Skip to main content

Full text of "Tournai et le Tournaisis au XVIe siècle : au point de vue politique et social"

See other formats


-  < 


il"  ■''  ''  '^V^.' 


^ 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.arcliive.org/details/tournaietletournOOhocq 


TOmi  ET  LE  WRMISIS 

AU  XVI'  SIÈCLE 

AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL 

PAR 

Adolphe  HOCQUET 

ARCHIVISTE    DE    LA    VILLE    DE   TOURNAI 


Devise  :  Plus  est  Palriae  jacla 
referre  labor. 

(Ovide,  THsies.) 


Couronné  par  la  Classe  des  lellres  et  des  sciences  morales  el  puliliques,  le  9  mai  1904. 


Tome  I.  —  Lettres,  etc. 


tttLAB/5^ 


'ion 


m  y. 


AVANT-PROPOS 


Il  y  a  quatre  ans,  l'Académie  royale  de  Belgique  posa  cette  question  : 
«  Tournai  el  le  Tournaisis  au  XVI'  siècle,  au  point  de  vue  politique  et 
social  » .  Elle  donnait  deux  ans  pour  rédiger  le  mémoire.  C'était  peu  pour 
scruter  un  siècle.  Nous  entreprîmes  néanmoins  celte  tâche  et,  après  avoir 
consacré  plus  de  dix-huit  mois  à  la  recherche  el  à  l'examen  des  documents, 
nous  nous  mimes  à  la  rédaction  du  mémoire. 

Cent  soixante  pages  furent  envoyées  à  l'Académie  à  l'expiration  du  délai 
fixé,  mais,  cela  va  sans  dire,  notre  étude  était  loin  d'être  complète. 

En  mai  1902,  à  la  demande  des  trois  rapporteurs,  la  question  fui  remise 
au  concours  et  un  nouveau  délai  de  deux  ans  fut  accordé.  Encouragé 
par  le  bienveillant  rapport  du  premier  commissaire,  M.  Discailles,  nous 
avons  poursuivi  nos  recherches,  et  c'est  leurs  résultats  que  nous  donnons 
aujourd'hui. 

Le  XVI"  siècle  est,  pour  le  Tournaisis,  parliculièremenl  bien  rempli.  C'est 
l'époque  de  la  chute  définitive  du  gouvernement  de  la  France,  après  l'inter- 
mède de  l'occupation  anglaise,  et  c'est  surtout  celle  de  la  Réforme. 

L'histoire  de  la  Réforme,  seule,  comprendra  un  grand  nombre  de  pages; 
car  si  de  nos  jours  l'Église  protestante  ne  compte  plus  dans  le  Tournaisis 
(ju'une  petite  troupe  de  fidèles,  il  n'en  fut  point  toujours  ainsi.  Tournai, 


4  AVANT-PROPOS. 

avec  Gand  et  Anvers,  marcha  un  moment  à  Tavant-garde  du  protestantisme 
dans  nos  contrées,  et  il  ne  dépendit  point  des  Tournaisiens  qu'à  l'exemple 
des  provinces  du  Nord,  les  Pays-Bas  méridionaux  ne  se  détachassent  à 
jamais  de  l'Espagne. 

Sans  négliger  le  Tournaisis,  nous  avons  plus  particulièrement  porté  nos 
regards  sur  la  ville  de  Tournai;  dans  la  petite  province,  dont  elle  était  le 
chef-ville,  elle  entraînait  d'ailleurs  tout  à  sa  remorque.  Nous  avons  cru, 
du  reste,  en  agissant  ainsi,  respecter  mieux  les  intentions  de  l'Académie  qui, 
dans  l'énoncé  de  sa  question,  semble  mettre  Tournai  à  l'avanl-plan. 

Les  archives  générales  du  Royaume  à  Bruxelles,  le  dépôt  des  archives 
de  l'État  à  Mons,  le  dépôt  départemental  du  Nord  à  Lille,  les  archives  de 
Saint-Amand,  celles  du  chapitre  de  Notre-Dame  à  Tournai  n'ont  pas 
échappé  à  nos  investigations;  mais  nous  avons  surtout  minutieusement 
fouillé  les  archives  de  la  ville  de  Tournai  et  elles  nous  ont  fourni  une 
ample  moisson  de  renseignements  inédits. 

Nous  donnons  en  annexes  les  documents  que  nous  ne  pouvions  point  ne 
pas  éditer;  quant  aux  autres,  dont  nous  avons  également  fait  usage,  nous 
nous  contenterons  de  les  signaler  par  une  note  en  bas  de  page.  Les  imprimer 
tous  eut  grossi  démesurément  ce  mémoire,  déjà  assez  volumineux. 

Nous  nous  sommes  très  peu  servi  des  historiens  de  Tournai;  la  plupart 
d'ailleurs  parlent  très  brièvement  de  la  Réforme  ou  rapportent,  en  quelques 
pages  à  peine,  des  faits  plus  ou  moins  authentiques.  Hoverlant  est  indigeste 
et  mérite  toujours  un  contrôle  sérieux  ;  Poutrain,  laconique  ou  aveuglé  par 
un  parti  pris  évident,  est  souvent  faux;  quant  à  Chotin,  il  faudrait  consacrer, 
à  rectifier  ses  erreurs,  autant  de  pages  qu'il  en  a  écrites. 

Pour  nous,  si  une  préface  est  vraiment  l'exposé  d'un  programme  indiquant 
à  la  fois  le  but  auquel  on  aspire  et  la  voie  qu'on  a  suivie  pour  y  parvenir, 
nous  tenons  à  déclarer  que  nous  avons  fait  notre  étude  sans  autre  préoccu- 


AVANT-PROPOS.  5 

pation  que  celle  d'un  constanl  souci  de  rexaclitude  et  sans  aucune  aiilre 
iiitenlion  préconçue,  si  ce  n'esl  celle  de  dire  la  vérité.  Nous  avons  surloul 
cherché  à  répandre  des  notions  exactes  sur  le  rôle  joué  par  les  Tournaisiens 
dans  ces  belles  et  difficiles  luttes  qu'affrontèrent  nos  pères  pour  la  liberté 
religieuse  et  à  en  faire  connaître,  au  point  de  vue  économique,  les  résultats 
désastreux  pour  le  Tournaisis  en  particulier. 

Avant  de  terminer  ce  court  avant-propos,  nous  exprimons  toute  notre 
reconnaissance  à  notre  ancien  professeur  d'histoire,  M.  Arthur  Dutron,  de 
l'Alhénée  de  Tournai,  qui  a  pris  la  peine  de  reviser  nos  épreuves,  et  à 
M.  le  comte  P. -A.  du  Chasiel  de  la  Howarderie,  à  qui  nous  devons  plus 
d'un  renseignement  généalogique,  intéressant  et  inédit. 


DOCUMENTS  ET  TRAVAUX  CONSULTÉS 


Documents  manuscrits. 

Archives  générales  du  Royaume  a  Bruxelles. 

1"  Cartulaires  et  manuscrit  : 
Registre  n"  192. 

2°  Chambre  des  Comptes  de  Flandre  : 
Cartons  n<"  19,  32,  33,  137  et  138. 

3°  Conseil  d'État  : 

Registres  n<"  7,  11  et  28. 

i°  Papiers  d'État  et  de  l'Audience  : 

Lettres  et  pièces  diverses  sur  les  événements  de  Tournai  (1561-1568),  registres 
n«'351,  352,  353,  354  et  355. 

Instructions  pour  les  gouverneurs  de  provinces  (1488-1693),  registre  n"  784. 
Conseil  des  Troubles;  justification  des  magistrats  de  Tournai  et  iMarquain  sur  les 
troubles  advenus  à  Tournai  et  à  Marquain  en  1566,  registre  n°  32. 

Archives  i>e  l'État  a  Mons  : 

1°  Fonds  de  l'évêché  de  Tournai.  —  Évêques  de  Tournai  : 

Documents  n°'  1  à  184  et  n"»  1708  à  1712.  —  Dossier  n"  1828.  —  Cartulaires 
n»^  68,  71  et  72. 

2"  Archives  du  Bailliage  de  Tournai-Toumai^is  : 

Registre  aux  sentences  criminelles  de  la  Commission  des  Troubles  (mars  1566- 
15  juin  1569). 

Archives  du  Chapitre  de  Notre-Dame  a  Tournai. 

Décisions  capitulaires  (acta  capitularia)  de  1576  à  1581.  2  registres  in-4"'. 


DOCUMENTS  ET  TRAVAUX  CONSULTÉS.  7 

Archives  de  la  ville  de  Tournai. 

1°  Registres  de  la  Loi,  1510-1539;  1553-1568. 

2°  Registres  des  Consaux,  1495-1585. 

3°  Registre  aux  résolutions  des  Bannières,  1428-15i23. 

4°  Registres  aux  publications,  1512-1600. 

5°  Registres  aux  comptes  généraux,  1500-1583. 

6°  Registres  aux  comptes  de  menues  dépenses,  dits  comptes  d'entremises  (1500-1521). 
Ils  cessent  d'exister  à  cette  dernière  année. 

7°  Comptes  d'ouvrages.  —  Fortifications. 

8°  Dépenses  pour  la  draperie,  1594-1597. 

9°  Registres  des  prévôts  et  jurés. 

10»  Registre  77,  tout  entier  de  la  main  de  feu  l'archiviste  général  du  Royaume,  Gachard, 
intitulé  :  «  Notes  pour  servir  à  l'histoire  de  Tournai-Tournaisis  de  1557  à  1581, 
extraites  des  registres  des  Etats  du  Tournaisis  ».  1  vol.  in-fol. 

Archives  départementales  du  Nord  a  Lille. 

1°  Série  B,  n°  2542.  «  Information  et  interrogatoire  de  témoins  au  sujet  d'une  pré- 
tendue conspiration  ayant  pour  but  de  faire  passer  la  ville  de  Tournai  sous  la 
domination  du  roi  de  France.  »  1527. 

2"  Fonds  du  Bailliage  de  Tournai-Tournaisis.  Comptes  des  confiscations.  Premier 
compte  de  Jean  Gombault,  receveur  général  des  biens  immeubles  saisis  et 
dévolus  à  Sa  Majesté  à  cause  des  troubles  en  la  ville  de  Tournay  et  province  du 
Tournaisis,  1566-1568. 

3°  Même  fonds.  Deuxième  compte  du  même  receveur,  1569-1570. 

4°  Même  fonds.  Troisième  compte  du  même  receveur,  1571-1573. 

5°  Collection  Errembault.  Portefeuille  n°  98.  «  Premier  pourject  et  délinéation  de  la 
police  quy  se  poura  garder  en  la  ville  et  cité  de  Tournay  sur  le  faict  des  pauvres.  » 

Bibliothèque  de  la  ville  de  Tournai. 

1°  Histoire  nouvelle  de  Tournay,  capitale  des  Nerviens,  par  le  R.  P.  François  Gaullran. 
(Ms.  CLXXXV,  3  vol.  in-fol.) 

2°  Annales  de  la  ville  de  Tournay.  (Ms.  CLXXXVIl,  4  tomes  en  3  vol.  in-fol.) 

3°  Recueil  d'extraits  relatifs  à  Fliistoire  de  Tournay,  par  N.  du  Fief.  (Ms.  CXCVIIL  in-4<'). 

4»  Manuscrit  CCXIV,  lequel,  au  milieu  d'un  inventaire  de  documents  d'archives  de 
la  ville  de  Tournai,  renferme  une  relation  contemporaine  du  siège  de  cette  ville 
(1513).  (Ms.  in-fol.  papier,  XVi-^  siècle.) 


DOCUMENTS  ET  TRAVAUX  CONSULTÉS. 


Documents  et  travaux  imprimés  cités  le  plus  fréquemment. 

A.  Allard,  Le  premier  Bailliage  de  Toiirnai-Tournaisis.  Mons,  189o;  in-8". 

Altmeyeb,  Les  Précurseurs  de  la  Réforme  aux  Pays-Bas.  Bruxelles,  1886;  2  vol.  in-8°. 

Analectes  pour  servir  à  l'Histoire  ecclésiastique  de  la  Belgique.  Louvain,  1872;  in-8". 

Annales  de  la  Société  historique  de  Gand. 

d'Avenel,  Histoire  économique  de  la  propriété,  des  salaires,  etc.  Paris,  1894;  in-8°. 

Pasqoier  de  la  Barre,  Mémoires,  édit.  Alex.  Pinchart.  Bruxelles,  18S9-186o;  2  vol.  in-8°. 

Calendar  of  letters  and  papers  foreign  an  domestic  o(  the  reign  of  Henry  VIII.  London, 
1862;  in-4°. 

C'«  P. -A.  DU  Chastel,  Notices  généalogiques  toumaisiennes.  Tournai,  1881-1887;  3  vol.  in-8°. 

Claessens,  L'inquisition  dans  les  Pays-Bas  du  passé.  Turnhout,  1886  ;  in-8°. 

Commission  royale  d'histoire  de  Belgique-  Recueil  des  Bulletins. 

Cousin,  Histoire  de  Tournai.  Douay,  1620;  2  vol.  in-4°. 

DE  CoussEMAKEK,  Trotibks  i-eligieux  du  XVI'  siècle  dans  la  Flandre  maritime.  Bruges,  1877; 
4  vol.  in-4°. 

DiEGERiCK,  Lettres  inédites  de  Pierre  de  Melun.  Tournai,  18S3;  in-8°. 

Discours  sur  les  troubles  et  misères  de  ce  temps  et  des  moyens  qu'il  faut  tenir  pour  les  appaiser 
et  y  mettre  fin.  Douay,  Jean  Bogard,  1579;  in-8°. 

Gachahd,  Collection  de  documents  inédits.  Bruxelles,  1833-1835;  3  vol.  in-8°. 

Gachard,  Ertraits  des  registres  des  Consaux  de  Tournai.  Bruxelles,  1846,  in-S". 

Gachard,  Lettre  à  l/.V.  les  Questeurs  de  la  Chambre  des  Représentants.  Bruxelles,  1841  ;  in-8°. 

Gachard,  Correspondance  de  Guillaume  le  Taciturne.  Bruxelles,  1847-1866;  6  vol.  in-8°. 

Gachard,   Actes   des  Etats-Généraux  des  Pays-Bas  (1376-1585).   Bruxelles,   1861-1866, 

2  vol.  in-8°. 

Gachard,  Correspondance  de  Marguerite  d'Autriche  et  de  Philippe  II.  Bruxelles,  1867-1881  ; 

3  vol.  in-8°. 

Gach.ard,  La  Bibliothèque  nationale  à  Paris.  Bruxelles,  1875-1877;  2  vol.  in-4°. 

Gachard,  Correspondance  de  Philippe  II. 

Féry  de  Guyon,  Mémoires  (1524-1368)  ;  édit.  de  Robaulx  de  Soumoy.  Bruxelles,  1858;  in-8°. 


DOCUMENTS  ET  TRAVAUX  CONSULTÉS.  9 

Paul  Fredericq,  Corpus  documentorum  Inquisitiunis  haereticae  pravitatis  Neerlandicae. 
Gand,  1889-1903;  4  vol.  in-8''. 

Henné,  Histoire  du  rèf/ne  de  Charles- Quint  en  Belgique.  Bruxelles,  ■18S8-1860  ;  10  vol.  in-8''. 

A.  d'Heubomez,  Le  Voyage  de  Philippe-Auguste  à  Tournay  en  1187.  (Revue  des  questions 
HisToitiQUES  iiE  Pahis,  26'  année,  1891.) 

A.  d'Herbomez,  Géographie  historique  du  Tournaisis.  Bruxelles,  1892;  in-8". 

EuG.  Hubert,  De  Charles-Quint  à  Joseph  II.  Bruxelles,  1882;  in-8°. 

EuG.  Hubert,  Le  protestantisme  à  Tournai  pendant  le  XVIW  siècle.  Bruxelles,  1903;  in-4'>. 

Kervyn  de  Lettenhove,  La  Flandre  pendant  les  trois  derniers  siècles.  Bruges,  187S;  in-8''. 

Kervyn  de  Volkaehsbeke  et  Diegerick,  Documents  inédits  concernant  les  troubles  des 
Pays-Ras.  Gand,  1847-1849;  2  vol.  in-8". 

L.-A.  VAN  Langebaad,  Guido  de  Bray.  Zierikzée,  1884;  in-S". 

Le  Glay,  Correspondance  de  l'Empereur  Maxiinilien  l"  et  de  Marguerite  d'Autriche.  Paris, 
1839;  in-8». 

LoTiiROP  MoTLEY,  La  Révolution  des  Pays- Ras  {1553- 1584),  trad.  de  G.  Joltrand  et  A.  Lacroix. 
Bruxelles,  1859-1860;  4  vol.  in-S". 

J.  Du  Mont,  Corps  universel  diplomatique  du  droit  des  gens.  Amsterdam,  1726. 

DE  Nény,  Mémoires  historiques  et  politiques  sur  les  Pays-Bas  autrichiens.  Bruxelles,  1784; 

2  vol.  in-8°. 

Recueil  des  Ordonnances  des  Pays-Ras;  deuxième  série,  1506-1700.  Bruxelles,  1893-1902; 

3  vol.  in-fol. 

Ch.   Paillard,   Histoire  des  troubles  religieux  de   Valenciennes.   Bruxelles,   1874-1876; 

4  vol.  in-8°. 

Cil.  Paillard,  Considérations  sur  les  causes  des  Troubles  des  Pays-Bas  au  XVl"  siècle. 
Bruxelles,  1874;  in-8°. 

(^ii.  Paillard,  Une  page  de  l'histoire  religieuse  des  Pays-Bas.  Le  procès  de  Pierre  BruUy. 
Bruxelles,  1878;  in-8°. 

PoNTUS  Heuterus,  Reruui  Relgicarum  libri  quinque.  Antwerpia,  1598. 

Edm.  Poullet,  Histoire  du  droit  pénal  dans  le  duché  de  Rrabant,  depuis  l'avènement  de 
Charles-Quint  jusqu'à  la  réunion  de  la  Relgique  à  la  France.  Bruxelles,  1870;  1  vol. 
in-4°. 

Edm.  Poullet,  Origines,  développements  et  transformations  des  institutions  dans  les  anciens 
Pays-Bas.  Louvain,  1882-1892;  2  vol.  in-8". 

Tome  T.  —  Lettres,  etc.  2 


10  DOCUMENTS  ET  TRAVAUX  CONSULTES. 

Edm.  Polllet  et  Piot,  Correspondance  du  Cardinal  de  Granvelle.  Bruxelles,  1878-1896; 
12  vol.  in-4°. 

PouTRAiN,  Histoire  de  Tournai.  La  Haye,  17S0;  2  vol.  in-8°. 

W.-H.  PiiESCOTT,  Histoire  du  règne  de  Philippe  11.  Trad.  de  Renson  et  Ithier.  Bruxelles,  1860  ; 
4  vol.  in-8». 

Pruvost,  Histoire  de  Wattrelos.  Tourcoing,  186o;  in-8°. 

Ch.  Raulenbeck,  Les  villes  protestantes  de  la  Belgique,  Tournai.  Liège,  1854;  in-8">. 

Ch.  Hahle.\beck,  Les  derniers  rétlwriciens  de  Tournai.  (Revue  ue  Belgique.  Bruxelles,  1891  ; 

in-8°.) 

Henon  iiE  France,  Histoire  des  causes  de  la  désunion,  révoltes  et  altérations  des  Pays-Bas 
{15o3-'l392).  Édit.  de  Piot.  Bruxelles,  1886-1891;  .3  vol.  in-8°. 

Bévue  d' Histoire  ecclésiastique.  Louvain,  1900-1903;  3  vol.  in-8°. 

M.-A.  DEL  Rio,  Mémoires  [1576-1378).  Édit.  et  trad.  de  A.  Delvigne.  Bruxelles,  1869-1871  ; 
3  vol.  in-8°. 

Thomas  Rymer,  Foedera,  conventiones,  literae  et  cujuseumque  generis  acta  publica  intei-  reges 
Angliae  et  nlios  quosvis  imperatores,  reges,  pontifices,  etc.  Editio  tertia.  (Hagae  comitis, 
1739;  10  vol.  in-foi.) 

Société  iiisToitiQUE  et  littéraire  de  Tournai.  Bulletins,  Mémoires  et  .Annales.  Tournai,  184o- 
1903;  S7  vol.  in-8». 

Strada,  Histoire  de  la  guerre  de  Flandre.  Trad.  de  Du  Rier,  a»  édit.  Paris,  1632. 

FoppENS,  Supplément  à  Vhistoire  des  guerres  civiles  en  Flandre  sous  Philippe  II,  de  Strada. 
Amsterdam,  1729;  2  vol.  in-12. 

Ph.  Warny  DE  WisENPiÈRE,  Mémoircs  sur  le  siège  de  Tournai  (1381).  Edit.  de  A.  Chotin. 
Bruxelles,  1860;  in-8°. 


TODRMI  ET  LE  TOlia^AISIS 

AU  XVr   SIECLE 
AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL 


PREMIERE  PARTIE 


Conquête  anglaise  et  Annexion  du  Tournaisis 
aux  Pays-Bas  (1500-1521). 


CHAPITRE  PREMIER. 

CONQUÊTE  ANGLAISE. 

Sommaire.  —  I.  La  France  veut  faire  de  Tournai  une  place  forte  de  premier  ordre,  à  cause 
de  la  situation  géographique  du  Tournaisis.  —  II.  Conséquences  de  cette  situation 
géographique  durant  les  luttes  de  la  France  avec  les  ducs  de  Bourgogne;  traité  de 
1478.  —  m.  Siège  de  1513  et  prise  de  Tournai  par  le  roi  d'Angleterre,  Henri  VIII. 

I.  Au  mois  de  décembre  H87,  le  roi  Philippe-Auguste  annexa  à  la 
couronne  de  France  le  Tournaisis  tout  entier.  Dès  lors,  durant  plus  de  trois 
siècles,  celte  pelile  province  de  dix  lieues  de  long  sur  trois  ou  quatre  de  large 


12  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

lie  cessa  de  faire  partie  intégrante  dn  royaume  de  France  et  fut  toujours 
rangée  parmi  les  plus  fidèles  de  ce  pays  ('). 

La  Flandre  la  bornait  au  nord,  à  l'ouest  et  au  sud,  tandis  que  le  Hainaul 
la  limitait  à  l'est  et  en  partie  au  nord. 

Sans  aucun  point  d'attache  avec  la  France,  éloigné  d'elle  de  plus  de 
vingt-deux  lieues  ("),  le  Tournaisis  se  trouvait  dans  la  désavantageuse 
situation  d'un  ilôt  français  perdu  au  milieu  d'une  mer  d'accès  difficile.  Cette 
position  géographique  n'était  pas  sans  présenter  de  graves  inconvénients; 
on  le  vit  d'ailleurs  bien  durant  les  nombreuses  guerres  de  la  France  avec 
les  ducs  de  Bourgogne. 

Par  des  traités  de  commerce  très  onéreux  pour  eux  (^),  les  Tournaisiens 
parèrent  aux  difficultés  économiques  que  faisait  naître  le  voisinage  des  Étals 
bourguignons;  mais  pour  obvier  aux  périls  que  leur  créait  la  politique 
extérieure  de  la  France  et  surtout  pour  empêcher  que  leur  ville,  «  la  clef  et 
l'entrée  du  royaume  »  (*),  ne  tombât  au  pouvoir  de  l'ennemi,  il  leur  fallut 
faire  de  Tournai  une  redoutable  forteresse,  capable  de  résister  à  un  coup  de 
main  et  même  de  repousser  victorieusement  tout  assaut. 

Rois  et  magistrats  urbains  avaient  soigneusement  veillé  à  cela  durant  un 
espace  de  trois  siècles. 

A  l'aurore  du  XVI«  siècle,  cette  attitude  du  pouvoir  royal  était  restée 
immuablement  la  même,  et  c'est  dans  l'unique  but  de  continuer  la  politi<|ue 
adoptée  par  ses  prédécesseurs,  que  l'on  vit  Louis  XII  autoriser  le  prélève- 
ment d'impôts  nouveaux  sur  la  garance,  les  draps,  les  tapisseries  d'or  et  de 


(1)  Voir  à  ce  sujet  :  A.  d'Herbomez,  Le  voyage  de  Philippe- AïKjustc  à  Tourmy  en  1187 
(Revue  des  QUEsnoNS  historiques,  26«  année,  \^'  octobre  1891,  pp.  593-610);  du  même 
auteur,  également,  Géographie  historique  du  Tournaisis.  Bruxelles,  1892. 

(■i)  Arcliives  de  Tournai,  charte  du  14  avril  1504,  donnée  à  Blois. 

(3)  Du  mois  de  mai  1424  à  la  Saint-Jean  1440,  les  Tournaisiens  payèrent  au  duc  de 
Bourgogne  99,500  écus  d'or  et  6,500  salus  d'or,  soit  environ  sept  millions  de  notre 
monnaie,  pour  obtenir  la  liberté  de  commercer  librement  avec  les  États  bourguignons 
(voir  Archives  de  Tournai,  Chartrier,  layette  1424). 

(4)  Archives  de  Tournai,  charte  du  21  mai  1502.  Louis  XII  dit  :  «  attendue...  lesquelz 
(—Tournaisiens)  nous  ont  fait  supplier  que  pour  la  seureté  de  nostre  dicte  ville,  qui  est 
a  clef  et  entrée  de  nostre  Royaume...  ». 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  15 

soie,  le  cuir  et  d'autres  objets  fabricpiés,  ainsi  que  rétablissement  d'une  sorte 
de  taille  sur  le  revenu,  sous  la  condition  expresse  (|ue  l'argent  ra|)|)oilé  par 
ces  impôts  serait  seidenient  employé  à  des  travaux  de  consolidation  des 
remparts  de  Tournai  ('). 

II.  D'ailleurs,  si  la  vigilance  du  roi  de  France  eût  un  moment  sommeillé, 
la  polili(|ue  poursuivie  à  l'égard  du  Tournaisis  par  les  ducs  de  Bourgogne 
aurait  bientôt  réveillé  l'attention  de  Louis  XII  et  rappelé  aux  magistrats 
lournaisiens  la  constante  nécessité  de  maintenir  en  bon  état  les  murailles  de 
leur  ville. 

Philip|)e  le  Bon,  on  le  sait,  était  parvenu  à  placer  sous  son  sceptre  les 
|)rincipales  provinces  des  Pays-Bas  méridionaux.  Son  œuvre  eût  été  complète, 
s'il  avait  pu  réussir  à  annexer  à  ses  États  la  petite  province  française  du 
Tournaisis,  qui  formait  comme  une  tache  au  milieu  de  TArtois,  de  la 
Flandre  et  du  Hainaut. 

En  14.63,  il  autorisa  son  fils,  le  comte  de  Charolais,  à  tenter  un  coup  de 
main  sur  Tournai  (^),  qui,  du  reste,  ne  réussit  pas,  et  il  mourut  sans  avoir 
atteint  son  but. 

Dès  son  avènement,  Charles  le  Téméraire  reprit  pour  son  compte  le  projet 
de  son  père,  et  pour  forcer  les  Tournaisiens  à  convenir  de  la  nécessité  de 
leur  annexion,  il  commença  par  défendre  l'imporlalion  dans  le  Tournaisis 
de  vivres  provenant  soit  de  l'Artois,  soit  de  la  Flandre,  soit  du  Hainaui. 

Il  s'aperçut  néanmoins  bientôt  qu'il  perdait  sa  peine.  Aussi  essaya-t-il 


(1)  Arcliives  de  Tournai,  charte  du  21  mai  1S02,  donnée  h  Blois. 

(2)  Archives  de  Tournai,  charte  du  21  mai  'lo02,  donnée  à  Blois,  où  Louis  XII  dit  entre 
autres  choses  :  «  veue  par  noz  amez  et  féaulx  conseillers  les  gens  de  nostre  grant  conseil, 
la  requeste  h  eulx  présentée  de  la  partie  de  nos  chers  et  bien  amez  les  bourgeois,  nianans 
et  habitans  de  nostre  ville  et  cité  de  Tournay,  contenant  comme  ja  piéça  et  dès  l'an  mil  iiij' 
soixante  et  trois,  le  feu  lors  conte  du  conté  de  Charolays  et  depuis  duc  de  Bourgogne  se 
fust  atforcé  par  force  d'armes  sustraire  et  mectre  hors  de  l'obéyssance  de  feu  nostre  très 
chier  et  très  amé  cousin  le  feu  Boy  Loys  dernier  décédé  de  ce  nom  que  Dieu  absoille,  nos 
dictes  ville  et  cité  de  Tournay,  pour  obvier  à  laquelle  entrcprinses  leur  avoit  convenu  payer 
grans  sommes  de  deniers  et  faire  sur  les  frontières  grosses  fortifficacions,  ou  contemps  et 
en  hayne  desquelles  leur  ont  esté  par  bien  longue  espace  de  temps  inhibez  et  deffenduz 
tous  vivres  et  vitailles  es  pays  dudit  feu  duc  de  Bourgongne...  ». 


14  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI^  SIÈCLE 

d'atteindre  les  Toumnisiens  dans  leurs  inlérêls  économiques  et  interdit  toute 
transaction  commerciale  entre  les  pays  bourituignons  et  le  Tournaisis,  pro- 
nonça la  confiscation  des  fiefs  et  biens  nombreux  possédés  dans  ses  États 
par  des  habitants  de  Tournai,  fit  procéder  à  l'arrestation  de  ceux  d'entre 
eux  qui  osaient  s'aventurer  avec  des  marchandises  à  quelque  distance  de 
leur  enceinte  et  les  envoya  prisonniers  à  Guines,  à  Ardres  ou  à  Calais  ('). 

Marie  de  Bourgogne  ne  changea  rien  aux  procédés  de  son  père,  au  point 
qu'en  1478,  décidé  à  mettre  fin  à  une  situation  aussi  intolérable,  le  Tour- 
naisis sollicita  du  roi  Louis  XI  l'autorisation  de  traiter  avec  elle. 

Le  Roi  le  permit  secrètement  ('),  et,  le  22  octobre,  les  Tournaisiens 
obtinrent  de  Marie  de  Bourgogne  et  de  Maximilien  d'Autriche  la  recon- 
naissance de  leur  neutralité  en  même  temps  que  l'autorisation  de  comniercer 
librement  dans  les  États  bourguignons,  sous  la  condition  expresse  de  ne 
plus  recevoir  désormais  dans  leurs  murs  de  garnison  française  (^). 

C'était  un  double  succès  pour  les  Bourguignons;  car  en  éloignant  de 
Tournai  toute  troupe  française,  on  décapitait  «  la  perle  du  Royaume  »,  ainsi 
(|ue  rappelaient  les  conseillers  de  Louis  XI  ('),  et  l'on  rendait  possible  la 
réussite  d'un  coup  de  main  qui  devait  préparer  les  voies  à  l'annexion  du 
Tournaisis  aux  Pays-Bas. 

Les  magistrats  urbains  se  rendirent  promptemenl  compte  que  l'importante 
concession  à  laquelle  ils  avaient  dû  consentir  pour  sauvegarder  les  inlérêls 
économiques  de  leur  cité,  mettait  en  péril  «  leur  loyauté  envers  le  Roy  ». 
Aussi,  ne  voulant  point  posséder  des  remparts  encore  solides  mais  privés  de 
soldats,  ils  résolurent,  aussitôt  après  la  signature  du  traité,  d'assurer  eux- 
mêmes  la  défense  de  leur  ville. 

Le  guet,  dont  devaient  faire  partie  tous  les  habitants  mâles,  fut  organisé 


(1)  Voir  à  ce  sujet  Archives  de  Tournai,  charte  du  21  mai  lo02. 

(2)  Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes.  Paris,  t.  LXlt,  pp.  15-24. 

(3)  Société  historique  de  Tournai,  Annales,  t.  V,  pp.  354-359,  où  l'acte  est  innprimé  en 
entier.  —  Pontcs  Hegterls,  Renim  Belgicarum  libri  quinque.  .Antwerpiae,  1598,  p.  89,  dit  : 
«  Tornacences,  Regio  liberati  praesidio,  mense  novenihri  (sic)  [1478]  cum  Maxaeliano 
transigunl  poilirentun|ue  se  Francicum  amplius  non  admissuros  militem...  ». 

(4)  Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes,  t.  LXIl,  p.  20. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  IS 

avec  une  discipline  tonte  militaire,  et  Ton  veilla  nuit  el  jour  sur  les  rem- 
parts (').  Des  exercices  souvent  répétés  aguerrirent  les  membres  des  serments, 
et  le  roi  Louis  XII,  de  peur  que  sa  ville  de  Tournai  ne  (ùt  prise  «  par  fanlte 
de  bonne  garde  »,  dispensa  bourgeois  et  nobles  lournaisiens  de  lui  fournir 
durant  dix  ans,  le  service  mijilaire  aui|uel  lui  donnaient  droit  des  cliarles 
séculaires  (^). 

Bref,  au  commencement  du  XVI*  siècle,  le  Tournaisis  relevait  encore  de 
la  couronne  de  France,  et  même  alors  la  politique  des  ducs  de  Bourgogne  à 
l'égard  de  celle  petite  province  française,  subissant  un  moment  d'apaise- 
menl,  semblait  vouloii-  surtout  se  confiner  dans  le  domaine  religieux.  Phi- 
lippe le  Beau  ne  cherchait  en  ces  temps  qu'une  seule  chose  :  faire  asseoir 
sur  le  trône  épiscopal  de  Tournai,  un  évèque  à  sa  dévotion  (^). 


(-i)  JoPKEN,  Miettes  paléoijrai)hiques,  fasc.  S.  L'oryanisalion  militaire  de  la  commune  de 
Tournai  {U24-1S24).  Tournai,  1896,  pp.  IS  et  passim. 

(2)  Les  obligations  de  la  ville  vis-à-vis  du  roi,  dit  M.  E.  Jopken,  op.  cit.,  p.  4,  sont  très 
nettement  définies  dans  ce  passage  de  la  charte  de  Philippe-Auguste  (1211)  :  «  Propter  hoc 
autem,  quotiescumque  servientes  communiarum  nostrarum  in  nostrum  mittemus  servi- 
tiuni,  homines  Tornacenses  in  nostrum  servitium  milienl  treceiitos  pedites  bene  arniatos, 
si  praecepto  nostro  vel  successorum  nostrorum  Reguiii  Franciae  fuerint  inde  requisiti.  Si 
vero  versus  Aroasiam  cum  exercitu  venerimus  nos  vel  successores  nostri,  Communia  tota 
Tornacensis  nobis  occurrere  débet,  si  absque  impediniento  iUuc  usque  potuerit  pervenire  ». 
Il  en  résulte  que  la  ville  avait  à  fournir  sur  réquisition  trois  cents  fantassins  bien  équipés 
chaque  fois  que  le  souverain  se  trouvait  dans  le  cas  de  solliciter  l'aide  de  ses  communes.  . 
La  force  et  la  nature  du  contingent  variaient  avec  les  besoins  du  roi  et  avec  les  exigences 
de  ses  opérations  militaires  (p.  5);  mais  il  arriva  parfois  que  ce  contingent  alla  jusqu'à 
atteindre  un  total  de  mille  hommes  de  troupes  (p.  6). 

(3)  Voici,  en  résumé,  ce  qui  se  passa  entre  la  fin  du  XV"  siècle  et  le  commencement 
du  XVI",  dans  le  monde  religieux  à  Tournai.  En  1483,  l'évêque  de  Tournai  Ferry  de  Cluny 
mourut  à  Rome.  Le  pape  Sixte  IV  y  nomma  Jean  Monissart  et  le  sacra  lui-même  le 
18  octobre  1483.  Philippe  le  Beau  et  le  roi  de  France  s'élevèrent  contre  cette  nomination 
qui  avait  été  faite  sans  leur  intervention.  Le  roi  de  France,  par  représailles,  rétablit  la 
Pragmatique-Sanction  supprimée  par  son  père  Louis  XI  et  fit  nommer  son  protégé  Louis 
Pot,  alléguant  que  Tournai  étant  ville  française  et  le  Chapitre  de  la  Cathédrale  ayant  omis 
de  procéder  en  temps  utile  à  l'élection  de  l'évêque,  la  nomination  appartenait  au  métro- 
politain de  Reims,  dont  l'évêché  de  Tournai  était  suffragant.  Louis  l'ot  se  rendit  aussitôt 
à  Paris,  y  fit  citer  Jean  Monissart  afin  de  le  faire  comparaître  devant  le  Parlement.  Monissart 
refusa  d'obtempérer  à  la  citation  et  Louis  Pot  fut  déclaré  évêque,  sacré  par  l'évêque  de 
Paris,  confirmé  par  le  métropolitain  de  Reims  et  mis  en  possession  des  biens  de  toute  la 


i6  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISfS  AU  XW  SIÈCLE 

m.  Toul  changea  néanmoins  bienlôL  Le  25  septembre  1506,  Philippe 
le  Beau  élanl  mort  inopiuémenl  à  Biirgos,  Maximilien  d'Aulriche  fui  investi 
de  la  lulelle  de  son  pelil-fils  Charles;  mais  sollicité  par  d'aulres  affaires  et 
parliculièrement  par  celles  de  TAIIemagne,  TEmpereur  abandonna  vite  la 
lulelle  et  transmit  la  régence  des  Pays-Bas  à  sa  fille  ilarguerile  ('),  sans 
cesser  pour  cela  de  veiller  sur  les  inléréls  du  jeune  prince  comme  sur  les 
destinées  de  ses  États. 


pariie  franvaise  de  l'évêché  de  Tournai.  Il  y  eut  alors  deux  évêques  de  Tournai  :  l'un,  Jean 
-Monissart,  fut  nommé  par  le  pape,  l'autre,  Louis  Pot,  choisi  par  le  roi  de  France.  Jean 
Monissart  étant  mort  assez  tôt  (1484),  le  pape  Innocent  Vllt  nomma  pour  le  remplacer 
Antoine  Pallavicini.  Philippe  le  Beau  et  le  roi  de  France  ne  le  reconnurent  pas;  Charles  VIII 
maintint  Louis  Pot  comme  évèque  de  Tournai  et  Philippe  le  Beau  s'opposa  ù  la  prise  de 
possession  de  l'évêché  par  Pallavicini,  mit  le  séquestre  sur  les  biens  épiscopaux  situés  en 
Flandre  et  nomma  comme  administrateurs  du  diocèse  Gilles  Barbiers  et  Raphaël  de  Bour- 
gogne. Il  pressa  ensuite  le  pape  de  pourvoir  l'évêché  de  Tournai  d'un  prélat  issu  du  pays. 
Sur  ses  instances  et  avec  l'agrément  du  Chapitre,  le  souverain  pontife  choisit  Jean  de 
Lannoy,  qui  malheureusement  mourut  le  jour  fixé  pour  sa  consécration.  Philippe 
désigna  pour  lui  succéder  l'abbé  de  Saint-Amand,  Pierre  Quick.  Celui-ci  se  rendit  à  Rome, 
y  obtint  de  Pallavicini  sa  renonciation  à  l'évêché  de  Tournai,  reçut  l'investiture  canonique 
(1496),  fut  sacré  dans  la  ville  de  Bruges  et  fixa  sa  résidence  à  Gand.  A  dater  de  1497,  le 
diocèse  de  Tournai  fut  gouverné  et  administré  par  deux  évêques  :  la  partie  française  par 
Louis  Pot  et  la  partie  flamande  par  Pierre  Quick.  A  la  mort  de  Louis  Pot  (ISOo),  le  Chapitre 
de  la  Cathédrale,  pour  complaire  à  Louis  XII,  ne  voulut  pas  présenter  comme  évêque  de 
Tournai  Pierre  Quick,  mais  élut  le  maître  des  requêtes  du  roi  de  France,  Charles  du 
Hautbois.  Celte  nomination  amena  des  troubles  religieux;  les  deux  évêques  s'excommu- 
nièrent, lancèrent  des  interdits  et  provoquèrent  des  scandales  «  dont  la  connaissance  n'est  pas 
de  nature  îi  édifier  les  fidèles  »  (!),  à  ce  que  dit  le  vicaire  général  Voisin.  Louis  XII  dépouilla 
même  Pierre  Quick  des  biens  et  revenus  de  son  abbaye  de  Saint-Amand.  Pour  mettre  fin 
à  ce  schisme  local,  le  pape  Altixandre  VI  offrit  sa  médiation.  Elle  fut  acceptée.  Un  accord 
approuvé  par  Louis  XII  et  Philippe  le  Beau  intervint,  en  vertu  duquel  Pierre  Quick  résigna 
l'évêché  de  Tournai  à  Charles  du  Hautbois,  mais  rentra  en  possession  des  biens  et  revenus 
de  l'abbaye  de  Saint-Amand,  et  se  vit  en  outre  octroyer  une  pension  annuelle  (loOo).  — 
(Cousin,  llisloire  de  Tournai.  Uouay,  1620,  liv.  IV,  pp.  2o7,  260,  266-267.  —  Syndnonoloyia 
summorum  pontificim  ac  episcoporum  Tornacensium.  Tornacensi,  1837.  —  Gallia  Chrisliana. 
Paris,  172u,  t.  III,  p.  326.  —  Analecten  pour  servir  à  l'histoire  ecclésiastique  de  la  Belgique. 
Louvain.  t.  IX,  2"  livre,  1872,  pp.  167  et  seq.) 

(1)  Marguerite  d'Autriche,  gouvernante  des  Pays-Bas,  fille  de  Maximilien  d'Autriche  et 
de  Marie  de  Bourgogne,  naquit  à  Gand  en  1480  et  mourut  le  i"  décembre  1350.  Promise 
à  Charles  VIII,  roi  de  France,  (|ui  lui  préféra  Anne  de  Bretagne,  elle  épousa  successivement 
Jean  d'Aragon  (1497)  et  Philibert  11,  duc  de  Savoie  (1501),  qui  mourut  trois  ans  après 
son  mariage. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  17 

Hanlé  par  la  craiiile  de  la  France,  (oiijours  il  allirait  raltenlion  de  sa 
fille  sur  le  danger  d'enlre()rises  françaises  contre  les  Pays-Bas,  lui  recom- 
mandail  sans  cesse  de  rassembler  aux  fronlières  des  troupes  en  nombre 
sulfisani  pour  re[)ousser  toute  tentative  d'agression  (').  Il  ne  fut  vérilablemeni 
rassuré  (|ue  le  jour  où,  par  le  traité  de  Maiines  (avril  loI3j,  TEmpire,  le 
pape  Léon  X,  Ferdinand  d'Aragon,  les  Suisses  et  Henri  Vlil  s'engagèrent  à 
envabir  simultanément  la  France  de  trois  côtés  à  la  fois,  au  nord,  à  Test  et 
au  sud. 

Ferdinand  d'Aragon  menace  la  France  par  la  Navarre;  les  Suisses  se 
portent  jus(|ue  sous  les  murs  de  Dijon  el,  le  30  juin  1313,  Henri  VIII 
débarque  à  Calais  et  fait  irruption  par  le  nord  (-). 

Le  général  anglais,  Georges  Talbot,  comie  de  Scbrewsbury,  se  jette  sur 
Thérouanne,  où  le  rejoignent  bientôt  Henri  VHI,  qui  s'était  reposé  un 
moment  à  (Valais,  et  Maximilien  d'Autriche,  amenant  avec  lui  quatre  raille 
chevaux  (^). 

Cependani,  Louis  XII  tente  de  faire  lever  le  siège  de  Thérouanne,  mais  il 
est  battu  à  Guinegate,  el  la  ville  assiégée,  n'espérant  plus  aucun  secours  du 
Roi,  est  forcée  de  capituler.  Henri  VHI  y  fil  mettre  le  feu. 

Le  roi  d'Angleterre  hésitait  sur  la  direction  à  donner  à  son  armée  el  ne 
savait  à  quoi  se  résoudre.  Enireprendrait-il  le  siège  de  iMontreuil,  de  Bou- 
logne ou  de  Sainl-Quenlin  ou  se  jelterail-il  à  l'assaut  de  Tournai  (^)? 

L'occasion  parut  trop  belle  à  Maximilien  pour  la  laisser  échapper.  Profitant 
de  l'indécision  de  Henri  VIII,  il  l'incita  à  assiéger  Tournai,  dans  l'espérance 
que  celte  place  n'étant  d'aucune  utilité  pour  les  Anglais,  il  pourrait  réaliser 


(1)  Voir  à  ce  sujet  dans  Le  Glay,  Correspondance  de  l'empereur  Maximilien  l"  el  de 
Marguerite  d'Autriche.  Paris,  1839,  t.  I,  p.  71,  une  lettre  du  16  juillet  loOS. 

C^)  IUpin  de  Thoïhas,  Histoire  d'Anylcterre.  La  Haye,  1733,  t.  V,  p.  68. 

(3)  LiNGAiiD,  John,  Histoire  d'Angleteri'e,  traduit  par  le  chevalier  de  lioujoux.  Louvain, 
1827,  t.  VI,  p.  24.  On  sait  que  par  le  traité  de  iMalines,  Maximilien,  sous  prétexte  de 
respecter  la  neutralité  des  Pays-Bas,  avait  consenti  à  être  un  simple  lieutenant  de  Henri  Vtll, 
qui  lui  accordait  une  solde  de  cent  écus  par  jour.  (Rïmer,  Foedera  et  co7wentiones,  édition 
en  10  volumes,  t.  X,  p.  176.) 

{*)  Annales  de  la  Société  historique  el  littéraire  de  Tournai,  t.  V,  pp.  304-30S. 
Tome  1.   —  Lettres,  etc.  3 


18  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

le  projet  séculaire  de  la  maison  de  Bourgogne  sur  le  Tournaisis  et  annexer 
ce  lambeau  de  terre  française  aux  États  de  son  petit-fils. 

Henri  VI il  se  laissa  persuader  et  marcha  sur  Tournai. 

Mais  les  Tournaisiens,  prévenus  par  le  roi  de  France,  avaient  utilement 
employé  le  temps  perdu  par  l'armée  anglaise  devant  Thérouanne;  dès  le 
12  juillet,  ils  avaient  commencé  à  prendre  leurs  mesures  en  prévision  d'un 
siège  que  Louis  XII  leur  avait  prédit  inévitable  ('). 

Toutefois,  voulant  épaigner  à  leur  cilé  les  conséquences  toujours  doulou- 
reuses d'un  blocus,  les  magistrats  communaux  n'hésitèrent  point  à  envoyer 
le  27  suivant,  à  Lille,  une  députation  de  fonctionnaires  (-)  à  Marguerite 
d'Autriche  pour  la  prier  d'intercéder  auprès  de  l'Empereur,  son  père,  et  de 
Henri  VUl  en  faveur  des  Tournaisiens  et  de  chercher  à  obtenir  pour  eux, 
contre  l'octroi  d'une  forte  somme  d'argent,  la  reconnaissance  d'une  neutralité 
semblable  à  celle  qui  leur  avait  été  garantie  par  le  traité  de  1478. 

Le  but  que  poursuivaient  les  Tournaisiens  était  trop  contraire  aux  visées 
de  Maximilien  pour  qu'il  put  être  atteint.  Aussi  l'ambassade  n'obtint-elle 
rien  et,  le  10  septembre,  les  Tournaisiens  apprirent  que  l'Empereur  campait 
à  Pont-à-Vendin,  avec  l'armée  anglaise. 

Devant  l'imminence  du  siège,  les  campagnards  et  les  gens  du  bailliage 
se  réfugièrent  en  toute  hâte  dans  Tournai;  on  démolit  les  maisons  près  des 
portes  de  la  ville;  les  faubourgs  sont  incendiés  et,  avec  eux,  deux  abbayes 
extra  muros  :  l'abbaye  des  Prés  Porchins  et  la  léproserie  de  la  Bonne  Maison 
de  le  Val. 

On  use  de  toute  espèce  de  précautions;  on  exige  des  habitants  un  nouveau 
serment  de  fidélité  au  roi  de  France  et  on  refuse  l'entrée  de  la  ville  à  ceux 
qui  se  présentent  aux  portes,  portant  «  la  crois  blanche  et  les  estandars  de 
France  »,  parce  que  les  Anglais  se  sont  vantés  de  pénétrer  dans  Tournai 
à  l'aide  de  ce  subterfuge. 

Le  jour  même  où  les  Anglais  avaient  établi  leur  camp  à  Pont-à-Vendin, 


(<)  Archives  communales  de  Tournai.  Publications,  Reg.  n"  341,  fol.  3  r°. 

(2)  Cette  députation  était  composée  de  Jean  Haccart,  conseiller  du  roi  au  bailliage;  de 
Claude  Dimenche,  dit  Le  Lombard,  juré,  et  de  Michel  Aleganibe,  premier  conseiller 
pensionnaire  de  Tournai. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  19 

Ferry  Caroiulelet,  protonolaire  apostolique,  archidiacre  de  Besançon  et 
conseiller  de  l'Empereur,  s'élait  présenté  aux  portes  de  Tournai,  pour 
s'enquérir,  au  nom  de  Maximilien  et  du  roi  d'Angleterre,  sur  le  point  de 
savoir  si  celte  cité  «  était  ville  royale  ou  impériale  ». 

Sans  doute,  iMaximilien  en  savait  à  ce  sujet  tout  aussi  long  que  les  Tour- 
naisiens,  mais  c'était,  de  sa  part,  une  subtilité  que  de  faire  poser  en  ces 
termes  la  question. 

En  effet,  si  la  ville  de  Tournai  se  déclarait  «  ville  impériale  »,  elle  relevait 
alors  de  l'Empire,  et  Waximilien,  sans  coup  férir,  l'annexait  aux  Pays-Bas; 
si,  au  contraire,  elle  se  reconnaissait  «  ville  royale  française  »,  l'Empereur 
la  sommait  de  voir  en  Henri  VIII  le  roi  de  France  et,  en  cas  de  refus,  la 
faisait  prendre  d'assaut  par  les  troupes  anglaises,  avec  le  secret  espoir  (|ue 
Henri  VllI  lui  abandonnerait  sa  conquête  (^). 

Des  deux  façons,  Maximilien  s'imaginait  arriver  à  ses  fins. 

Les  événements  se  chargèrent  de  déjouer  ses  calculs. 

Certes  la  partie  aristocratique  du  magistral,  dont  les  sympathies  étaient  en 
majorité  acquises  à  la  Bourgogne,  eût  volontiers,  pour  sauvegarder  ses  inté- 
rêts personnels  ('),  déclaré  Tournai  «  ville  impériale  ». 

Mais  le  peuple,  dont  les  senliments  furent  toujours  profondément  fran- 
çais (^),  n'entendait  point  abandonner  «  la  querelle  du  Roy  »  et,  le  15  sep- 


(1)  On  sait  que  depuis  le  26  janvier  1340  jusqu'au  commencement  du  XIX°  siècle,  les 
rois  d'Angleterre  n'ont  cessé  de  s'intituler  «  rois  de  France  et  d'Angleterre  ».  Voir  à  ce 
sujet  :  PiRENNE,  La  première  tentative  faite  pour  reconnaître  Edouard  III  d'Angleterre  comme 
roi  de  France  {1328). 

(2)  Du  Fief,  en  parlant  du  siège  de  4513,  dit,  entre  autres  :  «  Le  commun  peuple  estoit 
passionément  porté  pour  la  couronne  de  France  et  ceulx  qui  manièrent  les  affaires 
publi(|ues,  préférant  leur  bien  particulier  aux  intérestz  de  la  généralité  dissimulèrent  de 
scavoir  ce  qu'ils  voioient  visiblement  :  les  uns  avoient  leurs  rentes  et  revenues  en  Flandres, 
les  autres  en  tlaynauld,  chacun  craindoit  d'y  perdre,  en  résistant,  ce  qu'il  possédoit  paisi- 
blement, n  Bibliothèque  publique  de  Tournai,  manuscrit  198. 

(>^)  On  sait  qu'au  milieu  de  la  débâcle  de  la  guerre  de  Cent  Ans,  la  ville  de  Tournai 
était  restée  française,  alors  que  la  plupart  des  villes  du  royaume  s'étaient  rendues  aux 
ennemis  et  que  Charles  VII  était  acculé  dans  sa  cité  de  Bourges.  M.  A.  d'Herbomez,  dans 
la  Géographie  historique  du  Tournaisis,  p.  06,  dit  ;  «  On  ne  saurait  se  lasser  de  le  répéter  : 
depuis  la  réunion  de  leur  pays  à  la  couronne,  en  1187,  les  Tournai.siens  n'ont  cessé  de  se 
montrer  les  plus  Français  des  Français.  Et  leur  attitude  était  d'autant  plus  méritoire  que. 


20  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

temhre,  il  fil  connailre  aux  magistrats  «  que  le  commun  était  intentionné  de 
vivre  et  de  mourir  sous  le  Roi  et  que  si  l'Empereur  consentait  à  laisser  les 
Tournaisiens  en  paix  et  à  leur  permettre  de  commercer  librement  avec  les 
pays  voisins,  il  ne  s'opposerait  pas  à  ce  qu'on  offrit  à  Maximilien  une  forte 
somme  d'argent (')  ». 

Ce  qu'il  voulait,  somme  toute,  c'était  acheter  la  neutralité,  ce  que  durant 
le  XV«  siècle  il  avait  si  souvent  obtenu  des  ducs  de  Bourgogne. 

Le  même  jour,  une  députation  de  Tournaisiens  se  rendit  à  Lannoy  pour 
porter  au  camp  impérial  la  réponse  du  peuple.  Naturellement,  elle  ne  satisfit 
pas  Maximilien. 

Le  lendemain,  la  députation  revint  à  Tournai,  gagna  THôtel  de  ville  et, 
là,  du  haut  du  perron,  après  avoir  fait  part  au  peuple  officiellement  réuni 
du  résullal  négatif  de  sa  mission,  elle  laissa  timidement  entendre  qu'il 
serait  préférable  pour  les  Tournaisiens  d'abandonner  la  cause  du  roi 
Louis  XH  et  de  rendre  la  ville  à  l'Empereur.  Mais  aussitôt,  une  foule 
d'artisans  escaladèrent  tumidtueusemenl  les  degrés  de  la  Halle,  bousculèrent 
maf'istrats    et    fonctionnaires    et    se   livrèrent  à   de   telles   violences    que 


placés  comme  ils  l'étaient  aux  extrêmes  frontières  du  royaume,  ils  avaient  naturellement 
plus  que  bien  d'autres  à  souffrir  des  guerres  qui,  aux  XIV"  et  XV"  siècles  surtout,  furent  à 
peu  près  continuelles.  Pour  rester  libres,  pour  rester  Français,  les  Tournaisiens  se 
montrèrent  prêts  à  tout  :  à  souffrir  dans  leur  commerce,  dans  tous  leurs  intérêts,  à 
fournir  aux  rois  de  France  des  soldats,  des  armes,  des  munitions,  et  même  à  payer  aux 
ducs  de  Bourgogne  les  plus  lourds  tributs.  On  conçoit  si,  dans  ces  conditions,  les  marques 
de  faveur  dont  les  comblaient  les  rois  de  France  étaient  justifiées.  » 

(1)  Dans  le  registre  aux  Publicalions  des  Archives  de  Tournai,  n"  341,  à  la  date  du 
16  septembre,  on  lit  :  «  Et  incontinent  ce  fait  ledit  maistre  Michiel  Alegambe  remonslra 
que  environ  iiij  lieures  du  soir  dudit  jour  debvoit  venir  à  la  porte  Cocquerel  ung  héraull 
dudit  Empereur  pour  scavoir  la  responce  finale  à  la  première  remonstrance,  disant  que 
ensivanl  l'advis  et  oppinion  du  peuple  baillé  à  la  dicte  bretesque  quant  à  la  dicte  responce 
finale  on  diroit  et  responderoit  audict  hérault,  s'il  venoit,  que  le  commun  peuple  de  la 
dicte  ville  estrc  délibéré  de  vivre  et  de  mourir  soubz  le  Roy,  mais  s'il  plaisoit  audict 
empereur  les  laissier  paisibles  et  communicquicr  amiablement  avec  les  pays  voisins, 
comme  ilz  ont  acoustumé,  on  oflroit  deniers,  fust  pour  une  fois  ou  à  pencion.  A  quoy  le 
peuple  respondit  que  tel  estoit  leur  oppinion  et  ainsy  l'entendoyent.  »  La  décision  à  prendre 
sur  la  question  de  savoir  si  Tournai  était  «  ville  impériale  ou  royale  »  ne  pouvait  être 
résolue  que  par  le  peuple,  en  vertu  de  la  charte  de  1424.  Celui-ci  s'assembla  en  ses  comices 
le  15  septembre  et  fit  la  réponse  qui  précède. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  21 

Michel  Ale|j;ambe,  qui  venait  tie  faire  rapport  sur  Tainhassade,  craignant  un 
instant  pour  la  vie  des  magistrats  communaux,  cria  à  la  foule  ameutée  : 
«  iMes  enfants,  faicles  bonne  chère,  nous  vivrons  et  mourrons  avec  vous  en 
la  querelle  du  Roy  (')  » . 

Immédiatement  le  timbre  ou  cloche  d'alarme  sonna  lugubrement  et 
appela  aux  armes  tous  les  hommes  valides;  les  bannières  furent  distribuées 
aux  différents  corps  de  métiers  et,  pour  apprendre  aux  ennemis  que 
Tournai  était  et  restait  ville  royale  française,  bientôt  flollèrent  au  haut  du 
beffroi  deux  étendards,  Tun  aux  armes  de  France,  l'autre  aux  couleurs  de 
Tournai  ('). 

Telle  fut  la  réponse  du  peuple  tournaisien  à  l'invitation  de  Ferry  Caron- 
delet  (•'). 

Avait-il  choisi  le  parti  le  plus  sage?  Comment  osait-il  espérer  repousser 
victorieusement  les  assauts  des  armées  anglo-impériales,  alors  que  la  ville 
n'avait  pas  de  garnison  française,  possédait  une  artillerie  défectueuse, 
manquait  de  poudre  (')  et  ne  pouvait  opposer  aux  troupes  aguerries  de 
Henri  VIII   et  aux  reitres  de  Maximilien  que  les  quatre  serments  dont  les 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  IS  septembre  1513. 

(2)  Amiales  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  V,  pp.  364  et  scq. 

(3)  Quand  Ferry  Carondelet  se  présenta  le  16  à  la  porte  Cocquerelle  pour  tenir  la 
réponse  des  bannières,  il  n'y  trouva  aucun  magistrat  et  dut  retourner  sans  rien  savoir  de 
positif;  cela  résulte  de  la  lecture  du  manuscrit  214  de  la  Bibliotiièque  communale  de 
Tournai  et  de  cet  extrait  des  Consaux  de  cette  ville.  Consaux  du  20  septembre  1513. 
«  De  la  remonstrance  faicte  par  les  chiefs  de  ce  qui  avoit  esté  fait  touchant  le  siège  qui  à 
présent  est  devant  ceste  ville,  par  les  Englais  et  leurs  adhérens  jusques  à  vendredy  darrain 
passé,  que  lors  les  Consaulx  ordonnèrent  le  tout  remonstrer  au  peuple.  Et  à  ce  que  on 
avoit  commenchié  à  besongnier,  pluisieurs  dudit  peuple  n'y  volurent  entendre,  par  quoy 
fut  délaissier.  Le  dit  jour  del  après-disner  vinrent  au-devant  de  le  porte  Cocquerel  quatre 
héraulx  tant  de  l'empereur  que  du  Roy  d'Angleterre  et  à  ce  que  aucuns  dépputez  furent  à 
la  porte  Cocquerel  pour  communiquier  avec  les  dépputtez  desdits  seigneurs,  mais  ne 
peurent  et  widièrent  la  dite  porte.  Et  se  partirent  les  dits  dépputez  et  héraulx.  » 

{i)  Bibliothèque  communale  de  Tournai,  Ms.  n"  214.  «  Ceulx  de  la  ville  quy  n'estoient 
guaires  proveuz  de  pouldres  ne  d'artilleries,  ne  de  gens  pour  en  tirer  et  aussy  que  les  alt'us 
de  l'artillerie  de  la  ville  estoient  tant  vieulx  que  à  chascune  fois  qu'on  liroit  ung  baston, 
les  affus  et  bendes  de  fer  se  rompoient.  »  (Voir  Annales  de  la  Société  historique  de  Tournai, 
t.  V,  p.  372.) 


22  TOURNAI  ET  LE  TOURiNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

effectifs  ne  s'élevaienl  pas  alors  au  chiffre  de  cinq  cents  hommes,  et  la 
cohue  des  gens  de  métier,  plus  ou  moins  exercée  à  l'art  de  la  guerre? 

Quoi  qu'il  en  soil,  femmes  et  enfanis  apportent  sur  les  murailles  les 
matériaux  nécessaires  à  la  défense;  les  hommes  surveillent  les  ennemis  et 
liraillenl  de  leur  mieux;  le  17  septembre,  le  lendemain  de  la  réponse,  les 
portes  de  Valenciennes  et  Cocquerelle  sont  violemment  canonnées;  le  18, 
la  haute  lour  HIandinoise  tombe  en  ruines  et  l'ennemi  est  prêt  à  tenter  le 
premier  assaui  ! 

La  silualion  est  critique;  une  troupe  française  de  quinze  à  seize  cents 
cavaliers  qui  marchait  au  secours  de  Tournai  et  à  la  tête  desquels  se 
trouvaient  Jean  d'Estables  (')  et  Nicolas  d'Aubermont  (-)  n'a  pu  pénétrer 
dans  la  place. 

Que  faire?  Courir  les  risques  d'un  assaut?  Le  peuple  se  sent  incapable 
de  supporter  cet  effort.  Aussi,  le  21  septembre,  permit-il  à  ses  magistrats  de 
tenter  une  nouvelle  démarche  près  des  alliés  pour  obtenir  d'eux  la  neutralité 
refusée  le  lo,  ou  pour  traiter  de  la  reddition  de  la  ville  dans  les  conditions 
les  moins  onéreuses. 

Mais  une  autre  question  se  posa  alors  d'elle-même.  Puisque  Tournai 
devait  capituler,  à  qui  se  rendrait-il?  A  l'Empereur  ou  à  Henri  VIII? 

Les  Tournaisiens,  sans  aucun  doute,  auraient  préféré  passer  sous  le 
sceptre  de  l'Empereur,  et  ils  l'espéraient  d'autant  mieux  que  les  Anglais  ne 
semblaient  pas  énormément  tenir  à  la  possession  du  Tournaisis;  en  outre, 
cette  solution  avait  l'avantage  immense  de  mettre  fin  aux  mille  tracasseries 


(1)  Jean  d'Estables,  licencié  es  lois,  deuxième  conseiller  pensionnaire  de  Tournai,  fils 
de  Willeniet  et  de  Laurence  de  Beringhes.  tl  mourut  le  23  avril  1316  à  Lyon.  (Arctiives 
communales  de  Tournai,  Cartulaire  de  rentes  de  1308,  p.  206,  et  Compte  général,  avril  1516 
et  septembre  1517  ) 

(2)  Colart  ou  Nicolas  d'Aubermont,  fils  de  Michel  et  de  Jeanne  Cottrel,  seigneur  del 
Planque,  de  la  Defilière,  du  Laibray,  etc.,  né  vers  1487-1488,  était,  en  1521,  grand  maire 
de  Saint-Amand-les-Eaux.  On  le  trouve  qualifié  écuyer  dés  1.508,  gentilhomme  de  l'empe- 
reur Charles  V  en  1534  et  messire  Nicolas  d'Aubermont  chevalier  en  1533.  Il  épousa  en 
premières  noces  Marie  Haneron  ou  Henneron,  puis,  en  1539,  Jeanne  de  Gavre.  [Bulletin  de 
la  Société  historique  de  Tournai,  t.  XXII,  pp.  373-374.) 


AU  POINT  DE  VUE  F>OLITIQUE  ET  SOCIAL.  23 

d'autan  auxquelles  leur  silualioii  géographique  les  avait  exposés  de  la  pari 
des  Bourguignons. 

Toutefois,  il  était  dit  que  les  Tournaisiens  ne  verraient  aucune  de  leurs 
espérances  se  réaliser.  Un  élément  nouveau  venait  d'entrer  en  ligne  en  lu 
personne  de  VV^olsey,  et  cet  élément  devait  tout  modifier. 

Thomas  Wolsey,  simple  chapelain  de  Henri  VIII,  qu'il  accompagnait 
d'ailleurs  dans  sa  descente  en  France,  convoitait  les  revenus  de  I  evéché  de 
Tournai,  ainiuel  venait  d'être  promu  Louis  Guillard  ('),  qui  n'avait  pas 
encore  pris  possession  de  son  siège  épiscopal. 

Pour  que  Wolsey  pût  réussir,  il  fallait  que  Tournai  et  le  Tourt)aisis 
devinssent  anglais.  Aussi  à  l'entrevue  qui  eut  lieu  à  .Maire  ("^),  à  la  villa  des 
iMotles  (■^),  le  24  septemhre,  dès  que  les  députés  tournaisiens  parlèrent  de 
faire  leur  souniission  à  Maximilien  d'Autriche,  les  Anglais,  stylés  par 
Wolsey,  ripostèrent  qu'il  ne  pouvait  plus  être  «  de  présent  question  sy  la 
dicte  ville  se  renderoil  à  l'Empereur  ou  non,  mais  au  Roy  (Henri  VIII), 
lequel,  comme  Roy  de  France,  la  demandoil  comme  mendjre  dudit  royaulme, 
que  Tournay  estoit  ville  royale  et  qu'avions  toujours  eu  nostre  ressort  en  la 
court  de  Parlement  de  Paris  (*)  » . 

Forcés  d'accepter  les  volontés  de  Henri  VIII,  les  députés  tournaisiens 
arrêtèrent  les  clauses  de  la  capitulation;  le  22  septembre,  les  Consaux 
firent  connaître  aux  Bannières  assemblées  (|u'oulre  l'aide  annuelle  de 
6,000  livres  tournois  (|u'elle  octroyait  antérieurement  aux  souverains 
français,   la  ville  payerait  à  Henri   VIII   une  contribution  de  guerre  de 


(■•)  Louis  Guillard,  Parisien,  fils  de  Charles,  seigneur  d'Espichelière,  président  à  mortier, 
et  de  Jeanne  de  Vignacourt,  avait  été  nommé  évéque  de  Tournai  à  la  suite  de  la  résignation 
de  Charles  du  Hautbois,  peu  avant  la  prise  de  cette  ville  par  les  Anglais.  (Voir  Le  Maistre 
d'Anstaing,  Recherches  sur  l'histoire  de  l'église  cathédrale  de  Tournai,  t.  II,  pp.  97  et  seq.) 

(2)  Maire,  fief  relevant  du  roi  de  France  où  le  bailli  avait,  en  1369,  sur  l'ordre  de 
Charles  V,  transféré  son  tribunal,  qu'il  appela  «  siège  royal  ».  Il  y  tint  ses  assises  et  en  fit 
une  importante  Cour  royale  (Cf.  A.  Allaro,  Le  premier  Bailliaye  de  Tournai-Tournaisis, 
p.  3).  On  dit  encore  de  nos  jours  à  Tournai  «  le  faubourg  de  Maire  ». 

(3)  Propriété  actuelle  de  la  famille  Sacqueleu  h  Froyennes. 

(■*)  Cette  décision  du  roi  d'Angleterre  fut  une  déception  pour  Maximilien  d'Autriche, 
et  dès  cet  instant  s'accentuèrent  entre  lui  et  Henri  VIII  les  symptômes  d'une  mésintelli- 
gence qui  commençait  à  naître. 


24  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

50,000  écus  d'or  au  soleil  ('),  eJ  peiulanl  dix  ans,  une  nouvelle  aide 
extraordinaire  de  4,000  livres  tournois. 

Le  traité  de  reddition  fut  ralille  par  le  peuple  le  23  septembre;  le  même 
jour,  les  quatre  chefs  de  la  Loi  (-')  allèrent  présenter  les  clefs  de  Tournai 
à  fleuri  VIII,  (|ui  les  attendait  près  du  cliâieau  de  .Marlière  ('),  et  quatre  mille 
fantassins  anglais  occupèrent  les  remparts  de  la  ville.  Le  samedi  24,  tous 
les  manans,  réunis  sur  la  Grand'Place,  prêtèrent  le  serment  de  lidéliié  au 
nouveau  souverain,  et  le  lendemain,  vers  10  heures  du  matin,  Henri  VIII 
fil  son  entrée  solennelle  dans  Tournai. 

Tournai  qui  oncques  n'avoit  tourné,  comme  disaient  alors  les  Tournaisiens, 
tourna  cette  fois  ('). 


(1)  Celte  contribution  de  guerre  fut  totalement  payée  à  Robert  Uymoli,  trésorier  de 
Henri  VIII,  le  9  juin  lol4,  ainsi  que  le  prouve  la  quittance  reposant  à  Tournai.  (Archives 
communales,  Chartrier,  layette  de  lol4.) 

(■-!)  La  Loi  était  formée  par  la  totalité  du  magistrat;  les  chefs  de  la  Loi  se  composaient 
des  deux  prévôts,  des  deux  mayeurs,  des  échevins,  du  mayeur  et  du  sous-mayeur  des 
éwardeurs,  du  grand  doyen  et  du  grand  sous-doyen  des  métiers,  auxquels  s'ajoutaient 
dans  les  circonstances  difficiles  les  conseillers  pensionnaires.  (Voir,  aux  .archives  commu- 
nales de  Tournai,  une  charte  de  I4o3.) 

(3)  Le  château  de  la  Marlière  appartient  actuellement  à  M.  .Auguste  Crombez  et  est 
situé  sur  la  commune  d'Orcq,  près  Tournai. 

(*)  .Après  la  capitulation  de  Tournai,  les  Français  crièrent  à  la  trahison  et  accusèrent 
notamment  le  magistrat  et  les  riches  bourgeois  d'avoir  livré  la  ville  ou  à  tout  le  moins 
d'avoir  mis  obstacle  à  sa  défense.  (Voir  Bibliothèque  communale  de  Tournai,  .Ms.  n°  198, 
dit  Du  Fief.)  Y  a-t-il  eu  trahison  au  sens  propre  du  motï  IS'ous  ne  le  croyons  pas  ou  du 
moins  nous  n'avons  connaissance  de  l'existence  d'aucun  document  corroborant  cette 
opinion.  Assurément,  la  partie  aristocratique  et  commerçante  du  magistrat  communal,  avec 
les  marchands  et  bourgeois  de  Tournai,  aurait  préféré  un  traité  de  neutralité  au  siège.  Car 
ils  devaient  craindre  que  ce  siège  ne  devînt  le  prétexte  de  l'entrée  d'une  garnison  française 
dans  Tournai  et  par  conséquent  la  cause  de  la  violation  du  traité  du  22  octobre  1478,  ce 
qui  les  exposait  à  la  confiscation  pure  et  simple  des  biens  et  rentes  qu'ils  possédaient  en 
•Artois,  en  Flandre  et  en  Hainaut,  ou  à  la  prise  des  marchandises  qu'ils  envoyaient  en  ces 
contrées.  —  Pour  couper  court  une  fois  pour  toutes  à  ce  qu'on  a  pu  conter  sur  «  le  long 
séjour  »  de  Henri  ;\  Tournai,  disons  en  passant  qu'entré  dans  cette  ville  le  2o  septembre, 
il  en  sortit  définitivement  le  13  octobre  suivant.  (Voir  .Archives  communales  de  Tournai, 
Consaux,  séance  du  13  octobre  1313.) 


AU  POINT  DK  VIE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  23 


CHAPITRE  II. 

RETOUR  DU  TOURNAISIS  A  LA  FRANCE  (1S18). 

SoMMAiKE.  —  I.  État  des  esprits  après  la  prise  de  Tournai  par  Henri  VIII.  —  II.  Politique 
de  François  I"  à  son  avènement  au  trône.  —  III.  Ambassade  de  Bonnivet  à  Londres  et 
traité  de  Londres  du  14  octojjre  1S18. 

I.  Un  Irailé,  lil-on  quelque  pail,  n'a  jamais,  du  jour  au  lendemain,  modifié 
le3  senliments  intimes  d'un  peuple.  La  conquête  du  Tournaisis  par  l'Angle- 
terre en  fournit  la  preuve. 

Les  Tournaisiens,  habilués  depuis  des  siècles  au  gouvernement  paternel 
des  rois  de  France,  se  plièrent  diflicilement  à  l'autoritarisme  du  roi  Henri  VIII. 

.Mais  la  plus  grande  cause  de  la  mésintelligence  qui  éclata  entre  eux  et 
le  Gouvernement  anglais,  résulta  de  ce  que  le  changemeni  de  nationalité 
faisaii  violence  à  leurs  sentiments  français.  L'âme  populaire  tournaisienne 
étail  essentiellement  française. 

Déjà  durant  les  pourparlers  en  vue  de  l'obtention  de  la  neutralité,  le 
peuple,  méprisant  ses  magistrats  et  exagérant  son  loyalisme,  avait  crié  à  la 
Iraliison  (^);  plus  lard,  après  la  capitulation,  il  ne  put  comprendre  la  fiction 
en  vertu  de  laquelle  Henri  VIII  administrait  le  Tournaisis  comme  roi 
de  France. 

Pour  lui,  ce  n'étaient  plus  ses  anciens  souverains,  «  ses  naturels  el  droic- 
luriers  seigneurs  »  qui  le  gouvernaient,  mais  Henri  VIII,  un  usurpatein". 

Il  ne  veut  pas  s'accommoder  du  nouvel  ordre  des  choses;  les  uns  chan- 
sonnenl  le  roi  et  ridiculisent  Hein-i  VIII  et  sa  suite;  d'autres  (|uiHent  leurs 
foyers  pour  aller  s'installer  en  France;  un  moment  même,  l'Anglais  se 
demande  anxieusement  s'il  parviendra  à  conserver  Tournai  el  le  Tournaisis, 
tanl  est  grande  l'hostilité  de  la  population  (-). 


(1)  Bulletins  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  IX,  p.  359. 

(2)  Dans  les  Calendars  oj'  lelters  and  papers  foreign...  of  tlie  reiyn  of  llenri)  VIII,  on 
trouve  sous  la  date  du  24  avril  1514  :  «  Spinelly  to  Henry  VIII...  The  principal  say  tlie 
king  will  not  be  abbe  to  keep  Tournay  three  months...  » 

Tome  I.  —  Lettres,  etc.  4 


26  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

Cepondant  rien  n'élait  négligé  pour  faire  comprendre  aux  Tournaisiens 
l'inulililé  de  leurs  espérances  ou  de  leurs  regrets. 

Le  gouverneur  anglais  Edward  Ponyngnes  (^),  contrairement  à  un  immé- 
morial usage,  prend  lui-même  sous  sa  garde  les  bannières  des  métiers,  dont 
il  avait  fait  préalablement  enlever  les  armoiries  de  la  France  dans  la  crainte 
qu'elles  ne  devinssent  cause  «  de  plusieurs  grands  dangers  et  incon- 
vénients Ç^)  ».  Des  monuments  publics,  des  portes  de  la  ville,  enfin  de  tous 
les  édifices,  on  gratte  les  armes  des  anciens  rois,  à  seule  fin  de  les  remplacer 
par  le  léopard  anglais  (^). 

On  ne  se  contente  point  de  faire  disparaître  toute  trace  extérieure  qui 
rappelle  la  France;  on  veut  aussi,  par  toute  espèce  de  moyens,  forcer  la 
conviction  du  peuple,  lui  faire  croire  que  la  France  Tabandonne  à  toujours. 

Le  2i  novembre  1514,  Ponyngnes  annonce,  en  pleins  Consaux,  que  par 
le  traité  de  Londres  du  7  août  précédent,  le  roi  Louis  XII  renonçait  défini- 
tivement à  Tournai   et   à   son   bailliage  (^);  quelques   mois   plus   tard,  le 


(1)  Edward  Ponyngnes  avait  été  laissé  par  Etenri  VIII  à  son  départ  de  Tournai,  le 
13  octobre  1313,  comme  gouverneur  de  la  ville  et  commandant  de  la  garnison. 
(■■!)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  21  décembre  1313. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  3  juin  1516  :  «  De  l'advertis- 
sement  fait  par  Mons.  le  Gouverneur  de  osier  aux  portes,  murailles  et  autres  lieux 
publicques  en  ceste  ville  les  armes  de  France  et  y  mectre  les  armes  du  Roy  notre  sire  ».  — 
En  marge  :  «  On  est  d'assens  de  obéyr  aux  bons  plaisirs  de  mon  dit  sieur  le  Gouverneur  ». 
—  Et  cet  autre  extrait  :  «  Le  vendredy  xi«  jour  de  septembre  l'an  mil  v«  et  xvi  par  l'ordon- 
nance de  niess"^'  les  chiefz  de  la  Loy  de  ceste  ville,  les  quatre  Consaulx  d'icelle  furent 
assamblez  et  leur  fut  déclaré  que  nions"'  de  Monjoy,  lieutenant  et  gouverneur  général  du 
Roy,  notre  sire,  fut  le  jour  d'hier  es  deux  chambres  d'artilleries  d'icelle  ville  et  en  l'une 
d'icelles  chambres,  il  trouva  aucuns  pignons  qui  estoient  semez  de  fleur  de  lis,  disant  que 
on  les  lui  envoyst...  » 

(4)  La  paix  fut  conclue  à  Londres  le  7  août  1514,  par  un  traité  qui  stipulait  le  mariage 
de  Louis  XII  avec  Marie,  sœur  de  Henri  Vlll.  —  A.  d'Herbomez,  dans  La  géographie 
historique  du  Touruaisis,  p.  71,  dit  :  «  Il  garda  pendant  presque  cinq  années  cette  conquête 
(Tournai  et  leTournaisis);  mais  aucun  acte  diplomatique  ne  la  lui  confirma  d'une  manière 
explicite.  Toutefois,  les  traités  de  Londres  du  7  août  1314  et  de  Westminster  du  S  avril  1313, 
passés  entre  la  France  et  r.\ngleierre,  stipulent  tous  deux,  presque  dans  les  mêmes  termes, 
que  tant  que  ces  traités  auront  leur  valeur,  aucun  des  contractants  ne  pourra  aller  à 
rencontre  des  places  tenues,  occupées  ou  possédées  {oppida  habita,  tenta,  possessa  ant 
occupata)  par  l'autre.  Ces  traités,  qui  sont  dans  Rymer,  reconnaissent  donc,  en  quelque  sorte 
implicitement,  la  possession  du  Tournaisis  au  roi  d'Angleterre.  »  (Voir  Rymer,  op.  cit., 
t.  I,  p.  64.) 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  37 

20  juillet  1545,  ce  sont  des  ambassadeurs  anglais,  en  mission  à  Tournai 
qui  déclarent  «  que  Louis  XII  ne  se  soucie  plus  des  Tournaisiens  et  que 
celui-ci  refuserait  même  leur  ville,  s'ils  parvenaient  à  la  lui  livrer  ». 

Cependant  ces  révélations  intéressées  ne  produisirent  pas  l'elTet  attendu- 
elles  ne  changèrent  point  les  dispositions  du  peuple  lournaisien  à  l'égard  de 
l'Angleterre,  ot  s'il  faut  en  croire  Sampson  (*),  «  toute  la  contrée  continua 
à  être  violemment  exaspérée  contre  les  Anglais  »  et  les  Consaux  furent 
toujours  «  de  très  bons  Français  et  de  très  mauvais  Anglais  ».  Sampson  finit 
un  jour  par  avouer  à  Wolsey  «  que  le  roi  de  Franco  avait  plus  de  pouvoir 
sur  les  Tournaisiens  que  Henri  Vlll  lui-même,  et  que  ce  qui  indignait  le 
plus  le  Tournaisis,  c'était  précisément  le  changement  de  nationalité  (')». 

Le  21  novembre  1514,  plus  d'une  année  après  la  capitulation,  le  gouver- 
neur constate  lui-même  que  nombreux  sont  les  Tournaisiens  qui  refusent  de 
prêter  le  serment  de  fidélité  à  l'Angleterre;  les  habitants  d'IIelchin,  de  Saint- 
Génois,  de  Bossuyl,  etc.,  les  imitent  (•''),  et  ce  mouvement  devient  si  général 
qu'en  octobre  1515,  Henri  Vlll  se  crut  dans  l'obligation  d'envoyer  dans  le 
Tournaisis  une  commission  de  six  personnes,  avec  charge  spéciale  de  forcer 
à  un  nouveau  serment  de  fidélité  la  population  tout  entière,  les  magistrats 
comme  les  simples  particuliers  (*). 

Au  reste,  le  régime  français  n'avait  pas  laissé  des  regrets  que  dans  la 
masse  du  peuple.  Tel  un  chêne  plusieurs  fois  séculaire,  il  avait  poussé 


(1)  Ricliard  Sampson,  docteur  in  utroqtie  jure,  avait  été  ctiargé  par  Wolsey,  lors  de  sa 
nomination  comme  évoque  de  Tournai,  de  prendre  soin,  en  son  lieu  et  place,  des  intérêts 
spirituels  du  diocèse.  C'était  un  ami  d'Érasme  avec  qui  il  entretint  jusqu'à  sa  mort  (1S5S) 
une  correspondance  assez  suivie. 

(2)  Dans  les  Calendars  on  trouve  la  preuve  de  ces  faits.  (Voir  spécialement,  à  ce  sujet,  les 
lettres  de  Sampson  à  Wolsey,  datées  du  23  septembre  et  du  6  novembre  1314.) 

(3)  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Chambre  des  comptes  de  Flandre,  carton  32, 
n"20. 

(*)  Quoique  les  traités  de  Londres,  du  7  août  1514  et  de  Westminster  du  5  avril  1515, 
aient  implicitement  reconnu  la  possession  du  Tournaisis  au  roi  d'.\ngleterre,  nous  ne 
pouvons  voir  dans  l'envoi  de  cette  ambassade  extraordinaire,  un  des  effets  de  ces  deux 
traités;  l'obligation  d'un  nouveau  serment  de  fidélité  fut,  à  notre  avis,  imposée  au  roi 
Henri  Vlll  par  son  manque  de  confiance  dans  les  sentiments  de  la  population  tournaisiennc 
à  l'égard  de  l'Angleterre. 


