  de  la  maifon.    Cas  pa- 
reil auiiui  vne  iilleut  aa^cc  d'vn  an  oucnuiron  cruu- 

Hh    4 


4^8  HiJ} cires  admirables 

Vee  fauuc  &  entière  parmi  les  ruines  d'vnc  maifôn. 
Quant  aux  moulins  ils  furent  tousbrife/.  Vne  chofr 
mcrueilleufc  auint  en  l'vn  d'iccux.  Car ,  cftant  plante 
en  lieu  bas ,  l'arbre  de  la  roue  ,  &  la  roue  mefme  furent 
trouucz  en  leur  entier  au  haut  d'vn  tertre  eflcué  de  cin<^ 
cens  pas,  plus  c)  uc  n'cftolt  la  fituation  de  ce  moulin. 

Aurefle,  la defolation  s'augmenta,  tant  plus  la  terre- 
vint  à  val.  Car  s'adrcfTant  fur  le  village  d'Yuorne ,  qui 
eftoitaudcfi'ousde  ce  haut  de  Corberi,  elle  enfeuel!?: 
tout  vif  enuiron  cent  perfonnes  (  aucuns  on  dit  d'auan- 
tage)  deux  cens  quarante  vaches  à  laid  :  force  bœufs  & 
cheuaux.Ellecouurit  foixantcneuf  maifons,  centS:  fîx 
granges,  quatre  caues  ,  &  deux  batoirs  fequcftrcz  de  ces 
granges  &  maifons,auec  grande  quantité  de  bleds,  vins, 
meubles  &  pafturc.  De  faitcc  village  cftoit  tresbien  a- 
commodé  de  toutes  chofes^eAimé  l'vn  des  meilleurs  de 
tout  le  pays  des  Ligues,  prix  pour  prix.  Lafîtuationc- 
ftoit  fur  vne  pente  doucement  cltenduedu  leuant  au 
couchant,  en  lieu  fi. fertile ,  que  d'vnc  mefnic  terre  Ton 
faifoît  chafcun  an  trois  cueilletcs ,  de  ble ,  de  millet ,  & 
deraucsraufiin'y  auoit-il  point  de  pauures  ni  de  men- 
dlans  entre  eux,  mais  tous  lufques  au  moindre ,  s'entre- 
tenoycnt  honneftemcnt  de  leur  bien  Se  trauail ,  cftans 
gens  fimplcs ,  laborieux ,  eflongnez  de  mauuaifes  prati- 
ques,d'\furcs  &  de  procès,  au  tcfmoignage  de  tousleuri 
voifins.  On  dic  que  la  ruinefut  fi  loudainc,  qu'il  n'y  a 
coup  de  canon  quifedcflachepluflollque  tout  cela  fut 
exécuté.  Qu^elquesvns  ont  teftifié  qucdeloinils  vi- 
rent enuiron  vingt  perfonnes  ,  la  plufpait  femmes  & 
cnfans,  qui ,  couransà  valpourlefauucr ,  furent  envn 
moment  acueillis,  acablcz,  &  couucrtsde  terre.  Il  y 
demeuraquclques  hommcsimais  le  plus  grand  nombre 
fut  de  femmes  &  d'enfans  :  d'autant  que  prefques  tous 
les  hommes  cftoyent  au  labeur  des  champs.  Parmi  cefte 
vifitation  Dieu  vfa  d'vne  telle  mifericoJrde  ,  qu'il  n'y 
eut  maifon  dont  ne  reilaft  en  vie  quelque  homme 
ou  enfant.  Outre  l'effroyable  tintamarre  que  faifoit 
la  terre,tombantauec  vn  mellangcdegrelle,  &  de  pier- 
res volantes  en  Tair,  on  vid  foice  cfUnccllcs  de  feu 

&  VilC 


^     (^mémorables,  4S9 

&  vnc^rofrc&  fort  efpaiflenucc,  dont  ibrtoitvn  odeur 
de  foulphre.  Ce  déluge  de  terre  s'arrcfta  en  fin,ioignant 
-deux  maiions ,  qui  relièrent  chargecsjiufques  à  mihau- 
tcur  de  murailles  ,  fans  eftre  autrement  endcmmagçes: 
outre  IcrqucUes  refterent  fept  ou  huit  autres  maiions,  a- 
uec  autant  de  granges,&  quelques  petits  édifices  cham- 
peilres.  La  longueur  de  c^fte  auallanche  fut  depuis  h 
pente  de  la  montagne  lufques  à  ces  deux  maifons, la  lar- 
geur de  douze  arpens  :  la  hauteur  inefgalc  ,  mais  la 
moindre  fut  de  dix  pieds.    C'ctt  merueilles  au  rcftc  que 
celle  eitendue  de  douze  arpens  ou  cftoycnt  les  édifices, 
fut  rendue  \\  vnie,  qu'il  fembloit  que  ce  fuft  vn  gucret 
toutfraifchement  labouré  ou  herfë  ,  fans  qu'il  y  eut  ap- 
parence de  ruine  ,  non  plus  que  fi  iamais  il  n'y  cuft  eu 
édifice  quelconque.  Hnla  ville  d'AïUe  les  tuiles  tombè- 
rent du  milieu  de  la  couuerture  du  temple,  ians  que  cel- 
les du  haut  ni  du  bas  fc  remualTenc.  Près  ce  mefme  heu, 
dvne  montagne  prochaine  tomba  vne  pièce  de  rocher» 
qui  s'arrelta  en  vue  fente  d'iccllc  montagne  ,  fans  faivc 
aucun  mal.    Plufieurs  cheminées  furent  abatues,  main- 
tes murailles  creualîecs  ,  car  le  tremblement  y  continua 
plufieurs  iours.  auprès  du  village  de  Moteru  ,  le  lac  de 
L'aufannc  s'auanca  en  large  d'enuiron  vingt  pas  plus 
que  Ton  ordinaire ,  emportant  vne  portion  de  vigne  ,  à 
Taidc  d'vne  ouuerturc  de  terre, comme  l'on  eftimoit.  Le 
branflc  fut  fi  violent  qu'à  la  ViUcncufue,  bourgade  à  la 
telle  du  lac,  &  eslieuxprochains,  les  tonneaux  de  vin 
(grands  comme  pipes)  furent  drcflez  tout-pleins  fur 
leur  fond.  En  lavillede  Veuay  plufieurs  cheminées  def- 
rochcrcnt,  &yeur  force  murailles  csboulecses  vignes 
de  la  Vaut.  Extruicl  des  ^annotations  ^  6hjcrihîtù)ns  jur  le 
frand  Altroir  du  monde  de  I.dit  Ch.fne. 

Le  einquifmciour  de  Septembre  1590.  félon  le  ftile 
ancien, vn  famedi  enuiron  vne  heure  dcuantSoleil  cou- 
chant,la  terre  commençai  trembler  en  Auftriche,  Mo- 
rauic,  Bohême ,  Mifnc',  Silefic&  Lufatie.  Mais  peu  de 
temps  après,  à  fcauoir  entre  la  minuid  &  vne  heure,  ce 
tremblement  recommença  par  toutcslcsprouinces  iul- 
n©innitcs;auec  vu  racrut/ileux  esbraiïilcment ,  fur  tout 


4 9 o  Hï [loir es  admirables 

en  la  villr  (le  Vienne  capirale  de  rArchcdiichc  d'Au- 
ftrichc.  I- n  icclle  donc  le  faille  de  la  grand  tour  du  tem- 
ple de  Sainct  F.iliennc,fiit  tellcnicnc  esbranlc  ,  qu'il  en 
comba  fui  le  coid  du  temple  des  grandes  pierres arti- 
•ilemcnt  r:i!llecs:& tout  le  baftimétd'icclle  tout  fccoué 
de  telle  vehemécc,  que  l'on  parla  toit  après  des  moyens 
<lc  remuer  Préparer  le  tout;^il  eRoit  pofl'ible.  Vneau- 
trc<ourproche  de  celle-là,  en  laquelle  eftvne  cloche 
•des  plus  grofîe.s  de  r£uroj)e,fut  aiîfliesbranlce.  Pre^  de  la 
porte  des  Efcolfois ,  vne  tour  fut  renuerfee  par  terre  ,  & 
le  temple  ioignant  fondit  tellement  par  le  milieu  ,  c]ur 
lors  fut  iugc  qu'il  conucnoit  le  démolir.  Auintlors  auc 
certain  boucher,  couftumier  de  dormir  les  nuits  en  foi 
<?ftau  proche  de  celle  tour  des  Eicoiflois,fentiten  vn  in 
ilant  Ton  couuert  brifé  &  defpecé  par  les  quartiers  d. 
pierre  tombantes  deflus  en  tref-grande  quantité  ,  faiii 
•toutesfoiseitrc  tant  Toit  peu  ofFenfé  ni  atteint  d'icelles 
en  fon  corps.  Au  contraire  l'hoftellerie  du  Soleil  fut 
entièrement  efcrafee  de  la  cheute  d'vn  cloché  baftj  près 
àeU,  1-c  furent  accablées  fous  telles  ruines  quelques 
pcrfonnes ,  à  f  çauoir  la  dame  du  logis ,  fa  fille,  la  merc, 
deuxriches  marchands  aufquels  on  trouuacinq  mille 
«feus  en  or,  lemeffagerde  Lint/,  &  trois  autres  hom- 
mes :  dont  les  corps  furent  finalement  tirez,  de  delîous 
les  ruines.  D'auantage  tomberentlesclochez  de  Saind 
Micheljdu  temple  deslefuites,  &  lesfommets  des  tours 
de  S.Laurent  &  de  S.Ican.  Outreplus,  il  n'y  eut  balli- 
ment,  bouleuan,  temple  ,  ni  mailbn  dedcms  l'enclos  des 
muraillcsdc  Vienne,  que  ce  tremblement  n'ait  esbran- 
ié,fendu,creuafféoc  endommage  en  quelque  forte.Tous 
les  bourgeois  &  habitans  fortirent  en  toute  diligence, 
&fe  retirèrent  hors  la  ville  es  iardins  &  autres  lieux  fpa- 
deux  &  defcouuerts. 

En  Vn  village  près  de  Vienne  ,  nommé  Hernalfi  ,  le 
temple  &  (juclqucs  maifons  trebufchercnt.  Autafit  en 
auinr-ilnu  bourg  de  Dula.  Vn  autre  village  nommé 
Siegcit?kirchen"eut  fon  téple,la  maifon  du  Cure  ,  ^  les 
iiiuraillosdu  cœmitiere  par  terre.  Pixcndorf  autre  villa- 
ge fui  tout  ruiae.Scinblabluucnc  Ptaifcnilcd,  &  le  cha- 

ftcau 


C^  mémorables.  49i 

ftcaude  Iucicnovv,baftitoundc  neuf  trois  ans  aupara^ 
uaiu,&vn  autre  nomme  Sit/berg  tellcmêt  cflochcque 
nul  n'y  a  ofe  habiter  depuis  >  finon  c|u1l  ait  elle  rebaili. 
Fn  d'autres cmiroitsplufieurs  perfonnes  furent  bleflce.s 
&  tuecs  par  lesruincs  des  édifices.  A  deux  lieues  près  de 
Vienne,  vn  moulin  accommodé  fur  l'eau, en  fut  enlcuc 
&  ictté  iur  le  fcc  aflcz  loin  de  là.  Ce  tremblement  iettA 
au  riuagc  de  la  mcime  eau  de  ce  moulin  vne  fort  grande 
quantité  de poiffons.  Au  deflousde  Vienne,  ille  fit  v- 
ne  ouuerture  de  terre^dont  fortit  vne  vapeur  C\  puante 
&  pertilcnte,  qu'impoOible  fut  aux  habitans  d'alentour 
d'y  pouuoir  fubfîAer.  L'ouucrtuve  eftoit  de  la  largeur  de 
quatre  pieds,  fort  lon2ue,&fî  profonde  que  nul  ne  Ta 
peu  fonder  ,&  ne  peut  on  qu'auec  danger  vifiter  ces 
creux  effroyables.  En  Mprauie,  Boheme"&  autres  pays 
voifins,cc  tremblement  continua  pluficurs  iours ,  mais 
non  du  tout  fi  violent.  /.  Hedenc,  enfa  har.vipe  dt*  trcm- 
ILynent  de  terre  en  ^uflruhc.  On  remarque  que  ce  trem- 
blement horrible,  qui  tua  prefque  toute  la  garnifon  du 
challcau  de  Canifium  en  Hongrie,auint  le  premier  iour 
que  fut  efleu  Pape  Vrbain  V  11.  lequel  ne  tint  le  fiege 
de  Rome  que  dix  iours.  D.C hjtY£Ui,enfi  chronique  de  Sa- 
xs,pag.  871. 

VAILLANCE. 

LE  nombre  des  vaillans  hommes  de  noftre  temps& 
de  leurs  braues  exploits  eft  merueilleufement 
grand. Les  volumes fuiuans  en  fourniront  diuers  exem- 
ples.Ici  nous  en  remarquerons  quelques  vns,  en  inten- 
tion de  n'oublier  pas  les  autres.  Pour  le  prcfent  nous  of- 
frons \  n  meflange  d'hifloircs.  Vne  Dame  Portugaifes'e- 
ftantcmbarquceenl'an  1510.  auec  deyx  ficns/reres  no- 
me z  lean  &  Arias  Coeillo ,  &  vn  pefcheur  nommé  An- 
toine Grimaldi ,  conduits  par  quelques  matelots  en  vne 
caraucUe  ,  eftans  en  pleine  mer  furent  inueftispar  v- 
ne  frégate  de  courfaires,  huitl  dcfquels  (après  auoir 
icroché  la   caraucUc  )  fautent  dedans.  ^  Mais  leau. 


492^  H'îjlotrcs  admirables 

-Arias&  Antoine  acourciu  &  fc  défendent  dételle  a- 
«ireffe  c]u'ik  tuent  quatre  aflaillans,  &  contraignent  les 
<^uarrc autres  de  fc i-etirer  plus  vifte encore  c|u*ils  n'y  e- 
itoyent  entrez.  Cependant  les  matelots  reprcnenttclle- 
inentlcurroufccu'ilslaiflcntia  frégate  loin  d'eux.  Sur 
ce,  les  courfaircs  entendans  des  quatre  efchappez  ,  qu'il 
n'yauoît  que  trois  combattans  en  la  carauello,&  quele 
rerte  n'cftoitqu'xne  troupe  de  femmes  &:  de  mariniers, 
commencent  à  ramener  de  toute  leur  force,  &  derechef 
acrochcntlacarauclle.'puisfeize  d'entr'eux  bien  armez 
iàutenr  par  la  proue  au  dedans. Les  deux  frères  leur  fon-: 
tcfte  auec  vne  prouefTe  finguliere.  Antoine  fe  ioint  ;i- 
liec  eux  ,  n'ayant  pour  toutes  armes  qu'vne  hache  en  In 
luain  droitc,&  \  ne  chemifole  de  matelot  autour  du  brn'^ 
gauche.  La  meflee  fut  tref-alpre  ,  &  plus  que  s'ils  cuf- 
Icnteftéen  nombre  efgal de  part&  d'autre.  En  fin  les 
courfaires  ayans  perdu  la  piufpartde  leurs  gens,  fe  reti- 
rèrent auec  le  refte  en  leur  fregatte.Comme  ils  clloycnc 
aind  aux  mains,quelques  autres  de  leurs  gens  fautèrent 
par  la  pouppe:mais  ils  furentrepouflez  par  les  mariniers. 
Antomc  courut  au  foyer  de  la  carauelle,  print  les  char- 
bons, &  les  cendres  qu'il  y  trouua  ,  &  les  lerta  dedans 
Icstrcgates^au  dommage  de  quelques  vns  qui  en  furent 
d'chaude/.  11  fur  blefî'é  en  diuers  endroits  mais  non  à 
mort.La  Carauelle  arriua lauuc  ou  elle  pretendoit  mau- 
gré  l'cftort  des  courfaires,  qui  depuis  celle  deuxiefme 
baftonnade  n'oferent  en  approcher  que  de  loin,  oforius 
at*  douz^iejme  Hure  de  thijloire  de  Portitgd  ,  chapitre  dctr- 
xicJiTte. 

Manuel  Pachcco ,  Capitaine  Portugais ,  cnuoyé  par 
le  gouuerneur  de  Malaca  en  l'Inde  Orientale, pour  mo- 
lelter  ceux  de  Pacem,  qui  auoyent  tué  vingt-cinq  Por- 
tiigaisjs'acquitta  diligemment  de  fa  charge.  Orayanr 
delîr  debonede  l'eau  fraifchç  ilcnuoye  en  vnelquif 
lean  Almeidc  ,  Antoiiie  Pazagtje ,  Antoine  de  Vere,8c 
î-rançois  GraipaxclbldatsalFeurcz  ,  prendre  terre  alfez^ 
}  rcs  de  Pacem,pour  puifer  de  celic  eau  douce.  Ces  Toi- 
dafSjfiiiui-,  d'vn  barbier  Portugais, homme  vaillant,  en- 
trèrent auiicuucaucclcursmactciocCj&  firent  aiguade. 
-  JVÎais 


cf  memorahles.  4  <fj 

Maiscomme  ils  remontoycnt  vers  leurnauire,  voici 
arrmer  les  ennemis  à  la  foule  furies  riuagcsde  part& 
d'autre  ,  lefquels  auec  vne  nuée  cie  cailloux  &  de  flcH 
ches  Guidèrent  accabler  les  foldars  &  enfondrer  1  efquiil 
Toutesfoislesfoldatsfecouurirct/î  bien  de  leur  pauois, 
&  les  matelots  firent  tel  deuoir  de  ramer  qu'ils fe  tirerenc 
de  iariuiere,  &gaignerentlc  haut.  iMaispource  que  le 
flus  de  la  mer  les  repou{roit,&  qu'ils  n'auoyent  point  de 
vent,  trois  grands  vaifleaux  fournis  de  tout  ce  (^ui  eftoic 
requis  pour  la  guerte ,  &  qui  portoyent  bon  nombre  de 
gentils-hommes  du  pays  vmdrent  les  inueftir.  Le  chef 
nommé  Zudamec?eftoit  de  lauc,  qui  s'approche  auec  le 
principal  vaifieau  portant  plus  de  cent  cinquante  honî- 
mes.Quant  aux  Portugais,iIs  refoulèrent  de  mourir,piu- 
ftoll  que  fe  pendre  pour  ellre  faits  efclaucs  :  &  après  s*c- 
ftrcrecommandez à  Dieu,  s'apprelterent  courageufe- 
ment  au  combat.  Le  barbier  commence  ,  &  empoic^e 
de  telle  force  la  proue  de  ce  principal  vaifieau  que  Tes 
quatre  compagnons  curent  moyen  d'entrer  dedans,  & 
lui  fauta  incontinent  après.  Alors  ih  fe  ruèrent  de  telle 
furie  à  trauers  leurs  ennemis  ,  que  plufîeurs  d'iceux 
troublez  de  peur  fe  ictterent  hors  le  bord.  Zudamcc  c- 
ftoit derrière fes gens,  qu'il poufloit au  combat,  tenant 
l'efpec  nue ,  auec  menaces  de  tuer  celui  qui  reculeroit. 
Mais  voyans  que  ^^s  paroles  ne  feruoyent  de  rien,  il  en 
tua  quatre.  Les  autres  ne  fçauoyent  de  quel  cofté  tour- 
ner:carceux  qui  vouloyêt  faire  telle  aux  Portugais  fcn-- 
toyent  la  pefanteur  de  leurs  bras,  &  ceux  q ui  reculoyenç 
nepouuoycnt  attendre  autre  chofe  que  la  mort  parles 
mains  de  leur  capitaine.  Ayans  donc  combacu  quelque 
temps,ils  furent  tous  tuez  ou  noyez,  eftans  faifis  de  tel- 
le frayeur  ,  qu'ils  fe  precipitoyent  en  la  mer,  nommé- 
ment Zudamcc  ,  qui  après  auoir  cftc  blefl'é  en  plu/îeurs 
endroits  fe  lança  dedâs  les  vagues.  Les  deux  autres  vaif. 
féaux  voyans  ce  qui  ciloit  auenu  n  ofcrcnr  s'auanccfj, 
combien  que  les  cjnq  Portugais  fuficnt/îlas,  &naurez 
en  tant  d'endroits  de  leurs  corp';,  qu'ils  ne  pouuoyct  re- 
muer ni  bras  niiambes.Le  vaiifcau  gaigne  l'ur  Zudamcc 
fut  tiré  auprès  de  la  flotte  de  Pachcco,  puis  mené  eu 


49  4  Bijlûires  admirables 

MaUca,  mis  à  fac  ,  &  couucrt ,  afin  de  fcruir  cl*vn  long 
mémorial  de  ce  combat  miraculeux.  Le  Roi  de  Paccin 
cftonnc  de  il  e'iirange  accident,  demanda  &  acheta  la 
paix.qui  hn  :"ut  accordée. o/^<#  mefn-:  Un.chAp.  4. 

En  la  incline  année  içio.lc  capitaine  Vaique  Fcrnan  J 
C::e far  courant  aucc  vn  baileiu  de  guerre  h  deilroit  de 
Gi'^r.iicar,  fut  iniicili  de  fixfa'-tcs  de  Mores.  Iceux  ne 
dciîroyent  rien  plus  que  cefteproye,  &  pcnfans  qu'il  lui 
fcroit  importable  d'efchappcr  commencèrent  X  huer 
en  ligne  de  ioyc  :  puis  à  coups  de  flcfchcs  ,  de  hnrque- 
bou7.cs,&  moufqucts,  tafcherent  Taccablcr.  Or  Cxfar 
les  canonnoit  viucnlent ,  pour  empefcher  qu'ils  n'ap- 
prochaircntde  Ion  bafteâu  ,  déclinant  leurs  coups  par 
diucries  KKoni  de  voguer ,  &  touiîours  tuant  quelque? 
vnsrau  moyen  dcquoy  leur  cholere  fc  refroidit  fort.  Ce 
que  lui  voyant  courut  lus  à  trois  de  ces  fuites  arrellees 
enfemble,  le  vent  ayant  chaffé  les  trois  autres ,  &  les 
cmpefchant  d'approcher.  Lcsenilcmislui  vienent  aufli 
à  la  rencontre.  Sur  quoi  il  fît  mettre  le  feu  à  vn  grosca- 
non^dontle  boulet  donnant  en  long,  de  proUc  en  poi;- 
pe  de  iVne  de  ces  trois  fuftcs  en  rompit  les  rames,  l  l'^^ 
Mores  retirèrent  cefte  fulle  mutilée  entre  les  deux  au- 
tres,&la  remirent  en  équipage  félon  queleursafaireslc 
permettoycnt.  Lors  ilsfcreioigncnt&  enuahilfent de- 
rechef Ca:iar,lequcl  courant  auec  braue  rcfoliition  par 
tout,&  encourageant  i  haute  voix  tics  foldats  *  canon na 
de  telle  forte  les  fuiles,  que  les  afl'aillans  tronucrent 
beaucoup  plus  forte  partie  qu'ils  ne  penfovent.  Finale- 
ment vncoup  de  boulet  emporta  la  plufpart  des  forçats 
de  l'vne  des  fuftes  :  au  moyen  dcquoy  les  Mores  del- 
nue/.  de  plusieurs  toldats  tuez  du  canon  ,  voyançdcux 
de  leurs  fuites  brifees,  &  que  la  prinfc  de  C^far  leur 
coulteroit  trop  cher  :,  quittèrent  le  combat.  Ce  capi- 
taine,d'\  n naturel  toulîours  vigoureux  ,  ilimit  les  fuftcsf 
mais  pourcc  qu'elles  voguoyent  à  larame  ,  &  Ibnba- 
lleau  à  la  voile  i  qui  le  vent  failloit  ,  il  ne  peut  les  at- 
reindre:au  moyen  dcquoy  if  alla  furgir  au  port  de  Mala- 
e  ,  pour  faire  enterrer  le-  ntorrs  de  fon  collé  ,  &  penfer 
es  foldacs  bleflez  durant  ce  c'ô'rtrbat.^/^«  mejm  s  Utt.chapi- 
tre  11,  Tf  K 


f. 


î 


ér  mémorables.  49  j 

Triftan  Vafque  de  Vciguccapitaine  Portugais,hom- 
jiieclcsbauche  &  diirolii ,  mais  de  tel  courage  (|ue  la- 
mais  danger  aucun  ne  Teftonna  ,  à  caufe  decjuoy  plu- 
jfÎGurs  rciîimoycnt  infcnfé  &  defefpcré  :  voyant  la  cita- 
delle d'Ormus  en  danger  d'clhe  perdue  pour  le  Roy 
Manuel ,  fans  beaucoup  niaichanders'embarcjuc  tiedans 
fon  bafteau  de  guerre  aucc  trente  foldats  ieulenieat, 
prend  la  route  d'Oinuis,  d'où  il  approche,  &  voyant  le 
pafl'age  clos  fe  fourre  a  trauers  la  flotte  des  ennemis, 
combat  fi  vaillammont  toute  leur  puilfancc ,  que  mau- 
grélapluye  des  baies  de  canon  ,  des  harquebouzadcs, 
de  feux  artificiels  ,  des  coups  de  flefch  es  &  autres  traits, 
après  auoir  fait  merueilles ,  &  des  adcs  furpailans  toute 
force  humaine  ,  il  pafla  &  le  rendit  dedans  la  citadelle. 
Ce  valeureux  exploit  cftonna  bien  fort  les  ennemis,  & 
remplit  de  bonne  elpevace  les  africgez ,  le  chef  defquels 
pria  Viguede  de  s'en  retourner  &  fe  ioindre  auec  le  ca- 
pitaine Soufc,  qui  auoit  quelques  vailfeaux  pour  cndô- 
«m^gcr  plus  aifément  cefte  flotte.  A  quoy  Veiguc  s'ac- 
corda,quoy  qu'il  euft  querelle  particulière  contre  SoUi- 
Ic;oC  qu'ilfut  blelfé.  Derechef  donc,auecaufli  grand  ha- 
zard  qu'àla  premierefois,  il  trauerfe  la  flotte  des  enne- 
mis,aducrtit  Soufe  de  l'eftat  des  afliegez,  &  côme  la  ma- 
rée montoit  ,  eux  deux  auec  leurs  foldats  attachent  le 
côbat  fur  mer ,  qui  dura  longuement  &  fut  tres-funeux. 
Les  ennemis  perdirent  dix  vaifieauxqui  coulèrent  en 
fond,  grand  nombre  d'hommes  tuez ,  îk  plulïcurs  blel- 
fez.  Du  cofté  de  Portugais  y  en  eut  vn  fokiat  tue  ,  qua- 
tre vingts  bieflez:  mais  maugré  larefilknccdes  Ormu- 
fiens,  Soufc  &  Tiguearriuerentà  la  porte  de  la  CitadcU 
le.  «_y^M  wefme  liwe  chup.l^. 

Galcrs  de  fainft  Scuerin,fdgneur  Italien,  portant  les 
armes  pourleroy  de  France  à  laiournee  de  Pauic  l'aa 
mil  cinq  cens  quatre,  fit  tout  ce  que  peut  faire  la  v.iill.î- 
ce  mefme  ,  courant  par  tout  ou  il  voyoit  le  plus  de  gens 
du  parti  contraire ,  &  faifant  de  tresbeaux  exploits  d'ar- 
mes. Rn  fin  combattant  près  du  Roy,  fon  cheualayanc 
efté  tué  entre  fes  iambes ,  &  lui  terralfc  de  coups ,  ap- 
pellant  le  fieur  de  Langey  qui  combattoit  auprès  de 
lui>  Se  vouloïc  le  fccourir;  lui  dit,  Alonfils,  c'cll  ici 


4  9  ^5  Hijloires  admirables 

qu'il  faut  que  ic  meure  les  armes  en  la  main  :  ne  vouS 
cmpelchcz  plus  de  moi ,  mais  allez  en  diligence  fecou- 
rirle  Roy  noftre  lire  :  &,  iî  vousefcliappezjlfouutnei 
vous  de  moi,  &queie  fuis  mort  au  li(!ii  d'honneur,  p, 
I  oite  au  6. Uit.de  la  "die  du  Aïarqmf  de  Pefjuaire. 

En  la  bataille  de  Varne  ,  ou  Ladiilas  roy  de  Hongrie 
fut  tué  &  Ton  armée  desfaite,  vn  gentil-homme  Fran- 
çois, vaillant  à  merueilles,  trauerfa  tous  les  efquadrons 
dei  Turcs,  Scdonnainlques  dedansles  gardes  d'Amu- 
rath,  auquel  il  porta  vn  coup  de  lance ,  puis  lui  defcliar- 
gea  vn  coup  de  cimeterre.  Mais  ne  pouuanr,i  caufc  de 
plusieurs  milliers  d'ennemis  qui  lui  boufchoycnt  le  pal- 
fagc,  retourner  en  arrière  ,  après  auoir  tué  vn  très-grand 
nombre  de  Turcs,  il  fut  abbatu  fur  les  monceaux  d'i- 
ceux,  oii  il  expira  glorieufement.  Cnfp inUn en  fes  Em- 
pereurs, 

GalcasBardaflin  ,  cheualier  Sicilien  ,  eftantau  fiegc 
de  Plombin,  s'efcarta  vn  iour  allez  loin  du  camp ,  pour 
contemplerla  ville,  d'où  foi  tirent  trois  chcualiers  poiir 
l'attraper.  Lui  marche  àTencontre,  en  heu  de  s'enfuir, 
&  domic  il  rude  coup  du  pommeau  de  Ton  efpee  au  pre- 
mier armé  qui  l'accofte,  qu'il  le  iette  tout  eftonné  du 
coup  de  Ton  cheual  en  terre:  il  empoigne  le  deuxicfme 
par  les  deux  bras,  l'enleuc  hors  de  fa  Telle,  &  le  tire  bien 
loin,  courant  à  bride abatuc  après  lautre  iufques auprès 
des  portes  de  la  ville.  Fulgofe  au  "^.Uu.chdp.x. 

L*jBmpereur  Maximilian  premier  ,  ayant  aflailli  le» 
Grifonsfurla  fin  de  l'an  1499.  en  la  première  efcarmou- 
che  qui  fe  fit  près  de  Vuerdenberg,  vn  Suilfe  de  Glarjç, 
nommé  lean  du  Val,  fouuint  tout  feul  en  vn  dcftroit 
vingt  hommes  d'armes,  &  Icvempefchade  pafl'cr  aucc 
h  picque  au  poing,  de  laquelle  il  renueria  trois  d'iccux 
parterre.  Les  ennemis  eilonnez  delà  vaillance  de  ce 
braueSuilTc,  lui  promirent  bonne  guerre, &  le  menè- 
rent fain&  lauf  en  leur  camp,  d'où  iL  le  renuoycrcnc 
fans  rançon  ,  auec  ample  tctmoignage  de  la  valeur. 
SturnpjiM  tn  Lhijioire  des  SuijJ'es. 

L'ani55i.  SolymanfitalTiegcrpar  MahumetBafTa  v- 
ncforte  place  de  TranfTyluanic  ,;nomniee  Thcmufear, 

gar- 


(^mémorables,  '497 

gardée  par  le  Comte  de  Lofan/.,  pour  Ferdinand  roy  de 
Hongric,dcpuis  Empereur.  Ce  Comte  voyant  vne  puiH? 
fante  armée  autour  de  lui ,  forclos  delecours  ,  &:  trahi 
par  deux  Efpagnols  cjuirauoyent  abandonné  ;  pour  s'en 
aller  rendre  aux  Turcs,commence  à  parlementer,  &  ob- 
tient compofition  de  fortir  auec  tous  feslolJars  vies  &; 
bagues  faunes.    Le  Balla  contre  lafoy  promifc  fait  tuer 
tous  les  foldats,&:  trancher  la  telle  au  Comte.  Vnche- 
ualier  Efpagnol  iiommé  Alfonfe  Ferez  de  Sa;aucdre;fè 
faifant  faire  large  à  coups  d'erpcCj&rcnuerfant  ceux  qu^ 
vouloycntrarrefter ,  fe  fauue  à  bride  abatue  vers  le  dIus 
prochain  heu  de  retraite  ,  fuiui  de  cniq  cens  chenaux 
Turcs  qui  ne  peurent  l'attraper.  Comme  il  eftoit  fur  le 
poind  d'eftrc  hors  du  danger ,  il  tombe  en  vne  fondriè- 
re auccfon  cheual^où  tous  dcuxperjfient.  Les  Turcs  le 
\oyansbaspourruyuent,  &  coupent  la  teûe  de  ce  vail- 
lant homme,  laquelle  portée  à  Mahumet,  &  entendant 
que  c'eftoic  d'vn  Efpagnol,  le  le  croy,dit-il ,  car  il  cftoit 
vaillant,   ^^fc.  Centorias  an  4.  //«.  de  la  guerre  de  Tranfj^l" 
uante. 

Lors  que  \c\  Turcs  afTiegerent  Belgrade  en  Hongrie, 
vn  delcursfoldats,  voulant  planter  vn  enfeigne  en  lieu 
eminent,monta  en  vne  haute  tour.îl  fut  fuiui  prompte- 
mentpar  vn  Hongrois,  ou  Bohême,  lequel  vovant  ou'à 
pcjne  lepourroit-ildcfnicher  delà,  rempoigneôc ferre 
etlroittement,  puis  aucclui  fc  iette  du  haut  en  bas  de  la 
tuur,,  ou  tous  deux  expirèrent,  efcrafez  d'vnc  fi  lourde 
cheutc.  Bonfin.  liu.  8.  Decad.  5.  Duhrauiu^  an  'viugt  nctijitf- 
me  Hure 3  dit  que  le  Chrcftien  cria  tout  haut  au  Légat  du 
Pape,regardant  d'embasde  la  tour  :  Si  ie  me  précipite  a- 
uec  ce  chien  Turc,  ou  ira  mon  ame  ?  Et  que  le  Le^ac 
l'ayantalleuré  qu'elle  feroit porteepromptementcnPa- 
radis,  il  fc  précipita  fans  délai  a  uecfon  Turcduhauten 
bas:&  futcaufe  que  la  place  tintencores  bon.  Vn  autre 
Hongrois  fit  le  mefme  a  u  fiege  de  Liyza.  Bonjin  au  di- 
xicfme  ItH'r.Decad.^. 

On  tient  que  lors  que  les  Efpagnols  furpriudreric 
Confiance  ville  frontière  des  SuiHes  ,  l'an  milcinq  cens 
quarante  hui6t ,  va  des  bourgeois ,  voyant  que  Tvu  des 

Ix 


4  9^  Hijfûires  admirables 

chefs s'auançoit  &  acouragcoit  les  autres  Efpagnolsà 
pourfuiurclcurpoinde,&  que  la  ville  s'en  alloir  per- 
due, fe  ierte  de  viftefTe  contre  lui ,  Tembraffe  &  (é  préci- 
pite aucc  de  deflus  le  pont  dedans  lefleuue,  où  tous 
deux  furent  noyez.  Alemoira  de  noftrc  temps, 

Fulgofe  raconte  qu'au  premier  fîcge  de  Rhodes,  le 
grand  Maiftre  nommé  Pierre  d'Aubuffon  ,  François  de 
nation,  print  charge  de  garder  la  plus  ha/.ardeulc  brcP 
chc,  fécondé  dedeuxfîcns  nepueux,  &  quatre  autres 
foldats,  lefquels firent  fî  vaillamment  auec  lui,que  com- 
bien qu'on  lui  euft  tué  à  diuerfes  charges  les  foldats  qui 
venoycnt  au  fecours  les  vns  en  place  des  autres ,  &  qu'il 
cuft  efté  bleffc  en  cinq  endroits ,  fon  harnois  de  guerre 
faufTé  &rompu,  neantmoinsles  Turcs  ne  peurcntiamais 
rien  gaigner  fur  lui  :  ains  furent  contraints  leuer  le  fic- 
ge.  ^^U').lin.chap.z. 

L'an  1501.  le  roy  de  Fezs'eflantmis  en  campagne  a- 
iicc  puifl'antes  troupes  pour  aflaiUir  Tingi  ville  forte  en 
lacofte  de  Barbarie  tenue  par  les  Portugais,  legouuer- 
neur  fit  vnc  fortie  furies  Mores  :  mais  trouuant  la  partie 
trop  forte,  il  fe  retira  non  fans  grande  difficulté  dedans 
les  foflez  de  la  ville.  Auant  que  d'y  pouuoir  parucnir  1^ 
combat  dura  plus  de  deux  heures,  &  y  fureut  tuez  le  fils 
du  gouuerneur,  &  huiâ:  autres  vaillans  hommes  de  che- 
ual  ;  le  gouuerneur  mefmc  ayant  efté  fort  bleffc  au 
vifage  d'vn  coup  dciaucline.    Les  Mores  fuiutnt  leur 
poinde,  prcffent  les  Portugais,  &  font  tous  leurs  ef- 
forts d'entrer  peflc-mefle  en  la  vill.    Ce  que  voyant  le 
gouuemeuriaucc  vngros  de  caualerie  ilenfonce  fiim- 
petueufcmentIesMores,quecependant  tousccux  quie- 
ftoyent  forris  rentrèrent  aifcment  en  la  ville.  Le  dernier 
s'appclloit  Lopes  Martin ,  homme  courageux,  lequel  e- 
ilant  entré  ferma  la  porte  à  moitié  feulement  :  &  com- 
me pluficurscriaffent  après  lui  qu'il  la  fermaft  cntiere- 
itient:ie  ne  fcray  jamais  ccfte  faute,  dit-il,  que  de  fleftrir    1 
les  Portugais ,  en  faifant  penfcr  qu'ils  ayent  peur.    Ad- 
iouftant  qu'il  eftoit  preft  de  combatre  iufques  au  der- 
nier foiifpir  de  fa  vie  ,  pour  empefchcrque  perfonne 
n'encraft  par  ccftc  moitié  dcporcc.    Le  dire  &  le  faire 

fut 


(^  memorablesl  499 

fut  tout  vn. Car  les  Mores  cibnsacouruslà  pour  entrer, 
il fouftintle  premier  choc  fort  vaillamment,iijrques  à  ce 
que  plufieurs  vindrent  à  lé  fecourir ,  au  moyen  dequoy 
les  Mores  contraints  de  prendre  autre  parti  feretirerenc 
en  leur  camp.  Obforius  anjccoful  liitre  de  Portu^d  3  ch.ifitre 
iouXiefme. 

La  vaillance  extraordinaire  d\n  Suille  du  temps  de 
nosanccftres  fera  ici,  auec  licence  du  débonnaire  Je- 
deur,adiotiftce,commetrer-digne  d'eftre  ramentue  plu? 
dVncfois.  Les  Suiflés  au  nombre  de  1800.  ouenuiron, 
ayans  auprcs  de  Bafle  rompu  les  troupes  &  grandes  for- 
ces amenées  par  le  Dauphin  de  Franre,furent  tous  tuez 
fur  la  place,combatans  d'vne  force  &  valeur  du  tout  ef» 
mcrueillable  pour  le  falut  de  la  patrie.  Auint  qu'après  la 
bataille  rnjMOÉns  Smtri  nommr  Kiirfrnrj  ,  lequel  auoic 
faitle voyage  en  France  du  confcntement  de  l'Empe- 
reur, pour  amener  ceftc  armee,fortant  a  chenal  en  cam- 
pagne, comme  pour  triompher  de  cefte  desfaitc  de  fes 
compatriotes  ,  bi  marchant  le  heaume  en  telle  ,  mais 
la  vifiere  abaillee,  &  2  face  defcouuctte ,  pour  mieux  CSc 
plus  à  fonaife  contempler  les  morts  à  trauersleiquclsil 
marchoit;,  commence  à  s'efcrier ,  ô  le  plaifant  fpedacle, 
qu'il  fait  beau  marcher  par  ccfte  prairie  parfcmée  de  ro- 
fes:à  ces  paroles  vn  Suifle  eftendu  fur  la  place ,  &  refpi- 
rant  d'à  uantage  pour  la  liberté  delà  patrie  que  de  fa  vie 
proprcjproche  de  la  morf  qu'il  ell:oit ,  &  l'aèrontant  de 
nouuelle  forreje  refueille  &  leuc  comme  il  peut  fur  Tes 
genouxjparvne  vigueur  du  tout  extraordinaire  ,  &  em- 
poignant vn  caillou  le  ietce  de  telle  adrefl'e  qu'il  atteint 
Burcard  au  milieu  du  front fî  rudement,  que  reiniersé 
de  cheual en  terre,  furie  champ  il  exfpire  ,  receuanrle 
loyer  de  fa  cruelle  ingratitude  &  feloniiic.  SiumipH.  en 
thiîicire  âcs  Smjjes. 

L'an  mil  cinq  cens  trei7e,lcs  Suifle^  eflans  aile?  au  fe- 
cours  de  Maximilian  Sforce  Duc  de  Milan  ,  gardèrent  là 
Mlle  de  Nouare  auec  telle  afl'curance,que  combien  que 
les  François  hlfent  vnefurienfc  batterie  contre  les  mu- 
railles,neantmoins  les  Saifîes  montrèrent  lorsauoiriî 
peu  criUntc  d*cux;4u'ils  ne  fouffrwcut  laraais  qu'on  fcr- 

li   J. 


500  Hifloires  adminbles 

maft  la  porte  de  la  ville  qui  rcgardoit  le  camp.   La  Brét 
chefaite>ils  foullindrent  courageufementraflault&rc- 
pouilercnrlcsaflaillans.  Qui  plus  eft  la  nui(flfuiuantc, 
conduits  par  le  vaillant  capitaine  Motin,ilsaUercnt(ran9  , 
attendre  le  renfort  qui  leurvenoit)  attaquer  Tarmcc 
Francoifejdonnans  droift  àrartillcrie  ,  laquelle  ils  gai- 
•guercnc  vaillamment ,  au  nombre  de  vingt  deux  pièces, 
&  remmenèrent  le  lendemain  en  triomphe  à  Nouare,   : 
ayanstué  vne  partie  de  l'armée  Françoife  j&  mis  le  re-   ' 
fte  en  route;  ce  que  nous  defcrirons  plus  amplement  es 
lecueilsfuiuans  jOÙ  nous  parlerons  des  batailles  don- 
nets  en  diuers  endroits  du  monde,  depuis  cent  cinquan- 
re  ans  ou  enuiron.     Fr.  Cuichardin  au  ImAUdefon  hijloire  ï 
des  guerres  cCltalieich.l/^.  i 

La  vaillance  des  ftiefmes  SuifFes  aparut  Uan  mil  cinq  . 
cens  quinze  à  S.  Donat  ^au  Milannois ,  à  laquelle  Gui- 
chardin  rend  ce  tefmojgîiage.  Encores  que  les  Suiffeç 
combatiirenttoufiours(pour  la  féconde  fois)  auec  gran- 
de hardiefleôi  valeur  voyans  toutesfois  qu'on  les  battoit 
rudement  par  le  front  &  par  les  flancs;&  que  l'nrmee  Vé- 
nitienne approchoit  pour  leur  donnera  do«,  deferpere- 
reat  delà  viftoire  (dontilscftimoyentauoir empoigné 
la  robe  le  iour  précèdent }  tellement  qu'eftnnt  ja  haute 
heure,ils  Tonnèrent  la  retraite,  &  chargeans  fur  leurs  eC 
paulcs  l'artiJlerie  qu  ils  auoyent  menée  auec  eux,  ils 
deftournercut  leurs  efquadrons,  tenanstoufîours  leura- 
coultumce  ordonnance,  &  cheminant  au  petit  pas  vcjs 
Milan,  auec  vn  tel  cftonnement  des  François,  que  de 
toute  l'armée  il  n'y  eut  homme  de  pied  ni  de  cheu.îJ> 
quieuftlahardicfl'e  de  lesfuiurc.  Il  y  eut  feulement 
ticux  compagnies  des  leurs,  Icfquels  s'ai  ellans  fuys 
dans  vne  melîairie,  y  furent  bruflez  par  les  chcuaux  lé- 
gers des  Vénitiens.  Le  rcfle  de  Tarmee  s'en  retourna  i 
Klilan  ,  fins  rompre  fon  ordonnance  ,  monitrant  encore 
en  contenance  &  en  vifage  la  mefnie  aflcurance  &  har- 
ditlïc  :  &  quelques  vns  dilcnt  qu'ils  enfotiyrent  en  tene 
quinze  niecc>  de  groiTe  artillerie  gaignccs  à  la  premiè- 
re rencontre  ,    &  que  ce  fut  pourcc  qu'ils  n  auoyent 

h 


C^  memoTAhles,  joi 

la  coimnodité  de  les  emmener.  Tous  leshommes,d'vn 
commun  confentcmcntafl'euroyentqiie  depuis  vn  très- 
long  teni>s,on  n'auoitveu  en  Italie  vne  bataille  plus  fu- 
rieufc  &  plus  efpouuantable.  Triuuice,capicaine  qui  a- 
uoit  veu  tant  de  chofes ,  aflcuroit  que  cefte  bataille  de 
fainft  Donat  auoit  efté  fiiite  non  par  des  hommes ,  mais 
par  des  Geans ,  &  que  dixhuiiTt  batailles  efquelies  \\  s'c- 
rtoittrouué,auoyenteftcà  comparaifon  de  celle-là  ba- 
tailles de  petis  onfans  :  &  tient-on  que  fans  l'artillerie  la 
viftoire  fuit  demeurée  aux  Suifl'es,  lefqucls  cftans  en- 
trez des  la  preiT^erc  charge  &impctuofi  te  dans  les  for- 
tifications des  François,^:  leur  ayansenleué  la  plus  parc 
de  leurs  pieces,auoyent  toulïours  gaigné  ôi\x  champ.  Fr, 
Guichardm  au  Uwiz.chap.l^. 

Enuirou  Tan  mil  cinq  cens  quatorze,  les  François  af- 
iîegezen  vneforterefle  nommée  la  Lanterne  de  Gènes 
fupplierentle  Roi  Louys  XII.  de  les  faire  fecourir  de 
viures.  Vn  Capitaine  Efclauon  auoué  du  Roi,  fc  com-  • 
portail  dextrement  que  maugré  les  Galères  quifer-^ 
moyentlepalfage,  il  palToitauec  fa  galère  chargée  de 
viures&enprefencedetous  les  Gencuois  a«i'(fliiailloic 
la  place.  Là  dcfl'us  Manuel  Canal  capitaine  de  marinCy 
fort  expert  entre  ceux  de  fon  temps ,  monte  en  vne  ga- 
lère auec  trois  cens  ieu  nés  ho  m  mes  fous  la  charge  d'An- 
dré d'Auriaji&fortantde  la  garde  où  il  eftoitpofé ,  com- 
mence à  s'eflargir  en  mer,  pour  auoir  plus  de  vent,  afin 
d'aller  a  rames  &  voiles.  Lors  il  flnglc  droift  contre  la 
galère  derEfclauon,&  fans  redouter  les  coups  de  canon 
qu'en  lui  tiroitinceifamment  de  la  Lanterne ,  accroche 
icellc  galere,&  faute  dedans  le  prcniier ,  puis  ayant  faid: 
couper  les  cables  defquels  cefte  galère  clloit  tenue  at- 
tachée aux  anneaux  de  fer  de  la  fortcreilc  commandant 
i  la  ville  4e  Gcnes ,  tire  en  vn  inftant  après  foi  cefte  ga*. 
1ère,  tournantia  proue  delà  ftenc  &  la  conduifant  de 
telle  adreflc  entre  les  efcueils,  &  la  galcre  conquife,  quç 
maugré  tous  empefchemens  il  arriua  fain&i  fauf  recçu 
auec  aplaudiffement  de  tout  le  peuple:  &  honore  podf 
tefmoignage  de  fa  vaillance  de  la  fomme  de  cinq  cen^ 
,cfcus;le  buua  de  la  galcre  conquife  diftribué  entre  Ics 

i*    5 


50^  Hijloires  admirables 

ibldats. Quant  au  Capitaine  Efclauon,  il  s'cftoit  icttc  de- 
danslamcr,  pour  gaigner  à  nage  les  bancs  &  efcueils 
ï)rochesficla  forcerefTé  où  il  pretcndoit  fe  fauuer.  Mais 
l'nicunc  gcnnl-homme,  furnommé  lulljnianjfeiettant 
dedans  la  mer  apreslui,  le  fuiuit  de  telle  vitelle  qu'il 
î'attaignir,  &rempoignant  par  leschcueuxle  tiraainfi 
au  nuage.  Les  Gencuoiss'eftans  rendus  maiftrcs  de  la 
Xancernp,  qui  non  feulement  cfclairoit  de  trop  près» 
mais  eftouffoic  aufll  leur  liberté ,  la  ruinèrent  &  delino- 
lirenr  de  fond  en  comble. P./a;*e  an  ii.Uu.defis  hifi. 


VANITE, 

ÏE  vis  il  y  a  quelques  années  vn  perfonnage,de  qui  i'ay 
la  mémoire  en  recommendation  fingulitrc,  au  milieu 
«e  nos  grands  maux  qu'il  n'y  auoit  ni  loi  ni  iuftice,ni  ma- 
•^iftrat  qui  fit  fon  olHcCjnon  plus  qu'à  celte  heure ,  alla 
^-jjublier  le  ne  Içay  quelles  çheciues  reformations  fur  les 
JiabiUemeirsjfur  h  cMifine;&  lur  la  chicane.  Ce  font  a- 
inufoiresj  dcquoi  on  paift  vn  peuple  mal  mené, pour  di- 
re qu'on  ne  Ta  pas  cju  tout  misen  oubli.  Ces  autres  font 
de  mcfme  ,  qui  s'arrcftent  à  deftcndre  à  toute  infiance 
«les  forn.es  de  paiierjes  dances  èv  Ipsieux  à  vn  peuple  a- 
bandonné  à  toutes  lortes  de  vices  exeçrables..v/.t/e  Mon^ 
tugne  un^.Uu.dti  Ej]ah,ih.ç}. 

V  AIS^IT'E  du  monde  magnifique- 
ment reprefentee. 

P\lii.ivvic  furnomméîe  15on,Ducde  Bourgongne, 
de  la  mémoire  de  nosanccftres,  eilantà  Uruxelles 
2UCC  fa  Cour ,  &  le  promenant  vn  foir  après  fbupe  par 
les  lues  delà  ville,  acompàpié  de  quelques  fïcns  fami- 
liers, trou  ua  couché  tout  de  fon  long  furie  paué  cer- 
tain arti  fan  fort  yurc  ,  &quidormoit  profondement. 
!{1  plut  au  Prince  faire  preuue  en  cellartifan  delà  vani- 
té de  nolbe  vic'jde  laquelle  parauant  ilauoitdeuifé  a- 
jyec  les  familiCii.    Donquc5>  il  tait  uUeucr  ce  dormeur» 

le  port«^ 


dr  mémorables.  y  05 

le  porte  en  Ton  palais:  le  fait  coucher  en  vn  des  plus 
magnifiques  lids  du  Prince ,  lui  mettre  en  tefte  vn  pré- 
cieux bonnet  de  nuiftjle  defpouillerdela  fale  chemife 
cju'il  porcoit ,  &  le  veftir  d'vne  autre  de  fin  lin.  Quand 
i'yurongneeutcuué  Ton  vin, &  commença  àfercfueillcr 
voici  arriuer  autour  de  luft  des  pages  &  valets  de  cham- 
bre du  Duc,c]ui  tirent  les  rideaux,  font plufieurs  grandes 
reuerenccs,lui  demandent  i  teftc  nue ,  s'il  lui  plaifoit  de 
Te  Icuer  &:  quels  habillemens  il  vouloir  veftir  ce  iour-là. 
On  lui  apporte  des  veftemens  trefprccieux.  Cenou- 
ueau  Monsieur  eftonné  de  telles  careHes,  &  nefcachant 
s'iiiongeoit  ou  veilloit,  fe  laifTc  veftir  &  mener  hors 
de  la  chambre.  Grands  Seigneurs  fe  trouuent  qui  lefa- 
luent  en  tout  honneur,le  mènent  à  la  meflcjOH  en  gran- 
de cérémonie  on  lui  baille  à  baifcr  le  liure  desEuangiles, 
&  la  paix  ,  comme  on  faifoit  ordinairement  au  Duc. 
De  la  mefteon  leremeine  au  palais  :  il  laue  les  mains» 
&eft  aftls  à  table  bien  garnie.  Apres  difné  le  grand 
Chambellan  fait  apporter  des  cartes  &vne  grand' fom- 
mc  d'argent.  Le  Duc  fantaftique  iouë  auec  les  princi- 
paux de  la  Cour.  Puis  on  le  mcine  promener  au  iar- 
din  ,  &  de  là  prendre  l'esbat  de  laçhafie  du  heure, 
&du  vol  de  roifeau.  Il  cft  ramené  au  palais  &  foup- 
pe  magnifiquement.  A  la  clarté  des  chandelles  ,  les 
ioueurs  d'inftrumens  commencent  i  Tonner,  &  les  ta- 
bles leuces  les  gentil-hommes  &  Damoifelles  fe  pre- 
nent  à  danfcr,  on  iouc  après  vne  plaifuntecommedie,  li 
collation  s'enfuit,  ou  Ton  prefente  force  hipocras  &  vin 
précieux  ;  auec  confitures  &  dragées  de  toutes  fortes  à 
ce  Prince  de  nouuelle  impreftlon:  tellement  qu'il  s'eny- 
ure  &  s'endort  profondement.  Sur  ce  le  Duc  comman* 
dequ'onle  defpouille  de  tous  fcs  riches  hab;llemens. 
Il  cft  reuei^u  de  fes  lambeaux ,  &  reporté  en  la  mefmç 
place,  ouUauoitefté  trouuélefoir  précèdent  ,  où  ii 
paûTa  la  nuid.  pfucillé  le  matin  ,  il  commence  à  fe  fou* 
nenirdcce  qui  lui  eftoit  auenu  auparauant,  ne  fçaiç 
Ç\  c'eftoit  chofe  aucnne  ,  ou  quelque  fongç  qui  lui 
cuft  brouillé  le  cerueau.  Finalement  fur  le  choc  dç 
iiuers  Uifcyurs ,  il  coiulud  que  ce  n'cftoit  que  rcfuciiq 

li  4 


î  o  4  Hifîoires  admirables 

de  tout  ce  qui  lui  ertoit  auenu  ,  &  en  enrrctintain fi  fi 
femme,  fcs  cnfans ,  &  fcs  voifins,  fans  en  auoir  autre  ap' 
prehenf-on. 

Ccile  liiftoiie  me  ramentoit  ce  que  dit  Scnecquc 
fur  la  Fn  defa  59.1etcreà  Lucilius.  Nul  nepeut(dic-il) 
s'efiouir,s'il  n'e!-t  magnanime,  iufte ,  tempérant.  Quoy 
donc  ?  les  mefchans  foi^t-ils  priuez  deioye  ?  ils  font 
joyeux,commeles  Lyons  quionttrouuë  proyc.S'eftans 
faoukzde  vin  &  de  paillardife  ,  ayans  paflc  la'nuid  à  ca- 
blcquandles  voliiptez  verfecs  dans  ce  vaifl'eau  du  corps, 
trop  eiboicpouren  contenir  tant  commencent  à  fup- 
j'Urer,  cts  miferabies  s'efcrieut  auec  celui  dont  parle 
Virgile, 

Ta fçaii, comme  a»  milieu  cf-vn  faux  ^  'vain  déduit 

A'  ota  ako?:s  acheté  noj'tre  demie  fe  nui  fi. 
lesdifloluspairentla  nui  â:,  voire  la  dernière  ,  parmi 
desfaufles ioycs.  Somme,  autant fert  à  Tartifan  rufmcn- 
lionné  ce  magnifique  traitement ,  qu'vn  fonge  qni  paf. 
fc.  Et  ce  ficn  beau  iour  &  ics  ans  d'vne  vie  mefchante  ne 
différent  que  félon  le  moins  &  le  plus:  II  a  ronç,ci4.heu* 
les:  les  autres  mefchans  quclquesfois  24.  milliers  d'heu^ 
res.Ceft  vn  petit  ou  grand  fonge  ;&  rien  d'auantage. 

VANITE  fuYÏenfe. 

BERNARD  Scardeon,  au  troifiefme  liurc  defon  hi- 
loire  déPadoue,  récite  que  deux  frères  germains 
de  famille  honnorr.ble,  cftans  vn  iour  d'elle  en  certaine 
icur  maifon  champertre,apres  foupé  dciccndircnr  àTcn- 
trce  du  logis  &  «îeuiftns  tout  debout  de  diucrfcs  chofes, 
commencèrent  à  contempler  les  ertoilcs  luifantes  lors 
en  grand  nombre,commeil  auient  en  temps  lernin.  A- 
lors  vn  d'iceux  commence  à  dire  en  riant,  le  voudrois  a- 
lîoir  autant  de  ba-uh  d  moy  aparté n ans,  que ie  voy  d'é- 
toiles. L'autre  refpondant  de  mefme,&moy,ie  voudrois 
auoir  à  moy  vn  pré  auili  long  &  large  que  toute  Teftcn- 
duc  du  ciel  :  puis  fe  tournant  versfon  frerc.adioufta,  Ou 
tneaciiez  vous  paiilrc  vos  bœufs  ?  £n  Vûikepi'é  repli- 


érmemorahles.  505 

«que  le  frère.  Ouy  bien  flic  voulois,  fit  l'autre.   Maiigré 
bongréquevous  en  euffiez  recharge  celui  des  bœufs. 
MauL^ré  moi  ?  recommence  l'autre.  Ouy,Ouy,  réplique 
encor  le  frère.  Ainfi  conteftans ,  le  ieu  fe  conucrtit  en  C\ 
îudeeflrif,que  des  langues  &  paroles  picquantcsilsvm-  ^ 
drcnt  aux  mains  &  defgainans  leurs  /cfpees  fe  tranfper- 
cercnt  Tvn  l'autre ,  tombans  qui  çà  ,  qui  là ,  veautrcz  en 
leur  fang.Lesdomcftiques  qui  les  auoyent  entendus  de- 
batre  de  paroles ,  acoururent  au  bruit  des  efpees ,  &  les 
emportèrent  dedans  la  maifon  ,  où  ils  expirèrent  incon- 
tinent, rh.  Zuiiiger  Mt  iMi*rc  ditpremier  wlttme  defon^raud 
thcxtrc  de  la  "vie  hmnaiuf.. 

Nous  auons  vn  autre  hiftoirc  de  noftre^  temps  réci- 
tée par  P.  luftinian  au  14.  liure  de  i'hiftoirede  Vcnifc, 
non  moins  tragique  que  la  précédente.  Cofme  Duc  u€ 
Florence  entre  autres  fils  en  auoitvn,  Cardinal,  nom- 
me Iean,prince  de  grande  efperance.Icelui  eTcant  ailé  à 
ia  chaflcauec  deux  Hens  autres  frères  Fcrnand  82  Gar- 
iîas,  luiuisde  quelques  pencils-homme^ ,  lcu:S  chiens 
fontleucr  vn  lieure ,  qu'ils  pourTuyu-en':  en  raie-campa- 
gne, &  l'arrelient.  Sur  ce ,  les  frères  enriciit  en  debar, 
chalcunfouftenant  que  les  chiens  auoyent  fait  la  def- 
couuerte&laprinfe.  De  parole  à  autre  lis  commencent 
à  fe  picquer  &  iniurier.  Le  Cardinal  ne  pouuant  fouf- 
fvirvnmot  plus  haut  que  l'autre  ,  donne  vn  fouftietà 
Garfias.  Lequel  outré  de  cholcre ,  met  lainam  à  rcfpee, 
&  blefle  fi  rudement  le  Cardinal ,  que  toft  après  il  rend 
l'amc.  Vn  àts  feruitcurs  du  Cardinal  fe  rue  fur  Gardas» 
ÔcToftcnce  dételle  forte  qu'il  fuit  fon  frère  au  bouc  de 
quelquesiours.  Ainiî  pourvn  rien  ,  en  peu  d^heiiîesle 
Duc  Cofme  perdit  deux  fils.  i-h.  Camerdriuscnjesmeduu- 
ii'oiis  hijlori(jues.chaJJ.9i. 

Quelques efprits  turbulens,  indignes  d'eftre  nom- 
mez, jemerent  querelle  entre  George  &  Albert,  Mar- 
quis de  Brandebourg;ce  qu'ils  étendirent  &  acreurenc 
lidextrcmcnt,  que  ces  deux  Printcs,  confins  germains, 
dcuindrent  tout  à  fait  ennemis  Lvn  de  l'autre,  &  par- 
tagèrent les  biens  qu'ils  auoyent  parauant  en  commun, 
&  en  firent  dreiTcr  des  conua<^s  authentiques.  George, 


J  0  ^  Hijloires  admirables 

le  plus  vieil,  ayant  dclongucmain  vcu  c) u' Albert  felaïf^ 
foit  manier  par  gens  tjui  le  pouireroyent  tînalemcnt  en 
plus  grand  trouble ,  print  vne  rcf<ilurioJi  cjuc  la  cholcrc 
lui  faggc^a.  Car  ayant  entendu  qu'Albert  eftoit  venu 
à  Ncuboug,  fans  en  dire  mot  a  perfonne  il  lui  efcrit  de 
famam,  que  voyant  Albert  lui  dire  &  faire  beaucoup 
<l*indignitez,  il  ne  vouloir  pourtant  efmouuoir  guerre: 
ni  permettre  que  les  pauurcs  fuieds  innoccns  ,  &qui 
ne  fçauoyent  que  c'eftoit  de  telles  querelles ,  en  payaf- 
fent  la  folle  enchère.  Qu'il  faloit  vuider  ce  différent 
entre  eux  deux.  Pourtant,  encores  qu'il  fuft  beaucoup 
plus  vieil  ,  ilprefentoit  le  combat  au  marquis  Alberr, 
rauertiflant,  (s'il  aimoitfon  honneur)dc  fe  trouuer  feul 
i  cheual,  armé  en  Prince  &  cheualier,  en  certain  lieu  & 
endroit  efcarté  ,  qu'il  lui  marquait  auprès  êLwnc  foreft: 
où  il  le  trouueroitainfi  &ain(î  equippé.  Qu'iUec  eux 
<Ieux,  fans  autres  arbitres ,  viendroyent  aux  mains  & 
mettroyent  fin  à  tous  leurs  débats.  C^'auec  fà  barbe 
blanche  il  vouloit  attaquer  &  ioindre  le  poil  fplet  & 
roux  d'Albert.  Il  ferme  Tes  lettres;,  appelle  vn  iîen  page, 
Polonois  de  nation  ,  lui  commande  fort  exprès  de  les 
porter  au  marquis  Albert,  &  neles  bailler  à  autre  qu'u 
lur.  Le  page  voulant  exécuter  le  mand;jment  de  loti 
Prince,  pouruoit  à  fon  4çpait.  Mais  comme  il  vouloit 
montera  chenal  vn  autre  page  fciouantàlui  ,  &  ma- 
niant imprudemment  fa  pirtole,  ladeflachcfansy  peiv- 
fer,&  tue  ce  page  Polonois.  Onle  vifîte&  dcrpouillc: 
les  lettres  dont  il  eif  trouuc  lailî  fon  rapportées,  &  l'iiir 
tention  du  Prince  defcouucrte  parles  Confcillersjon  lai 
lemonftre  fcricufemcnt  fur  tout  ce  qui  clfoit  furuenu, 
&  l'arred  que  Dieu  fembloit  lui  donncr.Il  changea  d'a- 
uis,  &fuiuit  d'autres  expediens  ,  faifant  grâce  au  page 
mal  auifc  qui  auoit  imprudemmeut  tue  l'autre.  Cela  a- 
uint  Tan  1541.  vh.  Camerariits  en  a  fttcfme  ^i,  cha^.  de  fts 
■fMcUi^tmn î  hijïorUjues. 


y  EN-* 


VENGE  ANCE  horrihlç^. 

LAferuitudc  extrême  veut  eftre  doucement  maniée, 
•utrementellecouue  vn  horrible  feu  de  defefpoir. 
Vn  gentil-homme  Efpagnol  nommé  Don  Riuiero  de-: 
nieurantenTifle  Maiorque,  entre  autres  efclaues  auoic 
vn  More,  contre  lequel  s'eftant  vn  iour  courroucé  tort 
afprciTjent,  il  lui  donna  tant  de  traits  de  corde  ^  que  le 
pauure  efclaue  fut  fur  point  de  mourir.  Mais  efchappé  il 
feignit  plus  d'affcdion  de  bien  fcruir  Ton  maiftre  que 
parauant.Kiuierp  auoit  vneforterefle  ou  n'y  auoitqu'v- 
11e  auenue  bien  gardée  d'vn  profond  folle ,  &  dVn  pont 
ieuis,  lequel  haulî'é  celle  place  eftoit  imprenable  fors  à 
coups  de  canons,  ayant  la  mer  qui  battoit  au  pied  d'vn 
roc  fur  qui  elle  eftoit  baftie.Vn  iour  Riuiero  eftant  allé 
loin  de  Ton  logis  à  la  chafte ,  le  More  voyant  Toccaficn 
&le  temps  venu  de  fc  venger,  fur  tout  pource  que  la 
Dame,femme  de  Riuiero,qui  auoit  vne  maifon  au  vil- 
lage prochain  ,  eftoit  venue  en  la  forterelîe ,  pour  voir 
fur  la  mer  ans  galères  qui  y  flottoyent ,  &  auoir  le  plaifir 
de  Tairjfe  iettp  après  Schauftc  le  pont,  empoigne  la  da- 
ine, tklajieà  yngros  coffre  en  vne  falle  bafi^e  près  vu 
petit  lia:  verd ,  &  enferme  Tes  trois  enfans  qu'elle  auoic 
menez  auec  elle,dans  vne  chambte  prochaine  :  puis  il  la 
viole  honteufemcnt  :  &  comme  nu  cri  d'elle  &  des  en- 
fans  les  villageois  fulfent  allez  quérir  Riuiero  ,  quia- 
^ourt  en  diligence,  ie  Morp  nefé  fouciant  de  menace  ni 
<le prières  lui  ictte  parles  fcncftrcs  furie  roc  fon  fils  ail^ 
jié,aagé  d'enuironlept ans,  lequel  futaufli  toftefcrafé 
que  tombé.  Le  pauure  gentil-homme  réduit  com- 
me au  deferpoir  eflayc  d'adoucir  le  cruel  More  pour 
fauucrlc  rcftç  ;  &  le  More  feint  y  entendre  ,  mais  à 
cojidition  que  Riuiero  fe  coupaft  le  nez  ,  pour 
réparation  des  tors  qu'il  auoit  faits  à  Ton  efclaue. 
Penfant  gaigner  quelque  chofe  en  fe  mutilant  ainfi, 
au  gré   d'vn  qui  fc  glorifioit  d'auoir  honni  fa  femn^e. 


5^  8  Hîjloïres  admirables 

&  c]ui  vcnoir  ce  meurtrir  fi  cruellement  Ton  nîsailnc;, 
lîeantnioinsfe  coupa  le  ncz,cIont l'cfclaue  merucillcufc- 
mentioyeuxciiiieude  rabacre  quelque  chofe  de  lafe- 
lonnic  dermcfurcc  ,  fe  mocquoit  de  tout  ce  qu'il  auoit 
promis, &  tic  b  iîmplcfle  defon  maiftre,  empoigne  in- 
continent les  deux  autres  petits  cnfans  par  lespieds,lc!> 
febilîc  de  plufîcurs  coups  qu'il  donne  de  leurs  tcftes  co- 
tre les  murailles,  puis  les  iette  fur  le  rocher  après  leur 
aifné.Etfe  fouciant  aufli  peu  de  cris  de  la  populace  a- 
maflee  à  ce  terrible  fpedacle,  que  de  ceux  de  Ton  mai- 
Arcempoigne  la  Dame,  laquelle  il  efgorge  en  prefence 
<îetous,S:  précipite  le  corps  du  plus  haut  de  la  tour  en 
bas. Quoy  fait efcumant  deragcilfeiettela  tefte  deuanc 
fur  le  roc  du  collé  de  la  mcr:&  fe  brife  en  pièce  ,  finiilanc 
promptementfa  detellec  vie,à  Textreriie  regret  de  Ri- 
Miero,qui  n'auoit  peu  fauuer  aucun  àcs  ficns,ni  chaftier 
ce  furieux  efclaue  félon  fes  démérites.  Plufîeurs  ont  def- 
crit  celle  hiftoire  en  Efpagnol ,  Italien  &  François  fort 
ainplement.-maisien'ay  peu  ni  voulu  la  faire  pluslon- 
çue^cftant  Çi  eftrange,qie  ie  tremble  toutes  les  fois  que 
i  y  penfe.  H//?.^'jE:Ç^»«e. 

L'Abbe  de  Sainci  Simplician  à  IVIilan, ayant  donné  vn 
foufflet  à  vn  C\Qn  more  ,  la  nuid  fuiuante  ce  barbarejc- 
<)ucl  auoit  feruiTAbbé  plus  de  trente  ans  ,  lui  coupa  la 
gorge,lors  qu'il  eftoit  au  plus  profond  de  fon  fommeil. 
iiifi,  d'Italie, 

F  E  RS  au  corps  humain. 

LE  fils  d'vn  bouchernommé  Laurent,  aagé  de  fept 
ans,maladc  de  vers  qui  le  tourmentoyent,  demeura 
trois  lourj,  comme  mort,  n'eilant  iuftanté  que  de  Uruua- 
ç,e  comp(;fe  d'eau  de  gvamen  auec  vinaigre  &  fucre.  Au 
ruituefn-je  iour  on  lui  fit  aualer  vnc  porion  d'aloes,  ce 
nivrre  &  de  fafran.qui  lui  fit  ietper  par  bas  cent  quarante 
huit  veis-.quoy  fait  il  i"e  porta  bien,  ^ennicniiti  an  chu^M* 

l'ay 


î'ay  conu  vne  femme ,  aagee  de  plus  de  quarante  ans» 
îatiuclle  affligée  de  fois  à  autre  de  griefues  douleurs  eu 
l'ellomach  iointes  à  grand  degouftement  &  enuiede 
vomir,  ayant  vfé  de  la  confeâion  nommée  hiera  pi^r-a, 
fit  enuiron  quarante  grands  vers.  Dodoneatt  en  Hobfcruutio-* 
fur  ce  ^). chapitre. 

I'ay  gouuerné  malade  vh  vieillard  aagc  de  huitante 
iieuxans.Et  ne  conoifTanr  pas  de  prime  face  fou  mal,a- 
unit  qucm'aprochàt,  lefenti  qu'il  auoic l'haleine  puan- 
tcscooime les  petis  enfiins  qui  ont  force  vers.  le  delibc- 
ray  lemedicaraentcr  comme  vn  corps  plein  de  telle  or- 
dure. Lors  il  fcmbloit  comme  mort:  &lc  grandaiaiftre 
d'hoftel  du  Duc  de  Fcrrarc  auoit  ia  commande  que  i'oii 
apreftart  tout  ce  qui  eftoit  requis  pour  la  fcpulturedc 
ce  perfonnagc.  le  lui  iis  prendre  vn  bruuagc  propre,  ou 
il  entroit  du  fcordium  &  de  la  moufle-  de  mer,au  moyen 
dequoy  il  fe  defchargca  de  plus  de  cmq  cens  vers  ,  ^xi  fut 
guéri.  Cefut  vne  cure  carueilercnr  jen'euffeiamaispen-. 
le  qu'vn  vieillard  décrépit  euft  eue  atteint  de  tel  mal. 
"Rrafuml  au  commentaire  jUr  le  i6.  f^phoyifme  du  ^.liitre 
d' H  ipp  ocrâtes, 

Vne  ieune  (îlle  Candiote  demeura  huid  iours  fans 
parler,  &  les  yeux  ouucrts ,  laquelle  ayant  ietté  quaran- 
te  deux  vers  non  meflez  auec  excremens  quelconques» 
fut  guérie,  ,_Akxandre  -Rencdici. 

L'an  1545.  ie  vi  certanie  Damoifclle  ,  qui  en  peu  de 
iours  poulla  hors  mille  vers  ,  &  quatre  cens  en  1  efpacc 
de  quatre  heures,les  vns  morts  ,  les  autres  vifs,  &  depuis 
celle  vuidangefe  porta  bien,  p.pjw/  ^erede,au\.uHrc  de  la 
guerifondei  muladieSychap.S. 

I'ay  veu  vn  malade  qui  toute  a  vne  fois  vuida  par  cm- 
bas  cent  feptante  fept  vers,  dùncin^ati  treiz,tefine  chu,  du 
Commentaire  de  Ittmbncps. 

Le  Doiftcur  ManuelEetulcius  auoit  vn  petit  garçon- 
net aagé  de  quatre  -ns  nommé  Sixte  ,  lequel  fut  atteint 
d'vne  grofle  &  extraordinaire  Heure  ,  côiointc  auec  dou- 
leur de  teile,toux,grande  altération,  tréblemcnt  en  dor- 
mant, haut-CTi ,  qui  ma  fît  dire  qu'il  eiloit  plein  de  vers. 
-Au  moyen  dequoy  luiayanr  fait  boite  vne  décoction  de 


5 1  o  Hiflûires  adintrahles 

Tanacetou  Tenafic,  trois  matins ,  il  icttaplusde  ccnf 
Vers d'vn  pied  de  long  :& fut  foudainement guéri  delà 
ficure  &  de  tous  autres  accidens.  V-vtcker  enfesol)fert*ur 
rions. 

Vne  ieune  fille  ayant  ietté  vn  grand  ver  rond  ,  le  pcre 
l'efcrafa  ,  &  le  trouua  tout  plein  d'autres  vers.  Lafill^î 
pleine  de  cefte  vermine  mourut  au  bout  de  quelques 
iours.AïïiMus  Portu^.iii  en  la,  ànqmefme  Centurie,  Cure  qua^ 
r  un  te  fi  y. 

Vn  garçonnet  de  quatre  an';  fort  tourmenté  des  vers, 
après  pkidcurs  remèdes,  fit  par  bas  vne  veille  ronde  co- 
rne vnefteuf.  La  mère  Touurant  en  prefence  d'autres, 
trouua  Li  dedans  enclos  plufieurs  milliers  de  vermil^ 
féaux.  L'cnfaut  penfé  foigneufem.ent  fut  remis  fus  toft  a- 
pres.E»/^  z.Centurie^Cure  ^o: 

l'ay  veu  vne  autre  pelote  pîeiiie  de  vers ,  tous  enchai- 
iiez  &  attachez  les  vns  aux  autres ,  &  peiifoit-on  de  pri- 
me face,  que  ce  n'en  fuft  qu'vn.  La,  mefine. 

C'eil:  merucillesdecc  qu'Erafme  raconte  en  certaine 
harcnguefaite  àlalouangede  la  faculté  de  Médecine. 
Il  dit  auoir  veu  vnltalietr,  lequel n'auoitiamais  veu  ni 
hanté  l'Alemagne,  ni  liure  ouhoitime  decerte  nation, 
ou  autre  qui  en  fceufl:  rien  :  &  toutcsfois  narloit  bon  A- 
Icman, tellement  qu'on  l'eftimoit  démoniaque.  Ayant 
cfté  penfe  parvn  dode  Médecin  ,  Se  par  le  moyen  d'vn 
breuuage  dcfchargé  d'vn  fort  grand  nombre  de  vers,  il 
fut  guéri  de  fa  maladie,  mais  iln'entcndiB  ni  ne  parla, 
plus  Aleman.  C4r<^.în.  an^.tthre  de  la  dinerfité  des  chojèsych^- 
fitrc^S.  . 

l'ay  vendes  enfans  tellement  tourmentez  des  vers, 
qu'ils  en  enduroyent  des  conulfionseliranges,&  (î  rôdes 
qu'ils  touchoyent  prefque  de  leurs  talons  à  leurs  telles; 
Trincaftcl  an  ^.Uure^ch.ip.li.de  rattotte  ci*rund.part.  hitm.corpo 
affeclus. 

Jean  Baptifte  Cauaîhire  dofte  médecin,  m'a  protefté 
auoirvcudes  vers  fortispir  le  nombril  d'vn  enfant  de 
trois  ans.OmntboKHS  at*  quatriefme  liure  chap.  13.  di*  traicié  de 
laquer kion  des  enjavs. 

Maiilrc  Pierre  Barque  Chirurgien  des  bandes  Fran- 

£ûifcs/ 


drn^eTvorahief,  ^]i 

'«o!fes,&  Claude  le  Grand  chirurgien,  dem'eurans  àVer- 
dun  ,  m'ontafFcrmë  auoir  pcncé  la  femme  d'vn  nommé 
Gras  bonnet,  demeurant  en  ce  lieu,  laquelle  auoitvn 
apoftemcau  vcntrejdontfortitauecle  pus  grand  nom- 
bre de  vers,  gros  comme  les  doigts,la telle  aiguë,  lef- 
quels  luy  auoycnt  roHgé  Icsinte&ns,  en  forte  qu'elle 
ietta  par  pluiieurs  iours  la  matière  fecalc  par  rvlceie ,  Se; 
finalement  fut  du  tout  guérie.  M.^mbr.Paré  ait  dtxyien- 
fief/ne  Uur.chap,^. 

Vnc  femme  en  la  vile  de  Df^ift  ,  aagee  de  quarante 
ans,enccinte  defcptmois,  tombe  en  fieure  &en  des  ac- 
cident fafclieux:  dont  en  fin  s'enfuit  ouuerture  au  ven- 
tre, par  où  fôrtoit,  nommcmcnr  par  îe  nombril ,  de  l»- 
matière iaune&  puante  comme  les  cxcremens  ordinai- 
res. En  fin  le  dixneufiefmeiour  de  Septembre  1575.  va 
veiayant.'pied&demi  de  longueur  fortit  par  le  nom- 
bril.  Deux  iours  après,  elle  en  letra  vn  autre  plus  grand. 
La  Heure  fe  renforça  le  premier  iourd'Odobre  :  telle- 
ment que  ie  craignois  auortement  :  au  troi/îefmed^ 
nicrmc  mois  fortit  vn  troifîefme  ver  par  le  nombril^ 
moindre  quclesprecedens.Le  i5.d'0(ftobre  ellcaccou- 
chad'vnfils,  &  fept  iours  après  ht  vn  quatrieline  vct. 
par  le  nombril  :&  le  14.  d'Odobre  vncinquiefmeavfii 
grand  que  le  premier.  Et  pource  qu'elle  eftoit  maltrai- 
tée à  caufe  de  fa  pauureté  &  baffe  condition  ,  elle  traiiia 
quelques  mois,  deuantqucrccouurer  fafanté.  P.  Foreil 
ai4  j.UiKobfcr.  55. 

Le  dodeur  h  oulieri  an  premier  lîure  des  maladies  inter- 
nés  y  chapitre  $/^.  efcrit  qu'il  efl  auenu  à  d'autres  ,  que  les 
vers  leur  font  fortis  du  csrps  parle  nombril  &  par  les 
aines. 

Thomoi  de  l^^gue,  en  fun  commentaire  fur  le  5.  chap.  dm 
I.lli*r.de  Gallende  locis ajfci}.  dit  auoir  vea  deux  hom- 
mes tourmentez  des  ^  ers,  qui  les  fentirent  en  vn  inftant 
fortir  par  les  aines,  ayans  percé  les  boyaux  &  les  mem- 
branes qui  les  couurcnt.  La  playe  fut  refermée  à  iVn, 
mais  elle  demeura  ouuerte  à  l'autre  tout  lerefte  de  fa 
vie  ,  &:  par  celle  ouuerturcil  vuidoit  les  excremcns. 
Trincauel.  ait  ^.  llhr.  (hap.  II.  dit  auoir  veu  vn  enfant  de 


ju  H'tjloir es  admir  ailes  x 

cinq  ans,auqud  les  vers  pcrccrciu  le  vcnrre,&fortjren^ 
par  le  nombril. 

l'ay  vcu  Sortir  du  corps  d'vn  homme  va  ver  long  de 
quinze  pieds,  de  lu  largeur  d'vn  grani  de  femencc  de 
courge.  ^Icx.  vcncdici.  en  la  prefence  du  2,1.  liure  du  fa 
pratique.  Au  territoire  de  Siene  certaine  femme  ay-ni: 
beu  de  l'eau  des  bains  qui  y  lont ,  &  condnué  fept  iours 
6t  des  vers  de  celle  longueur.  Ils  cftoyent  tcUemenc 
attachez  Tvn  à  l'autre  ,  qu'ils  failbyent  vn  tour  de  qua- 
tre coudée  s,&  euft-on  dit,  à  les  voir  de  loin^  que  ce  n'c- 
lloit  qu  vn  grand  ver.  Beniuemus anHj.ch.ip.  l'ay  pcnlé 
ëc  i^ueri  vn  honnefte  perfonnage  ,  qui  tira  par  bas  près 
décrois  aulnes  d'vn  verlargeraurefte  depuis, quoi  qu'il 
Icmblaft  le  porter  mieux,  neâtmoins il  elloit  toutplcin 
dc^  ers,quilui  caufoycnt  par  fois  vn  furieux  appétit  de 
manger,  Sctoil  après  vn  inerueilleux  defgoultemenr. 
Dodoneau  en  l atmotution  fur  ce  87.  chiif.  l'ay  ^  eu  de  tels 
vers  larges  &  de  longueur  prcfques  incroyable  à  la  Mi- 
randole,au  grandcsbahiAernencde  ceux  qui  eifoyenc 
auec  moi .  Aiuinard  en  Lil.epijlre  du  ^.Inu 

Vn  aune  Medecin,renommé  entre  les  Alemans, nom- 
mé îui;«>  C«ivm/-/«i,  efcritauoir  fait  fortir  du  corps  de 
certain  perfonnage  demeurant  en  la  ville  de  Northufe 
vn  ver  fort  large, de  la  forte  de  ceux  que  les  Grecs  nom- 
ment fi>;/<f5pource  qu'ils  font  longs  &  larges  en  forme  de 
bandelettes,  lequel  auoit  dix  coudées  de  long ,  &  penfc 
que  ce  n'eiloit  qu'vne  moitié  de  ver ,  l'autre  ayant  cité 
parauant  arrachée. 

Vn  petitenfant  de  l'aage  de  deux  ans  &  ountrc  mr.:s 
à  llecineen  Italie  l'an  i-jjS.  Er  vn  de  ces  larges  vers  en- 
tiers &.  de  prodigieufe  longueur  ,  pour  lequel  voir  a- 
courutprefque  toute  la  ville  :  car  ce  ver  long  de  pUi- 
iîeurs  aulnes  fut  gardé  vif  prcs  d'vn  iour  en  vn  baJlln 
plein  d'eau  ou  il  fc.  remuoit  comme  vn  ver  rampant  fur 
terre.  G-tbucin  au  15,  ch/.p.  de  fin  Coi^nftetitaire  de  Lambrici^ . 
l'ay  veu  vnefemmc  Scla6onne  ,  qui  en  touffantietta 
parla  bouche  vn  de  ces  vers,de  forme  ferpentinc,  &  qui 
auûit  quatre  coudées  de  long.  y^mAtta  Fortu^ut ,  Ceu^ 
tHrk  Çixiefme}  Cmt  7 4. 

Nous 


drmemorMs.  51J 

Nous  pourrions  alléguer  vne  douzaine  d'hiftoires  de 
tels  autres  vcrs.qui  auoyenn  pour  le  moins  vne  aulne  de 
longueur  :  mais  d'autant  que  grand  nombre  d'autres  re- 
lient encores  à  marquer,  ie  m'arrcfteray  aux  principales. 
La  femme  d'vn  SuifTe  au  Cantonde  Zurich,  ieune  & 
fertile,  fut  malade  trois  ans  durant ,  à  caufe  d'vn  de  ces 
vers  larges  &  longs  concreé  dedans  Tes  boyaux.Elle  m'en 
enuoya  vne  pièce  iZurich,aF.n  de  voir  que  c'eftoir,pour 
lui  en  dire  mon  auis,  &la  foulager.    Cefte  pièce  auoit 
plus  de  cinq  aulnes  de  long,  fans  queue"  nitefte  ,  cou- 
uerte  d'efcailles  comme  vn  ferpent,  de  la  largeur  du  pe- 
tit doigt,de  couleur  cendrée.  L'an  1571.  qu'elle  mourut, 
elle  en  ietta  vn  autre  de  longeur  incroyable:  car  il  auoit 
plus  de  vingt  aulnes:&  i'en  vi  vne  longue  pièce  Je  plu- 
îîeurs  aulnes ,  que  Tes  domeftiques  auoyent  dcfiechce  â 
lafumec,  pour  la  garder.  Durant  telle  maladie  ,  cefte 
femme  conceut&acoucha  deux  fois.  Ellantà  ieun,  ces 
vers  la  mordoyent  cruellement:  /i  tolf  qu'cJk;  auoit  beu 
&  mangé  ils  lui  donnoyent  rclafche.  Ce  mal  fut  acom- 
pagné&fuiui  d'autres  griefues  maladies  ,  comme  de 
conftipation  ,  de  coliques, 'puis  d'hydropifîe  dont  elle 
mourut.    T hiid,  Dunm  an  qHDiz^iefme  chapitre  defes  mejlan-' 
ces  de  Médecine. 

l'ayfouucnanced'auoirfait  fcrtirdu  corps  de  diuer- 
fcs  perfonnes  des  vers,ayans  treize  couldees  de  long.  c. 
Gefner  au  3.  Hure  de  fei  epiftres  ipag.  90.     La  femme  à\n. 
SuifTe  m'apporta  vn  ver  qu'elle  auoit  fait,  enuclopé, 
de  foy  meime  comme  fi  c'cull  efté  vn  peloton  de  fil  de 
la  groflcur  d'vn  œuf,  qu'elle  auoit  ietté  par  la  bouche. 
Il  bougeoit  encor ,  &  eifendu  en  ma  prefence  ,  ic  trou- 
ua  de  trois  aulnes  de  long,  efcailicux  &  cendre  com- 
me vn  ferpent.  Vne  miene  parenre,aagee  de  vingtdcux 
an§  affligée  de  tels  vers  tomba  en  vne  faim  infatiable,  & 
arrelt  de  flucurs  menilruiiles.    En  f  n  ,  nature  lui  aidant, 
elle  tira  de  Tes  mains  par  bas  pièce  à  pièce  vn  veç  de  plu- 
fieu»  aulnes  de  longueur  :dont  s'enluiuic  Ta  guerilbn. 
i.  Schenik   en  fjs  objcruatiofn  mcdecmaUs  3   Uh,e  troifiejhie 
>(f/.  io8. 

L'an  mil  cinq  ccnsfoixante  vn ,  le  reiziefme  de  Fe- 


JI4  Hîjlûirâs  Admirables 

uricr  vn  vigneron  d'Arles,  vuida  vn  tel  ver  large  & 
long  ,  par  pièces,  donc  rvnauoit  vingt paulmcs  de lon- 
gueur,rautrc  huid.Cela  lefTembloit  a  des  peaux  déliées, 
ridées, de  couleur  cendree,mollcs.  Apres  que  ce  malade 
fut  deicharge  de  telle  ordure ,  il  efuanouit ,  &  demeura 
fans  pouls  &  fans  vigueur  ;  finalement  fut  remis  au  def- 
fus.  vuL-rioU  au  I.  Hure  obferu.ç.  Tay  monftré  à  des  efcho- 
liers  vn  ver  large  &  long  d'cnuiron  treize  picd^yforti  du 
corps  d'vne  perfonnc.  C. Gemme. 

Les  yerslongs&  larges  ou  plats  tienent  quelquefois 
le  long  des  intelHns ,  &  tels  font  comme  vne  fubftance 
glaireufe  j  dont  vn  nommé  Lucas  Farel  cuifïnier  de 
rArcheduc  Matthias  eftoit  tourmenté  de  trois  en  trois 
mois,  &vuidoit  telle  pourriture  par  pièces,  de  iîx,  de 
dou2e,&  de  quinze  pieds  de  longueur,  ce  dit  ch.deU 
dt*fe  enfes  unnotétions  fur  le  troifiefine  liure  dcsfimPlesde  AIu~ 
nardis  l'enaiveuvn  qui  fortit  hors  d'vne  femme,  & 
ïeflembloit  vn  ferpent,  de  longueur  de  plus  d'vne  toifc. 
Dequoy  ne  fauts'efmerueiiler  ,  veu  que  les  anciens  ef- 
criuent  en  auoirveu  déroute  la  longueur  des inteilins> 
qui  eftfeptfoisla  longueur  de  nollre  corps,  parce  que 
les  boyaux  de  chafcun  homme  ont  telle  longueur  :  &  le 
fcai pour l'auoir  veu,  &:  monftré  quelquefois  es  eu:hoIc? 
de  médecine  à  Parisjfaifantdes  difTedions  anacomiqucs 
en  public.  D'auancagcican  Vvicr,  tres-do<fle  Mcdecii: 
duDucdcCleucs,  elcrit  en  fon  œuurc  dcrirapofture 
des  diables,  qu'vn  villageois  ictta  vn  ver  de  huid  pieds 
&  vn  doigt  de  long  lequel  auoit  la  gueule  prcfqu  c  fem- 
blable  à  vn  bec  de  cane.  AI.  x^mlraift  Pure»  aux  dixiuu- 
fiefme  littre  chap.^. 

Il  y  a  vne  trefdangereufe  forte  de  vers,  naiflans  d'hu-  ' 
mcurbilieufe^  qui  reçoinent  nourriiure  des  medicamcs 
dont  Ton  fe  fcrt  pour  faire  mourir  le?  vers.  On  en  a  veu 
vn  denoftrerempsà  Zurich  lequel  auoit  cnuiron  dix- 
neuf  pieds  de  Ions.  BarthcLmi  C.ivruhteri  en  fesohfsruu' 
lions.  Ayant  fait  donner  vne  purgation  à  certaineifem- 
nie  Alemande  fort  trauaillee  des-vers,  elle  en  ietta  vn 
qui  me  fut  apporté  &trouuéde  longueur  prodigicuie. 
Caijl auoit quaramççijiq  pieds  de  lun^.  Çlkcii  ht  en- 


lé*  mèmorahlesl  yr  j 

jborés  deilx  autres  puis  après,  mais  qui  enfemble  n'eftoy-^ 
cnt  à  beaucoup  près  iî  longs  que  ce  premier,  icn^n^i  Of* 
theaittnfes  obferuations. 

l'ay  vcii  vne  fiUectte  de  quatre  ans  faire  des  vers  tout» 
vifsjdc  vingt  aulnes  de  long.  G.Hamlfergérproffjeur  en  m.-^ 
deàne  à  Tu\)inge,9n  cerÈaines  thefts  di^utees  l'an  1574.  Vnc 
icunepayfanne  de  quatorze  ans  en  pleine  fanré  fit  Mt 
ver  ayant  quatorze  pied  de  long,  i.iajtées  \ -uther  en  fes. 
vbfertt^thns.  Vnc  autre  payfannc  aagee  de  trente  cinc| 
ans,ayant  efté  fort  trauaillee  de  vers ,  en  fit  vn  qui  auoic 
dixhuid  pieds  delong.Lc  fm/mc.  Certaine  pauure  fille 
payfanne  fit  à  deux  fois  vn  tel  ver  long  &  large  ,  qui  a- 
uoitpres  de  cinq  aulnes  de  longueur.  Ga^.v-uolff.eitfefi 
ohferH. 

Vay  quelcjuesfois  vcu  des  malades  rendre  de  ces  verg 
larges  de  quarante  pieds  de  long  ,  de  telle  impetuofité* 
qu'on  cuft  dit  qu'ils  alloyent  ictter  hors  tripes  &  boy- 
aux.Ces  vers  n'ont  cauitc  quelconque  ,  mais  font  com- 
pofcz  d'vne  façon  de  peau  blanche  jClpaiHe ,  glairettfo 
tachetée  de  noir,&  fans  mouuement.  Elles  relicmblenc 
à  des  aiguillettes  oubandelcttcsjfont  eugendrecs  du  lue- 
pourri  es  boyaux.  Ff//x  l'/^/ertfrt  pi  oLfernatiom.  Vn  bar- 
bier Padouan, demeurant  à  Mantouë  ,  fur  l'autonne  de 
l'an  1^56. après  quelques  atteintes  de  fieures,ietta  vn  dcL 
ces  vers  larges  d'vn  doigt ,  &  de  fept  couldees  de  long» 
tel  que  le  do(fteur  Plater  le  rcprefenre  ci  deiTus.A/^m/L 
Donat  ati  ^.Ua.dejcs  hifloires  admirables  chaf),  'i.6.  I^cs  do~ 
deuis  Schenck&  Qucnts  en  leurs  obleruations  mar- 
<juent  deux  autres  hilloircs  de  tels  vers  de  fîx;,  ou  fcpt,vfc 
de  huid  couldees  de  longueur. 

Ferncl  an  é  Antre  de  fa  Pathologie}  ch,  10.  parle  dWne  au-* 
tre  forte  de  vers,  nommez  Ascarides,  qu'il  dit  fortir  du 
fondement,  d'où  ils  s'attachent  aux  fefTcs  &aux  cuifl'es» 
Et  le  dodttur  laande  lejjen  en  Ces  obferHatio»s,dn  le  meOiie 
racontant  que  le  petit  enfant  dSn  des  premiers  Con- 
fcillcrs  de  l'Empereur  Rodolphe  fécond  ^  affligé  d'epile- 
pfie  ,  pluûeurs  Médecins  aflembltz  pour  confulter  des 
caufcsdu  mal  violent  &  torttrequcnt  ,  fe  trouuerent 
jpcrplcx  &  empef^rhez  à  iça  tefouldre.  leflen  Iç  hi 


^i6  Hijîûires  admirâhles 

d'efmaîllotterjvifîra fondement,  où  il  trouuadcs  Afçarf^ 
rides.  Lorsd'vn  commun  aduis  on  y  <ip]>liqua  dcxtrc- 
ment  le  cautere,&  la  caulc  du  mal  oftce,  peu  à  peu  s'en- 
fuiuit  l'entière  conualefcence  ùc  l'enfant. 

Mais  il  nous  faut  encorcs  propofer  d'autres  hiftoircs  de 
vers  monl^rucux  ,  &  tous  difterens  de  la  forme  commn  - 
nc,afin  que  le  ledcur  voye  de  plus  en  plus  à  quelles  mi- 
feres  nous  fommcs  tous  alluiettis  par  le  péché  ,  &  prenc 
occafion  de  tels  récits  de  s'humilier  deuant  ion  Dieu  £c 
iu^c  fouuerain.  Vn  Chanoine  tourmenté  delacholi- 
queprintdela  confeftion  nommée  hiera  piera,  &ietta 
Tn  ver  tel  qu'vn  laizardjmais  plus  gros  ,  verd,  velu,  &  a- 
yantquatrepiedsjlequclfut  garde  vif  en  vne  phiole  de 
verrc./>/em/*«* rtw4.//«.f^.  19.de  la  .nemoire  de  nosperci;, 
vne  femme  enceinte  à  Cracouie  en  Pologne,fit  Ton  en- 
fant mort,lequel  auoit  au  dos  vn  grand  ver  de  la  forme 
d'vn  ferpentjlequeliongeoit  celle  petite  créature,  lj- 
cofchen.enfon  hijiolre  da  prodiges. 

Vne  icune  fille  de  I.ouuain  enErabant,  aagee  de  15-, 
ansiîîprcs  auoir  fouftert  beaucoup ,  vuida  par  haut  &  par 
bas  des  chofes  eftran[;cs  :  entre  aunes  par  le  fiege  auec 
les  excrcmens  vn  ver  de  pied  &  demi  de  long  ,  plus  gros 
que  lepoulcc,reprefcntantau  vif  vne  naturelle  anguil- 
le. La  différence  eftoit  qu'il  auoitla queue  fort  velue. 
C.  Gemme  auz.litt.ch.z.  A.  Bcniuenius  Médecin  de  Flo- 
rence, elcrit  qu'vn  Charpentier  nomme  Ican,  aagé  de 
4o.ans,eftoit  prelle  d'\  n  continuel  mal  de  cœur,ransre- 
mede.Beniucniuslui  ayant  donné  quelque  potion, auec 
grande  quantité  de  matière  qu'il  rendit,  vomit  encor  vn 
ver  aire7.1ong,ayantla  telle  rouge,  ronde,  &  de  la  grof- 
feur  d'vn  gros  pois,lc  corps  tout  couuert  de  poil  folet,la 
queue  fourchue  en  forme  de  croiflant  ,  quatre  pieds 
comme  vn  laizarà.^mbr.  Parîoit  I9.li:p.(hup.^. 

VneDamoifelle  Efpagnole  retournée  du  Peru  m'at- 
tefta  y  auoir  elle  malade  plufîeiïrs  années  ,  fans  auoir 
trouué  roulagement.Enfîn  vn  Indien  tenu  pour  grand 
herborilfc  ^^nt  la  voir,&  lui  fit  boire  du  lus  de  veruaine 
bien  puiiHe,parle  moyen  dcquoy  toft  après  elle  ictta  vn 
v»jr(qu'ellcappdloitcoulcureau)  tout > élu,  4'^'"  pied 

dt  long. 


^mémorables.  ^ij 

<îelong,&h  quelle.  Quoyfaic  elle  rccouurafa  Hinté. 
fÇ.Alonardisati^.linredesjlrttl)lcs  dun^iHneau-  monde  ^  au  ch. 
de  la  ycrttaine. 

Antoine  Capitaine  médecin  Mantoan  m'a  conté  plu- 
/îcurs  fois  qu'vn  gcntil-bomme  du  lieu  nomme  Lau- 
rent Zaflard  ayant  efté  rrau aillé  dVnc  freure  bilieufe  a- 
compagftee  de  defdain  de  viande,  &  dVn  mal  de  cœur 
lui  faiibitietter  de  grands cris^comme  vn  ver,lequel  vef- 
cut  fcpt  heures  d\  n  pied  de  long,ayant  deux  cornes  ea 
telle,  &  cent  pieds  de  chafque  cofté ,  dont  il  faifoit  des 
démarches  eftranges,  de  couleur  rouflaftre  &  de  forme 
plate.  A/rf)rf//.  Douât. au  /^.Uu.defcs  hij}.ch.l6. 

Boniface  Coc  de  Padouëauoitvn  petit  fis,  qui  de- 
meura pafmé  &  comme  mort  rcfpace  de  fix  heures.Fal- 
lopius  dofle  Médecin  lui  donna  quelque  remède  à  Tai- 
de  duquel  il  rcprint  Tes  efpritSi&vnc  heure  après  fit  plu- 
sieurs vers  iufquesà  quarante  :  entre  Icfquels  s'en  trou- 
ua  vn  noir,velu,i  deuxteftesj&  d'vne  couldeede  long 
qui  vefcut  trois  iours.  Schemk  en  Cobfermtion  2.18.  dn  3.  /t- 
me. 

Vne  fillette  de  neuf  ans  ayant  prins  de  la  poudre  à 
vers,ietta  hors  des  petites  chenilles  viues.  Dodonean  en 
l\ximotMuonfur  Ij  58.  chap.  de  Beniuenim.  Medecinant  vne 
Vieille  malade  depleurcfie ,  elle  ietta  vn  efcharbot  noir, 
ayant  les  pieds  noirs,  des  comeslongnes&  molles,  mar- 
querettes,vif,plein  de  pus,long  de  deux  doigts.  Gefneraa 
^.liure  def.sepisîresjp.ig-^^. 

Fay  veu  vn  verqui  n'^eftoit  pas  plus  long  que  quatre 
doigts  en  largeur,  tel  que  font  les  ronds  ,  maisayantle 
dos  velu  &  çouuert  de  poil  roufl'aftre.  Ce  ver  auoit  tour- 
menté certain  ieune  homme;tcllement  qu'on  n'y  atten- 
doit  plus  de  vie:mais  en  fin  à  l'aide  d'vn  bruuage  conue- 
iiablcil  vomit  le  vcr,&  ainiî  refchappa.  Gabttdn  an  conf 
ment.de  Lwnbriasjch.l^. 

Vncoufturier  en  Languedoc  ,  non  gueresloin  de 
Montpcdier,  Jbulagé  de  diuers  remèdes  en  vnefieurc 
eftrangequileprefl'oit,  vomit  finalement  vn  ver  ayant 
trois  quartiers  de  long,  ron d,  efpais,  &  vif,aucc  force  hu- 
meur bilieufe  ôcaoïre.  QaC^.  K'^olf.  enfes  ohferH.'.mn^ 

Kk  5 


*5iS  Hiflû  ire  s  admirables 

Vn  SuifTc  du  canton  de  Zug,hommc  robufte,rentant 
•Jifclque  d'ordinaire  ie  ne  fçay  quoi  qui  le  picqiioitjà  l'o- 
rifice de  l'eftomach  ,  foulage  par  quelques  potions  con- 
licnables ,  vomit  fort  grand  nombre  de  vers ,  de  deux  & 
trois  pieds  de  long.  Là  mcfme. 

VnehlledelaBrieleen  Hollan(îc>  vomit  vnc  grande 
c|uantité  de  vers ,  qui  plus  eft  vn  an  après  elle  rendit  par 
la  bouche  des  efcarbots  que  la  mcre  me  môftra,m'affer- 
inant  en  auoir  gardé  vnqui  auoit  vefcu  deuxiours.  p, 
Worejl.ait  iH.llti.obJènt.ip. 

L'an  1c78.au  mois  d'Oftobre,  Thienete  Charrier  de- 
tiieurant  à  fainft  Maur  les  fofle?,  femme  vefue  aagee  de 
quarante  ans,malade  d'vue  fieure  tierce?  vomit  au  com- 
Incneement  defon  accès  grande  quantité  d'humeur  bi-< 
lieux,  auec  lequel  elle  reietta  trois  vers,qui  eltoyent  vc- 
lus,&dutoutiemblablesen  figure,couleur,  longueur,& 
îgrofleur  à  chenilles,  fînon  qu'ils  eftoyent  plus  noirs,Ief- 
tquels  depuis  vefquircnt  huiâ:  iours  &  plus,fans  aucun  a- 
îiment.  Et  furent  iceux  apportez  par  le  barbier  dudit 
lain<fl  Maur  à  M.Milotdoftcur  &le<5leur  es  efcholes  en 
^'îedccmc  ,  qui  penloit  lorsladiteChartier,  &  me  les 
xnonftra,  comme  auflià  plufîeurs  autres.  Aï.  K^îmlroife 
Tarèau,xe^,ltu.ch.\6. 

Adiouftons  cncor  quelques  hiftoircs  de  vers,produits 
-(tn  diucrsciidroits  du  corps  humain,  pour  cnfeignemcc 
j)lus  exprès  de  noftre  mifcrable  a  anité.  Traitât  en  Pied- 
Tnontvnfoldat,  laquay  dcdefund  Monfieur  de  Gou- 
laincsjlequel  auoit  efte  bleffe  d\n  coup  d'cfpee  fur  l'os 
parietnl,au  bout  âc  quelques  femaints  le  pcnlant,  ic  vis 
foi  tir  certaine  quantité  de  vers  dedcifous  ceftos  pour- 
ri;, par  aucuns  trous  dclapourrituie  ,  qui  fut  caufe  de 
me  hiire  haftcr  d'extraire  &  leucr  ledit  os ,  lequel  bran- 
loît  long  temps  auparauaMt:&  deffus  la  duie-merc  trou- 
liai  ou  nature  engendre  chair  troiscauitc?.  à  mettre  le 
foiilcejrempliesdcAersgronflans  &  mouuans,  lefquels 
eRoyent  chafcun  de  groifcur  enuiron  d'vn  fer  d'aiguik 
lette,âyansla  ic'îic  noire. ^^tnhrDife  Paré  au  ^.liureihapi' 

'Plulkurs  4o»^cs  Medj^cuis  de  n^itre  ctipps  entre  :>u- 


^mémorables,  51^ 

ires i.HoM/*>r  au  i.liu.  des  maladies  internes.,  chap.i.  l. 
ioi*beri:d.u.  ç.cha.du  traidc  des  playcs  de  la  telle,  AîontHii* 
&i  Veq^A  cienenc  qu'on  void  louuenr  des  vers  es  cerneaux 
dcpiuiîeursperfonnes ,  comme  aulTi  en  d'autres  parties 
du  corps.  BalthaTar  Cenradm  au  lo.  chap.  dç  Ton  liure  de 
laficure  peltilentielie  en  Hongrie ,  efcrit  auoir  veu  des 
vers  fortans  de  diuers  endroits  des  corps  atteints  d'icellc 
iîeure,nommement aucuns  alfez longs,  qui  prenoyenc 
iflue  par  les  oreilles ,  nccelîairement  nez  &  produits  es 
ventricules  du  cerueau.  Pourcantaufli  les  Hongrois  en 
diuers  lieux  nommoycnt  celle  ficureleverdu  cerueau. 
C.Gemme,  en  l'apendicc  de  fonColmocriticjfait  mention 
d'vnt  femme  des  pays  bas ,  à  cjui  citant  morte  de  Heure 
pellilcntitlle,  Ton  ouurit  le  tell,  &  fut  trouué  force  pus 
autour  de  la  fubftance  du  cerueau ,  auec  vn  nombre  in- 
croyable de  vermifleaux  &  de  punaifes.  i.  Uoulier  efcric 
en  fa  pratique  ,  auoir  traité  vn  Italien  tourmenté  d'vnç 
extrême  douleur  de  terte>  dont  il  mourut.  Et  l'ayant  fait 
ouurir  fut  trouué  en  la  fubftance  du  cerueau  vn  animal 
femblableà  vnfcorpion  ,  lequel  comme  eftimeledic 
Houlitr,  s'eiloit  engendré  pour  auoir  ceil;  Italien  conti- 
nuellement fen  ti  &  porté  de  rherbc  nommé  bafelic. 

Vne  ieune  fillette  d'enuiron  huidans  tombée  en 
pafmoifon,  demeura  fcpt  iours  fans  parler,  feotir,  ni 
hiouuoir,rerpirantfort,Si  ne  prenant  nourritureque  de 
bouillon  ou  decodion  de  pourpié.  La  mère  voyant  fa 
fillette  fï  rudement  frappée  à  la  telle,  lui  donne  vn  fup- 
pofitoire,  lequel  attire  par  bas  quarante  deux  vers  en- 
tortillez enfemblc  en  forme  de  boule:  donts'enfuiuit  la 
guerifon  de  l'enfant.  ^Uv.  Bou-dtcL  Un.  z.  (h.xp.  i6.de  la 
cftredts  muUdes,  Vn  mien  petit  fils  aagé  de  trois  ans, 
nomme  IcanConrad,  tombé  en  fpafme  foitfafcheuxjdc 
promptemcnt  aidé  de  theriaque&  vinaigre  appliquez 
a  la  bouche  &  aux  narines,  s'eftant  endormi  puis  reiueil- 
lé,  nous  trouuafmes  en  fon  petit  li(ft,  vn  ver  encore 
bougeant,  qui  auoitle  muffle  pointu  &marquttcé  de 
rougcjvelu  &  rampant  es  linceuls.   I.  schcmk  enfes  «bfer" 

il  auiut  À  vue  fillcuc  de  croit  ans,  qui  fe  portoit  forj 

Kk  4 


5  2.  o  Bijloires  admirables 

bien  ,  le  changemcMit  mcrucillcux  &  mémorable  gu( 
s'cnfuit.Comnie  elle  eftoit  fe  louant  auprès  de  certaine» 
femme; ,  foudain  commence  à  paroir  au  grand  coin  de 
l'œil  droit  par  dedans,  la  tcfte  d'vn  ver  ,  dont  le  corp"; 
occupoit&  couuroit  prefques  tout  l'œil  mefme.  Le-î 
femmes  eftonnees  s'approchent,  &rvne  d'icelles aucc 
les  doigts  tire  doucement  ce  ver  tout  entier,  vif,  long 
comme  vne  aiguille  commune,  blanc,  &  groflet,  fans 
ejuc  la  fillette  en  fuft  endommagée  ,  ni  qui  rilTue  euft 
laillé  quelque  ouuerture  preiudiciable  a  l'œil.  xylmAtus 
Portn^/^aisjcefitttr.^.cureâ^, 

l'ay  veu  fortir  des  aureilles  d'vn  ieune  homme  tra- 
uaiilé  de  fieurc  violente  trois  vers  tels  que  des  grains  de 
pin,&  plus  gros,  y  eUfyiie^Uu.^.ihHp.lo. 

Monneur  Fernel  au  5.  liure  de  fa  Pathologie ,  chap.  7. 
cfcrit  d'vn  foldat ,  lequel  elloit  fort  camus  ,  tellement 
c|u'iinepouuoit  fe  moucher  aucunement  ;  dont  s'en- 
fuiuit  que  de  rexcrement  retenu  &  pourri  s'engendre- 
rcnt  deux  vers  velus  &  cornus  de  la  grolleur  d'vn  demi 
<ioigt,  lefqucls  lui  caufercnt  la  mort ,  après  auoir  efté 
furieux  l'elpace  de  io.iours.  M.^^inbro^jc  Varé,  an  t$.UH, 
chapitre  5. 

L'an  r5(^z.lc5.iour  de  May,vne  ieune  femme  alaitant 
fon  petit  garlbnnet  aagé  de  fîx  mois,  en  fe  baiilantpour 
attaclier  fon  foulicr  fit  par  vn  bcftion  de  la  grandeur 
d'vnc  chenille,  groflet  ,  &  hideux  a  voir.  Il  vefcut 
trois  iours,  nourri  de  laid.  Mort,  il  fut  trouué  pléiade 
pus  cholérique,  vcrd  &  venimeux  ,  fur  tout  autour  de 
iatefte.  La  ieune  femme  ne  fentit  incommodité  qilel- 
conque  en  telle  vuidange.  Le  fils  d'vn  nommé  lean 
Michelbach  demeurant  à  Mœrs  vuidoit  par  le  fonde- 
ment de  vrais  poils.  l'en  ay  veu  vn  aagé  de  trente  trois 
ans,filsde  N.  Rockelfinger,  qui  en  vrinantrendoit  des 
vermiffcaux  bougeans,  comme  ceux  qui  naiflent  es  fro- 
mage? pourris,mais  ils  auoycnt  Its  teftcs  noires.  A  d'au- 
tres i'ay  veu  fortir  des  vers  par  les  oreilles.  Vn  certain 
■gentil-jiommé  furnomme  de  Capollc  ,  ayant  efté  fî 
mal-heureux  &  mcfchant  que  de  battre  fon  pcre ,  dcue- 
îiu  niaiadCi  on  Im  vid  forar  de  vers  hors  des  yeux  de  fa 


^mémorables,  5^1 

teflc.  Vnc femme  deDuflcldorp,  ayant  efté  fort  malade 
longue  efpacc  de  tempsj  enfin  certain  apofteme  luruc- 
nii  fur  le  ventre  au  deifus  de  Taine  fut  rompu  par  les  vers 
forme?,  dedans, d'où  ils  fortirent  en  grand  nombre  noirs 
&  rouffaitrcs.  RSolenande-fenU  ^.ftfUondefes  confiilsMedi- 
cinaitXjaHconfell  I^.  art.z.^./^.i/^. 

Es  Heures  ardantes ,  nommément  es  contagieufes  &. 
peftilentes,  on  void  les  malades  iecter  des  vers  à  queue, 
&  autres  beftions  d'horrible  &  nouuelle  forme.  N'a- 
gueres  vne  pauure  femme  vcufue,  de  Rcinfpourg,ayant 
efté  fort  affligée  d'vn  long  dcfgouilemcnt ,  de  toux  ,  de 
courte  haieine,dc  maux  de  cœur  &  de  tefte,  en  fin  après 
diuers  remèdes  print  de  reilence  de  Turbith  que  ie  lui 
donnaijàFaide  deouoi  après  s'eftre  defchargee  de  quel- 
ques excremens  vicieux,  elle  rendit  par  basvnlaizard 
rout  vif,  dont  s'enfuiuit  fa  guerifon.  le  ne  parle  point 
d'vn  amas  de  grenouilles  que  Paul  Fifcher  clludiant  au 
collège  de  l'abbaye  de  S.Efmeran  rendit,  ayant  efté  lon- 
guement trauaillé  de  douleurs  cfcrangcs  d'eftoinacb. 
Maisdepuis  ceft.c  dclcharge  ,  il  s'eft  bien  porté.  Marti.}' 
Rulitnci  médecin  ,  en  jon  auis  touchant  la  doit  d'or  de  l'enfant 
SUeficn, 

Quelquesfois  furuient  douleur  aiguc&tres-dange- 
reufe  de  tefte,  dont  s'enfuit  obfcurciUemcnt  de  veuè",  a- 
lienation  d'entendement,  luppreftion  de  voix,  vomifle- 
ment,  refroidiilement  de  chaleur  par  tout  le  corps ,  & 
fyncopc.  Vn  mien  amy  nommé  Philippe, agité  de  tous 
CCS  maux,  dontl'on  n'attendoit  que  la  mort  au  feptief- 
me  iour,  les  remèdes  ne  le  ioulageans  riullcmenc ,  en  fin 
à  l'aide  de  nature,  encores  force  en  lui ,  letta  hors  parla 
narine  dextrevn  ver  long  de  quatre  ou  cinq  doigts  en 
largeur;  ce  qui  lui  âporta  guerifon.  ncmnemui  au  \oo» 
chapitre. 

î'ay  veu  vn  àcs  Seigneurs  de  Vcnifc  tourmenté  de  la 
fieurc,  mais  beaucoup  plus  la  nuift  que  le  iour.  Finale- 
ment ilietta  par  le  ne/,  vn  ver  grifiUlre ,  d'enuiron  qua- 
tre doigts  ,  lequel  en  ia  longueur  auoit  des  pieds  à  pro- 
portion du  corps,  &  mis  dans  vnvcrie  plein  d'eau  ,  fe 
pouflbù  de  viileHe.    11  forut.  du  nez  enuclope  en  de  la 


5^2,  Hifïoires  admirables 

morve  aucc  Ç.m^  clpais  &  noir.  ■\riticAu«l.ai*  9.li.,h.u. 

Vncicunc  Hlle  malade  au  logis  de  la  lanterne  j>rcs  la 
porte  S. laques  à  Pans  ,  pou  lia  hors  pari' vne  des  narines 
>n  ver  afle/  gros  &  large,  blanc,8«:  long  de  quatre  doigts, 
fans  touxni  vomiiîcnicnt  précèdent.  Ce  fut  le  9.  lour 
d'Auril  l<)<)^.i_y4>motations  fur  U  l.ltJe  AIonfici*r  Honikr  dei 
m.daiu s  interne i^i  chjtlr.^^. 

l'ay  conu  certain  pcrfonnage  ayant  vn  vlccre  es  na- 
rines, dont  diltilloit  du  pus  virulent.  Par  mon  aduis  il  v 
htcoukrdu  lue  de  fueiUesdc  tabaco.  A  la  féconde  fois, 
ilTortit  des  narmes  grand  nombre  de  vers  ,  puis  vn  peu 
moins  :  au  bout  de  quelques  lours  l'vlcere  fut  gueri, 
Monar»iu  enfin  recueil  iiesfim^les  d'oittre  m<.r,  Montuus  en 
ion  œuure  des  maladies  naill'antes,chap.4.  raconte  apre^ 
Valefque  ,  qu'il  naift  des  vers  fous  laiangue  desperfon- 
nes.  i.Schnik  en  fis  obfirttatio):s,  lin.  I.  fi[}.  387.  Plufieurs 
autres  do(5tes  Médecins,  accordent  &  maintienent  après 
Auicenne&  autres  anciens  ,  qu'es  dents  de  la  bouche 
naiffent  de  vers  ,  que  Ton  fait  fortirà  l'aide  de  parfuns 
diuers.  ^^lexun.Benedifl.  au  6.liu.  chap.13.  de  la  cure  de^ 
maladies,  ^^j',  nenihetnui  ^u  chuy.  109.  Dodoticau  en  Con 
Scholialtique  ,  Ji^^tidcletcn  Ton  hiftoiie  des  poilfons  ,  au 
ch.  de  l'efcreuifle  de  riuiere,  rhomusde  Fe^ne  en  Ion 
comm.fur  le  i.ii.ch.ç.delocis  affedis  de  Galien,f/o»//:er 
en  fes  annotations  fur  le  ^.li.dc  Gaiien  de  compof.med. 

Tay  fait  mention  ailleurs dSn  ieune prince  ,  auquel  a- 
pres  lamort,elbntouuertfutr  ouué  vn  ver  blancayant 
le  bec  poin<flu  &  de  corne,  côme  celui  d  vn  poulet,acta- 
che  au  cœur.  Les  auteurs  des  annoiutkêtu  furl'œuurede 
Alonlîeur  Houlier  des  maladies internes,remarquent/»#r 
ieiç.ih.dui*  lit4.  que  par  foisil  auicnt  que  les  vers  cha- 
touillans  non  feulement  Torihce  de  reitomach  ,  mais 
auflî  le  caui  mefme,  la  mort  s'en  enfuit.  Pay  aufl'i  parle 
à\n  Florentin  qui  mort  d'apoplexie,  tutonuertSc  trou- 
wa  ce  vn  ver  le  remuant  dedans  la  taye  du  ca  ur.  Rondtr- 
lit  parlant  de  l'elcreuifle  de  riuierc  ,  en  fon  hilloire  des 
poiflons,  dit  auoir  veu  vnver  né  dedans  l'vu  des  tenus 
d'vn  honorable  damoifelle.  B.iMt^;..yr  de  Roiijjey  ,  méde- 
cin xiola«ùo>ç>;  cnPx:piilicJi9.  ikici)  BlUluagcs  ;  en  du 

an» 


cf'  memorMes,  5  2.5 

autant  d'vne  autre  femme. 

H.A/on^»^- do  (fie  médecin  attefte  qu'il  naift  des  vers 
es  veines  du  corps  humain,  p/merefcrit  auffi  au  z^.liure 
c\^i\>.\l.\Scmc\i  att^.Utrre  dejkSohjerHiXtkim,Ç26i.'^r. 

On  demandoit  confcilpar  lettres  à  vn  Erpagnol,& re- 
mède pour  vn  graueleux,  qui  ayant  fait  quelques  pierres, 
&  vuidé  force  fablcauGitaufllpoufle  par  la  vergedeux 
petis  vers  ayans  le  bec  poindu ,  deux  cornes  fur  la  tefte> 
comme  vnlimaçon.lc  dos  &  le  ventre  durs  comme  cou- 
uerts  d'vnc  efcaille^noirs  ainfî  quVne  tortue,fors  fous  le 
ventre:,qui  eftoit  rouge,  ^nnotaticmi [ur  U  50.  chap.  du  r. 
iiH,de  Al.Hoidier  des  maladies  internes. 

le  me  fuis  efmerueillé  de  voir  en  mon  vrine  des  vers 
en  grand  nombre,  courts  &  menus  comme  des  petits 
j^ouls.Cardan  au  comment,  fur  le  y  6 .aphor.dtt  ^.lii4.  d^aippo"- 
çrates.  Gilbert  Griffon ,  médecin  excellent,  &  iadis  mon 
précepteur ,  m*amonftré  quelqucsfois  en  des  vrines  des 
vers  défiiez  comme  chcueux  ,  lefquels  on  ne  pouuoic 
voir  qu'en  y  prenât  garde  de  fort  \>rt$.Ro7iddit  enfin  hiji» 
despoiffoiis^au  ch.de  Cefrcuijje  de  rim'cre.  Tciy  veu  en  de  Tv- 
rinedcs  vers  larges  comme  grains  de  courge,  plats,  & 
xih.MontHns  an  4.///is.o^.i5?.Argenterus,tres-do6îc  méde- 
cin ,  afferme  auoir  veu  vne  forme  de  dragon  aiflé  forri 
quant  &  Vxxint.Rottdelet  au  traiBé  de  la  convt]]ance  des  ma- 
ladies. M,  Duret  médecin  m'a  affermé  auoir  ietté  parla 
vergc^apres  vne  longue  maladie ,  vn  beflion  vif  tel  qu'v- 
ne  cloporte  ,  &  qui  efloit  de  couleur  rouge.  Charles 
Comte  de  Mansfeldcftant  malade  d'vnc  grofle  fieure 
continue  ietta  par  la  verge  vn  ver  de  mefme  forme  qu'v- 
ne  pie  noivc.^^. p are auicf.liu.chap.^.Vai  veu  es  vrines  de 
pluficurs  malades  de  la  grolTe  vérole  des  vers  tels  que 
des  fourmis.  Lewn/M5  au  z.U.ch.i  o.des  miracles ficrets  de  na- 
titre.Qut\(\\i\n  ayant  elté  trauaillé  d'vne  difficulté  d'v- 
rine, rendit  par  la  verge  vn  petit  fcorpion  vif.  i.Schenck 
au  ^.'i. de  fes  obfer.fi fl. ^11. ¥.n  la  vcfTîe  de  quelques  vns  fc 
forment  des  vers  &beftions  pareils  à  des  coquilles  de 
l^cr.t^lex. Bened.liu.z. ch.zi.de fion  nnalomie. 

l'attribue  beaucoup  de  foi  en  la  médecine  &  chirur- 
gie aux  expériences  accômodecs  à  là  raifon.  Vne  femme 
toiiorablc  ictta  parie  çol  de  la  matrice  grande  multir 


5^4  Ht  Hoir  es  admirables 

tude  d'arcnri(ies:&  peu  après  recouura  fanté.  GarÇicA  Lo- 
fes enfes  di'.erfs  IcÇovs  de  medeane^^rhjiJ.i^.  '  -, 
_Vifî  tant  Frédéric,  feruiceur  de  François  BourHii:  lu-     Ê 
rilconfukc  ,  griefucment afflige  dVn  apoftemeau  bout     1 
du  doigt  moyen  ,  le  pus  eftanc  formé  ie  fis  ouurir  l'apo-       ' 
fteme ,  duquel  fortir  incontinent  vn  ver  blanc  ,  velu,a- 
yant  la  teltc  noire,  de  mefmc  grandeur  que  ces  gros 
Vers  qu  on  trouue  es  fromages.     Apres  celle  vuidange      j 
Frédéric  fut  guéri.  Marcel.  Donat.au  4.  liurcde  Jh  hijÏM^       ' 
^csjchip.i6. 

Certain  portant  au  col  vn  goitre  delà  groflcur  dVn 
«?uf,parcas  d'auanture  fe  méfiant  en  quelque  querelle, 
fut  atteint  en  celle  part  dVn  coup  d'efpecqui  fit  grande 
ouuerture  :1e  goitre  fut  trouué  plein  de  vers  ou  pouls 
"VUS,  &  le  patient  guéri  du  coup,  du  goitre,  &  deceftc 
"y c^minc. p. ForcTi  enfes  obf mations.  M.  Corneille  H ey- 
dius  Médecin  à  Delfcm'a  raconté  ,  que  pratiquant  en  la 
Franche  Conte  il  penfa  vne  fillebofFue,laquelle  Tentant 
grande  demangcaifon  en  celle  part,  il  iugea  que  c'eftoic 
quelque  apoftcme;&: pour  lefairemeuriry  ficappliquer 
vn  cmplallre  propre.  L'ouuerture  faite,  il  en  fortit  auec 
le  pus,cler  comme  eau,  grande  quantité  de  pouls,  là 
mefne. 

l'ay  veu  vn  apofteme  en  l'aine  dVnefilleJcqucl  ayant 
trouué  plein  i!c  vers.  v-dUojyc  a»  4.  ch.ip.  des  tumeurs  outre-     | 
9iuturcUes.    Vi/îtant  le  corps  d'vn  foldat  Modenois  mort      ^, 
■enrhofpital  des  Carmes,ie  le  trouuay  plein  d'apoile- 
mes  dedans  &  dehori, tout  remplis  de  vers  femblables  à 
"des  pouls.  L^./A/e/"we. 

Vne  damoifelle  Alemandc,  trauaillec  de  diuerfes  ma- 
ladies, entre  autre  à  diu^frfcsfois  vomit  perla  bouche 
tiouze  cens  vcrmillcaux  &  d'auantrige,  n'y  a  pas  fîx  ans, 
les  vns  longs  d'vn  doigt,lcs  autres  d'auantagc:de  laquel- 
le nous  parierons  plus  amplement  en  autre  endroit,  i. 
Schenck  recite  celle  hilloire  en  la  dernière  fSion  di*'j.  liu. 
iicft'S  ohferuafious. 

Rcfte  de  dire  vn  mot  delà  vermine  fortant  entre  cuir 
éc  chi»ir,îîialadie  nommée  Phtiriafgoupediculaire.  Plu- 
sieurs grandi  di  pciits^  ancicus  &  modcrnesi  eu  ont  efté 

frap- 


frappez  &  emportez  hors  du  monde.  Es  vus  on  a  fim- 
plemeiic  remarqué  rindifpofidon  naturelle  ,  dont  les 
Médecins  rendent  pertinent  raifon  :  es  autres  quelque 
fpeciale  vifitation  deDieu,  l'en  ay  recité  quelque  hi- 
iloire  ci  deuant  à  laquelle  i'adioufte  ce  qui  s'enfuit.  A- 
matus  Portugais,  en  la  troifielme  centurie  ,  cure  58.  die 
auoir  guéri  vn  plîtiriafique  ou  pouilleux,  à  l'aide  èi'wn. 
onguent,  précédé  defaignce,  &:  de  purgarionsconuena- 
bles.Il  efcrit  aufTi  qu'vnPortugais  de  Lisbonne fiirnom- 
mé  Tabora,  fut  fi  rudement  pourfuiui  de  telle  vermine, 
que  àtuy.  fiens  efclaues  Mores  ne  faifoyent  autre  chofe 
que  porter  des  paniers  pleins  de  poux  formillant  de  fon 
corps,&  les  alloycnt  vuider  en  la  mer  tout  auprès  du  lo- 
gis de  ce  malade.  Vnieune  peintre  fe  démangeant  fut 
confeiilé  d'approcher  nud  fort  près  du  feu.  Il  fe  forma 
des  ampoules  en  fon  dos  ,  defquelsfortit  vn  très-grande 
quantité  de  poux.  P.  Forefi  un  é.Uu.obferuJ^. 

Qu^ant  aux  ma!-heureux  que  la  main  de  Dieu  a  pour- 
fuiujs  de  tout  temps,  &  qui  ont  eil:é  toutvifs  deuorez 
des  ooux,  i'en laide  la  recJierche  &  confideration  aule- 
^eur.  le  pourroy  nommer  des  perfonnages  cileuez  en 
charges  honnorables  félon  le  monde,  riches  &  opulens, 
qui  depuis  vingt  cinq  ans  en  ça  ,  notaminent  en  noftrc 
France,  pour  n'auoir  pas  efté  ch aftiez  des  hommes  ,  fé- 
lon leurs  démérites ,  n'ont  pas  pourtant  efchappé  la  iu- 
fte  vengeance  du  Tout-puiffant.Les  vns  font  morts  ftu- 
pides  ries  autres  ontfenti  quelque  ver  en  la  confciencc, 
maisdeftituezdela  vraye  conoiffance  de  Dieu,  &:deux 
mefmes,font  morts  tres-miferablement.  Il  n'y  a  peut  e- 
Itre  prouince  au  royaume,  qui  n'en  puille  fournir  des 
exemples  en  bon  nombre. Tels  fupplicesramcntoyuenc 
i  grands  &  petis  ces  deux  vers, 

t^  bien  faire  fjyeT^  foigneuk  d'aprcndrey 
Et  par  mefprh  du  grand  Diett  ne  mej'prendre, 

VIEILLARDS. 

LE  Capitaine  Laudonnieic  ,  clicf  de  trois  vaiffenux 
bien  equippez ,  fit  voile  Tau  nul  cinq  ctnsfoixante 


51^  Hijlûires  admirables 

c|uatre  vers  la  Floride  où  eftant  arriucle  fîeur  d'Ottigny 
fon  lieutenant  fut  mené  par  vn  Paraoufty  ,  ou  Sei- 
gneur du  pays,au  logis  de  Ton  pcre,l\n  des  plus  anciens 
perfonnagcs  c[m  fuft  viuant  en  la  terre.Les François rc- 
fpcifrans  de  la  vieillefî'c  de  ce  Floridicn  commencèrent  i 
le  gratifier  par  l'appellation  de  ce  ternie  commun,ami» 
ami,dont  le  "leillardfe  montra  fort  ioyeux.  Puisi'in- 
rerroguerent  fur  le  cours  de  fon  aage:à  quoi  il  fitrefpô- 
lc,monftrantc;uedelui  eftoyentfortisc/nq  générations. 
Outre-plus  illeur  montra  vn  autre  vieillard  ,aflis  vis  X 
vis  de  lui,  lequel  l'outrepaîroit  de  beaucoup  en  aage« 
Aufli  eftoit-il  ion  père,  &  refîembloit  mieux  à  vne  car- 
caflc  d'os,qu'i  vn  homme  viuant  :  car  il  auoit  les  nerfs, 
les  veinesjes.  artères,  les  os,&  les  autres  parties  aparoif- 
fantes  C\  clairement  au  defifus  du  cuir,qu'airément  on  les 
euft  nombrecs  &  difccrnees  lesvnes  des  autres.  De 
faitauflî  la  vieilleffe  y  eftoit'H  grande  ,  que  le  bon 
homme  auoit  perdu  la  veuë ,  &  nejpouuoit  parler  que 
fort  peu&àgrandiirimepcine.Le  /îeur  d'Ottigny  ayâc 
vcu  choie  (i  clbange/e  retira  vers  le  ieune  vieillard ,  le 
priant  de  vouloir  refpondre  à  ce  qu'il  auoit  demandé 
touchant  fon  aage.  Lors  le  vieillard  appella  vne  troupe 
ci'Indicns,puis  frappant  par  deux  fois  fur  la  cuifle,&mcL- 
tant  la  main  fur  deux  d'iceux^lui  fit  entendre  par  fignc? 
que  ces  deux  eftoyent  Tes  cnfans.  Frappant  encore  fur 
fescuiflcs,  illui  en  fitconoiftrc  d'autres  moins  vieux, 
iffus  des  deux  premiers,  ce  qu'il  continua  en  ceftc  ma- 
nière,iufques  à  la  cinquiefmc  génération.  Or  combien 
que  ce  vieillard  eull:  fon  perc  encore  plus  ancien  ,  & 
que  tous  deux  portaflent  lescheucux  longs  &  blancs 
aupoflible,  fî  ell-ce  qu'on  leur  dit  que  félon  leur  port, 
naturel  ils  paroiiToyent  pouuoir  encore  viure  trente  où 
quarante  ans:&  fi  le  moins  vieux  des  deux  n'auoit  moinîl 
de  deux  cens  cinquante  ans.H//?o/rc  Aq  ix  Floride  3 par  Aï, 
Uafatmier lisent il-homiïH  F  ranfon» 


ri  El  Si* 


Cr  memormes. 


VIEILLESSE  raieume. 

VEl  AS  Qjv  E  de  Tarente  fait  mention  en  fonFilone, 
d'vne  Abbeflequieftoitaii  monafterede  Monvic- 
<lrc,  laquelle  de  Ton  temps  atteignit  quafi  Taage  de  cent 
ans  :  &  comme  elle  paruft  fort  vieille,  nature  qui  decli- 
noit  en  cllcreprint  force  &  vertu  figrande,queles  men^ 
ftrucs  ou  moiç,qu'elle  auoit  perdus  depuis tSt  d'années, 
commencèrent  d  lui  rcucnir  ,  &  à  couler  comme  quand 
elle  eftoit  ieune:  outreplus  toutes  les  dents  lui  reuindréc 
en  la  bouche,  les  chcucux  commencèrent  à  lui  for  tir 
noirs,  &  à  chaffer  les  blancs ,  de  manière  que  reprenant 
Ion  embonpoint  elle  vint  à  perdre  les  rides  de  fa  face ,  îe 
fcin  lui  enfla  ,  &  finalement  elle  deuint  aufll  belle  8c 
fr^aifche  qu'elle  eftoit  à  raa<;2  de  trente  ans:  de  forte  que 
plufieurs  l'allerent  voir ,  comme  chofe  autant  admira- 
ble qu'ils  euifent  oncques  veuë.  Elle  fecachoit  &nc 
vouloit  pas  qu'on  la  vift  ,  ayant  honte  delà  nouueauté 
qu'elle  voyoit  en  roi-mtfme.  Et  combien  que  Vclafque 
ne  fe  foitfouuenu  de  marquer  le  nombre  des  années 
qu'elle  vefquit  depuis,  il  eft  i  prefuppoier  qu'ilfuft  ai- 
fez  long  :  puis  que  naturcfur  le  déclin  auoit  fait  vn  /î  bel 
&;  extraordinaire  ctfort.  ^.  Jarcj^mm.ïdeen  Ui.ioHmet 
defes  dijcours. 

Eftant  à  Ronieenuiron  l'an  1531.  bruit  commun  e* 
ftoitpar  toute  l'Italie  qu'a  Tarente  demeuroit  vn  vieil- 
lard ,  lequel  eftoit  raieuni  à  l'aagedeccnt  ans ,  de  la 
mefme  manière  que  l'Abbcfle.  Il  auoit  changé  de  peau 
comme  la couleuure,  &;en  auoitrepris  vne  nouuelle,  e- 
itànt  dt'uenu  fi  ieune  &  frais, que  ceux  qui  Tauoyent  pa- 
jrauantconu&le  voyoyentlors,à  peine  pouuoycntcroi-' 
,re  leurs  yeux.  Comme  il  euft  demeuré  plus  decinquan- 
te  ans  en  ceft  cftat  il  retourna  eftre  tant  vieil,  qu'il  fem- 
bloit  proprement  eftre  fait&compofé  d'efcorces  d'ar- 
bres. La  mefme. 
L' Adrairaj  Doa  Fadri§ue,paflant  en  fa  ieuneflc  par  va 


5 18  Hijloires  admirables 

lieu  nommé  la  Kioj.i,  y  vid  homme  de  cinquante anç.^ 
fon  aduis  lequel  Un  dit  auoir  efté  laquav  de  fon  grand 
père.  EtcômerAdmnal  ne  peuft  le  croire,  pource  qu'il 
yauoitfortlongtempsque  l'on  grand  père  elloit  mort, 
ceil  homme  retourna  lui  dire  qu'il  ne  doutaft  point  de 
cela,  pource  qu'il  auoit  cent  ans  :  &:  qu'el>ant  defîa  vieil 
il  eftoit  redeuenu  ieune:  de  manière  que  Nature auoic 
change  en  lui  &:  renouucllé  tout  ce  qui  lui  caufoit  la 
vieiirefrc  &  ce  qui  le  faifoic  trouucr  moins  aage  de 
beaucoup,  qu'il  n'eRoitpas.  L'Admirai  en  voulut  fça- 
uoir  la  vérité,  &:  trouua  qu'il  citoit  ain/î  que  le  vieillard 
lui  auoirdit.  Lamefme. 

Cequcdeffusn'eil:  pasimpofl1ble(adioufl:e  Torque 
made)  puis  que  de  noftre  temps  on  fcait  certainement 
vne  choie  fort mcrueilleufc  d'vn  homme  nientionrié 
par  Fernand  Lopez  de  Caftngncde,  hiftoriographedu 
roy  de  Portugal ,  au  huidiefmc  liure  de  fa  Chronique, 
ou  il  dit  qu'eftant  Nugnez  de  Cugne  Viceroy  de  l'In- 
de en  l'an  1)5(5.  lui  fut  amené  vn  homme  comme  chofe 
di^nc  d'eilie  admirée  :  pource  qu'il  fut  aueré  par  prcu- 
uegrandcs&Lcfmoignagesfuffifans,  qu'il auoit  atteint 
raa"c  de  trois  cens  quarante  ans.  Il  felouuenoitd'auoir 
veufaas  peuple  celle  cité  où  il  habitoitjeftantjors  qu'il 
en  parloirl'vne  des  principales  de  toute  Tlnde  Orien- 
tale. 11  clloitraieuni  quatre  fois-,  laiffantlc  poil  blanc  & 
lui  venant  derechef  i  fourdie  de  nouucUcs  dents.  Quâd 
le  Viceroy  le  vid ,  il  auoit  les  clieueux  noirs  &  la  barbe 
aufli,  combien  qu'il  n'en  eulliguercs.tt  comme  d'auen- 
tuve  vn  médecin  fc  fuft  trounc  là  ,  le  Viceroy  voulut 
qu'il  taftaftle  pouls  à  ce  vieillard,  lequel  il  lui  trouua 
auliibon  &  ferme,  qu'à  vn  ieune  homme  en  ilcur  d'aa- 
ge.  Ceil  homme  eftoit  natif  du  rojaumc  de  Bengala,&: 
atlermoit  auoir  eu  de  temps  en  autre  près  de  fept  cens 
femmes,dont  les  vnes  eftoyent  mortêî. ,  &  il  auoit  repii- 
dié  les  autres.  Le  roy  de  Portugal  aiierti  de  ccfte  mei- 
ucille,  s'en  enqueftoit  fouucnt ,  &  tous  les  ans  en  auoic 
nouuellesparlaflotte  qui  en  vcnoit.  Il  a  vcfcu  plus  de 
trois  censfeptante  ans.  Le  mefme  Caftagnede  adiouO.e 
c^uc  du  temps  de  ce  Viceroy,  le  trouuoitaufla  gt,  la  ville 


I 


drntemouhlef.  \i(^ 

'^c  Bcngalavn  autre  homme,  More  ou  Mahumetan, 
nommé  Xequcpir,natird'vne  prouince  appellceXeque, 
lequel  auait  trois  cens  ans,  félon  qu'il  diloit  :  tou,s  ceux 
qui  leconoifToycnt ,  le  certifioyentaufli ,  pource  qu'ils 
^cnauoyentcic  grands  indices  &  tefmoignages.  Ce  More 
cftoit  tenu  entre  les  autres  pour  vn  faind  homme  ,  ^ 
caufe  dcl'aufterité  &  abftinencede  ravicLesPortupais 
s'acoftoyent  familièrement  de  lui  :&  outre  ce  que  les 
hiftoires  de  Portugal  font  tresfidcllemei;t  recueillies, 
>  &  certifiées  par  tefmoignages  fort  authentiques  ,  on 
trouuoit  d'abondant  de  mon  temps  en  Portugal  ,  &  eu 
CaftiUe  auce  plufieurs  tefmoins  qui  auoyent  veu  ces 
vieillards.  t^<^  Twe/me //m. 

Alexandre  Benedid récite  en  fapratique  auoiryea 
vne  femme  nommée  Vi6toire,laquelle  auoit  perdu  tou- 
tes fcs  dents ,  &  eiiant deuenue  chaune^  autres  dents  lui 
reuindrent  toutes  en  i'aagede  quatre  vingts  ans.  M» 
f^m. Vitré  au  Zj^.Uu.chap.lj. 

l'ay  oui  raconter  à  MadamoifcUe  de  Desbccfejqu'elle 
aùoit  conu  vne  femme  aagee  de  feptance  ans  ,  laquelle 
en  certains  mois  durant  quelques  années  ,    auoit  fest 
fiueurs(  qu'on  appelle  ordinairement  flueurs  bien  rei- 
glees)  Enfin,  icelles  eftausfuruenues  en  trop  grande 
abondance,  elle  en  mourut.  Elle  m'a  a£ermé  vne  autre 
hiftoire  mémorable ,  auoir  veu  &  conu  vne  femme  ho- 
norable,aagee  lors  de  cent  &  trois  ans,  8c  qui  toft  après 
ileceda  :  laquelle,  en  laage  de  cewt  &  vn  an  eut  lès  mois 
?      fluansreiglément,  dont  elle  fe  fentic  merucilleufement 
'      foulagec&:  comme  reniife  en  nature.    Cequi  lui  dura 
c'eftan  ici.  puis  le  ioz.105.  lufques  au  dernier  mois  de 
fa  vie.    La  Marelchale  de  Pletcenbourck,  gentil-femme 
de  la  noble  famille  de  ÏCetlers  enVvel}phalie,ayant  paf- 
fc  feptante  ans,retourna  a  auoir  fes  flueurs  bien  reiglees, 
&  tut  veucie  porter  plus  alaigre  que  fort  long  temps  au 
parauant.    Ce flus  reguher  dura  quatre  ans  entiers,  au 
bout  defquels  elle  continuèrent ,  mais  en  plus  grande 
abondance  que  parauant^  &  fe  porta  bien  ainfî  iulques  à 
i'an  84.  tUc  vçicut  encore  iix  aus;&  mourut  l'an  nonan- 


5  3  o  Hifi  cires  admirables 

tiefme  de  Ton  aagc.  R.  SolenaïUer  uu^.U»,defes  eJjJeriMtîoftt 
medeànalesj  Ccnfeil  I5.)?(^.4i. 41.43. 

DISIONS  ejlrarjges.cfroyahlcsy 
C^'  herrihles. 

ES  VIES  de  Dion  &  de  Bru  tus  en  Plutarqueonh'tdcs 
hiftoires  de  certains  fantolmcs?  horribles  qui  leur  a- 
parurent  peu  auant  leur  mort  s  &  le  lit  es  hiftoires  d'Ef- 
colTe  en  la  vie  du  Roy  Alexandre  III.  vn  cas  notable  du 
fontolmeciui  luiaparutle  ioMtde  fes  troifîefmcs  nop- 
ces  ,  prefage  de  la  mort  en  la  niefme  annce.  Mais  fnns^ 
toucher  aux  hiftoires  anciennes  ,  oultrc  celles  cjue  nous 
auonsreprefenteescidcuant  nous  adioufterons  encore 
lesfuyuantes. 

Il  y  a  vne  noble  &  ancienne  famille  à  Parme  nommée 
des  Tortelles ,  ayant  \xv  chafteau  dedans  lequel  fc  void 
vnesrand'falle,  fous  la  cheminée  de  laquelle  fe  void 
quclquesfois  certaine  vieille  paroiflant  aagee  de  cent 
ans.  Cela  lignifie  que  quelqu'vnde  la  famille  mourra 
bien  toft.  l'ay  oui  raconter  à  Paule  Barbiane  ,  Dame  il- 
luftre,  de  cefte famille-la,  foupans  vn  iour  enfemblci 
Bel-ioyeufe  ,  qu'vne  ieune  fille  de  la  famille  cftaut 
malade ,  la  vieille  aparut  ,  ce  qui  fit  eftimcr  à  tous, 
que  la  fille  mourroit  bien  toft  :  mais  le  contraire  auiiu: 
caria  fille  malade  efchappamiais  vn  autre  d'iccllc  famil- 
le,lequel  parauanr,fe  portoit  fort  bien, mourut  loudaiii. 
Ils  difcnt  que  cefte  vielle  dont  Tombrc  aparoit,eftoit  1:1- 
dis  vn  riche  Dame,qui  à  caufe  de  Ton  argent  fut  tuée  par 
{ç.^  ncueux,  qui  hachèrent  le  corps  en  pièces ,  &  le  ietre- 
rent  dedans  les  latrines.  Cardan  .ut  16.  lin.dc  U  diuerfiU  du 

Antoine  Vrceus,  du  defefpoir  duquel  i'ai  parle  ail- 
leurs, la  nuift  dernière  de  fa  vie  ,  eftant  couché  ,  penfa 
voir  vn  fortçrand  homme  ,  kqacl  auoi:  la  tefte  rafe,  la 
barbe  pendante  lufques  en  terre  ,  les  yeux  eftincellans, 
d'-uxHambeaux  es  mains,  fc  hcriflant  depuis  les  pieds^ 
iuf  ,i!ts  à  la  tefte,  auquel  Antoine  demanda,  Qu.i  es  ru> 
«jiufeul  en  équipage  de  furie,  te  promenés  ainfî  hors 

hcurCi 


^memorahïes.  53 1 

(heiire>&  quand  chacun  rcpole  ?  Di  moy^que  cherches-' 
tu^ou  prcccns-tu?En  diranccclawVntoinc  le  ictce  en  bas 
du  licl  pour  fe  fauucr  arricrc  de  ce  vilîtcur ,  &  mourut 
jiniferablemenc  le  lendemain.  Banebmi  de  Bologne  mlit 
'vie  a  iccUii. 

laques  Donac  riche  gentil-homme  Vénitien  ,  eftant 
couché  auec  fa  femme, payant  vn  cierge  allume  en  là 
chambre,  deux  nourriircs,doimantcs  en  vne  couchette 
balle  près  d'vn  petit  enfant,  \ià  qu'on  ouuroit  tout  bel- 
lement l'huis  de  fa  chambre,  &  vn  homme  inconu  met^ 
tant  la  telle  à  la  porte. Donat  fcleue  ,  empoigne  fon  e{^ 
pecjfait  allumer  deux  grands  cierges,  &  acompagné  des 
hourrices  entre  en  )à  falle  &trouue  tout  clos.Il  fe  reare 
en  fa  chambre,fori:  esbahi.Le  lendemain, ce  petit  enfanc 
âagé  d'vn  an  non  encore  acompli ,  &  qui  fe  portoit  bien 
miLWn.CardiiniaH linre  ^  ch^^.fujtnen'iciw.e. 

Deux  marchans  Italiens,  eilans  en  che  min  pour  paf- 
fcr  de  Picdmont  en  France ,  rencontrèrent  v  n  homme 
dcbeaucoup  plus  haute  ftaturc  que  lt?s  autres,  lequel 
les  appcUantà  Iby,  leur  tint  tels  propos  ,  retournez. \ ers 
mon  frère  Ludouic,  &lui  baillez  ces  lettres  que  ieluy 
enuoyc.     Eux  fort  eifonnez  ,  demandent  ,   qui  cile$ 
vous?Ic  fuis,  dit-il  ,  Galeas  Sfoice  ,  &tout  foudain 
s'efuanouir.  Hux  tournent  bride  vers  Milan  ,  de  là  à  Vi- 
gcvenc,  où  Ludouicclloit  pour  lors,    llsprientoacn 
les  face  parler  au  Duc,  dilàns  auoir  lettres  cîlui  bi^ilier 
'    de  la  part   de  Ion  frère.    Les  courtifans  fe  mocquent 
(    d'eux  :  &  pource  qu'ils  faifoycnt  touliours  inllance 
I     de  mcfme  ,  on   les  cmprilbnhe  ,  on  leur  prefente  la 
]     queftion  :  mais  ils  maintienentconllamment  Icurpre- 
\    miere  parole.  Là  defl'us  les  confeillers  du  Duc  furent  en 
I    dilpute  ,  de  ce  qu'il  faloit  taire  de  ces  lettres  ,  ne  fa- 
chansqucrefpondre  ,  tant  ils  ciloycnt  efperdus.    Vn 
d'entr'cux  nommé  le  Viconte  Galeas  empoigne  les  let- 
tres efcrites  en    vn   papier  plié    en  formede  briefs  de 
Rome  ,  le  fermant  attache  de  menus  filets  de  laiton, 
)     dontle  contenu  cftoit,  Ludouic,  Ludouic  ,  pren  garde 
à  toy  :  les  Vénitiens   &    François  s'allieront  enfemble 
kpour  le  ruiner  ^  &  rciinçifçr  cug^crfuicnt  tes  alancs. 

Ll    i 


5  3  i'  Hîjlôires  admirables 

Mais  fi  tu  me  fournis  trois  mille  cfcus,  icdonncray  or- 
dre que  les  cœurs  s'adouCiron  t,  &  que  le  mai  t|ui  te  me- 
nace s'cflongncra  :  me  confiant  d'en  venir  à  bout,  fî  tu 
veux  me  croire.Bicn  te  ioit.  Et  au  bas,  TeCprit  de  roti  trc- 
re  Galeas.  Les  vns  cftonnez  de  la  nouucaute  du  fait,lc> 
autres  fe  mocquans  de  tout  cela  ,  plusieurs  confeillans 
qu'on  nnft  les  trois  mille  efcus  en  depoft  au  plus  près 
de  rintention  de  Galeas,le  Duc  ellimant  qu'on  fe  moc- 
qucroit  de  lui,s*il  lafchoit  tant  la  main,  s'abftint  de  def- 
bourferrargent&dele  commettre  en  reftrangc  main, 
puisrenuoya  les  n.archans  en  leurs  maifons.  Mais  au 
bout  de  quelque  temps  il  fut  deietté  de  fa  Duché  de 
Milan, prins  &  emmené  prifonnier.  Arluno  en  la  première 
fcclion  de  thijhivc  de  M  iLvi. 

L'an  mil  cinq  cens  trente  fix  ,  vn  marchant  Sicilien 
allant  de  Catane  à  Mclîinc,  logealc  vingt  vniefme  iour 
de  Mars  à  Tormmio,dit  des  anciens  Taurominium. Re- 
montant à  cheual  le  lendemain  matin,  n'eftant  encores 
cueres  efloigné  de  la  ville ,  il  rencontre  dix  maflbns,  ce 
fui  fembloiritous  chargez  d'outils  de  leur  meftier.  En- 
<]uis  de  lui  où  ils  alloyentyiefpondirent ,  au  MontgibeL 
Toft  apresilenretrouuadix  autres,qui  font melme  réf. 
onfe  que  les  precedens:  &  adiouftent  que  leur  maiftre 
es  enuoyoit  à  caufcde  quelque  baltimentau  Montgi- 
bel.Queimaillre  réplique  le  marchant!  Vous  le  verrez 
bien  to{l,fitrvn  d'entre  eux.  Incontinent  après  lui  vint 
à  larencontrc  en  ce  m  cime  chemin  vn  géant,  auec  vne 
fort  longue  baibc  noire,  comme.leplumache  d'vn  cor- 
b(.au, lequel iaiis autre  préface  ni  falutation  s'enquierc 
du  marchant;,  s  il  auoit  point  rencontré  fesouuriers  en 
ce  chemin.l'ay,ditrautre,veu  quelques mall'ons  preten- 
dans  aller  baftir  au  Montgibel  >   maisienefcay  parle 
commandement  de  qui:fi  vous  eftes  l'entrepreneur  de 
telbaftimcnt ,   iedefire  entendre  comment  vouspen- 
/cz  faire  en  vne  montagne ,  tellement  couuerte  de  nei- 
ge,que  le  plus  habile  piéton  du  monde  léroit  bien  em- 
pefché  d'en  forur.Ce  mailhe  baftiil'cur  commence  à  réf. 
pondrequ'ilauoit  lafcienceôcles  moyens  pour  en  xc- 
«wàJjouc,  voire  pour  fairç  plusgraudes  diofes  quand 

bo^^ 


l 


cf  7nemorahles.  ^  35 

Il  lui  fembleroit:  que  le  marchant  qui  ne  faifoit  gue- 
_i  d'cftat  des  paroles  en  croiroic  bien  toit  fes  propres 
yeuxtquoi  difant  il  difparut  en  l'air.  Le  marchant  efper- 
^u  de  telle  viiîon  commence  à  paflir  &  chancelier,  & 
peu  s'en  falut  qu'il  n'efuanouyt  fur  la  place.  11  tourne 
bride  demi  mort  vers  la  ville ,  où  ayant  raconté  à  2Ç.ns. 
dignes  de  foy  ce  qu'il auoit  veu ,  donne  ordre  à  fes  afai- 
res3&  penfé  à  fa  confcienccil  rendTame  fur  le  foir  de  ce 
jiicfme  iour.  Au  commencement  de  la  nuid  du  iour  fui- 
uant  ,  qui  eftoitle  vingttroificfmc  de  Mars  vn  horrible 
tremblement  de  terre  le  ht^Sc  du  taille  de  ce  Montgibel, 
du  cofté  d'Orient  fortit  aucc  bruit  merueilleux  vne  ex- 
traordinaire abondance  de  fcu^qui  s'cflançoitfortimpe» 
tueufement  de  ce  mefme  cofté  :  dontleshabitans  de 
Catane  eftansbien  eftonncz  s'amafl'erent,  criansmife- 
licorde  :  &  continuans  en  lupphcations  &  priè- 
res ,  iufques  à  ce  que  le  feu  vint  à  diminuer  &s'e- 
fteindre.G//&ert  Cottfin  ,  au  huiCliefme  linre  defos  recueils  ^ 
récits. 

Certain  Italien  ayant  fait  enterrer  honneftementvii 
iîcn  ami  trefpafle:&  commeilrcuenouà  Rome,lanui6t 
l'ayant  furpris  il  fut  contraint  s'arrefter  en  vne  hoftelle- 
rie  furie  chemin ,  ou  bien  las  de  corps  &  affligé  d'efpric 
il  fe  met  en  la  couche  pour  repofer.  Eftant  feul  &  bien 
cfueillé  ,  illui  futauis  que  fon  ami  mort  tout  pafle  & 
defcharné,lui  aparoififoit,  tel  qu'en  fa  dernière  maladie, 
&  s'aprochoit  de  lui, qui  leuant  la  tefte  pour  leregarder 
&tranfi  de  peurj'interroguc, qu'il  cftoit.Le  motrnc  ref- 
pondant  rien  fe  defpouille,fe  met  au  lid ,  &  commence 
a  s'approcherdu  viuant.ce  lui  fcmbloit.  L'autre  ne  fça- 
chant  de  quel  colle  fe  tourner  fe  met  fur  le  fin  bord ,  & 
comme  le  dcfundaprochoit  toufioursille  rcpoulfe.  Se 
voyant  ainfi  rebuté  ,  ce  fut  à  regarder  de  trauers  le  vi- 
uantjpuis  fe  vcôir,  fe  leuer  du  Utt ,  chaufl'er  les  fouliers 
5:  fortir  de  la  chambre/ans  plus  aparoir.  Le  viuant  eut 
telles  aft'res  de  cefte  careflc-,  que  peu  s'en  falut  aufiî  qu'il 
ncpaffaftlepas.  Ilrecitoit  quequandce  n]ort  aprocha 
«ie  lui  dans  le  li(ft;il  touoha  rvn  de  les  pieds ,  qu'il  uwttn 


534  Hi  flaires  admirAhles 

ua  fi  froid,  que  nulle  glace  n'cft  froide  à  comparailoii 
^yilex'tndre  d'x_yîLx.xndric  aul.liurc  de fes  tours  Géniaux 
thap.Ç-T'naaucau  en  fes  annotations  furcc  chapitrejnu  ' 
toutes  telles  vilîons  au  rang  des  fongcs.  C'èft  couper  li 
nœud. Mais ie  ne difputc  point  ni  pour,ni contre,  pou. 
leprcfcnt. 

Vn  mien  ami, nommé  ^Gordian^pcrfonnage  digne  de 
foy,  m'a  recité  qu'allant  vers  Arezze  auec  certain  autre 
de  fa  conoifl'ance ,  s'cftans  efgarezen  chemin ,  ils  entrè- 
rent en  desforefts,ou  ils  ne  voyent  que  de  la  neige,  des 
lieux  inaccefi~;bles,fv:  vne  effrayablc  Iblitude.  Le  Soleil 
cftant  fort  bas,iis  s'.iff.rent  par  terre  tous  recreus.  Sur  ce 
leur  fut  auis  qu'ils  entendoyent  vne  voix  dhomme  af- 
fcz  près  de  là.Ils  lîprochent  &  voyent  fur  vne  terre  pro- 
che trois  gignnralcs  &  efpouuantablcs  formes  d'hom- 
mes ,  veftusde  longues  robes  noires ,  comme  en  dueil, 
auec  grands  cheueux  &  fort  longues  ba:bcs,  lefquels  les 
ïippeÙercnt.  Comme  ces  deux  pallans  approchoyenr, 
les  trois  fantofmes  fe  firent  plus  grands  de  beaucoup 
cju'à  la  première  fois  i&l'vn  d'iceuxparoiifantnud  ,  fil 
tlesfauts  mouucmens  &  contenances  fort  dcshonne- 
iles.  Ces  deux  fort  eftonnez  de  tel  fpec^aclc  com- 
mencèrent à  fuir  de  viAeiTe  à  eux  pofPble,  ik  ayans  rra- 
lierfë  des  précipices  &:  chemins  ?  du  tout  farchcu>, 
Te  rendirent  à  toute  peine  en  la  logcrte  d'vn  pay- 
faii  ,  où  ils  pafferent  la  nui  et.  t^«  jvtj'we  liurc  ^ 
chapitre. 

Ce  quei'ay  par  tefmoignagc  de  moy-mefme  ,  &  dont 
îe  fuis  bien  alîcuréjieradioulle.Eftant  malade  à  Rome, 
Çi  couché  dedans  le-  li<ft;  ou  l'eftoisbien  elueillé  ,  m'ap- 
parut  vne  fantolme  de  belle  femn;e,laquellc  ie  regardai 
longuement  tout  penlif&:  fans  dire  mot ,  difcourantcn 
moy-mefme,  fi  ie  rcfuoiSiOÙ  fi  i'ei^ois  ^  raycment  efuei- 
le.  Et  conoiflanr  que  tous  nies  fens  eftoyent  en  leur 
pleine  vigueur,  &  que  cefancofme  fç  tenoit  toufiours 
deuant  moy,ielui  demandç  qui  elle  cftoit.  Ellele  CouC- 
riant  repetoit  les  mefmes  mots,  comme  par  mocque- 
rie,^  m'ayant  contemple  longuement  j>  en  alla.    c^<* 


c 


ér  mémorables.  ^^r 

«  efnte  Uure  (^  ch.tpii  re. 

V^n  moine  nommé  Thomas ,  perfonnage  dicjne  de 
foy,  &la  prcud'hommie  duquel  l'ay  efprouuce  en  plu- 
iîeursafaires  m'a  raconté  pour  choie  vraye  ,  auec  fer- 
jiient  ,  qu'ayant  eu  dcbat  de  grofles  paroles  auec  cer- 
tains autres  moines  ,  après  s'eftre  dit  force  iniurcs  de 
part  &  d'autre,  il  fortit  tout  bouillant  de  cholere  d'a- 
ucc  eux  ,  &  fe  promenant  feul  en  vn  grand  bofsren-». 
contra  vn  homme  laid  ,  de  terrible  regard  ,  ayant  la 
pbarbe  noire  ,  &  robe  longue.  Thomas  lui  demande  où 
ilalloit?  Tay  perdu  refpondit-il,  ma  monture,  &  vai 
la  cerchcr  en  ces  prochaines  campagnes.  Sur  ce  i]^ 
marchent  de  compagnie  pour  trouucr  cefte  monture, 
&.  Ce  rendent  près  d'\  n  ruiifcau  profond.  Le  moine 
commence  à  fe  defchauflcr  pour  traucrfer  ce  ruifleaii: 
mais  l'autre  le  prelle  de  monter  fur  fes  cfpaules  ,  pro- 
mettant le  pafler  à  Taife.  Thomas  le  croid,  &  chargé 
dcffus  i'embrafle  par  le  col  :  mais  baifiant  les  yeux 
pour  voir  le  gué  ,  il  dcfcouure  que  fon  portefaix  a- 
uoit  deçpieds  monftrucux  &du  tout  eftranges.  Dont 
fortelionné  ,  il  commence  à  inaoquerDieu  à  fon  aide. 
A  ccfte  voix  l'ennemi  confus  ietùc  fa  charge  bas,&  gron- 
dant de  façon  horrible  difparoit  auec  tel  bruit  &  de  fî  ex- 
traordinaire roideur ,  qu'il  arrache  vn  grand  chaîne  pro- 
chain ;  S)L  en  fracaflc  toutes  les  branches.  Thomas  de- 
meura quelque  temps  comme  demi-mort,  par  terre,puis 
s'cftantreleué  ,  reconutque  peu  s'en  eiloitfalu  que  ce 
cruel  aduerfaire  nereult  fait  périr  de  corps  &  d'ame.  ,^»- 
Lxxddve  d'^yiliXMidrit  ai*  tjuairiejme  Haye,  ch.ipitre  diXtieu- 

Le  Seigneur  d'vne  villetxe  en  la  principauté  de  Sul- 
mone  au  royaume  de  Naples  fe  monftroit  auare  & 
luperbe  en  fon  gouunerment  :  de  relie  forte  que  fes 
pauuresfuiets  ne  pouuoycnt  fiibfiller,  ains  cfloyent 
cftrangemeut  gourmandez  de  lui.  Vn  autre  hom- 
me de  bien  au  refte,mais  pauure  &  m  efprifé  ,  battit 
rudement  pour  quelque  occafion  certain  chien  de  chaC 
fe aparcenaiu  à  cçfei^ueurj  lcc|ucl  griefuementiirité  de 

L  I   4 


5  5  ^  Hijloires  admirables 

la  mort  de  Ton  chien  ,  fit  empoigner  &:  emprifonncr 
ce  pauure  homme  en  vn  cachot.    Au  bout  de  cjuelc;uc3 
io"urs  les  gardes  ,  cjui  tenoycnt  toutes  les  portes  dili- 
Çemmentclofcs  ,  venans  à  lesouurir  fclon  leur  con- 
ilume,  pour  lui  donner  quelque  peu  de  pai^,netrouue- 
Tent  pomt  leur  prifonnier  en  fon  cachot.    L'ayans  ccr- 
ché&rccerché  partout  ,  fans  pouuoir  remarquer  tra- 
ce ni  apparence  quelconque  d'euafion  ,  finalement 
rapportèrent  cefte  merueille  à  leur  fcigneur  ,  qui  de 
prime  face  s'en   niocquoit  &  les  mcnaçoit,  mais  en^/' 
tendant  puis  après  la  vérité  ,  ne  fut  pas  moins  eftonné 
iqu'eux.  Au  bout  de  trois  iours  après  celle  alarme,  tou-? 
tes  les  portes  des  prifons  &  du  cachot  fermées  comme 
deuant ,  ce  melme  prifônnicr,  fans  le  fccu  d'aucun  ,  a- 
^arut  renfermé  dedans  fon  précèdent  cachot  ,  ayant 
face '&  contenance  d^iiom me  cfpcrdu  :  lequel  requit 
que  fans  délai  Ton  le  mcnaft  vers  ce  feigneur  ,  au- 
«juel  ilauoit  à  direchofes  de  grande  importance.    Y 
^yant  efté  conduit,  il  raconte  qu'il  eftoit  rcuenu  des  en- 
fers.   L'occaiîoM  auoit  efté  que  ne  pouuant  plus  por- 
ter la  rigueur  de  fa  prifonjvaincu  de  dcfcfpoiijcraignant 
la  mort  ,  &  dcftitué  de  bon  confeil  il  auoit  appelle 
le  diable  à  fon  aide,  à  ce  qu'il  le  tiraft  de  cefte  cap  ti-- 
Xiité.    Que  tcft  après  le  malin  en  forme  hideufe  &:  ter- 
rible lui  eftoit  apparu  dedans  fon  cachot ,  ou  ils  auoy- 
^nt  fait  accord,  fuyuantlequcl,  il  auoit  cftcdesferré& 
=tiré  non  fans  griefs  tourmcns  hors  de  là  ,  puis  précipité 
-en  des   lieux  foutcrrains  &  merucillcufcmcnt  creux, 
<onime  au  fond  de  la  terre  ,  où|il  auoit  vcu  les  cachots 
des  mefchans ,  leurs  fupplices  ,  ténèbres  &  miferes  hor- 
ïibles  ,  des  fîeges  puants  &  eftrayablcs  :  des  Rois> 
Princcs,&  grands  Seigneurs,  plongez  en  des  abyfmcs  té- 
nébreux :   où  ils  bruOoyent  au  feu  ardent  en  destour- 
iriens  indicibles  :  qu'il  auoit  veu  de  Papes ,  Cardinaux, 
■&  autres  Prélats  magniiîqucmcnt  vcftus,  &  autres  fortes 
de  gcRs ,  en  diucrs  équipages ,  affligez  de  fupplices  di- 
ilinds  ,  en  des  goufresfort  profonds,  oùijs  eftoyenc 
lourKiciuez  inçciîauimciu,  Adiouftaju  qu'il  y  auoit  re- 

çonu 


ér  mémorables.  ^^7 

conu  plufieurs  de  fa  conoiflance  ,  notamment  vn  de  fes 
plus  grands  amis  d'autrefoisjequeiraiioit  reconib&en- 
quis  de  fon  eftatrle  prifonnier  lui  ayant  raconté  que  leur 
payseftoit  en  main  d'vn  rude  maiftre ^  l'autre  lui  cnioi- 
gniftqu'cftant  de  retour  il  commandaft  à  cerude  Sei- 
gneur de  renoncer  à  Tes  tyranniques  deportcn-hens  :  & 
declaraftque  s'ily  continuoit,  fa  place  eftoit  marquée 
en  certain  fiege  prochain  qu'il  monitra  au  prifonnier. 
Etafin  (dJtceft  efprit  au  prifonnier)  que  k  Seigneur 
dont  nous  parlons  adioufte  foy  à  ton  rapport ,  di  lui 
qu'il  fe  fouuicne  du  confeil  fccrct  &dcs  propos  que 
nouseufmcsenfemble  ,  lors  que  nous  portions  lesar- 
piesen  certaine  guerre,  &fous  les  chefs  qu'il  lui  nom- 
ma. Puis  il  lui  dit  par  le  menu  ce  fecret,  leur  accord ,  les 
paroles  &  promeflbs  réciproques  :  Icfquclleslc  pnion- 
tiicr  raconta  diftindement  les  vnes  après  les  autres ,  par 
leur  ordre ,  à  ce  Seigneur ,  lequel  fut  merueilleufemcnt 
eftonné  decemeffagc,  s'esbaiiilfant  comme  il  s'efloit 
peu  faire  que  les  chofcs  commifes  à  lui  feul,  &  qu'il  n'a- 
uoit  iamais  defcouuertes  a  perfonne,  lui  fuifent  defchi- 
frees  C\  hardiment  par  vn  pauure  /îen  fuiet,  qui  les  repre- 
fentoit,  comme  s'il  les  euftleuës  dedans  vn  liure.    On 
adioufle  que  le  prifonnier  s'ellant  enquis  de  l'autre  a-- 
uec  lequel  il  deuifoit  es  enfers ,  s'il  eftoit  poflible&  vrai 
que  tant  de  gens  qu'il  voyoic  û  magnifiquement  veftus> 
lentiffcnt  quelques  tourmcns  ?  l'autre  rcfpondit ,  qu'ils 
cftoycnt  bruflez  d'vn  feu  continuel ,  prenez  de  tortures 
&fupplices  indicibles  ,  &que;tout  ce  parement  d'or 
&  d'cfcarlaten'eftoitquefcuardantainiîcoulouré.  Que 
voulât  fcntir  fi  ainfi  eftoit ,  il  s'eftoit  aproché  pour  tou- 
cher cefte  cfcarlate  j  que  Tautre  l'auoit  exhorté  de  s'en 
déporter  :  mais  que  l'ardeur  de  feu  lui  auoit  grillé  tout 
le  dedans  delà  main,  laquelle  il  monllroit  tout  roftie, 
&  comme  cuite  à  labraife  d'vn  grand  feu.  Le  pauurepri- 
fonnicr  ayant  efté  relafché,  paioilfoit  à  ceux  qui  l'abor- 
dercnts*en  retournant  chez  foi,  comme  vn  homme  touc 
hebeté,qui  n'oit  ni  ne  vojdgouttCjtoufiours  penfif,par- 
lantfort  peu,  &  nerefpondantprefque  point  aux  q^ue- 
iiions  qw'on  lui  faifoit.  Son  vifagc  au  rcftc  cttoit  deuc- 


5  3  s  Bïjfloires  admirables 

Jiu  Ç\  hideux ,  Ton  regard  rant  laid  &  farouche  ,  après  c  - 
Voyage,  cju'i  peine  fa  femme  &  fesenfans  le  reconiiienr- 
ili:&lereconoiirant,  ncfut  t^ueftion  c]uc  de  cris  &  de 
larmes,  le  cc»nceiiiplancain/i  changé.  11  ne  vcfcut  que 
fort  pcudeiou^s  après  ce  retour  ,  &  auec  beaucoup  de 
difficulté  peut-il  pouruoir  a  les  peti.e'»  ataires ,  tant  il  c- 
ftoit  efperdu.  ^_Alexaruii-e  d'yyiUx<nu<i.ie  au  6.lttirey  ih.tpi- 
tre  21. 

Vn  do<^eur  en  l'Académie  de  Heidelberg,  ayant  don- 
né congé  à  certain  fîen  feruiteur  de  f^^ire  vn  \oyage  en 
fonpavs,  au  retour  comme  ce  feruiteur  aprochoit  de 
Heidelberg, il  rencontre  vn  Reitre  monte  furvn  i-rand 
chcualjequel  par  force  lenleue  en  croupe.  Fnteleftat 
ile/Taye  d'empoigner  Ton  home  ,  pour  le  tenir  plus  fer- 
mermaisle  Reitres'efvanouit  ileferuiteur  emporté  par 
le cheual bien  hautcn  l'air ,  futiettébas  près  d'vn  pont 
hors  la  ville,  où  il  demeura  quelques  heures  fans  rc^ 
iiiuer  pied  nimain:en  fin  reuenu  à  roi,&  entendant  qu'il 
ciloitpres  de  fon  lieu  ,  reprint  courage,  fe  rendit  au  lo- 
gis,© u  il  fut  iix  mois  entiers  attaché  au  li(ft,  deuantque 
pouuoir  fe  remettre  en  pieds.  Extraul  des  hjîoires  impri-^ 
iiti es  a  Lipfjc  ,  Cmi  mil  ciruj  cens  qttatre"Tjingts  dixjept }  jovn  le 
tMlrc  dt  A!ir,thils  UijiorU  defpeihU. 

Vies  de  Torge  en  Saxe  certain  gentil-homme fepro^ 
menant  par  la  campagne,  rencontre  vu  homme  lequel 
le  falue,  &  lui  ofl^ie  fon  feruice.  Il  le  faitfon  palefrenier. 
Le  maiilre  ne  \  aloit  gueres.  Le  valet  elK>it  la  mefchan- 
teté  mefmc.  Vn  iour  le  maiiIre  ayant  a  faire  quelque 
promenade  vn  peu  loin,il  recommâdelescheuaux,  Ipe- 
cialemeiic  \n  de  grand  prix  à  ce  valet ,  lequel  fut  /î  ha- 
bile ,  que  d'enleuer  ce  cheual  en  ^•ne  fort  haute  tour. 
Comme  le  maiflreretoiuNoit  ,  fon  ciieualqui  aiioitla 
telle  à  la  feneftre  le  reconut,&:  eommence  a  hennir.  Le 
liiairtre  cilonnc  ,  demande  qui  auuic  logé  fon  cheual  en 
Ç\  haute  ef'iuirie.  Ce  bon  valet  refpond,  quecelloit  eu 
intention  de  le  mettre  feurement,  atin  qu'il  ne  fe  per- 
diJl:  pas,&.  qu'il  auoit  foigneui'einent  exécute  le  côman- 
tîcmct  de  fon  maiilre.  On  eut  beaucoup  de  peine  à  gar- 
i'jîicïh.  pauuicbelie&ladeualwr  aucc  des chables d|^ 

hau; 


^  memorMes.  539 

bauc  de  la  tour  en  bas.  Toft  après  quelques  vnsque  ce 
Gentil-homme  auoit  volez, delibcians  de  le  pourfuiurc 
en  ]urtice,lepalefrtnier  lui  ditjMaiiIre  :  i"auLicz-vous,lui 
monftrantvn  facjduouel  il  tira  plufieurs  fers  arrachez. 
par  lui  des  pieds  des  cheuaux,  pour  recarder  leur  courfe 
au  voyage  qu'ils  cntreprcnoyent  contre  ce  raaiftre  île- 
quel  finalement  actrappé  &  ferré  prifonnier  priafon  pa^ 
lefrenier  de  lui  donner  fecours.  Vous  eftesjrefpondle 
valet,  trop  eiLoitccnicnt  enchaifné:ie  ne  puis  vous  tirer 
de  là. Mais  le  maillre  faifant  inftance  ,  en  fin  le  valet  dit, 
ie  vous  tireray  de  captiuité,  moyennant  que  vous  ne  fa- 
ciez  figne  quelconque  des  mains  pour  penCer  vous  ga- 
rantir.Quoi  accordé  il  rcmpoigne  aucc  les  chaines,  ceps 
&  manoctes,&  remporte  parTair.  Ce  mifcrable  maittre 
cfperdu  de  fe  voir  en  campagne  fi  nouucUe  pour  lui, 
commence  à  s'cfcrier.  Dieu  éternel,  ou  m'emporte-on? 
Tout  foudain  le  valet  (c'eft  à  dire  Satan  )  le  laifle  tom- 
ber en  vn  mareli:puis  le  rendant  an  logis  fait  entendre  à 
ladanKvifellc  Teftat&lelieu  où  clloicfon  man  ,  ahn^ 
qu'on  l'allaft  dcfgagcr  &  deliurcr. 

Vnriche  hommede  Halbciftad  ville  renommée  en 
Alemagne  rcnoit  d'ordinaire  fort  bonne  table ,  le  don- 
nant en  ce  monde  tous  Isplaifirs  qu'il  pouuoit  imagi- 
JKT  Ç\  peu  foigncux  de  ion  ialut ,  qu'vn  iour  il  ofa  vo- 
mir ce  blafphemc  entre  fiss  efcornifleurs  ,  que  s'il  pou- 
uoit toufiourspafTerainfi  le  temps  en  dçliccs,  il  nedefi- 
rcroit  point  d'autre  vic.Maisau  bourde  quelques  iours, 
&  outre  fa  penfecil  fut  contraint  mourir.  Apres  fa  mort, 
on  \oyoit  tous  les  iours  en  fa  maifon  fupeibementba- 
flic  i  dcsfantofmes  furuenant  au  foir  ,  tellement  que 
les  doinelliqUes  furent  contraints  cercher  demeu- 
re ailleurs.  Ce  riche  apa/oilloit  entre  autres  aucc  v- 
ne  troupe  de  banquctceurs  en  -vne  fale  >  «jui  nç  fer- 
uoit  defop  viuant  qu'i  faire  feftins.  Il  cftoic  en- 
touré deferuiteurs  qui  tenoyentdes  flambeaux  en  let«s 
mains  ,  &  feruoyentfur  table  couuerte  de  coupes  &  go- 
jsclets  d'argent  doré  ;,  portans  force  plats  ,  puis  dcfl'cr- 
uans  :  outre  plus  on  oyoit  lefon  desfiufies:luths,efpi- 
f  ettes  &  autres  inftmmciis  vie  luu/îquc  :  bref  toute  la 


5  4^  Hifioires  admrahles 

lïiagnificcnce  mondaine  don:  ce  riche  auoir  eu  Ton  paf- 
Ictcnipsen  fu  vie.  Dieu  permit  que  Satan  rcprcfcntajt 
nuxycux  de  plufîeurs  telles  illufions  ,    afin  d'arracher 
Timpieté  du  cœur  des  Epicuriens,  lob  rincel  au  lUittre  de:       .: 
tncrueilUi  de  noflre  temps.  \ 

L'an  mil  cinq  cens  trentedeux,vn  gentil-homme  Aie-       ■ 
in3n;,crucl  cnuers  les  fuietsjcommanda  à  certain  payfan 
<îc  lui  aller  quérir  en  la  forell  prochaine  vn  grand  chef-      j 
«c,  Scie  lui  amener  en  fa  maifon,  à  peine  d'eftrc  rude-      J 
ment  chaftic.  Le  payfan  tenant  cela  comme  impoflîblc, 
partenfoufpirant  &  larmoyant.  Entré  dedans  la  foreft, 
îl  rencontre  vn  homme   (c'clloit  rennemi  )  qui  lui  de- 
mande la  caufe  de  ù.  triftelfc  >  a  quoy  le  payfan  fatisfit, 
ï*autre  lui  ayant  commandé  de  s'en  retourner  promet  de 
donner  ordre  que  le  gentil-homme  auroit  bien  toft  vn 
chefne.Apeincle  payfan  eftoit  de  retour  au  village,  que 
îon  homme  de  la  foreft  iettctout  contre  la  porte  du 
gentil-homme ,  &  en  trauers,vn  des  plus  gros  &  grands 
chefncs  qu'on  euft  peu  choifîr,  auec  fes branches  &  ra- 
meaux. Qui  plus  cil  cell  arbre  (e  rendit  durcommefcr> 
lellement  qu'il  fuft  impofllble  de  le  mettre  en  pieces,au 
Jiîoyen  dcquoy   le  gentil-homme  levid  contraint  à  fa      j 
irontc^fafchcrie  &  difpenfc  tic  percer  fa  maifon  en  autre      ' 
<:ndroit,&  y  faire fcncilrcs&  portes  nouuelles.  lob  ^m- 
cel  au  t.Uu. 

Il  y  a  vn  village  en  la  Duché  de  Brunfuic  nommé  Ge- 

licrnàdeuxlie2ié"s  de  Blommenavv.  L'an  15^5.  vn  pai- 

ian  Ibrti  au  matin  de  ce  lieu  autc  Ion  chariot,  &  fes  clic- 

iiaux  pour  aller  qiicrir  du  bois  en  la  foreft ,  defcouurit  à 

J'entrtedicelle  quelque^  troupes  de  Kcitres,  couuerts 

de  cuiralles  noires.Hllonné  de  celle  rencontre,  il  retour-i      1 

ne  en  porter  les  nouuelles  au  village.    Les  plus  anciens      | 

du  lieu  acompagne/.  de  leur  Curé  ou  pafteur,fortent 

incontinent  en  canipagne,fuiuLsdecenîperfonnes,taiic 

iiommes  que  fcmmes,pour  voir  ccfte  caualerie  ,  &  con- 

rentquatcrze  bandes  ou  troupes  diftin «ries  ,  lefqucUes 

en  vn  inftant  fe  mirent  en  deux  gros,  comme  pour  com- 

batre  à  Toppoutc  Tvn  de  l'autre.  Puis  nprcsjon  apçrccut 

Icrrir  de  chafc^ue  gros  vn  grand  homme,  de  eontcnan- 


ce  fierc ,  &  fort  effroyable  à  voir.  Ces  deux  de  cofté  8c 
d'autre  defcendent  de  cheual ,  faifant  foigneuCe  reueue 
de  leurs  troupes:quoy  fait  tous  deux  remontent.  Incon- 
tinent les  troupes  commencent  à  s'auanccr ,  &  à  courir 
vne  grande  campagne/ans  fe  choquer  :  ce  qui  dura  iuG* 
ques  à  la  nuift  toute  clofe ,  en  prefence  de  tous  ces  pay- 
fans.  Or  en  ce  temps  ne  fe  parloit  en  la  duché  de  Brun- 
fuie  ni  es  enuirons  d'aucune  cntrcprifc  de  guerre,  ni  d'a- 
mas de  Reitres  :'ce  qui  fit  eftimer  que  telle  viCion  eftoic 
vn  prefagc  des  maux  auenus  depuis  parle  lufte  iugemenc 
de  Dieu.  lob  TlnceUitiMitre, 

L'an  mil  cinq  cens  foixantefept,  EftieneHubener 
demeurant  à  Trautcnavv,  ville  au  royaume  de  Bohême, 
profpcra  tcllenrcnt  en  amas  de  richcfics ,  &  en  nombre 
de  baftimens  magnifiques,  que  chafcun  l'admiroir  Se  rc- 
ucroit.commel'vn  des  grands  mignons  de  félicité  mon-* 
daine.  Finalement  il  tombe  malade ,  meurt,  &  cfi  fort 
pompeufement  porté  au  fcpuîchrc.  Bien  to/i  après  il  a- 
parut  viuant  derechef,  &  carciïantpîu/îturs,  en  embraf^ 
fa  fi  ferme  &  roide  quelques  vns  ,  qu'aucuns  en  mouru- 
rent,les autres  furent  gricfuement  malades: tous  ârfer- 
mans  que  le  riche  Hubcner  les  auoit  ain/î  maniez ,  6c  e-. 
floit  tout  tel  qu'en  fon  plein  viuant.  Laiuftice  dulicii 
defcouurant  que  c'eftoit  vne  illufion  Saranique,  ordon^» 
naparfentcncequelecorpsde  H ubenerfcroit  déterré» 
Combien  ou'il  fuit  en  terre  des  cinq  mois auparauant, 
fi  n'eltoit-il  aucunement  atteint  de  pourriture,ainsauflî 
frais  qu'auant  fa  maladie  ,  &  comç  lontles  corps  refaits, 
êcenbon  poinét.  Lebourreaule  traineau  gibcr,oii  Von 
executelesmalfaitcurs,lui  tranche  la  telle  jdontlefanff 
reiaillitjcomme  fi  Hubener  euft  eilé  en  pleine  vie  >  ain(i 
aufll  que  de  la  poiftrinc  de  laquelle  il  tira  le  cœur  touc 
fanglant.  La  teftemifc  encre  les  pieds  fut bruOeeauec 
tout  le  corps  en  prefence  dVn©  trefgrande  multitude: 
&  depuis  TeHRcace  de  Satan  cefia,  Hiji.de  Bohême. 

Antoine  Coftillc,  gentil-liomme  Elpagnol  demeu- 
rant à  Fontaines  de  Ropel ,  Jortit  vn  lour  de  fa  maifon 
bien  monté,  pour  aller  ù  quelques  heuè's  de  là  expédier 
4es  afairçs,  aufquclies  ayant  pourucu ,  &  la  nuià.  apro-. 


542-  HiBoir es  admirables 

chantjil  délibère  retourner  en  fa  maifon.  Au  fortir  Jrf' 
village  ou  il  elloitalleil  trouue  vn  }>ctit  hermirage  & 
thappcUc  garnie  decertain  treillis  de  bois  au  dcuant,& 
vnelampe  allumée  au  dedans.Dcfcendu  de  chcual  il  faic 
fesdcuocions  ,  puisiettanrla  veuëdedansl  hermitage, 
void  ce  lui  fcmble  rortir  de  deflous  terre  trois  perfonncs 
cjui  venoyent  à  lui  les  teftes  couuertcs,puis  fe  tenir  coy- 
cs.Les  ayant  vn  peu  contemplé,  voyant  leurs  cheueux 
tftinccller,c]uoy  qu'il  full:  elUmé  fortvaillât,il  eut  peur, 
èé  remonte  à  cheual  commence  à  picqucr.  Mais  leuanc 
les  yeux  il  defcouuic  ces  pcrlonne,  qui  marchovent  vn 
peu  deuantluij&rembloyentl'accompagner.  Se  recom- 
mandant fans  celle  à  Dieu  ,  il  tourne  de  part  &  d'autre; 
mais  cefte  troupe  eftoit  touiiours  autour  de  lui.  Finale- 
ment il  couche  vne  courte  lance  qu'il  portoit  &  brocha 
des  efperons  contre,  pour  donner  quelque  atteintc:mais 
cesTantofinesalloycnt  de  mefmcpas  que  le  cheual,  de 
manière  qu'Antoine  fut  contraint  les  auoirpour  com- 
pagnie, iulques  â  la  porte  de  Ion  logis  ou  ily  auoitvne 
grande  cour. Ayant  mis  pied  à  terrcil  entre  &  trouueles 
fantofmes:montcàla  porte  d'vnechâbre  ou  fa  femme  e- 
ftoit^qui  ouunt  à  fa  parole:  &  côme  il  entroitjles  vifîons 
diiparurent.Mais  il aparut  tant  ef perdu, fi  desfait  &  trou- 
ble,que  ia  fcmeeftima  qu'il  auoit  eu  quelque  rude  crai- 
<flemcntde  la  part  de  l'es  ennemis  en  ce  voyage.  S'en  e- 
lkintcnquilè,&  ne  pou uant  rien  tirer  de  lui, elle  enuoyc 
appcllcr  \  n  grand  ami  qu'il  auoit,hom:nc  fort  docte,  le- 
quel vint  tout  i  l'heure:  &le  trouuant  auflî  pall'equ'vn 
mort,  le  pria  inltammcnt  de  defcouurir  fon  aihanture. 
Cortilleluy  ayant  fait  le  difcours,  ccll  ami  tafcha  de  le 
refoudrejpuisle  fit  fouper,le  conduilit  en  fachambrc,lé 
lailla  lurfonlidauecvne  chandelle  allumée  furîata- 
ble,&  fortitpourlelailfer  en  repos.  A  peine  fult-il  hors 
de  la  chambre,  que  Colfille  commence  i  crier  tant  qu'il 
peut,i  l'aide, à  raide>fecourez-moi.  Lors  tous  les  domc- 
lliques rentrèrent  en  la  chambre,  aufquelsil  dit  que  Ics^ 
trois  vifionseiloyét  venues  à  lui  leul  ,&  qu'ayant  crcufc 
la  terre  de  leurs  mains,elles  la  lui  auoyent  lettee  deiluç 
k'sycuxjdc  mamc^e  qu'il  ne  voyoïc  goutte.  Pourtant  ne 

la 


O"  memoravies.  j  4j 

Vabandonnerent  plus  Tes  duinc{tiques;  ain«;  à  toute  heu- 
re il  eftûitbicn  acoinpatiné  :  mais  leur  aHiftancc  &  viii- 
lance ne  le  peut  garder  fle  mourir  le  leptielme  lourlui- 
uant,  fans  autre  accident  de  maladie.  Torquemade  en  l.t  5, 
pct*itKedefn  Hexurnerotit 

lean  Vafques  d'Ayola  &  deux  autres  ieunes  Efpa- 
gnols  partis  de  leur  pays  pouf  venir  eftudier  en  droit  à 
Boulogne  la  grafle  ,  ne  pouuans  trouuer  logis  commo- 
de pour  faire  efpargne,furcntauertis  qu'en  la  rue ,  où  e- 
iloit  leur  hoftelleric,  y  auoit  vne  maiibn  deierte  &  ah?.- 
donnnee ,  à  cauic  de  quelques  fantofmes  qui  y  aparoif. 
foyét,laquelle  leur  feroitlaiflcepoury  habiter  fanspaycr 
aucun  louagejtandisqu'il  leur  plairoity  demeurer.   Eux 
acceptent  la  condition  >  font  mcfmes  accommodez  de 
quelques  meubles,  &  fontioveufemét  leur  mernace  en 
iccUe  refpace  dVn  nu)is.  Au  bout  duquelcôme  les  deux 
compagnons  d'Ayolafe  fulicnt  couchez  d'heure,  &  lut 
fuft  cnfoneftude  fort  tard,  entendant  vn  grand  brnit 
comme  de  plufîeurs  chaincs  de  fer,  que  l'on  braniloir  fit 
faifcit  cntrcchoquerjorritde  fon  eftude,auecfon  dpce» 
&  en  l'autie  main  fon  chandelier  8^  la  chandeDeallu- 
mce,  puis  le  planta  au  milieu  de  la  falle  ,  fans  refuciller 
les  compagnons,attendantque  deuicndroitce  bruit,  le- 
quel procedoit  a  fon  aduis  du  bas  des  degrez  du  losfis., 
refpondans  à  vne  grande  cour  que  la  falle  regavdoir.Siî!: 
certe  actête,  il  defcouure  i  la  porte  de  ces  degrez  vn  fan- 
tofme  effrayable  ,  d'vnQ  carcalfe  n'ayant  rien  que  les  os, 
trainant  par  les  pieds  ôc  le  faut  du  corps  ,  ces  cliainesquî 
bruioycntainfî.Lcfaïuofme  s'arrefte,  &  Ayolas'acoura- 
gcant  commence  i  le  coniurer,demadanr  qu'il  eu  le  i  lui 
donner  à  entendre  en  façon  côucnablc  ce  qu'il  vouloit. 
Le  fanrofme  cômence  a  croifcr  les  bras  ,  ba.ffer  la  tc'àc» 
^l'appeller  d'vne  main  pour  le  fuiure  par  les  degrez. 
Ayola  rclpond,  marchez  deuanc,&  ie  vous  fuiuray.  Sur 
celefantofme  commence  à  dcfcendre  tout  belUmenr, 
comme  vn  home  qui  traineroit  des  fers  aux  pieds  ttului 
d'Ayola,  duquel  la  chandelle  s'eifeigmt  au  ii.ilieu  des 
degiez.  Cefutrenouucllcmét  de  pcunneanrnioinss'eC. 
ucrtuàtdcnouueau,il  dit  aufantofuie,  vous  voyez  biea 


j*  4  4  Hijloires  admirables 

cjuc  ma  chandelle  s'eft  amortie  ,  ie  vaylar'allumer  :  Q 
vous  m'attendez  ici  ierctourncrayincontincnt.il  coure 
au  foyer ,  r'allume  la  chandelle  \  reuient  furies  dcgrez, 
ou  il  trouue  le  fantofmc,&:  Icfu't.  Ayât  trauerfé  la  cour 
du  loçis,  ils  entrent  en  vn  grand  iardin  ,  au  miHcu  du- 
quel cftoit  vn  puits:  ce  qui  fit  douter  Ayolaquelc  fan- 
tofme  ne  lui  nuiiît:pourtant  ils'arrefta.Maislefantofmc 
le  retournant  fit  figne  de  marcher  iufques  vers  vn  autre 
endroit  du  iardin  :  &  comme  ils  s'auançoyent  celle  party 
le  fantofmc  difparut  foudain.    Ayola  refté  feul  com- 
mence à  le  rappeller ,  proteftant  qu'il  ne  tiendroit  i  lui 
de  faire  ce  qui  feroit  en  fa  puiflance  :  &  attendit  vn  peu. 
Le  fantofmc  ne  paroiiTantplus ,  l'Efpagnol,  rerournc 
en  fa  chambre  refucillefes  compagnons,  qui  le  voyans 
toutpafle  ,  lui  donnèrent  vn  peu  devin  &  quelque  con- 
fiture ,  Tenquerans  de  fon  auanture,  laquelle  il  leur  ra- 
conte. Toft  après  le  bruit  femé  par  la  ville  de  ceft  acci- 
dent, le  Gouuerneur  s'enquit  foigneufementde  tout,& 
entendant  le  rapport  d'AyoIa  entoures  les  circonftan- 
ces  fit  fouiller  à  Tendroit  où  ie  fantofme  eftoit  difparu. 
J,à  futtrouueela  carcafTe  enchaînée,  ai nfî  qu' Ayola Ta- 
noit  veuè'jCn  vne  fepulrurc  peu  piofonde,d'où  ayât  ertc 
tirée,  &  enterrée  ailleurs  aueclcs  auti-cs  ;  tout  le  brun 
qui  parauant  auoit  efte en  ce  grandlogis  ceiFa , les  tfpa- 
gnols  retournez  en  leur  pays,  Ayola  futprouucu  d  offi- 
ce de  iudicature  :  &  auoit  vn  fils  prclîdent  en  vne  ville 
d'Efpagncdu  tempsde  TorqttcnKide  ^  lequel  fait  ce  dif- 
cours  en  la  troifieinie  ioiirneede  fon  hcxamcron.    Ce 
qui  conuient  aucc  le  récit  que  fait  Pline  fécond  di» 
Philofophc  Athcnodorus  tnl'Epiilre  à  Surc,au  feptiel 
nie  liure. 

Théodore  Gaza ,  dofte  peifonnagede  noftre  tefnp 
auoit  obtenu  en  don  du  Pape  certaine  meitairie.  Son 
fermier  foifoyantvn  iouren  certain  endroit  trouua  vne 
huye  ou  vrne,  en  laquelle  y,auoit  des  os.  Sur  ce  vn  fan- 
tofme lui  aparut&  commanda  de  remettre  cefte  vrnc 
en  terre,  autrement  fon  fils  mourroit.  I: t  pource  que  le 
fermier  ne  tint  conte  de  cela  ,  bien  peu  de  temps  après? 
fon  fils  fut  tué.  Au  bout  de  quelques  iours  le  fantofmc 


érmemôrahles.  J45' 

retourna  menr.ffant  le  fermier  de  lui  faire  mouîir  Ton 
nucrefils,  s'il  ne  remettoic  en  terre  Tyme  &.  les  os  qu'il 
auoit  trouuez  dedans. 

Le  fermier  ayant  penfé  à  foy ,  &  voyant  Ton  autre  fils 
tombé  malade,  conta  le  tout  à  Théodore ,  lequel  eftant 
allé  en  fa  meftairie ,  &  au  lieu  d'où  le  fermier  auoit  tiré 
l'Trne,  fit  refaire  vnefofle  au  mefme  endroit,  ou  ilsca- 
cherentrvrne  &  les  os  :  ce  qu'eftant  fait  le  fils  du  fer- 
mier recouuraiilcontinent  fa  fanté.  Manliwen  fes  lieux 
tommwis.  La'uater  au  l.Uu.de  tapp.tr.  des  cspriis-^chapAl. 

iMelanchrhon  en  fon  traire  de  l'ame  cfcrit  auoir  eu 
luî-mefmes  plufîeurs  apparitions,  ^  conu  plufieurs  per- 
fonnes  dignes  de  foy  qui  affermoyent  auoir  parlé  à  des 
Cfprits.En  fon  liure  intitulé  examen  ordinandornm^ià  dit  a- 
uoir  eu  vn  tante  fœur^Ic  fon  père  ,  laquelle  demeurée 
enceinte  après  la  mort  de  Ion  mari ,  ainfî  qu'elle  eifoic 
àlTife  près  du  feu  ,  deux  hommes  entrent  en  fa  maifon> 
Tvn  defqncîs  reffembloit  au  mari  mort  ,  &  fc  donnoit  à 
conoiftre  pour  tcljl'autre  de  fort  haute  taille  eftoitveftu 
en  cordclier.  Celui  qui  reffembloit  au  mari  s'approch  e 
du  fouycr,falue  fafemmeja  prie  de  ne  s'crtonnerpoinc: 
difant  qu'il  vcnoitlui  denner  charge  de  faire  quelque 
chofe.  Sur  ce  il  commande  au  cordclier  de  le  retirer  de- 
dans le  poifle.  Et  ayant  deuife  longuement  auec  la  fe m-  ' 
me  lui  parlant  de  prcifres  >  &  de  rtiefl'es  ,  eftanr  prcft  à 
partir,illui  dit,tendantfa  main,  Touchez  là  :  mais  pour- 
ce  qu'elle  cftoit  failie  d'cftonncment ,  il  l'alfcura  qu'el- 
le n'auroit  aucun  dcfplaifîr.  Ainfi  donc  clic  le  toucha:3c 
combien  que  la  mam  d'icelle  ne  deumlc  impotente, 
tanty  a  qu'il  la  brufla  tellement,  qu'elle  fut  rouiiours 
noire  depuis.  Cela  fait  il  appelle  le  cordeliçr,puis  tous 
4eux  difparurent.  Lauaterain.Utt,-^  ch.ipitrei^.de  r,%pp, 
des  efprits. 

Pierre  Mamor  recite  qu'à  Confolant  fur  Vienne  a- 
parutily  a  plùsdei4o.  ans  en  la  maifon  d'vn  nommé 
Capland,vn  malin  efprit,fe  difant  élire  l'ame  d'vne  fem- 
me trefpaflcé ,  lequel  gcmilloit  &  crioit  en  fc  complai- 
gnant  bien  fort ,  admoneftanr  qu'on  fift  plufîeurs  prie- 
«es  &  voyages ,  &  reueh  beaucoup  de  chofçs  véritables, 


^4^  Hijlciyes  admirables 

Mais  quclcun  lui  ayant  dit  fî  tu  veux  qu'on  te  Cfoye  d'y 
Aiiferere  met  Dettf  j  j'ecundum magnam  nnfericordiarn  tuam.  Sa 
refponfe  fut,ie  ne  puis.Alors  les  afliftans  fc  mocquerent 
de  lui,qui  s'enfuit  en  frcmiflant.  Le  femblable  aduint  à 
"Nicole  Auberide  Vcruin  ,  de  laquelle  M.  Barthelemi 
Faye  confeiUcr  en  Parlement  a  efcrit  Thiftoire ,  où  il  àh 
que  Satan  apparut  à  elle,  priant  fur  la  fofle  de  fon  père, 
commefortantdufepulchre,  &  lui  dit  qu'il  faloit  dire 
beaucoup  de  mefles,  faire  quelques  voyages  fpecifiez, 
pour  le  tirer  de  purgatoire  &  après  tout  cela  ne  laifTa 
de  tourmenter  cefte  pauurc  femme  ,  combien  qu'au 
commencement  il  fe  ài{\.  eflrc  Ion  ayeul  :  neantmoins  à 
la  fin  il  dit  qu'il  eftoit  Beelzcbub.  Il  y  a  vne  plus  récente 
hiftoire,  notoire  aux Pariiîens,  &  non  imprimée,  adue- 
nue  en  la  ville  de  Paris  en  la  rue  faind  Honoré  au  che- 
ual  rouge.  Vn  Paflementier  auoit  retiré  fa  nicpce  chez 
lui  la  voyant  orpheline.  Certain  iour  la  fille  priant  fur 
la  fofTe  de  Ton  père  à  fainâ:  Geruais,  Satan  fe  prefente  à 
cUç  feule,  en  forme  d'homme  grand  &  noir,  lui  prenant 
la  main  &  difant,  m'amie,  ne  crain  point ,  ton  père  &  ta 
mère  font  bien. Mais  il  faut  dire  quelques  meires,&  aller 
cnvoyageànoftre  Dame  des  vertus  :  &ils  iront  droic 
en  paradis.  La  fille  demande  à  ceft  efpritjfî  foigneux  du 
falut  des  hommes,qui  il  eftoit.  Il  refpondit  qu'il  eftoid 
$atan,&  qu'elle  ne  s'eftonna  point.  La  fille  fit  ce  qui  lui 
eftoit  commandé.Qiî^oy  fait  il  lui  dit  qu'il  faloit  aller  en 
voyage  à  S.  lacques.  tllc  rcfponditjicnefçauroisaller'. 
il  loin.  Depuis  Satan  ne  cclfa  de  l'importuner ,  parlant 
familièrement  à  elle  feule  faifantfabefongnc,  lui  difans 
ces  mots.  Tu  es  bien  cruelle;elle  ne  voudroit  pas  mettre 
fescizeaux  au  fein  pour  l'amour  de  moy.  Ce  qu'elle 
faifoit  pour  le  contenter  &  s'en  defpccher.  Mais  cela 
fait  il  lui  deman-doit  en  don  quelque  chofe,iufques  à  de 
fcs  cheuçux,  dont  elle  lui  donna  vu  floquct.  Quelques 
iours  après  il  voulut  lui  pcrfuader  de  fe  iettcr  dedans^ 
l'eau,  t:intoft  qu'elle s'cftranglaft,  lui  mettant  au  col  à 
cefte  fin  la  corde  d'vn  puits:  mais  elle  cria  tellemétqu'ili 
ne  pourfuiuit  point.    Combien  que  fon  oncle  voulant 

vniour 


Vnîour  lareuancher  fut/î  bien  battu  ,  qu*il  demeura 
malade  au  lid  plu  s  de  quatre  iours:  Vue  autre  fois  Satan 
Voulut  la  forcer  &  conoiftre  charnellement,  &  pour  la 
refîftance  qu'elle  fit,elle  fut  battue  iufques  a  eftufion  de 
fang.  Entre  plufîeurs  qui  virent  ccftc  fille  fut  vn  nom- 
mé Choinin,rccre taire  de  rEuefque  de  Valence,leauel 
lui  dit,  qu'il  n'y  auoit  plus  beau  moyen  de  chafier  l'eG* 
prit,qu'cn  ne  lui  refpondant  rien  de  ce  qu'il  diroit  :  en- 
corcs  qu'il  commandaft  de  prier  Dieu  ,  ce  qu'il  ne  faic 
iamais  qu'en  le  blaj"phemant,&  le  conioignant  toujours 
auec  (t&  créatures  par  irrifion.  De  fait  Satan  voyant  que 
la  fille  ne  lui  refpondoit  rien  ,  ni  ne  failbit  chofc  quel- 
conque pour  luijla  print  &  la  ietta  contre  terre,&  dcpui» 
elle  ne  \ià  tien.M.Amiot  Eucfoue  d'Auxerre  &  le  Curé 
de  la  fille  n'y  auoyent  iccu  remédier,  i.  -Kodin  au  ^MnJe 
fi  dejiionomanicchap.ô . 

Vn  cheualier  Lfpagnohriche  &  de  grands  authorité, 
s'amouracha  d'vne  Nonnain  ,  laquelle  s'accordant  à  ce 
dontillarequcroir,pourlui  donner  libre  entrée  lui  con- 
feilla  de  faire  forger  àcs  clefs  iemblables   à  celles  des 
portes  de  i'Egliie,où  elle  trouueroit  moyen  d'entrer  pac 
autre  endroit,pour  fe  rendre  en  certain  lieu  defigné.  Le 
cheualier  fit  accommoder  deux  clefs,  l'vne  feruantou- 
urir  la  porte  du  grand  portail  deTcglife  irauticpourla 
petite  porte  d'iceile  eglife.Et  pource  que  le  conuent 
des  Nonnains  eftoit  vn  peu  loin  de  Ton  village  ,  il  par- 
tit fur  la  lîiinuiét  fort  obfcure  tout  feul  ',  &,  .laiflant  fou 
cheual  en  certain  lieu  feur,  marcha  vers  le  conuent*. 
Ayant  fait  ouuerture  de  la  première  porte  :  il  vid  l'eglife 
ouuerte,&:au  dedans  grande  clairté  de  lampes  &  de 
cierges,&  force  gens:qui  chantoyent  &  faifoyent  le  fer- 
uice  pour  a  n  trerpairé.  Celal'eitonnc  :  neantmoins  il 
s'approche  ,  pour  voir  que  c'eRoit  :&  regardant  de  tous 
collez,  appcrçoit  l'eglife  pleine  de  moines  &  depre- 
Itrcsqui  chantoyent  liinli   à   ces  funérailles,  a)ians  au 
milieu  d'eux  vn  aix  en  forme   de  tcmbcau   fort   haut, 
couucrt  de  noir:&  à  l'entour  force  cierges  allumez  en 
leurs  mains.  Son  eftonnement  redoubla,  quand  entre 
^as  ces  chantres  il  o'çn  peut  remarquer  pas  vn  dç^la 

M  m    2k 


H  8 


Kjlâires  Admirables 

cognoi{rance:rourtant  après  les  auoir  bien  Contemple/, 
il  s'approche  de  l'vn  des  Preltrcs,  &  lui  demande  pour 
qui  Ton  faifoit  ce  feruice.  Le  prcftrc  refpond  que  c'e- 
ftoit  pour  vn  cheualier ,  defîgnant  le  nom  &  furnom  de 
lui  qui  parloir  ,  adiouftantque  ce  cheualier  eftoit  mort 
&  qu'on  faifoit  fes funérailles.  Le  cheualier  fe  prenant 
à  rire  refpond,  Ce  cheualier  que  vous  me  nommez  eft 
en  vie:per  ainh  vous-vous  abufez.  Mais  le  preftre  répli- 
qua,Oui  bien  vous:car  pour  certain  il  eft  mort,  &  eft  ici 
poureftre  cnfeuçli:  quoydit-ilfercmit  à  chanter.  Le 
jcheualicr  fortcsbahi  de  ce  deuis ,  s'adrefie  à  vn  autre  & 
lui  fait  la  mefme  demande.  Ce  deuxiefme  fait  mefme 
refponfe,aflFermant  vrai  ce  que  le  premier  auoit  dit.  A- 
lors  le  cheualier  tout  eftonné>fans  attendre  d'auantage, 
fortit  de  l'Eglife  remonte  à  cheual,  &  s'achemine  vers  fa 
maifon.Il  eft  fuiui  &  acompagné  de  deux  grands  chiens 
noirs  qui  ne  bougent  de  fes  coftez  :  &  quoi  qu'il  les  mc- 
naçaft  del'efpeejils  ne  l'abandonnent  point.  Mettant 
pied  à  terre  à  la  porte  de  fon  logis,  &.  entrant  dedans,fes 
feruitcurs  levôyans  tout  changé  le  prient  inftammcnt 
cie  leur  reciter  fon  auantute  :  cequ'ilfair  de  poinâ  en 
point.On  le  mcine  en  fa  chambre  ,  où  acheuant  de  ra- 
conter ce  qui  eftoitpafle,  les  deux  chiens  entrent ,  fc 
ruent  furieufement  fur  lui,  Tertranglent  &  defpeccnt, 
fans  qu'aucun  des  fiens  pcuft  le  fecourir.  Tor^jnemadj  c» 
lu  troifiefme  iot.rnee  de  fon  hi'X.i,ncron. 

Antoine  delà  Cueua,cheualierEfpagnoI,pourrairon 
à  nous  inconnues,  &  parla  permiflion  de  Dieu  ,  fur  ten- 
té &  trauailic  en  fa  vie  de  fantofmes,  &  vifîons ,  de  ma- 
nière que  pour  la  continuation  il  en  auoit  finalement 
perdu  la  aainte  ,  combien  qu'il  nelailîaft  pasd'auoir 
toufîours  de  la  lumière  en  la  chambre  où  il  couchoit. 
Vne  nuiâ:  ,  eftant  en  la  couche ,  &:  lifant  en  vn  liure  jil 
fentitdu  bruitdeflbusfacoucliccommes'ilyeull  quel- 
que perfoHne  :  &  ne  fâchant  que  ce  pouuoit  eftre  ,  \ià 
fortir  d'vn  cûfcé  du  lia:  vn  brasnud,  qui  lemblojt  eftre 
de  quelque  More:  lequel  empoignant  la  chandelle  !;j 

ictta  / 


cf  memoYAhles.  ^  4  9 

fccM  à  bas,auec  le  chandclier,ix:  refîeignic. Alors  le  chc- 
ualier  fencit  ce  More  monrcr,  fie  le  mecrre  Juec  lui  en  la 
couche.  Comme  ils  fe  fuflent  empoignez.  6:  cmbraifez, 
ils  commencèrent  à  lutter  de  touce  leur  force  menans 
tel  bruit  que  ceux  de  la  maifon  fe  refit eillerent,&vcnans 
voir  que  c'elloit  ne  trouuerent  autre  que  le  cheualier 
lequel  eftoic  tout  en  eau,  corn  me  s'il  fuil  forti  d'vn  bain, 
&  tout  enflammc.Il  leur  conta  fon  auanture ,  &  que  ce 
More  les  fcntant  venir  s'eiloit  desfait  de  lui ,  Se  ne  fça- 
uoit  qu'il  ciloit  deucnu.  Lrf  wepïc. 

En  TEglife  cathédrale  de  Mersburg  près  de  Lypiîcy 
avnEue!quc&desChanoines,'iufquelsilcftoitloifikIc 
defe  marier.  Ils  ont  laili'é  en  icclle  de  grands  &  riches 
joyaux  donnez  des  long  temps,&  ont  fait  conicience  de 
s'en  accommoder.  Pour  la  garde  du  temple  il  y  a  ordi- 
nairement quelques  hommes,  qui  tour  à  tour  veillent 
en  icelui  tant  de  iour  que  de  nuid.Iceux  rapportèrent  a- 
uoir  obferué  de  fort  long  temps,&  entendu  de  leurs  de- 
uanciers  gardes  que  trois  femainei  auant  le  dcces  de 
chafcun  chanoine, de  nuift  fe  fait  vn  grand  tumulte  de- 
dans le  temple:  &  comme  fi  quelque  puiflant  homme 
donnoit  de  toute  fa  force  quelques  coups  dupoinclos 
Tur  la  chaire  du  chanoine  qui  doit  mourir  :  laquelle  ces 
gardes  marquent  incontinent:  &  le  lendemain  venu  en 
aucrtilfent  le  Chapitre.  C'cft  vn  adiournementperfon- 
nel  à  ce  chanoine>lequel  meurt  dedans  trois  femaines  a- 
^i^s.Mcmoifts  dcnâftretem^:. 

VISIONS  merueilleiifes  en  l'air. 

'An  mil  cinq  cens  trente  deux  ,  presd'Infprucic'fu- 


L 


(rent  veucs  ces  images-ci  en  l'air.  Vn  aigle  fur  vn  co- 
ftaujtoutestarouché  ,  au  deuant  duquel  vcnoyent  trois 
autres  imagés,comme  pour  le  destanc.  La  première  e^ 
ftûit  vn  chameau  eftandant  le  col ,  &  enuironné  de  feu 
tout  àTentour.  La  féconde  vn  loup  iettant  le  feu  par 
ia  gucic  ,  &  entouré  d'vn  cercle  de  feu.  La  troifiefmç 
y  a.  liou,a  qui  vn  hoaune  grme  de  toutes  pièces ,  5c  dç-« 

Mm   3 


5  5  o  HiJIoires  admirable^ 

bour,à  l'entrée  des  montagnes ,  manioit  doucement  ïc 
crin,&fembloit  quccelyon  f^.ifoit  fefte  à  rhommc  ,lui 
tendant  la  patte  cij  fignc  àc  f^luzo.ncn.  AÎ.Gas}ur  Peucer 

Bien  peu  de  temps  auant  la  mort  de  leaa  Electeur  6^ 
Duc  de  Saxe  ,  l'on  vid  en  l'air  fur  Ifenac  les  figures  fui- 
uantes.Premierement ,  vn  vieil  aibre  fec  renuerlé  par 
terre.Seeondcmeut,  vnhoi-nmede  cheualqui  portoic 
rarbre,mais  tout  csbranché  :  en  troifîeme  lieu  vn  chien 
«iecliafTe:  pour  le  quatricfme  vne  grand' aoix  noire, 
en  vne  nuçe  efpaifle  :  pour  lecinquiefme  on  vid  fortic 
<ie  cciic  nuec  la  foudre  aucc  vn  Ci  horrible  &  impétueux 
efclatde  tonnerre  ,  armé  de  tantd'efclairs&  de  feux, 
c]u'on  penfoit  qu'il  deuil  confommer  vn  village,  fur 
lequel  il  fembloit  vouloir  fondre  :  &  y  auoit  vne  fille  ef- 
•frayee,qui  d'vn  cri  violent  appelloif  la  mère  à  Taide  ,  8ç 
prioit  aeftrc  receuc  &  mife  à  couuert.  Combien  que  ic 
ne  vueille  pas  entrer  en  l'expoiition  de  telle  vifion, 
toutcsfoisie  recueille  de  ce  qui  seft  enfliiui  dcpuis,quc 
telles  images  ont  reprefenté  les  changemens  furuenus 
en  la  maifon  de  Saxe  ,  enfemble  les  çalamitez  &  ruines 
<ics  Fplifes.  Lrf  mefme. 

Au  mefme  temps  que  fut  faite  la  Ligue  d'Alemagne, 
furnominec  de  Smalçaldc  ,  on  vid  reluire  en  Tair  des  i- 
jnagcs,quifemblentauoir  marqué  Tiflué  de  toute ceftc 
oiTociarion.  Premièrement,  ic  prefenterent  quelques 
cens  de  cheual ,  fuiuis  de  paylans,  armez  de  mafl'ues  & 
jcuicrs.-puisaparut  vne  haute  tour  près  d'vne  riuiere  ,  & 
non  guercs  loin  d'icelle  tour  vn  homme  quipuifoitde 
l'eau ,  après  lequel  venoit  vn  grand  dragon.  Les 
deux  premières  figures  s'efuanouircnt  incontinent: 
le§  deux  autres  fe  nionftrcrent  allez  long  temps.  L^ 
;pierme. 

L'an  mil  cinq  cens  trente  quatre,le  troifiefme  iour  de 
luillet  après  midi,le  ciel  eftant  clair  &  defcouuert,  ceux 
<lVne  petite  ville  nommée  Sçhefvvitz  ,  virent  en  Tair 
iles  lions  acourans  de  diuers  endroits  pour  s*entre- 
banrcdc  près  d  eux  vn  homme  de  cheual  armé  de  tou^ 
teipxecçs,  braftila^cvae  jauçiuw,    JNoa  guercs  lom 


drtncmorahles,  5ji 

j  cefl  homme  gifoit  vu  telle  humaine ,  fans  corps,  or- 
-cedVn  diadème  impcrial.  Aflez  presyauoit  vne  hu- 
re de  fanglicrauec  Tes  broches,  &  deux  dragons  vomif. 
fans  ie  feu.  Puis  aparut  Tmiage  d'vne  bien  grande  ville 
rt3ule,pres  d'vn  lac ,  alfiegee  par  terre  &  par  eau ,  &  def^ 
fus  icellev>ie  croix  de  couleur  de  fang  ,  qui  peu  à  pew 
deuint  noire.  Vn  autre  cheualier,  flamboyant  &  portant 
en  tefte  vne  couronne  d'Empereur,  fe  prefcnta  inconti- 
nentjfuiui  d'vn  cheual  fans ccnda£leur  puisaumilieu 
d'vne  fpacieufe  plaine  apparurent  deux  chafteaux  en 
feu,  proches  d'vne  haute  montagne  ,  fur  laquelle  eftoic 
vn  grand  aigle  cachant  la  moitié  de  Ton  corps  derrière 
la  montagne  ,  &  apparurent  auflfi  quelques  petits  ai- 
glons ayans  le  pennage  blanc,  &  fort  luifant ,  enfemble 
la  tefte  d'vn  lyon  couché  &  couronné,  vn  coq  frappant 
du  bec  cefte  tefte ,  tant  &  fi  longuement  qu'elle  fut  fe- 
parce  du  corps  (lequel on  vid longuement)  &s'efua- 
nouit.  Il  y  auoit  d'autres  lyons ,  &  près  de  la  hure  du 
(angliervne  licorne  qui  fechangeoit  peu  à  peu  en  fi- 
gure de  dragon  :  auec  grand  nombre  d'autres  animaux 
de  forme  &  grandeur  non  acouftumee.  Outrcplus ,  fur 
vne  haute  roche  paroifToit  vnefortercfl'e  enuironnee  de 
deux  camps,  &  tout  le  pays  fembloit  plein  de  villes, 
bourgades  &  chafteaux  :  mais  incontinent  tout  cela  fut 
faifi  &  confommé  par  feu,  &  toutes  les  ruines  de  cefte 
cftcndue  femblerent  fondre  &  fe  perdre  en  vn  grand 
eftang,  ne  reftant  rien  que  quelques  tours,  à  l'endroic 
où  la  grande  ville  eftoitaparue.  Alariue  du  lac  fut  veu 
"vn  puiffantchameau, faifantfemblantde  boire  ,& corn- 
me  arrefté  fur  cefte  riue  là.  Va  mefmc. 

L'an  mil  cinq  cens  trente  huid,  deuantla  première 
expédition  de  guerre  du  Landgraue,  vn  notable  per- 
sonnage, Conful  de  la  ville  de  Smalcalde ,  vid  de  nuiâ, 
comme  tout  deuantfoy  les  images  fui  uantes.  Il  y  auoit 
vn  vieillard  à  table  &  dormant  à  tefte  baifleeifur  vn  bâc 
aupreseftoitcouché  vn  lyon.  Dedans  lamefmecham- 
trc  eftoyent  plufieurs  hommes  veftus  de  longues  ro- 
bes,quifcnibloyentconfulter  touchant  ce  lyon,  qui  fi-. 

Mm    ^ 


552,  Ht ft êtres  admirables 

^lalementriuM  de  fonbatic,  comme  pour  les  entiahiVi 
auc^fcs  pactes  de  dcuant.  Eux  fe  lerransenrembles'op- 
pofcnt  au  lyon  ^s:  lui  donnent  plu/îcurs  coups  de  poi- 
gnard: finalemeiu-  l'ayans  enclos  par  le  moyen  d'vnc 
«haircquiJsiettcrcncdelTus,  lui  coupèrent  U  queue: 
piiîis  tort  après  s'elhntdefpetré  de  dcfïbus  cefte  chaire, 
ilrecouLirefa  queue  ,  &  eux  s'cftans  enfuis  hors  de  la 
chambrcil  retourne  en  raplace,&rautc  furie  banc.  De- 
rechef, comme  ces  hommes  eu  lient  recommencé  à  en- 
trer &rortir,comme  pour  machiner  la  mort  du  lyon,  il 
entre  en  fureur  &  s'eflance  impetucufement  contre 
eux,  qui  fe  prindrent  à  crier  &  tendre  les  bras  au  vieil- 
lard dormanr.lccueî  s'eftant  efueillé.&L  hauflant  la  teflc, 
du  branflc  de  fa  main  droite  menaça  le  lyon  ,  qui  Tap- 
perceuant,  fe  retira,  &  regardant  de  fois  à  autre  fon 
vieillard,  faura  fur  le  banc,  ou  il  fut  transformé  en  le- 
fus  Chrill:  prcfciiant  tout  debout  ,  deuant  lequel  ces 
hommes  s'cftans  prollcrnez ,  comme  pour  demander 
pardouj  ScTayant  obtenu,  toutes  ces  images  s'euanoui- 
rcnt.  Lanicfme. 

L'an  mil  cinq  cens  quarante  cinq ,  Iplendemain  de 
Pentecpfte,  furent veuës  en  Silefie  les  images fuiuan-, 
tes.  Vn  ours  vcnoit  d'Orient  conduifant  vne  armée 
bien  equippec.au  deuant  duquel  marchait  vn  lyonpar- 
ti  de  rOccidcn  t  auec  des  troupes.tntre  les  deux  armées 
luifoit  vnc  eftoille  fort  claire.  Incontinent  fe  commen- 
ce vne  afpre  mefîec  ,  tellement  qu'il  fcmbloitque  le 
l^ngcouladJe  toutes  parts  des  corps  blelfcz  ,  &  que 
pluiieucs  tôbaffenr  morts  fur  la  pkce.  Durant  le  combac 
vn  aigle  partr.nt  de  certain  rocher  fort  haut  voltigeoit 
lurles  troupes  du  lyon.  Apres  long  combat,  &  lors 
que  la  mefice  fembloit  cilre  finie,  le  lyon  aparut de- 
rechef reluilànt  au  milieu  ^iQ.i'cs  bandes  :  maison  ne 
içeut rien  remarquer  quant  à  l'ours  ,  ains  le  corps  de 
icsarmccs  demeurèrent  efpars  &  gifans  ,  autour  dcf- 
quels  fe  trouuercnt  des  vieillard  chenus  &  de  regard 
vénérable.  Le  combat  acheué  ,  le  lyon  remena  fon  ar- 
JTjeevers  Occidenc,&  eftantaflez  auanten  chemin,cer>. 
taiii  mcncé  fur  vn  braut  chcwal  biauc  liiiTararniee ,  & 

vintai^ 


dr  mémorables,  5  55 

Vint  au  champ  de  bataille  ,  &  montafur  ceclieualvn 
Jeune  homme  tour  arme,  lequel  eftoit  là  tout  clebout:& 
l'ayant  accompagné  vers  Orient ,  toutes  ces  images  s'ef- 
uanouirent.  tamefmc. 

L'an  mil  cinq  cens  quarante  neuf,  quelques  nota^îe^ 
bourgeois  delà  ville  de  Brunfuic,  allans  denuifccnce 
voyage  pour  afairesneceffaires,  virent  la  Luneenuiron- 
née  d'vn  cercle  fort  apparent ,  &  près  d'elle  deux  autres 
Lunes.Ce  cercle  faiioit  quatre  tours  à  l'cnuiron  d'elle:& 
près  des  deux  autres  Lunes  ils  aperceurcnt  vn  lyon  tout 
en  feujvn  aigle  qui  fe  perçoit  la  poiftrine,puis  la  figure 
du  trcn-iUultre  Prince  Ican  Frédéric  Dux  de  Saxe,&  vne 
autre  figure  de  la  création  d'Eue  tirée  de  la  cofte  d'A- 
dam :  en  après  Dieu  afîls^&tenantà  fesgenouxAdam  & 
Eue  qu'il  cherifloit  amiablemcnt  ,  comme  font  qucl- 
quesfois  les  pères  leurs  enfans.  Apres  cela  fe  prefenta  v- 
ne  horrible  apparence  de  villes  tout  en  feu,enuiron  lef- 
quellesy auoitvn  chameau,  la  figure  de  Icfus  Chrill 
pendant  en  la  Croix,&  autour  d'icelle  la  compagnie  des 
Apollres.  La  dernière  imagefutla  plus  effroyable  de 
routes.  Ilyauoit  vnhonime  debout,  de  regard  cruel, te- 
nant au  poing  vne  cfpee  defgainee  ,  dont  ilfembloic 
vouloir  fiapper  vne  ieune  fille  agenouillée  deuantlui,8: 
qui  auec  les  larmes  aux  yeux  le  prioit  d'cl-tre  cfpargnce. 
D'autres  telles  images  furent  vcues  en  quelques  autres 
endroits,  limefme. 

A  cequedelfusle  doâ:eur  Peuccr  adiouftece  qui 
s'enfuit.  Combien  que  de  tout  temps  Ton  ait  demandé 
par  quelle  vertu  telles  images  fe  forment  en  l'air  ;  ^cà- 
uojr  puis  que  les  régions  de  l'air  ne  fontiamaisfansex- 
hahiirons^  fî  ces  exhalaifonspar  rencontre  ,  ou  efparlcs 
après  quelques  iiTterualles  viencnt  point  à  fe  rencon-r 
trcr,  &  à  caufer  telles  images,  en  forte  que  la  lumière 
dcscieux  venant  à  leur  donner  teinture  ,  les  vnes  font 
blanches,  les  autres  rouges  &  ardantes,  félon  la  qualité 
des  vapeurs  :oubien  ,  C\  les  natures  intelligentes)  &:qu« 
prcuoyent  les  chofes  à  venir ,  expriment  point  telles  i-. 
inages,où  à  l'aide  des  fumées  Scexhalaifons ,  ou  de  quel- 
que fplcudçur  apparente  ?  Qu^ant  à  moii*eilime  que.Ia 


ï  5  4  '  Hifloires  admirables 

plufpartde  tels  Oltcntes  font  faits  &  formez  par  le  Sci- 
|:ncur  Dieu  mcfmc  ,  ou  par  fes  fainds  Anges,qui  pour 
rameur  du  genre  humain ,  qu'ils  voyent  cftre  aime  de 
Dieu,  nous  inetrcnrdcuant  les  yeux  ,  parle  moyen  de 
tellesimaccs,  vnc  bien  exprelTe  rcprefcntation  &  fuite 
dcseuencmcns  ;  nonpas  afin  que  nous  preuoyons  fini- 
plcmencceque  nousnç  pouuôscuiter:  mais  afin  qu'ad- 
moncftez  par  tels  auertiflemens  nous  penfionsànos 
pechez^foHdions  la  grandeur  des  dangers,ramenteuions 
a  nos  cœur^  Icsremonftrances  8c  confolatioiis  qui  nous 
fontpropofecscn  l'Efcriture  fainfte  ,  tellement  qu'au 
milieu  des  traits  qui  nous  font  lancez  ,  &  lors  qu'il  n'y 
aura  apparence  que  de  confufion  extrême  fans  refl'our- 
ce,  nous  nous  profternions  humblement  à  fes  genoux, 
&  HC  cefîions  auec  les  mains  &  confciences  pures  le 
jprier  &  fupplier^que  fans  regarder  à  ce  que  méritent  les 
iniquitezdumonde,  il  nousreçoyuecn  fa  garde,  nous 
inaintiene&garentiflcde  la  riolenee  des  ennemis  de 
;noftrefalur,  &  dcûourne  tous  les  maux  qui  pendent  def- 
fus  nos  telles.  II  eft  vrai-fcmblable  aufli  que  les  diables 
jncttcnt  par  fois  la  mam  à  tels  oauragcs.  Mais  ,  au  de- 
meurant ,  les  vagues  ôiinconrtantes  rencontres  des  ex- 
halajfons  ne  peuuent  com.pofer  des  fîgnes  fi  beaux ,  fî 
bien  range/. ,  &  des  chofesfuiettes  àla  prouidencç 
de  Dieu  :  linon  que  Ton  voulull  maintenir  me- 
ptementSc  mcfchamment  auec  les  E- 
picurien.s,quc  le  monde  confîfte, 

cllgouucrné  &cooduit  , 

i  l'auenture. 


FIN  DV    PREMIER 

V  O  i  V  M   F.. 


D  E  VX  lE  SME 

V  O  L  V  M  E 
DES 

H I sr O I RE  s 

admirables^  ^mé- 
morables. 


C  I  D       I  D  C  X  X. 


A  lEAN  GOVLART 

EJleu^  ControUenr  des  Aides 
^  Lailies  pour  le  Roy 
en  l  élection  de 
Senlis. 

On  FRERî,Ie  vous  enuoye 
le  dcuxiefme  volume  de  nos  re- 
cueils d'hiftoires  admirables  & 
mémorables, a me^lne  intention 
que  le  premier.  Ce  font  pièces 
rapportées  &  enfilées  groflierc- 
ment ,  aufquelles  ie  n'adiouflc  prcfque  ricu  àxi 
mien ,  poun  laifîcr  d  vous  àc  a  tout  autre  débon- 
naire Icdleur  la  méditation  libre  dufruict  qu'on 
en  peut  &  doit  tirer.  Dieu  y  apparoir  en  diuerfcs 
fortes  près  &  loin  ,  pour  maintenir  Çx  iuftice 
contre  les  cœurs  farouches  de  tant  de  perlbn- 
nesqui  le  regardent  detrauers  :  Item  pour  tef« 
moigner  en  diueries  fortes  fa  grâce  a  ceux  qui 
lereuerentdepure  affeélion.  Nous  auons  d'au- 
tres enfeignemens  plus  briefs&  pathétiques  :  ic 
le  confefle.  Mais  comme  tous  n'y  prenent  pas 
gouftji'eftimeque  cefte façon  d'efcrire  par  ré- 
cits diuers  n'eft  pas  du  tout  infriidtueufè.  Du 
moins  i'ay  ce  contentement  en  moi-mefme, 
que  i'ay  defiré  méfier  le  doux  &  l'vrile  enfenu 
blc.    Si  quelques  autres  çnfuiucnc  6c  furmon- 


/^^^  ËPISTRÏ. 

cent  l'exemple  que  ie  leur  monftre ,  no(!re  Citdé 
aura  de  mois  en  mois  quelque  labeur  nouueau, 
pour  foulagcrôc  recréer  les  plus  feueies  fronts.  le 
luis  entré  envnefpacieu le  torelt  d'hiftoires  mer- 
ueiUeufesttS^  rien  ne  me  reticnt(  li  ce  u'cft  le  de- 
(ir  d'agréer  a  plufieurs  pour  leur  mitruction)  que 
ie  ne  puille  aifement  en  fortir  toutes  de  quan-  " 
tesfois  qu'il  me  plaira.     Nul  n'y  eft  obligé ,  non 
plus  que  moy.     Cefte  vacation  férue  tint  &  à 
qui  elle  pourra.  le  me  foucie  peu  ou  point  de 
toute  ma  pemc:qui  n  ell  qu'vn exercice  d'heures 
mefnagees  ,  tandis  que  quelques  autres  plus  in- 
duftrieux  fe  fontarnufcz  à  regarder  leurs  doigts. 
Encores  moins   apprehende-ie  ce  qu'en  peu- 
uentpenfer  &  dire  les  mal-vueillans,  fi  aucuns 
fc  trouuent  fi  mal  difpofez  que  de  ne  vouloir 
point  de  bien  à  celui  qui  ne  leur  fait  point  de 
mal.  le  ne  redoute  nullement  mon  ombre  ,  ÔC 
fuis  content  de  me  perfliader  que  ce  petit  effort 
cft  agreable:fiàvous,ce  m'eft  beaucoup  :  fi  nul 
ien'en  perds  ,  ni  repos  ni  repas  pourtant.  En  la 
plus  ferme  afUette  de  noftrevie  il  y  a  beaucoup 
•debranlle  :  qui  par  le  haut  reffemble  ceux  qui 
cheminent  fur  descfchaffes  :  &  vérité  fe  trouue 
cnuironnee  de  vanité  dedans  maintes  rencon- 
ires.    Auecquipuis-ie  rire  &c  pleurer  plus  fami- 
lièrement qu'auec  vous?  Ilyadequoy  pourl'vii 
Se  l'autre  en  ce  volume.  Courez-le  de  l'œil  quel 
quesfois,  pour  l'amour  de  lui  mcfmes ,  de  vous^ 
ècdc  moi  aulîi.     Mais  n'eftimcz  point  que  ce 
foitvne  lettre  de  pa{ïèporr,de  créance, d'infinua-^ 
don,  de   recommandacion»    C'eit  vnbouquec 

du 


ËpistueT  5^9 

^uPrintemps  :  s'il  vous  agrée  quelques  heures» 
l'en  ay  ramalfë  les  fleurs  à  celle  tin.  Si  l'odeur  ea 
demeure  plus  longtemps  ,  aunnt  qu'il  fe  pafïc 
nous  cfïayerons  d'en  cueillir  vn  troifîefme  de- 
dans noftre  parterre  hiftorique,  qui  n'aura  moins 
de  grâce  que  les  deux  precedents.Contmuez 
ladefTus  en  voftre  fraternelle  bien-vueil- 
lance  vers  moi.  De  S.Geruais  ce 
15.  iour  d'Auril  l'an 

CID. lOCIV. 


Voftre  frère  &  fîngulicr  ami  à  iamais 
Simon  Govlart. 


tyo  Hijloires  admirables 

qABSCE  S,  OV  APO- 
Jîemes^  au  corps  humain. 

s  T   A  K  s    plufieurs  Médecins   & 
Chirurgiens  appeliez   à   Montpel- 
lier ,  Tan  if?^.  le  zy.  iour  d'Auril, 
^our  confulter  d'vne  grande  mala- 
die cju'auoit  le  fieurdcla  Tour,fuc 
:onuquc  c'cftoit  vn  abfces.    Apres 
auoir  confulcé  j  tous  fufmcs  d'aduis 
qu'il fuilouueriauec le  cautère  potentiel.    EftantoU- 
uert  nous  trouuafmes  dedans  àç.s  chofes  les  plus  eftran- 
ges  qu'on  fçauroit  voir ,  comme  poils  ,  roignures  d'on- 
gles, doux,  chaftaignes,  raifîns ,  figues  ,fromagc^bouil- 
lie,  iiîicl,  aulx, ou  chofes  reflemblantes  à  tout  cela,  & 
encore  d'auantage,  pleins  d'autres  chofes  encorcs  plus- 
cftranges  ,  lefquellcsrelîembloyent  à  petits  animaux 
Il  demeura  fort  long  temps  ouucrt  j   auec  grande  c;i- 
uité&  de  perdition  de  la  fubrtance  des  trois  grosmuf- 
cles  qui  conftituentlafeflc,  &  ferucnt  tous  à  l'cxten  • 
fîon  de  la  cuiiîe.     Mais  Dieu  grâces  ,    auec  les  re- 
mèdes   necefîaiies  ,   celle  grande  cauité   &  déperdi- 
tion de  fubrtance  full  remplie  de  chair  ,   &  le  tout 
bien  confolidé, demeurant  guéri  l'efpace  de  trois  ans.  II 
lui  reuint  en  l'année  1^86'.  mais  tout  autrement  :  car  il 
fut  plus  grand  au  double  ,  &  rempli  de  matière  pliis  c- 
ftrange.    Nous  fufmes  r'appellez  pour  confulter  vné 
autre  foisjà  fçauoir,s'ileftoit  befoin  de  le  r'ouurir  :  &  fut 
frrefté  comme  dcflus,  faufque  l'ouuertureferoit  faite 
auec  le  cautère  aduel,  item  qu'elle  fcfcroit  en  croix,  dé 
la  grandeur  d'vn  bon  demi  pied  ,  &  beaucoup  de  cautc- 
les  mis  dedans.afin  de  bien  confumer  la  racine  du  guiil. 
la  matière  qui  en  decouloit  n'cftoit  point  de  diuerfe 
nature  comme  la  première  foisanais  eu  forcoit  à  pleins 

pla® 


dr  memorahles»  j  ^x 

plats  (Jeux  fois  le  iour,  &  q  uelqiiesfo is  troisielle  refi'em- 
bloit  i  des  grofles  perles,  cUacune  aynt  sô  guift  ou  enue- 
lopoir.  Dansccguiil  y  en  auo^t  quatre  ou  cinq  autres, 
chacune  dcr<juelles  auoit  aufl~i  l'on  guiil ,  &  derechef  en 
icellcsfî  petites  s'y  trouuoyeiic  ,  d'autres  encoresplus 
petites  toufioursenueloppecs,&qui  efloyent  comme 
grains  de  miliet.  L'euacuation  delà  matière  dura  fora 
long  temps,  &  n'en  fuflions  iamais  venuà  bout,  fans 
l'huile  de  fouffrc,  vitriol  &  mercure.  Par  ce  moyen  il  fut: 
fort  bien  guen.  Dieu  merci ,  &.  s  ell  pcrt^  bie  i  depuis 
refpacc  de plufieurs  années.  Aï.  Bunhdemi Cah  oi  ,  eitjes- 
olferuiitiom  anathorniques,  objeru.Z'J. 

En  l'année  1578.  M.  NoclTouitct&  moyfufmes ap- 
peliez pour  ouurir  le  corps  de  feu  Antoire  Riquomme> 
honnorable  marchant  de  la  ville  de  Montpellier ,  aagé 
defoixantcansou  enuiron:ille  trouua  auoirdansla  ca- 
pacité du  ventre  inférieur  vn  grand  abfcesauroignori 
gauche,  rempli  de  matière  piirulente.Ceft  abfces  fut  ap- 
porté dans  la  maifon  tic  Monfieur  Hucher ,  Chancelier 
de  rVniuerfité,  pour  chGfemonftreufe.  Deuantque 
Touurir  nous  fufmes  tous  d'aduis  dcle  pefer^^  trouuafl 
mcsqu'ilpefoit  quatorzehures  &: demie,  auecfon  guift 
&  roignon  à  collé. Ce  guiftou  enuelopoir  efioit  de  i'ef^ 
paiifeur  quaii  d'vne  bonne  peau  de  mouton  ou  de  mar- 
roquin,  lequel ,  après  auoir  olié  ceJlc  matière  purulente 
contenue  dedans ,  fut  embaufmé  &  gardé  fortfoigneu- 
fcment.  l  c  mejme  en  tolferuatliyn  i8. 

Vn  icune  homme  nommé  Gouron ,  Marchant  de  Pe- 
7enas,  ayant  en  mefme  endroit  vnc  douleur  fort  gran- 
de ,  appella  les  Médecins  &  Chirurgiens  qui  furent  de 
diuerfc^s opinions,  aucuns  eftimairs qu'il  auoit  vnc  pier- 
-reaux  reins  ,  d'autant  qu'il  rendoit  par  fwis  quelque  peu 
de  pus  par  les  vrincs:  moy  au  contraire  tcnois  que  c'e- 
ftoicvn  abfces  ,  mcmoratif  de  celui  deRiquomme.  La 
compagnie  s'eftant  retirée,  le  malade  m'ctiuoyc  quérir, 
me  prie  inftamment  de  l'ouurir ,  aimint  mieux  (difoir- 
il)  mourir,  que  viurc  fi  mifcrablement  aucc  la  grande 
douleur  qu'il  lentoitd'ordinairc.Vaincu  des  prieres,tant: 
de  Im  que  de  Tes  par  eus  Se  amis  ,  ilippciby  tous  ctux 

N  0 


^6z  Hîflûircs  aJmirahles 

«juis'eftojrcnt  trouucz  à  la  confulration  ^puissj'anf  a;r* 
pliquc  mon  cautcrc  dedans  vn  ponâuel  c|ue  i'auois  fair 
faire,  ie  trouuay  lacauité  &le  licti  delà maricrc,  mai* 
il  n'en  forcit  rien.  Deux  heures  après  i'y  fus  pour  chan- 
ger le  premier  apparei);&  la  rente  cftant  fortie,  fus  con- 
traint prendre  vn  bafTin  de  barbier^leouelfuc  rempli  de 
pus  plus  que  de  la  moitié,  &  contmuay  deux  fois  le  iour 
\n  plat  le  matin,  &  vn  autre  le  fuir.  Cela  dura  Tefp.-^ce 
d'vn  mois  ou  de  cinq  femaincs  :  mais  en  fin  il  fut  bien 
guéri,  &  depuis  s'eft  retiré  à  Marfeillc ,  pourpourfuiure 
là  trafique.  Lamefme, 

Sur  la  fin  du  mois  de  Nouembre  Kpp.  ie  fus  appelle 
en  la  maifon  de  iM. Charles  de  RofeLConfeiller  du  Roy 
en  Ton  Parlcmenrde  Thoulouzc,  pour  voirvncfïenc 
petite  fillcjaageed'enuironfcize  mois,  ayant  le  ventre 
fort  enflé  &  tendu,  qui  empefchoit  tellement  la  refpirïZ- 
tion,que  celle  fillette  fembîoit  preftc  à  eftouffer.    L'.i- 
yant  tallcc^conoiOant  l'enflure  cftreau  dedans, &  qu'cî- 
ieabouriffoit  vn  peu  à  tous  les  ^tvx  flancs,  ie  fis  affcm- 
bler  quelques  Médecins  &  Chirurgiens.  Combien  que 
chacun  fifl  Ton  pofl'ible  de  recercher&  trouircrrcflcn- 
ce  du  mal ,  &  le  fiege  d'icelui ,  fi  furent  les  opinions  fore 
diuerfes  :  car  les  vns  tenoyen r  que  c*cftoit  vne  hydropr- 
iîe  toute  formée,  les  autres  iugeoyent  que  c'ertojt  \  n 
ablces,  mais  différemment  :  ceux-ci  l'eftimans  eftrc  en  h 
lubftancedu  foyc  ,  ouenlaratte  :  ceux-là  fouitenans 
qu'ileftoit  au  pancréas  ,  &  quelques  autresenrre  les 
mufcles  de  l'epigaflie.  Pour  moy,  voyant  la  firuarion  de 
la  fillette,  TcnflureS:  forme  d'iccDe  auec  certaine  cir- 
confcriptionquei'y  tïouuois  ,  la  tallant  ie  iugcayaLiflî 
incontinent  que  c'ertoycntdes  abfccs.    Mais  icpenfois 
certainement  qu'ils  fuflent  au  foyc  &  en  la  rattc,  pour  en 
auoir  veu  d'autres  auec  femblables  fympromes.    Nous 
fufmes  tous  d'accord,quant  au  progiioflic  :  car  tous  \'na- 
nimemcnt  iugeafmcs  f|ue  la  flJetce  mourroit  dedans 
peu  de  temps,&  n'y  auoitpcrlbnnc  en  la  compagnie,qui 
rcnfaiUjU'cllepeuilviure  encore  11 ui<fliours:  toutesfois 
êllcvefquir  (côbien  qu'auec  grand' peine)iufquesau  17. 
loui  du  mois  d' Auril  15^7.  eufuyuanc ,  <^i]i  font  plus  de 

quatre 


I 


cf  mémorables.  56"j 

'mjatremois&dcnii.Incontincntapies,  eftant  decedce, 
ie  fus  appelle  pourTouurir:  ce  quifutfait  en  prefence 
de  beaucoup  de  perfonnesjnommémcnr  à\n  rres-dode 
Médecin  &d'vn  Chirurgie  luré.Enceiico'.iuerture nous 
trouuafmes  des  chofcs  miraculeufes    &  prodioicufcs, 
pour  Taage  d'\  n  fi  petit  enfan  c  :  car  du  cofté  feneftre  fe 
trouuavn  abfces  d'admirable  grandeurdéqucl  arraché' .Tr. 
uec  foncnuelopoir  pcfoiccnuiron  dixliures.   Mais  ce 
que  nous  trouuafmes  encore  plus  prodigieux  fut  que 
dans  cet  abiccs  trouucrent  encore  crois  autres  abfces, 
chacun  couuert  de  fa  tayc,&;  de  la   pcfantcur  de  liure  & 
demie  chacun,rempljs  de  la  mefme  mariere,  femblablc  i 
delà  bouillicji  des  œufs  cuits,  à  des  f  gués,  &ide  la 
chair  auccfes  fibrcs,&  autres  matières  eftranges,  dutouc 
hors  de  là  reigle  &  du  régime  de  narurc.Du  cofté  droit 
furent  trouuc?.  auflR  deux  grands  cbfccS;  cômeiumeaux, 
pcfans  enuiron  quaneliurcs  chacun,  remplis  de  mefme 
matière  que  les  autres.    Chofe  du  tout  montlrueufe, 
qu'vnfi  tendre  &;ieunecnfançon  air  peu  fubfifter  por- 
tant fi  grande  quâticé  de  telle  matière.  Aufîlauoyentlef- 
dits  abfces  tellement  preffé  le  diaphragme  en  haut  vers 
lesclauiculcs,  que  les  poulmons  n'auoycnt  pas  *^QA\yi. 
doigts  d'cfpace,  ce  qui  la  fit  mourir  comme  eftouftcc. 
Voila  comment  cefte  maladie  cftoit  autant  dimcilc  à 
conoiibe  qu'impofllble  à  guerinSc  ne  peut-on  rapporter 
la  caufe  de  ce  mal  à  la  femence  &  première  conforma- 
tion:carlepere&  la  mcreelloycnt  d'vne  fort  belle  ha- 
bitude,d'vn  louable  tempérament,  &  de  très-bonne  ex- 
traction :ioint  que  toutes  les  parties  nobles-  de  cepetit 
corps,comme  coeur.poulmons,  foye,ratce,  eftomach  ,  & 
tout  lerefte,eftoycat  de  cref-belle  couleur  &confillan- 
ce.Ec  n'y  auoir  autre  différence  en  laconthtution  ,  fois 
tjue  ce  petit  enfant  n'auoir  point  d'vuule ,  mais  vn  trou, 
aufond  dupalais,qui  incommodoic  fort  fa  nourriture. 
Car  fucçanrlelaid,  &nepouuant  l'aualler  commodé- 
ment, cliceiloit  contrainte  le  reietter  le  plus  fouuenÈ 
parles  narines.     Ce  qui  ncurroit  bienauo'r  aidéiU 
génération  de  beaucoup  d'e::cremens  pituiccux,  faute 
de  conuenablc  nourriture.  iMaiide  fcauoir  proprcineû^ 

Nn     X 


i[  ^4  Uijlûires  admirables 

où  nature  auoit  dcfchargé  fcs  immondices,là  p{i  la  plu? 
grande  difficulté.  Car  nature  voulant  toujours  fe  fecou- 
lir  clic  mefmcellc  crcufc  des  cachots,conduits,  &  réce- 
ptacles inopinez,&  fait  chofcs  merueillcufes.  Et  ne  faut 
s'eftonncr  fï  auxaffcftions  internes  quelquesfois  on  ne 
dcfignc  proptement  la  partie ,  pourueu  qu'on  conoifle- 
le  mdX.temefiiK en  l' oh[e*i*ation particuUcre 55. 

K^ EST INENCE  nompareillç^ 
ér  vk  merueilleuje. 

IL  yafîxvingts&troisans,quela  Suifleaveu  vnhom- 
mcmerucilleux  entre  les  autres.  On  le  nommoit  Ni- 
colas d'Vnderuald.Cc  perfonnagc  ayanteu  en  loyal  ma- 
riage cinq  fils  &  cinq  filles  de  fa  femmcvn  iour  les  quit- 
ta tousjfe  retirant  en  vn  lieu  fort  folitaire  &  efcarré ,  où 
il  vefcut  refpace  de  vingt  vn  ans ,  fans  boire  ni  manger. 
Il  fut  eftimé  de  tous,hommefaind,&fçauoit  parler  clai- 
rement des  plus  hauts  myftercs  de  l'Efcriturc  faindcen-  . 
cores  qu'auparauant il  n'euft  point  eftudié,  voire  fuft  vn 
idiot,ignor3nt,qui  ne  fçauoit  ni  lire  ni  efcrire.  Il  paroif^ 
foit  toufîours  ioyeux.     Ses  exhortations  ordinaires  c- 
ftoyent  de  preflcr  les  Suiffes  qu'ils  fe  conuertifTent  ^ 
Dieujdemcuraffcnt  de  bon  accord  enfcmble.gardaficnc 
de  fe  laiffer  corrompre  par  prefens,  &  d'entrer  en  allian- 
ce auec  les  Princes  étrangers.    Es  iours  de  feftcs  ilfc 
trouuoit  en  l'Eglife  prochaine  ,  où  il  faifoit  quelques 
fermons,edihantplusparfa  vie  que  par  fa  voix.  Illbu- 
Joitfermer  les  prières  de  certains  mots  en  fon  langage, 
qui  fignifient  au  noUi^ )Sei^neur,ojic  moy  a  moyyt^  me  don- 
9t€  tout  à  toy.    En  Tes  deuis  ordinaires  auec  ceux  qui  Ta- 
bordoyent,  ildeclaroit  franchement  ne  tenir  à  moin- 
dre miracle  en  fa  vie  ce  qu'il  auoit  peu  quitter  vne  fem- 
me &  des  enfans  qu'il  aimoittant ,  que  fon  abflinence 
de  boire  &  de  manger.  Ses  yeux  eftiocclloyent  d'vne 
clairté  terrible.  Lors  qu'il  parloit;,ics  artères  &  veines  du 
col  lui  enfloyentdc  telle  force,  qu'on  euft  dit  qu'elles 
cfloyent  pleines  d'efprit  en  lieu  de  fang.  Ce  grandper- 
fonnagc&quin'aeu  fon  pareil  de  noftre  temps,  mou- 
rut fort  paifiblement  l'an  mi!  cinq  cens  &  deux.  Stttnt- 


^  mémorables,  s^G^ 

<<  \]ui  en  efcric  rhiftoire  e»p  Chronique  de  Sulffe^ridiou- 
.„jAla  miene  volonté  que  nous  autres  S  uilTes  nous  rc- 
glilTions  félon  les  admonitions  de  ceft  homme.  Vn  au- 
tre Suifle  voulant  l'enfuiure ,  lui  demanda  confcil  com- 
ment ils  pourront  paruenir  à  telle  fainfteté  &  abflinen- 
cc.  Mais  Nicolas  lui  remonftra  fciicufement,  quefon 
faidn'cftoit  pas  vue  inuention  humaine  ,  ains  vne  a- 
-drelTe  diuine ,  &  que  les  dons  d'enhaut ,  n'eftoyent  pas 
egalementdiftnbuez  à  tous.Pourtantleconfeilloit-ilde 
fc  contenter  de  fa  condition ,  de  s'acquitter  fidèlement 
de  fon  deaoir  en  l'eûat  qu'il  excrçoit ,  fans  vouloir  par 
imprudente  émulation  cacher  en  terre  le  talent  que 
t)ieu  lui  auoit  commis  pour  fe  faire  valoir.  Ce  galand 
pafifa outre,  &,  contre î'auis  du  bon  Nicolas,  fe  rendit 
hermite.  Mais  lui  eftant  aduenu  de  commettre  certain 
iour  vn  aéle  tref-vilain,la  iufticc  le  failît  au  collet ,  Tem- 
prifonna,chaftia par  amende,  tellement  que  defcouucrt 
hypocrite.Sc  tout  confus ,  il  retourna  à  fon  premier  me- 
ûicr.StanipJit^i  ^  Rodolf.  Hof^inian  at*  zMure  de  t origine  de 
la  Moineritichap.^, 

{^ VT R E  ahjlinence mémorable. 

T'Ai  fait  mention  au  premier  volume  de  quelques  fil- 
Iles  qui  ont  vefcuplufieurs  années  fans  boire  ni  man- 
ger. Maintenant  ic  prefenteray  Thiftoire  d'vne  qui  vf- 
uoit  encoresenla  prefente  année  i/îo4.felon  qu'elle  m'a 
eilé  communiquée  par  M.Elie  de  Molery  tref-do(5lepcr- 
fonnage,&qui  aveu  la  fille  doiiteft  qucftion.  ïetour- 
ncray  quelque  chofe  jen  François  du  difcours  qu'il  m'en 
a  cnuoyé  efcrirdeta  main  en  Latin.  Apolline  Schreyer 
fille  d'Ellieae  Schreyer  &  d'Anne  lung,  encore  viuans 
en  vn  petit  village  nommé  Gakz  auBalliaged'Erlac, 
fous  la  domination  des  lUuftrcs  Seigneurs  de  Berne 
en  S ui (Te, enfantée,  nourrie,  &  efleuec  comme  Icsauties 
cnfans,cnuironran  1588.  commença  d'abhorrer  toutes 
viandes  chaudes ,  tellement  que  p?.r  l'efpace  de  dixhui(5t 
/pois  elle  ne  voulut  &lui fut  impolTible  de  gou^lcr  vian- 
tc  4uelco^<lU€  t^uifuil  chaude.  Ce  r.onobftant€Uelçj:* 


^66  Htjloires  admirables 

noir  Ton  perc  &  fi  iT.crc  au  indna|;c.Tcl  dcTgouftenieiK 
&indifpo/îrion  croiirant,fes  ciiillcsjfon  ventre,  fa  poi- 
^trine  s'cnficrcnt ,  tellement  quelle  commença  à  reitt- 
tcr&  abhorrer  toute  viande  &  breuuape.  Samerecjui 
l'aime  tcndvcmcnt,&  qui  a  quelques  moyenS;n'ei'par<ina 
rien  pour  laroulagcr,fulfent  bons  potagesjfucrejvins  dé- 
licieux,&  autres  remèdes.  Du  cômencement  la  fille  s'ef- 
força d'en  prcndrcjpour  complaire  à  fa  mère  y  mais  elle 
Tomifloitle  toutincontinent.Ainfi  deuanrla  fin  de  Tan 
ï59o.clle  n'a  peu  ni  voulu  depuis  goufter  viade  ni  brcu- 
uage  aucun, ni  n'en  peutfuppcrter  en  facoucrie  Todeur 
en  façon  que  ce  foit.fî  on  l'approche  tantfoit  peu  de  Ton 
rez  ou  de  fa  bouche.Elle  ne  crache  point  ni  nefemou- 
çhe;,ne  vuide  aucuns  excremcns,par  bas,n'vrine  point,a 
toulîoursla  bouche  ieichejles  boyaux  eftoupcz,nefai- 
gne  nullcmçnt^ni  n'a  point  Tes  mois.Le50.iour  de  luin 
36o2.fairanc  lors  fort  chaud, en  prefcnce  de  quelques  no- 
bles &  honorables  peifonnaecs  elle  futveuë  en  qucl- 
o^uc  fueur.Elle  ell:  foiblc,  &  ordinairement  en  la  couche: 
lui  taftant  1e  pofgnct,cn  rentiepouls,&  mettant  la  main 
fouslamnmmellefcneltrclemouuemcntducoL-urjmai 
le  tout  foiblc  ce  intcrmittent.Elle  a  elle  \iC\z<:(z  de  plu- 
/ieurspcrfon nés  de  toutes  qualité?.  :&  comme  c'eft  la 
couftumc  de  la  plufpirt  de  raller  le  pouls  jux  malades^ 
il  s'eil  r.ouuc  en  celle-ci  qu'vne  fois  plus  que  l'autre  ion 
pouls s'cft  mon ftré  véhément ,  inégal ,  ^c  comme  celui 
des  fcbricitans.  Dont  on  peut  recuciHir  que  Icsobicts 
çfmeuucnt  &:  esbranîcnt  .les  fens  t:'nt  intérieurs  qu'ex- 
tcrieur^jSc  quelc  csj  ur ,  roi  de  tous  les  fens  qui  lui  fer- 
lî.ntiyilefiiiuentccn'.ine  Icurfouuerain  ,  v'ngite quand 
&i  toutes  Tes  arteresj  dépendantes  de  lui  coninie  de  leur 
pnncipe.Q^andlespcrfonncsqui  auoycnû  àcu'iié  auec 
eliefc  retiroyen'-j&  l'on  ia  touclioit,  le  pouls  cfloit  fore 
foibîe  ^  languillant, 

\  Elle  a  les  yeux  clairs  &  Vigoureux ,  l'ouie  aigiic,  \\>- 
idorat  fi  prompt  qucmcrutilîes.Ie  geull  délicat,  Tattou- 
çhement  vif&  entier  par  toutleco'ps  ;  la  voix  forte, 
la  parole  p.rticulee  i^/i  difl.r.dcnue  tous  ctxix  quil'en- 
tendenr  s'en  esbahyfltnt.Elîc  afpirc,  rcf}>if e  &  foulpire 
9  fon  ùiç,l^<i  dedans  de  Ton  nç  j:  ^  de  ics  0     '  * 


^memorahles,  ^^j 

fânscxcremcns  aucuns  :  les  chcueux  aflc7.  cÇ^nis ,  nulles 
ordures  en  lareilc  depuis  i'oi\  ablbncce.-lc  vifagc  graflet 
&  de  bonne  couleur ,  la  poittrine  fort  large ,  les  mam- 
jnelles  aile?,  rondes, fermes  !U  charnues.  Elle  n'a  poinc 
de  ventre,  ains  depuis  la  poicTirine ,  à  caufc  delà  totale 
vuidangedes  fîxinrcftins,  le  relie  efteftroid,  ferré,  & 
comme  attaché  contre  refpine  du  dos.  Lcshanchc-s, 
cuilfes,  ïambes  &  pieds ,  font  de  competante  charnure. 
Elle  dore  la  nuià,  mais  légèrement ,  &  aucc  quelque  in- 
quiétude. Au  commencement  elle  fut  preiTee  de  vents 
&  coliques  :  maintenant  elle  n'eft  atteinte  d'aucunes 
dottk^Urs,  Il  ce  n'eft qu'on  lui  touchée  prefTe  trop  la 
poidiipe  &  les  autres  parties  du  corps.  11  y  a  plus  de 
deux  an$  qu'elle  ne  bouge  du  lid,  oi  ne  peut  plus  fe  fou- 
ftenirfurfes  pieds. 

(Tuant  à  la  vérité  de  ce  récit,  fur  la  fin  d'Auril  en  l'aa 
î^oi.lesilluftres  Seigneurs  de  Berne  firent  amener  en 
leur  ville  cède  Apolline  &  fa  mère ,  les  logèrent  en  vn 
hofpical  nommé  rifle,  bien  commodément  ;  firent  met- 
tre la  mcre  en  chambre  à  part ,  donnèrent  gens  vigilans 
à  la  fille,  quiprindrent  Joigncufement  garde  qu'il  n'y 
cuft  fiaude  quelconque  en  celle  abftmence  admirable. 
Ils  n'y  ont  defcouuert  artifice  ni  dol  aucun.  Oncques 
Apolline  ne  leur  demanda  viande  ni  brcuùage  :  quand 
ils  lui  en  prdentoyent ,  elle  rciettoit  le  tourauec  hor- 
reur &  efmotion  ,  comme  aufï:  tous  medicamens.  Les 
deux  Médecins  &  les  quatre  Chirurgiens  ordinaires  & 
iurez  en  la  ville  de  Berne,  attePieronL  le  niefme,  aucc 
beaucoup  de  Seigneurs^  gentih-hommes  ,  citoyens  ,  & 
hommes  de  diuers  autres  lieux  qui  ont  viîité  celle  fille: 
laquelle  ayant  eilé  ainlîfoigncufement  leconuè  en  ce 
merucilleux  eilat,  auquel  il  piaiil  à  Dieu  la  tci^ir  (pour 
inilrudion&aduertiflcmcnt  notable  à  toute  la  nation 
Suiile,  parmi  laquelle  il  n'y  a  que  trop  àc  9,cns  honteu- 
(cmentexceflifs  en  leur  manger  Se  boire  )  fut  gracieufe* 
ment  &  honorablement  renuoyce  auec  fa  merc  par  ces 
illullrcs  Seigneurs  en  ce  village  fulhommé,  ou  elle  cft 
en  ion  ellat  que  le  vien  de  reprclenter. 

CequcnousauonsfominaircmcMit  touché  au  i.  volu- 
œe  de  leanneBaian  dcConfolcnt  ville  fïomiçr^jlsPoi- 


5^8  Hijloires  admirables 

^ou  &  Limo/în  ,  elt  confcrmc  par  le  dode  difcours  La- 
tin de  M.François  Cuoys  Médecin  à  Poitiers, cfcrit Tan 
36oi. lequel  dir  que  ccfte  fille  aagee d'onze  ansji'an  1599. 
au  mois  de  May  a  demeuré  depuis  iufqucs  lors  qu'il  trii- 
toit  de  cet  accident  fans  boire  ni  manç^er ,  ayant  au  reftc 
bon  fcns  &  mouucment ,  occupée  à  filer ,  ballier  la  mai- 
fon, aller  au  marché,  &  faire  autres  levers  feruices.  le  ré- 
pète cefte  hiftoire  pour  rendre  ces  merueilles  plus  rc- 
commandables ,  &  arrefler  eux  qui  ne  veulent  croire  fi- 
iion  ce  qu'il  voyent,  hochans  la  te4te  contre  tout  ce  qui 
clleflongnédc  leur  apprehenfion.  le  leur  propofcrai 
feulement  vn  quatrain  appofé  entre  autrcsEpigrammes 
au  hure  de  monfieur  Cytojs. 

Kon^ji  -jentrc  glouton  y  à  L'abord  de  ce  littrcy 
Si  tu  lie  -veux  paslir  an  iugement  de  Dku» 
Q^  feras-tii  ,  ch:lify  en  ce  terrible  UeUy 
Fuis  qu'on  peut  ici  b(t^  lon<rtemps  njiurcfans  'vittre} 

ACCFSATEFR  mefchant 
exterminé, 

EN  l'an  151^.  Le^  Portugais  s'eftans  rendus  defîa  re- 
doutables en  plulîeurs  ports  Scillcsde  l'Inde  Oc- 
cidentale,comandoyét  nommément  en  Malaca. Certain 
frand  Seigneur  du  pais  leur  y  feruantbeaucoup  pour 
î'auancement  de  leurs  afaires,  en  fut  pauurcrncntreco- 
penfé  par  les  menées  de  quelques  Indiens  ,  &  fur  tout 
par  les  fnuflcs  accufntions  d'vn  Portugais ,  nomnîé  Bar- 
thclemi  Pereftrci  ,  threforier  des  guerres  ,.  lequel  pour 
gratifier  à  certains  ennemis  de  ce  Seigneur  qu'on  nom- 
nioit  Abedalla  ,  fut  fî  hardi  que  de  le  charger  de  trahi- 
fon  vers  George  Albuquerque  Viceroy  de  Portugal 
en  Malaca.  Qu,oy  que  ce  Seigneur  propofnft  Çts  raifons 
fort  euidentes  ,  &  requift  d'eftre  admis  à  feiuttifier  ,  à 
^uoy  le  Viceroy  fembloit  cncliner,voyât  qu<r  c'eftoyent 
menées  &  artifices  deslndiens  mefmejneâtmoins  les  fo- 
l/ciratiôsiniHtcsdc  cet  accurîteur  eurent  tel  poids,  que 
lepuuurc  Seigneur  fut  cô4âûé  fçmcné  en  lagrad'piace 

de 


^memomhles.  5  <^  9 

At  Malaca,puis  décapité  publiquemenr,:tu  grand  regret 
detoutlc  pcuplcqui  en  murmuroitbicn  fcrt.  Allant  au 
fupplicc,  iltendoitlesmainsau  ciel, demandant  à  Dieu 
vengeance  deceuxqui  par  leurs  fauflcs  accufations  e- 
ftoyét  canfe  <]u'on  le  faifoit  mourir  à  tort.  Dixfcpt  iours 
apresjce  Barthelemi  Pereftrel  fut  frappé  &  emporté  de 
mort  foudainerfupplice  que  plufieurs  rapportèrent  & 
attribuèrent  à  vniulteiugement  de  Dieu  fur  ceft  accu- 
foiur.  Oferîttf  an  lo.Uiire  de  thijloire  de  PortHgaU 

JDFLTERE,  caufe  de  grands  mmx^ 

EN  l'an  1517.  Goa  ville  &haurc  de  renom  en  l'Ind^ 
Orientale  fut  furie  poinft  d'cftrc  perdue  pour  le* 
rortiîgais ,  par  vn  accident  proucnu  d'adulterc  ,  auancé 
par  haine  &  appcrit  de  vengeance,  accompli  par  cruelle 
efFufion  de fang  humain,  dont  s'enfuiuirent  de  grands 
maux.Fernâd  Caldeireefleuéen  la  maifon  d'Albuquer- 
quc,  Viceroy  es  Indes ,  auoit  prins  femme  en  la  ville  de 
Goa.  Il  fut  accufé  d'cfirc  courraire,&  quindifteremmét 
ilpilloitamis  &  ennemis:  au  moyen  dequoy  le  Roy  Ma- 
nuel commanda  qu'on  le  lui  amenaft.  Mais  Caldeirefe 
iuftifia  &  maintint  iî  bien  Ton  fconneur  en  Portugal, que 
le  Roy  lui  donna  quelque  rccompenfe  ,  &  lui  permit 
de  retourner  franc  &  libre  en  Inde ,  ce  qu'il  fît  s'embar- 
quant  en  la  flotte  de  Soares, dedans  la  nauirc  deGautier 
Monroy.  Durant  leur  voyage  fur  mer,  Caldeire  para- 
uant  fortoffcnfc  de  Monroy,  lui  dit  tour  plein  d'outra- 
ge, tels  que  l'autre  s'en  tin:  pour  griefuemcnt  intercflé. 
Si  toftque  la  flotte  fut  arriuee  en  Mozambique  ,  Cal- 
deire monta  en  vn  yaiiTeau  de  louage  ,  puis  en  toute  di- 
ligence printlaroutede  Goa,  où  Monroy  s'eftoitpara- 
uant  ingéré  de  regarder  d'ail  lafcif  la  femme  de  Cal- 
deire 3  ce  qu'on  difoit ,  &  vn  nommé  Henri  le  Taw  en 
auoit  faid  lesmeflages.  Monroy  &Ic  Taur  arriuez  ià> 
Caldeire  ne  pouuant  plus  fe  contenir  ,  donne  vnccou- 
ftillade  au  vlfage  de  ce  Taur,Sc  lui  coupe  vnc  iàbe;^uoy 


57^  Ht  ({cires  admira  blés 

faid  il  s*cnfuit  à  qunrrc  lieues  de  Go.i,  en  certaine  bour- 
gaJe  nommée  Ponde,  tenue  par  la  garnifon  de  Z.i'oaim 
pjraaanr  Prince  de  Goa,  fous  la  charge  d'Ancotkin, 
vaillantcapitame  Indien.  Cnlddre  fe  voyoir  dcftitué  de 
la  prorcvftion  d'Albuquerque^  cxpofé  à  lafurcur  de  les 
ennemis  ,  arrcndu  que  Moin-oy  auoit  obtenu  le  gouuer- 
ncmentde  Goa,  &:  voyoitbien  que  ce  qu'il  auoit  dit  & 
fait  lui  caufcroif  la  mort ,  s'il  ne  s'cfloignoit.  Monroy 
pi'  m  de  courroux,  &  de  dc/ir  de  vengeance,  pria  Anco- 
•ftam  de  lui  liurcr  cet  homme  ,  qui  auoit  cftropié  &  ba- 
iaifrèle  T3t:r,  pour  le  punir,  ce  qu'Ancoitam  ne  vouJuc 
accorder  :ranr  à  caufe  qu'il  conoiifoit  Caldcirc  homnie 
vaillant,  iage ,  bien  entendu  ,  des  plus  experts  aux  atfai- 
Tc>,  &  duquel  il  prctendoit  lefcruires  guerres,  qu'auflî 
powtc^qu'il  ellimoit  choie  indigne  de  la  qualité  d'vn 
hcme  d'hôneur,  vouloir  expofer  à  la  fureur  d'vn  cnne- 
m»  vn  pairure  fuppliât  réfugié  &  receu  en  protei^ion.Ce 
nonobftant  Monroy  refolut  d'auoir  la  vie  de  Caldeirc, 
^«juelqueprix  quecefuft,  tantatîn  de  venger  l'outrage 
pretcdu  faiftau  Taiir  &  à  lui,quepouriouyr  plus  à  foa 
aifc  de  la  femme.  Pourtant  il  enuoyc  i  Ponde  Ican  Go- 
me2.e  fcaetaire  de  laDouâne,hôme  propre  à  faire  telles 
commifllon'„afin  de  tuer  Caldeire,  lui  faifant  beaucoup 
<lc  promcfics  pour  r'^conoill'ance  &  rccôpenfe  de  ce  fer- 
uicc.  Gomeze  prend  hardiment  cc^^c  charge ,  fe  retire  ;î 
Ponde,  difant  qu'il  eltoit  venu  li  palîcr  lerefte  de  fcv 
Jours, fous  la  fauuegarde  d'Ancollam  ,  ne  pouuant  plus 
fubfîfter  en  Goa ,  pour  les  torts  &  outrages  que  le  mef- 
chai.t  Monroy  lui  auoit  faic^s.  Ancoftam  qui  croyoic 
cela,  le  receut  humainement ,  &  Caldeire  le  banquctta 
aufîi  en  fa  maifon.  Or  auint  qu'Ancoitam  voulut  aller 
s'esbare  aux  champs ,  &  entre  autres  mena  Gomeze  & 
Caldeire.  El^ans  en  caippagne  Gomeze  feignit  vou- 
loir communiquer  quelque  fecrct  à  Caldeire,  &  le  tire 
arrière  d'Ancoltam,  puis  tout  loudain  letranfperce  d'vn 
foiip  mortel, ()Uoi  fait  il  talche  le  fauuer  à  force  d'cfpe- 
Tonç.  Mai«:  Ancoftâenuoye  après  les  gens  de  chcual  qui 
iu!  ttnoycnr  compagnie,ei^ant  indigne  iufques  au  bouc 
fluçl'ou  cuit  Cl  liialiiçmcuTeiDéc  meurtri  vn  pcrfonnage 

receii 


dr  mémorables.  ]  7  r 

'.eu  fou^  faprotedion.  Scsgés  rattaignent  Goine7.e,& 
ic  lui  ayans  amené, fans  pluslong  dclaiAncoilam  dcfgai- 
na  Ton  cnneterrc,dont  il  lui  trencha  la  tcftc  fur  le  châp. 

Mcnroy,  extrcmcmcnt  defpité  de  la  mort  de  Ton  bour- 
reau ,  délibéra  contre  toute  ccjuitéde  tuer  Ancoftam. 
Pour  exécuter  cefterefolution^ii  feignit  vouloir  courir 
la  bague,  ^  pour  auoir  plus  de  plaifir  allaiufquesà  Bc- 
naftarin,où  ilpaffa  vniour  entier  à  ceft  exercice.  Sur 
le  commencement  de  la  nuiî^il  prie  Tes  capitaines  de 
defpcfcher  Ancoftam.  Eux  trouuentmauuais  ce  confeil 
^tafcbent  de  deftourner  Monroy  d'vne  lî  mefcbantc 
cntreprife.  Lui  au  contraire  réplique  que  la  mort  d'An- 
coftam  dcnneroit  pied  ferme  à  la  domination  du  Roi  de 
Portugal  en  Goa.  Perfonnc  n'ofant  contefler  d'auanta- 
gc'joyant  mettre  le  no  de  Roi  en  aiiant,toi;ss'appreflcnt 
pour  l'exécution  ,  môtent  en  dc«;  naflellcspour  trauerfcr 
le  deltroit ,  dcfitllent  leurs  cheuaux.-les  font  paffer  à  na- 
£,e,cnlesconduiritntparles  reines.  Fernand  Monroy  cô- 
duifoit  les  gens  dccheual,  lean  Machiade  les  piétons. 
Machiade  eflant  paiîc  le  premier ,  attrapa  deuxpaylans, 
dcfquelsiicnrenditqu'Ancoflamrepofoiten  fa  bourga- 
de de  Ponde, fans  le  tenir  autrement  fur  Ces  gardes,  coiu- 
me  ne  fe  doutant  de  rien.  Pourtant  il  exhorta  Fernand 
de  lui  permettre  d'aller  au  pas,  s'afleurant  de  furprendre 
Ancoit3m. Fernand  cllimant  que  celui  feroit  vnchon- 
tc,nc  voulut  lailfer  faire  Machiade.  Tandis  qu'ils  conte-  V- 
flo}entvne  partie  de  la  nirift  s'efcou]e,&  Fernand  ne  fit 
telle  diligence  d'entrer  en  Ponde  que  la  refolutionle 
requeroit:  aull- le  hcnniifemcnr  &  bruit  àcs  cheuaux 
refueilla  la  plufpart  des  hiibit:ms,  de  forte  qu'Ancoltam 
fut  incontinent  aducrti  qu'on  venoit  le  charger.  Sou- 
dain il  palle  vn  pont  (  d'autant  qu'vne  riuiere  coule  là» 
feparant  quelque  peu  la  ter!c)&  range  les  troupes.  Fer- 
nand entré  dedans  Pôde,n'y  trouuât  ame  viuâte.LeSo- 
leil  leuât  aiioit  par  les  rayons  dcfcouuert  la  trahifon  des 
Portugais.Fernand  réconciliant  fa  faute  ,  mais  trop  tard» 
voulut  tourner  en  arrière  ,  après  auoirainh  rracaife  en 
vain,côfeillant  Machiade  de  faire  retraite  auecfes  gens. 
Mais  Ancoftam  rcpaiîc  ic  pont,  &  donne  à  touçc  bnUe  lî 


V7i  Hifloires  admirables 

brafqucmcnt  à  traucrs  Monroy  &  fi  troupe  qu'il  rompe 
iotttj&  en  fait  tomber  grand  nôbrc  fur  la  place.  Les  fuy- 
ards. t*aufi'crentlc<;  rangs  de  Machiade,  &  contraignirent 
Icspiecons  de  fc  fauueroù  ils  pouuoyent.  Ancoftam  en- 
Doye  incontinent  vnc  partie  de  fes  gens  gaigncr  le  de- 
fhraitpar  où  les  fuyards  pouuoyent  e(chapper,tellemcnc 
oueles  Portugais  ayans  leur  ennemi  i  dos  &  en  telle  fu- 
rent desfaits,  plufieurs  prins,  &la  plufpart  taillez  en  pie- 
ceSiîaifians  vne  belle  viâioire  à  Ancoftam. Machiade co- 
batic  valeurcurement,&  lit  de  mcrueillcux  coiips  de  fa 
main  deuantque  mourir.Cela  faiâ:,&  toA  après l'Ifle  de 
Goa  fut  fourragee  ,  la  ville  réduite  à  l'extrémité  ,  tout 
par  la  vilenie  &  audace  de  ce  Monroy,  lequel  eftant  fur 
le  poinâ:  de  confufion  extrcmceut  fecours  d'autres  chefe 
Portugais ,  à  l'aide  defquels  il  r'afleura  fon  gouuerne- 
nsent  en  quelque  forte,      oforim  ai*  Uure  li.  delhiftoire  de 


^MBiri02ifiepie. 

C^Equ  Vn  ancien  Payen  difoitiadisj  que 
J        51  -uicler  la  iiiflice  ^  le  droity 

Il  ejî  loiftble  a  l'homme  en  qttclque  endroity 
C'efipour  rcvnir  t^nU  le  fe  doit  permettre ^ 
An  demeurant  rkn  de  mal  ne  commettre ^ 
a  efté  pratiqué  par  trop  en  tous  fîeclcs  par  les  efprits  am- 
bitieux &  conuoiteux  de  domination.  Maisla  vertu  eft 
louable  tou(îourspar  tout,&  en  quiconque  ellelctreu- 
ue.Flcftriffbnsrinuafion  tyranniquc  par  le  récit  dèl'hi- 
iïoire  d'vn  pauure  Mahumetan  ,  qui  en  vne  extrémité 
<lumondefait  le  procesà  infinis  malheureux,  lefquels 
fous  ombre  du  nom  de  Chrcftien  ont  commis  des  maux 
innombrables.François  Akneide  ,  Viceroy  de  Portugal 
es  Indes  Orientales.au  mois  de  luillet  l'an  if  o6.vint  fur- 
^irauecfa  flotte  au  portdcQuiloa,  villeenlacofte  de 
l'Ethiopie,  en  laquelle  regnoit  pour  lors  vn  mal-heu- 
reux, qiii  pourparueniràccfte  domination  auoitfaift 

mourir 


cf  memorahles.  j7j 

Riourit  fon  predeceffeur.    Almcidc  qui  ne  fçauoitnen 
dételle  nagedie,enuoy a  gens  pour  falu crie  Koydeïa 
part,  mais  ce  Roy  troublé  de  ramefchantc  confiience 
fortit  de  nuid  hors  de  la  ville.  Almeidc  s'eftant  emparé 
de  la  ville ,  &  entendant  les  deportemens  de  ce  fugitif 
eftablit  vn  nouueau  Roy,  nommé  Mahumct  AnconjUèi* 
gneur  fort  agréable  à  ceux  de  la  ville  &  du  pays,  à  cauie 
<le  fa  fidelité,prudence  &  prcud'hommie.    Icelui  ayant 
efté  couronné  roIennellcmét,vintraluer  à  fa  façon  Lau- 
rent Almeidc ,  &  le  pria  de  vouloir  lafcher  tous  les  Ara- 
bes détenus  prifonnicrsccc  qui  lui  fut  accordé.  Orcofii- 
me  il  remercioit  Almeide  de  telle  courtoifie,  en  prefea- 
ce  de  plufîeurs  Portugais ,  il  fit  la  harangue  fuiuante  au 
mefme  Viceroy  s  Tay  eu  (dit-il)  grande  intelligence,  a- 
mitié  &  cftroitte  alliance  auec  le  feu  Roy  Alfudail,  que 
ce  tyran,  par  vous  dechalfé  du  royaume,  tua  tiaiftreuîc- 
•âTient.Si  Alfudail  viuoit,  ie  lui  quitter  ois  fccptre  &  cou- 
ronne: carie  ne  fuis  pas  celui  qui  vucille  préférer  les  ri- 
cheflcs  &:  popes  royales  à  la  fidélité  &  au  rcfpeift  que  ie 
dois  porter  à  monfuperieur.  Mais  puis  que  ce  Prince  cîl 
mortjie  vous  prie  &rupplie,  autant  qu'il  m'eil  poiïïblc* 
me  permettre  de  faire  venir  près  de  moi  le  fils  d'icelui, 
pour  fuccedcr  après  moy  au  Royaume. Vray  ell  que  i*ay 
des  fils  nô  du  tout  indignes  de  tel  hôneur.  Toutesfoisic 
les  auâce  pour  régner  après  moi,  &  que  i'é  fruftre  les  en- 
fant du  defûâ:,ie  me  deshonoreray  d  iamais:  &  outre  que 
telle  tache  fouillera  ma  réputation  ,  elle  diffamera  aufli 
toute  ma  race.  Pour  tât  l'aime  mieux  laifier  par  telhméc 
à  mes  fils  vn  exéple  de  fidélité  &  d'honnefteté,quVn  ri- 
che patrimoine.Cefte  requefte  rauit  en  esbahifTemét  les 
Portugais,  voyant  vn  Mahumetiile  fc  monftier  fi  fidcle 
ami,  &  mefprifer  ainfi  genereufement  les  richelTesdVa 
Royaume  ,  en  préférant  de  franche  volonté  fon  dcuoir 
enuers  vn  ami  trefpafré,à  Tamitie  paternelle.  Pour  celle 
caufe  fut-il  grandement  eftimé  de  tous,&iugé  digne  de 
régner  fur  beaucoup  plus  de  pays, pour  auoir  ainh  tran- 
fporté  au  fils  d' Alfudail  ce  qui  aparteaoït  aux  fiens, 
Suiuantcela  l'on  fit  venir  ce  fils  du  Roy  dcfunâ:,  au- 
quel tous  ceux  de  Quiloa  preftercnt  ferment  de  fideli- 


574  HiJ}  cires  ad?mrahles 

te,  du  coivrentcmciit  d'Almcidc  pronicccans  de  le  recc-* 
uoir  pour  roy.  ojorinsait  i^Hutricfme  Hure  de  Chijïoirede  Pot" 

Albert  Duc  de  Bauicre  requit  inftammciu  par  les  E- 
flatsdc  Bohême  d'accepter  la  couronne,la  rcfufa  cxhor- 
tantlcs  Sci;?,neurs  &  lepeuplc  d'attendre  que  le  pccic 
enfant  Lad: fias  fils  du  feu  Koy  Albert  II. d'Autriche  fut 
paruenu  en  aage,  Sigifinoud  Roi  de  Pologne  refufii  la 
couronne  de  Suéde;  après Tcxpul/îon  de  Chriftiennc,  ni 
ne  voulut  accepter  celle  de  Hongrie  &  de  Bohême  aprc;? 
la  mort  de  Ton  nepueu  Louys  desfaift  en  bataille  par 
les  Turcs.  FridcricDuc  de  Saxe  refufa  l'Empire  après  le 
decczde  Maximilian  I.  &  lui-mcfme  donna  fa  voix  .ï 
Charles  V.  duquel  il  ne  voulut  receuoir  prefent  quel- 
conque ni  ne  permit  que  Tes  domeftiques  en  toucha 
fcnt  argent  aucun.JSo/i/î«.  c  romor.sUidun, 

AMITIE  coniii(rnU. 

