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Full text of "Tour de solidor à Saint-Servan (Ille-et-Vilaine) : état actuel et restitution au XIVe siècle de la tour et de ses abords"

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TOUR  DE    SOLIDOR 


SAINT  -  SERVAN 

(ILLE-ET-VILAINE) 


11652.    —  PARIS.    IMPRIMERIE   K.   LEVÉ,    RDE    CASSETTE,   17. 


TOUR  DE  SOLIDOR 


SAINT-SERVAN 

(ILLE.ET-VILAINE) 

ÉTAT  ACTUEL  ET  RESTITUTION  AU  XIV  SIÈCLE 

DE  LA  TOUR  ET  DE  SES  ABORDS 

Par  Albert   BALLU 

ARCHITECTE    DU    GOUVERNEMENT 
ATTACHÉ     A    LA     COMMISSION      DES     MONUMENTS     HISTORIQUES 


PARIS 
AUX  BUREAUX  DE  LA   CONSTRUCTION  MODERNE 

8,    PLACE   BOIELDIEU,    8 

1886 

[Reproduction  interdite.) 


TOUR   DE  SOLIDOR 

A     SAINT-SERVAN    (I Ile-et-Vilaine). 


HISTOIRE 

La  tour  Solîdor  ou  Stindor,  bâtie  sur  un  rocher  près  de  l'embouchure 
de  la  Rance  a  été  élevée  entre  1369  et  1382  par  le  duc  de  Bretagne 
Jean  IV  de  Montfort,  non  loin  de  l'endroit  où  s'élevait  jadis  la  ville 
gallo-romaine  d'Aleth  (1)  qui,  grâce  à  son  excellente  situation  commer- 
ciale, devint  dans  les  derniers  temps  de  l'empire  la  capitale  des  Curioso- 
lites  au  détriment  de  l'antique  cité  de  Corseul. 

Au  iv*  siècle,  quand  les  pirates  saxons  fatiguaient  la  Gaule  de  leurs 
attaques  incessantes,,  Aleth  fut  nécessairement  un  poste  de  première 
importance  ;  on  l'entoura  d'une  ceinture  de  remparts,  on  en  fit  le  chef- 
lieu  d'une  division  militaire  et  la  résidence  d'un  préfet  de  légion.  Ces 
faits,  relatés  par  M.  delà  Borderie  dans  ses  études  sur  l'apostolat  de 
saint  Malo,  ont  été  confirmés  par  la  découverte  qui  a  eu  lieu  en  1849 
d'une  gjrande  quantité  de  monnaies  romaines,  du  iv°  et  duv"  siècles,  à 
leffigie  des  empereurs  Valentinien  II,  Théodose,  Maxime  Arcadius, 
Honorius,  Constantinus  ;  et  la  notice  de  l'empire  dressée  sousHonorius, 
vers  l'an  400,  signale  Aleth  comme  résidence  du  préfet  de  la  légion  de 
Mars  {Frœfectus  militurn  martensium,  Aletho), 

L'établissement  romain  avait  succédé  dès  cette  époque  à  un  oppidum 
gaulois,  du  nom  de  Guic- Aleth  {vims  Alethum)  dont  l'existence  est 
aussi  attestée  par  la  découverte  de  nombreux  exemplaires  de  rouelles  en 
plomb  et  de  monnaies  celtiques  du  même  type  que  celle  trouvées  à  Cor- 
seul. 