28  TOURNAI  ET  LE  TOL'RNAISIS  AU  XVI'  SIECLE 

(le   profondes   racines  aussi   bien  dans   la   riche   bourgeoisie  que  dans  la 
noblesse  du  bailliage  et  le  clergé. 

Cinq  mois  après  le  renouvellement  de  la  loi  du  20  février  151 4,  dix-neuf 
magistrats  municipaux,  par  sympathie  pour  la  France,  abandonnent  leurs 
fonctions  communales  et  s'expatrient  (').  D'autres  Touruaisiens,  et  parmi 
eux  des  magistrats  du  rang  le  plus  élevé  ou  des  membres  de  la  noblesse,  se 
montrent  plus  hardis,  ourdissent  des  complots  contre  TAnglelerre  ("^);  on 
vil  même  Nicolas  de  Saint-Genoix,  ancien  grand  prévôt  f  ),  Jean  d'Eslable, 
second  conseiller  pensionnaire  {*),  Jean  de  Matines  f  ),  François  de  la 
Howarderie  (")  et  d'autres  conspirer  contre  Henri  VIII. 


(<)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi  de  l'époque. 

("^)  Edward  Ponyngne,  gouverneur  de  Tournai,  n'informe-t-il  pas,  le  1 1  septembre  1314, 
Marguerite  d'Autriche,  gouvernante  des  Pays-Bas,  de  la  découverte  d'une  conjuration 
formée  pour  rendre  Tournai  à  la  France?  (Voir  Lettres  de  Louis  XII,  t.  IV,  p,  333.) 

(3)  Nicolas  de  Saint-Genoix,  chevalier,  seigneur  de  Clairieu,  de  Haudion,  etc.;  bourgeois 
de  Tournai  par  relief  du  14  février  1473,  fit  partie  de  la  magistrature  de  cette  ville  comme 
juré,  éwardeur,  second  prévôt  et  souverain  prévôt.  Magistrat  énergique,  il  jouit  longtemps 
d'une  grande  popularité,  qu'il  méritait  par  ses  talents  et  son  courage.  En  1301,  étant  sou- 
verain prévôt,  il  assiégea  et  prit  la  ville  de  Saint-Ainand,  que  défendait  une  garnison 
bourguignonne;  mais  en  1302,  lorsque  son  administration  fut  contrôlée,  quarante  mille 
tlorins  manquaient  dans  la  caisse  communale  et  les  jurés  le  condamnèrent  au  bannissement 
perpétuel.  (D'après  le  Registre  de  la  Loi,  n"  143,  de  Saint-Genoix  et  son  complice  Desfar- 
vaques  ne  furent  condamnés  qu'à  la  restitution  de  vingt-quatre  mille  florins.  Voir  plus 
loin.)  Ses  biens  furent  confisqués  et  il  dut  quitter  la  ville  précipitamment.  Il  se  rendit 
d'abord  au  château  épiscopal  de  Wez,  puis  à  -Mortagne,  dont  il  fut  nommé  gouverneur 
par  le  roi  Louis  XII,  ce  qui  fait  croire,  dit  M.  le  comte  du  Chastel,  que  son  exil  de 
Tournai  était  plutôt  dû  aux  intrigues  austro-bourguignonnes,  qu'au  déficit  signalé  plus 
haut.  Voir  C'«  P. -A.  du  Chastel,  ?>otices  généalogiques  tournaisieiines,  t.  III,  pp.  426-427.) 
Saint-Genoix  était  donc,  malgré  son  bannissement,  revenu  habiter  Tournai. 

(•*)  Jean  d'Estable,  licencié  es  lois,  deuxième  conseiller  pensionnaire  de  Tournai,  était  le 
fils  de  NVillemet  et  de  Laurence  de  Beringhes.  —  D'après  un  Cartulaire  de  rentes  de  I50S, 
fol.  216,  reposant  aux  Archives  communales  de  Tournai,  il  mourut  à  Lyon  le  23  avril  1316. 

(»)  Jean  de  Malines,  fils  de  Simon  et  de  Jeanne  Potier;  il  épousa  Jeanne  Englebert. 
{Mémoires  de  ta  Société  historique  de  Tournai,  t.  XXIII,  p.  471.)  Il  occupait  les  fonctions  de 
juré  le  21  mai  loOl,  mais  le  23  février  1304  (n.  s.),  les  Consaux  le  déclarèrent  «  non 
ydoisnes  »  à  être  juré  encore,  parce  qu'il  avait  été  banni  de  Tournai.  (Archives  communales 
de  Tournai,  Consaux,  aux  dates  précitées.) 

(6)  François  du  Chastel,  dit  de  la  Howarderie,  prénommé  parfois  Ferdinand,  seigneur 
de  Montgobert  et  du  Fontenil,  (ils  d'Antoine  et  de  Claude  de  la  Fleschière  ou  de  la  Fléchère. 
Ses  biens  situés  dans  le  Tournaisis  furent  confisqués  vers  1514  par  Henri  VIII,  dont  il 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  29 

D'auln;  part,  le  clergé  toiil  entior  épousa  riocilemeni  la  (|uerolle  de  son 
évê(|ue,  Louis  Guillard,  lequel  refusait  de  venir  prendre  possession  de  son 
siège  épiscopal  pour  ne  point  être  forcé  de  prêter  un  serment  de  fidélité  à 
Henri  VIH. 

Bref,  riiostilité  contre  TAngleterre  devint  tellement  générale,  que  la  gar- 
nison crut  un  instant  son  exislence  en  danger  et  qu'elle  alla  s'abriter  derrière 
les  murs  d'une  vaste  citadelle  que  Henri  VIII  fil  construire  en  4  515,  sur  la 
rive  droite  de  l'Escaut  ('). 

H.  Telle  était  la  situation  des  esprits  dans  le  Tournaisis,  quand  François  I*"" 
succéda  à  Louis  XII  ('■). 

Le  nouveau  roi  «  ne  supportait  qu'impatiemment  de  voir  une  de  ses  |)lus 
fidèles  provinces  en  la  main  de  l'étranger.  Aussi  le  voit-on,  dès  que  ses 
relations  avec  Henri  VMI  ont  pris  une  tournure  plus  amicale,  négocier  avec 
ce  prince  la  rétrocession  du  Tournaisis  à  la  couronne  de  France  (^)  ». 
Cependant  ces  premières  négociations  échouèrent,  parce  que  Henri  VUI 
exigeait,  en  échange  du  Tournaisis,  quelques  places  fortes  dans  les  environs 
de  Calais,  que  la  France,  pour  ne  point  consolider  la  situation  des  Anglais 
autour  de  cette  ville,  ne  voulut  pas  céder. 

François  1"'  s'aperçut  facilement  qu'il  n'atteindrait  pas  son  but,  s'il  ne 
parvenait  à  vaincre  l'opposition  que  lui  faisait  l'archevêque  d'York,  Thomas 
Wolsey. 


n'avait  jamais  été  le  vassal,  pour  cause  de  rébellion.  (D'après  P. -A.  du  Chastel,  op.  cit., 
t.  I,  p.  449.)  Les  biens  de  François  du  Chastel,  ainsi  que  ceux  de  François  de  Basse 
ne  furent  en  réalité  confisqués  par  Henri  VIII,  au  profit  de  William  Sampson,  que  le 
12  août  1.518.  (Voir  Rymeh,  op.  cit.,  t.  VI,  p.  146,  l'^  col.)  Henri  VIII  frappa  de  bannisse- 
ment et  de  confiscation  des  biens  ces  quatre  conjurés,  tandis  qu'il  pardonna  aux  autres 
petits  bourgeois  tournaisiens  qui  avaient  conspiré  contre  lui.  (Voir  dans  Rvmer,  op.  cit.,. 
t.  VI,  p.  lOo,  col.  2,  une  charte  donnée  à  Westminster  sous  la  date  du  1"  octobre  1513  ) 

(1)  En  parlant  de  la  construction  de  cette  forteresse,  Polydore  Vergii.e,  Anglicae 
Historiae  libri  viginti  septem,  p.  633,  dit  :  «  Sed  cum  Henricus  in  ea  urbe  arcem  magnis 
sumptibus  condidisset,  ut  ne  in  populi  invidiam  inveniretur...  »  Pour  plus  de  détails  sur 
la  construction  de  cette  citadelle,  voir  Annales  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  V, 
pp.  .323-326. 

(2)  Louis  XII  mourut  le  1*'' janvier  1313. 

(•*)  A.  d'Heiirome/,  Géographie  Imtoriqiie  du  Tournaisis,  p.  72. 


30  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

Celui-ci,  en  effet,  à  seule  fin  d'avoir  la  jouissance  des  quatre-vingl  mille 
livres  de  revenus  allaehées,  dil-on,  à  levêché  de  Tournai,  avait  profilé  de 
ce  que  Louis  Guillard  refusait  de  jurer  fidélilé  à  Henri  VIII  (')  pour  faire 
déclarer  cet  évèché  vacant  en  régale  et  se  faire  choisir  comme  évéque  de 
Tournai  par  le  pape  (■). 

Aussi  dès  les  premiers  pourparlers  de  François  I""  concernant  la  rétro- 
cession du  Tournaisis  à  la  France,  n'eul-il  garde  de  conseiller  à  Henri  VIH 
d'abandonner  Tournai. 

Bien  au  contraire,  afin  de  mieux  s'assurer  la  conservation  des  quatre-vingl 
mille  livres  de  rentes,  il  engagea  fortement  François  !•"  à  doter  Louis 
Guillard  de  quelque  bon  bénéfice,  en  compensalion  de  la  perte  que  ce  dernier 
venait  d'éprouver  par  sa  deslilution  de  la  diij;nilé  épiscopale. 

François  i"""^  ne  perdit  pas  courage;  il  circonvint  le  premier  ministre  de 
Henri  VIII,  l'amusa  par  des  promesses  qu'il  ne  songeait  nullement  à  tenir, 
tandis  qu'en  même  temps,  il  appuyait  secrètemeni  prés  de  la  Cour  de  Rome 
les  instances  réitérées  de  Guillard,  qui  réclamait  du  pape  son  rétablissement 
à  la  tète  de  l'évêché  de  Tournai  (^).  D'autre  pari,  en  bon  politique,  il  solli- 
citait ouvertement  en  faveur  de  Wolsey  le  chapeau  de  cardinal,  afin  de  se 
concilier  les  faveurs  du  ministre  lout-puissanl  de  Henri  VIII. 

Le  pape  Léon  X  ne  prêta  d'abord  pas  grande  attention  aux  sollicitations 
de  Louis  Guillard;  mais  après  que  François  I"'  eut  traversé  les  Alpes  et 
menacé  le  Milanais,  il  se  crut  en  danger  et  s'empressa  d'accorder  au  protégé 


(1)  Louis  Guillard  avait  été  nommé  évêque  de  Tournai  par  acte  de  l'archevêque  métro- 
politain de  lieinis  en  date  du  11  septembre  lol3.  (Voir  Archives  de  l'Etat  à  Mons,  fonds 
de  l'évêché  de  Tournai,  n"  84.) 

(2)  Thomas  Wolsey  avait  été  nommé  évêque  de  Lincoln  le  8  février  1314  et  archevêque 
d'York  le  o  août  de  la  même  année.  (Voir  Ry.mer,  op.  cit.,  t.  Vil,  pp.  34  et  66. J  Léon  X  mit 
Wolsey  à  la  tête  de  l'évêché  de  Tournai  par  bulle  du  3  juin  1514.  (Voir  Archives  du 
Royaume  ;"»  Bruxelles,  Chambre  des  comptes,  cartons  32  et  33.)  Il  avait  été  d'autant  plus 
facile  à  Wolsey  de  se  faire  choisir  comme  évêque  de  Tournai,  que  Louis  Guillard,  l'évêque 
en  titre,  refusait  obstinément  de  venir  prêter  serment  de  fidélité  à  Henri  VIH  et  ne  prenait 
point  possession  de  son  siège  épiscopal. 

(3)  Strype's,  Eccl.  Memorials,  t.  1,  pp.  13  et  seq.  —  Thomson's,  Memoirs  of  the  Court  of 
Henry  the  eighth,  t.  1,  pp.  200  et  seq.  —  Rapin  Thoyras,  op.  cit.,  t.  V,  pp.  98  et  seq.  — 
Ryher,  op.  cit.,  t.  X,  p.  177.  —  Polyuore  Vergile,  op.  cit.,  p.  646. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  31 

de  la  Franco  une  bulle  [)ar  la(|uell(^  il  le  rétablissail  sur  le  trône  épisropal  de 
Tournai  el  lui  permeltait  môme  d'en  appeler  au  bras  séculier,  si  quelqu'un 
y  mettail  opposition  ('). 

Henri  VIII  se  sentit  offensé  de  voir  replacer  à  la  tête  du  diocèse  de 
Tournai,  un  évoque  qui  avait  refusé  de  lui  jurer  fidélité.  Il  en  appela  à  la 
Cour  romaine  el,  en  janvier  1318,  il  prescrivit  à  son  ambassadeur  à  Rome, 
Silveslre,  évoque  de  Winchester,  de  protester  énergiquement  près  du  pape 
au  sujet  de  la  réinslallation  de  Guillard  (■^)  en  qualité  d'évèque  de  Tournai,  et 
de  faire  principalement  remarquer  à  Léon  X  que  l'entrée  dans  le  Tournaisis 
du  candidat  de  la  France  provoquerait,  sans  aucun  doute,  une  sédiiion  du 
peuple  contre  l'administration  anglaise. 

Le  pape  était  perplexe;  peut-être  même  se  préparait-il  à  révo(|uer  la 
malencontreuse  bulle,  quand  il  apprit  que  François  1'^'",  après  avoir  battu 
les  Suisses  à  Marignan,  s'était  emparé  de  Milan  et  du  Milanais. 

Ce  n'était  point  le  moment  d'arrêter  le  vainqueur;  toutefois,  pour 
ménager  la  susceptibilité  de  Henri  VIII,  qui  avait  été  et  était  encore  son 
allié,  Léon  X  eut  recours  aux  moyens  dilatoires  alors  fort  en  usage  à  Rome, 
et  prit  le  parti  de  remettre  Taiïaire,  tout  en  donnant  secrètement  l'ordre 
d'en  différer  le  plus  possible  la  solution,  à  l'examen  de  François,  évêque 
d'Albe,  et  d'Achille,  cardinal  du  titre  de  Saint-Sixte  (^). 

Wolsey  ne  fut  pas  dupe  et,  exaspéré,  il  chercha  à  brouiller  derechef  la 
France  et  l'Angleterre. 

Avare  et  cupide  (*),  sans  reconnaissance  pour  François  I"  à  qui  il  devait 
le  cardinalat  (4  516),  il  amena  son  maître  à  protester  à  nouveau  près  de 
Léon  X  contre  le  rétablissement  de  Guillard  à  Tournai. 

Le  pape  fut  plongé  dans  de  nouvelles  hésitations;  puis,  abandonnant 
totalement  la  France,  il  assigna  Guillard  à  com|)araitre  dans  les  quarante 
jours  devant  les  deux  prélats  qu'il  avait  chargés  de  l'examen  de  l'affaire  et 


(1)  Rymer,  op.  cit.,  t.  VI,  p.  132,  col.  1. 

(■i)  British  Muséum,  Collection  harléienne,  Ms.  29,  fol.  59. 

(3)  Rapin  Thoyras,  op.  cit.,  t.  V,  p.  100.  —  Rymer,  o/i.  cit..  i.  Vi,  p.  132,  el  t.  X,  p.  177. 

(*)    POLYDORE  VeRGILE,  0)).  Cit.,  p.  653. 


32  TOURNAI  ET  LE  TOUHNAISIS  AU  XVI    SIÈCLE 

réintégra  en  même  temps  VVolsey  dans  l'administration  pleine  et  entière  du 
diocèse  de  Tournai  (^). 

Cela  se  passait  le  17  avril  1518. 

III.  Un  moment,  François  1*='  songea  à  la  guerre  ('-);  mais  désirant 
cependant  épuiser,  au  préalable,  toutes  les  ressources  que  lui  offrait  la 
diplomatie,  le  31  juillet  1518,  il  envoya  Guillaume  Goulïier,  seigneur 
de  Bonnivet  en  ambassade  extraordinaire,  traiter  à  Londres  même  l'atTaire 
de  la  rétrocession  à  la  France,  de  Tournai  et  du  Tournaisis  (^). 

Pour  éblouir  Henri  VIII  et  sa  cour,  Bonnivet  partit  pour  l'Angleterre 
avec  «  vingt-cinq  mulets  de  colTres  barnacbez  très-superbement  e(  les 
couvertes  toutes  de  velours  cramoisy,  avecques  ses  armes  toutes  en  broderie 
d'or  et  d'argent  »  (*);  de  l'or  et  des  lettres  de  crédit  devaient  lui  suffire  pour 
gagner  le  premier  ministre  NVolsey  à  la  cause  française. 

Bonnivet  sut  plaire  au  roi  et,  après  un  entrelien  avec  NVolsey,  il  obtint 
ce  qu'il  désirait  du  ministre  anglais.  On  s'élonnera  moins  du  subit  cban- 
gement  d'atliiude  du  premier  ministre  de  Henri  VIII,  quand  on  saura  que 
Bonnivet  lui  promit,  de  la  part  de  François  1"',  une  pension  annuelle  et 
viagère  de  douze  mille  écus  d'or,  s'il  voulait  consentir  à  renoncer  au  temporel 
de  l'évécbé  de  Tournai  ('). 


(1)  Rymer,  op.  cit.,  t.  VI,  p.  132,  col.  2. 

(!2)  Thomson,  op.  cit.,  t.  I,  p.  199;  Annales  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  V, 
p.  330,  note  2;  dans  Gacharo,  La  Bibliothèque  nationale,  t.  II,  p.  44,  on  trouve  une  lettre 
de  l'ambassadeur  de  France,  de  la  tSoche-Beaucourt,  datée  du  lo  mai  1518,  qui  contient 
entre  autres,  ce  qui  suit  :  «  qu'il  (=  Henri  VIII)  ne  croit  point  que  le  roy  de  France  lui 
veuille  faire  la  guerre  et  qu'il  n'y  a  point  de  raison,  et  que,  sy  l'on  voulait  dire  que  ce  feust 
pour  Tournay,  qu'il  ne  le  croit  pas,  car  il  a  Tournay  du  consentement  du  roy  Louis, 
derrenier  trespassé,  qui  l'a  délaissé,  avecques  ce  le  pape  s'y  est  consenly  et  qu'il  exboni- 
munye  tous  ceulx  qui  vont  au  contraire,  et  que  depuis  le  roi  l'a  voulu  achapter  de  luy  par 
plusieurs  foys  et  encore  dernièrement...  »;  à  la  page  79,  on  trouve  encore  :  «  que  à  l'heure 
vous  (=  François  1")  requîtes  [Charles  d'Autriche]  de  faire  la  guerre  au  roy  d'Angleterre 
pour  ravoir  la  ville  de  Tournay,  chose  qu'il  vous  desconseilla  et  que  vous  laissastes  à  sa 
requeste...  » 

(3)  Rymer,  op.  cit.,  t.  VI,  p.  144. 

(t)  Brantôme,  Vie  des  hommes  illustres.  Paris,  1822,  t.  II,  p.  163. 

(S)  Kymer,  op.  cit.,  t.  VI,  p.  142. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  33 

Rassuré  au  point  de  vue  pécuniaire,  VVolsey  accepta  les  offres  de 
François  I"  et  favorisa  dès  lors  de  tout  son  pouvoir  la  réalisation  du  projet 
du  roi  de  France.  Henri  Vlll  se  rendit  aux  arguments  que  Wolsey  Ht  valoir 
en  laveur  de  la  cession  de  Tournai  à  la  France  (').  Sollicité  en  outre  par  le 
jeune  Charles  d'Autriche  de  rendre  à  François  l"'  Tournai  et  son  bailliage  (^), 
il  consentit  au  retour  du  Tournaisis  au  domaine  de  la  couronne  française 
aussi  facilement  qu'il  en  avait  décidé  l'annexion  à  ses  propres  États. 

Des  négociations  entreprises  à  cet  effet  sortit  le  traité  de  Londres  du 
4  octobre  4318.  Marie,  fille  unique  de  Henri  VIH,  —  elle  avait  à  peine 
quatre  ans  —  fut  fiancée  au  jeune  dau|)hin  qui  avait  un  an,  et  Tournai  et 
le  Tournaisis  devaient  être  rendus  à  la  France  contre  le  paiement,  en  termes 
semestriels,  d'une  somme  de  six  cent  mille  couronnes  d'or,  dont  trois  cent 
trente-trois  mille  étaient  promises  au  dauphin  comme  dot  de  Marie  ('^). 


(^)  PoLYDORE  Vergile,  op.  cU.,  p.  6S3.  «  Ilaque  Volsaeus  primo  Henricum  aggreditur, 
docet  quanti  urbs  redimanda  sit,  persuadet  quod  vult,  deinde  ad  consilium  rem  defert, 
argumenta  proponit,  quamobrem  e  republica  sit,  dimittere  locum  longe  a  finibus  Anglicis 
positum,  qui  régi  nuiio  unquam  tempore,  nisi  Caroli  Flandriae  principis  permissu,  usai 
esse  possit,  adeo  ut  ejus  possessio  precario  quasi  habeatur...  » 

(2)  Gachard,  op.  cit.,  t.  II,  p.  39.  En  avril  1318,  l'ambassadeur  français  à  Madrid, 
de  la  Roche-Beaucourt,  fait  connaître  à  son  gouvernement  que  Charles-Quint  envoie  (au 
roi  Henri  VIII)  «  le  prévôt  Carondelet,  aussy  pour  remonstrer  l'accident  qui  pourroit  estre, 
si  caste  guerre  (entre  la  France  et  l'Angleterre)  s'émouvoit  et  pour  le  faire  condescendre  à 
rendre  Tournay...  ». 

(3j  Rymer,  op.  cit.,  t.  VI,  pp.  ISl  et  ISS.  —  M.  A.  n'HERnoMEZ,  Géographie  historique  du 
Tournaisis,  pages  7i2-7S,  écrit  :  «  Le  traité  de  Londres  du  4  octobre  1S18  est  pour  l'histoire 
du  Tournaisis  un  document  capital.  Un  nous  permettra  donc  d'en  donner  ici  une  analyse 
détaillée,  d'après  le  texte  qu'en  a  publié  Dumont. 

Voici  d'abord  le  passage  capital  de  l'acte  :  «  Conventum,  concordatum  et  conclusum 
est  quod  dictus  rex  Angliae...  tradet  seu  tradi  faciet,  intraquadraginta  diesconfirmationem 
praesentis  Iractatus  proxime  sequentes,  Francorum  régi  civitatem  Tornacensem  cum 
adjacenti  suo  territorio,  Moritaniamque  et  S.  Amandum  et  jurisdictionem,  superioritatem, 
ressortum,  cum  pertinentiis  aliis  universis  ad  summam  sexcentorum  millium  coronarum 
auri...,  unaquaque  corona  valente  in  pecunia  galiica  iriginta  quinque  solidos  turonenses...  » 

«  000,000  couronnes  d'or  représentaient  au  XVl"  siècle  une  somme  très  considérable  et 
que  l'on  peut  évaluer  h  plus  de  deux  millions  de  notre  monnaie,  mais  François  I"  ne 
se  voyait  pas,  en  réalité,  contraint  de  sortir  toute  cette  somme  de  ses  caisses  pour  récupérer 
le  Tournaisis.  Une  compensation,  en  etlet,  était  partiellement  établie  par  notre  traité  de 
Londres,  entre  ces  600,000  couronnes  et  les  333,000  promises  au  dauphin  par  Henri  VIII 
Tome  I.  —  Lettres,  etc.  3 


34  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVb  SIÈCLE 

Le  irailé  ne  lui  cependant  ratifié  par  Henri  Vlll  que  le  9  novembre  et  par 
François  I"'"  le  14  décembre,  tandis  que  les  Tournaisiens  furent  oflîciellement 
informés  de  la  reslilution  de  leur  ville  à  la  France  le  20  novembre  1518  (^). 
Le  13  janvier  1519,  Gaspard  de  Coligny  ("-)  reçut  de  François  I'^'  l'ordre 
de  se  rendre  à  Tournai,  où  l'attendaient  les  représentants  du  roi  d'Angleterre 
pour  lui  faire  la  remise  de  Tournai  et  de  son  bailliage. 

Coligny  arriva  le  8  février  (^)  et  fil  le  lendemain  la  réception  de  la  ville; 
le  10,  Cluu-les,  comte  de  Worcesler,  releva  les  Tournaisiens  de  leur  serment 
de  lidélilé  à  l'Anglelerie  (');  l'évéque  Louis  Giiillard  vint  prendre  possession 
de  son  siège  episcopal  le  12  (''),  et  le  14  les  Tournaisiens  jurèrent  fidélité 
à  la  France  Ç^). 


pour  la  dot  de  sa  fille  Marie.  Ea  vertu  de  ce  traité,  le  roi  de  France  se  substituait  au 
roi  d'Angleterre  comme  débiteur  de  celte  dot  vis-à-vis  du  dauphin.  11  en  résultait  que 
François  1''  ne  payait  que  266,000  (sic)  couronnes  d'or,  la  rétrocession  du  Tournaisis  à  la 
France,  mais  qu'en  vue  de  cette  rétrocession,  il  s'obligeait  à  doter  de  333,000  autres 
couronnes  d'or,  la  fille  du  roi  d'Angleterre...  » 

A  la  reddition  de  leur  ville  aux  Anglais,  les  Tournaisiens  avaient  dû  accepter  de  payer 
un  tribut  de  50,000  écus  d'or  au  soleil  ;  on  a  vu,  page  24,  note  1,  que  cette  somme  avait 
été  lotalemunt  acquittée  le  1)  juin  1514.  Le  traité  du  4  octobre  1S18  dit  cependant  :  «  Con- 
venlum...  est  tjuod  cuin  cives  Tornacenses  et  cjusdem  incolae  et  liabilatores,  in  traditione 
dictac  civitutis  et  territorii  in  manus  praefati  régis  Angliae  facta,  promiserunt  eidem 
sumiiiain  quinquayiiita  uiilliuin  corunarum  ami  soivendani  eidem  haeredibus  aut  succes- 
soribus  suis,  certis  locis  et  tenninis  tune  conventis;  cujuMjuHtem  summae  certa  porlio  et 
pars  lesidua  est  et  restât  insolida;  dictus  Francorum  rex  de  residuo  dictae  summae  noiidum 
solutae  se  debiturem  raji  Anyliae  ejusque  luieredilius  et  sticcessoribus  coiistituit...  »  11  s'agit 
ici  non  des  oO,000  écus  d'or  dont  nous  parlons  plus  haut,  le  traité  est  dans  l'erreur, 
mais  de  l'aide  annuelle  extraordinaire  de  4,000  écus  d'or  à  payer  «  l'espace  de  dix  ans 
durant  »,  ce  qui  taisait  en  totalité  40,000  écus,  desquels  il  restait  dû,  au  moment  de  la 
rétrocession  de  Tournai  à  la  France,  23,000  écus.  François  I"  remboursa  immédiatement 
cette  somme  à  l'Angleterre  et  autorisa  la  ville  de  Tournai  à  lever  un  impôt  nouveau  sur  le 
brai  pour  acquitter  cette  avance.  (Voir  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  1,  p.  679.) 

(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  20  novembre  1318. 

(2)  Gaspard  de  Coligny,  seigneur  de  Chatillon,  maréchal  de  France,  père  de  l'amiral 
de  Coligny.  (Kymeii,  op.  cit.,  t.  VI,  p.  274,  col.  2.) 

(i)  Archives  communales  de  Tournai,  R-'g.  n"  39,  dit  de  Cuir  noir,  fol.  222-223. 
{*)  Hymer,  op.  cit.,  l.  VI,  pars  prima,  p.  173,  col.  1-2. 
(5)  Archives  communales  de  Tournai,  Keg.  n"  39,  dit  de  Cuir  noir,  fol.  224. 
(lij  Idem,  Consaux,  séance  du  14  lévrier  1ÎJ18  la.  s.,. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITrOUE  ET  SOCIAL.  35 

Des  lettres  patentes  datées  du  16  février  loi  9  confirmèrent  tous  les 
privilèges  des  Tournaisiens,  et  ceux-ci  saluèrent  avec  enlhousiasmc  le  retour 
de  leurs  anciennes  couleurs.  Ils  élaienl  loin  do  se  douter  qu'avant  peu  elles 
disparaîtraient  définitivement  de  leurs  murs  (^). 


(■>)  Hennr,  Histoire  de  Charles-QuiiH,  t.  II,  p.  237.  —  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  I, 
pp.  G72-673  Le  8  février  1519,  Antoine,  comte  de  Fauquemberglie,  baron  di!  Ligne  et  de 
Bailloel  (Belœil),  seigneur  de  Montreuii,  de  Tluilin,  donne  plein  pouvoir  ^  Jean  de  Hesdin, 
écuyer,  conseiller  et  maître  d'hôte!  de  Marguerite  de  Bourgogne,  douairière  de  Savoie, 
pour  faire  la  remise  à  Henri  VIII  de  la  ville,  château,  terre  et  seigneurie  de  Mortagne,  qui 
lui  avaient  été  donnés  comme  fiefs.  Le  -10  février,  Gaspard  de  Coligny  donna  l'ordre  à 
Louis  de  Proisy,  bailli  de  Tournai  et  du  Tournaisis,  de  se  rendre  à  Mortagne  ])our  prendre 
possession  de  cette  place  au  nom  de  François  I".  (Rymer,  op.  cit.,  t.  VI,  pars  prima,  p.  175.) 

Tournai  et  Tournaisis  avaient  cessé  d'appartenir  à  l'Angleterre.  (Voir  sur  l'opposition 
montrée  par  le  baron  de  Ligne,  Mémoires  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  IV,  pp.  77 
et  seq.)  Dans  le  but  d'obtenir  plus  facilement  la  confirmation  de  tous  leurs  privilèges,  les 
Consaux  avaient  fait  don  à  Gaspard  de  Coligny  d'une  somme  de  2,000  écus  d'or  au  soleil. 
(Consaux  du  21  juin  1519.) 


56  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 


CHAPITRE  III. 

ANNEXION  DU  TOURNAISIS  AUX  PAYS-BAS  (1321). 

Sommaire.  —  l.  François  1"  renoue  les  traditions  séculaires  de  la  France  à  l'égard  de  la 
défense  de  Tournai.  —  II.  La  France  suscite  la  guerre  à  Charles  V.  —  III.  Investissement, 
puis  siège  de  Tournai.  —  IV.  Conspirations  en  faveur  de  la  France   Leur  échec. 

I.  Aussitôt  en  possession  du  Tournaisis,  François  I",  qui  «  n'avoit  pas 
prins  tant  de  peine  de  ravoir  Tournai  pour  le  laissier  perdre  f  )  »  à  nouveau, 
pratiqua  à  l'égard  de  cette  ville  les  traditions  séculaires  de  la  France  et 
voulut  immédiatement  la  mettre  en  état  de  résister  à  tout  assaillant. 

Il  envoya  à  Tournai  son  maître  d'artillerie,  Ghierrin  Manghe,  pour 
présider  à  la  fonte  de  trente-huit  nouvelles  bouches  à  feu  que,  sur  sa 
demande,  Bannières  et  .Magistrat  avaient  décidé  de  faire  confectionner  à 
leurs  dépens  (-),  et  donna  en  même  temps  les  ordres  les  plus  sévères  pour 
maintenir  ou  mettre  en  excellent  étal  les  remparts  de  la  ville. 

Avant  de  se  lancer  dans  la  guerre  qu'il  méditait,  avant  que  la  France 
fût  aux  prises  avec  son  plus  redoutable  adversaire,  il  voulait  que  Tournai 
fut  prêt  à  faire  face  à  n'importe  quelle  agression,  ou  tout  au  moins  capable 
d'arrêter  longtemps  autour  de  ses  murs  réfectionnés,  une  imposante  armée 
ennemie. 

II.  Mais  il  fut  surpris  par  la  rapidité  des  événements. 

En  août  154 9,  à  la  mort  de  l'empereur  Maximilien,  il  sévit  préférer  pour 
le  trône  impérial   d'Allemagne,  son   compétiteur,   Charles  d'Autriche,   et 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux  du  5  septembre  1521. 

(2)  Idem,  Consaux  du  13  mars  1319  (n.  s.).  «  Du  rapport  du  peuple  de  ceste  ville  et  cité 
le  jourd'huy  assemblé  par  Collèges  de  bannières,  sur  la  remonstrance  mise  par  devant  eux 
par  M"  les  Consaux  qui  est  tel  que  les  xxxiiij  collèges  sont  d'assens  de  faire  faire  chacun 
une  pièce  d'artillerie  selon  leur  pooir  et  puissance,  et  les  deux  autres  collèges  sont  vray 
povres  gens  non  aiant  puissance  de  riens  faire.  »  En  marge  :  «  On  se  tient  au  dit  rapport  ». 

Consaux,  séance  du  4  novembre  1519.  «  De  savoir  se  on  achètera  des  boullets  de  fer 
pour  les  quatre  engiens  que  la  ville  a  fait  faire.  » 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  57 

ressentit  de  cet  échec  une  luimilialion  si  profonde,  qu'il  devint  Tirréconci- 
liable  ennemi  du  nouvel  empereur  ('). 

François  I"""  lança  contre  Charles-Quint  le  jeune  roi  de  Navarre,  Henri 
d'Albret,  et  Robert  de  la  ^Marck. 

Charles-Quint  vainquit  ce  dernier  et,  par  représailles,  l'armée  impériale 
entra  presque  simultanément  en  France  parla  Champagne  et  leTournaisis('-). 

III.  En  juillet  1521,  le  comte  de  Gavre,  Jacques  de  Luxembourg  (^), 
avec  mille  chevaux,  hin'l  mille  piétons  et  six  pièces  d'artillerie,  investit 
Tournai  (*)  et  se  livra  dans  le  ïournaisis  à  des  opérai  ions  militaires  plus 
actives. 

Le  château  d'Helehin,  résidence  habituelle  des  évèques  de  Tournai,  fut 
bientôt  pris;  le  10  août,  Antoine  de  Ligne  s'empara  de  la  place  de  Saint- 
Amand;  le  15,  le  château  de  VVez,  propriété  de  levéque,  tomba  entre  ses 
mains  et,  le  5  septembre,  Philippe  de  Croy,  marquis  d'Aerschol,  gouverneur 
du  Hainaut,  faisait  le  siège  de  Morlagne  ("'),  que  le  bailli  de  Tournai- 
Tournaisis,  Louis  de  Proisy,  lui  livra  le  25  septembre  contre  une  somme 
de  4,236  livres  («). 


(<)  Gachard,  La  Bibliothèque  nationale,  i.  11,  p.  79.  —  On  y  trouve  cet  extrait  d'un  rapport 
des  ambassadeurs  français,  rapport  adressé  à  François  I"  :  «  qu'après  la  mort  du  dict 
empereur  Maximilien,  vous  cherchastes  tous  deux  f=  François  I"  et  Charles-Quint)  d'avoir 
l'empire,  que  ce  fut  ce  luy  (=  Charles-Quint)  semble,  le  commencement  de  vous  mectre 
en  jalouzye  l'un  de  l'aultre...  ». 

(2)  Henné,  op.  cit.,  t.  Il,  p   378.  —  Lavisse  et  Rambaud,  op.  cit.,  t.  IV,  p.  98. 

(3)  Jacques  de  Luxembourg,  baron  de  Fiennes,  de  Gavre,  d'Armentièi-es,  etc.,  chevalier 
de  la  Toison  d'or,  époux  de  Marguerite  van  der  Aa,  dite  de  Bruges  de  la  Gruuthuse,  et  tils 
de  Jacques  et  de  Marie  de  Berlaymont.  Il  fut  créé  comte  de  Gavre  en  1519  par  Charles 
d'Autriche. 

(4)  Henné,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  387. 

(5)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  5  septembre  1521  :  «  ...  que  depuis 
trois  mois  il  n'entrait  plus  de  vivres  dans  Tournai,  que  malgré  la  prise  d'Helchin,  Saint- 
Amand,  Wez  et  autres  places-fortes,  le  siège  de  Mortagne...  ». 

(6)  Louis  de  Proisy,  chevalier,  seigneur  de  Proisy,  etc.,  fut,  en  récompense  de  services 
rendus  à  Charles  VIII  et  ensuite  à  Louis  XII,  créé  gouverneur  des  ville  et  château  de 
Mortagne,  le  18  juin  1498,  et  ensuite  bailli  et  gouverneur  de  Tournai  par  lettres-patentes 
du  17  mai  1500.  Lors  du  retour  du  Tournaisis  à  la  France,  il  reprit  ses  anciennes  fonctions. 


58  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  X\V  SIÈCLE 

La  prise  de  ces  positions  autour  de  Tournai  inquiéla  enfin  le  Roi.  Avec 
les  nombreuses  troupes  qu'il  venait  de  réunir  en  Picardie,  il  se  proposait  de 
marcher  au  secours  de  celte  ville  ('),  quand  Charles-Quinl  leva  promplement 
quarante  mille  hommes  en  Flandre,  les  établit  solidement  autour  de  Valen- 
ciennes  et  s'apprêta  à  barrer  le  passage  à  l'armée  française  (-). 

François  I",  devant  les  dispositions  menaçantes  de  Charles-Qnint,  prit 
peur;  ses  troupes  n'osèrent  attaquer  l'armée  impériale,  et  le  comte  de  Gavre 
profita  de  l'inaction  des  Français  pour  resserrer  le  cercle  d'investissement 
qui  élreignait  Tournai. 

D'ailleurs,  le  roi  de  France  était  persuadé  que  la  ville  ne  courait  aucun 
danger;  l'assiéger,  disait-il,  «  seroit  temps  perdu  et  jamais  l'empereur  ne 
l'auroit  par  force,  mais  seulement  par  famine  ('')  ». 

S'exagérant  ainsi  la  puissance  défensive  de  Tournai,  il  ne  s'occupa  plus 
momentanément  desTournaisiens,  et  porta  tous  ses  efforts  vers  la  Champagne, 
pour  forcer  le  comte  de  Nassau  à  lever  le  siège  de  iMézières. 

Cependant  François  I*""  se  trompait.  En  1521,  la  place  de  Tournai  n'était 
pas  capable  de  résister  longuement. 

En  efTet,  tout  le  côté  sud-ouest  de  l'enceinte,  le  point  le  plus  accessible 
des  remparts,  était  en  pleine  réfection.  On  consolidait  tours  et  murailles  et 
certaines  portes,  comme  celles  de  Saint-Martin  et  de  Sainte-Fontaine, 
étaient  même  en  voie  de  reconstruction  au  moment  où  le  comte  de  Gavre 
investit  Tournai  (^). 

L'artillerie,  que  l'on  s'est  toujours  plu  à  reconnaître  comme  «  la  plus 
formidable  qu'il  existât  au  monde  (^)  »,  était  insuffisante.  Tournai  vivait 


(<)  Henné,  op.  Ht.,  t.  II,  p.  388. 

(2)  }Umoire.t  de  la  Société  Imtorique  de  Tournai,  t.  IV,  p.  94.  —  Marguerite  d'Autriche 
écrivit  le  20  octobre  1521  au  Conseil  de  Flandre  pour  faire  «  mectre  sus  tant  des  villes 
comme  des  chastellenies  et  aultres  lieux  du  pays  et  comté  de  Flandre,  le  nombre  de 
XI."'  combatans  des  meilleurs...  pour  partir  soubz  mon  cousin  le  comte  de  Gavere...  ». 
(Voir  aussi  Gachard,  Tronblea  de  Gand,  p.  412.) 

(3)  Henné,  op.  cit.,  t.  II,  p.  391. 

(*)  Archives  communales  de  Tournai.  Publication  du  20  septembre  1521  et  surtout 
Consaux,  séance  du  29  août  1521.  dans  laquelle  le  magistrat  décide  de  demander  aux  riches 
bourgeois  d'intervenir  par  des  dons  particuliers  dans  la  reconstruction  des  remparts. 

(5)  Henné,  op.  cit.,  l.  11,  p.  .391. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  39 

comme  un  homme  jadis  riche,  sur  sa  répulalion.  Sans  douie,  eu  1402, 
cent  quatre  pièces  de  canon  hérissaient  ses  remparts;  sans  doute  encore, 
en  1424,  cent  quarante-trois  canon.s  et  bombardes  assuraient  sa  défense; 
mais,  en  1321,  les  choses  étaient  cliangées.  La  plus  grande  partie  de  cette 
belle  artillerie  n'existait  plus  ou  tombait  de  vétusté,  et  les  trente-huit  pièces 
qu'était  venu  fondre  Ghierrin  Mangiie  devaient  à  elles  seules  défendre  les 
remparts  d'une  ville  dont  l'enceinte  mesurait  plus  d'une  lieue  de  pourtour  ('). 

Quant  aux  troupes  royales,  les  seules  ayant  une  valeur  véritable,  elles  se 
montaient  au  minime  chiOVe  de  trois  cents  hommes,  parce  que  le  gouverneur 
Hughes  des  Loges  (-)  avait  jugé  bon  de  détacher,  pour  les  envoyer  à  Mortagne, 
cent  soldats  des  (juatre  cents  que  la  France  avait  mis  en  garnison  à  Tournai 
au  commencement  de  l'année  1519  (^). 

Il  convient  cependant,  pour  être  tout  à  fait  exact,  d'ajouter  à  ces  trois 
cents  hommes,  vingt  et  un  soldais  qui,  lors  de  la  prise  de  Saint-Amand  par 


("i)  On  a  vu  plus  haut,  page  36,  que  les  Bannières  et  la  ville  avaient  fait  fondre  trente- 
huit  pièces  d'artillerie;  on  ne  peut  objecter  que  ces  trente-huit  pièces  servirent  d'appoint 
à  l'ancienne  artillerie  de  la  place,  parce  qu'une  clause  spéciale  du  traité  de  Londres  du 
4  octobre  1518  autorise  Henri  VllI,  ce  qu'il  ne  manqua  pas  de  faire,  à  emporter  toute 
l'artillerie  alors  existant  dans  Tournai.  On  sait  d'ailleurs  que  cette  artillerie,  à  l'époque  du 
siège  de  1313,  ne  valait  rien  (voir  plus  haut,  p.  21,  note  4).  Au  reste,  une  nouvelle  preuve 
du  peu  de  valeur  ou  de  la  petite  quantité  de  l'artillerie  de  la  place  de  Tournai  se  trouve 
dans  un  document  des  Archives  du  tîoyaume  à  Bruxelles,  document  portant  sur  le  plat  : 
«  Sur  ce  que  le  conte  de  Nassau,  grand  chambellan  de  l'Empereur...  tant  de  soy  que  de  la 
part  du  s'  des  Loges,  pour  lui  et  ses  gens  de  guerre  estant  présentement  au  (ihastel  de 
Tournay  ».  L'empereur  Charles-Quint,  d'après  ce  document,  lors  de  la  capitulation 
de  Tournai,  ordonne  à  Charles  de  Lannoy  «  de  retenir  la  dite  artillerie  (=  l'artillerie  par- 
ticulière du  gouverneur  des  Loges)  et  en  furnir  la  juste  valleur  à  ceulx  auquelz  elle  auroit 
appartenu  ».  Il  est  évident  que  si  l'artillerie  royale  avait  été  jugée  suffisante  par  Charles- 
Quint  au  moment  de  la  capitulation,  celui-ci  n'aurait  point  ordonné  l'achat  de  l'artillerie 
particulière  de  des  Loges. 

(2)  Hughes  des  Loges,  chevalier,  seigneur  de  Chally,  de  la  Boullaie,  etc.,  gouverneur 
de  la  ville  et  du  château  de  Tournai,  fut  ensuite  bailli  d'Autun.  11  avait  épousé  Louise  de 
Babutin. 

(3)  La  France  avait  mis,  en  février  1519,  dans  le  château,  quatre  cents  hommes  de 
garnison,  sans  protestation  de  la  part  de  Charles  d'Autriche,  quoique  cela  fût  une  violation 
du  traité  de  1478.  (Voir  Consaux,  séance  du  14  mai  1521,  au  sujet  des  cent  hommes 
détachés  à  Mortagne.) 


40  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

le  baron  de  Liiriie,  parvinrent  à  se  réfugier  à  Tournai  ('),  ainsi  que  les 
soixante-quinze  canonniers  bourgeois  du  serment  de  Saint-Antoine  ("-),  Il  est 
certain,  en  effet,  qu'on  ne  peul  ici  faire  enirer  en  ligne  la  mullilude  plus 
ou  moins  disciplinée  du  peuple  des  Trente-six  Bannières,  artisans  habitués 
à  un  service  de  police,  mais  manquant  lolalemenl  d'une  éducation  militaire 
réelle  et  sérieuse  (^). 

Les  Tournaisiens  avaient  d'ailleurs  parfaitement  conscience  de  leur 
faiblesse.  Aussi,  quand  ils  surent  Mortagne,  Sainl-Amand,  Wez  et  tous  leurs 
environs  aux  mains  des  ennenn's,  prirent-ils  peur  et  s'empressèrenl-ils 
d'envoyer  des  émissaires  au  duc  de  Vendôme,  gouverneur  de  la  Picardie, 
à  Gaspard  de  Coligny  et  enfin  au  Roi  lui-même,  que  leurs  messagers  rencon- 
trèrent à  Antun,  en  Bourgogne  (*),  afin  de  les  informer  du  grand  danger 
auquel  linsuffisance  de  soldats  réguliers  exposait  leur  ville. 

François  I"  soutint  le  courage  des  Tournaisiens  par  d'habiles  réponses. 
Au  commencement  de  septembre,  il  leur  fit  savoir  par  Jean  Le  Pourier  «  qu'il 
voulait  secourir  Tournai  et  (ju'il  y  emploierait  jusqu'au  dernier  homme  de 
son  royaume  »;  quel(|ues  semaines  plus  tard,  il  les  informe  à  nouveau 
«  qu'après  avoir  livré  bataille  aux  ennemis,  qu'il  viendra  en  personne  faire 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  général  d'octobre  lb21  à  septembre  1522. 
«  A  pluisieurs  compaignons  de  guerre  qui  au  mois  d'aoust  xv"  xxj  à  la  prinse  de  la  ville  de 
S'-Amand  se  retirèrent  en  ceste  dicte  ville,  lesquelz  furent  receuz  aux  gaiges  de  la  dicte 
ville...  ausdiz  compaignions  en  nombre  de  xxj  pour  leurs  gaiges  d'un  mois  finy  le  ix'  de 
novembre  audit  an...  » 

(2)  Idem,  même  Compte  général.  «  Aux  canonniers  de  ceste  dicte  ville  en  nombre  de 
Ixxv  personnes  non  estans  aux  gaiges  d'icelle,  pour  avoir  par  l'espace  de  trois  mois  finis 
le  ix^  jour  de  décembre  audit  an  mil  vxxj  esté  continuellement  sur  la  muraille  de  la  dicte 
ville  tant  de  jour  comme  de  nuyt  pour  la  garde  et  detlence  d'icelle  ville...  »  On  ne  trouve 
pas  de  pareille  mention  pour  les  autres  serments. 

(^)  Bibliothèque  communale  de  Tournai,  Ms.  n"  18o,  t.  lit,  p.  1669.  —  Gaultran  dit  en 
parlant  du  peuple  des  lianuières  :  «  comme  ils  étoient  alors  plus  adroits  au  commerce  que 
non  pas  à  la  guerre...  ». 

Il  n'est  donc  pas  douteux  que  Henné,  op.  cit.,  t.  II,  p.  391,  à  la  suite  de  Chotin,  Histoire 
de  Tournai,  p.  110,  se  trompe  en  disant  que  Tournai,  en  1521,  «  présentait  de  formidables 
moyens  de  défense  »,  en  donnant  à  cette  ville  «  la  plus  belle  artillerie  du  monde  »  et  en 
portant  au  chiffre  «  de  mille  hommes  »  la  garnison  royale. 

(*)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  5  septembre  1321. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  M 

lever  le  siège  de  Tournai  »  ;  le  3  octobre,  il  leur  fait  connaître  que  le  siège 
de  Mézières  vient  d'être  abandonné  par  le  comte  de  Nassau,  qu'il  va  reprendre 
Mouzon  et  qu'ensuite  il  marchera  au  secours  de  Tournai  (^).  Le  \  1  du  même 
mois,  il  exhorte  le  gouverneur  Hugues  des  Loges  et  le  capitaine  Champeroux, 
qui  avait  pris  le  commandement  de  la  garnison  française  de  Tournai,  à  tenir 
bon  «  parce  qu'il  sera  bientôt  près  d'eux  »  ("). 

Les  événements  devancèrent  ses  desseins. 

Le  comte  de  Gavre  avait  grossi  son  armée  des  troupes  que  la  levée  du 
siège  de  Mézières  avait  rendues  libres,  et  il  avait,  dès  lors,  transformé  en  un 
véritable  siège  le  simple  investissement  commencé  au  mois  de  juillet  précé- 
dent (^). 

En  effet,  jusqu'au  début  d'octobre,  les  Conférences  de  Calais  ('),  la 
mauvaise  situation  sanitaire  de  l'armée  impériale,  le  manque  de  munitions 
même  avaient  empêché  les  soldats  de  Charles-Quint  de  faire  autre  chose 
qu'un  simple  blocus.  De  part  et  d'autre,  l'artillerie  était  pour  ainsi  dire  restée 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  21  septembre  1521.  «  Con- 
saux...  furent  assemblez  pour  oyr  le  rapport  de  Regnault  Gilleman  lequel...  avait  esté 
envoyé  en  France  pour  avoir  ayde  et  secours  et  prestement  y  sont  venus  mons"'  le  gouverneur 
et  autres  cappitaines  du  Koy...  estans  en  ceste  ville,  lequel  s'  gouverneur  à  leu  à  mess''''  les 
Consaulx  les  lettres...  contenant  les  dites  lettres  en  effect  que  de  brief  nous  aurons  secours 
et  ayde  et...  que  le  Roy,  nostre  sire,  devoit  cette  semaine  baillier  la  bataille  à  ses  ennemis 
et  que  ce  fait,  lui-meisnies  en  personne  viendra  es  quartiers  de  pardechà.  »  —  (lonsaux, 
séance  du  3  octobre  1521.  «  Consaulx  assamblez  pour  oyr  lecture  des  lettres  que  Mons"'  de 
Proisy  a  envoyées  tant  à  Mons'  le  Gouverneur  de  ceste  ville  comme  au  prévostz,  contenant 
que  le  comte  de  Nassau  devant  iMasières  est  party...,  que  le  Roy  s'en  va  reprendre  Moison 
et  d'illecq  s'en  vient  à  tout  grosse  puissance  de  gens  d'armes  ou  pays  de  Hainaut  et  en 
ceste  sa  ville  et  cité  de  Tournay...  »  On  sait  que  le  30  septembre  1521,  François  !«''  força 
le  comte  de  Nassau  à  lever  le  siège  de  Mézières. 

(-)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  18  octobre  1521.  «  Mess"  les 
quatre  Consaulx  de  ceste  ville  furent  assamblez  pour  veoir  et  oijr  le  contenu  des  lettres  que 
le  très  chrestyen  Roy,  nostre  souverain,  a  envoyées  à  mons'  des  Loges  et  mons'  de  Cham- 
peroux,  dont  la  coppie  a  esté  leue  à  Consaulx  et  s'ensuit  la  teneur  :  Mess"  de  Loges  et 
Champeroux,  j'ay  sceu  de  voz  nouvelles  par  ce  porteur  et  affin  que  sachiez  des  myennes, 
je  vous  advertis  que  je  seray  biens  tost  devers  vous.  Et  pour  ce  faictes  bonne  chière  et  tenez 
bon.  C'est  de  Crécy,  ce  xi*  jour  d'octobre.  Signées,  Franchois  et  de  secrétaire,  Robertet.  » 

(3)  Henné,  op.  cit.,  t.  II,  p.  398. 

(*)  Des  conférences  avaient  été  ouvertes  à  Calais  entre  les  députés  de  François  I"  et  de 
Charles-Quint,  sur  les  instances  de  Wolsey,  qui  s'était  flatté  '<  de  rétablir  la  paix  entre  les 
deux  monarques  ».  Ces  conférences  n'aboutirent  pas. 

Tome  I.  —  Lettres,  etc.  6 


42  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

silencieuse;  on  s'observait,  et  même  l'Empereur  était  sur  le  point  de  renoncer, 
malgré  les  exhortations  des  Flamands,  à  poursuivre  le  siège,  quand  le  roi 
de  France  se  chargea  de  relever  indireciemeni  son  espoir  abattu  ('). 

Conformément  à  la  promesse  anlérieuremenl  faite  aux  Tournaisiens, 
François  I",  quittant  la  Champagne,  se  mit  à  la  tête  d'une  armée  de  quarante 
mille  hommes  et  se  dirigea  vers  Tournai.  Il  passe  l'Escaut  à  Denain  (-)  et 
essaye  de  franchir  la  Scarpe  à  Marchiennes  (•^).  Deux  fois  il  échoua  dans 


(1)  D'après  les  Actenstûcke  und  Briefe,  p.  4o3,  Henné  cite  cet  extrait  des  Instructions 
pour  Jean  [laneton,  16  novembre,  t.  II,  p.  417.  «  Combien  que  la  place  (=  Tournai)  fût 
pressée  et  en  quelque  nécessité  de  vivres,  n'étoit  nécessité  si  grande  qu'il  y  eût  apparence 
de  l'avoir  par  famine  ;  quand  à  la  prendre  par  force,  la  saison  n'y  étoit  nullement  disposée. 
De  plus,  elle  étoit  si  forte  et  tant  munie  d'artillerie  (on  sait  ce  qu'il  en  est!),  joint  que  les 
gens  de  l'empereur  étoient  tellement  découragés  que  nul  n'avoit  cœur,  ni  volonté  de  rien 
faire,  qu'il  étoit  apparent  que  si  les  ennemis  se  mettoient  en  devoir  de  venir  lever  le  siège, 
la  plupart  des  paysans  sous  le  comte  de  Gavre  se  léveroient  ou  seroient  rués  juz  et  tout 
l'artillerie  perdue.  Par  quoi  la  pluspart  des  gens  de  bien,  considérans  ces  dangers  et  incon- 
véniens,  étoient  d'avis  que  pour  ceste  saison,  l'on  ne  devoit  continuer  le  siège.  » 

Dans  les  Mémoires  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  IV,  p.  94,  on  trouve  une  lettre 
de  Marguerite  d'Autriche  adressée  aux  Etats  de  Flandre  (20  octobre  1321),  dans  laquelle 
cette  princesse  dit  :  «  Nous  vous  tenons  adverty  de  la  grant  et  puissante  armée  que  le  Roy 
de  France  a  amassée  sur  la  frontière  de  Haynaut  à  intention  de  donner  la  bataille  à  l'empe- 
reur et  passer  oultre  pour  secourir  et  avitailler  la  ville  de  Tournay,  laquelle  est  fort  pressée 
et  en  grant  nécessité  de  famine...  Et  pour  ce  que  l'armée  de  l'empereur,  obstant  les 
maladies  qui  y  ont  régné,  dont  la  plupart  sont  mors  ou  malades,  est  tellement  désemparée 
et  diminuée  qu'elle  n'est  puissante  de  résister  au  roy  de  France...  » 

(2)  Voici  un  extrait  du  décret  de  Charles-Quint  du  mois  de  février  1S22,  portant 
annexion  de  Tournai  et  du  Tournaisis  à  la  Flandre,  qui  prouve,  contrairement  à  ce  que 
dit  Hexne,  op.  cit.,  t.  11,  p.  413,  que  l'armée  française  passa  1  Escaut  à  Denain  et  non  à 
Neuville  :  «  Grand  nombre  de  gens  de  ghuerre,  de  cheval  et  de  pied  et  en  aultres  en 
euissions  ordonné  une  partye  à  l'environ  de  la  ville  de  Tournay,  tenant  lors  le  party  dudict 
roy  de  France,  pour  garder  les  passaiges  et  que  icelle  ville  de  Tournay  ne  fust  avitaillé, 
secourue  ne  assisté  de  gens,  de  vivres,  ne  d'aultres  choses;  et  après  avoir  résisté  au  dict 
roy  de  France  et  toute  sa  puissance  lequel  en  sa  personne,  avecq  le  nombre  de  trente-six 
à  quarante  mil  combatans  et  de  deus  à  trois  mil  hommes  d'armes  et  grosse  munition  et 
suyte  d'artillerye,  estoit  approchié  la  frontière  de  nos  pays  de  par  de  ça  et  passé  la  rivière 
d'Escauld  au  lieu  de  f)enain  et  ayant  bruslé,  gasté,  pillié  et  destruit  aulcunes  villes  et  plui- 
sieurs  viilaigcs  de  nos  contez  d'Arthois  et  de  Haynau,  délibéré  de  venir  avitailler  et  secourir 
ladicte  ville  de  Tournay,  ce  qu'il  n'avoit  peu  ne  sceu  faire...  » 

Denain,  commune  du  département  du  Nord,  sur  l'Escaut,  à  cinq  lieues  S. -E.  de  Douai. 

(3)  Henné,  op.  cit.,  t.  H,  p.  413.  Marchiennes,  commune  du  département  du  Nord,  sur 
la  Scarpe,  à  IS  kilomètres  de  Douai. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  43 

cette  tentative;  bientôt  même  la  rivière  sortit  de  son  lit  et,  couvrant  de  ses 
eaux  la  contrée  voisine,  empêcha  l'armée  française  de  continuer  sa  marche 
en  avant. 

L'heure  de  la  retraite  avait  sonné  !  Le  roi  de  France  se  retira  à  Amiens, 
licencia  la  plus  grande  partie  de  ses  troupes  et  délivra  ainsi  Charles-Quint 
du  souci  de  devoir  livrer  une  bataille  dont  l'issue  pouvait  paraître  douteuse, 
à  cause  de  l'état  de  démoralisation  de  l'armée  impériale, 

La  chute  de  Tournai  était  certaine.  Néanmoins,  afin  de  la  prévenir, 
François  I"  crut  devoir  recourir  aux  bons  offices  de  l'Angleterre.  A  cet  effet, 
il  tenta  d'intéresser  Wolsey  à  son  sort.  Le  19  novembre,  il  écrivit  au  cardinal 
«  qu'il  avait  fait  tout  ce  qu'il  pu  pour  secourir  Tournai  »  et  le  pria  d'inter- 
céder en  sa  faveur  auprès  de  Henri  VIII  pour  que  le  Tournaisis  ne  fût  pas 
arraché  à  la  France  (').  En  même  temps,  ou  comptant  sur  l'efficacité  de 
l'intervention  anglaise,  ou  ne  voulant  pas,  ainsi  qu'il  le  dit  lui-même,  la 
ruine  totale  de  Tournai,  dont  les  habitants  ont  fait  «  tout  ce  qu'ils  pouvaient 
et  devaient  faire  »,  il  autorisa  le  Magistrat  à  traiter  avec  l'Empereur,  si 
endéans  les  quinze  jours  il  n'était  point  parvenu  à  dégager  la  ville  assiégée  (^). 

L'Angleterre  ne  fit  rien  ou  n'aboutit  à  rien  et  le  siège  continua. 


(■I)  Henné,  op.  cit.,  t.  II,  p.  416. 

(2)  Voici,  clans  sa  teneur,  la  lettre  adressée  par  François  I"  aux  Tournaisiens,  le 
19  novembre  1521  :  «  Très  chiers  et  bien  amez.  Nous  avons  recçu  les  lettres  que  vous  avez 
escriptes  et  espérons  toujours  ou  par  vertu  de  ceste  trêve  qui  se  praticque  comme  savez  ou 
par  quelque  autre  moyen,  vous  donner  ayde  et  secours,  nous  nous  sommes  arrestez  et 
frumez  icy  jusqu'à  à  présent.  Et  pour  ce  que  encores  n'avons  heu  finalle  responce  de  la 
dicte  trêve  et  que  pour  l'heure  présente  se  trouve  difficulté  vous  pooir  secourir  de  vivres 
en  telle  quantité  que  il  serait  requis,  non  vuellant  votre  perte,  désolacion  et  ruyne  de  la 
ville,  avons  esté  et  sommes  contens  que  se  endéans  quinze  jours,  n'avez  nouvelles  de  nous, 
soit  de  la  dicte  trêve  ou  autre  secours,  vous  puissiez  faire  quelque  honneste  composicion, 
ou  bien  et  repos  d'entre  vous  et  de  la  dicte  ville  et  nous  les  aurons  très  aggréable,  cong- 
noissant  que  vous  avez  jusques  icy  fait  ce  que  bons,  vrays  et  loyaulx  subgectz  pooient  et 
dévoient  faire  et  ferez  toujours  comme  espérons. 

»  Très  chiers  et  bien  amez,  nostre  Seigneur  vous  ayt  en  sa  garde. 

»  A  Amiens  ce  xix"  jour  de  novembre.  » 

Cette  lettre  a  été  extraite  des  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  n°  .335,  dit 
des  Bannières,  fol.  !290  v»,  réunion  du  peuple  du  29  novembre  1521. 


U  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

Antérieurement  déjà,  les  canons  s'étaient  lait  entendre,  et  ils  n'avaient 
depuis  lors  cessé  de  battre  les  remparts;  la  nuit  du  27  octobre,  les  troupes 
impériales  avaient  ouvert  la  tranchée,  mais  les  pluies  abondantes,  la  dysen- 
terie, les  maladies  de  tout  genre  avaient  contrarié  et  ralenti  les  progrès  des 
assiégeants. 

D'autre  part,  les  assiégés  n'avaient  nullement  perdu  courage.  Il  semble 
plutôt  que  la  retraite  de  François  1*=',  au  lieu  de  les  avoir  plongés  dans  un 
profond  abatlemeni,  n'ait  fait  que  raviver  leur  énergie  et  leur  désir  de 
défendre  leur  ville  quand  même.  Car  c'est  dés  lors  qu'on  les  voit  prendre 
toutes  les  mesures  en  vue  d'une  résistance  longue  et  vigoureuse.  On  forge 
des  monnaies  obsidionales  (^);  on  fait  battre  les  quelques  gerbes  de  blé 
gardées  précieusement  en  réserve  (^);  on  menace  de  punitions  sévères  les 
rares  réfugiés  qui  cherchent  à  éluder  le  service  du  «  guet  »:  on  enrôle  dans 
les  Bannières,  pour  les  forcer  à  concourir  à  la  défense  de  la  ville,  les  laboureurs 
de  la  banlieue  et  du  bailliage  qui  avaient  mis  leur  vie  et  leurs  biens  en 
sûreté  derrière  les  remparts  de  Tournai  (^);  on  oblige  toute  la  population 
valide,  même  les  femmes  et  les  enfants,  à  transporter  ou  les  matériaux 
nécessaires  à  une  promple  mise  en  défense  de  tout  le  côlé  sud-ouest  de 
l'enceinte,  ou  les  pierres  destinées  à  être  violemment  lancées  contre  les 
assaillants  C');  on  arme  toute  la  population  mâle;  les  moulins  à  poudre 
tournent  et  grincent  dans  toute  la  ville;  bref,  jusqu'à  la  dernière  minute, 
jusqu'au  moment  extrême  de  la  capitulation,  les  Tournaisiens  ne  désespé- 
rèrent point  de  vaincre  par  leur  courageuse  résistance  et  par  leur  stoïque 
résignation,  l'indomptable  ténacité  de  l'empereur  Charles-Quint. 

Et  cependant  que  pouvait,  malgré  toute  son  énergie,  une  petite  armée  de 
quatre  cents  hommes  contre  vingt-quatre  mille  assiégeants  munis  d'une 
puissante  artillerie  (■^)? 

Il  cùl  été  criminel  de  prolonger  outre  mesure  une  résistance  qui  devait. 


(^)  Archives  communates  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  25  octobre  1521. 

(•i)  Idem,  Publications,  24  octobre  1521. 

(3)  Idem,  Publications,  24  novembre  1521. 

(*)  Idem,  Publications,  28  novembre  1521. 

(5)  Idem,  Consaux,  séance  du  29  novembre  1521. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  45 

malgré  tous  les  efl'oris,  aboulir  à  la  capiiiilaiioii.  Aussi,  avec  l'assentimenf 
du  gouverneur  Hugues  des  Lo;;es  el  des  capitaines  français  commandant  la 
petite  garnison  lournaisienne,  le  28  novembre,  les  magistrats  communaux 
envoyèrent  une  ambassade  au  comte  de  Nassau,  lieutenant  général  des 
armées  de  l'Empereur,  pour  traiter  avec  lui,  non  de  la  reddition,  mais  de  la 
paix  sur  la  base  d'une  reconnaissance  de  la  neutralité,  comme  elle  avait 
été  naguère  consentie  par  le  grand-père  de  Charlos-Qninl  lui-même,  en 
octobre  1478. 

L'Empereur  avait  une  trop  belle  occasion  de  réaliser  le  rêve  de  ses 
ancêtres,  l'annexion  du  Tournaisis  à  ses  États,  |)onr  que  les  ouvertures  faites 
par  les  Tournaisiens  pussent  être  favorablement  accueillies.  Aussi  n'abou- 
tirent-elles pas  el  le  comte  de  Nassau  se  contenta-t-il  de  répondre  à  la 
dépulation  lournaisienne  «  que  l'empereur  avoil  délibéré  réduire  Tournay 
en  son  obéissance,  et  qu'il  ne  partiroil  jusques  à  ce  qu'il  euisl  ceste  ville 
en  ses  mains  (')  ». 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux.  «  Le  joedi  xxviii*  jour  de  novembre 
l'an  mil  v^etxxj...  messeigneurs  les  quatre  consaulx  de  la  dicte  ville  furent  assamblez, 
aussi  aucuns  dépputez  de  messeigneurs  de  Chappitre,  les  officiers  du  Roy  nostre  sire  en 
ces  bailliaiges  et  pluisieurs  notables  bourgois  et  manans  de  ceste  ville,  où  pareillement  sont 
venus  monseigneur  le  Gouverneur,  monseigneur  Champroulx  et  monseigneur  de  la  Motte 
et  ce  fait,  a  esté  remonstré  par  monseigneur  le  gouverneur  de  ceste  dicte  ville  les  lettres 
que  le  Roy  nostre  Sire  a  escript  tant  à  nous  Consaulx  comme  ausdiz  seigneurs  de  Loges  et 
Champroulx  contenans  que  puissons  faire  quelque  honneste  composicion  au  bien  et  repos 
de  nous  et  de  ceste  dicte  ville  avec  noz  ennemis,  qu'il  le  aura  très  agréable,  et  leur  ont  esté 
leues  les  dictes  lettres  et  sur  ce,  es  présences  de  mes  disseigneurs  les  Consaulx  et  autres 
dessusdiz,  les  diz  cappitaines,  dépputez  de  Chapitre,  officiers  du  Roy  et  autres  notables 
personnaiges  ont  déclaré  leurs  oppinions  qui  est  telle  que  veu  les  dictes  lettres  du  Roy, 
sont  d'avis  que  de  essayer  au  seigneur  de  Fiennes  ou  Nassou  se  on  porroit  parvenir  à 
aucun  traittié.  Et  ce  fait  lesdiz  consaulx  se  sont  retirez  en  leurs  collèges  et  à  leur  retour 
ont  rapporté  ce  qui  s'ensuit,  c'est  assavoir  qu'ils  sont  d'avis  et  oppinion  de  envoyer  devers 
le  lieutenant  général  de  l'empereur  pour  avoir  sauf  conduit  de  quatre  personnaiges  pour 
envoyer  devers  lui,  adfin  que  se  aucuns  accord  se  pourroit  trouvés.  »  Le  29  novembre,  les 
députés  font  rapport  aux  Consaux  et  leur  apprennent  qu'ils  ont  obtenu  un  armistice 
jusqu'au  «  jour  de  demain  à  xij  heures  de  midy  «.  Les  Consaux  décident  alors  de 
«  remonstrer  le  tout  au  peuple  de  ceste  ville  par  collèges  de  banières  ».  Voici,  d'après  le 
Registre  n°  33o,  dit  des  Bannières,  des  Archives  communales  de  Tournai,  fol.  290-291, 
comment  l'atlaire  fut  présentée  au  peuple  le  30  novembre  :  «  Noz  très  chiers  frères  et  amis 
les  bonnes  gens  de  la  communaulté  de  ceste  ville  et  cité  de  Tournay.  Nous  les  quatre 


4G  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

Il  ne  restait  plus  (ju'une  chose  à  faire  :  traiter.  On  traita. 

Un  armistice  fut  conclu  jusqu'au  30  novembre  à  midi,  pour  permettre 
aux  trente-six  Hannières  de  s'assembler  et  de  décider,  en  dernier  ressort,  du 
sort  de  la  ville. 


consaulx  de  la  dicte  ville  et  autres  dépputez  pour  entendre  aux  affaires  nous  vous  adver- 
tissons  comment  par  l'advis  et  délibération  de  nions'"  le  gouverneur  et  autres  cappitaines 
d'icelle  ville  avons  le  jourdhier  envoyé  vers  mons''de  Nassou,  lieutenant  général  de  l'empe- 
reur devant  ceste  ville,  aucuns  noz  commissaires  adfin  de  lui  remonstrer  les  traittiez  de 
neutralité  parcydevani  faiz  entre  delfunct  l'archiducq  d'Austriche,  lors  prince  des  pays 
de  pardectia,  et  nous,  et  comment  par  l'accord  et  reddicion  falote  de  ceste  dicte  ville  es 
mains  du  Roy  notre  Sire  lesdits  traitiez  de  neutralité  tiendront  comme  par  avant  et  que 
ce  néantmoins  l'empereur  à  présent  nous  faisoit  la  guerre  qui  estoit  au  contraire  desdits 
traittiez,  parquoy  lui  requerroient  que  son  bon  plaisir  fust  tenir  la  main  à  l'entretenement 
de  la  dite  neutralité.  Et  pour  ce  que  sur  la  dite  requeste  ledit  comte  de  Nassou  dit  que 
lesdits  traittiez  estoient  piécha  passez  et  que  se  Ion  ne  vouloit  autre  chose  dire,  l'on  s'en 
pooit  bien  retourner,  mais  se  on  lui  vouloit  autre  cliose  exposer  que  il  estoit  prest  les 
escouter  et  oyr,  lui  fut  demandé  par  lesdits  dépputez  et  requis  savoir  quele  chose  il 
demandoit  et  pourquoy  il  fais(jit  la  guerre  à  ceste  dite  ville,  à  quoy  aroit  dit  que  l'empereur 
avoit  délibéré  réduire  ceste  ville  et  cité  en  son  obéissance  et  que  à  ce  propos,  il  estoit  avec 
son  armée  envoyé  devant  icelle  ville  pour  exécuter  sa  délibération,  de  où  il  ne  partiroit 
jusques  à  ce  qu'il  euist  ceste  dite  ville  en  ses  mains  et  que  se  ceulx  de  ceste  dite  ville  se 
vouloient  monstrer  bons  serviteurs  et  subgectz  de  l'empereur,  que  il  se  monsteroit  leur 
bon  seigneur  et  les  traitleroit  en  telle  sorte  que  on  aroit  cause  de  se  loer  d'icelui.  El  pour 
ce  que  nosdits  depputtez  n'avoienl  nulle  charge  de  procéder  plus  avant,  mais  seulement 
de  savoir  la  dite  cause  de  la  guerre  pour  vous  en  advertir,  fut  requis  avoir  abstinence  de 
guerre  pour  ce  temps  pendant,  vous  advertir  de  leur  dit  rapport,  ce  qu'ilz  ne  ont  peu 
obtenir,  synon  jusques  à  ce  jourd'huy  douze  heures  à  midi....  A  ceste  cause,  mess"  et  pour 
ce  que  par  les  dites  lettres  n'y  a  aucun  espoir  de  secours,  mais  que  mon  dit  s""  le  gouverneur 
et  autres  cappitaines  nous  conseillent  widier  le  mieux  que  faire  se  puet,  en  eusuiant  cer- 
taines lettres  qu'ilz  ont  receues  du  Roy,  notre  sire  (allusion  à  la  lettre  de  François  I"  du 
19  novembre),  ensemble  considérant  le  dangier  où  sommes  à  présent  constituez,  avons 
délibéré  vous  faire  ceste  remonstrance.  Sy  vous  plaise  sur  ce  délibérer  et  vos  délibéracions 
nous  renvoyer  pas  escripts  pour  après  en  faire  comme  aurez  ordonné...  Le  samedy  darain 
jour  de  novembre  oudit  an  mil  v^  xxj,  sur  ladite  remonstrance  faite  par  escript  audit  peuple 
par  collèges  de  banières,  par  la  responce  des  doyens  et  soulzdoyens  des  mestiers  qu'ilz  ont 
rapporté  par  escript  leu  ausdits  consaulx,  lesquelz  sont  d'avis  et  oppinion  de  rechargier 
mons'-  le  gouverneur  de  ceste  ville  et  autres  cappitaines  estans  en  icelle  avec  les  dits 
Consaulx  et  autres  dépputez  par  lesdits  collèges  dénonmez  en  leurs  rolles,  de  entendre  à 
quelque  bon  traittié  à  l'onneur  de  la  ville  et  des  manans  d'icelle,  pourveu  que  le  chastel 
y  soit  compris  et  que  nous  ayons  noz  corps  et  noz  biens  et  entretenement  de  noz  franchises 
et  privilèges.  Et  de  tout  ce  qu'ilz  auront  concheu  qu'ilz  en  fâchent  leur  rapport.  » 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  47 

Ce  jour-là,  les  méliers  volèrent  la  reddition  de  Tournai,  pourvu  (|ue  «  leur 
vie,  leurs  biens,  leurs  priviléj^es  fussent  saufs  ».  Une  nouvelle  dépu- 
talioii  (*)  fut  envoyée  au  camp  le  1^'  décembre  lo2i,  et  pour  se  concilier 
la  bienveillance  des  oiïiciers  et  fonctionnaires  impériaux,  elle  leur  fit  des 
présents  :  le  comte  de  Nassau  reçut  4,000  livres  de  quarante  gros;  le 
comte  de  Gavres  6,000  livres;  Charles  de  Lannoy,  vice-roi  de  Naples, 
4,000  livres  et  le  conseiller  de  Cbarles-Quinl,  Laurent  du  Blioul, 
2,000  livres  (-).  Celte  députalion  négocia  les  conditions  de  la  capitulation. 
Le  peuple  les  accepta  :  les  Tournaisiens  reconnaissaient  Charles-Quint 
comme  souverain  et  celui-ci  s'engageait,  de  son  côté,  à  maintenir  intacts 
Ions  les  privilèges  de  la  cité.  On  verra  plus  loin  ce  qui  advinl  de  cette 
promesse. 

Le  3,  le  Magistrat  alla  à  la  Chartreuse  de  Chercq  remettre  les  clefs  de 
la  ville  au  comte  de  Nassau  et  jura  fidélité  à  l'Empereur,  au  nom  des  corpo- 
rations tournaisiennes  ('). 

Dans  Taprés-midi  du  16,  l'ancien  gouverneur  français,  Hugues  des  Loges, 
quitta  le  Château  à  la  tête  de  sa  petite  troupe  ('*);  immédiatement  après,  le 


(1)  D'après  une  séance  du  30  novembre  1521,  Consaux,  cette  députation  était  composée 
de  Pierre  Cottrel,  vicaire  de  l'évêché,  Jacques  Bacheler,  avocat  royal,  Guilleberl  de  Nieulies, 
grand  doyen  des  métiers,  Nicolas  Le  Clers,  maire  des  éctievins  de  Saint-Brixe  et  du  Bruille, 
Pasquier  de  Froitmont  et  Michel  Cambry,  licenciés  es  lois. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  (Ihartrier,  quittance  du  22  juillet  1522. 

(>^)  Archives  communales  de  Tournai,  Publications,  3  décembre  1S21.  «  On  vous  fait 
assavoir  que  ensuivant  le  conseil,  advis  et  oppinion  de  mons''  le  gouverneur  de  ceste  dicte 
ville  et  autres  cappitaines  estans  en  icelle  ville,  et  en  furnissant  au  traictyé  fait  avecq 
mons"'  le  compte  de  Nassau  ou  nom  de  l'empereur,  de  l'accord  de  la  communaulté  de  ceste 
dicte  ville,  mess"  les  cbiefs  de  la  loy  d'icelle  et  autres  dépputez  de  mess"  les  consaulx  vont 
présentement  porter  audit  compte  de  Nassau  les  clefz  des  portes  de  ceste  dicte  ville  ainsy 
que  permis  a  esté  de  faire.  Et  aussy  de  faire  le  serment  de  fidélité,  dont  vous  advertissons.  » 
Consaux,  mardi,  18  mars  lo21  (a.  s.).  «  De  la  requeste  Guillebert  de  Nieulies...  qui  a  obmis 
de  mectre  en  ses  dits  comptes  le  tafl'etaf  gaune,  blancq  et  rouge  employé  à  fardeler  et  loyer 
les  clefz  des  portes  de  ceste  ville  présentez  à  mons'  de  Nassou  au  nom  de  l'empereur.  » 

(^)  Le  traité  de  capitulation  du  \"  décembre  avait  permis  à  la  petite  garnison  française 
retirée  dans  le  Château,  d'attendre  durant  quinze  jours  un  secours  de  François  [".  Passé 
ce  délai,  si  la  France  n'avait  pu  parvenir  à  la  dégager,  la  garnison  devait  livrer  le  Château 
au  lieutenant  de  Charles-Quint,  avec  toute  l'artillerie  et  les  munitions  de  guerre  y  ren- 
fermées. (Archives  communales  de  Tournai,  Chartrier,  layette  de  1521,  document  original 
sur  papier.) 


48  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

comte  de  Nassau,  escorté  par  le  Magistrat  et  le  peuple,  fit  son  entrée  dans 
Tournai  (*). 

La  soumission  de  Tournai  entraîna  celle  de  toute  la  province  :  le  Tour- 
naisis  tout  entier  cessa  d'appartenir  définitivement  à  la  France  et  suivit 
désormais  toutes  les  destinées  des  Pays-Bas. 

La  France  n'avait  de  reproches  à  adresser  qu'à  elle-même;  l'Iionneur  des 
Tournaisiens  était  sauf;  Tournai  avait  vaillamment  supporté  un  blocus  de 
trois  mois,  un  siège  de  six  semaines  et  passé  par  «  de  bien  durs  passages  ». 
«  La  fin  de  nos  vivres  approchait,  écrit  le  vicaire  général  Pierre  Cotirel  à 
l'évêque  Louis  Guillard  le  4  5  décembre  4  321;  depuis  longtemps,  on  ne 
mangeait  plus  qu'un  pain  fait  d'orge,  d'avoine  et  de  petit  blé,  et  au  moment 
de  la  reddition,  l'ennemi  devait  monter  à  l'assaut  de  Tournai  par  trois  points 
différents.  Et  nous  n'aurions  pu  résister  à  ces  attaques  nouvelles  (-). 


(<)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  samedi  14  décembre  1521.  «  On 
vous  fait  assavoir  que  très  noble,  très  hault  et  très  puissant  prinche,  mons''  le  compte  de 
Nassau...  a  prétendu  faire  son  entrée  en  ceste  ville  lundy  prochain  venant  après-disner  par 
la  porte  sainte-fontaine...  »  L'entrée  eut  donc  lieu  le  16  décembre,  et  ce  jour-là  tout  le 
peuple  assemblé  sur  la  Grand'Place  jura  fidélité  à  l'Empereur,  représenté  par  le  comte  de 
Nassau.  Charles-Quint  ne  ratifia  le  traité  que  le  12  février  1522. 

(2)  Voici  en  partie  le  texte  de  cette  lettre  intéressante  :  «  ...  Je  vous  asseurre,  Mon- 
seigneur, que  avant  estre  venu  jusques  au  poinct,  que  avons  eu  beaucop  et  de  bien  durs 
passages  à  passer.  Nous  approchions  très  fort  la  fin  de  tous  noz  vivres  en  sorte  que  la  plus 
part  de  noz  gens  usoient  et  avoyent  uzé  de  long  tanips  paravant  de  pain  de  soucrion, 
avaine  et  autres  grains  meslez  avec  petit  de  blé.  Et  si  estoient  noz  parties  adverses  prestes 
à  nous  canonner,  en  trois  lieux,  délibérées  nous  assaillir  tout  d'un  cop  en  chacun  d'iceulx 
et  doublions  beaucop  que  n'eussions  sceu  soustenir  lesdits  assaulx.  Certes,  c'estoit  une 
chose  bien  grosse  et  si  infinie  que  l'artilerie  qui  estoit  devant  nous.  Si  vous  eussiez  esté 
ycy,  je  ne  scay  si  eussiez  esté  plus  hardy  que  nous.  Une  chose  me  consolle  merveilleusement 
et  sur  touttes  les  autres  et  si  me  faict  en  partie  oublier  tous  mes  maulx  et  mes  byen  grosses 
pertes,  c'est  qu'il  me  samble  que  noz  nous  sommes  fort  acquictez  vers  le  Roy  et  autant  que 
bons  subjectz  peullent  faire  et  que  ne  sommes  partis  de  lui  sans  son  bon  gré,  congé  et 
vollonté  dont  avons  ses  lettres  du  xix°  de  novembre,  sans  lesquelles  eussions  esté  en  gros 
dangier  de  nostre  toltalle  perdition  et  ruyne,  nous  avyons  bruslé  tous  noz  faubours,  déli- 
bérez de  soustenir.  Quant  à  noz  maisons  des  champs,  la  plus  part  a  esté  et  est  bruslé  et 
gasté  par  les  ennemis,  aussi  sont  tous  noz  biens  estans  es  pays  voisins  tous  confisquez, 
quant  aux  levées,  debtes  et  arriérages,  vous  povez  bien  penser  en  quel  estât  nous  en 
sommes  à  présent  et  serons  encore  pour  deux  autres  années  à  venir.  Dieu  soit  louvtré  !  De 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  49 

IV.  Sembla blement  à  ce  qui  s'était  passé  a|)rès  raunexioii  du  Tournaisis 
au  domaine  de  la  couronne  anglaise,  quelques  conspirations  se  tramèrent 
après  la  capitulation  de  4521. 