LEs  Portugais Taifans  la  guerre  l'an  mil  cinq  cens  & 
^cize^conrre  les  Mores  &  Alarbes  au  Royaume  de- 
Mavoth,les  furprindrent  le  dix-neufiefme  iour  de  May^/î 
foudainemcntque  les  Mores  &  Alarbcs  n'ayans  lûifîr  de  , 
prcfter  combat  fe  fauucrcnt  comme  ils  peurent ,  plu- 
lîcursayansellé  tue?  fur  la  place.  Du  nombre  des  ef*- 
chappezeftoit  Benxamut  vaillant  capitaine  &  degr. 
de  crtimc  entre  tous  les  Alarbcs.  Les  Portugais cô'.a.j  . 
par  leur  gênerai  Atayde,  s'eilans  misiur  le  retour  ."îuec 
force  burin  ,  eilians  à  deux  lieues  de  Maroch  dcfcouuri-' 
rent  Benxamut  luiui  de  feptante  chcuaux,  aufquels  phi- 
fîeurs  autres  fe  ioignircnt  fecours  acourant  à  lui  de  tou- 
tes parts.  Entreles  prifonniers  &  priibnnieres  que  lc5 
Portui'ais  emmenoyent ,  cftoit  vne  des  femmes  de  Ben- 
xamut^,nommcc  Hotcbelle  entre  les  autres  ,  &  qu'il  ai- 
moit  aufli  tout  outre.Icelle  commence  à  crier  tout  haut, 
Bêxamut.Béxamut.Luis'airefte  toutcourt,&  elle  ayant 
obtenu  congé  des  Capitaines  de  pouuoir  dire  quelques 

mots 


^  ?ncmorMeS4  ^j^ 

mots  à  fon  mari ,  lui  tinc  ce  langage  :  Combien  de  fois, 
JBenxamut,  m'aucz  vous  dift ,  oiic  vous  exporcnc;z  vo- 
ftrc  ne  à  tout  hazard  ,  plultort  que  loufirir  qu'on  m'cni- 
mcnartprifonnierc?  Vousie  voyez  maintenant ,  &rou- 
tesfois  vousTendûrez.  Qu'cft  dewenuramourque  voi  » 
me  portiez?  ou  eft  voilire  promeile,  &  ccftc  vaiUance 
«dont  vous  fnifiez  vos  b'auades  fi  fouuent  ?  Le  iour  n'eil 
pas  pafle>refpondBcnxaniur,  la  vidoiregiftenla  main 
de  Dieu,  l'exploiâ:  en  la  force  de  mon  bras.  Mais  Hore 
ietra  pleine  ia  main  dcponfliere  en  Tair  ,  adiouftant  ce 
mot.  Le  vent  emporte  la  fermeté  de  vos  paroles:  aller 
donc  &  iouyffez  à  voftre  aife  d'vne  autre  femme  ,  de  la- 
quelle vous  faides  plus  de  compte  que  de  moi ,  a  ce  que 
l'en  puisconoiftre.  Cependant  ie  me  plaindray  toute 
ma  vie  ou  de  voftre  defloyauté  ,  ou  de  voftre  couardifè, 
fans  que  ie  puiffc  dire  maintenant  lequel  de  ces  deux 
^icesdeshonnorcplusvn  homme  qui  doit  auoirquel- 
«luccœur.  Benxamutderchaufla  incontinent Tvn  de  les 
fouliers,  &le  ictta  droiclà  Hôte,  laftcurant  par  tel  (î- 
gne  (acouftumé  entre  cefte  nation)  qu'il  ne  faulîcroïc 
poin c  la  foy  qu'il  lui  auoit  proiralb. Là  deiîtis fe  tournant 
vers  les  troupes,  il  leur  fit  vne  harangue  fort  pathétique: 
puiscouràti  tcfte baillée  dedans  ravriercgarde  des  Por- 
tugais,chargea  de  telle  furie  qu'ils  fe  trouueréc  b.cn  ei9- 
pclchez  de  parer  aux  coups,  Ataydequi  eftoit  cnl'auât- 
gardeacourut  celle  part  pour  foulager  Alfbnce  Noro- 
£ne  Ion  gendre  lequel  fouftenoit  la  charge  des  Aiarbes. 
Mais  Benxamut  cfpiantla commodité  de  faire  vn  beau 
coup  apperceut  qu'Atayde  n  auoit  point  de  haulTc-coI, 
lefieno'eftantdei'cloué.  Pourtant  il  lui  lance  de  toute  fa 
force  &  de  telle  adreiTevniaueloî  qu'il  lui  perça  le  go- 
fîcr  &le  renuerfa  more  iur  la  place.  La  perte  Accc  çrand 
CapitainCjlequelauoittantde  fois  dcsfaitleMGres7rrou- 
bîa  toucd'armee  ,  où  s'cfleua  vn  riunultecaufc  de  la  to- 
tale desfaitedcs  Portugais.  C.-^r  en  lieu  de  reiîfterd'vii 
mutuel  courage  i  leurs  eni;emis,iis  furet  Iur  le  poinûde 
i;'entretuer,  fur  le  débat  touchant  \n  'uccellcur  d'A- 
cayde.  Mais  or  les  accorda  bien  toit  :  car  les  Mores  con- 
tcJctcz  &  méfiez  ci  ti:oupci  d'Atayde  ,  voyant  vu  te^ 


5  'j6  Hijloires  admirshles 

defordre  fe  ioignireiu  à  Bcnxamut,  afin  d'auo/r  part  auif 
defpouillcs  :  tellement  que  prefque  tous  les  Portugais 
furent  tue?,  ou  pris  ^prifonniers,  le  tout  par  leur  pro- 
pre orgeuil,&par;lanîefchantc  reuoltedc  leurs  alliez. 
Norogne  &  pluficurs  gentils-hommes  demeurèrent 
morts  fur  le  champ.  Bcnxamut  fer  etira,  emmenant  la 
vidoire  ,  Thonncur,  le  butin,  &  (ce  qu'il  eftimoit  plus 
<^ue  toutes  autres  chofes  )  fa  femme  bicn-aimee ,  telle- 
ment que  tous  l'admiroyent  &  efleuoyent  fa  vertu  par 
dcfl'us  les  nues.  Mais  fa  femme  lui  rendit  la  pareille  de 
cclk' grande  amitié  ;  carcftant  aduenu  quelque  temps 
après  celte  vidoire,  que  le  Xerif  donna  bataille  au  Roy 
de  Fez,  Benxamutfuttuépourfuiuant  vn  des  ennemis, 
qui  tournant  vifagc,  &à  bride  abatue,  le  tranfperçadVn 
coupdclance.  Hôte  fit  les  obfcquesde  Ion  mari auec 
vneinfinité  de  larmes  &  lamentations,  mitle  corps  en 
vn  tepukhre  fort  magnifique  y  puiss'abftint  de  boire  6c 
de  manger  neuf  iours  durant ,  ce  qui  la  fit  mourir,  & 
fuyuantfon  commandement  exprès ,  elle  fut  enfeuelie 
auprès  de  fon  mari ,  ejftimantchofe  indigne  d'eftre  fepa- 
rce  par  mort  du  tombeau  de  celui  qu'elle  auoit  vnique- 
ment  aimé,&  lequel  lui  portoit  de  fa  part  vne  Singulière 
affedion.  Oforiui  au  lo.liu.de  Vhijioire  de  Portugal ,  f:^io,t 
Z4.^  z5.Nousreferuons  pluficurs  autres  excmplespour 
les  volumes  fuiuans  ,  nommément  pour  celui  que  nous 
drclfons  à  part,  intitulé  le  Théâtre  des  femmes  illuitrcs 
de  nolfrc  temps,  &  delà  mémoire  de  nos  ancellres. 


AMITIE  foetale. 

ALEXANDRE  Guagnin  tefmoignc  auoir  veu  de  Tes 
yeux  ce  que  nous  rcprefentons  ici  fommairement. 
Deux  ieunes  hommes  allant  de  nuift  per  la  grade  place 
deVilne  capitale  de  Lithuanie,rencontrcnt  deux  autres 
embaftonnez  qui  commencent  à  les  charger.  En  fc  dé- 
fendant Tvn  tue  fon  aduerfaire  ,  &  le  fentant  par  terre 

s'en-» 


dr  mémorables.  577 

s*enfuit.  Son  compagnon  eftpns&  condamné  à  perdre  la 
tefte  comme  autheur  de  ce  meurtre.  Comme  an  i'tull 
mené  le  lendemain  au  lieu  du  iupplice>&  l'exécuteur  àtC- 
giinoir  l'cipee  pour  le  delcapitcT  ,  voici  accourir  l'autre 
tiui  auoit  fait  le  coup  ,  lequel  commence  à  dire  tout  haut 
aux  officiers  de  iuftjce  :  Laifl'ez  aller  ce  pauure  innocent: 
carc'eft  moy  qui  ai  tue  Cdiui  qu'on  a  trouuë  mort. Là  del- 
lîjb  aprcs  vne  briefue  reccgnojj'îancejil  jnet  Us  genoux  en 
terre^  rend  le  col  au  bourreau  (]ui  lui  met  la  teite  bas ,  & 
Ion  compagnon  s'en  retourne  libre  chez,  iby,  Gnagninen 
la  defcription  de  Pologne. 

Amour  de  U  patrie. 

IAnus  Fiegofe  Geneuois  incité  par  les  promefifes  &  re- 
compenfes  du  Pape  Iule.  Il  fit  mafiacrer  au  fbrtir  'du 
confèilIerormeFielque,  lequel  dedans  Gènes  renoit  le 
parti  de  France,  &  obti/it  le  filtre  de  Duc.  Mais  toll  après 
les  Fiefques,  aidez  par  les  Adornes,  chafî'erent  les  Frego- 
/psliors  dr  Gènes:  tellemétqu'AntoniotAdorne  fut  créé 
Duc. Finalement  les  François  ayans  elle  battus  à  Nouaii  e 
par  la  valeur  des  Suiiîèsjîe  Pape  Léon  X.poufla  tellement 
a  la  rouë,que  \qs  E/pagnols  ramenerét  Odauiam  Frcgnie 
vers  Gènes. lerofme  6c  Otliobon  Adornes  frères,  voyans 
que  c'citoit  choit  hazardeuie  de  fe  confier  au  fecours  àcs 
Fran joisjdeclarerent  en  plein  confeil,  qu'ils  preferoycnc 
Icialutpubl  c  àtoutce  qui  concernoit  leur  particulier: 
&pour  dcfgager  la  ville  de  tout  tumulte  &  danger  de  pil- 
bgcpolcrent  bas  hs  armes,  fortirent  de  Gènes  ,  y  ayans 
commandé  Telpace  de  trois  femaines  :  dont  ils  furent  tel- 
lement admirez  &  prirez,que  le  confeil  \&s  remercia  tres- 
alFedueufement:&  plufieurs  bonsPatriots  le  condiiifirent 
fort  loin  hors  des  portes ,  non  fans  pleurer  à.  chaudes  lar- 
iDeSjfe  voyans  priuez  de  fi  dignes  citoyens.  Les  Fielqucs, 
qui  auoycnt  vengé  la  mort  de  leur  frère  lerofine ,  )e  reti- 
rèrent aufli  en  leurs  chafteaux ,  làns  voulourieo  entre- 
prendre: quoyque  les  moyens  &.  partilàns  ne  leur  de- 
failliflent  point.  Ainfi  Odauiam  Fregofe  entra  fan$ 
Uruit dedans  Gène*, qui  Je  leeeutpour  Seigneur,  iàns 

Ôo 


57?  HiBoires  admirables 

tumuht  ni  perte  que]concjue.P./i>«e  a»  Uttre  llJefes  hijioî^ 

res,^  en  la  i.ic  de  Léon  X. 


APOPLECTI  XF  ^  ^' 

IE  VIS  vn  iour  certaine  perlbnne  ttllcment  atteinte  d'a- 
poplexie, que  le  mal  laifit  feulement  le  colle  gauche  de 
Ja  tefte  ,  ks  doigts  du  pied  droit  &  de  la  inam  droite. 
Tiiud.Dunm  au  i.liurt  de  lafaignce-,{h.:p.^. 

Il  lè  tiouue  àes  kmmes  enceintes  qui  au  temps  que 
leur  frui(ft  commence  à  bouger,  &  eftre  animé  >  à  içauoir 
à  fix  femaines  pour  le  mafle  &  au  troifielrnc  &  quatriefme 
mois  pour  la  femelle,  (ont  atteintes  de  légères  apople- 
xies. L<;5  SchoUagrajhesfur  le  S.cha.du  l.liu.de  M. Jean  How 
lier^des  maladies  internes.  Outre  l'exemple  qu'ils  en  allè- 
guent, ils'entrouue  en  tous  lieux.  layveuvne  femme 
honorable  à  qui  cela  aduenoit  fort  louuentjfe  eftoit  plul- 
toft  par  terre  iàns  fenijment  ni  mouuement  que  Ton  ne 
i'eneftcir  jpe"ceu.  Ce  qui  lui  a  efté  ordinaire  en  toutes 
fès  g'  oficOes.  Telles  ap  plt-xies  (qu'on  lui  nommoit  dçf" 
f»:iiiarces}duroyLnt  peu,Jvfuiuenoyent  lors  qu'elle  eitoit 
afTi  e,6!  i  requcy;ccmme pour  efcouter. En  adion ,  rare- 
mcntjCU  \>(n\n.Lxtrai^  de  mes  mémoires, 

Vn  It:*!.-  n  tx  mn:é  Antoine  demeurant  i  Friul ,  fut  le- 
ge  emcnt  r.ttcint  d'rip'-p^cxiequi  le  tourna  en  paralyfîe, 
ti  y^tcut  3flc7.  Icng  temps  perclus  d'vne  partie  de  ion 
CcrpSo^/fX  BejK-'i/cf?..!»  l.lin.  de  la  cnre  des  maladies»  ch.^^. 
Ie5  l-iLmiplcx'cs  >•;  t  fiequentes  en  diuers  lieux.  l'ay  veu 
d:s  hemipk<ftiqtes  p-iiiez  iuftement  du  Tentiment  & 
mouL-emeir  dt  h  moitié  de  leurs  corpsacomme  fî  on  hs 
éuft  tort  CL!  icuîcmcnt  ajiifî  partis  depuis  le  haut  de  la  te- 
lle en  ba  .  En  quelques  vns  Nature  fe  contente  de  rede- 
mande quc'qiîCsmtmb-cs,  non  fi  exactement:  &c'elt 
merueille  Jes/upportsdu  Tout-puifiânt  en  nos  pauure» 
corps,  ^\VQ  la  figefle  maintient  fi  benigncment,au  milieu 
de  tant  dcnoits  dedans  lefquelles  nous  croupiflbns. 
Quant  aux  t/feds  àcs  apoplexies  aiguës  &  fortes  ,  nous 
n'y  touchons  point  ,mais  luffira  de  propolêr  quelques  hi* 
iloires  d'apoplectiques  guéris. 

Donat 


C^  mefnorahles.  579 

DonatdeHautenicr  ,  do(^te  Médecin  Italie^ ,  dit  ces 
mots  en  fon  commentaire  des  remèdes  auX  maladies  dt*  corps 
humain,  le  tien  qu'il  ne  faut  point  appliquer  de  remèdes 
à  vneforteappoplexie  ,  attendu  que  de  là  nature  elle  cft 
jiiortelle  ,  ielon  Taduis  d'Hippoci;  tes.  Mais  1!  elle  eft 
foible,  quoy  qu'au  relie  falcheuiè  à  tra:tter  ,  fî  pourra'  el- 
le iè  refondre  &  gueiir  3  y  appliquant  à  poind  le  fècours 
quiluieil  propre,  tefmoin  Galien  :  comme  aufîi  nous 
en  auons  gucri  quelques-fois  ,  comme  entre  autrexle 
feigueur  Fabric  Maramauld,  qui  en  diucrs  temps  fàifî  par 
deux  fois  &  frappé  d'apoplexie  ,  fut  à  l'aide  de  Dieu  re- 
mis en  pieds  par  \ts  remèdes  conuenablesque  nous  lui 
donnalmes.  Item  la  Comtefle  de  Rubes  3  nommée 
Chrylbitome  d'Aquin  ,  Dame  aagee  d'enuiron  Ibixante 
ans  ,  tombée  en  apoplexie, &prompteinentiècouruë5ea 
futgarentie  ,  recouurant  d'entrée  les  principales  fon- 
dions Siconfequemment  après  que  la  defluxion  fe  fut 
comme  retranchée  au  corté  gauche  du  corps ,  elle  gaigna 
le  fentiment  du  bras  &  de  la  cuifl'e,  puis  après  Je  inouue- 
inent  de  la  cuiflè3&  Hnalem.ent  celui  du  bras.  Ainfî  donCj 
il  conuicnt  mettre  la  main  aux  cures  dts  apoplexies  légè- 
res ;  &  d'autant  que  cefte  paflion  eft  aigiië  &  violenteji'e- 
flime  qu'il  faut  commencer  par  hs  moyens  qui  prelèr- 
uent  nature  d'eftie  totalement  accablée,  pluftoft  quepar 
le  régime  de  viure.  Ceft  ce  qu'il  dit  4»  ip.  chapitre  decefien 
Commentaire. 

Èfcoutons  vn  autre  Médecin  ,  lequel  parle  plus  har- 
diment. La  femme  d'vn  honnefte  citadin  aageede  qua- 
rante-huid  ans  ,  fraifche  en  bon  poind ,  &  d'vne  tempe- 
rature  chaude  &  médiocrement  humide  ,  fîgne  d'abon- 
dance de  fangjfut  frape  ed'vne  tres-forte  apoplexie,  dont 
elle  tomba  foudainement  comme  cfteinte  Quelques  Mé- 
decins anciens  appeliez  eftimoyent  que  c'en  eftoit  fait.Fi- 
nalement  quatorze  ou  feizc  heures  après  l'atteinte ,  ie  fus 
appelle  pour  la  vifiter  ,  eftant  encore  icune,&  commen- 
çant à  exercer  la  Médecine.  le  reinarquay  vne  trcs-grief- 
ue  apoplexie  auec  la  relpiration  fort  mal-aifêe  ,  le  pouls 
haut  &  fort, qui  me  fit  penfer  qu'il  faloit  efl'ayer  s'il  y  au- 
toit  point  remède.    PourtiUit  ie  la  fis  (àigncr  deux  fois  ce 

Oo    z 


580  HiFioires  admirables 

melme  iour,  &  tirei-  bonne  quantité  de  fangjtant:  du  bras 
cjue  du  pied  droitritem  bailler  deux  clylteres  aflez  acres 
auflî  le  mefiiic  iour5&:  les  iours  fùiuâs  vn  par  iourj^appli- 
quant  quelques  remèdes  topiques.  Ainfi,  la  pauurt  tem- 
me  entre  le  huict  6c  ncuHefnie  iour  recommença  à  reco- 
gnoiflreiès  ^omeftiques,  &  dire  quelques  mots  en  béga- 
yant. Puis  après  elle  fut  medecinee  tellement ,  qu'elle  Te 
reprint ,  fans  toutesfois  pouuoir  rcgaigner  ce  poinét  d'a- 
uoir  l'cntendciivent ,  ni  \cs  fens  fi  entiers  qu'auparauant. 
D'auantage  elle  demeura  impotére  des  ïambes,  tellement 
qu'il  foloit  h  porter  en  vne  chaire  ,  &  vefcut  en  tel  eibt 
encore  <\utV\uts  ^v\n^cs.Kcmh.D'odo}t£U43(iH'è.clia.de fii  oh- 
ferttations  medeclnales. 

lerofme  Fracaftor  excellent  Médecin  &  IVn  des  plus 
dodes  hommes  de  noftre  temps ,  auoit  guéri  vne  Non- 
nain  à  Veronne  abatue  d  apoplexie  3  lui  Failànt  appliquer 
des  ventoufes  3  &  tenoit  le  remcds  très- propre  pour  Je 
foulagement  du  cerucau,  paroù  ce  malcoinmencc  Tes 
efiforts.  Or  lui-melme  eftant  vn  lour  atteint  en  là  maifon 
de  cefte  violente  maladie  y  qui  lui  ofta  du  premier  coup 
la  parole  >  Ht  plufieurs  fois  (îgne  à  Tes  domeftiques, 
portant  la  main  fur  la  nucque  du  c©I  3  qu  on  lui  ap« 
pliquait  promptement  des  ventourcs  ;•  mais  n'eftant 
point  entendu ,  après  auoir  langui  quelques  heures  il 
expira  Joucementace  dit  celui  qui  att  commencement  desœw^ 
xtres  de  Fracalior  a  eicru  fuccindemenc  le  dilcours  de /à 
vie. 

Vneîcune  fille  Ferraroifè  frapee  d'apoplexie  fut  laifi» 
fee  morte  par  les  Médecins.  Sa  mère  qui  Taimoit  ten- 
drement, ne  voulut  permc'ttre  qu'on  l'enuelopait  iîtoft 
eo  Ton  linceul  mortuaire  5  le  rell'ouucnant  que  quelques 
vns  luiauoyentdit  qu'en  maladies  foudaines  5c  violen- 
tes, qui  oftent  dVn  coup  le  fentimcnt  &  lemouuemcnt, 
il  fie  faut  pas  fi  tort  appel^er  h&  Prcfti  es  pour  chanter, 
tandis  que  les  amis  pleurent.  La  mère  fît  ainfî  gar- 
der ia  fille  trois  iours  entiers,  contre  Taduis  d»  tous: 
au  bout  delquels  la  fille  reumt  à  iby,  &  a  vcfcu 
long  temps  depuis,  ^mat,  LHfitdnHs  ertju  ij.  cHUiCenr 
tHïie  A.  • 

u 


dr  memorMes.  581  • 

Le  Médecin  d'ifabellc  Roin-.*  d  Elpagne ,  &  femme  de 
Ferdinand  R  ->y  d'Arrngon  ,  v.lîtant  certain  malade  qui  a- 
uoit  le  pouls  aHcz  L-on,dit  à  ceux  qui  lui  nffiiloyent  que  le 
malade  n'eft oit  pas  pr^s  de  Li  morr  Retournant  le  voir  c^ 
iour  melfîie  au  lôirjcomme  il deueridoit  de  fà  mule  quei- 
quVn  de  ceux  qui  ndîltoyeu  au  malade  lui  vient  dire  que 
s'en  eftùit  fait.  Le  n-.edccinjfc  confiant  en  fà  conoifl'ance 
plus  qu'en  paroles  de  ce  rapporteufjmonte  hardiment  en 
la  chambre  3  où  il  t-ouue  le  patient  iacouuertd'vn  linge 
fur  la  face,&  veitu  de  la  rob?  d'vn  cordelier,enuironné  de 
moines  qui  recitoyent  de^'  prières  autours  du  corps.  Mais 
fans  rclpcCl:  plus  grand  de  leurs  cercmories  il  fait  defcou- 
urir  celi  hommcj^ommenceà  l'ei-npoigner  ,  &  lent  que  le 
pouls  lui  battoit.  Pourtant  le  fait-il  reporter  fur  fonlift, 
où  lui  ayant  donné  remèdes  conuenabîes  ,  la  parole  &  les 
feni  lui  reuindrentj&  veicut  long  temps  àt\>Uii.Enlamef- 
me  cure  f/y  centitric. 

APPREHENSIONS 
fortes  çjr  véhémentes. 

IE  pcnfe  fôuucnt  &  demande  à  par  moy.,  d'où  vient 
qu'auiourd'hui ,  autant  ou  plus  que  iamajs  ^  Xts  medi- 
camensjlîjrtout  ceux  qu'on  appelle  compo/ez  ,  font  trs. 
telmc:ipris  &  deldain  ,  qu'en  les  oyant  feulement  nom- 
mer,  lans  les  voir  ,  fiairer  ni  goulter  ^  tant  de  perfonnet 
fremiflènr5paili/]"ent,&  fentcnt  vn  roufieuement  de  cœur, 
comme  pour  fendre  tripes  &  boyaux  ,  ainfi  que  dit  le 
VDlgaire?Cela  procedejà  l'auanture ,  de  ce  que  la  medeci- 
ncffeule  maiftrefle  des  plus  grands  du  monde,  ce  dit  Pli- 
ne) s'z^  tant  mutipliee  &  acouitree  de  fortes  (îdiuer-* 
it^  y  que  pour  chaflcr  rnc  maladie  légère  &  commune^ 
elle  prefcrit  maintenant  vnecharretree  d'herbes  ,  de  ra* 
cines,  de  femenccs,de  fleurs, &  d'autres  chofes  de  gouil 
^de  flair  différent  fc  fefcheux  ,  que,  les  Apothicaires 
meflent,  brouillent,  &  font  aualer  à  leurs  malades  ,  deP- 
çouftczàmcrucilles  daillcurs,{ànxccla.  ladis ,  tefmoia 
Senccquc  >  U  mcdêciuc  tftoit  ^ne  fciencc  quixe  %9C.* 

Oo    ; 


581  Hijloires  admirables 

tentoit  de  peu  d'herbes. Maintenant,  elle  le  Icrt de  tant  Je 
reccptes ,  que  le  /èul  ibuuenir  ptouoquc  plufieurs  à  le 
vuider  de  tous  coftez  ,  fans  vomitoires  ni  clyftcres  quel- 
conques. Antoine  Gainier  ,  doàte  Medccm  de  Pviuic, 
cfcntaucirveu  vn  médecin  du  Duc  de  Sauoye  ,  lequel 
portant  des  breuuages  de  Ja  boutique  dVn  apothicaire  en 
U  niaifon  dVn  malade  s'eirnouuoit  tellement  de  l'odeur 
d'iceux  5  qu'il  en  eltoit  purgé  ne  plus  ni  moins  &  autant 
que  s'il  euH  aualé  telles  médecines.  len'eftimepas 
moins' admirable  &  mémorable  ce  qu  Antoine  Mufa^h- 
meux  médecin  entre  ceux  d'Italie,  raconte  iur  ce  propos, 
de  Iby-mefme^de  (àmere  &  de  ù  loeur.  Il  m*auint  (dit-il^ 
qu'en  maniant  vne  Coloquinte  ,  &  louurant  en  prelen- 
çe  de  ma  mère  6i  de  ma  fœur  3  nous  fumes  tellement  ef^ 
meus  5  moi  par  ceft  attouchement  ,  elles  par  l'odeur, 
ique  chacun  de  nous  le  defchargea  dixfoixauec  grande  a- 
gitation  esboyauxj  comme  lî  nous  euflîons  vlédecefte 
drog^je. 

"le  cuirai  ce  qui  m'eft  quelquesfois  auenu.  l'auois  or- 
donné à  vn  prcftre  quelque  brcuuage  necefîàire  pour 
fbn  lôulagemenr.  Lui  qui  ne  prenoit  pas  plaifîr  à  telle 
boilîbn  3  tint  tout  le  relie  du  iourm'a  recepteen  main, 
peniànt  &  repcn/Imt  au  moyen  de  ne  s'en  point  fèr- 
uir.  Sur  le  foir  ,  comme  fa  maladie  le  preflbit  ,  dé- 
libérant d'aller  vers  l'apothicaire  lui  porter  ce  bil/et, 
vn  flux  de  ventre  lui  vient  qui  le  defcharge  totalc- 
«lent.  Le  lendemain  il  vient  tout  ioyeux  &  riant  à  moy, 
flie  rend  mon  papier  ,  adiouftant  que  leportdjceluilui 
auoitplus  aidé  le  loir  &lanuidfuiuante,  que  les  méde- 
cines purganues  de  tonte  vne  femaine  :  qu'il  le  portoit 
gaillard ,  &  me  rtrn^rrioit  aftedueulèment,  l'ay  veu  de 
mes  yeux  vn  dotke  perfonnage  ,  lequel  ne  pallbit  iamais 
pardeuant  la  boutique  dvn  apothicaire  fbn  voifin  ,  que 
k  feule  odeur  àc^  médecines  purgatiues  qu'on  y  com- 
pofbit  ne  lui  lèruift  de  bien  fort  cliftere  ,  tellement  que 
tout  ce  qu'il  pouuoit  faire  eftoit  de  gaigner  virement 
fàmaifbn,  autrement  Ibn  pourpoint  iui  eulè  fcruide  fèl- 
]e  perlée  ,  &  fbn  haut  de  chaufle  de  balTin.  l'ayconu 
auffi  vn  Gentil-homme  3  qs*!  ne  faifanc  qu'entrer  &  for- 
tir  en 


^mémorables,  5?} 

tir  en  vne boutique  d'apothicaire  fentoit  fôn  ventre  .s\i- 
mouuoir  &  lafcher  teUementjque  force  lui  eltoit  d'en  for- 
tir  pour  fe  defcharger  toutà  Thcare  >  tant  l'odeur  ou  l'ap- 
prehenfion  de  la  prinfè  de  quelque  drogue  forte  Tesbran- 
\o\X..t_y4.nt.M'y'X^Hld.  en  la  préface  dcfon  littreyintitH'lcjArtijkia-^ 
fa  Melhidtn  com^Arandomm  Uortenfi^mfrti^mim,  ^c. 

ARMEE   desfaite  par 
froidure  extrême. 

IL  y  a  enuiron  cent  ans, que  fcprante  mille  Turcs  entrè- 
rent par  la  Valachie  cnRufllejOÙ  ils  firent  àcs  Hiaflacres, 
rauages  &  pilbgeseftranges.Ceftoitau  mois  de  Nouem- 
bre.  En  va  inftant  la  geHee  &  froidure  le«  vient  acucillir, 
&  la  neige  commence  à  tomber  en  telle  abondance^qu'il 
leur  fut  comme  impoffible  d'aller  auant  ni  arrière.  Ce 
leur  eftoit  chofe  nouuelle  ,  ayans  acouitumé  vn  air  doux. 
En  moins  de  rien'leurs  cheuaux  de  feruice  &  de  bagage 
moururent  pour  la  pIufparr.Qnant  aux  hommes,  le  froid 
fè  renforçât  en  tua  plus  de  quarâte  mille,qui  furent  trou- 
uez  tout-roides.  Plufîeors  furet  auflî  trouuez  qui  auoyent 
tué  &  efuentré  leurs  cheuaux  ,  puis  arrachans  toutes  les 
entrailles  s'eftoyent  cachez  là  dedans  pour  iè  garantir  du 
froidanais  en  vain.  Les  reftes  s'eftans  fauuez  en  la  Molda- 
uie^y  furent  mis  à  mort  par  les  Valaques  &  Polonois:  tel-" 
îement  ou-  de  tout  ce  grand  nombre  n'en  refchappa  que 
fort  peu.  Aucuns  difent  quatre  ou  cinq  mille,  les  autres 
neuf  ou  dix  mille.CroTwer  d^r<o.  Uitre  de  i'h'fi  nre  de  Vologne. 
Louys  Tuberon  ,  Abbé  de  Dsiimitie ,  fait  mention  dV- 
ne  desfaite  d'armée  Turquefquc  ,  laquelle  perd't  au  mois 
de  lanuier  il  y  a  90.  ans  &  plus ,  es  cnu  rons  du  Danube, 
plus  de  dix  mille  hommes  tuez  de  froid, &  »rand  nombre 
de  cheuaux. Item  quel  ]ues  m'Hi^rs  à-i  f(>l  Jat^  y  pe*-dirent 
les  doigts  des  mains  &  des  pieis ,  le^  oreilles  ,  le  nez, 
tranfis  Se  amortis  par  le  froid.  Les  autres  firent  C\  mal 
accommodez  3  qMe  les  Turcs  firent  1  -)rs  plus  grand  e  per- 
^»  qu'ennui  coaiba  tprecedent  contre  leurs  ennemis^ 

Oo    4 


584  Htjlcires  admirables 

comme  eir:  meiînes  Je  reconoii'bycnt  6i  confeflbyenten 
Jeur  retrairc  on  difllpation  miiciabJe.  Au  â.ltnM  l  htftotre 
de  fon  torps. 

Ces  hiltoirc<?  d'armées  desfaites  par  froit^ure  me  ramen- 
toiuent  ce  qui  aduintà  quelques  Mores  l'en  1515.  Barri- 
gue, capitaine  Portugais  en  la  coHe  de  Barbarie ,  lortit  de 
Ja  Ville  de  Safin,luiui  de  grofiès  troupes  de  Mores  confe- 
derez  pour  afiiegcr  certain  chafteau.  Approché  près ,  ces 
Mores  defcouuiirent  Lut  le  haut  d  vne  montagne  vnPrin- 
ce  de  ces  quartiers  montueux  qui  amenoit  quelques  gens 
de  renfort  au  chafteau.  Cela  les  eftonna  de  telle  iorte  que 
ils  Ce  desbandent  Se  gaignent  au  pied  ,  laiflàns  Barriguc  & 
Jes  Portugais  au  fiege.  Mais  ces  fuyards  ayans  vne  piuye 
/ùr  le  do's^fans  pauillons  pour  fe  retirer  au  iec,  haralfez  du 
cheminjfàns  viures,  &  n'ayans  accouftumé  que  le  chaud, 
furent  faifis  de  froid  ^  qui  en  tua  plus  de  cinq  cens  celle 
nuid-Ià.  Par  ainfi  la  crainte  de  mourir  leur  ayâr  fait  aban- 
donner vilainement  les  tentes  où  ils  pouuoyent  demeurer 
à  couuert^les  poulï'a  en  vne  fin  honteufcjaccompagnee  de 
déshonneur  &  marque  de  lafchete.  Ojonm  an  lo.liure  de 
thiftoire  de  Portugal,  fifl.8. 

K^rmee  nauale  desfaite  far  la  fêif. 

ENVIRON  Tan  mil  cinq  cens  &  neuf,  la  flotte  d'Eipn- 
gne,  Ibus  la  charge  de  Pierre  de  Nauarrc  Admiril ,  ht 
entreprife  fur  Tlflc  de  Zeibi ,  pour  afleurer  les  nuages  de 
Ja  Sicile  ^es  courfes  que  faifoyent  les  Mores.  La  flotte 
en  approcha  duratit  les  plus  grandes  chaleurs  ,  &  s'eftant 
rendue  tout  auprès  fur  la  fin  d'Aouft,!  Admirai  fut  d'aduis 
qu'on  attendiltà  faire  defcente  fu»-  le  foir ,  à  caulè  de  l'ex^ 
treme  ardeur  du  Ibleil.Garfias  de  Tolède  fils  ailhc  duDuc 
d*Albe,  alleguoit  qu'il  n'y  auoit  plus  d'eau  douce  es  naui- 
res.Car  lur  Teipcrance  certaine  que  les  Efpagnols  auoyct 
de  s'emparer  de  l'I/le  -,  ou  d  vne  partie  dicelle  3  on  auoit 
permis  aux  lauandicres  de  faire  vn  grand  degaft  d'eau 
douce  ei  galères.  Ainfi  dôc  des  le  matin  les  troupe?  s'ap- 
preltent  pour  prendre  terre.  Les  luruLûres  preuoyans  ce- 


&  mémorables.  58^ 

qui  auint,  mirent  auprès  des  puits  tous  leurs  cordages, 
percheSi  féaux  &  vafes  de  cuiure  propres  à  puifer  de  l'eau, 
afin  que  Us  Efpagnois  fuflcnt  prjns  par  tel  moyen.    Les 
Capitaines  &  loldats  chargez  de  leurs  armes  ,  enrageans 
de  /bifgaignentau  plus  fort  de  la  chaleur  le  çiuagejS:  s"a- 
mafient  furieufèment  en  troupes  autour  des  puits  pour  a- 
uoirdeleau.  Lesgens  decheual  Mores  difpo/èz  en  em- 
huÇcA^zs  aeourent  à  bride  abatue,  tranfpercent  ;,  abatenr, 
tuent  i  plaifir  ces  pauurcs  altérez,  qui  ne  pouuoient  s'en- 
fuir ni  fe  défendre  ,  tant  ils  eftoyent  attentifs  à  pui/er  de 
l'eauj  de  laquelle  ils  eftoyent  ncantmcins  frufirez  à  caufc 
delà  foulej&  dts  fables  esenuironsjefquels  ils  enfonçoy- 
ent&  perificyent.  En  cit{\.c  ardeur  de  iour  furent  tuez 
quatre  mil  des  plus  vaillans  de  la  flotte ,  a'uec  leurs  Capi- 
taines &  Colonels.  Ceux  qui  elchapperent  de  la  desfaire 
tout  accablez  de  ducil  &  de  chaleur ,  fe  làuuerent  es  galè- 
res j  où  ils  m.oururent  pre/ques  tous  de  foif^n'ayanf  trou- 
ui  de  l'eau  douce  pour  fe  raflàfîer  tant  (bit  peu. L'Admirai 
auec  ]es  troupes  qui  lui  reftoyent  fut  contraint  faire  voi- 
le en  diligente  autre  part,  pour  remédier  à  cefte  mifere. 
Ky^luares  GomeX^fur  la  fin  dt*  ^.liure  defon  hiftoire  d'£fpa^ne. 
Vide  de  Zerbi  a  efté  fatale  auxEfpagnolsjComme  rhiAoi- 
re  de  leur  desfaide  Tan  1550.  en  fait  foy.  Voyez  ce  qui  en 
efï  marqué  au  chapitre  intitulé ,  Confeil  opportun  mef^rijçy 
jititéi  de  terrible  ruine. 

Autre  armée  naaale  desfaite  par  les  vents 
à*  flnyes. 

ENviRONrifl  iÇ4i.I'Empcreur  Charles  V.confiderantr 
que  lesTurcs  eftoycnt  trop  forts  du  collé  de  Hongrie, 
oùjiauoitenuoyéfccoursàfon  frerc  Ferdinand  ,  délibéra 
de  porter  la  guerre  aux  Turcs  en  leur  p.iys ,  afin  de  les  ef^ 
loigner  des  fiens,  ou  du  moins  efcarter  leurs  forces.  Pour 
ceft  effcd  fur  la  fin  de  l'Eilé  il  vint  en  Italie  ,  fit  leuec  de 
gensaNapl6s&  à  Gennes,pour  aller  en  Barbariceftimant 


5  8  /î  Hijlûires  admirables 

qu'il  faloit  commencer  par  \k  ahn  de  paffer  outre  plus  aP- 
feurément  puis  après.  Il  prjnt  fa  route  en  vne  tres-puif- 
lanre  flotte  dioit  aux  Illes  Baléares  ,&  finalement  arriua 
près  d'Argier ,  ville  maritime  de  Barbarie.  Ses  vaifl'eaux 
portoyent  vingt-deux  mille  pietonijAlemans  &  Italiens: 
&enuiron  douze  cens  cheuaux.  Apres  quelques  elcar- 
raouches  j  afin  de  gaigner  lieu  propre  pour  accommoder 
lecamp^eftanc  fur  lepoind  défaire  viuement  la  guerre 
aux  Turcs,  Dieu  en  commença vn  autre:  car  vu  foir 
du  mois  d'Odobre,  il  (è  prmt  à  pleuuoir  rudement: 
les  vents  impétueux  donnans  à  trauers  la  pi uye^  de  tel- 
le/brte  que  les  foldats  qui  n'auoyent  tentes  dre/Tees,  ni 
Iiabillemens  qui  peuflent  refîfter  à  telle  violence ,  furent 
en  peu  d'iieures  à  demi  vaincus. Au  mefme  temps  la  mer 
s  enfla  &  irrita  tellement,  qu'elle  rompit  les  cables  de 
plusieurs  vaiiîeaux  ,  &  en  bnlà  quelques  vns  contre  \ts 
bancs  &  rochers,  auecquesgraode  perte  de  viures  &  de 
ioJdatf. 

Le  lendemain  matin  la  pluye  &  les  vents  ik  renforcè- 
rent fi  furieufement  queperfonne  ne  pouuoit  demeurer 
en  pieds  :  ce  que  voyans ,  les  ennemis  firent  foudain  vne 
/ortie  hors  d'Argier  le  plus  coyement  qu'il  leur  futpoffi- 
ble  5  forcèrent  quelque  corps  de  garde  3  &  donnèrent  de- 
dans le  camp  de  l'Empereur. 

Les  Chreftiensqui  auoycnt  les  vents  3  la  pluye  &  les 
cnnemisentefte,  ne  reculèrent  pourtant,  ains  félon  ce 
qu'ils  Ct  trouuoyent  lors  marchèrent  refolumcnt  au 
combat ,  &  firent  tourner  les  efpaules  aux  aflaillans  5  qui 
fcignoyent  eftre  rompus  po»r  les  attirer  envneembuf- 
che,  comme  ils  firent:  car  eftans  près  de  certain  coftau, 
lesgen^  qu'ils  y  auoyent  difpofèz  ,  commencent  àdefco- 
cher  flefches  &  cailloux  contre  les  Chrétiens ,  qui  nî 
pouuoyent  s'aider  aucunement  de  leurs  harquebufes, 
âcaufe  debpîuye.  M  lis  ce  qui  leur  nuifoit  le  plus,  e- 
l^oit  rhabilete  dos  Mo-es ,  qui  de  vifteflc  merueilleufc 
fçauoyent  reculer  &  aprocherà  leuraduantage.  Le  meP- 
me  iour  fortirent  d'Argier  q-islques  cheuaux  fuiuisde 
piçtons  mcrucilleu^e nent  difpoib ,  &  qui  couroyent 
âuilî  vil^e  que  les  cheuaux  meûnes.   Ceux-là  vindreot 


cf  mémorables,  587 

recommencer  la  meilee^  attirant  (fous  vne  fuite  iîmulee) 
hs  Chreftiens,  qui  ne  ceflerent  de  les  pourfuiurejiufcjues 
à  ce  qu'ils  furent  près  des  portes  &  murailles.  Alors  s'e- 
ftans  retirez  de  merueilleufe  vitefle,  ils  commencèrent  à 
faire  foudre  fur  les  Ibldats  de  l'Empereur  vne  nouuelle 
pluye  de  boulets  jde  bales^de  flelches  &  de  pierres  tout  à 
coupjdontpluiîeurs  furent  tuez. 

Les  Chcualiers  de  Malte  &  ciuelqi>es  Italiens  firent  lors 
vn  merueilleux  deuoir.Sur  leur  retraite  ils  furent  chargez 
derechef^auec  perte  nouuelle  du  coftc  de  l'Empereur^tant 
les  Turcs  fpuoyent  lors  bien  choifir  leur  aduantage.Cela 
contraignit  l'Empereur  d'y  courir  en  peribnne  auec  groP- 
ic  troupe,tellement  qu'il  defgagea  Tes  gens,&:  contraignit 
Jes  Turcs  de  s'en  retourner  encore  plus  ville  qu'ils  n'e- 
iioyentroitis. 

Pendant  que  \ts  Chreftiens  ertoyent  ainfi  aflaillis  Je 
haut  &  bas  en  terre  ,  \ç^  vaiilèaux  eftoyent  en  extrême 
penl  fur  la  mer  ,  tellement  efmeuë  &  agitée  des  vents, 
que  cables  ni  anchres  ne  pouuoyent  empefcher  que  \ts 
vagues  furieufes  ne  iettafl'ent  Us  vaiflèaux  aux  riuages, 
où  ils  eitoyent  brifez  :  &  quant  à  ceux  qui  demeuroyent 
anchrez  par  la  force  Aqs  cordages  ,  la  tourmente  les  bat- 
toit  de  telle  furie  ,  qu'il  s'entreouuroyent  ,  &  failbyent 
tant  d  eau  que  finalement  ils  couloyent  en  fond.  Lçs 
Mores  apcrceuans  ce  naufrage  ,  acoururent  au  bord  de 
la  mer ,  pour  couper  la  gorge  à  ceux  qui  prenoyent  terre, 
tellement  qu'il  eftoit  malailë  de  iuger  quel  danger  eftoit 
le  plus  grand,  ou  de  ce  laifîèr  à  l'abandon  de  la  mer  cour- 
roucée 5  ou  de  fè  foumettre  à  la  merci  des  Barbares  deP- 
|)ouillez  de  toute  compaflion.  L'Empereur  efmeu  de  tant 
de  malheurs  ,  enuoya  deux  mille  Efpagnols  pour  chaP 
fer  \cs  ennemis  arrière  du  riuage  ,  &  fecourir  ceux  qui 
pourroyent  aborder.  Mais  ce  fecours  aporta  vne  autre 
ïncommorfité.'car  les  matelots  Te  voyans  afleurcz  en  apro- 
chant  de  terre  ,  ne  refifloyent  pas  à  la  tcmpelte  comme 
auparauant  ,  qui  fut  caufe  que  la  plufpart  de  leurs  vail^ 
féaux  cfchouërent  :,  &  que  le  naufrage  fut  plus  grancf. 
Ccftc  tourmente  engloutit  (ix  vingts  &  dix  vaiiîëaux:dont 


588  Histoires  admirables 

quatorze  galères  jbnlèes  par  le  con  dit  des  vents  &  des  va- 
lues, turent  poufleesàbord.  Vn  accident  fî  pitoyable 
crtonna  merucilleufement  J'armce  ;  car  lors  que  les  16I- 
dats  descendirent  en  terre  ,  ils  ne  s'eftoyent  chargez  d'an- 
cun  bagagcjafin  de  marcher  plus  à  raire,&  n  auoycnt  por- 
té des  viurcs  que  pour  deux  lours.  Or  le  voyans  defnuez 
d'habillemens  &  de  viures  ,  Ja  plufpart  de  Icuii  vaiflèaux 
perdusjic  relie  en  grand  dangerjlei  orages  ,  la  faim, &  la 
fureur  à^s  ennemis  deuant  leurs  yeux  ,  ils  demeurèrent 
vingt-quatre  heures  entières  en  eftrange  perplcxite.Deux 
îours  après  la  mer  ne  fut  pas  fi  farouche  ,  toutesfois  l'on 
ne  pouuoit  pas  apporter  encores  des  viures  dedans  les 
rfquifs  :  pour  à  quoy  remédier  l'on  fit  tuer  des  cheuaux 
amenez  en  terre  ,  &  le  camp  vefcut  de  cela  l'elpace  de 
trois  iours.  Mais  iln'elioit  prelques  point  demeuré  de 
viures  :  car  les  vaifi'eaux  auoyent  elle  engloutis  en  la  mer: 
Jescî^euaux  moururent  pour  la  plufpart  :  l'artillerie  fut 
perdue  autc  tous  Çiis  attellagc* ,  équipages jfournitures  & 
munitions. 

L'Empereur  ayant  remis  l'aiTieg^ment  d'Argier  à  l'Efté 
prochain  enfuiuant ,  commanda  que  chacun  rctournaft 
vers  le  refte  des  vaifTeaux^afin  de  s'emb«rqujr.  Mais  pîu- 
fîeurs  Ibldats-  accablez  des  trauaux  paflVz  moururent  par 
le  chemin,dedans  les  boues  &  torrent*.  Ceux  qui  eurent 
meilleur  courage  trauer fcrcnt  trois  ruiflcaux ^  où  A  filoit 
entrer  en  l'eau  lufques  aux  elpaules  ,  &  furent  trois  lours 
àgaignerle  riuage.  Tandis  que  les  Alemans  &  Italiens 
montoyent  fur  mer ,  l'Empereur  fit  demeurer  en  terre  les 
Efpagnols,  aufquels  ij.  fe  fioit  beaucoup , afin  de  repoufler 
les  ennemis  s'ils  vouloyent  approcher  ,  &  donna  ordre 
que  hs  foldats  fuflent  viilement  tranfportez  es  nauires,de 
peur  que  fi  la  tourmente  rccommenjoit  3  le»  elquifs^e 
peufiènt  venir  à  bordjioint  que  le  nombre  d'iceux  cftoit  (î 
petit  5  àcaufequeles'autrescftoyent  coulez  en  fond  ou 
îiacaflczjqu  on  fut  deux  iours  à  charger  les  galères  &  au- 
tres vaiileaux. 

-  Lts  premiers  chargez  furent  les  moins  malheureux, 
car  ils  hauflêrcnt  les  "voiles  ,  auant  que  la  mers'agitaft 
dcrcchcf,&  gaignerent  le  large.  Mais  les  derniers  firent 

çon- 


^  mémorables^.  589 

contrains  demeurer ,  à  caulè  d'vne  nouuelle  tempelte, 
tellement  que  les  cables  dVne  des  galères  de  Malte  ayans 
efté  rompusjpeu  s'en  falut  qu'elle  n'allait  donner  àtrauers 
Us  efcueiis.  Toutes  fois  les  matelots  &  forçats  firent  tant 
à  force  de  rames^qu'ils  la  tirèrent  vn  peu  plus  haut.  Lors 
les  pilotes  furent  d'auis  qu'on  la  laill'aft  flotter  à  ia  merci 
à&s  vaguesjdilans  qu'il  y  auoit  moins  de  danger  ainfi^que 
de  fc  roidir  contre  la  tempefie.  Trois  autres  qui  la  fuiui- 
rent  fè  làuuerent  auec  toutes  \ts  peines  du  monde  au  port 
deBagie. 

Quant  à  l'Empereur ,  il  attendoit  que  l'impetuofîté  à^i 
vents  ceflaft  quelque  peu  3  afin  de  faire  poulllT  les  galères 
en  haute  met;  &  puis  remettre  à  la  voile.  Mais  ayant  fait 
cflàyer  cet  expédient  fans  aucun  bon  efteétjcraignant  qiîe 
la  tourmente  ne  ferenfor^aft  pour  Ten^loutir  lui  mermes 
finalement,  il  partit  auec  quatre  galères  qui  s'efto vent 
en  lieu  plus  afl'euré  que  \ts  autres ,  Ôc  luiuit  celles  de 
Malte.  Vn  iour  après  /on  arriuee  3  Bugie  ,  les  galères 
qui  auoyent  efté  près  d'Argier  pour  iecourir  les  autres 
vaifleaux  prindrcnt  port  auiîi ,  &  rapportèrent  que  ce^ 
vaifleaux  ne  pouuans  plus  tenir  coup  auoyent  elîé  bri- 
(èz  de  la  tourmente  des  vents  &  àt^  vagues,  \ts  pièces 
pouflces  au  riuage,  grand  nombre  de  fbldats  noyez, 
les  autres  qui  s'euoyent  lauuçz  enterre  par  diuers  moy- 
ens, ne  voyans  aucun  elpoir  de  fubfîfter  par  les  armes, 
auoyent  prins  Je  chemin  d'Argier,  pour  fe  rendre  aux  en- 
nemis,qui  les  auoyent  tuer,  fans  en  efpargner  ni  refèruer 
aucun. 

Outre  tous  ces  malheurs  en  furuint  encore  vne  autre. 
Le  port  de  Bugie  n'a  point  déterre  ni  d'obiectde  terre 
qui  le  défende  de  l'impetuofité  des  vents  de  TEurope: 
ce  qui  fut  caufe  de  nouueau  mefchef.  Car  la  mer  agi- 
tée des  vents  battoit  furieufement  \q$  galères ,  tellement 
qu'elles  eftoyent  en  non  moins  grand  péril  que  près  de 
Argier.  Or  il  auint,  de  bon  heur ,  qu'vn  grand  vaifleau 
chargé  de  viures  fut  en  cqs  entre-faites  chafîé  en  ce 
port-là,  ce  qui  vint  bien  àpoindpour  rauidtuailler  les 
galères  :  mefmc  tofl:  après  en  prefcnce  de  chacun  ce  ba- 
Seau  cQula  en  fond  ,   ne  pouuant  reûÛer  k  la  fureur  des 


59©  Hijlûires  admirables 

La  mer  ayant  ainlî  ronfle  &  elcumt  plufieurs  iours,  fur 
vn  fbir  commença  à  fè  tourmenter  ïc  elcumer  plus  que 
deuant  :  &  tant  plus  la  nuict  croifl'oit ,  plus  ceft  élément 
s'arpnfl'oitrbref  elle  iè  courrouça  de  telle  lbrte,que'par  l'c  - 
pace  de  quelques  heureschacun  failbit  fon  compte  de  le: 
uir  là  de  paltureaux  poill'ons.  Mais  fur  le  iour  ayant  voim 
toure  là  colère  ,  elle  prmt  vn  autre  vilàge ,  tellement  toi.- 
tesfois  que  les  vents  &  \ts  vaguesjpour  leur  dernier  coup, 
donnèrent  telle  furie  contre  la  galère  du  General  deSici- 
le^  que  les  voiles  &  malts  furent  iettez  dedans  l'eau.  Vn 
tourbillon  de  vent  aflâillit  vn  autre  de  telle  force  ,  qu'em- 
poignant vn  àcs  forçats  il  lui  briià  l'vne  des  iambex  3  rom- 
pit hs  bancs  d'vne  auti  e  galère  de  Maltejtua  deux  forçats, 
^endommagea grandement  quelques  autres.L'Empercur 
fe  remit  puis  après  à  la  voiIej&  gaigna  Melïîne  finalement. 
Telle  fut  la  fin  de  ce  grand  voyage  de  mer  entreprins  hors 
de  làifbn,rur  la  confîderation  duquel  le  Leâeur  a  dequoy 
s'exercer  fuffilamment  ,  pour  adorer  hs  hauts  (ècrets  de 
DieUj&  déplorer  l'infirmité  à&s  plus  grands  de  ce  monde. 
JFIiJ}.<te  Charles  K .ait  6, Uurei  des  chroniques  de  Carions 


AVT RE  armée  nauale  furnommee l'inuiu- 
cible  j  dijfîpee  en  moins  de  rien. 

L'An  158S.  l'armée  nauale  de  Philippe  Roy  d'E/pa* 
gne  mit  en  alarme  laFrance,lesPaJs  bas ,  &]'Angle- 
terre.Onlarurnommoitpartoutrinuincible;  car  l'on  a- 
uoit  employé  trois  ans  entiers  à  la  drell'er ,  cftat  d'vn  a- 
pareil  admirable.  Ils  y  auoit  cent  trente  grands  vaifleaux, 
aucuns  delquels  elioyent  de  douze  cens  tonneaux  &  d'à* 
wantage  de  milj  de  huid  cens,  &  les  moindres  portoyent 
trois  cens  tonneaux  :  &  infinis  moyens  &  petis  vaifleaux 
en  fuite.  Les  vailîeaux  portoyent  deux  mille  pièces  d'ar- 
Jllcrie  de  diuers  calibres  auec  tout  leur  attelage  &  e- 
uipage  ncceflàire  tant  fur  mer  ^ue  fur  terre.  Sur  cçs 
^.^ifleaux  eftoit  embarque  Alfonfe  Perez  ,   Duc  de  Me*- 

dina 


cf  mémorables.  5  9  ï 

dina  Sidonia,  gênera!  de  Tannée ,  a/Tiftc  de  vingt-deux 
Seigneurs  d'authorité,  deconièiJ  &  d'expérience,  aucc 
quatorze  pages,  dix  ieunes  gentils-hommes  ou  caualier<Ï3 
&  très-grand  nombre  de  feruiteurs.  Outre-plus  il  eltoic 
fuiui  de  cent  vingt-neuf  gentils-hommes  Elpagnols  em- 
barquez à  leurs  delpens,  qui  menoyent  quatre  cens  cin- 
quante-fîx  leruiteurs  bien  équipez  :  item  de  dei<x  cens 
vingt-fix  colonels  ,  capitaines ,  enfèigncs ,  lieutenans,  & 
autres  princi  paux  membres  ,  de  trente  regimens  ayans 
cent  leptante-deux  enfeignes,  &  vingt  mille  combat- 
tans  ,  de  qui  l'on  fai(oit  grand  cftat ,  entre  lesquels  y  a- 
uoitpiufieurs  appointez  pour  cftre  de  cheual  ^  fuiuant 
les  apprefts  que  Ton  en  auoit  faits  en  trois  cens  autres 
vaiflèaux  ou  enuiron,  qu  Alexandre  Fainefe  Prince  de 
Parme tenoit  près  de  DonnerKe  &  autres  ports ,  &y  fai- 
foit  charger  plulîeurs  harnachemens  pour  acommoder 
Jes  chenaux  que  l'on  pretendoit  trouuer  en  Angleterre: 
outre  douze  cens  qu'on  auoit  embarquez  en  Eipagnca 
&  ceux  que  le  Prince -de  Parme  deuoit  mettre  fur  fcs 
bafteaux.  Cefte  flotte  auoit  pour  Amiral  lean  Martin 
deRicalde  Bifcain,  fort  eftimé  des  Elpagnols.  Chafque 
vaifl'eau  &  chafque  régiment  auoit  fon  vifiteur  ,  fôn  four- 
rier, fon  threforier.  Ion  commiflàire  âçs  prouifîons,  fbn 
chirurgien.  Lts  officiers  de  iuftice  eftoyent  d'vn  audi- 
teur gênerai  & /on  lieutenant,  d'vn  aignazil  du  Roy  a- 
ucc  fon  lieutenant,  de  quatre  autre  agnazils,  quatre 
(ècretaires,  fix  huilTiers,  vn  geôlier.  Alfonce  deCepedcj 
maiilre  de  camp,  eftoit  afTillc  de  vingt  gentils-hommes, 
afindeprouuoirfur  mer  &  fur  terre  aux  difficultez  qui 
fe  prelcnreroyent,aucc  àzu\  ingenieurs.Le  grand  Maifire 
de  i'artiilerie  auoit  fes  litutenans  ,  fbixante  maiftre  ca- 
«onniers,  &  force  ièruiteurs.  Outre-plus  vn  gênerai  des 
chariots  préparez  pour  la  terre,  &  vn  gênerai  de  tous  les 
inftrumens  de  fer  préparez  pour  l'équipage,  entretene- 
inent  &  conduite  de  l'ariree ,  vn  commiflaire  dts  mulets 
auec  deux  conducteurs.  Pour  l'holpiral  des  malades  il  y 
auoit  vn  genea-al  adminiitrateur,  fon  heutenantjcinq  mé- 
decins, cinq  chirurgiens,  cinq  coadiuteurs,  quatre  ban- 
deurs  de  piayes,  vn  reuifîteur ,  vn  grand  maiftre ,  fbixan* 
4e^deux  kruiteurs  :  cnuiron  deux  cens  moines  de  diuers 


59^  Hijloires  admirables 

ordres, &  grand  nombre  de  prcltres. 

Cefte  flotte  de  tant  de  vaiileaux  chargez  de  tant  d'hom- 
mcsjcanonsj  pouldres,  boulets,  auoit  aufli  (b  fournitures 
&  munition:,  de  viures  neccfiàires  pour  fix  mois  entiers 
bien  largement ,  infinis  vlkncilJesdc  toutes  iortcs  pour 
tous  euenemens.  Plus  vn  attelage  complet  à  part  pour 
douze  doubles  canons  &douze  coleuurines  qu'on  vouloit 
mettre  en  terrejlàns  defgarnir  pas  vn  vaifleau  grand  m  pe- 
tit. Outre  ce  que  tous  les  capitaines  &  Ibldatseftoyent 
cquippez.  de  pied  en  tefte  fans  que  rien  leur  defaïUiit,  il 
y  auoit  force  armes  de  relèrue  j  àlçauoirfept  mjlle  har- 
quebouzes  Schs  fournimensjmille  inouiquets,  dix  mille 
lances,  mille  pertuifancs  &  halcbardesjfix  mille  picques. 
Se  tous  inftrumens  neceflaires  pour  mettre  en  ocuure  ièpt 
ou  huid  cens  pionniers. L'Angleterre  eftoit  fort  menacée 
par  cefte  fiotteyqui^iointe  à  celle  du  Prince  de  Parme,/e- 
ion  l'apparence  humaine  eiloit  inuinciblç.  Défait  en  Ita- 
licenAlemagne bailleurs  5  où  furent  imprimez diuers 
diicours  de  ce  grand  appareil ,  l'on  tenoit  TAngleteire 
pour  perdue,  &  faifoit-on  des  difcours  d'autres  change- 
mens  ailleurs,  voire  de  rcftablifl'emen^  d'vne  nouueîle 
Monarchie,  plus  grande  qu'aucune  autre  des  précédentes 
en  l'Europe. 

Le  trentiefme  iour  de  May  I588.cefte  armée  inuinci- 
ble  defînara  &  (è  mit  à  la  voile  en  trcs-grande  confian- 
ce ,  les  grands  vaifleaux  ,  canons ,  cornettes ,  eltendards, 
ayans  cité  bénis*  en  grande  pompe,  6c  les  chefs  &  ibldars 
s'ellansdilpofezà  grandes  iic  hautes  exécutions.  Mais  à 
peine  le  furent-ils  mis  â  la  voile ,  pour  tirer  vers  le  Cap 
de  Crongne  en  Gallice ,  que  la  mer  s'clineut  de  telle 
forte,  que  toute  la  flotte  fut  contrainte  approcher  de 
terre,  mouiller  les  anchres ,  &:  attendre  le  calme  ,  ayant 
perdu  à  cefle  première  lècowfle  quatre  vaiifeaux  moy- 
ens, &plufieurs  autres  efcartez  <1>^  bril€z,qui  demeurè- 
rent inutiles  pour  la  pouriinte  du  voyage.  Ceit  orage 
appairé,par  commandement  exprès  du  Roy  d'ETpagne» 
le  gênerai  de  la  flotte  fit  r'embarquer  tourelles  troupes- 
&  haufl'er  les  voiles  ,  ayant  le  vent  fi  1  propos  depuis  le 
zS*  iouc  de  Iuillet<^u'4U  c^mqiencemeiu  du  mois  d'Aouft 

lar* 


é^'' mémorables]  j95 

rarmee  defcouunt  la  poinde  de  Cornouaille.    L'An- 
gleterre commence  à  s  efm.ouUoir  a  ce  danger  prochain> 
&  les  vaiflcaux  de  la  Koyne  paioillent  au  porc  de  Plim- 
niouch  ,  mais  non  fi  forts  ,  ni  en  tel  nombre  que  ceux 
«i'Efpagne.    Toutesfoisla  \\Qcc\iKé  prelcnte ,  la  rcfolu- 
tiondes   Anglois  fc  voyans  perdus,  s'ils  ne  failbyent 
quelque  effort  au  befoin  ,,  &  la  commodité  du  vent  quî 
tesfauorjfoit,  i:t  qu'ils  approchèrent,  &.  contraignirent 
parvnebraue  efcarmouche  les  plus  auancez  vaiffeaux 
d'Efpagnedeicretirer,  oiiil  y  eutdu  defordre,  vn  des 
grands  gallions  prins  ,  dedans  lequel  eik»it  Pierre  Val- 
desjfeigncur  Efpagnol ,  l'vn  des  principaux  en  Tarmee, 
Les  Anglois  trouuerenten  ce  galiionvne  partie  des  fi- 
nances pour  la  Iblde,  &lesmenioires  de  l'ordre  que  le 
'gênerai  deuoit  fuiiire  ayant   conquefté   l'Angleterre. 
Celle  deuxiefine  lecouflc  fit  que  la  fiorre  tira  vers  la 
manche  de  Calais  ,  en  intention  dé  joindre  le  Duc  de 
Parme,  pour  faire  confcqucmmenr  Ton  grand  efTort» 
Mais  l'armée  Angloifc  refoluc  au  contraire  d'empeP 
cher  &  rompre  ce  coup.  D'vne  part  aidée  de  la  flotte  de 
Hollande  &  Zeelandeefpiant  le  Duc  de  Parme,de  l'au- 
tre contrainte  de  hazardertout,  &neantnio;nsder]>lo- 
yant  diucrs  avrifices  pour  efcorner  ccùe  puiflance  re- 
doutable de  chafteaux  de  bois  voguans  Tur  la  mer ,  fui- 
uit,  moiefta,  &  prcffa,  comme  il  lui  fut  po{fible,la  flotte 
d'Efpagne,  laquelle  quitta  Ion  rendez-vous ,  &  en  quel- 
ques efcanr.ouches  perdit  plu%  de  quatre  mil  hommes, 
&  dix  ou  douze  vailîcaux.    Mais  cela  n'eftoir  rien  ,  fi  les 
Anglois  n'euffentefté  pour  lors  fauonfcz  d'enhaut.  A- 
yans  appreité  quelques  vaifieaux  &  aidez  d Vn  vent  fort 
qui  leur  fauorifoit  ,  ils  y  mirent  le  feu  portant  droit 
contre  la  flotte  îXpagnole,  Scfc  mettons  a  la\'oile  pour 
fuyure.    Les  pilotes  Efpagnolsleucnt  les  anchres  en  ce 
danger,  hauflenthafliuementles  voiles,  pourgaigner  le 
large.  L e  vent  (e  renforce  qui  chaîi'e quelques  vailfcaux 
versZcclande,  le  gros  prend  le  haut  du  collé  de  Se- 
ptentrion vers  Norvcgue,  tirant  vers  E Ico Ife  &  Irlan- 
de, nepouuantà  ca-ufc  ^cs  vents  tourner  en  arrière,  a- 

Vf 


594  Hijloires  admirables 

yant  aufll  derrière  foy  la  flotte  d'Angleterre,  la'mer  ^f 
Septentrion  à  caufc  de  rAutoinne  eihicuè'  ja  beaucoup 
de  roy-mefme,  &  de  renfort  par  les  vents  impétueux,  à 
aduint  que  cède  flotte  d'Hfpagne  en  fut  le  miferablc 
iouèr,  tellement  que  dix-fcpt  des  plus  grands  vaifleaux 
d*icelle  ,  furent  mis  à  fond  en  la  cofte  d'Irlande,  les 
autres  efchouèrent,  fracaflez  &  affablez  çà  &  la.    De 
forte  que  de  cent  trente  grands  vaifl*caux  il  n'en  refla 
pas  trente  qui  peuflfent  regagner  TEfpagne  :  encore,  la 
plus-part  de  ceux  qui  eftoyent  dedans  périrent  de  fra- 
ycur,de  langueurs,  de  maladies.    Etainfi  de  trente  ou 
trente  cinq  mille  hommes  qui  s'eftoyent  embarquez 
penfans  aller  à  la  conquelle  de  l'Angleterre  ,  il  n'en  re- 
tourna pasla  neuf efme partie  :  ains  excepté  quelque 
Î>etit  nombre  de  prilbnniers,  le  refteferuit  de  iouct  à 
amer,  de  paftureaux  poilTons,  de  fpedacle  effroya- 
ble &  d'inftru  die  n  à  grands&  à  petispour  reuerer  Je 
Tout-puilTant.    Tant  d'équipages  ,  de  munitions  de 
toutes  forces,  &  de  prouifions  comme  infinies,  coulè- 
rent en  fond  auec  Tartilleric  d'Efpagne  &  Ton  attella- 
ge,  fcs  cheuauxjfcscheualiers&fes  chariots  :  dontfu- 
rent  publiez  diuers  liuresen  toutes  langues  ,  d'aucuns 
defquelsjnommementf/w  3.  Ut4.de  Chijl.  cIls  derniers  tronbles 
de  Francs ,  nous  auons  extrait  vne  partie  de  ce  que  àcC- 
fus.    Celui  qui  a  recueilli  ces  mémoires- là ,  r'imprimez 
l'an  1599.  adioufte  que  le  bruit  du  fucces  de  cefle  fiente 
courut  tout  autrement  qu'il  n'eftoit  vrai  ,  &  que  l'im- 
pudence depluficurs  fut  telle  qu'ils  afl^curerentquela 
viftoire  eftoic  demeurée  à  l'Efpagnol,  en  firent  les  feux 
de  ioye ,  voire  en  imprimèrent  des  difcours  tous  entiers 
(vcrrfiansleprouerbcqu'il  fait  bô  battre  glorieux)  pour 
couurirlahontcufefuiteduDuc  de  Medine,  lequel  ne 
trouuaaurre  excufe  de  ccfte  route  enucrs  Ton  maiftre, 
querinfidclitc  &  l'ignorance  des  matelots  ,  &  le  peu 
d'expérience  qu'ils  auoyent  en  ccfte  mer  Septentriona- 
le, le  défaut  de  fccours  du  Prince  de  Parme,  la  rigueur 
du  temps,  &  les  naufrages.    Ce  font  les  mots  de  Tnifto-  ^, 
rien.  L'Angleterre  ne  vitquedeloin  cefte  baleine  effro- 
yable qui  eimouuoit TOceau ,  &  ouuroicla  gorge  pour 

touc 


i 


ér  mémorables.  ^9^ 

fouteftgloutir.Lci  perfonncsdefain  entendement  re- 
marquèrent là  vn  viiible  «k  merueillcux  coup  du  ciel* 
Quant  au  Prince  de  Parme,  entendant  que  la  Hotte  Ed 
pa«  noie  s'en  cltoit  enuoletj  fans  laquelle  il  ne  pouuoic 
r]c"nfaire,ni elle  fans  la fîene&lans  lui:  pour  nereftcr 
inuciicj  remena  Ton  armée  hors  de  Flandtes  (ja  toute 
mangce)en  Brabant ,  ou  il  ne  fit  entreprile  qui  valut» 
Depuis  ils'ingera  d'entrer  en  France  par  deux  fois:  donc 
le  fucces  fut  malheureux  &  honteuxpour  rEfpagnejqut 
après  auoir  confumé  vne  infinité  de  richefîes  &  nombre 
innombrable  d'hommes  3  cuidant  eflargir  Tes  limites  ,  a 
efté  contrainte  de  demander  la  paix  ,  laquelle  lui  ap- 
porte ordinairement  beauconp  plus  de  profit  que  la 
guerre. 

ARMEE  treJpHîJfante dijftpee, 

L'An  mil  cinq  censfoixante  neuf ,  Selim  Sultan  6.cs 
Turcsjvouiant  s  emparer  d'Allrachan  ,  qui  eft  l'vne 
des  portions  de  cefte  grande  eftendue  de  pays  qu'on  ap- 
pelle Tartane,  fortitdeConllantinople  le  vingtiefme 
jour  de  Mars  ,  luiui  d'vne  tres-puiflante  armée  tcrrellre 
&nauale.  Ily  auoit  ccntcinquante  galères  chargées  de 
foldats  ,   &fuiuiesde  fort  grand  nombre  d'autres  vaif- 
feaux,  portans  les  viures  &  munitionSi    Auecluimar- 
choyent  vingtcinq  mil  hommes  de  cheual,  &  trois  mil 
laniirairesjaufquclsfeioignirent  quatre  vingt  mil  Tar- 
tares  Precopites  tous  à  cheual.   Gefte  armée  ayant  fait 
des  deftours  &:  longs  chemins  fort  fafcheux,  fur  tout^ar 
terre,à  trauersdes  marefts,  dc3torrens&  des  campagnes 
defcrtes, après  auoir  mangé  les  viuresjfans  auoir  rien  ex- 
ploité,diminua  tcllementjà  caulé  de  la  faim  ,  de  la  foif  & 
des  maladies,  que  de  tout  ce  grand  nombre  d'hommes 
n'en  retourna  que  deux  mille  à  Conlîanrinople,  fur  U 
*in  de  Septembre  en  la  mefme  année.    Al  Xandu  Gha* 
gmn  en  fa.  dejcnpUon  àt  Turtar^^^ 

Pp    % 


l 


K^6  Hijloires  admirables 

t^RMEE piijfante  desfaiîc^. 

L*An  mil  cinq  cens  quarante  &vn,Ferdmand  Roy  de 
Hongrie, délibère  de  faire  telle  viucmét  aux  Turcs, 
enuoyavn  puifTant  renfort  fous  la  conduite  du  Comte 
Rokcndolf  pour  fc  ioindve  aux  aatrcs:ce  qui  fut  exécu- 
té. Le  Comte,  ayant  vne  armée  compofce  d'enuiron 
trente  mi!  hommcs,refolut  dalncgcr  Bude ,  où  après  a- 
uoirfaitbrefche  raifonnable  il  donna  vn  afTaut.  Mais  il 
fut viuementrepouflé  parles  afliegez,  &  perdit  plub  de 
huiâ:  ceiu  hommes.Quelques  iours  après  la  viUefaillit  à 
cftreprinfe  par  intelligence  :  mais  Kokcndolf  n'ayant 
pas  pourueu  à  tout  pour  le  rendre  le  plus  fort ,  cefte  cn- 
treprife  ne  feruit  fïnon  àefueiller  d'auantagc  les  affic- 
hez. La  defTus  Solyman  icfould  en  fon  confeil  de  faire 
a  guerre  plus  viuemcnt  que  iamais  à  Charles  cinquief- 
me&à  Ferdinand.  Il  cnuoyc  MahumetBafla  en  Hoiv- 
gric&  commande  à  Vftref  defc  trouuer  aucc  fes  trou- 
|)cs  à  Belgrade  pour  fccourir  Mahumet  ,  fi  les  forces  de 
Ferdinand  cftoycnt  trop  puiffantes.  BarberoulTe  eue 
charge  de  fe  mettre  en  mer  pour  faire  tcfte  à  André  Do- 
ré >  lequel  s'eûoit  emparé. de  diueries  places  fur  les 
Turcs  ,  &  les  auoit  remifes  fous  la  domination  de  Mu- 
leaflcsRoy  de  Tunes.  D'autant  aufli  que  Solyman  fça- 
uoit  que  N.Maylar,Vayuode  de  TranflVluanie  tenoitlc 
parti  de  Ferdinand  ,  &  fc  prcparoit  à  la  guerre  ,  il  com- 
manda au  gouuerncur  de  Nicopoli  nommé  Muftapha, 
d'y  aller  aucc  fcs  troupes,  &  au  Prince  de  Valachie  d'af. 
lîiler  à  Muftapha.  Les  afaires  ainfi  dirpcfces,  Mahumet 
arriua  en  Hongrie  fur  le  commencement  de  Telle ,  &  fe 
vint  camper  affez  près  derarmcedc  Ferdinand,  qui  e- 
ftoit  encores  au  fiege  de  Budci&  après  s'ellre  retranché, 
Raccommode, demeura  coy  l'eipace  de  quelques  iours, 
durant  lelquclsles  vaiiTeaux  du  Turc  flottoyent  furie 
Danube,pour  faire  teftc  à  ceux  de  Ferdinand,  lequel  en 
auoit  plus  grand  nombre.  Les  armées  eftans  ainiîpro- 
ches,fpecialcment  fur  terre ,  tous  les  iours  fe  drelioyent 
cfcarmouchesà  pied  &  à  cheual.-en  telle  forte  que  pref-< 

que  or- 


C^  mémorables.  597 

que  ordinaire  ment  de  part  &  d'autre  on  laifloit  par  mu- 
tuel confentcment  Icsharqiicbouzes  &piftoles,  pour 
s'efprouuer  à  coups  de  lances ,  picques ,  couftelas ,  &  ci-' 
«leterre  :  par  ainfi  la  vaillance  des  vns  &  des  autres  apa^ 
roifloit.Entre  autres  :icciàcns  mémorables ,  l'on  en  reci- 
te vn,qui  mérite  eftre  ramentu.  Il  y  auoit  entre  les  Co- 
lonnels  AUemans  vn  gentil4iomme  Suaube  nommé 
Raifciacle  fils  duquel,  icunc  &  braue  cheualier,  s'eftant 
vne  fois  au  dcfceu  de  Ion  père  fourre  en  vne  efcarmoa- 
che^faifoit  tel  deuoir  que  chacun  &  Ton  père  mefmeslc 
regardoit  auec  eftonnçmcnt,&  tous  louoyent  infinimêc 
la  vertu  de  ce  pcifonnage  que  l'on  ne  conoifToit  point. 
Mais  auant  que  refcarmouchc  ceflaltj  ilfutenuironné 
dVne  grofie  troupe  d'ennemis  »  &  finalement  renuersé 
mort  furie  champ.  Raifciac  efmeu  de  l'accident  d'vn(î 
vaillant  homme,&  ne  fçachant  pas  que  cefte  perte  Tat- 
touchaft  de  fi  pres,fe  tournant  vers  les  autres  capitaines; 
Vrayement,  dit-il,ce  braue  cheualier  mérite  d'eftre  loué 
entre  tous  autres,&  d'eftre  folennellement  cntcrré^pour 
auoir  fi  bien  faid  fon  deuoir.Comme  tous  aprouuoyenc 
ceftaduis,  magnifiant  la  prouèfrc&  déplorant  la  perte 
de  ce  gcntil-homme,on  aporta  le  corps  mort  au  pere,lc- 
quelfut  faifi  de  telle  douleur,quefans  pouuoir  pronon- 
cer vn  fcul  mot,ains  ayant  les  yeux  fichez  fur  fon  fils ,  les 
fenslui  défaillirent  en  vn  coup,  &  rendit l'efpri ta  Tm- 
ftant. 

Pour  reuenir  aux  Turcs,  la  prefcnce  de  Mahumct,& 
fes  forces  acourageoyent  les  aiiiegez  a  Bude.  Quant  aux 
Chreftiens  ,  encores  qu'es  efcarmouches  les  Turcs  eufl 
fent  toufiours  du  pire ,  toutesfois  eux  eflioyent  tantha- 
rafîezque  l'on  aperceuoit  leur  dcfaide  eftre  prochai- 
ne. Ncantmoinsils  prenoyent  courage  par  les  lettres 
que  Ferdinand  leur  efcriuoit,  &  l'opinion  qu'ils  auoyenc 
que  l'Empereur  aideroit  fon  frère.  D'autre-part  Roken  - 
dolf  s'eftoit  tellement  aheurté  a  ce  iiege  de  Bude ,  qu'il 
cfperoit  finalement  en  venir  àbour.  Or  s'eftoyent-^'is 
campez  en  vne  Ifle  ,  tellement  fituec  qu'elle  cmpef- 
choitles  Turcs  de  mettre  gens  dedans  la  villc:&auoy- 
cnt  entre  cefte  Ifle  &  le  catppde^  Turcs  le  plus  fort  dft 


59S  HiFi  aires  admirables 

leur  armée ,  à  laq-uelle  ils  fe  ioisncnt  par  le  moyen  dVn 
pontdrefle  fur  vn  deftroir  d'eau  lèparant  l'ifle  d'auecla 
terreferme.  Les  Turcs  loge?  en  lieu  haut ,  ayansdef- 
couuertquelcsChicftlens  faifoyent  afle/  mauuaisgu- 
cn  rjflcjdeljbererent  d'aflailiiren  mefme  tcps  les  Chrc- 
iliens  par  deux  endroits  ,  &  vn  iour  d'efté  de  grand  ma- 
tin abordéten  Tifle  auec  quelques fregates:,de  telle  dex- 
térité, qu'auanteftrcdefcouucrtsils  coupèrent  la  gorge 
à  plus  de  fîx cens  homaiesmi-endormisjles autres  felau- 
uerentde  viftefle,  mais  en  pafl'aht  le  pont  fort  cftroift, 
plusieurs  furent  poufl'ez  de  leurs  compagnons  mefme^ 
dedans  Teaujoù  lis  mouroyeut  milerablement,  &  ceux 
«jui  gaignoyent  terre  fe  fentoyent incontinent  tranfper- 
cez  a  coups  de  fiefches  ,  pource  que  les  Turcs  auoyenc 
auflldcs  efquifs chargez  defoldatsen  cert  endroit,  afin 
de  les  enuclcpper  de  touscoftez.  Tout  Je  camp  reccut 
lorsvne  tei  nblc  alarme  ,  eihntafTailli  des  Turcs  en  dî- 
ners endroits.  Neantiroinsparl'cxhortation  du  maiftre 
t)c  camp  nomme  Hcrbeftulf,  après  auoir  pourucu  à  ce 
cjuieftoitle  plus nccefl"airc,les principales  forccsrctoun- 
nertnt  en  l'ille^ôc  i  l'aide  du  gênerai  dts  vaiflcaux  Chrc- 
iliûJis(qui  amena  bon  nombre  ce  foldars  promprement 
vers  vnc  autre  defcenre  dcrifle,maugrélescnnemis,rur 
lefqucls il  prinr  trois frcgatescn  enfonça  quatre  à  coups 
de  canon  ,  tell6ar.cn t  qu'ils  perdirent  beaucoup  plus 
d'hommes  que  les  Chrefticns)  Tiflc  fut  rcprinlc  ,  les 
Turcs  chaflTcz  d'icelie  auec  grande  perre  de  foldats, 
écdvnc partie  de  leur  artillerie.  Heibeftulf combat- 
tant vaillamment  es  premiers  rangs  ,  fut  bleffé  de 
trois  coups  de  flcfclie,  dont  il  mourut  incontinent  a- 
pres. 

Les  iours  (uiuans,  encores  que  les  Turcs  eufl'ent  efté 
ïepouiTez  plu/îeursfois  ,  neantmoins  ils  continuèrent 
leurs  efcarraouches,s'af]'eurnns  qu'à  la  longue  ils  \à{ït- 
roycnt  &  desfcroyentlesChreft:ens ,  Ici  quels  fç  voyans 
ainfî  hara/Tez  fans  mterualle,  commencèrent  a  preuoir 
leur  ruine.  Surcevn  gentil-homme  Hongrois,  eftant 
en  Tarmce  des  Turcs,  qui  vouloit  mal  de  mort  aux  AL 
Jeiîîans,aduGrtitparvn  homme feurvn  capjuinc  Hon, 


^  memoYâhles.  599 

grois ,  qui  guerroyoit  pour  Ferdinand  ,  de  fe  retirer  ds 
bonne  heure  auec  tous  les  Hongrois,  pource  que  loa 
auoit  nouuelles  certaines,  que  Solyman  venoit  en  Hon- 
grie auec  nouuelles  forces.  Ce  capitaine  ayant  libre- 
ment déclaré  à  Rokendolf  &  aux  autres  chefs,  ces  nou- 
uelles, protefta,  que  iî  Ton  ne  prouuoyoit  à  loger  les 
troupes  en  lieu  plus  fcur,  lui  &  les  autres  Hongrois  ad- 
uiferoycnt  à  leurs  afaircs.  D'autre  cofté ,  deux  efpions 
partentdu  camp  des  Chreftiens,  &  par  eux  Mahumet 
lieutenanrde  Solyman  entend  en  quelle  perplexité  e- 
ftoyent  Rokendolf  &les  fîen^.  Au  moyen  dequoy  il 
faid  marcher  promptement  toutes  Tes  forces  de  pied  & 
dechcual,  auecrartillerie,  qui  de  nuid  vienentauec 
horribles  &  eftranges  huées  aflaillirle  camp  des  Chre- 
ftiens.  Les  compagnies  d*Auftrichc  ne  firent  pas  gran- 
derefiflance  :  maisles  Bohémiens  &  Allemansquigar- 
doyent  le  pont  de  l'ifle  fe  défendirent  vaillamment. 
L'alarme  eftantainfî  inopiné  &  furieux,  tant  à  caufedc 
rimpetuofîté  des  aflaillans,  que  pour  les  ténèbres  delà 
nuid,  ft  que  pluhcurs  gaignerentà  courfe  decheual 
les  frégates,  &  que  les  commandemensde  Rokendolf 
&  des  autrescapicaines  furent  bien  peurefpedez.  "Lç.^ 
gens  de  pied  demourans  derrière,  en  heu  de  prendre  re- 
folutionde  bien  combatre,  ne  faifoyent  quebranfler, 
&  parer  aux  coups  ,  tellement  qu'en  moins  de  rien  ils 
furent  efcartez  &  difTipez.  Ceux  de  Bude  empoignans 
l'occafîon  qui  reprefcntoit  fortent  aux  champs,  &vie- 
nent  aflaillir  leurs  ennemis  d'vn  autre  coftc  ,  tellement 
que  l'armce  de  Ferdinand  ,  qui  cftoit  en  terre,  perdit  le 
camp  ,  toutes  les  tentes ,  &  le  bagage ,  auec  nombre  de 
gens  tuez  çà&li.  Les  piétons  tous  efperduss'cftans  re- 
tirez au  nombre  de  trois  mille  fur  vn  petit  tertre  fu- 
rent enuironnez  des  Turcs  le  lendemain  matin  ,  hacher, 
en  picccs,pourlaplurpart.  Les  furuiuansfe  rendirent  à 
la  merci  des  vidorieux,  qui  les  rctindrent  piifonniers 
pour  en  faire  prefent  à  Solyman. 

La  rencontre  nauale  futaufTi  déplorable  pour  let 
Chreftiens,que  celle  fur  terre:  car  le  gênerai  de  la  flotte 
Tur^uef^uc  nooutté  CaEoa  aiTaïUit  fi  funcurcoient les 

PP    4 


^o^  Hi [loir es  admirables 

vaifTeauxde  Ferdinaïui,  cju'cn  peu  d'heures  i\  en  mie 
ciuelques  vns  à  fond  aucc  grande  perte  d'hommes  ,  fe 
faifit  de  pliificurs,  &  contmienic  le  refte  de  fe  fauucr  \  i- 
ftement.  Le  flciiue  demeura  couucrc  de  corps  morts 
tuczaucombatnaual ,  ou  qui  s'cftoyent  içctez  dedan.-î 
pour  euiter  les  mains  dci  îaniflairesquiles  pourfuiuoy- 
enr  de  près.  Apres  cefte  desfaite ,  Calfon  vogua  mconri- 
nent  vers  la  ville  de  Pefth  ,  &  donna  tel  alarme  à  la  gar- 
nilon  qu'ils  s'enfuirent  tous  ,. exceptez  quelques  foldac? 
Hongrois ,  qui  poiipofans  le  danger  de  mort  à  l'amour 
du  butin,  fe  mirent  à  piller  quelques  boutiques  &ma- 
gazins  de  marchands.  Mais  Caflon  entra  incontinent 
dans  la  place  qui  n'elloit gardée  d'aucun  homme,&  tail- 
la en  pièces  quelques  vns  de  ces  pillards  trouuez  parles 
rues  :  puis  fit  tuer  toute  anie  viuante  ,  fans  efpargner  lc5: 
femmes,  ni  les  malades,  fors  quelques  perfonnes  vigou- 
reurts,ieuncs,  &  de  belle  taille  ,  que  Ton^jarda  prilbn- 
jiiers  pour  receuoir  le  traitement  que  les  Turcs  ont  a- 
coullumé  défaire  à  ceux  qui  tombent  en  leurs  mains. 
Ceilic  guerre  emporta  plus  de  vingt  mille  Clireftiens. 
Les  lurcsy  gaigncrent  trente  fîx  double  canons, cent 
cinquante  couleurines,  &  autres  pièces  de  campagne, 
item  vne incroyable  quantité  de  poudres,  boulets,  ba- 
ftons,&:  autres  munirions  de  guerre.  Kokendolf  malade, 
lors  que  ce  rauagc  luruinc.fut  emporté  par  Ton  médecin 
&  ton  valet  de  chambre  en  \  n  efquif ,  &  fauué  en  vne 
lflc,pu!s  de  là  en  vne  bourgade  afiez  efloignee  ,  ou  il 
iiiourut  bien  toft  après. 

Solyman  cftoit  lors  en  chemin  pour  venir  en  Hon- 
grie, &  au  cinquiefme  iour  fuyuantarriua  près  de  Bu- 
de  ayant  fait  vn  fort  long  chemin  en  peu  de  iours.  In- 
continent on  lui  prefente  les  prifonniers  ,  au  nombre 
dchuidcens,  lefqucls  il  fit  hurer  entre  les  mains  des 
gouiats  de  Ton  armée  ,  qui  efgorgercnt  &  tuèrent  à 
coups  de  dagues  &:  d'efpees  ces  panures  miferables  :  & 
pour  defpitcrcncor  plus  la  nation  Alemâde.Solyman  fit 
choifir  le  plushaut&:  pui/Tant  Az  tous  ces  prilbniiiers^ 
yiarif  du  terroir  de  Nuremberg,  puis  anpella  vn  nain  ier- 
iwiudepaircceir.psùfcs  enfansj  lequel  naacignoif  pas 

de  U 


^mémorables.  <^oi 

ae  la  tefte  aux  genoux  de  ce  foldat,  &  lui  commanda  de 
tuer  ce  prifonnier,  voul.it  inefler  le  plailir  auec  ^^^  cuau- 
té.Lc  nain  tenant  au  poin  vn  cimeterre  conuenable  a  la 
ttature ,  commence  a  fraper  fur  les  iambes  de  ce  milcra-- 
ble:  après  plufieurs  coups  le  fit  tomber  p ai"  terre,  ouk 
Tacheua  à  toute  peine,  faoulâtd'vn  fi  malheureux  Ipe- 
aacleles  yeux  de  Solyman  &  de  fcs  troupes;  Ainli  péri- 
rent tous  ces  prifonniers,  exceptez  quelques  capitaines 
&  gentils-hommes  en  bien  petit  nombre,  qui  efcbapc- 
rent  depuis  par  argent  ou  par  rançon.  Apres  ce  cruel  ex- 
ploit, ^olymancnuoyn  au  petit  Roy  trois  cheuaux  ri- 
chement harnachez  ,  trois  grandes  robes  de  drap  d  or  & 
à  chacun  des  feigneursde  Hongrie  vne  longue  robe  de_^ 
grand  prix  &  vue  chaifne  d'or.  Ceux  qui  portoyent.cs. 
prefens  prièrent  la  Roinedela  partde  Solyman  d'en— 
uoyer  au  camp  le  petit  Roy  acompagné  des  Seigneurs; 
qu'elle  s'alFeuraft  qu'on  feroit  bon  trai(^lcment  tant  à 
cile,qu  àfon  fils.  La  Roinceftonnee  d'vne  telle  deman- 
de ne  fçauoit  que  rcfpondre  :  mais  George  Euefquc  de 
Varadinfon  pn'ncipnl  confeiller  ,  à  caufe  de  tous  ces  rc- 
muemens  en  Hongrid'exhorta  d'enuoycr  Ton  fils,  ahn 
d'cuiter  quelque  plus  grande  confufion.  Elle  fuyuâr  ce 
confeil  fit  magnifiquement  parer  le  petit  enfant,  &  1  en- 
uoyaaucc  fa  "nourrice  ,  &  quelques  dames  en  vn  coche, 
fuiui  des  Seigneurs  aufquels  Solyman  auoit  fait  des  pre- 
fens. Solyman  enuoyaaudeuant,  comme  par  honneur, 
quelques  troupes  de  gens  de  cheual ,  8c  fit  rager  en  bel- 
le ordonnance  tous  fes  la nifl aires  ,  afin  de  recuciUir  & 
faire  paflnge  au  petit  Roy  &  à  fa  compagnie.  Eftans  ve- 
nus en  la  tente  de  Soiyman,il  regarda  nttentiuement,& 
d'vn  œil  allez  doux,  ceft  enfant,  parla  quelque  têps  fore 
amiahlemcntauec  lanouincc,  commâdai  resdcuxhls 
Selym  &  Baiazct,  lors  prefens,  d'embrailer  &  baifcr  l'en- 
fant.Alaispendant  ces  carefû  s,&  que  lesfeigncurs  Hon- 
grois difnoyentaueclesBaflasjil  enuoya  pr«mptemcnt 
des  compagnies  de  gens  de  pied  &  de  cheual  s'emparer 
dcBude,  &  toll  après  Ton  lieutenant  fit  pofcr  les  armes 
aux  habitans,  fan's  aucun  bruit,  ^  les  mit  en  lieu  propre 
Tous  la  puilTaacc;  diitribuaa;  (cb  ioldacs  endiuers  ça-^ 


^oi  Hijloires  admirables 

«iroits  de  la  ville  ,  ou  ils  le  comportèrent  douccmcnr^  c- 
ftans  contenus  en  dcuoir  par  la  difcipline  militaire  :  en 
telle  forte  ncantmoins  que  ceux  de  Budefe  trouuercnt 
mcrucilleutement  pcrplex  en  vn  tel  changement. 

Commelanuirtapprochoit,  Solymanrenuova  le  pe- 
tit enfant,auec  fa  nourrice, &  les  dames  en  la  ville  :  mais 
il  retint  les  Seigneurs  au  nombre  dcfquels  elloit  l'Euef- 
querufmcnrionné.  LesBaiîas  quiauoyentioyeufement 
difiié  aueceux,changerent  incontinent  de  vifage,  &  cô- 
menceréta  interrogucr  orgucilleufement  ces  feigneurs 
touchant  les  plus  importans  afaires  du  Royaume.  Sur  ce 
la  Roinc  efcrit  à  Solymanjlefuppliant  en  toute  humili- 
té de  fe  fouuenir  de  fa  promefTe  ,  &  de  renuoycr  les  Çti^ 
gneurs.Cepcndantjlui  délibère  en  fon  confcil  touchant 
Tordre  &  l'eftatauquel  il  faloic  laiflcrla  Hongrie  pour 
s'en  bien  afleurer;  &  ceftecôfultation  dura  quatre  iours. 
Au  bout  defqucls ,  &  fur  la  fin  du  mois  d'Aouft  de  l'an 
1^41.  Solyman,  entré  dedans Bude,  facrifie  à  Mahumet 
dans  le  grand  temple,  commande  à  la  Roine  de  fortir 
de  la  ville  &  du  chafteau,en  vn  quartier  de  Hongrie  de- 
là la  riuiere  Teiffa,  quiluifut  affigné  pouf  Tcntretene- 
nient  d'elle,  8d  de  fon  fils  :1a  Roine  n'ofa  délayer,  ains 
ayant  laiffé  toutes  les  armes  &  munitions  de  guerre  en 
lapuiffance  de  Solyman  ,  fe  ret'ra  auec  grands  regrcrs, 
acompagnee  des  feigneurs  de  Hongrie,  que  ce  tyran  en- 
uoy  après  elle.  Telles  furent  les  reuolutions  de  ce  mi- 
Icrable  royaume ,  &  les  lugenicns  de  Dieu  fur  les  vns  & 
les  autres.  Hijl.de  uoirrie.  Depuis  ce  temps  lufqucs  i 
prcfenr,par  Tefpace  de  foixâte  ans,  fous  l'empire  de  Fer- 
dinand,de  MaximilianlI.  &  de  Rodolphe  II.  ce  pau- 
«re  royaume  ueHôgrie,iadis  l'vn  des  plus  plaifans,com- 
inodes&  riches  pays  du  monde,  a  tfté  fourragé  parles 
armées  des  Chreitiens  &  des  Turcs,  qui  ont  fait  fur  ceil 
cfchafaut  de  guerre  tous  les  ades  d'hoitilité  qu'il  ell 
pofl'rble  d'imaginer.  Les  autres  pays  voifinss'en  font 
fenns.  On  a  fiit  desincroyables  Icuees  d'hommes  &  de 
deniers  de  part  &  d'autre.  Le  grand  gouuerueur  de  l'v- 
riiuers  exécutant  p?r  tels  inftrumens  ,  que  fa  fagelle  a 
dtpure/  pour  tel  cffeft^lcs  iiîitib  de  fa  redoutable  iufti- 
•Cjconue  grands  ficpcàs.  i^^  Mr 


\^  RM EE  grande  ruinée pltfs par  elle mef- 
me.que  par  fes  ennemis, 

L'An  1587.1a  France  eftoic  pleine  cie  gens  de  guerre. 
Le  Roi  tenoitvnc  armée  près  de  fa  perfonne ,  ayant 
plus  peur  de  la  Ligue  cjue  d'autres  ennemis.II  y  en  atioit 
vne  autre  en  Guyenne  fous  la  conduite  du  Duc  de  loy- 
eufe.  LcsDucsde  Lorraine&  de  Guife  auoyentlaleur 
pour  coftoyer  celle  qui  vouloir  entrer  en  France.  Quât 
au  Roy  de  Nauarre(a  prefent  Roy  de  France)ilr'afrem» 
bloit  Tes  forces  en  Gafcongnepour  venir  en  Poiélou^où 
le  Prince  de  Condéje  Comte  de  SoifTons,  le  Vicomte 
deTurenne,le  Comte  delà  Rochefoucaud,  le  fîeur  de 
la  Trimouille&autresfaifoyentvn  grand  amas.  Le  Prin- 
ce de  Conty  rccueilloit  des  gens  au  Maine  ,  &  ailleurs, 
pour  aller  ioindredes  Reiftres.  Onamafloit  vnc  armée 
en  Languedoc, &  des  troupes  en  Dauphine.Reftoit  pour 
lurchargeà  la  France  Tarmee  Allemande,  de  laquelle 
cftoit  clrcf  le  Baron  de  Dona  ,  &  en  Nauarrele  Duc 
de  Bouillon  ,  affiftc  de  dix  ou  douze  feigneurs  Fran- 
çois. On  cftimoit  cède  armée  compofee  de  cinq  mille 
Reiftres  ,  ou  chcualiers  Allemans,cinq  mille  Lanfque- 
nets ,  douze  ou  quinze  mille  SuifTes en  trois  regimens, 
deux  mille  harquebufîcrs  François  ,  &  quatre  à  cinq 
cens  maiftrcs.  Le  fieurdc  Chaftillon  ayant  trauerfé 
de  grands  dangers  depuis  Languedoc  iufques  en  Lor- 
raine ,  auec  vne  petite  troupe  de  feptà  huift  cens  hom- 
mes ,  s'y  joignit  fur  la  fin  de  Septembre.  Cefte  ar- 
mée fit  quelques  degafts  de  villages  en  Lorraine  ,  mais 
point  de  notable  exploit  de  guerre  ,  &  faillit  au  pont 
Saind  Vincent  de  combattre  &  desfaire  le  Duc  de  Qnu 
fe,  lequel  fceut  dire  depuis,  que  s'il  euft  eu  lors  tel  a- 
uanragcque  fes  ennemis,  il  les  euft  chaflez  iufques  en 
Alcmagne.  DesTentreeen  Lorraine  ceft  armée  tut  a- 
cueiUie  d'incommoditez.  Son  gênerai  cftoit  vnieune 
§eiotie\ir,i>ott  encore  façoaaé  aux  afjjires,  peu  rçfpc^é, 


•^o  4  Hijioires  admirables 

oui  perdit  toft  aprcs  par  maladie  le  Comte  de  la  Marclr 
fon  frercpuirne,liardi;&  de  grande  cfpcrancc.     Le  chef 
«les  Reiftrcs^fîmple gentil-homme,  vaillant  de  Ta  per- 
lonne,do<ftc  &  de  bon  iugement^mais  peu  entendu  aux 
afaires  de  Frâcc,trop  foible  pour  porter  fi  pesât  fardeau, 
ayant  la  ligue  en  telle  ,  &  quelques  gens  autour   de  loi 
qui  lui  failoyeju  de  mauuais  officiers.  Les  pays,  par  ou 
Tarmee  pafloit,eftoyent  defolez ,  &  les  Ducs  de  Lorrai- 
ne &  de  Guife  firent  rompre  fours,moulins,  &  ofter  du 
chemin  tout  ce  qui  pouuoitaccômoderles  Reiftres^qui 
en  tout  leur  voyage  ne  moniherent  gueres  de  conten- 
tcment.Ils'y  trouua  toufiours  quelques  cornettes  qui  a- 
uoyentbeaucoup  derefolution  &nedemandoyentquc 
combats,  eftans incitez  par  le  fieur  de  Chaftillon  &  au- 
tres.Commc  près  la  ville  de  Chaftillon  fur  Seine,il  y  eue 
vneefcarmouche  aflez  rude  au  defaduantage  de  la  Li^ 
gue.De  la  on  vint  à  Ancy  le  Franc  ,d'ou  l'armée  tira  vers 
la  riuiere  d'Yonne  qu'elle pafla,receutadu!s  du  Roy  de 
Nauarre  de  montera  la  fource  de  Loire,  ou  il  eiloic 
<lelibcré  lui  venir  au  deuant,lafaifoneftoit  pluuieufc 
3u  commencement   de  rhyuer,&  y  ayant  beaucoup 
«l'artillerie,  faute  de  vinres,leschefsiireiolus  ,  les  trou- 
pes marchcrentjle  confeil  remettant  à  fe  refoudre  furies 
occaûons.  Faute  de  diligenter  on  perdit  en  vingt-qua- 
tre heures  la  commodité  du  paifage  de  Loire  à  laCha- 
Jfité,où  Id  Roy  prouueut  fi  bien, que  les  Rciftres  &  Fran- 
çois n'oferent  en  approcher,non  plus  que  de  quelques 
endroits  gueables.'de  Loire  en  ces  enuirons ,  à   caufc 
que  les  chefs  ne  furent  prompt  à  marcher  d'vn  mefme 
pied:  les  vns  ellans  d'aduisde  diligenter,  les  autres  v- 
fans  de  délais  &  remifes.Multitude  de  chefs  efgauxen 
Vne  armee,où  dont  les  vns  portent  laloufie  aux  autres, 
cft  trcs-p  cri  lieu  fe  :  comme  cefte  grande  armée  L'expéri- 
menta. Près  de  Neufui,  celui  qui  poitoit  la  parole  au 
confeilpoiir  les  Alemans  fe  plaignit  des  fauue-gardes, 
quel'on  donnoit  aux  gentils-hommes  François,  pour- 
ce  que  c'eftoit  aflamer  larmee  ,  demanda  la  paye  d'vn 
mois,autremenr  ils  ne  pailereyent  point  outre,  pjopo-. 
fa  pjuficuii  dithculcci  lui  le  palfage  de  Loue ,   &  qu'U 

«y 


é^?nemorables,      '  60^ 

n'y  auoit  plus  que  deux  mois  pour  tenir  la  campagne, 
lis  furent  priez  d'attendre  qu'on  euft  recharge  du  Roy 
de  N^uarre,  &  que  cependant  Farmee  iroit  faire  feiour 
en  BeaufTe ,  où  il  y  auoit  des  bleds  &  du  fourrage.  En 
ce  mefme  temps  les  Suifl'es  priuez  de  Tielman  leur  Ço-« 
lonel  y  decedé  de  maladie ,  firent  efcrire  par  Ton  lieute- 
nant au  fieur  de  Cleruan  (  au  nom  des  trois  regimens) 
qu'ils  eftoycnt  refolus  défaire  entendre  au  Roy  les  rai* 
Tons  de  leur  voyage  en  FrancC;&:  pour  ceft  effed  lui  en- 
uoyer  des  Ambaffadcurs  :  ce  qu'ils  exécutèrent  puis  a- 
pres ,  combien  que  cela  fuit  tres-fufpeâ:  auxieigneurs 
&  gentils-hommes  François,  &  aux  Colonels  des  Rei- 
ftre«. 

L'armée  eftoit  en  ce  temps,à  fcauoir  au  mois  d'Odo- 
bre^fur  les  terres  du  fieur  de  ChaUillonJequelfitouuer- 
ture  premièrement  pour  furprendrclc  Duc  de  Guiie, 
qui  s'eftoit  allé  loger  auec  deux  ou  trois  cens  cheuaux 
dedans  Chaftcau  renardrmais  on  allégua  en  confeiltanc 
de  difficultez,que  ce  deffain,  tres-aifé  à  exécuter,  fut  rô- 
pu.  Toft  après  il  drcflavn  autre  cntreprife,  pour  enga- 
ger au  combat  les  Ducs  de  Guifc  &  de  Mayenne  (qui  a- 
uoyentleurstroupesfortefcartees,  aufquelles  onpou- 
uoit  enleuer  prefqucs  tous  leurs  logis  auec  peu  de  dair- 
ger)  auant  qu'ils  fulTent  plus  près  de  l'armée  du  Roy  ou 
deMontargis,  qui  pouuoit  lesfauorifer.  Mais c«  coup 
fut  encore  rompu  par  ceux  qui  imaginovenr  le  péril 
trop  grand,  &  (comme Ton  dit)  faifoyent  leloup  plus 
grand  qu'il  n'eftoit.  Le  vingtfepticCmc  iour  d'Odobre, 
prcfquestous  lesfeigneurs  de  la  maifon  de  Guife,  & 
autre  chefs  delà  Ligue  ,  quiiufques  lors  depuis  le  monc 
fainâ:  Vincent,  auoycntlogefort  àl'elb.îrt,  vindrcnt  a- 
uec  quinze  cens  cheuaux  'X  cinq  mille  harquebuziers, 
fe  rendre  à  Montargis  &  es  enuirons,  au  delà  de  la  ri- 
uierede  Loing  ,  laquelle  eftantenrre  deux  cmpefchoic 
Tarmee  d'aller  i  eux,  &  au  contraire  leur  donnoit  com- 
modité de  paflcr  à  volonté  versTarmee  ,  parce  qu'ils  :^- 
uoyent  les  guais  &  paflages  :î  leur  commandement  :  au 
moyen  dequoy  ils  firent  entreprife  fiT  le  Baron  de  Do- 
ïxalogé  auec  fept  ou  huid  cornettes  do  Reiftres  dedans 


^o6  Hifloires  admirahtes 

Vimorry,a  vne  lieu  è  &  demie  de  MoïKargis.IIs  y  arr/ tin- 
rent fur  le  foir.  A  l'alarme  les  ReirtresTcrallierétprom" 
ptcment  à  leurs  cornettes ,  tandis  que  les  gens  du  Du6 
de  Guife  s'amufoyent  au  bagage.  Le  Baron  fît  pluiîeurs 
charges  tant  à  rinfanterie,c]U*à  la  caualerie;Ia  première 
fut  fur  le  Duc  de  Mayenne,lequel  faifoit  la  pointe.  A  cc- 
fte  charge  les  Rciftres  firent  vaillamment ,  &  fans  le  ton- 
nerre &  la  pluyc  la  perte  eftoïc  grande.  Lesaflaillans 
ylaifrercntfurlaplace  près  de  quarante  gentils-hom- 
mes, &  enuiron  deux  cens  argoulets  &fantafrms,auec 
trois  cornettes.il  y  eut  cinquante  Reiftres  tuez,  enuiron 
cens  valets  &  trois  cens  cheuauxdechariotpcrdus,auec 
quelque  bagage.  Le  iour  venu  vne  trompette  vint  de- 
mander les  morts  de  la  part  du  Duc  de  Guifejefchâge  de 
prifonniers,&  les  trois  Cornettes.  Ce  dernier  article  fut 
refufétles  morts  furerttenleuez:quant aux  prifonniers  de 
part  &  d^autre  le  temps  en  fit  la  refolution.Mais  les  Rei- 
ftres allèrent  fe  prefenter  deuant  Montargis,  ofFrâs  le  cô- 
bat  de  iour,&  après  auoir  attédu  vne  heure/ans  que  pcr- 
fonne  paruft  ,  fe  retirèrent.  Cefte  perte  de  bagage  &  de 
cheuaux  à  Vimorry  fit  derechef  mutiner  les  Reiltrcs ,  & 
fut  tout  le  refte  de  l'armée  bien  empefché  à  les  appaifer. 
Les  Ambafladeurs  des  trois  Regimens  de  Suifles(qui 
liaifoyent  moitié  de  l'armée)  eftans  retournez  deucrs  le 
Roy,  lequel  auoit  traitié  auec  eux  pour  l'entremife  du 
Duc  de  Neuers ,  firent  changer  à  leur  arriueele  courage 
deleurscompagnôs,qui  cômencerent  à  fe  mutiner  tout 
ouuertement  &  demâdercnt  trois  mois  de  paye,  ou  con- 
gé. Le  Duc  de  BouiUon/on  confcil ,  les  colohncls  des 
Reiftres  s'employèrent  tous  à  appaifer  cefte  efmcutc; 
mais  ils  n'en  peurent  tirer  autre  chofc  ,  finonqucccs 
Ambafladeurs  retournèrent  encore  vne  fois  vers  le  Roi^ 
capitulèrent  pour  eux^Sc  peu  de  temps  après  les  vns  prin- 
drent  parti  auprès  du  Roy  ,  lesautres  retournèrent  en 
SuifTe,  où  depuis  quelques  vns  de  leurs  Capitaines  fu- 
rent décapitez.  L'armée  diminuée  de  plus  de  la  moitié 
par  cefte  feparation  àc  Suifl'cs.fort  haralfce  au  refte,  &  fe 
iesbandant  à  toutes  heures  y  à  caufe  des  incommodi- 
^ez  il  longues  ,  &  quilereocloyentinrupportables,le9 


t^  mémorables»  607 

'éVcfsrefolurent  de  ne  dcfcendrc  point  plus  bas  ,  cariis 
eftoyent  près  de  Chartres  :  preuoyans  que  ii  Ton  venoic 
leur  donner  bataille  il  y  auroïc  raanifefte  hazard  pour 
eux.  Le  Duc  de  Guife  fore  en  infanterie  &  caualerie,de- 
fîroic  quelque  renfort  pour  remporter  vne  vidoire  fî- 
gnalce&du  toutafl'curec.Maisilne  vouloir  rien  bazar- 
der, fc  referuant  à  d'autres  entreprifcs  ,  ioint  que  laprc- 
fence  du  fieur  de  ChaftiUon  Tarreftoit  court ,  quand  il 
cftoitqueftiondcpcnferi  combatre  en  bataille  rangée. 
Quant  au  Roy  ,  quiauoit  fans  coup  ferir  misbasvne 
moitié  de  l'armcc  par  la  capitulation  auecles  Suifics ,  il 
fouhaitroit  que  les  Seigneurs  de  la  maifon  de  Guife 
jouitaiTent  contrelereftcefperantque  quoy  qui  en  ad- 
uinft  ce  feroittouficursaduantage  pour  lui.  Mais  il  ne 
vouloir  pas  prefter  Tes  armes  au  Bue  de  Guifcqui  eiUnc 
trop  fort  eut  eu  vne  vidoire  à  trop  bon  marché  ,  ce  qui 
l'euft  fortifié  plus  que  le  Roy  nepretendoit,  les  dehaa- 
ccspareiOantes  defîa  entre  eux. 

L'armée  auoitprinsiour  au  24.de  Nouembre  pour 
rebroufler  chemin.  Aduintquele  Baron  de  Dona  le  lo- 
gea dedans  le  bourg  d'Auneau  près  de  Chartres  auec 
Icpt  commettes  de  Reiftres.  Le  Duc  de  Guife  cmpojgnâc 
ceftc  occafion  marcha  de  nui<ft  en  diligence ,  &  fans  que 
les  Reiflress'cn  apperceufl'entietta  force  harquebuiiers 
dedans  le  charteau,où  les  payfans  s'eftoyent  retirez ,  qui 
auoyent  promis  aux  Reillres  leur  fournir  des  prouifions. 
Au  poind  du  iour ,  comme  le  bagage  des  Reiftres  for- 
toit,le  Duc  donne  le  fignal  à  les  harquebuiiers  au  Cha- 
fteau,lefquels  entrent  par  la  porte  du  bourg  trouueeou- 
ucrte,&:  fans  refiftance,  pource  que  les  Reiikes  eftoyeac 
en  leurs  logis,  prefts  à  monter  à  cheuai.  Ces  harquebu- 
iiers fe  coulans  par  les  rues  donnent  dedans  les  premiers 
logis;  fur  quoy  les  Reiftres  prcnans  Talarmc  montent  i 
cheual  :  mais  ils  trouuent  la  porte  fai/îc,  &  les  rues  era- 
pefchees  de  leurs  chariots  :  de  forte  que  pourxftrele 
bourg  clos,iIs  ne  peurent  fe  ioindrc  ,  ni  gaigner  la  cam- 
pagne. Le  Baron  fuiui  de  quelques  vus,  ik  ictrouuant 
des  premiers  à  la  porte  perça  ceux  qui  y  cniroyent:mais 
aufli  toft  la  porte  fut  ferrée.  Les  Keftrcs  enclos  cou- 
royent  i  cheual  autour  des  murailles  ,  pour  g;ouviei 


^oS  Hifioires  admirahles 

cjuelqucpafiagc ,  à  fautcdcquoymontoyentfurlesf-i^' 
les  de  leurs  chcuaux,  puis  fur  la  muraille ,  dont  il  fe  iet- 
toyent  dedans  le  foHe:6c  ainfi  aucuns  elbhvippcrér.  Leur 
cornette  générale,  &vne  autre  furent  fauuecs  par  ce 
moyen:  mais  prcfques  tous  les  Reilhes  de  ces  deux  C<  - 
n êtres  &  des  cir  q  autres  (entre  ^efquels  y  auoit  plL- 
fieurs  gcntils-honmies  Alemans)furentprinsou  rue/  a 
uec  leurs  valets Jeurs  armes,  cheuaux  &  chariots  dcmeu- 
rans  pour  butin  aux  furprenans.  Le  Baron  fît  alted  de- 
mie lieuë  de  là,ralliant  le';  efte  defcsReiftresrles  Lanf- 
quenetsferangerentpresdelui ,  puis  le  fîeur  de  Cha- 
itillon,  lequel  eftoit  d'aduis  qu'on  appellaiHerefte  de 
l'armée,  &  qu'aucc  l'artillerie  on  inucftift  foudainlc 
village  ,  ou  les  foldats  eftoyent  après  le  butin.  Mais  il 
n'y  eut  ordre  de  rien  obtenir,  ains  fut  refolu  de  fe  met- 
tre en  chemin.  Il  y  eut  beaucoup  d'afaire  à  contenter  & 
l'afl'curer  le  relie  des  Reilhes.Sur  le  commencement  de 
la  retraite  le  Duc  de  Guife&les  liens  firent  quelques 
charges  :  mais  ils  furent  fouftenus  &  icpouflcz  parles 
iîeur*s  de  ChaftiUon  &  Monluet. 

L'armec  eRant  en  chemin  arriua  le  fîeur  deCormont, 
pnfonnier  auparauant,enuoye  de  parle  Roy,lequel  pro- 
mettoitfeure  retraite  aux  Alemans  &  François,  moyen- 
nant qu'ils  lui  rendiffent leurs  enfeignes  &  cornertes. 
La  plufpart  des  chefs  (  tousafiemblez  pour  adiiifcr  à  la 
rcfponfe)  eitoyét  d'aduis  d'encliner  à  ce  qu'on  leur  pre- 
ientoit,  alleguansTeffroy  &lc  dcfordrede  l'armée:  que 
pluiîeurs  gentils-hommes  François  s'eiloycnt  ia  retirez 
&feretiroyent  par  chacun  ioursenleurs  maifonsrquc 
l'oun'auoit  point  d'allcurance  de  plufîeurs  parmi  le(^ 
quels  o\\  elloit.D'auantage  de  cent  les  dix  n'auoyen  t  re- 
folutioiiafleureepour  le  combat ,  les  chemins  eftoyenc 
pleins  de  bagage,  les  cheuaux  haraficz  ,  il  faloit  faire  de 
longues  traittes  poureflongner  l'enricmi ,  il  ne  fe  trou- 
uoit  point  de  guide  pour  monftrer  les  chemins  ,  &  me- 
ner aux  villages,  leslogis  cûoyehtlongs  i  trouuer,  les 
vns  s'arreltoyent  dedans  les  bois ,  ou  aux  premières  mai- 
fons  rencôtrecs  ,  il  ne  fe  trouuoit  ni  pain  pour  les  hom- 
mes,ni  fourrage  pour  les  cheuaux,  beaucoup  de  montu^ 

re» 


Cr  memorahles,  Co<^ 

'  resfe  perdoyeht  faute  d'eltre  ferrées ,  il  fJôit  paffer  qua- 
tre iournee^  de  bois  5  Jes  harquebuziers  &  fantafTins  ne- 
ceflaires  pour  la  tefte  &  queue  de  l'armée  diminuoyent: 
tout  le  régiment  de  V]lle-neufue,  Hls  de  Cormont ,  s'e- 
ftoit  desbandéjri'y  auoit  que  trois  ioursjà  caufe  de  la  pri- 
fbn  de  leur  mailtre  de  camp  ,  celui  des  fieurs  de  Chaftil- 
lon  &  deMouy  fefondoit^  laplufpart  eltoyent  fans  pou- 
dresj5c  n'y  auoit  moyen  d'en  recouurer,Ies  harquebouzes 
de  plufieurs  eifoyent  comme  inutiles  pour  elhe  rompues 
ou  defmontees  ^  &  ne  reftoycnt  pas  deux  cens  bons  har- 
quebuziers  :  deux  mille  Lanlquenets  rel^ans  eftoyent 
delarmcz.  Tandis  que  l'on  eitoit  en  ces  difputes,  le  Duc 
d'Eipernon  s  aduancoit  pour  le  Roy  auec  huid  cens  cui- 
raflesj&  autant  d'argoulets.  Depuis  la  refolution  dere- 
broufl'er  chemin  luiques  à  ce  confeil  ;,  il  y  eut  d'interual- 
le  hui(fliours  entiers  :  &  des  celte  refolution  iufques  i 
Lency  en  Mafconnois  où  l'armée  Te  desbanda  on  marcha 
cinq  iournees ,  à  fjj^auoir  iufques  au  fixiclire  de  De- 
cembre. 

Cormont  retourné  auec  vn  autre  député  du  Duc 
d'Efpernon  ,  Ton  fema  vn  bruit  que  larmee  eltoitinue- 
ilie,  ceque  le  fieur  Chaftillon  réfuta,  defcouurant  les 
artifices  des  ennemis  qui  elfoyent  dedans  l'armée  mef^ 
me  3  &  fit  afiez  entendre  que  la  difïipation  ne  venoit  que 
dei  trailtres.  Puis  voyant  que  d'heure  à  autre  on  chan- 
geoit  la  capitulation  ,  &  qu'il  n'y  auoit  point  de  ieure- 
té,  nommément  pour  luy ,  recherché  plus  que  nul  autre, 
&  que  melines  quelques  Reiftres  vouloyent  l'arreller; 
ilfedesfit  de  leurs  mains,  feioignit  à  fà  petite  troupe, 
gaigna  bien  a  fonaife  le  rendez- vous  à  laind  Laurent, 
d'où  en  ciptiq  lours  il  paruint  (  maugré  les  empeichemens 
que  ceux  de  Lyon  &  autres  lui  donnèrent ,  fe  faifant  che- 
min par  tout  i  coups  de  eouiielas  )  iufques  en  Viuarais. 
l^'iAc  Décembre  la  capitulation  du  Duc  d'Efpernoa 
auec  les  chefs  &  conducteurs  de  l'armée  fut  conclue 
contenant  que  les  François  rendroyent  leurs  cornettes 
pour  eilre  portées  au  Roy  :  celles  à^%  Reiftres  leur  e- 
rtoyent  laiflces  3  condition  de  les  plier,  &  pafie-port 
donné  iufques  à  la  frontière  plus  prochaine.  Le  reftene 


6jo  Hijloires  admirables 

contenoit  rien,cjui  vaille  le  rccit.  Quant  aux  Reiftres  Ja 
plufpart  moururent  par  les  chemins.  Il  en  fut  deiualjfc  & 
tue  grand  nombre  en  Sauoye  5  &  ceux  qui  arriuerenten 
Jieu  de  feurete  j  &  chez  eux  ,  ne  la  firent  gueres  longue  ,  k 
cauiè  de  leurs  mefailès.Le  Duc  de  Bouillon  aagé  de  if.ans 
mourut  à  Geneucj  où  leBaron  de  Dona  ièiourna  quel- 
ques iours^Sc  a  vefcu  long  temps  depuis^  mais  deièliimé  i 
caufe  de  Ton  malheur.  \^qs  ibidats  François  moururent 
aufîi  pour  la  pluipart.Vne  autre  bonne  troupe  de  Reiftres 
ûyansprins  la  route  de  laFranchc-Comté  fut  pourfuiuie 
par  leDuc  de  Guife  &  autres,  iufques  en  la  Comté  de 
Montbelliard  ,  &  fe  iàuua  auec  beaucoup  de  difîicultcz. 
Ainfî  print  fin  cefte grande  armée  desfaite  &  ruinée  pro- 
prement par  foi-melrne.  H//?,  de  France,fous  Henri  ^.jUr  la, 
finderml^^l' 

ASSOPISSEMENT  epange. 

NOvs  ne  parlons  point  ici  delà  léthargie,  hemiple- 
xiejni  apoplexie  ,  mais  de  cefte  ftupeur,  ou  de  l'en- 
dormillement  que  Us  Médecins  appellent  Catochus  ,  ou 
Catalepfisjdont  nous  reciterons  quelques  exemples,  lai(^ 
lans  aux  dodes  la  recerche  èes  caufes  de  ce  mal  merueii- 
leux,&  des  remèdes  à  icelui.Ferncl  dit  auoir  veu  vn  hom- 
me atteint  de  celle  maladie  ,  qui  durant  l'accès  d'icelle  e- 
ftoit  tellement  afl'opi  qu'il  ne  diioit  mot  quand  on  lui 
arrachoit  le  poil,ou  qu'on  le  piquoit  rudement  à  pointe» 
d'elpingles  &  d'aiguilles  :  mais  eftant  eiueille  &  hors  de 
ceft  accès  il  fpecifioit  par  ordre  tous  les  maux  qu'on  lui  a- 
uoit  taits  durant  ceit  aiîopirrement.u/âf;<  $.lin.defa  Patholo- 
^îeschaptl. 

Il  adiouftc  encores  en  ce  mcfine  endroit  deux  hiftoi- 
res.  Certain  perlonnage  fort  aftedionncà  l'eftude,  & 
tres-atrentif  à  fueiHetter  desliures,  Ibudainement  at- 
teint de  et  mal  demeura  tellement  aflbpi  txroideeftcndu, 
que  làrs  bouger  de  fà  chaire ,  auec  la  plume  entre  Tes 
doigts ,  les  yeux  fichez  iur  vn  lii.re  o-i'ert ,  on  penfoit 
qu'ileftudiaftà  bon  elotnt:  mais  quant  on  vint  l'appel- 
Icr  &pouIîèr  sfin  de  le  mentr  ailleurs ,  il  fut  tronué  fans 

œouue- 


^  ffiemorabks.  6n 

inouuçment  &  fenriment.  11  uit  en  auoir  vifité  vn  autre> 
couche  comme  iî  c'eult  eflé  quelque  mort,  qui  ne  voyoit 
&  n'oyoit  goûte ,  ni  ne  ièiitoir  poiiicure  quelconque  que 
onluiiîih  Neantmoins  il  rcipiroïc  ailcment ,  &  aualoit 
promptemenc  tout  ce  qu'on  lui  mettoit  en  la  bouche.  Si 
on  le  leuoit  de  Ion  liit,il  dtmeuroit  debout  tout  feul  ^  & 
jmarchoit  s'il  eitoit  poufleren  quelque  façon  ou  part  qu'on 
lui  tournait  la  mam^lc  bras,ou  la  cuifle,le  mébre  ne  bou- 
geoir ,  ains  demeuroit  ferme  comme  iî  l'on  Teufl  cloue'. 
Vous  TeufTiez  pris  pour  vn  tantoiine  ,  bu  pour  vne  ftatue 
cheminant  par  artifice. 

Tay  veu  vn  vieillard  atteint  de  cefte  maladie,qui  les  yeux 
ouuertsj  le  corps  droit  &  ferme  mangeoit  &  beuuoit>  e- 
ftendant  fà  main  au  plat&  au  verrerlans  autre  mouuement 
ni  fèntimentjSc  iî  roide  qu'impoiTible  eltoit  lui  faire  bran- 
fier  le  col  ni  la  t^ikçaacot.fitt  le  y.aihor,  du  z.uu.  des  Coa^ues 

ASTROLOGFES  ludiciaires. 

ANtiochus  Tibertus  ailrologue  ,  ayant  prédit  de  iby- 
raeime  qu'il  feroit  maie  lin,  iè  meila  vn  iour  de  dire  i 
vn  grand leigneur  Itahen  ,  nommé  Pandolfe  Malatefiei 
qu'il  feroit  banni.  Ce  ièigneur  irrité  de  telle  prédiction. 
Fait  empriibnnerrAilrologueiauiquel  on  fît  le  procès  ,  & 
fut  exécuté  à  mort.Pjo«ee^/e5  f/o^^ei.Bartelemi  Gocles  a- 
flrologue^ayant  prédit  qu'il  ièroit'tué  ^  &  à  certain  nom- 
mé Copon,  qu'il  commettroit  vn  meurtre,  vn  Seigneur 
Italien  fit  tuer  quelque  temps  après  par  Copon  ceil  ailro- 
ïogue.P./o«ee»Jè5£/(?^f5.Muleaflei  roi  de  Tunes  ,  durant 
fon  feiour  à  Naples  où  il  faifoit  delpenlè  deàiieiùrce  & 
nienoit  vne  vie  eitrange^ellant  adonné  auffi  à  l'aitrologié 
iudiciaire  ,  prediiît  que  bien  toilil  léroit  débouté  de  loii 
royaume,&  que  quelque  grand  malheur  le  mena  joit.Tolt 
après  Amida  ion  propre  ^\\s  le  deietra  de  ion  throine,&lui 
fit  creuer  les  yeux.H//?.f/e«(>/?refe;73/7j.  £n  la  ieditio  elmeuë 
à  Florence  contre  la  maiibn  de  Medicis ,  l'archeuelque  de 
Piiè  fut  prias  &  pendu  aux  feneltres  du  Palais.  Ce  qui  lui 

CL4   * 


6iz  Hiflûires  admirables 

auoiteftc  prédit  Jong  temps  aupuiuiiaiu  par  certains  a- 
itrologuesadefqiieJs  il  s'eiloit  enquis  quelle  deuoit  eftre  la 
lin  delà  vie.s;'wo/>  AïayûhEuefque  de  Volterrc,  en  [es  iours  cei^- 
mculairesicolloq.l. 

Pierre  Louys  ^  Duc  de  Parme  &  de  Plaifance  3  fils  du 
Pape  Paul  troifiefmejayantpar  fes  cruels  &  vilains  depor-» 
lemens  attire  la  haine  de  grands  &  petis  contre  foy  ,  au* 
cuns  gentils-hommes  con/pirerent  enfemble  de  Je  tuer. 
Pour  ceit  efteâ;  ils gaignercnt  par  argent  quelques  cou- 
pe-iarrets  ^  &là  deflus  feignans  auoir  querelles  lesvns 
contre  les  autres  ,  ie  promenoyent  par  \qs  rué ,  de  Plni< 
fànce  3  dilànstantoil  en  vouloir  à  ceftui-cijt.intoft  à  ce- 
lui-là. Chacun  promettant  s'employer  ,  tous  ten:ins 
bonne  mine  auec  les  brauades  acouilumees  en  paroles  & 
port  d'armes  ,  &  le  temps  ièpallànt  en  mines  &  coniul- 
tations  y  lePapeeicrita  Ion  fils  qu'il  fedonnaft  fbigtieu- 
liment  garde  du  dixiefine  iourde  Septembre.  On 'tient 
pour  certain  que  Paul  III.  eftoit  fort  entendu  enl'a- 
ihologie  iudiciaire  &  en  la  magie.  Le  Duc  Pierre 
Louys  5  ayant  receu  c^s  lettres  fe  trouua  perplex  &  crain- 
tif. Mais  le  iour  remarqué  venu  (fbit  qu'il  le  fuft  r'.illeu- 
ré  3  fbit  par  oubliance}il  fortit  du  chafteau  en  vne  Jidie- 
re  3  bien  acompagné  3  pour  voir  les  fortifications  qu'il  a- 
lioit  deflèignees.Les  coniurez  le  trouuerent  autour* je  lui: 
mais  pource  qu'ils  ne  pouuoyent  exécuter  là  ce  qu'ils 
auoyent  proietté  ,  qu'en  fe  perdant  eux-mefmes,  indif- 
férèrent :  &  comme  il  retournoit  au  chafteau ,  fuiuirent  là 
lictiere^trente-fix  de  cefte  ligue  marchans  deuantjC.omme 
par  honneur.Si  toft  qu'il  fuli  entré  dedans  le  cliail(;au ,  ils 
îeuent  lepont  leui  s.dc  peur  de  la  fuitc.Quoy  fait  ils  acou- 
rent  à  lui  les  el'pees  traites  3  &  après  lui  auoir  fait  repro- 
ches de  fes  melchancetez  le  tuent  en  fa  lidiere ,  "auec  Ion 
preltre^fon  efcuyer  3  &  cinq  Alemans  de  fa  garde.  Quoy 
fiit  ils  fe  mettent  à  courir  &  furetter  par  le  chafteau^où  ils 
trouuerent  de  grandes  finances  amaflées  pour  fortifier  la 
ville.Incontinent  les  citadins  acourcnt  celle  part ,  à  caufe 
du  bruit  &  des  cris  qu'ils  auoyent  entendus  ,  &  deman- 
dent que  c'eft.On  leur  refpond  que  le  Duc  aueit  efté  tué, 
&  que  la  vijle  eftoit  deliurce  de  ce  tyran.  Pource  que  \ts 

citadi^v» 


dr  mémorables,  61^ 

citadins  n'en  voulo)  eut  rien  croire  ,  apreç  auoir  eu  cau- 
tion d'eux,  qu'il  ne  feroyent  mal  quelconques  ceux  qui 
auoyent  fait  l'exécution, ils  pendirent  le  corps  mort  a  vne 
châine,&  l'ayans  ainfi  remué  de  defl'us  la  muraille  ,  le  iet- 
terent  dedans  le  fofléjou  le  peuple  courut,  lui  donna  force 
coups  de  poignardsj&  le  foula  aux  pieds;  puis  les  citadms 
enuoyerenten  pofteàFernand  Gonzague,auquel  il  firent 
entendre  ce  QUI  s'efloit  pafle  :  iè  rendirent  à  l'Empereur, 
demandansprompt  fecours.Gonzague  y  enuoya  inconti- 
nent des  troupes ,  (k  s'effcant  emparé  de  la  ville  ,  receut  le 
ferment  de  fidélité  des  citadins  à  l'Empeqcur.s/e/^d»  an  19. 
liure  de  fes  commentaires. 

ATTENTAT     indigne'.fum. 

LE  s  Turcs  habitans  en  l'Europe  &  Afie  (ont  couftu- 
miers  de  mutiler  départies  génitales  les  garçons  qu'ils 
peuuent  prendre  fur  les  terres  des  Chreftiensjpour  les  fai- 
re feruir  de  valets  de  chambre,&  leur  commettre  la  garde 
de  leurs  femmes.  Cequife  conoitpir  l'iiiftoire  que  le 
fieurde  Villamont  àlaiflé  par  efcritjliu.^.  chap.5.  comme 
l'ayant  veu  en  la  ville  de  Damas  en  Syrielan i589.Vn  Bafla 
ayantmariélàfille  voulut  lui  faire  quelque  beau  prefent, 
premier  qu'elle  s'eflongnafl  de  lui.  Il  auoit  vn  efclaue 
JR,ufllen,beau,blanc,aagéd'en'jirondix-huidans  ,  lequel 
il  délibéra  mutiler  comme  deflus  eft  dit ,  puis  le  donner  à 
la  fillejafin  qu'il  lui  feruift  d'homme  de  chambre.  Cette 
délibération  paruenue  à  la  notice  d  e  l'efclauej'.l  refolut  de 
preuenir  tel  accident  &  mourir  ,  ou  mefine  tuerie  Bafla 
plurtoft  que  d'endurer  vn  fi  grand  opprobre.Ce  qu'il  exc- 
cutarcar  aylt  trouuë  fbn  Maiftre,  le  fecôd  iour  des  nopces 
de  fadide  fillejlas  d'auoir  danfcavoltigé  (on  chenal ,ioufté, 
ferci (à  panfe de  viandes, dormant  fur  (^->n  licl,  il  entra  de- 
dans la  chambre  (ans  (bnner  mot,  &  d>n  courage  prompt 
lui  doa;i  plulîeurs  coups    de  coaftcau  dedans  la  gorije. 


<^i  4  Hishires  admirahles 

Le  Ba/Ta  $*erueillanc  appeilc  Tes  geiii.  au  lècours  :  miîs  l'rf- 
claue  paracheua  fi  dexirement  les  coups ,  que  le  Baflà  fut 
mort  deuaiit  que  les  domelbques  rufl'ent  près  de  lui  pour 
Je  garantir.Le  voyans  eftendu  mort  iur  le  planché  ,  ils  mi- 
rent le*?  maini  aux  cimeterres  ,  &  taillèrent  en  pièces 
J'e/claue  généreux. Z^o^ji  Gnyon  an  i.Uu.dcfes  ditterfes  Ufjniy 
ih.ip.3' 

t^FANTVRE    notable. 


PRorper  Colonne  vaillant  chef  de  guerre  ,  ayant  au 
mois  deNouembredel'aa  ^it.paflè  la  riuiere  d'Adde 
liiaugré  1^  François  qu'il  desfit  ,  &  contraignit  le  retirer 
dedans  Milân,prjnt  logis  à  Marignan,8f  mit  i^s  Suifles  «n 
l'abbaye  de  Cleruant, incertain  sî'iï  deuoit  poufler  à  M'I^n, 
renforcé  de  tant  d'hommes ,  ou  donner  à  Pauie  delprou- 
ueuë  de  gens  de  guerre.  Sur  ceilc  incertitude  voici  apa- 
roiftre  aux  gens  du  Marquis  de  Mantoue  vn  vieillard  de 
rencontrée  d'habit  populaire  ,  qui  prelenté  deuant  Co- 
lonne &  les  autres  capitaines  5  lesafleure  d'eltre  enuoyé 
parlcsparoifliens  de  S.  Cir  de  Mihn>pour  leur  faire  en- 
tendre qu'à  la  première  approche  de  leur  armée  tout  le 
peuple  de  Milan  elt  délibère  prendre  les  armes  contre  les 
François  au  Ton  âzs  cloches  de  chacune  p.aroiflèjqu'ils  s'ad 
uancentdoncques  en  diligence,  Tins  donner  loifir  aux 
François  de  fereconoirtrc.  Et  là  defl'us  difparoit  ,  fans 
qu'on  peuftfcauoirne  qui, ne  d'où  ,  ileftoit.  Les  chefs 
croyent  ccfi  auis5&  le  z^.de  Nouembre  le  Marquis  de  Pef^ 
quaireaucc  ces  bandes  Espagnoles  le  prefente  à  la  porte, 
ftrnommee  de  Rome  ,  fur  le  foleil  couchant  ,  charge 
d'arriuee  les  Vénitiens  ordonnez  à  la  garde  4"  faux- 
boutg&d'vn  baftion  qu'ils  auoyent  commencé  ,  les  met 
€n  fuite  fans  combattre  ,  &  par  mzllTie  boutée  les  Suifles 
logez  auprès  d'eux  :  tue  les  vns ,  bielle  ks  autres  ,  de- 
uant  que  le»  Français  eu/lent  ièuîemeiic   auis  de  leur 

arnueCi. 


cf  memàxahles.  ^15 

zrriuee.Theodore  de  Triuulce,  qui  tout  malade  &  defar- 
mc,monté  ilirvn  mulet ,  couroit  au  bruit^fut  prins.  h&s 
Gibelins  occupans  la  porte  introduifent  les  Marquis  de 
Pefquaire  &  de  Mantouë^le  Cirdinal  de  MedicisjCoIon- 
ne,&  partie  de  Tarm^e  :  ne  pouuans  les  vi^lîtorieux  imagi- 
ner par  quel  heur  &  moyen  ils  auoyent,  auec  telle  6c /î 
[oudaine  facilité  ,  obtenu  Ci  notable  victoire  ,  couronnée 
du  ùc  de  la  ville  ,  qui  dura  quinze  iours ,  &  du  deces  du 
PapiLeon  dixiefme, lequel  outré  de  ioye  infolcnte  de  tel- 
le pri(è  &  du  ma'htur  des  François  ,  fut  faifi  d'vne  fîeurc 
continue,  qui  le  rauit  &  porta  en  Ton  lieu  le  premier  iour 
de  Décembre  audit  an  i^zuHîfioire  de  France  font  Franco*» 
premier. 


AVARICE  punie, 

FRANÇOIS  Boadilla  Efpagnoî ,  cheualier  de  l'ordre 
Je  Calatriuejiyant  eité  enuoyé  l'an  1500.  en  l'Ide  EP 
pagnole  j  poury  commander,  non  content  d'auoir  fore 
iniquement  traité  Chriiiofîe  Colomb  &  fon  frère  ^  pre-^ 
miers  defcouureurs  de  cqs  pays -la  ,  receut  d'abondant 
près  de  foy  force  voleurs ,  auec  lefquels  s'eftant  accor- 
dé Te  print  à  tourmenter  les  pauures  Infulaires  ,  &  à  les 
contraindre  de  trauailler  exceffiuement  aux  mines.  Ces 
Efpagnols  ne  penfoyent  qu'aux  moyens  dégorger  leur 
auarice  infiitiable.  En  ces  entrefaites  le  roy  Ferdinand, 
defireux  de  faire  iuftice  des  excès  aduenus  en  Tl/le  E(^ 
pagnole^  &  remettre  tout  en  bon  eftat  ,y  enuoya  auec 
tiltre  &  authorité  de  viceroy  Nicolas  d'Ouando  ,  char- 
gé de  dcpofer  Boadilla.  Celhii-ci ,  faifant  voile  du  porc 
de  San-Lucar  de  Barrameda  auec  vne  flotte  de  trente 
vaifleaux,  arriua  en  riHe  Elpagnole  au  bout  de  quarante 
iours.  Boadilla  fe  voyant  ca^tc  par  l'arriuee  d'vii  plus 
grand,  fàt  incontinent  fès  préparatifs  pour  retourner  ea 
Eipagne  auec  les  nauires  que  le  viceroy  auoit  ame- 
née, ayant  vn  threibr  qui  vaîoit  plus  de  deux  cens  mille 

03     4 


(d1  6  Hijloires  admirables 

cfcusô:  pourtant  outre  tout  cela  particulièrement  à  la 
Reine  plufieurs  pièces  &  grains  d'or ,  entre  le/quels  y  en 
auoit  vn  pelant  cnuiron  4500.  efcus.  Il  fut  acomp:ignc  ue 
RoldanXimcnes  ,  deplufieurs  autres  capitaines,  &  rie 
quatre  ou  cinq  cens  Efpagnols  3  qui  s'eftoyent  tous  faits 
richesj&fè  mirent  à  la  voile  auec  lui. Sur  quoi  faut  rcjiiài  - 
querla  iuilice  de  DicO,  &  combien  elle  permet  adutnit 
de  chofes  pour  punir  la  meichanccte  des  hommes:  consi- 
dérer aufTi  que  toutes  ces  richefles  periffables  en  qui  nous 
auons  tant  de  confiance  5  ne  Ibnt  que  fonges  &  ombres 
vaines.  Car  comme  ils  elloyent  en  pleine  mer  3  vojci 
vne  horrible  tempefte  qui  fe  leue  fbudain  ,  &  donne  C\ 
rudement  contre  la  flotte  de  Boadilla  qu'elle  en  brifa  & 
iit  couler  en  fond  vingt- quatre  vaiflèaux.  Ce  fut  M  que 
3e  miferable  Boadilla  ,  Roldân  auflî ,  &  leurs  Efpagnols 
rendirent  compte  de  leur  auarice  cruelle ,  periflàns  en  la 
mer,  auec  tout  ce  grand  threfor  du  Roi  &  de  laRoine, 
parmi  lequel  leur  pillage  fe  perdit  auffi.  Par  ce  moyen 
Jeurs  querelles^  plaideries  ^  &  ce  qui  en  pouuoit  aduenir 
prindrentfin.  Les  Indiens  de  Plile  liJpagnole  ayans  ouy 
ces  nouuclîes ,  &  entendu  pour  certain  ce  qui  eltoit  aue- 
nu  aux  Elpagiiols ,  qui  tant  les-'  auoyent  tourmentez  es 
mines  d'or  3  en  menèrent  vne  merueiHeufe  loye,  &  di- 
foyent  entre  eux  ;  Ha^  ha,  au  moins  eft  ce  autant  de  de(^ 
pefché  ;  ceux-ci  ne  nous  feront  plus  iucr  aux  mines- 3  ni 
languir  en  tant  de  miferes  comme  nous  faifions.  Jer.Ben- 
Z_,o  MilAiion  aupremier  litirt:  de  fon  hifloireydu  7iouueau  wetide 
chap.Tt'Gonz.'iïe  Oniedo  dit  ait  ^.liu.ch.tp.J.  ^  9.   que  plus 
de  cinq  cens  Eipagnols  périrent  en  ce  "voyage  ,  auec  RoJ- 
dan  5  Antoine  de  Torres  Amiral ,  le  commandeur  Boa- 
dilla 5  auec  plufîeuis  autres  ,    qui  auoyent  pris  grand 
peine  de  derpouiller  &  apauurir  la  terre  pour  enrichir  h 
mer. 

'  Enuiron  l'an  1^20.  au  temps  que  lapefche  de-;  perles 
florilToit  en  l'I/le  de  Cubagua,  y  arriua  d  Efpagne  vn 
nommé  Louys  de  Lampugnan  ,  parent  de  celui  qui  tua 
Galcas  Sforce  Duc  de  Milan  ,  auec  priuilege  Impérial, 
par  lequel  lui  cftoit  permis  de  pelcher  telle  quantité 
<i€  perles.que  bon  lui  kmbleroit  fans  contredit  de perion- 

ne,en 


O"  memoYAhles.  ^17 

iiejcn  tous  les  confins  6c  iiinites  de  Cubagua.  Ceft  hom- 
me partit  d'Efpagne  auec  quatre  carauelies  chargées  de 
toutes  prouifions  &  munitions  neceflàires  à  vne  telle  en- 
trcpriie  ,  leiquelles  lui  turent  fournies  par  des  marchands 
Efpagnols,  ibus  elperance  d'auoirpart  au  profit  qui  en 
prouiendroit.  Il  a:ioit  fait  faire  vn  certain  rafteau, 
dételle  façon  qu'en  quelque  part  de  la  mer  qu'on  vou- 
Juftleietter,  il  n'en  deuoit  pas  efchapper  vnehuiftre  de 
celles  qui  portent  les  perles  ,  qu'il  ne  les  cufttoutes  ra- 
clées &  tirées  quand  &  loy  ,  ou  bien  peu  s'en  eufl  falur 
Maisjde  malheur,  tous  les  Elpagnols  qui  eftoyent  en  Cu- 
bagua,  fe  bandèrent  contre  lui  quand  ce  vint  i  l'exécu- 
tion de  ibn  priuilegc,^  n'y  voulurent  point  obéir jdi fans, 
que  l'Empereur  ciioit  trop  hbcral  du  bien  d'autrui  j  & 
que  s'il  auoitenuie  de  donner,  cefulè  du  fien  ,  s'il  vou- 
loit  :  quant  à  eux,  qu'ils  auoyent  conquis  &  gardé  ce  pays 
auec  infinis  trauauxSc  au  grand  danger  de  leurs  vies  :  * 
qu'il  eftoit  trop  plus  raiibnnable  qu'eux  en  iouyfl'ent 
que  non  pas  vn  étranger.  Le  pauure  Lampugnan  vo- 
yant que  Tes  patentes  ne  lui  feruoyent  pas  dvn  iç.^viy 
n'ofatoutesfoix  s'en  retourner  en  Elpagne  ;  partie  crai- 
gnant d'ellre  mocqué  ,  partie  d'eftre  inquiété  à  caufe  à^s 
deniers  qu'il  deuoit.  De  forte  qu'en  brief  les  affaires  & 
Jesfoucis  qu'il  auoit  dans  ia  tefte  ,  le  firent  fortirhors 
du  fens ,  &  eftoit  expofé  à  la  mocquerie  de  tour  le  mon- 
de,comme  vn  fol. En  fin  ayant  trainé  cinq  ans  en  ccmife- 
rable  eftatjil  mourut  en  l'iilede  Cubagua.Be/ji^f)  au  me/ms 
\.Utt.chap,\6. 

Bien  peu  de  temps  après  que  les  Indes  Occidentales 
curent  efté  defcouuertes  ,  &  que  le  bruit  des  grandes  ri- 
chefiès  qu'on  y  trouuoit  le  fut  efpandu  par  tout  le  mon- 
de, plufieurs  couriàires  François  commencèrent  en 
temps  de  guerre  à  roder  fur  la  mer  Octane,  &  courir  au 
dcuant  des  nauire?  qui  reuenoyent  des  Inde?.  Si  en  prin- 
drent  &  pilleront  beaucoup,  lestrouuans  àleurauan- 
tage.Entre  autres  ils  en  acrocherent  &  pillèrent  vne  mer- 
iieiîleufement  riche,  au  temps  que  l'on  amenoit  en  Efpa- 
gne  tant  d'or  du  Pcru.  Ils-y  trouuerent  tant  de  butin 
qu'il  n'y  en  eut  pas  vn  de  tons  les  valets  &  moindres 


<^i8  Hisioires  admirables 

garçons  du  nauire  F.  an  jois ,  qui  n'eult  à  fa  part  plus  de 
huict  cens  ducats  d  or.  La  principale  caulè  au  re(le,pour- 
quoy  les  François  firent  tant  de  prilès  ,  ne  fut  autre  que 
Tauarice  &  chichcte  tropmechanique  deiECpagnols.Car 
au  partir  d'Elp^gnc  les  patrons  des  nauires  eiloyent  tant 
erchaufteiàchargerniirchandjieî  &  paflagers,qu'ils  ne  fe 
ibuucnoy^tninefôroucioyent  de  fe  fournir  d'artiUenc 
autant  qu'il  faloit  pour  fe  défendre:  &  fe  commettoyent 
de  grandes  fraudes  entre  les  commis  &  ces  patrons  :  dont 
i'enfuiuirentjplufîeurs  années  durint,Ie5  pertes  d'intimes 
ticheffes  priles  fur  eux  en  mer  par  les  François  ,  dcfquels 
ils  o)U  bien  fceu  auoir  depuis  leur  reuenche  à  diuerfes  oc- 
casions,  mais  fur  tout  en  la  longue  durée  de  nos  guerres 
ciuiles. Celle  leur  auarice  efl  reprefentee  par  BeMi^o,  at*  z. 
ch-dn  z.lÙ4re  de  fin  h  -ftoire. 

Il  raconte  &  confelfe  auoir  efté  lui-mefme  fi  tranfpor- 
téàzceH^  famine  d'or  &  d'argent  ,  qu'à  la  folicitatioa 
dVn  capitaine  Efpagnol  nommé  A'fonfe  ,  il  fit  vn  voyage 
auec  vingt-fept  autres  en  certaines  petites  iHe^» ,  où  ils 
pen/oyentdeuenir  tout  d'or.  M.iisy  eLlans(dit-il)  nous 
eufmes  \e%  venrs  fi  contraires  (le  re^)refenre  ces  mots)  e* 
ilans  au  mois  deluin  3  auquel  i'hyaer  commence  en  ces - 
pays-là  j  que  nous  y  demeurafmes  attachez  foixante  & 
douzeiours,  fins  po'.iuoir  en  de'loger  :  &  cncorespen-r 
dant  cela  nous  ne  vnmes  pas  quatre  heures  de  Soleil  en 
toutiayans  au  demeurant  le  p}us  fafcheux  te.nps  du  mon-* 
de,  parce  qu'il  plouuoit  inceflàmment,  auec  tourbil- 
lons impétueux,  tonnerres  &  cfclairs:  de  /brte  qu'il 
fembloit  queleciel  5c  laterre  fc  deuflènt  méfier  enfem- 
ble.  Il  y  eut  vn  rayon  d'efclair  qui  le  lança  dedans  le 
brigantinoùnous  efiions,  où  iltua  vn  Mare  &deuxE{^ 
pagnols  j  dont  tous  les  autres  demeurèrent  fort  eftonnez. 
En  fin  le  capitaine  fe  defpeftra  dj  là  ,  &  Kt  approcher  le 
brigantin  près  de  terre  Ferme ,  pour  defcendre  en  quel- 
que lieu  où  ilpeufi  trouuerles  Indiens,  &  auoir  d'eux 
quelques  viures.  Mais  ayant  mis  pied  à  terre,  &  cheminé 
l'efpâce  de  huicfl  iours^  fims  trouuer  autre  chofe  que 
bois,  marefis,3c  montagnes,fi  efirangcs  qu'elles  faifoyent 
horreur  lèuienicat  i  les  regarder^  il  fut  contraint  de  re- 
tour- 


cf*  memorMes*  6i^ 

tourner  en  arrière  ,  &  reprendre  fbn  chemin  par  terre 
au  Jongdelacofte  maritime.  Entraueilant  ce  pays-là, 
nous  endurafiiies  toutes  les  miferes  que  pauures  ioldats 
peuuent  endurer.  Car  nous  ne  trouuions  rien  à  manger 
«]ue  quelques  limaces  ,  &  ie  ne  fcay  quels  fruits  fauuages 
que  nous  cueillions  par  les  bois  ,  dontiè  nourriflent  Jes 
guenons  &  les  marmotSjqui  vont  continuellement  iâure- 
Jant  &'gambadant  d'arbre  en  arbre  parmi  ces  forefts.  En 
fin  toutesfois  ce  chemin  nous  rendit  au  lieu  où  eftoitle 
gouuerneur.^^<  lo. chap.du  z.Utu 

D;ego  Gutticreuz  Eipagnol,  gouuerneur  en  vne  àts 
prouincc  de  i'Inde  Occidentalc^n'ayant  le  cœur  qu'après 
de  l'or  &  de  l'argent  3  ayant  attirG-  en  Ion  logis  quelques 
Caciques  ou  Seigneurs  du  pays  ^  après  leur  auoir  faid  par 
fon  trucheman  vn  beau  fermon  touchant  la  créance  des 
Chreftiens,  en  attira  deux  le  lendemain  qu'il  arrelta  pri- 
fonnJersjenchainez  au  pied  de  Ton  lidJI  tira  de  l'vn  la  va- 
leur deux  mille  ducatsrde  l'autre  il  prétendit  en  auoir  d'a- 
uantage.Car  faifant  apporter  vn  grand  panier,  il  menaça 
fbn  pnfonnierqucfî  dedans  4.iours  il  ne  lui  donnoit  au- 
tant d'or  comme  il  en  faloit  pour  cnjplir  fix  fois  ce  panier, 
qu'il  le  feroit  brufler  tout  vif.  Mais  le  Cacique  trouua 
moyen  de  Ct  fauuer ,  dont  ceft  auarc  Efpagnol  conceut  tel 
de/plaifîrj  qu'il  en  tomba  malade,  &  ne  voyoit  iamais  fou 
panier  ,  qu'il  ne  criaft  qu'en  lieu  d'or  on  i'cmpiift  d'or- 
dure. Les  autres  Caciques  redoutans  cefte  belle  cruelle 
d'auarice  ,  mirent  le  feu  en  leurs  maifons ,  ab  ^tirent  tous 
les  arbres  fruidiers ,  emportèrent  le  grain  qui  eftoit  es 
champs  ,  gagèrent  tout  le  pays  ,  pui^  fè  retirèrent  aux 
montagnes.  Quant  au  Cacique  refté  prifonnier  ,  quoi 
qu'il  cuft  payé  ueux  miHe  efcus  ,  Diego  le  menaçoit  de 
mort  s'il  n'en  fournifibit  d'auantnge.  Mais  en  fin  le  Caci- 
que lui  dit,  tu  es  vn  bauard  &  menteur  ,  qui  m'as  tant  de- 
fois  menacé  de  mortjfàns  l'auoir  faiât. l'aime  mieux  mou- 
rir vne  fois  que  de  languir  enchainé  &  traitté  comme  ie 
fuis.  Lui  ayant  reproché  fà  perHdic.  il  adioufta,Qu'il  ne 
pouuoit  imaginer  quelle  manière  de  gens  pouuoyent 
éltre  ces  Clii»efti»n3  >   qpi  faifoyent  tant  de  imux  par 


6io  Htjloires  admirables 

loutoùils  alloycnc  ,  &  qu'il  s'clinerueilloit  comme, 
ferre  auoit  la  patience  de  les  fouitenir.  Toft^apres  k 
afaires  de  Diet^o  le  portèrent  mal.  Le?  Indiens  lui  en  le 
lièrent  fubtilement  plufîeurs  armes  &  bagages  necei- 
iàires.  Il  fut  fî  mal  aife  de  quitter  la  colle  de  mer ,  pour 
entier  en  terre  ,  ou  lui  &  les  gens  après  auoirenduïé 
mille  incommodité/.  &  difettes  ,  receurent  le  loyer  de 
Jeurinfatiableauarice.  Car  Diego  fut  aflommé  ,  puis 
^cs  Indiens  lui  coupèrent  la  telle  ^  les  piedi  &  \qs  mains. 
Trente  quatre  Elpagnols  furent  tiicz  auec  lui.  Six  eA 
chappez  du  conriifîit  rencontrèrent  vn  capitaine  ,  neueu 
<le  ce  Diego, luiui  de  vingt-quatre  foldats ,  marchans  au 
iècours.  Mais  ils  trouuerent  plus  de  cent  Indiens  garnis 
des  armes  conquifès  fur  Diego  &  les  fiens,  danfans  &  lau- 
tans  autour  d'eux, &  y  en  auoit  de  ceux  qui  Içauoycnt  par- 
ier Efpagnoljlefquels  crioyenta  pleine  telle  ,  tien  de  l'or, 
Chreilienitien  del'or.  Benzo  qui  eiloit  du  nombre  des 
iîx  elchappez^en  conte  Thiftoire  es  ch.ipitre  w.^ii.de  fun  z. 
Itttre. 

Le  mefine  autheur  dit  confequemment ,  que  l'expé- 
rience monrtre  qu'en  toutes  les  guerres  que  les    Eipa- 
^nolsont  faits  es  Indes  ,  ce  n'a  efté  que  pouraflbuuir 
Jeurauarice.     Que  cela  Ibit  vrai  (dir-il)  la  diucrlîté   des 
capitaines  &  gouuerncurs  qui  y  Ibnc  allez  h  monftre: 
ioint  qu'en  tous  les  lieux  où  ils  n'ont  point  trouue'  de 
richefîes  j    ils  n'ont  daigné  s'y  habituer.    Antoine  Sede- 
gno  fit  vn  voyage  es  Indes  ,    &  entrant  par  la  golfe  de 
paria  auec  plus  de  fept  cens  Efpagnols  ,   defcendit  en 
terre ,  &  fe  mit  à  recercher  de  l'or  par  tout.    Ayant  tra- 
cafîe  l'efpace  de  trois  ans  ,  &  couru  de  prouince  en  pro- 
vince ,  parce  qu'il  n'y  trouuoit  pas  aflcz  d'or  &  de   ri- 
chefl'esa  fafantafîe,  il  ne  voulut  pas  peupler  en  ces  pays 
là.     Sur  ce  vne  maladie  l'extermina  du  monde  ,   &  ainfî 
finit  fes  iours  le  malheureux    S^Jc:;no  ,  pluftoft  de  re- 
gret-&  defefpoir  quilefailit  ,   pour  n'eftre  peu  venir   à 
chefdefèsentreprifes  ,  que  de  maladie  naturelle.  Et  de 
tant  de  foldats  qu'il  auoit  menez  quand  &  foi  ,  il  n'en 
retourna  lamais  vers  le  golfe  que  cinquante  c:nq.i>^^*  ij. 
éha^ÀH  zMure. 

Fer- 


ér  mémorables.  611 

Ferrandde  Sotto  Erpagnoljfait  gouuerneur  de  la  Flo- 
ridcjsy  en  alJaluiui  de  cinq  censhenimes.  A  Ton  arriuee 
il  fe  mit  a  roder  &  tracafîer  ,  s'imaginant  qu'il  trouueroit 
degrands  threlôrs.Rencontrant  vn  iour  quelques  Indiens 
parez  de  colliers  &  ioyaux  d'or  pendus  au  col ,  s'enquzt 
d'où  venoit  ceft  or?  Eux  relpondircnt  que  c'eftojt  de 
fort  loin.  Mais  lui  peniànt  que  ce  fuA  vue  desfaite ,  afin 
dele  chafîer  horsdu  pays  ,  en  Ht  empoigner  &  gciner 
quelques  vns  ,  pour  leur  faire  conf^flcr  ou  ils  trouuoyenc 
celt  or.  Il  perdit  temps  &  peines  apreç.  Vu  antre  lour 
ayant  fâiCx  prilbnniers  quinze  Caciques,  &  menacé  de  les 
faire  bru/ler  vifs  ,  s'ils  ne  lui  enfeignoycnt  le  lieu  ou  ils 
prenoyent  leur  or ,  ces  pauures  gens  fi  cttonnez  de  iî  ter- 
rible lèntence  :,  pour  contenter  ceft  homme  promirent  de 
Je  mener  dedans  huid  iours  en  certain  lieu  où  en  trou» 
Leroit  à  fa  volontèjïans  fçauojr  au  demeurant  ni  ce  qu'ils 
difoyent  ,  ni  ce  qu'ils  promettoyent.  Sotto  les  meinc 
quant  &  foi  pour  trouuer  ceftemine  d'or.  Ayans  che- 
miné bien  douze  iours  entiers  làns  trouuer  trace  quel- 
conque de  raine  3  ni  d'or  3  Sotto  /envoyant  pipé  ,  fit  en 
cholere  couper  les  poings  â  ces  pauures  Caciques  ,  puis 
les  lai/I'a  aller.  Quelques  temps  après  vn  des  principaux 
feigneurs  de  celle  prouince  vintlàluer  Sotto ,  auquel  il  fît 
prêtent  de  deux  perroquets  &  de  quelques  pennachcs: 
puis  le  pria  de  lui  dire  qui  il  eftoit,  d'où  il  venoit,  ce  qu'il 
alloit  cerchantjcn  faifânt  ta;it  de  maux.  Sotto  lui  fit  ref- 
pondre  par  vn  trucheman  ,  qu'il  eftoit  Chreftien ,  fils  de 
Dieu  Créateur  du  ciel  &  de  la  terre ,  venu  là  exprès  pou" 
lui  enfeigner  laloy  de  ce  Dieu.  Mais  l'Indien  lui  rerpon- 
dit  lùr  le  champ:Si  c'eft  ton  Dieu  qui  te  commande  ,  que 
tu  aille*;  ainfi  par  pays  eftranges,pillantjbru{lant,  tuant:,^: 
faifant  tout  le  mal  dont  tupeuxt'auilei-j  ilaches  que  nous 
ne  fomme«  pas  gens  pour  croire  en  lui,  moins  encore  en 
fa  loy.  Cela  dir^il  s'en  alla.  Sotto  fut  lî  ibt,  qu'il  ne  laillà 
pourtant  de  pourfuiure  comme  deuant ,  fur  le/perance 
de  trouuer  quelque  riche  mine  qui  lerecompenlèroit  de 
toutes  (qs  peines.  Mais  au  bout  de  quelque  temps  vn 
flux  de  fang  le  faifit  3  qui  lui  ofta  la  vie  &  ceftelbif  infa- 


6 11  Hijloires  âdmïrahles 

tiable  d'or  qui  le  tournicntoit.  Par  ce  moyen  tout  ce  qu'il 
auoit  parauantgaigne  auPeru  àlapnied'Attabalipa  ,  & 
pille  en  djuers  endroits  ,  périt  aucc  tout  ibn  threlbr  de 
Conc|uelte.5É';;xi  ah  l^.chap.dtt  z.liu» 

Vn  autre  capitaine  Elpagnol  ,  nommé  Pamphile  de 
Naruaez  3  fuiuid'vne  troupe  de  fix  cens  Eipagnols  ,  alla 
versIariuieredePaImes,enlacofte  de  la  Floride  ,  vingt 
cinq  lieues  plus  près  du  Nord  ,  que  la  riuiere  de  Panuco. 
Approchant  du  riuage  il  delcend  aucc  la  moitié  de  Tes 
gens.en  autre  lieu  toutesfois  qu'il  nepenfoit.  Netrou- 
iiantjoù  il  auoit  prins  terre  aucune  apparence  ni  monl^rc 
d'or,  ne  fèfoucia  point  d'y  pcupler,ne  d'y  bailir  quelque 
place  :  &  fi  enuoya  les  vailieaux  auec  le  demeurant  de  lès 
îbldats  cercher  quelque  riuiere  de  Palmes  où  il  auoit  fail- 
li d'arriuer.  Mais  cts  gens  furent  afîiiiilis  des  vents  im- 
pétueux fur  les  eaux  ,  qui  les  preflerenc  de  telle  iorte> 
qu'ils  efchouërent  ,  tous  les  vaiflbaux  furent  brilez ,  les 
Eipagnols  le  noyèrent ,  exceptez  quelques  vns  qui  regai- 
gnerent  le  bord  ,  &  après  auoir  long  temps  tracaflè  par 
ces  pays  barbares,  en  fin  tombèrent  en  Ci  grande  pauureté 
que  douze  d'entre  eux  à  fautes  de  viures  fe  mangèrent 
l'vn  l'autre.  Somme  de  Cxx  cens  Efpagnols  que  Pamphi- 
le  auoit  menez  en  ce  voyage  il  n'en  retourna  que  dix, 
au  moins  que  Ton  auoit  veus.t>^«  mcfne  lt»re  ^  chapitre. 

LesElpagnols  ayans  en  Mexico  traiftreulementtué 
plufieursdulieu  pour  auoir  leurs  bagues  &  ioyaux  j  eu- 
rent leur  tour  :  car  les  Mexicains  le  Ibuleuerent  6c  tuè- 
rent force  Callillans.  Ferdinand  Cortcs  y  eihnt  acouru 
futchaflc  delà  ville  auec  grand  meurtre  de  Tes  gens.  Fi- 
Dalcntent  Cortes  ayant  afîîegé  la  ville,  s*en  rendit  maiftre 
au  bouc  de  quelques  mois.  Lui  &  Tes  gens  penlbyentlè 
faire  tout  d  or  au  fac  d'vne  ville  grande  comme  Veni- 
lè,&  parauant  pleine  de  richefles:  mais  peu  auantla  pri- 
fe  d'icelle  les  Mexicains  ietterent  tous  leurs  ioyaux  & 
autres  biens  dedans  vn  grand  &  fort  profond  lac  ,  fiir  le- 
quel leur  ville  ert  bail:ic»  tellement  que  ces  affamez  d'or 
trouuerent  blanqtie.  Ce  qui  les  mit  en  telle  foreur 
qu'ils  firent  mourir  grand  nombre  deMçxicams,  &  des 

prin- 


^  mémorables»  617^ 

principaux  3  voire  le  Roy  melme  pour  leur  faire  confefîèr 
où  elloyent  leurs  threlors.Maisils  n'en  preuaJurent  pour- 
tant;car  prefques  tout  demeura  dedansJcs  creux  profonds 
deceJac;  &  Ja  plufpart  des  Elpagnols  périt  depuis  mal' 
heureufement.o/^.'f  mefme  (h.ipitre, 

Barthelemi  de  ht  Calas ,  Euelque  Efpagtiol  a  publie  vri 
liuret  irRprimé  en  diuerfts  langues  5  elquellev  il  nionllre 
par  le  menu  que  les  Efpagnols  ont ,  pour  aflbuuir  leur  a- 
iiarice3&  cmplirrEuropçd'orjd'argent&  de  perles,  fait 
mourir  cruellement  es  Indes  Octidentales  plus  de  vingt 
millions  de  perionnes^e  diuers  aages ,  lèxe  &  qualité  en 
lefpace  d'enuiron  trente  ans.  Ce  que  nous  referuonsà 
de/crire  par  le  menu  es  volumes  fuiuans,  afin  qu'en  la  va- 
riété de  ces  recueils  le  led-eiirvoyede  fueiHetcn  autre 
toufiours  quelques  nouuelles  remarques  àes  iugemens 
de  Dieu.Ne  demeurons  pas  fur  la  mer,  ni  delà,  mais  voy- 
ons aufTi  quelques  cenfures  del'auarice  en  1  Europe  j  où 
depuis  que  Tordu  Peru  eft  entré  nous  n'auons  veu  que 
mallieurmon  point  que  Tor  foit  créature  autre  que  bonne 
&  d'excellent  yfage  aux  «^ens  de  bien  :  mais  par  la  furieulè 
malice  &  ingratitude  de  ceux  quiontabufé  d'vnfibeau 
don  de  DicUiCommettans  pour  a/lbuuir  leur  auarice  tol^• 
tes  les  mefchancetez  qu'il  elîpoflible  de  penfèr,comir» 
les  guerres  ciuiles  de  la  France  le  tefmoigneront  à  îa  po- 
fterité.  Mais  ramcnteuons  quelques  hifèoires  particuliè- 
res.M. André  Honfdorf  propofe  diuerfès  hiiloircs  de  gens 
auares,  dont  nous  marquerons  hs  plus  récentes.  Il  fa^ 
mention  entre  autres  d Vn  Eue/que  de  Saltzbourg  p  fi  for- 
didement  auare,  qu'eftant  vn  iour  acueilli  de  la  pluye,  al- 
lant de  certain  lieu  en  autre ,  il  tire  Ion  chapeau  de  de/lus 
fa  teftejle  cache  fous  ion  manteau,  aimant  mieux  auoir  la 
cheueluee  mouillée  que  laifler  dcperir  tant  fbit  peu  fbri 
chapeau  :  combien  au  refte  que  les  reuenus  de  Tes  bénéfi- 
ces montaient  à  cent  mil  efcuspar  an.  Ceftoit  punir  de 
façon  eftrange  ïbi-melrne  3c  Ton  auarice.£«yc»»  Thcatre  es 
exjwples  du  huifîiefme  commandtmeiU. 

Il  adiouflequ'à  Vvormes  fe  trouuavn  chanoine, de 
noble  race  ,  fort  riche  à  caulè  6çs  reuenus  de  maints  bé- 
néfices qu'il  poiredoit;^outteux  au  refte  de  fojon  eArâgc^ 


(3Z4  HiHûires  admirables 

mais  11  mifcrablemcnt  auarc  (\[x\\  n'auoit  pour  toute  ay  Je 
quVn  ièruiteur  ,  encor  ne  le  garJoit-il  point,  crainte 
de  Jui  faire  quelque  recognoiHauce  extraordinaire ,  6c 
changcoit  fouuenr.  Quand  les  gouttes  le  (en  oycnt  de 
près,  il  le  fallait  apporter  quelques  lacs  pleins  de  pièces 
d  or  ,  lefquelles  on  elpandoit  deuant  lui  en  vn  grand  bai- 
iîn.  Lors  il  remuoit  lès  mains  dedans  celte  terre  lau- 
ne,  autant  qu'il  lui  elèoit  poiTiole  ,  prétendant  par  tel 
exercice  ridicule  &deteftable  trouuer  quelque  allége- 
ment à  lès  douleurs.  On  trouua  dedans  les  coffres  après 
fàmort  lafomme  de  trente  mille  efcus^laquclle  fut  par- 
tagée entre  le  Comte  Palatin  3  &  l'Archeuelque  de  Tre- 
ues,  qui  firent  prelèntde  trois  mil  efcus  diltribuez.  à 
quelque  parens  de  ce  miierable ,  puni  par  Ibi-melme  de 
fupplice  plus  redoutable  que  tout  autre  lupplice  que 
ripmme  pourroit  iouftrir  au  monde,  t^it  mefmc  en- 
droit, 

Vn  Dodeur  en  médecine,  s'oublia  fi  mifcrablement 
que  de  traiter  alliance  auec  l'ennemi  de  noftre  lalut,  qu'il 
auoit  coniurè  &  enclos  dedaus  vn  verre,  d'où  ce  lèdu- 
deur  &  familier  elprit  lui  relpondoir.  Le  médecin  elloit 
heureux  es  guerifons  ^ts  malades  &  amafl'a  force  elcus  en 
(es pratiques: tellement  qu'il laiflà  i(&s  enfans  la  lomme 
de  vingtfix  mil  efcus  vaillant.Peu  de  temps  auant  la  mort, 
comme  il  commen  joit  à  penfer  1  là  confcience  j  il  tombe 
en  telle  fureur,  que  tout  Ton  propos  eitoitd'inuoquer  le 
diable,&  vomir  des  blalphemes  horribles  contre  le  S.EP 
prit.  Il  rendit  l'ame  en  ce  mal-heureux  citât.  Ai*  mefme 
endroit. 

L'an  mil  cinq  cens  quarante  vn  ,  vne  certaine  Dame  det 
Franconie,  femme  fort  riche  deuiiit  fi  chiche ,  qu'elle  ne 
daignoit  recourir  d'vne  bouchée  de  pam  les  pauure*  di- 
(ètteux  :  qui  pis  elt  elle  fe  comportoit  i\  cruellement  en- 
uers  ceux  qui  lui  demandoyent  l'aumofiie,  qu'elle  les 
renuoyoitàlaficnte,&leur«iiiroit  qu'ils  s'en  repeufîènt. 
A  caulè  de  là  taquinerie  extrême  elle  gaigna  ce  Ibbri- 
quet  que  par  tout  le  pays  on  la  lurnommoit  Ft^narice, 
Mais  lans  fè  loucier  de  cela,  voire  au  melpns  de  tou- 
tes remonflrances ,  eile  continua  ce  œauuais  train  ,  iuP- 

ques 


é'  me?mr Allés.  ^iç 

ques  ï  ce  qu'elle  fut  arreftee  coure  par  la  fuftjce  dcDicu. 
ï:Ucfut  atteinte  dVne  faim  allouuie  ,  fî  violente  que 
plus  on  lui  bailloit  de  viide,  moinsla  faouloit-on.  Ayant 
mangé  en  peu  de  téps  tout  ce  qui  peut  feruir  à  la  nour- 
riture du  corps ,  elle  fe  print  à  aualcr  de  l'argile  &  de  la 
terre  :&  hmalcmcnr  fe  print  aux  excrcmcns  humains 
dont  ellepaifloit  fa  faim  continuellement:  &  ncs^ofanfr 
prefcntcr  deuantperfonnca  caiife  de  fa  laideur  &puajî- 
teur ,  elle  fe  mit  à  tracaflcr  ça  &  i:t  par  les  champs  ;,  iuf* 
queî>  à  ce  qu'elle  vint  fe  rendre  au  chemin  palTantqut 
meine  a  Drefde,  ou  elle  mourut  miicrablementn'ayanc 
forme  de  vifage  humain, mais  lî  desfigurec  que  rien  plus. 
Job.Fincel.AH  z.Uttredes  miracles. 

Honfdorf  raconte  vne  autre  hiftoire  qu'il  dit  eftre 
ailuenuè  à  Leyden  en  HollandeTan  1557.    Deux  fxurs 
germaines  eifoyent  en  icclle  villes  Tvne  fort  riche,  l'au- 
tre vefiie  fort  panure  ,  &  chargée  de  iîx  enfans ,  qu'elle 
nourrilToit  &cfleuoit  auec  grande  difficuhe.  Sontra- 
uail  n'y  pouuanr  plus  fournir  ,  elle  fut  contrainte  men- 
dier fon  pain  par  lesportes.  Mais  plufieurs  lui  aiieguoy- 
ent  qu'ayant  vn  fœur  (î  riche  ,  il  n'y  au  oit  ordre  qu'elle 
mendiaftainfî.La  pauure  dolente  conoiffantbienla  du- 
reté des  entrailles  de  fa  fœur,  preflee  de  difette  extrême 
alla  vers  elle  ,  lui  defcouurant  fa  mifere  ,  telle  que  des 
troisiours  auparau.ît  Ces  enfans  ni  elle n'auoycnteu  nain 
ni  paièe  pour  fe  fubiLinter:puis  auec  larmes  &  profonds 
foufpirs  fuppha  fa  fœur  d'auoir  pitié  de  Ijur  arfliclion. 
Celle  riche  fuperbe  ,  &  elclaue  d'auaricc,  femocquanc 
des  geinrîlTemcns  de  fa  pauure  fœur,  refpond'qu'clle  n'a- 
uoic  point  de  pain  à  donner  à  perfonnc:  qu'on  l'eitimoit 
plus  riche  qu'elle  n'eftoit,  &  qu'en  confcience  elle  n'a- 
uoit  point  de  pain  ;  puis  fit  celle  imprécation,  qu'elle 
prioit  Dieuquetous  les  pains  qu'elle auoit en  fa  puif- 
(ance  deuinifent  pierres  &  cailloux.    La  pauure  vefue 
Ibrt  toute  efpleuree,  fiiifant  plainte  de  fa  mifcrc  lie  difet- 
te à  Dieu  fon  père  ,  lequel  entendit  les  cris  del'afHigee, 
&  moniba  combien  l'auarice  lui  defplait.    Car  après  le 
départ  de  la  pauure  lœur,  l  autr^;  jiche  iic  chiche  vouianc 
couper  du  pain  pour  foy,ti:ouua  qu'il  eiloit  dur  comme 

Kr 


ëi6  Hijloires  dàMirAhles 

vn  caillou.  Dont  mcrueiUeufcmcnt  cftonnce  elle  alfi 
promptcnicnt  vers  fa  pauarcfœur,  lui  demande  pardon 
<ic«  rudcHes  qu'elle  lui  auoit  fuites,  luy  fournit  libérale- 
ment du  bled  S:  de  Targcnt  pour  la  nourriture  d'elle  & 
dcftsenfans.  ^umefne  endroit  ou  chapitre  des  exemples 
dit  i.coijmiMidement. 

lerofme  Oforius,  Euefquc  de  Sylues  es  Algarue?  en 
Portugal  ,  parlant  de  la  viftoire  d'Almcide  contre 
IcsMahumctiftesauport  de  Diu,  adioufte,  les  Por- 
tugais obtindrcnt  alors  vne  trcsbelle  vidoire  ,  de  la- 
cruelle  toutesfois  Paul  loucfEucfque de  Noccre  en  Ita- 
lie)n'adit  mot  en  Tes  hifloires,cncorcs  qu'il  ait  difcouru 
fur  l'armée  nauale  du  Sultan  en  Inde  contre  les  Portu- 
gais. Maisileftoit  defpité  de  ce  que  s'cftant  oiTcrtau 
Roi  Icantroifiefmed'efcrireriiiftoire  de  Portugal,  en 
bien  payant,  ce  bon  Prince  ne  lui  enuoya  point  de  pre- 
fcns  des  Indes,  pour  l'induire  .i  coucher  par  efcrit  les 
conqucftes  des  Portugais.  o^«  6,Uu.di.  thtfi.  de  Pcrtu^aL 
fechlo. 

Philippe  de  Coininesdit  ces  mots  du  roy  Louys  XI. 
&  de  Ton  medecinill  auoit  Ton  medecin,appellé  maiftre 
Jacques  Cotier ,  à  qui  en  cinq  mois  il  donna  cinquante 
quatre  mille  efcus  comptant  (qui  eftoit  à  raifon  de  iix 
mille  efcus  par  mois  ,  &  quatre  mille  par  dcfTus  )  &  l'E- 
uefché  d'Amiens  pour  Ton  ncueu  ,  &autrcs  offices  & 
terres,  pour  lui  &:  pour  fcs  amis.    Ledit  médecin  lui  c- 
ftoit  11  tref-rudc ,  qucl'on  ne  diroit  pcmt  à  vn  valet  les 
ouu-ageuics&  rudes  paroles  qu'il  lui  difoit  :  &  file  crai- 
gnoittâtlcdicreigncur,qu'iln'euIl  ofe  l'éuoierhors  d*a- 
uec  lui:&  ^\  s'en  plaignoit  à  ceux  à  qui  il  en  parloit.  Mais 
i\  n*eurt  ofé  le  changer ,  commcilfaifoit  tous  autres  fcr- 
uit:eurs,pourccque  ledit  médecin  lui  difoit  audacieu- 
fement.    lefcaybien  qu'vn  matin  vous  m'enuoyercz, 
comme  vous  faites  d'autres:  mais  (par  vn  grand  ferment  > 
qu'il  iuroit)  vous  ne  viurez  point  h  ni(ftiours  après.    Ce 
mot  refpouuentoit fort,  &:tant  qu'après  ne  faifoit  que 
Je  flatter  &  lui  donner.    Qui  lui  eitoit  vn  grand  purga- 
toire en  ce  monde,  veuë  la  grade  obeiflance  qu'il  auoit 
«ue  de  tant  de  gens  de  bicn,&  de  grandi  hommes.  ^i$ 


éditf.'àefei  Memoirei^^chAp.  1 1. 

Paul  loue  fait  mention  dVn  médecin  Ttalienj,hbmmé 
Zerbijlecjueldefireux  de  le  faire  riche  ,  promettoit  faire 
nierueilles  pourla  guerifon  des  maladies  iugcesincura- 
blcs.Sa renommée  paruint  aux  oreilles  de  Scender  Bafîa 
grand fcigneurTurcaffligé  d'hydropifie.  Ilenuoya  de 
fortlorn  cjuerir  Zerbi,  ious  promefl'e  de  cref-grâdes Tom- 
mes de  dcniersjs'il  le  giicrifioit.  zerbi  fut  /î  malauifé  de 
promettre  gueiifon  à  ce  Bafla,&  encore  plus  fol  de$'a- 
chemincr  vers  lui  ilir  cefte  vainc  elperance.  Mais  ayant 
elté  quelque  temps  près  de  ce  mi-lade ,  il  y  perdit  (on  eC- 
crime  ,  tellement  que  Scender  mourut  entre  fcsm/îinç. 
Pour  payemenr  de  Tes  peines  &  vacations,  les  feruiteurs 
duBalfa  iui  coupcre^it  la  grrge.  Es  do^es  de  Paul  loue, 

Angelo  FaoJunfconlUlLe  Neapolitainjs'elhntdef- 
couuert  les  efpaules^fit  commandement  fort  exprès  à  fa 
ièruante  de  le  frapper  i  tour  de  bras  &  fa  n^  feinte  a  ucc 
vne  pale  de  bois,mena^'antde  battre  rudement  cède  fcr- 
uante  fi  elle  differoJt:&  ce  pour  a  uoir  elle  fi  indifcret  dé 
rcfulcr  certaines  pièces  de  monnoye  à  lui  offertes  par  vn 
plaideur  duquel  il  manioirle  procès  >  pource  que  telles 
pièces  n'cftoycnt  pas  de  ha  argent,item  a  cauie  qu'ayanc 
rabroué  ce  plaideur,  &  commandé  rudement  qu'il  allaft 
dianger  fa  monnoye  i  de  l'argent  fin ,  l'autre  s'eftoit  ac- 
cordé auec  fa  partie,&  n'eftoit  pas  retourné  vers  Ange- 
lo. Quelle  belèiié  en  vn  homme  de  ietcreô?iowM/»f«  Po,#- 
tantcs  ait  7. Uu.de  la  libéralité. 

Le  renommé  lurifconfulte  lafon  vendait  les  confeils 
au  poids  de  ror,à  condition  toutesfois  que  Ç\  les  conful- 
tans  perdoyentlsurcaure>  il  promettoit  de  leur  rendre 
incontinent  ce  qu'ils  lui  auoyent  cojnpté.  Paul  loue  au 
fommàire  de  la  vie  d'icdui.  On  eilimc  que  laion  faifoit  cq- 
ia  pour  la  grande  confiance  qu'il  auoit  en  la  force  &  fcr- 
ipeté  de  Tes  confeils  :  &  d'autre  part  il  elïayoit  par  telle 
cxaftioii  de  contenter  fon  auarice. 

Vn  capitaine  Efpagnol,  nommé  Lifcan ,  gouuernelif 
dcGran,  ville  forte  en  Hongrie,  fe  voyant  alfiegé  par 
Solyman ,  fuitan  de*  Tura,  U  defireux  de  fauucr  grau- 

Kr   z 


€i8  Hijlôires  âdmirablfs 

defomme  d*or  &  d'argent  amaflcc  de  longue  main  ^fc 
perdit  roy-mcrme,&  rendit  lafchementla  place.  Mais  li 
fut  fruftré  de  Ton  cfperanccxar  Haly  Bafla  lieutenant  de 
Solyman  le  dcfpouilladetous  fcs  moyens  ,  fans  lui  en 
laiflcr  rien  de  relle.Digne  loyer  de  fon  auarice.Lff/»^///e- 
■nient  de  Sabelllc  au  lé  Mure* 

Le  meûiie  eft  aduenu  denofttc  temps  à  trefgrad  nom- 
bre degouuerncursde  villes  &  Forterefresjqui  cuidans  fe 
mettre  à  couuert,  &  abandonnant  au  befoin  les  places 
tenablesjontcfté  les  premiers  tuez  ou  dclualiroi,  par  If; 
iugement  de  Dieu  fur  leur  dëfloyauté. 

Borgia, Cardinal  de  Valcncc,corrompit  par  promefl'es 
.&prerensvn  autre  Cardinal  Italien  nomme  Afcagne 
Sforce ,  parles  pratiques  &.  menées  duquel  il  paruint  au 
fîcge  Pontifical,&  fut  nommé  Alexandre  V  1.  où  eltaiit 
eftabli ,  toirs  malheureux  artifices  pottramaflcr  deniers 
furent  par  lui  pratiquez ,  &  ces  deniers  fournis  à  Cefar 
Borgia,  Duc  de  Valentinois ,  pour  fourrager  vne  partie 
de  riralie  par  guerres  cruelles:ce  que  Gurhnbert  au  ^.t^ 
é  Mu.de  la  ■vie  des  Papei,^  Vr.Gttkhurdin  anl.  'volume  de  fin 
hijloiredes ;^Herres  d'jtalieimoniÏTcntpaïlG.  menu.  La  fin 
de  cefte  auarice  cruelle  fut  la  mort  d'Alexandre  VI.  par 
poifonjla  confufion  horrible  de  Cefar  fon  fils,  qui  de- 
gradé  ,  chafie,  emprifonné  ,  puis  efchappé,  fur  tué  en 
fîmple  foldat  en  certaine  rencontre.  Ce  que  les  volu- 
mes fuiuans  pourront  reprefenter  plus  particulière- 
ment. 

louianusPontanusfemocque  plaifamment  d'vn  cer- 
tain Pape  ,  fi  chctiuemeutauare  ,  qu'il  prenoit  la  peine 
d'entrer  fecrctccmcnt  &  à  cachettes  dedans  hi  grande  E- 
glife  de  Romc,ou  il  eileignoit  les  cierges  allumez  en  dî- 
ners endroits  d'icelle  pour  efclnirer  de  nuid  ,  comme 
c'eftlacouftume  d'yen  entretenir  fort  grand  nombre 
continuellement.t^w  (//]fOMri  deU  lihcrditèichup.j. 

Garimbcrt  en  la  vie  des  Papes ,  raconte  qu'va  certain 
Angelot  Fufco  ,  né  de  pauure famille  ,  paruint  5  clhe 
Cardinal,où  il  deuint  Ç\  vilainement  auare, qu'il  prenoic 
la  peine  de  fe  leuer  de  nui<ft,&  fans  chandelle  entrer  àc- 
xlans  Tcrtable.,  pour  defroberPauoine.i  les  propres  che- 

uaux. 


^mémorables.  ^19 

uaux.  Le  pricfrcnier  ayant  defcouuerth  fraudcfe  mi: 
tellement  enfentinellc,  qu'il  attrapavnc  fois  ce  larron, 
&  lui  donna  tant  de  coups  de  fourche,  feignant  le  pren- 
dre pour  quelque  aune,  que  de  longtemps  après  il  ne 
lui  printenuie  do  continuer  ce  train  d'auarice.  t^tté.U- 
ure  de  la  ijte  des  Papes. 

Il  raconte  vne  autre  hiftoire  du  Cardinal  de  Peroufe, 
Hommé  Fr.Armellin,homme  cftrangementauare,qui  c- 
flant  à  Rome  enclos  dedans  le  chafteau  S.  Ange,auec  le 
Pape  Clément  Vll.lors  que  la  ville  fut  prife  par  les  Im- 
perialiftes ,  voyant  que  les  foldats  pilloycnt&  facca- 
geoyentlesmaifons  &  palais,  fans  acception  de  perfon- 
iie,conceut  tdle  doulcur,de  la  perte  de  Tes  biens ,  qu'en 
peu  d'heures  il  mourut  ,  cftoufFé  de  fa  propre  auarice, 
f^/4u  mefme  liu. 

Oger  Ferrier;,niedecin  fortfçauant,  eftant  a  Thou- 
louTcprintd  louage  vne  maifon  près  de  laBourfe,  bie» 
baftie,&  en  beau  lieu, qu'on  lui  bailla  quafî  pour  néant, 
pource  qu'il  y  auoit  vn  cfprit  malin  qui  tourmcntoitles 
locataires.  Mais  lui  ne  s'en  fou  ci  oit  non  plus  que  le  phi- 
lofophe  Athcnodorus  ,  quiofaTcul   demeurer  en  vne 
maifon  d'Arhencs-,deferte  &  inhabitée  par  le  moyéd'vu 
cfprit.  Oyant  ce  qu'il  n';uioit  iamais penfé,&  qiv'on  ne 
pouuoit  feureiiient   aller  en  la  caue  ,  ni  repofer  qucl- 
quesfois  ,  on  l'auert/.tqu'ily  auoit  vnieune  efcholier 
Portugais  eftudiant  lors  à  Thoulouzc  ,  lequel  faifoit 
voir  fur  l'ongle  d'vnieunc  enfant  les   choîcs  cachées, 
L'eicholier  appelle  vfa  defon  mcfticr,&  vne  petitc'lîllc 
enquifedit  qu'elle  voyoit  vne  femme  richement  parec 
dechaincs  &  dorures  ,  &.quitcnoit  vne  torche  en  la 
main  près  d'vn  pilier.  Le  Portugais  confeilla  au  méde- 
cin de  i'aire  fouir  en  terre  dedans  la  caue  prés  du  piUier» 
&  lui  dit  qu'il  trouueroit  vn  threfor.  QÔii  fut  bien  aife> 
ce  fut  le  médecin ,  lequel  fit  creufer.    Mais  lors  qu'il  e- 
fpcroit  trouuerle  threfor,  ilfclcua  vn  tourbillon  de 
ventjlcquelefteignitla  lumière,  fortit  parvnfoufpirail 
«le  la  caue,& rompit  deux  toifci  de  créneaux  qui  cltoy- 
entcnla  maifon  voifîne  ,  donc  il  tomba  vne  partie  fur 
loft-vent,  ^l'auwe  paiie  cala  caue  par  le  Ibufpuailu 


^5  0  Hijloirn  admirables 

&  fur  vne  femme  portant  vnccruchc  d'au  qui  fut  rom^ 
pue.Depuisjl'cfprirnefutoui  en  forte  quelconque.  Lç 
jour  fuluantjce  Porrugais,aucrci  du  fait,  Ait  c\\\ç  refjrit 
auoit  emporte  le  thrcfor,  &  que  c'cRcit  mcrûcille  qu'il 
n  auoit  oft'enfë  le  médecin,  lequel  me  conta  l'hiftoirc 
deux ioursapresjqui  eftoitle15.de  Décembre  i558.cftant 
lecielferain  &ber.u  ,  comme  il  eft  d'ordinaire  es  iours 
Alcyoniens,  t-c  fus^oir  les  créneaux  de  la  maifon  voifî- 
ne  abatusj&roft  delà  boutiquerompu.  i.Bodm  tw^.liu. 
^eft  Deynoncm.viiejch.^, 

Philippe  Mclanftiion  recite  vnehiftoire  quafi  fcmbla- 
"ble  ,  qu'il  y  eut  dix  hommes  à  Magdcbourg  tue?  delà 
ruine  d'vnctour  lors  quils  fofloyovent  pourtrouuer 
les  threfors  que  Satan  leur  aucicenler^nez.  tt  George 
i^gricola  au  liure  qu'il  a  fait  desefpritsfouterrains  efcrit 
«lu'à  Anebergen  Saxe  au  fond  d'vnc  mine  nommée 
Couronne  de  Rofevn  efprit  en  forme  de  cheual  tua. 
douze  homn;cs  :  tellement  qu'il  fit  quitter  cel'Ireminç 
pleine  d'argenbquelesforciersauoyenttrouuceà  l'aide 
de  Sat.in.  l'ay  apris  auffi  d'vn  Lyonnois,  qui  depuis  fut 
çhapellain  en  l'Eglife  noftre  Dame  de  Paris,  que  lui  a-, 
uecfes  compagnons  auoyent  defcouutrt par  Magic  vn 
rhrcfor  à  Arcucilprcs  de  Paris.  Mais  voulant  auoir  le 
coffre  où  il  eiloit.qn'ilfut  emporté  par  vn  tourbillon  .  8^ 
qu'il  tombafurlui  vn  pan  de  muraille  ,  dont  il  trt  &  fera 
boiteux  toute  fa  vie.Ht  n'y  a  pïis  long  temps  ou'vn  pre^ 
iire  de  Nuremberg  (dont  a  elle  parlé  au  i.  volume  de 
fes  hiltoircs,  au  chapitre  des  threlprv)  ayanttroiHié  An 
threfcr  à  l'aide  de  Sar2n,ê!"ff.^  le  poind  d'oui.rir  le  cof- 
fre fut  aeablcdes  ruines  de  la  m.tiion.ray  fccu  aufii  d'^  n 
]-.raricien  de  Lyon, eue  ic  ne  nommcraypoint,  combien 
qu'il  le  contoit  tout  haut  en  bonne  ccmpagnicqu'ayant 
elle  auec  fes  compagnons  la  nui<n-,  pour  coniurer  les  c- 
rpr.ts  ,  Sctrouucr  vn  threfor,  comme  ils  auoyent  com- 
mencé de  fouir  en  terre  i  ils  ouyrent  lavoix  comme 
d'vn  hcmmç  ,  qui  clloit  liir  larouc  presdu  lieu  oùils 
Cfcufoytnt  ,  criant  cfpouuantablcmcnt ,  aux  larrons; 
ce  qui  les  mit  en  fuite.  Au  mefme  ir.ltant  les  malins  e- 
i^nis  les  pourfijiuircnt  bitçiiiis  iuft^ues  en  la  maifori 


^  memora  Lies.  ^51 

d'où  ils  eftoycnt  fortis ,  ëi  enr;  crenr  detians  faiTaiit  vn 
bruit  (ï  'Jranti,  que  l'hofte  peufoir  qu'il  tonnaft.  Depuis 
il  fit  ferment,  qu'il  n'iroic  lamais  ccrcher  threfor.  I.  b«« 
di't  en  ce  m^fne  lii4re  ^  chapitre. 

Lesfoumcurs  AlchymilWs,  pour  laplufpart,  vovans 
qu'ils  ne  peuuencvenir  à  bout  de  la  pierrt  Philofophale 
demâdentconleilaux  erprits,  qu'ils  appel] eu:  fa:-ml:e:$. 
Mais  l'ay  fccu  de  Conftantin,  eltiiv.é  entre  le  plus  fça» 
uan5enla  pyrotechnie  &  urtmetaUiqucquifoitenFran- 
ce,  &c  âflez  conu  eu  ce  Royaunc ,  que  fcs  compagnons 
ayans  long  temps  louifflc  fans  aucune  aparencede  profit, 
demandereatconfeil  au  diable s'.-ls  faifjyentbien  ,  & 
s'ils  en  viendroyent  à  bout.  Il  fit  lerponfc  en  vn  mer, 
trMMUle\.  Les fouffleurs  bien  ai^es  continuèrent  &  fouf- 
flerent  fi  fort  qu'ils  multiplièrent  tout  en  rien,  &foufRe- 
royciit encore,  n'cuil  elle  que  Conftantinlcur  dit ,  que 
Satan  rencîoittoufiours  les  oracles  a  doublefens,  &que 
ee  mot,  TramiUeX^  vouloit  due  qu'il  falot  quitter ia 
Chviiiie,  s'employer  au  trauôil ,  &  à  Ihonneile  exercice 
de  quelque  bonne  fcicnce  pourgaigner  fa  vie:&  que 
c'elloitpure  folie  de  penfer  contrefaire  lor  en  d  peu 
cic  temps,  veu  que  Nature  y  employé  mille  ans.  Par 
mefmcs  moyens  il  faut  dire  à  Ceux  qui  veulcntauoir  les 
l<;icncvs  par  art  diabolique ,  Trauaillcz  :  ou  (comme 
nos  pcrcs)  tres-veiUez,  &  prier  Dieu  qu'il  donne  heu- 
reux fuccés  à  nojlrc  labeur ,  qui  eille  point  principal, 
L4  m- frite. 

l'ay  conu  planeurs  de  ces  Chym.iucs  S:  fouffleurs, 
fîeiifie/  dcTopinion  deltur  ff.fniance  que  quoy  qu'ils; 
n'culfent  pas  cinq  fols  en  bourfc ,  Ci  fc  faifoyent  ils  forts, 
&  par  vains  difcouis  tafchoycnt  toufioursde  perfuader 
à  inoy  &  a  d'autres  qu'en  bricf  temps  ils  em»)lirGvcne 
d'orpur&plus  fin  que  de  24.  carats  ,  noscoftres&:  nos 
maifons.  Au  bout  ie  lesay  veudeilituez  de  fouffie,  dç 
vigueur,  de  moyens,  fe  tenir  bien  fiers  de  trouuerqui 
leur  donnais  vn  bon  repas  ,  les  autres  tout  defchirtz.  6c 
)a  chemife  noucc  fur  l'efpaule  faire  larmoyer  ceux 
i^ui  fçauoyent  leurs  vanaries:les  autres  deuenir  en* 
chaiut;urs  ou  Uuk  moaikoycuu  ;  dont  fc  fonc  eniuiuis 

Rr  4 


^it  Hifloires  admirables 

maints  iiiftesTuprliccs.  Encorcs  aujourd'hui  plufîeû» 
pais  l'ont  infedez  de  tclsimpo{ltursc]ui  prcnans  des 
prétextes  faux,  pourfatisfaircà  leur  ambitieule  auaricc, 
embrouillent  maints  efprits  curieux  &  les  perdent  fina- 
lement. Ceft  la  iultc  vengeance  de  Dieu  liii-l  oifiuetc, 
&rcxortation  à  toutes  perfonnes  vigoureufes  de  corps 
&  d'cfprit  de  s'employer  franchement  à  Texcrcicedes 
vocations  légitimes  approuuees  de  Dieu. 

Durant  les  premières  guerres  ciuiles  fous  le  règne 
de  Charles  IX.  auint  à  Bezicrs  vn  fait  remarquable, 
pour  taxer  Tanarice  de  quelques  vus,  &  monftrer  auec 
leiugcment  de  Dieu  le  malheur  àfis  guerres  ciuiles. 
Antoine  Sauin/cruiteur  dVn "Bourgeois  de  Beziers,  a- 
yant  eflé  pnnsen  vne  cfcarmouche,  ceux  de  dehors  of- 
frirent de  k- rendre  en  efch  ange  d'vn  cheualgaigné  fur 
vn  de  leurs  capitaines  en  la  mcfmc  cfcarmouche.  Ceux 
de  dedans  aimèrent  mieux  laiil'er  pendre  &  cftrangler 
^auinque  de  rendre  le  chcual.  Mais  en  vne  autre  fortie, 
I^eu  de  iours  après ,  ce  cheual  fort  en  bouche  prenant  le 
frain  aux  dents  emporta  ce  gentil-homme  (  auquel  il  a- 
uoi:  efté  donné)  au  milieu  des  ennemis  ,  qui  tuèrent  le 
cheuaîier  &  rcgaignerent  le  cheual.  H///.  de  France  j  fous 
Charles  IX.  Nous  p?.rkrons  encore  ci  apresde  lamifc- 
rc&  punition  dePauance  en  la  defcription  de  diucrs 
naufrages. 

ADFERTISSEMFMS  &  cLumtcûureurs  de 
grandes  ruines  ér  confufions. 

MEs  PR I  s  t  R  les  'i:\ç(^s  confei!5.,r!eouter  peu  dcgcns 
non  encore  allez  expérimentez  ,  ignorer  fafoi- 
bkire>  vilipender  fon  ennemi ,  &  faire  plu/îeurs  pertes 
particulières,  rontlcsauaiit-coureurs  de  la  ruine  d'vnc 
îJrniec  puiflante  ,  &  des  confufio'ns  qui  s'en  enfuiucnt. 
ï'en  alléguerai  quelque^ hiftoires.  La  première  fera  la 
piinfcdu  Roy  François  I.  dcuaiit  Pauic  ,  dont  nafqui- 
ruit  iuHmcs  pertes ,  &  en.  m^qucrayiçs  d^ueifes  cir- 

confiances 


^  memorMes»  ^3? 

conftnnccs  dcrcntes  bien  au  longes  hiftoriens  qui  en 
ont  parlé. 

1.  La  Trimouille,  fes  Mnrcfchaux  de  Foix,  de  Chabr?- 
nes,& autres  expérimentez  Capitaines,  conleilloyenc 
ail  Roy  de  retirer  fon  armée  de  deuant  Pauie  ,  &  fe  cam- 
per en  quelque  logis  fort ,  comme  il  s'en  trouue  beau- 
coup en  CCS  pays  ll,pour  les  canaux  qui  fe  deriuent,  afin' 
d'abreuuer  les  prcz.  Ils  remonJiroyent  que  Tarmee 
ennemie  dcfprouueuë  d'argent  feroit  dans  peu  deiours 
contrainte  rercrpandre&  loger  es  villes.  Qu^e  les  étran- 
gers, à  faute  de  payement,  ne  faudroyent  de  faire  quel- 
que dangereux  tumulte.  Que  les  ennemis  nefe  con- 
ferueroyent  enfemblc,  lîînon  en  efperance  de  doiîner  ba- 
taille :  &  que  s'ils  voyoyent  la  guerre  tirer  en  longueur, 
plufieurs  difficultez  &  confiifions  eniieloperoyentleur 
obilination.  Qu'il  eftoit  extrêmement  dangereux  de 
s'enfermer  entre  vn  e  ville  défendue  par  cinq  mille  hom- 
mes de  pied  &  vnc  armée  qui  lui  venoit  aufccours,puiP 
faute  en  nombre  d'hommes  couraccux  &  guerriers.  Ces 
fagesconfeiU  furent  melprifez  par  le  Roy,  quinevou- 
loic  laifler  fon  (icge,  &  ptnfoit  cmpefcher  à  Tes  ennemis 
l'entrée  dedans  Pauie. 

2.  II  fe  repofoit  du  gouucrncmcnt  de  l'armée  fur 
l'Admirai  de  ï3onniuet,  n'cfcoutoit  que  fon  confeil,  8t 
preftoit  l'oreille  à  deux  «autres  ieunes  Seigneurs,  pour- 
ce  qu'ils  lui  agréoyent,  mais  n'auoycnt  encore  grande 
expérience  au  faid  delà  guerre. 

3.  Il  n'auoit  en  Ion  armée  le  nôbre  d'hommes  qu'on 
lui  faifoit  à  croire.  Le  Duc  d'Albanie  auoit  emmené 
parties  des  gens  de  cheual ,  partie  eftoit  demeurée  à  la 
garde  de  iMilan  :  plufieurs  eftoyent  rcfpandus  es  villes 
&  bourgades  circonuoiiines.  Il  n'auoit  que  huict  cens 
Lances  au  camp,&  la  négligence  de  fes  O  !  liciers.  Tau  a- 
ricc  des  Capitaines  (Italiens  nommément)  rabufoir,nc 
fourniilans  le  nombre  des  gens  de  pied,  dontils  tou- 
choyentlafoldc. 

4-  Le  Roy  vouloit  febattrc  ,  quoi  que  fes  ennemis 
défia  forts  cuiïcnt  plullolt  intêtion  de  retire'-  leurs  cinq 
mille  pictous  fortincômodcz  dedâi  Pauie  j  ^  U  rcfraii- 


^54  HlJIoires  admirables 

chirdc  nouuciux  ,  que  de  combatne,  s'ils  n  y  cfto}  enf 
forcer,  parle  Roy, logé  en  lieu  tres-aduantagcux,  &  ou 
lapuiflancedertnipereurncpouiioitliii  nuire. 

5.  Le5iarriegC7.  dedans  Pauiealfaillirentà  l'iniprou- 
ueu  deux  mille  Valaifans  logez  près  d'eux  qu'ils  difTi- 
perentS:  mirent  en  fuite.  Deux  cens  chenaux  &:  hmà: 
cans  piétons  cmpefchans  les  viurcs  qu'on  amcnoirdc 
Xode,afllegcz  dansle  chafteau  S.Angc,furent  contrains 
accepter  honteufecompofirion  de  fortir  fans  armes  & 
fans  chcuaux,&  promettre  de  ne  porter  d'vn  mois  les  ar- 
mes conrrel'Empereur.  Piufîeurs  places  que  les  î  rr^n- 
çois  aaoyent  à  leurs  efpnulcs  vincfrcnt  en  fuite  fous  la 
puilTancedcs  Efpagnols.  Deux  mille  Italiens  de  ceux 
quiauoycnt  fouftenu  le  fiegc  de  xMarfeille  furent  des- 
faits,&  forcez  de  fc  rendre  aucc  à[\-Çi:^i  enfeigne«.Iean 
Louys  Paluoifin  ,  Çmui  de  quatre  cens  çlieuaux  &  deux 
mil  piétons,  vit  fesgens  mis  à  vaude-VourcSc  lui  fait 
pnfonnier  des Imperialiftes.Survne  alarme  quelesGri- 
fons  fedonneient,  fîx  mil  hommes  qu'ils enuoyf^yenc 
au  Roy  furent  contremandez,  &:s*cn  retournèrent  cinq 
îoursdetiant  la  bataille,  laquelle  le  Roy  perdit  &v  fut 
prins  prifonnierauec  grande  fuite:  perdant  lors  infini- 
ment, comme  l'HiJioiredc  France  enf.i  -vie  le  monllre ,  cn- 
fcmblc  les  fautes  qu'il  commit  le  iour  de  fa  prife. 

La  dcuxiefmehiitoirc  fera  la  desfaitc  des  Hongrois 
Si  de  leur  Roy  Louys  ,  en  l'an  1516.  d^i  x  ans  après  celle 
*le  Pauie  :  dont  ie  marqucray  autant  de  circonftances 
«qu'en  la  précédente  hiltoire,  pour  la  preuue  du  tiltre  Se- 
préface  de  cefte  f  e(fîion. 

T.  Le  Ch^Micelicr  de  Hongrie,  le  Vayuodc  de  Tranf^ 
fvluanie  ,  le  Comte  Chriftofie,  confcilloycnt  le  ieune 
Koy,  voire  le  iupplioyehtde  n'aller  heurter  contre  vue 
iî  puilfance  armée  qu'eftoit  celle  de  Sultan  Solyman,  & 
qifilfaloit  attendre  que  le  fecours  des  voifinsfuil  ve- 
jiu.  Que  dcîaymt  quelque  peu, des  auantages  feprefen- 
îi-Toyent au  preiudice  des  ennemis,  aufquels  le  grand 
nombre  r.uiroir,  ôcrrouuant  moyen  de  leur  tronchcr  les 
riurcs  ,  l'oncontraindroit  Solyman  de  fe  retirer,  finon 
f-'u'il  vcuiuit  ^  wirli  diiTipauon  de  ion  anuce  ;  «ont  la 


Cr  ntemoYAhles:  <^3  5 

{noitié  eftok  compofee  de  bouches  inutiles. 

z.  CeicunePrince,bcau-fierede  l'Empereur  Charles 
V.dc  ciand'efpcrancc  pour  Tauenir,  mais  encortort  icu- 
ne,à  fçauoir  en  l'aage  de  vingt  vn  ans  ,  par  confequcnt 
"peu  expérimenté,  fut  tres-mal  conduit  enceilc  puerrc. 
Son  principal  conieiller  fut  F.Paul  Tomory,  moine  Ar- 
cheuefquedc  Collôc,lequel  maniant  la  plufpart  des  pé- 
ris &  grands  au  royaume  voulut  tout  chaudement  s'op- 
pofer  à  la  violence ,  fît  affemblerJes  Eftats,&  ordonner 
que  tous  les  Princes,Scigneurs  &  gennls-hommcs,  tant 
Ecclefiartiques  que  fcculicrs ,  fc  rrouueroyent  en  armes 
auec  certain  nombre  de  gens  de  pied  &  de  cheualpour 
acompagner  le  Roy  &  aller  au  dcuant  de  l'ennemi.  Cç 
moine  fut  eltimé  auoirintelligence  auec  pluficurs  Chre- 
ftiens  reniez  de  ra^-mec  des  Turcs  ,  nommémentauec 
quelques  canonnicrs  &  gouuerneurs  de  l'artillerie, Ale- 
hcmans  &  Italiens  por.r  la  plufpart,  &que  ceftc  vaine 
confiance  l'enfioit  ainii. 

5.  Du  commencement  l'armcedu  Roy  eftoitfort  pc^ 
tite  eftant  feulement  compofee  de  quatre  m.illechc-. 
uaux  &  de  fcpt  ou  hui<a  mille  pietcns.Depuis  clic  fe  ré* 
força  quelque  peu  :  tellement  que  le  lour  de  la  bataille, 
reucuëayantelté  fai(î^^tepeu  auparauant,furenttrouuez 
enuiron  vingt-cinq  mil  hommes  de  combat.  Mais  ce 
n'ej^oit  pas  pour  refpopdre  aux  troupes  ennemies. 

4.  Combien  que  Tomory  &fesadherans  fcculTent 
que  le  Turc  auoit  près  de  quatre  vingt  mil  combatans, 
tous  d'eflite,&  plus  de  trois  cens  pièces  de  canon,  neant- 
moins  ils  eftoyeat  fi  enyurez  de  vainc  confiance  ca 
leurs  forces  »maginaires,&parJoyent  fi  audacieufcment 
de  leurs  vaillanrifes  futures  ,  que  nul  n'clioit  eltime  en- 
tre eux  (:Liinefe  cromettoit  ruer  demie  douzaine  de 
Turcs  à  fa  part. 

5.  Maisdeuant  la  bataille  ils  eurent  diuersauât-çou- 
reprsdelcurriiinc  &  confuf^on.  Premièrement  ,  lors 
que  Solyman  entra  dedans  la  Hongrie,  le  royaume  fe 
frouua  dei"nuédegcps,d'argcnt,deconfeil,  &  d'cfperan- 
ce  defecours.  Secondent  nt,  tandis  que  chacun  cou- 
|:oitaux  rçmedcs  diuers,|ioHrUut'r  dcmeu  &  foWac^ 


^3^  Hijloires  admirables 

pouruoir  aux  places  &  garnifons,  les  Turcs  gaignoyci.: 
pays  fans  empc{'cheincnt,&  emportèrent  de  force  Vara- 
dxn  viUe  aiî'ie  fur  IcDanubc.En  troifiefme  licu,lors  qu'il 
fbt  qucft:on  de  leur  aller  au  dcuaiit  es  paflTages  où  l'on 
pouuojclcs  incommoder,ou  arrcllcr  court ,  Von  s'amufa 
à  afTemblcr  les  I:ftats,&  à  diiputcr  de  ce  qui  elloit  à  fai- 
rcEa  ciuatnefmc  lieu  ,  plusieurs  de  la  nobleffc  reculè- 
rent quand  il  faloit  i'auanccr ,  &  fous  couleur  de  leurs 
priuilegcs&  des  couftumes  du  Royaume ,  dirent  qu'ils 
necorabactroyent  poinc,(î  ieRoy(lors  aagé  de  vingt  ans 
leulemencjiie  marciîoit  en  nerfonne.  Finalement  quoy 
qu'ils  fccuA en t  combien  clloit  redoutable  lapuilînncc 
<iercnncmi,  qu'ils  eu  Ifent  moyen  leiour  de  la  bataille 
«le  faire  retraite ,  &  d'entrer  puis  après  en  traité  commo- 
«iepourla  couferuation  du  royaume  ,  Tomory&les 
fiens  perdirent rhonncur,leursvies,le  Roi,fa  noble(fc  & 
la  Hongrie  ,  parla  perte  d'vne bataille  au  milieu  du 
pays. 

Adiou{lons  vnetroifîefme hilloire  de lacques I II I. 

Royd'Efcolfe,  tue  en  bataille  contre  les  Angloisl'aa 

mil  cinq  cens  treize.Sa  ruine  fut  précédée  du  mefpris  de 

tous  les  fagesconfcils  qui  lui  furent  donne?  parlcsplu^ 

j;rands  Seigneurs  de  fon  Royaume,rurtoutpar  Archain- 

baud  Duglas  Comte  d'Aagufe,ron  principal  Confcillcr- 

*&  extraordinaircment  par  vn  vénérable  vieillard  inco- 

nujlequel  fe  trouuant  derrière  fa  chaire  aux  velpres  qu'il 

faifoic  chanter  à  Limnuch  quelques  ioursdcuantlaba- 

taiLlc,rexhorta  de  s'en  dtportcr ,  &lui  perdit  fa  mort  s'il 

y  alloit,  puis  difparut.  2.     Le  deuxiefme  auantcoureur 

fut  qu'il  ne  {:t  eJtat  que  du  cont  cil  de  fa  telle, &  de  quel- 

quci  gens  apoftezpar  LouysXII.Koi  de  France  pour  le 

folliciccr  à  cefte  guerre,atin  de  tirer  Henri  VIII.  Roy 

«l'Angleterre  ;,  qui  pour  lors  taïUoit  delà  befongncaux 

François  ,  lefquels  vouloycnt  fc  mettre;. i  couuerten 

pouifantlT-fcOiTois  en  câpagne.5.  Le  tioifîefme  fut,que 

i-'ias  fe  foucicrde  h  toibleffe.ains  pcfant  que  rien  ne  lui 

cMloit  impoilibie  ,  il  menafoi-mefme  ik  fa  noblefle  à  la 

boucheriu:?  fe  f(.unant  auec  15.  ou  14.  mille  homn\cs  i 

tiauersciiiuroiiciciice  mille  combattaas ,  lc>  chefs  deU 

quels 


d^  mémorables.  6^f- 

<}uel$  lui  vouloyent  mal  de  mort.  Cefte  hiftoire  eft  am- 
plement efcrite  en  nesbeaux  termes  par  BttehMUJioHi^. 
lUitthifi.  d' Efcoffe.  Et  qui  voudra  conférer  enicmblc  les 
trois  fufmentionneesjque  noustouchôsfuccindementa 
verra  beaucoup  de  notables  rapports,  dignes  de  mémoi- 
re à  la  pofterité. 


BLASPHËMATEVRS  funls. 

L'An  mil  cinq  cens  trente-ïïxjcertain  pvefcheur  ayant 
ofé  en  plein  fermon  dire  que  TApoRré  S.  Pauls^e- 
ftoit  abuie  en  quelques  endroits ,  fut  frappé  fur  Theurc 
en  fa chaire;&  mourut  foudainement.  M.  tendre  Honf" 
dorfenfon  théâtre  d^exentples. 

Neuf  ans  auparauant  comme  TAlemagne  fur  affligée 
d'vnc  fueur  peftilentieUc,  qui  emportcir  grand  nombre 
deperfonnes,  vn  prefchcurarrribuoit  la  caufede  touc 
cela,  non  aux  péchez  &  desbauches  des  grands  &  pecis, 
mais  à  ce  qui  n'en  eft  nullement  caufe  :  &  fouftenât  que 
tout  fe  portoit  bien  au  regard  de  la  confcience  &  des  fa- 
çons de  faire  tant  de  lui  que  de  Tes  fembiables,  ordonna 
que  le  îcndemam  on  feroit  vne  grande  folcnnité  ,  pour 
adoucir  la  rigueur  de  la  pefte.  iMais  il  fut  trouué  roide 
mort  en  fonli^ft  ce  lendemain  de  grand  matin ,  tellemét 
que  laYûlemnité  futconucrtic  cnfunerailles.z.^  wt/^'ne. 

Vn  payfan  Aleman  ,  contempteur  de  toute  religion, 
ayant  en  fureur  de  fon  vin  vomi  beaucoup  de  blafphe- 
ities  en  prefence  d'vn  homme  de  bien,  qs^'il  pretcndoic 
derpitercnfe  prenant  à  Dieu,  ne  porta  pas  loin  cefte  2- 
niquité.  Car  le  lendemain  il  fut  trouué  en  vn  camp> 
toutnoir,  &  comme  brullc  par  le  corps  roidcmort.  là 
mejme. 

L'an  1542.  lé  14.  iour  de  luin ,  Bude  ville  de  Hongrie 
fort  rudement  batue  d'vne  tcmpefte  cftrnn^e.  A  quoy 
vnpreftre  voulant  s'oppefer,  fit  couper  latefteàvne 
brebis ,  &  la  fuifant  porter  ainfi  deuantfoi  s'achcmma 
versTEgluc  :  maisvn  tourbiUun  luriiinc  quienleuala 


(?38  Hiftoiresadmirâhtes 

tefte  ne  brebis  &  le  preftre ,  de  telle  forte ,  qu*on  ne  î«i 
vit  depuis.ZfjZ»  Fhtcduu  z.Uu.dci  miracles. 

En  Tan  i557.trois  iours  dcuant  Parc|ues,vn  prefchcur, 
homme  d'aage ,  &  gouttcux,cn  la  ville  de  Forchcni  eu 
AllcmagnCjS  cAans  pris  en  Ta  chaire  à  TApoftrc  S. Paul, 
iufqucs  à  ofer  dire,que  fi  le  dire  de  l'Apodrc  eftoit  veri-- 
table  fur  certain  article  donc  ce  prefcheur  difputoit,  ief 
veux(adioul"ta-!])que  le  diable  m'emporte.  A  l'inftant  la 
voûte  &  les  parois  de  TEglife  où  il  prerchoit  commencè- 
rent à  croufler,  Scfoudain  Te  prefente  vn  grand  homme 
noir  dedans  vn  tourbillon  remplifl'antrEglife,lcquel  en 
prcfcncc  du  peuple  empoigne  leprefcheur,  ScTempor- 
tejfansquc  depuis  on  Tait  vcu.Toft  après  ce  grand  hom- 
me leuicnc&vadroit  au  icuelliiaire,  où  ilyauoit  force 
gens  d'Eglile.Il  s'attache  à  Tvn  d'iccux,  Uquel  defgai- 
nant  vn  poignard  ou  grand  couftcau  ,  pour  le  défendre^ 
fe  blcfîa  loi-mefme  :  &  après  grande  contrafte ,  trouua 
moyen  par  le  fupport  de  Dieu  j  de  fe  tirer  arrière  de  li, 
fuiaid'vnc  foule  de  peuple  merucilleufementerperdu. 
D'auantageàla  mcfme  heure  apparut  vne  armée  au- 
tour delà  ville>comme  prefle  à  entrer  dedansrdonts'en- 
fuiuit  alarme  &  frayeur  inaoyable  en  grands  &  petits, 
qui  ne  fçauoyent  où  courir  Se  fe  iauucr.  Le  iour  de  Paf. 
ue«.le  bruitrecommcnça  de  telle  violence, que  les  prc- 
res  furent  contraints  s'enfuyr  hors  dcTEghre.  lob  Ftacel 


ï 


l 


Vn  autre  prefchcur  ayant  fouhaittc  ,  fi  les  propos  bh{l 
hematoires  qu'il  auançoit  n'elloycnt  veritables,d'eilrG 
budroyé ,  quelques  iours  après  citant  en  l'Eglife  fut  at- 
teint d'vn  efclat  de  foudre  qui  le  rcnucrlii  par  terre.  Re- 
leué  &  conduit  dehors  vcrsfamaifon  ,  il  fut  frappe  d'vn 
autre  coup  qui  lui  oftala  vie.  AL  x^ndrê  HonjiotfenfotÈ 
thcatre  d^exanples. 

Vn  des  principaux  Rabbins  &  Do  fleurs  des  ïuifs  ett 
Allemagne  de  noftre  temps,nomme  Michacl ,  fort  cfti-» 
méde  fesdifcipJes,  ayantconuié  plufieursd'iceuxa  vn 
banquetfolennel  y  defgorgea  force  blafphemes  contre 
nolbe  Seigneur  lefus  Chrill,  Dieu-homme ,  &  la  biea- 
hcureufc  vierge  fa  mcre  :  fe  glorifiant  en  fes  impie tez 

conH 


^  mcmorahles.  6}^ 

tomitlc  ayant  gaignc  quelque  vidoire  fur  le  Dieu  des 
Chreftiens.  Mais  au  fortir  de  table,  voulant  defcendre 
par  certain  efcali-er ,  il  tombe  du  haut  en  bas ,  fe  romps 
le  col,&  meurt  fur  la  place.  Job  Fincel  att  z.  Ut*»  des  mira- 
dps.  Nous  rcfcrucrcns  plufieurs  autres  exemples  àts 
blafphcaiateurs ,  maugrceurs  fcc  inuocateursde  Satan» 
pour  les  volumes  fuiuans,  adiouftans  à  ce  chapitre  en-» 
cores  deux  hiftoives. 

Vn  baltard, homme  inrolent,&  ennemi  de  toute  reli- 
gion,fe  trouuant  en  vn  village  fur  les  frontières  deSuau- 
bc  &  de  SuifTe,  commence  à  dire  dedans  vnc  tauerne  en 
prcfcncc  de  plu/îcurs,qu'il  nefe  foucioitnidclaReligi© 
de  Kome,ni  de  celle  d'Alemagne,  &  vomit  âcs  blafphc- 
mcs  qui  ne  doi  uent  eftre  recite?.,  fe  prenant  à  la  maiellc 
dcDicu.Qu^èlqucspayranscommenccrétà  crier,  difans 
qu'il  faloit  chafTerau  loin  ccpendard  ,  &vouloyentàt 
toute  force  fe  rucrfur  lui.  D'autres  plus  retenus  direm: 
que  c'cfloit  peine  perdue  de  côtefter  a  uec  ce  defefoeré. 
Frcfqucs  tous  fe  leuent  de  table ,  proteftans  ne  vouloir 
plus  auoir  de  communication  aucc  vn  tel  monftre,  indi- 
gne de  viure  fur  terre.  11  auint  iuftement  vn  an  après, 
que  ceprophane  eftant  en  la  niefme  tauerne ,  en  la  me(^ 
me  table  &  place  ,5c  continuant  en  fesblafphcmes,  vn 
bon  payfan  ne  pouuantfupportcr telles  paroles,entreen 
querelle ,  defgamc  Tefpee  ,  &  en  tranfpcrce  le  blafphe- 
mateur,  qui  fur  le  champ  expira  ,  paye  defesimpiecez. 
I./c  Gajl  de  Brtf/tc,  at*  i.'volumc  de  Je  s  propos  de  table. 

L'an  1580.  au  mois  d'Odobie  le  Comte  de  Renne- 
berg  ayant  affiegé  Stenuik  en  Frifc,  furies  Eftats, vnfol- 
dat  Alleman  de  fes  troupes ,  s'cftant  approché  d'vn  des 
boulcuards  commence  à  iniuricr  les  aliicgez,  acompa- 
gnant  fes  outrages  de  blafphemes  horribles  contre  la 
maiefté  de  Dieu.  Vn  de  ceux  qui  cftoit  lors  en  garde^ 
voulanpimpofcr  /îlcnce  à  ce  mcfchant  dclibcra  tirer  vn 
coup  d'harquebufe  à  toutes  auantures ,  la  part  où  il  en- 
tendoitla  voix.  La  balle  fut  fi  bien  adreifce  qu'elle  don- 
na droit  dedans  la  bouche  ouuerre  du  criard,  lui  perça 
îa  langue  &  le  col,  tellement  qu'il  demeura  roidc  mort 
fur  la  place  ,  ix  fut  aiij/î  rcconu  par  les  .-îlfie^cz  ,  cvd 


^40  Hijloires  admirMes 

maugré  IcsafîîCgcans  cnlcucrcnt  le  corpsMe  la  place  ou 
4I  gifoit  morc,&  rapportèrent  dedans  la  ville.  R.Aietenv. 
en  l'hijioirc  des  pays  ba.fyUtt.lQ. 


BLES  SFR  E  k  la  tefte ,  fuime 
d'efir anges  accidens» 

C>0  M  M  n  Nç  A  N'  T  Tan  1^58.  à'pratiqucr  la  Cliirurt'j'  7 
^à  Gaillacpres  Albijlieudcma  naifFance,  entre  nu 
plusfafchcux  commcncemcns  ic  rencontray  vn  noiij 
mé  Anroine  Verdezijdu  mefmelieu  de  Gaillac,  niailltc 
fcrruricr,ayant  pere,merc,  frcrejfœur,  femme  &  cnfansy 
aa«e  de  trente  à  trente-cinç]  ans.  Icelui  s'en  allant  pro- 
mener vn  Dimanche  après  difner  en  vne  iTene  vigne  ,  v 
trouuavn  troupeau  de  moutons  &  de  brebis.  Fafclie  i;u 
dommage  qu'on  lui  faifoit,  voulut  s'eflaycr  debatiic 
celui  qui  les  conduiloir.  Maisà  bon  chacbon  rat ,  carie 
beraerlerciicnchant  lui  donna  tclcoup  debartonc]u*il 
tcnoit  en  main,  au  lieu  de  houlette,  que  de  la  violence 
&  roideur  du  coup  ,  fans  faire  folution  de  continuité  ex- 
.ternclui  enfonça  tout  le  hre^.na  de  la  partie  gauche,  de- 
puis la  future  fatignlc  ,  iufques  a  la  future  lepidoide  ou 
fi^uammeule.DucommcnccmcnLquei'y  fus  appelle, i^'y 
voyant  rien  paroiilre  extérieurement  ,  ie  prellmioi.s  la 
bleflure  moindre  qu'elle  n'eftoir,&  me  doutois  de  quel- 
.que  melchanceré  &.  feiutiie  aublcllc,  pour  auoir la  vi- 
gne de  celui  qui  l'auoit  outrage  l;îqucile  touchoit  àla 
fîene.  Mais  les  accidens  qui  augmentèrent  de  iour  en 
iour,  &  d'heure  à  autre ,  fçauoir  ell ,  grande  iiiquictudc, 
frenefie, perte  de  raifon,deiugcment,  conoiilance,  me- 
raoîre,&  en  fin  de  parole,  m'alieurerêt  bien  toi-l  du  con- 
traire, &  fus  contraint  lui  faire  \nc  grande  incilîon  en 
croix  au  lieu  de  la  blcliure.  L'incifion  faite  ic  trouuay 
au  deflous  vn  grand  fracas  des  os  lufdit.s ,.  &  après  auoir 
leuc  toutes  ces  pièces,  ic  vi  la  dure  mère  ,  bien  defcou- 
uerte,fotc  rouge  &  en£laiijiiîee,toutesrQis  fans  aucune 

folu. 


é^memorcihles.  *^         6^i 

lîïîiJtion  4^  continuité.  le  le  peniay  tout  aîniî  que  l'art  me 
commandoit.  Au  bout  de  quelque  temps  les  accidens 
commencèrent  à  diminuer,  mais  peu  sl  peu,  &  anec  gran- 
de diltance  &  interuale  i'vn  Je  l'autre.La  frenaifie  le  quit- 
ta la  premiere,rans  toutesfoisqu'il  recouurail  ni  lugemér, 
ni  cognoiiîànce,  ni  parolc^car  il  demeura  lii.mois  oc  plus, 
idiotjlàtis  parler  aucunement.  Au  bout  de  z.  ans  il  com- 
mença à  recognoilire  l'on  perejle  médecin  &  moy:Sc  (qui 
efl  choie  bien  eflrange)talutluiaprendreàparler,conime 
on  fait  aux  petits  enfans,le  remettant  à  l'a  b  c  :  puis  il  re- 
commença de  npuueau  i'aprentilîage  de  ion  melher ,  tant 
la  mémoire  des  chofes  pailees  fut  perdue,  anéantie  &  e- 
ftoufFee  en  lui  par  l'accident  de  celle  bleflure.Bien  ertvray 
qu'il  rapprint  pluftoft  à  lire  &  à  exercer  fon  eftat,  que 
n'eul}  fait  vn  autre  tout  nouueau.Sur  la  fiji  de  la  cure,fça- 
chant  que  Monfîeur  Rondelet  eftoit  pre>  d'Albi à  Reflac, 
pour  penfer  le  Seigneur  du  lisij,  ie  l'allay  trouuer  expreP- 
fément  pour  le  prier  de  venir  voir  l'eilrangeté  de  celle 
blc/îure,&  l'cftat  de  ce  /tune  homme  ;  ce  qu'il  m'accorda 
très- volontiers.  L'ayant  veu,il  me  raconta  en  auoir  penfe 
vn  iemblable ,  qui  efloit  pédagogue  des  enfans  de  mon- 
fîeur de  Curfbijdepuis  duc  d'Vzes,Iequel  auoit  efté  bleflé 
tirant  des  armes,  d'vn  coup  d'efpee  rabatue  dedans  Torbi- 
te,penetrant  en  la  fubflance  du  cerueau.On  fut  contraint 
de  le  remettre  à  l'a  b  c  ,  comme  l'on  fait  les  petis  enfans, 
&  n'eut  lamais  depuis  l'efprit  lî  bon,ni  la  mémoire  lî  heu- 
reulè  qu'il  auoit  eue  auparauant.  M.Barthdemt  Cabrohen 
fes  ooferuations  anatomi^uesyobfe.zj, 

B  L  ES  s  FR  Eperilleufe  a  U  langue  ^dextrc- 
mentguerïe, 

LA  langue  eft  aucunesfois  blefifee  auec  perdition  de 
fubrtance,  &  quelquesfois  incilèe  &  fendue  en 
long,  &autresfoisen  trauers.  S'il  y  a  perdition  defub- 
ftancejiamaislapieccnepeut  élire  reprife:  pource  que 
toute  partie  feparee  du  corps  viuant ,  auec  qui  elle  eftoïc  ' 

Sf 


(^4  ^  HiHoires  admirables 

coniointepar  vie  3  perd  lavie  en  rwtlineinftanr.  Mais  iî 
elle  n'eflqu'incilbe  en  long  j  facilement  eltgucrie  en  Ja' 
réunifiant  auec  coulhire.  Et  fi  elle  elt  inciièe  en  trauers3& 
c^u'il  y  ait  encore  quelque  portion  de  la  chair  pour  bailler 
vie ,  il  fe  faut  bien  garder  la  paracheuer  de  couper  3  pour 
l'excellence  de  fbn  vfage  :  mais  conuientia  recoudre  en 
failànt  lespoinéls  d'elguille  deflus  &  deflbus  :  &  faut  la 
tenir  fermement ,  pendant  qu'on  la  coud  3  auec  vn  linge 
blanc  ,net&  dcflic,  pource  qu'elle  gliflei oit  d'entre  les 
doigtSj  à  caule  de  fa  lubricité  3  ainfi  que  fait  vne  aiguille. 
Faut  couper  le  fil  plus  près  du  noeud  qu'il  fera  pofllble, 
depeurqu'iceluy  n'entre  es  dents  j  lors  que  la  langue  fe 
meut  en  la  bouche,  qui  pourroit  eftre  caulè  de  la  defchi- 
rure  des  poinds.  Le  blefit  doit  viure  d'orge  mondé ,  laid 
d'amendesjgeleejcoulisjpreflisjoeufs  molets,  &  nourritu- 
turefemblable.  Qu'il  tienne  fouuentenfa  bouche  lucre 
rofàtjfiropdecoins^de  cerifes, ius  defeiilès  confites, ou 
autres  telles  confitures  5  pource  que  ces  choies  nourriP- 
fènt  &  feruent  de  medicamens  aglutinatifs.  Vn  ionr  i€  fus 
appelle  en  la  maiibn  de  feu  Monfieur  Couct  Aduocat  en 
Parlement ,  pour  penfer  vn  fien  fils  aagé  de  trois  ans  ^  le- 
quel tombant  donna  du  menton  fur  vne  pierre ,  &  de  kt 
dents  fe  coupa  bonne  portion  du  bout  delà  langue,  qui 
ne  tenoit  qu'à  bien  peu  de  chair.  Ayant  peu  d'cfperance 
qu'elle  peuft  fe  revnir ,  ie  cuidai  paracheuer  de  la  lui  cou- 
per,toutesfois  auec  très-grand  regret ,  veu  que  puis  après 
l'enfant  n'euft  peu  parler.  Cela  me  fit  différer^  conoiflàn^ 
que  quelquefois  Nature  fait  à&s  choies  admirables, &  que  . 
la  langue  eltd'vne  chair  fongueuie,  laxe  &  jpongieuièi 
îoinc^  qu'elle  n'eft  iiibieâe  3iU\  iniures  extérieures  de. 
l'air.Adonc  ie  lui  fis  àcuy.  poinch  d'e/guille,  l'vn  deflus  & 
l'autre  deflt>u s  ,  commandant  a  la  niere  qu'elle  euft  à  le 
nourrir  des  alimens  prédits.  En  peu  de  lours  l'enfant  fut 
parfaitement  guéri, &  a  très-bien  parlé  depuis.  Cas  iém- 
biable  aduint  peu  de  temps  après  au  fils  de  Monfieur  Ma* 
ripny  Prefident  aux  Enqueftes ,  qui  fut  femblablement 
gueri:  comme  auffi  à  lean  Piet  charpentier ,  qui  auffi  a  c- 


é*  mémorables.  64) 

CHARITE    maternelle. 

IL  y  à*quelc]ues  années  qu'vn  grand  Jyon  nourri  en  la  vil- 
ie  de  Fiorencejfit  tant  qu'il  rompit  ies  barrières  &  clo- 
Itures  de  fa  prifon^puis  commence  à  courir  par  la  ville  a- 
Lecrugiflemens»  horribles,  donnant  vn  terrible  alarme  i 
grands  &  petis^chacun  fe  iauuant  de  viftefle  6i  d'heure  ar-^ 
nere  du  danger.  Il  trouuadauanture  en  chemin  certain 
ieune  enfant  fils  vnique  d'vne  femme  vefuejlequel  n'ayant 
jpeu  gaignerafl'eztoft  retraite  dcmeuro't  derrière  les  au- 
tres:il  Tabbat  de  fâ  patte  5  puis  l'empoigne  comme  pour  le 
defchirer  &  deuorer.La  pauure  mère  voyant  ce  /pcctacle> 
emportée  de  charité  maternelle,ic>rt  en  ruc^  &  fondant  en 
larmes  court  droit  au  lyon  empoigne  Ibn  enfantée  lui  ar- 
rachejpuis  l'embraflant  le  porte  fain  &  iàuf  en  fa  mailbn; 
'Extrak  dtt  chap.  î$.  dm.  -volume  des  méditations  hijloriqttei  dt 
fnoiijieur  Camerarim. 

En  l'année  prefente  i5oj.  au  mois  de  îuin,  dame  Myc 
Chotagne  femme  de  Girard  Troiliet  de  Rolle  3  bourgade 
ious  la  condition  des  illuftres  Seigneurs  de  Berne^au  pays 
de  Vaut  3  voyant  vnefîenne  fille  bien  aimée  griefuemetlt 
malade^iii  en  qui  Ton  n'attendoit  pliis  de  vie  >  toute  deCo" 
lee  de  ibn  affljction/e  retire  à  part  en  vn  coin  de  la  cham- 
bre,&  commence  auec  l'armes  &  foufpirs  ardans^profter- 
née  à  genoux^de  fupplier  Dieu  trePinftamment ,  qu*il  lui 
pleuft  faire  efchange,  &  la  tirer  hors  du  monde  elle  mère 
qui  y  auoit  allez  vefcUjredonnant  la  vie  à  la  chère  fîlleaafiii 
de  l'y  feruir.Dieu  appointa  fur  l'heure  fa  requeftc.  Car  fa 
fille  foudain  commença  à  reprendre  fès  eiprits  &  Tes  lèns: 
Elle  à  l'oppofite  fe  met  au  lid  ,  &  en  peu  de  temps  rend 
l'anieà  Dieu ,  fort  contente  de  la  grâce  qu'il  lui  auoit  fai- 
dc:&:  fa  fille  lui  fait  honneur  à  fbn  enterrement ,  ellant  en 
bonne  fanté.Nous  aUons  cefte  hifloir^par /<?  rapport  du  fils 
d'kelle  dameiltqud  lui  entendit  faire  icelle  priere^a  veu  la 
maladie,&  affilié  au  trefpas  de  fa  mere^  &  contemplé  l'ad- 
mirable conualefccnce  delaiœur» 

Sf  4 


44  Hljloires  admirables 


COMBAT  fjardiyé'  nonfanglant. 

ENere  plufieurs  notables  fpedades  à  l'entrée  du  Roy 
Henri  Il.à  Lyon  l'an  ;54â.en  S«;ptembre,celui  qui  s'en- 
fuit lemble  remarquable.  Douze  gladiateurs  ou  côbattans 
defarmez^fix  vertus  de  latin  blanc jfix  de  latin  cramoifij  en 
.quatre  rangs ,  de  trois  à  trois  3  s'eftans  prelentez  deuant  le 
Ro/j  commencèrent  vn  combat  à  l'antique  ,  non  quant 
aux  armes  y  mais  quant  à  Tordre  de  fe  fjauoir  fecourir ,  & 
entrer  de  rang  les  vnfs  dedans  les  autres  ,  lans  fè  rompre. 
Ils  combattirent  premièrement  auec  armes  difFerentes^à 
fçauoir  vne  zagaye  ou  demi-pique  contre  vne  elpee  à 
dQUx  mains.     Et  combien  que  ce  fufl'ent  armes  longues 
qui  requièrent  lieu  fpacieux  pour  s'en  aider',  fi  e^oyent 
ceux  qui  s'en  efcrimoyent  au  milieu  de  leur  rang ,  &  en 
rue  non  gueres  ouuerte.    hts  autres  combattoyent  de 
deux  elpees  contre  vne  efpee  &  vn  pauois  long  d'vne 
braflfee  &  d'vn  pied  de  largeur,ployant  en  rond:  \cs  autres 
de  l'efpee  &  poignard  Boulognois  contre  efpee  &  bou- 
clier Barcclonois.    Ainû  ordonnez  >  le  fécond  rang  /è 
tourna  contre  le  tiers  ,  &  après  s'eftre   entreregardez, 
comme  par  dcsfi  ,    commencèrent  à  s'entrccourir  fus  de 
grande  roideur  auec  let  armes  traiichantes,6c  non  feintes, 
de  forte  qu'après  s'ertre  longuement  entrechamaillezj 
\ts  féconds  rembarrèrent  leurs   contraires  iufques  aux 
quatriefmes  ,    lefquels  voyans  leurs  compagnons  hors 
dhaleine entrèrent  dedans  eux  ,    & repouflèrent  virile- 
ment hs  féconds  ia  laiîèz  &  trauaillez  3  qui  fe  défendirent 
loutesfois  Scfouflindrentcourageufement  iufques  a  leurs 
compagnons    qui  faifoyent  le  premier  rang  ,   lequel 
pareillement  entra  au  fecours  par  dedans  eux  ,  &  tan- 
dis que  les  deux  rangs  qui  premiers  auoyent  combatii 
ieprcnoyent  air  y    fe  vint ioindre à  leurs  ennemis.    En 
ccfterufe  d'ordre  le  premier  &  dernier  rang  fetrouue- 
çnt  ::;u  milieL,combatans  de  telle  furie,qu*il  n'y  eut  fi  foi^ 
ezagayfequine  fuft  çoupecen  deux  en  trois  tronjonsj; 
a  plus-parc  ^e  leurs  çî'^q^s  ,  tant  à  dçu.x  mains  que  autres 


^  mémorables,  ^45 

f  quelciues  vieilles  6i  bonnes  lames  que  ce  fuflent  )  eftans 
volées  en  pièces  :  ce  qui  efpoui>enta.de  prime  face  les;  re- 
gardans,qui  ignoroyent  ceile  adrefle  :  tellement  que  de 
plufîeurs  lieux  on  crioit  qu'on  les  lecouruftj  ou  qu'on  Its 
departift.Sur  ce  IVn  des  premiers  rangs  laflez  ayant  prins 
air  frais^entra  dedans  le  rang  de  Tes  compagnxDns ,  &  ainfî 
en  front  de  fix  fe  ruerét  tous  enicmble  fur  vn  râg  de  trois^' 
qui  tint  bon  afl'ez  longtemps.,  (combatans  deux  contre 
vnjiulques  à  ce  qu'eftant  trop  preflë  de  fi  lourde  charge^ 
fut  contraint  de  fe  retirer^fouftenant  toutesfois  virileniét, 
iulques  aux  derniers  j  Itlquels  peur  leur  fecours  fc  range* 
rent  parmi  eux  de  ii  grande  adrefl'ejqu'ils  fe  trouuerent  fix 
contre  fix.  Lors  ils  le  rencontrèrent  auec  armes  pareilles, 
zagaye  contre  zagaye,  elpeeà  deux  mains  contre  eipeeâ 
à^nx  mainsjdcux  elpees  contre  deux  efpees  ,  &  ainfi  àt^ 
autres. Là  s'artaqneretit  ils  brulquenaent  &  de  telle  impe- 
tuofité.  qu'en  fin  les  vns  enfoncèrent  les  autres.Puis  firent 
vne  recharge  vchemente  ^  tant  les  rompus  que  les  autres, 
tournant  chacun  vifagejfans  fortir  derang:  tellement  que 
Jes  premiers  rompus  enfoncèrent  aufli  les  autresjauec  au- 
tant d'adre/îe  &  d'alegrefl'e  fur  la  fin  ,  qu'ils  auoyent  au 
commencement  donné  d'efFroy  &  de  crainte  aux  fpefta- 
teurs.Ce  pafietemps  donna  tant  de  plaifir  &  de  contente- 
ment au  Roy^à  cau/ê  de  la  nouuelle  façon  de  combattrcafi 
dangereure3&  làns  danger  toutesfois  (par  Tadrcife  Aqs  ef- 
crimeurs)qu'il  voulut  encore  le  reuoir  Cix  iours  après  fba 
arriuee.Le  plafir  de  ce  combat  dura  plus  de  demie  heure, 
ôceuftrecommencéjfi  leurs  armes  ne  fuïïènt  iî  tofl faillies, 
au  bon  vouloir  qu'ils  auoyent  de  mieux  faire  ,  quelques 
pleins  defueur&  hors  d'haîaine  qu'ils  fufient.P^r^c/m  ai*  5. 
liure  des  mémoires  de  Lyon.chapitre  ij. 


COMBATS   fur  mer. 

AV  mois  d'Aouft  de  l'an  I554.  y  eut  furieufe  rencon- 
tre fur  mer  entre  Jes  Holandois  ,  Zeelandois  ,  Se 
François  ,  non  que  ce  fuflent  tous  vaifleaux  de  guerre: 
miis  nau  es  Hollandoifes  marchandes ,  contre  les  naoi- 

Sf  3 


6^6  Hijloires  admirables 

îiauire^J  guerrières  Franyoifcs  ,    en  lamasiiere  qjî  s'en- 
fuit ,  Vingt-deux  hurques  de  Hollande,  Zseljnde^Vveft-i 
frile,chargeeç  de  vinsjhuiles,  lucres,  rigues,  railins  &  au- 
tres marchandilès  ,  retournoyeiTtd'Eip;îgne  es  paysbas. 
Les  François  aduertis  de  cela  équipèrent  dix-ncuf  naui- 
resj&  fîx  carauellcsjbien  munies  d'artillerie,  de  bons  lol- 
<îatS5deniatelots,  &  detout  ce  quieftoit  requis  à  leur  in- 
tention ,  &  vont  attaquer  \qs  hurques  fur  la  cofte  d'An- 
gleterre es  enuirons  de  Douure.    Mais  à  bien  aâàilli  bien 
defFendu.    hcs  François  ,  prefques  tous  hommes  de  com- 
bat,ne  demandoyent  qu'à  venir  aux  mains, &  s'accrocher, 
pour  euiter  le  tonnerre  du  canon  Aqs  Hollandois  &  de 
leurs  compagnons,  fort  adroits  à  faire  iouër  leurs  pièces, 
fans  tirer  à  faute.     Mais  les  François  n'auancerent  gue-p 
res  par  tel  moyen  :  car  quinze  de  leurs  nauires  ayans  H-^ 
iialement  accroche  quinze  heurques  ,  fous  efperance  de 
Jes  forcer  ,    les  lèpt  autres  hurques  qui  auoyent  prins  le 
Jarge  tiroyentpar  derrière  ,  &  donnoyent  furieulement 
àtrauers  les  nauiresFrançoifes.     Làdoncques  y  eut  m 
effroyable  &  terrible  combat  :  car    les   Hollandois  & 
leurs  compagnons  ,  quoy  qu'infeneurs  en  nombre,pour 
auoirleîirsvaiflcajx  plus  capables  ,  plus  haut  eHeucz  & 
les  canons  mieux  afFuftez  auec  l'adrefl'e  de  s'aider  mieux 
de  leurs  armes  en  tels  combats  que  les  François,  tenoyent 
f;rme   ,   fans  que  leurs  ennemis  peuflentauoir  aduanta- 
ge  durant  le  combat  ,   depuis  neuf-heures  du  matin  luA 
ques  à  trois  heures  après  midi.     Les  François  las  &  re- 
creus  demandèrent  trefues  ,  mais  le  bruit  ,  les  cris  ,  Ja 
tempeftedu  canon  &  de  la  fcoppetteric  fut  caufe  qu'ils  ne 
furent  nullement   entendus.     Pourtant  ils  s'aduiferent 
d'vn  autre  expédient,  eftimans  que  les  Hollandois  les  \zÇ- 
cheroyent  ,  de  mettre  le  kix  dedans  leurs  voiles  propres. 
Ce  qui  fucceda  tout  au  rebours  :  car  comme  ces  nauires 
ainfî  attachées  l'vneî  l'autre  ne  peurent  fî  toft  fe  defcro- 
cher,&quele  vent  chiflbit  le  feu  de  plus  en  plus  des  voiles 
aux  nauircs,aduintqueplulîcur>  vaifleaux  de  part  &  d'au- 
tre furen:  cmbraiez  5  àraifon  dequoy  force  leur  iutàc 
«quitter  le  combat  pour  i^dLfi^er  à  «Peindre  le  feu.     ^fais 

comme 


(^memoYAhles*  ^47 

^omme  aucuns  fufl'ent  tellement  embrafez,  qu'il  n'y  a- 
uoit  moyen  de  les  fecourir,  Jes  François  plus  preHez 
beaucoup  que  les  autresjpour  cuiter  le  feu  fe  letterent  en 
mer ,  &  ians  Te  foucier  fi  les  vaifleaux  où  ils  fe  rendoyent 
cftoyent  amis  ou  ennemis  ne  cerchoyentqu'à  fauuer  leurs 
yit^.  Ce  qui  leur  donna  victoire  contre  toute  efperance; 
car  il  s'en  fauua  tant  dedans  les  hucquev  Hoîlandoifes, 
auant  qu  on  peuft  %t\\  apperceuoirjqu'en  fii  fe  voyans  en 
plus  grand  nombre  dedans  les  bords  ,  ils  s\\\  rendirent 
inaiftres.  En  ccrte  furieufe  mefleede  fix  grofles  heures, 
y  eut  fix  nauiresFrançoifes  confumees  par  le  feu  j  &  v- 
ne  mife  à  fond  des  Hollandoifes  &  autres,(îxbrunees3& 
cinq  prinfès  auec  beaucoup  de  prifonniers.  Il  y  mourut 
plus  de  mille  François  j,  &  àts  autres  enuiron  trois  cens. 
\ej.n  le  Vêtit  en  fes  grandes  i^intalcs  de  Hollande  j  ^c.  li^ 
ure  8. 

La  gijerre  eftant  efmeuë  entre  îesRoisdeDanemarc 
&  de  Suéde  3  auint  en  l'an  i6u  ce  qui  s'enfuit.  Tout 
riiiuer  précédant,  quelques  nauires  de  Danemarc  & 
de  Lubec  n'auoyent  bougé  d'auprès  dii  haurc  de  Sunde 
en  lam.^r  B.ilthique,  pour  empefcher  que  les  vaifieaux 
de  S'Jede  n'y  fiflènt  prouifion  (à  leur  acouftumec  )  de 
falpeftres;,  poudres,  boulets,  &  autres  munitions  de 
guerre.  Mais  le  12.de  Miy  15^).  des  le  poind  du  iou  r  la 
tîotte  de  S  Jede  ,  compofee  de  quarante-huid  nauires  ,  a- 
parut  à  l'improuifte,  qui  donna  la  chafîe  aux  autres  :  tel- 
lement q'ie  la  mer  ouuerte  par  tel  moyen,  enuiron  fbi- 
xante  nauires  chargées  de  toutes  fortes  de  munitions 
fe  remirent  à  la  voile,  &  le  premier  de  luin  approchè- 
rent du  port  de  Lubcc  ,  où  o'ayans  rien  fait  montèrent 
vers  Coppenhaucn  en  Danemarc  ,  &y  mouillèrent  les 
anchresjfans  aucun  deftourbicr,pource  que  les  nauires  de 
guerre  de  Danemarc  n'eftoyenr  pas  p-elics.  Sur  I.1  fin  de 
ïuin  la  flotte  de  Dinemarc  &  Lubec  réduite  enfemble, 
comme  on  fe  preparoit  au  combat ,  le  feu  fc  print  à  l'AJ- 
niiraîe  de  Lubec  ,&  la  brufii  toute.  Le  fixiefmc  &fep- 
tiefoie  de  lueillet  fè  donna  la  bataille  fiir  mer.  L'Admiraîc 
de  Danemarc, portant  onze  cqws  hommes  de  combat,s'e- 
ftaiît  defFendue    courageulènicnt   dwux    iours  entiers 

Sf  4 


^^48  Hisîoires  admirAhles 

contrerefFoir  de  (îx  nauiits  de  Suéde  ,  finalement  fut 
piinfe  des  Suèdes  auec  l'Admirai  Othon  Rud,  &  vingt- 
îîx  ioJdats  entiersjtous  les  autres  ayans  elle  tuez  ou  eftro- 
piez.  La  nounellc  Admirale  deLubeceut  toufiours  au-» 
tour  d'elle  cinq  nauires  de  Suéde  ,  maugré  Tcftorc  def- 
cjuellesj  &  quoy  qu'elle  euft  perdu  grand  nombre  d'hom- 
mes, &  le  virt  pleine  de  trois  cens  bleflez,  neantmoins  a- 
près  le  combat  d  vn  iour  entier  j  fe  maintint  &  efchappa,- 
Cinq  nauircs  de  Suéde  ,  furnommez  Hedor  j  le  Lyon,  le 
Grifon^IeCignedeFinnonie,  &  Hercules  périrent.  VnC' 
autre  ,  appellce  faind  George ,  fut  prinfe  par  \es  Danois, 
Cenonobftant  les  Suèdes  demeurèrent  nuiftres  delà  mer 
tout  l'automne  &  l'hiuerfuiuant.  En  Octobre  delame(^ 
me  année  ils  fc  battirent  contre  vn  des  Lieutenans  du  roy 
de  Dannemarcqui  les  de^fic,  mais  après  auoir  perdu  cin- 
quante gentils-hommes.  Dumd Chytrxm  ahil.Uure de  ft 
chronique  de  Saxe. 

le  reprefenteray  quelques  combats  fur  mer  des  Zeelan-t 
dois  &Hollandois  contre  lesEfpagnols  a  caufe  deplu- 
fîeurs  circonftances  mémorables ,  referuant  les  autres 
braues  exploits  de  guerre  es  volumes  fuiuans.  Le  22. iour 
deMjy  iç57.  feptnauires  deFlefl'inghearmcesà  la  guer- 
re, allèrent  au  fecours  du  capitaine  Vvorft,  contre 
quelques  Ef ^agnols  .S(:  nauires  de  Middelbourg.  Eftans 
la  nuidfuiuantc  ioindsâ  Vvorfl  ,  ils  combattirent  fort 
furieurementce":  vaiHeauxde  Middelbourg.  En  ce  com- 
bat Bjftian  de  Langhc  Admirai  de  la  Vere ,  ayant  a  faire 
feul  contre  q"atreviifleaux  ennemis  efchoua  auec  (a  na- 
uire.  où  lesEfprignols  l'abordèrent  &  le  gaignerent.  Va 
defèsgens  voyant  qu'ils  eftoyenttcus  perdus  ,  mit  le 
feu  aux  poudre;  :  ce  qui  les  fit  tous  (  tant  Zeelan- 
dois,  qu'E^agnols)  voler  en  l'air ,  Se  rendit  cefte  vi- 
âcire  E.pagnole  funefte  &  miferable.  Hifloire  des  pays  b<tt 
hure  2. 

Au  commencement  de  Mars  1^7-.  les  nauires  de 
Ziriczec  &  de  la  Vere,  iointe';  à  celles  de  Flefringhe,etT 
K>utau  nombre  deccnt,equippeesau  combat, firent  voi- 
le enuiron  le  8. du  mois,  &prindrent  la  route  d'Anuersen 
intention  de  combattre  la  flotte  qui  y  eftoit  preparfç 

pour  le 


dr  mémorables.  ^49 

pour  le  rauiôuaillement  de  Middelbourg ,  au  nombre 
<ie  cinquante  nauires  3  à  f^auoir  quarante  trois  de  guer- 
res &  kpt  chargées  de  viures  &  munitions.  Leving- 
tieiine  du  mois  Jes-  nauircs  Elpagnoîesayans  paiîélede- 
ftroicqueles  FlclTinghois  auoyent  penfé  boucher  auec 
des  bafteaux  chargez  de  pierresjquelques  canonnades  ki- 
rent  tirées  de  part  &  d'autre.  Le  lendenjain  s'attaqua  vne 
forieufè  elcdnnouchcjparce  que  l'Admiraie  de  Fleflînghe 
Cichoueelurie  iàble  ,  par  la  faute  du  pilote ,  fut  aflàillie 
lie  dix  nauires  Elpagnoles.  Mais  ce  pilote ,  fecouru  à 
temp':,  nommément  par  le  capitaine  Vvorft  ,  fe  dépen- 
dit fi  vaillamment  que  les  ennemis  furenr  contraints  le 
retirer ,  non  fans  perte  de  leurs  gens.  Deux  iours  a- 
pres  les  Efpagnols  ayans  vent  à  fouhait^firent  leurs  eftorts 
de  pafTer,  &  là  y  eut  vn  combat  fort  cruel ,  Si.  nombre  in- 
fini de  canonnades  tirées  de  part  &  d'autre.  Mais  ks 
Eipagnols  voyanslesZeelandois  du  toutrefolusde  s'ac- 
crocher au  combat ,  fe  retirèrent  au  lieu  d'où  ils  eftoyent 
partis  le  matin.  En  ce  combat  la  Vice-Admirale  E.'pa- 
gnole  3  s'eftant  plus  aduancee  que  les  autres,  fut  tant  bat- 
rue,  &y  euttantd'hommes  tuez,  que  le  fangen  ruifle-^ 
loit  de  tous  coftez.  Le  fieur  d'Ariette  3  Bilcain,  colonnel 
d'vn  régiment  de  Vvallons,  le  /èrgent  ma'or  de  l'armée 
Efpagnole  (  tant  outrecuidëquepeu  auparauant  il  s'e- 
ftoit  nommé  publiquement  en  Anuers,  El  caJU^ador  de 
los  'veillacos  Flamirtges  )  &  le  chef  de  cefte  Vice-Admirale 
y  furent  tous  trois  tuez  ,  auec  quatre  ou  cinq  cens  ibl- 
dats  &:  matelots.  Les  Zeelandois  y  perdirent  le  capi- 
taine Cloot  Flameua  &  cinq  ou  fix  tant  foldats  que  mari- 
niers,LesEfpagnols  perdirent  en  ce  combat  tant  de  gcns^ 
&  leurs  plus  grands  vaifleaux  qui  faifoyent  la  pointe  fu- 
rent tant  endommagez,  que  force  leur  fut  de  retourner 
en  Anuers  pour  les  radouber  &  prendre  nouuelles  for- 
ces .  Y  eftans  arriuez,  ils  defchargerent  tant  de bleflez  & 
de  malades  que  les  hoipitaux  en  furent  pleins.fu  ce  imfne 
7,»liHre. 

Le24.  iour  d'Auril  1Ç74.  des  les  quatre  heures  du  ma- 
tin Ton  defcouurift  de  dt(^us  le  rempart  de  Fleflinghe 
la  flotte  d'Anuers  ;  pftparce  pour  le  rauiduaillement  de 


^5^  Hijloires  aJmirahUs 

Middelbourg,  laquelle  fut  aufli  loll^HailIie  par  les  naui- 
rcs  ZeelanJoifes,  aflemblees  pour  ia  combattre.  Mais 
e'Ie  le  tint  fi  bien  lènee,  &  marcha  en  tel  ordre  ,  que  lai(^ 
fans  les  Z-'claniols  efcartei  ,  &  defl'ous  le  vent,  elle  alla 
fe  mertre  i  rancluc  (attendant  le  retour  de  la  marée)  en- 
tre FJeflfîngne  &  Rimeken  ,  fans  auoir  receu  aucune  per- 
te: cequiellonna  les  habitans  de  Fleffitighe,  qui  elh- 
moyent  que  la  flotte  Elpagnolc  ne  pourroit  refiiterà  la 
Zeelandoifc.  Ellans  à  Tanchre  ,  &  le  vent  donnant  du  co- 
^é  du  Nord,  qui  leur  eftoit  du  tout  contraire  ,  auant  que 
iamareecommen^-.iftà  retourner,  les  Espagnols  furent 
afiaillispar  les  petites  nauires  Z:elanioiics ,  au  Tecours 
de/quelles  iuruindrent  quelques  grandes  ,  qui  les  canon- 
nerent  de  telle  forte,  que  finalement  cinq  grands  vaif- 
féaux  des  Efpagnols  furent  prins&  menez  à  Fleffinghe. 
Vue  autre  s'eftant  ietté  fur  le  iâble  fut  abandonné ,  quoy 
■que  chargé  de  bleds  ,  que  lespauuresgens  deFlefifinghe 
allèrent  quérir.  Ce  qui  donna  commencement  au  fiicces 
heureux  pour  It'i  Zeelandois ,  fut  la  hardiefie  d'vn  de 
Jeurs  matelots,  lequel  entreprint  d'aller  couper  Iç  cable 
dVne  nauire  Eipagno'e  nommée  l'Eléphant,  où  com- 
mandoit  le  fieur  de  Blicquy  auec  autres  gentils^hom- 
ines:  ce  qu'ayant  bien  exécuté, celle  nauire  le  vint  mettre 
entre  les  Zeelandois,  où  elle  fut  afi'aillie  ,  &  après  grande 
refillance  prife  &  cmtn^nee.  Outre  ces  cinq  grand^  vaif- 
féaux  les  Elpagnois  en  perdirent  encore  deux  autres,  a- 
iiec  tout  l'attirail  des  fept ,  i  fjauoir  force  viurcs  &  ar-» 
tillerie  eng'-and  nombre.  Le  grand  vaiiTeau  chargi  de 
bleds  fut  bruilé  ,  &  l'autre  fè  perdit  fur  le  fable  auprès  de 
Ramelcen.  D'j  cofté  des  Efpagnols  furent  tuez  Blicquy, 
quelques  capitaines  &  gentils-hommes  ,  &  enuiron 
neuf  cens  loldats  ,  que  noyez,  que  mis  au  fil  ^tV^C- 
pee  :  &  y  eut  peu  de  prifonniers.  Le  nombre  des  morts 
futfceuparla  reueuë  que  les  Efpagnols  firent,  fi  toft 
qu'ils  eurent  pris  terre  en  Tlfie  de  V  valcheren.c/i»  mcfme 

Le  17.  iour  de  May  en  la  mefine  année  I57^  I2  flotte 
Efpagnole  hauffant  les  voiles  s'auança  iufques  au  bout 
du  tohle  qui  cft  le  long  de  U  di^ue  de  Rajncken,    Et 

d'au?- 


1 


dr  mémorables,  6^i 

d'autant  que  les  nauires  de  Fkfîinghe  eftoyent  au  guet, 
pour  conibatre  ^  les  Eipagnols  auoyent  enuoyégens  le 
îoing  de  la  dique  pour  fe  làiiîr  de  la  telte  d'icelleA  Ja  mu- 
nir d'artillerie  :  ce  qu'cftant  fait  commencèrent  à  tirer  fur 
les  Fleflinghois  ,  de  telle  furie  qu'ils  furent  contraints  a- 
bandonner  ce  lieu  à  leurs  ennemis^qui  y  vindrentmouil- 
IcrTanchre  j  iufques  à  ce  que  le  vent  fuft  propre  pour  a- 
cheuer  leur  voyage.  Mais  ce  iour  mefme  les  petites  na- 
uires de  Fieffinghe  ,  coftoyans  \es  B/pagnolsau  de/lus 
du  vent^attaquerent  refcarmouche  à  grands  coups  de  ca- 
non^cinq  ou  iix  heures  durant:de  Ibrte  que  plufîeurs  vaif^ 
féaux  E/pagnols  en  furent  percez  Ôc  brife/ en  maints  en- 
droitS5&  perdirent  vn  bafteau  chargé  de  lèl.  Leur  grande 
nauirejnommee  la  pucelle  d'Anuers-eut  fôn  maiilre  maft 
fracafle  :  en  icelle  aufTi  furent  tuez  par  le  canon  ,  force  fol- 
datsjmatelotsjiutres  hommesjauec  des  femmes  &  enfans, 
qu'ils  auoyent  acueillis  à  Middeloourg  pour  les  mener  en 
Anuers,  Outre-plus  le  feu  s'eltant  mis  aux  poudres  en 
confuma  plusieurs  :  &  eutt  cefte  nauire  elle  bru/]ee> 
hns  quelques  pièces  d'artillerie  que  les  Eipagnols  firent 
mener  fur  la  digue  j  à  Tendroit  du  lieu  où  cette  nauire  s'e- 
ftoit  efchouee  :  ce  qui  contraignit  les  Fleflinghois  de  fè 
retirer.  Le  lendemain  \ts  Eipagnols  voyans  leurs  naui- 
res fort  endommagées  ,  U  plufieurs  de  leurs  gens  blefiez, 
fe  retirèrent  d'où  ils  eftoyent  venus ,  à  fçauoir  fous  &  à  la 
faueur  du  challeau  de  Rameken:  &  les  Zeelandois  au  lieu 
mefme  où  leurs  ennemis  auoyent  efté  attaquez  :  parce 
qu'ils  auoyent  quitté  cefte  telle  j  &  retiré  leur  artillerie. 
x^H  mefme  Hure. 

Le  lendemain,  autres  vaifl'eauxEfpagnols  en  nombre 
de  fbixante  &  trois  ,  eftans  fur  la  mer  de  Hii  leni  en  Hol- 
lande,chargerent  impetuefement  ceux  du  Prince  d'Oran- 
gCjles  efcarterent  ,  desfirent,  &  en  prindrtnt  vingt-vn: 
pour  laquelle  vidtoire  les  Eipagnols  firent  feu  de  loye.  La 
mefme. 

Le  fixiefme  iour  de  Tuin  enfuiuant,  la  flotte  d'Anu^rs 
fe  mit  à  la  voile  enuiron  midi  y  quoy  qu'elle  euft  en  tefte 
Its  grandes  nauires  Zeelandoilès ,&  \cs  petites  a  la  queue. 
A   h  première  rencontre   de  ces  deux   armées   iV- 


6^z  H'tjloires  admirables 

tillerie  donna  de  relie  loi  te  départ  &  d'autre  que  la  mer 
paroiifoittout  en  feu  ,  comme  s'il  y  euft  eu  cent  tonner- 
ies&  efclairs  redoublez.  L'Admirale  Zeelandoife  nom- 
mée Je  Lyon  5  fe  trouua  embaraflee  (iàns  eftrefecondee) 
au  milieu  de  la  flotte  E/pagiiole  :  carJereftede  leur  ar- 
mée s'eitojt  mis  au  deflus  du  vent.  Et  toutesfois  l'Eipa- 
gnol  n'ayant  autre  but  que  de  pafTer  &  parfaire  Ton  vo- 
yage ,  ne  fît  oncques  femblant  de  la  vouloir  attaquer. 
Comme  ellepenlbit  le  retirer  du  collé  des  fiens  ,  &  tous 
enièmble  pourluiuie  les  ennemis  ,  elle  vint  s'acrocher 
à  vne grande  naue  de  Bilcaye  ,  laquelle  pour  auoir  efté 
mal  abordée,  au  refte  munie  de  force  fbldats  ^  fît  longue 
refiihnce.  Mais  elle  fiit  finalement  gaignee.  Les  autres 
vaiflèauxZeelandois  fuiuoyent  cependant  les  Espagnols, 
qu'ils  canonnerent  toute  la  nuiôt.  La  naue  deBifcaye 
fut  amenée  à  Flefllnghe  auec  vne  hurque  &  quatre  pe- 
tisbalteaux  chargez  de  Tel  &  d'autre  marchandife.  En 
cciic  naue  &  autres  vaifTeaux  furent  tuez,  trois  cens  hom- 
mcsjla  pluipart  Espagnols  &  Italiens ,  oxitre  ceux  que  le 
canon  tua  le  iour  &  lanuict  es  autres  nauires.  Trois 
îours  après  ceux  de  Fleflinghe  auertis  que  deux  autres 
grandes  naues  de  Bi/caye  eftoyent  demeurées  derrière, 
enuoyerent  après  deux  grandes  nauires  &  cinq  ou  fix 
petites  3  qui  atteignirent  bien  tort  ces  naues  ,  i'vnedef- 
qnelles  fut  tellement  battue  &  percée  en  tant  d'endroits, 
que  force  fut  à  cCux  de  dedans  de  la  conduire  lur  le  fable, 
pour  le  fàinier.  On  y  trouua  vingt-cinq  hommestuez, 
fix  pièces  de  fonte  &  quelques  bagages  ;  ce  qu'ayant  tire 
hors  le  feu  fut  mis  dedans.  II  en  fut  autan»  auenu  à  l'Ad- 
mirale  de  Bifcaye  ,  fans  le  (ècours  qui  lui  vint  d'Anucrs: 
neâtmoins  ce  ne  fuft  pas  fi  toft,qu'elle  ne  perdirt  plufîeurs 
de  Ces  hommes  ,  ayant  efté  outrcpercee  en  plufîeiirs  enç 
droits. t>^.'<  mefmc  lime. 

Enuiron  le  15.  d'Aouft  ,  y  eut  efcarmouche  entre 
les  petites  nauires  Erpagnoles&  les  Zeelandoifes  ,  en 
laquelle  après  plufieurs  canonnades  de  part  &  d'autre, 
Ja'Vice-Admirale  Efpagnole  fut  abordée  &  prifc.  Elle 
ef^oit  chargée  de  bled  ,  pour  le  rauiduaillement  de  Mid- 
dclbourg,arraee  de  fix  pièces  de  bronze  3  fans  les  pierre- 
ries 


^  mémorables,  é'jj 

ries  &  crochets.    Quatre-vingts   &  quatre  hommes  y 
furent  taillez  en  piecei^Sc  iettez  hors  Je  bord,  x^u  mefmt 

La  ville  d'Aicmar  ayant  efte  deliuree  des  mains  du  Duc*" 
d'Alue  ÇyJi  la  fin  de  Septembre  1573.  &  Ghertrudenbeig 
fiirpriiè  fur  lui  par  le  capitaine  Poyet  pour  le  Prince  d'O- 
range, le  Duc  voulant  auoir  là  reuenche  fit  aprefter  vne 
puiilànte  flotte  à  Amfterdam,de  laquelle  il  donna  charge 
au  Comte  de  Bo/lu  ,  monté  furvnefort  grande  nauire, 
nommct  ItK^Ht fit  ion  :y  Admiralede  cefteilotte,  auec  la- 
quelle lejComte  ayant  fait  voile  vn  peu  auant,  rencontra 
lesnauiresFrifbniies  &  Hollandoifes,  Les  deux  armées 
s'eftans  abordées  combattirent  d  vne  furie  incroyable, 
tant  de  leur  canon  3  qu'à  coups!  de  moufquets  &  bat- 
quebuzes.  Quand  ce  vint  au  ioindrcj  il  fembla  du  com- 
mencement que  la  vidoire  enclinaft  du  cofté  des  E(p3- 
gnols  :  mais  les  Frironseftans-fecourus  des  Hoilandois, 
ies  afairei  fuccederent  tout  autrementrcar  le  Comte  fe  vit 
ibudaiainuefti  de  tous  collez  ,  acroché  &combatuàîa 
main  par  fts  ennemis^iettans  du  haut  de  leurs  hunes  force 
grenades  &  pots  de  feu  artificiel  fur  \qs  Efpagnols.  Le 
Comte  fut  en  peu  d'heures  abandonné  de  là  flotte,  ce  no- 
nobflant  il  comjDatit  fortreibluement  depuis  le  midi  de 
rvnzie/me  iour  d'Odobre  ,  &  toute  la  nuicl,  iufquesau 
lendemain  midi  :  c'eil  à  dire  refpacede  vingtquatres 
"heures.  Mais  ayant  perdu  la  plufpart  de  Tes  gens  ,  il  fot 
contraint  de  iè  rendre  ,  ayant  capitulé  pour  les  Eipagnols 
qui  i'acompagnoyent.  Les  autres  nauires  Erpagnoles 
^-oyans  leur  Admirale  prife  ,  fe  (àuuerent  à  toutes  voiles 
vers  Amfierdamjfors  celle  du  capitameMefthen,  laqueiJe 
fut  mi(è  en  fond  à  coups  de  canon.  Le  Comte  de  BoiTu 
■aueclbn  Inquifîtion  ,  &  tout  le  riche  butin  qui  eftoit  de- 
dansjfut  mené  au  port  de  Horne,  ayant  perdu  force  capi' 
taines  &  Ibldats  lifpagnols.Le  Duc  d'Albe  &  Frédéric  Ion 
fils  eftoyent  lors  à  Amfterdam  ,  d'où  ils  deflogerent  bien 
^oftjSc  fè  retirèrent  à  Brulclles  ,  craignans  qu'on  le  ruait 
fur  eux ,  ayans  peu  aparauant  tafché  ,  mais  failli.de  fubiu- 
guer  ceux  d'Amftcrdam  par  me  garnilbn  ElpagnoJe  qu'aïs 


(354  Hijl cires  admirables 

vouloyetit  y  loger.  Deux  mois  après  ce  Duc  &  Tort 
fils  le  retirèrent  en  Elpagne  ,  lailîans  tous  Jes  pays  bas 
tngiand  troLible.  i^uwefme  z.  Uitre  de  l  hijloire  des  pays 
biif. 

Auant  que  partir  ,  Je  Duc  vit  encore  au  mois  de  No- 
uembre  vne  nouuelie  deiroutede  Tes  vaifleaux  enuoyez 
d'Anuers  au  rauiduaiJlement  de  Middelbourg  ,  où  il  per- 
dit trois  de  Ces  nauires  &  force  foldatscvn  de  les  meilleurs 
forts  nomme  Romerfvvael  rendu  aux  gens  du  Prince  ^  & 
bruflé.  Mais  ce  qui  acreut  Tes  falèhcries  fut  la  reddition 
de  Rameken  principale  forterefle  de  Zeelande-  la  perte  de 
Hollende ,  Zeelande  &  Frife  pour  la  plu/partj,le  peu  d'ap- 
parence de  pouuoir  lècourir  Middelbourg  ,  &  les  or- 
dinaires routes  &  desfaictes  de  Tes  forces  fur  la  mer.  Il 
laifladonc  ce  meiiiage  renuerfe  au  grand  commandeur 
deCaltille  ,  nomme  DomLouys  deRequefens^lequel 
peniànt  faire  mieux  donna  ordre  que  Ton  armée  nauaJe 
partit  d'Anuers  le  24.iour  de  lanuier  1574. pour  auiduail- 
ier  MiddeIbourg:ce  qu'il  s'aileuroit  d'exécuter  maugré 
toutes  forces  contraires.  Et  délibéra  meline s  d'auoir  le 
paflè-tcmps  du  combat.  Au  delmarer  de  cefte  ai  madcj 
l'vvi  des  principaux  vaifleaux^apartenant  à  Gilles  Hofiiian 
d'Anuersjefchouafur  le  fiibleA' y  fut  perdu.  Vne  pièce 
d'artillene  s'eftant  crcuec  en  vn  autre  vaiflèau  ,  trente 
hommes  y  furent  tuez  5  &  le  bafteau  périr.  Tioisiours 
après  les  Elpagnols  voulans  faire  vne  iàlucau  comman- 
deur arriue  à  Berghe  pour  élire fpedateur  delà  desfaite  de 
fon  armée  ,  le  feu  le  mit  aux  poudres  d'vnede  les  naui- 
rcsjoù  il  y  auoit  /bixantc  ibldats  Elpagnols  ,  lelquels(re- 
feruez  fîx)y  furent  fricaiîez.  Le  z9.du  melir.e  mois  ,  fur 
les  deux  heures  après  midi,  Louys  Boilbt  ,  Admirai  de 
Hollande  ik  Zeelande  vogua  courageufement  auec  (à 
flotte  contre  celle  des  Elpagnols  dcuant  Romefvvael.  Le 
Combat  dura  enuiron  deux  heures  ,  auec  telle  furie  de  ca- 
nonnades de  part  U  d'autre^qu'il  fembloit  que  le  ciel  «S:  la  i 
terre  deuflent  le  meller  enlèmble  ,  tant  Tair  &  la  terre  e- 
itoyent  couuerrs  de  feux,  de  flammes  Se  de  fumée.  En  ce 
confli<^l  furet  priles  l'Admiralefic  la  Vice- Admirale  d'An- 
uers, plus  TAdmirale  de  Berghe ,  auec  lèpt  des  principa-  ^^ 

les 


^mémorables,  ^JJ 

iesnauires  &vnebruilee.  £t  turent  tuez  ou  iettez  en  Ja 
mer  tous  3  tant  ibldats  tiue  matelots  j  qui  i'y  trouucrentj 
iulques  au  nombre  de  fîx  ou  Icpt  cens.  Lei  Zeelandois  y 
gaignerenr  trente  beJies  pièces  de  bronze,  &.  pluiîeurs 
autres  de  fer.  Durant  le  combat  le  grand  Commandeur 
eftojt  furladiquedeBerghe,  don  il  pouuoit  voiraiic- 
ment  le  tout.  Mais  iu  lieu  de  la  victoire  qu'il  s'elloit 
promis  ,  il  vid  Tes  gens  miièrablement  traittez ,  que  plu- 
/îeui  s  furent  remenez  en  Anuers  ,  qui  fans  bras ,  qui  fans 
lambe^j  &  autrement  defmembrez.  Son  plus  grand  rc 
confort  fut  de  maugréer  &:  deipiter,  tantoft  accufànt 
J'vn^tantoft  l'autre.  Brief  il  y  eut  fi  grande  defolatioii 
pour  les  EipagnoU  au  retour  de  leur  flotte  3  qu'abordans 
près  d'Anuers ,  les  capitaines  extrêmement  delpitez  lai- 
cherent  l'artillerie  au  trauers  de  ceux  qui  (e  prefenterent 
iurle  quay  pour  les  voir  retourner  :  dont  M.  G..brie!  Ci-» 
lé,  procureur  gênerai  d'Artois,  eut  d'vn  coup  les  deux 
cuiflès  emportées,  &  en  mourut  toll:  après,  c/i»  l.lime  de 
rhijîotre  des  pays  héU, 

Les  Eipagnols  ayans  au  mois  d'Auril  l'an  mil  cinq 
cens  ieptantc  quatre ,  desfait  l'armée  du  Prince  d'Oran- 
ge, conduite  par  le  Co4ïite  Ludouic  qui  y  fut  tuéauecle 
Comte  Henri  Ton  frère,  &  le  Duc  Chriftofle  fils  de  l'E- 
ledeur  Palatin,furent  remenez  en  Anuers,  où  ils  fe  muti- 
nèrent tellement  que  force  fut  aux  bourgeois  leur  four- 
nir la  fbmme  de  quatre  cens  mille  florins,  h^s  infolcnces 
&  desbauches  furent  extrêmes  alors. Ayans  chaflé  le  iîeur 
de  Champagny  gouuerneur  delà  ville  &  tous  les  fbldats 
Vvallons,  ils  firent  retirer  toutes  \qs  nauires  de  guerre 
qui  eftoyent  en  garde  au  port ,  &  les  enuoyerent  deuant; 
LillûOj^fin  de  n'auoir  aucun  ombrage.  Les  Zeelandois, 
quieurent  le  vent  de  celte  témérité,  vindrent  le  iourde 
Pentccofte  fe  ruer  deflus  ces  nauires  qui  eftoyent  à  l'an- 
chrejcn  iaifirent  quinze,cinq  furet  miles  en  fond,  &  trois 
bruflccs.Les  quinze  furent  emmenées  en  Zeelande  ,  i  la 
>euc  du  Commandeur  ,  tandis  que  ûs  capitaines  & 
foldats  plongez  en  toutes  dcWcts  &  voluptez ,  maftinoy- 
ent  les  habitans  d'Anuers.  Les  Zeelandois  gaignerent 
«eut  &  deux  pièces  d'aiulkrie  4e  bronze^  outre  celles  de 


^y  6  Hijhins  admirables 

fer,  &  le  chef  de  ce*  nauiies  nomme  Hemfled  fut  auiïî 
Ieurprilbnnu:r.,^<*  mefme  Uure, 

Les  Efpagnols  ayans  aiTiegc  LeyJen  ville  de  Hollande, 
quelques  barques  de  la  ville  eflans  allées  à  h  delcouue: 
au  mois-de  luin  K74.  fencoi.trerentdeuxiwuires  deco! 
lioyde  l'EipagnoI  qu'ils  attaquèrent,  tuertnt  tous  lej; 
hommes,  enleuerent  toutes  hs  munitions  de  guerre  qui 
y  eftoyent ,  enlemble  les  viures,  artillerie,  draps  de  ibye, 
paflcments  d'or  &  d'argent ,  quinze  benès ,  trois  caques 
de  poudre,  &  grand  nombre  de  boulets  :  puis  bruflerent 
l'vne  de  ces  naujies  ,  &  mirent  l'autre  en  {ond»Ai*  mefme 
Imre.  j 

Au  mois  de  Septembre  15S0.  le  capitaine  qui  de  li  paît 
des  Elhts  commandoit  dedans  BriellejHt  marche  auec  hs 
capitaines  mal-contcns  d'Artois  &  de  Hainaut  de  leur  U- 
urer  l'Iiîe &  villç  tie  la  Brieliermais  c'eiloit  a  dcfl'ein  de  ks 
y  attraper.  Eux  peniànj»  cfïèduer  leur  entreprise  auec 
quelques  nauires  accommodées  à  h  Hollandoilè  ,  ap- 
prochèrent de  Tlile  ,  où  ils  furent  inueftis  &  chargez  iî 
rudement  par  ]es  Hoîlandois,  que  tous  y  demeurèrent 
tuez  ou  noyez. o/€»  ^.liure. 

Sur  la  hn  du  mois  de  May  1^00.  comme  le  vent  s'e- 
ftoit  tourné  proprepour  faire  voile  versOllende,  qua- 
rante nauires  de  bagage  de  i'armee  nauale  àts  Ellats,de- 
meurees  à  la  rade  de  Rameken  partirent  ious  la  con- 
duite de  trois  nauires  de  guerre.  Mais  comme  en  tel  cas 
ilyatouGoursdepius  aduancez,  ou  qui  ne  ibnt  iamais 
prefts,les  galères  de TEicluie  s'cftans  ruées  lurles  vaiP- 
lèaux  plus  efcartez  &  qui  nepouuoyentaduancer  àeauic 
du  calme  ,  en  prindrcnt  dixhunfl  ou  vingt ,  làns  que  \qs 
nauires  de  guerre  peuvent  les  empefcher,  nipourlbiure 
ces  piratev  pour  reicourrele  burin.  L'EipagnoI  ayant 
defgraifré  ces  vailTeaux,prins  les  mailltes  priionniers,  a-  • 
uec  tous  les  pall'agers  &:  gens  de  Ihuice,  ne  pouuant  em- 
mener ces  loges  de  bois,  il  en  brulla  quatre  &  lailTa  al- 
ler le  refte.  En  ceite  rencontre  le  capitaine  Blanckart, 
chef  dVne  des  trois  nauires  de  guerre  (iàns  que  les  au- 
tres deux,  à  cauic  de  la  marée  contraire  &  du  calme» 
fcculi'cnt  ie  féconder)  futatuqué  ièul  parleidites  galè- 
res. 


dr  memorMes-  ^57 

rcs.  Ayant  fait  vne  braue  refiftance  ,  perdu  près  de  la 
moitié  de  Tes  foldatsj  les  autres  blefe,  lui  nommément, 
après  auoir  chafTé  par  trois  fois  TElpagnol  Je  defTus  Ion 
tillac ,  fît  en  forte  qu'il  retourna  dedans  /à  nauire  à  Fief- 
finghe^où  il  mourut  de  {t%  bleflures.^;*  8./«<. 

Quelques  femaines  après  3  l'Admirai  de  Holande 
cftant  deiinaré  de  la  rade  de  Rammeken  par  vn  vent  pro- 
pre auec  deux  nauires  de  guerre ,  &  quelques  cent  cin- 
quante barteaux  communs  chargez  de  viures  .^  muni- 
tions de  guêtre  ,  elbns  venus  deuant  rEfclufe  en  Flan- 
dres, quatre  galères  voyans  que  le  calme  leur  fauorifoit, 
vindrent  attaquer  cefte  flote ,  penfans  butinerjcomme  le 
mois  précèdent.  Mais  à  l'approche  le  vent  fe  releua  ,  qui 
fit  qu'elles  fe  virent  tellement  acueillies  &  canonnecs 
par  les  nauires  ,  que  leur  meilleur  fut  s'enfuir ,  après 
grande  perte  de  leurs  gens^  principalement  en  l'vne  3  tel- 
lement coufuë  de  coups  de  baies ,  que  fans  l'effort  qu'oU 
y  lit  de  l'elpuifer  elle  couloit  en  fond  :  &  y  mourut  beau- 
coup d'hommes  tuez  fur  le  tillac  3  &  dont  le  fang  decou^» 
Joit  par  les  goulots  en  la  va^r.x^»  mcftm  Uh, 

Lqs  Eftats  auoyentfait  baftir  vne  grande  galère  à  Dor* 
drecht  en  Hollande  3  pour  rembarrer  les  courfès  de  cel- 
les de  l'Efclufe.  Cefte  galère,  furnommee  la  Noire  ,  gar- 
nie de  dix  à  douze  pièces  d'artillerie  3  ne  fut  pas  fî  toft  a- 
cheuee ,  &  fournie  de  foldats  &  gens  de  rame,  qu'elle  fut 
enuoyee  à  Fleffinghe  3  pour  y  attirer  celles  des  ennemis. 
Y  cftant  a  l'anchre  3  le  capitaine  d'icelle  entendit  qup 
trois  galères  de  rEfclulè  auoyent  attrapé  vn  nauire 
marchand  Zeelandois  :  pourtant  fe  mit-iiàlapourfuitea 
&  d'abordec  attaqua  l'vne  des  trois  fî  furieufement> 
■qu'après  auoir  beaucoup  fbuffert  elle  fut  forcée  de  fè 
fauuer  en  Ton  trou.  Celle-là  ainfl  chafTce ,  le  capitaine 
victorieux  courut  fus  aux  deux  autres  galères  3  leur  ar- 
racha le  nauire  marchand,  les  battit  de  telle  forte  que 
force  leur  fut  fuyure  bien  virement 'la  première,  auec 
non  moindre  perte.  Quelque  temps  après ,  à  fçauoir  le 
19.  de  Nouembrc ,  ce  Gapit^yne  auec  fa  galcre  &  quatre 
chaloupes,  garnies  de  foldats,  alla  attaquer  la  nauire  A- 
mirale  d'Anuers',  au  milieu  df  la  riuiere  de i'£fcauI4 

T  t 


658  Hijloires  admirables 

dcuant  ladite  ville.  Ccftoit  Tviic  des  plus  belles  nauire 
qu'il  y  cuft  au  pays  bas,  chargée  de  fcize  pièces  d'artillC'. 
rie  de  fonte, grofl'es  &  menues ,  dix  de  fer,dix  à  pierresjj 
plufieursberles  ou  fauconneaux,  pofez  en  trois eftagcsi 
du  port  de  quatre  vingt  tonneaux.  Elle  fut  aflaillic  viue^l 
ment  par  la  galère  de  Dordrecht,  fi  qu'aucuns  de  fes  fol- 
dats  furent  taillez  en  piecesjles  autres  fuiuâs  outre  bord 
furent  noyez  durant  robfcurité  de  la  nuid.  Cela  fair,le 
capitaine  de  la  galère  fe  faifît  des  nefs  marchandes  de 
Bru/Telles  &  de  Malines,  en  chacune  defquellesy  auoit 
quatre  pièces  d'artillerie,  fan  s  fauconneaux,&  encore  au- 
tres cinq  nauires  feruans  de  conuov  aux  viurcs  &  muni- 
tions pour  l'Efclufe  ,  &  autres  forterefles  que  les  Efpa- 
gnols  ticnent  fur  les  eaux  &  viuieres ,  armées  de  mefmc 
que  les  nefs  marchandes.  Le  Capitaine  ayant  toutes  ces 
nauires  ,  &  les  prifonniers  qu'il  en  retint,  les  mena  à 
FlefTinghe  ,  palTant  à  la  merci  du  canon  des  Efpagnols 
deuant  Ordara,&  autres  forts  fur  la  riuierc  d'Anuers.  Il 
gaigna  lors  cinquante  pièces  d'artillerie  ,,  qui  valoyent 
plus  que  fa  galère  ,  laquelle  on  mettoit  au  rang  des  de- 
niers perdus.t/î»  mefme  liure^ 


CONFIANCE  ferilleufe. 