Après  que  les  cités  armoricaines  se  furent  séparées  de  l'empire  poui* 
former  une  sorte  de  ligue  ou  de  république  fédérative,  il  semble  qu' Aleth 
resta  un  des  derniers  boulevards  du  druidisme,  puisque  ses  habitants 
étaient  encore  païens  quand  saint  Malo  vint  les  évangéliser  au  vi''  siècle* 
C'est  à  cette  époque  qu  Aleth  devint  le  siège  d'un  évêché  (2)* 

(1)  Voir  r7<mt?ra/»'e /usforigMe  de  Pol  deCourcy.  -  ' 

(2)  Adolphe  Joanne  —  Bretagne.  ] 


—  6  — 

Au  xif  siècle,  cet  éveclié  fut  transféré  à  Tîled'Aaron  (aujourd'hui 
Saint-Malo),  dont  l'importance  augmenta  à  mesure  que  celle  d'Aleth 
diminuait.  Quelques  habitations  demeurées  debout  près  de  l'ancienne 
cité,  donnèrent  naissance  a  un  nouveau  groupe  de  population  ;  et  le 
bourg  de  Saint- Servan,  ainsi  formé,  se  mit  sous  la  protection  d'un  saint 
apôtre  des  îles  d'Orcades.  Plus  tard,  les  riches  Malouins  construisirent 
8ur  ce  territoire  des  maisons  de  campagne  ;  des  villages  se  bâtirent,  des 
couvents,  gênés  par  le  peu  d'étendue  de  l'île  d'Aaron  trouvèrent  pour 
s'établir  un  plus  vaste  espace  dans  la  paroisse  de  Saint  Servan. 

En  1369,  Josselin  de  Rohan,  évcque  de  Saint-Valo  ayant  voulu  se 
soustraire  à  l'autorité  du  duc  de  Bretagne  Jean  IV^  de  Montfort,  sous 
prétexte  que  la  ville  bâtie  sur  un  terrain  ecclésiastique  ne  dépendait  que 
du  Pape,  le  duc,  après  avoir  inutilement  assiégé  Saint-Malo,  fit  bâtir  la 
tour  Solidor,  grâce  à  laquelle  il  fit  saisir  le  temporel  de  l'évêque,  et  lésa 
tellement  les  habitants  coupés  de  leurs  communications  par  terre  et  par 
mer  qu'il  les  contraignit  enfin  à  le  recevoir.  Les  mots  :  Nuper  et  de 
novo  œdifican  fecit  employés  dans  le  fulminatoire  du  prélat,  lancé  au 
mois  d'août  1382  contre  le  duc  et  ses  officiers,  nous  apprennent  que  la 
tour  était  entièrement  achevée  à  cette  époque. 

En  1589,  la  forteresse,  qui  était  gardée  au  nom  de  Henri  IV  par  le 
gouverneur  du  château  de  Saint-Malo,  fut  surprise  par  les  gens  du 
duc  de  Mercœur  ;  les  Malouins  lui  envoyèrent  une  députation  à  Dinan 
pour  lui  offrir  de  la  garder  en  son  nom  et  sous  son  obéissance,  ce  que  le 
duc  accorda  (1). 

En  1590,  Antoine  Courtin  était  capitaine  de  la  tour  Solidor  aux 
gages  de  300  écus  par  an,  à  charge  d'y  entretenir  trois  soldats,  une  ser- 
vante et  deux  grands  chiens. 

Parla  suite  et  après  la  soumission  définitive  des  Malouins  à  Henri  IV 
qui  avait  embrassé  la  religion  catholique,  les  capitaines  de  la  tour  Solidor 
furent  nommés  par  le  roi.  Une  ordonnance  de  Louis  XIII  du  mois 
d'avril  1636  porte  ordre  à  Pierre  Renard,  gouverneur  du  château  de 
Solidor  et  dépendances,  de  faire  travailler  incessamment  aux  répara- 
tions dudit  château.  Louis  XIV  ordonne  au  fils  du  susdit  Pierre  Renard 
pourvu  de  la  Capitainerie  de  la  tour,  restée  vacante  par  le  décès  de  son 
père,  de  s'y  transporter  pour  se  mettre  en  possession  de  ladite  charge. 