La  plus  sérieuse  fut  celle  de  1526-1327. 

A  ce  moment-là,  un  corps  de  troupes  français,  prêt  à  un  coup  de  main 
sur  les  Pays-Bas,  se  trouvait  massé  à  Guise,  sous  le  commandement  du 
capitaine  de  Montbrun. 

Des  artisans  tournaisiens,  toujours  fidèles  à  leurs  sympathies  françaises, 
virent  dans  ce  fait  une  occasion  propice  pour  tenter  de  rendre  Tournai  à  la 
France. 

Philippe  Painlevé,  condamné  le  12  juillet  1526  à  un  voyage  expiatoire 
à  Saint-Hubert  en  Ardennes(')  pour  coups  portés  à  Jean  Dufour,  se  rendit 
à  Guise  près  de  Montbrun,  au  lieu  de  faire  le  voyage  assigné.  Là,  il  combina 
avec  le  capitaine  français  l'exécution  de  sa  tentative  de  trahison,  puis  revint 
à  Tournai,  où  il  gagna  à  sa  cause  des  gens  de  métiers,  un  chapelain  de 
Notre-Dame,  Jean  de  Herselle,  le  curé  de  Ruuiegies,  Jean  Siret  et  d'autres. 

La  conspiration  fut  découverte  par  Michel  de  Gaest('^),  capitaine  impérial 


tout  vous  en  scaurez  cy  après  plus  au  long  ».  (Archives  de  l'État  à  Mons,  Fonds  de  l'évêclié 
de  Tournai,  n°  93,  fol.  i  r".) 

Une  preuve  éclatante  que  la  France  ne  conserva  pas  rancune  aux  Tournaisiens  de  leur 
reddition  à  Ctiarles-Quint  se  trouve  dans  ce  fait  :  Le  3  décembre  1521,  la  ville  de  Tournai 
fit  demander  à  François  ï"'  de  ne  point,  selon  l'usage  jusqu'alors  toujours  suivi,  prendre 
prétexte  de  la  capitulation  de  Tournai  pour  confisquer  tiefs,  rentes  et  arrérages  que  les 
Tournaisiens  possédaient  nombreux  en  terre  française.  Le  Roi  accorda  très  volontiers  ce 
qui  lui  était  demandé;  mais  voulant  que  les  habitants  du  Tournaisis  continuassent  à  être 
traités  «  comme  s'ils  appartenaient  toujours  au  royaume  de  France  »,  il  leur  laissa  ouvertes 
les  portes  des  universités  françaises,  sans  qu'on  pût  de  ce  chef  leur  causer  le  moindre 
dommage.  (Voir  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  général,  octobre  1521  et 
septembre  1522.  —  Recueil  des  Ordonnances  des  Pays-Bas,  deuxième  série,  t.  II,  p.  12o.) 

(1)  Bulletins  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  III,  p.  16,  note  1. 

(-)  Michel  de  Gaest,  capitaine  au  service  de  l'Empereur,  reçut  de  ce  prince,  le 
15  février  1535,  des  lettres  patentes  de  noblesse.  Il  avait  épousé  Antoinette  Arande  et 
mourut  à  Tournai  le  16  octobre  1555.  (du  Chastel,  op.  cit.,  t  II,  p.  87.)  Il  reçut  une 
somme  de  100  carolus  d'or  pour  sa  dénonciation,  ainsi  que  le  prouvent  les  extraits  sui- 
vants (Archives  communales  de  Tournai,  Consaux  du  3  septembre  1527)  :  «  De  la  remons- 
Irance  par  escript  de  noble  homme  Michiel  de  Castes,  l'un  des  capitaines  de  la  garnison  de 
Tome  I.  —  Lettres,  etc.  7 


30  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

au  Chàleau,  au  moineiU  où  dix  à  douze  mille  Français  se  préparaient  à  se 
mellre  en  roule  vers  Tournai. 

Philippe  Painlevé  fut  exécuté,  tandis  que  les  autres  conjurés  subirent  des 
sorls  dilïérents.  Nicolas  Fourneau  et  le  curé  Sirel  furent  bannis  de  Tournai 
et  virent  tous  leurs  biens  confisqués;  Chrétien  de  Cambron  eut  la  langue 
percée  d'un  fer  rouge,  puis  subit  la  fustigation  de  verges  à  chaque  carrefour 
de  la  ville,  préalablement  au  bannissement  et  à  la  confiscation  de  ses  biens; 
Jean  Deslailleurs  fut  banni  pour  dix  ans  et  le  chapelain  Jean  de  Herselle  se 
vit  consigné  dans  Tournai  pendant  deux  ou  trois  ans. 

Quant  aux  autres  coupables,  Jean  Scot,  Valérien  Leblond,  Laurent  Lesec, 
Jean  de  Deere,  les  archives  nous  apprennent  (ju'ils  subirent  la  torture 
extraordinaire,  mais  ne  nous  renseignent  pas  autrement  sur  les  châtiments 
ultérieurs  (|ui  leur  furent  infligés  (^). 

Ce  fut  la  dernière  tentative  sérieuse  de  la  part  des  partisans  de  la  France. 
Au  reste,  ces  conspirations  étaient,  dès  leur  conception  même,  vouées  à 
ravorlemenl.  Outre  que  Charles-Quint  ne  semblait  pas  disposé  à  céder  aux 
préférences  d'une  partie  de  la  population,  ces  mouvements  populaires  man- 


l'Empereur,  notre  sire,  en  son  chaslel  en  caste  ville,  qui  a  esté  le  premier  advertissant 
mons^  le  gouverneur  d'icelle  ville  de  la  très  inique,  perverse  et  misérable  volunté  que 
avoient  Philippot  Painlevé,  Arnould  le  Dècre  et  leurs  adhérens  touchant  la  trahison  qu'ils 
entendaient  et  vouloient  conspirer  5  faire  à  rencontre  de  la  très  sacrée  niajestée  et  sa  ville 
et  cité  pour  la  mecire  et  livrer  es  mains  du  Roy  de  France  ».  —  Consaux  du  4  février  1S28 
(n.  s.)  :  «  Du  rapport  des  chiefs  sur  la  requeste  nagaires  faicte  à  messeigneurs  les  Consaulx 
par  Michiel  de  Castre,  l'un  des  capitaines  au  chaste!  de  l'empereur  nostre  sire  en  ceste  ville, 
et  (le  la  communication  qu'ilz  en  ont  heue  avec  monseigneur  le  gouverneur  de  ceste  dicte 
ville,  sont  d'avis  de  lui  ordonner  et  accorder  des  deniers  de  la  ville  la  somme  de  cent  karolus 
d'or  ». 

(1)  Arctiives  départementales  du  Nord,  à  Lille,  série  B,  n"  2342.  —  Bulletins  de  la  Société 
historique  de  Tournai,  t.  III,  pp.  12-16.  —  Nous  ne  savons  d'où  Alex.  Henné,  op.  cit.,  t.  IV, 
p.  1S4,  tient  ses  renseignements  ;  ils  sont  dans  tous  les  cas  erronés;  Valérien,  Jean  Leblond 
devient  tout  simplement  Valérien  Leblond,  c'est-à-dire  une  seule  personne;  Cyprien  de 
Cambrai  est  Chrétien  de  Cambron;  les  frères  Jean  Scot  ne  font  qu'une  seule  et  même 
personne,  Jean  Scot;  quant  au  prévôt  Jean  Charnoi,  qui,  au  dire  d'Alex.  Henné,  aurait  été 
mêlé  à  la  tentative  de  trahison,  il  n'était  point  prévôt  alors.  Pour  les  supplices  infligés  aux 
conjurés,  qu'on  lise  les  preuves  qu'Alex.  Henné  donne  à  la  page  133  du  tome  IV  de  son 
volumineux  ouvrage;  on  verra  qu'il  ne  les  a  pas  comprises. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITFQUE  ET  SOCIAL.  51 

quant  d'unité,  étaient  par  le  fait  même  condamnés  h  un  échec  inévitaiile. 
De-ci  de-là,  comme  une  étincelle  jaillit  parfois  encore  d'un  feu  mourant,  des 
manifestations  hostiles  à  l'empereur  éclateront  puhli(|uemenl  (');  mais  elles 
ne  seront  que  l'expression  des  sentiments  d'une  minorité  pauvre,  parlant 
sans  influence. 

L'élément  aristocratique  de  la  population  et  la  bourgeoisie  adonnée  au 
négoce  trouvaient  plus  d'avantages  que  de  mécomptes  dans  la  situation 
nouvelle.  Aux  uns,  la  suppression  des  droits  politiques  du  peuple,  depuis  un 
siècle  le  véritable  maître  de  la  cité,  donnait  une  satisfaction  suffisante;  aux 
autres,  le  nouvel  état  des  choses  n'apportait,  momentanément  du  moins, 
que  des  profits. 

Quant  aux  classes  laborieuses,  les  seules  restées  inébranlablement  atta- 
chées à  la  France,  la  jouissance  eff"rénée  d'un  pouvoir  sans  limite,  d'une 
liberlé  dégénérée  vile  en  licence,  la  succession  de  deux  sièges  à  huit  ans 
d'intervalle,  le  commencement  de  la  décadence  économique  les  avaient  telle- 
ment anémiées,  qu'elles  ne  trouvèrent  même  plus  un  reste  d'énergie  pour 
s'insurger,  quand  Charles-Quint  leur  enleva,  comme  on  le  verra  plus  loin  (-), 
l'usage  des  droits  politiques  que  leur  avaient  conférés  les  rois  de  France. 

Tous  d'ailleurs  semblent  accablés  de  lassitude  :  l'évêque  lui-même, 
Louis  Guillard,  qui  avait  fait  tant  d'opposition  à  Henri  VIII,  prêchait 
d'exemple.  Le  12  décembre  1521,  il  se  déclare  prêt  à  jurer  fidélité  à 
Charles-Quint  (^),  malgré  ses  attaches  françaises  ;  à  abandonner  Tournai  au 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  publication  du  6  septembre  1527.  «  On  vous  fait 
assavoir...  que  à  certaine  nuytëe  en  ceste  prt'sente  sepmaine  aucuns  menez  de  mauvaise 
volunlë  se  sont  avanchiez  de  balader  en  le  grand  rue  S'  Fiat  en  ceste  ville  en  proférant 
pluiseurs  libelles  diffamatoires  et  parolles  injurieuses  à  la  charge  et  deshonneur  de  mes- 
seigneurs  les  commissaires  de  l'empereur  noslre  souverain  seigneur,  estans  en  ceste  dicte 
ville,  au  grand  scandalle  des  sages  et  bons  nianans  d'icelle  ville.  » 

Voir  aussi  dans  le  Registre  de  la  Loi,  n°  147,  des  condamnations  prononcées  notamment 
en  août  1S31  cl  juillet  1S37,  contre  certains  individus  qui  avaient  traité  des  Tournaisiens 
de  «  grisons  Franchois  »  et  de  «  chien  et  viliain  Franchois  »,  et  dit  à  un  autre  «  qu'il 
n'estoit  bon  assés  pour  combatre  un  Bourguinion  »,  etc. 

(2)  Voir  plus  loin,  pp.  60  et  seq. 

(3)  Archives  de  l'Etat  à  Mons,  Fonds  de  l'évêché  de  Tournai,  n"  84.  Extrait  d'une  lettre 


52  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

profil  (le  Gand  ou  de  Bruges,  pour  finir  par  dire  qu'en  une  franche  soumission 
du  pays  à  l'empereur,  résidaient  «  le  bonheur,  la  paix,  le  repos  et  la  pros- 
périté des  Tournaisiens  (*)  » . 

Aussi  la  jïrande  majorité  se  résigna-t-elle  facilement,  et  elle  parut  s'in- 
cliner devant  l'arrêt  de  la  fatalité. 

Les  Français  n'acceptèrent  pas  aussi  aisément  la  perle  du  Tournalsis. 

Par  le  traité  de  Madrid  du  44-  janvier  io26,  François  I",  prisonnier 
de  Charles-Quint,  acquiesça  bien  à  une  renonciation  obligée  de  Tournai 
et  du  Tournalsis  ("-),  mais  il  fallut  encore  que  les  traités  de  Cambray  du 
3  août  1.^29  ('),  et  de  Crespy  du  18  septembre  1544.  vinssent  confirmer 
cette  renonciation  pour  enlever  définitivement  aux  Français  tout  espoir  de 
récupérer  un  jour  Tournai  et  son  bailliage. 

Avec  la  prise  de  Tournai  par  les  armées  impériales,  disparaît  l'impor- 
tance politique  que  l'on  avait  toujours  attribuée  à  la  possession  de  celte  ville 


de  l'évêque  Louis  Guillard  au  vicaire  général  de  Tournai,  Pierre  Cottrel.  Paris,  12  décem- 
bre 1521.  «  Je  vous  prye  retirer  par  devers  l'empereur  ou  bien  mess"  de  Nansau,  Fyennes 
ou  viconte  de  Gand  me  recommandant  très  humblement  à  la  bonne  grâce  que  entendu  la 
forme  de  votre  appoinctement,  chacun  demeure  en  ses  biens,  tant  gens  d'église  que  aultres 
et  peult  retourner  qui  vould,  en  faisant  telz  devoirs  que  de  rayson,  de  moi  je  suis  délibéré 
du  tout  me  retirer  et  déservir  mon  bénéfice,  ne  me  mesler  que  de  faire  mon  estât  ainsi 
que  ay  faict  par  cy  devant,  faire  tel  serment  qu'il  plaira  à  l'empereur,  me  tenir  où  bon  luy 
semblera  soit  Bruges,  Gand,  Tournay  où  ailleurs...  » 

(1)  Même  lettre.  «  Il  me  samble  que  c'est  le  soûlas  de  toute  la  ville  d'estre  en  la  main 
de  l'empereur,  la  paix,  tranquilité  et  repos  d'icelle,  quelle  en  vauldra  myeulx  beaucoup  en 
marchandise...  »  Cependant,  Charles-Quint  n'accepta  pas  cette  sorte  de  soumission  de 
Louis  Guillard,  et  le  4  février  lo22  (n.  s.l,  il  commit  le  vicaire  général  Pierre  Cottrel  à 
l'administration  des  biens  de  l'évêché  de  Tournai  confisqués  sur  l'évêque  Guillard  «  au 
moyen  de  ce  que  l'évesque  dudit  Tournay  est  en  France  ». 

(2)  J.  Du  Mont,  Corps  diplomatique  du  droit  des  gens.  Amsterdam.  lo26,  t.  IV,  1"  partie, 
p.  402,  col.  1,  in  fine.  «  IX.  Pareillement  renonce,  quitte  et  transporte  ledit  Seigneur  Roy 
Tres-Chrestien,  et  aussi  lesdifs  Ambassadeurs,  en  vertu  de  ce  point  Traitté,  pour  luy,  ses 
Hoirs,  Successeurs  quelconques  au  profit  dudit  Seigneur  Empereur  comme  Comte  de 
Flandre  et  d'Artois,  pour  luy,  ses  hoirs,  successeurs  et  ayans  cause,  tout  le  droit  que  ledit 
Roy  Tres-Chrestien  a  et  prétend,  ou  pourroit  avoir  et  prétendre  es  Citez  d'Arras,  Tournay 
et  Tournésis,  es  lieux  de  Mortaigne  et  Sainct-Amand.  » 

(3)  Du  Mont,  op.  cit.,  t.  IV,  2'  partie,  pp.  9-10.  Extrait  du  traité  de  Cambrai  du 
5  août  1529.  Le  traité  de  Crespy  réédite  le  même  texte.  «  IX.  Item,  aussi  iceluy  seigneur 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  55 

et  son  rôle  inlornational  prend  fin.  N'étaient  les  troubles  religieux  du 
XVI''  siècle,  qui  lui  rendirent  un  regain  de  notoriélé,  le  Tournaisis,  après 
1521,  serait  tombé  dans  le  plus  profond  oubli,  jusqu'à  l'époque  des  guerres 
de  Louis  XIV. 


Roy  Tres-Chrestien,  tant  pour  luy  que  sesdits  successeurs  Roys  de  France,  a  renoncé,  et 
par  cedit  Traitté  de  Paix  ladite  Dame  Duchesse  d'Angoulmois  sa  mère,  en  vertu  de  sondit 
pouvoir,  derechef  renonce,  quite  et  transporte  audit  Seigneur  Empereur,  pour  luy  et  ses 
successeurs  Comtes  et  Comtesses  de  Flandres,  tout  tel  droit,  tiltre,  cause,  raison  et 
action,  que  luy  et  sesdits  successeurs  Roys  de  France  ont  et  pourroient  avoir  ci-après, 
clamer  et  prétendre,  demander  et  quereller  en  la  Ville  et  cité  de  Tournay  ou  Bailliage  de 
Tournésis,  es  Villes  de  Mortaigne  et  Sainct-Amand  ;  consentant  et  accordant  pour  ledit 
Seigneur  Roy,  et  sesdits  successeurs  Roys  de  France,  que  iceluy  seigneur  Empereur  et 
sesdits  successeurs  Comtes  et  Comtesses  de  Flandres  jouissent  et  possèdent  perpétuellement 
et  à  tousjours  desdites  Cité  et  Ville  de  Tournay,  Railliage  de  Tournésis,  Villes  de  Mortaigne 
et  de  Sainct-Amand,  en  toutes  prééminences,  prérogatives,  fruicts,  profits,  émoluments, 
droits  de  régalie,  de  nomination  aux  évesché  de  Tournay,  abbaye  de  Sainct-Amand, 
Sainct-Martin  audit  Tournay  et  autres  abbayes  audit  Tournésis  et  quelconques  autres  droits 
sans  aucune  réservation,  commes  unis  et  incorporez  par  ledit  Seigneur  Empereur  et  ses 
lettres  patentes  à  la  Cour  de  Flandres;  sans  jamais  pouvoir  aller  au  contraire  par  iceluy 
Seigneur  Roy  et  ses  successeurs  Roys  de  France.  » 


54  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 


DEUXIEME  PARTIE 


Institutions. 


CHAPITRE  PREMIER. 

INSTITUTIONS  COMMUNALES   DE   TOURNAI. 

Sommaire.  —  L  La  charte  de  1424.  —  II.  Ses  principales  dispositions.  —  III.  Juridictions 
prévotale  et  scabinale  sous  l'empire  de  cette  charte.  —  IV.  Abolition  de  cette  charte.  — 

V.  Modifications  apportées  par   Charles-Quint   au   recrutement   des    magistrats.   — 

VI.  Juridiction   scabinale  sous   Charles-Quint.   —  VIL   Juridiction  prévotale  sous 
Charles-Quint. 

I.  Si  certaines  communes  ont  joui  assez  tôt  d'une  constitution  démo- 
cratique, si  à  Liège,  à  la  suite  de  la  paix  d'Angleur  (1313),  si  dès  le 
premier  quart  du  XIV^  siècle,  à  DinanI,  à  Bruges,  à  Gand,  à  Louvain,  les 
corporations  se  firent  octroyer  de  grands  et  larges  privilèges  qui  leur  assu- 
rèrent une  représentation  directe  dans  la  magistrature  municipale,  Bruxelles 
et  Tournai  évoluèrent  beaucoup  plus  lentement  dans  la  voie  de  l'émanci- 
pation démocralique. 

Toutefois,  à  Tournai,  si  le  triomphe  de  la  démocratie  fui  d'un  siècle  en 
retard  sur  les  communes  liégeoises  et  flamandes,  il  n'en  fut,  peut-on  dire, 
que  plus  complet,  et  plus  qu'ailleurs  il  favorisa  la  marche  ascendante  des 
classes  laborieuses,  provoqua  l'avènement  des  corporations  sur  la  scène 
politique,  assura  la  prépondérance  des  corps  de  métiers  sur  les  grands 
bourgeois  et  leur  attribua  une  influence  maîtresse  sur  la  marche  des  afl'aires 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  55 

locales  ('),  à  tel  point  (|ue  les  corporations  lournaisiennes  furent,  dès  lors, 
les  seuls  juges  dans  toutes  les  questions  communales  importantes. 

Mais,  avant  d'en  arriver  là,  la  commune  de  Tournai  subit,  comme  toutes 
les  autres  du  reste,  une  administration  aristocratique  qui  condamna  le  monde 
du  travail  manuel  à  un  effacement  complet  dans  la  gestion  des  affaires 
municipales.  Point  de  magistrature  si  vous  n'êtes  bourgeois,  tel  était  le 
principe  essentiel  consacré  dans  les  chartes  de  1340  et  de  1374,  qui 
réglaient  l'élection  des  magistrats  communaux  (").  Pour  les  plébéiens,  pour 
les  gens  d'humble  extraction,  pour  la  plupart  de  ceux  qui,  du  matin  au  soir, 
peinaient  à  l'atelier  ou  chez  eux,  pour  ceux  qui,  par  leur  dur  labeur,  con- 
tiibuaienl  à  la  prospérité  de  la  commune,  point  de  part  dans  l'admiaislralion 
des  affaires  publiques.  Elle  était  centralisée  entre  les  mains  de  la  riche 
bourgeoisie  ou  même  d'une  oligarchie  de  la  naissance  et  de  la  fortune  qui 
avait  fini  par  considérer  le  Magistrat  comme  son  patrimoine  et  dont  les 
membres  se  succédaient  à  tour  de  rôle,  suivant  une  sorte  de  roulement 
régulier. 

Cette  situation  ne  pouvait  s'éterniser. 

Le  voisinage  des  Flamands,  les  fréquents  rapports  commerciaux  des 
Tournaisieiis  avec  la  Flandre  et  surtout  avec  Gand,  l'évolution  même  des 
idées  devaient  inéluctablement  amener  un  changement. 

11  se  produisit  dans  le  premier  quart  du  XV*'  siècle,  et  à  l'époque  où  les 
métiers  de  Bruxelles  se  contentaient  d'être  seulement  quelque  chose  ( '),  ceux 
de  Tournai  voulurent  être  tout  dans  leur  cité. 

La  guerre  de  Cent-Ans  sévissait  alors  avec  fureur;  la  France  démembrée, 
presque  tout  entière  aux  mains  des  Anglais,  ne  parvenait  point  à  étouffer 
les  querelles  intestines  qui  l'affaiblissaient,  el  ses  habitants  étaient  séparés 
en  deux  camps  mortellement  ennemis. 


(1)  Edmond  Poullet,  Origines,  développements  el  transformations  des  institutions  dans  les 
anciens  Pays-Bas,  2"  édit.,  t.  II,  p.  63. 

(2)  La  charte  d'août  1340  et  celle  du  6  février  1371  contiennent  toutes  deux  ce  prin- 
cipe :  «  il  ne  puist  estre  bourgois  de  Tournay,  ne  par  conséquent  estre  en  office  de  la  ville  ». 

(3)  Edmond  Poullet,  op.  cit.,  t.  II,  p.  75. 


56  TOURNA!  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

Tournai,  comme  le  reste  de  la  France,  était  divisé.  Or,  de  ces  dissensions, 
de  cette  opposilion  d'idées  et  de  sentiments  entre  les  patriciens  —  bour- 
guignons —  et  les  pléhéiens  —  armagnacs  —  que  l'émancipation  intellec- 
tuelle des  artisans  et  un  certain  ralentissement  dans  la  prospérité  économique 
rendaient  encore  plus  vive,  naquit  un  mouvement  populaire  qui  se  traduisit 
bientôt  en  revendications  politiques. 

En  1423,  le  peuple  de  Tournai  avait  envoyé  des  députés  à  Paris  pour 
s'enquérir  de  ce  qui  se  passait  en  France. 

A  leur  retour,  quand  les  corporations  apprirent  qu'ils  avaient,  au  nom  de 
la  ville  de  Tournai,  reconnu  l'inique  traité  de  Troyes  (i420)  et  promis 
obéissance  au  duc  de  Bedford,  elles  se  réunirent  tumultueusement  sur  la 
Grand'Place  et  s'ameutèrent. 

Les  8,  9  et  10  juin,  une  foule  compacte  d'artisans  occupa  nuit  et  jour 
la  place  publique,  conspuant  magistrats  et  bourgeois,  acclamant  le  nouveau 
roi  Charles  VII,  mais  sans  but  bien  déterminé. 

Certains  démocrates,  comprenant  le  parti  qu'ils  pouvaient  tirer  d'une 
pareille  situation,  prirent  la  tête  du  mouvement,  organisèrent  réunion  sur 
réunion,  répartirent  la  population  mâle  en  trente-six  catégories  ou  ban- 
nières (*),  inscrivirent  dans  chacune  d'elles  tous  les  Tournaisiens  âgés  de 
48  ans,  firent  procéder  par  chaque  Bannière  à  l'élection  d'un  doyen  et 
d'un  sous-doyen  et  élaborèrent  une  nouvelle  constitution  communale,  dont 
Charles  VII,  trop  heureux  de  conserver  Tournai  à  ce  prix,  s'empressa 
d'autoriser  la  mise  en  application  au  mois  de  mars  1424  Ç^). 

L'élément  démocialique  eut,  dès  lors,  une  part  et  même  une  part  prépon- 
dérante dans  la  gestion  des  alïaires  communales. 

II.  Antérieurement,  en  effet,  l'administration   municipale  appartenait  à 


(1)  Cliaque  Tournaisien  mâle,  qu'il  exerçât  ou  non  un  métier,  devait  se  faire  inscrire 
sur  le  registre  d'une  corporation  et  appartenait  par  le  fait  même  à  une  bannière,  c'est-à-dire 
à  un  de  ces  groupements  factices,  composés  parfois  de  plusieurs  corporations.  Chacun  de 
ces  groupements  avait  sa  bannière  propre,  de  là  le  nom  de  bannière  qui  leur  fut  donné. 

(2)  Société  historique  et  archéologique  de  Tournai,  Annales,  t.  V,  pp.  6  à  13,  ei  Mémoires, 
t.  XVII,  pp.  ï29i  et  seq.  —  Voir  aussi  J.-J.  de  Smet,  Hecueil  den  Chroniques  de  Flandre, 
t.  m,  pp.  377  et  seq. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  57 

trois  coiisisloires  ou  collèges,  dans  lesquels  ne  pouvaient  entrer  les  hommes 
du  peuple,  les  artisans,  s'ils  n'élaienl  viri  hcrediiarii  ou  «  chefs  d'hôlel 
héritiers  »,  c'est-à-dire  possesseurs  d'un  héritage  ou  d'un  bien  immeuble 
quelconque. 

Le  premier  de  ces  trois  consistoires  était  celui  des  prévôts  et  jurés. 
Composé  de  vingt  personnes  dont  deux  prévôts,  ce  collège  constituait  le 
pouvoir  exécutif  local. 

Les  maïeurs  et  échevins,  au  nombre  de  quatorze,  formaient  le  deuxième 
collège,  ils  étaient  plus  particulièrement  investis  des  fondions  qui  incombent 
de  nos  jours  aux  notaires  et  aux  juges  de  paix.  Approbation  de  testaments, 
passation  d'actes  de  vente,  de  donation,  de  louage,  de  prêt,  nomination  de 
tuteurs,  vérification  des  comptes  de  tutelle  ou  de  curatelle,  telles  étaient 
leurs  principales  attributions. 

Enfin,  les  trente  éwarcleurs  composaient  le  troisième  collège  et  élisaient 
le  20  février  de  chaque  année  les  prévôts  et  jurés  et  les  échevins.  Ils  avaient 
eux-mêmes  été  choisis  par  le  suffrage  restreint  de  ceux  qu'on  appelait  à 
Tournai  les  «  chefs  d'hôlel  ».  Avec  les  membres  des  deux  autres  collèges, 
ils  constituaient  l'administration  communale  et  géraient  les  affaires  de  la 
cité. 

La  nouvelle  constitution  laissa  subsister  ces  trois  rouages  administratifs, 
mais  elle  leur  en  adjoignit  un  autre,  celui  des  doyens  et  sous-doyens  des 
métiers,  qui,  en  fait,  administra  à  lui  seul  la  commune. 

Ces  doyens  et  sous-doyens  des  métiers  n'étaient  pas  élus  par  le  même 
corps  électoral  que  celui  qui  choisissait  les  autres  organismes  municipaux. 
Chacun  Tétait  par  «  les  chefs  de  ménage  »  qui  composaient  sa  bannière,  et 
Ils  devaient,  pour  être  éligibles  «  exercer  une  profession  manuelle  ». 

Par  dérogation  et  en  cas  de  force  majeure  seulement,  pouvaient  encore 
être  choisis  comme  doyen  ou  sous-doyen  d'un  métier,  les  chefs  d'hôtel  ne 
travaillant  point  de  leurs  mains  ou  les  étrangers  riches,  pourvu  qu'ils  eussent 
sept  années  de  résidence  à  Tournai. 

Toutefois  dans  la  pratique,  cette  dérogation  au  principe  démocrali(|ue 
consacré  par  la  charte  de  1424,  n'avait  aucune  portée.  Chaque  Tournaisien 
mâle  devant  faire  partie  d'une  bannière,  il  s'ensuivait  que  dans  chaque 
Tome  I.  —  Lettres,  etc.  8 


58  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

bannière,  les  artisans  el  les  ouvriers  élaienl  plus  nombreux  que  les  bourgeois 
et  que  le  total  des  votes  de  réiément  aristocratique  était  annihilé  par  le 
chiffre  des  suffrages  populaires.  Aussi  avons-nous  constaté  que  jamais  un 
chef  d'hôtel  n'appartenant  pas  au  monde  des  travailleurs  manuels  n'est 
arrivé  à  se  faire  élire  doyen  ou  sous-doyen,  tandis  qu'au  contraire  des  doyens 
et  des  sous-doyens  sont  parfois  parvenus,  ce  qui  était  d'ailleurs  autorisé 
par  la  charte  de  1424,  à  être  ou  grands  prévôts,  ou  jurés,  ou  échevins  ('). 

Réunis  aux  trois  autres  consistoires,  ces  soixanle-douze  doyens  et  sous- 
doyens  des  métiers  s'occupaient  avec  eux  de  la  gestion  des  affaires  de  la 
ville.  L'assemblée  des  quatre  consistoires  composait  le  Magistrat  ou  les 
Consaux  de  Tournai. 

Toute  mesure  d'intérêt  général  proposée  aux  Consaux  devait,  pour  être 
rendue  exécutoire,  avoir  été  votée  par  chacun  des  quatre  collèges  séparément. 

La  majorité  absolue  suffisait  dans  les  trois  premiers  consistoires,  tandis 
que  pour  rendre  illusoire  toute  coalition  des  éléments  aristocratiques  qui 
auraient  pu  se  glisser  parmi  les  doyens,  il  fallait  les  deux  tiers  des  voix 
des  doyens  et  sous-doyens  ("^). 

Mais  il  y  avait  dans  la  nouvelle  charte  constitutionnelle  une  stipulation 
bien  plus  catégorique,  qui  montre  clairement  que  l'essentiel  souci  des  démo- 
crates de  1423  fut  de  barrer  le  chemin  à  l'aristocratie  et  de  rendre  désormais 


(<)  Les  éwardeurs  nommés  par  paroisses  et  par  les  chefs  d'hôtel  bourgeois  devaient 
comprendre  dans  leurs  rangs  une  majorité  bourgeoise,  d'opinion  aristocratique,  car  par 
un  usage  singulier,  les  paroisses  riches,  quoique  moins  peuplées,  élisaient  plus  d'éwardeurs 
que  celles  où  dominait  la  classe  ouvrière.  Incorporés  dans  les  bannières,  ces  chefs  d'hôtel 
se  voyaient  perdus  dans  la  masse  du  peuple  et  leur  vote  était  annihilé  par  celui  des  chefs 
de  ménage. 

(2)  Chaque  Tournaisien,  artisan  ou  non,  devait,  on  le  sait,  se  faire  inscrire  dans  un 
métier  et  était  versé  dans  la  bannière  de  laquelle  dépendait  ce  métier.  Il  était  loisible  aux 
bourgeois  de  se  faire  porter  parmi  les  membres  de  telle  ou  telle  corporation,  de  s'assurer 
ainsi  çà  et  là  une  majorité  et  de  parvenir  lors  des  élections  des  doyens  à  faire  élire  des 
gens  de  leur  parti.  A  noire  avis,  c'est  pour  déjouer  ce  calcul  que  la  charte  de  1424  exigea 
les  deux  tiers  des  votes  des  doyens,  car  s'il  est  certain  que  l'élément  aristocratique  pouvait 
arriver  à  faire  nommer  quelques-uns  des  siens  au  doyennat,  il  n'est  pas  davantage  douteux 
que  jamais  les  bourgeois  ne  pouvaient  réussir  à  faire  élire  par  les  bannières  deux  tiers  de 
doyens  aristocrates. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  59 

les  artisans  maîtres  de  rorientation  politique  et  de  Padminislration  de  leur 
ville. 

La  voici.  Si  les  quatre  consistoires,  après  trois  votes  consécutifs,  n'étaient 
point  parvenus  à  se  meltre  d'accord  sur  une  question  dont  la  gravité  ou 
l'importance  même  avait  divisé  les  Consaux,  l'afTaire  devait  être  portée  devant 
le  |)euple  assemblé  par  bannières.  Celles-ci,  à  la  majorité  des  deux  tiers, 
prononçaient  en  dernier  ressort  et  sans  appel  sur  la  suite  à  donner.  On  peut 
donc  affirmer  que  pendant  tout  le  temps  qu'a  duré  cette  constitution,  le 
peuple  fut  véritablement  le  maîlre  des  destinées  de  Tournai  ('). 

La  démocratie  s'était  (ait  reconnaître  d'autres  privilèges  :  un  des  deux 
receveurs  municipaux  devait  toujours  êlre  un  doyen  ou  un  sous-doyen;  les 
ordonnances  de  paiement  n'étaient  |)ayables  que  si  elles  étaient  revêtues  de 
la  signature  de  six  doyens  pour  ce  choisis;  aucun  impôt  ordinaire  ou  extra- 
ordinaire ne  pouvait  êlre  levé  sans  l'assentiment  de  vingt-quatre  bannières 
au  moins  ;  le  scel  de  la  ville  était  conservé  dans  un  coffre  dont  six  des  sept 
clefs  étaient  en  la  possession  de  doyens  ou  de  sous-doyens;  le  jugement  des 
causes  intéressant  les  métiers  fut  retiré  aux  prévôts  et  jurés  pour  être 
attribué  aux  doyens  et  sous-doyens;  défense  absolue  était  faite  au  Magistrat 
d'engager  la  ville  dans  un  procès,  sans  le  consentement  des  bannières,  etc.  (^). 

IlL  Outre  leuis  fonctions  administratives,  deux  des  quatre  consistoires 
avaient  conservé  les  fonctions  judiciaires  dont  ils  étaient  antérieurement 
investis. 

C'est  ainsi  que  les  prévôts  et  jurés  se  réunissaient  certains  jours  de  la 
semaine   pour  juger  crimes,  homicides  ou  autres  méfaits  du  ressort  de 


(')  DE  LA  Change,  De  la  politique  des  rois  de  France  à  Tournai.  Tournai,  Casterman, 
1901.  La  charte  de  1424  se  trouve  en  entier  éditée  dans  ce  travail. 

C-î)  Nous  aurions  pu  montrer,  au  lieu  de  nous  borner  à  faire  l'historique  extérieur  de 
cette  charte  ou  des  rou.iges  créés  par  elle,  hommes  et  choses  agissant;  nous  avons  cru 
pouvoh'  nous  en  dispenser,  parce  que  nous  savons  que  M.  Maurice  Houtart  est  occupé  à 
étudier  ce  point  intéressant,  et  surtout  parce  que  cela  nous  eût  entraîné  hors  de  la 
question  posée  par  TAcadémie.  D'ailleurs,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  cette  charte 
ne  fut  appliquée  durant  le  XVI«  siècle,  que  pendant  vingt  et  un  ans,  c'est-à-dire  le  quart 
du  siècle  qui  fait  l'objet  de  notre  étude. 


60  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

la  justice  criminelle.  Suivant  la  gravité  des  cas,  ils  prononçaient  la  peine 
de  mort,  la  perle  d'un  membre,  le  bannissement  à  temps  ou  à  toujours,  etc. 

Leurs  sentences  étaient  susceptibles  d'appel  devant  le  Parlement  de  Paris. 

Le  jugement  des  causes  civiles  continua  à  être  réservé  aux  échevins. 
Ceux-ci  ne  disposaient  comme  moyen  répressif  que  de  l'amende.  On  appelait 
de  leurs  décisions  devant  la  juridiction  prévôtale. 

IV.  Cette  constitution  démocratique  avait  été,  dès  le  principe,  sagement 
appliquée;  mais  ici,  comme  dans  la  plupart  des  démocraties,  les  éléments 
avancés  devinrent  vite  les  maîtres  de  la  situation  politique  et,  de  la  charte 
de  14-24  sortirent  des  effets  désastreux  pour  la  bonne  administration  de  la 
ville  de  Tournai.  A  côté  de  l'usage,  il  y  a  l'abus;  c'est  à  l'abus  que,  pour 
son  malheur,  la  population  tournaisienne  se  laissa  entraîner.  Les  tempé- 
raments apportés  par  la  charte  nouvelle  à  l'exercice  de  la  liberté,  les 
garanties  concernant  «  la  sagesse  et  la  capacité  des  candidats  »  furent  peu 
à  peu  abandonnés  et,  à  l'aurore  du  XVI"  siècle,  les  Tournaisiens  qui  s'étaient 
débarrassés  du  régime  de  la  ploutocratie  depuis  soixante-quinze  ans,  étaient 
bien  près  de  tomber  dans  la  démagogie. 

Des  magistrats,  au  mépris  de  la  Loi  communale,  occupaient  leur  charge 
plus  que  le  temps  légal  (').  Dès  1504,  Louis  XI!  dut  ordonner  à  son  bailli 
de  Tournai  de  veiller  à  ce  que  les  chefs  de  la  Loi  ne  fussent  en  fonctions 
qu'une  fois  en  trois  ans  (-).  La  brigue  régnait  sans  mesure  dans  la  recherche 
des  fonctions  électives  et,  en  1520,  elle  provoqua  des  plaintes  amères  de  la 
part  du  roi  François  \"  (■'). 


(<!  La  charte  de  1424  disait  :  «  Item  que  les  prévotz  et  mayeurs  des  esctierins  de  la  ditte 
ville  qui  auront  esté  par  ung  an  en  leurs  diz  offices  ne  pourront  demourer  en  jceulz,  par 
quelque  manière  que  ce  soit,  l'année  ensuivant.  » 

(2i  Archives  communales  de  Tournai,  Charte  originale  du  mois  d'octobre  to04. 

Les  chefs  de  la  Loi,  qui  composaient  ce  qui  constitue  de  nos  jours  le  collège  échevinal, 
comprenaient  les  deux  prévôts,  les  deux  maïeurs  des  échevins,  le  maïeur  et  le  sous-maïeur 
des  éwardcurs,  le  grand  doyen  et  le  grand  sous-doyen  des  métiers. 

(3;  Archives  communales  de  Tournai,  Consnux,  séance  du  1"  février  lol9  (a.  s.).  Les 
commissaires  royaux  font  entre  autres  connaître  «  que  le  Roy  a  chargé  nous  dire  qu'il 
est  fort  désirant  que  la  chose  publicque  de  ceste  ville  soit  bien  conduite  et  gouvernée  et 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  61 

On  chercha  à  loul  fairo  rentrer  dans  l'ordre.  De  commun  accord  avec  le 
gouverneur  français,  des  députés  du  Magistrat  furent  chargés  de  recliercher 
les  modificalions  susceptibles  d'être  apportées  à  la  charte  de  1424;  un 
projet  fui  même  rédigé,  mais  comme  il  devait  atteindre  dans  sa  mise  à 
exécution  ceux  qui  cherchaient  le  plus  à  peser  sur  la  volonté  du  peuple, 
il  fut  rejeté  par  l'assemblée  générale  des  Consaux  ('). 

Cependant  les  patriciens,  fatigués  de  ce  régime,  n'attendaient  qu'une 
occasion  pour  secouer  le  joug  (|ue  la  démocratie  tournaisieime  faisait  peser 
sur  eux.  La  reddition  de  Tournai  à  Charles-Quint  la  leur  fournit. 

Quelques  semaines  après  la  capitulation,  ils  sollicitèrent  de  l'empereur 
l'abrogation  de  la  constitution  de  14.24  (-).  Impatient  de  déférer  à  leur 
désir,  Charles-Quint  se  hâta  d'envoyer  à  Tournai  des  commissaires  chargés 
d'examiner  les  privilèges  de  la  cité. 

L'affaire  s'engageait  mal  pour  la  démocratie.  Sans  nul  doute,  un  monarque 
aussi  porté  au  despotisme  que  l'était  l'empereur,  un  prince  aussi  hostile  ([ue 
lui  à  l'autonomie  communale,  ne  pouvait  pas  admettre  les  droits  politiques 
accordés  par  la  France  à  la  démocratie  tournaisienne.  Il  devait  se  réjouir 
de  l'occasion  inattendue  qui  s'offrait  à  lui  d'abattre  les  libertés  d'une  ville 
importante,  et  il  ne  manqua  pas  d'en  profiter. 

Aussi  les  commissaires  impériaux  qui  connaissaient  les  sentiments  de  leur 


que  on  ne  procède  à  mectre  au  gouvernement  d'icelle  par  brighes  et  lanternes.  Et  savons 
l'inconvénient  qui  en  est  advenu  dont  aucuns  d'icelle  avoient  esté  cause.  » 

Dans  le  procès-verbal  de  la  séance  du  13  janvier  iS21  (n.  s.),  on  peut  lire  cette  phrase 
tout  aussi  significative  :  «  que  le  principal  point  et  moyen  par  lequel  ceste  présente  ville 
puet  venir  à  estre  mise  et  réduite  à  bon  estât  et  ordre,  est  que  en  icelle,  justice  soit  bien 
ordonnée,  faite  et  créé  sans  corrupcion,  ambicion  et  poursieultes  désordonnées  et  que  pour 
ce  faire  adfin  de  oster  et  abolir  les  brighes  et  lanternes  ordinairement  acoustumées  et  de 
long  temps  entretenues  en  icelle  ville...  » 

(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  15  janvier  1521  (n.  s.). 

(5!)  Idem,  Consaux,  séance  du  31  décembre  1521.  «  Du  rapport  de  mess"  les  dépputez 
retournez  de  devers  l'empereur  notre  prince  et  seigneur  naturel.  Item  d'avoir  lettres  de 
confirmation  des  droits,  prévilèges,  usaiges,  franchises  et  libériez  de  ceste  ville.  A  quoy  a 
esté  respondu  que  lesdits  commissaires  verront  les  prévilèges,  entenderont  les  usances  et 
coutumes  desquelz  on  requiert  confirmacion  et  en  feront  leur  rapport  à  l'empereur  lequel 
leurs  pourverra  sur  ce  point...  » 


62  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

maître  et  qui  les  partageaient,  proposèrent-ils  aux  Consaux  de  réduire  le 
nombre  des  mandats  électifs  et  de  permettre  l'accession  au  doyennat  des 
métiers  à  d'anciens  artisans  n'exerçant  plus,  en  d'autres  termes,  à  d'anciens 
ouvriers  retirés  des  alTaires  et  vivant  bourgeoisement  en  rentiers  ('). 

Une  telle  proposition  ne  pouvait  plaire  au  peuple,  et  il  ne  s'en  préoccupa 
point  davantage. 

Charles-Quint  semblant  accepter  ce  «  non  volumus  »  des  démocrates 
tournaisieus,  approuva  et  confirma,  le  12  février  1322,  tous  les  privilèges 
antérieurement  accordés  au  peuple  de  Tournai  par  les  rois  de  France. 

Mais  il  était  facile  à  des  esprits  clairvoyants  de  deviner  par  le  texte 


[i    Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  16  janvier  1S22  (n.  s.). 

«  Le  joedi  xvj'^  jour  de  janvier  l'an  mil  v  xxj  par  l'ordonnance  des  chiefs  messeigueurs 
les  consaulx  furent  assamblez  au  commandement  de  messeigneurs  les  commissaires  envoyez 
en  ceste  ville  par  l'empereur  nostre  sire,  et  prestement  sont  venus  en  halle  monseigneur  le 
grant  (?),  monseigneur  le  gouverneur  et  autres  commissaires  qui  ont  déclaré  que  avons  seu 
le  charge  et  commission  à  eulx  baillé  par  l'empereur  sur  les  requestes  par  nous  baillées 
à  noslre  dit  seigneur  empereur  comme  le  porte  au  long  ladicte  requeste,  eulx  qui  sont  dési- 
rans  le  bien,  prospérité  et  augmentacion  de  ceste  ville  de  l'empereur  et  ont  veu  pluiseurs 
previlèges  que  demandons  estre  confirmez,  y  à  quatre  consaulx  qui  sont  grant  nombre  ou 
aucunes  fois  puet  avoir  confusion,  par  non  entendre  les  matières  mises  devant  eulx  et  que 
pour  y  parvenir  y  a  eu  des  brighes,  et  aussi  ont  oy  dire  que  es  doyens  on  ne  prend  que 
ceulx  qui  font  actuellement  le  mestier  dont  ilz  sont  doyen  combien  que  parcidevant  y  on 
prenoit  ceulx  que  parcidevant  avoient  fait  le  dit  mestier  qui  sont  mieulx  entendus  et 
congnoissons  de  fait  desdiz  mestiers  que  josnes  gens  nouveaulx  venus,  et  adfin  que  eulx 
qui  désirent  le  bien  de  ceste  dicte  ville  comme  nous  ont  requis  que  messeigneurs  les 
consaulx  en  vuellent  parler  et  communiquier  ensemble  soit  en  diminuant  le  nombre  desdiz 
consaulx  éviter  aux  brighes  et  autrement  et  eulx  délivrer  sur  ce  leur  advis  et  oppinion  pour 
en  faire  et  ordonner  au  bien,  prouffit  et  honnour  de  ceste  ville  de  l'empereur  nostre  sire, 
comme  ilz  verront  appartenir  et  sur  ce,  mesdis  seigneurs  les  commissaires  se  sont  retirez,  et 
ce  fait,  lesdiz  consaulx  se  sont  retirés  en  leurs  collèges  et  délibéré  de  ladicte  matière.  Et  à 
leur  retour  ont  rapporté  ce  qui  s'ensuit,  c'est  assavoir  de  leur  requérir  délay  jusques 
à  samedi  prochain  venant  pour  leur  en  bailler  la  responce  et,  pour  besongnier  en  ladicte 
matière,  ont  rcchargié  les  chiefs  et  avec  eulx  sire  Henry  de  Quarmont,  Jehan  Querquefoeille, 
jurez,  sire  Nicolas  le  Clerc,  mayeur  des  eschevins  de  Saint  Brixe  et  Jehan  Fournier, 
oschevin,  sire  Bauduin  du  Bar,  sire  Jehan  Carnoye,  Jehan  de  Laoultre,  eswardeurs,  Gilles 
Joly,  Nicolas  Fourneau,  Jehan  Delehaye,  Denis  du  Tilloel,  doyens  et  Léon  Lemaire,  leur 
greffier  et  de  prendre  aucuns  notables  personnes  aval  la  ville  pour  débatre  ladicte  matière, 
laquelle  responce  a  esté  déclaré  à  mesdis  seigneurs  les  Consaulx  qui  ont  accordé  ledit 
délay.  » 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  63 

même  de  celle  charte  que  l'empereur  manquait  de  sincérité  et  qu'il  se 
disposait  à  violer  ses  propres  engagements.  Il  avait  pris  soin  de  faire  ajouter 
au  protocole  ordinaire  de  ce  genre  d'actes,  ces  quei(pies  mois  qui  en  disent 
long  sur  sa  pensée  :  «  qu'en  surplus,  il  fera  dorénavant  traiter  et  gouverner 
les  Tournaisiens  en  bonne  justice  et  police  (')  ». 

En  ellel,  conformément  à  cette  déclaration,  lui  qui,  le  12  février,  avait 
ratifié  tous  les  privilèges,  il  expédia  de  Bruxelles,  le  14,  une  charte  nouvelle 
par  laquelle  il  supprimait  tout  droit  politique  aux  artisans  tournaisiens  et 
atteignait  du  même  coup  une  partie  de  la  bourgeoisie. 

V.  Énumérant  les  griefs  qu'il  avait  à  faire  valoir  contre  la  constitution 
démocratique  de  l/^Si,  il  prétendait  enire  autres  que  les  «  chefs  d'holel  », 
lors  de  l'élection  des  éwardeurs  et  ceux-ci  dans  le  choix  des  prévôts  et  jurés 
et  des  échevins,  avaient  abusé  de  leurs  droits  électoraux,  puis  il  trouvait 
les  privilèges  conférés  par  cette  constitution  funestes  aux  bourgeois  comme 
aux  gens  de  métiers,  reprochait  à  ces  derniers  de  négliger  leurs  occupations 
journalières  potu*  la  politique,  déplorait  de  voir  parmi  les  magistrats  des 
artisans  «  non  sachans  lire  ne  escripre  »,  et  n'admettant  point  (|ue  le 
Magistrat  fut  composé  de  tant  de  mandataires,  il  supprimai!  les  éwardeurs. 

De  même  aux  doyens  et  sous-doyens  des  métiers,  il  retira  le  droit  de 
faire  encore  partie  du  Magistrat,  sous  le  mauvais  prétexte  qu'il  n'était  nulle- 
ment question  d'eux  dans  les  chartes  constitutionnelles  de  1340  et  de  1370, 
Il  feignait  d'ignorer  que  la  création  de  ces  magistrats  datait  de  1424. 

Enfin,  s'attribuant  le  rôle  séculaire  des  éwardeurs,  Charles-Quint  se 
réserva  le  droit  de  nomination  aux  magislratin-es  municipales,  choisit  lui- 
même  «  parmi  les  plus  notables  bourgeois,  plus  vertueux,  de  meilleure 
conscience  et  des  plus  riches  el  |)uissans  et  plus  expérimentez  »  ceux  qu'il 
croyait  dignes  de  faire  partie  des  Consaux,  el  réduisit  le  Magistrat  à  deux 
consistoires.  Le  premier  de  ces  collèges  fut  composé  de  deux  prévôts  el  de 
douze  jurés,  soit  quatorze  membres  au  lieu  de  vingt;  le  second,  de  quatorze 
maïeurs  et  échevins  dont  un  maïeur  et  six  échevins  pour  cha(|ue  |)orlion 


(1)  Becueil  des  Ordonnances  des  Pays-Bas,  2«  série,  t.  II,  p.  141,  où  cette  charte  se  trouve 
reproduite  en  entier. 


64  TOURNAI  ET  LE  TOURNAiSIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

du  lerriloire  de  Tournai  située  sur  la  rive  droite  et  sur  la  rive  gauche  de 
l'Escaut.  Prévôts,  jurés,  maïeurs  et  échevins  restaient  deux  ans  en  charge 
et  étaient  renouvelés  par  moitié  tous  les  ans. 

Réunis,  ils  formaient  les  Consaux  de  Tournai;  par  mesure  de  précaution, 
l'empereur  leur  avait  adjoint  le  gouverneur  de  la  ville  et  le  hailli,  auxquels 
il  avait  respectivement  accordé  trois  et  deux  suffrages,  en  cas  de  vole  (^). 

Contrairement  à  ce  que  dit  Gachard,  les  magistrats  communaux  se  virent 
dès  lors  allribuer  un  traitement  fixe  ("). 

Cha(|ue  année,  au  mois  de  lévrier,  des  commissaires  choisis  par  l'empe- 
reur venaient  «  récréer  la  loi  »  et  vérifier  les  comptes  municipaux,  qui  de 
semestriels  devinrent  annuels.  Les  sept  clefs  du  coffre  contenant  le  scel 
de  la  commune  furent  confiées  à  la  garde  d'un  des  prévôts,  de  deux 
jurés  et  de  quatre  autres  magistrats  municipaux  «  esleuz  sur  le  fait  des 
finances  (^)  » . 

En  résumé,  Charles-QuinI  changea  complètement  le  recrutement  des 
magistrats  communaux  et  ne  laissa  aux  artisans  des  trente-six  bannières 
que  le  seul  droit  de  voler  ou  de  rejeter  les  aides  extraordinaires.  Encore 
est-il  nécessaire  d'ajouter,  que  si  plus  de  douze  bannières  ne  voulaient  point 
consentir  à  l'aide  qu'il  sollicilail,  il  ne  se  faisait  aucun  scrupule  de  passer 
outre  et  de  considérer  l'aide  refusée  comme  régulièrement  accordée  (*). 


(^)  Ordonnance  du  4  août  ISSl,  en  original  aux  Archives  de  Tournai. 

(2)  GACHAno,   Documents  inédils,  t.   11,   pp.   66-74.   Compte   communal,    1521-1522, 
fol.  49  V». 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  séance  du  24  mars  1S21  (a.  s.).  «  Le  dit  jour 
mesdisseigneurs  les  consaulx  baillèrent  les  clefs,  que  soloient  avoir  les  six  esleuz  servans 
à  faire  ouverture  du  coffre  où  est  le  seel  et  conlreseel  de  la  commune  de  ceste  ville  et  cité, 
c'est  assavoir  le  prevost  de  la  commune  qui  avoit  la  première  clef  le  aura  encore  comme 
ont  heu  les  autres  prévostz  de  la  commune  parcy  devant,  le  seconde  clef  est  mise  et  le  aura 
Sire  Michel  Cambry  second  prévost,  le  iij<'  clef  est  mise  en  le  garde  et  le  aura  Sire  Nicole 
de  Preys,  mayeur  des  eschevins  de  Tournay,  le  iiij«  clef  est  mise  en  le  garde  et  le  aura 
Sire  Jehan  Huland,  juré,  mayeur  des  iiij  esleuz  sur  le  fait  des  finances,  le  v  clef  est  mise  en 
le  garde  de  Jehan  Fournier,  eschevin,  l'un  desdiz  iiij  esleuz,  le  vj"=  clef  à  Sire  Henry  de  Quar 
mont  l'un  desdiz  iiij  esleuz,  et  le  vij"  clef  à  Jehan  Cambry  aussi  l'un  des  iiij  esleuz  su' 
fait  desdictes  finances.  » 

'■*)  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  367. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  (}"> 

VI.  L'empereur  modifia  également  le  mode  d'adminislralion  de  la  justice. 
Il  laissa  les  maïeurs  et  échevins  s'occuper  encore  des  affaires  civiles  en 
premier  ressort,  mais  il  leur  inlerdit  de  rendre  aucun  jugement  définitif,  si 
ce  n'est  en  présence  des  prévôts  et  jurés.  Il  faisait  de  l'échevinal  une  sorle 
de  magisiralure  mineure  subordonnée  aux  prévois  et  jurés,  et  des  échevins, 
une  espèce  de  juges  d'instruction  chargés  d'étudier  au  préalable  les  causes 
civiles,  d'entendre  les  plaidoiries,  de  prononcer  au  besoin  un  jugement  sur 
l'affaire,  sans  qu'il  pût  être  définitif  en  l'absence  des  prévôts  et  jurés  ('). 

Les  jugements  ainsi  rendus  étaient  susceptibles  d'appel  devant  le  Conseil 
de  Flandre,  lequel  n'avait  à  examiner  que  la  question  de  droit.  Était-ce  bien 
ou  mal  jugé,  voilà  sur  quoi  devait  seulement  porter  l'appel  interjeté  à  Gand, 
devant  la  juridiction  supérieure  (-).  En  aucun  cas,  le  procès  ne  pouvait  être 
recommencé  devant  les  magistrats  du  Conseil  de  Flandre  (■^). 

Mais  les  prévois  et  jurés  supportaient  malaisément  celle  obligation  de 
s'adjoindre  les  échevins  poiu"  rendre  la  justice  dans  les  causes  civiles.  Aussi 
prirent-ils  assez  tôt  l'habitude  de  ne  déléguer  au  tribunal  scabinal  que 
quelques-uns  des  leurs. 

Néanmoins,  par  crainte  qu'en  cas  d'appel  le  Conseil  de  Flandre  ne  cassât 
ces  jugements  pour  vice  de  forme,  les  magistrats  municipaux  réclamèrent 
et  obtinrent  une  ordonnance  nouvelle  (|ui  permit  aux  échevins  accompagnés 
d'un  des  deux  prévôts,  de  quatre  jurés  et  d'un  de  leurs  conseillers,  déjuger 
définitivement  les  affaires  civiles  (*). 

Mais  prévôts  et  jurés  cherchaient  avant  tout  une  diminution  de  leurs 
multiples  attributions  (').  Ils  s'adressèrent  de  nouveau  à  Tempereur  et,  le 


(^]  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  361. 

(2)  Ordonnance  du  10  décembre  lo3J2.  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  256-257. 

(3)  Idem,  Ibid. 

(i)  Ordonnance  du  18  mai  1525.  Ihid.,  (.  Il,  p.  361. 

(5)  Les  prévôts  et  jurés  comme  les  échevins  passaient  beaucoup  de  temps  au  service  de 
la  ville.  Une  ordonnance  du  18  mai  1525  nous  fait  connaître  l'emploi  du  temps  d'un 
échcvin  :  «  mais  que,  pour  ce  que  iceulx  eschevins,  <i  raison  de  leurs  dis  estaz,  sont  occupez 
les  lundis  et  merquedi  à  entendre  les  requestes  de  ceulx  qui  ont  affaire  pardevant  eulx 
pour  passer  ventes  d'héritages,  testamens  et  autres  actes,  que  le  mardi,  iceulx  conjoin- 
tement vaquent  aux  affaires  communs  de  ladite  ville  et  les  jours  de  jeudi  et  samedi. 
Tome  I.  —  Lettres,  etc.  9 


66  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

31  janvier  1527,  ils  oblinrent  (lue  dans  les  procès  civils,  les  arrêts  pourraient 
être  rendus  par  les  échcvins,  pourvu  qu'un  prévôt,  un  juré,  un  conseiller 
des  jurés  et  un  conseiller  des  échevins  lussent  présents  (^). 

VII.  Par  la  même  ordonnance  du  1 4  février  1522,  Charles-Quint  changea 
aussi  la  procédure  criminelle,  tout  en  laissant,  comme  antérieurement,  à  la 
compétence  des  prévois  et  jurés,  le  jugement  des  crimes,  homicides  et  autres 
méfaits  de  ce  genre.  Il  semble  même  qu'il  voulut  étendre  les  pouvoirs  de 
la  justice  prévôlale,  car,  de  fait,  il  supprima  le  droit  d'appel  devant  une 
juridiction  supérieure,  alors  que,  sous  Tadininistration  française,  les  sentences 
des  prévôts  et  jurés  étaient  susceptibles  d'appel  devant  le  Parlement  de 
Paris. 

Toutefois,  pour  éviter  toute  erreur  que  «  par  simplesse  ou  faulle  d'expé- 
rience »  les  prévôts  et  jurés  auraient  pu  commettre,  il  exigea,  quand  il 
y  allait  pour  l'accusé  ou  de  la  vie  ou  de  la  perte  d'un  membre,  que  les 
prévôts  et  jurés  appelassent  à  leurs  côtés,  le  bailli  de  Tournai  ou  son 
lieutenant,  les  gens  du  Conseil  du  bailliage,  les  pensionnaires  et  les  con- 
seillers de  Tournai,  et  qu'ainsi  composée,  cette  cour  prononçât  le  jugement 
à  la  majorité. 

Si  l'entente  n';ivait  pu  se  faire  sur  la  peine  à  infliger,  un  conseiller,  un 
juré  ou  un  pensionnaire  en  son  remplacement,  devaient  porter  devant  le 
Conseil  de  Flandre  le  procès  mis  en  écrit  par  le  greftîer  des  prévôts,  et  la 
sentence  était  alors  rendue  conformément  à  l'avis  du  Conseil  ('^). 


entendent  à  tenir  les  plaiz  ordinaires,  et,  à  ce  moien,  n'ont  lesdiz  eschevins  que  le  vendredi 
à  tenir  leur  conseil  sur  la  widenge  des  causes  et  procès  qui  sont  pardevant  eulx  ».  Comme 
on  le  voit,  toute  la  semaine  y  passait;  aussi  conçoit-on  facilement  que  l'échevinat  ait  été 
considéré  par  nos  ancêtres  comme  une  véritable  charge.  Les  prévôts  et  jurés  étaient  de 
même  tenus  toute  la  semaine  :  «  auquel  mesmes  jours  pour  lesdis  prevostz  et  jurez  en 
leur  chambre  tiennent  leurs  plaiz  ordinaires  ». 

(')  Recueil  ries  Ordonnances  des  Pays-lias,  t.  It,  p.  427.  Ordonnance  du  31  janvier  1327. 

(2)  Voir  Ordonnance  du  14  février  lo22.  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  tl,  p.  142. 

On  le  voit,  l'appel  des  décisions  des  prévôts  et  jurés  devant  une  juridiction  supérieure 
semble  donc  aboli,  la  sentence  devenant  détinitivc  du  moment  où  l'entente  avait  pu  se 
faire  entre  les  prévôts  et  jurés  et  les  officiers  du  bailliage  ou  bien  après  l'avis  du  Conseil 
de  Flandre. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  67 

Mais  cette  ingérence  des  officiers  du  bailliage  dans  la  justice  communale, 
jointe  à  rancieniie  et  toujours  vivace  jalousie  qui  n'avait  cessé  de  régner 
entre  la  justice  royale  et  la  justice  prévôtale,  à  la  lenteur  que  montrait  le 
bailli  à  se  rendre  aux  convocations  des  prévôts,  au  mauvais  vouloir  que 
témoignaient  les  fonctionnaires  du  gouvernement,  força  bientôt  Charles- 
Quint  à  modifier  sa  |)remière  ordonnance  et,  le  12  décembre  1522,  il 
autorisa  les  prévôts  et  jurés  à  seniencier  seuls,  si  le  bailli  et  ses  officiers  ne 
s'éiaient  point  rendus  à  une  première  convocation. 

Il  maintint  toutefois  la  première  procédure  pour  les  causes  complexes  ou 
embrouillées,  au  jugement  par  trop  difficile  ('). 

Les  deux  prévôts  jouissaient  encore  individuellement  du  droit  de  con- 
naître les  causes  civiles,  quand  l'amende  à  laquelle  pouvait  être  condamné 
le  délinquant  ne  devait  pas  dépasser  soixante  sous  tournois,  à  moins  toute- 
fois que  le  coupable  n'eût  demandé  à  comparaître  devant  ses  juges  naturels, 
les  échevins  ('"). 

Pour  ces  fondions  judiciaires  spéciales,  chaque  prévôt  tenait  son  tribunal 
ouvert,  le  malin  après  la  messe,  à  l'hôtel  de  ville,  et  l'après-midi,  devant  la 
porte  de  sa  demeure,  le  samedi  excepté  (■'). 

Les  magistrats  municipaux  de  Tournai  étaient  aidés  dans  leurs  attribu- 
tions administratives  et  judiciaires  par  de  nombreux  fonctionnaires.  La  ville 
payait  de  ses  propres  deniers  deux  conseillers  généraux  (*),  un  conseiller 


(<)  Voir  Ordonnance  du  12  décembre  1322.  Ordonnance  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  262. 

{^)  Arcliivcs  communales  de  Tournai,  liegistre  n"  8,  fol.  80.  «  Le  prévost  de  la  commune 
de  la  dite  ville  ou  son  compagnon  second  prévost  et  chacun  d'eulx  ont  auctorité  et  pooir 
de  connaislre  sommièrement  et  de  plaiz  de  toutes  actions  personnelles  non  excédant  la 
somme  de  soixante  sols  tournois  vaillables  cincq  livres  deux  solz  Flandres.  Toutetfois  si 
tels  adjournez  sommièrement  requerroient  estre  renvoyez  pardevant  leurs  juges  ordinaires 
ne  dcbvra  ledit  prévost,  ny  son  compaignon  plus  avant  cognoistre,  ains  prestement  debvera 
faire  le  renvoy  requis.  » 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  n"  8,  fol.  80.  «  Que  lesdits  plaids  sur 
pied  chacun  desdits  Prévosts  est  accoustumé  tenir  tous  les  jours  en  la  halle  du  Conseil 
après  la  messe  y  célébrée  et  de  l'après-diné  à  quattre  heures  au  devant  de  leurs  maisons, 
saulf  que  les  jours  de  marchiez,  iceulx  plaids  se  doibvent  tenir  au  devant  de  l'eschoppe 
joingnant  le  belfroy,  à  deux  heures  après  midy.  » 

(^)  .M.  Albert  Allard  détinit  ainsi  les  fondions  du  conseiller  général  ou  du  premier  de 


«8  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

des  échevins,  deux  greffiers,  deux  procureurs,  un  bailli  spécial  pour  la  terre 
contentieuse  d'Orcq,  un  procureur  près  de  la  cour  spirituelle  de  Tournai, 
un  autre  prés  de  celle  de  Cambrai;  elle  entretenait  en  outre  près  le  Grand 
Conseil  de  Salines  et  le  Conseil  de  Flandre,  un  conseiller  et  un  procureur 
particulier.  Plus  tard  même,  elle  porta  de  deux  à  trois  le  nombre  de  ses 
conseillers  locaux. 

L'exécution  des  décisions  judiciaires  des  prévôts  et  jurés  et  des  échevins 
était  assurée  par  deux  sergents  «  à  verghe  »  et  dix-sept  sergents  bâtonniers 
ou  agents  de  police  (^). 


ces  conseillers  :  «  Il  donnait  au  magistrat  son  avis  en  toutes  affaires.  Il  entendait  les 
plaidoiries,  étudiait  et  visitait  les  procès  pour  en  faire  rapport  aux  prévôts  et  jurés. 
Il  plaidait  pour  la  ville  au  bailliage  royal  et  rédigeait  les  mémoires  nécessaires  dans  les 
causes  pendantes  devant  le  Parlement,  où  la  commune  était  intéressée.  » 

(-1)  Extrait  du  Compte  général  du  4"'  octobre  IS21  au  30  septembre  iS22.  Archives  com- 
munales de  Tournai,  fol.  49  v?  et  50  r°.  Chapitre  des  gages  et  salaires. 

«  A  Jehan  Hacart,  premier  conseiller...  ;  à  Jehan  de  Preilz,  conseillierdes  eschevins...;  à 
Jehan  du  Puis,  second  conseillier...  ;  Rogier  du  Fief,  premier  greffier...;  Eloy  de  le  Rue, 
procureur  général...;  Guillaume  Haroult,  second  procureur...;  Nicolas  Leurion,  second 
greffier...:  Pieres  Mahieu,  bailly  de  Mess'^»  Prevostî  et  jurez  de  la  terre  contentieuse 
d'Orcque...;  Vinchent  Martin  et  Jehan  Ghotin,  sergens  5  verghe...;  Jehan  Crassier  et  Jehan 
de  iMaulde,  sergens  bastonniers,  Jehan  Boulongue,  OUivier  Monnier,  François  Hehart, 
sergens  bastonniers...;  au  douze  sergens  bastonniers  de  la  ville  pour  leurs  gaiges...; 
à  Michiel  Thourotte,  procureur  de  la  dicte  ville  en  la  court  espirituelle  d'icelle...  » 

Extrait  du  Compte  général  du  1"'  octobre  io22  au  30  septembre  4323,  fol.  88  r». 

«  A  maistre  Daniel  Tasse,  licensié  es  loix,  advocat  et  conseillier  de  ceste  dicte  ville  en  la 
court  souveraine  de  l'empereur  nostre  sire  à  Matines  pour  les  gaiges  à  lui  ordonnez...; 
à  maistre  Philippe  Doublet,  procureur  de  ceste  dicte  ville  en  la  dicte  cour  de  Malines  pour 
les  gaiges  aussi  à  lui  ordonnez...;  h  maistre  Germain  de  Bèvres,  licencié  es  loix  aussy 
conseillier  de  ceste  dicte  ville  en  la  Chambre  de  Flandre  pour  ses  gaiges  d'un  an...; 
à  maistre  Jehan  Wastiel,  procureur  d'icelle  ville  en  la  dicte  Chambre  de  Flandre  pour  ses 
gaiges.  » 

Extrait  du  Compte  général  du  4"  avril  4543  (a.  s.)  au  34  mars  4544  (n.  s.),  fol.  68  r°. 

«  A  Guillaume  Hanneton,  licencié  es  loix  et  tiers  conseillier  pour  les  gaiges  par  luy 
déservys.  » 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  69 


CHAPITRE  II. 

INSTITUTIONS  ROYALES  ET  INSTITUTIONS  JUDICIAIRES  ECCLÉSIASTIQUES. 
LE  BAILLIAGE  ET  LES  Ol-FICIALITÉS. 

Sommaire.  —  I.  Le  bailliage  et  sa  compétence;  ses  fonctionnaires  et  leurs  attributions. 
IL  Le  bailliage  sous  Charles-Quint.  —  III.  Les  officialités  et  leur  compétence. 

I.  En  même  lemps  que  la  justice  communale,  fonctionnait  aussi  dans 
Tournai  et  le  Tournaisis  la  justice  royale,  s'exerçant  au  nom  du  pouvoir 
souverain  du  roi  el  ayant  dans  ses  altribulions  le  jugement  des  cas  roi/aux 
ou  privilégiés.  C'élail  la  justice  baillivale. 

Les  principaux  cas  royaux  étaient  les  «  ports  d'armes  »  (agression 
préméditée  en  bande  et  à  main  armée),  les  contestations  en  matière  de 
conventions  passées  sous  scel  royal,  les  infractions  commises  par  les  bannis 
du  pays,  les  crimes  de  fausse  monnaie  et  de  lèse-majesté.  Les  juges  royaux 
avaient  aussi  la  connaissance  de  tous  «  cas  de  prévention  »,  c'est-à-dire 
qu'ils  retenaient  les  actions  que  l'on  portait  d'abord  par-devant  eux,  même 
si,  par  leur  nature,  ces  actions  étaient  hors  de  leur  compétence.  Dans  celte 
hypothèse,  la  contestation  passait  alors  au  rang  de  cas  royal.  Ils  avaient 
encore  dans  leurs  attributions  le  jugement  des  atlenlals  contre  la  personne 
Ju  roi,  contre  les  membres  de  sa  famille  et  contre  ses  officiers  ('). 

La  justice  royale  était  représentée  par  un  bailli,  qui  souvent  était  en 
même  temps  gouverneur  de  Tournai;  par  un  procureur,  un  avocat  et  des 
sergents.  Le  bailli  jugeait,  le  procureur  représentait  le  roi,  l'avocat  portail 
la  parole  en  son  nom  et  six  sergents  étaient  chargés  de  l'exécution  des  actes 
et  mandements  judiciaires  (^). 

A  ces  officiers  royaux,  il  faut  encore  ajouter  un  scelleur  royal  et  deux 
tabellions  royaux.   Ces  deux  derniers  avaient   pour  mission  de   recevoir, 


(^)  Albert  Allard,  Le  premier  bailliage  de  Tournai-Tournaisis.  Mons,  Janssens,  1895, 
in-S",  p.  2,  noie  1,  et  Journal  des  Tribunaux,  1892,  n»  930,  col.  1430. 
(2)  Albert  Allard,  op.  cit.,  pp.  11-12. 


70  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVT«  SIÈCLE 

moyennant  la  perception  d'une  certaine  redevance  au  profil  du  roi,  tout 
contrat  ou  toute  convention  auxquels  le  scelleur,  en  apposant  un  sceau 
spécial,  donnait  authenticité  et  valeur  ('). 

II.  Telle  était  l'organisation  du  siège  de  judicature  royal  sous  l'admi- 
nistralion  française;  elle  subsista  sous  Henri  VIII  et  elle  ne  paraît  pas 
avoir  subi  de  changements  notables  durant  le  règne  de  Charles-Quint  et  de 
Philippe  II,  sauf  en  ce  qui  concerne  l'appel  des  décisions  du  bailli  qui  fui 
retiré  au  Parlement  de  Paris,  pour  être  attribué  au  Grand  Conseil  Jt 
Mallnes  (^). 

Toutefois,  l'animosité  qui  régnait  entre  les  juridictions  royale  et  com- 
munale, animosité  qui  remontait  à  la  création  du  bailliage  de  Tournai- 
Tournaisis,  en  1383,  n'avait  point  cessé  d'exister.  Elle  amenait  même  de  si 
fréquents  conflits  d'attributions  entre  le  bailli  et  ses  officiers  et  les  magistrats 
communaux,  que  par  une  ordonnance  spéciale,  datée  du  7  octobre  1523, 
Charles-Quint  essaya  d'y  mettre  fin.  Dans  ce  but,  il  décida  que  tout 
différend,  en  cas  de  doute  sur  la  juridiction  dont  il  relevait,  serait  porté 
devant  le  Conseil  de  Flandre,  si  l'une  des  parties  engagées  était  flamande; 
si  les  parties  étaient  tournaisiennes,  il  pouvait  être  jugé  soit  par  le 
Conseil  de  Flandre,  soit  par  le  Grand  Conseil  de  Malines,  au  choix  des 
intéressés.  Dans  cette  dernière  alternative,  s'il  y  avait  lieu  à  renvoi,  celui-ci 
ne  pouvait  se  faire  que  devant  le  Conseil  de  Flandre  (^). 

III.  Enfin  l'organisation  judiciaire  du  Tournaisis  se  complétait  par  deux 
Cours  ecclésiastiques  :  l'Ofiiciaiité  de  Tournai  et  l'Offîcialité  de  Cambrai, 
lesquelles  jugeaient  les  clercs  et  leurs  délits,  suivant  qu'ils  appartenaient  aux 
paroisses  situées  soit  sur  la  rive  gauche,  soit  sur  la  rive  droite  de  l'Escaut  (^). 


(1)  Ce  scel  n'était  apposé  que  sur  des  documents  d'ordre  civil,  comme  des  conventions 
entre  particuliers,  etc. 

('^)  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  128. 

(3)  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  301.  On  sait  que  le  bailliage  de  Tournai  fut 
supprimé  en  1773,  pour  êlre  remplacé  par  le  Conseil  provincial  de  Tournai-Tournaisis. 

(♦)  La  ville  de  Tournai  et  le  Tournaisis  relevaient  de  deux  évêchés;  toute  la  rive 
gauche  de  l'Escaut  obéissait  spirituellement  à  l'évéque  de  Tournai,  et  la  rive  droite,  à  celui 
de  Cambrai. 


AU  POINT  DE  VUE  ï>OLITIQUE  ET  SOCIAL.  71 

Ces  Cours  avaient  aussi  la  connaissance  des  accusations  d'hérésie, de  sacrilège, 
de  majîie,  de  sorcellerie,  de  blasphème,  d'usure  notoire;  elles  réprimaient 
les  attentats  contre  les  clercs,  les  crimes  commis  dans  les  lieux  saints,  le 
concubinage,  la  violation  du  repos  dominical,  en  un  mot  jugeaient  toutes  les 
causes  qui  avaient  pour  objet  direct,  des  infractions  aux  lois  canoniques  ('). 


(1)  Albert  A[,laud,  L'organisation  judiciaire,  la  compétence  et  la  procédure  en  matière 
répressive  dans  l'ancienne  commune  de  Tournai  (Journal  des  Tribunaux,  15  décembre  1892, 
n°  930,  col.  1430),  et  Chanoine  Claessens,  L'inquisition  dans  les  Pays-Bas.  Turntiout, 
1886,  p.  S6. 


72  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 


CHAPITRE  m. 

LNSTITUTlOiNS  PROVLNCIALES. 

Sommaire.  —  1.  Origines  de  la  formation  de  la  province  du  Tournaisis. 
11.  Les  Étals  :  leur  composition;  leur  rôle;  leurs  prérogatives. 

1.  La  conquête  du  Tournaisis,  dit  Ileniie,  «  doinia  lieu  à  des  contestalioiis 
nées  d'un  élroil  égoïsnie  (^)  »  .  En  effel,  lors  de  la  réunion  des  Élals  Généraux 
à  Gand,  le  21  décenibie  1521,  on  ne  parvint  |)as  à  s'entendre  sui-  le 
sort  qu'on  réserverait  au  Tournaisis.  Les  députés  du  Hainaut  réclamaient 
l'annexion  du  Tournaisis  à  leur  comié,  en  basant  leurs  prétentions  sur  ce 
«  qu'une  partie  du  territoire  de  la  ville  de  Tournai  avait  jadis  appartenu 
au  Hainaut  (-)  »,  tandis  que  ceux  de  la  Flandre,  de  l'Artois  et  de  la 
chàlellenie  de  Lille  auraient  vu  sans  déplaisir  la  démolition  de  Tournai  et 
de  ses  remparts  (^),  afni  de  prévenir  le  retour  des  donunages  que  cette  ville 
leur  avait  causés  (*). 

Charles-Quint  ne  donna  raison  ni  aux  uns  ni  aux  autres.  Acquies^-ant  aux 
vœux  exprimés  par  la  population  tournaisienne  tout  entière,  |)ar  les  abbés 
et  moines  de  Saint-iMartin  et  de  Saint-Médard,  il  décréta,  en  février  1522, 
l'annexion  à  la  Flandre  de  Tournai,  Mortafiiie,  Sainl-Amand  avec  leurs 
appartenances  (^),  voulant  que  le  Tournaisis  formât  «  une  branche  du  pays 


(ij  Henné,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  423. 

("^)  La  ville  de  Tournai  avait  en  effet  acquis  en  1289  de  Hugues  de  Ctiatillon,  comte  de 
Saint-Pol,  un  territoire  qu'elle  avait  incorporé  dans  ses  lerres  et  qui  relevait  du  Hainaut  : 
c'est  le  quartier  des  Chaufours  ou  de  Saint-Jean  avec  ses  annexes,  Allain,  Warchin, 
Rumillies. 

(3)  Gachard,  Lettre  à  MM.  les  Questeurs  de  la  Chambre  des  Représentants.  Bruxelles, 
1841,  in-8»,  p.  63. 

(*)  Henné,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  423. 

(S)  Pièces  justificatives,  n"  Vil.  ^ous  ne  publions  que  lu  leurc  des  maj,'istrats,  les  leltn  > 
des  abbayes  étant  conçues  dans  les  mêmes  termes. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  tS 

de  Fliuiclrc  et  envoyai  (lorcnavaiil  des  députés  aux  assemblées  des  Élals  de 
celte  |)rovii)ce  »  ('). 

Il  ne  songeait  donc  pas,  ainsi  (|u'on  Ta  cru  jusqu'aujourd'hui,  à  faire  du 
Tournaisis  une  piovince  nouvelle  (^),  avec  des  Élals  spéciaux  el  une  orga- 
nisation provinciale  dislincte,  comme  la  Flandre  ou  le  Hainaul. 

Son  intention  était  crunir  le  Tournaisis  à  la  Flandre  et  de  le  placer 
vis-à-vis  de  cette  |)rovince  dans  la  même  situation  que  les  quartiers  d'ÂlosI 
ou  de  Termoiide  (').  En  d'autres  termes,  il  augmentait  la  Flandre  d'une 
circonscri|)lion  territoriale  nouvelle,  le  Tournaisis,  dont  les  habitants  avaient 
à  intervenir  proportionnellement  à  leur  nombre  et  à  leurs  richesses  dans  la 
réparliiion  des  aides  extraordinaires  imposées  à  la  Flandre. 

Aussi,  dès  le  principe,  les  Tournaisiens  envoyèrent-ils  des  députés  aux 
États  de  Flandre  (*).  iMais  peu  à  peu,  soit  que  cette  espèce  de  sujétion  envers 
la  Flandre  leur  déplût,  soit  qu'ils  trouvassent  cette  organisation  peu  en 
rapport  avec  l'idée  qu'ils  se  faisaient  de  leur  importance,  ils  abandonnèrent 
cette  coutume,  et,  se  substituant  au  bailli,  l'évêque,  le  chapitre  de  Tournai, 
les  principaux  seigneiu-s  et  les  abbayes,  qui  possédaient  la  presque  totalité 
des  terres,  se  réunirent  pour  procéder  à  la  répartition  des  tailles  et  impôts 
demandés  aux  communautés  ou  villages  du  Tournaisis,  s'érigèrent  en  corps 
spécial  d'État  el  créèrent  par  le  fait  même,  une  province  nouvelle  totalement 
indépendante  de  la  Flandre,  le  Tournaisis  (^). 

Il  est  à  remarquer  que  cet  événement  ne  se  produisit  qu'après  1555. 
Peut-êlre  les  Tournaisiens  s'aulorisérent-ils  pour  en  agir  ainsi  de  ce  qu'en 
août  1549,  Philippe  d'Espagne  était  venu  chez  eux  se   faire  reconnaître 


(<)  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  138. 

(2)  Jean  Cousin,  Histoire  de  Tournai,  livre  IV,  p.  278,  et  d'autres  auteurs. 

(^)  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  139. 

(*)  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  général,  octobre  1522-septenibre  1S23, 
fol.  90  V».  «  A  maistre  Jehan  du  Puis,  licencié  es  loix...  et  aussy  pour  estre  présent  avecq 
les  dépuiez  desdits  Consaulx  aux  estas  qui  se  tinrent  en  la  ville  de  Gand  »...;  fol.  91  r°. 
A  sire  Nicolles  de  Preilz,  mayeur  des  eschevins  de  Tournay  et  ledit  maistre  Jehan  du  Puis, 
lesquelz  par  l'ordonnance  desdils  Consaulx  se  transportèrent  en  la  ville  de  Malines  pour  et 
ou  nom  de  ceste  dicte  ville,  comparoir  à  l'assamblée  des  estas  du  pays  de  Flandre,  ainsy 
que  commandement  avoit  esté  fait  par  Madame  la  Régente...  » 

(S)  Bulletins  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  l,  p.  301. 

TojiE  I.  —  Lettres,  etc.  iO 


74  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

comme  successeur  éventuel  de  Charles-Quint,  ainsi  qu'il  Pavait  fait  dans  les 
autres  provinces,  et  profitèrent-ils  de  l'avènemenl  de  Philippe  II,  pour  se 
déclarer  indépendants  de  la  Flandre!  Cela  expliquerait  pourquoi  la  première 
délibération  prise  par  les  Étals  tournaisiens  ne  remonte  pas  au  delà  du 
18  juillet  1556  {'). 