LE  fieur  de  Saluaifon,gentil-homme  François  ,  «ou-  » 
ucrneur  pour  le  Roy  dedans  vue  villctte  de  Pied- 
mont,nommee  Verrue  ,  ayant  de  longue  main  eu  aduis 
comme  les  afaires  eftoit  difpofees  dedans  Cafal  ,  ville 
de  grande  importance  ,  en  laquelle  commandoit  pour 
l'Empereur  vn  fcigHeur  Efpagnol  ,  nommé  Fiçueroc, 
lieutenant  de  Don  Fernand  de  Gonzague,  &  que  mef- 
mcs  on  y  faifoit  quelques  nopces  entre  perfonnes  de 
grande  qualité  ,  délibéra  de  s'y  trou  ucr  fans  femondrc, 
pour  faire  autre  chofe  que  courir  la  bague  &  dancer. 
Car,le  iour  de  Ces  nopces ,  il  fc  mit  au  lid,&  fur  le  foir  fît 
publier  qu'il  eftoit  fort  malade ,  iufques  à  enuoyer  que- 
tir  deux  médecins  à  CafaJ,  auec  vn  bruit  dcxtremcnt  fe-  i 

mé  \ 


drmemûrAhles.  é'jy 

[  toaé  qu'il  cftoft aux  traits  de  la  mort, pour  tant  mieux 
endormir  ceux  qu'il  vouloit  furprendre.  D'autrepartil 
aducrtir  le  M^efchaldeBriffacLicutenantpourle  Roy 
en  Piedmont,  de  toute  la  menée  ,  afin  d'eftrefccouru  à 
poind.  Ayant  fait  demeurer  les  médecins  en  chambre, 
Remettant  à  cibe  veu  d'eux  au  matin ,  il  fe  rend  près  àts 
foflcz  de  Cafalfur  vne  heure  après  la  minuid:,  ceux  de 
dedans  eftans  pour  la  plufpart ,  nommément  les  gens  de 
guerre ,  bien  trempez  de  vin  des  nopces  ,  las  d'auoir  fo- 
lartré  tout  le  iour ,  &  accablez  dVn  fommeil  profond:c'c- 
ftoitleio.iourdcMarscnran  1555.  Les  efchellesporees 
fort  coyement,  les  plus  adroits  gaigncrent  incontinent 
le  dcflus  de  la  muraillcfuiuis  de  leurs  compagnonsjCoU- 
perent  la  gorge  aux  premières  fentinelles  demi  endor- 
mics,&  de  ce  pas  defpefchercnt^lcs  corps  de  garde. Ceux 
;  qui  fe  refueillerent  auant  que  d'eftrc  attrapez,coururcht 
donner  l'alarme  par  la  vjlleimais  c'eftoit  bien  tard ,  cir 
les  François  auoyent  ia  gaignc  la  placc,eftans  rangez  en 
bataille,tellement  que  les  Efpagnols  après  auoit  prefté 
quelque  combat ,  pour  n'eftre  afîez  en  gros ,  ains  efparà, 
.  furent  contraints  fe  fauuer  de  viftefle  dedans  le  cha- 
I  fteau.Le  Marefchal  de  Briflac  ne  faillit  de  fé  trouuer  aux 
I  portes  fur  les  fept  heures  du  matin,&  par  ainfi  la  ville 
lui  fut  rendue.Il  y  auoit  peu  de  viures,  &  grande  troupe 
de  foldats  dedans  le  chafteau,  auprès  duquel  eftoit  vile 
groflc  &  forte  tour  gardée  par  les  ÀUemahs,  aUfquels  fut 
donné  l'aflaut  ,  qu'ils  fouftindrcnt  vaillamment auec 
grand'  perte  des  afliegeans:  mais  ils  furent  forcez  finale- 
ment,&  tous  mis  au  fil  deTerpec.  Les  François  perdi- 
rent deux  cens  honimes  tant  en  la  prinfe  de  la  ville  que 
1  de  celle  tour.  Apres  que  le  chafteau  euft  tenu  bon  dix 
'  ou  douze  iours,  Figueroye  fe  repentant  trop  tard  de  fa 
folle  confiance^fut  contraint  fe  rendre  par  compolltion, 
&  aller  dehors  déplorer  fa  faute  irréparable.  Hijloire  de 
nojlre  temps. 

Beaucoup  de  villes  &  fortes  places  ont  depuis  efté  en 

danger  d'eftre perdu es,ou  l'ont  elfe  defait,par  ceftepc- 

,   /illeufe  confiance.  Il  s'eft  trouué  aufrideshazardeux& 

I    téméraires  affaillans ,  dont  les  vnsontveu  fuccesheli- 

Tt  2 


é€o  Hijloîres  admirables 

reiix  à  leurs entrcpriies  ,  les  autres  ont  eltë  pris  en  peu- 
faut  prendre,  &  ont  fait  toute  autre  fin  qu'ils  ne  penfoy- 
ent  :  comme  les  diuerfcs  hirtoircs  de  noftre  temps  le 
monftrcntjdcfquelles  nous  propoferons  plufieurs  exem- 
ples notables  es  volumes  fuiuans. 


Dieu  fe  referue  des  punitions  fur  les  mefchans ,  leC- 
quels  pour  vn  peu  de  temps  demeurent  impunis 
au  monde ,  qu'il  dcfployera  vn  iour.  Par  fois  il  donne 
des  traira  de  chorde  à  certains  ,  dedans  les  prifons  où  il 
les  tient  chez  eux  mefmes  ,  &  fe  feruant  de  leurs  con- 
fciences  feules  leur  fait  dire  PeTcaui,  fans  qu'ils  penfent 
ni  à  eux,ni  à  Dieu.Ceft  pour  rendre  leur  finale  condam- 
nation tantplus  iulle.On  a  veu  depuis  quarante  ansdes 
perfonncs  haut-efleuees  en  diuers  endroits  de  rEurope> 
faire  des  païs  où  ils  auoyent  crédit  tout  ainfî  que  Dio- 
gènes  de  Ton  tonneau  ,  fe  iouant  àts  fiances,  des  Eftats, 
delà  vie  des  hommes  grands  &  petits  à  leur  plaifir.Mais 
on  a  veu  auffi  leurs  délices  eftre  des  fupphces ,  leurs  qC- 
bats  conuertis  en  débats  &  combats,  leurs  armes  alarmes 
&  larme?  à  eux  mefmes  &  à  leurs  intimes. Quand  ils  ont 
Voulu  mordre  les  autres,la  mort  les  a  mordus.  Ils  n'ont 
ofé  fc  fier  à  perfonne  ,  &  lors  qu'ils  ont  monftré  auoir 
confiance  en  chacû,  on  a  defcouuert  qu'ils  fe  desfioyent 
de  tous,ialoux  de  leur  propre  grandeur,cPrrayèz  de  leur 
ombre,infupportables  à  leurs  propres  penfccs ,  ennemis 
de  leurs  amis  &  domeftiques ,  traiftres  à  leur  repos  ima- 
ginaire, &.  au  plus  fort  dé  leurs  aduantages  reculez  &  ef- 
foi^nez  de  Coûte  afl'curance  &  félicité.  Le  temps  don- 
nera moyen  à  noftre  pofterité  de  les  marquer  nom  par 
nom,Gomme  leur  mémoire  damnable  le  requiert. 

En  attendant ,  nous  en  marquerons  en  ce  volume  & 
es  fuiuans  quelques  vns  5  félon  qu'ils  nous  viendront  eft 
laeiuoire  par  iç^ure  ou  aucremêt.  Cçrç^ui)  Lieutenant 

quîp 


dr  mémorables,  66i 

«jui  par  vn  Pocte  François  fut  honoré  du  tiltre  de  Rha- 
damantus,  &  quimeritoit  en  dcuxTortesd'eftre  nom- 
mé Criminel,  fut  après  vne  in'îmhè  de  maux  parlai 
commis,  faify  de  forte  maladicpen dan t  laquelle  fa  con- 
fcience  le  mordit  fi  ferré,  qu'il  demoura  longtemps 
qu'on  ne  pouuoit  lui  ofter  dcTapprehéfion  qu'il  ne  fuft 
condamné  à  eftre  pendu  &  eftranglé.  Helas  (diroit-il)ie 
conoi  que  i'ay  bien  gaigné  la  mort:  car  i'ay  fait  telle 
cxtorfion,i'ay  participé  à  telle  &  telle  pillerie,ie  me  fuis 
laiffé  corrompre  par  les  malfaiteurs  ,  pour  les  laifler 
efchapper  ,  &  ay  traité  trop  rudement  les  innocens, 
brief  i'ay  vendu  ma  confcienee  en  toutes  fortes.  Non 
content  de  parler  ainfien  gcneVal ,  il  venoit  iufques  à 
fpeciher  ceux  delà  mort  defquels  il  fefentoitcoulpa- 
ble,  &  leur  demandoit  pardon.  En  fin  ils'aduifaquele 
Roy  donnoit  bien  quelquefois  grâce  à  ceux  qui  auoyêt 
mérité  la  mort,  &  depuis  ne  cefl'a  d'en  parler.  Mais  cô- 
bien  qu'on  s'cfforçaft  de  le  côfermer  en  ccfte  efperance 
de  grâce,  il  en  eftoit  deftourné  toutes  les  foi  s  qu'il  con- 
fîderoit  l'enormité  de  fes  maux  ,  &difoit  que  quand  le 
Roy  les  auroit  entendus  iamaisilnelui  pardonneroir. 
Et  fuft  mort  ce  miferable  en  telle  apprehen/îon  ,  cui- 
dant  à  tout  coup  qu'on  vinft  le  prendre  pour  le  mener 
au  gibet,fans  vn  de  ï^q^  médecins  qui  trouua l'expédient 
qui  s'enfuit  :  de  faire  venir  vn  homme  botté  &  efperon- 
né  tenant  de  grandes  lettres,  heurter  à  la  porte aflez  ru- 
dement ,  lequel  criaft  grâce  incontinent  qu'il feroit  en^ 
tré.  Ce  qui  fut  ainfi  fait,  non  fans  expofer  le  patient  en 
grand  danger  de  fa  vie:  car  ayant  oui  ainlî  heurter  à  fa 
porte,il  fe  perfuada  quec'eltoit  le  bourreau  :  &  combien 
que  c'eft  homme  botté  &cfpcronné  fceuft  bien  iouer 
fon  pcrfonnage,il  euft  grand'pcine  à  lui  faire  croire  que 
le  Roy  lui  auoit  o(flroyé  fa  grâce.  Toure^fois  on  le  fit 
peu  à  peu  s'a{reurer&  prendre  courage:  tellement  qu'il 
efchappade  ceftc  maladie.  Mai^  quelque  temps  après  il 
fut  frappé  de  loups  aux  iambes,  tellement  qu'Uperdit 
l'vfage  d'icelles  ,  finalement  mourut  aliéné  de  fon  fcns, 
après  auoir  par  pluficurs  iours  renié  &  blafpheme  le  (â- 
cré  non^  de  Dieu.  Liit,  l.  de  la  conformité  da  menéeiUts 

Tt    î 


êét  Hijtoires  admirables 

anciennes  ^  moderne  s  jchap.zô. 

CONSEIL  opportun  mejprifi y 
fuluyde  terrible  ruine. 

VN  bon  confeil  vaut  mieux  que  pi ufieurs  mains. 
L'hiftoire  prefentc  en  faitfoy.  L'an  15^0.  le  grand* 
maiftrc  de  Malte ,  ayant  Tail  par  tout,  &  nomemcnt  fur 
la  conquefte  de  Tripoly  de  Barbarie  pofledee  par  les 
Turcs,  voyant  la  paix  conclue  &  ferme  entre  les  rois  de 
France  &  d'EfpagnCjfit  entendre  au  duc  deMcdina-Ccli 
viceroy  de  Sicile  ,  qu'il  pourroit  aifément  rccouurer 
Tripoly,  où  il  n'yauoitque  cinq  cens  hommes  afl'ez 
chetifs  en  garnifon  :  qu'vn  roy  More  proche  de  là',  con- 
îuré  ennemi  de  Dragut&  des  Turcs,  s'allieroit  volon- 
tiers aux  Efpagnols  &  leur  aideroit  promptement  en 
ccfle  côqucftc  ;  pource  que  d'icelle  depcndoit  le  rccou- 
uremêt  de  fon  pais,  dont  les  Turcs  l'auoyent  dcpoffedé. 
Leroy  d'Efpagne  entendant  ceftauis,  &  tenant  par  ef- 
pcrancc  Tripoly  entre  ces  mains,  fait  equipper  vncpuif- 
fante  armée  nriualc ,  fous  la  conduite  du  Duc.  Toutes 
chofesfcmbloycnt  deuoir  hcureufcment  fucccdcr  aux 
E(pagnol<J,  s'ils  euffcnr  fait  voile  en  diliccce  (comme  le 
Duc  en  cflioit  exhorte)  vers  Tripoly.  Mais  le  voyage  e- 
ftât  différé  de  fcmainc  en  autre,  finalement  empcfché  & 
retardé  par  les  vents  contraires,  Dragut  defcouuranc 
l'entreprife,  acreut  de  deux  mille  Turcs  la  garnifon  de 
Tripoly.  Le  Duc  fc  voyant  fruftré  de  ce  qu'il  efperoit, 
&def^iafort  auant  en  mer  prend  la  route  de  l'Iflede 
Zerby,&  contraint  fans  difficulté  lefcigneurde  liurer 
la  fortereffe ,  promettre  obciflancc  au  roy  d'tfpagne,  & 
lui  payer  tous  les  ans  autant  de  tribut  qu'il  faifoit  a 
Solyman.  Incontinenrle  Duc  fait  commencer  vnc  gran- 
de citadelle,  qui  cflant  acheuee  &  bien  munie  de  gens, 
de  viurcs  ,  &  prouifîons  de  guerre  crtoit  inexpugnable 
âu  iugeraent  de  plufîcurs.  Mais  derechef  il  tint  peu  de 
rompre  du  ccrifeil  qu'on  lui  donnoit  de   diligentcr. 

Cooimc 


(^mémorables.  ^6^ 

Comme  la  forterefle  s'auancoit  lentement  ,  Solymaa 
tout  au  contraire  auerti  de  ce  progrès  fait  armer  en  trcf- 
grande  diligence  Tes  galères  ,  chargées  des  plus  afleurez 
Ibidats  qu'il  euft ,  Cous  h  charge  de  Pialy  BaHà  ,  lequel 
auoitMuftapha  pour  Amiral.  It:an  André  Dore  Gene- 
uois  5  Cage  &  renommé  chef  de  guerre  a  nommément  fur 
mer ,  &  autres  feigneurs  ,  ayans  eu  les  nouuelles  de  ceft 
appareil  des  Turcs,  auertirent  5  conTeillerent ,  exhortè- 
rent i  Se  prefl'c^rent  par  diuers  moyens  le  Duc  de  Medine, 
qu'il  mift  garnifon  en  la  citadelle,  &  fè  retirait  auec  le  re- 
fte  de  la  fiotte^fàns  attendre  la  venue  des  Turcs  qui  eftoy- 
cnt  beaucoup  plus  forts,  ni  hazarder  vn  combat  ,  d'où  il 
lèroit  imporfible  de  fè  de/gager  fans  deshonneur  &  ruine 
totale  de  l'armée.  C'ertoit  parler  à  vn  fourd  ,  incapable 
deconfèil  ,  &  qui  vouloir  acheuer  de  tout  perdre.  Les 
Turcs  eurent  le  vent  fî  propre  qu'en  trois  femaines  ils  fè 
rendirent  de  Conftantinople  près  de  l'armée  Efpagnole, 
laquelle  ils  attaquèrent  courageufèment  vn  matin  à  l'au- 
bsdu  iour,tuerent  la  plufpartjen  ietterent  grand  nombre 
dedàt^  la  merjemmenerent  le  reûe  prifonniers.II  demeu- 
ra dixhuit  mil  hommes  en  cefle  dcsfaide.  Outre  plus  le 
duc  y  laifTa  vn  fîen  fils  prifonnier ,  la  citadelle  fut  perdue, 
auec  vingt-fept  galères, &  quatorze  nauires  de  c  harge.  Le 
duc  tout  confus, fuiui  de  lean  André  Dore,fè  fauua  de  vi- 
teÛe  en  quelques  galères  à  Malte  ,  où  il  eufl  tout  loifîr  de 
defplorer  Ton  imprudence  cau/é  de  tant  de  maux,  haii  de 
Lsoncla'w  en  fun  fupplement  des  Annales  de  Turquie, 


CONSERFATION  merueilleufey 
dr  comme  miraculeuje- 


pLt 
-L  m 


,  .ufîeursdes  amis  du  fîeur  de  Ciuille  ,  gentil-hom- 
me de  Normandiejqui  l'ont  maintesfois  ouy  appel- 
1er  mort,  enterré  &  refîUfcite ,  defîreux  de  fçauoir  com- 
ment cela  eft  auenu  ,  &  Tayans  prié  d'en  vouloir  mettre 

Tt     4 


6^4  Hijloires  admirables 

quelque  chofe  par  cicrit  ,  afin  d'apprendre  &  entendre 
les  moyens  d'vn  cas  fi  rare  ,  Ç\  eftrange ,  &  fi  incroyable: 
fatisfaifànt  à  leur  defir  il  en  a  drelFé  &  public  ce  qui  s'en- 
(ùir. 

Lefieur  de  Ciuiife  commandant  à  vne  compagnie  de 
cent  piétons  dedans  Rouan  ,  lorsque  Tan  i56i.ellc fut 
aflîegee>  il  fut  ordonné  par  le  Comte  de  Montgomraery 
f  qui  Jors  commandoit  en  la  ville  )  eftre  auec  là  compa- 
gnie le  15.  iour  d'Oétobre  audit  an  15^1.  fur  le  haut  du 
rcmpar  près  la  porte  S.  Hilaire  en  vn  endroit  où  il  y  auoit 
lors  vne  tour  à  prefènt  ruinée  3  tirant  vers  \qs  four- 
ches que  Ton  appelle  de  Biliorel  3  afin  d'y  fouftenir  hs 
premiers  efforts  d'vn  grand  aflaut  qui  Te  preparoil ,  & 
qui  fut  donné  ledit  iour  ,  &  continue  depuis  le  matin 
iufques  aptes  fix  heures  du  foir.  Suiuant  quoy  Ciuille 
ayant  place  fà  compagnie  fiir  le  haut  du  rcmpar ,  en  eftat 
de  combattre  ,  après  auoir  lui  &  fès  compagnons  long- 
temps fbufîena  &repoufie  les  grands  efforts  des  aflàillans, 
il  fut  finalement  blefie  d'vn  coup  de  harquebuze  en  la 
ioue  &  mafchpire  droiâe  5  tirédedeflus  la  porte  S.  Hi- 
laire f  qui  quelque  temps  auparauant  auoir  efté  enleuee 
à  cQU'x,  de  la  ville)  refl'ortant  la  balle  par  derrière  près  & 
îoigncnr  la  fofiette  du  col.  Ce  coup  (  dont  le  haufie  col 
fut  perci:  )  le  fit  tresbucher  du  haut  du  rempar  iufques 
aupiedd'icelui  ,  où  Te  trouuansplufieurs  pionniers  fai- 
j&ns  des  fofTez  ,  félon  qu'il  leur  auoit  efté  commandé. 
Ciuille  (  fans  autrement  s'enquérir  qui  il  eftoit  ni  s'il  e- 
floit  mort  ou  non)  fut  par  aucuns  d'iceux,  fans  autres  cé- 
rémonie, après  l'auoir  delpouillé ,  mis  &:  ietté  dars  Tvne 
d'icelles  fofics  au  pied  de  ce  rempar.  Comme  ils  le  ietto- 
yent  en  cefte  folTe  fe  prefenta  le  corps  d  vn  autre  homme 
nômé  Claude  le  Forcftier  marchant  droguiftcjdemeurant 
deuant  la  Ronde  en  la  mefme  ville:  Icqm:]  (combien  qu'il 
nefuft  qu'cftourdi  d'vnfàult  qu'il  auoit  fait  en  l'air  pour 
raifbn  d'vn  coup  de  canon  qui  l'ayant  frappé  deflbusles 
pieds  l'auoit  e/leué  hors  de  terre  )  fut  neantmoins  lo- 
gé en  la  mefme  fofie  ,  &  mis  de  Ion  long  fur  le  corps  de 
Ciuiile,ayans  ks  pieds  vers  la  tefte  l'vn  de  l'autre,  &  ce  a- 
pres  auoir  efté  pareillement  dei'^ouiilé  3  &  auftli  toft  tous 

deux 


(^mémorables.  66$ 

deux  couucrts  de  terre.  Or  auoit  Ouille  efté  frappé  en- 
uiron  les  onze  heures  de  matin ,  ou  vn  peu  deuant3&  auf« 
fi  toft  enterré  :  &  demeurèrent  les  deux  corps  dedans  la- 
dite foflè  iufques  après  fix  heures  &  demie  du  fbir.j  qu'e- 
ilant  Taflàut  fini  &  les  compagnies  retirées  chacune  en 
fbn  quartierjpar  commandement  des  chefs^  on  commen- 
çoit  à  afleoir  gardes  par  tout.  Lors  comme  le  Comte  de 
Montgotnmery  feretiroità  cheual  auec  bonne  troupe, 
pour  aller  en  l'Archcuefché  où  il  logeoit ,  &  qu'il  paflbit 
par  Jâ  croix  de  pierre  ,  où  les  laquais  eftoyent  attendans 
leurs  maillres  fur  leurs  cheuaux,  fe  prefenta  à  lui  vn  grand 
laquay  ,  nommé  Nicolas  de  la  Birre,  natif  du  Virolet 
près  Vernonjquieftoitlaquay  deCiuiile  3  monté  fur  (on 

\  courfier.  Ayant  ouy  dire  que  Ton  maiftre  eftoit  mort  il 
s'approche  du  Comtc^Sc  lui  demande  allez,  brufquement, 
s'il  eftoit  vrai  que  fondit  maiftre  fuft  mort ,  comme  vn 
le  lui  auoit  rapporté.  Le  Comte  lui  fit  refponfe  qu'ouy, & 
que  de  hs  onze  heures  du  matin  ou  toft  après  ^  ill'a- 
uoit  fait  enterrer  au  pied  du  rampar  ^  au  haut  duquel  il  a- 
uoit  efté  tué ,  entre  la  porte  S.  Hilaire  &  la  porte  Beau- 
uoifîne ,  à  l'endroit  mefme  où  il  auoit  combatu ,  &  que 
s'il  vouJoit  en  auoir  le  corps  pour  le  faire  enterrer  au 
fèpulchre  de  fèsanceftres  (commece  laquay  difoit  défi- 
rer  faire)  il  lui  bailleroit  Je  capitaine  Clere  lieutenant 
defès  gardes,  làprefent,  auquel  il  commanda  deftors  de 
le  conduire  ,  &c  lui  monftrer  l'endroit  où  Ciuille  auoit 
efté  enterré.Eftans  venus  làjce  laquay  defccndaht  de  che- 
ual (qu'il  commit  à  vn  foldat  de  conoiflance  )  fe  mit  à 
gratter  tellement  auec  les  mains  ,  &  à  leuer  Sd  ofter  hors 
de  la  fofle  la  terre  qui  n'eftoit  au  plus  que  de  demi  pied 
de  hauteur  fur  les  deux  corps  ,  qu'il  en  defcouurit  bien 
toftl'vn;  &  ce  d'autant  pluftoft  que  la  terre  dont  ils  e- 
ftoyent  couuerts ,  eftoit  tout  fraifchement  remuée.  Il  e- 
ftendit  ce  premier  corps  (qui  eftoit  celui  de  Forefticr)fiir 
1  herbe:  mais  après  l'auoir  bien  regardé  par  tout ,  ne  le 
coneifTant  point,  il  retourna  vers  la  foflè,  pour  tirer  l'au- 
tie  corps  ,  lequel  il  traina  auftî  fur  l'herbe  arrière  de  Tau- 
ire,  &  rayant  contemplé  foigneufemcnt  nelcreconuî; 
point,  pourcc  qu'il  eftoit  entièrement couucrt de fan^ 


666  Hijloires  admirables 

&  de  terre  qui  auoit  défia  comme  fait  vne  croufte  fur 
tout  ce  corps. Derechef  il  vifita  le  premier  ,  fert  curieu/è- 
fement  :  mais  voyant  que  ce  n'eftoit  celui  de  Ton  maiftre 
il  le  reietta  dans  la  fofle  ,  puis  à  Taide  du  Capitaine  Cle- 
rc retrainant  l'autre  corps  (  c'eftoit  celui  de  Ciuille  )  le 
remit  aufli  dedans  la  mefme  fofle  &  Teftendit  de  Ion 
Jong  fur  celui  de  Foreftier,  la  face  vers  terre.  Quoy  fait 
ils  \qs  recouurirent  de  terre,mais  legeremcnticar  la  main 
giuche  de  Ciuille  fortoit  hors  de  la  tofle  ,  toute  defcou- 
uerte.  la  cftoit  le  laquay  remonte  à  cheuai  pour  s'en  rc- 
tourner,  tout  efploré  de  regret  de  n'auoir  eu  ce  bon  heur 
derecouurerlecorps  dcfon  maiftre  ,  lorsque  le  capi- 
taine Clere  apperceuantceftemainnoncouuerte,  &nc 
voulant  (  difoit-il  )  la  laifler  ainfî  nue  ,  de  peur  que  les 
chins  vinflent  la  manger  de  nuid  ,  ou  bien  la  ronger,  & 
que  par  merme  moyen  ils  tiraflent  peut  eftre  tout  le 
corps  pour  en  faire  de  mefiue  :  s'approchant  il  donna  du 
pied  fur  ccfte  main  pour  la  faire  enfoncer  dedans  terre. 
Mais  ce  coup  il  deftourna  le  chatton  d'vn  gros  dia- 
mant trianglé,que  portoit  ordinairement  Ciuille,  lequel 
Jes  fufdits  pionniers  qui  s'eftoyent  fort  haftez  de  le  del- 
pouiller  &  mettre  en  terre  ,  n'ayans  eu  loifir  d'apperce- 
uoir ,  auoyent  laifle  couucrt  ,  caché  &  ferre  entre  \cs 
doigts  de  fâ  main  gauchejîa  lueur  duquel  diamant  don- 
nantauxyeux  du  capitaine  Clere  ,  auHi  toit  il  s'en  làifît, 
&  rappellant  le  laquay  (  ia  en  chemin  pour  Ce  retirer)  lui 
dit  qu'il  n'auoit  pas  perdu  fa  peine  ayant  trouuc  vn  bon 
diamant  en  la  main  du  corps  dernier  déterré.  Le  laquay 
s'eftant  fait  monftrer  ce  diamant  le  reconut  auflî  toft ,  & 
trefi'aillantdeioyeaflcura  Clere  que  c'eltoit  le  diamant 
defbnmaiftre.  Al'inflant  il  remet  pied  à  terre  iH  à  l'ai- 
de de  Clere  retira  de  la  fofle. fans  délai  ni  diflSculté  ,  tout 
Je  corpSjqu'ils  eftendirent  de  fon  long  fur  l'herbe  ,  lequel 
après  auoirefl'uyé  foigneufement  par  tout  auec  vn  mou- 
choir y  le  laquay  reconut  fort  bien  eftre  le  corps  de  (on 
maiftre  combien  qu'il  fuft  cftrangement  desfigure  ,  6c 
qu'il  euft  mefme  la  tefte  tort  enflée  de  coup  de  harque- 
buze  5  &  la  face  toute  tournée.  Mais  ce  pauure  laquay 
voyant  que  fondit  maiftre  ne  fe  remuoit  non  plus  qu'vn 

mortj 


dr  mémorables,  66  j 

mort  approcha  fa  bouche  de  la  bouche  d'icclui ,  comme 
pouiLibaiTer,  &  dire  le  dernier  adieu  ,  le  tenant  pour 
trcfpaffé,  fur  ce  reflentant  encore  quelque  refte  de  îbuf- 
flcs'efcriant  de  ioye  dit,  qu'il  n'cftoit  pas  mort  :  à  raifoii 
dequoy  lui  &  le  capitaine  Clere  mirent  les  mains  fur  Te- 
ftomach  ^fur  le  petit  ventre ,  &  fur  plufîeurs autres  par- 
tics  du  corps  de  Ciuillejen  chacune  defquelles  trouuans 
de  la  chaleur,  &  pour  ces  caufes  le  laquay  ne  tenant  foa 
maiftre  pour  mort ,  defîrcux  aufll  de  le  porter  en  la  mai- 
fon  du  fieurde  Coquereaumont,  où  il  logeoit  auec  le 
capitaine  Ciuille  fonicune  frère  ,  lors  gifant  malade 
dVncoupde  canon  qui  lui  auoit  emporté  le  bras  gau- 
che 3  affifté  dudit  Clere  le  printdeuantfoy  fur  l'arçon 
de  la  fellc  d'armes  du  cheual ,  mettant  feulement  la  ca- 
laque  entre  les  reins  &  l'arçon.  En  ceft  cftat  ils  s'ache- 
mincrêt  au  Monaftere  de  SainfleClaire,  où  y  auoit  bon 
nombre  de  chirurgiens  ordonne?,  pour  medicamentcr 
les  blcflez.Ce  corps  leur  ayant  efté  baillé  a  vifiter,  aprc; 
auoir  fondé  la  playe,  &  paffé  de  part  en  part  vne  fpatuîe 
entrant  par  le  vifage  &  fortant  par  le  col  fut  dit  par  les 
chirurgiens  au  capitaine  Clere,  entre  autres  par  vn  nom- 
mé M.  Claude  Faubuiffon  ,  vieil,  &  expérimenté  en  (on 
art,que  ne  voyant  plus  en  lui  aucune  efperancedc  vie, 
comme  amfî  foit  qu'il  ne  tirail  ni  pied  ni  main  >  le  meil- 
leur eftoit  de  le  porter  en  tcrre:iointque  ne  leur  reftanr 
des  medicamens  que  pour  ceux  dcfquels  ils  pouuoyent 
efperer  guerifon ,  ils  n'eièoyent  d'auis  de  les  employer  Ci 
(mal  à  propos  fur  ce  corps  qu'ils  iugcoyent  more.  De 
inaniere  que  lepauure.laquay  toutdefefperé  &  pleurant 
fr  derechef  pkcer  le  corps  de  fondit maiftre  (comme 
au  parauant)  fur  l'arçon  de  la  felle  de  fon  cheual ,  pour 
de  là  le  porter  chez  lefieur  de  Coquereaumont:  auquel 
lieu  cfta  ns  arriuez  ils  porterét  ce  corps  nud  en  fa  cham- 
bre, &le  mirent  en  fon  hd  ordinaire,  où  il  demeura 
fans  parler,  ni  fans  remuer  aucune  partie  de  fon  corps 
plus  de  cinq  iours  &  cinq  nuits. 

Durant  ce  temps  plu/îcurs  de  fcs  parens  &  amis  \in- 
drentlc  voir,entrc  autres  les  damoifelles  du  Verbois ,  de 
Vclly,du  Valj&  autres  :  lefqucUcs  voyans  reliât  pitoya- 


^^8  Hiftoires  admirables 

blc  où  il  eftoit ,  &  qu'il  fembloic  à  raifon  de  la  grande 
chaleur  qu'on  relTentoit  en  lui  par  tout  Ton  corps,  qu'il 
fuft  hors  de  toute  efperâce  de  pouuoir  rccouurerfafan- 
té  (d'autant  qu'il  ne  parloit,  voyoït/entoit,  ni  remuoit 
aucunement)  fi  ne  laiflcrent-clles  d'enuoyer  quérir  les 
iîeurs  Gueréte  &le  Gras,  médecins  fort  renommez,  qui 
firent  monter  en  la  chambre  vn  ieune  chirurgien  nom- 
mé M.  laques  Aueaux,  pour  le  penferen  leur  prefencc, 
s'ilfetrouuoità  propos  ,  &  appliquer  quelques  medica- 
més  &  emplaftres  à  Tes  playcs.  Montez  qu'ils  furent  tous 
en  la  chambre  où  gifoit  Ciuille  ,  après  l'auoir  par  tout 
loigneufement  vifité  &  fait  fonder  les  playcs  par  le  chi- 
rurgien ,  fans  que  le  patient  fit  demonftration  quelcon- 
que d'en  fentirricn  (ce  qui  les  faifoit  fort  douter  de  fa 
guerifon)  fi  fut-il  refolupar  auis  commun  de  la  compa- 
gnie, qlje  tel  perfonnage  méritât  biê  vn  appareil ,  on  lui 
apphqueroit  (cômcilfut)  vn  fetton,lequel  il  arrefta  14. 
heures  \  remettâspour  le  furplusla  partie  au  lédemain, 
à  telle  heure  qu'il  eftoit,fur  l'aiTeurance  qu'ils  donnerét 
tous  trois  de  le  reuenir  voir  à  l'heure  dite ,  afin  de  iuger 
plus  certainement  par  l'opération  de  ce  premier  appa- 
reil ce  qu'on  auroit  à  efperer  &  dire  de  fa  blefl'ure  & 
maladie.  Cependant  ils  ordonnèrent  que  pour  le  nour- 
rir on  lui  dcficrreroit  &  entr'ouuriroit  les  dents  &  la 
bouche  aucc  à^%  couftenux,  qu'on  ne  lui  dôncroit  autre 
chofe  qu'vn  peu  de  coulis  &  prcflls  ,  qu'on  lui  ietteroic 
aucc  vne  cueillier  en  la  bouche.  Ce  qui  fut  faicî: ,  &  ce 
corps  laifi*é  en  telcftat  iufquesau  iourfuiuant ,  auquel 
les  fufnômez  auec  plufieurs  autres  amis  de  Ciuille  ,  en- 
trez en  la  châbre,  auec  intention  de  voir  ce  qu'on  pour- 
roit  attendre  &  luger  de  la  fanté  de  ce  corps ,  le  chirur- 
gien ofiant  les  bandes  &  hnges  qu'il  auoit  mis  autour  de 
la  tcfte  &  du  col,  defcouurant  derrière  &  deuât  la  playc, 
retira  ce  long  fetton,  &  monftra  aux  médecins  &  à  tou- 
te la  compagnie  vne  grande  quantité  de  pus&defang 
meurtri,  d'ordure  &  de  matière,  que  nature  auoit  pouf- 
fé hois  en  ce  peu  de  temps:  ce  qui  auoit  grandement  al- 
légé la  tefte  du  p^dent,  defcnfié  fon  col,fes  mafchoires> 
&  les  autres  parties  des  cnuirons  defditcs  playes.  Cela 

don- 


^memorahles.  €^() 

déna  à  toute  Tafl  (tance  grande  efperance  qu'auec  le 
temps  &  l'aide  de  Dieu,Ciuille  pourroit  auoir  allégean- 
ce de  Ton  mal,  &  acouragea  ledit  chirurgien  de  ne  lui 
rien  efpargner  à  Tauenir.  Mais  le  pis  eftoit  que  la  fie- 
urcfans  diminution  quelconque,  eftoit  continue  &  for- 
te :  aulïî  qu'il  ne  remuoit  aucun  de  Tes  mébres  non  plus 
qu'auparauant:  à  raifon  de  quoi  les  médecins  n'ofoycnt 
afTeurer  rien  au  certain  de  fa  fanté  :  car  ils  voyoyent  peu 
<i*apparence  de  lui  faireperdre  ccftegrofTe  fieure,Iaquel- 
le,quoi  qu'on  fift,  ne  l'abandonna  qu'après  la  prinfe  de 
la  ville  de  Rouan  >  qui  fut  le  z6,  iour  du  mefme  mois 
d'Oaobre. 

Ciuille  fut  en  ce  miferable  eftat  depuis  le  iour  de  fa 
blefiure,  iufquesau  cinquicfmeiour  enfuioant  &  plus, 
dedans  fon  liêtjfans  parler,voir,  remuer,  ni  fentir.  Au 
bout  duquel  temps  Dieu  lui  ayant  ouuert  les  yeux  & 
reuuoyéle  maniement  &  remuement  de  Tes  membres 
(quoy  que  bien  peu  fur  le  commencement  )  il  fe  mit  à 
ouurir  la  bo uche,  tafchant  & s'cfforçant  de  parler.  Vrai 
eft  qu'il  eftoit  comme  vn  homme  efperdu  &  fraifche- 
ment  refueillé  d'vn  profond  fomne,  ne  (cachant  <ce  qu'il 
faifoit,ni  où  il  eftoit ,  ni  d'où  il  venoit ,  comme  s'il  fuft 
reuenu  de  mort  à  vie  ,  &  peu  à  peu  commença  à  deftier 
fa  langue ,  tantoft  palifTant ,  comme  tout  honteuiri  n*o- 
fant  entreprendre  de  parler.Neantmoinsprefle  degiian- 
des  douleurs,  fa  langue  en  fin  fc  deflia ,  &  les  premicres 
paroles  qu'il  profera  furent,  ^.t»,  han^  han,  lesbrasj  à  ciiu- 
fe  de  la  contradion  &  perclufion  de  fcs  bras  ^  procédant 
de  ce  coup  de  harquebufcqui  auoit  coupé  &  fort  oftcti- 
fé  la  plufpart  des  nerfs  de  fon  col  ,  de  fes  bras  &  maini.. 
De  là  en  auant  peu  à  peu  s'enhardiirant,denianda  Ces  ne* 
ceftîtez  :  mais  il  ne  recognut  qu'auec  le  temps  ferui- 
teurs,  parens  &  amis.  Ne  laifloit  toutesfois  à  dire  où  il 
fentoit  du  mal.  Ce  changement  fut  trouué  cftrange  de 
toutes  perfonnes,  &  tenu  pour  vn  cas  admîrablc,rare& 
inaudit ,  de  le  reuoir  (  après  vn  (i  long  filence  de  cinq 
iours,decinq  nuids,  &plus,&  après  auoir  efté  plus  de 
fept  heures  &  demie  en  terre,manger,  boire, voir,  fentir, 
remuer ,  parler  >  &  en  fin  faire  toutes  fcs  fondions  ordi- 


670  Hijloires  ndmirAhks 

naires  comme  s'il  cuft  cite  fain  ,  &  que  tout  ce  que  <îe(^ 
fusncfuft  auenu.Cepcudantchacun  fepromettoitjpuis 
que  Dieu  lui  auoit  redonné  la  vie  fi  miraculcufcmcnt, 
aucc  la  parole  &  le  mouucment ,  de  voir  auec  le  temps, 
encore  quelque  chofe  de  plus  en  lui,  &  qu'eftant  foi- 
gneufementpenfé  on  le  pourroit  mettre  hors  du  dan- 
ger de  mort,pourueu, qu'on  trouuaft  moyen  de  lui  faire 
prendre  mcûecine,alîn  de  le  garcntir  de  cefte  forte  fie- 
ure.Combien  qu'à  la  vérité  l'on  iugeaft  afl'ez  qu'il  eftoit 
iinpofnble  qu'en  Ton  corps  ne  reftaft  d'vne  telle  playc  v- 
ne  grande  difformité  pour  toute  fa  vie,  &  que  mefme 
il  feroit  en  danger  de  perdre  vne  partie  de  l'ouye  &  de 
la  veuèraulTi  qu'il  ne  pourroit  iamais  auoir  la  bouche  ne 
l'haleine  que  forte  &  niauuaife  (ce qui  n'eft  toutesfois 
auenu^parla  grâce  de  Dieu,combien  qu'il  foit  à  prcfent 
aagé  de  foixante  fix  ans  )  outre  la  contradion  de  Tes 
membres  en  gênerai  &  en  particulier^  à  l'occafion  de  Tes 
nerfs  fort  oftenfez  ,  &:  aucuns  defquels  (  comme  il  s'eft 
depuis  trouué)eftoyent  &  font  entièrement  coupez  :  au 
moyen  de  quoy  ilfe  trouueroic  fans  doute  court  &pri- 
ué  de  l'vfage  defes  membres. 

Mais  comme  deiour  en  louril  amendoit,  &  que  fa  te- 
lle &  fon  col  fc  defenfloycnt  a  veuè  d'otil,  au  grand  con- 
tentement de  tous  fesamis,la  ville  de  Rouan  futprinfe 
par  affautrla  crainte  &  apprehenfîon  de  quoy  lui  aug- 
mentèrent fort  fa  fieurc. Toutesfois  Dieu  le  fauorifa  tel- 
lement^ qu'il  entra  en  fon  logis  des  foldats  Gafconsde 
la  compagnie  du  capitaine  Lago  ,  pour  la  faifîr  &  piller, 
comme  il  auient  en  telles  prinfes  de  villes  j  lelqUcls  fe 
comportèrent  en  fon  endroit,  &  pour  fa  perfonne,& 
pourfesbiens,auec  autant  de  douceur  qu'on  eull  peu 
fouhaiter.Ce  qui  le  r'alTeura  aucunement  ,  &  nereceut 
à  la  vérité  d'eux  que  toute  courtoilîe,afl^ill:ance,  &  ami- 
tiéjComme  ilfe  pourra  ci  après  voir:ayant  Ciuille  grâd 
legret  que  lefdits  foldas  n'arreflerent  plus  long  temps 
(qu'ils  ne  firent)  en  fa  maifon.  Car  deux  ou  trois  iours  a- 
près  laprinfe  de  ladite  ville , les fufdits  foldats,  ayanseu 
commandement  de  fe  retirer  en  leur  quartier ,  côme  ils 
firent  Iciour fuiuantilcs  feruiteurs  du  ilcur  de  Moulins 

lieu- 


(jr  mémorables.  6yi 

lieutenant  des  gardes  EfcofToifes ,  polir  lequel  ce  logis 
eftoit  marqué,  entrèrent  audit  logis ,  lefquels  firent  auH- 
fi  coft  cnleuer  Ciuille  de  fon  lid  &  de  fa  chambre, 
pour  y  mettre  leur  maiftre.  Pourtant  il  fut  à  Tniftanc 
porté  par  fa  garde  &  Tes  gens  en  vne  petite  chambre  fur 
le  derrière  de  la  maifon ,  au  defl'ous  de  laquelle  y  auoic 
vneefcuirie,  où  furent  mis  &  eftablez  les  cheuaux  du- 
dit  de  Moulins  :  &  eftoyent  le  fient  &  Tordure  delà- 
dite  efcuirieiettees  par  vne  feneftre,  dedans  vne  petite 
cour  de  derrière,  fur  laquelle  auoit  aufli  veuë  par  deux 
feneftresla  chambrette  où  fut  porté  Ciuille ,  en  laquel- 
le n'y  auoit  pour  tous  meubles  qu'vn  mefchant  chalic 
plein  de  paille  (dedans  lequel  Ciuille  fut  couché)  auec 
vn  peu  de  butin  que  les  foldats  Gafcons ,  en  partant  de 
la  maifon,  lui  auoyent  libéralement  dclaiffc  &  redonné. 
Mais  le  mefme  iour  qu'il  y  fut  mis  arriuerent  dedans  la- 
dite maifon  quelques  gentils-hommes  du  pays  ,  acom- 
pagnez  de  cinq  ou  fix  valets,en  intention  d'y  trouuer  & 
tuerie  capitaine  Ciuille  fon  ieune  frère  ,  à  caufe  d'vne 
querelle  qu'ils  difoyentauoir  des  long  temps  auec  lui. 
Entrez  qu'ils  furent  tous  en  cefte  chambre  de  Ciuille 
malade ,  voyans  qu'ils  n'auoyenttrouué  fondit  frère ,  ils 
commanderentaux  fufdits  valets  (  afin  de fe  venger  de 
leur  ennemi  fur  fon  frère  )  qu'aufli  toft  qu'ils  feroyenc 
fortis  delà  châbreilsle  iettaffent  du  haut  des  feneftres: 
Ce  que  les  valets  firent ,  en  intention  de  lui  rompre  le 
col  :  mais  cela  n'auint  pas,  pour  eftre  Ciuille  tombé  fur 
ce  fumier  qui  eftoit  en  la  cour ,  vis  à  vis  des  feneftres  de 
ladite  chambre.  Aufsi  toft  que  lefdits  valets  l'eurêt  ainfif 
ictté  par  ces  feneftres,  incontinent  refermées,  ils  chaf- 
ferent  de  faiâ  &  de  force  hors  de  la  mailon  la  garde 
&lesferuitcursde  Ciuille  :  puis  emportèrent  fansrefi- 
ftancele  peu  dehardes&dc  meubles  qui  lui  eftoit  re- 
fté.  Ainfi  cefte  garde  &  CCS  feruiteurs  fc  voyans  (î  mal  à 
roposchaftez  &  hors  d'efpcrâce  de  rcuoirplusiamais 
eur  maiftre,  chacun  d'eux  fe  retira  ou  il  peut.  Car  aufsi 
penfoyent-ils  que  ces  meurtriers  fuîicnt  defcendusen 
ladite  cour ,  &  que  là  ils  eulfent  acheuc  de  le  tuer,  crai- 
gnâs  que  leur  cruauté  &  barbarie  fuft  conue,s'il  refchap- 
poic.  Mais  Diau^qui  a  foin  desiîens,  en  auoic  autretnenc 


l 


6-jL  Hifl cires  Admirables 

ordonné.  Car  tant  s'en  falut  que  Ciuille  fuft  tué  ni 
bleflé  d'vne  (\  lourde  cheute  j  qu'au  contraire  a  raifbn  du- 
dit  fumier  il  ne  le  fit  aucû  mal.  Et  tut  plus  de  trois  iours 
&  de  trois  nuiéts  depuis  là  cheute  trouué  efèendu  de  Ion 
Jong  fur  ledit  fumier^fans  auoir  pendant  ce  temps  là  beu, 
ni  mangé^ni  veu  ame  viuante  qui  euft  parlé  à  lui^ou  l'euft 
aucunement  lècouru  ,  cftant  icelui  tout  nud,  fors  la  chc- 
milc ,  auec  vn  bonnet  de  nuift  en  teftc,exposé  au  vent  & 
àlapluye.  En  ceft  eftat  letrouualelîeur  de  CroiiTet  Ion 
coufin  germain  :  car  venant  exprès  pour  le  voir  au  logis 
dudit  fieur  de  Coquereaumont,  en  elperance  de  l'y  trou- 
uer  en  meilleur  eftat  ,  demanda  de  les  nouuelles  à  vne 
bonne  vieille  feruante  de  ladite  maifon  ,  laquelle  lui  dit 
<3U*il  y  auoic  plus  de  trois  ionrs  qu'il  ciloit  mort  en  vne 
petite  cour  de  derrière  fur  vn  fumier  :  où  la  bonne  fem- 
me le  menant  3  Ciujlle  y  fut  encore  trouué  en  vie  ,  mais 
à  demi  mort,  ou  bien  près  de  mourir ,  ne  parlant  que  de 
l'œil  à  caufe  de  la  faim  ,  &  fur  tout  de  la  Ibif  extrême 
qu'il  auoit  endurée  pendant  lefdits  trois  iours.  A  raifon 
de  quoy  il  auoit  la  langue  &  les  lèvres  fi  feiches ,  qu'il 
ne  pouuoit  prononcer  vne  feule  parole.  Ce  que  voyant 
ledit  fieur  de  Croiflet ,  il  enuoya  la  bonne  femme  qué- 
rir vn  morceau  de  Ibn  pain  bis  ,  &  plein  vne  coupe  de 
bierre:&  vid  bié,  par  \ts  geftes  de  Ciuille,qu'il  eftoit  fort 
altéré,  &  qu'il  eurt  volontiers  beu  deuant  que  prendre  du 
pain  comme  il  fitrcar  prenant  le  pain  en  fa  bouche  &  cui- 
dant  l'aualer ,  fans  autrement  le  mafcher ,  tant  il  fe  trou- 
uoit  preflé  de  la  faim  il  penfa  s  eftrangler  ,  &  fut  (peut  e- 
ftre}  ainfi  auenu  ,  iî  le  pain  n'euft  elle  promptcment  reti- 
ré de  Ion  gofier  ,  non  toutesfois  fans  difficulté  j  &  falut 
meline  aufll  toft  retourner  à  la  bière  pour  la  deuxiefme 
fois ,  dedans  laquelle  après  qu'on  eut  trempé  &  mollifié 
ce  pain, il  l'auala  aifément ,  mais  fans  le  mafcher ,  tant  il 
cftoit  affamé  :  &  à  l'occafion  de  ce  ieulhc  Ç\  long  ,  (on  vi- 
fàge  eftoitdeuenu  fi  hideux  à  regarder  ,  qu'il  fembloit 
pluftoft  vn  corps  mort  qu'vne  créature  viuante.  Mais 
Dieu  y  qui  veille  toufiours  pour  le  bien  des  ficns,  &  qui 
peutSc  veut  en  temps  &  lieu  tirer  du  mal  le  bien  j  fit  que 
ce  long  défaut  de  boire  &  de  manger ,  en  lieu  de  trouuer 


dr  memorMes,  ^jj 

ii  la  ruine  de  Ciuillc,lui  ofta  la  heure  contînuë,&Iiii  ap- 
porta commencement  de  gucrifon.  Car  la  lïevie  fî  vio- 
lente reull  apparemment  emporté^qui  elloit  bien  le  re- 
bours de  Tintcntion  de  Tes  ennemis. 

Vn  tel  accident  apporta  grand  eftonnement  audit 
iîcur  de  Croiflct,  &  lui  donna  iujet  (  voyant  cefte  mer- 
ueilledc  Dieu  en  ce  gcntil-homme/îen  parent)  de  lui 
oftVir  retraite  en  là  mairon&  chafteau  du  Croiflet,  di- 
ftant  de  Rouan  d'vne  lieue,à  la  defcentc  de  la  riuiere  de 
§einc;pourueu  qu'ils')'  peuiHaire  porter  par  autr/.'  mo- 
yen que  par  le  fîen.Car  ledit  fleur  de  Croiflct,ef?antCa- 
tholique  Romain  ,  nonobilantreftroitte  parenté  &  a- 
mitié  qui  eftoit  entre  eux,  n'ofa  entreprendre  de  le  faira 
trar.fporteren  fon  nom,  çraignaHt  qu'il  ne  full:  fceu  ;  car 
s'il  euft  cfté  delcouuertjfans  doute  on  lui  eui't  reproché 
^u'il  auoit  fecouru  &  afîlegë  les  huguenots ,  dont  il  euft 
encouru  da,ngcr.  Là  ùeilu?;  Ciuillc  pria  ceiic  \  ieille  fer- 
uante  de  la maifon  défaire  vemr  parler  à  lui  la  femme 
cjuii'auoir  gardé  auparauant.  Ellcy  alla  volontiers,  & 
amenant  quand  &:foy ladite  garde  la  fit  parler  à  Ciuil- 
lejquil'enuoye  à  Tinfiant  A  crslcsToldats  Gafcons,  pre- 
çnier-cntre?.  en  fon  logis  afin  de  le  prier  ,  ii  pofîîble  e- 
ftoit  les  trouuer,  de  le  venir  reuoir.  La  garde  fit  tout  ce- 
\a  en  diligence.  Arriuez  donc  que  furent  ces  ioldâ^, 
Ciuilie  fans  vfer  de  long  piopos  ,  voyant  que  Tiicure 
preffoit,  Se  cognoiifant  d'autre  part  leur  bonne  volonté 
rerslui ,  après  leur  auoir  fait  entendre  l'offre  du  (leur 
4e  Croiflet,  ne  fit  difficulté  de  les  prier  qu'ils  lui  alTi- 
{lallent  de  leur  prefence  &faueur  en  ceiie  fiene  necefîi- 
te,pour  le  mettre  hors  de  la  ville.  Ce  que  les  foldars  lui 
accordèrent  fcrt  volontiers  ,  promettans  de  venir  fur  le 
foirleretrouueren  fon  logis,  pour l'enleuer delà  ,  8c 
l'emporter  eux  mcfmes  dedans  le  balleau  hors  la  ville, 
pourueu  qu'on  trouuaft  vne  chaire  à  bras ,  pour  le  por- 
ter ded;ins  iufques  à  la  riuiere  ,  dcaufede  fafoiblcHc& 
infirmité.  Celle  ficne  bonne  garde  fit  tel  deuoir 
<ia*elle  en  trouua  &  emprunta  vne  de  certaine  fienc 
yoifine  &  parente.  Dedans  celle  chaire  fut  inconti-».. 
Açnc  nv.s  Ciuijle ,  qui  rf  auoit  lors  pour  toute  couucrtU'» 

Vu 


^74  Hijloires  admirables 

re  fur  tout  Ton  corps  que  fa  chcmife  &  le  gardcrobe  6z 
ccfte  garde  entourlui.auec  vn  bonnet  de  nuift  en  fa  te- 
fte.  A  raifon  dcquoy  la  pauute  vieille  feruantc  ayantpi» 
tié  de  le  voir  fi  peu  cowuert  lui  fut  quérir  àt%  pantouncf 
&  vn  vieil  manteau  fourré  dont  elle  enuelopa  &  ac- 
commoda fort  bien  Ciuille,  lequel  en  ce  braue  équipa- 
ge fut  enleué  par  quatre  Ibldars  ,  &  porté  iufqucs  à  II 
porte  du  Bac.    La  trouuans  ia  fermée,  Tvn  deux  s'adref. 
fant à  certaine bourgeoife,  femme  dVn  fuftaïUer,  qui 
cftoiten  fa  boutique  proche  de  laditeporte,le  pria  vou- 
loir pormetcre  que  ce  pauurc  foldat  leur  compagnon 
bleffé  &  malade  peuft  pafTcrla  nuiâ  en  leur  boutique 
auec  vne  honncfte  femme  de  Rouan,  qu'on  lui  bailloit 
pour  garde:  à  condition  de  le  venir  cnleucr  le  lende- 
main de  bon  matin,  &  le  faire  pafTer  par  ladite  porte  du 
Bac  ,  afin  de  le  remettre  dans  vn  bafteau  &  l'enuoyér  à 
Louuiers  :   le  tout  auec  promcfTe  de  la  contenter  à  fon 
plaifir.  Ce  que  la  bonne  dame  &  Ion  mari  leur  accordè- 
rent volontiers,  après  auoir  veu&reconu  ladite  garde, 
qui  eftoit  aucunement  leur  parente.  De  fait  ils  fecouru- 
rent  charitablement  toutela  nui(5lCiuillc,dcfcu  &  d'au- 
tres necefTitcz.    Le  lendemain  les  foldats,  fuyuantleur 
promcfTcvindrent  de  grand  matin  retfouuer  Ciuille,  & 
enuoyerent  l'vn  d'entre  eux  pour  voir  la  commodité 
depaflerfeuremcntlaporteduBac,  lors  gardée  par  les    ! 
Sui{res,&  par  mefnic  moyen  louer  vn  bafteau.  Et  n'eft  à 
obmettreen  cefl  endroit  la  grande  courtoifie  dont  vfa 
ladite  fuftaiilere  à  l'endroit  de  Ciuille  :  car  non  conten* 
te  de  ce  que  dclfus  ,   elle  lui  donna  encore  vne  chcmife 
blanche  auec  vne  couple  de  mouchoirs  de  fon  mari ,  & 
vn  vieil  linge  pour  efluyerfes  playes,  &  pour  en  faire* 
des  tentes  ,  charpie  &emplaftres  :  outre -plus  des  fruits 
fecspour  luifcruir  de  refraichifiement  fur  le  chemin. 
Le  foldat  de  retour ,  Ciuille  après  auoir  remercié  le  fu- 
flaïUcr  &  fa  féme  dcleurcourtoifie,&  prms  congé  d'eux, 
fut  à  rinftant  porte  par  Icfdits  foldats  en  fon  bafteaujoù 
citant  iceux  lui  donnèrent  vne  couple  de  chemifes  ,  & 
voians  qu'il  n'auoit  aucun  argent  pour  payer  fon  hafte- 
licr,  lui  donnèrent  chacun  vn  tcftwn,  dont  deux  furent 

fut 


fur  Vhèure  ddiurez  au  maiftre  baftelier,  fuîuàrit  le  mar- 
ché parauant  fait  auec  lui  :  les  deux  autres  furent  baillez 
à  fagarde  pourfes  neceffitez.  D'auantage  lesfoldats 
craignansqu*eux  partis  de  li,ou  fur  leehemin  ,  ce  bafte- 
lier ne  fift  quelque  tort  à  Ciuille  &  a  là  garde  (  car  tels 
excès fciaifoyentaffe?.  librement,  voire impunémenc 
pouy  Iors)ils  prindrent  par  cfcrit  le  nô  &  demeure  dudic 
bafliellierj&  lui  commandèrent  de  leur  rapporter  le  len- 
demain matir^  nouuelles  en  leur  quartier  dé  TarriUee  de 
Ciuille  au  lieu  de  Croiflet  à  lauuecé.  A  quoi  le  baftelier 
n'ayant  fatisfait  fuiuant  fa  promefTe ,  ils  enuoyetent  dés 
le  lédemain  audit  chafteau  de  Croiflet  vn  de  leurs  gou- 

I'ars  exprès,  auec  refrafchiffemens  nouueaux  pour  Ciuil-. 
e,&  dffre  d'argertc  s'il  en  auoit  afaire  :  à  quoy  refpondâc 
que  non,  &  qu'il  remercioit  bien  humblement  ces  hon- 
neftes  foldats  de  tant  de  tefmoignage  de  leur  amitié  & 
courtoifîe,  le  goujat  s'en  retourna  trouuer  Tes  maiftre» 
à  Rouan,  aufquels  il  fit  ce  rapport  de  la  part  de  Ciuille» 
dont  ils  furent  ioyeux.  Vray  eft  que  par  la  malice  d'vnc 
feruante  de  ce  chafteau  Ciuille  arrefta  longt  temps  fur  le 
pont,auant  que  cefte  mauuaife  femme  vouluft  lui  don- 
ner entrée  &  l'y  receuoir  :  ce  qui  lui  caufa  des  extrêmes 
douleurs  aux  nerfs,  à  caufe  du  grand  froid  qu'il  y  endu- 


ra. Mais  en  fin  y  arriuant  le  laquay  du  fieur  de  Croiflet, 
qui  affeura  cefte  feruante  de  l'intention  &  volonté  de 
Ion  maiftre,  Ciuille  entra  au  chafteau,  &  fur  mis  en  vne 
châbre,cn  laquelle  il  fut  aflfez  mal  accommodé  en  l*ab- 
fence  de  fon  coufin.  Neantmoins  il  y  arrefta  près  dVm 
mois  en  grande  jiufere,neceftité,&  trefgrandesdouleursa 
pour  raifon  du  rctiremét  de  fts  nerfs,caufé  par  le  {roid  8C 
autres  incommoditez  endurées  là ,  tant  par  la  malice  d'i- 
celle  feruâte,qui  gouuernoit  toute  cefte  maifon  eriTab- 
fence  de  fon  maiftre ,  que  pource  que  fes  playes  n'eftoy- 
cntpenfees  comme  il  faloit.  Car  il  n'auoit  pour  lorsque 
ccHcpauure  garde,  qui  appliquoit  fur  fes  playes  de  U 
iouè  droite  &du  col,dosapreftsdepain  blanc  feulement 
en  forme  de  têtes  trépees  dedâs  le  moyeu  d'à  œuf  crud> 
Acle  chaneeaiit  •urcnouucUanc  qu'vne  foi*enviagt^ 

Vu    ♦ 


éy6  Ht sî aires  admirables 

quatre  hctires.Et  continua  ccfte  bonne  garde  telle  façon 
«le  le  pcnfcr  (à  faute  de  mieux  )  iufques  à  ce  que  le  ficur 
de  Croiflet  cftant  auerti  que  ion  coufîn  empiroit  de 
îourcniour,  craignanrque  fi  fafieureaugmentoit  ,  & 
qu'il  decedail  en  fa  maifon  ,  les  Catholiques  Romains 
lui  en  fiffent  reproche  ,  il  mena  de  Rouan  en  fon  cha- 
fteauleficur  de  Bettancourt  médecin,  &le  fufnomn^é 
JM.IaquesAueaux  chirurgien, qui  premier  rauGirpenfé 
chez  le  fieur  de  Coqucrcaumont,  lefquelss'arrefterenc 
là  deux  iours,  afin  de  lui  donner  remèdes  conucnablcs 
pour  le  garentir  de  fa  fieure',  pour  lui  fomenter  fes  ncrf^, 
*&  pour  nettoyer  fes playes:  comme  aufii  powrlui  lailfer 
de  l'onguent  &  des  appareils  cout-prelts,monllrans  à  fa 
garde  lemoyen  qu'elle  auroit  à  tenir  pour  le  pcnfcr^net- 
toyer  &  medicamenter  à  rauenir,atcendant  quelque  au- 
tre commodité  de  rcucnir  le  voir ,  &  qu'il  y  euft  fcure:é 
pour  eux.Careftansreconus  tous  deux  ,  pour  eftre  de  la 
religion,  ils  n'ofoyent  fe  hazarderde  paflcr  les  porte-, 
fans  fe  mettre  en  trefgrand  danger  d'eftrc  tuez  par  le 
peuple,  finon  quccefuften  la  compagnie  du  fîeur  de 
Croifl'etjfortrefpcéLt'  à  Rouan. 

Orlcsremedes&rafhftanccdeccs  gens  de  bien  luy 
firent  toft  perdre  fa  ficure,&  les  playes  aufll  commencè- 
rent à  fe  porter  mieux  que  deuant:de  manière  qu'il  for- 
tit  toft  après  de  fon  lid  &  de  fa  chambre  ,  &  fe  pourme- 
na  par  tout  le  logis  :  vray  cft  que  c'eftoit  fans  fe  mon- 
ftrer,ni eftre  veu  de  genseftrangcs,&  won  domcftiqucs 
defon  couiîn,  dcpcur  qu'eftant  reconu  ledit  fieur  de 
Croifict  à  fon  occaîion  ne  tombaft  en  peine ,  &  les  dan- 
gers y  eftoyentgrands;car  on  faifoitrcccrche  de  ceux  qui 
auoyent  eu  charge  dedans  Rounn;Comme  Ciuille  auoit 
eu. Voila  comme  il  reprenoit  fes  forcer  peu  a  peu.  Mais 
fa  difformité  eftoit  telle  qu'il  auoit  continuellement 
i'aureille  droite  {  à  l'occafion  de  la  fufdite  conrra<ftion 
de  nerfs  )  attachée  à  l'efpaulc  ,  la  bouche  quafitouf- 
iours  ouuevte  ,  fans  la-pouuoir  fermer  qu'auec  beau- 
coup dcpeinc  &  de  mal, ni  mefme  ferrer  les  dents  qu'à 
force  :  ayant  le  coude  de  fon  bras  droit  ferré,  comme 
s'il  eutt  eftc  collé  à  (es  coftezila  main  droite  telle  mène 

clofe 


^  mémorables.  6*77 

clofe^qu'il  ne  fe  poiuioit  en  force  du  mon  Je  Si  Jer  de  (es 
^oi2Xs,  ni  mefmc  les  drcflcr,&  falcir  que  tout  Ton  corps 
tournaft  (  tancil  auoit  le  colroidc)  quand  l'œil  fevou- 
loittourncr.il  continua  en  ce  miferableeftatiufques  aa 
mois  de  luilletenfuiuant,  qu'cftantfecouru  par  aucuns 
de  Tes  cimis,&  finguliercmentpar  Ton  grand  laquay ,  qui 
Tauoit  déterré  puisl'cftoit  venu  rctrouuer&  feruir,  il  fut 
par  lui  &  par  vn  autre  fcruiteur  conduit;  pendant  le  fie- 
^e  duHavie  de  grâce,  iurquesenla  maifon  desfîeurs 
de  Ruftofle  &  de  iainde  Marie.  Bailleul frères,  gcntils- 
homines  demeurans  en  Caux^aflcz  conus  pour  la  gran- 
de &  rare  expérience  qu'ils  ont  naturellement ,  &  par  la 
grâce  de  Dieu  comme  particulière  &  attachée  à  leurfa- 
mille,auqucllieu  eflans  arriué  &  par  cuNgracieufcment 
receu.ils  le  penferentaucctant  de  foin  ,  de  diligence  & 
cl*affcdion  mefmes  àraifon  de  l'ancienne  amitié  qui 
cil"  entre  leurs  maifons,  qu'en  moins  de  fix  fcmaines  il  a- 
mendafort:  combien  que  pendant  qu'ils  le  manioyent 
&:accommodoycnc  ilcnduraftdes  douleurs  extrêmes. 
Carapresauoir  vfé  de  plufieurs  réitérées  fomentations, 
afin  de  lui  mollifier  les  nerfs  ,  ils  lui  tiroycntà  plu/îeurs 
tepiinfes  vnc  fois  par  iour,&  cchuid  ou  dix ioursdu- 
rantjla  tefce ,  les  bras ,  &ies  iaiiibes ,  pour  par  ce  moyen 
lui  eftcndre  lesnerfs,  puis  après  lui  lians  le  bras  gauche 
au  dos,&lefaifans  monter  au  haut  d'vne  cfchelle  à  de« 
grilles  de  fer  d'vne  d<:;s  feneftres  de  la  maifon  ,  qu'ils  lui 
faifoyent  forcément  prendre  auec  la  main  droite ,  lui  o- 
ftoyent  l'efchelle  de  dcfious  les  pieds,  & faifoyent  que 
tout  fon  corps  pendant  à  la  main  ,  les  nerfs  s'cftendoy- 
ent  de  plufe  en  plus.  En  forte  qu'ayans  auffi  appliqué  de 
tref-exccllens  ceromes,depuis  le  haut  de  fon  coluifques 
dcITusla  main,&le  long  de  fon  bras  droit  pour  touf- 
ioursmolhf  er  fes  nerfs,  il  fe  trouua  dedans  fîx  fcmaines 
auoir  recouuré  la  force,  le  remuement  &rv(:ige  de  fes 
membres  ,  tournant  fort  à  propos  &dctouscoftez  le 
coljhauflant^baiil'ant&eftendantles  bras  à  fa  volonté, 
&  maniant  fa  main  &  ("es  doigts  ,  fclon  qu'il  vouloir, 
Commeà  prefent  ,   quoy  qu'aagéde  foixante  fix  ans, 
if  a  l'vfage  de  lefdits  membres  3c  de  ion  corps  allez,  d 

Vu   3 


^yi  HiJ!oir es  admirables 

Taife^par  la  grâce  ck  Dieu  :  combjen  CjU'il  ait  depuis  Ta  il 
I5'62.cn  Jure  autant  de  mal,  &  porté  autant  de  fatigue& 
de  coups,c]u'autTe  irentil-hcmmt  dt:  fa  qualité,  lanstou- 
tt^cï^  qu'il  ait  perdu  à  Toccafion  de  la fufdite  bleflcurc 
autre  chofequ'vne  pariiedc  Touycà  quoyn'a  cftépof-^ 
^ble  d'apporter  aucun  remède,  non  pjusqu'au  nerf  du 
petit  i'o:f,t  cela  niain  droite,  lequel  fut  entièrement 
coupe  parla  baie,  ne  laiflant  toutesfoisde  s*en  aider, 
mais  non  auec  telle  force,vcrtu,ou  adion,  qu'ilfaifoit  a- 
iiant  fa  bkfTeurc.  Bien  eft  vray  qu'en  confcquence  à'\- 
cclle,il  a  eu  de  grandes  maladies  à  Tocca/îon  de  la  def- 
cente  de  plulîeurs  os,lerqucls  nature  pouffant  hors  à  di- 
Ueriesfois  &  en  diuers  £enip5,&  coulânslclong  àts  nerfs 
entre  la  peau  &  la  chair  de  fon  col, il  s'ett  a  eu  de  tempt 
en  temps  tellement  affligé  de  grolTes  apollemes  ,  qu'el- 
les l'ont  maintes  fois  conduit  iufques  furie  fueildc  la 
jnort:  &  fontfortislefdits  osa  diuerfes  faifons  &par  di- 
fi ers  endroits ,  procedans  tous  de  lamafchoire  droite, 
fjui  fut  rompue  en  dcux,&  de  tous  collez  brilee  :  conti-. 
îiuantce  mal  depuis  le  iour  de  fa  ble(rure,iufqucsenraii 
ïjSé.qu'ellant  refi.giéauccfa  famille  en  Angleterre  dc- 
<lan5,  Londres,pourobc!r  auxeditsdu  Royi  il  fut  par  le 
conleil  dvr.  excclleiit  médecin  de  Prague,  nommé  M. 
Xauinius ,  &  d'vn  autre  dode  médecin, natif  d'Orléans, 
nommé  M. Maillard  ,  contraint  Àci^e.  faire  appliquer  vn 
cautère  au  bras  gauche  ,  afn  de  rompre  j)ar  celf  e  diucr- 
lîon  le  cours  des  humeurs  qui  couh  yenten  abondance 
fur  ccfle  partie  oftt  nfec  ,   &  lefqucUes  lui  occaiîonnoy- 
cntde  temps  en  temps  cçs  grofles  apoilemes  &  mala- 
liiei:  Nature  n'eftant  feulè-afl'ez  forte  pour  les  rcpoufler 
furies  aunes  parties  plus  capables  de  s'ew  garantir.  Ainit 
Jesapoftcmcsceflérei.r,  n'en  ayant  (depuis  qu'ilaconti- 
puc  d'eiuretenir  ce  f  en  eauteve)  efté  en  forte  que  ce  loit 
ni  meracé  ni  trauaiUé.  A\\ÇÇ\  ell:-il  foigncux  de  le  bien 
entretenir  :  fc  portr-nt  à  ccile  occafion  mieux ,  fanscom- 
paraifon, qu'il  r/auoitoncques fait  aaparauant.  Etcepar 
la  grâce  de  Dieu  ,  auquel  fcul  en  fou  l'honneur  &  la 
^Iduc  ccerncllf  ment^ 

l'ay  \Ài% 


C^  mémorables,  6j^ 

Tay  bien  voulu  reprelenrer  tout  au  long  ceftc  hiftoi- 
re  cres-memorablc  ,  l'ayant  reccue  ciela  main  d'vn  no- 
table pcrfonnage,  à  qui  le  fieur  Ciuille  l'a  enuoyce 
l'année  1^03.  pour  me  la  communiquer.  Elleeft  outre- 
plus  lignée  de  la  main  propre  duciit  fieur ,  lequel  en  ce- 
fte  fîenc  dcliurance  me  ramentoit  ces  quatre  vers,  pour 
doliure  du  prefent  difcours. 

Dicft guérit  ceux  la  qui  dejfaiUent 

Pour  les  g  4>ids  tnauX  qui  les  travaillent, 

Ky^}>pliqi*an:  icffm  leu.  s  blfffeurts 

Bjnnes  medecmes  ^feurei. 


CON  Sr  ANC  E  endduerfitc. 

LE  grand  Sforce  monftra  toufieurs  vnemerueillcu- 
fe  conftance  à  fupporter  toute  aduerfîté.  Ayant  af- 
i!egé  Naples  de  toutes  parts  (comme  c'eftoitle  plusfa- 
ge  &  hardi  chef  de  eucrre  de  Ton  temps  )  fon  fils  Fran- 
cif]ue  Sforce  &  Fofchin  fils  de  fa  fœ ur  furent  bleffez  à 
mort.  D'autre  cofté  Léonard  de  lamd  Seuerin  fou 
gendre,  ayant  desfiévn  feigneur  Neapolitain  à  courir 
lalancc  à  fer  efmoulu  ,  fut  tué  fur  le  ch;imp.  D'auanta- 
ge  on  lui  apporta  nouuelleque  Polyxenc  fa  belle  fille 
femme  de  Francifque  auoitefté  tuée  par  poifon  ,  en- 
femble  vne  fiene  petite  fille  de  grade  efperance,&  eftoy- 
ent  mortesen  grands  tourmens ,  &  ce  par  les  artifices  de 
la  propre  tante.  Pour  le  comble ,  \n  de  fcs  capitaines, 
peu  féal ,  fit  courir  vn  bruit  par  tout  le  camp  que  fecours 
inuincible  vcnoit  aux  alfiegez ,  Stque  Icréfort  des  aflfie- 
geanseftoitcalTé:  cequi  mit  les  ibldats  de  Sforce  en 
grand  trouble.  Mais  lui  fupportantdeconftance  mer- 
ueilleufe  tout  ce  choc  d'aduerfité  ,  ne  monftra  figne 
quelconque  de  dyeil,  nclaifla  fortir  de  fa  bouche  foui* 
pir  aucun,  ni  parole  efféminée  &  indigne  de  fon  grand 
courage,ains,  fafts  fe  cachet  en  fa  tente  ou  en  lien  efcar- 
té,  comparut  toufioursen  plublic  auecmefme  vifage 
^uc  de  eouilume.D'auancage  il  Ht  de  tres-belIesrcmou« 

Vu  4 


6^0  Hijioires  admirablei 

ftrancesàfcsfoldats,  monlhantvn  cœur  afleuré&nvâ-» 
yementafllscn  bonlieu,  tellement  que  la  profpcnté 
&ra.lucrlîté  paioiÛoic  tout  vnc  en  lui.   vaul  loue  cnld 

On  recite  d'Alfonce  roy  d'Arragon  ,  qu'ayant  entre- 
pris &  commencé  la  guerre  de  Naples,  de  laquelle  il 
vintà  fon  honneur  au  bout  de  vingt-deuxsns,  fous  des 
rcuolutions  merueilleufcs ,  iufqucs  à  eflic  pris  &  en  la 
main  de  fcs  ennemis ,  ncantmoins  il  ne  changea iamais 
devifage,  dcparolcde  contenance,  ni  ne  nionftra,pour 
inefchef  qui  lui  aduinft,  qucfa  magnanimité  s'abaiflaft 
en  forte  que  ce  fuft  ,  ains  parut  toulîours  contant  &;  pa- 
reil à  foy  mefme.  ^nt.  de  Pjerme  ati  ï.  UuJo  faits  ^  dits 
ttialuiich  9. 

Ce  mefmc  Prince  ayant  vn  vlcerefort  dringcreux, 
fouffnt  que  le  Chirurgien  y  appliquaftle  fer  ardant, 
fans  froncer  le  front,  ni  crier,ni  gémir,  ni  manftrcr  au- 
tre fîgne  quelconque  de  couleur.  VAlerwe  au  4.  Uu. 
L'Empertur  Sigifmond  foufÎTit  de  mciine  conftance 
qu'on  lui  coupail  vn  des  artueils  :  comme  fît  aufl'i  le  roy 
de  ?olongne,  Sigifmond  premier  du  nom.   kenifoi  Syl-^ 

ttiiii  ç^  Croni:rM. 

l'ay  touché  en  gênerai  quelque  mot  de  la  conftance 
d'Alfonce;  maisicla  fpecificrai  en  celte  fc6aon.  Ayant 
efté  desfait  en  vnc  bataille  nauale  près  de  Gayette^prins 
prifonnicrparles  pcnci]ois,&  mise? mains  île  Philip- 
pe Viconte  Duc  de  iMilan,  lequel  clloit  venu  au  fccours 
des  affiegc?,  fc  maintint  lî  conlîammenr,  &  retint  fa  Ma- 
iefré  de  telle  forte,  qu'on  euft  dit  qu'ileftoit  \idorieux, 
non  pas  vaincu.  Pouitantquelques  vns  de  fcs  ennemis 
ne  pcurent  fc  contenir  de  dire ,  qu'Alfonfe  paroiffoic 
Koy  entout  temps.  Mené  puis  après  en  Il/le  ù'./€narie, 
&  importuné  par  TAmiral  de  Gencs  de  la  rendre  aux 
Gcneuois>&  ce  fans  aucun  delay  :  l'aduoué  refpondit-il, 
r| uc  \  oi:s  me  tenez  en  .vos  mains  :  mais  ie  megarderay 
bien  de  faire  ce  commandement  à  mes  gens ,  &  quand 
Je  leferoisjils  ne  m'obe'roycnt  pas ,  artcnùu  Teftat  où  ie 
fuis.  VouloiLqucrAmiiai  crcaftqucfes  {uittsC^  gar. 
ueroyciit  bicûsde  donner  vn  pouicede  terre  (qui  eft 

peu  de 


^  mémorables.  6%i 

peu  ce  chofc)  ou  vn  quartier  de  pierre  de  for»  royannie 
aux  Gcneuois.  L'Admirai  eftonné  de  telle  conllancc, 
s'cxcufa  enuers  Aifonfe,  reicttnnt  toute  la  faute  de  cefte 
negotiation  fur  celui  qui  y  auoit  efte  employé.  Peu  de 
teuips  après,  entendant  qu'on  le  lairr«it  aller,  il  fit  dire 
au  Duc  de  Milan ,  qu'il  eftoit  preft  d'accorder  ce  qu'on 
lui  dcmanderoit ,  mais  qu'on  ne  lui  parlaft  poiiu  defe 
déporter  de  la  guerre  de  Naples;  d'autant  qu'il  eOoit  rc- 
iolu  de  demeurer  en  prifon  perpétuelle,  auant  que  qui- 
tericclle  entreprife  :  voulant  demeurer  ferme  en  fa  dé- 
libération ,  &  n'eftre  accule  de  Icgeretc  par  les  fcigne.urs 
ccnans  Ton  parti ,  &  qui  eftoyent  prifonniers  auec  lui- 
tyint.cle  Palerjie  dt*  ^.liu. 

Le  Pape  Pie  II.  parauant  nommé  ^neas  Syluius  ^  le- 
quel viuoit  l'an  1460.  fc  monftroit  fortconftaçt  en  «Ji- 
ucrfîté.  Ayant  entendu  les  nouuelles  de  la  dcsfaite  d'v- 
ije  fiene  armccfans  autrement  s'efmouuoiic  Si  mon  en- 
nemi (dit-il)  gaignedixbataïUes,  &cn  perd  feulement 
vne  ,  c'eftfaitdelui  :  comme  il  aduint  auffi  bien  toil  u- 
pres.Ferdinandroy  de  Naples  ayant  eflé  vaincu  parles, 
François  auprès  du  Sarne ,  Pie  ne  dit  autre  chofc  fînon: 
Le  hazarddc  la  guerre  nous  fuit,il  nous  a  chéris  premiè- 
rement, &  maintenant  il  nous  rechigne. Outreplus  fcs 
partifansayansefté  rompus  auec  grand  perte  en  Aile- 
magne  :  Et  bien  (dit-iî)  déformais  ce  fera  noO:re  tour  de 
vaincre,ayans  eilé  vaincus.  Finalement  il  vint  à  bout  de 
.fes  ennemis  en  Italicau  royaume  de  Naples ,  &  en  Al- 
lemagne. Sa  crjnftance  apparut  fur  tout,  en  ce  qu'ayant 
entrepris  la  guerrc,&  mis  iés  forces  en  campagne,iamais 
il  ne  voulut  entrer  en  pour  parle  de  paix,  qu'eftâc  vido- 
rieux  ,  quoy  qu'après  les  pertes  précédentes  les  ennemis 
lui  offnffent  comme  la  c.irrc  blanche,  &  femblaflcnt 
pluftoll  demander  que  lui  offrir  paix  &c  reconciliation. 
lean  C  ampnrjiif  en  la  -vîe  d'icelm. 

L'armée  des  Vénitiens  ayant  cfté  battue  &  mifeeu 
route  auec  infîgne  perte,  Ik  Carauagc  ,  par  Francifque 
Sforce  depuis  Ductleii4Tian,peus'elî:ansfauue7  à  la  fui- 
te., tant  s'en  falutque  les  vaincus  s'esbranlalfcnt ,  qu'au 
CôtiaArt  Pragois  Fofcarin  leur  DuC;autcur  de  cefte  guei: 


€%i  HiJlûirfS  admirables 

refit incontmctafleinbler  le  Gonfcil.ou  comparoifîarrt 
veftu  ci'vnc  grande  robe  d'cfcarlarte,  &  dVn  vifage  plus 
ouucrtc]uede  couftume,  après  auoir  fait  prefenTau  pu- 
blic d'vnc  tres-groflc  femme  de  deniers,  exhorta  IcsSei- 
rneursà  le  monftrer  conftans  &  courageux,  item  a  prc- 
lier  leur  argent  à  la  Republic]uc,  lesalTeurant  que  de- 
dans trois  iours  rarmeefcroitredrclTee,  compîette,  & 
plus  refolue  que  iamais.  Cefte  grandeur  de  courage  fit 
peur  au  victorieux,  SiFinduifit  à  demander  la  paix  aux 
Vénitiens.  B,ipt.  ij^nace au  :;.Uu.ch.6. 

Apres  que  les  Vénitiens  curent  eftc  defpouillez  de 
toutcequ'ilstenoyenten  terre  ferme  dedans  l'Italie  par 
Louys  XII.  Roy  de  France,  l'Empereur  Maximilian  I. 
le  Pape  Iules  XI.  &  Ferdmand  I.  Roy  d'Efpagnc:lcTurc 
leur  offrit  fecours ,  dont  ils  le  remercièrent  ^  &fe  main- 
tindrent  courageufement ,  fortifiez  par  la  conftance  de 
JLconnrdIuflinianleur  Duc,  par  leconfcil  duquel  ils 
reuindrent  toft  après  au  delTus.  ^^u  mcjme  //w.  ^  ch.tpi^ 
tre.  Guichardin  eicrit  au  8.  Uu.  que  les  Vénitiens  furent 
lors  fort  esbranlez,  &ieur  attribue  vne  fort  honteufe  rc- 
cerche  de  l'Empereur,  Mais  il  confeffe  ptjis  après  qu'en 
ladefenfc  de  Padouè  leurs  afaires  fe  remirent  au  dcf- 
fiis,&  remarque  beaucoup  de  conftanccs  es  gentils-hom- 
mes Vénitiens. 

Ferdinand  d'Aragon  ,  Roy  de  Naples,  chafle  parle» 
François>ayant  vcu  la  3esfaite  de  fcs  troupes  à  Scmina- 
re,monftra  mcfme  vifage  que  s'il  eull  elle  vainqueur.Se 
cenlurantfoi-mefme  il  difoit  auoirefté  fruftre  de  ion 
cfpcrance^&voyoit  bien  quel'inconftance&rcuolution 
«iesatajres  du  mode  lui  monftroit  en  diuerfcs  fortes  que 
rentrée  en  Ion  Royaume  lui  eftoitclofe.Ce  nonobftant, 
après  auoirefté  dcliuré  de  mort, Ion  chenal  avât  eftéab* 
battu  fous  lui  au  côbat,&  fon  page  tue  pour  le  garentir, 
après  s'eftre  retiré  de  viileffe  i  Palme ,  il  rcprint  plus  de 
courage  que  Qeuant,guidé  du  deilin, cotre  toute  aparen- 
ce  humaine  ,  &  fe  perfuadant  quclc  ciel  &  la  terre  &la 
,  mer  oui  lui  cftoyét  cGtraires,  Iclon  Tapparêce  &  reiienc- 
méthii  fcrovent  en  iinfauorables.Pourtants'embarqua- 
û  -«  ;,ij/]mc;aya.it  vnc  floue  dcfcpuntc  v*JuVcaux>  où  il 


^  mémorables.  685 

n'y  auoit  que  des  matelots  &  fort  peu  de  gés  de  guerre. 
Auccccft  équipage  il  aprochade  Naples,  s'en  rendit 
iwai{lre,&  enferma  les  François  dedâs  le  Chafteau  neuf» 
dont  il  les  chafla  finalemét  par  le  moyen  de  lafamine.P. 
l<ii*eau^.li.defes  hiji.Wr.GuUh.At*  x.liu.des guerres  d'italse. 

Si  homme  de  noftre  temps  s'eft  monftré  confiant  & 
roide  en  aduerfîté  ,  ç'aeftélePapel  I.  fi  Ton  encroid 
Guichardin,  lequel  defcriuant  auecfînguliere  adrefTc 
les  trauerfes  qu'eut  ce  Pape ,  réduit  à  infinies  difficulrez 
parfes ennemis,  nommémentpar  le  Roy  Louys  XII. 
dit  ces  mors,  entre  autres  :  Oneuftditqu*ilauenoit  du 
Pape^deietté  de  tan t  d'efperanccque  les  Poètes  ont  laif-» 
fépar  efcrit  d'Anteus,que  toutes  les  fois  que  dompte 
des  forces  d'Hercule  il  touchoit  la  terre ,  autant  de  fois 
s'en  monflroyent  plus  grands  en  lui  la  vigueur  &  le  cou- 
rage.Le  mefme  eftoit  du  Pape  en  fon  aduerfité  :  car  lors 
qu'il  fcmbloit  plus abaiffé  &  foulé, il  fe releuoit  d'vn  c- 
pritplus  confiant  &rerolu,&  fepromettoit  del'auenir 
plus  que  lamais.  Ncantmoins  il  n'auoitprefques  autres 
fondemens  que  dclui-mefme  :&  ce  qu'il  prefuppofoi; 
(comme  publiquement  il  difoit)  ores  qu'il  fufldefnué 
de  vaillautes  &  loyales  armes  j  n'ayant  autres  amis  cer- 
tains que  les  Vénitiens,  lefquels  par  necefTité  ccuroyenc 
mefme  rifquemeantmoins  pource  que  Tes  entreprifes  ne 
jprocedoyentd'intereil  particulier  :mais  d'vn  feul&pur 
ciefîr  de  la  liberté  d'Italie,  qu'auec  l'aide  de  Dieu  il  en 
auroitheureufeiflue.  Voyez:  Fr.  Guichardin  4«y.^  lo. 
liu.de fon  bijl.des guerres  d'ItuUc, 

Le  grand  Gonfalue  ayant  eu  beaucoup  de  difficultei 
escftmmencemcns  delà  guerre  qu'il  fit  aux  François,le{^ 
quels  finalement  il  chafia  du  Koyfiume  de  Naples^mon-» 
ftia  toufioursvn  vifage  aifeuré,  failant  (d'vncfîngulie- 
re  adiefîe)fon  profit,  poa  moins  de  fes  pertes  que  d« 
fes  auantagcs.  Ayantafliegé  Tarente,fcs troupes fcTou- 
leuercnt&  mutinèrent  contre  lui,  faute  de  payement. 
Quoy  qu'il  fevift  en  danger  de  perdre  la  vie  entre  les 
mains  des  mutine7.,ce  nonobflant  il  fc  maintint  en  foo 
giliette  acouilum^Çt  £(  comme  vn  ioUac  lui  portaii  i  la 


^  ^  4  Hi (loir es  admirables 

poiilriiicla  peinte  de  ia  hallebarde  ,  pourletranfpcrcef  ~ 
iSi  tL!cr,en  deilouinnm  le  coup  de  lamam  gauche  ,de  la- 
cruelle  lUoulcua  la  hallebartie,  &tciburiaiu,  il  lui  '^aZy 
Malhabile  homme  que  tu  cs.haunclapoinde  detahal- 
I-lxirde.de  peur  qu'en  te  iouaiit  tu  ne  ni€  perces  de  part 
&  d'autrcrcom me  s'il  cuftpnns  pour  rilec  le  grincement 
àz  dents  de  ce  foldat  furieux,  vattl  loi^  en  U -vk  d'udiu. 

François  Fofcarin  Duc  de  Venife  ayantpar  longues 
minces  gouucrné  l'eftat  fort  heureu(êmcnt,vid  vn  grâd 
tiGubleenfa  maifon  ,  lequel  il  (upporta  fort  conftam- 
menc.  Vn  /icn  fils  nommé  Iaqucs,accule  (  mais  à  tort) 
d'anoir  fait  tuer  Hermolas  Donatchcf  des  Dix,  retour- 
nant vnfoir  en  famaifon,  vid  fondit  fils,  après  auoirefté 
i%deiTienc  torturé  ,  banni  perpétuellement  de  Venife. 
Mais  il  monftra  lors  &  depuis  touliours  tel  vifage  que 
"ç^rznam.Ktpt.Egnace  au  ^.liu.ch.t. 

Charles  VIII.  Roy  de  France  ,  ayant  entendu  que  Ton 
$ls  rniquccftoiî  mort,  ne  s'en  monftra  eitonné  m  trou- 
blé^ni  n'en  changea  d'habillcmcns,  ni  ne  laifla  certains 
palfetemps  qu'il  auoit  commencez  ,  ni  ne  voulut  que 
î'entrcprifepourlaconquefte  du  Royaume  de  Naples 
fuftdiftcrce  :  mais  d'vn  vifage  ouuert  &  paifible  rendit 
grâces  i  Dicu,fc  monftrantplus  refolu  qu'auparauant  à 
ion  voyage  d'Italie. Pw/(^o/f  au  ^.litt.cha.-io. 

Léonard  Lauredan,Duc  de  Venifcpriué  contre  toute 
apparence,  i:  par  mort  foudaine,  dupuifné  de  Tes  hlç^ 
ieune  Gentil-homme,  de  tres-grandc  cfperancejporta  (i 
conftamment  celle  perte, qu'après  auoir  enuoye  le  corps 
^u  Tepulchre  ,  il  le  trouua  en  confeil ,  où  fa  prefcnce  e- 
iloîcrcquife  pour  la  relolution  d'vn  afaire  d'importance. 

Deux  Seigneurs  Vcniticns,procureurs  de  S.Marc,  Tvn 
îiommé  Lucas  z e'ie,pcrc  d'vn  fils  vniquc, l'autre,  Do- 
minique de  Treuife  peie<le  quatre  hls  ,  lupportercnt 
coucemcntlctrefpasdeleursenfans,&nc  remarqua-on 
CM  eux  tefmoignagc  aucun  d'altération  d'efprit.  Jî<#  mf/- 
mz  Uh-.'c  ffçy  chapurc. 

Es  volumes   fuiuans  nouspropofcrons  diucrsexem- 
plci;  de  la  confiance  en  aduerfité  de  plu/îeurs    autres 

grands 


d"  mémorables,  6%^ 

grancls  perfoniiages ,  depuis  les  rufinenfionne?-  :  afi-a 
cju'encesdiuerfes  reprifes  nous 'donnions  tant  plus  de 
contentement  au  le(5teur. 


CONT I2iENCE  mémorable, 

Î'Ay  parle  de  Luchin  Vivalde  au  premier  volume.  Ea 
celui-ci  ie  reprefcnreray  la  continence  de  Francifquc 
Sforce,  lequel  eilant  chef  de  l'armec  des  Florentinsau 
licge  de  Cafcnouè,  fortercfle  des  Lucquois^  aduintque 
ia  ville  avant  cftép.rife,  quelques  foldatstrouuerentv- 
ne  ieune  femme  nouuelleracnt  mariee,de  beauté  fingu- 
liere,  laquelle  eftant  riree  par  force  hors  de  fa  maifon> 
leur  dit  en  criant  qu'elle  le  donnoit  au  Com.c  FranciA 
que,c-:  non  a  autre.  Ceux  qui  Tauoyent  raiiie^craignans 
ft  cholerc  du  Ccm.te,  ne  faillirent  delà  lui  amener  tout 
à  rheure.  Le  Comte,  ieune  Seigneur,  fortabandonné  à 
fcs  plaifirs ,  quoy  qu'efpris  de  i\  rare  beauté  ,  demanda 
neantmoinsàlaieunefemme  il  eileaimoit  mieux  con- 
fcntir  ïfa  volonté,que  demeurer  en  lapuififance  de  ceux 
qui  la  lui  auoyent  amenée, Sa  refponfe  fut;qu'cllecfi:oic 
prefte  à  lui  obeïr,pourueu  qu'il  lui  pieuil  la  tirer  d'entre 
les  mains  des  foldats  qui  l'auoyenc  prife.   Alors  Sforcc 
cômanda  à  fes  gens  cle  la  conduire  en  Çà  tente.  La  nuid: 
venue deuant  que  fe  mettre  au  lid,  il  lui  demanda  dere- 
chef fi  elle  eftoit  de  mefme  cour:?oe,ou  fi  elle  auoit  chr^- 
gédepropos  ?  Laquelle  lui  refpondit  comme deuanr. 
Sur  ce  il  la  fit  defpouiUer  (Se  coucher  auprès  de  foi.   En- 
trée qu'elle  fut  dans  le  licL,voyant  vn  tableau  de  la  vier- 
ge Marie  que  leComtetenoic  par  couftumc&  deuotion 
près  de  foi,  pleine  de  honte  &  en  grand'  reuerence ,  cUc 
dit  au  Côte  auec  larmes  aux  yeux ,  Monfcigneurie  vous 
prie  par  ceftc  fiicree  vierge,dôt  voici  l'image ,  qu'il  voUs 
plaifc  preferuer  ma  pudicité,&  prit  voftre  ciemence  tare 
renommée,  vouloir mereftitucr  entières  nullcmeni: 
pollue  à  mon  mari ,  qui  eft  parmi  les  autres  prifonniers. 
Si  ie  vous  ay  promis  obei^«âcc  a  voilre  plaifir,ce  n'a  elle 


èi^  Hi/lâires  ddinirahles 

<jue  pour  me  dcliurer  des  mains  de  ceux  qui  m'atioyçnt 
rauierpour  raifon  aufll  de  vos  vertus  qui  m'ont  fait  e^ 
iperer  que  megaranterie?.  de  toute  vilenie  iic  \iolenc<. 
Le  Comte  fut  tant  efmeu  decesp3roIes,que  toute  ar- 
deur lubrique  lors  efteinre  en  lui,  fans  toucher  ceftc 
femme  nueal  Tort  haftiuement  hors  du  li<fL  Et  déslc 
grand  matin  cnuoye  quérir  le  mari,  duquel  il  pava  la  ra- 
çon,lui  rendit  fa  femme,auec  grands  fermensquM  ne  l'a- 
uoit  touchée  ni  cognuc.  Le  mari  fc  mettant  i  genoux, 
le  remercia  tres-humblement,  comme  Ion  peutpenfcr, 
priant  Dieu  pour  la  profperitc  du  Comte.  Lequel  vou- 
lut donner  à  tous  deux  plufîeurs  biens  &  meubles  du 
pillage  de  la^illc.  Mais  la  femme  n'en  voulut  accepter 
pièce  quelconque  ,  difanc  que  Tes  voifins  voyanstels 
dons  eftimeroyent  que  ce  feroitlc  prix  de  fon  honneur, 
quoy  qu'entière,  &  parainfi  qu'elle  tomberoit  en  faux 
blafme  &  reproche,qu'clle  defiroit  fuyr  plus  que  la  mort» 
Ayant  eu  licence  de  s'en  aller,  &  prins  congé  du  Com- 
tCjils  fe  retirèrent  en  leur  maifon.  B^pnjie  Fulgojk  ah  4.  U- 
ure  des  eXempUs,ch.^. 


C  ON  FF  L  s  1 0  N  e/lra/fge.. 

"irvE  noftrc  temps  avefcuen  la  ville  de  Florence  vn 
JL/Citadm  nommé  laques  de  René ,  de  taille  greOe, 
îhumeurmelanchohque,lequclenuironlecinquantief- 
me  an  de  fon  aage,parutafflicé  d'vne  conuuliîon  eilran- 

fe,au  mufcle  temporel  du  cofté  droit  :  paroxyfmc  dont 
aflault  eftoit  tel.  A  chafcune  heure  du  iour  &  de  la 
nuid  ,  l'accesdela  conuulfîonle  prenoitpar  dix  foiç. 
11  tordoit  la  bouche,  les  paupières ,  Toeil  droit  luy  rouil- 
loit  &  tournoit  en  lateftc,  aucc beaucoup  d'efcunle 
&  crachat  fréquent  parla  bouche  :  il  frappoitde  toute 
fa  force  auecfes  pieds  contre  terre:  L'accès  durant  enui- 
ron  autant  qu'on  mettroit  à  prononcer  promptcracnc 
&{ans  arreft  le  Pfeaume. qui  commence,  Miferere  mei 
Vet4s  fecmdum    mugnam     mijericordiant   tium.     Puis    il 

de« 


tJ-  memorableSé  6iy 

4emeuroît  coy  quelque  peu  de  tempj,  parlante  traies 
comme  s'il  n'auoit  rien  fouffert.  Soudain  l'accès  venoic 
comme  vnflus  puifTant  auec  mefme  effort  &  période; 
puis  fefaifoitlereflus,  Ilauoit  dcfîa  vcfcu  dix  ans  en 
ceft  eftrange  eftac ,  fans  auoir  peu  receuoir  alle^eanc© 
de  medicamens quelconque  ,  lemal  ayant  mclprifé  & 
rendu  vaincs  les  confukations  des  plus  cxcellcns  méde- 
cins de  ritalie,ce  dit  /.  Schotch.uitz,  -uolume  de  fef  rectteih» 

M.  François  Emeri,  médecin  excellent  à  Vienne  en 
Autriche,  &  moy,  vifitafmcs  vn  iour  certain  bourgeois 
delà  ville,  homme  continuellement  catarreux,  &  fore 
affligé  des  gouttes,  qui  par  interuallcs  l'auoyent  telle- 
ment torturé  ,  qu'il  en  auoit  des  plufîeurs  années  les 
doietstout  noueux  &  retirçz.  Auint  qu'vn  catarrelc 
faifit  &  fut  verfé  par  toutlc  corps ,  dout  il  fut  exiremc 
ment  malade.  Le  catarres'efpandoit  iufques  au  cuirSc 
aux  parties  proches  de  la  peau  ,  dontles  m ufcles  pro- 
chains eftoyent  remplis,  toute  lapeau  tendoit  finale- 
ment d'vneconuulfion,  comme  11  tous  les  ncï{;i(cfuC-' 
fent  retirez,  &  deuenoit  afpre  &  rude  comme  vn  efcor- 
cc  d'arbre,  ou  comme  vn  cuir  efpais  cloué  fur  vn  table. 
Le  patient  ne  pouuoit  remuer  pieds  ni  mains  tains  tout 
fcftoit  roide  &  comme  gelé.  L'efpine  du  dos ,  le  col ,  la 
nuque,  les mufcles du  ventre  ef^:oyent  en  mefme  eflat: 
neantuîoin»;  c'eftoit  fans  douleur  véhémente.  Rien 
nerelloit  enfon  naturel  ,  au  regard  des  partiesexter- 
nés ,  que  le  mouuement  &  la  rnoUefl'e  des  yeux  &  des 
paupières.  Cefle  conuulfion  de  tous  les  nerfs  ,  ayaac 
duré  trois  iours&  trois  nui <5ts  ,  fe  fîcvne  crife  par  vue 
roufce  ou  vapeur  efpandue  par  tout  le  cuir,  qui  le  ra- 
mollit foudaincment  ,  p^is  les  membres  recouurercnt 
le  mouuement.  Ccftc  conuul/îon  defgaigna  tous 
mcdicamens  ,  &  ne  fut  moins  lamentable  que  mémo-» 
rablc.  Mais  ce  qui  cft  le  plus  digne  d'obferuatioû 
fut,  qu'il  n'y  eut  conuulfion  en  aucune  des  parties  wi- 
ternes  :  au  contraire  le  cerucau ,  la  langue ,  Teftomach, 
les  boyaux,  la  veffie  aidèrent  toufîours  le  patient  ,  qui 
n'cftou  cmpefché^iîiion  quand  il  faloit  prendre  quelque 


y 


CÎsS  Hijloîres  admirables 

bouillon,  à  caufc  des  mufclcs  compartiifans  à  rœfopfi  »^ 
gc.  Aîutthictt  Cortux  enfonjnumtei  de  înedccine  3  liu.  1.  cha" 
pitre  zb. 

Le  Do(fceur  Schenckius  fak  mention,anres  cjuclquesL 
fameux  meciecins,  d'vn  gétil-hommc  Italien,  qui  l'eipa- 
cc  de  (;x  Icmaines  continuelles  futatHigé  d'vnc /i  vio- 
lente côuulfîon,  que  fa  telle  ciloit  renucrfee  &  couchée 
furlcselpaules  :  finalement  fut  remis  au  deff us  par  m e- 
dicamensconuenablcs.  Item  d'vn  autre  qui  frappoic  les 
fviTes  nueclcs  talonsauffi  aifement  que  des  mains  par 
c;^nuulfion  :  cC  d'vncnfa^it  de  trois  ans  qui  par  meiine. 
maladie  eiloit  tellement  agité  par  tout  le  corps  que  nul 
membre  ne  reftoit  D.ns  tremblement  &  fecouëment,  rc- 
fcrue  les  pieds  qui  demcuroycnt  immobiles.  To?n.  i.//«. 
l.Olffcrti.z^J.z^i^.  z$9'  Fernelaiijit  ,iu  yUi*.  chap.^.  de  fa  Pa- 
th. •love  parle  à'vn  qui  tous  les  ans  duranrl'hyuer ,  ertoit 
dcuxou  troisfois tourmenté  d'vneconuulnon, qui  con  - 
mcnçoic  par  vn  branfiemcnt  de  tefte  à  diucrles  reprilc' , 
puis  faifoit  tourner  tx  baiiler  la  tcfle  &  le  col  fur  les  cf^ 
paules,rout  le  corps  puis  après  le  roidiiloic  &  eib;i- 
V:noic:prir  fois  vn  coiLe,vn  bras,ou  vne  cuille,  fans  qu'on 
ypeult  rcmedier,iufques  a  ce  qu  e  l'accès full  pafie. 


ÏE A  N  Guy,carileur  de  Montpellieisvint  me  trouuer  va 
iour,  pourvoit  li  ie  pourrois  lui  couper  fans  danger 
vne  corne  qui  lui  cftoit  nce  fur  le  fronr,vn  peu  au  dedâs 
à\x  poil  du  cofté  gauche:  laquelle  me  donna  bien  à  pen- 
fer  ,  d'autant  qu'elle  eiloit  i  la  baie  du  tout  en  tout  ad- 
hérante a  l'os,  &1Î  eftoit  longue  de  demi  pied,  &dela* 
grofleur  d'vn  bon  poulce.  Sa  figure  eltoir  inefgalcgroile 
dfa  ba(e,fe  renJât  en  poinfteà  Ion  extrémité  ,  recoquil- 
lee  comme  ccik  d'vn  ieune  mouton  de  fîx  mois.  En  fin 
voyant  l'ennui  &  rcn^ptfchemenc  qu'elle  lui  caufoir, 
vaincu  auflî  de  ia prieres,ie  le  ha7arday,fciant  cefte  cor- 
ne Iç  • 


^  VMmoYAhles.  689 

n^^lc plus  bas  qu'il  mrîutponible,  dont  fortit  grande  a- 
bondance  de  fani^,qui  me  contraignit  de  venir  au  cautère 
aduel. Apres  auoir  fait  cheoir  reftharrcjinondifi-?,  incar- 
né &  cicatrifé  Tvlcere^il  guérir.  Bart.Cabrol  ett  fes  obferua-* 
tiens  ^^itatonnqtteSiobfcru.U, 

Chacun  Jcait  en  France  5  ce  qui  s'eft  trouué  es  forefts 
de  B^'auflc  depuis  quelques  années ,  à  Tçaucir  vn  ruftique 
portant  cornes  au  front,tirc  des  bois  où  il  faifbit  demeure 
contniuelJe  j  produit  en  Ipedacle  aux  grands  &  petits, 
dont  les  vns  ont  fait  des  rilèes,  les  autres  y  ont  penle  au- 
trement. Ou  en  a  imprimé  des  placarts.  Mais  ia  n'eft  be- 
Ibin  que  nous  parlions  d*auantage  de  ce  que  tous  Icauent. 


CORR  ECT I  0  N excejfiue &  cruelle^ 
^aujè  de  îref-grandmaL 

Pî  E  R  R  E  deNauarrej  Admirai  d'E/pa^ne^eftantauec 
vue  puiflànte  flotte  fur  la  mer  Méditerranée,  :'.pres 
quelques  heureux  exploits  fe  rendit  près  de  Tlfie  dç  Zer- 
bi  ou  àts  Gerbesjpour  y  faire  aiguade  >  &  à  cefte  fin  com- 
mande à  vn  àts  Colonnels  de  delcendre  en  vne  autre  pe- 
tite Ifle  nommée  Cercima,aucc  quatre  cens  loldatSipour 
deJcouurir  celle  comniodité  d'eau.  Il  n'y  auoiyen  ccfte 
lile  que  des  cabanes  de  bergers,  &  quelques  Mores  qui 
cultiuoycntlaterre.Vianel  (ainlis'appelloitcechef  )  de- 
fcendu,  s'cftant  vn  peu  aduancé  en  rifle  j  trouue  trois 
puis  d  eau  douce ,  lefquels  eftoycnt  pleine  de  boue ,  pour 
auoir  efté  abandonnez  des  Ivlores  qui  enauoyentcreufé 
déplus  commodes  loin  de  la  mer,  &  comme  au  fonds 
de l'IfieJl  les  nettoyé  en  diligence,  &  prie  l'Admirai  lui 
permettre  de  faire  garde  de  ces  puits  iufques  à  ce  que  la 
Hotte  fut  fournie.  Gc-que  lui  ayant  elle  odroyé,  non  fans 
doute  &  prelàge  du  mal-heur  prochain,  toft  wpres  à  caufc 
qr.e  le  Capitaine  enfeigne  re  pouruoyoitpas  à  quelque 
affaire  aiTez  toft.  Vianeljhonime  haut  a  la  main  j  &  choleie 

Xx 


a^o  HiHûires  admrabks 

extrêmement,  commence  a  l'outrager  deparolesj  &  de^l 
langue  vient  aux  mains, frapejblefic  ce  capitaine,  lui  arra- 
che" du  poil  de  la  bai  bejpour  plus  le  deipiter.Ceit  homme 
£[  exceffiucment  &  cruellement  cenrure,  pour  l'heute 
beut  celle  iniurej&la  garda  quelques  lours  en  leltomach. 
Mais  en  lieu  de  la  digcrcr  ou  vuider ,  fans  dommage  de 
ceux  qui  n'en  eftoyent  nullement  coulpables  ,  vn  ioire- 
Itant  nuid  clofe,  il  court  vers  les  Mores  ,  6c  leur  dit  eftre 
venu  à  eux  pour  leur  mettre  es  mains  \ts  Eip.ignolsqui 
gardoyent  les  puitSjpour  les  exterminer  lans  aucune  refi- 
liance.Ayans  coFeré  eniemble  des  moyens,  fur  la  minuidt 
les  Mores  iettent  deuant  quelques  elpions,  leiquels  rap- 
portent que  tous  \ts  Eipagnols  eftoyent  profondement 
en  dormis.  Au  fil  ne  fe  doutoyent-ils  nullement  desMoteSj, 
ni  d'aucun  des  Iniùlaires.  ifs  vienent  donc  en  diligence 
conduits  par  ce  capitaine  enfèigne  ,  lurprencnt  &  maflà- 
crent  Vianel  auec  tous  les  ibldats ,  excepté  vn  laiJlë  pour 
mort  auec  les  autres ,  &  deux  prins  en  vie  qu'ils  enuoye- 
rent  en  prelent  au  Roy  deTunesa^  à  vn  Roitelet  du  pays, 
\.QS  Mores  extrêmement  ioyeux  d  vn  tel  exploit ,  où  nul 
des  leurs  n'auoit  dié  blelîë  ni  tue, chargez  de  butin, com- 
mencèrent à  faire  vnefcoppetterie  lur  la  pointe  du  iour, 
dont  l'Admirai  entendant  le  bruit,fait  Ibnner  l'alarme  >  ôc 
defcendre  i^i  troupes  en  terre.  Au  bruit  de  tât  d'hommes 
marchans  en  câpagne  les  Mores  fê  retirent  de  viftcfleeti 
leurv  forts  efloignez  de  là.  Celui  qui  auoit  eftc  laiflc  pour 
mort,re  leue ,  &  approche  en  la  neccfÎKé  du  lècours  venu 
trop  tardjdeicounre  a  l'Admirai  la  faute  de  Vianel  i  &Ia 
perfidie  du  Capitaine  enfèigne  ,  r.diouilant  que  Vianel  a- 
iioit  fait  vne  autre  faurc  ,  lettant  ies  icntinelles  trop  loin 
des  puitSjtellement  que  les  Moiej.  ayans  furpris  &  oppri- 
mé tour  à  coup  [qs  fèntinellcsjs'elluyent  tout  à  l'aiiè  ruez 
fur  ceux  qM  dormoyent ,  &  hs  auoyent  miferablement 
ixcagcz.  L'A'im.'ral  r  e  pouuant  remédier  à  ce  deiôrdre^. 
iè  retire  tout  ind;grécn  ces  vaificaux.  Toftaprcsjla  flotte; 
ayant  padn  1.-  commodité  de  faire  3;guadc,pjr  la  faute  de: 
Vaneljperitjcon-îme  nous  Tauons  du  cideuât  parlant  des 
armées  ruinées  par  la  ioif,  ik  autres  incoDUcniens.  L'hi- 
ftoire  iùlmentionnce  cit  delcripte  par  ^Ittarts  Gême7ji*r 

lafin 


d"  mémorables.  €^t 

Ufin  du  ^uatriefme  Uttre  desfaicls  mémorables  du  Cardlnd  Xi-^ 
meues.Cdà  aduint  enuiron  l'an  ; ^<dS,oa  i 509. 


C  R  F  E  L  s  punis. 


LE  dernier  iour  de  Decembrearan  i^oi.Liuerot  de  Fer- 
me capitaine  Italjeiijfiiiement  attrappe  auec  quelques 
autre$/ut  par  Je  commendeinent  de  Ceiàr  Borgia^Duc  de 
Valentinois,eilranglé  dedans  la  Chambre  où  il  elloit  pri^ 
foiinier^jenfemble  vn  nommé  le  Vitcllozze.  Perfbnnene 
peut  nier^ditlhiftoirej  que  Liucror  n'ai  fait  vne  fin  telle 
que  i&s  mcfcliancetez  meritoycnt ,  eftant  raifonnabîe  que 
periit  malheureufement  celui  qui  peu  de  temps  aupara- 
liant  auoit  dedans  la  ville  de  Ferme  cruellement  maflàcréi 
pour  ic  faire  grand  3  lean  Frangiane  Ton  oncle  >  auec  plu- 
fîeurs  dei  prmcipaux  de  la  ville,  qu'il  auoit  priez  de  venir 
b.m quetrer  chez  lui.  Tr.  GnUhurdin  xu  cinqmefme  li.un  déS 
guerres  d' Italie yfeâ. 10.  Au  marge  de  laquelle  hilloire  Ibnt 
adiouftez  ces  mots  notablesiDieu  punit  les  meichans  :  3c 
qui  a  traiftreufement  tue' les  autres  3  efttué  par  d'autres 
iraiftres  plus  fins  que  lui. 

Ce  Cefar  Borgiajdont  ie  vien  de  parler,  l'vn  de  plu*  (î- 
mulezSc  cruels'ide  mémoire  d'homme,apresauoir  commis 
vne  infinité  de  mefchancetez  &  cruautez,  fe  vid  defpouil* 
le  en  peu  de  temps  de  tous  Tes  biens  &  clhts  ,  mocqué  & 
detcftc  de  toute  l'Italie  qui  l'auoit  adoré,conftitué  prifon- 
nier  ,  &  traité  fans  aucun  relped  de(èsdignitezpa/lle«» 
c  )mme  vn  Icelerat ,  mené  finalement  après  plufieurs  tra- 
is en  Efpagnej&  ietté  dedans  vne  prifbn  ,  de  laquelle  a- 
;  ^.nt  trouué  moyen  d'elchjper  &  s'enfuir, il  alla  cercher  la 
mort  deuant  vne  bicoque  alTiegee,  où  il  fut  tué  d'vn  coup 
de  traid  ,  làns  regret  d'aucun.     Nous  rcferuons  à  par« 
1er  de  lui  plus  amplement  en  l'vn  des  volumes  fuiuan^i^ 

Xx  & 


^^L  HiHoires  admirables 

VoyeTj^f.  Gnîchardin  att^.6,  fjyj,  Uure. 

Lan  mil  cinq  cens  vingt  ,  Je  royaume  de  Suéde  fut 
réduit  à  piteux  termes  pa  Chnluerne  roy  de  Dane- 
marc  ,  comme  nous  le  monlirerons  ailleurs.  Eftant 
liir  ibn  retour  par  terre  en  ion  royaume  j  il  failbit  dref^ 
fer  par  toutes  les  villes  &  bourgades  où  il  paflbit  ,  vne 
potence  ou  gibet  ,  pour  le  faire  tant  plus  redouter.  Vn 
nommé  Nicolas  HoHiein  3  qui  auoit  brigue  cefte  cruel- 
L^conimiffion  ,  qu'il  executoit  fort  foigneuièment,  fut 
lui  mcfinc  pendu  &(.  elhanglé  à  IVn  d'iceux  gibets  en  la 
ville  de  Sudercop  ,  ôccepar  exprès  commendement  de 
Cariftierne.Z?.  Chytrxm  anodin»  de pn  hifioire  ou  Chronique 
de  Saxe, 

Deux  ans  après  ,  Thomas  gouuerneur  de  la  forterefle 
nommée  Aboé,ayant  receu  vn  trop  feuere  mandement  de 
Chriftierne  3  en  fut  encore  plus>  prompt  &  cruel  execu- 
tegr.'car  il  fit  trancher  les  teftes  à  quelques  fêigneurs  Suè- 
des.   Gela  auint  au  commencement  de  Tan  mil  cinq  cens 
vingt  &  deux.Au  mois  de  Juillet  en  l'an  fuiuant ,  ce  Tho- 
mas ayant  équipé  quelques  nauires  ^  fit  voile  vers  Stock- 
holm ville  capitale  de  Suéde ,  &  approchant  des  promon- 
toires^enuoye  vn  vaifléau  léger  à  la  defcouucrte.  L'Admi- 
rai de  Suéde  citât  au  guet  auec  fa  flotte  derrière  vne  haute 
montagne^attiape  ce  vaifieau^  diftribué  tous  les  foldats  & 
matelots  par  Ces  nauircs,  emplit  ce  vaifieau  d  autre  Ibldats 
&  matelots  Suedesjpuis  tourne  voile  ainfi  feul  versTho- 
masjlequel  defcendu  en  vn  eiquifpour  defcouurir  les  ri- 
uages  d'alétourjapproche  de  Ion  vaifléau  à  force  de  rames,  i 
demindant  de  loin  fî  tout  le  portoit  bien.    OnluireP»/ 
pond  acortementj  qu'il  eftime  que  ce  fuflént  Tes  gens.     Il 
approche:,&  de  ibn  efquif  monte  au  vailTeaUj  où  entrant  il^  ! 
le  conoit  pris,  /ànsauoir  loifir  ni  moyen  de  le  garantir. 
Cela  fait  lAdmiral  de  Suéde  fait  approcher  fa  flotte  ,  6i  à 
pleines  voiles  attaque  les  nauires  de  Thomas  ,   en  prend 
plufieurs ,  &met  lerelte  en  fuite.     Thomas  mené  vers 
Goliauc  Roy  de  Suedcjau  bout  de  quelques  iours  fut ,  à 
caufe  de  fa  cruauté  liifmentiojinse  ^  pendu  &  dUanglé 

àvn 


^  mémorables,  693 

à  vn  chefiie.f»  ce  mej'mc  liitre. 

L'an  mil  cinq  cens  loixante  huid  ,  lean  Ooncît, 
nommé  le  PreuollSpelle  ,  Je  plus  cruel  inftrument  que 
Je  Duc  (i'Alue  iceult  mettre  en  o-nure  ,  conuaincu  tic 
plufieuriconfufions  ,  irem  d'auon- fait  mourir  pluHeurs 
perlbnnes  innocentes  ,  fous  noms  empruntez  3  reb/ché 
des  prif)nnicrs  moyennant  bonnes  fomtncs  ik  qu«nti- 
té  de  deniers  ,  prins  argent  des  païens  de  quelques  vns, 
le/quels  neantmoins  il  failbit  cruellement  mourir 
puis  après  ,  fans  rien  rendre  &  reiHtucr  ,  fut  pendu  & 
elh  ai 'gîé  aux  halles  delà  cour  de  Èrullèllcs  ,  par  com- 
mandement du  Duc  d'Alue  Ion  maiftr^  ,  exterminant 
celui  qui  auoit  fait  mourir  plulîeurs  milliers  de  per- 
fbnne>>  du  fceu  delon-dit  maiilre  ,  lequel  i'cd  vanté 
d'aroir  fait  pafler  par  les  mains -des  bourreaux  plus  de 
dixlnii(!:t  mil  hommes  de  compte  fait.  l'/j/^o/re  des  pays  bas, 
'Volume  T.b'we  1. 

Il  y  auoit  Tan  mil  cinq  cens  quatre  vingts  &  vnzejau 
pays  de  Brabant  vn  preuolt  des  Marcfchaux  nommé  Daii- 
ckart ,  lequel  elfant  au  ièruice  de*  Eftats  fut  prins  par  les 
E/^agnols.  Pour  fe  racheter  &deliurer  de  leur  violen- 
ce j  il  promit  faire  merueilles  innumerables  pour  le  Roy 
d'Efpagne.  De  fait  ayant  obtenu  nouuelle  commiflîoii 
ilpouriuiuitfort  rudement  \qs  aduahturiers  des  Eftats. 
Non  content  dequoy  ,  tous  les  gens-d'armes  &  piétons 
d'ictux^qui  alloyent  à  la  guerre,  ou  ccrchoyent  proye  par 
Ja  rufe  &  adrefle  des  armes  >  tUoyent  cruellement  eftran- 
glez  ou  bruflez  vifs  par  (on  commandement  ,  fans  refpeà 
d'aucunjni  acception  de  rançon.  Tel  comportement  le 
rendit  fî  odieux  ,  que  les  folJats  des  Eftats  iurerentû 
mort,  s'ils  pouuoycnt  vne  fois  le  tenir  en  leur  puiflance  & 
domination.  Ils  le  cheualerent  (î  dextrement  &  diligem- 
mentjqu'ils  l'attrapèrent  en  vne  embufcade  dreflee  hors  la 
ville  de  Liere  en  la  proui  ncc  de  Brabant ,  ronziefme  iour 
du  mois  de  Dcceml3re5au  mefine  an  mil  cinq  cens  quatre 
vingts  &  vnze,  taillèrent  &  mirenten  pièces  trente  de  fès 
archers, &  gaignerent  leurs  cheuaux  &  armes. Quant  à  ce 
Prcuoft  tombé  vif  entre  Jeurs  mains ,  ils  lui  coupcrcht 

Xx    5 


6'94  Hijloir es  admirables 

Je  nez  &  \cs  deux  oreille^.'puii  l'ayant  longuement  trai  né 
deuant  le  yeux  de  ch<icun,à  Ja  qucLe  d'vn  chcual  ,  finale- 
ment le  bruflerent  vif  à  m  petir  feu  de  paille. 

Le  femblable  aduint  en  Fiindres  i  vn  autre  Prcuofl 
nommé  Roederocdejc'clî  à  dire  en  latigùe  Françoii'JjVe:  - 
ge  lougejcquel  ayant  elle  tué  en  combattant ,  Ton  Lieu- 
tenant fut  prins  &  bru/li  vif  dedans  vn  arbre  creux  à  petit 
feu  de  paille.  La  mefme hijlokre  ,  au  deuxiefiue  njolume  >  Hure 
fixiepne. 

Ce  petit  nombre  d'exemples  fera  refch^intiJlon  d'vn 
trefgand  nombre  d'hifloires  contenues  es  volumes  lui- 
uansjoù  les  terribles  deportemens  de  plufieurs  endiucis 
cndroi«!is  du  monde,  &  les  admirables  lugemens  de  Dieu 
fur  eux  ne  fèrôt  point  oubliez. Il  nous  à  lemblé  Uon  de  rc- 
prelènter  â  beaucoup  de  repriiès  les  merueilles  denoOre 
temps  pour  donner  tant  plus  de  contentement  &  d'arreli 
i  ia  pcn/èc  du  Leûeur  ami  de  pieté  &  de  droicture. 


CFRIOSITE    mefchante &  detc- 
fiable  chafiiee. 

LE  s  ignorans  penfent  que  tout  ce  qu'ils  oyent  racon- 
ter des  Sorciers  &  magiciens  Toit  imponlble.  hcs  a-* 
theiftes  &  ceux  qui  contrefont  les  lçauan«  ne  veulent  pas 
confe/Ter  ce  qu'ils  voyentjne  fjachans  dire  la  caulèjaiin  de 
nelemblerig'iorant.Les  Sorciers (&  Magiciens)s'en  mo-» 
'^uent  pour  deux  raifbns  principalement. L'vnejpour  ofter 
Topinion  qu'ils  foycnt  du  nonibre:L'autre  ,  pour  eftablir 
TPiY  ce  moyen  le  règne  de  Satan.  Les  fols  &.  curieux  en 
veulent  faire  l'eflay  :  comme  il  auint  en  Italie  en  la  ville 
de  Corne  ^  n'a  pas  longtemps,  ainfi  que  recite  Sylueftre 
Prieras  j  que  i'Orficial  &  l'Inquifiteur  delà  foy,  ayans 
grand  nombre  de  iorciereî  qu'ils  tenoyçnt  en  prilbn  S  & 

ne 


CJr  memorahleS'.  6^95 

ne  pouuans  crone  Ils  choies  eliranges  qu'elles  difoy- 
ent  3  en  voulurent  fiiie  la  preiiue,  5c  le  firent  mènera 
la/ynagoguc  par  Wnc  des  lorcieres  ;  ik  le  tenans  vn  p.  u 
ai'efcart,  virenttoutes  les  abominations  ,  hommages 
au  Diablcjdaniesjcopulations.  En  fin  le  Diable,  qui  rai- 
iôit  iemblant  de  ne  les  auoir  pas  veu  ,  les  baric  tant  qu'ils 
en  moururent  qumze  iours  après. /.Bo^m  en  U  préface  de  fa 
Demonomanie. 

Tay  apris  du  fieur  de  Noyalles  Abbé  de  l'Iile  3  depuis 
ambafladeur  à  ConftanrinopIe,&  d'vr,  gentil-homme  Po- 
lonoisjt^ommé  Pruiriski ,  qui  a  eflé  ambafladeur  en  Fran- 
ce,que  Tvn  des  grands  rois  de  la  Chreftienté,  voulant  f^a- 
uoir  Tifllië  de  Ton  eltatjfit  venir  vn  lacopin  nec.romarticn, 
Jequel  dit  la  Mefie^apres  auoir  conlàcrc  l'oftie  fie  trancher 
Ja  teiie  à  vn  ieune  enfant  de  dix  ans  premier-  né^qui  eftoic 
préparé  pour  ceft  efFett  ,  8c  fit  mettre  fa  tefte  fur  Toftie: 
puis  difant  certaines  paroles  &  vlànt  de  characteres  qu'il 
n'eft  belbin  de  T^auoir,  demanda  ce  qu'il  vouloir.  La  tefte 
ne  refpondit  que  ce>  deux  mots  rimpatior.  Et  auilî  roft 
Je  Roy  entra  en  furicjcriant  ians  fin  ,  Oilez  moy  cclie  tc- 
ihj'&c  mourut  amfi  eiiragé.  Celte  hjiloire  eil  teni'e  pour 
certaine  &  indubitable  en  tout  le  ro)aume3où la  cholè  efl 
aduenue^combien  q'i'il  n'y  euit  que  cinqperlbnnes  quand 
Ja  chofe  fut  faite.  Ls  mefme  ai*  iMare  defu  Dcmoii-omAnicy 
chupitre  ?. 

On  trouuevnehiftoire  qui  approche  de  c  île  ci  ,  de 
Theodoric  Roy  des  Goths ,  lequel  après  aufoir  fiit  tran- 
cher la  tcfte  à  Symmachus,  quand  on  lui  feruit  à  t?''-'^  '^* 
tefteded'vn  gros  poiflbn  ,  illui  femb'i  voi' '*'*  ^^^^- "^ 
Symmachus  ,  &  entrant  en  furie  mou  '^•'^  t)'^"  ^""  ^■* 
près.  S'il  eft  ainfi  qui  peut  douter  q  «e  r)Je"  i^'-^'f  ""«^^  en 
la  bouche  de  ceft  enfant  occis  f-iui  ne  fçauoit  ni  Grec  ni 
latin  )  ces  deux  mots  ?  v.-u  la  ytn^tmcQ  fou  daine 
qu'il  a  prife  d'vne  merdianceté  fi  exécrable  !  Si  ce  n'c- 
floit  qu'on  vouluft  dire  queTeiprit  ou  l'ange  de  1  enfanc 
parla  ,  &  tourmenta  le  Roy  pour  fe  venger  d'vn  tel  ou- 
trage. Car  plus  le  fana  eft  Innocent  ,  plus  la  vengeance 
eft  grande  "P"  q"oy  ^^  ?^^^  ^^^^  ^"^  impiété  exé- 
crable .  ^»-  prendre  rn  periènne  innocentées^  mafle  , ,  fc 

Xx   4. 


6^6  HîBoires  admirables 

premier  ne  (que  Dieu  voulojt  en  (à  loy  lui  eflre  fànftifié) 
&  le  làcrificrau  diable,  pour  fcujoir  le*,  chofes  futures. 
Qui  n'eii  pas  vne  impieté  nouuclle  ,  mais  bien  fort  an- 
cienne,  comme  a  nette  Elias  Leuite*; ,  qui  appelle  cela  en 
fbn  hcbrieu  Tcraphim.  Vray  ell;  qu'i  1  dit  qu'on  niettoit 
Ja  tefte  fànglante  fur  '^ne  lame  d'or  ,  aucc  le  nom  du  Dx- 
mon3&  quelques  charadercs,  puis  on  Tadoroit,  en  di/ànt 
certains  mots ,  qu'il  ne  faut  reciter  ni  e/crire.  Orefî-il 
befoin  qu'on  fçache  combien  eil  grande  l'impiété  de  ces 
hommes  damnables  pour  s'en  garder  foigneufèmcntr  ha 
mefme.  » 

Il  y  a  vn  gentil-homme  en  Picardie  auprès  deVilliers- 
ccfteretSjqtii  auoit  vn  efprit  familier  en  vn  aneau  ,  duquel 
il'vouloit  di/pofer  à  Ton  plaifir ',  &  l'afleruir  comme  vn  ef- 
claue,  l'ayant  acheté  bien  cher  d'vn  Efpapnol  :  &  d'autant 
qu'illui  ;nentoitIeplus  fouuentjil iettal'aneau  dedans  le 
feUjpeniànt  y  ietter  l'c/prit  aufîl^comme  Ci  cela  fe  pouuoit 
enclorre.  Depuis  il  deuint  furieux  &  tourmenté  du  dia- 
ble. L^  mefme. 

Vn  pauure  homme  demeurant  à  Loches,  aperceuant 
que  la  femme  s'abièntoit  la  nuict  parfois,  &  ncreue- 
lioir  que  long  temps  après  la  minuid  :  &  fur  ce  qu'elle 
difoitalierà  ies  neccllitez ,  &  tantofl  chez  Ta  voifine 
pour  faire  lalefTiue,  &  que  fon  mati  l'euft  conuaincue 
de  menrerie,  ay^nt  finiflre  opinion  qu'elle  fe  def^ 
bâuchaft,  menaça  ds  la  tuer,  fi  elle  ne  lui  difoitoù 
^^'-^  alloit.  Si  voyant  en  danger  elle  lui  dit  la  vérité: 
&,  po«.  çn  faire  preuuc ,  (i  vous  voulez  ,  dit-elle, 
vous  y  viei.i.ez:  &  lui  bailla  de  l'onguent  ,  duquel 
ils  fe  graiilerent  L-i,j5  deux:  &  après  quelques  parole"^. 
Je  diable  les  tranfpori».  de  Loche:»  aux  Landes  de  Bour^ 
deatix  ,  qui  font  pour  U  moins  k  quinze  iournees 
de  Loches.  L'homme  fe  voyant  en  la  compagnie  de 
grand  nombre  de  forciers  &  forcieres ,  qu'il  ne  co- 
noiflbit  point ,  &  de  diable?  hydeux  à  voir  ,  en  figure 
humaine  ,  fe  print  à  dire  ,  Mon  Dieu  ,  où  fommes  nous? 
Aufîltoftlacompa-nie  difparut,  Ot  r^  ttouuatout  nud, 
errant  tout  Icul  par  les  champs  ,  iufques  au  x«v-,tin  ,  qu'il 
tiouua  quelques  payfans  qui  l'adreflerent  au  cilcmin. 

Eftanc 


cf  mémorables,  <^97 

Hlîantde  retour  a  Loches,  li  s'en  va  droit  au  iuge  ciim 
nelj  lequel  ayant  ouy  l'Iiiftoire  fit  prendre  la  femme ,  qu 
conteflade  poincl  en  poinà  tout  ce  que  nous  auons  dit, 
&  fans  contrainte  reconut  la  taute.  L;  mefne ,  en  ce  r.liure 

Il  le  trouua  anfll  de  noftre  temps  à  Lyon  vne  damoifel- 
le^qui  fe  Icua  la  nuid,&  allumant  de  la  chandelle  print  v- 
ne  boite, Se  s'oignit,  puis  auec  quelques  paroles  fut  tranl- 
portee.  Son  paillard  eftant  couché  auec  eile^voyant  iouër 
cefte  tragédie  prend  la  chandelle  &  cerclie  partout.  Ne 
Ja  trouvant  point,  nins  leulement  la  boite  degraiflcjpar 
curiofice  de  l^auoir  h  force  de  l'onguent ,  îît:  comme  ila- 
uoit  veu  faire, &  loudain  fut  aulîi  traniporte  ,  &  le  trouua 
au  pays  de  Lorraine  r.uec  la  compagnie  des  lorciers,  où 
il  eut  frayeur.  Mais  fi  toîl  qu'il  eut  appelle  Dieu  a  Ton 
aide,  toute  la  compagnie  difparut,  &  lui  ie  trouua  feul 
tout  nud,  qui  s'en  retourna  à  LyoniOÙ  il  accu  fa  cef^e  for- 
ciere,  laquelle  confefla  &  fut  condamnée  à  eftre  bru/lee. 
Lu  mefme, 

II  en  print  autant  n'a  pas  long  temps  à  vn  gentil-hom- 
.  me  près  de  Melun,  qui  fut  induit  par  fon  mulnier,  &  auiïî 
par  curiofîté  alla  à  la  compagnie  deforciers.  Et  d'autmt 
qu'il  trembloit  de  peur,  encores  qu'il  n'appellaft  point 
Dieu  ,  fi  eft-ce  que  le  diable  dit  alors  à  haute  voix ,  Qui 
a  peur  ici  ?  Le  gentil-homme  voulant  fe  retirer,  tou- 
te la  compagnie  difparut.  Eftant  de  retour  il  voulut  ac- 
cuferle  Ibrcier,  lequel cnfut  aduerti ,  &  s'enfuit,  ii 
mefme, 

Paul  Grilland ,  lurifco'nfulte  Italien  ,  efcrit  que  l'an 
I5z5.  auprès  de  Rome  y  eutvnpayfan,  lequel  ayant  veu 
A  femme  fegraiffer  toute  nue  lanuift,  puis  ne  la  trou- 
uantplusen  (àmaifon  ,  le  iour  fuiuant  il  empoigne  vii 
bailon  ,  &ne  cefla  de  frapper ,  iulques  a  ce  qu'elle  eufl 
confefîé  vericc  r  ce  qu'elle  fit,  requérant  pardon.  Le  mari 
lui  pardonna,  à  la  charge  qu'elle  le  meneroitenl'aflcm- 
blee  qu'elle  diibit.  Leiour  fyiuantla  itu^mQÏe.  fit  oin- 
dre delà  graifle  qu'elle  auoit,  &.Te  trouuerent  tous  deux 
allant  à  cefte  afiemb'ee  chacun  fur  vn  bouc,-,  qui  alloit 
bien  légèrement.  Mais  la  femme  adueitit  l'iioiame  de  (k. 


L 


^9^  Hijloires  admirables 

garder  tîe  nommer  Dcii ,  fi  ce  n'clloit  par  mocquerie,ou 
en  lebla/phcmanr.  Se  voyant  en  J'aflemblee  la  femme  le 
fie  tenir  vn  peniretcarr ,  pourvoir  tout  cequi  feferoit, 
iulqucsàce  qu'elle  euil  faitla  reuerencc  auchef  del'al- 
femblcc,  lequel  elloit  pompcuTement  habillé  en  prince, 
&  acompagné  dVnc  grande  multitude  d'hommes  &  de 
femmes,  qui  tous  hent  hommage  à  ce  maillre.  Puis 
il  apperceut  après  \q%  reuerences  qu'on  Ht  vne  danfe  en 
rond  ,  \zs  faces  tournées  hors  le  rondeau  ,  (ans  fe  voir. 
La  danfe  finie ,  les  tables  furent  couuertes  de  pluficurs 
viandes.  Alors  la  femme  fit  aprocher  Ton  mari ,  pour 
faire  la  reuerence  au  Prince:  puis  il  /ê  mit  i  table  auec 
les  autres ,  &  voyant  que  les  viandes  n'eftoyent  pomt  Ta- 
lées,  &  qu'il  n'y  auoit  point  de  Tel  fur  les  tables  ,  il  crii 
tant  qu'on  lui  apporta  du  felj  comme  il  lui  fèmbla  à  voir, 
&  deuant  que lauoir  goufté  dit ,  Or  loué foit  DieUjpuis 
que  le  fèl  eft  venu.  A  ces  raots  foudain  tout  difparut 
éc  perlbnnes,  &  viandes ,  &  tables,  &  demeura  feul  t<fuc 
îiud  ayant  grand  froid  ,  nef^achant  où  il  eltoir.  Le  iour 
venu  il  trouua  des  bergers ,  aufquels  il  en  demanda  nou- 
velles, qui  lui  dirent  qu*il  eftoiten  la  comté  de  Bene- 
uent,  àcent  mil  loin  de  Rome.  Ainfi  il  fut  contramt 
mendier  pain  &  habits  :  arriuant  au  huicliefine  iour  en 
ià  mailbn  j  fort  maigre  &  desfait.  Il  alla  acculer  fa  fem- 
ine,  laquelle  fut  prife ,  &  en  accufa  d'autres,  qui  furent 
bruflees  toutes  viues  ,  après  auoir  confeflé  la  vérité.  Uk 
tnef/ne. 

Le  mefme  auteur  recite  encore  q'j*il  aduint  en  l'an  i$5$. 
«^uVneieune  fille  eîi  la  duché  dcSpolettefe  laiflà  condui- 
re par  vne  vieille  f  )rciere  en  raflemblee ,  où  s'e  ftonnant 
de  voir  telle  compagnie,  elle  s'efcria ,  Dieu  bénit,  qu'efi:- 
ceciPElle  n'eulipas  C\  toft  dit  ces  paroles,  que  tout  s'efua** 
•nouit.  Au  matin  la  pauure  fille  fut  trouuce  par  vn  pay/àn, 
auquel  elle  conta  route  l'hifioire  ,  qui  depuis  la  renuoya 
cnibnp-^ys,oùellea:cura  la  forciercqui  fut  bruflce  tou- 
te viue.£:»  celiure  ^  chupltrt, 

Vn  Eipagnol,  homme  de  lettres,  eut  foupçon  que  cer- 
tain fienvoifincftoit  forcier.  De  grand  dcfir  qu'il  eut 
d*en  /j^auoir  la  venté,  il  s*acointe  de  lui,  procédant  en 

tt^Ue 


^  mémorables,  6^^ 

tdie  forte  qu'il  deicouurjtlinaicment  Jcfccrct.  Le  lor- 
cier  de  Ja  en  auant  Je  fohcita  de  prendre  ce  pgirti  ,  à 
qijoy l'autre  ,  curieux  ,  p>-efta  loreille  ,  &  piindrent 
iour  pour  lé  trouuer  en  J'anèmblec.  La  nuid  de  ce  iour 
venue  j  ieforciermeine  Ton  compagnon  par  certaines 
jnontagnes  &  vallées  qu'il  n'auoit  onqucs  \cu'és  ,  &  lui 
fenibla  qu'en  peu  de  temps  iJsauoyent  fait  beaucoup  de 
chemin.  Puis  enrrans  en  vn  champ  tour  cnuironné  de 
montages  ^  il  vid  erand  nombre  dliommes  &  de  fem- 
mes qui  i'amalîoyenr  là  ,  &  vindrcnt  tous  à  lui,  menans 
grand  fefts:,  &  Je  remercians  de  ce  qu'il  auoit  vouîu  fe 
mettre  de  leur  bande  ,  lui  donnais  à  entendre  qu'il  (èroic 
le  plus  heureux  &  le  plus  content  du  monde.  Il  y  auoit 
?u  milieu  de  ce  champ  vn  thi  one  fort  iiaut  &  ibmptueux, 
&  au  milieu  d'iceluivn  bouc  forthideux  &  laid.  Lorsà 
certaine  heure  de  la  nuicl ,  tous  ceux  &  celles  de  l'afiem- 
bîee  montoyent  par  les  degrez  de  ce  thronc  ,  chacun  al- 
Jant  baifèrce  bouc  au  derrière.  L'ElpagnoI  curieux  o- 
yantcefte  abomination  il  grande  ,  qi;oi  ou'auerti  par  le 
lorcier  de  ce  qu'il  deuoit faire  >  ne  peut  patienter  d'auan- 
tage  3  ainsiemitâ  crier  &  appelleràpleine  voixDieu  à 
ion  aide.  A  l'inftanr  s'eOeue  vn  bruit  &  tonnerre  il  ter- 
rible 3  qu'il  fembloit  que  le  c'itl  &  la  terre  deuJfenta- 
byliner  ;  de  manière  que  le  curieux  demeura  comme 
hebete'  &  infenie.  Tant  qu'il  fut  en  cel^  eitat ,  il  n'erten- 
dit  rien  de  ce  qui  fc  fit.  Bftant  retourné  en  fbn  fens  il 
eftoit  defîa  iour  ,  &  le  trouua  en  certaines  montagnes 
fort  afpres  ,  tant  rompu  &  moulu ,  qu'il  lui  fembloit  n'a- 
uoir  os  fur  fà  per/bnne  ,  qui  fuft  lain  &  entier.  Et  vou- 
lant fjauoir  en  quel  endroit  il  eftoit  ,  defcendit  au  plat 
pays  3  où  il  trouua  des  gens  tant  dift'erens  de  ceuxd'El- 
pagne,qu'il  n'entendoit  pas  leur  lang<îge  ,  &  ne  fpuoit 
que  faire  finon  demander  par  (ignes,qu'ils  lui  fubuinHent. 
Aiufî  cheminant  tout  feul  il  tira  vers  l'OccfJent  ,  &tra- 
cafià  trois  ans  auât  que  pouuoir  regaigner  l'Espagne,  auec 
vne  ir.rinitéde  peines  &  dangers,  tftant  en  là  maifon  3  il 
deicouurit  tout  ce  que  fa  curiofiré  lui  auoit  fait  conoi- 
ftre  &  voir  ,  dont  iuftice  s'enfuiuit  à\i  forcier  &  d'autres 


700  Htjloires  admirables 

de  la  compagnie.  Celui  de  c|Lii  ic  tien  cerccir^maiurea- 
uoir  vc»<^  Jeu  lepioces  qui  en  auoit  cft'é  fait.  ,^:Torque- 
m.iiie  en  lu  ^.ioitrnccilejon  Hexurnerov. 

DELA  Tdxnzcretéx, 

o 

ARchias  tyrnn  de  Thebes^perdit  h\  vie/es  amis3&  vne 
rresfortc  place  ,  pour  auoir  délayé  d'ouurir  eftant 
ataoJcvnpacquet  où  il  eftoitaucrti  de  Tentreprife faite 
fur  lui.  Du  temps  de  nos  pères ,  moniîeur  de  Boutieres 
fuida  perdre  Turin  5pour  ,  eilant  en  bonne  compagnie  à 
ioupper  y  auoirreniisà  lire  vn  aduertifl'ement  qu'on  lui 
donnoitdestrahilbnsquife  drefloyent  contre  celle  vil'e 
où  il  comniandoir.  Al.  de  MontAigne  au  i.lture  defes  Ejftis 
(hipitre  4. 

Vn  grand  feigneur  en  ce  royaume, auerti  de  diucrs  en- 
droits près  &  Join  qu'il  ù  retiraft  de  Paris ,  où  il  eftoit  011 
trclgranddangerde  (à  pcrfonne  ,  &  pour  auoir  diffère  de 
croire  iès  amis  ,  y  laifla  la  vie  aucc  vn  trelgrand  nombres 
d'autres,  au  mois  d'Aouft  1572.  Viijhirc  de  noflre  temps. 

Vn  autre  grand  feigncur  auerti  de  roas  endroits  &  de- 
dans'&  dehors  Je  Royaume  ,  que  les  Ellats  où  il  elioit  l'an 
3586. fe  fîniroyent  par  vne  langlantc  tragédie:  le  iour  auant 
la  mortjcomme  il  ic  mettoit  à  tab!e  pour  difiier^trouua  vn 
billet  lous  ia  feru*iette  ,  dedans  lequel  cftoit  efcrit  qu'il  fe 
donnafl  gardejqu'on  lui  iouëroit  vn  mauuais  tour.  En  ce 
mefine  billet  il  efcriuit  de  Ca  main  ces  deux  mots.  On  n'o- 
feroir,&le  ietta  ibiis  h  table.H  n'y  auoit  autre  bruit  par  les 
ElhtSjfînon  qucrexecutiôfe  feioir  vn  iour  de  S.Thomaf. 
Xcs  auis  en  venoyét  de  Rome  &dErpagiie:les  Allrologues 
farcifî'oyétleuis  almanachsde  ces  menaces. La  veille  mef- 
me  de  Ton  malheur, il  fut  affeurc  par  vn  autre  grâd  fcigneur 
ficn  cou/în, qu'on  cntreprendroit  le  lendemain  de  les  faire 
mourir.Tât  s'en  falut  que  cela  le  fit  pêfer  a  là  feuretéjqu'il 
Taueugla  du  tout  3  &  s'oublia  foi-mefme  :  dont  s'cnfuiuit 

toft 


^  w(nior allés.  701 

^oft^pres^an:lcrl  &  in^teirc  turtlle€lin  ciiida  ccnii  mer 
la  France. £mre  ^.de  thijione  des  dermen  tïoiibles  de   Vrance, 


MVnfter  raconte  ,  &  dit  auoir  npris  de  Demetrius 
ambaflàdeur  Molcouite  à  Rome  ,  que  l'an  i  S.^o.  vu 
ouiïiàuua  la  vie  à  certain  payfan  es  gisndes  &  profondes 
forelh  de  Mo/couie:ce  qui  aujnt  comme  s'enfuit.  Vn  vil- 
lageois allant  par  les  forefis  pour  tirer  de  la  cire  &  du 
miel  3  pource  qu'en  ces  pays-là  les  abeill.es  font  leur  miel 
dedans  des  arbres  creux  qui  fe  trouuent  en  grand  nombre 
en  icelles  forelbjau  profit  du  premier  qui  peut  le  trouueu 
&  emporter  :  fe  tenant  les  iambes  efquarquillces  dedans 
vn  arbre  creuxjpour  en  tirer  hs  rayons ,  le  bois  qui  elîoit 
fous  Tes  pieds  fe  rompit.  Ainfî  le  villageois  tomba  de- 
bout de  Ton  long  dedans  le  creux  de  l'arbre  >  tellement 
qu'il  Ce  trouua  dedans  le  miel  &  la  cire  iufques  à  la  gorge, 
n'ayant  moyen  ni  poiwoir  aucun  de  s'en  defpeftrer  ,  ni 
efpoir  dcfecours  quelconque  3  attendu  que  perfonne  p^ 
pâfîbit  parla  3  que  fort  rarement  ,  qui  peuft  ouyrfès 
doléances  :  y  ayant  trcmps  deux  jours  ,  Dieu  pitoy-. 
able  voulut  qu'vn  ours  (entant  qu^il  y  auoit  du  miel  en 
ceft  arbre  s'en  approcha  3  puis  grimpa  au  haut  ,  &  deA 
cendit  iufques  où  eftoit  le  villageois  ,  de  la  veuë  duquel  il 
eut  peur  &  voulut  remonter.Mais  le  pauure  homme  l'em- 
poigne par  vn  pied  de  derrière  auec  les  deux  mains  3  &  Je 
tint  fi  fermementjque  l'ours  grauiffànt  de  toute  fà  force  le 
long  du  creuxjletraina  &  ietta  hors  del'arbrcdu  haut  du- 
quel ils  tombèrent  à  bas  Tvn  deflus  l'autre  ,  fans  fè  faire 
mal.L'cftonnement  fut  telen  tous  deux  que  l'vn  print  ion 
chemin  d'vn  colféjl'autre  de  l'autreafans  que  Tours  offen- 
01t  le  payfàn.  Louys  Gnyon  att  5.  Uure  de  fa  diuerfci  Ufjns^ 
chapitre  4. 

i'An  niij  cinq  cens  trente  deux  ,  Solyraan,  lù.tan  dç 


joi  Hijlûires  admirables 

Turcs  cftant  venu  en  Hongrie  aucc  vne  tres-puiflante  ar- 
iT>ec,&  arreile  au  lîei^e  d'vnc  vjlictre  nommée  Gonze  ,  en 
Jaquellc  commaiuloitvn  gentil-homme  Hun^:  ois  nom- 
me Nicolas  lurcliits  ,  aucc  cent  hommes  feuicmcnt  i  les 
choies  furent  conduites  tellement  par  la  prouidence  de 
DieUjCiue  comme  hs  afficgez  fu/lenr  recrcu;*  &  du  tout  a- 
batus  du  trauaiJ ,  n'attcndans  autre  fin  que  d'eftre  cruelle- 
ment e/^orge7,lcs  vieillards^les  femmes  ,  tk  les  enfans  ,  fe 
mirent  ^  crier  6c  e/leuer  leur  voix  confu/es  enlèmble  3  de 
telle  manière  ,  que  les  Turcs  eftimans  que  la  place  full 
pleine  de  gens  de  girerre,  fe  retirèrent  du  fo/îe  qu'ils  auo- 
yentdefiagaignc.Finalement  on  vintà  parlementer  3  ou 
D  ieu  donna  telle  adrcfle  &  grâce  à  Nicolas  lurellits  ,  que 
Hebraim  BaiTa  lui  commit  le  gouuei  nemcnt  &  la  garde  de 
la  place  au  nom  de  Solyman  :  &  ainfi  le  fiegc  fut  Icuc^à  la 
grande  ioye  des  afllegez.H/jl.^e  Hongrie. 

Auinten  laDuche  de  Rourgorgne  l'an '^72.  près 
de  Saulieu  ce  qui  s'enTuit.  Deux  petites  filles  iœurs ,  gar-  . 
doyent  les  moutons  es  champs  :  l'ailnee  aagee  d'enniron 
douze  i  treize  ans ,  l'autre  de  fix.  Vn  loup  luruient  oui 
fe  rue  lur  vne  brebis  ,  &  la  charge  fiir  fon  col  pour  l'em- 
porter. Les  filles  courent  après  ,  &  font  tant  qu'elles  lui 
arrachent  Ta  proye.  Ce  furieux  animal  Te  voyant  fru- 
ftré  ,  empoigne  par  le  f:iut  du  corps  la  plus  ieune  de  Tes 
fœurs  3  &  tache  de  gaigner  chemin  auec.  L  aifnee  le  fuit 
de  presjcrianttoufiours  au  loup  Si.  au  fecours.  Arriuant 
près  de  certaine  haye  eipaifle ,  comme  le  loup  efiayoit  de 
la  franchir,  cefle  fille  courageufe  l'empoigne  par  vne  iam- 
bej&  (comme  Dieu  voulut)s*auiiànt  d'vn  couileau  qu'el- 
le portoir^ainfi  qu'ordinairement  font  les  bergeresjle  tirç, 
le  fourre  en  la  gorge  ouuerte  du  loup,  lequel  auoit  quitté 
la  fillette  ,  &  le  tranfperce  tellement  qu'il  meurt  de  ce 
coup  fur  la  haye.  Quelques  payfans  acourus  au  cri  ef- 
froyable de  ces  petites  filles  ,  emportèrent  celle  qui  auoit 
rfté  fort  oflenlèe  des  dents  du  loup  auec  la  brebis  bleflee, 
&  le  loup  mort  ,  iiiiuis  de  la  vaillante  lœur  ,  en  certain 
chafteau  apartenant  à  la  Dame  de  Sipiere,  où  la  fillette  & 
la  brebis  furent  pcnTces  &  guericSjauec  rtmcrciemens  de 
chalcun  à  Dieu  de  celte  dcliurance.  Extra^  de  mes  me- 
mêircs. 

L'ail 


^  mémorables.  703 

L'an  1583. les  foJdats  de  lagarniion  de  Bonne, ville  affile 
^urIeRh:n,  appartenantes  l'Archeiielque  de  Cologne, 
corrompus  par  argentjliurerent  leurs  chefs  &  la  place  e'$ 
mains  d'Erneft  Duc  de  Bauiere  nouuenu  Eledeur,  auquel 
elle  eft  demeurée  depuis  ,  connue  aufli  Tarcheuelché  ,  le 
vieil  Eledeur  Gebhard  Truchies  en  ayant  efté  depof^ 
/èdé  par  force,  pource  qu'il  auoit  eipouie  feanmcde  la 
maiion  dts  Comtes  de  Mansfeld.  La  ville  de  Bonne  ainfî 
prinièjdeux  des  principaux  de  la  ville  furent  exécutez  par 
iufticej&  decapitez.il  y  auoit  vn  autre  notable  perfbnna- 

fe,nommé  lean  de  Northufe,  homme  paifible ,  mais  fort 
ay  pour  fa  pieté  &  érudition,  lequel  ayant  elle  ccrché  & 
prinsjfut  condamné  a  eilre  noyé  dans  le  Rhin:à  quoi  il  fê 
refblutde  franc  couragcvk  aufli  peu  efmeu  qu*en  profpe- 
rité,s'efiouyfl'ant  en  la  bonne  confcience.  Eflant  mené  fur 
vn  bafteau  &  deipouillé  de  fes  veflemens  ,  excepté  le  haut 
&  le  bas  de  chauffes  &  vn  fîmple  pourpoint,  le  bourreau 
lui  lie  fermement  \qs  pieds  &  les  mains  de  fortes  cordes, 
&  le  lette  au  courant  de  l'eau  où  il  coule  en  fond,  s'eflant 
recommandé  à  Dieu,  Seigneur  de  fà  vie.  Mais  par  vn  mo- 
yen du  tout  inconu  à  la  ùg^iÏQ  &  puilfance  humaine,  fes 
ennemis  qui  l'auoyent  ainfî  traité ,  &  penfbyent  qu'il  fufl 
demeuré  pour  palture  aux  poiffons,s'eftans  retirez,il  fèn- 
tit  ks  liens  desfaits  &  fbn  corps  efîre  doucement  poufle 
à  ra.utre  riue  du  Rhin  ,  qui  ei^  fort  large  en  ces  endroits- 
là,où  fe  trouuât  fans  cordages,ni  aux  mains  ni  aux  pieds> 
ilgaignalebord,  &  fè  retira  fans  eftrepourfuiui,  en  lieu 
fèurja  elle  veu  de  plufîeurs,vefcu  quelques  années  depuis, 
&  ferui  de  tefmoin  que  la  main  de  rÈtcrnel  n'eil  point 
racourcie>qu'il  ne  puif]è  fauuer,  qui,  quand,  &  comme  il 
lui  phk.Hifioirede  nojire  tcfnps. 

Les  galères  Eipagnoki  ayans  le  29.  iour  deluin  1600. 
par  la  commodité  du  calme  en  mer  ,  attaqué  la  fîotte  des 
Elhtspresdel'ElclufeenFJandies,  lèvent  s'eftantrele- 
ué  ,  furent  fi  rudement  canonnees  que  force  leur  fut  de 
fe  retirer  plus  vifle  qu'elles  n'efioyent  defmarees  ,  auec 
grand*  perte  de  gens,  principalement  en  l'vnc,  qui  fut 
tdlementcoufue  de  coups  déballes,  que  fans  Je  grand 
iieu*ir  qui  y  fut  fait  à  puifer  l'eau  elle  couloit  en  tga^» 


704  Hijlotres  admtrabUi 

Beaucoup  dMiommcs  y  furtnt  elcarbouillez.:  car  on  voy- 
oitJelàng  delcouJcr  par  les  gouJotb  enia  nitr  ,de  ceux 
qui  turent  tuez  îur  le  tillac.  Ei  qui  tut  cholè  ellrange  ,  vn 
format  Turc  clKmt  en  Ja  rame  eut  ià  cadene  emportée 
d'vn.coupdecanonjluireibu.UcuLmcntJcs  iartieresaux 
iambevj,  &  quelque  bout  de  la  cliaiuc ,  tans  tourestoi.s  en 
auoirclté  oftenlc.  Tellement  que  le  voyant  defchamé, 
pourlè  mettre  en  liberté,  ou  mourir  dVn  beau  coup 
Ccommc  telles  pauures  gens  ibuhuitent  la  mort  mille  fois 
Jeiour,aimans  mieux  périr  vne  fois  que  languir ainli  )  U 
fè  ietta  dedans  la  mer ,  &  lé  mit  à  nager  vers  les  nauires 
de  guerre  des  Elhts ,  de/quelles  du  commencement  lui 
fut  tirée  quelque  harquebuzade.  Mais  comme  il  montra 
lus  iartieres  &  le  bout  de  la  chaine^  elhnt  reconu  pour  vn 
forçat  efchappé ,  il  fut  iccouru  ,  tiré  de  l'vne  de  c^s  na- 
uires, bien  traité^  &  depuis  fit  bon  ièruice  aux  Eilats ,  de- 
dans leur  garlere  de  Dordrech».  Hiftoire  des  i>ays  bj,s,Ui{.8, 


DELVGE  dangereux. 

LE  famedi  fécond  iour  de  Décembre  Tan  \S7^-  furies 
onze  heures  auant  la  minuict,  le  peuple  de  la  siW^ 
de  Lyon  eHant  en  ion  repos ,  &  ne  le  doutant  de  rien  ,  le 
Rholiie  3  i;euue  rapide  j  s'enfla  &  de^borda  tout  a  coup' 
de  telle  impetuofité ,  qu'il  couurit  en  vn  inftant  le  plar. 
pays ,  &  vint  a  emplir  les  maifons  de  la  ville  au  grand 
tltonncment  de  tous.Or  depuis  les  onze  heures  de  nuiA 
du  famedi  iufques  à  trois  heures  après  midi  le  lundi  lui- 
liant  le  Rhoûie  ne  cella  de  s'eliendre ,  eflargir  &  croi- 
ftre,  faifant  ^ts  rauages  incroyables.    La  calamité  des 
payfans,  en  la  i  uine  de  leurs  mailbns ,  en  la  perte  de  leurs  j 
prouifioni  &  beftail,  fut  incÛimable.  Quunt  au  domma-  J 
£c  qu'en  recïut  la  ville  il  fut  indicible.   Lors  que  l'eau  * 
Commença  auec  vn  bruit  merueill«ux  à  gaigner  ^e  bas. 


^mémorables,  70  j 

on  voyoît  le  peuple  courir  efpcrduement  deçà  delà 
pour  fe  fauuerjes  vns  vers  la  môcagne,  les  autres  de  rue 
en  rué,  gaignant  toufioursle  haut,  laiirans leurs  bouti- 
ques, inaifons,  &  châbrcs  à  la  difcretion  de  Tindilcret  e- 
lemêt,qui  creufoitles  édifices  ni2l-aflcurez,&  les  faifoic 
tomber  fur  les  pcrfonnes ,  ou  eftoufïbit  ceux  &  celles 
quines'eiloyent  pas  elueillez  d'heure  pour  fefauuer. 
D'auantageia  Saône,  riuierc  ordinairement  coye,  s'ef^ 
mouuant  lors  extraordinairement  (  comme  elle  a  fait 
au  mois  de  Septembre  T602.  de  façon  fort  particulière) 
fe  vintioindre  au  Kholiie  en  vn  endroit  nommé  la  pla- 
' ce  de  Confort.  Alors  le  Rhofne  fe  rendit  plus  terrible> 
telle  rencontre  en  ceft  endroit  n*ayant  iamais  efté  veuë. 
Les  rumes  des  baftimcns  redoublèrent,  comme  aufïî  les 
fubmerfions  des  perfonncs ,  &  le  naufrage  dVne  infinité 
de  biens.  Le  pont  du  Rhofne, qu'on  dit  auoir  deux  cens 
cinquante  nx  toifes  de  longueur ,  fut  tellement  fccoué 
&  csbranlé,  que  quelques  arches  d'icclui  s'en  allèrent  à 
val  l'eau,  hcs  plus  grandes  ruines  furent  au  bourg  de 
la  Guillottiere  ,  auquel  >  pour  eftrele  plus  proche  du 
pont ,  ne  fe  trouua  fondement  fi  ferme  qui  ne  full:  efio- 
ché  parce  violcntrauage:&  n'y  eut  maiibn  enccfaux- 
bourg  fpacieux  qui  en  fuft  garantie  :  de  manière  que  ce 
faux-bourg  ,  parauant  beau  &  bien  peuplé,  &  qu'on 
pouuoitappeller  le  grand  magazm  de  fréquent  com- 
merce ,  lembloit  après  ce  déluge  vn  cadaure  de  viiie, 
Tompu,ruiné,di{]:pé.  Les  belles  maifo ns, lieux  de  plai- 
fance,&  baftimcns  cxcellcns ,  qui  cmbelifloycnt  la  plaî 
ne,  furent  démolis  &  defolez  :  infinis  metrliles  empor- 
tez par  la  fureur  de  rcau,à  vne  demie  lieue  loin.  G-  Pa- 
rudin  es  mcwoires  de  Lyon,  Uu.  5.  chip.  42.  Ce  déluge  feiil- 
blaeftre  le  prefagc  de  fureurs  FrancoifeSjCn  l'an  i57z. 

^VTRES  déluges- 

SVr  la  fin  de  l'an  mil  cinq  cens  trente  vn,les  plus  loin- 
taines côtrecs  des  terres  du  pais  bas  afTifcs  fur  la  mer, 
durent  merueilleurcmeiu  endommagées  par  vn  foudaiû 


7  0  <?  Hilloirês  admirahtcs 

cicsbord  de  la  mer  :  laquelle  ayant  rompu  des  dique?  &' 
leuees  (  anciennement  faites,  &:  entretenues  logrnelk- 
nient  pour  arrcftcr  &  rcpouficr  les  flots  d'icelle)  s'efpan- 
cha  fi  auant  que  quelques  bourgs  &  villages  de  Hol- 
lande &  Zeelnnde  en  furentengloutis.  Cela  auint  le  fé- 
cond lourde  Décembre,  &  continua  iufques  au  cin- 
quiefme.  Peu  auparauant  il  auoit  tonné  &  pieu  cftran- 
«ementjla  terre  auoit  tréblé  plufieurs  fois ,  &  y  auoit  eu 
des  horribles  tourbillons  de  vents.  Altmjïer,^  païUIiue. 
Vn  tépsaefté  que  rifle  de  ZuidbeuelandenZeelandc 
auoit  vingtlieuès  de  circuit:  mais  à  prefent ,  à  caufe  des 
tempeftes&  inondations  delà  mer,  item  pour  le  flus  Se 
reflus  continuel  de  l'Efcauld ,  flcuue  renommé ,  qui  en 
ronge  toujours  quelque  partie  ,  elle  ell  diminuée  pref- 
ques  de  la  moitié. En  cefte  Ifle  y  auoit  iadis  trois  villes,la 
principale  defquelles  fe  nommoit  Borrule,qui  fut  noyée 
auec  tout  le  pays  voifin  ,  Tan  mil  cinq  cens  trente  deux. 
Et  ce  quartier  depays  s'appelloit la  feigneurie  de  Borfu- 
le.  En  ce  mefme  temps  Romerfual  \ï\\c  de  cefte  Ifle  de 
Zuidbeueland  fut  feparee  de  terre  ferme  &  réduc  coni- 
uie  Ifle,cftant  à  toutes  heures  contrainte  de  fe  deftendre 
auec  grand  trauail  eftonncment,contre  la  mer  ÔcTEl- 
cauld.  Louys  Guichardin  en  ladtfcriptioyi  da  pays  bus* 

Le  fécond  iour  de  Nouembre  l'an  1570.  il  y  eut  vn 
grand  &  terrible  déluge  d'eaux  en  la  Frife  Orientale, 
parle  desbordcmentde  la  mer  ,  ce  qui  fut  caufe  d'vn 
grand  degaft  par  toute  la  contrée ,  &  d'vne  perte  inefli- 
mablede  beftail  &  de  biens  outre  la  mort  d'vne  infini- 
té' deperfonnes.Surlefoir,leroleiire  couchant  en  beau, 
lans  nuages ,  les  vents  impétueux  s'efleuerent  qui  firent 
vn  merueilleux  bruit  enl'air ,  fur  terre  &  par  les  forefts. 
Le  ciel  fe  chargea  foudain  de  nuées  efpaiifes  &  fi  noi- 
res, que  le  refl:c  du  iour  difparut  en  vn  moment.  Sur- 
uint  en  cefte  foudaineobfcuritévne  rauincdepluyes  &: 
orefles.  Lamerefmeuë  rompit  toutes  les  diques  ,  & 
paiiant  par  dcflus  couurit  les  campagnes  de  Ci  grand 
randon  que  les  arbres  des  forefts  &  des  champs  en  fu- 
rent defracincr  &  renuerfez  :  dont  plufieurs  perdirent 
la  vie,  lefquelx  auoicnt  graui  au  hauc  des  arbres,penfans 

s'yfauuer. 


^  mémorables,  *  yo-f 

s*y  fauÔfer.îl  y  en  eutquifoufleucrcnt  leurs  femme;.  3c 
!eur.senfaiis,ouilsles  lioyent&  atcachoyent  ,  de  peur 
c^u'ils  ne  tombaflent:  mais  c'elloit  vne  mifere  des  pius  e- 
ilranges  que  l'on  fçauroit  imaginer,  deles  voir  rrebuf- 
cher  dedans  les  eaux  auec  leurs  arbres ,  que  1  on  voyoit 
flotter  d'vn  cofté, les  cftables  pleines  de  beftail  d'autre, 
&en  mains  endroits ks  vaches,  bœufs ,  tawreaux  Sç  che- 
uaux,quinepouuanstrouucr  .1  napc  aucun  bord  eftoy- 
cnt  englotis  des  vagues  de  la  mer.  Les  meftairies  &  vil- 
lages en  furc>nt  du  tout  ruinez  &dellruirs.  Quant  a  I2 
ville  d'Embde  ,  ^(\\Çt  fur  la  mer,  ayant  Tvn  des  beaux 
ponts  de  rEurope,elle  eftoit  toute  pleine  d'eau,  &  le  flus- 
d'icelle  fut  fi  violent  qu'il  cnfonçoit  les  portes  des  mai- 
fons ,  &  fe  faifoit  ouuerturc  partout.  Il  y  eut  beaucoup 
demaifons  ruinées  de  ioïiAtn  comble,  les  plus  balles 
furent  entièrement  rcnuerfees^auec  perte  de  grâd  nonl- 

tbre  deperfonnes  noyées. Ceux  qui  demeuroyent  es  mai- 
fons  haut-eflcuees  furent  garantis  3  en  telle  forte  toutes- 
fois,  que  tels  édifices  furent  merueilleufement  esbranlés. 
On  n'entendoic  pres&loinquc  cris  piteux  &lamenta- 

|.l)lesdepauures  gens  qui  periffoycnr  :  itenj  d'hcmm.es> 
■femmes  &  enfans  inuoquansDieu,  pour  elhe  preferuez 
de  naufrage.  L'efpouurinte  fut  incroyable  toute  celle 
nuid-là,  iointe  auec  le  péril  1  neui  table  ,  la  defolarion 
mcrucilleufe,&;  outre  la  mort  de  tant  de  perfoimcs ,  il  y 
eut  perte  inellimable  déroutes  fortes  de  biens  &debe- 
ftai!.  La  tempère  pouifa  far  les  campagnes  de  Frift  des 

I  •  grands  vaifleaux  q\ii  voguoven-  p  Jr  d^^lTus  les  toicls  des 
iiiaifons  &  les  arbres.Outrcpliis  la  terre  fut  tellement  a- 
breuuce  de  ces  er;ux  mannes, qu'elle  demeura  roraleméc 

I    fterile  l'année  fumante,  &iescrbres  deneurez  debout 

j    produi/irent  leurs  fruifts  làle7,£r;  U  mejhe  difcn^tiotr. 

DES  I R  tnfume chafiié. 


l 


Ay-conu  vn  perioni.age  ,  lequel  me  defcouurit  vn 
fois  tju'il  cftoic  fore   en  peine  À  caulè  d'vn  cfpric  qu^ 

Yy  a 


7o8  Hifloires  admirables 

icruiuoitj&reprcfeiuoit  ilui  en  pluficurs  formes  :  c'. 
nui(fl  le  droit  par  le  ncz,l'crueilloit ,  le  battoir  fouuent;, 
&quoy  qu'il  le  priait  de  laifFcr  rcpofcr,  il  n'en  vouloir 
rien  faire  :  &  le  tourmentoit  fans  ccfFclui  difant ,  Com- 
mande moi  quelque  chofe:&  qu'il  eftoit  venu  à  Paris, 
pcniant  qu'il  le  deuil  abandonner,ou  qu'il  y  peuft  trou- 
uer  remède  à  Ton  mal ,  fous  ombre  dVn  procès  qu'il  e- 
ftoit  venu  foUicitcr.I'apperceu  bien  qu'il  n'ofoit  pas  me 
defcouurirtout.  Lui  demandant,  quel  profit  il  auoiten 
de  s'affuiettir  à  tel  maifhe ,  il  me  dit  qu'il  penfoit  paruc- 
nir  aux  biens  &  honneurs,  &  fçauoir  les  choies  cachées: 
mais  que  i'efprit  Tauoit  toulîours  abufe  :  que  pour  vnc 
vérité  il  difoit  trois menfonges,  &  ne  l'aucitiamaisfceu 
enrichir  dVn  double,ni  faire  iouir  de  celle  qu'il  aimoit, 
principale  occafion  qui  l'auoit  iuduitâ  l'inuoquer.  Et 
c[u'ilne  lui auoitaprins  les  vertus  des  plantes,  ni  des 
pierres,  ni  desfcienccsfccrettes,  comme  il  efperoit,& 
qu'il  neluiparloitque  de  fc  venger  de  fes  ennemis  ,  ou 
faire  quelque  tour  de  fincfle  &  de  mcfchanceté.Ie  lui  di 
qu'il  eftoit  aife  de  fe  desfaire  d'vn  tel  mailf re  ;  &  C\  toft 
qu'ilviendroit,  qu'il  appellaft  le  nom  de  Dieu  à  fon  ai- 
de,&  qu'il  s'adonnall  à  leruir  Dieu  de  bon  cœur.Depuis 
ic  n'ay  veu  le  pcrfonnage,  ni  peu  fcauoir s'il  s'eftoit  re- 
^QUXX.l.Bodin  en  fa  Dejnonomainejtu.z.ch.^, 

DISSOLVTIO  NSfmies. 

L*An  mil  cinq  cens  fcptantc,csioursqu'on  appelle 
gras,  peuauantQu^arefme,  quelques  Comtes  Ale- 
mans  fe  trouuerent  au  chaftcau  de  Vvaldenbcrg  :  chez 
Eberhard  Comte  de  Hohenlo  ,  où  il  ne  fut  que- 
ftion  que  de  célébrer  les  bacchanales ,  fclon  la  diflolu- 
tion  trop  vfitee  &  fupporcee  entre  ceux  qui  deuU 
fcnt  auoir  defpieça  banni  tels  tyicés  d'entr'eux. 
Et  pour  donner  du  paffe-temps  aux  Dames  &  damoi- 
felles  qui  eftoycnt  au  chafteau  ,  vnc  après  foupee,  les 
fcigneurs  &  gentils-hommes   firent  voe  mafquerade 

de  Faunes 


cJr  mémorables.  709 

o'e '  Faunes  couuerts  de  chemifes  de  lin  acommodees 
d*eftoupes  collces  clefliis  aucc  poix  refîne  &  autre  ma- 
tière propre,&  en  tel  equippage  entrentcn  lafalle  à&s 
clames  à  la  clarté  des  torches,  &  commencent  à  gamba- 
der &  faire  rire  la  compagnie  c]ui  s'amafTe  toutàTen- 
tour.  Quelqu'vn  ayant  laifle  cheoir  en  terre  quelque 
faueur,  vn  page  de  la  troupe  àç.s  maiquez  fe  baifl'anc 
pour  la  releuer,met  le  feu  inopinément  à  fon  habit  d'c- 
ftoupes.  Criant  à  raide,le  Compte  Eberard  penfelefc- 
courir,&  eft  attrappé  du  feu.  Les  autres  aco»rent  autour 
de  lui  pour  le  garantir,  &  font  enuahis  de  la  flamme. 
Toute  la  compagnie  tioublee,on  court  à  vne grande  cu- 
uje  en  la  fale^auparauant  pleine  d'eau  :maistrouuee  vui- 
de,les  valets  courent  ailleurs. L'vn  apportant  vne  grande 
feillc  d'eau  tombe  à  la  porte,&  verfe  tout  par  jesdegrez. 
Vn  autre  pour  s'eftre  trop  chargé  d'vn  grand  vaifleau 
fuccombc  auff  fous  le  fais.  On  ne  trouuc  meilleur  ni 
plus  prompt  remède  que  defteindre  le  feu. à  force  de  ve- 
ftemens  lettez  fur  ces  pauures  corps  miferablement  gril- 
lez. Quelques  vns  efchapperent,ayans  efté  viuemenr  at- 
teints.Les  aurres^nommenientle  Comte  Eberard,  &  fon 
frère  Albert,  &  Grégoire  Comte  de  Tubinge,  mouru- 
rent au  bout  de  quelques  heures  après,  ieunes  feigneurs 
en  la  fie  ur  de  le  ur  asge.  Th.  z  uinger  a:*  l.tome  de  fon  théâtre 
de  la  "vie  humaine-,  uolume  %diure  fchiiefme.  Paul  itraile  au,-^ 
io.hu.de  rhiftoire  de  France  recite  vne  prefque  pareille 
hiftoire  auenuedu  temps  du  Roy  Charles  V  I.  quie' 
ftoit  de  la  partie. 


T>FE  L. 

LEs  fîcurs  de  larnac  &  de  la  Chaftcgneraye ,  gentils- 
hommes de  nom  ,&  sVftans  dcffiez  pour  certaines 
paroles  dites  au  preiudicc  de  l'honneur  de  Tvn,  lefquel- 
Ics  auoyent  attiré  vn  dcmcnti:lc  Roy  ,  en  heu  de  pren- 
dre la  caufe  en  main  pour  iugcr  pai  auis  de  fon  confcU 


7i<5  Hijloires  admirables 

d(.  tour  le  fait ,  &  conrraind;  c  le  coulpablc  de  faire  raifon 
àl'offerie,  leur  accorda  le  duel  &  combat  ù  outrance, 
Ainfî  donc  ils  coiripaiurcnt  a  S.  Germain  en  L'aye  près 
de  Parislc  16.  iour  de  luil'et,  où  en  p'-elence  du  Roy, 
des  PrinccSifei^neurs  &courrirans,ilsvindrétaux  mains, 
larnac  qu'on  cllimoitle  plusfoible  ,  denouueau  relcue 
de  maladie, mcfprilé  &  desfauonré,mit  bas  l'autre  ,  à  qui 
deuant  le  combat  chacun  adiugcoitla  vi<ftoire,  &  Icblc- 
ça  tellement  qu'il  en  mourut  bien  toft  après  :  au  grand 
regret  du  Koy^lequel  défendit  a  celte  occa/îon  tout  duel 
&  combat  iîngulîer.MaisTous  le  legne  de  Tes  fiJs  Charles 
IX.&  Henri  Ill.ceftc  manière  de  s'ennctuer  fut  en  vo-. 
gue/ur  tout  entre  les  gentils-hommes  t'rançois.  ^^/iniur 
les  ^  hift.de  France  en  la  w  de  Henrf  z. 

Nous  ne  touchons  point  aux  hirtoircs  particulières  & 
prefques  innombrables  des  duels  en  France  depuis  jo. 
ans.  C'cRaflezdedeplorernos  mileres  ,  &  dire  en  va 
mot  que  les  vaillans  hommes  tuez  en  tels  conflicls  pou- 
uoycnt  faire  maints  bons  Icruiccs  à  leur  Prince  &  à  leur 
patrie,s'ils  y  fuflent  referucz.  Les  uutres  nations  ne  ion: 
pas  fi  promtes  aux  armes,  &l'on  Içait  de  quelles  céré- 
monies elles  vfent,  quand  il  eilqucftion  de  dcfmefler 
fquerelle^par  celi  extrême  remède.  Plufieurs  le  fouuît- 
îient  delapiudcncs  de  (juclqueschcf^dc  guerre,  pour 
rcrciiir  îeurs  foldùis,  qu'p  tout  propos  eltoyent  prclts  .î 
faire  &  à  fe  dtsraire  à  coups  J'elpee.  Nousnefaifon  •■ 
point  de  foui. ai:s  ,  ni  ne  propolons  des  confeils  &at!- 
uertiflemens  à  ceux  fur  qi:i  Thonneur,  lcdeuoir,la  con- 
fcience,  leiuge  &  prince  fouuerain  de  toutes  creatuiev 
ont  quelque  crédit  6i  commandement.  Il  nous  fuihc 
leur  propofcr  vne  hiftoiie  des  Turcs ,  afn  qu'il  la  digè- 
rent à  leur  bon  loilîr ,  li  quelqucsfnis  illeur  auicnt  de 
îalircSc  d'ypenfer.  Nouslatenons  du  feigncurdc  Buf- 
bcquc,  excellent  perlbnnnge  ,  &ambafl"adeurdeplu- 
iîeun»  Empereurs  modernes  en  Turquie.  Voici  ce  qu'il 
en  dit, 

l'ay  parlé  ci  deuant  de  quelques  exploits  furies  fron- 
tières de  Turquie.  Cela  me  donne  occasion  de  vous 
diçe  ce  ijue  les  Turcs  cflimeiu  des  duds  j  que  Von 

tient 


(^mémorables.  711 

tient  entre  nous  pour   tefmoignagcs  de  vaillance  ^ 
grandeur  de  courage.  En  noftrc  frontière  de  Hongrie  y 
auoir  vn  Sangiac  ouCapitaine  nomméArflambeg, hom- 
me robufte  &  vaillant  à  merueilles.  Vn  autre  Capitaine 
voifin,appellé  Velibeg,  portant  enuic  à  la  valeur  de  ce- 
lui-la,  par  trait  de  temp^ideuint  Ton  ennemi  iuré,  lui 
drefla  emburches,&  fut  bleffé.    Ce  Velibeg  appelle  par 
lettres  à  le  trouuer  à  Conftanrinople ,  ou  pour  celle  a* 
faire,  ou  pour  autres,  s'eftantprelenté  au  Diuan,  qui  eft 
la  chambre  ou  fallc  du  Confeil  d'Iiftat  ,  les  Baflas  lui 
ayans  demandé  raifon  dediuerfes  chofcs  ,   finalement 
voulurent  fçauoir  comme  il  alloitde  fa  querelle  auec 
Arflambeg.  Il  leur  fit  vn  long  difcoursdes  caufes,  corn- 
mencemens  &  progrès  de  la  querelle  ,  &  de  ce  qui  en 
cftoit  aducnu  :  puis  pour  draper  fur  fon  ennemi ,  adiou- 
fta  qu'Arflambeg  Tauoit  furprins  &  bleffé  :  cequinç 
fuft  pas  aduenu  (dit-il  )  fî  Arflambeg  fc  fuit  monftré  tel 
par  effed  que  fon  nom  (  qui  lignifie  vn  hon)  porte: 
attendu  que  ie  n'ay  iamais  retufe  de  me  battre  auecques 
lui  ,  aii-15  Tay  prouoqué  &  appelle  plufîeurs  fois  au 
combat  d'homme  à  homme.     Les  Baffas  indignez  lui 
dirent  par  la  bouche  du  Vezir  ouprefident  du  confeil: 
As-tu  bien  ofe  desfier  ton  compagnon  ,  pour  vousen- 
tre-tuer  ?  N'yauoit  il  plus  de  Chreftiens  contre  qui  tu 
pcuffes  t'efprouuer  ?  Lui&toy  ^iucz  aux  gages  de  no- 
Ure  Empereur,  &  vous  entreprenez  J'ollcr  la  vie  l'vn 
à  Tautrc  !  Quel  droit  quel  exemple  vous  authorifoic 
de  cefaire  ?  Ignoriez-vous  que  fi  \'\n  de  vous  euft  eilé 
tué  parTautre^c'eiloitau  dommage  &  interefi;  du  grand 
Seigneur  ?  Apres  cela,  par  arreft  &n  Confeil ,  ce  Rodo- 
iiiont  fut  mené  en  prifon  ,  où  ayant  trempé  en  grande 
miferercfpacedeplufieursmois ,  il  en  fut  tiré  à  toute 
peincpar  Tinterccffion  de  quelques  amis,  &  depuis  l'on 
ne  tinjgueres  de  compte  de  lui.  Au  côtraire  entre  nous 
fc-  trouuent  des  fpadaffms ,  qui  n'ayans  lamais  defgainé 
Tcfpee  contre  l'ennemi  public  ,  pour  auoir  mutile  ou 
afTaffiné  quelqu'vn  de  leurs   compagnons   ou  conci-^ 
toycns,  fe  feront  cllimci  &  auanccr.    Que  deuiendronc 
les  Ellats,  ©u  les  vices  picncn:  la  place  des  vertus ,  §;  ce 

y  y  4 


•y  11  Hijloires  admirables 

ciuimcrite  punition  tourne  à  gloire  &  honneur  ?  Ce 
font  les  mots  du  S.de  Busueque  en  la  ^.lettre  toucha)itfes  -voy^ 
a^es  en  T  tinjuie. 

Il  y  a  eu  de  noftrc  temps  vn  foldat  Bcrgamafque  nom- 
mé Ican  Pierre  Sure,  lequel  prouoqué  en  duel  par 
autres  foldats,  y  demeura  vainqueur  dixfept  diuerfes 
fois,  tuant  fur  la  place,  oublcflant  à  mort,  &  contrai- 
gnant fcn  ennemi  de  fe  confeflcr  vaincu.  P.  loue  au  iz. 
Iif4.de  fes  hijloires.  La  France  a  veu  Buiry  d'Amboifc,  l'vn 
des  plus  hazardeux  combattans  de  ce  fiecle  ,  &  qui  par 
toutes  fortes  de  duels  a  hk  preuue  de  fon  adreffe. 
Mais  en  fin  il  périt  miferablement,  tué  par  quelques 
vns  qui  le  furprindrcnt ,  lors  qu'il  y  penfoit  le  moins. 
Il  y  en  a  d'autres  viuans  ,  qui  ne  cèdent  en  rien  à  la  va- 
leur du  Bergamafque,  &  qui  contrains  ont,  a  pied  &  à 
cheual,  tait  des  coups  merueillcux.  Le mala  eJlé  qu'ils 
ont  heurté  contre  leurs  patriotes.  Nos  François  entre 
autres  décident  leurs  querelles  parle  duel,  fomenté  par 
la  licence  des  guerres  ciuiles.  Entre  les  anciens  Lom- 
bards &  François  il  y  a  eu  de  telles  couftumes  ou  li- 
cences que  les fieclcsfuyuans  ont  corrigées, comme  aufli 
ileftoit  befoin.  Qu^ant  aux  fautes  qui  s'y  commettent 
auiourd'hui,  c'efl:  aux  fouucrains  à  y  penfer  :  &  leurs 
Confeillers  d'eftat  font  obligez  en  leurs  confciences 
d'en  donner  libre  auis,  pourle  bien  public  ficlaconfer- 
uation  de  l'honneur  des  particuliers. 

Du  temps  de  la  guerre  au  royaume  de  Naples  entre 
les  François  &  les  Hrpagnols,le  capitaine  Bavard  enten- 
dant qu'vn  cauajier  Hlpagnol  nommé  Sotomaiorl'^c- 
cufoit  griefuemcnt  &  rintercfioir  en  fon  honneur ,  le 
prouoquaau  combar:cc  que  Taurre  fut  contraint  acce- 
pter. Mais  Bayard  emporta  la  vi<fî:oire,  ayant  d'vne  ello- 
caderenuerfé  mort  fon  ennemi  parterre,  en  prefence 
de  trefgrand  nombre  de  gens  :  dont  il  fut  beaucoup 
c{limé  d'amis  Se  d'ennemis,  p.  J.r.c  en  la  "uieda  ^mnd 
Oonfalue. 

Les  hiftoricns  Italiens  font  mention  de  plu/îeurs 
duels,  où  le:,  Italiens  onr  elle  viflorieuxfur  les  E'pa- 
gnols&fur  les  Françoii.  Auiourd'hui  l'on  tient  <]u'il 

y  a  du 


^  mémorables,  yi$ 

yadu  changement,  dontielaiiïe la  deciiîoii  aux  chefs 
de  guerre,  me  contentant  de  dire  que  les  armes  liono-. 
rent  celui  qui  les  employé  pour  la  mile  defenfe  de  Ton 
fouuerain  &  de  (fa  patrie  contre  les  ennemis  communs: 
fans  fpecificrleshiftoires  de  ces  duels  miferablcs  &  fu- 
rieux. 

EFFORT  audacieux ) inutille 
drperilleux. 

L'Armée  inuincible  Efpagnoîc  ayanteflé  desfaite 
en  peu  d'heures  fur  l'an  mil  cinq  cens  quatre  vingts 
huidjleduc  de  Parme,  qui  durant  le  combat  àcs  An* 
glois  &  Efpagnols  entre  Calais  &  Douure,  eftoit  venu 
à  Donkerkc  auecques  vne  armée  de  trente-cinq  mil  ho- 
mes ,  pourrébarquer&  faijeioindreà  celle  d'Éfpagne; 
entendantpour  certain  que  la  flotte  Efpagnole  flottoic 
fracaflceou  enfondree  es  gouffres  de  la  mer,  pour  ne 
demeurer  fans  rien  faire,  tout  defpité  de  fon  malheur> 
ayantramené  fes  forces  en  Brabant  délibéra  d'afTieger 
la  ville  de  Bergopzoom  ,  où  il  cnuoya  deuant  quelques 
rcgimcns  :  &lc  dix-feptiefme  de  Septembre  il  s'y  trou- 
ualui-mcfmeen  pcribnnc,  oC  commâda  au  Marquis  de 
Renty  d'cnuahir  Tille  de  Tcr-Tolc,à  roppofîtc  duBerg, 
pourpar.ce  moyen  tenir  la  ville  afTiegee  autant  par  mer 
que  par  terre.  Le  Marquis  ncihnt  y  enner  aucc  le  Com- 
te Odauiode  Mansfild.  cchuid  cens  hommes,  àlafa- 
ueur  de  deux  mille  moufq unitaires  reftezfur  la  dique 
de  r. erg,  futfouftcnu  par  le  Comte  George  Eberard  de 
Sclnrs,  Colonel  du  rtgimcnt  de  Zeclande  :  tellement 
qu'en  deux  charges  furiculèsque  firent  les  alTaillans,  ne 
pouuansaduancer,ilslc  retirèrent  aucc  perte  d'enuiron 
quatre  cens  ]îômes,rous  frapc?.  à  la  teftc,  laquelle  feule 
Icurpafibit  hors  de  Tcau,  ayans  à  toute  peineretiré  le 
Comte  Odauio  hovsdes  bourbes  &  fondrières.  En  tou- 
te ceftc  cfcarmouclieles  Zeelandois  ne  perdirent  qn'vn 
homme  &  deuxbleilcz ,  cltans  garantis  d'vn  bon  para- 


7 1 4  hijtûires  admirables 

per,dontlcurdiquceitoit  bordée.    Hifigire  des  pays  h/u, 
h».  6. 


EMBRASEMENS  de  feu. 

DV  temps  du  roy  Louys  douzicfme ,  les  Vénitiens, 
outrclcurs  aunes  pertes,  rouftnrent  celles-ci.  Le 
feu  fc  print  au  milieu  de  leur  \  ille  ,  Tan  mil  cinq  cens 
quaror/e,  l'onzieime  iour  de  lanuier,  de  nuiâ; ,  lequel 
brufla  les  boutiques  de  plulîeurs  marchans,  &  augmenté 
parvn  vent  impétueux  fut  porté  aux  maifons  voifînes:iî 
c}u'enmonisde  rien  les  banques  des  changeurs  turent 
cnuahies  &:  confonmiecs  :  &  dura  telle  flamme  toute  la 
liuid,  fans  qu'on  peuft  y  remédier  lufquesau  lour,  que 
parle  commendementde  la  fcigncurie  les  maifons  ioi- 
gnantcs  à  celles  qui  biufloyent  fuient  démolies.  Ce  fut 
I-i  plus  grand  perte  que  les  Vénitiens  cuflcnt  encore  fai- 
te. F .Gmchardln du  dottT^epne  lit*re  de  Ces  hifioires. 

L'an  mil  cinq  cens  trente  trois,  le  feu  fe  prit  (fans  que 
l'on  ait  fceu  comment)  à  la  grande  Eglife  d'Anuers  ,  vn 
jour  du  mois  d'Odobre,  dételle  violence  qu'en  peu 
de  temps  il  biufla  prcfqucs  tous  les  autels,  fomptueux  à 
lïierucîlles,  iniques  au  nombre  de  cinquante-fept,  em- 
brafa  &conruma  tout  le  toicl  Scia  charpenterie  ,  gaita 
Liplufpart  des  piliers  &  colonnes ,  fit  pluficurs  autres 
dommages,  nuec  des  flammes  f\  ardantes ,  qu'il  icmbloit 
\n  Mongibel  voinii]'ant  les  fureurs  fulphurces.  La  vil- 
le n'en  reccuc  autre  dommage.  Louys  Gmihardin  en  la  de- 
Jcriptiondcs  pA'^i  b.i<. 

La  belle  &  tr^ndc  ville  de  Delft  en  Hollande, à  deux 
]icuès  de  RctcrJ.nm,  magnifiquement  ballie,  tomba  en 
crtrangc  mifec  Win  mil  cinq  cens  trente  lîx  :  car  le  feu 
s'y  ellant  pris^d  en  brulla  la  plufpartjau  trcs-grand  dom- 
jnage  des  citoycn-j ,  leiqucls  depuis  l'ontrebalhe  Se  ren- 
due plus  belle  qu'auparauanr.  i.k  mefme. 

L'an  nul  cinq  cens  ioixantc  trois  ,  le  feu  fe  print  de 
u-il  j  violence  i  Roterdam,  plaiiante  ville  de  Hollan^ 

de. 


^  memorahles.  7 'S 

de,  qu'en  peu  d'heures  ,  li  brufla  plus  de  neuf  cens  mai- 
Tons,  &  grand  nombre  de  vaiffeaux  :  item  force  gens  ,  & 
confuma  vne  infinité  de  bicns.Le  me[ine. 

Poperinghe  petite  ville  de  Flandres  ,  à  deux  lieu  es  de 
Hypre,fut  aufîl  fort  endommagée  A\\  ':(i\.\  en  ceik  i-wcl- 
me  année  mil  cinq  ccnsfoixantc  trois,rroisiours  après  la 
PentecofteiayanteHéprefques  toute  bruflee  en  moins 
de  2.  heures  :J  auec perte  de  plu/îeurs  perfonnes  &  dom- 
mage merueiilcux  des  habitans.  Pareil  ertibraicment  y 
cftoitaduenu  cinquante  ans  auparauant  à  pareil  iour. 
Le  mcfrne. 

Maisc'eftmerueilles  que  l'elcment  du  feu  monftre 
quelquesfois  Ton  effort  contre  la  terre,  comme  s'il  vou- 
loit  la  confumer:  comme  il  aduint  Tan  mil  cinq  cens  foi- 
xante  fept  au  terroir  d'Vtrecht,proche  de  Hollande,  en- 
tre Amersfort  &  Rhenen,  Par  l'inaduertance  d'vn  ber- 
ger ,  lefeufe  printen  vne  longue  &  large  campagne> 
pleine  de  terre  dont  fe  font  les  Tourbes  (qui  font  ga- 
zons de  terre  marefcageufe,  grafle ,  &  pa4ftrie ,  dont  les 
Frifons,faute  de  bois,  fe  feruent  à  faire  du  feu^Sc  en  ven- 
dent à  leurs  voi/îns)&  en  peu  de  temps s'aduançaforr  au 
grand  dommage  de  tout  le  payslc.s  habitans  duquel  voy- 
oyentla  terre  &  l'eau  tout  cntremeflé  de  fumée  elpailfe 
&  efpouuan table.  Gens  y  acoururent  de  toutes  parts,qui 
auec fo{lez:,diques,leuecs,&  autres  moyens  arreiterent  & 
cfteignirent  ce  feu.L^  mipie 

Le  dernier  /leclc  a  vcu  infinis  embrafemens  de  feu, de- 
dans lefquels  ont  elle  bruflez  hommes ,  femmes, en  fans, 
fans  pouuoir  eftre  aucunement  relcous.  Entre  autres  e- 
xemples  ie  remarqueray  celui  qui  s'enfuit.  Il  y  a  cin- 
quante ans  ou  enuiron  ,  que  certains  honnorables 
marchands  venus  à  Tv  ne  de^  foires  de  Lyon,  &  loge/ à 
la  telle  d'argent,  rue  delà  Grencrte,  en  vne  chambre 
haute,  comme  ils  deuifoyent  de  leurs  afaires  &  paf- 
foyentioyeufement  le  temps,  auint  que  le  feu  fcprint 
a  la  cuifine  du  logis  ,  où  le  trouuerent  des  huiles  en 
grande  quantité,  aucuns  difent  qu'il  yauoit  aufli  de 
U  poudre  à  canon.       Quoy  que  ce  fuif  ,1c  feu  s'alluma 


7 1  <5  Hî (loir es  admirables 

f\  foudain,  nuec  telle  violence  &  impetuo/îté ,  que  pres- 
que en  vn  moment  tout  ce  bas  logis  fut  bruflé.  Ces  mar- 
chans,  qui  eftoyent  en  la  chambre  haute  regardant  fur  U 
rue^voyanscefeu  commencèrent  à  cercher  leurs  valifes 
&bougctes,enfermeesen  vn  coftrefous  laclcf,laqucl]e 
citoit  à  la  ceinture  de  rhoftefî'c.  Ils  voulurent  Taller 
quérir  ,  mais  le  feu  brufla  &  mit  bas  la  montée  qui  mc- 
noit'en  celle  chambre,  tandis  qu'ils s'amufoyent à  ou- 
urir  le  coftVe>&  choifir  chacun  ce  qui  lui  apartenoit.  Là 
dpflus  donc  le  feu  ayant  gaigné  les  greniers,  &  s'attachât 
au  planché  de  leur  chambre ,  le  haut  du  logis  bruflé ,  ils 
commencent  de  crier  à  l'aide  par  les  feneftres  qui  refpo- 
doyent  fur  la  rue.  Ils  fe  fulfent  volontiers  iettcz  du  haut 
en  basrmais  les-  feneftres  fe  trouuerent  garnies  de  gros 
treillis  de  fer  qui  leur  defcndoyent  le  pafl'age.  Ils  ne 
pouuoyent  fefauuerjnipar  enbasni  par  en  haut,le  logis 
eftantembrafé  de  toutes  parts.  D'ailleurs  les  voifins  en 
la  rue  ayansplusde  peur  de  leurs  maifonsSc  biens  qu'ils 
voyoyent  en  danger ,  que  de  pitié  d'autrui ,  couroyent 
pour  fe  défendre  eux-mefmes  contre  celte  violence  & 
foudaineté  des  flammes.Ainfi  peu  de  gens  fe  mettoyenc 
en  deuoir  de  fecourir  ces  pauures  eftrangers ,  qui  de  leur 
part  s'efi'ayoyent  auec  groflcs  pièces  de  bois  de  rompre 
les  treillis  :  mais  il  n'y  eut  ordre  de  leseflocher,  cftans 
trop  profondement  plombez  en  la  pierre.  En  cefte  mife- 
TCayansla  mort  deuant  les  yeux  en  vn  fiege  C\  Ibudain 
d'vn  ennemi  mcxorablc,  lequel  s'eftoit  défia  fait  maiihe 
de  la  chambre/e  prcnaas  â  leurs  acouftremens  ,  grillant 
leurs  barbes  &  cheueux ,  fc  prindrent  à  crier  fi  eftroya- 
blement,qu'il  n'y  auoit  perfonne  en  la  rue  qui  n'en  euft 
extrême  compaflVm.  Or  quoy  qu'ils  icttairent  leurs 
bougettes&  valizes  pleines  d'or  &  d'argent  par  les  fe- 
neftres, crians  à  gorge  defployee,  pour  Dieu  qu'on  les 
fecouruftjlefeueftoit  tellement  irrite  &  augmente  par 
vn  vent,  qui  le  rcndoitplus  furieux  ,  qu'auant  que  l'on 
euft  apporté  des  crchelles^  des  marteaux  pourbrifer 
les  pierres  des  treillis  ,  on  vid  tout  en  feu,&les  flammes 
fortans  à  grofies  ondes  par  les  feneftres  ,  &  Icfeucra- 
uqcttantcmpefchoit  qu'on  ouill  les  cris  de  ces  hono- 
rables 


é*  mémorables.  yij 

rables  marchands  cjui  furent  bruflez  tout  vifs,  &  finirent 
ainfî  douloureufement  leurs  iours,  tout  fecours  leur 
défaillant.  Paradln  ait  3.  liure  des  mémoires  de  Lyon ,  chapi^ 
tre  zz. 

Il  y  a  quelques  années  que  la  ville  d'îflebe  en  Saxe, 
apartenâte  à  ceux  de  la  maifon  de  Mansfeldt,  futeftran- 
genicnt  gaftee  parle  feu  qui  s'yprint  par  mefgarde  & 
nonchalance  en  quelque  maifon ,  puis  s'efpandit  de  tel- 
le vifteflc  &  fureur,  qu'en  peu  d'heuresla  plufpart  fut 
defpefchee,  nommément  cequiy  eftoitcommcleplus 
beau  :  dont  ie  fcray  vne  briefue  defcription.    La  grande 
Eghfc  nommée  S.André  ,  lagrciîe  tour  ,  deux  autres 
moyenes,  &cinq  clochers  d'iccUe,  l'horloge  &  le  bef- 
froy  en  furent  ruinez:  Item  le  collège  bien  bafti&  cou- 
uert  d'ardoife:La  maifon  du  fuperintendant:celle  du  Pa- 
fteur,  des  deux  Diacres ,  de  TOrganifte  &  du  Marguil- 
lier:  Lechafteaudu  Comtejauecfes  dépendances,  &v- 
ne  autre  fuperbe  maifon  du  mefnie  Comte:  La  maifon 
des  halles,  le  grand  horloge  de  la  ville,  deux  clochers, 
la  grande  balance  de  fonte  5  &  plufîeurs  boutiquesau 
delTus  :  deux  cens  cinquante  trois  autres  maifons  des 
principales  de  la  ville,  qui  furent  réduites  en  cendre,  a- 
uecTancienne  &  nouuelle  monnoye  :  huicl  grands  lo- 
gis ou  hofpitaux,  pour  toutes  fortes  de  pauures,  deux 
grandes  braderies  de  bière  ,  deux  boulangeries ,  quatre 
vingts  &  quatre  granges ,  fix  mil  charges  de  bled  ,  grand 
nombre  de  charetres  de  foin,  foixante  mefurcs  de  bled 
apprcfté  pour  faire  la  bière,  &  quâtité  fuffifante  de  hou- 
bclon  à  mefme  eflfed.  On  n'a  fçeu  bonnement  dénom- 
brer les  autres  degafts  que  ceft  embrafement  iît  an  re- 
gard les  autres  édifices,  bien  meubles  ,  charpenterie, 
graine  diuerfes,  marchandifes  de  toutes  fortes,  gros  & 
menu  beftail  en  merueilleux  nombre.    Ainfi  le  grand 
iuge  du  monde  fait  grandes  exécutions  en  vn  inifant,  & 
dit  à  grands  &  petis ,   Ne  faites  ellat  des  biens  corrupti- 
blesrvos  thrcfors  &  vos  cœurs  foycnt  au  ciel.  Mémoire  de 
nojlre  temps. 


-7 1 8  HisîoîYes  admirables 

ENCHANT EVRS&  CAiagi- 
ciem  punis. 

VNforcicrdc  Salt7bourg,  fit  dcuant  tout  le  peuple 
atVcmblcr  en  \  ne  foflc  tous  les  Icrpons  à'wiQ  lieue 
à  h  ronde, &  les  fît  tous  mourir,hors  mis  le  dernier  qui  e- 
ftoir  £,rand,lec]uel  fautant  furieufement  contre  le  forcicr 
le  tua.  1.  Vtodin  4»  zAiurcJefn  Dcmonomanie ,  chapitre  dei*- 
xicy.m. 

lean  François  Picus  Comte  delà  Mirande  tefmoigne 
auoir  parle  à  plufieurs ,  leùiuclss'ertans  abufcz  après  la 
veine  elperance  des  chofcs  à  venir,furentpar  après  telle- 
ment tourmentez  du  diable  aucckquelils  auoyentfait 
certain  accord  ,  qu'ils  s'eftimeroyent  bien-hcureux  d'a- 
uoir  la  vie  faune.  Di:  d'auantage  que  de  fon  temps  il  y 
eut  vn  certain  Magicien  Jequel  promettoità  vn  trop 
curieux  &  peu  iage  Prince  de  lui  reprcfenter  comme  en 
vn  théâtre  du  liege  de  Tvoye,&  lui  faire  voir  AchiUes  & 
Hedor  en  la  manière  qu'ils  combattoyent.  Mais  il  ne 
peut  Texccnter  fe  trou u an t  empefchë  par  vn  autre  fpe- 
Ctade  plus  hideux  de  fa  propre  pcrfonne.Car  il  £ut  em- 
porte en  corps  &:  en  amc  par  vn  diable,  ians  que  depuis 
il  lolt  comparu.  l.Chajjunion  en  Jjn  hiiioi,re  des  in^em^its  de 
V^eujUu.l.^h  :p.z. 

De  noltve  temps  le  Comte  d'Afprcmont  &  fon  frerd 
le  fieur  d'Orne,ont  fait  parler  deux  par  leurs  faits  eftrâ- 
"es&  horribles,  cllans  leurs  mlolences  Ç\  defrciglees^ 
que  mefmesilleur  aduenoit  par  fois  de  cafler ,  par  ma- 
nière de  pafletemps ,  les  a  eiriercsde  leur  challcau  d'Al- 
prcmont  en  Lorraine  ,  à  deux  lieues  de  S.Michel,&  de 
jttter  dedans  vn  puits  très-profond  de  leur  vaifl elle  pour 
en  ouyr  le  coup  :  prefage  de  la  ruine  &  defolation  ad- 
uenue  parleurs  propres  mesfaits  ,  tant  fur  ce  chafteau 
(ouilshabitoyent)  auiourd'hui  defert  &  réduit  en  ma- 
lures,que  fur  eux-mefmes ,  ayans  hni  leurs  lours  imfera- 
blement.     Quant  au  iieur  d'Orne ,  c'tl^oit  vn  homme 

vi' 


(^  me  m  07 Me  s,  ji^ 

vilain,  cruel  à  merucillcs,  &  grand  magicien.  Il  fit  em- 
{îoigner  vnefoisvii  boulenger  Ton  feruitcur  domc<l:i- 
quc  (duquel  ilentretenoula  femmc)&renclorre  dedi5S 
vn  tonneau,  lequel  roula  du  haut  du  cliaftcau  par  vu 
précipice  en  bas,  faifant  par  fois  le  tonneau  à.Q.s  bonds 
de  la  hauteur  d'vne  picque,  félon  les  endroits  ou  il  don- 
noit.  Neantnioins  Dieu  eut  pitié  de  rinnoccnt>S:  le  ga- 
rantit qu'il  n'en  mourut  point.   \,Q^  gentils-hommes  & 
Teigneurs  qui  alloycnt  voir  ce   fieur  d'Orne  eltoyenc 
traitez,  celeuricmbloit,  fort  honorablement,  Scfcruis 
de  toutes  viandes  exquifes ,  comme  fi  Ton  n'eu  11  rieneC- 
pargné  à  leur  faire  la  meilleure  cherc  du  monde.  .Mai-? 
au  partir  de  là, eux  qui  penfoyent  auoir  efté  bien  repeiîs 
.fetrouuoycnt  tout  affamez  &  mal  en  poin<ft  pour  faire 
longue  traite ,  n'ayâs  beu  &  mâgc  que  par  imagination. 
Il  eftbicn  àcroirç,quelescheuaux  n'auoyent  pas  meil- 
leur traitement  que  leurs  maiftres.  Aduint  vniourque 
quelque  feigneur  ayant  p^^ifé  parlà,vn  de  Tes  gens  ayant 
oublié  ie  ne  fçay  quoy  ,  retourna  au  chalfeau,  où  eiLint 
entré  àrimpourueué  en  la  ialle  ou  l'on  auoit  difné,  vid 
vn  guenon  battant  ce  malheureux  d'Qrncqui  auoic  5 
bien  feftoyé  la  compagnie.    Il  y  en  a  auffi  qui  difeiii: 
qu'on  le  vid  vne  fois  par  quelque  petite  fente  de  porte 
couché  furie  ventre  tour  de  Ton  long  en  (achambrefur 
vne  table,  &vn  guenon  dcfTuslui,  qui  l'affligeoic  d'vne 
eftrangcfaçon  ,  auquel  cemiferablcdifoit,  Laiflc-nioi, 
laifle-moi  ,me  tourmcntcras-tu  toufiour^ainli  ?  En  Iko 
cepauure  malheureux,  après  auoir  difTipé  tout  fon  bien 
fut  réduit  à  telle  extrémité,  qu'ciiant  dcfnué  de  moyens, 
&  abandonné  detous,  il  ae  peut  crouuer  retraite,  qu'en 
rhofpitalde  Paris  ,  ou  il  languit  &  mourut.   Encemeftne 
diure  ^  ch.ipitre.  Son  frère  aifné ,  ayant  aufll  gafpillé  tout 
fon  vaillant,  &faitvneinfinité  d'excès,  cftant  vniour  à 
S.Michel,  beut  fi  defordonnémentjqu'ilencreua.  ^^w 
1.lfH.chaf).-,o. 

Il  n'y  a  pas  long  temps  qu'en  Lorraine  y  eut  vn  qui- 
dam furnommé  de  Couleur  ,  lequel  fe  mcHoit  fort  de 
la  magie.  Fntre  autres  chofes  l'on  s'efmeïueilloir> 
qu'il  fe  faifoit  tirer  coups  d'aK^uibuzc  &  de  piflol:: 


7  20  Htjîoires  admirables 

contre  foi ,  receuant  toutes  les  baies  en  fa  mam,fans  en 
ertrc  aucunement  endommage. Mais  vn  iour  aduint  que 
l'on  feruiteur  irrité,  lui  donna  tel  coup  de  pjllolc qu'il 
!e  tua  tout  roide.  l.  Chafj'umon  3  en  ce  mefnte  I.  Uitre  ^  chw 
pitre  zz. 

ENFANT  ejleué, parmi 
les  loups, 

OVt  R  E  ce  qui  en  a  efté  dit  au  premier  volume,  i'ad- 
iouftcray  ce  que  nous  en  propofe  le  iîeur  de  la 
Nauche,  comme  s'enfuir.  Icvay  defcrire  vnehiiloire 
<5ui  fut  récitée  (moi  prcfent)  par  monfîcur  de  Humicre 
vn  iour  S.  André  ,  1565.  deuant  Monfieur ,  frère  du  roy 
Charles ,  qui  depuis  a  efté  nommé  Henri  troifiefme  roy 
de  France.  C'cll  qu'es  forefts  d'Ardcnne  aucuns  gentils' 
homes  &payfansdc  plufieurs  parroiifcs  s'aflemblercn:^ 
pourdrelfcrvne  chaile  de  loups  ,  qui  leur  donnoyenc 
beaucoup  de  fafcherie  :  &  comme  ils  eurent  donne  la 
chaflc  à  vnc  douzaine,  qui  furent  pris  aux  rets,  abatus  à 
coups  de  harquebuzes,  &  autrement ,  fuç  tuée  entre  au- 
resvnelouue,  fuiuic  d'vn  petit  enfant  toutnud,  aagé 
tnuiron  de  fcpt  ans,  de  couleur  de  fueiile  morte  ,  ayant 
ces  cheueux  crefpus  &  blonds ,  lequel  fe  vouloir  ietter 
lur  ceux  qui  auoyent  tué  la  louue,  Payant  aperceuë  mor- 
fte.Mais  îl  futenuironnc  de  tJntd'hommesq^i'ilfut  pris:' 
auquel  on  trouua  les  ongles  des  pieds  Se  des  mains  cour-» 
bées  par  dedans.  Il  ne  pailoit  nullement,  mais  ietroit  v- 
ne  voix  inarticulée,  comme  vn  veau.  Il  fut  mené  dedans 
vn  grand  village,  en  la  maifon  d'vn  genril-homme  ,  où 
Ton  lui  mit  les  fers  aux  pieds,  non  fans  grande  dirr;  culte. 
Puis  on  le  ht  tant  ieufncr  qu'on  le  dompta  ,  Se  lui  aprit- 
on  à  bien  parler  en  moins  de  fept  mois  :  puis  il  fut  pro- 
mené par  des  villes,  bourgs ,  villages  ,  maifons  nobles  & 
chafteaux  :  dont  ceux  qui  leconduifoyent  gaignerenc 
beaucoup  d'argent. 

Pour 


^  memorahlesl  72t 

Pour  faire  entendre  comme  cell  enfant  eftoît  tombé 
«ntre  \^^  pattes  des  loups  ,  enuiron  vne  f'efte  de  TouP» 
làints,  que  Je  froid  eftoitaflèz  rude,  aucunes  fîIJes,  jeu- 
nes garions,  &  pauures  femmes ,  non  gueres  plus  loia 
de  demi  lieuëdes  foreftsjs'en  allèrent  a  la  plus  prochai- 
ne, pour  y  couper  du  bois.  Ceftoit  furie  velpre,  le 
temps  eltoit  nébuleux  :  &  comme  ils  elbyent  après  â 
faire  leurs  fagots,  ils  furent  iurpris  par  les  gardes  des 
foreils,  qui  les  effarouchèrent  tellement,  que  crainte 
d'eftre  pris  &  menez  en  pnlon,  ou  autrement  maltrai- 
tez,ils  s'enfuyrent  ci  &  li  ,  laiffans  leurs  coignees.  Entre 
autres  vne  des  femmes  y  auoit  porte  Ton  petit  enfant  d  en- 
uiron neuf  mois ,  n'ayant  perfonne  en  /à  maiibn  pour 
\t.  garder ,  éXt  eliant  abfente  :  car  /on  mari  trauail- 
Jpit  à  li  iournee,  lequel  ne  venoitenfâ  cahuettequs 
Jes  dimanches  &  jours  de  hsits.  Par  ainfî  elle  laifîà  fon 
enfant,  &  s'enfuit  parmi  la  foreft ,  comme  talonnée  & 
iùyuie  vn  longtemps.  Etlors  qu'elle  /è  vid  en  feureté 
quelques  heures  après ,  &  que  les  foreftiers  ie  furent  re- 
tirez, &  qu'il  cftoitprefquesnuid,  elle  s*en  reuint  au 
lieu  où  elle  auoit  coupé  le  bois,  où  netrouuant  /àcoi- 
gnee  (  que  \zs  foreftiers  auoyent  prjlè)  ni  Ton  enfant  ;  6c 
apresbeaucoup  de  regrets,Iaif]ànt  toute  crainte,penraque 
fès  foreftiers  euflent  emporté  l'enfant ,  aulquels  elle  dé- 
libéra s'adrefîer.  Sur  cefte  pen/ee  elle  retourne  en  fon  vjI- 
Jage ,  fjauoir  des  autres  venus  auec  elle ,  s'ils  fjauoyenC 
rien  de  l'enfant  :  autant  en  fit  elle  aux  foreftiers  beuuans 
en  certaine  tauerne  à  vne  lieue  de  là,  qui  la  menacè- 
rent &  iniurierenr.  Le  lendemain  la  pauure  retourne 
en  la  foreft  le  recerchcr ,  mais  en  vain.  Son  mari  de 
retour  de  Ton  trauail  le  iour  de  Tou/îàints  ,  entendant 
Ja  trifte  perte  de  Ton  enfant  &:  \^s  informations  que  la 
iuftice  prenoit  contre  eux,  difànt  que  par  leur  défaut 
l'enfant  auoit  efté  expolë  aux  beftes  fauuages  ,  après 
longue  quefte  par  les  forelts  ,  ces  cherifs  craignans  nou- 
Belle  peine  abandonnèrent  le  pays,  &  depuis  n'ouït-oa 
parler  d'eux. 

Il  eft  »  preDjpporer  que  la  louue  rurmentioonee4 

il. 


•jiL  Hîjloires  Admira  hUs 

Ci.fchant  proye  pom  porter  à  les  petits  louLieteawx,  frou- 
uaccft  entant  abandonne  de  la  mère,  ii».  l'emporta.  (Qt 
quicit  vrai  lemb'ablc:car  leloi'p  porre  en  ià  gueule  vnc 
brebisjtant  groiie  &  pelàntcloit  tJle  ,  uns  rofitnier,\  oj- 
re  vnedemie  liet'f  ,  oc  làns  ièrcpodi  ,    comme  qiicloue 
puiflàntleuiier  teioit  v:i  conil.    Chacun  luit  que  .^'i'  «c 
tiouuevn  cheual  ou  vnc  vache  dedans  vn  creux  eu  iofJc, 
que  le  Joup  les  tirera  hors  à  belles  dents  tant  il  a  le  col 
robuite  )   pour  U  niant;er  :  ce  qu'vn  theual  bien  aitclc 
ne  pourroit  tiaire.  La  loiiue  ayant  porté  Tenfant  à  fev  lou- 
uetcaux  (  comme  toutes  louut  s  portent  ain/ï  en  icurs  le-» 
paires  tous  les  petits  animaux  qu'elles  peuucnt  attraper, 
pour  leuraprendre  à  courir  en  quefte}  les  loiiueteaux  c* 
Ihns  parauanture  {àouls,  &:  fe  voulans  loiier  à  cclt  enfant» 
auant  que  leman^tr  5    &laicuue  eftant  couchccauprts 
~  de  les  petis  j  Tentant  ièntaiit  Us  tetins  de  lalouue,  lèiài- 
iît  dVn  vS:  le  tetta ,  penîànt  auoirtrouu:;  là  mcre,C>c  y  a  ap- 
parence qf  e  dcllors  la  louuc  l'aima  comme  fîen  :  car  its 
femelles  ont  du  plailir  au  bout  du  tetni ,  quand  on  les 
tire.     Et  h  elles  donn>;nt  a  tetcer  a  quelque  animal  d'au- 
tre e/pece,  elles  l'a  meront  comme  il  adulent  aux  chien- 
nes tertces  par  des  chus  ,  aux  cheures  qui  ont  aJaitie 
des  chiens ,  des  aigneaux,  ^ç'^  poulams ,  voire  des  enfaus, 
dont  il  y  a  des  hilloires  anciennes  iSc  modernes  de  ùiuçis 
lieux. 

•Ainfl  peut-il  eftrcdela  louuc,  de  Tes  louueteaux, 
&  de  ceii  entant.  Qnandccs  loui:«.reaux  turents  grands 
&  torts  j  s'ils  trouuc  yent  cell entant,  qui  n'alloit  lamais 
fans  cflre  acompagne  de  )a  louue  ,  ils  lui  faifoyentfefte 
&  des  gambades  à  la  tai^on  des  chiens:  6;  meline  tous  les. 
autres  loups  d'i celle  cor.tree  ne  Toticnierent  onijues. 
Ce  qui  con 'erua  encore  mieux  ccic  entant  ,  fut  que  U 
Jouue  ^  les  autres  loups  elloyent  fort  friands  des.  ex- 
cremens  d'icelui ,  voire  mangeoyent  la  t^  rre  fur  la<iucl- 
le  ilauoit  vrine.  Ht  tant  que  la  louue  Je  conJuiiu,  tU 
ie  lui  fit  toulîours  part  de  là  proye.  L'enfant  velquit  de 
chair  ctuc,  enuiron  Iix  aiis,i  ce  qu'il  a  raconte  depuis, 

ayant 


rjyant  bonne  mcmoue  de  ce  qui  s'cAoît  pafle  en  fon  en- 
droit 5  depuis  qu'il  eut  atteint  quatre  ans ,  ayant  pour 
guide  la  nature  :  &  pour  garde  vne  finguliere  protection 
dé  Dieu,  qui  It:  gaiantiflbiten  ce  toibleacige,  ôdàiou- 
te^heuré  en  la  mort,  par  le  minillere  des  Anges.  On  eut 
beaucoup  d'afiire  à  le  ranger  ù  manger  de  la  chair  cUi- 
te.  11  difoit  d'auantage  que  lalouue  taifoit  tousles  ans 
âts  petis ,  lefquels:lgardoit  pendant  qu'elle  alloitâ  li. 
qùelte  5  &  qu'elle  mordoit  le  maile  j  lors  qu'il  venoïc 
la  voir:  tellement  qu  il  approchoit  rarement  du  re- 
paire. 

Apres  qu'on  lui  eut  aprins  à  parler ,  &  qu'il  (k  fut  apri- 
lioilèa  rà  vie  brutale  chrmgee  à  celle  Aqs  autres  enfans  ,  il 
fut  reconupour  fils  delà  femme fufmentionneej  pour- 
Ce  qu'il  auoit  lîx  doigts  en  chacune  de  Tes  mains  ,  &  l'iJa- 
ge  qu'il  lèrnbloic  auoir  lors  conuenoit  au  temps  qu'il 
le  trouua  percfu,  'On  le  fit  berger  de  moutons  &  brebis^ 
ce  qu'il  exerça  l'eTpace  de  fept  ans  ,  pendant  lequel 
temps  les  loups  n'atrcnterent  iamais  lûr  les  troupeaux 
i  lui  commis  3  enco:  es  qu'il  gardart  du  gros  belrail^  com- 
me veaux  5  vaches ,  iumens  ,  poulains ,  ii:c.  Ce  qui  fut 
reconu  des  habitans  du  village  gù  il  demeuroit  :  parquoy 
afin  que  Izs  autres  troupeaux  participaflènr  au  meline 
priuilege,  les  laboureurs  &  bergers  àts  villages  luia- 
menoyent  leur  beftail  ,  ou  bien  failbyent  venir  cegar» 
Ion  Jur  les  lieux,  &  lui  tailoyent  pafier  par  defius  icir 
bettail  l'es  mains;  dedans  leiquelles  il  auoit  craché  de /à 
làliue.  Qne's  qu'ils  fu/îent ,  meiines  \ts  ehienSjde  quinze 
iours  après  les  loups  n'y  touchoyent.  Par  tel  moyen  il 
gaigna  beaucoup  d'argenr:car  il  le  failbit  donner  vn  dou^- 
ble  tournois  de  chacune  des  belles ,  iUr  lerquelîes  il  paf- 
lôit  la  main;,  comme  nous  auons  dit,  \k  leur  manioitauflî 
les  oreilles; 

Mais  ielon  que  toutes  les  chofes  humaines  ont  leurs 
reuolutions ,  l'enfant  paruenu  à  l'aage  de  quatorze 
îwis  ,  la  vertu  qu'il  auoit  d'empeichcr  que  les  loups  ne 
nUi(ifl"ent  au>:  troupeaux  à  lui  commik  ^  6l  à.  ceux  à  qui 
i\    pafiôit    la    main  dclVus   ïi^idi'm^   Se    manioit    Us 


7^4  HiBoires  admirables 

oreiUeSjfs  perdit.Ie  peniè  que  cela  adujnt,  pource  qu'i/^ 
uoit  beaucoup  chang»  de  complexion  ,  naturel  &  tempe- 
rament  en  cefl  aage ,  &  pour  auoir  par  vn  Jong-temps  prit 
autre  nourriture  que  ^  loùuatique:  ce  qui  le  conojiîbit 
parce  que  les  loups  ri^pprochoyent  plus  de  lui  tant  que 
de  couftume,ains  le  cr"ili^"<3y^f5"'2y^"f  plus  aucune  f)'m- 
pathie  ni  fentiment  qirèk'onque  de  la  nourriture  que  ce 
garlbn  auoit  eue  petit  enfant  auec  les  animaux  de  leur  eA 
pecc.Pourtant  ne  gaignoit-il  rien  plus  quVn  autre  fiinple 
berger jdont  fafche  il  quitta  ce  train  ,  &  s*en  alla  cercher 
fon aducnture  par  les  champs  .-tellement  qu*il  femit  es 
compagnies  de  gens  de  guerre ,  feruant  de  goujar  ;,  puis  il 
deuint  ibldat^  braue  ,  hardi  &  vaillantjmais  larron  ,  fin  & 
caut  au  poflîble.Ii  fut  tué  Tan  )  57i.par  les  troupes  du  àuc 
d'Albe  5  eftant  es  compagnies  Françoifes  que  le  fîeur  de 
Genhs  menoit  en  Haynaut  contre  les  E!pagnols,au  Cig^q 
de  Monts.   On  dit  que  ce  foldat  fit  lori  vaillamment ,  & 
•qu'il  vendit  ià  peau  bien  cher  aux  ennemis.    Louys  Guyon» 
feur  de  la  NaMche,au  i.Uure  dejes  diuerfes  Ufonsychapitre.^^^, 

ENFANT  vif  y  trejpeîit. 

LE  vingt-troifiefme  iour  de  May  ,  l'an  mil  cinq  cens 
cinquante  &:vn3narquit  en  la  ville  de  Bruxelles  vn  en-  • 
fant  mailejn'ayant  en  longueur  que  de  trois  doigts  de  lar- 
ge j  comme  la  ligne  fuiuante . 

>         Il  fut  baptizé  en  l'Eglife  fàinâ:  Gudulc  ^  & 

nommé  lean.  Combien  qu'il  n'cuil  elté  porté  au  ventre 
de  la  mère  que  fix  femainesjfi  cftoit-il  parfait  en  tous  fe» 
membres.Les  deux  roynes  de  France  &  dt  Hongrie^  vou- 
Jurent  les  voir.  H  ne  veicut  qu'vne  heure  &:  demie.  Icmi 
le  Petit  en  Ces  <rr(indes  x^nnales  de  Hollande  .:»*  Uu.  8. 

l'ay  veullya  quelques  années  en  la  ville  de  Bruges 
en  Flandres  jvnauortement  de  deux  gémeaux,  qui  n'a- 
izoyent chacun  qu'vn  poulce  de  longueur,  largeur,  & 
grolïèur  5  tous  hs  membres  cxadement  formez  &  ela- 
t»ourez^làos  4eiiiuc  ^uçlcoaque.    Oa  kur  Yoyoit  ks 


^  memorahles.  yi^ 

yeux  auec  les  prunelles  ,  d'vn  petit  pointfl ,  les  nai  ines, 
Its  oreilles ,  les  doigts  diftincts ,  le  nombril ,  ie  membre 
penital,  les  cuifles,  le  gras  Aes  iambes^les  pieds  &  talons. 
D'autant  que  IVn  &  l'autre  palpitoit ,  mon(irant  \ts  in- 
dubitables tefmoignages  de  vie,  on  les  porta  prompte- 
ment  au  baptefme,  après  quoy  ils  expirèrent.  Lemniu^  an 
4.  lin.  des  miracles  de  nature ^chap.z^, 

l'ay  veuvnauorton  ,  lequel  n'auoit  qu'vn  poulcede 
longeur,  raaisdonr  les  membres  eftoyent  diftinds  fort 
exactement ,  à  fçauoir  la  tefte,  les  yeux  ,  \qs  narines ,  \ti 
bras ,  les  mains, les  doigts ,  i'ellime  qu'il  eftoit  de  fix  fep- 
ma  nés.  l.Laleman  enfesfchoUes  fur  Le  liuret  d^aippocrates^de 
faAge  de  l  homme, 

Columbus  maintient  en  Ion  anatomie  auoir  veu  des 
embryons  petits  comme  feues,  où  les  membres  paroifi. 
/byent.  Mais  noQs  faifons  ici  mention  des  fruits  ou  qo*- 
fans  qui  ont  vie. 

^ ^ IFO^FE  périlleux, 

ANtoine  de  Leue ,  renommé  chef  de  guerre,  acoura* 
gea  fort  Ton  mailtre  l'empereur  Charles  V.  à  afl'ajt* 
lir  le  roy  François  du  cofte  de  Prouence  :  offrant  de  mar- 
cher des  premiers,  &  de  faire  lapoinde,  encores  qu'il 
fuft  fort  tourmenté  des  gouttes.  Il  afTeuroit  l'empereur 
de  la  vidoire  ,  fondé  fur  vne  malheureufe  &  deteftable 
cfperance  :  à  fcauoir  que  àts  deuins  Tauoyent  alfeuré 
qu'il  feroit  enterré  à  faintt  Denis.  Son  interprétation  e^ 
ftoit  que  l'empereur  iroit  auec  les  armes  viftorieufes 
iufques  dedans  Paris.  Mais  tout  le  contraire  aduint  :  car 
la  dyfl'enterie  ayant  tué  vne  partie  de  l'armée  Imperia- 
l.e  ,  Antoine  de  Leue  acablé  de  veilles  continuelles  ,  & 
d'autres  maux,  mouruten  Prouence.  Mais  afin  qu'jl  apa- 
rut  que  le  maiftre  qui  l'auoit  afiné ,  parle  tcufiours  k 
deux  ententes  ,  &  a  Ton  efchappacoirepreit  pour  fermer 
laboucheà  fcsdifciples  ,  le  corps  porté  à  Milan  fut  en- 
terré en  l'Eglifê  de  faind  Denis ,  qui  eft  en  c^ï\.Q  ville  là. 
Telle  fut  l'iiilie  des  conquêtes  imaginaires  de  Leue  auec 
«jui  furent  çnreuelis  les  fong^s  &:  difcours.    L^authenr 


7^^  Hiflû'tres  admirables 

du  fupfilement  de  Sd'ell.'CjUn.zo.recae  ccjk hiflopre. 

Adrjan  Cardinal  de  Cornerte:  attendoit  la  mort  Ju  Pj- 
pe  Léon  X.non  par  nul-vueillance  qij'il  lui  portail,  mais 
poufle  d'vn  vain  de^r  de  i  cgner.  Car  il  auoit  conceu  cer- 
taine ciperance  df  pariienir  au  Papat ,  parles  rcfponfes 
d'vne  deuinereiTe  ,  qui  lui  ayant  prédit  anez-exadement 
beaucoup  de  chofesjtouchant  Je?  afaircs  publiques  &:  par- 
ticulières ,  dont  il  lui  auoit  demandé  refblution  ,  Taucit 
çncorev  afiture  que  Léon  emporté  de  mort  foudaine  ,  au- 
roitpour  luccefieur  vn  vieillard  nommé  Adrian,  né  de 
baslieUjhommedode ,  eileuéaux  honneurs  Ecclcfiaftir 
ques  par  degrezjôc  qu'il  auoit  acquis  par  fa  vertu,  fans  au- 
cun mérite  de  Tes  prcdecelTeurs.  Ce  Cardinal  cuidoit  en- 
tièrement que  toutes  ces  marques  i'ç  trouueroyeht  en  nul 
autre  qu'en  lu::  car  il  elloit  i/ïu  de  famille  inconue  &  fort 
çhetiue  à  C9rnette,bo<jrgade  de  nulle  cilime  enTolcane, 
&pource  qu'il  eftoit  dodte  Je  degrez  en  degrez  eltoit  mo-. 
te  iul'ques  au  Cardinalat  :  mais  Ion  chapeau  eftoit  encore 
trop  léger  :  il  defîroit  la  tiare  &  ce  qui  s'en  eniuir.  Tou-r 
tesfois  h  deuinereire  &  lui  firent  vne  cquiuoque  fur  le 
Jiiot  d'Adiian  .  par  l'aftucc  du  maiftrc  des  Ibphiftes  & 
pienteurs.  Car  non  Adrian  de  Cornertc  ,  mais  Adrian  le 
H<^>ll'indois3fi!s  d'vn  pauurc  artilàoj  dodte  peribnnage  ,  a- 
pres  la  mos  t  de  Léon  iut  cfleu  Pape  ,  par  vne  prodigieufe 
Ichcitéjce  dit  Piiu!  I  ne  an  A.liii.  de  Li  'vie  de  L:on  i o.  où  il 
raconte  ce  cornu  eqiiiuoquc  de  Cornette.Maés  il  oublie  i 
dire  que  l'autlionte  de  Charles  V.  duquel  Adrian  le  Hol- 
Jandois  auoit  efié  prcccpreur,  feruit  plus  à  l'aduancemenj; 
ç'icelui  que  nulle  auti  e  chui'c.  Ec  ce  hit  vrayemcnt  ia  pio- 
digieuièfthcité. 

ESMEVTE  de  Flandres. 


E 


^  années  mil  cinq    cens  trente  neuf  &  quarante, 
"Empereur   Ciiarles  V.  eut    quelques   afaircs    cii 
^ianiircs  *  à  quoi  si\  n'eu(l  pbuic  de  l)ount  heure ,  il  s'en 

fuHiiour 


C^  mémorables,  72.,yr> 

fuft  troilUc  bien  empcJciié  à  la  longue.  Les  Gv.no.i 
elhns  entrez,  en  quelque  d  flerçnd  au*.^c  les  oflicierjs. 
de  l'Empereur,  à  eau  le  de  rexcefiiue  impo/ition  Cnv  \ç^ 
vin  5  &  fafcheA  que  les  ccclelî.dtiqueSi  qui  ioiiynoy- 
cnt  des  plus  clairs  reuenus  ,  fiiflent  exempts  de  ce 
tribut,  voyan?  que  c'eitoit  contre  leurs  priuilegcs,  rc- 
iblureiit  de  ne  le  plus  louflïir ,  ains  d'y  prouuoir  par 
voye  ordinaire  ,  U  dcmindcv  iufticc  à  rCiripereur, 
puis  il  elle  leur  eftoiit  dclniee  y  procéder  a;:treniert. 
A  cefte  caufe  ils  s'adrcficrcnr  à  la  roine  de  Hongrie, 
lors  gouuernante  des  pays  b.îs  pour  l'Empereur  Ion  frère, 
Jaquelie  ne  leur  donna  reiponTe  qui  fullà  leur  conten- 
tement: au  moyen  dcquoy,  après  qie  les  corps  des  nie- 
iiiers  eurent  efté  a/îluiblez  chacun  en  leurs  chambres» 
ils  prindrent  les  arities^emprifonnerét  quelques  oiîiciers 
del  Empeicur^en  Tircnr  publiquement  décapiter  vnjdon- 
lîcrent  telle  efpouuante  aux  autres ,  que  nul  ne  s'olbit 
nionitrer  par  hs  rues  ,  ains  Ibrtirent  pi  efque  tous  hors  de 
Ji  ville  &cCt  retirèrent  vers  la  goiiucrnantc.  Lts  Gan- 
tois Te  doutans  bien  que  l'Empereur  ne  le5  fnpporteioit 
gueres  en  leur  fouileuement ,  enuoycrent  embafladeis 
vers  le  Roy  de  France  le  prier  quM  vouluft  lesp^endie 
en  fa  piotcction  :  ce  qu'il  rçfulà  taire,  citant  lors  en 
paix  auccques  l'Empereur  :  iomt  qu'il  ne  voyoir  rien 
d'afleuré  fedeclairant  leur  protecteur ,  à  caulé  qu'il  re- 
doutoitleur  inconlhnce.  Euxlc  voyans  efconduirs  ne 
iai/rerent  de  paÛ'er  outre  ,  &  après  auoir  nettoyé  leur 
viiledetout  ce  qui  pouuoitles  trauerler,  jibolnent  les 
ordonnances  taidtes  fu.  les  impoits  du  vm.  Ces  nouuel- 
\es  portées  en  Eipagne  efmeurent  TEmpercnr  j  y  don- 
jier  ordre  promprement.  Et  pour  expédier  chemm  j  d» 
conlentement  du  Roy  il  paîratoui:  à  trauers  la  France  3  cv 
en  peu  de  iours  arnua  liir  les  Frontières  des  pays  bas.  A- 
Jors  les  Gantois  n'ayans  ville  quelconque  qui  'es  fiuon- 
i<ii\  ,  ne  Iceurent  faire  autre  chofe  que  le  foum.'ttre  à 
J  Eiiipereur,  qui  les  chaliia  ru  Jemcnt.Caril  fit  mourir  les 
principaux  chefs  de  relmotion,(jannit  plufîeurs  de  leurs 
4dheran,s ,  condamna  la  ville  à  vne  amende  de  huict 
(tns  mille  ducata  d'aryen:  tonip-.ant:ordonnaqii'vrte  ci-, 

Zz    4 


ji%  Hifîoires  admirables 

tààeilz  y  fuft  baftie  pour  les  tenir  en  bride,  &  qu'il*  paye- 
royent  tous  \ts  ans  huid  mille  ducats  pour  l'entrenemenr 
d'icelle  :  confîïqua  \qs  biens  de  fbixante  fi::  maisons  &  fa- 
milles de  Gand  ^elquellesfe  faifoyentles  aiîerablees  des 
jneiîiers  :  voulut  qu'elles  fufl'ent  i  afçes  à  fieur  de  terre,  & 
«-jue  le  reuenu  de  ces  maiions  lui  fuft  confifque'.    Il  fit 
deimolir  auffi  deux  maiibns  &  parquets  de  iuftice  à^s  Çéi- 
^neursdelaviile,  &  abatre  la  cloche  du  Bcffroyqui  c- 
ïioit  au  temple  fàmct  lean^feruant  pour  aflembler  le  peu- 
ple durant  les  eïmotions.  Ordonna  que  \ts  foflez  &  tran- 
chées faites  autour  de  la  ville  fufTent  comblezjles  portes 
fortifiées  defmolies ,  &:  que  \zs  particuliers  endommagea 
çnl'œuure  de  ces  rempars  bc  tranchées  fuflènt  recom- 
penlez.  Il  les  condamna  outre  plus  à  delengager,  à  leurs 
propres  eouils  &  deipens  ,  tout  ce  queiul'ques  alors  \ts 
Corntes  de  Flandres  auoyent  engagé,  qui  montoit  i 
plus  de  fîx  mille  efcus  de  rente,  abolit  &  caflà  leurs  pri- 
vilèges i  dont  il  fe  fit  bailler  \qs  filtres ,  pour  en  difpofei- 
à  Ion  plaifir  ;  \ts  priua  auffi  de  la  feigneurie  qu'ils  auoyenï 
iurles  fept  tours  principales  iuietres  à  leur  iurildidtion 
çlbns  dedans  la  ville:  comme  encore  leur  fut  oftee  la 
iôuueraineté  qu'ils  auoyentauparaujnt ,  qui  eftoit  telle^ 
<]u'ayant  condamné  vn  homme  à  mort,  le  prince  ne  pou- 
Uoit  lui  donner  grâce.  Confiiqua  toutes  leurs  armes  tant 
offenfiues  que  dcfenfiues,  dont  y  auoic  lors  telle  abon- 
dance à  Gand^qu'elle  pouuoit  st^irxiV  cent  mille  hommes: 
détendit  que  les  officiers  des  mciiiers  ne  portaient  plus 
aucune  liuree,  &  n'cuncntpuiflanc-^' de  niatquer  leur  li- 
Uree  d'autre  marque  que  de  celle  que  TCmpereurordon- 
neroir.  Aiiifi  fut  humiliée  la  ville  de  Gand,  quoy  qu'en 
îctWc  Charles  le  Quint  euliprins  naiflànce,  &  fut  pré- 
cipitée fi  bas  qu'elle  nes'eilpcu  rekuer  depiiis  en  ftpre- 
iTiierefnlendeur  (  encore  que  l'Empereur  relaichaquel- 
5îue  choie  de  ce  que  deiîus  )  au  moins  pour  en  auoir  les 
moyens  qu'elle  a  eus  autresfois.    Au  contraire  peu  à 
peu  eWt  a  décline,   &  fur  Je  commencement  du  iîeclc 
«niile  lix  cens ,  auquel  nous  lommes  entrez  dés  quel- 
<{ues  anneesjs'eft  veuë  tor.i]cment  fous  le  ioug  Elpagnol, 
l'aube  dç  k$  libertcf  &  fraûçlwfes^  6ç  enuelopce  en  vnc 

guerre 


cf  mémorables.  7  2. 9 

guerre  dont  lui  naiflent  impoftsjemprun^s^exaaions,  qui 
îaminentjainfi  que  plufieurs  autres^  peu  à  peu.  H;/to*re  de 
nofire  temps^Chroni^tie  de  ï-Uitdres. 


m 

ES  PREVFE  notable. 

THoMAs  Bilnee  Angîois  condamné  d'h^refie  &  adju- 
gé au  feu  l'an  ijji.le  jour  deuant  Ton  Tupplice,  paflant 
lanuiden  prieîes,  ainfîquela  garde  dormoit,  mit  fon 
doigt  en  la  Hamme  de  la  chandeîiej  pour  eflayer  s'il  pour- 
roit  endurer  la  violence  au  kii.  Mais  aufli  toft  qu'il  eu(t 
auancé  ion  doigt,  la  chair  refiftant ,  il  le  retira.  Sur  ce  il 
commence  a  reprendre  foi-merme,  &  direj  Comment?tu 
ne  peux  endurer  la  bruflure  d'vn  de  tes  membres,&  com- 
ment pourras-tu  fouffrir  le  mefine  en  tout  ton  corps? 
Tout  à  l'inftant  il  eftend  le  doigt  en  la  flamme  de  la  chan- 
^éhiSx.  endura  la  douleur  du  feu.  Apres  telle  efpreuue  de 
lbi-merme,comrae  s'il  euft  dompté  la  chair,  il  s*accoura- 
gea  comme  de  nouueau  pour  /ùpporter  la  violence  du 
feuTurtout  Ion  corps,ainfi  qu'il  fit  le  lendemain  auec  vne 
confiance  merueilleufè./.Ftfx/i^-  enthijïJ'K^ngUterre, 

l'adioufteray  vneautre  hilloirequi  a  quelque  rapport 
auec  la  précédente,  remarquée  an  ^.  •volume  des  h.trangnes 
faite  s  en  V  académie  de  y  "vitteberg,  hcs  mots  traduits  du 
Latin  contienent  ce  qui  s'enfuit.  Vn  maiftre  d'erchole 
Anglois  accufé  d'auoir  efcrit  quelque  chofe  contre  la  do- 
<flrHie  lors  receuë  au  Royaume,  fut  accufé. deuant  leroy 
Henri  V 1 1 1.  &  tellement  pourfuiui,  que  condamnation 
j'en  enfuiuitjpor^ant  qu'il  iéroit  bruflé.  Vn  iour  deuant  le 
fupplice  quelque  ami  vint  le  voir  en  la  priron,&  y  appor- 
ta vn  pafté  pour  fouper  enfemble.  Eftans  à  tablc,le  prifon- 
jiier  portant  la  main  afi'ez  promptement  X  la  viande  ,  fèn- 
tit  qu'elle  eftoit  trop  chaude ,  &  retira  fbudainement  les 
4oigts  :  puis  redarguant  ià  delicatefie  fc  print  i  (èurircj 


73^  Hifioires  admrahles 

^  ^''"5  •  y^'^yement  le  luis  Kien  douillet ,  puis  que  ie  n« 
puis  ihujWir  que  ie  bout  6c  Tvn  de  me.  doigts  (bit  efchau- 
de'îque  fcrai-jc  dur.ainjquand  on  me  bruflera  tout  entier? 
Ayant  puis  après  palfe  vne  partie  de  Januiclen  di/cours 
ferieuxjc  lendemain  aîncncdcuaut  le  Roy  ,  on  lui  letta 
aux  pieds  vil  fagot  de  Arment ,  auec  exhofrration  de  con- 
damner ce  qu'il  ;!uoit  ekrit ,  s'il  ne  voijioit  élire  bruilé. 
Ayant  fait  vne  inodelle  &  courageufe  rclbonre,  il  embral- 
h  ce  fagotjle  bailc,diî  dçs  paroles  qui  ne  lèntoyent  point 
la  terre ,  ôc  toit  après  mourut  paifiblement  au  milieu  des 
flammes. 

ESPRIT  familier, 

PIvTARQj'Ejau  Hure  qu'il  a  fait  du  Dsmon  deSocra- 
tes,  tient  comme  chofètres-certaincrafîociation  des 
ci'prits  auec  les  hommes ,  &  dit  qiie  Socrates  ,  eilimé  le 
plus  homme  de  biui  de  la  Grece,diloit  fouuent  àfes  amis 
^u'il  lentojtafiîduellemtnt  la  prefence  dVn  elprit ,  qui  le 
deilournoit  toulîours  de  mal  fiire  &  de  danger»  Le  dil- 
cours  de  Plutarque  d\  long,  &  chacun  en  croira  ce  qu'il 
voudra. Mais  ic  puisafieurer  auoir  entendu  d'vn  peribnna- 
^e^encores  en  vie  l'an  1580.)  qu'il  y  auoit  vn  elprit  qui  lui 
a/îirtoit  afîîduellement,  &  commença  à  le  conoiftre  ayant 
cnuiron  57.ans:combien  que  ce  perionnagemedilbit  que 
il  auoit  opinioque  toute  là  vie  rclprit  l'auoit  acompagnc, 
par  \qs  fonges  preccdens  ii:  vifîons  qu'il  auot  eu  ûcih 
ijarder  àts  \ict%  &  inconuenijns.  Toutesfoiî  il  ne  1  auoit 
iamais  apperceu  fcniiblement ,  comme  1!  fit  depuis  1  aage 
<ie  37.ans:ce  qui  lui  auinr,comme  il  ditjayantvn  an  aupa- 
rauant  continue  de  prier  Dieu  de  tour  Ion  cœurfoir  & 
matinjà  ce  qu'il  lui  pleutt  enuoyer  Covk  bon  Ange,  pour  le 
guider  en  toutes  i^Cf.  adlions.  Apres  :>c  deuant  la  prière  il 
cmployoit  quelque  temps  k  contempler  les  a-uuresde 
Dieu,  ie  tenant  qutiquesfois  deuxou  trois  heures  tout 
leul  ^(^^  ù  medi:cr&  conteinpleijîv:  cercher  en  Ion  e/pritj 
^  à  lire  h.  Bible,  pour  rruuuer  laquelle  de  toutes  hs  reli- 
gions dtbaïues  de  tous  colkztlloit  la  vrayc.  Et  diibiç 
ii^uueni:  qch  vers  du  P/eaumt  Hj. 


cf  mémorables*  73? 

Evflgne  moi  coinmc  il  funt  faire. 

Pour  bien  ta  i.olonté parfaire: 

Car  tu  es  mon  'vrai  Dieu  entier, 

F.ij  que  ton  efprit  débonnaire 

Aîe^tiide  ^  meine  au  droi tf entier. 
Il  blafmoit  ceux  qui  puent  Dieu  qu'il  les  entretiene  en 
ieuropinioni&  continuant  ceiteprierej  &  li^ntles  (àin- 
t\es  Elcritures  ,^  il  trouue  en  Philon  Hebritu  au  hure  des 
Saci-ifices ,  que  le  plus  grand  ik  le  plu6  .igreabie  lacrifîce, 
que  l'homme  de  bien  &  entier  peut  fiiire  à  Dieu  ,  c'eil  de 
loi-mefine  cibnt  purifie  par  luidl  fliiuit  ce  conleiljofïrant 
àDiculbname.  Depuii  il  commença  comme  il  m'a  dit, 
d'auoir  des  ibnges6c  viiîons  pleines d'inftruâ;ions;tantoft 
pour  corriger  vn  vice,  tantoAvn  autrejtâtoiè  pour  le  gar- 
der d'vn  danger ,  tantoft  pour  eftre  relblu  dVne  difficulté', 
puis  d'vne  autre  ,  non  feulement  des  choies  diuines  ,ains 
encores  des  choies  humaines.  Entre  autres  il  lui  lembîa 
auoir  ouy  la  voix  de  Dieu  en  dormant,  qui  lui  dit,  le  iàu- 
ueray  tô  ame.'c'elt  raoi  qui  te  fuis  apparu  ci  deuât.Depuis, 
tous  les  matinsjlur  les  trois  ou  quatre  heures,l  eiprit  frap- 
poit  à  là  porte  :  lui  Ih  leua  quelquesfois  ouurant  la  porte, 
&  ne  voyoir  per/bnne.Tous  les  matinsl'efprit  continuoit: 
ik  s'il  ne  fe  leuoitji!  frappoit  derechef,6d  le  relueilloit  iuC- 
ques  a  ce  qu'il  fuit  leué.  Alors  il  commença  d'auoir  crain- 
te pcnfant  que  ce  fuil  quelque  malin  efjjrir,  comme  il  di- 
fbit:pour  cdh  caufe  ii  continuoit  de  prier  Dieu, fans  fail- 
lir vn  feul  iour ,  que  Dieu  lui  enuoyaft  fbn  bon  Ange  ,  & 
chantoitfouuent  les  Pfahnes  qu'il  Içauoit  quafi  tous  par 
cœur.  Et  lors  l'efprit  fe  Ht  conoiflre  en  veillant ,  frapant 
doucement.  Le  premier  iour  il  apperceut  fenfiblement 
plulleurs  coups  lur  vn  bocal  de  verre  ,  ce  qui  l'eftonnoit 
picn  fort  :  &  deux  iours  après  ayant  vn  fîen  ami,(ècretaire 
du  Roy,qui  eiè  encore  en  vie,dilîiant  auec  lui^  oy:jnt  que 
J'elprit  frapoit  fur  vne  efcabelle  ioignat  de  lui^  conÀmença 
â  rougir  &  craindre:  mais  il  lui  dit, N'ayez  point  de  crain- 
tejcc  n'eft  rien.  Toutesfois  pour  l'a/lèurer  il  lui  conta  h 
vérité  du  fait.  Oriinfa  aniurc  que  depuis  celte/prit  Ta 
toufiours  acompagné,  lui  donnant  vn  figne  fenfîble, 
fomme  le  touchant  tantoft  l'oreiUe  dextre,  s'ilfàilbit 


73^  Hijloires  admirables 

^luelque  choie  qui  ne  tuft  bonncji^c  à  l'orciJIe  fèncftre ,  s'il 
niilbic  bjcn.  Et  s'il  vcnoit  quelqu'vn  pour  le  tromper 
&iurprendre,  iiiêRtoit  foudain  le  lignai  i  loreille  dex- 
tre:fî  c'eftoit  quelque  homme  de  bien  ,  &  qui  vinlè  pour 
/on bien,  ilièntoitaulli  lefignaià  l'oreille feneftre.  Ec 
<9uand  il  vouloir  boirs  ou  manger  chofe  qui  full  mauuai- 
ièjilfentoitlefigual  :  s'ildoutoit aufîi  défaire  ou  entre- 
prendre quelque  chofe,  le  mefme  fîgnal  lui  auenoit.  S'il 
pcnlôit  quelque  chofe  mauuaife  ,  &  qu'il  s'y  arreftafl:il 
Icntoitaufll  toit  le  lignai  pour  s'en  deftourner.  Etquel- 
quesfuis  quand  il  commencoit  à  louer  Dieu  par  quelque 
-P^loie,  ou  parler  de  lès  merueilles  ,  il  le  fentoit  faifi  de 
quelque  force  fpirituelle  ,  qui  lui  donnoit  courage.  Ec 
afin  qu'il  difcernaftlefonge  par  infpiration  d'auec  les  au» 
très  refueries  ,  qui  auienent  quand  on  eft  mal  diipofé, 
ou  eue  l'on  elt  troublé  d'efprit,  il  cftoit  efueillede 
felprit  fur  les  deux  ou  trois  heures  du  matin  i  &  vn  peu 
aprei.  li  s'cndormoit  ,  alors  il  auoic  les  longes  véritables 
de  ce  qu'il  deuoit  foire ,  ou  croire  des  doutes  qu'il  auoit, 
ou  de  ce  qui  lui  deuoit  auenir.  En  forte  qu'il  dit,que  de- 
puis  ce  temps-iane  lui  elHduenu  quaiî  chofe  ,  dont  il 
lî'aiteuaduertiiîement ,  m  doute  des  chofes  qu'on  dojc 
crûire,dontiln'aiteu  refolution.  Vrai  ell  qu'il  deman- 
<loit  tous  les  iours  à  Dieu  qu'il  lui  enfeignall  là  voIonte,l3 
Ioy,(à  veritérSc  employoit  vn  iour  de  la  lèpmaine  ,  autre 
<juc  le  Dimanche(pour  Its  dcsb:uchees  qu'il  difoit  qu'on 
fàilbfc  ce  iour-la)  pour  lire  en  la  Bible  ,  &  puis  meditoit, 
&  penfbit  à  ce  qu'il  auoit  leu.  Puis  après  il  prenoit  plailir 
à  louer  Dieu  d'vn  Piàlme  de  louange,&  ne  Ibrtoit  point 
oeûmaiion  le  iour  qu'il  fel^oyoit  ;  neantmoins  au  fur-? 
plus  de  toutes  its  actions  il  eiîoit  aflcz  ioyez ,  &  d'vn  el^ 
prit  gay.  Mais  11  en  compagnie  il  lui  aduesioit  dédire 
«quelque  mauuaife  parole, &  delaifler  pour  quelques  iours 
à  prier  Dieu  ,  il  ei^oitauiritoîladuerci  en  dormant.  S'il 
liiôitvnhurequinefuft  bon  ,  l'elprir  frapoit  iUr  leliure,. 
pour  le  lui  faire  iaifi'er,&  ciloit  auHl  toit  deitourné  s'il  fai- 
Voit  quelque  cholè  contre  là  fantc  ,  &  en  fa  maladie  gardé 
loigneufenieDt.     Brietil  m'en  a  tant  conic ,  que  ce  lèroit 

cho-» 


^  m  emorahles»  7  j  j 

chofê  infinie  de  vouJoir  tout  reciter.  Mais  fur  tout  il  e- 
ftoit  aduérti  de  fe  ieuer  matin ,  &  ordinairement  àts 
quatre  heures,  &  dit  qu'il  ouytvne  voix  en  dormant  qui 
difoit,  Qu^ieft  celui  qui  lepremierreJcuera  pour  prier* 
AufTi  dit-il  qu'il  eftoit  fbuuent  aduerti  de  donner  Tau- 
moine:  &  lors  que  plus  il  donnoitl'aumolhej  plus  il  fèn- 
loit  cjue  les  afaires  prolperoyent.  Et  comme  ^qs  ennemi» 
auoyent  délibéré  de  le  tuerjayans  iccu  qu'il  deuoit  aller 
par  eau  3  il  eut  viiîon  en  Ibngc ,  que  lôn  père  lui  amenoic 
deux  cheuaux ,  l'vn  rouge  &  l'autre  blanc  :  qui  fur  eau* 
fe  qu  il  enuoya  lou-i*r  deux  cheuaux ,  que  (on  homme 
lui  amena,  l'vn  rouge,  l'autre  blanc,  iàns  lui  auoir 
dit  de  quel  poil  il  les  vouloir.  le  lui  demanday  pourquoy 
il  ne  parloit  à  Telprit?  Il  me  iîc  relponfe ,  qu'vne  fois 
il  le  pria  de  parler  à  lui:  mais  qu'auiH  toft  l'cfprit 
frappa  bien  fort  contre  fà  porte ,  comme  6,'\n  marteau, 
lui  failànt  entendre  qu'il  n'y  prenoitpasplaiiîr  ^  &  fbu- 
uent le  deftournoit  de  s'arrefierà  lire  &  ercnre,  pour 
repofer  fon  elprit ,  &  à  méditer  tout  leul ,  oyant  lôuuen- 
tesfoia^n  veillant  vne  voix  bien  fort  fubtile  &  inarti- 
culée, le  lui  demanday  s'il  auoit  iamais  veuTerpriteii 
forme?  Il  me  dit  qu'il  n'auoit  iamais  rien  veu  en  veil- 
lant, hors-mis  quelque  lumière  en  forme  d'vn  rondeau, 
bien  fort  claire-  Mais  vn  iour  elhnt  en  cxircme  danger  de 
favie,  ayant  prié  Dieu  de  tour  Ion  cœur,  qu'il  lui  pieult 
le  pre/èruer,  fur  lepoinddu  iour  entre-fbmmeillanc 
dit ,  qu'il  apperceOt  fur  le  lict,  où  il  elioit  couche,  vn  leu- 
ne  enfant  veilud'vne  robe  blanche,  changeant  en  cou- 
leur de  pourpre ,  d'vn  vilàge  de  beauté  elmerueillable: 
ce  qu'il  afleuroit  bien  fort.  Vne  autre  fois  eftant  auflî  en 
danger  extrême,  (é  voulant  coucher ,  l'eiprit  l'en  emnel- 
cha,&  ne  cefla  qu'il  ne  fuil  leue ,  lors  il  pria  Dieu  topte 
lanuidfàns  dormir.  Le  iour  luiuant  Dieu  le  (àuuade 
la  main  des  meurtriers  d'vuc  f;ijon  effrange  &  incroya- 
ble. Apres  eftreefchappé  du  danger,  dit  qu'il  ouït  en 
dormant  vne  voix  qui  dilôit  :  Il  faut  bien  dire ,  qui  en  la 
garde  du  haut  Dieu  pour  iamais  f«  retire.  Pour  le  faire 
court,  en  toutes  les  difficulté?.,  voyages,  entreprifes 
«iu'il  auoit  i  iiixçj  ii  dtiaaodoic  çonfeil  à  Dieu.   £t  coi^- 


734  Hijlûires  ndmirahles 

me  il  priaftOicu  qu'il  iui  donnai!  la  beneJicCÎon  ,  vne 
nuiàil  luitatadiusen  Jormantcju'il  voyoit  Ion  père  c*ul 
le  beniiibit.ray  bien  voulu  reciter  ce  cjuc  l'ay  iceu  JVn  td 
pcrlonnagc,pour  faue  entendre  quelaUbciation  des  lui- 
îins  elpriti  ne  doit  pas  eilrc  trouuee  eltrangc,  fi  les  Ant^e^ 
&  bons  clprits  ont  telle  locictc  fie  intelligence  auec  les 
homïrmsd.Bodi.i  an  l.  Uitrc  defu  Ddinjnomafiicchap,!. 


E  SPR  ITS  diuers. 


NO  vs  ellions  trois  compagnons,  qui  îuCmts  en/êm- 
ble  eniioyez  à  refcolc,  pour  aprende  le  Latin.  Uwi 
J'aprint  facilement,  S:  les  autres  ne  peurent  jamais  com- 
poJer  vne  harangue  qui  ïui\  congrue  <Si  élégante.  Mais  c- 
ibns  paflèz  tous  trois  à  l'eftude  de  Dialectique  ,  l'vn  de 
ceuxqui  nepeurent  aprendre  la  Grammatique  rttmer- 
ueilleuiement  excellent  &  aigu  es  arts ,  &  \ts  deux  autres 
n'en  peurent,en  toute  leur  vie,proferer  vn  /êul  mot.  Ei^âs 
tous  trois  Venus  à  Tellude  d'AlrrologiejCe  îut  choie  digne 
«le  confideration  ,  que  celui  qui  n'auoit  peu  apprendre  ni 
JeLatinjniîaDialecliquejrceut  en  peu  de  temps  plus  que 
ie  maiftre  qui  nous  enlèignoir,ne  pouuant  rien  compren- 
dre es  autres  Iciences.  Dcquoi  e'iantelmerueiîlcjiecom- 
menjay  incontinent  à  dilcourir  là  defîusj&à  philofopher; 
&  troiiuay  en  fin  de  compte,  que  chacune  fcicnce  demain 
de  Ton  elprit  détermine  6:  particulier,  lequel  tired'icelle, 
pour  cftre  appliqué  à  autre  de  difterente  iôrte,  n'y  fert  au- 
CUnement.I.//«.irf  an  Hure  de  Cexotnen  de  fa  cjpriis^ch.i. 

Tay  conu  familièrement  deux  frères  gémeaux  d'ho- 
norable race  ,  hommes  de  moyens  ,  qui  ont  vefcu  long 
temps  en  fincere  amiticiquoy  qu'au  reftc  prompts  à  cour- 
roux. Mais  la  pieté  leur  commandant  ils  fe  comportoyent 
vrayement  comme  frères:  tous  deux  amis  des  lettres  & 
lettre?. ,  mais  (î  differens  en  ertude ,  que  l'vn  n  aimoit  que 
rhiftoire^diuerlitcdedircoursj&la  mulîquc:  l'autre  au 


^  memorahlcs.  7^j 

contraire  defdaignant  tout  cela  prenoit  tout  (on  cor.ten- 
teiîientenlarecerclieiles  fecrets  de  nature  ,  autant  ami 
lit-  Tolitudc,  que  l'autre  recercheur  de  compagnies  &  pei- 
ibnnes  honorab)es.£.v/r4<t7^e  mes  rpenwirei. 


FAMINE  S. 


LEs  Portugais  eftans  fort  occupez  en  Tan  1507.  com- 
me es  précédentes  oc  iùiuances  a  prendre  pied  en  i*Io- 
Uc  Orientalcfurent  alliegez  dedansvne  fortciefle  par  eux 
bathepres  de  Cananor^les  Indiens  ne  pouuans  ibuffiirvn 
iougeftranger.    Il  y  auoit  ioigriant  ceite  forrerefte  plu- 
lîeurs  mailoiîs  ,  que  ies  Ibldati  clliegcz  g'iararrtjfibyeac 
<ies  courlts  oC  aiiiiuts  dts  Indien':.  L  on  auoir  /erré  en  j- 
celles  force  marchandiiès, meubles  précieux  Scdcs  vjnres, 
dont  les  Portugaii-  eftoyent  nourris  dedans  ce  lîcge.  Ad- 
iiinta  par  ]i  nonchalance  d'v  II  goujat,  qui  s'en  allant  cou- 
cher iaifi'a  là  chindeiie  allumée,  que  cefle  chandelle  tôba 
lur  quelque  matière  cobuihh'c, laquelle  prmr  feu  inconti- 
nentjSi  er.ibroià  la  nujion.  Or  pource  qu'jcelle  &  toutes 
les  autres  eftoyent  de  bois  j  couuertesdc  lueilles  dcpal- 
iiîier ,  Si.  pioches  les  vncs  des  autres ,  elles  furent  toute» 
bruflcesrce  qui  fut  caule  d'vnt  gran*le  perte,  dont  toutes- 
fois  Liurét  B.-.'ttio  capitaine  de  ia  fortercIfL:  ne  iè  fafchoit 
pas  tant  que  de  la  difettcde  vjurcv ,  iefquels  le  feu  auoic 
conlumez  pour  la  plulparr,  &  o'y  auoit  pas  eiperance  que 
durant  1  hiuer  on  peurt  aniCtuailler  la  forterelle  d'ailleurs. 
Comme  la  faim  preiloit  les  alTicgé/. ,  premièrement  ils  Ce, 
ruèrent  fur  les  chat4,puis  lur  ies  rats  U  lai/ards.Le  Capi- 
taine eftimar-t  qu'il  faloit  le  bazarder  ht  faiie  v'ne  lortie, 
d'où  les  (îçns  rapportèrent  des  coups,  non  pas  des  viures. 
Aditinr  que  les  afficgcansleur  drtlicrêt  quLiquc  reps  après 
vnecmbuicheou  amorce  pour  ks  actraperpar  le  moyen 
de  deux  vaches. Maisles  afUegezeniagez  delauiuCbrirnet 
tn  Ibrte  qu  dsgaigntrCt  ces  i.vachcsjdot  ils  ie  nournvenc 
par  bo  uiunage  4ud4Ues  iouis;aiaii  la  faim  la  a^cuciiiic 


^3  ^  Hijl  aires  adwiruhles 

comme  dcuant ,  bien  toit  après.  Comme  ils  efîoyent  en' 
J  extrémité  de  fe  rendre  ,  ou  de  mourir  de  faim  ,  Dieu  hs 
lecourut  miraculeulèment;  caria  mer  commenta  a  eftre 
tourmentee,&  poufl'a  au  riuage  vn  nombre  mfini  de  petis 
poifibns  nommez  fauterellcs  de  mer  ,  dont  les  Portugais 
ra/rafiercntleurt'aim,i)i  hs  malades  entr'cux  commencè- 
rent à  iè  refaire.  Par  ce  moyen  ils  (buftindrent  Je  fîege 
tout  au  long  de  Thyuer.  Ofonus  au  /^diu4e  l'hijloire  de  Por- 

£n  l'an  l' lo.î^s  Portugais  furent  afliegez  dedans  la  for- 
tcrcfiè  de  Goa,où  ils  le  trouuercnt  trauaillez  plu/îeurs  fe- 
niaincspar  aflauts  continuels  des  Indiens.    Mais  la  faim 
«&  ia  foif  leur  failôit  beaucoup  plus  rudement  la  guerre: 
caries  viures  eltoyent  faill.'s.  Q^clquesfojs  neantmoms 
ils  appaiioyent  aucunement  la  faim  auec  le  poiflon  qu'ils 
pefchoyent.  Qi^ant  a  la  ibif,  d'autant  que  les  giofies  pîuy- 
€s  enflèrent  teliement  le  fleuuequiiè  deigoîgeoit  en  la 
mer ,    que  les  ondes  dicelle  fe  fentjrent  de  cefte  dou- 
ceur 3  ils  iè  foulagerenc ,  puiiàns  de  l'eau  du  reflus ,  qui 
Jeur  vint  bien  à  propos.   Ce  nonobftant  la  famine  croiA 
fbit  de  iour  en  iour ,  lâns  elpoir  de  foulagement  :  le  fe- 
courseltantefloignéj  Scies  ennemis  ayant  ceint  la  pla- 
ce par  mer  &  par  terre.  Mais  finalement,  Albuquei- 
quc  Viceroy  de  Portugal  es  Indes  ,  considérant  de  quel- 
le importance  eftoit  la  perte  de  cefte  forterefle  ,  vint  au 
lècours ,    &  mettant  tout  au  Hazard  fit  en  forte  qu'il  de- 
liura la  forterefl'e  5  ibulagea  les  afliegez  ,  dont  la  faim  a- 
uoiteftrangle  quelques  vns,  &  remit  les  affaires  en  meil- 
leur eftat  que  deuant.   Oforlus  oh  7.  Uu.  de  U  ntefme  hiji.  de 
Portugal. 

Fernand  Magellan  Portugais ,  &  quelques  ÉrpagnoJsi 
en  cinq  nauires  3  ayans  iur  la  lin  de  Nouembre  1520.  pal-'l 
fêle  deftroit  des  Patagones,  depuis  furnommé  Magel-' 
lanique  entrèrent  en  la  mer  de  Sud  ou  Midi,    appellee 
d'aucuns  mer  pacifique  ,  fur  laquelle  ils  branlèrent  troi»;; 
mois  &  vingt  loursauantque  voir  aucune  terre.    Pen- 
dant ce  temps  ils  mangèrent  tout  lebif'cuitqui  eftoit  es 
nauires ,  aucc  les  autres  viures.  Tout  eftant  failli  ,  ils  fc 
mirent  i  baliier  &  curer  la  foute  ^  où  Ton  tient  le  bifcuic 

dans 


O^  memoralïesl  "yi^j 

dans  les  nauircs,&  en  mangercm  les  raclures  &  îa  pou 
drc,  nonobftant  qu'il  y  cuit  plus  de  vers  cjue  de  micitc 
de  pain,&  qu'elle  Icniiltlc  pilTat  delouris  à  pleine gor- 
g;;.Q^'anc  à  leur  eau  douce  clleeftoii  deuenuë  iî  puante 
te  Ç\  iaunc  ,  que  force  leur  eftoic  de  fe  boucher  le  nez  & 
les  yeux  en  la  benuanc.  Finalement  la  faim  IcsprclTadc 
telle  fo  te, qu'il  n'y  eut  courrcyes,botines,fouliers  ,  col- 
lets de  bufles  &  Je  marroquin.couuerturcs  de  tôdaches 
&  d'eituits  qu'ils  ne  mangcaircnr.-iufques  à  n'efpargner 
mefmes  c>;rtaines  peaux  ,  dont  l'on  enuelopoit  \cs  gros 
cables  de5  nauires.  Car  quoy  qu'elles  fuflent  cxtreme- 
mét  dures, (îtrouuerêt-ih  bien  moyéde  lesamolir,pour 
les  manger.  II  y  eut  à  qui  les  genriues  creurent  tel- 
lement, que  quoy  qu'aïs  euffcnt  les  dents  bien  longues, 
fi  eft-cc  qu'elles  en  cftoyent  toutes  couuertes,  &  nepou- 
uoyeoîraafchcr:  tellement  qu'il  en  mourut  dijfc- neuf. 
Les  autres  furent  fi  malades,  qu'ils  ne  fe  pouuoyent  ai- 
dernc  d-js  pieds  ne  des  niains.  'J^^fcours fur  le  i  ^..ch.du  i. 
hitrc  de  Vhiftoire  dunonueMt  rjwnde  de  lerofme  Ben'^o. 

■Pierre  Martyr Milannois  raconte,  queNiqacfa  Ca- 
pitaine Ei'pagnol  eftani ,  comme  plulîcurs  autres  ,  en  U 
conqueftc  de  l'InJe  Occid';ncale,  &:  fort  efchaufFé  après 
la  dcfcouuerte  des  païs,où  il  peuft  trouucr  de  l'or  &  au- 
tres chofc?  precicufes  ;  comme  il  rodoit  autour  de  di- 
uers  riuages,  fes  compagnôs  furent  acueillis  de  fi  afprc 
famine,qu'ils  commencartnt  à  manger  leurs  chiens,  & 
puis  après  les  Indiens  mclraes.  Car  \h  fe  trouuerent  ea 
vn  quartier  de  pays  totalement  defert ,  près  du  deftroic 
dcDarien  :  enfinquelquc  foldats  ne  trouaans  chofc 
que  ccfuft  ,  bonne  à  manger,  s'accordent  d'acheter  par 
cnfemble  vn  pauur-e  chien  tout  maigre  &  galleux  ,  qui 
ne  pouuoit  plus  fe  fouftenir  ,  ne  trouuant  dequoy  ron'- 
gcr,  &  en  payétvre  bône  îcme  de  ducats  au  maiftied'i- 
celui.Ils  l'efcorchét  pour  le  manger, jettent  fa  peau  gai- 
leufe  aucc  qncloues  os  du  tc(l  fur  quelques  brofTailics 
prochaines. Lé  lendemain  vn  piéton,  lequel  n'cfloit  pa« 
de  relie  cambtade,pa(rant  en  ce  chemin,  fe  faifu  d'iceile 
peau  pleine  devers,  fortpuanrc,  &:  l'emporte  en  fon 
taudis  :  l'ayant  tellement  qut:lleincnt  ncrtoycc  de  Ja 

AA 


^^S  Hisîoires  ddmirahles 

vermine ,  il  la  fait  boiiiilir,  puis  la  mangcPluficurs  as- 
1res  Elpagnols  accQurenc  celle  part  >  &  quiconi^ue  vou- 
lue auoir  vne  efcuellce  de  ce  potage,  en  paya  aucnifî- 
nier  vn  beau  ducat ,  encore  n'y  en  eui-il  pas  à  demi.  Vn 
autre  foldat  ayant  trouué  deux  crapaux  les  vendit  à  cer- 
tain malade,qui  en  fie  gorge  chaude, &  en  paya  la  valeur 
de  neuf  ducats.  Coramc  ces  affamez  auançoy  et  du  min 
pour  trouuer  proye, aucuns  d'entre  eux  appcrceurcnt  vn 
Indien  mort  &  tué  par  ceux  du  pais, dont  le  corps  cftoic 
demi  pourri:ce  nonobftant  ils  le  defpecerent  en  Wcw  cf- 
carté  ,  puis  en  firent  bouilli  &  rofti.dont  ils  mangerenc 
fort  auidemenr,&  comme  nous  ferions  de  viande  dcli- 
cieufe.  Vn  autre  foldac  s'eftant  de  nui£t  lepait  de  fa 
cambrade  s'en  alla  cacher  dedans  des  rolcauxcn  vn  roa- 
refcage  ,  prétendant  trouuer  quelque  hazard    mais  ay- 
ant efté  contraint  d'y  manger  de  la  terre  molle  ,   force 
lui  fut  de  s'en  retourner  à  toute  peine  &dcmi  mort 
vers  fes  compagnons.    D'enuiron  huidl  cens  hommes 
«qu'ils  ettoyent  la  famine  en  faucha  plus  de  lept  cens 
trente. Les  refchappez  de  ce  fléau  furent  ruez  par  les  In- 
diens près  de  Darien.ï.;W«rf.<i»  lo.huredefa  i.  Décade 
de  l'Oceanytout  à  La  fin. 

Durant  le  tempv  Se  efpace  de  cinq  ans  entiers ,  com^ 
mençans  l'an  mil  cinq  cens  vingthuid  ,  vint  le  temps 
en  telle  indilpofition  &:defordre  ,  que  les  quatre  faifons, 
laiflans  Icurcours  naturel ,  fcsinonltierent  toutes  con- 
fufes  entre  elles:de forte  que  fans  l'ciJeuation  ou  dclcen- 
tedu  foleil,  qui  apporte  les  longs  ou  petits  iours  ,  6l  Jà 
maturiic  des  frui(fts  de  la  terre  ,  on  ne  pouuoii  quafi  bô- 
nementconoiftre  en  quelle  faifon  de  l'année  on  eftoitt 
çant  elles  paroiflbyent  defregiccs  :  le  prin-temps  fe  mo- 
ntrant eu  automne  ,  l'eftc  en  hiucr  ,  l'automne  au  prin- 
temps, &  l'hiueren  efté.  Mais  fur  tout  l'efté  eut  telle 
puiffance  qu'il  gaigna le  delTus  ,  tellement  qu'au  coeur 
«iel'hiuer,  onvoyoit  les  arbres  fleurir, &  le  fiuift  s'eo 
alla  aucc  la  fleur.  Durant  ces  cinq  années  n'auint  froi- 
dure ni  gelec qui  duraft  plus  d'vniour  ou  dcdeu\:enco- 
rcs  n'cftoit-ce  froidure  d'ôt  l'eau  pcuft  fc  côgeler. Pour- 
tant voyoLC-on  ks  laboureurs  &  vigacros  jpluficurs  fois 

durant 


daràhiï'hiuer,  trauailier  es  champs  &  vignes  tout  ea 
chemire,&  fucr,comm(;  s'ils  ci.flcnt  clic  en  luin  &  îuil-' 
Icc.  La  vermine  futcnrrescniiè  par  tel  extraordinaire 
pour  ronger  Jes  fr uidls  de  là  rerrcics  fcmailles  rie  pro- 
duifoyencpreiqucs  riea.Dc  ceftccd/amité  s'enfuiuit  Sc 
commença  la  famine  qui  cnuahit  toute  laFrance.oij  el- 
le dura  cinq  âïM>  entiers.  La  cherté  de  biedconiiTiença; 
i*augmcntanc  de  faifon  en  autre.  CeuX  qui  parauani  vi- 
uoycnc  aifément  de  leurs  rcuenuS,l:urét  concrains  d*aN 
1er  demander  i'aumofne  de  porte  en  porte.  Le  nombre 
des  pauures  &  mendians  croifToiL  de  tcJlefortc  >  que 
c'ei\oic  horreur  de  les  vojfen  troupe  ,  iriruppurraUlc  à 
leur  rubueni!,&  plusdangcreufc  aies  endurer  :  attendu 
la  puanteur  extrême  qui  les  enuironrioit  ,  procédante 
d'infcdtion  d^air  ,  &  de  ces  pauuries  corpsforcez  par  la 
faim  d'emplir  leurs  Ventres  de  toutes  les  chofcs  dont  ils 
fc  pouuoyent  aduiler.bonnes  &  mauuaUls, faine-  &  vc- 
lïimeufeirellemcnt  qu'il  n'y  auoit  herbes  ni  iardinsges 
qui  leur  dcmcurairent  dcuant,  iufques  aux  tiocs  &  raci- 
nes des  choux, dont  nes'en  trouuoit  pas  à  demi.Lcsiar- 
dins  raclez  ils  recoururent  aux  herbes  fauuages  &  inu- 
iîtees  ,  cuifans  des  chauderonnecs  de  maulues  &  char- 
dons,y  méfiant  quelque  peu  de  Ton, dont  iisfe  rcmplif- 
foient,autres  y  mefloient quelque  auoine  moulue.  Oa 
fît  du  pain  de  racines  defcugere.dc  gland, de  fairie.  Ce 
quicngendra  de  grandes  Sccontagieufes  maladies.  Oa 
voyoiL  des  troupes  d'hommes  &  femmes  ,  de  tous  aa- 
gesjtremblottans  par  les  rues, les  autres  tous  enflez,  les 
2Utres  demi-morts  couchez  par  rerrc  ,  tirans  les  der- 
niers foufpirs.  Les  eftables  en  eftoyeiitpleinejjlcs  fu- 
miers couucrts:autrcs  fi  foiblesqu'à  peine  pouuoyeoc- 
ils  defTerrcr  les  leures  pour  dire  leur  neccfliré  ,  ni  re- 
prendre leur  foufflcmais  branfloyentfur  leurs  ïambes; 
plus  femblables  à  des  morts  qu  'ij  des  v;  uanr.  La  gran- 
le  pitié  cftoit  de  voir  des  bandes  de  pauures  me- 
'cs ,  maigres  , desfaites, tranjTics.enuironnees  &  char^ 
>ccsdeforcepetisenfans  dcmefme  parure,  lefquels  dp 
grande  dcftrcfle  de  famine  crioycnt ,  &  felamentoy» 
.  îTità  Icun  œcrcs  ,qtti  1«  rcgardoyent  piieufccicctâ  %• 

A  A     » 


.^' 


^4©  Jitfioires  admïrAUes 

iju'il  me  fcmble  qu'il  n'y  a  puic  comparable  à  ccIJc  la*" 
le  TOC  fouuics  en  auoir  vcu  vne  à  Louhans  en  liourgon- 
gne-.laqucllepar  grand  pourchas  auoic  obtenu  vn  mor- 
celée de  pain, lequel  lui  tut  ai  raché  foudainemct  par  vn 
fîcn  petit  cnfauc  qu'elle  allaittoit  &  icnoïc  entre /es 
bras, qui  n'auoitàgrand'  peine  encor  voan  entier, &.  ne 
l'aucicfa  mereiamais  veu  manger  pain,  dont  elle  piinc 
às'efmerueiller  grandement,  regardant  ccft  enfançoa 
maogsrdu  pain  noir,dur  &  rec,de  d  giandappeiii  ,  que 
c'cftoit  choie  monftrueufe.'car  il  auinc  que  la  mcre  vou- 
lant amalTer  des  miettes  tombantes  de  la  bouciicdc 
Tenfançon  ilfe  print  à  ciier  &fe  b^itrc  lî  fort,qu'il  Icm- 
bloit  extrêmement  dcfpité  de  voir  qu'on  lui  oftaft  Ts 
miettes,  leiquelles  mefmes  auec  fespctis  doigts  il  arra- 
choit  de  la  bouche  de  fa  mère.  En  vn  village  non  fort 
loin  de  Louhans  y  ;utdeux  femmes  ,  leiquelles  ne 
trouuans  plus  de  quoy  appaifer  leur  faim-Ic  remplirent 
d'vne  herbe  vcnimeufe  nommée  Squilla,  relTembiant  à 
oignons  ou  pourreaux,  &  s'en  erapoifonnercnt  de  tel- 
le forte,  que  les  extremiiez  des  pieds  &  des  mains  leur 
dcuindrent  verdes  comme  à  des  laizards,  &  leur  Ibrcoic 
le  venin  par  defïous  les  ongles  .  dont  «lies  moururent 
toft  après.  Cefte  famine  produifîi  vne  horrible  maladie 
nominceTrouflegaland  ,  Liquelie  emporta  en  peu  de 
temps  vn  tiers  de  perlonncs  en  diuers  endroits  du  Ko*v  . 
yaumc.  La  cherrç  exrreme  prclqucs  par  tout,  fat  caulc^ 
au(îi  de  merueilleux  changement  csacheis  &  ventes  àe, 
polTclIîons  &:  voedelblafion  prefques  incroyable  de  la, 
plufpart  des  payfans, comme  G.Taradhi  le  monftrc  au  }. 
liu.de [on  hiftoire  de  nojhe  tempStChup. }  . 

De  noftre  temp>  quelques  villes  afliegees  ont  elle- 
réduites  à  extrême  difctre.  l'en  allegueray  quelques  c- 
xépIes.L'an  mil  cinq  ces  quarâte  quatre  ,  le  roy  de  Frace 
ayîtgaigné  la  bataille  deCenfolcs  lur  les  ImpcrirJiiles, 
fit  afliegerja  ville  de  Carignan  en  Piedmont,  ouil  y  a- 
uoic  (î  peu  de  viures  qu'au  bout  de  quinze  iours  lapluf- 
part  des  afjflegez  ne  viuoit  que  d'herbes  cuites  fans  iei  ni 
huile  &  valoit  l'œuf  en  iceUe  ville  vn  carlin,  vne  poule 
trou  franc5,la  liurc  d'huile  vn  cfcu.  Deux  iambons  de 
,  pourceau 


I 


(^  memora  lies.  741 

pourceau  y  furent  vendus  cent  trente  efcus.  Mais  corn- 
bienquela  force  corporelledefaillill  aux  afîicgez.û  re" 
tenoyent-ilstoufiouis  leur  fermeté  Sr  coniUnce  t  telle- 
mét  qu'après  auoir  beiuc.^up  foutferttiufciues  à  n'auoir 
plusdequoy  fe  nourrir,  coir» me  ils  eftoyentfur  le  bord 
de  del'elpoir,&  en  crain  de  bruller  Ja  v\  lie  ,  puis  fe  fau- 
ucr  coromeilspourtoycnt,  on  leur  fît  compofition  hô- 
nelte,  tellement  qu'ils  fortircnt  vies  &  bagues  fauues. 
Le  mefme  nu  ^JiM.chaP.  ç . 

L'an  mil  cinqcens  cinquante  quatre,  la  viMe  de  Sie- 
ne  fut  a(îîegeeau  nom  de  rerapereur  par  le  Marquis  de 
Matignâ.Elle  tint  bon  phifieurs  inois  j  mais  en  fin  l'ex- 
tremedirette&  famine  contraignit  les  afilegez  de  fc 
rendre  l'an  luiuant.  le  repre'enteray  quelques  pârti- 
eularitezdecefte  mifere,  félon  qij'cUes  font  cojchees 
par  efcrit  au  trotjlef/ie  Hure  des  commentaires  dttS.  de  ^itont-^ 
lnCy  lequel  commandoii  lois  au  nom  du  RoydeFran- 
ce  dedans  icelle  ville.  Les  Sicnois  ayansdés  le  moisde 
Septernb'efaic  defcription  des  viures  n'auoyenc  trou- 
ué  proiiifion  pour  manger  iufques  auquinziefme  de 
Nouembre.  Énuiron  la  mi-OÂobre  Ton  commença 
àypouruoir  plus  eltroitremenr.  Enlanuierlcs  Alle- 
mans  de  la  garnifon  cômençoyeni  fort  à  patir  de  vin, 8c 
\z  pain  bien  périt:  car  de  chair  il  ne  s'en  parloit  plus,  fi- 
non  de  quelque  cheual  ou  quelque  arnequ'ômettoii  en 
Vrnte  à  la  boucherie  :  pourtai^t  falut-il  trouuer  moyen 
de  les  mettre  hors  à  faur.eîc,ce  qui  fut  fait  dextrement: 
combien  que  depuis  par  leur  fiace  ils  furent  mis  en 
route  par  les  chemins  5c  loin  de  Siene.  Il  fat  queftion 
puis  après  de  mettre  hors  lesboachci  iouales,  dont  le 
rooile  le  trouua  moicr  à  quatre  mil  quatre  ces  ou  plus, 
le  ne  visonc(dit  Monrluc  )  pareille  delbîadon  ;  car  il 
faloic  que  le  maiftre  ahandonnaft  Ton  feruiieur,  «jui  l'a- 
uoitferui  long  temps, la  raaiilrclTe  fa  chambrière,  &  vii 
monde  depauurcs  gens  qui  ne  viuoyenrque  du  trauail 
de  leur  bras.  Cefte  defolation  dura  trois  iours  ,  &  ces 
pauures  gens  s'en  alloyent  àtrauersdes  ennemis  >  lef- 
quclsies  rechairoyentvcrs  lacité.Tout  le  camp  enne- 
mi demeuroit  iour  ôcnuift  en  armes  pour  ccftcffcd^j 

A  A     $ 


I 


74*  IJijt9tres  àdmiràUes 

car  il«  les  nous  reicttoycnt  iufques  au  pieddes  morail^ 
lcs,afin  que  nous  les  rcceulTions  &  fiilîons  rctrcr  dcdâs» 
pour  piuftoft  manger  ce  pc  u  de  pain  qui  nous  reftoit,  & 
voir  fi  la  cité  voudroit  fc  rcuoltcr  ,  pour  la  piiié  de  leur 
fêruitenrs  &  châbrieres:mais  cela  n'y  fit  rien  ,  &  fi  dura 
hui(5l  jours. Ils  nemageoyent  quedes  herbes, &cn  mou- 
rut plus  de  la  moiticrtar  les  ennemis  les  luoycc ,  &  peu 
s'en  rauua,fors  quelques  homes  forts  &  vigoureux, qui 
pafloyent  &  efchapoyenc  la  nui£l ,  &  quelques  femme? 
èiftiics.  Apres  que  les  alTiegez  eurent  fouffert  ce  qui  fc 
pcut.Uplurpart  n'ayans  des  quelques  fcmaincs  plus  do  \ 
pain, force  fut  d'encrer  en  capitula  lô  au  mois  d'Auril,  j 
laquelle  fjc  accordée  affez  aduaatageufcment  par  le 
Marquis, le  camp  duquel  louffrou  beaucoup. 