Etant  devenue,  par  suite  des  modifications  apportées  dans  les  engins 
de  guerre,  inutile  à  la  défense  du  pays,  la  tour  Solidor  fut  abandonnée 
provisoirement.  Restaurée  ou  plutôt  remaniée  au  xviii''  siècle,  elle  servit 
de  prison  civile  et  militaire.  Le  tribunal  correctionnel  ayant  été  installé 
à  Saint- Servan,  les  condamnés  y  étaient  incarcérés  ;  la  ville  de  Saint- 

(3)  Ces  renseignements  et  les  suivants  noas  oat  été  fournis  par  M.  le  Beau,  commissaire 
de  la  marine  àSaint-Servan. 


Malo  en  avait  la  garde,  comme  elle  avait  par  privilège  la  garde  de  ses 
remparts  et  fortifications  ;  mais  la  tour  Solidor  est  restée  la  propriété 
de  l'Etat  a,près  la  Révolution  comme  les  autres  forts  de  Saint- Servan  et 
de  Saint- Malo  :  la  Cité,  les  Beys,  leNay,  la  Conchée,  Arbourg,  etc. 

Du  reste,  quoique  prison  civile  et  militaire,  elle  était  encore  utilisée 
comme  dépôt  pour  les  prisonniers  de  guerre  qui  constamment  y  furent 
internés.  Il  résultait  de  cet  état  de  choses  que  le  gouverneur  de  Saint- 
M  alo  avait  à  Solidor  une  police  particulière  qu'il  exerçait  sans  le  con- 
cours de  l'administration  municipale  ;  et  cette  situation  ne  fut  pas  sans 
provoquer  de  nombreux  conflits  pendant  la  période  révolutionnaire. 
Néanmoins  elle  fut  toujours  considérée  comme  domaine  national  par 
l'administration  de  la  marine,  et  le  commissaire  principal,  M.  Bles- 
cbamps,  écrivait  au  ministre  le  16  germinal  an  XII.  «  Quant  à  la  tour 
Solidor,  les  armements  de  la  flotille  nationale  m'ont  mis  dans  le  cas  d'en 
tirer  la  plus  grande  utilité  ;  cette  propriété  nationale  étant  primo 
occupanti,  j'en  ai  fait  une  Cayenne  aux  marins  et  la  cour  a  été  le 
dépôt  général  de  l'artillerie,  etc.  » 

Aussi  fut-elle  affectée  au  service  de  la  marine  par  l'article  du  29  ger- 
minal an  XII,  comme  les  anses  d'Aleth  et  de  Solidor. 


DESCRIPTION 

La  tour  Solidor  dont  nous  donnons  une  vue  perspective  (état  actuel, 
pi.  n°  1),  sert  de  but  de  promenade  à  tous  les  baigneurs  et  touristes  de 
Saint-Malo,  Paramé,  Saint-Enogat,  Dinard,  Saint-Briac,  Saint-Lu- 
naire, Dinan,  etc..  Sa  disposition  toute  particulière  était  très  bien 
comprise  au  point  de  vue  militaire  :  du  coté  de  la  mer  elle  était  défendue 
par  une  grosse  tour  dont  les  murs  ont  une  épaisseur  d'environ  2  mètres 
avec  un  diamètre  intérieur  de  5  m.  40.  Une  grande  salle  en  forme  de 
trapèze  relie  cette  grosse  tour  à  deux  autres  de  dimensions  moindres 
(2  m.  60  et  3  m.  de  diamètre  intérieur),  auxquelles  on  accédait  par  un 
pont-levis  dont  les  traces  sont  encore  très  apparentes  aujourd'hui.  La 
galerie  de  passage  qui  sépare  les  petites  tours,  munie  d'un  réduit  pour 
les  hommes  de  veille  disposé  à  droite  de  l'entrée,  était  défendue  par 
une  herse  et  par  des  tranchées  pratiquées  dans  la  voûte  située  au-dessous 
de  la  chambre  de  la  herse,  et  servant  à  jeter  sur  les  assaillants  des 
pierres,  du  plomb  fondu  et  des  projectiles  de  toutes  sortes  (pi.  n'2). 
Chaque  salle  était  pourvue  d'une  cheminée  et  de  bancs  en  granit  étabHs 
dans  l'épaisseur  des  ébrasements  des  fenêtres. 