Aucun  octroi  du  souverain  n'autorisa  celte  usurpation  de  pouvoir,  mais 
comme  aucun  décret  ne  Tinlerdil,  avec  le  temps  l'usage  servit  de  titre  et  le 
Tournaisis  subsista  comme  province  distincte,  jusqu'à  la  création  du  dépar- 
tement de  Jemappes  (1795). 

Le  président  Nény  se  trouvant  devant  le  fait  accompli  et  en  face  d'une 
institution  qui  fonctionnait  régulièrement  depuis  prés  de  deux  siècles,  ne 
remonta  point  aux  origines  et  commit  une  erreur  en  écrivant  dans  ses 
célèbres  mémoires  politiques,  que  Charles-Quint  «  conserva  à  la  ville  de 
Tournai  son  rang  d'État  particulier  totalement  indépendant  des  États  de  la 
Flandre,  avec  les  mêmes  attributions  et  privilèges  qui  appartiennent  à  des 
États  plus  considérables  (")  » . 

Cela  était  vrai  au  moment  où  Nény  écrivait,  mais  n'avait  commencé  à 
l'être  que  dans  la  seconde  moitié  du  XVI*  siècle,  sans  que  Charles-Quint 
y  fût  pour  quelque  chose. 

Avant  1522,  comme  longtemps  après,  le  Tournaisis  n'avait  été  qu'une 
expression  géographique  désignant  Tournai  et  soixante- quinze  villages 
soumis  à  la  juridiction  d'un  même  bailli  royal  ou  im|)érial,  mais  dépourvus 
de  tout  corps  d'État  provinciaux.  C'est  pour  ce  motif  que,  rigoureusement, 
ra|)pellation  «  province  du  Tournaisis  »  ne  devrait  être  employée  qu'après 
1556.  Si  nous  avons  nous-même  fait  un  usage  fréquent  de  cette  appellation, 
c'était  pour  la  clarté  du  récit. 

11.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  Tournaisis  était  composé  de  la  seigneurie  de 
Tournai  et  de  celle  du  Tournaisis  (^). 

La  seigneurie  de  Tournai  comprenait  le  territoire  de  cette  ville  et  de  sa 


(<)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  77,  fol.  1. 

(2j  C"=  DE  i\ény,  Mémoires  historiques  et  politiques  des  Pays-Bas  autrichiens.  Bruxelles, 
1784,  t.  11,  p.  183. 

(^J  Gachard,  Collection  de  documents  inédits,  t.  1,  p.  50. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  75 

banlieue.  Elle  possédait  comme  corps  administratif  les  Consaux  ou  États  de 
Tournai. 

Formés  du  Magistrat  lournaisien,  ces  États  ne  pouvaient  rien  en  matière 
de  subside,  sans  la  participalion  des  trente-six  bannières;  ils  devaient 
aussi,  lors(|u'il  s'agissait  de  subsides  extraordinaires,  entendre  les  gens  de 
loi  de  la  banlieue  dont  l'opinion,  toutefois,  n'était  que  consultative  ('). 

La  seigneurie  du  Tournaisis  se  composait  de  Mortagne  et  de  Saint-Amand 
avec  leurs  appartenances,  ainsi  que  des  autres  localités  et  communautés  de 
la  province,  telles  que  Warcoing,  Espierres,  Pecq,  Rumes,  etc. 

Les  Étals  étaient  formés  d'un  député  de  l'évêque,  du  doyen  de  l'église 
Notre-Dame,  d'un  député  du  chapitre  de  Notre-Dame,  des  abbés  de 
Saint-Martin  et  de  Saint-Nicolas  des  Prés,  dit  de  Saint-Mard,  et  des  sei- 
gneurs baut-jusiiciers  de  la  province  au  nombre  de  quatre,  savoir  les 
barons  de  Pecq,  Rumes,  Espierres  et  Warcoing  Ces  derniers  s'y  faisaient 
presque  toujours  représenter  par  leurs  baillis. 

Lors  des  demandes  d'aides  et  subsides,  ces  États  appelaient  les  députés 
des  communautés  ou  villages,  pour  leur  en  donner  communication  et  ouïr 
leurs  sentiments.  Toutefois  ils  n'y  avaient  égard  qu'autant  qu'ils  le  voulaient. 
Les  mêmes  députés  assistaient  aussi  à  la  cérémonie  de  l'inauguration.  A 
cela  se  réduisaient  les  prérogatives  du  tiers-état  ('-). 

Ces  États  avaient  encore  dans  leurs  attributions  le  droit  de  connaître 
des  contestations  relatives  aux  tailles  et  impôts  de  la  province  (^).  Dans  la 
répartition  totale  des  impôts  extraordinaires  demandés  à  la  province  de 
Tournai-Tournaisis,  la  seigneurie  de  Tournai  voyait  souvent  sa  quote-part 
fixée  au  tiers  de  la  somme  réclamée,  la  seigneurie  du  Tournaisis  fournissant 
les  deux  autres  tiers  (*). 

Enfin,  en  cas  de  réunion  des  États  Généraux,  Tournai  envoyait  deux 
députés,  le  Tournaisis  également  deux;  à  eux  quatre,  ils  formaient  la 
députation  des  États  de  Tournai-Tournaisis. 


(<)  Gachahd,  Collection  de  documents  inédits,  t.  I,  p.  5S. 

(2)  Idem,  Ibid.,  même  page. 

(•*)  Gachard,  Collection  de  documents  inédits,  p.  75,  note  1. 

(*)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  77.  Délibération  du  26  avril  1S59. 


76  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 


TROISIEME  PARTIE 


Après  la  Conquête.   —  La  Réforme. 


CHAPITRE  PREMIER. 

PREMIERS   TEMPS   DE    LA   RÉFORME. 

Sommaire.  —  l.  Impôts;  mœurs  du  clergé.  —  II.  Premières  condamnations  et  exécutions 
pour  cause  de  religion.  —  lil.  Organisation  de  l'Eglise  réformée  de  Tournai;  Pierre 
Brully.  —  IV.  Guy  de  Bray  ;  les  premiers  troubles  (1361).  —  V.  Nouveaux 
troubles  (1S63);  suppression  de  l'École  de  rhétorique.  —  VI.  Concile  de  Trente;  com- 
promis des  Nobles;  Floris  de  Montmorency.  —  VII.  Les  prêches;  les  Iconoclastes;  leur 
défaite  à  Marchiennes. 

I.  La  réorganisation  administrative  el  judiciaire  terminée,  le  rôle  histo- 
rique de  Tournai  et  du  Tournaisis  n'eul  plus  un  bien  grand  éclat.  Fière 
autant  que  satisfaite  d'occuper  le  pouvoir,  la  bourgeoisie  chercha  à  faire 
oublier  les  violences  des  luttes  antérieures  et  à  rétablir  dans  la  commune 
une  paix  féconde  et  réparatrice.  D'autre  part,  accablé  de  lassitude,  ayant 
perdu  l'espoir  de  jouer  encore  un  rôle  politique,  le  peuple  acceptait  avec 
indifférence  toutes  les  mesures  que  lui  imposait  le  gouvernement  el  partageait 
sa  modeste  existence  entre  un  travail  dur  et  pénible,  le  guel,  les  feux  de 
joie  ou  les  processions  que  multipliaient  les  victoires  de  Charles-Quint  sur 
la  France. 

Du  resle,  le  déclin  de  la  puissance  communale  dont  il  notait  les  progrès 
ne  lui  démonirail-il  pas  l'inutilité  d'une  résistance  quelconque  aux  volontés 
de  Cbarles-Quint. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  77 

Cependant  il  se  lassa  vile  de  sa  passivité;  il  laissa  percer  son  profond 
méconlenlemenl  et  donna  des  preuves  de  la  troublante  inquiétude  qui 
l'agitait.  L'annexion  du  Tournaisis  aux  Pays-Bas  ne  produisait  pas  pour  la 
classe  pauvre  les  résultats  qu'elle  avait  escomptés  :  l'industrie  diminuait, 
la  décadence  commerciale  s'aggravait,  les  rues  regorgeaient  de  mendiants, 
les  campagnes  étaient  pleines  de  vagabonds,  bref,  le  paupérisme  s'étendait 
de  jour  en  jour. 

D'un  autre  côté,  les  guerres  de  l'empereur  avec  la  France  venaient  encore 
accroître  le  mal.  Le  trésor  public  se  vidait  rapidement,  et  pour  faire  face 
aux  dépenses  chaque  jour  grandissantes,  le  gouvernement  accablait  d'impôts 
nouveaux  artisans  et  bourgeois. 

Quotidiennement  surgissaient  de  nouvelles  et  onéreuses  demandes  d'aides 
que  le  peuple  commençait  à  ne  plus  vouloir  et  à  ne  plus  savoir  payer. 

En  1536,  les  Étals  Généraux  avaient  accordé  à  Marie  de  Hongrie  qui, 
depuis  six  ans,  remplaçait  Marguerite  d'Autriche  dans  le  gouvernement  des 
Pays-Bas,  une  aide  extraordinaire  de  quatre  cent  mille  carolus.  La  Flandre 
en  devait  payer  le  tiers.  Bruges,  Ypres  et  le  Franc  obéirent  aux  Élals  ('), 
mais  une  vive  opposition  se  manifesta  parmi  les  métiers  de  Gand  qui,  fina- 
lement, refusèrent  de  voter  la  pari  d'intervention  de  leur  ville  ('^). 

Tournai  imita  les  Gantois.  Six  mois  durant,  les  trente-six  bannières, 
cédant  aux  instances  des  communicrs  flamands  (^),  refusèrent  de  voter  la 
quote-part  de  la  seigneurie  de  Tournai  et,  quand  en  mars  1S37,  elles  se 
décidèrent  à  payer  six  mille  carolus  d'or,  ce  fut  à  condition  que  les  privi- 
légiés comme  les  autres,  c'est-à-dire  les  nobles,  les  ecclésiastiques  et  les 


(1)  Këhvyn  de  Lettenhovr,  op.  cit.,  p.  39. 

(2)  On  sait  que  Gand  paya  son  opposition  à  celte  levée  d'impôts  nouveaux  par  la  perte 
totale  de  ses  libertés  (tS39). 

(>*)  Les  Gantois  avaient  en  effet  envoyé  à  Tournai  et  dans  d'autres  villes  Guillaume 
De  Rlay,  orfèvre  «  attin  de  les  suborner  et  séduire  à  faire  chescun  en  son  quartier  le 
samblable  et  se  joindre  avec  ceulx  de  Gand,  à  quoy  il  se  emploia  bien  fort  et  en  feist  bien 
ses  devoirs  vers  ceulx  qui  estoient  samblables  à  luy  esdictes  et  ne  tient  point  à  luy  que  les 
habitans  d'icelles  ne  s'y  joindirent  ».  (Gachard,  Relation  des  troubles  de  Gand  sous  Cliarles- 
Qidnt;  Collection  des  documents  inédits,  p.  89. j 


78  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

fonctionnaires  royaux  aussi  bien  que  les  bourgeois  el  les  artisans  acquitte- 
raient les  taxes  créées  en  vue  du  recouvrement  de  la  somme  demandée  (*). 

Journellement,  le  peuple  des  Pays-Bas  se  trouvait  dans  cette  alternative, 
payer  ou  encourir  la  colère  de  rem|)ereur.  Or,  l'exemple  des  Gantois  attestait 
que  le  châtiment  suivait  de  près  la  résistance. 

Telle  était  la  situation,  quand  se  firent  entendre  les  premiers  grondements, 
signes  précurseurs  de  la  Réforme. 

Le  peuple  «  qui  murmurait  contre  les  impôts  écrasants,  contre  les  excès 
des  soldais  qui  se  dédommageaient  de  leur  solde  arriérée  sur  les  paysans 
sans  défense,  contre  la  violation  des  privilèges  jurés  (■)  » ,  le  peuple  trouva 
quelque  allégement  à  sa  souffrance  dans  les  critiques  que  des  moines  eux- 
mêmes  se  mirent  à  lancer  contre  les  mœurs  du  clergé.  Elles  rencontrèrent 
d'autant  plus  d'écho  que  le  dérèglement  des  prêtres  réguliers  aussi  bien  que 
séculiers  s'étalait  davantage.  Partout  on  voyait  des  prêtres,  pour  la  plupart 
exempts  d'impôts,  vivre  ouvertement  avec  des  concubines,  en  avoir  des 
enfants,  «  dans  un  temps  où  l'Église  prescrivait  aux  ecclésiastiques  de  ne 
tenir  dans  leur  maison  que  leurs  mères,  leurs  sœurs  ou  leurs  plus  proches 
parentes  »  (■^). 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  19  mars  1536  (a.  s.). 

(2)  Lavisse  et  Rambaud,  Histoire  générale  du  IV  siècle  à  nos  jours.  Paris,  t.  V,  p.  177. 

(3)  Altmeyer,  Les  Précurseurs  de  la  Réforme  aux  Pays-Bas,  t.  1,  p.  230.  Voir  aussi  au 
sujet  des  dérèglements  du  clergé  au  XVI"  siècle,  Legroux,  Summa  slalutorum  synodalium  cum 
praevia  synopsi  vitae  episcoporum  toriiacensium.  Lille,  17:26,  p.  196,  §  o  et  6.  Pour  prouver 
à  l'évidence  que  le  «  peuple  voyait  partout  autour  de  lui  des  prêtres  vivre  ouvertement  avec 
des  concubines  »,  il  sutiira  de  donner  quelques  extraits,  pris  de  ci  de  là,  dans  un  compte 
reposant  aux  archives  de  Tournai,  registre  n°  2769,  et  contenant  les  rentes  vendues  par  la 
ville  pour  acquitter  les  redevances  annuelles  au  duc  de  Bourgogne,  grâce  auxquelles  celui-ci 
autorisait  la  lihre  entrée  des  marchandises  tournaisiennes  dans  ses  Etats  1426-1473).  — 
En  1436  :  «  de  sire  Nicole  Lantenoy,  presbtre,  fil  Jehan  demeurant  en  Tournay  pour 
VIII  livres  tournoiz  de  rente  par  an  au  pris  de  dix  deniers  le  denier,  aux  vies  de  luy  eagié 
de  Ij  ans  et  de  Gillette  Lantenoy,  sa  fille  inlégilime  qu'il  a  de  Jehenne  le  Faveresse  ».  — 
En  1436  :  «  de  Messire  Chrestien  Lefèvre,  preshtre,  ;\  présent  doyen  de  chrestienneté  de 
Saint  Brixe  en  Tournay  et  demeurant  en  la  dicte  ville  pour  douze  livres  tournois  de  rente 
par  an,  aux  vies  de  lui  eagié  de  xlviij  ans  et  de  .\nne  Lefèvre,  sa  fille  inlégitisme  qui  a  de 
Marguerite  Varniaux  »...;  en  147o  :  «  de  maisires  Gilles  Lapposlolle,  archediaque  de 
Bruges,  Nicoles  Deswastines,  ostelier  et  chanoines  de  l'église  Nostre  Dame  de  Tournay  et 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  79 

Il  semble  même  que  ces  désordres  étaient  plus  nombreux  à  Tournai  et 
dans  le  Tournaisis  que  dans  le  reste  du  pays. 

N'est-ce  pas  à  Tournai,  en  1498,  qu'un  moine  de  l'ordre  des  Frères- 
Mineurs,  Jean  Vitrier,  s'élevant  contre  la  dépravation  des  mœurs  du  clergé, 
soutint  qu'il  valait  mieux  «  couper  la  gorge  à  son  enfant  que  de  le  mettre 
en  religion  non  réformée  »;  qu'il  valait  mieux  «  prendre  son  enfant,  sa  fille, 
par  la  main  et  la  mener  au  bourdeau  que  de  la  mettre  en  religion  non 
réformée  »  ?  N'est-ce  pas  lui  aussi  qui  prétendit  que  le  roi  n'avait  point 
donnée  au  chapiire  de  Noire-Dame  l'exempiion  de  l'impôt  sur  les  vins  «  pour 
nourrir  les  paillardes  des  chanoines  et  des  gens  d'église  (')  »  ? 

S'il  est  vrai  que  rien  ne  vient  de  rien,  si  lout  s'encliaine,  ne  fallait-il  pas 
que  la  réforme  de  l'Église  fût  devenue  bien  nécessaire  pour  que  des  prêtres 
catholiques  osassent  publiquement  formuler  pareilles  déclarations? 

On  n'attendait  plus  que  l'homme  assez  audacieux  pour  entreprendre 
pareille  réforme,  quand  |)arut  Luther. 

Revenons  à  la  doctrine  de  Jésus,  prêchait  l'Augustin;  rejetons  les  inven- 


sire  Jetian  Marescault,  presbtre,  grand  vicaire  en  ladite  église,  exécuteurs  du  testament 
de  derreine  voullenté  de  deflfunct  maistre  Denis  de  Montmorency,  en  son  vivant  doyen  et 
clianoine  de  la  ditte  église,  accateurs  pour  Ixx  livres  tournois  aux  vies  deColinet  et  Jacques 
de  Montmorency,  frères,  enifans  naturelz  dudit  maistre  Denis  qu'il  a  eu  de  Jehenne 
Queval  »...  «  desdils  exécuteurs  pour  aultres  Ixx  livres  tournois  aux  vies  de  Colette  et 
Magdelaine  de  Montmorency,  seurs,  tilles  naturelles  dudit  maistre  Denis  qu'il  a  eu  de 
ladite  Jelienne  Queval  »...;  en  1473  :  «  de  Margueritte  le  Leure...  demourant  en  Tournay 
accatresse  pour  xxj  livres  tournois  aux  vies  d'elle  accatresse...  et  de  Margotine  Megnot,  sa 
fille  naturelle  qu'elle  a  eu  de  Damp  Jetian  Megnot,  religieux...  de  ladite  Margueritte 
accatresse  pour  xiiij  livres  tournois  aux  vies  de  Ysabel  Megnot  religieuse  à  l'ospital  de 
Bruilte  en  Tournay  et  de  Janette  Megnot,  sa  seur,  enfïans  naturelz  de  ladite  accatresse 
qu'elle  a  tieu  dudit  damp  Jetian  Megnot,  religieux  »...;  en  1475  :  «  de  maistre  Alard 
de  Touwart,  presbtre,  chanoine  de  l'église  Notre-Dame  de  Tournay,  accateur  pour 
xiiij  livres  tournois  aux  vies  de  Josne  et  Jannette  de  Touwart,  frère  et  seur,  enttans 
naturelz  dudit  accateur  qu'il  a  eu  de  Caterine  Cousine  »...  «  dudit  maistre  Alard  de  Touwart 
accateur  pour  vij  livres  tournois  à  la  vie  de  Simonnette  de  Touwart,  tille  naturelle  dudit 
accateur  qu'il  a  eu  de  ladite  Caterine  Cousine  »...,  etc.  N'est-ce  pas  Savonarole  qui,  en  1497, 
s'écriait  :  «  Autrefois,  si  les  prêtres  avaient  destils,  ils  les  appelaient  leurs  neveux;  mainte- 
nant on  n'a  plus  de  neveux;  on  a  des  tils  tout  court  »...  (Pastor,  Histoire  des  Papes,  trad. 
Furcy  Raynaud,  Paris,  t.  VI,  p.  14). 

(1)  Paul  Frédéricq,  Corpus  documentorum  inquisitionis  haerelicae  pravitaiis  Neerlan- 
dicae,  t.  1,  p.  490.  —  Altmeyek,  op.  cit.,  t.  i,  p.  237. 


80  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI^  SIÈCLE 

lions  humaines,  les  pèlerinages,  les  jeûnes,  les  couvents,  les  indulgences,  le 
culte  de  la  Vierge  et  des  Saints,  le  Purgatoire  el  tout  cet  échafaudage  de 
dogmes  qui  oui  obscurci  la  Sainte  Parole  (^). 

II.  Rapidement  ces  doctrines  se  répandirent  dans  les  Pays-Bas;  elles 
éhranlèrenl  dans  leurs  croyances  prêtres  et  fidèles  du  Tournaisis  et  le  curé 
d'Oroq  (-),  Jean  Le  Grue,  soutint  publiqucmenl  des  «  théories  sentanl 
l'hérésie  ('^)  » .  En  loi  7,  à  Tournai  même,  un  clerc  du  nom  de  Gaspard 
Fournier,  osa  prétendre  que  la  châsse  de  saint  Éleuthère  ne  renfermait 
point  les  reliques  du  patron  de  la  cité,  mais  «  le  corps  d'un  regnarl  ». 
Précurseur  de  Luther  quant  à  la  suppression  du  culte  de  la  Vierge  et  des 
Saints,  il  alla  même  jus(|u'à  recommander  aux  fidèles  rassemblés  dans  la 
cathédrale,  de  réserver  aux  besoins  de  la  vie  un  argent  qu'ils  dépensaient 
pour  l'achat  de  cierges  que  l'on  brûlait  devant  l'image  de  Saints  ou  de  la 
Mère  de  Dieu  (*). 

On  conçoit  combien  un  pareil  langage  dans  la  bouche  de  gens  revêtus 
d'un  caractère  sacerdotal,  dont  la  mission  consistait  à  défendre  et  non  à 
attaquer  l'Église,  à  propager  la  Foi  el  non  à  l'ébranler,  devait  bouleverser 
l'âme  des  populations  et  les  entraîner  finalement  dans  le  tourbillon  des  idées 
nouvelles. 

Vainement  Charles-Quint  multiplia  les  ordonnances  contre  l'hérésie,  les 
livres  et  les  écrits  luthériens  (^),  vamement  il  représenta  Luther  «  non  pas 
comme  un  homme,  mais  comme  un  démon  à  forme  d'homme  et  vêtu  en 
prêtre  pour  mieux  conduire  la  race  humaine  à  l'enfer  et  à  la  damnation  ('')  », 


(*)  La\msse  et  Rambaud,  op.  cit.,  t.  IV,  p.  406. 

(2)  Orcq,  petite  commune  de  sept  cents  habitants,  à  3  kilomètres  de  Tournai. 

(3)  Paul  Frédéricq,  op.  cit.,  t.  IV,  p.  390,  et  t.  V,  pp.  22-27. 
(♦)  Idem,  Ibid.,  t.  IV,  p.  295. 

(S)  La  première  ordonnance  contre  l'hérésie  date  du  20  mar.s  1321  ;n.  s.)  et  se  trouve 
en  entier  dans  les  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  70.  Elle  prescrivait,  dit  Poullet,  en 
conformité  de  la  bulle  du  pape  Léon  X  et  des  déclarations  des  facultés  de  théologie 
de  Louvain  et  de  Cologne,  «  de  briiler  tous  les  livres  et  écrits  provenant  de  la  secle  héré- 
tique d'un  nommé  Martin  Luther,  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Augusliti,  et  d'en  interdire 
l'impression,  la  vente,  l'achat,  la  conservation,  la  lecture,  etc.  ».  (Voir  Poullet,  Histoire  du 
droit  pénal  dans  le  Brabant,  p.  36.) 

16)  Ordonnances  des  Pays-Bas,  l.  11,  p.  77. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  81 

vainement  il  défendit  de  loger,  nourrir  et  héberger  les  ecclésiastiques  qui 
désertent  l'Église,  on  vit  hicntôl  des  |)rétres  séculiers  jeter  le  froc,  des  moines 
abandonner  leurs  couvents,  des  religieuses  quitter  leurs  cloîtres  et  se 
marier  ('),  tandis  (ju'arlisans  et  bourgeois  adoptaient  avec  une  ardeur  de 
néopliites  les  théories  nouvelles. 

A  Tournai,  Taugustin  Henri  de  VVesl|)halie,  natif  de  Clèves,  avait  aban- 
donné la  religion  catholique  pour  se  marier.  Les  inquisiteurs  le  firent 
arrêter  à  Courtrai  ("). 

Déclaré  hérétique  et  apostat,  le  13  juillet  1528  il  subit  la  dégradation 
dans  la  cour  de  Tévêché,  puis  fut  brûlé  vif  aux  Prés-Porchins  (•^).  On  jeta 
ses  cendres  dans  les  eaux  de  l'Escaut,  de  peur  que  «  les  assistants  ne  con- 
servassent des  reliques  du  martyr  ('*)  ». 

Henri  de  Westphalie  fui  à  Tournai  le  premier  martyr  de  la  Réfornje. 

En  même  temps  que  l'apostasie  se  répandait  dans  les  rangs  du  clergé, 
Luther  gagnait  des  adeptes  parmi  le  peuple.  Les  gens  de  métiers  traduisent 
la  Bible  en  langue  vulgaire,  soutiennent  ou  discutent  en  public  les  théories 
du  moine  de  Wittemberg,  attaquent  les  dogmes,  ne  reconnaissent  plus  la 
Vierge  comme  mère  de  Dieu,  blasphèment  journellement  et  se  rient  des 
ordonnances  impériales. 

On  sévit  bientôt  contre  ceux  qui  ne  craignent  ni  Dieu,  ni  l'Empereur; 
Françoise  Fouant,  soupçonnée  d'être  vaudoise,  se  voit  mettre  «  sur  la  tète 
estoupes  brûlant  »  ;  Rasse  d'Audenarde,  Cornille  Arians,  Jacques  Hespel 
sont  condamnés  à  une  amende  de  vingt  carokis  et  à  la  rétractation  de  leurs 
propos  blasphématoires;  iMichel  de  Bourdeauduis  doit  se  rendre  en  pèlerinage 


(1)  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  Il,  pp.  524-525, 

(2)  Paul  Fuédéricq,  op.  cit.,  t.  V,  p.  343,  n"  712. 

(3)  Près-Porchins,  territoire  de  la  banlieue  de  Tournai,  hors  la  porte  de  Sainte- 
Fontaine.  —  Voir  le  cérémonial  de  la  dégradation  d'un  prêtre  dans  Van  der  Haeghen, 
Martyrs  protestants  néerlandais,  notes  pour  servir  d'introduction  à  la  bibliographie  des 
Martyrologes,  M.  226,  pp.  9-12.  {BnsuoriiEcv  Belgica.) 

{*)  Léa,  Histoire  de  l'inquisition  traduite  par  Reinach,  t.  I,  p.  622;  voir  aussi  au  sujet 
de  la  mort  de  Henri  de  Westphalie,  Fuéoéiîicq,  op.  cit.,  t.  V,  pp.  337-339,  et  Archives 
communales  de  Tournai,  publication  du  11  juillet  1528  et  compte  général  d'octobre  1527 
à  septembre  1528,  fol.  81  v°  et  82  r". 

Tome  I.  —  Lettres,  etc.  11 


sa  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

de  Tournai  à  Notre-Dame  de  Hal,  «  portant  en  mains  un  cierge  ardent  » . 
D'autres,  comme  Jean  Brocart,  libraire,  et  Jac{|iies  Robetle,  sont  punis  pour 
avoir  fait  imprimer  à  quatre  cents  exemplaires  à  Cambrai  et  distribuer  dans 
Tournai,  sous  le  litre  de  «  Nouvel  Caton  »,  un  livret  «  contenant  plusieurs 
articles  faux,  sentant  la  lichen  et  doctrine  île  Martin  Luther  »  ;  le 
29  décembre  1530,  Pierrart  le  Gantier  est  condamné  à  la  prison  pour  avoir 
déclaré  que  la  confession  ne  sauvait  point  l'ânie  et  que  Peau  bénite  ne  valait 
pas  plus  qu'une  autre  eau  prise  «  dans  une  carrière  et  mise  en  une  quesne  (') 
de  terre  ("')  ». 


(^)  Quesne,  Kenne,  mot  local  encore  en  usage,  qui  désigne  un  récipient  assez  grand, 
en  forme  de  pot.  Ce  récipient,  généralement  en  cuivre,  sert  surtout  aux  laitiers. 

(2)  Voici  quelques  extraits  du  Registre  de  la  Loi,  n"  146,  à  l'appui  de  nos  affirmations  : 

a  Veu  la  poursieulte  faite  par  devant  nous  bailly...  etprévostz  et  jurez  de  la  dicte  ville... 
à  rencontre  de  Jehan  Brocart,  libraire  et  Jaques  Robette,  haultelicheur,  prisonniers,... 
pour  raison  de  ce  que  puis  nagaires  lesdits  demandeurs  disoient  et  maintenoient  ledit 
Jaques  Robette  avoir  baillié  et  délivré  audit  Jehan  Brocart  certain  livres  escript  à  la  main 
contenant  pluiseurs  articles  faulx  et  erronnez  contre  la  sainte  foy  chrestienne  sentant  la 
lichon  et  doctrine  de  Martin  Luther...,  lequel  livret  ledit  Jehan  Brocart,  libraire,  avoit 
depuis  intitulé  Nouvel  Caton  et  fait  imprimer  en  la  ville  de  Cambray  jusques  au  nombre  de 
quatre  cens  et  que  plus  est  les  [a]  vendu  et  distribué  à  pluiseurs  personnes  tant  de  ceste 
ville  que  d'autres...  Le  merquedy  iiij''  jour  d'octobre  l'an  mil  cincq  cens  vingt-cincq.  » 

«  Veu  la  poursieulte...  à  rencontre  de  Basse  d'Audenarde,  sayeteur,  Gornille  Arians, 
marchant  et  Jaques  Hespel,  bonnetier,  prisonniers...  pour  ce  que...  les  trois  dessus- 
nommez  et  chacun  d'eulx  avoit  proposé  et  déclaré  aucuns  poins  et  articles  faulx  et  erronnez 
contre  la  sainte  foy  chrestienne  sentant  la  lichon  et  doctrine  de  Martin  Luther...  et  aucuns 
d'eulx  avoir  livrés,  molez,  translatez  de  latin  en  franchois  lesdits  erreurs  sur  lesquelz  ilz 
fondoient  leurs  propos...  Le  venredy  xix^  jour  d'octobre,  l'an  mil  cincq  cens  vingt-six.  » 

«  Veu  la  poursieulte...  à  l'encontre  de  Jehan  Fouant,  cordewanier  et  Pierchon  Webe- 
ghorde,  bonnetier...  pour  ce  que...  ledit  Jehan  Fouant...  et  tenu  conventicule  et  assamblée 
de  gens  suspectz  de  adhérer  ausdictes  erreurs  en  sa  maison  entre  lesquelz  y  avoit  esté  ledit 
Pierchon  et  avoient  heu  aucuns  papiers  et  livretz  contenant  les  dites  erreurs  sur  lesquelz 
ils  fondoient  leurs  dis  propos...  Le  merquedi  darain  jour  d'octobre,  l'an  mil  cincq  cens 

vingt-six.  » 

«  Veu  la  poursieulte...  à  rencontre  de  Galyen  Davian,  laboureur...  pour  ce  que...  ledit 
Galyen  Davion...  Sy  comme  de  la  vénéracion  et  adoracion  de  la  sainte  vraye  croix  et  aussi 
de  l'oroison  qui  se  chante  chacun  jour  es  églises  de  la  très  digne  et  glorieuse  Vierge  Marie 
qui  est  de  Salve  Régina,  disant  que  en  la  dite  oroison  y  avoit  aucuns  mos  qui  ny  dévoient 
noint  estre...  Le  vendredy  m'  jour  du  mois  de  janvier.  L'an  mil  cincq  cens  vingt-six.  » 

«  Veu  la  poursieulte...  à  l'encontre  tant  de  Damien  Delemotte,  marchant  merchier. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  83 

Ces  diverses  condamnations,  sanf  la  dernière,  furent  prononcées  en  vt-rlu 
de  Tordonnance  du  4  7  juillet  4526,  interdisant  «  toute  réunion  privée 
même  dans  un  but  de  dévotion,  toute  lecture  des  Écritures,  toute  discussion 
à  huis-clos  concernant  la  foi,  les  sacrements,  l'autorité  du  pape  ou  tout  autre 
point  de  matière  religieuse,  le  tout  sous  peine  de  mort  »  ('). 

Ce  fut  surtout  à  la  suite  de  l'ordonnance  du  44  octobre  4  529,  confirmant 
et  aggravant  les  peines  comminées  contre  la  lecture  publique  ou  privée  des 
Ecritures,  que  commença  la  véritable  persécution  des  hérétiques,  l'ère  des 
condamnations  à  mort,  des  bannissements  perpétuels  et  des  confiscations  des 
biens  ("').  Dès  lors,  sur  la  grand'place  de  Tournai  où  le  peuple  avait  si 
souvent  célébré  par  des  chants  ses  victoires  politiques,  artisans,  bourgeois, 
magistrats  et  nobles  affronteront  la  mort,  sans  peur  et  sans  défaillance,  pour 
l'aflranchissement  de  la  conscience  humaine  et  le  triomphe  de  la  liberté 
religieuse. 

Car,  aussitôt  après  la  publication  de  celte  ordonnance,  les  magistrats  riva- 
lisèrent de  zèle.  Ils  se  livrent  à  des  perquisitions  insolentes,  violent  effronté- 
ment les  domiciles,  y  recherchent  les  livres  intitulés  :  «  Le  Sermon  de  la 
Montagne,  Le  Pater  noster  en  français,  Le  Manuel  des  Chrétiens,  Le  Limon 
des  docteurs  » ,  menacent  les  blasphémateurs  du  percement  de  la  langue  à 


comme  de  Jetian  Defrelye,  haultelicheur...  pour  raison  de  ce  que...  aussi  autres  parolles 
injurieuses  et  blasfemeuses  contre  lonneur  de  la  sacrée  Vierge,  mère  de  Dieu  et  autres 
sains  et  saintes  de  paradis  et  du  saint  siège  apostolique...  Le  xxij°  jour  de  novembre,  l'an 
mil  cincq  cens  vingt-six.  » 

«  Veu  la  poursieulte...  à  l'encontre  de  Andrien  Rogé,  sayeteur...  pour  raison  de  ce 
que...  et  autres  parolles  injurieuses  et  blasphemeuses  contre  lonneur  d'aucuns  ymaiges  de 
sains...  disant  que  ce  nestoient  que  figures  et  synagryes  et  meismement  contre  l'onneur  et 
reverance  du  saint  sacrement  de  l'autel  disant  et  proférant  publicquement  quil  tenoit 
autant  dudit  saint  sacrement  de  l'autel  que  d'un  morseau  de  pain  quil  tenoit  en  la  main... 
Le  vendredi  xxj<=  jour  d'aoust,  l'an  mil  cincq  cens  vingt-huit.  » 

Voir  aussi  pour  Françoise  Fouant,  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  généra!, 
octobre  lo24  à  septembre  lo^S,  fol.  85  v°. 

(^)  LoTHROP  MoTLEY,  La  RévoluHon  des  Pays-Bas,  traduit  par  G.  Jottrand.  Bruxelles, 
18o9,  t.  I,  p.  133,  et  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  402. 

C^j  Ordonnances  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  578.  Cet  édit  ordonnait  la  mort  par  le  feu  pour 
les  hérétiques  obstinés,  par  le  glaive  pour  les  hommes  et  par  l'enfouissement  pour  les 
femmes. 


84  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  STÈCLE 

l'aide  d'un  fer  roiiiri  n  blanc  ou  de  la  décapilation  en  cas  de  récidive,  enfin 
condamnent  à  inori  par  contumace  Sulracq  iIonnoi)erl  et  Jean  Fonanl  ('), 
qu'ils  accusaient  d'avoir  tenu  des  réunions  où  avaient  été  exposées  et  défen- 
dues les  idées  de  la  Réforme. 

Manquer  à  la  messe  devient  un  crime  et,  le  13  février  4533,  Jean 
de  Bruyile  et  Jérôme  Pye  sont  condamnés  à  l'amende  parce  qu'ils  ont 
été  «  trouvés  encores  couchiez  au  lict  à  unze  heures  devant  disner  sans 
avoir  oij  messe  »,  le  jour  de  la  Conception  de  la  Vierge  Ç^).  Le  46  juil- 
let 154.1,  l'échafaud  s'éleva  pour  la  première  fois  sur  la  grand'place  de 
Tournai  pour  châlier  l'hérésie;  Jean  Desprez,  hautelisseur,  en  gravit  les 
marches  :  on  lui  reprochait  notamment  d'avoir  soutenu  «  que  la  messe 
n'avait  pas  été  ordonnée  et  instituée  par  Dieu,  mais  par  les  prêtres  pour 
s'en  faire  de  l'argent  ».  Un  an  après,  le  44-  juin  lo42,  on  exécuta  Domi- 
nique le  Gillon  pour  les  mêmes  motifs  (■^). 

IIL  Cependant  les  exécutions  capitales  ne  parviennent  point  à  arrêter  les 


(<)  Archives  communales  de  Tournai,  Kegistre  de  la  Loi,  n"  147.  Condamnation  du 
17  mai  1331. 

("-)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n"  147.  Condamnation  du 
13  février  1332  (a.  s.j.  Non  cité  dans  Van  dkr  tlAEGHEN,  Martyrs  protestants  néerlandais  au 
XVI'  siècle,  liste  alplrabétique  (Bibliotheca  Bf.lgica). 

(3)  Idem,  Condamnations  des  16  juillet  loi!  et  14  juin  1342;  voir  aussi  Mémoires  de  la 
Société  historique  de  Tournai,  t.  tX,  pp.  368  et  370.  Non  cité  dans  Van  deiî  Haeghen,  op.  cit. 
«  Les  édits,  dit  PouUet,  vouaient  en  principe,  à  la  mort  par  le  feu,  le  glaive  ou  la  fosse, 
les  hérétiques  obstinés  quels  qu'ils  fussent.  Mais  en  Tpratiijue,  on  ne  se  montrait  ordinai- 
rement rigoureux  (juà  l'égard  des  anabaptistes  et  des  sacramentaires.  Les  autres  étaient 
souvent  eschavottés,  fouettés,  marqués,  piloriés,  mutilés,  bannis  au  lieu  d'être  mis  à  mort... 
Au  surplus,  les  comptes  des  anciens  officiers  criminels  sont  extrêmement  laconiques.  Il  est 
même  souvent  difficile  de  savoir  si  le  patient  décapité  ou  corporel lement  châtié,  a  été  puni 
pour  le  crime  d'hérésie  simple  on  pour  le  crime  d'hérésie  concourant  avec  une  contra- 
vention aux  édits...  »  Poullet,  Histoire  du  droit  pénal  dans  te  duché  de  Brabant,  p.  68. 
(Mémoires  couronnés  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  in-4",  t.  XXXV.)  Nous  nous  inscri- 
vons en  faux  contre  cette  opinion,  du  moins  pour  le  Toiirnaisis.  A  Tournai,  non  seulement 
les  anabaptistes  et  les  sacramentaires  subissaient  la  peine  capitale  par  le  feu  ou  le  glaive, 
mais  tous  les  hérétiques  indistinctement,  qu'ils  fussent  anabaptistes,  hérétiques  obstinés 
ou  simplement  hérétiques,  s'ils  étaient  eschavottés,  piloriés,  marqués,  mutilés,  cela  ne 
faisait  que  précéder  la  mort.  Les  Registres  de  la  Loi  ne  laissent  aucun  doute  à  cet  égard. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  85 

proijrès  de  la  religion  nouvelle.  Tons  les  jours  l'hérésie  gagne  du  terrain 
dans  Tournai,  «  où  il  y  avait  déjà,  dit  Charles  de  Tisnacq,  un  bien  grand 
nyd  et  compaignie  d'hérétiques  (')  ».  Des  prédicateurs,  nouveaux  commen- 
tateurs de  l'Évangile,  surgissent  pour  i-empiacer  ceux  qui,  dénoncés  ou 
découverts,  avaient  pris  soin  d'échapper  au  bûcher  par  la  fuite. 

Dans  leur  enthousiasme  religieux,  des  Tournaisiens  s'improvisent  mi- 
nistres réformés  et  se  chargent  de  prêcher  à  leur  manière  ce  qu'ils  croient 
être  «  la  vraie  parole  de  Dieu  » .  Tels  furent  les  Tafïîn,  les  Daniel  Itero  et 
un  autre  du  nom  d'Antoine  (^). 

Mais  ces  pasteurs  locaux  furent  vile  jugés  insutïîsants.  Devant  le  nombre 
toujours  croissant  des  conversions  comme  aussi  dans  l'intérêt  de  leur  con- 
sistoire, les  réformés  tournaisiens  sentirent  la  nécessité  d'avoir  auprès  d'eux 
un  ministre  versé  dans  la  science  Ihéologique  et  «  surtout  un  administrateur 
capable  de  leur  donner  forme  et  commencement  d'Église  pour  l'avenir  (^)  » . 

Ils  le  demandèrent  à  Martin  Bucer  (*),  qui  dirigeait  à  celle  époque  l'église 
de  Strasbourg. 

Il  est  à  remarquer  qu'à  Tournai  comme  dans  tout  le  reste  des  Pays-Bas, 
à  un  certain  moment,  la  Réforme  changea  de  caractère.  Le  luthéranisme, 
indécis  et  expectanl,  perdit  peu  à  peu  du  terrain  au  profil  du  calvinisme 
qui  marcha  plus  délibérément  à  l'assaut  des  positions  occupées  par  l'Église 
catholique  (^)  et  recruta  de  nombreux  adhérents  parmi  les  premiers  parti- 


(^)  Une  lettre  du  commissaire  impérial  Charles  de  Tisnacq  en  date  du  30  décembre  1544 
ù  Louis  Schore,  président  du  Conseil  privé  à  Bruxelles,  lettre  publiée  dans  les  Mémoires 
couronnés  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  in-8",  t.  XXVIll.  (Ch.  Paillard,  Le  procès  de 
Pierre  Brullij,  pp.  52-53.) 

(2)  Ibid.,  p.  53. 

(3)  Ibid.,  p.  54. 

(*)  Martin  Bucer,  ministre  protestant  à  Strasbourg,  né  à  Schlestadt  en  1491.  En  1506, 
il  prit  l'habit  religieux  de  l'ordre  des  Dominicains,  mais  la  lecture  de  plusieurs  ouvrages 
de  Luther  le  fit  changer  de  sentiment  et  de  religion;  en  1530  cependant  il  préféra  la 
doctrine  de  Zwingle  h  celle  de  Luther,  il  enseigna  la  théologie  pendant  vingt  ans  à  Stras- 
bourg, y  fut  ministre,  mais  sollicité  par  Crammer,  archevêque  anglican  de  Cantorbéry,  il 
passa  en  Angleterre  où  il  mourut  le  27  février  1551.  (D'après  iMohéki,  Dictionnaire  histo- 
rique. Paris,  1759.) 

(S)  PouLLET,  Correspondance  de  Granvelle,  t.  I,  p.  lvu. 


86  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

sans  de  Lulher.  De  liUhérienne  qu'elle  avait  été  dans  le  principe,  la  Réforme 
devint  bientôt  à  Tournai  franchement  calviniste. 

Bucer  désii^na  Pierre  Brully,  natif  de  Mercy-le-Haul  «  à  six  lieuwes  de 
Luxembourg  et  de  Metz  en  Lorraine  (')  ». 

Brully  partit  pour  Tournai  en  septembre  lo44-.  Il  arriva  dans  cette  ville 
en  compagnie  des  délégués  lournaisiens  qui  s'étaient  rendus  à  Strasbourg. 
Se  mettant  résolument  à  la  lâche,  il  organisa  TÉglise  lournaisienne  qui  prit 
le  nom  de  «  La  Palme  »,  prêcha  nuitamment  et  en  secret,  tantôt  chez  l'un, 
tantôt  chez  l'autre  partisan  de  la  religion  nouvelle,  et  alla  même  évangéliser 
à  Lille,  à  Ârras  et  à  V^alenciennes  (^).  Il  prêcha  encore  la  nuit  du  1"  et  du 
2  novembre,  mais  sa  mission  devait  lot  finir. 

Informés  de  la  présence  d'un  ministre  calviniste,  les  magistrats  de 
Tournai,  pleins  de  zèle,  résolurent  de  s'en  emparer.  Ils  promirent  une 
récompense  de  vingt  carolus  d'or  à  celui  qui  dévoilerait  sa  retraite  et  inter- 
dirent en  même  temps  la  sortie  de  la  ville  à  quiconque  ne  portait  pas  sur 
le  pouce  un  cachet  de  cire  aux  armes  de  Tournai,  appliqué  par  un  des 
prévôts  (^). 

C'était  le  3  novembre  el  Brully  devait  se  rendre  à  Strasbourg.  Il  tenta 
de  franchir  les  portes  de  la  ville,  mais  il  ne  le  put,  grâce  aux  précautions 
prises  par  le  Magistrat.  La  nuit  venue,  il  se  fit  descendre  du  haut  des 
remparts.  Assis  par  terre,  il  cherchait  à  se  débarrasser  de  la  corde  qu'il 
s'était  nouée  autour  des  reins,  quand  l'un  de  ses  amis,  se  penchant  sur  les 
créneaux  de  la  muraille  pour  lui  dire  un  dernier  adieu,  détacha  involon- 
tairement une  pierre  mal  cimentée.  En  tombant,  elle  atteignit  Brully  el  lui 
brisa  la  jambe  (^).  Aux  cris  de  douleur  poussés  par  le  blessé,  le  guet  accourut 
et  le  pasteur  fut  fait  prisonnier  {^). 

La  capture  était  précieuse,  aussi  Charles-Quint  ne  se  contenta  pas  de  la 


(•»)  Mémoires  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  in-8°,  t.  XXVIlt,  p.  80.  Paili.akd,  Brully. 
(*)  Ihid.,  p.  49.  Lettre  de  Charles-Quint  au  Gouverneur  de  Tournai. 
(3)  Ibid.,  p.  lo. 
(*j  Ibid.,  p.  16. 

(S)  Nous  croyons  avec  Paillard  que  la  date  de  rarrestation  de  Brully  doit  être  portée 
dans  la  nuit  du  3  au  4  novembre. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  87 

juridiclion  ordinaire.  Le  23  décembre,  il  délégua  Charles  de  Tisnacq,  alors 
conseiller  et  avocat  liscal  au  Conseil  de  Bnibant,  et  Denis  Van  der  Sare  |)our 
instruire,  de  concert  avec  les  prévôts  el  jurés  et  les  délégués  du  bailliage, 
le  procès  du  coupable  ('). 

L'insiruction  fut  longue;  Brully  subit  de  nombreux  inierrogatoires  et  ne 
passa  en  jugement  que  le  jeudi  19  février  154.3  :  il  fui  «  condempné  d'estre 
atachié  à  une  eslaque  sur  le  grand  marchié  de  la  dite  ville  et  illecq  (=  là) 
estre  brusié  et  consumé  en  cendres  ».  L'exécution  fut  faite  l'après-midi  C-^). 

L'emprisonnement  du  pasteur  avait  provoqué  Tarreslalion  de  nombreux 
calvinistes;  quelques-uns  précédèrent  ou  suivirent  lîrully  dans  la  mort. 
Arnould  Estallulîret,  hautelisseur,  fut  brûlé  vif  le  30  janvier  1543,-  Jean 
de  Bargibani,  également  hautelisseur,  et  Roland  de  Grimaupont,  sayeteur, 
furent  décapités  les  31  janvier  et  5  février;  Jacques  de  le  Tombe  subit  la 
même  peine  le  23,  tandis  que  sa  femme,  Marie  de  le  Pierre,  «  fut  enfouie 
tant  que  mort  s'ensuive  »  sur  la  grand'place  {^). 

Toutefois,  ces  cruautés  ne  diminuèrent  pas  le  zèle  des  réformés.  Pour  un 
prédicant  exécuté  el  «  ars  »,  d'autres,  malgré  le  danger  qui  les  menace, 
prennent  en  mains  les  destinées  de  la  jetme  Église  tournaisienne.  Quentin 
Thieffry,  natif  d'Alh,  remplace  Brully,  prêche  à  Tournai  et  dans  la  banlieue 
la  religion  réformée,  attire  à  ses  prédications  «  piuisieurs  et  grand  nombre 
de  gens  {^)  »  et,  arrêté  à  son  tour  et  condamné,  i!  monte  sur  le  bûcher  le 


(1)  Une  pièce  comptable  des  Archives  communales  de  Tournai,  farde  Justice,  en  date 
du  21  novembre  1344,  fait  connaître  les  noms  de  ceux  qui  arrêtèrent  Brully  et  reçurent 
la  somme  de  20  carolus  promise  dans  la  publication  du  3  novembre;  ce  sont  :  Absalon 
Doiilcy,  Jean  Caudron,  Jean  Derbauldrenghien  dit  de  Boulongne,  Jean  Loucheau,  Martin 
Doulcy,  Michel  Marissal  el  Jean  Desroelz. 

(2)  Mémoires  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  in-8°,  t.  XXVIIl.  Paillard,  Brully, 
pp.  79-81,  et  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n"  147.  Voir  aussi 
Van  der  Haeghen,  op.  cit.,  n°  97. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n"  147,  aux  dates  des  condam- 
nations. Voir  aussi  Van  der  Haeghen,  op.  cit.,  n'^'ooo;  66;  ol6;  il  oublie  cependant  de 
mentionner  la  décapitation  de  Roland  de  Grimaupont. 

(■i)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  !a  Loi,  n"  147,  à  la  date  du 
24  décembre  lo46.  Exécuté  non  cité  par  Van  der  Haeghen,  op.  cit. 


88  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI^  SIÈCLE 

24  décembre  1  o4G  :  quelques  jours  après,  Jean  Lecomte,  Jacques  DelenioUe, 
Jean  Huglioi  el  Nicolas  Scrabe,  accusés  d'avoir  assisté  à  ses  sermons,  sont 
décapités  ('). 

Le  bourreau  ou  l'officier  criminel,  comme  on  l'appelait  alors,  Jean  Des- 
gardins,  ne  reste  jamais  iiiactif;  le  26  octobre  1549,  il  brûle  Michel 
Desloubequin,et  de  4 532  à  1355,  il  fait  subir  la  même  mort  à  Jean  Cappelte, 
décapite  comme  hérétiques  Godefroid  de  Hamal,  Quenol  Castelin,  Thomas 
Caulleberghe,  enfonce  dans  les  chairs  des  blasphémateurs  un  fer  rougi  à 
blanc  représentant  les  armes  de  Tournai,  ou  leur  perce  la  langue  à  l'aide 
d'un  fer  chaud  (-). 

Pourtant  Charles-Quint  n'étaii  point  parvenu  à  étoufTer  la  Réforme.  Quoi- 
que l'expérience  eût  dû  lui  montrer  «  que  ce  n'est  pas  par  le  glaive  que  l'on 
fait  passer  la  conviction  dans  les  âmes  (^)  »,  il  fit  encore  publier,  quelques 
mois  avant  son  abdication,  les  placards  des  31  janvier  et  i"  février  1353, 
par  lesquels  il  confirmait  la  subordination,  établie  en  février  1346,  de  la 
juridiction  civile  aux  pouvoirs  des  inquisiteurs  (^),  il  adressa  en  même  temps 
aux  évéques  «  une  lettre  où  il  les  invitait  à  se  faire  informer  par  leurs 
archidiacres,  doyens  ruraux  et  curés,  de  ceux  qui  étaient  suspects  d'hérésie 
ou  qui  n'allaient  pas  à  la  messe,  au  sermon  et  à  confesse,  et  de  les  signaler 
aux  inquisiteurs  généraux  qu'il  avait  fait  établir  par  le  Pape  (")  ».  Charles- 
Quint  n'entendait  donc  point  apporter  d'atténuation  dans  la  répression  de 
l'hérésie. 

IV.  Tel  était  l'état  des  choses,  le  25  octobre  1555,  au  moment  où  il 
abandonna  à  son  fils  Philippe  le  gouvernement  des  Pays-Bas. 


(■•)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n"  147,  Condamnations  des 
24  décembre  1546  et  8  et  9  janvier  1347.  Voir  Mémoires  de  la  Société  historique  de  Tournai, 
t.  IX,  pp.  374-375.  Aucune  de  ces  exécutions  ne  se  trouve  dans  Vax  dek  Hakghen,  op.  cit. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n"  147,  passim.  Mémoires  de 
la  Société  Imtorique  de  Tournai,  t.  IX.  M.  Van  der  Haeghen  ne  mentionne  pas  la  mort 
de  Cappette  et  de  Castelin. 

(3)  PouLLET,  Histoire  du  droit  pénal  dans  le  duché  de  Brabant,  p.  S6. 
(*)  Gachahd,  Correspondance  de  Philippe  II,  t.  I,  p.  cxxi. 

(5)  Ibid.,  p.  cxxii. 


AU  POINT  DE  VUK  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  89 

Âvanl  (le  partir  pour  l'Espagne,  il  fil  solennellemenl  jurer  à  son  fils  de 
ne  changer  en  rion  ses  ordonnances  contre  riiérésie.  Selon  sa  promesse, 
Philippe  II  n'innova  pas  en  matière  d'édits  et  se  conlenla  de  renouveler  les 
anciens  décrets.  Mais  il  semblait  ignorer  une  chose  :  c'est  que  depuis  le 
20  mars  1521  ('),  date  de  la  première  ordonnance  contre  les  réformes,  les 
idées  s'étaient  transformées,  que  l'opinion  publique  acceptait  la  tolérance 
religieuse  et  que  si  le  gouvernement  ne  voulait  point  de  la  liberté  de  con- 
science, le  peuple  avait  un  autre  sentiment. 

Au  moment  de  l'abdication  de  Charles-Quint,  «  le  peuple  disait  haute- 
ment, écrit  Gacbard,  qu'il  y  avait  tyrannie  à  violenter  les  consciences,  qu'il 
était  barbare  de  punir  de  mort  pour  des  opinions  dont  Dieu  seul  était 
juge  ('^)  ».  Les  grands  eux-mêmes  ne  cachaient  point  l'horreur  que  leur 
inspirait  la  législation  pénale  de  l'Empereur. 

L'inutilité  de  la  répression  de  l'hérésie,  le  nombre  toujours  croissant  des 
sectateurs  de  Calvin  ou  de  Luther,  les  murmures  du  peuple,  tout  aurait  dû 
engager  Philippe  il  à  user  de  modération  dans  l'application  des  placards 
de  son  père.  Loin  de  là,  le  nouveau  roi  ordonna  de  redoubler  de  zèle  dans 
la  recherche  des  hérétiques  et  d'user  à  leur  égard  d'une  rigueur  inflexible. 

Telles  furent  les  recommandations  qu'il  fit  à  Marguerite  de  Parme,  sa 
sœur  naturelle  (^),  le  26  août  1539,  quand,  s'embarquanl  à  Flessingue, 
il  quitta  les  Pays-Bas  pour  n'y  plus  revenir. 

Aussitôt  après  son  départ,  les  didîcullés  intérieures  qui  avaient  signalé  le 
règne  de  Charles-Quint,  recommencèrent  avec  d'autant  plus  de  violence  que 
de  nouvelles  causes  d'irritation  s'étaient  produites,  telles  le  séjour  prolongé 


(<)  La  plupart  des  tiistoriens  portent  cette  ordonnance  à  la  date  du  22  mars  1S21  ;  nous 
avons  adopté  la  date  du  20  mars,  qui  est  celle  donnée  par  les  Ordonnances  des  Pays-Bas, 
t.  II,  p.  70. 

(2)  Gachard,  Correspondance  de  Philippe  II,  t.  I,  p.  cxxvii. 

(3)  Marguerite  d'Autriche  ou  de  Parme,  fille  naturelle  de  Charles-Quint  et  d'une 
servante  d'Audenarde,  Marie  Van  der  Geynst,  naquit  en  1522  et  épousa  successivement  le 
duc  de  Florence,  puis  Octave  Farnèse,  duc  de  Parme.  Elle  fut  appelée  par  Philippe  11  au 
gouvernement  des  Pays-Bas  le  8  août  15o9,  et  se  démit  de  sa  charge  après  l'arrivée  du  duc 
d'Albe,  le  13  octobre  1567. 

Tome  I.  —    Lettres,  etc.  12 


!)0  TOUn.NAI   ET  LE  TOUHNAISIS  AU  \V[«  SIÈCLE 

des  soldais  espagnols,  le  méconlenlemenl  des  nobles  et  la  création  des 
nouveaux  évéchés. 

Quoique  la  paix  de  Caleau-Cambrésis  eût  été  signée  en  io59  entre  la 
France  et  TEspagne,  Philippe  s'éiail  obstiné  à  laisser  dans  les  Pays-Bas  près 
de  deux  mille  sept  cents  hommes  de  troupes  mercenaires. 

Irrégulièrement  payées  par  le  gouvernement,  elles  se  dédommageaient  en 
rançonnani  les  campagnes  et  en  y  commellant  toute  sorte  d'exactions. 

Le  peuple  murmura;  mais,  malgré  les  plaintes  des  États-Généraux,  malgré 
les  menaces  de  refus  de  subsides  des  Élais  provinciaux,  malgré  les  demandes 
réilérées  de  la  duchesse  de  Parme,  Philippe  11  ne  voulait  pas  consentir  au 
départ  des  soldats  espagnols.  Il  attendait  qu'ils  eussent,  durant  deux  ans, 
accumulé  ruines  sur  ruines  ('j. 

La  noblesse,  elle,  était  niéconlenle  et  subissait,  en  frémissant,  le  joug  des 
étrangers  dont  Granvelle  était  le  chef  détesté  (-). 

Enfin,  la  création  des  nouveaux  évéchés,  quoique  «  nécessitée  par  les 
intérêts  vitaux  de  l'Église  et  du  pays  ("^)  »,  devint  une  cause  de  vive  irri- 
tation. Les  dix-sept  provinces  des  Pays-Bas  ne  possédaient  que  trois  évéchés  : 
Tournai,  Arras  et  Ltrechl.  «  Le  ressort  du  dernier  était  d'une  étendue 
démesurée;  on  y  complaît  prés  de  onze  cents  églises  et  plus  de  deux  cents 
villes  fermées.  Le  diocèse  de  Touriiay,  (pioique  moins  considérable,  l'était 
encore  trop  pour  que  son  chef  pût  exercer  une  surveillance  efficace  sur  le 
peuple  confié  à  ses  soins.  » 

«  Les  inconvénients  de  cet  ordre  de  choses  étaient  très  graves.  Les 
évèques  étrangers  et  leurs  officiers  se  permetlaient  souvent  des  abus  de 
pouvoir,  au  préjudice  des  droits  des  citoyens  et  des  libertés  nationales;  des 
conflits  perpétuels  s'élevaient  cnlre  eux  et  l'aulorilé  publique;  les  préro- 
gatives, la  dignité  du  souverain  elles-mêmes  n'étaient  pas  toujours  à  l'abri 


(')  Paillard,  Considérations  sur  les  causes  des  troubles  des  Pays-Bas  au  XVI'  siècle. 
Bruxelles,  187 i,  p.  39.  Les  troupes  espagnoles  ne  quittèrent  les  Pays-Bas  que  le 
11  janvier  lo61. 

(â)  LAvissEel  Kambaud,  op.  cit.,  t.  V,  pp.  182-183. 

(3;  Ed.  Poullet,  Correspondance  de  Granvelle,  t.  1,  p.  liv. 


AU  POrNT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  !»| 

de  leurs  alleintes.  Sous  le  rapport  des  inlérêls  de  la  religion,  le  mal  élait 
plus  grand  encore.  L'étendue  des  diocèses  mellait  obstacle  à  ce  que  les 
évè(|(ies  dirigeassent  et  surveillassent  convenablement  leur  clergé;  les  ecclé- 
siastiques s'ac(|uittaient  de  leurs  devoirs  avec  négligence;  le  relâcbenient 
s'était  introduit  parmi  eux,  et  c'était  un  argument  dont  les  partisans  des 
innovations  religieuses  ne  manquaient  pas  de  tirer  parti  (').  » 

Il  jjaraissait  absolument  nécessaire  de  remédier  à  cet  état  de  choses. 

«  Le  projet  d'érection  des  évêchés  nouveaux  n'était  d'ailleurs  pas  neuf. 
(Charles-Quint  y  avait  déjà  songé.  Dès  les  premières  années  de  son  règne, 
il  s'était  convaincu  de  la  nécessité  d'opérer  une  réforme  dans  l'organisation 
ecclésiastique  des  Pays-Bas;  et,  chaque  fois  qu'une  bonne  intelligence  avait 
présidé  à  ses  relations  avec  le  Saint-Siège,  il  avait  fait  ouvrir  des  négocialions 
à  Rome  pour  cet  objet  (^).  » 

Philippe  II  ne  faisait  donc  (pie  réaliser  un  projet  de  son  père. 

iMais  le  peuple  comprit  mal  ses  intentions;  il  «  s'obstina  à  voir  dans  l'éta- 
blissement des  nouveaux  évéchés,  un  acheminement  à  l'introduction  de 
l'Inquisition  d'Espagne  (^)  »,  en  lien  et  place  de  l'Inquisition  épiscopale. 

D'un  autre  côté  «  les  quatorze  nouveaux  évêchés  eurent  pour  adversaires 
les  métro|)olilains  et  leurs  sulTraganls,  alors  existant,  (|ui  prétendirent  que 
leur  importance  était  amoindrie  el  leurs  inlérêls  lésés  par  la  diminution  de 
leur  ressort  juridictionnel,  les  chefs  d'abbayes  et  de  prévôtés,  dont  les 
monastères  avaient  été  unis  et  incorporés  aux  nouveaux  sièges  épiscopaux 
et  dont  quel(|ues-uns  ne  pouvaient  plus  par  là  même  siéger  dans  les 
assemblées  nationales  (*)  ». 


(1)  Gachard,  Correspondance  de  Philippe  II,  t.  I,  pp.  xciv  et  xcv. 

(2)  Idem,  Ibid.,  t.  I,  pp.  xcv-xcvi. 

(3)  Gagiiaru,  Philippe  II,  t.  I,  p.  u. 

(*)  Chanoine  Claessens,  ImjnisiHon  d(Uts  les  Pays-Ras  du  passé,  p.  41.  L'éreclion  îles 
nouveaux  évêchés  diminua  dans  d'assez  grandes  proportions  la  juridiction  spirituelle  et  le 
temporel  de  l'évêché  de  Tournai  ;  ce  fut  alors  que  les  trois  paroisses  de  la  rive  droite  de 
l'Escaut  dans  la  ville  furent  rattachées  au  si^'ge  de  Tournai,  tandis  qu'elles  avaient 
jusqu'alors  ressorti  à  l'évêché  de  Cambrai.  C'était,  dit  l'évêque  de  Tournai,  François  Vilain 
de  Gand,  dans  un  rapport  adressé  en  1648  au  pape  Innocent  X,  une  légère  compensation 


î>2  TOURNAI  ET  LE  TOL'RNAISfS  M    XVI»  SIÈCLE 

De  même  celle  nouveauté  mécontenta  les  nobles  «  qui  voyaient  exclure 
des  préiatures  ecclésiastiques  leurs  cadets  de  famille,  puisqu'on  exigeait 
dorénavant  des  aspirants  à  Tépiscopal  le  grade  de  docteur  en  théologie,  et 
qui  s'indignaient  de  voir  entrer  à  l'assemblée  des  États  de  petits  théologiens 
de  Louvain,  en  leur  qualité  d'évèques  (^)  ». 

En  résumé,  après  quatre  ans  de  règne,  Philippe  II  était  parvenu  à  s'aliéner 
complètement  toutes  les  classes  de  la  population,  le  peuple,  les  nobles  et  le 
clergé.  Il  ne  fut  pas  sans  s'en  apercevoir;  il  craignit  même  un  instant  une 
révolte  générale  ('-),  avec  d'aulanl  plus  de  raison  qu'aux  autres  causes  de 
désafTeclion,  la  misère  publique,  selon  le  témoignage  do  Marguerite  de  Parme 
elle-même,  apportait  un  élément  nouveau  (^). 

Si  dans  certaines  provinces  l'émeute  couvait  seulement  sous  la  cendre, 
dans  le  Tournaisis,  au  contraire,  où  les  prédications  de  Pierre  Bruliy  avaient 
remué  profondément  le  peuple,  elle  menaçait  d'allumer  un  violent  incendie. 

Guy  de  Bray  [*),  le  prédicateur  monlois,  à  son  retour  de  Suisse,  avait 


à  la  perte  de  cinq  cents  paroisses  el  plusieurs  villes,  partagées  entre  les  diocèses  de  Bruges, 
de  Gand  et  d'Ypres. 

Ce  chiffre  était  quelque  peu  exagéré,  car,  en  1.562,  Jacques  Robert,  chancelier,  clianoine 
de  la  catliédrale  de  Tournai,  déclare  que,  par  suite  de  l'érection  des  évéchés  de  Bruges  et 
de  Gand,  l'évêché  de  Tournai  ne  conserva  plus  que  207  paroisses  sur  53o.  (Archives  de 
l'Etat  à  Mons,  fonds  de  l'évêché  de  Tournai,  dossier  n"  1828.)  Analedes  pour  servir  à 
l'Histoire  ecclésiastique  de  la  Belgique,  18()4,  t.  I,  4'^  livr.,  p.  301. 

(1)  Lavisse  et  Kambald,  Histoire  générale,  t.  V,  p.  183. 

(«)  Commission  royale  d'histoire  de  Belgique,  t.  I,  p.  123. 

(3)  Gachard,  Correspondance  de  Marguerite  d'Autriche  et  de  Philippe  II,  t.  1.  p.  260. 
Marguerite  écrit  ceci  au  roi  :  «  Et  ce  que  me  met  en  plus  de  peine  est  que  je  crains  que  les 
sectaires  espanduz  par  tous  les  pays  de  par  deçà,  ne  se  viengnent  ung  jour  eslever,  prenans 
l'audace  es  hardiesse  plus  grande,  parce  que  la  pauvreté...  est  si  notoire  »... 

(*)  Guy  de  Bray,  prédicateur  calviniste,  né  à  Mons  vers  l'an  lo23.  mort  à  Valcnciennes 
le  31  mai  1367.  11  fut  un  des  plus  célèbres  pasteurs  de  l'Eglise  réformée  aux  Pays-Bas. 
Il  exerça  d'abord  la  profession  de  peintre-vitrier;  son  père  était  teinturier.  Né  de  parents 
fortement  attachés  à  la  religion  catholique,  il  fut  un  croyant  fervent  jusqu'au  jour  où  le 
hasard  ayant  fait  tomber  une  Bible  entre  ses  mains,  il  se  mit  à  la  lire  et  à  méditer  sur  son 
contenu.  Ses  idées  el  ses  croyances  se  modifièrent  complètement  et  il  embrassa,  avec 
ardeur,  les  idées  de  la  Réforme.  S'essayant  d'abord  sur  sa  famille  A  la  prédication, 
il  parvint  à  convertir  au  protestantisme  sa  mère  et  sa  sœur.  Guy  de  Bray  fut  bientôt  ronnu. 


AU  POrNT  [)E  VUF:  POLFirOUE  ET  SOCIvr,.  93 

repris  vers  4559  la  direclion  de  l'Église  tournaisienne  abandonnée,  depuis 
la  mort  de  Brtdly,  aux  mains  inhabiles  ou  inaptes  de  pasicurs  locaux.  Il 
prêchait  en  secret  dans  les  maisons  d'artisans,  d'ouvriers  ou  de  liaulelisseurs. 
Sa  parole  était  si  persuasive  qu'elle  enthousiasmait  le  peuple  et  faisait  naître 
chez  lui  un  violent  désir  d'accomplir  publiiiuement  les  cérémonies  du  culte 
réformé.  Les  magistrals  s'émurent  de  l'exallation  [jopulaire,  et  crurent  la 
calmer  en  faisant  repubiier  l'ordonnance  impériale  du  25  septembre  1550, 
en  exigeant  des  étrangers  venant  se  fixer  à  Tournai,  exception  faite  pour 
les  marchands,  un  certificat  d'orthodoxie  émanant  de  leur  curé  et  en 
ordonnant  aux  Français  (pi'on  soupçonnait  de  fomenter  la  révolle,  de  déclarer 
leurs  noms,  prénoms,  qualités  et  domicile  au  greffier  de  la  ville,  s'ils  vou- 
laient être  autorisés  à  résider  dans  Tournai  ('). 

Cela  ne  servit  de  rien.  Les  seclateurs  de  Calvin  ne  craignent  plus  le 
magistrat  et  ses  défenses;  en  dépit  des  exhorialions  de  leur  pasteur  Guy  de 
Bray,  ils  se  répandent  audacieusement  dans  les  rues  et  y  chantent  les 
psaumes  de  David,  que  le  poète  Clément  Marol  a  mis  en  rimes  françaises. 
Le  29  septembre  i5(H,  entre  8  et  40  heures  du  soir,  au  nombre  de  plus 
de  deux   cents,  et  suivis  «  d'une  grande  turbe  de  toutes  gens  de  divers 


et  la  crainte  des  persécutions  le  décida  à  quitter  son  pays;  le  nouvel  apùtre  se  réfugia  en 
Angleterre  où  il  retrouva  Valeran  Poulain  et  d'autres  réformés  belges.  Ce  fut  probablement 
pendant  son  séjour  à  l'étranger  qu'il  se  livra  à  l'étude  et  acquit  des  connaissances  qui,  de 
simple  ouvrier,  rélevèrent  au  rang  des  plus  célèbres  pasleurs  réformés.  Peu  après,  voyant 
que  les  Pays-Bas  jouissaient  d'un  peu  de  tranquillité  à  la  fin  du  règne  de  Charles-Quint, 
il  y  revint  en  1554  et  se  mit  à  prêcher,  principalement  à  Mons,  Valenciennes  et  Lille;  il  se 
tixa  quelque  temps  dans  cette  dernière  ville.  En  1535,  Philippe  II  renouvela  les  édits  contre 
les  hérétiques,  les  persécutions  recommencèrent  et  Guy  se  réfugia  à  Gand.  Il  se  rendit  à 
Lausanne  et  à  Genève  pour  y  faire  de  nouvelles  études,  il  n'y  séjourna,  selon  toute  proba- 
bilité, que  neuf  à  dix  mois.  Il  s'établit  à  Tournai  à  son  retour  de  Suisse  et  de  là  fit  de 
fréquentes  excursions  dans  les  environs.  En  1566,  il  fut  nommé  pasteur  de  l'Église 
réformée  de  Valenciennes.  Il  se  rendit  ù  son  poste  en  passant  par  Tournai  où  il  arriva  le 
8  août,  venant  d'Anvers.  Il  fut  prié  avant  son  départ  de  faire  un  prêche  qui  eut  lieu  le 
lendemain  9  août.  (Voir  Biographie  nationale,  t.  III,  pp.  2-3.) 

(<)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  .344.   If)  novembre  1360.  et  Gachard, 
Ln  Hihliolhèque  iifilinnnlf,  t.  Il,  p.  124. 


f)|  TOURNAI  ET  I.E  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

sexe  (^)  »,  ils  parcourent,  sous  la  conduite  de  Robert  Dufour  (^),  les  princi- 
pales rues  de  Tournai,  la  tète  du  cortège  entonnant  le  commencement  de 
versets  (|ue  conlinnail  à  pleine  voix  la  foule  suivant  en  une  longue  liiéorie  (^). 

Aussitôt  le  magistral  de  Tournai  défendit  ces  manifeslalions  sous  peine  de 
punition  exemplaire,  promit  vingt  carolus  d'or  à  ceux  qui  lui  dénonceraient 
les  auteurs  de  ces  désordres  et  expulsa  tout  étranger  n'ayant  qu'un  an  de 
résidence  (').  Le  lendemain,  il  crut  devoir  interdire  le  port  d'armes  ou 
de  bâtons  «  invasifs  »,  ordonna  aux  connétables  de  faire  éclairer  cbaque 
rue,  tontes  les  nuits  de  9  heures  du  soir  à  3  heures  du  malin  (■')  et  défendit 
aux  Tournaisiens  de  sortir  sans  lumière  après  le  coucher  du  soleil  (''). 

Mais  le  peuple  avait  une  foi  trop  robuste  dans  la  religion  nouvelle,  une 
confiance  trop  sincère  en  la  justice  et  la  bonté  de  Dieu,  une  croyance  trop 
grande  en  une  intervention  divine  et  dans  la  victoire  finale  de  la  Réforme  ('), 
pour  ne  pas  railler  toutes  les  mesures  prises  à  l'instigation  du  clergé  {^)  et 


(1)  Pièces  justificatives,  n"  X.  Rapport  des  commissaires  envoyés  à  Tournai  par  Margue- 
rite de  Parme,  daté  du  14  octobre  1561. 

(2)  Dans  le  rapport  du  lo  octobre,  les  commissaires  décrivent  ainsi  Robert  Dufour, 
natif  de  Blandain  :  «  bomme  de  petite  statue,  d'eaige  de  xxx  ans,  portant  ordinaireineni 
petite  barbe  blonde,  vestu  le  plus  souvent  d'un  manteau  îi  manches  de  gris  de  Tournay  et 
aucunes  fois  d'un  noir,  ayant  chausses  grises  et  le  hault  de  cliamoix,  portant  aussy  le  plus 
souvent  un  collet  de  cuyr  »...  (Voir  Pièces  justiticatives.  n"  X!.) 

(3)  Voir  Pièces  justificatives,  n"  X.  Rapport  du  14  octobre  1361. 

{*)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  344.  Publication  du  30  septembre  1361. 

;S)  Gachard,  La  Bibliothèque  nationale,  t.  I,  p.  3f<3. 

(6)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  344.  Publication  du  i"'  octobre  1561. 

(1)  Pièces  justificatives,  n'  X.  Rapport  du  14  octobre  1S61,  dans  lequel  on  trouve  ces 
paroles  de  Robert  Dufour,  qui  conduisait  le  cortège,  prononcées  sur  la  grand'place  : 
«  Messieurs  nous  avons  loué  le  Seigneur,  partant  que  chascun  se  retourne  en  son  logis 
pour  le  remerchier  qu'il  nous  a  donné  la  grâce  d'annuncher  ainsy  la  vérité  et  sa  parolle,  en 
luy  priant  aussy  atfin  qu'il  nous  donne  bien  persévérer  et  nous  voeullo  donner  victoire  », 
et  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'Etat,  reg.  n"  3ol,  fol.  77  i"  :  «  Car  Dieu 
nous  esttesmoing,  combien  nous  craignons  les  troubles  du  peuple,  pour  cesle  cause  nous 
les  admonestons  d'estre  paiiens  et  de  prier  Dieu  pour  tous  persécuteurs,  actendant  le 
secours  d'en  llaull  dont  il  nous  est  promis...  »  (Paroles  de  Guy  de  Bray),  et  L.-A.  Van  La.n- 
GERAAD,  Guido  de  Bray.  Zierilizée,  1884,  pp.  34-35. 

f8)  Archives  du  Royaume  h  Bruxelles,  Papiers  d'Étnt,  reg.  n"  3o4,  fol.  76,  où  l'on  trouve 
ces  paroles  de  Guy  de  Bray  :  «  regardez  ce  que  prétendent  no/,  adversaires  et  de  quelle 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  ^r, 

dans  rutiiquc  but  d'empèclier  la  propagation  de  ce  qu'il  croyait  être  la  vérilé 
évaiigélique. 

Nous  ne  pouvons  plus  arrèlor  ni  conlenir  le  peuple  ('),  s'écrie  Guy  de 
Bray  on  s'adressanl  aux  magistrats;  il  a  beau  dire  aux  hérétiques  «  que 
c'est  mal  d'avoir  chanté  dans  les  rues  et  qu'il  pourrait  leur  en  arriver 
malheur  C-^)  »,  la  foule  est  déchaînée,  et  chacun  sait  combien  il  est  alors 
difficile  de  la  retenir!  Le  30  septecnbre,  vers  8  heures  du  soir,  les  calvi- 
nistes s'assemblent  à  plus  de  huit  cents  sur  la  grand'place;  par  huit  de  front, 
ils  se  répandent  dans  Tournai,  qui  retentit  du  chant  des  psaumes,  éteignent, 
pour  ne  pas  être  reconnus,  les  torches  et  les  lumières  de  ceux  qu'ils  ren- 
contrent et  viennent  jusque  sous  les  fenêtres  du  coadjuteur  de  l'évê(|ue 
Philippe  Doignies  et  de  son  vicaire  général,  proférer  «  propoz,  parolles  et 
blasphèmes  ignomineuses  (■*)  »  ou  chanter  certaines  chansons  dont  les 
Archives  du  Royaume  nous  ont  conservé  le  spécimen  suivant  : 

0  Seigneur  vraye  et  fidèle, 
Tes  ditz  nous  volons  accomplir 
Par  la  gente  perverse  et  cruelle 
D'erreurs  et  faulsetez  rempliz. 

Car  Hz  ont  detfendu  les  pseaulmes 
Que  tous  chrestiens  doibvent  chanter, 
Dont  malgré  toy  voeuiient  noz  âmes 
De  faulse  hérésie  enchanter. 


conscience  ilz  sont  poussez,  quanti  ilz  cryent  sy  furieusement  à  la  mort  et  au  feu  contre  les 
pauvres  innocentz.  Ils  ne  cesseront  point  jusques  ad  ce  qu'ilz  ayent  remply  votre  ville  de 
sang  et  de  feu.  Sy  vous  prestez  encoires  l'oreille,  ilz  feront  une  infinité  de  pauvres  vefves 
et  orphelins,  ils  pilleront  soulz  umbre  de  l'inquisition  de  la  foy,  tous  les  biens  de  vos 
pauvres  subjectz  »...,  et  Van  Langehaad,  op.  cit.,  p.  33. 

[i]  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'État,  reg.  n"  3oi,  fol.  77  r»  :  «  nous  ne 
povons  plus  tenir  le  peuple  soulz  la  discipline  de  patience,  qu'il  ne  s'esleivc,  voians  que 
ne  cessez  de  traîner  par  chacun  jour  les  gens  de  bien  en  voz  prisons  »...  et  Van  Langeraad, 
op.  cit.,  p.  34. 

(2)  Idem,  fol.  99  r°  :  «  le  dict  Guy  parla  entre  aultres  choses  que  c'estoit  mal  faict  d'avoir 
chanté  et  que  ce  n'estoit  faict  de  son  admet  (sic  =  advict)  et  qu'il  en  pourroit  advenir  du 
mal  »...,  et  Van  Langehaad,  op.  cit.,  p.  38. 

(3i  Gachakd,  Correupondance  de  .Marguerite  d'.iutriche,  t.  I,  p.  536,  et  Pièces  justifi- 
catives, n°  X. 


96  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XV[«  SIÈCLE 

Par  leur  faulx  conseil  deshonneste, 
Contraire  à  ta  majesté, 
Ont  toute  ta  grâce  céleste 
Mesprisé,  blasmé,  rejecté. 

Tu  scais,  Seigneur,  et  vois  leur  raige  ! 
Vœullez  leur  les  jours  abréger, 
Car  deffendant  ton  hommaige, 
Hz  font  pierres  et  bois  adorer. 

Ces  meschans  paillars  détestables 
Enipeschent  tous  de  te  louer. 
En  faisant  criz  abominables 
Pour  nous  de  toy  tout  desvoyer. 

Nous  permectent  chansons  lubricques, 
Propoz  tous  plains  d'oisiveté. 
Et  nous  menachent  mectre  en  bricques, 
Ces  gens  plains  de  lasciveté  ! 

Par  glaive,  feu,  corde  et  picque, 
Vœullent  ton  troupeau  dissiper; 
Par  leur  responce  et  replicque 
Pensans  ton  droict  anticiper. 

En  Sorbonne,  prebtre  et  moisne 
Ne  cessent  point  d'estudier 
Faulse  praticque  inhumaine, 
Pour  tes  edictz  répudier. 

Mais  ton  esperit  qui  nous  console. 
Par  nous  les  redargue  assez 
Sans  avoir  esté  à  l'escole 
De  ces  razez,  tonduz,  graiciz. 

Mais  tant  plus  fort  te  persécutent. 
Et  les  liens  mectant  en  prison, 
Dont  plussieurs  à  mort  exécutent. 
Contre  justice  et  sans  raison. 

Hélas!  Seigneur,  venez  au  besoing 
Secourir  les  pauvres  caplifz. 
Et  de  la  cause  prendre  le  soing 
En  saulvant  tes  enffans  petitz. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  97 

Nous  ne  sommes  pas  en  leur  relie, 
Idolâtrant  à  tous  propos. 
Mais  balaillans  contre  l'idolle 
El  i'Antliechrist  et  ses  suspoz. 

A  telle  (in  que  en  union 
L'évangilie  se  manifeste, 
Puissions  et  sans  rébellion 
Pseaulmes  et  canticques  chanter. 

Seigneurs!  tiends  nous  en  ceste  escolle, 
Et  repoussez  tous  cœurs  meschans. 
Par  la  vertu  de  la  parolle, 
Le  glaive  à  deux  costez  trenchans. 

Roy  très  chreslien,  prince  amiable, 
Maintenez  du  hault  Seigneur  le  nom, 
Et  soyés  aux  chrestiens  favorables 
Pour  entretenir  ton  renom  (*). 

Les  magislrals  miiiiici|)atix  n'osèrent  point  informer  la  Gouvernanle  de 
celle  aiidacieiise  manilestalion,  mais  ils  prirent  toute  sorte  de  mesures  pour 
en  empêcher  le  renouvellement.  Les  Serments  mis  sur  pied  ainsi  que  les 
cinquante  soldats  de  la  garnison  du  Château  gardèrent  nuit  el  jour  la 
grand'place  et  les  carrefours  de  la  ville,  on  procéda  au  recensement  général 
des  habitanis,  on  dressa  une  liste  de  tous  les  Français  habitant  Tournai 
depuis  1559,  année  de  l'arrivée  de  de  Bray  qu'à  ce  moment-là  les  autorités 
croyaient  Français,  on  en  fil  une  autre  de  tous  les  étrangers  fixés  en  ville 
depuis  dix  ans,  on  modifia  la  composition  du  guet  pour  augrnenler  son  rôle 
et  sa  force,  on  obligea  les  parents  à  mener  à  la  messe,  les  dimanches  el 
jours  de  fête,  leurs  enfants,  leurs  pupilles  et  jusqu'à  leurs  domestiques, 
sous  peine  d'un  carolus  d'amende  ('"),  elc. 

Néanmoins,  Marguerite  de  Parme  ne  tarda  pas  à  apprendre  quelle  elïer- 


(1)  Arcliives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'Etat,  reg.  n°  Soi;  1361-1563,  fol.  74 
el  75. 

(2)  Archives   communales    de   Tournai,    reg.    n°  344,    fol.    135  v°.    Publication    du 
10  janvier  1861. 