LcsafTiegez  lortirent  le  zr.d^Aunl  Ils  chargerét  les 
femmes    anciennes  &  quelques  enfans  fur   les  mulets 
<5ue  le  Mjrqui»;  leur  prefta.En  après  marchoycnt  à  pie<i 
plus  de  cent  filles  qui  fuyuoyent  leurs  percs  6i  mères  ôc 
des  femmes  qui  por:cyétdes  bcrecaux  oùeftoyét  kurf  , 
péris  enLni,&  eufllez  veu  beaucoup  d'hommes  qui  te-  \ 
noyenr  en  vnc  main  leur  fille, &  en  l'autre  leur  féme:  &  • 
fuent  nombrczplus  de  huiclcens  hommes, fçmmes  &ç. 
cnfins,('u.uis  de  ce  qui  eOoitrelté  de  gés  de  guerre,  ga- 
rantis dci  dents  de  la  famine.    Eflansarriuez  à  vn  petit 
village  nômc  Arbierroure,Hous  y  trouuifraes  (dit  Môt- 
lii:)dixhuiit  afnes  chargez  de  pain. que  le  Ma  qnis  y  a- 
uoitenuoy  z  pour  le  nous  dillribuer  en  palTant.ré  bail 
lay  vnc  p  :rtie  aux  Sienuis.vne  autre  aux  Italiens, &  l'au- 
tre aux  F.âçois.  Paflant  parmi  les  Efpagnols  les  foidats 
auoyent  por.é  des  pain   tout  exp^cs,&  en  dônoyent  aux  ; 
rolt'e.Ie  veux  dire, au  tefmoignage  de  ceux  qui  cikoy-  \ 
en'  auec  mov,quc  ce  pain  duMaquis  fanualavie  à  plu?  ! 
de  ieux  ces  pcrsônes,voiie  à  plur  d-  quatre  ccs.Encorcs 
lie  fe  peut  il  faire  qu'ii  n'en  mouruft  plus  de  cinquante 
ce  iou    :nerme;c3r  nous  auions  demeuré  depuis  le  Me- 
çtcdi  lufquc^  i^ii  Dimanche,  ;ani  manger  que  fix  onces 
^e  bifcuif  le  lour  pour  h5;ne. Cela  s'eméd  desfoldats,8c 
quant  aux  pauures  .Sieiiois.la  prr.uifion  eftoit  bien  plus 
m^igifjapineo  mourui-ilvntfcigiapd  oombrc  dedans 

h,  ville. 


I 


^  niemcrAllesi  74^ 

ït  villc.tc  Icudi,<lc  deux  cheuaux,quc  i*auois'( adioufte 
le  mcfmc  Sieur  )  i'en  fis  tuer  vn  ,  qui  vaudroic  à  prcfenç 
plus  de  deux  cens  efcus ,  &  le  départis  par  toutes  les  cô- 
pagnies  Frâçoifes  &  Italiennes:&  fis  prédre  route  l'hui- 
le dcï  lapes  àzs  Eglifes,&la  diftribuay  pareilleruent  aux 
foldcif» ,  qui  auec  des  mauues  &  orties  faifoycnt  cuire 
celle  chair  &  huile  :  &  ainfî  fc  fubftantcrent  iufques  au 
Dimanche  matin,  qu'il  n'y  auoit  hôme,quand  nous  for- 
tifmesjqui  euft  mâgé  vn  morcean.Ce  mefmç  iour  nous 
arriuafmes  tous  delcharnez  &prefques  rcfiemblans  des 
mortsàMontalfin.  Le  fleur  de  Mont-luc  n'oublie  pas 
de  recommander  la  libéralité  du  Marquis  enuers  lui  du* 
rant  ceftt  famine,&au  iour  de  la  rortie,de  laquelle  nous 
parlerons  plus  particulièrement  en  autre  endroit. 

Au  contraire  l'an  iç  74.  Lufignen  ayant  cftc  aflic- 
geeparvne  armée  puiiTantc  ,  les  aflîtgez  prièrent  le 
chef  d'icelle  armée  leur  vouloir  oftroyer  ifTue  libre 
pour  quelques  damoifelles  ♦  dont  aucunes  cftoyent  en- 
ceintes ,  qui  dcfiroyent  fe  retirer  en  leurs  maifons. 
Mais  la  haine  qu'il  portoit  aux  adîegez  ,  de  religion 
contraire  à  la  fiene,  fut  plus  forte  alors  en  ini,que  Thu- 
manité  &  la  courtoificfamiliere  aux  Princes, feigneurs 
&gentils-hommes  François  ,  qui  ne  refufent  lamais 
telles  faucurs  ,  nommément  aux  damoifelles.  llpen- 
faaulîî  queles  laifiant  là  enfermées  auec  leurs  enfans, 
pour  combattre  la  famine  ,  leur  maris  fe  rendroy- 
cnt  pluftoft  que  fi  on  leur  permettoit  de  mettre  de- 
hors les  perfonnes  inutiles.  Ce  qui  incommoda  le 
plus  les  adîegez  fut  la  ruice  d'vn  moulin  qui  leur  four- 
niffoit  de  farines  :  car  icelui  ayant  elle  fouldroyé  à 
coups  de  canon  les  moulins  à  bras  ne  pouuoyent  fuf- 
fire  :  te  Icmentqu'il  y  auoit  difetre  de  pain.  Les  chats 
&  rats  cftoyent  vcnailon  ,  &la  partllferie  de  cheuaux 
feruoit  de  délices.  Ceux  qui  auoyent  des  cheuaux  eftoy- 
cnt  eo  peine  de  les  garder, mefmemeni  la  nuift,&  quand 
c'eftoyent  ieunes  cheuaux  :  pource  que  la  chair  cq 
e(toit  plus  tendre.  La  necefîitécontraignoit  les  foldacs 
d'ofter  ie  pain  d'entre  les  mains  de  ceux  qui  l'appor- 

/A     iiij 


744  Hijlotres  admirai  le  s 

toycntdufour.  Plul]curs  ttiaifons  cftoycnr  percfesdt' 
nui6t  poury  aaoir  (Jcs  viurcs  ;  &  ainû  ceux  qui  en  a»î 
uoyent  quelque  peu  le  troi'ooyent  en  peine  de  les  g3r-j[ 
dcr;&:  ceux  qui  n'en  auoyent  point ,  en  pein^  den  ccr-.* 
cher.Outreccfte  mi(erc,  ils  n'auoyent  point  de  bois. 
que  des  meubles  &  ruines  des  mailons  ,  efioyenc  mal- 
velluSjdcfchaux,  ia)al  couchez, &  raal  blanchis.  Les  ca*» 
noni\adcs  pleuuoycnt  fur  eux,&  les  rues  le  troimoyenc 
pleines  de  boulets.  Sur  terre  ils  combanoyent  mam  â^ 
m.'.in  prefoues  en  lOi^s  cndroits:&  fous  terre  en  comrc-". 
minant.  Apres  auoir  fouiieiiu  le  lîcge  i'efpace  de  quatre» 
mois  ou  enuiron,repou0^é  pluficurs  aflautSjfaïc  mouriti 
trois  fois  autant  d'hommes  qu'ils  cftoyent,  ôcfurmon-» 
lé  vne  infinité  d'autres  maut ,  prefTc/,  de  famine  extrc^J 
me,ilsobtindrcnt  honorable  compoficion,  &  fe  retire-!- 
rent  â  la  Rochelle  aueclc  baron  deFronienay  leurchcftj 
depuis  feisneur  de  Rohan  en  Bretagne.  Hijt.  deFranc9^ 
foui  Hefiri  III.  , 

La  ville  de  Leyden  en  Hollande ,  fur  afTicgee  de  loia- 
par  la  Espagnols, l'an  i  5  74.  Us  firent  plus  de  cinquan-' 
teforts  es  enuirons,  pour  la  priucr  de  viures  ,  &  la^ 
prendr.:, comme  on  du, par  le  bec.  Le  (ecours  n'y  pou- 
uoit  venir, à caiîfe  de  ces  forts.  Aduint  donc  que  lesaf- 
fiegez  en  grand  nombre  (car  !a  viJle  eft  gr3ndc)cu:ent 
outre  laguerrc  la  pcfte,  &  quclq'ies  diuifions  entre  les' 
citoyens,  oficfiirmen:alî^ij?f  zdedifcttc&  de  famine^ 
Les  bourgeois  fur  lafin  du  firge  fe  montrèrent  fort^ 
ma— :ontcns:aniri  n'en  pouuoycnt  ils  plus  :  car  es  mt^is 
de  luin  &  d*  luillec  ,  chafquc  perfonnc  n'auoir  (juc  de-' 
mi  liuredepain  par  iour.Sc  fept  femaincs  après  ils  n'a- 
uoyv-nt  point  de  pain  ,  &  n'auoyent  bea  que  de  Tcau. 
Es  maiion<; d'^s  plus  aifez  ,  lâchait  des  cheuaux  eftoit 
en  telics  délices  que  la  pt-rdrix.  Les  chiens  SE 
chats  roftis  leur  eltoyent  friandife.  Il  fcroit  im» 
poiïible  d'exprimer  leurs  diuerfcs  forres  dépotages. 
Aucuns  mangcoyent  des  fueilies  de  vignes  auec  du 
Tel:  autres  faifoycnt  diuersapreftsï  auec  des  feuilles 
de  poirier  ,  racines  &  troncs  de  choux.  Le  cuir  ha- 
ché menu  leur  eftoic  viande  ordioalrc  Les  damcifelles 

man- 


tr   memorahles,  74S 

I  iPjMigcoyent  les  petits  chiens  dont  elles  fonloyenife 
io.iièr.  Si  l'ot)  tuoit  quelque  beftc  ,  les  panures  garions 
cltoyent  Ijcrians  comme  chiens  après  1^  curec  ,  pour 
voir  s'il  ne  tomberoïc  point  queljbc  petit  moJccau, 
qu'ils  recueilloycnt  &  deuoroyent  tout  ciud.  Le»  peaux 
de  fcUes  reiches,&  les  os  parauani  rongcz.dcs  chiens  e- 
ftoyent  recueillis  des  1  ues  &du  fumier,  Vi.e  femme  en 
couche  d'cnfuK  auoir,par  otdonnaHce  demagiftrat-  va 
quart  de  hure  de  bifcuit  de  inarinicrs  ,  par  lour ,  noa 
point  d'auantage  ,&  telles  femmes  cftoycnt  fi  affàmecf 
6i  ie  fruiifl  de  leur  ventre  tellcm.cnt  extenue  ,  qu*il  n*d- 
uoit  pas  la  force des'aider  pour  venir  aumonde.Amres 
enfans  crians  après  du  pain  mouroyent  eatre  les  bras 
de  leurs  rreres.  Aucunshommes  ne  fc  pouuans  traîner 
qu'à  peine,en  allant  à  la  garde  ,à  leur  retour  chez  eux, 
trouuoyent  leurs  femmes  £•:  enfans  morts  de  f.iiTiinc  ou 
de  pefte.S'il  en  eniroit  dix  en  g-^rde  ,  il  n'eu  retourooic 

X,  que  fix  ou  fept,  en  fin  que  trois  les  autres  y  demeurans 
morts.  Briefla  mifere  eftoit  fi  grande  ,  qu'il  n'cftoitpof- 
fiblc  de  plus.  Caril  moururen  la  viiic.perîdant  leficge 
(qui  dura  rinq  mois,  depuis  la  défaite  du  Comte  Ludo- 
uic)tant  de  difetre, famine  ,  peRe,  que  d'autres  maladies 
aiguës, enuiron  fix  mil  perfonnes.  Nonobllanc  lefqucl- 
les  miferes  lesaffiegés  fe  maintindrent  courageufcmêr, 
&  furent  finalement  deliurezde  l'imporiuniié  des  Ef- 
pagnoli  ,  qui  perdirent  vne  partie  d;;  leur  armec,toi;s 
leurs  forts  &  les  munitions  qui  y  eftoyent ,  cet  bafteaux, 
&  forent  contrains  fe  fauuer  de  villclîe.-car  s'ils  eurent 
tardé  demi  iour  à  faire  leur  retraite  ,  b  mer  les  euren- 
glouris.  Cefte  deliurancc  fut  le  commencement  de  la 
liberté  en  laquelle  les  HoUandois  le  font  maintenus 
depuis  iufq.ues  à  piefenr.  Quant  à  la  refolution  des  a(- 
ficgcz  ,  vovcz  ce  que  nous  en  aucns  marqué  ci  après, 
pariant  des  relaiiitionr;  }^\<^n\^\ç.^.Htjl .despays  biê>\. 

La  famine  dont  la  viile  de  Paiis  ,  capitale  de  Fiance, 
iut  battue  l'an  mil  cinq  cens  nouante  ,  futcxtrcine,  a 
caufe  du  grand  peuple  enclos  en  ce  petit  monde.  Es  11- 
iires  imprimez  il  s'en  trouue  diuers  auis ,  fur  tout  au  rc- 
gar4  du  nombre  àti  pauurcs  qui  moururent  de  faim  ea 


L 


74<?  HifiotresdâmirAlfles 

refpacc  de  trois  mois.  Lcsvnsdifcnc  vingt  mille,  leS 
aurres  cent  milL-  pcrfonnes. Il  ne  demeura  lorsdedanf 
l*aris,cliic:n,ni  ch cit,ni  rac,  m  herbe  &  mangeaillc  quel- 
conque, fors  chez  jaelques  particuliers.  LcCcptierdc 
bléluricforr  de  la  famine  fat  vendu  (îx  vingts  cfcus. 
Pb  ^n  Ton  n*en  trouua  point  pour  argent ,  &  plufimirs 
ruhcs  moururent  près  de  leur  threfor  ,  fans  pouuoir 
trouner  dc-inoy  viure.Nous  lairrons  aj  Itfteur  ,  nom- 
mément à  qui  aijra  efté  lors  à  Paris>d'en  reprefenter  les 
circonftanccs  à  la  poOenié. 

ledcfcriray  fommairement ,  la  terrible  Famine.  4ont 
M.Iear»de  Lery  &  autres  firent  rudement  battus  fur  la 
mer  ,  au  retour  de  leur  voyage  du  brefil ,  Tan  mil  cinq 
cens  cinquante  huifl,  fuiuant  les  termes  d'icelui  de  Le- 
ry en  l*hiftoire  qu'il  a  publiée.  Eftans  (  dit  il)encorcs  à 
plus  de  cinij  cens  lieues  loin  de  France,  noftre  ordinai- 
re,tant  de  bifcuir, que  d'autres  viures  &:  bruuages  ,n*e-, 
ftant  J3  que  rrop  petit,  fnt  neantmoîns  tout  à  coup  re- 
tranché de  la  moitié.  Outre  encor  le  retaracment  du 
m.^uuaisremp';  &  des  venrs  contraires ,  le  Pilote  ,  pour 
lî'auoir  pas  bi<^n  obferuéra  route,  fe trouua  tellemcnr 
dereu  ,  qui  pcnHint  que  nouf  fnffions  près  de  la  coftc 
d'F.rpagne,  nousellions  encore  à  la  haureur  des  Ifles, 
romniees  Açorc  $  ,  qui  en  font  à  plus  detrois  ces  lieues. 
Ccft  errènrfut  caufe  que  des  la  fin  d'Auril.nous  furmes 
cnticrcmcni  dcfp-ouueusde  tous  viures  :  tellement  que 
pour  noftre  dei  liicr  mets  ,  ce  fut  à  ballicr  la  foute  ou 
chambrcrtc  blinchie  &  plaftree  ,  en  laq"elle  on  tient  le 
bîfcuJcdans  les  nnuire«;.  y  ayant  trouué  plusdev.rs3c 
de  crotrcs  de  rns  qijede  miettes  de  pain  ,  paniitans 
p-anrmoins  cela  auc-r  drs  ciilli-rs  nous  en  faifions  de 
]a  briiiîlir, laquelle  eftoii  anilî  noire  &  amere  que  fiiyc. 
Cc'jx  qui  â'ioyrtnt  er»co.e  des  guennns  &  de^  perro- 
quets le^  mangèrent.  Brief des  le  commencement  dti 
mois  de  May,  que  tois  viares  ordinaires  défaillirent 
entre  no  j«:,  deux  mariniers  mons  de  faim,  furent  ieitez 
bor*  le  bord  H  enfencîis  dedans  la  mer. 

O  jtre-pIus,dHranc  ceilç  famine  ,    h  tourmente  con- 

tmuanc 


douant  iour&  nuidrcfpace  de  trois  fcpmaincs  ,  nous 
ne  fufmes  pas  feulement ,  à  caafc  de  la  mer,mcrucilleu- 
fcmcnt  haute  &  efmeuè",  contrains  de  plier  toures  voi- 
les,^ lier  le  gouuernail  :  mais  aufTi  ne  pouuans  plus  au- 
trement conduire  le  vaiiïeau  ,  ToTmes  contrains  le  bif- 
fer aller  au  g- c  des  ondes  &  du  vent  :  ce  quiempcfcha 
qu'en  tout  ce  temps, &  en  noftre  grande  necefllté,  nous 
ne  peufmes  pcfcher  vn  feul  poifibn. Somme,  nous  voila 
derechef  tout  à  coup  en  la  famine  iufqLi 'aux  dents,  af- 
faillis  de  la  mer  dedans  no{hevaifreau,&  rudement  bat- 
tus de  s  vagues  au  dehors.    Or  cfvans  fi  maigres  &  affoi- 
blis,  qu'à  peine  nous  pouuions-nous  renir  debout  pour 
faire  les  maneuures  du  nauirc  ,  la  famine  fît  aduiler  au- 
cuns de  charpenrcr  des  rondelles  de  bois  couuertcs  de 
cuir  ,  lequel  ils  faifoyent  roftir  fur  les  charbons  ,  &:  ra- 
clans  le  brusié  ,  le  m^ngeoyent  comme  carbonnades  de 
coines  de  lard. Tel  elîay  fait ,  ce  fut  à  qui  auoit  des  ron- 
delles de  les  tenir  fi  de  court ,  qu'cf^ansaufïî  dures  que 
cuir  debœuf  fecapres  les  auoir  découpées  auec  des  fer- 
pes  &autres  inftrumenspar  menues  pièces, ceux  qui  en 
portoyenc  les  pièces  &  menus  morceaux  dedans    leurs^ 
manches,  ne  les  prifoyent  pas  moins  que  font  par  deçà 
les  gros  vfuriers  leur  bourfcs   pleines  d'cfcus.     Il  y  en 
eut  entre  nous  qui  mangèrent  leurs  collets  de  marro- 
quin, leurs  fouliers  :  &  les  gsrfons  du  nauirc defpefche- 
renttoutes  les  cornes  de  lanternes  ,(  dont  va  toufiours 
g-'andnombe  dans  les  v-iilTeaux  de  mer  J  &  autant  de 
chandelles  de  faifqu'ils  pcurent  attraper.  Mais  nonob- 
ftant  noftre  foiblcffcfur  peine  de  couler  en  fond,&  boi- 
re plus  que  manger    ,   il  falloir  qu'anec  grand  rrauail 
nous  fufïions  iour  &  nuiû  fans  rclafclse  aucune  ,  à  tirer 
Teau  à  la  pompe. 

Le  cinquicime  lourde  May  eftant  à  la  hauteur  des 
terres  neufues  &  de  Canada  ,  relions  où  il  fait  vn  froid 
pxrreme  ordinairem.ent  ,  nous  fufmes  bactus  d  vnc 
rude  bize,  qui  nous  caufa  telle  froidure  ,  que  durant 
quinze  iours  nous  n'cfchaufafmcs  aucunement.  Enuirô 
Icdouzieffqe  du  mcimc  iiîois.nollre  canonnicr,au»iuel 


I 


745  ntîîo'tres  ttdrhirdihs 

parauanr,  aprcs  qu'il  eut  bivO  lingui ,  i*auois  vcu  man- 
ger ics  trippcN  ti'vn  perr(»:juct  tooics  «rues  ,  eftani  en 
Hn  n)orcdcfaiai  ,  fjtcoiume  les  précédons  ic, té  & 
cnk'piilturé  dedans  ia  me".  NJois  nous  en  foiiciaCmes 
tant  moins  pour  ie 'cga^d  déficha  ge  ,  qu'au  lieu  de 
nous  dcf>  ndre  (î  lors  on  nous  cnlt  alfjillis  ,  nous  eiif- 
fions  pluftv>ft  deliic,  lanr  nous  c-ftiODS  atténuez,  d'cllre 
prifjs  ^  ern.nenez  pit  qMc.'qie  pirate  >  poutu^u  qu'il 
nous  euTt  donné  à  min?c( .  Niais  comme  il  p'euc  à  Dieu 
de  nous  affliger  coût  le  long  de  nortre  voyage  ,  à  noiVc 
retour  nous  ne  vifmesq'j'vo  ieul  ^arirean. duquel  cnco- 
res(à  canfc  de  noltre  toiblclTc  ,  ne  pôaùans  appareiller 
ni  leuer  les  vojlcs)quand  nous  )e  dclccuurifmts ,  nous 
n'enpenf.nes  app^-cher. 

Les  rondelleslarn)cntionrces,&  cous  les  cuirs  ,  iiif- 
qucsaux  co'jucrcles  des  bThtjs,auectout  ce  qui  le  peut 
trouuer  pou/Cuttancer  noftre  njuircei'tans  enneremcnt 
faillis  ,  nous  pe.nfionseltre  au  bout  de  nortre  voyage. 
Mais  la  nece(litéreruetllaque!qiies-vns  pour  aller  à  la 
chaifedes  rats  et  des  fouris  ,  lelquels  prelT^iz  de  faim 
courovent  en  ^rand  nombre  parnni  le  vaifleau  ,  où  ils 
furent  (i  bien  g^ieticz  ,  chaflez  &  pourfiiiais  par  diuers 
artifices, qu'il  y  en  demeura  peu  ou  point.  Celte  cha/îe 
eftoit  de  reqncfte  &  grand  pris,  l'en  ay  vcu  qui  ont  cfté 
venJus  deur  crois  ,  6:  tufques^  quatrecfcus  la  pièce: 
mais,  qui  plus  eft,nortrebirbier  en  ayant  vne  fois  prins 
deux  tout  d'vn  coap  ,  l'vn  d'entre  nous  lui  (vr:  ofïre  ,  s'il 
vouloii  l'en  accommoder  d'vn  ,  qu'au  premier  port  ou 
nou«;  aborde  ions  il  Thibilleroit  depieden  cap  ;  ce  que 
toatesfois  le  barbier  (  préférant  fa  vie  à  des  habits  )  ne 
voulut  acCf-picrP,  ief  vous  eufllez  veu  boullir  les  fou- 
iis  dans  l'eau  dr  mer.a^jcc  les  tripes  6c  boyaux, dont  on 
falloir  plus  de  casq\ie  nous  ne  faifons  o-^dinairement 
en  tcre  de  membres  de  mouron. tt  comme  noftiecon- 
trc-mailireeuiV  vn  iouraprefté  vn  gros  lat  pour  le  fi\- 
re  cuire  ,  lui  ayant  coupé  les  quatre  parties  blanches, 
lefquelleç  il  iccca  fur  le  tillac  ,  quciqu'vn  les  ayant  fou- 
ci  :in  aiT^aflecs,  les  fi:  à  l'heure  grillcrfur  les  charbooj» 
&  les  mangeant  difoit  n'auoir  lamais  mangt  aifles  de 

pet'» 


perdnsplus  fauoureqfes. 

Nous  (ouhaur!ons  lors  les  vieux  os  &  autres  telles 
ordures  que  les  chiens  craincnc  par  delTus  les  fumiers: 
&  De  fâuc  douter  que  d  nous  euirioi:s  eu  de  l'ht^rbe  ver- 
te,voire  du  toip,&  des  feuilles  d'arbresjcoaime  on  peut 
en  recouurerlur  lerre,  noi.s  les  eullions  bioucces  ainfï 
que  font  les  bcftcs  brutes. Ce  n'eft  pas  tout  ;  car  duranc 
l'clpace  de  trois  fc marnes  que  c efte  alpre  famine  duia, 
n'eilancnouuelieentre  nous  mde  vin  ,  ri  d'eau  douce 
(faillie  des  long  teirps  )  nous  eftanc  relié  pour  touc 
btuuagçvn  peni:  tonneau  de  citre,ilfut  nicfnagé  de 
telle  forte,  uue  nous  n'en auions  qu'vn  petit  verre  par 
iour.  Tellement  qu*eH3ntautr:nt  ii:  plus  pîeiïlz  de  foif 
que  de  faim,  quaod  il  toinboii  de  I2  pluye  nous  eftcn- 
dions  des  linceuls  auec  vne  baie  de  f^r  au  milieu  pour 
lafaire  diltilkr,  nous  la  receuions  ainli  dans  des  vaif- 
feaux.Nous  rerenjonsaull]  celle  qui  paj-  peùs  ruifleaur 
dcgouttoit  delfus  le  til.ac  jquoyqu'à  caufedu  bray  & 
des  fouillures  des  pieds  elle  fuit  ^  lus  croubie  q4ie  celle 
qui  court  par  les  rues  •  mais  nojs  ne  laillions  pour  cela 
d'en  boire.  Ayans  c{^.z  fînalemëc réduits  àcellie  cxcrcmi- 
réde  n'auoir  plusq  du  brefil,  bois  uc&  (ans  harnidité 
fur  tous  autres, pluueurs  neantmoins  preifez  iufoucs  au 
bout, par  faute  d'aune  cho!c,en  grignoroyéc  entre  Iciirs 
den:s;tcllemcnt  que  le  iicuf  du  l'ont  nolt.'C  tÔdufteur, 
tenant  certain  ioui  vnc  pièce  d-  ce  bois  eni'aboDcke  a- 
uec  vn  granii  fooipir  medit.Hclas^de  Lery  mon  nm? ,  il 
m'e(t  de;^  vnc  partie  de  quatre  rTiilIc  rancsen  France, 
de  laquelle  pieuft  à  Oitu  auoir  fait  bonne  quittance  ,  3c 
tn  tenir  maMUtrUAt  vn  pain  de  rol&  vn  verre  de  vin. Va 
autre  bon  pcribnnagc  .  quia  veica  bonne  pièce  de  téps 
depuis -,  eltant  lors  eltendu  de  tout  fou  long  dediHS  fa 
petite  Irgette,  fans  pouuoii  leuer  la  lefte  ,  ne  bifîoic 
ncanimoins,  ainfi  couché  tout  plat  qu'il  cfroir,  d'in- 
uoqucr  ardemment  Oieu  tou  t  bon  &  tout  puilïanc  au 
fecours  de  ceux  qui  ertoyentainiioppicirez. 

Durant  ccfte  f^mlne  nous  eftions  iî  chagrins  >  qu*en* 
corej  que  nous  fjlîions  retenus  par  la  crainte  de  Dieu> 
à  peine  pouuions-nous  parier   rvnàFautrcfans  nous 


7  ^  o  Hlfloires  admirdUes 

Eafchcr  :  qui  pis  elloic  nous  nous  ictcionsdes  ceilIâJef 
&  regards  de  trauera  ,  accompagnez  de  quelques  mau- 
uaifcs  volotucz  do  nous  entremanger.  Le  i  s  •  &  i  "^.dc 
May  ,il  y  eut  encore  deux  de  nos  m-annicrs  qui  niouru- 
rcncdc  Faim.  l*auois  toulîouis  gardé  vn  perroqucrgros 
comme  vnc  oye  ,  proférant,  jc^  mois  auffi  franchement 
qu'vn  homrac,&  de  plumage  excellent,  lequel  de  grâd 
defir  que  i'auois  de  le  Cauuer  pour  en  faire  prelciu  à 
monficur  l'Admiràl  ,  ie  tins  cinq  ou  fix  lours  cache, 
fans  pouuoir  lui  bailler  chofc  aucune  à  manger.  Mais 
lafaim  me  preflant,  &  la  peur  qu'il  me  fuit  defrobé  la 
nuitl.ic  le  tuay ,  n'en  iettant  rien  que  les  plumes.  Le 
corps, les  cripes,picds, ongles  &  bec  crochu,  teruircnt  à 
quelques  mien>  arais  &  à  moi  de  viuorcr  ti  ois  ou  oua- 
treiours.  Or  à  la  parfin  Dieu  qui  fouftenoit  nos  corps 
d'autres  chofesquede  pain  &  de  viandes  communes,  & 
nous  tédoit  la  main  au  porr,  fir  par  fa  grâce  que  levingc 
quatriefmc  icurdeMay  i  s  5  8.  (loi  s  que  tous  elicndas 
fur  le  tillacfans  pouuoir  prefqUcs  remuer  brasni  lâbes, 
nous  n'en  pouuions  phis  )  nous  dcfcouurilmes  la  bafTc 
Bretagne,  &  fecourus  par  argent  dequclquc  pain  noitj 
puis  toll:  après  de  meilleur  pain, de  vin  &  viandes  ,  en- 
trafmes  le  1  6. de  May  au  haurc  de  Rlauet,  où  nous  fuî- 
mes fccourus,r;îon  que  noltre  miferc rcqueroit  :  &  fur 
la  fin  du  mois  allafmes  à  Hancbon  ville  à  deux  licuès 
de  là  ,  pour  y  Iciourner  vn  peu  pli)S,&;  nous  refaire  a- 
pres  tant  de  mifcrcs.  J.de  Ltry  en  l'hijhire  de  l'Amérique 
xhap.  2, 1  •CT'  dernier. 

Le  Capitaine  IcanRibaut  ayant  l*an  iç^i.faitvn 
voyage  en  la  Floride, y  baftii  vn  fort  ,  où  il  iailfa  feizc 
foîdats  fous  la  charge  du  Capjraine  Aubert ,  puij»  fe  re- 
mit à  la  voiie  ,  en  intention  de  reuenir  à  eux  auec  nou- 
ueaux  moycs  pour  s'y  habituer.  Ces  foMats  fe  mutinc- 
lent  contre  leurCapiraine,&  le  firent  mourir ,  pour  ce 
qu'il  auoit  cltranglé  l'vn  de  leurs  comna^nôs ,  &  confi- 
né dedans  vne  Ille  certain  autre  nomme  Lacheré,  lequel 
ils  allerentquerir,&  le  ramcncrcnten  leur  troupe,  fur 
Jjquellc  ayans  efleu  vn  nouucau  Capitaine  ,  voyas  leurs 
yiurcs  s'accourcir,&^u'ilsii'auoyen[  noauciles  de  Frâ- 

C9i 


t?^fn€morahUs,  7^1 

«,  délibérèrent  de  baltir  cux-mclmcs  vnbrigaiin  pour 
s'en  rccourrer,dôc  ils  vmdicnc  tinalcment  à  bour,  à  l'ai- 
de des  Infulaircsjqui  leur  fournircntdcs  cordages. Quic 
aux  voiles  ils  en  firent  de  leurs  chumifcs  &  linceuls.  Au 
premier  bon  vent  qui  fuiuinc  ils  fc  icucrent  en  mer. 
Mais  ils  fetrouuerenr  courts  de  viurcs  c>:  d'eau  douce, 
parce  que  leur  nauigaiion  fut  plus  longue  qu'ils  ne  pc- 
foycnc.  Car  à  gran^'  peine  auoyent-iis  cncores  isn  la 
tierce  parc  de  leur  rouie, qu'ils  furenL  Ijrpiis  de  calmes 
&  debonaces  de  mer  ûcûnuyeufcs, qu'en  tioisfcinaines 
ils  n'auancerenc  pas  vingt-cinq  lu-'ues.  Pendant  ce  reps 
les  viurcs  acourcircnt,  Cc  en  vindrcnt  iufeju es  là  qu'ils 
furent  contrains  II- pafll-r  chacun  à  doi;ze  grains  de  mil 
par  iour.Éucores  n'en  eurent-ils  pas  t()ulu;urs. De  force 
«jue  tous  viures  ordinaires  leur  cftans  dctailiiSjtorce  tue 
«ju'ils  fc  ieitaflent  (ar  leurs  iouliers  &i  collets  de  cuir 
iju'ils  matigercni.  Quanrau  boire  quelqucs-Vns  cdnyc- 
rcni  de  lalter  de  Tcau  marine  :  mais  outre  ctqu'clJe 
Jeur  brufloit  ia  g^îge,  clic  leur  caufoit  vn  efcorcheincc 
de  boyaux,  qui(oucre  eurs  auties  maux)lcs  lourmctoic 
cftrangemenî:.  D'autres  aiialo\  cm  de  leur  propre  Tri- 
De.  Oucie  l'extrcnK  tamine  &  la  ibit  qui  les  moieftoj:, 
Jeur  petit  vailTcau  s'ouurir  de  tous  ccfttZjderorîc  qu'ih 
ne  pouuoycnt  foffire  à  cfpuifer  l'eau  quiy  cutrcit,  &: 
commencèrent  à  perdre  tout  efpoir  de  ne  vcuoir  iainai» 
la  France.  Pour  comble  de  leur  mifere,  voici  vn  tiot  de 
nier  &:  vn  vent  impétueux  qui  les  vont  acuciilir,  &  î>ii- 
fcnt  levailleau  d'vn  coflc.  Les  vac>Me£  palTovéc  par  ceî- 
riiS)Si  eux  ne  ccnoycnc  plus  cépte  de  letfer  l'eau  qui  les 
fubmetgcoir.  TouresFois  l'vn  d'enrr*ciiS  reprenâi  quel- 
que peu  les  clpriîs, les  alFeuraquc  fi  le  vent  continuoit, 
dedans  trois  iours  ils  verroycnt  terre.  Ce  propos  \çs  a- 
ccuragea  tellement, qu'après  auoir  clpuifc  l'eau  du  bri- 
gantm  ils  continuèrent  leur  rouie, en  telle  loric  loutes- 
fois  qu'ils  demeurèrent  encore  tiois  lours  fans  boue  ni 
mafigeriAu  bout  defqucls  ils  le  iugci  ê:  perdus, pciurau- 
tant  qu'ils  ne  defcouurirent  aucune  rerrc.  Encefteex» 
tr^mité  quelqurs  vns  propo/eient  qu'il  elloii  plus  cx- 
fcdieat,  qu'vii  ("cul  œouruft  j^uc  tant  de  gens  pctiflcta. 


7^1  H'tji^Ares  iàm irat Us 

Ils  arrcfterent  donc  cnfcailîlc  que  celui  feroit  mis  a 
morc&  mangéjLirqin  le  fort  tomberoit.  Ce  fui  fur  La- 
chcrc,  p.^r  eux  retire  de  Tlfle  où  il  cftoit  confine.  Ils  le 
tueicmJonc,  &cn  partagereot  lachair  cTgalcmcnc en- 
tre eux  tous  ,  lac^uclîe  ils  manc^ercnt  crue  ,  ap.es  auoir 
he!i  Ion  fang  tout  cliau<^.  En  fin  Dieu  eut  piciéd'cux, 
tellement  qu'ils  approcherencde  lacoftc  de  Bretagne, 
où  ils  rencontreréc  vne  robcrg  •  Angloife,  laquelle  ap- 
prochant de  leur  valifeau  les  trouua  fur  le  point  de 
lendie  l'amc,  les  fecourut  de  viande  &  bruuagc  ,  &:  les 
mi:  en  terre  à  Uuucté.'Difiours  de  la  Floride. 

L'an  I  5  7  3  au  mois  de  lanuicrja  ville  de  Sancerrcaf- 
fife  furvn  haucdc  môcagne  en  la  Duché  de  ôerry,  ayatft 
elte  aflîegec  par  le  lîcrur  de  la  Chaftre  gouucrneur  dti 
p^ïs.fe  maintint  courageufemct  quelque  tépsiLcllemcnt 
que  les  sdiegeans  ajerns  cu'Hn'yauou  guercsdevi- 
urcs  dv-'llltcrcnc  de  fc  hazajder  d'a-janrcge  aux  aflaui'* 
où  ils  aiioycnt  beaucoup  perdu,  &  refwlurent  d'afiame^ 
lesafTicgez,  lefquEJs  d^ptiis  le  mois  de  Mars  iulqucsatll 
mois  d'Aojft  lu,iportciéc  vne  fnTiiiiecxcreme  ,  \zs  cir- 
conliances  de  laquelle  font  mcmorabL'S  pourrinflru"- 
diondcla  poftcrné.  k  lesd'cfcriray  dd'hiftoire  qu'en 
publia  tort  après  M.  lean  de  Lcry  ,  tcfmoin  oculaire> 
&  des  prcmicrscn  la  ville  durant  ce  liege,rerciint  les 
principaux  poin(ns  félon  mon  inicntiô  en  ces  recueils* 

Comme  amfi  fu!t  donc  ,  que  des  le  commencemcrit 
de  Maisaudiian  les  viurcs  commençalFcnt  defiaàs'ac* 
courcir  dcdls  Sancerres,  &  principalcm::nt  les  chairs  de 
bœuf 6i  autres  dont  l'on  vÇà  0'dinai:ement  :  le  ip.du 
mefmcmois  ,  quifut  le  lourde  TalTaut  ,  vnchcualdc 
charrette  4u  gouuerneur  delà  ville,  ayant  efté  tue  du 
canon,pre';drsr3mpars  fur  efcorcbé, découpé,  empor- 
té &:  mange  par  le  commun  des  vignerons  &  manou- 
uriers,  qui  failoyent  récit  à  cliacii  n'auoir  ijmais  tiou- 
ué  chairde  bœuf  meilleure. Celaen  fîtcnuic  à  plulîeurs 
qui  ne  pouuoyent  aifément  recouurer  d'autre  chair:itl- 
Icmentque  des  lequatricfme  iour  d'Auril  fuiuant  on 
tua  vn  afne  duquel  le  quartier  fut  vendu  feulement 
pour  lorsquaire  liures tournois:  £cfus  trouuébonde 

tous 


t^  memoraUes]  «7^^ 

tous  ceux  qui  en  inangercnc  ,  tant  bouilli  que  rofti  & 
mis  en  pallc,  mais  fur  tout,  lefoye  rorti  aucc  cïouxde 
girofle  fut  croiuîc  de  mefmegouft  qu'vn  îoy<t  de  veau. 

Il  y  auoit  beaucoup  d'aihcs  &  de  mulets  dedans  San- 

-ccrrc-à  caule  de  la  (îtuauon  haute,  &  du  lieu  mal  acceflî- 

^ble  pour  les  charrettes.    Dans  vn  mois  ils  furent  tous 

/jiuez  &  mangez  peur  chair  de  bauf,    &enfir-cnrrop 

grand  degaft    ,     dont  Ton  fut  marri  puis  après  qu^nd 

la  famine  acrcut.    En  May  l'on  (c  printàtucr  les  che- 

uaux  &  à  vendre  la  chair  en  pleine  boucherie,  à  com- 

^mode  prix  du  commencement.  Mais  fur  la  fin  de  luillec 

,  &  en  Aouit  la  iiure  s'en  vendoit  i  8.io.  &  i  i.fols.     Le 

moindre  prix  fut  i  o.&:  1 3,roIi  les  teftrs, tripes, foye  &  \t 

relkjiufques  aux  pieds, encore  plus  excefliuement  cher» 

La  langue  en  eftoittrouuee  délicate,  &  le  foyc  encore 

,plHS. 

La  famine  s'augmentantjes  chats  curent  leur  tonr,& 
furent  mangez  en  peu  de  temps  :  tellement  q'je  l'en- 
geance en  faillit  en  moins  de  quinze  iours.  Plufîeurs  fe 
mirent  à  chaireringcnieurement  aux  rats,  taupes  &  fou. 
jis.Sur  tout  vous  eulfiez  vcu  les  panures  enfars  bien  ai- 
.fe$,  quand  ils  pouuoycnt  nuoir  quelques  fouris  ,  qu'ils 
/aifoycntf  (lire  fur  les  charbons,  le  plus  fouuent  fans  ef- 
Xorcher  nivuider,  &  d  vue  grande  auiditc  les  deuoroy- 
•ent  pluftoit  qu'ils  ne  les  msneeoyet  :&  n'y  auoit  queue* 
.patte, ni  peau  de  rat,qui  ne  fuit  loudnincmenr  recueillie, 
pour  (eruir  de  nour.-iiure  à  vue  grade  multitude  de  pau  - 
ures  Ibuifrcceux. 

Les  chitn-î  ne  furent  pas  efpar^nez,  ains  fans  horreutr 
ni  apprehenfion  fureur,  tuez,  pour  en  manger  auffî  or- 
dinal; ement  que  les  moutons  en  autre  faifonrôc  en  a-on 
aflonmé  &iucq»ii  oncel^c  vendus  les  vns  cent  lois, les 
autres  fixliL^res-tcurnois.Cch'-  r'tftant  nouucau  d'ache- 
lei  lequi'-^tier  de  ciiien  lo.^  iç.fols.  La  tcfte  &  le 
refte  fc  vetîdoit  de  m-elmc.  Muficurs  afîcrmeyent  en 
irouucr  la  chair  fort  bonne  ,  faifant  auffi  grand  cas  des 
tcftes,  pie(is,frcilVr  es  ?£.  ventres  de  ces  aniiiTaax, cuits  a- 
'  Ucc  çlpices  oC  hec'oes ,  que  des  tcftes  ie  veaux  ,  de  cl;e- 
"Uicaux  &<î'aigneauxi     I-'-S  cuiiTcs  deleuriers  roftîeSj 


7^4  Utfloïres  admirailes 

cftoycnttrouuees  iendres,&mangces  comme  rables  lîc 
licurcsrmais  principalement  les  petits  chiens  de  \â\tt  t- 
floyent  tenus  pour  marcaflîns  ou  petis  fans  de  biche. 

Le  fécond  lour  de  luin  fortirent  enuiron  fcptante  vo- 
lontaires de  la  ville, pour  euiier  plus  grade  famine  :  fut 
ordonné  que  chafque  perfonne  î'c  côtcntcroit  de  demie 
liure  de  painpar  iour;cc  qui  ne  futpratiquéqu'cnuircn 
huidiours.  Gar  ayantconuquec*eftoittrop,on  le  re- 
duific  à  vn  quart  de  liure,&:  puis  on  vint  à  le  reftraindrc 
àvnelii.repar  ftmainc.  Mais  fur  lafîn  du  me:n:e  mois 
le  bled  &la  farine  au  magazin  public  faillirent  cniierc- 
nient:fî  que  la  plus  parc  des  pcrfonnes  dedans  Sancerre 
rien  eutpius  du  tout. 

Au  commenccmétde  luillet,  reftasencores  vingc  chc- 
uaux de  Ivîruice,  qu'on  penfoit  efpaigner  pour  Texire- 
mité  ,  la  neccflîié  fîr  auilei  auciini  g  (.fl'gyci  files  cuirs 
de  boeufs, de  vaches, peaux  de  moutons  &  auiTcs(dont  v- 
ne  partie  fcichoic  par  les  greniers  )  pounoit  point  lup- 
pleerau  défaut  de  lâchait  &des  corps. De  faid, après  les 
auoir  bien  pelées, raclees,lauect.,cfchaudees  &  cuites, ils 
yprindrent  telgouft^qu'aulTi  loft  que  cela  fut  fceu,  qui- 
conque auoit  des  peaux  ,  Icsaccouftroit  de  cefte  façon 
ou  bien  les  faifoit  roftir  fur  le  gril. Ceux  qui  auoiéi  de  la 
graiffe  en  faifoyét  de  la  fricaflee  &  du  paftè  en  pot. Cel- 
les des  veaux  le  trouuerét  mcrucilleufemcnt  tendres  & 
délicates  ,  comme  tripes  de  molluès.  Les  cuirs  deche- 
UaHX,  de  chiens  &  d'autres  acimaux  ,  inufirez  pour 
manger,furent  mangezjcomme  des  autres.  Les  oreilles 
d'afnes  eltoycnclors  a  ufTi  bonnes  que  celles  dcpooi- 
ceaux. 

.  La  cherté  fut  fi  grande  en  ces  cuirs  ainfî  appareil'cz 
(qui  fe  vendoyentlur  les  eftaux  de  boucherie  ,  comme 
Us  tripes  )  qu\n  pied  en  quanc  ,  ou  vne  liure  de  quel- 
que peau  que  ce  fuft,fe  vcdoit  douze  &c  quinze  fols.Cc- 
ite  viandecoramençantà  faillir ,  les  plus  fubtils  com- 
mencèrent à  faire  ('(Tay  des  parchemins  :  cequ'ayant 
bien  iucccdcja  prefil  y  fur  relie  ,que  non  feulement  les 
peaux  de  parchemin  bUnc  furent  mangées  ,  maisaufîî 
lesictcre:>>  ulcrcs  liiures  imprimez  &  cicritsàla  main, 

uns 


0*  memoraèiesl  yiè 

fans  Ce  foncier  s'ils  cftoyêr  vieux  ou  no.Les  peaux (^è^râ'- 
oour, les  fonds  de  criblcs,croLiez  &  perctz  ,  1-s  coletb  de 
buffles  &ajtres(piincipaltm  tnt  ceux  decim  b  anOfu- 
icni  dckonrûS,dcicIoucz,iau':z  &  batius  :6mc  lin£re  de 
lexiucbouiiliSjfricafTcz  &.mar  gez.Les  foJdais  es  «.o.ps 
de  garde, qui  n'auoyenc  loifîr  de  fjtre  tant  de  façcjn  au 
parchemin  ,  fe  ccntenroyeni  de  le  graifTc.  auecdu  faif 
de  chandelle  ,  puis  faiioyent  griller  tel  apreft  fur  les 
charbons, &  mangeoyent  cela. 

Les  cornes  de  pied  de  cheual  amaffecs  fur  hs  fumier  j, 
les  vieilles  cornes  de  bœuf  &  de  v  Jche  ,  les  vieux  os  re- 
cueillis par  les  ruci  furent  rongez  &  mangez  de  plu- 
fieurs  qui  ne  iaifTovcnt  rien  en  arrière  parmi  les  ordu- 
res, non  plus  qi.e  files  canes  &  poules  y  ciffnt  bec- 
quette &  gratté. Les  cornes  de  lanternes  ne  furent  non 
plus  oubhces,ains  arrachees.roflie^  &  nnangee^.  Les  li- 
cols,pt>i£lra!s, croupières, &tous  autrts  harnois  de  che 
Ual.fpecialement  cequieftoit  de  cuir  blanc)  tant  v.eur 
&  vfcz  fL:(Ient-ils,eftoyent  coupez  par  pièces,  boiii  iis, 
gnliez  &  f/  icaflez  :  &  Te  vendoyent  es  bancs  des  bou- 
chers bien  chèrement  &  à  g'and'  pre(î-".Lcs  enfanî.  qui 
auoycnc  des  ceir.tures  de  cuir  les  giilloyér  fur  les  char- 
bons ,  &  s'en  defieunoycnt  comme  d'vn  lopin  de  tripe*. 
Les  vieux  &:  gras  deuaniiers  de  peaux  de  fauetics  ,  con- 
J-oyeurs  &  autres  artilans  :  les  nerfs  de  bœuf  &  d*autte^ 
beftes  ayans  ferui  quatre  &  cinq  ans  fur  des  balh  d'af- 
Des  &  de  mulets,  ou  a  autres  Vlages:  ceux  où  pcndoytnt 
des  lonotemps  les  bouteilles  à  vinaigre  :  les  pied*  de 
cer  fs, de  biches  &  de  cheureux,où  les  clefs  eftcyent  pê- 
duef,  des  les  grands  pei  es, furenr  deliachez,  cuits  &  f;i- 
ca(rez,&  feruirent  de  nourriture  à  phifieurs.  Les  poi- 
ftrals  faits  de  vieux  cuirs  &  de  vieilles  fai^ates,  dont  les 
vignerons  de  la  ville  felei  ;nyent  pour  plier  les  vignes, 
fjrér  auITî  cuifcs  &mangez.Q^ât  aux  rognures  dMgi,il, 
lettes  ,  !->ourrcs,e(carcetlcs  icautres  merceries  de  peaux: 
c'cftoumatieieponr  fiicaffecs  d*app(tit.  Les  peaux  de 
moutos, chevreaux  aigneaux,  &  autres  pallees  cq  galle» 
alun.ou  autrerr:cni  (quoy  que  teintes  ")  eituyent  cou- 
iumiU.  fcfuoyeat  àconucùi  e  fauliilcs  e«c  autres  lell 


j^C  [Hisîoires  admir4Ù!cs 

aprcfts  compofez  d'herbes  &  de  ces  rongnures,  dont  on 
les  rcmplilfcit  ,  &  les  vcndoit-on  aicû  parmi  U  ville 
bienchercmenr. 

Ceux  qui  auoyct  des  iardins  leseftimoient  plusqu'v- 
ne  bonnr  meftairic  :  car  oucre  ce  qu'ils  s'en  nourr  ifloy- 
cnc,  aprcftanc  lesheibts  en  toutes  les  façoiis  dont  ils 
jjouuoyeni  s'auifer,  fi  quelqu*vnenauoic  à  vendre  il  en 
tiroic  argent  afin  mot  :  &nefc  donnoit  la  fueille  de 
choux  à  moins  d' vn  Iiard  ou  de  quatre  deniers  :  les  au- 
tres herbages  cftoyent  vendus  de  mefme.  On  fjrciiToic 
les  choux  de  grains  d-  verjus  &  de  louit:  fortes  de  me- 
nues hctb^i:pLiis(,c  pi  as  louucnifans  graiire)on  les  fai- 
foit  cuire  &.iboiijllir  dans  l'eau.  Bncfics  iardins  eftoy- 
cnt  d.^  relie  rcqi'erte  ,  que  pour  emperdicr  qu'on  ne 
dc:lrob./fi.  les  herbes  •>  on  y  faifoit  de  nuiû  la  garde  auec 
les  arnies,*  omme  fur  la  muraille.  Lci  plus  pauures  mâ- 
geoyent  i:  diffe  emment  de  toutes  fortes  d'herbes  &: 
racinesfauuagcs,  iufme»  arrachoyentles  racines  ce  ci- 
gué"  ,  dont  pluficurs  tie  ceux  uui  en  mançerenc 
deuindrcnt  enflez, s'empoifonnerent  &  miOururetu.  Ec 
qucy  qu*in  cueillant  telle*,  rscmeson  leur  monft/sftie 
.danger,ilinedeûftoy*:nt,Ie  ventre  aitamc  n'ayant  point 
-d'oreilJes. 

Sur  le  commencement  de  luillet  le  bled  fut  fî  court 
à  Sancerrcqiie  plus  des  f  ois  pans  du  peuple  ne  man- 
geoycncplus  de  pain  :  &  y  en  auoit  plufîcu's  viuans 
d'herbe  qui  rendoyent  leuis  cxcrcmens  comme  fîenie 
de  chcual:  d'autres  auoycnt  toufiours  le  fins  de  ventre, 
&  eltoycni  tîfoiblcs  qu'ils  ne  pouuoyent  fc  fouftenir. 
Ceux  qui  auoycnt  ou  pouuoyentjtcouurer  de  la  graine 
de  lin,  de  faiiifoin  ,&  autres  qu'on  ne  s'cftoitiamais  a- 
.uifé  de  manger  ,  les  faifoyent  monldrejou  le?;  piloyent 
dans  les  mortie-s  ,  &  en  faifoyent  du  pain,  comme  au/li 
il  s'en  faif)ir  de  routes  fortes  d'herbes  méfiées  auec  va 
peu  de  fou,  qui  en  auoit. L'on  fitaufll  du  p^in  de  paille 
de  f:  ornent  tiemnec  ,  découpée  menu  ,  pilee  ô^  broyée. 
Le;  coquilles  denoixaurTi  pilccs  dans  les  mortiers  de 
fer,  &  réduites  en  pouldre,fcriioyent  de  farine  dont  on 
fdifoicpalle  <S:  pain. Qui  ^lus  eft>  les  aidoifcs  ont  cfté  ea 

ccftc 


ceftc  façon  pilees  ,  &  pallbic-on  la  farine  qui  en  forroit, 
aucc  des  fas,  dont  fji  fait  du  pain,deftrcnipant  la  paftc 
aucccaUjfcl  &  vinaigre.  Lcfuif,  les  chmdeilesdc  fuif, 
l'oing  &  autres  vieilles  graiffes,leruoyent  à  faire  potage 
&fricurc. 

Onauoitiufcjues  lors  referué  quelques  cheuauxde 
fcruicepour  rcxcrcmité  ,  iefquels  on  commença  de 
tuerie  huniliefme  dï  Juillet  ,  &  y  auoir  telle  preflc 
pojr  en  rccouurcr ,  que  les  pièces  en  eftoyent  vendues 
comme  aupoids  dci'orrde  force  que  ;3  de  niere  femai- 
ncdudicmois  ,  la  îiare  de  telle  chaii  fut  vendue  lo.  & 
11. fols  :  la  tefte  de  quelques  vos  fcpi  francs  &demf, 
voire  hjiâ:  francsria  langue  tr  oit  francs  Scd^mi  C^a* 
que  pied  trente  fols;lal:ure  de  foye  &  de  poulmô  vingt 
huiÀfols.  Et  s'eft  trouué  foye  pefant  prcs-de  dix  liures, 
qui  eft  I  4.f'^acs  le  foye  entier.  Le  cœur  fe  rcndoit  aufli 
iS.foIs  laliurerlapeau  huitT:&  dix  fracs:  les  tripes  feizc 
fols  IaIiure,dont  pîufieurs  faifoyent  des  andouilles  qui 
Irurcftoyentdelices'.îa  liu'e  degraifle  de  cheual  trente 
fols. Le  (ang  d'vn  cheual  fe  véiii  i  8  frâcs:car  ayant  faic 
d'icelui  des  bojdins  auec  vn  peu  d'herbes  ,  il  y  en  eue 
40  liures,venius  14. fols  la  Iiure.  Mais  r euxqui  védoy- 
cnt  n  cher  telles  denrées  aux  pauuresnifamez  ,  furent 
pillez  &  rançonnez  fansmifericorde  par  les  foldats  en- 
nemis,après  1.1  reddition  de  h  ville. 

Ce  que  di:  lerem'ie  en  fes  lamentations  des  habi- 
cans  delcrufalem  ,  Iefquels  ayans  acouftuméde  man- 
ger les  viandes  delicaces  périrent  par  les  rucs-.Sc  fe  paif- 
foyent  duran:  leur  fie^.'  delà  fiente  d.s  hommes  &  des 
bcfteSia  eité  veu  &  prariqué  dedâs  Sancerre.  Car  ie  puis 
affermer  que  les  excrcmcns  humamsy  oncefté  recueil- 
lis poiK  manger.  Et  y  en  a-on  ycu  qui  ayans  rempli 
Jeurs  efcuelles  de  fiente  de  cheual  lam-'ngfoycntdc  très 
grande  auidi;é)  difant  la  iro'Uier  2ufllbi>nne  eue  da 
pain  de  fon.  Ai  rcfte  ils  amafloyent  toutes  fortes  d'or- 
dures ^  vilenies  pat  les  rues,  grattant  fur  les  fumiers,  y 
cerchant  les  vieux  o<;.vieiUe!.  corpcs  ,  &  autres  ballicu- 
res,  dont  la  puanteur  pouuoit  cmpoifonner  ceux  qui 
les  manioyeni,&  plus  cntoi  oui  les  mangeoyenr. 

BB     3 


7,S 


Uiffoires  aâtmrdUes 

Pour  le  comble  de  ccfte  mi r;rc  extrême, le  M.dcliîil- 
letfut  de/cou ucrc  &  auercqu'vn  vigneron,  nomme  Si- 
mon Pota'-J, Eugène  fa  femme  ,  &L  vne  vieille  femme 
<3ui  fe  lenoit  aucc  ewxjfu'^nômce  l'Emerif,  auoyent  mi- 
gélatcfte,laceruelle,  le  foye  &  la  frcfTurc  d'vne  leur 
fille  aag:cd'enniron  trois  ans  ,  morte  coutesfois  de 
faim  5c  en  langeiir.  Ils  furent  furprins  ellans  prcfts  à  en 
miger  la  laogaerlcs  deux  cuiffcs, Jambes  &  pieds  furent 
troauez  dans  vne  chaudière  aucc  vinaigre  ,  efpiccs  & 
fel,picft  à  cuire  &  mettre  fur  le  feu  :  les  deux  efpaules, 
tras  5c  mains  tenans  enfemble  ,  auec  la  poi6lrine  fen- 
due &  ouuerte,  appareillez,  audî  pour  manger,  Empri- 
fonn:z  tous  trois  confcflerent  le  fait  fans  te  giuerlaiiô: 
mais  nicrent  d'auoir  tué  niauancé  lamorc  de  leur  en- 
fant. .\  t  ird  ayant  tfté  outre  cela  conuair.cu,  mefme  par 
fa  bouche  ,  d'cfpcced'aaultete  ,  de  meurtre  pourpenfé, 
4c  larcin, fut  brufjcvifjlafcmme  cftranglee  &  brulleeila 
vieille  morte  en  priion  déterrée  &  fon  corps  réduit  en 
cendres. 

Des  le  mois  de  luin  ,  à  caufe  de  la  grand*  difettc  de 
viutcs.on  auoit  mis  beaucoup  de  pauures  hors  de  la  vil 
lc:cc  que  l'ô  côcinua  depuis  à  plulîcurs  fois.  Mais  ceux 
quifortoyt:nt  ne  pouuans  paieries  tranchées  &  forts 
des  afliegeans  (qui  en  lieu  d'en  auoir  pitié,  en  tuoyenc 
plufieursjbleflbyent  &  r'cnuoyoyent  les  autres  à  grands 
coups  de  baft  >n  jdemeuils  dehors,  &  ne  pouuani  ni  ne 
vouîans  r'cntreren  ia  ville,  viuoyent  des  bourgeons  de 
vignes, des  racu-^es  croifsâces  fur  les  hayeç, d'cfcargotf, 
de  limaces  rouges, d*herbs.'sr3UU3ges:&  après  auoir  la- 
gui  la  plufpart  moururct  entre  leldiétcs  tranchées  &  le 
fofFé  delà  ville.  Encre  autres  fpe(flacles  pitoyables, on 
trouua  les  corps  d'vn  vigneron  &  de  fa  temme  morts 
IVn  auprès  de  l'autre  dans  les  vignes,  &  deux  de  leurs 
cnfans  aupesqui  crioycnt  &  pleuroyent  :  le  plus  ieiine 
n'eftant  aagéquede  fîx  femaines,qu'vne  honorable  vrf. 
ue.nômec  madame  Portier  ,  cnuoyj  quérir  &  fi'  nouf- 
1,'u  de  ce  qu'elle  peur.lcelle,3uec  U  femme duCapirainc 
Marrin.it  l*ainc,Françoifed*0!iujl,vefuc  de  l'-aiiBour- 
^oin;lâfçinmcdc  le4QGuiçhard  ^  ^  c^uçlques  autres 

hpno« 


^memordlleT,  7^9 

honorables  dames  de  Sancerre,  exercèrent  grande  cha- 
ricc  au  milieu  de  cefte  excreme  famine. 

Si  plufiivjrs  mouroyentcn  grand  nombre  par  les  vi- 

f  nés, auprès  de  hcôcrefcarpe  &  dans  le  fofle  delà  ville, 
caucoup  plus  en  mouroit-il  dedans  les  maifons  &  par 
les  rues  ,  où  ils  tomboyencde  forte  que  tel  iour  y  aaoit 
qu'on  enierroic  viogt-cinq  o\\  trence  morts  de  faim. 
C'eft  lit  beaucoup  pour  vne  place  d'enuiron  deux  mil- 
le cinq  cens  pas  de  cour.  Mais  fur  tout  les  ieunes  en- 
fans  au  deffous  de  douze  ans  y  mourutent prcfqnes 
tous.  On  les  voyoït  fubfîller&rerpirer  ,  iufqucs 
à  ceque  les  oslcur  perçalTent  la  peau  ,  criansdevoix 
Jamentablc  ,  auanc  que  rendre  l'efprit  ;  Helas  .'  nous 
mourons  de  faim,  il  y  eut  vn  icune  enfant  aagéd'enui- 
ron  cinqans,  Icquelayantlonguemeni  langui,  chemi- 
nant &  trottant  toujours  par  les  rues  pour  cerch  r 
quelque  chofe  à  manger ,  enfin  nature  defaillanr> 
tomba  deuant  les  yeux  de  fes  pcrc  &  mère  ,  lefquels 
aperceurcnt  tout  foudain  les  nerfs  &  vemcs  de  leur 
pauurc  enfant  fe  retirer  ,  &  l'enfant  mourir ,  combien 
qu'il  eult  franchement  parlé  demie  heure  aupsra- 
U3nr.ll  y  eut  vn  a utreieune  garçon  de  ma  conoifFance, 
aagédcdix  ans,  lequel  eftant  aux  traits  de  la  mort  ,  o- 
yant  fes  perc  &  mère  pleurans  aup'-es  de  lui ,  &  qui  lui 
manioyent  les  bras  &  cuilFes  aufTi  fccs  que  du  bois, leur 
dit  ,  Pourquoy  pleurez-vous  ainfi  de  me  voir  mourir 
de  faim?  le  ne  vous  demande  point  de  pain  ,  manière, 
ic  fçay  que  vous  n'en  auez  point.  Mais  puisqueDieu 
veut  que  ie  meure  aiufi  ,  il  le  faut  prendre  en  gré.  Le 
faindlperfonnage  ,  Lazare  n'a-il  pas  en  taimrn'ay  ie 
pas  leu  cela  en  ma  Bible  f  Ainfi  faifant  fondre  ie  coc-  r, 
&  ouurirlcs  entrailles  aux  po  >respere  &  mcrc,  qui  le 
regrettoyent  tant  plus  qu'ils  conoiHTtyent  que  D;eu  lui 
auoit  donne  vn  gentil  elprit,rendit  l'ame  à  Dieu  le  trer?» 
tiefmede  luiilct. 

VojseuHlcz  oui  lors  &  plus  de  quinze  iou''saupa- 
rauanc  ,  tantdepoures  pcrfonncs  languilTantes  6c 
couch»wS  par  les  u.es,  hideufes,qui  refrcmbloycat  plus 
à  des  corps  mortsdcterrcz  ^utviuanSjTe  lamenter  dVcc 

BB     4 


7^0  H\(lolres  adm'ir  ailles 

voix  enrouée  &  pitcufe. Les  vnss'cfcrioycnt,  Hch^I  fî 
nous  auiôs  m.îgc  vn  morceau  de  pain  de  (on  nous  nous 
porterions  bien. Les  ancres  plus  defoucz  Jifoyenr,  (He- 
Ja^lquand  nous  auiions  des  balles  reliantes  du  fon  (car 
on  leur  en  donuoic  auelcjues  tois  )  Û  ne  fçaurions  nous 
les  piler  ni  dcflreniper  ,  car  nous  femmes  tropfoibics. 
Les  panures  raeres  conuoyans  leurs  cnFins  ircrpaflcz 
aucemiciere  ,  tenans  &•■  crainans  par  la  main  ceux  qui 
rcftoycnn  en  vie.difoyent,  Helas  mon  enfant, tu  ne  tar- 
deras gucres  «l'aller  après  les  autres.  Qj-ieiqucs  gers  de 
bien  s'humiiioyenc  alors  à  bon  efcict  dcnat  Dieu. Mais 
il  y  en  auoit  d'autres  indomptables  &  vendus  à  leur  mi- 
quitc,qui  n'eftoyenc  flefchis  à  repentance  ni  charité, par 
CCS  fpcttacles  lamentables . 

Depuis  le  I  5.de  luillet  lufques  au  commencement 
d' Aouft  que  la  difeue  fut  plus  gtSdc»onacheua  de  tuer 
les  cheuaux  rertans  de  ceux  qu'on  auoit  rcfcruez  pour 
rextremité.Cu  la  clameur  du  peuple,  &  prmcipaleméc 
des  Soldats(côbien  que  d'autres  fufsct  plus  neceiîîtcux) 
qui  crioyenc  à  la  faim  ,  fur  telle  qu^a  giand'  peine  ceux 
à  qui  ilsapartenoyenc  reulfent  peu  empefcher.  Vray 
eft  qu'ils  les  vendoyent  excelîïuemenr  :  car  tel  cheual  à 
efté  tué  pour  m.ïger, duquel  l'on  n'cuft  pas  eu  dix  cfcus 
en  autre  tcps-qui  a  efté  védu  6^0  efcus  autres  80.&  100. 
aucuns  ayans  monte  à  i  s  o!e  dernier  fut  tué  le  i  7.iour 
d'Aouf^,  Mais  »1  ne  faut  oublier  que  hui(ft  jours  aupa- 
rauant  vnecheurc  fut  tuec  ,  donc  on  vendit  le  quartier 
dix  liures  toui  nois:  la  tefte, les  tripes  ,  &lc  relie  mon- 
tant fî  haut, que  le  tout  iCuinc  à  y  5. francs. D'au:res  furéc 
vendiies  »  tf.S:  i7.efLUS,&:  en  achetay  vn  petit  morceau 
ne  pefancguercs  ou'vneliure,  quimecoufta  10.  fols 
tournois.  Six  vaches  qu'on  auoit  toujours  gardées, 
pour  dulaidid'icellcs  nounit  les  enfani  (  qui  autre-, 
racnc  fulienc  morts,parcc  quelcs  mcres  maigres  n'ayas 
que  la  peau  ne  pouuoycnc  les  aUiter ,  ni  nourrir  autre- 
ment jccnonobft\nt  f;ircnc  tuées  :&  n'en  demeura  pas 
vne  en  la  ville,  cftis  à  C^  haut  prix  qu'on  les  vendit  v\  o. 
francs  pièce. Vne  monta  iufjues  à  joo  francs,  telleméc 
^ue  le  meilleur  marché  «^u'ô  en  cm  en  détail  fut  ij.i4' 

&  i  y .fols 


je  I  S-^oIs  la  liure.   Qmjnt  aux  tripes, i*en  achetay  le  i£ 
d'Aouilvne  demie  liure  qui  ine  coufta  dix  fols  tour- 
nois,ce  qui  ne  vaudroic  vn  Iiard  en  temps  libre.  Le  coq, 
la  po'jie,  le  poulet  (c  vcndoycnt  trois  francs  piei;e;l'cEuf 
cinq  &  fix  fois  tournois. 

En  Iiailîet  &  Aobil  ,  pource  qu'il  y  auoit  quelques 
champs  de  bled  entre  la  ville  &  les  tranchées  des  affic- 
geans  ,  ccuxqui  eftcyent  efpars  par  les  vignes,  &  qu'on 
auoitmis  hors  la  ville  ,  auecles  goujats  &  autrts  qui 
fortoyencde  iiui(ft,alloyent  le  plus  coyenient  qu'il  leur 
e(ioit  pofsible, couper  &  giénet  de  ce  bled.  Mais  c'cfloit 
peu  5  parce  que  Us  gardes  des  tranchcrs  ayans  les  fcnti- 
neiies  pofecs  prcs  a  près,  les  defcouuroyent  inccntiner, 
&  les  harqucbuiades  ne  leur  manquoyenc,  teîlcm^nc 
qu'ii  y  en  eutdecuez  furie  champ.  Ce  peu  qu'on  rap- 
portoir  fe  vendoit  excefsiucmcnt,5:iurques  à  é.&7. fracs 
vne  petite  gerbe  ,  oùiln'yanoii  pas  vn  quart  deboif- 
feau.  La  poignée  &  petire  glenne  oii  il  n'y  auoit  pas  v- 
ne  ioiactee  de  main, douze  &  quinze  fols.  Vn  goujat  re- 
fufa  cinq  fols  de  cinc|uunte  efpics  de  b!ed.  La  liure  s'eti 
Vif  ndcit  vingt-cinq  fo's.  Plufieurs  femmes  oftoyent  la 
vieille  paille  de  leurslidls  ,  &  des  berceaux  de  leurs  en- 
fans, pour  recer  cher  quelques  grains  ou  efpics.  Ce  qui 
s'y  trouuoic  eftoic  pilé  dedans  des  mortiers  pour  faire 
de  la  boiiillic  auec  du  fel  &  de  l'eau  aux  enfans  de 
inammelle  ,  Si,  dont  les  pauures  mères  n'auoyent  point 
de  lait. 

La  faifon  âes  verjus, dont  p!ufîeuT*s  fe  nourriffoyent, 
vint  bien  à  poin£^  ;  aucuns  les  mangeans  cruds  ,  les  au- 
tres cuiis  3  11  four ,  ou  bciiillis  en  l'eau,  les  antres  fricaf- 
fez  auec  fuif.mouftardt  ScePpices-Les  meures  des  hayes, 
ks  prunelles  &  autres  fruits  fauua^es  qu'on  pouuoic 
cueillir  par  lés  vignes  &  buifTons  autour  de  là  ville  e- 
fVoyent  de  requefte,  &:  fe  vendoycnt  au  mot  de  ceux  qui 
les  apportoycnt:item  les  graines  deraifon  verdis, qu'on 
mangeoit  auec  do  i\-l,Sc  les  tendres  des  vignes.  Vn  ttps 
fut  que  fc  trouuant  quelques  noix  ,  chalque  foldat  le 
pafToit  bien  à  vne  ,  pour  le  faire  boire  :  mais  cftans  fail- 
Zie$,il$  fc  coiue£Coyept  chacun  d'vn  pcrrcau. 


y6l  Htsioires  âdmirdlles 

Somme  ,  on  tua  pour  manger  dedans  Sancerreen 
moins  de  trois  mois,  durant  le  lii;gc,eniiiron  deux  cens 
que  cheuauT,  que  iumcns,pouIaini,arucs  &  mulets, cjui 
y  cUoyent  auant  <que  la  ville  fiil^  inutft»c,&:  n'y  demeu- 
ra qu  vn  cheual ,  au  iieu  duquel  fut  encoretué  vn  afnc 
des  ennemis  ,  lequel  lut  prins  aux  vignes  par  nos  ^'JU- 
jarsau  commencement  d'Aouft.  La  dilcue  &  famine 
tua  dedans  Sancerrç,en  moins  de  (îx  iemaines  ,  fix  fois 
plus  de  perfonnrs  ,  quelcglaïue  en  fi:en  fcpt  mois  & 
demi  que  duralefîegc.  l-'ar  le  catalogue  queiefiôdc 
tous  les  morts  &tueziufques  au  lo  d'Aouft,tât  du  ca- 
non,harquebuiades  ,  qu'autrement  en  guerre  ,  n'y  eut 
que  84.perlonnes  &  l'ay  opinion  qu'il  cft  monde  faim 
dedans  la  ville  &  à  l'encourjdc  ceux  qui  s'y  eftoyent  en- 
fermez,p!us  de  cinq  ccnsperfonnes,&:  plus  de  deux  cç.m 
réduits  en  langueur  :  tellement  que  ie  puis  bien  dire  a- 
pres  leremiecn  fcs  lamentations  ,  qu'il  en  cftoit mieux 
prins  àceuxquiauoyentefté  tuczpar  glaiue,qu'à  ceux 
que  la  famine  occit.  jTW.  leande  Lery  en  fort  hiîiotre  dupe- 
^cde  ^ancerre^l'an  I  Ç  7^  chap.i  o. 

lladioulle  pour  conclulîon  ces  mots  ,  Qui  ne  fera 
maincenant  elbaiu,&  qui  n^  tremblera  oy5t  celles  cho- 
ies ?  Er  certes  comme  tous  les  refchappez  de  celle  tant 
afpre  guerre  &  famine  ont  grande  matière  de  reconoi- 
itre  leurs  fauEes  paflees,&de  loiicr  Dieu  toute  leur  vie, 
qui  les  a  tirez  tant  de  fois  du  pas  de  la  mort  ;  auffi  tous 
Chrefticns  en  doyuent  faire  leur  profit,  &  ne  penfer  pas 
que  ceuxqui  eftoyent  dedans  Sancerfeenfermt  z  en  tel- 
le mifere  fulTent  les  plus  mefchans  du  monde.Car  com- 
me difoit  noftre  Seigneur  aux  luifs  de  Ion  tcps,ceux  fur 
Jefquels  la  tour  de  Siloé  tomba, &  ceux  dôt  Pilatc  mclla 
le  fang  auec  les  f^crifices,  n'eftoyét  pas  plus  g-ands  pé- 
cheurs que  les  autres.Mais  que  û  ceux  quifçauoyent  ces 
choies  ne  s'araendoyent&  rcpenioyent,  ils  peiiroyent 
tous  mjlheureurçmét.radioufte  ce  mot, que  \^i  auteurs 
de  tant  de  maux  ne  doyuét  eftregueresà  leur  aife, quel- 
que parc  où  ils  foyent.  Et  quan^  à  ceux  qui  ne  deman- 
dent qjc  rcajuuelluneut  de  iiûubic  ,pour  voir  les  pto- 
uinces  en  coufuûon  ,  comme  fous  le  règne  de  Charles 

1X.5Ç 


I X.  &  Henri  1 1 1.  de  cjl-cI^  iugemens  feront-ils  acca- 
blez,(î  de  bonne  heure  ils  ne  fc  repentent  &  s'efiorcent 
de  viute  en  paix  chez  eux  merrrA-s,&  auec  les  auucs? 

F  ^  VE  V  2^  partiatlure  au  Uf^otn. 

DEnollre  temps  certain  criminel  condamne  par  iu- 
ftice  dedans  Lyon  à  pcrdie  la  vie  ,  ccnrane  il  ap!0- 
ch.'it  du  fiipplice,  refchelb  fc  trouua  vn  peu  cnurie. 
Tandis  que  le  patiêt  actcdoit  paifibiemenr  lur  icclle  l^c- 
xecu:ear,qui  en  eftoir  allé  ccrchcj  voe  autre, quclqu'vn 
tendit  à  ce  patient  vn  coufteau, duquel  il  c<^upa  les  cor»- 
des  dont  ilclloit  lié.deuât  que  perlonne  s'en  apptrceur, 
puis  feiette  en  bas-,&  fcudain  vn  autre  lui  ieite  vn  man- 
teau fur  les  efpaules. Voyant  que  faueur  fe  prcrcntoi!,& 
m^^^yéde  fefauucr,  auec  ceque  le  peuple  lui  faifoit lar- 
gue pour  fuir,  il  empoigne  rocca{îon,&  fe  fourre  en  la 
foule. Mais  parce  que  cela  ne  fe  fait  ordinairement  lans 
bruit, les  officiers  de  la  luftice  ,  vn  peu  loin  delà  poten- 
ce,entcndans  le  murmure  fceurcnt  incontinent  que  le 
patient  fe  fauiioit.IIs  approchent, &  cooïencent  à  crier, 
Arrefte,Arrefte.  En  apparence  jI  cftoit  reprins  fans  vn 
marchand  Italien, qui  pour  diuerrir  le  peuple  ,  &  U  gar- 
der de  faire  telle  pour  luitte.  tire  fouHain  de  !a  pcchctre 
vn  fachet  plein  de  liards, qu'il  ictte  fur  le  peuple.  Alors 
ce  fut  àfe  ruer  les  vns  fur  les  aunes  par  teirc  pour  amaf 
fer  ces  liards.  Cependant  ils  donnerét  loifir  à  l'autre  de 
fe  retirer  de  la  p^  elle, à  quoi  il  regardoitplus  qu'à  cueil 
lirmonnoye.  L'Italien  content  de  telle  faueur,  pour 
donner  encore  plus  de  moyen  à  ce  pendart  delej^a- 
rantir ,  s^'aduifa  de  faire  pcnfer  aux  officiers  de  iuftice, 
que  le  criminel  s'eftoit  lauué  en  traueiTant  le  Rholne  à 
rage.Pour  leleur  faire  ctoiie  ,  il  pratiqL:e  fur  le  champ 
vn  gaigne. denier ,  lequel  pour  vn  cfcu  fe  ietta  dedans 
le  Rhofne,où  rcu  dcplufieuis.  l'on  cominencc  à  crier 
que  c*clloit  le  criminel  qui  te  lauuoir.  Qiiifutcaufe 
^u'onenuoya  vers  Tautrc  bord  duRhofne  en  cxtiç- 


7<>  4-  Htjîoïres  ââmirnl^les 

rae  (<iligcacc,pour  l'jtcrapcr  &  ramener.  Mjis  les  fer* 
gcnsaccourus  !à  ne  troiiueréctiuc  le  gaigne-dcnicr  (le- 
quel n'eut  Faure  de  langage  pour  iuft:fier  Ion  faid  )  <Sc 
^'cti  rccourncrcnt  auec  vn  pi  jd  de  nez.  En  ces  cncrctai- 
teslccrioîinclainflfiuoriréfc  fauucau  pciic  pas.  L'e- 
xccuccur  de  retour  au^c  foncfchelle  ne  crouueperfon- 
nc  à  pend;s;&ainiî  l'a/rcmbleefc  départit auçc  huccs  & 
rifces.r^tîlien  s'cftant  monftré  fauorahle  &  anni  au  be- 
{oit\^9aradin  at*iJ:u.dt'S  mémoires  de  Lyon,  cha.  x  5.  Nous 
ne  produirons  celle  lnftoirc  à  autre  fin  que  le  rilcre  por- 
tcrcar  &  celui  qui  fournu  Iccoufteau  aupendari ,  l'autre 
ciui  bailla  le  manteau. ceux  qui  tirent  voyc  ,  l'I.alienSC 
fon  CfOfhcteur  eiloyent  coulpables  î  vioUns  la  iurtice 
en  diuerfe  forte.  Les  haces  &:  rifces  du  peuple  dcicou  - 
urent  auHi  l'ignorance  miferable  de  ceux  qu»  ne  içiucnt 
que  c'elt  d'ordre  au  monde. Mais  le  luge  louuerainvcut 
parfois  donner  rclalcbe  aux  criminels, poui  leur  donner 
occafion  de  penferde  plus  près  à  leur  vie  palîec  &  au 
fupport  de  Dieu  :  veutaulil  aduertir  ceux  ou»  lugcnt  en 
terre,&  qui  aliiflentauxiLîgemensSc  exécutions, de  cnn- 
fî'icrer  depres  ce  qu'ils  font  6c  vo)'cac  ,  aiin  que  le  lout 
vife  à  fin  conuenablc. 

F  E  ^  ^E  ayant  quatre tet'ins. 

Ï-^  N  l'année  mi  3 ,  ie  fus  appelle  pour  voir  vne  fort 
i  honorable  damoifelle, nommée  iLibeJU, fille  de  lean 
Mafel,  du  lieu  de  S.nuue,  mariée  en  premières  nopces  à 
feu  M.Sabourin  dottrur  médecin  à  Narbonne.  Elle  a- 
uoic  quatre  tetins, deux  de  chafque  cofté  nourriiïanr  ds 
cnfansaiîfiibien  des  vnsquedes  autres. Et  ce  qui  eft  cô- 
fiderablc,  l'on  reconoilfoit  fort  clairement  les  rameaux 
des  mammelles  vînir  des  axilUires,Sc  non  point  (com- 
me quelques  vns  pcnfent)de  la  foufternique  ,  laquelle 
n'cft  fafîîfante  de  dôncr  la  trctiefme  partie  de  la  matiè- 
re de  laquelle  le  laift  ell  crcc.Bien  vrai  eft  que  celle  fou- 
ftcruiqacn'eftanc  Fabriquée  que  pauiia  uourriture  du 

fîxiefme 


^  memorahles.  7^^ 

fîïicfmc  mufcle  de  la  rcfpitaucn  ,  &  de  la  partie  ixi^t- 
Ticure  des  longitudinaux  ,  en  paliànt  elJedorneaiiîdi- 
tts  mammellcs  vn  rameau  capillaire.mais  non  ceJ  «^u'il 
Cuffife  à  la  génération  du  laid.  L'on  tient  au/îi  c]uc  la- 
dite foufternique  à  communicat)ô  auec  la  matrice,  par 
le  moyen  de  l'hypogaftrique,  à  laquelle  me  feii/ble  que 
Narure  le  feroit  cTtrangemcnt:  i(  iiee  ,  fî  eJieen  auoit 
autant  donné  à  l'homme  qu'à  la  fcmmc-.vcij  que  i'hom- 
me  n'a  m  matrice  ni  mammelles  portans  lai6t.  'Burtb. 
Cabrai  enfcs  obferUiiUoni  tinatomiauesychjer.y . 


FILLE  ejTimee  ençe'inte^v.-ih  yicrgs ,  q* 


L'.AniÇ9î.iefus  appelle  à  Montpellier  pour  vifîter 
vneienne  fille  aagee  de  17. ans  tourmentée  des  mef- 
mes  accidés  qui  auienét  à  vnefemm^  enceinte, qui  veut 
faire  l'enfant.  La  mère  la  voyant  en  ceileilat  demeura 
raerueiilcuremcnttroublee  ,  penfant  que  fi  Hlie  Te  fuft 
oubliée  en  ion  honneur. De  fait. pour  la  reconoifirc  &: 
fccoLrii  (î  befoineftoic  ,  appelle  dame  Gcriiairs  fage 
fciwmcde  la  ville  ,  tics-renonjmee  pour  l'expérience 
qu'elle  aacquilc  enlbn  ait ,'  laquîriic  avant  reconu  le 
fdi<ft,  dit  à  la  mère  que  ce  n'eftcif  pas  m^iierc  de  rrco- 
noi(rance,maisqu'ilfalcirappeller  i:sailtre  Noc-i  Tour- 
tel  &  moi.Efians  a'^riucz  nous  vififalraes  la  panure  fil- 
le,trouuafmes  l'orifice  de  la  vuhie  fermé-,  auec  arr  as  de 
fang  mcnlrual  i'orti  hois  des  vaiifeaux,  &:  retenu  dedâs 
la  capacité  de  la  matrice  durât  neuf  mois, tout  auifi  que 
fi  ellecuftef^é  grolîe.  Aurint  que  d'y  ricn-fairc,nous  aui- 
fafm.es  de  faire  appelîer  mor.fi-ur  iaporrc  ,  docteur  ré- 
gent en  l'vniuerfiié  ,  hommetrcs  docte  &rTes-txpcrr, 
tant  en  théorique  quepratiqi;e.  Lui  venu.le fntdcbatu 
entre  nous  >  la  refolurion  fut  qc'cn  lui  fc'roic  vue  inci- 
flon  etî  long,  de  la  grandeur  de  quatre  doigts  ou  eniii- 


yf.G  niflûïres  admirai Uf 

''on,comm€fa  waturcaous  rcprcrcnroit.  Auflitoftl'o- 
pcratioii  lut  fait-  par  M.Nocl,  ciiiruigjcn  bica  dulic  Sc 
trcs  exp:rt.  L'ayant  raiu, il  en  ibrcicdijc  oudouzcli- 
uresdciang  groUîc;  3c  boiiv^ux  ,  rc{r>mblant  pluiloft  à 
lie  Je  Vin  ^u  a  du  lang.  Lap.iaart  tiiic  penla  perdre  la 
viid'vne  cuacuation  lig;andc  <5c  loudainc  :  mais, Dieu 
merci, &:  le  bon  Iccoui;>  tant  ciuuit  itcur  Saportc  ^uc  de 
nous, à:  norammeni  de  la  incrc  ,  qui  n'y  Cipargna  rien, 
elle  tue  rellauree  peu  à  p  u,£f  après  auoir  îargm  vn  lôg 
temps rcmiiv  en  Ion  pf-iimereltat  ik  en  bon  point»a  rcC 
eu  depuis, !fc  fc  portoitrort  bjen  i\*y  AgnacsS^'iJ^^irthe- 
lcmy  Cabroi  enjes  objet i»utions  ^tiAtomiqutSy  obfer.  b  3 . 

f  l  L  L  E  yrinMit par  le  nombril. 


EN  Tannée  iç  Ç  o.  cftant  à  \i  fuite  dn  lieutenant  gê- 
nerai pour  le  Roy  en  Langaedoc dedans  Lcaucsirr, 
fur  [ts  quatre  heures  du  loir  tut  fau  vn  falué  d'arqutbu- 
zadcs  pour  la  garde  de  la  v  «Ile  au  dcuanr  de  ia    porte  de 
mad. de  Varie  ,  oùpourlors  /eftoi^illis  aucc  pJutîcurs 
dimoileileS-Cefte  icoppcie-ie,  outre  TcfïiOy  commun, 
apportaencorevn  dommage  particulier  :  carie  papier 
de  l'vnc  des  harquebuzadcs  donnant  fur    le  ùb.e  «.   rc- 
iaillicfur    levifagc  &  fur  les  mair  s  d::  trois  ou  quatre. 
le  fus  appelle  pour  penfcr  la  plus  blcfice.     En  ia  pcn- 
lant,   ie  fcnriJ  vne  puanicurd'vrmc  i\  forte  ,  q ^e  ic  i^i 
prefque   contraint  de    quitter  celte  damoiicilc  fans  a- 
cheuerde  la  penfer:  nefcichant  toutcstoi»  bonnement 
îugerd'oùprocedoitcefte  puanteur,ou  de  lablelice  ,ou 
d'vne  autre  qiu  crc  tenoit  îachaiidelle.     Mats  bicn-ir ft 
après  que  ie  fustfclaircide  ce  doute  par  madamo)fei- 
le  le  Varie  ,    quim*aflcura   quec'cftoit  celii^qui  m'cl- 
cîairoit,qui  puoirainû  :  &que  \bn  pcredonucroit  vo- 
Jonaersia  mon  i&cle  Ion  bien,  &  qu'elle  fuit  bien  gué- 
rie, le  la  pri  ly  dr  me  la  faire  voir,  &  m'ottris  d'apporicr 
iQUt  ie  reaicd»  que  ic  pourrois  àloû  mai.  Sur  celte  af- 

fca  - 


C^  memeraùies.  y^y 

fcurance  elle  me  fut  prefentec  le  lendemain  ,  &troui3aî 
fon  ncmbri]  alorgédcquairc  doigts,  &  leniblableàia 
crcftc  d'vn  coq  d'Inde  ,  &  qu'elle  piflbit  ordinairement 
par  l'outraque,  tout  a'nfi  qu'elle  taifoit  dedans  le  vcn> 
tre  de  fa  mcre.  Ayant  reccnu  fon  mal ,  mon  appareil  e- 
ftant  prcft,  fur  le  poindquc  le  voulois  commencer  l'o- 
pération ,  le  me  reprclentay  tout  à  coup  le  danger  qui 
en  pouuoit  adiKuir ,  &  que  la  mort  fetoit  meuuabîc  en 
feimant  le  pertuis  d'enhauti  ii  l'on  ne  donnoit  ilTue  à 
Tvrinepar  lecooduitd'cxiibas.  Mais  la  pitié  fut  à  i'cx- 
hibition  des  picccstcar  la  paticnte,qui  pouuoit  elUeaa- 
gee  dedix-hui£tà  vingtans  ,  n'y  vouloitaucunemenc 
entendre. En  fin  vamcue  des  prières  de  Ani  pcre  &  de  la 
merc  ,  ccnfcntit  d'en  faire  la  morfiie.  le  tiouuav  l'o- 
rifice delà  vefcie  fermé  d'vne  membrane  efpaifle  d'vn 
icAonbu  plus, le  rcfic  bien  forme.  Q^ufut  caufeque  ic 
commençay  premièrement  à  cefte  partie  inférieure, 
&  ayant  fait  rouuertu'e  lui  mis  vne  canuiede  plomb, 
iufques  au  dedans  du  corps  de  la  vefcie  ,  pour  tenir  le 
conduit  libre,  &:  fai;e  que  l'vrinc  eiifl  Ion  naturel paf- 
lage  parla.  Le  lencitmain  ic  proceday  l'opération  du 
nombu!,&  y  fis  vneligacure  pareille  à  cell^  àcs  opera- 
teurs,lors  qu'ih  coupent  vne  cnterocele.  Car  iefis  pif- 
fer  l'aigijille  trois  fois  par  vn  mefme  trou,  cnembraf- 
fant  la  leccndc  lois  par  vn  des  coftcz  tant  fculeincnr,  & 
la  tierce  l'autre.auecvn  iilct  fon  &  bien  cil  c.  Cela  ùU 
iccoupay  près  de  la  ligature, caurerilay  le  bout ,  &  l'cf- 
carrc  tombé  le  iraitay  anec  dj:tcn;ons.&  dcficcatifs, 
comme  es  autres  vlccn  s.  Lafilie  tut  entièrement  gué- 
rie dedans  douze  iours.  Par  ail  li  ic  H.'acquitif  y  fidèle- 
ment de  la  promefTe  que  i'auoii  faite  de  la  guérir.  Mais 
ie  me  VIS  frwftré  de  celle  de  mad.de  Vane  ,  la  moitié  du 
bien  du  p«re  cOant  conuenie  en  vn  double  ducat  qu'il 
me  donna  pour  lalaircde  ma  peine. jTif/.  "Banhelenu  t4- 
hrol  en  fis  olfcr  nations  ^^ijfttomi<jues,obJèrH.xo, 


768  Hijioires  àdmlrAhlcs 

P  LVX  defv>;r. 

I'Ay  vcu  vnc  Nonnain,cle  petite  complexicn,maTgre  f: 
phlegmatique,qui  par  le  ucz  ,  la  bouche  ,  &  l'vrmanr, 
rendit  en  vn  jour  plus  de  dix-hui(ft  liurcs  de  faiîg.  Par 
la  gr^ce  àc  Dieu  ,  moyennant  diuers  rennedes  externes, 
&  inrcrnes.elle  en  futg'Jcriccn  peu  A^htiMC^olatih.  de 
Çradis,au  commentaire  fttr  le  5  Ç  .chapitre  du  liure  de  A^'Jis. 

Diane d'Ert  rendit  vn  iourdass  vn  g'ar\£i  baiim  dix- 
huid  licucsde  fang  par  le  nez. le  ie  peiay  moy-m^fmf, 
non  comprins  celui  que  du  commenccmenr  elle  auoic 
recueilli  en  (on  mou choir,cu  qui  eftoit  tombé  par  ter- 
re,*: fur  les  habillemc ns. L'eau  itVoidc  n'y  ayant  rie  fcr- 
uijOn  fit  roates  fortes  de  diL!Crlîons,par  1=  ignee,veniou- 
fes  en  p'r.lîeu-s  endroits»  par  fliedicamcns  aftiingenç, 
dc(Teichan?,ngiutinans  &  relerransrauec  herbes  propres 
en  Ton  porage.  Fin.-ilc'mencîe  Kas  s'arieila  par  vnem 
plaftre  fait  de  plaftre  dcftrempc  en  vn  blanc  d'œuf* 
SrafaHol.  ai*  5.  liure  de  fe s  Comment mt es  fur  les  yijfhûrtf- 
rnes. 

I*atreftcauoir  von  eu  vn  vîi/reau  vingt  Hures  de  fang 
&  plus  ,  pefces  en  ma  prcfonce,  coulées  du  nez  d'And  é 
cuifinier  dcî  F-edcic  de  G»<n:'.?o!jc  ,  Cardinal  de  Man- 
toiie,cu  l'efpjce  d'vn  iour  ôi  d?  àc^w  nuits. Ncantmoins 
il  futgaranti, voire  tcremenc  roa!ag'j,rioM  a  lôg  temps 
vefcu  dç^uis»y^arcell.T)onatia» liure  delà Jjetite  rairoUfClMt 

Antoine  Gorrea,  gcntil-hommc  Portugais,  cranailJé 
d'vne  longue  Heure  quarte,  qui  lui  eftoit  mlupportable, 
fe  trâlpcrtade  Milan  à  Rome.  Le  fti  iJ.rJors  trcs-alpre, 
&  la  longueur  du  chemin  redoiiblans  Ion  mal ,  fondain 
vn  flux  de  fang  par  le  nez  le  faifit ,  en  tejle  abondance, 
qu'en  l'cfpace  de  cinq  iours  il  en  rendit  deux  liures  ,  par 
la  mrinegauche:tt!lemenr  que  les  feruitcurs  penfoyenc 
plusà  fa  fepuiture  qu'à  nulle  autre  chofe.  Neantmoins 
on  luiariiftaroigneurcmcnt.   Eotre  les  remèdes, on  ap- 

perccus 


cjr  mémorables.  yè^ 

pcrceut  qucics  vcncoufcs  appliquées  fur  l'endroir  c[c 
la  ratvJic,&  l'eauj  froide  aux  icfticulcs  fouacnt  reitcrec, 
luiaidcrenc  beaucoup.Durant  ccflax  de  lang,  Ja  Heure 
ic  laifïa  mais  ce  fut  pour  reuenir  au  bout  de  quelques 
iours  ,  i'iniempcrance  de  ce  corps  plein  d'humeur  bi- 
lieufc  aduftenc  pouuant  permettre  œieux.  ^matusV^r- 
tugan,enla  i ,(jeiJttirie,Cure  lOO. 

Vn  îeune  homme  nommé  Bcrdauid,  faifant  voyage 
en  pays  chaud  fut  afTailly  d'vn  tel  flux  de  fang  ,  par  le 
ce2,qu*enrcfpacede(îxiours  tant  furies  chemins  qu'é 
fa  maifon,il  perdit  cinquante  liuies  de  fang.  i^our  J'ar- 
jcfter  on  y  fit  mile  remèdes.  Nul  n*y  femit  que  la  fai- 
gnce  de  la  vaincccpha'iqucjlailFant  couler  le  fin  g  par 
int  ;raalics  diuers  en  TeTpace  d'vne  heure,  fclon  la  por- 
tée du  patient,  duquel  neus  arreft^mesainfi  le  flux  par 
Je  ncz.i-e  mefme  en  U  y. Centurie, cure  60. 

F  0  yD  I^EStora'reSyç:^'  TowrbUions 
ajtran^ei. 

ENuiron  l'an  m>il  cinq  ces  quarante  trois  aduint  en 
riile  Eipagnolecequi  s'enluit.  Du  coftcdaLeuanç 
Se  'cua  vne  fi  horrible  te  mpefte,que  les  habita*  n'auoV)- 
cn  fouucnauce  d'en  auoiriamais  veu  vne  tcJJc.  11 
cojracdcs  vents  &  tourbillons  impétueux  :  entre  au- 
îrcs  vn  meruei'lcufemcnt  vioî''nt  ,  |Uî  les  Indiens  ap- 
pellent Huraca/iy^ucc  vne  telle  furie  ,  qu'il  fembl- ir  de- 
uoir  emporter  ciel  &  terre.  Iln'yauoit  homme  qui  ne 
penfaft  eftrc  au  dernier  iour  de  fa  v.e  ,  U  que  ies  El-mcs 
le  deuflTenc  mcilcr  l'vn  parmi  l'autre  ,  &.  que  la  fin  diï 
inonde  fart  venue.  Les  elclairs  reluifans  de  t©us  ici  co- 
llez du  CK-  jtfpais  ,  s'entiecoupoycnt  11  menu  que  i'vù. 
n'atccndoit  pa;.  J'aucrc:  les  tonnerres  grands  &  honi- 
bles  aucc  vne  obicunic  de  nuidl ,  &:  des  tcn.bics  li  cù 
paiires  en  plein  iour  ,  qu»  les  peifonnes  ne  pcuiioycni 
s'sntreaoïr  ny  reconoiftre:  tant  eftourdic»;  au  rcfte,  ef- 
§ouuantcef;&  comme  hors  du  Icns,  que  t'ciloita  coii* 

4»  (a 


77^  J^ifioires  admirables 

rir  çà  &  là, fans  fçnuoir  où.    D'autre  cofré  vous  cuflïer 
oiiy  les  vccts  conibacns  Vvn  contre  Tautic  ,  &  lîfflans 
hornblerncnc  parmi  i'aird'j  ctiie  tune  qu'ils  arrachoy- 
cnc  les  arbres  tous  entiers  ,  al^bptoyciu  lcspo)nics  des 
inonragQes,&  aucc  vn  bris  &  tracas  merueillcux  les  f^i- 
foyent  rouler  contre  bas5les  icaant  tnr  les  plaines  ,  aca- 
blanclcs  mairons,&  acrauanranc  ceux  qui  y  habitoyenc 
Il  y  cucmefme  des  maifons  eiîtieres,  pcrlonncs  &  tour, 
qui  furent  emportées  en  l'air  par   ces  furieux  rouibil- 
lonsjéc  toutes  mifes  «n  pièces.    Durant  ces   calaniiiez 
vous  n'eolîîez  oiiy  farmi  ces  pauures   peuples  autre 
chofcquc  cris  lamcmablcs  6:  douloureux.  AulFi  en  peu 
d'heure  ces   tourbillons  firent  des  maux  irréparables. 
£t  n'y  eut  pas  iufciucsauinauires  de  l'Amiral  ,  Icfqiicl' 
les  cûoyentleurcmenc  à  Tabry  &à  couaert  en  vn  bon 
port,   quine  fe  lentiflcnt  àbon  efcient  de  ce  cnaiiieur. 
Car  quoy  qu'elles  fifTcni  amarccs  auec  bonnt  s  £tfories 
auchres  attachées  à  bons  gros  cables  toit  neufi,fi  eftcc 
que  tout  l'équipage  fut  rompu, les  cordages  coupez,  les 
vailleaux  fracalicz  &aiis  àfondauec  tous  les  mariniers 
<\n\  cftoyct  dedans.  Quelques  Indiens  pjrmi  cclt  crfioy 
fcrduuerét  en  dcsgro:tcs  &:  canains  parles  châps.  Mais 
au  forcir  ils  eftoyent  encore  tant  efpouuanicz  d'vn  fi  c- 
ftrange  accident,qu'à  peine  pouuoyent-ils  refpircr  ,  & 
auoyciu  la  voix  fî  fort  rcferrce  de  frayeur,<ju'ils  dcmcu- 
rcrcnt  long  temps  fans  pouuoir  dire  pas  vn  feu!  mo  „  A- 
pres  tout  l'orage  paifc, les  nacuiels  habitans  dcrilltr  ic- 
Uenus  à  eux,  toutes  les  fois  qu'ils  deuifoyent  de  ceft  ac- 
cident ,  quiauoyent  toute  autre  opinion  que  les  Chre- 
ftiens  :    car  iisacrribuoyent  la  caul'e  de  tout  ccll  orage 
aux  vicieux  &malhcureuxdtporrcmei)S  des  Elpagnols, 
'&difoyent  qucle  ciel  vouloit  les  ci^.nlier  de  leur  pais.  /. 
Xcn7(o !Mtlannoii    aui.liH.defon  hijloire dtt    nouuean  monde, 
(haf).  lo. 

Au  bout  de  cinq  ans  dclàdcui  autres  tels  orages 
aduindrent  en  rifle  Efpagdole  ,  &yencutaufli  d'e- 
ftrangcs  ,  lorsque  i'ettois  en  terre  hrmc  ;  mais 
le  dernier  entre  autres  fut  mémorable ,  CJc  ciïiaya  mer- 

ucilku- 


s*  memorahtes.  jj  % 

ceillcufemfnt  toute  l'islcll  g?>(taqua{î  toutes  lesfeme 
CCS,  ruyna  la  plus-part  des  mailons ,  &  les  engins  a  fai- 
re le  Cucrc  ,  &  tua  prcf^ucs  tout  le  bcftail.  De  forte  cjuc 
IcsErpagnois  fureuc  réduits  à  extrême  diret!e|&  fuffent 
mens  de  faim, fi  les  nauirts  d'Eipagne,chargces  de  fari- 
nes,bifcuits  6c  autres  municionstneruilent  airiuees.^a 
tnefme  Hure  \y  chapitre. 

Huracan  ,  en  la  Lîngue  de  l'Iile  Efpagnole.vaut  autac 
à  dire  comme  ,  vn  fort  raauuais  temps  ,  ouvnetem- 
pcftceftrange  :  n'cftant  en  cfTcâ:  autie  chofc  <ju'va 
grand  tourbillon  de  vents  impétueux  ,  cntremeslé  de 
pluye.  Ouiedo  fait  mention  de  deux  Huracans  entre 
a'Jtres  ,  dont  Je  premier  aduinc  l'an  mil  cinq  cen« 
neuf,  eftant  gouucrneur  de  l'isle  ,  le  commandeur 
dom  Nicolas  d'Ouaudo.  Il  commençapar  vn  vent  de 
Tramontane,  fuiui  de  pliiye.  Aufli  toit  <^ue  les  mari- 
niers &  matelots  qui  eftoyent  à  faintt  Dominique  le 
feniirent  venir, ils  gaignerent  viftemect  les  baftcaux,  8c 
dcualercnt  force  ancnres  dedans  la  trer  pour  a/Tcurer 
les  vai (féaux  qui eftoyeut  au  port.  Mais  la  tourmente  fè 
renforça  de  telle  forte  ,  qu'il  n'y  eut  ni  ancbrc  ni  cable 
qui  ne  rompift  :  &  fut  force  d'abandonner  les  vaif- 
fcaux  au  gré  du  vent  ,  qui  les  chalTa  contre  bas  la 
riuiereversla  mer  ,  &  porta  ks  vns  contre  des  ro- 
chers qui  font  le  long  de  la  code  ,  ocrait  à  fond  les  au- 
tres, dont  onn'ouyt  iamais  nouuelles  depuiî.  Puis 
tout  foudâin  le  vent  va  changer  ,  oc  comme  celui  de 
.Nord  les  auoitchalTez  vers  l'eau  ,  ccftui-ci,foufflant  du 
Sud.aulTî  impétueux  que  l'autre  ,  les  rechaiTafuneufe- 
Bienc  vers  le  port  &  contrcraont  la  riuierc.  De  for- 
te qu'il  fe  perdit  par  cefte  tempcfte  plus  de  vingt  vaif- 
feaui,grands ,  n  oyens,&:  pctis.  Ceux  qui  virent  cela  di- 
foycnti|uec'cftait  le  plus  horrible  &clpouuantab!c  Ipe- 
âacle  >  qui  iamais  Tçauroit  eltre  vcu  par  yeux  d'iiom- 
me  :  &  fcmbloit  que  ce  fulTint  ,  non  pas  vents» 
mais  vrais  cfprits  malins,  qui  porc«(fll*nt  &  tournebou- 
Jartcnt  ces  vailfeaux  de  part  &  d'autre.  L'autre  fembla- 
ble  orage  aduint  l'an  iuiuant  le  vingi-ncufiefme  ioujj 


jyi  Hiftoires  admirables 

de  \\i\\\tt.Vrhatn  ,Cb:iuuiton  en  fou  dipoursfur  ce  îO.ch^u  |, 
liure  de  L'injioirt  de  "BenT^o. 

En  la  prouince  de  CarthagcnC)  quand  le  maJin  efprk 
veut  clpouuanier  ceux  du  pays,ll  les  raepacc  da  Hura- 
cans.  Défait  quelcjucsfois  il  enfuiciic  dcfieftrangcs, 
qu'ils  emporieni  les  maifons,  dcûacinent  les  arbres  ?  âc 
renucrfciu  (  par  manière  de  dire) ks  momagncs  un5 
deflu:.  deffous.  Ouicdo  raconic  que  vne  fois  en  paflanc 
far  vne  montagne  de  la  terre  ferme  des  Indes  »  il  vid  va 
icrribk  mcfnage.  Cefto  moncagc  (du  il)  cfto.t  toute 
couuertc  d'arbics  grands  ficpetis  cncaftczelpais,  l'yn 
fur  l'autre,  rcTpace  déplus  de  trois  quarts  de  licuc  :&y 
en  auoit  beaucoup  d'anachez  hors  de  icrre  auec  toutes 
ïeurs  racines  ,  quimonioycnt  autant  que  tout  le  reilc. 
Chofefîefpouuantable  ,  que  fcukmentà  la  voir  elle 
donnoitfraycuf  àtous  ceuxqailaregardoyent  >  com- 
me iugcans  que  c'eftoit-là pluftolt  vne  CEuure  diaboli- 
que que  naturelle.  Somm.  de  V Inde  Occideiuaie,  Jja-^ 
pitre  I  I . 

l'ay  foaucïunce  qu'eftant  en  la  ville  de  Valence  en 
Dauphiné  ,  après  phiiîeurs  grands  &  horribles  tonner- 
res,b  foudre  tomba  en  vne  maifon  de  delà  le  Rholne  à 
l'endroit  du  bac  Je  feptiefrae  lour  d'Aouft.M.o.LXVi  l 
&  entra  par  vne  fcneltrcdu  coftcde  Scpientiion  en  la 
chambre  haute  ,  cafTant  le5  verrières  &  rompant  les 
verges  de  fer  qui  y  citoyent.  Vn  icune  homme  cou- 
ft  uricr  ,  citant  dedans  celte  chambre  ,  où  il  trauailloit, 
fut  attaint  6L  tué  foudain  de  la  .^oudre  ,  qui  l'abatit 
fur  le  planché  ,  où  il  fat  trouué  roide  mort,ayant  'e  co  * 
fté  droit  en  feu  ,  far  lequel  on  itita  de  l'eau  pour  l*c-. 
itemdre.  Sachemifcen  fut  toute  bruilec,  comme âufiî 
'vn  colct  de  cuir  qu'il  portoit.  Au  mcfme  inftant  irois' 
hommes  qui  eftoyent  dclTous  ccfte  chambre  au  bas  c- 
ftage  afîîs  à  table ,  &  beuuans  eafemble,  en  furent  tcUc- 
méttouchcz,qu'vnd'iceuxiettépar  terre, commedcmi 
mort,  fut  trouué  ayant  vn  de  ks  foulicrs  tout  fendu  par 
ic  deflus.Mais  ce  fut  hiè  le  pis  de  fcsefpaules.kfquciks 
en  dcmeurerét  toutes  meurtries.  L'hoitc  preknt  &  Uc-  > 
bout  en  fut  frappe  aux  bras  £c  à  i'vn  des  ul6s;fic  rêuerfé^ 

pv  i 


& 


mémorable  s,  77  j 


par  terre  corne  les  autres  deux.jLe  troifieme  eftoit  jncr- 
ucillcufemcc  cftoné:mais  nô  frappé  cômc  fes  côpagnos, 
qui  furent  fort  malades  l'efpace  de  quelques  iours.  Je 
fus  le  lendemain  fur  le  lieu  &  p^f-lay  à  eux, qui  me  dircr 
<ïue  los  que  celaaduint  ils  ne  royoyent  autre  chofe  que 
fc  J  àz  cous  coftez.  Celte  maisô  feruoit  de  tauernerPho- 
(te  citoit  home  faroufche  &  mil  embouché.  Celui  qui 
eut  les  tfpaules  marquées  &  le  coufturier,  n'eftoyenc 
gacrcs  mieux  inftruits, ce  difoit  la  voix  commune.  Re- 
gardant par  quel  endioit  la  foudre  auoit  paflé  de  la 
chambre  au  bas  eftagc  ,  ie  n'appercns  autre  chofe  fors 
vne  petite  marque  ,  comme  vne  efgratignurcau  bas  de 
la  paroy  de  cefte  chambre  contre  le  p!ancbé  ,  du  coflé 
de  feptentrionrdonc  ie  fus  eftonnc,  voyant  de<i  cffcfts  (î 
admirables  de  la  fouldre.  I.ChaJJltnion  snfon  traité  de  Cire 
de  Tyicufur  lespeche^despeu^leSyliH.x.chap.iO' 

L'art  M  r>.  xxi.  La  veille  de  S.Piere,enuironIes  fix 
heures  du  foir  ,  la  foudre  tomba  fur  la  groffe  tour  du 
pb'-tail  du  chafteau  de  Milan,  que  les  François  tcnoy- 
eut  pour  lors  :  dedans  laquelle  y  auoic  z5o<miliersd4 
poudrejdouze  cens  pots  à  fen^fix  cens  lances  à  feu,&  da 
fel  pour  la  prouifion  de  cinq  ans.  La  tour  fut  emj»oriee 
iufqucsaux  fondemens  aucceniîiron  fixtoifes  de  cour- 
tine de  chafque  coftc.  Sotîs  les  ruy  nés  de  cefte  tour  de- 
meura le  capitaine  Richebourg  commandant  au  cha- 
ftcau,auccplufieurs  gentils-hommes  &  foIdats>  fe  pro- 
menansaulongd'iccile,au  nombre  de  trois  cens  hom- 
mes fans  plufieurs  autres  qui  fc  promenoyent  en  la  pla- 
te hcrs  du  chafteau.  Il  y  eut  des  quartiers  de  murailles 
poufTcz  par  hfjrce  de  la  poulre  iufques  à  demi  quart 
de  lieu  de  là,que  cent  boeufs  n'cuffenc  fceu  rcmuct.M'dt* 
^clLty  ait  1  Jiu.  de  fes  mémoires. 

Par  vne  tempeftcquis'eneua  foudainement  auecfeii 
&  foudre  du  ciel  ,  la  ville  de  Cleruaux,  alTez  peuplée  & 
marchande,  afTilefur  leDou  ,  en  la  Franche  Comté 
de  Buurgongncfat  en  moins  dctrois  heures  toute  cm- 
brafee  &confumec  par  le  feu  le  mardi  vi  i,iour  d'Oflo- 
b:c,ran  MD.xxxirii.  Oe  forte  qu*il  n*y  demeura  rien 
d*cûtier,ni  Eglifcs,  ni  chafteau, nnnaifon s  :tout  fut  rca- 

ce    5 


77#  Hijloires  admirables 

Ucrfé  fors  vnc  maifcn  qui  efioit  hors  le  circuit  de '^ 
ville.  Le  coup  fut  fi  roudaiji,rctffoy  fi  grand,  la  delol^" 
tion  tant  horrible»  que  le  pauurc  peuple  etpcrdu  ne  fça* 
Uoicde  quel  cofté  fe  tourner.  Le  vcnt,!a  tcmpcft.-,  I  \  fu- 
mée ,  le  feu  les  aflîegcoyent  de  toutes  parts,  tellement 
quepluficurshommcs>fcmmes  &petifenfansy  mou'U-. 
rcnt.    Ceux  qui  rcfchapptrent  fi»:ent  brusier  a»\  b  aS»^ 
aux  iambes,&  es  autres  endroits  de  leurs  corps  chacû  fe 
fauuant  comme  il  pouuoit.    Car  tout  cftoit  en  f.^mmcï 
loue  trembloit,touttoraboir,  toutes  chofes  pcnlToycnti 
&  n'entcndoit-on  que  pleurs, cris, huecs  ,  &  gi  icfues  la- 
mentations. Briefiln'y  auoit  là  que  des  fpcctaclcs  hor-,. 
ribles,&  maintcrs  images  de  mort  elpouuantable.  Tel-^ 
le  fut  la  deftruftion  de  cefte  pauure  ville  ,  reilaarec  de-, 
puis  peu  à  pcu.I.ChaJJainon  au  Hure  CT"  chap .^ufmenttonné. 

Aucomaiencemcn:  de  I*an  m.d.l  v.les  pays  de  Saxe, 
MiCneà  Bohême  ,  fu-ent  bacius  defouîdres  du  ciel  8c 
de  tempcftcs  eftranges,qiji  ruinèrent  infinis  édifices ,  ôÇ{ 
beaucoup  d'EglifcS  ou  temples  ,  ce  du  SUtdanenfes  Com^ 
mentaircs.   . 

Le  capitaine  Laudonniere  raconte  ce  quis'enfuir.  Le 
19-  lour  d'Aouft  I  ^^4.  li  tombaademic  lieue  de  noftre 
fort ,  en  la  rloride,  vn  foudre  du  cicI  ,  plus  digne  (  cç 
croyic)d'e(lrc  admiré  &.  couché  par  efcrit,  que  tous  les 
cftrangcs  fignes  que  l'on  ait  veu  par  le  pa/ré,&  dont  Icf 
lîifio'iens  ayent  iamaisefcrit.  Car  nonobftant  que  Ic^ 
prairies  fulTent  en  ce  temps  là  to;  t.s  verdes  &  mi  cou-« 
Beries  d'eaux  ,  fi  cft-cequc  ce  fouldreen  vn  inftanten 
confomrrta  plus  de  citiq  ccn«  acres  ou  arpenf,  &  brisl^ 
par  fa  chaleur  ardante  tous  les  oifeaux  qui  lors  s'efga- 
yoient  par  les  prairies  rchofe  qui  continua  par  l'efpac^ 
de  trois  iours  ,  ^ui  ne  fut  fans  nous  bien  donner  à  peu* 
fer,ne  pouuans  luger  d'où  proccdoit  ce  feu  :  car  tantoft 
aousauions  opinion  que  les  Indiens  brusloyentleurç 
jnaifons  ,  &  pour  crainte  de  nous  abandonnoyent  leur* 
places. Tantoft  nous  eftimions  qu'il»  auoyét  defcouucrt 
quelques  vaifieaux  en  mer  ,&  que  fuyuant  leur  couftu- 
ineilsa'lumoyent  çà  8:  là  force  feux,  pour  faire  enten- 
<irc  qu'il  y  auoit  habitaiioa  en  leur  cerrc.ToutCJ  fois  n'ç 

cftanc 


fjr  memorahlesl  yyf 

cftjnt  affeuré  ,  ie  refolusd'couoyer  le'Prfrrffo»//,  (cfci- 
^x-\cvix)Urranay,^o\.n  en  fçauoir  la  vérité.  Mais  comme 
i'cftois  fur  le  poiiift  de  faire  erabarf]uer  qucl4u'vn  pour 
decouurir  ce  faii,lîx  InJiés  arriuerenc  de  la  part  du  î'^- 
ncoufi  yilicamany  ,\  qui  de  première  entrée  me  fî-ent  vn 
grâd  difcours(apres  m'auoii- pieienîé  quelques  paniers 
pleins  de  mil,  de  curoiiillesâc  de  taillas)  de  l'alliance  a- 
miabie  qt*  ^l;cantuny,â\ioit  enuie  d'étretenir  aucc  moy: 
&  quedciouren  iour  il  ne  faifoic  qu'atcendru  l'heure 
qu'il  me  plairoit  l'employer  à  mon  feruice:Poarce,en- 
tendu  l'ûbeylPance  qu'il  me  ponoi: ,  il  trouuoir  fct  e- 
Rrâ-gz  h  canônade  que  i'auois  fait  tirer  vers  fa  demeu- 
re,laquellt  auoicfait  brufler  vne  infinité  de  verdes  prai 
rics,&  confumé  iufqaes  dedans  l'eau  ,  approché  mefme 
fi  près  de  fa  demeure,  qu'il  pcnfoit  voir  le  feu  en  fa  mai- 
fon:pourcc  ilfapplioit  crcs-humbîement  de  dcfFendre  a 
mes  gens  de  plus  cirer  vers  fon  logis raurrement  il  feroit 
contraint  pour  l'aduenir  abandonner  fa  terre.  &  fe  reti- 
rer en  quelque  lieu  plus  efcarta  de  nous.  Ayant  entendu 
la  folle  opinion  de  celt  homme, qui  toutesfois  ne  nous 
pouuoit  eftre  que  beaucoup  protitable,  ie  difllmulay  ce 
que  i'en  penfois  pour  !ors,&rcfpondis  aux  Indiens  d'va 
vifageafTez  ioyeux  ,  que  le  recic  qu'ils  mcfiifoyent  de 
l'obcyfranccdelear'?dr^coi*/i  ,  m*eftbic  fort  agréable, 
pource  que  par  le  palîé  il  ne  s'eftoit  monftrc  '•el  en  mon 
endroit, fpecialement  quand  ie  i'auuis  fommé  de  me  rc* 
uoyer  certains  prifonnierSjlont  loutesfois  iln'auoitte- 
nugrand  copte,  qui  eftoi.licaufe  principale  pourquoy 
ieluiaiioisfait  tirer  la  C3nonnidc  :  rion  que  i'eufTe  eu 
enuie  de  donner  iurques  à  f^  maifon  ,  commr:  aifémcnt 
ie  pouuois  faifc,fi  bô  m'euft  séblc.mais  que  ie  m'cftois 
côtété  de  faire  tirer  iufques  à  mi  chemin, pour  luy  faire 
conoiftre  ma  puilTance.  Au  refte  te  r.jiïcurois,moyennât 
qu'il  pcrfeueraft  en  ù.  bonne  affeiSliô,  qu'on  fe  déporte- 
roic  de  plus  faire  tirer  à  l'auenir ,  que  ie  lui  fcrois  loyal 
dcfenfeur,cô:re  fes  plus  g  ads  ennemis.  Les  Indiês  con- 
tentez de  marefpôfe  retournèrent  a(Teurer  leur 'Paracou- 
fif  qui  nonobftant  l'affturance  s'abfcnca  de  fa  demeure 
ibisn  vingc-cinq  lieues  ,    &cc  par   l'efpace  de  plus 

ce     4 


77^  Hijloirâs  admirables 

de  deux  mois.  Les  trois  iours  expirez  Tardeur  s'eftci- 
gnic  du  toirt. Mais  les  deux  iours  fuiuans  furuint  en  l'air 
vne  chaleur  fi  excciïiue,qaela  riuicre,  ioignant  'aquel- 
le  nou<  habicions  >  deuint  tellement  chaude  ,  ^uc  pref- 
quss  elle  bouillit, comme  ic  rroy.  Car  i!  mourui  vnc  (î 
grande  quantité  de  poilFoiis,  &  àc  xli  d'cfpeccSjCju'en  la 
lefule  embouchcure  de  la  riuicre,  on  en  trouuadc  morts 
pour  lutHlamment  charger  cinquante  chariots  ,  donc 
furuint  vne  putréfaction  en  l'air  qfui  nous  caufa  force 
ma'adies  conta^i^ieufeSiiurques  à  voir  la  plus  partdemcs 
hommes  malades,  &  comme  prefts  de  finir  leurs  iours. 
Toatesfois  Die'i  y  prouHeutfi  bien  ,  que  tousreuin- 
drent  en  conualefcence.C'eft  le  récit  du  Capitaine  Lau- 
donnicre  en  i'hïjloire  de  [on  fécond  yoyage  enla  Floride. 

Tay  oiii  raconter  plufieurs  fois  à  vn  bon  &  àoQic  per- 
fonnige.de  prefentaagé  de  foixanicfîxans  ou  enuiron, 
qu'cftantieuncefcholier  à  ThcuIouCc,  il  fur  pardeur 
fo's  voyager  es  môcs  Pyrenees.Q_u'c  ces  deux  vc  yagesil 
aduiiîtjSc  vid  ce  qui  s'enfuit.  En  vne  croupe  fort  haute* 
&  fpacie  jfc  de  ces  monts  ,  fe  rrouue  vne  forme  d'autel' 
fdit  antique,  fur  quelques  pierres  duquel  font  graucz' 
certains  characîlleresroe  forme  cftrange.  Autour  &  noti 
loin  de  ccllau-el-fc  trouuerenc  lors  d'iceux  voyages 
des  paft^  s  &:  rurtiques,  'erqncls  exhortèrent  &:  prièrent 
ce  perlonoage  &  plufi.urs  autres  ^  tant dchohers  que: 
de  diuerfc>  conditions  ,  de  ne  toucher  aulîcmerir  ceft 
auteî.  Enquis  pourquoy  ils  failbycnt  ccflc  inftancc,rc- 
fp ondi^cnc  ,  qu'il  n'importoit  d'en  approcher  pour  le* 
Toii  &  regaf-der  de  près  ranrqiie  Ton  voudroit  :  mais  de 
l'acouchcmenr  s'cnfuiuoycnt  mcrueiljcux  change- 
mens  en  i'air.  il  failoitfort  beau  en  tous  les  deux  voya- 
ges.Miis  au  premier  fetroiiua  vnmoin;.*  en  lacÔpagnic,- 
qui  fe  ri^nt  de  radaeirilifcment  de  ces  paftres  ,  dit  qu'il 
vouloit  effayer  que  c'eftoii  de  ccft  inchantcmcc:&  tan- 
dis que  les  autres  amuioyent  ces  ruftiques  ,  approche 
de  l'autel  &  le  touche  comme  il  voulut.  Soudain  le  ciel 
i^obfcurcii,  les  tonnerres  grondent.'lc  moine  &  tous  les 
autres  ^aignctau  pied;mais  auant  qu'ils  cnfTent  atteint 
iç  bas  ic  la  moûtagQç,apres  pluûfurs  eftlals  de  foudre 


éf  fnehiorahles.  ^  777 

ICcTorageseffroyablcSjii s  furent  moiiillcïiufqucs  à  la 

{►cao,pourfuiuis  au  rcfte  par  K  s  paftrcs  à  coups  d«  cail- 
oux&dc  fondes.  Au  fécond  voyage,  lemcfmefut  attc-' 
té  par  vn  cfcholJer,aucc  rrjefmcs  ■^itccls  de  foudres,  ora- 
g;e$,&  raDÏnes d'eaux,  les  plus  eftranges  qu'il  eft  poflî- 
olcdc  penfcr.£:t^r.t;('ï  de  mes  mémoires. 

l.Bodiu  dit  en  fa  Demonomanie,  que  \^  couftumc  de 
trainer  les  images  &  crucifix  en  la  nuiere  (  dont  nous 
propofons  vne  hiftoircau  chapitre  des  fapcrftitions 
damnables,ence  volumc)pour  auoirdela  pluyc,  fe  pra- 
tique encore  en  Gafcongne  ,  &i'ayveu  (dit-il  )  faireâ 
Thoulouf^  en  plein  iour  par  les  pecis  enfars  dcuanc 
tout  le  peuple,  qui  appellent  cela  la  tiremalTe.  Et  fc 
trouua  quelqu'vn  qui  icrta  toutes  les  images  dedans 
les  puits  du  Salia,i'an  IÇ57.  Lors  la  ployé  tomba  en 
abondance. 

C'cft  vnefignalee  mefchanccté  qu'on  paflepar  fcif- 
france,&  vnedo6\rinc  de  quelques  forciers  Aqcc  païs- 
Ia,qui  ont  cnfei^né  ccftc  inopicté  au  pauute  peuple.  >Att 


F  T^A  r  E  V?^  exn.-îordmaire. 

L'An  mil  cinq  cens  vingr-deux  l'EfcolTc  eftant  agi- 
tée de  troiiblfs  ^  difrenfîons  ciuiles  en  l'abfence  du 
viceroy,vn  milord  Angiois  entra  dedans  auec  dix  mille 
tommes,  &y  fit  de  grandi  rauages  ,  puis  congédia  la 
plufparrdc  Ton  armée.  Les  EfcolTois  demcurans  fur  la 
îrontiere  ,  voulans  auoir  leur  rcuenchc  commencèrent 
âfe  mettre  aux  champs  Se  emmenèrent  force  butin  de 
la  comté  de  Northumbelland.Cc  milord,  qui  les  auoit 
•parauant  molefttz  fnt  cni'oyé  contre eui,  &  print  vne 
>illctte  nommée  ledboiirg,  mais  auec  beaucoup  de  dif- 
ficultez&  perte  de  gens.  Toft  après, fans  qu'on  ait  peu 
ï^auoir  comment  cclaaduint ,  certaine  frayeur  furprit 


77« 


HiHoires  admirables 


de  niiift  le  camp  des  Angiois  ,  nommém.'nt  leurs  e^xv 
u«ux  qiM  comni.nçcront  à  fouiHe», rac:r,ronHer  &  ruer 
de  Façon  eddn^^e.Il  y  en  eur  prcs  de  cinq  cens  qui  ayans 
rompu  licols,  ba-res  6c  t"crmc(urcsl"ortircnc  en  cjmpa- 
gne  ,  &.  comme  enragez  foulcrenc  aux  piïds  cous  ceux 
qui  s'cirayc^ycnt  de  les  arrcfterrpuis  commencent  à  cou- 
rir impcrucufem^nt  à  crauers  champs  &  fort  loin  du 
cîmp:fioalement  comb^renc  es  mains  des  EfcoflTois  qui 
fî''enr  vn  trclbeau  buiin  Le  camp  des  Angloi*  en  tue  ça 
mcrucilleux  alarme  coûte  la  nuift  ,  &  ne  fu'  poffiblc 
d'appailcr  le  tum'ilte,quc  fur  le  jour.  De  là  s'enfuiuic 
Ja  retraite  de  Taimec  Angloife.  ^BHchanan  au  i^.lmre  de 
Vhijlolre  d'EfcojJe. 

Les  fedicieux  qui  en  ErcofTeauoyenttuc  le  viceroy 
Tan  ï  y  71. s'cftis  depuis  afTimblcz  à  Edimbourg  ,  afin 
de  pro'juoir  àlsu'S  aFatres,vn  (oirfurêc  rousCqaoy  qu'c 
g'and  nombre)  frappez  de  telle  fr.iyeur ,  que  fans  qu'il 
apparut  caufe  externe  de  crainte,  ils  demeurerenr  en  ar- 
mes toute  la  nuftjSc  ceilcmsnc  efpouuanu  z,quedes  Id 
fin  matin  ils  dedogerent  tous  en  grand' hallj  ,  &  fans 
ordrejiors  de  la  vùic.Lemefme  hijlorieiiA'A  \o.imre. 

Sebiftia"., premier  de  ce  num.roy  de  Portuç»-»! ,  ayant 
perdu  vne  bataille  contre  les  Mores  en  lacotii  \ç,  Bar«- 
barir  au  mois  d'Aoart  de  l'an  mil  cinq  cens  fepiantc 
liuiit:8cn'appa-o  lîînt  plus  depiiis(les  vnslecen.is  pour 
morf,\ç  auçres  prilotnicr  inconu  es  mains  à.<.'s  Birba- 
res  ,  Se  aucuns  difcourans  depuis iufques  à  prefent  fort 
diu^rlement  d*  l'eltic  de  ce  Prince  )  Ion  oncle  Henri 
lors  Gardini!  fut  app^:^é  au  gouucnic 'Tient  &  eile|i 
Ruy  .'dipuis  la  more  duquel, y  eut  débat  entre  Don  An»- 
tonio.d:  Philippe  roy  d'Erpagne,pour  la  ruccellioii  à  ce 
Royaamc,finilemenc  gaignù  par  Philippe,  le  plus  fort. 
En  la  guerre  faite  entr;;  eux  depuis  lo.  deces  du  Cardi- 
nal mort  Tani  s  So.rcpjflcrctdiuerfes  chofes  notables, 
qui  feront  remarquées  es  endroits  conuenables  de  cc 
volume  &■  des  fuiuans.  Eii'rc autres  aduint  que  \ts  Ca- 
ftillans  ayans  prins  fur  Don  Antonio  la  ville  de  Setu- 
bal ,  non  rropclongn  :ede  Lifoonne  par  le  chemin  de 
la  mer,pluiîeurs  Portugais  s'clUns  embarquez  pour  y 

cou* 


&  memorMeî,  77$ 

courir  au  fecou's,  on  leiu  apporta  nouuellc  (îe  !a  pc:  te 
df  ceft';  p'acc  :  au  moven  dccjuoy  tous  defconforctz  ,ils 
deicendert  fur  les  ncuf-htru- es  du  loir  d'  leurs  naiiires 
en  terre, &  le  icti'ctni  en  leurs  maifbns  dedans  Lisbô- 
ce.  Su)  la  minuiâ:  vn  bnut  Jont  l'auteur  fut  iiiconn  fe 
Icuc  par  la  ville  ,  que  les  Caftiilans  approchoycnt ,  voi- 
re c|u'iis  tftoyent  aux  portes,  &.  dedan'  les  places.  Cha- 
cun comméce  à  crier  alarmer  par  Irs  maifons  &lt:s  rues, 
de  forte  qu'onccjue  re  fut  riiiefi  forte  teinf  efte  de  liur- 
lemcns  &  de  voix  mesiccs  de  cris  clfn  y^b.'cs  &  piroya- 
blcs.les  vns  courans  comme forcenezaucc  les  armes  au 
pojn^,  les  autres  eltor  nez  6^  chauffez  en  ftatucs:ouI  ne 
fçachant  que  penfcr,  qu'cfpercr,.;i  e  due. Le  iour  venu, 
ce  bruit  s'efuanoiiic  auecques  l'obfcui  iié  ,  &  fu't  conu 
que  c'eftoit  vnc  frayeur  exiraordinairc  ,  les  Caflillans 
pour  lors  n'ayans  bou^é  de  Sctubal./.  Antoine  yiperatt 
en  l'Wif\o%re  de  la  conquefce  de  'PortugaL 

Durant  les  piemiercs  guen  es  ciuiies  de  France  feus 
ie  règne  de  Charles  IX-la  villede  Môtauban  en  Quercy 
foUil-"rit  beaucoup.  Entre  autres  chcfes  mémorables  ,  à 
propos  de  frayeur  extraordinaire  ,y  fuminc  ce  qui  s'en- 
fuit :  Quelques  chefs  de  guerre  conducteurs  de  f  ertsi- 
nés  troupes  au  nombre  de  deux  mil  hommes  jcn  inten- 
tion de  s'acheminer  à  Orléans ,  farenc  receus  dedins 
Montauban  ,  pour  s'y  refraifchir,€nuiron  !e  lo.iour  de 
May  1561.  Sur  ce  on  apporte  aduis  en  la  ville  que  les 
lleurs  de  Monluc&de  Ter: ides  venoyent  aflirger  la 
place. En  lieu  de  fe  refoucre  à  la  defcnfe  ,  on  commence 
à  dclibcrer  tout  au  contraire  ,  les  capitaines  voulans 
qu'on  quittaft  la  vil!c,pour  paifer  outre.  Ceft  efîroy  a- 
creut  ie  lendemain  de  telles  ncuuellcs?  qui  cftoit  le  a  j. 
de  May,  pourcc  qu'en  rapporta  que  le  camp  de  Monluc 
cftoit  de  dix  mille  piétons,  de  deux  mille  cheuaLx  ,  tc 
de  fingt-dcux  doubles  canons.  Là  de  (Tus  prefjués  tous 
refolurcnt  abandonner  la  viilc  ,  d'où  plufi^.nrs  forci- 
rent lanuidl,  en  vn  dvfarroy  lomeniableau  polTible.  Au 
contraire  le  cœur  de  quelques-vns  ,  mais  en  petit  nom» 
brcjf ut  fî  boA  qu'ils  fermera  le  guichet  de  la  porte,  a(<* 


7?. 


HiBoires  çtimirMes 


reftansauccgranJcs  menaces  ceux  qui  aftoyentrcftrr, 
éSr  incîuifans  par  leur  hardicflc  -îlufi  urs  à  rccourncr  de- 
dans la  ville.  Neantmoins  Tcffroy  {wi  ici,  qu'aucuns  fe 
firent  dcualcr  parles  murailîe.  dedans  les  fjfrcz.Lc  lé- 
dcmain,  noaobflanc  ics  rcmooftranccj  de  quelques  hô» 
incs  d'autorité,  la  dclibrratinn  de*  q  lirrer  tout  fut  remi- 
t^  (usauec  telle precipitat)on,queletambour  ayant  fon- 
né  ,  les  habitans&icseftfanj^crs  fc  p'cnent  à  fottiren 
foule,  dcmtturant  la  rillc  prcf-incsde  crte,  les  portes 
ouucrtes  &  abandonnées ,  dont  les  c\tU  F.irêt  trouuecs 
fur  le  pont  du  Tar  par  vn  artifan-OjelcjUcs  vn';  en  fo'-t 
prtirnombre  refolurent  de  demeurer  ,  &ayans  arrcftc 
i'vn  des  principaux ,  comme  il  eftoi:  à  contcftjr  ajcc  le 
capitaine  S.Michel-,  pour  le  retenir,  entetidanc  la  fenri- 
nelle  qui  criofc  que  la  caualleric  ennemie  acouroit  à 
bride  abatue, fie  en  forte  que  ce  capitaine  &  autres  per- 
fonness'arrefterent  tout  court.  Mais  cela  ne  feruoit  de 
rien  ,  (î  vne  peur  extraordinaire  n'euft  apporté  remède 
à!a  p'-ecedenre.  Vn  aduocat  nommé  Arnauf  Guibert, 
fetrouuant  feul  &  fans  armes  fur  la  muraille  ,,  près  la 
porte  appellee  du  Monftier  ,  voyan:  approcher  la  ca* 
oalieric  f.-  mit  à  crier  tant  qu'il  lui  fut  po/Tible  (  com- 
bien qu'il  n'y  euft  là  ni  canon  ni  canonnier  )  Sus  ,  ca- 
Donni^r.ilefttépcde  tirer.  A  ccftevoixla  cauallericdc 
Monluc  tourn-- bride.  Vne  troupe  qili  acouroit  par  le 
faux-bourg  des  Ccdcliers  fe  donna  l'efpouuante  :  aa 
moyen  dcqnoy  plufieurs  qui  auoycnt  plaidé  pour  for- 
tir  r'entrerent  dedans  la  ville  ;  notamment  les  capitai- 
nes. Q^ianc  auxaufes  fuyards ,  à  qat  la  frayeur  auoit 
chaufîé  des  aiflcs  aux  pieds .  pour  auancer  chemin  ,  ils 
ne  peurenc  rcgaigner  laville  ni  fe  fauuer  aifément  :  de 
forte  que  les  vn^  furent  furprins  &  tuez,  les  autres  d -te- 
nus ptifonniers  en  rrefgrande  miferc,  &  aucuns  amenez 
àThouIoufe  ,  ou  ils  firent  exécute?,  à  morr.  Hrjtoire  de 
France.  T^ecued  des  chofes  mémorables fom  le  rcgnv  de  Charles 
IX. 

Au  mcfmc  temps,  à  fçauoir  fut  le  c?)mmcnccmcnt  de 
luin  ,  ceux  de  Beawcaire  ayans  proUueu  à  ieur  fcurcté, 
ne  furent  foigaeux  de  fc  tenir  fur  leurs  gardes,  tcilcn^ét 


é*  mémorables»  784 

que  hui£l  iours  après  ils  fuicnc  rurprins,pillez  &  cruel- 
lement traitez  par  deux  ou  trois  mille  br  igandcaux  ra- 
mallcz  d.:  «iiucrs  endroits.  Le  refte  s'eftanc  fauué  en  vn 
challeau  ,  enuoy a  lecretement  demander  fccours  ,  «jui 
Jcu:  f;.ruinr  inconiinenc ,  donc  les  pillards  fe  donnèrent 
telle  frayeur  (  c]uoy  tju'ils  f^ffent  nombre  trcs-fuflî(ant 
pour  fc  dcfF^ndiL  )  que  fans  faire  rcfiiVancc  quclconqtc 
lis  fclailTcrent  cailler  prcfq  Le  tous  en  picccs;quclqucs- 
vns  fe  vuulans  lauuer  par  eau  ,  àcaufc  delcur  nombie 
C2cefrif,fir<  uc  couler  leurs  baltcaux  en  fond.  Tellement 
que  la  frayeur  extraordinaire  fut  la  cauie  de  leur  cxter- 
irjinatiOD.£»  cemeJmerccueU. 

Le  iicur  de  Baudiné,  gouuerneurde  Montpellier  du- 
rant ces  mçfmes  gucjres  ,  ayant  entendu  que  les  (îeurs 
de  Suze  &  de  Sommeriue,  chefs  de  rarmec,farnomxncc 
iofs  Triumuirale,envne  partie  du  Languedoc,  auoyenc 
pa/Té  le  Rholne  aucc  cnuiron  quatre  mille  piecons  ,  vn 
rcgimenx  d'Efpagnois  ,  quatre  cens  maiitrcs  >  deux  ca- 
lioiiS  &:  vnc  couieurine  ,  ramena  fcs  troupes  dedans 
Montpellier ,  &  enuoya  le  capitaine  Grille  ,  pourif^tter 
<juelques  harqueb'JZiers  dedans  faincl  Gilles  ,  villcttc 
fur  le  Rhofn:.  Il  auoit  ia  conduite  de  trois  compagnies 
d'argoulecs  Prouençauxtauec  'ï  cens  piétons  ,  lous  la 
charge:  du  capitaine  ilapio.  B^tullargues  &  Albcnasa- 
Lcc  leurs  compagnies  de  gens  i'armcs  le  loignirentà 
ces  trgupes,en  intention  de  fec-^u'ir  fainft  Gijlts,  6^.  le 
trouuereni  au  nombre  de  fix  cens  chc  .aux  ,  &.  dt  huiéi 
cens  hommes  de  pied.  Partis  de  Nilroes  le  vingtrepucf- 
meiour  de  Scptcmbie  ,  ils  furpriudrent  àdeniic  iici.c 
près  de  fainâ:  Gilles  trois  caualicrs  Proucnçauxdonc 
ils  ti'crenc  les  deux  >  '^fauiierent  la  vie  au  troiliefmcr 
qoi  leur  déclara  Icdcfordrc  du  camp  de  iiuzc  &  de  Sô- 
meriucau  moyen  dequoy  ils  aduanccr.c.  Eftahs  defcuu- 
Ocrts, leurs  ennemis,  tant  chefs,  capiiaii»cs,qiîc  foldats, 
fans  preftcr  combat  quelconque,  le  naircm  d*eux-mc(- 
jiiesà vau-de-route  ,  aueclaplus  horrible efpcuuanre 
qu'on  fçauroic  imaginer.  Boiiillargues  en  lieu  de  tuer 
droit  à  làind  Gilles  ,  commence  à  charger  à  dos  ces 
fuyards,  qui  ne  coulUicoi  qu'à  lucr ,   pas  vn  d'eux  bc 


78: 


Hiîîoires  admirai  les 


tournanr  \  ifjgc.    Grille  clia'gei  de  l'autre  part ,  telle- 
mciK  que  plus  de  dmx  miile  de  ces  fuyards  t'urér  tuc2!, 
outre  grand  nonil)rc  de  noyez  ,  Si  plufisurs  attrapez  çà 
&  Ij  par  les  chemins.  Les  Efpagnoîs  y  i:\irent  rudement: 
chai  pcnrez,pour  apprendre  a  quelques  vns  quicCchap- 
percc  à  le  tenir  en  icius  pays,  ians  venir  ccrchcr  nvalcn- 
contrccn  vn  royaume  où  ils  n'aiiovenc  que  voir, ni  que 
faire.    Tour  le  bagage  du  camp  fut  gaigné ,  &  dans  les 
coffres  de  S  ijz:  &:  ^ômmerine  furent  truuu-es  dc5  let- 
tres &  commiilionv  bien  eflranees.  Le  batinfuc  2''and» 
pourcequc  ces  g*ns-là  s'cftoyciu  fournis  d'équipage, 
comme  pour  aile  '  à  nopces  :  &r  s'y  troliua  entre  autrei 
harnois  de  leur  guerre  vne  infinicc  de  vio'ons  &  de  li- 
lires  inrames,ciii  firent  tous  rompue  ,  defchirc?.  &  bri- 
fcz.  Les  deux  canons  furent  prias  auec  vingt  deux  en- 
feignes  ,  ^  le  guidou  du  Cclonne!  ,  &  ferrez  à  Nifmes; 
Jacoleurine  citant  ci'blt-e  au  fond  du   Pvhofne  ,  d'où  il 
ne  fat  pofTibîe  la  cirer-  L  n'y  mourut  aucun  du  coi^é  des 
viftorieux  .-caries  vaincus  de  lapein  n'eurent  que  des 
pieds,  encores  mal- habiles  ce  ion  la.   Deux  feulement 
furent  tuez  par  ceux  de  ic'ir  parti  mcfme  ,  ayans  oublié 
Je  mor  du  guet:  comme  a-j  côrraire  qu'^'oucs  Efpagnoîs 
&  Italiens  l'ayans  rcrcna  W  f^urrerenr  psrmt  les  vifto- 
ijcux  :  mais  dcfronucrts  à  leu'  langue  &  concpince  ef- 
pcrduriîs  pairecnt  le  pas  auec  lis  aur-f  s    Anlî  la  p-ur 
perd  tcefte  arme;,  infoknie.  En  (e  mefmerecuei/  d'IvJJoires, 
Quatre  ou  cinq  loiir^  après  cc^ftr  cl pourarre  &:  des- 
faitcle  baion  de  S.  Vidal,  Tcilîans.  &  autrcs.ayans  ra- 
mafTé  leurs  forces  ,   ai»  nombre d»*  deux  m'I  b- mme$. 
pour  aller  feioiudre  au  (icur  deloycuf    campé  près  de 
h^onipcllier,  re^cu'  éi  le^  n -»uuclics  de  la  uiine  de  leurs 
compagnons  a  fainâ:  Gilles  :  ce  qui  ieir  fie  changer  de 
clefr-'in<&  copclu'-e  d'aller  2  Florac  ,  ao'ik  afliegerenr, 
bartircnt,  elTaye'-enr  d'aucir  par  efca'h.'e,  pa'-lcmentc- 
rie.fapc.afTauc-  huift  -ourî  durant.    Il  n'y  .?uoir  dedans 
que  huict  h'  mme-  de  guerre  coromandez  par  vn  vail- 
jant  foldar  nomm<r  Boilly  ,    de  Mon'.pr  lirr.    LesafTîc- 
pcans  ne  <»aign''rencqae  des  coup$}&  fur  vn  bruit  femé 
encre  eux  <^uc  Baudlûé  vcnoïc  aufccouriûcs  afliegez, 

prm-j 


prihdrcot  relie  efpouuante  ,  cjiie  fans  autre  enqucftc  ils 
Icuerer.c  le  camp  à  leur  grande  honte  &  confufion  ,  & 
en  mcrueillcux  dcror<iîe.£»  ce  mefine  remeil. 

La  ville  de  Grenoble  ,  ficge  du  parlement  de  Dau- 
phiné  ,  afîicgcû  en  ce  mefmc  temps  par  troupes  Fran- 
çoi(es&  Erpagnoles,au  nombre  de  fix  mil  hommes,  où 
il  y  auoit  force  capitaines,  fat  dciiurec  par  vnc  frayeur 
cxtraordmairefuruenue  entre  les  allîegcans  ,  par  vn. 
mo^'en  digne d'elUeramcniu.Vn  capitaine,  (urnoramé 
Furmejer, homme  degrand  cœur, Se  cies-afïedionné  au 
bien  dcsallicgezdcd.ms  Grenoble,  auoit  ramalTé  près 
de  foienuirou  trois  cens  piétons  de  Gap  &  des  cnuirôs, 
aucc  lefcjUelsilfe  rendit.à  Komans.  ta  ayant  alfcmblc 
pareil  nombrc,&  q  uelc|ue&  quatre  vingrs  c  heuaux,ieto* 
iution  fut  prii'fe  d'eiTaycr  de  fscourir  Grenoble.  Parue- 
DUS  en  vn  deftroit  quiaiioit  pour  cloflurc  vne  haute 
metagne,&Ies  payfansau  sûmct,à'où  ils  roulcyent  des 
pierresjaa  pied  la  riuiere  d'IlcrcS:  vne  tranchée  au  uc- 
uanc  d'eux  auec  vne  muraille  de  pierre  feiche^ils  forcée 
cefle  rranchge,&ayans  tué  dix  ou  douze  fblJars  qui  hur 
debattoycnt  le  palijge,  s'aduancent  iiifques  à  vne  licuc 
de  Grcnoblc,ay^ns  deuanteux  le  Drac,  riuiere  à  palîrr, 
pour  arriuor  où  ils  prcicndoyenr.Lcs  aiïiegsans  îur  ces 
nouuelles  font  trancifcr  le  Drac  à  trois  ou  cju^trccens 
ch-  uaux  auec  la  fleiK  de  leur  infiteriç:puis  bordët  l'au- 
tre coùé  de  iorce  harqucbouziers.  Le  fei/.-.efmc  iour  de 
Nouébre.defort  ^râd  m.aiin,Fiirme  icr.dciiberé  de  paf- 
lir,quoj  qu'il  vi(^  cât  d'hiiqucbuîu-rs  ,d'j(couure  les  au- 
tres embufchez  dedans  vn  bois, d'eu  IK  pretendoyent  ic 
cha'ger  c«i  >-jUeuë  Sur  ceite  difficulté, Furm.ejer  c6ni.in- 
de  à  (es  foldats  de  quitter  la  riuiere  ,  &  de  tourner  vifa- 
ge,commc  s'il  eiift  voulu  reprendre  le  chemin  par  où  il 
cftoir  venu.  Ses  ennemis  .  ptnlans  que  telle  luit  l'on  in- 
tention,paroiircnt  &  l'accueillent  d'miuf  es.  Mais  celle 
audace  fc  fondit  en  vne  terrible  efpouuâte  ;  car  lui  cou- 
rant droit  a  egy, les  ch.iigc  de  telle  furie-,  qu'il  les  rôpr, 
en  tue  la  plufpart  lur  le  champ, efcartc  les  demeura";  c f- 
pcrdusdef'ayeur  ,&  fuyans  à  la  voue  de  leurs  compa- 
gnons ^ui  eftoyenc  delà  i'cau.   Funiicjcr  ayant  fait  p&u 


784  Hifloins  admimLlei 

ou  point  de  perte  lies  ficns  ,  lans  longue  confulcacion 
paflc  auccks  troupes  le  Drac  ,  où  les  piccvini  citoycnc 
iuiquesaux  aiilcJles  :  rcrolutionqaicltonnalcs  harc|ue- 
huziers  paroilfans  cn.telte  >  tjue  lans  aucun  exploit,  la 
peur  leur  lie  ks  main5,6*:  Ls  induit  à  vnc  iuice  houicu- 
Ic  :  tellement  que  Furmcjcrôc  les  liens  n'eurent  peine 
<ju  à  marteler  le  dos  lie  ces  fuyards  ,  qu'ils  allèrent  bat- 
tans  &:tuans  de  tous  coltcz.  Ceux  qui  eurent  mcillcu- 
r.cs  ïambes  donnèrent  ic\  aîiarme  à  leur  trmce  es  enui- 
roas  cLc  la  viiic,  qac  fans  autre  delibcration  la  fiaytui: 
ind«ifii  grands  &  petis  à  quitcercn  Lncroyablc  delordrc 
leurs  loges  U  tranchées  ,  ne  cclPjnt  de  fuir  lufqucs  à  ce 
qu'i's  fc  fuflent  rendus  en  bauoye.  En  la  mrjme  Iv^otre. 

Quatre  ou  cinq  mois  après  le  mefme  Furmcjcr  cn- 
treprmt  de  s'emparer  de  iv^oaieite  ,  petite  place  à  deux 
licacs  de  Gap,iîc  enuoya  fon  inraiictne  a  la  iiic  pour  fe 
iettcrdedans  ,  marchant  après  aucc  quatorze  maiftrcs 
feulement  ,  i'vndefquels  cftencores  auiourd'hui  Tvn 
des  grands, ùges  &  hcur^  ux  guerriers  de  la  France.  La. 
gar nifon  d'nifanicne  &  de  caualerie  de  Gap, en  nombre 
de  quatre  à  cinq  cens  hommes  ,  fortii  pour  aller  au  fe- 
jcours  dc^omettc.  Mais  Furmejcr  &  les  quatorze  mai- 
itres  furent  il  hardis  d'encicprendic  de  faire  cefte  à  ccltô 
grolle*  troupe  marchant  en  bataille.  Sur  ce  ayans  con£- 
«ieré  qu'vae  frayeur  failîflou  leurs  ennemis, qui  elloyct 
trente  contre  vn, approchent  pour  charger.  Alors  touc 
Cetecours  trampcrccôc  traniportédc  lerrcur  Panique, 
fe  met  à  vau-dc  route,la  fuite  commençant  par  vn  Ko- 
domonc  ou  capitaine  André,  Piemontoisaeilement  que 
Furmejcr  &  Q;s  compagnons  n'eurent  autre  peine  que 
de  frapper  dclfiiSjôc  tuer  luf^ucs  aux  poites  de  Gap.llo- 
xricttc  f  Jt  prinfcincontinent,  &  les  voleurs  qui  y  auoy-. 
cnt  fait  mille  maux, portez  àc  peur  au  clocher, &  poilc- 
dezd'icclie,  s'y  laillcrcnt  prendre  &:  précipiter  du  haut 
en  bas  ,  r^ceuaos  le  falairc  de  leur  fureur  6:  c-otiardiic- 
Là  mefme. 

Le  iîxicfrae  iour  de  luillct  i  5  S^.lcs  troilicfmes  gucr-« 
res  ciuilej  allunjces  en  France  le  iiieur  de  jan(ac,acom- 
pagoé  de  fept  mille  picioas ,  CAicinblc  de  cinq  oîi  lis 

CC119 


ér  mémorables. 


7  H 


cens  chenaux, alfiege  la  Charité,  chagc  &  rechâge  trois 
ou  quatre  fois  fabaccric,  n'efpaigne  poudre  ni  boulets, 
&  après  auoir  fait  brefche  pour  entier  auecchcuaux  & 
charrctces, commande  oHc  les  foidats  donnafTcnt  ?naf- 
faut.Ces  gens  acouftumcz  à  piafcr  fur  le  paué  des  rues, 
'je à  faire  des  fcopeceries  deuancles  dames  ,  voyant  que 
Icsafficgez  fe  refoluoycntà  vne  couragcufe  dcfcnfcj 
prindrcnti'cfpouuance  ieile,qu'ilfalutque  leurs  capi- 
taines,enfeigncs/ergrns,  caporaux  &  autres  membres 
de  compagnie  fiifent  la  pointte.  Decenideceux  la^  il 
n'enreuint  pas  cinq  au  camp.ainstouj  furent  abatus  \t$ 
rns  après  les  autres  à  l'entrée  des  brefches.  Dauantagc, 
furvn  faux  bruit,  femé  partout  le  camp  de  Sanfac  ,quc 
l'armée  des  Princes  marchoit  au  fecours  de  la  Charité, 
&  que  le  capitaine  BlofTec  eftoitdcfîaenBerry  auecdeux 
cens  chcuaux.pour  marquer  les  logis  &  dôner  vne  pre- 
mière charge, les  afliegeans  s'efFrayerét  fiextraordinai- 
ïement  j  que  fans  autre  cnquefte  ils  mettent  les  enfci-' 
gnes  au  vent,marchansiour  &nuicl ,  pour  le  nicher  à 
Orléans,  Bourges,Cha:tre$,Neuers,Gyan  &  autres  vil- 
les de  leurs  garnis6s.£;z  Vhijlotrede  Charles  i  x.i*d»i  5  69, 
Nous  reprefenterons  grand  nombre  de  pareilles  hiftoi- 
ics  aduenues  deuant  &  dcpuis,cs  volumes  fuyuans. 

F  7^E  NE  tl  QJ^E  S   merueiUeux, 

A  Fin  que  l'oa  conoi  ffe  par  expérience  que  Û.  le  ccr- 
ueau  eft  tcraperé, félon  que  les  fciences  naturelles 
le  requièrent  i  il  n'eft  pas  befoin  de  maiftre  qui  nous 
cnlcignc;  il  faut  auoir  efgard  à  vne  chofe ,  laquelle  ad- 
ftieni  chafcuniour  :  qui  eftque  {î  l'homme  tombe  en 
cjuelque  maladie,  à  raifon  de  laquelle  lecerueau  ciiangc 
foudain  fon  temperamcnc(comm^  eit  lamamc,  mclaa- 
cholieôf  frenelie  )  iin'aduient  au  prudent  de  pcrdrç 
tout  ce  qu'il  fçauoit  ,  mais  exirauaguecn  Tes  propos. 
Si  c'cft  vn  ignoranc,il  acquiert  plus  grand  efprit  &  ha- 
biliîé,qu'il  n'auoit  auparauant.i'ayuuï  vnpayfan,deuc- 
a^l  frcacciauc    >  difcourir    iQcrawiUcuiement  bicn^ 


yié  Hilloires  admirables 

ZACommandant  fon  iVi  ut  aux  aiH^ans,  &  les  priant  d'*- 
uoit  cfgaid  à  les  encans  &à  fa  tcmme,s'il  piailoit  à  Dica 
Tappcllcr  du  monde:, àuct  iant  ^'artifice  de  rhétorique, 
auH^  granac  cioqac  ce  &  pureté  de  langage  >  que 
Ciccron  eut  p -u  trouuei ,  haranguant  en  plein  Sé- 
nat.Dequoy  les  aliil^ans  cfmerueilkz  me  demandcrcnr, 
d'où  pouuoit  procéder  me  fi  grande  éloquence  de  Tcic- 
ce  en  VQ  homme, lequel  cflant  en  fanté  ne  fçauoit  par- 
ler? il  roc  fou  uicnt  que  ie  fis  rcfponfc  que  l'art  d'oratoi- 
re eft  me fciencc  qui  prouient  de  certain  poindl  &  de- 
gré de  chaleur:  &queccpayranyc{loitparuenu  parle 
moyen  de  fa  maladie. 

le  pourroy  bien  parler  dVn  autre  frénétique,  lequel 
hui«5tiours  durante  plus,  ne  dit  onques  parole  qui  ne 
fuft  à  propos  &  bien  rangcc.  Le  plus  fouu^nt  il  tJaifoic 
des  vers  aulÏÏ  bien  qu'vn  irc^  dofte  Poëtc  ,  -V  le*  alfiftls 
cftoycûteftonnez  a'ouyr  parler  en  veis  vn  hommv,qui 
en  pleine  fancé  n'en '"çcui  lamais  faire  vn.  Surquoy  ie 
dis  qu'il  n'aiucnoirgu.rcs  que  ccKiifuft  poète ca  fre- 
Befie,  qui  l'citoiten  lanté  :  pourcc  que  le  tempérament 
du  cerueau,pioprc  à  l'homme  la' n, pour  la  poëiîc,  ordi- 
nairement le  douchante:  en  maladie  ,  &  taire  choies 
contraires. 

Mais  cela  eft  peu  de  chofe  à  comparairon  des  hasts 
difcours  que  fit  quelquefois  le  page  d'vn  g;andfci- 
gncur  £lpagool,cltant  maniaque. En  lanté  1  on  ie  tenoic 
pour  leuRc  hom  e  de  petit  lens  :  mai»  citant  tombé 
malade  ,  ilauoit  merueilieulement  boancgacc  enfcs 
ropos  jrelponfloit  fidt  xtrcmentaux  queftions  qu'on 
uipropoDr,  &  fc  moûftroii  tant  admirable  es  defcri- 
prions  qu'il  fifoit  des  moyens  de  gouucrner  certain 
royaume  Cdour  il  s'eftim  it.Seigucur  )  que  chafcuo  le 
venoit  voir  &  ouyr  ;  &  fon  propre  maiftre  ne  bougeoic 
d'auprès  de  lui  ,  fouhaicantqu'icclui  dcmeuraft  touf- 
iours  fi^enetique  :  comme  on  le  conui  puis  après. 
Car  le  page  eftart  deliué  de  fa  maladie, le  médecin  qui 
Jcpcnioit ,  vint  prendre  con^é  du  l'cigiicur  ,  cfperanf 
grande  recompenfe  o'i  bonucs  parol'-s.  Maisielei- 
gneur  lui  du  jic  vous  a(ïcurc;iQon{icur  icdodcur  ;  que 


[. 


ér  fnemoralftei 


7H 


le  ne  fin  onc  tantfafch^  d'accideac  qui  inclbii  adueni% 
<juc  (ie  voir  mon  page  gucri:car  il  ne  me  fembloit  con- 
ucnable  de  voir  changer  vncfifage  folie  à  vn  efpric  tac 
lourd  &  endormi  qui  demeure  à  ce  p^e  eftant  en  fantét 
écm'cft  aduis  quedefage&  aduifé  qu'ileftoii  vousTa- 
uez  faic  dcuenir  vn  foi  &  vne  bcfte,commeauparauanr, 
qui  eft  la  plus  grade  nnifcie  qui  puifTe  aducnir  â  vn  ho- 
me. Le  pauu'e  rhcdccin  mal  content  de  la  petite  reco. 
noirtance  qu'on  lui  faifoit  de  fes  peines  &  vacations,ae- 
coftele  page,  lequel  après  quelqueSdeuis  lui  dit,  Mon* 
(îeur,ie  vous  remercie  humblement  du  grand  bien  que 
vous  m'auez  porté, m'ayant  fait  recouurer  Je  iugement; 
touiesfois  ie  vous  iure,qu'il  me  faitaucuncmêt  mal  d*c- 
ftrc  guéri ,  pourcc  qu'en  ma  folie  ie  viuois  le  plus  con- 
tent d  u  monde  ,  &  penfois  efttc  fi  grand  feigneur ,  qu'à 
mon  aduis, n*y  auoit  Roy  fur  la  rcrrc,qui  ne  me  fuft  vaf- 
fal.Et  combien  que  ce  fuft  menfonge, que  m'importoit- 
il, puis  que  ieprcnois  autant  de  plailîrà  cela.quc  fîc'euft 
"  cftc  pure  vérité  ?  Mais  maintenant,  le  fuis  en  mauuais 
poin£t,n*cftant  qu'vn  pauure  page,qui  dois  commencer 
demain  matin  à  feruir  celui  que  ie  n'eufle  daigné  ,  eftâc 
maiade,accepter  pour  mon  laquay. 

le  pourroy*  parler  d'vne  femme  frénétique  ,  laquelle 
difoit  à  tous  ceux  qui  Talloyêt  voir  leurs  vertus  &  leur» 
vices  ,  rencontrant  par  fois  de  racfme  adreflcquefonc 
ceux  qui  parlent  par  indices  &  conieftures.A  raifon  de- 
quoy  nul  ne  l'ofoit  aller  voir  :  craignant  la  touche  de 
Vérité  qu'elle  defcoUuroit.  Qui  plus  eft  ,  comme  cer- 
tain iour  le  barbier  la  faignaft^le  lui  dit ,  Regarde  que 
tu  fais:car  tu  n'as  plus  gucrcs de  iours  à  viure,&  ta  fem- 
me fe  doit  remarier  auec  vn  foulorcequi  feirouuavray 
(  quoy  quedit  ainfià  la  volée  )  &  fut  accompli  en  de- 
dans fix  mois  après.  Il  m'cft  aduis  que  l'cntcn  défia  dire 
àccux  qui  abhorrent  les  Iccrcts  delà  philofophie  natu- 
relle,que  tout  cela  eft  vne  moquerie  &  menfonge.  Que 
fi  d'auanture  c*eft  chofc  aducnne,le  diable,  fc!ô  qu'il  eft 
cauteleux  &  fttbtil ,  par  la  permifiion  de  Dieu  entra  aa 
torps  de  cefte  féme&  des  antres  frénétiques  fufmentiô- 
ûci,  &  leur  fit  dire  oiciueilks.Mais  ils  s'abufenttpourcf; 
DD     a 


788 


HiBoires  Actmîrhhles 


que  le  malin  cfprit  ne  peut  fç-uoir  ni  prédire  I*aducnir^ 
i.  hiturt.  an  4.  (.ha^.  du  Uure  ut  L'^nninje  ou  examen  des  Ef~ 
fnts. 

Sans  examiner  ce  que  le  dod.ur  Huart  vient  de  dire, 
qucle  malin  efpiiincpeur  predie  1  aduenir  ,    attendu 
qu  il  y  a  plufieurs  exceptions  av  contraire,  vérifiées  par 
lescxempiescontenus  en  Thiftoiredc  Saulfur  lafin  du 
premier  liùie  de  Samuel  >  &:  ailleurs  ,  la  permiffion  de 
,^iea  s'eltendant    beaucoup  plus  loin  que  Tentende- 
ment  humain  ne  peut  comprendre  i'acquiefce  à  celâi 
les  pcrfonncs  dont  le  cetueau  eft  igité  par  les  vapeurs 
puilFantes  du  fang  enflammé,  Ôl  aunes  caufcs  internes 
&  externes  ,  difcnt  des  chofcs  furpa/Tanccs  toute  appre- 
hcnfionoidinaire.      l'en  ay  veu  vnc  plufieurs  fois  en 
inav;e  ,    &  aagee  déplus  de  cinquante  ans  alors  ,   qui 
parauant  cftoit  modelîe  ,  mais  Tçachanc  &  parlant  peu, 
deucnue  frénétique,  à  quiconque  luiparlou  oulcricu- 
femeni  ou  en  ioiiant,  ellcre(]:ondoji  primiptement ,   i 
^propos,&  amplement,  en  vers  François  bien  rimez.    Si 
quelqu'vn  la  picquoic  tant  luit  peu  ,    clJe  lui  donnoir 
des  centre  touches  auflî  poin£lue$,qu*euft  (çcu  fjiie  de 
fon  cemps  en  latin  vn  Martial  ou  tel  autre  Pueie  en  fon 
eftudc.   C'cltoit  en  foui  lant ,   &:.(  ommc  fans  s'arreltcr: 
car  ûidinaiicmcnc  elle  alioii  £c  vcnoir  par  les  rues.    Ec 
ne  faluii  pas  que  les  ho.nmci  manifcftemenr  vicicuX  & 
desbauchez,  ou  des  femmes  ik  fi»  es  impudiques  ,    lui 
vinlîent  à  la  rcocontre  ;  s'i.s  uc  vouL  \  eut  reccuoir  des  ! 
pinçadcs  lans  lire.  Car  lots  elle  ranicr.tcujit  tous  les 
pcciuz  iuiannes,  en  vers  accommodez    à    ce   dont    c- 
ftoiL  qucftion,    roufiour^  auec  quelque  poinfte  &:in- 
ucntion  pièvique  ,    qui  xaifûitelclaer  de  rire  ceux  qui 
rclcouioycnr.  l'eft- 1    f  irtieone^v  rnefuis  fouuent  es- 
bahi  qu'il  ne  fc  crouua  gens  alo's  pour  marquer  beau- 
coup dr  p  opos  meruciileux  par  elle  prononcez,  l'ef- 
pace  de  tjiiclqucs  années  qi'eilc vc'.cut  rn  ccil  ellat. 
î'ay  aprins  d'vn  tîcB  fils  mon  fùmi'ur ,  qu'elle  cftoit  re- 
uenuc  a  foy&deccdee  fort  paiiiblcme.11.    Extrait demes 
mémoires. 

Vnc  autre ,  femme  honorable  ?  dcccdec  plus  icune,  c- 

itaat 


^  mémorables.  7  8  9 

ftaat  fortfanguine  ,  fat  agitée  en  fon  cerneau ,  par  «quel- 
ques repriles  ,  durant  vne  delquelles  illui  aduintà«.ii- 
oerfes  fois  de  reprocher  à  fon  mari  (  comme  elle  m'4 
confefTé)  certaine  grande  fiUic  par  lui  commifc:  plus  de 
dlix  ans  aaant  que  Tauoir  efpoui'ee  ,  &  dont  Jamais  il  ne 
lui  auoic  en  forte  que  ce  fuit  fait  declararion  ni  donné 
adentiment  quelconque.  Neancinoins  elle  lui  mar- 
quoic  la  fauce  en  termes  fi  exprès,  qu'il  ne  pouuoit  pa» 
rer  au  coup,ains  feignant  ne  l'entendre ,  elTayolt  feule- 
ment de  deftournttr  le  propos.  Reuenuë  en  bonne con- 
uaiefcencc  ,  &fe  fouucnant  prefques  de  tout  ce  qu'elle 
auoit  dit  &  fait  durant  fon  indifpofiti(  n  ,  cllefcmon- 
Ûroit  beaucoup  plus  honteufc  que  de  couftume,  eflayat 
par  toutes  fortes  de  feruices  honneftes  ,  faire  oublier  à 
foQ  mari  ce  qu'elle  lui  auoit  plufieurs  fois  ramentii  ,  & 
dont  il  me  difoic  auoir  bien  fait  fon  profit. Evfrrtlf  de  mes 
mémoires. 

Ceux  qui  ont  fréquenté  les  malades  ,  &qiîi  les  fré- 
quentent ioarnellemcnt  ,  trouueront  vray  femblable, 
qu'on  peut  parler  langage  eftrange,comme  Grçc,Latir, 
Âleman  ,  Hebrieu  ,  ou  autre  ,  encore  qu'on  ne'l'ait  â- 
prins,&  qu'on  ne  (oit  polTedé  d'aucun  malin  efp  it.  l'ay 
veu  vr>e  femme  d.- village  en  Lymofin,quien  vnt  fieure 
ardante  parla  trois  iours  entiers  bon  &  difert  François; 
&  après  qu'elle  fut  guérie  nefefouuenoit  d'aucune 
chofc  qa'elleeuft  due  ni  fdi?e.  Ncantmoins  on  n*a  ia- 
Hîâisfçeu  qu'au  parauint  elle  euft  vfé  de  ce  langage, 
moins  encores  apris  »  &  depuis  n'a  fçeu  le  parler. Fcrnçl 
cfcrit  qu'il  à  rcn  vn  page  du  Roy  Henry  lecond,qui  ne 
fçauoi:  lire  ni  efcrirc  ,  ie-juel  cftant  atteint  d'vne  frêne- 
fie  parloit  bon  Grec,«lic  penfoit  qu'irelui  faft  pofledé  du 
Hialmelprit.  Or  faut  ]e  1  ^^jinent  d'vn  fi  grand  perfon- 
nagt ,  ie  penfe  aucc  plufieurs  do£lcs  hoa-imcSique  cela 
peut  procéder  des  humeurs  fi  véhémentes  j  quefiroft 
qu'elfes  font  enflammées  ou  co-  rompuès,la  fumée  d'i- 
jCçUc  eftanc  monter  au  c  cru  eau  fait  parler  vn  l3ng?ge  c- 
ftrange, comme  nous  voyons  es  y  "rognes. Si  cela  fe  fai- 
foiî-  par  les  malmt;  cfprits,telles  maladies  ne  fe  gueriio- 
yent  par  les  médecines  purgaciues  ,    ou  par  mcdccinci 

DD     3 


790  Hifloires  admirahles 

«Jormitoircs.Car  par  iccllei  &par  pliifieurs  autres  rcm^" 
des  deuement  appliquez  ,  nous  les  voyons  retourner  c*^ 
Jeurbonfens.  Mais  parce  que  les  humeurs  boùiUen^ 
merucilleufcmenr,auffi  font  les  efprits  puifTamment  cf- 
meus,  &  rcntcndement  fort  trouble.  Ge  tremblcincnt 
faic  mettre  hors  certains  mors  non  ouys  auparauant,  & 
parler  vn  langage  inconnu  :  tout  ainfi  que  du  tonnerre 
&  de  la  coIlKion  d'vn  caillou,  nous  voyons  fonir  àts  ef- 
clairs  &  des  eftincellcs  de  feu.  Loys  Çuyon  au  4.  Uu.  de  fes 
diuer^es  leçons ,  çhap.  14. 


I 


FF\E  VXdu  malin  ejprit  limitée. 

IL  y  a  eu  vne  femme  en  vn  village  nommé  le  Mefnil 
madame  Ranccprcs  Dammartin,  laquelle  commença 
dcsl'aagede  hui6l  ansd'eftre  lieedu  malin  Efprit,  qui 
l'attâcJiûitqucIquesfoisàvn  arbre  ,  lantoftau  pied  du 
lift,iatoft  à  la  crefche  de  rcftabIe,ou  bié  lui  atiachoiiles 
deux  mains  Tvne  fur  l'autre  auec  vne  corde,  ou  auec  vq 
©zic-jou  vn  poil  de  la  queue  d'vn  cheual,ou  de  lafilafTe, 
&cela  fe  faifoit  I!  foudain,qu'il  eftoit  pluftoft  fait,qu'oo 
jî'auoit  ietié  lesycux  pour  voir  comme  il  fe  faifoit.  La 
fille  fut  menée  à  Paris  Vnja  i  ^  s  i-.Lc  doé^cur  Picard  &au 
très  Thf;ologiens  la  virent  &  firent  tout  ce  qu'ils  fça- 
Boycnt  pour  fa  delinrancc  :  mais  ils  n'v  profitèrent  de 
rien.  Puis  Houlier  médecin  le  mocquânt  des  Théolo- 
giens ,  difoit  au  commcncemcnr.que  c'eftoir  vne  mala- 
die mclancholique  ;  mais  depuis  ayant  veu  vne  infinité 
de  peuple  ,  le  myftcrc^dcuant  fes  yeux  ,  &  que  la  fille  e- 
ft-nt entre  deux  ou  trois  femmes,  foudain  ils  voyoyent 
qu'elle  s'cfcrioit  ,  Scauflltoft  fe  trounoit  liée  par  lc« 
deux  mains, en  forte  qu'il  eftoit  impoflibicdcdeflier  sas 
couper  le  lien  ,  il  confeffaqu'ily  auoit  vn  malin  efprit. 
Pcrfonne  ne  voyoit  rien,  hors  mis  la  fille, qui  voyoit  ytï 
fantofme  blancquandl'efprit  malin  venoit  la  lier. /.3«r 
^W4ié  x,tMjefa'Demonom40fe,ch4Pk  Jt 


érntemorahlesl  79  V 

l'ay  vcu  plufiejr,  fuis  vne  démoniaque,  nommée 
Gcorgc,qui  par  IVlpacc  de  trétc  ans  fut  par  intet  uallcs 
frequcns  tourmente»' du  malin  ef'pric  ,  telkroenr  que 
parfoisen  maprefcncaelle  s'cnfloit  ,  &  demcuroit  (î 
pcfantc  ,  que  hui£l  hommes  roburtes  ne  pouuoyent  la 
f"«uflcu-r  de  terre.  Puis  vn  peu  après,  exhortée  au  nom 
de  Dieu  de  s'accoura^er  ,  certain  bon  perfonnage  lui 
tendant  la  miin.ellc  le  releuoit  en  pieds>&  s'en  retour- 
noitcourbee&gcmiflantechezfoy  En  tels  accès  onc- 
ques  elle  ne  fie  mal  \  pcrfonnc  quelconque  ,  fuft  de 
i3Ui<^,furtdciour ,  &^  demcuroit  aucc  vn  {ien  parent 
qui  auoit  force  pstis  enfans ,  tellement  accoutumez  à 
cefte  vifitation.que  foudiin  qu'ils  l'entcndoyent  fe  tor- 
dre les  braSïfraper  des  mains  ,  &  tout  fon  corps  enflcï 
d'eftrange  forte,  ils  fe  r angeoyent  en  certain  endroit  de 
la  maifon,  pour  recommander  cefte  patiente  à  Dieu. 
Leurs  prières n'eftoycnt  iamais  vaines.  La  trounant  vn 
iour  en  certaine  autre  maifon  du  village  où  elle  de- 
meuroit,  ie  l'exhortay  à  patience.raffeurant  que  Dieu 
la  deliureroic  pluftoft  qu'elle  ne  penfoit  ,  &  couron- 
neroïc  cefte  efpreuue  de  quelque  heureufe  fin. Elle  com- 
mence à  rugir  de  façon  cftrâge,&  de  promptitude  mer- 
ueilleufe  me  lance  fa  main  gauche,  dont  elle  m'em- 
poigne les  deux  poings  ,  me  ferrant  auflî  ferme  que  fi 
i'eufleefté  hé  de  fortes  cordes.  l'eflayc  me  defpetrcr, 
mais  en  vain, quoy  que  ie  fafteaufti  robufte  qu'vn  au- 
trc,&  lorsea  l'aage  de  vingt- fept  ans.  Elle  ne  me  fit  au- 
tre nui  fan  ce,  ni  ne  me  toucha  de  la  main  droite.  Ayant  e» 
fté  retenu  d'elle  autant  de  temps  que  i'ay  employé  âdef- 
circ  fonhiftoireen  ces  lignes,ellc  me  lafchc  foudain, 
medemandantpardon.  le  la  recommande  à  Dieu,  puis 
la  cond'iilî  paifiblemét  en  fon  logis. l'adiouftc-ray  quel- 
le fut  fa  fin. Quelques  iours  deuant  fon  ireTp-^s  ,  ayant  c- 
fté  fort  courmenceejclle  s'allifta  ,  faiiu:  d'vnc  fieure  len- 
te. Alors  lafureur  du  malin  efpritfut  tellement bridcc 
&  limitée,  que  la  patiente  fortifiée  extrao'dinairement 
en  fon  ame  ,  par  l'efpace  de  dix  ou  douie iours  ne  eef- 
fa  de  louer  Dieu, qui  l'auoii  fouftenuè  fi  mifcricordicti- 
fcmenc  en  fon  aiHidion  ,  confolant  toutes  perfonties 

DD     4 


f^L  Bijioires  admirai^  le  s 

quiia  vifitoycnc.le  lavis  alors, &  par  diuerfes  exhorta 
lions  &  prières  lui  aidai  de  tout  mon  pouaoir.  Eilc  en 
fut  grandement  rcfiouyc  &.  forcjfiec.  le  puis  dire  que  Sa- 
tan fut  mis  fous  \ti  pieds  de  ccfte  patientclaqueileticce- 
da  fort  paifibicment  en  l'iDUocation  <ic  fon  Sauucur ,  6c 
parlad'efpricfort  rallis  lufqucs  au  dernier  foufpir.  Ex- 
trait  de  mes  mémoires. 

Çt^^CltrSB  Tj:,'  héroïque. 

LE  roy  Chriftierne fccond,regnantcn Danemark,  a- 
près  auoir  fait  beaucoup  de  maux  à  Stcoon  Scurc,' 
Roy  de  iuede,&pour  le  comble  l'ayâtadiegc  l'aniug,. 
en  fa  Ville  capitale  nommée  Scocholm  ,  pour  lui  oiter 
le  joyaume  &  la  vie»  s'il  lui  euft  elté  polîible  ;  Stenon 
luy  rendit  bien  pour  mal, &d'vnegracieufeié  héroïque 
cflayade  legaigner.  Mais  il  ne  lui  fut  pofliblc.  Dieu, 
refcruant  Chriftierne  à  vn  iufte  fupplice  ,  duquel 
nous  parlerons  en  l'vn  des  volumes  luiuanï.  Il  aduint 
donc  que  les  vents  eflans  rcfpace  de  plufîeurs  iour$ 
contraires  aux  vaifîeadx  de  Danemark  qui  apportoy- 
eot  les  viures  &  munitions  de  guerre  au  camp,  la  fami- 
ne faxfît  inconiinpnt  l'armec  de  Chriftierne  ,  qui  s'en 
alioit  perirrce  qu'entendu  par  Stenon  il  fournit  libéra- 
lement des  viures  à  fon  ennemi  ,  lercfpitant  de  mort 
auec  tous  les  ûcns.Io.  S^a^nus  au  13.  liur.dei'hijhire  d* 
Suedz. 

Goafaîuc,  furnommc  le  grand  Capitaine  »  fît  de 
grandes  gracieufeiés  à  diucrfcs  feis  aux  firigneurs,  gen- 
tils-hommes,&  foldats  Françoi5,quand  après  les  auoir 
furmontci  au  royaume  de  Ndplcs  ,  il  les  voyoit  réduits 
à  quelques  extrcmirez.  Vne  foij  entendant  que  le 
(leur  de  Kaueftein.gcneral  desgalercs  de  France  ,  auoit 
par  naufrage  ea la  coHe  de  Calabre  perdu  tout  fon  ba- 
gage &  meuble,  il  lui  en  fournit  gracieufement  &  en 
abondance  toutdu  meilleur  ^  du  plus  beauqu'il  euft 
teiiemcntqucKaueftcin  &fe$gens  fc  virent  en  vne, 

quipagc 


é'  memomhles,  793 

qnipage  prefque  royal ,  par  la  courtoifîc  de  ce  feigncur 
^fpagnoU    Ifcjucl  remonta  de  bons  chcuaux  piulicur» 
fcigneurs&:  gv;titils  hommes  F^ariÇois  le    rçiirans  de 
^TJaplesen  ï'iâncc.'P.loueenfa  yie. 

Lcducdcrinfanrafv^uejde  la  fami!lcdcs  Mcndozzcs, 
grand  Icigncur  en  Elpgne,en[crd3rt  que  le  roy  Fran- 
çois,prms  prifonnicr  à  l  auic ,  efloi'  en  chemin  pour  aU 
1er  à  Madvir,&  deuoit  palier  bicntcft  fur  fcs  terres  ,  do- 
ua proiuptcmcnt  ordre  queleroy  fut  roya'ement  rcceii 
&  traite  par  tous  les  logis  ,  aux  dcfpens  du  duc  ,  lequel 
outrcplus  &  à  diucries  fois  fit  dts  ptf  fens  à  ce  Piincc 
captif ,  tels  &  de  fi  grand  ptis^qu'ij  confclTaqu'à  pcinç 
en  pourroit  il  prefenter  de  jlus  exqi:is  c)uand  il  fcroic 
en  paix  au  milieu  de  la  France.  Ceduc  fit  cncor  vn  au- 
tre trait  «Je  gracieufeté  heroi<]ue  admirée  du  roy  ,  dont 
aulfi  t©iue  l'Efpagnefc:  glorifia  fortrcar  il  fie  comparoir 
à  iour  alTigncdouz^  mil  hoii>mesde  fes  fuiets  ,  gens  de 
pied  &  de  cheual,brauerîîent  equippcz,qni  difpofcz  par 
bataillons  firent  preuuc  qu'ils  eftoyent  bien  exercez  au 
maniement  des  armesidôt  le  roy  ermcruçiTé  le  duc  lui 
dit ,  qu'il  y  auoit  plufieurs  autres  grands  ieigneurs  en 
Efpagne,qui  pouDoven:  autant  ou  plus  que  cela.  ^.  loue 
€H  la  -vie  di*  ^arjutf  de  TcJquatreMu.'j. 

l'adiouderay  vnautre  exemple  ,  qui  fera  voir  com- 
bien ks  Efpagnols  furucnus  depuis  ont  dégénéré  Je  la 
gracieufciéde  leurs  predec<'freurs.Loijy5  ce  Gorde,  fol-» 
dar  £  pagnol,  &  ff  s  compagnons,  ayans  fait  vne  belle 
retraite  après  !a  batailie  de  Pvaue nne  l'an  151t.  fusent 
pourfaims  par  Gafton  de  Foix  viflorirux  ,  lequel  fut 
chaftic de  1:1  véhémence  trop  précipitée^  ayant  cfic  tué 
par  les  ETpagnoIs  ,  qui  le  ralliereni  &  cU-fenàircnt  vs:I- 
lamment.  Odetd;  Lautrech^dcpuisfage  &braiiefhcf 
ic  ^ueire  pour  le  paiti  François  ,  Scciui  deflors  cfloit 
bien  conu,fiP  di's  premiers  chargez  gricfuement  blcifé 
ic  abatu  de  cheaal  en  ttrrc.De  Gorde,tcfmoin  de  la  va- 
leur de  Lauirech  voyant  que  fes  compagnons  vouloyêc 
le  tuer  tour  à  faii,s'i:ftcndii  tout  de  fon  long  &  couutit 
de  fon  corps  celui  de  Lautrcch.pour  le  garaiir,&  le  fau- 
"Ua  par  telle  courpoific.'i^/owt;  en  la  ye  du^ran^  Confalnr. 


79  4  HiBoires  sJmirai/es 

Lacouftumc  Jugrind  Sforcc  cf>oic  d'admonocftcr 
pi  ancifquc  Sforcc  Ton  fils,  de  ne  battre  ni  bleHcr  aucun 
dcfcs  fcrui.'curs  &  domcftiq'ies  ;  cjuc  fi  lacholcrc  le 
tranTparcoic  G  auanc ,  qu'il  fuit  foigneux  de  Us  apaifer 
tout  a  l'heure  ,  de  leur  faire  m  prrfent  honorable  (ou- 
tre Icars  ^»ges)&:  digne  d'eux,  &  le«  enuoycr  arrière  de 
foi  (  s*il  ne  pouuoit  les  garder  en  leur  donnant  vn  gra- 
cieux congé.yP.IoueenfaVie. 

Alfon;eroy  d'Arragon  cnuoyant  fon  fi!s  Ferdinand 
auec  vne  armée  contre  les  Florentins,  l'cxho;  ta  fcrieu- 
fcment  de  ne  fouiller  la  victoire  que  Dieu  lui  auoit  o- 
C^royec  par  cruauté  ni  infolcncc  quelconque,  mais  de 
traiter  gracicufcmeni  les  ennemis  qui  fe  rendroyci  fur 
fa  foy:  que  fi  quelques  vns  s'obftinoycnr  luy  faire  tefte, 
après  eneltre  venu  à  bout.il  les  fupportaft  benignemér, 
fe  louucnant  de  fa  douceur, non  pas  de  leur  rébellion. 
Antoine  de  Valerme  enfon  Commentaire  des  frits  tj-  dits 
d'Mfinfe. 

Le  roy  Louys  XII.  ayant  prins  Bologne  l'an  i  y  1 1. 
commanda  à  Ican  laques  de  Trivulce ,  que  laifTant  Bo- 
logne en  la  puifîance  des  Bt:ntii)oles,  &  s'il  auoit  occu- 
pé quelque  autre  chofe  du  Pape,  le  rendant  ,  ils'enre- 
tou'-naft  au[Tî  lof^  en  la  duché  àt  Milan  auec  Tarmee.  Il 
adioufta  .1  faits  fi  gracieux  des  paroles  &  dcmonOratiôs 
tres-humaines.  Car  il  défendit  qu'on  ne  fiflen  fon  roy* 
aume  aucun  figne  de  publique  allegrefie.  Fr.  Çuichardiit 
at*  Commencement  du  loliu. 

Ce  me^me  prince  pouffe  à  vengeance  contre  Louys 
de  la  Trimoiiille  :  qui  du  temps  de  Charles  V  I  I  I.l'a- 
uoitdesfaic&  prinspi  ifoiinier  en  la  lournee  de  fainft 
Aubiirvn  roy  de  F'ance(ditil  )  n'efpoufc  point  les  que- 
relles d'vn  duc  d'OrIcans ,  s'il  a  fidèlement  ferui  le  feu 
roy  fon  maiftre  contre  moi,  qui  n'cllois  alors  que  duc 
d'OrIcans  :  il  feradeformaiilefemblablc  pourmoi,<|ui 
fuis  maintenant  roy  de  France.  Il  retint  à  fon  fcruice 
tous  les  officiers  de  fon  prcdeccfTwUr  ,  voire  inefmc 
ceux  qui  l'auoyent  gardé  prifonnicr.Sur  tout  il  fut  gra- 
cieux à  fes  fuicts,&:  parmi  tant  de  guerres  importante! 
«ju'il  eut  en  Italie,  ou  fç  firent  inftaief  grandes  Icuees 

.   d'ifi* 


ér  ntemorahlesl  7  9  Ç 

^'infanterie  &  de  caualcrie  dedans  &  dehors  le  royau- 
JUe/agracienfetc  héroïque  apparut  relJement  jc^u'il  na 
foula  ion  peuple  d'aucune  nouucllc  charge  ;  aimant 
mieux  rellreindrc  la  dcfpcnle  de  fa  perlonne  &  de  fa 
mailon,  que  defpouiller  Scdcfoler  foc  royaume.  Aufli 
ne  vid-oniamais  la  France  fi  riche, fi  abondante,  fi  peu- 
plee,fi  cuhiuecfi  belle  &  bien  baitic,  que  fous  ce  Prin- 
ce»quicn  chaiTa  foigneulemcntla  guerre  dthors,  pour 
tenir  les  ficns  en  paix  &  profperité.  L*on  peut  dire  que 
fous  ceroy  les  François  viuoyent  ioyeux  fous  Icuri  fi- 
guiers &  près  de  leurs  raaifons  &  vendang-s  ,  exempts 
des  outrages  &  rapines  militaires  laniais  roy  de  Fran- 
ce n'aima  tant  fon  peuple  ,  lamais  le  peuple  de  France 
n'aima  tant  fon  roy  :  oncques  fuiets  ne  donnèrent  aucc 
plus  d'aplaudiffemcntà  leur  fouuerain  ,  que  les  Fran- 
çois à  celui-ci  ,    le  glorieux  fumooi  de  T.Ur€  de  fou  peu- 

Voyons  deux  ou  trois  autres  hifboires  defagracieu- 
fetéheroique.  S'eftant  rendu  maiftre  de  la  ville  &  da 
chafteau  de  Milan,  Tan  1449.  &  faifanc  fon  entrée  en  la 
ville, il  accorda  libéralement  au  peuple  exemption  de 
pluficurs  daccs,  impunité  à  tous  ceux  qui  aucyent  fuiui 
i-udouic  Sforcefon  aduerfaire,  reftitution  auxgentils'- 
iioromes  de  leurs  biens  qui  auoyent  efié  parauant  con- 
fifquez.Si  ces  biens  n'eftoyent  plus  en  nature, pour  n'ai- 
grir les  poflefieurs  de  bonne  foy  ,  il  donna  de  l'argent  à 
plufieurs  pour  les  racheter  ,  ou  d'autres  s'il  s'en  prefen- 
toit  à  vendre.  Rappella  par  €.ài^  les  regens  &  profef- 
feurs  es  bonnes  lettres,  donnantaux  vns  des  terres  de 
valeur, aux  autres  augmentation  de  gages  ;  honora  de  fa 
table  les  gentils  hommes  dupays;&  icuts  maifons  ,  de 
fa  prefence.  Et  pour  rendre  le  gouuemcmcnt  plus  po- 
puîaire,eRablitgouuerneur  de  Milan  Ican  laques  de  Tii 
vulcc  Milannois  ,  lui  donnant  en  retonoiffance  de 
fes  mérites  &  loyaux  feruiccs  Vigeuene  &  plufieurs  au- 
tres biens. 

Les  Mîlannois  s'cftanttoft  après  remis  en  la  puifTan- 
ccdeLudouic  Sforce  ,  &  forclos  de  l'aide  qu'ils  pen- 
lo^enc  tirer  de  lui  »  requircut  aadi  cofl  pardoa  >  lequel 


79^  Hifloires  admirables 

ils  obcindrcnt  de  Theroique  gracicufetc  de  ce  bon  roy* 
lequel  outre-plus  leur  quitta  la  plufpart  de  l'amende 
de  trois  cens  mille  ducats  pour  chaftimcnt  de  leur  rc- 
bcilicn. 

LcsGeneuois  s*eftoyent  rebellez  contre  iuiiauoycnt 
cflcu  pour  Duc  vn  teinturier  de  foye  ,  abatu  Icsarmoi' 
îles  de  France  >  redreilé  ccIInSS  de  Maximilian  Sforcc, 
prins  Caftellat  place  qui  comandoit  à  leur  ville,  &  cou- 
pé la  gorge  à  la  garnifyn  F.  Jçoifejcn  l'an  i  5  0<î.l'an  fui- 
uani  le  Roy  les  contraignit  de  fc  rendre  à  fa  merci ,  les 
defarma,  le  19.  iour  d'Auril  entra  dedans  Gencs  armé 
tout  à  blâc  aucc  vnc  efpee  d'armes  nue  en  fa  main, fous 
vn  poiflc,3compagné  de  toutes  les  compagnies  d'hom- 
mes d'arme  s. &  archers  de  fi  garde. Mais  ilpardôna  aux 
Gencunis  teion  fa  gracieufeié  acoultumce,  le  contentât 
de  faire  exécuter  vn  des  principaux  auteurs  de  la  rébel- 
lion,&  quelques  fcmaincs  après  le  teinturier  de  foyeXi 
ville  paya  vne  amende  pécuniaire. 

Ayant  receu  les  nouuelles  de  la  baraillede  Rauennc, 
de  la  mort  de  Gafton  de  Foix  ,  du  ^nc  de  Rauenne,&  de 
la  reddition  d'autres  villes  :  Pleuft  à  Dieu(dit-il)quc  ie 
fufle  chalTi  de  i'lialie,&que  mon  ncueu  de  Foix  vefquift, 
&  les  autres  Seigneurs  falTent  pleins  de  vie.  le  fouhaiic 
telles  viftoiresauxennemis.  Si  nous  vainquons  encore 
vn  coup  de  ceftc  façon,  nous  fommes  vaincus.  H-Jt.de 
France,€n  la  vie  de  ce  Prince. 

Qjunt  aux  giacieufctez  heroiques  de  Quelques  au- 
tres Kois  de  France,  fucceiïcurs  de  Louys  XH.  nous  en 
parlerons  fous  les  liltres  de  Clémence  6l  Magnanimité 
es  v-/!amcs  fuiuaiis. 

Bannftc  Fuîgofc  raconte  que  lean  Gualbert ,  cheua- 
licr  Fîorenc'.n  tenant  en  fa  p'-nlfance  certain  gentil- ho- 
me icalié.iequL-l  a'ioittué  le  frère  vnioue  d'icelui  Gual- 
bertjcomme  il  eftoit  fur  le  poinft  de  fc  poignarder, l'aii 
tre  fe  mit  à  genoux  ,  &  ajuomde  lefus  lui  demanda  la 
vie.  Aceft-?"ie  e  Gualbert  d'vnc  gracieufeté  vray£- 
ment  heroiquc  pardonna  à  fon  ennemi.  Fitijofe au  4./*- 
ure  d^iexefnflesjch.ip.i .  g?»  Polydore  Vtrg,  M*  "jdiure  de  la- 
ihe;K,rer* 

AU 


&  memorahlesl  *79,7 

Alfonfe  d'Arragon  ayant  prins  Napl^s  à  foicc  d'ai" 
mcs  .empeTcha  (ic  tuer&  f.iccager  fauuant  les  citadins 
efchappcz  de  la  première  bomeede  cholere  des  vifto- 
rieux-Ôutreplus  tl  pa- donna  aux  vaincus  tous  les  torts 
qu'ils  lui  auoyeni  fai  >, voire  mcfmela  mort  de  fon  frc- 
'rc  Pierre,  qu'ils  auoycni  i\it. Lomati,'Vont.au  iM.cie  fortit. 

Le  mefine  ayant  prins  Ifcl-^  par  force,pardonna  à  fes 
ennemis  cjui  y  elloy^nc ,  vuire  mcrmc  leur  donna  pour 
femmes  des  ho.iorable»  vcfaes  6c  des  filles  de  bon  lieu, 
P''cltimanc(ce  quiadutnt)quc  par  le  moyen  de  telles  al- 
liances &  des  enf-;ns  qni  en  procedercycHt  ,  Icscœurs* 
p  us  enuenimez  vicndfnycnt  à  s'adoucir. Combien  que 
Ibnconfcil  fi:ft  d'auis  cju'ilfillmounr  Antoine  Caudo- 
Je»  grand  guerrier ,  &.  ;eplus  redoutable  ennemi  qu'il 
cuftal  lui  donna  la  vie  &  lui  fie  rendre  rous  fcs  bics.  Les 
foldatsprifonnier'^.Fjrentr'lirchcZj&pInfieurs  honorez 
de  riches  prefens  àcaufcde  leur  vaIeur.C<  itegracieufe- 
té  heroioi.e  lui  côquit  &  conferua  plus  de  pays  que  dir 
batailles.  Car  depuis  il  poltcda  paifiblenaët  tout  le  roy- 
aume de  Naples.  Le?  capitaine?:  ?c  foidats  de  Ton  armée 
vouloyent  à  toute  force  qu'il  -fift  mourir  Marin  Bfffc, 
qui  leur  auoit  fait  beaucoup  de  in2ux,fpeciaicmci  à  Al 
fôilrraais  il  le  garent  de  Irur  mains,  le  reftablit  cnfts 
biés  ,  lereceut  au  nôb  cde  fcs  rô  cillcr<5&  les  fils  d'ice- 
lui  pour  gécils  homines-lc  fa  maiiô.Les  chefs  &  loldats 
de  la  garnisô  de  Stcph'tc  kn  auoyôrdit  mille  outrages. 
Lcî.  ayant  aiîiegez  &  forcez  de  ferédre  à  Ca  merci ,  il  ics 
traica  fortgfacie'.ifen.ét.Cenfuré  par  quelques  fiens  cô- 
fcillers  deceftc  douccar  hcroiqui:rajrac  micuv(dit-il) 
acquérir  loiiange  de -ma  douceur  enuers  mes  ennemis» 
que  de  ma  vaillance  &  rigueur  contre  eux.  AntM'^aUr- 
me  enfon  Commenuire  des piits  cr  dtts  meniorubîes  dtt  Ti^  ^U 
finfe. 

Puis  que  i'aymisenauant  ce  Prince, ie  ne  puis  me  cô» 
tenir  de  prefentcr  encore  quelques  tableaux  de  fa  gra- 
cieufeté  heroique.lls  vaudront  mieux(û  ie  ne  me  trom- 
îpc)&agrcerôt  plus  au  lefteur  vertueux,  qre  Jesilatucs 
mortes  de  relief,     ou  des  veines  parturcs  de  peinairc 


7  9  8  Bi^oires  admirahtei 

pUftc  A'infi  doncques  comme  Alfonlc  cuft  mis  IcCcgC 
dcaanc  Gd)  ctic,!es  illîcgez,  lortercnc  hors  Its  vieillards, 
les  temnjcsjics  cntans,  5c  autres  bouches  inutiics.  Les 
foldais  d'Alfunie,conunenccrenc  à  grands  an  &^coups 
de  pierre  a  les  rcchalfcr  vers  la  ville  ,  où  ils  uouuercnt 
Vilage  dcbois.  Dont  Aifonfe  tut  rcilcment  clraeu  qu'il 
fc  prima  dire  que  mieux  ilaniioit  perdre  tout  &  eftrc 
challé  defon  royaume  ,  qu'eftre  caufc  de  la  mort  de  ces 
pauures  perloiit-e^. Pourtant, après  leur  auoir  fourni  de- 
quoy  5  entretenir  &  nourrir,  il  leur  permit  fe  retirer  où 
bon  leur  Icmo'eroit.  Le  mefme  autheur. 

Il  auoii  cailé  aux  gages  certain  capitaine,nommé  Ici 
le  Forr,  qui  pour  fe  venger  courut  par  riraiie,la  France, 
rAkmagne,  &;  i'Elpagnt ,  où  il  dit  tous  les  maux  cju*il 
peut  du  roy  Aifonfe.  Mais  ne  irouuart  ptrfonncqui 
voulult  lui  faire  parti  ,  fut  contraint  fe  prcfenier  dere- 
chef à  Aifonfe  ,  Icquclayant  eu  auis  de  les  courfcs  indi- 
gnes ,lui  dit  :  le  ne  me  fouuien  point  de  tes  mcfdifanccs» 
mais  des  feraices  que  lu  m'as  fait5:&  lui  ayant  donné  v- 
re  bonne  fomme  de  deniers  l'cnuoya  en  paix,  tul^ofc  au 
^.liurecb.tpure  i.  McCme  iraitementfit-il  à  vn  chtualicr 
îfpagnoi.quirauoit  diffamé  &  calomnie  par  louiiguc- 
rillantcefte  malac'ie  pargracieufeté  hcroiqueSc  libéra- 
lité digne  d'vn  grand  Prince  qu'il  c^o'n. Le  mefme. 

Antoine  de  Palcrme  recite, que  ce  melmc  roy  reprins 
de  ce  qu'il  auoir  fait  tant  de  biciisà  Aluares  de  la  Lunc> 
qui  fe  monftroit  du  roue  ingiat  &  mcfconoilîant  d'i- 
ceu.v  ,  ne  die  autre  choll' à  les  familieis  ,  finonqu'vnc 
grande  ingratitude  eltoit  le  conccpoids  d'vne  grande 
bcnefi(:encc&.gracieulecé.  Lture  t.def  ditscyfius d'^Al' 
finfe. 

Ildefcouuric  qu'vn  nommé  Albert  Orlando,  par  vn 
long  efpace  de  temps  auoit  ferui  d'efpioo  à  quelque 
Prince  eftrangr»  en  a  cour:mais  en  heu  dclcchalTer,  il 
lui  adîgna  penfion  annuelle.^i*  ^.Uu. 

Partant  tout  a^nie  d  dans  CapOLC  auec  fes  troupes, 
vn  gendarme  tout  cfchaufFc  lui  vint  au  dcuant  en  pkioc, 
place^arrcflâc  fou  cheual  par  la  bride ,  puiji  lui  dit  beau- 


é^  mémorables.  799 

coup  <3c  paroles  indignes  &  infolcntcsrJont  Alfonfc  ne 
fit  mine  quclconqucainspalFa  outre,  fans  mefmc  faire 
fcrablantde  regarder  ce  vaitaut.^AMfrtniîtrUure. 

Vn  auircmocqueur&mal  embouché  lui  aucic  lan» 
cétouc  piein  demotsdcrraucrs,doni  quelque  particu- 
lier fefuftlènti  picqoé.AJfonfen'cn  tint  conte  &  quand 
ccmcfdifam  lui  en  dcmanJa  pardon  ,  pour  te Irnoig na- 
ge qu'il  ne  lui  en  porioic  tjncune  ,  ni  l'en  vouloic  re- 
cercher,  il  luific  prefent  tout  à  Thcure  de  lafbrame  d© 
trois  mil  ci'cus^loHian.'Pottt.au  3  o.cbap,  du  difcours  de  la  li- 
heralité. 

Sa  couftumeeftoiclauantfes  mains  »  de  cirer  les ^n,- 
neauxprecicuxqu'il  portoites  doigts,  &  les  cômettrc 
au  plus  proche  de  lui  pour  les  garder  iufques  à  ce  qu'il 
fcfuft  cfTuyi.Qmîlqucfîn  cournfan  les  ayant  receus,&: 
Alfonfe  ne  les  redemandant  point  ,  s*en  accommoda: 
Jont  Alfonfc  ne  fit  fembiant,  mais  en  print  d'autres  ea 
fon  cabinet. l'eu  de  iours  après  continuant  en  fa  coaflu- 
me,  Icconriifan  s'approchant  de  lui  pour  receuoir  hs 
anneaux,  Alfonfe  l'empoignant  &  lui  tirant  la  main  lui 
dit  tout  bas  à  Toreillc  ;  Je  te  baillcray  ceux-ci  en  garde, 
pourueu  premièrement  que  ru  me  icndfs  ceuxquc  tu 
me  retins  l'autre  iour.  Et  ne  l'en  chaKia  point  autre- 
ment, quoy  qu'au  rcfte  ce  fuft 'vn  ftuere,  fage  &' iuftc 
Prince,autant  qu'autre  qui  ait  efté  depuis.  Mais  relie  c- 
fi;oit  fa  naifuc&  héroïque  graciculeic.    Ful^ofe  Lurc  4, 

,■  L'Empereur  Charles  V.  auoit  vn  horlcgc  &  refueiU 
Ic-matin  defingulier  artifice  &  de  fort  grand  pris.  Vn 
courtifan  cnuieiix  de ccftc:  pièce,  la  crouuani  àfon  ad- 
uantagcmct  la  main  dedus  ,  «Se  la  fourre  en  la  pochet- 
te defcs  chauffes. CoRimc  on  cerchoit  après  ,  l'horloge 
fonne  3e  defcouure  le  larron,  qui  prias  iur  le  fait  fc  ict-^ 
te  aux  pieds  de  fon  Princc,dcroandant  grâce  en  grande 
confuûon  &  demi  mort.  L'Empereur  le  fouriant  de  tel 
piège, lui  pardonna  gracieufemenc,  &  Ce  contenta  de  lui 
dire  ,  qu'iile  Ibuuinft  que  la  peur  clt  vn;;pafliQn  pKis 
forte  beaucoup  que  relperancc.  ^utngsr  au  t.y»lmrie  di 
fia  Theafre  lnê.  i . 


8  o  o  Hijtoires  admirahlei 

Ce  mcfmc  auteur  raconte  aufiî  que  le  roy  Frâçois  ï^ 

flyanc  fidc-^iiucri  &  fait  emyoïgrcr  vn  vendtrui  de  hap- 
4>cloi)r<ics&:  r^ullcs  {»icrrcs,doni  ilafinoir  les  dames  de 
la  cour, pour  lapplice  le  conrcr^adc  faire  rairc  cclHiB- 
policur,  la  coaHume d'alors  tftanrque  cous  portoyent 
grandes  pcrruquesrpuis  le  fiv  prc«mcnci  en  ccltcftac  par 
Jcs  carrefours  du  lieu  où  il  fut  attrapé  ,  non  fans  nfec 
des  cournraiis,&  belles attres  de  l'innpoflcur  ,  qui  n'ac- 
tcndoitqu'vne  ercht.'l'e&  vn  licol. 

Q_ui:K]ue  courtifan  incerccdoit  vn  iour  cnuers  le 
nieimc  Prince  pour  cerain  calomniacear,  lequel  auoit 
auancé des  propos  inTupporcables.  Icfuis  content  (  dit 
le  roy)iui  pardonner  beaucoup  j  moyennant  que  ci  a- 
prK"S  il  pari?  ^ç.i] .An  mefme yolnme  ^  linre. 

il  ces  Princes  ont  cfté  ir'ands  &d'vn  naturel  héroï- 
que, ;;ornmc  ils  ont  elle  ,  c'cllnu  lc6teur  àpcnfer  ce  qu'o 
]f  ourroicdire  de  plulieurs  farccnus  dcpi:is  >  qui  cnfeue- 
liinnc  toute  grarieuicté  hcroiquc,  ne  'ù-  f'ontfai:  rcnô- 
nicr  q  le  par  atle<  conrraircs.  Mau:  irr eiions-nous,  âc 
confîderons  les  hiiloircs  fuiuantes,  afin  que  adiuciiîté 
Jîous  efg.iycs.Sc  infttuire ayfiî. 

Léon  X.de  lafainillc  des  Mcdicis,  venarr  à  Flo'ence, 
rappclla  de  Rr^goufe  Pierre  Soderin  ,  grand  gonf-i non- 
rier,&  enncH.i  iuîé  des  Mcdicis, le  rccen  en  ^;andhô, 
II" ur,&  donna  l'vne  de  fcs  proches  pa'cr.te^  pour  fem- 
me au  neueu  de  Sodcrin.  Il  de.iura  de  prifon  Vaicrius 
l'vn  dts  complices  de  cercaioe  trahifon  braflce  contre  \ 
ï(]i,S4  Je reftablic  en  chai ^:  publique.Il  reccut  en  grâce»  j 
&rcibtaa  en  leurs  anciennfîc  tiig;\itcz  deux  cardinaux 
JZrpagnoKsquc  Iules  '  I.  lonpredecefïeur  a-ioit  délibéré 
de  faire b'Uller  vifs,  pou-ce ^jii'ils  autyenc  aflignc  vn 
Concile  àPil'c  contre  lui.  '^. loue  au  troijîcjme  liure  de  ta 
yie  de  Léon  X. 

Rome  ryancefté  prinfe  par  l'armée  du  Duc  de  Bour-  * 
.  bon  Pan  i  '  17.0:  »':*  pane  Clemenr  V!I  nitîfgé  ucdâs  le 
chafteau 6\Ange,Ponipec  Colonne,  caïuinal  grand  en- 
rcmi  du  Pape, vin;  à  FvOme  ,  non  pour  fc  venger,  mais 
pour  ouurir  Ton  pillais  aux  affîcgez.  Il  eut  tel  crédit  en- 
ueis  les  capicaïues  &  loldais  de  PJtirpcrcur ,  que  les  fc- 


C^  mémorable  si  8  o  Fl 

mes  &  filles  ne  furent  point  violées,  que  les  citadins 
rcccureni  doux  traitement  ,&  qu'on  traia  courtoife- 
jncnt  les  prironnicrs,au  regard  de  leurs  rançôs.Il  remit 
en  équipage  pluûrurs  cardinaux  dcfualife2,&  les  entre- 
tint libéralement  à  fa  table;  payant  pluiîcurs  rar  çons, 
refpoBdit  pour  ceux  qu'on  vouloii  ourragercn  leats 
corps  ,  faute  de  fatisfaire  à  leurs  promclfes  :  lellemenc 
qu'on  peui  duc  que  Tacs  ûîfte  Colonne,  Rome  alloit 
parterre.  Il  fit  beaucoup  de  courtoifîes  à  ceux  qui  lui 
auoyent  cfté  fort  contraires  :  mefmcs  il  retira  en  toute 
alleurance  dedans  fon  palais  vne  grand*  daac  de  la  fa- 
mille de  fainâie  Croix ,  aucuns  de  laquelle  auoit  tué  le- 
rome  Colonne  Ton  pcre  ,  &:  paya  la  rançon  de  ccfte  da- 
me Scdc  fa  fillt.*PJo«ee«  U  yie  atcdui. 

l'ay  fait  mention  ci  deuant  du  grard  Gonfalue ,  &  ie 
lui  donncrayencores  c^trait,pour  faire  voir  fagracieu- 
fecé  héroïque,  combien  qu"*aurefle il  ncfuft  pas  fans 
plufieurs  grands  défauts.  Eftan:  entré  dedans  Aquino 
delailTé  de  Tes  ennemis ,  il  y  trouua  force  foldats  Fran- 
çois &  SuyfleSjabatus  de  froid,ûc  faim,&  de  maladie,cn 
l'hofpital,  Icfquels  il  y  fie  traiter  bcnigncmenc  :  tout  à 
rebours  de  la  cruauté  quw  peu  auparauant  Prejan  gêne- 
rai des  galères  de  France  aUoit  exercée  contre  quel- 
que^ panures  Efpagnols  malades  &;  brufltz,  que  l'on 
portoitde  Formian  àNapIes  en  vne  galère  ;  car  \ti 
ayant  aitrapei  il  les  fit  fans  merci  iettcr  tousenla  mer 
où  ils  furent  miferablement  noyez.?,  lotte  en  la  yie  de 
Çonfalue. 

Selyman,  fultan  Turc,  ayant  afTiegé  le  chafleau  de 
Bude,  vaillamment  défendu  par  Thomas  Nadaft  gen- 
til-homme Hongrois  ,  aiùnc  que  les  foldats  dcja  gar- 
aifoû  fc  monftrerenc  fi  iatchcs  ôc  pcrfiàcs  que  d'empri- 
fonncrNadafl  ,  &  renàr;  ja  place  par  ccmnolîtion  de 
vies  &  bagues  fauues  à  Soliman.  Les  ianilTaires  en  rcz 
auchafteau  trouucnt  Nauaft  pnfonnier.&'enquierent  dii 
faicSc  en  font  rapport  à  Solyrricin  ,  lequel  fait  tuer  tous 
cesdtiloyau.ç,  mais  offyc  à  Nadaft  vn  riche  enrrctcne- 
ment ,  s'il  veut  le  fcruir  :  2v  pourcc  qu'il  n'y  voulut  cn^ 
wndre  Soliman  le  jiiiî  çn  iiberic  fuit  gracie ufe^'hcnt.  Sa 


86  i  Hi/loires  admirahUs 

le  rcnuoyaaiofî  en  fa  maifon.  'P.Ioue  ait  ig.  Hure  dcfcj 
hijfoirei. 

L'£mp<Teur  Charles  V.ayant  en  Tan  i  Ç47.prins  pri- 
fonnizr  ^^  condamné  à  mort  lean  Ftideric  elcdlcur  de 
Sa\.  ,itirec<ui  en  g  ace  :  Se  quand  la  ville  de  Vittcberg 
lu.  fuc  rendue  par  cc.mpofition,  Sibylle  de  Cic  ucs  fem- 
me de  rEl'.'ft.'ur  citant  venue  aucc  l'a  fille  &  le  frère  de 
fon  maa  vers  .'Empereur  ,  lui  fit  recjucfte  pour  le  pri- 
ibnnie-.  l'Empereur  la  rcc'jcillir  auec  grand  rcfpe<^  ,  Se 
permit  à  Tclcdeiir  d'aller  hui6t  iours  entiers  auec  fa 
femxne&fesenfâsenla  ville, au  bout  defquelsil  rcumt: 
&en  fin  de  quelques  anûccs  après  l'Empereur  le  rccon- 
<ilia  à  foy,lc  renuoyant  en  fon  pays,  où  il  dcccda  paili- 
blcmsm.Sitidanau  l^.CT*  ^^dw.defes  Commentaires. 

Le  grand  Sforce  auoii  e lU  rudement  bkfleSf  pr^f- 
qu«$  tue  en  la  bataille  de  Viîcrbe  par  le  cemie  Brando- 
Jin. Depuis  il  afliegea  Capiton, &:  l'emporta  d'affaiit,  où 
fe  trouua  Brandoim.  Sforce  ayanr  moyen  de  le  faire  dcf- 
pcfcher  ,  commanda  tres-cxpreliément  au  contraire 
qu'on  le  fauuaft,&rayaï>t  le  traita  auec  toute  herciqus 
gracieufeté.  Mefmesafin  queccprifonnicr  memoranf 
du  paift  ne  feforgeaft  despcars  imagmaircs,  Sfoice  le 
Ioiicigrai)dcmfnten  vn  fcrftin  ,  &  deuant  pluûcurs  fc 
glorifia  d'auoir  cfté  blelfé  par  vn  grand  capitaine  ,  tel 
qu'ciloir  Brandoim,  nonpointpar  quelque  loldatmcr- 
cenaire.'?./o«e  en  la  yte  d'tceiui. 

Enrre  les  prifonniers  Vcnitiens,en  I.i  bataille  de  Vin- 
cence,  gaignee  pjr  i'empereui  Maximiiian  premier,  le 
trouua  Oihon  \  icomte,  lieutenant  Je  Sacrcmore  ,  le- 
quel l'an  précèdent  acoii-pagné  de  l'on  fre:c  Aftor  a- 
"uoitdenuidl  afTailli  lesdomcinques  de  Fcrnand  d'A» 
•  ualos  marquis  de  Pcfcairc,  deuâc  la  maifon  de  Triuulce 
à  Milan. Le  marquis  acouru  au  bruit  ponrl'apaifcr  ,  fut 
bleiîé  à  lateI1:e.&:  Pomar  capitain-td'vne  compagnie  de 
gensd'aiines  tué  fur  la  place.  Crmnip  Mancioguidon 
de  celte  compagnie  couroitpour  p'-ignarder  le  Vicon- 
te,&  air  fi  ven^c  h  mort  de  Pomar  ,  k  marquis  l'arrc- 
fta  coi.M  .,;'auu;i  la  vie  au  Vicon^e,  &  Ini  fit  beaucoup  de 


é"  memorahlei'  8  o^ 

Les  Efpagnols  mutinez,  à  faute  de  payement ,  lor» 
<ju*A.':unlc  marquis  dcl  Guaft  leur  ccmmandouau  ro- 
yau  nedc  Naples  ,  Salfcde  foldat  appoint'  chargea  le 
maiftrc  de  camp ,  nommé  lean  Dorbin,  auflî  Erpagnol» 
d'eflre  autciir  de  ccftccfmeute.  Dorbin  irriiédeceftc 
accufanon  ,  fans  rtfpcftcr  le  marquis  Ton  général,  lors 
prefenc,  dcigaine  l'cipee  &  bkfTeSalfcdeau  bras»  Le 
marquisvoulant  venger  celt  outrage  fc  chaltier  Dor- 
bin de  fon  infolence  fe  lance  contre  lui.  Dorbin 
le  voyant  accourir  fe  ictte  à  gcncux,&  lui  lédant  le  pô- 
meau  de  fon  efpee, commence  àdire,Monfcigneur,tuez 
moi  decefteefpee.cjui  vous  a  fi  indignement  offéféplu- 
ftoft  en  colcrc  que  par  malice. Le  marquis  s'arrcftac  touc 
court  &picquc  de  cefte  fubmi(Hon,lefupporra  gracieu- 
fement ,  &  lui  confirma  fon  eitat  de  maiftre  de  camp.*?* 
loue  en  la.  y'ie  d*icelui. 

Lcfieurde  Laurrech  fit  fentir  fa  grac>eufetc  heroi-* 
que  à  M.Antoine  Colonne  fon  enntrmi  /  blefleau  (îcgc 
de  Vérone,  lui  alTiftanc  de  toutes  commoditez  propres 
&  de  fon  médecin  pour  fon  foulagcmenr  durant  fa  blef- 
furcrce  qui  lui  acquit  grande  loiiange  entre  les  îtilienj. 
'P.Ioite  O' SabellU.  Au  volume  fuiuani  nous  produirons* 
parlant  de  la  clémence,  pluûeurs  autres  hilloires  mé- 
morables. 

ÇKEXI  ^  0  'HSmopneeSi 

IL  adulent  aucuncfois  des  chofes  contre  toute  efpc- 
rance  aux  maladies  ,  comme  à  Nature.  Qu^ilne 
fûic  ainfi,  l'on  a  veu  gt!erir(comme  raconte  Ambroife 
Paré)  de  noftrc  temps  vn  foliat,  lequel  auoit  receu  vnci 
harquebufade  au  bias  dtoic ,  fans  fiad:are  d'os  ,  edant 
à  la  gucr'f,fur  le  poinâidc  fon  accès, la  perdit,  fans  rô- 
ber  m  fieure  continue  ,  comme  d'o!  dinairc  elle  vient  à 
toutes  grandes  playcs.  H  recite  dauantage  d'vn  au» 
treJequcl  fuc  ittcc  inopinément  dcdâs  lanuierede  Sei- 
lie  tout  habillé  ;   parynqui  fcioaouaucclui  ài'hcrur^ 

EH     i 


8o4 


HiBoires  admirables 


que  Taccés  df  la  quarte  le  tcnoit ,  &  Taucit  tourmente 
dixhuiâ:  moisàutant,fans  y  auoiriamais  troaué  remè- 
de. Mais  11  en  fut  guéri  iors  foudaineracnr>  &  reciré  de 
l'eau, ne  fc  icntit  oncques  depuis  de  fa  ficure.  Gunierius 
médecin  Aicman  eicric,  qu'vn  homme  qui  auoit  des  ca- 
taractes ou  rayes  es  deux  yeux  ,  &  n'auou  vtu  il  y  auoit 
dix  ans  pafTcz ,  tomba  d'vne  fort  haute  montée  y  la  terte 
dcuant.  Apres  qu'il  fut  leleuc,  tout  meurtri  de  ccftc 
cheuiejfe  trouua  voir  aufli  clair  qu'il  auoit  oncques  tait. 
Il  eft  à  prefumer,  que  les  grandes  conculTions  prinles  de 
ceftecheute  lui  derplace.êt  ces  deuxtayes  qui  lui  cftoy- 
cnt  la  vcuë.Et  y  a  apparence  que  cela  peut  aLCnir:  d'au- 
tant que  Galien  récite  qu'vn  Operateur  de  ion  temps, 
quife  mefloit  de  gueriv  les  maladies  des  yeux  ,  aucc 
grands  mouuemens  &esbranlemcns  de  tcrte  qu'iU^ai- 
ibic  à  ceux  qui  auoicnt  des  cataractes,  en  gueriflbii  plu- 
ficurs.  î^ouys  Çuyon  au  5  dïure  défis  dtuerfes  leçtnSy  cha^, 
IS. 

Vn  homme  du  bourg  de  Pompadour,  commettant  a- 
dultereauec  la  femme  d'vn  thuilier,&lurpi  is  fur  le  fait 
le  mari  lui  donra  tel  coup  du  laillanr  d'vne  hache  fur  le 
front ,  qu'il  pénétra  lul'ques  aux  méninges  du  cerueau . 
La  playe  eltanc  conlolidee  ,  ce  couîpablc  blcffé  ,  &.  ainfî 
marqric,re  trouua  gucrid'».  ne  micraine,quile  courmcn* 
toitcrueilementdcuxiours  de  lafemaine.  ^urnefme  lï" 
un  C7  chapitre.  't 

Les  Ei'p.^gnùis  habituez  en  l'Ifle  de  Cumanaen  l'In- 
de Octidcncaie, où  ils  baftirent  quelques  maifons  &  vn 
Conuent  de  laco^'Uis  ,  furent  affligez  l'an  i  5  i  ^.  d  vnc 
maladie  de  cofté,  donc  h  piufp.-îrt  mouroyent ,  s'ils  n'c- 
ftoycc  faignez.Ii  yau.it  vn  feruncur  de  ces  lacopîs  ,  le- 
quel fac  atteint  de  celte  maladie.  Vn  Chirurgien  expert 
s'efforça  de  lai  ouurirla  veine, mais  il  nepeutiamais  la 
trouucr.foitquele  patient  fuft  gras  &  replcr,  foi  t  qu'il 
cuft  les  veines  trcf-petites,ouque  le  fang  s'enfuit  au  ce-) 
trc  du  corps  rour  crainte  &  apprehenfiou  delà  faignee.  ^ 
Il  fut  donc  abandonné  commcdrmj  mort  ,  faifî  d'vné 
grande  fîeure&  de  rcfuerie.  Les  moines  l'ayans  recora» 
mandé  à  Dicu,le  laiPicrcnî:  en  garde  à  vn  kruitcur ,  qui 


f' 


ér  ntemorahlesl  8  o  f 

s'endormit  en  la  chambre  du  malade.En  ccfte  nuift  vint 
Tncchauuefouris  ,  laquelle  mordit  ce  ma'ade  près  da 
talon  rrouué  dcfcouaert  ,  &  en  tira  du  fang  tout  fon 
foul:Ia  veine  demeurce  ouuerte  ,  Nature  poufia  hors 
du  fang  autant  qu'il  eftoîc  befoin  pour  remettre  le  pa- 
tient en  fancé.Lc  matin  venu, quelques  vus  du  Conucnc 
vindrent  voir  leur  malade,  lequel  ils  trouucrent  en  bô- 
ncdifpoficion.  N'apperceuans  fîgne  de  fueur  ou  autre 
crife.ils  admirèrent  cefteguerifon.  Surcevn  d'eux  def- 
couurit  qu'il  y  auoit  du  iang  abondamment  efpandu 
dedans  le  lift  dcuers  les  pieds,  &  reconu  ent  inconti- 
nent la  morlurc  de  ctftc  chauuefout  <s,dont  il  y  a  nom- 
bre en  riflc.Le  fang  fut  incontinent  reftraint  auec  de  la 
terre  qu'ô  prmt  d'vnc  ornière, vrai  antidoe  en  c^s  mor^ 
{[ir&s.Lditmefmeliureo'  chapitre. 


A 


HyiX^NÇFE  VXS  muets, 

L'entrtuenuëdu  pape  Clcment  &duroy  François 
^  ^à  Marlciileje chancelier  Poyet  ,  hommecoute  fa 
vie  nourri  au  barreau, en  grande  réputation, ayant  char- 
ge de  faire  la  harangue  au  Pape,  le  l'ayant  de  lorguc 
main  pourpcnree,voue  (à  ce  qu'on  dii)jpportee  de  Pa- 
ris toute  preftcje  iour  meime  qu'elle  deuoit  cftre  pro- 
noncée ,  le  Pape  craignant  qu'on  lui  tinlt  propos  qui 
peuil  ofrenfer  les  ambafTadeurs  des  autres  Princes  qui 
éftoyent  autour  de  îui,mMidaau  roy  i'argumeûcqui  lui 
fembloit  eftre  le  plus  propre  au  temps  3:  î^u  heu,  mais 
defortunc;out  ancre  que  celui  fur  lequel  monfieur  Po- 
yet  s'eftoittrau3}I'é:de  faço  que  {^i  harâgae  lui  demeu- 
roit  inutile, &  lui  enfîloit  promptcnicn^  refaire  vne  au- 
tre.Mais  s'en  fcnrancmcapabiciifaluiqueM  le  Cardi- 
nal du  Bellay  en  prinfl  lacha«gç.3î.<^e  ynonta^e  au  i . 
hure  de  [es  ejjan,chap.  i  c. 

Il  y  a  eu  de  noftrc  temps  vn  lurifconrulte,qui  s'eflant 
prépare  dclongueniaiû  pour  faire  fa  prcmicic  haraa- 

EE     3 


8o  è  Hifloires  admirables 

guc  en  l'académie  de  Bourges,  en  prefcncc  de  grade  af. 
ièmbicc  de  Douleurs  &  d'clcoliers  qui  Ce  promectoyenc 
beaucoup  de  l'éloquence  de  ce  perlonn.-îge  ,  monté  en 
chaire  auecgrâd  apparat, commençant  par  cesnnors, Lu- 
cas Medicus, demeura  touc  conrr, fi  confus  ,cftôr.é,  paf- 
le  &  tremblant, qu'impoflible  lui  fut  de  paflcr  «uitreael- 
Icment  qu'il  defcendit  de  chaire  laillant  tout ,  &:  depuis 
par  quelques  vns  là  venus  pour  I'ouyr,fut  furnômé  Lu- 
cas hXcàxcus .Extrait  de  mes  mémoires. 

Vn  autre  trcfdoite  perlonnagc  monté  en  chaire  pour 
faire  fa  première  leçon  publique  en  droit  ,  fc  donna 
telle  apptehsnfion  de  la  prefcnce  de  plufieurs  dodes 
hommes  en  diuerfes  profefllons,qui  eftoyeni  venus  ho- 
norer Ton  auditoire ,  qu'après  auoir  prononcé  quelques 
périodes  de  fa  harangue  il  demeura court,&auecexcufc 
modefte&  biêfeantcprint  congé  pour  l'heure  mais, ie$ 
autres  iours  fuyLians,s'eftant  rafleuré.fic  preuue  fuflîfan- 
te  de  fon  fçauoir  -,  &  ahcureufcment  continuédcpuis. 
extrait  de  mes  mémoires. 

Les  cabinets  &  chambres  des  Rois  &  Princes  où  les 
ambalfadeurs  l'ont  oiiis  ,  où  les  confeillers  d'ElKir  ont  à 
opiner  fur  affaires  iref-^importantes  ,  où  lej  plus  do£le$ 
des  royaumes  &  principautez  font  appeliez  pour  ref- 
pond  eaux  difticulttz  qu'on  lei'r  propofe.-fournifTent 
beaucoup  d'eïc-mple<  de  l'eJociuence  muette.  Comme 
font  auflî  les  barreaux  des  Parlemcns  de  France  ,  où  les 
plus  afleurez  aduocats  fetrouuent  fouuent  cftôncz  ,  en- 
core plus  ceux  qui  commencent  à  plaider  ;  cequei'ay 
yeu  quelques  foi-,  en  celui  de  Pans. 

le  n'appe'lepoinr  harangueurs  ceux  qui  prefcheni 
purement  la  pa-olc  de  Dieu,  àplufi-.-ursdcfquels  eftad* 
uenuendiue'S  lieuxd'cltre  faifis  de  grand  cHônement, 
quand  il  aeftcqu  ftiondefe  prelVnter  en  l'Eglife  pour 
annoncer  la  vérité.  Si  ceftc  apprehenfion  procède  de  la 
rcuerence  que  tels  portent  à  la  fainéle  Miicfté  de  Dieu, 
ie  Icsen  ptiledauantage  :  &pourrois  en  nommer ,  qui 
ayans  exttrcé  cefteliaute  chj'ge  près  de  quarante  ans,  i 
appréhendent  pli  s  de  monter  en  chaire  pour  exhorter,  i 
inftruiie  &  confolcr  les  autres,^u'xls  ne  faifoyct  la  prq- 1 


&  mémorable  si  807 

miere  anncc  de  leur  fer  uice.  Bien^hcureufe  cft  l'amc  qui 
fciuge  foy-mcfmc.qui  vuide  d'impudence,  d'ambition, 
d'aaariccaimc  vérité, modertie,firaplicité,  deuantDieu 
&  les  hommes. 

laques  Latomus,Doâ:eu'  de  Louuain  ,  IVn  des  plus 
jfTcurez  parleurs  de  fon  temps  ,  ayancàiaire  vnfermoii 
dcuâc  l'Empereur  Charles  V.  demeura  muet  en  la  chai- 
re,dont  il  fut  brocardé  par  les  courtilans  ,  entre  autres 
parMaximilian  Comrede  Bure  Retourné  en  la  mai- 
fon  le  deTpii  le  pouiTa  en  la  couche,  où  il  romba  en  de- 
fcfpoir,&  mourut  miferablLmenc,  auoiiant  que  ce  fîlcn- 
cc  eftoit  Ton  iufte  loyer  ,  pour  s'ertrc  ladis  oppofé  à  la. 
rcritcdontileftoifconuaincuenfaconfcience.  H^Jl,  de 
uoflre  ternes. 


H  0  ;M:ME  merueiUeux. 

ÏL  y  a  cent  ans  que  viùoit  en  EfcolTe  vn  merueilleux 
homme  ou  môftre, lequel  nafquitenuironran  14^0. 
Depuis  le  nombril  tn  bas  il  eftoit  totalement  formé  co- 
rne vn  raaflermais  du  nombril  en  haut  il  auoit  le  corps 
double  en  Ton  tronc  &  en  tous  fes  membres,  defquelsil 
t'aidoit  dexcreracnr.  Le  roy  commanda  qu'il  fuft  foi- 
gneulement  eileué  &:  inftruit  :  il  profita  es  lettres  ,  fur 
tout  en  la  mufique  où  il  deuiar  cicellent  ,  aprint 
diuers  langages,  &  (qui  fut  plus  merueillc:ux)par  fois 
oncntendoit  cts  deux  corps  difcordans,dirpL  Uns,  plai- 
dans  &  conteftans  l'vn  contie  l'autre  ,  &  de  rolontcz 
oppofecsJ'vn  voulant  cect,l'autre  cela  :  puis  après  ils 
confultoyent  comme  en  commun.  Si  l'onle  touchoit 
aux  cuiflcs  &  aux  reins,  l'vn  &  l'autre  corps  s*en  fen- 
toit  &plaignoit  en  commun:mais  quand  on  le  picquoit 
&  bleftoitau  deffusda  nombriî,  le  corps  du  cofté  du- 
quel le  coup  eftoit  donné  le  douloit  :  différence  qui  ap. 
parut  encore  dauanrage  ,  en  la  mort.  Car  l'vn  de  ces 
corps cftant  amorti plaficursiours  !e  premier,  le  furui- 
«ftc  perdit  la  vie  peu  àpeu,&  àmefurequ^  fon  compa- 

£E    4 


(^ 


8  o  8  Hiftoires  adm  irtihles 

gnon  pourriffoit.C'eÛ:  homme  vefciu  a  8.ans,&mourut 
au  temps  du  viceroy  lean.Nousefcriuons  d'autant  plus 
hardiment  ccftehiftoire  admirable,  que  lors  que  nous 
la  rcprcfcntions  ici,  viuoyent  encore  pluficurs  honnc- 
ftes  pcrfonncs  dignes  de  foy,qui  l'ont  vcu.  Buchanan  ut* 
I  idiH.de  l'hiJlcired'Efcojfe. 


HO  yxt  Jisî£  rohusîe. 

LEfeigneur  Ogerde  BurbeqacambafTadeur  de  Ma- 
ximilian  1 1. vers  fulian. Soliman  ,  raconte  qu'eftant 
çn  Hongrie  il  fut  acompagné  en  certain  endroit  par 
quelques  caualiers  Turcs  ,  entre  lefquels  cltoit  vn 
Tarcare,  ayant  la  cheuelure  fort  longue,  &  fi  cfpaiflc, 
qu'en  hy lier,  en  cfté,  parmi  les  grefles,  pluycs  &tcmpe- 
lte5,es  elcarmouches  &  combats,  il  ne  portoit  chapcau> 
Jii  cafque ,  ni  turban  ,  mais  fe  çontentoit  de  fa  fimple 
c\iZ[2c\\iTC,Enladcfcril/tton  defonyoya^e  en   Turquie   ,     c 

leàn  r.angius  dofte  médecin  Aleman  efcrit  auoir  a- 
pris  des  gentils  hommes  du  conte  l^alatin, qu'ils  auoy- 
pnt  veu  en  Auftriche  ccrrain  homme  qui  couroit  aulTî 
vifte  qu'vn  îeurier,alloit  à  la  chaffe  auec  les  chicns,con- 
trefailoit  leur  voix, fe  fourroit  fans  crainte  dedans  k§ 
bois,brofloit  à  trauers  ,  couroit  après  la  proye,puis  re- 
Uenoic  aucc  eiir.  ^  ^l'^^auld^en  la  ^.Centurie  deschojes 
merueilleufesyclyap,  4  ^ . 


HO  ^Tit^  E  ayant  du laiH  aux 
nmmmelleS. 

CArdan  attcfte  auoir  veu  en  la  ville  de  Gcncs  vu 
homme  aagédc  34.3ns>nommc  Antoine  Benzc.dc 
çouicur  pafle, gras, portât  barbe  claire,des  mamelles  du- 
j^uçliprtoitdulai^  Çn   abondance   pour  nourrir  ^ 

^nfant: 


^  mémorables,  809 

«^nfant:&  adiouftequece  lainfl  necouloit  pas  goutte  à 
goiitte:m.iis  iaillifoit  impetucufcmenr.  Ilefcritceîa  en 
fon  amre  de  la  fubtiiue\au  Hure  de  la  nature  de  l'homwe. 

H  Y'D  Ji^Û^P  IS  I  E  guérie  en phjtcurs 
perfonites. 

EN  l'année  lyti.  ie  fas  appelle  dans  Montpellier 
pour  vifiterleanne  fille  de  fcu  Jean  lanin  ,  pelilTier 
de  la  yille.Sa  maladie  fui  aifee  à  conoiftre  :  c'eftoii  in^ 
dubitab-ement  vnafcitcs.  Maisilyeut  aucunement  à 
douter  de  la  partie  çn  laquelle  l'eau  qui  caulbit  ceftc 
hydropifiecroupiiroit  :  fic'eftoii  la  capacité  du  ventre, 
ou  bien  le  corps  de  l*vtcrus.EH  fin  ayant  fceu  par  le  rcr* 
cit  de  lapatiete  ce  queie  vj  depuis  moi-mcTmc  , qu'elle 
auoit  ordinairement  fes  fleurs  bien  reiglees  &  coulou- 
recs,ie  fus  induit  à  penfcr  qu'elle  eftouarrcftee  dans  la 
capacité  du  ventre,  le  lui  e^iHe  volontiers  confeillé  la 
paracentcze  ;  mais  ie  m'enabftinSjCraignant  le  hazard 
de  cefte  opération;  au  lieu  de  îaqueilcie  luiconfeillay 
de  faire  tremper  grand'  quantité  de  racines  de  Rufcus 
dans  de  l'eau, &  boire  foir  &  matin  de  celle  eau,  en  tré- 
per  fon  vin,en faire  fes  boiiiilons,  &  mc/mcen  paiftrir 
Je  pain  qu'elle  mangeroit.  Ce  qu'elle  fit  i'efpace  d'vn 
mois  ou  cinq  remaincs,au  bout  duqueltemps  elle  vint 
à  s'ouurir  &  derchatger,rendampar  les  parties  honteu- 
fes  tout  à  coup  impetueufemét  enuirô  Se. Hures  d'eau, 
fans  iamais  s'arrefter.  La  pauure  femme  languit  vn  fort 
longtemps, après  fi  grande  &  foudaine  vuidange,  fe  re- 
priDt&  vinttoutesfois  à  conualefcence, demeurant  bien 
faine  enuiron  rrois  ans.Aubout  de  ce  temps  fon  venrre 
fe  remplit  comme  dei]ant,&  demeura ainfi  hydropique 
vnan  entier.  le  fus  encore  appelle,  pour  vcir  fi  icirou- 
ueroy  bô  qu'elle  vfaft  des  remèdes  que  ie  lui  auois  or- 
donné la  première  fois.L'ayant  vifitcc,  ie  vis  le  nombril 
fort  enflé  ,  &  vn  peu  d'efcorchcure  au  milieu,  qui  fcm- 
bloit  Ii:]içç9nuier(p2r  manier  g  d^  dire  )  à  fccoader  Na* 


^ 


8i  ô  HiHdires  admirai  les 

lurc  opprclToe  eu  i'elFjrt  qu'eilo  faifoir.  Aartî  fis  ie  en- 
tendre aux  part  i>i  qu'il  cftoit  bcfoin  de  l'oiiQiir  par  là: 
cctjj'ayjns  trouiié  bon  ,  &  mclmes  pciluadé  à  ia  pa- 
tiente ,  f]ui  d'elle  melme  y  cftoitaiTex  Jupores  ,  ic  mis 
•Ja  maiii  a  i'(ïiiure,&  fisouuerture  par  le  nombril.  L'o- 
pération faiccî^lie  rendit  vnc  quantité  d'eau  prcfqo-  in- 
crwyàb!e,rcceuc  d::Jans  pluiicurs  placs  &  balfinv,&  gar- 
dre  pour  ellrc  iiion!l;ce  à  deux  ucf-dotrcs  médecins, 
Jcfqucls  s'cftonnercnrdc  voir  vn  it\  gr^nd  lauage  d'eau 
foriicout  à  coup  d'vn  corps, r;jn$  aucircanfé  vnc  mort 
foLidaine.  Aaredeiis  rccoaiurcnt  celte  pauurc  Femme 
de  remèdes  conuenables  &  necen'iires,tant  pour  fe  ga- 
rennrdu  mal  pref^nt.q  ue  pour  fe  preierucr  à  i'auenir. 
Après  en  auoir  vie  eIlegucrit,Dieu  merci,&  s'cft  touf- 
îoars  bien  portée  àe^v.xs.y^.'BartheUmi  Cabrol  en  fes ebfer^ 
uations  uinatomiquesjobferu  xj. 

Semblable  maladie  &  mclmesaccidensfont  auenusà 
Gileite  Maurine.  Eftant  fille  de  chambre  de  madame 
de  Cafteinau  de  Montpellier , elle  dcuint  hydropique. 
Faicheeds  la  longueur  de  Ton  rail,  &  des  remèdes 
qu'elle  auoir  pnns  inutilement  ,  délibéra  de  fe  retirer  à 
GigDac  lieu  de  ûnaiflance.  !>'y  acheminant  auinc  que 
ia  mule  fur  qui  cJ.ie  eftoit  montée*  (e  donna  peur  ,  & 
commençant  à  ruer  iettc  rudement  par  terre  la  pauurc 
fille.  Mais  ceftccheute  lui  fut  h?ureuf«  :  carfoudaine- 
ment  elle  fe  dcfchargea  d'vn  grand  rauage  d'eau  qu'el- 
le rendit  par  les  parties  hontcufcs.  Icnefçay  fi  ce  fut 
par  laTcfcie  ou  par  la  matrice  :  maisiiefl  bien  ccrcam 
qu'elle  en  guérit.  Depuisclle  c(l  retombée  en  ia  mci- 
mz  maladie  par  deux  &  trois  fois  :  &:  toufiours  s'cft 
euacuce  par  le  mcfme  endroit.  En  cefie  rr.efme obferttA- 
tion  t  y . 

L'an  mil  cinq  cens  foixanie  cinq  ,  ie  fus  appelle  a 
Gaillac  pics  de  Thouloufe  ,  pour  vne  miene  parente, 
nommée  Catherine  Turle.femblablement  hydropique. 
Elle  via  par  mon  confeil  de  mefnies  remèdes  que  lean- 
ne  lanine.  Apres  en  auoir  vlé  quelque  temps,  elle  fc 
vuidipareillemcni  par  les  parties d'cmbas  ,& guérit  fi 
pa.  fanaement  qu'elle  a  yeicucnuiron  vingt  ans  depuis 

en 


ér  mémorables.  Set 

en  bonne  fanté  ,  (ans  rcchoir  en  hydropifie  ,   comme 
les  prcccdeniCS.Xawfyj/.e. 

Vc\  pcfchcur  nommé  Mcraon  ,  demeurant  en  la  du- 
ché de  M  u)rouè,deucnu  hydu  pitjue  ,  a  torce  denauail 
finmonia  &  ouerit  (on  ri^al  ,  lans  iide  d'autres  medica- 
mens.  JïlATcel.  Uonat.au  A.lturc  defes  hifroire^medecina' 
les  admirables  ihap.  1 1 . 

Ch  iltoflc  Truiwein  gçnril. homme  dcHaguenavv 
en  Alface  .  affl'.gc  de  long  temps  û'vnc  hydropiiie  iugtc 
incurable  ,  ennuyé  mci  ucillcurcmtnt  àc  fc  voir  iniiii- 
Je  6c  xonfînc  dedans  fa  maifon  ,  voyant  vnbeauipur 
d'cfté  ,  pria  Tes  domeftiques  qu'on  le  menait  prendre 
Tairen  vaiardin  hors  la  ville.  Yeftant,  fort  las  à  caufe 
defafoibleflejilfe  couche  à  terre  fur  le  dos'e  foleil  lui 
donnant  fur  le  ventre.  Tout  foudain  il  s'endort  pro- 
fondement. En  ces  entrefaites  vn  laizard,  de  ceux  qui 
font  Terds,fe  gliffedans  fon  ftin  defcouuei  t  >  &:  s'esbat 
à  ramper  fur  le  gros  ventre  de  ce  dos  meuV  ,  quiferef- 
ueillant  au  bout  d'vne  heure  ,  voulant  haufler  la  tcfte 
pour  fe  leuer  fcnt  ce  laizard  hn  fauteler  entre  la  chnir 
&  la  chtmile.  Voyant  que  c'eftoit  vn  reptile  ami  de 
J'homme,il  le  laifla  aller. Depuis  ce  temps, &  de  iour  en 
autre,  l'enflure  de  ccft  hydropique  diminua  tout  mani- 
fcftement,&  bien  toll ,  fans  autres  remèdes  quelcon- 
ques ,  &  difparut  comme  miracuieuîcmcnt.  Sdunchus 
doSlemedeCinraconte  çej}e  hijloireenfes  ohfernalions  ,  au  i. 
liureeùfer.  i  3  I  .où  ildifpnte  de  l'occulte  fympathie  auec 
le  corpi  humain  ,  pour  le  foulager  «n  certaines  ir.fîrmi- 
tcz, nommément  es  cnHrures. 

Vn  payfan  trauaillé  d'hyd  opifie  enuieil'ie  vint  à 
moi  pour  eftre  fûubgd.  le  lui  di  que  c't  Ijoit  trop  t^i'd. 
Aumoins  (  rcpliqua-ii  )  donnez-moi  quelque  conftil.- 
Si  tu  veux  (Ksi fay-ic  )  eftre  giieri  ,  garde  dr  boire 
guurte  quelconque  de  liqueur  aucune  ,  tant  que  tu  fcr^s 
hydropique.  II  s'en  va,  puis  au  bout  de  l'an  teuientmc 
trouuer ,  demande  fi  ie  le  cv>gnoy.  Er  pou  ce  que  ie  ne 
pouuoisle  me  rediiire  en  memoire:S)  eft-ce  (adioufta- 
jl)qoe  ?ODS  m'auez  gucri,6^  ie  rciup  vers  vous^lçatoir 
iîi'oferay  jriea  boire  ,     atiendu  ^u'xiy  avnancniier 


8 1 1  Biftoires  admiraéles 

<\\ic  ie  n'ay  point  bcii.  le  lui  demande ,  qui  hii  auoit  d5 

néccconfeil?Vooi,dit  iJ,  &  nie  lacontc  K- patfé.  le  !ui 
prefcri  la  melu:c  ,  &  ^aa  i'é  de  (on  bruujge  ,  dont  il  fc 
tr©uua  bien,  puis  coiic- eincnc  gue-i  mcreuin'  voir,  & 
depuis  m'a  tcfmoigné  beaucoup  d'ammc.  Bemuemtcs  au 
!  5  xhap  .de  ^bditu  rerum  (aujïs. 

Vn  leune  garçon,  prellc  d*hydropi{ie  &  abandonné 
des  médecins  ,  troiiuant  de  l*cau  à  (v\S  commandement, 
en  beut  tout  Ton  faoul. Comme  on  péfoit  qu'il  en  deult 
creuer,naturelui  aida  Ion  nombril  s*cl>antdeslic  &  ou- 
uert  de  telle  force,  que  l'eau  commença  à  roificier  de  û 
grande  impctuofi: é  qu'elle  s'cflcuoit  a  trois  pieds  &  de- 
mi de  hauteur,  comme  vn  tnyau  de  fontaine  icttât  l'eau 
contremont.  Si  l'on  n'euft  mis  la  main  finalement  fur 
fon  nombril,  pour  arrffter  ce  flux  violent  &  du  tout  ex- 
rraordinaircc'efloitfait  du  ^arç  n  mais  à  l'aide  du  mc- 
dccm,qui  peu  à  peu  reltraignit  ie  cours, &  prefcnui:  les 
remèdes  conuenables  ,  en  peu  de  temps  ce  garçon  fut 
guéri.  La rnefw€,at*  i  t.chap. 

La  femme  dVn  baibier  de  Nurembere,affiigee  d'hy- 
dropifie  ,  mais  plas  fuietteà  fcs  defi'S  qu'au  vouloir  de 
fon  mari ,  ni  au  confcil  des  médecins  ,  ayant  le  ventre 
tédu  côme  vn  tabourin ,  ne  fongeoit  ni  ne  cerchoit  que 
de  boire  de  l'eau  à  rire- larigot. Vn  iour,  s'eftât  defrobce 
de  fon  mari, elle  fort  de  la  ville ,  fe  rend  près  d'vne  fon- 
taine ,  dp  la  fource  de  laquelle  fortoir  force  fable  quant 
&  l*cau.  Elle  commence  à  boire  de  ceftc  eau  fablonneu- 
fe  en  abondance  dans  ie  creux  de  fa  main, s'en  retoui  ne 
tout  alaigre  en  fa  maifon,&  nous  coBte  ce  qu'elle  auoit 
fait.Deux  iours  après  elle defchargea  fort  par  vn  flus  de 
ventre ,  &  les  hemon  ojdcs  lui  vindrent  d'elles  mefmcs 
au  fondement»  dont  vn  fangnoir  &  féculent  coula:de  là 
s'er.fuiuic  la  gucrifon  de  fon  hydropi{îe./.Z.«ïw^/»<  en  /'^- 
p'ifire  l  V.du  tome  %, 

Vnhyd-^opique.n'ayât  partie  en  fon  corps  qui  nr  fuft 
cnfice  ,   fe  voyint  abandonne  des  médecins  ie  rend  aa 
riuage  de 'amer  de  Hollande  ,  &  fe  fait  mener  dans  vu 
baftca  j  aflcz  auant  en  mtti,  où  il  vomit  à  force  ,  puis  ail  • 
foi  tir  &  depuis  fie  tant  d'exercice  <k  corps  ,  que  finale- 

mçoH 


&  memoYdhleS'  %  i  J 

flïCDt  il  recouura  pleine  famé.   'i^.  forîj^  cm  i  5.  liu.de  fis 
çbferuatious  med.cLi^.  i  ^ . 

François  de  Sauos.icunf  homme  Maniouan,trauail* 
Jcd'hydropKîe,  ayant  le  venrre  rendu  cottime  vn  tabou- 
rin,  fut  tellement  (ouiagé  de  naïuiep.ir  deux  vomifTe- 
mens  non  forcez, mais  venans  d'eux-mefmesjCju'apres  a 
uoirvuidépar  la.bouchevne  me-ueillcufe  qualité  d'eau, 
fon  ventre dclcuHa  6t  fui  guéri.   ^.arcel.dcnat,enfes  h'tîi. 

Vn  aucie, François  de  nation, s'eftant  fait  rongncraC 
fez  près  ïcs  ongles  des  doigts  des  pieds, puis  aidé  de  fri- 
pions &  de  quelques  exercices  ,  i'eau  commence  à  di- 
ftilîerpeuapeu  par  telles  cxtrcmicez  ,  tellement  qu'jl 
recouura  la  première  fanté.  annotations f»r  le  3^.  cha- 
pitre dt*  I .  Iture  de  Jean  Houlier ,  touchant  les  maladies  tntef 
nés.  \ 

Vn  hydropique  fur  foulage  par  vne  grande  Tueur  fur- 
uenan:e  de  foy  mcrmi:  &  pout'ee  hors  par  narorertellc- 
mcnt  qae  celte  vniuerfelie  diftiilaiion  Je  defchnrgea. 
Là  mep>^^- 

lean  Blanche  march<snddc  Paris  ,  atteint  d'hydropi- 
fie,fic  vu  voyage  en  Anglererre.  C'cftoic  furPhyuer:  fon 
cnfieures'arrclta,  s'cfcoula&depuis  ne  s'en  feniit  aucu- 
nement :  ou  ponrce  que  le  dedans  n'eftcit  pas  encores 
itotalemtnc  faifi.ou  uue  l'eau  ftir  conOimec  partie  par  la 
chaleur  nacu:  elle  rcfueilice  par  l'cxerciCe  ,  &  partie  par 
Tait  de  limer.  Là  mefmc. 

Can"andre,Trone, dame  Italienne. ayant  le«  deuxcuif- 
fes  fnerueilkufcnic:nrcnHees,  ne  voulut  fouffrir  qu'on 
y  appliquait  le  cautère.  Sur  ce  aduint  que  nature  form.^ 
des  vdciesauboutdcdcfTus  les  doigts  des  picdi, par  où 
l'eau  coula  en  telle  abondance  ,  que  la  patiente  recou- 
ura ^Wit\t(àmç .Mex.'BenediCl .çu  <^.iw.chcif>./^Q, 

l'ay  veuvne  femme  ,  tellement  hydiopi  tie,qu*il  n'y 
auoit  apparence  qu'elconque  de  gucr :foi>  Aduitu  qu'el 
IctombidVn  lieu  hautentci-re  ,  &  donnadefon  ven» 
treconcre  vne  pierre  aiguë  qui  lui  fit  vn-  grande  tail* 
l3Ue,par  où  toute  l'eau  de  fon  enfleure  s'efuacua  ,tellc- 
iTient  qu'on  euft  dit  qu'elle  s'eftoii  dcliurce  d'vo  cnfaac 


^ 


8i  4  Hïftoires  admirables 

dchuidmois.  Elle  fut  rccouruc,&  aidccâc  quelque! 
autres  rcnieJes ,  ii  hit  nettement  guérie.  A.  Senmenius 
au  I  09  .(■hiip.dejestbfei-uations. 

Vn  icLine  homme  lortaflligé  d'hydropific,  eftant  aa 
1161  &  lencanc  froid  ,  commande  à  la  garde  de  le  foula- 
gcr.  Elle  ayant  empli  le  chauFcliol  de  charbons  ardans» 
par  mcTgardc  le  touche  à  i*vnc  descuillcs  ,  où  Te  forme 
incorcincnc  vae  groHe  &  grande  vcfcie  pleine  d'eau, 
jaquclici'eitantcreuee.en  fortic  àdiuerfesrois  lat  d'eau 
ç^nt  le  ieune  homme  fut  gutri.  Laur.  Scholfùtti  enfes  ob- 
ftruattvns. 

Aduintà  vn autre  hydropiqued'eftrcblefTc  ,  par  in- 
adue'rtance,d'vn  coup  dicoultcau  en  la  cuilT'c  :  dont  for* 
rie  telle  quan  iicci').umi.ur,  que  par  ccm^yen  il  f  Ji  de» 
liur^  de  ion  im3\. GuJpJioffnian  au ^.(m.conf.^o. 

Vn  hydropiquc  a  Kowic  ,  rakhant  fa  femme  pour  U 
longueur  de  fa  maladie  ,  &la  dcfpenfc  qui  i*cn  enlui- 
uoir,  clli  traniportce  d'aua  ice  &  de  de  ("pu  hor-ibie,  de- 
IibcrciVmpoilonner,  l^oyr  ci  U  cheft  clic  f^it  cuire  en 
vn  perde  trrrc  ,  ifc  du  tout  rrdai  e  en  po:,dre  »  vn  cra- 
paiic,  ac  lui  donne  abondâce  de  c:  ite  pi^adie  en  q'  eique 
ap.lt.  Ceiaîvjfî  viiner  menicilleulem  nt.  Non  con- 
tente elle  rtchi  g- i^«lu>qu'd  la  picmicrcfols  ;  dontfur- 
uié;  vned 'fch-'  gcd^  au  elpaifFe,  beaucoup  plus  qu'au- 
paravant,cn.t- talc  gucnfon  du  y3x\tin.iyyier  att^Mu.des 
fresiigesidiup,  l  s  -àe  iajtxiefme  etitt.on. 

Ceriaipe  fcinnie  'tilicnnc  ,  aagre  de  cinquante  arf, 
avant  clic  i^ft]  gee  u'hyd  opifie  efi>iien  lix  uns, tomba 
ci\*  anturc  ô:  fu- blclfe.- aa  vcntrcfi  udement  ,  qu'elle 
demeura  pafniee  fui  la  place.  Mais  il  rortiMell".  abon- 
dance d't  au  par  la  playe, qu'elle  hitdeliuie:-.  de  fj  mala- 
die par  telle  blclTure.  I.^cluhei  i^ajchaly  en  lu  mtihode  de  ta 
guenfon  des  maladies  liu.  i  .  i/;.  4  4 . 

Il  nie  fouuicnt  qu'eltant  aux  efcholcsdegrammati- 
que^Orleans,ie  vis  vn  gros  portcfaix(furnommé,  va  fi 
tu  peux)  hydopiiuf*  def:rperéde«,  longtemps  ,  auquel 
près  S.Aignan,  vu  hchftic  crafperça  le  ventre  d'vn  coup 
de  coullcau  ,  ô'oà  fubiccment  Ibrtit  eau  pourrie  à  ruif- 
fcaux  :  lequel  lolt  après  cflaot  gucri ,  fc  remit  au  trauail 

com- 


é*  memorahles,  815' 

comme  <l/qâr,fans  rechcuic.  Fr.li^uJJetidii  traité  de  Tcn- 
internent  Cef.irien,feî  l.  j .  chap^. 

VnAIcrnan,Saxor,  ce  haure  taille  &  maigir  ,  forge- 
ron de  Ton  e(tac, accable  d'vne  lôguz  hydropifîe  ,  &  n'en 
pouuaru  piuseottnuiede  n=ïangcr  du  pain  bîs  trempé 
en  laict  clerc  mé,&  s'en  fit  aprcfter  vn^rand  plat,&  dc- 
pelchace  j»oi.^gc  dz  grand ap^  cri:.  Au  bout  de  cjuel- 
qucs  hiures  jI  rt;charg^'>&:  leJcndcm^in  i;/îî.  Ccrcme- 
decftrangc  lui  prouocju^  l'vnne  tn  teilcabondancc, 
qu'il  Fut  remis  en  pirds*^'  traiia.liapiufiv'iKs  années  de- 
puis tort  gaillardrmeni.Vn  autre  h)  dropique,  mais  fai- 
lant  profc/fi on  de  lettres  ,  voulant  pr-itii^ner  relie  rfce- 
pte,mo'jrut  tout  toiâc. Laur.ScchZj^f  enfts  oùjlruatiofis, 

Natiîre  a  foulage  plofiears  hydropiques  far  le  nom- 
bril,s'ouuraBt  comme  de  foi-meî'me,  ouyformant  dçs 
juftules  ,  qui  ouuertes  l'eau  s'cftvuidee en  celle  abon- 
dance qu'ils  ont  efté  guéris  :  dont  infinis  exemples  fc 
trouuenf  es  liurcs  des  médecins,  &endiuers  lieux  du 
monde, dont  Ton  pourroit  faire  vn  liurecnticr.  Ce  font 
foulagcmens  mémorables ,  &  quifoni  voirdes  Tpcci^- 
Jes  faueurs  deladir.itie  prouidence  ,  tirantles  pauurcs 
hydropiqiies,rommeuU  milieu  des  eaux  &  de;  la  mo't, 
dedans  laquelle iU  tîottent  ,  afinqu'ils  bcniflent  leur 
gracieux  libérateur. 

Pour  leprefent  fadioufteray  encore  vne  hiltbire,  M. 
Adolphe  Ôccon.dofte  médecin  d'Aurpourg^defcriuanû 
envneliene  lettre  latine  les  excellentes  propretez  ds 
la  rhîiibarbe, raconte  auoir  aprins  de  i.Hiptiflc  Monta- 
pus, l'vn  des  premiers  médecins  de  nol'tre  ten^ps.  ce  qui 
s'cnfui-,  L'hydrop:fie  ùiiit  tellement  par  tout  le  corps 
certain  perrQnnagc,&:  lercduifita  telle  extrémité, qn'oa 
le  te  noir  pour  autant  que  mort.  Adi-erti  (l'on  ne  Iciic 
co:Timciit  ni  par  qiii)il  commence  à  vfcrd'vnpeu  do 
rheubarbe  ,qui  ledeich^rge  vn  peu  (ans  Fi  chérie  ,  £c 
Comtiîence  s  fe  bi':^n  porter.  De  it)ura  au:rc,  il  en  p;e- 
coit  dauai^ag-,  teliemeni  que  d'vne  drachme  il  vint  à 
vnconce.fin-^ierncnr  ilen  mangeoitcn  q-iantiré  rcfi':- 
nncnt  que  celle  drog  'e  le  purgra  de  ronces  T.  5  eaii;  'S: 
humeurs  malignes,  fortifia  Ici  membres,  &  noufoalc- 


C 


g  I  4  Hijloires  udmir^lcs 

ment  Icgucrit  de  l'on  hydiopilieau  grand  cfbahiff-mçc 
de  tous,  mais  aulii  L  rendit  fort  yigoarcux  &  vermeil, 
voire  dif^oft  &  adroit  à  toiKcs  cliolcs.  Se  ponant  tres- 
b;en  it  dtucau  fort  riche  ,'  vn  lî;ft  teruitcur  entrcprint 
de  le  tuc:r,pour  emporter  ion  UT-cfor  :  le  bkllafortru- 
dchient.Mais  il  fui  iî  robuft:^  c^uc  d'rmpcigner  au  corps 
ce  meurtrier,  6c  rarrcil'-r  iuiqacs  à  ce  c^u'on  tuft  venu 
au  Icco^rs.Naturr.  f..!:  û'puilTantccn  lui  qu'il  efchappa 
deceftc  blcirurc,iugcc  mnrtcll:  parles  chirurgiens,  & 
a  vcfcu  depuis  lam  6c  gailhrJ  lakjues  à  la  vieillcirc  ex- 
trême :  dilantàious  quela  rheubarbcTauGit  ainû  dc- 
liuré  &  mainten u.  Latir.Sdiolt^,  au recueildes e^i/tres  çy 
confultaiiûns  médicinales. 


HrTOC\lS  lE  punie. 

ON  parle  4e  quelques  anciens  qui  ayaas  voulu  fein- 
dre d'cftre  goutteux  ou  borgnes  le  fontdeucnus 
en  iz  contrefaifant  tris.  A  propos  de  telles  feintes?  ces 
annics  paHecs  durant  les  troubles  qu'on  appclloit  de 
rVnion  ,pres  d'vn  chaftcau  ,  fetrouuerent  qi:elquc$ 
honncftcs  hommes  ,  qui  paffans  nongucres  loin  de  là 
fuient  volez  &  mis  en  chemilc.  Dclcouuraus  çecha- 
ileau  ils  y  allèrent  îe  rendre  ,  prierrni  le  LigncUr  de 
Ican;  leur  vouloir  aflîitcr,  &  faire  en  façon  auec  les  vo- 
leurs qu'il  conoi^bi: ,  &  lefqucls  Icr.fpeétoycnt  (  non 
qu'il  cuil  part  au  butin  )  de  1- ur  faire  rendre  1- urs  ha- 
billrmens  feulera' nt.  Ce  peu  charitable  gétil  homme 
n'en  voulut  rien  fjire, moins  le  voir,  ains  f.ignoit  cftre 
irauaillc  d'vnt  colique  ,  &  ne  pouuoir  bouger  dulidV, 
moins  entendre  à ncgoce  quelcon^ac.'  11  raifoit  lors 
fort  grand  froid.Lcsiv  ruitcursàrinrccii  du  raaiftrrjo- 
gcrcBtpour  celte  nuift  là  dans  vneftable.ccs  gens  de  f- 
ualifez  ,  qui  le  lendemain  s'en  allèrent  .ans  pouuoir  ti- 
jcrdc  lui  aucune  courtoiliejtant  petite  fuft  elle.  Or  ie 
ncf^jay  fi  ce  fut  par  iuftc  vengeance  diurne,  ous'ilfur- 

liial 


&  wemorMef,  8i^ 

Uhtt  quelque  caufe  na^urclie  qui  lui  caufa  ccftc  colique: 
mais  l'ayant  gsrdee  vir  g'  iours  ,  il  en  mourut.  Lou-js 
(juyon  au  l.lïu.dtjes  diuerjès  leçonsjchap.io. 

Vn  abbé  de  C  uycnne  éc  archidiacre  en  certain  cuef- 
ché.fut  cite  par  i'cuelque  *i  le  chapitre,  à  comparoir  en 
ra-ifembitc  q  ii  le  fjifLic,  pour  courtiftr  chafcun  béné- 
ficié du  dioccl'e,  lelon  les  facultez  ,  pour  fulDueniraux 
p.auurfsdcs  paroiiïcs  ,  d'où  ils  liroyeni  les  dilmcs  &:les 
rcntes.L'abbés'excufejdiiant qu'il auoi.  vne  pleurcfîci 
&  qu'il  ne  pouuoits*y  trouuer.ceqiii  eftoitfaux.  Mais 
«laiij  peu  de  ioars  après  ,  vnc  û  graadc  douleur  de  cofté 
le  failic  i  qu'il  en  gaida  le  li£t  vn  an,&  Inifaluc  cauceri- 
ïcr  le  cofté  en  deux  endroits,  &  tant  qu'il  vcfq  rat  ne  fut 
oncqucs  iâin.^u  mefine  Iture  c?»  coap. 

l'ay  conu  vn  icunr  efchoiicr  de  bonne  maifondcii 
franche  Comté  ,  par  trop  facétieux  &  mocqueur,  qui 
chafquc  moment  de  temps  contrcfaifoit  Its  allcuresdc 
fa  belle  fceurifcmme  de  Ion  f.'ereaifné,  quieltoit  d'vne 
tres-illuftrcramille,verruenre  ,&  quiauoit  apporrédcs 
fcllais  6l  grands  moyens  a  la  mailon  de  fou  frcre.  Mais 
elle  cftoit  boiteufe.  le  penfe  que  par  vengeance  diuioe 
ilfc  rompit  certain  iour  l'vnedcs  iambes  ,  laquelle. ne 
jjcuriamaiseftie  bien  reftauree  ni  rcmife  cnioneftre: 
donc  il  demeura  boiteux  iufqucs  à  ia  morr.  ^té  mefmé, 
iiu.ZP'  chap. 

Les  mères  tancent  aucc  beaucoup  de  raifon  leurs  en- 
fans,  quand  ils  contrefont  les  borgnes  ,  bicics,  boffus^ 
boiteux,  bouches-tortcj,  &  autres  imperfections  dii 
•corps. Car  outr^  ce  qu'vn  corps  ainfi  tendre  en  peut  re- 
ccuoir  mauUaisplijUfcrablt  au/Tique  Dieuiurtc  iugf, 
nouspreneaumot  fur  leconcrollequc  nous  faifons  de 
fa  prouidcnce.  Dcfait,icrp.cfuisaperccu  plulieuis  eftrc 
dcuenus  malades  ,  ayans  entrepris  de  le  contrefaire, no- 
tamment fi  leur  dcuoir  citvit  de  le  irouucr  en  quelque 
bon  affaire,  ou  eux  on  les  cr.fans,  qui  Té  mocquoycnc 
d'aucuns  qui  anoycnt  qnelqucs  impcnfcilioas,  par  lapf 
it  temps  y  tomboywni.^i*  mtfme  iinre  qt*  chapitre. 

FF 


8 1 8  Hijioires  admirahUs 


I 


IM  AGinATlOn  yehementc. 

L  n'y  apaslongtfiups  cjuc'ccrtjin  perfonnagc  s'i- 
maginoicauoir  vnc  lonnecte  dedans  le  cerneau.  Vn 
autre  le  croyou  cihe  roy  des  Gaulois  :  &  vn  cftrhoiicr  à 
Parisprioii  les  medecns  n'empcrchcrfonamc  de  voler 
du  Purgatoire  au  cie!,fcdiiant  cftre  mcrr.  Va  autre  di* 
foir,quc  poureuitcr  d'cftre  cocu  il  fc  cueroit.  De  fait  il 
fc  pénale  n'y  a  pas  long  temps.  En  l'an  i  ^  5  o.  au  mois 
d*Aoul\,v..  homme  de  ^uaiiié  3c  de  moyens  ,  adaocat 
deprofclUon  ,  tombîcn  telle  mciancholic  &  altéra- 
tion de  cerneau,  qu'il difoit  &  croyoit  eflre  mort: 
à  caul'edequoy  il  ne  vouloir  plus  parler  ,  lire,  man- 
ger,chcmircr  ;  mais  Te  ccnoit  couché.  Sa  femme  fit 
appcllerles  médecins  ,  qui  ne  fceurent  le  perfuader 
de  (icn  prendre  )  ni  manger  ou  boire  aucun  aliment 
pour  entretenir  là  vie  :  difant  pour  toute  railbn  qu'il  c- 
îloitmortj&que'esmorts  ne  mangroyent  rien.  Fina- 
lement il  deuintiî  débile  qu'on  n'actendoit  dciour  à  au- 
tre lînon  l'heure  de  famort.Mais  pari'adrelTcd'vn  (îcn 
parcnt,quifc  fit  porter  pour  mort  en  la  chambre  ,  il  rc- 
umr  à  foy,&  fuL  garanti  dt  fon  imag» nation.  Zo>*y# 
Çuyon  an  xdin.de [es  diuerfes  leçons,cba^.t  s  .en  dcfcrit  l'hl- 
Itoire  par  le  menu. 

Vn  ieunc  hon-ime,debonn?  &noblcmaifon  duhaut 
Lymofin.aduertiqu'vnfangherpalToic  près  delà  mai- 
fon,fortit  aucc  quelques  fcruiteurs  de  Ton  père ,  porcaniC 
rnc  demie  picque  en  fa  main, &  les  autres  prindrcnc  ce 
qui  fc  rencontra  fur  ce  bruit,  pour  raertte  à  mort  le  fan* 
giicr  ,  qui  fe  voyant  cnuironné  court  dioit  au  ieune 
gentil- homme,  lequel  oe  le  fcc ut  i^ider  d^s  armes  qu'il 
portoic.  Mais  il  dduintqae  le  fanglicr  palTa  entre  fcs 
ïambes, &  le  fii  tombcr,puis  voulant  le  ruer  dcflus  &  le 
defchirtr  defcs  broches, vn  ficn  domel^chemmcrobii- 
ile  ,  boulanger,  qui  auoit  vne  pallc ferrée  ,  en  don- 
refi  droit  à  i'vnc  des  temples  du  fanglier,  qu'il  Tat- 
tcrra  mort.  Le  ieune  gentil-homme  eut  telle  apprehpn- 
fion  ,  que  le  fanglier  luiauoitenleuc  &  mangé  vne 
ifàmbc  (  combien  qu'il  ne  i'euft  oHenfé    }    qu'il  1« 

cieur 


&  memùrahtes.  ètf 

fT€fltl*cfpaccdcdçuxans.  Beaucoup  <Jc  médecins  ap- 
peliez pour  rcmcdi«r  à  ccftc  faafTc  imagination  ncga  •* 
gnereni  rirn  auec  leurs  r  emco'es.  £n  toutes  Tes  autres  a- 
étions  il  cltoic  bien  de  lain  iugen;ent>  finon  eu  cette  ci. 
Il  cl\oitfo-taff,dionné  aux  moines    entre  autres  à  ccr- 
cainsdc  la  rciglc  de  S.i^iançûîs,&  afTczauftsrcs  ,  qu'on 
furnornmc  les  Recelez.     Il  eue  enuicc'eftrc  de  leur 
habii  :  mais  eritcndai  ttju'iîs  ne  vouioycnc  le  donner  â 
gcnsra^l-nczdc  icurcwps  ,  comme  bollus  ,  boi-.cix, 
inuciitz,&  dctcd^ucux  de  quelque  membre, iidcfcfpcra 
d'y  parucnir  ,  pourcecja'ii  cuidoit  n'auQirqu'yne  iam- 
be    ,   encore^  qu'ilciieminaJitaufli  bien  que  les  autres 
hommes,  ayant  toufiours  celle  imagination  que  le  faa- 
glierla  lui  aueit  dcuoree.  Aduin.  en  ces  cùtret-tircs  que 
deux  de  ces  Kecolcz,alians  par  pay$,vn  iour  qu'il  d*oit 
prefques  lolcil  couché,  fcrcûdueni  à  laponedeîa  mai- 
îbn  ,   demandans  pAlîade  &  logis  po jr  celle  nuid-la. 
introduits  &  receu»  i^siouppcirent  auec  ce  icunç  gcn- 
lil-homme,ire$aiie  de  les  voir.  Apres  loupé  chacun  (e 
retirant,  on  lailTa  les  R.ccolcz  (euls  en  vne  chambre  a- 
uec  vn  bon  feu.    Ce  gentil  homme  les  y  vint  trou* 
uer  fecrettemeac ,  leut  communiqua  fon  delfein  ,  ad- 
iouftant  qu'il  n'y  voyoir  aucun  moyen  ,   parce   qu'il 
u'auoit  qu*vnc  ïambe  ^   &  que  l'autre  auoit  efté  de- 
uoree  d'vn  fanglicr.    Les  Recole%  le  regardent ,  &  lui 
demandent  sM  auoit  vne  iambe  artificielle  fous  des  baj? 
defoye  qu'ilportoir,  &  le  prient  la  leur  monftrer.  Mais 
ayant  cognu que  l'iœaginaiiue  cftoit  atteinte  en  lui,cô- 
racncerentàl'afleurer  du  contraire.  Apres  l'auoir  entre- 
tenu de  propos  qu'ils  eftimerent  conuenablcs  à  leur  in- 
tention &:  aduaDtagejl'cfpacc  de  deux  heures  ,  ce  geniiN 
homme,d'afFeftion  qu'il  auon  d'cftjc  receu  de  leur  nô- 
bre  ,  &  n'eftre  teietté  ,  perdit  fa  fan  a  lie  mclancholiquci 
tellement  que  le  Icndemam  il  confçfloit  à  chafcun  qu'il 
auoit  deux  iainbes  En  fin  maugré  tous  fes  parens  6c  a- 
inis  il  fe  rendit  moine,    &  dedans  l'an  delà  probatioii 
mourut  au  conucnt,  Lvn^s  Guj/on  an  i.  lin. de  fis  dmnfif 
levons  cha^,i  y  « 


8 1  (?  Hijlcires  admirables 


le  marqucray  ici  ce  que  Lcuinus  Lemnius  dcc\e  mé- 
decin efcrii  de  li  vchcmcnce  &  force  àz  l'imagination. 
Nous  voyonsCdii  il)cs  pays  Seprentrionaux  beaucoup 
d'hommes  qucl'on  cftimeroit  clhc  nez  ailleus,  û  l'on 
s'a.rcite  à  la  cor;(îàerarion  de  leur  poil,pe!age  ,  &.  com- 
pJexion  du  corps. On  void  encre  les  peuples  du  pays  )r>2$ 
proches  de  la  n>er,plu(îeurs  qui  ont  le  poil  noir  &  cref- 
pu,le  vifagcbafané.    Cela  le  peut  rapporter  à  l'air  &  na- 
turel du  pays,  ou  à  la  nourriture  ordinaire  ,ou  bien  aux 
imagmaiions  fecrettes  &  cachées  du  fcxc  femenio,dcf- 
quelles  imaginations  l'efficace cflfi  grande,  que  lui  le 
moment  de  la  conception  tout  ce  qui  vient  au  dcuaot 
de  rimigination  s'imprime  en  l'enfant  conccu.  La  cou- 
ftume  des  femmes  eftd'auoir  l'œil  remuant,  &qui  Te  fi- 
che fur  tout  ce  qui  lui  vient  à  la  renconire:dont  aduiéc 
que  lafaculcé  naturelle  ententiue  à  former  &:  parache- 
Uer  fon  œuure  , y  porte  &  addreffe  les  penfecsÂ:  conce- 
ption» de  l'arae)  donnant  à  l'enfant  vnc  forme  emprun- 
tée &  du  cent  eflongnce  du  naturel  &  de  la  condition 
de  fcspere&  mère.      Ainiî  a  Ton  remarqué  de  noftrc 
temps  &  de  celui  de  nos  predecefTeurs  ,  lors  que  l'Em- 
pereur Charles  V.vint  auccvnepuilTante  flotte  d'Elpa- 
gnees  pays  bas  rempliflant  les  villes  d'vne  grande  fuite 
de  feigneurs, capitaines, gentils-homes  gcnf-darmcs  Ef-   \ 
pagnolsjles  femmes  entcmtes  acouchoientd'enfans  qui    '^ 
aucc  le  temps  relîtmbloycnt  à  ccfte  nation-la.  le  parle    i 
des  femmes  honnorables,pudiques,&  hors  de  tout  fou-    < 
pçonde  vie  deshonncfte.    Aucas  fcmblable  ,    lorsque   ft 
Maximilian  i.delamailon  d'Aurtrithe,vintes  pays  bas,   i 
acompagné  d'AlemansJcs  Flamenôe»  &:  Hollandoifes,  > 
par  vthemence  d'imagination, eufcn.  des  enfans  qu'on   i 
cufteftimé  Alemans  naturels.  Et  n'y  auoit  autre  coniî-  îj 
dcration  que  celle-là  :  car  nous  ne  fjifons  ici  mcniioii  ;j 
^ue  des  femmes  d'honneur,  &  fur  qui  l'ignominie  &  le   î 
reproche  n'ont  que  vcir.^M  i.ltu.des  comfîexions  th.  7. 

l'ay  vcu  (  dit  le  do6leur  Fr.  Vallcnola  )  mon  confia  1 
Louys  de  Serres, médecin  ,  couché  en  mcfmc  chanv{>^;^  '. 
aupresdemoy,  en  fon  premier  fomnc  fe  leucr,  cm poi-  i 
gocr  fcsarincsiouariria  porte  touc  endormi  qu'il  elloïc,  ) 

maripca*  j 


&  memorahles,  tt  i 

marmonnant  entre  resdents,&  lurtir  comme  furieux.  Il 
c/loic  furiienu  le  iour  précèdent  en  la  villt:  de  MonrpeU 
lier  vn  cruel  confliit  entre  les  tlcholiers  François  & 
ETpagnols  ,  oùmon  cou(în  s'cftoittrouré  condaifant 
les  aitrcs  ,  &  des  prf^mier-.  en  la  mcflee.  Au  moyen  dc- 
qaoy  retenant  en  l'arae  le  Tpeclacle  d,u  tombât,  la  facul- 
té imaginatrice  ,  qui  ne  repofc  iamais  ,  voire  qui  iî? 
defployc  aiiec  plus  grand^  force  durant  le  dormi*-,  con- 
feruant  au  dedans  les  apparences  des  choies  veuè's.il  ad- 
uinc  que  telle  faculté  eut  le  crédit  depouuoir  impc- 
rieufement  esbranler  tout  le  corps,  &  poifleràtels 
mouncmens  volontaires.  ./4m  i.  /i«.  defes objeruationsme^ 
dtcinalesjobfer.^. 

i:m1^IETE  ridicule  cr  detej}able, 

LE  peuple  ùifoicen  ma  icuncfTe  ,  qu*vn  Roy  de  nos 
voifins, ayant  rcccu  de  Dieu  vne  baftonnade  ,  iura  de 
i'cn  venger,ordonnant  que  dedix  ans  on  ne  le  pria(t,ni 
'  parlait  de  lui ,  ni  (  autant  qu'il  cftoit  en  fon  auftoricé) 
qu'on  ne  creuft  en  lui.  Par  où  l'on  vouloir  peindre,  non 
tant  la  fottifejqne  la  gloire  naturelle  à  la  natiô,  dequoy 
cftoit  lecompte.Ce  font  vices  toufîours  ccnioints.mais 
telles  adions  tienner:,  à  la  vérité  ,  vn  peu  plus  encor 
d'outrecuidance, que  de  beltife.  jW.^ie  Mcrntugne  au  i  Mure 
defesejjanychaj).^. 

Les  Migiftraîs  d\ne  prouince,  fuietre  à  vn  antre  roy 
de  nos  voilîns  ,  voulans  obuier  aux  difpuces  en  fait  de 
Religion, de  noftre  reraps  firent  vne  déclaration  publiée 
cà  &  là, portant  de  f.n  Tes  exprelîcs  àtoos  de  ne  parler  de 
Dieu  ni  en  bien  ni  en  mal.  C 'cftoit  vne  dcfenfe  trop  in- 
définie.Parler  de  Dieu  en  mal  fc  def^ndafiez,  par  lacon- 
fciencede  tous  hommes.  Si  l*on  en  fait  par  fois  iodeuc 
répétition  à  caufc  des  corruptions  vniuerfel  les  ou  par- 
ticulières, cela  requiert  envn  mot  lafpecificaiion  des 
blafphemes  fie  aucies  propos  im^ies.pefcndre  de  parler 

F  F     3 


8 1 1  Histoires  admirables 

de  Dieu  cnb'cn,  cft  vnc  impicc  ridiculr.fi  ccfte  dcfcnfê  ( 
n'a  fes  cxpolicions  crcs-cxprcfrcs,touchant  les  lieux, pcr-  j 
fonncs,remps  ,&  manières  de  parlcrdc  Dicuconacna- 
blcment.jWcOTwre  de  ntjïre  temps. 


JT^H  yyilî  ^m  TE  punie. 

L'An  mil  cinq  cens  vingt-deux,  la  guerre  cftant  cf- 
rhaufcc  en  Lombardic  entre  les  hrançois  &  ETpa-* 
gnoJÀjle  fieurde  Lelcut  y  fat  cnuovc  auec  nouueau  /e- 
couts  d'hommes  &  d'argent  de  France  ;  audcuanr  def- 
quclsfut  le  fieur  de  Montmorency  ,  qui  après  quelques 
cfcarmouches  contre  les  Lanfqucncts  &  Italiens  de  Fr|« 
çois  5fûrce,d!ia  afîicgcr  Novarc  &  la  prmt  dVifTaui,  fai- 
fant  pendre  &  cftrâglcr  les  foldats  de  la  garnifon,à  caur 
fcdcscrtiaut  z  par  eux  çommifes  connc  les  François: 
comme  de  leur  t-ïndre  le  ventre  tout- vif  :?.  dedans  tiirc 
manger  i'auoitie  à  leurs  ch-iiaiix  :itfmd'auoir  mang^ 
le  ccsur  à  pluiieuis  hommes, &  commis  relies  autres  in- 
lî«manitcz.hr.Ç}*/c/?W«'.:Z.e  v  i .  volume  des  Chromc^nn  de 
Canon. 

Il  aeOé  parle  au  premier  volume  de  l'horriSlcinhu- 
maniié  d'vn  crrtain  efclauc  More  contre  la  tVmme  & 
Jcs  cnfjns  d'vn  Efpagnollbn  maître  ,  lous  le  tiirrcdè 
vengeance  horrible. l'aioultcray  irivne  parcilie  hiftoi-r 
re  delcnce  par  M.  André  Honfdort,  en  ces  termes  cra- 
duKfts  du  lat>n.  L'a  mi!  cinq  ccnscinqu^ntefixsvn  gétil- 
hôme  Alemi,h)rt  riche,  habitué  près  de  U  ville  d'Aug- 
fpourg,3uoit  cl^eué  vn  laquay  More .  jcs  le  bas  aagc.Cc 
gentilhomme  eflongné  pour  qaeUjucs  atfaires  arrierç 
defaMaifoo,  e  More  deucnn  home  fa>r,ic  leue  de  oui£t, 
tue  la  fême,lcsenfans,&aiures  domeftiqucs  de  fon  mai- 
flre,n^' laifTanc  en  vie  qu'vne  fort  petite  fille  défendit 
maiftr#,  qui  de  retour  Iç  lendemain  matintrouue  toutes 
les  portes  de  fon  logis  fort  foigneufcment  clofes.  Ain/Ï 
au'ihûftrrroyQit  àchcual ,  il  apercoii  fon  more  au  plus 

naui 


é'  memorahléf.  8 1  f 

liauteftagCjCn  contenance  tort  taroiiche,&' qui  fe  prend 
««cricr  tout  haut.  Te  fouuient  il  point  homme  lejlus 
cruel  d'enti  e  tous  les  cruel?, des  maux  que  tu  m^as  fait  à 
tortiufqucs  à  prefentj'ie  lesay  conicï,&  m'enfuis  ven- 
gé finalemcnifur  les  tiens. Pvien-n'ell  rcficenvie  que  t^ 
hllctte,que  ie  te  rendray  fai.ie  &fauue,û(U  promets 
me  fauucr  la  vie. Le  gentil  homme  loiiteipcrdu  lui  tu- 
rc qu'il  le  lairra  aller.  M^iis  tour  foU(iain  le  More  preci- 
jpite  l'enfant  des  feneft;  es  fur  le  pauë  ,  aur  pieds  de  fon 
pcre,adioiiftaot ,  le  fçaybien  qu^^tu  ne  m'efpargncrois 
pas:  mais  ie  ne  veux  plus  ^iurerô:  difant  cela  fc  iette  du 
haut  en  bas  &  s'e'carbouilla  la  tefte.raourât  fur  le  chap, 
cruel  vengeur  de  l'inhumanité  de  fon  maiftre  &  de  la 
fiene  propre.  Damian  Kncbel  fecretaire  du  Comte  de 
Hanav  fie  le  difcours  de  cefte  inhumanité  punie,  au  Co- 
te t^hilippe  de  Naffau,  ce  dit  Honfdorf  en  fon  théâtre  d'e^ 
xemples.page  4r^^> 

En  la  mefmc  anneepres  de  Munftre  en  Vveftphalie, 
certaine  payfanne  fort  enceinte  s'achemina  ve'S  vn  vil- 
Jage  prochain  pour  fe  confcflcr  &  communier.  En  (k 
confcfïîon  fit  entendre  au  prcftre  qu'elle  auoit  troucé 
vue  bougette  pleine  d'argent,  &  le  prioit  de  la  procla- 
mer en  fon  profne,  afin  de  la  rcndr»  à  qui  elle  apparte- 
noit.Ceconftfleurjabayani  après  telle  proyc,luy  dit  quo 
telle  proclamatioQ  u'eftoit  necellairc,&:  qu'ayant  eu  ce- 
fte bonneencontreellcladeuoit garder.  La  femme  ayas 
eu  fonabfolution  fc  remet  en  chemin, &  entre  dedans  vn 
etitbois,oii  les  douleurs  d'enfantement  la  faifi/Tent.EI- 
e  s'adîed  à  terre,&  met  la  bougertc  defTous  sô  do;.  Ce- 
lui quil'auoit  perdue  couroit  à  toute  bride  lacercher  5ç 
approche  de  la  gifaote,  &  lui  demande  nouuellet  de 
la  bougette.  le  vous  prie,  dkellç,  aller  en  diligence 
quérir  vne  fagc  femme  au  prochain  village  pour  maf- 
iîfter,&  vous  affeurcz  de  r^auoir  vof  rc  bougette.  Tan- 
dis qu'il  s'y  achcminoit,  le  preftre  Gi:  nient,  qui  cfgorge 
inhumainement  cefte  femme  ,  &emporte  la  bougette, 
L'hommeàquielleappartcnoit,  de  retour  auec  quel- 
ques fcmracs,defcouurant  ce  meurtre  fuit  le  meurtrier 
furlapiftcqaicftoitça  laaeigc,  l'atrape,  le  mit  e« 


l 


8  i  4  HiBoires  admirables 

. mains  de  iufticc,  oui  fit  cftoulîcr  ce  œturticr  en  huile 
bûuiiJance.HoM/uorJ,/»j^.4}tf.  Voyez  au  liitrc  dci  ci  util 
&meur:ticrs. 

l'HO'HlJ  ^TlQ-K  terni  le. 