Pour  parvenir  aux  deux  étages  supérieurs  et  à  la  plate-forme,  on 


—  8  -^■ 

gravit  un  escalier  circulaire  très  ingénieusement  aménagé  et  contigu  à 
la  tourelle  de  moindre  dimension.  Nous  donnons  le  plan  du  2*  étage 
(pi.  n"  3), dont  la  disposition  est  sensiblement  la  même  que  celle  du  rez- 
de-chaussée,  à  cette  différence  près,  que  les  tours,  bien  que  restant  circu 
laires  à  l'extérieur,  affectent  à  l'intérieur  la  forme  polygonale. 

La  pi.  n**4  donne  une  coupe  longitudinale  du  monument  qui  nous  est 
parvenu  presque  intact  jusqu'à  la  hauteur  delà  plate-forme.  Au-dessus 
des  mâchicoulis  l'appareil  a  été  entièrement  refait,  et  le  crénelage  ancien 
a  presque  totalement  disparu.  La  toiture  a  été  reconstruite  tant  bien 
que  mal  et  son  état  défectueux  nécessite  une  restauration  complète  ainsi 
que  les  cheminées  dont  la  plus  grande  partie  se  trouve  actuellement  sans 
issue  et  perdue  sous  les  combles. 

La  tour  SoHdor,  bien  que  devant  être  rangée  dans  la  catégorie  des 
tours  isolées,  était  pourvue  d'ouvrages  avancés  ou  travaux  d'ap- 
proche, dont  le  plan  existe  eu  état  de  parfaite  conservation.  Ces  ou- 
vrages (pi.  n°  5)  formant  un  octogone  irrégulier  et  composés  d'une  en- 
ceinte entourée  de  murs  percés  de  meurtrières  dont  les  restes  sont 
visibles  encore,  étaient  séparés  de  la  tour  et  de  la  terre  ferme  par  deux 
ponts-levis.  Celui  qui  faisait  face  à  la  terre  était  protégé  par  deux  tou- 
relles dont  l'une  seulement  est  privée  de  son  couronnement.  Non  loin 
se  trouve  l'ancien  corps  de  garde,  à  l'entrée  de  la  cour  qui  servait  de 
préau  au  xvm'  siècle  et  de  dépôt  à  l'artillerie  de  la  marine  royale. 

Les  planches  G  et  7  donnent  les  élévations  géométrales  de  la  tour  et 
de  ses  abords  tels  qu'on  les  voit  actuellement  ;  les  planches  8  et  9  repré- 
sentent cet  ensemble  des  fortifications  de  Solidor  restituées  telles  qu'elles 
existaient  au  xiv'  siècle,  et  avant  la  construction  du  quai  du  port 
Saint-Pierre  affecté  à  la  circulation  des  passagers  du  bateau  de 
Dinard. 

Par  une  convention  passée  entre  le  ministre  de  la  marine  et  l'admi- 
nistration des  beaux-arts ,  la  tour  Solidor  a  été  cédée  à  cette  dernière 
qui  doit  prochainement  faire  rétablir  dans  son  état  primitif  les  parties 
supérieures  endommagées  de  cet  intéressant  spécimen  de  l'architecture 
militaire  du  moyen  âge. 

Paris,  ce  20  juia  1886. 

A.  Ballu. 


I  Inriplif  1. 


La  Tour  de  Solidor.  —  Etat  actuel. 


Planche  t. 


Coupe  loDgitudioale  (état  actuel). 
Echelle  de  0,005  p.  m. 


Planche  5. 


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Plan  général  de  k  tour  et  des  ouvrages  avancés,  dressé  le  11  friaiaire,  an  VU. 
Echelle  de  0, 00123  p.  m. 


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