Tome  1.  —  Lettres,  etc.  15 


98  TOURNAI  ICT  LE  TODRNAISIS  AU  \\\'  SIËCLK 

vescence  régnait  à  Tournai,  et  elle  donna  Tordre  au  gouverneur  de  celte 
ville,  Floris  de  Montmorency  ('),  de  venir  toute  affaire  cessante,  la  voir 
à  Bruxelles  (').  Elle  le  cliargea  de  l'instruction  des  troubles  concurremment 
avec  le  conseiller  privé  Christophe  d'Assonleville  (')  et  Jean  de  Blasere, 
conseiller  de  Flandre  (*). 

Arrivés  au  château  de  Tournai  le  9  octobre  (J"),  les  Commissaires  se 
mirent  aussitôt  à  l'œuvre.  Ils  tirent  jeter  en  prison  cinquante-trois  Tour- 
naisiens  C^);  torturèrent  les  uns,  pilorièrenl  les  autres,  enfin,  agirent  avec 
tant  de  cruauté  envers  ceux  qu'ils  soupçonnaient  d'avoir  pris  part  au  cor- 
tège, que  Guy  de  Bray,  indigné,  leur  reprocha  leur  odieuse  conduite  en  des 
lettres,  que,  durant  la  nuit  du  1'^'  au  2  novembre  il  jeta  dans  la  première 
enceinte  du  Château,  en  même  temps  que  sa  fameuse  «  Confession  de 
foy  ..  C). 

«  Ne  comprenez-vous  point,  leur  écrivait-il,  que  nous  autres  Calvinistes 
nous  préférons  mourir  ou  endurer  tous  les  tourments  plutôt  que  de  dire  ou 


(•<)  Floris  de  Montmorency,  seigneur  de  Montigny,  baron  de  Leuze,  etc.,  né  en  1527, 
chevalier  de  la  Toison  d'or  depuis  loo9,  clief  et  capitaine  d'une  bande  d'ordonnance, 
gouverneur,  capitaine  et  grand  bailli  de  Tournai  et  du  Tournaisis,  fiils  de  Joseph,  seigneur 
de  Nevele  et  d'Anne  d'Egmont-Buren.  Il  était  le  frère  puiné  du  comte  de  Hornes.  Il 
épousa  le  lo  octobre  156o,  à  Antoing,  Hélène  de  Melun,  fille  de  feu  Hugues  de  Melun, 
prince  d'Espinoy,  sénéchal  héréditaire  du  Hainaut.  Il  mourut  en  Espagne,  assassiné  par 
ordre  de  Philippe  H. 

(2j  Archives  du  lioyaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'Etat,  Correspondance  de  Tournai, 
reg.  n«  334,  fol.  2. 

(3)  Christophe  d'Assonleville,  chevalier,  docteur  es  droits,  seigneur  de  Hauteville,  plus 
tard  baron  de  Bouchant,  né  à  Arras  d'une  famille  noble  du  Cambrésis  vers  1528,  mort  à 
Bruxelles,  le  10  avril  1607,  époux  de  Marguerite  Scheyve,  fille  de  Jean,  chancelier  de 
Brabanl.  Il  était,  depuis  le  commencement  du  règne  de  Pl)ilippe  II,  conseiller  et  maître  aux 
requêtes  du  Conseil  privé;  il  devint  avec  le  temps  trésorier  de  l'Ordre  de  la  Toison  d'or 
et,  par  patente  du  7  avril  1374,  membre  du  Conseil  d'Etat.  (D'après  Poullet,  Correspon- 
dance de  Granvelle,  t.  I,  p.  110.) 

(*)  Jean  de  Blasere,  chevalier,  natif  de  Gand,  conseiller  au  Conseil  de  Flandre,  puis 
au  Grand  Conseil  de  .Malincs.  Gachard,  Correspondance  de  Marguerile  (FAulriclie,  t.  I, 
p.  537,  et  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Carlulaires  et  mamiscrils,  n"  192,  fol.  10. 

(ô)  Voir  Pièces  justificatives,  n"  X.  Rapport  des  commissaires  en  date  du  14  octobre  1561. 

(6)  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'État,  reg.  n"  334,  fol.  30  à  39. 

{^1  Idem,  reg.  n»  334,  fol.  50  et  31  r»,  et  Van  Lanoeraai),  op.  cil.,  p.  32. 


AU  POINT  DE  VUE  l'OLUiUUE  ET  SOCIAL.  99 

de  faire  des  choses  contraires  à  nos  croyances,  à  nos  conviciions  religieuses? 
Comment  pouvez-vous  espérer  ramener  à  voire  religion  ceux  (|ui  aiment 
mieux  perdre  la  vie  cpie  de  se  rétracter  ?  N'écoulez  point  nos  adversaires, 
(juand  ils  vous  poussent  à  nous  mener  au  bûcher,  à  nous  conduire  à  l'écha- 
faud,  à  nous  pendre  au  gibet,  car  si  vous  prêtez  Toreille  à  leur  conseils 
perlides,  ils  vous  feront  remplir  notre  ville  d'une  infinité  de  pauvres  veuves 
et  d'innocents  orphelins.  Sous  prétexte  d'in(|uisilion,  ils  pilleront  les  biens 
de  vos  pauvres  sujets;  si  vous  les  écoulez,  il  vous  faudra  anéantir  et  détruire 
les  trois  quarts  de  Tournai  et  que  ferez-vous  alors  de  tant  de  milliers  de 
personnes  de  tout  sexe  et  de  tout  âge,  de  tant  de  milliers  d'hommes,  de 
femmes,  de  jeunes  gens,  déjeunes  filles,  de  gentilshommes  et  de  marchands? 
Si  vous  les  écoutez,  les  eaux  de  l'Escaut  se  changeront  en  sang  et  les 
flammes  des  bûchers  obscurciront  la  lumière  du  soleil.  Que  diront  les  Tour- 
naisiens  quand  vous  aurez  exécuté  qui  un  parent,  qui  un  intime;  (pie  direz- 
vous  vous-mêmes  quand  vous  devrez  supplicier  des  gens  de  voire  sa  m;,  des 
membres  de  votre  famille?  Ayez  au  moins  pitié  de  vous,  si  vous  ne  l'avez 
de  nous  et,  si  vous  persévérez  dans  vos  rigueurs,  comme  on  vous  invite  à  le 
faire,  il  faudra  que  Philippe  II  se  résigne  à  régner  sur  des  terres  sans  sujets. 
«  Il  est  maintenant  trop  tard  pour  arrêter  la  propagation  de  l'Évangile 
et  de  la  Vérité.  De  même  que  du  bois  n'a  jamais  éteint  un  feu,  de  même 
les  persécutions  qui  n'ont  jamais  rien  su  entraver,  n'empêcheront  point  les 
progrès  de  la  Réforme.  Si  on  n'use  point  de  douceur  envers  le  peuple,  nous 
craignons  qu'il  n'arrive  une  etTroyable  catastrophe  dans  tous  les  Pays-Fias, 
car  nous  ne  pouvons  plus  maintenir  les  masses,  ni  arrêter  leur  élan,  et 
quand  elles  vous  verront  persister  à  traîner  en  prison  de  braves  et  honnêtes 
gens,  elles  s'ameuteront.  Ne  comptez  point  pour  les  dompter  sur  vos  soldats, 
car  eux-mêmes  sont  gagnés  aux  idées  nouvelles  et  ils  vous  tourneront  le 
dos  au  moment  où  vous  croirez  pouvoir  vous  servir  d'eux.  Ayez  donc  pitié 
du  peuple  (|ue  vous  avez  mission  de  défendre  et  non  de  persécute!',  et 
repoussez  toutes  les  excitations  mauvaises  par  les(|uelles  on  cherche  à  vous 
abuser  (')  » . 


fi;  Arrilives  fin   Royaume  h  Bruxelles,  Papiers  d'État,  reg.  ir  3,54,   fol.  7(i  el  77.  et 
Van  Langkuaad,  vp.  cit.,  pp.  33,  34  et  33. 


BIBUOTHECA 


100  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCUE 

Ces  lettres,  d'une  admirable  clairvoyance,  qui  dévoilaient  si  justement  les 
maux  prêts  à  fondre  sur  les  Pays-Bas,  n'eurent  d'autre  résultat  (|ue  de  pro- 
voquer un  redoublement  de  surveillance  et  de  rigueur  chez  les  commissaires 
royaux. 

Les  recherches  les  plus  minutieuses  furent  aussitôt  ordonnées  pour  décou- 
vrir la  retraite  du  pasteur  de  l'Église  de  Tournai.  Elles  n'aboutirent  pas  et 
(|Uoique,  sur  ordre  de  Marguerite  de  Parme,  les  magistrats  communaux 
eussent  mis  sa  tète  à  prix,  de  Bray  parvint  à  s'échapper  et  se  réfugia  à 
Amiens  (^). 

Sa  maison  fui  découverte  le  10  janvier  1562,  mais  le  jour  où  les  oIRciers 
du  bailliage  se  [)ré»cnlèreiil  pour  y  perquisitionner,  le  logis  était  en  flammes. 
Ainsi  l'avait  demandé  Guy  de  Bray  (^) .  L'incendie  éteint,  on  trouva  parmi  les 
papiers  à  demi  consumés,  plus  de  deux  cents  exemplaires  de  sa  «  Confession 
de  foy  des  fidelles  des  Pais-Bas  »,  ainsi  que  des  ouvrages  de  Calvin,  Luther, 
Mélanchthon  et  une  grande  multitude  de  lettres,  sermons,  mémoires,  tant 
en  français  qu'en  latin,  entre  autres,  une  lettre  de  Calvin  datée  de  4  356, 
une  de  Pierre  Dathenus,  une  autre  de  Jean  Crespin  de  15S9,  etc.  (^). 

Après  le  dépari  de  Guy  de  Bray,  les  rigueurs  continuèrent  sans  relâche. 
Vingt-six  Tournaisiens,  sur  simple  soupçon  d'hérésie,  furent  attraits  er) 
justice  (*);  3Iichel  Petit  fut  exécuté  en  place  publique  (')  ;  le  4  7  novem- 
bre 1561,  les  flammes  consumèrent  .lean  de  Lannoy  ('');  bientôt  après  fui 
rasée  la  maison  de  la  veuve  Baisse  de  Coron,  parce  (|ue  celle-ci  avait  abrité 
Jean  de  Lannoy  durant  «  ses  disputes  sur  l'Évangile  Ç)  ».  Du  mois  de 


(^)  Van  Langeraad,  op.  cit.,  p.  S8.  La  duchesse  de  Parme  avait  donné  le  même  ordre  aux 
magistrats  de  Mens,  Valenciennes,  Lille,  Gand  et  Douay. 

(2)  Guy  de  Bray  habitait  à  Tournai,  dans  la  paroisse  Sainl-Brice,  une  petite  maison 
attenante  aux  remparts.  Il  fut  exécuté  à  Valenciennes,  le  3i  mai,  à  6  heures  du  mutin.  Voir 
Van  Langeraad,  op.  cit.,  p.  8i. 

(3)  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'État,  reg.  n"  354,  fol.  136  v°  et  139  r". 
Van  Langeuaad,  op.  cit.,  pp.  45  à  48. 

(*)  Idem,  reg.  n"  354,  fol.  101. 

(5)  Idem,  reg.  n"  334,  foi.  93.  Exécution  non  mentionnée  dans  Van  der  Haeghen,  up.  cit. 

(6)  Idem,  reg.  n°  334,  fol.  93.  C'est  par  erreur  que  dans  Van  der  Haeghen,  op.  cit., 
n"  446,  on  a  porté  cette  exécution  en  l'année  1560. 

T;  Idem,  reg.  n»  3o4,  fol.  80. 


AU  POINT  DR  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  101 

novembre  1561  à  avril  1562,  les  commissaires  royaux  liaimirenl  clnciuante- 
ciiK]  personnes,  condannièreiit  à  rameiule  trente  et  une  aulres  «  pour  le 
faict  (le  chanteries,  sectes  ou  conventicules  »,  et  mirent  à  prix  la  tête  de 
Jean  du  iMorlier,  Robert  Dul'our,  Pasquier  Dumelz,  IMerrc  de  le  Hue,  Jean 
et  Guillaume  Cornu,  Jean  de  Grincourt,  parce  qu'ils  étaient  «  pestes  sy  per- 
nicieuses à  la  républicque  (')  ». 

Une  répression  aussi  sévère  provoqua  une  accalmie.  La  régente  s'y 
trompa  au  point  qu'elle  écrivit  au  Roi  le  21  mars  1362  :  «  Quaiil  à  Tournav, 
l'on  s'apperçoit  bien  fort  du  changement  depuis  que  l'on  y  a  pourveu  et  y 
sont  les  églises,  ceste  quaresmes,  plaines  tant  aux  oUices  qu'aux  sermons, 
la  multitude  desquelz  servent  beaucoup  pour  aulcunemenl  contenir  le 
peuple  ('")  » . 

V.  Cette  tranquillité  n'était  qu'à  la  surface.  Un  travail  secret  s'opérait. 
Les  idées  nouvelles  qui  avaient  tout  d'abord  pénétré  dans  la  masse  des 
artisans  envahissaient  alors  la  bourgeoisie,  s'infiltraient  jus(|ue  dans  les 
rangs  des  fonctionnaires  royaux  et  municipaux.  Nicolas  Taffin,  conseiller 
pensionnaire  de  Tournai,  Jean  de  Lattre,  avocat  au  bailliage  sont  soupçonnés 
d'hérésie,  emprisonnés  et  définitivement  révoqués  (■^).  La  noblesse  elle- 
même  accueille  la  Réforme  et  le  gentilhomme  Ârnould  de  Landas  est  bientôt 


(1)  Gachard,  La  Bibliothèque  nationale,  t.  I,  p.  370.  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles, 
Papiers  d'État,  reg.  n°  3o2,  fol.  H  r°. 

(2)  Gachard,  Correspondance  de  Marguerite  (P Autriche,  t.  Il,  p.  1S5. 

(3)  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'État,  reg.  n"  352,  fol.  13  et  18  r"  et 
fol.  30  V",  et  reg.  n°  3o4,  fol.  140  v°  et  l'extrait  suivant  :  «  Quant  est  des  otficiers  qui  est  aussy 
l'un  des  principaulx  poincts  de  la  matière  présente,  nous  en  trouvons  beaucoup  suspectz 
si  comme  advocut,  procureur  et  greffier  du  bailliaige  et  aucuns  officiers  et  eschevins  de  la 
ville.  Et  pour  ce  que  les  suspitions  plus  véhémentes  estoient  allencontre  dudit  advocat 
(=  de  Lattre)  et  de  l'un  des  pensionnaires  de  ceste  ville  nommé  Taffin,  aprez  les  avoir  oy  et 
examiné  sur  leurs  charges  et  qu'ils  se  trouvoient  convaincu/,  par  leurs  propres  confessions 
d'avoir  contrevenu  aux  ordonnances  et  placcartz  de  Sa  Majesté,  les  avons  arresté  et  retenu 
prisonniers  en  ce  château  et  avons  envoyé  visiter  leurs  livres  et  pappiers  pour  veoir  s'il  y 
avoit  quelques  livres  ou  escriptz  suspectz  ce  que  n'a  esté  encoires  trouvé...  »  Extrait  du 
rapport  des  commissaires  en  date  du  24  décembre  1561.  (Archives  du  Royaume  à  Bruxelles, 
Papiers  d'Etat,  reg.  n°  334,  fol.  123  v.) 


IOi>  TOURNAI  ET  IX  TOLRNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

considéré  comme  héiéiique  par  les  commissaires  royaux  (').  Les  conven- 
liciiles  reprennent  el  se  mulliplieiil  tellement  que  le  Chapitre  de  Notre-Dame 
désespère  de  parvenir  nn  jour  à  extirper  l'hérésie  de  Tournai  (-).  Bref,  ce 
calme  des  esprits  «pii  avait  tant  émerveillé  Marguerite  de  Parme,  fut  si  peu 
durable  que  le  bourreau  dut  reprendre  sa  lâche  un  instant  interrompue.  En 
mai  1362,  Roland  Bellin,  Jean  Bacquin,  Pierre  Bourdeau,  Jean  Carlier  el 
Andrien  Michel  Curent  décapités  ou  pendus  (^);  le  13  juillet,  Guillaume  Cornu 
fut  étranglé,  puis  brûlé;  en  septembre,  Alexandre  Deckre  subit  la  peine 
capitale  au  Château  ('). 

La  situation  de  Tournai  empire  de  plus  en  plus.  Malgré  la  peine  de  mort, 
à  laquelle  s'exposent  ceux  qui  prennent  part  aux  «  chanteries  »,  celles-ci 
avaient  recommencé  dans  toute  la  cité  el  surtout  dans  les  paroisses  de  la  rive 
droite  de  l'Escaut  (^).  Un  mois  à  peine  après  la  mort  de  Guillaume  Cornu, 
le  peuple  recommence  à  chansonner  les  ecclésiastiques,  depuis  le  plus  haut 
dignitaire  jusqu'au  simple  vicaire,  placarde  sur  les  maisons  des  «  principaulx 
personnaiges  de  l'église  cathédrale,  des  libelles  el  escripts  dilTamaloires  », 
ou  tient  des  propos  indécents  contre  les  prêtres  Q.  Marguerite  de  Parme 
l'avoue  elle-même,  les  sectaires  reprennent  «  nouvel  audace  pour  encom- 
mencer  nouveau  tumidie  (')  ».  Les  réformés  ne  respectent  pas  davantage 
les  magistrats  communaux.  Le  23  juillet,  ils  placardent  sur  les  principaux 
bâtiments  publics  des  lettres  de  menaces  contre  l'auiorilé  municipale  (■*)  (|ue 
la  Régente  taxe  de  tiédeur  et  accuse  à  torl  de  manquer  à  ses  devoirs  (''). 


(1)  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'État,  reg.  n"  332,  fol.  13  r«  et  18  r. 

'2)  idem,  reg.  n"  332.  fol.  45. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  général  d'octobre  lo61  à  septembre  1365, 
fol.  72  r";  Registre  de  la  Loi,  n"  149,  et  Pièces  comptables,  tarde  Justice,  iS6i.  Exécutions 
non  citées  dans  Van  der  Haeghex,  op.  cit.,  à  l'exception  de  celle  d'Andrien  Michel. 

(*;  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'Etat,  reg.  n"  3o2,  fol.  70  r\ 

(8)  Gachard,  La  Bibliothèque  nationale,  t.  I,  p.  38o. 

(6)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  344,  Publication  du  16  avril  1362. 

'^)  Gachard,  La  Bibliothèque  nationale,  t.  I,  p.  371  ;  Archives  communales  de  Tournai, 
reg.  n°  344,  Ordonnance  du  23  juillet  1362. 

(8)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  344,  Ordonnance  du  25  juillet  1362. 

1^1  Gachard,  La  Bibliothèque  nationale,  t.  I,  p.  374. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  105 

Les  «  chaiilerics  »  se  succèdenl,  les  prêches  recommenceni  surloul  à  lit 
ciimpagiie.  Les  réformes  s'y  rendenl  en  si  grand  nombre  que,  sur  ordre  de 
la  duchesse  de  Parme,  les  magisirals  les  dimanches  el  jours  de  lele  foni 
fermer  les  portes  de  la  ville,  exigent  de  ceux  qui  veulent  aller  au  dehors 
qu'ils  fasseni  connaîlre  le  but  et  la  cause  de  leur  sortie  et  font  battre  les 
bois  environnants  |)ar  les  agents  de  police  et  les  soldats  du  Château  ('). 

Il  y  a  plus.  Ils  rendent  la  messe  obligatoire  et  forcent  les  habitants, 
surtout  les  gens  mariés,  de  se  rendre  les  dimanches  el  fêles  à  la  messe 
paroissiale  el  au  sermon,  à  peine,  s'ils  s'absentent  trois  dimanches  consécutifs, 
d'être  considérés  comme  hérétiques,  en  d'autres  termes  d'être  exposés  au 
bannissement  perpétuel,  à  la  confiscation  des  biens  el  aux  autres  consé- 
quences qu'entraînail  la  preuve  d'hérésie  Ç-^).  Enfin,  en  exécution  des  pla- 
cards, ils  promettent  cin(pianle  livres  à  chaque  campagnard  qui  dénoncerait 
un  «  conveniicule  »  ou  réunion  illicite  (^). 

Cependant,  ni  les  règlements  de  police,  ni  les  encouragements  aux  dénon- 
ciations salariées  n'empêchèrent  les  réunions  interdites  par  les  placards  et 
les  édits  royaux.  Les  campagnes  elles-mêmes  adhéraient  en  masse  à  la 
Réforme.  Le  17  septembre,  quatre  à  cinq  cents  personnes  se  réunissent  au 


(1)  Gachard,  La  Bibliothèque  nulionale,  t.  1,  pp.  .376  et  380. 

(2)  luKM,  Ibid.,  t.  t,  p.  382.  Bulletins  de  la  Commission  royale  d'histoire,  2"  série, 
t.  XII,  p.  88,  Ordonnance  du  5  octobre  1562.  Poullet,  Histoire  du  droit  pénal  dans  le 
duché  de  Brabant,  pp.  66  et  71.  «  Si  la  simple  profession  d'opinions  hérétiques  ne  con- 
stituait pas  un  crime,  elle  produisait  cependant  des  conséquences  très  graves  au  point  de 
vue  séculier;  les  personnes  qui  avaient  été  convaincues  et  reconciliées  ou  même  simple- 
ment suspectes  d'hérésie  et  poursuivies  de  ce  chef  étaient  à  perpétuité  exclues  de  toute 
charge  ou  état  honorable  dans  les  Pays-Bas  et  incapables  d'entrer  dans  un  éclievinage... 
Enfin  l'édit  de  1540  et  tous  les  édits  subséquents  déclarèrent  que,  du  jour  où  un  homme 
tombait  dans  l'hérésie,  il  devenait  incapable  de  disposer  de  ses  biens.  Ils  annulaient,  en 
conséquence,  toutes  les  aliénations,  les  dons,  les  cessions,  les  ventes,  les  transports,  les 
testaments,  les  actes  de  dernière  volonté  faits  depuis  cette  époque...  » 

(3)  (ïachari),  La  Bibliothèque  nationale,  t.  1,  p.  381.  Poullet,  Histoire  du  droit  pénal 
dans  le  duché  de  Brabant,  p.  73.  «  Celui  qui  mettait  la  justice  sur  la  trace  d'un  conventicule 
avait  droit  à  la  prime  lorsqu'il  était  bien  pensant  et  lorsqu'il  n'avait  pas  lui-même  assisté  à 
la  réunion;  lorsqu'il  avait  pris  part  à  celle-ci,  sa  délation  ne  lui  assurait  que  l'impunité, 
et  encore  à  condition  qu'il  promît  de  ne  plus  retomber  dans  ses  fautes  passées.  » 


104  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XV1«  SIÈCLE 

bois  du  Lieu  (^)  près  de  Tournai,  chantent  des  psaumes,  écoutent  les  prédi- 
cations d'un  pasteur  local.  Les  Serments  et  une  partie  de  la  garnison  du 
Château  avertis,  se  transportent  en  cet  endroit  et  font  quaranle-sept  prison- 
niers qu'on  ramène  en  ville.  Mais  le  peuple  s'ameute  et,  bousculant  magistrats 
et  soldais,  délivre  dix-sept  des  principaux  réformés  arrêtés  (-). 

Devant  tant  d'audace,  la  Régente  et  les  magistrats  sont  aux  abois;  ils  ne 
savent  plus  quelles  mesures  prendre  pour  faire  respecter  les  placards.  Oe 
commun  accord  avec  le  Chapitre  de  Notre-Dame,  l'autorité  communale  fait 
lever  dans  le  Hainaul,  à  Ath  et  à  Mons  (^),  soixante  soldats  nouveaux  ('), 
tandis  que  la  Régente  dirige  sur  Tournai,  au  lieu  de  l'envoyer  à  Bourbourg, 
connue  elle  l'avait  décidé,  une  compagnie  d'infanterie  sous  les  ordres  de 
Bernard  de  Mérode  (^). 

Rarement  un  jour  se  passe,  sans  que  Marguerite  de  Parme  ne  donne  au 
Magistrat  des  informations  plus  ou  moins  fantaisistes,  qui  trahissent  son 
émoi.  Elle  fait  savoir  que  deux  hérétiques  viennent  de  quitter  Valenciennes 
pour  Tournai,  chargés  de  cinquante  barres  de  fer  avec  l'intention  d'empêcher 


(1)  Le  bois  du  Lieu  était  situé  dans  la  banlieue  de  Tournai,  entre  Orcq  et  Marquain. 

{■i)  Gachard,  Correspondance  de  Marguerite  d'Autriche,  t.  II,  p.  364,  et  Arctiives  du 
Royaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'État,  reg.  n°  352,  fol.  48. 

(3)  Gachard,  Extraits  des  Consaux,  p.  78,  et  Arctiives  communales  de  Tournai,  Compte 
général  d'octobre  1562  à  septembre  1563,  fol.  56  r"  «  à  Jacques  Gabry,  orphèvre  pour  avoir 
faict  et  livré  une  couppetasse  d'argent  pesante  deux  marcq  et  cincq  estrelins  et  dedens 
icelle  esmaillés  les  armoiries  tant  de  messieurs  comme  de  madame  de  Moulebais,  laquelle 
coupe  a  esté  faict  présent  à  la  dicte  dame  de  Moulebais  en  réscompence  et  recongnoissance 
du  bon  debvoir  fais  par  le  dict  sieur  de  Moulebais  son  mary,  pour  et  au  nom  de  la  dicte 
ville,  assavoir  de  soy  estre  transportez  es  villes  de  Mons  et  Ath  et  illecq  recoeiller  et  faict 
venir  en  ceste  ville  jusques  au  nombre  de  Ix  soldats  qui  auroient  estez  l'espasse  de  cincq 
mois  logez  au  chasteau  d'icelie  ville,  aians  aussy  durant  le  dict  temps  prins  la  peine  d'estre 
comme  chiefs...  Ixiij  Ib.  v  s.  ». 

(*)  Gachard,  La  Bibliothèque  nationale,  t.  I,  pp.  385-386,  et  Gachard,  Extrait  des  Consaux 
de  Tournai,  p.  78.  Les  frais  d'entretien  de  ces  soldais  incombaient  pour  les  deux  tiers  à  la 
ville  de  Tournai,  l'autre  tiers  étant  mis  à  la  charge  du  Chapitre. 

(5)  Gachard,  Extraits  des  Consaux,  p.  78,  et  Archives  communales  de  Tournai,  Compte 
général  1563-1564,  fol.  41  r"  «  à  Loys  Doré,  marchand  vinier  pour  x  quennes  de  vin 
audict  pris  présenté  à  Bernard  de  Mérode,  seigneur  de  Rument,  lieutenant  du  conte 
de  Homes...  x  Ib.  v  s.  ». 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAE.  lo;; 

rexéculion  de  réformes  dclcnus  ot  de  dépaver  les  rues  (^)  ;  ou  bien  dans  la 
crainte  que  des  luiguenols  français  ne  se  soient  cachés  dans  Tournai  ot  ne 
(omplolenl  de  livrer  la  ville  à  leurs  coreligionnaires,  elle  fail  p('r(|uisilionner 
niinulieusemenl  partout,  chez  les  catholi(|ues  comme  chez  les  suspects,  visiter 
les  hôtelleries  et  même  les  hôpitaux  (-);  ou  bien  encore,  elle  fait  prendre 
un  tas  de  mesures  plus  ou  moins  ridicules  qui  dénotent  un  désarroi  complet, 
sinor)  la  puissance  du  parti  calviniste  à  Tournai. 

Sans  doute,  la  situation  était  grave;  mais  le  péril  pour  le  Gouvernement 
résidait  surtout  dans  la  transformation  du  mouvement  ou  des  idées  qui 
agitaient  alors  les  Pays-Bas.  A  Tournai,  de  religieux  et  réforn)ateur  ipi'il 
avait  été  comme  partout  dans  le  principe,  ce  mouvement  devenait  (piasi 
révolutionnaire.  On  ne  se  contente  plus  d'adhérer  aux  doctrines  nouvelles 
en  secret  et  à  la  faveur  de  la  nuit,  on  enfreint  ouvertement  les  placards  du 
Roi;  on  refuse  obéissance  aux  ordres  de  Philippe  11;  on  murmure  contre 
les  aides  qu'exige  l'épuisement  du  Trésor  public;  enfin  la  Réforme  semble 
vouloir  recourir  au  seul  moyen  qui,  selon  Edgar  Quinet,  puisse  anéantir  une 
ancienne  religion,  la  force  (^).  On  marche  à  grands  pas  vers  la  désorgani- 
sation sociale,  conséquence  de  tout  mouvement  révolutionnaire;  on  ne 
respecte  plus  aucune  autorité  royale,  ecclésiastique  ou  communale.  La  révolte 
devient  si  menaçante,  si  violente,  que  la  peur  empêche  les  magistrats  de 
sortir  de  chez  eux  (*).  On  dégage  par  la  force  les  prisonniers  arrêtés  aux 
conventicules,  ou  bien  on  leur  ouvre  par  la  ruse  les  portes  de  leurs  cachots  (^); 


(*)  Paillard,  Troubles  de  Valenciennes,  t.  tl,  pp.  504-505,  et  Gachard,  Consaux,  p.  78. 

(2)  Gachard,  Consaux,  pp.  78  et  79.  Gachard  a  omis  de  mettre  la  note  marginale 
complète;  il  faut  la  rétablir  comme  suit  :  «  Résolu  de  faire  arrêter  tous  étrangers  étant  dans 
la  ville,  dans  les  liôtels  comme  dans  les  hôpitaux  ». 

(•^)  Edgar  Quinet,  OEuvres  complètes,  t.  V.  Marnix  de  Sainte-Aldegonde.  Paris,  1857, 
pp.  77-81. 

(*)  Gachard,  Correspondance  de  Marguerite  d'Autriche,  t.  tt,  p.  523. 

(5)  Idkm,  Ibid.,  t.  It,  pp.  519-521,  et  Archives  du  Royaume  à  Rruxelles,  Papiers  d'Élat, 
reg.  n°  354,  fol.  138.  Le  17  avril  1563,  quatre  ou  cinq  Tournaisiens  déguisés  altendirenl 
la  sortie  du  concierge  de  la  prison  d(!  la  ville,  puis  s'étant  fait  renieltre  les  clefs  des 
cachots,  délivrèrent  Péronne  Rousseau,  âgée  de  24  ans,  et  Isabelle  Dumont,  âgée  de  30  ans, 
hérétiques. 

Tome  I.   —  LiiriREs,  etc.  14 


1(K)  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLH: 

on  allaque  les  prèlres  dans  les  rues  el  sur  les  routes,  on  les  insulte,  on  les 
jette  dans  les  fossés  qui  bordent  les  chemins,  on  leur  lance  de  la  boue  en 
pleine  poitrine  ou  des  pierres  au  visage  (^).  Le  peuple  accueille  son  premier 
magistral,  le  grand  prévôt,  par  ces  cris  :  «  Voicy  le  tirant,  le  persécuteur  de 
nous  autres,  tuons-le,  massacrons-le  (-)  » .  La  ville  est  en  pleine  sédition  et 
la  situalion  est  d'autant  plus  grave  que,  d'après  Floris  de  Montmorency, 
«  s'est  tout  le  peuple  (')  »  qui  se  rend  aux  prêches  calvinistes.  «  On  ne 
nous  veull  soulTrir  que  chantions  au  bois,  où  ne  empeschons  personne;  nous 
chanterons  doncques  à  la  ville  ;  et  si  on  nous  mect  mille  hommes  en  gar- 
nison, nous  serons  deux  mil  et  plus  (*)  » . 

Ce  n'élail  pas  là  une  vaine  fanfaronnade,  car  dans  la  nuit  du  3  mai  1563, 
plus  de  deux  mille  personnes  s'assemblèrent  sur  la  grand'place,  déambu- 
lèrent dans  toute  la  ville  de  8  heures  à  H  heures  du  soir,  chaulant  des 
psaumes,  menaçant  gens  d'église  el  magistrats  ou  malmenanl  le  guet.  Des 
prêches  se  firent  même  en  trois  endroits  différents  et,  pour  la  première  fois, 
se  lerminérent  publiquement  par  la  cène  (^). 

Le  lendemain,  un  plus  grand  nombre  encore  de  raanifestanis  se  réunirent 
au  bois  de  Breuze  (').  Ils  y  entendirent  les  nouvelles  prédications  de  Guy 
de  Bray  de  retour  à  Tournay  ('),  de  Gérard  de  Bailleul  (**)  et  d'un  autre 


V  Bulletins  de  la  Comtnission  royale  d'histoire,  t.  Xll,  p.  90,  Publication  du  20  jan- 
vier 1562. 

(2)  Gachard,  Correspondance  de  Marguerite  d'Autriche,  t.  II.  p.  321. 

(3)  Idem,  Ibid.,  t.  Il,  p.  324. 
(*)  Idem,  Ibid.,  t.  II,  p.  523. 

(8)  Ii.EM,  Ibid.,  t.  II,  pp.  523  et  526. 

6    Le  bois  de  Breuze  était  situé  dans  la  banlieue  de  Tournai  et  était  à  cette  époque 
ropriété  de  la  ville. 

(1)  Quoique  d'après  les  documents  publiés  par  Paillard  dans  les  Troubles  religieux 
de  Valenciennes,  t.  II,  pp.  94  et  142,  il  semble  résulter  que  Gui  de  Bray  avait  en  1562 
quitté  définitivement  notre  pays,  une  condamnation  à  mort  prononcée  contre  Nicaise 
de  le  Tombe  (Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  149,  5  novembre  1563),  pour  avoir 
assisté  aux  prêches  champêtres  de  Guy  de  Bray  «  soy  aiant  aultrement  fait  apeller 
Jeromme  de  Bresse  »,  prouve  que  ce  pasteur  était  revenu  à  Tournai  on  juillet  1563.  Nous 
sommes  d'ailleurs  d'accord  en  cela  avec  Van  Langeraad,  op.  cit.,  p.  52,  et  I\ahlenbeck. 
Il  y  revint  même  encore  en  août  1366.  (Voir  de  le  Barre,  Mémoires,  t.  1,  p.  124.) 

(8)  D'après  le  registre  n"  149   des  Archives  communales  de  Tournai,   à  la  date  du 


AU  POINT  l)l<:  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  107 

prédicateur  français  ('),  puis  revinrent  à  plus  d'un  millier  recommencer  en 
ville  les  scènes  tumultueuses  de  la  veille,  en  criant  par  dérision  :  «  Où  est 
la  justice  maintenant?  Que  ne  vient-elle!  »  (^). 

Les  Consaux,  terrifiés,  augmentent  le  guet,  mettent  simultanément  sur 
pied  les  quatre  Serments,  soit  cinq  à  six  cents  hommes  (''),  republienl  les 
ordonnances  anciennes,  promettent  des  récompenses  importantes  aux  déla- 
teurs, mettent  à  prix  la  tète  du  célèbre  pasteur  calvinisie  Théodore  de  Bèze, 
dont  la  Régente,  trompée  par  de  faux  renseignements,  avait  annoncé  la  pré- 
sence à  Tournai  (*).  Mais  Floris  de  Montmorency  attend  de  toutes  ces 
mesures  si  peu  d'effet  qu'il  réclame  instamment  du  gouvernement  central 
l'envoi  «  d'une  bonne  et  grosse  garnison  »,  ainsi  que  celui  de  commissaires 
royaux  (').  Deux  cents  piétons  venant  de  Philippeville,  deux  enseignes  des 
six  nouvellement  levées  par  Marguerite  de  Parme,  et  deux  compagnies 
d'hommes  d'armes  (cavalerie)  entrent  dans  Tournai  C^),  suivies  de  près  par 


20  août  1563,  Jacques  de  Bailleul,  fils  de  Gérard,  natif  de  Lille,  fut  condamné  au 
bannissement  perpétuel  après  abjuration  canonique,  pour  avoir  assisté  au  prêche  de  son 
père  au  bois  de  Breuze,  le  4  mai,  et  y  avoir  après  le  prêche  récité  des  prières. 

(1)  Dans  une  lettre  du  7  mai  1S63,  Marguerite  de  Parme  décrit  ce  prédicant  de  cette 
façon  :  «  homme  de  petite  stature,  petite  barbe  blonde,  porte  manteau  noir,  ung  petict 
bonnet  de  velours  noir  et  un  grand  chapeau  de  feutre  noir  ».  Messager  des  sciences  histo- 
riques de  Gand,  t.  tV,  1836,  p.  363. 

(•2)  Messager  des  sciences  historiques  de  Gand,  t.  IV,  1836,  pp.  361-362. 
(3)  Ibid.,  t.  IV,  1836,  p.  362. 
(*)  Ibid.,  t.  IV,  1836,  pp.  443,  452  et  455. 

(5)  Gacuaiid,  Correspondance  de  Marguerite  d'Autriche,  t.  Il,  p.  524.  Floris  de  Monlmo- 
rency  réclamait  de  la  Kégente  l'envoi  à  Tournai  d'une  force  d'au  moins  six  cents  hommes. 
(Voir  Messager  des  sciences  historiques  de  Gand,  t.  IV,  1836,  p.  365.) 

(K)  Gachard,  Correspondance  de  Marguerite  d'Autriche,  t.  III,  p.  2.  Immédiatement  après 
les  troubles  des  3  et  4  mai  1563,  Marguerite  de  Parme  envoya  à  Tournai  deux  compagnies 
d'infanterie  de  cent  hommes  chacune  sous  les  ordres  des  seigneurs  de  Beauvois  et  de 
Dolhain,  ainsi  (|ue  cinquante  chevaux  commandés  par  le  capitaine  Bacquin.  Ces  forces  ne 
parurent  point  suffisantes  au  Gouverneur,  qui  réclamait  l'envoi  de  six  cents  hommes 
de  troupes;  malgré  les  plainte^  du  Magistrat  qui  trouvait  la  force  armée  en  assez  grande 
((uaniité  pour  maintenir  l'ordre,  la  Régente  écouta  le  Gouverneur  et  envoya  deux  enseignes 
des  six  qu'elle  venait  de  lever  pour  les  besoins  des  Pays-Bas,  c'est-à-dire  quatre  cents 
hommes.  (Voir  Messager  des  sciences  historiques  de  Gand,  t.  IV,  1836,  passim,  pp.  360-376 
et  441  ;  Caciiaiui,  CorrcsjHndancc  de  Marguerite  d'Autriche,  t.  III,  et  (Consaux,  !>  juin  1563.) 


108  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

les  commissaires  Pierre  Asset,  seigneur  de  Naves,  président  du  Conseil 
d'Artois,  François  Verlysen,  procureur  général  au  Grand  Conseil  de 
iMalines  (*),  et  Liévin  Éveraeris,  conseiller  au  même  Grand  Conseil  ('^).  Les 
prisons  regorgeaient  de  prévenus  (^)  ;  les  commissaires  royaux  ne  Irouvèrent 
d'aulre  moyen  de  les  vider  qu'en  prononçant  de  nombreux  baiinissemenls; 
en  outre^  ils  décapilèrenl,  du  27  mai  au  20  août,  cinq  Tournaisiens  (')  et 
brûlèrent  vif  .Michel  Robiilart,  potier  d'étain  (^). 

Après  cette  violente  répression,  une  nouvelle  accalmie  se  produisit;  mais 
quoique  les  Tournaisiens  restassent  momentanémenl  «  quoys,  sans  faire 
nouveauté  quelconque  »  ("),  Marguerite  de  Panne  n'avait  plus  ;'i  leur  égard 


;i)  Gachard,  Correspondance  de  Marguerite  d'Aulriche,  t.  II,  p.  S17,  et  Pièces  justi- 
ficatives, n°  XIV. 

(2)  Idem,  Ibid.,  t.  III,  p.  93,  et  Pièces  justificatives,  n»  XV. 

Messager  des  sciences  historiques  de  Gand,  1836,  pp.  370  et  378  et  Archives  communales 
de  Tournai,  Compte  général  d'octobre  lo6"2  à  septembre  1363,  fol.  388  r°.  «  .\  damoiseile 
Catherine  de  le  Hamedde,  vefve  de  feu  Henrj-  Goud,  pour  et  en  récompense  d'avoir  par 
lespasse  de  quatre  mois  et  demy  logé  et  reçeu  en  sa  maison  le  procureur  général  du  Grand 
Conseil  du  Koy,  nostre  Sire,  à  Malines  (=  V'erleysenj  et  monsieur  maistre  Liévin  Everard, 
conseiller  au  dict  Grand  Conseil,  commissaires  de  Sa  Majesté  sur  le  faict  des  tumultes 
advenues  en  ceste  dicte  ville...  » 

Liévin  Everarls,  chevalier,  natif  de  Gand,  conseiller  au  Conseil  de  Flandre,  puis  au 
Grand  Conseil  de  Malines.  Il  mourut  le  29  décembre  1S74.  (Académie  royale  d'archéologie, 
Annales,  4"=  série,  t.  IV,  p.  46"2.) 

(3)  Messager  des  sciences  historiques  de  Gand,  t.  IV,  1836,  p.  363. 

(♦)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n"  149.  —  27  mai  1363.  Jehan 
Légier  dit  «  Le  Laquay  »,  accusé  d'avoir  assisté  à  des  conventicules.  —  28  mai.  Philippe 
Lonwé  dit  «  Kadis  »,  pour  s'être  opposé  à  la  republication  des  placards  et  avoir  poussé  des 
cris  séditieux.  —  18  juin  1363.  Jacques  de  la  Garenne  dit  «  Tarrara  »  accusé  d'avoir  assisté 
aux  conventicules  des  3  et  4  mai  au  bois  de  Breuze;  Jehan  Prévost  dit  «  Tout  cousu  », 
même  accusation;  Jehan  Hourdon  dit  «  Mason  le  Ligueur»,  accusé  d'avoir  assisté  au  conven- 
licule  du  4  mai  au  bois  de  Breuze.  Les  exécutions  eurent  lieu  sur  la  grand'place,  comme 
d'ailleurs  toutes  celles  qui  précèdent  ou  celles  qui  suivront.  Elles  ne  sont  pas  mentionnées 
dans  Van  dku  Hakghe.n,  op.  cit.,  sauf,  peut-être,  celle  de  Jacques  de  la  Garenne  dit 
«  Tarrara  »,  si  l'on  veut  identifier  ce  nom  avec  celui  de  «  Barbara  »  donné  au  n"  50  de  la 
Table  alphabétique  du  martyrologe  protestant. 

(3)  Archives  communalfs  de  Tournai,  Kegistre  de  la  Loi,  n"  119,  20  août  1363.  Michel 
Robiilart,  natif  dWrras,  accusé  d'être  détaché  de  l'Eglise  catholique,  depuis  longtemps, 
y  est  dit  hérétique  obstiné. 

(6i  Messager  des  sciences  historiques  de  Gand,  t.  IV,  1836,  p.  445. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  |0!) 

sa  confiance  d'autrefois.  Les  confondant  Ions  dans  une  égale  suspicion,  elle 
exigea,  tant  de  la  |)()|)ulalion  civile  que  du  clergé,  un  sermoni  solennel  à  la 
foi  catholique.  Elle  voulut  que  les  magistrats  prèchasseni  d'exemple  et  elle 
leur  lit  jurer  sur  la  Croix  ou  l'I^.vangile,  de  «  persévérer  en  la  saincle  l'oy 
caiholique  et  d'observer  les  édiclz  allenconlre  des  sectes  et  hérésies  »  ('), 
dùt-elle  par  semblable  serment  amener  la  ruine  du  commerce  lournaisien. 
Elle  forçait,  en  effet,  le  Magistrat  à  sévir  contre  les  marchands  d'Anvers 
ou  de  Francfort,  clients  habituels  du  marché  de  Tournai,  presque  tous  luthé- 
riens ou  calvinistes,  (|ui  refuseraient  le  serment  (-). 

Quant  aux  ecclésiastiques,  elle  leur  ordotina  de  jurer  devant  l'évêque  de 
Tournai  ou,  à  son  défaut,  devant  son  vicaire  général,  de  vivre  selon  les 
prescriptions  de  la  religion  calholi((ue.  On  enregistra  les  noms  des  Tournai- 
siens  qui  prêtèrent  volontairement  ce  serment;  on  enjoignit  à  ceux  qui  le 
refusèrent,  de  porter  endéans  vingt-quai re  heures,  leurs  armes  au  gouver- 
neur et  on  leur  fit  la  défense  de  sortir  de  chez  eux  en  cas  de  troubles,  sous 
peine  d'être  pendus  ( '). 


(ij  1!  est  vrai  que  les  Augustins  de  Tournai,  durant  le  carême  de  l'an  1S63,  avaient 
poussé  le  peuple  vers  la  Kéforme,  ainsi  que  l'atteste  l'extrait  suivant  d'une  lettre  de 
Marguerite  de  Parme  à  l'évêque  de  Tournai  en  date  du  17  mars  1363.  Archives  du  Royaume, 
Papiers  d'Etat,  reg.  n"  355,  fol.  327  v.  «  Mon  cousin,  ayant  entendu  que  durant  ce 
quaresme  présent,  votre  vicaire  et  aultres  officiaulx  à  Tournay  ont  appréhendé  un  augustin 
du  couvent  de  Tournay,  qui  soulz  umbre  de  prescher  la  paroUe  de  Dieu  enseignoit  plus- 
sieurs  erreurs,  ayant  aussy  esté  trouvez  en  son  cas  quelques  aultres.  En  quoy  vos  dits 
officiers  ont  faict  bon  oHice  et  feront  bien  d'en  l'aire  une  bonne  correction  canonicque  et 
exemplaire...  »  {Correspondance  de  Marguerite  d'Autriche,  t.  111,  p.  278.) 

('^)  Gaciiard,  Correspondance  de  Martiuerite  d'Autriche,  t.  Ill,  p.  21.  Le  serment  lu 
publiquement,  chaque  Magistrat  devait  à  son  tour  «  donner  la  main  au  seigneur  de  Montigny 
et  après  baiser  la  croix  ou  Évangile  qui  sera  sur  le  bureau  en  approbation  desdictes 
promesse  et  serment  ».  Si  un  magistrat  s'avisait  de  refuser,  vingt-quatre  heures  lui  étaient 
données  pour  réiléchir  et,  s'il  persistait  dans  son  refus,  il  devait  quitter  le  pays  dans  les 
quinze  jours,  en  subissant  la  contiscation  du  tiers  de  ses  biens  pour  servir  à  l'entretien  des 
troupes,  sans  préjudice  de  la  peine  de  mort  et  de  la  confiscation  totale  des  biens,  pour 
tout  magistrat  qui  se  déclarerait  hérétique.  (Voir  Gachard,  Correspondance  de  Marguerite 
d'Autriche,  t.  lit,  p.  22.) 

f-i    Gachard,  Correspondance  de  Marguerite  d'Autriche,  t.  III,  p.  22. 


no  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

Ces  ordonnances  vexaloires  furent  publiées  à  Tournai,  les  27  juillet  el 
27  août  lo63  ('). 

Elles  produisirenl  peu  d'effet;  beaucoup  de  Tournaisiens  continuèrent  à 
babiler  la  ville  sans  jurer  ce  qu'on  exigeai!,  ou  bien  s'expatrièrent  (^). 

Ceux-là  même  qui  avaient  promis  «  de  vivre  caiholiquement  »  inspiraient 
si  peu  de  confiance  à  la  Régente  qu'elle  n'osa  pas  les  enrôler  dans  les  bandes 
armées  qu'elle  levait  pour  maintenir  l'ordre  (^). 

Voilà  où  l'on  en  était  à  Tournai  el  dans  le  Tournaisis  à  la  fin  du  mois 
d'août  1563! 

Les  commissaires  royaux  quittèrent  la  ville  vers  le  4  septembre  (*). 

Nicolas  de  la  Hamaide,  ancien  grand  prévôt  (^),  Jean  Grenu,  grand 
prévôt  C'),  et  Pierre  Bacheler,  conseiller  du  bailliage  ('),  les  remplacèrent. 


(ii  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  344,  aux  dates  indiquées. 

(2)  Gachard,  Correspondance  de  Marguerite  d'Autriche,  t.  III,  pp.  81  et  95. 

(3)  Idem,  Ibid.,  t.  III,  p.  95. 

(4)  Idem,  Ibid.,  t.  III,  p.  107. 

(■^)  Idem,  Jhid.,  t.  III,  p.  107.  Marguerite  de  Parme  lui  donne  par  erreur  le  [trénom  de 
Jacques  ;  il  s'appelait  Nicolas.  (Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n»  147, 
foi.  7  v°.) 

Nicolas  de  la  Hamaide,  écuyer,  puis  chevalier,  seigneur  de  Haudion,  Haudionchel  et 
Mainvault  (Hertain)  et  de  Beaulieu  (à  Camphin,  en  Révèle),  etc.,  bourgeois  de  Tournai  par 
achat  fait  pour  8  livres  Flandres  le  8  mai  1555,  juré  de  Tournai  en  1555  et  1558,  échevin 
en  1557,  second  prévôt  en  1561,  souverain  ou  grand  prévôt  en  1562,  1566  et  1567,  lils 
aîné  de  Robert  de  la  Hamaide  et  de  Marie  de  Landas;  il  épousa  en  premières  noces  Marie 
d'Assonleville  et  en  secondes  Barbe  de  Vlieghe,  fille  du  seigneur  de  la  Gruerie(Templeuve, 
en  Pévèle).  (Renseignements  dus  à  l'obligeance  de  M.  le  comte  du  Chastel  de  la  Howar- 
derie.) 

(6)  Jean  Grenu,  né  à  Tournai  le  21  mai  1529,  de  Gilles  et  de  Jeanne  de  Preis;  écuyer, 
seigneur  de  Marcq,  Ramegnies,  Lhommoy,  etc.,  bailli  de  la  terre  et  seigneurie  de  Molem- 
baix,  lieutenant  pour  le  roi  des  ville  et  château  d'Ath,  fut  créé  chevalier  par  Philippe  II  à 
Gand,  le  9  février  1559  ;  maieur  des  échevins  de  Tournai  et  grand  prévôt  de  celle  ville,  où 
il  fut  de  la  magistrature  à  diverses  reprises  de  1562  l'i  1572;  il  épousa  en  juin  1550, 
Madeleine  de  Witthem.  (Voir  C*  uv  Chastel,  Notices  généalogiques  tournaisiennes,  t.  II. 
p.  152.) 

(')  Pierre  Bacheler,  licencié  es  lois,  conseiller  du  roi,  lieutenant  du  bailli  de  Tournai 
et  Tournaisis,  fils  légitime  de  Jean  Bacheler,  receveur  du  temporel  de  l'abbaye  de  Saint- 
Martin  de  Tournai,  et  de  Jacqueline  du  Chambge.  Son  père,  Jean  Bacheler,  était  lils  naturel 
de  Nicolas  Bacheler,  écuyer,  si  igneur  de  Courcelles-les-Lens,  en  Artois.  [>ar  achat,  anobli 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  111 

Ces  juges  nouveaux  ne  se  monlrèrenl  pas  moins  impiloyables  que  les 
anciens.  Ils  commencèrenl  par  bannir  sous  divers  prélexles  plus  de  cin- 
(|uanle  persoinies. 

Les  unes  avaient  enfreint  le  serment  ordonné  (^),  les  autres  détenaient 
chez  elles  des  ouvrages  de  Calvin,  .^lélanchthon  (-),  etc.;  celles-ci  n'avaient 
point  rempli  leurs  devoirs  de  chrétiens  à  Pâques  ou  durant  l'année,  ou  bien 
encore  ne  s'étaient  pas  présentées  au  confessionnal  depuis  un  certain 
temps  (^);  celles-là  avaient  débité  de  la  bière  le  dimanche  à  l'heure  de  la 
messe  {'').  La  plus  intéressante  de  ces  condamnations  fut  celle  de  Simon 
TaHln,  banni  perpéluellemenl  pour  avoir  ridiculisé  l'Église  et  ses  prêtres 
dans  deux  pièces  de  vers  (|u'il  venait  de  lire  au  Puy  de  rhétorique  (^). 

En  effet,  quoi  qu'en  dise  Rahlenbeck  (''),  après  l'edit  du  26  janvier 
1560  0,  interdisant  absolument  les  représentations  théâtrales  dirigées 
contre  l'Eglise  ou  les  croyances  catholiques,  les  rhétoriciens  de  Tournai 
n'avaient  nullement  cessé  d'écrire  à  leur  manière  et  suivant  leurs  goùls  des 
pièces  de  théâtre  souvent  satiriques,  qu'ils  faisaient  représenter  plus  ou 
moins  secrètement  sur  des  scènes  privées,  le  théâtre  officiel  n'existant  pas 
encore. 


par  lettres  du  roi  Charles  VIII  données  à  Moulins,  en  Bourbonnais,  en  février  1489  (a.  s.). 
Pierre  Bacheler  épousa  en  premières  noces  Jacqueline  Cottrel,  une  des  filles  naturelles  que 
Nicolas  Cottrel,  prêtre,  chanoine  de  la  cathédrale  de  Tournai,  avait  eue  de  Béatrix 
de  le  Grave  et  en  secondes,  Geneviève  Dubois,  fille  de  Jacques  du  Bois,  seigneur 
de  la  Chuynelde,  massart  de  Tournai.  (Renseignements  dus  à  l'obligeance  de  M.  le  comte 
du  Chastel  de  la  Howarderie.) 

(^)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n"  149.  Condamnation  du 
S  novembre  1S63. 

i"^)  Idem,  Registre  de  la  Loi,  n"  149.  Condanmation  du  30  novembre  IStiS. 

(3)  Idem,  Registre  de  la  Loi,  n°  149.  Condamnation  du  10  janvier  iS64  (n.  s.). 

(■*•)  Idem,  Pièces  comptables,  farde  Pi-ocès,  document  du  10  janvier  1365  (n.  s.). 

(5)  Idem,  Registre  de  la  Loi,  n"  149.  Condamnation  du  23  décembre  1563.  Nous  ne 
donnons  qu'une  preuve,  quoique  les  condamnations  de  ce  genre  soient  nombreuses  dans 
ce  registre. 

(6)  Rahlenbeck,  Les  derniers  rhétoriciens  de  Tournai.  (Revue  de  Belgique,  1891,  t.  1, 
pp.  61  et  seq.) 

C)  Ordonnanlie,  staluten,  edicten  en  placcaerten  van  Vlaendei'en.  Antwerpen,  1662,  t.  I, 
p.  Slî). 


112  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI^  SIÈCLE 

Les  Tournaisiens  aimaient  ces  délassements  et  fréquemment,  après  leurs 
labeurs  quotidiens  ou  Taprès-niidi  des  jours  de  fête,  ils  se  rendaient  à  «  La 
Teste  d'or  »  ou  ailleiu-s,  voir  les  jeux,  comme  ils  appelaient  alors  les  repré- 
sentations ihéâlrales. 

D'un  caractère  jovial  et  bon  enfant,  railleurs  et  goguenards  avec  une 
certaine  pointe  de  scepticisme,  ils  excellaient  à  peindre  sur  la  scène  des 
tableaux  de  mœurs  souvent  bien  observés  qui  ne  ménageaient  personne,  ni 
prêtres,  ni  séculiers  (^). 

Prompt  à  découvrir  les  travers  d'autrui,  surtout  ceux  des  grands,  allant 
facilement  jusqu'à  la  licence  dans  son  langage  comme  dans  l'expression  de 
ses  pensées,  le  Tournaisien  moins  que  personne  bésitait  à  flageller  sur  le 
iboàlre,  dans  ses  chansons  ou  dans  ses  écrits,  les  choses  qu'il  réprouvait  dans 
la  vie  des  moines  ou  des  prêtres;  ils  aimaient  à  transporter  sur  la  scène 
quelque  aventure  où  le  mauvais  rôle  était  souvent  donné  à  un  clerc  ou  à 
discuter  en  toute  indépendance  les  dogmes  et  les  pratiques  de  la  religion 
elle-mên)e. 

Ces  façons  ne  pouvaient  convenir  longtemps  au  gouvernement  qui  édictail 
les  placards  contre  la  Réforme.  Aussi  l'École  de  rhétorique  lournaisienne  (") 
fut-elle  traquée  avant  toute  autre,  et  voici  comment  elle  disparut. 

Au  mois  d'août  1563,  le  maître  d'école  Jacques  Fourré  avait,  paraît-il, 
vendu  à  un  de  ses  jeunes  élèves  un  livre  interdit  par  les  placards.  Informé 
de  la  chose,  le  gouverneur  fit  enquêtes  sur  enquêtes,  perquisitioiuia  chez 
Fourré  et  s'empara  de  tous  les  livres  que  le  magister  possédait  en  son  logis. 
On  trouva  «  un  gros  registre  du  puich  d'escoles  de  rbétoricque  ».  Floris  de 
Montmorency  le  soumit  à  l'examen  de  quelques  théologiens  et  les  pièces 


(1)  Arcliives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  29  décembre  IfiSO.  «  De  la 
remonstrance  de  Monseigneur  le  Vicaire  de  Tournai  qui  dit  que  les  joueurs  de  «  La  Teste 
d'or  »,  jouent  jeux  diffanians  gens  d'église  et  de  la  justice,  pourquoy  requiert  que  on  leur 
voeiiie  faire  cesser  déjouer,  aultrement  seront  constrains  d'en  adverlir  le  Roi.  » 

(2)  La  Bibliothèque  communale  de  Tournai  possède  un  manuscrit,  n"  CtV,  qui  renferme 
toutes  les  compositions  poétiques  du  Puy  de  rhétorique  de  Tournai  durant  te  XV''  siècle. 
La  Société  des  bibliophiles  de  }]oiUi  l'a  édité,  en  partie,  dans  un  de  ses  volumes.  {Mons,  1837. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  Ilô 

(|u'il  conleiiail  fiirenl  jugées  «  malsentans,  mauvaises  el  scliandaleuses  », 
contraires  à  l'édit  du  20  janvier  1560. 

La  duchesse  saisit  ce  prétexte  pour  dissoudre  la  chambre  de  rhétorique 
de  Tournai  le  1 1  août  \  563;  elle  ordonna  en  outre  aux  rhétoriciens  d'assister 
à  l'incinération  de  leur  «  gros  registre  »  et  de  toutes  les  pièces  qu'ils 
auraient  pu  avoir  composées  depuis  lors,  et  de  faire  abjuration  canonique 
devant  TOtlicial.  Pasquier  de  la  Barre,  procureur  du  bailliage,  fut  révoqué 
de  ses  fonctions,  parce  qu'il  avait  favorisé  les  rhéloriciens  plutôt  que  de  les 
dénoncer  (').  Le  21  aoùi,  Jacques  Barrât,  l'officier  criminel,  réduisit  en 
cendres  les  compositions  littéraires  de  nos  poètes  populaires  (-). 

Ainsi  cessa  d'exister  le  Puy  de  rhétorique  de  Tournai,  dont  la  création 
remontait  à  1477. 

Les  magistrats  ne  se  contentèrent  pas  de  bannir,  ils  condamnèrent  à  la 
peine  capitale.  Le  5  novembre  1563,  Nicaise  Deletombe  fut  brûlé  vif;  le 
2  décembre,  Roger  Dumont  subit  le  même  sort  (^);  quelques  mois  après, 
Marie  Boisère,  veuve  d'Olivier  de  Rocq  ('),  fut  pendue,  puis  brûlée;  ensuite 
ce  fut  le  lour  de  Hugues  Deslailleurs  et  Jean  Picq,  condamnés  pour  avoir 
«  esté  trouvez  pourmenans  hors  ceste  ville  un  jour  de  dimenche  durant  que 
la  grand'messe  se  célébroit  »  ('').  Ils  avaient  préalablement  subi  une  délen- 


(')  Voir  Pièces  justificatives,  n"  XVI.  Lettre  des  commissaires  royaux  du  4  août  1SG3  et 
de  la  duchesse  de  Parme  du  H  août.  Pinchart,  Mémoires  de  Pasquier  de  le  Barre,  t.  I, 
pp.  15  et  16. 

("^)  Archives  communales  de  Tournai.  Pièces  comptables,  farde  Justice,  document  du 

21  août  1563  :  «  Gilles  du  Rieu,  massart,  ordonné  est  que  payez  et  délivrez  à  maistre  Jacques 
Barrât,  officier  criminel,  la  somme  de  xxij  sols  flandres  pour  avoir  bruslé  en  cendres  une 
livre  de  l'escolle  du  puys  de  réloricque  en  ceste  ville  contenant  aulcuns  propos  scandaleux 
contre  notre  saincte  foy  catholicque...  » 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n"  149,  à  la  date. 

(*)  Idem,  Registre  de  la  Loi,  n"  149,  du  18  septembre  1564  et  Pièces  comptables,  farde 
Procès,  document  du  19  septembre  1564.  Le  Registre  de  la  Loi  précité  la  désigne  ainsi  ; 
«  Marie  Roisière,  vei've  de  feu  Ollivier  de  Rocq,  natifve  de  Courtray  ».  La  supposition  faite 
par  M.  Van  der  Haeghen,  Martyrs  protestants  néerlandais  au  XVP  siècle.  Liste  alpha- 
bétique, n"  84  (BiBLiOTHECA  Belgica),  quant  à  l'origine  de  la  suppliciée,  est  donc  vraisem- 
blable. 

(S)  Archives  communales  de   Tournai,   Registre   de    la    Loi,    n»   149,    à    la  date   du 

22  mars  1564  (a.  s.)  et  Pièces  comptables,  farde  Jtistice,  13  avril  1564  (a.  s.). 

Tome  I.  —  Lettres,  etc.  15 


114  TOl]Ri\AI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

tiou  l'un  de  qualre-vingl-dix-hiiit,  l'autre  de  cent  quarante-neuf  jours  dans 
une  de  ces  prisons  que  Floris  de  Montmorency  lui-même  trouvait  «  hor- 
ribles, épouvantables  et  remplies  de  vermine  •>  ('). 

Cependant,  loin  de  céder  au  découraiiement  ou  à  la  peur,  les  partisans  de 
la  Réforme  reprenaient  de  nouvelles  forces  pour  les  luttes  futures  (').  Ils 
ne  cessèrent  point  leur  propagande,  et  s'ils  agissaient  avec  plus  de  prudence, 
leurs  succès  n'en  étaient  pas  moins  considérables.  Le  nombre  de  leurs 
adhérents  grossissait  sans  cesse,  comme  les  événements  ne  tardèrent  pas  à  le 
montrer. 

VI.  Dans  le  but  d'arrêter  les  progrès  de  la  Réforme,  l'Église  avait  con- 
voqué un  concile  universel  à  Trente  (lo4^o).  Elle  y  affirma  et  précisa  le 
dogme  catholique,  proclama  la  suprématie  du  pape,  condamna  les  doctrines 
protestantes  et  édicta  des  mesures  coercitives  que  beaucoup  jugèrent  con- 
traires à  l'autorité  civile.  Néanmoins,  le  30  juillet  1364,  Philippe  II  pres- 
crivit à  la  Régente  de  publier  dans  les  Pays-Bas  les  décisions  du  concile  et 
d'en  assurer  l'application  rigoureuse  par  la  force.  Aussitôt  une  violente  oppo- 
sition se  manifesta  dans  le  pays;  une  partie  du  clergé,  les  universités,  les 
États  provinciaux,  travaillés  par  la  Réforme,  firent  des  remontrances  (^);  les 
États  de  Brabant  refusèrent  même  de  publier  les  décréta  tridendna.  A 
Tournai,  on  placarda  sur  la  Halle  de  Saint-Brice,  siège  du  second  échevinal 
de  cette  ville,  et  on  répandit  dans  les  rues  des  milliers  d'affiches  incitant  le 
peuple  à  empêcher,  comme  dans  le  Brabant,  la  publication  de  ces  décrets  qui 
établissaient,  disait-on,  «  l'Inquisition  d'Espaingne  »  (*). 


C)  Arcliives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'État,  reg.  n"  335,  fol.  296.  Lettre  du 
bailliage  en  date  du  23  décembre  1363,  à  ceux  du  Conseil  privé. 

(2)  «  A  fin  de  mieulx  semer  leur  venin,  ils  (=  les  réformés^  se  rassamblent  en  petites 
troupes,  l'une  des  fois  faisant  samblant  de  visiter  unq  raailade,  ou  de  se  cbauffer  au  feu, 
l'aultre  de  jouer  aux  quartes  ou  passer  le  temps  à  quelque  autre  esbat  sédentaire,  à 
l'intention  de  soy  couvrir  d'icelluy  en  cas  de  surprinse.  »  (Archives  du  Royaume  à  Bruxelles, 
Papiers  d'État,  reg.  n»  3oo,  foi.  324.) 

(3)  Lavisse  et  Rambald,  Histoire  générale,  l.  V,  p.  22. 

(*j  Gachard,  Corresj^ondance  de  Philippe  11,  t.  I,  p.  283. 


AU  POINT  DE  VUE  POIJTIQUE  ET  SOClAr..  nr, 

L'hostililc  fut  généralo  d^^ns  le  pays,  et  elle  donna  à  réfléchir  à  Marguerite 
de  Parme.  Sur  les  instances  du  Conseil  d'Élal,  elle  résolu!  d'envoyer  le 
comte  d'Kgmont  en  Espagne. 

Le  comte  d'Egmont  |)arlii  le  5  février  4  565.  Ses  insiruclions  étaient  de 
faire  voir  à  Philippe  li  «  les  dangers  auxquels  l'exercice  de  l'Inquisition  et 
l'exécution  des  placards  exposaieni  le  pays  »  (*),  en  même  temps  que  l'épui- 
senient  complet  des  finances,  la  décadence  profonde  du  sentiment  religieux 
et  les  symptômes  caractérisli(pies  de  rébellion  ouverte  qui  se  faisaient  jour 
dans  tout  le  peuple.  Il  devait  en  outre  insister  auprès  du  monarque  pour 
l'engager  à  se  rendre  en  personne  dans  nos  provinces.  C'était,  en  eiïel,  une 
opinion  générale  parmi  les  membres  du  Gouvernemeni,  que  la  présence  du 
roi  aurait  sulïi  pour  rétablir  Tordre. 

D'Ëgmonl  revint  plein  d'illusions  (-);  mais  bientôt  après,  |)ar  ses  fameuses 
dépêches  qu'il  data  du  bois  de  Ségovie,  les  17  et  20  octobre  1565,  Phi- 
lippe Il  enjoignit  à  sa  sœur  d'exiger  l'observation  stricte  des  placards  de 
Charles-Quint  et  des  siens,  il  voulait  le  maintien  et  l'exercice  de  l'Inqui- 
sition «  comme  elle  s'était  faite  jusqu'alors  »,  et  entendait  que  l'autorité 
civile  aidai  les  inquisiteurs  dans  l'exercice  de  leur  ingrate  mission  (^). 

La  Gouvernante,  elîrayée  des  conséquences  désastreuses  qu'allaient  avoir 
ces  nouveaux  décrets,  resta  longtemps  dans  la  plus  complète  irrésolution. 
Néanmoins,  n'osant  résister  à  la  volonté  du  monaniue,  elle  finii  par  ordonner 
aux  gouverneurs  des  provinces  d'observer  et  d'exécuter  rigoureusement  les 
édits  de  l'empereur  et  du  roi  concernant  la  religion. 

La  noblesse  entra  dés  lors  ouvertement  en  scène.  Prenant  en  mains  les 
inlérèls  généraux  des  Pays-Bas,  elle  seconda  le  peuple  dans  la  lutte  (pi'il 
avait  entreprise  pour  la  tolérance  religieuse  et  la  liberté  de  conscience. 

Les  nobles  s'assemblèreni,  signèrent  le  célèbre  Compromis  et  vinrent  à 
Bruxelles  (5  avril  1566),  présenter  à  la  Régenle  une  requête  tendant  à 
l'abolition  des  placards  et  de  l'Inquisition. 


(')  Gachaud,  Correspondance  de  Philippe  11,  l.  I,  p.  285. 

C^)  Voir  à  ce  sujet  Biographie  nationale,  t.  XVII,  pp.  263-264. 

(■i)  r.AciiAiui,  Correspondance  de  Philippe  II,  t.  1,  p.  .'^73. 


Ilfi  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

La  Régente  liésile,  elle  ne  sait  que  faire!  Enfin,  elle  prend  sur  elle 
d'ordonner  aux  inquisiteurs  d'apporter  un  très  notable  adoucissement  à  la 
sévérité  des  chàliments  et  promet  aux  nobles  d'envoyer  en  Espagne  une 
ambassade  «  pour  advertir  Sa  Majesté  plus  amplement  de  Paparanle  ruyne 
et  entière  désolation  desdils  pays  et  adviser  les  moyens  les  plus  comodes 
pour  y  remédier  »  ('). 

Sur  les  ordres  de  Marguerite  de  Parme,  Floris  de  Montmorency,  gouver- 
neur de  Tournai,  partit  pour  Madrid  le  17  juin  1366  et  fut  rejoint  en  route 
par  le  marquis  de  Berghes  (^),  qui  devait  l'accompagner. 

On  sait  quel  fut  le  sort  de  ces  deux  ambassadeurs.  La  mort  surprit  le 
marquis  de  Bergbes  à  son  arrivée  en  Espagne;  quant  à  Floris  de  Montmo- 
rency, il  connut  les  affres  d'une  fin  cruelle  cl  imméritée  (^). 


(i)  Pasquier  de  le  Barke,  op.  cit.,  t.  I,  p.  33.  Les  députés  furent  aussi  chargés  de 
réclamer  de  Ptiilippe  II  l'abolition  de  rinquisition,  l'adoucissement  des  édits  portés  contre 
les  tiérétiques,  l'extension  des  attributions  du  Conseil  d'État,  la  convocation  des  Etats 
Généraux,  etc. 

(2)  Jean  de  Glymes,  marquis  de  Berg-op-Zoom,  comte  de  Walhain,  chevalier  de  la 
Toison  d'or,  grand  bailli  et  capitaine  général  du  Hainaut,  gouverneur  de  Valenciennes  et 
de  Cambrai,  épousa  Marie  de  Lannoy,  dame  héritière  de  Molembaix  et  de  Solre-le- 
Château  ;  il  mourut  en  Espagne  le  21  mai  lo67.  (D'après  F.V.  Goethals,  Dictionnaire 
généalogique,  t.  II,  p.  433.) 

(3)  Floris  de  Montmorency  eut  une  mort  affreuse.  Retenu  malgré  lui  en  Espagne,  par 
ordre  du  roi,  en  une  sorte  de  captivité  déguisée,  le  Gouverneur  de  Tournai,  dans  la  nuit 
du  19  septembre  1367,  dès  qu'arriva  à  TEscurial  la  nouvelle  de  l'arrestation  des  comtes 
d'Egmont  et  de  Homes,  fut  arrêté  comme  un  malfaiteur  et  conduit  en  prison  à  l'alcazar  de 
Ségovie.  Il  y  séjourna  près  de  deux  ans  et  ne  sortit  de  l^i  que  pour  être  jeté  dans  les  cachots 
du  château  de  Simancas,  où  il  fut  mis  au  secret  le  plus  absolu.  Bientôt  se  répandit  le  bruit 
qu'il  était  dangereusement  malade  et,  pour  rendre  la  chose  plus  vraisemblable,  un 
médecin,  aux  ordres  de  la  Cour,  se  rendit  fréquemment  au  château,  portant  ostensiblement 
potions  et  bouteilles,  apparemment  destinées  à  Floris  de  Montmorency. 

Le  Gouverneur  de  Tournai  subit  pour  la  forme  de  multiples  interrogatoires.  Le  samedi 
■14  octobre  1370,  à  10  heures  du  soir,  l'alcade  de  Valladolid,  don  Alonso  de  Arellano,  lui 
donna  lecture  de  la  sentence  de  mort  qui  l'atteignait  et  de  la  façon  dont  elle  serait  mise  à 
exécution.  Le  dimanche  suivant,  de  bonne  heure,  Floris  se  confessa;  puis  il  entendit  la 
messe  et  reçut  les  sacrements.  Il  consacra  le  reste  du  jour  et  la  nuit  suivante  à  la  prière, 
les  ordres  royaux  lui  interdisant  de  faire  un  testament.  On  ne  lui  avait  laissé  que  la  faculté 
d'écrire  un  mémorial  des  dettes  qu'il  désirait  qu'on  acquittât  après  sa  mort;  encore  lui 
avait-on  prescrit  de  rédiger  ce  mémorial  à  la  façon  d'un  homme  malade  sur  le  point  de 


1 


AU  POINT  DR  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  117 

Naturellement  celte  ambassade  n'obtient  rien;  (oulefois  Phili[)|)e  l[,  vou- 
lant parallre  accorder  (]uel(|ue  chose,  feiirnil  d'autoriser  la  Uégeiile  à 
adoucir  la  rigueur  des  placards  et  à  faire  cesser  l'inquisition  dans  les  pro- 
vinces où  elle  avait  élé  inlroduiie,  pourvu  (|ue  les  évoques  pussent  exercer 
librement  leur  juridiction  ('),  c'est-à-dire  l'inquisition  épiscopnle. 

Ces  concessions,  trop  tardives  pour  être  sincères,  ne  trompèrent  per- 
sonne (^). 

Elles  navrèrent  la  Régente  comme  les  magistrats  des  villes  et  accrurent 
encore  l'irritation  du  peuple  qui  s'attendait  à  la  proclamation  formelle  de  la 
tolérance  religieuse,  non  à  de  simples  adoucissemeuls  aux  placards  contre 
les  hérétiques. 

L'émeute  gronda  bientôt  dans  les  Pays-Bas.  Dans  beaucoup  de  villes  et 
particulièrement  à  Tournai,  le  mécontentement  éclatait  en  toute  occasion  et 
annonçait  des  troubles  prochains.  «  A  Tournai,  écrit  Morillon  à  Granvelle, 
l'insolence  esi  si  grande  que  les  ecclésiasli(|ues  ne  peulvenl  aller  par  les  rues 
sans  être  mocqués  et  peu  y  hantent  maintenant  l'église,  se  déclarant  chacun 
ainsi  qu'il  l'entend,  soiilz  l'espoir  de  la  liberté  de  conscience  (^).  »  La  popu- 


mourir,  sans  y  laisser  percer  la  moindre  allusion  à  la  triste  tin  qui  l'attendait.  Floris 
recommanda  au  roi  pour  des  gratifications  dont  il  indiquait  l'importance,  plusieurs  de  ses 
serviteurs  et  confia  ;\  son  confesseur  deux  anneaux  qu'il  avait  reçus  de  sa  femme  et  de  sa 
belle-mère,  afin  qu'on  les  leur  remît. 

Le  lundi  16  octobre  1570,  vers  "2  heures  du  matin,  le  bourreau  pénétra  dans  la  cellule 
qu'occupait  le  prisonnier,  lui  passa  autour  du  cou  un  collier  de  fer,  et  tourna  vivement  des 
deux  bras  la  vis  centrale.  Ainsi  mourut  loin  de  son  pays  et  de  sa  famille,  le  frère  puiné  du 
comte  de  tlornes.  On  lui  reprochait  entre  autres  de  n'avoir  pas  châtié  avec  assez  de  sévérité 
les  hérétiques  tournaisiens.  Les  pages  qui  précèdent  prouvent  combien  était  fausse  une 
telle  accusation.  (Voir  pour  plus  de  détails  sur  la  mort  de  Floris  de  Montmorency,  Revue 
des  Deux  Mondes,  1846,  t.  III,  pp.  62  et  seq.  —  Gachard,  Don  Carlos  et  Philippe  U. 
Bruxelles,  1863,  t.  II,  pp.  337  et  seq.;  Bulletins  de  l'Académie  royale  de  Belgique, 
l"-"  série,  t.  XIX.) 

(^)  Gachard,  Correspondance  de  Philippe  II,  t.  I,  p.  cxxxui,  et  Bulletins  de  P Académie 
royale  de  Belgique,  l"-  série,  t.  XIX,  p.  Uo. 

(2)  Les  Archives  nous  prouvent  aujourd'hui  que  Philippe  H  se  promettait  bien 
d'annuler  ces  concessions  et  de  tirer  des  coupables  une  vengeance  éclatante,  dès  que  les 
circonstances  t'auraient  mis  en  situation  de  le  faire.  (Gachard,  Correspondance  de  Philippe  II, 
t.  I,  p.  cxxxiii,  et  Bulletins  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  l™  série,  t.  XIX,  p.  116.) 

(^)  PouLLET,  Correspondance  de  Granvelle,  t.  I,  p.  248.  Lettre  du  12  mai  1566. 


118  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

latioii  s'y  divisait  en  deux  camps;  on  s'y  traitait  réciproquement  de 
«  papistes,  huguenots,  gueux  (*)  ». 

Les  prêches  ont  une  vogue  nouvelle  ei  attirent  en  foule  citadins  et  cam- 
pagnards. Dans  !;)  nuit  du  vendredi  28  juin  1 S66,  cinq  à  six  mille  personnes 
se  rendent  près  du  pont  d'Âniouville  (^)  pour  y  entendre  le  prédicateur 
lournaisieu  Ambroise  Wille  (');  le  dimanche  suivant,  neuf  à  dix  mille  autres 
vont  à  Pont-à-Rieu  (')  assister  à  la  prédication  de  l'Évangile  par  un  des 
pasteurs  de  l'Église  réformée  de  Valenciennes,  Péregrin  de  la  Grange,  et 
finissent  le  prêche  par  le  chant  des  psaumes  de  David  (''). 

La  situation  était  grosse  de  dangers.  L'Autorité  communale  ne  pouvait 
point  permettre  de  pareilles  manifeslalions. 

Pour  supprimer  les  prêches,  elle  voulut  en  éloigner  ceux  qui  formaient  le 
plus  gros  contingent  d'auditeurs;  dans  ce  but,  elle  ordonna  aux  (rente-six 
Bannières  de  se  mettre  en  armes,  dès  que  «  la  cloche  du  timbre  sonne- 
rait (^)  » . 

Le  peuple  découvrit  facilement  l'expédient  des  magistrats  communaux. 
Aussi  les  Bannières  refusèrent-elles  d'obéir  et  onze  Tournaisiens  seulement. 


(*)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  10  juin  1S66. 

(2)  Le  pont  d'Arnouville  se  trouve  aux  contins  de  Tournai,  il'Orcq  et  de  Kroyennes. 
Les  Consaux,  dans  leur  lettre  à  la  Régente  en  date  du  29  juin,  disent  «  quatre  à  cinq 
mille  personnes  »  ide  le  Barre,  Mémoires,  t.  I,  p.  "290)  et  de  même  dans  leur  lettre  du  30, 
ils  n'accusent  pour  le  second  prèclie«  que  quatre  à  cinq  mille  »  assistants;  nous  préférons 
prendre  l'estimation  de  de  le  Barre,  qui  était  mieux  que  personne  en  situation  d'évaluer 
approximativement  le  nombre  de  Tournaisiens  fréquentant  les  prêches.  D'ailleurs,  les 
Consaux,  en  amoindrissant  le  nombre  des  présents  aux  prêches,  diminuaient  leur  respon- 
sabilité auprès  de  la  Régente. 

(3)  Ambroise  Wille,  fils  de  Jean,  vit  le  jour  à  Tournai,  alla  faire  ses  études  à  Genève, 
devint  ministre  de  la  religion  nouvelle  et  prêcha  celle-ci  dans  plusieurs  endroits  des 
Pays-Bas,  principalement  dans  sa  ville  natale,  où  il  était  soutenu  par  les  nobles  et  une 
partie  du  peuple.  S'étant  mis  à  la  têle  des  iconoclastes,  il  fut  banni  par  sentence  du 
Magistrat  de  Tournai  (20  juin  lo67i.  (D'après  Piot,  Histoire  des  troubles  des  Pays-Bas,  par 
Renon  de  France,  t,  I,  p.  147,  note  6). 

(*)  Pont-à-Rieu,  hameau  de  la  ville  de  Tournai  sur  le  rieu  de  Barges. 
(3)  Pasquier  i)e  le  Barre,  Mémoires,  t.  I,  pp.  59  et  291-292. 

(6)  Archives  communales  de  Tournai,  Publications,  reg.  n°  344.  Publication  du 
30  juin  1566,  et  Pasquiek  de  le  Barre,  Mémoires,  t.  I,  p.  62. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  419 

sur  les  quatre  mille  sept  cents  hommes  dont  elles  se  composaient,  se  ren- 
(lirenl-ils  le  surlendemain  à  l'appel  de  la  cloche  ('). 

En  présence  d'une  telle'  attitude,  le  conseiller  pensionnaire  Jacques 
Le  Clercq  (■^)  court  à  Bruxelles  informer  la  duchesse  de  la  situation  difficile 
dans  laquelle  se  trouvait  le  Magisiral,  ei  il  en  revient  avec  de  nouveaux 
ordres  d'interdire,  coûte  (|ue  coule,  les  prédicalions  calvinistes  (^).  C'était  là 
chose  impossible,  l'Autorité  était  impuissante.  Aussi  les  prêches  se  succé- 
dèrent-ils sans  discontinuer  ('').  Le  3  juillet,  douze  à  treize  mille  Tournai- 
siens,  au  nombre  desquels  se  trouvaient  «  les  plus  grands  riches  et  nobles 
de  la  ville  (^)  »,  se  rendirent  de  nouveau  à  une  réunion  à  Pont-à-Rieu. 

Guillaume  de  Landas,  seigneur  de  Chin  (''),  avec  de  nombreux  bourgeois, 
armés  de  pistolets,  d'arquebuses  el  d'armes  de  tout  genre,  entourent  le  pré- 
dicant  Ambroise  Wille  pour  le  défendre  contre  toule  agression.  Chose  rare 
jus(|u'alors,  dans  la  foule  présente,  les  fonctionnaires  du  gouvernement  se 
confondent  avec  ceux  de  la  ville,  les  hommes  des  métiers  coudoient  les 
riches  marchands,  les  nobles  se  mêlent  aux  petits  bourgeois,  tous  ne  forment 
qu'une  seule  masse  el  n'ont,  suivant  Morillon,  qu'une  seule  et  unique  aspira- 
lion,  l'obtention  de  la  liberté  de  conscience  Ç). 