L*An  miîcinq  cCi^strcntCjlecinquicfme  iour  de  No- 
ucmbre,>  eut  grande  t^mpeliccn  me:,  d'vn  vent  ce 
Kor.ivjfl,  ^  tut  la  marce  il  hauic  a  midi,  que  les  eaur 
furpahoyep.  en  dijcurndrojts  e-  diques>  combien  que 
Ictéps  orà.nairc  Je  ia  ma-tc  un:  'jnroresde  deux  h.c\i' 
rci  j-our  pjra.i.euer  Ion  flus  Dv*  celle  ccmp^rtc  &  fur- 
croillan'e  '-nirec  Furent inoodccb  ranc  en  Hollâue,Zec- 
landciFr-lcB-^baiu, qu'en  FIana'^cs(coirime  aucuns  ont 
annotée  Uiilé  far  efcric  )  qnit.c  c-nsquatie  parroif- 
ùs.  Mais  Hollande  &  Zcelaii  Je  farcni  les  plus  cndom- 
inagez.  Car  en  l'ilî-  de  Vvalchcren  Irs  diqucsturét  em- 
portées en  diucrscndroirsrnocammcnt  celle  qui  cftoit 
entre  le  vieil  habledeMidde;bourg  &:  Armtiyde  :  donc 
s'cnfuyuii  inondation  de  ce  quartier  3.  kmaiscs  duiâ", 
A FlcfTinghes yent  vne  tour emporice  a'.ec  vn  pan  de 
muraille  delà  ville  ,  qui  donnoit  entrée  à  l'eau  de  la 
mer  dedans  le  pais.  Du  collé  ce  Nord  ,  es  enuirons  de 
Verc.F.it  laiiquc  rompue  en  deux  cnjToif..Lc  quartier 
ducoùc  i'0:!cnten  i'IUedc  Zaïdhcvcl.ndt  fut  «  ntic- 
rcmr  ni  inondé  aïKc  18  villages.  La  ville  de  Rcmcrf- 
vvaeJ  ,  laft)rrcrc{rede  Lodycj&rerduîc  de  la  Cretkc 
toute  emportée. Le  quartier  ducufté  d'Occident ,  fcpar 
rcd'vrediquc  tirée  au  irai  er$  dci'lijc  .  cùeltalulc  la 
fille  de  Goes  ,  &  pluficuis  beaux  vil!  igcs  ,  durent  audl 
noye7.,&  la  dique  enfoncée  en  trois  diuers  endroits  p  es 
icclle  villede  Goes:&  y  eut  vnt  pir^-ie  de  îa  porte  nom- 
rnce  aux  oifonsjr'e  ladite  yiHe,  eficuee  &  empo-tee  aual 
reau.L'cfclufedc  BcnvleytCDtre  Emelille  &  la  ville  de 
Çpr{<;;een  fut  auiïî  «emportée,  tellement  qu'en  moins  de 
5  iouis  tour  le  pays  fut  en  eau.Cortgcen.Cats.EmelilTc 
ftauttcs  villages  fuientgaignezdcknaer.  On  efpcroît 

pouuoir 


i 


é*  mémorables.  8 1  j 

pouuoirlfsrecruuici  i'cOé  fuicant  :  mais  on  n*a  /ç^tt 
lurcjues  à  l'an  i  5  97, que  leComiedeHohcnlo  mari  de 
madij me  Marie  de  Nafïau,les  a  fait  gaigfierôc  accom- 
moder au  nô  de  Ta  femme.  Plufîeursauuesqaarcicts  & 
endfOKsdt  pays  en  Zeclande  (peciakment  furent  rui- 
nez par  celle  )nor.danoa,prefage  àcs  hornblcs  calami- 
tez  depuisfiiruciiuesespaïs  bas.On  ne  lç3Uro,tdefcrirc 
par  it  menu  \cs  iefolations  d'alors,  car  il  y  eut  vn  nom- 
bre mnombrable  de  bcftaiiCcomme  chcuauï  ,  bœufs, 
vaches.brcbis, pourceaux)  englouti  de  la  mer:  piulîcurs 
belles  maifonichampeftresi  raeftairics,elt3pesde  fro- 
mcnc,rcigles&  autres  grains, abatus  &:  emportez  par  la 
violence  des  eaux,  pîufîeurs  poiflcs  i  fcichcr  la  garan- 
ce,&:  maints  millirri  de  balles  de  garance  engloutis  de 
Ja  mcr.M^is  le  plus  grand  mal  fut  en  la  perte  d'vn  très- 
grand  nombîe  d'hommes, de  fLmmes,&:  d'cfans  noyez, 
fans  que  iamais  il  fut  polTible  de  les  fecourir.  Piufieurs 
honntftcs  friches  familles  furent  réduites  àdifcitcSc 
mendicité  pat  ces  inondations. Ceux  qui  Te  fauiierét  de 
la  fiiicurdc'3  eaî:.x,eflans  venns  es  qua-ciers  circonuoi- 
fins  de  ZccJande  moururér  pan  ied'ennui, partie  de  pau- 
urtié&:  niifcre.  L'ciiuir6vin^;'t  bcai)x  vilJagcs  en  Tiflc 
de  SuvtbcvtianJièiau  paysdc  Bo r [Telle  ,  lapljiparc 
font  demeurez  depuis  au  fond  de  la  mer.  Six  furent  rc- 
gaigncz  Tefrc  eniuiuanr,  inondez  derechef  l'an  i  5  51. 
reg;iignez  poui  la  fccondc fois  &rediguc:z  l'an  ly??^ 
Ainfî  iaZeeUn.ic  fe  vid  co.Timc  toute  couuenc  de  mer 
J'an  I  5  30.  Ôi  d. ^uis  garamic  miraculeufement  a  lenti 
dcsdeitjg^S  de  guerres  cftranges  ,  qui  ont  cftédcftour- 
nez  pii  movens  merueillcux,  &  qui  grondent  autour 
■4'c!Ic, de  la  Holiaifde,&  autres  psys  vtifîns  ;  les  dKjUfS 
delà  puiflance  diuir.e  cmpef(  hans  le  rauige,  autant  de 
temps  qu'il  pbiia  à  la  bonté  du  louuerain  Seigru;^ur  du 
monde. Ceft  hiftoi^e  ou  inondation  eft  cfcii'c  atti.Uu. 
de  M  grande  Cl>roiiirjue  de  HoIlaudeyCrc.  rectéetllie  p^r  lean  le 
Tetn ^cf/ier  de  Betlmus.  Vingt  fcpt  ou  vingi-huidVans 
auparauantjla  Hollande  &  la  Frife  auoyentcf.é  en  dan- 
ger d'eftre  noyées  par  lemefmc  venc  de  Nordreft  ,  & 
piufieurs  diquesronipucf,  aùecpcrtç  <lc  beaucoup  de 
gens&dcbcftaii. 


il  6  Hi/f/?ires  admirables 

I y  STi  C  E  redoutable  ^  tres-iujle  du  lu^e S»u- 
uerauhfur  Sjttan  ejprtt  meurtnerij^'fi^rfts 
tnjirumtns  CT*  adherans, 

ON  tient  qne  files  forciers  gucrifienr  (  c'cft  à  dire 
defrorcelent)vn  homme  inaleficié  ,  &  par  eux  ou 
autres  leurs  compagnons  enforcellc ,  il  Faut  qu'ils  don- 
nent le  fortà  vn  autre.  Cela  cftvnlguaire  par  leur  con-  . 
fcnîon.  De  fait,  i*ay  vcu  vn  forcier  d'Auucrgnc  prifon- 
nier  à  Paris, l'an  mil  cinq  censfoixanre  6c  neuf,quigue- 
rilToit  les  bcftes  ,  &  les  hommes  quelquefois  :  &  fut 
irouué  faifi  dVn  grand  liure,  plein  de  poils  de  cheuaux> 
Taches  &  autres  beftcs,de  toutes  coulei'rs.  QLu.and  il  a- 
Uoicietré  le  fort  pour  fiire  mourirquclque  cheual,  oii 
vcnoit  à  lui,&  le  gaeriifoir  en  apportant  du  poil:  puis  il 
donnoit  le  fort  à  vn  autre, &  ne  prenoit  point  d'argent: 
carautremcnt(coinme  il  diroit)iln*cuft  pas  guéri.  Aof- 
(î  cftoit-il  habillé  d'vn  vieil  fayc  compofé  de  mille  piè- 
ces.Vn  iour  ayant  donné  le  foi  t  au  cheual  d'vn  gentil- 
homme ,  on  vint  à  lui.  I!  guérit  le  cheual  &  donna  le 
fort  au  palefrenier.  On  retourne  afin  qu'il  guerift  l'hô- 
mc.ïl  refpond  qu'on  demardailau  gentil  homme  ,  le- 
quel il  aimoit  mieux  perdre  fon  homme  ou  fon  chcuaU 
Tandis  q^e  legétil-hommefait  de  l'cmpcfcbé  ,&  qu'il 
délibère, fon  homme  mourut,  &;  le  fof  cier  fut  pris.  U 
fait  anotcr  que  le  dlabie  veut  toufioiirsgaigner  au  cha- 
g-c  ,  ti:llementquefî  le  forcier ofte  Je  fortà  vn  chcual,il 
Icdonneraà  vn  autre  cheual  qui  vaudra  mieux.  S'il  gué- 
rie vue  femmcja  maladie  tombera  fur  vn  homme,  i'il 
dcflbrcelîe  vn  vieillard,  il  enforccllera  vn  icune  garçon. 
Et  (î  le  forcier  ne  donne  le  fort  àvn  autre, :!  cft  en  dan- 
ger de  fa  vic:brief  û  le  didblc  gucrit  (  en  apparence)  I4 
corps, il  tue  l'ame. 

l'en  recitcray  quelques  exemples.  M.  Fournicr  Con» 

fcillcr  d'Orle'aus  m'a  raconté  d'yn  nomme  Mulin  Petite 

' mu* 


r, 


^  mémorables'  817 

marchand  Je  bois  en  ceftc  ville-Ja,  c)u*eftantcnforcelIé 
à  la  mort  il  eniioyaqucnr  vn  qui  fediloit  guenr  de  tou 
fcs  maladies, (  fufpcft  tootcsfois  d'cftre grand  forcier) 
pour  le  guérir:  lequel  fie  rtlponfe  qu'il  ne  pouuoidc 
g#Cfir,s'ii  ne  donnoit  la  mslariicà  Ton  fils, qui  eftoicen- 
cores  àlamamclie.  Lt(ma]|-)eurcia)pcrc  ccnientitaii 
ârricide  de  fon  fils:qui  fair  bien  à  noter  pour  conoiftre 
a  malice  de  Satan  ,  &  la  iufte  fureur  du  Souuerain  fur 
lespcrfonnes  qoi  reconrert  à  ceft  efprir  homicide  &  à 
ks  inftruracns.  La  nourride  entendant  cela,  s'enfuit  a- 
ucc  fon  fii$,penditque  le  forcier  touchoit  le  percfiour 
le  guérir.  Apres  l'auoir  toudié.ie  père  fe  trouua  guéri. 
Mjis  le  forcier  demandâtie  fils,  &  ne  le  t?oi'U;inr  point, 
cômence  à  criej",lefuis  morroù  cit  l'enfant  j*  Ne  l'ayant 
pointtrouué,il  s'cnalla  :  mais  il  n'eut  pas  mis  les  pieds 
nors  la  pprte,quc  le  diable  îetua  foudain.lldeuintaufTî 
noir  que  fi  on  Teuft  noirci  de  propos  cTeliberc. 

l'ay  fceu  aufîi  qu'au  ingemenc  d'vne  forciere  accufec 
d'auoir  enforcellc  fa  voifîne -ïn  la  ville  de  Nanres  ,  les 
luges  lui  commandèrent  de  toucher  celle  qui  eftoiten- 
forcrllcerchofe  ordinaire  aux  iuges  d'Alem2gnt*,&mcf- 
mcs  en  la  chambre  impériale  cela  fe  f>it  fouuen':.  Elle 
n'en  vouloit  rien  faire:on  la  conrr^ignit:elle  s^el'criaje 
fuis  mortr.Ayât  touché  la  FemrtK  enlorccllee  ,  loudain 
elle  gucrit:&Ia  forciere  tomba  roidc  morte  par  terre. El- 
le fut  condamnée  d'cltrc  b'Uile  toute  mcrte.  le  tien 
rhiftoire  de  l'vn  dcslugts,qui  aflifta  au  lugemmc. 

l'ay  aprins  à  ThonloujSr  ,  qu'vn  efcholicr  du  Parle- 
ment de  Bourdeaux,  voyant  fon  ami  trauaillé  d'vne  fic- 
ure  qtiarte  à  l'extrémité  ,  lui  confeillade  donner  fafie- 
U'C  à  l'vn  de  fcs  ennemis.  Il  fit  refponfc  qu'il  n'auoit 
point  d'cncmis. Donnez  'a  dôc  ,  dit-il, à  vo(ire  fe^uitcur: 
dequoy  le  malade  ayant  fait  confcicnce,  en  fi.;  le  forcier 
lui  dir.dôf  ez  la  moi. Le  malade  rcfpond.ie  le  veux  bien. 
La  fieure  empoigne  le  forcierqui  en  mourut ,  &:  le  ma- 
lade refchappa.  Ces  trois  hiftoires  font  tirccs  de /.  So- 
f/w  au  3  diu.  de  ft  Demonomanie.  dMp.  t .  C'cft  aux  i uges, 
qui  commandent,  &  à  ceux  qui  permettent  aux  forciers 
dctoncber  les  psrfonnes  enfprccllees  ,  de  pcnfer  à 
IcQrs  çoafçiençcs«     Dieu  fci)l  guencSacan  frappe  par 


8 1 8  Ktfloires  nàmtffihles 

^c$r(>rcicr$,Dieulep.-rmc:rantain{i.  Miis  «".atan  ni  Tes 
loft.'umensnc  g  lerilfenrpoinr:  ains  par  Je  courroux  rc- 
«ioarabledi»  iulieiug:,  l.ueni  lebAltôdc  dcflus  vu  pout 
charger  lur  i'àucrc  ,  ioïc  au  corps,  foit  à  l'am* ,  comme 
ces  cxv-mples  le  monltrenc.  Ei  ainlifontcoufiours  mal. 
Comme  aulFiBodin  adioufte  proprement,  que  les  for- 
ciers  à  Taidede  Satan  ,  (  auquel  ils  feruent  d'iiiftrumcns 
▼olontai'cs,  &.qui  ont  leur  mouucmcnt  p^^occdant  d'v- 
ne  affcdlrjon  depi  aijee)pcuueiu  nuire  &  ofFcnfer,nô  pas 
tous, mais  rculcmeiu  ceux  que  Dieu  permet  par  (on  iu, 
gemeotfecret  (foyentbons  ou  m.iuuais)  pour  châ(tier 
Icrs  vns  &c(prouuer  les  autres  :afin  de  multiplier  en  Tes 
clleus  fa  bcned'<^ion, les  pyantfojuez  (c.  rendus  par  fa 
grâce  tounpuiiTante)  fermes  &conltans.  Néant  moins 
(dic-il)pour  montrer  que  les  force  s,  par  leurs  maiiJi- 
ceî  exécrations  &  facrifices  (ieieftablis  ,  font  miniflres 
de  la  vengeance  de  Dieu  ,  preftans  la  m.iin  &  la  volonié 
àSatan  ,  icrccitcray  vne  hiftoire  efîrange  publiée  ,  & 
dont  ia  msifioire  elt  rc:cnte.  Au  duché  dcCIeaes  près 
du  bourg  d'£!ten,far  le  grand  chemin  le^  gens  de  p»ed 
&dechcual  cftoyen:  fiappez  iSc  battus  ,  &  les  charettes 
verfccNiSc  ne  fc  v.«yoit  aucre  choie  qu'vne  main  ,  qu'oQ 
appclîcit  Kke  ken.  En  fin  l'on  pnnt  vnc  forciere  nom- 
niee  Sybille  Dinfcops ,  qui  iJcmeuroiics  enuirons  de  ce 
pays- la  :  &  depuis  qu'elle  iut  brullcc,  onn'y  a  risu  vcu* 
Ce  Fut  Pan  mû  cinq  cens  trente  cinq. 

Iln'y  agueresque  près  le  village  de  Baron  en  Valois, 
futietré  vn  bouquet  au  palîage  d'vn  clcallier  pouren- 
trer  d'vn  mauuais  chemin  en  vn  chainp:fi  empoilonné, 
inaisde  lortileges  >  qu'vn  chien  ayant  bondi  par  def- 
/u.  le  premier  en  mourut  fond  lin.  Le  maiftrc  palfa  a- 
pres:Sc  encore  que  h  première  Furie  &  vigueur  de  l'en- 
chantemenc  ,  pour  auoir  opcré  fur  ccf>  animal, Full  au- 
cunement rebouchée  ,  l'homme  ne  laitTa  pas  pour  ccU 
d^•nt'e'^  en  vn  accelloire  dont  il  cuida  prefqae  mourir; 
&cn  cftjit  dcluen  termes  ,  lî  i'antheur  ayant  efté 
pris  pirfo'Jpçon  n*'eu{l  dcstaitlc  chjriWe.  IlFuttofta- 
pres  exec'jtededans  Paris  ,  &  confcfTa  àla  more,  quefî 
rauirccuftttucie  bouquet,  il  fut  expiré  fur  le  champ. 


é*  mémorables,  819 

yi^nvre^  en  fort  annotation  fur  laftatfted'AEfcuîapt  att  i, 
yoiume  de  '?lnloJlrate. 

-  le  raconteray  encore  cç  que  i'ay  ouï  n'y  a  pas  long 
tcrrps  raconcer  à  Monfcignrur  le  Duc  de  Niucrnoi$,éc 
à  plus  de  v;ngt  gccils  horDmcs  dignes  de  ft'y,^uoir  vea 
de  leurs  prop^ci  yeuï,ce<^ui  aduintàNeufuy  fur  Loire, 
«ù  le  fienr  &.  la  dame  du  lie»  aynns  depole  leur  procu- 
reur fircal,to(t  après  vnc  ieune  fille  qu'ils  aucyenc  ,  de 
l'aage de  quinze  ifeize  ans,  le  crouua  coûta  vn  inftant 
iaifie  d'vne  langueur  vniuerfcllc  en  cous  Tes  mem- 
bres,fi  qu'elle  fcchoit  à  veuëû'ctil ,  fans  que  les  méde- 
cins y  p^ullcnt  non  feulement  trouucr  remède  d'y  do- 
uer quelque  al!ci;emenc ,  mais  non  pas  niefme  conce- 
voir aacune  occaiion  apparenre  d'oùpouaoit  prouc- 
mr  ce  mal.  Eftansdcncques  venus  le  père  &  la  mcrc  co- 
rne au  dernier  defv^îpcir,  il  If:ur  va  tomber  en  la  fan cafîe 
t^uéce  poiirtoic  eftre  parauancure  quelque  vengeance 
de  leur  procureur  ,  qui  auoii  vne  forceitroitecomrnu- 
nication  &  accointance  auec  vn  betget  d'auprès  de  Sa- 
cerre  ,  le  plus  t'raiid  forcier  de  tout  leBcrry  r  &  fur  ce 
foupçon  le  firent  fort  bien  mettre  .'n  cul  de  fofle  ;  là oà 
menacé  d'infinies  tortures  ,ii  dcsbagoulaen  fin  que«ce- 
ftc  damoifclle  anoir  efté  eni'orceliee  par  le  berger  ,  le- 
quel auoic  fair  vor  image  de  eue  :  &  à  mefu'c  qu'il  la 
moleftoÏL ,  la  fil;e  fe  trouuoit  moleftce  de  mefme.  En  fia 
ils  dirét  à  la  me  e;Madame,il  n'y  aqu'vn  fcul  moyen  de 
la  guérir  ,  &fiuc  neceilaircment  que  pour  h  l'auuer 
vous  vous  refoluiezde  perdre  la  plus  cherc  chofe  que 
vous  ayez  en  ce  monde.  Excepté  les  créatures  raifonna- 
bles.  En  bonne  foy,  refpondic-eMG  ,  ie  vous  en  diray 
la  pure  vérité  :  il  n'y  a  rien  que  pour  ce  regard  i'ain»e 
tant  que  ma  guenon.  Mais  pour  garamir  ma  fille  de  la 
Jangueuroù  iela  voy ,  ie  vous  l'abandonne.  Onnefc 
donna  garde  que  peu  de  iours  après  on  vid  la  fille  s'ai- 
der d'vn  bras  ,  &  la  guenon  demeurer  pcrclulc  de  mef- 
me. Confcqucmment  peu  à  peu  dans  la  reuolution  de 
it  Lunecefte  icune  damoifellefnt  du  tout  guérie,  forg 
fafoibltfTe,  &  la  gucnoo  mourut  en  douleurs  extrcmcs, 
Lamefme, 


850 


HiBûires  ^dmiràêtes 


Hippocrates  ,au  liurcJ^rEpilcplic  qu'il  appelle  ma* 
Jadie  lacrctr,ercrit  qu'jl  y  auoit  pluûeurs  impoiicurs  qui 
fcvantoyenc  de  guérir  du  mal  caduc,  difant  que  c'cftoit 
]a  puilFanccdcs  Dcmons  en  fouifTantcn  terre,  ou  ietrât 
en  la  mer  ic  fort  d'cx^iaiion  ,  &  la  plupart  n'cftoyent 
cjuc  bcliftrfs.  En  fia  il  adioufte,  il  n'y  a  que  Dieu  qui 
etfacelespecheZiqui  foii  noftrc  Talut  &  delmrancc.  i'ai 
mis  les  mois  de  celai  que  n  nis  appelions  Payen,  pour 
nous  cnlcigner  d'auoir  en  horreur  telles  impiciez.Et  à 
ce  propos  iaques  Spranger,inqui{îteur  des  lorciers ,  ef- 
cri-  qu'il  a  veuvn  Eueft^uc  d'Alcmagnc»  lequel  cftant 
cnforcelIé>  Fut  auerti  par  vne  vieille  forcierc.que  fa  ma- 
ladie cftoit  venue  par  malice, &  qu*il  n'y  auoic  moyé  de 
la  guérir  que  par  fort ,  en  faifanc  mourir  la  fv  rciere  qui 
i'auoir  enforcclé.Dequoy  c!hït  eftonnc  il  enuoye  en  po- 
lie à  Rome>piier  le  Pape  Nicolas  V.quM  lui  donnaftdi- 
fpenfe  de  guérir  en  crrte  forte  :  ce  que  le  Pape  lui  accor- 
da,aimant  vniqueméc  l'Euerque:&portoit  la  difpéfecc- 
fteclaufe,  pour  fuir  de  deux  maux  le  plus  g»  and.  Ladi^ 
pcfe  venue  la  forcierc  dit,  puis  que  le  Fape  Se  l'Euef^ue 
Je  vouloyéi, qu'elle  s'y  errployeroir.  Sur  la  minui6^  TE- 
uefquc  recouura  fané  :  &  au  mel'me  i^^ltant  la  forci'ifC 
qui  a-joit  enforcelié  l'Eucfque  ,  fat  f  appce  d.*  mal  ïdie, 
dont  elle  mourut.  Ainfi  void-on  que  Sat;î  fît  que  le  Pa- 
pe, TEuefque  &  la  forriere  furent  homicides  :  &  laidaà 
tous  trois  vne  imprelTlor  de  feruir  *&  obéir  à  (es  com- 
mandemens  :  &  cependant  la  forciere  quimourutnc 
voulut  oncques  fe  repenti:  :  au  contraire  el^  fe  rccom- 
mandoit  à  Satan  ,  sfin  qu'il  la  guet  >ft.  On  void  aulTi  le 
terrible  iugcmcntde  Dieuqui  fc  vcnoe  de  fcs  eoncmis 
par  fcs  ennemis. Car  ordinairement  les  forciers  dclcou- 
urent  le  maléfice  ,  &fe  font  mourir  les  vns  les  autres: 
d'autant  qu'il  ne  chaut  à  Satan  par  quel  moyen. pouruco 
qu'il  vienne  à  bout  du  genre  humain  ,  en  tuant  le  ccrpa 
ou  l'a  me  ,  ou  lesdeuxenfemblc.  le  diray  vn  exemple 
aucnuen  PoidoQ  ,  l'an  M7i*  Leroy  Charles  I  X. 
ayant  difné  commanda  qu*©n  lui  amenaft  le  forcicr 
Trois-efchclles  ,  auquel  il  aaoit  donné  fa  gac;  i  pouf 
accufer  fcs  complices.  Il  confelTa  deujuc  le  roy,cn  pra-^ 


: 


ér  mémorables.  8  j  tl 

jTcncc  de  plufîcurs  grands  fcigneuts  ,  lafaçondutranf- 
porc  des  forciers,des  dafes,des  (acrificcs  faits  à  Sata,  des 
paillardifes  aucc  les  diables  eu  figures  d^hommes  &  de 
fcmmes:&  que  chacun  prcnoit  des  pouldres  ,  pour  faire 
mourir  genî,bclks,&  fruits.  Et  comme  chacun  s'cfton- 
naît  de  ce  quM  difoic ,  Gafpar  de  CoUigni,  lors  Amiral 
de  France  tjiii  cftoitprefent  ,  dit  qu'on  auoic  prins  ea 
PoiTtou  peu  demois  auparauant,  vn  ieune  gaiçon  ac- 
cote d'auoir  fait  mourir  deux  gentils  hommes.  II  con*- 
fcfia  qu'il  cllou  leur  feruiicurj&  qucks  ayant  vcuiei- 
tcrdes  pooidrcs  aux  maifonsjSc  lur  des  bleds,  difant  cqs 
inois,Maledi£îion,;sC.  Ayant  trouué  de  ces  pouldres  il 
en  prinr ,  6i  en  ieua  fu:  le  lidl  oùcouchoycnc  lus  dcnx 
gcntiL-hcmai:r<,qui  fuient  iro.uucz  mous  en  leur  lift, 
tttut  enflez, &- fort  noirs.  lifutabfouls  par  \ts  iuges. 
Trois- cichclles  en  raconta  lors  beaucoup  defcmbla- 
hïzi.l.Bodin  au  ^.Un.de la  'Demnornoanïe^chap. y . 

LETH^Ii^GI  Q^VE  S  zr  antres  tels  malades 
ajJopti.geleZ^fiitptdes  ^  tranfis. 

VN  médecin  Portugais^fepruagenairc  ,  faifî  dVnc 
grofTcfieurc  continue  en  la  ville  d'Auignon  ,  fut 
frappé  de  léthargie  au  quatorzicfme  iour  ,  tellement 
qu'il  demeura  pluficurs  iours  viuant  fans  nourriture 
aucune, deftitué  de  parole  &  de  fes  fcns, comme  mort,a- 
bandonré  des  autres  medecinsjle  le  vis  ,y  cftant  appel- 
le.Finalcmcnt,la  vigueur  de  Nature  fut  encore  telle  cji 
lui,  qu'après  auoireftéenuiron  deux  mois  malade,  il 
Tcuiot  en  pieds, &fe  porta  bien  :  combien  que  ce  fut  vn 
vieillard  de  tempcratuie  froide  &  humide, abondant  en 
pituite  &  ctcremens, charnu, grand  mangeur  ,  &  defrei- 
glé  en  fa  manière  de  yiurc.  tr.yalleriola  en  la  t.  OLferuA" 
tiondu  6,liure. 

l'ai  conuvnperfonnagc,  qui  faifi  da  Gare,  (  foranc 
profond  conioiQtâUccafoibhilemcnt  du  moauemcnr» 


8  5  ?  Hijlotres  admirable^ 

du  fcniiment,  &  fpecialemcnt  da  cerneau, en  tr  lîc  Cortt 
qu*cxccpTé  Icfoutile  ,  qui  demeure  coder  ,  le*  malade 
lêmblc  morc)Jc:mcuroit  tciiemcnt  afTopi ,  qu'il  ne  fc 
rcmtjoic  non  plus  qu'vne roche,  quoy  qu'on  lui  arra- 
chaft  le  poil,<5c  qu'on  le  picquaft  de  tous  coftez.Mais  c- 
ftant  elueillé  oC  rcutnii  à  foi  i  cortimetranfportcdjfu- 
reur>  il  recuoit  par  le  menu  tous  les  maux  qu'on  iui  a- 
uoit  ûits  en  fon  afTopiircmcnt.  FerneLai*  ^Jiure  de  fa  ^^a- 

Vncerrainperfonnagc  fortenrennf  à  fueillfttcr  fes 
liures  &  paj»iers  fuc  loudaincmcntfrappéde  relie  cara- 
Icpfie, qu'il  demeura  touc  roi.Jr,affis  en  ù  chaire,  tenant 
Ja  plurae  tn  Ces  <ioigrs,  ayant  les  yeux  ouuerts  &  fichez 
fur  vn  hure:  reliement  qu'on i'cuft  prins  pour  quelque 
bon  &bien  efaeiUécûuclianr;  mais  quâd  on  vint  à  i'âp' 
peller  6c  pouffer ,  il  fut  irouuépnué  deientiment  &  de 
inouucment.Z,4  mefme. 

l'en  vilîray  vn  autre  couché  tout  de  fon  long,  com- 
JTîe  s'il  cuft  cfté  mort  ,  qui  n'oyoic  &  ne  voyoitgouitc/ 
ni  nefencoit  ^oin:  le«:  pîcqutures.  Ncantmoins  il  reP- 
piroit  fans  peine  èc  auaioit  ailement  rout  ce  qu'on  lui 
mî^troit  di  viandf  en  la  bçuche.  Lcaé  de  fon  lift  il  fe 
tenoirdcbout  tout  fcuUmach'nt  félon  qu'on  le  pouf- 
foit  :  df  quelque  par:  qu'on  lui  cournaft  la  main  ,  ou  le 
bras, ou  lâi.imbe,il  ne  «a  bougeoii.On  Fcuftpiinspour 
vnc  ftatuc  cheminant  par  arii^cc. Là  mefme. 

LeDodeut  Vallenola  ,  pedoi  nagctrcs-fçauant  8t 
très  humain, &:  moy  ,auon5veuvn  vieillard  tout  dcf- 
charné  &atienué,rauidece  mal.ll  lîcmenroit  à  table  Jcs 
^•eux  ouuerts ,  le  corps  droit  &cn  ferme  alfxertc  ,cften- 
dant  la  main  an  plat,  tellement  qu'on  eull  ditquccë 
irort  vouloir  viure&  di(ner:eftant  au  reftc  fi  roidc,quc 
i*cus  rouies  les  peines  d  a  monde  à  luy  ployer  le  coi.  Im 
Cot.Co^nment.ai  aphor.7 .lib.'L.CoacMippocr.  f 

r-ay  veu  des  hommes  qui  fc  oonoycnt  le  mieux  dfl 
inonde  etue  foudain  Caifc de ccfte  maladie,  dont  cet» 
quicftoyentalfis  à  tableaueceux  ne  fe  doutoyrnt  nul- 
lement, &  ne  s'en  appsrceuoyent,  finon  lorsqufi  par- 
lansàcuxonn'enciroitnon  plusdc  rcfponfcque  s'ils 

eut 


&  menjorablesl  83  J 

cufl'cfitcftémorts»Au(îî  en  ai-je  rcuàqui  cemaliuruc- 
noiter  fieuie  î  oufur  rncrcfuerie  &  foiblcffcdu  cer- 
ueau.Lesrns  tombent  en  conuuifion)Oupainioiron,oa 
demeurent  roide  eflenduî.  Les  autres geniiflcnt  &  fc 
plaignent  ;  fi  on  commande  aux  autres  ce  tirer  &  mon- 
ftrsr  laiaugufji'ernblent  aucunement  entendre,  &  s'ef- 
forcent de  le  faire.ll  y  en  a  qui  le  fouuienneni  de  tout  et 
qu'ordit  ,  i'ans que  lors  ils  puifîent  relpondre  vn  îcul 
mot.  Leur  oiiiecft  moufle  jquoyqu^ils  recognoiflenc 
ceux  qui  font  autour  d'eux  :maisi:s  ne  f^auroyencpar- 
Icr.nife  remuer  en  forte  que  ce  fou.-eikns  tels  que  iVa 
des  condilciplcs  de  GaJien  ,  lequel  pour  s'adJoiujer  par- 
trop  a  l\rtudc  fut  atteint  de  celte  maladie.  Il  demcuroic 
couché  froid, &:  roide  comme  vn  ballon  de  bojs  ,  icgai*. 
dant  d'yeux  ouuertj  fcs  compagnons,  fans  ciller  ranc 
foitpeu  :  mais  ilncfonnoumoc.  Rcuenu  à  foy  ,  racon- 
loiicequeles  autres  ^uoyent  dis,adiouftan[  auoiren- 
tendu  leurs  propos  comme  prononcez  fort  bas  ou  de 
loin,&  Te  fouucnoit  de  ceux  qui auoyent  el^é  autour  de 
lui.  En  aucuns  le  mal  tft  Û  grand, qu'ils  demeurent  roi- 
des  &  immobiles,  lans  monltrer  ligne  quelconque  de 
mouucment,  de  fcnriment, d'intelligence  ni  de  mémoi- 
re. Hou  lier  au  Commentaire  fur  ie  i^.  apborifme  du  5 .  U».  des 
Coa^ues  prafd'  Hip^ocrates. 

Le  melme  authcur  raconte  auoir  veu  certain  pcr- 
fonnagccnquiparinicrualiesen  mefme  temps  fe  def- 
couuroyent  les  fignes  de  quatre  maladies  diuerfcs  & 
cftrangcs  de  iâ  teftc,  à  fçauoir  d'a/Iopiiren  ent  piofond* 
d'epilcpfîe,de  cai.«lepfic,&  de  coBnuilion.  ^n  t.  Cértf 
mev-iatre fur  L' aph.?>.du  z.iiure des  (oacjues. 

Certc  maladie  (  catalepfic  )  vient  foudain  ,  &  maio- 
tieiit  fon  patient  au  mefme  eftat  qu'elle  le  trouuc  ,  vcil- 
lanr,parlant,erci  inanr,alîî.sdchout,&:c.  comme  s'il  c- 
ftcii  glacé  &  gelé.  De  ceux  qui  tn  !ont  atteints,  les  vns 
font  priuczde  fcnfimeni ,  les  autres  entendeur  ce  que 
Ton  dit,  ouvoyenc'encores  qu'ils  ne  remuent  les  yeuî 
ni  les  paupières. non  pins  que  les  ftjtucs.  H  s'cntrouue 
qui  remuent  (rjuclquc  peu  les  mains. Les  autres  leu  nus 
àcuxpenfemauoif  Ibmmeilic  légèrement,  ou  fongjf* 

L.  G 


8  3  4  Hiftoires  admirables 

Tous  fcmblcnt  eicmpts  de  douleur  ,  rcipircnt  aflcii 
leur  aifc  ,  &  n'y  a  pas  grand  changement  en  leur  pouls. 
Tay  remarqué  ccls  accidcns ,  dcfcrits  parles  médecin» 
anciens  &  modernes  ,  en  vn  gentil  homme  atteint  de 
tclie  maladic.2"/;.ffr<«/?«4  en  U  ^^urtie  de  fa  dij^utes  contre 
Taracelfm. 

lerolme  Bentius  retournant  en  fa  maifon  de  l'cglifc 
de  faindt  Laarcnr,où  il  auoicouy  lefeimoq  d'vnccrtain 
prcfcheurltalien,apresau(jir  ouuerc  la  poiiir, monta luf- 
ques  à  la  chambre  où  fa  femme  nouuellcmeni  acouchce 
cftoit  malaise. Ec  comme  il  s'auançoii  pour  entrer,  de- 
meura là  tout  planté  fans  fe  bouger,  ayant  les  yeux  ou-"^ 
Uerts.  Sa  femme  l'ayant  contemplé  quelque  intcrualle 
de  temps  en  telle  porturc  ,  commence  à  lui  demander 
qu*ilfdiloi.  làîLuine  rcfpondant  mot, on  appelle  fe;>  fer- 
uiteurs  qui  le  portent  au  Uù.  où  à  Taide  des  medicamés 
il  tft  dégelé, &  remis  au  dcfluscen  tcllclorte  que  depuis 
il  deme  ra  fuiet  au  mal  caduc *Seniuemns  au  ^6.  chaj>.  de 
fon  liure  de  auaith,^c. 

Vnc  f.mme,  aagee  d'cnuiron  quarante  cinq  ans ,  ay- 
ant fouppc  ioyeufement  en  honncfte  compagnie  d'a- 
inis,fat  iâifie  d*vn  loudain  elionnemen»:  durant  lequel 
on  curt  di:  qu'elle  regardoit  fore  enicnrifuemcnt  tous 
ceux  qui  clioyent  autour  d'elle  ,  mais  elle  n*en  cognoiH 
foit  aucun  ,  ni  ne  peut  lamiis  refpondre  mot  quelcon- 
que à  qaoy  q/oa  lui  dit.  Elle  nefe  rcmuoii  non  pluf 
qu'vnepiciie  ,  &  comme  on  la  temuoit  elle  dcmeu-» 
roit  :  iufqucs  à  ce  qu'elle  fat  garantie  de  tel  accident, 
ElleeOou  replcte  ,  picine  d'humeurs  ,  ayant  le  pouls 
haut, fort  Sccigal.  le  lui  fis  tirer  du  fai  g  en  abondance  i 
delà  veine  du  pied  droit, proche  du  grand  doigt.  Voy-  i 
ant  la  maladie  continuer  ,  on  lui  donna  par  a  on  or- 
donnance vn  clillereancz  aciC,  qui  l'ayant dcfchargec, 
elle  rcuiiii:  à  loy,  ne  fçachanr  rien  de  ce  qui  lui  cftoit  a- 
uenu. Lui  ayant  dit  qu'elle  s'cltoit  dclcharg -e  par  deux 
fois,  elle  en  eftou  fort  tfbahie,  enco  c  phjs  devoir 
fon  pied  einmailloitc  ,  pourcc  que  lamai-  vn  nç  lui  a*  i 
uoii  tiré  f^ng  du  corps,  ùl  ne  fçauoir  que  c'  itott  de  mc- 
dccms  ni  de  mcdKâmeus.Tioi^  mois  après  ailailhe  d'v- 


é*  fneinorahles,  SjY 

netibuuellcpcfanteur  de  tcftc  &dc  Léthargie,  acompa- 
gnce  de  ficure  lence,nul  remède  ne  Jui  fcruât ,  elle  mou- 
rut. £e  mefme  "BemuemUfyat*  Ç  .  chap. 

Antoine  de  Colle  ayatit  voyage  longue  cfpacc  de 
temps  durant  Icsafpres  froidures  ,  puis  audegclcs 
longues  &:  fafcheufcs  pluycs  >  confcquemmenr  es  gran- 
des chaleurs  &  au  ferein  dts  nuids  d'eftc  ,  tomba  en 
maladie  Fort  fafcheufe  ,qui  le  trauaiiioit  par  frcquenies 
reprifes.  En  icelie  ilperdoit  foudain  la  mémoire  &  le 
fentimenc,  &demeuroit  en  l'cftat  que  cefte  maladie  le 
faidiroit,  les  yeux  ouuerts  &  fans  vaciller.  Sx  le  mal  l'é- 
poignoit  en  fe  pronienanc ,  il  continuoit  tel  exercice  :  ff 
aflis  &  ï  requoyjil  ne  bougeoit  ;  fi  failanr  quelque  affai- 
re,il  le  coticuoit,  mais  fans  rien  cuir,  ni  dire,nc  cognoi- 
ftrejiufques  à  ce  que  laccésfut  palîé.  Lors  reatnat  à  foy 
il  ne  fe  fouùenoit  de  chofe  quelconque  qui  lui  fuftauc- 
nue  parauani./-e^f/;;e  au  t9  x.ch. 

l'ay  veuvne  fille  ,  quien  i'aagc  de  i  S.  ans  fut  après 
foupéenla  maifon  de  fon  père  faificde  ce!  afTopifTemct 
après  quelque  efmotion  extraordinaire  precedenccp 
qu'on  craignoit  l'apoplexie.  Elle  fut  dil-gemment  fe- 
touruè',purgee  par  cliftere  &  faignee,  &medicamentec 
fans  en  rien  fentir,ni  ccgnoiftie  perfonûe,fans  parler  ni 
ouyr.encorc  qu'elle  euft  les  yeux  ouncris.  En  vintg- 
quatre  heures  tout  cela  auint:fut  remife  debout  :  depuis 
mariée,  a  eu  de  beaux  enfans,  &  viuoit  en  bonne  fa'nté, 
aagee  d'enuiron  trente  ans, quand  nous  defcriuions  ce- 
ci, ii'actrrf/^  de  mes  mémoires, 

LISE  \yi  L  ItR    mémorable. 

QVànd  les  moyens  que  Dieu  donne  aux  hommes 
font  rnagnifiqnemcnt  employez  &  directement  à 
la  gloire  decc  Seigneur  fouucr.iin  ,  ceux  qui  s'cllargif- 
sccainfi.oupluftcft  qui  diftribuét  fagemëtles  biés  que 
Je  bô  &  riche  père  de  la  famille, qui  eft  fon  Eglifc  ,  leur 
a  cômispour  les  faire  vaioir,font  digne»  du  no  de  iibs- 

GG     * 


Sj  6  Hijlûtres  Admirables 

raux.  Le  grand  roy  Fiançuis  i.pour  auoir  rerais  fus  Ic^ 
proiclfioiis  de*  bonnes  le. très  ,  u'es  languci  Hcbraïc^uc» 
Grecque  &  Latine  ,  ôc  des  icienccs, a  acquis  (  quoy  que 
telle  d^lpenie  fat  tort  petite  a  compara  (on  des  richclils 
de  la  Fiance)  vn  beau  nom  entre  les  fages  &  fçauans. 
De  tant  de  monceaux  d'or  que  Phi.ippe  ii.  Koy 
d'Efpagnea  tirez  du  Pcra,ricn  ne  dorera  la  mémoire  de- 
uant  les  yeux  dvne  prudente  pofteri:c  ,  rien  ne  fera 
Toiiablc  ciapies  ,  que  la  IbnuenancequeTonauradc 
quelqu  s  milliers  d'cl'cus  prefrcz  par  les  commis  pouf 
rimprclTion  desgiandei  Bibles  en  cinq  langut»  ôc  leur 
ornement  cnli  ville  d'Anuers.  Et  ce  à  l'imuaLion  du 
CarJinal  François  Ximer.es  ,  giand  perlonnage  en  ion 
temps  ,  mais  louable  &:  proprement  libéral  en  l'ciitioa 
des  Bibks  Je  Compluce.  Les  largelTcs  enuers  les  vrais 
pauures,  es  édifices  &  pcnfîons  pour  les  bons  eitudians, 
es  lieux  Icruaui  a  la  Cinferuation  de  picié  ,  de  droiture, 
d'humanité  ,  à  l'embciiiircmcot  de.  ville:;  &  pa>'ij  dont 
n'cftbefoin  faire  delcripcicn  particulière  ,  font  dignes 
de  grande  louange.  1  adioalleray  pour  le  prêtent  ceftc  , 
hiiloi'e  que  Nuolas  Ra.lziu  1  g  and  (cigneur  en  Po- 
logne ,  &  Palatin  de  Vilne  ,  a  tWé  fi  hbefal ,  qu'ayant  en 
Vàxi  i  s  61. employé  pluUeurs  homes  doftes  entretenus 
h-i^s  defpens  pour  loutner  la  Bible  d'Hcbrieu  &  Grec 
CD  FoIonois,il  la  fit  imprimer  puisaprcs  à  fe$  delpens, 
y  employant  du  n,n  ,  Uns  i  cpetuion  (  attendu  que  les 
exemplaires  pour  ia  pluipar,,  furent  Iibcialemcnt  di-. 
ft.  ibuczaux  vus  Si  aux  a.>trv  Sjlans  qu'il  en  reuinft  aucun 
profit  en  les  cohres)ia  lomme  de  dix  mille  efcus.  C'clt 
peu  à  com  araiicn  u'vn  baftiment  de  Palais  où  plu-' 
lîeurs  dctpcndront  vingt  fois  autant.  Mais  la  prodigâlii  ■'* 
lé  clt  indien;:  du  lurnom  de  libérale  ,  &  delpcndrc  h% 
clcus  à  millions  pour  facrificr  à  rcîpiit  d'erreur,  de 
meurtre  ,  de  fouilkure  &  de  vanité  j  ne  defcoiiurc  que 
des  amc*;  mifi;rabh  s  en  toutes  fortes  :  maisccquieit 
employé  pout  la  confcruation  du  principal  &  vray 
bien  de  noftrc  vie  ne  Içauroit  eltrc  trop  recom- 
mandé 

roublioisvn  notable  perfonnagc  de  noitrc  temps, & 

de 


&  mémorables.  '  ?  5  7 

de  fîruple  qualité  ,  mais  de  vf  ncrable  mémoire  ,  I-ierrc 
Buricr.marchapt  Alcmanja'ifncen  S<ixe  ,  lequel  cmp!o^ 
ja  Iib  ralcmenc  ia  plufpart  de  les  moyens  à  dr^fTer  vnc 
Imprimerie  en  ^à  ville ,  de  laquelle  onc  efté  communi- 
quez au  public  pkifieurs  beaux  &  dcftes  li'.'rcs  He- 
brieux,dcpuiscinquance  ans.  Pour  ceftcitcdt  il  n'efpar- 
gna  rien  pour  rentretenem-nt  des  doftcsen  icelle  lan- 

fue.  Oucreplus  il  cntretenoità  G^s  defpen'  g^^ndnom- 
re  d'cfcho  lers ,  aucuns  delquels  ont  depuis  heureufe- 
jneatferuià  l'Egîife  &  à  la  République  .  fa  maifoneftac 
ouaerteaux  bons  Ôcdf^^fs  perfonu  »ges  &  ai  x  panures 
defqoels  il  fui  le  perc  :  fatVmnne  l'ayant  leconcé  en  tel- 
les libéralité  z  fa  ndt-s,  à  l'eUficacion  &  cenfolation  de 
plufieurs.H^y?.^/^  nojhe  temps- 

Les  feîgneurs  renommez  de  lafamillf  des  Fnggers(ou 
Fouckres  )d'Augsbouig  ,  fefooc  princpalcmcnt  ren- 
dus iliuftrcs,à  caule  de  leur  libcraliré  pour  l'auanceiT'CC 
des  bonnes  lettresrtefmoin^  pî'jfienrs  milliers  de  rallers 
par  eux  promptemcnt  fournis  à  Ican  Ope;  in  diligent  &c 
fi'iclc  Imprimeur  à  Baflcpour  mettre  en  lumière  Zona- 
re,Nicctas,Gregoras,  Odrcnus  Grecs-Latins.  Huldric 
Fut^gera  durant  plufieurs  années  adonné  libérale  Yicn- 
iîonà  Henri  Eftiennc  doâ-e  Imprimeur  pour  l'inci- 
ter à  l'imprefTiÔ  de  tant  de  beaux  &c  bons  auteurs  Giecs 
&  Latins  par  lui  mis  en  lumière.  ChriRotie  Vueittno- 
fer  gentil-homme  Aleman  donna  pour  vn  c^up  Van 
I V  5  8. à  lean  Operin, réduit  à  pauureté  par  les  vfurcs  de 
certains  auares  ,  la  fomme  dt  mille  talers  pour  le  rele- 
Ucr  &  remettre  en  train.  lean  Chriitofie,&  Ilayc  ,fils  de 
ce  gentil-hommc,  ont  en'uiui  depuis  en  m;iintes  fortes 
la  libéralité  de  leur  père.  le  m  Neu'us  médecin  d'Augu- 
ftc  Duc  de  Saxe ,  &  Thomas  Linacer  médecin  Ang'ois, 
onttoufiours  eniictenu  durant  leur  vie  nombre  d'cC- 
choliers  es  bonnes  lettres,  &c  donné  ordre  qu'après  leur 
mort  es  bon  oidrc  futt  liberalemêt  entretenu  Th.  Zusn- 
geratt  iQ.yolttmedefon  The.itre  de  la  yie  humame^lttè.  I .  pag, 

louian  Pontanus  raconte  de  Cofme  de  Medecis  duc 
de  Plorcncç,  (ju'il  fe  monftroitfort  prompt  &  libéral  4 

GG     j 


8  3  s  Hijtoires  admirables 

fecourir  largement  fes  amis ,  fi  loll  qu'ils  auoyêt  bcfoiu 
d'affiltancc.  Mais  il  donnoic  ordrequ'ils  ne  l'ceufTcnt 
point  que  cela  vinftdc  lui,  Icfaifant  faire  par  perfonncs 
prudentes  &  interpofees,  pratiquant  ce  pioucrbe  Chré- 
tien ,  que  la  main  gauche  ne  doit  pasfçauoir  ceque 
fait  ladroire.  Ah  difcoun  de  U  libéralité  chap.xf.  Paul 
loue  efcrit  du  Pape  Léon  io.de  la  maifon  de  Medicis, 
qu'il  prenoit  fingulier  plaifir  à  donner  aux  payfans, 
hommes, femmes, fiilcs, Vieillards,  icunes  garçons.  Si  al- 
lant par  pays,ils  lui  faifoyent  prefens  de  la  valeur  4'va 
0£uf,ils  en  receuoyentde  lui  de  la  valeur  d'vn  bœuf.  U 
payoit  les  dcbtes  des  hypcihecqucz  ,  fourniffoit  argét  à 
fuffifaiice  pour  le  douaire  des  pauurcs  filles  à  marier,  ^ 
prenoit lîngulier  plaifir  à  foulagcr  les  pctis  quici'toient 
mal-aifez  ,  ou  malades  ,  ou  par  inopinez  &  ineuitables 
accidens  réduits  à  quelque  djfcue.  Ah  ^.Iturede  la  rie  de 
Leon.X. 

le  m*cftendrai  ici  fur  le  récit  de  quelque^  hiftoircs  ou 
cxêples  de  libéralité  enuers  les  pauu'  es.  fans  particula- 
rizcr  les  hofpirauxen  diueis  cndroitsde  l'Europe, où  les 
afiîftaces  enuers  les  malad-'S-blefTez, pauurcs  vieillards, 
vieilards  decicpits ,  femmes  vcfues  ,  enfansorfelms-ou 
cxpofczjfont  libérales  pn  beaucoup  de  forte*.  le  me  i^y 
auin  de  la  (oigne jIc  prudence  de  quelques  Princes  U 
magiftrats  pour  ernpefcher  Poifiuetc  ,  la  difettc  extrê- 
me Si.  la  m-nuiciré  entre  leurs  fiiicts,fur  lefquels  ils  ont 
Tocil  de»  leHr  bas  aage  »  fupporcantSc  efieuant  les  vn., 
contraignant  les  autres, &  pai  libéralité  bien  difpenf.e, 
amenant  iespcrfonnes  à  honneftc  condition  de  vie.  La 
mémoire  de  tels  bons  percsdu  public  iratts  en  ces  der- 
niers temps  )  foit  bénite  à  iaraais.  Pour  le  prefenc  ie 
propoleray  vn  Eucfquede  Padpuè  ,  nomme  Pierre 
Barocio  ,  pcrfonnagc  fort  do£le  »  de  fainélc  rie  ,  le- 
quel employo;?  tojs  fes  reuenuî  au  foulagement  dei 
pauurcs  t  &:  continua  çn  cefte  libéralité  toute  fa 
vie.  Tellement  que  lors  qu'il  mourut  on  ne  lui  trouua 
ni  argent  en  bourfe  ,  ni  aucuns  meubles  de  pris  ,  fors  fa 
bibliothccque.  A  caufe  d'vne  telle  pieté  libcrale,Ies  fei- 
gne urs  de  Vcnifc  lui  §renc  cflcuçr  yn  fe|>ulcly:c  de  mar- 
bre. 


&  memorahles^.  8  3  9 

bre aux defpcns du  public, l'.in  iço^.jP  Sembe au  7 .litt. 
dei'Infi.de  ^^ewfe.lt:  pou  rois  rcprcfcntcr  kscxemplcs  de 
quelques  aurres  grands  pcif  m  âges  de  nort  ctéps,  qui 
«yans  couragaulcmeni  &  iloctr  mmc  fcruii'EgJifcjiét 
morts  pauutts  des  biens  du  mon  e;  mai*  tres-riches  en 
leur  maiitrc,qui  les  a  recuillis  en  fon  rcr  os  &:  onr  LiiFé 
à  ceux  qui  fonr  vco  js  aprts  eux  les  belles  &richci  mar- 
quais de  leu.  s  v^iltfiraiiaux,  p'u;r  l'trll:»  dion  &  con- 
folation  dfs  riches  6c  des  pauures.  Mais  il  (ufE:  f.  futil- 
Jer  la  mémoire  du  led^tur  ,  pour  p'.nfcr  lans  pafîicn  à 
ce  qui  en  td.^unfr'^r^aié  z.itu.defa  Cofnographiey  fait  mê- 
«ion  d'Ame  du^  de  ^auc'ye  ,  iequel  cnquis  par  quelque 
ambjlFadeur  étranger  ,  s'i)  auoit  point  de  chiens  de 
chal^Tf  Oui, dit-il,  &  les  meilleurs  eu  monde.  Sur  ce  il 
leur  fait  voir  vns  grande  comp.ignie  de  pauurcsde  di- 
uers  aages  ,  qu'il  nourri(f.)it  &  entrctcBoic  d'ord'nairc 
en  faCour.  Vous  voye^Cadionfia  il)  1*^5  chiens  de  ma 
charte  religicufr,  par  h  s  requeftes  &  prières  odoreules 
defquels  ie  cours  tous  lesiours  iufques  dedans  les  cam- 
pagnes &  forefts  celcltes  ,  d'où  ic  ne  reuiens  pas  fanf 
profit. 

l'ay  reprefcnté  au  premier  volume,  fous  le  tiltrc  de 
continence  notable  .  lap^omptc  libcraliié  de  Luchin. 
Viualde  Geneuois  ,  que  BaptiTie  Fulgofe  a  marqué  au  4c 
Imre  de  fes  exemple  s. cb-^.  l'yaciioufte  la  grande  libc^rali" 
tcd'Alphonfe  J'Eftcfuc  de  Fefrare,  lequel  non  content 
en  temps  de  famine  extrême  de  fournir  en  pur  don  du 
bled  aux  familles  de  fes  fuiets, prenait  la  peine  de  vifî- 
ter  lui  mefmcs  les  plus  pauures  ,  les  conrolcr  &  acoura- 
ger,dc  telle  grâce  qu'il  en  acquit  la  bien-yueillance  de 
grands  &  de  petits.  Il  auoit  fait  auparauani  vne  autre 
deoionftration de  libéralité  de  Prince  ,  ayant  diminué 
les  impofts&  tributs  eftablis  par  ^on  père  fur  le  pays» 
&faic  deb-aux  prcfens  à  fcsamis  &  (eruiteurs  d'vne  in- 
finité de  riches  meubles  &  vertrmer  s  cachezcs  cabi- 
nets &  garderobcs  de  fes  predecelTeurs  :  comme  'Paul 
i»ue  en  lavic  d'icelui  le  monftre  plus  amplement. 
S'il  faloic  auiouid'hui  que  plufîeurs  grands  fiç 
xiçhçs    ài^    moudc    Roumlfent    ceux    qu'ils    pnt 

G  G     4 


840  UiHoires  admirables 

iniuftementapauuris,  leurs  pays  ncferoycat  pas  afTcz 
fpacicur  pcuu  les  HoCpitaox  qu'il  y  faudroit  baftir  ,  & 
cuxinclmcs  mourroycnt  de  faim  ii:  de  frr*id.  Laurent 
Falle a»  troiju'frne  Hure  de  fes  hijïoircs  ^  en  raconte  vne  no- 
lablc  que  le  reprefenteray  ,  quoy  qn'vn  peu  vieille  ,  & 
d'cnuiroQ  cent  cinquante  ans  padcz.  LcComted^Vr- 
gclle,  nommé  laqucsi'ertantroullcuc en  armes  contre 
Ferdinand  îliiy  d'Arragon,  fut  a (ficgé  dedans  Bcllagc- 
rc,&;  tellement  preffé-que  force  lui  fut  de  rcn  Jre  la  pla- 
ce,&  fortir  auec  ks  fiens,  fans  rien  emporter  de  bagage 
que  leurs  armes  fimplement.  Commeil  pafloic  la  por- 
te, l'vn  de  fci  loldûcs,  portaiu  la  tcrtc  b^ndec  icaufe  d'v- 
nc  gricfue  bleflure  receuë  au  combat ,  marchant  à 
grand'  peine  ,  commence  à  le  fupplier  qu'il  cuft  pitié 
idefa  playî:,msladic,f;»im  &  nudité.  Tu  as  raifonjui 
refpondl  Comte  :  mais  il  n'y  a  pas  moins  de  pitic  en 
moy,qui  n'ay  moyen  de  rien  donner,  &  qui  ne  luis  pas 
maillredcmoy-mefmes.  Puis  fc  reprenant  tout  fou- 
dain,adioufta,viença, compagnon  ,  l'ay  dequoy  refaire 
dubien.  DiCanc  cela  il  d'elpouille  vue  riche  efcail- 
Ic  qu'il  portoit  pour  la  g'jerre  ,  de  fort  grand  pris,  Sc 
ùi\s  deîay  en  fait  vn  prefent  n  Ton  Ibldat  :  ce  qui  elmeut 
loiis  les  autres  l'accoranagnars  ,  de  pleurer  à  chaur 
des  larmes,  voyncs  vn  fi  noble  perfonnage  réduit  à  tel 
parti. 

Le  grand  Gcnfaluc  ,  f^iifant  la  gncrre  pour  l'Efpa* 
gns  coiure  les  Franç^HS  au  lloyaumc  d<f.  Naplcr,rc  mô- 
llra  magnifiquement  libéral  entiers  Phi'tppe  de  Pv^uc- 
ftcin  chefdes  gak'^cs  de  France  >  pouffé  par  vnc  tour- 
mente vers  la  Calabrc,  defnuédetous  moyens  à  caufe 
que  ia  mer  auoit  englouti  Ton  equipag?,  tellement  qu« 
Jui  Si  les  fiens  n'<Juoycnt  armes  ni  bagage  aucun.  Mais 
Gonfalue  fournit  fi  abondamment  &  piompiemcnt  ce 
qui  eftoit  necefiaire  &  félon  la  dignité  de  Rautrtein, 
que  tous  en  demeurèrent  rauisd'ertonnement  ;  car  ou-" 
tre  1rs  habillem:n5  précieux  à  merueillcs  &  de  rc* 
changejtous  vîenfile<;  de  chambre,  de  cuifincde  fallct 
tapiliericsjvaiflelie  d'argent ,  nouucUe  «fcuirie  &  grâd% 

çhcuaoïfl 


&  memoYohleu  84  \ 

eheuaui  furent  donnez  à  Rauertein,qui  eut  à  fuffifancc 
pour  lui  &  fcs  gens:  Gonfaluc  le  œonitrant  plus  digne 
du  nom  de  grâd  en  cefte  libéralité, que  par  (es  exploits 
de  guerre. 'P. io»e  e»yÛTie.  Qu^and  les  François  furent 
chaffcz  de  Naples,apres  la  prinfe  de  Gayettc,  le  mefmc 
Gonfalve,furnommé  le  capitaine  ,{îtprefcnt  de  grand 
nombredecheuauxàdes  reigneurs&  capitaines  quife 
retiroycnr  en  France, Xe  mt^me. 

Lt^  monts  de  pieté  inflitucs  es  villes  d'Italie  font  vil- 
les,honneftes, charitables,  &foul3gent  grandement  les 
pauures.liy  enaenF]orëce,Lucques,Siene,  &  ailleurs» 
oiicelui  à  qui  naift  vne  fille  met  au  iour  de  fa  naifiance 
cent  efcus  au  mont  de  pieté  ,  à  la  charge  d'enreceuoir 
mil  pour  la  marier,quand  elle  aura  dix-hujâ:  ans. Si  el- 
le meurt  âuparauant  les  cent  efcus  fontacquis  au  mot» 
file  père  n'a  d'autres  filles  après  cellelàiaufquelles  fuc- 
ccfllucmentfera  gaidé  le  marjage.  S'il  met  au  monc  de 
pièce  deux  cens  eicus  la  fiile  aura  deux  millccfcus  :  qui 
n'efl  à  peu  près  que  cinq  pour  cent  que  paye  la  Répu- 
blique ,  fi  la  fille  ne  mcui  r.  L'aurre  monc  de  pieté  eft 
pour  preftcr  argent  aux  pauures  gens  à  cinq  pour  cent, 
en  baillart  gage  fiiflitant,  &:  înfques  à  ^^  elcus  pour  le 
plus.  Si  le  debteur  ne  rend  i'argentau  temps  prefix,lc 
g  ige  eft  vendu  au  pltis  offrant ,  &  \è.  plus  value  rendue 
au  dettcur.  Ce  qui  fe  fait  pour  obuier  au  x  p'us  grandes 
vluresJefquelles  les  pauures  gens  font  ruinez  en  ces 
pays  la  ,  &  pourenipefchcrla  laifie  &  diftraftiondcs 
meubles  à  vil  ^w^.liodm  an  6. lit*. de  la  T^^p.ch.i-. 

Lqs  Vénitiens  hvz  noiiriir  les  fiilcs  dônces  &  expo- 
fces, en  vne difciplineeftroitte  &  fcuere  ,  où  elles  font 
aptinles  à  toutes  ehofes  loiiabîes,  &  façonnées  pour  di- 
gnement leruir  vu  mari>&  •ouuerner  vnc famille.  Les 
plus  belles  &  qui  ont  plus  gentil  cfprit  ,  trouucnt  par 
fois  de  bons  partis  ,  qui  les  efpôulent  pour  leur  plaifir. 
Mais  on  r;e  les  donne  pas  aux  premiers  qiù  les  deman  - 
deot,ain£  fiutque  l'on  ait  tcfmoignage  cenain  de  pro- 
bitéjdc  bonne  ad'efTc  &  de  diligence  en  toute  leur  con- 
duite. Au  moins  belles  &  adroites  lafeigneurie  fourflit 
douaire  conuenabie,i'<iM'£4(*  iMuMU  e.Eaneadc» 


84 1  Hijloires  nimirables 

Lts  cîradins  de  Milan  contribuée  plus  de  vingt-cinq 
mille  ducais  par  charcun  an  à  leur  grand  Hofpical,pour 
lcfoulagetnentd:s  paaures  &  des  malades.  Cequieft 
dcxtrcmcnt  &  fidcleqicntdefpcnle.  ^rlwto.cnè  i.chu{>.de 
fon  htfloire  de  TXt^Un. 

louianus  Pootanus  efcritque  les  Neapolitains  re- 
^oiucBt  tous  les  pauures  pafTans,  &  les  logenrcn  rhof- 
pitaldcIaS.ViC'ge  ,  où  ils  les  nourriffenc  vne  bonne 
pièce  de ^mps,  puis  lesrcueftent&equippcnt  honnc- 
fteracnt.Icem  qu*c«  ce  mefme  hofpital ,  on  a  veu  efleuer 
pour  vnc  fois  neuf  cens  filles  données  ,  Icfquelles  y  e- 
ftoyent  ftm  honnorablemenc  entretenues  ,padiqucmét 
înftruitcs  par  f^mesgraucs5cvercueures;puis  paaricej 
à  hommes  hon-îftes  ,  à  qui  la  ville  donnoic  riche  doiiai» 
xc.  ^tt  ltu.de  la  liberahté^chap.19. 

L'on  dit  que  des  long  temps,&  des  près  de  cinq  cent 
ans  accomplis  ,  lavilledeBergamcs'cft  ruonftrcc  li  li- 
bérale énuersics  pauures.qu'à  peine  y  a-il  auiourd'huî 
lieu  au  mondequifurpafle celui  là  en  telle  chariré.  l.de 
'SergameUu.ii.VUo'LpnaX  deBcaune>cclai  d'Amfterdani 
*c  d'aures  villes  en  HolIande,plulîe«rs  ca  France  &  ha- 
iicjfontencor  renommez  pour  le  prefcnt. 

Henri  de  Ficrre/enateur  de  Balle,  à  qui  lean  Opcrin 
noble  Imprimeur  deuoii  au  iour  de  fa  mort  la  /ôme  de 
cjuatre  cens  eicus,  royant  que  le  fils  &  héritier  d'icelui 
nomme  Manuel, fcroit  réduit  à  grandes  difficultcz  ,  fi 
force  lui  eftoit  de  payer  telle  sômc,  la  lui  donna  libera- 
Icmeat.Mais  ce  que  fit  vn  bourgeois  de  Prague  à  l'Em- 
pereur Charles  iV.eft  mémorable.  Iliuiauoitprefté  U 
îbtiimedc  cent  mil  efcus,  dont  l'Empereur  lui  auoic 
fait  dreflcr  reconoiffance  &  obligation  authentique. 
Trois  lours  après  le  bourgeois  fait  vn  fomptueux  feftiii 
a  l'Empereur  ,  &  comme  après  la  table  leuee  l'on  apor- 
loir,  félon  la  couftumedu  pays  ,  le  vin  de  collation  3C 
des  tranches  de  from3ge,en  lieu  de  confi.u  res  j  le  bour- 
geois fit  mettredsdiDS  vn  platd'argenr  doré  Tobliga- 
tiondei*Empercur,&  feruir  ce  la  fur  table  à  paît.  Cha- 
cun le  regardant  làdelTuSiSireCdiC'il)  adteflanc  ia  paro- 


I 


é*  memcrahlesl  843" 

je  à  l'Empereur  )  les  fcignenrs  qui  vous  accompagnent 
ont  part  a'  x  aui'cs  plats  :  mais  ccftui  ci  n'eft  que  poor 
vous.  Car  le  vous  rens  voftre  obligé,  vous  tenant  quit- 
te des  cent  mil  efcus  que  le  vous  ai  prcftez  fans  préten- 
dre vous  en  demander  chofe  quelconque.  JEneOiSj/luiitt 
au  ^MféJefes  Comment  À' ^ifinfe. 


LI3E  T^TE  ajjailliejejinàtief 
çf^rtmee. 


IEreprefciiterayetî  ceftehiftoire  plufîcurs  mémora- 
bles particuliaritezauenues  es  années  i  s  ^  i  i  s  î  3-^ 
es  deux  fuiuantcs,à  rcfgard  de  Siene,qui  plaida  viueméc 
pour  fa  liberté, laquelle  fut  finalement  opprimée.  Ceftc 
yilie  {ituce  en  ia  Tokane  «-'cltoit  longuement  main- 
tenue libre.  Finalement  l'Empereur  Charles  V.  alors 
puifFantcn  Italie,  comme  Ton  fils  le  roy  d'Efpagneae» 
^é  depuis  ,  &  eft  de  prefent  en  la  perfonnc  de  Ion  fuc- 
çefreur,s'en  faifit.Les  -iienois  ne  pouuans  porter  le  ioug 
d'vnegrofTegarnifon  d^ETpagnoIs  logex  en  vne  cita- 
delle biiftic,par  le  commandement  de  rEmpereur,pour 
les  tenir  en  bride,euret  recours  au  roy  de  France,&fccu- 
lenc  tellement  minier  leurs  afaires  ,  qu'ils  logèrent  de- 
dans la  ville  &  près  d'icelle  grand  nombre  de  gens  de 
guerre,enintêciondeles  employer  au  recouurcment  d^ 
leur  piemiere  liberté.  Ce  que  Don  Francifoue  d'Aibc 
capitaine  des  Efpagnols  defcouurit  incontinent.  Pour 
obuier  à  la  rempeïle  prochaine  ,  il  fie  publier  inconti- 
jicnt  par  toute  la  ville  de  la  part  de  TEmpereur  ,  que 
chafcun  euft  à  fe  contenir  dedans  fa  mailon  ,  à  peine 
delà  vie. Puis  cftant  alléau  palan  conl\iiuaprifonnier  jç 
capitaine  du  peuple  &  certains  autres  gentils-hommes» 
(jonc  fur  lechampildonna'aduisauducdeFloreace^ 
^equelycauoya  promptemcnt    Oihoa  4e  Moncagu» 


g  4  4  Hijfoires  admirahla 

^uechui£lccns  hommes  dcpicd  Iceuxentrercnten  la 
ville  fur  le  foir,&  s'emparèrent  de  touccs  les  places  for- 
tes. Quant  aux  Erpagnols(en  nombre  vie  fix  ccijs)ils  fc 
retireicac  en  la  citadelle  &.  dedans  (ainft  Dominique. 
La  riuift  fuiuantc  fe  donna  vn  fiiricux  alarme  à  la  perte 
Camolia,  laquelle  tat  forcée  p  ir  les  capitaines  de  ia  vil- 
le ,  qui  commencèrent  à  app  lier  le  peuple  &  crier  li- 
berté. Au  mefme  inltant  toute  la  ville  fut  en  armes, & 
entre  trois  mil  foldats  cflrangcrs  venus  au  fecours  des 
habicans;iccuxfe  troaucrenten  armes  a  i  rôbredecinq 
mille  qui  tous  cnfcmble  afriillircnt  Othon  de  Monia- 
ga.  Lors  y  eue  vn  terrible  carnage  de  part  &  d'autre: 
mais  Othon  fc  fencant  foible,  fe  ictia  dedans  la  citadel- 
le. Le  matin  arriuerent  à  Sicne  deux  mille  piétons  en- 
uoyez  de  la  part  de  quelques  cardinaux  partisâs  du  roy. 
Alors  fut  donné  l'alTaut  à  S. Dominique,  où  cftoyen;  les 
£ipagn(ls  ?&  y  en  eut  deux  cens  tueZjhuidlgrolTc  s  pie- 
ces  d'arcilletie  &  grand  nombre  de  picques  à  harque» 
buzcs  gaignces.Cela  fait  le  peuple  fevînc  caper  autour 
de  Ja  ci:adelle  auec  Ton  re  -fort  :  &  comme  ils  vouloyéc 
donner  i'alTaut  ,  leducde  Floren-e  enuoya  prompte-^ 
ment  fecours  aux  EfpagnoIs.Mais  elHt  aductii  que  Sie- 
nîne  dmandoit  qu'à  fç  maintenir  en  !j  liberté  com- 
me auTparauânc»  oc  demeure  fidèle  à  l'Empereur,  apref 
Cjueique  accord  encre  eux  'e  duc  fit  tourner  bride  à  Tes 
gens  qui  alloyent  à  Siene  :  &pii  le  moyen  decelif  ca- 
pitulation les  Efpagnolsqui  elloycnc  en  !a  citadelle  Bc 
en  la  ville  fjrent  mis  hors  U.  renuoy  z,  enlemble  Oiho 
de  Montagu, leurs  vies  fauues  Nonobft^nt  qnoy  il  y  en 
eut  de  bien  elhillez  auant  qu'eftrc  gucrcs  loin  ,  pour  Je 
mauuais  traitement  qu'ils  auoyent  fut  à  te  peuple  ef- 
meu  ,  vers  lequel  le  founenir  de  rpppreflion  auoit  plus 
<^ecreditqucle  commandementdes  chefs.  Cela  aduinc 
le  cinquicfmeiour  d'Aoult ,  l'an  iç  5  i.!a  reftitnùon  de 
cefte  liberté  eftant  conduite  à  l'adueu  &  faiseur  du  roy, 
]  es  a  m  ha  (Fadeurs  &  agensduonel  auoyent  fi  bien  prou-, 
reuàcefte  entrep-ife  que  l'ilTue  correfrondu  au  pre- 
mier dcffein.  Et  afin  que  les  Sienois  s'afTcurafîcnt  d'a- 
uantagc  de  leur  liberté  ,   les  princes  Ôc  feigneius  parti* 

{a  m 


ér  nteworahlesl  8  4  ç' 

fans  au  roy  ,  fuiui  de  i^s  agents ,  furent  les  premiers  â 
empoigner  le  maitcau  pour  ruiner  Ja  ciiadelic  »  acjuoy 
ti-u>  les  Sienois  ,  depuis  le  plus  grand  iufques  aupius 
pctir,mt:lmcs  i.s  uoi)nains&  rcciulcs voulurent auoir 
parc. 

Mais  rEmpercur  mal  contct  de  voir  les  Sicnois  airfi 
librri,{ii  marchei  nouuelles  troupes  au  comorcccnicnc 
dei'an  I  5  s  3.  )ous la  conduite  de  Don  Garlias  de  Tolè- 
de, fiUdu  viceroy  de  Napics  ,  lequel  iuiuidc  t»oJS  cens 
hommes  d'ai  mes  fc  joignit  aux  croupes  quieftoyentà 
quinz.c  lieues  de  Rome  ,  en  acteridaiit  4.  iniJlc  piétons 
CDUoytz  de  don  Fcruand  de  Gonz3*;uc  lieutenant  pour 
l'Empereur  en  lalic,  ^  lors  ailicgeant  lainéiDamiaa 
ville  de  Fiedmont  ,d.kncue  par  les  François.  D'aut.e 
partefloyent  a  Libournedeux  miilcEfpagnols  naturels, 
venus  de Jans  les  galères  dr  Naples.  Auprès  de  Peioulc 
eftoit  le  fieur  Alcagne  delà  Comcaucc  trois  millefan- 
taflinsj  empcfchdnc  les  Sicncis  d'auoir  fecoursde  gcrs 
&  de  viures.  1,'armee  Impériale  s'eftant  d'autrepari  ad- 
uaticee  print  quelques  places  5  \ts  vues  par  force ,  les  au- 
tres par  compolîiii  n,  cômc  Montftlonic,  AfinelQr!guc> 
Ja  Torrcttc,  Lucignan.  Il  y  eut  plus  de  peine  à  prendre 
Monticelle,quifut  afliegc  i'efpace  de  trois  femaines,& 
fouftint  trois  furieux  slfauts, au  dernier  defqtels  Icsaf- 
liegezjas  de  combattre  ,  farcnt  emportez  &  tailleztn 
pièces  pour  la  piufpart  ,  en  b  furie  des  Efpagnols  &  A- 
lcman5,pour  le  vcger  de  huict  cens  hommes  des  leurs, 
quiauoyent  efté  rompus  &  tuez  par  quelques  compa- 
gnies Fcançûifes,  &  ks  furuiuans  menez  à  Groflctto 
pour  leruir  à  la  rortifîcrnion  de  la  place,  eu  lis  furet  msl 
traitez.  Au  partirde  Monricelle  les  troupes  Imptrialis 
allèrent  afîicger  Monralcin,  lequel  fut  défendu  &.  garde 
par  la  vaillance  des  affiepez  ,  nonobftant  pkficurs  af- 
laut^  klquels  ils  repouflercntviucnient.  Ce  qui  leur 
furuint  mal  a  propos  f..t  que  le  Comte  de  Gaiazze& 
vn  gentil  hcmme  nommé  Montagne  .allans  à  leurs  Te- 
cours  auec  cent  hommci  de  pied  ,  &portans  cinq  mil 
cCcus  outrequciquc;  viurcs  ,  turentcnuelopcz  des  El- 
pagQols,&  tuez  pour  la  plulpart  fur  le  thàinp, les  autres 


84^ 


HiBûires  admirables 


emmenez  prifonnicri.  Depuis  ce  iour  les  Impcrialiftêi 
ne  ccffercnt  de  courir  &  fourrager  le  territoire  de  Sic- 
ne:à  quoy  le  Pcipo  deflrant  rcmcdier.s'enrremit  de  paci- 
fier CCS  tempcftés.  Conirrc  il  cftoii âpres,  Don  Garfias 
ne  gaignant  rien  fur  les  afficgez  de  LucignaO)  &  cnco- 
res  moins  dedans  Sienc  ,  où  il  penfoit  àuoir  intelligen- 
ce, craignant  aufli  que  l'arniec  Turque  {que  cftant  lors 
en  même  fift  quelque  defcente  âU  royaunae  de  Na- 
ples,s'y  retira  aucc  fes  troupes,  fans  auoir  guercs  auan- 
cé  pour  lors.Apresccfte  retraite  les  Sicnois  aduiferent 
à  fortifier  leur  ville  ,  à  quoy  les  femmes  mefmes  ,  par- 
ties en  trois  bandes  ,  s'employèrent  fort  coarageufc- 
incnt. 

L'Empereur  craignant  que  ces  rcmucmens  ne  fuflent 
caufe  de  plus  grand  trouble  en  fc?  autres  cftars  d'Italie, 
rcfolut  de  neiaifler  longuement  les  Sienois  â  réquoy; 
ains  les  ramener  à  fon  obefrancc  par  viue  force,  à  quoy 
Cofme  de  Medicis  duc  de  Florence   (  qui  eut  depuis  la 
pièce  pour  les  rucceireurs)Iui  fer  O't»  ayant  l'œil  à  ce  qui 
cftoit  requis  pour  la  guerre,  &fîrvne  leuee  de  quatre 
mil  hommes  fdu".  la  charge  du  marquis  de  Marignan, 
lequel  accompagré  du  comte  de  Sanfegond  ,  de  Lconi- 
dcMalaiefte,  &  de  Raoul  Bâillon  ,  capitaines    Impc-^ 
rialittes  ,  enuiron  le  mois  de  lanuier  miî  cinq  cens  le- 
ptantc  quatre,  s'ar hemina  vers  Sienc  fort  feci  crtcmenr, 
&  arriuade  nuidlau  fort ,  oui!  n*y  auoit  aucune  garni- 
fon  :  pource  que  peu  auparauant  les  foldats  auoyent  efté 
leucz  &  emmenez  en  l'Ifl-  de  Corfe,  pour  faire  la  guer- 
re aux  Geneuois.    De  là  le  marquis  fit  marcher  fcs  trou- 
pes droit  à  la  ville',  &  ne  pcurentles  Sicnoii  eftrefîtoft 
en  armes  ,  qu'il  n'euftgaigné  le  portail  de  la  porte  Ca- 
molia. Pierre  StrofTi  qcieftoit  pour  le  roy  près  de  là, fur 
les  nouucllesdeceftc  fuiprife  acouruten  diligence  le 
matin,  &  chaiTa  ceux  qui  occupoyent  ce  po' taihmais  lé 
fort  demeura  au  marquis  &  pour  le  ibultenir  le  (^uc  de 
Florence  luicnuoya  renfort  de  caualerie  &  d'infante- 
rie. Tandis  qu'ils  s'acheminoyéc  le  marquis  print  quel- 
ques villcttes,  faccagcât  tout  ic  plat  pays  autour  de  Sie- 
nc auec  fon  camp  volant  :  puis  quand  ce  renfort  luj  fuE 

ar- 


&  memorahlesl  ^47 

^rtiu«,  iladîcgca  Siene,faifantplufîeurs  leuccs  pour 
iiîcccre  Ton  fort  à  couucrc  ,  afin  de  n'cftrc  endommage 
par  l'artillerie  de  la  ville.  Sur  ce  le  roy  donna  charge  â 
Strofli  àc  prouuoir  à  la  defenfc  de  Sicne  ,  dont  il  s'ac- 
«juitia  ,  employant  plufieurs  capitaines  Italiens ,  qui  fc 
iciterent  dedâs  Siene  auec  leurs  compagnies,  &  r'afleu- 
rcrent  les  habitans.  En  ces  entrefaites,  Afcagne  de  \z 
Corne  ,  (uiui  de  trois  mil- hommes  de  pied  &  de  cinq 
cens  chtuauxlegcrs,conduitspar  Raoul  Bâillon,  femij 
aux  champs  ,  pour  furprendre  par  intelligence  Chiuû 
ville  lituee  es  montagnes  de  Tolcanc:  mais  le  capitaine 
qui  lui  en  aaoït  fait  pi  omtfle  dcfcouuritl'eDtreprifc  aux 
François,  qui  ne  faillueni  de  marcher  après  Afcagne: 
tellement  qu'il  fe  trouua  enueloppéentre  ceux  de  la  vil- 
le &  ceux  de  dehors  au  mois  d'Aunl  de  l'an  1 5  ^4.  &  y 
eut  vnctres-crueile&  fang!â'emf{lce,qui  duravne  par- 
tic  delà  nuid.Mais  Afcagnefut  rompu,  vne  bonne  par- 
tie de  fes  foldais  demeura  fur  la  place  pauee  de  corps 
morrsjlcs  autres  prifonniers  au  nombre  de  huitl  cens, 
defqucls  Afcagne  eftoit  le  premier  qui  furent  fur  Th^u- 
re  menez  tous  à  Siene.Raoul  Bâillon  fut  eue  en  comba- 
tant. 

Le  marquis  de  Marignan  indigné d'vne  iïgrandc 
j)crte,fourragea  tout  le  territoire  de  Sienc,&  ne  dcmcu- 
laeniierque  Lucignan  qui tenoit  bon  pour  les  Sie- 
noi»:puis  il  prini,laccagea  &  ruina  pluficurs  vilettesSc 
chaftcaux  de  leur  iunfdidion  ,  tirant  vers  Florence 
pouraflcurer  IcpalTagcdçs  viuresqui  venoycnt  de  ce 
quartier  pour  leur  fort.  Il  print  aullîBelcare  &  l'abbaye 
de  Monaftero/iaqucUe  il  emporta  de  force.  Strolîi  efli- 
mant  quele  fortfutdefnué  .icaufedc  cefte  entrepnfe 
du  marquis  ,  reuint  en  diligence,  &  y  donna  vnafTaut. 
mais  il  fut  repouflë  auec  perte  de  foldats.  Le  marquis 
plus  alTeuré  r'entra  au  Sienois  ,  pour  y  faire  Icgafl: 
car  il  auoit  eniendu  que  le  roy  faifoii  delccndre  (îr 
mille  Grifons  qui  cflojent  ja  près  de  Farme,  où  ils 
dcuoyent  s'alîcmbler  pour  faire  la  lecolte  &  aui£luail- 
IcT  Sienc.  Il  y  auoit  aufli  grand  nombre  de  piétons  Ita- 
liens en  campagne  pour  le  mefme  effcâ.    L'Empereur 


848  Hijloires  admirables 

icaforça  le  camp  du  Marcjuis ,  y  cnuoyac  de  Milan  Icaà 
dcli  Luncc«puainc  Elpagnol,auccfix  mil  hommes  de 
picd,trois  ccni  hwmmcs  d'armes  &  trois  cens  cheuaux 
légers.  Quant  aux  Grifons  &  Italiens  pour  le  roy  ils 
gaigncrcni  le  deaant.  Du  royaume  de  Naplcs  partirent 
cr  core  quatre  mille  t'antafRns,  fous  la  conduite  de  Ca- 
mille Colonne,&  cent  hommes  d^armcs,  dont  le  Com- 
te de  Pcpoli  cltoic  capitaine. Don  leâ  Manrito,  fcigncut 
Efpagnol,  eftant  gênerai  de  cefte  armce.  Le  duc  de  Flo- 
rence fit  marcher  vnnouacau  renfort  Tcrs  le  marqui»» 
lequel reiblut  d'cmpefckerle  palTage  de  lariuierc  d'Ar- 
neau  fecours  de  France  :  mais  par  la  prcuoyancc  &  a- 
drefle  de  Stroflfi  ,  lequel  print  MontcarIe,Pontadcre,  & 
autres  places  an  long  de  lariuierc  d'Arnc,  iufques  aux 
côfinsd^  Lucques,Ie  fecours  raflaïSc  fc  ioignit  à  Strof- 
firpuis  toascnfemble  fuiiurcpt  le  marquis  ,  quifereii- 
rojt.n'eftant  pas  allez,  fort.  Mais  ils  rait:ignircnt  &  y 
eut  furieufe  rencontre,  en  laquelle  le  marquis  perdit 
beaucoup  de  gens ,  au  moyen  dequoy  il  rira  vers  Scrra- 
valic,&c  ayant  ramaflé  fes  rcftes  print  le  chemin  de  Vol- 
icrre,&  toll  après  fc  ioignit  au  fecours  Impérial  fufmcn- 
tionné,  au  moyen  dequoy  tous  enfemble  retournèrent 
au  <icge  de  Siene,&  prindrent  Montcatin.  En  ce  mcfmc 
temps  le*' galères  de  France  vindrentfurgir  à  PortHcr* 
cule,portans  iix  ou  lept  mille  François  &  Lanfquenets^ 
<^ui  iointsà  StrofTifiicnt  voirvnc  armée  d'enuiron  fei- 
ze  mil-horamej> de  picd,&  de  dii-hui6l  cens  chcuaui,aa 
moyen  dcqMoy  iiene  fut  deliurcc  du fiege,  &  le  mar- 
quis fe  retira  es  forts  qu'il  tcnoit  autour  de  la  ville. 

Peu  de  temps  après,  ceux  de  Sicnc  afiîegerent  Tab* 
baye  de  Monaffcero  ,  &  l'euflentprinfe  de  force  fans  Je 
niarquis>lL-qucl  vintâulecours:&  à  fon  arriaee  fc  drcffa 
vnc  fi  furieufe  clcarmouche,  laquelle  dura  touc  le  iour, 
qu'il  y  eut  perte  de  fept  à  hui6l  cens  hommes  ,  des  plus 
yailJariS  de  par;  ^v  d*autrc.  Strufli  confiderant  que  les 
viurcs  du  pays  n'cftoyent  fuffifans  pour  nourrir  la  ville 
&  Parmecdciiberavpouriiier  le  marquis  d'entour  Sie- 
ûc  }  d'entrer  fur  les  terres  du  duc  de  Florcnce,&  y  fiirc 

rauage 


râuâgc,ce  qu'il  cxecura  de  faidt  ,  forçant  &  (àccageanC 
pluficurs  petites  places  »  fans  oublier  les  plus  beaux  & 
H)  Jnifiqucs  lieux  qui  y  fulTent.  Apres  il  print  fon  che- 
min contre  Marcianc  ville  apartenancaudac ,  laquelle 
fuc  f of cce  autc  grad  mciircrc.Puis  il  alla  aflîeger  Foian, 
gardce  par  mil  ru  douze  cens  hommes,  fous  la  charge 
ideCharies  Vrfin  ,  qui  ap^es  auoir  foufi::nn  pluiieurs 
terribiçs  aiî'aalcs  ,  &  elle  b.-.tcusd'vne  infinité  de  coups 
<lc  canon, farét  cmpojrczau  dernier  aflaui,  &.  tuez  pour 
•Ja  plulpart.  Les  pntonnicrs  furent  auflTi  preiques  tous 
cigorgcz  lanuidr  iuyaance  ,  puur  vn  dcfpit  que  conceuc 
Strof!!  de  ce  que  le  feu  s'cTcoit  mis  en  certains  caques 
de  poudre  à  canonjqui  auoit  fricafTé  grand  r  ôbre  defeS 
foldats.  Au  partir  de  Foian  jicrolTi  vint  fur^rendrc  le 
marquis  canopé  deuaiit  Marciane;mais  il  le  trouua  preft 
à  combattre, &.  dinlîs'attaquerêtauec  telle  furie,  q«/il  y 
eut  grande  perte  de  a^iH  &  d'autre.  Lanuift  les  (epara, 
fc  recirant  chafcun  à  fôn  cntcigne.  Le  marquis  dçfjogea 
Je  lendemain  ,  à  cauît:  du  dommage  que  lui  faifoit  l'ar- 
tillerie Françoifej&c  fuxluiui  i'efpàccdecinq  ioursauec 
cfcarmouciies  continuelles  ;  enfindcfqueis  Srroffi  fur- 
print  deux  cens  chcuaux  du  marquis  quipalîoyent  de 
leur  cimp  en  vn  petit  mont  proche,  de  là  ,  tous  furent 
<lefpeichez,fans  qu'vn  feui  efchappaft  pour  enfiler  por- 
ter nouuelles  aux  autres.  ■'•: 

luique*  lors  les  François  aucyenteul'auantage:  mais 
il  furuintincontiaentdetcriibles  changemcns  en  leurs 
afairesiàla  confufion  des  Sicnois  principalement  ,  qui 
pt-rdircnt  finalement  leur  liberté.  Carie  lendem^iin  de 
la  desfaire  de  ces  deux  cens  bornes  de  cheuai,qui  cftnic 
le  fécond  iourd'Aouft  1554.  Stroffi  s*eftani  mis  en  ca- 
p3gne,pourtrouuer  meilleures  commoditez  à  fon  ar- 
mée,fut  fuiui  par  le  Marquis, délibéré  de  côbatre  corn- 
m:  ilfit,&  vinr  donner  fur  i'arncre garde  Je  btroHi,  le- 
quel fut  côtrainf  receuQir  bataille, fans  le  prinCipalnerf 
de  fc$  forces,  à  fçauoir  l*ariillc^;c  ,  qui  m^rchoit  fore 
loin  deuant.  Ccfte  meliee  futieulemcnt  commencée, 
larrieic  garde  fie  tel  deuoir  que  les  gens  du  marquis 
brâfiOicni/i  lui  mcfinesiiefuit  acouiu  au  fecours  au^c 
ri^  H  H 


^^6  tîifloires  admirai/es 

cinq  mil  Efpâgnols&  Italiens, tout  frais  :&à  naefme 
heure  la  cduallcnc  donna  de  pied  ,  de  tef  e  ,  &  à  coutd 
bride  à  traucrs  its  bataillons  des  François,  Griions,  Sl 
Lanlcjucneis ,  aucc  telle  furie  quMs  coram:ncercnt  à 
quitter  leursrangs  >  fans  faire  leur  dcuoir  comme  l'on 
s*jf  attcndoir,  commençant  la  defrouie  par  les  Grifons, 
demeurant  le  faix  de  la  bataille  fur  les  bras  des  bandes 
Françoiles  ,  Icrquclles  ne  furent  aucunement  fecourucs 
de  leurs  gens  de  chcual  ,  qui  ne  voulurent  lamais  don- 
ner coup  d*elperon,fioÔ  pour  fuir,&  fans  occalionjpouj 
n'auoir  cfté  chargez.  StrolTi  ayant  eftc  blciléfai  garanti 
par  quelques  capitaines  i  &  le  fauua  comme  il  peut» 
ayant  perdu  en  celte  bataille  enuiron  cinq  mil  hom- 
mes tuez  fur  le  champ,  auec  aucuns  colonnels  &  capi- 
taines.Le  nombre  des  prifonniers  fut  fort  grand.  Cefttt 
\i6toiredu  marquis  eifraya  tellement  le  capitaine  & 
les  foldats  de  la  garnifon  de  Lucignan  ,  qu'ils  dtlloge- 
rcpt  de  là,quittans  la  place  aux  Imperialiltes  ,  lefquels 
en  eftoycnt  proches  ;  au  moyen  dcquoy  les  habirani; 
portèrent  les  clefs  au  marquisicc  qui  fut  vne  autre  gran- 
de perte  pour  l>:sSienois  ,  Itfquels  firent  trancher  la 
tcftcàce  capitaine  nommé  Alcoconte.  Depuis  ccfte  dcf- 
faitc  Strofli roulant  auittuaillcr  Siene,  ramaffa  dedans 
Montalcm  toutcequ'il  peut  defes  gens  ,  iointjcfc- 
cours  que  le  fieur  dcTcrracs  luiauoit  enuoyé  de  Cor- 
fc:  ma  s  ils  furent  rencontrez  par  le  marquis  qui  les  at- 
icndoitenembiifcadeauec  rnegrolTe  troupe  de  Lanf- 
quencis  &  d'Efpagnols ,  qui  les  chargcrcni  Cl  viuemeac 
<)ue  StrolR  perdit  cncores  grand  nombre  de  (oldats,  SC 
fut  mis  en  route. 

Apres  ces  exploits  le  Marquis  fuiuâr  fa  pointe  reuint 
au  fiege  deSicne  ,  alTcz  loin  de  la  ville  pour  Taifamer, 
&  cependant  furprint  par  intelligence  Cafoie  &  Mon- 
teragioni  ,  places  de  grande  importance  aux  Sicnois»' 
Icfquels  fc  dctlndoyenicouragcui'ement  ,  faifansplii-  ■> 
fie  ars  belles  lortics  \  efcarmouchcs.  Sur  la  fin  de 
Décembre  le  marquis  fe  voulut  hazarder  d'afïaillir 
la  rille,  &prcfentarefcalade enuiron  vne  heure  après 
ininuic\  à  lacuadcllejôi  au  fort  de  Caniolia}OÙ  u  y  eut 

afpre 


é"  memorahles-  8  5'  tl 

âfpre  conflit ,  fpccialemcnt  au  fort:  Mais  finalement  il 
fo  fut  challc  aucc  perte  de  600.  hommes  tant  tuczcjuc 
blcfTcz.  Cela  fur  l'vnedcs  principales  caufesqui  l'indui- 
fit  à  vne  icioluiion  d'auoir  Sieneparfamine  ,  donnant 
ordre  par  tr  mchces  &  aucrcs  moyens  qu'aucuns  viures 
n'entraiîcnt  dedans  la  ville  :  par  ainifî  les  aiïîegtz  fujenc 
réduits  à  extrême  difctrC)  &  languirent  huit  moisdu- 
ranc  ,  au  bout  defquels  tous  viurci  &  munitions  eftans 
défaillis  ,  la  plufpandes  foldais  morts  de  faim  ,  le  peu- 
pie  pei  ilHantdt-  iouràautre,(ans  efpoir  ni  apparence  de 
iecoars,à  caufe  des  g'-ands  afaires  du  roy  ,  qui  ne  pou- 
Uoiccnuoycr  armée  à  temps,  ni  StrofTi  donner  fecours 
fanre  d'argent  ,  pour  auoir  gens  refolus  &  en  nombic 
luffifaDt.pour  fiirc  vn  conuoy  leur,&  coinbatie  le  mar- 
quis j  lis  furent  contrains  de  demander  compofition, 
&c-onderccndireni  à  terrains  articles  propofez  parle 
duc  de  Florence.  Il  y  en  âuoit  vn  entre  autres  1  portant 
que  l'Empereur  pourrôit  réduire  la  cité  &  l'Ellat  d'i- 
Cclle  en  telle  forme  de  république  qiie  bon  lui  femblc- 
roit.  En  confequence  duquel  article  ,  Siene  perdit  toft 
après  fa  literré,  &  depuis  eft  demeurée  fous  le  ioug  du 
duc  de  Florence  ,  comme  encore  de  prefent, ayant  feruy 
pour  vri  temps  de  théâtre  à  vne  partie  destragedies 
louées  entre  CCI  deux  grands  princes  ,  rempereur&Ic 
foy  de  F'-ance,  pourenfineftrc  en  fpeftacle  des  reuolu- 
tions  admirables  de  la  vie  huwamc.HiJîoire  d' ItaOe. Com- 
mentaires de  yHotiluc  y  imre  i.  Chroniques  de  Canon  ,  liurt 
6. 

Antoine  Peret.fecretàire  d*eftac  en  Éfpagne,ayac  efté 
l'an  1  s  9  Lcmprifonné  &  rudement  traité  enCaftilIc,  â 
raifon  de  certains  afaires  fccrcts  ,  dont  il  a  publié  qucf- 
<jue  partie  ,  &  autres  après  luijfc  voyant  en  danger  de  fa 
f  ie  ,  à  caufe  qu'on  ne  lui  tcro  r  pas  promeffe  ,  ce  difcnc 
les  écrits  publiez, tronua  rr-oyen  d'cfch-îppcr  dcprifon, 
&  fcfauuercn  Anagon,  où  cafléqu'il  cftoitde  ^a  tortu- 
re&  longue  prifon  m:lcrablc  .  il  (e  tint  quelque  tf  mps 
â  Ccllatajud  dedans  vn  mooaftere  Sur  ce  ,  lercres  parti- 
culières furent  enuoyecsà  vn  cheualicr  de  la  ville; 
fansadtc  nicomi,nifrion  fuffiramepuur  la  tirer  delà,  ôo 

HH   z 


8  5 1  HiBûires  admirables 

que  n*ayant  peu  exécuter  ,  empefché  par  Ici  religieux 
du  convenc  ,  il  lui  donna  vne  chambre  de  moine  pour 
prilonjd'où  Ferez  clcriuit  au  Roy.    Mais  fur  nouuclles 
plaintes  &  accufitions  il  fut    tiré  de  ce    conucnt  par 
l'exprès  command'-menc  du  Roy    (  non  toutesfjïs  fans 
cfmotion  des  ciiacins  :  aulli  elloit-ce  Icpicmicr  coup 
de  pied  donné  contre  la  liberté  d'Arragon    )    &  mené 
àSaragouflc,   d'où  il  efcriuit  derechef  au  Roy  ,  &toft 
après  publia  &  exhiba  ics   luftifications  à  la  iuftîce  de 
Arragon.     Ceux  qui  pourfuiuoicnc  au   nom  du  Roy 
contre  lui  ,    voyans  qu'ils  n'auoyent  nulles  prifes  fur 
luipar  deuantlc  lugeîbuuerain  ,    l'attirèrent  au  fiegc 
des  enqueftes  d'Ar-agon    :  lùcùle  roycft  luge  &  par- 
tie.      Perez  s'y  défendit  contre  diuerfes    accula>ions, 
&  offrit  de  fe  luflificr  plus  que  iamais  par  dcuant    TE- 
Ucfquc  de  Saragoude.    On  le  rebuta  ,  tellemcnrquc 
pcr/bnne  n'ofoit  s'cmpefcher  de  fes  afaires  ,  non  pas 
fonaduocat  propre  ,   entendant  les  menaces  d'vn  cer- 
tain marquis  d'Almenares,   lequel  faifoitfaire  vneen- 
^juefte  au  preiudice  de  Ferez.      Ce  ncantmc.in':  relie 
lecerchene  lui  preiudicia  nullement  ;    car  il  fnt  ii;gé 
par  les  dix-icpt  d'Arragon    (    qui  font  vn  corps  de  lu- 
nice  reprcfentant  tout    ce  royaume-la  ,     fouucraine 
par  de  (Tus  toutes  les  autres,  Se  qui  crée  mcfme  les  rois) 
que    rçxiqueftc  ni  le  roy  n'auoient  nulle  aftion  contre 
Ferez.      Les  (oliiciteuis  de  ceft  afairc  ,     pour  Tache-  j 
miner  félon   leur  pretentc     »       pnnJrent  vn  nouueaiî  I 
coiilejl,  qui  fut  de  liurer  Perez  à  l'Inqnifition  ,  fur  cer- 
tains tcfmoignage'^  poitans  qu'il  auoic  protefté  vou- 
tpir  fe  retirer  en   Hollande  ,   &qu'il  fe  uiefloitd'en- 
chanterie.    Le  marquis  pouffoic  ccfte  roue,  forquoy 
Jaiuftice  d'Arragon  ,   qui  ne  voyoit  pas  le  piege,  ayant* 
examiné  l'afjire  ,  irouua  que  Pv:roz  ii'eltoitcn  coulpc,  I  Ji 
&  fit  empnfonncr    le  Salmedme  ou  premier  M'gi 
ftratde  Saragoufle  ,    pour  auoir  receu  les  depoficion*  I 
destefraoins    fournis  par  ce    marquis    d'Almenares* 
Ce  bruit  dexcrement  elpandu   ,     le  peuple  &  1rs  cl"lats 
d'Arragon  confidcrans    les   chofes    fclon     qu'elles  fe 
prefen:oycnt  ,    voulurent    qu'on  iugeaft  definitiue- 

incDt^ 


C^  meniorahleS'  85^ 

mène,  fi  Perczauoic  tort  ou  droit  ,  en  difants  que  fa 
caufc  cftoic  lufte  ,  fi  l'on  rcfuroit  d'en  prendre  conoil- 
faace.pa'squ'ileftcic  en  Arragon.  Là  défias  ,  les  offi- 
ciers de  l'inquiiîtion  (  contre  l'cs  priuileges  de  la  mani- 
fcfta-.ion  &  a  utres  droifts  du  royaume  )  vind^ent  le 
iç.  iour  de  May,  i^^i-  cnleuer  lerezdu  lieu  ou  il 
cliroit  ,  &  le  menercat  à  l'inquiluion.  Quatre  heu- 
res après  >  les  Inquifuciirs  furent  cortraints  par  vne 
cfraotion  populaire  de  le  rendre  &  renuoycr  en  fa 
prctnicreprifon  de  Kl  manifeftation.  Le  tumulte  fut 
grand  ,  aucceffufionde  fang  &  cmbrafemcntdcmai- 
lbns  ;  mefmes  le  marquis  d'AirrKnares  ,  pourauoir  con- 
treuenuàleurs  priuilegcs  futemprifonné  ,  ayant  efté 
en  chemin  chargé  de  dixmiileiiîiures  par  lesf^tmmss  & 
cnfans, outragée:  batu  par lapopulace,dr  foiteque  i  y. 
iours  après  il  mourut  en  prilon, ayant  defchargc  Ferez. 
Les  afaires  ainficmbotiiees  ,  lés  folliciteurs  perfiîle- 
rent  à  vouloir  rcmener  Ferez  à  i'inquilition.  Sur  quoy 
treize  iurifconfulies  du  royaume  turvnt  ordonnez, 
pour  iugcrfila  câufe  de  Ferez  meritoit  d'yeftrereri- 
Uoyceounon.  Ceux  la  prooo.icerenc  que  le  liurer  à 
l'inquificion  feroit  contre  le  droit  duroyaume.  M=îîs 
depuis  par  les  follicications  de  Ican  Louys  Murano, 
ils  donnèrent  vnt  autre  Icntcnce  toute  contraire  à  la 
première  ,  diredement  répugnante  aux  priuiicges, 
exemples, concordais, Scdeclararions  du  royaume  ,  qui 
annnlientles  editsdc  confifcation  procédants  de  l'In- 
quificion.  D'vne  autre pa-'t le  roy  auoic  mandeau 
gouuerneur  d'Arragon  qu'il  gardift  Ferez  en  prifon 
perpétuelle  ,  ou  du  mrins  queinmais  il  ne  forciflde 
Arr3gon:àquoy  s'accordoyent  les  députez.  Où  femoic 
des  bruus  entre  le  peuple,  qu'il  n'y  auoit  ordre  de  fouC- 
frir  que  rat  de  torts  fulTcot  f3it5  à  Ferex,à  fa  fcme  Sia  (^s 
enfans, qu'on  anoir  mis  en  chemifc,  qui  ne  viuoytc  que 
d'aumofnes.&neâtmoinsefloiêc  innoccs.  Les  tohcitcurs 
dup'incipai  afaire  feignoiétauoiï  grâd  peur  du  peuple 
affedioné  à  fes  priuilegcs,&;  d'autre  part  cocluoiet  qu'il 
faloit  reraener  Ferez  à'i'Inquifi'.ion.  Mais  d'autant  que 
cela  ns  fc  pouuoit  cx«cutçr  (^a'à  main  armee,ils  cômé- 

H  H    j 


8  5  4  Bifiotres  admirables 

cent  à  fe  dcfcouurir  de  ce  coi  é,6f  afTcmblenr  hcn  nom- 
bre de  gens  de  gnçrredu  Roy  iUcc  pluficus  fc.gneurf 
&  chcudlicrs  de  ij  maiion  du  vicC'  oy,  ce  qui  n'*  s'eftoit 
iainais  r.-u  aup^ra.ianr  :  dont  la  ville  de  SaragoufTc  & 
tout  Arragonfut  en  trouble  ,  parce  que  c'cftoit  cooirc 
leurs  priuileges. Mais  pour  lors  tout  ceft  aparcil  lourn^ 
en  furaee,  fans  que  les  entrepreneurs  oraitent  rien  cfte- 
ékucr.  C'ercoitenuiron  le  lo.iourd'Aonfl.  PvCprenans 
puis  après  leurs  efprics,  ils  fîient  plus  grande  prouifion 
à  geiSjiuîliues  à  deux  mtlle  hommes,  prcnans  iour  au 
Tingtquati  leme  de  Septembre,  délibérez  de  liurer  alors 
Ferez  es  mains  de  l'inouiûrion  ,  fius  le  fi-ppon  des 
officiers,  feigneurs  &  chcualiers  qui  leur  a(Tiftoyenr, 
pour  voir  laconienancc  di:  peuple,  &  de  quelque  cofU 
gncla  chofe  tournai  fe  faie  wyc  n  l'abolition  des  pri- 
uileges  ,  de  l'autorité  &:  de  la  liberté  des  Arragor»- 
nois. 

L'aflîgnation  efcheuc.,  fe gouuern.nir  fit  afTcmblcr  Tes 
troupes  auant  iour ,  &  les  mu  en  ran^  debatailîe.  Et 
pour  donner  i'eipouuante  aux  citadins  ,  fit  faire  me 
fcoppetericdont  vn  enfan^futtué  ,  &  y  eut  quelques 
hommes  bleflcz  de  la  main  d'i  gouuerneur  mefme.  A 
l'heure  du  confeiKe  prefenterent  les  Inquificeurs  »  1' f- 
quels  requirent  qu'on  leur  liuraft  entre  mains  Antoine 
Perezôc  IcanFrancif^ue  Majorinicequi  leur  fut  accor- 
dé,nonobftanrquelques  oppoficions  au  cimtiaire,  Par- 
ainiî  plcfieurs  g'.«nds  frigneurs  &  officiers  alierent  à  la 
prifon  pour  les  receuoir.Y  cftans.vn  lieutenant  ncmmé 
Claueria  auec  les  officiers  de  l'lnquifition,acompagnc« 
de  hàllebardiers  &:  foldais ,  menant  deuK  notaires  pour 
mieux  qualifier  l'exploit  ,  entrèrent  dedans  ^firent  ap* 
peller  &dcfcendre  Percz  puisayans  obfcrué  les  cere- 
hionies  de  Ton  euocation  ,  demandereot  qu'on  le  leur 
Iruraft  pour  refpondre  de  certains  poinfls  concernanf 
la  religion  5:1a  foy.Perez  propofc  là  defus  quelques  cx- 
cepiioDS  &  les  p'iuileses  d'Arra^n,dequoi  ces  inqui-' 
fîreurs  nefe  foucians,frrent  enfermer  par  les  pieds  lui  8C 
Major  in  ,  s'appreftans  à  les  emmener.  Or  tandis  que 
le  viceroy  ou  gouuerneur,  Içiuge  principal,  Icsgrand^ 

--  '    '    (cigneurf 


&  memorahles]  8  f  j^ 

Icigneurs.comtes  &  cheualicrs  de  cefte  compagnie  ,  c- 
rtoyeni  en  armes  es  mailons  vojûnes  de  la  pnfon  ,  voici 
tout  à  i'inftant  le  peuple  qui  s'amafTc  &  acourut  à  gref- 
fes croupes  crxam, Liberta,iiberta  :  ce  qui  leur  eft  loiiiblc 
en  tel  cas?  à  fçauoir  quand  il  s'agit  d'infraftion  de  leurs 
priuilegcs.  Du  commcncemenc  ce  n'citoyert  que  ma* 
nouuriers  ,  gaigne  deniers  ,  &  telle  menue  populace, 
qui  pour  la  plufpart  ne  portoycnt  aucunes  armes  :  &  fc 
ruèrent  ncancmoins  fur  ceux  qui  cftoycnt  en  la  place 
Eliufiicia.  Le  refte  du  peuple  fe  voyant  fans  chef,  6ç 
que  ce  n'eftoupai  proprement  à  Pcrez,  mais  à  leur  11- 
bcrrc,qu*on  en  vouioit, prièrent  Gilles  de  Mefa,  gentil- 
homme Arrangonnois,de  vouloir  cftrc  leur  chef.  Il  ac- 
cepta promptement  cefte  charge  ,  &  auec  ce  qu'il  auoic 
^e  gés,fuinis  d'autres  qui  s'j  ioignirent  à  la  fiie,chargea 
la  caualerie  &  Ici  troupes  du  gouucrneur ,  qu'il  mie 
en  fuite.  A  cç^  fuyards  s*araquercnr  pareillement  bien 
deux  cens  enfaoj,  armez  felonlcur  aage  &  ponce  ,  & 
vn  pauure  foc  naturel,  qui  à  coups  de  pierres  fit  granii 
deuoir.  La  furie  fut  grande  ,  qu'ils  tuèrent  les  mu- 
lets des  coches,  fur  lefquels  Perez  &  Majorin  deuoycnt 
cftrc  menez  en  Caftille  ,  bruflcreni;  les  coches,  &  mi- 
rent le  feu  en  la  maifonoùlc  viceroy&  autres  grands 
feigneurs  s'eftoyent  fauuez.  En  c«  tumulte  fut  tué  leara 
Louys  Murrano  ,  Vvti  des  ennemis  de  la  liberté  Arra- 
gonnoi(e,&  Pierre  Icrofme  de  Baradix,  l'vndes  princi- 
paux confcillcrs  de  Saragouflè.  Ce  combat  ,  pour  U% 
priuileges  du  royaume,  fut  fait  auec  telle  ardeur,  qu'vn 
bonviellard  voulut  que  (îi  ou  feptc'efes  cnfans  i'y 
cmployaficnt,  leur  commendant  de  s'armer  &  de  mou- 
rir pour  la  patrie.  Vne  noble  &  honorable  dame  y  en- 
uoya  vn  fîen  neueu  &  vnique  héritier,  Cinquante 
oufo^xante  hommes  y  furenttuez  ,  &  y  eut  plus  de 
cent  cinquante  blelTcz.  Incontinent  le  peuple  alla 
vers  les  prifons, voulant  auoir  Perez.  Les  officiers  de 
rinquifition,  voyans  le  danger  imminent  ,  le  dcsferre^ 
rcncSc  par  commiffion  de  leurs  maiftres  (  qui  auoyenç 
ïitteinc  au  bac  dcleurs  dclTcios,  voyans  le  feu  alluma» 


85^  Hiftoires  admirables 

qui  dcudft  bien-toft  bruflcr  la  liberté  c'Arragon  )  le 
prièrent  àz  lorcir  de  la  prifon  ,  ctaignans  d'y  citrc  fac- 
cagcz.  Perez  en  requit  a£le  :  mais  n'en  pouuaiuauoir 
àcanfe  (klaconfufion  ,  ilfortit  au  conrcntenicnt  & 
à  l'efiouilTancedc  toutiepeuple  ,  le  conduifanc  en  I4 
mailon  de  dom  Diego  d'Erecia.  Ce  fait  ils  allercnc  re- 
tirer Majoria  ,  &  relalchcrenc  autTi  cous  les  autres  pri- 
ibnniers.Le  msfrae  foir  Ferez  fortit  de  Saragouflc  auec 
Gilles  de  Mefa,  demeiiranc  trois  iours  fur  vne  monta- 
gne ,  durant  lefquels  il  cncenditque  le  gouuerncur  le 
faifoit  pourfuiurc.Pourtancil  retourna  en  la  ville,  où  il 
demeura  caché  quarantetDurs  durant,  pour  voir  la  ti^ 
de  ccft  afaire. 

Ce  fut  que  l'armée  de  Caftillc  s'apprcftoit  pour 
Tenir  vers  SarngouÏÏe:  au  moyeu  de  quoy  Perez  &L 
Mefa  fe  retirèrent  d'Efpagne  en  Bearn  ,  puis  Perez 
alla  en  Angleterre, &  d^  làs'eft  logé  en  France.  Qjjant 
à  ceftearmee  de  Caftiile  ,  premièrement  le  viccroy 
d'Arragon  fît  courir  vn  bruit  ,  qu'on  compoferoic 
lout  ce  trouble  par  quelque  accord.  En  après, 
que  Farmee  elloit  leuce  pour  aller  en  France  au  fe- 
coursdela  ligue.  D'icellc  armée  eftoit  chctDom  A- 
loDZode  Vargas  ,  lequel  entendant  que  Pcrez  elloic 
en  Beirn  ,  entra  à  main  armée  dedans  le  royaume 
d'Arragon  ,  pour  chaftier  (  difoit  il  )  ceux  de  Sara- 
goufle.  A  rencontre  de  lui  &  de  fon  armce  fut  pre- 
lenree  req  lelle  par  tout  le  corps  du  Royaume  ,  afin 
que  f;:Ion  leurs  anciens  priuileges  celui  qu'ils  appel- 
lent £/ ;.vy?iart  vouluft  prendre  les  armer,  pour  repouf- 
fer dom  Alonzo.  Suiuant  quoy  parar-cft  des  dix- 
f^pt ,  qui  font  la  iudice  fouueraine  d'Arr.<gon  ,  tout 
le  royaume  print  les  armes  ,  en  diltribia  les  charges, 
les  capitainesfirent  leuces  ,  drelFcrent  leurs  compa- 
gnies, on  mit  au  vent  l'eftendardik  S.  George  ,  fcloti 
la  couftume,  quand  il  cft  queftion  de  la  maintenue  des 
priuiiegeç.  Mais  quand  ce  vint  au  ioindre,  &  qu'il  fut 
queiHondefortir  à  bon  efcient  en  campagne  ,  les 
capitaines  abandonnèrent  leurs  troupes  ,  &s*enfui- 
icnt  de    l'ari^cc  ,    les  vns    deçà,   les  autres    delà, 

fuiuis 


é^  memorahUs.  8  5  ;y 

^uiuistoft  après  de  leurs  principaux  membres  &  fol- 
dats  :  tellemenc  qu'en  pende  lours  toute  l'aimce  Ar- 
ragonnoilV.  s'eruanoiiic  en  fumée.  Le  roy  promptc- 
ment  auerti  de  tout  par  Tes  agents,  auantquef<om  A- 
Jonzo  entraft  en  Saragouflc  ,  cfcriuit  lettres  à  p!u- 
iîeurs  des  principaux  d'Arragon  ,  comme  Ht  auflTi  dom 
Alonzo  ,  difaiit  que  i'arrnee  Cadillane  s'acbeminoïc 
en  France.  Sur  ces  lettres  ,  ceux  de  Saragoufie  ou- 
urirent  leurs  portes  ,  fans  délai  ni  refiftance  quelcon- 
que.Alonz,o  y  ellancentré  5c  logé  auec  (es  gens  ,  Ton 
commence  à  emprifonncr  tous  ceux  qu'il  nommoii, 
fcigneurs,chcualiers, gentils-hommes  ,  aduocars,  pro- 
cureurs, imrchand^  &  bourgeois  de  toutes  qualités. 
Les  députez  du  royaume  &  les  Ecclcliâftiques  furent 
moins  efpargnez  que  les  autres,  l!  y  eut  autïï  pluficurs 
dames,  damoifelles  ,  Se  autres  femmes  confticMces 
prironnicres;&  des  lieutenants  de  haute  iuftice  ,  com- 
me Claueria  &  Spinofa  ,  aufquels  on  faifoic  renoncer 
à  leurs  offices  ,  y  fubrogeant  des  antres,  qui  parauanf, 
:à  caufc  de:  lci:rs  deKcts,  aucycnttfté  dcgradez  de  tcu- 
-tes  charges  publiques.  On  y  cor;fircapareillcillcnr, 
contre  les  droits  dVàrrrfgon  ,  non  feulement  les  biens 
'des  maris, mais  aulfi  des  femmes  de  ceux  qui  s'trtoicnt 
^blentez.  Ourre-p'us  leiuge  fouuïrain  d'Àrragoa  fut 
prins  ,  &  en  moins  de  vmgc  &;  quatre  heures  après  vid 
fon  procès  clos,  fut  condamné  à  mort  ,  &  eut  la  tefte 
tranchée, fuiuant  le  mandement  exprès  du  Pvoy  ,en  vu 
<  billet  contenant  ces  mots  en  fubdance  ;  Ayant  vcuce- 
fte,vous  appréhenderez  auflldom  leande  la  Nuca,hsut 
iufticirr d'Arragon, &  faites  que  i'aye  aufTi  toi}  r  cuuel- 
les  de  fa  mon  que  de  fon  emprisonnement.  Il  fut  oonc- 
qucs  décapité  ,  nonobRanc  fcs  appellations  &  prorcfb- 
tions.fans  que  pcrlonne  en  fçrull  rien  ,  lufqucs  s  tant 
^u'ilfiii^  fur  l*fcfchafaur  poureflrc  promptement  cxfcu- 
tc,coiime  pluficurs  autres  l'auoycnt  eftéparauant,  &.  le 
fuient  encore  depuis. 

Voila  comme  le  royaume  d'Arragon  pcnfautcon- 
feruer  fa  liberté  &  {es  priuileges  les  perdit  auec  ià 
•lincipale  nobieflc  >   &.  grand  nombre  d'hommes  de 


8^8  Hijlûires  admira  h  le  s 

«jualiic.  Mais  pour  le  contenicmenriiu  Ipflrur  ,  nous 
adioulterons  vnbricFiifcours  de  l'cftat  des  atfjires  cw 
Arraoron,parauant  l'abolition  des  priuilegcs  des  hibi- 
taosd'iceltii.  Apres  que  les  Mores  on  sàrrafins  fc  fa- 
renr  emparez  de  l'Elpagnc,  l'an  de  Chrift  7  i  8.R.oderic 
dernier  roy  d  s  Gois  ayant  cft^  tue  en  buaillc  ,  ils  oc- 
cupèrent l'Elpagiic  près  de  fept  cens  ans  ,  fous  diucrs 
gouuernementscju'ihyeftiblircnc.  Enfin  les  peuples 
d'Arragon  s'af  anr hirent  de  la  violencedes  Mores  ,  & 
fc  firent  feigncnrs  du  pays, fans  rcconoiftrc  aucun  prin- 
ce particulier  ,  ni  autre  roaucraincé  que  la  leur.  Par 
fucccfTion  de  temps  cefte  liberté  leur  ennuya,  tellement 
qu'ils  délibérèrent  d'auotrvn  roy:  d  ^nr  ils  dcmanderct 
auisau  Pape,  lequel  les  cenfura  d;;  certe  dcliberation, 
adiouftant  puis  qu'ils  perfeueroyét  en  icc'ie  ,  qu'il  leur 
conTcilloit  de  prefcrire  à  ce  loy  des  loix  &  conditions, 
puis  eftablir  par  d-ffus  lui  vn  iuçe  fouucrain  auec  des 
aflenreurs,poar  refréner  fon  ambition. Les  Arragonnôis 
fuiuirent  ceconleil  ,  &  premier  que  d'cflire  vn  roy  éri- 
gèrent la  dignité  iL  preeminécedccc  qu'ils  appelloycc 
BlltiJlicUd'yirragon  y  quieftleiuge  fouuerain  auec  d)x 
reptafTefT-'urs  par  defTus  le  roy  :  ruis  firent  vne  loy,  qui 
s'appelle  la  loy  de  minifcrtarion,  pour  li  conferuation 
du  droi6ldes  vaiïaux,  à  l'encontre  des  foules  &  outra 
gesdelamain  haute,  fuft  roy  ,  prince,  oa autre  iuge. 
Laquelle  loy,  &.  autres  ftaturs  S:  ordonnances  ,  enfcm- 
ble  1rs  ptiuilcges ,  fe  trouncnt  impnmez  fous  i'autho- 
rite  royale  ,  &  ont  duré  maintes  centaines  d'années,  à 
l'honneur  &  réputation  de  leurs  roys  ,  &  fingulicre- 
mentdedom  Fernand  d'A^ragon, premier  ,  fjrnarmmé 
Catholique,  lequel  (  paruenu  à  la  couronne  de  Ca- 
ftille  ,  parle  moyen  de  madame  Ifabelle  fa  femme) 
ne  voulut  luiure  le  confeil  de  CCI  tains,  tendant  àl'abo- 
Jition  d'iceux  priuileges  ,  difans  que  le  roy  &  la  roy- 
auté feroyent  de  durée  &  fleariroycnt  par  enfemble, 
auîTi  long  trmps  que  1-.  s  deux  balances  du  roy  &  du 
royaum^  feroyent  en  iufte  contrepoids:  mais  que  fi  l*v- 
Tit  des  balances  vouloit  emporter  l'autre  au  poids  ,  l'v 
oc  au  l'auire  tomberoïc  en  ruine  ,  oupcut-cftrç  toutcî 


cjcux  cnfemblcEn  outre  les  Arragonnois  ordonnèrent 
laloy  d'y^mon.  contenant  deux  principaux  poinds.  L'va 
que  toutes  &  quantes  foi»  ejueleroy  rompra  leur» 
Joix.ils  pcuuenr  en  f.  recr  vn  autre.  Car  ils  nr  failoyent 
ferment  Cl  leurs  rois  que  conditionnelltment  >  &  en 
tels  termes  :  'Hosc^ueyaUmostanto  comme  yos  ,  y  podemos 
mas  que  -vos  ,  oi  ha'^omos  nuojlro  7{ey  a  Sennor  ,  Con  ejia^y  e- 
jflas  condicienes  ,  que  nos  qu.irdtys  Kojlros  jîieros  y  liberta- 
des:Ji  no^  no.  Entra  yos  y^  nos  é  -vn  que  mandu  mas  que  ros, 
C'ert  à  dire,N<iLis  qui  valons-autan  que  vous,&  pou- 
Dons  par  dcflui  vous  ,  vous  faifons  noftre  Roy  &  Sei- 
gneur,à  telles  &  relies  conditions,  que  nous  garderez 
nosdroiâ:s&:  libertez  :  fii.on  ,  non.  Entre  vous  & 
nous  y  a  vn  qui  commande  par  de  (Tus  vous.  11  faloic 
que  le  Roy  s'humi!ial>  &  mift  à  genoux  deuant  ce  ingc 
fouuerain  ,  nommé  El  luTiictay'^tdh  nuç,&  preAaft 
ferment  le  premier  ,  puis  les  Arragonnois  après. 
L'autre  poinft  de  rvnion  cltoic  ,  que  les  princes  & 
feigneurs  du  royaume  pouuoyent  faire  alliance  &:  con- 
fédération con;  re  leur  Roy  en  cas  d'oppreflion  ou  d'in- 
fraftiondc  lei^rs  droi£ls.£n  veitu  de  ce  droifl  les  Ar- 
ragonnois prindrcni  les  armes  l'an  i  ^  5 1. comme  nous 
auons  vcu  :  &  procédèrent  fi  iuridiquement  en  leurs  a- 
fiir::s,que  El  lufiicia  fîtinfînuer  lafcntence  à  dom  A- 
lonzo  de  Vargas  par  deux  notaires  ^  huiiîicrs  ,  \t(- 
qufls  lui  ayans  fait  leur  indnuation  ,  furpcinc  de  con- 
fifc^tion  de  corps  &  de  biens  $*il  pafToit  oatre,s'en  re- 
tournèrent franchement  à  SaragoufTe.  De  ceftc  procé- 
dure apparut  aull^  par  la  commifTion  donnée  à  dom 
Jean  de  la  Nuca,efleu  gênerai  de  l'armée,  ligné  par  El 
lujlicia.  par  l'abbé  de  Picdra  ,  Louys  Nauarra  >  lean 
LouysdcMarcuello  ,  dom  loan  de  Lun^î,  leronymo 
d'Oro  &  d'autres  ,  &  feeilec  du  fcau  de  El  luftiçja  ,  &  de 
celui  du  royaume.  Toutes  chofescftans  ainfi  ordon* 
nées  félon  Je  droit  ,  &  païïces  par  ordre  de  iufticc  & 
fouuerainetc  ,  Ici prefcheursmcfmes  en  Icuts  chaires, 
&  les  preftrcs  es  confc(fions,  eihortoycnt  le  peuple 
à  ce  faire.  Qui  plus  cft  m  fecretaire  de  J'inquifîtion 
foufignala  rel'oluciondttroyaume.cojDqDcbiea  fondée. 


8^0  HiBoires  admirables 

Tour  ce-quc  dcffus  cfl  extran  du  i  5  Aiure  desTjrades  An^ 
nales  de  leanie  Petit-,  greffier  de  "Bc  thune  ,  lequel  a  en  t-  ^ 
ceîlcs  amplement  delcricriuftoirc  des  Pais  bas  où  il 
môftre  que  l'Eftat  ainfi  changé  en  Arragon,confcrma  les 
ieigneurs  des  Ettats  d'HoMandç  &  auces  prouinccs  v- 
nies  à  fe  maintenir  tant  plus  couragculGmcm  enladc- 
fenfcS:  confcruation  de  leurs  pnuiîe^^es  &  liberccz. 
l'ay  auiïi  ciré  du liurettraicant  du  droit  des  Magilbacs 
fur  leurs  fuicts,  le  furmu'aive  du  ferment  en  langue  Ar- 
ragôooife  ,  y  adiouOât  ce  que  !.  le  Pcri:  y  amis  de  plus, 
&ioigaant  le  tour  envn.  Les  volumes  fuyuans  pour- 
ront reprefenter  d'autres  hiftoires  des  libériez  affail- 
lies,  défendues  ,  opprimées  ou  garentics ,  depuis  cent 
cinquanteans.  Leydeux  précédentes  fuffiront  pouric 
prcfcnt. 

:mAL  Al)  lES     effranges. 


VNe  damoifeîle  de  la  Marche  ,  près  de  Gueret  en 
Lymoiîn  ,  iecne,  vettueufe  >  &de  palîablc  beauté, 
tomba  en  telle  furie  par  vn  rapport  qu'on  lui  auoit 
fait  que  Ton  mari  alloic  au  change  ,  qu'à  tout  moment 
<Jc  temps  elle  vouloitfe  précipiter  ,  tanrolt  dedans  vn 
feu»  ores  par  vpe  teneft'c  ,  autres- fois  dans  vn  cliang 
près  de  famaifon,  dont  elle  fut  retirée  deux  fois  :  pour- 
tant commis  on  gens  pour  la  garder  Les  médecins 
n'y  pcurent  ri  :n  apporter  du  leur  :  mais  vn  Capuflm 
pafTaoi  par  là  ,  &  y  demandant  i'jumofne  ,  ayant  enten- 
du l'eftrange  cas  adjenu  à  cefte  damoiltlle ,  donna  auis 
quel'oncuftvn  ioucur  de  luth  ,  qjinebougeaft  d^ 
long  temps  d'auprès  d'efle  ,  &quc  fans  doute  cela  lili 
p3/leroii;  &  que  la  nuid  on  chantaft  quelques  chanfons  ' 
auprcs  de  fon  licl.  Cequ'  fut  exécuté  ,  &  dedans 
trois  mois  celte  fjreur  lui  pafD,  &  a  cfté  depuis  bien  de 
fon  tf^nt.Louys  (fuyonatt  i.ltit. de fes diuerfes leçons, chAp.i^- 
Tay  vcu  aufïi   vne  autre  damoifcllc  d'honneur  à 

Rouan, 


é"  memorahles'*  ^G  { 

Rouan  ,  qu'on  appellou  da  l^arreau  ,  qui  en  fa  vie  uc 
voulut  s'aider  de  l'arc  de  med-.cine  ,  quelque  grande 
maladie  qu'elle  eoft  tue  :  mais  eniout'^s  fcs  irifirni*tcrz, 
dou]cars,goi)ites,  bkliurcs  &.eni:ancemens,eJlc  ne  vou- 
loit  pour  louiu-  nvrdccine  ,qu'vi)  loueur  de  taboiuin  a- 
uec  la  ikute,&  l'.ippelloic  ion  médecin. Comme  vn  iour 
fur  fa  grande  ^ieillc(fe,  ayant  vne  grande  douleur  à  vn 
genouil,proce^iantc  de  la  goutcc,  eU-'  euft  commandé  à 
fon  ioueur  de  ûmner  vne  couranc  :  kclui  fe  halla  tant 
de  toachcM'oncabourin,&  loufîla  tanten  latîuce  ,  qtw 
pcrdanc  beaucoup  d'ctprits  &  d^  l'es  Forces  il  tomba 
tout  efuanouy  fur  les  carreaux.Oi  comme  il  relonnoic 
plus  ,&  qu'on  s'amufûit  après  luipoui  ie  faire  reucnir 
depalmoitoo  ,  ayant  dcmcurétn  icll^'cnuirori  trois 
quarts  d'hetuc,  Dni  poULoir  recouurcr  force  niconoif- 
fance)'.eftc  damoifeîk-  fe  plaignoitjdifant  qu'elle  fentoic 
des  douleurs  extrêmes  ,  &  pins  grande*  qu'elle  n'auoic 
foufFcrtes  en  iour  d..  fa  vie.  Le  labourineur  ayant  re- 
conuré  ra'^ce  &iugcmeot, après  auoir  pris  vn  bon  repas, 
&  beu  Forc-^  bon  vin, retourna  à  'on  pris  fait;aiors  lada- 
moifelle  le  fentit  allégée  tou-  à  l'ifirtant.  l'eltris  dans  le 
logis  îors  que  ces  (ho!e'«  aduindrent.  El'e  vefquit  en  ce- 
tte forte  ccnt&  Ûx  âns.Lemejme  G»yontai4  lïtt.cr  chap.fuf. 


mentionne. 


T^AL      CAT)VC.       3>SIAL    SACJt^Ë.      :M  A  L 
DE   TEXXP-. 

DiuerffS  confidernt'tons  O'ff'fioires 
touchant  l'epi'epjie  ou  mal  taduc. 


L 


A  pins  part  des  dod&s  médecins  tiennent  que  le 
^_veftigeou  tournemcnt  de  lefte  ,  &  i'cpilet-fîc  ou 
inal  caduc,  ont  beaucoup  de  rapport  ,  &nedriferent 
ouedu  plus  &du  moins.  Mclmes  aucuns  oncmainccnu 
<]uc  le  vertige  êftoi'  vne  p:titc  epilei-fio.  Ceux  qui  font 
atteins  du  mal  caduc  ne  tombent  pas  tous,ains  en  aucus 
In'y  a  Queiatellcquibranllc   (   ce qii«  l'ay  remarqué 


8^  i  Hijicires  admirables 

en  deux  darfloifcllcs  )cn  d'autres  Jci  pied,  chanecllcnf, 
fans  que  couccs  tois  ils  lombencpar  icnc.  Montanus 
dodle  médecin  dit  auoir  veu  des  vertiecs  dont  icsac- 
cidcns  fcrapporcoient  de  n  presauxcpilv  piiqti.s  ,  qu'à 
peine  pouuoit-on  les  diicerncr  ,  ôc  ne  Içiuojc  on 
comment  les  appeller.  EraUw  tn  U  ^.parité  de fes  dif- 
putes  comre'Varacelfe.  Il  adioufte  auoir  veu  des  cpiic- 
pciquesqui  bcguayans  auec  vnc  bricfue  conuuifiwn  de 
lcurcs,&  Frappez  Icuicmcnt  celle  parc,  rcQcnoyent  in- 
continent a  eux. 

MonHeurHouIier  ,  att  i.  liure  dé  fes  maladies tnterneSf 
chap.  16.  dit  que  l'epilcplic  le  iaii  par  lois  aucerucau> 
laH^  qu'aucune  aatre  partie  du  corps  en  Ion  atteintc> 
telltmenc  que  rien  n'eft  efb  arlé  de  ce  mai  que  laïc- 
ité :  8z.  adioufte  auoir  remarqué  ul  accidcnc  en  vn  prc- 
ftre  aagé  de  trente  ans.  F.  roel  cfcnt  auoit  veu  vn  c- 
pileptique  j  à  qui  fon  mal  com<nLnçoit  par  le  fom- 
met  delateftc  ,  d'où  a  vapeur  s'clpandoit  en  baf. 
Quand  elle  ne  couroit  que  par  haut  t  il  fentoit  vn  ver- 
tioc:raais  lî  la  vapeur  penetroit  au  dedans  du  cerneau* 
rcpileplîcs'en  enfui uoit.^»>  <)  Mure  deja  Vathologietih.i, 
Damoiicllc  Catherine  Martine  ,  leunct^mmc  ,  re- 
plette  ,  trapee  de  véhémente  cpilc^he  ,  pocedcc 
loudain  pardefrcgiemcnt  de  l'ertomacli  ,  demeura  tout 
vn  iour  en  eftat  tel  ,  qu'on  n'aticndoïc  qu'vne  apople- 
xie ,  â  caulede  la  rcplecion  de  tout  le  corps  ,  &  par- 
ticulièrement du  cerueau.  Le  dofteur  Vaileriola  la 
fccourut  promtement  &  fi  hcureutcment ,  qu'au  bouc 
de  deux  iours  elle  fut  rcmiie  en  pieds  ,  tellement  que 
depuis  elle  n'eut  aucune  attcinre  d'epiirplîe,  ayant  fuiui 
leregiraedeviurcqu'on  luiauoit  prcicipt.^»  i.Umedt 
fes  Obferuatwns  medecin<iies,ch(ip.-j . 

Vn  moine  de  Pans, nommé  Chanteclcr,aagéde  trente 
ans  ayant  le  cui;  noir  &  velu,  poi^r  auoir  cflé  mal  traité  ' 
d'vne  fiwUre  quarte, qui  lui  lailiavne  opilanô  di  raelle, 
tomba  en  autre  accident  :  à  fçauoir  qu'vne  fois  le  mois 
certaine  vapeur  lui  môtoitauecgrâd  bruit  de  la  raie'.ic 
co  hauç,&  parttenuc  à  la  mamelle  gauche  ,  quelquefois 

rlcont- 


C^  mernorahUs,  8  6  j 

il  comboit  fur  lafac-  ,  par  fois  a  la  renucrfe.  priuc  de 
llcncimcnc&Uc  niouucmcnc.On  lui  frottoit  Ks  ccmples 
aucc  iuvinaigr^:cc  cju;  i'.ii  failoitouvirir  les  yeux  ,  Se 
lors  il  monilroit  de  a  main  Tcnclroïc  qui  lui  douloic  1^ 
piujjiacs  pou:.oir  parler  £ltant  du  tout  hors  de  ccil  ac- 
cident,la»uiit/uiuanie  il  lui  cftoic  mipcffiblcdc  clorrc 
V(X\l'ti  annotations  fur  le  i  6.cljap  au  i  Mu.  des  maladifs  in- 
Hrnes  cIk  iJlot*l. 

A.Bcniucniuc,medrcin  renommé,  efcrit  auoir  traiié 
▼ne  icuiic  fille  cp.lcpt:cjue,dc  la  vnlc  d'Arezze  ,  Ja^u^l- 
ie  faille  de  ion  niùi  ne  icraboit  ni  n'clcumoit  puinc: 
maii  demeurant  debout  ,  b  anlloit  latci^cde  coite  «3c 
d'aiatrc/ins  fonncr  mot  >  n'oyaot  »ou.ie,ni  ncfcntanc 
rien  ;  puib  reu  nue  aloy  ne  fe  lomcnou  de  choie  quel- 
conque <^ui  lui^ut  auenué.  Depuis,  ..yanr  eu  les  fieu:s> 
€ilc  fut  garantie  de  <C  mai.  ^u  ^7. (hap.de  alfdit.  rerum 
iaufis.  Uodontus,  en  i'obieruaiion  fur  le  mcÙDe  chap. 
remarque  auoir  plufîcurs  foispenlé  vn- fille  aagtc  de 
Vingt  ans, laqu.lleattcinrcQ'.pilcpfî  fciiuoit  lesmains, 
&duranJa  conuuliîon  drmeuron  aifife.  Ayanidefcou- 
uert  que  le  mal  procedoicdu  vcncrc  ,  ilvl^ide  remèdes 
conuenabics  ,  telieracnc  qu'en  peu  de  temps  elle  fut  rc- 
tnilV.  au  dcilus. 

/e  conoi  vne  femme  laquelle  fent  Tacces  de  l'epilc- 
pfic;icllcrm;nt  qu~  fi  til-  laue  d:s  drapeaux,eik  retour- 
ne viftemeni  ch'-zioy,ou  fi  eliecft  en  la  mai'.onnebou- 
gc  de  la  placeoùcUe  le  liOuUe  ,  ou  fi  ccfce  place  n^eft 
commo. "e, en  cejciievnc  autre  :  l'accès  commerçant  à 
\  la  laifir  elle  vrinc  tous  luy,  puis  ayant  les  yeux  oiiuerts 
regarde  ça&  ,àcouimevncf  mm  ;  cftonnce,&  idiote, fe 
icnart  debout  .  elieempoigneraqucnouillc,  oupons 
quelque  pièce  de  /ueinagc  par  la  maifon,  fans  mot  dire 
ni  fauoir  qu'elle  tait. Tombe  peu  fouucnc,  &  reuenuc  à 
foy  demande  ce  q  i'ellca  faii.Iox/tfi/Mr /e  3.//»,  des  para» 
graphes  de  'i^araceljc. 

Vn  Jeune  homme  de  Chartres  fentoit  l'cpilcpfiç  lai 
monter  du  petit  doigt  de  la  main  gauche  cscnuirons 
du  cœur,qui  trtmblo  toit  fouûain.  Apres  cefte  palpi- 
tai ion  en  mefiiicinltant  il  tomboit  ,  ^quandcefte  va- 
pear  monttiic  >  la  main  gauche  cnciiTc  foulfroic  coa^ 


g.<4  Hîftoircs  admirallei 

uulfion.     En  vn  Efcoffois  aagé  de  vingt  ans  ï'epilcpfi* 

commcnç  )ic  par  rrcmbîement  du  bras  dcxtrc  s'auan"^ 
çaiu  vers  la  mammellc  ;  en  la  conuullîon  ilperdoic  Je- 
lcntiincnr,'ia  mcmiiire&  ia  vou.  On  le  taifou  reuenir^i 
lui  donnanc  à  manger  6l  à  boire  ,  tju'ilau^loit  fans  fa-; 
iiourcr  ni  marcher.  L'cpileplîc  laiiit  vnicune  i^arloa 
Picard, de  i'aoge  de  quinze  ans  ,  commençant  par  fla- 
pcur  de  la  niaîu  droiie  ,  don:  lepouicc,  ledoig».  du  mi- 
Iie'j,lc  médecin, feretiroycnt  ,  l'indice  s'eft.-ndoît  fort 
roiderl'cntant  lomboir  ayant  le  bras  droii  louc  torts,  5C' 
le  corps  tout  courbe,  tn  vh  autre  le  mal  commcnç  jit 
par  la  ininiure  dj  l'efpaulc  ,  dont  s'cnmiuoit  trembic-- 
ment  deiouc  le  bras  ,  puis  le  craquetis  de  dénis  &:  la 
cheute.li  y  auoit  vn  icune  gentil  homme  trcoflois  ,  de 
poil  roux, à  qui  Tepiieplie  conimençou  par  le  gras  de  là 
ianibe  droicte,comme  vne  goutte  crampe,  coufcquem- 
mcnt  il  fencoit  vne  agitatioji  de  tout  le  corps  ,  fecrcu-» 
moitpar  la  bouche.  Il  le  fcntoit  foul-gc  par  vomifle-î 
ment  d'humeurs  bilieufes  ,  efbant  aHaiili  de  ce  mal  ad 
défaut  de  la  Lxxr.zExir.des  annotations  fur  le  i  6.  chap.du.l; 
iture  des  maladies  tnten/es  de  lean  Houlier. 

Les  nfiedccins  ont  obleriié  en  certains  cpilepiiquesi 
que  l'accé:.  tommençoit  par  les  cu!(res&  hanches  ,  ef 
autres  par  les  pieds, la  vapeur  montant  aux  genoux  ,  & 
ainlî  confcquemmcnt  à  la  tei+c  :  es  autres  ,  rncconuul- 
fioadesbras,  des  mains,  des  ïambes  &  des  efpaulcs,- 
fans  que  le  ccrucaucn  foft  atteint.  Item  on  a  veii  des 
cpifeptiques  (c  tourner  en  rond  &  faire  des  vireuou- 
ftcs, puis  courir  roide  &  droit  concre  des  parois  ,  corai 
me  pour  lecalTer  le  nez  :  s'arrefter  court  tout  près  d'i- 
ccilcs  ,  &fiiïc  vn  tour  oppolite.  V'nicune  homme 
tombe  de  lieu  haur,s*cllant  bleiïe  à  latemplc  gauche/ 
deuint  epileptique  ,  «x  en  l'accès  faifoic  crois  ou  quatre 
tourS)puis  couroit  impctucufcment  droit  à  la  paroy  qui 
fe  pre(enioit,auâi  que  choir  en  lejre  :  par  fois  li  ne  tom- 
boit  point,  mais  à  deux  mains  &  tant  qu'il  pouuoit  fe 
torchoit  &  frottoir  le  vifagc.Reucnu  a  foi  ne  fauoit  rien 
de  ce  qui  lui  cftoit  aucnu.£r.ï/?.Vn  Alemâ, nommé  lean 
Hituiqucleftoit  affligé  d'cpilcpûe  laouid  ,  &  li- 
mait 


&  nfemof^hlesl  %Gf^ 

Ciâis  de  iour.J"c/?e»;«/»<*.  Beaucoup  de  femmes  durant 
leurs  groflcflvS  knt  trauaiilcts  d'cpilcpfic  ,  les  vnes 
pl'js,  les  aunci  moins.  Schenhut  tait  mention  d'vne 
Alemandc,  qui  cnacoucha  u  ci^oit  tellement  faifîede 
ce  mal, qu'-he  ne  le  louucnoi:  nullement  de  ce  qui  lui 
ciloit  aucnu  :  Dns  qu'anparàuanc  ni  depuis  elle  l'euiift 
touche  quelconque  dcpilcpne  ,  n' fes  enfans  non  plus. 
£r4//»«4  die  auoir  pcnlc  vnc  icuneiilic  ,  qui  par  i'efpace 
de  vingcquatrc  heures  entières  dtmcuraabaïue  d'cfile- 
plîciSv  qu'iilamcdecina  ii  heure  uiement ,  que  cncquéS 
d£pu:s  elle  ne  s'en  ieniir.£»  U^l>artie  de  fes  dijputes  lon^ 
tre  'l^arct,.elfe. 

loa.iumus  Curseus  en  Tes  Annales  de  Silefie.^ag^.  353. 
remarque  que  durant  it  liegc  r>£  Giogouie  ,    la  peftc  s'e^ 
ftant  giiifee  parmi  les  alîi.  g.  z  ,  àcauleque  les  {oidats 
tu-  ycntlcs  cheu3ux<s.en  aiangcoyentla  chai-,  commfc 
l'on  çftoitemi'efché  à  folToyer  au  cemitierc  des  laco- 
binsipour  y  enterrer  quelques  vns  de  ces  pcftifcrcz.a* 
ttini  qu'entre  ceux  qui aflîftoyent  à  leur   Icpulture  fc 
trouua  vn  ieunc  hommv  .  f:  -retairc  d'vn  capitàirie  Bo- 
heme,nommc  Nailou.lcqufirnrpris  dVri  foudam  accès 
d'epilepiîc  tomba  par  te;re comme  mort.     Iticontinent 
les  l'old ars  l'enleuenr.  Si  ietrent  dedans  vne  fone,&  com- 
,l)ien  qu'il  ouurift  les  yeux  &  roufpiraft,voiie  qu'aucuns 
«riafleoc  qu*il  n'cftoit  pns  mort,  neantmoins  les  autres 
commencent  &'pourruiuert  à  le  couurir  de  terre  ,  tel- 
lement qu'il  fut  enterré  tout  vifr&  toute  l'excule  de  ces 
cruels  Ibldatsfut  que  ccft  epile|iriquc  ainii  qu'ainfî  ne 
jpouuoit  plusgueres  viurc. 

Onremarejueauflî  quedes  epileptiqucs,  pour  auoic 
niefprifé  les  bons  régimes  au  bouc, au  manj^er,  au  dor_ 
ïnir,nu  tranai!,àrair,?xc.font  deuenus  parai vtiqnej,  Sc 
.  par  Fois  font  morts  fondaii-.eînent,  Vne  irunedamoi- 
Iclle ayant reccu  d'vn  fol  qiHiqucs  coups  de  poing  aux 
léples  deuinicpiîepriquc- .  ma.snaitr.ee  parle  Dccltuc 
Lan^tm  fut  ^\m:\'\c.jqï ontanu<>  fj\r  mention  de  deux  \  c- 
îîiticns,qui  pai  vchcmmies  palUvOnsr  de  i'efprit  deuin- 
drcniepiî"pri....cs,  ytmatta  mrrdccin  I-c ruinais  racoi  • 
taenia  z. Centurie, cnre  ^o.i'joir  veu  Y'.uç  nonra'n  aa-^ce 

a 


Î66  Hiftoires  admirables  , 

de  i^.à  10. ans  au  coDUcnc  de  i.Sixtc  à  Rome,  laquelle  | 
ayant  entendu  cjuc  fon  frère  cttoit  mort  foudain  ,  tom-  ï 
ba tout  à  i'hcure par  terre  ôc  y  demeura  efuanouiere-  3 
fpace  d'vne  heure.  Ayant  crtc  ailiike  foigneufemcnr,  | 
clic  reuinc  aucucemeot  à  foi  :  mais  rneepiiepfic  lui  de-  i 
xneura,quilateurmcn  ou  àdeux  ou  trois  rcprifcs  par  \ 
chacun  lour  ,  fans  iccter  coucesfois  efcume  par  la  bou-  % 
che.  Chrifiojlc  de  Fegue  ^  médecin  Efpagnoi  marque  4»«  i 
1 1.  chapitre  dtt  i.ln*rede  fa  medeciney^uoir  tcu  despecis  \ 
garçons  epilcpciqucs  ,  à  qui  d'autres  auoyent  fait  peur  ;; 
cnfeiouantcnfemble.  £t  iaic  mention  d>n  autre  gar-  q 
çonnet,  qui  voyant  (on  compignon  affligé  de  tel  mal  h 
en  fut  foudainemcnt frappé  ÔC  lôbapar  terre.  lean  Mat-  t 
thieu  de  Grady,mcdccin  Itahenycfcrit  qu'vn  ûcn  fîls  faiil 
d'eilonnement  au  bruit  d'vn  fon  erclactant&:  foudain 
de  pluûcurs  trompettes, tomba  par  terre  tellement  prcf- 
fcd'epilepfîe,qu'en  dedans  dix  heures  après  il  mourut. 

loignons  aux  hiftoires  précédentes  quelques  autres   i^ 
delagucrifondesepileptiques.     Le  fiis   d'vn  couftu-   ^ 
lier  Aleman  eftant  encore  en  bas  aagc    crioit  prefqucs 
toutes  les  nuids  en  dormant,   &  fort  haut  ,  comme  û 
quclquVn  Tcuil  battu.    Son  père  &  fa  mère  1  ui  deman- 
dans,  qu'as-tu? Rien  ,     difoii-il  ?  où  :  ic  ne  fçay.    En 
Taage  dedouicans  ,  voici  ce  qui  luiauint.   Vu  lour  d 
tomba  par  terre,comme  abatu  du  haut  maJ,  &  ayant  le 
petit  ventre  fort  gros, perdit  incon  ioeht  la  parole  >puif    i 
fc  tenant  la  telle  (c  pnnt  a  tourner  vn  longtemps,  fans   i 
qu'on  peuft  le  faire   celfcr.     L'accès   duroit  vne  dcmit   ^ 
ncurcj&quelquesfoiid'auan  agc,  &par  fois  ieprenoic    « 
de  nuift.    H  en  fut  cniiahidouzc  fus  pour  vn  iour.   Aii  4 
commencement  de  la  mil-îdie  ^  durant  l'accès  ,  ii  Icn-    '. 
loit&entcndoit  tout  :  mais  par  fucccffiondc  ttmps  ri 
perdit  Touye  Si  le  fcntimenr,.     Il  fut  en    ceft  eftat  prcf^ 
ques  vn  an  enter  7  durant  lequel  impofljbic  lui  fu;   de  ' 
marcher    ni  fe  tenir  debout.     On  ne  lui  voyoit  point  i 
û*efcume  autour  de  la  boucheril  mangeoit  peu  :  nonob-  H 
flanc  quoy   il  fe  partoit  bien.     Qiund  ilauoit  rclaf-  ; 
chejonl'entendoic  reciter  afFcclueurcmcnt  des  Pfcau-  I 
mes  &  autres  f^iodes  prières  qui!  auoit  aprile>  ca  >; 

}  l'cf-  ; 


&  mémorables*  %6j 

rcfchole.  Il  fçauoic  quelle  heure  il  cftoit ,  cncorcs  qu'il 
n'ouift  les  horloges, &  difoit ,  ie  fuis  en  tel  ou  tel  lieu, 
fans  que  pcrfbnnc  l'en  informaft.   Au  bout  de  quelques 
mois  la  maladie  fut  moins  rigoureufc  &  moins    fre- 
quenccLors  qu'elle fembla  acoifecjtous  les  iours  ,    en- 
tre cinq  &  (îx  heures  du  matin ,  ce  ieune  garçon  fe  fen- 
toit  accueilli  d'vne  langueur  inconuë  ,   qui  le  faifoit 
plaindre  comme    feroic   quelque  perfonne  prefTec  au 
corps  ouen  TeTprit  :  fans  qu'il  peu ft  fc  remuer  ni  quit- 
ter fa  couche.   Si  fon  pere,ou  fa  racrc,ou  autre  le  leuoy- 
cnt  debout,  il  fe  tenoit  en  pieds  ,    &  reucnanc  fou- 
dainàfoy  ,   marchoit  çà  &  là  tout  le  iour  ,    ncfentanc 
aucune  douleur  iufques   au    lendemain  matin  qucfa 
langueur  rcuenoir.   Au  bout  de  quelques  femaines  la 
maladie  le  laill'a.     le  ne  fçaurois  bonnement  dire  que 
c'eft,ni  quelles  en  cftoyent  les  caufes  :  combien  qu'elle 
ait  rapport  auec  repilcp{îe.    Mais  pour  dire  ce  que  i'en 
penfe  ,  i'ay  quelques-fois  eftimé  qu'rn malin  cfprit  af- 
fligeoitceft  enfant  :  car  en  mefme  temps  &  non   trop 
loin  du  lieu  où  cl\oitce  malade  ,  àfçauoir  en  quelques 
endroits  du  marquifat  de  Brandebourg  ,  il  fe  trouuoit 
beaucoup  de  perfonnes  démoniaques.     Aucuns  a;ffcr- 
ment  que  telles  maladies  procèdent  de  l'impiété  ma- 
licieufe  des  forcieres.  l'appliquay  diucrs  rcmcdes(cdm- 
med'aucres  firent  au(n)à  la  maladie  de  ccft  cnfani, com- 
me à  vne  epileplîe  ,   mais  auec  peu  de  fucccs  ,   encore 
qu'au  reftc  le  mal  s'adoucit.    Au  boutd'vn  an  &l  dtmi, 
l'enfant  aagé  de  quatorze  ans  recouura  pleine  fjiiré  ,  ce 
que  ie  penledeuoir  eftre  pluftoft  attribué  à  lamiferi- 
ccrde  de  Dieu. 8c  aux  prières  des  gens  de  bien,  qi,'::  me- 
dicamens  quelcorqucslÔC  depuis  s'cft  bien  ^oxxé.Sihen' 
kiut  defcrii  cefte  hii>o.re,    (ur  le  rapport  de  lean  fran^ 
çots  Htldes  médecin  Alem^n  ,    qui  auoit  gouuerné  ccft 
enfant, &  en  a  fait  exprelFe  mention  en  fesexemplts. 

Chnltofle  de  Vegue  attcfteauoir  guéri  trois  fem- 
mes cpilepiiques,  faifant  faigncr  les  deux  aux  veines  de 
la  chenille  du  pied,  pourccque  les  fiucurs  el^oyent  fup- 
primees,  mais  cela  fait  elles  coulèrent  à  i'accouftumcc. 
La croifîcfme  fut  fcanfice  auxcuilTcs  ,  &  les  âu^ur$ 


^(j  8  HiHûires  admirahUs 

lui  viiydrent:carcllc  clloii.  fotticune.  Toutes  trois  foiîn 
rcnt  guecies  par  lellv;  âiàc.yiu  ^.bttre  ih.  i  i  .de fu médecin 
.we.ValicriolaceiVnoigncauiri  aaou  gucri  non  lan».  ira- 
-uai.jVDcdamoilcUc  4UI  dcliurce  du  m^l  d  ci  fane  aiioit 
. cfté  toutmcntec  de  pluficurs  accès  d'epi!cj.fîc  par  vnc 
t  op  grande  vuidangc  de  fange n  fa  couche,  ^u^.lture 
Obfirttiît.  6.  La  raciDC  Je  Paconia  rrailc  ,  Iciusdcruc 
laujfjgcaucc  miel,  ou  l'odcut  de  l'herbe  ,  Tongi  de 
l'JElcnd  011  Alcé,bœi.f  faciiage,  attachée  au  doigt  nicdi-» 
cali  ou  à  i'orcilic,  font  remèdes  afllz  communs  contre 
Tepitepiic  ;  iicm  les  cautei  es  aéluels  appliquez  félon  U 
dilpoiîtion  des  maladies  :  es  enfuns  au  dcj-rieie  de  la 
tefte.es  vieux  aux  bras.  Montanus  cfcrii  auoir  veu  vn 
geniii-homtne  aagé  de  5  i.ans ,  lequel  fut  ainlî  gueri  de 
ion  cpileplic  enuieillie.  Q^'antaax  mcdicamcndiuers 
au  dehors  &  au  dedans  des  corps ,  Its  liarcs  dcj  méde- 
cins en  traitent  arapleraeiit  ,  éc  nous  n'entreprenons 
d\'n  parler.  Carc'eftàeux  de  cor.fiderer  les  caul'es  des 
maladies, les  perlonnes  affligées, les  temp  ,&:  autres  cir- 
conftanccSjpoury  remev<itr  conuenabxcment. 


ïM^m^J^B^^^^iMMi^ 


7n  A  \1  ^  9  E  s    cLndefins, 
muihjHreHX. 


I 


AVxhiftoires  rçprefrnrccs  dednns  le  premier  vp- 
■umelarceft  arfcle,  noL's  .idi*ufterof^i  Jts  CiOjis 
luiLiuntcs.  En  la  ville  de  Vérone,  rcnomm' écrire  cçl- 
lesdîiialic  ,  vnc  fille  nommée  lulic' fe,  de  la  noble  fa-'o 
mille  des  Montelcrçs  ,  fon  père  ne  l'ayant  voularaa- 
ricr,lorsqucles  partis  iepiefcntoyenfcr\  (a  plus  gran- 
de ficur,(fpoufa  à  Tinfceu  de  fcs  pJicns  lefilsd'vne  au- 
tre f.ani  lie  noble  des  ^.^opelets  ,  ennemie  cap'tîleces 
Klontclchcs, nommé  RtUTico.  Ce  mari/ge  nepiodui- 
iîc  que  la  mort  ignomin:eufe  des  deux  miferables  a- 
IR2QS,   Ils  s'cftoyeni  mariez  cîiindcitiiiefncnt   parles 

maiûS 


é*  wemcrahles.  8^^* 

mains  d'vD  cordclier  ,  homme  d'aage&bienvtrfé  en 
iaphilorophie  naturelle.  Of  auint  certain  lourcju'vn 
dts  ondes  de  lulietie  ,  continuant  la  querelle  entre  les 
deux  familles,  attaqua  Romeo  pour  le  dcrpelchcr:mais 
Romeo  Te  detcndâc  tua  ccftoncic  ,  àl'occsfîon  dequoy 
fur  contraint  de  s'abfcnter  de  Vérone  d'où  il  fut  banni, 
luJiette  ayant  ,  fous  ombre  de  confcfTion  fait  fes  plain- 
tes au  cordeJierdcrabfeoce  &  pet  te  de  sô  mari,  ce.  cor- 
délier  lui  confeiila  de  prendre  vnbrcuuage  ,  lequel  au- 
loit  vertu  de  l'afTopir  plus  de  trente  heures  durant ,  fî 
bien  qu'on  latiendroitpour  mcrtc".  Ellearala  hatdi-r 
ment  ce  breuuage:  &  tes  parenScuidas  qu'elle  fut  morr 
te  ,  ia  firent  cnfeuelir  dedans  U  grotte  de  fcs  predecef- 
feursjd'où  le  ccdelicr  deuoit  la  venir  tirer  à  certaine 
heure  de  lanuidl  ,  &  la  conduire  en  habitdecordelier 
nouice  a  Romeo  banni, lequel  demeuroit  en  terre  d'au- 
tre iurifdidfon,  non  gueres  loin  de  Vérone,  Ce  quie- 
ftoirfaifable  ;  attendu  que  communément  on  n'encerre 
point  les  corps  des  decedcz  en  des  fv-fles  comme  par- 
dcça,  mais  en  des  caueaux  voûtez.  En  ces  entrefaites  te 
fcruiteur  de  Romeo  allant  &  venant  à  Vérone  popj: 
porter  melTages  àluliette,  fît  raportà  Ton  maiftre  qu'i- 
•cellceftoit  morte  ,'&qu'il  auoit  alTifté  à  ia  fepultuic^. 
Romeo  tran (porté  de  ttiftefTe  ,  trouue  iDoyen  c'enî-er 
4ledans  Vérone  a  porte  fermanr,en  habitdiilimulé  ,  &  à 
raidedefon  fcruii.ur  fit  tant  que  celle  nui^ilouuri: 
la  grotte  ,  dedans  laquelle  il  entre  auec  vn  fiambeau, 
puis  ayâtfait  retirer  Dn  fetuiteur, après  auoir  plulieurs 
fois  bâiic  Iuliecte,qu'il  cuidoit  cflre  morte  ,  hnma  d'vn 
poifon  tref-mortel  acheté  d'vn  necelTitcux  «pochicai- 
•re.Ce  poifon  ellouffa  bien  toft  Romeo.  Mais  le  breuaa- 
*ge  de  lu liette  ayant  fait  fon  opération  ,  elle  fe  refgcil- 
la  ,  &  vid  par  le  moyen  du  flambeau  que  Rome© eftoit 
mort.  Sur  ce,  de  deCplaifir  qu'elle  eut,  ieuanc  i'œil  fur 
le  poignard  que  Romeo  porroit  à  fa  ceinrurc,elle  l'em» 
poigne  &  s'en  tue.  Cependant  le  cordclier  marchoit, 
rheiue  de  la  fin  de  fon  breuuage  eftani  expirée  :  mais  il 
l?rouuefes  gens  morts  tout  à  fait.  Le  lendemain  c  fte 
•tfâgedie  fut  defcouuertc  ,  &  le  cordclier  en  fit  vn  recic 


îj  0  Kijloires  admirables 

°c  tout  par  le  menu ,  au  grand  eflonncmcnt  de  chacun.' 
Ceci  eft  dcfcrit  par  quelques  hiftoricns  Italiens  ,  &  trâ- 
fcric  de  leurs  liures  par  Louy  Guyonau  4.  Unre  defes  di" 
uerfes  hçonsychap.^. 

Damoifcllc  Geneuiefue,  fille  de  monfieur  Mcgrelin, 
gentil-  homme  ordinaire  de  la  maifon  du  roy  François 
fécond,  efpoufa  de  paroles  feulement  ,à  l'infceude  tous 
ceux  de  fa  maifon,  le  précepteur  defes  frères  v  nommé 
Meda^d,  natifdcLaon  en  Picardie  ,  aflcz  beau  jeune 
hôme,&  de  médiocre  fçauoir  ,  pour  fon  aage  de  vingt- 
trois  ans.  Se  trouuanc  enceinte,  &  craignant  fpeciale- 
ment  le  courroux  de  fa  mère  ,  femme  aulterc,abandon- 
na  la  maifon  dc-fon  père  &  la  bonne  ville  de  Paris  ,  puis 
en  la  compagnie  da  ce  pédant  fon  ami  &  mari  gaignc 
pays  par  lieux  efcartez.lls  s'arrcftcnt  en  vn  gros  bourg 
de  Champagne ,  où  lui  fe  met  maiftre  d'efchole ,  &  au 
bout  dequelqucs  mois  meurt  ,  ayant  eu  beaucoup  de 
peines  &  neceflitez.  Cinq  iours  après  la  mort  de  Me- 
dard  ,  vn  foir  après  foupc.cefte  femme  paroilTant  câ 
place  publique  raconta  à  tous  ceux  qui  voulurent  Tef- 
comer  ,  fes  foies  amours, fon  mariage, fa  race,  fon  mau- 
uais  gouuernement,&  le  tort  qu'elle  auoir  fait  à  fes  pa- 
rcnsj  demandant  pardon  â  Dieu  &  a  eux.  Cela  dir ,  fei- 
gnant s*en  aller  coucher  près  de  fon  petit  enfant  aagé 
de  iîx  feraaines  ,  ellcfe  pendit  &  cftrangla  cefte  nuift 
mcfme,  à  vne  poultrede  lachetiue  maifon  qu'ils  auo- 
yent  prife  de  louage  ,  dont  les  gens  du  bourg  aduerti. 
rent  le<?  parens.  De  ma  part,ie  l'ay  ouy  raconter  ,  amfî 
uc  ie  l'ay  efcrit  audit  (leur  Megrelin  ,  qui  faifoit  eftat 
e  mon  amitié,  lequel  en  eft  mon  de  regret ,  difant  ce 
mal  lui  eftre  auenu  pour  auoir  refufé  fadite  fille  à  vn 
ieune  aduocar,afrez  riche ,  qui  l'auoic  fait  demander  en 
niariagc.ee  qu'il  ne  trouua  bon,  la  voulant  marier  à  vn 
gcrDtil-homme.Z-em<f/mff  G«yow,c»  ce  4.//«.C7'  ch.de  fes  di* 
uerfes  leçons. 

Vnc  fille  Romaine  nommée  Lucrèce,  efpoufa  clan- 
deftinement  cnuiron  l'an  1 5  5  7.  vn  ieune  homme  nomé 
Paul.  Les  deux  pcrcs  de  ces  ieunes gens  cftoycnt  de 
mefme  condiiion^fâifans  trafic  de  craio  mcrcantil ,  mais 

ennemis 


l 


&  memorahles. 


%ft 


^nncmis  iurez  ,  &  cnuieux  de  rauanccment  Vyn  de 
l'autrcLepercdcPaulfc  fcntantviçil  &  cafle  ,  voulut 
marier  fon  fils,lui  cercha  &  trouuaparci,  voulant  qu'il 
l'approuuaft  ,  afin  que  dans  peu  de  i ours  les  nopces  fc 
fîflcnc.Lefils  tcrgiuerfoit  :  finalement  pour  obéir  à  fon 
pcrcil  print  terme  d'y  penfer.  Cependant  le  bruit 
court  par  tout  Rome,  que  Paul  fe  marioit:dont  Lucre- 
ce  ayant  eu  le  vont  diïlimula  fon  defplaifîr  ,  cuidant  le 
marijge  défia confommé.  Mais  Paul  continuant  à  la 
venir  trouuer  &  coucher  aucc  elle, après  en  auoir  ioui, 
comme  de  là  femme,  s'codormit  profondement.  Lu- 
crèce le  fencant  en  tel  eitat  ,  lui  donna  tant  de  coups 
d'vn  grand  coofteau  dedans  le  ventre  &  à  la  poiftrinc 
qu'elle  le  tua.  Puis  après  elle  en  fit  autant  de  loy-mcf- 
me.C'cft  horrible  afte  fut  rapporté  au  Pape  Paul  qua- 
triefme  ,  lequel  ne  voulut  qu*on  leur  donnaft  fepulture. 
Mais  certain  lacopin  ayant  fait  vnc  belle  harangue  au 
Pape  pour  les  parens  du  defunâ: ,  il  permit  que  l'on  en 
fift  les  obfèques,&  q^*:ls  fuifcnt  enterrez.  Vne  'ieillc 
feruantc  de  Lucrèce, qui  aooit  aflîfté  à  leur  mariage  fut 
bruflec  viu(r,pararrcft  de  luftice, pour  n'en  auoir  aueiti 
les  parens.£»  ce  mefme  Hure  <y  chapitre. 

A  C€S  trois  ,  l'adioufteray  vne  quatriefmc  hiftoire. 
Calhraachus,ieunc  homme  Italien  ,  auoit  fait  promcf- 
fe  de  mariage  clandeftineraent  à  vne  honncfte  damoi- 
fellc  nommée  Hippolyte  ,  laquelle  s'oublia  en  ccfte  lé- 
gèreté ,  feduite  parjc s  belles  paroles  de  celui  qui  d'ail- 
leurs lui  agreoit.  Le  père  deCallimachus  ne  fçachant 
rien  de  ces  promcffcs  contraignit  fon  fils,  par  paroles 
graues  ,  &  rudes  menaces,  d'efpoufer  vne  autre  ëamoi- 
felle  nommée  i£mylie.  Ce  ncantmoins  Callimachu*. 
polTedé  de  Tamour  qu'il  portoità  Hippolyte,  la  follici* 
toit  ,  proteftantquece  deuxiefme  maiiage  auoit  efté 
Fait  contre  fa  volonté,  qu'il  fetenoit  au  premier  ,  &: 
tomproic  ce  fécond, à  quelque  pris  que  ce  fuft.  Hippo- 
lyte feignant  croire  quelque  chofe  de  telle  protefta- 
tioQ,  &fe  môftrant  plus  efrâeue  d'amour  enuersCalli- 
niachu$qu'ôcquesauparauât,cn  vint  iufques  la,dc  lui 
promcurc  raccomplifTemeoc de  leurs  promelTes  ,  lui 


%ji 


Hijloires  admirahles 


afîîgnant  lieu  &  heure  qu'il  iugea  proprcponr  ceftcP- 
(càSç.  rroLiuan*;  enfcmble,Hippolyte  fit  en  forte  qu*cl- 
le  cfiïpcCcha  Callimachus  d'approcher  d'elle, l'encreie- 
nant  de  paroles  iniques  à  ce  qu'il  fut  à  demi  allopi.  Lors 
faifî/rant  vn  poignard  caché  a  cdte  fin  ,  elle  en  donne 
vncoupmofCelàCallimachus  ,  puis  en  fa  prefence  le 
tranîperça du  mcfme  poignard  de  telle  violence  c]u'cl- 
le  expira  tout  à  j'heiîre,  CaJiimachus  lui  furucfquic 
quelque  peu  de  temps  aprcs,  &  a)  anrcr^nfcfie  à  baffe 
voixtout  lefaifjfuiuii  HippoJyte  :  dont  vn  do(flc  Pcc::e 
de  noftre  temps  nomnjé  Herc">;cj  Strozze  ,  a  fait  vn  bel 
cpigramme  Latin  ,  tiré  de  i1rtt(>jre de  ces  deux. mifcra- 
bles  amans,&cnrcgifttc4M  ^.Luredu  9.  -volume  du  t'nea- 
tre  de  la  yie  bumaïnede  tlKZuinger.tottt  a,  la  fin. 


MELAli  CHO  Ll  Q^È  merueiUeux. 

L'An  I  r  ^î.nousfufmesafTemblez  pour  confuIter,M. 
Hurchc-,M.Va'andal,M.Gab:icl,  &:  moy,  pf/ur  vit 
jeune  homm--  nommé  Moyic,  dodeur  en  loix,  fi!s  de 
M.Pierre  de  Marnas, docteur  ^aduocat  au  fiege  Prcfi- 
dial  de  \'il!eneuf  ic  de  Be'g,diocefe  de  Viuicrs,  aticirc 
de  mrlrncholic  hypochondriaque,  auec  des  plus  gran- 
des &f.iu(r^s  imaa^'.n:ition';  du  monile  :  vne  defquelles^ 
çftoir,  que  pour  aller  à  fes  afaircs  il  mcitoi:  vn  raioir, 
manche  &  tont.dedansfon  fondement  :  &  après  il  ra- 
çloitieans  ,  viioit  &  toi  rioir  le  rafoir  par  pliifî'.tU'S 
toursjiirques  à  ce  que  le  fangforcirt  ca  .':botidance  &: 
<Ju  murc!ci/'/;i-*;(f?er  ,  &  de  Tinccftin  nommé  T^fctum, 
Qui  pis  fut  ,  il  faifoit  ceft  eftrange  opération  drnx 
fois  lciour,qai'l(]ues-foi«:  troi*;  ,  fans  qu'il  y  euft  moyen 
que  tous  enfemblc  pc-iffions  luy  perfuadcr  du  contrai- 
re,ayant  fait  ce  quediteft  en  noftre  ptefence,  &augrS4 
cflonncmêt  de  tous. Mais  outrcplus  il  nous  priainftara- 
ment  de  lui  applitjuer  vn  cautère  aduel  dedaas  ledit 
fpndenien{,alin^difoit-iI)  que  la  perdUion  de  fubftance 

dcmeu- 


&  memoYi^lles]  S  -  j' 

dcmfuraft.Pource  faireil  rcjjs  monftra  l'endroit  anec 
Je^/^fCM/t/wm^mosJequei  i  fourra  il  profond  ,  &  ic  di- 
lata cane ,  que  nous  pouuions  aifcment  voir  fort  auanc 
dedans  Jedic  intelhn,  tout  fracafl^é  ,  efcorché  &  vlceré. 
Pour  lui  ottcr  cefte  vi.'aine  &  corrompue  imagir.aticn, 
nous  prinfmesvn  cxpcdicntj.Tvans  préparé  deux  cautè- 
re?,l'vn  tout  rouge,  l'autre  vn  prtir  p  usçvet'cde  ,  fiC 
auecg' and*  habilité  ,  fcignans  app!iqi:cr  &.  fourrer  le 
rouge  dedans /*rt«»j,  y  milmcs  l'autre.  Lui  crojant  que 
ccfuft  le  rouge  ,  fe  print  à  hurler  fi  clhangcmenr  que 
merueille,  &  par  ce  moven  changea  fa  fauffc  imagina- 
tion ,  demeura  guéri  refpace  de  cinq  ou  fîxîours  :auec 
rcmerciemens.  Mais  vn  ieune  efcholier  lai  reuela  î© 
tout  ,  &  que  nous  n'auions  appliqué  le  cautère  a^^^anr, 
ains  vn  froid:qui  fut  caule  qut  le  mal  lui  rcuint.  BArth. 
Çabrjûl  en  fus  obferuations  ^?tatotKiqtieS^cbferi*.ç. 

Vn  ieuneelcholicrdc  MontpeIlier,attcinrd'vne  me- 
lancholic  hypochond'iaque  ,  ûuecfaufle  opinion  i'em- 
poifonnemcnr,ie  retira  vers  monlîeur  R  ôdelct ,  le  pref- 
fanr  fort  de  h  i  afîîftcr.Ice'ui  n'oublia  moyen  aucûpour 
orterau  malade  ceftefaufTe  opinio  &  im  ^^inatiô  d*cm' 
poiionnemécMii .  il  lai  rcrTerertoitrorfîoL'rs  le  mor- 
•;ccau,  difant  U  fcntir  à  l'endicii:  du  larynx  près  i'annu- 
"'laî'e.criant  coufiours  ordinaire rntnr,  le  le  Te'  s,  il  m'e- 
ftrangle.  Doncques  ledit  (icur  B.onJeîrt  s'aduifa  de  lui 
■faire  prendre  vnc  pilule  d'efporge  bien  préparée  cue,c 
quclquepeu  de  ciré  qc:?chce  à  vne  petite  cordelette, la- 
quelle le  patiericauâld,&  .-'yanc  demeuré  vn  peodc  ttps 
en  foneftomàchjles  vcnniflem^ns  eftranges  arrivèrent, 
"'^fgiuis  de  grande  ahondancc  de  f^^ng.  La  pilifle  qui  s'e- 
ftoirenflce&  g  omecommc  vre  benne  noix,  fut  arra- 
chée comme  pa'  f  rce  .-ôclem^bdc  c'bnccrc  opinion 
que  le  morceau  auoit  ei^c  arraché;  don:  s'ersfuiuit  la 
■gucrifi-în  entière:  ayan--  depuis  bien  fait  fcs  afains  fans 
recheutdni  aucun  foùp^on  de  ^;c  mal.ie  mefiv.e tnl* obfer- 
Uation  II. 

Il  s't  ft  veu  pîuiîeurs  me!ancholiq'jes  ,  qui  pcnfoycflt 
cftre  morts  &:  nrvouloyent  point  manger.  Les  méde- 
cins vroycnt  de  ceft  artifice  pour  les  faire  manger.   Ils 


874 


HUfoires  admit  Mes 


faifoyent  coacher  quelque  ralct  tout  auprès  du  maîa- 
dc,&  i*ayantiiiftruit  de  feindre  le  mort,  &  nelaifTer  pas 
d'aualcr,  lors  qu'on  lui  mcttroit  de  la  viaedc  en  la  bou- 
che,periuadoycnt  par  ceftc  rufc  au  mclancholiquc,  que 
les  morts  mangeoyent  aufTi  bien  que  \cs  viuans.  Il  s'crt 
veu n'y  a  pas  longtemps  vn  melaacholique  quiledi- 
foic  le  plus  miferable  du  monde  ,  pource  qu'il  n*eftoic 
rien.  N'aguercsy  a  eu  vn  grand  fcigneur  quipenfoite- 
ftre  de  verre ,  &  n*auoit  fon  imagination  trouble  qu'en 
cefenl  obied.  Car  de  toute  autre  chofe  il  cndifcouroit 
mcrucilleufement  bien:il  cftoic  ordinairemcntaflis  »  & 
prenoit  grand  plaifir  que  fes  amis  le  vifitaflent  ;  mais  il 
les  prioïc  qu'ils  n'approchaffent  de  luiJl  y  a  encore  vn 
1res- honneftc  homme, &  des  meilleurs  pocces  François 
de  ce  royaume>  lequel  depuis  quelques  années  cft  tom- 
bé en  vnc  bigearrcapprehenfion.  Èftant  trauailjéd'vrc 
figure  continuc,acGmpagnrc  de  grandes  vcillci,  les  mé- 
decins lui  ordonnèrent  vn  vnguent  narcotique  ,  qu'on 
nomme  'Populeum,dont  on  lui  frottoit  le  nex,  le  front  &: 
les  temples. Il  eut  Je$  l'heure  le  popiileum  en  telle  hai- 
iie,que  depuis  il  s'eft  imaginéque  tous  ceux  qui  appro- 
chent de  lui  le  fenrent.     On  ne  peut  parlera  lui  que  de 
Join:fi  on  touche  à  fcs  acouilremens.il  les  icttc  &  ne  Ic-s 
porte  plus.  Au  rtfte,  il  difcourt  trcfbien  &  ne  laiflc  p?s 
de  compofer.Onatafchc.par  tous  les  artifices  du  mon- 
dc,de  lui  oftercefte  folle  imprclTion  :  on  lui  a  fait  voir 
la  dcfcription  derrnguentjpour  l'afleuier  qu'il  n'y  en- 
tre rien  de  dangereux.     Il  le  fçaitjl  l'accorde:  mais  ceft 
obieâ:  eft  t  llcmcnt  graué, qu'on  n'a  fçcu  encore  l'etfa- 
Ccr.M'^-duLnurens  t   dofle  mcâtcin ,  en /on  difcours  des 
maladies  melanchoUques,cJ)ap.7 . 

En  ce  mefme  chapitre  il  raconte  plufîeurs  cxemplet 
des  melancholiques  mentionnez  par  les  anciens  ,  auf- 
quels  noftre  intention  n'cft  de  toucher.  Mais  i'adiou- 
iVerai  encore  de  lui  mefme  cinq  ou  fix  autres  hilloires 
partie  de  ce  chapitre, partie  d'vn  autre  fuiuant ,  pour  le 
contentement  du  lefteur.  Il  fait  donques  mention 
d'vû  mclancholique  qui  peufoit  cftrc de  brique,  & 

ac 


tir  mémorable  si  87c' 

De  vouloir  point  boirç^  craigna  ne  d'cftrcdeftrcmpé.  Et 
«i'vn  autre  cjui  s'imaginoïc  auoir  les  pieds  de  verre  ,  Se 
n'ofoic  cheminer  de  peur  de  les  caiïcr.  Item  d'vn  bou- 
langer,lcqucl  s'eftoii  imprime  qu'il  eftoit  de  beurre, & 
ne  le  pouuoic-oa  faire  approcher  du  feu  ni  de  Ton  four, 
tant  il  auoii  peur  de  fe  fondre.  La  plus  plaifantc  rcfue- 
riecjuei'ayeiamaisleuc  (dit-il)  eft  d'vn  gentil-homme 
Sienois,  quis'cftoitrefolu  de  nepilTcr  pou  t,&  de  mou- 
rir pluftoft  ,  pource  qu'il  s'cftoit  imaginé  qu'aufTi  toft 
qu'il  pifl'croit  toute  fa  ville  fcroir  inondée.  Les  mede- 
cins  lui  rcprefentansquciout  fbn  corps  &ccnt  mille 
comme  le  fien  n'eftoyent  capables  de  noyer  la  moindre 
maifonde  la  ville, ne  pouuoycnt  Icdinertir  de  cefte  foie 
imagination.  En  fin,  voyans  fon  opiniaftreté  &  le  dan- 
ger de  fa  vie,trouuerentvneplaifante  inuertion.  Ils 
Font  mettre  le  feu  à  la  plus  proche  malien  ,  font  fonner 
toutes  les  cloches  de  la  ville  ,  atriltrent  plufîeurs  valets 
qui  crient  au  feu,  au  feu,&  enuoycnt  les  plusapparens 
de  la  ville,  quidcmandent  fecours ,  &  remonftrcnt  au 
entil-homme  qu'il  n'y  a  qu'vn  moyen  dtlauuer  fa  vil 
c;c'c(l  qu'il  faut  qu'il  pific  piomptement  poureftein- 
drc  le  f^u.Lors  ce  pauure  melanchoHque.qui  fe  retenoit 
de  pifler,dc  peur  de  perdre  fa  ville  ,  la  croyant  en  ce  pé- 
ril,pilTa  &  vuidatout  ce  qu'il  auoit  dans  fa  vefcic,&.  fut 
deliuré  par  ce  moyen. 

II  n'y  a  pas  à  rire  es  deux  hiftoires  fuiuantes  extraites 
du  I  4. chapitre  de  ce  mefme  difcours  de  M.du  Laurens. 
Voici  fes  mots.  II  y  a  (  dit  il  )  à  Montpellier  vn  hon* 
hcfte  citoyen  ,  d'habitude  melancholique  ,  fitdVn 
tempcramenc atrabilaire  :  lequel  ayant  eftc  trauaillé 
par  rcfpace de  deux  ou  trois  années  d'vne  légère  hypo- 
chondriaque  ,  laiffa  tellement  acroiftre  le  mal,  qu'il  fe 
▼id  enfin  réduit  à  ccfte  extrémité.  Il  fertoit  deux  ou 
trois  fois  le  iour  vn  Icger  mouucment  par  tout  le  ven- 
tre,&  principalement  fur  le  cofté  de  la  ratre.Le  bruit  s'e 
cCnouuoit  fi  grand ,  que  non  feulement  le  malade, mais 
tous  les  atnftansl'oyoyent.  Ce  tintamarre  duroit  enui^ 
ron  vn  demi  quart  d'heure  ,  &  après  tout  foudain  la  va» 
peur  ouïe  vccgaignadc diaphragme^  Iapoi£lriac,lui 


fc 


8  7^  Histoires  ndtnrfaiies 

caufoit  vne  opprciïîonfî  grande  ,  auec  vnc  toux  feiche, 
que  tous  l'eulTcnc  penfé  aflhmaiicjuc.  Ccft  accident  va 
peuremistoutlerclU  ducorps  cftoit -.Cilcment  csbran- 
Jé,qu'on  J'cLilliiigc  fcmblabicàvn  nauirc  agiré  de  la 
plus  furieuCciépcfte.il  s'auançoit,)!  rcculoit,  on  veyoit:' 
les  deux  bras  fc  mouuoir.,  comme  s'ils  cuflent  enduré 
àçs  conuulfions.  Ea  fin  ces  vents  ayans  couru  par  rour 
le  corps ,  &  faii  vn  raiiage  yniiic-rd  ,  fortoyert  auec  (i 
grande  impttunfîcé  paria  bouche  ,  que  tous  les  aiïiftans 
eneftcyentLfFiaycz.  Lors  l'accès  finifTt-it,  &  le  m^iiadc 
fe  sécou  allégé.  Cen^elîpas  encore  tout.Deux  ou  fois 
mois  auant  c]a*il  mouruft  ,  il  auoit  tous  les  iours  deux 
ou  trois  petites  fyncopes;  le  cœur  lui  defaillôit  ,  auec  v- 
neenuieextrcmede  piirer:&:  comme  ilauoit  pifTéil  re- 
uenoiràroi.Lavioiencedu  mal  fat  C,  grande,  que  i'amc 
fut  en  fin  contrainced'abandonrcr  Ion  !ogis. Appelle  à 
l'ouucrture  du  corps  ie  trouuày  la  poidtrinc  à  demi 
pleine  d'vne  eau  noiraftre  &  puaiuc  ;  le  fencftre  veniri-' 
cuic  du  cœur  en  eftoit  tout  rempli ,  &  dans  le  tronc  de 
la  grofTe  artère  on  y  voyoic  la  raefme  couleur.  leremo- 
ftrayà  lacomp3gnie,ouela  caufe  de  ces  fyrcopes,  &  de 
l'enuicfrecjuentcds  pifTer,  venoitde  ccftt  humeur  ma- 
ligne.laquelle  traiicrfoit  le  cœur:s*cn  alloic  par  les  anc- 
res,&  de  là  dans  la  vefcie. 

L'autre  hiltoi^e  cft  bien  aijfH  eftrange.  IcTay  reraar- 
<îuce(dit  M.du  Lau'-cns)aToùrs  ,  où  ic  fus  appelle  en 
conr.:il  auccmtiïîeursd'Anrclineau,  FalefeaUjôc  VcrcuJ 
nian, médecins  trer-d<\£les  &  fort  expérimentez. Vn  ieu-, 
«e  feigncur  des  quelcjues  années  cft  trauail'é  de  ccftc 
tiypochondriaque.  Il  oit  tous  les  iours  cnuiron  les  neuf 
heures  du  mirin  vu  pctir  bruit  du  colté  de  la  ratre.  A- 
pres  il  fent  eflcuer  vn?  vapeur ,  qui  rougit  toute  la  poi- 
<ftriiie,toutè  la  £ice,&giignel':  plui  haut  de  la  tefte:Ies' 
artères  des  temples  battent  bien  fort  :  les  veines  du  vifa- 
ge  font  ennecSiS:  au  bout  du  Front  (  où  les  veines  fînif- 
i'enr);ir:nt  vnc  douleur  extrême,  qui  n'a  que  la  largcu^ 
d'vn  fol.  la  rougeur  court  par  tout  le  bras  gauche  iuH., 
ques  au  bout  des  doigts, &  r<:  prcfente  vn  feu  volage,  o'il 
vaerifîpelc:le  coftc  droit  en  ellduioût  cxempt.Duran^ 

Tac» 


&  memorahlesl 


87.7 


l'iiçccseftfi  abaiu  qu'il  ne  peut  Tonner  mot,  les  larmes 
lui  découlent  en  abondance,  &  lui  fonde  la  bouche  v- 
ne,  incioyabk  tjuantiié  d'eau.  Le  dehors  bruflc  &  le  de- 
dans cft  coiumc  glacé. La  jâiribe  gauche  eft  toute  pleine 
4c  vanccs  :  &  (  ce  que  ic  crouue  dcplu;.  eftrangc  )  à  l'os 
.fauche  de  la  ttlV/^u'c-a  appelle  parie. al ,  il  y  a  vne  pic- 
^cc-d'os  eniporcee  ,'  fansqu'ilau  prccfrdé  aucune  caufe 
apparence,conïnie  coup  ou  cheuie  »  &  ne  peut  cncîurer 
qu'on  le  touche  en  ccli  endroit.  La  maladie  a  ^ftc  fî  rc- 
, belle, que  tous  les  rcmtdcs  que  /es  pjji  dw.dlcs  méde- 
cins lui  int  ordôné  ne  rôtiamais  Ic^U  abatre.  V  tutrc- 
folu  en  nollre  conicii  qu'on  la  combatroir  par  rcmcdes 
extraordinaires, &: par  a  eripharmaques.  Voila  corne  ces 
g'oHe.  buiiicuis  bruflee.v  6c  melanchoiiquci,Te  tournas 
dans  les  veines  du  fc;yr,de  la  râtt<.-,&.du  m'Tentere.peu- 
uent  exciter  vne  infioitéd'accidcns  eftranges  »  &  fonc 
caufc  d'vnc  fcdidca  bien  grande  entoure  l'cccononiic 
du  corps. 


L'An  mil  cinqcens  trente  quure,  Sultan  Solymaa 
lyant  defp.r»  hé  Ludouico  Gritti  Vcnicié  pour  don- 
ner ordre  auxafa-resde  VVa'achie  Moîdauie,  Tranfîil- 
iianie  &  Hcngrie  ,  Gritti  partit  de  Conftannn«#plc  &: 
vint  en  VValachie  ,  fuiuid'cnuiron  ft-pi:  mille  hormcs 
de  guerre,3c  at  OiTi^pagi  édj  deux  capitaines  H-..ngrcis, 
l'vn  derqucis  le  nomnioit  Docia.  Âpres  auoir  expédié 
ce  qu'il  prttcndoit  ,  il  entre  en  la  T  ranfîiiuanie  de  la- 
quelle eftoit  vayaodc  iic  lieutenant  gênerai  pourjcroy 
de  Hongje  AmericCibac  cuefqucdc  VaraJinjfeicrneur 
vertueux  Êc  fage  ,  lequel  ne  monltra pas  fembianc  de  fe 
foucier  beaucoup  de  Grjtti,ni  de  Solyman,..o(-nme  ajffj 
il  detcftoit  la.tyratinic  Turquclque,  ôc  tafchoic  par  iou$ 
moyeDsd'empefchcr  TausncciTient  d'iceilccs  pays  de 
la  Chrcltiçoié .  Touiesfois  Amenc,fuiui  de  boues  ij  ou. 


g7  8  Hifloires  admirahUs 

pcs.fe  mit  en  chemin  vers  Gricii,  pour  conférer  enfem- 
blc  dcsafaiies.fclon  que  l'cftat  d'iccllcs  le  rcqueroit.  Ce 
^ut  Gntti  Içachani  monftra  de  contenâces  &  par  beau- 
coup Je  pai  oies  qu'il  n'cntcndoit  point  auoir  de  com- 
pagnon ni  de  concurrent  en  Traafliluanie.Docia  (mor- 
tel ennemi  d'Americ,  à  caufe  de  quelques  querelles  que 
ilsauoyent  d:$  longtemps  enfemblc)interprctant  le 
mcfconieniemenc  de  Gritii  félon  fa  mauuaife  afFcdion, 
demanda  s'ii  vouloitqu'il  challiaft  l'arrogance  d' Amc- 
riclequcl  mcrprifoit  aulFi  le  grand  Empereur  des  Turcf 
&  fon  député.  Grittincdifantpasqucnon  ,Docia  re- 
fould  d'exécuter  fa  commiflion  à  toute  rigueur  &  vio- 
lence ;  fait  reconoiflrc  le  lieu  où  eftoit  campe  Americ, 
marche  toute  nuidt  auec  vne  troupe  de  Turcs,  furprend 
Americdormant  dedans  fa  tente  en  lieu  efcarié^fcs  com- 
pagnies eftans  logées  en  diucrs  villages,  lui  coupe  la  tc- 
fle,&  reuientauflî  foudainement  qu'il  cftoit  parti,  puis 
tout  ioyeux  ♦  &penfant  auoir  exécuté  quelque  grand 
exploit  fit  prefent  de  ceftetelteàGriiti  ,  ion  acompa- 
oné  d'vn  Icigncur  Polonais  nomme  lerofme  Laski ,  i- 
gnorantde  telle  entrcprife,  &  qui  condamna  ce  meur- 
tre. Gritti  qui  penfoii  eflre  plus  redouté  par  telle  exé- 
cution te  trouuadeceu  :  caries  Tranfîîluains  extrême- 
ment irritez  d'vn  fi  mefchant  a£le,  iurerent  de  venger  U 
mort  du  v3yuode,&  en  peu  de  iours$*aduancent  fccrct- 
tcment  au  r  ombre  de  quarante  mil  homes,  pourfuiuent 
tout  à  coup  &  de  (i  près  Gritti  qu'il  tombeen  leurs 
mains,  on  lui  tranche  la  tefte  en  p^efencede  toute  Tar- 
mec  ,  les  chefs  de  laquelle  &  les  parens  d'Amcric  trem- 
pèrent leurs  cazaques  dedans  le  fang  du  décapité ,  auec 
grandes  ceremoiîii  s  &  lolcnnitez  fclon  U  couftume  de 
cefle  nation  ,  <fin  de  fc  fouuenir  long  temps  aprcs  de  la 
vengeancw-  du  fang  innocent  efpandu.  Ainfi  fiu  chaitié 
J'oigoeil  de  Gritii. Quant  au  capiramc  Docia.il  fut  auflî 
attrapée,  tourmen-e  dediuers  fupplices,  auant  qu'e- 
ftrc  clcartcléi  Laski  demeura  longuement  prifonnier, 
&  fut  torturé  'udcmcnt ,  afin  dr  dcfcouurir  les  dcllcins 
deGrnti.  Finalement  par  linirrccfliondc  Sigifmond 
loy  de  Pologne  >  il  fut  cflargi,  &  fe  retira  de  Hongrie, 


&  mémorables.  Sy^ 

HiTîoire  de  Hongrie. 

L'an  mil  cinq  cens  quarante  ,  le  valet  d'Tnmufnicr 
de  VVitebcrg  en  Saxe,[e  rua  de  nuidl  contre  fon  maiftrc 
&  fa  mairtrcfFc  enceinte,  Icfqucls  il  cfgorgca  comme  ils 
rcpofoyent  en  leur  couchc.outre  plus  il  hacha  ces  pan- 
ures corps  en  plufieurs  pièces. Mais  peu  d'heures  après 
il  fut  attrapé, mené  hors  Iaville,&iailJctout  vifen  qua- 
tre quartiers  par  rcxecureur  de  iufticc.  ya.^ndré  Honf- 
dorfenfon  théâtre  d'exemfles,pag.^iJ . 

£n  la  mcfmc  année  vn  payfan  de  Prauuenftain  villa- 
ge appartenant  il' Archeuefque  de  Maycnce  ,  ayant  vn 
iour  de  Dimanche,iandis  que  les  autres  payfâns  s/rfba- 
toyent  après  difné  fous  vn  til ,  mené  par  belles  paroles 
vne  fort  petite  fîileaagec  de  cinq  ans  en  vnceftablc  près 
de  i'Eglife.fe  mit  en  effort  de  la  forcer.  Ne  pouuani  en 
vcnirà  boutjilefgorgcacepauure  enfant,  &  commet 
des  caseftranges  &  cxecrablement  furieux  &  enragez 
en  ce  petit  corps,  qu'il  hache  puis  après  en  quinze  pie- 
ces. Surpris  en  vn  meurtre  fi  detcftablc  par  certain  pay- 
fan  ,  que  la  iuftice  diuinc  amena  en  cefteeftable  fans  y 
penfcr.rudemcnt  battu  &  bleiïe  en  la  cholere  &douIeur 
de  rautre,il  fut  liurc  au  raagiftrat,mené  à  Maycncc ,  te- 
naillé par  toutes  les  parties  de  fon  corps  auecfcrs  tous 
ardan$,& attaché  vifcn  vnerouc,bras,cuifres,  &iam- 
bcs  rompues>où  il  finit  fes  io\xn,Iou,Fincl.AU  ijifijesmer^ 
ueïUes  de  nojire  temps. 

Le  valet  d'vn  boulanger  à  Vienne  en  Auftnche,ayant 
fcniî  que  fon  maiftreauoit  de  grands  moyens  ,  feignit 
vouloir  aller  demeurer  ailleurs, &  print  congé.  Heu  de 
iours  après  il  entra  furtiuement  de  nuift  en  la  maifon 
du  boulanger,  où  il  commence  à  faire  quelque  bruit. 
Vn  feruiteuracourant  celle  part  eftarreftépar  celui-ci, 
&  tuéfoudain,commeauflî  toft  après  la  fcruantc.  Gc 
meurtrier  tout  fanglir  entre  en  la  chambre  du  maiftre, 
lequel  il  maflacre  &  la  maiftrcflc  pareillemêc.Nô  côtec  ç 
de  ces  quatre  mcurcrcsjilfe  rue  fur  vne  petite  fille  de  la 
maisô,aagce  de  quatre  à  cinq  as,&  quoi  qu'elle  lui  criait 
incrci,luidifant, Paul, Paul, pard»<nti,  m M.ic  tcdôneray 
mci  belles  poupecs^il  la  tua  âu(Ii»Pui«  apt  bàféics  cof- 


8  8o  tJifcoires  admirables 

ffes,cmportarargcnt,&;i^fi)iià  Kcintpourg.  Mais  il 
fuc  ii  prumpc^m^nc  pouifuiui  le  icn-kmaiin'ik  Icsiouis 
fuîfiantJî^ii'on  rutn-^pi&  ramenai  Vierc,..ù  iirut  cm- 
pléiouc  \  il\  En  ce  tourm^nc  il  couFcfTacjue.  rien  ne  le 
pfciCoK  tant  en  ion  aine  ^as  ccfte  voix  de  la  fîLtic,  la-- 
«quelle lui  rcionnoit  fjns  ccff  au  dedans, LauJ)Fau', par- 
donne moi.ie  le  donnera^  mes  belles  poupées. iio;j>ytic;r/' 
(4w  ilieutre  des  txemp,es^p.i^e  4  3';. 

Vb  autre  dcleJperé  usdlepei^Ja  merc,  les  trifans  eii, 
certaine  maïUn  de  Colgartcn»  vnlàge  proche  de  Lipûc 
en  Saxc,puis  ayant  piiic  ce  qu'il  trouua  d'argent ,  b'cn- 
fjit.  Mais  afcrapéj^  mené  a  Lipficoù  i'  fat  puni  '.eloa 
l'unOMniiédcJon  c  ime,  il  conRii'j  a'i^-irdeaicuîc  ca- 
ché trois  iours  &.  tiois  i.  nids  feus  vn  éfcaliei  oblcuf 
d'icei'emair.n,fans  boire  ni  man  gcr,  en  ii  tentio  i  de 
perpétrer  ceft  hcjrrible  mcunre.  ft  coir.m-  cnccflin- 
lerual.e  de  temps  fa  confciencc  le  modift  icllemér,  -.uç 
defoîs  àautreilauoit  horreur  de  Ion  entreprifejtoutes- 
fois  iU'y  refolut.aidéd'vne  voix, cjui  lui  difui  routbasi 
f,îy,f  ^y.Mais  il  ?diouftoit  qu^ .ip.es  le  coup  ,  li  iui  auoiç 
clté'iiiip^  ITibLde  marchci  ni  faire  bea.,.coup  de  che- 
min.Xiîmfp.'f. 

En  lavihe  w'ifepac  en  Turingue,  vn  h5mc  fc^t  pau- 
Ure  ,  dwlî.ant  ei'po'  1er  que'quc  fiilc  pour  fc  metc.e  cd 
mefnag:  itiia  de  nuiâ:  (on  hoilc  homme  v-  f  k,&  ayant 
caché  le  co;ps,emi'o;ta  tout  l'argent,  qu'i  peut  cioii- 
Ucr  en  la  maifon.Maisen  lieu  de  s'enfuir,  lia  li  .e  ca- 
cher en  vncchao'  I:e  ,  ouicitau  bout  du  ponc  de  la  vi^a 
le, fans  pouuoir  fiiro  vn  pas  plus  auanr.Il  fjt  pris  <Si.fanS 
tcrcureaiicua  fon  ciiine,&  cnouruc  forr  repcrtanr.  Li 
mefme  pj^.^lf.  H  en  auint  autant  à  certain  pa^-lan,  qui 
ayant  tué  fon  voiùn,  fc  trouua  arrcltc  tout  coure  par  (fL 
conicienci  ,ayàni  f^it  quatre  ou  cinq  cens  pas  ;  6i  faiû 
confcUafrancliemcnr ,  nedemandaïuque  amorc  tans 
il  f  ficc^'iiprclie.  Quelle  force  de  la  conlcicnce.' /.i 
mefwe. 

L'an  mi!  cinq  ccrs  cinquante,aiT  mo!S  de  Mar:>,  en  U  * 
yille  d'AntcîS  fut  commis  vn  honiblc  &.  clbâ^j  mtMi> 
ireiSmioaTurc,Lucquois,aa<^é  d'cnuifon  t^uaiairc  ac 

>nan^ 


&  meinorahleSo  §8i^ 

irii»n$,]e  1  s. Mars  monte  à  cheual ,  accotnpagné  d'và 
ficn  fer uiteur  nomnié Bernard,  &s'en  alla  trouuer  vn 
autre  rîotabic  marchai^c  Lucqu0is>  nommé  leronymo 
Diodaci,eni'a  niaifon:&le  tirantà  parc  lui  ditàroreii- 
Ic  ,  cju'iivxnft  en  Ton  i^'uin  parier  à  certain  marchant 
de  Lyonc|ui  l'aitendoit  :  Il  remonte  ,  &î'.n  va  touf- 
iours  deuani  iufqucs à  i'eglife  de  S-Iaqucs,cù  i'  ccken- 
dit ,  &  rcnuoyantfonferuiteur  lui  commanda  de  reC 
pondre  à  ceux  qui  le  dern?.nderc)vnt  qu'on  le  trou- 
ueroit  en  vne  maifon  qu'il  lui  defigna  auprès  de  ceftc 
cglire:ccqu'ilfaifoitàdeireJn,ne  fc  fiant  à  ce  fercireur, 
ains  ayant  vn  autre  au  iardin  ,  ton:  apofté.  Ce  Turc 
s'achcmiae  toft  après  vers  (on  iardm  ,  &  deuani  la  por- 
te attendit  leronymo,  lequel  arriuc  &  conduit  amia» 
blcment  dedans, !)imons'aif:t  le  premier  en  vne-xhairc 

Farniede  blanc,    penfantqueleronymos'a/rerroii  en 
autre  chaire  auprès.     Niais    comme  ille  promenoîr, 
▼n  nommé  lulio  entre,  lequel  poufTe  Ieror;\mo dedans 
tcûcf'^condc chaire,  faire  t^e tel artif^e,  qu'elle  fc  ferra 
de  foy  mefmc,  ainliqu'iU'afrcoir,le  tenant  fi  ferré  par 
le  corps, les  bras  &  les  iambcs  qu'il  ne  pouuojt  bouger» 
Simon  voyant  fon  horr-rae  pris  enuoya  quérir  par  la- 
liodu  papier  &  de  Tancrc  ,  &  contraignit  leronymo 
d'efcrire  &  figncr  comme  paffé  fîx  ans  au    parauanc 
lui  &  Francifco  Fiancifciauoyent  donné  audid  Simon 
Ja  couftillade  qu'il  portoit  auvifage  »  en    certain  de-^ 
bât  euparenfemble    ,  outre  quelque  autre  différent  à 
raifon  de  certains  affaires  &debfes  à  Lucques  ,  à  rai- 
fon  dequoy    leronymo  auoit  fouffert  de  grands  dom- 
mages.    Cela  fait  Simon  fort,  &  lulio  rentre  ayant  Iq  • 
mot  de  fon  maiftrc  ,   s'cftantfaifi  d'vn  large  poignartj 
caché  fous  la    couuerte  d\n  lift  de  campcn  h  ciiam- . 
bre  proche  de  cciardin  de  plaifjnre  ,&  accourant  a  le- 
ronymo  ,    quinepouuoit  fc    défendre   ,    k  meurtrie 
cruelkmc-nt.     Lois  Simon  crtrc    ,    &  eux  deux   em- 
poignent le  corps  lequel  ils  portèrent  en  la  caue ,  oi 
ils  l'enterrèrent  en  vne  foffe  peu  au   p^rauant  cftufcc 
par  Iiilio  pour  t?l  cfFwft.Simon  retourn;:  inconunencert 
fon  iogiSiCllongné  de  ce  iardin.À-'hofttfirc  de  leronymo 


8  s  1  Hijloires  Admirables 

▼©yant  qu'il  ne  reucnoit  à  Ton  heure  accouftumec,  le  fit 
ccrcher  par  tout. Ne  le  trouuant  plus  ,  le  lendemain  clic 
prouiieut  àcequ'ilùift  crié  par  toute  la  ville  ,  auec  pro- 
mcffc  de  grande  recompenle  àqui  en  diroit  nouuclJes 
aiTeurees.kien  n*cn  v^tnant  à  conoiflànce.lemagiftrat  fie 
termer  les  portes  ,  ordonnant  qu'on  vifitcroïc  tous  les 
lieux  ou  leronymo  fouloit  hanter. Simon  entendant  ce- 
fte  ordonnance  eut  peur  qu'on  aliaft  fouiller  en  la  cauc 
defoniardin:   pourtant  il  commanda  à  Tes  deux  ferui-» 
tcurs,  Bernard  &  Iulio, d'aller  la  uuiâ:fuyuante  déterrer 
ce  corps,&  le  ietter  dedans  quelque  puits.  Ce  qu'eux  pc- 
ûns  faire  >    Dieu  voulut  que  Bernard  effrayé  de  certain 
bruit  furucnu,fe  print  à  fuir,  luiui  de  Iulio.  En  courant 
il  cheut,&  fon  compagnon  retourna  vers  le  maiftrc  par 
autre  chemm  ,  rauertilTantde  ce  quicftoit  aiienu.    Le 
corps  fut  trou ué  fur  le  poinft  du  iour  parles  premiers 
pafTans  en  ruè'.&  indiqué  à  iuftice.  D'autre  colté  Simon 
bailla  deux  petites  chaines  d'or  qu*il  foulon  porter  ,  va- 
lants enuiron  foixSnte  ou  fcpiante  efcus  ,    &  quclqu-^y 
pièces  d'or  à  ce  lulio,!c  priant  de  (ortir  tout  à  rhcu/e,& 
fefa'îuer  ;  adiouftant  quant  àluiqu'il  fçauroic  bien  le 
iuftifîer.   Iulio  s'enfuit ,  &  Simon  va  troauer  le  Mar.k- 
graue  d'Anuers  ,    lui  déclarant  que  fon  fcruireur  lu.'io 
s'ertoit  retire  ,    Ini  ayant  fait  entendre  après  fon  départ, 
qu'au  dsfcea  de  fondit  maiftre  ilauoittué  leronymo. 
LcMarckgraue  f^  douta  tout  foudain  qu'il  y  auoitdu 
mal  :  pourtant  rcimt-il  Simon  piifonnier,  comme  au 
mefmc  inftanc  Bernard  le  fut  aufli, lequel  ayant  déclaré 
ce  qu'il  fçauoitdsce  meurtre',   Simon  fjt  chaudement 
pourfjiui  ,   &ayantconfciréfes  crimes  ,  condamne  i 
mourir.     On  i'euferra  dedans  la  mcfmc  chaire  en  la- 
quelle leronymo  auoit  eitcmcurtn,  &d'vnfeu  huiét 
pieds  arriéreront  au  tour  delui ,    furtfihauté,  haui  & 
roftitoutvif:  pais  (on  corps  attaché  au  haut  d'vn  maft 
de  nauire  hors  la  porte  de  l'Empereur,   lean  Françon  le 
'Petit  f  en  fa  grande  Chromijue  dt .  Hollande  ,  liure  hmèht" 
me. 

L'an  mil  cinqcens  foixâtc  cinq,  le  capitaine  lean  Ri- 
baut,pâr  commanderaeiit  du  roy  Charles  i  x.  dicHd  vne 

âwtte 


&  memorMîi  %%y 

fl-otredefept  nauircs  pour  aller  en  la  Floride,  oùeftoic  " 
le  capitaine  Lau^onniere,des  vn  an  auparauant,afîn  d'^ 
faire  peuplade  ,  fansricn    cncrcprendre  fur  cequc  les 
ETprigaoU   y  pouuoyentrcnir.     leaa  RiLaut  acompa- 
gné  de  trois  cens  hommes,  compris  aucuns  anifans   a- 
uec  leurs  familhs/e  mit  à  la  voile  fur  la  fin  de  May  ,  & 
après  grandes    d.fficnhez  arriua  près  de  la  Fioridc  le 
l4.iour  d' Aouft:&:  ayant  quelques  leurs  coftoyë  &  rc- 
çonu  la  ccrrt  fc  rendit  au  tort  de  la  Caroline  bafti  par 
Laudonniere  ,    mais  non  encore  totalement  parachené. 
Il  fut    l'uiui  delà  rîorie  d'ECpagne,   compofee  decinq^ 
grands  vildw-aux  &  de  trois  pacachcs,  fous  la  charge  de 
Tedro  Mclandcs.Ccfte  flotte  arriuee  le  3.  de  Septembre 
&  fauorilce  des  fauuageSjfe  déclara  de  plein  abord  en- 
nemie àiÇ.^  Frsnçoisjltur  dénonçant  laguerrc,    &  cfTay- 
ant  de  s'emparer  Je  leurî  nauircs,   quieftoyentvn  peu 
cfiongncts  du  fort.     IcanRibaut  auerti  du  danger  ,  fit 
reucuë  ,  &  auec  les  mcnicurs  des  troupesdufort  &  de 
fa  flotte>rriôtees  en  trois  nauires  ,  q'ji  cftoycnt  venues  à 
Jui,deliberâ  d'aller  au  dcuant  des  Efpagnoiî  ,  pour  em- 
pcfcher  qu'ils  n'acrochafcnr  les  autres  nauircs:  laîlTanc 
LaudoHnicrcau  fort  aueclejartifans, leurs  familles  ,  & 
quelques  foidatî  au  nombre  de  140.  perfonnes  ou  cn- 
l]iron:&  au  delfous  en  mer  deux  nauires  fous   la  char- 
ge des  capitaines  laques  Pvibaut  &  Maillard  fon  lieu- 
tenanr.       Les  Efpagnols  trouucrent  moyen  d'entrer  au 
forr  durant  vn  temps  fort  fafchcux  le  io.de  Septembre 
de  grand  marin, où  ilsefgorgerct  hommes, femmes,  pe- 
iiscnfans,  fains  &:  malaies.     Laudonnicre  &  quelques 
autres  des  plus  habiles  fefaijuercnt  plulloft  par  miracle 
qu'autrcmenr,  au  nombre  d'enuiron  vingt  iix,&rcuin- 
dtenc     en  France   es    nauircs    de    laques   Ribaut  ôc 
Maillard.    Le  Capitaine  îean  Ribaut  cerchanc  îa  flot- 
rcd'Efpagr.c  >    pour  la  combattre  ,   fit  naufrage  par  vne 
tcmp.fte  qui  l'accuiellit  ,    brifa  les  vaificaux  ,  donc  lej 
munitions  furent  perdues.    Ses  hommes  &  lui  fc  fauuc-' 
fent  en  terre,  où  ils  furent  affaillis  de  la  faim  ,  &  finale- 
tc\zi  cotrains  fe  rendre  aux  ElpagnoIsiVies  fauues.    Mais 
Pedro  Melandcs  les  tenant  ca  Ta  puilTir.'ce,  ayant  mis  à 

KK     * 


884  HiHotres  admirables 

parccnuiron  trente  ,  qui  eftoycnt  matelots  »  char- 
pentiers ,  canounijrs  ,  fit  poignarder  dcuant  Tes  y^-ux 
ïean  Ribaut,  &  haclier  en  piccej.  le  lieutenant  &  les  Ibi- 
dats  a'icclui  ,  contre  la  foy  protiife  ,  &.  aitachcr  quel- 
ques vns  à  des  arbres ,  auec  infcripiicns  diffamatoires. 
L'on  en  fit  grand'  ioyecn  Efpagne,  où  labaibc  dcUaa 
Kibaut  fatenuoyec  pourjîgnaidc  ^exécution. 

Le  capiiaine  Dominique  Gourgucs  gcntil-hommc 
Eourdclois,  poulie  d'vn  dcfîr  de  rcleucr  l'honneur  d« 
la  mailon  ,  li  cruellement  trairec  contre  la  foy  pro- 
mifc,  emprunta  de  fes  amis  &  vendit  partie  de  fes  biens 
pour  equipperirois  moyens  nauircs,  portans  i  5  o.  fol- 
cJats  ajec  80.  mariniers  choiiîs  ,  fous  le  capitaine  Ca-- 
zenoue  ion  lieutenant ,  &  François  Bourdclois  maiftrc 
fur  les  ma(.elots.['uis  parti  le  u  .d'Aouft  i  s  fiy.aprcs  a- 
noir  quelque  temps  combatu  les  vents  &  tempeftes 
contraires  ,  en  fiaprint  terre  à  l'iflc  de  Cuba  ,  d'où  il 
fut  au  cap  de  S.  Antoine  au  bout  d'icellcllle,  cfloignce 
delà  Floricieenuiron  loo.litucs.  Ce  fut  là  qu'il  fit  en- 
tends e  à  fes  f-^ldats  le  dcificin  qu'il  leur  auoit  touP 
ioLirs  cclc.  Mais  il  les  trouua  très  prompts  à  le  ftiurc, 
pour  exterminée  les  meurtriers  ,  defquels  il  approcha 
finalement  ,  &  prenant  terre  de  nuift  à  quinze  lieues 
du  fort,  communiqua  par  trucheman  auec  les  Saunages 
qui  lui  promirent  ôc  donnèrent  fecours.  Beaucoup 
de  temps  fc  palfacn  la  nauigation  iufques  au  cap.  de  S, 
Antoine,  &  d'icclle  en  la  Floride  ,  puis  en  ce  qui  s*en- 
fuiuit:tel:cmenti^uc  les  Efpignols^au  nombre  de  cinq  3 
fix  cens  hommes  de  combat ,  mbitié  au  fort  de  la  Caro- 
line, &  les  autres  en  quatre  plus  petits  foitb;en  acora- 
inodez,  eurent  loilirdefe  fui  tifier  &  difpofcr  au  com- 
bat. Ce  noticbOant,larefo!ution  f*c  Gourgues&del' 
fien3,(uiiiis  de  (quelques  Saunages  ,  fut  telle, \]u'ils  atta»  i 
queren'  &f(<rctient  tous  ces  furts  les  vns  après  les  au 
très  maugîé  les  canonnades  Efpagnoles  ,  firent  paffcrl 
aacranch<^nt  de  i'tî(pec  tous  ccsmeurineri  ,  refcruez 
quelques- vns  en  vie,  amenez  deuant  Gourgues  ,  lequel 
leur  ayant  rcmonibé  i'iniurc  qu'ils  ruoycntfaitc  fp^g 

occahoik 


(^  mémorables. 


%î^ 


:caâon,  à  toute  la  nation  Françoife,  If  s  fît  pendre  & 
ritranaJer  aux  branches  des  mc(a)cs  arbres  qu'nuoyenc 
cftc  les  François  ,  cin^dclqucls  auoyenc  cftéclbangkz 
par  vn  Eipagnol,  qui  lors  attrapé  confvrfTâ  fa  faute  èi.  la 
iL'fte  punition  que  Dieu  lui  fjifoiL  fouffiir.  Au  lieu  de 
Tefcriteau  de  Pedro  Meiandcs ,  qui  appelloit  Jcb  Fran- 
çois Lutcranos  ,  Gourgcesfit  grauer  fur  vne  rabjedc 
fapin  auec  vn  fer  chaud  ces  mots  :  lenefiiy  ceci  comme  à 
Ejhagnols^nt  comme  k  vunmers'.maii  comme  a  traijhesyvvieurs 
C^  meurtriers.  CeOe  exécution  notable  futf-i£te  au  mois 
à'Au  il  I  ç  tf  S.Gourgnes  ayant  rafé  les  cinqforrs.char- 
gé  en  fes  nauircs  cinq  doubles  couleuiines  ,  quatre  mo- 
yencs,plufieurs  petites  pièces  de  toutes  forces,  force  ar- 
mes &vi!ircs  Je  remit  à  la  vo  Ie,&  ferrndii  à  la  Rochel- 
le lefixiefmeicurdeluin.ayant  perd"  peud'homines  en 
ce  haut  cxploir.  Les  Ei'pagnols  eflayercnt  d'attraper 
Gourgnes,quientîors  bcfom  de  fes  amis  ,  à  l'aide  des- 
quels s^aprtftant  à  faire  plus  forte  guerre  aux  F.fpagnols 
il  mourut  de  maladie  l'an  i  ]  S  zJhjIotre  de  U  Floride. 


:m  IN  E  mermllcufe. 

B  OlognclâCrafle  ayant  efté  aHegec  furies  Fran- 
çoispar  les  Efpagnols  Tan  i^  1 1.  défia  cent  biaf- 
fes  de  muraille  près  la  porte  S.Eftienne  eftoyent  par  ter 
re,  défia  la  tour  de  la  porte  eftoit  abindonnce  ,  6c  dcfia 
les  Efpagnols  auoyent  planté  fur  la  iuuraillc,  vneenfci- 
gne  :  comme  les  affiegez  ayant  braqué  leur  canon  co 
contrebaterie  ,  &  tue  partie  de  ceux  qui  eftoyent  mon- 
tez,repouffcrent  les  autres  auffi  precipuammcnr  com- 
me ils  s'cftoycntprefcîntcz.  Ces  premiers  efforts  auoy- 
cnt  tfbranJé  le  peuple  ,  fi  la  vilh*.  n'cuft  elle  foudaia 
renforcée  de  mille  hommes  de  pied  ,  &:  de  cent  quatre- 
vingts  lances.  Lesafiîegcz  ainiîioudcnus  ,  voici  va 
merueilleui  fucces  qui  redoubicleurs  cfpcranccs.  Pier- 
re de  Nau^rrc i'vu  des  «hcfs  de  i'arme:  Efpagnole ,  a- 


88^  Hifioires  admirabtei 

yant  fait  mettre  le  feu  à  la  mine  qu'il  auoit  crcufcef 
vers  la  porte  de  Clî:(flillon  ,  cù  y  auoit  vnc  chapelle 
par  dedans,  &  le  mur  &  la  chapelle  lautcicnt  tel- 
lement en  l*air  ,  que  les  adlc^eans  dcfcouurircnt  à 
clajr  aile  dedans  de  la  ville  ,  &  les  foldats  préparez 
pour  défendre  l'aflaut.  Mais  au  mcfme  infant  h- mur 
&  la  chapelle  fondans  en  bas  (e  remirent  &  loigni- 
rent  droit  en  la  meime  place  d'où  la  violence  du  fcu 
Jcs  auoit  chalfcz.  Les  Bolognois  firent  de  ccfte  auan- 
turevn  miracle  ,  &  crcurent  que  telle  recheutc  fur  fcs 
prop.esfundemenseftoit  vn  maniferte-  lefmoignage de 
Partiftance  diuine.  Hiji.  de  France  en  layiede  Louys  X I  7. 
Depuis  l'an  rail  cinq  cens  huirante  ,  celte  manière  de 
miner  les  places  afTîegecs  a  efté  remife  au  deffus,  nora- 
mement  es  payshas  ,  comme  l'hiftoiredu  Ducde  Par- 
me &  du  Prince  Maurice  de  Nâflau  ,  grands  ailîcgeurs 
&  preneu'-s  de  villes  &forterclîrs  de  noftre  tempf,eii 
Font  foy.  Cela  contenant  diuerfcs  hiftoires  foitrefeiué 
pour  vn  des  volumes  fuiuan%  qui  reprcfentera  miinies 
mémorables  rufes  de  guerre, non  feulement  en  ces  payf 
là,mais  ailleurs  au/Ti. 


MOCi^J'E  r\ infime  cbaïHé. 

L'An  1594.  certain  perfonnage  demeurât  à  Cologne 
fnr  le  Khm,  qui  quelques  années  auparau^nt  auoic 
monftré  dc5  tcfmoignages  de  (inceriié  &  droiture, 
vint  à  Ce  corrompre  tellement  qu'en  peu  de  itpmai» 
nés  les  marques  d^cfprit  profane  &  reorouué  parurent 
en  lui.  Surtout  en  ce  qu'il  ne  pouuou  fupporter  rc- 
raorftrance  quelconque  pour  fon  bien,  tant  gracieule 
pcuft  eilcefVre  ,  ni  endurer  qu'aucun  de  (es  amis  lui 
parl-iftdeDieu  nidc  fa  iultjce  3c  mifericorde.  Au  con- 
traire ,  fi  toft  qu'on  lui  fiiïoic  mention  de  vérité  ,  des 
féaux  ,  &:  des  annonciateurs  d'icelle,  il  vomidoic  mil- 
(einiaresçon^rc^iurques  à  blafphçmcrcontfela  table 

facrec 


ér  mémorables.  887 

Âcrce  du  fauu>;ur  de  TEglifie  &  la  comparer  à  des  puan" 
tifcs.     Mais  il  n'alla  pas  loin  Car  le  i  S.iour  d'Auril  aa 
niefme  an  ,  ayant  peu  au  parauant  du  quelque  iniui  e  à 
certain  leunccoHîpagnon  ,  icelui  vint  par  derrière  ,  5c 
fur  le  midi  en  rue  publique  >    lui  donne  vn  coup  de  ba- 
ftonfur  la  nuque  du  co!,puis  fe  fauuedc    vil^elle.    Cn 
iheineceftui  Cl  par  dtllous  les  bras  en  fa  maifon  ,  où  il 
mourut  la  nuiâ;  de  ce  iou»  là.     Mais  ce  qui  cft  le  plus 
rcnnarqiiable  en  fon  fait  eft,qu'incontinent  qu'il  fut   en 
fa  maifon, telle  puanteur  fortit  de  fon  corps  ,   fans  qu'il 
y  eull  apparence  quelconque  d'icellc,  queperfonne  no 
pouuoit  demeurer  aup  esdclui.  Eftant  morc,il  ne  fut 
îamais  poffible  aux  moines,  appeliez  &  ordonnez  pour 
cofcuclir&enceiifer  les  corps  ,    de  manier  &  ferrer  ce-» 
lui-ci  dedans  fa  bière,  moins  encor   le  mettre  hors  de 
Ja  chambre  à  l'entrée  de  fa  maifon    :  mais  fut-on  con- 
\  triintde  cercher    &  faire  venir  les  cureurs  de  retraifls 
dclaville   ,  pour  i'empacquetter    &porcci  hors   de  la 
maifon.      Ces  hommts,quoy  que   coufita  en  ordure, 
curent  fort  à  faire  à    fouftcnir  la  puanteur  horrible  de 
ce  corps  :  mais   la  groflc  Tomme  .^'argent  qui  leur 
fut  promife  &payee  pour  ce  feruic'e  ,    leurferuic  de 
parfan,&  lesacouragea.    ^irt.  Guillaume    Fabn  de  Hyl- 
den   ,  dodlc  chirurgien  ,   lors   eftant  à    Cologne  ,   & 
maïutenani  habitué  au  pays  des  iliuftres  feigneurs  de 
Berne,  m'a  affcuré  par  Tes  lettres  de  la  vérité  de  ccfte 
hiftoire.     Adiouftant  ces  mots  :    Où  trouuerons  nous 
ici  vnecaufe  naturelle  de  ccftc  puanteur  ?  Le  fang  caf, 
fé  ne  pouuoit  pas  encore   eftre   co/rompu.    Qut:  par 
la  violence  du    coup  le  fuft  creué  quelque    apoltcmc 
intérieurement  amaiîé  de  longue  main  ,    ilelt  ccrtaia 
que  non:  car  il  s'en  fuft  mooftré    quelque  chofc    ou 
par  vomiffcment   ,   ou   par  bas.  Mais  oune  ce>.  confi- 
derations  ,c*cftoic  vn  homme   trefrobuttej    de  bonus 
compieiion,  qui  nefçauoitquc  c'ciloicde  maladie  ,  & 
viuoic  delicieufemcnt.     i'oubliois  à  dire  que  le  mcfme 
Fabri  rac  declaire  aooir  cffayé  pluliç,ur$  fois   (  mais 
en  vain)de  ramener  ce  mocqueur,  auiresfois  fon  fami^ 
lUr  ami)  à  quelque    recoAoiifaQce   de    fon    4cuuir. 

KK     4 


888^  Hijloires  adwrahles 

C'cltoit  chîntcr  aux  morts  ,  car  ce  maiheuTCUX  faifoie 
gloire  de  la  pt  ofanitc  ,  n:  prenant  plaifir  qu'à  vomir  pa- 
ra es  pourries  »i  puantes  :  tcllemei  tqne  auant  fa  more 
il  tutaban<!()pnr  de  tous  .es  anciens  amis.  Ec  tels  font 
\^s  iu;^eincns  redo. cables  d  '  rout-puillant  fur  tous  ceux 
qii*ûb.irc;ic  de  f<  giacc  &:  paricnce. 

Ce'lc  il  itorem'cr  ramentoit  deux  autres  ,  auenucs 
ilyac^ud  j  )•:  ans  :  &i'ay  ccii'  les  deuxpcrfonnaoes, 
L'vo  clloïc  i  yf.  iode,eloqacnt,8i  de  noble  famille,  qui 
pour  vncemps  le;  ut  grandement  à  pluficurs, pour  leur 
faire  co'Joiltc  l'-fiaieschofes  necclTaires ,  qu'ils  igno- 
royei.t  io<a*^mrnt.  En  fin  il  dcumt  fi  profane  &  raoc- 
queur.qu'  I  ne  prenouplaifir  qu'.i  brocarder  ce  qu'il  a- 
ïiOètg''aucm'nc&  l'j'idement  di^queKiues  années  aii- 
paraua-iK.  L4  patience  diurne -'ayant  aitenduquelques 
annces,{ccunucr'ittn  lulte  indignation  ,  Icfrapani  dç 
maladie  vehemcnte,en  laquelle  i.  biufloitau dedans  du 
corps,raifi  rt\itonnemeni:,&  àt  ftupidiié  telle  en  Tarnî, 
qu'il  mourut  comme  v  ne  befte;8:  ouucrc  après  Ton  tref- 
pas,toates  fcs  enn  ailles  &  le  dedanf  du  corps  depuis  U 
poidline  iu.qi'ts  au  f...nd  dupent  v^^nirt  fat  irouué 
bruilé  >5C  noir  tomme  fuye  de  cheminée. L'autre  home, 
ignorât, rçais  richc,en  grâd  crédit, hardi  parleur  à  caufe 
d«:lvSriche(res,icnant  tcufiours  bonne  table,&  bien  ve- 
nt^ eo  toutes  côpagnies, for:  fuict  àfts  piai{irs,dcuir  t  ^ 
mocqucur ,  qu'il  ne  pouuoit  rire  ni  faire  rire  les  autres, 
qu'en  donnant  des  coups  de  bec,  fur  tour  aux  gens  fim- 
p'es ,  &  fi.'îalem::ntfe  p-^int  à  la  Maiefté  diuine,  non 
point  par  bjjfpheintrs  &  propos  manirl:ftement  ou^ra- 
geux,mdij  pai  gau(r.Mcs&  traits  de  rifc.  contre  la  fain- 
&LZ^z-\  é,!  1  d -îtournât  à  chofcsin.ligncs.  Ayant  conti- 
nué ce  malheureux  meftier  long  temps, laos  reprchen- 
iî.in.dcs  hommes, il  tombj  malade.  Mail  ta  u  s'en  falut 
qu'ildefiftat ,  qu'au  contraire  il  continua  de  gaufTer:  fie 
poMrle  comble,  rftantdeuenu  fort  gros  depuis  le  ventrç- 
en  bas,  &  rpeciaknicrjtcspariies  hontculcs  ,  fe  fit  ame- 
ner vne  de  f-s  concubines  Cn^ayanriamais  tlié  marié, 
jwaisûbufantnlîes  &  femmes,  autant  qu'il  cntrouuoir, 
^ui  vouioyenti'oufFf  if  qu'il  i«  approchaft)  &  ia  conut 
'  '  ■  .  çharnc/" 


ér  memoYahles.  889 

charnellement  peu  de  temps  auant  que  mourir,  conti- 
nuant cnfesrifscs  contre  foi  mclmc,fans  recognoilian- 
fc  ni  dcploration  de  fa  vie  paiTte.iExrr'^V  de  mes  mémoires. 

^  O'BJt  preueuë^ZT"  prédite,  fins  pouuoir  ejlreeuiteft 
par  yn  terrible  lugemeutde  'Dieu. 

ON  a  vcu  que  les  enchanteurs àforciers  ontprcdic 
feaffeuré  ie  loui  de  leur  mori,&  la  façô.  Sans  tou- 
cher aux  exemples  de  l'hiftoire  ancience,  comme  du 
magicien  de  Tibère  ,  d'Afcletarionfous  Domitian  ,  5c 
d'infinis  autres, de  noftre  temps  vn  forcier  de  Noyon, fa- 
milier de  FEuelque  de  la  maifon  de  Hangeft,  ptnfanr  c- 
Uirer  la  mort ,  alla  le  iour  que  Satan  lui  auoit  dénoncé 
qu'il  feroit  tue,  en  la  maifou  de  l'Euclque  ,  auquel  il  die 
qu'il  deuoiteftrc  tue  ce  iour-la.  Apres  auoir  difnc  à  Ist 
table  del'Eucf]ue,  far  la  fin  furuint  quelqu'vn  deman- 
der entrée  pour  parler  ài'Hucfque,  qui  commandaqu'Ô 
Je  fit  entier.  Ceiui-la  parlant  à  rEuefque,tua  le  forcier 
entre  deux  portes. le  tien  Thiftoire  de  M.Louys  Chape- 
lain lieutenant  de  Noyon  ,  &  de  plaCeurs  autres  qui  me 
l'ont  afleuré.  Bodtnat*  ^Jiure  de  fa  "Demonomnme  -,  chapitre 
T.  il  yagrande  apparence  que  ce  m  gicîen  ou  forcier 
cuidoiteftre  en  plus  grande  alfeurance  auprès  de  TEut^f- 
qu^jquc  d'aucun  antrc:'^:  craignoit  demeurant  fculj'd'c- 
firc  tué  par  s6  maiftre,lequ(:l  j'ccut  l'attraper  encre  deux 

fortes, fans  que  laprefcncecpifcopalc  pend  \ç  garantir, 
heure  de  l'exécution  redoutable  àt&  iugemcns  de  Dieu 
cltanc  venue. 

Antiochus  Tiberrus  de  Celenc, renom 'ïic  Chiioml- 
iien,Pyromanttcn>  Phyfiognomc,&  grand  magicien,  n- 
Uoit  prédit  à  Gui  Balcon,  furnommé  Ciuene  ,  qu'il  fe- 
roit tué  par  vn  iîen  intime  ami ,  le  fôupçonnantdc  ti.î- 
hifon.  Item  à  Pandolfe  MaTatcfte,  Icigoeur  de  Rimini, 
qu'il  feroit  chalTé  de  fon  eftacS:  mourroiten  extrême 
paaurecé.  Pea  de  temps  »prc&Pandoifcenuicuxde  la 


Spo 


HiHoires  (idmir.^bles 


verta  de  Gui.lc  niafl'acrc ,  & eraprilonnc  Aiuiochus,  3N 
tendant  l'illuc  de  fes  predidttons.  Aniiochus  faiî  cane 
cauersJa  fille  da  geôlier  ,  qu'elle  lui  baille  vrcio4)guc 
cordepourfe  deualcr  dedans  le  tollé:  mais  en  remuant 
fcs  chaînes  vo  peu  crop  fore  ,  on  le  reprintauant  qu'il 
pcuftgaigner  le  haut.dont  s'enluiuic  l'execunoa  à  mort 
de  lui  5c  de  lâfillc:cous  deuxayans  eftc  dccapicc/.  Pan-  . 
dolfcfutchafîé  deRimmi  ,  icmourui  vieil  dcdatij  vn 
hofpical.Ainfi  Tihertus  quidifoit  la  maie  auan.ure  aux 
aucrcs,fut  accablé  aulfi  de  la  fienc.Qu^-.lle  efficace  d'er- 
reur ,  &quel  iugcmentdc  Dieu  furies  fappofts  de  l'e- 
fpric  de  menfonge!>'./oM(?  enfts  hommes  illupr es. 

Fierrc  Leonius  de  Spolctcc,  médecin  renommé  pour 
fafuffifanccjau  reftc  adonné  du  tout  à  l'allrologie  îudi- 
ciaire&àiaraagie,fucaucrri  par  Ton  maiftre,  elpnt  im- 
poitcur  &  cruel, qu'il  mou-^rou  foudainemeoi,&dcdan$ 
l'eau.Penfanry  donner  quelque  ordre,  quitta  PadoiiéâC 
Vcnife.afin  d'euiter  les  fréquentes  nauigations  ,  le  reti- 
rant à  Spoletic  en  terre  ferme.  Toft  ap.esil  fut  appelle 
pour  vilîcer  Laurent  de  Mcdicis  ,  lequel  tftoit  malade. 
5c  confiant  en  Ton  aflrologie  iudiciaire  iloladirc  que 
Laurent  i  elcueroit  de  fa  maladie,  &  lailTa  en  arrière  les 
remèdes  coniienablcsSc  requis  pour  lui  aider, tellement 
<]ucie  malade  commença  idf  clincr  fort.  Sur  ce  Lazare 
de  Haifance,  illultrems^decin,  enuoyédc  Pauicen  dili- 
gence par  Ludouic  Sforce,&  qui  arriua  trop  tard,voyât 
la  faute commife  par  Leonius,  l'en  reprint  aigrem^ntr 
au  moyen  dequoy  chalcun  le  rebuta  ,  &ainfichaflédc 
Florence, après  que  Lauréc  fut  décelé,  foit  de  dcfefpoir, 
ou  que  Pierre  de  Medicis  fi!s  Je  Laurent  cuftenuoyé 
gens  après  pour  ccftetFe£t,  Leonius  fut  trouué  au  pro- 
fond d'vn  puirs  au  village  dcCaregc, proche  de  Floren* 
ce, ce  dit  V.loue  en  fes  l)onnnes  illufires. 

Barthclcmi  Codes  (  c'eit  a  dire  le  Borgne  )  natif  de- 
Boulogne, difcipled^Antiochus  Tibertns,  le  plus  grand 
deuin  de  Doftrc  temp>,con(l;illa  vn  aairc  maiftrecn  ce- 
lle impiété, &rvn  desprcnîitrs  Aftrologuci  Judiciaires, 
qui  ait  cflé>depuis  deux  cens  ans, de  fe  donner  bien  gar- 
de d'cllrccaufc  foi-mefme  de  fc  faire  rudement   tour- 

mca-» 


(^  memorahleS'  8  9  f 

meiircr.Ce  mcfrac  Aftrologuejnommé  Lucas  Gauricust 
£ucf':)uc,(&.  duquel  \ç.s  osLiures  ionien  iumicre)mcrpii- 
fanti'auis  Je  Coclcslc  mit  à  ({rtfler  &côporcr  les  naii- 
uités  (deplufieuv$  grâds  ,  oubliant  la  fienc.Il  ofa  fc  pren- 
dre à  Tn  leigneur  Italien,  nommé  lean  Bcniiuc^e  ,  l'va 
des  plds  cruels  hommes  qu'on  euft  fceu  rencontrer ,  fiC 
qui  pour  vn  iour  coupa  la  gorge  à  oix-huicl  icunes  ^z- 
tils  hommes  ,  d'vne  race  lacjucllc  il  voulait  exte;  miner» 
Gauricusfîc  rhorofcopc  de  ce  tyran  ,  lui  predilanc  qu'il 
feroit  chalFc  de  la  ville  de  Fclfine  où  il  dominoit  ai^ec 
trois  liens  fîis,8t  feroir  pauure  fin.  Qi!C  le  remède  cft(  c 
d'aller  demander  pardon  ^  confèil  au  pape, pour  adoi  - 
cir  la  condition  mifcrable  ,  donc  il  eftoic  menacé  par  \^s 
cftoilvis.Bêtiuolc  dcfpitéd'vn  tel  piefage,  pour  recom- 
penfcfic  donner  cinq  fois  l'crtrapane  trcs  rude  à  G  lU- 
ricus.quicn  demeura  tout  triUcilé.Qj^iant  à  Beniiuolc.il 
futchalTcde  ion  eftat  par  Iules  II.  fou  chafteauiafé  ,  Se 
mourut  miferable,  Rcftcdc  voir  la  fin  du  Borgne.  Il  a- 
uoit  prédit  à  vn  Italien  nôûié  Coupoo  >  que  bien  toft  il 
aflalîineroir  qu'elqu'vn  :  outreplus  <.nqi:is  par  Hcrmts 
iVn  desfîls  de  lean  Beniiuole  ,  touchant  (a  bonne  aurin» 
turc.il  lui  rel'pondit,  vous  fjrcz  banni  &  tué  en  vne  rr  r- 
con:re  dcgncrre.  Hermès  picqiiédc  ce  ceup>f5mard'  a 
Coupon  de  tuer  ce  Borgne,  mcfcî^antdc.uin  &  difeur  uc 
malauanture.  Codes aueiti  par  Ton  maifticdefe  tcnic 
-"lur  fes  gardes  ,&  qu'il  efloir  en  grar.d  danger  de  fa  ve» 
portoic  vn  bonnet  de  ferdtlfcus  Ion  thapcau,&  n'alj<  ic 
iamais  fans  vne  grade  efoee  à  deux  mains ,  de  laquelle  il 
s'aidoir  dcxtrcment.  Mais  Coupon  lui  iouad'vn  icf  ri- 
bletour:car  s'eftanc  defguifcen  portefaix,  \]  rfpie  le  re- 
tour de  Codes  en  fa  chibre,ôc  met  dedans  la  fenure/c 
la  porte  vn  petii  caillou.  Codes  voulâi  ouorirdc  fa  c'-  f 
la  porte  ,  cômence  à  regarder  quel  eftoit  ceO  c-rnpefr!  c- 
ment,&  cômcil  s'yamufoir,CouponIe  furp:  êd,&.d'vi,'c 
hache  qu'il  ponoic caduc  ,  lui  dst?erre  vn  lî  rude  coup 
fur  la  nuque  du  col ,  qu'il  i'eltend  roidc  mort  fur  la  pla- 
ce :  n'alléguant  pui$  après  autre  raifoa  de  Ion  fait  ,iî- 
jion  que  c'elfoit  pour  accomplir ,  la  prediâiion  de  Co- 
des. Telfut  lefalaireque  le  difciple  rendit  à  fonmai- 
O^e  ^  &  le  ffuiâ;  des  prtdi(fiion$  diaboliques.    î*. /awe 


9  9^  Hi/loir^s  admirables 

en  fis  hommes  iUuJlres  raconte  ccfte  hifloire. 

C'cft  pitié  que  de  la  vanité  ds  reniendemct  humain, 
qui  refufe  d'aprcndre  à  fe  rcpofer  en  la  prouidencc& 
fige  conduite  du  tout  puilFant ,  pourfcrouurnir  que  la 
main  d'icelui  tient  le  cours  de  nos  vies  ,  que  le  nombre 
de  nos  iours  cft  riere  lui,  que  nous  viuons  &  mourons 
à  lui  fousl'efperancede  fagrace  ,  pour  obtenir  finnle- 
went  vne  vie  meilleure.  On  aime  mieux  doncques  re- 
courir à  refprit  de  menfonga»  &  i'cnqucrir  desdifciples 
d'icelui  de  la  fin  dts  iours  ,  donc  la  conoifTance  (  quand 
clic  fcroit  clairement  propofse  ,  cequVn  tel  mairtre  ne 
peut  refoudre  ;  &c  quant  à  rcfprit  de  rcrité  ,  d'ordmairc 
il  nous  cnfeigne  autrement  ,  &  ne  veut  pas  que  nous 
prefumions  de  fonder  les  fecrets,dont  la  rcccrche  nous 
tft  inutile ,  &  que  Dieu  a  refcruez  en  fa  puiffance)  n'en- 
gendre que  peurs,  horreurs&perpleAitez  eftranges  ea 
ramecuricufc.  Mais  fans  defcouurir  plus  auant  ccftc 
vanité  profane  &malhcureufc>  dont  trop  de  pcrfonncs, 
dehautejmoyenne,  &  baffe  qualité  ,  font  cnlorcellczcn 
ces  derniers  temps  par  vn  terrible  iugear.ent  de  Dico, 
duquel  ils  mcfprifent  la  voix  &Iamam,  marquons  en 
quelques  exemples ,  qui  en  puifTcut  ramenreuoir  pla- 
ceurs autres  au  lefleur.Les  aftroîogucs  iijdiciaireç,cm- 
befongnez  àdrcffer  la  natiuité  de  ce  grand  Capitaine 
du  temps  de  nos  pères,  nommé  le  grand  Sforcc  ,  [ui  pre- 
fagerent  vn  mcrueillcux  crédit ,  vne  gloire  immor  lelJe, 
&  lueur  en  fescnfans  :  mais  ils  adiouftcrent  vne  claufe 
(auffi  toufiours  à  la  queue  gift  le  venin  )  qu'il  mourroit 
de  mortfoudaine  en  la  fleur  defonaage.  Sforce  pour- 
fuyuat  vn  ioui  fes  ennemis  ,  eut  à  trauerfer  vneriuierc 
nommée  Pefcaire  ,  l'ayant  paflee le  premier  pour  fon- 
der le  gué,  il  retourne  ,  &  commande  à  fon  page  qui 
portoic  fon  cafqucde  lefuiure.  Le  page  cftant  au  mi- 
lieu de  l'eau  fentic  fon  cheual  fondre  »  &  comment  à 
crier  à  l'aide,  Sforce  tourne  bride  &  lui  aide.  Mais  le 
fil  de  i'eau  legaignc,  &  fart  trébucher  auec  fon  cheual 
tellement  qu'ayâc  hauffé  par  trois  fois  la  main  couuene 
de  sô  gStelet,  pour  implorer  fecours,fcs  gens  ne  pcurenc 
le  gaientir ,  ains  il  coul^ii  fond,  &  ne  fut  onq  polTibîc 

de 


ér  mémorables»  ^9V 

de  rctrouucr  Ton  corps.  *?.  hus  en  la  yie  d'iceîtti.  FoLucT'^ 
ait  2.  ^.Uu.Sabellic  an  ht*. de  U  I  o.Enneade. 

Braccio  de  Moncone  ,  vailUnc  capitaine,  ayant  reccu 
Ijouuellcs  quefoncnnemi  le  grand  St'orce  auoit  ctté 
noyé  dedans  la  ielcaire  ,  en  lieu  de  s'enefiouir  femon- 
ftra  plus  trille  &  penfif  uu'il  n'auoit  oncqiies  fait  en  fa 
vie:pourcequ'ayani  voulu  fçauoir  des  deuins  fa  bonne 
auanture,ils  lui  auoyent  rcfpondu  que  Sforce  mourroit 
Je  premier, &  de  mort  violente  :  mais  que  Braccio  le  fui- 
uroic  de  près,  bL  de  mort  qui  ne  fëroit  guei  es  douce.  Ea 
ces  aJieres  eftranges,aubout  de  cirq  mois  côme  ilcon- 
linuoit  le  licge  dcuant  Aquilc  ,  où  il  auoit  campé  dclîa 
plus  d\n  an  ,  les  altîcgez  lecourus  firent  vnebraue  for- 
tic  ,  en  laquelle  les  tioupcs  de  Brsccio  furent  desfaites, 
&  lui  tué  fur  le  camp  par  vn  gendarnic  des  ennemis.'?. 
loue  en  la.  yie  dt^ grand  Sfvrce. 

Sophie  roine  de  l'ologne,  acouchec  de  Ladiflas  &  ds 
Cafimir,on  s'enquit  de  l'erpric  d'erreur  par  vn  Aftrolo- 
gue  mag(cié  nômé  Hén  de  Bohême,  lequel  demeurât  à 
Crocovie,des  audcu^-es  de  ces  enfas.Iî  rcfpondit  que  Ca» 
fimir  viuroic  lôguemei,  mais  que  la  Pologne  fouffrirois 
beaucoup  fous  lui.  Qoe  Ladiflas  feroit  grand  feigncurj 
mais  qu'il  eftoit  à  craindre  qu'icelui  ne  viuroic  gucre^ 
Le  roy  de  Pologne  fut  aufli  efleu  Roy  de  Hongrie ,  ÔC 
en  Taagede  lo.ans  fut  tué  parles  Turcs  en  laiournec 
de  Varne.Cafimir  lui  fucceda  &  fut  roy  de  Pologne  l'e- 
fpace  de  4  5  .ans, ne  s'adonnanc  qu'à  la  chafle.j^àf. Crow^r 
4»  I  9.C7'  I9.lttt.del'hij}.  de 'Pologne, 

Vn  aitrolegue  iudiciaire,  nomméB3{îIe,auertit  A?e- 
xandrcdc  Medicis  qu'il  feroit  tué.  Mais  vn  deuin  ou 
magicien  Grec  adioufta  de  renfort,  qu'il  Icroit  poignar- 
dé par  va  de  fes  plus  familiers,  homme  greflc  ,  bazané, 
tacicurne,&quines'acoinioit  de  perfonne,  Cesmef- 
Hjes  deuins  alieurerent  CoTmede  Medicis,ayan$confî- 
deré  fon  horofcope  ,  qu'il  feroit  grand  feigneur  &  fcs 
dcfccndans  après  lui.  Cela  fc  difoit  en  prefenccd'Alc- 
jandrc.Sc  de  Cofmc  aulH ,  lequel  en  hochoit  la  teftc  à 
cayfs  du  peu  d'apparence  qu'il  y  anoit  en  telles  predi- 
itioas.   Quant  à  Akxindre ,  quelques  iourj  ayan^  qua 


8  94  HiHotresaimirÀhles 

Laurent  de  Medicis  Ton  coufin  le  tuaft.fon  efcuvcr  trân* 
cliaiu  nomme  Horace  de  l'eroulc,malade"de  fieurc,lon- 
gca  par  trois  io\'>  vnenuift  que  Laurcrde  Mcdicis  cou- 
poit  la  gorge  au  Duc.  Ces  vidons  l'induifircnt  à  en  Tai- 
re rapport  à  î^jlchni  médecin  du  Prince, pour  l'en  aucr- 
lir.  Palchal  n'y  fit  fjate:mais  il  trouua  le  Duc  tort  mat 
dilpofe  àefcoucer  ,  dilantque  tous  fcs  domcftiques  en 
vouioyenc  à  Lauren":  ,  lequel  roiï  après  fous  prétexte  de 
feiuir  au  Duc  en  quelque  p-^ariquc  honteufe,  l'attira  en 
vnechîmbre,où  il  le  tua  à  coups  depojgnard.'i^./o«w,  o' 
le  Supplément  de  SabelliCya»  t  x.l'.it. 

Ledixicfme  iour  de  Septembreiç47.  Pierre  Louys 
Farnefc,  fils  à\i  Pape  Paul  troihcfme,  futcuécn  fon  pa- 
lais à  Plairance;ccqui  auint  ajnfi,  A  caule  de  its  violen- 
ces, &  infôlcnccs  horribles;  ileltoitfort  mal  voulu  des 
Parmeijns  &  l'Jaifantins  dciqoels  il  s'crtoit  rendu  mai- 
gre.Somme  il  Te  ceniportoit  li  mal,  que  quelques  gen- 
tils-hommes confpirerent  dcle  tuer.  Pour  exécuter 
Jeur  dcirein,ilsa'tilcrerent  des  Ppadaffins  &  couppe  iar- 
rcts  qui  les  fuiuoycnt  par  les  rues  ,  lur  vn  bruit  que  les 
viii  le  donroyent  garde  dt-s  autres  ,  à  cauie  de  quelques 
qurreilesenparriculie.-pCharcuns'enqueroit  de  Tes  gens 
s'ils  voudroyent  lenr  aider  à  aui)ir  railon  d'vn  outra^^e  à 
eux  fait  parle  maiftred'hofteldu  Duc  ?  Ouy.rcfpondenc 
les  fpadall^ns,  &  fuft-ilqueltion  d'attaquer  le  Duc  mef- 
m-.  En  ces  enrrcfaites,  &'  comme  la  menée  croifl'oit. le 
Pape  efcruiift  à  Ton  fils  qu'il  fè  donnait  garde  duditief- 
mc  iour  de  Swpeembre  j  dautant  que  les  altrcslemc- 
HrKoyent  de  quelque  mal-heur.  Louys  eftonné  de  tel  a- 
licirilTetncnt ,  ce  iour  venu  iV.  fie  porter  en  vne  liâieic 
hors  de  fon  thaftcau  ,  engrofle  compagnie,  pourvoir 
quelques  fortifications  pa  Iji  ordonne  c$.  Les  coniurc?. 
jpjelens  ne  pouuanr  bo-.nemert  fane  leur  coup  pour 
îors.attendirentqu'ilrerournaft  au  chaft.au,  où  ils  l'a- 
compagnerent,  ircme  fix  d'cntt'cux  marchans  deuanc 
comme  par  honneur.  Si  toll  qu'il  fut  entré  dedans  ils 
kuerent  le  pont  leuis. pour  arreder  la  rui(e,&  les  ePpccS 
traictes  i'cnuironnerent,  lui  reprochent  Tes  tyrannies  tt 
vucnie4,puis  le  ruent  en  falidicrcàucc  Ton  preftrc  ,  l'on 

el'cuyor 


é"  wemcrablesl  8^  j' 

«fcuycr  &cinq  Allemans  de  'a  garde. Puis  ils  fe  mettent 
à  fouiller  &  piller  iechafteau.où  ilstrouuerentgrandcs 
finances  amafîees  pvoui  fortifier  la  ville.  Sar  ces  entre- 
faites les  citadins acourent  vers  le  chafteau  ,  (lemandcnt 
<\Mt  fignifie  ce  grand  bruit  que  l'on  y  entendoit.  Ceux 
^ui  s'en  eftoycnt  rendus  maiftres  rcl'foocenc  d'enhaut, 
«u'ilsauoyentdclpefché  le  tyran  &  recouuré  l'anciene 
liberté  de  ia  viile.  Et  pource  ^u'on  ne  lespouuoii  croi- 
re >  après  auoir  eftc  alTeurcz  qu'on  ne  les  recercheroit 
nulicment.iisattache^rent  leco'ps  mort  àvne  chaîne,  & 
l'ayans  fait  bransle--  quelques  tours, le  laiche''ent  dedans 
Jefcllc,  où  le  peuplcarourant  le  poignardade  plufieurs 
coup^, foulant  ce  corps  aux  pieds,  à  caufe  de  la  hame  ex- 
ircme  qu  on  lui  portoit.  Puis  ayart  conlulté en  com- 
mun de  ce  qui  cftoit  a  faire  j  enuoyerent  demander  fe- 
cours  à  l'Empereur.  Fc»  nand  Gonzagae  Ton  lie  utenanc 
en  Italie,  y  enuoya  fo'iidain  garnifon  :  qui  s'eftant  empa- 
ré de  Plâifancejcs  citadins  turent  receus  en  proteflion, 
&  firent  le  Crment  à  l'Empereur.  S/«<^4»,<î»  i  ^MttMfes 
Commen  titres. 

:fKt  ytlL^TlOn  indigne ^ 
furieufe. 

ENuironl'an  içTjvVn  vieil  payfand'vn  vilage  près 
de  Segur, ville  du  haut  Lymofin,&  veufue,ft't  foup- 
çonné,mais  fîuflVment, d'habiter  auec  fa  brîi,ou  femme 
de  fon  fils.  Là  dciTus  aucuns  fiens  ennemis  le  défère, 
rent  auSc'g'iiîur  iufticier  ,  qui  commanda  d'en  infor- 
mer &  faire  iulticc.  l.c  pay(an  venu  en  ville  pour  fc; 
défendre  du  crime  à  lui  impofe  ,  &  difnancaaec  lo 
clerc  de  fon  procureur  en  vne  hoftellerie  ,  s'y  trouua 
nombre  de  gaudifî'eurs  ,  qui  commencèrent  à  larder  cq 
pauure  vieillard  ,  lequel  picqué  de  leurs  atteintes  fe  le- 
iia  de  table,  feignant  vouloir  fc  chauffer,  &  ayant  affilé 
fon  coultcau  contre  vne  pierre  de  lice  au  manteau 
de  ia  cheminée  ,  le  coupa  la  vtrgc  virile  à  la  racine. 


I 


8^^  Hijloires  admirahtes 

L'hoftc  voyant  cefic  exécution  foudainc  s'cfcric,  donne 
rcfpouuantc  à  toute  la  compaga'c(jui  cftoic  en  celle 
chambrc,&  chafcan  demeure  cftonné  de  ce  fait.Le  pay- 
fan  s'enfuit  &  tire  droit  à  fa  maifbn  demie  grand'  Ijcuc 
loin  de  la  ville, toufîours  faignant ,  fans  vouloir  qu'au- 
cun chirurgien  miftlamain  à  fa  playe, de  laquelle  tou- 
tesfois  ilgucritrdifapt  au  refteauoir  commis  ceft  ade, 
afind'cuiterà  i'auenir  le  foupçon  qo*on  auoic  fur  lui 
touchant  la  femme  de  fon  fils  :  ou  parauanture  par  dcf- 
cfpoir  &i  defpit,fc  voyant  mocquc.Si  fut-il  iuftific.Xo«ji 
ifUjon  au  I  Jiu.de  fes  diuerfes  Ic^ons^chap.  3  . 

Vn  Cadet  OU  puifnc  ,  de  noble  maifon  en  Limofin, 
dcfpiié  de  n'auoir  peu  conoiftre  charnellement  certai- 
ne damoifcllc  vefue,queparauantil  auoitcheualcepour 
vn  long  tempsiicclle  en  fin  s'ellant  foumife  à  fa  dcshon- 
nette  volonié,  ne  fçachani  à  qui  s'en  prendre, &  mocqué 
de  ceftc  lafchc  femme, fe  trancha  tout  net  fesparties  hô- 
teufes,&  ne  fe  voulut  laitier  traiter  de  long  temps ,  afia 
de  mourir  par  l'efFiificn  de  fon  fang.  11  fuc  finalement 
•perfuadé  de  le  faire  :  pa?  ce  qu'on  lui  donna  à  entendre 
qu'indubitablement  il  feroit  damné  ,  &  qu'il  n'auroic 
nullclepuiture  s'il  venoicà  mourir  en  ce  defefpoir. 
Quelque  temps  après  que  fa  playe  fut  guérie, il  s'en  al- 
Ja  rendre  Capuchmô:  vit  encores  à  prçfent.  Le  mtfme 
Cu^on  aHltti.^  chap.fufmentioniie. 

Nous  auons  fait  mention  au  premier  volome  trait- 
tam  des  paffions  véhémentes,  du  baftard  de  la  roailoa 
dz  Compois  près  de  Romorantin,  lequel  fe  chapitra  de 
mefitieque  k  Capuchin  lufmeniionné.  Que  le  Icéleur 
les  confire  enfemble  s'il  lui  plait. 

Eftant  encore  grammairien  à  Orléans  ,  vn  mairtrc 
il'hollelde  l'Euelque  de  Nantes,  lors  efcholier  en  la 
Itiefme  ville,s'eftat  par  tune  d'amour  iettc  en  vn  profôd 
priué»  &  là  dedans  coupe  toute  la  caufe  inftrumentale 
de  fon  amoureufc  maladie  ,auec  telle  hemorrhagie  SC 
perte  de  fang  qu'on  peut  penter  auoir  conriaué  tant 
qu'on  l'cuft  peu  tirer  de  tel  Iieu.toutesfois  n'en  mouiut 
pas. Ce  qui  mefmcs  s'elt  faitàpiufieursfort  aagez,  mr- 
priscaaduhure,  fans  qu'on  leur  appliquaft  prompte- 


ment     ; 


hlcnt  aucun  fccours.      ^.Fran^oU  %ot*JJetau  difcours  de 
ten^ntement  Cefartettyfecl.J^, 

2i ^  TVIi^E  efctraordmairementfoulagee. 

IE  fus  appelle  auccgrande  prière  &  follicitation  de 
monficur  Philippe  Preûdenc  en  la  Cour  des  Aidcs^ 
pour  aller  penier  vn  nommé  M.  Philippe  de  Monia- 
gnac,qui  a  joit  cftc  blcffc  à  la  Garrigue,  prés  de  Mont- 
pellier,au  grandcht  min  de  Sommiercs.  llfuc  porté  en 
la  mailon  de  monfieur  le  Baron  de  Csftres,  où  ie  le  pcn- 
{ày  d'vne  grande  haraucbuzade  ,  qui  lui  prenoic  au  def- 
fous  de  l'os  Ilion,prés  des  coftesfaufles,  aucofléftne- 
ftre  ,  fortant  à  i*os  pubis, &  r'cntroit  à  la  cuifTe  du  coftc 
droit.  A  l'entrée  de  ladifte  playc,  :e  irouuay  le  Coloft 
coupé  a  traucrs,de  tout  en  tout. l'y  fis  toutes  les  efpeces 
de  coufture  qu'on  pourroit  imaginer ,  fans  que  rien  fcr- 
uift,à  caulc  de  la  longue  diftancc  des  labiés,  &  fus  con- 
traint de  le  laifler  fiituler.D'où  Iui<"ft  demeuré  vn  trou 
tomme  d'vn  cul  de  poule,  par  où  il  fait  fes  affaires  or- 
dinairement. Les  yents  au{ïî  fortenc  par  là  comme  du 
fondement, &  auec au ffi grand  bruit:  &  pourcc qu'il  cft 
contraint  porter  des  drapeaux  à  force  ,  pour  recueillir 
lefdits  cxcremens,qui  fortent  inuolontaireraent ,  com- 
ine  font  les  yentSjCelaeft  eau fe  qu'il  n*ofe  fe  trouuer  en 
compagnie.  Pourtant  ne lailTe-iid'eJftre  en  aufTî  bonne 
difpoûtion  que  iamais.La  matière  fécale  touicsfois ,  ni 
tnelme  les  ventofitez,ne  fortent  par  en  bas  aucunement^ 
ains  par  ladite  playe.  Barth.  Cahrol  infesobfer$ê.anatomê' 
qnes^obferu.l  3. 

A  Touiierture  du  corps  de  monfieur  Feynes  ,  iadij 
profcfTeur  public  en  rvniuerlîté  de  Montpellier  l'an 
IÇ7Î.  ne  Ictrouuaqu'vnroignon  bien  formé auec  fes 
veines  &  atteresemulgentes.  Les  vrciercs  furent  irou- 
ucz  yn  peu  plus  amples  en  largeur  que  de  l'acouftu- 
mee.  La  raifon  de  cela  cft  qu'il  faloit  que  ledit  rein  flc 
^rretereferuilTent  de  deux.  De  l'autre  cofté  nefuttrou- 
uce  marque  quclconque,ni  trace  de  rein  ,  moins  d'vrc- 
tcres.  Vnfîenferuiteur  fut  tue,  vn  mois  parauant  que 
luidecedaft.     Nousrouuiilh)es&  ne  lui  trouuafnK^'' 


8^8  HiHoires  admirables 

pareillement  qu'vn  rein.  Vray  cft  qu'il  cftoit  dcgratt- 
dcur  incroyable  ,  cftant  couché  fur  les  vcrcebrcs  def 
lombes, &  à  cliafcjaccofté, tant  droit  que  fencftrc.eftoy- 
entplantccsles  veines  &  artères  cmuig'-ntes  ,enferablc 
les  vreteresrce  rein  faifant  office  de  deux.  Lemejme  en 
i'obferuation  1  4. 


N^KFT^^i  G  E  S. 

L*An  mil  cinq  cens  &vn,  Pierre  Aluares  Capral,ca- 
pitaine  Portugais  ,  partitdu  Brcfil  le  cinquiclmc 
iourdeMay.  Leringcqnatriefroedu  mefme  mois  les 
matelots  virent  vn  brouillas  feleuer  foudainemcnt  & 
le  ciel  le  couurir  d'vn  nnage  efpais  de  tous  coftcz.  Co- 
noilFans  que  la  mers'cfmouuoir,&  les  vagues  s'cnfioy- 
cnr,ils  commencèrent  às'eftonner&  à  baiffcr  les  voi- 
les. Mais  labourafque  futfî  foadaine,qu'auant  que  la 
plufpart  d'eux  le  fulPent  apreftez  pour  euiter  ce   naufra* 

fc  ,  quatre  nauires  furent  tellement  battues  &  prellees 
es  tourbillons  impétueux  ,  qu'elles  allèrent  (ous  les 
vagues,&  coulèrent  tellement  en  fond,  qu'âme  viunn- 
te  de  tous  ceux  qui  y  cftoyent  n'efchappa.  Ce  fpedacle 
contrifta  merueilleufcment  ceux  qui  cftoycnt  es  au- 
tres nauires  ,voyan$  leurs  corr.pagnons,compatriotte$, 
parens  &  amis,  engloutis  par  ce  «oulfre  horrible ,  fans 
pouuoir  fecourir  en  telle  calamité  ceux  qui  perifîbyent 
d'vncmortlî  eftrange.  Ces  nauires  relUns  au  nombre 
de  fepc,  après  plufîturs  regrets  &  lamentations  ,  prin- 
drent  vnc  autre  route,  &  par  vne  frconnc  tourmenta 
furent  d^recheFcha[r;es  &cfcartec-s.  Finalement  le  17. 
iour  dt  luillet  ,  fix  nauires  le  recrouueient  enfemblc, 
qui  reprindrent  leur  route.  L'autre  feule  fut  chalfec 
des  vents  (1  roidementqu'elle  alla  lufquis  au  gouifc 
d'Arabie,  puis  reuinr  en  Portugal  auec  Gx  hommes  feu- 
lemenr:carles  maladies, la  faim,  la  foif,  infinis  dangerf 
&  tempcftcs  auoycnt  fait  mourir  tous  les  autres  en  grad 
nomhr c.Oforius  uu  t.Uu.del'hiîé.de'Portu^raLfecl.rs . 

L'An  1  5  08. le  capitaine  Aquilairc  peritauec  fa  naui- 
rc,   fie  fut  englouti  des  vagues  prés  de  Mozambique. 

Ofjruti 


é*  mèmorahlef.  8^9 

Ofàritti  au  ^Jiti.Jèctu.Van  i  ^  i  o.vn  ambafTadcurdu  roy 
de  Cambaie  en  la  coite  de  mer  d'Arabie  apporta  icctres 
de  cinquarie  Portugais  au  viceroy  de  Porcugal  es  In- 
des OricnraKs,  ptilonnicrs  deceroyjef^ucls  efcriuoy- 
cnt  qu'à  leur  départ  de  Zacotora  Tous  la  conduite  d*  Al- 
fonfe  Norogr.e  ,  ils  auoyent  cité  trouflcz  d'vnc!  bouraf- 
cjueen  la  cofte  de  Cambaic  ,  tellement  que  leur  vaif- 
fcau  s'citoiC  brifé.  No. ogne& autres  qui  s'eftoyenc 
iettczlur  des  ais  à  la  merci  de  la  mer,  furent  engloutis 
des  vagues.  Mais  ceux  qui  ne  bougèrent  du  Vailieaii  ,  a- 
pres  que  le  lias  fc  fut  retiré  ,  le  fauuerenten  terre  ferme 
•où  ils  furent  prins  des  gens  du  pays  &  menez  au  Roy, 
Ofori«4  au  7  AiH.de  ui  meftne  hiJJoireyJeÙ.  i  i . 

Quelques  années  auparaiiant  ,    Vincent  Sodrecapi- 

taine  Portugais  >    s'eftant  arrefté  aucc  cinq  nauires  ea 

certain  endroit  peu  leur  de  la  mer  d' Arabie,  fut  eïhor- 

ré  par  les  gens  du  pays  de  ne  demeurer  pas  d*auantage 

en  ce  lieu    :     pource  qu'au  commencement  du  mois  de 

May  fe  leuoit  vnventde  Nord,  lequel  briibit&  enfoQ- 

droit  tous  vaillcaux  qui  fe  trouuoyenten  ce  haurc  ;   6C 

qu'ils  ne  pourroyent  le  gai  antir  ,   s'ils  attendoyent  ce 

temps.      Vincent  Sodre  ne  tint  conte  de  tel  auertifle- 

lïient:&  combien  qu'iceux  le  fuppliaffent ,  &  hs  autres 

capitaines  le  prelTaiTent ,  difans  qu'il  ne  fafoit  pa$me(^ 

prifer  vn  tel  confeil  ,  qui  fe  pouuoit  aifément  exécuter: 

que  Ton  pouuoit  mener  les  nauires  en  voerade   plus 

feure  vers  le  Sa    :   que  le  changement  fe  pouuoit  faire 

fans  danger  :  &  que  tous  ceux  du  pays  iuroycntque  c'-  « 

ftoitcercher  lamoitdô  demeurer  là  plus  long-temps: 

neantmoins  Sodre  demeura  fiché  en  Ton  opinion.  Les 

capitaines  des  trois  autres  namres>inc!ignez  de  telle  ob- 

ftination  ,  quirterent  Sodre  le  dernier  lour  d'Auril ,  & 

fe  retirèrent  en  vn  autre  endroit  de  l'Ille.  Vincent  Sodre 

s'amufoit  à  fjire  bonne  chère  en  fa  nauire  ,  fans  fe  lou- 

cierderien.  Mais  tout  foudain  s'elleua  du  Nord  vncré- 

pefte  ,  laquelle  ietta  &froiila  les  naui'cs  contre  le  riua- 

ge:&  les  vay;U6S  furent  (i  hautes, que  pi  elqucs  tous  ceux 

«juicftoyéc  es  nauires  furent  no>«:z:entre3utrcs  ce  Vin- 

ÇGUiUion  frçic  furcac  cnglounis  des  ondes,  fleurs 


k 


5  0  o  HiBoires  admirahUs 

corps  morts  ictte 2  abord  aucc les  autres.  On  cftimc 
que  par  vo  icgcmentde  Dieu  Vinctnt  fu'  ainfi  ch«ftic: 
dcfaif  o  •  ne  trouua  depuis  pièce  quelconque  de  l.n  bu- 
tin. Car  ap  es  que  les  naairescurcuc  eltéb'ilces,  iamer 
ieita  au  nuage  ic.  cables, requ:pa^e,lcs  malli,  les  ton- 
jica  x,lcs  aix;rnais  en  iictrouua  um.is  l'or  butiné,  ni 
ch  .^Icaucuiiedepns  ,  ni  coftre  qui  qu'il  fuft  ue  ceux  où 
cftoiciul'errezies  meubles  de  valeur,  Oforiutau  iMurt 

L'an  1 5 1 1.  Alphonfe  Albuquerquc,  viccroyde  Por- 
rugal  en  l'Inde  Orientale  faifanc  voiic  du  fort  de  Mala- 
ca  vefj  Cochiin  ,  auec  quatrenauircs  ,  cinglant  au  long 
de  Sumarta  »  yoc  tourmente  ioudaine  le  côiralgnit  iet- 
tcTÏes  anchresau  premier  portque  les  nauircs  peurent 
gajgacr.    Mais  ks  vagues  iaillilToycnt  d.  telle  roideur 
&  Il  haut  ,  que  l'on  ne  poUL'ou  alFcurer  la  nauire  capi- 
laineifc ,  quelques  anch^es  que  l'on  ieitalt  :  fi  que  don- 
nant contre  vn  roc  caché  fous  les  ondes  eles'ouurir,  &c 
lap'ouècoiomcnça  tbudain  à  puiler.    Lapouppc  arre- 
ftce  iur  le  'OC  ie  moiiitruit  au  dclTus,  mais  en  telle  for- 
te que  la  fent  ne  eftoir  pleine  d'eau  ,   &  tout  ce  qui  y  c- 
hou  fut  ertgl  -uti  de  Ja  mer.      Quant  aux  hommes,  ils 
gaignercni  le  h.iuc  de  la  pouppe;ccux  de  la  proue,  fca- 
tans  qu'elle  cnfonçoic  ,    em.poignercnt  des  aix&  ton- 
neaux ,  a  l'aide  dcqiioy  vn^  partie  fe  fauuaau  riuagedc 
Paccm,les  autres  pe.ircnt.    Il  eltoir  nui£t,  &rob:curiic. 
fcmbloJt  plusefpaiffc  qucdccouUume.Les  t  urbiUons, 
tonnerres  ,    tSc  fouiaroyans  ciclairs  citonnoycnt  tous 
Ceux  delà  Rotie  ,  qui  ne  penllycni  à  autre  chofe  qu'à  la 
mort  ,    &.  auec  vœjx  ,  prières, Cl  is  croyables  en  l'air, 
fanglûts  6l  larmes  ^  dcmâdoycni  milvricoide  pour  leur» 
pauuics  âmes.    Le  vjccioy  Albttquerque, cmmi  ce  nau- 
frage ,   voyant  vn  fort  icune  garçon  près  de  foy  ,    preft 
d'eftre  noyé  par  les  vsgu  s  qtii  tmroycnt   dedans  fa  ca- 
pitainefle  ,  le  chargea  ùc  tint  fur  fcs  clpaules  ,  iufques   à 
ce  que  d'vne autre  uauiie  l'on  fullvcnu  au  Iccours  ,  ai* 
fant  que  l'innocence  de  ce  garçon  l'afleuroit  d'efchop* 
perde  ce  naufrage  .parla  grâce  de  Dieu.    Sur  ce  on  de-. 
îtache  yn  el^uif  de  la  nauirc  d'Alpocoie  *  &  à  force  de 

rames 


C^  memcrahlesl  901' 

rames îcs  matelots  approchent,  (iefgagent  Albuqucr- 
qucjlc  chargêt  auec  le  gai  (^ô  &  les  g  ns ,  puis  les  met- 
tent çnc^ftc  nauire.  Grégoire  N<  gnez  de  Léon,  capi- 
taine d'vne  autre  uauiie  ,  fut  emporté  au  loin  pa'^  la 
tourmente.  Ceux  4111  cftoytnt  en  la  nauire  de  Simon 
Martin,  où  il  n'y  auoit  que  treize  Portugais  (  ie>  autres 
cftans  de  laue  ek.  de  Ma'aca  )  voyans  ces  treize  dcfruez 
de  tout  fecoiirs  fe  ruèrent  lur  eux  ,  ti  fur  leur  capitaine 
griefuement  malade  alo- s  ,  &  1<îs  tuèrent.  CViat«e  matc- 
Jots  ayans  geigne  «/n  cfquif  le  fauuerent  au  riuage  de 
Pacem  ;  &  quâc  à  la  nauire  elle  fut  poulTee  vers  vn  porc 
loin  de  là, où  les  vagues  i'engloutirét.  Toutes  \ç%  richef- 
iès  conqnifes  parles  Portugais  en  Malaca  périrent  lors 
<n  la  mer. Ofouui  au  l  l'm.feCl .9 . 

Soares, gênerai  de  la  flotte  i^ortugaife^voulant  en  Tan 
IÇ I  7. entrer  au  goulfe  d'Arabie,vne  toui  mente  fondai 
nele  repoufPafi  funeufement  ,  que  peu  s'en  falut  que 
toute  fa  flotte  ne  cQulall  en  fond.Aluarcs  de  Caftre  com- 
niandoij  en  vnc  grande  nauiie  fort  chargée  ,  entre  tou- 
tes celles  de  la  flotte(car  il  auoit  prins  trois  barques,  & 
fourre  dans  cefte  nauire  tout  le  butin  d'iceiles  )  qui  fut 
engloutie  des  vagues.  Ceux  qui  eftoyent dedans  péri- 
rent tous. Quelques  iours  après  vne  autre  tempeftc  tref- 
impetueufc  pouîîa  la  flotte  hors  de  route  &  à  cofté  op- 
pofire:tellcmencqu'vnc  autre  nauirç  auec  tout  ce  qu'elle 
portoit  coula  en  fond  >  cftant  furmontce  des  flots  delà 
mer  eltrangemenc  ermcuc.^»  lii*.  i  i  ,fetl.  3  . 

Au  mois  d'Odlobredc  TanMii-  tiois  nauiresen- 
uoyees  par  Menefcz  viccroy  de  Porcngal  en  l'Inde 
Orientale,pour  aller  d'Ormus  en  Goa  ,  s'eftans  arrc- 
ftees  ptesde  Mazcate  pour  puifer  de  l*eau  douce,  fe  le- 
uade  nuift  vnvcnt  de  irauerfc  fi  furieux  &  violent, 
qu'il  chafla  longue efpacc  de  temps  quelques  naujres 
de  Mores  de  colÇé  &  d'autre  ,  ronuerfa  fur  terre  beau- 
coup de  maifons  ,  &  en  Tefteodue  de  douze  lieues  de 
pays  fît  dommage  de  la  valeur  de  cinquante  mille  du- 
cats. Outreplus  il  pouffa  fi  rudement  contre  quelques 
cfcueilsdemervoede  ces  trois  nauires  ,  qui  n'auoit 
plus  <iu'vQc  anchre ,  qu'elle  fe  bïifa  ôc  périrent  aucuns 

LL     5 


jjb¥  Hifioires  admirables 

^c  dedans  ,  entre  autres  Edouard  Ataidc ,  qnî  en  cftoll 
•Capitaine,  vn(îenfils,&  autres  de*  principaux./iw.i  3.  d^ 
l'htj} .de'9ortugal-,feCi.  I  t. 

Pierre  de  C.iftre  ayant  pîifTé  à  Mozambique  l'hyuer 
de  cefte  année  i  ç  1 1.  fur  le  printemps  de  la  fumante 
partit  auec  le  capitaine  Galuan,  &  tint  la  route  Je  Goa, 
oùil«  furgircnt  cnuironlecjuinziefmc  iour  d'Aoult: 
comme  ils  prenoycnt  terre  la  mer  cômence  à  s'elmou- 
uoir  &  tourmenter  de  telle  furie,quc  ceuïdc  Goa  com- 
feflerent  lî'auoir  iamais  veu  vne  li  cruelle  bourafquc, 
tellement  que  le  vailTeau  de  Caftre  cuida  périr  plarieurs 
fois,  &  quelque  fecours  qu'on  lui  donnaft  ne  fccut  ia- 
mais gaigner  ie  bord  Tans  faire  icâ:  .-tellement  que  tout 
ce  qu'il  auoic  butine  çà  &:  là  fur  rcrre  retourna  dedans 
]a  mer.  Il  fauua  à  toute  peine  quelques  bardes  &  mar- 
chandiks  aparccnantcs  au  roy  de  Portugal.  Qu^ant  à  lui 
&  Tes  gens.iisprindrent  terre,  après  grand  trauail,ayans 
ainfifait  naufrage  à  la  dcÇccTMc.yimvefmcliu.fefi.  19. 

Peu  de  temps  auparauant  ,  les  lortugais  conduits 
par  ce  mcfmc  capitaine  ,  firent  vn  butin  valant  plus 
de  deux  cens  mille  ducats  ,  furquciqaes  Mores  qui 
lesauoyent  alld'Uis.  Mais  il  auint  que  les  vaifTcaux 
furicfque's  ce  butin  fut  chirgé  s'crtans^icfVachcz,  cou- 
lèrent en  fond  auec  tout  ce  qui  eftoit  dedans  ,  telle- 
meot  que  ce  capitaine  &  fes  gens  s'en  retournèrent  4 
▼  uide,n'cmmenansrien  à  Mozambique  que  force  Llcf- 
ÎQT.^u  mefvie  Hure. 

Antoine  Tauarc,  capitaine  Portugais  ,  ayant  inique- 
ment endommagé  à  coups  d'artillerie  les  inluîairesdc 
Bandan  ,  fat  au  me'.me  temps  acueilli  en  leur  port  d'v- 
ne  bourafnne  qui  le  poufTa  de  telle  roidcur  en  la  coftc». 
que fon  vaillcaufc  rompit  ,  tellement  que  lui&les 
iicps  gaignereot  le  bord  à  toute  peine.  Les  infulaucs 
clefpitez  contre  ce  capitaine  &  les  gens  àcaufe  de  leurs 
brauades,lej  voyant  lorslî  malaccommodezjlciu  cour 
furent  fus, taiilans  en  pièces  le  capitaine  i$c  tous  fcs  foi- 

datS.^M  ynefwe  I114. 

Ledivhuifticfmeiourd'Aurilderao  i  çi 8.1a  flotte 
de  Portugal,  çompofee  d'onze  oauires  ,  quiportoy- 

c»| 


éf  tnemorahleS'  90}^ 

cnt  trois  mille  foldats  ,&  grand   nombre  de   gentils- 
hommes &  capuam'-s    ,  partie  de  Lifbonne  pour  alle^ 
aux  Indes  ,   auec  Niignez    de  Cugne  ordonne  viceroy 
Deuantqiie  ccftc  floue  aprochafc  des  Canaries  >    lana* 
uirc  du  capitaine  lean  Frcire  coule  en  fond,  par  l*acci- 
dentjquis'cnluit.      Elleeftoit  fuiuiedc  la  nauirc  de  Si- 
mon de  Cngne,  dcfigné  airiiral ,  laquelle  poulTee  d'vn 
vent  aflezforr, heurta  par  deux  fois  fi  rudement  Pautrc 
(fans  que  le  pilote  la  dcftournaftjcomme  il  cL.ltpeu  ai- 
fement  fairc)quelaprouës*entroi!uric  ,  &    en  moins" 
d'vne  heurcfuc  fî  pleine  d'eau   qu'impolîible  fut  met- 
tre hors  le  bafteau  ,  &  eut-on    à   fane    à  ieitcr  i'ef- 
quif,dedâs  lequel  entrèrent  le  capitaine  auec  quelques 
vns  des  principaux  5r  plus  habiles. Quant  aux  autres,re- 
ftans  en  grand  nombre,  il  fat  queftion  d'auifer  aux  mo- 
yens de  fe  fauuer.     L'vn  laifilToit  vn  cofre,  l'autre  vne 
quaiffe    ,  &  à  coups  d'efpee  charpcntoyentdelTus  pour 
s  en  accommoder.Dôt  plufieur s  furent  blcffez  moriel- 
Iemcnt,tant  ils  fc  preiFoyenr, chacun  s'eltimaot  heureux 
depouuoir  tenir  vne  planche  pour  fe  meure  dcfl'us  à 
l'extrémité  qui  eftoit  proche. Car  finalement  les  vaguer 
vindrent  à  couurir  tellement  la  pauire,  qu'elle  coula  du 
tout  en  fond  auec  des  cris  horribles  de  cet  cinquâte  per- 
fonaes,qui  deualercnt  en  la  mer  auec  ce  grand  raifleau. 
Entre  autres  ne  font  à  oublier  vn  mari  &  fa  femme  ,  qui 
menoycnt  quâd  &  eux  trois  ieunes  cnfans.  Le  pcre  &  la 
mcre  voyanslamort  prefente  mirent  leurs  enfans  au" 
jnilieUj&s'embrafTanseftroittemétces  cinq  cnfembic, 
auec   des  clameurs  qui  perçoyent  les  nuets  ,  périrent 
quand  &le  refte,fans  que  les  autres  nau^res  peuffent  en' 
approchera  teps»pource qu'elles  en  eftoyét  à  vne  lieue 
loin.Mais  voyant  la  marée  baiffee,  chafcû  acoùrut  prô- 
ptcmeot  en  des  efquifs.&fauua-on  cinquante  perfon- 
nes  qui  fe  tenoyent  à  des  aix  &  autres  pièces,  attendans 
la  volonté  deDieupaimi  les  vague*:.     Le  pilote  ,  caufc 
de  tout  le  maljfe  fauua  à  nage  ,  5:  ne  fut  chaftic  d'vne  fî 
mal- hcureufe  faute  ,  pource  qu'on  ne  fçnuoit  bonne- 
ment comme  ce  naufrage  ei^oitauenu  ,  &n'cndefcou- 
Urit-OD  rie  q^uc  fort  lôg  ci^ps  aprcs.Vn  autre  vaiffcau  du 

LL     4 


'$0  4  Hifioires  admirables 

Capitaine  Sylacirc  ,  cinglant  d'autre  vent  que  la  flottCjT 
alla  furgir  au  long  de  Sofala,  eu  il  crouua  de  la  vafc  qui 
l'arrcfta,&  lesfoldats  voulans  prendre  terre  furent  tail- 
lez en  pièces  par  certains  Mores, qui  les  attcndoyentà 
ladefcente.  Le  capitaine  Saldagne  fc  rendit  au  port  de 
Batiicala,  ayant  perdu  foixantc  hommes  ,  morts  de  di- 
fctte  &  de  maladies.  Azambugc  fit  naufrage  au  bord 
4'vneinette,pres  de  Mozambique, mais  les  pcrfonnes  fç 
fauuerent,ayas  perdu  le  nauire,fon  équipage,  leurs  bar- 
des &  viures. Quant  au  viccroy.comme  il  f-nl^oitaigua- 
dcau  portde  S.Iaques,presde  riflede  S.Laurenc  ,  fur- 
uint  vne  tourmente  qui  fitefchoiier  fa  nauire,tellemene 
qu*ellepcrit,cxcepcez  les  gens,  qui fuyent recueillis  e4 
deux  autres  nauir es. ^u  1 8./*»<>j'tft7.i  ^. 