Les  Pierre  d'Ennetiéres,  écuyer,  seigneur  des  Loges  (*^),  les  Pierre  Cottrel, 


(1)  PouLLET,  Correspondance  de  Granvelle,  t.  I,  p.  379.  Lettre  du  21  juillet  1566. 

('^)  Jacques  le  Clercq,  licencié  es  lois,  releva  la  bourgeoisie  de  Tournai  le  18  mai  1S36  ; 
il  fut  échevin  et  conseiller  de  Tournai  ;  il  épousa  Marguerite  de  Froidmont,  lille  de 
Fasquier  et  de  Catherine  Descamps.  11  mourut  avant  le  9  mars  1378.  (D'après  du  Cbastel, 
op.  cit.,  t.  I,  p.  516.) 

(3)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  294. 

(♦)  Pièces  justificatives,  n°  XVU,  Rapport  du  Magistrat. 

(o)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  67. 

(6)  Guillaume  de  Landas,  écuyer,  seigneur  de  Chin,  fils  d'Arnould  et  de  Jacqueline 
Henneron,  fut  arrêté  à  Tournai  comme  calviniste  le  IG  septembre  1567.  Quoique  Nicolas 
le  Sauldoier  le  fasse  mourir  comme  hérétique  à  Bruxelles,  il  serait,  parait-il,  mort  à 
Tournai  le  20  juin  1580.  Il  avait  épousé  Éléonore  de  Langlée  dite  Wavrin.  (du  Chastel, 
op.  cit.,  t.  I,  p.  87.) 

C)  PouLLET,  Correspondance  de  Granvelle,  t.  I,  p.  248. 

(8)  d'Ennetiéres,  Pierre,  seigneur  des  Loges,  licencié  es  lois,  conseiller  criminel  au 
bailliage  de  Tournai-Tournaisis,  était  fils  de  Pierre,  seigneur  du  Doncq,  lieutenant  général 
du  bailliage  de  Tournai-Tournaisis,  et  d'Agnès  de  la  Saulx  ou  del  Sauch.  (Voir  Goethals, 
Miroir  des  notabilités  nobiliaires,  t.  I,  p.  949.) 


120  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVF»  SIÈCLE 

licencié  es  lois  (^),  les  Pierre  de  Preys,  seigneur  de  le  Dalle  (-),  les  Guy  el 
Nicolas  Bernard,  écuyers  (^),  les  Antoine  des  Farvacques  f*),  les  Jacques 
Henneberl  (°),  receveur  municipal,  les  Gérard  Joseph,  tabellion  royal  {^), 
Jean  de  Latu-e  et  Nicolas  Tafïîn,  destitués  de  leurs  fonctions  lors  des  troubles 
de  1563,  tous  ceux  qui  jusqu'alors  s'étaient  tenus  à  l'écart,  forment  la  garde 
d'honneur  du  pasteur  Ambroise  VVille. 

Manquant  de   tout    moyen   de   répression,   le  Magistrat  fit    prévenir    la 


(1)  Cottrel,  Pierre,  licencié  es  lois,  avocat,  époux  de  Marie  au  Poch,  fille  de  Gaspard  au 
Poch,  écuyer,  seigneur  des  Paqueaux  (à  Templeuve,  en  Dossemerj,  etc.,  et  de  Marie 
d'Estrayelie;  c'était  un  des  quatre  enfants  naturels  et  le  seul  fils  de  Nicolas  Cottrel,  prêtre, 
chanoine  de  Tournai,  etc.,  et  de  Béatrix  de  le  Grave.  Ses  sœurs  et  lui  paraissent  avoir  été 
légitimés  par  l'empereur  Charles-Quint.  Pierre  Cottrel  laissa  cinq  enfants  qui  furent 
Nicolas,  Pierre,  Jean,  Barbe  et  Marguerite.  Sa  veuve,  Marie  au  Poch,  avait  convolé  en 
secondes  noces,  avant  lo83,  avec  Luc  Clerbon,  dont  elle  eut  deux  enfants,  François  el 
Marie  Clerbon.  (.\rchives  communales  de  Tournai,  Testaments,  Donation  faite  par  Nicolas 
Cottrel  à  ses  enfants,  1"  avril  1340;  et  chirographes,  layette  de  1S83,  acte  du  30  juillet.) 

(2;  de  Preys,  Pierre,  écuyer,  fils  de  Pierre,  seigneur  de  Preys  (à  Herquegies),  etc., 
conseiller  dépositaire  de  l'empereur  au  bailliage  de  Tournai-Tournaisis,  et  de  Madeleine 
Villain  de  la  Boucharderie,  épousa  à  Tournai  Hélène  Dennetières.  Il  mourut  en  1573. 

(3)  Bernard,  Nicolas,  écuyer,  fils  du  grand  prévôt  sire  Simon  Bernard,  seigneur  de 
Taintegnies,  Florent,  Baudignies,  etc.,  et  de  Jeanne  de  Landas,  damoiselle  de  Luchin. 
Il  mourut  à  Tournai,  paroisse  Saint-Jacques,  le  6  août  1614;  il  avait  épousé  dans  la  même 
paroisse,  le  10  juin  lo60,  Barbe  du  Chastillon,  morte  aussi  en  cette  paroisse  le 
4  novembre  1570,  fille  du  grand  prévôt  sire  Nicolas  de  Chastillon  et  d'Hélène  Bouzin. 

Bernard,  Guy,  écuyer,  frère  du  précédent,  marié  vers  1562  avec  Jeanne  de  Solbreucq, 
damoiselle  de  Fromenteau  (à  Maulde,  en  Hainaut),  fille  unique  et  héritière  de  David 
de  Solbreucq,  écuyer,  et  d'Antoinette  Bacheler. 

(*)  des  Farvaques,  Antoine,  écuyer,  seigneur  de  le  Loge  (à  Escanaffles)  de  Flékières,  etc., 
non  point  bonnetier,  comme  le  dit  Pincliart{PASQLiERDELEBARRE,  op.  cit.,  1. 1,  p.  71,  note  1), 
bourgeois  de  Tournai  par  achat  fait  le  30  mai  1356,  fut  .Magistrat  de  cette  ville  de  1533 
à  1576.  Il  était  le  troisième  fils  de  noble  homme  sire  Nicolas  des  Farvacques,  grand  prévôt 
de  Tournai,  seigneur  du  Marct  (à  Blandain),  conseiller  et  garde  du  sel  de  l'empereur  pour 
le  bailliage  de  Tournai-Tournaisis,  et  de  Jeanne  de  le  Haye  de  Maulde.  H  épousa  en 
premières  noces,  Anna  de  Cat,  morte  à  Tournai  le  6  avril  1561,  puis  en  secondes  noces  le 
13  octobre  1561,  Jeanne  Joseph;  il  mourut  à  Tournai  le  18  avril  1617.  (Archives  commu- 
nales de  Tournai,  Consaux,  reg.  n"  201,  date  du  18  avril  1617.) 

(5)  Hennebert,  Jacques,  fils  de  Sidracq  Hennebert  et  de  Jeanne  de  Corbines,  petit  fils  de 
Jean  Hennebert,  grand  prévôt  de  Tournai.  Il  fut  membre  de  la  magistrature  tournaisienne 
de  1555  à  1568. 

(6)  Joseph,  Gérard,  fils  d'Adam  Joseph  et  de  N.  Buissart,  fut  notaire  au  tabellion  royal, 
puis  greffier  du  roi  au  bailliage  de  Tournai-Tournaisis. 


AU  POINT  DE  VUE  POI-ITIQUE  ET  SOCIAL.  l:>| 

Réii;ente  qu'il  ne  pouvait  que  laisser  faire.  Celle-ci  lui  répouciil  |)ar  des  récri- 
minations, l'accusa  de  défaillance  dans  sa  mission,  déplora  l'insullisance 
d'une  garnison  qu'elle  avait  en  partie  licenciée,  disait-elle,  sur  les  fausses 
assurances  de  lran(|uillité  qu'il  lui  avait  données,  se  refusa  à  croire  «  que  le 
nombre  des  bons  fui  moindre  que  cestuy  des  mauvais  (^)  »,  et  lui  fit 
envoyer  le  [)lacard  général  qui  venait  d'être  promulgué  le  31  juillet  ('^). 

Ce  placard  interdisait  «  tous  conventicles  ou  assemblées  illicites,  secrettes 
ou  publicques  tant  es  villes,  villaiges  et  bourcqz  que  aux  champs  ou  ailleurs, 
et  aussy  toutes  presohes  contraires  à  l'anchienne  foy  et  religion  catholique 
sur  paine,  à  l'allenconlre  des  prescheurs,  dogmatiseurs,  ministres  et  sem- 
blables séducteurs  du  peuple,  du  dernier  supplice  pai'  la  corde  et  de  confis- 
cation de  tous  leurs  biens  »;  il  décrétait  aussi  la  peine  de  mort  contre  ceux 
qui  hébergeaient  ou  donnaient  asile  aux  «  dogmatiseurs  et  prescheurs  (^)  ». 

Le  Magistrat  ne  permit  pas  la  publication  immédiate  de  ce  nouveau  pla- 
card, mais  le  marquis  du  Chasteler  (^),  empiétant  sur  les  prérogatives 
communales,  passa  outre  et  le  publia  (^). 

Cependant,  au  mépris  de  ce  placard,  des  milliers  de  calvinistes  se  ren- 
dirent en  armes  le  7  juillet  à  un  prêche  aux  Follais,  près  le  bois  de  Breuze  {''). 
D'ailleurs,  les  prêches  étaient  devenus  périodiques;  ils  se  tenaient  régulière- 
ment à  la  campagne  les  dimanche  et  jeudi  de  chaque  semaine,  et  se  termi- 
naient par  des  baptêmes  et  des  mariages  à  la  calviniste  Ç). 


(»)  Voir  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Rapport  du  Magistrat,  et  Pasquier  de  le  Barhe, 
op.  cit.,  t.  I,  p.  299. 

(2)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  299-301.  Lettre  du  6  juillet  1566. 

(3)  Mémoires  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  in-S",  t.  XXXItl.  «  Huit  mois  de  la  vie 
d'un  peuple  »,  p.  141. 

(*)  Jean  du  Ctiasteler,  chevalier,  seigneur  de  Moulbaix,  lieutenant  du  Gouverneur, 
avait  été  chargé  de  la  gouvernance  de  Tournai  au  départ  de  Floris  de  Montmorency  pour 
Madrid. 

(S)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  80,  et  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Rapport 
du  Magistrat. 

(8)  Idem,  Ibid.,  t.  I,  p.  86. 

C)  Idem,  Ibid.,  t.  I,  pp.  89,  90,  96  et  passim.  —  Poullet,  Correspondance  de  Granvelle, 
I.  1,  pp.  248  et  357. 

Tome  L  —  Lettres,  etc.  16 


122  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

Ne  sachant  à  quelle  mesure  recourir,  le  Magistrat  convoqua  en  Halle 
tous  les  bourgeois  de  la  ville  et  les  engagea  à  prendre  les  armes,  afin 
d'empêcher  les  prêches  et  évenluellement  le  pillage  de  leur  cilé  el  de  leurs 
biens  par  les  pauvres  et  les  gens  sans  aveu  ('). 

Les  bourgeois,  comme  antérieurement  les  Bannières,  répondirenl  par  un 
refus  aux  propositions  des  Consaux.  Us  voulaient  bien  prêter  aide  el  secours 
aux  magistrats  pour  éviter  le  sac  de  Tournai,  mais  ils  n'estimaient  point  que 
les  prêches  troublaient  sutiisammenl  la  tramiuillité  publique  pour  prendre 
les  armes  (-). 

Voyant  «  les  bourgeois  abandonner  l'Église  ('^)  »,  l'Autorité  communale, 
le  12  juillet,  (it  assembler  les  Serments  et  les  pria  d'accepter  la  mission  que 
venaient  de  décliner  les  bourgeois.  Même  relus  des  Serments  qui  ne  vou- 
laient point,  disaient-ils,  être  amenés  à  user  de  violence  à  l'égard  de  leurs 
parents  ou  de  leurs  amis  qui  fréquentaient  régulièrement  les  prêches.  Les 
canonniers,  poussant  plus  loin  l'audace,  déclarèrent  hautement  qu'ils  iraient 
en  armes  aux  sermons  pour  proléger  les  ministres  protestants  et  ôler  toute 
envie  à  la  petite  garnison  du  Château  d'avoir  elle-même  recours  à  la 
force  (*). 

En  résumé,  Bannières,  bourgeois,  Serments,  en  un  mot  la  grande  majorité 
de  la  population  lournaisienne,  les  riches  comme  les  pauvres,  refusaient 
énergiquement  d'entraver  les  prédications  calvinistes, 

11  ne  restait  plus  aux  magistrats  communaux  qu'une  seule  ressource  pour 
exécuter  les  ordres  de  Philippe  11  et  de  la  Régente  :  demander  l'augmenta- 
tion de  la  petite  garnison  royale.  C'est  ce  qu'ils  firent  ('). 

Toutefois,  ils  ne  cachèrent  point  à  Marguerite  de  Parme  que  le  «  souverain 


(1)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  1. 1,  p.  89,  et  Pièces  justificatives,  qoXVIL  Rapport  du 
Magistrat. 

C^)  Idem. 

(3j  PioT,  tÎENON  UE  France,  Troubles  des  Pays-Bas,  t.  I,  p.  148. 

(*)  Pasquiek  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  1,  pp.  93-93,  el  Pièces  justificatives,  n»  XVII. 
Rapport  du  Magistrat.  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  12  juil- 
let 1366. 

(5)  Pièces  justificatives,  n»  XVII,  Rapport  du  Magistrat. 


AU  POINT  DE  VUE  POUTIQUE  ET  SOCFAF,  12-- 

reniède  pour  obvier  aux  proches  (^)  »,  sérail  l'envoi  à  Tournai  de  «  queiciue 
chevalier  de  l'Ordre  ("),  afïin  que  par  sa  présence  et  respect  de  sa  seigneurie, 
le  peuple  peust  en  eslre  mieux  contenu  en  obéissance  (^)  ». 

Les  Consaux  insistèrent  particulièrement  sur  l'envoi  d'un  chevalier  de  la 
Toison  d'or  pour  ne  pas  donner  au  peuple  un  nouveau  sujet  de  méconten- 
tement, une  augmentation  de  garnison  entraînant  fatalement  un  accroisse- 
ment d'impôts  (''). 

En  outre,  la  population  ouvrière  el  commerçante  de  Tournai  ne  voulait 
pas  d'une  «  nouvelle  gendarmerie  »,  parce  que,  comme  ils  l'avaient  déclaré, 
les  marchands  d'Anvers,  de  Francfort  el  d'ailleurs  auraient  profité  de  cela 
pour  s'abslenir  de  faire  aucun  achat  à  Tournai,  ce  qui  eût  été  pour  elle 
une  catastrophe. 

Les  notables,  les  marchands  et  les  doyens  en  informèrent  le  Magistrat; 
en  leur  nom,  l'avocat  Nicolas  Taffin  supplia  les  Consaux  de  refuser  énergi- 
quemenl  toute  troupe  nouvelle,  pour  ne  pas  «  allumer  l'allumelte  de  la 
sédition  »  ("). 

il  serait  fastidieux  de  narrer  dans  tous  leurs  détails  les  démêlés  auxquels 
donna  lien  entre  la  Gouvernante  el  les  magistrats  urbains,  la  question  de  la 
garnison.  Qu'il  suffise  de  savoir  que  Marguerite  de  Parme  n'envoya  pas  de 
soldats. 

A  la  suite  de  cette  concession,  car  c'en  était  une,  et  à  l'instar  de  ce  qui 
se  faisait  à  Lille  el  à  Valenciennes,  les  doyens  des  métiers  proposèrent  aux 
Consaux,  en  vue  d'assurer  le  maintien  de  l'ordre,  d'embrigader  le  peuple  en 
huit  enseignes  ou  compagnies.  Ces  huit  compagnies  auraient  été  placées 
chacune  sous  le  commandement  d'un  capitaine  choisi  par  le  Magistrat  et 
auraient  prêté  le  serment  «  d'estre  lidel  au  Roy  el  de  garder  ceste  sa 
ville  el  cité  de  Tournay  soubz  son  obéissance  ».   Toutefois,  «   de  crainte 


(')  Pièces  justificatives,  n»  XVII.  Rapport  du  Magistrat. 

(2)  Un  chevalier  de  l'Ordre  de  la  Toison  d'or. 

(3)  Pièces  justiticatives,  n"  XVII.  Rapport  du  Magistrat. 

(*j  On  sait  que  les  impôts  étaient  payés  par  les  artisans  et  tes  bourgeois,  ecclésiastiques 
et  nobles  pu  étant  exemps. 

(5)  Voir  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Rapport  du  Magistral. 


124  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

d'une  émeute  »  (^),  les  doyens  ne  voulurent  pas  qu'on  exigeât  de  ces 
compagnies  rengagement  de  s'opposer  par  la  violence  aux  prédications 
calvinistes. 

C'eût  été  folie,  en  effet,  de  prétendre  disperser  par  la  force  des  armes 
des  prêches  qui  réunissaient  treize  à  (juatorze  mille  auditeurs  (■).  Ce  que 
voulaient  les  doyens,  c'était  qu'on  tolérât  ce  qui  était  devenu  impossible 
d'empêcher,  sans  répandre  à  longs  flots  le  sang  du  peuple. 

Dat)S  ces  conditions,  ils  répondaient  de  l'ordre  et  ils  en  donnèrent  l'assu- 
rance formelle  aux  Consaux  (^).  Mais  celte  solution  était  contraire  aux 
intentions  de  la  Régente  et  du  roi  Philippe  II. 

Tout  au  moins,  avant  de  se  résoudre  à  confier  la  garde  de  Tournai  aux 
huit  compagnies  populaires,  qu'elle  qualifie  de  «  multitude  effrénée  et 
lumultuée  »  (*),  Marguerite  exigea  d'elles  ce  triple  serment: 

1°  Garder  la  ville  en  l'obéissance  du  roi; 

2°  Empêcher  toute  sédition  de  même  que  le  sac  ou  le  pillage  de  la  cité; 

3°  Interdire  par  la  force  tout  prêche  en  ville. 

Alors  seulement,  une  garnison  étrangère  n'entrerait  pas  en  Tournai  et 
les  compagnies  pourraient  commencer  leur  service. 

Les  deux  premiers  points  ne  soulevaient  aucune  difBculté  et  furent  jurés. 


(<)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  lOo,  ilO,  et  Pièces  justificatives,  n"  XVII. 
Rapport  du  Magistrat. 

(2)  Pasqlier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  10"  et  334;  t.  II,  p.  185.  Les  commissaires 
disent  quinze  mille. 

(3)  C'est  ainsi  que  le  2o  juillet  1S66,  à  l'issue  d'une  réunion  calviniste  à  laquelle  avaient 
assisté  plus  de  quatorze  mille  personnes,  treize  à  quatorze  cents  Tournaisiens,  après  avoir 
fait  paisiblement  sur  la  grand'place  «  le  iimeçon  »  (a),  s'engagèrent  devant  les  magistrats, 
au  nom  du  peuple,  à  faire  respecter  par  tous  l'ordre  public,  et  s'en  retournèrent  par  après 
tranquillement  dans  leurs  foyers  «  sans  avoir  faict  quelque  chant,  ny  clameurs  ny  tort  à 
personne  »  {b). 

(+)  Pasqlier  de  le  Barhe,  op.  cit.,  t.  I,  p.  337.  Les  Consaux,  sans  attendre  l'agréation 
de  iUarguerite  de  Parme,  avaient,  dès  le  27  juillet,  organisé  militairement  le  peuple. 

{a)  Limevon,  sorte  de  défilé  fait  avec  des  troupes  rangées  par  files  de  S,  7,  9  et  il  hommes.  (D'après 
Pasquier  de  le  Darre,  op.  cit.,  1. 1,  pp.  107  et  passim.) 

(6)  Pasquier  de  le  Barbe,  op.  cit.,  t.  I,  p.  333.  Ce  sont  les  propres  termes  du  Magistrat  lui-même: 
Bulletins  (k  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  XX.    .  -177. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  i25 

Quant  au  Iroisième,  il  importe  de  remarquer  que  la  Régente  ne  réclamait  que 
Tintcrdiction  des  prêches  urbains  et  non  celle  des  prêches  ruraux.  C'était 
une  nouvelle  concession  l'aile  aux  calvinistes. 

Voilà  pourquoi,  bourgeois,  marchands  et  artisans  lournaisiens  en  s'enga- 
geant  à  s'opposer  à  toute  prédication  dans  l'intérieur  de  leur  cité,  récla- 
mèrent «  cerlein  lieu  désigné  sur  les  rejets  de  la  ville  et  hors  d'icelle,  pour 
y  construire  quelque  édifïice  auquel  la  presche  se  poura  faire  à  couvert,  en 
temps  d'y  ver  et  pluivieux  (^)  »  . 

Cela  se  passait  le  2  août  1566. 

Le  5  du  même  mois,  Marguerite  de  Parme  ratifia  la  création  des  huit 
compagnies  populaires,  mais  refusa  obstinément  la  construction  d'un  ou  de 
plusieurs  temples  dans  la  banlieue  de  Tournai,  hors  des  murs  d'enceinte  (^). 

Dans  l'intervalle,  les  Consaux  avaient  organisé  militairement  le  peuple, 
choisi  les  huit  capitaines  et  donné  à  chaque  compagnie  fifres,  tambourins  et 
jus(|u'à  des  enseignes  aux  couleurs  de  la  ville. 

Gabriel  de  Cambry  (3)  eut  sous  son  commandement  la  compagnie  composée 
des  bourgeois  et  ouvriers  de  la  paroisse  Saint-Quenlin  avec  une  partie  de 
ceux  de  Notre-Dame;  Etienne  Gabry  (^),  le  reste  de  Notre-Dame  et  les  habi- 
tants de  la  paroisse  Saint-Pierre;  Pierre  de  Hornut  (^)  fut  misa  la  tête  de 
l'enseigne  fournie  par  une  partie  de  la  paroisse  Saint-Brice;  Jacques  Bulteau 
commanda  le  reste  de  Saint-Brice  et  les  paroissiens  de  Saint- Jean;  Jean  de 


(<)  Pièces  justificatives,  n"  XVI!.  Rapport  du  Magistrat. 

(2)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cil.,  t.  I,  pp.  .338-341. 

(3)  Gabriel  de  Cambry,  créé  chevalier  en  même  temps  que  son  père  par  Charles-Quint 
le  9  août  4S49,  fut  seigneur  du  Bus  et  fît  partie  de  la  Magistrature  tournaisienne  de  13S0 
à  1.d63;  il  fut  décapité  h  Vilvorde  comme  hérétic|ue  le  29  décembre  lo68;  il  avait  épousé, 
en  1S49,  Jeanne  de  Sonneville  et  était  le  tils  de  Guillaume  et  de  Anne  de  Quarmont. 
(Mémoires  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  XXIII,  p.  466.) 

(■*)  Etienne  Gabry,  marchand,  fut  exécuté  pour  cause  de  religion  le  12  avril  1568.  (Voir 
Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  111,  note  1.) 

(«)  Pierre  de  Hornut,  écuyer,  seigneur  du  Ponthois,  de  Bourbecq,  etc.,  fils  de  Simon, 
ancien  grand  prévôt  de  Tournai,  et  de  Gerlrude  le  Louchier;  il  fut  juré  de  Tournai,  puis 
échevin  et  grand  prévôt  de  cette  ville.  II  épousa  Isabean  Grenu.  fVnir  nu  Chastel,  Notices 
ijénéalogiques  tournaisiennes,  t.  II,  p.  304.) 


126  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

Cambry  ('),  les  habitants  de  Saint-Nicaise  et  de  Sainte-Mariruerite;  Antoine 
ide  l;i  Fosse  (■),  ceux  des  paroisses  de  la  Madeleine  et  d'une  partie  de  Saint- 
Jacques;  Nicolas  Bernard  ('^),  le  reste  de  la  paroisse  Saint-Jacques  et  enfin 
Simon  Bernard  (^),  ceux  de  Sainl-Piat  et  de  Sainte-Catherine. 

Le  mercredi  7  août,  Gabriel  de  Cambry  et  ses  soldats  furent  appelés  à 
ijjrêler  le  triple  serment. 

Ils  refusèrent  de  jurer  le  troisième  point,  parce  que  la  Régente  n'avait  pas 
autorisé  la  construction  des  temples  exlra  muros.  Les  autres  compagnies, 
successivement  convoquées,  les  imitèrent;  d'aucuns  mêmes,  plus  audacieux, 
déclarèrent  ouvertement  qu'ils  se  rendraient  en  armes  aux  prédications  calvi- 
nistes, ([ue  celles-ci  se  fissent  à  l'intérieur  ou  à  l'extérieur  de  la  ville  (''). 

L'affaire  s'arrangea  néanmoins  et,  avec  l'autorisation  du  représentant  du 
gouvernement  à  Tournai,  le  marquis  du  Chasteler,  les  Consaux  n'exigèrent 
des  compagnies  populaires  que  le  serment  suivant  : 

«  Vous  jurer  Dieu,  nostre  Créateur,  le  péril  et  damnation  de  voslre  âme 
et  sur  la  part  que  prétendez  en  paradis,  que  comme  léal  subget  au  roy, 
nostre  souverain  et  naturel  seisneur,  vous  garderez  ceste  sa  ville  et  cité  de 
Tournay  au  nom  et  pour  Sa  Majesté;  garderez  aussy  la  dicte  ville  et  cité 
de  loultes  séditions,  révolte,  sacq  et  |)illaige  ;  finablement  que  durant  ce  temps 
(l'esté  aidcunes  presches  ne  se  feront  en  icelle  ville,  n'estoit  que  on  vous 
empeschast  les  faire  au  flohors,  ou  (|ue  les  aultres  villes  de  par-dechà  durant 


(<)  Jean  de  Cambry,  seigneur  du  Marelz  ou  Marest  ià  Btandain),  fils  de  Jean,  ancien 
grand  prévôt,  et  de  Jeanne  Liébart,  avait  épousé  à  Saint-Jacques,  le  18  février  lo6fi,  Marie 
des  Farvacques,  morte  veuve  dans  la  dite  paroisse  le  3  octobre  1o77.  Il  dut  fuir  de 
Tournai,  parce  qu'on  le  soupçonn;iit  d'tiérésie.  [Mémoires  de  la  Société  historique  tle  Tournai, 
t.  XXlll,  pp.  46-2-463.) 

'■i  Antoine  de  la  Fosse  dit  Pilthem,  seigneur  de  Robersart  (à  Douchy  lez-Valenciennesj; 
lit  partie  de  la  Magistrature  de  Tournai  de  ioo9  à  lo64  et  y  épousa  Caltierine  Dare.  It  était 
le  fils  de  Jean  et  de  Catherine  de  Guerry  ou  de  Quévy.  (Voir  uu  Chastel,  iXolices  généalo- 
giques toumaisiennes,  t.  II,  p.  73.) 

(3)  Nicolas  Bernard,  voir  plus  haut,  p.  120,  note  3. 

*  Simon  Bernard,  écuyer,  seigneur  du  Mont. 

(5)  Voir  Pièces  justitiralives,  n"  XVII.  liapport  du  Magistrat. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  127 

le  dil  temps  joyssenl  de  plus  grand'  liberté  ou  que  sur  la  résolution  des  Estais 
généraulx  légiliesniemeiit  assemblez,  aulliemenl  en  soil  ordonnez  (^).  » 

Celait  une  nouvelle  capilulalion  de  la  part  de  l'Autorité  centrale.  !Von  seu- 
lement elle  tolérait  les  prêcbes  à  la  campagne,  mais  elle  les  autorisail. 

De  reculade  en  reculade,  le  Gouvernement  cédait  sur  tous  les  points, 
Enbardi  parlant  de  faiblesse,  le  peuple  se  gêna  de  moins  en  moins  et  mani- 
festa ouvertement  ses  croyances  religieuses. 

Désormais  le  serment  de  Saint-Georges  s'abstient  d'olîrir  à  la  Vierge  de 
la  paroisse  du  Chàleau,  comme  il  le  faisait  cliaque  année,  un  manleau 
d'a|)parat  et  refuse  de  faire  cbanter  sa  messe  annuelle;  les  boucbers  de  la 
grande  boucberie  su|)priment  la  messe  bebdomadaire  dans  leur  cbapelle  et 
enlèvent  les  ornements  el  vases  sacerdotaux;  la  corporation  des  couturiers 
abolit  également  sa  messe  Iradilionnelle  el  veut  vendre  au  plus  offrant  les 
objets  du  culte  qui  garnissent  leur  cbapelle  (^). 

Tel  était  l'état  des  es|)riis  à  Tournai,  lorsque  le  17  août  se  répandit  la 
nouvelle  du  sac  et  du  pillage  des  églises  à  Tourcoing,  Roubaix,  Lers, 
Mouvaulx,  ainsi  que  dans  diverses  localités  de  la  cbàlellenie  de  Lille  el 
même  du  Tourna isis  ( ''). 

Cinq  jours  après,  le  jeudi  22  août,  on  apprenait  que  les  mêmes  scènes 
s'étalent  reproduites  à  Gand  et  à  Anvers.  On  devine  facilement  l'effet  de 
pareilles  nouvelles.  Une  violente  effervescence  gagna  la  multitude  et,  si  le 
Magistral  ne  s'était  ce  jour-là  montré  énergique,  elle  se  sérail  livrée  aux 
mêmes  désordres  que  dans  les  deux  villes  flamandes  ('). 

Déjà,  on  avait  abattu  une  croix  de  bois  dressée  contre  l'église  Saint- 
Pierre  (^)  et  d'autres  excès  auraient  été  commis,  si  la  compagnie  de  Gabriel 
de  Cambry,  rassemblée  sur-le-cbamp,  n'avait  réprimé  l'agitation  popu- 
laire C^).  Ce  ne  fut  pas  pour  longtemps. 


(^)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  129. 

(2)  Idem,  ibid.,  t.  I,  pp.  127-128. 

(^)  Pièces  justificatives,  n°  XVII.  Happoi't  du  Maijislral. 
(*)  PaSQUIEU  de  le  liARItE,  op.  cU.,  t.  I,  p.  134. 

(3)  Eglise  aujourd'hui  démolie,  elle  se  trouvait  autrefois  sur  la  place  de  ce  nom;  elle 
disparut  en  1821. 

(6j   pASaUlEK  DE  LE  BaRRE,  op.  cU.,  t.  1,  p.  135. 


128  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVh  SIÈCLE 

Le  lendemain  23  aoùl,  dès  l'aulje,  les  calvinistes,  grossis  de  tous  ceux 
«  qui  désiraient  voler  et  piller  (')  »,  se  répandirent  hurlant  dans  la  ville  et 
se  livrèrent  au  saccagement  des  églises  paroissiales  et  claustrales;  la  plus 
petite  chapelle  ne  fut  pas  épargnée  et  les  iconoclastes,  aux  dires  d'un  contem- 
porain, firent  partout  un  «  merveilleux  dégast...  (')  ». 

Ne  respectant  rien,  ni  les  tableaux,  ni  les  objets  d'art,  ni  les  orgues,  ni 
les  autels,  ils  détruisirent  avec  une  fureur  aveugle  les  richesses  artistiques 
des  temples,  aussi  bien  que  les  objets  du  culte  et  les  statues,  ne  laissant 
debout  que  «  les  pilliers  et  principaux  basiimens  de  la  machonnerie  »  (^). 
Leur  rage  n'avait  d'égale  que  leur  impuissance  à  ne  savoir  tout  anéantir. 
Dans  les  églises  paroissiales  de  Saint-Pierre,  de  Sainte-Calherine,  de  Saint- 
Piat,  de  Saint-Quentin,  de  Saint-Brice,  de  Saint- Jacques,  les  ornements,  les 
calices,  les  reliquaires,  les  aubes,  les  chasubles,  les  chapes,  les  croix,  les 
candélabres,  les  lampes,  rien  ne  resta,  tout  fut  brisé,  arraché,  détruit  (*). 

Monastères  et  cloîtres  n'échappèrent  point  à  leur  fureur  dévastatrice, 
l'abbaye  des  Près-aux-Nonains  {"')  comme  celle  de  Saint-Mard  Ç^),  le  couvent 


(1)  PioT,  Correspondance  de  Philippe  11,  t.  1,  p.  410. 

(2)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  13o,  et  IHèces  justificatives,  n»  XVll.  Rapport 
du  Magistrat. 

(3)  Idem,  Ibid. 

(*)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  1. 1,  p.  135,  et  Archives  de  l'État  à  Mons.  Registre  aux 
sentences  criminelles,  fol.  12,  17,  20,  21,  22,  46,  56,  59,  etc. 

(5)  L'abbaye  des  Près-aux-Nonains  était  située  dans  la  banlieue  de  Tournai,  hors  la 
porte  de  Sainte-Fontaine.  Voici  tirés  du  Registre  de  la  Loi,  n"  149,  des  Archives  commu- 
nales de  Tournai,  quelques  renseignements  sur  les  dévastations  qui  y  furent  commises  : 
Jehan  Le  Bacre,  hautelisseur  «  se  seroit  en  compagnie  de  pluisieurs  aultres  sacaigeurs  en 
l'abaie  dite  Notre  Dame  des  pretz  aux  nonains  lez  icelle  ville,  où  estant  entré  en  l'église 
seroit  panenu  jusques  à  certain  oratoire  dite  la  chapelle  de  la  confesse,  auquel  oratoire 
icelluy  Le  Bacre  et  ses  dits  compagnons  seroient  aussy  entrez  et  ayans  illecq  trouvé  certain 
coffres  painct  de  vert  avecq  serrure  et  ferailes  de  cuyvre  doré,  ouquel  reposoienl  avec,  uns 
ossemens  et  reliquaires  des  onze  mil  vierges,  ils  auroient  par  ensamble  rompu  et  brizé 
icelluy  cofret,  marchans  dessus  par  violence  et  impétuosité  grande,  tellement  que  lesdis 
ossemens  auroient  par  eulx  esté  réduis  en  pouldre.  Sy  auroient  en  oullre  icelluy  Le  Bacre 
et  ses  dits  compaignons  trouvés  audit  oratoire  en  ung  tonneau  tournant  et  servant  certain 
lieu  de  retraite  près  icelluy  oratoire,  deux  chasses  d'argent,  une  petite  quièvre  et  une  platine 
d'argent  servans  ù  ung  calice  dens  l'une  desquelles  reposait  la  sainte  ostie  et  précieux  corps 


AU  POINT  DE  VUE  POUTIQUE  ET  SOCIAL.  129 

des  Frères  Mineurs  ('),  des  Cliarlreiix  {^),  des  Sœurs  Noires  (^),  coinine  celui 
des  Jésuites  el  jusqu'aux  liôpilaux  (*). 

On  ne  respecta  même  |)as  la  dépouille  dos  moris.  Aux  Chartreux  de 
Cliercq,  celle  horde  de  sauvages  viola  le  tombeau  de  Hugues  de  Melcun, 
sénéchal  de  llainaut  (■'),  el,  détail  horrible,  un  misérable  du  nom  de  Jean 
Ruyanl  alla  jusqu'à  couper  un  bras  au  cadavre,  le  ()romena  outrageu- 
sement dans  les  rues  de  Tournai,  puis  le  jeta  dans  l'Escaut  ("). 

La  cathédrale  fut  l'objet  des  mêmes  profanations.  Tout  ftil  brisé, 
saccagé  (J);  tout  fut  souillé  el  violé  jusqu'aux  lombeaux  des  chanoines  el 


deNostre  Seigneur  Jhesus-Crist  et  dans  l'aultre  le  saint  cresme...  lesquelles  chasses  auroient 
par  après  esté  conculquées  et  brisées  avecq  leur  contenu  »... 

(6)  de  la  page  précédente.  —  L'abbaye  de  Saint-Mard  ou  de  Saint-Nicolas-des-Prés,  dont 
il  reste  encore  de  nos  jours  quelques  ruines,  était  située  au  faubourg  de  Valenciennes; 
sa  fondation  remontait  au  Xll'=  siècle. 

(1)  Les  Frères  Mineurs  s'établirent  à  Tournai  en  1240,  dans  la  rue  des  Récollets,  non 
loin  de  la  porte  de  Valenciennes;  un  vieux  bâtiment,  aujourd'hui  occupé  par  les  Clairisses, 
subsiste  encore  de  leur  ancien  couvent. 

(2)  Les  Chartreux  furent  installés  dans  la  commune  de  Chcrcq  en  4375,  par  Jean 
de  Werchin,  sénéchal  de  tlainaut,  à  l'endroit  où  s'élève  aujourd'hui  le  château  de  Chercq, 
propriété  de  M.  Thorn-Carbonnelle. 

(•i)  Les  Sœurs  Noires  se  fixèrent  à  Tournai  en  1240,  non  loin  de  la  porte  de  Valen- 
ciennes. 

{*)  Pasquirr  de  le  Baiirr,  op.  cit.,  t.  M,  p.  241.  Archives  communales  de  Tournai, 
Consaux,  séances  des  15,  21  et  22  novembre  1569. 

(S)  Hugues  de  Meleun,  premier  prince  d'Espinoy,  baron  d'Antoing,  etc.,  connétable 
héréditaire  de  Flandre.  Il  avait  épousé  Yolende  de  Harbençon,  dame  de  Werchin,  Wallin- 
court,  Cysoing,  Roubaix,  héritière  du  titre  de  sénéchal  de  Hainaut,  qui  avait  appartenu 
longtemps  à  la  famille  de  Werchin.  Il  était  le  fils  de  François,  comte  d'Espinoy,  et  de 
Louise  de  Foix.  (D'après  Pinchart,  I'asquier  m:  lk  Baiirk,  op.  cit.,  t.  I,  p.  197,  note  1.) 

C»)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cil.,  t.  I,  p.  196,  et  t.  Il,  p.  195.  Pasquier  de  le  Barre  dit 
le  bras  gauche,  les  commissaires  le  bras  droit.  Pasquier  de  le  Barre  ramène  ce  sacrilège 
à  cinq  ou  six  jours  en  arrière,  les  commissaires  le  portent  au  23  août. 

(1)  Archives  de  l'État  à  Mons,  Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  47  v".  «  Franchois 
Desnoettes,  carlier,  demeurant...  estant  le  lendemain  du  saccagement  des  églises  avecq 
aultres  par  votre  capitaine  commis  à  la  garde  du  grant  portai  de  l'église  Notre-Dame... 
estes  advanché  pour  acquérir  bruict,  garny  d'un  groz  marteau  de  fer  vous  employer  et 
mectre  en  debvoir  à  rompre  et  de  fait  abbattre  pluisieurs  ymaiges  de  pierre  blanche  audict 
portai...  » 

Tome  I.  —    Lettres,  etc.  17 


l.->()  TOURNAI  ET  LE  TOURNAÏSIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

(Faulres  défunts.  On  arracha  même  de  son  tombeau  le  cadavre  du  duc 
Adolphe  de  Gueldre('),  inhumé  dans  la  chapelle  Sainl-Louis  ('). 

La  Trésorerie,  où  Ton  gardait  précieusement  les  châsses,  reliquaires, 
joyaux  et  pièces  d'archives  contre  tout  danger  de  guerre  ou  d'incendie  (^), 
fui  mise  au  pillage.  Les  objets  d'orfèvrerie,  les  chefs-d'œuvre  de  nos  ciseleurs 
du  moyen  âge  furent  réduits  en  pièces,  sous  les  yeux  des  trois  minisires 
calvinistes  (*),  Ambroise  Wille,  Charles  de  Nielles  et  Etienne  Marmier  (''). 

Et  le  lendemain,  pour  assouvir  toute  sa  fureur,  sur  l'ordre  même 
d'Amhroise  Wille  C^),  cetle  tourbe  ignominieuse  mit  le  feu  aux  riches 
archives  du  Chapitre  de  Noire-Dame,  puis  elle  jeta  la  dépouille  du  duc 
de  Gueldre  dans  le  brasier  activé  par  la  cire  en  fusion  qui  découlait  des 
Charles. 

On  avait  détruit  en  quelques  heures,  sous  un  prétexte  insensé  C),  des 


(<)  Adolphe  de  Gueldre,  fils  d'Anould,  dans  le  désir  de  régner  plus  vile,  fit  emprisonner 
son  père.  En  1477,  il  se  mil  à  la  tête  des  Gantois  qui  attaquaient  les  Tournaisiens  et  fut 
tué  ù  Chin.  Il  fut  inhumé  dans  la  chapelle  Saint-Louis,  en  l'église  cathédrale.  (Cousin, 
Histoire  de  Tournai,  t.  IV,  pp.  240,  243-246.) 

(2)  La  chapelle  Saint-Louis  est  celle  que  l'on  a  à  sa  droite,  avant  d'arriver  au  transept, 
en  entrant  par  le  grand  portail. 

(3)  I^ASQUIER  DE  LE  BaRRE,  0}).  Cit..  t.  Il,  pp.  367-368. 

(*)  Irem,  Jbid.,  t.  1,  p.  186. 

(3)  Idem,  llnd.,  t.  Il,  p.  180.  Le  pasteur  Marmier,  communément  appelé  Haut-Bour- 
guignon, avait  épousé  la  fille  de  Wallerand  de  Willem  qui  lui  avait  apporté  en  dot  dix  à 
onze  cents  livres  de  gros.  11  quitta  Tournai  à  l'entrée  de  Noircarmes.  (Bulletins  de  la  Société 
historique  de  Tournai,  t.  XX,  p.  180.) 

(6)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  137. 

C)  D'après  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  138,  Ambroise  Wille  prétendait  que 
ce  qu'il  avait  fait  faire  «  étoit  pour  absouldre  le  roy  et  ceulx  du  magistrat  de  la  ville  du 
serment  qu'ilz  avoient  fait  de  garder  et  observer  lesdis  prévillèges,  lequel  serment  estoil 
renouvelle  par  chascun  an  pour  ceulx  dudict  magistrat  ».  On  sait  que  chaque  année  au 
renouvellement  de  la  Magistrature,  les  prévôts  et  jurés  et  les  échcvins  juraient  les  serments 
suivants  :  Serment  des  prévôts  et  jurés  à  la  chapelle  de  Saint-Vincent  : 

«  Nous,  prévôt  et  jurés  de  la  ville  et  cité  de  Tournay,  élus  au  gouvernement  de  la  ville, 
cité  et  communauté  de  Tournay  jurons  es  saints  évangiles  de  Dieu,  pour  nous  et  pour 
ladite  communauté,  que  nous  garderons  sûreté,  fidélité  en  matière  spirituelle  et  loyauté  -h 
Monseigneur  l'évêque  de  Tournay,  qui  ores  est  et  à  ses  successeurs  évêques  de  Tournay  que 
pour  le  temps  seront.  Item,  jurons  que  les  immunités  de  la  grande  église  et  de  toutes  les 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  151 

monuments  d'un  prix  ineslimablc  et  l'Histoire  venait  de  subir  une  perle 
à  jamais  irréparable  ('). 


églises  de  Tournay  nous  garderons  et  jamais  nous  les  enfeindrons  en  aucune  manière,  au 
péril  de  droit  en  cas  d'infraction,  et  ce  tant  que  lesdites  immunités  ne  reçoivent  change- 
ment par  puissance  compétente.  Ainsi  Dieu  nous  aide  et  ses  saints.  » 

Serment  des  mayeurs  et  échevins  en  la  salle  capiiulaire  : 

«  Nous  mayeur  et  échevins  de  la  ville  et  cité  de  Tournai,  jurons  es  saints  évangiles  de 
Dieu  que  nous  serons  féaux  à  l'église  de  Tournay,  et  comme  échevins  garderons  et  conser- 
verons les  droits  d'icelle  et  des  autres  églises  de  la  dite  ville.  Ainsi  nous  aide  Dieu  et  les 
saints  évangiles  de  Dieu  et  tous  les  saints.  »  (Vandenbkoeck,  La  Magistrature  tournaisienne. 
Tournai,  Malo,  1870,  p.  9.) 

(1)  Ch.  Rahlenbeek  et  Lothrop  Molley  (a)  ont  cherché  à  amoindrir  les  responsabilités 
de  la  Réforme,  à  atténuer  le  mal  causé  par  les  troubles  du  mois  d'août  1566  et  surtout  à 
innocenter  Ambroise  Wille,  l'un  des  trois  pasteurs  calvinistes  de  Tournai,  de  l'accusation 
d'avoir  ordonné  de  brûler  les  archives  du  Chapitre.  Ambroise  Wille  a-t-il  donné  l'ordre 
de  brûler?  Oui,  aucun  doute  ne  peut  subsister  à  cet  égard.  Il  serait  incompréhensible  que 
Pasquier  de  le  Barre  [b),  procureur  général  à  Tournai,  magistrat  partisan  de  la  Réforme, 
qui  lui  était  tout  dévoué  et  qui  était  mieux  que  personne  en  situation  de  savoir  ce  qui 
se  passait,  osât  lancer  une  telle  affirmation,  si  elle  n'était  pas  vraie  (c).  Si  des  œuvres 
artistiques  d'une  valeur  inestimable  ont  disparu  dans  cette  tourmente  (d),  si  des  archives 
précieuses  sont  à  jamais  perdues,  ce  sont  les  pasteurs  calvinistes  et  surtout  Ambroise  Wille 
qui  en  sont  responsables.  Sans  doute,  au  milieu  des  calvinistes  convaincus,  s'étaient  glissés 
des  gens  sans  aveu,  des  aventuriers  et  des  vauriens  ie)  ;  mais  n'était-ce  pas  une  raison  de 
plus  pour  les  pasteurs  de  chercher  à  arrêter  les  calvinistes  dans  leurs  dévastations? 
On  pourrait  peut-être  objecter  que  les  pasteurs  ne  furent  pas  maîtres  de  la  foule,  mais  ce 
qu'on  ne  parviendra  jamais  à  expliquer,  c'est  l'ordre  donné  sans  nécessité  bien  prouvée, 
par  un  pasteur,  donc  par  un  homme  instruit,  de  brûler  des  archives.  Pourquoi  d'ailleurs 
tenter  de  disculper  un  accusé  qui  avoue,  Ambroise  Wille  se  chargeant  lui-même  de  faire 

(o)  Ch.  Rahlenbeek,  Les  villes  protestantes  de  la  Belgique,  Tournai.  Liège,  18S4.  —  Lothrop  Motley, 
La  révolution  dex  Pays-Bas  au  XVI'  siècle.  Bruxelles,  1859,  t.  II,  p.  9o. 

{b)  Pasquier  de  le  Barre  naquit  à  Tournai  en  octobre  1.54.5,  il  fut  nommé  greffier  des  doyens  et  sous- 
doyens  des  métiers  ;  il  devint  ensuite  tabellion  royal,  procureur  fiscal  et  enfin  procureur  général  de 
Tournai.  11  fut  poursuivi  comme  hérétique,  destitué  de  ses  fonctions  et  e.xécuté  à  Vilvorde  le 
29  décembre  1S68  avec  Jean  Says  et  Gabriel  de  Cambry,  Tournaisiens. 

(c)  PasOuier  de  le  Barre,  op.  cit.,  1. 1,  p.  137,  §  1. 

(d)  La  cliàsse  Saint-Éleuthère,  ce  splendide  travail  artistique  que  chacun  peut  admirer  dans  la  cathé- 
drale, fut  sauvée  du  désastre  «  parce  qu'elle  fut  cachée  dans  la  grange  des  diraes,  aujourd'hui  la 
Bibliothèque  de  la  ville,  sous  des  bottes  de  paille  et  de  foin  ».  {Bulletins  de  la  Société  historique  de  Tournai, 
t.  XIII,  p.  343,  d'après  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  Bourgogne,  à  Bruxelles.) 

(«)  Marguerite  de  Parme  ne  dit-elle  pas  :  «  Il  y  a  ([uatre  espèces  de  gens  :  ceux  qui  veulent  la  liberté 
de  conscience,  ceux  auxquels  déplaisent  la  rigueur  des  placai'ds  et  l'inquisition,  ceux  qui  voudraient 
voler  et  piller;  ceux  enfin  qui  désireraient  clianger  de  prince  ».  (GArHARn,  Corres]>ondance  de  Philippr  II, 
t.  I,  p.  410.)  '       ■ 


t5>  TOUlîNAI   I:T  le  TOimiNAISIS  AU   \\\'  SII-ICLE 

«  On  peut  évaluer,  dit  le  proteslanl  Prescolt,  les  perles  résullant  du 
pillage  de  h  vaisselle  d'or  et  d'argent;  un  habile  architecte  pouvait  restaurer 
les  monuments  si  cruellement  défigurés;  mais  qui  pourrait  estimer  Tirrépa- 
rahle  dommage  causé  par  la  desiruclion  des  manuscrits,  des  statues  et  des 
tableaux?  On  s'altriste  en  reconnaissant  que  partout  les  premiers  efforts  des 
réformés  ont  élé  dirigés  contre  ces  monuments  du  génie,  créés  et  perfec- 
tionnés sous  la  généreuse  protection  du  catholicisme  (').   » 

L'Âulorilé  assista  impuissante  à  ces  profanations.  Les  compagnies  popu- 
laires refusèrent  de  lui  prêler  assistance,  sous  la  spécieuse  raison  «  qu'elles 
avaient  juré  de  préserver  la  ville  et  ses  habitants  de  toute  sédition,  révolte 
ou  sac  »,  mais  non  point  de  garantir  les  églises  contre  tout  «  cassement  des 
ymaiges  et  aultre  outrage  (-)  »,  comme  si  les  iconoclastes  n'étaient  pas  un 
danger  pour  l'ordre  public! 

Les  jours  suivants,  des  bandes  de  Tournaisiens  se  répandirent  dans  le 
Hainaut  et  le  ïournaisis,  saccagèrent  les  églises  de  Kain,  d'Obigies,  de 
MourcourI,  de  Néchin,  de  Pecq,  d'Havines,  d'Orcq,  etc.,  y  commettant  les 
mêmes  sauvageries  que  dans  celle  de  Tournai  (^).  Leurs  déprédations 
ne  cessèrent  que  le  jour  où  un  homme  énergique  résolut  d'y  mettre  un 
terme. 

De  concert  avec  des  calvinistes  de  Valenciennes,  près  de  cinq  cents  habi- 


connaître  qu'il  a  commandé  de  mettre  le  feu  aux  arcliives  du  Chapitre  (a).  Nous  n'irons 
pas,  comme  certains  autres,  jusqu'à  le  rendre  seul  responsable  des  actes  de  vandalisme 
commis  dans  la  caili('drale  et  les  autres  églises,  parce  qu'il  consacni  cinq  cents  florins 
des  mille  qu'il  reçut  de  l'abbé  de  Saint-Martin,  à  abreuver  les  saccageurs  ou  à  acquitter 
les  hôteliers  chez  lesquels  ceux-ci  avaient  mangé  le  24  août  (fc)  ;  l'acte  d'avoir  fait  brûler 
les  archives  du  Cha[)itre  de  Notre-Dame  suffit  îi  sa  mémoire. 

(1)  W.-H.  PiiEscoTT,  Histoire  du  règne  de  Philippe  II,  traduit  de  l'anglais  par  Flenson. 
Paris,  1860,  t.  Il,  p.  286. 

(2)  Pasquieii  de  le  Bakhe,  op.  cil.,  t.  H,  p.  192,  et  Pièces  justificatives,  n°  XVII.  Rapport 
du  Magistrat. 

(3)  Idem,  llnd.,  t.  I,  p.  139,  et  même  page,  note  6;  Archives  communales  de  Tournai, 
Pièces  comptables,  farde  :  Voyages,  6  septembre  lo66. 

(a)  Pasquier  de  le  Bakre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  138. 

{b)  Pièces  justiticalivus,  n»  XVII.  Rapport  du  Magistral. 


AU  POINT  OK  VUE  POI.ITIOUK  ET  SOCIAL.  I.î?; 

taiits  de  Tournai  oi  «le  Sainl-Amaiid  s'élaienl  livrés  au  pillage  des  abbayes 
de  Crespin,  Vicogiie,  Hasnon  el  Marcliienncs  ('),  ei  ils  se  disposaient  à  irailer 
de  la  même  façon  le  monastère  d'Anchin  ('^). 

Ferry  de  Guyon,  bailli  d'Anchin,  informé  de  leurs  exploits  et  de  leur 
dessein,  rassembla  à  la  hâle  une  troupe  de  sept  ceiiis  hommes,  vint  à  leur 
rencontre  jusque  dans  .Marchiennes,  les  défit  el  leur  tua  seplanle  à  qualre- 
viiigis  hommes  (26  aoùi). 

Dans  l'après-midi,  vers  deux  heures,  une  nouvelle  bande  de  quatre  à 
cinq  cents  Tournaisiens,  sous  la  conduite  de  Guillaume  Bresoul  el  de  Gervais 
Moncheau,  arriva  à  Marchiennes  (^)  ;  mais  elle  fui  défaite  à  son  tour  par 
Koberi  de  Longueval,  seigneur  de  Warling,  el  abandonna  sur  le  terrain 
quatre-vingts  des  siens  (*). 

Tandis  que  ces  combats  se  livraient  sur  les  bords  de  la  Scarpe,  Ambroise 
Wilie,  le  même  jour,  lançait  les  calvinistes  sur  la  grande  abbaye  bénédictine 
de  Saint- .Martin  el  ne  donnait  Tordre  de  cesser  le  pillage  (|ue  quand  l'abbé 
lui  eut  promis  une  somme  de  mille  (lorins  carolus  (^). 


(M  A  Marchiennes  se  trouvait  une  rictie  abbaye  bénédictine  sur  la  Scarpo;  elle  avait  été 
fondée  au  Vit''  siècle  par  saint  Adalbert  et  sa  femme  sainte  Rictrude.  (Mémoires  de  Férij 
de  Guyon,  éditeur  Robaulx  de  Soumoy.  liruxolles,  18n8,  p.  146,  note  i.  Histoire  des  troubles 
de  Valenciennes,  même  éditeur.  Bruxelles,  1864,  pp.  16  et  17.) 

i"^)  L'abbaye  d'Anchin,  nommée  en  latm  Aquicinetum  parce  qu'elle  était  entourée  par 
les  eaux  de  la  Scarpe,  avait  été  fondée  en  1079,  pour  des  bénédictins,  par  Wautier 
de  Sicher.  L'abbaye  d'Anchin  ét;iit  aussi  riche  et  aussi  importante  que  celle  de  Marchiennes. 
(Féhy  de  Guyon,  op.  cit.,  p.  146,  note  2.) 

(3)  Archives  de  l'État  îi  Mons,  Registre  aux  sentences  criminelles  (1566-1369),  fol.  32  v°. 
«  Pour  ce  que  (iuiilaume  Bresoul,  marcimnt,  manant  de  ceste  ville  et  cité  de  Tournay, 
vous...  d'avantaige  comme  chief  et  conducteur  avecq  Gervais  Moncheau  estans  tous  deux  à 
cheval  mené  certaine  grande  trouppe  de  gens  armez  et  embastonnez  à  enseigne  dcsploiée 
vers  la  ville  de  Marchiennes,  ou  le  malin  du  meisme  jour,  avoit  esté  deffaicte  par  les 
paysans  une  aultre  bende  de  samblables  gens.  » 

t^)  Mémoires  de  Féry  de  Guyon,  op.  cit.,  pp.  145  à  150.  Ces  détails  puisés  dans  un  autre 
écrivain,  attestent  la  bonne  foi  de  Pasquier  de  le  Barre.  Cet  annaliste,  dans  le  tome  I" 
de  ses  Mémoires,  p.  139  (édition  Pinchart),  dit  que  les  Tournaisiens  laissèrent  à  Marchiennes 
«  bien  cent  et  cinquante  morts  »;  or,  si  nous  additionnons  les  chiffres  donnés  par  Féry 
de  Guyon,  nous  arrivons  à  ce  total. 

(S)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  p.  194. 


154  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 


CHAPITRE  II. 

APOGÉE   DE   LA   KÉFORME. 

SoMMAiiŒ.  —  L  Arrivée  à  Tournai  d'Eustaclie  de  Fiennes,  seigneur  d'Esquerdes,  et  de  Jean 
de  Montigny,  seigneur  de  Villers;  leur  mission.  —  IL  Arrivée  du  comte  de  Hornes;  il 
autorise  les  prêches  urbains  et  fait  un  compromis  avec  les  calvinistes;  il  leur  assigne 
quelques  endroits  pour  leurs  prêches  en  ville.  —  III.  Les  calvinistes  obtiennent 
l'autorisation  d'élever  des  temples  et  demandent  de  pouvoir  se  livrer  à  leurs  rites 
religieux.  —  IV.  Départ  du  comte  de  Hornes;  appréciation  de  sa  conduite.  — V.  On 
promet  aux  calvinistes  la  tolérance  des  magistrats  concernant  l'exercice  public  de  leur 
religion. 

I.  Les  deux  défaites  de  Marchieiines  modérèrent  l'ardeur  des  briseurs 
d'images  tournaisieiis.  Ils  n'osèrenl  plus  s'aventurer  au  dehors  de  leurs  murs 
el  iravaillèrenl  à  rachèvemenl  de  l'organisation  de  l'Église  réformée  de 
Tournai. 

Les  prêches  champêtres  furent  abandonnés;  on  les  fit  en  ville.  Le  mardi 
27  août,  les  cérémonies  du  culle  évangélique  se  célébrèrent  publiquement 
dans  les  trois  églises  paroissiales  de  Saint-Briie,  de  Saint-Jacques  et  de 
Saint-Nicaise  (').  D'aucuns  môme,  profilaiil  de  la  slupeur  générale  qu'avaient 
provoquée  leurs  exploit'^,  se  mirent  à  piller  les  maisons  bourgeoises  et  à 
voler  leurs  concitoyens  (-). 

La  population  catholi(|ue  s'effraya.  De  nombreux  exodes  se  produisirent  ; 
l'évéque  s'était,  dès  le  mois  de  juillet,  réfugié  à  Lille  Q.  Après  les  troubles 
(l'août,  de  nombreux  prêtres  rimilèrent,  et  il  ne  resta  plus  à  Tournai  que 
trois  chanoines  pom-  assurer  la  marche  régulière  des  otïices  de  la  callic- 
drale  (*). 


(1)  Pasquiku  1)1-;  i,i£  liAUitc:,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  244,  et  t.  I,  p.  4  40.  Archives  de  l'État  à  Mons, 
Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  22  r°. 

C^)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  27  août  1566. 
(3)  PouLLKT,  Correspundmwe  de  Granvelle,  t.  t,  p.  279. 
(*)  Pasql'IER  iiE  i.E  Bauiik,  op.  cit.,  t.  1,  p.  337. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  I.îo 

Comme  les  mêmes  dévastations  avaient  été  commises  à  Valenciennes,  m 
Gand,  à  Anvers  et  dans  (Paiitres  localités  du  pays,  la  Régente  fnl  plongée  dans 
la  plus  profonde  consternation.  Elle  convoqua  à  Bruxelles  les  chevaliers  de 
la  Toison  d'or  et  reçut  d'eux  le  conseil  de  céder  aux  circonstances,  en 
accordant  aux  seigneurs  confédérés  l'objet  de  la  requête  présentée  par  eux  le 
30  juilllel  précédent  ('). 

Aussi,  le  23  aoùl,  tout  en  déclarant  qu'elle  cédait  à  la  force  des  choses, 
Marguerite  de  F^arme  faisait-elle  délivrer  aux  nobles  des  lettres  atleslanl  que 
«  Sa  iMajesIé  était  contente  que  l'Inquisition  cessai;  qu'elle  consentait  aux 
réunions  religieuses  des  réformés  dans  les  endroits  où  elles  avaient  déjà  eu 
lieu  et  que  le  compromis  ne  serait  pas  imputé  à  crime  aux  nobles,  à  con- 
dition qu'ils  se  conduisissent  dorénavant  comme  de  loyaux  et  fidèles 
sujets  C^)  » . 

De  leur  côté,  par  un  acte  du  même  jour,  «  les  Reversales  » ,  les  Confédérés 
prirent  l'engagement  d'être  bons  et  loyaux  vassaux  du  roi,  de  réprimer  les 
désordres,  d'en  punir  les  auteurs,  «  tant  que  tiendrait  la  sûreté  qui  leur  était 
garantie  par  la  duchesse  de  Parme  au  nom  du  roi  (''')  ». 

Les  Confédérés  envoyèrent  à  Tournai  Eustache  de  Fiennes,  seigneur 
d'Esquerdes,  et  Jean  de  iMontigny,  seigneur  de  Villers  (').  Ils  arrivèrent  le 
27  août  et,  le  lendemain,  se  présentèrent  devant  les  Consaux  avec  une  copie 
des  concessions  faites  le  23  par  Marguerite.  Soit  qu'ils  se  défiassent  de  ces 


(^j  Gachard,  Correspondance  de  Philippe  II,  t.  I,  p.  cxliv. 

{'^)  Pièces  justificatives,  n"  XVIl.  Rapport  du  Magistral. 

(3)  Gachard,  Correspondance  de  Philippe  II,  t.  I,  p.  cxlv  ;  Pasquier  de  le  Barre,  t.  I, 
p.  161. 

(^)  Eustactie  de  Fiennes,  seigneur  d'Esquerdes,  tîls  de  Charles  du  Bois  de  Fiennes  et  de 
Marie  de  Lannoy.  à  l'arrivée  du  duc  d'Albe  à  Bruxelles,  il  se  retira  en  Hollande  avec 
beaucoup  de  ses  compagnons  de  la  Confédération,  il  fut  condamné  au  bannissement 
perpétuel  et  à  la  confiscation  des  biens,  le  17  août  1568,  et  excepté  du  pardon  général 
de  1574.  En  1572,  il  se  trouve  dans  l'armée  française  de  Senlis  chargée  de  délivrer  Mons  ; 
en  1578,  il  revint  à  Arras  où  ses  coreligionnaires  essayèrent  sans  succès  de  le  proposer 
pour  gouverneur.  A  partir  de  cette  époque,  on  le  perd  de  vue.  (D'après  PiOT,  Renon 
de  France,  t.  I,  p.  118,  et  de  Coussemaker,  Troubles  du  XYl-"  siècle,  t.  II,  pp.  218-220.)  — 
Jean  de  Montigny,  seigneur  de  Villers,  fut  décapité  à  Bruxelles  le  2  juin  1568. 


136  TOURNAI  KT  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

nouveaux  venus,  soil  qu'ils  ne  voulussent  pas  croire  aux  concessions  l'ailes 
par  le  roi,  les  masislrals  exigèrent,  avant  de  publier  l'accord  intervenu  entre 
le  Gouvernement  et  les  Confédérés,  que  les  seigneurs  d'Esquerdes  et  de 
Villers  produisisser)l  leur  commission  et  leur  mandat.  Comme  ils  ne  purent  le 
faire,  prétextant  la  précipitation  de  leur  départ,  les  Consaux  «  envoyèrent  en 
Cour  »  à  Bruxelles,  le  second  procureur  de  la  ville  pour  connaître  la  vérité 
à  ce  sujet  ('). 

Dans  l'intervalle,  Eusiache  de  Fieiinesel  Jean  de  .Montigny,.  impatients  de 
pacifier  les  esprits,  s'cmployèient  résolumi^nt  à  tarir  les  deux  sources  d'où 
pouvaient  sourdre  de  nouveaux  troubles,  la  misère  du  peuple  et  lanimosité 
ou  plutôt  la  défiance  que  les  Tournaisiens  calvinistes  nourrissaient  envers  la 
garnison  espagnole  enfermée  dans  le  Château. 

La  misère  était  profonde  à  Tournai. 

L'exécution  rigoureuse  des  placards,  la  fréquence  des  |)rédi(,'alions  calvi- 
nistes, le  concours  empressé  de  la  foule  à  ces  réunions  entretenaient  dans  le 
peuple  une  exaltation  religieuse  préjudiciable  à  la  vie  économique  (|ui 
détournait  de  leurs  occupations  journalières  la  majorité  des  artisans. 

En  outre,  la  résolution  d'enrégimenter  le  peuple  en  huit  brigades,  les 
gardes  (|uotidiennes  qu'on  inq)osait  depuis  plus  d'un  mois  mettaient  obstacle 
au  bon  fonctionnement  de  l'industrie,  entravaient  la  marche  régulière 
du  commerce,  empêchaient  l'ouvrier  de  gagner  le  salaire  indispensable  à 
l'entretien  et  à  la  subsistance  de  sa  famille  et  favorisaient  la  crise  économique 
née  avec  le  siècle,  au  point  (pje  Tournai  semblait  s'affaisser  dans  une  irré- 
médiable décadence. 

Pour  secourir  la  misère  générale,  les  deux  confédérés,  Eustache  de 
Fiennes  et  Jean  de  Montigny,  proposèrent  aux  Consaux  de  faire  vendre  tous 
les  objets  d'or  et  d'argent  détériorés  provenant  du  sac  de  la  cathédrale  et  des 
autres  églises  et  enfermés  dans  la  Halle  (^).  La  somme  (ju'on  en  aurait 
retirée  aurait  été  distribuée  parmi  les  artisans. 


(1)  Pasolieh  de  le  Bahre,  op.  cil.,  t.  I,  pp.  140-141  ;  i.  Il,  p.  lUo,  et  Pièces  justificatives, 
n»  XVtt.  Kapport  ilu  .Magistrat. 

(2)  PAsyuiEti  DE  LE  Bahre,  Op.  dt.,  t.  Il,  p.  196,  et  Pièces  justificatives,  n»XVlI.  Rapport 
du  Mayistrat. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  117 

Mais  les  Consaiix  n'adoplérenl  |)as  celle  proposilion  qui  leur  paraissail 
peul-êire  sacrilège. 

Le  30  aoùl,  les  délégués  des  seigneurs  confédérés  leur  conseillèrent 
comme  «  moyen  prompt  de  remellre  le  peu()!e  en  labeur  »,  d'entre- 
prendre des  travaux  d'ulililé  publique  et  aussi  de  demander  en  prêl  au 
Chapitre  de  Notre-Dame,  aux  abbayes  et  aux  receveurs  royaux  une  somme 
d'argent  qu'on  partagerait  entre  les  marchands  empêchés  de  faire  le  com- 
merce, parce  que  ceux  d'Anvers  refusaient  de  leur  payer  leurs  créances  (^). 

Les  Consaux  acquiescèrent.  Ils  commencèrent  par  exiger  d'Ambroise 
Wille  la  restitution  de  la  moitié  des  1,000  florins  qu'il  avait  reçus  de  l'abbé 
de  Saint-Martin;  ils  en  ajoutèrent  1,000  autres  qui  leur  furent  prêtés  par 
Jean  Gombauli  (^),  receveur  du  roi,  ei  Jacques  Haccarl  ('),  dépositaire  de 
Philippe  II.  Les  capitaines  firent  la  répartition  de  ces  sommes  parmi  les 
citoyens  les  plus  nécessiteux  qui  servaient  sous  leurs  ordres  (*),  et  l'on  atténua 
ainsi,  momentanément  du  moins,  le  dénucmenl  des  classes  laborieuses. 

Mais  la  défiance  que  les  Tournaisiens  calvinistes  ressentaient  à  l'égard  de 
la  garnison  du  Château  subsistait  toujours. 

La  population  tournaisienne,  on  l'a  vu,  avait  embrassé  la  religion  nouvelle 
avec  une  ardeur  qu'aucune  résistance  n'avait  pu  maîtriser  (").  Seule,  la  petite 
troupe  casernée  au  Château  s'obstinait  à  tenir  tête  au  peuple  et,  prenant  une 
attitude  manifestement  hostile,  avait  braqué  ses  fauconneaux  el  autres  pièces 


(<)  Pièces  justificatives,  n°  XVH.  Rapport  du  Magistrat. 

(2)  Jean  Gombault,  seigneur  d'Archimont,  né  en  1S53,  conseiller,  receveur  général  des 
domaines  au  quartier  de  Tournai-Tournaisis  depuis  1559;  il  mourut  vers  1397.  (Pasquier 
DE  LE  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  147,  note  1.) 

(3)  Jacques  Haccart,  écuyer,  membre  de  la  Magistrature  tournaisienne  de  1319  à  lî)o3, 
puis  dépositaire  du  roi  au  bailliage  de  Tournai-Tournaisis,  fut  anobli  par  lettres  patentes 
du  7  janvier  1589.  11  était  fils  de  Léon  et  de  Gertrude  de  Landas;  il  épousa  Antoinette 
de  Galonné,  (du  Chastel,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  I,^i9,  et  t.  III,  p.  817.) 

(*)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  147-148,  et  Pièces  justificatives,  n»  XVII. 
Rapport  du  Magistral. 

(S)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  143,  el  Pièces  justificatives,  n"  XVTI.  Rapport 
du  Magistrat. 

Tome  I.  —  Lettres,  etc.  18 


158  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

d'artillerie  vers  les  endroits  où  se  tenaient  d'ordinaire  les  réunions  calvi- 
nistes ('). 

Le  peuple  en  avait  conçu  une  irritation  profonde.  Le  moindre  soupçon 
suffisait  à  provoquer  un  vif  émoi.  Ainsi,  le  23  août,  vers  41  heures  du  soir, 
tout  à  coup  des  appels  «  aux  armes  »  retentirent,  le  tocsin  sonna  l'alarme, 
les  tambours  battirent  la  générale,  les  compagnies  furent  rangées  en  bataille, 
face  au  Château,  tout  simplement  parce  que  le  pont-levis  de  la  forteresse 
donnant  sur  la  ville  avait  été  abaissé.  Il  s'agissait  dans  l'espèce  de  livrer 
passage  à  deux  femmes  qui  venaient  quérir  une  accoucheuse  dont  les  soins 
étaient  réclamés  par  une  habitante  du  quartier  ('^). 

Pour  faire  cesser  «  cette  difïîdence  »,  Eustache  de  Fiennes  et  Jean 
de  iMontigny  prièrent  le  lieutenant  du  gouverneur,  Jean  du  Chasleler,  de 
promettre  au  peuple  qu'il  ne  l'attaquerait  pas  avec  ses  troupes  «  tant  que 
l'ordre  ne  serait  point  troublé  dans  la  ville  »,  et  de  s'engager  en  même 
temps  à  punir  tout  soldat  qui  insulterait  un  Tournaisien  (^). 

Jean  du  Chasteler  promit,  mais  le  30  août,  las  et  goutteux  ('*),  il  autorisa 
le  capitaine  Philippe  de  Lannoy  (^),  qui  venait  d'entrer  au  Château  avec  une 


(1)  I^ASQUiER  DE  LE  Barre,  op.  cU.,  t.  l,  p.  143,  et  Pièces  justificatives,  n»  XVII.  Rapport 
du  Magistrat.  —  La  garnison  avait  été  augmenlce  de  cent  cinquante  recrues  vers  le 
2o  août. 

(2)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  143. 

(■<)  Idem,  op.  cit.,  t.  I,  p.  146,  et  Pièces  justificatives,  n°  XVII.  Rapport  du  Magistrat. 
—  Les  seigneurs  d'Esquerdes  et  de  Villcrs  agissaient  sans  mandat  régulier  du  gouver- 
nement, mais  au  nom  des  seigneurs  confédérés.  Cependant,  jamais  Marguerite  de  Parme 
ne  les  désavoua  dans  leur  œuvre  de  pacification,  tout  en  se  refusant  à  reconnaître  qu'ils 
agissaient  ofticiellement  et  tout  en  déclarant  «  n'estre  besoing  ny  convenable  de  despêcher 
commission  aux  seigneurs  d'Esquerdes  et  de  Villers  ».  {Rapport  du  Magistrat.)  Il  est 
néanmoins  étrange  de  voir  ces  deux  gentilshommes,  agissant  sans  mandat,  faire  office 
presque  de  gouverneur,  s'occuper  des  affaires  de  la  ville  et  essayer  loyalement  de  pacifier 
les  esprits,  jusqu'à  l'arrivée  à  Tournai  du  comte  de  llornes. 

(*)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  383.  —  Lettre  de  Philippe  de  Lannoy  à  la 
duchesse,  2  septembre  l.%6.  «  Monsieur  l'admirai  et  moy  sommes  d'avis  que  vostre  Allèze 
fusse  servie  d'ordonner  quelque  gentilhomme  pour  servir  de  secours  au  bonvieux  seigneur 
de  MouU)és,  tant  à  cause  de  son  éage  que  mal  de  gravelie  et  colique  quasi  ordineire...  » 

(S)  PxsoiiiER  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  pp.  373-375,  lettre  du  31  août  du  comte  de 
Homes  à  Marguerite  de  Parme. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  159 

compagnie  de  deux  cents  hommes,  à  exiger  d'Eustache  de  Fiennes  qu'il  fil 
désarmer  les  huit  compagnies  urbaines  et  retirer  de  la  grand'place  et  des 
rues  avoisinant  le  Château  Tarlillerie  que  le  peuple  y  avait  placée,  «  si  on 
voulait  que  les  troupes  royales  n'usassent  point  de  violence  »  (^). 

H.  Heureusement  pour  la  tranquillité  publique,  le  soir  même  du  jour  où 
Philip|)e  de  Lannoy  se  montrait  si  maladroit,  arrivait  à  Tournai  Philippe 
de  Montmorency,  comte  de  llornes,  envoyé  par  Marguerite  de  Parme  comme 
commissaire  chargé  de  pleins  |)Ouvoirs  (-). 

La  réception  que  lui  lit  la  population  tournaisienne  «  tant  catholi(|ue 
qu'hérétique  »  (^J  fut  grandiose  et  digne.  Six  mille  hommes  rangés  par  fde 
de  cinq  se  portèrent  à  sa  rencontre  dans  un  ordre  admirable  (*)  et  l'escor- 
tèrent jusqu'en  la  halle  des  Consaux  où  le  Magistrat  l'allendait  à  souper.  Des 
a|)parlemetits  lui  avaient  été  préparés  dans  la  demeure  d'un  marchand  calvi- 
niste, Jean  Says,  habitant  rue  Saint-Marlin. 

Dès  le  lendemain  de  son  arrivée,  le  comte  de  Homes  se  mit  sérieusement 
à  la  besogne  et,  comme  Eustache  de  Fiennes  et  Jean  de  Montigny,  il  chercha 
avant  tout  à  atténuer  l'indigence  des  classes  nécessiteuses.  On  vendit  sur  ses 
conseils  les  châsses  et  les  reliquaires  brisés,  les  ciboires  et  autres  objets 
précieux  que  la  tourmenle  dernière  avait  mis  hors  d'usage. 

L'argent  que  rapporta  celte  vente  fut  insuffisant;  aussi  la  ville,  pour 
remédier  efficacement  à  la  misère  publique,  n'hésita-t-elle  pas  à  emprunter 
à   des  marchands  d'Anvers   4,000    florins  ("),   plus   8,000   au   Chapitre 


(1)  Arctiives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Papiers  d'État,  reg.  n»  353,  fol.  lOS.  —  Strada, 
Supplément  à  l'histoire  des  (jueires  civiles  en  Flandre  sous  Philippe  II.  Amsterdam,  1729, 
t.  Il,  pp.  372-373.  —  Il  entra  au  Château  dans  la  nuit  du  30  au  31  août,  venant  de  Condé. 
(Pasquiek  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  pp.  372-373.)  —  Lettre  du  31  aoiit  de  Jean 
de  Chasteler. 

i'i)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  151,  note  4,  et  Pièces  justificatives,  n"  XVII. 
Rapport  du  Magistrat. 

(3)  Nicolas  Soldoyer,  dans  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  p.  24o. 

(4)  Pasquier  ue  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  p.  374. 

(5)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  19  novembre  15G6. 


140  TOURNA!  ET  LE  TOURiNAISIS  AU  XVl^  SIÈCLE 

de  Noire-Dame,  à  rembourser  l'année  suivante  et  à  valoir  sur  le  produit  de 
la  vente  des  objets  du  culte  (^). 

Elle  fit  acheter  par  ses  délégués,  Hubert  Durieu  et  Olivier  Liébart, 
les  produits  fabriqués  qui  n'avaient  pas  été  vendus  à  cause  des  troubles,  en 
commanda  d'autres  et  soulagea  ainsi,  pour  quelque  temps  du  moins,  la 
détresse  de  la  population  ouvrière  ('). 

Le  comte  de  Hornes  songea  alors  à  aborder  le  côté  moral  de  la  mission 
qu'il  avait  reçue,  la  question  des  prêches. 

Sans  contredit,  l'affaire  était  importante  el  délicate.  Fallaii-il  interdire  les 
prédications  calvinistes  ou  bien  devait-on  les  tolérer? 

Avant  de  résoudre  la  question,  le  comte  de  Hornes  voulut  s'enquérir  de 
l'opinion  des  autorités  administratives.  Le  l"""  septembre,  quoique  la  Régente 
lui  eût  «  expressément  enjoint  et  commandé  de  faire  cesser  les  prêches 
urbains  »  Q^),  il  adressa  cette  demande  aux  Consaux  el  aux  officiers  du 
bailliage  :  l'intérêt  suprême  de  l'ordre  public  exige-t-il  qu'on  tolère  les 
prêches  dans  l'enceinte  même  de  Tournai  ou  qu'on  les  proscrive  rigoureu- 
sement (*)? 

Les  réponses  furent  catégoriques.  Les  magistrats  communaux  et  les  fonc- 
tionnaires royaux,  malgré  leurs  profondes  sympathies  pour  la  religion 
catholique  (^),  sacrifiant  «  toute  affection  particulière  touchant  le  faict  de  la 


{i)  Archives  communales  de  Tournai,  Prévôts  et  jurés  à  la  date  du  8  décembre  lo66,  et 
Pièces  justificatives,  n»  XVII.  —  La  vente  rapporta  cependant  une  assez  belle  somme,  car 
dès  le  8  décembre  lo66,  les  prévôts  et  jurés  ordonnaient  déjà  à  leur  mayeur  des  finances 
Adam  Lecocq  de  remettre  au  Chapitre  de  Notre-Dame  «  tele  somme  qu'il  peult  avoir  en 
ses  mains  provenante  de  la  vente  des  ymaiges  et  vaisseaulx  d'or  et  d'argent  de  la  dicte 
église  cathédrale  excédante  les  huit  mil  florins  que  luy  a  esté  ordonné  garder  »  ;  pour  les 
églises  Saint  Jacques  et  de  Saint-Jean,  cette  vente  produisit  respectivement  une  somme  de 
1,467  livres  19  sols  tournois  de  40  gros  et  431  livres  7  sols  tournois.  (Voir  Archives  com- 
munales de  Tournai,  Prévôts  et  jurés,  6  décembre  15(i6,  et  Consaux,  19  septembre  lot)6.) 
Pour  les  autres  églises,  les  renseignements  manquent. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  2-J  octobre  lb66. 

(3)  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Rapport  du  .)lagislrat. 

(4)  Idem,  n"  XVII.  Rapport  du  Mngklrat. 

(Si  Pasqlier  de  le  Bahre,  op.  cit.,  l.  Il,  p.  377.  —  Lettre  du  comte  de  Hornes  à  la 
duchesse  (1"  septembre  io66)  :  «  Je  ne  veulx  aussy  obmectre  à  Vostre  Altèze  comme  le 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  141 

religion  et  prenant  seulement  égard  à  la  [jaeificalion  des  troubles  et  à 
la  Iranquillilé  |)ul)li(|ue  »  ('),  suppiièrenl  le  comte  de  llornes  d'autoriser  les 
prédications  calvinistes  dans  la  ville,  non  loin  des  portes  de  la  cité,  ils  lui 
demanilèrent  loulel'ois  d'inlerdire  aux  réformés  racées  des  (|uelf|ues  églises 
paroissiales  qu'ils  s'élaient  appropriées  depuis  les  troubles  du  mois  d'août. 

Toute  la  population  était  d'accord  pour  autoriser  les  prêches  urbains  :  les 
(lonsaux  avaient  piis  leur  décision  à  une  grande  majorité,  «  par  le  plus  de 
voix  »,  connne  disent  les  documents  du  temps,  et  révéque  de  Tournai 
lui-même  admellait  que  si  les  prêches  urbains  n'étaient  pas  tolérés,  «  il 
pourroit  journellement  succéder  des  inconvénients  »  ('^). 

Phili[)pe  de  Montmorency  n'avait  pas  à  hésiter.  Aussi  lit-il  immédiatement 
publier  à  chai|ue  carrefour  de  la  ville,  une  ordonnance  permettant  aux 
habitants,  sans  crainte  «  d'aucune  répréhenlion  »,  de  fré(iuenter  librement 
les  prêches,  (|ui  ne  pourraient  cependant  avoir  lieu  (pie  dans  les  endroits 
indiqués  par  lui-même  el  hors  des  églises  paroissiales  (■^). 

Les  pasteurs  et  les  marchands  protestèrent;  mais,  passant  outre,  le  comte 
de  Horncs  pressa  Marguerite  de  Parme  de  confirmer  l'autorisation  qu'il  venait 
d'accorder  ('). 

C'était  le  3  septembre. 

Du  4  nu  10  du  même  mois,  de  Hornes  écrit  quolidieimement  à  la 
duchesse,  l'adjure  de  se  rendre  à  ses  prières  (").  Le  <»,  il  l'informe  que  si 
elle  condescend  à  permettre  les  prêches  en  ville,  il  a  bon  espoir  «  d'accom- 
moder le  tout  »  et  il  se  flatte  même  d'amener  le  consistoire  tournaisien  et 


magistrat  est  du  tout  catliolicque  et  à  la  dévotion  de  l'évesque  et  gens  d'esglisse,  pour  où 
ne  est  nullement  bien  volu  de  ceulx  de  la  nouvelle  religion.  » 

(1)  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Bapjwrt  du  .Magistrat. 

(2)  Stiuda,  Supplément,  t.  tl,  p.  393.  —  Lettre  du  6  septembre  1SG6. 

(3j  Les  réformés  s'étaient  emparés  sur  la  rive  droite  de  l'église  Saint-Brice  et  sur  la  rive 
gauche  de  celles  de  Saint-Jacques  et  de  Sainl-Nicaise.  Quant  aux  autres,  elles  étaient 
fermées  depuis  les  troubles.  (Pasquieii  de  lr  Baukk,  op.  cit.,  t.  I,  p.  140.) 

(*)  Ce  fut  toujours  en  vue  de  l'apaisement  des  esprits  que  le  comte  de  flornes  demanda 
la  liberté  des  prêches  urbains;  personnellement,  il  n'en  était  pas  partisan.  (Voir  à  ce  sujet 
dans  SrisADA,  Supplément,  t.  II,  p.  390,  une  lettre  ([u'il  écrivit  le  4  septembre  au  président 
Viglius.) 

(5)  Voir  à  ce  sujet  Stkaua,  op.  dt.,  Supplément,  t.  Il,  pp.  390  et  seq. 


142  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

ceux  de  la  religion  nouvelle  à  «  porter  toute  révérence  et  honneur  à 
révéque  et  à  gens  d'église  »  ;  bientôi,  ajoute-l-ii,  il  pourra  rendre  au  culte 
catholique  la  cathédrale  et  les  autres  églises  (^).  La  Kégente  resta  inébranlable 
et  s'obstina  dans  son  refus. 

De  guerre  lasse,  de  Hornes  avertit  les  Consaux.  Ceux-ci,  à  leur  tour, 
tentèrent  de  fléchir  la  duchesse  et,  le  10  septembre,  envoyèrent  à  Bruxelles 
le  conseiller  Érasme  du  Chambge  pour  exposer  les  nécessités  du  moment  Ç^). 
Mais  les  instances  de  du  Chambge  irourent  pas  plus  de  succès  que  les  prières 
de  de  Uornes,  et,  le  12  septembre,  .Marguerite  de  Parme  fit  savoir  que 
puisque  les  calvinistes  «  sont  contents  d'avoir  le  lieu  près  des  murailles, 
dedans  la  ville  auprès  des  portes,  ce  ne  sera  pour  eux  plus  grand  mal  d'avoir 
le  lieu  hors  la  porte,  aussi  près  des  fossés  qu'ils  trouveront  bon  »  (^). 

L'obstination  de  la  Régente  entretenait  dans  «  ce  peuple  de  Tournai  si 
soupçonneux  »  (*)  une  ombrageuse  défiance  (^),  qui  rendait  extrêmement 
difficile  la  mission  du  comte  de  Hornes. 

Fort  heureusement  pour  le  Gouvernement,  l'influence  personnelle  dont 
Philippe  de  Montmorency  jouissait  auprès  de  la  population  tournaisienne  ('') 


(1)  Straha,  op.  cit..  Supplément,  t.  II,  pp.  393-394. 

(2)  Idem,  Ihid.,  t.  II,  pp.  413-414,  la  lettre  que  le  Magistrat  adressa  à  ce  sujet  à  Margue- 
rite de  Parme. 

(3)  Strada,  op.  cit.,  Supplément,  t.  11,  p.  421,  lettre  du  12  septembre. 

(+)  Idem,  Ihid.,  t.  II,  p.  452.  —  Dans  une  lettre  du  3  octobre  1566,  de  Hornes  dit  à 
Marguerite  de  Parme  en  parlant  des  calvinistes  tournaisiens  :  «  car  sont  gens  les  plus 
soupçonneux  du  monde  et  me  desplait  de  ce  que  je  ne  les  puis  persuader  à  ce  qu'ils  se 
contentassent  de  i'asseurance  simple  de  Vostre  Altesse  »... 

(5)  Le  Magistrat,  pour  expliquer  les  raisons  pour  lesquelles  il  demandait  qu'on  autorisât 
les  prêches  urbains,  ne  disait-il  pas  «  ...  joinct  que  allant  aux  champs  (=  pour  les  prêches) 
sera  presque  impossible  de  faire  mettre  les  armes  bas,  de  crainte  qu'ils  pourront  conche- 
voir  que  quelque  prevost  des  mareschaux,  gendarmerie  ou  aultres  officiers  de  Sa  Majesté, 
estrangers,  mesmes  des  aultres  manans  de  ladicte  ville  catholicque  quy  à  la  despourveue 
leur  pouroient  fermer  les  portes,  piller  leurs  maisons  ou  faire  aultre  oultraige  en  vindi- 
cation  de  ce  quy  s'est  passé  »...  —  Voir  aussi  Stuada,  op.  cit..  Supplément,  t.  II,  p.  337,  §  3, 
et  p.  381,  §  1. 

(6)  Strada,  op.  cit.,  Supplément,  t.  II,  p.  39t  in  fine,  et  t.  Il,  p.  484,  une  lettre  du 
président  Viglius  à  Jean  du  Chasteler  en  date  du  22  septembre  1566,  dans  laquelle  il  dit  en 
parlant  de  Ploris  de  Montmorency  :  «  Veu  le  consentement  et  confiance  que  ceux  de  la 
ville  ont  en  lui  »... 


AU  POINT  DE  VUE  POfJTIQUE  ET  SOCIAL.  14Ô 

vint  allénucr  la  détestable  impression  que  produisaient  les  refus  réitérés  de 
Marguerite  de  Parme.  Grâce  à  sa  merveilleuse  adresse,  il  réussit  le 
46  septembre  à  faire  accepter  par  les  calvinistes  un  compromis  aux  termes 
duquel  on  diminuait  des  (piatre  cinquièmes  les  effectifs  des  compajj;nies  popu- 
laires (')  et  on  rouvrait  aux  catholiques  les  édifices  de  leur  culte. 

La  cathédrale,  les  éiïlises  paroissiales  et  conventuelles  où  depuis  le 
23  août  aucun  prêtre  n'avait  mis  le  pied,  furent  rouvertes.  Les  cloches  des 
églises  s'ébranlèrent  de  nouveau,  conviant  les  fidèles  aux  ofiices,  et  Texercice 
du  cuite  se  praliqua  d'autant  plus  librement  (-)  qu'en  vertu  du  compromis, 
les  calvinistes  ne  pouvaient  «  contrarier  en  rien  le  service  divin  ni  aucune 
cérémonie  de  la  religion  catholique,  ni  permettre  (|u'une  injure  fut  faite  aux 
ecclésiastiques  »  (•^).  Mais  on  refusait,  à  Tapproche  de  l'hiver,  à  ceux  qui 
représenlaient  les  quatre  cinquièmes  de  la  population  ('),  de  posséder  «  dans 
la  cloislure  »  de  la  ville,  un  refuge  pour  y  faire  leurs  prêches! 

Était-ce  équitable  ?  Le  comte  de  Homes  ne  le  pensa  pas  (^). 

Il  prit  sur  lui  d'apporter  une  dérogation  temporaire  aux  ordres  de  la 
duchesse  et  il  accorda  aux  calvinistes   «  quelques  places  prophanes  »  (") 


(1)  Ces  compagnies,  il  les  laissa  subsister  au  nombre  de  huit,  mais  la  totalité  de  leurs 
effectifs,  qui  se  montaient  à  six  mille  hommes,  fut  réduite  à  douze  cents  hommes  qu'ils 
choisit  dans  l'élément  modéré  de  la  population,  la  bourgeoisie.  —  Strada,  op.  cit.,  t.  II, 
p.  426,  et  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Rapport  du  .Magistrat. 

(2)  L'église  iSaint-Quentin  fut  rouverte  le  dimanche  15  septembre;  celle  de  Saint- 
Jacques  le  22  et  ù  la  cathédrale  on  chanta  la  messe  pour  la  première  fois  depuis  les 
troubles,  le  26  du  même  mois;  les  autres  églises  durent  être  rendues  au  culte  à  peu  près 
vers  ce  moment-là.  (Pasquii-k  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  176-190;  Straoa,  op.  cit., 
Supplément,  t.  II,  pp.  433-437.) 

(3)  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Rapport  du  Magistrat. 

(*)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  p.  370,  où  dans  une  lettre  à  la  duchesse, 
de  Homes  dit  :  Vostre  Altèze  se  peut  tenir  seure  que  des  cincq  parties  du  peuple,  les 
quatre  sont  de  la  nouvelle  religion  »... 

(3j  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  p.  377  :  d'après  une  lettre  du  comte  de  Bornes  à  la 
duchesse  (1'''  septembre  1566),  on  voit  que  certains  catholiques  de  Tournai  n'auraient  pas 
trouvé  e.vorbitanl  que  quelques  églises  fussent  accordées  aux  calvinistes,  «  alléguant  qu'elles 
sont  de  présent  toutes  prophanées  et  qu'il  y  a  quelques  esglises  où  tous  les  communicquans 
sont  entièrement  de  la  nouvelle  religion  »... 

(6)  Strada,  op.  cit.,  Supplément,  t.  Il,  pp.  425-426;  lettre  du  18  septembre  du  comte 
de  Bornes  à  Marguerite  de  Parme. 


144  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SFÈCLE 

dans  la  villo,  en  allendani  l'achévemenl  de  plusieurs  temples  dont  la  Régente 
avait  aulorisé  la  construction  extra  muros  par  lettre  du  7  septembre  ('). 

111.  Les  calvinistes  apprécieront  toule  Timportance  de  la  concession  qui 
leur  était  faile  cl,  s'enliardissanl,  ils  prétendirent  faire  élever  leurs  leniples 
aux  frais  de  la  caisse  communale.  Ne  formaient-ils  pas  «  !a  |)lus  saine  partie 
du  peuple  »;  ne  payaient-ils  pas  tailles  et  impôts  comme  leurs  concitoyens 
catholiques,  auxquels  les  magistrats  avaient  donné  la  libre  jouissance  de 
nombreuses  églises? 

Aussi  sollicitèrent-ils  rétablissement  d'un  impôt  général  |)our  fournir  à  la 
ville  les  l'essources  nécessaires  à  l'érection  des  édifices  destinés  à  leur 
culte  Ç'). 

Le  Magistrat  n'admit  pas  leurs  réclamations.  Il  refusa  de  prendre  à  sa 
charge  les  frais  de  construction  des  temples,  mais  «  atïin  de  donner  conten- 
tement à  ceulx  de  la  nouvelle  relligion  »,  il  offrit  40  livres  de  gros  et, 
«  pour  éviter  mises  superflues  et  inutilles  »,  il  défendit  d'ériger  plus  de  deux 
temples  (^). 

Quant  à  l'établissement  d'une  taille  générale,  il  ne  l'autorisa  pas  davan- 


(^)  Strada,  op.  cil.,  Supplémeiit,  l.  II,  p.  407.  —  L'autorisation  était  à  peine  accordée, 
qu'une  délégation  des  Consaux  alla  visiter  les  abords  des  portes  de  Marvis,  de  Valenciennes 
et  Cocquerel,  s'enquit  si  ces  endroits  désignés  par  le  comte  se  prêtaient  à  l'édificalion  de 
t«mples  et  se  rendit  ensuite  à  l'hôpital  Saint-Nicolas  [a],  en  la  «  grange  aux  engins  »  où  se 
remisait  l'artillerie  démodée  de  la  ville,  et  enfin  sur  le  quai  Taille-Pierres,  en  un  endroit  où 
on  emmagasinait  les  matériaux  de  démolition  des  propriétés  communales,  à  la  «  grange 
à  cailloux  »,  conmie  le  désignait  le  peuple  (b).  C'était  dans  ces  locaux  fort  peu  convenables, 
on  en  conviendra,  au  milieu  de  vieux  canons  ou  de  poutres  vétustés  que,  durant  la 
construction  des  temples,  devaient  se  pratiquer  les  exercices  d'un  culte  suivi  par  près  des 
quatre  cinquièmes  de  la  population  tournaisienne. 

(2)  Voir  Pièces  justificatives,  n°  XVll.  Rapport  du  Magistrat. 

(3)  Idem.  —  Le  comte  de  Hornes  ne  voulait  que  deux  temples,  parce  qu'il  n'y  avait  à 
Tournai  que  deux  pasteurs,  qui  étaient  alors  Ambroise  Wille  et  Marmier.  (Voir  Rapport  du 
Magistral.) 

(o)  L'hôpital  Saint-Nicola?  était  situé  rue  Saint-Martin. 

(b)  Voir  Pièces  justificatives,  n»  XVII.  Rapport  du  Magistrat,  et  Pièces  comptables,  20  sep- 
tembre 1.^. 


AU  POFNT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  145 

tage.  Il  permit  seulement  que  les  réformés  recueillissent  en  ville  dos  dons 
volontaires  en  argent  et  chargea  de  cette  mission  les  calvinistes  Guillaume 
de  Tourcoing,  Andrieu  Merman,  Jérôme  du  Pire  et  Simon  Âimeries  ('). 

L'argent  ne  manqua  point;  bienlôt  les  calvinistes  achetèrent  à  Isabelle 
Godanlt,  veuve  de  Jean  de  Villers,  un  terrain  sis  hors  la  porte  Cocque- 
relle  (")  et,  le  7  octobre,  ils  jetèrent  les  fondements  de  leur  premier 
temple  ('^). 

Les  calvinistes  avaient  gain  de  cause. 

Mais  ils  ne  jugèrent  pas  leur  triomphe  complet.  Ils  allaient  posséder,  il 
est  vrai,  des  temples  pour  y  faire  leurs  prêches;  ils  voulurent  pouvoir 
y  célébrer  les  cérémonies  de  leur  culte. 

L'après-midi  du  19  septembre,  Nicolas  Tatïîn,  l'un  des  plus  éloquents 
défenseurs  de  la  Réforme  à  Tournai,  Jean  Opalfens,  Jérôme  du  Pire  et  les 
pasteurs  Wille  et  Marmier  réclamèrent  du  comte  de  Hornes  et  des  magistrats 
réunis  en  la  maison  de  Jean  Says,  une  modification  à  un  article  du  com- 
promis, qu'au  nom  des  calvinistes  tournaisiens,  ils  avaient  fait  le  46  septembre 
avec  le  Commissaire  du  Gouvernement  (*). 

L'article  à  modifier  était  ainsi  conçu  :  «  ils  (les  calvinistes)  pourront 
seulement  les  dimenches  et  festes  faire  l'exercice  de  leurs  prêches  et  ne  leur 
sera  nullement  licite  de  porter  aucunes  armes  tant  en  allant  que  retour- 
nant »  (°). 


(i)  Voir  Pièces  justificatives,  n°  XVII.  Rapport  du  Magistrat. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  Prévôts  et  jurés,  reg.  n"  3337,  3  octobre  1S66.  — 
Ce  terrain  avait  une  superficie  de  12  à  13  ares. 

(3)  Idem.  Pasquier  de  le  Barre  dit  à  propos  de  ce  temple,  f|ue  la  première  pierre  en  fut 
jetée  le  lundi  7  octobre  1566  et  que  les  fondations  furent  constituées  à  l'aide  «  des 
ymaiges  de  pierres  quy  avoient  esté  rompues  et  sacaigées  es  églises  paroichiaies  et  cloistres 
de  la  ville...  quy  estoit  chose  fort  desplaisante  aux  catholicques...  que  de  veoir  les  ymaiges 
et  simulacres  des  saincts  et  sainctes  quy  avoient  esté  sy  hault  esievez  et  tant  honnorez  et 
révérendez  et  par  sy  longtemps,  estre  en  un  moment  sy  rabaissées  que  de  servir  aux 
fondations  d'un  lieu  que  l'on  entendoit  aproprier  au  mépris  et  deshonneur  d'icelles 
ymaiges  »...  (Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  192,  §  2.) 

(♦)  Voir  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Rapport  du  Magistrat.  —  On  sait  que  c'est  à  la 
suite  de  cette  entente  que  les  églises  furent  rendues  au  culte  catholique. 
(S)  Voir  Pièces  justificatives,  n°  XVII.  Rapport  du  Magistrat. 

Tome  I.  —  Lettres,  etc.  19 


146  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVl^  SIÈCLE 

Nicolas  Talïin  voulut  remplacer  les  mots  «  exercice  de  leurs  presches  » 
par  ceux-ci  :  «  exercice  de  leur  religion  »,  et  réclamait  pour  son  culte 
le  droit  de  procéder  librement  à  «  radministration  des  sainclz  sacremens  », 
comme  au    baptême,  à   la  bénédiction    nu|)liale,   à   Pensevelissement  des 
morts,  etc.  ('}. 

Le  comte  refusa  de  consentir  à  cette  exigence  nouvelle,  et  se  voyant 
incapable  de  satisfaire  pleinement  le  peuple  sans  faire  des  concessions 
dangereuses  pour  sa  responsabilité  ou  coniraires  aux  intentions  du  Gouver- 
nement, il  n'eut  plus  qu'une  idée,  abandonner  Tournai  au  plus  tôt.  «  Je 
supplirai,  écrit-il  à  x"yjarguerite  de  Parme,  sur  le  tout  avoir  briefve  dépesche, 
pour  sortir  de  ce  lieu  où  je  suis  le  plus  fâché  que  fut  oncques  gentilhomme 
de  ma  qualité  »  ("). 

Sa  lettre  croisa  une  invitation  de  la  Régente  à  se  rendre  en  Cour  (^). 
Craignant  que  son  départ  précipité  ne  provoquât  «  quelque  nouvelle  altéra- 
tion »  (^)  et  redoutant  «  que  sy  les  choses  n'étoient  pacifiées  avant  son 
partement,  durant  son  absence  se  pouroit  engendrer  quelque  désordre  »  (^), 
il  ne  quitta  pas  son  poste  et  se  remit  à  négocier  avec  les  calvinistes  au  sujet 
de  l'exercice  de  la  religion  réformée. 

Celte  question  traîna  longtemps,  et  on  n'en  entrevoyait  point  encore  la 
solution,  quand,  le  13  octobre,  un  ordre  formel  de  la  Régente  rappela 
de  Hornes  à  Bruxelles. 

IV.  Le  45  octobre,  le  comte  quitta  Tournai  sans  regret. 

iMalgré  tout  l'ascendant  qu'il  exerçait  sur  le  peuple,  il  sentait  que  la  faveur 


m 


publique  l'abandonnait  C^)  ;  d'autre  part,  battu  en  brèche  à  la  Cour  et  au 


(<)  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Rapport  du  Magistral. 

{i)  Strada,  op.  cit..  Supplément,  t.  II,  p.  426. 

(3)  Idem,  Ibid.,  t.  II,  p.  424.  —  La  ducliesse  lui  écrivait  :  «  Sitost  que  vous  aurez  mis 
quelque  ordre  au  plus  nécessaire  et  que  les  affaires  seront  aucunement  remédiez  ou  enclie- 
minez  en  meilleurs  termes,  vous  veullez  vous  trouver  icy...  » 

{*)  Stbada,  op.  cit..  Supplément,  t.  II,  p.  427. 

(5)  Pièces  justificatives,  n°  XVII.  Rapport  du  Magistrat. 

(6)  Strada,  op.  cit.,  Supplément,  t.  II,  p.  485. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  \i7 

Conseil  d'État  par  de  calomnieux  rapports  de  ses  sous-ordres  à  Tournai,  il 
avait  perdu  tout  crédit  auprès  de  Marguerite  de  Parme,  qui  hypocritement 
dénaturait  ses  moindres  paroles,  ses  moindres  gestes. 

Le  24  septembre,  elle  approuvait  tout  ce  qu'avait  fait  de  Ilornes  en  vue 
de  la  pacification  des  esprits  à  Tournai  ('),  mais  dix  jours  auparavant,  elle 
avait  secrètement  (")  fait  prêter  au  lieutenant  du  comte,  à  Jean  du  Chasteler, 
le  serment  de  faire  bonne  garde  au  Château,  pour  le  défendre  au  besoin 
contre  Philippe  de  Monlmoroncy  cl  les  confédérés  ( '). 

La  suspicion  atteignait  le  Commissaire  du  gouvernement  dans  tous  ses 
actes. 

Faisait-il  venir  au  Château,  [)our  ses  couches,  sa  belle-sœur  Hélène 
de  Meleun,  femme  de  Floris  de  iMontmorency  ('),  on  l'accusait  de  trahir  le 
roi  et  sa  cause.  La  présence  de  celte  dame  au  Château  occasionnant  des 
allées  et  venues  de  ditïérenis  seigneurs,  on  lui  imputait  à  crime  ces  visites  et 
on  le  soupçonnait  de  laisser  ou  mémo  de  faire  étudier  les  défenses  et  les 
abords  de  la  forteresse  pour  en  faciliter  la  conquête  aux  calvinistes. 

Maximilien    Morillon,   le   même   qui   plus   fard   devait    être   évéque   de 


("•)  Sthada,  iip.  cit.,  Supplément,  t.  Il,  p.  436. 

(2)  Idem,  Ibid.,  t.  Il,  p.  441. 

(3)  Gachard,  Correspondance  de  Philippe  II,  t.  I,  p.  467,  lettre  de  la  duchesse  de 
Parme  au  roi,  le  27  septembre  1S6t)  :  «  Elle  fait  prêter  par  Moulbais,  lieutenant  de 
M.  de  Monligny,  le  serment  qu'il  ferait  bonne  garde  au  Château  deTournay,  craignant  que 
Ilornes  et  les  confédérés  ne  voulussent  s'en  rendre  maîtres;  elle  n'est  pas  encore  hors  de 
tout  soupçon  à  cet  égard,  parce  que  ledit  comte  a  fait  venir  au  Château  la  princesse  d'Epinoy 
et  sa  fille,  épouse  de  iMontigny,  pour  que  cette  dernière  y  fasse  ses  couches  et  cela  malgré 
les  représentations  de  la  duchesse  et  son  offre  de  recevoir  iVI""=  de  Montigny  au  palais  de 
Bruxelles;  Hornes,  d'Esquerdes,  Villers  et  les  autres  confédérés  profitent  de  la  présence 
des  deux  dames  au  Château  pour  les  y  visiter  et  en  même  temps  ils  examinent  les  forti- 
fications, ce  qui  peut  avoir  de  grands  inconvénients...  »  —  Voir  aussi  Pasquier  de  le  Barre, 
op.  cit.,  t.  I,  p.  344,  lettre  de  Marguerite  de  Parme  à  Jean  du  Chasteler  en  date  du 
29  septembre. 

(*)  Hélène  do  Meleun  était  la  femme  de  Floris  de  Montmorency,  retenu  par  Philippe  II 
en  captivité  en  Espagne.  Elle  était  arrivée  à  Tournai  en  compagnie  de  sa  mère,  le 
16  septembre.  (Voir  Pasquiek  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  179,  §  2.) 


148  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

Tournai  ('),  va  jusqu'à  écrire  à  Granvelle  que  le  comte  de  Hornes  «  s'est 
fait  payer  par  des  marchands  tournaisiens  3,000  francs  qu'il  devait  à  des 
Anversois,  qu'il  a  accordé  aux  calvinistes  pour  leurs  prêches  quatre  églises 
paroissiales,  elc.  »  ("). 

Et  ce  sont  de  pareilles  inepties  qui  servirent  plus  lard  à  étayer  l'accu- 
sation qu'on  porta  contre  Philippe  de  Montmorency  (■^)  ! 

La  seule  chose  qu'on  pourrait  peut-être  reprocher  au  comte  de  Hornes, 
c'est  qu'il  a  autorisé  momentanément  les  prêches  urbains,  malgré  les  ordres 
de  la  duchesse.  xMais  encore  ne  faudrait-il  point  perdre  de  vue  que  tous, 
magistrats,  évêque,  habitants,  le  poussaient  h  commettre  celte  infraction  et 
que  la  Gouvernante  elle-même  n'en  sembla  pas  offusquée,  puisqu'elle  lui 
écrivit  le  24  septembre,  «  je  ne  vous  dirai  autre  chose,  sinon  que  en  tout 
ce  que  vous  avez  fait,  il  n'y  a  rien  à  redire  »  ('). 


(1)  Maximilien  Morillon,  fils  de  Gui  Morillon  et  de  Charlotte  de  Mil,  naquit  à  Louvain 
en  1517.  Sa  famille  était  originaire  de  la  Franche-Comté.  Après  avoir  étudié  à  l'Université 
de  Louvain,  il  termina  ses  études  à  l'Université  de  Dole  en  1S38.  Licencié  en  droit,  il  prit 
bientôt  les  premiers  ordres  sacrés  et  ne  larda  pas  à  se  destiner  à  l'Eglise.  Dès  1332, 
Morillon  était  lié  d'amitié  avec  Granvelle,  qui  devint  son  protecteur  en  même  temps  que 
son  ami.  On  le  vit  successivement  devenir  secrétaire  de  Granvelle,  alors  évêque  d'Arras, 
chanoine  et  écolâtre  de  la  cathédrale  d'Arras,  chanoine  de  Saint-Rombaut  à  Malines 
en  1344,  chanoine  de  Saint-Bavon  à  Gand,  chanoine  de  Sainte-Gudule  à  Bruxelles,  prévôt 
de  Saint-Pierre  à  Aire  en  Artois  en  1339,  archidiacre  et  premier  vicaire  général  pour  le 
diocèse  de  Malines  en  156t,  après  que  Granvelle  eut  été  élevé  à  la  dignité  archiépisco- 
pale, etc.  En  1582,  après  le  décès  de  Pierre  Pintaflour,  le  roi  nomma  Morillon  évêque  de 
Tournai.  Il  reçut  la  confirmation  et   l'institution   canonique   par  bulle   pontificale  du 

10  septembre  1383,  fut  consacré  à  Tournai  le  16  octobre  suivant  et  fit  sa  joyeuse  entrée 
dans  sa  ville  épiscopale  le  17.  Il  mourut  subitement  le  27  mars  1586,  six  mois  avant 
Granvelle  qui  était  resté  son  protecteur,  son  ami  et  son  confident.  (Voir  Correspondance  de 
Granvelle,  édil.  Poullet,  t.  I,  p.  12,  note  1.) 

(2)  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  1,  p.  493,  lettre  du  22  septem- 
bre 1566,  de  Morillon  à  Granvelle.  —  Ces  renseignements  donnés  par  Morillon  sont  faux. 

11  n'y  a,  à  notre  connaissance,  aucun  document  ni  aucune  allusion  se  rapportant  à  cette 
atfaire  des  3,000  florins;  quant  aux  églises,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  dès  le 
16  septembre  elles  étaient  retirées  des  mains  des  calvinistes.  (Voir  Archives  communales  de 
Tournai,  Registre  aux  publications,  publication  du  16  septembre  1366.) 

(3)  Strada,  op.  cit..  Supplément,  t.  I,  pp.  120  et  seq. 

(*)  Idkm,  Ibid.,  t.  II,  pp.  390,  392,  393,  413,  436.  —  On  ne  peut  invoquer  que  la  duchesse 
n'avait  pas  reçu  la  lettre  du  18  septembre,  à  elle  adressée  par  le  comte  de  Hornes  et  par 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  149 

A  la  vérité,  si  quelqu'un  a  mérilé  d'être  blâmé,  c'est  Marguerite  de  Parme, 
(|ui  par  sa  conduite  astucieuse  et  fourbe  envers  Philippe  de  Montmorency  a 
prouvé  une  fois  de  plus  «  quelle  était  restée  cette  femme  en  qui  il  était 
interdit  d'avoir  foi  »  ('). 

Pour  quiconque  a  lu  les  lettres  que  le  comte  de  Hornes  adresse  soit 
à  Viglius,  soit  à  son  frère  Floris,  soit  à  son  propre  secrétaire,  soit  à 
Philippe  H  lui-même,  la  pureté  des  intentions  du  Commissaire  du  gouver- 
nement n'est  point  douteuse.  On  ne  peut  contester  leur  ton  de  siiicérilé  et  on 
comprend  la  profonde  douleur  qu'il  dut  ressentir  quand  il  s'aperçut  que  ses 
meilleures  intentions  étaient  suspectées,  sinon  dénaturées  en  projets 
criminels  ("'). 

A  notre  sens,  peut-être  de  Hornes  a-t-il  eu  des  torts  ailleurs,  mais 
à  Tournai  il  n'en  eut  point  et  il  y  a  rempli  sa  mission  au  mieux  des  intérêts 
de  tous,  du  roi  comme  des  habitants. 

V.  Quelques  jours  après  le  départ  de  Philippe  de  Montmorency,  Jean 
du  Chasteler,  envers  (|ui  le  peuple  n'avait  cessé  de  montrer  de  l'hostilité,  fut 
chargé  du  gouvernement  de  Tournai  ;  en  même  temps  le  secrétaire  du 
Conseil  privé,  Jacques  de  la  Torre,  reçut  la  mission  de  «  maintenir  la 
concorde  entre  les  catholiques  et  ceux  de  la  religion  nouvelle  »  (•^). 

De  la  Torre  arriva  le  28  octobre  à  Tournai  ;  le  30,  il  voulut  reprendre 
la  discussion  avec  les  pasteurs  et  les  marchands  calvinistes  sur  la  question 
de  l'exercice  public  de  la  religion  réformée. 

Les  calvinistes,  ne  lui  reconnaissant  aucune  qualité  olïicielle,  refusèrent 
d'entrer  en  rapport  avec  lui.  Enlin  l'atTaire  s'arrangea.  Mais  bientôt  un 
nouvel  accroc  survint.  Los  calvinistes  prétendent  avant  tout  faire  changer  les 


laquelle  celui-ci  l'informait  qu'il  avait  accordé  «  quelques  places  prophanes  »,  car  elle  dit 
dans  sa  lettre  du  24  précitée  :  «  Pour  respondre  à  deux  de  vos  lettres,  la  première  du 
18  et  la  seconde  du  19  de  ce  mois...  » 

(ij  Prescott,  Le  règne  de  Philippe  II,  t.  11,  p.  308. 

(2)  Strada,  op.  cit..  Supplément,  t.  Il,  pp.  409;  415-416;  466-467;  470-471;  482;  491  ; 
493;  499;  304,  etc. 

(3j  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Rapport  du  .Magistrat,  p.  62. 


ISO  TOURiNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

termes  «  religion  nouvelle  »  en  «  religion  réformée  »  ;  définissent  ce  qu'ils 
entendent  par  «  exercice  de  leur  religion  »  (');  bref  de  la  Torre  subit  un 
échec  complet  et,  craignant  de  perdre  dans  une  aussi  mauvaise  affaire 
la  bienveillance  de  la  duchesse,  il  préfère  tout  abandonner.  Le  3  novembre, 
il  quille  Tournai  ('^). 

Le  7  du  même  mois,  la  discussion  fut  reprise  par  les  fonctionnaires  du 
bailliage,  le  Magistrat  et  le  Gouverneur,  et,  comme  il  fallait  en  finir,  Jean 
du  Chasteler  mil  les  calvinistes  en  demeure  d'avoir  «  à  déclairer  purement 
et  simplement  s'ils  acceploienl  ou  refusoienl  iceux  articles  »  (•^). 

Nicolas  Tafifin  ergota  à  nouveau,  réclama  des  explications  complémen- 
taires, donna  les  siennes  el  chercha  à  obtenir  pour  ceux  de  la  nouvelle 
religion  une  autorisation  légale  d'exercer  publiquement  leur  culte  (^). 

On  eul  beau  leur  promettre  de  la  pari  du  Conseil  d'Étal,  de  la  pari  de 
Viglius  lui-même  «  la  dissimulation  et  la  connivence  des  magistrats  el 
officiers  »  de  justice  (^),  ils  n'en  voulurent  point.  Il  leur  fallait  un  texte  clair 
et  précis,  leur  permettant  de  professer  publiquement  les  cérémonies  de  la 
religion  réformée.  M  Marguerite  de  Parme,  ni  le  Conseil  d'État,  ni  le 
Gouverneur  de  Tournai  ne  consentirent  à  le  leur  accorder.  Faites  donc 
comme  en  Flandre,  en  Brabanl  et  en  Hollande,  leur  disaient-ils  j  là  on  n'a 
permis  rien  de  ce  que  vous  prétendez  obtenir  ici;  cependant  les  baptêmes, 
les  mariages  el  les  ensevelissements  des  calvinistes  s'y  font  selon  les  rites 
réformés  el  sous  l'œil  indifférent  de  la  justice  ("). 

Les  réformés  persisiérenl  dans  leur  refus  et  s'entêtèrent  dans  leur  idée 
d'arracher  à  l'Autorité  ce  qu'elle  ne  voulait  pas  leur  accorder,  malgré  les 
avertissements  que  leur  prodiguaient  les  catholiques  :  «  Prenez  garde,  leur 
criait,  durant  la  séance  des  Consaux  du  22  novembre,  le  second  conseiller 
pensionnaire  Jacques  Le  Clercq  ;  vous  dédaignez  la  connivence  de  la  Justice, 


(1)  Pièces  justificatives,  n°  XVIL  Rapport  du  Mayislrat. 
(••!)  Idem,  Ibid. 

(3)  Idem,  Ibid. 

(4)  Idem,  Ibid. 

(5)  Idem,  Ibid. 

(6)  Idem,  Ibid. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  151 

mais  je  vous  le  déclare,  cueillez  la  branche  tant  (ju'elle  est  verle  et  vivace 
encore,  il  vous  sera  sûrement  moins  accordé  dans  quinze  jours  »  ('). 

A  la  fin,  les  calvinistes  cédèrent  ! 

Le  25  novembre  une  députalion  composée  des  deux  pasteurs  et  de  cin(| 
des  principaux  réformés  lournaisiens  (^)  apporta  aux  Consaux  radhésion 
définitive  des  calvinistes  au  compromis  du  16  septembre,  mais  en  déclarani 
(|ue  l'Église  évangélicpie  de  Tournai  comptait  sur  la  bienveillance  de  la 
magistrature  et  que,  dans  leur  pensée,  le  mot  «  prêche  »>  signifiait  en  général 
«  exercice  de  la  religion  »  ('^). 


(1)  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Rapport  du  Magislrat. 

(2)  Cette  députalion  était  composée  des  deux  pasteurs  Ambroise  Wille  <■!  Marmicr,  ainsi 
que  de  Louis  Says,  Gilles  des  Espringalles,  Jean  Opalfens,  Guillaume  de  Tourcoing  et 
Nicolas  Gauche. 

(3)  Pièces  justificatives,  n°  XVll.  Rapport  du  Magislrat. 


132  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 


CHAPITRE  III. 

DÉCLIN   DK   LA   RÉFORME. 

Sommaire.  —  F.  La  réaction;  Marguerite  de  Parme  défend  l'exercice  de  la  religion  réformée; 
interdiction  des  prêches  urbains.  —  II.  Émotion  populaire;  arrivée  de  nonibreu.x 
Flamands;  pillage  des  abbayes;  défaites  de  Wattrelos  et  de  Lannoy.  —  III.  Entrée 
de  Noircarmes  à  Tournai;  ses  ettels;  départ  de  Noircarmes.  —  IV.  Le  duc  d'Albe.  — 
V.  Résistance  au  duc  d'Albe  :  les  Feuillars  et  l'opposition  aux  x*,  xx«  et  c  deniers. 

I.  Les  calvinistes  s'élaienl  péniblement  résignés  à  cette  concession;  il 
leur  peinait  d'être  à  la  merci  de  la  complaisance  de  certains  fonctionnaires 
pour  se  livrer  à  l'exercice  de  leur  culte.  Se  rappelant  la  faiblesse  antérieure 
du  Gouvernement,  ils  auraient  peut-être  recouru  à  l'émeute  pour  oblenir  la 
tolérance  religieuse  qu'on  leur  refusail,  quand  la  Cour  de  Bruxelles,  voulant 
redevenir  maîtresse  de  la  situation,  provoqua  par  l'énergie  de  ses  mesures  de 
nouvelles  émotions  populaires. 

Comptant  sur  l'aide  puissante  des  troupes  récemment  levées  par  elle  en 
Allemagne  ('),  la  Régente  voulut  revenir  en  arrière  et  faire  strictement 
appliquer  les  placards. 

Elle  donna  dans  ce  sens  des  instructions  sévères  à  ses  gouverneurs  de 
provinces  et  enjoignit  entre  autres  à  celui  de  Tournai,  si  le  peuple  de  celte 
ville  refusait  d'obéir,  de  fondre  sur  les  habitants,  de  canonner  la  cité  et  d'y 
mettre  au  besoin  le  feu  aux  quatre  coins  (^). 

L'attitude  énergique  du  Gouvernement  ralluma  l'ardeur  de  ses  fonction- 
naires et,  le  28  novembre,  trois  jours  après  la  promesse  de  la  connivence  de 
la  justice,  le  gouverneur  du  Chasteler  défendit  aux  Tournaisiens  de  se  rendre 
à  Valenciennes  pour  y  célébrer  la  cène,  s'ils  ne  voulaient  point  s'exposer 
à  voir  leurs  maisons  incendiées  ou  canonnées  par  l'artillerie  du  Château  ('^). 


(^)  Strada,  Supplément,  t.  Il,  pp.  51.5-518. 

(2)  Correspondance  de  Granvelle,  t.  II,  p.  159,  et  Straha,  Supplément,  t.  II,  pp.  518-519. 

(3)  Strada,  op.  cit.,  t.  Il,  pp.  519-320.  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  344, 
fol.  275  v°. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  t.iS 

Le  revirement  se  prépare! 

Déterminée  à  retirer  une  à  une  les  concessions  qu'elle  a  laissé  arraclier  à 
sa  faiblesse,  iVlargnerile  de  Parme  défendit  par  lotire  du  4-  décembre,  «  tout 
exercice  de  la  nouvelle  religion,  sauf  les  précbes» ,  qu'elle  autorisa  provisoire- 
meni,  «  pourvu  que  le  peuple  s'y  rendît  et  s'y  conduisît  sans  scandale  »  ('). 

Le  Magistrat  hésita  et  laissa  passer  quelques  jours  avant  de  publier  cette 
interdiction.  Le  9  décembre  dans  la  matinée,  il  avait  réuni  à  cet  effet  les 
principaux  des  calvinistes  à  la  Halle  des  (lonsaux,  (|unnd  le  peuple,  ameulé, 
pénétra  en  bandes  tumultueuses  dans  l'Hôtel  de  Ville,  s'opposa  à  la  lecture 
du  décret  et  réclama  impérieusement  la  mise  en  liberté  des  calvinistes 
emprisonnés  pour  cause  de  religion. 

Le  Magistrat  s'exécuta  et  croyant  avoir  momentanément  calmé  la  foule  par 
cet  acte  de  faiblesse,  il  remit  à  l'après-midi  la  communication  de  la  lettre  du 
4.  décembre. 

Mais  la  multitude,  plus  nombreuse  encore  que  le  matin,  fit  de  nouveau 
irruption  dans  le  prétoire  des  prévôts  et  jurés,  se  porta  à  des  voies  de  fait 
envers  le  grand  prévôt  et,  pour  résister  à  une  agression  de  la  milice 
du  (Ihâteau  autant  que  pour  s'opposer  à  l'arrivée  d'une  garnison  nouvelle, 
elle  s'empara  des  «  fusils  »,  fauconneaux  et  autres  pièces  d'artillerie  ap|)ar- 
tenant  à  la  ville  et  monta  la  garde  dans  les  principales  rues,  surtout  sur  la 
grand'place  ("^). 


[i)  Pièces  justificatives,  n°  XVII.  Rapporl  du  Magistrat. 

(2)  Voir  Pièces  justificatives,  n"  XVII.  Archives  de  l'Etat  à  Mons,  tîegistre  aux  sentences 
criminelles.  Bailliage  de  Tournai-Tournaisis,  fol.  12  v°  et  13  r"  :  «  Jean  Drappier  dict 
Bourghuignon,  monnier^rins  le  prévost  de  la  commune  d'icelle  ville  par  le  poing,  luy 
disant  s'il  consentoit  que  garnison  estrangère  entrist  par  le  Château  en  icelle  ville,  qu'il 
seroit  le  premier  à  quy  on  copperoit  la  gorge...  »  —  Archives  communales  de  Tournai, 
Compte  généi'al,  1.^66-1367,  fol.  62  :  «  Audict  maistre  Jacques  Leclercq  pour  soy  avoir 
transporté  en  la  ville  de  Bruxelles...  pour  remonstrer  à  son  Alteze  les  troubles  et  esmotions 
populaires  advenues  pour  la  crainte  que  plusieurs  sectaires  avoit  conçeu  de  la  gendarmerie 
estrangière  qui  s'eust  peu  envoyer  en  la  dicte  ville  de  Tournay  et  comment  ils  s'estoient 
emparer  des  bastons  à  cro,  fauiconneaux  et  aultrcs  pièces  d'artillerie  d'icelle  ville  et  icelles 
mises  en  partie  es  mains  des  capitaines  lors  ordonnez  et  en  partie  aux  emboucures  du 
grand  marchié...  »  —  Pasquier  de  le  Barbe,  op.  cit.,  t.  II,  pp.  213-214. 

Tome  I.  —  Lettres,  eti..  SJt> 


154  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

Les  Consaux  purenl  néanmoins  se  réunir  sans  encombre  le  lendemain,  et 
donner  connaissance  des  ordres  de  la  Régente  aux  principaux  calvinistes. 
Ceux-ci  résolurent  de  ne  point  s'y  soumettre.  «  Nous  désirons,  disaient-ils, 
vivre  selon  la  volonté  de  Philippe  II  et  de  Marguerite  de  Parme,  mais  nous 
entendons  que  Pcxercice  de  noire  religion  ne  nous  soil  pas  interdit.  »  C'était 
réclamer  du  roi  la  reconnaissance  de  la  tolérance  religieuse  ('). 

Le  Magistrat  ne  vil  d'autre  moyen  pour  sortir  de  celle  dangereuse  situation 
que  d'en  référer  à  la  Cour,  el  il  envoya  à  Bruxelles  le  conseiller  Jacques 
Le  Clercq.  De  leur  côté,  les  calvinistes  chargèrent  ce  même  conseiller  de 
remettre  à  Marguerite  une  requête,  dans  lacjuelle  ils  exposaient  clairement 
quelles  conséquences  allaient  résulter  si  le  Gouvernement,  s'obstinant  dans  son 
parti  pris  de  réaction,  continuait  à  ne  pas  vouloir  de  la  tolérance  religieuse. 
Nous  n'avons  nullement  besoin,  écrivaient-ils  à  la  duchesse,  d'une  garnison 
nouvelle  qui  ne  commellra  que  vols  et  larcins  comme  à  Saint-Amand, 
Valenciennes  el  autres  villes;  celle  du  Château  suffira  pour  maintenir 
l'ordre;  mais  nous  n'en  voulons  surtout  pas,  de  ces  nouveaux  soldats,  parce 
que  nous  craignons  d'être  réduits  par  la  violence  «  à  l'observance  de 
l'anchienne  religion  »  ;  nous  nous  opposerons  de  toutes  nos  forces  à  l'entrée 
de  nouvelles  troupes  en  ville,  dùt-il  s'ensuivre  la  ruine  complète  de  Tournai. 
Jusqu'à  la  prochaine  réunion  des  Etals  Généraux,  laissez-nous  user  de  nos 
prêches,  laissez-nous  jouir  des  places  qui  nous  ont  été  assignées  pour 
l'exercice  de  notre  religion,  et  nous  vous  donnons  l'assurance  que  grâce  à 
«  la  liberté  de  conscience  » ,  notre  ville  verra  renaître  avec  l'apaisement 
général  et  la  réconciliation  de  tous  les  Tournaisiens,  la  prospérité  commer- 
ciale el  industrielle  aujourd'hui  disparue  ("). 

Il  ne  fallait  pas  attendre  du  conseiller  Le  Clercq  (ju'il  s'employât  à  faire 
admettre  les  vœux  des  calvinistes;  catholique  comme  il  l'était  ou  plutôt 
conmie  on  l'était  à  celle  épo(|ue,  il  trouvait  sans  doute  que  le  Gouvernemenl 
avait  trop  longtemps  tergiversé,  el  devait  se  réjouir  de  le  voir  s'engager  dans 


{*)  Voir  l*ASQuiER  DE  I.E  Barre,  op.  cU.,  t.  I,  pp.  271-272,  et  Pièces  justificatives,  n"  XVII. 
Rapport  du  Magistral. 

(2)  Voir  Pièces  justificatives,  ii"  XVII.  Rapport  du  Magistral. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  13o 

une  voie  nouvelle.  Aussi  introduit  devant  le  Conseil  d'Étal,  il  ne  se  lit  pas 
faute  de  dépeindre  sous  des  couleurs  sombres  la  situation  laite  à  Tournai 
«  aux  gens  de  bien  »,  c'est-à-dire  aux  catholi(|ues,  par  les  exigences  des 
adeptes  de  la  Uéfornic.  Pour  empêcher  la  ruine  de  la  ville,  il  ne  préco- 
nisa (ju'un  moyen  :  y  introdinre  par  le  Cbàtcau  sans  tarder  une  forte 
garnison  ('). 

Le  conseil  était  ingénieux.  La  forteresse  bâtie  par  Henri  VIII  pour  main- 
tenir en  respect  le  peuple  lournaisien,  englobait  dans  une  vaste  et  formidable 
enceinte  tout  un  quartier  de  la  cite,  |)res(|ue  un  huitième  de  sa  superficie 
totale,  l'isolait  complètement  et  en  faisait  une  place  fortifiée  dans  la  ville 
même.  Au  sud,  une  solide  tête  de  pont  franchissant  l'Escaut  et  pouvant 
balayer  du  feu  de  ses  canons  la  rue  de  la  Tète  d'argent,  commandait  loule 
la  partie  haute  de  la  ville;  vers  l'est,  un  fossé  profond  et  d'épaisses  murailles 
bien  armées  séparaient  celte  forteresse  des  quartiers  de  la  rive  droite,  tandis 
(|u'au  nord  et  à  l'ouest,  vers  la  campagne,  la  hauteur  de  ses  tours  comme  la 
solidité  de  ses  murs  rendaient  la  citadelle  imprenable  pour  tout  ennemi  du 
dehors  ('^).  De  ces  côtés  donc,  il  eût  élé  facile  à  un  capitaine  habile  et 
entreprenant,  ayant  des  intelligences  dans  la  place,  de  jeter  nuitamment 
dans  le  (Château,  sans  que  les  Tournaisiens  s'en  aperçoivent,  une  ou  plusieurs 
enseignes  d'infanterie. 

Cependanl  le  Gouvernement  ne  crut  pas  devoir  recourir  à  ce  stratagème. 
Il  |)rélerail  essayer  d'enlever  aux  calvinistes,  sans  l'aide  de  l'armée,  jusqu'à 
la  moindre  des  concessions  qui  lui  avaient  été  arrachées. 

Il  venait  de  se  refuser  à  tolérer  désormais  l'exercice  de  la  religion 
de  Calvin;  ce  n'était  là  qu'une  étape. 

Frapper   la    Réforme   au   cœur,  tel   était   son    bul.   Pour   l'atteindre,  il 


'<)  Pièces  justificatives,  n°  XVli.  ttapport  du  Magistral.  Il  demanda  même  que  les 
troupes  royales  abandonnassent  le  siège  de  Valenciennes  et  vinssent  immédiatement 
à  Tournai. 

(2)  Voir  pour  la  topographie  de  la  citadelle,  Atlas  des  villes  de  la  Belgique  au 
XVI'  siècle,  par  le  géographe  Jacques  de  Déventer;  Bruxelles,  Institut  national  de 
géographie. 


\m  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI<>  SIÈCLE 

ordonna,  le  15  décembre,  au  seigneur  de  Moulbais  de  signifier  aux  membres 
du  Consistoire  de  la  religion  évaiigélique  qu'ils  avaient  à  dissoudre  au 
plus  loi  les  associations  antérieurement  formées,  à  ne  plus  s'assembler  à  lilre 
de  colloque,  conférence  ou  synode,  et  à  s'ahslenir  de  prêcher  la  religion 
nouvelle  dans  les  villes,  temples,  églises,  cimetières  ou  autres  lieux  saints. 

Il  ordonnait  aussi  de  faire  visiter  les  écoles  tant  publiques  que  privées,  et 
de  fermer  celles  où  sérail  donné  un  enseignement  contraire  aux  idées  du 
Gouvernement,  un  enseignement  calviniste  (^). 

C'élail  rendre  impossible  la  moindre  manifeslalion  de  la  religion  calvi- 
niste. Les  prêches  champêtres  n'étaient  pas  encore  prohibés,  mais  interdire 
«  aux  ministres,  prédicants  et  aulires  semblables  gens  de  ne  plus  se 
congréger,  ny  faire  assemblée  soit  à  lilre  de  colloque,  conférence  ou 
synode  »  (^),  sous  menace  de  peine  capitale,  n'était-ce  point  par  le  fait 
même  empêcher  tout  fonctionnement  de  l'Église  évangélique  à  Tournai,  el 
vouer  celle-ci  à  la  ruine? 

II.  Le  peuple  le  comprit  ainsi  et,  se  voyant  réduit  à  la  soumission  aux 
ordres  de  la  duchesse  ou  à  la  rébellion,  il  aima  mieux  lutter  les  armes  à  la 
main  pour  la  tolérance  religieuse. 

Huit  jours  durant,  la  cité  fut  en  elTervescence.  Partout  retentissaient  les 
cris  :  «Vivent  les  gueux;  vivent  les  mutins;  vivent  les  libertins  »  (•^);  puis 
le  23  décembre,  les  Tournaisiens  sortirent  en  masse  de  leur  ville  et  allèrent 
camper  en  armes  non  loin  de  l'abbaye  de  Saint-Nicolas-des-Prés,  hors 
la  porte  de  Valenciennes,  sur  les  rives  de  l'Escaut. 

Selon  la  prédiction  du  pasteur  3Iarmier,  qui  avait  prévenu  les  Consaux 
«  de  la  descente  et  esmotion  des  inhabitans  du  pays  depuis  la  mer  de  la 


(i)  Voir  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  346-350.  —  Gachard,  Rapport  sur  les 
Archives  de  Lille.  Bruxelles,  Hayez,  1841,  p.  222,  n°  31. 

(2)  Voir  Pasql'iek  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  I,  p.  348. 

(3)  Arctiives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n»  149,  20  décembre  1366. 
Les  nommés  Jean  Houbenne,  Valenlin  Ratel  et  Philippe  Boutelier,  accusés  d'avoir  poussé 
ces  cris,  furent  condamnés  à  être  fustigés  de  verges,  puis  bannis  à  toujours  de  Tournai  et 
du  Tournaisis. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  1S7 

Basse-Flandre  jusques  au  Chasiel  en  Catnl)rpsis  »  (*),  de  nombreux  Flamands 
d'Armenliéres,  de  Tourcoing,  d'Ypres,  de  Lille  et  d'autres  lieux  encore, 
vinrent  grossir  leurs  rangs,  avec  d'aulanl  plus  d'empressement  (pie  les 
ministres  ou  leurs  émissaires,  parmi  les(|uels  il  faut  [)arliculièrement  ciler  le 
'l'ournaisien  Robert  Therret('-),  leur  avaient  ccriifié  «  qu'ils  trouveraient 
à  Tournai  le  comte  d'Egmont  el  le  seigneur  de  Dréderode  à  la  tète  de  douze 
mille  chevaux  »  ('). 

La  ville  d'Armeutières  à  elle  seule  envoya  à  Tournai  plus  de  trois  cents 
hommes;  celte  troupe  se  grossit  le  long  du  chemin  qu'elle  suivit  par 
Quesnoy-sur-Deule,  Tourcoing,  Waltrelos  cl  Templeuve  (■*),  si  bien  qu'à 
sa  première  élapes  à  Quesnoy,  elle  comptait  déjà  plus  de  neuf  cents 
hommes  (*). 

Sur  leur  passage,  les  Flamands  n'épargnérenl  aucun  temple,  aucune 
maison  conventuelle.  A  Quesnoy,  ils  incendièrent  l'église  et  etdevèrent  du 
château  quelques  pièces  d'artillerie  C^);  à  Tourcoing,  à  VVattrelos,  ils  mirent 
en  pièces  les  objets  du  culte  Ç),  et  non  loin  de  Tournai,  à  Templeuve,  ils 
s'emparèrent  du  château  et  des  armes  et  armures  qu'il  renfermait,  puis 
«  boulèrent  le  feu  »  au  clocher  de  l'église,  parce  que  le  bailli  du  village  s'y 
était  enfermé  avec  quelques  catholiques,  pour  empêcher  qu'on  y  brisât  les 
cloches  (^). 

Jean  Huseman  el  Jean  Taingtenier,  maître  d'école,  s'étaient  transportés  à 


(1)  Pièces  justificatives,  n"  XVll.  Rapport  du  Magistrat. 

f2)  Voir  £d.  Dt:  Coussemakeh,  Troubles  reliijieux  duXVI"  siècle  dam  la  Flandre  maritime. 
Bruges,  1876,  t.  II,  p.  262. 

(3)  Idem,  Ibid.,  t.  II,  p.  260,  et  Archives  de  l'État  k  Mons,  Registre  aux  sentences  crimi- 
nelles, fol.  20  r°. 

(*)  Idem,  Ibid.,  t.  Il,  pp.  250-260;  263;  3o8-3o9,  etc. 

(3)  Voir  Pasquier  de  le  Bakre,  op.  cit.,  t.  II,  p.  103.  —  Lettre  des  échevins  de  Lille  à 
Marguerite  de  Parme,  26  décembre  1566. 

(6)  Idem,  Ibid.,  t.  II,  p.  103. 

P)  Idem,  Ibid.,  t.  Il,  p.  103. 

(8)  Idem,  Ibid.,  t.  Il,  pp.  7, 104  et  215.  Archives  de  l'Étal  i\  Mons,  Registre  aux  sentences 
criminelles,  fol.  14  et  19. 


158  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

Chin,  tJans  la  maison  du  chanoine  Jacques  Robert  ('),  et  y  enrôlèrent  sous 
la  bannière  des  gueux  les  calvinistes  valides  de  Tournai  ("'). 

Près  de  six  mille  hommes  furent  bientôt  campés  autour  de  l'abbaye  de 
Saint-Nicolas-dos-Prés  (^),  dans  un  espace  (|ue  limitaient  les  murs  de  la  ville 
d'un  côté,  l'Escaut  à  gauche  et  le  rieu  de  Barges  au  front,  dans  une  position 
que  Philippe  de  Sainte-Aldegonde  jugeait  presque  imprenable  (^). 

Cette  pelile  armée  fut  répartie  en  dix  ou  onze  enseignes  qui  eurent 
chacune  un  étendard  généralement  de  couleur  bleue  ("').  A  la  tète  de  ces 
compagnies  furent  placés  des  bourgeois  plus  familiarisés  avec  le  comptoir  ou 
le  négoce  qu'avec  le  métier  des  armes;  tels  furent  Jean  de  Willem  ("), 
Mathieu  d'Ennetières,  brasseur  du  GriJïon,  Jean  Soreau,  marchand  de 
lainages,  Robert  Therrel,  Nicolas  Ploucquet  et  d'autres  (').  Des  canonniers 
assuraient  le  service  des  pièces  d'artillerie. 

Dès  que  tous  les  renforts  attendus  furent  arrivés  à  Tournai,  les  calvinistes 
levèrent  l'élendard  de  la  révolte.  N'osant,  malgré  leur  ardent  désir,  porter 


(1)  Jacques  Robert  était  originaire  de  Tournai  ;  il  possédait  des  maisons,  des  fermes  et 
des  terres  à  Ctiin.  Il  remplit  les  fonctions  d'official  et  de  chancelier  du  Chapitre  de  Tournai 
et  mourut  le  20  février  1573.  (Voir  Vos,  Dignités  de  l'ancien  Chapitre  de  Tournai,  t.  1, 
p.  298.) 

(2)  Archives  de  l'État  à  Mons,  Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  26  v". 

(3)  Max.  Vilain,  baron  de  Kassenghien,  gouverneur  de  Lille,  les  évalue  à  trois  mille 
hommes;  Marguerite  de  Parme,  de  trois  à  quatre  mille,  et  .Morillon,  de  six  à  sept  mille 
hommes.  'Voir  Pasquier  de  le  Bauke,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  99;  Correspondance  de  Philippe  II, 
t.  I,  p.  499;  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  II,  p.  186.) 

(♦)  Voir  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  p.  108. 

(S)  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles.  Archives  de  IWudience,  Conseil  des  troubles, 
reg.  n"  32,  fol.  168.  —  Une  compagnie  avait  même  cru  bon  de  prendre  un  étendard 
supplémentaire  et  elle  avait  acheté  îi  Jean  Cuvelette,  doyen  de  la  corporation  des  couturiers, 
pour  le  prix  de  3  écus,  la  bannière  en  soie  verte  de  ce  métier.  Archives  de  l'Etat  à  Mons, 
Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  98  r"  et  108  r°.  —  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit., 
t.  II,  p.  320,  note  2.) 

(tj)  Jean  de  Willem,  fils  de  Wallerand  de  Willem,  marchand  de  rubans,  seigneur 
de  la  Beurgherie,  et  de  Jeanne  VVilloqueau.  Il  était  le  beau-frôre  du  pasteur  Pierre  .Marmier 
qui  avait  épousé  sa  sœur  Guillemette.  (Voir  Archives  de  l'Étal  à  Mons,  Registre  aux 
sentences  criminelles,  fol.  17;  du  Chastel,  Notices  généalogiques  lournaisiennes,  t.  III, 
p.  687,  et  Pasquier  de  le  Barue,  op.  cit.,  t.  II,  p.  212.) 

CJ  Archives  de  l'État  à  Mons,  Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  11,  14,  IS,  17,  99. 


AU  POINT  DE  VUE  I>0LITIQUE  ET  SOCIAL.  loi» 

secours  aux  calvinistes  assiégés  dans.  Valenciennes  par  Philippe  de  Sainle- 
Aidegonde  ('),  ces  foules  armées  résolureni  de  dévaster  les  abbayes  et 
monastères  (|ui  environnaient  Tournai  ("). 

Le  lundi  23  décembre,  à  minuit,  le  feu  fui  mis  à  Tabbave  des 
Prés-aux-Nonains;  le  2b,  le  Saulcboir,  les  Chartreux,  la  maison  de  campagne 
de  l'ancien  grand  prévôt  Jean  Grenu,  à  Chercq,  et  jusqu'à  la  Bonne-Maison 
de  le  Val  brûlèrent  à  leur  tour.  Au  Saulcboir,  les  mutins  descendirent  les 
cloches  pour  les  briser,  en  vendirent  les  morceaux  à  des  marchands  de 
Tournai  (^),  tandis  qu'à  l'abbaye  des  Prés-aux-Nonains,  ils  réduisirent  en 
miettes  les  objets  sacrés  et  les  statues  de  saints  que  l'incendie  semblait 
vouloir  respecter. 

La  Bonne-Maison  de  le  Val,  refuge  de  malheureux  lépreux,  fut  pillée; 
trois  autels  nouvellement  érigés  furent  renversés,  les  cloches  brisées,  les 
morceaux  emportés  et  la  chambre  du  receveur  incendiée  (*).  Les  églises  des 
villages  d'Ere,  de  Wez,  de  Hollain,  de  Chercq,  d'Orcq,  de  Marquain,  reçurent 
aussi  la  visite  des  révoltés  et  subirent  les  mêmes  dévastations;  ici  on  brisait 
ou  on  s'appropriait  les  cloches;  là  on  volait  le  plomb  des  gouttières  ou  les 
bacs  en  métal  des  fonts  baptismaux  (^). 

Les  calvinistes  se  livrèrent  à  toute  espèce  d'excès,  commirent  des  actes  de 
brigandage  et  agirent  comme  de  véritables  malfaiteurs.  Ils  extorquèrent 
1,400  florins  au  «  censier  de  Saint-Médard  »  contre  la  promesse,  violée 
d'ailleurs,  de  respecter  son  habitation.  Non  seulement  ils  déshonoraient  par 


(1)  Cori-espondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  II,  pp.  186-187. 

(2)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  tt,  p.  108. 

(3)  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  II,  pp.  186-187.  —  .4rctiives  de  l'État 
ù  Mons,  Registre  aux  sentences  orimineiles,  fol.  89  r°.  —  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit., 
t.  II,  pp.  H  et  215. 

{*)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n"  149.  Condamnation  du 
8  avril  1567  (a.  s.). 

(S)  Archives  de  l'État  à  Mons,  Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  47  r»  et  82  r".  — 
Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  Il,  pp.  Il  et  21o.  —  Archives  communales  de  Tournai, 
Registre  de  la  Loi.  Condamnalion  du  8  avril  1567  (a.  s.)  et  du  7  mai  1568. 


160  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XV1«  SIÈCLE 

leurs  excès  la  cause  qu'ils  voulaient  défendre,  mais  la  fureur  détruisait  chez 
eux  tout  sentiment  d'humanilé  »  (*). 

Un  malheureux  que  les  documents  désignent  sous  le  nom  de  «  messager 
de  Lille  »,  mais  dont  nos  recherches  ne  nous  ont  point  fourni  l'idenlité, 
avait  dû  traverser  le  camp  des  rebelles.  Aussilôl  appréhendé  et  considéré 
comme  un  traître,  on  le  fit  passer  pour  la  forme  devant  un  conseil  de  guerre. 
Antoine  Lagache,  procureur  de  Lille,  servit  de  clerc,  rédigea  la  condam- 
nation et  Ton  pendit  haut  et  court,  sous  les  yeux  des  calvinistes  en  délire, 
ce  pauvre  inconnu,  parce  «  qu'il  avoit  sur  luy  une  lettre  de  son  curé  »  (-). 

Autour  de  la  cité,  églises,  maisons  conventuelles,  chapelles,  tout  avait  été 
saccagé  ou  incendié;  plus  rien  ne  surexcitait  la  rage  dévastatrice  de  ces 
égarés,  quand,  le  28  décembre,  une  sinistre  rumeur  se  répandit  dans  le 
camp  :  des  calvinistes  flamands  en  marche  vers  Tournai,  venaient  d'êire 
attaqués  et  battus  à  Wattrelos  O,  par  Maximilien  Vilain,  baron  de  Rassen- 
ghien,  gouverneur  de  Lille. 

La  nouvelle  n'était  que  trop  vraie.  Hondschoote  (*),  Rousbrugge  (^), 
Poperinghe  avaient  envoyé  vers  Tournai  plus  de  quatre  cents  hommes  sous 
le  commandement  de  Jean  Denys  (**).  Le  25  décembre,  cette  troupe  quittant 
Menin,  poursuivit  sa  route  par  Tourcoing  et  Wattrelos.  Le  Gouverneur  de 
Lille  résolut  de  s'opposer  à  leur  passage  et,  dans  la  nuit  du  27,  les  attaqua  à 
Wattrelos  (').    Les  Flamands  tinrent  tête   courageusement  et   solidement 


(1)  Archives  de  l'État  à  Mons,  Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  11.  —  Pasqoier 
DE  LE  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  pp.  15,  215-216  et  253. 

(2)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  11,  p.  10.  —  Archives  de  l'État  à  Mons,  Registre  aux 
sentences  criminelles,  fol.  16  v">. 

(3)  Wattrelos,  commune  du  département  du  Nord,  non  loin  de  Roubaix. 

(*)  Hondschoote,  chef-lieu  de  canton  du  département  du  Nord,  au  sud-est  de  Dun- 
kerque. 

(3,  Uousbrugge-Haringhe,  commune  de  la  Flandre  occidentale,  arrondissement  admi- 
nistratif d'Ypres. 

(6)  Jean  Denys,  ancien  bailli  de  Rousbrugge,  né  dans  les  environs  d'Ypres,  chef  mili- 
taire de  tous  les  mouvements  de  la  Basse-Flandre,  commanda  les  sectaires  au  combat  de 
Wattrelos,  fut  pris  les  armes  à  la  main  au  combat  d'Austruweel,  près  d'Anvers,  et  peu  de 
temps  après  condamné  à  mort  et  exécuté.  (D'après  la  Corre.ipondance  de  GranveUe,  édit. 
Poullet,  t.  II.  p.  26,  note  1.) 

i')  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  11,  p.  100. 


\U  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  KM 

retnuichés  derrière  les  murs  du  cimetière,  opposèrent  aux  troupes  royales  une 
opiniâtre  résistance.  Accablés  sous  les  coups  d'arquebuses,  eux  qui  n'avaient 
guère  pour  se  défendre  (|u'une  pique  ou  une  hallebarde,  ils  crurent 
trouver  leur  salul  dans  l'église  du  village  et  s'y  réfugièrent.  Les  troupes 
royales  en  firent  le  siège  et  alors  commença  une  défense  acharnée. 

Des  fenêtres  de  la  tour,  les  réformés  flamands  firent  pleuvoir  sur  les 
assaillants  une  grêle  de  pierres  et  de  matériaux  de  toute  espèce;  quatre 
heures  durant  les  troupes  de  Rassenghien  furent  tenues  en  échec. 

Désespérant  de  venir  à  bout  de  cette  résistance,  le  Gouverneur  de  Lille 
eut  recours  a  un  moyen  infâme  :  il  ordonna  de  mettre  le  feu  à  l'église. 

Adblés,  aveuglés  par  les  flammes  ou  su(ïo(iués  par  une  acre  fumée, 
les  Flamands,  plutôt  que  de  se  rendre,  se  jetèrent  du  haut  du  clocher,  du 
toit  ou  des  fenêtres.  II  ne  restait  plus  aux  soldats  du  Roi  ([u'à  achever  impi- 
toyablement à  coups  de  pique  ces  malheureux  à  demi  carbonisés.  Cinquante- 
deux  personnes  périrent  dans  l'incendie,  et  la  journée  de  Wattrelos  coûta  au 
total  la  vie  à  trois  cent  cinquante-deux  rebelles  ('). 

Un  long  cri  de  rage  accueillit  la  nouvelle  de  ce  désastre.  Les  Flamands, 
rassemblés  autour  de  l'abbaye  de  Saint-Nicolas-des-Prés,  décidèrent  de 
venger  leurs  frères  tombés  à  Wattrelos,  et  entraînèrent  facilement  les  autres 
à  leur  suite  (").  Le  28  décembre,  le  jour  de  la  fêle  des  Innocents,  tous  les 
rebelles  levèrent  le  camp  et  se  dirigèrent  enseignes  déployées,  tambourin 


(1)  Correspondance  de  Granvelk,  édit.  Poullet,  t.  II,  pp.  186-187.  —  Bulletins  de  la 
Commission  royale  d'histoire,  4"  série,  t.  V,  p.  19;  Pruvost,  Histoire  de  Wattrelos.  Tour- 
coing, 1865,  pp.  170-173;  Becquart,  Victor,  Les  communes  de  l'arrondissement  de  Lille. 
Lille,  1879,  p.  761.  —  L'incendie  coûta  la  vie  à  cinquante-deux  personnes  et  non  à  cent 
cinquante,  comme  le  dit  le  père  Pruvost  à  la  page  173  de  son  ouvrage;  ces  chiffres  sont 
d'ailleurs  sutlisamment  éloquents  pour  prouver  la  cruauté  du  Gouverneur  de  Lille;  le  père 
Pruvost  se  trompe  encore,  comme  d'ailleurs  tant  d'autres,  en  faisant  battre  le  27  décembre, 
par  Rassenghien  la  troupe  des  calvinistes  partis  rt'Armentières  ;  cette  troupe  arriva  sans 
encombre  à  Tournai  dans  la  journée  du  23  décembre,  et  elle  fut  passée  en  revue  non  loin 
des  Chartreux.  D'ailleurs,  une  lettre  du  Gouverneur  de  Ijille  en  date  du  26  décembre 
prouve  péremptoirement  que  ne  furent  défaits  à  Wattrelos  que  les  calvinistes  commandés 
par  Jean  Denys.  (Voir  de  Coussemaker,  op.  cit.,  t.  Il,  pp.  249-252;  262-263,  etc.;  Pasquier 
DE  LE  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  pp.  101-103.) 

(2)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  pp.  15,  §  2  et  119. 

Tome  I.   —  Lettues,  etc.  21 


162  TOURiNAI  ET  I.E  TOURNAISIS  AU  \\V  SIÈCLE 

battant  et  clairon  sonnant,  vers  le  lieu  du  massacre  (^).  Avant  de  partir,  ils 
réduisirent  en  ruines  Timporlanle  abbaye  que  durant  cinq  jours  ils  avaient 
occupée  (^),  incendièrent,  en  passant  non  loin  de  la  porte  de  Valenciennes, 
la  maison  de  campagne  dite  de  Canteraine,  propriété  de  l'olïîcial  du 
Chapitre  de  la  cathédrale,  Charles  de  Ladeuze  (^);  puis,  sous  la  conduite  de 
Jean  Soreau  et  de  Robert  Therret  (*),  ils  s'engagèrent  sur  la  route  de 
Froyennes  dont  ils  dévastèrent  Téglise.  Traversant  Ramegnies-Chin,  Railleul, 
Estaimbourg  et  Néchin,  ils  atteignirent  bientôt  Waltrelos,  après  s'être  livrés 
à  leurs  déprédations  habituelles  dans  les  villages  qu'ils  traversaient  ou  (|ui 
se  trouvaient  à  proximité  de  leur  route  (^). 

A  Wattrelos,  les  rebelles  ne  séjournèrent  point  longtemps;  ils  se  replièrent 
sur  Lannoy,  où  ils  comptaient  trouver  un  excellent  accueil  de  la  part  de  la 
population  et  une  sûre  position  à  l'abri  de  solides  murailles.  Mais  les 
habitants  avaient  fermé  les  portes  et  étaient  prêts  à  en  défendre  l'accès  par 
les  armes.  Obligés  de  se  retirer,  Tournaisiens  et  Flamands  étaient  occupés 
à  reformer  leurs  rangs  derrière  une  prairie  marécageuse  bordée  d'un  large 
fossé,  quand  apparurent  au  loin  de  nombreuses  troupes  royales  (^). 

En  efTet,  Philippe  de  Saiote-Aldegonde  ("),  sur  l'ordre  qu'il  en  avait  reçu 


(<)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  p.  15,  et  Pièces  justificatives,  n°  XVII.  Rapport 
du  Magistrat. 

(2)  Ils  ne  laissèrent  que  des  ruines  de  cette  riche  abbaye,  ruines  tellement  lamentables 
qu'on  n'a  jamais  depuis  lors  songé  à  réédifier  cette  importante  maison  religieuse.  Les 
ruines  existent  encore  de  nos  jours. 

(3)  Charles  de  Ladeuze  naquit  en  1S31  à  Saint-Ghislain;  il  était  le  fils  de  Quentin  et 
d'Anne  Benoit.  Il  fut  nommé  par  l'évêque  Charles  de  Croy,  oflacial  en  looG,  deux  ans 
plus  tard  chanoine  et,  le  23  mai  1S90,  l'évêque  Venduille  le  créa  trésorier  du  Chapitre. 
11  mourut  le  14  mars  1612.  (D'après  Vos,  Dignités  de  l'ancien  Cliapitre  de  Tournai,  t.  1, 
pp.  395-402.) 

(4)  DE  COUSSEMAKER,  Op.  CU.,  t.  II,  pp.  251-252. 

(5)  Voir  pour  plus  de  détails  sur  le  saccagement  des  églises  des  communes  rurales, 
Archives  de  l'État  à  Mons,  Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  14,  24,  25,  26,  28,  29, 
39,  91,  etc. 

(6j  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  II,  pp.  186-187. 

(1)  Philippe  de  Sainte-Aldegonde,  chevalier,  seigneur  de  Noircarmes,  etc.,  commandeur 
de  l'ordre  d'.\lcantara,  fils  de  Jean  et  de  Marie  de  Rubempré.  Il  avait  épousé  Bonne 
de  Lannoy,  dame  héritière  de  Maingoval,   Bugnicourt,   etc.   Il   mourut  à  Utrecht,    le 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  ifiô 

de  iMarguerite  de  Parme,  avait  laissé  la  direction  du  siège  de  Valenciennes 
à  un  de  ses  lieutenants  et  s'était  mis  à  la  poursuite  des  calvinistes  ('). 
Le  28  décembre,  à  40  heures  du  soir,  le  jour  même  où  Tournaisiens  et 
Flamands  avaient  levé  le  camp  ("),  de  Noircarmes,  à  la  léte  de  onze 
enseignes  d'infanterie,  de  cin(|  «  compaijnies  »  de  cavalerie  et  de  cent  arque- 
busiers à  cheval,  sortit  précipitamment  de  Condé  pour  rejoindre  et  alta(|uer 
les  rebelles. 

Malgré  les  difficultés  de  la  roule,  il  les  atteignit  le  dimanche  29,  vers 
2  heures  de  l'après-midi.  Il  lança  d'abord  contre  eux  son  lieutenant 
Gaspard  de  Kobles  avec  l'avant-garde  de  ses  troupes,  mais  la  cavalerie  ne 
pouvant  donner  à  cause  des  fossés  et  des  marécages  qui  défendaient 
l'approche  des  Tournaisiens,  durant  trois  quarts  d'heure  le  combat  fut 
indécis.  Exaspéré,  de  Noircarmes  se  mit  à  la  tête  de  son  infanterie,  chargea 
les  calvinistes  et  ceux-ci  ne  se  débandèrent  qu'après  avoir  laissé  sur  le 
champ  de  bataille  plus  de  six  cents  des  leurs  (^).  Quant  aux  blessés,  ils 
furent  si  nombreux  qu'à  peine  quatre  cents  hommes  valides  purent  s'échapper 
de  la  mêlée  et  s'enfuir  de  tous  côtés  (').  Un  des  capitaines,  Jean  Soreau,  se 
sauva  à  iMenin  ("). 

Le  bulin  fut  considérable,  car,  selon  Gaspard  de  Robles  C^),  les  calvinistes 
auraient  abandonné  onze  enseignes,  cinq  cent  sept  grandes  arquebuses, 
une  énorme  quantité  de  poudre  ainsi  que  leur  trésor  contenant  la  solde 
pour  tout  un  mois  Ç). 


5  mars  1574,  des  suites  d'une  blessure  reçue  au  siège  d'Alkmaar.  (D'après  la  Correspon- 
dance de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  I,  p.  18,  note  1.) 
(^)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  pp.  IO0-IO6. 

(2)  Idem,  Ibid.,  p.  121. 

(3)  Bulletins  de  la  Commission   royale  d'histoire,  4«  série,  t.  V,  p.  19,  et  Pasquier 
DE  LE  Barre,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  122.  —  On  dit  sept  à  huit  cents. 

(*)  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  p.  188,  note  1. 

(5)  DE  COUSSEMAKER,  Op.  Cit.,  t.  Il,  p.  232. 

(6)  Gaspard  de  Robles,  seigneur  de  Billy,  gentilhomme  portugais,  un  des  officiers  de 
l'armée  de  Noircarmes. 

(7)  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  Il,  pp.  186-187  ;  188,  202,  notes  1  et  2. 
Pasquikr  de  le  Barre,  ap.  cit.,  t.  11,  pp.  122-125. 


164  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

A  Pannonce  de  ce  nouveau  désastre,  le  peuple  de  Tournai  se  souleva. 
Il  obligea  le  gardien  du  beffroi  à  sonner  «  le  timbre  »  d'alarme  el  aux  cris 
de  «  aux  armes!  nous  sommes  trahis  !  »,  il  s'élança  dans  les  rues,  luant  ou 
blessant  les  soldats  de  la  garnison  qu'il  rencontrait.  Il  s'empara  de  l'artillerie 
de  la  ville  et  la  braqua  vers  le  Château  ;  dans  les  principales  rues  on  éleva 
des  barricades  faites  de  chariots  renversés  ou  d'étaux  de  poissonniers;  les 
compagnies  bourgeoises  s'embusquèrent  derrière  elles,  attendant  les  soldats 
de  la  garnison.  D'autre  part,  le  gouverneur  de  Moulbais  fit  canonner  la 
ville,  tandis  que  des  artisans  abrités  derrière  les  murs  des  maisons  du  quai 
des  Salines,  ripostèrent  à  coups  d'arquebuses;  bref,  c'était  la  révolte. 

111.  De  Noircarmes  voulut  profiter  du  désarroi  produit  par  sa  victoire 
de  Lannoy  pour  tenter  d'introduire  une  garnison  nouvelle  dans  Tournai. 

Usant  d'une  feinte,  le  lendemain,  dès  l'aube,  il  reprit  ostensiblement  sa 
route  vers  Valenciennes.  Arrivé  non  loin  de  Mortagne  ('),  il  accorda  à  ses 
troupes  fatiguées  un  jour  de  repos;  puis  dans  la  nuit  du  1*"^  au  2  janvier  de 
l'an  1567,  vers  2  heures  du  matin,  profitant  des  ténèbres,  il  rebroussa 
chemin  el  arriva  à  la  tête  de  ses  troupes  en  vue  de  Tournai. 

Suivant  de  point  en  point  le  plan  qu'avait  jadis  recommandé  au  Conseil 
d'État  le  conseiller  tournaisien  Le  Clercq,  il  prit  le  chemin  du  Château  avec 
onze  enseignes  d'infanterie  et  quelques  guidons  de  cavalerie,  entra  dans  la 
citadelle  grâce  à  la  complicité  du  gouverneur  de  Moulbais  qui  lui  en  ouvrit 
les  portes,  et  vint  occuper  la  tête  de  pont  qui  franchissait  l'Escaut  et  donnait 
accès  sur  la  ville.  Ensuite,  il  fil  appeler  le  Magistrat,  lui  signifia  qu'il  avait 
ordre  d'introduire  des  soldats  dans  Tournai  el  lui  accorda  une  heure  el  demie 
pour  livrer  les  clefs  et  loger  les  gens  de  guerre  qu'il  convenait  au  Roi 
de  mettre  dans  la  cité. 

La  réponse  ne  tarda  guère,  il  fallait  bien  nccepler  le  fait  accompli.  Ainsi 
qu'ils  le  dirent  eux-mêmes,  les  Tournaisiens  «  étaienl  forcés  de  se  ranger  à 
la  raison  »  (');  or  celte  raison  était  colle  du  plus  fort. 


(1;   l^ASQUIER  DE  LE  Barre,  0}).  cU.,  t.  II,  pp.  125  et  126. 
(2)  Idem,  ibid.,  t.  Il,  pp.  129,  132. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  165 

Le  iMagistrat  décida  donc  de  commun  accord  avec  les  capitaines  des 
compagnies  elles  principaux  calvinistes,  «  de  recevoir  la  garnison  pour  obéir 
au  Roi  et  à  Marguerite  de  Parme  »  (').  Il  prévint  ainsi  le  dessein  qu'avait 
de  Noircarmes,  parait-il,  de  mettre  Tournai  «  à  feu  el  à  sang  »,  si  les  habi- 
tants avaient  tenté  de  s'op[)oser  à  l'entrée  de  la  garnison  nouvelle.  «  C'eût  été 
fort  fâcheux,  dit  Gaspard  de  Kobles,  de  ruiner  une  si  grande  ville,  quoique, 
ajoute-t-il,  eu  égard  aux  insolences  de  ses  ministres  et  à  la  dévastation 
de  toutes  les  églises,  elle  méritait  tout  le  mal  et  dommage  qui  put  lui 
advenir  »  (""). 

De  Noircarmes  avait  à  peine  installé  ses  soldats,  qu'il  ordonna  la  remise 
sous  peine  de  mort,  endéans  un  jour,  de  toutes  les  armes,  sauf  l'épée  ou  la 
dague,  ainsi  que  des  munitions  de  guerre  et  des  enseignes  qui  avaient  flotté 
au  vent  lors  du  dernier  soulèvement.  Il  exigea  en  outre  le  dépôi  des  rôles, 
c'est-à-dire  des  listes  sur  lesquelles  avaient  été  inscrits  ceux  qui  s'étaient 
assemblés  autour  de  l'abbaye  de  Sainl-iVicolas-des-Prés,  espérant  par  ce 
moyen  connaître  facilement  les  noms  des  citoyens  qui  s'étaient  exposés  à  sa 
vengeance  et  à  celle  du  Gouvernement  (■*). 

L'Autorité  municipale  montra  l'exemple;  elle  lit  ren)ettre  aussitôt  entre  les 
mains  de  Noircarmes  son  artillerie;  quatorze  ou  (|uinze  pièces  de  canon,  de 
nombreuses  arquebuses,  de  grands  tonneaux  de  poudre,  de  salpêtre  ou  de 
soufre  prirent  le  chemin  du  Château  (*).  iMais  la  population  résistait. 
Du  3  au  28  janvier,  de  Noircarmes  renouvela  sept  fois  son  ordonnance; 
le  28,  il  exigea  même,  malgré  les  vives  réclamations  des  doyens  des  métiers, 
les  épées  et  les  dagues,  aussi  bien  des  membres  des  Serments,  des  fonclion- 


(■1)  Pièces  justificatives,  n"  XVIL  Rapport  du  Magistrat. 

(2)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  -127.  —  Correspondance  de  Granvelle,  édit. 
PouLLET,  t.  II,  p.  202,  note  1. 

(3|  Bulletins  de  la  Commission  royale  d'histoire  de  Belgique,  2'  série,  t.  XII,  pp.  99-100.  — 
L'éditeur  des  ordonnances  publiées  à  Tournai  dans  les  années  1360  à  1S67,  au  sujet  des 
troubles  religieux  qu'il  y  eut  en  cette  ville,  n'a  pas  su  lire  exactement  la  publication  du 
3  janvier  io67;  son  point  d'interrogation  après  le  mot  «  colles  »  qu'il  a  lu,  n'a  pas  sa  raison 
d'être;  c'est  «  rolles  »  qu'il  faut  lire.  (Voir  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  aux 
publications,  n"  344,  fol.  280  r".) 

(i)  Pasquiek  de  le  Baiiuk,  op.  cit.,  t.  II,  p.  48. 


166  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

naires  royaux,  municipaux  et  justiciers,  que  des  simples  particuliers.  Tous 
étaient  confondus  dans  une  commune  suspicion  ('). 

Les  pasteurs  réformés,  comme  jadis  l'évèque,  s'enfuirent  et  abandonnèrent 
à  leur  infortune  les  malheureux  qu'ils  avaient  endoctrinés  ;  les  artisans 
s'expatrièrent  et  allèrent  implanter  en  Allemagne,  dans  les  Provinces  septen- 
trionales des  Pays-Bas  et  surtout  en  Angleterre,  les  industries  qui  avaient 
fait  la  richesse  et  la  renommée  de  leur  cité;  les  marchands,  craignant  la 
confiscation  de  leurs  biens,  vendirent  leurs  |)ropriélés  à  des  catholiques  et 
éniigrérent  vers  des  pays  où  n'était  point  interdit  le  libre  exercice  du  calvi- 
nisme ('-). 