Enuiron  le  vingticfrae  de  Septembre  du  mcrme  ai| 
ICI  X.trrize  moyens  vaiiTeaux  &  me  galUote  partie  de 
Cochim  furent  pouffez  d'rn  vent  de  traaerfe  contre  la 
coftcde  Calecut,  àl'emboucheured'vne  riuiere  nom- 
mée Chatua,où  tous  ces  vailîeaux  febriferent  ,  les  fol- 
dats  noyez,  ou  tuez,  ou  menez  prifonnicrs  à  Caiccnt, 
En  ce  mefnielmre.fecl.  1 1 .  j[^'annec  fuyuante,  la  nauire  du 
capitaine  Gat fias  Henriqtiez,ayantefc happe  le  naufra- 
ge par  deux  ou  trois  Fois,  arriuee  près  de  Cochim  ,  ne 
pcut(a  caufc  qu'elle  cftoit  trop  grande  )  entrer  dedans 
Je  canal ,  tellement  qu*on  fut  contraint  la  laiffer  à  Tan- 
chre. Mais  tandis  que  Garfias  fe  refrai fch-fibit  en  terre, 
Je  vent  le  rcnforça,clont  la  mer  fut  fi  furicufement  agi- 
tee  rcfpace  de  trois  iours  &  de  trois  nui£ts, que  lanauire 
périt ,  ou  Garfias  perdit  à  fa  part  la  valeur  de  cinquante 
mille  ducats, &  ne  lui  rcfta  que  la  cappc  &  IVfpce.  ^<i 
Piefme  liure,fccl,ig. 

lean  de  Riue,EfpagnoI ,  homme  adroit  aux  armes, 
vaillant  ô:hazardcux  ,  ayant  trouué  moyen  d'équiper 
vne  bonne  galere.fe  raitdu  meftierdc  courfaire  ,  &  fit 
beaucoup  de  maux  aux  marchans  Geneuois  fur  la  mer 
Mediteriânee.On  employa diuers  moyens  pour  i*atrra«» 
pcr.maisrren'y  feruit,  pource  qu'il  eftoitapuyé  fur  I4 
faueur  de  certains  feigneurs  quiauoyct  grâd  crédit  au- 
teur 4c  i*cc3percai;  Charles  Y-to^s  en  f  Udfcs,r£(pagnc 
*  cftani 


^  meworahles.  905" 

çftaot  gouuernce  parle  cardinal  Ximencs.  Sur  ce  auin^ 
vncobâcnaua]  enac  l.sgalerts de  Gènes  &  celles d'hf- 
pagne,parmilrrc|uelles  elloitce  leande  Riue.  fn  iccl- 
îe  hs  Gencuois  bnl'ercnr  dsux  galères  Efgagno'eSïI'vnc 
«Jefquelles  cou'a  au  forid,&  firent  autres  dôraages  en  fç 
«îcfendantde  i'iiiLafio.T  de  Bcrengnelie  amiral  Efpa- 
gnol.  S'enfuiuirdelàvn  edid  da  Cardin2l,of>anc  le 
trafic  aux  Geneuois>  lefcjueJs  curent  recours  à  TEmpe- 
rcur.pour  faire  leur  3ppoincemcnt;ce  qu'ils  obtindrent 
en  confideration  notamment  de  la  perte  qu'ils  auoyenc 
faite. Car  leurs  galères, qui  auoycnt  ainfî  combatu,  n'o* 
fans  reuenir  à  Gencs  s'cftoyent  venu  refraifchir  au  porc 
deVillefranchc  près  de  Nice  ,  où  elles  auoycnt  efté  a* 
cueillies d'vne  fi  furieufe  tourmente  ,  que  la  plufparc 
ayans  eftéfracafTees  ,  il  y  eftoit  mort  plus  de  trois  cens 
hommes  engloutis  des  vagues, fans  pôuuoir  les  fauuer, 
tant  la  mer  eftoit  agitée,  ^luares  G  orne  ci  U4  au  éJiu,  des 
fiits  CT*  dits  mémorables  du  cardinal  Ximenss. 

Enuiron  l'an  i  ^  y  i  .efiânt(ce  dit  Bcnzo)en  la  cofte  de 
lanouuclle  Efpagne  ,  ie  trouue  vn  nauirc  preft  à  faire 
voile,&.  me  mets  dedans.  Ayans  défia  nauigué  quelques 
iours, comme  nous  n'eftions  pasloin  de  l'ifle  de  Cuba, 
voici  vne  groiTe  tcmpeftc  qui  nous  prend,  &  poufTe  no* 
ftre  nauire  contre  la  cofte,  là  où  il  alla  en  pièces.  Prcf- 
quc  tout  l'argent  &  la  marchandile  qui  eftoit  dedans  fc 
perdic.'touiesfais  les  hommes  fc  fauucient  dedâs  la  bar- 
que. Auec  ce  petit  vaiffeau  qui  nous  eftoit  reftc,  &  que 
nous  racouftrafiTies  au  mieux  que  nous  peurmcs  ,  nous 
trauerfaftîies  legouife  auec  tous  les  trauaux  &  dangers 
que  l'on  fçauroit  imaginer,  &  au  bout  de  trente-quatre 
iours  gngnafmes  le  portd'Auana;  là  où  nous  péfiôs  biê 
trouuer  encore  la  flotte  d'Efpagne.  Mais  il  y  auoit  défît 
kuiâ:  iours  qu'elle  eftoit  partie  ie  ceftc  rade ,  pour  j'en 
retourner  en  Efpagne ,  &  en  eftoit  gênerai  vn  nommé 
Diego  Gcrirano.  Or  à  grand'  peine  auoit  elle  encore 
fait  la  moitié  4e  fa  route  ,  quVne  tourmente  lui  furuinc 
C  terrible,  que  de  dix-huift  vaifTeaux  qu'elle  auoit  s'en 
perdit  treize  dedans  legouife  ,  dont  iamais  on  n'oiiii: 
Qoaudlc9  depuis.U  y  auoic dedans  l'ynde  ces  yaiiTcaur 


90^  Hifloires  admirables 

VM  gouuerncur  de  Panama ,  nommé  Claul/To  ,  &-tî<:uX 
Auditeurs  du  nouucauroyaiimede  Grenade  ,  que  l'on 
cmmenoit  prifonniers  en  Efpagnc  ,  par  le  commande- 
ment duroy,à  caufe  desconcalfions  5c  pillerics  qu'ils 
auoyent  commifes  en  ces  pays-latmais  tout  cela  pccit. 
Ily  en  eut  deux  que  la  tcmpefte  emporta  par  l'Inde,  & 
les  ietta  prefques  toutes  bi  ifees  à  la  rade  de  S.  Domini- 
^le.Les  autre*  trois  furent  chaflVcî  en  Efpagnc,  &  y  en 
eut  vne  qui  alla  fraper  contre  la  cofte  de  Portugal  :  tou- 
lesfois  vne  partie  des  hommes  qui  eftoyent  dedans  fc 
fauuaâ  terre. L'autre  gaigna  le  port  de  Caliz.&y  entra 
fans  dommage.  Larroihefme  qui  eftoitl'Amiralc  de 
ceftequipage,fe  perdit  tout  auprès  de  S.  Lucar  de  Bar- 
rameda  ,  &y  eut  près  de  deux  cens  pcrfonncs  qui  s'y 
noyèrent.  Lcgeneral  Diego  fe  fauua  auec  petite  fuite: 
mais  defcendant  en  terre  il  fut  ferre  en  prifon,  ôc  dégra- 
dé de  fes  eftats.^<*  l.Uu.chap.%^. 

L'an  iç<î^. les  Danois  &  Suèdes  continuans  la  guerre 
nauale  qu'ils  auoyent  les  vns  contre  les  autres  ,  fe  don- 
nèrent bacaille  ,  comme  ils  auoyent  fait  au  mois  de 
luilletderanpreccdent.&apres  s'eftrc  rudement  bJt- 
tusenmcr  vers  Gotlande&ledsftroitde  Suéde,  fe  re- 
tirèrent auecpcrte  prefques efgaic.  Les  Danois  yayans 
erdu  l'vn  de  leurs  principaux  chsfs  ,  l'amiral  délibéra 
efaire  enterrer  à  VVifbo,  ville  de  Gotlande.  Pourtant 
femit-il  àla  voile  auec  les  nauiresde  Dsnemarc  &  de 
Labec  vers  ceIieu-Ia,quoy  que  legouuerneur  de  i'ille 
l'auertiftSc  le  priaft  de  ne  mouiller  l'anchre  en  ce  port 
qui  cftoit  très -dangereux,  à  caufode  fcs  fablons  mou- 
u-ans.Là  Jcflruss'cflcuc  vne  tourmente  eftrange  aucc  vn 
horrible  tOLubilion  de  véts>qui  engloutit  prefque  tou- 
te ceftcflotte,&perircnt  lors  les  amiraux  de  Danemarc 
&  de  Lubec  auec  neuf  mil  hommes,  d'vn  naufrage  mi- 
ferable,&  merucilieux  entre  cous  ceux  de  noftre  temps. 
"Dauiil  (^IvjtreM  au  i.i,l:u.deft  Chronique  de  Saxe. 

Les  AmbafTadeurs  du  roy  ds  Suçde  ayans  traite  de 
quelquetrtfueauccceuxduducdeMofcouic,  fur  le  re«^ 
tour,  voulans  paiTcrvne  large riuiere nommée  Ncruâ, 
Iccinquiefflaeiourde  Nouembreiî  Sj.  montèrent  a-' 

ucc 


l 


é*  memorahles.  907 

uc«  leur  fuite  en  vn  vieil  bafteau  ,  &  chargèrent  encore 
quelques  pièces  de  camppgncEftansau  milieu  du  rieu- 
ue,  par  pafletemps  on  delchargc  ces  pièces.  Sur  le  ba- 
fteau,ou  entrouuert  par  le  bruit  d'icelies  pièces,  on  par 
autre  accicent, vient  à  fe  rompre  foudain,tellcment  que 
dix-huidt.  de  ceux  cjui  eitoyent  dedans  furent  noyez: 
entie  autres  Pc  nius  delà  Go.; de,  excellent  feigncur  ,  & 
lieutenant  du  loy  de^uede  en  diuerfes  guerres, où  il  s'c- 
ftoit  poric  vâilianniment ,  auec  hcureni  fucccs  &  vidtoi- 
ics  notables.  Quelques  gentils-hommes  y  périrent  auf- 
fî,  nommément  le  conful  de  Reuel  en  Liuonie  ,  perfon-» 
nage  de  tres-grandeautoticé  en  ces  pays-là.*/4»  xjMu.de 
la  mefme  Cbroiique- 

Chriftierneroy  de  Danemarc,  beau-frerc  de  l'Empe- 
reur Charles  V.  ayant  entreprins  guerre  à  toute  ou- 
trance contre  Gaflaue  rcy  de  ^ucde  ,  à  câufe  de  les  pré- 
tentions fur  le  Royaume  ,  au  commencement  dei'an 
1  511.  fit  vne  ordonnance,  portant  exprès  commande- 
ment à  tous  gouaerneurs  &  capitaines  de  places  fous 
fon  obeifî'ance,  de  faire  mourir  fans  remifllon  quelcon- 
quc,&  prcmpicment,  tous  les  Suèdes  qu'ils  pourroyent 
attraper,  notamment  lesgentils-hommes.  En  vertu  de 
ceft  edit  fe  commença  vne  terrible  boucherie  en  diuers 
endroits  ,  donts'enfuiuit  vne  rres-cruelle  guerre  des 
vn$  contre  les  autres  ,  àlaconfufion  finalement  de 
Cbriftierne,  qui  fut  chalTé  de  Suéde  &  de  Danemarc, 
puis  mourut  en  prifon.  Or  entre  ceux  qui  effayerent  de 
ffe  garancii  de  reilc  violenre, Aruidus  eiief:que  d'Aboen, 
conuoquaplufi-urs  gentils-hommesde  Finlande,  vaf- 
faux  du  royde  Suéde  ,  aueclefquels  ayant  communi- 
qué ,  Itur  lefolution  fut  de  fe  retirer  en  Suéde  ,  lans  at- 
tendre qu'on  allaft  les  prendre  &  exécuter  à  mort  les 
vns  après  les  antres  ,  n^eftans  pas  en  lieu  feur  pour  pou- 
uoir  refifter. Pourtant  l'Euefque  leur  ayant  donné  le  ré- 
dez  vous.eux  s'y  trouuerent  auec  leurs  ft:mn'cs,erfan<-, 
&tout  ce  qu'ils  peurcnt  emporter  de  biens  meubles, 
puis  s'embarquèrent  ,  faifans  voile  en  Suéde.  Maisa* 
cueillis  d'vne  horrible  tourmente  ,  lis  firent  naufrage 
|»rcs  d'Qrcgrondc ,  en  l'Ifle  de  Vigge,  &  périrent  tous, 


9  o  s  Hifloires  admirables 

fors  quelques  matelots  ,  qui  fe  rauuerent  à  toute  petn«» 
&  par  moyens  extraordinaires  ,  pour  publier  les  nou- 
Uelle$  de  ce  pitoyable  accident.  Damd  Chjtrett4  a»  ^Mu, 
de  fa  Chronique  de  Saxe. 

le  reprefenteray  tout  de  fuitediucrs  autres  naufrages 
qui  me  ramcncoyuentdVneparccequc  ditlt Pfalmiltc 
«u  Pf.  1  o  7.ain{î  exprimé  par  Des  portes, 
Ceux  qtùpourveya^erfur  la  merfe  reduifent 

Tkaiis  desfresles  -paiJfeanXf 
Et  qutfint  les  manceuures,  CT*  leurs  routes  conduifent 

Sur  l'abyfme  de  eaux-. 
•/f  ceux-là  du  Seigneuries  oftêures  merueiUeufes 

Tout  à  clair  fejvnt  -voir: 
£t  tant  d'e/fran<res  cas  fur  les  eauxperilleufes 

T>efcouurentfon  pouuotr. 
Mais  auflî  «d'autant  que  Tambition  &  l'auaricc  orït 
haufféics  voiles  à  plufieurs  de  tels  voyagers  &  irafi« 
qucursïie  n'oubjie  pas  ce  qui  a  cité  bien  dit,quc 
L'auare  marchant 
Les  mers  y  a  cerchant» 
Qu'tfouHent  lui  font 
"Defonauarice 
Tres'-bonne  iuJJice 
L^abyfmant  aufind. 
Que  Dieu  dôcqucs  foit  reconu  &  magnifié  en  fes  œu- 
urcs  merueiUeufes  ,    &rimbecillitéprefomptueuft  de 
rhomme,aprene  à  trembLler,à  (c  contenter  de  médiocri- 
té, &  à  fe  confier  en  légitime  vocation  du  Toui-puif- 
sit.  Au  mois  de  May  de  l'a  i  ç  8tf.!e  ificeroy  de  Portugal 
es  Indes  Orientales,  &  i'archeuefque  de  Goa  ,  receurenc 
par  le  moyen  du  capitaine  de  Sofala  &  de  Mozambique 
auis  du  naufrage  de  l'Amirale, nommée  S. laques  ,    le- 
quel auint  comme  s'enfuir.   Ce  grand  ?ai fléau  ayant  au 
Hioisd'AouO  de  l'an  i  5  8  Ç. doublé  le  cap  dcbôneefpe- 
rancc  ,   le  pilote  fe  fit  acroire  que  tous  périls  &  danger! 
cftoyentfranchis  ,    attendu  mefme  que fon  vaiflcau  a-  • 
uoir  vn  vent  propre  en  fa  nauigation  entre  l'iilede  S. 
Laurent  &  la  terre  ferme.      Où  font  neantmoins  quel- 
ques fifchcux  ^zïïâg&s  ,  qu'oa  appelle  Sdntt  delmfs .  à 

cia« 


&  memorahlesl  '9  09» 

cinquante  mille  d'Italie  de  ccftc  Ifle ,  à  fcptante  de  terre 
ferme,  afFcz  prcs  de  Sofala.mais  fort  loin  de  Mozambi- 
que. L'Amiralcfailanc  voile  vcrscellepart ,  le  pilote  fc 
mcfconta,&  cuidant  eftre  hors  de  ces  Bancs, fit  comma- 
dementaux  matelots  de  dcfployer  toutes  les  voiles  pre- 
nant laroutc  droit  au  Mozambique.  Quelques  mate" 
lots  &  foumaiftres.cxperts  en  la  nauigation ,  n'cf>oyenc 
pas  de  ceft  auis ,  dilant  qu'il  y  auoic  encore  des  efciicilj 
&  dcftroits  périlleux  à  palTcr,  &  que  la  nuift  approchât, 
dangcreufe  à  caui'e  des  tourmentes  qui  Ce  renforcent 
foudain,  defrndoit  d'aileràpleinesvoilcs.  Mais  le  pilo- 
te poulie  de  fon  ambition  li  maihcur,lui  dit ,  qu'ils  n'y 
cntendoyent  rien,  &  abufant  de  fa  puiHancc  commanda 
«uxfcruiteurs  défaire  ce  qu'il  leur  auoit  commandé. 
Ge  qu'ayant  eftéfair ,  &  le  vaifîeau  porté  en  pleine  noi- 
re nuid  de  roideur  donna  dedans  cz%  efcueils,où  lefond 
fut  incontinent  fendu  &  arrefté  aucc  les  deux  tillacs ,  le 
defTus  poulTé  vn  peu  plusauant  fut  brifé  contre  \^%  ro- 
ches.Les  mafts  réuerfcz  ,  s'efleue  va  elFr oyabie  cri  d'ho- 
mes &defcmmes:Car  il  y  auoit  plus  de  cinq  cens  hom- 
mes en  celle  nauire.outre  trente  femmes,  force  moines 
&  lefuites.rien  n'apparoiflant  là  que  ténèbres  de  mort, 
tous  commencent  à  crier  mifericorde.Fernand  de  Men- 
dofe  amiral, le  pilote,  lemaiftre,fuiuis  dedix  ou  douze 
autres, fe  ieitent  prompiement  dedans  vn  elquif,&  pour 
cmpcfcher  qu'on  ne  les  fuiuift  &  filt  abyfmer,  defgainc- 
renc  leurs  efpeeSjmenaçans  de  mettre  en  pièces  quicon- 
ques'en  aprocheroit.  Ils  adioufterent  que  leur  inten- 
tion eftoit  de  cercher  les  principales  pièces  duvaifTcau 
rompu  ,  pour  en  faire  vn  vaifieau  commode  à  recueillir 
les  perfonnes  ,  pour  les  tranfporter  peu  à  peu  en  terre 
ferme. Us  en  firent  quelque  deuoir  :  mais  ayans  trauaillé 
en  vain  ,  &  n'ofans  retourner  vers  le  grand  vaiflcau, 
crainte  que  plufleurs  autres  fc  icttajOTent  parmi  eux,donf 
s'enfuiuroit  fubmerûon,  ils  voguèrent  sti\^  cet re  ferme 
&  ayans  diftribué  par  entr'cox  quelques  viurcs  iette 
confufément  &  en  petite  quantité  d*idan«  Telquif ,  n* 
tammcnt  de  bilcuii  &  de  vin  ,  après  auoir  flotte  dixfrf 
îours  c(>mbacaa$  k$  vagueS;lafaim;&  lafoif,gaigQcvÇ 


f>  I  0  Hijloires  admimhles 

à  toutes  peines  vnc  col\c  d'Af kjoc  ,oii  nous  les  \i\Tr6i 
pour  dire  ce  cjoi  auinc  aux  matelots  &  pallagcrs  mal  af- 
,îij  en  ces  bancs  &  lur  vn  vaiircau  briîé.  Le  grand  clquif 
de  con'.crur  auoit   elle    ci  mmc  tout  bnfé,    ne  plus  ne 
moins  que  l'Arairalc  ,    pei  lonne  nclçachani  moyen  de 
le  racoultrcr  pourt'cn  olcr  Icruir  ,   vn  Italien  nomme 
C)  prian  Gnmaidi ,  donnant  courage  à  quelques  fiens 
compagnons  le  ietca  tout  premier  dedans  ccft  cfquif 
auec  l'on  eTpccSc  commence  à  trauailler.    H  cft  luiui  de 
huidtante  neufaatres  qui  racouftrent en  quelque  foire 
cclkbaïquc  ,  enuironnee  de  toutes  parts  d'vn  trcf  grid 
rombre  d'hemtres  &  de  femmes  ,   qui    empoignans  à 
deux  mains  ieJ  bords  fupplioyent  à  grands  cris  qu'on 
les  tiraft  à  mont.  Mais  les  oonante  voyans  que  leur  no- 
brc  eltoit  excefiif  ,    &  que  la  barque  iroit  en  fond  Tous 
ce  fardeau, empoignèrent  les  defaimi^z  &  plus  inutiles 
d'entre  eux  mclmcs  ,   qa^ilsieitercnt  hors  le  bord  ,   & 
quantaux  aurres  leur  coupèrent  à  coups  de  tranchans 
couftelats  les  bras  &  les  mains  ,  afin  de  s'en  dellraper* 
hnpollible  ferou   leprcfentcr  les  cris    lameniables    de 
Ces  mutilez  &  de  tant  d'autres    ,     qui  tcnans  des  c-^ix^ 
montez  fur  des  fardeaux  du  grand  vailPeau  voguoycnt 
fur  les  vagues  qui  CRglouiifloyenc  les  vns  uprts  aurres: 
tcllemenf  ou'ils  périrent  tous  ,  ex:epté  deux  qui  acom- 
modez  de  pièces  plus  coin  m'>dc>  gnignercrtlc  riuage. 
Quanf  aux  rritez  en  ce  bafteau  de  cor  feruc  ,  n'ayans 
gueits  d^adtelîc  ni  de  moycr.  de  le  conduire  ,  &  nuls  vi- 
ureS)  leur  vaifican  mal  caifeutrr  &:  tiiiant  eau  de  main- 
tes parts, lis  .-'auifeienr  o'elliTcvn  chef,  auquel  l's  lurc- 
rent  de  s'âffuietti;  iufque<;  à  la  mort  inclufiuement.  Lui 
pratiquant  le  ^ouuon  oftroyé,  ncfauoiïvjuc  monltrcr 
lu  doigt  ceux  qu'il  vouloir  qu'on  milt  hors  du  bafteau: 
artotjt  foudam  iiseitoycnt  cnlenez&ians  r^fillancc 
itezen  Li  mer  pour  Icruirde  pagure  aux  poilfons.  On 
*mmcnça  par  les  malades    :   en  re  Icl'quc'S  citoii  vu 
Arpenticr, lequel  auoit  ddé  à  racouilrei  le  bafteau.   I* 
«11  pri.î  que  premieriment  «jn  lui  donnait  vn  mor- 
CC\^c  viande  ^  vn  verre  de  vin  :  quoy  pnns  li  le  lailf» 
W\r  dc4ans  *cs  \  .igucs.  Ccruia  aucic  empoigné  pouB 

auoiif 


& 


memorahleS'  ^li 


auoir  tout  à  l'heure  mcfmc  fcpuiturc ,  auoit  m  ficn  tVc- 
re  puifné  prcs  ce  lui,  lequel  fc  leuant  lupplia  ce  chef  6c 
fcs  officiers  cjuc  Ton  ailné  euft  la  vie  fauuc  ,  &  que  lui 
puifné  tinft  fa  place: alléguant  que  fonaifnécftoit  plus 
lage,plusinduftrieux,  pour  prouuoir  à  leurs  foeurs  &; 
maintenir  la  famille.  On  accepte  Ton  offre,  &  eft  ietté 
hors  le  bord:mais  Dieu  le  fortifia  tellement  que  l'cfpa- 
ce  de  fix  heures  entières  il  fuiuit  à  nage  le  bafteau  ,  du- 
«juel  s'il  approchoit  trop  prcs  on  liiiiendoit  des  coups 
d'cfpec  pour  le  tuer.  Enfin  il  empoigne  vneefpee  nue; 
&  quoy  qu'en  s'approchant  on  lui  euft  coupé  la  main, 
{î  fit-il  tant  que  les  pafTagcrs  vaincus  par  la  grandeur 
d'vn  tel  courageje  tirèrent  à  mont  dedans  leur  vailfcau. 
l'ay  veu  &  hantédepuis  familiereraêcces  ceuxfrcres  en 
Ja  ville  de  Goa.Eux  &îcs  autres  ayans  vigntiours  duiac 
foutfert  tous  les  m  efaifes  qu'il  eft  poflible  depenfer  & 
redouter, trouuercnt  le  ur  Amiral  en  terre  ferme,  &  ceux 
qui  s'cftoyent  fauucz  auec  lui  dedans  le  petit  efquif.Ces 
miferablcs  refchappez  de  la  mer,furët  roft  après  acueil- 
ris  derouucauxmalheurs  :  car  ils  tombèrent  entre  les 
xnaias  des  Morcs,qui  l:s  defpouillerettout  nuds,  &  for- 
ce leur  fut  de  marcher  quelques  iours  defnuez  de  tous 
moycs  iufques  àce  qu'ils  gai^nerent  certain  endroit,où 
le  fadeur  du  Prince  de  Mozabique  &  de  Sofala  demeu- 
roit ,  lequel  les  ayant  vn  peu  racômodez  les  fit  conduire 
en  Mozâbique,pour  gaigncr  de  là  quelque  port  en  l'in- 
dc  Orientale. Ou  depuis  i'ay  conuerfé  familièrement  a- 
Oec  quelques  vns  d'entre  eux  ,  qui  m'ont  raconté  fort 
amplement  ce  qui  eft  comprins  cideffusen  peu  de  pa- 
roles. Il  n'cfc  Imppa  dedans  les  deux  efquifsjpour  g.ii- 
gner  terre, que  foixante  hommes  ,  encore  en  mourut-il 
de  faim  puis  après  vne  partie.  Tellement  que  lafolic 
dVn  pilote  fie  perdre  la  vie  à  cinq  cens  perfonnes.  Ce 
malheureux  outrecuidéreuenu  en  Portugal  fut  empri- 
fonné,pui$  rclafché  ;  pourfuiui  finalement  par  les  mau- 
diflbns  des  vefjes  &  orphelins  de  tant  de  maris  &  pè- 
res perdus, il  fie  voilecn  vn  nauire  dont  on  lui  commit 
la  conduite  Pan  15  8  8.&:peu  s'en  falur  qu'il  neperiftau- 
prcs  de  l'iile  de  S.Thomas.  Retournant  des  Indes  en 


$  1 1  Hijloires  adtnirahles 

Portugaijil  fie  vn  fccond  naufrage  es  cnuirons  de  ce  cap 
<Jc  bonne  efperancejoii  ia  muirc  &  lui  &  cous  ceux  qui 
cftoyenc  dedans  fu. cm  noyfz  par  vn  redoutable  iugc- 
ment  de  Dieu  ,  &  inftrudtion  aux  pilotes  de  ne  fc  con- 
fier pat  crop  à  leurs  feus  ,  6c  aux  particuliers  de  ne  cofl- 
Uoiccr  vngain  pcnlla'Dlcains  iCCDotcaierdc  mcdiocri^ 
té.Iean  Hugues  de  LinJcûtjHoUandon.de  Harlem  ,  qui  a'  de- 
meuré piL.lîours  années  er  i'indc  Orientale  nous  adef- 
crit  c.  fte  hiftuire  es  beaux  recueils  qu'il  en  a  publiez^ 
comme  aulfi  les  hiftoircs  fuiuances. 

L'an  mil  cinq  cens    huif^antefîx,  au  mois  d'Aouftj 
v-nt  de  Mozambique  à  Goa  certain  Portugais  qui  auoic 
efté  porté  dedans  le  gallion  de  Malaca.     Celui  là  por- 
tOK  quelques  paquets  au  viceroy,  auquel  il  raconta  le 
naufrage  d'vngrand  nauire  nommé  Bon  voyage,  l'ax» 
prccedent>furlonretour  des  Indes  en  Portugal.    Nous 
cltimafmes  ce  malauenues  enuirousdu  cap  de  bonne 
cfp-rance,pourcequcle  vailîea  j  eftoit  delm.furémenc 
chargé.     Defai  a'^dcrmarcrdu  poirde  Cochim  il  re- 
çoit neuf '"oude^s  d'eau. Pîufîeurs  g:  ntils-hommes   qui 
ï'ccournoyent  en  Porci.'galauec  leurs  te'moignages  8C 
*Ous  fi'poir  de  grandes  recompenfes  ,  àracouftumee  fu- 
^■cnteD'JcIopczen  cenauf  agc,    &  aiiec  eux  l'ambafla- 
deur  de  Perle  ,  qui  al'oii  en  t  fpigne  confirmer  a'iiance 
entre  les  deux  rois.    llyai;onvn  noinb.e  ineftimablc 
de  richcfTcs  en  ce  nauirc,q  ji  iic  mauuais  voyage,  citant 
péri  auec  les  pilotes  &:paliagçis.    Le  moindre  vailFeau 
retournâtdeCochim  enPortugalportcIa  valeur  d'vn 
million  d'or.  Que  peut  donquesmoiter  iepris  du  con- 
tenu en  ces  grands  nauitcs  ?    £'.  coutesfoisil  »  elcpalTc 
année  que  la    mer    n'engioutilTe  quelqu'vn  d'iccux    à 
Talier  ou  au  reio'ir. 

L'an  I  s  8  T.l'archeuerq'.je  de  Goa  Ce  mit  à  la  voile  aa 
portdeCochimpourvcai'en  Portug.1-.  Or  la  courtu-' 
me  cft  en  ce  poTr,afin  que  les  t-ibutsdu  R-^y  ncfov.nt 
nullement  faudez,  que  hs  nauires  font  côtraintes  d'atj 
tendre  leur  ordre  &  tous  ,  pour  cl\rc  chargées.  Auinc 
doncques  après  que  l'Archeuefquefut  parri  an  mois  de 
ïanuicr,quc  la  dernière  rcitaai  a  charger,  nommée  Arc^ 

iikias^  . 


ér  mémorables»  9 1  y 

IrkiaSj  fut  encore  arrettee  quelques  iours  après  les  au- 
tr^s.pouicequ'cllant  prcfte  d  defmarcr,  les  officiers  & 
condufteurs  ù'icel)e,aueiiglcz  par  grands  prcfens,  tire 
rcnc  hois  vnc  partie  de  la  laburre  (  c'eft  dugrauier  au 
f  joi  des  vailTcaux  de  mcr,pour  les  tenir  en  contrepoids 
centre  \zs  vents  &  les  vagues,dont  s*enfuit  qu-  le  braa- 
(îe  cit  moins  viulcnt  )  ti  en  placed'iccllc  mirent  tbrcc 
pacquets  ^  qaaiiliS  d-  canellc  ,  alors  fort  chère  à   Lif» 
bonnc.Q^and  il  cft  ccmps  de  partir,  on  le  fignifîe  à  Toii 
de  croni^)c  par  toute  la  ville. Soudain  tous  ceux  qui  veu- 
lent s'em  rare) lier  le  rendent  en  foule  vers  le  port  &vaif- 
fcau  qui  s'dp;efte  au  départ.  Les  amis  &  domeftiques  s'y 
trouueni:  pour    faire  les  accolladcs  6;  fouuent  les  der- 
niers aiiicî-x.  Cea  pa{]r?gers  poit:-'/.  cudesefquifs,  auec 
fourniture  de  quelques  viures  &  couceurs.fe  rendent  et\ 
grolfes  bâdcs  autour  du  viifleau, lequel  les  pilotes  aua- 
rts  chargent  tant  quM  peut  côtcnir,  tellement  que  t»uc 
yeftpleiade  perlonnes,baies,balois,quaifrcs  ,  bahus, 
coffres  du*  toiucs  fortes-.aufquclles  voiiSlures  de  bagages 
&  marchandifes   entalVces  s'employe  &  pafTefouuenc 
vn  mO'S  entier,  fans  que  les  nautonnicrs  puiffent  fedef- 
fâifc-  boniiement  dcrimporiunitédespallagers  &  mar- 
chansaaares.Le  vaifî'eau  pleinàregorgtr,  vricommif- 
falre  &  infptdteur  ordonné  de  par  le  Koy,  vient  &  en- 
tre dedans, fjifvne  protcfte  ,   &dcmande,fîle  vaiiïcaU 
cft  fort  &.  capable    pour  porter  tous  ceux  qui  y  font  5c 
leurs  hardes  ôcmarchandifes.  Le  pilote  &  fes  gens  lu- 
rent qu'oui, dont  i'infpcdteur  prenda£lefigné  de  leurs 
mains.     Quelques-fois    il  fe  trouue  des  matelots  fans 
veritéimais  ii  a  commilTaîreeftgaîg,né  ,  l'on  pafTe  ou- 
tre.L'â(fte  (igné  &  mis  en  forme,  rinrpc(fTeur  comman- 
de à  hâute  voix  qu'on  leutlcs  SiTchrcs  ,  qu'on  coi?peles 
cordages  qui  arrcfteut  le  vaiflèau   ,    &  fouhàitani  bon 
voyage  aux    marinirrs  &  pafTagcrsfe  retire  chez  foy. 
Cefte  nauire  dont  nous  payons  mjintenit  ,  ayant  hauD 
fé  les  voiles  fu:  ùiiuie  iufquesà  demie  lieue  du  portdei 
Cochim  par  force  petis  baftcaux  ,  à  caule  que  la  mer  c- 
ftoit  fort  calme,    Auirt  là  dcfljs  qiie  quelques  poules 
caciules  dedans  des  cages  eu  la  nuuirC;(rouuans  pa/lagft 
■       *  MM 


914  Hifloires  admit  filles 

commencèrent  à  voler  fur  le  tilIac.PIuficurs  y  accurenc 
&  commencent  à  difputcr  de  ces  poules.  Les  autres  fur- 
uienent  au  bruit ,  comme  la  curiclîté  porte  les  perfon- 
rcs  pour  tout  ("çiuoir:teilcrnët  que  les  pafTagers  &  ma- 
telot» eltas  prtlques  tous  fur  i'vn  des  coftczdcla  nauirc 
defgarnic  de  Ton  contrepoids,  &  n'ayant  ae  l'autre  co- 
ftcqucde  la  canelle  légère, coula  tout  belleracc  en  fond 
par  celle  part  cù  y  auojt  tant  de  pcifonues ,  fi  qu'elle  fc 
vid  incontinent  conuerte  d'eau.Tous  les  homnces  irou- 
uerenc  bien  à  poinâ:  les  pctis  bafte-ux  où  ils  furent  re- 
cueillis ,  &  n'y  eut  de  pcrfonocs  noyées  que  les  cfclaucS 
qui  enchaînez  par  les  pieds  &  mains  ne  peiircnt  efchap- 
pcr,&  leurs  mailhcs  n'eu rcn:  pas  loilîrJcies  desleirtr. 
On  ne  fc^curoit  dire  combien  fut  grande  la  perte  des 
maichandifes  &  grandes  richeflcs  de  ce  grand  va-llcau: 
les  Portugais ayans  beaucoup  trauaillé  pour  dclpouii- 
ler  la  terre  ,  afin  d'enrichir  la  mer.  Quelques  qnaiiïcs 
fiircncrepelchtes  par  la  diligence  de  cei  tains  Indiens: 
mai»  outre  le  coult,  ce  qui  eiloit  enclos  dedans  fc  trou- 
uagafté  pour  la  plus-part.  L'on  fit  quelque  cnqneftc 
louchant  les  cacheurs  de  caneilc  :  niais  les  coulpablts 
cfchapperent,&  ks  petis  larrons  furent  chafticz  pat  la 
bourfe. 

Fn  l'an  15  Sp.fc  le  lo.iour  delannicr  iem'embarquay 
en  la  nauiredefainfte  Croix  où  nous  cfiiocs  deux  cens 
pafTagcrs  pour  venir  en  Portugal  3c  d;:  là  en  Hollande. 
Dix  iours  après  nous  paffafrats  U  ligne  equinc  6tialr, 
&  jelêdemaindefcouurifmes  lanauirc,  ncuiimte  fitrfl 
Thi  mas ,  qui  s'cftoit  rrilc  à  la  voile  cinq  leurs  dcu^nc 
non£,eftant  la  plus  grande,  forte  &  ridi/  des  lii  qui  en 
ce  moiS  dcimarcrent  du  p'rtdc  Cochim  -.  pour  ter  ir 
-laroufede  letcuren  Portugal.  Le  iroifieîPK  iour  de 
Fcuricr  nous  approchaiines  plus  presdeccitc  nauirc, 
&.  defirions  parler  aux  cundu(ftcurs  :  mais  eux  nous  rc- 
conoiflans  ,  &r  defpifezquenous  îescullîons  ratteints, 
avansvn  meilleur  ^'plus  vide  vaifl'cau  fans  compa- 
r  lion, que  le  noftre.ia  vieil  ,  s'cfïorcerent  de  gai^ner 
lî  deuanf(a  la  couftumc  ces  pilotes  Portugais,  qui  font 
oloirc de  telles  vanitez   )  afin  d'cllrelcs  premiers  eu 


é*  tnemorahles)  5/15 

iMllcde  fainfte  Helaine  pour  s'y  refraifchir&gaïKJir 
dcnoui.  Mats  ceft.  nauirede  S.Thoraasapprochanc  du 
«apdc  bonoeefperaDcej&repouflced'vn  vcntcontrairci 
voulut  fc  bandci  cootie  ,  &  defployant  les  voiles  fc 
mit  en  plrine  mer.  La  noltre  fut  contrainte  reculer  ,  à 
caufedc  ia  violence  des  vagues. En  celt  endroit  de  l'O- 
céan Id  lojrmenrceft  par  fo;s  fi  furieule  ,  qu'à  peine  vn 
rocher  pourtoic  il  foultcnir  (ans  bris  lechoc  des  vagues 
crcum.^urcs.taut  s'en  faut  quVnchafteandebois ,  agité 
incciraminent  ,  &  canonné  fans  rcia^chc  par  les  fiots 
impétueux,  puifT::  longuement  durer.  La  prefomptioti 
des  Portugais  jcftimaus  leur  nauirede  S.  Thomas  allez 
robufie  p'.  ur  rabarrerant  de  coups, les  ruina.  Car  après 
auoir  citcrudcmrnt  battus  queicjues  iours  ,  leur  naui- 
rc  Fut  b.  liée  &  mifeen  pièces  ,  &:  icdoi  de  la  mer  cour- 
roucée couuert  de  pièces  du  bris,  de  coffres  ,  ^luaifTes  ÔC 
corps  mores  ,  oue  nous  vifmcs  iictter  en  pafTant  autour 
de  ce  cap  redoucsblo  non  fins  extrême  horreur  &  fra- 
yeur. Carilyaiioit  vue  infinité  de  biens  &  richefles 
dedans  cefte  nauire  ,  prefques  neufue  ,  la  plus  fo^te  ^ 
grande  qui  f  jft  lors  pour  les  Portugais  &  Efpagnols 
îuri'Ocean.  l^ourcei^e  confîdcration  plufîeurs  s'y  e*" 
Hoyent  embarquez  ,  entre  aut;  e?  le  colonel  Pau!  de  Lc- 
me  Pcrcire,  fort  renommé  pour  auoirferui  le  roy  l'ef- 
pace  de  trente  ans  entiers  es  Indes  auec  grand  hc^ncur, 
&>.  peu  de  temps  aupa'auantdeliuré  Malaca  fort  eftroit- 
tement  aflîegcc  par  des  ennemis  puilFans  ,  qu'il  auoic 
desfaits.  Icciui  ne  refpirant  que  plus  grands  honneurs, 
&  tant  plein  qu'il  ne  fçauoit  où  mettre  Tes  richclks  ,  les 
cacha dedâs  les  abvTmcs  de  la  mer, où  j1  petit  lors  auec 
tout  fou  amas:i:em  auccfafemme.fcs  enfans,  6:  grande 
fuite  d'Indiens  &  de  Portugais  qu'il  auoit  emmenez 
quand  &rov  ,  pour  paroiitrc  d'auantage.  Au  para- 
i  ant ,  plufîcurs  de  nos  palfagers  fe  graitoy-ntla  le- 
flc  ,  bienfalchcz  dcnel'auoir  fuiuiau  defmarcrdu 
pori  c!e  Cochininnais  ^  oyans  ce  naufrage,  &  paruenus 
à  fauu-té  ,  changere;i.d'auis  ,  auoiians  que  Dieu 
fage  gouuerueur  du  monde  ,  les  auoic  g'andcmcnc 
fupportez.    Arriuez  eu  Tlûedc  lauide  Hrlaine  ,  aprc* 

MM     » 


9jé  HiHoires  admirables 

auuir  branflc  trois  mois  &  demi  far  mer  ,  &  prcfcjuW 
touîk  itf  iours  en  danger  de  naufrage  ,  nous  trouualiiics 
le*  cjuaire  aucics  nauiresqui  nous  confcrincîent  la  pcric 
totale  Je  la  fufmcni.onntc. 

Ayansfait  voile  de  là  pour  v^nirvcrs  Lisbonne,  & 
aprochans  .-les  Canaries, il  nous  fat  cOiiimandé  dcprcn- 
dicporcen  ia  Tcrcere  ,   f  our  nous  garanur  dcicou- tes 
i^uc  faifovent  lors    autour     de  nous  les  vaifflaux  An- 
glois.    N'olanscntreprindre  au  contraire  le  vingt  qua- 
triclme  iourde  laiHcc  ,   nos  c  nq  nauircs  &  vnc  fixitf- 
me.qui  venou  de  Malaca>vinfmcs  mouiller  i'anchrc  dc- 
Uâc  Angra  vilJe  de  la  Terccre  ,  au  couucri  du  chaftcau: 
d'où  nous  cnuoyafmrs  qaclques  poftcs  ou  vaillciut 
légers,  pourauertiric  rf)  de  ncft'ediriuee  ,    &  at.cn- 
drc  la  volonté.      Ni  us  i^jdoutions  fuit  ccftc  ftaiion, 
pourcs  qu'au  comm'-.nccmentdu  mois  d'Aoult,  ce  poic 
d'Angraeft  ordinairement  battu  d'horribles  touimcn- 
ics.Ôc  n'cft  pointa  coijuert    quand   le   vent  racrid.o- 
ral  tire.   Alors  les  graads  vaifi'caux  ,  tels  que  font  ceux 
qui  reuiencntdts  iiidcs  ,    mal  allez  à  gouucrner    près 
des  rades,  ibnt  en  grand  pcnl.   Maii  ce  que  nous  redou- 
tions le  plus  nousauinc.     Car  la  nai£t  du  quatriefmâ 
iour  d'Aouft  ce  vent  d'aual  commence  à  iouffler  de  tel- 
le véhémence  ,   que  lesnauircs  furtnr  rcuitesà  tout 
péril.     Ouireplds,  piclqucs  tous  ceux  qui  en  auoycnt 
charge  cftovciu  dclcendas  en  te  rc,par  vneniaauJifc 
couitumc qu'ont  les  Portugais ,  &  n'eftoycnt  icfté  que 
c^u.elques  7a.et:i  auec  les  efciaues   ,    lerqueU  laichercnt 
qaciqu-s  co.-ps  dartil  c.ie  pour   appdier  leurs  mai- 
ftrcs  au  fecours.  Lors  on  commence  a  ibnncr  toutes  les 
cloches  de  !a  vi'le  ,    où  le  peuple  menoïc  vn  honiblc 
brait  &  chacun  le  lameofoic  d'clttangc  forte  ,  n'cftanc 
pjiribleà  ccuxqui  rcùoyvrnt  es  nauiics  de  prendre  ter- 
re, ni  avîxde.'cci.dus  de  venir  au  fcco'.  r    de  leurs  gtns: 
tant  la-mer  eftoitagiicvr.  Nollre  nauire  ik  fjindte  Croix 
approchuic  de  terre  à  tous  coups   ;  où  fi  elle  euft  don- 
r.c'ju'en  cftoit  fait  fans  rclTourcc  ,    &  s'en  ail  >it  rompre    - 
en  dix  m:iie  pièces  ,àcaufccles  bancs  &elcueil$.   Dieu 
deflourna  le  bris  d'icelie.    Les  cordages  de  celle  de  Ma- 

.  iâca 


&  mémorables.  ^ij 

lacafracaiTcz  ,   &  n'y  eflanc  relJé    fuffifant  nombre 
d'homracs  pour  les  relier,  nipour  lettcr  l'autre  anchre, 
après  cjuc  fon  maft  fi-t  rompu  »  commence  à  puiler,  tel- 
Jem;;nc  que  l'caa  \à  couunt  mconrincnr.      Alors  la  mer 
comme  apaifec  de  ctftctfort  ,    le  vent  fc  tourna  ,   &  la 
tourmente  des  vagues  !e  conucrtit  en  bonnafTe.   Sans 
ce  changement, c'cftoitfjii  des  autres  naaircs  ,    &  ceux 
<JU!  y  eftoycni  ne  pcnfoyeni    plus   qu'à     quitter    touc 
pour  fe  fauuer.     Ce  naufragi   d-  la  nauire  de   Maj,aca 
fur  de  perte  incftimable   ,    cftanr    chargée  de  richeilcs 
àt^  Molucqucs ,  de  la  Chine. &de  piulicurs  îflrs.     On 
voyoit  flotter  fur  les  vaoLtes  les  quaifles   de    draps    de 
foye,  de  merceries  precicufes^d'efpiceries  de  routes  for- 
tes. Onfauua  quelques  baies  de  poyure,  de  girofles,  de 
macis:mais  fort  interclTccs  &  g-^lbcs.  EnctTcs  les  pca- 
gers  firent-ils  tout  ferrer  en  h  dbuanne,    le!  lementq"C 
I   les  pauures  marchands  tombcfcn;  (  comme  on  dit  )  de 
ficurecn  mal  chaud, St  d'vn  gcfuff.  e  tn  l'autre  :  &  qotl- 
que  pourfuitc  qu'ils  fceulTcnt  faire  ,  aprcs  auoir  langui 
quelques  mois  pour  auoir  vn  peudercile,  maudiUin^ 
la  mer  &  la  terre  ,    ils  fc  fauuereni  panures  &  chetifs  a 
Lifbonne  Nous  ne  racontons  point  lesmifcrescltranges 
des  autres  nauires:d'autantqu6  nous  ne  parlons  iti^uc 
des  naufiages. 

Le  dixncuficfmeiourd'OÛobre  1 5  S^.arriuerenren^ 
la  Tcrccre  qua'orze  nauires  Efpagnolcs  ,oui  teuenoy- 
cnt  de  rindc  Occidentale  ,  chatgees  de  cocheni!  jr  ,  de 
cuirs  de  bœufs, d'or ,  d'argent,  de  perlef  ,&  d'anires  mar- 
chmdifes.  Elles eftoyent  au  nombre  de  cinquante, p.-îr- 
tantdei'Iilc  Haujna.  Mais  au  lortir  du  canal  vue  fu- 
rieufc  rempeftccncngloiicit  onze  >  efcarta  \ti  autres 
qui  coururent  diaerfe  fortune,  comme  relies  gens  par- 
lent. Le  lendemain  de  ccftc  arriuec  des  quatorze,  vnc 
autre  de  la  flotte  de  C!i;quantc  approthantde  l'ifiefuc 
attaquée  ,  c3nonnee&  mife  à  fond  par  vne  Angloife, 
ayant  tué  à  coups  de  canon  cinquante  hommes,  ôcfau- 
uéenl'efquif  cnuiron  vingtcinq  ou  trente  aucclcca* 
pirainc.Mais  toute  la  marchandifcefttmee  plus  de  deux 
cens  mille  ducats  périt  $c  c»ula  en  fond  auec  ic  vaiffcau: 


9 1  8  Hijloires  admirfihlc-s 

Ccsquator^e  s*cftans  mifes  à  la  voile  le  vingfeptie*' 
me  du  mcime  mois  pour  gaigner  Scuillc  ,  furent  atira- 
peesp  ('s  la  co{i:e  d'Èlpagiic  paries  Anglois  ,&cmmc» 
nces tn  Anglcicrre. 

Aa  moiidc  ijnuier  de  l'an  i  ç  90.  y-inten  la  Terccrc 
delà  nouuelle  Elpagne  vn  vaifieau  ,  dont  les  pilotes 
ôcpalFagcri  rapportèrent  qu'vne  llo:tc  de  cent  nauites 
Efpagooies  bien  chargées  auovcc  fair  naufrage.&elhy- 
CDt  perles  coures  ,  cciic-li  feule  cxcepteccn  la  coite  de 
laFlo'ide.  Nous  fîfaies  les  le  compte  ,  cjuelamcren 
l'an  I  ç  8  9  ■;i)oit  englouti  plus  à'^  deux  cens  nauires.pat 
ties  de  ia  nûuueile  t;'p3gne,dc  l'Iile  S. Dominique  :  Ha- 
uana,C3pvcrd.icBr.:{î  ,1a  Guinee,&:c. 

£ncc  mcime  an  i^  ^o.la  flotte  d'Efpagnc  ne  bougeoit 
de  Tifle  du  Corbeau,  oùclle  aitendoit  les  reftcs.  Sur  la 
fin  de  Septembre  Te  trouiiant  complette  de  fqpi  vingts 
jiauires,  hauflant  les  voiles  pour  al'cr  vers  la  Tcrcerei 
fut  accueillie  d'vne  tourmente  la  plus  cftrangc  &fu- 
ricufe  qu'on  euft  ouye  de  mémoire  d'homme  ,  parla 
confcffion  des  Infulaires  ,  lamcr  eOant  fi  couiroucee, 
que  fcs  vagues  iurmontoyent  le  faiftc  des  hauts  3c 
horriblcseftucilsde  la  Tercere.  Les  poifTors  eftoycnt 
iettez  vifs  fur  les  rocher  &  images  :  les  tourbillons  a- 
yans  duré  toute  vneff  maint  fans  relafchequciconui.e, 
auec  vn  bruit  efpouuantabic  des  fiots  s'entrccafLns, 
donc  tous  ceux  de  la  Tercere  trannifToyent  de  peur ,  & 
i*crtois  de  ce  nombre.  On  ne  voyoït  que  planches, 
grortes  pièces  d:;  bcis.&coips  moi  s  floicans  fur  le^  va- 
gues ,  chacun  en  Plfls  criant  milericorde.  Nous  mar- 
quafmes  que  plus  de  douze  nauires  auoyent  cfté  bri- 
fces  autour  d~  la  Tercere,  par  cefleccmpcite  ;  &  trois 
femaines  après  qu'eUe  fut  appaifee,  les  In»  ulaires  ne  fi- 
rentautre  chofe  q'ic  tirer  à  bord  les  corps  morts.  Les 
tfpagnois  auoyent  parauant  gaigné  vn  grand  vaificau 
d'Angleterre  ncmm'îe  ia  Reuengc  ;  mau  elle  fut  fracaf- 
lèelors  ,  &  perirenc  fcptanie  h  aimes  qui  y  cftoycnt, 
du  nombre  defquels  cnoyïnt .;  uniques  A::oJois  pnfon- 
nicrs.  ^^ta.irrr<;  efToyencdc  Gallic«&  deB'fcaye.  Va 
4e  ce  nombie  ^  Aiuaç  coipme  par  miraclç^l^c  le  iccic  de 

;out 


&  mentor ahUs^  ^i  ef 

tout  ce  naufrage  ,  &  mourut  incontinent  après.  Entr*^ 
CCS  nauiics  brifees  dVn  t.iac  terrible  orage  fut  aufîî  v 
nc  Hollandoilè  ,  nommée  îa  blanche  Colombe,  de  la- 
quelle cltoit  pilote  Corii.illo  Martin  de  Schiedam.  En 
fanauire  efloyent  vn  capitaine  &  cent  foldacs  Ifpa» 
gno!s>qui  aprjs  auoir  cfté  agitez  riidemenr,  Sc  neant- 
moins  co.iferucz  par  l'adrcfTe  fînguliere  de  ce  pilote, 
fe  voyans  près  de  la  Tcrcere  le  coniraignircnr  par  me- 
naces &  battures  d'approcher  du  riuagc,  eftimans  pou- 
uoirdeiccndre  feurcment.  Le  pilote  c^ui  fçauoit  le  pé- 
ril ,  àcanfedesefcueils  &  rochers  leur  refifta  longue- 
mcc:mais  ce  furent  paroles  &  prières  perdues.  Voyant 
donc  ce  fagc  vieillard  la  mort  imminente  ,  s'il  appro- 
choit  de  terre,  il  cmbrafle  fon  fih  qui  cftoit  près  de  lui 
dedans  ccftenauire,  ôcTexhortede  Te  laaucr  s'il  eftoit 
potfible  ,  lans  fe  foucier  de  Ton  perc  rairafié  de  ioars. 
Sur  ce  lanauireeft  pouffec  à  trauerj  les  bacs  &  efcueiis 
périlleux  dont  toute  ccftecofte  abonde  ,  &:  fe  brifc  en 
piece%Ic  pilote, fon  fils, le  capitaine  ,  les  fnidats  &  ma- 
telots tombans  tous  en  la  mer.  Les  Infuiaires  iettoyenc 
des  cordeaux  garnis  de  liège  au  bout ,  pour  tirer  quel- 
quesvns  en  rerretmaisaucc  peu  de fucces  ,  pourccquc 
la  mer  eftoit  par  trop  efmeiic  :  tellement  que  de  tant  de 
perfonnes  n'en  efchapa  que  quinze  ,  encore  auoyenr-ils 
les  cuilles  froiffees.iSc  les  bras  rompus.  De  ce  nombrç 
furent  le  fils  du  pilote  &quatre  leunes  garçons  Hollan- 
dois.  La  mer  engloutit  ie  capitaine,  le  pilote,  &  tous 
les  Efpagnols.  Quatorze  autres  nauires  périrent  es  cn- 
uironsdes  autres  Ifles.  Les  nauires  rcftante*  s'eflargi- 
rent  en  pleine  mer,aprc3  que  leurs  maft''  furent  brifez, 
&  périrent  la  plufpart.  Somme  des  cent  quarante 
fufmcntionneesncs'ea  fauua que  trente 
deux  ou  trente  trois,  qui  ap/cs  infi- 
nis maux  &  périls  Ce  rendi- 
|i:htàScuille&  à 
Jiifbonne. 


fi    n 


MM    4 


'j^  i  o  Hiflcires  admirai  le  s 

TiOTlCHAL  ^nC  B  punie, 

A  Près  la  iournccde  la  Bicoque,  où  les  SuifTc?  pcrdi- 
'éc  beaucoup, l'a  lyi  t.lefieur  de  Lautrech  enuo\a 
^uc:L|ues  compagnies  d'homme^;  d'armes  ,  &  fiffirant 
n  mbre  de  gens  de  pied  ,  pour  fe  iciicr  dedans  la  ville 
dr  Lodi  ,laqoellependanc  toute  la  guerre  auoitefté  te- 
nue pqr  le  R«>y.Mais  la  nonchalance  du  capitaine  6on- 
neual,qui  eftant  de  feiour  en  ce  heu- là  peu  auparauant 
ji'a'jou  point  prouucu  au  guet,&  les  Frâçois  las  du  che» 
min  de  la  nui6l  fc  rcpofsns ,  l*armce  Impériale cjut  vc- 
noir  au  nicfi-ne  inftanr  de  l'autre  cofté  (  ayant  ciU  retar- 
dée de  marcher  pluftoft.à  caufe  d'vne  mutinerie  de  Lâf- 
quenets  )  &  deuant  tous  le  Ma.quis  de  Pefquairc  auec 
Jes  piétons  Efpagnols  ,  &  Pauantgarde  le  fuiuat  de  près, 
il  fc  drefTa  voeeTcarmoucheaux  fauxbourg^.où  le  Mar- 
quis trouua  fi  peu  de  rcfî^ance,  qu'il  entra  pede  meflç 
auec  les  François  dedans  la  ville,  (  ù  furent  troiiuex  la 
plufpart  des  fo:dats  au  lid,5:  fi  eftoic  enuiron  mid'.  Vn 
autre  malheur  leur  aumr.  Le  pont  de  bafteaux  quMs  a- 
uoyent  fur  l'Adde  tiranr  à  Grcmone  fut  rompu  ,  à  caufe 
dequoy  il  y  eut  grand  nombre  de  prifonnicrs  ,&  s'en 
fauua  fart  peu  encore  qu'il  y  eut  là  trois  cens  hommes 
d'armes  &  troi^  mil  hommes  de  pied.  La  vilk  fut  facca- 
gce  ,  &  au  partir  de  Is  Pif.iueron  le  rendit  au  Marquis. 
Et»  confequrnce  la  Duché  de  Milan  &  tout  ce  que  les 
François  y  lenoyent  fut  perdu  pour  eux  pcn  de  temps 
après.  H//?o;r#  des  guerres  d  Italie. Le  6Mu.des  Chroniques  de 
Carton. 

Depuis  cent  ans  infinies  bonnes  places  grandes  & 
pentes  ont  el\é  furpnfcs  par  la  nonchalance  de  ceux 
qui deuoyent  les  garder  foigneufement  :  beaucoup  de 
batailles  ont  t  P.é  r^Tgnees  >  fur  les  nonchalans  gucr- 
ricrs:on  a  efgorgc  infinis  hommes  ,  qui  au  lieu  de  veil- 
ler dorn^'cnc.  Les  exemples  s'en  verront  es  volumes 
fuioans^ 

QCCA- 


é"  mémorables^,  911 

oc  CAS  I  OV.  mejjnifeejûit  perdre  la  i^âoire 
CT*  ia  yie, 

PAal  Vittlly  ,  gf  neral  de  l'arrree  des  Florentins  l'jn 
mil  qijat:c  cens  noname  neuf,  ayant  dix  imile  pit^ 
tons&îïrand  nombre  de  gens  de  cheual  princ  C^Jcinc 
^toutes  les  autres  places  qui  faifoyenteipaulcà  la  vil- 
le de  Pile  ,  deuant  laquelle  il  fe  campa  le  dernier  jour 
de  luillet.  L'entrepril'c  ciloit  d^f^cilc  ,  tant  pour  la 
fortcreffede  la  ville  ,  q'ie  pour  la  valciîr  &  refolurjoti 
des  citadins, qui  abhorroycntenticrement  la  domina- 
tion de  Florence.  Auec  vingt  pièces  d'.irtillerie  Vi- 
telly  foudroya  la  forterclfe  ,  n<  mmec  Siampace  ,  &  la 
niuraille  tantà  main  droicle  qu*à  gaathe.  Puis  il 
donne  raflant  &gaigne  la  brelchc  ,  auectel  cHor^^ 
nementdes  aflicgez,  cu%ibandonn3nt  Icsiempars  cha- 
cun cerchoit  à  le  fauuer  à  la  fuite.  Si  Vircl'y  lors  cuit 
viuemenrpouifuiai  la  pointe  ,  ccfte  matinée  le  com- 
bloit  d'honneur  ,  en  lieu  que  ce  fut  le  commcnccmerç 
de  fes  milV  res.  Car  pcfifânt  que  les  foldaf s,  f'^us  efp^r- 
rancc  de  pillage  acou'  royeni  a  la  foule  :  il  arrtlta  k  nr 
ardeur,fairant  retirer-Ia  plufpart  ..les  tioupcs  :  £^  c>  ftc 
occafîon  de  victoire  eniicre  perd!  c  ,  donna  lojlir  aux 
afllegez  ,  voyans  la  première  boiicec  rsîlcntie  ,  de  le- 
prerdre  courage, &.  remonter  à  la  garde  <^cs  rempars  ^ 
desbrefchcs.  De  taçonque  tranaillant  àrcprcndre  la 
viâioirepar  autre  bout  qu'il  irnaginoir  plus  ailé  ,  l'ar- 
mée logée  en  pays  plein  d*efl:angs  &  de  marais  ,  qui 
font  entre  la  marine  proche  &  la  vil!e  ,  &laraircnlu- 
ietre  aux  vents  pclblcnticux,vne  commune  ccncagii  a 
lui  rendit  en  peu  de  iours  tant  d'hommes  inutiks,  que 
le  nombre  des  fains  fc  trouuant  trop  foible  pour  vn  af- 
fault  gcnera],il  leua  le  fiege  contre  la  volonté  drs  Flo- 
rcnrins.qui  prometroycnt  remplir  de  nouucaux  foldars 
les  places  vacantes.  Ainfi  la  mauuaifc  opinion  que  le 
peuple  de  FloU^cc  auoic  dcûa  conccuc  roucre  lui,  s'âu- 


'•N 


5 1  i  HiftoiYes  admir^ihUs 

gmcnta  tellement  ,  que  fous  couleur  d'auifcr  aui  <Σ- 
partemens  des  compa«^nics, ayant  eflé  parles  comniif- 
faircs  de  l'armec  appelle  dedans  Cakinc,  il  y  fut  arrclté 
prifonnier,&  delà  mené  par  le  commandement  du  Ma- 
giftracà  Florence, puis  publiquement  décapité.  tr.Gu!- 
Chardin  au  ^Mu.des'^uerres  d'Italie  ,  fe^.  I  I .  où  il  dcfcriC 
far  le  menutoutes  lestaucesdc  Vitelly  en  ce  me  p'js 
de  Toccafion  qui  fc  prefcntoii  à  lui  pour  le  faire  grand. 
5a  ruine  procéda  d'vn  ambitieux  defpit  conceu  contre 
les  Florentins. 

illetrouuerapar  leshiftoires  de  noftre  temps  que 
pluficurs  fortes  places  ont  efté  prifes,  &  beaucoup  de 
batailles  perdues  par  la  faute  des  chefs  vaincus  qui  ont 
nicfpriré  de  belles  occalîons  de  fe  garantir  &  dcrain- 
crc.Ce  mefprisacouftéla  vie  à  plufieurs  ,  a  couuert  d'i- 
gnominie &  de  dueil  les  autres  ;  comme  les  exemples 
que  nous  p'etendons  produire  fous  diuerj  liltrcs  es  vo- 
lumes iuiuans  le  monftreront  au  Icfteur. 

0  7^^  G  E  s. 

Î^Npail.int  ci  deffns  des  fondées  &tempeftes  en  l'air, 
^onù  eftc  proiaites  des  hiftoiresqui  (e  rapportent 
auiiître  prefenc,  nous  y  adiouftons  encore  de  rcnfott 
l'hiftoirc  quis'culuTt.  Comme  ceux  de  Vitry  le  Fran- 
çois &  leurs  circonuoifîns  fa/Tent  venus  à  Bar  le  Duc 
vn  dimanche  feptielmeiour  de  luillet  l'an  i  s  8  3.10  cal- 
col  ancien,  &  que  ceui  de  Bar  Se  des  enuirons  le  prepa- 
raflent  pour  aller  le  lendemain  tous  enfemble  à  fainft 
Nicolas  en  Lorrairte, pour  quelque  grande  folennité  ,  il 
(c  Icua  vn  orage  en  Pair  auec  tant  de  tonnerres  &  d'cf- 
clairs  fur  tout  le  territoire  de  Bar,  que  tous  eftimoyent 
le  monde  eftre  venu  à  fa  fin. C'A:  orage  du  tout  extraor- 
dinaire fut  inconiincnt  fuiui  d'vne  terrible  grcfle,en 
telle  quantité  ,  que  la  terre  en  fut  toute  couuertç  ,  à  la 
hiuteur  des  genoux  d'vn  hommc.Les  bleds  qui  n'atten- 
deycnt  que  la  faucille  farcnc  ciuicrcment  fiacalfcE  :  les 

vi* 


f 


&  TnemorableS'  9  2.  j 

vignes  &  les  ai  bres  auHl  f  n  furent  tellement  battue, que 
non  feulemenc  les  fruits  en  tombèrent  par  terre  ,  mais 
aulfi  les  fucille$,&  n'y  demeura  aucune  cuei!Iette:tclle- 
mentque  moiflons  &:  vendanges  furent  faidles  àdcux 
licucsautour  de  Bar.  Jlycut  auflî  telle  rauinc  d'eaux, 
que  les  fcps  des  vignes  en  furent  arraciiez  &  tranfportez 
au  loin. leati  Chajjaiùon  ,  ai  fon  traité  de  l' ire  àe  'Dieu  [urlqi 
fethe'i^des peuples  Jiu.  i  .ihap.  l  i . 

"?  yL%XiClT>ES  puntf. 

IL  auint  à  Paris, n'y  a  pas  Iôgtemps,qu'i!  y  eut  vn  gen- 
lil-homme  conuaincu  par  faux  tefruoins  non  repio- 
chez,d'auoir  tué  celui  qu'il  n'auoit  iamais  veu.  Se  voyâc 
condamné  par  arreftde  la  Cour,  &:  fur  le  pciu<^  c'eitrc 
exécuté, i!  confefla  qu'il  auoic  empoifonn^  fon  père.  Le 
cas  cft- notoire  à  plufîcurs.  /.  S.  au  i  Mu.de  ft'Demouoma' 
nieychap,i  . 

i'ay  veu  vn  ieunc  homme  prifonnitr  l'an  i  s  <f  5.  qui 
auoittuér<>  fem.meen  chcie:e,  &  auoiteu  fa  ©race  qui 
Jui  fut  intennte  ,  lequel  neanîmoinsfe  plai^noic  qu'il 
n'auoit  aucun  rcpos^eftam  roues  les  nuifts  b.-:tto  par  i- 
C-'lli, comme  il  dilbit.  Les  anciens  teiicyent  eue  les  a- 
mes  des  Gccis  fouurnt  pourchafîept  la  vengeance  des 
meurtriers.  NoLsIirocs  en  Pli  t irquc  ,  quePaufonias 
roy  de  Lacedemonr,  cfrant  à  Cor.rtanrinoplc  ,  en  lui  fie 
prcf--nc  d'vncieune  damoirelle:&  d'auiani  qu'elle  eftoit 
filles  elle  auoii  honte  d'aller  à  lui  que  cliacun  ne  rcit  re- 
tiré. Lors  entrant  dcnui6"ten  la  chambre  elle  fii  tom- 
ber l.i  lumicre ,  ce  qui  efneilla  Paufanias  en  fui  îa'ir ,  & 
penfant  qu'on  voulult  le  tucT  en  tenc  bres  ,  toit  eiTrcjé 
il  print  fa  d3giie,&  lua  U  damoifeiie  ,  fans  conoifirc  qui 
clleeftr-ir.DellorsPauraRias  fut  inceffamment  toMrn.eu 
téd'vn  efpùc  lufqncs  àla  mort, qui  rcirt:mb!o:c(tomme 
il  difoit  )  s  la  à.âTno\kQ\\c.L€  mefme.at*  i  .iiu.chup.i. 

Alfoofe  Diazc  E'pagnol,  lurifconfulte  &:  altciïî'ur  de 
la  Rote  à  Rome,  aynnten  haine  de  larc'igion  taictucy 
IçanDiaic»  fonproptwfie.ç  ,  ^arvn  alTiiuriapoU 


914  Hifloirrs  admirahles 

acheté  àbeaux  deniers  compranr  ,  cfchappé  cîcs  maiiij 
de  /a  iullice  du  monde  ,  l'an  mil  cinej  ccosquaranrc  liif, 
que  ce  parricide  tut  pcrpttré,  fjt  pourfuiui  dclavcn- 
gcaacediuine  en  facoilcicnce.tellementqueran  i  r  s  i. 
cftanrcn  la  ville  de  Trente  il  fu;  trouué  mort  Ratta- 
ché dVne  corde  au  col  de  fa  mule.  !^.  ^ndré  lUnJiorfm 
fon  théâtre  W exemples, pa^r.  453. 

Vn  marchant  Aicman  du  marqnifat  de  B  adcboorg, 
s  acheminant  pour  diuers  afaircs  en  quelque  liru  ,  pria 
ccrcain  fien  frère  de  lui  tenir  compagoîe  pour  paflcr  v- 
ne  fordt  prochaine  de  fa  demeure,  duani  que  ceOe  tra- 
uerfede  hoislui  eftoit  fort  ennuyeufe.  L'autre  fc  mec 
en  chemin  aucc,  &eflans  en  latorcftp-ie  le  marchant 
dt  luiprcfter  d^Ti.  rallcrs;  ce  que  le  marchant  dit  ne  pou- 
uoir  lors  commodément  ùire,  pourcequc  l'argent  qu'il 
pDrtoit  efloit  promis  à  quelques  créanciers  qu'il  slloic 
trouuer.  Ce  frer-  erconduir,5i  defpitc.fc  recnlc,&  d'vnc 
piftoleradc  tue  le  marchant  fon  frc'c  ,  puis  Vâyùxi:  dcf- 
pouillés'cn  retourne  enla  iTiaifon.  Le  lendemain  on 
vient  auercir  le  m.igiftrat  ,  qu'il  y  auoic  vncorp<  en  la 
foreft.  II  i'y  cranlporte,&  riirquclqi!e<:  conieclures  fait 
failîr  au  corps  le  parricide, lequel  à  rinftant  confclTafon 
crime  ,  lupplianc  qu'on  rcxt:cutartpromptcraenr,i  cau- 
fe  qu'il  ne  poutoit  plus  (upporterles  t()urmen5  que  fa 
conlciencc  iui  donnoit.  Il  mourut  fort  repentant ,  dé- 
clara qae  (â  VIT  trauaillee  d'impiété  l'auoic  mené  là. 
Sur  tout  il  declc'ra  qu'au  fornr  de  la  forrft,  auis  lui  fut 
q ne  fon  frère  tué  l'nppciloit  à  haute  voix.  Encemefmt 
thatre.^ig.^^^.  CeU  appel  cft  la  prcuuc-de  ce  que  Dieu 
dis:àC^in,apresqu'iîeuctué  Ion  f  erc,ÇXu'as  tu  fait  ?  la 
voix  du  fïng  de  ton  frère  Ci  ie  de  la  terre  à  moi.  Genef, 
4-  ï  o.Er  la  pourfuicc  de  la  confcicncc  de  ce  parricic'e  A- 
le-:nan  eft  enclofeen  ces  mors,  C^as  tu  faitf  comme 
au/Ti  toute  Ihiftoire  de  Gain  cft  le  procès  perpétuel  dcf 
meurtriers  &  parricides. 

En  ce  melme  qua'^  ;er  de  l'Alcmaj^ne,vn  pciic  garçon 
tenant  en  la  maii:  vn  coui^cau  ,  fe  laiifa  tomber  fur  la 
poiii£le,de  telle  i  oideur  quM  mourut  incontinent  après 
de  celle  blclTurc.Le  pcTc  de  retour ^cq  U  maifoD,fe  laifTc 

IcU 


&  memorablesl  '9 1  { 

tellement  tranfportcr  de  fa  cholcre.qu'il  tue  fa  femme, 
puis  pourfuiui  de  fa  confcicncc  dsfcfpcrce  fc  tue  foi* 

Vue  femme  vcfucdela  ville  de  Siranbinguc  enSuau- 
be.cngrcirv-e  par  vncfchclur.j:  uis  sccouchee  ,  fir  percer 
rcnfjnta  i^E^life  pour  y  cftre  baptifé.Lc  Curé  prcteila 
^u'ilne  bap  ifcroii  pomt  i'enfantj  fi  on  nt  lui  dcdaroïc 
qui  en  eD  oit  le  perc.  Et  pource  que  ce  pcrc  neparcilloit 
point  ni  n'cftoit  nomméj'crif.ini  fut  reporté  à  la  mcre, 
Lquclle  en;endant  qu'il n'auoii  point  cfié  Lapti.'é,  pof- 
fedee  d^e  deftfpoir  tua  ce  petit  eiifuu  ,  pUiS  s'cftraijf/la 
fûi-mefmcd'vn  cordeau  :  l'e^cliolier  crucndâr  ctHefan- 
glante  tragédie, en  voulut  tÛrcà;  fc  lua  d'vn  poignard. 
Q^'antau  Curé, s'àccafanr foi- mcfmc,  comii.eoccofioa 
de  tant  de  maux,  (8c  englouti  de  dc(cfpoir,fe  pendit  &  e- 
i\i^ng]a.Làmefme. 

In  l'a  I  ^4  7.vneieuncfcmmevefueau  pays  de  Saxe, 
■C-hargcedcdcux  fii'oledesfîant  de  Dieu,  &  ne  s'adonnât 
âutrauail  de  fcs  mains  >  comme  il  conucnoit ,  femit  à 
demander  raumooe.  Voyant  que  ce  meftier  ne  l'ccom- 
modoit  pasalfjZjSc  que  mefmc  on  lui  reprcchoit  ,qu'e* 
flan:  ieune  &  vigoureufc  cbe  dcroit  efpcrtr  plus  de  bé- 
nédiction en  Ton  trauail  qu'en  la  mendicité  ,  irritée  de 
telles  parolcsjtoraba  en  tel  defeipoirjOu'eftant  de  retour 
en  fa  maifcn  elle  dit  à  fesdruxfils  ,  encore  en  bas  aaee, 
Mesenfins,allors  à  la  riuicre,S:nous  y  noyons  de  com- 
pagnie ,mou(ans  enfcmblc  ,  puis  que  nous  n'auons  de- 
quoy  ViUr-.Les  enfms  s'accordèrent  à  ce  parricide  cen- 
feil  de  leur  mère,  laquelle  chargeant  le  plus  petic  fuf  Tes 
elpaoles,&:rcnaiu  l'autre  par  la  main  s'en  va  bos  la  vil- 
le où  elle  demeuf  oie  ,  &  venue  lur  le  pont  de  l'Elbe, ri- 
L'icre  renommée,  large  &  profonde,  icrte  Tes  fils  l'vn  a- 
pres  l'autre, &:  fe  précipite  après, tellement  que  tous  trois 
furent  eftoufFez  en  l'eau.  Làmefre. 

Durant  les  premiers  troubles  de  France, Tan  i  5  ^?.  la 
ville  de  Bar  lur  Seine  en  Champagr.e  faifie  par  les  trou- 
pes forties  delà  ville  de  Troyc  ,  vn  leunc  homme  nom- 
mé N.Ralct.aduocat,&  fils  du  procureur  du  roy,furpen- 
dui  lafolliciiation  de  fo:i propre  pcrc,  encorcs   qua 


9  2.  (>  Hijloires  admirables 

ouclques  vns  voululVent  le  deliurcr.  Quelques  mois  a^ 
PICS  ceux  de  iagarnilon  d'Ancrain  ,  de  paru  concraire, 
au  nombre  de  guaranrc  oa  cinquante  chcjaux. fur  prin- 
drc»^t  lameime  ville  à  l'aube  du  iour,&Ld'abordcca)'an$ 
aurapé  ce  Ralec  procureur  du  Roy,qui  auoit  fait  moui  ir 
iow  fits.l'attachcrent  au  toidldcla  niaifon^où  il  fut  tué  à 
coups  de  Tp\[\oic&.}iiîi.Eccl.deFrnnceyln4.7. 

Lts  fureurs  ont  eftc  ù  deibordces  en  la  miferable 
France  durant  les  gucnesciuiles  couuerrcs  de  pre'cxtc 
de  reli<»ioo  j  qu'il  fe  troijuc  es  hiftoires  lous  les  Rois 
Charles  I  X.  &  Henri  1 1 1.diuers  exemples  de  pariKi- 
dcs,  &:  d'hommes  totalement  defnaturcz  ,qui  n'ont  eu 
honte  nicôpafTionquelconqucde  leur  fang.  Ces  parri- 
cides pour  lapluipartfont  péris  de  mort  violente,  ou  a- 
pics  aucir  langui  en  maladie»  incurables  ont  faii  maî- 
heureufctin.  Quelques  vns  font  defiogez  du  raonde,- 
liius  punition  vifiblc:mais  on  a  toufiours  remarqué  fur 
eux  quelque  vengeance  particulière  de  Dieu  ,  les  tenant 
ferrez  es  prifons  de  leur  mallicurcufe  confcience,  atien- 
djTîti'hcure  par  lui  déterminée  ,  pour  les  faire  compa- 
Toir  en  la  mort  devant  l'on  fi^'ge  iudicial  ,  afin  de  les  y 
condamner  tant  plus  iuftement,&  par  la  pcfanicurd'vn 
très  redoutable  lupplicc  leur  faire  payer  la  tardiueiédc 
fa  fentcncc.  Les  volumes  luiuanscnpioduiiôtquel«jucJ 
hilloircs. 


'?  ^S  S  ION   yehemente: 

L*An  mil  cinq  cens  huitante  vu  ,  les  Eftats  généraux 
desprouU'Ces  vniesdes  pays  ba.sayans  d. clair é  pu 
biiqucm^nt  l  hihppe  I  i.roy  d'iilpagnc  dechcu  de  la  f.  i- 
cneuried'iceliesjbiiféfes  {e:^ux,abious  les  fuicts  de  lear 
fernicnt ,  arrcftercnt  que  tous  les  orftcicrs  &  autres  AqÇ- 
ditef  proumces  prerteroycnc  vn  nouueau  feimentàla 
confcruation  de  la  pairie  &;  obeiflance  aufdits  Ellats  :  i 
quoy  grands  &  petîs  obéirent  alaigrcment  ,  ne  de- 
maaàaniiicn  plu$  aifcaueulemeot  <iuc  d'cUrc  afraa- 


ér  memoYahles.  ^17 

chis  du  îoiig  £{pagool.  Aux  Officiers  qui  prcfterciu  ce 
fçrmcnc  facdcfpcfchéade  de  continuanô  de  leurs  char- 
ges ôccom  mi  iTions.  Il  s'en  trouuacn  diucrs  lieux  qui 
fircnr  gr5d' difficulté  dV.biurer  le  roy  &  de  faire  ce  nou- 
ucau  (crmeni.  Entre  aunes, vn  conieillcr  de  Frilc  nom- 
mé Raaida,  hoinmede  grand  iugemnt  &  expérience; 
oyanc  piopofcr  en  plein  confeila  Leuvvarden  ceftcab- 
iuratîon  &:  renouueilcment  de  (emicnt,  foit  de  frayeur 
qu'il  en  conccuc  ,foit  pour  l'aft^ction  c^u'il  porioïc  au 
roy  d'Efpagne,  fi.it  tellemeni  clmeiJ  ô^  troublé,  qu'il  en 
tomba  pciclus  de  lèi  f  ns  ,  &:  Je  cous  Tes  membres,  & 
mourut  fur  le  c  h.'jmp,//'y?o;re  dapays  b.tf,liit.  5  .feO.  i.  ygl, 
1  .de  l'édition  de  l'u-t  i  (îo  3 . 

L'hiltolicquc  nous  dL'fcriuofismaintenanrja'jinr  ea 
Pciigoid.prouir.cedc  Francci'an  i  5  5>4.Cer!3în  notai- 
re &c  lugeu'vne  baronaie,rici\c&optilcnr,3yantcfrou- 
fé  en  fccondeji  liopces  vne  dam'.)ireilc  exrraiite  de  <>  ns 
nobles, mais  pauurcs,prounc  ue  de  paflable  beauté,  mai^ 
de  bonne  gf  ace, &  hon^eftelr.entgaIlla^de,  en  cinq  a;is 
qu'elle  deinearaauecluicutqu2tre(  nfans  :  finalement 
il  en  deuini  ialoux  ,  pource  qu'elle  le  monftr oit  fami- 
lière à  quelques  ieur.es  hommes, fe  difans alliez  &  cou- 
fins,qui  venoycntenfamaifon:  quoy  qu'il  n'appcrrceuft 
enelle(y  prenant  de  fort  près  gaide)auciin  àùt  deshcn- 
■  ntfte.  Maiseftanc  homme  lafchf, de foible  complexion 
ne  i'ciift  ofé  mal  traiter  à  caufc  des  parens  d'olle,  nrinc 
vne  eftrange  lefoluiion  de  s'en  vci)gcr,6<:  pour  cont  iftre 
fi  elle  lui  faii'oit  toit,  fc  faire  arracher  les  deux  te  f^iru- 
IcsFort  fccreiteiï^étisfiQ  que  s'il^auenoit  que  ladite  fem- 
me eull  par  après  des  cnfans.il  peuri  la  répudier  ou  tuer 
comme  adultcre.  Ainfifanirailon  &par  defcfcoir  il  s'a- 
chenuna  lentement  a  Ion  malheur.  Pour  c ôuurir  Ton 
fait)faignant  aiioir  à  achttci  quelqucbcHai!  à  vne  foire 
en  Aiiucigne,  il  le  deîguile  en  paylan.à  caufc  des  dari- 
geri  de  lagucrre  ciuiie  iorsaii  Koyjume,&au  lieu  d'al- 
ler à  la  foire  le  rend  en  la  ville  de  Murât  le  \'icontc 
aufll  enAuuetgnc  ,  oti  cîemeuroit  quelque  opeiatcur' 
auquel  ayant  ccncé  des  bourdes    ,  &  l'autre  conicnc 


^  i  8  HiHoires  admirMes  ! 

d'attraper  dcnicrj,  ce  mifcrable  fc  fie  couper  lc$  parties 

fcuita.cs  ,  &  fat  pins  d.  fix  femaines  au  \\(k  en  g^audc^s 
ouleuis.tvoti  l"anslcre;>cnur(niaistrop  caid)  delà  fu- 
liculc  ïlelibcracion.  De  retour  chez  foi  où  la  ftmniL  .^- 
lîoueftc  eng'an.i*pc:nK'>:'dyanttait  cerchcr  parcour- 
Jui  i'.tyaDcabruueedcmcnlorgcs.clIelccarefToit  quti 
<]U'-ifois,mai$cn  vain,  f  fbahic  de  tel  changcmeni,  au 
hout  d'vnaiî.comme  il  donnoicclle  defcouuru  Ja  four- 
be. Neancmoiiis,fansfai:e  bruit,quelc|ucicmps  après 
dcuint  malade  dhydropific.  Vifuec  par  quelcjucsma- 
rrooes,elJes  l'afl- urerçnt,  alïerniarit  le  côtraire,quc  c'e- 
Hoirgiolîeiî'c  d'enfant. Le  ciaiftre  mari  encendât  ce  rap- 
port ,  publia  par  tout  que  fa  f:^inrr«e  n'cltoit  pas  encein- 
te de  iOn  faujanenduqu'il  titoïc  chaftré  plusdc  quin- 
2e  mois  auparauant  ,  contraint  de  ce  faisc  par  maladie. 
D'à  janiagc  il  faiîoit  à  ies  plus  fanulicn  prcuuceuiJen- 
le  delbn  dire,£cne  ponuoic  cacher  (on  mai'alent.  Q^eU 
ciues  viis  auertiienide  tout  la  pauure  damo, Telle  ,  &  de 
la  (inifirc  opinion  que  fon  inari  en  auoiî ,  item  de  l'cx- 
peiicnr  fjricux qu'il  nuoic  fuiui  pour  s'en  v.-nger.  Elle 
nyo.iit  lani^ui  dixncuf  mois  mourut,  lars  auoirefté  airi- 
ftee  ciei  médecins  ,  &  ne  ic  touuagrolTe  d'enfant.  Le 
deflo)al,pour  eftre  tani  mieux  acerrené,ia  fit  fendre  a- 
prcs  la  mort, par  vn  bar  bier  de  village. Ces  deportemcnj 
patLicnusaux  parensd';;l!e,dunt  aucuns  tcno)ct  le  pai> 
li  du  Roy, 'es  autres  de  la  Ligue, lous  conlpircreni  con- 
tre lu!,i'attrapercni  vn  maim  pat  l'cnLreiïiilc  de  dixliuiél 
fo'dats  à  lui  inconus  ,  5f  K'  firent  mener  au  chaileau  de 
i'L'c.oùpour  prifon  il  tu:  vn  retrait  ,  pourccquMrefu- 
foit  de  fe  rançonner  j  deux  mille  cfcus.  Conduit  de  là 
Cil  vnc  autre  place  forte,  il  y  fut  rudement  gciné  ,  tant 
qu'il  accorda  de  payer  onze  cens  cici?z  contez  par  vn 
(îenfrereauxdcfpensdab'.en  decc  mifcriiblc,  lequel  (ï 
mal  acouftiéfc  retira  dedans  Beigcrat ,  où  toft  ap;es  il 
loruba  en  maladie  qui  fut  longue. pendant  laquelle  iuf- 
quesà  laiiiorril  necellade  foufprer  &  .clamcntcri  & 
mefpriré,  mocquéde  tous, n'ayant  Icruique  de  fable  ea 
lom  le  pays^mourui  mifcrablemcnt.  Vcc  femme  <  n  î.i* 

niofin, 


^  memcrahles]  9  i^ 

mofîn  ,  tomb.-e  en  laloufic  de  fcn  mari  fc  pendit  en  I^ 
ville  de  S.Gern.ain  les  Chanoines. £tvn  homme  de  let- 
tres,eftiiré  fort  ptudenr,fe  pendic  aufli,par  imagination 
que  fa  femme  s'clloK  abiJonnteà  vn  meufoicr  aulnanc 
quelque  drap  cju'il  lui  rapportoic,  Louys  Guy  on  an  ^.Im^ 
de fes  diuerfes  lettons ychapA  I  . 

'/*  £  J  Te,  fiean  tref- redoutable. 

IL  vaut  mieux  tomber  es  mains  de  Dieu  ,  duquclles 
ce  nipalfions  foiît  grande?,  qu'es  mains  des  hommes, 
Po'.ircaiK  Dauid  choifît  plulioft eftre ch.-.ftié  de  pefte 
que  de  guerre  ou  famine.  Ht  ntancmoins  la  pefte  eft  vn 
fltautKl-redoutabJejfur  tout  rn  cts  derniers  temps, que 
la  crainte  de  la  m->^rt  cft  terrible  en  la  pcnfee  de  tous» 
oude  lapiufparr,  à  caufe  de  l'amour  du  monde  qui  les 
polfc de,  ^  des  opiniOLS  qu'ils  s'impriment  ,  que  tous 
droits  8c  deuoirs  doiaen-.  ctlTer  en  ceux  qui  n'aiment 
qu'aux  mclmcs  5  à  pr<'p^ement  parler.  Pourtant  void- 
on,  fiioll  quela  perte  s'attache  à  quelque  prouincc, 
que  tout  commerce  &tiiifîc  de  marchandife  ,  dont  les 
hommes  ont  befoin  de  s'cncrerenir  par  aide  réciproque 
à&s  vas  &  des  autres  ,  vient  à  cftre  interrompu  &  de- 
laifTé.  Car  nul  ne  veut  fc  bazarder  de  venir  rien  appor- 
;  ter  au  iieu  où  eft  la  pefte, craignant  perdre  la  vie.  Delà 
'  s'enfuit  bien-ioft  cherté  de  viures  ,  finalement  difctte, 
■  fur  tout  es  villes  peupIces,oùles  artifans,  manouurierS 
&aiitrtsont  accouftumé  de  viure  au  iour  la  iournce, 
'  fans  faire  prouilion.  Les  viuandicrs  qui  parauantal- 
loycnt  çà  &  là  pour  les  prouifîons  ,  n'oient  entrer  cs 
autres  lieux  pour  rel  etrctt,  ains  en  font  chafïe/  à  coups 
de  pierres, d'cfpccs  ,  de  harquebufes ,  &  s'ils  aprochenc 
trop  prcs/ont  tu(fz  &  meui  tris  fans  merci  ,  fans  trou- 
Usr  {'Cours  ni  fiippori  pour  le  foula^emenr  des  affli- 
gez. -De  là  vient  que  les  autres  n'y  veulent  aller,  &  eux 
quifouioyent  prouaoir  aux  ncccfîîtczde  li^i.rs  c<;^i- 
toyens.ionr contrains  de  lentir  langueur  delafaminc 
aucccux.DauanrageJcs  plos  riches,  mcfmcs  let  Magi- 
ftrats  &  gouue:  ntursdu  publir,  s'<;bfcntent  ordinaire- 
mci.t  des  premiers, &:fc  rciircat  ailleurs  :  H:;forie  que 

NN 


9  5  o  Hîftoires  admirables 

Ja  iufticen'cftplusadminiftrcc  ,  pcrfonne  n'y  cHantl 
qui  l'on  puifTe  h  demander.  Lors  tout  eft  en  confulîon; 
mal  lepliis  giand  «|uilçauroitauenir  à  vn  cftat  ,  lorS 
dcfnucdc  lufticcAdonc  vue  autre  pelle  enuahic  lecorps 
public  ,  en  ce  que  les  mefchans  le  fourrent  es  inail'ons 
<\\i  ils  pillent  impuncmcnt ,  &  iouucntestois  elgorgenc 
les  malades, voire  les  domeftiques  cncores  debout ,  afin 
de  n'cltreaccufcz  &:  punis.  Comme  eft  aucnu  noiam- 
ment  en  la  villede  Lyon  ,  en  ia  grand' peftc  après  les 
premiers  troubles  ,  où  en  quatre  mois  moururent  plus 
de  fepcanic  raille  perfonnes. 

En  ia  ville  de  Paris  fe  font  trouu^z  gens  (ditM.Am- 
hroilc  Vaié  en fon traidc de  Lî'PeJleydhtp.^ o.  qui  à  l'aide 
de  tels  garnemens  onrimpolé  aleur  ennemi  qu'il  a- 
uoitla^pcfte,  fans  toutesfois  qu'il  fuft  acte ini  d'aucua 
jnal:&:  le  iour  qu'il  dc'joic  follicitcr  la  yuidange  d'va 
procès  ou  faire  quelque  afte  requérant  fa  prelcncc, 
l'ont  fait  enleuer&  emporter  dedans  l'hoftel  Dieu, 
par  viuc  force  de  tels  mcfciians,  quelque  refiftancc  qu'il 
peuft  faire,  mais  inutilement,  n'eltant qu'vn  contre 
plufieurs.  Et  fi  d'auaacure  il  imploroit  l'aide  du  peu- 
ple acourant  au  bruit  ,  ks  meurtriers  i'empefchoyenr, 
crians  beaucoup  plus  haut  que  lui  :  tellement  qu'il 
c'eftoit  entendu  :  ou  bien  ilsdifnyent  à  chafcun,  que 
Je  mal  auoit  rendu  ce  pauure  patient  furieux  &  démo- 
niaque ,  afin  que  l'on  s'enfuiÎT  arrière  ,  &  ce  pendant 
auoir  moyen  de  le  poulfcrr  où  ils  pretendoyent ,  pour 
je  fjirclier  &  coucher  auec  les  peftii'erez  ,&  toft  après 
finir  fes  icMirs,rani  àcaufedc  la  faveur,  f-:fchene  &  dcf- 
pit  ce  tt-laiTront,  qu'aiM-noyen.^e  l'air  infcdc,  ayant 
eue  favie  jarauanc  vendue  &  achetée  argent  com- 
pranr. 

le  n'ay  quefairf,  adioufteil,  demarquerau  long, 
<jue  les  villes  ainfi  dciailH-es  deuieocni  champtftres, 
i\irquesà  y  voir  i'heibe  croiûre  par  les  rues,  les  la- 
boureurs abandonoans  leurs  maifons  ,  &  les  fruits  fur 
Ja:crre,laquehe  demeure  en  friche:  les  troupeaux  Un- 
guincutefpcrdus  &  efgarcz  par  les  champs  :  les  hom- 
fiicàfi  rtucoutraus  fuytac  arrière  Jes   vns  des  autres, 

fi»nc 


^memorahteil  ^}i 


\ 


(îgiic  6c  grande  punition  de  Dieu.     le  me  contcntc- 
ray  de  dire  que  ceftc  maladie  rend  par  tout  (  nommé- 
incnc  entre  les  peuples    qui    craignent  trop  la  mort) 
l'homme  ù  mifciabU.que  iî  coft  qu'il  eft  foupçonné  ,  fa 
mailon  ,  parauantlieu  icu^ôc  libre,  lui  deuicnt  prifoii 
horrible,  d^oùil  nepcat  ibrtir  ,  &:  perfonne  n^en  apro- 
che  pour  le  fecoutir    :    &  qui  euaproche  lonuentcsfois 
cil  plus  reJoutiibL  que  la  mort  ,     comme  cft  a  paru  en 
beaucoup  de  lorciers  &  d'empoifonneurs.     Si  quel- 
qu\n  de  ceux  oui  (ont  ainfi  cnleirez  vient  à  mourir,  il 
faurque  les  (uruiuans  voycnt  quclquestois  par  longue 
cfpacc  de  temps  l'horrible  Ipc^tacle  d'vn  pauui  e  corps 
plein  de  vermine  &  pourriture,  auec  puanteur  cÛrangej 
qui  renforce  l'mtedion  virulente  de  l'air  ;  ce  qui  tait 
puis  après  redoubler  la  pelle,  &  eft  louuent  caufc  delà 
mort  de  tous  ceux  qui  font  en  la  mailbn.      Si  l'on  le 
retire  aux   champs   la  melme  crainte  &  horreur  y  cft, 
voire  plus  ehcorc    ,     d'autant  qu'un  y  tronue  moins  de 
conoii'iitnce  Sc*d*amitié.     Tout  eft  clos  &  fermé  par  les 
villes, bourgades  &z  villages ,  voire  les  maifons  propies 
font  clofes  à  leurs  maiftres  :  fi  que  maintefois  on  à  efté 
contraint  de  baftir  à  la  légère  des  logettes  aux  champs 
arrière  de  touie  conucrfation  &  conoiflance  ,  comme 
ilfepratiquoità  Lyon  ,  d'où  les  malades  fe  rctirans  ,1c 
chaud  du  iour  les  eftouffoit  en  leurs  cabanes  ,    &  le 
froiddc  la  nuift  les  morfondoit  ,  ce  qui  leur  caufoit 
d'autres  maladies  mortelles.      Qiù  plus  eft  n'a-on  pas 
veu  eldnes  loges  ,  que  le  pcre&laraerecftars  gricfue- 
m-nt  malades,  &  ne  pouuans  fecourir  leur  enfant,  l'ont 
Veu  fufFoquer  &  manger  aux  mouches  guefpes,&.la  mè- 
re i'ctfbi  ça  q.c  defe  traincr  au  fccours  en  fefouleuanc 
tomber  morte  enae  le  pcre  &  l'cnFan:? 

L'home  n'cft  lors  reconu  ce  va/faux  ,  fuiets  ou  ferui- 
leurs  qu'il  ait:persône  ii'y  oleroit  aller.  Le  père  abâdon- 
ne  renfanr,&  rcnF.^.nt  lepcre,le  mari  la  femmf,£c  la  fé- 
me  le  mari,  le  freie  la  (œ^jr ,  Ôi.  la  fœiir  fon  frère  :  voire 
ceux  que  vous  pélti  les  plus  intimes  &  féaux  amis, vous 
abandonnét  alors  pour  l'horreur  &  danger  de  ccftc  ma- 

NN     % 


9  5  £  Hijlûires  admît ahles 

Jadie.  Et  s'il  yaquciqu'vn  qui  meu  de  p  tié  &  charitt 
Chrcftiv;nne,ou  à  caufc  de  parcniagc ,  vucilJc  s'auanccr 
pour  viûcer  &:  recourir  vn  malade  ,  il  n'aura  puis  après 
parent  ni  ami  qui  vueiilc  le  fréquenter  ni  approcher. 
Q^i'ainli  foit.onaveu  à  Lyon,  lorsqu'on  appcrccuoit 
feulement  es  rues  les  médecins, chirurgiens  &:  barbiers, 
cllcus  pour  penfer  les  malades  ,  châfcun  couroic  après 
€ux  a  coups  de  picrres,pour  les  tuer ,  comme  chiens  en- 
ragez,criani  qu'iis  ne  deuoyent  aller  que  de  nuid.  M. 
Ambrodc  Paré  touche  cti  tout  cedifcours  les  peuples 
&  perlbnncs  ,  qui  comme  inli.iclcs  ont  peu  ou  pomc 
ë'efperance  de  refurrcdtion,  dilcnt  que  c'cft  grand'  pitié 
de  cant  louhrir  ,  puis  mourir,  &  ne  fçaiioir  où  l'un  va: 
qui  n'ont  iamais  goufté  les  douceurs  de  la  vie  éternel- 
le,qui  ne  redoutent  rien  tant  que  la  mort ,  n'jyans  in- 
ftru<ftion,conlolation,  paix  ni  tranquillité  quelconque 
en  leurs  conlciences.  Mais  quant  aux  pcrlonnes  bien 
cnfeigaees  en  la  doct'  inc  <^u  fils  de  Dieu  ,  qui  croyenc 
afTcurémsnila  vie  ererncllc  ,  quife  conftlent  &  tref- 
failientde  ioye  ,  entcndans  parler  du  fécond  aduene- 
Hivint  de  leur  Sauueur,  la  pefte  ni  la  mort  ne  les  eftonnc 
pomt  :  telmoins  ceux  de  Lyon  durantla grand' pcfte 
fuùnentionntc  :  car  ils  aflifterent  courageulcmcnt  les 
vns  aux  autres  ,  furent  conl'olez  &  aideiiufqucs  au  der- 
nier foufpn.  Tandisque  les  lafches  &  efpcrdusfDyans 
çà&  là,s'abandonnan$  ,  le  deipouiilans  'c  tome  huma- 
nité ,  n'cfchappoycnt  pourtant,  ains  pcniloycnt  le  plos 
m  l'crablemcnt  qu'il  eft  pofllblc  de  penfer.  Retournons 
aui  paroles  de  M.Amb  oifc  Pac,  difcourant  loulîours 
àa  p-niplcs  inh'jmains  &:  incrédules. 

Co:-;ibien  de  pauiTcs  femmes  grolfes  (  dit-il)lanj 
cîtrc  aucunement  m-îlad-S  de  pefte,ains  fculc^mét  pour- 
ce  qu'eu  ici  temps  rouies  maladies  lont  .fulpcftes  à 
gcnsq'Ji  redourenr  la  mort,Qnt  crté  pov''  1-  fculfoupçcn 
deiaiilees  à:  ^b^.n.^onnces  à  leur  cnfancemcnt ,  dont  eft 
pfo jcouc  la  mort  iks  mercs  &:  des  cntans.  le  puis  vcri-»^  i 
tablenicnt  dire  *uoir  trouuc  aux  mammeîJes  d'vne 
femn:e  morte  oc  pcitcr ,  fo'i  enfant  tct;ant  encore  le  ve- 
nin morcci  ,    (^ui dcuoii  le  tuer  bicn-ioit  après.      Si  la 

Atturri- 


é*  mémorables.  ^  j  5 

r<surrice  d'vn  enfant  vienc  à  dcccder ,  encore  que  ce  nc 
foicdelapefte  ,  il  ne  s'en  trouuera  point  d'autre  ,  pour 
^le  foupçon  qu'on  a  qu'elle  Ion  motte  de  peftc  ,  tant  cil 
ccfte  maladie  effroy <^ble  ,  que  fi  toil  que  quclqu'vn  ea 
cftfurpris,  il  ne  trouuc  fecours  depcrfonne  ,  ains  at- 
tend feulement  vue  nvifcrable  mort.  Qi^il  iLitainiî, 
entre  infinis  exemples  que  Ton  envoid  crdinïîremcnt, 
vneieu ne  femme  ,  Ton  mari  ^rtant  mort  &  deux  de  fes 
cnfans,fe  Tentant  fiapj)ee  ,  commence  à  i'enlèuelir  & 
couldrcellemefmewo  vn  Imceul  ,  &  fut  trouuee  à  de- 
mi enfeuelic,  ayant  encore  le  fil  &  i'aiguilie  entre  fes 
mains. 

Outre  plus  vn  homme  fort  &  robufte  a}antl3pefte, 
alla  au  cemniere,  &:  en  faprcfcnce  fit  faire  (r  foiïc  >  & 
auant  qu'elle  fuft  paracheuce  mourut  fur  le  bord  i'i- 
eelle.  Au  con^  raire,»l  s'en  eft  trouuéjUifis  dételle  apre- 
hènûon  de  la  morr,eftans  frappez  de  ccfte  maladie, que 
pour  {è 'ecourir  eux-mefmcs  ils  fc  font  appliquez  des 
fers  ardanslur  la  boire,fe  brullans  tout  vifs-Autrcs  l'ont 
arrachée  auec  des  tenaïUeî  ,  penfans  fe  garantir.  Il  y 
en  a  eu  d'autres  qui  par  l'ardeur  de  celte  contagion  fc 
font  iettez  dedans  le  feu  ,  les  autres  dedans  les  puits, 
aucuns  es  riuieres  :  on  ea  a  veu  fe  précipiter  par  les  fc- 
neftrcs  de  leurs  chambres  fur  lepaué,  îc  heurter  la  leftc 
contre  les  murailles>  iufques  à  enfairefoitir  laccruel, 
le  :  ce  que  i'ay  veu  :  autres  aufiî  fe  font  tuez  à  coups  de 
dagucoii  de  coulteau.  On  raconte  qailya  enuiron 
quatre  vingts  ans ,  que  la  peftc  auoit  couru  de  telle  ra- 
ge par  la  Gaule  Lyonnoifc  ,  qweles  femmes  pi  inci paie- 
ment,fans  apparence  d'aucun  mal  en  leurs  corps,  le  ict- 
toyencdcdans  leurs  puits, turmoncees  de  la  fureur  de  tel- 
le maladie. 

A  ce  propos  m'acftéafleurcqu'vn  preftrcde  la  paroi- 
roiflTe  de  S.Euftachc  à  Paris»  malade  de  peftc  en  l'hoftel 
Dieu,  feleua  du  lj<ft  en  furie  >  £i  prir.t  vne  dague  de  la- 
quelle ilfrappa  plufieurs  des  jjauuresmalaJejrouchcz 
dedans  leurs  lids,  &  en  tua  trois.  Et  n'cuft  eftc  qu'il  fut 
iiciouueit  par  le  cbitureicu  dudk  hoftel(Iequcl  le  vou- 

NN     3 


9  5  4  Hifloires  admirables 

lancarrefterrecciuvn  coup  de  dague  dedans  le  rentre, 
dontilcnida  m^-urir)  iJ  en  cuft  occis  autanc  qu'il  cncull: 
trouuc.  Ma's  {?  roft  qu'il  fut  reucnu  &:  que  la  fur'c  di- 
minua il  rcndic  l'clprit.  Vn  autre  cas  ,  non  moins 
horrible  ,  auint  en  rue  mrrcierc  à  Lyon  ,  où  la  fem- 
me d'vn  Chirurgien  nommé  Ami  Bafton  ,  parauant 
mortdepcfle  ,  efprifc  foft  après  delà  mcfmc  conta- 
gion ,  tomba  en  refuerie  >  puis  en  frcnefie  ,  &  fc 
mie  à  la  fcneitre  de  fa  chambre  ,  tenant  U  tourmen- 
tant vnfien  enfançon  enrrc  fcsbras.  Cequcvcupar 
fcs  voifins  iJs  l'admonneftcrenc  doucement  de  ne 
Juipomc  faire  de  mal.  Mais  »  fans  auoir  efgard 
à  leur  r.uerriircment  ,  elle  ietta  foudain  l'enFant 
fur  îe  paué  ,  puis  en  fuite  s'y  précipita,  tellement 
q'o'cllc  &  l'enfant  expirèrent  air.fr  mifcrable- 
mctnt. 

Adiouftons  encore  quelques  hiftoires  aux  precr- 
dctues-  '?olyciore  ytr^ile  iefmoi<»ne  au  Vtngtfixiefme 
hure  de  fin  htjloire  cC  Angleterre  -,  que  l'an  mille  Cinq  cents 
mouaircnt  de  perte  en  ja  viiiede  Londr*.s  plus  de 
trente  mille  pcrionnes.  On  eltimc  qu'il  y  en  foie 
more  beaucoup  plus  grand  nTmb'e  en  l'annee  mil- 
Jefix  cens  crois.  Du  temps  de  Cleoic^nt  fcpt'tfme  pa- 
pe deKome  ,  l'Italie  fut  î'cfpacede  trois  anseniicrs 
tellement  affligée  de  ceOe  contagion  de  pefte  ,  que 
de  mille  perfonnes  à  peine  en  rcila-il  dix  en  vie,  le 
mal  ayant  commence  par  vn  innombrable  amns  de 
gens  courons  au  lubi'c  de  R.ome  ,  où  ils  engendrè- 
rent la  pefte  ,  laquelle  s'efpandit  puis  après  par 
tout  ;  "Put'me  en  la  yie  de  Clément  fepttefme.  Paul 
loue  rapporte  que  de  cefte  contagion  qui  moilTon- 
na  aiofi  l'iialie  s'cnAnuic  vnet'.llc  diTcite  &  fami- 
ne ,  quepluiîeurs  efchappez  delà  pefte  en  furent 
fauchez  ,  tellement  que  les  prouinces  demeurc- 
renr  prcfques  defertcs.  ^ttyingtfixiejme  liure  de  fa  ht- 
Jloircs.  QiTelques  années  au  parauant,  alors  qu'Adrian 
fcptiefinc  "eftoit  Pape  ,  il  y  euft  vne  fi  rudepe/ïc 
»  Rome  qu'elle  eftoit  dcfnpec  d'habicans.  Vn  ma- 
gicien 


&  mémorables..  9  5  y 

g'cicn  Grec  ,  nommé  Dcmetrius,  y  vinr,  lequel  du 
Conlentement  des  furuiuans  ,  &  par  la  conniuenca 
des  rnagiftiars  ,  fitccrtiitaes  cérémonies  autour  d'vn 
bœuf.au^uel  il  fendii  i'vnedes  ccnes,  fouffla  quelques 
charmes  en  l'oreille  droite, &  lui  actnchant  vn  filet  à  la 
corne  entière  le  pourmena  comme  tour  apriuoifé  çà  & 
là  par  la  ville, puis  le  facrifia  dedans  l'amphithéâtre.  La 
miferable  populace-- creut  qu'elle  auoit  efté  fou.'agec 
pai  telles  cérémonies  payennes  &  du  tout  eiecrables. 
'Paul  loue  (an  mention  de  ce  damnable  deflein  Sr.  effort, 
comme  le  rapporte  77;ewc/o>-e  Zuin^er  aufej}tiefme  Ituredi* 
fécond  volume  de  fon  tbeutre  de  la  yie  humaine. 

L'an  millecinqceni  vingneuf  l'Alemagne  fut  eiî- 
Uâhied'vne  fueur  peftilentielle  ,  quicaoitles  perfon- 
res  en  moins  de  vingt  quatre  heures.  Auant  que 
l'on  pcult  y  remédier  ,  plus  d'vn  tiers  des  peuples  y 
laiiïa  la  vie  ,  en  bien  peu  de  temps.  Cefte  maladie 
auoit  grand  rapport  auec  la  fuetc  d'Angleterre  Ions 
Henri  feptierme  Ta-n  mille  quatre  cens  hui<ftanre  (îv, 
laquelle  emporta  près  de  la  moitié  des  habitans  du 
royaume.  Sienlan  an/ixieffftelture.  l'an  mille  cinq  cent 
foixante  quatre,  la  pcfte  fe  ralluma  en  Allemagne  &  en 
SuiiTe,  d'où  en  fuite  elle  s'auança  en  France  ,  &  fit 
par  tout  des  rauageseftranges  ,  emportant  en  peu  de- 
temps  plufieurs  millions  de  perfonnes  ,  &  contir-^a 
en  quelques  lieuxjiufques  à  fept  ou  hui£taas  apr<'»^*- 
flsire  de  nojlre  temps. 


"P  IL  L  AXTi  S   cruels 

*An  I  çoS.  les  Port u<y3iscontinuans  leurs  courfc3 
_^en  l'Inde  Orientale  ,  "approchèrent  aucc  leur  flotte 
▼ers  vne  ville  nommée  Briua,  non  loiade  Melinde,  cii 
la  cofte  d'£chiopi<h    lt$  habitans  d'icellc  fc  fians  en 

'^  NN     4       ' 


L 


9}^  TJifloir es  admirables 

quelque  garrifon  rcfurcrentde  traiter  auec  les  Portu^ 
giis, 4111  îcs  afliillirent, forcèrent ,  &  tuèrent  cCùx  qui 
le  trouuerent  deuant  eux.  Mais  non  coïKcns  de  s'cltrc 
ainfi  rendus  mailbes,  defpicez  a'auoirperdu  cinquan- 
te hommes  des  leurs, pillcreni  li  ville,  coupcrcnc  les 
doigrs&  les  mains  à  pluficurs  femmes  ,  afind'auoir 
tant  plus  toillcu'^s anneaux  &  b.alTe'ets.  Outrepiusilî 
icduiiireni  la  ville  en  cendres  deuant  les  yeux  de  les 
Jiabitani  qui  s'en  elèoycntfv'is ,  &  de  loin  regardoyent 
ce  mifcrab  c  l"pc£taclc.  Or  rommc  quelques  vnsde  ces 
criicls  pitUfd:;,  au  vjonibrededix  rcuf,  aueugicz  d'a- 
•  uarice,pen;oyenc  tfte  riches  pour  long  temps  ,  Dieu 
les  arrefta  court  par  Idur  propre  defir  :  car  ils  portcrert 
tant  de  pillage  dedans  rncrquîf,  que  voiilans  puis  a- 
pres  le  mer\' r  aux  nauires  5  ccft  cfquifenfonça  dedans 
Ja  mcr,où  tous  es  pillard*  fore  nr  noyez:  qnoy  irait  ,  & 
l'efquif  defchagé  de  laiu  de  mel'chans  fardeaux,  reuint 
au  àxziXMî.OforiUi  au  ^.liu.de  l'Hijl.  de  'Portugal  ,  feùl.^.T, 
^ajfeeau  ^Mu.dt  i  Hiji.àes  Indts. 

'P  L  ^  TE  merueilleufe, 

ON  trouuera  merueillcnx  &  mem"  rable  ce  que 
•^atthi'-u  Cornai  ,"■  excellent  médecin  de  l'Empc- 
rcor  Mdkioiilian  i  i .  cQ:nz  en  fa  rerponfi  adrcHl-.:  a  vn 
ft.-ncompigïon  qui  luidcmandoit  juis  fur  tcMoii?e 
difticulic-VnpayUndcBohei-ne,dit-Tl,Lftantàla  chaf. 
fc  tut  blciî-  d'vn  roapdVrpieu  fort  large  au  dcifus  de  la 
panlL'.CtfVc  playc  dô-  il  deuoit  mo -rir ,  febn  i'apaf  en- 
ce.ne  peu:  cft  c  fou^tite  pav  remède  ni  confeil  queicon 
que,ams  demeura  cmcrte  ,  &  par  luccefTion  de  tempi 
JesIeuresd'ii.cllcs'en(iu'cirêrrL''liemci,quelepayia(qui 
vefcut  plufieurs  annec-aprcs  )  emphlloit  i'ouuertnrc 
d'icellcauccdu  charpis  ^' ^  Peftaupoit  de  telle adreflV, 
qnctoiiccs&quantesfois  '-vue  bô  Kiisébloitil  ncttoyoit 
i^,^:)n<Vc  pur  celle  ouuerturf,^  en  tiroir  hors  les  fucs  & 
nandcs  qui  Iç  çha?g.o||i.Co«iax  adiouftc  que  l'Eropc- 

rçur 


é"  memoYahles.  9  3  7 

rcur  Maximi'ian  cftoit  refmoin  de  ceftemerueilleufc 
pbye.l'ayapt  vcuë,  (oigneufemenrconfifleree,  &  difroii- 
rud'iccllcaucc  ToadiC  Médecin  ^nt ysti^auUatt  ï.cl?ajp* 
de  la  y.Ce/itunedes  chofes  mémorables. 


'P  0  IS  OTiSi  yenins,0' ^eurs efftcîs. 

IL  mefouuisntcjur.  Tan  1 5  6  9  'i  7  eu;  vn  chanoine  de 
Laual  qnifuc  accufé  d'auoir  vcrfé  de  la  poiTon  au  ca- 
lice du  doyen  de  Lanalilecjucl  après  i'auoir  prife,  en  di- 
fant  JaMelFe  de  mmuiftjtomba  par  terre,  èc  neâtmoins 
il  reietta  la  poifon.L'accuré  cot;fcr[fa  volontairemenr  & 
fans  rorcurc:&:  depuis  fe  voyant  condamne  il  appella  au 
Parlement  de  Paris.cepsrndan'  on  lui  fit  la  bouche,  &  tfe' 
départie  de  l'a  confcllion.  Neantrnoins  il  tut  condamné 
d'eftrc  brode  par atreft,  &  le  VIS  mener  au  (uppîice  :  ce 
<5u:  la  Cour  n^Mift  pas  fait,  fi  la  conf.  (îïoncuft  ef>é  ar» 
rachee  à  la  (\\XÇ.^\oï\.L.2odin  ait  ^.Iti*.  deja  'Lemonomamey 

Vn  abhc  d«  moyen  aagceftant  à  Paris,  pou  r  foiicirer 
certain  pf.icts  ,   (oilîcita  pareiileinenc   vne  coutrifane, 
poi:r  dcLiifcr  vne  nui'âarec  elle.    Marché  f  lir.i!  fe  rend 
en  la  m.iifbn  d'iceile,  cu.icft  g^^cit•^^emenr  recueilli. 
Le  voulant  gratifier  elle    iui  donnapour    la  coliatioa 
quelque  confi;uic,t:n  laquellcy  ciuroit  des  caniharides> 
pourmicuxTincitcr    à  ce  que  tous  d:;'jx  preteniovent. 
Le  lendemain,  ceft  aobé  commence  à  iecrer  le  fang  roue 
pur  par  le  fondement  &.  pa»  la  ver^c.  1  es  mcdcrcins  ap*- 
pejl^z  contirent  par  tels  fymptoi-nts,&  par  Pcrcdlioii  de 
]arer^o,q'a'il' a  voit  pris  dc>  canchandes.     Ils  lu  appli- 
querencdcdans  &d-hor$,par  vomitoirejjclyrte  es  ,  in- 
ieclioi'Spotag^Sïbruuagc;, potion*:, hnins,  Vautres  an- 
tidotes, touicc  dort  j1  .  peurent  s'aiîifrr  pour  Ton  fou- 
lagemeni.-mais  en  viin:  car  le  chctif  Abbé,  liifTant  pro- 
cès,courtifanc  i^  ▼ie,mourui  aucc  ^^an^rcnc  en  la  v-^r- 
ge.JT^.  Ambr-taré^au  litt.des  yenmsiih.ip.  j  6. 

François  Guichardin  parlant  de  la  mort  foudainc  dti 
pape  LconX. le  premier  iour de  Décembre  Mxi.  dit 
qu'on  foupçonnacju'ilauoiccftccmpoifoonc  par  Bat- 


5>3  8  Hijloh es  admirables 

nabc  M.ilerpine  Ton  chambricr, qu'on  auoic  dcpntc  pour 
lui  donner  a  boxrz.yi»  i  ^.liu.de  i'hjloira  des  guerres  d'I- 
talie Paul  loue  adiourted'aurrcscirconltanccs.  La  com- 
mune opinion  efl  que  ce  Pr.pe  mourut  de  ioye,  royant 
les  François  forclos  d'Italie. 

Le  pape  Alexandre  VI,  &  le  duc  de  Valentinois  (<  n 
fiU,a)  ansfair  acommoder  du  vin  pour  cmpojfonner  eu 
vnfcftin  certains  cardinaux,  bcurentpar  raefgarde  de 
ce  vin.dont  Alexandre  mourut  tout  roide,  &  le  duc  en 
cfchana  pour  eftre  refcrué  à  d'autres  iugemens.  Fr.  Çut- 
chardin  ai*  fi"  Mu.de  fuit  hijloire. 

François, dauphin  de  Viennois, fils  aifnédu  roy  Fran- 
çois!, ayant  efté  maladequatre  iours  mourut  àTour- 
i30n,i'aa  i  ^  jfT.  aagé  d'cnuiron vingt  ans,  nourri  par  le 
pereenfinguliereexpe£lation  de  tout  le  monde, de  par- 
uenir  vn  iour  à  Teftat  dVn  grand &tres-excc!lcnt  l'rm- 
cc.  Vnfeigneur  Italien  >  nommé  Sebaftîan,  comte  de 
Moncecucullo,  conuaincude  Tauoir  cmpoifonnc  ,  fut 
tire  dedans  Lyon  à  quatre  chcuzux.HiT^.de  France. 

Durant  les  tioijfiefmes  troubles  &:  guerres  ciuiles  de 
France  ,&  depuis. des  Princes, Princeflcs ,  Seigneurs  8c 
gentils  hommcs,onc  être  tuez  de  poifon. dont  nous  par- 
ler-ons  plus  particulièrement  en  qnelqn'vn  des  volumes 
fuiuans.TouchcTns  encore  qtielqucs  hiftoires.  l'ay  conu 
(ce dit  Louys  Gnyon,fieurdc  la  Nauchc)  vn  nommé  le 
Gros, picard  de  narion  ,  chirutgien  de  feu  Louy?  de 
Bourbon, i^rince  de  Condé  ,  qui  ayant  manié  &  porté 
cinq  ou  fix  heures  durant  vne  pomme  de  fcnteur  (de  la- 
quelle certain  parfumeur  Italicnauoit  faitprefent  au- 
dit fvigneur  Prince,lcqucl  foudain  la  commit  en  garde  à 
fon  chirurgien  )  tomba  en  des  (yucopeStVomiIÎ.-mcns» 
toarncmenb  de  tefl:e,côuul(îons,puis  en  vne  tref  griefue 
langueur  ,  de  laquelle  au  bout  de  deux  mois  il  fut  fou- 
lage par  vn  mcdcciii  Piernontois  qui  eftoitau  maref- 
chal  d'Anville.  Vn  fcruitcur  le  N.Couicr,  apothicaire 
de  Paris, mcrpvifant  i'aducrtiCTement  que  lui  auoit  don- 
né le  fufdit  chirurgien  ,  pour  ?uoir  porté  ccfte  pomme 
refpacc  d'4fn  iour  dedans  fa  pocheitr,  en  mourut  hui£b 
iours  apres.^i;*  iMn.de fis  dîner/es  leçonSyÇhafi.i  i. 

11  n'y 


&  mémorables:  959 

Il  n'y  a  pas  long  temps  cjue  certain  Lombard  dôna  à 
fentir  vnœtllct  ernpoifonné  à  vn  pcrlbnnage,  auc^uel  il 
vouloic  ircs-grandmal  ,  dilTinr^uiani  ne.inrmoins  ccftc 
cruelle volonré.  Si toftquci'aucreeut  fcncif'oEilicr,il 
tomba  mort.I'ay  veii  mourir  vn  ieune  home,  aagé  d^n- 
uiron  vingt  ans  ,  qui  fe  laiiïa  appliquer  vn  afTés  grand 
emplaftre  de  moufches  canrhanùes  fur  vnciouë,  en  1j- 
qiieileil  auoit  vne  grande  tache  rouge  ,  apportée  i^c 
nailFancc,  quilui  caufoit  vnc  grande  dcformiié  ;  n'sy.int 
à  peine  gardé  ledit  craplaftrc  quatre  lieurcs  ,  le  lendc 
mnn  il  mouiud'ay  vcu  mourir  vn  iardinier,  lequel  ef- 
niondant  des  arbres ,  lui  eftoyent  tombez  fur  le  vifa  ge 
des  œufs  de  chenilles. ^k  mefme  Itu.^  chap. 

VnfoIJatTurc  derpitécontic.  vn  VVaiaque,  qui  ne 
Jai  auoit  voulu  feruir  de  faux  tefmoin  ,  di/Iimulant  fa 
haitîCjlui  fît  prefcnt  de  certains  brodequins  rouges, Ici- 
quels  le  VVaiaque  ayant  chaudez  &  porté  feulement 
l'cfpace  de  deux  heures, lui  luruinr  vne  gr^mde  chsîeur 
&  rongeur  auxiauibe^  Ayant  defchaoile  les  brode- 
quins ,  icellcs  rougeurs  fe  tournerentr n  puftules  ,dont 
tout  fon  corps  futaulfi  cofr  Cîifi,  &.  moiîrac  dedans  dou- 
^7e  heures ,  fe  plaignant  fore  du  foldat  Turc,  lequel  gai- 
gna  au  pied. Lu  mvfme. 

L'an  I  5  5tf  vn  chantre  de  la  chapelle  du  roy  Charles 
"  I  X.  defirant  mettre  vn  fîen  patent  en  la  place  d'*-  r  au- 
tre chantre  bien  vcu  du  Roy  ,  lui  donna  de  cerraine 
poudre,  dont  lui  furuint  vn  viccre  au  poulmon,  &  fur  la 
Voix  totalemeuLgaftce,  Ayant  craché  par  la  roux  gran- 
de abond-ance  d'apoftcme,  il  mourut. Lefait  fut  delcoii- 
ue-t  :  tellement  que  leprcuoft  del'hoftcl  ayant  attrapé 
Tempoifonneur  lui  fît  fon  procès  ,  &  par  fente nce  fut 
pendu  &  elbang'é.puis  fpn  corps  hxuùi.^umtf.tw Im.ch. 

Certain  mal-auiré  cadet  ,  bcauf^cre tl*/ncdamc  de 
Guyenne,  s'eftant  amouraché  de  la  fiilc  de  chatT>bre  de 
fa  belle  foeur,  t  ouua  m«ycn  de  faireaualcr  à  ccftc  fi'iç 
le  poids  detroisdrachmcs  de  certaine  poudre  parmi  des 
herbes  ,  pour  l'induire  à  lui  obéir  en  fes  roluptcz» 
le  ce  parle  confeil  d'v|^   mefchaat     ignorant     ik 


'l'4o 


Hi!f cires  ddmirMes 


nccclTiccux  apothicaire  ,  cjui  lui  vendic  troiscfcus  ces 
trois  drachmes  de  pouiJre.  T^  ois  heures  aprcs  la  pii:e, 
Jafiilc  tomba  en  grandsaccidcns,  comme  en  chaleur  c- 
ftraoge  ,  en  exa.'cerationde  rems  ôcdevcTcie  ,  ayani  à 
tous  inomens  volonté  d'vrinrr  ,  aujc  grandes  cciiï-.^n;. 
En  fincllcmourutdc  ccft  cmpoiloiinemcnt-,  &  ouuerte 
aprcs  iou  trcfpasfuccroujceauûif  Jes reins  ,  laa^atrice 
4>C  la  veTcie  coût  gaftez.^i«  meftr.e  hure  cr  cua^'ure. 

Vnc  courtifan.;  de  l^ai  i  ,re  fafchant  d'cl"lre  brune ttc, 
s'adrclTa  à  certain  charlatan, lui  d.roanJant  quelque  rc- 
cepte  pour  deuenir  blanche.  Il  lui  appliqua  furie  vifa- 
ge&Airlecol  vu  cacaplalme  ,  danskquely  auoit  des 
ingreuiens  venimeux.  Ayant  porté  ce  mafqoe  enuiron 
douze  heures, la  fieure  l'cAipoignî:.  &  meure  tro^s  lours 
aprcs.  Onu.  rte, les  reins ,  lamitrice,&  la  vefcie, furent 
irouuez  gangrenez  &  trei-puants.L4me/r/if. 

Deux  marchans  ,  eftins  à  vneàifneepres  de  Thcu- 
loufe  ,  s'en  allèrent  au  iardm  de  leur  hviftc  cneillir  dts 
fucillts  de  fauge  .  is.rquelics  ils  mirenr  en  leur  vin  ,  (ai)S 
crtre  lauees.  Mais  dcuancquMsecflcnt  acheté  de  dif- 
nerjis. perdirent  la  veuë.ayans  premièrement  efté  frap- 
pez de  tel  eftoufdifTcnicnt  de  teftc  ,  qu'il  leur  Icmb'oit 
Qije  la  maifon  tou'-nalt  fatu  deflai  dcHous  Ils  tombtrét 
en  rpifme  &  défaillance  decccar  ,  ayans  les  lenr^i  &  la 
langue  noire  :  beguayans  ,  aucc  vn  regard  hideux  &  de 
iraaerSjtrauaillez  de  Tueur  froj  b,  aucc  grands  vomiifc- 
itiens.  Ils  enflèrent  bien  fort.  &:  peu  Jprcs  mo'jrurcnr» 
dont  k'hoftc&  tous  ceux  delà  maifon  furent  «randc- 
menccftonncz.  Toftaprjs  failîs,  cmprifonnczcha  gez 
d'aunir  empoifonnc  ces  deux  m.orchans,&.interrrgue7, 
refpondirent  auoir  m^ngé  &  bî^u  de  mefmes  viandes  &C 
bruuages, excepté  da  1;»  rai}o;s,que  les  marchans  auoyct: 
mifeenleur  vin.  Adjnc  Icu^e  fie  appell^r  va  méde- 
cin ,  pour  fçauoir  H  l'on  pouuoicempoifonner  la  faugc» 
Le  médecin  dit  qu'ouï  ,  «Cqu'il  faloit  aller  au  iardin, 
pour  fçauoir  fi  l'on  pcirroit  defcouurir  qi'elque  beftc 
venimcufe,  qui  peuft  auoir  letré  fon  venin  delîus.  Ce 
que  véritablement  on  trouaa,c'cft  a  fçauoir  grand  nom- 
bre de  gros  ficpetis  crapauxjcn  rn  tioa  profond  fous  la 

faogc, 


&  memorahlesl  941' 

fauge,  &  les  fit- on  fortircn  foiiillant  &icttant  de  l'eau 
chaude  auiour  dclcur  lalnicrc.  Dont  fur  conclu  que  la 
fauge  cftoitcmpojfonneo,  tanr  de  labauc  que  de  IVrinc 
des  crapaux:&  l'iiolte  suer  fa  famille  ab^ous.>r.^^^Z»r«*- 
fe  'Puré.iut  iture  des  yeutni  fchap.j,  i . 

Rondelet  en  rhiftoire  des  poilTons  dit  auoirvcuv- 
ne  femme,  qui  mourut  pour  auoir  mangé  des  herbes 
fur  Icfquellcs  vn  ciapaut  aiioit  halcnc  &:  icttc  fon  vc- 
^iin.Lesconircpoifons  font, boire  du  ius  de  betoine  ,  de 
planriin  ,  &  du.  moifc.parcilJcmcnt  du  fang  de  rortoc  a- 
ucc  farjie,&:  réduit  eu  pilules, puis  dcttrcmpé  aiicc  vin. 
Làmcft/>e, 

La  v\:fuc  de  Bragelonne  ,  lieurenant  particulier  au 
chaftcietde  l'aris  ,  pour  auuit  eAc  picquee  à  l'vndcs 
'doig.s  de  la  main  d'vn  poidon  de  m-^ir  nommé  Viuc  ,  &: 
ne  tenant  couipicde  remède  ,  fut  afiailiie  d'vne  gangre- 
né &  mortification  totale  du  bras.  &  en  fi»!  mourut  mifc- 
rabltmcnt.^M  nifjrnehurtchiip.^o. 

Mathiol  raconte  que  deux  charlatans  Te  rrouucicnt 
vn  iour  en  la  ville  de  Florence  ,  Tvn  deiauels  habloit  & 
haranguoit  mieux  que  l'autre,  pourf^irc  valoir  fecdtn- 
rees.dont  l'autre  conrcur  vne  ennic  mortelle  contre  foa 
ccunpagnon.Parquoytrouua  moyen  de  lui  changer  fon 
afpic  ,    qui  auoit  perduXa  virulenceparlonguc  nourri- 
ture :  &  r.iyant  olté  de  fa  cafTolle  y  en  mit  vu  p.ntre  re- 
ccmement  pris  &  tout  affamé    Dont  auini  quelemifc- 
rable  Hablndor,  penfanrquc  ce  fuft  le  lien  ,    fe  fift  mor- 
dre d'icclui  au  tetin,  félon  qu'il  auoit de  couflume  ,   &: 
print  après  tie  fon  theriaquc,  lequel  nclui  fcruou<.;u'à 
donner  couîeur,pour  abuTer  le  peuplc,qui  voymt  ccftc 
bcftc  le  mordre, fins  curefTcntir  aucune  ofFenle.coiiroiç 
après  lui  ,  eitimant  fcm  theriaquc  vn  coatrcpoifon  fou^ 
uerain.Mais  le  pauure  chai  laran  ,  ti  ompé  par  fon  çomT 
pagnon.cn  moms  de  quatre  hvurcs  redit  la  vie.      Les 
accidms  quj  lui  furuindrcnt  furent  perte  de  la  veuc  gç 
de  tous  fcs  autres  îcns.  Sa  f.irç  dcuint  plombée,  lalan, 
guefort  ncire.vn  grand  trcmb'cmcnt  de  touSffes  mctr- 
b:es  \r   faifit  auec  fiieur  fioi.lc  &.  défaillance  drcceur 
puis  la m6it,cn pi clc.ncc des  alfiftânsrtout  a Tli^rc  j'au. 


9  4  2^  Hifloires  admirables 

wre  chailatancnuieux  &  meurtrier  gaigna  au  pied.  Ma- 
thiol  adioultc,  (jue  tels  charlatans  j  pour  mieux  vendre 
jcur  (hcria-)Uw,  prenent  alpici  <Sc  vipères, long  temps  a- 
p.cs  le  prin-  t'::aips  ,  lors  qu'ils  om  leccé  le  plus  d2nL;e- 
reuT  de  leur  vcnni  ,  pais  .es  aprujoiliircnt  par  vund.  3 
I  on  acouftumces,&.  leurtonc  changer  en  partie  la  natu- 
re veuimcule  :  en  apr-s  ils  les  font  mordre  dedans  de 
gros  morceauxde  chair ,  afin  de  cirer  leur  venm  enclos 
en  vue  petite  membrane  qui  eit  encre  leurs  dents  &gcn- 
cwi^s  :  puis  ils  leur  tonc  rcmofdre  fur  l'heure  qucloue 
compofîtion,qui  leur  elrou^c  I  -S  conduits,  par  lerqucls 
Je  venin  a  coultumc  de  forcir  :  tellement  que  vunans  à 
ferrer  quelque  choie  de  leurs  dénis  celle  morfure  n'ap- 
porteaucun  danger.  Par  tel  moyen  ctî  pipeursfc  font 
admirer  au  peuple  ,  auquel  ilb  vendenc  chèrement  îcur 
iheriaque  ii{h[\t.yiiime]meliii.chap.  30. 

Lacourcftanc  vne  f.^is  à  Moulins  en  Bourbonncis, 
M.  le  Feure  niedecm  ordinaire  du  roy  ,  M.lacques  !c 
Roy  Ton  chirurgK-n  ,  &:  moi,  mîmes  appeliez  pour  me- 
dicdmenter  le  cuifinier  de  «nadame  Calte'pers  ,  Ic.;nel 
cuetilancen  vne  hsyedu  houbio  pour  Ï2,ï\z  vncfalaJe, 
fa:  mordu  d'vne  coiciuHe  fur  la  main.  Ayant  fuccé  le 
fang  de  la  playe,  tci1:  après  la  langue  s'enfla  fi  fort ,  qu'il 
ne  pouuoit  qu'à  bien  giand'  peine  parler  ni  cftrc  enté 
du.  D'auantagctout  11  brav  lufques  à  l'cfpaulc s'enfla, 
dw  façon  que  l'on  cuit  dit  qu'on  Taucit  roufflé.&  difoic 
le  patient  y  Icniir  vne  exLiemedouleur;tcllemcnt  qu'en 
n^spre(ence>il  tomba  par  deux  fois  en  défaillance  de 
Ci;ur,comme  eftancmorc,  &  auoit  la  couleur  du  vifage 
&L  le  touf  le  corps  iaunaftrc  &  plombine.  Voyant  tcis 
accidens  ,  noui  djfions  la  moi  c  citre  prochaine.  Neant- 
moins  il  fut  fecoura  ,  lui  lauant  la  bouche  de  theriaquc 
deftrcmpéen  vjn  blanc  ,  puis  lui  en  fat  donné  à  boire  a- 
uec  eau  de  vi'-.  Surlbnbfas  bourioufflé  iefis  plulîeurs  , 
fcarifications  afl^ez  profonde:.  ,  mcfraementrur  la  mor- 
furc,(3c  laillay  fudiiammcnc  couler  le  fang  ,  qui  n'eftfcir 
queicfofité.  Puis  ajv.eshic  laué  Ce  bras  d'eau  de  vie,  en 
laquelle  l'aucisfaicdiiTondrc  du  theriaque  &  mithr  i- 
^at.  Le  patient  fut  poié  dedans  vn  \i€t  bien  chaudcmrr. 


&  mcmorMes-  5  4  î  i 

ficlcfiionfucr  ,  le  gardant  de  dormir  ,  de  peur  que  le 
venin  ne  le  retiraft  aucc  la  chaleur  naturelle  au  cœur. 
Le  leDderasin  tous  les  accidcns  furenr  ccfr^z»  &  fuc  loft 
après  guc-.ri  des  l'carifications.Toutesfoisrvicere  delà 
inori'urc  tJt  [cnu  longuement  ouuert  ,  y  appliquanc 
toufîours  du  iheriacjuc  auec  les  autres  mcdicamens. 
Ainfi  leparirntreceuc  eniicre&paifaidtcgucnlon.  Rn 
ce  mejme  iiu.chup.  3 1. 

On  peut  alFcuiément  dire  qu'en  !a  petite  vérole  & 
Toogcollc, maladies  ordinaires  aux  pciisenfans  ,y  a  v- 
■nequalué  tclKmcnt  vcnimcule  &  contagicule  ,  que 
mclmcs  auec  les  humeurs  .Scpattics  charucukseiles  lo- 
gent &  gaftcnr  les  os  ,  comme  Fait  la  giollc  vérole;  ce 
quei'.iy  vcucn  Paiince  15  6  8.&plulJcursautres  fois.  V- 
nc  pciiie  fillw  de  Cluudc  1  ique  ,  relieur  de  liuies  du 
Roy  ,  demeurant  eij  la  lue  S.  lacqucs  à  Pans,aagcede 
quatre  à  cinq  ars,  ayant  clié  malade  de  petite  ^'erole 
cnuiron  vn  mois  ,  &  natur;:  n'ayant  peu  farinoncer  la 
poifcmjui  furuindrent  apoftc  mes  fur  le  fternon  &  aux 
iointuies  ccscff  aules  :  dont  la  miatiere  virulente  ron- 
gea &:  fepar.i  entièrement  lous  les  os  du  iternonSc  les 
cpiphyles  des  os  adiuioires  ,  auec  bonne  pprtionde  la 
telte  de  l'omoplate.  Ces  Heaux  affligent  auiîi  par  fois 
grandement  les  parties  au  dedans, comme  le  foye,la  ra- 
lelie  ,  k$  inteftins,  dont  s'enfuit  à  plubeuis  hydropifie> 
phci{îe,enroueure  de  voix  courte  haleine  ,  flux  de  ven- 
tre,auec  les  vlccres  acx  intcltir  s,par  côfequenc  la  morr> 
félon  que  ces  pullules  ont  rauagé  par  celles  parties  înte- 
rieuresde  mefmc  furie  qu'ô  ksvoidefpadri*  Tur  la  peau. 
Quiant  aux  pani';s  externes  -,  elles  laillcnt  nô  feulement 
deformiic  principalement  au  vifagCjà  caufe  des  pulluh  s 
&  vlceics  quipalfans  la  fupcrficicdn  cuir  ont  profondé 
en  la  chair,  dont  lont  reliées  des  laides  cicatiices  ;  mais 
aufliquelqueifois  elles  gaftent  &  font  perdre  le  mou- 
ucmcntdes  loimurcs  ,  3i  puncipalemcnt  <li:s  couldes, 
poignets,genoux&:  piedsrfont  pourrir  \ts  mafchoire', 
dents  i!c  genciues.  PlulTeurs  en  ont  du  tout  perdu  la 
veuc.ies  autres  i'oi)ie,le  Hair.  le  puis  dire  que  tous  les 
apoitcmcsqui  auicncac  auxpeiii  cnfans  quiont  eu  U 


944  Hi Boires  admirables 

▼croie  ou  rougeole,  donc  ils  n'ont  cité  purgez  à  fuffi-  i 
lance  pour  la  d  fchargr  de  Nature  ,  tieuenc  dclamali-  ^ 
gnuc  :5c  vcncnoliiéde  /humear  dcTJiccs  maladies:  par*  \ 
tanilbnc  malaifcz  àg;ieiir.  Pour  le  dire  en  vn  mot ,  la  { 
petite  vérole  ou  rou<;eolc  n'cltans  p.is  bun  purgées,  j 
cau.eiu  aulFi  uiuets  ÔctâTcht  ux  accidcns  quC  fait  la  grol- 
l"c  ver  oie  ytt.^mbroife  'j^aré  au  nu.  de  la  petite  nettoie  CT*  ^e 
fre,chjp.l. 


'J^XES  AG  EScr  rijl^ns  notables. 

IAqucs  Londin  EfcofToiî,  ci'hourcfte  maifon  ,  ayant 
-Ite  iongieinps  trauaillé  (i'vnc  figure  ,  leiourdeuanc 
<jac  laques  V  roy  d'Ekolle  Fut  tué  ,  fc  hauiriot  vn  ^eu 
dedans  Ton  lidlcnuirv  n  inidi  ,  Jii  comme  tout  cltonnci 
commence  à  dire  tout  haut  à  ceux  quieftoycnt  autour 
de  ]ui,Sus,lu»,rccourf  z  ic  roy;les  parricides  l'enuiron- 
iKMu  poiT  l'w  tuer.  Vn  peu  après  li  fe  met  à  pleurer  Sc 
crier  piteufemcnijil  n'tll  plus  temps  de  lui  aidcr,lc  )  au- 
UiP  pi  mec  trt  morf.Inct  ntinent -Tprcs  ce  raalacie  cXj)!- 
ta.'BMchunan  au  il  .Im.del'hift.d'Efcofje. 

Vn  autre  preuve  dunicuftrcde  ce  prince  fut  com- 
me conioiiit  aucc  le  meurtre  mcfme.  Trois  domtfti* 
ijucsdu  comie  d*  Aholie,  gcntils-hi^mmcs  bien  conus, 
éc  vcrti^eux, logez  non  g'îcrcs  loin  de  la  maifon  du  roy, 
endormis  cnuno  la  mini:i6-,il  fcnrbla  àl'vn  d'tux  cou- 
ché contre  la  paioy, nommé  Dugal  Sruart»  que  certain 
pcrfonr  agç  s'aprochoit  dv^  lui  »  qui  p-illant  iamam  Jou- 
Ccmêt  par  di  (lUS  la  ioue  &  la  barbe  de  Stuait,  luidi'oir, 
dwboui,on  veut  vous  tuer.li  s'e'ueille,&  pciani  à  ce  lon- 
ge, l'vn  de  les  compagnons  s'efcric  d'vn  autre iidl ,  qui 
çilr-ce  q  ii  me  foule  aux  pieds  ?  Stuarc  lui  rcfpond.c'cil  à 
l'au.ir  lurr  quelque  char  qui  rode  ici  la  nui6l.  Alors  le 
troiiîcln.e.quidornioit  cncor ,  s'tluei liane  en  furTauc  le 
icttedu  liét  en  bas&  dcmand:  ,qui  m*a  donné  bifn  fer- 
ré fur  la  iciie  ^  Sur  ce  il  lui  rcmblcqucquelqu'vnfor- 
loitauec  grand  bruifc'par  la  porte  hors  de  la  chambre, 
Çoaimc  t«J  cioisgenuls-hoinmcsdcuilbycnc  de  leurs 

Yifions, 


\ 


é'  mémorables.  9  4  5^ 

vitïons  ,  voici  la  maifon  au  roy  renucrfee  auec  grand 
bruit  par  violence  de  pouldrc  à  canon  ,  donc  s'cnluic  la 
mon  du  IPi mec. Vuchanan  aumefmeliure» 

Conioignonj.  quelques  autro  hiiloircsaui  deux  pré- 
cédentes. L'empereur  iVlaximilirn  I.&  Philippe  I,  fon 
fils,  roy  d'Elpagnc,  eftaDS  en  leur  cabinet  au  palais 
de  BruHclicS.pour  refoudrc  de  quelque  afauc  d'nnpor- 
tancc  ,vnvent  fc  Icue  J-quel  a  rachc  &■  iecte  hois  de  la 
paroy  entre  ces  deux  princts ,  vne  allez  grolTe  picrre,!a- 
quellt  Philippe  leue  de  terre  :  &.  comrnc  il  continuoic 
de  parler  a  Ion  pcre  ,  vn  tourbillon  furuint  qui  lui  fie 
tomber  cefte  pierie  des  mains  >  iaoueUe  le  biifa  fur  U 
planche.  C'elt  vn  prclage.ditalcrs  Philippe  à  Maximi- 
lian,quc  vous  ferez  bicn-toft  pcre  de  mes  cnfans.  PeU 
de  femaines  après, rhi!ippe,ieunc  Prince,  mourut,  laif* 
fant  fcs  pupilles  à Pempe'rcur  Maximilianfort  pcre.  He- 
4ion  en  fi  Chronicjue. 

Le  pape  Adrian  VI.  s'acheminent  d'EfpAgnc  à  Ro-s 
me,  pour  fen  premier  exploit  voulut  voir  à  Saragoullc 
les  os  &  reliques  d'vn  f^indt  :  ce  qui  fît  dire  à  pliilîeurs 
qu'Adrianmourroitbien-toil.  Il  auintaiors  auffiqu'v- 
r.c  riche  lampe  décrirai, en  Pegliie  dece  fainft,  febrifa 
foudainement ,  dont  toute  l'huile  fut  verfee  fur  Adrian 
&  fur  quelques  preftres  autour  de  lui,  dont  leurs  habil- 
lemcLS  furent  gaftez.  Arriué  àRome  le  palais  où  il  de- 
meuroit  fut  embraie  &  confommé  en  vn  inftant.  Il  ca- 
noniza  Benno  euelque  Aleman  ,&  Antonio  archcuef- 
que  de  Florence  :  mais  il  les  fuiuit  bien-toft,  &  mourut 
aptes  icelles  canoniz^rions  ,  que  l'on  tient  pour  prefa» 
ges  de  mort  prochaine  aux  papes  qui  les  font.  'Paul  lo- 
ue en  la  -vie  d' adrian  K  /. 

Philcbert  de  Chaion  ,  prince  d'Aurange,  ayant  alTie. 
gc  Florence  ,  entendit  que  fecours  venoit  aux  Floten- 
tiot.  Suf  ce  il  rerould^i'allet  au  deuant  :  &  comme  il 
vouloit  moxïter  à  cheual  fdit  aflcmbler  autour  Jr  lui 
les  Capitaines  ,  Se  commande  qu'on  apporte  des  fiac- 
cons  &i  dcstaircs,lesfailaric  emplir  de  vin,  afin  quctous 
beulîtptpar  erff'mble.  Comme  les  vns  &:  les  antres  e- 
ftoyenc  prefts  à  boire  ,  voici  vnc  piuyc  impecucufc  fe 

O  Q 


94^  Hifioires  ^admirables 

ruudaine,le  ciel  eftant  fort  fcrein  auparauant,  laquelle 
arrouicabondimmcncle prince  &  les  capitaines,  cjui 
beutîoyctu  en  platne  campagne.  lncc>ntincni  chacun 
dit  Ton  auis  de  celte  auanturc.  Le  piince  riant  à  gorge 
^cfploycc:  à  ce  qne  ie  voy  (dit  lî)  compagnons, nous  ne 
pailcronscjuebien  attrciv.pcz  à  nos  cnncnais,  puis  que 
£)icua  voulu  fi  benig  Kincnt  verler  Je  l'eau  en  noftrc 
▼in.  Ce  fartât  les  derniers  propos  :  car  toft  après  ayant 
chargé  S)L  rompu  ce  fccours,  il  Irut  au  combat  tranlper- 
cé  d'vn  boulet,. !ont il  mourut.  Lefu^^iement  de  SubtUtCt 

Henry  I  I.roy  de  France.ayant  e(>é  ucfconfeillc  &pric 
BÔméiDcni  par  la  roinefn  femme, de  ne  point  courir  la 
jancele  io.ir  au'il  fut  bielle  à  mort ,  ayant  eu  la  nui£t 
précédente  vilîon  exprelTe  &  pielage  du  coup, ne  vou  uc 
p  jurûi  dtlitter,m;:fmcs  il  côtraignit  le  conte  de  Mout- 
gommery  de  venir  à  la  iourte.Commc  ils  s'appreitoycc 
à  rompe  la  dernière  lance,  vn  icunc  g  tfon  ^ui  rcgar- 
doit  d'vnc  feneftre  ce  palll'temps,  cômence  à  crier  tout 
haut, regardant  &  monlbant  le  côte  de  Monrgomm  :ry, 
heias;  ceft  homme^'en  vatuer  IcRoy.T"/;.  iTM^/z^pr  4w  j. 
yoiumf  de  fort  Yhcatrede  la  ytchunume  liu.^, 

La  perte  crtant  fort  alpre  es  cnuironsdu  Rhinl'aa 
15  tf4.p'ufi:u:s  mourans  à  Balle-  auoyétccfte  coultumc, 
par  ptcfige  merueilleux,au  forrdc  leur  maladie, &.  qucrl- 
c^ues  heures  deiûi  que  rendi'e  l'amcd'appeiler  par  nom 
Îk  furnom  que  Iqu'vn  de  leurs  pa'cns  ,  allez,  voiûns  ou 
amis.  Ce  nomme  roruboiv  tell  après  malade,  &  faifoic 
je  melme,  ainfi  ceft  appel  cotitinuoit  du  troificlme  au 
<]fi-iC!  iefiic  ,  &  confce^ucrnment:  en  tel'e  fonc  qu'on 
cuildit  que  cf  smalii.vs  eftoyeiu  les  buiflîers  de  Dieu, 
pour  adhOurnrrceiJA:  qitefa  prouidmce  dclîgnoit  à  com- 
paroir en  perfoone  d-i;aiu  l'di.Làtnerwe. 

Es  volumes  fi'i'  .•••t;  nous propoierons  plufieurs  au- 
tres hiftoirrs  de  pr""a:rs  &  vîlîons  notables  ;  &  ci  aprcs 

eu  celui  Cl  nou^  rc  >relênterons  des  fongcs  extra- 
ordinaires,qji  onc  conucnancc  aucc 
ces  préfixes  &  vivons. 


ér  memorahlesl  94/ 

'i"I{,ES0yiîtTJ02ipeu 

heuyeufe, 

L Es  François  ayansprinsd'aiïaut  fur  îcs  Efpagnols 
'a  ville  deNoLaie  tn  Lomhar«i)e  j'an  nyil  .  inq  ccas 
Viûgc  dcnx  ,  clV.iîians  trop  leur  V  «floiic  la!irt;r(int  ren- 
forcer Milan  :  &  voulans  attaquer  Pawc  furein  rcpouf- 
fcz.  QL)cl«^ues  tours  apies  ils  p.'indrcnt  lechcmJn  de 
Nonce  ,  ce  i^ui  fil  penler  à  l'année  'mperialequcc'e- 
ftoit  pour  aller  à  Milan.  Pouttanrs'cn  alla-elle  loger 
en  vn  iicii nommé  la  Bicoque,  fur  le  chemin  de  Lode  à 
Milan.  C'tiloit  la  mailcn  d'vD  gcnn'-ln  mme  du  p^ys, 
ceinte  de  giands  foirc:2,&'  de  circuii  11  grsud, qu'on  pou* 
uoit  ringer  dedans  la  b  Jf e  cour  vingc  mil  hommes  ert 
biraille.  Les  François  approchans  de  là>ics  cap  caines 
SujIT.-s  lors  en  trri-giand  nombre,  vindrent  importuner 
&  côcraindre  lefieurde  L^îiurcch  d'aller  aflaillir  ks  Im- 
perialiftcs  en  leur  forr.L'iiTaefutà  la  confufiondts  Si-if* 
fes.'car  il  en  mourut  autour  du  ft>(Té  ertuircn  crois  mil,& 
▼jngt  deux  capitaines  ,  <k"  fans  lefivurde  Ponrduimi  le 
reftc  eutl  du  tout  efté  mis  en  route.  Mémoire  dtt  "BtUty,  le 
6.iitire  des  Chroniques  de  (Carton. 

Les  F.ipagnols  prera.napç  VsLni^%7.  s'emparer  de 
rAng!ctcrrcf,&:  con^eq^emment  de  la  France  &des  pro- 
UiDces  vnies  dçs  pays  bi«, mirent  en  mer  vne  armce  na- 
Q.ile  de  i30.vaifleaL'x  charj:îex  de  trente  mil  hôirc^jdÔE 
yen  auoit  vingt  mille  decô'^ar,  aucc  toutes  munitions. 
Mais  prefque  tous  leurs  vaiffeaux  &  hommes  périrent, 
coiïimc  nous  auoas  monllrc  ci  deuanc ,  au  chauitrc  des 
armées  nauales.    " 

Le  dîjcde  Parme  prefumsnt  Çv'>p.quefter  h  France  en 
ces  m<:!ines  temps.i  i'nide  des  forces  qn'i'  nncnoit  ,  5c 
■  dont  il  ei\nit  rupponéptr  je  moyen  de  l*or  du  Pcru  ,  fie 
deux  voyages. hi.irdîs, (nais  derananc-igeux  pour  lui  &fes 
troupes.  (Xanr  s'apprefter  pour  y  rcucnir  la  troificrlmc 
"fois, il  mourut  fout  à  roicit:car  ilapprowhojtdu  comble 
<:    die  l'a  honte  &:  confulwn. 

h  oo    t 


948  Hifteires  admirables 


'^H^OS'?  EXltE    mondaine  renuerfee 
d'ejirattge^çon. 

IEan  de  Satisberi, ancien  eaelque  de  Chartres  ,  diToft 
de  bonne  grâce,  que  iap'^ofpcrité  mondaine  ,  niara- 
ftre  de  vertu  >  aplaudit  à  Tes  mignons  pour  les  fupplan- 
ter,&par  vu  heur  malheureux  s'acommode  tellement 
à  eux  durant  leur  courfe  tant  prifee  ,  qu'en  fin  ciie  les 
crauerfe  &  renucrfe  :  abruuanc  à  l'entrée  du  banquet  fc$ 
conuiczdemiel&de  vindoux  :  pu)S  quand  ils  font  y- 
urcs  eilemefleàladeflertedupoifon  ,  &  piscncore,dc- 
dans  le  gobelet.  Plus  elle  pnroit  illuftrc&  magnifique, 
pluscfpand  elle  au  bout  des  broiiees  cfpaifles  qui  a- 
ucuglent  les  efclaucs-  Voyons  en  vne  hiftoire  (  cotre 
plulieut  s  autres  de  noftre  temps)du  tout  pitoyablc,pki- 
ne  d'cftonneraent  pour  toutes  perfonnes  qui  font  trop 
d^cftar  de  rinconftance  delà  vie  tranfitoire,d'cfcnte  par» 
I.Maffeeen  Tes  hirtoiresdes  Inde? ,  fur  la  fin  du  feizief- 
iric  iiure  ,  &  que  nous  auons  traduite  du  Laiia  comme 
s'enfuit. 

Manuel  de  Soufe ,  furnommé  Sepuluedc,  autres-fo'S 
goiiuerneur  de  la  citadelle  de  Diu  en  i'inde  Orientale 
pour  le  roy  de  Portugal,  feignciir  opulent  &  magnifi- 
que,qui  auoiterpoufcEleoRorfiliedc  C.irgias  Saii,lor$ 
viceroy,  defireuxde  reuenir  en  Portugal, chargea  de  ri. 
chedts  v-n  fort  grand  nauirc  &  s'y  cm  marqua  au  porc 
lie  C^cchim,  fuiui  de  fa  fc-ûimc,d::  leurs  petis  cnfans,  de 
Pantaleon  Sala  ,  de  quelques  gentils  hommes  ,  puis  de 
fes  domeftiques  !<:  elclaues  :  touic  ccrtc  troupe  corn- 
priijs  les  pafTagers&c  les  matelots,  cftant  d'enuiron  lîx 
cens  perfonnes.  Le  commencenivnt  de  lanuiereftle 
tcmp;  alTij^nc  pour  faire  voile  à  ceux  qui  pretendenc 
venirde  Calccutcn  Poriiigal  :  ce  que  les  changemens 
des  vents  ,  &  la  n-îuigacion  plnfieurs  fois  efprouuccen- 
fe'gnenr.  MaisSoufc,  &  ceux  de  fi  fuite  ayans  cftc  oc- 
cupez à  faire  diuers  achepcs  en  la  ville  de  Coulan  ,  ne 
partirenrqu'au  moisde  Feurier,  &au  commcncc^enc 
d'Auril  de  l'an  rail  ciuq  cens  cinquante  trois  ,   lenr^uire' 

defmafa 


ér  mémorables.  94^ 

âcrmara  du  riuage  de  Caf'.  aire  ,  àl*iided*vn  vent  pro- 
pre &  doux.  IViais  approchant  du  Cap  de  bonne  clpe- 
Tance  vn  vent  d'Occident conimciicc  a  leur  faire  teftc» 
fuiuid^efclairs  tde  tonnerres,  de  nuages  noirs  ,elpais  & 
redoutables.Alors  la  mer  commence  à  s'enter,  fecour- 
rouccr  &  amonceler,  grofilirant  fc-s  values  urirees  de 
moment  en  autre.  Les  matelots  dcfgarnis  de  gafches& 
d'aiiirons  ,  n'ayans  moyen  quelconcjuede  voguer  au 
contraire,  commencèrent  à  difputerjs'il  ieroit  point  bon 
de  bailîervn  peu  les  antennes  ,  &  attendre  au  milieu 
des  flots  que  la  tourmente  s'acoifafl.  Mais  la  mer  fc 
monftrâtplus  furieufe  d'heure  en  autre  les  cftraya  ttel- 
Jement  que  voyans  lafaifon  leur  tranchtr  toute  elpe- 
rancc  de  doubler  la  pointe  &  pafFer  ce  Cap  de  defefpoir, 
tous  d'vn  confentcmenc  refolurent  de  retourner  en 
Inde.  MaiscedefTcin  ne  leur  fucceda  pas  tant  les  vcnxs 
impétueux  qui  s'cfleuerenc  foudain  du  col\é  d'Orient 
&  d'autres  quariiers,tant  de  coRé  que  ù'aun  c  ,  fembioy- 
entaooir  confpiré  la  ruine  de  ce  fuperbe  &  riche  vaif- 
'feau.  Leur  premier  effort  fut  de  defchircr  les  voiles ,  i- 
tem  de  briferle  maft,puisle  gotsucrnaii,  &  rendre  vai- 
ne la  fuffifance  du  pilote  >  qui  faifoit  tout  fon  porfible 
de  parer  dextremcnt  aux  vaguts.  Les  coficsdu  vairtcau 
fendues  de  tant  de  heurts  jfaifoyentiant  d'eaujque  tons 
ceux  qui  eftoyenr  dedans  auoyent  aflez  d'aFaires  à  Tcf- 
puifcr.  Pour  leur  foulapemcnr  ils  alkgerent  le  vailfcau, 
iettant  bon  gré  maugre  euxrne  bonne  pairie  de  leurs 
hardes  au  fcm  de  la  mer  irruee  ,  qui  s'en  monfti  oit  tant 
plus  farouche.  Ainfi  dcfpouillez  de  leur  équipage  naual 
n'ayans  rien  deuanc  Us  yeux  que  l'image  de  la  mort, 
après  auoir  efté  quelques  iours  le  louet  des  me  nragnes 
&  des  creux  de  l'Océan,  finalement  voici  des  vents  de 
midi  q-ii  les  poufTcnW^ers  le  riuagc  >  c'elt  à  dite  à  vn 
naufrage  tour  euidenr.  C'eftoit  le  re^-nedc  à  leurs  mifc- 
Tt^,  s*iis  n'aimoyeot  mieux  cftre  engloutis  tour  vits  de- 
dans [tî>  vagues  ,  ou  cftre  poulFci  à  crauers  de  quelque* 
efcucils  &  bancs  de  fable. 

Ainfî  donc  on  iettc  les  anchrcs  à  vn  trait  d'arc  près 
du  bord  ,  dccofté  ô;d'AUCrc  du7âiffcau,pour  fcfauucr 

00     î 


9\o  Hliloires  aim  irahleî 

par  le  moyen  des  cfquifs,  Icui  feule  rciroUTC, en  terre 
ferme.  Soaic  le  premier ,  aiicc  fa  femme,  fcs  enfans  & 
quelques  vns  des  principaux  ,  ayans  cnlciic  à  lalialtc 
leur  arg.nt&  leurs  bagues ,  entrent  en  vnef^uif  &  a- 
Uce extrême  péril  gaign;:nt  le  hord  ,  tant  les  vagues  c- 
ft' ycni  hautes  &  violentes.  Les  autres  rcftez  au  nauuc 
n\n  eutent  pas  fi  bo.-imarclié;cai  lesefquifs  ayans  faïc 
deui  o'i  trois  palfid^s  dtjmvjrent  en  des  bnncs  &  de- 
Itroits,  où  il»  furent  fracall'cz.  En  mc'me  inliant  le  ca- 
ble de  i'aiiChre  lettec  vers  le  midi  ,  («coué  des  vents  im- 
pétueux,i:\jc  arraché  ;  cellementque  ceux  qui  el>0)'cnc 
reiicz  au  niuire  ,  voyans  les  coi'tcz  eflochez,  &  la  mer 
comme  ouL'er  e  pour  les  ci  g]outii,re  faililfent.qui  d'vn 
tonnciu  ,  qui  d  vnc  balle,  qui  d'vnequailîe  ,  que  l'eau 
pouir«Ui  du  fond  de  ce  nauiiecn  haut,  &:  iwx  ceftcmon- 
tu  c  peu  afîirurce  entrent  fur  le  dos  des  vogues  pour 
gaîgatt  le  bord  Celle  monftre  pitoyable  fevoyc.it  cn- 
t'-tmcile'"dec(^fF'es3cbahji  liotians  Wur  reaU;&  des  di- 
Ucrs  inftrumcns  du  vaiiîcau  portez  haut  &:  bas. Lors  pé- 
rirent quarante  Portugais  lurmontez  de  la  fureur  des 
flors,&  fcpr.4nce d'autres  nationsilcs  furjiuans  couueris 
à  diuc.f^ifois  des  vaguer,  if.  tracaffez  tantofto  tanioft 
là  par  la  mer  tfcumecfe  ,  lim-neufc  &  ronflame  ,  lOuc 
moulus  &  fi  oilî.-zdu  heurt  des  coffres ,  oublefT-  z  iiT- 
qufs  au  fangen  d'uers  endroits  p^r  le  choc  des  aix  gar- 
nis de  cloiix,  qui  rcinbloyeni  cr^mme  courir  la  lance,ea 
fin  arriuercct  a  bord  demi  mor'S. 

A  p'îinecftoycnt  ils  en  terre  ,  que  le  fond  du  baflcm, 
lo^s  lout  vuiJcd'hommess'arrtltadeuant  le  »rsyeLx,& 
porté  fu' des  bancs  «ie  fable  fefndit  premicitmvn  cti 
deux,  puis  eu  quarre  pièces  ,  fiialvfmcnctf.iara  par  me- 
pus  morceaijx.Tc'fe  perre  irréparable  leJuiliit  les  p^u- 
ures  Portug-iis  prcfquesau  deltfpoir.  Car  ilsauoyenc 
delsberé  ,  ù'efquipper  des  rcft^s  de  leur  naifrage  quel- 
que vaifieau  léger,  pour  enuoyer  g^ns  àSofaia  ou  Nîo- 
zambique  demander  fccours  :  ils  fe  vôyoycnt  fi  uftr^  i, 
de  rel  moyen  par  le  bris  de  leur  nauire  ,  dont  nerelfoic 
pas  vne  pièce  q:Ti  fufî  de  la  longueur  d'vn  pied.  Toit 
«prcsû  heure  à  autre  la  raçr  poaiTalcs  corps  noyez  à 

bord 


é"  memoYahles.  951 

bordaucc  les  anchres,picques&q»jelqucs  fauconneau^ 
qui  furent  laiilez, toutes  les  poulJrcs  ayant  elîé  galtccS 
&.  ncreftdnt  falpclhe  ni  autre  mactc  e  pour  en  refaîre. 
D'auancagcrauiomne  s'eftoit  eCcouié  doiani  ces  mi- 
fcrcs  :  &  p(>u.ceque  le  pay^  où  ils  fc  tiouucyent  eftoic 
vers  le  midi  à  trente  &  vn  dcg'cz  de  l'cqiiatcur  ,  Seule 
fie  faire  forte  frux  ,  &  diftiib :?er  i  chacun  quelque  peu 
de  ryz  &  de  poiifon  faié  ,  îc  tout  demi  ponrri  ,  pour  a- 
uoir  cflé  mouillé, puis  refcousdela  tempeilc  lis  el>oy« 
ent  lois  (ur  le  labic  ,  auprès  de  certains  pauurcs  ba-ba-, 
reç,g^ns  farouches  &  inacointablcs  »  delquvîsîîs  n'en- 
tendoycnc  non  plus  le  Imgage  que  celui  des  bcftes 
fauuages.  Toute  Icar  comiiîoducconfiltoit  en  quel- 
ques fourccs  d'eau  douce  proches  de  là.  Des  balots  5C 
coifrcs  qui  leur  eftoyent  reliez  ils  firent  vnpccitclos, 
&  roulèrent  qjelques  pierres  en  forme  demuraiilir, 
pour  pcilfer  les n'Jïdsvn  peu  phu.  feuit ment  ,  iertani 
dehors  quelques  feiKineiicS)  âcfaifant  diucrlès  rondes, 
où  foule  le  trouuoit  l^  plus  da  temps  ,  n'oubliant  rien 
dudeuoir  d'vn  bon  ch  f&:  pjtiior.  lli  demiurcréc  prcs 
de  treize iours  en  ce  rjquoy  foucicux  ,  poor  fe  repren- 
dre &rcnfocer  au  moins  mal  que  polnblc  fut,  puis  oa 
entra  en  deliberatior  de  ceqii  eftoit  àfairc  pour  l'a- 
ucnir,&  la  route  qu'ils  deuoytnt  prendre.  Toiis  en  vin- 
drent  là,que  coftoyans  le  riuage  ,  ils  trooucroycnt  vne 
l'iuicrc  que  Laurent  Marchelc  aaoït  ladis  futncmmcc 
du  S.Efpric,  où  les  Portugais  venoyenc  de  Sctala  &  de 
Mozjmbiquepourtiaficqucr  autc  ceux  du  piys.  C^fte 
riuiere  eftoit  à  près  de  deux  cens  lieues  de  1?  vers  O- 
ricnt.  Q^oyqiie  Sjulefoft  le  pins  in  trcflé  de  cous 
en  ccfteaduerfiié  .ncantmoins  décontenance  ^ de  pa- 
roles ilacouragea  tous  ks  autres  afnyure  c.i^e  rclo- 
lution  ,  les  exhortant  de  ne  dcrcffcrcr  en  temps  de  ca- 
lamité ,  que  ceux  qui  fecommt  ttoycst  à  lamcrdeuoy- 
ent  fnrc  leur  compte  d'cndurer  f^.imjfoif,  pêne  de  biês 
&d'cftre  redutti  àtoutes  foaei  d'jnconmricdiiez:  qr.oy 
aucnant.  il  n'eftoit  pourtant  quelbô  de  fe  iu;:er  perdus, 
kL  faire  côme  ceux  qui  péfcnt  qu'aucun  mal  ne  leur  peut 
tucuir.  D'aua  otage  qu'ayant  ckacun  d'c^x  merùc  dam- 

OO    4 


J 


9  S  2/  IftHoires  aimirahles 

nation  éternelle  à  caufc  de  it  urs  forfaits ,  il  leur  cftoit 
feantdc  fupportcr  franchement  ces  chaftirocns  tempo- 
rels de  courre  durée.  Qi'M  conucnoit  pcnfcr  non  pas  à 
ce  qu'ils  auoyenc  perdu  par  ce  naufrage,  mais  qu'ils  en 
cftoycn.  eCchapptz.  ÇKievoneaentils  auoycnt  beau- 
coup perdu.'mais  qu'ils  ponuoycnc  périr  aufTi  bieoique 
Icrci'r.Outre  pins  il  leur  remonftra  ,  qu*eftans  cepcnc 
norab.c  parmi  des  peuples  fauuagcs,  ils  pcnftflcnr  que 
le  liioyendt  fubiîfter  dcform-iis  eltoii  de  demeurer  d'.ic- 
cora  è«>  bien  vnis  erfemUeique  nul  nefifl  dcliberation 
à  parr,quâ  tous  apportafi'ent  leurs  suis  en  commun  :  at- 
tendu  que  ceux  qui  fe  dcft^indcroycnt  deuoyent  faire 
eftat  d'eftre  perdus,  au  contraire  rien  ne  leur  pourroit 
nuire  s'ils  dcmeuroyent  ioinis  comme  en  vn  corps.  Fi- 
nalement il  les  pria  tons  ,  defucporrer  en  ce  chemin  fa 
f;Tnme&  fes  enfans  ,  ayanrel'eard  àlctn  fcxe  &  aage: 
brief  qu'ils  fe  monftrafTwnt  robutUs  pour  le  foulagemct 
des  foibles  .Tous  s'efcrierent  la  deifus, qa'il  les  mennft 
où  &  comme  il  lui  p liiroii;qu'ils  lui  obeyroycnt  entiè- 
rement. 

S'eftans  ainfi  quelque  peu  renforcez  &  arourage/Mls 
fe  mirent  en  chemin  félon  l'ordre  qui  s'enfuir.  Manuel 
de  Soufc  marthoit  le  pemier  arec  fa  funme  Elconor, 
dame  rcfolue  à  merueillcs,&:lcnrs  enfars.qui  pour  leur 
bas  aage  n'apprehendoyent  rien  ,  fuims  d'André  Valee, 
ma'ftreds  nauire,  lequel  portcit  pour  en  feigne  vne  !ô- 
guc  croix,de  quaire  vingts  Portugais  >  &  dt  cent  efcla- 
Ues,le!queh  rour"à  tour  c'iargccycnt  fur  leuis  efpau'es 
les  pe:is  enfans, &  portoyent  nleonôr  en  vne  mcfchanre 
Jiâr.ere  à  bras  ,  (uiu;e  de  quelques  feruante$.&  ^t%  fer- 
uiteuîs  du  rauire.  Aprrs  cefte  miferabic  iroi^pe  mar- 
choir  Pantalvion  S.iîa  acÔ['3gnc  de  quelques  autres  auec 
les  efcbncs  Portugais  Ils  marchoyét  à  petites  iournees 
par  chemins  p£;riile:T..i  caofedesbeftes  fauuages  &  cru 
•lies, qui  à  tons  coups  leu:  icuioyent  l'alarme:  auoyenr  à 
rraucricr  Citî,  rochers  fan;  chemin  ,  grauir  par  des  mon- 
tagnes d'ei-cefllue  hautr-ur  ,  puisdeualer  en  desbairi- 
caues  elVroyables  à  regarder,  oii  ils  trouucycni  des  fon- 
^licrcs  profoadcs  Ôc  dc$  toricmj  impétueux,    C'cftoiE 

à  cc$ 


tr  memorahlesl  ^55 

aces  pauur  es  voyager  s  de  cerchcr  &  fonderies  guais, 
les  montces&  dcfccnres  moins  malaifecs.Mais  faur:^  de 
fçauoir  les  chemins  ils  alôgtréc  le  leur  de  plus  de  leptâ- 
le  lieues. Vn  mois  fe  pnfla  durant  ce  voyage:&lè  pi>  fut 
<ju'cftans  au  bout  de  leurs  viures:  la  famine  vint  les  af- 
failiir.    Ils  i'en  defcndoyea:  psemieremeni  à  T.^ide  des 
moules  &  auTcs  menues  co(^u>i!fs  ,  item  dequelques 
poiflbns  pourris  &  au'.rcs  tels  rcbiusde  mer.   S'ils. s'ef- 
longnoyentde'a  riue  ,    quelques  pommes  fauu^ges  & 
menus nu!t-i  d'arb'CS  inconus  leur  feiuoycnt,   auecdes 
brouts  d'arbresen  fin  ils  mangèrent  Ici  charognes  des 
bcftes  trouuecs  en  chemin    ,    qu'ils  faifoyent  roflir,  f.: 
bouillir  les  peaux, dont  ils  npaifoyent  Iturfaim.  Lafoif 
ne  les  tourmentoit  pas  moins. Q^iand  quciques-vns  fc 
defbandoyent  pour  en  aller  achcrtr  bi>in  loin  fort  chè- 
rement ,    c'cftoit  en  extrême  crainte  de^  voleurs  Eihio- 
piens,&dcs  lions  &  tigres, dont  !ç^.  rep-'ircs  leur  eP^cyct 
inconus.  D'auantagt;  le  prix  de  l'eau  douce  eftoit  c^f  cef- 
fîf,  &quclquesfois  vnechopine  d'icel'e  couita  huKflef- 
cus.    Ccftc  recharge  fur  caule  que  de  fois  à  aurre  quel- 
ques-vn$  de  cefle  iHJierablecarauanneabatus  de  difcf- 
te.cfpaifc:  2  de  toute  vigueur,  5:  ncpouuans  pins  fc  icyi» 
ftenir,demeu»oycnt  en  chemin  ponr  biuin  ai  x  barba- 
re? cruels, &  pour  pr<^ye  aux  bc{t;'5  &  ai;xoiicuix  c?  - 
nafl[îers.      Cti.x  à  qti  rcfiOit  quelque  force  po"r  parfcr 
putre  recueilloyct  lesdcrniers  mots&  f^ufpi'S  de  leu'S 
compagnons  piteufement  cspirans,  fi  i  ftonn^z  aure^^e 
de  leurs  propres  iTj3t'x&  pcrrils  qui  les  agaçoyéc  à  toi  - 
tes  heures, qu'ils  cftoyciit  comme  ftupi.ics  &  dn  roue  a- 
hrufi»  en  regardant  les  aritresda  tout  abatus.  Qnant  à 
Souf, quelque  ficns  amis  qui  lui  rcUoyent  ,    l'angoif. 
foycncdeluicfj'^émenr.     M-^is  les  trausu.v  &  mc.!]icrr$ 
iournaliers  de  fa  f-rminc  le  rendryent  prefque'v  lufcnlf  : 
combien  que  ceftc.  damefc  monftrall  inuinvîhle  cora- 
pafîne  decp-ps  &:  d'efprit  à  ion  mari,&  que  u'ayat  p:u$ 
de  valcrs  allez  forts  peur  la  porter  ,  elle  fut  deîia  aciu- 
flumee  de  marcher  à  fes  pieds.      Car    lors  elle  acour;:- 
g*oit  les  autres,  &  à  fontour  portoit  IVn  de  fcsenfans. 
Qujicremois  après  leur  naafrage,ils  paruindrenc  à  ccite 


9  s  4  Hijtûires  admirables 

riuicrefurnommecdu  fainft  Efprit,  fans  fçauoir  qu'ils 
y  tufit-nr.     Pource  uu'ils  sVftoyeiu  iraagu.cz  qin:K|ac 
grandfieuue&  là  ne  leur  paroilfoit  qu'vne    ptcitc  ri- 
iiiercparciccn  trois  bras ,  qui  au  bout  ic  rendent  en  vn. 
D'auantagc,ils  n'auoyent  point  de  ir'jch^maos  propies 
pour  entendre  où  ils  cftoycrt ,   6l  leurs  eTclaucs  Mores 
ne  comprencyent  mocaucun  du  langcigc  des  habitans 
au  longd'icelicriuiere.ll  aiiini  de  bon  hcur,cjucle  Ici- 
gneur  du  pays  elloit  homme  pailîble  ,  à    comparaifon 
des  autres  Ethiopiens  ,  &  port  oirafF:^^  ion  particuiicc 
aux  Portugais, ayant  trafiqué  peu  de  ten^ps  auparauanc 
en  paix  abonne   corrçfpôndance  auec  Laurent  Mar- 
chcre&  Antoine  Caldeire.    Icelui  recueillit  gracicufe- 
nient  chez  foi  Soufe,&  fa  fuitcvoulant  qu'ils  n'en  bou- 
geaifent  ,    iufques  à  ce  que  quelque  facteur  Portugais 
vinfl  de  Sofala,  Ce  feigncur  n'oublia  raifon  nircmon- 
ftrancc  aucune  pourles  tenir,  partie  poulîé  d'vnc  dou- 
ceur &  benigni.c  qui  lui  edoit  naturelle  ,     parue  aulTi 
induit  par  la  comaiodité  qu'il  pretendoit  rccuci'lir  de 
ces  hom lies, lerqaelsil  etbraoït  luiauoi.reltc  coitime 
cnuoyez  du  ciel ,  pour  vn  fecours  alTeuré  contre  cer- 
tains puifFans   ennemis  qui  lui  failoyent   la    guerre. 
Pourtant   aptes  leur  auoir  monft-é  tout  bon  vifagc  à 
luipofllble,    il  leur  fit  encciidrc  par  gelées  &  lignes  dt- 
uers  ,  que   non    loin    de    Jà     rej^noit  vn  puillant  fei- 
gneur,  mais  acouftumé  à  brigandages  &  faccagem-  ns: 
qui  les  ruincroittousjs'ils  ettoyentfi  malauiTcz  de  paf- 
fer  outre. 

Ses  prières  &  remontrances  furent  inutiles.  Plus  on 
trairoit  liberalementSoofe  ,  moinsiU'alîcurou.fi»:  cui- 
dant  que  ce  faft  vne  fincfic  &  machination  contre  lui 
&  les  fîens,  rcfolut  des*',  n  allci  delà  :  bricf  il  fit  tant 
que  ce  fcign-ur  luio6l:''ova  quelques  petis  balteaux 
pourentrer  en  cefte  riau-re.  Au  cinquieimciour  iis  i*a- 
uancerent  iu(l]ues  au  milieu  d'vn  des  bras  d'icellcayant 
tair  trois  censl'euè'i  dfpui»  leur  nauffage,&.  ne  (c  iiou- 
uans  plus  que  fir  vings  pcrfonnes  au  luu  defix  cens. 
En  fin  lis  rrauerfcnc  ccbras&couoiircnt  par  Icjrs  ttu- 
chemaas  qui  entenduyeut  œicux  le  laug«gc  du  quartier 

où. 


ér  mémorables]  p  5  5 

où  ils  fc:  trouuoycnt ,  cjuc  c'cftoJt  lariuierede  LaurcnC 
Marchciepar  euxcerchec  aucc  tant  de  crauail  ,    &cjuc 
des  homme*;  blancs  ,  vertus  comme  eux,  venoycnt  par 
bafteaux  trafiquer  U.L'cndroM  ou  ils  fe  irouucrent  n'e- 
ftoit   i<t  loin  de  la  mer  .  &  ne  trcuuoyent  poinr  d'eau 
douce  ;  ;a  rené  cftoit  rteiilc à:  déserte    :    pourtant  fo  ce 
leur  fut,   cftans  tout  rompus  de  tauaux  ,    ùe  palier  la 
nuidl  comme  ils  peiirenf.Lelendc'main  ma  in  deux  ccr$ 
Mores  paroifTent  :  Souft  3c  les  fiens  penlans  qu'il  t-i<-lt 
fe  battre  ,  quoy  que  foibies  &  abatus  de  langueur,  en.- 
poignent  lents  armes,  refolus  de  donner  Ja  ciialTe  à  cti 
brigands.    Le  chef  de  leur  troupe  les  deuance,&;  mon- 
ilrant  vn  vif^ge  paifible  s'enquicrt  douccJiîtni  qui  ils 
cftoyent  &d\iù  ils  venoyent  en  tel  pays.     Soiifefcjsf- 
fcurant  fait  entendre  par  les  truchcmars  touK  Ton  a- 
umturc   :    demande  des  viures  en  payant ,    &preftntc 
quelques  couftcaax&  autres  pièces  de  narchandifc-î- 
<^reables  à  ces  peuples. Les  Morts  voyans  que  le  m-jen 
de  faire  leurs  befongncs  fcprefcntoir,  nais  qu'il  faluic 
y  procéder  feuremenr ,   dilfimulans  1<  ur  fcù  n  courage, 
rcfpondirenr    qu'ils    u'.ii<»ycnt  point   deviurej   auec 
eux  :  mais  que  leur  ville  n'citoit  paslomde  lirquelcur 
p:incc  •v'cei.roic  «roui  toiû  ment  les  l^oittignis,  qui  y  !e-   ' 
royert  bien  traitez  ,  s'ils  y  v .  ncyenc.    S«  elc  6c  les  Éc  us 
e^oyent  ext'emement  las  ilî  :e  voyc  vent  au  bout  de  U 
riuiwre  tant  deûiecj'a  faim  &  l.i  foif  .es  fourm- ntcyci  t. 
Pouaant   ils  s'achemincrent   vers  la  vil  e  i»j»rcs  lrî:.r-s 
guioey.    Compte  .Is  en  ^prochoycnr,  îc  prince  l-nrcn- 
uuyed  f  ndrc  rcni'te,  3c  leur  ma.quc  la  auprès  des  ar- 
b-(-sfiieiIius  pour  s'y  repofcf.     Ils  ccmeurcrcnr  en  tels 
K:g  s  fix  icurs  entiers,  oiîiis  vcfcurent  de  chairs  &  au- 
tres viures  Tueles  hab  tans  leur  fourni? cnr en  cfcÎTnn- 
ge  de  doux  da  fc:r  a  rache'i  des  a  x  de  leur  nauire.      Là 
aup'es  cftoit  vnc   foniaine  d'eau  douce  pour  Icurb  ca- 
uagc. 

Ayansprins  quelle  ccnoi/Tance  2uec  ces  bjibvcs 
Soûle  emb.iboou.é  d'vne  opinion(quoy  que  pernu  i<.u- 
kt  comme  il  apa'-tu  puis  aprcs)Que  ce  lieroit  facommo- 


^  s  ^  ^tftoires  admirables 

dite  d'attendre  illec  quclt^ue  fadeur  ou  marchand  de 
Sofala,  rcfolut  d'y  faire fuioar.  L«.s  Mores  l'en  (olliri- 
toycnt  aufTi  bien  fort,  &  quel'^ues-vns  d'entre. eux  allè- 
rent vcts  leur  roy  ou  fe  gneui  demander  quelque  logis 
commode;OÙ  Soufc  ,  fa  femme  &  leur  fuite  pcull^nr  cô- 
modement  hibicer  àrintcntion  fufmeniionnce.Ce  lei- 
gneur,auflî  rufé  &:  melchant  que  fts  fuiets,  cnur.ycdirc 
à  Soufe  ,  qu'il  eftoit  bien  afyedtionné  vers  les  étrangers 
&afiîigez,m3is  que  deux  railonsrauoyentempefclicde 
les  rcccuoiren  fa  ville  iafques  alors.  L'vne  ,  que  la  di^ 
f»;ttcde  viurey  eftoitfi  grande , que  l'on  ne  pourroit  pas 
Jes  nourrir  &  loger  cous  en  mefmc  maisôrrautrequ'e- 
ftans  équipez  de  poignards,  d'cfpees  &  aii*rcs  traits  nui- 
sibles 5  ils  feroyent  trop  de  peur  aux  habitans  du  iieu, 
fcns  nudsjdefarmez,  &acoiiilumez  à  ne  porter  que  des 
aftôs.QM^e  û  pour  prcuue  de  demeure  paifîble  les  Por- 
tugais veulent  de  bonne  foy  lui  bailler  eo  garde  leurs 
armes, il  logera  chez  foi  leur  capitaine  &  lei,  principaux 
de  fa  fuite ,  &  les  autres  en  mailons  afleurecs  de  la  ville. 
Soufc  ayant  afTemblé  fcs  gens  ces  demandes  fui  et  trou- 
ueesrigoureufcs,  &  le  refus  périlleux, â  caufe  qu'on  leur 
ofieroules  viurcs.  Nuldonques  n'ofa  manifeftement 
s'oppofer  à  telle  inflace  âcct  fcigncur,t"ors  Eleonorqui 
defconreilliviuemcni  &L  dcuant  tous  ,  fon  mari,  d'acce- 
pter telle  condition.  Soulcqui  n'auoit  point  voulu  croi- 
re rau:rcfeigneur,hoinmcfîdcle,qui  lui  difoit  amiable 
ment  la  venté, ni  fa  femme  bien-3imee,qui  le  fupplioit 
&admonnefloit  fcurement  au  befoin  ,  pouffé e'vne  cré- 
dulité vaine  &  pcrnicieufe  ,  fcliura  foi- mefmc  &  les 
fitns  es  mains  à'vf\.  trompeur.  Ainfî  tous  enuoyent  leurs 
armes  à  ce  ftJgneur  ,  chez  qui  Soufe,  fa  femme  &  vingt 
autres  leurs  familiers  furent  logez.  Quant  aux  autres, 
les  officiers  de  ce  fcigneur  les  Icparent  cinq  à  cinq-  en 
niaifonsefcartees. 

A  peine  ef\oyent-i!s  entrez  en  leurs  logis  ou  plufloft 
b  igaudagwS,  que  ces  barbares  leur  oflcnt  tout  ce  qu'ils 
auoycnc  ,  &  les  defpouillcnt  de  tous  leurs  veftemens» 
<^uoyqucfrippcz  &  rompus  :  leur  baillent  la  nuift  fui- 
uanccfortpcuàraaogcr,  ôc  Icmatiavenuleschafrenc 

des 


é*  memorahleS'  957 

4cs  maifons  &  de  la  ville  à  grands  cris  &  â  coupî  de  ba- 
ftoo.Le  tyran  rauiifurieufementàSoiifc,  à  fa  femme  & 
à  leur  fuitcjtout  l'or, l'argcnt,&'  les  bagues  (qu'ils  auoyér, 
leur  laiiïant  leurs  hâbiilcm'ens,  &  s'abltcrât  de  les  frap- 
pcr:puis  les  fit  ictti.r  hors  comme  les  autrcSjdifantquc 
tels  cour faireç  &cômÛ3  ci  nemis  du  gère  humain  aaoy- 
cncefté  par  lui  plus  gracieufement  traite?  qu'ils  ncmc- 
ritoyent.    Alors  Soufe  &  Icsfiens  fcntirentcombien  ils 
auoycntef^é  maUuifczdc  fedefarmer  &Êcr  endcs  bar- 
barcsinconus  &  peifides.  Mais  ce  net  t  p3s  le  bout  de 
leurs  mifcrcs.   Car  dcfnuez  de  confeil,  tous  desbandez, 
fans  conduéleur,  a;  s  guide, ils  con  mer-ccut  à  marcher 
àrauanturcrSc  làdeiïus  voici  foudain  vne  grolTe  trou- 
pe de  Mcres  ,  cquip-cz  de  biftons  fort  poin(fîus,  c|ui  cn- 
uelopenc  Soufe&ifa  faite,  puis  fans  accep:ion d'aucune 
pcrfonnedefpouilknr  hommes, fcrramcs  S:  enfans,  qui 
Ledifoyentpas  vn  mct,t3ni  ilseftoyertefperdus  :  excft- 
ptce  Eîeonor,  qui  Çz  fouuer.ant  de  fa  race  ,  U  foigucufe 
de fonhonneur,Fait  toute rcûftance  à  elîc  pofîîbic  ,  dct 
ferrant  force  coups  de  poing  &  de  foufflt  tsfur  les  faces 
de  ces  barbares,  pour  les  irriter  ,  à  ce  qu'ils  la  luafîenr. 
Mais  n'en  pouuant  pi  as, &:  Ton  mari  l'exhortant,  clic  dé- 
bita.   Ces  pauurcs  gens  touteftonnez(  après  la  retraite 
des  voleurs)  tournoyeat  les  yeux  pour  nes'cntre-voir, 
nommémentporr  ne  contempler  cefte  honnorable  da- 
me ,    qui  plus  etFrayec  de  la  lumière  du  iour  qxx-'.  de  Ja 
mort  mcfme  ,  fe  fit  faire  vne  foifc  dedans  le  fablon  où 
elle  feeouurit  d'iccUii  .    &:  quant  à  ce^jui  pnroiiToit  de- 
hors le  cacha  de  l'es  cheuenxefparpi  Ile/  ,  pli»  appfHanc 
André  Vafcc  &  qneK^ues  autres  reftcz  eo  périt  nombre, 
leur  dn,Cf  ns  de  bien  &  d'honneur,  vqjs  aueztfté  tres- 
fidtles  à  voftre  capitaine.  Il  fuffit  ,  allez  &  prouuoyez  \ 
voftre  fauuerc.     Si  quelqu'vndc  vous  peutfinalemcnt 
arriuer  en  Portugal,  faires  fçauoir  en  oijt  lie  raifere  mes 
péchez  ontreduit  mou  mari  ôcmoi.  Cc'adit ,  eMe  c^e- 
meura  en  fon  eftai  fsn^  bouger  ,  ni  dire  plu?  pas  vn  feul 
moi.SiqueJquesfois  elle regardoic  fesrhcrs enfans  ,  les 
iarmcs  luiruiflcloyent  des  yeux  aijcc  hauts  foufpirs  & 
lànolots.    Qiiant  à  Manuel  de  i'oule  pcre  &  mari ,  vnç 


9^8  Hijloires  aâmtrahlcs 

tiifteire&  doHlcur  profonde  lui  auoit  ferré  le  ccrur  £*: 
Jà  bouche.  A)  aiii  tenu  quelque  rcmps  les  yeux  fiche?,  en 
terre  ,  comme  fijppé  d'vn  dclat  dcfou-dre.ou  tout  he- 
hzit    :    finaloment  le  foin  ce  fcs  petis  s'cfnci liant  roue  " 
cojp  ,   il  s'achemine  vers  vue  lorcfl:  prochaine  pour  \ 
troaucr  qucicj  je  tiourricurc.     De  retour  ,    iltroutclc 
plus  pccJt  de  les  fils  décodé»  &.  fa  fcmrr.e,  qui  auoitefté 
irois  lours  fans  mang-t  ,    accablée  de  triftcHe  &  dr  bf- 
iTies.   11  enterre  de  fi.s  mains  Ton  cnfant:&  "'e  ien^emaia 
retourne  à  la  quelte:mais  au  rcccir  il  void  fa  femme  & 
fon  autre  fils  expiiez  ,  .autour  defquels  edoyent  quel- 
ques fer  uamcs  qui fe  lamcncoyentd  grands  crjs  ,    près 
de  ces  pauures  corps.  Ayant  fait  retirer  les  feruantcs,  il 
feieite  par  terre  ,    apuyani  quelque  peu  de  temps  îa  re- 
flc  (ur  la  main  droi:e  eftcadue  uefa   femme  trefpslfee: 
puis  à  l'aide  Azs  (emcnres  cache  dedans  le  fabîela  fem- 
ji,e  &  Tenfant,  fans  proférer  parole  quelconque.      Cela 
pa.  achcuc ,  il  s'en  retourne  par  la  fo'-eft.'où  l'on  prelu- 
me  qu'il  fut  dcuo.épar  les  b  ftcs  fauua^^cs  :  car  on  n'en 
Oiit  depuis  ni  Vent    ni    voix.    Les  a^jiFcs  fumiuan   aa 
no.nbrc  de  cent.trotTpe  honteufe  comme  l'on  peut  pcn- 
fcripiCiTez  de  neccfTî  é  extrême  •,   aptes  vn  long  tracas, 
re^Jitsau  noiîibic  d^  VHigc-fiifurêc  prins  prifonniers, 
&  fînalcmenc  rachetez  par  vn  bafteher  Portugais,  le- 
<ju^!    de   bonne  encontre  pour  eux  vint  de  Mozauibi- 
qucjju  port  où  ils  e(loyer.c,achtter  de  l'iunircà:  les  ra- 
cheta tous  pour  peu  d'argent  ,    &  les  ramena  en  Por- 
t  )gal,  oiiils  racontèrent:  par  le  menu  toutes  leurs  auan- 
i  j.c$,lommaircment  reprcfcntees  en  ce  dilcours,  bi  ivf- 
Lemeo'  d^fcritpar  le  'DoClcnr  Camerariuf  .tu  ■•..ydlutne  de 
ftsn.edttMionih:jtoriques->  lune  ^.cha(>itre  I  7.  Ou  il  adiou^ 
Ite  tout  a  la  fin  ce  notable  trait  de  Valer  es  Maximus, 
que  la  grandeur  &:  richefTc  humaine  n'eft  que  fragilité 
Il  miCrc.comi^arableà  d..s  riffiqueis  6:  bagicLlIes  de  pe- 
tis crnfaus     Elles   affluent  cri  vn  inftanr  (  dit-il  )&  s'<f^ 
coulent  foudaincraent ,  Innss'arrcfttr  cnci;droit  quel- 
conque >  ni  en  pcrfonneaucuoe,  tant  elles  font  mal  af- 
feurces.    Lprs  qu'elles  (cmblent prendre  racine, vn  vent 
iûCcrtaiQdcrci^oIutioD  incomprcher.lible  les  poufT'-  çà 

delà) 


ér  mémorables.  9  5  ^ 

U  là,iellement  que  ctux  qui  fonc  montez  au  plus  haut, 
de/'itacx  l'oudaui  de  leur  apuy  qui  ne  fan  que  rouler, 
Ibnt  milerabicni' ne  plongez  ôc  noyez  envnabyfmede 
contufions.  Pounanr  ne  d-yucnt  cftrc  eftimcz  niap- 
pcikz  bi^ns  ces  aïg- es  douceurs  ,  qui  par  ramertume 
des  maux  doni  elici  nous  bacccnt,  recoubîcnc  ia  peur 
qu'on  a  de  1  s  pcidie. 

Aircltecefteprorperi'é  rcnnerfee    &  cnfeuciie  du 
p.iuurc  Sepuluede  &:d'Ekonorfa  femme  ,  publiée  par 
Icf^yaumc  ie  Portugal  ,  elmcuc  cliacun  à  en  pleurer  à 
chaudes  liirmes  :  na'fc  ellit  n'clic^gnir  pas  pourtant  Ta- 
Marjcc  &  folie  vanné  Je  plalieurs.   Car  l'année  fuiuan- 
lie.cifîq  capiramesde  nauirc  firent  voile  de  Cothim  eu 
Portugal.   Ils  auoycnt  pour  ciief  Fernand  Aîuares  Ca- 
pra'.   Apres  diuers  pvrils  vne  feule  g^i^na  le  pn-i    (fg 
Lifbonne.    On  ne  fçait  que  deuiudreni  ics  autres,  exce- 
ptcei'Amirale,nominv.e  S  B^^nedidt.   Elle  cfioirf:char 
gec  de  marchandifes  &  de  richcfles,que  les  matelocs  ne 
p  jU'joyent  s'y  remuer    qu'a  peine.   Mais  au  milieu  de 
U  route  ,  battue  furieufem  -n:  des  vents  &  des   vnoueç, 
&  faifant  eau  de  coures  parts  ,  tellement  qu'on  ne  pou- 
uourefpuifer  ,  finalement  elle  fc  brifa  près  d'vnriua- 
gv.-  duc  p  de  bonne  efpcranicc.  Deux  cens  hommes  pé- 
rirent en  mer,   ne  pouuans  gai^ncr  le  bord  :  les  autres 
fortfjiblvS  &  demi  mon*:  demeurcrent  quelque  temps 
cft.ndus  lur  le  riuag'.-.     Vn  d'iceuxclchappé  de  ce  tt  r- 
rib!e  naufrage  ,  nommé  Mcfquire  PerertrcI ,  qui  eu  a 
cxiclemenc  fleftric    le-s    panicularitez.    l'adiouftc  des 
chofesdu  tout  prodigiei.f  s     ,    mais   vr.iyes  fi  i\til]"(j_ 
les  de  l'auariccmfaci.vblt  des  pauures  incrédules,  qui 
s'exto.c.Jt    à    tant  de  hazards    &  malheurs  pour  des 
biens  pc- ilfdblcs  :  c''-lt  qu'au  fort  de  la  tourmente  on 
vid   en   Tair    des  bandes  &danfrs  de  malins  efprirj. 
Les  refchappez  le   aictunt  au  chemin    par  terre  en- 
te nJoyent  la  niiid  à<s  cris  effroyable»    de  mariniers 
&;  palîhgers.    Du  c^mn»cnccment  i'seftoyent  plus  de 
t;oiscciis    efchappcz.    Mais  aprcsauoir fait  t'ois  cens 
Jieués  de  chemin  par  terre,   où  ils  endurèrent  tous  les 
mauxduaiofldc,  Uwuaut   qu'aairer  en  Mozaoïlijio.ie 


11 


$6o  Histoires  admirables 

èc  Sofah.leur  nombre  fe  trouua  réduit  à  vingt  &  troifi 

acabicz  de  faim  S>id'amicitn\ikicS'I  yi^iijfeeaHmeffncliu. 
I  6, des  hiftutrei  Indiennes. 


T\OTECrLO-H  excellente. 

T Gates  nos  dcliurances,  en  ces  périls  infinis  de  la 
vie  prel>nte.!ontdc  Dieu, lequel  le  tertdu  miniflc- 
re  de  r<^srainc\$  Angci  pour  nous  garantir  ,  luiuant  le 
cefraoignagcda  i*iopheieau  Pfeaumc  ^  i.ainû exprimé 
par  Delportcs: 

Aux  Anges  qui  fntfes  mejjages 
Ilhra  ce  couimcindement^ 
Qu'eu  ouelqucpnrtquetu  yoyages 
Jls  te  gardent  foigneujement: 
yoire  CT  de  peur  que  d\iuanturei 
Ton  pied  ne  ytene  a  fe  greuer^ 
Chûpant  contre  lu  pierre  dure. 
Leurs  niants  viendrait  tefouleuer, 
Comlnicnquc    le    Pronhcrt  applique  cclapropremcJiC 
aux  pcifonncs  qui  onc  droite  coooillànce  ue  Dieu.poar 
l'honorer  fcion  la  f.nnde  volonté  :  (2  crt-ceque  la  lain- 
6te  Philofophie  nefo.clot    pas  de  c^itc  benediftion  lej 
petis  entans,  &  les  perlonnes  m:lmes  qui  paruenus  en 
aagc  ,  ycnfent  aafli  peu  à  la  protcftion  des  faiucls  An- 
ges que  ies  petisenfans,  les  panures  affligez    &mefpri- 
icz  au  monde, qu<  fcmblcnc  eiVe  tellement  accablez  de 
miiere,qu'il  n'y  a  refToarce  quelconque  en  eux.   Nous 
adiouftons  aux  exemples  propoiez  au  premier  Tolumc 
quelques -vnscncor, qui  nous  ont  eflé  donnez. 

Catherine  AufFdcr  farnbach  jdc  Hilden  en  la  duché 
de  Cieuc^îfemsnc  d'honneftccondiiion  ,  ayant  à  cou- 
cher vn  ficn  orfanî  aa^é  d'enuiron  deux  ans ,  dedans  va, 
pciit  ÎJ6t  ,  luichaufFj  quelques  linges  pour  lui  mettra 
aucour-it.  corps  ;en  i'vn  defquels  le  fsu  Te  print  ,  fans 
«^u'clley  prinftgnrde.  Mais  ayant  couuert  &acommo- 
ctfti'cnianf,lcii»iirccndoimi,  lort  delà  chambre  &  m^i- 

(bn, , 


&  mémorable  5^  if  et 

Ton,  &  fer  me  les  portes  après  clie  ,  cftant  allcc  à  quel- 
ques pas  de  là  pour  les  afaires  domefticjucs.  Reuenant 
vne  heure  après ,  elle  void  Ictfiir  de  la  fumec  en  abon- 
dance hors  des  feneftres.Cc  qui  lui  faift  changer  le  pas 
en  coufr>-î  atcompagnec  c'c  frayeur  &grard  cremble- 
mcnc.  Entrée  en  la  chanabie  ,  elle  trouue  le  petit  liél 
embraie  &:  tout  en  feu:ma;s  l'entant  fain  &  tant  au  mi- 
lieu des  fiam(nes,î?ins  brullure  ni  dommage  quclcoo- 
q ue.  Tai  ce  récit  de  ^. ÇuiUaume  Fabri  de  hilden,  doftc 
chirurgien,ncueu  d'icclic  Catherine, lequel  m'adiouftc 
trois  autres  exemples  en  fi  lettre  du  dernier  iou^  dà 
Fcuricr  i  <5^o  5  qui  orc  doiucnt  pas  eitre  oubliez. 

£ftani(dic  il)petit  garçonnet  de  /aage  de  quatre  ans 
ie  voulus  courir  aprcs  mon  père,  kquel  eftoit  allé  voir 
quelque  fienc  polTcffion  près  de  la  ville. Couché  par  ter- 
re,vne  forte  charrette  de  paylan  chargeede  quelques! 
hardes  me  pafla  par  defl 'S  le  vtn[re,mais  Dieu  mepre- 
fcrua  teilcmenr,qi:e  ic  n'en  eus  aucun  mal. 

l'ai  traité(adioufte-ii)  auec  Cofrac  Slotanus  chiruf- 

'  giendudjc  deCleues  vn  enfant  de  deux  ans,d'vnpay- 

l'an  nommé  Ado  fc:  tmHolsz  auprès  de  Duireldorpje- 

quelenf^ni.eftoittomiȎd\ne  lucarne  en  bas  fur  le  pa- 

uc  de  pierre, de  la  hauteur  de  deux  picques,&ne  s'eftoit 

1  point  cafTéanais  feulement  ellourdi  vn  peu  la  tefte,donf 

j  s'enfuiuic  quelque  voroilfemcnt  :    mais  il  fut  gueti  de 

I  tout  cela  en  moins  de  deux  ou  trois  iours. 

j       Depuis  peu  d'années  en  çà  vne  grolTt  pierre  de  la  pe- 

!  fanceur  dedouzeliures  lombadu  haut  du  clocher  de 

Lutry,bourgadeau  bord  du  lac,  entre  Laufanne  3c  Ve- 

Uay  >  au  pays  de  V'autJur  ia  teftedu  fils  du  (îcu>  Bandc- 

,  ret  de  ce  lieu,  lui  enfonça  le  crâne  dedans  le  cerueaUè 

I  Neanimoins  par  la  grâce  de  Dieu, ceftcnfantpenfé  pat 

M.G.Fabri,aefté  guéri  de  ce  coup. 

Coniiderons  cncoro  quelques  autres  cxejnpîeS  de 
ccfte  prottftion  Angélique.  Il  y  acnuironquatorze  om 
quinze  ani,  qu'vn  bv<n  pcrfonr.agL  Dauphinois,  ertartt 
lors  à  Nonnay  en  Viuarais  ,  logé  près  de  la  grande  E- 
glitc  de  ceftt  ville  la  ,  comme  li  dormoit  paifîblcment 
en  fon  U€t.  au  haut  eftagc  de  la  n>aiioa ,  fur  la  minuiét«. 

PP 


9^2/ 


HiBoires  admirailes 


\c  ciel  s*eftantrfiTicu>lafouIdre  tomba  fur  vn  haut  clo- 
cher d--  pierre  fair  à  pointe,  d'icelle  Eghfe   ,  abatit  ia 
croix  ,   cjuj  tomba  prcmicremcnt  fur  vn  des  coftczdu 
toicldi  hij»is  fufincnti  ■:noc, pais  en  vn  iardin. Sur  l'au- 
tre co'lé  du  loicl  ,  lornb^-rent  deux  quartiers  de  pierre, 
i'vn  de  la  groHeiir  &  longueur  d'vn  pied  en  quarré  >    le- 
quel donnant  defîus  ce  loiSt ,  iuftement  à  l'endroit  du 
Ji6ldtfceperfonnjge>tVacalla  cctoi£l ,  cheut  fur  des  air 
tout  poariis  &:  les  bf  ifa  tellement  qu'vn  des  bouts  de 
Ja  pierre  parut  iuit;:men:  par  le  percuisfaïc  àccs  aixfur 
latcfccde  ce  pet  Tonnage  repoDnten  ion  iifl,&  s'auan- 
^a  par  vn  bout,    l'aurre  demeurant  arrefté  âccpafîage 
tju'ii  auoir  fut ,  au  grand  elLahilTjment  d'vn  trcfgrand 
nombre  d.-  perfonncs  qui  .'irt^nt  ce  quartier  de  pierre,  & 
dont  piuficurs  recognurcnt  vne   proccclion  fpccialc  des 

5  S.  Anges.   Les  autres  en  ingèrent  félon  leur  picLne 
Ignorance. 

Q^uant  à  lui, qui  m'en  a  fait  le  difcours  ,  il  y  rcconoic 
vae  fort  particulière  faucur  de  Dieu  en  cell  endroit,  & 
d'':puisccs  guerres  de  France  ,  çu  il  acfté  cmplcyé  au 
fcrnice  du  roy  cndiuerj  lieux, cftefchappé  de  trcfgrands 
dangers.  L'autre  quartier  de  pierre,beaucoup  plus  pecJt, 
cftanc  tombé  v  n  peu  plus  arricie,  ayant  frjcafle  le  :oiift, 

6  tombé  en  vn  endroit  où  il  y  auoit  quelques  che- 
Uron>  fichez  en  dcnx  murailles  pour  faire  vn  planché, 
rompit  vn  aix  neuf  qu'ellcrcncontra  ,  puis  vnc  quarte 
feruant  à  mcfurer  le  bled  ,  à  cinq  pas  loin  du  lia;  de  ce 
peifo  inage.ce  qui  fcruii  àplus  cxprcffc  manifcftatioa 
de  la  faueur  de  Dieu  en  l'on  endroit. 

L'auriehiftoire  m'a  erté  efcrite  par  M.  Gnillaumc 
Fab:i  thiîurgien  fufmentiunné,  touchant  M.  Galcnus 
y Vieriis,cclebre  médecin  du  Duc  de  Cleaes.  IccJui  ap- 
p°I'c  n'y  a  pas  long  temps  fur  vn  foir,  pour  aller  en  di- 
Jigence  voir  vn  malade pre^Ié  ,  l-^qucl  auoit  befoindc 
fonaide  ,  &  cftoit  alfcz  loin  du  lieu  ou  fe  ictrouuoic 
lors  icclui  VVierus  ,  monfe  à  chenal  fuiui  de  fon  fcrui- 
tcur,&  muchani  de  nuKfl  ne  fe  donne  pas  garde  d*va 
danger  mctucilleui.il  y  auoit  en  chemin  ceaaine  mine 

en  la- 


• 


énlaqnellc  les   folToyenrs    defcendoyent  parvncou» 
tieiturc  ronde  en  forme  de  puits  ,   profond  deplufîeurf 
loilcs.   Sans  y  pcnler  ce  bon  &  dode  pci  fonn-àge    pic- 
qu.incafTcz  foîclenc   fon    chenal  (autcr    &  s'enfoncer 
coût  à  coup  dedans  ce  puits?  qui  elbiii(comme  on  peut 
cftimcr  plus  eltroit  lur  le  nni'cu)  le  cheuaJ    demeure 
arrefté  de  la  teflc  £:  du  derrière  ,    où  il  fc  tourmente  & 
bat  des  pieds  tant  qu'il  peut  ,    mais  en  vainine  pouuanc 
deualer  ,    mons  encore  remontei.     Le  maiftre  eftoit 
dcflusen  la  fclle  ,  tandis  que  fon  feruiteur  plus  retenu* 
&  entendant  fa  veix  en  ce  puits  ,   &lebtuit  du  cheua!, 
couroit  en  porte  par  les  vilIs^.'S  donnant  l'alarme  par 
tout.     Ufit  de  forte  que  plulîcurs  payfans  acoururent 
auec  lumières  ,  cordages  &  engins,  pour  aider  audo- 
ôeui  VVJe  US  ,    lequel  ih  tiifrcntdcxirement  hors  de 
ccfepulchre,  letrouuereni  fain  &iàuf,  fans  qu'il  euft 
blefl'are  niefgracignure  qjelconque.    Mais  fon  cheual 
s'cftoit  tant  tourmenté  &  enfoncé  peu  à  peu  fe  dcbatâe 
àcs  pieds  ,  qu'il  fut  retiré  mort.  Tout  le  contraire  ertoit 
aucnu  le  iour  précèdent  de  certc  cheute  au  chaftcau 
d' Arcnberg,  où  VVisrns  cftoit.  Paul  Langen  fccretaire 
du  duc  de  Clcues,fortlt  après  diCné  hors  de  ce  charteau, 
tomba  auec  fon  cheual  du  pont  en  bas  dedans  le  foifé  rô 
gueres  profond.  Le  cheual  ne  fut  point  endommagé? 
mais  le  fecrctaite  fjtacrauanté  de  cette  cheute,&  mou- 
rut au  melmc  inftanr.  M.Guil.  Fabri  m*a  donné  ces  hi- 
ftoircsde  VVierus&de  Langen,  qui  mr  ram,  ntoyuet, 
afin  que  ie  ferme  ccfte  fedlion  comme  ie  l'ay  comenccc» 
vn  autre  trait  du  Prophète  aupfeaumc  35.  félon  (juC 
D^fportes  l'exprime: 

HiiiSeigneurja  grâce  acompUsf 
Les  hi*mains  fauue  (j"  fe  dr/fiie 
Sur  tant  d^ animaux  ft  diuers  ! 
0  'DicUiCombienfe  multiplie 
Ttt  Lontép.xr  tout  l\tuners! 

Siledefteur  VVierus  noi^s  fait  voir  fa  deliurânce 
plus  au  long  no'is  en  ferons  pa'i  aux  François. 

Micé  Beruard  3cGuilIauine  Haircau, natifs  de  la  villa 


9^4  Htfîoircs  admirai  les 

de  Craon ,  es  frontières  de  Bretagne  ,  retirez  durant  le» 
premiers  troubles  de  Franccen  Normandie,  &  depuis 
Japrifc  de  Rouan  rctouruans  en  leur  quartier  ,   fuicr.t 
arrclt;:^  prifonnicrs    au  chaltcau   de   Maine  la  luhâis: 
dont    ceux    de  Craon    aucrtis   firent    en  forte  que    le 
c-''pitaiuede  cechafteau  ,    homme  crutl,dilibcra  d'cQ 
donner  le  paiietemps  au  peuple  va  lourde  Dimanche, 
&  faire  harquebouzcf  ces  dt-ux  hommes  par  Tes  leiui- 
ceurs.Mûis  Ibr  Fheurc  de  l'exécution, cecapitaineayant 
rcceu  lettres  de  ceri.:in$  geniils-hommcs  voifins  ,    & 
nommément  du  lîeur  de  Nermonticr  ,    non  feulea.enc 
changea  d'auis  ,  mais  aulfi  fit  plus  gracieux  traitcmenc 
aux  piifonniers  que  {/atauant ,  fans  toutc.'fois  les  dcli- 
urer.  Cequevoyans  k$  ieditieux  obtindrent  de  celui 
«juigouuernoK  lors  le  pays  ,    queles  prilonniers  leicy- 
cnt  menez  en  la  vilic  d'Ang.rs ,  pour  y  faire  &  parfaire 
iturproccs.    Suyuan:  iceil.^.slcttrcs ,  ces  piIbnnicisa- 
xrjeE  z  iufqucs  en  ia  mailon  du  PlclTîs  de  Colmcs  ,   la 
rcfoiution    fut  prife  de  ne  les  mener    plus     outre  que 
Chauagnes,àdemje  lieue  deCiaor,cù  le  deuoycnt  re- 
centrer ceux  qui  en  pourfayuoyem  fi  viuemtni  la  dtf- 
perche.      Mais  Dieu,  qui  en  auoit  autrement  ordonné, 
permH,qu'à  l'aide  de  iinu^dl.quiles  auoit  furpris,  Hai- 
rcau  s'clchapp^jcoiîpant  les  cordes  dont  il  tftoii  lie  ,  a* 
uee  vn  petit  coufteau  ,  qu'il  auoit  parauant  caché  fubti- 
Icmen:  dcdai  s  fcs  chauffes.    Ceux  entre  \cs  mains  def- 
qucls  relioit  Macé  Bernard  ,    extrêmement  irritez  que 
Hajrcaufuft  hors  de  leur  puiflànce  ,  cftreignirent  de 
rouLv.;aules"mainsdc  Macé  dcruere  ledos,  le  n.cncreuc 
auct  lanternes  lur  le  bord  d'vne  riul^re  p'ofundt  qui  a 
foB  cours  [  re\  ccUe  maifon  de  Chauogncïjoù  l'vn  d'en- 
trcux  nomme  Magsfferic  ,  lui  ayant  dcir.:rré  de  toute  fa 
force  vn  coup  d'cipte  deliui  le  col  &  d'flus  les  efpau- 
Jes,doDt  11  p.- nfoiiluiabarrcla  leftc  ,    le  icttcrcni  tn  la 
riuie*,  lui  tirant  ouf  -  plus  plufieurs  coups  de  piltoles 
&:  Krfrquebuzes.     Mais  Dieu  ne  laifla  pour  tout  cela  de 
fp.ircion  Œuurc  ,  ayant  prcmicremcnt  modère  la  plus 
parc  de  la  violence  du  coup  d'efpec,  par  le  moyen  d'v- 
4ic  branche  d'arbre  qui  fe  i^uuua  entre  dcux>  &  coudui- 

fauc 


&  memcrahlesl  $^<^ 

fanttellcmentcc  pauurc  homme,  roue  lie  &  naurc  qu'il 
cflo4t,au  traiiersde  la  ri  liere  ,  qa'il  fc  trouua  ie  Taucre 
coftc  ,  lors  que  ces  boarrcaui  icpenfoycnt  au  fond  de 
reau:&  depuis  fut  ^ntx'x.HtJi  de  France fow  Charles  IX. 

HeJaine  Moluaur  vefasde  G'iîlîa'ime  Doucher  re- 
ccueurdeCraon,  femme  caduque  &  aagc^ede  cinquan- 
te l'ept  ans  ou  plus.s'clH.  cachée  en  vne  maisô  au  bourg 
^e  fainfl  Clcmeut»  quelques  feuiieurs  desmoincsda 
]ieu,a(Tîfl:ezdela  commune,  la  rirerent  dehors  auecvnc 
corde  au  col, lui  demandans  fon  rhrefoT,&  après  i'anoir 
tourmentée  en  mille  fartes,  pour  csbranier  fa  conftâcc, 
mais  en  vain, la  ictterenc  en  la  riuiere  de  Dûm,pour  lors 
forcgro/re,à  caufed'vne  creue  d'eaux  furuenue.  Mais 
Dieu  voulutque  cefte  femme  aagcc  *:  caduque,  lut  por- 
tée droit  à  l'autre  bord  de  la  riuiere,  oùcliearriua  faine 
&  fauuedcuantles  yeux  de  c^.s  bour(eaux,  ne  ia  pouuâs 
cmpefcher,pnur  eftic  la  riuiere  trop  enfler.  Leiour  foy- 
Uânc,  ceftc  fémc  trtant  tombée  entre  les  mainsd'autrt*s, 
au(Tî  cruels  que  les  premiers  ,  en  fur  rachciee  par  ccj- 
tains  ficns  amis  ,  moyennant  promelTe  dcU  fommâ  de 
vingt  efcus.Lrt  mefme. 

J^A  TE  L  L  E    dt*  corps  humaiihC^  dii*ers 
acctdens  U'f  celle, 

AL*ouucrtu/c  du  corps  de  monfieur  le  Com'c  d' Au- 
fumont,rraporié  fubitemenrde  la  maladie  nom- 
mée Choiera  moT bus,  nous  trouuaùnes  laratte  de  gra- 
deur  incroyable  ,  &  depoids  cftrangercar  elle  pafia  cinq 
liures  de  bô  poids. Outre  plus  elle  eftoit  fepares  entière, 
mentdc  tous  fcs  ligamens  qui  i*actachenr:parquoy  elle 
aagioic  par  toute  la  capicitédu  venrte,tant  en  la  partie 
anterieurcquc  latérale.  24«/;.  Cabrol  enfts oùfentationsa- 
natomiques^obfeTt^6 . 

En  l'année  i  5^0.  me  vint  trouuer  en  la  boutique  de 

maiftrc  Gilbert  Cafcncuve  à  Montp  .lier  ,  où  ie  demea- 

oi$  pour  compagnon,  va  raiuuâisgamimcniaoniiû^ 


^6^  Hijldir es  admirables 

leanfîls  de  Pierre  d'Aurias,  cardeur  de  laioc.  Il  fjiToîi 
vn  des  grands  froids  que  i'jyc  fenti  depuis.  Lors  il  me 
demanda  lout  haut,fi  le  temps  cftoit  beau  pour  faire  des 
anaiomies.le  lui  reipon  4u'oui,&  que  l'etlois  marri  que 
la  luftice  ncfaifoic  pendre  tant  de  larrons  qu'il  y  auoir. 
Lors  il  me  réplique,  laillcz  moitjire:ic  vousrefpon  que 
vous  en  aurez  vn  demain  marin.  Tout  à  l'inftant  il  dcf- 
gaina  lonefpeecn  intenrion  d'aller  faire  quelque  mcf- 
chantcoup.il  ertoiaiui^  :  mais  à  la  fortie  decefte  bou- 
tique il  rencontra  vn  ficn  ennemi  ,  regardant  par  à  tra- 
uers  les  vitres  d'iccllc  boutique  de  guet  à  pens  l'attcn- 
doit,  &lnimitfonefpee  àtrausrsdu  corps.dôt  ce  d'Au- 
rias  tomba  tout  roide  mort  fur  h  place.  Il  fut  porté  le 
lendemain  matin  en  la  maifon  dt  ville  pour  cftre  rcco- 
jiurdelà  au  théâtre  pour  eftrcanaromi.é.  Il  auoitdeui 
belles  rattes  &en  toutes  deux  leurs  veines  &  artères, à 
rvnedefquelics  la  veine  homo-'riiidale  cftoit  fort  am- 
ple &enHt, forçant  du  beau  milieu  du  corps  de  ladite  rat- 
le-ce  quicftoiccaufe  que  fon  humeur  melanchohque  e- 
ftoit  bien  pufgé.  Auffi  ne  fut- il  en  fa  vie  gue'-es  chargé 
de  chagrin, eftant  louial  &  non  Saturnien.  Le  tnefme  en 
VObferuatton  I  S- 

i'ay  fait  plufieurs  anatomies  de  ceps  humains  ,  en 
chafcun  def  jucîs  l'ay  troujjé  deur  râtelle?:.  Corn,  Gemme 
mtdecin  de  Louuaïa^Au  I  Jiu.dejon  Cofnocritidchap.ô. 

Anatomifant  vn  cerrain  corps  puhliquemét  à  Padoue, 
i*y  trouuay  crois  râtelles, l'vnc  ayant  D  g  aJcnr  &g  of- 
feur  acouftumee,  la  féconde  m:.iindrede  moitié. la  aoi- 
fiefme  grolTecomme  vaœjf  de  pigfon.  Chafcune  d'i- 
cellcs  auoit  fes  veines, a.itcrcs  &  nevfs,&  toutes  an  l'ene- 
ilre  hypochond-e,  d:r  mefme  fiibftance,&:  chafcune  ea 
fa  tay.-  f^Mopftenfesebferuations  AniJtomicjues. 

Ledoilea  ■'>per,en  Tes  obferuationscnooyeesde  Pa- 
doue  à  Schenckius  ,  ema  que  auoir  veuanatomifer  va 
corps  humain, auquel  f^  troucerét  deut  râtelles.  La  pre, 
miereauoit  fa  g.âdt-ur&  forme  conuenabls.mais  cftoiç 
deftifuee  de  ce  conduit  qui  d'elle  fe  rend  au  ventricule. 
Au  dclTpiis  d'icelle  fe  voyoit  vne  autre  petite  râtelle, 
locdc  6i.  grolTç  comme  vue  orange  ,  moliafle,Qoiraftrc, 

4/anc 


ér  memorabks,  9^7 

,;!  ayant  vn  rameau  propre  procédant  de  la  veine  porte,  & 
enié  en  la  lub'ijnce  de  cefte  râtelle 

Ledoûeur  Pdfthius  dii  anoir  vca  anaiomifcr  va 
corps  à  Montpellier  d*vn  loidat  de  Jagarnifon,  lequel  a- 
uoit  efté  tué. M. Rondelet  tjui  prcfidoii  Ids  montera  ^vx 
aflïftans  deux  râtelles  trcuuecs  en  ce  corps  la.  SchcmkiM 
att  i.de  fes  obferttat.medcitnales,tom.l  .ohf(r.)i^. 

Anaiomifanî  le  corps  mon  d'vne  feaime  es  erchoies 
de  médecine  à  Paris, ic  trouuay  vne  pierre  au  ventre ,  v- 
ne  autre  au  crâne  antcrieu  ,5;  n'y  trobua)»  point  de  raieL 
le.Houlier  enfcs  ohjeruat .rares ^nombre  y. 

Vne  fois  l'ay  veudàs  vn  corj:*  humain  le  foye  aucoftc 
gauche,&  la  râtelle  au  cofié  droir.  Corn.Çemtne  au  i  .lin. de 
fa.  Cyclognomonio^ne.pag.i  5  .^  au,  6.ch.dtt  I  .Iiu.de  fott  Cofmo' 
cntic.t'ay  veii  vne  laic.'le  aîacheeau  pe  itcrtne.  (llowb.at* 
I  y  liM.de fin  Anatomte.    Le  periti  ine  la  layc  qui  conure 
Je  petit  vtnx.rt.ytdta  k'tdnti  au  i .  liu.ih.  10.  de  fa  medeaue, 
efcricauoir  rcmartji  c  en  i'anatoiTtie  ducorps  de  laques 
Anconclii  Picmôtois, homme  mil  habitue,  lequel  mou- 
rut de  paTmoifon  loudaine    ,    que  la  raidie  n'eftoit  pas 
plus  grofTe  qu'vn  Œiif  de  pigeon  ,  mais  {trama{ree&:  fi 
dure.qu'oneuftditquec'efloit  vne  picrrr.Vn  gtntilhom 
me  en  Alface  ouuert  après  fon  trcfpas  ,  ayaiit  efté  long 
temps  affligé  des  goûtes,  îa  raielîs  fat  irouuce  toute  lè- 
che &  flcftrie,commeTK  vieil  cuir  de  bourfe  vuide, atta- 
chée aux  feneftres  hypochondres.i't/jcncA/î**. 

Vn  icune  homme  de  complçxion  gaillarde  &  de  hcl- 
Je  raille, fut  pour  fci  maléfices  pendu  &  cftranglé  à  Pa- 
doiie.Son  corps  ouuert  es  cfclioles  où  l'on  anatc^mii>,oa 
trouua  la  râtelle  auffi  grande  &  grol'c  que  le  foye,s'cflé- 
dant  fur  le  (îege  antcrieur  du  ventricule, &  aboanflant  a 
la  partie  antérieure  au  (oyc.Fcfa'itn  au  5.  Ht*. de  fon  .Attn- 
tonncichap.^. 

Eîifabct  femme  de  Charles  Luzzaiie  gcntiihomraç 
Mancouanjanatomifee  après  l'on  titfpas,  fit  truniicca- 
tioir  la  râtelle  li grande  qu'elle  occupoit  toute  l'tlpafc 
de  lapâfe:&  ce  nonobftac  elleauoit  faitd'cnfjns  beaux 
êdbieû formez,  ^arc.  1)onat  au  S.ltU'.de  fei  htfl.  admira- 
llestch.}.  l'ay  veu  des  râtelles  û  grandes ,  ar^e  chafcunc 

PP     4 


9^8  Hijhires  admirahlei 

d'icclles  pcfoit  plus  de  vingt  liurcs ,  &  cftoyent  enudo- 
pecs  d'vn  cariilage.Co/ow.aM  i  ^. ltu.de fon^natomie. 

Faifant  Tanatomie  da  corps  de  Dominique  Pcnfo 
gentilhomme  Icalien, mort  d'hydiopiûe,  commerça 
çrtimoit,ic  troQuay  la  raue  fi  grande  &  pefanic  ,  qu'a- 
près l'auoir  defueiopee  &  pol'ce  fui  vne  table,  ic  la  mis 
tnvnc  grande  balance,&  trouuay,  qu'elle  pcfoit  vingr- 
trois  liures  à  bon  poids.  L'ayant  découpée  en  quatre 
parts,ic  latrouuayde  fubftance  conucnable  &  naiurel- 
Ic,exccp'é  que  lef^ng  n'y  efto't  pas  du  tout  fi  noir  qu'es 
autres. mais  rercux,blanchaftre,*c  fort  efpais.  Sa  fubftan- 
Ccrcffimbloitfort  à  celle  du  foye  ,  lequel  cftoit  trefdur, 
grand,&peloit  onze  liurcs.  L'eftomach  ne  paroiiTcit 
prefque  rien, &  comme  vne  fort  petite  vefcie.  G.  Çarnier 
fnfes  obferuationj . 

letrouuay  au  corps  d*vn  Padouan  mon  de  triftefle, 
après  auoir  efté  prifonnier  trois  ans ,  la  râtelle  merucil- 
Icufement  petite  ,  &  au  gros  bout  d'icelle  quantité  de 
graille  amalTee, fort  blanche  ,  &  dlje  comme  vn  cail- 
lou. La  fubftance  de  ccfte  râtelle  efîoit  toute  Icchc  & 
eftrangemencdure.rd/ù/iw  au  t^.ltu.chap.^. 

Chrcftieni'ieVe  in,  d^moifelie  vertueufe  ,  deccdee, 
puis  anstomifcc,  ie  trouu.ty  en  la  râtelle  vnc  pitrrc  de 
la  g  andeur  d'vne  chaftaigne  ,  pefant  deux  onc^s  &  dc- 
irie&  rnedrachme,  côpofee  de  pellicules  enuelopv-cs 
&  -ncrnuftees  les  vnts  furies  autres.  Ccftc  damoi'ellc 
Ciloiiicunc^  fort  belle. Au  temps  de  la  pleine  lune,  elle 
fentoit  des  douleur,  elbanges  au  coftc  gauche  l'cfpacc 
de  trois  iours,enfîn  defquels  elle  auoit  fniilagi  ment 
jufques  à  i'aui'.e  pleine  lune  (hyuànic.Turneiferenrexit- 
mer.  des  Frtnes.  Vâilo^c  &  Houiier  ont  remarqué  qu'eo 
plufîeurs  ratf.llcs  fe  font  et  ouuces  des  pierres. 

Découpant  lecorps  d'vncriminel  exécuté  àmort  par 
la  corde, je  irouuay  fous  la  râtelle  vne  veffic  de  la  grof- 
feurdes  deux  poins,  toute  pleine  d'eau,  ro/r?r^»yèj  o6/èr- 
uattons  ^natcmiques. 

Vne  damoileile  aagec  de  quarante  ans  endurcit 
des  douleurs  extrêmes  au  petit  ventre  ,  à  l'endroit  de 
|a  râtelle  ,  comme  Ô  c'cuft  cfté  quelque  rude  colique, 

Diuerj 


é^  mémorables»  9  ^9 

Diucrsrcmcdcs  y  ay.irisefté  appliquez  en  vain  ,  finale- 
ment rhumeur  noue  s'efpâdit  &.vcr(apar  tout  le  corps. 
Par  ce  moyen  cllefnt  fouljgec,  &  finaicmerr  gucrit^  a- 
yanc  v(é  de  remcJcs  propres  àl'cuacuation  de  celte  hu- 
me ur./.t',«/werciri«5  en  fesohftriiations. 

L'an  I  s  yo.NiccJâs  Gjbcrhard  trausillé  d'vne  enflu- 
rcdc  râtelle  ,  isiia  par  bas  &  par  haur  plus  de  dy  iiures 
de  rangnoir.dpais&caillérceoui  dçlbitîa  Fort  ù  raiel- 
le.Mais  eftanc  homme  fort  difloli»  &  exceliif  auboirc  & 
au  manger,  fa  racelle  s'enfla  comme deuant, tellement 
qu'au  bout  d'vn  an  il  deoinc  hydropicjne,  dontilroou- 
rur.Patrice  Cizyol,  Mantoiian  ,  affligé  de  mefmc  mala- 
die que  Nicolas  Gibcrhard,&  foulage  par  telle  vnidan- 
gc  de  fang,au  bout  de  trois  ans  comme  ilfe  purgroii  i  ar 
cefteeuacuarion.la  more  Remporta  hors  in  monde.  Au- 
tant en  aduint  à  l'eucfqac  de  Mantoue,decedé  !'ap  15  85. 
Vn  certain  carme, aptes  aroir  langui  quelque  icmns  dV- 
De  douleur  de  ratcl!e,tomba  foudainemenr  en  vn  vomif- 
fcmentdefangcrpais,fcculrnt,&  en  abondance.  L?  meC 
mciour  lî  en  rendir  par  bas  grande  quantité, -&  le  le^.de- 
main  piiia  mt  fme  fang.  Comme  on  lui  demandoi'.  s'il 
fcntcit  point  de  douleur, 5^  il  rerpondoir  que  non,  en  va 
inftant  ii  cx^ir a.S'^larcel.'Dunat.ai*  ^.ùiu.desh'ft.aUmiiv.ùliSy 
cha.9. 

V2y  remarqué  deux  rr.erueillenx  fl::s  de  fang,  en  denx 
perfonnages  combatus  du  mal  de  râtelle.  L'vn  fe  nom-* 
moit  iciofme  Lydio,Padcaan,à  quiie  lan^  ror'oit  par  le 
Dumbrii. L'autre, Bernard  P.onliU,  vuidou  le  fang  par  la 
bource  des  gcniroiresrlans  qu'eni'vn  nien  Paiar;.*  apa- 
rut  permis  niouucnurequekonque.  Hercules  Suxonîa  en 
Jes  ohjl'Tuatïom, 

le  conois  vn  moine,  lequel  le  hante  familiercmenr» 
àqui  la  ratcilcenHc  trois  ou  quattr  fois  i'an  ,  lur  louc 
au  printemps  &  en  i'.iacomnc.  Q_u.ind  l'tnPicurc  com- 
mence à  s'eileuer. il  eft  tourmenté  de  douleur  en  i'iiv- 
pochondre,  tout  Ton  corps  deuitnt  noiraftre.  Ton  mal  fe 
rengregc  ,  jufques  à  cequefes  vrines  fonent  &  paroif- 
fcnt  noires  comme  de  Tancre  i'efpacc  de  cinq  ou  fcpt 
iours>cnj5ndcr'^uels  celle«pefanîcur  &cnfleurc  de  latel- 


97  o  Hfjloires  admirables 

les'efiiaroiiit,  &  ("e  rctrouuc  gaillard   commr  aupara- 
Uanr,K«/er.*»  U  ^.txertit.fur  leiture  de  Houlter,des  maladies 


internes. 


LOuys  àz  Bnurbon, prince  Je  Condé  eflantcn  armes 
''«Jn  M  <f  i.aprts  diiict  s  efcrits  publiez  pour  la  iulti- 
ncation  de  fon  fji-  ,  délibéra  de  combatre  Rs  ennemis. 
Pour  cefteffcdl  i!  auança  on  camp  bicauant,où  il  auinc 
vn  cas  très  maanais.  C'eft  que  le  baron  de  Counenay, 
eftanc  à  la  fuite  da  princcfot  ça  vne  paume  fille  de  villa- 
ge ou  il  cftoit  logé.  Ce  qu'elbnt  par  perfonnes  notables 
rapporte  au  prince, ce  baron  fut  loudam  arrc ftc  prifoo- 
nie  &  conuaincu  par  la  confrontation  de  la  fille  oc  d'au- 
t-es  tefmoins.  Mats  en  iicu  d'en  faire  ludice,  il  trouna 
tintd'aduocats,  que  quelque  chofccjue  les  gens  de  bien 
^l'e^DalFcncnotamment  i'amiral,  ennemi  de  tout  vice, 
1-  fut  dit  que  le  baron  feroit  mis  entre  les  mains  du  capi- 
taine àts  gardes  du  prince, Icouelen  fit  lî  mauuaife  gar- 
oe  >qu'an(H  tofl  irouuant  la  porte  ouueitcil  fcretira  où 
non  lui  feftibia.  Ce  qa'eftant  rapporté, tout  ce  qu'on  fit 
rut  qu'on  bailla  q'jaranieefciTS  à  lapauurefilb  pour  ai- 
dera !a  marier:  &:  fut  arreftc  que  le  procès  feroit  en  uo)  é 
àlacour  de  parletnientde  Pans.  Ce  qui  fur  fait,  &  quel- 
que temps  apref ,îe  baron  chargé  d'autres  foffaits,.ntra- 
pé  &  mené  prifonnier,  ren«^it  compte  Je  ccft  article  ci, 
qui  lui  fut  (o'gneufemeni  ramentu.  Dieu  donc  le  rattci- 
gnit,&  l'arrefiaen  laplaccde  S.Ican  en  Greueà  Paris.où 
ilein  la  reftc  tranchée.  Hip.de  France  foui  CharUi  *^Mu.6. 
Monfieur  le  marcfchaldc  Montmorenci  depuis  con- 
n;ftable,fc  trouuant  l'an  i  ç  <4.en  la  ville  de  MÔcpellier, 
va  foldat  des  fie ns  fut  rrout  é  par  Iv^dit  {^-ignftur  en  elïort 
de  forcer  vne  fille  Ce  foldat  fui  de  chaud, en  chaud,  par 
commandement  dadit  feigneur  pendu  aux  feneftres  de 
la  maifon  ou  il  vouLoit  commettre  tel  cruont.B.irtheUmt 
Cairol  e:i  fes  ob fer  nations  .yinatomiqueiyobjcru.  J. 

Taridisque  i'armeedc  François  de  Valois  duc  d'An- 
jou.eftoit  l'an  15  78. fur  les  frontières  d'Artois,pour  en- 
trer en  Hàinaut,auinf  que  le  capitaine  Pont  fui  loge  au 

vil- 


é*  mémorables,  971 

villagf  deBeronrc  chez  vn  riche  laboureur  nome  !c:aQ 
Millet, lequel  auoit  cJetix  belles  ieunes  filles.  Ce  capirai- 
ne  s'arrouracha  de  Tainiee  nommée  Marie  ,  angee  a'cn- 
uiron  f  izf  uns.  Tous  ceux  de  la  inaifon  ne  talch<  yr ut 
qu'à  le  bien  leruir  &  traicrr,  pour  ne  point  femir  les  ri- 
gueurs.eue  icllcs  gens  fonr  O'dinairemcnr  aux  p.iUiircs 
payfjns.clian  vnefois  ce  capitaine  au  djlner  ^pec  le  pe- 
re,la  mcre  &  les  enbns,  il  d^  madaau  pcre  la  fille  Marie 
en  mariage.  Le  bô  home  ^syant  refponduquece  n'eituic 
pas  mariage  efgal  &lortable  pour  iuiCcaig-'ât  qu'après 
en  auoir  abufé  il  la  chaflcroit  ou  latiédroit  pour  la  gir 
fe)îa  refufa  tout  à  plat.  Ce  capitaine  imré  de  tel  refijs> 
iuranr  &  reniant ,  ch  dfa  le  pcre  &  !a  mère  Sa  tous  ccnx 
de  la  famille  hors  de  la  mailon,  rctenât  cefte  pauure  fil- 
Jeleule  qu'il  força  ,  puis  lui  en  fîc  faire  autant  pat  trois 
ou  quatre  de  fcsioldats.  Ce  f.^it  alla  fc  remettre  à  t^blr, 
afTeanc  cefte  pauure  fille  à  fon  cofié  ,  Te  mocquant  d'elle 
à  tous  propos,auec  paroles  vilair.es  Ôcinfam  s.  F.Heqni 
ne  difoit  motjpenfanr  comme  elle  pournir  s'en  venger, 
&  faire  vn  ftup  de  fa  m  :'iti,quoi  qui  lui  deultauenir,  ai- 
mant mieux  mounr  que  de  vijre  plus  long  tcinps  en  tel 
oprobre  :  pnnr  garde  qu'vn  tambour  vint  parler  en  l'o- 
reiliea  ce  capi.tair.c.Icclui  ti  umant  la  tcfte  p^ur  efcou- 
Terceque  l'autre  vou'ut  diie  ,  la  fille  magnania.c  em- 
poigne de  vifteffc  vn  couftau  ,  qu'elle  enfonce  infoups 
au  manche  dedans  la  po;â:iinede  ceff  infime  rauiff  ur, 
lequel  tombe  roidc  mort  de  ce  coup.  E  le,pcfant  fe  Tau- 
lier à  la  fuite, fut  attrapeer'i'-  les  foîdas  du  meui  f^ijoui 
la  lierct  à  vn  a:brc,oùel]e  tû''.  harv|u:b!  zee.  Le  père  cn- 
tendacccs  pireufes  nouueliesde  fafille.fema  et  bi  uir,  & 
alla  nire  Tes  plaintes  par  tous  les  villages  ci  conuoi- 
Cns  ,  tellementque  le  payfdnvdonnâs  Talarmf  par  ront 
à  renuiron,au  fon  de  leu'  s  cloches, acoururt-nr  arme?  8c 
cmb.Trtonne2,fcruerenrfur  ce.'.foldatsd'-  Bec.'urt,&  fur 
tous  If  s  aunes  proches  de  là,q;j'ils  fU',;'ét  tons ,  lufoues 
aux  pages,  goujati ,  garles  &  chicns,de  quaire  cotTipa- 
gnics  qu'il  y  auoit  en  ce  quartier  la  ,  fans  qu'ils  lailfàf- 
fentrien  en  vie  que  les  ch^uanx,  tant  furent  les  payfanS 
acharnez  à  venger  Tiniure  faifte  à  ccftc  fille  &  fa  mort. 
fli/i. des  pays  bas  f  en  l'an  1^78. 


^ji  Hiffoires  admirables 

7\,E  ysi  El)  E    troHué  inopinément  à  yn  mal 
contagieux  xj^  extrême. 

* 

RErournantde  Conftanrinople  à  Vienne  ,  icrame- 
nois  à  ma  fuite  quelques  gens  qui  m'auoyencefté 
recommandez, &  ne  pouu'>yenc  plus  fubfiller  en  Tur- 
quie. Ayans  ia  fait  deux  ioarnees.i'apperçoy  le  princi- 
pal d'entre  eux  fur  vn  chariot  ,  en  fort  pi:eux  eftat .  vn 
pied  nud  où  paroifToic  vn  charbon  peftilentici.  Il  fup- 
plioit  qu'on  le  fecouruft.  Nous  commen  çafn^es  rous  à 
changer  de  couleur, crai^nanc  que  cefte  maladie  ne  s'c- 
fpandift  à  la  manière  acouftumce.  Le  pa  jure  corps  por- 
ta fon  mal  iufques  à  Andrinople  alTcz  près  de  là, où  fur- 
uintpij.  Caricehii  eftantmortles  autres  Hongioi<  de 
fa  fuite  fc  ruent  fur  fes  hardes:l'vn  fc  làilît  &s  chaufTes, 
l'autre  du  pourpoint:  d'actrts  plus  ha-^dis  iyi  enleucnt 
chemife  &  Iinceuls:fans  qu'il  fut  polTibie  delcs  reteni-, 
ni  faire  appréhender  le  péril  où  ils  nousiiroyenc  auec 
eux.  Mon  médecin  couroi:  ores  vers  les  vns ,  ores  vers 
les  autres  ,  les  fippliant  au  nom  de  Di»u  de  ne  roncher 
point  à  telles  hordes,  pource  qu'ils  s'en  repentuoyent 
trop  tard.Mais  il  parloit  à  des  fourds.  Le  lendemain  de 
noftre  fortie  hors  d'Andrinople,  voici  mes  Hongrois  fc 
ranger  autour  de  mon  médecin, fe  plaignans  à  lui  &  de- 
mandans  fccours  contre  des  maux  de  cœur ,  pefantenrs 
de  tefte  &  de  tout  le  corps  ,  lointes  aucc  grande  trifteirc 
&  lalîîtudc,figne$  &  commencemcns  de  pcftc,  difoyenc 
ils.Le  médecin  leur  ramentoir  qu'il  ne  les  auoit  paj  a- 
uertis  en  vain, qu'ils  cftoyent  fa^iîs  de  ce  qu'ils  auoyent 
(îauideracpt  cerché:que  nonobflat  il  leur  a/Tîfteroïc  de 
tout  fon  poflible.  Mais  il  n'auoit  remèdes  en  mains  ni 
moyens  quelconques  de  leur  ayder  en  pays  deftituc  de 
toutes  commoditjz.  Auint  Tur  cela  comme  ma  cou<^u- 
meeftoit d'aller  prendrcl'air  &  mcpromcner.fi  toftquc 
i'eftoisariiué au  logis,  pour  dcfcouurirauelquc  lîngu- 
laricé^que  l'eatrç  dedans  vne  prairie  ,  ou  ic  rencontre 

Vue 


vnc  plante  d'kerbc  à  a. oi  inconuc  ,de  laquelle  i  arrache 
quclcjucs  fiicillcs,  &:  cômencc  au  flair  à  conoittre  qu'el- 
les (cntoycnt  l'ail.  le  la  prefenre  a  mon  médecin,  pour 
fçauoi/que  c'cltoit,  lequel  l'ayant  coiifideree  di- près  dit 
que  c'tltoudu  bcordion  -,  &  icuanties  mains  au  ciel  re- 
mercia Dicu  ,  qui  nous  auou  donné  remède  fi  prcft& 
p  Ôptconnc  la  pcftc.  Qu^oydiî,il  amolTa  cane  qu'il  peut 
de  celle  herbe, laquelle  ii  mit  dedans  vn  grand  chaude- 
îoa  l"ur  le  feu  pour  en  faire  de  la  decodlicn  ,  laqi#ellc  a- 
cheucc  il  diftnbua  aux  malades  ,  leur  ordonnant  d'en 
prcn.ire  certaine  dufc  la  plus  chaude  qu'ils  pourroyent 
auec  de  latcne  Lemméne  ou ligiUcc, félon  It  poids  prc 
fcrit,  &  vnclcftuaiicDiaicordu'n  ,  h  s  admonellant  de 
fie  dormir  qu'ils  u'cufient  bien  (ué.  Eux  obferuans  fci- 
g  iCuLmeni  ce  qui  leur  auoit  cfté  prcfcripi  reuicncnt  le 
iendemain  ifouuer  leur  médecin,  Un  racontent  auoir  c- 
iU  grandement  ioulagcz  ,  demandans  encore  de  ce  bru- 
Uage  du  foirprecedcnt, dontayant  vfc  ih fuient  entière- 
ment guéris.  Voila  comme  par  la  bonté  de  Dieu  nous 
f aimes  garantis  de  tou.e  aprehcnfion  fi:  violence  de  ce- 
ftc  pdtc  au  commencement  de  l'efté.X^y/fwrt^eSwii^f^M*, 
ambajjadeur  des  Empereurs  Ferdinand  CT*  JUfixmdianyau  dif- 
tours  defon  yoja^e  de  Tun^vie. 

'H^ES  ISTA'HCE  yaleureufe' 

SVr  lecômenccmét  du  mois  d'Oftobre  dei'ani^<S'î. 
le  baron  de  ùind  Vidal, la  Fare  ,  TreiUans  &  autres, 
ayans  aifemblé  quelques  gens  de  pied  &  de  cheual  en 
Giuaudan  &  lieux  circonaoifîns  ,  en  intentiô  de  fc  ioin- 
dre  auec  le  (ieur  de  loycufc  au  camp  de  Lattes  en  Lan- 
guedoc, entendirent  que  les  affaires  s'y  portoyent  mal, 
nommément  que  les  l^rouen^a'-'x  auoycpt  cfté  desfaits 
à  faind  Gilles .  Cela  fut  caufe  qu'ils  changèrent  d'auis, 
^conclurect  d'aflleger  Pleuiac,  lanu  parqueiqucsvns 
de  parti  contraire;  l^ach^ns  (  comme  c'cftoit  la  vcriié) 
qu'il  y  auoit  fort  pejdr  gens  pour  la  défendre.  Défait 
il  n'y  auoit  que  huittioidats  >  qui  Iccuffeot  que  c'cftoit 
dclagutne  ,  conduits  &.  commandez  par  ?n  Taillant 
hvmmcJe  Montpellier,  n^jnirncBoiiTy.  Mais  plus  foi- 


974  Hijtoires  admirables 

biescftoycnt  les  afTicgcz  ,  plusaparuc  lapUîfTaoce  dîui- 
ne  eu  leur  dv-hiirancc  vraycmcnt  rniraculculc.  Car  la 
viilc  syant  cité  l'clp:.ce  Je  huift  lours  aflîcgcc  ,  baciiic, 
âdaiiliepar  ctcaladcsjtcnfcc  paria  Tappc,  ics  alT^cg.  ans, 
n'y  ayans  g^igi  é^ue  ue^>  coups,  furent  fi  ralciiicnt  con- 
ti.iiji5  d'abandonner  ic  fuge  à  !cjr  grand'  honte  &  con- 
fiilion  ,  aux  prcmietes  nouucllcs  cju'ils  ounentquc  le 
fîiur  J^  Baudiné  vcnoïc  au  (ecouiides  afllcgczrLes  tcrm- 
iiiis  (  vneeruic  auues  )  fc  portèrent  valcutcalciricnï  en 
et.  fic:gf,fciirans  elles  mel'mjs  les  rô  'es  &  tiiani  haïque- 
buzudes,  ourrc  la  diligence  iijCroyablc  à  letccr  pierres  & 
bois  l'ur  les  allailian..  Boill)  y  acquit  grand  honneur, 
dont  il  neioiiit  pas  îog  tcmp^^^ftant  aucnu  fur  le  pcirft 
qiic  le  licg  fe  leaoit,qa'il  tue  bl  lié  à'v^t.  harqucbuza- 
dc:ce  qu'il  diilimala  tcl'.em.n:,dc  peur  d'effrayer  les  (ul- 
dats.que  par  faute  d'auoir  de  bonne  heure  prouueu  à  la 
playe,qui  de  ci  n'cltoit  mortelle  ,  il  en  mourut  certain 
crmps  après,  au  grand  r-'gret  deceuxqui  après  Dieu  lui 
cil*  jv;nt  tenus  de  leur  conkriiation.  HijLde France f»$ts 
C'nunes  iX.im.lQ. 


XES  UL  rTlO  NS    mar  Haies, 

L'An  mi!  cinq  censtrcize, l'Amiral  d'Angleterre  cou- 
roitlamer  de  Ponant  aul')ng  des  c  ftes  de  Nor- 
mandie &  de  Breiagnc.Pourb'ukr  fescourfes  leroy  fît 
auancer  4.  galères  ious  la  charge  du  capitaine  Pregéf.  A 
la  jjr  emiere  rencontre  l'amiral  chada  Prc  gcnt  iufques  à 
Btcfts,OLi  i^rcg  n:  tourne  la  proie, combat  l'a  mi  r  al,  5<:  le 
blcfTc.dôcil  mourut  peu  de iours  après. Au  bout  duquel 
que  temps,  80  nanires  Angloifcs  côbati:cnt  vingt  na- 
uires  Normard-i  ii.  Bretori.es ,  qui  auoycnt  le  vent  fa- 
uorable,  &  forces  cigales  aux  enn.mis.Mais  er  fin  Pri- 
niauguet,B.e;on,capuaine  de  la  Cordelière  jtrefg'ar.d 
vaiflèau  que  la  roine  de  France  auo:t  fait  conftiuire& 
«juipper.inuelti  de  douze  naaifbs  Ang'.ûires&  délibè- 
re de  rend,  c  la  mort  bien  chèrement ,  acrocha  la  Rege- 
te, principale  nef  de  i'enncmi,5c  y  iena  le  feu  qui  brullâc 
H  Régente  &  la  Cordelière  ,  conlunùa  les  hommes  & 

cou; 


é*  memorMes]  97c 

tout  ce  que  l'une  &  Tautre  contenoit.  Hiîloire  de  France 
fx)Ht  Louys  X  l  I. 

Les  Portuj<ais,a|ans  dclibcré  l'an  i  ç  i  i .  de  baftir  v- 
neciradcile  a  Diu  ,  viilcienommcecn  iamer  Perfîque, 
n^  peurcnteffcdlacr  !cur  ddrcin.pour  diuerscmpe(che- 
Oïcnis  qui  les  rrauerfcTei.f.doiu  celui  qui^'enfait  ne  fuc 
des  moindres,. Vn  granJvaifleau  qui  portoit  les  mate» 
haujcpourle  baft.mentde  cefte  citadcllc>  fur  braflé  par 
les  priConniers  Turcs  qui  eltoyenc  dedans  ,  où.  ils  cnrre- 
prindrent  vn  terrible  aftc.  Car  aimans  mieux  mourir 
que  viufc  cfclaues  ,  ils  ti  ent  tant  auec  dcscîoiixdc  fer 
frottez  l'vn  contre  l'-aïuc,  que  les  tftincel!e$  en  volercc 
de-:ans  cerrams  caqucS  de  poudre  à  canon. hquelic  bruf- 
la  vairie.iUjPoriuga  s,prironniers,&:  tout.  Ljorim  au  i  i. 
litt.dc  l'Iuîi.de  Tortii^^al/edl.  i  3. 

Caîign.in  vilic  de  làlcs  monts  >  eftant  cftroirement 
alTiegee  yar  les  François, l'an  i  544.  les  aliî  gez  redui.s 
à  vne  famine  cxtr  aie.tindrcnt  confeil ,  &.  rt  lo'urcnt  de 
faire  comme  1.  s  Sagontins,à  fçauoit  vn  grad  feu  au  mi- 
lieu delà  vi  Ie,&:.Jv.'tier  tous  leurs  biens, loyaux,  hahjts, 
or.arg.nt ,  bïief  tout  ce  qu'ils  poifcdoyent  en  meuble^, 
là  dcdctns,8c  attendre  jiifquei  à  ce  que  tout  fut  consom- 
mé 3c  réduit  en  cendres  :  puis  mettre  le  feu  aux  quatre 
co  ns  de  la  ville  à  l'heure  plus  obfcure  de  la  nuid-  en  a- 
pr-ïs  donner  vnecamUade  ,  &  faire  vne  fortie  à  la  defef' 
perade  fur  les  FrariÇois.&  qui  pourroii  fc  fauuer  fc  fau- 
Ueroit,peodant  que  le  f^u  fcroiten  fa  plus  grande  fu- 
reur:finon  ils  mourroycnt  honorablement,  pluftoft  que 
d*endurcr  lafaimcornrne  panures  beftes. Comme  ils  e- 
ftoyent  fur  le  poinfl  de  r«;xccuiion  ,  auint  que  l'vn  des 
chefs  aflleg-ans  demanda  de  parlementer  auec  le  colo- 
neldes  Alemans  afTicgez  donts'enluiuit  capitulation  & 
•  reddition  de  la  place  aux  François.  'Parudmatt  ^.  Itu.de 
rimioire  de  noftre  ternes. 

Le  feigneur  Philppc  Camcrarius  ,  doâ:e  lurifcon- 
fuUe,&  digne  Sénateur  au  confeil  de  la  republique  de 
Nuremberg.raconterhntoire  qui  s'enfuit.  De  noftrc 
temps  quelques  comp;'gnii'S  d'Efpagnols  ,  ayans  com- 
nus  foifaits  puniffables  ,   furent  fous  autrci  prcicxtes 


Sj  6  mjloires  admirables 

chargez  en  drs  galères  par  le  commandement  du  vice. 
roy  de  Sîciic  ,  i^uii  traniporiez&  dcfcbargczcn  vnc  lllc 
deterte  tL  du  tout  dcshabiiec:  quoy  fau  le>  galères  s'ci- 
loigncrcncj  ^jardans  de  K-in  le^  dclcenies  &  aucnucs  de 
l'lllc,pour  einpdthvr  qu'on  vinil  (ccounr  de  yiurci  ccs 
ioldais  &  les  tirer  delà.  Emx  voyant  que  c*.  (toit  Ici  a- 
uoir  condamnez  à  mourirdc  faun.où  às'cntremangcr, 
priudrent  autre  rcfohuion.  Car  d'vn  commun  conlen- 
lerticnt  ils  k  p?rtirenten  dz\i\  iroupcs  ,  comme  d'enne- 
nii  ,&  aatc  Ksarnîcs  aux  poingî  coinmcncciem  à  cou- 
rir dw'  fune.rcftcs  baiircrs.Ics  v..i  contre  ics  autres,  i'cn- 
treiuans  fans  ref  !e(fl  quelconque  ,  eftimans  plus  hono- 
labie  de  racuàr  par  les  armes  6l  mams  les  rns  àti  au- 
tres,que  périr  de  maie  faim.  Enfes  mcditatioi^s  hiTlori^ 
<^î*e-^,/»f#.i.c/;^/'.4  5.Cc(+e  rcfoLiinn  Ef^'agnoic  conuicnc 
awcunemcuca  ce  que  firent  ancie;u»cmcnt  quelques  au- 
tres troupes  d'Elp-ignols,  qui  v.  yans  leur  gênerai  Ser- 
torjustué  ne  voulurent  p'us  luifuruiure,  ainss'entrc- 
tùer^.Dr, comme  les  infcriptionî  d'Elp<îgne  en  funt  foy. 
On  fcaitauffi  ce  que  fiienc  lubaôt  Petreus,  qui  s'entie- 
titeréi  degayctc  de  ccrur,  pour  ne  tomber  viis  es  main« 
de  leurs  ennemis.  Ce  font  rcfoiuciorjsquc  le  defelpoir 
fait  ^rrndrcen  r:ecc(T-ié,  dont  l'entendement  humain 
ne  vûid  nulle  ifîuc, quelque  part  qu'il  fe  tourne.  Autres 
fc  Ton:  errtrcmargez  ,  ou  iont  morts  de  langueurs  c- 
ftranges  ,  dont  ailleurs  ncuî  auons  marque  quelques 
hidoires. 

Il  y  eut  Tan  m  (^4  vncoir.bat  naual  fur  la  mer  Bahhi- 
qne.de  la  fiorte  de  Sucde  cotre  celicdc  Danemarc  &  de 
Lnbec.L'Amiialc  de  Suedcnômr  e  Makc.os,  c':ft  à  dire 
ia  Nornpareille,  portant  drux  tcns  pièces  d/  canon  ,  de 
oro-,  calibre  poui  lapiulparc  ,  fut  lors  brullec  &  aacc 
tour  (on  attirail  coula  au  ^ond  de  li  mer.  Il  y  auoir  vn 
autie  fort  grand  vaiilcau  dcSucde,  d- dans  lequel  com- 
mandoit  André  de  Bcron  ,  lequel  cl'ranr  demeuré  qui^l- 
qucs  mois  à  Tanchre  dedans  le  port  de  Rolloch  près  de 
VVarnemonde ,  fut  aucrti  par  Ls  leigncurs  de  Ro- 
ftoch  de  Ce  mettre  à  couuert  ,&  aproch..r  plus  près  de 
leur  ville  ;poi»  ne    tomber  en  la  puiiTauccde  ceux  de 

Dane* 


&  mentor ahle s o  977 

Dâncmarc.qui  Taguertoyent ,  ou  demandoyent ,  qu*on 
le  chaffaft  loin  du  port.  Mais  André  rcipondant ,  que 
cefcroii  vnc  honte  à  Ton  Prince  &:  à  lui  ,  de  inonllrer 
le  moindre  ligne  de  peur  ,  ou  le  defirdc  recraitc  ,  ne 
bougea  de  i'cndîoit  où  il  eftoit  à  l'anchre.  Sur  ce  là 
flo.ic  de  Danemarcrinuelht  &  commence  à  le  canon- 
nerde  telle  furie  ,  que  nonoMtaot  ia  cou^ageure  refî- 
ftance.qui  \i^s  cndommigea  grandement .  elle  lui  bri- 
fa  de  tL  utcs  parts  fon  vaiifcau.  Voyant  qu'il  n'y  atcit 
nulle  çlp'  rance  d'efc happer  qu'en  le  rendant,  n'en  vou- 
lutiJ-'n  fa  re  :  ?ins  luimchnc  mil  le  feu  aux  pouldres 
de  ton  vaiireau,aimant  mieux  mourir  dcduus  les  hzva- 
mes/jilws  eaiTX  aucc  ibndir  vaille*:  uqje  de  voir  n*  IVn 
ni  i'aucrc  ,  m  chofeaucunequ)  y  fuft  ,  en  la  p'.Mlîance 
de  fes  ennem  S.'hXhytmw  ai*  z  i  Mit.de  fon  htjioire  Septen- 
trtonaieipagc  6zz.       - 

L'an  I  )  é^.i.  pt  nauiircs  de  FI  lîînghe  'cllans  ioinrs 
lexx.icur  d'Auril  au  capuame  VVorft  coiijbattiicnt 
fort  furieufcmcnt  la  floite  Elpagno  e  partie  -le  Middcl- 
bourg.En  ce  combat  BalUcn  de  Langhe  ,  am;ral  de  là 
Vere,ayanrafaire  ieal  à  quatre  nauires  ennemis  ,  ef- 
fchoiiaauec  (on  nauire  ,  où  ies  E:p  guoi»  l'abordèrent  ÔC 
legaign-rcnt.  Vn  de  fcs  gens  voyant  qu'ils  ertoient  tous 
perdus, mit  le  feu  en  la  poi>dre,qui  les  fit  tous, tant  Efpa- 
gnos  que  Zeelandoir.,  voler  en  i'air,&.  rendit  la  vi£^oi- 
rc  Hfpagriole  funsfte&  mifcrable.  Bijtoire  des  pays  bat, 
bu.i.pag.^O'i.40  6. 

En  la  mvlme  année  l'armeè  de  fepr  mille  Françoisj 
conduite  par  le  ûeuf  de  leniis  au  Ictouis  de  Moms  en 
Hainaut  alTiegé  par  le  oucd'A!ue*  ayant  efté  desfaidie 
par  i'Efpagnoi  ,lcsfayars  pcnfans  élire  bies  efciiap^ cz 
de  la  tUwrie  de  leurs  enn.rais,Sc  d'eftre  fcUaez  ,  tombè- 
rent la  plufpart  entre  les  mains  des  payl'ans  ,  ^eus 
ians  pitié  m  merci  ,  qui  les  delpouilieieni  premier; 
puis  les  mafTacrcrfrnt  milcrablemeuc  ,&:  en  firent  mou- 
rir plus  de  douze  cents.  Le  Baron  de  Renty  fe  défen- 
dit long  temps  contre  cefte  canaille  ,  fe  confiant  fur 
labonccde  fou  chcuâl  :  mais^en  ft>i  (comme  les  paf- 
fages  eiloyenc  tous^fctrez.  ,&qu'iifaloit  pailler  de  tous 


97^  Hijloircs  admirables 

coftcxao  trauersdc  ceft  efTain  de  guefpcs  initccs  ,  en- 
tre IcIqucUcs  y  auoit  quelques  gcuiili-horamas  pcl  2) 
il)' fudaccagé  Le  lîcar  d*01ha!n  eftant  tombé  entic 
les  mains  de  ces  payfani  coriduits  pai  vn  chciif  gentil- 
homme ,  quifc  vanroitd'ea  faire  prcfenc  au  duc  d' Ai- 
ne,  requit  j  our  marcher  à  pied  d'elhc  délai  mé  ,  quoy 
failani  il  empoigna  vncfpieu  de  chaflc  de  l'vn  d'eux,  a- 
Uec  lequel  il  tkarrr>oucha  tellement  l'es  condudeurs, 
qu'j)ant  rué  tiois  ou  quatre  c'iceux  par  terre,  il  le  ialut 
tuer,  &  mouruiainfîcn  combaitan:.  ^unufme iMuM 
(ejte  hift.des^Ays  boépag.^  11.    ' 

Celte  année  mehne  Herman  de  Ruyrcr  ,  homme 
hardi  &  auacturcuT  ,  trouwa  moyen  aucc  peu  de  gei.s 
de  l'urprerdre  le  fort  chafteau  de  Louueitcin,cnire  Bra- 
bant  &  HolJande.oùilrelolut  tenir  bon  pour  le  Pnncc 
d'Orange, attendant  Je  fecours  que  le  comte  de  Berghc 
Jui  dcuoit  amener.  Le  duc  d'Alue  le  fit  foramer  de  (e 
rendre,  iont  n'ayant  voulu  rien  faire,  il  y  fut  alhcgc.ba- 
tu  &  emporté  d''afi'aut.  Mais  s'ertant  rctnéen  vnc  lalic  il 
combattu  longtemps  auec  vneefpee  à  deux  mains,  fpu- 
chantgrand  nombiede  fts  ennemis.  En  fin  ilfut  ibata 
&  tue,  le  dtfcndant  valeureufcmcnt  ,  chalcun  s'clmcr- 
bei liant  de  fa  grande  ^Touiiiï^.^unjefmelture, 

Comme  les  afiicgezdedani  Harltm  ville  de  Hel-  h 
lande  commencement  après  vn  long ficgc  à  parler  de  jj 
capiUâlation  ,  pour  fe  rendre  à  la  merci  des  Efpagnols, 
Je  capicamt  Bordet,  François ,  entendant  telle  dclibc- 
rarior.,aprel!a  t^vn  de  Tes  loldats,&  lui  dit,  mon  ami  tu 
m'as  fau  beaucoup  d^^bons  feruices  :  fiy  m'en  mainie- 
nai.t  vn  pour  le  dernier, metirant  vnc  harqucbuzadcau 
traucrs  du  corps.  Le  foldat  le  lui  refufs:  mais  parpricrc 
.  &  impoftunité  il  le  fir.Airfi  mourut  Bordet ,  lans  fentir 
la  cruauté  de  (es  er.  nemis,nc  voulant  élire  desfait  par  Icf 
mains  du  bourrcau,commc  ii  en  auoit  efté  menacé  par 
les  Efpagnols. Cela  auintic  i  x.iourde  luilitt,i5  73.^1* 
ntefme  Hure, 

La  btlîe  ville  de  Lcyden  ,  au  cœur  de  la  Hol- 
lande ,  cftantaflîcgrepar  les  Efpagnols  Tan  I  5  74.1c 
pnnccd'Aurangcrtmonftta  auxfcltats  du  pays  ,  que 

la  por. 


ér  memorahlesl  p  7  ^ 

-à  perte  de  ccfte  place  eftoïc   de    mcriieîllcufe  confe- 
t^ucnce  ,   &  qu'ij  voyoïc  bien  (^ue  de  la  perce  plulieurs 
aiic.'Ca  bonnes  Villes  leroycnrfo.t    cibranflces    :    brief 
que  cela  piûdui  oit  de  grandej    reuoiutions  en  leurs 
afîjires.       Pcu.tanr   i^u'jIs    aduiliiflcnc    d'y    prouuoir 
promptemeni  ;  i.'y  vt.yani  aune  m- yen  que    de   cou- 
per les  .^iqucs  &:  J'ir-onder     le     pays.     Tcmest-ois    a- 
uanc   cjdc  ce  taiie  qu'ils  le  remiiient     au    deuant  des 
yeux    la    ruine  du    plat   pays  &.  autres  pertes  qui  s'en 
cnluiuroyeni   ,    afin  que  puis  après  rien  ne  luiFuftre- 
proché.s'il  en  .luenoic  mal.     Mais  eux  meus  de  charité 
&d'oL«lig^>.ion  muiuelle   qu'auoyent    toutes  les  villes 
les  vncs  auec  ics  autres  ,  par  ieimcns  &  contrats  auten- 
tiques,  ayans  proinisdc  s'en  relccourir  iul'qu'au  der- 
nier ioulpir  de /a  vie  ,  fansy  rien  elpargner ,  ni  auoir 
cfgard  à  cônîoJuc  *.ii\  jncommodité  quelconque  publi- 
que &  particulière  ,    fiicnt  rcfponle  au  Prince  qu'il  a- 
Uifad  a  tout  cequicftoii  taifable   pour    le    lecours    de 
Leyden  ,    &  qu'eux  ne  lairroyent  rien  en  arrière  pour 
tcleffeft  :  difans  qu'ils  aimoycnt  mieux  pays  gafté  que 
pays  perdu    :    que  plultort  ib  iaiireroyeni     rcnuc:rier 
leurs  maifons  ks  vncs  (ur  if  s  autres,  que  d'en  lailler  la 
iouylPanccaux  Efpagools.  Que  quand  cela  neferuiroit 
qu'àchaffer  les  Elpagpols  hors  du  pays  ils  leferoyent. 
Ils  ettc<îiacrect  tefte  refolution     plus  alaigrement  en- 
core   qu'ils  ne    i'auoyent  prinfe   de  parole  ,    &:  fans  fé 
fouc:er  de  perre  quelconque,inonderent  le  pays. 

L-'  s  Eipagnols  qui  tenoyent  que  l'eau  ne  psruiendroic 
iamaisàvnc  licLë  de  Ley.len  continuoyenc  leur  fîegt 
aucc  beaucoup  de  pelomption  ,  &;  par  diuers  meliagcs 
follicitoyent  ceox  de  Leyden  à  demardei  bonne  cein- 
pofition.  Lesafficgcz  ne  voulurent  oncquts  rien  ref- 
pondre  ,  fors  qu;  par  vue  Ictfrcoù  n'y  auou  aufe  ciiofâ 
cicrit  que  ce  vers  Laiin  ,  fiJIuU  dulce  canit ,volmrern  dum 
iiectpit  auceps.  Toit  aptes  tailans  reueut  r'e  leurs  viurej 
ils  Ce  reiranchcrent  àvnedcmi  liurede^am  pour  chaf- 
que  homme  par  lour,  &;  fircn:  des  lonics  met  ueilleufej 
ur  les  Efpagnols,auec  tei'e  rcl.:luiion  ,  qu'où  fut  con- 
rauit  icat  dcfcndteiccUes  fonies. 

CLQ.   » 


9  8  o  HiBoires  admirables 

Auint  en  ces  entrefaites  ,   que  Je  prince  d'Aurangc 
tomba  malade  &  fut  àl'cxtremiié  :  dont  les  Espagnols 
prindrcnt  fujct  d'cfctire    plulieurs   lettres   pleines   de  i 
bciic»  promc{rcs&:  de  cruciles  mtnaffcs    aux    allicgez,  . 
qu'ils  allcuroyent  toiilîouis  de  la  rîiort  du  prince.    Cela  \ 
ne    leur  fit  venir     l'cnuie    d'entrer    en    capiiubiion,  j 
quoy  que  la  famine  les  pr  cfTirt.      Vnc  autrefois  prcilez 
parles  lettre  s  de  Francif4ue  Valdes  &  d*4iuircs  ,    ils  de- 
mandèrent fauf  conduit  pour  leurs  députez  afin  d'ctrcr 
en  communication  :  mais  ce  qu'ils  cnfaifo)cnt  n'cftoit 
que  pour  plus  facilement  ,   fous  ce    prétexte  ,    faire 
palfer  leurs  melPagcrs  vers  le  prince.  Values  cefcouuiâc 
ccftc  inucntion.&uefpité  qu'vn  HoUandois  cuftafinc 
vn  Efpagnol  ,  les  (btnmc  &  menace.      Eux  icfpon<icnr, 
que  tant  qu'ils  auroycnt  vne  main  à  manger  ,&  l'au.re 
pourcombairciisnelercndroycnt  pas. Or  d'autant  que 
j'eau  ii'auençou  guerc,&:  que  Valdesrcnforçoiiles  me- 
naces ,  ne  pariant  que  de  gibets  &  fupplices ,  s'ib  ne  fe 
lerwloyenc    à   fa  difcrction  »    Jes    bien    afTcftionnez 
à  la  patrie  ne  furent   pourtant  esbranlez    :    cncorcs 
qu'ils  en  viflcnt aucuns  de  trelmauuaife  volonté.  Ccli 
Jà  di.'oyent   tout  haut   >    qu'il    faloit  fe  rendre    ,    & 
i'afFcmbians  au  nombre  de  pjus  de  trois  cens  deuanc 
l'hoftcl   de    ville  ,    crioyent    après      Jes    magiltrars, 
qu'ils    vouloyent  ruiner  Lcyden  ,    &:  que  c'cftoit  obus 
d'aitendre  fecoursrbricf qu'eux  ncpouuoyeni  ri  ne  vou 
Joycnt  plus  ciiduicr  la  famine,    lis  cltuytnt  poulFez,  ou 
du  moins  fauonfczà  cela,'  e  plus  des  trois  pans  du  Ma- 
giftrar   :   ce  nonobltant  la  a»eillcure  pai  tie  de  la  bour- 
gs oilîe,  clbnt  li  plus  fojcc,  Tom^ott  toalîours  ces  mo- 
nopoles, refolus  d'attendre  toute  txtrcJPKc,  &  aimans 
mieux  le  fier  en  lamifciicorde  de  Dieu  qu'es  promciics 
£fpagnoîes. 

Vne  .;utref'^is  quelques  habitan»  vmJrent  fe  prefen^ 
ter  à     i'vn    des   Bour^maiflres     nommé     Pierre    A-- 
d'-japs  ,   &  lui  rcmonihcrent  l'extiemc  milcrc  à   la- 
quelle iiseftoyent  teduits,  adioullaui de  grandes  plain- 
tct  &  menaces.  I!  Jtur  rcipondit.en  peu  de  paroles:Voy-  ■ 
cz,aics  frcies  &  compagnons,i'ay  faid  vu  ferment ,  que. 

i'clpcrç 


(^  memorahles.  ^^  8  r 

refpcrcconftamment  obfcruer  ,    moyennant  la   grâce 
de  Dieu.      Si  ma  more  vous  pejt  aider  (car  aufTi  oien 
me  faut- il  rnc  fois  Qiourir  ,  &  ne  me  ch^at  lî  ie  meurs 
parvosraains,    ou  ^ar  celles  d  s  ennemis    ;   carmoa 
cas  va  drcidl  *)   prenez  mon  corps  ,    mctrex  !e  par  piè- 
ces ,    &  le  parufTez  entre  vous  ,    tant  qu'il  ie    pourra 
eftcndre    :    i*cn  luis  content.      Ces    bourgeois  furent 
tellement  abatus    de    cœur    par  fa  refponfe  ,   qu'ils 
fe. retirèrent  fans  plus  rien  dire.     Le    iour   de   la    de- 
Jiurance    de    la   ville,    le  fccours  eftant    près   ,    fans 
touresfois    qu'aucun   des   afîit-gez   le  vift  encor  ,    & 
ics  Elpagnols  elLins  entre  la  ville  &  icelui  fccours  ,    vn 
des  Bourgmaiftres  monté  fur  le  rempart ,  dit  au  peuple 
qui  eftoit  autour  de  lui  :  Voyex  vous, mes  amis:derriere 
ce  forc-!à(cuerroyent  les  ennemis  )  elt  mainicnant  no. 
ftrepain,  qne  vous  en  fcmble  .«'  le  denors  nous  la  laif- 
fer  .<*    nous  irons  plaftoft  arracher  ce  for  tauec  nos  on- 
gles,que  de  l'y  laifler.     Ils  n'en  furent  pas  en  peinctcar 
Ic5  Efpagnois  dellogerent  toft  aprcs  ,   laifi'int  le  païTige 
libre  au  fecours  Sl  rauidtiai.lemeac ,  abandonnant  tous 
leurs  forts ,  &  la  ville  pleinement  dcliuree.  Hijt.  des  pays 

L'an  m;l  cinq  cens  nonantc  ,  les  Eftars  généraux  des 
prouinces  vaics  ,  pour  rendre  libre  leur  nauigation  en 
France  &  Anglcrerre,drefrerenr  bon  nor^bre  de  nauires 
de  guerre,pour  côjoyer  leurs  nefs  marc^iâdes,  afin  que 
ceux  de  Dunkcîkc  &d'aucrfs  haures  ,  que  rF.fpagnol 
tenoi:  fur  la  cofto  de  Flandrc.ne  peufTcnt  plus  les  ofen- 
fer. Sur  ce  auint,  que  le  capitaine  lacques  Antoine,  vic*- 
amiral  des  aanires  pofcz  cocarde  àcvi'ii  Dunkerkcfuc 
aiaqué  de  quelques  pirates  Diïkerkoisaumoisd'Aourt: 
II  combattit  fi  long  temps  contre  eux  aucc  fon  fcul 
nauire,qu'cn  fin  s'cftancacrochez  deuant  Calais,  Si  cô- 
batans  à  l3-raain,ceuxdc  la  vic'amirale  revoyâs  les  plus 
foibles,  &  forcez,  mirent  le  fc^u  en  leur  ponldre  qui  fît 
voler  en  Tair  les  vidorieux  &  les  vaincus ,  &  brufla  ht; 
aauires  actochez.^<*  e.liit.deUmefynehiJl. 

Au  mois  de  Septembre  i  î  9  i .  fîx  nauircs  Angloifcs 
s'cftaus  mifes  à  la  voile  pour  rencontrer  la  flotte  d'£fpa- 


98; 


Histoires  admirai/es 


gnc  venant  des  Indes    ,       &:  en  arracher  quclc^ue  pie- 
ce»    fous  la  conduite  de  m: loi  d  Hauvvard  &  Kichard 
Çrene^cl:  .cft.ins  à  l'anchre  pour  faire  aiguade  es  Illcs 
A(jore3  ,  faccnc  attaquez  a  l'tmprouifte  par  dom  Alfvnfç 
dcBjza  ,  freredu  maïquisde  faii  fteC'Oix  .  aoniral  du 
conjoy  de  la  flotte.  Milord  Mauward  voyant  l.ipa'tie 
trop  m^l  faidte,  gaigna  le  vcni  hir  !cs  Efcagnols  en  Ion 
aoiirale  nommée /j  DeJianccS-ii^ïi  de  quatre  aut  es  nat:i- 
rts,   Gieneuelr  au£c  i?  lîeneapelee/d  XeM^/^e,  quieftoïc 
pins  p  es  dt  l'ide  de  la  Fleur  ,    ne  Irs  pouuant  l'ovure, 
pour,ihe  e   re  mé  entre  la  flotte  Efpagnole  &Plll«, 
rclolijcdc  palTe.  a  trajets  les  ennemis.    Msis  il  fut  tel- 
lement •;nuironné&  canonnc  détectes  parts,  qu'ap'cs 
auoit  nré  Jk  fait  couler  cudqueî   vaiffaui  Elpagnols 
en  foijd,r:oiiib.-itii  q.iinze  heures  durant,  fes dcfcn Tes  re- 
pues,'•o'S  fcs  aoafls  abaïus  ,     que- ne  voyant  en  fin  nul 
moycnw'tfchâppe!  ,  .lysni  tirétoute  fa  pooldre  à  vn  ca- 
que près  ,  &que  lui  (eu!  auoi:  àf  (ire  à  cinquante  gran- 
des nauires  ,  qui  porioyent  pi  j%  de  quinze  mille  hom- 
mes ,  il  commanda  à  fon  mail'tre  can<'nnier  ,    pluftoll 
«juetomber  entre  les  mains  c'cs  Efpagnoîs  ,    &  que  la 
nauire  royale  fort  rendue  ,   delapc'cer&:  faire  enfon- 
cer.     Le  contre  mjiftre  s'y  oppofant,  di6t  qu'il  valoïc 
mieux  fauuer  la  Vic  aux  maladt-s,    hic(Tcz,&  à  ceux  qui 
cftoyenrcncores  fann  ,  vcuqu'ils  auoveni  \ufHrammcnt 
fatisfait  à  leur  honnenr   ,    éc  que  les  Efpagiols  enclino- 
yent  à  les  rrccioir  à  me'ci  ,    s'ils  vouloymt  fe  rcrdrc. 
Mais  c mm*  Grcneuslt  refafoit  d'y  entendre  ,    ce  con- 
tre maiftr  le  iccta  dedans  l'cfquif,  &  voguant  vers  l'a- 
mi aie  Eipagnole    p;»r!a   au  gênerai  A.'fonfe  ,    lequel 
rcfca:!ta  volonturs  ;  &  parce  qu^ll  voyoit  que  fes  j:ens 
n'auf  yenr  pas  gran.-i*    einrÂQ    d'acc*^  -chc  h  Reucnge, 
craigiiaos  que  les  Ang'oii  réduits  à  Ccxrrcmité  ne  niif- 
fcni  le  fcd  en  leur  rcfle  de    pouldrcs     qui  eut  fait  voler 
les  vos  èc  les  autres  en  l'air  :    il  accorda  auec  le  contre- 
maiftre,quc  les  matciots  s'en  retourncoyent  en  Angle- 
tcrrcjà:  que  les  aunes  feroycnt  lalch  z  en  payant  ran- 
i^o%     Il  fecontentoitde  l'honneur  d'auoir  gaiî^né  vnc 
^çllenauirc  royale  ,  qui  lui  fut  rendue,  &  dont  fut  drc; 

le 


é"  memorahles,  9?J 

le  chcrGrcncuclt,fo;  t  foible  à&s  playes  qu'il  y  auoit  re~ 
çeues.dôc  il  mourui  x.ou  5. jours  aprcs  On  a  efciic  qu^c 
ccftccicarmouchc  mourijrenc  ecui^ô  mille  Eipagnois, 
tant  tuez  que  noyv;z.  Q^oclques  iouis  après  arriua  la 
flotte  des  Indes  ,  laquelle  le  voulant  refrailchir  aux 
Açores,  fat  agitée  de  telles  lempcltcs  ,  que  quatorze 
nauires  en  périrent  :  entre  iefqiîelles  fui  celte  vie'  admi. 
ra!c  d'Angleterre  auec  1 00.  Efpignols  qu'on  y  auoit 
mis. Les  nauires  Angloifes  qui  s'clVoyeni  faucces  auec 
Milord  Hauvvard, firent  en  leur  retour  de  grands  butins 
fur  [ts  Efpagnols,  où  ils  rega-gnerent  p!  us  d'vne  dou- 
ble Reuenge. Depuis, le  corrjcc  de  Comberlant  rencon- 
tra^nuiron  la  Tercerc  deux  grands  nauires  venans  des 
Inics  Orientales,  l'vnappellé 'a  Sanda  Crucé,  lequel 
fut  brusIéiTautre  Madré  de  DiOj;,ii<^e  àc  plus  d'vn  mil- 
lion de  ducats, du  port  de  quinze  cens  tonneaux,  qui  fut 
prins&mené  en  Angleterre  en  fon  entier.  Hijïoirc  des 
pays  bai  lia. 6. 

L'an  1  (îoo.peu  auant  la  haaille  de  Nieuporc  entre 
Tarmee  de  l'Ai  chcduc  Alljerr  8:  celle  des  Ertats. comme 
à  faute  de  vent  propre  quelques  nauires  de  giicne  djs 
ErtatsfufTent  demeurées  derrière  «elles  furent  .ifTail- 
lies  par  les  galcres  Efpagnolcs,  qui  cuient  quelque 
auantdge  ,  &  bruslerenc  quatre  d'icelles  nauiies.  En 
ceftc  rencontre  Rlanckari  capi.ainc  d'vn  de  ces  na- 
uires de  guerre  (  fans  que  les  autres  peulTentie  fécon- 
der ,  à  caufeda  calrrie&de  la  marce  contraire  )  fac 
attacqud  feu!  par  lefdi^tcsgaleves-  I'  auoit  cinquante 
bons  hommes  en  ton  bord  ,  qui  fc  dtfendircnt  coura- 
g?ulcmrnr,&  par  trois  tois  repourtlrent  les  Epagnols 
de  leur  tillac,  qu'i';- auoycni  afranchi  &  gaigoc.  B'-ief 
ils  fr  défendirent  tellement  qu'après  auoir  perdu 
ving:  &  deux  hommes, 8c  tout  le  refte  bltlPc  faut  hui(ft» 
mefmes  le  capitaine  tellement  accpaftic  que  peu  de 
iours  après  il  en  mourutravant  leur  nauirecfté  percé  de 
part  en  part, perdu  le  maiftre  maft  ,  &  Panienne.fc  tel- 
Jcmcnt  dclchu é qu'il  n'eftoitpofTiblc  de  plus;  ceux  qui 
reftcrent  encore  fains  ne  voulans  fe  rendre,  nonob- 
Aam qu'ils  faffcnt  accrochç2,menaccrent  les  Efpagnols 

QQ_4 


984  Hî  flottes  a^dmirahl  es  \ 

Mont  lec3pi'ain  Bl^nckari  niclme  ,  tout  blefle  qu'i 
citoic  ,  à  nn.T  chaig.'à  vn  de  resgcnts)pluftottq'ic  fc  s 
l*cndic,di.  rrivrcrelc  leu  en  îeurpculdrc  propre  ,&  qu'ils  1 
Icsfrrùycn.  fiue"  c  r  l*air  q'i.ind  &  cux.par  ainfi  lc$vns 
fcroycnc  aulîî  riches  c^ue  .es  autre  s.  Donc  les  Efpagnols 
inrimidez  !e  i|iJurercor  bien  viftcmcnc  ,  tout  rompu  6C 
delchiicq'i'U  cltoitacoups  à<-  canon  ,&  en  tel  eftatfut 
ramcDt  a  Fi-jlfinghe  où  .c  caoïtainc  Blînck.irr  deccda, 
&  fat  \\OïiOiahitin^x\\.  ttiizi ic.tifjt.dei guerres  des ^ays buf  ■ 


3^£  TT^A  l  TE     remarquable, 

ENTani^^i.  le  i7.iour  d'AooftJe  Sieur  de  Sotn- 
meriue,fuiui  de  i  o  i.enfeignes  d'infanterie  &  de  bon 
nombre  de  cornettes  de  cauaîerie  ,  aiïîcgaCifteron, 
Ville  en  Proucncc&  après  quelque  rcnftâccfic  en  forte 
que  la  ville  ,  dcrnuee  de  (on  fecours ,  dc^fait  le  t.  de 
Septembre  fuyuanr ,  fat  ferrée  de  tous  coOez  ,  de  forte 
que  les  aflîcgez  ,  en  petit  nonbre  au  regard  des  gens  de 
gucfre,n'auoyen:  aucun  chemin  de  retraite,  qu'vn  fcul, 
fort  raboteux  &  naalnifé  ,  tirant  vers  des  hautes  monta- 
gnes toutes defcrtesp^r  vn  fcncier  (t  cftroit.que  deux  hô- 
iiîes  de  thcual  n'y  euAc.-^t  Iceu  palTer  de  front  :  ioint 
q'j'jl  eft'iit  expofcàla  venë  du  camp,  n'en  eftarj  cflon- 
gné  Ojue  de  la  largeur  d'voe  riuiere  .  nômce  là  Durarce, 
qui  fepafî'oît  à  gué  en  rlulîe-'rs  endroits  :  à  raifon  de- 
quoy  Somineri'ie  n'auoit  ordonné  perfonnc  pour  gar- 
der ce  chcanm  ,  tenant  au  rcftc  JtsalTîegcz  cnc'os  côme 
dedans  vnc  pifun.  Par  ainlîle  4.  de  Seprembrc  ayant 
f 'if  brefchs  G^cr^vi>on  i  40  pa$,ii  fi'  clonner  l'afiaut  par 
3  3  enfeigncs  d'ir^faurerie ,  ayauc  à  dos  vne  cornette  de 
caaaicrie  ,  où  il  fat  combatu  rep:  enan:  haleine  par  cinq 
fois  ,  depuis  dix  heutes  au  matin  iiifrjucs  à  fepi  heures 
du  frir, auect;lfc  furie. que  la  pouldre  cftant  faillie  aux 
Vns&a'jxautres,i]s  vind^encaux  pierres,  aux  cfpees  èc 
aux  m<iins.£o  i^n  Us  afTâiIlans  furet  cucraiiu  fe  retirer. 

La 


é*  mémorables.  9^  5 

Lanuid  venue,Senas,Mouuans,&lesautrcs  capitaines 
aflfiegcz  ,  fe  troiiucrem  en  mcrucilleufc  pefplcxitc» 
voyans  a'vncofté  la  perte  de  leurs  gens  auec  le  défaut 
de  miinitionSîfansefpoir  dcfecours  ni  renfort  v  &  à'au- 
tre  parc  confidcrans  les  grandes  forces  &  'a  cruelle  o- 
piniallretc  de  leurs  ennemis.  Mais  ce  qui  les  cftcnnoit 
encores  plus  ,  eftoit  l'eltacdu  pauure  peuple  ,  qu'ils 
ne  pouuoycni  nigarantir  pjr forces  humaines,  nircti- 
rcràfanueté  ,  ertancla retraite  parce  feul  petit  che- 
min farmcntionné    pluftoft  impofiîble   que   difficile. 

•  Ceneanrmoins  après  s'cftre  recommandez  à  Dieu  ,  ils 
refolurenc  de  prendre  cefte  route-la  ,  quoy  qu'il 
cndeuftaiienir.  Mais  à  grand' peine  aunit  cfté  prife 
çefte  refo.'ution  en  chambre  clofe  qu'vn  mefchaot  & 
malheureux  homme,  qui  s'y  cftoic  trouué  ,  &  qu'il 
iufquei  alors  suoiffté  en  fort  boK  ne  réputation,  deua- 
lanr  par  la  brefche  fc  rendit  à  Sommeriue,  lui  declaranc 
icellerefolution.îl  rcfblut  inccniinenc  d'er\  crapcfcher 
l'cxecuttor  :  chofc  trefaifee  menant  fenlement  vingt- 
cinq  ou  trente  cheuaux  auec  quelque  infanterie  en  ce 
deftroit.  Ce  qu'eftant  exécuté  tous  czi  pauurcs  gens 
infailliblement  cftoycni  perdus.  Mais  Dieu  y  prou- 
ucut  mirsculcurement  :  car  e(iant  l'opinion  que  dt (Tus 
dvfii  comme  conclue  auconfeil  de  Sommeriue  ,  lefieur 
de  CMiial  (  nonqa'il  euH:  en  peniec  de  fauucr  ce* 
pauurcs  gens  ,  mais  Dieu  le  t'aif'ant  ainfi  parler  )  allé- 
gua qu'il  ne  faioit  adiouftcrfoy  à  ce  rapporteur ,  que 
telle  retraite  cftoit  incroyable  ,  3c  que  c'eftoit  vne  rufe 
des  afliegcï  ,  pour  efmouuoir  les  l'oldats  a  courir  vers 
ce  chemin  ,  pour  cepenJant  faire  vne  fortie  fur  le 
camp,  &:cncloiicr  rartillerie.  Cental  fe  fit  tellement 
croire  ,  qu'il  fut  arrertc  que  nui  nebcugcvoit  dii  camp 
cefte  nuiâ:- là  ,  encor'que  quelques  vns  fifTcnt  minede 
fc  retirer  parla  :  mais  qu'au  poin;ît  du  icur  il  fc'oit 
tout  à  temps  de  regnider  ce  qu'il  cor.niendrou  faire, 

f  De  l'autre  part  îa  .'eria;re  cftanf  déclarée  d' dans  ia 
ville  ,  combien  que  ks  fuidats  &  le  peuple  f.  (lent 
raerueilleufcmcnt  im-alTez  d^s  in^uaiix  txctflifs  du 
iourprecedcat  ,  neanunoins  chacun  s'aprcita  de  fortir. 


9  s  ^  H'tfioïres  admirables 

Cclanc  fe  pouuoit  faire  fans  grande  confnd^n  ,  clnf- 
cun  croullinc  ce  qu'il  pcnfoit  le  plus  aifé  à  purtcr  : 
Jes  vns  qui  auoyenc  1;  moyen  chargeants  fur  afnes, 
niuîets  &  cheuau.t  ,  Jes  peiirs  enfjns,lcs  bUfTcz  ,  les 
malades  &  les  vieilles  g'ns. qui  ne  pouuoycnt  maiche  : 
les  autres  ,  tant  pères  que  mercîjportauis  leurscnfar  s 
fur  leur  col,entrcI.'urs  bras  ,&  aux  tnammelles  ,  ai.cc 
grands  pleurs  &  lamenca.ions.  Tout  cela  (c  faifoit  à  la 
veiie  des  alfiegcants  ,  qui  pouu«iyent  dcfcounnr  de 
deux  endroits,  pour  la  lumière  qui  cftoit  aux  fencftres 
des  maifonspar  toute  la  ville.  Ce  ncantraoins  enuiron 
les  onze  heures  de  nuift  ,  toute  ceftj  troupe  commença 
de  fortir  par  vne  fauflfe  porte  de  la  ville  pour  aller  au 
ponc,&  d?  là  à  vne  petite  porte  du  bourg, par  laquelle  on 
ibrtoit  au  chemin:&  marchant  aiiifî  à  la  filejpouTfuiui- 
renc  leur  chemin  toute  la  nuiâ:  d'entre  le  4.  &  S  •  de 
Septembre,(ans  que  pas  vn  du  camp  ennemi  fe  rcmuaft, 
non  plus  que  fi  ce  pauure  peuple  eulleu  lauf  conduir, 
iafques  au  poinfldu  iour,  que  Sommeiiuefit  palier  la 
riuicrcjà  quelque  caualejie  6i  infanterie  ,qui  donna  fur 
laqueuc.où  ferrouuerentdej  paunres  femmes  demeu- 
rées derricre,dôt  les  vnes  furent  tuec5, les  autres  emme- 
nées prironnieres:&  ne  fut  Iapourruirep!u5grande,ranc 
à  caufede  la  difficulté  du  chemin  ,  que  pour  la  fiiandilc 
du  butin  dont  ces  pourfuiuans  ne  vouloyent  perdre 
Jcur  part. Ces  pauurcs  gcnts  fortis  de  Cilteron ,  par  che- 
mins détournez  ,  reprcnans  halemceomme  ils  pou- 
l]oyenr,ayans  cheminé  le  rtftc  de  la  nui6l,&  le  iour  U\y  - 
uant  cinquicfme  du  mois  ,  fc  trouucrent  àquarrc  heu- 
rcs  après  midi  fcpt  bonnes  lieues  loirg  de  Ciltcron  ,  où 
l'armée  dj:  Sommeriue  n'cftoit  entrée  que  fur  les  d  x 
heures  du  matm,&  non  pliiftoft, craignant  encorcs  Som- 
meriuequ'iiyeulK]utlque  ruf.,&:  nefc  pouuant  pcrfua- 
der  l'cntreprife  d\ine  retraite  tant  eftrangc.  Quant  aux 
excès  commis  dedans  Cift-ron  ,  irs  alTicgeants  y  tuè- 
rent de  troifàquarre  cents  ,  que  femme»,  qu'enfans, 
fans  aucun  refpccl  ni  d'aage  ni  de  religion.  Ils  n'y 
ca  trouucrent  pas  d'iuaniagc  ,  les  autres  j'cftans  fau- 


C^  memorahks.  987 

Uez.cominc  nous  auons  dir,  &  paruenuf  en  vn  petit  vil- 
lage appelle  Bar!cs ,  y  atcmdircnt  leur  fuicc  ,  iur4ij'a  la 
nuid, notamment  les  bklTcz  &  malades,  auec  cjuejques 
pauurcs  femmes  ,  donc  les  vnes  mefmes  eftoyenc accou- 
chées en  chemin, 

llsferariembiercnt  donc  en  ce  village  cnuiron  4000. 
peifonnes,  entre  lerqnellcs  y  atioir  au  plus  mil  hommes 
de  refîlUncf.  De  là  ,  les  harcjucbuziersayansef^c  mis 
en  tefte  &enc|ueae  ,  &lerc(tc:  cheminant  au  milieu, 
lis  tirèrent  au  village  de  Salonnct,où  ils  repoferêt  quel- 
ques heures  de  la  nuit.  Le  lendemain  matin  ,  fixiefmc 
du  mois ,  lis  prindrent  le  chemin  de  Gap  ,  où  ils  pen- 
foyent  fe  retirer  ,  &qui  n'cft  v^u'à  8  lieues  de  Cifteron, 
par  le  droit  chemin  >  en  lieu  qu'il  leur  en  faloit  près  de 
deux  fois  aut-înt  p.ir  le  deftour  qu'ils  ai^oyrnt  pris. 
Mais  arriuez  au  village  du  Baye  pour  palier  la  Dmâte, 
ils  tiouucrrnt  vne  embufcade  ennemie  ,  qui  auoit  gai- 
gné  deux  montagnes  ,  entre  lelquclles  ils  cftoyeni  con- 
trains necefljiremcnr  de  pafler  en  pourfuiuant  re  che- 
mm  ,  auquel  vne  i'rune  damoifcllc  acoucha  d'elîtoy 
fur  Ir  grau  1er.  Cela  fuc  caufe  que  reculants  en  arrière, 
&  non  toutcsfois  par  le  chf-mm  qu'ils  awoyenifai:, 
d'autant  que  tous  les  villageois  s'y  cftoyerc  mis  en 
armes ,  ils  prindrent  k  chemiti  à'vn  lieu  nommé  Le  pas 
de  Lozec ,  jui  eft  vne  grolfc  roche  fendue  ,  par  laquelle 
il  fintpaîTer  comme  par  vnr  porte  ,  en  vnc  vallée  dire 
Terre  neuue  ,  par  la  lUcHe  on  vade  Pronence  en  Pied- 
monr,?.partenant  le  pays  au  Duc  de  San^ye.  Le<;  har- 
qu.bi  zierscraignaîis  qnece  partage  ne  leut  fuft  fermé, 
coururent  le  failir  :  tcqa'cniendu  par  reux  du  vilh'gc 
de  Lo7et,ih  cuidtrrent  s-'efinouMoir  à  bon  efcienc.  M;iis 
Senas  &  Mouuans  arrincz  accordcjcnc  auec  et^x  ,  que 
i'?ulement  les  femmes  &  péris  enfans  y  enrreroycni, 
potury  eftre  iuftjuts  à  larcfponfr  de  lem- prince  ,  la- 
quelle fe'oit  attendue  par  eux  au  de^àdu  paflTage. 
Mais  les  femme$&  enfans  y  cftans  entrez  ,  &  voyans 
ccuxdu  villjge  que  l'on  ne  prenoit  rien  fans  bien 
piyer  ,  ioinifl  que  la  force  n'cftoit  de  leur  cofté 
ils  accordèrent  (encor)  que  le  rcftey  enireroic  au(E: 


.9^8  Hiffcires  ^d'/rirahles 

de  forrc<^uctonsy  pa(fi-reiulanui(!.t.  .    Le   inu:  venu, 
fcpricfmciudii   moi<;,    e»>apc  arrcfté    qu'on  prcndroïc 
le  chemin 'k  Grenoble    ,     toute  ccfte  troi.-pedefloaca, 
ayant  fur!:  dos    vnc   t  çigrolfe    pluye  continuanr  laï- 
ques à  midi.      Ce    nonohftant  ,    auec  vn    infini  t-a- 
uail   ,     ils  vindrenccoucherau  village  de  rain(rt  Paula. 
Le  lendemain  hnidjefm-  ,  comme  ilstiroyent  en  Daa- 
phiné  ,   aucrtis  d'vne  grc^Ilc  cmbafche  quel'eucfque 
d'Ambrun  leur  auoit  drelTcc   ,     &  contrains  de  pren- 
dre le  chemin  de  Pragela  ,  pjr  vn  pays  fort  defei^c  ,    ils 
arriuerent  an  village  de  la  Ghana  j    qu'ils  trouiicrent 
tout  vuidc  d'hibirans  &  de  tous  meubles ,  de  forte  que 
force  fut  à  toute  leur  troupe  d'y  palTer  la  nuifl,auec  des 
choux  pommez.      Le  neufi-fmc  ,    ayans  pad'c  le  col 
de  IaGucl(jrnonr.agnedes  plus  fafcheuits  &  roidcs)  ils 
vindrerfriufquesau  village  dt:Mou'ieres,oàils  necrou- 
uercntrien  qu'vne  embûche  que  leur  auoit  drefTce  la 
Cazettegouuerncur  de  Briançon  du  Dauphinc.     11$ 
furent  donc  contrains  de    marcher  iufques  à  vn  antre 
village  pics  eflongné  ,    oùils  couchcrentauecquelquc 
commodité  de  pain  &  de  laiclaga.    Lcdixiefme,  ayans 
pa/Fe  Iccolde  l'Argeoriere  ,     ils  logèrent  à  vnc  lienc 
près  de  Pragcla,ati  village  de  Sauze, auquel  lieu, pour  la 
commodité  desviures  ,    ils  fciourner^ncquatrc  iours, 
frangèrent  leur  infanterie  fous  huifteofcignes-     Le 
quiazierme  ,    arriuez  à  Prngeli,  où  ils  furc  nt  rresbien 
receus    &   accommodez  de  viures  hui£l  iours  du'anr, 
par  ceux  du  lieu  leurs  bons  amis,  les  capitaines  voyans 
^ue  lapauurerédu  pays  ne    poju'^it    pas  porter   qu'ils 
y  peuiïent  laifTer  îes  femmes  &enfans  ,   ouyfciourncr 
plus  longuement  ,   eftânsguilcz  par  trois  cens  hom- 
incs  ,   tant  Ju  lica  que  de  Ip  v  illec  d'Angrongne  ,  d'où 
ils  recouurerent  aaiT:  quelques  pouldres,  ils  reuindrent 
coucher  au    village  de  Saize    le  vir.gt   vniefme  du 
mois  ,   en  intention  do  fc  rendre  à  Grenoble  où  à  Va- 
lence  »   &  lclcnd°main  vingt  deuxielme  au  pied  delà 
montagne  au  vilhge  de  Sezanne.Les  cap  taine, fc  dou- 
lans  bien  qucla  Gazeric  leur  oprelloitquelqacchofe, 
fîicntbacrc  aux  chamj>s  enuiron  la   minuiâ;  >     & 

jnircnt 


^  Memcrahlesl  9  85^ 

mirent  tout  en  tel  ordre  ,  que  toute  la  troupe  ayant 
pafTc  la  montagne  le  irouaadenanriour  auprès  des  mu- 
rajlics  de  Bnaii^on  liiâs  (  pour  paflcr  la  Durante  )  vers 
vnpont,  qui  citàvnquaiide  heuëdelà.  Mais  leur 
ettai.tdiciicc  V  ne ckur.iouchc,  force  leur  fui  en  la  fou- 
fteoancdc  faire  louirer  vila^càla  troupe  pour  tirer 
vers  vn  aune  poni  à  vn quart  de  licuè  de  là  ,  lequel  s'e- 
ftiint  crouué  rompu, ccj  pjuurcs  gens  demeurerr  ni  tout 
crtonnez  &:e/pe;dus  ,  ialbncs  a  ce  que  benas  ^.  ?'iou- 
uans  femettansen  baiail.'e  entre  leurs  ennemis  &  leurs 
gens  qui  les  acitndoycnt  a  lC  pcnt  ronifu  ,  y  c- 
Itans  finalement  an  iuez  ,  &  les cnLCinis  reniez  iir^'it 
fi  bien  qu'ayans  iau  pallci  à  giîé,Éi  nus  en  bâta  Ik  Ict^r 
cauûlerjc  de  là  le3o  ,  ils d-eiTereo:  des  plancher  auec 
qu-lqiics perches  qu'ils  îroiîucrér  en  vne  praiiie,!]  hcu- 
rcuic.iicni  ,  qu'en  iaoins  de  trois  heures  celle  tioupc 
paifa  fans  aucun  domrage,  à  la  veuè  de  ceux  de  B.  lan- 
çon ,  qui  failoyeni  bien  quelque  mine  de  vouloir  Jes 
cmperchcr,niais  \\i  n'ofereni  iûmajs  ï:s  .iilaillir.Lç  vm- 
diétdonc.ufqtiesau  village  de  Fieffiniercj.,  entrcihau- 
ies  montagnes  &:  du  tout  i^eiiles,d'cù  ils  paitirent  ami- 
nuidt,  &aîriueient  enuiron  midi  virgiaicifiermedu 
mois  à  vnpauure  village  nômé  Orfiere,  où  ils  netroa- 
Uercnt  perfouac  ,  ni  pajn,ni  vin  ;  mai*  Iculctnent  quel- 
ques moutons  qv}e les  pay fans,  fe  retirans  de  viiteire 
aux  montagnes  ,  n'auoycnt  peu  emmener  ,  dont  ils 
difnerent  lans  pain  ,  n'ayans  repeu  depuis  ie  villa- 
ge de  Sezj»ine,Ôc  ayans  combaru  en  cherrin.  De  là,  ce 
rnefme  iour  ,  defcendus  au  village  de  fainû  Bonnet ,  à 
tioii  lieues  de  la  v^Uede  Gap,fe  trouuerent  par  ce  moy- 
en n'eftrc  qu'a  onze  lieuçs  dt  Ciftcron  ,  èc  qu'àtrois 
licuës  de  leur  enncmi.quis'eftoit  faifide  Gap. Il  y  auoic 
c  ncore  outre  cela  vn  àuirc  tresgraod  danger  bien  pro- 
chain d'eux,  &  donc  ils  ne  fçauoyent  rien.  C'ell  que 
jeficurde  Vinay ,  lequel  auoir  allîegé  Grenoble  en  ce; 
mtfme  temps  ,  fauu'cment  auerti  que  Senas  &  Mou- 
uans auoyent  afTii-gé  B- i3nçon,quitaiu  Grenoble, elloit 
venu  à  Corp  auec  uuicl  cnfeignes.à  deux  lieues  près  de 
iain^  £oacet.  Senas  cependant  Hi  Mouuacs ,  qui  pen- 


9  9  o  Bifloires  admirAblès 

loycni  que  Grenoble  fut  toufiours  aili(^gc  ,  ayans  pris 
rc(o!urii»n  de  iTiarcher  iulqucs  à  deux  iicucs  prcsdé 
Grenoble  ,  d'où  ils  clpcroycnt  faire  prendre  le  che- 
min dt  Valence  aux  fc aunes  &:  aux enfans  ,  puis  con- 
duire le  reftc  au  fecuurs  de  Grenoble  ,  iturcncde 
grand  matin  ,  le  viogdfjatriclcne  dcdic  mois  ,  droic 
a  Corp, comme  par  vn  chemin  bien  afTcuré  ,  &  fans  au- 
cun ordrc,iurt]ues  a  vn  c^uarc  de  lieuë  du  village  ,  en  vn 
chemin  cft'Oicconcre  vne,  moniagne  ,  au  pieddc  ia- 
tjucllc  paifc  vnc  peticc  nu  crc.  En  ce  lieu  deux  gentils- 
hommes de  la  croupe,  à  fçiuoir  le  lîcur  de  S.  Mariin> 
gendre  de  Senas  ,  &:  le  Heur  d'ElpinalTc  ,  s'cftans  vn 
pcuauanccz  deuAnc  la  file  qui  les  luiuoit  le  iouans  l>n 
à  rauirt>&:  ne  penfans  à  autre  chofe  ,  irouucrcnt  vn  vil- 
lageois que  Vmay  y  auoit  mis  en  f-ntinelle  ,  lequel  n^ 
les  conoillàiic  point ,  &.  mefme  penlant  qu  ilsfulfcnc  de 
ce  quartier  là, ieur  dit  ce  qu'ils  trouueroycnt  à  Corp, 
où  on  leur  feroic  bonne  chère.  Cela  prompicmcnt  rap- 
porré  à  Senas  &  Mouuans  ,  ilsfirent  mettre  à  part  ics 
femmr.s  &enfans  auec  quelques  harquebuziers  »  leur 
fiifins  palfer  li  nuiere  ;  le  relie  rangé  en  ba:aille  mar» 
che  drcjJt  à  Corp.  Mais  paruenusà  l'endroit  où  ce  vil- 
1  igcois  âiioic  elle  trouuc  en  fentinellc  ,  &  lequel  cftoi: 
elchappé  aux  deux  lurnommcz  gentils- hommes  ,  irou- 
licrcnc  que  Vinay  ayerti,  tandis  qu'ils  rangeoyent  leur; 
gens,  auoit  faifi  lepal]:.ge  &  fait  monter  quelques  fol- 
dits  au  h?ut  de  la  muntâjj;ne  )  pour  rouler  des  pierres 
fur  eux:cela  les  contraignit  détourner  viiagc»&L  de  paf- 
fer  fur  l^  mclme  pont  outre  lequel  cftuit  icur  troupe, 
&  ainli  tous  cnfcmble  à  la  vcuè  de  leur  ennemi  fecam- 
pcent  vis  à  vis  de  Corp  ,  aitendans  quelque  iecoars  de 
teuxdupays  deT*  icfucs, leurs  amis,&qui  n'eftoyecqu'à 
deux  lieues  de  (à.  Mais  ayans  en  vam  attendu  quelque 
peu  de  téps,  &  voyans  L  beloin  qu'ils  auuyen  dcrcpai- 
ftre>  ils  firent  mai  cher  les  femmes  &  enfant  deuant ,  le 
tcn5s  en  bataille  fur  la  queue,  &  ainfi  arnucz  en  la  ville 
de  Ttiefucs»  ils  y  receureni  tout  bon  traiteiïient  tout  le 
iout  luiuant.De  là  fans  aucun  cmpefchtment  ,  le  vingt- 
fepticlinc  iour  dudit  mois  «ic  ^cpicçnbrc  ils  fc  rendirent 

fams 


ér  memor  ailes,  $^ï 

ftins&faufs  à  Grenoble  ,  bc milans  Dieu  en  canuqucs 
ci'a^iions  d  g;acci  ,  tic  fa  fi Dgulicrc  afii (tance  qu'ils 
auoycnt  txpciiincineccntanc  de  lortcs  ciuiant  ce  voya- 
geix  ne  iç  uhans  CRcore  rien  de  ce  que  Ditufaifoit  ail- 
leurs pour  lors, a  (çîuoir  à  »a  uCi  Gilics  ,  auquel  lieu  ce 
vingt  iLpticfmc  de  Septembre  leurs  enncmii  forent  des- 
faits ^  qiiali  tous  tuez  ,  commccft  dit  amplement  ail- 
leurs. Ceite  croupe  donques  arriuee  à  Grenoble  fut  lo- 
gera demi  lieue  de  la  ville  en  vn  viliagc  appelle  Giery,/ 
ii  c  ù  nyans  feiournc  ciois  iours  ,  &  lailTé  à  Grenoble 
queiqu^  peu  de  leurs  gens  naaiad.s  &  du  tocc  haralîcz, 
piiudrent  Icchr  lïiiii  de  Lyon,  oùils  aniuerent  feutc- 
nienr,lc:s  gens  de  guene  y  C'  ans  employezJcs  femmes 
&c  entans  louiag  i,d  pui:>  ic  mci».  d'Odtobrc  lufqucj  k 
celui  d.  May  eivfuy  Liant  ,  que  par  le  bénéfice  de  la  paix 
CCS  pauurcs  gens  le  rttiiercnt  en  leurs  mailons  ,  oùde- 
rcchef  'es  ennemis  de  paix  leur  donnèrent  de  terribles  a- 
Jarmes  auant  que  pouuoir  pofrr  le  pied  ferme  en  leurs 
demeures. Hï/y.We  France  fout  Charles  $.ltu.  i  J. 


XE  rO  L  F  TI  0  2^  S      notables. 

MAtihias,fils  de  lean  Huniade  Coruin,MoIdaue»fei- 
gneureicellét  en  toutes  fortes  de  venus,  &  qii'on 
appelloit  la  fouldrc  &  i'efpouuante  de  la  nation  Tiir- 
qucrqueraprcs  la  mort  de  fon  [-'cre  ,  Ladillas  Ion  fiere  a- 
yanteUé  dtcapitc  à  caufc  du  meurtre  coiDiiiis  m  la  per- 
fonne  d'Vlriccumte  de  Cil>e,  par  Iccommandcmcnt  de 
Ladifb^R<)y  de  Hoirie  &  de  Kvheme.  (coulîn  de  cecô- 
te)fut  fcrréen  eftroittc  pnfon  a  Budc, puis  emmené  de  là 
en  Bohême, poury  eftie  mis  à  tnortanieie  de  fon  pays. 
£n  cefl:  c(tu,dernué  deioutc  e  p:;rancc  ,  &n'atrfndanc 
que  le  coup  de  l'excciucu»^,  Ladillas  fut  emporté  de  mort 
violente  &  loudaine  à  Prague.  Icelui  dccedé ,  les  grands 
fcigncurs  de  Hongne  ,  rnemoratifs  des  biens  ,  que 
jcaa  Haoiade  auui(  faits  au  royaume  >  ayaut  à  diuerles 


55)^  Hijlûires  admirables 

fois  hcureufemcnc  rcpoufle  les  courfes  &  grands  ef- 
forts des  Turcs  :  induuesauffi  par  le  crédit  qu'auoic  cn- 
tr'cux  Michci  Ziiagc,onclcmatcrnel  de  Matthias  ,  Se 
meus  d. s  prières  d'Blizabct  la  merc  ,  dame  ircf-ver- 
tiieL'fe,ioiuc  les  prefcns  qu'elle  fie  à  aucuns  ,  rcfoJurcnc 
(JMl.'uer  en  dignité  ce  icunc  Seign-eur  ,  pouflé  iul- 
^n'auborcdu  tappiicc  ;  &  tout  abfcnt  &  prifonnicr 
qu'il  elloii  l'cflcurcnt  roy.  Long  temps  au  parauant 
leaiiCapiftran  ,  lors  en  icparationdc  l'aiodl  hotnme, 
auoitprcdiià  lean  Huniadc,  que  Ton  fils  puilnay  (  du- 
quel il  admiroit  l'rrprii  &  nacurcl  héroïque  )  fcroic 
grand  &  heureux  q'^eiquc  iour.  Matthias  Coruin  ayant 
eiléâinfi  efleu  roy  en  lonabfcnce  par  iesfcigneurs  Hô- 
grots, lettres  U  amb-ilTadcs  en  vindi  ent  à  George  Poge- 
binc  roy  de  Bohême  ,  lequel  tcnoit  Matthias  en  feurc 
garde/'ara:.ânt George  cnauoit  fenti quelque  veni:mais 
ioiS  4U*i]  reçeut  le>  lettres  de  l'ckdlion,  eftant  à  table  ,  il 
fit  incoïKineot  alloircnla  plus  honorable  place  Mat- 
thias,qui  cftoit  a  j  dcfl'ous  de  lui. 

O:  d'autant  que  Matthias  paroiïîoit  eftonné  de  ce- 
ilc  cérémonie  ,  &  f-inbloit  la  prendre  à  quelque  mau- 
Uiiii.  prcfagc  ,  Georf^e  1  exhorta  de  raire  grand'chere,6c 
«J'aiicndre  aprcs  foiippé,  quM  lui  diroitde  bonnes  nou- 
ucIlcs.Ce  qu'il  fit:car  ofcrec-  qu'il  luy  quitta  cncKrc- 
m:;nt  fa  rançon^dont  ilk  auoyenc  accordé  j  au  contente- 
nicni  de  Mat:hias)ils  traitèrent  alliance  perpétuelle  én- 
femble,&  lors  Gcorj;e  le  falua  roy  d-;  Hongrie  ,  &  lui 
Jonna  pour  femme  la  piinccflc  Catherine  fa  fille. 
Matthias  loycux  de  fe  voir  rcueltude  tant  grands  biens 
en  vn  inftant  remercia  Dieu  ,  &  le  roy  de  Bohc- 
iiîe  :  puis  promit  de  garder  inuiolabiement  louc 
ce  qu'il  auoit  promis.  Au  rerte  ,  non  feulement  au  nt 
que  d'eftreelleuroy  ,  mais  depuis  aufli  ^  Matthias  fut 
irauerfé  en  mille  fortes  :  car  rout  le  tt  mpsde  fon  règne 
ilnc  fut  prcfques  onque^  fans  guerre  cor.tre  l'enneini 
cftranger,  &  fans  cmbufches  &  dangc:rs  en  fon  Royau 
me  mcimc.Ii  ne  faifoit  que  d'entrer  Ofc  s'^lfoir  en  la  chai- 
re royale  ,  que  3.  rudes  guerres  contre  des  ennemis 
fort  puiirans  i'acueiilircnc  louc  à  coup.  La  1.  fut  contré 


é*  m€fnornhlesl  9  9  j  ■ 

TEmpcrcur,  lequtl  refiifoii  lui  rendre  la  couronne  dcJ 
anciens  rois  de  Hongrie  :  A:  ccur  cjoi  portoycnc  cnuie 
au  bon  heur  de  Macthids  incitoycm  l'eir.percur  à  chaT- 
fcr  et  ic!îne  roy.  Q^uani  a  la  fccondt-,  ce  fur  cuntre  leS 
Boherr.ci.  La  troiiiemc  contre  les  Tnrts  dura  loutc  fa 
Vie.  Il  vinràboutde  ces  jdurrrcs  à. 'on  grand  honneur: 
tellement  qu'après  fa  morcle  fukan  dcsTurcs  n'ciu  pas 
honte  dz  confcfrer ,  que  iamais  il  n'auoic  làut  redouté 
ennemi  que  Matihias. 

Or  peu  s'en  tx\m  qu'il  ne  fouiilaftle  luftrcdc  tant 
devôrcijs  par   vne  pcrpeiucile  tschc  d'efpru  ingrat  &: 
tropimp-tueui, lors  que  fijr  Jcr^pponde  certains   rn- 
uicuxic  calomniateurs  i!  fît  cmprifonner  &  comn.an- 
da  que  l'on  exterminait  Mil  hel  Zij.igc  Ion  oncJe  &  ii- 
bcratcur    :  lî  par  la  fingulierc  i:drcfle  &  fii'-lité  de  foii 
cuiiînicr,  ce  Icigncar  ne  lefull  faui  é  contre  elperancej 
hors  defaprifon.    Puis  i!  cnuoya  dire  àMat^has  ,  q-. 'il 
c.ftoir  beaucoup  plus  obligé  à  Ion  cuifinier,qu'à  icn  nc- 
ucu:  c'aucanc  que  l'vn  rauoit  iniqueroc-ntcnr^prifonné» 
raurrcTen  auoic  fidelemcut  deliuré,  comme  àii  l'hiftoi- 
re.    Zilagefeniirdefcn  codé  ,que  c::lldçla  reuoîution 
des  afaircsd:i  monde, eft^nt  précipité  lèudain  du  faifte 
de  grande  dignité  en  mifcre  extrême.    Il  gouuerhoic  le 
roy  &  le  royaume:  puis  en  vn  inftanc  fut  ferré  dedans 
vne  prifon.&  fur  le  pointde  perdre  la  teftc:  carfes  enne- 
mis auoyen:  obtenu  de  Matthias  lettres  &  fcaiix,por- 
tans  commandement  exprès  aux  capitaines  qui  le  gar- 
doyent,    de  le  faire  mourir.    Iccux  n'ignorans  pas  que 
ccltoit  des  remuemcns  de  Cour    ,  driîreuxdc  ^çauoir 
déplus  près  l'intention  du  roy  en  sfàue  fî   impv>rranCj 
prîr  leur  dchy  donnèrent  moyen  à  Michel  de    fe  fau- 
uerdclcurs  mains.  Etpcuaprrs  il    r'entra  es   bonnes 
grâces    de  Matthias    ,   &  fcvidca  piu'  grard    crédit 
que  parauant.  Q^e'que  temps  après  ayan,  cRépiiseQ 
vne  iîataillepar  Aiibeg  Turc,    il  fut  mené  i  Conftan- 
tinoplc  Scdecapi'é  par  le  commandement  <^u  fu  tan  ,  fî- 
niflant  honorablement  fa  courfc.    Hïftoire  de  tUngrie  o* 
'Bohême. 

le  ne  coucherai  point  pour  le  prefenc  aux  reuoluci«s 


j^  4  Hijloires  admirai/es 

des  grands  Ju  monde  ,  qui  en  noftre  temps  &  du  tcmpï 
de  nos  pères  Ce  font  précipitez  , du  faifte  dcicurs  gran- 
deurs en  des  abylmes  profonds  où  ils  fontpcris.   Cela 
fou  rciciuc  aux  volurncs  fuyuans.    le  ramenicuray  en- 
core &  lotndray  à  i'hittoirc  de  Matthias  trois  ou  qua- 
tre autres  non  moins  mémorables.  Aifonfe  d'Arragon, 
roy  de  Naples  ,   entendant  que  Charles  VIII.  roy  de 
France  approchoit  aucc  ibn  armée  ,    quitta  Naples  & 
s'enfuit  en  Sicile, Iaiir<intJa  charge  des  afaires  à  fon  fils 
F^:rdinand)!equel  abandonné  des  iîcns  propres  ,    voirc 
en  danger  d'elle  liuré  aux  François,  après  auoir  fait  ce 
qui  luicftoit  poflible,luiuide  bien  peu  desfiehs  .mon- 
ta lur  les  galère»  légères  quil'attendcyent  au  port  ,  & 
fit  voile  en  i'iilc  d'ifchie,  à  quinze   Iieiies  de  Naples> 
oùforcc  lui  fut  de  faiieefpreuuede    fa  venu.      Car  le 
gouaerncurde  laforcsrcITe  ne  voulant    le  receur  ii  fi- 
nonauccvn  fcul  compagnon,   eftanc  dedans  il  fc  ietta 
fur  lui  de  tclicimpetuoli'é.qu'auec  la  fjrie  &  auec  !a 
mémoire  de  la  maieltc  royale,  il  eftonnales  autres  en 
force,qu'il  redmlîi  incontinent  en  fa  piiiirance  &  le  gou» 
uerneur&  laforterclfe.     Quoyqueles  François   euf- 
fcnt  en  main  tout    le^  royaume  de  Naples  :    Ferdinand 
ainii  defnué  ne  voulut  touccsfois  accepter  les  cftats  & 
grands  rsuenus  que  Charles  VIII.  lui  ofFroit  en  Fran- 
ce,3ins  patientant  vn  peu  vid  incontinent  vnc  ligue  da 
pape,    des  Vénitiens ,    &  des  princes  d'Italie    drefec 
contre  les  François  >   qui  pour  la  plufpart   fc  retirc- 
rcni  inconcinenc  en  France  ,  après  la  bataille  de  For- 
nive.     Si  toit  que  Ferdinand  entendit  que  Charles  e- 
ftoitparii    ,  il  fc  remit  en  pieds  :  &  quoy  que  le  fieir 
d'Aubigni  lui  euft  donné  bataille, l'cuft  mis  <  n  route, 3t 
rcduita  rtl  poindl  que  lans  !c  fecours  d'vn lien  gentil-  ^ 
homme  11  cltoic  mort  ou  pris,  d'où  cfchappé  il  s'enfuie 
à  Mcflinc  :  neantmoins  reprenant  courage ,  il   partit  de 
là  auec  quelques  vailTeanx  où  n'y  auoit  prcfques  point 
degens  deguerre,&  arriuéen  la  plagede  Salcme  ,  ia- 
conrinenc  ^alerne.la  coftede  Melfe,&  la  Caue,  mirent 
fes  bannières  au  vent.    Approchant  de  Naples  les  Fran- 
çois u'eurcntrcfpritde  lui  courir  lus,  «juoy  auenani  ils 

Iculicuc 


&  mewùratles^  9^5 


l^cufient  desfait.   CcOc  fauce  fui  caufe  que  fcs  partiiani 
àccoaragez  le  rappellcrent,  comihcilfc  retirou    :    te!- 
IcmeniquM  reuinc  pour    prendre    terre  à  deiTiie  lieue 
delaville.     Les  Fr.;r.çois  allcren:  à  la  rencontre  peut 
lecombûtre    :    itîais  lortis  de  la  ville  on  leur  ferma  le? 
portes  auxclpaulcs  ,   oùu'autre  ccltéFcrdinand  acou- 
rut  ôchurecti)  dctous.    Alors  fâlut-ii  cooibacre  dans 
la  viiic  contre  les  François  rentrez  parla  porte  d'vn, 
des  Chiitcaux:  mais  cjucjcjue  cfFort  qu'ils  fîfTcnt, Ferdi- 
nand commença  de  s'ert^iblir  ,    5c  ayant  mis  icft  après 
en  route  leur  armée  nauale  s'cntuiuii  le  pourparlé   de 
la  reddition  des  Chafteaux  de  Naples  ,  qu'on  efTaya  de 
fecûurir  ,  mais  en  vain  ,    [elkmcnt    qu'eftans    rendus 
Ferdinand  demeura  maiftre.      Etquoy  que  puis  après 
Charlci  V  I  II.    remiit  fus  vne  armte  pour  ie  recou- 
Urement  du  royaume  de  Naples  ,  cela  ne  let uit  de  rien, 
ams  finalement  les  François  furent  coniiains  de  quit- 
ter tout  pour  renenir  en  Fi  ance  ,  &  Ferdinand  après  a- 
uoir  reconquis  tout  Ton  royaume  ,    excepté  cinq  ou  fix 
places  ,    comme  ii  eftou  en  voye  d'efgaler  la  grandeur 
de  fes  pîcdeccflenrs  tomba  malade  à  Somme,  où  eftoit 
la  toine  lafcmme  ,    d'où  il  fe  fit  portera  Naples  ,   &y 
mourut  peu  de  lours  après    ,    dcuant  Le  bout  de  l'an  du 
trefpas  de  fon  pcrc  Alphonfe  :  laiffarit  en  tout  fon  roy- 
aume &:  par  toute  l'Italie  vne  trefgrande  réputation  de 
vertu  ,  tant  pour  fes  exploits  que  pour  fon  noble  efpric 
&  plufieurstrcsbclies  parties  d'vngrand  princejlefquel- 
les  reluiloycnc  en  lui. Il  mourut  fans  enfans  ;  au  moyen 
dequoy  dom  F/^dericfon  oncle  lui  fucceda  ,    quifutic 
cinquietoc  roy  qu'on  vid  au  royaume  de  Maples  en  l'cf- 
pace  de  trois  àt\s.fr.Çutchardin  es  i  .i.c?'  l.ltH.dei'hiJ},<Us 
^t^erres  d'Italie. 

Edouard  V  I.Toy  d'Angleterre  ,  ayant  régné  (îx  ans, 
mourut  le  {ixiclm-  lourde  luillet  i^Si-  i^on  fanS 
Ibupç^^nd'auoir  efté  empoiionné.  Incontinent  après 
fa  iocur  Maricfut  laiute  ri>yne  ,  &  fit  des  eftranges  pcr- 
fecution*  de  fesftîicts  ,pour  le  faidlde  la  religion.  Au 
mois  de  Feuricr  fgiuant  die  fit  décapiter  lanc  Gra-* 
yc  fiilc   du   duc    dt   SuffuiC  ,   ôc  Gilbert  Dudley  fon 


5>9« 


HiBoires  admit  ailes 


mari  puis  ayant  cfpoufé  Philippe  fils  de  Charles  V.  au 
mois  d'Aouftde  l'an  iç  s  4. fit  ferrer  en  prifonlaprinccf 
fc  Elizabet  fa  fœur  de  par  perc  ,  où  elL  demeura  quatre 
ans  accomplis  ,  durant  icIcjUcls  Marie  fie  exécuter  à 
more  pluficurs  milhers  de  pcifonnes  innocentes.  Or 
Comme  il  n'y  auoic  apparence  que  de  toute  conful^cn, 
Marie  tomba  malade  ,  &.  fut  oltcedu  monde  le  i  7.  lour 
de  Nouembre  155  S.fcize  heures  après  àeflogca  le  car- 
dinal l  olcaagé  de  cinc^uante  neuf  ans.  Alors  vid-^n  ac- 
compiy  ce  que  dit  lefageen  l'cccleiiaflc  ,  qu'on  void 
fortir  de  prifon  les  peifonnes  cjuc Dieu  vcttfairc  ré- 
gner. Car  la  prince  flc  Eiizabct  tuC  tirée  de  captiuré 
incontinent  aprrs  la  mort  dt  fa  fœur  ,  commençant  à 
régner  le  Kî.du  mefme  mois  &:an;ce  qu'elle  a  hcurcu- 
fcmcnr  continué  (  PhiUppc  <ic  les  Elpagnols  chalTcz 
d'Angletcrrc)iufqucs  au  commencement  de  l'an  i  605. 
Jaiffant  pour  fuccelFeur  lacunes  VI.  roy  ù'Elcoflcjauiour. 
d'hui  l'vn  des  puilfans  roys  de  i'curop;:.  Hijhirede  nojln 
temps. 

Piiilebc  t  Eraanuel, prince  de  Piedmont  fils  de  Cliar- 
lesducde  Sauoye  ,  fut  i'cfpace  de  plulicu;  s  années  ré- 
duit à  ceKitat  (  ibu  pcre  ayant  efté  defpouillc  de  Ia  Sa- 
lioye  5c  du  Piedmont  )  ^u'il  fjt  contraint  demeurer  à  ia 
foldedeCHarîe»  V.  &  de  Philippe  roy  d'Elpagne  fon 
filsrcombien  o^uc  ce  fuft  en  charges  honnorabîes.  Tant 
y  a  que  c'eftoit  a'iec  hazard  &:  peu  d'auancemcnt.  Mais 
ayant  gaigné  la  bataille  nommée  de  S.  Laurent,  &  pris 
le  Connertable  prironnier,vnc  paix  s'enfuiuit  fort  auan- 
tagcule  aux  Efpagnols.  Car  par  le  moyen  d'icelle  ils 
eurent  plus  qu'ils  n'euflent  fceu  conqucftcr  en  trente 
ans.  D'auaniage  Philebert  Emanucleuc  àf^rmme  Ma.-- 
guérite  d  France  ,Sc  en  faueur  de  ce  mariage  tut  remis 
en  paifible  polTcirion  de  sauoye  &  de  Piedmont  l'an 
1559.  oùreco^ov^iirantfesaaintures  il  fc  covnporta  de- 
puis air:z  paifiblcmenciufquesauiour  delà  mon. Hi/?.^e 
nofire  temps. 

Louys  de  Bourbon,   prince  de  Condé, ayant  efté  em 
prifonnc à  Orléans,  pour  raifondcs  cntrcprifcs  préten- 
dues 


é"  memoTAhleS'  9  97 

iues  auoir  efté  par  luifaircs  contre  la  maiefté  royale» 
&  l'Eftat, outre  la  franche  pfofjilîon  de  Ja  religion  ,fuc 
iugé  par  a^rc{^po^tant  condamnation  de  mort.Ccftc  cô- 
danatioafutiîgnec  de  cous  Cf  vx  dupriué  Cotift  il, exce- 
pté ie  châcelier  de  THofj  iul  &.  le  ûcur  du  Morner,  qui 
rccuioyéc  toufiours  ,en  dônanc  tou:esfois  honnecfperâ- 
ce.    Eliefutaufli  fignec  dt  pluficurs  «rand:  r<jign(.urs, 
de  dix'nuidl  cheualiers  de  l'ordie  ijouuellcmeni  faits, & 
de  plufieiirs  autres  qui  fe  trouuejent  à  Orléans  )    pr>ur 
s'cfîrir  auferuicc  des  ennemie  du  piince  ,    Icfqiieis  pof- 
fcdoyent  cntieremenr  le  ir-une  Fvoy  François  1 1.    com- 
me auflî  les  prefidensmailtres  des  requeft-.s,  &:  confciU 
1ers  du  Parlement, pour  ce  m-indcz  ,   s'y  foulluincrenr. 
Jourfur  affigné  au  lundi  dixiefme  de  Noucrrore  pour 
rcxecution.   Mais  le  dimanche  nenfiefmc,  le  roy  tftant 
âvefpresaux  lacopins  fut  faili  d'vn grand efuanouifl'e- 
mène,  qui  fut  caufe  qu'on  l'cmpo  ta  hiftiuemcqi  ec  fa 
chambre   ,     où  reuennde  palmoifon  commença  à  fc 
.plaindre  de  la  tcfte  en  la  partie  Je  l'oreiliegauciie  ,  en 
anuelle  il  auoit  eu  de  tout  temps  vne  fiftule  ,   en  forte 
qu^dc  la  douleur  la  fîeure  ie  prinr,  &  lerauir  du  monde 
i  Je  ç.iour  de  Décembre  i  5  lîo.fuinant.Le  prince  &  plu^ 
fieurs  autres  grands  ftigneurs  d'cAinez  àreîpee  furent 
garâtis  par  le  moyen  de  ccfte  mort:l'innocence  du  prin- 
ce fat  vérifiée  &  publiée  par  arreft  lolemnel  du  parle- 
ment de  Paris, le  prince  mis  en  pleine  liberté.  De  ce  qui 
s'enfuiuit  puis  après  iufqucs  au  iour  de  (a  mort  l'an 
I  s  «"P-côtenant  infinies  hiftoires  memorablcsjautres  vo 
lûmes  pourront  en  reprefenrerqyelques  principales  par- 
ticuliaritC2;.H//?.<^e  Frav^ois  IL 

Lesreuolutions  merueilic':rcs  en  la  vie  de  tref- 
illuftre  Prince  Henri  II II.  àprefcnr  Roy  de  Frsn- 
ce  &  de  Nauarre, depuis  l'an  m  7  0-  iuîquesà  ce  lour, 
font  telles  &  fi  grandes,  que  mieux  vaut  s'en  taire  qu'en 
parler  peu,  C'eft  vn  difcours  hiftorique,pour  pUifieurs 
iiures  ,  quircquicrtnt  les  diferies  plumps  de  quel- 
ques doftes  en  fe$  royaumes,  la  foftc'ité  l'apren- 
dra,poury  voir  Dieu  tout  puilïant  es  voyes  de  (esiu- 


'^^% 


Uiïîoires  garnir  Mes 


gcmens  &  mifencordcs  ,  ^uc  nous  reucrons  en  humble 
iîKnce. 

Quant  au  fercniflirac  roy  d'Angleterre  nu!  n'ignore 
que  Tan  précèdent  de  fon  auancemcnt  en  ccfte  haute 
dignité  ,  n'cftant  que  Roy  d'EfcolTe,  il  fjilht  d'cftre  mis 
à  mort  en  vn  cabinet ,  par  les  mr  necs  de  deux  feigne  urs 
de  fon  royaume  ,  Dieu  le  prcleruant  pour  i'cflcuc&le 
donner  aux  Angloisifucccircurde  leur  prudente  &  htu- 
reufe  royne  Elizabct.  Et  les  antres  renolutions  de  la  vie 
de  ce  prince, marquées  en  rhift.-iire  d'Efcoffe  feruent  de 
commentaire  à  celte  fcntence  de  Dauid ,  au  Pfeau.  i  44. 
V.  I  o.Ceft  Dieu  qui  enuoye  dcliarance  aux  Rois. 

TtJ/'S  ES     de  l'ejprit  d'erreur, 

IEan  VVier  recite  qu'il  a  vcu  vne  fille  démoniaque 
en  Alemagne  ,  laquelle  interrogée  par  vn  exoicifte, 
Satan  refpondir  qu'il  fdloit  que  la  fille  allait  en  pèleri- 
nage à  Mircodur  ville  cflongnee  de  quelques  licrè's,- 
que  de  trois  pajl'vn  elle  s'agenouilbft  ,  &:  fift  dire  mef- 
fefur  l'autel  faillite  Ann"  ,  &  qu'elle  fcroit  deliu.ec 
predifant  le  iîgnalde  fa  dcliurance  à  la  fin  de  la  mclfe. 
Ce  qui  fut  fait,  &  fur  la  fin  de  la  melTe,  clie  &  le  prertrc 
virent  vn  fantofme  blanc,  &fucaintî  deliuree.L'an  M- 
D.L  I  x.le  XVI  I. lourde  decemb'P,au  village  de  Loen  n 
la  comté  de  luiliiers  ,  le  curé  ofa  bif'n  interroguc  le 
dnble,  quitenoitvnerfilleaflîegec  ,  C  la  mcflc  ,  eiloit 
bonne,  &:  pour.]Uoy  il  poulToit  &  contraignoir  la  fille 
d'aller  foudain  à  la  mefT-,  quand  on  fonnoit  la  clocha? 
Satan  refpondit  qia'il  vouloit  y  auifer.  C'cltoit  leuo- 
quer  en  doute  le  fondement  de  la  religion  &  ei>  faire 
iugeSa'ran.  Orleande  Sari:>bi.'ri  en  fon  Policratic  ,  li- 
Ure  1  chapitre  i  (5^.  parlant  de  ces  beaux  inierrogitoircs, 
dir.  litecefi  fratid'.de  itia  mah^norum  SpiriLuum  ^  -vt  <juoi 
yltrajhdunt  ,  CT*  dUlant  Jyamiyi'tbui  faàendum  «  operose 
àiJiimulenCf  -vt  hoc  facere  yideantur  mttiù.  Simulant  fe  ioa-» 
^os^  ^  (-m^i  KXQrcifmorum  yirtmc  extraclosfin^unt  ;  CT*  ^«<» 

Uiinm 


&  memorahles»  999 

mm«4  catteanttir  exorcifmos  quajî  in  nomine  "Domini  ,  aut  in 
jide trïmtatutaut  mcarnationn  ,  CT"  (afionti  yïrtute  conceptos 
tomponunt  ^  eifdemqHehormnihw  tradunt  ,  exertent^m  eos 
obtempérant, donec  eos  fecum  crimine  fatrilegi^  ,  çj-  pœn£  ddm- 
nationu mmUiant .  C'clt  à  dire  en  noltrc  vulgaire  ,  Les 
tnnims  ejhrtis  font  fi  f»Je\  ,  au  ils  fiigneni  auec  beaucoup 
de  fi)tltcitude  qtt'iU  ne  font  que  par  fvrce  ce  qu'ils  fint  de  leur 
fleingré.  On  dirait  qu  ils  font  contraints  ,  i^^  ils  font  qu  on 
les  tire  des  lieux  où>  tls  font  ,  en  yertu  des  exorcifmes  :  CT* 
afin  que  l'on  n'y  prenne  garde  de  fi  près  ils  drejftnt  des  cxonifi 
mes  comme  au  nom  dujeigueurtou  en  lafiy  de  la  Jumelé  Trinttéf 
ou  en  la  yertu  de  l'incarnation  Cf  de  lapaf^ion-i  punlesfugge- 
rent  aux  hommes  y  çp' obeifjent  aux  exorcifies  y  tufques  à  tant 
qu'ils  lesayent  enuelope'^  auec  eux  en  mejrtie  crime  de  fAcrilege 
Zp' peine  de  damnation.  Nous  auons  vn  autre  exemple  do 
Philippe  VVofelich,  religieux  de  Cologneeu  l'abbaye 
de  Kuedlcn,  lequel  fat  aiïicgéd'vn  dcmon  l'an  mil  cinq 
cens  cinquante. Le  malin  cfpric  inierrogué,  dir  à  l'excr^ 
cifte, qu'il  cfloit  Tanae  du  feu  abbé, nommé  Matthias  de 
©urc  :  pource  qu'il  n'auoit  payé  le  peintre,  lequel  auoit 
fi  bien  peint  l'image  delà  vierge  Marie,  &qucle  reli- 
gieux ne  pouuoit  cftre  deliuié ,  s'il  n'alloit  en  voyage  à 
Treues,&  Aix  la  chapelle,  ce  qui  fui  fait:&  le  religieux 
ayant  obey  fut  deliuré  .  L'hiftoire  eft  imprimée  à  Colo- 
gne, lean  Badin  ai*  dernier  chapitre  du  liu.  3 .  .d«fa  T^emono. 
manie. 

Maiftrc  Barthelcmide  Fay  ,  prefident  des  Enque- 
ftes  en  parlement  ,  efcrit  que  Nicole  Aubcry  aati- 
uedcVcruin  ,  priant  fur  la  folTe  dclonsycul  ,  il 
fe  leua  ,  comme  fortant  de  terre  ,  vn  homme  cn- 
ueiopé  de  fon  drap  ,  difant  à  la  ieune  femme  qu'il  e- 
ftoitTonayeul  :  &  que  pour  fortir  des  peines  de  pur. 
gatoire  il  faloit  direplufieurs  raelTes  ,  &  aller  en  voy- 
age à  noftrc  damcde  li(.(Fe.  Apres  auoir  ùiô.  cela 
il  fedefcouuric  ,  &  fembla  eftrel'ayeuid'icelle  ,  qui 
continua  défaire  dire  force  meiïes  ,  &  quand  on 
(ciToic  de  dire  mclTes  ,  la   ieune  femme  '  fe  croa* 

KR      4 


lOQo  Hiftoires  admirables 

uoit  tourmentée.  En  fi-»  Satan  ajt  q..M cftoit  Beizebub 
D'autant  qi!e;'lultoi.C(;'t  r.otoi.e  t  loutc  la  France  >& 
iTiife  en  limier    par  ic  fulnommé  prcfideni,ic  nien  diray 
autre  choic.Lamejrne. 

Il  y  en  a  v.t  au  '■c.  pIu":  récente  ?  notoire  aux  Pari- 
fens,iiJi:nuccn  iavill;-  dcPc'r:,,cn  !a  rue  (aindl  Hono- 
ré, au  cheua.  r:.M  gc  Vn  tdlt'.fuentifii  voyant  vnefi;:nne 
nupt-o  phd  liw  l'..uojt  "ui'^ee  ch' z  lui.  Vniourla 
fiik- priant  (or  la  tofTcdcfoo  pcf  à  fainéV  Gernais  ,  Sa- 
tan le  prellnta  à  elle  feule  en  form<;  d'homme  gr.ind 
&  noir, lui  prenant  la  main,&  difant ,  noamie,  ne  crain 
point  .  tonpcre&i  ta  mcre  font  bien.  Mais  il  faut  dire 
quelques  mefles ,  &  allercn  voya^ft  à  nolbc  dame  ihs 
vertus,  &  ils  ironr  droit  en  Paradis  :  pource  que  Satan 
crtfort  Ibigneux  d;i  faluc  éçs  ho.r.nriCs.  La  fille  s'enque- 
rantquiiUftoit  ,  lui  refpondit  qa'ii  eftoïc  Sacan  ,  & 
qu'elle  ne  s'eftoonaft  pojnr.  LafîHcfi-ce  qui  lui  cftoit 
Commandé.  Quoy  fait,  ce  çonfeiller  adioufta  qu'il  fa- 
loit  aller  en  voyagea  fajn£l  laques.  L.i  fille  dit  qu'el- 
le ne  fçauroit  aller  (i  loin.  Depuis  il  lu?  fit  beaucoup 
de  maux,  iufquei  à  vouloir  la  forcer  &  conoiftie  char- 
nellement,labaitrecrucllc-ment,  5t  fon  oncle  a'jfiî  oui 
vouloir  la  r?iianrh'  r.Enrrc  piiifieursqui  virent  cftc  fil- 
Je  Choiinin  fccrcraircde  l'eutrfque  de  Valence  ,  lui  à:t 
queie  plus  beau  moyen  de  chifi'ci  le  malin  efprit  e- 
{loit  de  ne  lui  obcir  en  rien  d«*  ce  qu'ii  diroit  ,  cncorcs 
qu'il  commant^Tft  dr*  prier  Dicu  rcaril  ne  fa't  lamais 
çclaqt.e  pou.  d^.:pit£rPieu,ou  par  mocquerie  le  mcf- 
1er  auec  les  creatcres.  De  fait  Satan  voyant  qucla 
fiîlenc  lui  rcfpondci:  ,  ninc  f^ifoit  choie  quelcon- 
que po'.f  lui,  l'cmpcignanr  il  !j  icttacootie  terre  :  & 
depm<:  elle  ne  vid  ritn.  M.  Amior  tucfque  d'Auxcrrc 
&  le  eu.  é  .le  la  fille  n'y  riuoycntlccu  remédier.  Là 
mef.rie.  Bodin  adiouftt*  tout  .-u  bout  de  ceiiure  &  cha- 
pi:re  v ne  .1  r. cic»*' e  hiftoirc  tirée  d'vn  liure  compolé  il  y 
après  de  (ept  vingr  ans  par  Pin  rc  Mamor,  oùilefcrit 
que  Satan  fedfa^-i;  ''anic  d'vnàefunét  à  Confolani  fut 
Vienne  enla  ir  iif»i»  d'vn  nomi>é  C?planr  ,  Tan  m. 
ççcc.tvijjagciiiilloitçomcaclpuftranterand  douleur, 


é*  mémorables,  loox 

admonneftant  qu'on  fift  dire  g-and  nombre  de  meiTei, 
qu'on  fiftdrs  pckrinngis  ,  rcuelant  beauconp  déchu  es 
occultes  &  vci  Jt.ibîcs.Mais  on  lui  dii.Si  tu  vct  x  qu'on  rc 
a oyç^<\u!MifeTere wei,  'Dttu  ,fiCundàmm.igr?am  vnfencor- 
diamtuam.  Ce  qu'il  ne  vou!i-t  t  lirc,  ains  s'cntui^hecnir- 
fanp  de  dcfpit  qu'il  auoud'tiUe  mocqué. 

s  yiL  C^q  E-M^iiT  horrible. 

AV  commencement  du  mois  de  Nouembre  i?7/î 
iesEfpagnoIs  ,  qui  pottoycnt  les  armes  es  pays 
ba.  pour  le  roy  rhilippc  1 1.  ay^ns  entendu  que  les 
Eftars  des  prouincts  voies  ,  ne  pouuans  plus  foufF  ir  ni 
porter  la  domination  C^ihilane,  s'ctioycnt  accordez  a- 
uecie  Prince  d'Aursn^^c,sfîa  àc  le  mamtenir,  auiferenc 
par  rétremife  oe  jcuis  clic:  de  k  faifir  delà  viiieci'ftn- 
ucrs,&  dehfaccagir.  Lrs  Efta^s  ayans  eu  le  vent  de ce- 
fte  entreprie,  pour  la  preuenir ,  fi;  entamas  d'enciron 
trois  mille  picro?K  6i  huict  ces  cheu3ux,qu*j!s  eoDoyc- 
rent  àceux  d'Anucrs  fous  la  conduire  du  comcd'Lg- 
mondjie  m'»n,'jîs  de  Haiirer,  le  ficur  de  Cap;  es ,  Brelei, 
&  autres  gcntsl.-horrmei.ils  y  airiu^reni  le  deuxiefmc 
iour  de  Nouéb:  f,pi  es  'a  Kibberpcorte.  Le^  Eipa^^ncls, 
qui  cftoyencen  la  citaHcllc,  commencèrent  à  lafciier  le 
canon  contre  la  viiîe.  Le  2cuf  de  Cham^agny  ^ouuer- 
f)eurd'Anuers,&  le  comte  û'Oucrftcin  cher  des  gçns  de 
gucire,  enuoyfTcnt  mconrincnt  demar^der  au  comte 
d'figmond  &auxfic;"s,  quiles  mouuoit  d'approcher  li 
près,  i^.\^x  font rcrpoï>le  ou'ils  venoycntccmme  amis, 
pour  détendre  &  fortifier  !a  vt  iiccontre  Jcs  Ei'pcîgi  oîr, 
auec  proteltation  folennelli  de  ne  vouloir  faire  foi  ce  à 
aucun  des  citoyens,ni  cr  leurs  biens,  ni  en  leurs  pcrfon- 
nf  s.Surce  Chan.ipatîny  &d'Ouerftwîn  (."orient  de  la  Vil- 
le,parlementent  &  s'accorc'cDr,puis retournent,  laidcst 
l'armecd.s  EiUtscnvn  village  proche  de  là  ville  tiom- 
jpee  Burgcrhout.  •  -.,..-.  .■  •* 

JLe  lendemain  cioiicfjfnc  de  Nouembreîls  firent  en- 


I  0  o  t  Hijfoires  admirables 

trcr dedans  Anucrs  vzngt&vn  cnlcigncs  d'infanterie 
d'iccllc  anncc,  &  C\il  cornctccs  de  caualcric.  Alors  cctx 
de  la  ville  commencèrent  à  percer  torce  balles  ,  lacs  de 
laine  ,  &  telle  autre  matière  pour  boufcher  l'entrée  des 
cinq  ruesqiiirefpondentàla  cicadciie  ,  &  firent  fi  'oon- 
ne  diligence  qu'en  moins  de  cinq  heures  iceiles  rues 
furent  bien  remparccs  pour  Icgarant'.r  d'vn  fouJain  if- 
fauc:quoy  que  cependant  le»  Efpagnols  ne  ccirailent  de 
canonner  funeull-m-rfic  de  la  cicadei'e  contre  eux.  Mais 
pource  que  ce  iour  là  fftoit  fort  trouble  U  nubiicux  ,  ils 
ne  pouuoyent  vifcr  droit  ni  conoiftre  comment  Iss  rues 
crtoyent  rcn:parees. Tellement  que  les  coups  de  canon 
des  Elpagnols  n'empcfcherent  point  ceux  delà  viUe 
de  trauailler  fi  diligemment ,  que  cieuant  la  rainuidt  la 
platte-For  me  qu'ils  fjiloycnt  Fa:  ellcuee  d'vne  picque: 
&  auoyent  ia  commencé  vn  autre  rempart  au  dcuant  de 
ladiâic  platte  forme ,  lequel  ils  confinucrent  depuis  le 
mi-chemin  du  cemitiçréfainft  George  iufqucs  à  la  ri- 
uiere  du  cloiftre  de  faift  Michel  ,  auec  délibération  de 
le  parachcuer  le  lendemain.  Ce  quieurtefté  vn  grand  a- 
uaatage  pour  eux,  s'ils  eulTent  peu  en  venir  a  bout. 

lero  medc  Rhoda  &  Sancho  d'Auila  ,  quicomman- 
doyenten  lacitaJeile  d'Anuers  à  grand  nombre  d'£- 
fpagnols  ,  qui  ne  dormoycnt  pas  »  ains  ayans  enten- 
du qi'e  le  Iccours  député  par  les  Eftats  eltoic  )a  parti 
de  Bruxelles  pour  venir  dedans  Anuers,  cnucyerenc 
aucuns  d'entre  eux  à  MaftnchjLiere&Aliolt»  pour  de- 
mander fecours,  &  plier  les  colonels  de  vcniraucc  tou- 
tes leurs  forcesen  la  citadelle  d'Anuers.  Ilss'y  achcmi- 
ne.ent  promptement ,  &  s'y  rendirent  tous  ie  quatrief- 
jne  lOur  de  Noucmbre,  dedans  les  dix  heures  du  matin, 
àlçauoir  mille  cheuauxde  Maltrich  ,  fous  la  conduite 
d'Alphonfc  Va'gaz  :  cinq  cens  hommes  de  pied,  fous 
Francifque  de  Valdcs.  De  Lierc  cinq  ou  (îx  cens  pic- 
tons,  aufquels  Iulian  de  Romero  commandoit.  D'AU 
loitjdeux  mil  hommes  de  pied  ,  mutincï  &  qui  fc  rc- 
uolterenc  des  premiers  après  ia  piirc  de  Ziriczee  en 
Zeeiande.Ccs  mutinez  a'auoyent  point  de  certain  chef 

Ûnoa 


^  memcrahles,  i  o  o  5 

fînonleurEIefto,  lequel  depuis  hur  foulcuemenc  ilsa- 
uoycnteflcu  pour  gcnerai  :  la  plufpart  gens  raniall<  z 
des  autres  r,  gia^cns.  Us  cftoyent  en  tout  cnuiron  qua- 
tre mil  hommes  lans  les  inil  Alemans  ,  venus  de  Ma- 
ftrich  ,  de  L  ère  &  d'^iilcurs,!  anialîc2  des  re^inncnsde 
Fuckcr  ,  Poluuillcr.&:  Foniperg  ,  fous  la  conduite  de 
Fucker.  Paraiofi  couicccjue  Jci  Hlpiignols  auojcnt 
attiré  de  dehors  aïontoit  àcuiq  mil  homnits  ou  cnui- 
ron. 

Ceux  de  Ja  ville  cntendnns  cela  furent  d'auis  d'cn- 
uoyer  quelques  gens  de  pied  &  de  cheual  pour  cmpr* 
cher  l'entrée  de  la  citadel'c  à  ce  renfort. Mais  ils  ne  pci- 
ferenrpas  outre,  ayans  fceu  que  ceux  de  Mjftrich5c  de 
Liereauoycr.t  ja  palTé  Ba'gerhourt^&feghlioytnidelîa 
le  long  des  murai]  es  pour  cniicr  en  Ja  ville  parvnc 
porte  qui  refpondà  )a place  delà  citadelle  ,  nommer  U 
porte  des  moulins  à  vent;&:  que  les  Alemans  ,  vtniisa- 
uec  ces  Ffpagnols  ,  eftoyent  ia  autour  de  li  citad;.llc, 
ayans  défia  palTc  par  vn  vi!!a<>e  nomme  le  Kicl,tiajnanî 
Jcurs  pi:qncs  ,  &  encrani  pnr  vne  petite  porte  piei  ia  li- 
uiere  de  r£icau'd,tiiant  vers  Occident.  LcsFfpagnoîs 
venus  d'AlIoftcntroycnt  par  derrière  la^iradcilc  ,  pour 
pafll-r  en  la  vilk,  cùiU  Trounturit  Its  autres  Erpagncis 
&  A'emans,iû  ietic/  par  les  deux  aufrcs  cndroiis.t  ilat^s 
ainfî  ifTcmbicz  ,  fin;,  auoi»  eu  deftouibier  ni  einpcLht- 
ment  quelconque  ,  ilî-fient  feim^nt  les  vt^s  a  x  autres 
de  ne  boire  ,  ni  mange't  ,  ni  rcpofcr  ,  finon  api  es  s'eftre 
faicls  maift^es  de  !a  ville  ,  tonihu-n  qtiMs  cubent  mar- 
ché armez  tout  le  jour  ^:  h  nni(ft  auparaiianr.Ils  exécu- 
tèrent leur  p.  om-^lfc  contre i'opfnion  de  ch-sfcuit. 

l'romptemcnt  donc  ils  fe  langtren:  en  bataille.  Ceur 
d'A'lofl  &.de  la  Citadelle  firent  fiuaaeefqnadrons  :  c;,ux 
deMallrich&  Lierc  deux  :  les  Alemans  i'z  rar  gèrent  à 
cofléde  i'Efcauld.  Ainlidifpofcz  en  la  place  de  la  cita- 
delle ,  après  auoir  ehoifi  i'endroit  i.ix  ih  voulcyenc 
commencer  ,  ils  fitcnt  desbander  quelques  foldats  de 
chafque  bataillon, pour  attaquer  Pefcarmouchc,  &  voir 
de  plus  près  la  comcnanccdcs  bouigeois,  quiauoyenç 


lo  0  4  Ht  Hoir  es  admirables 

barrique  Sctcllcmcncrcrranché  tojics  I*:?  ancnnê'", 
qu'ils  cjtimovcnr  c|U*on  n;;  les  poauo.r  fotccr.  P^r  le 
comcnamijm.'nc  de  iancho  d'Auila  ,  le  capitaine  Or;is 
foriit  de  la  citadelle  aiiecquf  iques  harquebozieis  pour 
rcconoiftrc.lcs  deffenlcs ,  &  trouua  les  bourgeois  fi  l.a- 
radez  de  crauai!,que  non  feulement  il  Força  les  barrici- 
des,  mais  au(K  coupa  la  gorge  à  tojc  vn  corps  de  garde, 
d'enuiron  cinq-jaace  homiTics.  On  dit  que  ctde  [ortie 
fut  faite  auant  que  tout  le  fecours  fut  entré  dedans  ja  ci- 
tadelle, &  que  fi  ce  capitaine  euft  eu  gens  à  commande- 
ment il  tfb'anloic  dcllors  tonte  la  villa. ayant  outre  ce 
mal  bruilé  vn  moulin  &  quelques  maifons  qui  eiilîenc 
peu  nuire,puis  fe  retira  d.-ins  la  citadelle, d'où  (  le  temps 
s'ertantefclairci)  l'on  neccffoii  dv  tirer  Tans  relaCcJie 
contre  les  barricades  ,  qui  n'erapcfVhoit  pis  pourtant  la 
bcfongne,  encore  que  le  canon  emportait  iambcs  ,  bras 
&  celtes  d'hommeî.  &  de  femme';,  qui  ne  laidbycnt  de 
trauaiUer  de  tout  h  ur  pouuoir,  quoy  que  la  mort  fuft 
comme  d:u:3nt  leurs  yeux. 

Sdnchod'Auilavpenfani  qu'il  y  auoit  plus  de  befon- 
gneà  faire  qu'il  n'y  eut,  vouloicque  les  chefs  &  foldars 
Venus  de  deborsauec  beaucoup  d;  fatigtic  fercfraifchif 
fcnr  &  rcpolafi'ent  quelque  peu,  pour  aller  tant  plus  fu- 
ricufement  à  \a  ch<^rgc.  Mais  tous ,  &  les  fiens  aufïî  i  e- 
Itoyent  tellement  cnilammtz  de  rage  de  tu°r ,  facc^ger 
&  mettre  Anucrs  à  l'ëuers^qu'ils  ne  voulurent  point  ;ar- 
der  ,  &  prièrent  Sancho  leur  permettre  de  palPer  outre 
en  leur  expîoitrce  qu'ils  obîindvcnt  fans  contcfle  ,  lui 
mefmc  elt.ufort  efchanfé  au  meurtre  &  à  la  proye.  Ain- 
li  donc  marchans  coa5me  fo!. sic  couuert  de  ranillcrie 
ouidonnoitauxharriqiiade;> ,  &  à  lafaueur  de  la  fumée 
o^CL'lIcils  forteni  par  la  grard'  porte  de  la  citadelle, fui- 
uis  de  leurs  goujacs,qui  ponoyen'  des  flambeaux  ,  des 
fagots  &  bottes  de  pai  le  pour  mettre  le  feu  où  il  leur 
fcroic  commande,  attaquent  tout  à  la  fois  les  barriqua- 
dcs  des  cinq  auenu  ts  de  ces  rues  de  la  ville  qui  regardée 
laciradcllc  ,  lefquelles  ores  que  fortes  &  bien  munies 
d'hommes  ils  forcèrent ,  ruant  tout  ce  qu'ils  rencontre- 
rent,&  raectaat les  ibIdacsV Vallons (cncorcs  bien  nou- 

ucauz. 


(jr  memorahlesl  i  oo  ç' 

ucaux  ,  &  tout  cftonncz  de  fi  furieufes  charges)  en  dc(l 
rouie.fans  faire  granderefirtanccncs'ofans  bonncmcnc 
prcfeater  aux  ircnchecs,à  caufc  ducanon  de  Jacitadel- 
Jcqui  dcdroK  fil  tionnoicpar  dclFus  les  Efpagnols.es  a- 
ucjuies,3f  au  i!)i!icu  des  ruts.  Le^  bourgeois  fe  voyans 
forcez  6l  leurs  foldats  en  fuite,  chafcun  ulchant  fè  fau- 
ucr  ,11-  retirèrent  vers  Icui  hoftel  de  villcjoù  efloycnt  les 
conf/airics  fcrinentees  ,  qai  fe  mirent  vukurenltmenc 
en  dcfcnfe.fjifaiu  beaucoup  de  ma!  aux  Eippgnuls.  LeC 
quels  voyons  qu'ils  ne  pou  ;oycnt  les  forcer  &  tirer  de 
là,mifcni:  lefen  dedans  »  où  pi. liîciiis  furent  confumez, 
&aucuni  à  demi  !  ''{lis  pour  le  lauuer,Ie  icttant  du  haut 
e.îbas  par  les  f.:i.eUrc<,'r{toyeni  mallacez.  Ce  fut  vne 
chofed'plorûble,Gc  roir  tanrdc  g^ns  de  bien  mourir  fî 
pauurenKiupa;mi  ce  .flammes,  ôi  ce  magnifique  bafti- 
nicnr  toaten  feu  ,  oui  peu  de  temps  auparauart  auoic 
coufté  plus  de  deux  cens  mille  ducats,  fans  encore  autie 
plus  grand  dommage  quoccfl:  embi^afcrnent  fit  es  mai- 
fonsd'àrenuiron  Uir  le  marché  ,&  derrière  l'hoftel  de 
ville, pleines  de  riches  marchandifes.  La  cruauté  des  Ef- 
pagnolsnou  aflbuuicilsponrfuiuirent  les  bourgeois 
iulques  en  la  ville  ncufue  ,  où  y  auoii  encores  quclçues 
compagnicsdu  comrc  d'Oucrftein  Se  d'autres ,  Alemans 
&:  V  VaiiQS,qui  firent  rcfiftance,raais  à  peu  de  profit. Car 
la  furie  des  Élpagnols  d'vn  ccfté,  l'efpouusnte  entre  les 
gens  de  guerre  &.  bourgeois  d'autre  eftoic  ii  grande, que 
les  vaincus  ne  rcgardoycnt  k]a'aux  moyens  de  fe  fauner. 
L'infanfede  des  Ellats  ertou  prefiiue  toute  raillée  en 
pièces  çà  &  là. Leurs  gens  de  cheuol,qu't3nt  leurs  mon- 
tures,fe  iauuoyeni  du  hnut  en  bas  des  rcmpars  es  folfez 
dclaviile,  donr^iucuns  pallercnc  la  riuicre  en  des  bar- 
ques, autres  fe  laiiue-^en!;  à  nage  es  nauiics  anch'ces  au 
inilieu.Chanipagry,Haurec,Ie  Marcgraue,  fefauuerenc 
csvaiflcaax  du  prince  d'i\urange  près  d'Anftruuel,&  fe 
firent  porter  en  Zcel.Tiide.  Le  compte  d'Oruefteio  pen- 
fantaufii  fc  fauucr  à  i^autrecofté  de  la  riuiere  ,  faifjnc 
faute  de  faillir  en  vncbafque,tomba  dedans  reau,&  par 
la  pesâtcurde  (ç.^  armei  fut  noyé.Le  ûcur  de  Bieurceflac 
en  yoe  barque  poiirprendi e  la  mefme  routc,ianc  de  gens 


Joo6  Hîjtoircs  admirables 

ycntierciîr,qne  ne  pouu<int  porter  vn  fi  pefant  fardeatt 
elle  CMfiUiç3)c'c  r'uieiu  noyez  Lan  ficur  &  laplarpart  de 
C'.-tix  i|Uic:to)Cin  dcians. 

iMlans  les  Elpagnols  &  Alemans  fai:  abfolucmenc 
iTi3ift:cs  de  la  ville  ,  il$  U  mirent  à  ptlicr  ,  louru^^cr  ^ 
laccagcr  pliificii! s  loiirs  durant  ,  malTacranspar  mili>  :s 
pci  lunnes  dv  cous  aage. ,  Ux  s,eftats  &  qualitcz  ,  tai  c 
bourgeois  &  habuans  ,  qu'eiirangers  de  diueries  coii- 
treis,  y  Icioiirrians  lors  (  co.rme  de  couftume  en  icclle 
vi|!c)poU!  Lur  comaTj;C'.  ,&.  trafiqu.:  .-bruricîent  toutes 
les  mailons  à  l'civour  de  la  pi  tcir  oùaucresfois  auou  c- 
Ité  Tancicnne  maiiond"  la  v.ilc,ceJiedcs  crois  rues  preS 
de  la  riuierc,ccl.ts  de  la  ruc  des  orfcueSjde  larotiflcrie» 
de  Silucrcpandî ,  d'va  des  colKzdela  Kooch-ftrare  ,  da 
FU'.marck,c|u<lqaes  maiions  en  la  Dornckllrace,  autres 
prcs  de  la  vieille  bourfej&c  à  la  porte  de  l' Empereur: ou- 
tre o^.jel-|ucs  vncs  près  de  S.  Michel, de  la  rue  de  Cou- 
vvcnb-rlc  Ce  de  Lepeifcrate.  C'ertoycnc  presdefept  à 
huttt  cens  maifons.ilsen  brullercnt  plus  de  mille  en  la 
v;'K  neufuc.î  ncorc  Fui  ce  peu  de  tant  J'cdifices  ^aftc?, 
fie  iiicubies  lie  toutes  forces  confumez  ,  de  richefles  pei- 
duci  &  t'on.iues  a-j  prix  des  cruauttz  horribles,  violen- 
ces enragées, dillolucions  ;ni:amcs  &:  brutales. mefc'ian- 
cctez  inenarrablcme^nt  énormes  qu'ils  y  commirent, 
iutques  à  s'elUe  rantrz  que  les  trois  premiers  iours  de 
ce  lac  ils  n'cftoyenc  point  hommes  ,  mais  diables  en- 
charnez.  Le  conif'ce  d*Hgiîioud  fut  prins  auec  quelques 
autres  leigncurs.cnrabbayede  S. Michel, où  peu  s'en  fa- 
luîl:  qu'on  ne  les  eCgorg^all.  Depuis,  ce  pauure  comte, 
i^eftant  rangé  dtrechci:  auec  les  Hfpagnois  ,  a  efté  tué  ea 
la  ba'ailic'VYuiy. 

Pour  reuci.ir  au  fac  d'Anuers  ,  autant  de  foldats 
Wallons  que  les  Efpagnols  §:.  Alemans  peinent  dcf- 
CQUurir  ,  cachez  quelque  parc  qiie  ce  fuft  ,  cinq  Ôc  lîx 
iours  apies  la  ville  i>iifc,eftoycnt  cruellement  tuez  de 
farg  froid.  On  niaflacroit  les  prifonnicrs  &  rançonnez: 
&  fi  quelques  vus  auoyentpayé  grofics  fommes  pour 
lâauer  leurs  vies  ,  n'elbnt  pas  au  gré  des  pillards  >  ils 
.prcnoycnc  neanimoins  l'aigcni ,  puis  eftrangloyent  ou 

poi- 


érmemorahles^  1007 

poignardoyent  ceux  qu'ils  tcnoyent  en  leur  puiflance: 
voue  mclme  alloycni  par  delpic  tuer  traiftreulemenc 
1  s  pri'onniers  l'vn  de  l'autre.  Le  premier  iour  il  y  eut 
plus  de  fcpt  mille  hommes  tuez  parles  places  &rï]cs 
cl'Anucis.i.s  luiuans  le  noa^breen  fut  trcf-grand  par  \ts 
majfoiis,  tant  foldats  tjuc  bourgeois  ,  de  diucrsaagcs, 
f\;n]œcs>filç  ^  filles.  OnacftiiTié  que  les  EfpignoJs  6c 
-Aîcmans  tailans  leur  reuci'ë  ,  trouucrent  que  Id  nuidt 
pi  acharne  de  laprile  (  car  ils  ne  demeurèrent  maiftrèï 
que  fort  tard  .  &  clloyenr  eltrangcmeni  luralfcz  )  on  en 
auûic  clgo^gc  trcf-grand  Pcml  reparles  m;îirons  ,  ou 
ayans  beu&i  mange,  il.,  dcmcuroyent  accablez  de  fom- 
ne,qui  fut  le  dernici  à  piulîrur'- u'cHirc  eux  ,  leirez  par 
les  fencltres  fur  le  paiié,  &  traînez  es  monceaux  des  au- 
tres. Cela  raluma  leur  fureur  L  s  lours  foiuans.où  l'aua- 
riceôt  la  cruauté  fe  lindrent  comp.-gnie.  Pour  reucnir 
aanombrcdcs  tuez,  aucuns  ont  cllrit  qu'ilycutdir- 
fept  mille  perfonncs  &  plus  miTsàmort  par  glaiue, 
f<«ns  ceux  qui  furent  biuilez  &  noyez  en  diuers  endroits: 
iccm  les  eltianglcz  &  poignardez  pour  n'auoir  eu 
moyen  de  payer  rançon,  ou  racheter  leurs  marchandi- 
fcs  ,  que  le  difcours  traduit  de  Flamen  en  François  dit 
monter  à  plus  de  cinq  mil.  Les  fcfpagncis  violèrent 
plufîcurs  femmes  &  filles, en  rouirent  nombre, &  en  ont 
emmené  depuis  par  troupes  auec  leur  butin  en  Italie 
&  ailleu;s>quand  ils  peurent  efchappcr. 

Voila  comme  cci^c  tant  f^orillante  ville  ,  IVnedes 
plus  riches  &  plus  marchandes  de  toute  r£uropc(com- 
me  pcr  vn  i«gement  &  punition  dmine,  pour  Çts.  excès, 
diflblutions  &.  desborderncrs)  receuc  ctrte  fois  le  plus 
giandcoupde  bafton  que  vjîlefçauroit  reccuoir.  Plu- 
iieiirs  des  plus  riches  marchans  furent apauuns,  &  les 
plus  grands  bcliftrcs&  bribeurs  Efpagnois  enrichis  en 
peu  d'hturc:dont  aucuns  tou:esfois  ne  louircnt  pas  long 
tcps.Car  il  y  eut  tel  fimple  foldat  qui  pour  vn  iour  pcr- 
dicdix  milk  efcus  au  ieu  dcdcz  fur  la  place  de  la  Ecur- 
ie,ou  ilo  tcnoyétleur  breland.  Autres  ne  fçachans  oùlcr 
xer  leur  argent, faifc\  eut  fairi:  des  garnitures  d'efpees  & 
dagues  de  fin  oi,  voue  des  ccirfdciî»  tout- entiers.      Les 


1 0  o  8  Hifloires  aimirfibles 

oifcurcs  le'ùr  ioùcrciu  diucrs  traits ,  &  changèrent  leur 
or  en  mdinces  forces. 11  y  en  eut  qui  iVcliplcTcot  auecia 
maciere  &  lailKrenc  leN  voleurs  en  pourpoint.  On  a  ef- 
CMc  Ljue  la  villcd'/Vni^e'S  fil  pcrrc  en  faccagcmenr  de 'a 
valeur  de  foixante  millions  d'or  &  dauanraoc.  à'vnc.'^ 
le  m.ii{onfar<:nt  emportez  pics  de  cin^oantc  mille  . 
eus  comptant.  Le  capiraire  Ortis  Espagnol  ,  fechoi^r 
vn  buun.donc  nuls  aurrcs  ne  s'adiiifcicnt ,  àfçauou  l.i 
priTon-d'où  ileil.Kgii  fous  go  (Tes  rançons  tous  les  pri- 
lonnicrs  qui  y  ^-l>ov'coi>cant  pour  le  ci'jjJ,C'iraine],  '^uc 
ceux  de  la  religion  ,  entre  Icfquels  y  aucir  quelques  n»i-> 
ni(lrcs,6c  piuiituis  anabapiiltc?  .•  aont  il  fît  vn  merucil- 
Jeux  butin.T'oiFlernainrs  darancapies  la  prife  fut  con- 
tinué le  maflacrc  de  tous  les  foidats  VValioHs  qu*on 
pouiioitaciiappT  .  fans  merci  quclcùn*^uc:&:  piufieurs 
*ftrangers,ac<:ur.  z  fauflemcnt  par  leurs  ennemis  d'eftrc 
de  ce  nombre,furent  cruellomcnt  meurtris  >  auant  oiic 
pouLiuireflre  receus  à  venficr  le  contraire.  Hijloire  des 
pays  bASjCu  l'an  t  ^  j  fi . 


S  yi  VVE  ij  A  ^  D  £     o-  uO^'Ce  notable. 

CFs  années  pafTecs  vn  balTa  ou  fangiac  Turc  ,  lequel 
commandoit  fur  Ici  f  entières  de  Hongrie  ,  regar- 
oaur  f.'S  troupes  de  pied  ôc  de  chcual  ,  qui  pafToyenc  le 
rcmps  à  des  exercices  miliLaircs,.iuec  prix  propolcz  aux 
plus  indurtrjeux  &  agiles, à  leur  tiçon  accouftumetf, cer- 
tain charlatan  furui^t, lequel  menouvn  fort  grand  lion 
priué,qai  lui  obeilfràu  comme  a  fon  maiftie.  En  ces  en- 
trefaites,voici  venir  vne  troupe  de  coureurs  Turcs,  Icf- 
quels en  vne  caualcade  auoycnt  prins  prifonniers  qucl- 
queschreltîéi  Hongrois, menez  les  mims  ignomiiii -u- 
fement  liées  derrière  le  dos  vers  ce  bafla ,  pour  ertre  ex- 
pofez  aux  rifees  des  cnnetnis  du  nom  chrcftien.Le  baiïa 
ou  fangiacdefcouurant  ccfte  prife  ,  commande  que  le 
plus  robufte  de  ces  prifonniers, icune  h  omme  fansbar- 
bc,foit  auachc  à  vn  pal,&,  le  lion  lafché  dcffus  ,  pour  !e 

dcichi- 


é*  ntemorahles]  i  o  o  ^ 

derdiircrcnpieces.Mais  quoi  qu'on  fift  ,  &que  le  char- 
latan irritaft  &  haralîaft  te  iion,iamai$  il  ne  voulut  en- 
dommager Jc  chrcftien.ains  iccgardant  d'vn  œil  doux 
le  fl<?ctoit.  Dont  le  charlatan  dcfpiié  commence  de  plus 
bcllcàicpoufrer  auccvnc  aigre  &  forte  voix,  à  ce  car- 
nage :  &  voyant  le  lion  faire  du reftif,'!e  prend  à  le  ba- 
ftonner  pour  j'y  contraindre.  Ccft  effort  citant  inuti- 
le,Ie  mal  heureux  lionnicr,  pour  contenter  les  Turcs» 
altérez  du  fang  chrtftien  ,  fe  rcme.  à  picquer  &  pouf- 
fer fon  lion  vers  le  Hongrois  attaché  au  pal  :  tellement 
<juc  labcfteauec  les  ongles  arracha  l'vnc  des  bottes  de 
ccft  innoccnt:puis,fans  lui  toucher  d'auantage  ,  fe  tour- 
nant defuric  vers  fon  raaiftre  ,  feiettede  vifteHe  im* 
petueule  fur  iui)&:  le  dcfpece  cruelleiticnt ,  f^ns  vouloir 
toucher  à  autre  qu'à  celui  la.  Les  Turcs  ,  enrayez  &  ef- 
perdus  de  tel  fapplice,  s'abftindrent  d'offtnfer  ^[ccs  pri- 
fonniersjcfquels  (ayans  dellic  du  pal  le  ieune  homme) 
ils  gardèrent  tous  enfemble  ,  iufques  à  ce  qu'on  les  euft 
rachetez  par  cfchange  ou  par  rançon.  Eux  retournez 
lains&faufs  en  leurs  mailons  raconrerentà  Kurspa- 
rens&amis  cefte  miraculcufedeiiorance  ,  laquelle  a 
cfté  peinte  &  publiée  en  diuers  langages  par  TÈurcpe. 
*^.Camerarittt  an  t.yolume  de  fes  medttations htjioriquesy  liur» 
5^^%^^ 

S  AFyEG^  2^1)  E  mémorable. 

QVi  cft  en  la  garde  de  Dieu  eft  bien  gardé.  Vn  bon 
pcrfonnage  de  la  val  <1' Angrongne  ,  pris  &  amené 
l'an  I  ç  <  7. aux  p'-ifon^  de  Turin  en  Piedmonr,lors  apar- 
tenantau  roy  de  France,  fous  le  gouuerncmrnt  du  ma- 
réchal de  Briflac.fui  fi  rigoureufement  rraiftéi  que  fans 
rartîliancedVn  armurier  nommé  N.  Argcncourt  ,ily 
fuft  mort  de  maie  faim.  Au  bourde  quclq;ie  temps  ce 
pcffonnagcfut  condamné  à  perdre  la  vie  ,  quoy  qu'il 
meritaft  routaurrc  rraiftement.  La  veille  du  iour  de 
l'exécution  ,  Arçcncourt  va  irouuer  le  bourreau,  &:  fie 
tant  qu'il  lui  promit  de  contrefaire  le  malade  le  len- 
demain. Il  tint  promeffe  :  cequ'cftant  rapporrc  au 
Parlcmencpar  vnhuilTier  ,  l'arrcft  fuit  bien  prononcé 


I  o  I  o  HiHoires  admirables 

au  prifonnier.niais  l'execufon  en  fut  delaycc  iufques  \ 
deux  loursrdurant  kfqaels  Aigencourt  via  de  tcliejpcr- 
fualiôs  enucrs  ccft  cxccutv  ur  Uc  luftice,  qui  clloit  icune 
ho(nme, n'ayant  femme  m  cnfans,que  iui  ayant  rcmon- 
Iti  é  l'iniquiié  da  i  jgemcnt  dcnné  contre  ce  prifoLnicr, 
&  ^u'ii  eltoit  bien  pour  gaigner  (a  vie  à  quelque  autre 
melticr, moyennant  aullî  vue  pièce  d'argct  qu'il  lui  don- 
na,ce  icune  homme  s'en  aila,  (ans  iamais  auoir  cfté  veu 
depuis  à  Turin  ni  au  pays  ,  qu'on  ait  fccu.   Cela  clbnt 
venu  à  la  cognoiflance  de  la  Cour  il  f  jt  commandé  au 
preuoftdes  marelchaax  ,   de  trouuer  p:omptemcnt  vn 
exécuteur.    A  la  requifition  de  ce  prcuoft  l'exécuteur 
de  GrenobiC  Te  mit  en  chemin  :    mais  rencontré  fur  le 
mont  Gcneure  par  certa  ns  foldars  rctournans  de  Pied- 
xnonc  en  France, qui  eurent  enuie  d'vne  bonne  manche 
de  maille  qu'il  ^îortoit  ,    fuc  tué  &  defval.lc  par  eux  fur 
le  champ,    ii  fut  donqucs  quellion  d'enuoyer  jufqu^s  à 
Ghamberi:mais  i'executeur  dulieu   ,  entendant  ce  qui 
cftoit  auenu  a  l'autrcn'c  voulut  iama.s  dcllogcr.On  i'a- 
uifa  dcs'aàrtifer  au  colonel  d"S  Keiftrcs  cftâc  pour  lors 
en  Hedmontvle  priant  de  prelter  fon  exécuteur.   F  nten- 
danc  la  quaii;e  eu  perlonnage  ,    prifonnier  pourfaitce 
religion, fie  rerponfe  qu'il  ne  le  preftcroit  point  pour  ce- 
Ja,mâii  bien  pour  toute  auire  exécution.  Auint  dôc  que 
quatre  brigans  furent  condamnez  &.  liurez  audit  cxecu- 
teurj'equel  deuoit  puis  après  chancr  leurs  charongncs 
au  heu  du  dclid  :  citant  an  toutefois  que  l'vn  des  quatre 
ayan.L  alîifté  à  celte  exccu-ion  de  !es  complices, auroit  U    , 
vie  lauucpourueu  que  dclormajs  il  fi;  l'orHce  d'cxecu-    , 
teur,erpciant  le  parlement  lui  faire  faire  fon  premier  eC. 
lay  en  la  perfonne  du  condamne,  dot  auons  f  jic  mction. 
L'exccunon  fjiie,&  les  trois  corps  chargez suet  ccqua- 
triel.me  b;igand,&  deux  archers  du  preuoft,  rcxccuicur 
ayant  eÛé  pratiqué  en  la  ville, moyenât  quelque  fommc 
de  deniers, fit  li  bien  auec  ce  quairielnie  ,  dontil  failbic    îo 
défia  fon  valet, qu'cltans  les  archers  en  vnc  tauerne,il  fe 
fouua;  de  forte  que  le  parlement  demeura  tout  confus, 
&  le  perfonnaqe  dont  clt  qucition  toufiours  prifonnier. 
Ce peodant  voici  venir  la  paix,par  laquelle  lcpays,hors 

mis 


ér  memorahks.  loii 

mis  certaines  villes  ,  deuoiceftrerenduauDucdeSa- 
uoye  ;  ce  qui  apporta  vn  grand  mefcontentement  &:  re- 
muement à  Turin.  Sur  cefte  nouuelle  leprcfidcntBi- 
rague  fut  tellement  foUicité  de  deliurercepauure  pri- 
fonnier  ,  qu'il  voyoit  lui  mcfme  auoirefté  tant  de rois 
prefcruédc  lamortmiraculeuiemenc  ,  qu'il  enioignic 
au  geôlier  de  lui  laifler  vn  iour  la  porte  de  la  prifon  ou- 
uertc&luidireen  l'oreille  qu'il  fe  fauuaft.  Aquoyne 
faillit  le  prifonnier ,  fe  retirant  au  pays  d'Angoulmois 
d'où  il  tlloit.H«|^<^e  France^fùtii  Charles  iXMu.  i  4. 

En  ce  mcfme  temps  &  lieu  ,  Alexandre  Guyotin ,  do- 
â;eperfonnage  ayant  tcfuté  bien  amplement  les  blaf- 
phcmes  d'vn  malheureux  hérétique,  nommé  lean  Paul 
Alciat,  ennemi  de  la  faindle  Trinité,  des  perfonnesea 
vne  feule  eflcnce  diuinc  ,  quelques  elprits  légers  irri- 
tez décela  firent  en  forte  qu'à  la  defpourucuele  fieut 
d*Au(fun  (  lequeldepui5  àla  iournee  de  Dreux^fe  don- 
na fi  cruelle  efpouuante  ,  qu'il i'enfuic  iufques  à  Paris 
fans  regarder  derrière  foy  ,  puis  mourut  de  dueil  fe  re- 
conoifl'ant  )  acompagné  d.s  lyndiques  &  fe^gess  auec 
quelques  foldats,  eftant  entré  au  logis  d'Alexandre  ,  le 
fâifit.  Mais  auint  que  l'ayant  mis  à  la  porte  entre  les 
miins  des  fergens  &  lyndiques  ,  &  eftant  remonté  auec 
le  reftedela  compagnie  pour  viûter  la  maifon,  iltrou- 
ua  au  grenier  d'icelie  les  liuics  d'Alexandre  ,  &  furce 
criaauxfyndiqucs  qu'ils  montaflent.L'vnd'iceux  mon- 
te au  licu,&  voyant  ces  liures,s'efcria  fort  haut(de  ioyc 
comme  il  ert  à  prefumer  ,  )  à  ceux  d'embas  qu'ils  mon- 
tafl'cnt.Dontauint  que  ceux  qui  eftoyent  à  la  porte  ,  te- 
nans  Alexandre  ,  &  cnidans  quclà  haut  on  fift  quel- 
que effort  aux  fyiidiques  y  coururent  aufîi  :  donnans 
parce  moyen  franrhife  au  prilonnier  ,  quinefailhc 
de  fe  fauuer  ,  &  ayant  de  bonheur  rencontré  quelques 
amis  fe  fie  mener  evA  vne  hoftellerie  hors  la  ville  ,  fei- 
gnant venir  de  delu»rs,  où  il  fr  mit  a  fouper  auec  les  au- 
tres,à  eau  fc  qu'il  cfiou  de  fia  tard  Et  côbien  que  bien  toft 
après  d'Auflunen  pcrsôneauec  les  foIdat$(roit  qu'alors 
à  caufe  du  changement  ,  il  cuft  acouftumé  de  vifîierlcs 
holklkrics,  fou  qu'il  cuUdcfcQUuert  quelque  chofcdc 

55     % 


jpî  i  Hilîoi  res  admirables 

ce  qui  cftoit  auenn)  vinft  au  logU  mefine  où  cftoit  Ale- 
xaiiLire  à  table  comme  les  aucri^s  ,  iaifam  bonne  conic- 
ninc'oilnc  tue  lamais  rccoiiu  :  air^lc  lendemain  fe  ren- 
dit dedans  Moi:tcalier,&  a  vefcu  fort  long  temps  depuis, 
el^anc  mon  en  Champagne, l'an  ijSi.  EnUmefmeHijl, 
//«.  14. 

s  ED  LTl  OnS     en  EJ}ague  CT-  en  Stcile. 

CHarles  cinquicfme  eftant  fur  le  point  de  partir 
d'Efpagncpour  venir  en  Alemagne  ,  toit  aprc  ion 
cicition  fil  alfembler  les  cftats  du  pays  ,&  par  l'auis  du 
fîeut  de  Cheuresfon  goauerneur  demanda  de  gran- 
des femmes  d^  deniers  aux  Eipngnols  ,  la  plufpartdef- 
qucls  ,  fupport^'z  par  la  nobLlfc,  refuferent  ce  qu'on  re- 
qucroic  d'eux:&  comme  il  auient  ordinairement  en  tels 
afaires,  plulîeurs  villes  de  Caftilic  ne  ponuant  porter 
fi  violente  exadion  ,  fefoufleoerent  en  aimes  ,  incon- 
tinent après  le  départ  de  l'Empereur.  Les  villes  e- 
ftuyentdcfchirees  de  fûdtions  ,&  bandées  iesvnes  con- 
tre les  autres  :  car  vne  partie  delà  nobleffe  lenoit  le 
parti  de l'ciDpercur  ,  l'autre  Ibuftcnoit  le-  peuple.  Les 
coniurez  auoyent  délibéré  (à  ce  qu'on  dit  )  de  ne  laiffer 
l'entrer  l'empereur  en  Efpagne?  à  caufe  de  ion  mauuais 
confeil,  duquel  ils  fc  plaignoyent  fort ,  &d'enchafrer 
tous  les  Princes  ,  afin  de  le  cantonner  &  mettre  en  ré- 
publique. De  là  s'cnfuiuircnt  de  terribles  rauages  Se 
laccagcmens  en  diuers  lieux.  Antoine  de  Fonfcque  s'e- 
ftant  rendu  roaiftre  de  Mcdme  dcl  Camp  ,  laquelle  s'e^ 
Itoit  reuoltee  de  ^obe^fl^^cede  l'cmptreur  ,  y  mit  le 
feu.dont  s'enl.iiai'  vn  merucill.ux  dcgaft ,  àcai.le  des 
grandes  richclTcs  de  celle  vi,le-la.  Siquelqu'vn  entre- 
prenoit  dci'oppofer,  cant  peu  que  ce  furt,à  la  fureur  du 
peuple,  ileltoit  incontinent  exterminé  :  bref  perfonnc 
n'ofoit  dire  mot.  Les  princes  &  grands  feigncurs  ayanf 
Communiqué  auec  les  villes  ,  qui  ne  s'c:ftoient  point 
fouikuecS)  voyons  ^us  la  douceur  enâammcroic  la  pU- 

yc 


e^  tnetnorMesl  r  or  5 

jrcdc  ce  mal  public  ci>-UeudeJ\'ipaircr  ,  rcfolurenc  de 
prendre  les  arme  s>  ^  cnuoyercin  demander  fecours  aa 
roy  de  Portugal ,  comme  aufii  firent  \t%  peuples  reuoU 
tcz,aperceuani  bien  cju^onvouloicleurcoqrir  fus.  Ce 
roy  retufa  de  (ccourir  le  peuple,  &enuoya  argent  aucc- 
que  de  l'artiiJcne  aux  princes.  Finalement  ily  eut  ba- 
taille  donnée  en  laquelle  les  prirjces  demeurèrent  vi- 
éiorie/UX,&  furent  prins  les  auteurs  de  i'efmoiion,  d  ne 
les  principaux  furent  lean  de  Padille  ,  Antoine  cuefquc 
deZamore,  Pierre  Pimintellc,  Francifquc  Moldonad, 
quelques  gentilshommes,  &.  mtfmes  des  roturiers  que 
le  peuple auoit  efltuez  aux  honneurs.  lis  fuient  tous 
decapitcziSc  k  rtlUdu  peuple  reuenant  à  fonde'  oît  ob 
tint  pardon. H/r/(?;r£'f  de  Charles  le  Quint ^  CT*  de  nojire  temps. 
Quant  aux  feJitions  de  iiciîe  ,il  en  va  ainli.  Apres 
la  mort  de  Ferdinand  d'Arragon  ,  roy  d'tfpagnc,  &  de 
Sicile,  ces  deux  royaumes  cfcheuicnt  à  Charles  ,  petit 
fils  de  Maximilian  prcmier;&quelque  temps  après  efleii 
empereur. Alors  elloit  viceroy  de  Sici'e  dcm  Hugues  de 
Mor)icade,reigneurErpagnol  ,  lequel  taifant  la  mort 
de  Ferdinandide  peur  que  les  feigneurs  &  le  peuplc(qui 
ne'raimoyent  gucres  a  cauledc  fon  gouuernement 
pafle)nc  machinaflent  contre  lui,  tafcha  de  fe  faire  con- 
tinuer en  fa  charge  par  le  nouueau  roy.  Mai'  ccftc  pra- 
tique ne  peut  eftre  tellement  manicc  ,  que  fes  aduerfai- 
res  n'en  fentiflcnc  le  vent.  Dcflors  le  peuple  de  Paler- 
me,où  dom  Huguej  faifoit  fa  refidcince  ,  commença  à 
dire  que  le  gouuernement  du  vicercy  eftoit  amorti. 
hts  chefs,qui  fouftenoyeni  le  peuple  cltoyét  dom  Pier- 
re de  Cardonnc  comte  de  Colifane  ,  Frédéric  d'AbatcI- 
Ic  comte  de  Camerate  ,  leronyme  Filingcr  comte  de 
Saindt  Marc, Simon  Vintcmille  marquis  de  Grace,Mat- 
thieude  fainifle  paix  marquis  de  Licodie  ,  au  perc  du- 
quel dom  Hugu  s  auoit  faid\:  trancher  la  te  fie  :  &  plu- 
fieurs  autres  feigneurs  «Si  gcmils-hommes  du  royaume. 
Iceux  fortis  dePalerme  firent  vne  ligue, &  s'en  allèrent 
la  confermer  à  Termiui,  fous  couleur  de  faire  les  obfe- 
qucsdu  roy  defund.  Le  viceroy  ne  I  cachant  de  quel  co- 
ftctourncr,&eftant  fur  le  point  dequincr  la  Sicile,  fut 

65     3 


10  T  4  Hifloires  admirables 

admoncfté  par  Anthoine  de  Moncadc  comte  d'Adcrno* 
&  par  les  trercs  &  autres  feigneurs,  de  ne  bouger, &  lui 
lindrenc  main  forte  ,  après  l'auoir  fai6l  proclamer  vice- 
Toy.  Sur  cela  luruincvne  (édition  à  Palcrmc  ,  cfmeuë 
contre  les  Iuifs,parles  fermons  d'vn  certain  cordclier. 
tellement  que  le  peuple  >  s'eflani  acreuè  la  licence  par 
tclmauaais  moyen,  recommença  à  délibérer  de  don- 
ner congé  au  viccroy  ,  lequel  pour  contenter  chafcun 
abolit  vn  tribut  noaaellemcnt  impofé  far  les  firines. 
Mais  cela  ayant  peu  profité  ,  l'on  eftimoit  que  les  let- 
tres de  C ha' les,  par  lefquellcs  ildeclaroit  dom  H  igues 
viceroy,apaifcroyent  tout  :  au  contraire  ,  le  peuple  a- 
yant  oui  la  letlure  d'icelies  Te  mutina  d'auanragc  ,  di- 
lant  tout  haut  que  ce  n'cftoit  point  vn  ambafladcur  da 
roy  ,  qui  auoit  apporté  ces  lettres  ,  ains  que  dom  Hu- 
gues les  auuit  drellees  ,  &apofl:c  quelque  valet  pour  les 
prefenier.  Quipisell  ,  comme  onreuenoit  du  palaif 
Vu  quidam  de  la  troupe  demanda  audacieufement  au 
gouuerneur  de  la  ville  ,  qu'illui  monftraft  vn  peu  les 
Jettres  du  roy.  Le  gouuerneur  voulant  reprimer  l'info- 
lencc  de  ce  matin,  lequel  demeurant  impuni,  c'eftoit 
vnc  oauerture  à  vne  licence  plus  defbordec  ,  lui  mit  la 
main  fur  le  collet  po'jr  le  mener  en  prifon:mais  l'auttc 
commence  inconrin;.-nt  à  crier  à  l'aide,  &  lors  fes  c>im- 
pagnons  fc  ruent  fur  le  gouuerneur ,  qui  eut  beaucoup 
à  faire  à  fefauasr  auec  (es  gens, &  leur  laifTa  Ion  prifon- 
iiier,  Vn  peu  après  que  ce  bruit  fut  comme  efuanouy, 
lurlc  fuir,  vne  troupe  i'cnfans ,  fumis  décent  hommes 
acoull:  ez  à  la  viliageoife,vindrent  au  palais,  crians  que 
dom  H  igu;s  euft  à  defloger  de  Palerme,  autrement  on 
le  tueroit.II  demanda  deux  iours  de  terme,  mais  en  lieu 
de  les  lui  accoder,  furies  deux  heures  de  nuicl  ils  !c 
vicnent  alPii-lir ,  en  g-ande  troupcà  pied  ,  &  à  chcual, 
tellement  que  lui  voyant  toutes  chofes  dcfelperees ,  fe 
def^uifa  en  valcr,fortit  par  derrière  ,  &  fe  fauua  au  port. 
Ceux  qui  eftoyent  au  palais  auec  lui  firent  de  mefme. 
Les  foldats  quiy  efioyent  en  garnifon  ,  cntendans  que 
le  viceroy  s'efloic  retiré  pillent  tous  les  meubles ,  &  a- 

yans 


&  memcrahles]  i  o  i  y 

(yans  ouuert  les  portes  chafcan  d'eux  fc  retire  en  Ton 
iogis  auec  ce  butin. Le  peuple  entre  dans  le  palais  &  ra- 
clele  refte. Puis  ielédemain  au  marin  ils  ch^fTent  Mel- 
chiorCeruicr  inquiiîc-ur  de  laf  y.  S:  !e  contraignent 
des'embartjcicr.  Le viceroy  ayant  demeure  deux  jours 
au  port  monta  fur  mer,  &  alla  à  Meffinc  cù  il  fut  b:cn 
rcceu&  honore  comme  viceroy  ,  &  de  là  eRriuitaux 
villes  pour  les  exhorte:  à  leur  deuoir.  Mai<i  la  plufparc 
C  cireprees  cjuelques  villettes  autour  de  McfTme  )  fe 
ioignirent  à  ceux  de  lalcrme,  entreautres  ceuxdt  Ca- 
tanejSyracufe.Tcrmini,  D^epane  ,  &  des  aurres  villes, 
refufcrcnt  les  gabelles, 8c  aboirent  tout  ,  perfecuterent 
les  partifansdu  viccroy  ,&  eflejrent  des  gouuerneurs. 
Les  feditions  continuoycnt  à  Talerme  ,  auec  pillages  &: 
faccagemcns.Les  principaux  de  la  ville  fupplicnt  là  def- 
fus  \&s  confédérés  qui  eftoycnr  à  Tr  rmini,de  ne  permet- 
tre toutes  chofes  aller  aiufi  en  confufion.  Apres  quel- 
ques délibérations, par  Taduis  du  cote  de  Coiifane  ,  qui 
auoit  fort  grande authorité,pour  les  belles  &  excellen- 
tes parties  qui  eftoyent  en  lui, ces  feigneurs  fe  ttanfpor- 
tent  en  diligence  à  Palerme,où  ils  apaifent  toutes  cho- 
fes. Cela  aduint  en  Pan  mil  cinq  cens  feize. 

Apre  sauoirainfî  ,ipoinréles  afFaires,eux  &  route 
la  ville  enuoyent  vn  ambafTadcur  vers  leroy  d'Efpa- 
gneiCommeauiTi  fit  dom  Hugues  ,  pour  l'aduertir  de 
ceqoieftoir  palTé.  Cependanr  afin  de  retenir  le  psys  en 
bride  »  les  marquis  de  Licodie  &  de  Grâce  furenr  efta- 
blis  gouuerneurs  de  rifle,donv  ils  s'acquittèrent  fidèle- 
ment.Leroy  Charles. qui  eftoit  lors  en  Flandre^,  ovinc 
ces  nouuelles  defpefcha  incontine»t  vn  feigneur  de  fa 
cour, nommé  Didaco  Aquila  ,  pour  aller  fçauoir  par  le 
menu  comme  les  chofcspalloyenr.  Iceluyarriné  à  Pa- 
Iérme,fii  entendre  le  tout  particulièrement  au  roy  ,  le- 
quel en.ioya  Tertres  par  lefquelles  dom  LLigues  cftoit 
déclaré  viceroy.  Alors  Didaco  appella  le  comte  de 
Coiifane  ,  &  les  autres  feigneurs  à  Palerme  ,  Scieur 
ayant  fignifîé  l'intention  du  roy  ils  déclarèrent  eftrc 
prefts  d'obéir  :  mais  qu'il  eftoit  beîoin  que  le  roy 
entendit  le  mal  quipourroit  furuenir  li  dom  Hugues 

SS     4 


I  o  I  ^  HiHoires  admirables 

dcmcuroit  en  cpftc  thaigc  ,  afin  d'y  pouruoir  par  quel- 
que bon  moyen.  Doni  Ch-irlcî  cftantaducrii,fi:  venir 
vrr$;oy  Ici -cintcsdcCoiilane  &  de  Camjtafc  auec 
Icviceroy,  Icfquc  .  plaidèrent  fort  &  ferme  en  fa  prc- 
fence.car  Dom  Fougues  charg:*oii  les  comtes  d'eftreau- 
thcufi  de  la  (édition  de  Palerme  ,  euxau  contraire  di- 
foycni  que  fa  tyrannie»  fon  auaricc.fes  cruauiez&  pail- 
lar.ijrcbcneft'.>yent  la  leulccaufe,  &  défendirent  à  boa 
clcicnt  ia  ville.  LàdefTus,  le  roy  ordonna  que  ce  qui 
auojrcltcolté  du  rcuenu  public  en  ces  tumultes  feroit 
remhou/  le  pa-  ceux  de  Païenne  ,  &  que  les  ainhcur$  de 
Jai.dirion  inourroyent  par  la  main  dubourieau.  Pour 
J'exccationdecefta'nrft,  Hcft.«r  Pignatclle  comte  de 
Mont  Léon  en  .aiabrc  fur  efleu  chtf des  armées,  te 
gDUuerneur  de. Sicile,  dom  Hugues  &  les  côtes  demcu- 
jansauxanefts.  H  (flor  arrii;a  a  Palcrmc  le  premier 
lourds  May  l'an  milcinq  cens  dixlept  ,  empnfonna 
vingt  bou'j'^eois  pour  les  inrcrroguer ,  &  faire  mourir 
puis  après ,  caffa  les  gouucrncurs  que  le  peuple  auoit  e- 
(IrLis, remit  les  gabelles, &:fi(  payer  ceoui  elK>it  dcu,  re- 
legaàNaples  es  marquis  de  Grâce  ,  &dcLicodier& 
ayanv  fndt  '.{feiiibler  le  peuple  à  fonde  trompe,  leur  fît 
publier  le  pardon  du  roy.  Combien  que  le  peuple  fut 
joyeux  de  ce  qu'on  l'efpargnoit,  toutesfois  plufîeurs 
commencercni  à  fc  mefcontenrer  de  l'emprifonncmenc 
des  v.ng  bou.gcois,&du  trai(flcmenifai6t  aux  comtes 
&  aux  xMarqiiis. 

De  ce  mcicontentement  s'enfuiuit  vnc  nouucllc 
con'piranon  v-onrre  lesadhcrans  de  dom  Hugu  s  ,  de 
laqiiel'c  cftoi'  r hcf  l'an  Luc  Squarzalopcqui  l'an  pré- 
cèdent ai.y»it  cf^é  con(ul  ou  lurat  de  Palerme.  QueltpieS 
geacils-honimcs  ,  aflauoir  Francirquedes  Barres,  Bal- 
ihafar  Septirfme  ,  Chnftoflc  Bcnoilt  ,  Altonfe  Rofe, 
Pierre  Sparafore,  &  autres  :  item  certains  ariifans ,  no- 
tamment faqiifs  d'Agrigente, Vincent  Rizc  ferrurier,8C 
Vinccr  Zazare,  fe  trouuerenten  certain  lieu  ,  où  aprej 
s'eftfe  plaints  de  i'ertat  du  royaume,  rcfolurcntde  tuer 
en  vamcrmciour  lesconfcillersduroy  ,  <jui  font  les 

iugcs 


é* mémorables-  i  oiy 

iugcs  en  parlement, &  îc  maif\rc  des  comptes  da  royau- 
me,enferable  /a  uocat  du  roy  ,  &  tous  les  parriiar.s  de 
dom  HugUfs.Ccla  ;'c  deuoic  exécuter  vo  iour '^e  fcftefo 
lcnnclle,ic  yingt  dtaxiefnnedc  luiJct  ,au  g  and  lemplc 
de  Palcrme,duran:  vcTpe^  ,  ou  les  defîir.cz  a  la  mort  fc 
trouucroysnt  pour  acorrip^gn  rie  gouu-  'neur.luiaant 
la  couftumc.  Mais  les  coniurcz  nciceurcnt  trllcmenc  fc 
contenir  en  idxîzni  leurs  aprefts.cjuequci -ue  biuict  de 
leur  entfcprifc  recouruft  ça&là.  toutesrois  pour  cela 
l'on  nr  defcou'Jrift  nen,&:  le  comte  ae  Mont  Lcon  gou- 
ncrnear  de  i'Ifle  n'y  p.enoit  pas  autrement  garde.  Mais 
il  aduirtau  matindu  mur  ajfigr.é,  qu'vn  cordeiier  àqui 
Vincér  frère  >'c  Chrîftr^fle  Bencilt  enauoit  dit  quelque 
chofe  en  confeffiô,vint  defccuurir  le  complot  au  com- 
te,lequel  en  lieu  de  ft  rendre  maift.'c  deflorSjCoromeDça 
â$'eÂFfaycr,&fcrentr  enfermé  dis  !e  chafttau  aoec  tous 
les  confeillî-rsï  Le  capitaine  de  ia  viiles'er.t.  ir  d'vn  au- 
tre coitcJailTan:  Ton  luge  ponr  lieutenant  Cela  donna 
Joiûr  aur  cô'urez  d'entrer  en  ia  ville  ,  fc  pourmener  par 
les  rues  ,  aller  au  g.  and  temple,  ou  i!s  tuèrent  vu  des  fc- 
crerairesde  la  villf.-puij  continuent  aie  pourmener, cn- 
cores  qu'ils  ne  rufsétqueiringt  deuiOr  foit  que  Squar- 
zalopecaft  appréhendé  le  danger  ou  il  s'eftoit  mis  ,  ou 
pour  autres  raiions,  il  tomba  de  Ton  chcuaiea  terre  cf- 
uanoiiy,&  demeura  comme  mort  fur  le  paué  l'eTpacc 
d'vne  heure. Finaicraenc  ayant  repris  fes  e;prit5  remon- 
ta,&  aucc  fes  compagnons  vint  a  la  doaanc,  appellant  à 
hau^e  voix  le  comte  de  Mcni-Lcon  ,  le  plaignant  que 
l'on  auoitf'-i:  mourireo  Flandres  les  comtes  de  Colr^ 
fane  ficde  Camera:e,defqueh  ils  voukyent  faire  la  ven- 
geance ,  &  d^^mandoyent  qu'on  leur  iiuraft  les  "  oâBciers 
du  roy,q  ji  rtoyw-nt  aurhcurs  de  ce  ma!.  Le  comte  de 
More  Léon  fir  Muelqui:*  eicurcs,&  cn  heu  de  defcendrc 
en  bas  poarefcarrer  cefte  petite  troupe  ,  parioit  dVne 
haute  fcncf'lre.  An  moyen  dequoy  le  peuple  voyant  que 
perfonne  n'auoit  faiâ;  teftc  aux  coriurcz,  commença  à 
s'esleuer  auffijôd  i'  ûrâi  faire  quelque  nouueau  rauagc, 
eftit  défia  noi:, court  aux  armes,  alT'auît  le  lieu  ou  eftoic 
Iscomicde  Moni-Lcoo, l'en  lire  horS;ôcrcQUoyccaTn 


I  o  I  8  Hifiotres  admirables 

autre  palais  du  roy,  p-jis  ils  comincnccnt  à  fouiller  li 
dedans  ,  ma^acrcnt  Nicola«Cannarelle&  Ican  Tho- 
mas Pâcernion  confeillers  du  Roy.iettent  les  corps  tous 
Buds  par  lesfeneftres  en  lagraod'cour,qui  furent  reccus 
fur  les  pointes  des  Kalebifdes&  piccjues  de  la  popula- 
ce la  amafree.  Apres  cela  ilsfc  ruèrent  fur  Giiard  Bona, 
«laiftre  des  comptes, lequel  le  fauuoit,  cftant  dcrguifé 
ca  villagcoii)  ,  lui  coupent  premièrement  les  parties 
Jionteurcs,&  le  mafTacrcnt ,  cela  faidt  butincat  &  facca- 
gent  tout  ce  palais. Le  lendemain  &  (quelques  iours  fui- 
uanscefte  fangîante  tragédie  continua.  Ayans  cerché 
deux  lours  durant  Priam  C^pozc  aduocac  du  roy  ,  fina- 
lement ils  le  irouucrent  caché  en  la  maifon  dVnc  pau- 
urc  femme, ie  crainent  par  toute  la  ville  ,  &  lui  donncnc 
vnc  infinité  de  coups  de  dague  deuant  &  après  fa  mon. 
11$  coururentîSc  ccrchercnt  aulTi  fort  foigneufemenc  vn 
iurifconfulte  de  Catane, nommé  Blafque  de  Lanze  ,  qui 
auoit  plaidé  pour  dom  Hugues  contre  eux  deuât  le  roy, 
&  ne  le  trouuantpas  au  cloirtre  &  conuétde  faincl  Do- 
miniqucoùl'on  penfoit  qu'il  ft-ft  caché  ,  pillèrent  les 
meubles  plus  précieux  dedom  Hugues,quele  prieur  de 
ce  conueni  auoitcn  garde,mcttcnt  le  feu  en  l'hoftel  &en 
Ja  bibliothèque  de  Vafquc.  Les  partifans  de  dom  Hu- 
gues fefauuerentàgrandedifficuîté. 

Si  toft  que  les  autres  villes  de  Sicile  oiiyrcnt  le  bruit 
de  cefte  tempcfte, les  faiî^ions  commencèrent- à  s'y  rcf- 
lieiller,&:  y  eut  de  terribles  remuemcns  à  Catane  ,  Drc- 
pane,Agrigence,&Terminifpecialement ,  lefquelles  fc 
Jiercnt  auec  \cs  coniurez,  &  commenceront  à  machiner 
Vn  nouucau  mefnjge.  Ceux  de  Mefiîne  ic  contindrent 
fagcmenc  Mais  quant  àPalermetouty  eftoi:  renucrfc> 
pour  le  dire  en  vn  mot  ,  n'eftant  loifibleà  homme  d'y 
conuerfer  fcurement  ,  s'il  n'cftoit  meurtricr&  pillard. 
Les  coniurez  auec  leur  fuite  commcnçoyent  à  regarder 
au  moyen  de  fc  maintenir,  preuoyans  qoe  lescKolcs  ne 
pourroyct  pas  toufiours  demeurer  en  tel  eftat.  Pour  dôc 
arcircr  le  peuple  à  leur  laiffer  quelques  places  f.)rtcs  de 
la  ville,  ils  adîgnct  vne  aiïC-blee  de  ville  ôc  côleil  qui  fe 
dcuoittenir  dutcplederAniiouciadc,le  X.ioiir  de  No- 
uera- 


^  memorahl&i'  lo  1 9 

Uembre.  Or  quelques  gentils-  honimcj,  a  fçauoir  Pôpi- 
le  Impériale  ,  Frinçifqiie  ■&  Nicolas  de  Bologne  frercs, 
Pierre  Affli£t,Alfoniè  Saladin,&  leroTme  imbonnesir- 
ritczde  telles  confufions,deiibercrentenrcmble  detucr 
Jcs  aucheursd'icelles ,  &  aprcsauoir  fan  troauer  bonne 
Jeur  encrcprifeau  comce  de  Moni-Leon  ,  &  au  capitai- 
ne de  la  ville  ,  concluent,  de  faire  leur  coup  en  ccfteaf- 
femblec  du  hiiiftiefme  de  JNouembre.  Mais  le  comte 
cuidaderechcf  elbe  caufe  d'vn  nouueau  mal, car  la  peur 
aaoit  re'lement  occupé  tous  fes  fens,  que  crai^nât  quel- 
que (in  ftre  accident  pire  que  le  premier  ,  il  quiua  Pa- 
lcrme,&  s'enfuit  à  M<:lïinc. Toutes  fois  Squarzalopc,Al- 
fonfe  Rofe  ,  &  Chriftot^c  B^noift  courans  à  leur  ruine, 
fe  trouuerent  au  iour  affigi.é  au  temple  ,  &  cnniron  ITx 
cens  hommes  de  la  ville  auec  eux. Les  autres  s'y  trouuét 
aufli  auec  ceux  de  leur  entrepri(e,&  côme  le  prcltre  cô- 
méçoic  à  chanter  fa  mcflfe, Nicolas  de  Bologne  defgaine 
rcfpee,couri  Çus  à  Chriftolle  Benoift,  &  le  tue.  Pompi- 
Jcs'adreire  à  Squarzalope,&  le  fentancarmé  d'vn  corps 
de  cuiralFcmet  la  main  au  poignard, Sciai  coupe  la  gor- 
ge. Pierre  AfHiifl  delpefche  auffi  AlfonfeRofejGui  c* 
ftoit  vis  à  vis  de  lui.  Les  autres  gentils-hommes  Sccon- 
fédérez  ayans  les  efpees  aux  poings,  donnèrent  telle 
fr.iyeur  à»out  le  peuplelà  aircmblé  ,  queperfonne  ne 
fie  effort  pour  venger  Squarzalope  &  les  liens.  Au  for- 
iir  de  là  lis  rencontrèrent  VincentRize  l'vn  des  prin- 
cipaux feditieux  ,  lequel  fut  incontinent  mis  en  pièces 
furlepaué.  Francifque  de  Barres  fut  mené  prifonnier 
au  chafteau. Pierre  Spatafore  fe  fauua  hors  la  v  iîîe,&:le 
rfftede  cefte  bande  le  fuiuit incontinent.  Lecapita?nc 
ayant  donne  aducrtillement  au  comte  de  Mont-Lcon 
comme  les  chofcs  eftoyent palTces  ,  icelui  amalTaà 
N.iples  mille  cheuaux  ,  &:  cinq  mil  hommes  de  pied, 
puis  vint  de  Mertine  à  Kandats  ,  où  il  fie  mourir  grand 
nombre  de  feditieux.  De  là  il  tira  veis  Catane  ,  fit  fer- 
mer la  porte  ,  puis  donna  trois  coups  d'eCpee  contre, 
pour  fignifier  qu'il  y  entroit  de  force.  Trois  gentils- 
hômcsy  furë:  décapite z.vingt-deux  bourgeois  &  arti- 
fans  pêdus.pluficurs  exécutez  en  cffigie,&  quelques  au- 
tres banni*. Ceux  de  Tcrmini  ne  reccurent  pas  racillcu  r 


toio  Uijloires  admirables 

traitement.  A.  Paîerme,  on  trancha  les  icftcs  de  {trancif- 
^uc  de  Barres. de  Bar  chelerni  Squarzalopc  lunfconlul- 
le  frère  d-  Icaii  Lijc,&  de  lacque»  Squa  zalopc  ;  &  leurs 
maifonsfurencrafces.Ily  cneuc  trenteaafes  de  pédas. 
"Lts  foldats  Efpâgnois  demeure  ce  quelques  mois  à  Tcr- 
miny  &  Maifal.d'où,  qpres  auoir  mangé  le  pays  ,  ils  fu- 
rent retirez  par  l'empereur  ,  qui  voyant  les fcdicions  c- 
fteinftesjdeliiir.i  &  T'eouoya  les  comtes  de  Colifane  & 
de  Camerate,  cftablifTant  le  comte  de  Mont-  Léon  vicc- 
royde  Sicile, &  donnant  riches  recompenîes  àPompilc 
&  a  fescompa^nons.Ces  tumultes  durèrent  trois  ansSc 
demi.Toftapres  dom  Hugues  de  Moncadc  fut  ordonné 
•mirai  deSicileJ'an  mil  cinq  cens  dix  neuf,  &  au  mois 
de  Décembre  alla  â  Marfalaucc  douze  mille  Efpagnols, 
ou  il  tint  bonfix  mois, &  ayan:  perdu  la  piufpartde  fon 
armee,Ia  refit  de  quelques  bandes  d'Italiens,  &  en  l'efté 
fuiuanr  aflaillit  l'Ille  de  Gerbes,  &  contraignit  les  Inlu- 
làiresdc  venir  à  compoâtion  de  douze  mille  efcus  de 
tribut  annuol  cnuers  l'Empereur. Peu  de  temps  après  il 
eut  le  gouuernement  de  Naples  ,  &  durant  le  (îegc  des 
François,  fous  lachargedu  fieurde  Lautrec,  eftant  allé 
aucc  fa  flotte  pour  desfaire  Us  galères  de  Philippin  Do- 
re, qui  eftoitàlafoldeduroydeFrance,  il  fut  vaincu  & 
tué  au  combat.l'an  mil  cinq  cens  viogt-hui6t.  Dô  Pier- 
re de  Cardonne  comte  deColifane  fut  tué  en  la  iournec 
dePauie. 

Quant  à  dom  Frédéric  de  Patelle,  comte  de  Camera- 
tCjfafîn  fut  plus  lamentable:&pourcc  que  lesaccidens 
en  furent  notables  &  diuers  ,  nous  en  dirons  quelque 
chofe  amplement,  &  fuiuros  crqu'en  a defcrit  Thomas 
Fazel  en  ks  décades  de  Sicile:duquel,  comme  d'vn  fidè- 
le &  oculaire  tefmai  a  ,  les  choies  fuf mentionnées  ont 
cfté  recueillies.  Quelque  temps  après  la  pacification 
des  troubles  furmtntioanez  ,  on  defcouunt  en  Pan  mil 
cinq  cens  vingt  trois  vue  autre  conjuration  contre 
l'Empereur,  roy  de  Sicile  ,  de  laquelle  les  commence- 
inens,la  pourfuite.Sc  la  fin  fureni  tels  qu'il  s'en{uit.Vift- 
çeat,Fredcric,&  François  Imperiile  frères  geiils-hom- 
icc£  de  Palcrme,  auoyenc  elU  bannis  de  Sicile  à  fçauoir 

Via- 


&  metnorablesl  i  o  i  i 

Vincent  à  Frédéric,  à  caufc  de  la  fcdition  de  Squarzalo* 
pe,&  François ,  pour  quelques  coups  d'erpec  donnez  a 
vn  auirt  gentil-hcmmc.  Ils  pouLoyent  obtenir  grâce 
aflezailément,  &  pour  y  parvenir  ils  le  retirèrent  a  Ro- 
me vcis  Cefar  ImperiaJc  leur  ficrcgentil  homrr.e  delà 
mailon  du  Caidinal  Colonne  ,  cipcrans  s'aider  de  fon 
confcil  m  lecourj ,  pour  auoir  dcUbcré  de  leiourner  au 
pays. Mais  ce  moyen  ne  fucceda  pas>&.  luf  ce  iii  ie  del'pi- 
tcrent  contre  l'Empereur  ,  lufqucs  à  complottcrde  met- 
tre la  Sicile  es  main-  du  i  oy  de  F-anct-,  a  l'aide  de  Marc 
Aiuoinc  Colonne,  quiportoii  \i:s  arnues  pour  les  Fran- 
çois en  Italie,  au  mclu  c  temps  vindrcn.  de  )a  coi.7r  de 
TEmpcreurà  Kome, Nicolas  Vincent  Leofante,  ihrefo- 
rier  de  Sici  e,ii  Lan  de  S.  Philippe  ambc-fTadcur  de  Pa- 
ïenne »  iefquejs  Vincent  Jmptri<-ileauiraaifémerit  à  fa 
cordeJe.  1  ous  eniemble  vont  trouuer  Marc  Antoine, 
qui  lors  eftoii  à  Rome,&  refoJuentdi.  faidtaueclui.  Or 
pource  qu'ils  auoyent  faute  d'argent  pour  ieuergens 
pur  mer  6l  parterre,  Vincentimperiale&  Leofante  foc 
voile  en  Sicile,  où ayans  entendu  la  mort  de  Squarzalo- 
pe  &  des  autres  l'edicieux  ils  perdirent  le  cœur,  &  fur 
tout  quand  ils  entendirent  que  le  Pape  Lcon  dixiefmc 
auoit  quiitc  le  parti  du  roy  de  France  pour  fe  ranger  à 
celui  de  l'Empereur,  à  rajfon  dequoy  Marc  Antoine  Co- 
lonne s*eftoit  retiré  de  Kome  en  vne  fiene  maiibn  aux 
champs.  Mais  quelques  lours  après,  laques  Spataforc 
de  Me(îine,l'vn  des  plus  grands  feigneurs  de  Sicile,eltâc 
venu  àRomCjCefar  &  François  Impériale  le  defcouuréc 
à  lui,&  le  gaignerent  allez  aiicraent.  Lors  ils  cotnmen- 
cent  à  folhciter  Marc  Antoine  ,  lui  offrant  Palerme  3c 
Mefline  villes  principales  de  l'ifle.  à  i'occalîon  dequoy 
icelui  efcriuit au  roy  Fraiîçois,  qui  auoit  de  nouutau  re- 
conquis Milan  ,  toi  promet  d'alier  en  ccite  entreprife  de 
Sicile  pour  lui,  s'il  l"i  piaifoit.  Cependant  l'Empereur 
pardonnai  Vincent  &  Frédéric  Impériale,  qui  retour- 
nèrent à  Palerme  ,  où  Ccfar  leur  frère  les  alla  trouuer, 
ayant  compof^  auec  Marc  Antoine  ,  &  fit  entendre  à 
Fredcriclbnfrcrc,  authreforier  ,  &  àfonfrere  lerofmc 
Leofante,  &  à  Gafpar  Pipy  ,cc  qu'il  auoit  négocie.     Le 


J  o  l't  Hijloires  admirables 

comte  de  Camcratc  en  oiiyi  aulfi  parler  aa  thrcforicr» 
&y  donna  con!entemcnt,cc  dit-on, clperant  auoir  par  ce 
changement  la  comté  de  Moiyce.quc  ic  roy  Ferdmand 
lui  auoit  prinfe  &  Jc.cnue. 

Les  choies  aduancecs  >  par  Taduis  commun  d'eux 
tous,  fat  relolu  que  quand  l'a;  mer  de.  mtr  du  loy  Fran- 
çais aparoirtrou  deuant  Palci  me, on  mutineroic  le  peu- 
pie, &  lui  feroit-on  couper  la  gorge  aux  Efpagnols  qui 
y  eltoyenten  garnifon.  Mais  les  afaires  prindrent  vue 
autre  rouit:c3r  Mate  Antoin::  viit  à  mou.ir  fur  ces  cn- 
iretai£les,ce  qui  iccula  toiu  ,  fi^  furent  à  recommencer. 
Sur  cela  Cefai  Impériale  ellant  de  retour  à  Rome  ,  y 
trouua  vn  braue  leune  fcigneur  Sicilien  nommé  Pyr- 
ihus  lu^nc  ,  qui  plaidoit  pour  le  marquifat  de  Curtel- 
ion.  llluidefcouure  l'entreprife  aaec  François  Impé- 
riale &  laques  Sparafore.  l'atrirerenta  leur  l'gue,&  en- 
uoyent  François  vers  le  roy  de  France  ,  lui  orfnrPaler- 
me,Meffine  6c  Caianc.  Françoisp'ruc  ie  duieune  lour 
de  May,  Tan  mil  cinq  cens  vmgr-dcux,acompagné  d'vn 
fccretaire  du  roy  ,  d'vn  feruiteur  domeftique  du  Cardi- 
nal de  Volterre,  duquel  outre  plus  il  portoit  Icitrts  ex- 
prelfes.  S'cftantprelcnréau  roy  il  lui  clf  e  la  Sicii^'^de- 
mande  vnearmce  de  mer  ,  fou'  la  conduite  de  quelque 
fcigneur  d'Italie  ,  5:  crois  mil  el'ciis  pour  leucr  quelques 
fol  ats.  Le  roy  ,  lors  emp^tché  à  cautc  de  1j  guerre 
de  Milan  ,  rerpondit  qu'il faloïc  ditf.'rer  l'exccunon  de 
ccfteen  repnlea  vnaucre  temps  ,  ôc  fit  bailler  deux  cens 
elcus  à  Françcis  pour  Tes  defpcns.  Durant  tes  menées, 
le  viceroy  de  Sicile  faifoit  parer  le  palais  de  Palcrme, 
poury  tenir  l'ulfembiee des  feigf.curs,  afind'anifci  au 
faidl  des  finances.  Cclacfmeut  le  comtede  CsmeraiCi 
pjur  gaigncr  le  cœur  des  Siciliens  ,  de  mettre  en  auâuc 
qu'il  taioit  foulager  le  peuple  de  tant  de  gabelles  ,  &  c  • 
xigerqu,"lque  chofe  de  ia  noblelle.  Le  threforier  Leo- 
fante&':plu(îeurs  fcigneurs  luiaoheroyeot.  Le  viceroy 
ayant  de fcopuert  celte  menace  afîîgna  Paflcmblce  à 
Melîîne ,  où  le  comte  de  Caraeratr  citant  venu  fut  con- 
fliiué  prifcnnier  auec  Leofante  ,  iv  tous  deux  enucyez 
à  NaplcSjOÙ  iU  furent  cftroidemenc  refcrrcs.  Comme 

cela 


&  mémorables]  i  o  i  j" 

^ela  paflbit  en  Sicile ,  François  Impériale  cft  envoyé  de 
Xome  par  Tes  alî^^ciez  vers  le  roy  de  France. Mais  auanc 
que  partir  il  defcouure  i'cntrcprife  à  vngcniil.hom- 
me  iien  parent  &.  grand  ami ,  ccftui-là  à  vn  autre  ami, 
<jui  tous  deux  fous  efpoir  ce  grande  recompenfe  ,  vonc 
dccla.cr  le  tout  au  duc  de  Selle  amballadeur  de  l'Empe- 
reur à  Rome,  François  Impériale  qui  s'eftoit  mis  ea 
chemin  auec  les  lettivS  des  coniuiez,  eftanc  deCaàvnc 
iournec  lom  de  Rome,  fut  atteint  par  ceux  que  l'ambafi 
fadeur  enuoya  apres»&  lui  citant  amené  confcfla  incon- 
tinent tout  ce  que  dellus. Son  ficreCefar  ouïle  vent  de 
cefteprinfefe  lauua  de  vifteire.  L'ambafl'adeur  enuoya 
Françi'is  lous  feuregarde  à  Naples  ,  puis  le  fit  mener  au 
viceroy  en  Sicile.  Vu  baftard  de  Vincent Impcriak  ,s'e- 
itant  defguiié  en  payran,(ortit  de  Rome  auani  que  Fran- 
çois fuA emmené,  &.  alla  percer  les  nouuelies  aux  con- 
iurez  à  l'alcrme  de  ce  qui  citoic  aduenu  :  lefquels  s'en- 
fuirent cinq  lours  auant  que  le  viceroy  eult  receu  les 
lettres  du  Duc  de  S-: (Te  :  icel les  vcuès  il  fe  fit  ame- 
ner à  Me/lîne  Icihreforier  Lcofante  &  François  Impé- 
riale ,  Iciquels  confeflerent  volontairement  la  confpira- 
tioii  ,  &  nommeien:  les  complices  ,  qui  furent  tous 
stcrappcz  ,  excepté  Pyrrhus  iucne&  lerolme  Lcofan- 
te,&  confclfercnt  en  la  torture  la  coniuration.  Par  ain- 
fi  le  d'Xleptiefme  iour  de  May, Tan  mil  cinq  cens  vjngt- 
irois  ,  Fredenc  &.  Vmcent  lu  perial'-  ,  Ican  de  fainft 
Philippe  ,&.  laques  Spatafove  furent  eftrangicz  ,  puis 
cfcarcellez  en  la  grande  place  du  marché  de  laind:  lean 
à  MelTine.  Quelques  femaines  après  le  comte  de  Came- 
rate  ayant  cfté  emmené  de  Naples  »  confefla  àlatorturc 
qu'il  auoit  confenii  à  la  confpiration  ,  &  tait  tuer  vn  des 
threforicrs  cie  l'Empereur  fur  le  chemin  de  Rome:  mais 
comme  on  le  menoit  au  fupplice  il  déclara  à  Ton  con- 
fclfeur  ,  que  Ce  qu'il  auoit  confeflé  de  la  confpiratioti 
n'eftoit  point,  &  qu'il  le  cntoit  innocent  de  ce  fair.  Ce 
nonobftant,encoreque  le  confcfleur  declairaft  cela  au 
viceroy  ,  &  au  peuple  >  le  comte  euft  la  tefte  tranchée  en 
ia  place  de  Millazo  :  le  threforier  Leofanie  &  François 
Impériale  furent  citranglcz  Se  cfcarcellez  le   lo.   iour 


foi  4  Hiftokes  admirables 

de  luillet ,  &  peu  de  ccmps  après  vn  autre  fcigncur  parce 
du  Comce  di  Ciaicraie  fui  auflî  dccapirc  :  'es  certes  de 
tous  mites  en  vue  1  interne  au  lairte  du  palaisdu  roy  à 
Palcrme,&  leurs  biens  confilqu'Z.  Pyrrhus  luene  fut 
prins  fîualem'.  nr,à:  torcuré  en  toutes  fortes  ,  mais  pour 
auoireubonne  bouciic  il  efchappa.  Telles  furent  les 
tcmpeftes  uduc  TEmpetcur  vid  fou  royï:imc  de  Sicile 
rudement  a^i'c.des  l'entrée  de  Ton  gouucrnement. 

Quelques  acmees  auparauant,à  fçauoir  enuiron  l'aa 
1  f o 6.y  CUL  vnr,  feduion  cftrange el'mcue  àLifbonnc,par 
lafolie  Se  fofcenerie  de  là  pupjlace  ;  qui  fur  vn  déluge 
lequel  emporta  prelc|i)es  tous  les  iuifs  qui  s'eftoyct  faits 
chreftics. La  chofeauinr  comme  s'eufuit.  Vne  bônc  par^ 
tie  de  ceux  de  lavillceftoyenrablen";,  àcaufedc  lapcfte. 
Auinten  ce*  iours-b.que  pliificars  François,  Fiâmes  & 
Alcman.ç,arriuerécau  ponde  Lifbonneauec  leurs  mar- 
chandifes.  Le  d  xneufiefmc  iour  d'Auril,  pluficur»  de 
ceux  quieftoyentreltez  dedans  la  ville  fe  irouuercnt  ea 
l'Eglife  de  laind  Dominique,poury  ouyr  mefle.  Au  co- 
fté  gauche  de  lEgiife  au  regard  Je  l*cntree,y  a  vnecha- 
p£l!e  furnommeede  Ii;rus  sfortreaeiee  des  Porcugaif. 
Sur  Taut'-l  de  ccfte  rhaprliey  a  vn  cruccfix  ,  la  pliyc  du 
cofté  duquel  eftoitcouuerte  dVne  verrière.  (Caciques 
vns,pardeJOtion  ,  iett^ns  les  yeux  fur  cc/te  verrière,  fe 
firent  croire  que  quelque  clairtéen  fottoir.  Alorscefuc 
à  crier  miracle  ,  &  dire  que  Dif.-j  monltroit  des  tefmoi- 
gnages  de  faprclence.  Vn  Iu!f,n^aguerefaic  chreltien» 
fctrouuant  lâjOiatoui  haut  qu'il  y  euft  aucun  miracle, 
&qu*iî  n'eftoi:  pas  vrailemblableque  dVn  bois  fec  for- 
tift  telle  fplendeur.  Or  combien  que  pliilîcurs  àc%  alli- 
ilans  doutafTcnt  d;  la  vérité  de  ce  miracle  ,  toutesfois 
iln'^ftoit  pas  tcmpsoi  ne  conuenoit  à  vne  cclleperfon- 
ne  de  tenir  cf  lang.ge  ,  pour  perdre  fa  peine  à  vouloir 
arracher  de  i';  nrendem  ^nt  de  tant  de  gens  vn  erreur  qui 
ycftoitdu  tout  &t'-cs  fermement  pointé  :  la  populace 
donc»  qui  eft  d'vn  naturel  impétueux  ik  farouche,  &  ra- 
llie hor=:  de  foi  Ions  'e  be.iu  p  etexce  d.*  religion  ,  oyanc 
VB  luif  ni:r  lemraclc  :ro.'>ainé.c.'»mmêcea  mumurer, 
appcUantcclt homme craillre,  raerchant,apolUt7enne- 

ffii  de 


C^  memorahlesl 


ioiç^. 


mi  dcleftablc  de  lefus  Chnft  ,  &  digne  de  cruel  fuppli* 
ce.   Apres  que  plulîcurs  rearcnt  aiiifi  deichiré  de  leurs 
langues  ,  la  multitude  efcumant  decholere  fciettcfur 
lui, lui  arrache  la  barbe  &  les  cheucux  ,  lefaboule  >   Is 
iraine  tn  la  place  dcuact  TEglifc,  rafïomme  ,  le  defchi- 
re,  &  allume  vn  grand  feu  ,  ou  le  corps  morieftietté* 
Tour  le  rcfte  du  peuple  acourc  à  celte  mutinerie.  Là  va 
certain  morne)    quiauoiclaparoleenmiin  ,  firvnf^r-»- 
mon  ,   où  ilenflammayiuement  les  auditeurs  à  faire  U 
Vengeance  de  Tmiure  qui  auoiceflé  faifteànoftrc  >ei- 
f  ncur.     La  popuiacc  ,  la  <ie  (bi-mcfme  aflVz  t  sbranlcc, 
fut   letcee  dutout  hors  d.  sgondi  par   vnc  telle  haran- 
gue.   Outre  plus  deux  aucics  moines  empoignèrent  66 
clL^uerencen  hautvne  croix,  crianstout  haut  rengcan- 
ce,  exhorcans  le  peuple  à  cifLliop.de  lang,   &  à  Tcxter- 
mination  totale  des  luifs,  qu'ils  appeiioycnrmefchan* 
te  nation.   Les  François  &  Alemans  fautent  de  leurs  na- 
ui^s  en  terre, &  le  ioignent  aux  Portugais ,  qui  auoyenc 
ja  commencé  le  malTacre.  Us  eftoyenc  cinq  cens  en  Tc- 
xecution  des  cruacez  fuyuantes.  D'vne  fureur  &  cruau- 
té dcfefperee  ils  le  ruent  comme  dogues  afîamez  fur  \ts 
miferablcs  luifs,  coupent  la  gorge  à  vngrand  nombre, 
&  les  traînent  mj. morts  dedaiu  le  feu.  Pour  beforigner 
pluscommodémcnr  on  auoic  ailuiné  diucrsfcux  en  la 
place  oùleluif  mefdilant  dumitacie  eltoit  en  cendres. 
Ï^QS  valets,  crochetteurs  Scmarmicrs  apporroyenralaî- 
gre^>cut  lebois  de  toutes  parts   ,  afiii  qu'il  y  euft  des 
flammes  à  fufHfance  pour  rexecunon  de  leur  rage.    Les 
huées  des  femmes,Iesfupplicationsdes  hommes,  &  les 
cris  de  tous  eltoyent  fi  pitoyables  ,   qu'ils  eufTcnt  peu 
flefchiràcompallion  la  cruauic  mefme.  Toutesfois  les 
maflacrcurs  cftoyent  tellement  àcin^vC'Tf-z  &defpouiI* 
lez  d'humanité, que  fans  aucun  ci'gardd'aagc  ni  de  fexe, 
ils  meurtrifibyeni  hommes. femmes, &  enfaos.icllemct 
queceiour  lails  tueront  &bruflv;ient  plusdecinq  certf 
pcf  fonnes  luifucs.     Le  lendemain  ,  pourcc  que  le  bruit 
de  cette  fanglante  brucheric  vola  de  tous  collez  ,    plus 
de  mille    payfans   accourent  comme  enr.igci  dedans 
Lisbonoe,  Se  leioiguent  aucc  les  meurt  i  ici  s  daiour 

TT 


toi  6  Hifloires  ^dmirMi 


rreccdcnt.Lors  ce  fut  à  recommencer.  £c  d'autant  que 
les  loif$,clperdus  de  frayeur  ,  s'eftoyent  enfermez  ca 
leurs  miifonSjCes  mutins  enfoncent  \c^  portes  ,  elgor- 
gent  cruellement  hommei,fcmraes.&:  filles,efcar bouil- 
lent contre  les  parois  les  telles  des  petits  enfjns  ,  tiai- 
ncnt  ks  corps  morts, ou  encore  rclpirans ,  pour  le»  ict- 
tcraufcu.  l*lufieurs  bleffcz  de  diucrfcs  playes  ,  &  ne- 
antmoins  cncorevmaok  ,  cftovenrainfi  bruflez.  Ce 
iour  ,  la  miferable  nation  luifue  auoic  rcceu  fî  grand 
coup  de  marteau  lui  la  telle  «  qa*ils  ne  pou aoy en t  fe  la- 
menter d'vn  tel  raaage, m  déplorer  leur  miferc.  Quant 
à  ceux  qui  demeuTO)  eut  cacheZ)ils  n'ofoycnt  foufpircr, 
encore  qu'ils  YllTenctranur  ao  feu  1-urs  pères  ou  Icurf 
cnfans  :&  la  peur  leur  trahlilfoit  tellement  les  cœurs, 
«jue  les  viuans  relTembloy- nt  à  d.s  morts.  Cepcnaant 
on  laccageoit  les  maifons  ,  d'où  \zi  meurtriers  em- 
portoyenc  ror,l'argent  ,  &  les  meablcs  plus  précieux. 
Lç%  François  chargèrent  leurs  nauires  de  force  m ar- 
thandifes  :  &  ces  pillages  furent  caufc  que  plulicur» 
luifs  efchâppcrentce  iour-la.  Au  rertc,  la  fureur  tranf- 
porta  lellement  ces  cruels  feditieux ,  qu'ils  olcrent  en- . 
trerintolcmmenr  é;  eglifcs  ,  pour  arracher  &  tirer 
hors  d'icellcs  Us  pc  is  cnfans  ,  ks  vieillaids,*:  k-5  ieu- 
nés  filks  ,  quitmpo^nc  yen-  les. lurels,  les  croix,  & 
Je$  images  ti'*«î  fi in£lb  ,  en  ciant  mifeucordc:  puis  les 
malTacroventtoocà  l'h-u'c,  ou  les  icitoycnt  dedans  le 
fsu.  l^luiîeurs  qui  auoycnt  pou  &  a^^parcnce  de  luifs 
fc  trottuercntlo  s  en  eXtrcmt  danger  :  mcfmes  quel- 
ques vns  furent  tuez  ,  autres  blclkz  en  diucrs  endroits 
de  leurs  corps,  auant  que  pouuoir  vcnfic.'  qu'ils  n'a- 
Uuycnc  aucune  acointanceauecques  les  luifs.  Ai'Cunj 
qui  portoyent  inimitié  à  d'atjtres  *  en  ic»  rsncv^niranc 
iiefai(bycntquccricr,au  luif  ,  &  lors  ils  cftoycni  fac- 
mentez  ,  fans  qu^'on  leur  donnaft  ioifi*  de  rclp»  nd:t  à 
la  calomnie.  Les  M-îgiftrais  n'au  jycnt  pa>  la  har- 
diclTe  de  s'oppofcr  à  la  fureur  de  cefte  populace.  Ne- 
antmoins  beaucoup  de  gens  de  bien  faaucrentla  vie 
aux  luifs  qui  ferccircreni  cher,  eux  ,  &  les  gardèrent 
coaimc  cwx  mcfmcs  «   leur  donaans  moyen  d'cfchap' 


é*  memoralles.  i  o  i  7 

fer&  te  retirer  ailleurs  en  lieu  plus  afîcuré.  Toutesfoii 
£c  deuxïefme  iour  le  nombre  des  tuez  monta  à  plus  de 
mille.  Autroificfmeiour  les  maflacreurs  ,  altérez  de 
fang  humain,  forciient  es  places  &  rues  pour  continuer! 
mais  ûs  ne  trouuoyent  plus  de  befongnc  ,  \ts  luifs  fur- 
uiuaos  &  ceux  qui  les  atiouchovêcs'eûansfauuci  hors 
dé  Lisbonne,  ou  demeurans  cachez  es  ma^fons  de  qucl- 
«juesperfonnes  paifiblcSi  Toutclfois  il  y  eut  encoiQ 
•quelques  meurtres.  En  ces  trois  iours  les  meurtriers 
tiialiacrcrentenuiron  deux  mille  perfonnes  luifues.Sut 
le  foir  du  iroilieGmc  lour  Arius  de  Sylues  &  Aluares  de 
Caftrcjgentils-hommesj&chefa  dclaiufticcj  vmdrenÉ 
à  main  armée  dedans  Lisbonne  ,  &  arrefterent  le  courU 
de  la  fedition.  A  l^heure  mcfrae  h^  François  &  Alemâs 
fe  retirent  en  leurs  nauire?  aiiec  force  pillage  ,  &  hauf» 
ikns  les  voiles  prenent  viftemertt  la  route  de  leurs  payf« 
le  roy  ayant  receu  les  nouuclles  de  cefte  horrible  fc- 
i  ditioH^en  fur  extrêmement  indigné,  &  tout  foudaiti  en* 
uoya  deux  des  principaux  de  fa  cour  à  Lisbonne  >  à  fçi- 
i  Hoir  Jacques  Almeidc  &  laques  Lopes  >  auec  plein  pou^ 
i  Uoir  de  faire  iuftice  de  tant  de  forfaits.lceux  fîrét  mourir 
\  publiquement  vn  grad  notnbre  des  feditieux,  qui  furéc 
\  punis  de  leurs  fureurs  &  cruautez.Les  moinesqui  auoy? 
enteflcué  la  croix  &  ethortc  la  populace  à  maflacrcr, 
furent  dégradez, puis  cltranglcz  &  brusIci.Les  luges  & 
Magiftratj,  qui  s'eftoyent  monftrcï  trop  craintifs  &  pa- 
refleux  à  reprimer  celte  rage  populairc,furêc  partie  pri* 
uez  de  leurs  eftats,  partie  condânez  à  groflcs  amêder.la 
ville  mefme  fut  defpouilloe  de  plufi-urs  priuiicgci  fifi 
honneurs.  Oferitu  m  ^.Im.de  l* hifi.de "PoTt^^aljfeCl.^. 

Enuironl'an  1509.  auint  vne  horrible  fcdiiionetl 
Turquie,par  le  moyen  qui  s'enfuit. V  n  nomirié  Scacho- 
cuif.ifT'jde  perequieftoit  homme  li'aparence  »  fe  ca- 
cKa  l'efpace de  iîx  ou  feptans  en  vn  hermitagc,y  viuanC 
en  relie  renommée  qu*il  acquit  le  nom  de  faint  hôme« 
te  fultan  Baiazet.qui  ne  fçauoit  pas  à  quoy  tendoit  ceft 
hermitc  ,  lui  faifoit  Tn  prefent  deuotieux  &  annuel  de 
inille  afpres.  Lorsqu'on  eftoit  fort  occupé  à  rc* 
bailir   Condantinofle  «   fort  eodommagce  du  feu; 

TX     » 


i^\  9  Hiffoires  admirables 

rhcrmite  fort  êc  fa  folitudc  ,  amaflc  force  gens  par 
intelligences  &  menées  de  loDgnc  main  ,  furprend  en 
iour  de  foire  vne  vwlc  non.uice  Antalis  ,  faic  tailler 
en  quatre  pièces  le  Cady  ou  iugc  d'icelle  ,  pille  &  facta- 
ge Te  lieu  ,  6i  en  diligence  appelle  à  ioy  grand  nombre 
de  mutins,  te.lem  n:  qu'en  peu  de  loursil  fe  vidcnui- 
ronné  de  dix  mil  hommes  de  guen  e  ,  aucc  Icfqucis  il 
cntrtf  en  la  Natolic,donne  bataille  au  gouuerneur  nom- 
mé Carâgofc,  le  ciesfait&  prend  prifonnicr  ,  lemeinc 
deuant  les  portes  de  la  principale  place  ,  dont  l'entrée 
luieftant  refufecil  fait  empaler  vif  ceprifonnier ,  Tm 
des  principaux  baffas  de  Turquie.  Puis  après  il  attend 
hardiment  Corcuc  fîb  de  Baiazct  fuiui  de  grandes  for. 
ces  ,  Icfquellcs  il  rompt,  &  contraint  Corcutfe  fauuer 
de  vitclTe.  Alors  toute  )a  Natolie  fut  fourragee  d'eftran- 
ge  forte  par  ces  fediiieux  ,  courre  lefquels  Alis  balTa 
futenuoyéparBaiazetauecvne  puiflante armée.  Ce- 
pendant i'hcrmitc  eut  d'autres  vidloircs,  &  dcsfît  en  di- 
uerfes  rencontres  plufieurs  fangiacs.  En  fin  bataille  fe 
donne  entre  les  deux  armées  ,  en  laquelle  après  grand 
meurtre  d'hommes,  Alis  pours'cftre  trop  hazardc  ,  fut 
tuéfurle  champ, &:  la  vidoire  demeura  à  l'hermitc,  le- 
quel ayant  perdu  beaucoup  d'hommcs,s'cflongnade  la 
Natolie,titant  vers  Tauris  en  Perfc.  Eftantfur  les  fron- 
tières il  rencontre  vne  fort  liche  Carauane,  laquelle  il 
pille,&cnfait  tuer  tous  les  hommes,  fans  s'enquérira 
quieftoyentles  richcfTcsqui  y  turent  trouuees.lefquel- 
les  apartcnoycnt  à  Ifmael  roy  de  Perle.  Les  capitaines 
&  principaux  des  troupes  de  l'hermite  ayans  ofé  s'auâ- 
cer  icfques  en  la  ville  de  Tauris  ,  &  fe  prelènter  au  roy 
pour  lui  faire  la  rcuefcncc,farent  reconus,  arrcftcz  pri- 
îbnniers,  comme  auflî  toft  après  tous  leurs  foldais:  tel- 
lement que  ces  fediticux  furent  exécutez  àmort  ,  fans 
qu'aucun  d'eux  en  efchappaft.  Quant  à  Thermitcon  ne 
fçait  qu'il  deu\ï\z. I.Leonclauiuf  es  Annales  de  Turquie. 

Enuironl'aniç  1 5. lorsque  Sclym.lultan  des  Turcs, 
cmpefchéàlaguerre  de  Perfc  ,  eitoit  fur  le  point  de  fai- 
re palier  toutes  les  forces  qu'il  auoit  en  l'Europe ,  pour 
cmrar  ea  Aiic ,  la  guerre  cAant  aulfi  âlluœcc  en  Croa- 
tie 


ê- 


memora^hlesl  ibl^ 


•îe ,  Thomas  cardinal  de  Hongrie  ,  &  Icgat  du  pape,fic 
tantcnuersle  roy  Ladiflas  ,   qu'on  drciïavne  armée  de 
croifez  ,  volontaires  ,  pour  garder  fans  folde  les  frontiè- 
res elu  royaume.      Là   dcfTus  fc  firent  des  leuees  d'vn 
nombre  prefque-s  infini  de  payfans ,  fous  la  charge  d'vn 
certain    George   de   Tranflllaanie  ,   lequel  aiioit  pour 
compagnons   &  confeillers  vn  moine  &  va    prèiirc. 
Gcorjje  commit  l'auantgardc  de  cefte  grand' armée 
ruftique  à  fonj  frère  Lucatius    ,    &  lui  marcha auec  le 
refte  vers  la  ville  de  Varadin   ,  portant  pour  bannière 
vnecroir.     En  chemin  ces  payfans  firent  des    maux 
infinis  &  incroyables.    Ils  empalèrent   vifs  tous    lés 
gentils-hommes  qui  tombèrent  en  leurs  mains, violè- 
rent dames,  damoifelles  ,  femmes  &  filles  honneftes: 
refolus  d'exterminer  toute  la  nobleffe,  5c  de  quatorze 
«uefchezqu'il  yauoit  au  royaume  n'en  laiffer  qu'vne 
debout.  Surce  vn  vaillant  feigneur  nommé  Ican  Bornc- 
miffe  fuiui  àts  troupes  de  Bude,  met  en  route  Lucatius: 
d'autre  part  le  vayaodede  Tranflikianie  taille  en  pie- 
ces  l'armée  de  George.    Ces  deux  fcres  font  attrapez. 
George  eft  orné  d'vne  couronne  ardante  ,  quiluibruf- 
leiatefte:  &  lui  tire  on  du  fangdes  veines  que  l'on  fait 
boire  à  Lucatius.  Outre  plus  il  eft  tenaillé'&defchiré 
en  pièces,  que  l'on  faiâ:  bouillir  &  roftir.   On  fait  ieul- 
ner  Lucatius  &:  les  capitaines  de  cesfeditieux  au  nom- 
bre de  vingt  ,   l'efpace  de  trois  iourf  ;  puis  les  fait-oix 
faouler  de  ccft  horrible  appteft.      Quoy  fait  ils  furent 
tenaillez  ,    &  exterminez  àcs  plus  cruels  fupplices  dont 
il  fut  pofîîble  à  leurs  ennemis  de  s'auifcr.  Cefte  fcdition 
cmportacn  Hongrie  feptante  mille  perfonnes,cntre  au- 
tres quatre  cens  gentilshommes  malTacrez  par  ces  mu- 
tins :  l'hiftoircdefqucls  nous  auons  prefenteeaO  i.vô- 
lume,au  chapitre  des  cruels  exterminez  :  &  la  rameote- 
^lons  ici ,  poureftre  mémorable  ,  &à  caufe  Je  quelques 
circonftanccs  omifes.  lean  CuJ^mtan  er  'Panl  loue  la  defcri- 
uent  au  long. 

L'an  I  ç  1 7.1es  valets  des  citoyens  de  Londres  en  An- 
gleterre cfmeurent  de  la  fedition  ,  qui  eut  apporté  des 
conftfûoQS  eftraoges  )fi  de  boMue  heure  l'on  n'y  euft  r^- 

TT     3 


Soyo  Bljloires  admirables 

fiscdié.  La  couftamc  de  telles  gens  cftdeqncrcllcr 
tout  propos  contre  les  artifans  &  marchans  cftrangcrs, 
à  la  profperité  defquels  ils  portent  manifefte  enuie. 
Pour  attifer  ce  feu  d'auantage  ,  deux  preCcheurs  en  leurs 
fermons  mutinèrent  fort  cef>e  racaille  ,  difans  qu'ils  a- 
uoyent  grandecompanîon  des  maux  &  outrages  qu'en- 
durcit le  paurire  peuple  Anglois  ,  parles  pratiques  de 
ces  artifans  &  marchans  eflrangers  ,  venus  de  loin  pour 
ofter  la  nourri'.ure  &  le  gain  à  ceux  du  royaume.  La  def- 
fus  fepresëtc  vn  chef ,  pour  mettre  la  populace  en  train. 
Icelui  fe  nommoit  lean  de  Lincolne  ,  auquel  fe  ioigni- 
rcnt  quelques  vns  des  principaux  delà  fediiion  ,  pour 
coniurer  contre  les  artifans  &  marchans  étrangers. Ils 
refolurent  cnfcmble  de  prendre  occafion  de  feruer 
delTus,  par  la  couftume  du  pays  >  q  ui  cft  que  le  premier 
iour  de  May  le  peuple  fort  delà  ville  ,  &  va  s'efbatre 
aux champ$,d'où  il  ne  retourne  quVn  peu  deuant  l'heu- 
re de  fouper,poriant  des  branches  verdes  es  mains  en 
iîgne  de  paffetemps.  Lors  donc  ils  deuoyent  affaillir  & 
cxterminerceuxàqûi  ils  cnvouloyent.  Mais  Dieu  vou- 
lut que  la  conjuration  fut  dcfcouuertc  ,  tellement  que 
lean  de  Lincolne  &  quatre  autres  furent  exécutez  à 
mort,  ]e*r$  corps  efquartellcz  &  les  quartiers  attachez 
aux  portes  de  la  ville. Dix  autres  furent  pendus  &  eftran- 
glez  en  diuerfcs  places. Les  furuiuans  coulpables,ayans 
tous  la  hart  au  col  furent  menez  à  VVeftmonfter ,  ou 
Icroyeftoit  aflîs  en  fon  ihrofne.  Ils  fe  profternercnc 
tous  àgenoux  deuant  lui,crian$à  mains  iointes  mifcri. 
corde,  laquelle  il  leur  oftroya ,  8i  en  efchappercnt  à  cc 
^rix/Pûlydsre yiroiUaté  z  7. liu.de  l*hi/}oire  d* Angleterre, 

Le  roy  François  i  .ayant  efté  pris  prifonnier  en  la  ba- 
taille de  Pauie  ,  l*an  1 5  t4.au  mois  de  Feuricr  ,  &  tenu 
fous  grofTe  garde  quelque  tf  mps  en  Italie  par  les  Impe- 
rialiftes,  finalement  ils  refolurent  (de  peur  qu'il  leur  ef- 
chappaft)  le  mener  en  Efpagne.  Ayans  efpic  le  temps 
propre,  Charles  de  L?noy  viceroy  de  Naples  fit  equip- 
per  force  gaferes,&auec  vn  vent  commode.  &  vaifieaur 
hka  foQrnis  de  foidâc» ,  pour  voguer  fcuremeoc  auec  (! 

richo 


.II. 


&  mémorables]  \q  j  i 

riche  thrcfor  fe  mit  à  la  yoilt  vers  Barcclonnc.où  le  roy 
fiic  magnifiquement  rcccucpuisapi-es  les  gaicrcs  cingle* 
rcnc  aflez  près  de  terre  iulqoes  à  Al  cantcra  ,  port  du 
royaume  de  Valence,  pour «.M!eceftre  mené  par  terre 
iorqtiesàToIedc,où  lor»  cftoit  l'empereur  Charles  V. 
Leroy  defcindu  en  ce  pofî  ,  les  foldais  qui  l'auoyent 
gardécn  ce  voyagr  hazardsuT  ,  &  en  Itali.  depuis  f* 
prifccomiTirnceo:  à  demander  payement  ,  5c  pourcc 
que  La noj  faifoi  la  fuurc'c  oreille, ils  le  mutinent  ,  & 
prenan*  leurs  armes  coureni  après  lui  pour  le  defjcf* 
cher.  Bien  lui  pnnt  qu'il  auoii  bonnes  ïambes  pour  fe 
ictterendes  iardiDs  piochams  ,  d'où  il  fe  fauua  plus 
loin.fe  tenant  cache  ,  infqoes  à  ce  que  les  fcditieux  fu- 
rent contcrtez-Durant  leur  cimcuic  ,  quelques  coup» 
furent  lafchez,  lurtoui  vnç  moufqiietadejde  laquelle  le 
boukt  donna  drcift  à  certaine  croifee  de  marbre  con- 
tre laquelle  le  roy  cftou  adolîé  en  vne  chambre  haute, 
oùileftoit  montéà  la  defcente  de  fa  galère:  tellement 
que  peu  s'en  faiut  qu'il  ne  laillaft  ilicc  la  vie.  Mais  autre 
rccerche  ne  iuftice  ne  fût  lors  ni  depuis  fai6le  de  tels  ic  >• 
dirieuxrauconti  aire  ils  furent  payez  de  leurs  gages  ,  iL 
remerciez  de  la  bonne  garde  &  conduitede  Ie«r  prifoQ- 
Hïtr/Paul  Lotte  defçrït  cejie fedttion  att  7  Mur.de  la  yie  dté  mar- 
quis  de  Te/quaire. 

L'an  mil  cinq  cens  vingt-neuf,le  roy  ayant  fai£l  com- 
mandement ;  queToncuft  à  conduire  à  finquclques 
fortifications  en  la  ville  dv-  Lyon  ,  il  fut  queftiondc 
trouuer  argent ,  pource  que  le  reucnu  de  la  maifon  de 
ville  &  les  deniers  communs  n'y  pouuoyent  fatisfaire. 
En  l'affemblee  du  Confulat  fut  relolu  de  mettre  vn  im- 
poft  fur  le  vin.  Quelques  taverniers  &  petits  arcifans 
tfouucrent  cclafi  mauuiis,qu'ils  firent  fouleuer  &'  mu- 
tiner la  populace. Tellement  que  le  Jour  S.  Marc  ces 
c5pagnons,aa  nobrede  plus  de  deux  mille, fuiuis  d'cui- 
ron  deux  c€s  femmes, fc  trouueret  en  la  place  des  corde- 
lierç.tous  armez  de  battons  tels  que  la  furie  leur  auoit 
mis  entre  les  mains,  &  aucc  grad  bruit  monterct  au  clo- 
cher de  rcglilc,&  eômécerct  à  iôner  le  iocfin,cômc  û  It 

TT#4 


1031  Hijloires  admirables 

feu  eufteftc  aux  quatre  coins  €ic  ia  ville  ,  quifutcaufc 
que  toute  la  )ie  du  peuple  y  acouruc  fans  ordre  >  fanl 
bride,  fans  chef.De  pleine  arriueeilsfe  rucrcntan  pil- 
lage des  mailons  prochaines  ,  Icfqucllcs furent  entière- 
ment îaccagces,  nommément  ce  lies,  de  deux  des  princi- 
paux confeiliers  de  la  ville  &  d'vn  fore  riche  marchant. 
Durant  ces  rauag(  s  le  Baron  d'Yoin  ,  deiamaifondc 
FougiereSjfetrouuant  d'auanture  en  la  ville,  &  ne  pou- 
uanc  fuporctr  telle  indignité  ,  fe  rua  fur  ccfle  fourmil- 
liere  de  pillards, fuiui  feulement  de  trois  valets,auec  lef- 
quels  il  les  combatif  plusd'vne  heure,  &  en  ayant  blefîé 
plufieurs  les  mit  en  faite,fans  que  lui  ni  fes  gens  fuflcnt 
endommagez.  Le  lendemain  par  1 1  prudence  du  lieute- 
nant de  Lyon,&dufieurTribulcegouuerncur,  la  fcdi- 
tion  ceffa  &  las  principaux  chefs  d'icelle,qu'on  peut  at- 
rrapper,furent  exécutez  à  mort.  Ç.'Paradin.at*  iMu.de  l'hi^ 
ftoire  de  Lyon^ch,  i  7.  Quant  à  plufieurs  autres  feditions 
cfmcucs  auant  &  depuis  ce  temps-là, nous  en  referuons 
Icrecites  volunaes'fuiuans  »  pourn'arrcfter  trop  le  Ic- 
£lcur  furvn  mefme  luiet. 

s  E  11  y  I  T  E  yj^   courageux. 

ES  années  i  ç  1  î, i  y  i tf.  &  fuyuantes  rEfceflc  firt  a- 
gitee  miferablement  par  \ts  faftions  des  grands, 
qui  vouloyent  enpDfTedantlaperfonne  du  roy  ,  manier 
les  afaires  à  leur  volonté.  Ils  fe  battirent  cruellcmenc 
quelquesfois.  En  Tvne  entre  autres  fut  tué  vn  no- 
ble fcigneur  nommé  lean  Stuart  ,  neueuducomrc 
d'/Vran,p»ar  vnbaftard  delà maifon  des  Hamiltons.  Ce 
fcigneur  auoit  en  fon  efcuirie  vn  palcfrenier>  lequel  en- 
tendant l'auanture  de  fon  maiftre  ,  ayant  erre  çà  &■ 
là  ,  fans  pouuoir  ferefouldre  vers  qui  il  fe  pourroit 
ranger  ,  finalement  délibéra  de  faire  vn  coup  de  fa 
main  pour  vrnger  la  mort  de  fon  maiftre.  Pour  ccft 
effcâ:  il  print  le  chemin  d'  Edinbourg,où  arriué,il  trou-' 
ne  vn  de  fe$  compagoôs  en  h  mcimc  cfcuxrie,&  lui  dc- 

man« 


&  mémorable  S'  i  o  5  j 

Aildcs'il  auôit  point  veu  en  ville  le  baftard  Hamihon? 
Ouï,dit  Tautre.  Ec  commenc,repart  celui  ci,  malheu- 
reux &  ingrat  que  tu  es, as-tu  pm  voir  ce  melch^ncfans 
te  ruer  fur- lui  pour  luiofter  la  vie,  lui  qui  a  malTacré 
BoftrebonmaiftrcfPuifTes-tu  faire  maie  fin.  Sans  dire 
d'auantageil  palTeoultre  ,  éc  vadroicauchafteau.  De- 
uanclagrand*  place  d'icclui  y  anoit  deux  mille  homes 
armez, vafTaux  des  Duglas  &  Hamiltons,prefts  pour  al- 
ler courir  fus  à  quelques  voleurs  qui  tenoyent  la  cam- 
pagne. Lui  fans  s'aroufcr  à  aucun  d'eux,ayant  les  yeux 
fichez  fur  ce  baftard, nommé  laques  Hamilton  ,  lequel 
fortoit  lors  sas  armes  &  en  faye  de  cefte  place  ,  pour  en- 
trer au  challeaujle  fuit ,  &  le  voyant  fous  vn  porche  lon- 
guet vn  peu  fombre  fous  la  porte, fe  rue  defTus  lui,&  lui 
donne fix  coups  de  poignard, dont  tontesfois  ii  irc  le 
tuapasjle  baftard  ayant  gauchi  aux  coups,  &rabatule$ 
plus  dangereux  auec  fon  fayc.Incontinent  le  palefrenicf 
retourne  &  fe  fourre  en  laprcfTe.  Vn  grand  tumulte 
s'efleuc  ,&  peu  s'en  faluc que  les  Doglas  &Htmiltoné 
ne  s'entrebattifTent  lors  cruellement.  Finalemét  la  peuir 
cftant  vn  peu  adoucie)On  fit  ranger  contre  les  murailles 
de  la  place  tous  ceux  qui  eftoyeni-là.  Le  palefrenier  fut 
incontinent  prins  auec  le  poignard  fanglantcn  la  main. 
Enqnis  d'oùil  eftoit ,  &  qui  i'auoic  amené  là  ,  pource 
qu'il  refpondoit  ambiguement ,  on  le  meinc  en  prifon, 
La  torture  lui  cftant  prcfeniee  il  confclTa  auoir  entre • 
prins  tuer  le  bafta'd  ,  pour  venger  la  mon  de  fon  mai- 
ftrerqu'il  n'eftoit dolent  qued'vnechofe,  de  n'auoir  pas 
entièrement  execcté  fa  haute  cntreprife.  Avant  cftc  fort 
rudement  torturé, il  ne  chargea  perfonne.  Condamné, 
proumcné  nud  par  la  ville, &  renaHlé  par  rouies  les  par*, 
lies  de  (on  corps, il  ne  i^ift  parole  ,  ni  ne  fit  contenance 
aucune  d'homme  fe  plaignant  ou  tourmentant  en  forte 
que  ce  fuft.  Quand  on  lui  coupa  la  main  droiélc  Elle  a 
bicflmcrité(dit«il)plus  grir.f  fupplice,  n'ayant  pas  exe - 
CUtetc  quele  cour.ige  lui  commandoit.  3uchananam 
quator:^iefme  Hure  de  Clnjloire  d'EfcoJfe.  Enuironquâ* 
torze  ou  quinze  ans  après, ce  bafcard  atteint  &  conuain- 
cu  de  f  lu^curs  crimc$»aommçmcc  de  celui  de  leze  ma- 


î  o  5  4         Hijloires  admit  tables 

icfté  au  premier  chef  ,  eut  la  tcfterranchccpuisfon 
corps  fut  efcarceilé  >  âc  les  <}tiartiers  pen({  us  es  places 
principales  de  Sccon,€C  die  le  mcfine  hillorien. 


EN  la  bataille  de  Seminarc.donnee  l*an  i4i^<.  entre 
Tarmce  des  François  Ôc  celle  de  Ferdinand  roy  de 
Napics,  encores  que  les  Italiens  &  Siciliens  que  Ferdi- 
nand auoit  amaffcz  à  la  ha(\e,&  les  Efpagnols  conduits 
par  Gonfalue,depais  furoommé  le  grand  Capitaine,  fuf- 
icnt  gens  nouueaox  &  peu  expcnraentez  à  la  guerre; 
neantmoins  il  fnt  par  quelque  efpace  de  temps  braue- 
mcntcombattu  ,  parce  que  l'autorité  couragcufe  des 
capitaines  ,  qui  ne  failloy  ent  aucunement  à  leur  deuoir, 
fouftenoit  ceux  qui  pour  autre  regard  cftoyeniinfe- 
riears.Sur  tous  autres  Ferdmands*/  porta  comme  il  a- 
partenoità  fa  ve»  tu.  Mais  Ton  cheual ayant  cfté  tué  fous 
liiï.il  flic  fans  doute  demeuré  mort  ou  pris  ,  fi  lean  de 
Capoiie.f.  ère  du  duc  de  Terniiny  (  lequel  auoit  eftë  fon 
page  des  l'enfjnce  ,  &  qui  l'auoitfort  aiméen  la  Heur 
de  fon  aage)defccndant  de  fon  chcual  ne  Teuft  fait  mon- 
ter defTos  ,&  auec  exemple  fort  mémorable  de  très  fin- 
guliere  foy&  amour,  expofé  fa  propre  vie  pour  fauuer 
celle  de  fon  fetgneur  ;  attendu  qu'il  fut  tue  fur  le 
champ. fr-CwicW^/w  41»  iMwe  del'htîiotre  des guerrtt  d'I- 
faite. 

L'an  mil  cinq  cens  quarante  deux,  l'armée  Impériale 
en  Hongricapresauoiraffaillien  vain  la  ville  de  Pcft» 
fc  rompit  d'elle  mefme  par  la  contagion  qui  en  empor- 
tala  p'ufpart.  Mauriccdacdc  Ssxe  ,  aagé  lorsd'enui- 
ron  vingt  ^  n  ans  ,  fetrouua  en  cefte  guerre.  Vn  iour 
cftant  fortiducamp,accompagné  d'vn  page  ,  rencon- 
tra quelques  Turcs,  Icfqucls  il  fouftint  :  mais  finale- 
ment fon  cheualefltanr  tué  fous  lui,  il  tombe  par  terre. 
Soudain  le  page  fc  iertc  dcffus,  &  parant  aux  coups  em- 
pcfcha  les  çnQcmis,iuf<iucs  à  ce  que  fccours  acourut  qui 

dcf- 


ér  memorahles,  1055 

^efgagca  le  duc.      Le  page  fut  blefle  ♦    &  rapporté  au 
f amp,mouruc  loft  après.   Sletdan au  commencement  dtt  i^» 

Le  cardinal  lulian  redoutant  la  mai- vueillancc  du 
Pape  AlcxanfJrc  fîxielme  ,  Tonucya  faluer  par  vn  ficn 
fccrctairc  nommé  Françojs  Alidolc.  Alexandre  par  me- 
naces,puis  pat  prefens,  s'tffoica de  corrompre  ce  fecrc- 
iaire,à  cequ'ilempoifonnalt  Ton  maiftre.  François  re- 
doutant la  furie  d'Alexandre  ,  au  cas  qu*il  n'accordaft  à 
fa  follicitation  ,  promit  l'exécuter ,  &  ayant  receu  de  la 
poifon  pour  tel  eft"c6l»s'âchemina  vers  Florence,  où  fei- 
gnant eitre  tombé  malade,  il  aucrtit  le  cardinal  fon 
maiftre  de  Pembulche  qui  !ui  eftoit  dreflee.  Sur  ces  en- 
trefaitcslc  pape  Alexandre  fut  lui  mcimetué  parbreu- 
uage  de  certain  vin  empoiionné  ,  dont  il  vouloir  faire 
mourir  quelques  cardinaux  ,  &  eut  pour  Tuccefleur  ce 
cardinal  Iulian  ,  lequel  fe  furnomma  Iules  I  i.  Garanti 
par  la  fidelirc  de  fon  Iccretaire  Jequel  pour  ce  bon  ferui« 
ce  gaigna  vn  chapeau  ronge, &  fut  fait  cardinal  de  Pamc* 
(fartmbert  au  c^natrie/me  hure  de  la  yie  des  'jPa^es* 


S  E\ylt  VT)  E  injàme  CT*  crueReyeuiue 
par  moyens  merueiUenx, 

L Es  Turcs  s'cftans  icttcx  dedans  Tlflede  Goiel'aii 
mil  cinq  cens  cinquante  vn  ,  afTiegerent  lechaftcau, 
place  très- foi  te  d'affiette.  Vn  capitaine  Efpagnol  qui  le 
gardoiijdcfcfpcrât  du  fecours  ,  perdu  aufli  le  coeur  pour 
le  défendre. Les  allïcgezaucc  lui  rcnfuiuircnr,&  furent 
fl  lafchci  quede  fercndreà  la  difcrction  du  bada  ,  qui 
nevoulut  les  rcceuoiràautre  appointement ,  &  vfoic 
de  terribles  menaces  contre  eux,  dont  ils  furent  tantcf- 
frayez  qu'eux  mefmes  cofnmenccrétàdefgarnit  &dcf- 
coiparer  les  portes  pour  dôncr  entrée  au  x  crnemis.  Sur 
ce  auint  qu'vn  Sicilien  ,  de  long  temps  habitué  e^.  ccftc 
iilc  OÙ  il  auoic  prins  feminç  ,  U  eu  d'icellc  deux  belles 


ib  5  s  Hilfoîres  admirables 

&  honncftcs  filles  prcftes  à  marier  ,  fc  fcntant  réduit  ^ 
▼ne  calamité  du  tout  CTtrcmc  ,   pour  ne  voir  fcs  cherCS 
fiUescomber  en  la  puiflance  de  vilains  exécrables  ,   qui 
lestrai'.eroyentdu  tout  indignenaent ,  ne  peut  fe  tenir 
d'auantagcains  courant  vers  la  maifon  das  ce  chalteau, 
appelle  à  haute  voir  fes  filles ,  &  les  tue  toutes  deux  de 
fa  propre  main.    Autant  en  fit-il  à  la  mère  ,  acourante  i 
la  mort  de  les  filles.  Quoyfaift  il  chargea  vne  harquc- 
buz-,&  banda  vne  arbalefte  :  pais  lailTant  approcher  les 
Turcs  près  de  fa  maifon,en  tua  deux.  Et  facquat  la  maiû 
àPefpee,  fe  iette à trauers  leur  troupe,  frappant d'cftoc 
&  de  taille  auec  vne  braue  rcfolution  ;  iufques  à  ce  qu'ê- 
fcrmé  &  enuelopé  déroutes  parts  d'ennemis ,  il  fut  par 
eux  haché  en  pièces.  Par  tel  moyen, il  tira  foi,  fa  femme, 
&  fes  filles  de  la  feroitude  infâme  &  cruelle  des  Turcs, 
lefquels  ayans  pillé  &  faccagé  le  chafteau,  attachèrent  le 
capitaine  Eipagnol  &  fes  foldats  en  la  cadcne,&  chargè- 
rent leurs  galères  de  fîx  mil  trois  cens  perfonccs  emme- 
nées tCchucs»  H  tjl.de  s  guerres  de  nojlretem^s. 


S  0  LT)  A  t  courageux» 


EN  l'année  i  y  So.lefieur  de  Montmorenci.àprefent 
Conncftable,tenant  a{fiegé  Villemigne  ,  petite  vil- 
le à  quatre  lieues  de  Montpellier  ,  ie  vis  vne  chofc  pref- 
que  miracaleufeen  vn  foldat,  nommé  Pierre  Guy ,  Au- 
uergnac  ,  de  la  compagnie  du  ficur  de  Rofines  ,  blcflc 
dVnc  harquebuzade  fut  la  leure  fupericnre  à  l'endroit 
âufeptum  »  &  venant  fortir  direftemcnt  au  -veriex  par  le 
milieu  de  la  future  fagittale  ,  auec  grand  fracas  de  deux 
os  d[!i  bregma -,  &  grand'  perte  de  h  fubftance  du  cerceau. 
Tout  bleflé  qu'il  eftoit ,  il  vint  de  Villemagne  me  trou- 
Uer  à  Montpellier  fans  aucune  difficulté  ,  ayant  fa  har- 
quebuze  Tur  le  col, les  fournimens  à  la  ceinture  ,  &  Tef- 
pee  au  cuilé.  Au  premier  apareil  ie  lui oftay  trois  ou 
quar*c  grandes  pièces  des  os  du  bregma,  &  dellors  ie  dc- 
libcrjy,voyâa;*vn  ifiidt  Û  cftianee,  i'homme  û  gaillard. 
-  -  nxar- 


cJ-  memorahlesl  ^  o  5  7 

uaarch^ottoufîours>  &  allant  à  la  guerre  auec  tout  foa 
mal ,  de  ne  le  penfcr^u'en  prefence  dcgcns  J'hionneur, 
pour  voircholcfî  monftracufe.  l'appcllay  les  capitai- 
nes Carlingues  &  Flory,  fort  eftiraez  au  fait  de  la  guer- 
re ,  iefquels  me  le  virent  penfer  par  pluficurs  fois  aa 
defcauuertjSc  en  la  h^iXz  cour  de  mon  logis,  &  après  c- 
ftre  penfé  reprendre  fon  pas,  fournimens  &  harquebu- 
2c  ,  &  s'en  retourner  à  pied  à  S.  kan  de  Vcdas  que  l'on 
hactoit  alors.  le  concir  uay  de  le  penfer  l'cTpacc  de  15. 
iours  &  plusjfe  portant  de  bien  en  mieux.  le  ne  fuis  paç 
affeurédc  lafin  ;  carau  dcfiogement  du  camp  il  fuiuit 
ÇiCom^^gn'xc.^i.SarthelemiCabrolenfes  ob/ernations  atfa* 
iomi^ueS}obfer.i  i. 


S  OLT>  ^  T  famé  m'vrathleufement, 

LE huiûicfme iour  de luilîet i  5 ^ t.Ie fîcur  de Mom- 
brun  affiegea  Mornas,rvnc  des  clefs  du  contât  d*A- 
uignon,oùeftoit  le  capitaine  la  Combe  auec nobre (uf- 
fifant  de  foldats  pour  défendre  la  place.  Ce  nonobftanc 
la  ville  fut  forcée  &  pareillement  le  chafteau  ,  quoy  que 
le  rocher  où  il  eftaffis  foit  fort  haut  &  difficile  à   mon- 
ter.  Car  le  forametd'iceluigaigné  par  les  foldats  auec 
▼ne  extrême   difficulté,  la  Combe  demanda  compofî- 
tion:mais  il  n'ertoit  plus  temps.  Par  ainfi  tout  ce  qui  e- 
ftoit  dedans  fut  tuéjles  foldats  de  Mombrun  ayans  touf- 
iours  le  fac  &  meurtre  d'Orange  en  la  bouche, tuans  les 
vns,  precipitans  les  autrcsjcs  corps  dclqucls  ils  enuoyc- 
rentpuis  aprefen  Auignon  par  le  Rbofne,leur attachas 
dcsefcriieaux,  par  inlolence  militaire  ,  qui  portoycnc 
qu'on  les  laiflaft  paffcr,  comme  ayans  payé  le  péage  à 
M©rnas,fansquciamai$Mombiuny  pcuft  donner  or- 
drc  ,   tant  eftoyent  les  foldats  d'Orange  acharnez  à  la 
vengeance  de  leur  patrie. Mais  vn  cas  remarquable  y  a- 
uint  à  vn  des  foldats  précipité  comme  les  autres  ,    le- 
quel clUnt  demeuré   faufà  pendu  de  fes  mains  à  mi- 
chcmin  du  rochyr^lui  ayam  cité  tue  ca  ydio  grand  nô- 


10^8         HiBûires  aJmirai/es 

bred'harquebuzades  ,  facfinalemenc  fauuc  pir  Mom* 
brun,au  feruice  duquel  il  fc  raag^.HiJïotre  de  France  Jhui 
Charles  lX.lm.ix^ 

SONGES  extroùrditudres, 

S  Ans  (îirputer  pour  le  piefent  des  fongcs,dc  Icurj  dif- 
férences &  caufcs.ie  diray  (cuicmcnc ,  qu'cnrrc  lc« 
fonges  naturels  )  il  y  en  a  qu'on  peut  appellcr  ordioai- 
res,qui  ne  fîgnificntricn,&c'clt  fongercn  veillant  ,  de 
vouloir  en  faire  ertac  &  s'y  arrcfter  :  voire  c^cii  impieic 
dccercher  des  incerprctatiorts  d'iccux,  corne  les  pay-ns 
^incrédules  ont  faiiftvncipfi  itédcfois.  Tcii  longes 
fontcfmeus  par  quelque  atf^hon  du  corps  ou  des  fa- 
cultcz  naturelles,  foit  qu'elle  foitprifc  dedans  ,  ou  im- 
primée de  dehors  ,  àlaquei'e  rrfpondcntlcs  imagina- 
tion«duccrucau.  Ceux  qui  boiuent  ou  mangent  trop, 
les  choleres  ,  les  amo.re jx,Ijs  triftes, malades,  fcbrici- 
tans ,  nommément  ceux  qui  font  en  danger  d'eftre  frap- 
pez d'epilepfîcoud'apopltxie,  Tç^uent  quec'eit  de  tels 
fonges.  Qaant  aux  extraordinaics  ,  difccrnantlcs  di- 
uins.diaboliquei  .allégoriques  ûi  public<.,tels  qu'ont  c- 
fté  ceux  de  Pharao  &  N.'bucadnezar,d'aucc  ceux  de  qui 
ie  veux  produire  des  exemples  maintenant ,  i'entens  ici 
parler  de  quelques  longes ,  oùil  y  a  outre  la  diipolîtion 
du  corps  &  l'imaginatije  précédente  quelque  choie  de 
particulier  dont  il  clt  malaifé  de  rendre  raifon  exaftc» 
Outre  les  exemples  propofez  au  chapitre  penultiefmc 
du  premier  volume  ,  fous  \f.  tiîac  des  \'iIîon$  eftran- 
gcs  ,  i'adiouftc  le%  fuiuans.du  fieclc  prcccdcnc ,  &  du 
noftrc. 

Le  grand  Sforce>  renommé  chef  de  guerre  en  Italie, 
▼niour  deuant  que  pa'tir  d'O'tbone,  pour  aller  con- 
tre les  ennemis  qtii  allîcgcoyent  Aq  aie,  fongeavn  peii 
deuant  iour  qu'il  el\oit  tombe  au  for.d  d'vnc  riiiicrejOÙ 
il  Te  trouuoit  en  extrême  danger  ,  &  ^i'il  v->yoit  va 
grand  h»inme,commc  on  peint  fam^  Ch"ftoflç,auqucl 
■  il 


(^  memoYahlesl  ï^  J  5 

Il  crioit  àl'ai<lc,fan$  cfFcft  touiesfois.  Ilfcrefueillc,3c 
montantàchcual,  aupaflagcdc  laPcfquairc  ,  huicrc 
iadis  nommcc  Alterne  ,  voulanr  rcfcourrclcpage  qui 
portoit  fon  cafque  ,  &  cftoii  tombé  dans  l'eau  ,  en  lui 
Cendant  la  main  >  fonchcual  enfondra  dans  la  rafe 
&  le  rcnuerfa  tout  armé  dedans  lariuierc  ,  où  il  fut 
noyé, fans  pouuolr  iamais  eflrc  rcfcous.  ÇJoueenla  yiê 
d'iceliti. 

Galeaz  Sfurcc  duc  de  Milan  awoit  entre  autres  fer-, 
uiteurs  drmcftiques  vn  nomme  Malpaga  y  lequel  il  ai- 
itioitfort.  Ce  feruiicur  dormant  p'otondement  la  nuit 
précédente  le  iour  que  fon  raailt'-c  fut  tué  ,  fongca  qu'il 
voyoit  Gakaz  iranfpe'  ce  de  plufi-ur^  piayes  ,  lequel  on 
meuoit  en  mcàue  crrcwcil  aucc  Ion  pcre  tltant  cfueiN 
Je  il  riiconte  en  frayeur  ce  fonge  à  pl'jiîcurs  de  fe»  com- 
pagnons,qui  n'en  firent  point  d'Eiiat  Toft  après  il  vid 
par  efFe6t  i'âccompiiflem:nt  entier  de  ce  fonge.  Fulgoft 
ait  I  .Im.des  exemple.'  chap.  \ . 

Marc  Antoine  Taurelle  comta de  Guaftalle,  coramS- 
dant  en  vne  ville  du  royaume  de  Naplei,vn  marin  à  foQ 
leuer  falué  par  quelques  capitaines  &  foldats ,  leur  dit 
auôir  Congé  la  nuift  proche  paflce  qu'ilfe  noyoit  :  cfr 
qui  l'induiiic  à  s'abftcnir  déformais  de  fe  baigner,  com- 
me il  faifoit  d'ordinaire. Aptes  dilnc,ayant  dormi  quel- 
que peu, il  fe  couure  d'vn  manteau  fui  la  chcmife,eftant 
du  rcfte  habilié  légèrement ,  &c  fore  pour  aller  s'csbatrc 
kpromener  au  longd'vn  lac  proche  de  là.  Ilytrouue 
qHelquesvnsde  fes  amisquifebaignoyent  :  lors  fans 
penfei  à  ce  qu'il  auoii  dift  le  matin  ,  fcdefpouilic  auec 
d'autres,&  entre  dedans  le  lac ,  ou  toCt  après  il  fe  noya, 
fans  que  pcrfonne  l'en  pcuft  tirer  vif.  Ful^ofe  attmefme li- 
tre e?*  chapitre, 

Horace  dcPcroufc  cfcuycrtrenchant  d'Alexandre 
k  Medicis  doc  de  Florence  ,  malade  de  fieurc  ,  fon> 
gca  par  trois  fois  en  vne  mefinc  nuid  ,  que  Laurent 
ic  Medicis  coupoit  la  gorge  au  duc  ;  &  ce  peu  de  iours 
parauant  que  cela  auinft  par  effedV.  Telles  vifioni  reitc- 
'ces  l'inJu'fifent  à  en  faire  le  conte  àPafchal  mcdccia 
du  duc>afin  qu'il  l'en  aducrcïA.Pafchal  n'y  fit  faute:  mais 


^i  0  4^0  Hiftoins  admirables 

Alexandre  n'en  tint  conte  ,  sinf  refponditquc  c'cftoiÇ; 
vne  inucntiondc  les  dûmcrii<qLe&  contre  Laurent  ,  au-; 
quel  ils  en  vouloyent.  Toft  aprei  Laurent  tua  Alexan- 
dre.'?.io»e  enfes  bifioires.Lg  Supplément  de  Sabellic  au  x  i . 
Imre. 

Catherine  de  Mcdicisjroinc  de  France,  lanuift  pré- 
cédente le  lourque  le  roy  Henri  fécond  fon  mari  receuc 
le  coup  de  lance  en  la  telle  ,  donril  fut  figricfuement 
blcflequela  mort  s'en  enfuiuit  puis  après,  fongeaqu'ô 
auoit  tiré  vn  œil  de  la  cefte  de  Ion  mari.  Le  matin  te- 
iiu,aprcs  auoir  rompu  plufieurs  lances  •.  comme  la  roinç 
le  fift  prier  de  fe  retirer,  &  que  le  duc  de  Sauoye  s'y  em-, 
pioyaft ,  il  lui  enuoya  dire  par  le  marefchal  de  Motmo- 
renci,qu*ilnecourioitplusqu'vne  fois,  &  ce  pour  l'a- 
mour d'elle. Sur  ce  ayant  enuoycvnc  lance  au  comte  de 
Monigommeri,  lui  commandant  de  courir  contre  lui> 
&  le  comte  s'en  cxcufant  bien  fort,  ou  pour  iarcueren- 
ce  qu'il  portoit  à  fon  prince, ou  pour  craïute  de  faillir, 
comme  il  auoit  fan  plufieurs  fuis  le  premier  iour  ,  fans 
pouuoir  donner  atteinte  contre  aucun  des  tenans.le  roy 
lui  enuoya  cnioindre  bien  exprès  de  ne  plus  refifter:  Le 
comte  cour;'t,&  lompant  fa  lance  fur  la  cuiraiTeduroy, 
vnefciat -ionnaoedans  lavificre  de  l'armetdu  loy  ,  la- 
quelle n'eltant  bien  fermee^celt  efcla;  entra  dedas  l'œil 
liauantque  le  ttft  enfijlt  fclîé  jdoiK  s'i^nfuluit  la  mort 
peu  de  ionrs  apris.  (j.  t^eucer  au  i  O'iiu.defon  Commentaire 
de  diuerjes fortes  de  demnaitons-,chap.  I .  %^iui:iL  des  chofes  me» 
mornbles  de  Franiejota  henrt  1 1. 

Lcmaicfcha!  de  Moniuc  raconte  vr  fien  longe  enfes 
commentaires  (ur  le  melmc  accidenr.  le  reprefcnteray 
les  paroles  Ld  nui£t  propre  veoanr  au  iour  du  tournoy, 
cftanten  ma  maifon  en  Gafcoi  gne,à  mon  premier  iom- 
meil  ie  îongeay  qne  ic  Vttyoïs  le  roy  ,Hen.  i  II.  )  affis  fur 
vnc  chaire,  ayant  le  yjfagi  tout  couuert  de  gouttes  de 
fang.  le  regardois, re  me  fcmhloit,  [a  race.  &  ne  pou- 
Voisdefcouurir  fon  mal,  ni  voir  autre  chofe  que  fang 
au  vifagc.  Toyoïs. comme  il  me  fembioit,le$  Ynsdirc,il 
cft  raort,les  autres, il  ne  l'eft  pas  encorcs.  le  voyois  les 
medecius  &  chirurgicos  entrer  U  forcir  dedans  la  cham- 
bre* 


fyt'iL  cuide  que  mon  longe  me  dura  longuement  :  caf 
iiTion  rciucii  letrouuay  vt  e  chofccjue  ic  n'auois  la- 
ipais  penfec  ;  àfçauoirc^u'vn  homme  puifTc  picuicr  ea 
fongeanc.  Car  ic  nie  cr(>uuay  la  face  toute  en  lai mrs,  & 
IDcsycux  qui  en  rer.doyent  icufiourf»  &  falut  que  le  le^ 
laiff  lie  faire  :  car  ic  oe  me  peux  garder  de  pleurer  !on« 
guemcrjC  après. Ma  feu  femme  penfoit  me  rcconforterî 
mais  iaraais  ic  ne  peux  prendre  autre  lefolution  ,  fînon 
«jclamorr.  Pluli' ursquifonr  viuans  içauent  que  ce  ne 
Ibnt  pas  dcs  contes  :  car  ie  le  du  des  que  le  fus  cTueilIé* 
Qjare  iours  après  m  courrier  arriua  à  Neraccjui  por» 
t4  lettres  au  roy  de  Nauane  de  monfiur  le  Connéta- 
ble ,  par  lefquelks  i!  radueruffv^u  de  la  biefTurc  ,  &  du 
peu  d'cfperance  de  la  vie.    ^n  ^.ituredefes  commentaires 

Louys  de  Bourbon  Prince  de  Condé  ,  cftanc  couchi 

laveille  delà  bataille  de  Dreux,  &  ceu  faut  auec  quel- 
ques gentils- hommes  reftcz  en  fa  chambre,  die  au  mi* 
niftrc  qui  auoitfait  la  prière  ,  le  fçay  qu'il  ne  fcfauC 
point  arrefter  aux  forges  :  mais  fi  faut  il  que  ie  vous 
die  ce qae  i*ay  fongé  la  nuid  paflcc.  Il  me  fembloit 
que  i'auois  donné  trois  batailles  l'vne après  i*autrc> 
obtenant  finalement  la  vi£toi:e  ,  if  voyanrnos  troif 
ennemis  morrsrmais  que  l'cftoisauflîbLflcàmorr.  tel- 
lement routesfois  que  les  ayant  tous  trois  fait  cnettrô 
morts  les  vns  fui  les  autres,  ècmey  pardefTus  ,  i'auoit 
ainlî  rendu  l'efprit  à  Dieu.  Sui-la 'cfponfe  qui  îui  fut 
faiétc  ,  que  les  penfces  qui  occupoytnt  lor$  fonefprit 
pjouuoycnt  auoir  caufécc  fonge,  qu*au  refte,viuart  ou 
aourant ,  il  ne  pouuoit  failli»  de  demeurer  vié^oncuxî 
il  dit  ces  motjijAinfi  loit-il.  1  anty  a  quel^efFeft  fembid 
auoir  vérifié  celk  vifion  :  car  (es  trois  ennemis  fujcnc 
cntalTez  Tirnfur  rai]tre,àfçauoir  le  marefchal  de  lainél 
André  le  lendemain ,  le  d'jc  de  GuMe  deuant  Orléans,  le 
Conneftablc  à  la  bataille  faind  Denis  ,  &:  luy  lur  eux 
trois  tué  de  fang  froid  à  la  iouroe*  de  B^flac.  titjioire  d/ 
France  joftf  Charles  I  X. 

Caclius  Rhodiginus  ,  trcfdoftc  pcrlbnn^ge  ,  raconte 
defoy  ,   qu'eu  l'aage  de  vio^c- deux  ans  il  compriotcii 

VV 


ï  041  Hifloins  admirables 

fonec  rinielIigcnccforccia6tc  d'vn  pffage  de  Pline» 
qu'il  n'auoic  iamau  peu  entendre  en  Tciilanumcfœcs  il 
lui  fcmbla  que  qucl<^u'Tn  lui  monllroit  le  pail'agc  que 
parauancilnclçauoutrouutr,  iiero  vn  morceau  d:  par» 
chcinia,dans  lequel  eftottcrctitc  i'expcii  ion  «iccepaf- 
fagc  par  vn  autre  :  ce  qu'l  trouua  cedansfon  Pliocin- 
contincnt  qu'il  tutcfueiiié.  ^1»  17.  linre  àe fes  le^tnt mntf^ 

Alexandre  d'Alexandre  ,  iurifconfultc  Neapoliraio» 
raconte  qu'ayant  faitcoucherauec  foi  certain  û^n  ami» 
il  le  (cntit  fort  a^ré  in  dormant  ,  car  il  loulpiroit  &  fc 
complaignciit  pucaicmciu.  Il  le  rclualle  ,  &  ertcnd 
qucce  peilonnage  auoitfon^c  ^ue  la  merc  cftou  decc» 
dce,&  qu'on  lapoitoitentEnc.  Toft  après  on  lui  ap- ' 
porte  nouutlics,que  fa  mc^ecftojr  morte  alors,  &  auoir 
cite  mife  en  ccrrc.^»  i.Uuredejls  tours gemaux^c.  1 1. 

Bapcift.  parenc  de  I^ioloïc  Ca  d^n,  iamtox  mcvccio 

Milannois,  cftudian.  à  l'auics'clacilla  de  naiâ: ,  &   dc- 

libra prendre  ion  fuiii  pou:  ailjm.r  la  ciiandellc      Eu 

ces  cptretaidcs  ixcmcnd  vne  vox  difan  ♦  A.ii.u   ni«n 

fî!s,iem*en  v^y  àRome  ,  ôciuif^'iibia  q.i'ii  vo^oit  vnc 

trelgrande  .u  niere  ,   comme  d'vn  figot  de  paille  touc 

en  feu.   Toutcft.)nné  il  ic  c.iche  foiislacouit'e  de  fon 

lid,5c  y  demeure  le  refte  de  la  nuift  &  la  maiiner  ,  luf- 

qucs  à  ce  qvie  Ces  compagnons  teu^urnenr  Je  I3    l(Çnn. 

Us  frapcnt  a  la'por.e  de  la  chamb'e,  dont  Icu--  ayaor  lait 

o  liicriUrc  ,  &  ra^onic  l'on  toi  g;,  il  adiojfte  en  pici-rant 

•  jcç'cftoyét  nouu-liesdcla  m  .'tdc  (a  mc'c.  Eux  n'en 

fatwQt  quefecoiitr  les  Ofci'.hs.    Mais  Icieodtmaio  il  rc- 

ceut    nouucllesque  fa  me  c  crto:t  decedccv  n  la  m  cime 

heure  qu'il  auoitTcu  celte  gT«ndc  lumière  ,  en  rn  lica 

cfloigi  cd'enuiron  vn-.^  i  )>jrncc  a  '^xtà  loin  de  Pauie.  l, 

Cardan  r  ^  Ainre  de  U  variété  des  (hofes^ch.  84. 

Muftafafilsde  fùUan  Soiymin,t  ois  ioursauant  qu*. 
cftre  cftranglc  dedans  le  pdUil.loD  &  eo  prcfencc  de  Iba  1' 
perc ,  par  les  menées  de  fa  belle  mcrc  ,  fongea  de  nuift  J 
qu'vn  certain  perfonnagc  d'aparencc  le  mcnoit  en  m  , 
lieu,  rit  à  vis  duquel  à  maia  droidtc  cftoycnt  deux  ^ 
riivcrcs   ao,:^ics  c&mme  poic  j  ic  romiHanccs    va  Ku 

conii-       '* 


eotitinuel ,  dedans  lerquclles  cftoyent  tourtncntees  Ict 
dnics  à.i  rrclchans  princc>*  ji[camti^  Centoritéfatt  6Mi»s 
dti  Commentuirei  àe  la  guerre  Àe  TranJJyiuantet 

Auguflm  Curion  >  rref  dodtc  leune  homme  encre 
ceux  de  noftrc  temps  ,  touimtnté  d'vnegrandc  deflu- 
xion  en  la  poitrine  >  il  fut  auis  à  Olius  Sccundus  fou 
pcre, comme  il  dorcnoii,cju'Auguftin  eftoit  porté  par  fel 
difciples  en  vnc  chaire  hors  de  fa  chambre  en  certaine 
chambrcctc  au  iardin  de  .a  mail'on,  cù  ce  icune  homme 
auoit  acouftumé  d'cftudyrr  :  ak  que  toft  aprcs  pîu* 
fieurs  autres  qui  les  fuiuoyenc  porti;)'cnc  les  liures  dcf* 
fous  leurs  braSi  Ce  fongc  fut^xpuTé  en  hucrfes  fortes» 
mais  la  mort  (uruenant  i,  (t  après  s'ci'ibia  en  aucir  do- 
nc le  vray  lens.  Car  il  fut  hoiincfttmcnr  porte  en  terre 
par  certains  icunescrtudians  qui  ailcycnt  cuir  Tes  le- 
vons, &pource  qucleperc  n'auott  point  de  fîls  auquel 
il  peut  iailfer  fa  bibliodiecque  ,  fournie  de  tresbons  li- 
ures ,illa  vendit  publique  m  :nt ,  enlemblc  celle  de  fba 
fils  ,  après  lequel  les  efcholierf  emportèrent  les  liuret 
qu'ils  auoyent  achetez.  Le  pcre  eut  rn  autre  fonge  du- 
rantlamefme  maladie.  Auis  lui  fut  qu'il  auoit  trouué 
Tne  nacre  ou  coquille  de  perles  emr'ouucrtejen  laquel- 
le apparoiffoit  vnc  perle  belle  en  perfeétion.  L'ayant  ri* 
rcc  de  la  nacre  &  foigneufemcnt  contempIeC)  il  la  trou- 
ué entière  &  (ans  aucua  pertuis  t  pour  pouuoir  cftre 
mife  en  œuure.  Tel  fongc  le  concrifta  ♦  crtimaat  que  fa 
ferle  rcprefentoit  Pâme  de  fon  fils  >  8c  la  nacre  le  corps, 
rouuerturedc  laquelle  vouloir  dire  que  la  perle  n'y 
dcmeureroitplusgucre.  Comme  aufTi  ccquc  la  perle 
cftoit  entière  ,  fcmbloitprefagcr  qu'elle  n'auoii  plus 
de  commerce  au  monde.  D'auantageau  mefmc  temps» 
la  mcrcduieune  homme  fongea  que  fon  fils  eiloit  pa« 
pourriture  deuenu  tel  que  tous  les  membres  paroifloy.» 
cnt  de'faits  &  comme  en  pouldrc  :  puis  qu'ils  auoy* 
enteftércioints  ,  &  que  fon  fils  cftoit  deuenu  fcm» 
blable  à  vn  beau  petit  enfant  ,  lequel  cftoit  difparu  de 
fa  p  cfencc.  Ceftevifion  l'auertit  de  la  mort  de  Ton  fils, 
&  I  afleuradcrheureufe  tcfjrrcdion  d'icelui.  Il  mou- 
luc à  Bade  au  mois  d'O^obrc  de  i'an  1^67.  Th,  £mn* 

w    » 


1©  4  4  Hiliofres  admirables 

ger  au  5  .trolume  de  fort  théâtre  de  la  rie  humaine  litê.4' 

Coarad  Gcfncr  mcdccin  de  Zurich  ,  ircf-rcnommé 
par  les  cfcr  its, ayant  fongé  qu'vn  fcrpcnt  le  mordoir,prc- 
dicqu'il  n  Ourroicbien.toi^dc  pcfte  :  cequiauin(>  ainû 
quercfmoigne  I0Û44  Simler  en  la  ytcd'iceluy. 

llfatauli  àlca.i  vpoiin  ,  ctJcbre  imprimeur  à Baflc 
peu  de  iours  auant  fa  mort  de  peftc  l'an  i  5  68.  le  7.  lour 
deluiilcc  ,  qu'vu  ho-logc  formant  dcfcendoit  auec  va 
Ton  agréable  au  pofTible  en  (a  poi<ftriue  ,  dont  il  s'cf- 
ueilla  ,  oyâc  vne  harmonie  la  plus  douce  cju'it  euft  onc- 
qucscnicnduc  ,  &  dontilaff^^rmoit  que  le  feulfouuc- 
nir  lui  caufoit  vn  âuguher  cootentement.  Il  adiouf^oic 
qu'ens'efutillant  il  luifcmbla  que  ccft  horloge  rcmô- 
toit.  Et  cemccant  à  fourircjs'cfcria  ,  Qui  pouna  racon- 
ter les  bornez  du  Seigneur^Lcquei  a  voulu  clorre  tes  pa- 
ternelles ccfares  par  vn  fi  gracieux  refucille-maiin.  Cer- 
tainement,6  Dieu,noftre  vie  &  noftrc  mort  font  en  ics 
mains.  Ayes  pitié  de  noMS.Zuïnger  au  yolitme  C7  Uu/m  al- 
légué, { 

Ican  Hubcr  dcfte  médecin  en  la  mrfme  vilk  de  Baf- 
lc,eftant  en  l'article  de  la  mort,  acis  fn  lanuidl  à  lean 
Lucas  Ifcl.honnorable  citoyen  de  Baflr, demeurant  lois    , 
à  Bcliançon  ,  lequel  ne  fçauoitdu  tout  rien  de  ccfte  ma-»    1 
ladie  >    qu'il  voynit  fon  lidt  couuert  de  terre  frailche-    ' 
mcrt  fofloyce, laquelle  voulant  fecouer,  après  auoir  Jet- 
te bas  lacojuerte  ,ilvid  (celui  fembloit  )  Hubcr  cou- 
ché tout  de  Iol  long  fous  les  linceux  ,  en  vnclin  d'œil 
transforme  en  petit  enfant.  Lanuifldu  lendemam  ,  il 
eut  vne  autre  viûon  :  car  il  lui  fembla  qu'il  oycit  diuers 
piteux  cris  de  perfonncs  qui  pleurcycnt  le  trefpas  de 
Hubcr  »   lequel  vrayement  eftoit  mort  en  ces  entrefai- 
tes. Ifel  efucillc  receut  au  bout  de  quelquesiours  non- 
uellc«:de|3  mort  de  Huber  ,    fort  regretté  à  caufc  de  1^ 
piC'c  &  fi  ffifance.Berançon  ville  impériale  en  la  comté 
deBoUrgongne  &  forteflongnce  dcBafle.  Zmnger  y    U  | 
mefme. 

Nousauons  parlé  au  premier  yolurae  de  la  mort 
de  Guillaume  Nefenus  dofte  Alcman  ,  &  des  notables 
ciicoaitânces  d'iccUc.  Le  loux  meTine  qu'il  le  noya  fur 

le 


é*  mémorable.  id  4  ^ 

le  foir,fommcillant  fur  raprcfdirnee,il  fongca  qu'il  en- 
troicen  vne  barque  de  perchcur,&  qu'il  tôboit  en  l*eâur 
doncclucillé  il  ne  fii  que  fc  fourire.  mais  auart  la  nuift 
clole  il  périt  en  iariuicrc  d'Elue  ,  cftant  monte  feul  en 
vne  barquette  pour  fc  donner  le  pUifir  de  lapefchc.à 
facouftume.Or  comme  là  mefme  l'ay  adioufté  i'hifto'- 
re  mémorable  du  fongc  &  de  la  mort  d'Ambroife  Grv- 
mani  G*ncoois,i'en  aHioulteray  ici  deui  autres.  La  pre- 
mière eft  récitée  par  Fulgofe  att  i  Mu.ch.f. 

Thomas  Payen, banni  de  Peroufe  à  lapourfuite  da 
capitaine  Braccio  de  Montonc ,  fongea  par  tr  ois  reprifes 
en  mefme  nui£t,que  Braccio,  qui  auoit  aiïîegc  certaine 
place,metioit  fes  aduerfaires  en  faite  ,  &  en  tuoit  q«el- 
quesvns.  Et  comme  il  vouloir  apocher  de  Thomas 
four  le  tuer  auflî ,  Thomas  fc  défendant  blefla  (  ce 
lui  fembloit)  Braccio  d'vne  eltocade  à  h  gorge  ,  &  le 
tua.  Le  lendemain  comme  Braccio  vuuloit  empef- 
cherl'entree  au  fecours  enuoyé  vers  ccfte  place  afiîc- 
gee,il  chargea  rudement  les  troupes  ennemies  ,  efqucl- 
Ics  Thomas  eftoit ,  &  contraignit  la  plufpartde  tour- 
ner les  efpaules. Thomas  fouftenanr  l'effort  auec  quel- 
ques autres  blcffe  Braccio  à  la  gorge  ,  qui  receut  enco- 
re vn  coup  d'efpee  en  la  icfte  :  tellement  que  la  mort 
l'en  enfuiuit ,  le  coup  de  Thomas  ayantefté  mortel.  La 
féconde  eft  de  ï'^Mr^Mf  ,  lequel  efcrit  auoir  aprins  de 
gens  dignes  de  foyqn'vn  Italien  fongraqu'vn  lion  de 
marbre  le  mord'oit  tellement  qu'il  en  mouroit,  &  que 
le  lion  eftoit  vn  de  ceux  qu'on  void  endiuers  l'cux  à 
l'entrée  des  egliles.  Le  lendcmainKommc  il  pafibit  d'à» 
uanturedeuantvn  temple  de  Padoue  ,  qu'on  nomme 
fainâ:c  luftine  ,  en  fouriant  il  cont*?  à  fes  compagnons 
le  fonge  de  la  niiiâ:  pa(ïce,&  fourrant  la  main  dedans  la 
gorge  d'vn  lion  de  marbre,qui  cftoic  là,dit,  c'eft  ici  mon 
ennemi  de  la  nui£l  paiTee.  Mais  voici  fortir  foudain  vn 
fcorpion  caché  dedans  ccfte  gorge, lequel  picqua  de  tel- 
le vigueur  l'Italien, qu'il  en  m&Uïm.Zuinger  au  yoittme  o» 
,  litt.fufmentionné. 

Le  roy  Henri  troificfme    ,    trois  iours  auant  qu'cftrc 
tué  à  faiu^  Cload»  par  laques  Clément  lacopin^lepre- 

VV      } 


ro  4  <  HiBoifis  admirai/es 

mier  ioiird'Aouft  1 5  t^.auoit  veueo  fongc^nttous  lef 
orncmcns royaux,  comme  caraifoics  ,  fandalcs  ,  tuni- 
ques ,  dalmatiques,manceau  de  laun  azuré,  )a  grande  8C 
petite  couroonclc  fcepcre  5c  la  main  de  iuftice  ,  rcfpce 
&  les  efperofîs  dorez  ,  tout  enfanglantcz  &  feulez  aux 
pieds  par  des  moines  &  du  mena  peuple  ,  &  qu'il  s'en 
cftoit  afpremenr  courrouce  contre  le  fecreram  de  l*ab« 
baye  de  S.  Denis.  Combien  qu'on  lui  cuft  donné  aui« 
far  cefongede  fc  tenir  fur  fc$ gardes ,  fi  cft  ce  que  com- 
me chofc  forcée  <hi  Ciel,  ce  fembloit ,  ncpeuteuJter 
qu'il  nefuft  tué,  quel(^ue  bonne  garde  qu'on  fift  autour 
^e  lui  Ce  ifont  les  propres  mots  de  Lonys  Çuyonenfes  du 
mrfes  Levons  Mu.  i.ch.i,^.  M-îii  laiullicc  de  Dieu  Oonda- 
nc  tant  pi  us  le  forfait  horrible  de  ceft  exécrable  parrici- 
Àt  iaclemct,&  <ie  tous  les  mcrchans  (^ui  Tinciicrcnt  à  ce 


SOFL^g  EMBKT  notable. 

L'Araigneeftvninfe£leconu  ,  FhoftefTe  fréquente 
des  maifons  de»  pauures.  Elle  cft  ennemie  irrecoii'» 
ciîiable  des  fcrpcns  :  tellement  quelî  quelques-fois  clic 
defcouure  quelque  ferpent  s'çrgayant&  efchaufani  aa 
folvil  fous  vn  arbre  ,  tWt  fe  darde  du  long  de  fon  fii  fur 
lU',&  lui  dône  fî  rude  coup  d'aiguiilô  ad  milieu  du  f  ôt 
que  le  fcrpcntfc  tortillant  en  fin  demeure  cfteinc  des 
coups  qu'elle  continué  ,  en  lui  martcllant  la  icfte, 
l'ay  aprins  de  tcfmoins  oculaires ,  que  l'araignc  cft  en 
nierme  inimitié  contre  les  crapaux  ,  qui  blcllez  d'icel- 
Ic  fc  m.dccinent  en  appliquant  du  plantain  fur  la  pic- 
queurc,  La  coutume  des  Angloi»  eft  de  tapifTcr  de  ion- 
chee  en  efté  e  planché  de  leurs  chambres  ,  pour  auoi» 
plusdefraifcheur.  Cerrain  moine  en  auoit  amalfé 
quelque?  faifreaux  en  la  fienc  ,  pour  Vy  efpan  Jrc  quand 
befoin  feroit.S'cftant  endormi  l'aprcfdioec  àc  fon  long 
à  la  rrnuerfejvn  grand  capayt  foi  t  de  ct^\t  icnchec,  8C 

cattî^^  fur  U  buutbc  de  ccft  hmnmc,acrochani  fcs  deux 

patcs 


& 


wemorMes»  '047 


j  pattes  (îc  deaant  à  la  leure  de  dclïus,  &  les  d«!Uï  de  àtr- 
riercala  Icurcde  dcffous.  Le  nioine  l'tlutiîic  biceliô- 
né. car  arracher  de  fo:ce  le  crûpai)caitathé,c'eitoii  s'c»- 

{>>3fera  la  mort.lc  îaiflcr.s'appci  oie  cr.ndiruji.  pue  iji^e 
amort  mL-fme.   l)V,nire  ccm  qui  acou.  iirert  ià  pour 
foulagcr  le  nioinc  Dieu  voulut  ^^'aocunv  f»  cnt  t'^juif 
<jii*on  Jccouchali '-Itcfidu  au  longd'vnt  f  n^tiecù  ly 
auoit  vncgrofic  araignccr-  fa  loilc.   Ce  qi/cOant  faïc, 
J*ara<gnc   n'c-ft  pas   p!uO«  ft  d.fcouueu  Ion  trncmi, 
qu'elle defccnd au  lo  g  le  'ovlii  ,ron  me  fe  g'  ffînt  de 
roideur  au  longd'vnc  thu  de,  &  donne  »n  coup    d'c- 
ftocauciapaui,  puis  rcrnoncc  aûflî  viftc  qu'elle  eftoit 
defccnduc.   Lerrapaut  commence  à  -«'enfler^   &  néant- 
moins  ne  lafchc  pa.  l'a  p  île.  Sur  ce  Taraignc  lui  fait  v- 
ne  féconde  charge  ,  dont  le  crapaat  sVnfla  pins  que  dé- 
liant,fans  boug-r  encore. A  la  uoifiefnfc, plus  ferme  que 
les  prccedenies.il  retire  frs  pieds  &  lombc  mort  en  ter» 
re.Ce  £iu  la  reconoiflancc  que  l'araignc  fîr  à  (on  hoftc,& 
le  notable  foijlagemcnt  qu'elle  lui  donna.    Erafme  «n  yn 
dtaiogtée  du  la  fym^athte  çy  anttpath$e  des  chofes. 

s  Vf  F  0  C  At  1  0  -H      de  matrk; 

LFdoftcurSyluius  efcrit  qu'aucunes  femmes  ont  e- 
ft«  rois  lours  continuels  &  fuiuan^  efuanouyes 
fiï  fuifocation  de  matrice  ,  6t  pcnfoit-on  qu'ell  s  fuf- 
(cni  mortes, parce  qu'elles  ne  refpircycnt  nullemtni  ,& 
auoyeac  tous  autres  lignes  de  mon  »  eftans  princes  de 
rcntiment,dc  mouuement,  &:  de  chaleur,  lourtant  ea 
telle  difpofition  ne  faut  le  haft  r  de  les  enfeuelir  ,  & 
jwoinï  ouurir  leurs  coi  ps,de  peur  d'cncoiirit  calomnie. 
Ainfiquede  noftre  tempselt  arriué  à  vn  grand  anato- 
miftc  ,ic  di  grand  &ceicbre  duquel  les  liurcs  rcpa  cnt 
amourd'huilcieftudcs  des  hommes  doftes.îccliji  tftant 
p«ur  lors  rcfîdent  en  Efpagne,  fui  appelle  pour  ouurir 
le  co'-psd'vncdîmc  qu'en  eltimoit  morte  parfufloca« 
ti«n  de  matrice.  Au  4cuiicfmc  coui)  de  rafoii  qo'illui 

VV     4 


to/^9  Hijf aires  admirsè/es 

âonna,ceftc  femme  commence  à  fc  nlouuoh^,8c<îcmon* 
ftrer  par  autres  fignes  qu'elle  viuoic  encore  ,  dont  tout 
les  aflîrtqns  furent  grandement  cftonn-  2.1e  lailFc  à  pen- 
fcraulcdcrur  ,  en  quelle  perplexité  fc  rrouaaccbott 
feigocurfaifanr  telle  difTeaion  »  &  commt^oncria  au 
mcurtrs  lu:  .ui.  Tout  cc  qu'il  peut  faire  fut  de  s'abfen- 
t«r.iu  pays.-car ceux  qui  deuoyentrcxcufer  lui  couioyêc 
fus.  Eftant  ^  xilc,t<.it  ap  es  il  mourut  de  defplaifn  ,  non 
fans  perte  pour  le  f  ubiic. Jfl.^mhroife  "Paré  au  lm.de  lagc 
neratton^ch.  ^4. 

Eitudianc  en  médecine  à  Padoiië  ,  l'y  vis  vne  femme 
Vêtue  de  moyen  iage,{î  rudcmcm  afflige  de  rufForation 
de  matrice, qu'on  i'euftcftjm-re  démoniaque  ou  epile- 
ptiquc  Vncauccv  fuc;iche  payfanncia  d'aige  ,  v'nt 
me  crouuer  vn  iour,rae  racôtant  chofes  ertranges,&  quô 
le  oc  veux  recif.r,Jc  ceftc  m  ila'iie  ,  qu'elle  fouff-oir  pat 
rcteniion  de  femencc,  thad.'Duatu  enfes  mesL'angts  de  re- 
medesjch.^. 

Vne  femme  à  Paris  s*cftant  par  cheute  &  mefgarde 
tellement  percée  delà  poinéle  de  fon  coufteau  tombé 
dans  le  repli  de  fa  robe  la  veine  du  pied,  qu'il  en  décou- 
la vnc  cxtrao'dmaire  abondance  de  fang.en  tomba  en 
fuftocat'onde  mitricç^&c  fut  tenue  pour  morte  pluficurs 
hejre.s.miispar  bons  ^prompts  remèdes  fuiremifefus, 
^.Cordetti en  fon  comnicntutre  x.furle  i  ,U.d' titppocrates tow 
chant  les  maladies  des  femmes. 

Lz  p  »fîîon  4-  ialoufie  aide  fort  à  ce  mal.  Vty  veu  dei 
femmes  reUemcntrranfporices  deccfte  paflion.que  tout 
foudain  elles  romboycnten  luffocanon  de  matrice  ,  oa 
elles  cndcroyenr  des  maux  eft  anges.  J.3aptijte  jHonta* 
tiut  es  conÇetls  touchant  lafujfocation  de  matrice. 

Druxfiileid'v!»  Pr<  fident  en  l'vn  des  parlcmens  de 
France, luiettes  àccfte  maladié,deux  heures  dcuant  Tac- 
ces  fe  pr:  noyent  à  rire  de  telle  lortc  ,  qu'impoffîble  c- 
fto't  les  faire  arret^er,ni  g^refFroy  ,  ni  par  menaces  S: 
paroles  afprcs  ,  ni  par  aufre<moyen  quelconque.  Let 
Scbol.furlg  ^f.ch  dté  iMt-de^.  HoulieY  touchant  les  maU^ 
dïes  internes. 

Es  fu^ocatioàs  de  râatricc  pluâcOrs  dccidcns  furuie'^ 

oeac 


ér  memorxbUsl  '  o  4  9 

iienr,qui  font  pcnfer  aux  médecins  peu  expérimentez 
<ju'i;  yadel'cnckantement  ,ouautrechofe  du  tout  ex- 
traordinaire &.fupernaturclle  .quand  les  artcics  enfices 
d'vn  cfp;  ic  vencneux,&:  cflargies  plus  que  de  couflunt.c, 
fiiru'.enc  laf^fForarionrdonts'cnfaiuentdes  bruits  mer* 
ueillf  Lix  que  l'on  entend  an  dcdans',comme  de  grenoui  1- 
les  croiialîantcs.dcs  ferpcns  fifflins ,  des  co;  beaux  crail- 
lans  ,d-s  coqs  cloquer  tans,  des  chiens  abbayans,&c.  Ce 
ne  font  que  bruits  caufezen  l'inTeruallc  desconduit?  Je- 
lon  la  proportion  de  l'elprii  fortan-  de  la  rrarrice  fi.fto- 
t\yi't.Corn,(jemme  au  premier  hure  de  [on  Cofmocrn.  chapf' 
tre  7. 

Faifant  la  médecine  en  Franc'^,i'ay  traité  &  remis  au 
defTus  me  femme  le'Icment  rffiigee  S(t  lufFocation  de 
matrice  par  rétention  de  fcmcnce,qu'elle  fut  tenue  pour 
mo- te  i'elpacc  de  vingt  quatre  heures  ,  r'ayam  aucua 
fen'iment  ni  mouuement.  ^P.Foreflaj*  10. lit*,  de  fesn- 
iueiUtohferttation  75»  es  annotations. 

AKiandrc  Bcnedi^  ,  a  icUe  quf  de  fon  t€ps  plufiears 
ftmmrs  ont  cfté  enterrée  i  l'am'  eftant  encore  en  leur 
corpsjàcaufe  que  par  fufFocation  denr.at^icc,  après  les 
auoir  gardées  plus  d*rn  iour,  Ton  eftimoit  qu'elles  n'a- 
lioycnt  point  de  v:e.  Mais  au  bouc  de  quelque  temps. 
Venant  à  foiiîller  en  des  fofTes  proches  ,  l'on  trouuoit 
qu'elles  s'cftoyent  eO'ang'^ment  agitées  &  tourmentées 
enterre.  Au  moyen  dequoy  il  confcrillc  qu'en  telsacci» 
de ns  on  garde  les  corps  iroi-  fois  vingt  quatre  heures, 
aiîntque  les  enfeuchr  yiu  i  oUu.de  fa  pratique, chap.  î  o. 
Pline  au  7.  liu.  ch.  ç  t  fait  mention  d*vnc  qui  au  bout 
de  fept  tours  reprit!' fcs  cfprits  ;  &Galienau  liure  de 
pra?cogn.ch.8.dVne  autre  de  mefmc. 

Vnc  damoilelle  la  fie  de  ce  mal  fut  tellement  ab2tue 
&  priuce  de  mouucment  &  de  fcntimêt,  que  tous  la  iu- 
gcoyent  mo'te.  Eftantappellc  pour  lavoir  ,  &  l'ayant 
foign-^ufcraent  confideree  ,  l'approchc  de  la  bouche  5c 
de  fon  nez  vn  miroir  bien  poli,  &  regardant  quelque  lé- 
ger traif  de  rcfDiration,ie  commence  à  aider  Nature  a- 
batue,auec  tel  lucres  ,  que  peu  à  peu  la  pauure  damoi- 
fellcrepriixtie$efjprits,&fattemifeau  detîus  au  ^rand 


lo  5  •  Histoires  sdmir^ilfs 

conccnicm^nt  ic  fcs  parcns  &  amis  qui  m'en  fî'ent  toog 
aplaudinfcm^ns  &remercicmës  po^TiblesiaufTi  ians  moi 
J'c  iiflent  ils  portée  en  terre.  Alexandre  3ott»n  an  hure  des 
mctiadies  desfimmes,cbap.4^. 

s  y?  £  A^S  ti  T  I  O  7i  s. 

TL  faut  bien  prendre  garde  à  la  diftinflion  des  fortile- 
Igcspour  iugcr  l'cnormiié  d*cntrcle$  forciers,  qui  ont 
conucntion  ciprefTe  auec  le  diable,&  ceux  qui  vfcnt  ét_^ 
ligatures  &  autres  arts  de  fortilcges-  Car  il  y  en  a  qui 
ne  fe  peuuent  citerai  punir  par  les  magiftrats ,  comme 
Ja  fuperftitiondepKifieursperfonncsde  nefiler  par  lef 
champs, la  crainte  de  iaigncr  de  U  narine  (cncftrc ,  ou  de 
rencontrer  me  femme  enceinte  deuani  difné.  Mais  la 
lupcrftitJon  cft  bien  plus  grande  de  porter  des  rouleaux 
de  papier  pendus  au  col  ou  Thoftic  confactee  en  la  po- 
chetic  ;  comme  faifoit  le  prelîdcQt  Gentil  ,  lequel  tut 
irouuéfaifi  d>ne  hoftiepar  le  bourreau  qui  le  pendit  à 
Montfaucon;&  autres  fuperftitions  femblablcs  quel'E- 
fcriturcfainftc appelle abominarions  &  train  d'Amor, 
rheens.  Cela  ne  fe  peut  corriger  que  par  la  parole  de 
Dieu  ;  mais  bien  le  magiftratdoif  chaftier  les  char- 
latans &  porteurs  de  billets.qui  rendent  ces  fumecs-la^ 
&  les  bannir  du  pays.  Car  s'il  eft  ainfi  que  les  Empe- 
reurs payens  lyenc  banni  ceux  qULi  faifoyent  chofes  qui 
donnent  refpouuantc  aux  âmes  fupcrftiricufes  ,  qu« 
doyuent  faire  les  chreftiens  ennerç  ceux  la  ,  ou  qui 
contrefont  les  efprits.comme  on  fit  à  OrleaJ  &  à  Bernel 
Il  n'y  a  doute  que  ceux  la  ne  m-rirafTent  la  mort,  com- 
me au(Ti  ceux  de  Berne  forent  wxccurtx  à  mort  :  &  tn 
csf  pareil  de  fd'rç  pleurer  les  Cl  urcfix,  ainfi  qu*»n  fit  à 
Muret  près  Thoaloule  ,  &  en  Picardie  ,  &enlavillc 
d'Orleansà  Cain£l  Pierre  des  Puiliers.  Miis. quelque 
pourfuit;  qu'on  ait  fait  ,cela  cft  demeutc  impuni.  Or 
c'cft  double  impiété  en  la  perfonncdes  prcftres.Ei  ceftc 
impiété  clk  beaucoup  plus  graûdc,quand  le  prcfttc  a  pa- 


I 


à 


mémorables,  1051 


Hion  auccSatan,&qu'il  faitd'vn  facrifîcc  vnc  forcellc- 
riedeic'table.  Car  tous  les  Théologiens  dcmeurcm 
d*accord,:)Uc  le  prcft.c  ncconracie  point, s'il  n'a  inten- 
tion de  conlacrcr  ,  encore  qu'il  prononce  les  nnors  Ta- 
cramcntaui.Dcfaitiil  y  eut  vn  curé  de  S.Iean  le  petit  \ 
Lyon  ,  lequel  fut  bruflc  v.'f  l'an  1^5  %  pourauoir  dit  ce 
que  depuis  il  conFclTa  en  iugcment  >  qu'il  ne  confacroic 
point  l'hoftie, quand  il  chantojtMcfle,  pour  faire  dam- 
\|jer  les  patoifTicns ,  comme  il  difoit,à  caufe  d'vn  proccs 
iju'il  auoit  contre  eux.FtoifTird  fait  mention  de  certain 
curé  de  Soiflons, lequel  baptiza  vn  crapaut,&  lui  bailla 
rhoftic  côfacree.Il  fut  bruflé  tout  vjf.fans  s'arretter  aux 
eanonsquieicommunieni  feulement  les  prcftrcs  for- 
ciers.  Vrai  eft  qu'on  peut  dire  qu'ils  ne  touchent  que  la 
peine  Eccle(iaftiqùc,qui  ne  fait aucû  preiudice  anx  pei- 
nes ordonnées  par  les  Magiftrats  fcculieis.  Ils'cftiroo- 
ué  en  infinis  procès, que  les  forcicrs  bien  fouu  nt  fout 
preftrcs  ,  ou  qu'ils  ont  intelligence  ^uec  les  préfères  :  éc 

Î>ar  argct,  ou  par  faueurs,il$  font  induits  à  dire  des  Mcf- 
es  pour  les  fonciers, &  les  acômodent  d*hofties,  «  u  bien 
ils  confacrent  du  parchemin  vierge,ou  bien  ils  meitent 
«lexaneauxjlamescharadcrirec».  ou  autres  chofes  fem- 
blables  fur  Tautcl,  ou  dcffous  leslingesrcomme  il  $*tft 
trouuéfouuent.Etn'a  pas  long  temps  qu'on  y  a  furprint 
vn  curé, lequel  aeaadé  ,  ayant  bon  garant, q'ji  loi  auoit 
bâille  vn  ancau  ,  pour  mettre  fous  les  lirge»  de  l'auicl» 
quand  il  diroit  MelTe.  Ldodin,au  4MHre  de  fa  Demonoma' 
nie,chap.4, 

louianus  Pontanus  parlant  des  fuperftitions  dan  no- 
bles de  quelques  Nv.apoliiains  .  quiadiuufloy:  nr  foy 
aux  forciers,di(fl  ces  moti.Aucuns  des  habirans  &  aflle- 
gczdàns  la  ville  de  Sucffe.rortirenide  nuift ,  &  trompè- 
rent les  corps  de  garde  ,  pu's  trauerfercnr  les  plus  rudes 
montagnes, Sf  gaiguercnt finalement  lè4^ord  delà  mer, 
lis  portoycnt  quand  &:  eux  vncrnccfix  ,  centre  lequel 
ils  prononcèrent  vn  certain  charme  exécrable  ,  puis  fe 
ictterent  dedans  la  mcr,prian$  que  la  tempcfte  troublaft 
ciel  &  terre.  A  u  m? fme  temps  ,  quelques  preftres  de  la 
mcfmc  ville, dcûi eux  des'acotnmodcraux  forcclicrics 


10^2.  Uijloires  ndmirMes 

des  fol  Jars, en  inuenterent  vne  antre  ,  cfpcrans  attirer  la 
J)luyc  par  tel  moyen.  Ils  apportèrent  vb  afnc  aux  portes 
de  leur  Eg'ife,  &  luichanrcrent  vn  reijuien  ,  commcà 
quelque  pcrfontîc qui cuft  rendu  l'amr.  Apres  cela,  ils 
lui  fourrèrent  en  lagueule  vne  hoftie  côfacrce  ,&  après 
auoirfaiél  maint  feruice  autour  de  ceft  afne,finalement 
l'enterrèrent  tout  vif  aux  portes  de  leur  dire  F.glift.  A 
peineauoycnt-ils  achcué  leur  iorccheiie  que  l'air  com- 
mença à  le  troubler,  la  mer  à  eftre  agitée,  le  pifin  iour 
à  s'obfcurcir,  le  ciel  às'eiclairerjeton.  erre  àcsbranler 
toutrle  tourbillon  des  rents  arrachoit  les  arbres,&  rtm- 
plilToit  Pair  de  cailloux  &  d'cfclats  volâns  àts  rochers; 
Vne  telle  rauine  d'eaux  furuint,  &  de  la  pluye  en  (î  grl- 
de  abondance,  que  non  feulement  les  cifternes  de  Suef- 
fe  furent  remplies ,  mais  aufTi  les  monts  &  rochers  fen- 
dus  de  chaleur  feruoyent  lors  de  canal  aux  torrens.  Le 
toydeNaples  ,  qui  n'efperoit  prendre  la  ville  que  par 
faute  d'eau,  fc  voyant  ainfi  fruftrclcua  lefîege  ,&  s'en 
reuint  trouuer  Ton  armeeà  Sauonne.  Ai*  ^.liuJes  InTi.de 
fon  temps. 

Lti  procès  des  forciers  &forcicfcs,faifansermouuoir 
par  leurs  forcelleries  diuers  orages  ÔC  tempcftes,propo- 
fcnt  infinis  eftranges  exemples  de  ceci.  Ce  feroyent  dis- 
cours pour  faire  pluficurs  liures  àpa-t,  chafcund'iceux 
plus  grandsquelc  prcfcnt  volume. Mais  ie  m'abftien  dp 
toucher  d'auantage  à  ces  horribles  efforts  de  Satan  & 
de  fes  inftrumcns.  l'ai  oiii  aneureràperfonnaoc  digne 
de  foi  ,  que  quelques  forciers  de  Dancmarc  fi-cnt  vn 
charme  terribfeilyaquelques  années,  pour  empcfcher 
que  la  prjnceflede  Danemarc  ne  fuft  menée  par  mer  au 
roy  d'EfcofTe.àquielleeftoit  fiancée,  tous  deux  à  pre- 
fertroy  &  roine  d'Angleterre  :  tellement  que  la  flotte 
qui  la  conduifoit  fut  pluûeors  fois  en  danger  de  nau- 
frage,&  poulTee  loin  defaroutcoùforce  lui  fur  d'atten» 
dre  commodité  dVoe  autre  nauigation.  Que  cefte  con- 
iuration  finalement  defcouucrte  l'on  fie  iuftice  des  for- 
ciers ,  lefqucls  declairerent  les  malins  efprits  leur  auoir 
confclTé  que  la  pieté  de  la  princcfle  &  de  quelques  bons 
perfonuages  qui  l'accompagnoycnt;  par  i'inuocation  ar- 

dcn- 


é*  memor  ailes»  tc>^^ 

dente  &  continuel  le  du  nom  de  Dieu,  auoic  rendu  vains 
Cuus  leurs  efForis. 

S  rjsl  ^^iTh  lE   mémorable. 

L'An  mil  cinq  cens  feptante  fîx  vn  beau  icune  gcmil- 
liomme  du  royaume  de  Naolcs  ,  ayant  efié  chargç 
<Jc  coiipi  d'cipec  par  quelques  maN  vucillans  ,  entre  au. 
trcsdifgracrscut  U  nez  coupé.  Se  voyant  des  figuré  mi- 
ferabli  raent  ,  par  Tauis  d'vn  chirurgien  expert  qui  lui 
promcttoit  fecoursî  &nepouuant  fouffrir  en  fa  propre 
perfonne  le  lemede  trouué  âtelie  perte  ,  qui  requière 
que  celui  qui  délire  rccouurer  vn  nouueau  boutàfoa 
ticzcoupc.foufFre  qu'on  lu' face incifiô  au  bras  gauche» 
dedans  laquelle  il  tiene  fon  nc2  coupé  l'efpace  de  fix  fc- 
majnes  ,  durant  leau-1  efpace  le  nez  rccouure  du  braf 
chair  nouuelie  à  faffifance,qui  fe  ioint,  prend  &  confo- 
lidc  au  cartilage  ;  tellement  qu'au  bout  d'vn  temps  ,  à 
coups  derafoir  ,  on  coupe  de  ce  b(#sla  portion  de  chair 
viue  ,  aaachce  au  nez  coupé ,  &  le  tout  eft  puis  après  a- 
commodcdextrecnent, tellement  qu'il  n'y  paroit  que  la 
cicatiice,&  l'homme  fe  fert  de  ce  nez  ,  les  narines  eftans 
pcrtuifees  6i  conuenableméc  formecs:ccmme  depuis  ce 
temps  là,i'ai  veu  vn  Albanois,  qui  portoit  vn  tel  nez  âc 
monftroit  Ion  bras  où  auoir  efté  faide  l'incificnrCegc- 
til-hommes'adreiTe  à  vn  comité  de  galères,  lui  déclare 
fonde(reir:,&  acheté  de  lui  vn  efclaue,bcl  homme -.fort 
&  robufte,  auquel  il  promet  recompcnfc,&  liberté  ,s'il 
vouloir  fouffrir  Tmcilion  eftrc  faidie  en  l'vn  de  Ces  bras. 
Le  comité  condcfccnd  à  cela,  &  touche  argent:refclauc 
s'expofe  au  hazard  fous  la  coiidition  propofee.  Le  chi- 
rurgien fait  l'incifion  ,  &  acommode  ces  deux  patiens. 
Veillez  &  pcnfez  fi  foigncufemcnt  qu'au  bout  de  fîx  fe- 
maines  fe  trouue  que  le  nez  du  gentil-homme  eltoit  in- 
carné dedans  le  moignon  d'vn  des  bras  de  l'efdaue  du* 
quel  fut  incifec  comptante  portion  de  chair  pour  ac- 
commodex  ce  bout  de  ncï,&  l'cfçlaue  çn  cc$  nouudict 


r  ô  5  4  Hifloires  admiraèlef 

doijcurs  traiflcfi  dcxtrcmmt  qu'il  en  gucritr&Icgê* 
lil  homme  bcai.fils  commr  deuant  fc  trouuccs  compâ^ 
gnics.chcri  i>c  admiré  de  chalcun^L'clcIaue  afranchi,ie- 
compcnré&  rc-nuovc  h  ^rînotablcrncni  par  le  gcnril- 
hoinnie  ,  Ce  r.  ti.e  lv>in  de  là  vers  l'Aquilc  au  territoire 
de  Rome,  d'cùile<tou  r.atif,t  ùil  fc  porte  tort  bien  ;lc 
|;entil-ht«iimc  lcmblabl:mciu  co.-itinuc gaillard &io- 
yeux  à  don  tej  du  piiretcmps  à  loi  &à  fcs  amis. Au  bouc 
de  trois  ans  acoraplis  après  ccftc  cure  ,  Tefclauc  tombe 
malade  &  meurt.  En  ce  mcime  inftaiu  de  maladie  ,  le 
geniil  honime  commence  a  fc  crouuer  mal  de fon  nez* 
te  le  mal  s'augmente  Iclun  le  mal  de  Pefclauc  ,  lequel 
mort  le  ner  du  gentil-homme  s'amorticiiellcmcni  qu'il 
IVmbla  quel'efclaue  repetoii  ce  qu'il  auoit  baillé  du 
ûcn.  Cefte  htjïotre  m'^  efté  donatc  par  vo  perfonnagc,  le- 
quel aveu  beaucoup  de  pays  ,  &  remarqué  infinie» 
choies  notables.-nommcment  cclle-ci:car  il  cftoit  à  Na* 
pics  en  ce  temps  là.vid  le  gentil-homme  accommodé  de 
ce  nez,  &  fur  tour  lors  qu'il  i'amortit  en  la  mort  de  l'cf' 
clauf  ,1e  lour  d'iccUe  :  comme  le  tout  fut  viiiigemmcnc 
aoeié. 


TO  yS^M  ENTE   montagneufc. 

EN  l'an  I  5  4  i.comme  l'amiral  d'Anncbauifu^con* 
:ranid  par  l'huer  aprochant  de  quitter  Ir  mcftief 
de  jaguerre  en  i^edmont,llceotlanc  Ibo  armée,  il  pi. ne 
parle  moQt  Ccni,  Ton  ch  min  en  F  ance.  «..cinont,  qui 
Jcpa-^ele  Piedmontd'autclaS  iUoye,  a  Ces  tourmtnces 
aulTi  bien  que  la  mer  :  le  chemm  crt  eftroit,  enfermé  de 
deux  monLagnes:&  quand  les  rourbiilons  fe  leucni ,  ks 
vents  amalFcnt  au  faille  pluficurs  boules  de  nCigc,  qui 
grolîillansaup'ix  qu'elles  rouleni  coiure  bas  enterrent 
fous  leurs  malFes  &  aualanches  tout  ce  qu'elles  rtncon- 
xrt^x.  :  &  ceux  aulqucls  le  dcltroii  eft  inconu  (  les  guides 
n^e'»n«  s'y  per<^cnt  bien  fouuent  )  le  precipuent  en  des 
canains  profonds  remplis  de  ncipe.  Anncbaut  courut 
ccftcfotiaaç.  Ufluipartd*;  ccuxi^uii'acompagnoyent 


é*  memorahUs)  lo  j  5' 

trouaerrat  leurs  Icpulchrcs  Tous  rcnucIope&- blanche 
couucrturc  di-s  neiges.  Aucuns  y  perdir.  ne  Ja  vcuc,  l6« 
aucrcs  trannriicnc  de  fioid  >  aucuns  reuindrcnc  perclus 
des  pieds  :  autres  des  bras  &  des  mains.  Peu  de  toure  iz 
troupe  joiiy rem  depuis  d'vncfern  e  famé.  Lui-mofoicj 
eftoicprcft  de  périt,  fi  cjucicjues  hommes  attcndans  la 
fin  dci'orage  csraucrnciies  ,  <jai  font  en  la  pleine  au 
deçà,  oc^reulTcni  garanti  des  iniërcs  de  la  tourment»» 
HfJLde  fraiHefim  tranfon  /. 

TK^AIST-B^ES  punii. 

BEnaduxcra  grand  fcigncur  en  lacoftede  Bftrbarie, 
ne  voulanc  le  tendre  vaffalduroy  de  Fez,  après  lui 
auoirfai^l  teftcquelque  temps  ,  fut  cont  aint  quitter  la 
campagoe  ,  &  fe  recira  vers  le  gouucrncur  d'Azamor, 
d'où  il  cnuoya  Feres  fon  frère  en  Poriugaljtraiftcr  aucc 
le  roy  Manuel,  lequelles  rcceut  en  fa  protcdlion.  De- 
puis ils  portèrent  ks  armes  aucc  les  troupes  de  Manuel 
en  Barbarie  &  endommagèrent  fort  le  roy  de  Fez.  En 
fin  Bcnaôuxera,homme  inconftant ,  &fàfchéde  pcidrc 
^  fes  commoditez  qu'il  auoit entre  les  Mores,  obtint  fe- 
crettemcni  )  à  la  foUicitatioa  de  fcs  amis  «  fa  grâce 
du  roy  de  Fez ,  à  condition  de  lui  mener  tous  \zs  chrc- 
fticns  qu'il  pourroit  y  attirer  finement.  Il  efTaye  d'.xc- 
cutercela.ic.lcnien;  qu'vn  iour  >  par  coi>gé  du  gouucr- 
ncur d'Azamor,  il  cmmcinc  quel<jucs  caudlicrs  &  pié- 
tons Portugais.  Ayant  fa  £1  cnuiron  ti  oii  iourners  de 
chemin  ,  comme  pour  furprendre  quelques  ennemis  ea 
campagne,  où  ils  ont  acouituriié  de  logcren  despauil- 
lon-i,  li  dcfcouuiefon  intention  à  Fcres  fon  frère  ,  le- 
quel s*oppofc  tant  qu'il  peut  àcedcfTein,  ;tllemcntquc 
après  groltc*.  paroles  t nue  eux  ils  furent  fur  le  pomt  de 
s'cntrebartrc.  Feres  fir  tant  que  les  Portugal»  furent 
lenuoyez  fains&:fauf>  vers  Azamor.Q^^antàBenaduie- 
ra  &  Ion  f  ère  s'eltans  rendus  en  la  cour  du  roy  de  F  2, 
taac  t'en  la^ut  qu'ils  fullcnt  les  bicnreccus,  qu*au  coa- 


X  o  5^  Hijloires  admirables 

traire  1«  roy  leur  fit  incontinent  trenchcr  ks  tcftcs,  crai- 
gnancpourcc  qu'ils  eftoycnt  riches  &  grandsfcjgoeursi 
VQC  féconde  reuohe  ,qiii  l'eult  mis  en  oouuclic  peine. 
Il  allégua  pour  couleur  de  celle  exécution,  que  Benadu- 
xeraauoit  laifle  les  Portugais  auec  leur  bannicrc&  cer- 
tain pauillon  de  riche  vaJeui,&  qu<:  Feres  Ton  hcre  l'a- 
uoitinduit  àce  faire.Opr/»J  «M  i  x. Uu.eitChijl.de  V ortie- 
g.iLfeB.  I  i.Cela  auint  lur  la  fin  du  rcgne  de  Manuel>  co- 
uironl'an  15x1. 

Solyman  fulcan  Turc  partant  de  Conftanrinople  a- 
ucc  vnepuifTantc  armée  au  mois  dAuril  dt  l'a  rail  cinq 
cens  vingt  neuf,  quinze  lou'S  aptes  arriua  à  Belgrade, 
paflale  Oraue  &.Ic  'jabc.puis  aprochade  Buaieen  Hon- 
grie,ou  \z  rayuode  lui  fit  hommage. Le  chaftcau  de  Bu- 
de  Te  rendit  puis  après  par  compofi  lô.  Mais  ce  fur  raau- 
gic  celui  qui  commandoic  en  'a  pIace,nommé  Thomas 
Nad.tft,do6te  s,  vaiilanr  gentil  hommi'  Hongrois.  Les 
Aîemans  quiy  cftoytnc  en  gainrlon  l'enfeihicrcnt  en 
vue  prilonjiC  capitule t cm  «pendant  pour  lortir  vies  6C 
bagues fauues.  Mus  en  leur  Toaic  So  yman  auerti  da 
mcfchant  &:  U'che  tour  qu'ils  auo>enr  loùéàleur  capi- 
ca.ne  ,  les  fii  rous  ha*  her  en  pieccs(iuftc  falaire  de  leur 
d^lloyauté  )  &.  fi.  ofF'ir  penfion  à  Madaft  pour  demeu- 
rer en  i*.:rmtc  ,  ce  que  Nadall  n'ayanr  voulu  accepter, 
fut  ncancmoins  renui  yé  6i  cooduiten  lieu  leur.  Hijt.de 
Hongrie. 

L'aa  mil  ci'^q  cens  quarante  trois,  par  ie  commande- 
ment de  Solyman,  Amurat&  Vlam^nîbafTa'  r  TC^Jaf• 
liccr^'ent  le  fo^t  chaftcaudc  V-j|pon  lui  les  froniercf 
de  Bolne. Croatie  &.  Hongrie  ils  furent  trois  mois  dc- 
uani»en  findclqutis,pa*  la  l^liheté  des  fuldais  (  qui  fc 
ruèrent  fur  leur  capr aine  &  le  liu  erent  *»arT  >rté  aux 
Turcs)laplacf  fut  icndue.Mais  ccstrai'res  fi.ren--  loas 
taillez  en  pièces  ,  &  It  Câpita.nc  renuoyc  ian  &  lauf. 
hiji.de  Hongrie. 

Durant  1  sg'erresdc  Hongrie  du  temps  de  Ferdi- 
nand ayeu.  de  Rodolphe,à  prcfcnt  Empereu*- ,  la  fi  ni- 
ces'cftant  mi'cau  ranip  des  Chtdicns,  les  capiiainet 
rcfolurent  d'aller  afl'aiiiir  vn  chaftcau,  nounni^  Hcimâ- 

de. 


&  memorahlefi  1^5/ 

dcjoccupé  des  Turcs, où  Is  s'affcuroyct  de  frouutr  for- 
ce viurcs.mai':  ayans  prins  la  pUce  par  compc  fition  ils 
n'yirouuercnc   que  cîcux    muirf  de  faiine    &  de  millet. 
5ur  la  rerraitcpour  aller  en  endroit  ir ci) It ut  ,  ils  furent 
iî  long»  à  cauù  de  l'artillerie  &  du  temps  fdfcheuXjCju'c 
moins  de  rien  il  eu.  et  les  Turcs  fu'  les  b:ôf  C^iciques 
capitaines  Hongrois ,  qui  rça.i>ycni  les  chcaviiis,  le  re»» 
tirèrent  trop  lolt ,  entre  aui"  »  ■■  axianerch  f  des  trou- 
pes. Lcsa'Jtrcs,B(.hemiens  6«.  Al.emans,   tanrre;hrts, 
que  fantaflinsjs'cftansrefolis  au  combat  .fourtindrcnt 
le  choc  des  Turcs  qui  les  aucyét  encios  de  tou  es  parts. 
Mais  ih  furent  desfaici    &p<.idircnt  toute  la  fleur   de 
leurs  homes  occis  exi  grâd  nombre  ,  fans  que  le^  Turcs 
y  pejdilletît  gcos  de  marque  ni  foldats  ,  que  bien  peu. 
Leur  chef  fit  de  grands    prefens  à  fes  capitaines  &  en- 
uoya  les  teftes  drs  tro's  principaux  chefs  de  l'armée  de 
Fcidinandaufultan  Turc  ,    autc  force  tfterdars  &  au- 
tres delpouiilev  de  guenc.    Gazi^ner  fut  accufédcpu.s 
de  trahifon  &.  confticué  prifonnier.     MjIs  de  nuift  il 
trouua  moyen  de  fane  vn  trou  au  planche  de  fa  cham- 
brcpauéde  brique,  &  'ît  deuala  auec  le.  linceuls  de  foa 
licl-rpui*;  eftant  en  terre  trouua  vn  cheual  preft,&re  fau- 
ua  vers  les  Tu!cs,qui  l'^i  fi  enc  de  grandes  promefTes.II 
ne  porta  pasloi"  telle  deiloyauié    :    car  voulant  attirer 
Yn  autre  gentil- homme  à  faie  comme  lui ,  celui-la  fei- 
gnit d'y  entendre, &  ayant  fous  ce  prétexte  at  iré  Cazia- 
ner  à  banquetter  en  fon  logis,  lui  coupa  la  go  ge,  puis 
cnuoya  latefte  à  Ferdinand, lequel  pour  rccumpenle  ad- 
jugea tous  ies  biens  de  l'cxccuté  à  l'exccureu'  .Tel  fut  le 
chaftiment  de  ce  perfide.  Htjloire  de  nojtre  tenp.s  Lii*.y 1 1, 
des  Chromtjttes  de  Car  ion. 

En  la  guerre  que  les  Mofconitcs  firent  l'an  i  \-  5o. con- 
tre la  Liuonie,  aprcs  auolrdesfait  quelques  trc-uMe*^  de 
geni  de  cheual  ,  ils  afiit  gercot  cenamc  vu  le  nonimec 
\cJlin,  où  ily  avn  rrcsfort  chafteau  ,  dedans  lequel 
GuiMaume  de  Puiftrnberg  ,  grand  mailtrc  de  Tordre 
Tcutonique  ,  vieil  geniil-honunc  ,  failou  la  d-meurc, 
Tcftimant  imprennble.  La  ville  fut  foudroyce  de  l'arril» 
Icric  ,    6c  les  maiftjns  d'iceUc  mifcs  en  cendre  par   les 


"i  o  5  8  Hiftoires  admirables 

baies  enflammées  des  Mofcouiics.  Quant  au  chaftcaui 
les  foldai»  de  la  garnifon,  gens  iraiftrcs  &  infolcns,  dc- 
claircrcnt  au  grand  mai'hc  qu'ils  ne  combatroyent 
point, ains  rcaaro)'cnt  (  comme  de  fait  ils  rendirent)  la 
place  aux  ennemis,  par  compotition  de  vies  &  baguej 
faunes, alleguans  qu'on  leur  dcuoic  plusieurs  payes.  Sur 
cefie  capiculation,ils  pillent  toutes  les  richelTes  dugrâd 
inaiftre,des  gentils-hommes  &  citoyens,  qui  peu  auanc 
le  ûcgc  auoycntfait  porter  en  des  coffres  dedans  ce 
chaiUau  )  le  plus  beau  &  le  meilleur  de  leur  vaillant* 
Les  traiflres  ainfi  chargez  quittent  la  place  ,  en  laquelle 
\ts  Mofcouites  cnrrcni ,  &  emmènent  le  gr  jnd  maiftrc 
prifonnier  en  Mofcouie.  Sur  ce  ayans  entendu  la  trahi- 
îbn  de  ces  roldats,arrclUnt  ces  perfides  piUardiJcs  ren- 
uoyent  nuds, chargez  au  rcfte  de  moc':)iierie  ,  de  home, 
ConfufionScdefcfpoir.  T> .Ch;)trxHi  au  lo.  ùure  de  fon  i?t  • 
Jïoire  Septentrionale. 

Les  Turcs  ayans  alîiegé  Belgrade,  quelques  foldats 
de  h  garnifbri  complotèrent  de  la  rcndic,(bus  promef- 
fe  de  grande  lecompenfc.  Paul  K.enis  gouuemcur  delà 
balle  Hongrie  rroaua  moyen  de  mettre  la  main  fur  ces 
traifties  ,  Jc:rqucl>  il  contraignit  de  manger  les  vns  les 
autres,  fiiLnt  roftir  par  chacun  lour  vn  d'entre  eux  qui 
c.'toit  dcuo  épar  fes  compagnons.  Celui  quircfta  le 
dernier  fut  réduit  àtelle  famine  que  pnur  fc  fi.bltantcr 
il  fedefchira  foy-'relme  de  fcs  propres  dents  :  ce  dit  ^. 
"Bonfin  att  litH.ÎJecad.  5 . 

En  !a  guerre  des  Tuicsl'an  15  74.  cotre  luonie  vayuo- 
dede  V  Valachie,Ieremic  Zarnuuickayâc  eu  cha'ge  de 
luonic  d'aller  au  dcuât  des  Tuics,aucc  is.m.l  VValuqs 
pour  oftcr  le  palFagc  du  Danube  aux  Turc  ;fit  bôdcuoir 
au  cômencemcni,6:  arrcfta  court  L*ur  armée. '>ur  ce  les 
Ballas  bien  empeTchez  f  entrât  que  lé  malheureux  fauf- 
fant  la  foy  au  ^ayucde  laiffa  pafTcf  les  Turcs  librement» 
puis  cntairant  vnedcuriefme  trahifon  fur  la  première, 
vinttrouuer  Icvayuode  ,  s'exculanc  deccqu*il  nVuois 
peuempcfchcr  cepafTa^e  ,  ncantmoins  il  attire  le  vay- 
uodcen  campagne,où  il  l'abandonne, &auec  les  i  3  mil 
Moldaucs  fc  rage  auec  les  Tmcs.Lors  cftâc  <jueftjon  de 


cbmtjatrc  ,lcs  Turcs  contraignirent  Zarnicuick  &  Tes 
Iroupcs  de  taire  la  poindc  ;  ou  ils  furent  prcfques  tous 
dcfpcrchc'i  &  fouldf oyez  par  rartillcric  du  vayuodc  ,  le- 
quel en  fin  pour  cftrc  trop  foibh  fat  desfait  :  mais  les 
traiftres  rcceureni  premièrement  le  loyer  de  leur  defloy- 
auté  ;  &  n'en  efchappa  prefque  pomt  >  pourcc  que  Ws 
Turcs  luoyeni  tous  ceux  qui  ï^QXxloytniiHtïi.de  la  guerre 
de  l^yaUhie, 

Nous  auons  vnehiftoirc  de  noftre  temps  aucnue  de- 
J)uis  peu  d'années, &  digne  de  mcmoirc  ,    lors  que  Phi- 
lippe II. roy  d*Elpagnc  (aptes  la  mort  de  Henri  roy  de 
Portugal  ,   lequel  auoit  (wccedé  à  fon  neueu  Scbaftian, 
An. orne  ayant  eAé  desfait  &  chafTé  )  fc  faifii  du  royau- 
me de  Poaugal  par  i'cntremile  du  ducd'Aluefon  lieu- 
tenant, le  rcprelcntctay  ce  qu'en  dit  Pr.Iofcph  Texeire» 
•'moine  &  docteur  Portugais, afin  qu'on  ne  m'accufe  d*a- 
lioir  voulu  dite  mon  auii  d'vnc  fuccclTion  de  telle  im- 
portance. Car  c*eft  autre  chofe  d'alléguer  ce  que  dit  vd 
auteur,^  autre  cliofe  de  l'aprouuer.    Il  ne  fera  que  boQ 
(  dit  Tcxeire  ,   au  liure  intitule  ^rhor  Çentilit'ta  Henrici 
JFrancu  cr  'KauarrA  %tgn   )   de  raconter  quelle  procé- 
dure t. m  le  fcrenilTîme  roy  Philippe  aucc  ceux  qui  fu- 
rent caufe  qu*il  fc  rendit  maiftre  de  Portugal ,  prcfqucs 
fansrefift  ncc  Dom  Antoine,vrai  &  naturel  roi  de  Por- 
tugal, ayant  efté  forclos  &  chaffé  hors  de  tout  le  Roy= 
aumCjCeUx  ci  pfcfcntcni  vne  requcfte  à  Philippe  ,  expo* 
lans  en  icclle  les  feruices  qu'ils  lui  auoytnc  faids    ,   a- 
fin  que  plus  aiîcment  il  S'cmparaft  delà  couronne  ,    & 
le  fupplicnt  de  vouloir  accomplir  ce  qui  leurauoitc- 
fté  promis  de  fa  part  par  le  duc  d'Offuna  &  Chriftofle 
de    Moura  l'es  agents    :   par  mefme  moyen  ils  exhi- 
bent les  mémoires  &  inftrudions  d'ictux  agent$,com- 
hie  lerofme  Conncftage  de  Gcnes  ,  qui  en  a  tTcrit   l'hi- 
ftoire  en  Italien  ,  ledcclaire.   Leroy  Philippe  fit  rcf- 
ponfe  par  apoftilc  ,    que  les  fupplians  baillcroycnt  Icut 
j-cqucftc    &  les  mémoires    des  agents  à  certaine  com- 
pagnie de  commilTaires  ou  iugcs  déléguez  pour  rel- 
ies caufe^, laquelle  compagnie  clt  nommée  en  Portugal, 
JLa  table  de  corifoence,    Ayans  obcijs'cnfuiuit  vn  arrcltdç 


lo  6'  o  Hilioires  admirables 

telle  tenenr  : Atrcndu  que  le  n)  Philipjjc  cftvrai  lic- 
ricicr  du  royaume  de  Portugal  ,  il  na  cité  loifibJcaur 
fupplians  de  ic  vendre  ai  gcm  ccmpcanc  ,  ou  fous  pro- 
irclFes.aj  contraire  ils  onc  encouru  punition  capitale, 
dcce  qu'ils  ont  diffère, (^ns  attendre  qu'on  icurfilt  pro- 
mcHc  aHcune,de  /iurer  le  royaume  au  roy  ['hilippc.  Et 
fi  Je  royaume  pppartenoit  à  Antoine, ils  n'ont  peu  le  vé- 
Jre  au  roy  i  hilippe.  A  ccfte  caufc  le  roy  Philippe  n'cft 
en  forre  quelconque  lié  par  les  promcllcs  que  Tes  a- 
g  nts  ou  ambalîadeurs  ont  faidcs  aux  i'upphans.  Mais 
vfant  de  fa  bénignité  &  cicrocnce  il  abioult  lcldi£l$ 
fupplians  du  fuppiicc  de  mort  qu'ils  ont  mcr.tce.à  cau- 
fc de  ce  faid. Voila  vn  iref-digne  Ioy:r,  tel  aufll  que  Ici 
traiftres  rcçoyucnt  bien  (ouue m. "P h.  Carr,erariuf ait  ..ro- 
lume  d«  fes  méditations  hiJ}ori<jueSfltii»  5 .ch,  10  .qui  ejè  le  6c.de 
tcdition  Lutine. 

Les  Turcs  ne  fe  fient  pasmefmes  à  leurs  mufulmans 
ou  Turcs  n3curels,qu'ils  ont  induits  de  fois  à  autre  par 
prome(i"«:s,à  commettre  quelques  trahifons  &  autres  fi- 
gnaleci  mefchancctcz.tcrmoin  le  médecin  luif.qui  cor- 
rompu par  las  promeHes  de    Selym  empoil'onna  Baia-    . 
zet  peie  d'icelui,puis  eut  latcfte  tranchée,  Selym  dilant    j 
qu'il  craignoic  cltre  traité  de  melmcpar  ce  irailbe  ,   fî    \ 
quelqu'vn  lui  coiHoit  argent.    Seiym  paya  de  mcfme    I 
monnoye  quinze  efp.ons  qui  auoyent  attrappc  Ton  frè- 
re Corcut    :    cai  il  leur  fit  couper  les  certes  6».  letrer  Icj 
corps  en  la  Mer. Son  p'-ctexre  tut  ,que  fi  quelque  oclfa- 
ucur  le  contraignoit  clvfuir  ,    ilauroit  à  fcdonnefigar- 
de  de  tels  UdMïxcLàmtfme, 

Duiaiu  îc$  pu-micri  troubles  de  Fr::ncecnran  i^ii. 
Je  ficur  du  Marefts  avûnt  défendu  d'vne  rcfolution  rrer- 
ucilleufe&cxcraordinairemeni  heorcufejle  chafteau  de 
Rochefortc»  Aniou.contrc  diucrfes  troupes  ,  efcalades 
&  aHaiilts. où  il  tît  mourir  tref'T^nd  nombre  de  Tes  en- 
nemis,finalement  fur  trchi  mcrchammcnt  par  trois  de 
fa  compagnie^norrim^  z  Pcuuert,la  Guette >  &  Pciteuin, 
qui  donnèrent  entiee  aux  alUegcans.  Mais  en  entrant, 
Poideuin  ,  qui  ouuroit  la  po:crnc  fut  tue  le  premier. 
Toit  après  Pouucrc  ^la  Gucuepour  leur  rccompenle 

furcnç 


&  mémorables]  i  o  ^  r 

furent  pendus  &eftrang'ez  à  A-.igcrs  ,  en  prcfencedc 
ceux aiif^4els  ils  auoy-jic  trahi  kur  viiilant  capitaine 
&  le  chafteauH//?.(/e  Franceitu.j. 

Durant  ces  mclmo  troubles  de  l'an  i  ç^t.  la  ville 
d*Orange  ayant  efté  trahie  au  fieur  de  Sufc,&:  aux  trou- 
p  -s  du  comtat,  par  a^uckjues  rraiftres  conci.oycns.don- 
naiis  entrée  à  I*ennemi»lc:s  blafphemes.criiatî'tz  »  facca- 
gcmcn-.nufTjcres  Se  brulîemcns  y  faréc  hor;  ibies.Mais 
parmi  telles  côfufions  exécrables, Dieu  cxerçi  vn  nota- 
ble lug.'mcnt  fur  les  au. heurs  de  roue  ce  mal,  cjui  auoy- 
ent  fau  ouutrture  à  l'ennemi  ,   nVftans  nonplus  efpar- 

Îpcz  Hommes  &  femmesque  les  autres  :combicn  qu'ils 
cfufTcnt  retirez  en  armes  en  la  place  ,  penfansy  rcce- 
Doir  &  remercier  ceux  qu'eux  mefoies  auoyenr  fait  vc- 
nir.Mais  lese'nnrmis  pcnfans  qu'ils  fulLnt  là  pour  faire 
relîftanc-ifc  ruèrent  deffu,  oc  mirer,  t  to;jt  au  kl  de  l'ef- 

En  ia  me(mc  année  ,  le  6.  iour  d'0(Cb'^brclc  fort  de 
faindlc  Carhrrrine  qui  commande  à  la  ville  de  Rouen, 
ayant  efté  vendu  aux  ailîcgeans  par  le  capitaine  Loys, 
lequel  y  commidoit  fut  emporté  par  yn  foudain  afTiut, 
auquel  firent  tuez  plulîeors  vaillans  hommes  ,  ajec 
force  pionniers  & '-S.  femtnes.  Qu^anr  à  ce  capitaine 
Loys»comme  il  aidoic  aux  adiegcaos  à  enti  er ,  il  receuc 
le  iufte  falaire  de  fa  rrahifon  ,  eftaat  tué  par  l'vn  de  fes 
propres  foldats.^t*  %. liu.de l.<  mefme  Hifi. 

le  monterayvers  tes  années  pfecedenres.  Le  pape 
Clément  vit.  vojloit  mal  demort  à  Alfonfe  d'Eft  Duc 
de  Ferrare.ll  fcduit  legouuernea''  de  R"g;,Mominé  Ic- 
rofm;  Pie, lequel  lui  promet  tuer  Alphonfe  iSc  rendre 
Rege.  Mais  ce  traiftre  ayant  elle  deltouucrt  ,  &:  p:  ins, 
coBfeflc  le  Cl  i me  &  fut  décapite  .'P. /o«e  enli  yie  d'^îlfvnce 
d'Efi. 

Le  grand  Sforce  ayant  commis  à  vn  nommé  Arma- 
Icrc  d'Afco'i  quelques  compagnies  de  gens  d.-  pied  & 
de  cheual.en  fut  C\  mal  ferui,que  ce  traiftre  s'ellant  faiû 
dugouu^'neur  d'Oruictie  ,  place  tftimec  imprenable, 
&  icelui  enuoyé  prifonnier  à  Naples  ,  vendit  Oruiettc 
aôracciode  Moacone:rargeac  qu'il  en  reccut  en  grof* 

XX     5 


1 0  ^  V  Hlflpires  admirables 

fp  fomme  ne  lui  fcruit  gneres  :  car  Vitelli  Archeucfqup 
fde  Cornetre  ayant  tiouué  moyen  d'acraper  ce  iraiftre, 
le  fît  pendre  &  eftrangler.  'i^aul  loue  en  la  yie  du  grand 
Jffirce. 

L'empereur  Sigifraond,  auquel  Maximilian  premier 
du  nom  lucceda  ,  s'cftant  fié  de  la  conduite  d'vne  fiene 
armée  de  dix  mille  cheuaux  à  Pipo  capitaine  Floren- 
tin, renomme  chefdegacrre  en  ces  temps-la,  lui  com- 
manda d'entrer  au  Friul,  ce  qu'il  fie  auec  heureux  fuc- 
ces  à  l'entrée,  ayant  fàidlcjuelqnes  conquêtes. Com- 
me il  pourfaiuoit  fa  pointe,  il  la  biffa  reboucher  ,  cor- 
rompu par  grolTe  fomme  d'or  que  1  s  ennemis  de  l'em- 
pereur lui  compicrçnt:tclIcmenc  que  contre  rcfpcrance 
de  tous  qui  efperoyent  voir  de  beaux cxploitsil  rcmena 
Tarmec  en  Hongrie  ,  le  perdiaoant  qu'il  feroit  g  and' 
chère  &  fe  mctti  oit  à  couuert  Tous  tant  de  richciTes  a. 
mafTecs  en  vci  inftan-.  Mais  l'empereur  ,  prince 
fage,&  qui  n'enduroit  point  tels  peiillcux  affronts  ,  fît 
empoigner  &  amener  à  Coy  ce  pipeU"- ,  auquel  ayant  re- 
P  oché  fcslafchetez-.&  fou  rcconoiftie  fonforfaiâ:  pour 
puniriond'icclui, commanda  qu'on  le  baaillonnaft,  & 
que  dedans  la  bouche  &  gorge  ouuerte  l'on  V' rfaft  de 
l'or  fondu  ,  iufqu.  «  à  ce  qu'il  en  ceuaft  &  rerdift  1'^- 
mc:I'execureur  adioultant  ces  mots  par  deux  foii,  Pipo, 
faoule  &  ralTalte  toy  de  l'or  dont  eu  as  eu  tantdefaim 
&dc  foif.SuppIice  pratiqué  par  les  Pa'-thes  contre  Craf- 
fus  mort,mais  contre  celui  ci  des  fon  viaan^.Sabellicau  f. 
liu.des  anti(jt*tte^d'yî^ttileeicr  Bonfin  au  yUu.de  l'htjloire  de 
Hongr'ie^decad.  \ . 

Sur  la  fin  de  l'année  i  498.  Ludouic  î^force,Duc  de 
Milan(duquel  nous  parlerons  es  volumes  fuyuansj  tra- 
hi par  fcs  principaux  fernitcut  s  .  &  fort  hay  d*t  fon  peu- 
ple,fut  contraint  quitter  fon  eftaïaux  Françoi$,&  fe  re- 
tirer auecques  les  enfans  en  Alemagne.  Toute  l'hiftoi- 
rcdecep  ince  ambitieux  eft  des  plus  tragiques  &  mé- 
morables entre  celle?  qui  font  auenues  depuis  cent  cin- 
quanteans.  Sesfîls  eftans  en  chemin, il  depnta  (nonob- 
ftant  que  tou^  \ts  iîens  l'en  dctournafïent  )  pour  la  ^ar- 
^e  du  chaAeau  de  Milaa>  Bcraardin  de  Coi(e  naiif  de 

Fauic 


ér  mémorables^  xo6  ^ 

?aiiîc  qu'il  auoit  nourri  d'ancienBCié»  lequel  pour  lors 
rn  cftou  capitaine  ,  prtfcrant  la  confiance  qu'il  auoit 
en  ce  B.rnardin  â  la  fidélité  de  fon  herc  Afcagne  ,  le- 
quel s'eltoi'  ofF^rtàlui  d'en  prendre  la  charge. Il  y  laif- 
fâ  trois  mil  honunes  de  pied  ,  fous  capitaines  delqucls 
il  fè  fioir,auecprouifion  de  viures  ,  de  munitions  ik  de 
deniers,  fuffif'nre  pcnir  le  défendre  par  pluficurs  inois. 
Douze  jours  apresc]uM  fui  parti,cc  Bernardin  liura  au 
roy  de  France, f  s  mains  de  fcs  iicutenans  ,  ce  chaftcau, 
qu'on  eftimoit  imprenable  ,  teccuant  en  rccompenfc 
de  fi  grande  defloyautc,  grofle  fomme  de  deniers ,  vnc 
compagnie  de  cent  lances, penfion  perpétuelle  ,  &  plu- 
sieurs autres  grares  &  pnuiiCgcs  :  miis  auecielle  infa- 
mie 6i  telle  haine, mermcs  à  l'endroitdes  Frâçois,  qu'e- 
ftantreietté  &  fuy  d'vn  chafcun  ,  mocquc  partout  où  i! 
mettoir  le  pied  ,  auec  paroles  pleines  d'opprobre, tour» 
mente  de  la  honte,  &de  la  confcience  (  trcfpuifiant  & 
trefcertain  fléau  de  celui  qui  fait  mal  )  il  mourut  de  re- 
gret peu  de  lours  après.  Les  capitaines  laifTez  auec  lui 
au  chafteau  furent  participas  de  telle  infamie,  entre  au- 
tres Philippin  de  Fiefque,  lequel  nouni  &efleué  parle 
duc,confcilla  Corte  de  rendre  la  place,  &  traifta  de  la 
reddition  auec  Antoine  Marie  Haluoifin,  lequel  y  entre* 
ucnoicaunom  duRoy.  Fr.Guichardinau  4.  liu.feO.  il. 
Tous  CCS  marchans,vendeurs  &  acheteurs  ,  curent  leur 
tour  puis  après  :  &  Ton  ne  l^auroii  bonnement  dire  qui 
gaigna  ou  perdit  le  plus  en  tels  trafics. 


Tyjit  Ey-j^  merueiUeufe» 

VNedamoifelleenla  villedeBourdeaux  .  aagee  de 
quarante  an?  ou  cnuiron:  malade  d'vne  tumeur  de 
IagrofTeurd*Tn  petit  poiç ,  au  dclFous  delaiointurc  de 
la  hanche  reneltre,&  en  dehors, fcnroit  par  interualc  dç 
temps  fur  la  dite  tumeur  &  parties  voifines  vnc  extrême 
douleur.  Pour  l'appailer  on  auoit  cerchc  toui  moyens, 
appellat  pour  ce  faire  plufieurs  médecins  &  chirurgics, 
Toire  meihacs  des  forcicrs  &  forcicrcs  :  tous  lefguels 

XX    4 


10^4         H'tjioires  admirables 

ne  fccurcnt  lui  donner  aucun  allegemeiudc  fadoulcar, 
Ella:  à  Botirdeaux.a  iafuît.  du  Roy» appelle  aucc  autres, 
je  m-irou'iay  au  logi^  u'icclledamoifeile  >  oùtoft  après 
fa  douleur  lui  pi  lot. Lois  clic  commença  à  crier ,  fc  iet- 
tan:  cà  &  làjfaifancdci  mouu^mcni  incroyables. Car  cl- 
ic mctcak  ia  cci\c  entre  les  iambes  ,  &:  les  pieds  fur  les 
efpaiiics.aucc  piuneius  autres  mouuemés  merueillcui. 
Ccft  accès  lui  dura  pre*  d'vn  qu'art  d'heure,pendant  le- 
quel lepnns  Ibigncufement  garde, s'il  lui  luruenoit  tu- 
meur ,  ou  ciael^iJCinriammacion  au  lieu  de  la  douleur: 
mais  il  n'yen  auoitaucune  ,  m  ai  voir,  ni  au  toucher. 
Vray  cltque  lors  que  ie  touchois  la  tumeur  fus  men- 
tionnecla  patiente  crioit  li'auantagc.  L'accès  palTe  elle 
detneuroit  en  g'ande  chaleur  &(ueur  vniuerlcllc  & 
la(îîti:dc  de  tous  'es  membres, ne  pouuanr  aucunement 
fc  remuer,  le  demandai  à  vn  iredecin  de  Bourdeanx, 
lequel  i'acofnpagngisjce  qui  lui  fcmbloit  de  telle  mei- 
ucillc:il  me  fit  refponre<^ucc*eftoit(à  Ton  auis  )  qnelqt.'c 
malin  efprit  qui  lourmentoit  ccftcpauure  créature.  le 
ce  voulus  Iwi  Contredire  pour  l'heure  ,  attendu  que  ia- 
maisien'auoy'vcu  ni  ouy  parler  de  tel  accident.  C^rfî 
c'euft  elté  epjleptie  ,  perdition  de  tou.«  les  fensi'en  fuit 
cnfuiuie,aucc  c-'nuulfion.  Mais  ceftc  damoifclle  ratio- 
cinoit  bien,&  parloir  cncoie  mieux.  Ay^ins  faicl  rapport 
de  ce  fpedacle  a  meirKuis  Chapelain  &  Caûellan  mé- 
decins duroy.ils  firent  graodemét  eftonnez:&  fut  con- 
clu entre  oou<  tous  (  attendu  qu'on  aiioit  procède  au» 
parau.intpar  pluficui  s  moyens  ,  lefquels  ne  lui  anoycrnt 
aucunement  olte  fa  d'uleur)qu*on  lui  appliqueroit  (ur 
lad''Uleur  «'n  ca  uere  potentiel, lequel  i'appIiquay.L'cf- 
care  cheure  tomba  vnr- fanie  virulente  de  couleur  fort 
notre  :i  fut  vei'cd.^puis  ceftcdamoilelle  n'auoir  aucu- 
ne douleur.     yttaiHre  ^mbroife    Paré  auliure  des  ^outtesi 

Vn  femblable  faiâ:  auint  à  la  femme  du  cocher  de  la 
roinc,  demout  ant  à  Amboife ,  au  milieu  du  bras  droit, 
ayant  par  certains  iours  femblabics  douleurs  que  la  fuf- 
<iiie  damoirellcCeitc  féme  vint  crouucr  meneurs  Cha- 
pelain 


^  mémorables,  io6  ^ 

pclain,  CaftcIIan&moi,à  Orleans.fuppliantcjuc  noûs 
voulufTion.  donner  fecours  à  fa  douleur-,  fî  vehtmenrc 
qu'elle  vouloic  fc  icttcr  par  les  fencftrcs  ,ayanc  pvuir  ce- 
ft<i  occafion  gardes  auec  elle.  N^us  rciolulmes  qu'on 
luiappliqucioic  vn  cautère  potentiel  fur  la  parrie  mcf- 
mc  ,  ainfi  qu*auions  faic  à  i.i  damoifclle  de  Bourdcaujc: 
ce  Quc  ic  fis:&  l'ounerrorcf  )idtc, fa  douleur  cclîa  ,  &  i*a 
depuis  du  io\ii^cïà\àC.Au>  mtjme  liu.ZT'  chap. 


TP^:M  rLTES  eftr anges  des  'Payfaus  en 
dtuers  endroits  d'^Lema<me. 


Oi 


D 


^s  Tan  mil  quatre  cens  nonnrîce&  vn,ceriain$  pay- 
ùnsd'Almongûvv  fe  mutinèrent  contre  vn  abhc 
leur  fcigaeur.&L  leirouueren:  acompagnezce  cinq  rniU 
qui  furent  desfaits  par  les  chefs  de  la  ligue  de  Suaubc. 
Dix  ou  onze  ans  après  ,  quelques  autres  sVftoycnt  fouC- 
leucz  contre  l'Euefque  &  le  chapitre  de  Spiie:&  le  com- 
mun langage  qu'ils  tenoyent  entre  eux  eftoii  ,  que  tan- 
dis que  If-S. ccieflaftiqucs  domineroyent,  eux  ne  pour- 
royc:nt  fub(îfter,fe  plaignant  des  aûions  du  cleroé.de  la 
rapacité  des  reccueur$,S<:  des  pratiques  dot  ils  s'aidoyét 
pour  efcorcher  le  pauure  peuple.  Il  y  eut  du  tumuîre  à 
E:f)rd,Cologne,VVormes  ,  &  à  Spire  encore, pour  la 
mefme  occifion.es  années  i  ^05>'i  5»-.&  i  S  iJ.Dcpuis 
les  choks  demeurèrent  en  farfeancc  iufquf.sài'an  i^  »4. 
au  mois  de  Nouêbre,que  ies  payTans  fui-MS  de  .SigifniéJ 
comte  de  Loupphen  en  Suaubc  fe  foulleuerent  contic 
leur  feigneu, à  caufc  de  Tes  allions.  Mclmcs  ils  décla- 
rèrent tout  ouuc-tement  à  vn  gentil-homme,  enuoyé 
cxprcs  vers  eux  ,  pourfça»io:r  la  caufc  de  leur  tumulte, 
<ja*ils  n'aMoyeni  point  prin*;  les  arme;  pour  la  tcligion, 
ains  adheroyt  nt  àl'eglifc  Romaine.Deux  de  Kemptcn, 
qui  les  fécondèrent  ne  fc  plaignoy^Dt  d^autrc  thofe  que 
de  la  ty-anniedeTabbc  leur  fcigneur,  &  fc  foulleuerent 
au  commencement  de  l'an  mil  cinq  cens  vingt  ci nq^, 
fàifaasdes  rauageseûrâoges  aucc  (^uel(|uc$  autres  pay- 


ïo66         Hi Boires  admirables 

^ans  affcmblct  de  diucrs  lieux  ,  qui  leur  rindrent  tenir 
compagnic,&  fe  trouuerent  plus  de  doi^ze  mille  en  vrc 
troupe.  Au  mcfme  temps  Viric  duc  de  Virtcmberg,  ayat 
Tceil  par  tout  pour  rccouurer  Ton  pays  >  don:  il  auoii  e- 
ftc  forclos  par  ceux  de  la  Iigu  de  Sjaube  ,  pour  s'eftrc 
faifi  de  R^odingr  ville  impériale  ,  s'empara  de  ccriames 
places  à  l'aide  de  quelques  amis  afil-mblcz  Mais  les  fei- 
gne^rs  de  la  ligue  lui  coururent  fus  promp-emQr,&  par 
ie  moyen  de  George  baron  de  Valpou'g ,  reconquirenc 
Jes  places  prinfes  par  Vlric,  &  le  chafTerent  de  fa  duché. 
Qa^oy  execaïc,  ils  donnèrent  charge  au  baron  de  faire 
la  guerre  aux  payfans,  lefquels  auoyent  refufé  toutes  c- 
quitables  conditions  de  paix,&  dcuenoy^nt  plus  furieux 
de  lour  à  autre. Apres  quelques  délais, finalement  le  ba- 
ron rencôtre  fîx  mille  d*cntre  eux,  &  auec  petite  troupe 
de  câualerie  les  chargea,  tua  fur  la  place  vne  partie,  mie 
le  rcfte  en  route,  dont  plufieurs  fuyards  fc  noyèrent  de- 
dans le  Danube, &  y  eut  grand  nôbre  de  prifonniers.Lc 
mefmeiourvncautretroupedeces  miferablcs  fut  rom^- 
pue  par  cent  cinquante  cheuaux,  &  y  en  mouiut  plus  de 
trois  cens. Telles  pertes  amcnerét  à  raifon  quelques  vns 
de  ces  payfans-.mais  les  autres  ne  voulas  encêdre  à  aucîï 
accord  cômcncerét  à  fc  desborder  plus  impctucufemenc 
qu'ils  n'auoyent  encores  fait.  En  fin, chaudement  pour- 
fuiuis  par  le  baron  ilsdonncrent  lieu  aux  rcmonftran- 
ce$  de  certains gentils-hommes,qui  auoyent  pidé  d'eux, 
pofercnt  les  armer, &  fe  retirèrent  en  leurs  maifonf . 

Au  mefme  temps  ily  auoit  vn  doéieur  Anabaptiftc 
nomé Thomas  Munccr,d2mcurantàMulhoufe  enTu- 
ringe, lequel  feruoit  de  confeil  aux  payfans  mutinez  en 
diucrs  endroits  ,  dreffoit  leurs  plaintifs  ,  articles  ,  &  re- 
monftranceSjqui  eurent  telle  cÀScace,  que  nonobftic  les 
exhortations  fcrieufcs  de  plufieurs  excellens  perfonna- 
ges,&les  paifibles  mandemens  des  p  incc  Scmagiftrats, 
ces  payfans  qui  nedemandoycnt  que  troubles  ,  fe  mi- 
rent en  campagne  Vn  de  leurs  chefs  fc  nommait  Geor* 
ge  Mctzler,rauernier  à  Ballembcrg  ,  au  diocefe  de  Ma- 
yence.U  amalTa  premièrement  deux  mil  hommes  ,  anf- 
^ucls  fcyiadrent  rcadre  de  tous  coftcz  plufieurs  autres 


eu 


&  memorMes.  10^7 

en  Fort  grand  nombre. Aprciauoir  difpofé  leurs  iroa- 
pes.ilscomoîenccnc  àmarctc  ,3rnaflcnt  nouueaux  cô- 
pagnons, pillent, faccsgcnt  ,  hruflcni  &reruerftni  tcur. 
Renforcez, jIs  atnrcnt  quelques  gé.ilr  Honimcs  à  leur 
parri.furprencnt  des  villes  &  chafteaux.Ia  viJJe  de  VVin- 
rpej^,cn  laqu  lie  cflans  entrez  par  trahifon  ils  firenc  paf» 
fer  par  les  picques  le  comte  de  H.lflenftein  auec  quel- 
ques t^cnnJs  hommes, &  tou^  les  prilonricrs  ,  voulant 
par  ce  les  cruauicz  fe  crdrc  redoutables.  Aupanirdc 
Js  ils  continuent  leurs  lauages  &  faccagcmcns  :  tont 
que  neuf  villes  de  rarchcaelché  de  Mayence  fcioi- 
gnentàcuï  :  puis, ils  nHiegcnt  &  prenant  AfchafFeni. 
bourg,  contraignent  l'eucfque  de  ^trafboui  g  ,  Uiifra» 
gan  de  l'archeueiquc  de  M.iyêce,de  capituler  au€"c  eux, 
&  accepter  dçs  conduions  fort  inique*:. C'eftoit  en  Fran- 
coniequc  ce  déluge  couroites  mois  de  Mars  &d'AutiJ> 
cftrns  les  troupes  compofees  de  vingt  mille  pay  fans, 
lefquclscn  peu  de  fcmaincs  eurent  pil'c  faccagé  &  bruf- 
lé  près  decinquante  plsces,tant  villes  &  bourgades  que 
chaftcaux  &  abbayes. Ilsauoyentiurc  de  n'<  fpargnerau-^ 
cunprincc  ,  comte,  baron, chevalier  ,  pi eftre  m  moine, 
pour  venger  la  mort  de  fix  ou  fept  mille  de  leurs  adhe- 
rans  que  le  baron  de  Vvalpourg  auoit  desfaits  &  taillez 
en  pièces. 

Tandis  que  ceux  là  fe  desbordoyeni  ainfî  ,  il  y  en 
eut  d'autres,  qui  commencèrent  à  faire  de  mefme  au 
diocefe  de  Spire.Du  commencsmentils  n'cftoyent  que 
foixante  ,  puis  en  moins  de  rien  ils  fe  trouucreu'  plu- 
fieurs  milliers, &s'efta(-s  ioinrs  auec  d'autres  foulleue?; 
es  terres  du  marquis  de  Bade,fourragerent  fon  pays  ,  & 
le  contraignirent  d'accorder  auec  eux  ;  quoy  fait  ils  re- 
tournèrent vers  Spire,afin  de  l'aflleger.  Mais  rtuerque 
a!Iaaudeuant,&  pacifij.lcur  dônanc  force  viures,&:  ain- 
fi  les  efcarta.^ur  ce  il  auintque  quelques  charii>tschar- 
gezde  marchandifesentrerét  d^-'dans  Brette  ,  petite  vi!!ç 
lous  la  proicfc  ô  de  l'eledeur  i^alatin,  &  furent  cô^rains 
feiourncrlà,pour  ne  tôber  es  mains  des  pay fans, qui  ro- 
doyei  es*? nui' os  pour  attraper  ceftc  proye,&  farêt  inflâ- 
f  ç  pour  rauoir,mcua^âs  ceux  de  BrcLte>Ier<^ucls  fe  volas 


10  6  8  Hijloires  admirables 

en  danger  a  caiifc  de  telle  garde  eurent  recours  à  PEfç- 
ftcur, lequel  y  rnuoya  deux  compagnies  ,  l'vne  de  gens 
de  pied,  l'aurrede  chenal.  Les  paylans  firentdiuers ef- 
forts pour  auofr  ce  butin  ,  mais  finalement  ils  en  furent 
fruftrcz.  li  y  en  auoit  d'autres  mutin  2  &  amaliez  en 
Suaube  ,  aucc  Icfqucls  ceux  de  Franconic  vindrent  fe 
ioindre  »  &  vnis  enfemblc  pillèrent  prcfques  toutes  les 
villes  ,  challeaux  &  vilJjges  de  laduchéde  Virtem- 
berg,bruflerent  quelques  abbayes,  &  firent  de  terribles 
rauagcs. 

Ceux  dein  hiute  Alfacc  fetrouuerent  premièrement 
au  nombre  de  quinze  cens.&  commencèrent  àfaire  cô- 
mc  les  autres.  Q^lques  iours  après  ceu  x  de  la  balTc  AI- 
face  les  ruiuirent,&  après  auoir  faccagé  plufîeurs  villa- 
ge; &  coniients  au  bailliage  de  Hagucnavir ,  fe  ioigni- 
rent  enfcmbl;:  ,  failans  vne  armée  d'cnuironvingr  mil 
hommps ,  &  finalement  après  vne  infinité  de  maux  par 
eux  commis  le  trouuerent  près  de  trente  mille  ,  &  vin- 
drentfe  camper  auprès  de  Sauerne.  Ce  feuenuahitaulîî 
les  confins  de  Lorraine  ;  &  quelques  autres  mutins  a- 
pres  auoir  faccagé  l'abbaye  de  Herb.:ft:ein  s'arrefterent 
là, puis  allcrenttrouuer  leurs  compagnons  à  Sauerne. 
Le  duc  Antoine,  voulantefteindrec-sll  embrafement  dî 
bonne  heure  ,  drefia  vne  armée  de  deux  mille  cheuaiii, 
&  de  fix  mil  hommes  de  pied  ,  auP^ucls  fe  ioignir  fon 
fi ère  Claude  duc  de  Guife  ,  auec  quelques  bandes  de 
François  efchappez  de  la  iournee  de  Pauic.  Ils  marcher 
tous  enferable,  &  vont  affieger  cts  payfans  logez  à  Sa- 
uern".D  ai  anr  le  fie^e, comme  on  cftoit  en  termrs  d'ac- 
cord,le^  troupes  du  duc,  entédans  qut-  fix  mille  payfans 
venoyent  au  Tecours  è.z&  aiïîeg.  z,l7Ur  vont  au  deuant  le 
dixhjifliefmc  iour  de  May  ,  les  fnrprenenten  vh  villa- 
ge nommé  Lupfftcin  ,  mectcn  le  f^u  dedans  ,  buflenc 
vne  parci>ide  ces  mutins  &  tuent  les  autres,qui  ne  fe  de- 
fcndoyent  non  plas  que  befus  qu'ontraine  à  la  bou- 
cheie.  Quelques  iours  après  ceux  qui  eftoycnr  en  la 
ville  &  au  chafteau  de  Sauerne  fe  rendirent  ,  efpcrans 
quelque  doux  traitement,  enjuoyon  ne  leur  tint  pas 
ptoineffc.Car  après  qu'on  leur  euftfaitpofcr  les  armes, 

àcun* 


ér  mémorables.  106^ 

à  condition  qu'ils  auroyencla  vie  fauuc  ,  ils  paflcrcnC 
dcfarrncz  par  ic  milieu  des  coupes  du  duc.  Aloispour 
quelque  Icgereoccafion  s'cfnu-ut  vn  bruit  ,  iclJcmcnc 
«Jiîc  pfclcjucs  toui  CCS  mil.  rabici  fuient  taiiltz  i  n  piè- 
ces lur  le  champ  :  incontinent  la  ville  6c  k  chafteau  ru» 
rcnt  pijlez,au:c  grand  meurtre  des  habitanSjlans  efpar- 
gner  pcrionnc.  Vn  peu  auparauant  quelques  autres 
roulicutzaJIeuri ,  nommez  la  bande  de  Clcber g,fe  mi- 
rencaulîwuxch^nipi  ,  &  après  beaucoup  de  pil  agcSt 
j'eltans  loinc^  à  la  bande  de  Colben  ,  qui  le  comporroit 
de  ii.Llm:.,s  achemincrcLicnrcmb;e  au  iccours  de  leurs 
compagnons  a  ^auerne  :  mais  ayans  fcnrilc  v^nt  de  la 
dcsfaitte  i  s  b'cicarterLnt  rcgaignans  leurs  maifonS, 
Comme  le  duc  Antoine  fe  recir  oi». ,  il  cnundii  que  près 
de  lu  s'efroycnt  campez  deux  bataillons  de  pa\  fans  au 
nomb  e  de  Icize  mil.il  les  fit  icccnoiihe,  pul^  les  ayant 
cha.gcz  ei.  lua  cinq  mil  iui  la  plarc  ,  rcmcn.'<nt  Ton  ar- 
mée riche  de  bucsn  &l  de  pi  ifooijic^ri, notamment  de  fil- 
Ici  ^  de  f:  mmcsque  ks  foldats  traiteren.  t'>"s-indignc- 
mcni.  On  eltime  qu'en  cefte  guerre  du  duc  furent  tuez 
dix-i)uict  miiie  payfans  ;  ies  auircs  en  conteiit  vingt -fix 
mil  :  &  y  eut  croi»  cens  prifonuicrs  exécutez  publique- 
ment. 

Durant  cc^  temptftes  d'AHare  les  fuiets  de  l'ci^ftcut 
Palatin  fe  muiînerri  ^ilouflcuerentcn  diuers  endroits, 
cornmtttans  diS  aétes  ce;i  q.î«-  la  faieur&Ia  fdirion 
ont  acoultumé  de  conTcillcr.  P;>r  pîufieuis  fois  ce  prii- 
cc  talchad'amoUir  les  coeu  s,  6c  lui  mefmej  alL  vers  les 
fcdicicux  ,  failani  diuerfcs  ouuertures de  pacification. 
Mais  fa  berigni;é  lesenfl.>riimoit  d'au  a  mage.  Se  de  iôur 
à  autre  leurs  troup  s  le  renforçoyent  :  tellement  qu'il 
fut  cjnrramt  ai-nalTcr  quelques  forces  d'enuiron  mille 
f^ntaffins,  aufquels  icinignircnt  quinze  cens  piétons, 
&  troiscens  chenaux  Icuczcs  pays  bas  ,  &.  amen  z  pat 
rarcheuefqucdc  Trcues.  Le  Landgrauey  ai;oitcnu"yé 
quelques  gens  de  chcual  ,  &  penloii  faire  plusgiandc 
Icucc  >  mais  L.î  propri  s  luîcis  s'tfians  ajff  mbiez  en  ar- 
mes,il  fut  coiitiaint  employer  les  forces  eu  fon  pays. Ce 
qui  fucceda  ii  bien  que  ùai  câu£oa  de  fang  il  eu  i4me. 


I  o  7  0>  Hijloires  admirahlei 

fia  bon  nombre  à  reconoiflancc  de  kur  dcuoir,&  les  fît 
rctircrpailîblement  en  leurs  maifons. 

LVn  des  principaux  auccurs  de  ccftc  fcdition  cftoit 
vn  Anabapufte  nummé  Thomas  Munccr,  homme  du- 
tout  profane  Sr  fnnemi  de  la  rel.gion  d'Ale/nagne  &  dd 
Romc.IccIiii  s'elUt  acquis  f  ucu:  enue  s  quelques  par- 
ticuliers de  Ma  houfe  en  Turingc,  pays  dud  jcde  baxc# 
dcfcouurittoftap  es  fon  yenin  :  carilfaifoit  du  pref- 
cheur.  Il  incrodaiCic  doocencie  aucres  erreurs  exécra- 
bles la  communion  des  biens  du  mondrjitrcr^anté  dei 
dignicez  ôcertats.  Voyant  ceuïde  Suaubcôc  de  Fianco- 
nicen  armes  ,  au  nombre  de  quarante  mille  payfaas  ;  il 
fe  met  aux  champs, fiic  fondicde/ar  liierie,  amalTc  gés 
de  tous  coftez  ,  alFocié  d'vii  morne  renié  nommé  1  hi* 
fer,eliourdi  &  cruel  au  podibir.  La  première  courfedd 
Phiferfut  enlacom-.é  d'i^fcld  qu'il  iaccagea  pillint  ab- 
bayes &  chafteaux  ,  tuant  les  gcncils  hommes  ,  &l  dctc- 
nanc  les  autres  prifonniers.Munccr  acompagné  de  rrois 
mil  hommes  fe  ioint  à  ceux  dcFranculr.  Icinelc6leu< 
&duc  de  Saxe, Philippe  landgrauedc  HclT-  ,auec  quel- 
ques autres  princes  &  fcigncurs  leurs  voilîns  ,  lugean^ 
qu'il  ne  faloit  plus  différer, amalfeient des  troupes  ,  ôC 
Yindrcnt  aflieger  cts  feditieux  campez  en  vne  monta- 
gne,&  ayans  compaffion  de  la  mulrtudc  de  tant  d'h"m- 
mcs  ieduits  ,  les  folhciceretn  par  d  ucrs  mefîagtsde  !î- 
nrerlcs  chefs  de  la  mutinerie, poT-r  les  armes,  û».  le  reti- 
rer en  leurs  maifoosranec  promclT^-  qu'on  ne  es  r  cer^ 
cheroif  nullement  de  ce  fair  al'a'.îcni.,  ain^.  qacdt.flo'S 
lout  leur  fcroic  pardorne.  Munccr  feoranr  b  n  qu'on  le 
regardoitjpenfapt  ic  garaniir  parmi  cts  abuU z  ,  leur  fie 
vne  fediticufc  hara-guc  ,  en  laqullc  il  lesalLuioit  du 
fecours  àts  Anges,  àc  mefdifuir  desprmces>  faifant  va 
long  difcours  de  Ï3i  melctiancccé  des  tyrans  ,  &  confon- 
dant leî  bons  &  melciiai  s  gouuerneur.s.  ii  aninnooic 
ceftc  pop'jlaceà  rrnir  bon  ,  &:  pour  rompre  coui  traie 
de  paix  tua  vnj^éùl  hommecnuoyc  cîe  la  parc  de»  prin- 
ces,afin  d'amener  les  afaires  à  quelque  compofiiion.Par 
ainfi  les  princes  furent  contrains  procéder  par  armes 
contre  ces  rcduieux,lclqucls  furent  forccx  Ôttucz  à  mo- 

CCâUlf 


ér  mémo  rabtésl  ioy  ï 

cCftux,Ia  plufpart  d'eux  fi  abrutis  qu'en  lieu  de  fe  dcfcn** 
d^c  ou  de  s'enfuir,  ilschamoycnt  vne  chanfonpour  in- 
lioqucr  lefainftEfprit,  &  Iciioycm  les  yeux  aux  nuecf 
aucndic  le  fccours  que  ce  fjux  prophète  leur  auoit  pro- 
inis. Il  eu  demeura  (ur  le  champ  &enla  pourfuite  iuf- 
ques  au  nombre  de  cinq  mil.  La  ville  de  Francufc  fjt 
prinlc  incontinent  aprcs,  &  trois  cens  pnîojiniers  y  fu- 
rcntciecuicz  à  mort.  Muncer,irouué  en  vne  chambre 
où  il  contretailoit  le  malade, amené  aux  princes  ,  geinc 
rudement  ,  paila  par  les  mains  du  bourreau  auecques 
Phifer  fon  compagnon. 

Voila  comme  les  pays  d'Alface  ♦  Suaube  ,  Franconie, 
Ht(Ic,Thufingc  ÔcauLies  lieux  eftoyent  agitez.  Mais  le 
g.andcff»>rt  des  paylars  fe  faifoit  encore  fentir  en  la 
duché  de  Virtcmbcrg  au  diocefe  de  Virtzbourg  aucca- 
parcnce  que  la  populace  gaigneroit  le  dclTus,  li  l'on  ne 
s*y  oppofoic  piôptemcni.  5urce,par  Tauis  des  feigncurs 
confcderez  en  Suaube  le  baron  de  Vvalpourg  fe  mit  en 
campagne  auec  queques  gaillardes  troupes,  &  après  a- 
Uoir  longucmentchruaic  ces  mutins,  en  furprint  qua- 
tre ou  cinq  mille  qu'il  desfit  &  tua  prefquestous  ,  î'ans 
aucune  pcrie  de  fon  cofté.  Les  troubles  de  Virtembcrg 
appaifez, il  tira  vers  la  ville  de  VVinfberg  ,  laquelle  il 
print  ,  &  fie  mourir  cruellement  ceux  qui  auoyent  tué 
ic  comte  (içHelftenfteîn.  Entre  autres  en  fut  brullé  vif 
Vn  lié  d'vnc  chame  àvn  poftcau  »  tellement  qu'il  cou- 
roii  autour  du  feu  ,  pour  lequel  allumer  lui  mefme  a- 
uoit  porté  le  bois.  En  après  il  fit  mettre  le  feu  dedans 
VVmfpergjdc fendant  de  larcbartir,&  en  quelques  villa- 
ges prochains, condamnant  à  mort  les  habitans  d'iceux, 
qui  furent  exécutez  publiquement  pour  la  plufpart,  cô- 
ITie  ils  l'auoyent  bien  mérité.  Vne  autre  troupe  de  muti- 
nez coniinuoit  fon  furieux  mefnageen  Fraconic  où  ils 
J-uinerent  plus  de  deux  cens  places,  prindrent  la  ville  de 
Virrzbourg  &  alTicgcreni  le  chaftcau.  Mais  le  baron  de 
Vualpourg  courut  apres,les  desfit  &  mit  en  routc,cftanc 
fccourupar  Louyseleti^-ur  Palatin, lequel  s'y  tiouua  ca 
pcrfonne.  Lors  fui  bfullé  laques  Becu^ingien  capitaine 
des  mutinez, &  vn  preftre  d'Eilénhout  (l'vu  des  princi- 
paux chefs  dcia{cduiû;fuircrerucauccpluficur&  autres. 


toyt  Hi/loires  admirables 

pour  cftrctous  chafticz  cxcmplaircment.L'elefteur  Pa- 
latin prouueuc  d'cjutrc  pari  aux  delordics  Turumuica 
ior.  pay .  Mais  eu  telle  loric  ^u'ii  Falit  pDurfuiurt  ceux 
qui  dcmcuroycnc  lointswclcj-jcl-»  finalcn  cm  tV.i; m  -  es- 
fiits  audjoccfe  de  Virczbourjj,  :yjos  pciLU  icpi  mil  ho- 
mes ,  tout  leur  bagjgcô:  quaian(e  fzpt  piec«'S  d'^m'lt:- 
ric.   Aprcscjue  l'on  ciill  pourluiui  en  diucrs  endroits  ks 
ïcftcs  de  CC6  irouf  es  ,  è.  deslait  en  pluficurs  tcncr.nties 
tout  ce  qui  fetrouuoic  en  g  os; le.  firuiuans,  nuiâmcnc 
ceuxc^UJ  tcnoyent  VVirtzboug  ,  demanderem  pa-don 
&  ouunrent  les  portes.  Les  v!£loricux  ayan;,  f.iii  pendre 
les  principaux  &  plus  cou'pabies  de  la  ledinon,  donne- 
rentordre  a.  x  afare^dc  la  Vilie  &.  du  payv. Cela  fait  l'c- 
Ic£lcur  Palatin  Fut  contraint  rctouinei  en  Ion  pay  ,  afia 
de  remédier  au  tumulte  qui  eftoir  nouucilcmcn>  jl rue- 
nu.   Les  conTedcrezde  î>Laubc  p^urfuiiiirent  lesicOcs 
des  liiuiincz  ,    qu'ils  cfcarterent  finaltmcnr,&  les  con- 
iraignîrint  (c  retirer  chez  eux.    Ces  fciiitions  pcncr  e- 
rcut  luiqucs  aux  Alpes    :    mais  on  clouta  par  loui  b«n 
moyen  d'y  re(nedicr.  Geifmeier  ,  l'vn  des  chet--  de  cefte 
confulîouii'crtatn  retiré  fur  les  terres  d.s  Venitiv  n$  tue 
tué  a  l-ad.  de.  Ceux  qui  par  faute  de  bon  auis  b'efioyent 
laiirzfeduirc  furent  chiftiez  par  lab<^urfe.mais  les  au- 
teurs &  premiers  boutcfeux  ne  ti  ouucrent  point  de  mi- 
fericorde.  On  olta  les  clochts  à  pluiieurs  villages,  &  a- 
uifa-on  aux  moyens  d'eaipefcher  tels  malheurs  pour 
l'auenir.iant  es  villes  qu'es  champs  E-i  la  dcniere  rt^n- 
côiredes  paylanspourfuiuis  par  i'clcdeiir  i  aiatin.cmq 
mil  d'en-rc  eux  dcmeu'crent  mofts  i'.r  la  place  :  huift 
cens  farent  tuez  le  lendemain,  quelques  vps  de  la  mam 
propred-ra.cheucfqucde  Treues  ,  &  rrt-nt.- dtrs  chefs 
curent  les  teftes  tranchées.  11  y  eut  quelques  aurr  s  tel- 
les exécutions  faicfles  puis  après, pour  teni!  les  lun.ii  âs 
cndcuci':ôc  iV  rrouua  qu'en  beaucoup  de  ville;  !c  peu- 
ple eftoit  int-cctédeccftc  contagion  ,  laquelle  en  peu  de 
mois  s'efpandu  par  1*  Alemagne,&  fi'  tant  de  maux  qu'il 
cftirapoûible  les  exprimer  ,    lediabl-  ay-nt  iei  cceftc^ 
pomme-dc  dilcorflc  pour  rtnuerler  tout ,  fi  iJîcn  pa-  fa 
eracc  n*euft  donné  force  &  fageflc  à  aueiqucs  princes,' 
^  poor 


&  memcrahles.  10.7  i, 

pour  remédier  aux  drfordrcs.  Sur  tous  autres  IMedtcu' 
l'alatin  y  ac<]mt  giandt;  louange,  ayant  monft.c  par  ef- 
fe6t,qu'ilvoulou  procurer  par  tous  moyens  que  lei  fu- 
iets  raimaifcnt.  ût  encore  que  quelques-vns  fenriffenc 
la  rigueur  de  iuftice  ,  le  nombre  en  fut  petit  au  prix  de 
ceuï  qui  obiindrent  mifcricorde  ,  de  laquelle  ils  s'eftoy- 
cnc  rendus  du  tcut  indignes. Au  demeurant ,  ccfte  guer- 
re fie  fentir  à  grands  &  à  pctits,quel'auaricc, l'orgueil  ^ 
Ja  rébellion  n'enfantent  lamais  chofc  qui  vaille,  &  n'ai- 
lircntquedcfordres  horribles  accompagnez  de  la  ven« 
geance  de  Dieu  ,  laquelle  fembk  marcher  fî  lentement 
qu'elle  ne  doitiamais  arriuer.  Mais  en  fin  elle  paroit  (î 
force»qu'il  n'y  a  moyen  de  lui  faire  tefte ,  que  par  chan- 
gement &  amendement  de  vie  :  tous  autres  moyens  c- 
Itans  trop  foiblcs  pour  refifter.    Celte  guene  fut  com- 
mencée &  acheuec  en  Vx^i  de  l'an  mil  cinq  cens  vingc 
cinq,&  y  moururent  près  décent  mille   paylans  ,   qui 
pour  efchangesuinercni  infinic-s  places*^:  firec  de  mcr- 
ueilleux  dcgafts,  &  tucrent  grand  nombre  de  perfonnes 
de  toutes  qualitez.    'ï^ierre  Gnodal  en  fan  hifloire  dn  tumulte 
des  payfans  d' Alemagne.l.Sletdan  au>  ^-iiu.de/es  Commentai- 
reSyfur  ta  fin. 

TV  :M  y  L   TES  des  ^nabapti(^es. 

L Es  tumultes  des  Anabaptiftes  ,  refpace  de  plufîeurs 
années,  à  fçauoir  depuis  l'an  i  çitf.iufquesà  i  540. 
&  après  en  VVcfphale,  Hollande,Suiire  ,  Silefie  ,  Polo- 
gne.Morauic  &  autres  pays,dont  font  procedces  des  cô- 
fufions  eftrangjs;  contienenc  infinies  particularitez  mé- 
morables &  de  grande  inftrudtion  pour  toutes  fortes  de 
perfonnes.  Mais  pour  ce  que  ce  volume  aprcche  de  fa 
iuftegroffeur  ,  &  que  ces  tumultes  requièrent  vn  liurs 
entier  ,  à  caufe  a  infimes  paiticuiaritez  remarquables, 
nous  enrcferuerons  l'ample  difcours  ,  comme  aufli 
d'autres  tumultes  ,  pour  l'vn  des  volumes  fuiuans  ,  lî 
Dieu  permet  que  nous  pourluiuions  telle  entreprifc, 
en  la  diuerfi:é  de  laquelle  nous  eflayonsde  mçfler  en- 
fcmblclcplaifir  &  le  p.'ofit  de  la  Icdturc  de  tant  de 
roerueilk»  de  la  nasmoiic  de  nos  pères  &  de  la  aoftic^ 

¥ï 


fo  7  +  HiBoires  admiralfles 

LAurcnt  Almeide  ,  fils  du  viccroy  de  Portugal  es  In- 
desjayanc  pat  deux  diucrs  iours  en  Tan  i  5  oS     hcu- 
rcufcment  corabacu  la  flotte  des  Mahumctiftcs  en  la 
rncrdePerfe   ,   fat  finalement  tué  J'vn  coup  de  canon. 
Les  Capitaines  &  foldatsdcfonamirale,  occis  ou  grie- 
uemcnt  bleffez  ,  ou  las  de  frapper ,  reftoyent  en  vie  en- 
core dixhi.id  ou  vingt,fi  reci  eus  dttrauail  &  de  com- 
batrc,cjuc  Icsennemis  montans  enfouie  ne  irouuereac 
rclîftancefïnon  delà  part  de  deux  Portugais.    L'vn  fc 
nommoit  Laurent  Frerio  Cato  leiuiteur  domeftiquc 
d*Almeide.Ice.ui  ayant  perdu  vn  œil  ai'  combat,  par  vn 
coup  de  flefchc  qui  le  lui  crcua,couu;;rt  de  fang  en  celle 
part   ,   ôc  de  larmes  en  l'autre  œil, à  ciufe  du  corps  de 
îbn  mailt;  e  près  duquel  il  eftoit ,  le  voyaat  enuironné 
<ie  Mahumetiftes  ,cnlKude  pcidre  courage  fe  roidic 
au  dangsr,&  d'vn'.  force  nouueiie  auec  l'elpeeau  poing 
commence  à  chamailler  fur  eux,  en  abatplufieurs  aa- 
tour  du  corps  defon  raaiftre, fur  le  corps  duquel  il  tom- 
be finalement,  terralTé  de  coups,   &  expire  glorieufe- 
mcnt,  après  auoir  vaillamment  vengé  l'a  mort  &  celle 
de  Ibndit  maiftre. L'autre  Portugais, nomme  André,qui 
gardoitlahune,y  rcccut  vne  harqu.  buzad;  er  TeCpaule 
gauche,  tellement  qu'il  en  perdu  l'^Tage  de  tout  le  bras. 
Nonobftantquoy,rcfpacede  deux  iours  entiers  il  com- 
batit  du  bras  droit ,  repouflant  de  tel  courage  les  enne- 
mis qui  vouioyervr  y  monter  ,  qu'admirans  la  Taleur,il$ 
promirent  lui  fauucr  la vic,s'il  vouloitferen4re;ce  qu'il 
acccpta.Euxlai  tiadrentpromefrc,&  lerenuoyerêt  Icu- 
rement  vers  les  aurres  Portugais,quicftoyentcn la  flotte 
fur  icelie  mer    ,    lefquels  le  recueillirent  honnorable- 
inenr,&  par  les  chefs  fut  mis  en  gardej&  receuc  de  là  en 
auant  double  paye.   Ccftc  vidloire  coufta cher  aux  Ma- 
humer.ift-.s   .   qui  y  perdirent  fix  fois  autant  a'hommes 
QUe  les  !  ortag^is.?  yitajj-ee  at*  ^.lïu.dei'h'tdes  Indes. 

L'an  15  c  3.Andrét)o  centra  p^ur  l'empereur  en  l'if- 
JedeCorf;,  &  s'eita»i.  rendu  maiftre  de  quelques  pla- 
ces airie«ca5.Fiorc:,où  les  alficgez  dcftuucz  de  viures, 

&fans 


é*  memorfiihtesl  toj^ 

6c  fans  efpoir  de  (ecours  ,  forcez  finalement  de  faminci 
capiculercDtaucc  Dore,  de  rendre  Ja  place  armes  &  ba- 
gues fauuesMais  ils  ne  pcurenc  cane  faire  qucles  adie- 
geans  voululicnt  prendre  à  merci  vn  capitaine  Corfc* 
nommé  Bernardin ,  ains  le  demandoient  à  dilcrecion  a- 
ucc  fa  compagnie,    lernardin  n*ignorani  pas  cju'iis  a- 
uoycntenuie  de  le  faire  mourir  hontcufcmcnc,  délibé- 
ra auec  quelques- vns  de  Tes  plus  féaux  &  côfîdcns  mou- 
rir pluftvjfl  1  cipce  au  poiogcjuclacordcau  col.  £t  pour 
ce  que  le  temps  eftoit  bref)  &  qu'on  auoit  conuenu  de 
rtndie  la  viile  le  lendemain  matin ,  il  pratiqua  enuiron 
trente  foldats  dts  liens, les  plus  braues  de  fa  troupe  ,  qui 
n'cftoycntenmoirdredat  ger  queiui,  aucc  lefquels  il 
V  refolut  de  fortir  hors  la  ville  de  nuidt,&  pafler  à  traueri 
le  camp  des  ennemis  l'cfpee  au  poing  :  &  fîcasauenoic 
qu'ilsfuflenctuczjla  mort  leur  feroit  plus  glorieufe,quc 
d'eitre  produits  au  fupplice  ,   &  mis  en  monftre  plems 
d'opprobre  à  leurs  ennemis. O.  elloit  le  danger  où  ils  al- 
loycnt  fc  fourrer  fi  apparcnt,que  la  mort  n*efloit  moins 
certaine  d'rne  part  que  d'autre.    Carilfaloit  fduflcf  fiC 
rompre  trois  corps  de  garde  <  auant  qu'eftre  à  fauuetc« 
Mais  l'apparence  du  danger  &  la  grandeur  du  defefpoir 
leur  haulToit  le  courage  ,  &fdifoit  croiftrelarefolutioa 
de  ne  felaiffer  tuer  fans  auoir  premièrement  fait  bou- 
cherie des  ennemis.  Ainfidoncqucs  fuyuant  leurdcli- 
bcrationjils  lortirent  delà  ville  enuiron  minuiâ:  ,    & 
donnèrent  dedans  le  premier  corps  de  garde  auec  fi  gra- 
de prudence  Scfîlence  ,  qu'ils  eurent twé  les  fentinelles^ 
auant  que  le  deuxiefme  corps  à':  ga  4^  en  fccuft  les  nou- 
uelles.D'vn  raefme  courage  ils  courent  charger  &  rom- 
pre le  fécond, oùilsextcrmincrenr  grand  nombre d'en- 
Hemis.frapans  à  droidU  &  à  gauche,bleirant,tuant ,  &  fd 
iettant  dedans  à  telles  baiffees  comme  lions   rugilFans 
â  irauers  vn  rroupeau  de  brebis. Par  ainfî  fe  faifans  che- 
min auec  refpee,  fe  ruèrent  fur  le  dernier  corps  de  gar- 
de ,   où  le  bruit  ciloit  plus  grand  ,  à  caufc  de  l'efmcuttf 
des  prccedcns. Toutefois  leur  croifTani  la  vertu  aube- 
foin    &   à  mefure   qu'ils   auoycnt  plus   d'afaires    fur 
ksbras]  (hamaïUcrenc  tant  ceux  qui  fe  trouucren» 

YY     4 


107  ^  HiHoires  admirMes 

deuaot  eux, que  finalement  après  grand  meurtre  d'enne- 
mis ils  crchappcicnihors  du  câp,tous  couuertsde  fang, 
&:vindrenc  (e  rendre  la  part  vu  tltoitlcficur  de  Ther- 
mes. A£le  héroïque  &  admirab je, qu'vnc  fî  petite  com- 
pagnie au  paflé  maugi  é  toute  rcfiltancc  à  trauers  va  câp 
impérial,  'i'aradtn  en  fu  continuation  de  l'hijioire  de  noïire 
temps.  ' 

Deux  ans  après  ,  le  duc  d'A'ur  aflîegeaau  mois 
d'Aouft  aucc  l'armée  impériale  v:>c  place  en  Picdraonc 
nommée  Samdt  lac  ,  &  y  fit  vnc  rucc  battrie  l'cfpace  de 
cjuinzeiours.  Dedans  la  place  cftoj-ni  entrez  le  fieur 
dcBoniuet  colonel  de  rinfanierie  iTiDÇoiic  5  &  Ludo- 
uic  deBirague  ,acompagne2  dedeux  mil  homes  choi- 
fis,dc  deux  enfeignes  d'Akmans  ,  de  deux  d'Italiens  ,  & 
d\nc  compagnie  de  cent  ch:uaux  légers  Albanais. Ces 
aflicgcz  fiicnc  detrefbcllcs  forcies  lui  les  aflficgcans, 
lefqueis  n'eurent  onccjues  le  crédit  de  pouuoir  reco- 
noiltre  le  folle,  la  contr'elcarpe  duquel  ne  fut  iàmais  a- 
bandonnee  des  François:&  en  dcfpit  du  duc  &dc  toute 
fes  forces  j  troii  cens  harqucbuziers  François  ne  vcu- 
lureac  lamais  bouger  du  ijiouhn  qui  ci\  ho.  s  la  vjlle: 
&  ne  reçurent  cmpefchcr  les  ennemis  que  quarante  fa* 
lade»  de  la  compagnie  du  fieur  d'Anuille  n'yentraficnc 
chargez  de  pouldres  &  d'autres  munitions,  à  la  barbe 
de  tout  leur  camp.  Pendant  ce  ficge,!e  fieur  de  Boniuec 
entreprit ,  d'vn  courage  inuincible,  de  montet  lur  cer- 
tain haut  baflion.couuert  à\a  bouclierBarcelonois  en 
main,  fous  lequel  il  fut  longue  efpacc  ,  confiderani  la 
grcsie  de  leurs  harqut.buzades  fur  fon  bouclier  :  &  ne 
voulut  bouger  de  là  ,  iulqoes  àceque  fesgens  vindrcnc 
l'en  tirer  par  force. t'w  U  mefme  continuation. 

Andréa:  Michel  de  Vafconceificres  ,  gentils-hom- 
mes Portug,is,cnuoyez  l'an  i  y  i  o.  chacun  en  vn  brigâ-- 
lin  àpart,pa'-  leur  pere,gouuerncur  de  Scpte  en  Barba- 
rie,pour  côb.itrcvne  frégate  dedeuxfreres  courfaircs, 
M. chcl  bouillant  d'ardeur  fii  voile  le  premier ,  Jaifiant 
fort  loin  fon  frerc  aifné  ,  qui  ne  hafioit  pas  tant  fcs 
^oiçais.  Aiafi  donc  Michel  afiâilUc  couragculement  la 

£re- 


é*  memorahlesl  ï  o  7  7 

frégate  des  courfaires  qui  eftans  beaucoup  plus  en  n5- 
bre.ea  vn  grand  vjilTcau  contre  vn  petit  ,  &  cous  gens 
de  guerre  commandez  par  m  chef  t^tpeiimenié  ,  hardi 
&  adroit  >  le  mocquoycntdc  Trftortdu  briganrip,  & 
meimes  faurercntdcdiiis  ,  où  il  )  eue  vue  rcrnbîc  ef- 
crim;-.  En  fin  les  folda^s  de  Michel  perdans  courage,  fe 
vont  cacher  en  la  fi-nine.  Le  gouucrncur  qui  voJci- 
geoit  aucc  quelques  cheuaux  au  long  delà  mer  ,  pour 
voir  ce  combac  ,  apeccsuant  les  ennemis  dedans  le  bi  i- 
gancin,crie  après  André  ,  &  lui  fait  fîgne  qu'il  aille  vi- 
rement Iccourir  Ton  frère.  Mais  auantqu'André  apro- 
chaft,  Michel  à  force  d'armes  fît  dclïoger  les  eontmis 
dcfon  brigantin,coupa  les  ntaches  qui  le  icnoyent  lie 
à  la  frcgaterpuis  ayant  appelle  ceux  qui  s'eftoyét  cachez 
en  la  fentine  les  arouragea  iclîement ,  qu'il  courut  fus 
aux  ennemis,  tellement  que  les  vaiflcaDx  acrothez  ,  la 
meflee  recommença  de  plus  grande  fui  ie  qu*aupaia- 
uant.  Le  maiftrcdu  brigan  in,  fon  fils.vn  autre,fu:ert, 
tuez  à  coups  de  picques,  &  Pierre  Vicirc  bleffé  à  mort: 
qui  fut  caufe  que  quatre  des  ennemis  fauîerent  en  la 
prouè  du  brigantin  :  mais  Michel  qui  tenoit  vne  pic- 
que  au  poing  en  donna  te!  coup  dedans  la  gorge  de 
l'aiftiédes  deux  courfaires  qu'il  le  recuerfa  mort.  Sur- 
ce  il  empoigne  vne  autre  picque  ,  &  donne  de  telle  fu- 
rie à  trauers  les  trois  autres  :  qu-'il  les  contraint  rcfauU 
ter  en  leur  frégate, &trouue  moyen  dedefgagerlon  bri- 
gantin.Puis  il  court  vers  lapouppc,  criant  après  le  biai- 
ftre, que  c'elt  qu'il  faloit  faire  :  car  il  ne  içauoit  pas  que 
ce  maiftre  eull  elté  tué. Puis  tournant  les  yeux  aperccut 
Vicirc  ayant  les  boyaux  hors  du  vcnirc  ,qui  lui  dit»  jfai- 
tes  fortir  ceux  qui  le  font  cachez:&:  puis  qu'il  n'y  a  plus 
que  vous  ,  gaignez  le  bord  à  force  de  rames.  Michel  a- 
pelle  incontinent  ces  cagnirdiers  :  cequeveu  par  \c% 
ennemis,  &  que  les  plus  aiFeurcz  foldats  de  Michol  e- 
ftoycnt  morts  ou  bien  blell'cz  .  ils  iHaillirent  derechef 
lebiigancin.  Sur  ces  entrefaides  André  Vafconccl  fc 
monftra  :  lors  les  ennemis  lailczdu  combat ,  affoiblis 
de  la  perte  d'vn  de  leurs  chefs ,  voyans  vn  fecours  tout 
frais  aprocher^fc retirent.  Mithcl,  félonie  confcil   de 

YY     5 


joy^         H^olres  aJmiyali/es 

Vicirc, vogue  couragcufemenc  à  eux,  &  les  cftonne  tel* 
Icmenr,  qu'auec  toutes  leurs  rames  ils  commencèrent  à 
voguer  vcis  le  riuage  bppofite,  &  fc  icttans  en  mer  pour 
gaigner  le  bord.la  plufpart  furent  noyezthuid  (c  fauuc- 
rent  en  terre,  où  ils  tombèrent  es  mains  du  gouuerneur 
quicouroit  çi&  là.Par-ainfideuant  qu'André  Vafcon- 
cel  aprochaft,(on  frère  puifné  auoit  fini  la  mellec.  Ofo- 
rtus  en  l'on^iefme  ltu.de  Ihiîi.de  Tortt*gal,fefl.  5  t 

Vingt  hommes  de  cheual ,  Portugais,  de  lagarnifon 
4*Ar2ile  en  la  coftc  de  Barbarie  >    fortis  par   congé    du 
gouuerneur  ,  pour  aller  pefcher  des  tortues  de  riuiere, 
afin  de  gratifier  d'icelles  vn  citadin  malade  ,   lequel  a- 
uoit  befoin  de  telle  nourriture  :  eftans  paruenus  à  cer- 
tain fleuuc  diftant  aflez  loin  d'ArxiJcils  dcfiellent  leurs 
chcuaux ,  les  attachent  par  les  licols  à  quelques  arbrif- 
feaux  ,  &  fichent  leurs  lances  en  terre. Puis  fans  appre- 
henfion  d'aucun  danger  fedefarmcnt  ,   fe  dcfpouillent 
|iudr,&  le  plongent  en  Tcau.ll  faifoit  fort chaud,& eux 
quiaimoycntà  ferefraifchir,  s'tfbatoyentà  nager ,  & 
pefcher  auec  les  mains  force  tortues  pour  Uur  malade. 
Eftans  defcouuerts  par  quelques  efpiôj  ,toft  après  deux 
cens  caualiers  Mores  du  roy  de  FezparoilTcnt  pour  les 
attraper.    Eux  qui  parauant  ne  faifoyent  que  huer  &  ri- 
re à  gorge  dcfployee>fortent  virement  de  l'c^u  ,  tirept 
leurs  lances  de  terre  ,    &  fe  Jettent  tout  nuds  fur  leurs 
f  heuaux  defrellez,&  desbridez, picquans  des  talions  ,  le 
licol  pour  adrelTe  ,  droit  vers  Arzile  ,  où  l'alarme  eftoit 
bien  chaude,à  caufe  qu*on  auoit  defcouuerr  ce  gros  de 
c^ualerie.Les  Mores  courent  apres:mai$  les  Portugais» 
quoy  que  nuds,  ^  n'ayars  que  le  fer  de  leurs  laces  pour 
fauuegarde  ^parente,  tournent  l'aillamment  vifagc  ,  & 
arreftrnt  les  plus  efchaufFcz  ,   au  moins  mal  qu'il  leur 
fut  poffible.    Auint  que  l'vn  de  ces  nud*  glilîa  &  tomba 
Je  fon  cheual  par  terrermais  vn  fien  compagnon  nom- 
mé Antoine  Coutin  (  quidc  Mahumetiftes*cftoitfait 
Chrcftien)foigneux  de  le  garaniirjbailTe  fa  lance.Sc  do- 
ue fi  rude  coup  à  vn  More  ,   courant  deuant  les  autres, 
qu'il  le  ^efirçonnç.puis  tcn4 14  waia  a  Ton  compagnô,, 

4^1ç 


&  mémorables.  i  <5  7  5' 

&  le  charge  derrière  foy  fur  vn  mcfmp  cheual.Tous  ar- 
riucrcnt  tains  &  faufs  dedans  Arzi.i;,/)'ai)S  eu  pour  rê- 
concrelc  fccours  dj  gouucrncur  &  de  loute  la  caualc- 
lie,  qui  les  acommodi  de  manteaux  pour  couurir  leur 
nudué.Les  Mores  n'eurent  peur  butin  qu'vn  chcua,  & 
les  fciles.bridcs, boucliers  6^tikz  de  ces  raillans  hômcs. 
En  la  mefme  htJ}oirc  au  commencement  du  l  t   Uu. 

Quelques  annefs  auparauant  vn  cheualier  Portugais 
furnomméBar'gue,fc  trouuani  en  vn  rude  confliô  con- 
tre les  Mores, &  royanc  bas  vn  fien  cuinpagnon  que  Be- 
tagogin  grand  fcigncu  •  More  auoit  renue  Icpai  terre, 
&  tafchoit  le  eue'»  courue  lus  vaiîlament  à  ce  rvigneur> 
lequel  il  cranfperça  dVn  coup  de  lance. Le  fils  de  Benta- 
gogin  acouraucla  dtflus  pour  fecoufir  (on  pcte.'ft  per- 
cé à  lour  de  la  melme  lâcc  &main  de  B^ngiie.lequel  en 
vn  mefme  eadro.t  &  inftant  tua  deux  principaux  enne- 
mi;,&  fauua  la  rie  à  Tvn  de  fes  compacriocces.  ^u  i  «./j. 
de  la  mefine  Jnjl.fefi.j. 

L'kiftoiic  d'Angleterre  fait  mention  d'vn  roy  Henri 
1 1  I.qui  Pan  140  i  .en  vne  bataille  tua  de  fa  main  trente 
fix  hommes  de  les  ennemis.  'î'oltd.  yirgtUiu.i  i .   On  lit 
que  Scandcrberg  prince  d'Albanie  ,  a  tué  de  fa  main    à 
coups  de  cimeterre  en  diuerfes  batailles  &  rencontres 
trois  mille  Turcs; ayant acouftumc  de  ne  donner  qu*vn 
coup  à  ceux  qu'il  attrigiîoit.    Et  outre  ce  que  fon  cime- 
terre eftoit  grand  &  fort  pcfant  ,    il  le  manioit  de  telle 
force  &  adrelTe  qu'il  n'en  frappoic  iamais  à  faute.   Il 
dcsfit  en  bataille  rangée  fept  ba(ras,mit  auiantd'armce» 
Turquefques  en  route    ,     &  pilla   autant  de  fois    leur 
camp,fan«auoir  iamais  refufé  bataille  ,   n'y   monftrc 
oncques  le  dos  à  l'ennemi,  ni  de  fa  vie  eu  peur  en  qutl« 
que  danger  qu'il  fe  tiouuart:r»c  fut  iamais  blclTc  >  fors 
vne  fois  &  bien  légèrement  en  lacuifle.   Quand  il  en- 
troit  au  combat,&  au  plus  fort  de  la  racflce,  la  leure  de 
JelToui  fc  fendoit ,   dont  fortoii  du  lang  en  abondance, 
C'a  cftél'vn  des  plus  vaillans  1  rinces  ,    qui  au  efté  de- 
puis pluficurs  centaines  d'ans.      H   mourut  l'an  mille 
quatre  cens  foixante  lix.  ^ann  darlet  ct*  "^Joue  en  la  yie 

YY    4 


""l  o  8  o  Hîjloires  admirables 

lean  Fulgofe  charte  de  Gènes  ,  auec  fit  autres  ficns 
frères  fçJchmt  bien  que  Bernard  Adorne, chef  du  par- 
ti conir.iire,&:  pour  lors  duc  de  Gcnts  ,  ef^oir  enuiron- 
lîc  de  fÎK  cens  kommeî  qu'Alfonfe  d'Arra^on  fuiaaoic 
fournis  pour  la  ga-  de.oultre  rn  trcfgrand  nombre  d'au- 
tres roidits,fe  mu  à  la  voile  l'an  i  447.  vers  Gdoes  ,  & 
cnt'é  fur  la  miiiaift  dedans  la  viiie  auec  quatre  vingti; 
hommes,mafcha droit  au  palc'is,&  alTaillant  la  raailon 
ducale  ,  quoy  qu'il  futtbltfTé  en  l'vne  des  cuiffes  &  au 
vifagc  ,  &  prcfques  tous  Tes  gers  couuerts  de  playes, 
neantmoinsla  vaillance  fut  relie  c.u'à  fonrrelgrand  hô- 
neur  il  chafTa  les  Adornes,  fercni  u  rnaiftre  de  larille, 
&  recouura  la  dignité  ducalc.f^i^yj'è^j»  3.  Itu.  defesexem- 
fles.chap.t . 

Du  temps  de  Ladiflas  roy  de  Hongrie,  il  y  a  enuiron 
«o  ans, Paul  Kinis,chefdts  troupes  royales  >  délibéra 
d'efcaler  de  nuid  vn  chafte^u  te-nu  par  les  Turcs ,  pour 
auoir  vn  trefgrand  butin  qui  y  eftoir.  Il  auoit  à  fa  fui- 
te vn  Croate,vaillant  homme, lequel  monta  le  premier, 
&quoy  qu'il  futblertéen  X  ç. endroits  de  fon  corps  ,  il 
combatii  fi  vaillamment  qu'il  mit  en  route  ceux  de  de- 
dans, qui  vouloyent  l'empefcher  de  franchir  le  rcmpar, 
donna  moyen  &  loifir  à  fes  compagnons  delefuiurc, 
tellement  qu'ils  demeurèrent  maiftrec.  Il  obtint  du 
Roy, pour  loyer  de  fa  vaillance  ,  vnc  couronae  murale, 
de  ux  cens  ducats,  &  vne  robe  d'cfcarlacc.  Bonfin.  Hure  5 . 
'Decad.  1 . 

Vn  folda^  de  Raucnne,r5ommé  Hoftaiïe,3  la  foldc  des 
François, fa  :  le  premier  qui  monta  &  entra  de  viue  for- 
ce tf  cl"  viill^^mment  dedans'  le  chafteau  de  Pauie  ,  mau- 
gréla  r.fîftancedes  aflîegezraa  moyen  dequoy  il  obtint 
dufi^urde  L*autrec,pour  loyer  de  fa  valeur,  vneftatuc 
de  brozefort  andque  de  l'empeieur  Marcus  Antonius, 
de  trefgrand  pnx,  reprcfcntant  ceft  empereur  à  ckeual. 
'P. loue  au  t  \  .litt.de fes  hijr. 

En  la  guerre  qu'Albert  marquis  de  Brandebourg  fit 

I  ceux  de  Nuremberg^!  afïïcgca  &  força  Grauenbourg, 

ville  ayant  bôs  folfez  &  hautes  murailles,aucc  me  gaf- 

ùiioa  de  ciaq  cens  homaic$,ouIirc  les  habitans.     L'cfi 

^  caU<Ie 


&  mémorables,  i  o  8 1 

caladcfut  prcfcnrcecn  quatre  crif^roirs.  Albert  cho; fît 
Celui  où  le  folTé  eftoit  plus  profondj,"  &  la  muraille:  plus 
hante  :  &  faifant  le  plus  d*tfF(»rrd'r  ce  cofté  ,  moniale 
dcîixicrmc  ,  &  tut  le  premier  qui  lauta  d-rdcffus  la  rviu- 
raillc  en  la  ville  ,  où  eftanc  enuironné  de  plafieurs  cita- 
dins,il  ies  fouflint  &  r-pi^ufî'a  vaillamment  luifcnî,  iuf- 
ques  à  ce  que  les  gens  fall.nt  à  fon  fccours.  La  ville  fut 
piinre,pillcc&  faccagcc:ciais  il  nepermitquc  violente 
quelconque  tuft  taifte  au:ît:rmmcs  ni  aux  filles. Zw/w^'^r» 
au  théâtre  delà  fie  humaine, -roi.  8.//». 4. 

Tadioufterai  pouf  clolturc  de  ces  exemples  de  vail- 
lance   (   referuant  ailleurs  vn  ftcf^rand  nombre  d'au* 
très  )  cequel''hiftoiredc  noftre  temps  nons  f^it  voir 
des  vaillances  des  capitaines  Piles  &  la  Riuiere  ,  en  l'an 
I  ï  ^t.  Piles, (impie  gcncil-hôme  d'auprès  de  Bergerac, 
Tenu  à  Orléans  auec  les  compagnies  amenées  de    Gaf- 
congnepar  Grammont ,  entendant  que  Curie  &Mon- 
luc  faifoyent  des  ranages  eftrangcs  en  Guyenne ,  le  len- 
tit  tellement  efa  eu  du  df  fîr  de  kcourir  fa  p.itrie  ,  qu'a- 
ucc quel rje  nombre  de  foldats  il  partit  d'Oileans,  & 
fauoriféde  Dieu  en  fon  voyage  bien  long  &  bi  n  dan- 
gereux^arriua  deda   Xainftes,au  meimc  temps  que  Va 
ras  après  fa  desfaiflf ,  là  cù  s'eftât  en  vain  effayé  de  per- 
fuader  qu'on  ne  laifTaft  point  le  pays  dutour  defnué  de: 
forces, profita  fi  birn  qu'il  ne  lui  relta  que  fix  folda:s.Cc 
nonobftat  il  fè  refolut  de  mourir  en  la  peine  ,  on  de  fou- 
lager  Tes  amis  comme  il  pourroit.  Chacun  donc  prenîc 
ic  chemin  d'Orléans,  lui  feptiefme  le  renditen  fa  mai- 
foa  prochaine  de  d-.  mi  iicuede  la  ville  de  Bergerac,  ou 
il  y  auoir  garnifon  d'ennemis  ,    &  d'où  le  duc  de  Moiit- 
penfier  cft^oit  forti  peu  auparauanr.    Eftant  là,  fon  pre- 
mier delHin  fa:  de  s'enquérir  le  pluscoyemeu!  .  &  ce- 
pendant le  plus  diligemment  qu'il  lui  eftoir  poflible» 
oùil  y  auoit  defcsamis  ,    ne  doura>npoinr  qu'il  n'y  en 
cuft  plufiturs  de  cachez  çà  &  là:ce  qui  lui  fucceda  fi  bié, 
qu'en  peu  d:  trmps  quvlques-vns  d'iceux  fe   rendirent 
vers  lui,aufquclsil  afiigna  leurs  rctraires  ,  fc  tenant  ea 
vn  lieu  le  moin*:  qu'il  pouuois  &  retournant  quelques» 
£oii  cnfamaifon;  aucc  bonne  imelligece  pour  j'afiTcm- 


*!  o  8  L         Hijloires  admirables 

bJcrau  bcfoin.  Son  fait  tinfi  commcncé,âyant  entendu 
que  ceux  de  Bergerac  dclibc>oyci  de  faire  mourir  quel- 
ques hommes  mnocens  qu'ils  tenoyeoc  prifonnicrs  ,  il 
fil  vn  aile  vrayementheroique  ,  ayant  atTemblô  trente 
foldats  d'eflitc  ,  auec  lelquelss'eftant  ietic  foudainemélf 
dedans  la  ville,  ileftonna  reilement  lagarde  &  toute  U 
gunifon  ,  à  laquelle  commandoit  le  fieur  de  Lauziin, 
voire  route  la  vilie,  ayant  marché  hardiment  parle  mi- 
lieu d'iceilciufqaes  à  vnelicne  maiion  ^u'il  y  auoir, 
qu'en  lieu  de  l'aiTaiilirjls  l'enuoyercnt  fupplier  de  for- 
iir.luiofï'raos  tout  plaifîr  &  feruicc.  Mais  fa  rerponfc 
fut  qu'en  licudefortirilleurcoupcroitàrous  la  gorge, 
s'ils  ne  lui  rendoyent  prefentsment  tous  \cs  prifonniers 
dont  il  eftoit  queftion,lefquels  ils  lui  rcnuoyerent  auHi 
toft  auec  viures  pour  fondifner:  &  ainil  fe  retira  chez 
foi.  Le  bruit  de  ce  vaillant  a6le,&  de  ce  qu'il  auoit  fou- 
went  furpris,&defmontc  quelques  vns  de  Bergerac,fan$ 
toutcsfois  les  auoir  endommagez  en  leurs  perTonnes,cf- 
meut  tellement  tout  le  pays, qu'il  fut  pourfuiui  de  tou- 
tes parts. Cela  rempcfcha  grandemct  de  faire  fon  amas» 
pour  eftre  contraint  de  fe  retirer  pour  quelque  temps. 
Mais  il  laifTa  autour  de  Bergerac  ,  vn  ieune  &  trcs-vail- 
lant gentil-homme  nommé  la  Riuiere  ,  queDieu  luia- 
uoit  adioint  par  vnc  finguliere  prouidence  ,  comme  les 
effets  vrayemcnc  admirables,  le  mo^ftterent  toft  après. 
Son  premier  exploit  &  coup  d'aprétilTage  aux  ar  mes, 
comme  de  celui  qui  eftoit  forti  des  efcholes  de  Thou- 
loofc ,  pour  fuiure  Grammont  à  Orléans  au  commen- 
cement de  la  guerre  ciaile,fut  tel  que  s'enfuit. Enire  les 
capitaines  de  Monluc  il  y  en  auoit  vn  nommé  Rezat,de$ 
plus  mefchans  &  ex  crables  hommes  du  monde.  Icclui 
courant  le  pays  pour  piller  &  rauagcr  tous  ceux  qu'il 
fçauoif  eftre  de  la  rclig  ô,lors  rudement  pourfuiuis  par 
toute  la  Fr.îce,trouna  moyen  le  ly  de  Décembre  de  fur- 
pi  cdre  la  ville  de  fainfte  Poy  fur  Dordongne.y  ayât  fait 
gljffer  I io.de fes  foldats  en  habit  de  payfans  vn  iour  de 
marché,  lefquels  n'oublièrent  tour  quelconque  de  leur 
nieftier.c'eft  à  dire  de  piller  tout  ce  qui  leur  eftoit  bon. 
SurceftcffroyUplufpartdeccoxdcU  ville  reftans  de 

U 


é*  memorahUs.  1085' 

U  religio  fe  fauuercm  pardcflus  les  murailletjlcs  autres 
furent  far  pris  ,&  noiamméi  leur  miniftra  nommé  Ciu- 
fcau  ,  qui  farencrous  mis  entre  les  mains  d'vn  certaia 
prcuolt  à  la  haftc,c)iie  Rczat  auoii  toiî{îv>urscn  fa  fuite, 
fe  vantant  de  lui  aiioir  fait  pendre  700. hommes  depuis 
ces  guerres, &  faifant  bié  Ton  copte  de  traiter  de  mefmes 
Jelédemaintous  les  prilonnicrs, notamment  Crufcau, le- 
quel 3)'ant  molcfté  d'infinies  niées  &:  blafphemes  il  tc^ 
noit  enferré  &  attaché  au  pied  d'vn  lift.  Ceux  qui  s*e- 
ftoycntfauucz  deJa  ville, 'étirez  dedans  vnc  grange,  de- 
Uiîoycnt  cnfemble  des  moyens  de  rétrer:  mais  c'efto)  ce 
vains  propos  ,  fans  la  venue  du  capitaine  la  Riuierc  ,  le- 
quel ayatoiii  Icbfuitdecefte  furprifedc  Sainfle  Foy,& 
defcouuertque  quelqnes  vns  parloyct  d*y  rertrer,fe  ren- 
dit aofTi  loft  en  cefte  grange,  où  il  irouua  petit  nombre 
d'hommes, &  la  plufpart  ayant  pcn  de  coufage,quelque 
chofcqu'il  leurdift  &  promift.Ce  neantmoinsrefolu  de 
mourir  ou  d'y  entrer,  acôpagné  de  trois  harquebuzicrs 
feulement,  de  i  4.  arbaldticrs  à  la  mode  du  pays,  &  de 
quelq  ues'payfaDs  aoec  des  fourches, il  fit  fi  bien  que  po- 
fant  (ti  efchcUes  en  lieu  propre, lui  &  fes  gens  entrercc 
fans  eftre  defcouuerts,  iufques  àce  qo'cftâs  affez  près  de 
la  place  où  eftoitalTî'  le  corps  de  garde  de  Rczat ,  vn  de 
fafuiccpar  mefgarde  dclafchafahatquebuze.La  Riuie- 
rc  ne  perdant  pour  cela  fens  ni  courage,  commerce  de 
crier  par  la  rue,come  s'il  cuft  eu  grand'  fuite,  qu'on  ine- 
naft  foixante  harqucbuziers  d'vn  colté  ,  &  cinquante  de 
J'autrepuis  donna  de  telle  furie  dedans  ce  corps  de  gar- 
de,que  tâtoft  il  fut  mis  par  terre,fans  qu'vn  feul  elchap- 
paft.Les  foldats  de  Rezat, logez  çà  &  là,ayâs  ciii  ce  pre- 
mier cri, &  penfans  que  la  ville  fuft  pleine  d'ennemis,  fe 
Contcnoyent  dedans  les  maifons,  ayant  cômandé  la  Ri- 
uiere  à  fes  gens,  après  la  de  faite  de  ce  corps  de  garde  en 
la  place  ,dc  fe  tenir  quoi£,5i  sas  due  vn  fculmot:en  quoi 
il  fut  tellement  obcy,  qu'on  eufl  dit  que  ce  qui  eftoit  a- 
Uenu  n'cOoit  qu'vnc  farce.  Rezat  &  ^cz  gês  prnfcrét  que 
il  y  auoit  en  c^^Ia  quelque  ruzc  pour  les  atirappcr  au  lor- 
fir  des  mai<;ôs,ce  qui  les  retint  encore  plus  d'vnc  heure, 
iof^iie;  à  ce  que  quelques  vns  cpmencercc  àfoicir  ,urâ$ 


1084  Hiftoires  admirables 

droiflàlaplacçjpour  fçauoirqncc'cftoit:  lâou(au  pris 
qu'ils  arriuoyét)il5cftoyent  taillez  en  pièces  ,iijlqut:s  à 
vn  grid  nôbrr.  AÎôc  la  Riuiere  &  Tes  gens  prindrét  har- 
dielPe  d'étrer  es  mairons,!k  de  les  fouiller ,  sas  elpa'gncr 
aucû  des  ennemis.  Rczar,en  ctt^  etfroy, n'ayant  conieil, 
force  ni  courage,  nô  plus  qu'vn  brigâd  qui  le:  void  entre 
Ils  mains  de  laïufticcayîc  ofté  les  fers  a  Crufeau,cômc 
ça  de  l'appeilcr  Monfieur,  &  de  fnpplierceîui  auquel  le 
iour  de  deuant  il  auoi:  tât  di»;  &fait  d'outrages, &  mii  la 
chorde  au  coI;lcqucl lui  ayant  faiâ:  vne  crneuîe  cenfu- 
re  de  Tes  cruautcz  ,  &  ramentu  vre  refponfe  qu'il  iuia- 
uoit  faiâ:e  le  foir  preccdét, lors  qu'on  le  menaçoit  qu'il 
feroir  p6du  le  lendemain, Qvje  peut  eftre  la  mort  de  Re- 
zat&des  fiés  leur  eftoit  plus  proche  qu'à  Crufcaujpro- 
mit  de  s'employer  fîdelemét  à  lui  fauuer  la  vie.cômcdc 
fait  il  en  pria  bien  fort  la  Riuiere  ,  lequel  eftoit  entré 
dedans  la  chambre  l'efpee  au  poing.de  forte  que  Rezac 
fut  baillé  en  gardc.pourauifer  puis  aptes  ce  que  l'on  en 
feroir.  Mais  fur  le  miJi  il  ne  fut  poflîble  de  retenir  les 
foldars  qu'ils  ne  le  cuafTent  &  trainaflènr  par  la  rue, com- 
me anfÎ!  fon  enfeigne  &  fon  preuoft  :  quatre-vingts  de 
{ts  foldats  ayans  efté  tuez  auparauant., 

Buric  &  Monluc  indignez  de  tels  exploits  enuoyeict 
quelques  enfeignes  de  gens  de  pied  en  cei  quartiers  la, 
Ic(quels  rauagcrenr  d'eftrange  façon  tout  le  pays  d'en- 
tre Bergerac  &  Saindle  Foy,d*où  la  Riuiere  s'cftoit  reti- 
ré incontinent  après  l'rxecuriô  de  Re/.at.Icelui  ne  pou- 
uant  endurer  lesexrorfîons  des  gens  de  Monluc  ,  alloit 
de  nuiâ:  de  village  en  village  ccrchant  des  hommes  de 
bonne  volonté  ,  defquels  ayant  recueilli  quelque  nom- 
bre ,  &  auerti  que  le  capitaine  la  Sale  eftoit  logé  aucc 
trois  cens  foldars  au  village  dt  Certain  ,  délibéra  de  \ts 
alfaillir,  menant  fix  vingts  payfans  bien  refolusauec 
douze  bons  foldars. Eftlt'arriué  p'es  du  vilbge  en  plei- 
re  nui(ft,il  départ  fa  troupe  en  derx.,afîn  qu'exploitant 
en  deux  endroits  puis  après  tous  les  fiens  fe  rencôtraf- 
fent,&fit  fi  bien  qu'ayant  furprins  les  ennemis  ,  il  y  ea 
demeura  fur  la  place  iufques  au  nombre  de  fept  vingts, 
faas  que  la  Riuiere  perdit  vn  feul  des  fîens.Mais  il  y  eue 


&  memorahles»  1085 

dudcfordrc  ,   qui  empelcha que  la  Sale  ne faft  entière 
mène  desfait  aucc  le  rtftr  de  fci  gens. Car  ics  roidais,  en 
lieu  de  le  ranger  à  leur  chef,  comme  il  leur  auoit  com- 
raandé,s'amulcrentaubi)(m,qui  fut  caufe  que  la  Riuie- 
re.pour  les  retirer  de  ii,&:  pourcc  qu*iiscftcycnt  las,  fuc 
côiraint  de  fe  retirer  dcuantiour  en  deltoutc  ,  au  Jraux- 
bourg  de  la  Magdtlaine  ,  qui  cftl'vn  ie  ceux  de  Berge- 
rac. Ccpendanr,oUtrcs  cinq  compagnies  ,  logccs  à  i'cn- 
iour,ayans  oiii  l'alarme  de  Caftain  i^aHcmblercni  &râ- 
gercni  en  bataille ,  &  le  tindient  amû  lufques  au  iour» 
qu'il  Icurarriuade  rcnfoit  vnecorneiie  de  caualcrit.La 
Riuicre  d'autre  part  ,    pour  eftunnci  ctux  de  ia  ville  fie 
fonner  le  cocfain  des  l'aube  du  lour  ,  en  fonfauxbourg 
delà  Magdclainc  (  où  acouiurcnt  fans  Içauoir  quelles 
gens  c'cÛoytni)plulîcurs  j^ayfans  &  deux  hommes  d'ar- 
me» de  la  compagnie  du  comte  du  Lude  ,  lelcjuels  y  fu- 
rentarreftcz.    Adonc  laRiaierc, monte  fur  l'vnde  leuis 
cheuaux,&  arnné  de  leurs  armes  s'en  vint  droit  rcconoi- 
ftie  au  vrai  les  ennemis   lufqucs  au  bout  de  Gardccs. 
En  chemin  il  tiouuadcux  loidats  ,  venanj  du  pillage, 
Tvndcfqueis  il  tua, S^i'autrc  ayant  baillé  l'alarme  à  Gar- 
deres  fut   caufe  que  tous  fe  mirent  fondain  en  bataille. 
La  Riuieiefaifant  lois  fcmblant  d'ertre  des  leurs,  en  le- 
uaut  la  main  ,   &  demandant  iecapitaine  Pcyrelongue, 
les  amula  tciK:mtnr,s'approchant  &lcrcculanr,encore$ 
qu'en  fin  ov  lui  tirafl  force  harqucbuzades.ôc  qu'il  fufb 
pourfiiiuidc  4.   argouitts,  que  la  nuift  approchant  ils 
dcmcurerêten  merueilleufe  refuerie.df  lui  s'c»  letour- 
na  ver*  fes  gens  en  ce  fauxbourg  de  la  Magddame,  re- 
foIud'afTaillir  ceux  de  Gai-ieres  fur  la  minuidt.Mais  a- 
yât  trouué  iii  corps  de  garde  il  £\r  d'auis  de  fe  rctircrrce 
que  il  fie  tout  coyeraét  attendit 'ciour, lequel  paroifTanr 
&  les  ennemis  le  monflrans  tous  ensébleen  bataille  au 
milieu  d'vne  plaine,  à  fçauoir  cinq  compagnies  de  gens 
de  pied,vnc  cornette  de  caualerie,  ^  grâd  nombre  d'ar- 
goulet$,la  Kiwicre  fe  voyant  comme  perdu, monllra  bic 
qu'il  eftoit  homme  de  cœur  &  d'entendement, commâ- 
dani  foudâin  àfcs  foldac^  qucmaicbans  en  bataille ,  ô( 


Ï0Î6  Hiflûires  admirahles 

pall'ans  à  couucrt  par  derrière  vu  certain  village,  qui  A: 
trouua  fore  à  propos, ils  pafTafl'tnr  la  Dordongnc  com- 
me ils  pourroyen(,làoù  Dieu  voulurque  quelque»  ba- 
ftcaux  fvîtrouucrcni:  comme  à  poindt  nommé.  Mais  le 
principal  article  de  ce  rtraiagemc  fut  que  la  Riuierea-»- 
poftanc  vn  trompcttc('equel  il  menoit  exprelTement  a- 
Uec  loi,poiir  fajre  pcnLr  de  nui6t  qu'il  auoit  de  la  caua- 
lcric)le  fit  tenir  derrière  îe  ?i!lagc  ,  fonnant  inccffam- 
«icnt ,  iufques  à  ce  que  les  gens  fulTcnc  pafTei.  Lui  ce- 
pcndaat,  bien  monté  ,  s'approchantàla  portée  d'vnc 
harquebuzade  à  la  veaè  des  ennemis, qui  s'cftoyent  ar- 
reftcz  au  Ton  delà  trompccte,eftimâsqu'ily  auoit  quel- 
que caualericembufquee  en  ce  village  ,  &  'leceus  par 
qut'lques  vns  de  leurs  argoulcts  ,  quiauoycnc  rapporté 
auoir  vcu  trois  cens  chcuaux  ,  làoù  il  n'yen  auoit  pas 
vn,Ies  amufa  iî  long  temps, tirant  la  piftcle  à  coup  per- 
du ,  Jeur  difanc  outrages, &  roltig-  ant  puis  çâ ,  pui«  là^ 
comme  s'il  euft  voulu  les  attireren  i'embufcadc  ,  que 
fcs  gens  eurent  tout  loifî  de  paffcr.  Quoi  fait,  n'cfpar- 
gnancpaslesrfperons  a  fon  chcual,il  p.jfTa  le  Jet  nier  a- 
uec  Ton  trompette  ,  lailfanr  les  ennemisextrememenC 
dclpitcz  &  delefpercz  -^ceftatfronr.  La  Kiuiere  ayant 
puisaprcs  fa  tefcarter  [çs  j;en^, félon  qu'il  fçi'ioitlcurs 
retraites, le  lendemain  fe  rciira  -,  Boefl  .poui  aile  trou- 
uer  le  capitaine  l'iles  ,  auquel  il  fiK  en  trci-grand  dan- 
ger.ayant  efté  amufé  à  Rironjdont  il  fc  ûuua  par  dclfus 
les  murailles  auecvn  f...ldat. 

En  ces  entrefaites  ,  Piles  rodant  çà  &  là  auec  quel- 
ques loldats  par  le  pavs  d' Agenois  &  de  Pengord  ,  auer-» 
ti  qu'en  v  iicu  nommé  Aiô.agnac,dîftani:dc  Biron  d'v- 
nelieuè,il  y  auoic  vnc  corr»crtc  de  fix-ving-^s  chenaux  lé- 
gers ,  que  le  capitaine  Montcalfin  conduifoit  en  F'^ancc 
pour  le  duc  de  Guifc,  délibéra  de  ralfailâir  la  nuift,  s*e- 
llant acheminé  auec quinze  cheuani  6c  quinze  harque- 
buziers  de  pied  feulement ,  &  pcr  Ont  trouuer  les  enne- 
mis endormis.  Mais  defcouaerc  par  vne  sé:inelle.le  trÔ- 
pctte  de  cefte  compagnie  fonna  l'alarme:  ce  qui  eftonna 
lelicmentlcs  quinze  harquebuzicrs  a  pied  ,  qu'ils  s'en- 
fairenc  auHicoi^*  Ce  neantmoins  Piles  conâderanc  c6- 

bica 


ér  memorMeu  i  o  à  7 

''icd  importe  latiftciïecntcls  affaires,  donna  dedans  le 
^illage  de  telle  roideur  qu'il  enfonça  les  premiers  ren- 
'ontrcz.tntrelefquclss'eftant  trouucleur  chef  Mont- 
calIin,conïbatani*à  cheual  auec  deux  efpces,&  aufll  toft 
rcnucrfé  mort  par  terre  d'vn  coup  de  piftolc ,  les  autres 
perdirent  incôtmcnt  courage, rournans  bride,  &  en  de- 
meura quinze  fur  la  place  ,  dcfqutls  Plies  emmena  \z% 
cheuauxjqui  lui  feruirent  bien  depuis:car  auparauanc  li 
n'auoit  cheual  qui  valuft.  Quelque  temps  après  Piles  c- 
ftât  allé  à  Eymet.ville  d'Agenois,  où  il  y  auoit  pluiîeurs 
qui  le  dcûroyéc,  laRiuierc  s'cftani  mis  en  chemin  pour 
oiiir  nouueiles de Pilcs,mai$ mal  monte,  &  feulement 
couuert  d'vncolctdebufle  ,  fut  rencontré  de  vingt  ar- 
mcz.qui  le  chargcrentjverfereni  par  tcrre,&  faifircnt ,  a- 
pres  auoir  reccu  vn  coup  de  piftole  aux  reins  le  perçanc 
tout  outre.  En  ceft  cftat  iJ  fat  mené  par  eux  deffus  vn  pc 
lit  pont  fur  la  riuiere  du  Drot ,  pour  gaigncr  vn  village 
prochain. Mai?  padant  fur  le  pont  il  reprint  tel  courage 
que  fc  dcpcftranc  de  ceux  qui  le  fouftenoycnt  fous  les 
hras.ilfe  lança  ccdâs  la  riuiere,nageant  entre  deux  eaux, 
infques  à  ce  que  n'en  pouuani  plus  il  apparut,arrefté  fur 
l'vndes  bords  delà  riuiere, pourfuiui par  ces armezaifez 
long  téps  à  coupi  perdus  de  Icnrs  piftoles,dcnt  il  ne  fut 
nuilemcn  atteint.  Ces  armez  craignans  d*eftre  d'efcou- 
ucrs  par  Piles  &  ceux  d'Eyme(,fc  ret;rercnt,eftimans  la 
RiuKrt  fi  blclfé  que  c'eftoit  vn  homme  mon. Mais  forti 
de  Teau,  quoi  qu'extrêmement  foibie  ,  à  caufc  da  fang 
perdu  &du  garid  trauailfoufFcrt,il  s'achemine  vers  Ey- 
met,où  il  tombacn  nouueiles  diiHculcez  ,  trouuant  les 
portes  fermées,  &  n'ofant  fe  nommer  à  la  fcntincUe, 
d'autant  qu'il  ne  fçauoitpas  pour  certain  que  Piles  fuft 
Jeans.  Mais  Hnalcment  ayant  pi  ié  qu'on  euft  pitié  de  lui 
blefle,  fc  rendant  prifonnier,  on  fortit  &.  le  mena  on  à 
Piles, lequel  le  fecourut  de  loutfon  pouuoir,  mais  non 
pas  félon  fon  deiîr,&  comme  la  necelTité  le  requeroit.e- 
ftant  contraint  de  partir  d'Eymet  ceftc  nui6l-la  met- 
me, pour  ne  tomber  es  noains  de  fcscnncmis.Ainfi  donc 
fa  playe  fut  accommodée  le  mieux  qu'on  peut,&  ayant 
mangé  quelque  peu  ,  Pilc$    le  porta  en  croupe  lul. 


I  o  8  8  Hiftoires  admirables 

^UcsaulicuUeleur  rctrûiie,cl  ntil  irouua  moyendc  le  ' 
icndre  à  Pardaillan  ,  où  ii  tat  fi  bien  penlé  ?  tjuc  dedans 
Icdiifcpiie  me  joui  il  fut  ho  s  de  di*nger,&  en  cftat  de 
porter  ks  anncs  :  ayanr  ché  cepcndam  porté  vu  fantol- 
inccntcirc,  &  le  bruit  Icnic  que  la iliuicrccitoit  mort 
&cntcné. 

Munlac  rcfueillé  par  les  nouuelles  des  cftranges   tX' 
ploies  fufjaentiLni.ez  ,    relolut  de  Icuer  gens  de    toutes 
parts, &  de  taire  tous  effonj,, pour  auoir  i-'ilcs  &  les  fiens, 
ou  pour  le  moins  les  chaHcr  cbticicmét  detouc  le  pays. 
Piles  enterdau:  cela  ,  voyant  aulli  i|ue  tans  forces  llirtî- 
fantcrs  pour  fure  telte,il  faioit  tai  e  »  etraide  ailleurs,  ou 
bien  auoir  quelque  place  tenabJc  pour  loger  lui  &  fcs 
g:-ns,choilit  pour  tel  cffeét  Mucidan  vile  de  Pengord, 
alfci  force  &  malaifee  a  gdigner.     Il  pratiqua  Quelques    ji 
intelligences  dedans, ôcluiuant  fa de]ibcraij«^n,  &  enui-  ilj| 
ron  la  mi  lanuier  mil  cinq  cens  foixante  :roi$   ,  auerti 
par  fcs  amis  que  ni  ceux  de  la  vilic  ni  de  la  garoilon  du 
chaftcau  ne  failoyent  g^rde  ni  fentmelle  do  nuit  comme 
ne  fe  doutans  de  rien,;!  y  entra  lui  ticncieime  leu.en^ét, 
auec  des  cfchelles  qui  lui  furent  tendues.   Entré, l'on  af- 
icurequcccux  de    la  garnifon  du   challeauqui  aucyent 
peid'j  le  temps  lufques  à  mmuiâ:  àdanfer  3cyurongner, 
clloyent  endormis  comme  pourceaux  ,  en  heu  de  le  Te- 
nir cache. &  d'attendre  ,  comme  il  auoit  parauantdeli- 
beré,  que  leiour  venu  les  ioldats  du  chafteau  defcendif- 
fcnt  en  la  ville  à  leur  manière  acouftumee  .refolut  de 
pourfuiare  fa  poinfte.Sur  le  champ  dôques  ayant  atta- 
ché deux  longues  elchelies  enlemble,  allez  grades  pour 
atteindre  tn  vn  endroit    ,   où  il  y  auoit  vn  feul  créneau 
plus  bas  que  !e  rcfte  des  murailles  du  chaftcau  extrême- 
ment hautes,  quoy  que  la  montée  fut  trcs-hautc  &.cf» 
froyabic,&  que  les  erchelics  fulTent  dreffccs  fi  droiftcs, 
pour  atteindre  iniques  au  lieu  ,  qu'il  n'euft  falu  qu'vn 
feul  p-tit  enfant  pour  les  renuerfer ,  rriôta  toutesfois  lui 
quinzielme  feulement ,  s'cftant  rompue  rcfchellc  fous 
celui  qui  monta  le  dernier.  Ceftecntreprinfe  lui  fucce- 
da  11 hcureufcmcnc, que  fans  rclîftance aucune  il  fe  fît 

f        njaiftre  , 


fj-  mémo  rahlcs.  î  o  8  9 

jnaiftreducIiaiteaU)&clctoucccquief\oit  dedans,  & 
par  conl!  qucnt  <ic  la  ville  ,  à  laquelle  Soudain  acouru- 
rciu  um  de  gens  pour  y  eitrc  en  fcurcté  ,  qu'il  tut  coo- 
tramt  d'en  rciiuoyer,n*cn  ayint  retenu  que  fîx  cens  ,à 
cauiequclciicu  i/cn  requeroit  pas  û'^uantagc  pour  fc 
gard.-r.Piles  n'oublia  pùs  de  ie  fournir  de  viurcs  ,  poui- 
tireS)&  aud es  munitions  neceiraiies  >  coûtant  tout  le 
pays  circor.uoilîn. 

.  Celle  lurpnnlc  eftonna  Monluc,qui  puis  après  amaf- 
£a  gcoi  de  tous  cofkz, commandant  au  fcncfchal  de  Pc-» 
rigurd  de  faire  ie  fcaiblable  ,  ce  qu'il  exe  cuca  proiriptc- 
incnt:&  cuicant  bien  emponer  l'honneur  d'auoir  rega- 
gne Macidan  fans  en  rien  mander  à  Monluc,  vint  fe  lo- 
ger aucc{ix  viogrs  cheuaux  &:  aatantde  piétons  au  pri- 
euré de  Sourzacjà  vn  qua;t  uk  iiciicde  Mucidan,  place 
ircsfortc  fans  canon. S'aiFcurant  ce  fencfchal ,  que  Pilct 
citant  rouble  de  caualctic  n'oi'croit  ionir  de  Ion  fon,ni 
jjiettic  perfonnc  aux  ch.împs    ,    il  fi.  monccr  fes  gens  i 
cheual  ocs  le  matin,pour  tirer  vers  la  ville.  Piles  d'adU 
trc  coliéaueriide  l'aiiiuce  du  fepefchai  à  Sourzac,  c- 
ftoitce  mcfme  matin forti  de  Mucidan  aueciicntedcux 
cheuaux  6c  quatre  vingcv  hommes  de  pied  »  feu. cmenc 
CQinccntion  de  luifaue  vnebrauade  :    &  ne  fçauoycnc 
n'en  lesvns  des  autres.   i'clTans  donques  defcouuerics 
ces  deux  troupes  de  Piles    ■>   la  caualerie  d-i  fenefchal 
(ayant  mis  les  gens  de  pied  en  embufcade  dedans  va 
moulin  par  deuant  lequel  Piles  deuoit  palier  )  s'auança. 
Piles  d'autre  part  ayant  rangé  fcs  gen;,  &  marchant  peu 
àpeu,cnuoya  quatre  cheuaux  pour  rcconoirtfcleiennc- 
misjlclquels  n'eurent  pluftolt  apeiceu  ces   quatre,  clu- 
mans  auoir  de  fia  Piles  fur  les  bras   ,    qu'ils  prindrcnt 
Ja fuite  droit  àSourzic.  Ccftc  couardifc  accouragca  les 
quatre  caualicrs  de  PjUsde  les  pourfuiurcik  Piles  d'al- 
ler après  au  grand  galop  ,  pour  attrappcr  ki  plus  mal 
montez  ,  le  relie  Itlàuuant  dedans  Sou.zac,  fans  Te  fou- 
cier  qtjc  liemciidioit  leur  en  bulcadc.    L'infanterie  de 
piles  arnuce  au  moulin,  d'où  quelques  hr  rqutbuzades 
furent  tirtes    (    de  l'vnc  delqucJles  i'vn  des  meilleurs 
£oldats  de  Piles  fut  lué  )    oc  fut  f  ai  fans  danger   ,  &ie 


io  9  o  HiftoiresndmirMs 

mit  à  couucrt.  Piles  cflanc  venu  recueillir  Tes  foIdatSi 
louscnfcmble  tirèrent  droit  au  moulin»  duquel, pas  va 
ne  fortoii  qu*il  ne  fuft  auflî  toft  frappe ,  &  finalement  le 
feu  y  cftant  mis  tout  lercftey  bruila-S.ourzac  fut  aban- 
donné par  le  fcncfchal  beaucoup  plus  vifte  encore  qu'il 
n'y  eftoit  v£nu,&  ne  comparut  depuis  perfonne  pour  af- 
iîegcr  Mucidan. 

Cela  donna  courage  à  Piles  d'entreprendre  fur  Bcr- 
gcrac,à  quatre  grandes  lieues  de  Mucidan,  cfperant  fur- 
prendredenuiftceuxdelagarnifon  ,  &  entrer  dedans 
îa  rille  ,  ayant  trouué  moyen  de  faire  forger  vne  clef 
propre  àouurir  i'vne  des  portes.  De  fait  il  y  arriua  à 
point  fans  eflre  aucunement  defcouuert.  Ilauoit  choifi 
deux  cens  hommcs.nombre  qu'il  iugeoit  fuffifant  pour 
exécuter  cefteentreprife.  Mais  cftant  auenuquela  clef 
fe  rompit  en  la  ferrure,ainfî  qu'on  vouloit  la  tourner, 
il  s'en  retourna  fans  rien  faire, fauorifc  toutefois  par  r- 
nefinguliere  prouidencedc  Dicujellant  vray  fcmblablc 
que  fans  ceft  empefckemcnt  lui  &  i^ts  gens  cftoycnc 
perdus.  Car  outre  ce  qu'vne  partie  des  liens  cftoic  de- 
meurée par  les  chemins, ne  pouuant  plus  marcher  ,  \ç% 
autres  au  nombre  de  foixante  &  dix  rcuIemeHt,arriuans 
à  la  portc,citoyent  fi  mouillez,  qu'ils  eulTent  eu  grand' 
peine  à  faire  prendre  feu  à  leurs  harquebuzes:&  ils  cuf- 
fent  rencontré  dedans  la  ville  trois  corps  de  garde  plus 
forts  qu'eux  ,  &  compofL'z  de  gens  qui  ncfe  fulFcnt  pas 
laifTé  bairtc,fans  parer  aux  coups  &  le  reuencher,  com- 
me depuis  ;ls  le  raonfticrent  bien.  Piles  donc  s'en  re- 
tourna pour  ce  coup  fans  rien  faire. Mais  fc  voyant  ren- 
forcé de  nombre  de  foldats  ,  quilui  vcnoyent  àia  file, 
comme  au  contraire  ceux  de  Bergerac  ,  eltans  en  gar- 
nifon  au  commencement  lufqucs  au  nombre  de  trois 
cens  hommes,  fe  diminuoycnr,pour  auoir  eflc  quel- 
ques vns  eftonncz  après  l'encreprilc  defcouuerte, 
ayant  efté  trouuee  la  clef  rompue  dedans  la  ferrure: 
ilarreftadercdrciïer  ibncntreprife  par  vn  autre  moy- 
cn,ayant  nouuellc  intelligence  auccvn  delà  ville,  qui 
auoitfa  raailonfur  les  murailles  ,  en  laquelle  il  dc- 
uoit  faire  vue  ouucr turc  capable  pour  y  faire  entrer 

va  hom- 


&  mémorables.  lo  ^  r 

vnhomroe  au  coup.  Suyuatdoncce  dcflcin,  le  douzief. 
me  iour  de  Mars  il  ne  faillie  de  s* y  trouucr  auec  bonnes 
troupes, &:  d'y  entrer  luiui  des  liens ,  nonobftanc  qu'ils 
cufTontcrté  incon  inenc  dcTcoauerts  par  la  lentincllc, 
quidunna  l'alarme  fî  chauJe  ,  <jue  les  coip^  de  garde  fc 
trouuercnt  prcùs.  Ce  ncan:moins  Piles  donna  dcfîus» 
&L  voyant  d'aucrcs  gens  qui  luruenoycnt  à  la  file  au 
co:  ps  de  garde  quil  auou  trouué  le  premier  ,  mu  quel- 
ques vos  de  (es  loJdats  au  d-lFus  &  encre  deuxjqui  tuoy- 
cnt  les  faruenansjians  grande  reliltanccid  autant  qu'ils 
ne  venoyent  pas  en  iroupe  ,  loint  qu'il  auoic  donné  or- 
dre(deuani  que  d'eatre')afin  d'empcfcherquc  les  corps 
de  garde  ne  s'cntrerccouru(îenr,quc  les  gouiats  3c  che- 
uaux  auec  vn  tromperie  courullent  &  fîlientgrâdbruic 
par  dehors  tout  a. iLour  de  la  ville.  •  Par  tel  moyen  ce 
corps  de  garde  fut  fînalerrcnt  desfair,  &  conlequemméc 
les  deux  autres  ,  combien  que  ce  ne  fuc  pas  fans  le  bien 
détendre. En  cts  encrcfa:tles  le  capitaine,  qui  comman- 
doiten  la  ville,ayant  raliié  fepiantc  foidars,ga;gna  ha- 
ftiuement  le  chaileaii:&  d'vn  autre  colic  le  curé  de  Ber- 
gerac, lequel faifoit  aiiflî  dj  lapicaine  ,f.  ietta  ,  fuiui  de 
ircntcfoldats,  dedans  vnc  forte  tour  de  la  ville.  Ainff 
fe  pada  la  nui<ft ,  ayans  efté  mis  au  fil  d-  i'cfpee  tous  \qs 
foldatsqui  nepeurenc  gaigner  la  tour  ou  le  chafteau. 
Le  iour  venu,  Piles  vo^anc  que  m  ceux  de  la  tour  ,  ni 
ceux  du  chaftcau  ne  vouloycnt  fe  rendre  ,  allaîllic  les 
Tns  &  les  autres:dont l'ilTue  fut  telle,qb'cn  peu  de  temps 
la  tour  ertant  rappce,accabla  tous  ceux  qui  cftoyent  de* 
dans ,  excepiélecuré.lcquel  trou.é  vit ôc  peu  blcfiéfut 
loft  après  pendu  &  cftrang.é. comme  il  le  mcricoir ,  ayac 
efté  de  tout  temps  (ce  diioyent  piulîcurs  )  vn  trcfincf- 
chant  homme.  Qu^ant  au  charteau,ia  baftc  court  ayant 
cftcptife,  le  capitaine  &.  fcs  Tcptanie  foidits ,  contrains 
de  le  fauuer  dedans  vne  tour  ,  oli  il  n'y  auoit  ri  viurc 
nimuncions,  le  rerdircnc  à  mcici,  qui  fut  tciie  ,  que 
tous  furent  extcrmmiz.  Apres  cefte  fxecunon  Piles  fe 
retira  en  fa  place  de  Mucidan,la  fortifiant  tous  ics  i«^urs 
de  gens  &  de  viures.    Monluc  entcndanr  ces  uouucilcs, 

22     * 


10  9 1  HiHoîres  admirMes 

non  attendues  de  lui,  ^ui  penfoic  qae  pcrfonnc  n'ofc- 
roit  rien  entreprendre  où  il  feroitjdcfpcfcha  prompic- 
incn  t  le  capitaine  Pey rot  Ion  fili  pour  afli  ger  Mucidan, 
aucc  trois  pièces  de  canon  que  l'on  falloir  amener  de 
Bourdeaui.Mais  dcusntquelc  tout  faft  prcft,  ayant  rc- 
ccunouucllcsezpreircs  de  la  paix  ,  il  les  fit  entendre  à 
Pilesjlcqucl, après  la  publication  de  l'edidl  à  Bourdcaux 
le  retira  eu  fa  raaifon.ii{/?o»re  de  Charles  iXMu,^, 


^1 


yE I L  L  ES  di*  tout  extraordinaires 
CT*  prodtgteiéfes, 

IL  s'cft  trouuc  des  perfonnesquiont  cftc  neuf  iours 
entiers, fans  ciller  ui  cl  gner  les  yeux,  tantpcuquc 
ccfuft.Ferntl  faidt  mention  d'vn  frcnMique,  lequel  fut 
yn  an  &  deux  mois  entiers  fans  dormir  m  Jojr  ni  nuiét. 
^u  ^  .hu.de  fa  pathologie  ch.z .  Lc  doélcur  Hcurni.'S  la- 
conte  que  tandis  qu'ii  eftudioit  à  Padoue,  on  i'afï'cnra 
que  ce  pedonnage  nommé  Marius  Nizolius,quia  f..id 
vn  grand  recueil  des  mots  de  Ciceron,  fut  dix  ans  en- 
tiers fans  dormir,  ^u  i  é.ch.di*  H.  des  maladies  de  la  ttffe. 
Nousauons  conu.cedic  Montuus,vne  damoifclic  ,  qui 
par  i'cfpacc  de  trcme  cinq  .îns  demeura  lans  dormir  ,  ôC 
ne  lui  en  auinr  pourtant  mal  ci  incommodité  quelcon- 
que,au  relmoignage  de  fon  mari  &  de  loiis  Ca  domc- 
ftiques  Mnfoit  i  Jiu.des  n}aladies,chap.  1 7 .  Çajj^ar  yh'olpta 
Médecin, raconte  auoir  apnns  de  fon  hoftc,  personnage 
notable,  à  Pauie,  que  certaine  femme  fat  quinze  iours 
enciers  &  autant  de  nui£ls  (ans  dormir,  fans  qu'on  peuft 
laiprouoqtier  Icfommeil,  à  ciufcdc  lafoibleiîede  foa 
cftomach  5i  faute  de  vapeurs.  Car  elle  ne  faifoit  qu'vn 
re  as  le  iour,à  dvfné,&  ne  miangcoit  rien  qi;c  ce  fuft  aa 
foir.  Finalement  on  lui  fît  vfcr  d'vncroftic  trempée 
en  mâluoiiic,vn  peuauanitjue  fecouchcr,  ce  qui  la  re- 
snicencraiode  àaitau* 

yE\S 


é*  memorahlesl  i  o  9  j 


VET^S  ait  nombril. 

MOnficiirAllo)Svicil&  confumé  aux  cipcrienrcs 
dcl'arr, icpais  vingt-quacfcanv  en  ça  q. 'il a  fnift 
lamccJccineen  Fr.inct,.n  Italicà  Malthc,&  antres  lïeux 
de  laGrcccm'adiâ:  ,  auoir  autrcsfois  vifi-é  vnc  fille  à 
Tarafcou,  laqnrllc  aagcc  de  douze  ans  cm  duiantqua- 
tTç  annee<  vrc  fîcure  Icntc.aiicc  vnctumeur  3>i  ventre  & 
exténuation  démembres  ,  de  façon  cjuechafcun  la  iu- 
gcoit  hydropiqiie.au  bout  de  ces'quatre  années  aparuc 
vne  tuincur  à  Tcndroit  du  nombril  ,  que  nature  ouuri| 
d'elle  mefme,  cerchant  à  fe  defchargcr  de  fou  contraire. 
De  ccftc  ouacrture  fortii  grand' quantité  de  matière 
purulcnte.i'efpace  de  dix  mois  entiers.  A  la  parfin  forri- 
icnt  trois  grands  vers,charcun  d'vn  pan  de  longueur  SC 
d'auantage,de  la  grollcur  du  petit  doigr,  &  lors  fe  trou- 
ua  entiercmcc  deliuree,&  s'eft  ponce  merucilleulement 
bir-nd'îpuisj^yant  efté  marier, Se  mère  de  beauxcnfans. 
Vn  garçon  en  mefme  temps  &  lieu  ,  aagé  de  huidlou 
neuf  ans  )  de  pauure  maifon  ,  après  auoir  enduré  de 
grand/^s  douleurs  &colique$,feprcfentavn  petit  troua 
trois  doigts  près  du  nombril  au  coflédt  oit,  auquel  vne 
petite  pointe  noire  paroiiTant  le  chirurgien  fe  douta  que 
ce  fuft  vn  ver,  qu'il  tira  aifément  auec  Tes  pincettes.  Il 
eftoit  de  la  longueur  d'vn  pan:les  douleurs  rcuenoyent 
par  interuane,&  ne  pouucyent  eftre  apaifees  que  par  la- 
dire  extra£tion,&  en  fc-toyt^nc  deux  ou  trois  a  la  fois,  & 
non  plus, tirez  l'vn  après  l'amre.  puis  le  tro  u  fe  fermoir. 
Qi.iclquesfois  il  n'aparoifroic  d'vn  mois  ou  de  fix  fcmai- 
nes.iulques  à  ce  que  les  douleurs  reuinfTrnt.  Lors  one- 
ftoiïen  mcime  peine  que  dcuant.Ce  «garçon  à  vefcuplu- 
fieurs  années  en  tel  cfizx.yvt. "Barthélémy  £abrol,en[cs  objer- 
uuùons  ^natomi^uesjobfevpt.  l  9 . 

yicTo  I7{,ES. 

FErdinand  de  Sottomaior,  gentilhomme  Portugais, 
ayant  cfté  desfait  cû  rue  rencontre  par  les  IndicnSf 
■  ZZ    5 


10  94         Ht  Boires  admirables 

es  eruirons  de  GoaJ'an  i  ç  it.puis  refraifchi  cîe  quel- 
que fecours,rcroIut  d'auoir  Ça  reuéchc,  &  d'alicr  retrou- 
uer  ccuxqui  l'aucyent  b.iitu  ,  quôy  qu'ils  fiifTcnc  au 
nombre  de  cinq  mil  hommes, tant  de  pied  qi^c  de  che- 
uai.  Ceux  qu'on  auoic  enuoyé  à  la  defcouucrte  r.ippor- 
tcrenr  que  les  ennemis  efto)  enc  paHcz  à  vue  licuë  &:  de- 
mie de  là  ,  fans  que  perfonne  peuft  dire  où  ils  e^oycnc 
allez.  Fernand  f*.  fit  inconnnenc  croire  quelapcurc- 
ftoitcauTe  dece  chemin  ,  &  qo'il  faudroit  pcude  geng 
pour  cnetcrc  cei'te  armée  en  rouce.  Fourrant  il  courut  a- 
pres.fuuiide  i  ^.  cheuaux  ,  de  fix  vingts  pictons  Portu- 
gais,&  de  trois  cens  Indiens  confcdercz.  Le  lendemain 
l'nr  le  roir,apre-  auoir  palTé  vne  riuiere  à  gué, trois  lieu- 
es ^u  dcffbus  du  lieu  duquel  il efloit  parti  ,  il  dcfcoii- 
urii  les  tnnr  mis  à  vntrait  d'harquebuze  loin  de  lui  fc 
rcpofans  au  pied  d'^  n  coftau,bornant  vnc  belle  &  gran- 
de pleine. Eut  aperceiians  les  PortugaiSjfcle'uent  incon- 
tinent en  pieds,  &  fe  rangeant  en  files,  encore  qu'ils  re 
fufienr  que  cinq  miljparoifToyent  beaucoup  plus,  ce  qui 
eftonna  les  Portugais.  Fe^nand  qui  voyoit  fcs  gens  ef- 
branflcz  ,  les  arrefta  &  encouragea  de  telle  forte  ,  enco- 
re que  les  fois  cens  Indiens  s'en  fuHTent  fuis,que  les  iç. 
homes  dé  chual  fuiuis  des  i  lo.pieios  dôneret  de  pied 
&  de  tefte  à  trauer»;  cef^e  armée  d'enncmis,auec  tel  ef- 
fort &  fuccez  qu'après  grard  m-urtie  de  plus  de  800. 
des  principaux,nctammcnt  du  chef, ils  mi  ent  tout  le 
refte  à  vau  d?  route, n'ayans  pe-du  homme  quelconque, 
mais  feulcmér  ç. cheuaux  tuez  fous  leurs  maiftres.Tou- 
tesfois  d'aftanr  qu'ils  cftoyentprefq  lies  tous  blefiez  ,  & 
Fcrnand  entrt-  les  autres, il<  ne  poDrfuyuirentgucres  les 
fuyards,  ains  apr^s  auoir  ram'  fié  les  dcfpouillcs  trouuc". 
rent  moyen  de  retourner  à  Goa,  cù  pIufieursdcsblcfTez 
moururent  Htft.de 'Portugal  liu.i  i.j'efl.i6. 

L'an  I  ^u.îes  Turcs  cftas  venus  faire  quelques  cour- 
fcscr  Hongrie,!'eIeâ:eur  Palatin  marcha  auec  festrou- 
pes  fur  les  f  entières  ,  pour  arrefter  les  ennemis  ,  s'ils 
vouloyentpalTer  outre. Peu  de  temps  après  le  comte  de 
Heuxi'alla  trouuer  de  Ja  part  de  i'empereur,pour  com- 
rauniqucr  enfcmbic  des  afaires  de  ia  guerre.  loachim 

mariais 


é'  mémorable  si  i  ®  9  î 

marquis  de  Brandebourg ,  qui  cftoit  afTez  loin, leur  r.f- 
criuit  auoir  defcouucrt  par  les  clpions,  que  les  ennemis 
ccrchoyent  de  k'aileuier  de  quelque  paflaigc  propre 
pour  leur  tuice  ,  &  pour  empelcher  par  mermc  mc)  ea 
qu'on  ne  peuil  les  fuyureicar  ils  xnarchoyenîà  petites 
iournces,e{tans  chargez  de  butin.  Apres  auoir  defcou- 
ucrt au  vray  le  lieu  où  ils  ciloyent  ,  Philippe d'Ober- 
ftein,Scban:ian  Schertelin&  Ican  Sailer,&:  Keitmaiftres 
des  regimcns  du  Rhin, de  Suaube,&  du  Palatinar.furéc 
cnuoyez  deuanc  auec-vne  compagnie  de  vieux  loldats. 
Ayans  iurprins  vn  Turc  ili  entendirent  l'eftat  auquel 
cftoyent  les  autres ,  lefquels  ils  allèrent  charger  à  l'im- 
prouiftc,&  en  cefte  première  charge  faille  fur  le  foir,  y 
eue  enuiron  mille  Turcs  tuez, qui  eftoyet  lors  au  nom- 
bre de  quinze  rail.  L'eledlcur  Palatin  ne  voulant  pas  Ic$ 
quittera  fi  bon  marché, fit  tenir  fcs  troupes  preftes  &de- 
bouc  toute  la  nuid ,  &  les  ayâc  rangées  en  bataille  deuat 
iour.vint  charger  les  ennemis  de  telle  impetuofitc.qu'é 
peu  d'heure  ils  furent  rompus  ,  &  chaflez  plus  de  trois 
îieues  Françoifcs  cntic  les  mains  du  marquis  de  Bran- 
debonrg,afin  que  tous  cullent  part  à  cefte  vj£loire  excel- 
lente. Car  de  ces  quinze  mille  Turcs  n'en  retourna  pa» 
vn  fcul  pour  porter  les  nouuelles  à  fcs  compagnons:ains 
furent  tous  tuez,ou  noyez,  ou  fufFoquez  dedans  les  ma- 
t&^i-.èc  n'en  print-on  aucun  à  rançon  ni  à  merci.  L'em- 
pereur n'y  perdit  qu'rn  homme  en  tout:&  fit  de  grandi 
honneurs  &prefens  aux  principaux  de  l'armecpour  s'c- 
ftrcportez  fî  vailIammeBt,lui  cftant  lors  à  Viénc  en  Au- 
fixichc. Hifi.de  Hongrie. 

lean  Coruin  Huniade  auec  vnc  armée  de  quinze  mil 
hommes  donna  bataille  à  quatre  vingt  mil  Turcs  en 
câpagnc  rare,les  desfit ,  en  tua  près  de  la  moitié, &  mit 
lereiteà  vau  de  route  :  gaigna  deux  cens  cnfeignes, 
&  eut  cinq  mille  prifonniers.  Quelque  temps  après 
il  gaigna  vne  féconde  bataille  près  d'vne  riuicrc  :  &  cô- 
bien  qu'il  n'euft  que  dix  mille  hommes  auec  foy  il  tua. 
trente  mille  Turcs,  &  print  4. mille  prifonniersni'ayanc 
en  c^s  deux  batailles  perdu  que  bien  peu  des  fiensxula 

ZZ     4 


10^6  Hijfoires  aâmirahUs 

dernicre  in«ururcncenuiron  cinq  ci:ni.'BonJtn,en  l^JjiJï.de 
Hongrie, lii*.  S  MeCAcL.  3 . 

L'an  r  4^  ^.enuiron  mille  Suifles  eftansallez  îivç  v- 
necourr,poar  molcîierles  Imperîaliftcs,retr(Miuerrnt 
pref  ie  Bafle  enuiiontiei  tl'vnc;  auiice  d^iceux  ,  compo- 
îec de  huift  mille  Iiommcs  condairs  par  Frcdeiic  Ca- 
pe .  An  lieu  He  reculer  ils  vindrcnc  aux  main^r-c'cnc 
lui  lechamp  fix  cens  imp^  1  iali(>es  ,  Se  mirent,  les  aof^cs 
en  rourco'âyans  perdu  qu'vn  des  Unr^.StHvi^jiwenl'hifl. 
de  Smjjs.  Vingç  qiiacrc  .tns  aopârauanc  ils  d»  sfirent  lé 
coiiue  de  Romon  près  d'E'icnur,5c  It^i  tuèrent  18,  cens 
foId;»cs  fur  le  champ,  mirent  f^^n  armée  de  rrcntc  mille 
hommes  en  Toute,fans  auor  pcrclu  pas  vn  des  leurs.  Là 
mefme. 

Lescheualie^sdlc  l'ordre  Teutonique  gaigne^ent  v- 
nc  excellente  vitftoire  conrre  les  Mofcouitcs  o^  Tarta- 
xesen  Liuonic  l'ani5oo.Céî  mille  Morcouiics&  Tar- 
tarcî  furent  tuez  fur  le  champ,  &  le  relte  de  Leur  armée 
d'enuiron  trente  mil  hommes  mis  du  tout  à  vau  de  rou- 
te.LfS  chi-ualiers  eft<  yenr  en  petit  nombre, &  ne  pcrtii- 
Tcntju*vn  àzs  leurs>avans  quelques  blfffcz. mais  qui  fu- 
rcnrgîieris.Leg  and"  duc  de  Mofc*  uie.eftonnéque  neuf 
OUI  dix  milhômcsau  p'us  eufTent  nié  tant  des  fiés  ,  fia^ 
aucune  pcrt^  ,  demanda  trefucs  pour  cinquante  ars  au^ 
gr^nd  rommandcnr  de  L!uonie,&  Vohimi.Alex.Guagtùn 
enl.t  dffcriptiott  du  Lmuure. 

L'an  1  ç  74  les  Moldauesnyans  efleu  vn  v;ïyuode,r6- 
mé  I  ionie.GiK  I ques  fi  ns  cnn..mjs, nommément  vn  pa- 
larin  delà  Valachie  d  la  les  monts,  dcfi  Cijx  d'auancer 
vn  Gen  frer<",proc';ra  enuers  ie^  bjffas  à  Conf>Itinople, 
qucStlym  lenrf^lran  enuoya  demander  double  tribut 
à  foonic  ,  ou  (ju'il  qnit,il>  la  pi^cc  ce  que  le  vayuode  r^ 
fufa.  Pui<^  pr-^ucyant qu'on  luy  courrnit  fus,  demanda 
fecours  â  Henri  de  Valois  lors  roy  de  r'oIo^'.e,&  y  refî- 
dcnr.  Mais  li  rut  efconduit  ,  le  roy  &  Ton  conleil  s'cxcu- 
fanf  fur  les  alliances  entre  les  1  urcs  5.  Polonois.ll  y  2 
prcf'ques  ordinairement  (ur  le-,  frontières  de  Lithuanic 
&dc  Mofcouicdes  coureurs  &gen$  de  cheualPolonois, 
qwi  ne  ioi  que  Voltiger  de  lieu  en  autre,  tant  pour  buti- 
ner^ 


(^  memorahles*  ïo  9  7 

lïer,qiic  pour  brider  en  cjuelquc  forre  les  Tarrarcs,iU$V 
peUéL  Ju  lâg^Jgedu  pays  de  Cofakcs.  luonie  les  appelle 
à  fon  fccoui  s.leiir  monltrât  l'cijiîi'é  de  la  catik  ,  &  pro- 
mcviani  grandes  recompends.  Eux, le  (Vuicjans  peu  de 
leur  nouùeau  roy  ,  quutercnt  les  laig;  s  c^mp^ig^es  de 
Podo!ic,&  HiifTicpour  aile;  fecoHru  le  v.Tyuode.  Us  e- 
ftoycntau  nombre  de  douze  c'ns  hommes  de  cheiial» 
ayans  pour  co'oucl  vn  gen'.ii-hommc  nonomé  Sujerce- 
ue,rage  &  vaillant  capiramc.  Ces  Cofakcs  paruencis  en 
Valachie  deçà  les  monts,  au  camp  dB  v;.yuod'  ,  turent 
magnifiquement  receus,&:  au  leuer  d'vn  banq^:ec  qu'on 
Jeur  fît  ,  le  vayuode  fit  prefent  an  colonel  èi  à  Tes  capi- 
taines de  qpelques  bafilns.  d'argent  pîeits  deducars,sfio 
de  les  acourager  d'auancage,  6l  mi.  ordre  que  tous  leurs 
hommes  fulicvit  anoplemcnt  laiaricz.  Puis  Ayant  com- 
muniqué des  afaires  aueceux,  ils  fc  préparèrent  to-us  à 
la  guerre.C'eltoit  au  mois  de  May  de  l'an  mil  cinq  cens 
fcpiante  quatre. 

ielym,extrememcnt  indigné  de  larcfponfe  fa;£^e  par 
Iuonie,cnuoye  incontinenc  trente  mille  Turcs  S?  troi« 
mille  Hongrois  au  palaan  de  Valachie,  lui  commâdanc 
d'attraper  le  vayuo^c  ,  i'etiuoyer  en  Ccnftantinople, 
s'emparer  de  la  McldAuie,&  en  bailler  le'gouuemcment 
à  Ton  frerc  lequel  offroit  double  tiibuc  Ce  palatin 
amaiîe encore d'au;rc.< forces  ,  lei'ementquc  fon  ar- 
mée eiloit  compofee  de  cent  mille  hommes  >  qui  pou- 
uoycnt(ertans  bien  cor.dai:s)non  feulement  conqueftcr 
Ja  Molda.ric,mai<.  encore  vne  grand'  pan  du  monde.  A- 
pres  aaoir  pa(ïé  le  flrunc  Moiâai:e  ,  haralTez  du  ch'  min 
,  qu'ils  aut.yenr  fait,&;  n'efttmans  pas  que  perforu»"  pcul^ 
approcher  d'eux  ,  ils  commencent  à  ;>'eftcndre  en  cam- 
pagne,&  (e  repofer  comme  en  temps  de  paix. Le  vayuo- 
de entendant  ces  nouuclles.  dcTocrche  incontinent  Su- 
jerccueaucc  les  troupes  &  C\x  miUf  Moidauesqni  entc- 
doyent  le  lanj^agc  Turc,  pour  marcher  dcnanth-i  &  les 
fîens  armez  plus  pcfjmment  les  fuiuent.Sojerccuc,defi- 
reux  de  faire  vn  bon  feruice  au  vayuodc,conduit  â  dex- 
trement  fonaoaateardc  ,  qu'il  enuelopc&  attrape  qua- 
tre ccûs  coureurs  (Ui  palatin  >  fans  qu'vn  feulpcuft  Gif- 


^i  o  9  8         tJiJloires  admirahles 

chapper,&  entend  d'aucuns  d'eux  Tcftat  de  l'armée ,  en 
laqucllcy  auoit  (  à  leur  rapport  )  fcptante  miilc  Vala- 
qucs  ,  trente  raille  Turcs,&  trois  mille  Hongrois.  Les 
Cofakcs,ayans  dcrpelché  tous  ces  coureurs.enuoyent  a- 
uenir  luonic  de  ces  cbofcs  ,  le  prient  de  fe  ioindrc 
prompîementàeux,  &  fc  repofentenuiron deux  heures 
affcz  près  du  camp  des  ennemi I.  Le  vayuode  fe  rendic 
incontinent  là,&  ayant  difpofc  (zs  troupes  qui  cftoycnt 
en  bon  nombre  ,  les  Cofakcs  commencèrent  la  cha'-gc 
<le  telle  furie  ,  qu'ils  tfbranlereac  toute  Tarmee  du  pa- 
latin ,  faifans  vn  meurtre  inc  oynble  àcs  ennemis ,  auf- 
queij  le  vayuodc  fit  foudain  vne  fcconde  charge,  &  fia 
propos, qu'il  leur  eftoit  impofllblede  fuir:car  les  MoL 
daues  auoyent efcarté  iacaualerie  Turquefque  &  Va- 
Jaque  :  tellement  que  rouxe  ceftc  grande  armée  fut  fac- 
cagec,fouIce  aux  pieds  des  cheuaux,&  hachée  en  pièces, 
ne  reftant  prefques  pcrfonne  pour  porter  les  nouucl- 
les  d'vne  fi  grande  desfjite  ,  que  le  palatin  ,  fon  frè- 
re ,  &  quelque  petit  nombre  d'autres,  qui  trouuans 
moyen  d'eftreà  cheual  de  bonne  heure  ,  fe  fauuerent 
de  viOeHe.  Ainfi  doncques  fur  le  champ  de  bataille 
&enh  pourfuite  des  fuyards  moururent  près  de  cent 
mil  hommes  ,  fans  que  k  vayuode  eull:  perdu  nom- 
bre des  fiens.  Car  ils  n'eurent  autre  chofe  à  faire  qu'à  ef- 
gorger  ceux  à  qui  la  trop  grande  aflcurance ,  puis  la 
peur  ,  auoitoftc  les  armes.  Les  Cofakes  &  Moldaues 
s'enrichirent  tous  au  butin  dVne  fi  grande  armée  ,  & 
feiournerent  là  quatre  iours  ,  pour  fe  repofer  &  refraif- 
chir. 

Cefte  grande  vi£loirc  fut  fuiuie  de  quelques  autres, 
que  i'adioufteray  tout  d'vn  train.  D'autant  que  les 
corps  du  palatin  &  de  fon  frère  ne  fe  trouuoyent  point, 
luonieeftimant  (  ce  qui  eftoit  vrai)  qu'ils  s'eftoyent 
fauuez  ,  entre  dedans  la  Valachie  delà  les  monts ,  met  le 
feu  en  toutes  les  places  apartenantes  au  palatin  ,  fai£l 
tacr cruellement  hommes, femmes  &  enfans.  Delà  il 
entre  en  vn  quartier  de  Tranfiiluanie  où  il  fceut  en 
quel  lieu  le  palatin  &  fon  frère  s'eftoyent  retirez.  In- 
continent il  approche  de  ccftc  clacc ,   nommcc  BrafTo- 


é*  mémorables»  1099 

uic,  ou  BrailîovT  ,  ville  aiïîfe  fur  le  Danube  ,  ayant  vq 
t<.rt  cha{tcau,au  capitaine  duquel  le  vayuodeenucye  v- 
nc  lettre  ,  le  priant  de  rtrdie  promptenient  le  ya.'aria 
S>c  lonf.cie.  Ce  capitaine  ne  relpondit  que  menuets: 
niaiu  auoir  ceux  qu'on  demandoit.  Dont  le  vayuodc 
extrêmement  irrite, fit  foudain  aflaillir  la  ville  ,  lacjutl- 
leayait  prinfc  de  force  fut  entièrement  faccagec,raice 
iuloues  auxfondemcns,&:  tous  les  habitans  tuez,  ian$ 
que  nul  crchapaft,ni  qu'vne  feule  maiibn  demeurait  de- 
bout. Air  fi  que  le  vayuodc  b'apprefToit  pouraiïieger  le 
ch.ilteau.il  entend  qu'vne  ai  mec  dequir.ze  nulle  îurcs 
aprochoit  pour  l'en  cmpeTcher.  Il  derpefche  inconti- 
nent Sujerccl^e  auecles  Colakes  ,  &  luiift  millccKc- 
Daux  Moic^auesJefQuels  fiient  telle  diligence  qu'iU  fur- 
prindrcntiSc  taillèrent  en  pièces  tout  ce  ftcours.  exce- 
ptez mille  chenaux  qui  le  retirèrent  de  la  prefle.  Et 
neantmoins  Sujerceuc  leur  chauffa  les  efptrons  de  d 
pfcs,que  prefques  tous  furent  attrapez  &  tuez  en  fuyât. 
Quelques  furuivans  fc  lauuerent  dedans  vn  cbafteau 
nommé  Tcinen,ap?irterant  a  Selym.  l^res  de  là  eftoit  v- 
ne  autre  armée  de  Turcs  &  de  Tanares, contre  laquel- 
le le  vayuode  marcha  par  Tauis  de  Sujerceue,  laiflant  le 
iîege  du  chafteau  de  Brailovv  >  &  anec  les  Cofakes  des- 
fic  &  faccagcaceftearmee.CcIa exécuté,  il  priotTeime» 
ville  prochaine,tua  tous  les  habitans,hommes  ,  femmes 
&  enfans.  autant  en  firent  les  Cofakes  d'vne  aune  viilc 
ncramee  Bialogrcde,apartenante aux  Turcs,  où  ils  fi- 
rentvn  grand  butin. 

Comme  les  troupes  du  vayuode  fc  repofoyénten  ce 
quartier,  les  nouuelles  d\nc  autre  armée  de  Turc  & 
dcTartaresy  eftans  apportées  ,  foudain  les  Cofakes 
demandèrent  congé  de  les  combatre.  luonic  leur 
donne  de  renfort  trois  mille  Moldaues  ,  aueclefqucls 
les  Moldaues  chargent  fi  refoluement  les  ennemis, 
qu'ils  les  miren:  à  vau-dc-rouie  ,  vnc  partie  ayjnt 
efté  luec  fur  le  champ.  Ils  amenèrent  deux  cens 
prifonniersque  le  vayuode  fit  hacher  en  pièces  auec 
des  faals  donc  on  fauche  l'herbe.  Le  gênerai  de  ceite 


r  r  0  o  Hifloires  admirables 

«rmccprinsparlcsGofakcs  cftoit  fi  riche  ,  qu'iloffric 
de  leur  payer  lîx  fois  Ton  perantdv^  finances  ,  a  fçauoir 
deux  fois  d'or ,  trois  d'aigcnr,&  vnc  de  perles,  moycn- 
nât  (ju'ilv  ne  le  liurafient  point  cotte  les  mains  du  vay- 
uodc.  Mais  eux  eftinians  plus  la  foy  qu'ils  au.^ycnt  lu- 
rce  que  tout  Tor  du  nionde,l'amcncrcut  ai»  V3yuode,qui 
l'ayam  girdé  quelques  iours  ,  &  entendu  par  iuibcau- 
coup  de  ciiofcs  de  l'cftat  des  Turc;  Jefic  dcicivrer  mem- 
brc  après  membre  par  Tes  [\->Uix.<-.Leo>tArd  Goreciuf  en  i'hi- 
Jiotre  d*Iuûnie.  Le  feptiefme  linre  des  Chroniques  de  (>- 
rion. 

L'an  mil  cinq  cens  foixante  deux,  le  ficur  de  loyeufe 
ayant  afllegc  la  vile  d'Agde  en  Languedoc  ,  cniendic 
que  recours  de  i\)L  vingts  harqucboiizie.s  y  el^oir  entié, 
&  d'abondant  que  le  fîeur  de  Baudiné  y  amenoit  nou- 
velles forces.  Pouriant  leua-illon  camp  lur  la  minuid 
du  quatricfme  iour  lîe  Nouembre,  enuoyani  fes  troupes 
àPezenas,Gignac&  Agienne.  Baudiné  ,  qui  eftoii  à 
Montpcllier,aucrti  de  tourne  ou  cy  a  le  capiiaine  Bouil- 
Jargucs  pour  fçauoir  leurs  brift-cs,  lequel  ayant  enten- 
du par  vn  payfan,qne  deux  compagnies,  à  (çauoir  celle 
du  baron  de  Combas  condui6le  par  le.cadct  Tonuillon, 
&  celle  de  faincftFclix  ,  eftoyent  à  faiiiâ:  Patagone,  le- 
râns  la  route  de  Gignac,&  fuiuit  &  chargea  fi  à  propos, 
qu  il  en  tua  fur  le  cham.p  deux  cens  feptantc  quarrc  de 
comtefair.enrrelcfquelsfiit  le  capitaine  ,  cnIctEble  le 
cadet  de  Balfonds,&  Morgue  chanoine  de  Montpellier: 
fans  perdre  vn  fcul  homme  ,  que  le  pauure  payfan  qui 
futtuc  pourn'auoirfçeudircle  mot:&  rapporta  Bouil- 
largues  les  er' feignes  &  armes, &amena  foicc  cheuaux 
a  Montpcllicr.Toft  après  auerti  que  trois  cens  hommes 
mis  en  garnifon  dedans  Aramon,  couroyent  ordinaire- 
ment iufques  aux  portes  de  BjgnoIs,y  donnai!  bon  or- 
dre, que  lesayât  attirez  en  vne  embufche  il  les  tailla  ea 
pièces, 5^:  mken  fond  vne  fregace  qu'ils  auoycnt  ame- 
ncc.Hifioire  de  Fr^mce^foui  Charles  IX.liu.  I  O. 

Au  mois  de  Feurier  n  ^3.  le  capitaine  Honorât  acÔ- 
p^ghédcdeux  frères  nommez,  Lombats,&de  38.  hom- 
«>fc;s,  cDtrepi it  d'entrer dedaisTarafcoû  en  Fwijt  ,  pays 

de 


é'  meworahles]  1 1  oi', 

de  fa  naiffancc.   Mais  le  ficomtc  de  Sercs  &  fon  ftcrc  a- 
ucttis  de  leur  v£iiuc,ayans  alTcmblé  trois  ces  hommes, 
contraiif  nircnc  Honorac  &  Icii  lien»  de  ic  retirer  es  mô- 
tagnes  ,  cfq'jeîles  les  pourfuiaans   fe  trouuerent  cux- 
rnclincs  enclos:  de  forte  que  non  feulemcm  le  vicomte 
y  fuî  tué  de  la  main  propre  d'Hcnorat ,  cjuelque  rançon 
cju'il  lui  oftrift,mais  aufli  Ton  frcre  y  demeura  mort  fur 
la  place ,auec  la  plufparr  de  ces^trois  cens  homes.  Ce  fuc 
vn  grand  iugwHient  de  Dieu  ,  ayanr  le  vicomte  commis 
infinies  cruauczôc  pillcries  au  comte  de  FoiT,&  fe  pré- 
parant iy  en  f^irc  encore  d'auantagc.^i»  mefne  dixiefme 
hure, 

lepenfcauoirrcprefenté  ailleurs  les  deux  viftoires 
notables, fans  aucune  perte  des  fié>,c|u'obtint  le  capital- 
ncFurmrjer  g^rniil  homme  Dauphinois  fur  fe$  ennc- 
inis,eni'ân  i  561.  Car  cOant  s  routes  les  deux  f.  is.fpc- 
cialement  la  llcondcjfuiui  de  fort  pej  de  gens, il  ruades 
ennemis  à  ccnraines,mit  les  furuiuans  à  viu  de  route, 5c 
couuiit  plulieurs  places  C(  ntre  l'inuafion  àcs  pillards  Se 
voleurs, qui  parauant  cômectoyent  vnc  infinité  de  maux 
en  Dauphii'é,  notamment  il  fut  caiife  après  Dieu  de  la 
dchurance  de  Grçnoble,que  les  alTicgeans ,  eftonncz  de 
la  première  vidoire  dudi6l  Furmejcr,  abandoniîertnt 
en  grande  fayeur,  pour  fc  fauucr  en  Sauoye.    En  la  fé- 
conde,auec  quatorze  gcnfd'arn  es, il  mit  en  roiue  la  ca- 
uaîeric  &l'infaiucric  de  Gap,qui  vouloyent  TempeTchcr 
en  fonchem:n,Sc  en  rua  vn  rref-grind  nombre, fans  que 
lui  ni  les  fîcns  fufTcnt  tant  foit  peu  cffcnf  2  ,  pourfut- 
nan',  les  fuyards  iufqucs  aux  portes  de  Gap.^w  1  3./m.<^ 
la  me  fine  hifi. 

Nou»  rcferuons  à  l'vn  àcs  volumes  fuiuans  la  defcri- 
ption  de  très-grand  nombre  de  viéloires  mémorables 
données  au  petit  nombre  contre  le  plus  grand, par  celui 
<]ui  s'appelle  le  dominateur  des  armtcs.aqui  cfila  fagcf- 
ic,la  foi  ce,  &  l'ilFuedr  toutes  entreprilcs  :  qui  donncôC 
ofte  le  courage,>]Ui  a  àts  moyens  meru':illeiir  pour  exé- 
cuter les  iuftiSC<MirciK;5cqui  par  conrinuelle  cxpericn- 
ceaprend  à  grands  ai  à  petits  de  fentir  &c  recunoiltrc 
qu'ils  ae  font  rien  ai  az  pcuucoc  licii  fans  là  faucui  /pe« 
cialc. 


I  r  o  2*  Hijloires  admirables 

VILLES  bruslees. 

LES.  iour  de  May    1^05.   Hiadcloopen  villcttcea 
Irïiit  &   Ton  eglife    fac  toute  bruOcc   par  Feu  de 
mcfchef.    Comme  aulFilc  vingtncufîelmede  Zuin  fdi- 
uant,  les  veines  terres  ou  mines  defquelles  fe  tirent  Ic$ 
tourbes  (qui  font  gazons  ôc  mottes  de  terre  que  les  ha- 
bitans  bruflée  en  lieu  de  bois)vcincs  qui  d'elles  mefmcs 
font  ordinairement  aquatiques  &  de  matière  terrcftrc, 
cfchaufFeesdu  Soleil  s'allumèrent  en  plufieurs  villagcf 
de  la  Frifc,ce  qui  endommagea  grandement  les  bois  & 
les  terres  d'auprès. Sur  la  fin  du  mois  de  luillct  toute  la 
ville    de  Haderuuic  au  pays  de  Gueldres  futbrulleea- 
Uecfes  egliles    &  monafteres,  n'y  citant  rien  reftc  que 
cinq  ou  lix  maifons/ôc  fot  le  f^^u  fî  foudain.quc  tout  fuc 
conlbméen  moins  de  trois  heures  >  quelque  rcfiftancc 
&  deuoir  que  l'on  fçcut  faire,    [amais  ne  fut  veuc  relie 
defolaiion.-ily  mourut  que  bruftezqu'eftoutF^z  de  la  fu- 
mee>plus  de  quinze  cens  perfonncs.tant  ho'Times  ,  fem- 
iiiesv^n'enfans.     Si  l'on  penfoitrc  fauuer  d'vn  coftc  ,  le 
teueftoit  el'pris  d'vnauirequi  coupoit  le  paiTagç  ^  tel- 
Jement  que  les  piuures  gens  demeuroycntou  arrêtez 
par  îefeu  ,  ou  aflommez  des  combles  &  fomaiicrs  des 
mailons  qui  tomboyent  parmi    les  rues.    Beaucoup  de 
meubles  des  paylans  d'alentour  qui  s'y  eftoyent  réfugiez 
à  caufe des  guerres  fjrenr  bruflcz  dedans  les  eglifes  & 
monaftcr^s"^.  Ceux  qui  (après  que  le  feu  eit  tout  deuo;é) 
vindrenten  la  ville,ne  virent  onrquesteilc  pitié,  &  ne 
pouuovent  aller  par  les  rues  ,    à  cauie  des  murailles  & 
pignons  des  raaifoos.îous  lelqueis  y  auoit  g<and  nom- 
bre degensaciauantcz,ûiffoquez  &  brusiez.  Extr.  de  U 
qrande  Chronique  de  HoilMde,  O'^-  recueillie  par  leunle  Petite 
^çrefjierde'Bethuneitu  6.  ..      .    ^  l 

Aumermeteraps  bruslcrent  en  la  ville  de  Gomchot» 

plus  de  deux  cens  maifons,  &au  bourg  de  Bailicul  ea 

Flaadrcs  plus  de  ciû^  cens.   Lcconucntdes  Cordchers 

*  en 


&  memorahles]  r  lo  V 

en  Bolfwacrt  fut  aoffi  cnticremcût  brusléfauf  Tcglifc. 
ha  mefme. 

Le  croificfmc  iour  de  May  i  ç  3  <f.cnuiron  trois  hcurcf 
aprcs  midj.s'erprit  vn  grand  &  cfpouuantabJe  feu  dcdâs 
la  vile  de  DcUicn  Hollande,  icc^uclcnpcu  de  temps 
confuraa  prcfques  toute  la  ville. En  fommc  il  y  eut  neuf 
mille  irois  cens  &  neuf  mailons  bruslces  ,  deuieglifcs 
paro;flîales,&  beaucoup  de  beaux  doiftres ,  rclicmenc 
qu'il  n'y  refta  qu'en  uiron  trois  cens  raailons. On  nefça- 
uoii  nuilemcnccftcindre  lefeu,  pource  quclaplufpart 
des  cloiftres  &  logis  tftoycntcouuercs  de  roleaux,  auec 
ce  que  des  long  icmps  il  n'anoit  point  pieu  ,  dont  s'c- 
ftoitcr-fuiuie grande l'echercile.  Outre-plus  leventc- 
ftoit  impétueux  qui  chafl'oii  lefeu  delieu  en  autre.  Il  y 
eut  beaucoup  de  g;ns  bi  usiez,  entre  autres  des  femme* 
acouchees,&  vne  nfinitc  de  biens  meubles  conlumeàt* 
par  le  îcu. La  mef  ne  Chronique  lut.  J. 

l'ay  ailleurs  parlé  de  ce  que  Hadrianus  lunius  racem" 
te  en  Ton  hiftoirc  de  Hollâde,  qui  auint  lors  de  ccft  cm- 
brafcmcniau  regard  d'vne  cigongne,qui  voyancfes  ci- 
gongncauxTur  le  point  d'cftrebruûez  ,  &  nepouuant 
les  fauucf ^n  lieu  de  les  quictcr  &  s*cnuoler  ailleurs  ton- 
dit à  aitli:s  eftenduts  dedans  Ton  nid,couurant  fes  petis 
auec  qui  elle  fut  conlumee  &  réduite  en  cendres.  A  la 
mémoire  de  cefte  chariié,qui  fait  le  proccj  à  infinis  pè- 
res &mercs,futercritpar  Icmcfmc  lunius  i'cpigraramc 
fuiuant.que  i'eftimc  digne  de  ledturc. 
Caiidtda  ct*  ohjlnfens  inuifa  Ciconia  ramny 

'Ptvnoraab  ardentt  yiderat  igneprenn: 
Ertpidtne  fitoi  c^  aperta perkuU  tentetf 

Htnc  fuadet  ptetaSifed  antor  tnde  y  état. 
Hanc  luitam  pietai generofa  diremityçp'  yrna. 

Ejje  eadem  CfJoOolti  yult  Libitinafute. 
lam  mmor  Ajfyr'mm  Vbirnicem  pima  loquatup^ 

Fiuere  qutbtijlo  quAnt\at  ïîta  mori. 

Voyez  ce  que  nous  auons  remarque  au  premier  ▼<>- 
lume,&  encore  en  c«deuxicfrae,  parlant  des  cmbrafc- 
iQcas  di;  fca . 


1/ 0  4  Hijloires  admirahles 

Vl-R  gndé. 

Longuement  fc  conferue  le  vin  en  fon  entier  ,  (î  c- 
rtan: bien  qualifié  il  clt  logéainfi  &  aulicu  qu'ila- 
purtieo:.  Pline  du  qu'vn  baoLjuec  fait  au  prjnceCaiuf 
Cefar  fils  de  ^empereur  Germanicus  ,  par  L"  poc  ePom- 
ponius  Secundus  ,auqU(;:l  autic  vin  ne  fut:  beu  ,  que  de 
deux  cens  ans,  quipourla  rarcrécoulroit  cent  deniers 
l'once  .Theuec  en  la  Coimographic  afferme  auoir  veu 
en  l'ille  de  Lemnos  vn  vafe  de  terre  ccntcnât  demi  mui, 
trouaé  dans  des  vieilles  mazjres, rempli  de  bon  vin, qui 
y  auoit  demeuré  plus  de  fixcés  ans, comme  apparoi/Toit 
par  certains  mo  s  elcnts  au  vaze.L'an  i  5  3  7, en  fouilllr 
ies  ruincj  du  vieux  challeau  de  Louden  en  Languedoc, 
pour  en  tirer  c  .s  pienes  à  baftir  ailleurs,  fc  delCi  uuric 
vn  caiieau  ,  dans  lequel  fut  trouuc  vn  tonnaau  entier, 
dont  le  bois  ayant  fenti  Tair  tombacn  pouldre  ,  laifT^nt 
la  lie  afFcrmie  en  !a  Forme  du  tonneau  ,  laquelle  eftani 
pc-icee  fut  trouuie  remplie  de  trcs-excellent  vin,  au  iu- 
Pv-ment  des  honnorabi'cs  voiûns ,  aufcjueîs  le  baron  du 
hwti  en  enuoya  pour  mcru.eille.  La  viciJlefle  de  la  de- 
mojition  du  chaftau  monllr  oit  euidemmcntce  rin  là 
y  auoirdemcuré  grand  nombre  d'années.  01.  de  Serres^ 
en  fon  théâtre  d^yi^rnuUureJiu.  3 . 


ylOLE'KC^  i^fitrne  CT*  critel- 
le  chuiiite. 

SVrîafinde  l'an  i  ^  84.  arriuaen  Conf>aniinopIc  ru 
Tu'C,rtppoiiant  nouucl'tsd'vnc  hoinblc  tMgedir, 
qui  cuida  produire  vne  fanglanreguei  rc,  pour  telle  oc- 
calipn.La  vefu€  de  Pvamandan,  ballàou  gou  jeroeur  de 
Tri'po'y  »  voulant  le  reiirer  i  Conftaoaanpie  aucc  foa 
fils,lâ  fimilk  &.  fcf  clclaues ,  fii  equippcr  eu  U  colle  de 

Bar* 


&  memorahUs,  1 1  o  ç 

Barbarliroc  gallerc  chargée  de  fcs  inenbîcs  ,cftiinc* 
?aloir  huiâ:  cens  mil  cfcus  oucnuiron.  D  ux  audvsga- 
Icroj-^u'ori  appelle  de  confèruc  ,  fc  ioignircnt  a  cc-.ic  W 
pour  raitc  ic  vityageen  plu>  grande  alicurancc.  fftaui 
près  de  Carfou  ,  v.  c  tourmcr^icicltLc,  qui  rcchafle  ces  ^ 
trois  gilcrcs  au  goulfede  kmcr  Hadriaii^a^, gardé  lorj 
par  certain  nombre  de  galerts  Vénitiens  s  fous  !a  char- 
ged'vn  gentil  homme  nommé  Pierre  Eme   ,    ordonné 
prouifcur  &  gOLiuernciirdu  goultc  par  la  feigne  une,  & 
auancé  par  la  pluralné  des  ro  x  de  la  ieiincflc  au  confeil 
deVenifc.    IcciuienrendanKjue  ia  prcye  tftoit  comme 
en  fe$mains,s*auance,cnuei'op;  c  les  trois  gacrci.  Scs'ea 
rend maiftre.Pji'.  commence  >  fairebo.chrrie  des  pri- 
fonniers.    Car  deux  cens  cinquante  hummes  pilotes, 
matelots  ,  fcruiteurs  &:  efdauesjy  furent  eigo  gcz  ,  no- 
tamment le  fil^  de  Raman  an ,  enrre  les  b-'a^  de  la  mère. 
Les  Vénitiens  vioifc' quarante  femme  ,  puis  Irur  cou- 
pèrent les  marr.mclles  ,&  finalement  h-  hercnr  en  pic- 
ces  ces  pauures  ceatu-es  ,  &  en  ietic r;  nt  les  morceaux 
aux  poiffbns.    Onditque  le  feieda  prouiiVur  î>'cftanc 
faifi  de  la  plus  belle  de  toute  la  tronpc,  clic  lui  remon- 
tra fa  condiuon  ,  proLiuanc  6uVlle  tftoit  Chreftienne> 
née  en  Cypre  d'une  noble  fàmille.iir.c  'e  Venife,  quel- 
le auoit  cité  p'i  ^fc  priConniere  il  y  auoi  douze  ans,rnp- 
pliant  puis  qu'clie  eftoir  n  mbce  es  mains  àt%  Venit  ;és, 
on  la  remena(iau  lie»  de  l'ongtne  de  Icn  predecefTurs. 
Mais  le  vilain  cruel  l'ayant  forcée  ,  l'eftrnngla  ,    &  iecta 
dcrians  la  mer.  Ces  nounel.es  mutinetcnt  tellcmct  ceux 
de   Conilant'nople  ,  que  peu  s'en  falut  qu'on  ne  malTa- 
craft  tous  les  Vénitiens  qui  y  eftoy-nt.Lcurconfql  nom- 
mé lean  Francifquc  Morcf  n  s'employa  fort  h  adoucir  le 
courroux  du  fulran  Amur3t:&  fircn  forte  qu'auanr  que 
dénoncer  guerre  aux  Vénitiens,  homme  ctprcs  leur 
fui  enuoyé  de  la  part  du  fuhan  ,  pour  dcmaiMer  iufticc 
de  cefte  violente  infâme  &  cruelle  ,  autc  r-Ùuution  ùc 
quatre  cens  efclaues  .    &  des  bien^'prins  à  la  vtufucdc 
RaraanJan  ,   enfembje  les  nommage»  &  mrereits.    Les 
fcigueursdeVenifcrcmonftrcrcn.au  depu;édu   Turc, 
oue  les  trois  galcrcs  de  ccitc  veufuc  contre  tout  droiic 

AAa 


110^  Hifiotres  admit  ah  les 

aaoyent  pilJé  &  fjccagé  iVnc  de  Icu  s  ifles,&  ^ue  pour« 
fuiais  par  lear  Hoite  ,  elles  n*a  oycnt  voulu  caler  voilc> 
ains  s'eitoycnt  mifcs  en  dcRnic  :  doms'clioic  tnfuiui 
ce  nul, duquel  lis  promcttoycnt  iairc  luiiicc.    Lcproui- 
Icur  Efmc  fucprins  &  décapité,  bô  nere&  les  plus  coul- 
pables  le  fauucrent  u'heuic,    La  gakrc  dcRamandan 
rendue    auec  pareil  nombic  d'ciciaucs  qu'on  y  auoit 
trouuez ,  &  le  dommage  reparé  en  quelque  forte  au  c5- 
tentcraentd'Amurar,lorsfort  cmpeichécn  lagncrre  de 
Pcrfe  ,  fans  laquelle  infai  liblcineni  \\  eull  contraint  \ci 
Vénitiens  de  réparer  ccftefaucede  toute  autrefaçon. 
Mais  Id  necelTiié  d:s  afaircs  le  gcinoit  merucilleufc- 
menr.  Car  d  n'auoit  peu  faire  lullicc  d':s  lanilTaires  qui 
peu  auparauanr  auoyent  tué  Ramandan  &  vn  autre  baf- 
fa  en  Cyprc,  paii  faccagé  tous  les  lo'dais  de  du  ga'ercs 
y  cnuoyees  pour  faire  iuftice  de  s  coulpables.    Celle  in- 
fam  te  cruelle  donc  duprouif^ur  &  uesfîns  fut  punie 
en  quelque  fortermais  non  exadli-ment,  comme  la  qua- 
lité &  es  circonttancesdufo  fau  lembloycnt  le  requé- 
rir.  Nous  auons  tiré  celte  iiiftuire  du /»p/><eW/î^  des ^n^ 
nales  deTurqttieidreJJépar  leande  Leonciayy    ,    &  imprime 
l'an  I  ^  8  (5.  Voyez  ce  que  nous  auons  marqué  peu  aupara- 
Uant  des  KauiiTc  .,rs  pnnis. 

r  0  L  E  ^^  Ti^S    chaftie:^. 

ILyacentansoueouiron  ,  que  trois  frères  ,  Gafpar, 
Bruno  &i  Ch  irtoticgcntils  homiTies  de  grande  mai- 
lon,&dc  i'ancicnnefa.iillcdcs  5abc!lcsau  pays  de  Si- 
lefîi,  fcigncursu'vne  vilctte  ncminicc  VVarti'mberg,5c 
dupaysvo'fin   ,    où  i- y  ;iuoic  vn  bon  chalteau  nommé 
Contup.ks  î  lus  rie  hes  de  cefte  cona^  e  U  ,  &  l'vn  d'eux, 
c'-ft  afç?;^o<r  Galpar    ,    cftant  l'vn  des.  principaux  en  la 
cojr  (iu  pnnce  lean  ,  fcjgneur  fonu'^rain  du  pays  :    noa 
contcns   de  l°urs  gr^nd  irs  i'^'   ciîgnuez  rançotinoycnc 
leurs  fujets,  &  br:gandovent  crUT  qui  paUoy  ne  defîus 
leurs  ^errcs.AyafjS  con. in  jé  cf  mefchrtni  train  quelque 
temps, Matthias  ro)'^c  Hongrie, aucrti  de  tels  deporrc- 
mcnscommanja  qi  'on  t  ouualt  moy^n  de  ies  faiiir.iîa 
CCS  entrefaites  auint  que  Gafpar  &  Brur.o  fc  irouucret  à 
Giogouic,gù  ne  péfaQsqu'àfâiiegraad'cherC)  la  iuftice 

Tim  ies 


ér  ntèmorAhtes]     _^      >  i  o  7 

vint  les  empoigner  à  table ,  menant  l'vn  en  la  tour.l'au- 
cre  en  la  maifoa  de  rille.  Soudain  les  portes  furent  clo< 
fes  ,  n'cdant  permis  à  aucun  particulier  de  forcir.  Le 
Prince  Ican  acompagnc  de  quelques  vns  de  fes  plus 
feaux,monte  à  cheuai  au  mefme  iuftaoc,  galope  en  dili- 
gence iufques  àrn  autre  ville  nommée  Frciftad  ^  où  il 
arme  loo.  hommes,  &  le  rendant  enuiron  deux  heures 
de  nuiétdedans  VVartembeTg,furprendChriftoAe,  qui 
futcnuoyé  pieds  &  poings  liez  à  Freiftad.  En  lamelmc 
BUid  il  s'empara  du  chafteaude  Contup.  On  fii  incon- 
tinent reccrche  des  larcins  de  ces  roieurs ,  &  trou ua-oa 
des  toiles  d'or,  des  draps  de  foyc  de  toutes  façons,  for- 
ce drogues,  &  efp^ceries ,  des  perles,  des  merceries  ,  vn 
grand  tonneau  tout  plein  de  rafoirs  ,  des  martres  &  au- 
tres peaux.  Deuxiours  après  leur  prife  Gafpar  &  Bruno 
fur  les  huit  heures  du  foir  dVn  iour  du  mois  d'Ofto- 
bre,eurent  les  teftes  tranchées  es  prifons.  Chriftoflc 
mourut  de  faim  dedans  la  tour  de  Freiftad.  lis  confef- 
ferent  outre  plus  auoi?confpirc  contre  i'eftat  &  la  rie 
du  prince,  auquel  lesfuiets  de  ces  gentils-hommei  pre- 
fièrent  ferment  de  fidélité.  Voila  l'ifTuè  &  fin  miferablc 
d'vneillMfire  famille  ,  acableepar  leiufteiugemcntde 
Dïcu.loachin  Cur^tut  en  fes  annales  de  Stlefie.pa. }  3  ^. 

Le  duc  George  de  Saxe  ,  ayant  refigné  le  droit  qu'il 
pretcndoit  au  pays  de  Frife  à  Charles  d' Auftriche.cora- 
te  de  Hollande,prince  des  pays  bas,ran  lyiS.paya  &  li- 
cencia fa  gendarmerie,  parmi  laquelle  ilyauoit  quel- 
<]ues  quatre  mil  homes  qui  fe  faifoyent  appeller  la  trou- 
pe noire. qui  n'cftoyent  qae  voleurs.  Ayans  efté  caflcz  ils 
furent  recueillis  par  vn  colonel  François,:  mais  pource 
qu'il  n'auoit  point  d'argent ,  ni  commifHon  pour  les 
employer  en  aucune  part,ils  demeurèrent  pillans,man- 
geans  &  tongeans  le  bon  homme  au  haut  dioccfe  d'V* 
trecht,<senuiron$  deDcuenier.  Ils  entrèrent  puis  a- 
près  en  GucIdrcs,pouT  vcir  fi  leduc  »  princr  remuant, 
voudroitles  employer.  Au  contraire  il  les  fir  retirer 
hors  de  fes  terres,  &  paficr  le  long  de  Nieumc  ghe,d'oi 
iisfe  fouricrent  en  la  duché  de  Cleues  ,  où  ils  fourra- 
gcrcm cruellement k$  villageois*  Ce  qu'entendant  I« 

AAa     % 


1 1 0  8  Hijloires  aàmtrahtes 

duc  de  Cleaes,  il  s'en  plaignit  à  celui  cie  Gueldres,  corn* 
me  s'il  les  lui  cuit  enuoyez.  Le  duc  de  Gueldres  s'en  ei- 
cufa  bien  fore ,  lui  lailFant  cc^  voleurs  à  l'abandon.  Eux 
fans  fc  (o acier  de    perlonue  ne  bougerenc,fe  confians 
en  leurs  forcrs, voire  cnuoyerent  des  mcflages  auec  let- 
tres remplies  de  paroles    infoientes  &  pleines  d*outrc- 
cuidaBcc.Surcekduc  de  iuiilicrs  Te  mit  en  armes, maa- 
danc  à  tous  les  vafTaux  de  fc  tenir  prtlts ,  pour  le  luyurc 
contre  fes  ennemis ,   &  ayant  amuli'é  toutes  fe$  foi  ces, 
tant  à  pied  qu'à  cheual^l'c  mit  en  campagne.    L'euci<juc 
de  Cologne  lui  fintau  fecours»  auec  hutâ;  ces  cheuauz 
fuiui  du  Comte  de  NafTau  lequel  en  conduiioit  autant: 
^fiqu'enpeu  detemps  fc  trouuerent  trois   mille  che- 
uauz &  grand  nombre  d'infanterie,  hzi  foldats  de  la 
croupe  noire  encendans  que  cef^epuilfante  armée  leur 
vcnoit  fur  ks  bra$,fe  trouuerent  bien  eftonnc2,&  leurs 
capitaines  aulTiyredoucans  fur  tout  la  caualcrie  ,  pour> 
ce   qu'ils  n'en  auoyent  point  ;  parquoy  ne  trouuerent 
expédient  plus  propre    ,  que  de  fe  mettre  en  la  bonne 
grâce  du  comte  de  NalTau,  auec  lequel  ayans  pari:  men- 
te,ils  capitulèrent  de    pofcr  bas  &  rendre  leurs  armes, 
pour  feretircrauec  le  bafton  blanc  hors  du  pays  ,    au 
trauers  duquri  ils  demandoycntpaflage  pour  faue  leur 
retraite.   Ce  que  le  comte  leur  accorda.  Mais  eftans 
au  nombre  d'enuiton  douze  cens  ,  qui  vouloyent  pafl 
fer  des  premiers  ,  &:  en  foule  ,  dont  quatre  s'cttoycnt  a- 
Uanccz  qui  contcftoyent  auec  les  pavUns    ,    Icfqucls 
inlîftoyent  à  cc  qu'ils  rcndilfcni  les  armes  :  les  Rciftres 
du  comte  &  la  c^ualcne  Vvalonne  voyas  cela  ,  chargè- 
rent la  troupe  qui  vcnoit  dcrrieie  ôc  la  mirent  en  rou- 
te.Les  payfans,  qui  ne  dcmandoyent  que  reuenchc  ,  a- 
pres  auor  lalchéquelqoci  coups  d'arulierie  àcraucrs, 
acheuerent  de  les  dcifaire   ,    ôc  maflacrerent  ces  douze 
cent.    Lesaucfs,  qui  eftoyentencore  en  leurs  retran- 
chement, furent  tellement  cfpouuantez  ,  quequittans 
tout,  chacun  auilà  de  fe  fauuer   ,   autant  qu'ily  auoit 
d^hommes  prenans  autant  de  chemin,    l^ar  air^fi  ceftc 
grande  troupe  fnc  toute  romptie  &:  difllpec   :    ce  qu'on 
difoit  auoir  elle  fait  par  les  Vvailons   ,  pourauoir  la  . 

prc- 


&  memoYahlesl  1109 

première  part  au  butin ,  deuanc  que  les  Reiftrcs  y  arri- 
tiafTcDC.  Toftaprcsyeut  beaucoup  de  ces  foldaci  de 
la  croupe  noire  décapitez  ,  fc  pendut  >  principalcmenc 
tous  ceux  qu'on  defcouurits'eftre  trouuez  au  fie  de  la 
ville  d'Arpcren,oii  ils  auoyent  commis  des  cruautez  dc- 
tcllables  ,  le  fang  innocét  ayat  crié  &  attiré  la  Tcirgean- 
ce  du  Ciel  fur  eux  lean  le  'Pettt  att  yMtire  de  Ugrande  Chro 
nique  de  Hollande. 

L'^n  mil  cinq  cens  foixante  deux ,  toute  la  France  c- 
fiant  en  armes  ciuiles.vne  troupe  de  voleurs  en  Langoe- 
doc,courans  autour  d'vn  lieu  nommé  le  Bourg,parauât 
pris  par  le  fieur  de  Bsudinc.ayans  pris  &  tué  vn  honno- 
rable  perfonnage, nommé  le  fîcùr  de  Sauzct,  de  Nifmes, 
auertis  qu'il  n'y  auoit  point  de  garnilon  audit  lieu  de 
Bourgjs'en  faifirent  fans  re{îftance,&  y  tuèrent  le  baron 
de  faind  Kcmefy  aucc  vnlîcn  fiU  de  l'aage  de  douze 
ans, qui  s'y  trouua  d'auancure  pafT-nt  par  là,  &  y  ayant 
couché:dôtaduertis  leurs  aduerfaircs  atlîegerent  la  pla- 
ce,l'ouurirent&  forcèrent  le  douziwfmeiour  de  Nouê- 
bre,ou  furent  tuez  enuiron  quatre  vingts  voleurs  ,  qui 
s'eftoyenclàramafTezde  tout  le  pays,oultre  vne  baftelcc 
qui  fc  noya  fe  fauuant  par  la  porte  du  Rhofne.H;y?o/re  de 
France, fota  ClMrles  ix.lm.  10. 

Le  capitaine  Rapm  ,  gouucrneur  de  Montpellier,ad- 
liertiqu'vne  troupe  de  voleurs  &  brigands  qui  tenoyent 
Je  lieu  d* Agnane  &  faifoyent  mille  maux  es  lieux  circo- 
uoifins  ncs'amiufoyentqu'à  faire  grand*chere,acompa- 
gné  de  cinq  cens  harquebuziers  &  de  la  caualerie  du  ca- 
pitaine GremiaojVint  les  refueillcr  cnuiro  le  io.de  De- 
ccmbre,qu'ils  auoyent  faift  vne  infinité  d'infolences  a- 
uec  gens  de  leur  forte.ramalTez  des  lieux  voifins.  Il  fur- 
prit  les  vns endormis,  les  autres  en  chemifc, dot  la  pluf- 
part  furent  mis  à  mort  >  les  autres  amenez  prifonnicrs  à 
MontpeIlier.I.d  mefme. 

En  celle  mefme annce,  le  fîcur  de  Sommcriue  faifant 
la  guerre  en  Proucnce  ,  enuoya  certain  capitaine  nom- 
me Bouquenegre,  vaillant ,  mais  infigne  voleur ,  faire 
quelque  dcfcoaucrte,ce  qu'ayant  exécuté,  comme  il  fc 
rcftaiichilToit  en  vn  petit  village  appelle   Cbafteau 

AAa    $ 


X  1 1  o  Uiftûires  admira  h  les 

jicuf,fac  prit  prifonnicr  aucc  deux  foldats  Corfcs,&  ^^ 
ficn  valet duquelil  cntretcnoit  la  femme  y  &  peaapreS 
conuaincn  d'infinies  voleries ,  meurtres  &  violemcns» 
fut  pendu  &  cftranglé  en  la  place  publique  de  Cifteron 
par  les  propre^  mains  de  fon  du  ralci.E»  U  mefme  hijltvre 

T  y%,E  s  s  E.  yurongnes,caufe  de  grands 
maux  f  punti. 

LE  vingifixiefrae  iour  de  Septembre  içi  7- vnfamc- 
di,fur  les  quatre  heures  du  foir,  certain  valet ,  cftant 
yurc,  mit  lefeoen  vnemai^ondeGlogouic,TillcdeSi- 
lefîe,où  il  s'embrafa  tellement ,  à  l^aide  des  vents  qui  fe 
renforcèrent  foudain  ,  qu'en  vn  inftant  le  feu  gaigna 
routes  les  rues  de  la  ville, au  grand  eftonncmenr  des  ha- 
bitans,{î  efpcrdJSjqu'ils  n'y  peurentremedier;iellcment 
que  p'efqae  toute  la  ville  fut  bruflce.  La  flamme  &  la 
fumée eftouiferenr  8o.perfonnes  &  des  plus  notables 
du  lieu»  qui  par  faute  de  bon  auis  s'cftoyent  allé  cacher 
en  des  cauesjoù  l'efr-ufTsur,  véhémence  &  continuation 
de  la  fumée  leur  ©(hlavie.  Rien  ne  demeura  debout 
que  la  grand'  co|iie,le  collège  »  quelque  peu  de  maifons 
prochaines  &  le  conuent  des  lacopins.  Les  preftres  fi- 
rent toutes  les  folennitez  qu'ils  peurent  pour  remédier 
àl'embrafement  ;  mais  en,vain.  C'cftoit  la  veille  d'vnc 
fcfte  qu'on  célèbre  à  l'honneur  de  S.Staniflaus,  Tvd  des 
patrons  de  Pologne ,  &  particulièrement  de  Glogouie, 
qui  entre  autres  deuotions  chantoyent  tous  les  ans  vn 
hymne  contenant  entre  autres  chofes  la  prière  fuyuan- 
te:0  bon  pafteur  Staniflaus,  maintien  ton  peuple  par  ta 
prore£\-Jon,  gouuerne  le  fous  ta  protcftion  ,  vueillcs  le 
guérir  &  fauiiT  par  ton  i  n  ter  ce  ITi  on. /o4c/?»m  (Cureta, doSic 
Vttdecm  c p^iilojol'hey^n  fis  annales  de  Silejie. 

Il  n'y  a  pas  long  temps  que  la  Linonie  eft  tombée  en 
lapuifTancedesMcfcouitcs  ,  lefqucls y  ont  commis  des 
llf,à^z  çftranget,     parauâat  clic  çfloit  gardée  par  dqs 

gentils^ 


(^  rnemorahlesl  iiit 

gcntiîs-hommcs  &  foldats  Alcmans  ,de  I*ordre  Tcuto- 
niqucqui  a  commencé  aucc  celui  des  commandeurs  & 
cheuahcrs  de  Malte.  Iccux  eftoyent  desbotdcz  &  con- 
fits en  tous  vicci,  nommémcn»  en  yurongncrie  ,   à  la- 
quelle ils  s'adonnoyeiufi  funeufement  i]u*cftans  à  ta- 
ble ils  plantoycnt  leurs  poignards  auprès  ce  leurs  grâds 
verres,  auec  menaces  de  tuer  celui  de  leurs  compagnons 
qui  refuleroit  de  boite  cxcefliucment  a  la  première  fc- 
rapncC)  cncorcs  cju'auparauant  il  euftdr  fia  bien  beu. 
Vn  iour  on  leur  aporLa  nouuclles  ,  que  les  Mofcouitcs 
approchoycnr,dont  ils  fc  mocquerent ,  &  en  leurs  beU'- 
ucttes  commencèrent  à  dire  les  vni^ux  autres   ,    le  te 
portctoutd'vn  traifl  vingt  cinq  Mofcoaites.Mais  com.- 
meles  enncmisfuflcnc  venus  vniour  df  d)manchc  iuf- 
qucs  aux  portes  de  Rigc,  (  capitale  du  pay>  )  &.  que  Ta- 
larmc  fonnaft  de  louces  pa  ts,ces  aualleurs  de  Mofcoui- 
tcs furent  fîcfperdus  &  tranlFis ,  que  leurs  femmes  & 
autres  de  la  ville  les  accompagnèrent  iufqucs  aux  por- 
tes  ,    les  accourageant  le  plus  qu'il  eftoit  pofllble,leur 
mettant  de  la  canelle,des  doux  de  girofle  ,&  des  confi- 
tures en  la  bouche,pour  leur  faire  reuenir  le  cœur,à  fia 
qu'ils  ne  tombafTenr  de  leurs  cheuaux  en  terre,   enco- 
resque  l'ennemi  n'aparuft.    Peu  de  temps  après  partie 
de  CCS  yurongncs  fut  taillée  en  pièces, le  reltc  périt  mal- 
heureufcment  en  priron,&  d'autres  mifcTCS  :   quelque» 
vns  fe  fauuerent  ajoute  peine, abandonnanslafchemcnt 
le  pays  ,  que  l'ennemi  fourragea  a  fon  plaifîr.  Vrfmut  e» 
/on commentaire fitr  lfaye,chap.  5  .pag.  I  Ç  4. 

Démon  temps  eft  aduenu  es  confins  de  Turinge  & 
de  Franconie  vn  pareil  banquet  que  celui  des  Centau- 
res &  des  Lapirhes.  Car  certains  gentils-hommes  Alc- 
mans,  conuiez  àdesnopces  ,  après  auoir  longuement 
combatu  à  coups  de  yerres  vindrent  aux  erpees>  &  y  eut 
tel  de(ordre,qu'ils  tuèrent  Tefponfe  auec  fcs  principaux 
parens  &  alliez.  GeorgeSabmenfes  ob^eruations fur  les  me^ 
tumorphofes  cCOuUe. 

Au  mois  de  Iuin,l'an  i  ^^i.comme  vn  Aleman  delà 
ville  de  Mifne  en  Saxe  fc  f t  ft  trop  chargé  de  vin,  palfant 
fur  levPOûtdcrElbe,adiouftantTnc faute  à  l'autre,  il  fc 
*         ~  AAa   4 


1 1 1 1  HiHoires  admit ahles 

printà  iniurier  &  r.iaadirctoUSi^cux  qu'il  rcncontroit- 
Mais  tojv. une  champ  il  fjt  chaltiti  car  en  gliffanc  i! 
tomba  decians  ;a  nuicre  Fort  imnetucufe  en  ccft  en-, 
droit,oùlcfcacle  fon  vin  àc  de  fa  cholcrefut  crteintpar 
Tabondance  d'eau  qiiî  i'rltouffa  fans  qu'on  peuft  le  fc- 
courir  à  ccaips.  0.  le  Feme  ait  lutre  des  annales  de 
PSlifne 

vn  certain  bas-Alleman  j  accouftumcà  fe  remplir 
de  vui  outre  mefare,iuf^uc$  à  en  rendre  gorge  ,  quel- 
qucsfiis  aufli  tomboit  en  tel  eftat  qu'il  en  perdcic  la 
paroie:mai$  après  auoircuué  fon  vin  il  reucnoit  à  fo^ 
&pei2  à  pcucommençoK  à  parler. Qjclquc  iours'eftac 
remis  eu  cemefchani  tram  ,  5c  <:iCieinemcntcny'jré,il 
prini  querelkauecvndelacompag  le,  fi  auanc  qu'a- 
près beaucoup  de  paroles  outragcufcs  lis  empoigne- 
rem  [es  coufteaiix  &  fe  ruèrent  au  coUc"  l'vn  de  l'autre» 
tellement  que  l'y  ai  ongne  receut  vn  coup  en  i'œil  >  qui 
nedonnoit  gueres  auanr.  Ce  neantmoms  il  en  forcic 
quantité  de  Ung  à  cauie  queccftoit  vn  homme  fan- 
guio  &  robutte.  Soudain  il  pert  la  parole, &  meurt  Ac 
dans  vingt-quatîc  heures  après.  Les  chirurgiens  appel- 
iez ,  encore  que  ie  mainuBireque  lecoiip  de  coufteau 
nVftoit  point  mortel  »  ain.<  que  la  mort  eftoii  procedec 
de  l'yorongneric  &  de  l'excès  du  defFunft  ,  furent  d'ad- 
Uis  contraire  ,  tellement  que  contre  tout  droit  &  équité 
Celui  qui  auoitdonné  le  coup  de  coufteau  fut  exécuté  à 
njort.  l'eitois  fondé  fus  vn  aphorifme  d'HippocraieSi 
lequel  di  ••  >i  qa^lqu'vn  perd  foudain  la  parole, il  meure 
deconuuifion  ,{înonque  lafiure  furuienc,ou  qu'ayant 
atteint  l'heure  en  laquelle  k  vin  efl  fufHfamrtient  cuué, 
il  recouurelaparolc.  Et  Galien  au  deuxiefme  liure  des 
caufesdes  maiadies.Combien  (  dit  il)  que  le  vineftant 
beu  par  mefu'c  puifTc  augmenter  la  chaleur  interne, 
d'autantquec'eftvn  aliment  fort  conucnablc  :  toutes- 
fois  û  l'on  en  prend  dcfmefurcment  il  engtnJredes 
maladies  froides  :  car  les  alTopifTemens  dccerueau,les 
apoplexies  &  conuu  fions  ,  accompagnent  ordinaire^ 
mencryurongneric.  BMdottynde  7{on^ey  ,  doflemedectu 
Jioll4t*doh}  en  pu  i  %*  e^tîirc  mediimaU*   A  quoy  l'adiouftc 


ér  memorfihles.  '  1 1  5 

que  nousauons  ici  vnc  notable  hiftoirc  des  iugcmens 
de  Dieu  fur  les  yurongnes  ,  8c  mcfmcs  fur  ceux  qui  fc 
trouuent  en  la  rompagnic  de  telles  bettes  furicufes. 

L'an  I  v;  X  I  .Beuedidl  Biug, capitaine  &  chef  de  guerre 
en  Suéde  pour  rafcheiKf4Uc  d'Vpfalc,  entendant  que 
certaines  troupe?  du  prince  Goftaue  aprochoyent,  en- 
uoya  quelques  detcoaureurs  Içiuoir  que;  ce  pouuoic  e- 
ftre.  Les  gé$  de  Gortau<-  faililVcm  ces  coureurs:ce  qu'en-^ 
tendu  par  le  confcil  &  le  chapitre  d'Vplale  ils  tnuoyent 
lettres  aux  capitaines  de  Goftaue,  priant  qu'on  ne  les 
troublaft  point  en  certaine  proceffiô  qu'ils  preicndoyêt 
faircàdemielicuëloindclaviUe.  Les  Suèdes  ayans  fait 
refiis  pour  quelques  confîJcrations,B  ■r'cdi£t,i'en  moc- 
qua  ,  &  pour  les  dcfpitcr  fir  vn  ftdin  foîenncl  à  grandi 
nombre  de  gens  au  iardin  de  l'archcuefque.  Mais  le  len- 
demain douant  jour  les  Suèdes  furprindreni  Bencdift  ^ 
fc$  gens  aflopis  de  vin,tuecc  le  corps  de  garde, fc  rcr.dcc 
maiftres  dclamailon  archiepifcopalf  ,  &  empefchent 
leurs  ennemis  de  mettre  le  feu  en  la  ville. Le  maudit  Bc- 
nedi6l,cfLTC-iilé  à  toute  peine,  &  fe  fauuant comme  il  lui 
futpoUIblcjfut  enf  yanc  blefled'vn  coup  de  flefcheaa 
bras  fi  rudement ,  que  toft  après  la  flefchc  tirée  hors  de 
la  •(♦layeil  mourut  âStoKhoIm  Ce  fut  Icfalaircde  foa 
audacieufcyurongncrie.T).  Chytrew  au  $  Jlu.de fa  Chroni- 
que, 

L*an  I4<îy.  les  Polonois  afïiftcz  de  quelques  rciftres 
furprindrcnt  la  ville  6c  le  port  de  Parnov  ea  Liuonic  ,  de. 
laquelle  le  rny  de  Suéde  s'eftoit  rendu  maiftre  trois  ans 
auparauant»lly  tenoic  vnegarnifon  de  reiftres,  dôtayat 
caffe  la  plufp^rc.ccuxqui  eftoyentreftcz  accordèrent  a» 
Uecleurs  compagnons  (qui  auoycnt  pris  parti  aucc  le 
Polonois  &  le  nouucau  duc  de  Curjartdjdc  leur  donner 
entrée  en  la  ville  le  dimanche  de  Quafimodo.  Le  lour 
venu,  CCS  marchans,fcignan$  vouloir  fc  retirer  le  lende- 
main après  les  autres  font  aprefter  vn  fcftin  fur  le  foir, 
&  y  conuicnr  force  gens  leurs  amis,  pour  dire  adieu, fé- 
lon leurcouftumc.  Le  banquet  fut  aprefté  au  logis  d'vn 
des  confeillcrs  delà  ville,  lequel  gardoit  les  clefs  de  U 
porccdc/îgnee^Scprcs  d'icclle.  £ncc  fc(\in  l'^oo  bcuc  à 


II 1 4  HiBoîres  admïrMes 

outrance  :  leconfeiller  &  les  autres  conuiez  furent  aba" 
tus  fous  les  tables  à  coups  de  verres.  Lors  les  coniurrz 
fefaifîflcntdcs  clefs  &  donnent  entrée  a  leurs  gens  ,  qui 
tuent  les  Suèdes,  lefquelss'ingcrercnt  de  faire  icfte  ,& 
fauuercnc  lavietantaux  Alcmans  qu'aux  autres  qui  de- 
mcUTcrcïii({\lo\s.Le  mefme au  ii.lw. 

L'an  I  5  7o.lechafteaudeReuflçn  Liuonic  fut  fur- 
pris  par  Nicolas  Kurfel  &autres,rou$  le  prétexte  qui  s'c- 
fuir.  Se  plaignans  de  n'auoir  touche  paye  quelconque 
tout  le  temps  qu'ils  auoyêt  porté  les  armes  pour  le  roy 
de  Suéde  en  Liuonie,ils  déclarèrent  leur  intention  eftrc 
de  garder  icelle  place  iufques  à  ce  qu'ils  eulT'cnt  eftc  fa- 
tisfaits.Gabriel  Chreftien, baron  de  Morbuy, lieutenant 
du  roy  de  Suede,fe  voyant  furpns  ,  confent  qu'ils  gar- 
dét  la  place  iufques  à  deux  mois  après:  mais  ponrcequc 
Kurfel  fe  fortifioit  là  dedans  »  les  Sncdcs  irouucrent 
moyen  de  s'en  rendre  maiftres  derechef.huiâ:  iours  de- 
Uâot  Pafques ,  ayans  deux  hommes  de  leur  intelligence 
en  icelle,entendâ$  que  le  capitaine  &  Tes  foldats  eftoyét 
yures  &  profondementendormis  ,  ils  entrent  par  vn  fe- 
cret  conduit  anec  efchelles  de  cordes  en  la  ville, au  nom- 
bre de  trois  cens, &  coupant  la  gorge  à  quelques  fenti- 
iîellc»,prenent  les  autres  endormis  &  dcfarmez.  Kurfel 
&  quelques  vns  des  principaux  furent  décapitez.  Ce  fut 
le  loyer  de  leur  yurongnerie.Z,e  me/me  rfi#  iii/w. 

Le  fort  chaftcau  d'Obfbourg  en  Suéde, plufîeurs  an- 
nées auparauant  fut  furpris  la  veille  de  NoeJ  fur  la  gar- 
nifon  ,  pourccquetous  les  foldats  &  capitaines d'iccllc 
s'cftoyent  tellement  enyurez, qu'ils  furent  attrapez  fans 
refîflance.Ie  vin  les  ayant  tellement afTopis ,  que  la  pla- 
ce ef^oit  es  mainsde  raflTailIant  ,  auantque  ccsyuron- 
gnes  ronfîans  en  fentiffent  rien.  Les  vns  furent  efgor- 
gcz.Les  autres  honteufcment  defpouillez  &  chafTez  à 
leur  rcÇucil. ChytrteHS  ^nfa  Chronique  Septentrionale. 

L*an  iç  47. vn  Lyoonois  nommé  N.Chanourryayant 
commis  en  fa  vie  beaucoup  de  crimes,  eftoit  couftumicr 
défaire  côtinoelledeibauche,  &dc retourner  yure  tous 
les  foirsen  famaifon  ,  ouiltraitoit  fort  rudement  fa 
fcmme.BUe  irritce  de  tant  d'yurongner ics&  fureurs  or- 

dl- 


iîr  métfJorMesl  1115 

dioaircs  Ufciaa  fînalemeac  la  bride  au  defîr  de  vengean- 
ce. Vn  loir  Toyant  ce  miferable  enfeneli  en  fon  yureflc» 
&  ronflant  fur  vn  banc ,  aprefte  vn  vafe  propre  ,  empoi- 
gne vn  grand  coufteau,  coupe  la  gorge  au  malheureux. 
Puisdcfîrant  couurircefte  horrible  &  furieufe  exécu- 
tion ,  dchberc  de  mettre  ce  corps  en  pieces9  &  les  ietter 
de  nui6l  en  la  riuiere.Lors  elle  commence  vnc  cftrangc 
boucherie  ,  defpeçant  ce  corps  en  tant  de  pieccs.qu'elie 
pouuoic  \qs  portera  dinerfesTois  au  Rhofne.  Elle  mie 
coûtes  ces  pièces  dedans  vn  raC)fairant  cefl  cxpioidl  aacc 
tel  foin  ,  qu'on  ne  pouuoic  remarquer  aucune  goutte  de 
fang  en  lamaifon  ,  tant  elle  auoic  proietté  de  longue 
xnam  ce  forfaiél.  La  nuift  fort  obfcure  cftant  auancee, 
clic  porta  CCS  pièces  àdiuerfes  fois  au  Rhofne  ,  &  les  y 
ayant  amafTecs  les  micdedans  le  fac,y  adioui^ant  pour 
contrepoids  vne  grolTe  picrre,afin  que  tout  allaft  prom- 
pte mcHt  à  fond. Toutes  fois  fc  haftartpouf  n'cftre  veuë, 
oufurprinfede  quelqu'vn,ncpeuftiî  bien  faire  que  le 
fac  ne  vinft  au  dcflus  de  Tcauide  façon  que  les  voilîns  ne 
voyans  point  Chanourry  commencèrent  à  murmurer, 
fçachans  la  noife  qui  parauant  eftoit  en  ce  mefnage-  Fi- 
nalement prinfe  fur  quelques  coniefturcs  ,  &  dcfcou- 
uraot  à  fa  face  le  trauail  de  fon  efprit ,  confeffa  ion  par- 
ricidc,dont  elle  fut  punie  meritoirement. Chanourry  a- 
yant  trouuécn  fa  maifonje  gibet, le  fupplice,  &  le  bour- 
reau de  fon  yurongQefic.'Pdre«/i»<3»  ^.UuJes mémoires  de 
Lyon^chap.io. 

C'cft  s'eïpofcr  à  manifefte  péril  d'aprocher  trop  près 
des  yurongnes  ,  en  pcnfant  leur  complaire:  tefmoin 
ceft  exemple.  L'an  i  5  35.  quatre  gcncils-hommes  déli- 
bérez défaire  vn  magnifique  feftin  en  certain  village  de 
Suiflcjaiïez  proche  de  Bade,  auquel  plulîcursdamoifel- 
Jes  fe  trouuercnt,pour  palier  le  icps  encore  plus  loyeu* 
femenr,appellerent  vn  rrienclhiet  afin  de  faire  danfer  la 
compagnie .  L'entrée  en  fut  tres-malhcurcufe  :  car  d.^ 
Je  premier  iour.ces  gentils-  hommes,  oublims  leur  bô, 
f'enyurcrenc  tellement ,  que  d'hommrs  quMs  eftoyenc 
onlçf  vid  foudainemcnt  transformez  en  beftes  cruel- 
les*    l^ç  jriifçrâblc  mcQcflf içr  en  |>ori4  lors  la  paf^e 


1 IJ  6  Uiflotres  admirables 

au  four.N'iyant  pas  afiTez  toft  au  gré  àt  ces  y  arcs  Tonné 
dcfcsinftrumens,  ils  fe  ruent  fur  luilcs  r-lpccs  iraiics, 
&Ic  découpent  fi  menu  ,  fur  la  place  du  fcfhn  .^u'il  fut 
rupoflîble  en  trouuervn  fcul  membre  en  fon  cntier.Les 
damoifcllcs  conuiees  fe  recirercnt  en  grande  f. aycur  & 
con  tufion././e  Gaft  au  i  .i^olume  de  fes  propos  de  table. 

L'an  I  WS>deuxciioyésdeBril1acprcsdeB;illc,grads 
a(nis,aprcsauoirdifnéenfcmbles*acbemincrencic)ycu- 
Ic.iienr  vr  s  .  n  vijlaîjc,  cuayan^  expedit  quelques  afai- 
res  entrèrent  r  n  vne  tanti  ne  &  y  be  urcnii  outrancc-Re- 
lournans  en  la  viJ!c,,  fur  le  chemin  ils  commencèrent  à 
contefter  &  fc  contredire.  Des  langjrs  ils  vindrcnt  aux 
cfpccs.  L'vneurla  main  gauche  coupée  &  incontinent 
rechargé  tomba  mort  fur  U  place,ab2tu  par  fon  compa- 
gn..n,.c4uel:.'erfuità  Ton  auanture.laifTaat femme,  cn- 
jau$,&  mefnag<-.Ze»je/we. 

Vn  gcnti  1-fjomme  d'auprès  de  BrilTac  s'eftantcnyorc 
auecquelquer  liens  compagnons,au  fortir  detable,vou 
lutaprcsbon  vinboncheual,  &  commence  à  picquer  le 
»en  fî  rudement  que  le  cheual  Te  prend  à  courir, bondir 
&  ruer  de  telle  forte  qu'il  icite  fon  maiftre  hors  désar- 
mons. Le  miferable  ayant  perdu  l'vn  des eftriers  demcu- 
TC  prins  par  le  pied  à  l'autre  ,  fc  cft  entraîné  du  cheual 
cfmcu  qui  lui  cafTc  la  lefte.Si  lui  crcue  le  cœur  &  le  ven- 
tre, partie  à  coups  de  pied,  patrie  le  trainant  à  trauers 
champs,  fansqueles  autres  yuiongnes  euflcntefprit, 
force  ni  moyen  de  le  (ccoxxùr.La  mefme. 

Entre  autres  fautes  commifes  parla  garnifon  de  Ca- 
fal  villede  Piedmôt ,  prife  par  efcalade  de  nuiâiau  mois 
de  Mars  de  l'a  i  5  5  ^.cefte-cicft  remirquec;que  fur  Toc 
cafion  de  cert--»ines  nopces  entre  perfonnages  de  grande 
qualité,  les  capitaines  &  bonne  pari-ie  des  foldats-fe  trc- 
perent  tellement  du  vin  de  ces  nopces  ,  qu'ils  furent  la 
nuiifl  mefme  d'icclles  lurprins  dormans  &  tellement  af- 
fopis.qu'apref  grand  meurtre.les  fnruiuans,s'cftan$  fau- 
tif z.iu  charteau  mal  muni  &  point  iccouru,  furent  con- 
trains demander  compofition  a'j  marefchal  deBTi(rac.& 
fortir  honicufement  hors  d'vne  fort,  place  ,  qu'ils  per- 
mirent par  leur  iutcmpcrauce  &  diifoluiion.  HïJlcWede 
Henri  II,  L*an 


à*  mémorable  S'         ^     iiij 


L'an  I  y  ^1. ceux  d'Agen, fort  incommodez  par  Jagar-i 
nifon  d'vn  heu  nommé  le  Bourg  du  palTag  ,  firent  tant 
qu'ils  la  dcfnichcicnt  de  là  où  ils  mirencicfeu  ,  qui  fut 
incontincntcftcint.  Il  s'y  trouua  grande  quantité  de  vi- 
urcs  aucc  force  bon  vin ,  lequel  rafté  par  les  foldats  ,  ce 
fut  âqui  boÏToitlc  plus  ,tout  Icrcfte  à.itcç.  icur-là  ,  puis 
Ja  nuift  faiuante,au  heu  qu'il  auoit  cfté  arrefté  que  touc 
Jes  viurcs  feroyent  apportez  au  magazin  de  la  ville  d' A- 
gen  auec  k  cuyure  &  le  bronze  qu'on  crouueroit  en  ce 
bourg.pou.  aider  à  la  fonte  de  Tarcillf  rie.  Le  lêdcmaia 
fur  le  raidi ,  la  garniibn  defaichee ,  qu'on  pcnfoii  eftrc 
deiîa  bien  lo  .i,encendanc  celte  defb  uche  ,  vicncde  vi- 
flclfcaub  -urg  ,  le  rue  fur  !v.s  dill  3jus,qu'eiic  eut  à  bon 
marché.troiiujnries  vnsdelîj  yutes ,  les  autresforc  en- 
dormis,de  of  rc  cju'il  en  fut  tué  fo'xancc  dedâs  le  bourg» 
outre  ceux  qui  mirent  de  i'rau  en  leur  vin,  fc  noyans  au 
rcpalFcr  d'vne  riu-e  equi  co-iJcentre  ce  bourg  &  Agen. 
Jiijl  de  France.foH6  Cbarlts  JX.iiu.^. 

En  cefte  mcfrne  ann.c  ,  le  capitaine  Piles  ayantfaic 
cntreprifefar  Muci.^an.vilU  de  Perigo'd,  au  commen- 
cement de  l'an  i  ç  ô^afTcuré  par  quelques  ^ns  auec  qui 
il  auoit  intelligence ,  que  m  ceux  do  la  vuic,  ni  ceux  à\x 
chaft^au  ne  faifoycc  garde  m  ientinellela  nuirt,C'vmmc 
ncfedoutans  de  rien  ,  y  cntralui  trtniiclme  leulemenC 
auec  desefchclles  qui  lui  fjient  tendues  lit  ayant  fceii 
que  ceux  de  h  garniion  du  chafteau  ,  qui  auoycnc  veillé 
iulquesà  minuiifl  à  dan  fer  &  yurongne',  tlloyentcnfc- 
uelis  en  leurvin  ,  il  y  planta  iVs  efchclles  toutài'aifc, 
quoi  que  le  lieu  fufl:  comme  inacccHTible,  &  y  ef^ant  en- 
tré lui  quinziefme  feulement,  lans  qu'aucun  lui  fit  rcfi- 

ftance, s'empara  du  chaitcau,&de  tout  ce  qui  cftoic 

dedans, par  la  faute  hontcufc  de  ces  yurongncs 

&di(irolus  .    qui  rccenrent  le  iufte  loyer 

de  leur  forfait.    HiftM  Fira»ce,fom 

Charles  iX.LtH.^. 

FIN   DV  DEVXIESME 

VOL  VMS. 


Z' 


INDICE     DES      MA- 
TIERES  ET    CHOSES   PRIN- 

cipales  &  plus  remarquables  traitcees  Sc 
contenues  au  I.  &  i.  volume  des  Hilloires 
admirables  &  mémorables  félon  l'ordre 
Alphabétique. 

lensmùremonjre  la  page. 


Jane 


^ge  yteil  page 

^bbé    empo't- 

fonné      far 

y  ne  Courti- 

9i7 


^bbé feignant  auo'tryne plett- 
rejle  en  fia  tellement  atteint 
qt*tl  en  penfa  mourir   817 

^bbé  mu  en  ynjiur  chaud 
fans  brusler  4  i  9 

m/iboy  ^grondement  de  chien 
Contrejàtt  fubttlement      39 

^bfces  memeiUeti^ement gttert 

^bfies  merueilleux  treuué 
dans  le  corps  d'y  ne  petite 
fille  après  fa  mort  561. 
G'C. 

n/ibfces pefant  qttator'i^e  littres 
Ç  tf  I  .troMué  dans  le  corps 
d'yn  yteillard  la   mcfme. 

^hJiinentefHrnaturellt  ^  mi' 


raculeufe      3  op. j  T  l .  5  <?4 

^bfï'mences  de  boire  zy  man^ 
gerfirt  grandes  4 1 1 .  ^  tf  ç 

^bjfinencefiincie  an  boire  C7* 
manger  pari^efpacedeplw- 
ficx^rs  mois  1  (î  j 

jiccident  merueilleux  en  yne 
fille  I.l.CT'C. 

Recouchée  abondante  enlai^ 
16 

accouchement  Cefarien   114 

accouchement  en  deux  fvn  de 
xx.enjkns,  I  90 .  de  trente" 
fix.i^O.  de  3  (J  ç .  enjhnsy 
1  90.de  LXX.  CT*  yneau- 
tre  de  cent  Cinquante  enjhns 
\9^ 

^ccujateur  mefchant^  extermU 
né  ^  i% 

^ccufateurs  quelles  qualité^ 
doiuent  auotr  i  j".  contre 
quelles  perfonncsnefont  re^ 
HuabUs  i  s 


â:- 


y 


IN  D 

^CCufationsfiujfet  fuyuies  de 
i^gemens  à  mort  i  6 

^uufution  frujj'e  grauement 
repriii.ee  6 

^Cies  berotijues  491.4^1. 
49  3-494-C7f. 

L'^mirul  d' u4.unebault ajfdil 
il  d' horrible  tourmente  fur 
le  mont  Ccnu  1  O  ^  4 

Jidoifduc  de  Çueldres  traiéU 
Cruellement  fort  père  t  iy  fa 
fin  mijerable        x  l  5 . 1 1  ^ 

^dorn<:s  ^enttls-hommes  (je- 
nettohfi-eres  quittent  yolo' 
tairewent  le  gouuernement 
de  la  yiUe  pour  le  falut  des 
Citoyens  5  77 

^drian  Qirdtnal  de  (Cornette 
deictipar  lar?j^cnfe  a  y  ne 
magicienne  7  .  6 

^duerttjfeurs        meruetUeux 

17.18 

adultère  caché  dans  m  cof- 
ff  efi  emporté  inj  au  tom- 
beau,^ fa  àetturunce  mer- 
ueiUeufe  XS  S   ^  S  ^ 

adultère  caufe  de  plujîeurs 
meurtres    xt.tl.iJT'^9 

adultère  chajhét  19.  dagué 
30 

adultère  defcouttert  par  vn 
conjvffeur      CordeLier    14. 

IS 

adultère  emprifonné  mange 
les  tnoir  ans  de  fes  dtux 
braf  CT*  'fieurt  de pitm     3  I 

^dvlttre  (^jgorgé  par  le  mart 

uidt*ltere  eftouffec  par  la  pw 
anteur  dti  cadaunr  de  Jott 


adultère  1 0 

^tiiéltere  mort  de  jârw  là 
metme. 

adultère  trottué  nud  aux 
Uaim  y  ejlrttleji  rudeoienti 
cjh'ù  enm>'Urt  t^ 

^duiiCres  chajrte'^  19.10. 
Z^cfitpl-Uiit^  ditterf'weni 
xiparrcides  il. il 

^fjîuence  dhpeup'e  ai*  lubilê 
a,  J\ome  caufe  yne  extrême 
Contagion  9^4 

^gtlitéa  courir  O"  mahhr 
cheuiixix  3^.  3  7-.»  8 

agilité  ^  fur  ce  33.  iul\jui 

41 

uilarmes  Jkuffcs  ZP*  yainet 
4(  li4«  141  3 

Albert  duc  de  Bawere  rejîffe 

la  courbne  de  Bohême    ^  7  4 
Albert  m.aquti   de    Brinde- 

bourg  prend  vaillamment  la 

y/ lie  de  Qrauëburg      1  0&  I 
^Uhyr.tfïes    bellâtres  cr   or- 

gueitleux  <?  3  I 

^Uhym'fes  dece»i  parjubti- 

te  refponfe  du  di-ible     ^  i  l 
^ichymijtes    peur  la  pihjpart 

de*nundent  confml  a*x  ef- 

prit  s  la  me^  me. 
^leman  afji.ré  Aepilep   e  la 

nuict  CT'iamutf  le  tjj*r  8-4 
^le  -ande     ej-t  e^tii^-e     lorS 

quelle  aCou.hoit  %6  ^ 

^l-'nAr.s  robujtes  14I 

^icxu.fdre  vi.    Pape  m^- rt 

e>npoifnné  618 

^iexaadre  Ouyormdelture  ues 

inai.iî  d^  ci^ux  (jui     ^    'ne- 

noyent  prifonnier        '  o  î  I 
^Ifufe 


INDICE 


"^îfèafi  Poy  d'Arragon  e;>cl)or- 
te  fort  jUs    à  yfr  de  cle^ 
mence   enuers  [es  enuemis 
yeincui  7  9^.  ft  clemevce 
enuers  ceux  q'*'il  auoU  fur- 
monte\     7??.  7  9  8.799 
^Ifinferoy  d' ^rragon  ,  ma- 
gnanime %y  conjhînt  en  fèt 
aUuerJite:^   6So.ne dfan- 
^u  lamau  de  rifa^e  -,  para- 
it ni  (onteaance  ejhnt  pris 
frifonmer.  Endura  C Appli- 
cation d'yn  Jèr  urdent    en 
■vne  Jtenne  pi  ye  ,  fam  ia- 
mati foncer  le  font  ,     «> 
jnire  aucune  autre  démon- 
flratton de  douleur      6%0. 
Mfinfe  d'Efy  duc  de  Ferrare 
libéral  entiers  f  s  fibiecls  e- 
fiants  pauures  8  }  9 

^Ifonfe  DtaT^e  Ejpagnolayant^ 
fut  tuer  fonf  ère  eji  trouyJ 
tfranglé  attaché  au  col  de 
famnie  913-    9^4 

,Ambaffade  d'm'm  O"  merucil- 
ieux  17.1^ 

ambition  ridicule  4 1 

nAmour  du  monde  rend  la  mort 
redoutable  9^9 

Amoureux  pafme\  zy  morts 
deioye  çp'  de  plaifir  3  9  ^ 
Amoureux  deuenu  infenfé)9o 
mangé  dts  poux  ^9  9 •  J^ 
chafïrat  de  dejpit  4  0 1 . 4  O  * 
Epileptique  40  Ç 

Amours  tournées    en  fureur 

1^4.  15  S'  îi8.40<Ç 
Angtlo  I{ao  lurifcouff'UeHea- 
jtolitumfe  fin  fnttter pour 


fonauarice  (tf 

Anges  deffenfeurs  des  hommes 

contre  lafkreur  des  ejprtts 

malins  1 3  S  1 9  i 

Anges  apparus  à  diucrfs  per- 

fonnes  en  ferme  d'hommet 

ï  îo.  151.  ijç.  1  i^. 

m-  119- 

Anguilles  abhorrées  de  plu* 
(leurs  per  fonnes  3  8  I 

A'TgloH  efgurgé  par  fon  com- 
pagnon 9  S 

Animaux  fub'teCis  à  la  rage 

3  49-  J^O.G-c. 
Amé  duc  de  Sauoye  libéral  en* 
uers  les pauures  83? 

Antoine  de  Leue  deceupar  la 
rejfonfe  des  devins       71 Ç 
Antoine  de  Collsifatfi  d'ejtra- 
ge  maladie  835* 

Antoine  "Pere^  Secrétaire  d'e- 
fat  enEfpagnerudemêt  trai 
te  en  Qiftlle,ffauue  en  Ar 
ragô  851  ,ou  fon  procès  luy 
efifrici.z^feiuftfie  ^l-ft 
retire  en  France  854» 

Anuers  faccagee  par  les  E/pa» 
guols  100  {.0'(^» 

Apoplexie firte  ç^  yehemen» 
tetnyjàut  point  appliquer 
de  remède  $7 1.    (yc. 

Appareil  de  guerre  nauale  cf- 
mcrueillible  550 

Apparitions  merueiUeufes  4* 
Apptntiot'S  dtutrfcs  en  l*aif 

4<^.&  fuiuancs. 
App.iritton  d'yn  Aigle  yolat 
en  l'air  -,  ^  ^.  de  troufoleilt 
imbrajJeZ  d'm  arc  en  itel» 
Bbb 


jr 


INDÏG  É. 


Ç  4 .d\H  hœnf l-mhla, t  pif-     ^quUaire  ct^UAu%»  'Partuj^4i$ 

fertile fitt,  ^5.  <C armées iit-  t,y<jloHtt  des    yagues  de  le» 

mer  auecjon  yatjjatui^^ 

^raifrne  eonemtc  des f^penfs 

^  antres  bejies  imntmeufcs 

^r.tWne  deUitre  >»  motne  de 
la  m  rt  ï047 

^ir'urt  for  hier  fym^atïfuut  eu 
fo  'i  bo n  at*e  c  la  rage        j  ^  2, 
ty     (i     cheual  ccnbatt^ns     ^nhers  de  in  ^arde  du  roy  d* 
6 l.d'yne  mcmtagie  parne  UCI)!<:e    ,    de    prvdtj^ieitje 

en  deux  ^  u  gr  mdeur  2. 5  o 

apparition    merueiUeyft     en     ^rchei4tf.n*e  deTife  pedu  co- 
^fyrie  5  i  me  lut  .tuoit  eflé pr^du  611 


tachées  au  combat  là  mcf- 
me.  du  Soleil  fort  hydeux 
Ja  mcl".  de  trops  Soleils  de 
ioury.ie  %.  lunes  de  nuicly 
S  %.\  9. de  la  figure  de  le- 
fm  Cbrift  ajih  dej]}iô  yn 
mrc  en  Ctel-,  €  I  *  d'o^uerture 
du  c/eiy  6  ^  .d'armées  à  pied 


apparitions  Sataniques      4  ^ 

^yippetit  de  boire  (^  de  manirer 

perdu  6  4 

t/ippettt  de  femme    enceinte  y 

retenu  ou  d:nié  ,     en  donne 

Vtmpre(?tona  Cenftnt     67 


./irnieeTurqHej-jue  d<:sfaitepar 
à  eu  Cormn  ciHiniade  583 

^rrt-Jlj  contraires  des  Parle- 
ments de  t*art6  C7*  l^ijon 
fur  mefi/iejàtcl      8.1  I .  I  4 

-^ficii-iàes  f  I  5.  w  tf" 


appétits   lie  femmes  enceintes      -^JutUj'tt  tc/neruire  puny   69 


Jàrt efrrâges ,  6^  •  de  mordre 
-pnieuiàe  home  fur  le  ihtnno 
ducoly  de  manger  efcreuij]es 
crues  la.  mtlmc.  démordre 
Ia  ïambe  nue  ayn  joulonj 
6  6  de  manger  de  l'tjpaule 
d'ynboul.iiigery  là  me  me. 
de    la  chair  de  leurs  marny 
là  me  r.  aes  grojjes  poignées 
de  iith,  ou  d  ejroiippe      57 
mang-:r  anguilles  vicei,  du 
godran^de  la.  croye    a  mef- 
me. 
0^pprehenfion.yQyç.z  irsagi- 

jacion. 
^pprehenfîon  yehemcnte  eau- 
/Uni  la  mott fondante    5  8 1 


'JJaJs'mats  deftjuucrts  9 4 •  9f 
-^Jjaf?in.its  commis  par  adul- 
tères 1  I  •CT'fi. 
./ifjlifins  defcoiiuerts  p.ir  no- 
tuoles  r,}oy<.s  c^  puni6    319 
3  6o.c?'<". 
^jjommeurs  9  Ç 
^irroiogne  exécuté  à  mort  çj* 
ponri-inoy                      f>  \  l 
^ualeitrs                       7©.  71 
iiifn'.res  merueiUeufes   de  cer- 
tains qm  ont    anaié  pur  l<$ 
gorge  chofes  eftrAu<res  ^  ce 
tjtii  s  en  est  enfu.uy  7  i  .7  J 
Clfofrs  aualees  par  imprinlence, 
Cr  forties  par   aiuers  en- 
dr»ifs  dn  kvrjpr.74.7  $  -o^^» 


\ 


t  N  D  I  C  Ê. 


JiUalant  yin  fam  mouuement 
qutlconque  70 

iAuartce  de  'Paul  loue  Chroni- 
queur-, cr  Euef^ue  de  "No- 
Cere en  halte  €  i.6 

^itarue  d'yn  Vape  61 S 

^ueuglet  de  nature  deuenui 
trejdoÛes  449 

^ueugle  grand  l'kilofophe  là. 
mclme. 

tAuett^le  depofant  contre  yn 
criminel  auufe  de  meurtre 

iAulx par  leur  yfige  chajjeni 
Us  yers  qui  s'attachent  até 
cœur  1 1  I 

i/iutel  touché  excite  les  foudres 
CT*  tempejles  11^ 


B^ia^etfils  de  Soliman  e- 
Prangléd'yne  corde  d^urc-, 
far  le  commandement  du 
père  i  I  7 

iBalde  lurifconffiUe  mortjùrê- 
eux  c^  enragé  3^0 

Sarbar  es  prudemment  adoucis 

78 

Saron  de  Courtenay  àxecutéetè 

Çreueà'Parti  97  O 

Baron  de     7{entyfaccagé  par 

Us   payjans    en   Haynam 

977 

ÉajUic  des  anciens  rapporté 
à  noflre  coq  3  Ç  I 

bataille  de  S.  Tionat  remar- 
quable j»r  toutes  Ç  00 

dandiné    yailluHt    capi(am« 


I  100 

Seaucaire  pillé  cy  les  pittatài 

extermtae^  -7  g  t 

3ernardin  (^orte  yend  le  cha^ 

Jleau   de  ^SliUn   au  rcy  de 

France  O'  ej}  puni  defon  m- 

fidélité  c^  trahifon    106^ 

2  lafphemateùr  tué  de  la  ptt- 

dre  qui  l»i  eviport^U  ian^ 

gut  i4y 

jBiajphemes  o*  paroles  de/pi-^ 

teu^cs  xi% 

Slejptres  guéries  80.    &  fui- 

UAOS 

3leffu^es  légères ,  neantmoins 
mortelles  7  ^ 

:BlefJt*res  du  ceeuT  quand  fnt 
mourir foudam     i  1  1.  IZ3. 

Sluetîes  defiufortant  du  poil 
de  la  tcjle  d'yn  Carme  ^  3  tf 

Soire  mefprifé         4  i  I .  CT'C 

Bordet  capitaine  François  fè 
fiât  tuer  par  yn  de  fies  foU 
dacsyÇ^  pourquoy         578 

Souquet  émpoifonné  par  forte- 
l^ges  St% 

Sourdelois  Comment  punn  de 
leur  fiedition  *3  4- 

'Brabançon  ,  infitgne  impofieur 

"Braccio  de  Jl^ontone  yaillanà 
capitaine  tué  deuaut  ^quilt 

Braptuole  excellent  medrcmi 
ae  quelle  rufe  rfiu  pour  gué- 
rir yne  d.ime  tnetaniholi- 
que O' folle  j^j 

Breton  luittcur  excellent  z  ^  j, 
Breuit  of*  efioit  efcrite  y^e  re* 
Biib     » 


gepte  de  médecine  jhit  la 
mefme  opération  ijue  la  mé- 
decine en  la  marnant  J  8 1. 
Sri^atts  (rr  meurtriers  9  o 
jBrt^ands  defcouueris  par  y  ne 
yolee  de  (^ornelies  $  i 

Brigand  tiermïte  9  S '9^ 

Brigandage fou'i^CQuleitr  d'yn 
breslan  de  leux  de  cartes  o* 


de 


\ 


PT 


Brigand  Contrcjkifant  le  muet 
CT"  demadât  l'aumofne  9 1 

Brigand  pendu  non  dtt  tout  e- 
Jîranglcy  ojîé  au  ^het  o* 
guery  109 

Brigand  torturé  de  fa  confct- 
ence  defcouure  a,  la  iuflice 
foiifirjhit  pour  eflre  puny 
X  XO.l  X  I 

Srigands  prudemment  adoucà 

19 
Brodequins  empoifonne"^  9  3p 
3rmtjàux,^  dommage  enfui- 

ui  4I3-4I4-4IÎ 

Bruit  de  gens  arme^  entendu 

en  Vair  5  O-  S  I 

Bruslement  de  yiUefufiUé  par 

le dta'ole  I  8  I 

Butin  pillé  caufe  la  mort  aux 

pillards  7^1 

G 

CAdetde  noble  maifcnfe 
chajire de de/pit  Z96 
CafarSorgia  tuépar   yn /im- 
pie fAd-tt  6t2 
Cap  de  banne  ejjierance  dange- 
reux en  temps  de  tourmente 

panards  en  bon  nombre  s^en* 


INDICE. 

tretuants  en  comlàt    457 
Capitaine  Bayard   fe    bat  en 

duel  cotre  yn  tjpagnolj  1 1» 
Cardinal  libéral  en  l'editiondes 

Bibles  de  Complute       8  3  S 
Cardinaux  extrêmement  aua- 

res  6z^.(i9 

Cas  e/ranveSiO'  extrêmement 

pitoyable    100.     &  fuy- 

uans 
Cajfe  yenimeufe  ^  mortelle  à 

certaines  perfonnes       }  J  o 

383 

Catalepjîe  maintient  fon  pa' 
tient  au  mefme  eïtat  quelie 
le  prend  8  |J 

Cataleptique  priué  de  tout 
Mûtiuement  ^  fentiment 
demeure  toutroide  aj?us  en 
fa  chaire  la  plume  en  U 
maintes  les  yeux  ouuertsfi~ 
(he^fur  yn  Hure  831. 

^utre  couché  tout  defon  longy 
comme  s'il  euft  eïié  mort 
là  mefme. 

CataraCÎes  ou  tayes  merueiL 
leufcruent  guerres  804 

Catherine  de  Jitedicu  7{pyne 
de  France,  foHge  la  mort  di* 
'^y  Henry  fécond      1040 

Catlierine  Turle guérie  d'hy- 
dropi/îe  8  I  O 

Cenfures  fupportees  modefe- 
ment  375 

Cenfure  de  ^u fur  ta  contre  U 
traduClton  de  'Platon  par 
Ficin  Jà  mefme 

Cérémonies  des  Arragonois  a 
(recr  l(ur  ^^y  8  s  9 


INDICE. 


CfTtain  criminel  eflant  mala- 
de bourrelé  de  fa  propre 
ionfcience fe  crotd  ejhe  con- 
damné à  mort  par  tuft'ce^ejl 
delmré  de  telle  imagination 
p^r  moyen    txtraordmaire 

Ceruelle  d'Oiérs  efmeut    desî- 

magtnationsbeftialcs    3j8 

Chaleur    extraordinaire      en 

temps   d'hyuer         7  3  8. 

7i9 

Chanoine  extrêmement  auare 

6z  3.i'2,4 
Chantecler    moine  de    Tarny 
atteint  d^ejlrange    mala- 
die 681.685 
£Jntntre  du  roy  Charles     i  x . 
empoifonné  919 
Charlatan    tué  far  la  morfure 
d'vn  ajjjic                     941 
Charles  y.  Empereur  pajjé par 
la  France    ,   CT*  par  'Parts 
717 
Charrette  pajjant  par    dejftu 
yn  enjnnt  y  fans  le  bleffer 

911 

Chaffe    où   leyeneur  ejl  pris 

Çhafliemens  diuers  des  ^- 
duheres  I  9.  to.i  3.1  f. 
t6.    17.    i8.    30.    }i 

Chafiransde  défait  eux   mef- 

mes  401.405 

Chajlrétout  àfiiiSl,  feignant  le 

youloir  efire,jfïn  de paillar- 

der  plfU    librement     374 

Chati  opnfenf  ^plufieHTS  pet- 


fonnes  de  leur  regard  %^  8  • 

fonfangenfrit  pv'^ndre  fort 

naturel  5^7 

Chemmer      fur     la      cord* 

35 

Cheual préfère    {par   auatice) 

à  la  yie  d^  vn  homme    531 
Cheualiers  Teutoniques  yich- 

rieux  fur    les     ^ofcouitei 

1096 
C"euaucheur    d'efcurie    noyé 

irtiuflement  O"  ^^  yengeance 

diuine qui s\n  enjuittit  9^, 

100 
Cheuaux  effraye"^  fe  rendent 

aux  ennemis  778 

CheuauXyChicns^mulets  j  afnes^ 

Zy   foHTii  mange^  dedaiéS 

Sancerre  7  5  4.C7'C. 

Cheutf  fans  bleffure  x  O  8 

Cheute  de   fn  haut  fans  bUf- 

fure  1  I  4 

Cheute  heureufe  a,  ynefide  hy  - 

dropicjue  8  I  O 

Chien  noir  de  grandeur  exce^ 
fine  s 'upparoiJJ'ant  au  Car' 
dmal  Crefcence  171 

Chiens  enra^e^yde  leur  morfu- 
re yenimeufc         3  4<5^-  C/'f- 
Cholere    C4ufe  de    çaa  pitoya- 
bles   ,    CT*  morts  estranges, 

I  oo.ioi.I04-Ci7'f. 
Chrijhjïe      Trutyrin     guéri 
a'hydropi/ie  par  le   moyeu 

d'yn  lai  fard  8  l  I 

Cicogne  bruslec  s* efforçant  d  e 

garder  Ces  petits  des  flam- 

mes  1 84 

Cifitron  af?iegé  par  Sommer*' 


IN'DI 

n^^auft  la  retraite  mémora- 
ble    des    habttam  d'icelle 

Çtuille  enterré  deux  fou  com- 
me mort  )  rcuient  e;i  (onua-- 
lefcence  66 1.  66^,  6  6^. 

CljiJ}  ère  frt fente  a  >»  malade 
opérant  fans  tRteClion  aucU' 
ne  x^$ 

Codes  AJlrologue  ittdiciaire  ej} 
tt*é  comme  lut  mefme  auoit 
prédit  890.891 

Coq  enragé  tuant  fan  maijfre 

Coeur  humain  y  élu  çy  ce  que 

dénote  jq^ 

Coeur  humain  zy  Ça  t^ye.    di  • 

uerfes  htfotrcs  d'uelut  108 

Cœur  ùie/jjé,  Vho.nme  ne  meurt 

pxf  tuujiours  foudain    \  i  5 

fierres    trouuees  au    cœur 

l  I  z. 

Coloquinte  efmeut  par  l'atou- 

chement o- odeur         jSt 

Combat     tnefgid    en  nombre 

491-  4  9  5.C7C. 

C«nibat  pour  U  conferuation 

des prititlegcs   du  royaume 

(C^rragen  g  ç  ç 

Combat  'Naud   d* André  cf 

yniuhel    yufconfd     feres 

10-J6 

Combat  riflorieux  d'yn  contre 

trou  Cheuahers  ^^6 

Combats  à'homcs  ^rme7  yeu4 

en  l'atr  gi 

Ç<fmet?  afiarue  à  la  nai/Jauce 

4e    Çhar(ts  r,  Em^er^uf 


C  E. 

114 

Cornette  des  plus  redoutable^ 
de  r.ofîre  tëps  en  l'an  1^17, 
Çp'fa  defcription  i  i  ç 

Comètes  auant- coureurs  desfe- 
tteres  cha[iimens  de  'Diem 
I  16 

Comètes  y  eues  enV  Europe  de- 
puis cent  ans  II).  çyfuj» 
uans.  \ 

Compafiou  yehemente     1  i  7 
'Comte  de  ^ontecucuUo  tiré  à 

quatre  çheuaux  c^  pour-  ' 

q"oy.  5  5*  I 

Comtejfe  de  Hollande  enBn- 
tant  pour  ynefvti  }  tf  V  •  ^»- 
Jàns  tnasles  790 

ComtcJJe  de  "j^tbcs guérie  d'A- 
pr>plexie  ^-jf 

Conceptions  CT*  enjàntemens  a- 
uant aage  i iS 

Condamnations  à  mort  preci  ■ 
p'iteeSyKy  intujles  193.194. 

Co/ifrJ^ion  extorquée  cauteleu-        M 

fement  J  O  tf  fi 

Coniurationsne  doyuent  ejhe 

différées  391. 

Co"fcience,c?'  de  fa  force-,  119 
ConfOences  torturées  dufouue^ 

nir  des fvijnièls,  1  i  o.  1 1 1 

lit 
Confetder  du    pays  de  Frife, 

faijï  d*yne   paJ?ion   yehe- 

me/ite,meurt  917 

Conjïance  de  Ferdinand  d'Af' 

ragon  ^81.^85 

Confiance     de  Charles  rlU. 

koy  de  France ,  en  l<*  "»«>*• 
4^fm 


V 


IK  D 

êU  fi)nfih  vnique        6%  4 

Cotijtartxnefile  ruinée  par  jïtt 
Cr'  pur  p.ujiev.rs    trenihie- 
mcnts  àetcrr"  y  l  if  4  485 
Continente  mémorable  c^  «c- 
tai)U  \  i  i.6%  s 

Conuulfion  es  parties  internes 
fans  cjue  les  extcr'-es  s'en 
rejj  entent  6%j 

Corbeaux  prefigeans  la  mort 
de  WcjtnHi  ^76 

Cornet ly s  yengcrejjes  a*rn 
meurtre  ^  i 

Corps agtles     t  j.J  4.  3  S.CT-c 
Corps  andtomattfé  ayant   trou 
râtelles  y  66 

Corps  humain  pétrifié  114 
Corps  meurtry  J.itgnant  ,  en 
prefence  du  meurtrier  :  ^ 
comment  cela  fe  peut  filtre 
370-57i.37i 
Corps  mortel  demy  pourry 
mangé  parles  Ejpagnolsen 
temps  defiimine  73  f 

Corps  de  tnjjntjje'^  fortans 
hors  de  terre  a  certain  loury 

4t. 4  3-44. 

Corruptettr  de  frm;nes  cr  fil- 
les puity  diuiuement    3  J}  8 . 

^urrtiption  de  It*gfS         303. 

304 

Copne  de  ^edtcn  1>t*ç  de  Flo 
rence  libéral  a  fecourir  fis 
amtf  8,7.858 

Coup  de  eanon  emporte  l'^s 
chaînes  d\n  firçat  fans 
Vojjenfert  te  ijuiluy  donne 
moyen  de  fefamçr      704 


ICE. 

Courir    fur     la     corde  r    tx^ 
ce'dens    en  cefie  anlné  i  ^> 

Courfatres  en  nobre  r'^deinent 

battua    par     trou  hon,mes 

491. 49i 

C^urfi  açie  z^  ^fi^  3  4 

Courte  de  chenaux  admirable 

35.  »  7 

Coiirnfanne  de  'Paru  ff^ niant 

d-^t'.enir  blanche  efi  empoi- 

j'onnee  ?4  0 

(joufiuriere  fans  bras         448 

Couiturier  tué  defiuldre  ,  çy 

Comment  77*» 

Craiite.      Vcyeï    le     mot 

ycur. Crainte profiitue  foié^ 

Kent    les  perfonnes  a  chofes 

■y: les  }  96 

Crapaut  tué  par  -pne   araigne 

104^ 

Crapaux  e.t   nombre  de    deux 

yendu/s  e.»  temps  dejnmine 

7ieuf  ducats  738 

Crtmittelfef*uH'e  du  gibet-,  CT 

comment  7  9} 

Cru  ij"  yotx  de  g^nts    comba- 

tuis  en  i'atr^outi  J  } 

Croifi^  desfic.ts    en    Hongrie 

Cruauté  'trande    d*vn  Jitore 
<s 

entiers  fon  maifire      5  07. 
Ç08 
Cruels  extermine^  1 1  j|  ,^$  i 

<^P3 

T> 

DyimoifcUe  demeurant  3  f 
ansftns  dormtr      109  t 
DamoifeUe    Laihcrtne  ^im-» 

BBi)    4 


Ind 

ttne  guérie   de    Vepilepfi* 
%6x. 

lùamoifelle guer'te  d'yne  mer- 
ueilleufe    tumeur     10^3. 

*DamoifelIe  frénétique  guérit 
au  fon  d\nluth  %6q 

Damoifelle  de  'Rouan fe guérit 
de  toutes  maladies  en  ente- 
dant  m  ioueur  de  tab«urin 
auec  lafiujle  %6l 

'DamoifeUe  forciere  bruslîe  à 

Lyon  é^y  ' 

"Dangers  efiranges  o-  la  de-- 
iiurance  130.  l  31  iyc.de 
baf}eaux  fubmerge:(  au 
fort  134.  d'yn  nauire 
porté  par  les  bancs  o* 
efcue'ùs  au  port  ,  13c. 
de  tempejie  atraiharit 
le  comble  de  pierre  de 
taille  d  yne  matfen  futts 
«jfenfer  perfonne  ï  iJ.de 
iheute  fans  hlefjure  141. 
de  matfon  tranfportee  par 
déluge      ^  i4t 

'dangers  où  fe  font  trou- 
ue"^  plufieurs  ayans  aralé 
des  chofes  qui  leur  font  de- 
meurées en  la  <rorie  ou  a'il- 
leursy  cr  leurs  acddens  7  3 

T>anferfur  la  corde  33.    }  g. 

1)elïurances  notables  CT   par 

moyens  extraordinaires  1 19 

Iteluge  d'raiix  4.  ^6.  de  terre 

48(^.487  crc 
1>em«n»A^ées    i^V.  parlons 


ICE. 

grec  cr  latin  143  yonùf- 
(ans  des  lonzs  'doux  de 
fir  cr  des  aiguilles ,  l  4  4* 
Jâifans  predUhons  14^. 
yomiffans  des  catU»ux, 
yers  5  (y  ynejhujfe  perru- 
que 147  .grimpaus  aujaijic 
des  arbres  i  4  R 

"Deiit  d'or  en  la  bouche 
d'yn'teune  enfant  de  Si- 
hfie  I  tfO 

"Dent  meulière  d'yn  homme 
plus  grojfe  que  le  poing 
150. 

Tyepoftton  d'yn  aueugle 
contre  yn  crtminel  ,  reieue 

T)ef€fpfre:^0'  leurs  ejh anges 

piitpos  i6t.Ç7C, 

Defefpoir  o*  diuers  exemples 

à  ce  propos  3^3 

Xefefpûir  notable  de  ÇroACÏf-^ 

que  Spiera   16A  d'yn  do- 

iïeur     ^leman  ,     n§mmé 

Kratis  171  de  yvt.I,  Lato 

mui  i6i  du  Cardinal  Cref- 

cence     I  7  I  .  de  'J^onfenai 

^duocat  du  rey  au  'Parle- 

n.ent  de  'Dauphiné  ij  t  de 

Codrui  3  9  3-  3  ?  i 

7)  emoniaque  s' enfle, y  deulet 

fipefante  que  8.  hommes  ne 

iapouuoyent  leuer  de  terrg 

79  0 

T)ej]-Mte  des  Hongroii  c^  de 

leur  roy  Loujs  <  3  4» 

Vcpofl  denU  vUpttmttm  rf»- 

mne.  301 

Deuotion^ 


I N  D  rc  B.' 


7)euotion  j  prétexte  prit  pour 
Corrompre  les  fèmrncs  i^. 
32. 
'Diable ,  s*tl  peut  changer  U 
yf^«re  (Cyn  corps  en  autre 
4  7  t  en  jirn}e  de  Cheua- 
Iter  yfidutt  yne  Damoifel- 
le  ,  CT*  couche  aueC  elle-, 
47  S  enjtrme  de  ytiorefe- 
dutt  U  y'terge  ^agdele'u 
ne  de  la  Croix ^  46$ .enfer - 
me  d'homme ,  difparoijfant 
laijje  yne  puante  odeur 
4M  ^• 
Diamant  caufe  defauiêer  la  y  te 
4f/»/tfe  666 

Dieu  punit  les  r.-iefihans  par 
les  mefihans  ,  c*  '/«^  ^ 
traijlreufcment  tué  les  au- 
tres efl  tué  par  autres  trai- 
Jlres  pltti  fins  que  lui 
691 
1)ofleurs muets  %c^.    io6, 

807. 

'DofleMT   luif  hlafphemateur 

puM  <?  3  8 .  6  <  9-. 

'Doéleur  yy'<eru,f  garanti  rr.i- 

raculeufeuieia     f6t  96^. 

"Docteur  leg'JJe  nommé  Jdoy- 

fe^faifi  tic  melancholie  mer- 

ueiHeuje  871 

"Dorniiiitjue   Courgues  chaîlie 

les  Efpagnols  %  j  8 

"Dormeur  merueitleux         173 

"Dormeurs  fe  Icuans  de  nuici 

I73.i74.i7j.  defccndus 

dedans  dcrpu.ts  l  7  6.s^J- 

lans     hitiraer  en  la  riuiere 

'177>  nllansti4çr  iettx  ^«e 


ils  auoyent  querellé  de  iour 
178 

Douleur  mefpriÇee  3^8 

Doyen  de  Laual  empoifonné 
dedans  fon  calice  557 

Dragon  couronné  en  l'air  4^7 

Duc  de  'Parme (ijiiege  en  y^.in 
la  ytlle  de  3-rgop:(eo  715 

Duc  de  'Parme  C7  dePlaifan  • 
ce  afjaptné  ,  puis  ignominie 
eufement  traite  en  fon  Corps 
611. 

Duc  de  yUtdJne  caufe  de  gra- 
des pertes, pour  auoir  mefpri' 
fé  des  conseils  oportuns66i, 
66%. 

'Dite  de  l' înfr  itafque  ,  £//?<«• 
gr.oly  na^namme^  courtêis 
O-  l'berai  eiiuers  le  roy  de 
France  prifonnier         7^3 

Duché  de  Jiulan  perdue  par 
les  Frurçoti  à  caufe  de  leur 
nonchalance  9~0 

Di*chejfe  énamourée  de  fon 
maijtre  d'hcjhl  315.  leur 
malheureufèfin  3  1 1 

Duels  quand  ,  pourquoy  (O* 
par  qui  pr^tique^       709 
710  a-C' 
E 

E.Au  de  mer  rend  la  terre 
jïerile  707 

MieéJet^r  'Palatin  yiftcriemz 
fur  les  7 ur es  109  S 

EW^abct  tirée  de  prifoo  çp» 
couronnée  rvmt  a  Angles 
terre  996 

£mbrafem§lit  defètt  185.184 


IN  DICE 


Emhrafemeni  ejframge  de 
ÇXtofcoyy  yille  capitale  de 
Pïîofcome  45ff.C?'f. 

Embryons  firt  ^ts  >  tnats 
bien  forme^  714.717 

Enjhns  merueiUeux  auant  CT* 
toj}   après    leur    naijjance 

£,; fins  cri  ans  at*  yentre  de 
leurs  mères  187 

Enjhns  epileptiqnes  %66,%6J 
Enjhns  garantu  de  plnfieurs 
accidens  9 60,   96 1 

Enjhns  ingrats  z^peruers  r  1 5 
Enjhns  mtiracttleuftment  con- 

fertteT^         leS.crC  Jij 
Enfhns  morts    au    yentre  de 

''leurs   mères  ,    ZJ*  mii  hors 

par     mtrueiHcux    moyens 
l9^.î99'Crc. 
Enjhns    nourra    parmi     les 

ioftps  t  L  1 . 1 1 1 

Enjhns  pratique"^  t  ï  9.  î,  2  o 
Enftns    produits  a     diuerfes 

fin  de  mefme  grojjejje  par 

fuperfœtatian  i  9  y 

Enjhns  receuans   timprepion 

d'ejlranges    appetu   de   la 

mère  enceinte  ^7 

Enjhnt  ^leman  fapê  d*ej}ra- 

gc  epiîepJie^Cy'  gi*^^i     Z6  6 
Enjhnt  de  deux    ans  garanti 

miraculeufement     du     feu 

9^0. 961. 
En^nt  de  deux  moU  pariant 

en  homme  d'aage  5  t 

Enjhnt  dettiontaaue  predif:nt 

l'aucnir  l  j  7.  178 

Enfint  de  neuf  ans  cn^rojfe 


y  ne  nourri^  IÇ  ) 

Enjhnt  d'yn  an  en  temps  de 

Jhmïne  arrache  a  fa  mère 

ynr  creujle  de  pain  ,    quiL 

mange   de  grand    appétit 

740 
Enjhnt     efgorgé    par   autres 

enjhns  fes  compagnons  1  o  1 
Enjhnt  Jirmé  comme  on  peint  le 

diable  %%% 

Enfiint  ingrat piiji à  lajhcepar 

ynferpent  1 1  tf" 

Enfin t   maudit    de  fa   mère 
emporté  par  les  diables  315 
Enjhnt  mefconoijfant [on   père        À 
foujfreteux  dément   cnrairé       ' 

tI7 
^>^jhnt  muet  par   imprécation 

de  fa  mère  X%6 

Enjhnt  naijjant  auec  barbe  au 

menton  ^  S  $ 

Enjhnt  né  auec  yne  dfntd'of 

Enfant  non    baptije    occafon 

de  grands  maux  91  ^ 

E'''fint  pétrifié  au  yentn  113 

2.Î.4 

Enjhnt  ytftrcfj>ettt  7  L  4 

Pnfrntement  auant  ange  i  i  % 
enfantement  C<^firien  114 
cfhntement  de  plufteurs  en 
fus  à  il  fvu  187.  CT'f  •  en- 
Jnntement  monfrueuBÊ  t  88^ 

Enrage^  de  deux  fr tes  341.         ^ 
^^h.c^C.  ^  M 

E:i!epfe   arriue    à     diuerfes  * 

ccCifons  CT*  en  plufeurs 
manières  8  <f I.  8  ^  t .  CfC. 
di(4€rs exemples  $6 y  c^c. 


-*^-\ 


IK  D 

fipilept'rque  tntefrê   tout  yif 

^iilcpi-iquef  deuirmnt  para- 
lyticjues.oi*  meurent  foudAt- 
nement  %  6  ^ 

Efclaue  tue/on  maijlre ,  çy 
pourquoy  6\  3 

Efclaites  Turcs  courageux  ^ys 

Efcolier   à    Orléans  fc  chajïre 

Efcdier  Contrefit fant  le  hoi- 
teux  chaftïé  8  I  J 

Efcolter  de  ^ontpesl'ter  s'i» 
marinant  ernpeifonnéf  com- 
ment guéri  8  7  J 

EfcojJ'oti  epileptKjue  853 

^fermant  des  pieds  jirt  droit 
(y  élégamment  4  47 

Efgifille  longue  de  quatre 
doigts  aualiee  par  la  gorge 
C  rendue  par  i'i^nne     7  S 

Efnieute  feditieufe  à  caufe 
d\'xaé}ions  x  3  1, 

Bjpagnol  engloutit  à  y>ne 
couriifanne  fes  perles  ct* 
chaînes  7  i 

Bfpagnols  cruels  enuers  les 
Indies6l9  f*\l  .^xt.6xi 

Efpagnols  mtj'erahles  tn  leurs 
recerches  6  l  6.6  IJ .  il% 
6i  S.6V0.6X  i.4xx 

Ef-wu[ee  emportée  des  dia^ 
i>les  1  9  t 

Efprit  fimilier  dans  y  ne  ba. 
gue  (y  ^6 

^■prus  ^miliers  abufent  les 
homnuts  7  O  8 

^rprits prodigieux  i  3  f  «  x  3  ^ 

fjprits  des  trefpajje:^  appa- 


IC  E. 

roijjans  à  Ittfrs  amU     ^  5  <> 

Eflincelles  de  fin  fortans  des 

cheueux  z  ^  g 

EJïotUe  nouuelle  apparoijjanf 

au  ciel   des     ejloilles  fixes 

I  i^. 
ïfiropte^  fe  manians  dextrc^ 

ment    44^.    447.     C^C. 
Eueftjue  malade  gueripur  la 

mort  d*vne  forctere    830 
Euefijue  fujfoqué  d'yn  rude 

embrajjemcnt  i  *  t 

Euphorbas     mort    iette    fon 

f<ing  en   prefence    de  J?Wff- 

nela^  qutVauoittué.     367 
Eurycles  infgne    engafirymi* 

the  i6  i 

Exa fiions    engendrent  fedi- 

tioiis  13  t.  r  3  j 

Expions  des  Capuatnes  Toiles 

Cr  la  T^iuiere  l  O  8  ï 

F 

Î'^yîits  héroïques  491.  45»  t 

fafchcrie     d*efpnt      caujant 

Conuulfions  40Ç 

I-antafitques  *  J  7 

tuntofnc  effroyable  x  1  8 

XI  9 
Funtofmes  horribles  Ç  3  o.  fjl. 

iulqotsà  5  45». 
Fécondité  3  î  6'  5  W 

Femme   auare  meurt  mijera- 

biement  6X4.6XJ 

Feiuhie  ayant     quatre  tetms 

764 
Fêmrm     (îematrant    quinze 


IN  D 

tours  fatu  dormir  i  op  t 
Femme  en  Saxe  fe  noyé  auec 

fes  enjàm  9  i  ç 

Femme   accouchée  abondante 

en  lai  ci  i  6 

Femme  accouchée  d'yn  Loir 

Femme  accouchée  de  neuf  en- 
Jâw  cjut firent  tout  marie^ 
187.189 

Femme  accojichee  tranjhortee 
en  yn  puits  ^  çyremifeen 
fon  lie}  fans  fçauoir  com- 
ment 104.  10  ç 

Femme  démoniaque  parlant 
grec  cr  Uttn  145 

Femme  emportée  du  diable 
l'appellant  fouuent  en  fes 
iuremens  1  g  j 

Femme  enceinte  tue  fon  mari 
ayant  enute  de  manger  de 
fa  chair  ^g 

Femme  en  Vaage  de  trente - 
fept  ans  decedecyef  trouuee 
auoir  le  -ventre  de  pierre 
114 

Femme  frappée  depeffe  iettcfon 
etijhnt  par  les  fineîlres  i  o* 
fe  lance  après  9  }  4 

Femme  qui  enfante  plufieurs 
enjhm  à  diuerfes  fin  d\ne 
mefmegrojfejfe.  19^.1^6. 
197 

Femme  faijîe  de  grand  esion. 
nement  regarde  ceux  qui 
font  autour  d'elle  ,  mais  ne 
far  le  ni  ne  remue  aucune- 
ment 8  J  4 

Femme  fans  bras  ,    titillant, 


rcB. 

coufant")  O'faifant  autre i 
allions  448 

Femme  tourmentée  Cf  liée  par 
le  diable  7  9  O 

Femmes     deuenues    hommes 

137138 
Femmes  enceintes ,  auecappe- 

tueJlrangeSy  C7f.  6€,  6?» 
6^ 
Femmes  epilcptiques         %  <j 
Femmes  frénétiques  merueil" 

leufes  787.788.78p 

Femmes  guéries   d'hydropifit 

par     merueillcux    moyens 

810.8  I  1.81  3-814' 
Femmes  fe  précipitent  en  des 

puits  prejpes  de  la  yiolence 

depefte  933 

Femmes    fer  de  s    maUuifees 

119 

Femmesfuffoquees  du  mal  de 
matrice  comment  guéries 
1047-1048 

Femmes  fur pri fes  degrad*  ioyê 
meurent  417 

Femmes  trauàiUantesafe  de-- 
liurer,incifees  par  le  y  entre 
pourauoir  leurs  enfrns  iif» 

Fer  chaud  mis  en  la  bouche 
fans  l'ojfen/er  419 

Ferdinand  de  Sotto  ^Uvcr 
'Portugais  yichrieux  fur  les 
Indiens  I  O  9  3 . 1  O  9  4 

Feux  allume^ pardiuers  moyësy 
Cf  leur  rauage  en  diuers 
lieux  i8}j84-'8J' 

Fiance':^    accrauante^    d'yne 

Tuintd* édifice ^  ^      4îÇ 

Ftemes 


■■^^y 


I N  D  I  C  I, 


fleures  quartes  perdues  par 
Jiayenrs  z:;' peurs  inopinées 

fille  àbufee  tue  cruellement 
l'abufeur  3  1  8 

FiUe  de  chambre  empoifon- 
neeyi:p' Commet  9  19-940 

fille  de  l'aage  de  i  8  .ans  fort 
ajjopie  ZiS 

Fille  demeurant  longues  an- 
nées fam  boire  m  mander 

Fille  de  mefme  forte  Ç  6  8 
Fille  de jlatttre gtgantale  147 
Fille    enjhntant   a   neuf  ans 

118 
fille  eïiimee  enceinte   ,    mais 

yierge^comment guerte  j  6^ 
Fille  rau'te  CT*  -violée ,  pups  ef- 

poufee  afon  rapteur     3  OO 

Fille  renient  a  foy  de  pafmoi- 

fon  ,  ayant  demeuré    troii 

tours  comme  morte       Ç  8  O 
Fille  yiolee  tue  le  maljhitcur 

911 
Filles  au  nombre  de  feptante 

démènent  démoniaques  en 

y  ne    nvift  14^ 

■  Filles  epileptiques  merueiUeu- 

fes  863 

Fille  ^garfon  tourmente':::^  des 

y  ers  '05>3 

FiUts  garfons  157.158 

Filles  fe  rejjemblans parjiiite- 

ment  4j"4 

Flammes  de  fiu  fortans  de  la 

tejle  d'ynprefcheur       1  jC 
fleuue  couuert  de  corps  morts 

après   yn   combat    naual 


600 
Fontaine  defang  437 

Force  agile        3  5.î4.3ro-<^l 

Force  corporelle  admirable  x  j^ 

140.141 
Force  comme  incroyable  d'yn€ 

démoniaque  791 

Forgeron  guéri  d'hydropijîe  et» 

aualant    quantité  de  lai^ 

«M 

Fouldre  auec  ejfroyable  effort 
t4t.i43.t44 

Fouldre  horrible  çh  Huracat» 
771.171 

Fouldre  qui  brusle  les  yejie» 
mens  fam  offenfr  lesperfon» 
nés  5j 

Fouldre  ruinant  à  fleur  de  ter'' 
re  yn  yillage  14c 

Fouldre  tombé  fur  yn  ejhteié 
en  find  la  pointe  fans  en- 
dommager     le     fvurreait 

Fra  caTlor.preferuemiraculeu-' 
fement  de  lafiuldre     1 4  tf 

Francifque  SJvrce  confiant  en 
adutrjue^  6y^  humain  en- 
tiers fes  feruiteurs  794  ct» 
enuersfes  ennemti        %0X 

FrantjOts premier  roy  de  Fran- 
ce ,  ej}  pris  deuant  "Pauie 
6 i  t.  prince  gracieux CT* 
promet  a,  pardonner  ÎCQ 
garanti  de  mort  I  O  3  1  .fot» 
fils  ,  Dauphin  deViennoMy 
empoifvnuiéymeurt  a  Tour- 
non  ^  5  g 

Françou  pillent  les  Ej^agnols 
reitenans  des  Indes,   char^ 


INDICE. 


ge\debuttn       6 17 -6  1% 

Fr.uriade  defcovuert  par  fa, 
prêtre  bouche  III 

Frayeurs  fM^es  4  I  O.4.  ,  i 
^I  1.4-1  J.CT'C. 

•Frenejie  caufee  par  yne  blf- 
fureàUteJie       6^0.  641 

frenetujues^Htrn    3  3  ^  *  3  5*» 

frénétique  de  nutli  ■>  *'»  oon 
fem  de  tour  3  3^ 

Frère  putfné  àefirant  d'ejtre 
ktt'e  en  la  mer  au  Lieu  dejon 
atfné  911 

Frère  rejjemhlantà  [es  fceurs 
farti  d'Jjerence  apparête  4y  J- 

Frères  fe  rejj'embium  en  tout 
4ç  1.451.4»  3 

Frères  s' entretu^m  fur  >»  fu- 
tetrtdhtfle  ^  O  Ç 

Frtdertc  ,  eicfleur  de  Saxe, 
traité beiit^nemtt  par  Char- 
les K  80* 

Fridenc  EleCieurrefife  l'em- 
pire S  7  4 

Froidure  tt*e  pltti  de  quarante 
nul  i)ommcS  5  *^  5 

Froidure  munie plufieurs  mil- 
liers de  JoUats         jam°l. 

Froidure  CT*  f  "*.)'*  ^^^  <"'*  '^'^^ 
nuifl  plui  de  binq  ctn»  mo- 
res 584 

Fureur  ix^nble  i  •*■  ^ 

Furieux  guerp!  ptf  dmers 
moyens  5  t  S.  3  îO-H ''CT-c 

Furmejer  gentiuwmme  'l)au- 
phtnoh  braue  chef  de  ^•.^wt'"* 
re-,t^fnotni fes  expivits  783. 


G^iiitoii  s'efmeuuent  coii-^ 
tre  Q)arLes  K  c^  font 
J)aj}4el^  7  17-7^  ' 

Oauritm  ajlrologue  a  cmqJiH 
Vefirapade  pour  au»ir  pré- 
dit la  mferable  fin  de  "Ben- 
tiuole  89 1 

Çeansdtuers  147.14t.145>' 
ISO 

Gcmeaux  nayans  quyn  poul~ 
ce  de  largeur  ,  longueur  O* 
^ojfeur  ,  bien  jirme\  en 
tu  Mi  leurs  membres       7  2-4 

Cens Jri ruants  d'efre  borgnes 
er  boiteux  le  font  deuenttf 
tout  à  fait  8  T  7 

Gentilhomme  eptleptique  mer- 
uet lieux  S  4  4 

Gentilhôme  ûignaut  auo  r  la 
colique, en  meurt  "àl  6.817. 

Gentilhomme  s'imaznant  a- 
unr  perdu  y  ne  lamijc,  com- 
ment gitcii  Sï  9 

Gëtilsbommes  rançonnant  leuri 
fuicts  chaiir.-^  1  1  07 

Çiliete  Jslaurme guérie  a'hy- 
drofifie  8  i  o 

Gladiateurs  plaifant  644. 
^4  5 

Goa  isle  \:y  tille  reitonimee piU 
iee  par  l'audace  d  y  i  adul^ 
tere  ^  ('9S  7  O-O'C. 

GonfaUe  U grand,  Co  'fi.int  en 
fes  pertes  6  8  ^  libéral  en- 
uers  le  gênerai  des  if^aleres 
de  trame  84O  G?*  enuers 
le  s  j  Udati  necejsiteux  79^ 
Soi 

Çordê 


INDICE. 


Corde foldat  E/pi^gnol  nùferi- 
cordieux  enntn  Lantrech 
trai'fnis  793 

Çoutettx 'garanti  l  Ç  v 

irraijfe  prt  dure  trouuee  att- 
pres de  lu  rr.telle  ^6% 

ÇrenouiUei  t»nibtes  de  l'air  par 
pluyes  4  54 

Cresle  à  la  hauteur  des  genoux 
h' vn  homme  911 

CresUs  de  grojjeur  c^  firme 
frodigieufe  4  34.4  3  y 

Crynee  >  excellent perfonnage 
deliuré  diumement       130 

Gnerifon  extraordinaire    1  y  i 

Guerre  des  payfans  d'Allema- 
gne, l  t6.  106  ^ 
H. 

HEUine  jKlohtaut  fe  fauue 
d'ynern*iere ,  où  elle 
auoit  ejlé  iettee  96^ 

Hemiplet tiques        î  7  8 .  Ç  7  9 
Hemorrhoides  (aufees  par  -vn 
noyeau  depcfche  74 

Henry  Ill.roy  de  France,  fan- 
ge fa  mort  104  î 
Henri  de  Pierre  ,  Sénateur  de 
B as ie,  libéral  8  .4 
Hermtte  brigand  terrible  9  ^ 
Hcrmite  turc,guerrier  1017. 

I  01  S 
Hollandais  Courageux  mainte- 
neurs  de  leur  liberté     979. 
Homicides  d^eux  mefmes  i  oi 

I  o  v.crf. 

Homme  auant  Caage  155 

Homme  ayant  du   laicl   aux 

maKimekes  808 

Hûïnme  courant    aujii  yijte 


tjuynîeur'ier  fo8 

Homme  prefcjHes  fn^^oqué  de» 

daju  du  miel  7  O I 

Homme   marchant   à    quatre 

pieds  O'  yeluprii  en  la  fi- 

rej}  de  Coinptegne         x  t  z. 
Homme    robufrc  à  merueilles 

3f. 140. 808 
Homme  s'expofant  en  butefam 

pouuoir  ejire  touche'  3^ 

Homme  s^  imaginant  auoir  y  ne 

fonnette  dedani  le  cerueaiâ 

81& 
Homme  mcjrttei lieux         807 
Homme  qui  fc  pend  ,depet*r 

d'ejlre  cocu  818 

Homme  ayant  yne  cheuelure 

qui  lui  fert  de  cafque  cr  dt 

chapeau  80  j 

Hommes  au  nombre  de  trente 

mil  morts  dep^jle  en  peu  dt 

temps  9  3  4 

Hommes  trans^rme^  en  ioups 

338 
Hûrnrat  tue  le  ricomte  de  Se. 

res  I  I  O  I 

Hojjntal  de  Tiaples  814 

Ho'siajje  y  aillant  foldat  Italie» 

1080 
Hojhelains  brigands      91.92, 
Hoyeda    Capitaine  Ejhafnol, 

miferable  17.18 

Humanité  royale    794.79c, 

Humeur  melancholique,  O'fes 
effranges  ejfei}s  317  3  2  î>. 
3»9-3  3®-c;^f.872..875. 

Humeurs  du    corps  altèrent 


INDICE, 


wflre  compîex'ton  31^.541 

Hu. ra(Mt  des  1  ndi eus  769 

IlydropUebie    341.  34  3-crc. 

Hydropiqttes gucrt6 par  ttuers 

moyens  notalAes  U  O  5 . 8  1  o 

Hypocondriaques  87  t.  873. 

Hypothèque  na  lieu  en  de- 
iids  3  6  5 

1 

I^copht  necromantien    69  S 
lacopin  ne  pouuant fouffrir 
Podenr  des  rofes  383 

Jacques  roy  d' Efcojfe  tué  en 
bataille  contre  les  yin^lou 
616 

lacques  Comte  d^Vrgelle  libé- 
ral en  fa  necejitté  extrême 
840 

lacques  Latomuf  youlani  prej- 
cher  demeure  muet      li  o  7 

laques  Londin  Efcojjou  ay  fa 
■vifion  5  44 

lulohfe  efirange,  extraordinai- 
re c^  horrible  1J3.154. 
391-399 

Jambons  de  poHrceauXy  enno- 
brededeux  ,  yeràta  cent 
trente  efm       *:  40  7  4- 1 

larnac  cr  ^hafegneraye  fe 
buttent  en  duii  70  9 

lafon  lurifconJiJie  mémorable 
617 

Jbtcus  cj' fes  o'ifea'AX  5»o 

Jean 'Pierre Sure    Ltauefc.dat 

lit- 
Jean  Çualbert  cheualier    Flo- 
rentin fujmonte   extellem- 


mentfoy  mefme  79^ 

lean  de  Lery  aJJaiUi  de  famine 

extrême  74  6.CJ-C» 

Jean  gentiuole  Seigneur  cruely 

payé  8  J  I 

lia  Paul  viciât, profane  16  il 
Icrofme    "Bentua  cataleptique 

Sî4 

Jeunet  hommes  guérie  d'hydra- 

pffie  8  11.8 13.8  14 

leune  garfon  fait  mourir  deux 
gentilshommes  par  fortile^e 

831 

lUufîons  ejtranges    de  Satan 

defcouuertes     143.144. 

C7'C.4^9.47i 

Imagination pr te  157.  O"  fi 

yehemente   quelle  caufe  la 

mort  en  quelques  yns  x^y. 

ly 8. 1  tfo.      plai Junte  en 

quelques  autres    1  5  7 .  i  î  * 

ejfrâge  en  yn  Sienois    8  7  T 

Imagination   de  grand    j^<^ 

en   jimme   enceinte  c;r  en 

fonfuicl  ^  ^9 

ImaguMtion   des  fimmes  ye- 

hemeate,  caufe  aujîi  diucrs 

efMs  810 

Impiété  réprimée       t6i.i6% 

Impojl  l'ur  le  y  in  excitett-mui- 

te  à  Lyon        1031.1031 

Impojt  ares  ejhanges  1 É  J 

Jmpcjt lires  defcouuertes  4^4 
ae  diite  r;  csjiUes  16  \.z66. 
C^c.  de  certaim  iufneurs 
16$  de  Mugdele'ine  de  U 
Croix. 4,69.  d'^rnauld du 
Tilfe  nomniattt  ^Martin 
Cucrrç 


IND  ICE. 


ÇiM^r*  17 1.17t.  O-c-  de 
lean    ^Uard     Touran^eaté 

Imprécations  notables  effe- 
ctuées iS6.2.t7.  X.8  8. 
X  8p,ij>o 

*fiprecations  CP*  paroles  de- 
J}nctifes  cr  bUfphematoires 
^%^ 

imprécations  pleines  d*efficace 
de  pères  CT*  rneres  contre 
leurs  enjhns  188185 

Imprimeur  ayant  imprimé  des 
pounraits  exécrables  dé- 
ment enragé  %6i 

Impudicité  delà  Duché jje  de 
SMalfi         Bi^.Jio.CT'C. 

Incifion  deyentre  comment  fe 
Jntt  aux  femmes  qui  ne  peu - 

.    tient enjhnter     xtj.  X\% 

indiens  efitment  que  la  fiuldre 
fgit  fortie  des  yaijjeaux 
Cr  canons  des  franSott 
11% 

In^atïtude  d^ enjhns  2, 1  y . 
116.1  17. 11  8 

Innocens exécutera  mort  pat 
iujhce        z^4.x9^.X96 

Innoce  lit  mené  au  fitppltce  c?* 
mu  en  la  place  du    criminel 

Inondation  de  la  mer  en  Hol- 
lande,  zy^'^fit^fe  demandes 
ruines  814 

Inquifiteur  de  la  fiy  puni  de 
facuriojtté  tf  5  j 

Inuottttion  de  diables,  ^  Jon 
efed  eJJ)ouuanS4tlc     %^o 


loueurs  accraitate^  des  rtétrtet 
d\n  logK  I  8  tf 

loye  extrême  ^  poifon  caufc 
U  mort  au  pape  Léon  x, 
400.938 

Italien  parlant  ^leman  fans 
l'auoir  apTH  ,  om ,  m  leti 
no 

luge  mourant  dans  le  traijîe- 
fine  tour  d'yne  executioa 
tmujle^feloa  la  predUlion 
du  patient  308 

Si  le  luge  doit  après  Vexecu^ 
tion  ejlre  xeceua  iu/tijjep 
par  preuues  ,  fon  iugement 
rendre  ex  of/jcio  3  O  7 

lugemens  précipite^  193  .^d 
remarquabLs       198.199 

luges  iniques  en  leur  corru^ 
ptton^o  L.lOl.jOy^o^^ 

Iules  fécond  ,  pape  ,  extrême- 
ment conjtant  en  aduer[ité 

luliette  CT*  T^pmeo  marieT 
cland  jVinemeut  meurent 
par  accident  ejlrange     869 

lureurs  emporte"^  du  diable 
par  eux  appelle  1  84. 1  8  ^ , 
i5>t 

Inrifcon^ulte ,  fwnommé  Lu- 
cas jmediCM }  ^  poitrquoy 
io6 

Ihs  de  betoine  CT"  de  platitaim 
contraire  a  iyrtne  ^  ba* 
ue  des  crapaux  ^4  f 

Itffnes  admirables  3 09 . 4  &  x , 
4Ï.A.419.430 

Thfne  dt  ^oyfe  ^  Relit  4  J  t 


iafneuts  impcfteurs 

ifjlict  promptement  rendue 
contre  yn  noble  CT*  /«'J- 
fant  311  in/lice remarqua- 

L. 

LsAchtréfoldat  tuéo'  tn^tn- 
ge'  parfes  compagnons 

JLai^i  rendu  en  <^uantité  in- 
croyable par  yne  aaoHihet 
16. 17 
Lampe  de  (^odrtti  3^4 

Laquay  more  ttte  lafimme^  les 
en  fi  m  defon  mai/he  ,    o* 
foy  mejme  Jinalcment  8  x  1  < 
«1) 
Largejfede  Louys  1 1.  enuers 
Jon  médecin  616 

Èarron  mertteiU^ux     çy     en- 
chantant ceux  <ju'il  deÇro- 
èoit, enterré  v*/  3  i  t .  3  I  J 
314 
£.atomtis  tombe  en    defe^poir 

1^3. !6^. 807 

d-autrech  humain  c^ gracieux 
enuers  (on  ennemt       8  O  J 

I.eon  X. pardonne  à  deux  Car- 
dinaux 860  ej}  libéral  aux 
payfa-My  cy  U  autres  8  3  8 
meurt  de  toye  400 

Léonard  Lauredan  'î'riice 
confiant  ^84 

Lethar^qne  reuenu  a  foy  réci- 
te tow  les  maux  <juon  lui 
a  jhits  durant  fa  maladie 
831 

liberdiH  Jif  .3  «  ^ 


INDIC  ÉI 

1^8 


Libéralité  du  ^ani  roy  tr^^ 
çoh  1^6  d'yn  bour^eoit 
de  Prague.  842, 

Lieutenant  de  Treuofi  brusU 
fif  à  petit  Jeu  de  paille 
<f94 
Liuerot  de  Ferme  exterminé 
félon fes  démérites  69  t 
Lombard  empoifonne  fon  en- 
nemi par  la  fenteur  d'-vt» 
œillet  53^ 

Loups  enrage':<^  345  loups  ga- 
roux  défont  s   3  3  tf .    3  3  S 
loups  qui  ont  nourri  z^  esle- 
ué  yn  enfiint       1 1 1 .  z  t  2. 
Louys  de  Bourbon  prince  de 
Condé    deliuré  de  prifon 
997 
Louys  de  Lampugnan  fu^ri 
de  fon    auare  dejïr  meurt 
infenje  6iy 

Loy  zp»  priuileges  du  royaume 
d'yirrjgon  8  ^  8.8(9 

Lucas Zene  confiant  en aduer- 
ftté  6%\. 

LuitteuT  de  force  prodigieufé 

141.141 
Lunes    ai*    nombre  de  trot* 

yeuesauciel  47 

Lupon    Ejpagnol  ièrb  agile  ^ 

la  Courfe  3  ^ 

Lycinthropes  defcrits    3  3  tf. 

338 
Lyonefpargne  -Irn  [Irrejîieny^ 

deuore  fon  maifire        109 


Tit. 


MAgdelatne  de  la  Croisi 
par   fes  impoîiures  fe 


IND 

jii{trepitter  faMe  45^. 
crc. 

^agicien  emporté  par  fon 
muijtre  718  battu  cruelle- 
ment 719  tué jxo  !Magi- 
€teit  ùreià  J{otne  5|î 

^agijhat  'J{pmain  ^riuiiegiz 

^agijirats  defindans  de  par- 
ler de  'Die  té  ui  en  bien  en 
mal  8  i.  I 

yslagnanimité  mémorable  317 

^almmetiîie  deJpoujUé  d' am- 
bition 5  7  J 

^ain  enchantée  dommagea- 
ble 818 

ynîainfeche  d\n  meurtrt  dé- 
gonflant lefangen  pirefence 
dt*  meurtrier  367 

J^aijire  d'efihole  ^ngiot6,brH 

.  fié  72-9.730 

Malade  fe  cuidant  eshe  roy 
de  France  ilt 

Malade  tourmentede  -perds 
farte  Aleman ,  fam  ïauoxr 
tamaù  aprts  S  ^  Ô 

Malades  plit/ieurs  années  fans 
boire  ni  manger  4^1.  CT'C. 

Malades  gtteru  par  dttters  cr 
ejlranges  moyens   7  i.ç^Ci 

Malades  mourant phfagent  la 

mort  à  d* autres  ^^6 

Maladie  de  la  râtelle       96% 

969 

^^alad'ie  eflrange  d\ne  "Da- 
moifelli  de  Lïmofin  ,  com- 
ment guérie  %60 


\ 


igr: 

baillée  à  yne  guemn  81^ 
^aladii  pediculaire  j  i  % 
Maladies  de  toutes  fortes  guf 

ries  de  la  feule  parole  d'y  ni 

forciere  4^4 

;Mal,ns  e/prits  yeuS  danfer  et$ 

Ca\r   durant  yn  nauf-ag* 

7^ a  gé  des  poulx  5  r  f 

CMame.y'oye'^^fenetiques,  fiti^ 

rieux.^eiancholiques, 

^archans  briijle^  y  ifs  en  leur 

hcjlellerie  ji^ 

^Mariages  clandesîins  malheU' 

reux  317.868. 

^arimocqueur  moqué    j74. 

Si^taric^  femme  adultères  aé 
defceu  l'yn  de  l'autre      X  4 

yvîari  defcotturant  l'adultère 
de  fa  fimme  par  le  moyen 
d*yn  moine  %  ç 

^ar^  tuant  fa  femme  adulterei 
ab fouis  %  % 

7(!tarm>  JU^olius  demeure  dix 
ans  entiers   fans    dormir 

!^arquif  du  Cuafl  pardonne  ^ 
fonmaifre  decàmp      80  J 

^arfUeFicin  cenjuré par  foit 
ami  ^  375 

^ajjon  tombé  dani  y.i  puitt 
cr  couuert  de  terre  en  eTt 
tiréyif  aufe^tiefmè   tour 

SMatthitu  CorUih  ,  eslcii  roy  dt 

Hongrie  5)91   ^^x 

^audijjons  detefîabUs   jij^ 


ÎNDICÏ. 


^auuaU  gArfon  ayant  double 

râtelle  966 

pédales  d'or  de  Lyjîmachut 

47(5 
Médecin    traite  auec  le  diable 

pour   dtueinrriciie       614 
^tdecin  firtfçauant  auare  à 

toute  rejie  ôij-  619 

^edecin  traitant  indignement 

yn  roy  de  France        6x6 
ygtedfcin  purgé  par  l'odeur  des 

bruuAges  ^81 

Médecin  léthargique        8  3  I 
Médecin  fe  huant  dertm^ta* 

prenant  fes  armes  en  dormât 

811 
Médecines  en  horreur  O"  def- 

dain  405 

^edine    del   Camp  p  mutine 

t7*  efl  ramenée  a  [on  deuoir 
loi  2. 
^elancholiqttes    merueilleuxy 

lZ;y  guerti  par  diuers  moyês 

314.317. }i8.}jl. 334. 

87i.875.c7f. 
yift  mo,re  excellente  de  dtuers 

5S3.Î54 
yttemoire  perdue  O"  reCoiiuree 

3Ç4 
ysîer     desbordee      es     pays 

bas  814 

diffère  defire  mourir  afin  que 

fa  fille  y  tue  6"  4  3 

^ere  fertile    eh   lignée  ijfue 

d'elle  ^        is6 

'^^i  re  ojle  fon  fils  à  yn  Lion 

(J43      ^ 

ptftere  pfeferuee  de  mort  auec 
fesenjhns         557.   358. 


^ere    yoyant  fes  defcenJanf 

tufijues  au  Jîxiefme  degré 

357 
^eres     tançans  leurs   enfiins 

quificontrefiint  817 

^teres  ytgoureufes  357 

^efprti  de  douleur  3  5  « 

^eurtre    merueilleuxà  caufe 

d*yn     mariage    clandefim 

871.871. 
Meurtre  cfirange  en  entiers 

88i.cr<:. 
Meurtre  miferable  en  la  Flo- 
ride ^    Cr  ce  qui  en  adumt 

88  5.884.8I5V. 
^curtri    lettant  fa»g  defeS 

playes   en  la  prefeuce    dtt 

meurtrier  ^66.  37O 

Jïleurtriex.s    defcouuerts   par 

moyens    mer  uci  lieux      C7* 

pHnh  3^9.    CyC. 

Meurtriers   rudement  iy  iu- 

fiement  extermine"^    877* 

878.879.crf. 
^icraine  gueriepar  yn  efira* 
gecoUp  803 

yi'iilan  perdu  par  yne  auaty- 

ture notable       614.   <J  1  y 
yitodejliefinguliere  d^yn  dofhe 

pii-fonnage  373 

^oine  fiignaiit  lufnery  mangé 

yif  de  la  yermme       x  6^. 

170 
yiUntagne   de    pierre    ponce 

48c 
yHontagne  yomïffant   le  fii» 

^ontaubanen  efirange  efiat 
77>.78o. 

^ont' 


IND 

^ontliu  pHtarefchal de  Fran- 
ce fonge  U  mort  de  Heurt 
feiand  I  04  0. 10  41 

^dts  de  piete\ytdeiyho>itieJ}cSy 
charitables.  84 1 

^loqueur  moqué     3  7  J.  37  4 

^Taijuiurs  chajlit^  rtiiractt- 
leujement  %%7-    8  88 

^ore  cruel z^y'mdicatsj  ç  o 7 
Ç08. 

^ortbond  empefché  à,  U  cé- 
rémonie de  fon  enterre'' 
ment  4 1 

^orfttre  de  chien  enragé^ 
meriéeiUeufe  3  4  <^  yeni' 
meufe  i  *t7 

^orfure  de  loups,firt  dange- 
reufe  3  4  P 

^Morfure  deferpent  9  4 1 .51 4  2. 

S^orfure  de  chauuefouris 
80Ç 

^ort  foudaine  caufee  de'ioye 

^OOAl6.^l7'depeur  4,0^ 
défrayent  yehemente  X  Ç  7 
de  grande  compajîion  I  l  7. 

391.597  dedueil  3 ^•.397 
917 

yiStorts  précédées  de  yifons  di- 

«er/cM30  5  5i-S32"nî. 

^orts prefagees  en  fonge  376 

Jsîorts  remarquables  d'yn  iw^e 

inique  ^0%.  i09.de  Nefe- 

nw     375     de       Grimant 

^Ijrts  e/franges  d'adultères 
I^.iO.CT'f'  3  1  de  toute  y- 
nejhmille      lO.  lOt-CTf. 

JWoM  gUïititfes    ) ^3.3^7 • 


I  CE. 

400.4  iT.45>r497- 
499. fOO 
^ofcovv  -ville  capitule  débité 
Jcouie  hruf.ee    45-7.  4  5  8, 

S^oulm  fur  l'eat*  '  enleué  CT 

tettéfur  le  fecpar  tremble^ 

ment  de  terre  4  8  S 

J^uet  merueiUeufement  tndu' 

Jtrietix  18^ 

^uets  c?"  fourds    de    nature 

fachans  Ure^efcrire^  chifrer, 

crc.  44* 

yïluete  recouurant  la  parole 

rniracuLttfement  4*4 

^uet  deuenu  telpar  impreca- 

lions  l%6 

^uleaJJ'es  roy  chajfe'  par  fan 

fis    comme  lut  mefme  auoit 

prédit  6 1  I 

S^urailles  enleuees  retombent 

fur  leur  pied  %%6 

^yrrachie  40% 

N. 

NAin    tueyn  homme  de 
fort  grande    fature^ 
comment   ,    c^    ponrquoy 
601 
Tiature     foulage    quelquefiis 
les  afflvge\  %  l  % 

"Hatitrel  changé  377 

T^uturels  merueiUeux  defrff 
par  dtuerfcs  hiîioires  17%. 

'Haure'X^gUi rit    8  o .  8  l  .  8  t , 

2iaufages  dincrs  CT  mémo- 
rablts  89  8.8  99. exclut- 
QUCS  Si  919- 

CCc     3 


ÏNDI 

fifurlens  Ce  transfirment  en 
ioHps    ^      ^  3  39 

Tie^coitpé  j  s' en  peut  faire  yn 
autre  cf  conrment       ion 

2iicolas  T^adXji^U ,  'î'aUtin  de 
Ktlnie  ,  Sei^eur  Libéral 
Si  6. 

"Honnain  ajjailîie  d'yn  extrç^ 
me  flu4  de  fan^  7^8  epi- 
leptiqtée  % 6 6.'%  6-7.  guérie 
d'apople^xïe  par  application 
de-vitiCoufes  J  80 

Tionnams  démoniaques  147. 
14  8. ce. 

Tiopces  danloureufes  3  8  J 
0. 

OCciipareuxmefmes  3^3 
35C.397.358.400. 
Odeur  de  medicamens  fait  opé- 
ration ^%i 
Odeur  de  pommes  cr  de  rofes 
abhorré  d'aucuns  375.380 
Î8..383 
Oeufs  chèrement  yendtu    7  tf  I 
Gr  e-.  argent  mefprifé      4  ^  y 
Outrecuidance     d'yn     pilote 
taufe  de  grand  mal     90$. 
911. 
0«««r/»rff  au  ciel  S  I 
Çuuerture  de  terre          485 

P-^^?  qui  ne  fçait  ni  lire,  ni 
efcrtre.efiant  frénétique 
parle  bon  (jrcc  7S9  vn au- 
tre fe  cuide  roy  cy  difceurt 
pertinemment  des  moyens 
de  maintemr  fon  royaume 
7^6, 


C  1. 

"Paillard   hypocrite  puni  }73Î 

374. 
Taillardife  fottt  prétexte   de 

religion  3  % 

'Paillards  punis       38^.387. 

Pain  abhorré  cr  4  contrecoeur. 

382, 
Pam  conuerti  en  pierre    6tj, 

6x6 
Payfan  ^lema,execrable  mau- 

greeur  puni  ^19 

Payfan  fappé  de  merueiUeufe 

pitye  9  j  tf 

Pajfanfarieux  Contrefoy  mef» 

me  89  c 

Payfan  meurtrier  deteJlable[/Ui 

'Payfanfienetique  ,  orateur  C7» 

poète  'j%6 

Payjans  de  Hongrie  croife^f 

cruellement  de  s  fait  s     I  z  5 . 

I  xô-mutine"^  en  Alema- 

gne  I  Otf  î  .c^C. 
^Palpitation  de  cœur  I  re.  1 1  S 
Pare  ltes,que  c'ejl,(:^leur  cau- 

fi  49 

Paroles  hlafpLematoires  181. 

O'C. 
Parricide  101.   ioz.10  3. 

Parricide    accufe  foy    mefme 

1  ïj   efi  dtutnement   puni 

%J  ^.117.914 
Parricides  commu  par  adulte* 

res  il.ii. 

PaJJetemps   Turquefques  3  ^- 

37.38. 
PaJ^ionf  yshementçs  de  due>k 


IN  D 

de  ioye.de  tcdoufit  i  de  peur^ 

J'aufimofrsy  tourmenté  d'y u 

efpnt  «?15. 

*^ dHur et é fe Courue  diu'inement 

Ml 

*Pelcrm  TurÇitnerueilleux  418 

Tere  cruellement  traité  par 
fon  propre  fis  XI  6.%\y, 

^ere  ct-  mère  mangent  leur 
enfant  7  S  8 

^ere  meurt foudain  yoyantfo» 
fils  mort  }9l-  i9i'   5  97 

*Pere  tue  fes plies  I  O  Ç 

Perfidie  punie  de  Dieu  ^69. 

}70. 

*Pericarde  non  trouué  en  queî^ 

ques   cœurs   hurnains  109. 

VfC. 

l'eriureputii  410 

yejle  caufe  de  diuers  maîJjeurs 

"pejie    ejlrange    m  ^ofcouie 

4î7. 

^gurcT'fes  effeSls  merueiJleux 
40t. 40  ^.40  6.C^C.chan 
gee  en  rifee  4  1 1.4  I  1.  CT'C. 

*feureux  oultre  mefure  4  O  l , 

'^hilebert  Emar.ucl ,  prince  de 
'Viedmont ,  reJlaUtenfts  e- 
(lais  99^ 

ffnlippe  I  I.  roy  d'Efpagne 
comment  recompenfe  quel- 
ques traijires  It'ortug^ii 
19^9 


J 


ice; 

yhtiriufe  O'fa  caufe         ç  i  f 

'Ihcqueure  de    -ptuc  ^   cjl  mor-r 

^  telle  94  1 

ifiedipiifans  dextrmient  totn 

les  ojfiçes  de*  tnams       447 

'Pie  1  i.r>ape  ,   conjiant  en  ^d- 

Uirjïte  65 1 

Pierre  ^luares  fait  nauf-age 

898 
Pierre    Barocio   ,    eucpjue  de 
Gadoue  ,    libéral  enuers  les 
fituures  838 

Pierre  Bu  fier   marchant  ^/e- 
man  magnifiquement  libé- 
ral 8j7 
Pierre  Louys  Farnefe  taé en  so 
palan                            894 
Pierres  tombées   dt*     ciel  4  i^ 
trouuccs  dans  le  cœur  hu- 
main                            lit, 
Pilon  branslant  fans  cejje^  dont 
yn    enfant    tua  fon  pcre 
117 
Pipe  de  y  in  fousîeuee  çtuedet 
dents  3  ) 
Pipo  capitaine  auare    ,    mu  4 
rrort  en  lui  iettant  de  l'or 
findu-    dedans     U    gorge 

Playe  bouillonnant  C"  degou- 
fiant  dufang  en  la  prejencg 
du  meurtrier       X66.  370 

Playe  r}ieruçilleufe  guérie 
9i(^ 

Plomb  findu  manié  fins  fe  . 
bmsler  4 1  • 

Pluycs  diucrfso'prodtgieu- 
fis  4  3  5;4  5  4.c7'f. 

'Poignard  ne  reJpeCtaut  pcin$ 

€Cc    4 


lîîDICE, 


Toil  deuenu  bUnc  en  -vn  mo- 
ment 40^.  409 

Tômme    de  feiiteur   iaufe    la 

mort  à  rn  apothicaire  958- 

odeur  de  pommes  vifuppor- 

'table  à  d'aucunes  perjonnes 

119 

pompée  Colonne  carJtnal clé- 
ment enuersfes  ennemnaf- 
fligel  801 

Torturais  affaVlii  de  famine 
«n  l'Inde  orientale  7  J  5 . 
ÊT-c.  courageux  cr  braues 
Combatans  49  1.491.494. 
49^  perijjent  en  diiters 
nauf-a;rts    8  9  8.8  9 9. ce 

'Poyet  clfanielier  de  France 
poi*rquoy  ne^eut  haranguer 
8of 

^Prédicateurs  muits         Z06 

*Predfclions  458 

^rediél.ons  d\n  aflrolo<^ue 
fur  la  natjfance  de  LadtAas 
^  Cafimtr  89  J 

"Predichons  de  la  mort  d^ Ale- 
xandre de  !Medicn       895 

^^redicli ans  fitauiûues'fFoyel^ 
T^emoniaqties 

Trefages  de  mort  par  le  yoldes 
corbeaux  375  par  fanges 
577 

Trefages  de  la  mort  d'yn  roy 
Csrd'vnpape    ^44.945. 

■^refcheur  s^esleuant  Contre  S. 
T^aul  -fi  emporté  par  le  dia- 
ble 5  }  8  -vn  autre  meurt 
foiid^iin  en  (haire  C^j,  yn 


aut  re  prefcheur  blafphemM' 
teur  ejlfiuldroyé         6\% 

Trefiheur  Ejpa'^nol  fatfant 
fortrrdefa  tejle  des  efiin- 
ceîles  dejrié  15^ 

"Prcjens  prt  riches  mejprife^ 

_   4VÇ 

^rejîdent  Çentil  pendu  ^  por^ 
toii  Phojhe  en  fa  pochette 
io\o 

Tnfoinptïon  Efbagnole ,  mal- 
heureufe  94  7 

Trefomption  du  Duc  de  Par- 
me^fans  effifi  547 

•pre/?  libéral  }  l  tf 

"Prejlre  enleué  par  la  fiuldre 
qu'il  youlutt  Comurer  144 

'Prelire  efoujfé  cer chant  t« 
threfor  479 

TrcTire  fapc  de  pejle  dcuient 
farieuXiC^  tue  ccuxtjuil 
rencontre  934  preflre  pu- 
ni de  fan  auarice  cr  cruau~ 
té  8  t}.  8  i4prefre  7{omain 
yit  quarante  ans  de  la  feule 
tnJJ)irat$on  de  l'air  4  $  O 
prejlre  tue  yailUmment  ce- 
lui c^ui  abufoit  de  fa  fxuT 
.2.7 

Treuojl  des  marefchatix  aua- 
re  ,  iniufle^exeirahle  é^t 
autre  preuoft  horriblement 
cvH^  payé  par  foH  matflre 
C^i  autre  cruel  cruellement 
exterminé  ^94. 

'P/ifcnnier  deliuré  439    autre 

far  lepoinSl  de  fanfupplice 

garati  440  prtfonmer  fau-, 

tié ayat tué fef gardes  i  x  8. 

PrifoT^ 


IN  D 

prifonnler  tranjporté  en  en- 
Jir,puis  raporte'  en  la  prifon 
d'ot*     il  AHo'tt   ejlé  enieué 

'^rifonmers  dettentd  blancs  de 
cheueux  CT"  de  barbe  en  yrtt 
nuiH  406.409 

'Procès  yuidé  par  moyen  ex- 
traordinaire 440 
*Prodigualité  indigne    du  nom 
dt  libéralité  %i6 
'^rodiTue  g'Sfitdhomme  ne  pou- 
uant  rendre  compte  ejl  ton- 
duçjT'  frit  ^bbé          31  ç 
'î'ronofii  cations      dangereufes 

441 
'^rojperité  mondaine  fupplan- 
te  les  humains  y  c~r  eïi  ren- 
uerfee  d*ejl  range  forte  ^^JJ 

Tunition  de  meurtriers  defcoté- 
uerts  p.ir  notables  moyens 
359?^  i.363.C7'c. 

"Punition  de  periure  410.411 

QVereUe fiirieufe  efmeue 
d'jfutet  -vain  o*  ri- 
dicule 504.505 

R    Age  de  deux  fortes  ,  c^* 
les  remèdes     34I.}4< 
Rançon    merueiUcup    offerte^ 
Zp' payée  441,441 

l^^^t  malheureux  443.444 
T^utclle  s'enfznt  a  tiuelques 
ferfonnes  96^  rat.  Ile  trou- 
vée au  coj'lé droit  9  47  râ- 
telle pefant^  ytngt  Hures 
$6% 


icb! 

Ji^telles  doubles  tTouuees  em 
ptufieurs  corps     9 66.9  6  J 

7{ats  yendfh  quatre  efcm  pie- 
ce  74« 

T^auiffeurs  exécrables  ckafiie^ 
de  raillante  CT*  heroujue 
main  44S 

T^ecompenfes  de  "Rature    4 4  <^ 

%^.jliii  merueiUeux  4  {  O 

^ijlres  deffaits  a  Aunean 
607  fe  retirent  de  France 
609  610 

Hemede  contre  les  yers  au 
corps  humain  508.  50^'. 
510.5  11.5  l^.CP'C. 

7{efolution  genereufe-,  memora- 
ble,merueilleufe  451 

7{efolution  notable  de  Fr.  Fof- 
f car  in  duc  de  Venife      684 

Tijfpoitfe  ingenieufe  du  roy  fur 
yne  contrariété  d^arreft  de 
deux  parlemens  14 

T^Jponfe  magnanime  d'Alfin~ 
Je  prifonnier  defon  ennerhy 
680 

'î^ejjemblance  4  5Ï-4  5  2' 

J^pjuerte    aiguë  de  trou  fort  t^ 

UT 

7{efurreélion  des  corps  trefpaf- 
fe:{au  Caire     41.43.44 

7^)eubarbe guérit  yn  hydropi-. 
que  815.8 1<», 

T^chejfes  d'er  O*  d*argent 
mefprifees  454 

T;J4  dejmefuré  caufe  la    mort 

7{l}ofne  desbordé  704 

T^jofne  CT*   Saône  fs  teignent 

enfembU  à  Lyon        705 


^ 


r  N  D  I  e  «; 


^mt    defitutê  tthabitans  à 
caufe     de     la  contagion 
5>34 
Tijiterdam  yille  d(t  Holande 
brttilee  j  i  4 

7{py   défendant  de  parler  de 
'Dieu  8  2,  r 

2{py  d'Efcofe  O'  d^  Hongrie 
aduerttf  extraordinairement 
17.18. 
t^ines  ejhanges  4J7.4J8. 

S 

S  lignée faijant  perdre  peur 
yn  an  entier  toute  fouue- 
nance  de  lettres  cr  fcien- 
ces  4tf3 

Saignée  merueilleufi       ^61 
SotnCi  été  feinte      l,  tf  7 . 1 6  8 . 

^aluaifonfurprend  Cafal  6  J  8 
Samogmens  deftrt  haute  tail- 
le 148 
Sang  de  meurtri  bouillonnant 
enprefenK   du   meurtrier 

Sang  de  chat  heu  fait  prendre 
Jon  naturel  377 

Sanglante  fueur  477 

Sattg  noir  cr  efpaii  dans  la  râ- 
telle »       ^6^ 

Sanfac  malheureux  gue&ier 
78î. 

Satan  c^fon  efficace  eîhrange 
1791  8®.T  81 

Sauge  yanimeufe  9\0 

Scordion  herbe  fouueraine  con- 
trelapefie  57} 

Séditieux  effiaye\  ,   O'puat* 


imi9,lof 

Sédition  à  'Palerme  r  C 1  J  .çV 
à  Lisbonne  contre  les  luifs 
1014 

Séditions      pour      exaŒons 

Seigneur  Indien  epprimî  par 
calomnie  Ç  7  S 

Seigneur  melancholicjue    874 

Seigneurs  de  la  fitmiUe  des 
jucKKers  comment  fefont 
renduf  lUuflres  837 

Sentences  de  mort  précipitées 

Sepulchre  magnifique  à  yn  li- 
béral 85g 

Sépulture  de/îree  463 

Serpent  à  la  face  d*un  ingrat 
116 

Serpent  tue  fùrieufement  yi^ 
magicien  717 

Seruet  athée  brmlé  yif 
x6x 

Seruiteur  mal  ConfetUé  defetf 
matjtre  honmt  fa  couche 
374.37s 

Seruiteur  courageux      1 0  3  1 

Sermteurs  fidèles  a  leurs  mai" 
fires  1034 

Sfirce  le  grand  ,  Seigneur  gra^ 
deux  %9x.  fa  pitoyable  fin 
891. 

Sigifmond  roj  de  'Pologne, 
prince  mcaeïle  î  7  4 

Signes  dmers  au  ciel  47.   48 

Simon. ybye^  Grynee. 

Sœur  auare  reprtrnec   6x^. 

Sotf 


^ 


INDICE, 


ioifcttufe  U  perte  d*yne  armée 

Soldat  fin  blejjene  Lïjje  d*al- 

ler  au  combat  I  3  tf 

Soldat  pendu  pour  auair  you- 

lufircer  yne fille         9  70 

Soldat  fe  faune  miraculeuje- 

ment  ^  o  3  7 

Soldats   efchappe^  des  mains 

de  leurs  enntmu  91^ 

Soldats  ejfagnoUrelequcT^  s*  en 

tretuent  967 

Soldats    horriblement    inbu^- 

mams  8  2, 1 

Soleils    au   nombre    de   troH 

Solyman-,  Sultan  Turc-,  gra- 
cieux enuers  'Kadaji  8  O  I 
!&/>  tuer  plufieurs  Chre- 
Jliens priftnniers  ,  parles 
gouiats  de  fon  armet 
600.  comment  traite  le 
petit   roy  de  Hongrie  60  l 

Songe  de  Cœliuf  l^liodiginui 
104t.  du  grince  de  [onde 
1041. 

Songes  ont  prefagé  la  mort  à 
plujteurs  1038.  lOip 

Sorbier  arbre  a  qui  dangereux 

Sorcelleries  defcouttertes  4.64. 

Sorcier  ayant  prédit  qu'on 
le  tuer  oit  efi  tue  %%$. 
meurt  ayant  guéri  yt^  hom- 
me g  1 7 

Sorcière  a  coppulatton  char- 
nelle auec  le  diable  469 
guenfjant  de  fa  feule  paro- 
(«  toutei  fortes  de  maUàies 


46 A'  tmpapihieà  lage*^ 
ne  467. meurt)  ayant  toW^ 
ché  celle  à  qui  elle  uuvit  batl 
lé  le  mal  8  1 7 

Sorcières  tranjporteer  deja^oi» 
merueilleufe         17  9.1  8  o 

Sorciers  fe  graijfent  de  cer- 
tains onguents  peur  efire 
tranjporte^  en  leurs  a/Jem- 
blees69  6.  y  yont  fur  ytt 
bouc  697.  y  danfent  en 
rond  les  jhces  tournées  hors 
le  rondeau  69%.  y  adorent 
le  Tiiable  en  firme  dû 
bouc  699  leur  jUpplice 
<^97. ^98.817.818 

Sorciers  ne giierijjent  les  viala- 
dies^ains  les<flentaux  yns 
pour  les  bailler  aux  autres 
8  t6  gaignent  tou/iours  ai» 
change  la  mcfme. 

Soufflet  mortel  7  9 

Soupplejfe  cT*  diuers  tours  ad~ 
mirables  ^^.crc. 

Sourds  cr  muets  de  nature, 
firt  ingénieux  448 

Spedres  ou  fhntofmeseflran^ 
ges  cr  effroyables  4  69-  47  x» 

47  5 

Statue  de  bron'!<^e  baillée  peur 
reiompenfe  à    yn   y  aillant 

foldat  1080 

Stenon  roy  de  Suéde  rend  bien 

pour  mal  au  roy  de  iJane- 

marc  79^ 

Sueur  pejiilentielle  tf  3  7«  p«- 

glante  4  7  Ç 

Suijfe  ignorant  y  hermite  >  pref^ 

éhf  O'  mmt  yne  yiepri 


^ 


INDICE. 


Oufiere  5^4 

Suijfefitrtnant  Salnfleté  de  -pte 

ej}     appréhendé     CT*  /"<«» 

fnr  iujhce  ç  ^  ç 

Siiijjes  yailUns  4  f  ^ .  ^  O o 
Su'ijjes     desfh'tts  à     la    ^Bico- 

que^^j.SuijJ'es  yidorieux 

fur  les  Imperiultftes      lO$6 

^"perfoetation    de  mefme  grof- 

fif^  19  S 

Superfiition  damnahle^appellee 

tiremaffe  j-jj 

Supplice  notable  d'yn  brigand 


Italien 


9^ 


TAboué^procureur  du  roy 
à  Chambery,  ^uxuc- 
cufateur,pum  ii.'i  i.i  5 
Tîrtares  guerriers  CT  robttfles 
ne  yiuans  que  de  racinesy 
O-  ne  buuans  que  de  Veau 
AS  9-  fini  grandes  courfes  à 
cheual     en    peu    d'heures 

Témérité  miferable  4  7  y 

Tempeîie  terrible  en  terre  fir- 
me 'p69.7'jQ.^c. 
Tempejles  horribles    cr    l-eurs 
degafts  137.158 
Terupfjles    orageufes   excitées 
par  tes  forcieres  lOy  l.I  OJi 
Terre  bruslee  7  i  f 
Tj^rre  tremble  JOS 
Tejle  d'yn  enfant  coupée  ,   ^7* 
intcrrogute  pur  ynfcrcier, 
T'jpmd                        69  S 
Tejteioupee  ,   toute fanglan te 
mifi  par  Us  forcierj  fur  y  - 
•e  Urne  d'or  çp'  pchfq:to^ 


696 

Tefiesde  yeaux  paroi/ftns  e- 
flre  d'hommes  5^2 

Theodoricroy  des  Çoths  "c«i- 
deqnyne  tefe  de  potfjon 
fott  la   tefte  d'yn     homme 

Tjjomas  exécuteur  des  paf^lons 
d'yn  'Prince  exécuté  çr  e^ 
flranglé  69^ 

Thomas  Linacer  médecin  ^n- 
zlon  libéral  enuers  les  cîlu- 
dians  8  j  7 

Thomoi  "Bilné  ^ngloif  pour- 
quoybruslé  "7x9 

Threfor  caché  en  yne  grotte 
yoifine  de  Bafe  478 

Threfor  du  roy  à' Ef^agne  per- 
du par  naufiage  48 1 

Threfors  trouue^  ,  butine^y 
perdu*  ,  recerche'^enyain 
Cr  pertlleufement         47^ 

Tourbillon  de  yent  >  étrange- 
ment yiolent  590 

Tourbillon  de  yent  efîeue  en 
l'air  yn  preTlre  blajphemn- 
teur  quinefiplfn  y  eu  tf  3  7 

Traiftre  décapité  10  ^O.  e/- 
corché  yifzp"  nm  fur  -vn 
licl  defelpourfa  recompen' 
fe  485 

Traiîlrcs  punis  481-  contrains 
de  s'entremauz^r  116 

Trauerfef  ef  ranges  c?"  mi  fer  a^ 
blés  d'yn  Seigneur  'PortU" 
gaii  5>48.94p.C7t 

Trembk/Hem  de  terrt  485» 
484. 


k 

**^ 


ÎNDTCB. 


TrtTiejJ'e    yehemente    Cditfant 
mort  foudaine  3  9  0 .   3  9  I  • 

Trou'efihelles  forcter  infignt 

830.8 ;i 
Tueurs    d'eux  mefmes     39}. 

3yî-3  97C7'C. 
TwrCf    punifj'ent    les  tratfires 

I  Oôojànattques  137 
T<*rc  meruedleux  41  8.41  ;; 
TyrAnnm    fcelerut    hy^ocrtU 

y. 

VAche  cberenKnt  yencUte 
760 

yaillance  49  l  railUnce ad- 
mirable de  quelques  ^?cr- 
tugan  1071  -p alliance  ex- 
traordinaire d'rn  SuiJJè 
4<î9  'vaillance  mémorable 
d'y»  Capitaine  Corfe  1 07.Ç 
cr  du  Sieur  de  Bomuet 
I07<f 

yatjjeaux  de  mer  en  grand  no- 
bre  t  engloutis  par  la  tour- 
mente <  87 

yaiuode  de  yisîoldau'te  yifio^ 
rieux  en  dtuerjes  entrepn- 
fes  I0  97'C^C. 

yaltur  49  1 .  4.5  LCrf. 

yamté  ÇOX  yantté  du  mon- 
de magnifiquement  reprejèn' 
tee  5  O  3 

yanité  fitrieufe  ^04 

ydne  iugulaire  coupée  CT  gut" 
ne  81.81 

yen^eance  horrible  y  O  7 .  ^  o  8 


fa  firrnne  adultère    30.3! 

yenife embrOj^ee  du  feu      y  1 4 

yenitiens  ci)..J}tent  leurs  capi^ 

taints  qui  atfoyent  crueUe» 

ment  yiolenté  desTttrcs  lOf 

106.  dcsjaitsfefou/ntttene 

trop     au    yemqueur    35$ 

itur  prudence  politique  et» 

la  co'^duite  zp"  prouuoyance 

dis  filles  g4f 

yentre    d'i^mt  fimme  pétrifie 

XL4 

yerolepethe  gafle  ir;*  pourrit 
les  os  an/il  bien  que  lagrof- 

^'    r      -J  ^^^ 

yers  afcar/des  €  je 

yers  itt  corps  humain  yo  8  cau- 

fentdes  coftuu.Gons  ^ fint 

parier  langage  i  frange  5  lo 

fartent  par  le  nçmb.nl  d'yn 

e»Jh>n  S  ^  O  O"  par  les  ai^ 

nés   VII    de  longueur  def^ 

mefuree  V  ix.ç  i  i.defir- 

me monTirucufe  5  i^.^  i  y, 

cyc.pToduns  en  diuers  fl»- ' 

droits  du  corps  ^  1 51.  j  x  o» 

yers  s' attachai  au  cœur,chaf- 
fe\    par    l'y  fige  des  aulx 

III 
yiceroy    tombe  es  mains    des 

brtgtnds  ,  c?-  en  efchappe 

yie  propre  mejj,rifee  pour  la 
fiuuer   a   fn   compagnon 

<ri 

f^etiard  lethitrgtque         831 
'' leiiUras  raieunn  S  ^7 


ymgeancf  dit  mur t  contre     ^tUet  defeUei par  fiu  en  diuers 


^ 


INDICE. 


yille  libérale   enuers  les  pau- 

Ures  8  4 1.8  4  r 

Villes  ajfatllies  ,  prejpes ,  fub- 

tugttees     84î.8î7.9tO. 

rin  garde'  dnr4nt  rne  firt 
lon2;i*e      ejpace      d*annecs 

II04 
rtnunt  Sodre  Capitaine  Tor- 
tu-^an  noyé  par  fon  auaricc 

ri/ion  prefageant  la  mortpro- 
prochaine  $7  S 

yjfions  ejlranges  i  effroyables^ 
horribles  S  ^o  yifions  mer- 
ueilleufes  en  l'air        54  9- 

no 

rtjions.  Foyel  ^ppart- 
ùon** 

YitelU  gênerai  de  l'armée 
florentine  n'ayant  fçeu  fe 
feruitde  l*eccaJîon  perd  la 


-vie  9^l-9t% 

yiuans  Ung  temps  fans  boirè 

mmanger  411.41.  $.41^- 

433 

l^oix  de  toutes    fortes  repre^ 

fentees   natfnement      i,  3  Ç 

yoix  poujfees     comme   du 

frofind  du  rentre       x  ^  5 . 

Vol  d'oifeau  prit  pour  pyefage 
de  mort  3  7  tf 

Fol  O"  balancement  fur  la  cor» 
de  5  3-34.Crf. 

Foûeurs  horribles  l  lo  ^. 

I  loi-crc. 

Vomiffem  ens    effranges     3.4. 
Vrines  merueiUemfes  j  ç  x; 


'■^  Erby  médecin  Italien  tué 
g  j      par  fa    yanterie  fais 


F    I    N. 


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