(■•)  Pasquier  de  le  Barre  raconte  à  ce  propos  une  anecdote  que  confirme  le  Registre  du 
Conseil  des  troubles  des  Arctiives  de  l'Etat  à  Mons,  fol.  103.  La  voici  :  Les  doyens  et  sous- 
doyens  des  métiers  ainsi  que  les  principaux  marchands  avaient  présenté  une  requête  au 
Magistrat,  pour  lui  remontrer  les  multiples  inconvénients  qui  pouvaient  résulter  pour  eus 
de  la  défense  de  posséder  soit  une  épée,  soit  une  dague,  ne  fût-ce  qu'au  point  de  vue  de 
leur  protection  personnelle.  Le  28  janvier  dans  l'après-midi,  les  Consaux  se  rendirent  près 
du  comte  de  Boussu,  Maximilien  de  Hennin,  qui  remplaçait  Noircarmes,  momentanément 
absent,  lui  exposèrent  la  manière  de  voir  des  doyens  et  des  marchands  et  le  prièrent  de 
surseoir  à  l'exécution  de  la  partie  de  l'ordonnance  visant  épées  ou  dagues. 

Le  comte  de  Boussu  refusa  et  les  pria  d'attendre  le  retour  de  Noircarmes;  mais  Hermès 
du  Bois,  docteur  en  droit,  conseiller  au  bailliage  de  Tournai-Toui'naisis,  qui  assistait 
à  l'entrevue,  protesta  vivement,  trouva  l'ordonnance  «  cruelle  et  tyrannique  »,  ajoutant  que 
dans  aucune  ville,  même  à  Gand,  à  l'époque  de  sa  rébellion  contre  Charles-Quint,  on 
n'avait  eu  recours  à  de  pareils  moyens. 

Ces  propos  ne  pouvaient  qu'irriter  profondément  le  comte  de  Boussu  ;  aussi  le  lende- 
main, au  retour  de  Noircarmes,  lors  d'une  nouvelle  audience  accordée  aux  Consaux  et  aux 
fonctionnaires  royaux,  Hermès  du  Bois  fut  arrêté  et  jeté  en  prison  au  Château.  Il  y  demeura 
jusqu'au  2  mars  1569,  jour  où  il  paya  du  bannissement  et  de  la  confiscation  de  ses  biens, 
des  critiques  qu'une  vivacité  native  n'avait  pu  l'empêcher  d'émettre,  et  qui  montrent 
clairement  quelle  indignation  ressentaient  les  Tournaisiens  ;  il  ne  faut  pas,  en  effet,  perdre 
de  vue  que  du  Bois  était  un  fonctionnaire  du  Gouvernement.  (Voir  Pasquier  de  le  Barrw, 
op.  cit.,  t.  11,  pp.  ol-o5,  et  Archives  de  l'Etat  à  .Mons,  Registre  du  Conseil  des  Troubles  de 
Tournai-Tournaisis,  fol.  103.)  —  Le  jeudi  16  janvier,  pour  arriver  à  avoir  en  sa  possession 
toutes  les  armes  que  possédaient  les  Tournaisiens,  de  Noircarmes  fit  simultanément  fermer 
toutes  les  portes  de  la  ville,  perquisitionner  par  ses  soldats  dans  la  plupart  des  maisons, 
avec  ordre  d'en  enlever  toutes  les  armes  et  d'emprisonner  au  Château  les  malheureux  qui 
s'obstineraient  îi  ne  point  vouloir  les  leur  remettre.  (Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  Il, 
p.  45.) 

(2   Gachard,  Corresjondaïue  (tu  Taciturne,  t.  II,  pp.  483,  486,  etc. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  U>7 

«  L'or  et  Targent  s'en  vont  dehors  »  s'écrie  Morillon  (').  En  effol,  ;"i  lui 
cerlain  moment,  l'exode  des  hommes  et  des  capitaux  devint  si  considérahle 
que  le  iMagisIrat  se  vit  forcé  d'interdire  aux  artisans  et  surtout  aux  marchands 
de  (|uitler  la  ville,  sous  peine  de  confiscation  des  biens.  Bien  plus,  dans 
l'espoir  de  ramener  les  émigrés,  il  fit  annoncer  son  intention  de  confisquer 
les  biens,  meubles  et  immeubles,  de  ceux  qui  étaient  partis,  si  dans  la 
huitaine  ils  n'étaient  pas  de  retour  {^). 
Bien  peu  se  décidèrent  à  revenir  ! 

Les  calvinistes,  non  point  à  tort,  craignaient  les  représailles  du  Gouver- 
nement ot  de  son  représentant  à  Tournai.  Ils  n'avaient  pas  confiance  dans  les 
promesses  que  ne  cessait  de  prodiguer  de  Noircarmes  et  redoutaient  sa 
duplicité.  Depuis  le  2  janvier,  il  répétait  avec  insistance  que  conformément 
à  l'acte  du  23  août  1366,  passé  entre  les  Confédérés  et  iMarguerile  de  Parme, 
il  n'entendait  pas  interdire  les  prêches  champêtres  (^),  mais  par  toute  espèce 
de  mesures  indirectes,  il  mentait  à  ses  promesses. 

Il  suffira  de  n'en  citer  qu'une,  l'obligation  pour  tous  ceux  qui  désiraient 
assister  aux  prédications  évangéliques,  de  se  faire  délivrer  un  passeport 
signé  par  l'un  des  magistrats  communaux  et  contresigné  par  son  propre 
secrétaire  (*). 

Beaucoup  de  calvinistes  hésitèrent  à  remplir  cette  formalité  dangereuse  ; 
aussi  de  Noircarmes  put  écrire  lo  10  janvier  à  Marguerite  de  Parme  «  qu'à 
Tournai,  les  prêches  cessaient  d'eux-mêmes  »  Ç"),  et  douze  jours  après, 
«  que  le  peuple  commençait  à  s'excuser  de  ce  qu'il  avait  fait  et  à  baisser  les 
oreilles  »  ['^•). 


(^)  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  II,  p.  225. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  aux  publications,  n°  344.  Publication 
du  4  janvier  lo67,  fol.  281  r".  —  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  I[, 
pp.  223-225. 

(3)  Pièces  justificatives,  n"  XVIt.  Rapport  du  Magistrat,  et  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit., 
t.  H,  p.  27. 

(•*)  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  Il,  p.  223,  et  pA.sQutRn  de  le  Iîarre, 
op.  cit.,  t.  II,  p.  43. 

(5)  Gachard,  Correspondance  de  Guillaume  le  Taciturne,  t.  Il,  p.  4S7. 
(fi)  Pasquier  de  le  Barre,  up.  cit.,  t.  Il,  pp.  170-171. 


168  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

Pouvait-il  en  être  aulrement? 

Les  artisans  de  Tournai  avaient  été  désarmés,  les  campagnards  à  plus 
forte  raison,  car,  disait  la  Régente,  «  il  est  moins  convenable  que  paysans 
qui  ne  doivent  se  mêler  que  de  la  charrue,  soient  armés,  que  gens  de 
ville  »  (');  les  Serments  «  fort  infectés  de  calvinisme  »  (^)  n'existaient 
plus;  les  huit  compagnies  populaires  s'étaient  licenciées  d'elles-mêmes  et  les 
prêches  n'étaient  plus  fréquentés,  à  cause  des  entraves  qu'on  leur  suscitait. 
Voilà  le  résultat  de  quelques  semaines  d'administration  de  Philippe  de  Sainte- 
Aldegonde  à  Tournai. 

(l'était  le  moment  qu'il  attendait  pour  pouvoir  «  avec  toute  assurance  el 
repos,  châtier  ceux  qu'il  trouverait  l'avoir  mérité  »  (^). 

Dès  lors,  les  arrestations  se  multiplient  el  les  prisons  regorgent  de  malheu- 
reux qui  ont  participé  «  en  quelque  manière  »  aux  troubles  passés  (*).  Les 
exécutions  recommencent.  Le  7  février,  Pierre  Degrez,  dit  le  «  Beau 
Danseur  »,  foulon  de  son  métier,  et  le  cordonnier  Gérard  de  le  Vingne  sont 
pendus  en  face  de  la  Halle  aux  draps;  le  22  du  même  mois,  pour  que  les 
Tournaisiens  n'ignorent  pas  que  le  Gouvernement  est  décidé  à  agir  avec  une 
rigueur  impitoyable,  Marguerite  ordonne  au  iMagistrat  de  republier  l'ordon- 
nance qui  a  occasionné  l'émeute  de  la  Xoël  4566  (°).  Elle  enjoint  en  même 
temps  à  de  Noircarmes  de  procéder  à  la  destitution  des  magistrats  commu- 
naux qui  paraissent  manquer  de  zèle  pour  la  religion  catholique  (^). 

De  Noircarmes  ne  se  fit  point  dire  l'ordre  une  deuxième  fois.  Deux  joiirs 
après,  pendant  qu'aux  sons  du  tambourin  ses  onze  enseignes  se  rassemblaient 
en  bataille  sur  la  grand'place  et  se  préparaient  au  départ,  il  se  rendit  en  la 
Halle  du  Magistrat  où  il  avait  convoqué  d'urgence  les  Consaux,  et  prononça 


(<)  Gachard,  Correspondance  de  Granvelle,  t.  II,  p.  479. 

(2j  Idem,  Ibid.,  t.  11,  p.  487. 

(3)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  p.  138. 

(*)  Idem,  ibid.,  t.  11,  pp.  46-47;  162;  164;  169,  etc. 

(S)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  H,  pp.  68  et  239.  —  Archives  communales  de 
Tournai,  Registre  de  ta  Loi,  W 149.  Condamnation  du  7  février  1566  (a.  s.j  —  Pièces  comp- 
tables, farde  Justice,  même  date.  —  Gachard,  Consaux,  p.  lOo.  (Voir  plus  haut,  pp.loo-156.) 

C)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  24  février  1566  (a.  s.).  — 
Gachard,  Extraits  des  Consaux,  p.  105. 


AU  POINT  DK  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  1(Î9 

la  desliUilion  des  jurés  Adam  Lecocq,  Jean  Villain,  Michel  Fiannefrère, 
Philippe  de  Sueur;  des  échevins  de  Tournai,  Jacques  de  Bambecque  ('), 
Antoine  Deffarvacques  et  Jean  Lecocq  (-)  ;  de  Jac(|ues  Villain  cl  Toussaint 
Lesage  (^),  échevins  de  Sainl-Brice;  des  commissaires  aux  finances  François 
Letebvre  et  Pierre  du  Cihambge  ('),  el  enfin  révoqua  les  fonctionnaires 
Pasquier  de  le  Barre  (^),  auteur  des  «  Mémoires  »  auxquels  nous  avons  eu  si 
souvent  recours,  el  François  Clément,  respectivement  premier  et  second 
procureurs  de  Tournai  (");  puis,  à  la  tête  de  toutes  ses  troupes,  il  quitta 
la  ville  et  alla  reprendre  la  direction  du  siège  de  Valenciennes  qu'il 
n'avait  d'ailleurs  abandonné  que  pour  réduire  à  merci  les  Tournaisiens 
(24  février).  Ce  même  jour,  sept  enseignes  d'infanterie  entrèrent  dans 
Tournai  et  furent  placées  sous  le  commandement  du  colonel  Jean  de  Croy, 
comte  du  Rœulx,  qui  reçut  en  même  lemps  la  commission  de  gouverneur  de 
la  cité  Ç). 


(1)  Jacques  de  Bambecque,  seigneur  des  Annarts,  épousa  Agnès  de  Gauley.  En  1553,  il 
était  déjà  juré  et  acheta  alors  sa  bourgeoisie  de  Tournai  comme  membre  du  Serment  de 
Saint-Maurice.  Il  portait  pour  armoiries  d'hermines  au  canton  de  gueules. 

(2)  Jean  Lecocq,  fils  de  Nicolas,  marchand  de  drap  de  soie,  et  de  Anne  Mamuchet;  il 
épousa  avant  1537,  Anne  Faulconuier.  Celle-ci  était  sœur  de  Jehenne  Faulconnier  qui  avait 
épousé  le  frère  de  Jean,  Adam  Lecocq,  lequel  fut  décapité  comme  hérétique  le  lundi 
17  avril  1570. 

(3)  Toussaint  Lesage,  destitué  par  de  Noircarmes,  vint  plus  tard  à  résipiscence,  car  dans 
son  testament  il  déshérita  son  gendre  Jean  Hespel,  sa  fille  Chrétienne  Lesage  et  son 
neveu  Toussaint  Lesage  «  pour  la  désobéissance  et  tourmenz  qu'ilz  me  ont  faict  de  eulx 
avoir  retiré  de  ces  pays  en  aultre  pays  rebelle  et  ennemis  à  sa  Majesté  ».  (Voir  Archives 
communales  de  Tournai,  Testament  de  1593.) 

(*)  Pierre  du  Chambge,  fils  de  Érasme,  second  conseiller  pensionnaire  de  Tournai  et  de 
Catherine  de  Cordes.  Il  épousa  en  premières  noces  à  Tournai,  Catherine  Duniont  et  en 
secondes,  Marie  Deleforge. 

(0)  Pasquier  de  le  Barre  naquit  à  Tournai;  en  octobre  1545,  il  fut  nommé  greffier  des 
doyens  et  sous-doyens  des  métiers;  en  1559,  il  devint  tabellion  royal,  puis  procureur  du 
roi  au  bailliage,  et  enfin,  il  fut  nommé  par  la  ville,  malgré  une  vive  opposition  du  Gouver- 
nement, procureur  général  de  Tournai.  Destitué  par  de  Noircarmes,  il  abandonna  Tournai, 
mais  arrêté  à  Flessingue  en  décembre  1567,  il  fut  ramené  à  Vilvordc  oii  il  fut  exécuté 
comme  hérétique  le  29  décembre  1568. 

(6j  Gachard,  Consaux,  pp.  105-106. 

C)  Idem,  Ihid.,  p.  105.  —  Jean  de  Croy,  comte  de  Rœulx,  seigneur  de  Beaurain. 
Tome  I.  —  Licrniiis,  ktc;.  2:2 


170  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI<  SIÈCLE 

IV.  Quelques  jours  auparavanl,  le  20  février  (*),  Jean  de  Blasere, 
conseiller  et  maître  des  requêtes  ordinaires  de  la  Maison  du  Roi  au  grand 
Conseil  de  Malines,  et  Robert  du  Cellier,  conseiller  ordinaire  au  Conseil  de 
Flandre,  étaient  arrivés  à  Tournai  comme  commissaires  royaux,  avec  charge 
d'instruire  toutes  les  affaires  concernant  la  religion.  Le  nouveau  gouverneur, 
Jean  de  Croy,  auquel  la  Régente  avait  adjoint  comme  conseil  Jacques  Blondel, 
seigneur  de  Cuinchy  ('),  présida  cette  commission  d'enquête. 

Ces  commissaires  s'empressèrent  d'exécuter  la  mission  qui  leur  avait  été 
confiée.  Les  arrestations  succédèrent  aux  arrestations  et  dans  les  prisons 
déjà  encombrées,  s'entassèrent  une  foule  de  misérables  (^).  Les  cachots 
officiels  ne  suffirent  bientôt  plus  et,  dérision  cruelle  !  avec  le  bois  destiné  à 
l'achèvement  du  temple  calviniste  de  la  porte  Cocquerel,  les  commissaires 
firent  construire  des  «  caiges  ou  gayolles  »  et  y  incarcèrent  le  Irop-plein 
des  prisonniers  sans  abri  au  Château  (*).  Si  nombreuses  étaient  les  arresta- 
tions, que  ces  geôles  elles-mêmes  furent  insuffisantes,  et  l'on  s'adressa  à 
certains  particuliers,  qui,  pour  un  patar  par  jour,  se  chargèrent  de  main- 
tenir sous  clés,  chez  eux,  les  calvinistes  qu'on  leur  confiait  ("). 

Le  plus  petit  soupçon  d'hérésie  suffisait  pour  faire  fermer  sur  un  malheu- 
reux les  lourdes  portes  d'un  cachot.  Le  moindre  geste  servait  de  prétexte  à 
arrestation. 

iMourir  calviniste  devint  pour  les  commissaires  royaux  une  tare  inefl'a- 
çable,  au  point  qu'ils  en  oublièrent,  eux  aussi,  le  respect  dû  aux  morts.  Sous 
prétexte  «  d'encourager  les  bons  et  intimider  les  méchants  sectaires  », 
ils  avaient  ordonné  à   l'exécuteur  des   hautes-œuvres,  Jacques  Barat,  de 


(^)  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  II,  p.  179. 

(2)  Idem,  ibid.,  t.  II,  pp.  174-179.  —  Jacques  Blondel,  ctievalier,  seigneur  de  Cuinchy, 
fut,  par  lettres  patentes  du  23  juin  1568,  créé  gouverneur,  capitaine  et  bailli  des  ville,  cité, 
château  et  bailliage  de  Tournai-Tournaisis.  Il  resia  en  fonctions  jusqu'fn  1S76,  époque 
à  laquelle  les  Elats-(îénéraux  le  remplacèrent  par  le  prince  d'Espinoy. 

(ï,i  Correspondance  de  Graiivclle,  édit.  Poli.i.et,  t.  II,  p.  303.  —  Archives  de  l'État 
à  Mens,  Commission  des  troubles  de  Tournai,  13  mars  1567  (n.  s.). 

(*)  Ibid. 

(S)  Archives  de  l'Etat  à  Mons,  Registre  aux  sentences  criminelles  du  bailliage  de 
Tournai,  fol.  3  r". 


AU  POINT  DE  VUK  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  171 

s'emparer  des  cadavres  de  Tournaisieiis  morts  liérétiques  el  de  les  mener  à 
la  voirie,  «  au  lieu  où  l'on  traîne  les  bestes  mortes  »,  comme  ils  le  disent 
impudemment  eux-mêmes.  Pins  humain  que  les  commissaires  royaux,  Barat 
n'avait  pas  toujours  obéi  aux  ordres  reçus  et,  souvent,  avait  laissé  aux 
familles  éplorées  la  douloureuse  mais  pieuse  mission  d'inhumer  eux-mêmes 
la  dépouille  de  leurs  chers  défunts.  On  le  sut.  L'officier  criminel  fut  rappelé 
à  l'ordre  et  il  dut  se  résigner  «  sous  peine  d'être  puni  arbitrairement  », 
à  conduire  lui-même  ù  la  voirie,  «  sous  l'éclatante  lumière  du  jour  et  sur  une 
claie  »,  les  cadavres  des  calvinistes  morts  impénitents  ('). 

Beaucoup  de  réformés  avaient  sauvé  leur  tête  par  l'émigration,  mais  les 
commissaires  n'entendaient  pas  que  l'État  perdit  ses  droits,  et  ils  condamnent 
par  contumace  au  bannissement  perpétuel  ces  exilés  volontaires  (-),  puis 
emprisonnent  leurs  femmes,  parce  qu'elles  refusent  de  faire  connaiire  leur 
situation  de  fortune  ou  de  fournir  leurs  litres  de  propriété. 

Sur  ordre  de  la  Régente,  le  Magistrat  republie  une  ordonnance  depuis 
longtemps  tombée  en  désuétude,  interdisant  de  manger  de  la  viande  ou  des 
œufs  en  temps  de  Carême  (  ').  Tous  les  deux  ou  trois  jours,  pour  «  apaiser 
la  colère  de  Dieu  el  extirper  les  erreurs  et  hérésies  journellement  publ- 
iantes »,  des  processions  générales  auxquelles  le  Magistrat  convie  toute  la 
population  tournaisienne,  parcourent  les  rues  en  longues  théories  bigar- 
rées (*). 

La  répression  prend  toutes  les  formes  ;  pour  occuper  le  plus  petit  emploi. 


{<)  Archives  de  l'Étal  h  Mons,  Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  M  v". 

(2)  Idem,  Commission  des  Troubles  de  Tournai,  20  septembre  1567.  —  On  sait  que  la 
confiscation  des  biens  accompagnait  toujours  le  bannissement. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  24  février  1367  (n.  s,).  Des 
condamnations  furent  même  prononcées  de  ce  chef,  ainsi  que  l'atteste  la  preuve  suivante  : 
Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  24  mars  15G6  (a.  s.),  Justice  «  la 
moictié  de  l'amende  de  six  carolus  en  quoy  ont  esté  condemnez  Bertrand  de  le  Vingne, 
Jehan  Deswatines  et  la  vefve  Michiel  Baligan,  boulengiers,  pour  avoir  composé  durant  la 
saincte  quarantaine  aucuns  gasleaux  avec  des  œufs,  les  exposé  et  mis  à  vente  publicquement 
en  contrevenant  à  l'ordonnance  de  nostre  mère  saincte  église  et  aullremcnt.  Faict  le 
xxiiij""  jours  de  mars  xv''  soixante  six  avant  pasques  ». 

(♦)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  aux  publications,  n"  344,  16  mars  1567 
(n.  s.). 


172  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

pour  oblenii'  le  moindre  secours  de  la  charité  publique,  il  faut  avant  tout 
êlre  jugé  bon  catholique  (''). 

Jean  Fruict  et  Gaspard  Rozu  demandent  à  être  reçus  à  la  fondation  hospi- 
talière des  Anciens  bourgeois  (-);  lesConsaux  s'informent  avant  tout  «  si  les 
requérants  sont  catholiques  »  f).  On  prive  du  logement  et  de  la  pitance 
pécuniaire  dont  il  jouissait  à  l'hôpital  Saint-Jacques,  en  faveur  «  d'un  catho- 
lique »,  un  malheureux  aveugle,  Nicolas  Courtin,  parce  que  n'assistant  point 
à  la  messe,  il  est  soupçonné  d'hérésie  ('*);  le  20  mars  1567,  des  bouchers 
calvinistes,  bien  qu'ils  aient  offert  au  Magistral,  pour  les  places  qu'ils 
occupent  aux  deux  boucheries  de  la  ville,  un  plus  haut  prix  que  les  catho- 
liques, se  voient  préférer  ces  derniers;  les  prévôts  et  jurés  interdisent  aux 
bouchers  de  choisir  comme  doyen  et  sous-doyen  de  leur  corporation  des 
calvinistes  ;  bien  plus,  ils  leur  défendent  de  recevoir  à  la  maîtrise  des  gens 
qui  n'appartiendraient  pas  à  la  religion  catholique  (''). 

La  délation  s'en  mêle.  Les  registres  officiels  étalent  complaisamment  sous 
les  yeux  un  spectacle  vraiment  écœurant.  On  y  voit  des  gens  restés  attachés 
au  catholicisme  provoquer  par  de  lâches  insinuations,  la  révocation  de 
salariés  des  deniers  publics,  parce  qu'ils  convoitent  leur  emploi;  on  y  voit 
accuser  des  fonctionnaires  d'appartenir  ou  d'avoir  appartenu  à  la  religion 
calviniste,  d'avoir  fréquenté  les  prêches,  et  toujours  le  Magistrat  confère  aux 
sycophantes  les  emplois  occupés  par  les  dénoncés.  Des  magistrats  eux-mêmes 
se  livrent  à  ce  honteux  commerce,  et  l'échevin   Nicolas  de  Galonné  ('') 


{<)  Arcliives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  15  juillet  1S67. 

(■i)  Idem,  Consaux,  séance  du  23  février  1S67  (n.  s.).  Les  Anciens  bourgeois  occupaient 
rue  de  la  Tèle  d'or,  un  immeuble  donné  en  1272,  par  deux  Tournaisiens,  Jakemés  Yvains  et 
Gontiers  Li  Sauvages,  au  profit  des  pauvres  bourgeois  «  nés  et  noris  de  le  citet  de  Tornai, 
ki  de  boin  non  et  de  boine  renomée  ont  estet  et  seront  »...  (Voir  pour  plus  de  détails  : 
Delannoï,  Notice  historique  des  divers  hospices  de  la  ville  de  Tournai.  Tournai,  Casterman, 
1880,  pp.  157  et  seq. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  25  février  1567  (n.  s.). 

(*)  Idem,  Prévôts  et  jurés,  reg.  n"  3321,  fol.  102  v°. 

(5)  Idem,  Prévôts  et  jurés,  reg.  n»  3321,  20  mars  1567  (n.  s.). 

(6)  Nicolas  de  Calonne,  écuyer,  seigneur  de  iMontifaux  et  de  Tersain,  fils  de  Jehan 
de  Calonne  et  de  Françoise  Petit;  il  épousa  Marie  de  Landas,  tille  de  Jacques  et  de  Guille- 
melte  Hangouart.  (Voir  du  Chastel,  Notices  généalogiques  toumaisieimes,  t.  t,  p.  336.) 


AU  POINT  DE  VUE  POLITFQTIE  ET  SOCIAI-.  17.Î 

detiiaiule  el  obtient  les  fonctions  de  commis  à  l'assis  à  la  bière  occupées  par 
Guillaume  Martin,  qu'il  vient  de  l'aire  destituer  sur  un  simple  soupçon 
de  calvinisme  (').  On  révoque  des  agents  de  police  ('^),  des  gardes  du  bois 
de  Breuze  (').  A  clia(|ue  séance  des  tonsaux,  des  destitutions  sont  prononcées. 
Jac(|ues  iMassis,  receveur  des  bannissements,  Nicolas  du  Bois,  commis  à  la 
recette  générale,  Louis  le  Grand,  receveur  de  la  Bonne  Maison  de  le  Val, 
Gilles  Brasseur,  joueur  de  bautbois  au  beiïroi,  Jean  de  Lattre,  gielïier  de 
l'échevinage  de  Saint-Brice  et  père  de  l'avocat  que  nous  avons  vu  révo(|uer 
en  1563,  n'échappent  point  au  sort  commun;  Gilles  Parlait,  docteur  en 
médecine,  el  Jean  iMoulon,  apothicaire,  sont  privés  des  émoluments  que 
leur  servait  la  ville  de  Tournai  (*). 

Aucun  fonctionnaire  n'est  sur  du  lendemain  et  de  nombreux  employés 
communaux,  qui  avaient  ci-devant  adhéré  à  la  Béforme,  préfèrent  aban- 
donner Tournai  et  aller  ailleurs  chercher  une  patrie  moins  rancunière  ou 
plus  tolérante  (^). 

Bientôt  les  délateurs  exploitent  un  autre  champ  d'action.  Après  la  masse 
du  peuple  et  de  la  petite  bourgeoisie,  viennent  les  grands  bourgeois  et  les 
nobles.  Le  16  septembre  1567,  le  procureur  général  Jean  Hovine  ("),  qui 
venait  de  remplacer  Pasquier  de  le  Barre,  fait  rayer  du  rôle  des  exempts  des 
impôts  sur  le  vin  el  la  bière,  François  d'Ennetières,  seigneur  de  Beaumez, 
parce  (|ue  celui-ci  s'était  montré  «  forl  affectionné  à  suivre  les  prêches  »  Ç); 
Louis   du   Bois,    seigneur    de    Hauteval,    Guillaume   de   Maulde,   seigneur 


(<)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  2  septembre  1567. 

(2)  Idem,  Prévôts  et  jurés,  reg.  n»  3321,  22  juin  1567. 

(3)  Idem,  Prévôts  et  jurés,  reg.  n°  3321,  23  juin  1567-15  juillet  1567,  etc. 
(*)  Idem,  Consaux,  séance  du  8  juillet  1567. 

(o)  Idem,  Voir  les  registres  des  Consaux  des  mois  de  juillet,  août  et  surtout  septembre 
1567. 

(6)  Jean  Hovine,  licencié  es  lois,  fils  de  Jean  et  de  Valentine  Béghin,  épousa  en  premières 
noces,  Jeanne  Fourmanoir  et  en  secondes,  Françoise  de  Cambry.  (Voir  nu  Chastel,  Notices 
généalogiques  tournaisiennes,  t.  H,  p.  321.) 

P)  François  d'Ennetières,  fils  de  Jérôme  et  de  Marie  Villain,  épousa  Barbe  Boulenger. 
Il  mourut  le  2  janvier  1580.  (Voir  Goethals,  Miroir  des  notabilités  nobiliaires.  Bruxelles, 
1857,  t.  I,  p.  949.)  —  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  16  sep- 
tembre 1567. 


174  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVT^  SIÈCLE 

de  Mansari,  ancien  grand  prévôt  ('),  Antoine  d'Aubermont  (-),  Hermès 
de  Landas  (^)  et  d'aulres  encore  se  virent  enlever  la  même  immunité  à 
laquelle  d'anciens  usages  leur  donnaient  droit. 

Leur  crime?  Toujours  le  même;  ils  ont  assisté  aux  prêches!  Pour 
de  31aulde  et  dWuhermont,  on  y  ajouta  celui  d'avoir  signé  l'acte  de  la  Confé- 
dération des  nobles  (*). 

Pourquoi  poursuivre  cette  énuméralion  ?  Qu'il  nous  suffise  d'avoir  montré 
par  quelques  exemples  puisés  aux  sources  authentiques,  que  la  réaction 
contre  le  calvinisme  atteignit  des  membres  de  toutes  les  classes  de  la  société 
tournaisienne. 

Tandis  que  la  population  calholi(|ue  se  livrait  à  cette  dégradante  besogne 
contre  l'autre  moitié  de  la  cité,  les  de  Croy,  de  Blasere  et  autres  n'oubliaient 
point  la  mission  répressive  que  leur  avait  donnée  le  Gouvernement. 

Le  5  avril  1567,  ils  font  pendre  sur  la  grand'place,  Cyprien  de  Lespine, 
charpentier  (^);  le  même  jour  et  au  même  endroit,  ils  ordonnent  de  couper 
la  main  droite  et  la  langue  à  Jean  Visart,  messager  de  Tournai  à  Bruges, 
préalablement  à  son  exécution  par  le  feu  («)  ;  le  47  mai,  c'est  Roland  de  Lers, 
dit  Rollu,  savetier,  Jean  Wille,  frère  du  prédicant  Âmbroise,  qu'ils  livrent  au 


(i)  Guillaume  de  Maultle,  tils  de  Jean  et  de  Marguerite  de  Vin-  ;  il  fut  créé  ctievalier  à 
Gand,  de  la  main  de  Philippe  il,  en  août  loo9;  il  avait  épousé  en  loo3,  Françoise  T'Zevel 
d'Osterel.  Il  soutint  la  cause  nationale  et  dut  émigrer  en  Hollande,  où  il  mourut  vers  1609. 
(Voir  DU  Chastel,  Notices  généalogiques  tournai  siennes,  t.  II,  p.  S93.) 

(2)  Antoine  d'Aubermont,  seigneur  du  Uuesuoy  et  des  Plancques,  épousa  en  1562 
Geneviève  Despars,  fille  de  Jacques  et  de  Barbe  de  Landas.  Il  était  le  fils  de  Nicolas  et  de 
Marie  Henneron.  (Voir  Annuaire  de  la  noblesse  de  Belgique,  par  le  baron  de  Stein  d'Alten- 
stein.  Bruxelles,  IStîb,  pp.  54-55.) 

(3)  Hermès  de  Landas,  écuyer,  seigneur  d'Estrun,  épousa  Catlierine  Dennetières.  Il 
était  (ils  d'Arnouid  et  de  Jacqueline  Henneron.  Il  eut  pour  tils  Charles  de  Landas,  avocat 
du  comte  d'Egmont  qu'il  défendit  devant  le  Conseil  des  Troubles.  (Voir  Di  Chastel, 
op.  cit.,  t.  1,  p.  86.) 

(*)  Gacuard,  Extrait  des  Consaux,  p.  106. 

(5)  Archives  de  l'État  à  Mons,  Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  9  r.  —  Pasquier 
DE  LE  Barre,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  265,  et  note  1,  même  page. 

(6]  Archives  de  VtlM  ^  Mons.  Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  9  r'\  —  Pasquier 
DE  LE  Barbe,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  265,  et  note  2. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  l7o 

gibet  (^);  le  20  juin,  ils  hannissenl  par  coiilumace  cent  sept  personnes  (-); 
du  5  avril  au  20  septembre,  on  procéda  sur  leur  ordre  à  dix  exécutions 
capitales  ('). 

V.  Le  règne  de  la  Terreur  ne  faisait  que  conrimencer.  Un  homme  devait 
dépasser  en  cruauté  tout  ce  qu  on  avait  vu  jusqu'alors.  On  raconte  qu'en 
apprenant  les  ravages  exorcés  par  les  calvinistes  dans  les  églises  et  couvenis 
des  Pays-Bas,  le  roi  Philippe  II  lui  saisi  d'une  sainte  colère  et  qu'il  jura  de 
venger  ces  outrages.  Il  envoya  dans  nos  provinces  celui  qu'il  savait  le  plus 
disposé  à  se  l'aire  le  docile  instrument  de  son  dessein,  Ferdinand  Alvarez 
de  Tolède,  duc  d'Albe,  général  espagnol  âgé  de  60  ans,  d'une  dureté 
de  cœur  et  d'une  inflexibilité  de  caractère  que  les  années  n'avaient  en  rien 
amollies,  bien  au  contraire.  Mettre  à  mort  tous  les  chefs  du  parti  reformé, 
tous  les  broiullons  qui,  à  n'importe  quel  moment  et  de  n'importe  quelle 
façon,  avaient  fait  opposition  au  Gouvernement  ou  censuré  ses  actes;  réor- 
ganiser l'Inquisition  sur  les  bases  qu'on  avait  tenté  de  lui  donner  avant 
l'explosion  des  troubles;  appliquer  le  fameux  édil  contre  l'hérésie,  tel  était 
le  plan  que  devait  exécuter  le  duc  d'Albe  (*). 

Arrivé  à  Bruxelles  le  22  août  4  567,  à  la  tète  de  dix  mille  hommes, 
vétérans  espagnols  d'un  courage  que  maintes  batailles  avaient  mis  à  Tépreuve, 
le  duc  entreprit  méthodiquement  l'exécution  de  son  mandat  en  distribuant 
entre  les  différentes  villes  du  pays,  les  troupes  qu'il  destinait  «  a  appuyer  le 
Gouvernement  dans  ses  vues  et  à  prévenir  par  leur  présence  le  renouvel- 
lement des  tristes  désordres  qui  s'étaient  produits  »  (°).  Tournai  eut  pour  sa 
part  six  guidons  de  cavalerie  et  trois  compagnies  d'infanterie  (*'). 


(1)  Archives  de  l'État  à  Mons,  Registre  aux  sentences  criminelles,  fol.  40  r°.  —  PASQUiEn 
DE  LE  Barre,  op.  cit.,  t.  1,  p.  137,  noie  1,  et  t.  Il,  p.  269,  notes  1  et  2. 

(2)  Idem,  fol.  10  à  32.  —  Pasquier  de  le  Barre,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  219. 

(3)  Idem,  fol,  9  r«  à  37  r». 

(*)  MoTLEY,  Révolution  des  Pays-Bas,  t.  II,  pp.  231-232;  Correspondance  de  Philippe  II, 
t.  I,  p.  562. 

(5)  PouLLET,  Droit  pénal  dans  le  duché  de  Brabant,  p.  108. 

(6)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  aux  publications,  fol.  309  et  310,  et 
Publications  des  28  septembre  et  9  octobre  1567.  —  Le  peuple,  par  crainte  des  soldats  du 
duc  d'Albe,  vidait  les  maisons  de  leurs  meubles  et  ustensiles  pour  les  mettre  en  lieu  sûr. 


176  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVF^  SIÈCLE 

Ensuite,  le  9  septembre,  pour  s'assurer  des  juges  à  sa  dévotion,  il  institua 
un  tribunal  extraordinaire  qu'il  appela  Conseil  des  Troubles,  mais  que  le 
peuple  désigna  sous  le  nom  de  «  Tribunal  de  sang  »  (').  Ce  nouveau 
tribunal,  en  dépit  des  constitutions  ou  loys  locales,  prit  illégalement  Ç^) 
la  place  des  autres  cours  de  justice.  Toutes  les  juridictions  sans  exception, 
depuis  celle  des  magistrats  municipaux  jusqu'aux  tribunaux  provinciaux, 
recurent  défense  de  connaître  d'aucun  des  délits  commis  en  1S66  et  4S67. 
contre  la  religion  et  contre  le  Roi,  ou  des  contraventions  aux  placards.  Ainsi 
par  le  fait  même  de  cetle  ordonnance,  le  droit  séculaire  des  prévôts  et  jurés 
tournaisiens,  celui  de  juger  les  causes  criminelles  fui  suspendu  et,  comme  ces 
magistrats  persistaient  malgré  tout  à  user  de  leurs  anciennes  prérogatives 
judiciaires,  le  duc  d'Albe  prit  soin  de  le  leur  défendre  formellement  le 
20  août  t568  (^).  Il  est,  en  effet,  à  remarquer  que  jusqu'alors  toutes  les 
condamnations  pour  hérésies  ou  contraventions  aux  placards  avaient  été 
prononcées  conformément  à  la  procédure  exposée  plus  haut.  Ce  furent 
les  prévôts  et  jurés,  assistés  du  lieutenant  du  bailli,  des  conseillers  du  bail- 
liage et  aussi  des  commissaires  royaux,  quand  le  Gouvernement  en  envoyait 
à  Tournai,  qui  condamnèrent  à  mort  les  calvinistes  dont  nous  avons  cité  les 
noms  dans  les  pages  précédentes  (^). 

Sûr  de  ses  juges,  le  jour  même  de  l'institution  du  Conseil  des  Troubles, 
le  duc  voulut  frapper  au  cœur  la  Réforme  et  décréta  d'arrestation  ceux  qu'il 
croyait  en  être  les  chefs,  les  comtes  d'Egmont  et  de  Homes. 


(1)  Gachard,  Notice  sur  le  Conseil  des  Troubles,  p.  9. 

(2)  Voir  sur  la  question  de  la  «  légalité  »  du  Conseil  des  troubles,  Poullet,  Histoire  du 
droit  pénal  du  Brahant,  pp.  H8  et  seq. 

(3)  Voir  Renon  de  France,  Histoire  des  Troubles  des  Pays-Bas,  dans  la  collection  des 
Chroniques  belges  inédites,  édit.  Ch.  Piot,  t.  1,  p.  31o. 

(i)  Voir  plus  haut,  p.  66.  —  Les  jugements  commencent  ordinairement  de  celte  façon  : 
«  Veu  par  nous  les  lieutenant  de  bailli  et  conseillers  de  l'empereur,  nostre  sire,  es  bail- 
liaiges  de  Tournay  et  Tournesis,  prévosts  et  jurez  de  la  ville  et  cité  de  Tournay,  la 
poursieulte  et  callenge  faicte  par  le  procureur  de  l'empereur...  »  (Archives  communales  de 
Tournai,  Registre  de  la  Loi,  n°  147,  année  1534.)  —  Quand  il  y  avait  des  commissaires  du 
Gouvernement  en  ville,  les  noms  de  ces  commissaires  ouvraient  le  prononcé  du  jugement, 
lequel  continuait  ensuite  suivant  la  formule  donnée  plus  haut. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  177 

Grande,  paraîl-il,  fut  la  joie  de  Philippe  II  à  la  nouvelle  de  celle  arresta- 
lion,  mais  profonde  fui  la  stupeur  du  peuple  dans  les  Pays-Bas;  tous 
Irembiéient,  call)oli(|ues  et  réformés.  Ces  derniers  surtout  craignirent  pour 
leur  têie.  Un  seul  moyen  de  salut  leur  restait,  la  fuite.  Les  émigrations 
recommençèient.  Un  grand  nombre  de  bourgeois  riches  ou  aisés,  la  plupart 
adonnés  au  commerce  ou  à  l'industrie,  quittèrent  les  Pays-Bas  sans  esprit  de 
retour  et  allèrent  se  lixer  et  en  Allemagne  et  en  Angleterre  (*). 

Ces  exodes  devinrent  un  véritable  fléau  pour  nos  contrées.  Le  Gouverne- 
ment le  comprit  si  bien  que,  pour  y  mettre  obstacle,  il  donna  Tordre  de  ne 
plus  laisser  sortir  personne  du  pays  sans  passeport,  prohiba  Texportalion  des 
objets  de  valeur  et  interdit  à  quiconque  de  quitter  le  territoire,  à  peine 
d'être  considéré  comme  fauteur  des  troubles  (^),  A  Tournai,  le  iVlagislral 
compléta  ces  instructions  en  défendant  aux  bateliers  et  aux  charretiers 
de  transporter  hors  la  ville  «  les  meubles,  marchandises,  avoir  des  bourgeois, 
marchands  et  manans  »,  sans  sa  permission  ('). 

Ces  dilïérentes  mesures  n'empêchèrent  rien.  Les  départs  continuèrent  et. 


(1)  [l  est  bon  de  ne  pas  perdre  de  vue  que  ces  émigrés  comptaient  dans  leurs  rangs  les 
meilleurs  éléments  du  pays.  Renon  de  France,  op.  cit.,  édit.  Plot,  t.  I,  p.  315.  «  Et  si 
paravant  plusieurs  s'estoienl  rendus  fugitifs,  leur  nombre  accrut  merveilleusement,  en 
sorte  que  Allemagne  et  Angleterre  se  treuvèrent  peuplez  des  gens  de  ce  pays.  »  —  Renon 
de  France  ajoute  encore,  t.  1,  p.  316  :  «  Par  un  dénombrement  que  la  royne  d'Angleterre 
ordonna  en  son  royaulme  fut  trouvé  plus  de  cent  cinquante  mille  personnes  y  réfugiez,  de 
toute  qualité,  principalement  artisans  et  gens  de  mestier.  »  Ce  ctiiffre  de  cent  cinquante 
mille  réfugiés  doit  être  fortement  exagéré;  car  Granvelle,  en  1573,  constate  que  60,000  habi- 
tants des  I*ays-Bas  ont  émigré  en  Angleterre.  —  La  Revue  de  Belgique,  1880,  t.  tll,  p.  131, 
sous  la  signature  de  Rahlenbeck,  dit  «  Ils  (les  émigrés  flamands  et  wallons)  sont  vingt  mille 
en  1564,  trente  mille  en  1566  et  plus  de  cipquante  mille  moins  de  deux  ans  plus  tard, 
après  l'arrivée  en  Belgique  du  duc  d'Albe.  Ils  se  dispersent,  les  marchands  s'associent  aux 
gildes  de  Londres,  les  industriels  se  fixent  à  Norwich,  à  Colchester,  à  Sandwich,  ailleurs 
encore  »...  En  Allemagne,  les  réfugiés  se  fixèrent  particulièrement  à  Emdem,  à  Wesel,  à 
Hambourg,  à  Heidelberg,  à  Francibrt-sur-le-Mein,  etc.  (Voir  à  ce  sujet  Renon  de  France, 
op.  cit.,  t.  I,  p.  315,  note  3.)  —  Archives  de  l'Etat  à  Mons,  Commission  des  Troubles  de 
Tournai,  1566-1569,  un  acte  en  date  du  13  juillet  1568. 

(-)  Correspondance  de  Granvelle,  t.  lit,  pp.  27-28. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  aux  publications,  n"  344,  Publication  du 
18  septembre  1567. 

Tome  L  —  Lettres,  etc.  25 


178  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

vers  la  fin  de  septembre  ('),  on  arrêla  enlre  autres  à  Flessingue,  prêts 
à  s'embarquer  pour  l'Anglelerre,  neuf  riches  bourgeois  et  marchands  de 
Tournai,  parmi  lesquels  se  trouvaient  Pasquier  de  le  Barre,  Jean  Says  et 
Gabriel  de  Cambry  (-). 

Les  expalriations  volonlàires  se  généralisèrent  tellement  que  pour  y  mettre 
un  terme,  le  duc  d'Albe  résolut  de  faire  incarcérer  le  même  jour  dans  loul 
le  pays,  «  tous  ceulx  que  l'on  trouveroit  ministres,  consisloriaux,  briseurs  des 
images,  ceulx  ayans  fait  faire  lesdits  bris  sacrilèges  et  aullres  ayans  porté 
les  armes  contre  le  Roy  »  (^). 

Les  arrestations  opérées  à  la  suite  de  cet  ordre  furent  nombreuses  dans 
tous  les  Pays-Bas,  mais  à  Tournai,  nous  ne  savons  pour  quelle  raison,  dans 
la  nuit  du  3  mars  1368,  c'élail  la  date  fixée  par  le  duc,  quatorze  bourgeois 
seulement  furent  conduits  en  prison  (*). 

Les  commissaires  rachelèrent  bien  vite  leur  tiédeur  et,  se  rabatlani  sur 
le  petit  peuple,  ils  firent  avant  la  fin  du  mois  de  juin  jeter  plus  de  trois  cents 


(1)  C'est  en  septembre  et  non  en  décembre,  comme  le  dit  Pinchart,  dans  Pasquier 
DE  LE  Barre,  op.  cil.,  t.  i,  p.  xxi,  qu'eut  lieu  cette  arrestation  de  Tournaisiens.  (Voir  à  ce 
sujet  DE  CoussEMAKER,  of.  cU.,  t.  11,  p.  152.)  Correspondance  de  Granvelle.  t.  III,  p.  28. 

(-j  Bulletins  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  XX,  p.  187.  —  Parmi  les  Tournaisiens 
arrêtés  à  Flessingue,  on  mentionne  encore  Jacques  Bulteau,  ancien  capitaine  d'une  com- 
pagnie bourgeoise,  et  Guillaume  des  Marels.  Ils  furent  exécutés  le  25  juin  1567  à  Bruxelles, 
tandis  que  Gabriel  de  Cambry,  Pasquier  de  le  Barre  et  Jean  Says  le  furent  à  Vilvorde,  le 
29  décembre  1568.  (tiulletins  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  XX,  pp.  187-188.)  — 
Voir  plus  haut,  p.  125  et  même  page,  note  3. 

A  la  suite  de  ces  arrestations,  le  Magistrat  craignant  d'être  taxé  de  tiédeur  par  le  duc 
d'Albe,  s'empressa  de  renouveler  l'interdiction  des  expatriations  et  de  rendre  plus  rigou- 
reuse la  visite  des  bateaux,  chariots  ou  ballots  de  marchandises  à  destination  de  l'étranger. 
Néanmoins  le  Gouvernement  aima  mieux  prendre  lui-même  ce  soin  et  chargea,  le 
13  juillet  1568,  Ambrosius  de  Ribera,  Jean  Gombault  et  son  gendre,  Nicolas  Sourdeau, 
«  d'empêcher  qu'un  grand  nombre,  tant  marchands  qu'autres  manans  »  ne  se  retirent 
secrètement  de  la  ville,  de  «  prendre  soigneux  regard  de  ceux  et  celles  qui  s'absentent  de 
Tournai  ei  du  Tournaisis  »,  et  de  saisir  les  biens  des  fugitifs. 

i^)  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Fonds  de  l'Audience,  Conseil  des  troubles, 
reg.  n°  32,  fol.  79.  —  Cet  ordre  fui  donné  à  Jean  de  Croy,  pouije  Tournaisis,  par  lettre  en 
date  du  27  février  1568  (n.  s.).  (Voir  Bulletins  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  t.  XVI, 
2"  partie,  p.  61,  et  Correspondance  de  Granvelle,  t.  III,  pp.  v-vi.) 

(*)  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  farde  :  Justice,  1568-1569. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  179 

artisans  dans  les  fers  (').  Du  même  coup,  les  exécutions  recommencent. 
«  Ce  ne  sont  plus  seulement  les  coupables  que  l'on  frappe,  remarque  avec 
indignation  le  baron  Kervyn  de  Lettenhove  (-),  on  condamne  aussi  les 
suspects;  on  poursuit  même  ceux  qui  n'ont  rien  à  se  reprocher,  si  leurs 
biens  tentent  l'avidité  de  ceux  qui  se  plaisent  à  les  dénoncer.  La  déca- 
pitation devient  une  faveur.  Les  hommes  périssent  souvent  par  le  feu,  les 
femmes  par  la  fosse  !  » 

En  effet,  l'échafaud  est  dressé  dés  lors  en  permanence  dans  certaines  villes 
du  pays.  Aucun  jour  ne  se  passe  sans  qu'un  citoyen  soit  ou  pendu  ou 
décapité,  ou  brûlé  ou  mutilé.  A  Tournai  en  particulier,  du  mois  d'avril  à 
la  fin  de  décembre  1568,  vinii;t-trois  personnes  subirent  le  cruel  supplice 
de  l'autodafé,  trente-trois  furent  pendues,  dix-huit  décapitées.  L'année 
suivante,  vingt  Tournaisiens  montèrent  sur  le  bûcher,  le  glaive  en  fil  périr 
trente  et  un  et  la  pendaison  deux.  Bref,  du  mois  de  septembre  4567  à  fin 
novembre  1570,  le  duc  d'Albe  fit  exécuter  sur  la  grand'place  de  Tournai 
cent  cinquante-deux  citoyens  ("). 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  farde  :  Justice,  io68-1569. 
États  des  nourritures  fournis  par  les  gardiens  des  prisons.  —  Le  nombre  des  prisonniers 
rendait  la  surveillance  difficile  ;  il  arriva  même  qu'un  jour  de  mars  ISeS  (le  16),  dix  de  ces 
malheureux,  incarcérés  à  la  tour  de  France,  s'échappèrent  par  l'ouverture  de  la  fosse 
d'aisances  qui  s'ouvrait  dans  le  milieu  de  leur  cachot  et  qui  aboutissait  dans  un  des 
fossés  des  remparts.  (Voir  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Fonds  de  l'Audience,  Conseil 
des  troubles,  reg.  n°  32,  fol.  81  v.  —  Archives  de  l'État  à  Mons,  Registre  aux  sentences 
criminelles,  fol.  43  r".) 

(2)  Kervyn  de  Lettenhove,  Les  Huguenots  et  les  Gueux.  Bruges,  1884,  t.  Il,  p.  150. 

(3)  Nous  ne  croyons  pas  devoir  citer  ici  les  noms  de  fous  les  malheureux  qui  furent 
voués  à  une  mort  odieuse  par  le  duc  d'Albe.  Le  lecteur  que  ces  détails  pourraient  inté- 
resser trouvera,  aux  annexes,  un  tableau  qui  le  renseignera  amplement  sur  ce  sujet. 
Les  chiffres  que  nous  donnons  sont  basés  sur  des  documents  d'une  authenticité  inatta- 
quable. Notre  tableau  indique  d'ailleurs  les  sources.  Nous  sommes  toutefois  convaincu  que 
nous  ne  connaissons  pas  dans  toute  son  exactitude,  le  nombre  de  ceux  qui  furent  envoyés  au 
dernier  supplice  pour  cause  de  religion;  à  notre  avis,  il  y  eut  à  Tournai  plus  de  victimes 
des  luttes  religieuses  que  celles  dont  nous  faisons  connaître  les  noms.  Combien  parmi 
ceux  en  si  grand  nombre  que,  de  lo67  à  1570,  les  pièces  d'archives  mentionnent  comme 
ayant  été  «  exécutés  pour  leurs  démérites  »,  l'ont  été  parce  qu'ils  étaient  hérétiques  ou 
transgresscurs  des  placards?  Ceux-là,  nous  ne  les  avons  pas  cités  dans  notre  tableau. 


480  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

Les  emprisonnements  ne  furent  pas  moins  nombreux.  Toul  était  devenu 
matière  à  délits.  La  liberté  individuelle,  on  ne  la  connaissait  plus  !  On  rendit 
la  messe  obli^aioire  ;  on  contraignit  les  Tournaisiens,  sous  peiue  d'une 
punition  laissée  «  à  l'arbitraire  des  prévôts  et  jurés  »,  à  assister  les 
dimanches  et  jours  de  fête  à  une  des  messes  de  leur  église  paroissiale  (^),  et 
pour  aider  à  rexéciilion  de  cette  mesure,  on  ferma  les  tavernes  et  on  interdit, 
sous  peine  de  1  florin  carolus  d'amende,  le  jeu  de  boules  ou  de  paulmc!  ou 
bien  la  promenade  dans  les  rues,  aux  beures  où  se  célébraient  les  messes 
dans  les  églises  de  Tournai  (-). 

Qu'on  ne  s'imagine  point  que  c'était  là  une  de  ces  sottes  et  inutiles  prohi- 
bitions, vaines  menaces  ou  défenses  inapplicables,  ainsi  qu'il  en  est  tant  sorti 
de  la  manie  de  réglementation  à  outrance  des  siècles  passés!  Les  pénalités 
comminées  furent  appliquées  et  les  amendes  édictées  furent  infligées  à  des 
paisibles  bourgeois  de  Tournai,  qui  s'étaient  cru  le  droit  d'arpenter  les  rues 
de  leur  ville  en  tout  temps,  même  le  dimanche  aux  heures  des  messes  (^). 

Les  dimanches  et  jours  de  fête  doivent  être  consacrés  à  Dieu.  Ces  jours-là, 
tout  travail  est  interdit;  il  n'est  pas  permis  aux  boulangers  de  cuire  leurs 
pains,  aux  brasseurs  de  livrer  leur  bière,  aux  meuniers  de  conduire  leur 
farine  en  ville,  parce  qu'ils  violent  «  la  sainteté  du  dimanche  et  des  fêtes 
solennelles  »  (*).  Nos  magistrats  tournaisiens  condamnent  le  sayeteur  Pierre 
Vaillant  au  bannissement  perpétuel,  parce  qu'il  a  «  été  trouvé  s'occupant  de 
son  métier  le  jour  de  la  Circoncision  » ,  alors  fête  à  garder  (^). 


f^)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  aux  publications,  n"  344,  fol.  330  v» 
et  334  r». 

f2)  Idem,  fol.  308  v"  et  309  r".  —  Cette  ordonnance,  en  date  du  2  janvier  4568  (n.  s.), 
stipulait  que  tout  jeu  et  toute  promenade  étaient  prohibés  de  7  à  40  heures  du  matin,  depuis 
la  fête  de  Pâques  jusqu'au  !"■  octobre,  et  pour  le  reste  de  l'année,  de  7  heures  à  midi. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  farde  :  Justice,  31  janvier  1368 
(n.  s.)  :  «  L'amende  en  quoy  a  esté  condemné  Jean  du  Puich,  tavernier,  pour  avoir  admi- 
nistré vivres  à  aucuns  manans  de  ceste  ville  par  jour  de  dimenche,  durant  la  grand'messe, 
et  pour  avoir  pourmené  [sur]  le  marchié  durant  les  heures  interdites...  » 

(*)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  aux  publications,  n»  344.  Publication  du 
27  octobre  4S69. 

(5)  Idem,  Publication  du  13  avril  1568  (n.  s.);  Registre  de  la  Loi,  n"  149,  7  janvier  1S68 
(n.  s.),  et  Publication  du  27  octobre  1569,  reg.  n»  344,  p.  347. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  m 

Malgré  le  tableau  désolant  que  nous  montre  cette  triste  époque,  on  est 
tenté  de  sourire  de  la  pruderie  au  moins  outrée  de  magistrats  civils,  comme 
les  prévôts  et  jurés  de  Tournai,  qui  vont  jusqu'à  défendre  à  leurs  concitoyens 
de  se  marier  durant  rAveiil,  «  pour  mieux  sanctifier  le  dit  temps  en  s'absle- 
nanl  de  toutes  choses  lubriques  »  ('). 

Un  an  plus  tard,  en  octobre  1570,  ces  mêmes  magistrats  ne  permettent 
plus  la  louée  habituelle  des  serviteurs  et  servantes  le  jour  de  la  Toussaint, 
sous  prétexte  que  les  campagnards  qui  venaient  faire  leur  choix,  commet- 
taient «  plusieurs  dérisions  et  mo(|ueries  »  qui  amusaient  le  peuple  et 
le  retenaient  loin  des  offices  divins  (^). 

Le  catéchisme  devint  obligatoire;  les  parents  qui  négligeaient  d'envoyer 
leurs  enfants  ayant  l'âge  requis  au  catéchisme  dominical  donné  en  l'église 
Saint-Pierre,  étaient  frappés  d'amende  (^). 

Pour  être  certain  que  les  nouveau-nés  seraient  baptisés,  le  duc  d'Albe 
enjoignit  au  Gouverneur  de  Tournai,  Jacques  Blondel,  seigneur  de  Cuinchy, 
de  veiller  «  à  ce  (|ue  les  sages-femmes  fussent  catholiques,  de  bonne  renom- 
mée, et  qu'elles  prêtassent  le  serment  de  dénoncer  au  curé  de  la  paroisse 
tout  accouchement  dans  les  vingt-quatre  heures  ». 

Il  ordonna  en  même  temps  aux  magistrats  municipaux  de  lui  signaler 
les  Tournaisiens  qui  mourraient  sans  avoir  reçu  les  sacrements  de  l'Église, 
pour  qu'il  pût  incontinent  confisquer  les  biens  de  ces  mécréants  et  faire 
porter  leur  cadavre  à  la  voirie. 

Il  fallait  que  l'on  témoignât  publiquement  le  plus  grand  respect  pour  le 
sacrement  de  l'Extrême-Onction.  L'indifférence  à  cet  égard  devenait  un 
crime  qui  méritait  un  sévère  châtiment,  et  le  Gouverneur  général  des 
Pays-Bas  commit  des  gens  «  pour  être  présents  au  port  des  sacrements  tant 
de  l'Autel  (|ue  de  l'Extrême-Onction,  à  l'effet  de  lui  faire  connaître  ceux  qui 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  aux  publications,  n°  344,  Publication  du 
16  novembre  1669. 

f2)  Iilem,  Publication  du  28  octobre  1570. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  liegistre  aux  publications,  n"  344,  fol.  332.  Cette 
ordonnance  du  19  février  (n.  s.)  fut  republiée  le  18  avril  1570. 


182  TOURNAI  ET  LE  TOURNATSIS  AU  XVT«  SIÈCLE 

feraient  quelques  gestes  irrévérencieux  ou  qui  ne  porteraient  aux  dits 
sacrements  révérence  convenable,  pour  en  provoquer  punition  exem- 
plaire »  (^). 

Voilà  à  quel  régime  d'intolérance  religieuse  le  duc  d'Albe  soumit  Tournai 
et  le  Tournaisis  en  particulier,  les  Pays-Bas  en  général. 

VI.    «  La  masse  de  la  population  n'a  pas  bougé  »,  écrit  Poullet  (^)! 

Quoi  d'étonnant? 

Frappés  de  stupeur  et  de  crainte  par  l'inhumaine  répression  du  duc, 
condamnés  pour  leurs  plus  petits  gestes,  soupçonnés  pour  leurs  moindres 
paroles,  comment  nos  pères  n'auraient-ils  pas  subi  une  sorte  d'affaissement 
moral,  eux  qui  vivaient  dans  une  atmosphère  d'abjection  qui  viciait  jusqu'au 
sentiment  de  la  dignité  humaine? 

Mais  si  cette  crise  devait  inévitablement  se  produire,  si  elle  était  fatale, 
fatal  aussi  était  le  réveil  de  nos  ancêtres. 

De  même  que  la  bête  se  cabre  sous  les  coups,  de  même  la  violence 
prolongée  de  la  répression  poussa  les  populations  des  Pays-Bas  à  redresser 
la  tête  et  à  lever  le  bras  (^). 

Sans  doute,  la  lutte  ne  s'engagera  plus  sur  le  terrain  de  la  tolérance 
religieuse  ;  il  s'agira  avant  tout  de  susciter  au  Gouverneur  général  des  ennuis 
qui  l'useront  à  la  tâche.  De  là  deux  mouvements  séparés  :  une  résistance 
armée  et  populaire,  ce  sont  les  représailles  des  Gueux  de  bois  et  des  Gueux 
de  mer,  et  une  résistance  officielle  et  constitutionnelle,  c'est  la  lutte  contre 
les  nouveautés  fiscales  du  Gouvernement. 

Ces  mouvements  furent  généraux.  Tandis  que  dans  les  autres  provinces 
des  Pays-Bas  se  levaient  les  Gueux  de  bois,  dans  les  campagnes  du  Tour- 
naisis, de  nombreux  bannis  que  l'amour  du  clocher  retenait  non  loin  de  leur 
village  ou  des  murs  de  Tournai,  et  que  soudoyaient  les  quelques  riches 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  2  juin  -1569,  reg.  n"  190, 
p.  501. 

(2)  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  III,  pp.  v-vi. 

(3)  Arcliives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  77,  fol.  73,  21  juin  1572  ;  24  avril  1573. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  183 

hourgeois  qui  n'avaienl  point  encore  quitté  la  ville,  se  réunirent  en 
bandes  années  et  se  laissèrent  entraîner  à  de  violents  mais  compréhensibles 
excès  ('). 

Ces  Feuiilars  Ç^)  —  on  les  désignait  ainsi  parce  qu'ils  avaient  l'habitude 
de  se  tenir  cachés  dans  les  bois  —  s'attaquèrent  aux  maisons  religieuses  et 
à  leurs  habilanls.  La  nuit,  ils  livraient  au  pillage  et  à  l'incendie  les 
monastères,  les  églises,  les  chapelles;  brisaient  les  objets  du  culte,  maltrai- 
taient ou  mutilaient  prêtres  et  moines,  et  dévalisaient  les  habilanls  dont  les 
convictions  papistes  leur  étaient  connues  (''). 

Ils  inspiraient  une  telle  crainte,  que  les  gens  de  la  campagne  n'osaient  ni 
les  poursuivre,  ni  les  dénoncer,  et  les  justices  ordinaires  des  villages  n'étaient 
point  assez  fortes  pour  s'opposer  à  leurs  brigandages  (*). 

Dans  ces  conditions,  les  États  du  Tournaisis  et  ceux  de  Tournai,  pour 
tenter  de  mettre  un  terme  à  ces  déplorables  exploits,  sollicilèrent  du  duc 
d'Albe  (16  juin  1571)  l'autorisation  de  lever  à  leurs  frais  et  dépens,  une 
compagnie  de  cinquante  hommes  originaires  du  pays.  On  exigerait  d'eux  la 
connaissance  topographique  des  villages  du  Tournaisis,  des  routes  et  des 
sentiers,  et  leur  principale  mission  consisterai!  à  prêter  main  forte  aux 
officiers  de  justice  ('). 

Le  Gouverneur  général  donna  avec  empressement,  le  29  juin,  son  appro- 
bation au  projet  (^). 


("1)  Voir  Correspondance  de  Granvelle,  l.  IV,  pp.  634-646.  —  On  voit  dans  ces  pages  que 
les  bourgeois  des  villes  contribuaient  de  leur  argent  à  l'entretien  et  à  la  levée  des  bandes 
de  gueux  de  bois.  Pour  Tournai,  la  déposition  d'un  Antoine  Douchet  fait  connaître 
qu'entre  autres  Tournaisiens,  Pol  et  Caron  Mercliier,  Gilles  Bacquelans,  Jacques  Merchier, 
François  Merchier,  Eleuthère  Pelet,  etc.,  tous  marchands,  subventionnaient  les  Feuiilars  et 
avaient  de  fréquents  rapports  avec  Nicolas  Taffin. 

C^)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  14  novembre  1571. 

(3)  Idem,  reg.  n«  77,  fol.  61,  et  Consaux,  séance  du  19  juin  1571  ;  Pièces  comptables, 
larde  :  Voyages,  26  mai  1572  ;  reg.  n°  344,  p.  502.  —  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles, 
Fonds  de  l'Audience,  Conseil  des  troubles,  reg.  n°  32. 

(*)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  61  ;  16  juin  1571. 

(5)  Idem,  reg.  n"  77,  fol.  62. 

(6)  Idem,  reg.  n°  77,  fol.  62. 


184  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

Les  Élats  chargèrent  le  Gouverneur  de  Tournai,  Jacques  Blondel,  de 
l'enrôlement  de  ces  nouveaux  défenseurs  de  l'ordre  public,  lui  laissèrent  la 
faculté  de  lever  autant  de  soldats  qu'il  le  jugerait  bon,  lui  abandonnèrent 
la  nomination  du  comniandanl  comme  la  répartition  des  escouades  et  déci- 
dèrent de  donner  à  chaque  homme  une  solde  (|uotidienne  de  4-  patars  (^). 

Jacques  Blondel  enrôla  de  cent  à  cent  vingt  hommes  et  plaça  à  leur  tête 
Hector  Daverdun  (^). 

Mais  ces  soldats  n'apportèrent  point  aux  officiers  de  justice  une  aide  bien 
efficace;  ils  ne  les  assistaient  qu'avec  mauvaise  grâce,  refusant  parfois  ouver- 
tement de  concourir  à  l'arrestation  des  Feuillars.  Aussi  furent-ils  bientôt 
réduits  à  cinquante  hommes.  Vingt  furent  cantonnés  au  village  de  Rumegies 
sous  les  ordres  de  Daverdun  lui-même,  dix  à  Mortagne,  dix  à  Saiut-Amand 
et  dix  à  Tournai  sous  le  commandement  du  procureur  fiscal  (^).  L'indisci- 
pline el  la  mauvaise  volonté  de  ces  singuliers  gardiens  de  l'ordre  furent 
telles  que  les  Étals  finirent  par  les  licencier  et  procédèrent  à  une  nouvelle 
levée  de  trente  soldats,  dont  dix  furent  cantonnés  à  Tournai  et  vingt  à 
Saint-Amand  (*). 

Ce  n'était  certes  pas  le  moyen  de  rendre  les  Feuillars  moins  audacieux. 
Aussi  le  duc  d'Albe  répondit-il  à  cette  réduction  des  effectifs  par  un  ordre 
formel  au  Gouverneur  de  Tournai  de  lever  trois  cents  hommes  pour  veiller 
à  la  garde  el  à  la  défense  du  Château  comme  à  la  protection  des  cam- 
pagnes (^).  Les  Élats  répondirent  à  cette  injonction  par  le  licenciement 
complet  de  leurs  trente  hommes  (^). 

Cependant  l'audace  des  Feuillars  s'était  à  tel  point  accrue,  que  plus  un  seul 
des  officiers  de  justice  ne  pouvait  s'aventurer  dans  la  province  sans  être 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n*  77,  fol.  62-63. 

(2j  Idem,  reg.  a"  77,  fol.  64. 

(3)  Idem,  reg.  n»  77,  fol.  69-70;  7  décembre  lo71. 

(i)  Idem,  Consaux,  séance  du  23  février  1562  (n.  s.),  et  reg.  n"  77,  fol.  70. 

(5)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  72.  —  La  défense  de  la  ville  de 
Tournai  était  assurée  par  quatre  compagnies  de  chevau-légers  que  commandait  Antoine 
de  Tolède.  (Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  67.) 

(6)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  72. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  183 

rançonné  ou  meurtri,  eU  que  «  l'entière  deslruclion  des  églises  et  £;ens 
ecclésiastiques  »  paraissait  inévitable  avant  peu,  si  un  prompt  remède  n'était 
apporté. 

Les  Feuillars  avaient  même,  parait-il  (*),  conçu  le  projet  de  s'emparer  du 
Château  de  Tournai  avec  l'aide  de  calvinistes  français. 

Aussi  quinze  jours  après  le  licenciement  de  leurs  trente  hommes,  le 
21  juin  1372,  les  États  du  Tournaisis  décidèrent  derechef  «  de  lever, 
équiper,  nourrir  et  payer  »  vingt  ou  trente  nouveaux  soldats  (-). 

Malgré  tout,  les  Feuillars  n'en  continuèrent  pas  moins  à  terroriser  les 
campagnes  lournaisiennes  et  à  créer  des  embarras  au  duc  d'Âlbe  (")  jusqu'au 
moment  de  son  départ.  Il  ne  fut  plus  que  très  rarement  (|ueslion  d'eux  après 
l'arrivée  aux  Pays-Bas  du  nouveau  gouverneur  général,  don  Requesens  y 
Cunigâ,  et  ils  disparurent  totalement  vers  le  milieu  de  l'année  1574-,  immé- 
diatement après  la  suppression  du  Conseil  des  troubles,  c'est-à-dire  quand  ils 
n'eurent  plus  de  raison  d'être. 

En  même  temps  que  les  Feuillars,  avait  surgi  une  cause  d'ennuis  autre- 
ment sérieuse  pour  le  Gouvernement,  la  résistance  qu'opposèrent  certains 
États  provinciaux  et  grandes  communes  à  rétablissement  des  impôts  des  x''  et 
XX*  deniers. 

A  certain  moment,  la  situation  du  duc  d'Albe  fut  très  critique.  L'exaspé- 
ration   était    devenue    générale;  le    prince   d'Orange  et  son   frère   Louis 


(ij  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  général  d'octobre  -1372  à  octobre  1S73, 
fol.  49  v.  —  «  A  Biaise  Denis,  messagier  du  Chaslel  en  Cambresis,  pour  son  sallaire  de 
soy  avoir  transporté  dudit  Chastel  en  Cambresis  en  ceste  ville,  apportant  lettres  du  Chaslel 
au  magistrat  d'icelle  par  lesquelles  il  les  advertissoit  de  ce  que  plusieurs  Franchois  et  gens 
ramassiez  estoient  vers  ledict  Cambresis  h  intention,  comme  l'on  présupposoit,  de  sur- 
prendre quelcque  ville  du  pays-bas,  mesmemenl  qui  avoit  esté  rapporté  audict  Chastelein 
qu'il  avoient  conclud  de  surprendre  ceste  ville  de  Tournai...  vu  Ib. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  73. 

(3)  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  VIII,  p.  392,  note  6  :  «  Louis 
de  Blondel,  chevalier,  S"^  de  Beauregard,  reçut  le  12  janvier  1S73  du  duc  d'Albe,  une 
commission  pour  lever  une  compagnie  de  gens  de  guerre  pour  la  garde  du  Château  de 
Tournai.  » 

Tome  I.  —  Lettres,  etc.  24 


i8(i  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

de  Nnssaii,  avaient  levé  des  Iroupes  en  Allemagne  el  se  préparaient  à  envahir 
les  Pays-Bas;  les  soldats  espagnols,  irréguliénimenl  payés,  mnrmuraieni;  les 
ressonrces  de  l'Espagne  commençaient  à  tarir;  les  aides  ordinaires  el  extra- 
ordinnires  jusqu'ici  consenties  par  les  États  provinciaux  avaient  été  dépen- 
sées, el  l'argent  manquait  dans  les  caisses  de  l'État,  «  par  suite  des  grandes 
dépenses  qu'avait  coûtées  la  conservation  de  la  religion  catholique  »  (^). 

Pour  l'aire  face  au\  urgentes  nécessités  dans  lesquelles  il  se  trouvait, 
le  duc  d'Albe  songea  à  recourir  à  des  moyens  exceptionnels,  mais  inconstitu- 
tionnels. 

En  elïet,  au  milieu  du  naufrage  de  leurs  libertés,  les  provinces  avaient  pu 
SHuver  un  droit  auquel  personne  n'avait  jusque-là  attenté,  le  vote  des  impôts 
el  subsides.  Malgré  son  altière  arrogance  el  son  profond  mépris  des  préro- 
gatives nationales,  le  duc  d'Albe  avait  dû  périodiquement  adresser  ses 
demandes  d'argent  à  chacun  des  États.  Il  lui  répugnait  de  devoir  compter  sur 
la  bienveillance  de  ces  assemblées  pour  combler  les  vides  du  Trésor  public. 
Ne  comprenant  pas  que  le  Souverain  put  se  trouver  sans  cesse  à  la  merci  des 
États,  il  songea  à  remplacer  ces  aides  temporaires  par  un  impôt  permanent, 
qui  aurait  fourni  au  Gouvernement  un  revenu  lixe  et  perpétuel  et  (|ui  le 
dispenserait,  à  l'avenir,  de  solliciter  à  tout  pro|)os  le  bon  vouloir  des  repré- 
sentants de  la  nation  (-). 

11  convoqua  les  États-Généraux  à  Bruxelles,  le  19  mars  1569  (^)  et,  deux 
jours  après,  leur  demanda  d'autoriser  d"abord  la  perception  d'une  contri- 
bution extraordinaire  de  1  "/o  sur  tous  les  biens,  meubles  et  immeubles, 
«  appartenant  tant  à  gens  d'église  comme  à  séculiers  »  (');  ensuite  de  deux 
taxes  permanentes,  l'une  de  10  "/„  sur  toute  vente  de  meubles,  de  marchan- 


(')  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n''  77,  foi.  33. 

(2)  Commission  royale  (Chistoire  de  Belfiique,  Comptes  rendus,  i"  série,  t.  XI,  p.  308. 

(3)  Les  États  du  Tournaisis  avaient  député  à  cette  réunion  Michel  Désespringalles,  bailli 
de  Warcoing  et  greffier  des  échevins  de  Tournai,  tandis  que  ceux  de  Tournai  y  avaient 
envoyé  le  grand  prévôt,  Jacques  de  Frayère,  et  le  conseiller  Le  Clercq.  (Archives  commu- 
nales de  Tournai,  reg.  n">  77,  fol.  32,  et  Consaux,  séance  du  "28  mars  1569  (n.  s.). 

(*)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  28  mars  1569  (n.  s.). 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  \ft7 

dises  (^),  de  produits  du  sol  ou  de  l'industrie  qui  s'exporteraient  du  pays; 
l'autre  de  5  "/o  sur  les  ventes  d'immeubles,  à  la  charge  du  vendeur.  Le  roi, 
ajoutait  insidieusement  le  duc  d'Alhe,  serait  d'autant  plus  porté  à  favoriser  le 
commerce  des  Pays-Bas,  que  les  impôts  rapporteraient  davantage  (-). 

Ce  projet  rencontra  la  plus  vive  opposition.  Peut-être  les  Étals-Généraux 
auraient-ils  cédé,  mais  les  assemblées  provinciales  se  montrèrent  moins 
traitahles,  et  quel(|ues-unes  formulèrent  des  conditions  et  apportèrent  des 
modillcations  au  projet  du  duc  d'AIbe. 

Dans  le  Tournaisis,  un  certain  antagonisme  se  fit  jour  à  ce  sujet  entre  les 
prélats  et  les  nobles,  d'un  côté,  et  la  ville  de  Tournai,  de  l'autre. 

Prélats  et  nobles  dont  la  fortime  consistait  surtout  en  biens  fonciers, 
se  montrèrent  assez  accommodants.  Ils  ne  se  trouvaient  point  trop  lésés  par 
les  exigences  du  Gouverneur  général  et,  le  18  avril  4S69,  ils  se  rallièrent 
à  ses  propositions. 

Mais  au  sein  des  Etals  de  Tournai,  les  Consaux,  considérant  les  impo- 
sitions nouvelles  comme  désastreuses  pour  le  commerce  de  la  cité,  se  mon- 
trèrent récalcitrants;  après  avoir  considté  les  trente-six  Bannières,  ils  ne 
consentirent  à  l'octroi  du  centième  denier  que  si  les  autres  États  du  pays, 
sans  exce|)lion,  l'accordaient.  Quant  aux  impôts  permanents,  ils  réduisirent 
le  x"  denier  au  quaranlième,  soit  2  ^Iç,  °/o  de  la  valeur,  et  le  xx«  au  cinquan- 
tième, soit  à  2  "/o  (•^). 

Il  ne  pouvait  entrer  dans  les  vues  du  duc  de  céder  en  quoi  que  ce  fût  ; 
aussi  rel'usa-t-il  d'accepter  les  modifications  proposées  par  les  États  de 
Tournai.  Ceux-ci  «  devant  l'intimidation  et  la  violence  dont  le  duc  s'était 


(<)  Une  ctiose  est  à  noter,  c'est  que  le  x«  denier  ou  la  taxe  de  10  "/o,  devait  être 
perçue  sur  tout  ce  qu'on  entend  de  nos  jours  par  biens  et  valeurs  mobilières,  les  meubles, 
les  bijoux,  les  étottes,  les  titres  de  rente,  etc.  A  voir  particulièrement  sur  les  x"  et  xx^  deniers 
en  général.  Messager  des  sciences  historiques  de  Gaiid,  année  1849,  pp.  28S-467,  et 
année  1849,  p.  27;  Commission  royale  d'histoire  de  Belgique,  Comptes  rendus,  i»  série,  t.  XI, 
p.  307;  Revue  d'histoire  ecclésiastique,  t.  II,  p.  828.  Louvain,  1901. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  32  à  40. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séances  des  28,  30  et  31  mars,  et  4  et 
5  avril  1569  (n.  s.). 


188  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

servi  envers  les  Étals  de  Flandre  el  du  Brabant  »  ('),  devant  «  le  consen- 
tement des  Étals  du  Hainaut  et  du  Tournaisis  » ,  prirent  peur  el,  par  crainte 
«  que  leur  ville  ne  tombât  en  l'indignation  du  roi  »  ('^),  n'osèrent  refuser 
«  ce  que  aultres  Eslalz  avaient  tant  volontairement  consenti  »  (^).  Ils  réso- 
lurent néanmoins  d'en  référer  à  Philippe  II  pour  le  prier  de  réduire  les 
impôts  des  x'  et  xx^  deniers  aux  quarantième  el  cinquantième  ('). 

Si  la  perception  du  centième  denier  ne  souleva  pas  de  trop  grandes  récri- 
minations C '),  il  n'en  fut  donc  pas  de  même  des  impôts  des  x^  et  xx"  deniers. 
Malgré  les  menaces  plus  ou  moins  dissimulées  du  duc  d'Albe,  «  il  n'y  avait 
pas,  dit  Piot,  de  ville  tant  soit  peu  importante  en  Brabant  et  en  Flandre  qui 
ne  protestât  énergiquement  contre  l'établissement  de  l'impôt  nouveau. 
Bruxelles,  Anvers,  Malines,  Douai,  etc.,  manifestaient  à  chaque  instant  leur 
mécontentement;  le  commerce  disparaissait;  le  clergé  lui-même  s'y  montra 
opposé  »  C).  Les  Tournaisiens  suivirent  le  mouvement  imprimé  par  les  villes 
flamandes  et  brabançonnes  et,  ne  se  contentant  pas  de  protester  auprès  du 
duc  d'Albe,  ils  portèrent  leurs  doléances  jusque  sur  les  marches  du  trône. 
Ils  devançaient  en  cela  les  Étals  du  Hainaut,  de  Flandre  et  d'autres  provinces, 
qui  plus  tard  ne  trouvèrent  plus  que  ce  moyen  pour  essayer  de  parvenir  à 
la  suppression  de  ces  impôts  qu'ils  «  abhorraient  »,  suivant  l'expression  du 
duc  d'Albe  lui-même  ('). 


(*)  Revue  d'histoire  ecclésiastique,  t.  Il,  p.  831. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  21  avril  1569. 

(3)  Idem,  Consaux,  séance  du  21  avril  1369  (n.  s.). 

{*)  Idem,  Consaux,  séance  du  22  avril  1569  (n.  s.).  —  Cette  lettre  des  États  de  Tournai 
au  roi  est  introuvable.  A-t-elle  été  écrite  et  envoyée?  Nous  n'en  savons  rien  ;  quoi  qu'il  en 
soit,  on  peut  mettre  les  Etats  de  Tournai  dans  la  liste  des  États  protestataires  contre 
l'établissement  des  impôts  des  x<'  et  xx^  deniers. 

(»)  A  Tournai,  le  26  septembre  1569,  une  publication  du  magistrat  ordonna  de  préparer 
«  les  actes  de  Inuaiges  el  bail  de  censés  »  pour  faciliter  la  perception  du  centième.  —  Voir 
aux  Archives  communales  de  Tournai,  Publication,  reg.  n»  344,  fol.  34o. 

(•î)  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Poullet,  t.  IV,  p.  xvni. 

C)  a  Tous  les  États  abhorrent  ledit  moyen  comme  chose  nouvelle  »  dit  le  duc  d'Albe 
dans  une  lettre  du  12  octobre  qu'il  adressa  au  Gouverneur  de  Tournai.  (Archives  commu- 
nales de  Tournai,  reg.  n»  77,  fol.  42.) 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  l«0 

Toulefois,  devant  les  murmures  qui  de  tous  côtés  s'élevaient  dans  les 
Pays-Bas,  le  Gouverneur  général  n'osa  pas  aller  jusqu'au  bout  et  prit  le  parti 
de  renoncer  provisoirenieni  à  la  levée  du  x"  et  du  xx'-  denier. 

Le  12  octobre  1569,  il  proposa  aux  Étals  de  Tournai-Tournaisis,  comme 
il  l'avait  fait  à  ceux  des  autres  provinces,  de  substituer  à  ces  impôts  impo- 
pidaires  une  contribution  annuelle  de  2  millions  de  florins,  pour  inie 
période  de  six  années,  et  répartissable  sur  tous  les  Pays-Bas,  plus  un 
second  centième  à  l'expiration  de  ce  terme.  Tournai  voyait  sa  quote-part 
fixée  à  7,250  florins  à  courir  à  dater  du  13  août,  tandis  que  les  États 
du  Tournaisis  auraient  à  en  payer  14-, 500.  C'était  une  somme  totale  de 
21,750  florins  que  réclamait  annuellement  le  Gouvernement  ('). 

A  n'en  pas  douter,  le  duc  faisait  une  concession  à  l'opinion  publique,  mais 
les  États  du  Tournaisis  ne  le  comprirent  pas  ainsi.  Le  \"  et  le  xx"  denier 
leur  semblaient  moins  onéreux;  aussi  après  «  plusieurs  altercations  et 
disputes  »,  ils  firent  savoir  au  duc  «  qu'il  leur  serait  impossible  de  recouvrer 
annuellement  ces  14-, 500  florins  »  et  ils  offrirent  au  Gouvernement  ut)e 
somme  de  8,000  écus  au  lieu  des  14-, 500  demandés  (-). 

Sans  contredit,  ils  étaient  les  seuls  ou  à  peu  près  à  réclamer  le  maintien 
des  impôls  nouveaux  ;  mais  on  ne  leur  sut  aucun  gré  de  leur  soumission 
intéressée,  car  le  duc  d'Âlbe  maintint  leur  quote  au  chiffre  fixé  précé- 
demment (^). 

Au  contraire,  les  États  de  Tournai  applaudirent  à  la  résolution  du  Gouver- 
neur général  et,  le  8  novembre  1569,  consentirent  à  payer  leur  part 
de  7,250  florins,  tout  en  recommandant  au  dé|)uté  (pj'ils  envoyaient  en 
Cour,  à  Bruxelles,  «  d'escouter  comment  aultres  Estatz  du  pays  se  condui- 
ront en  cest  endroit,  et  d'en  advertir  les  Consaux  »  (*). 


(1)  Archives  communates  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  17  octobre  1569;  reg.  n"  77, 
fol.  42. 

i'i)  Idem,  reg.  n"  77,  fol.  46-47,  48  et  59. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  77,  fol.  59. 

(!•)  Idem,  Consaux,  séances  des  8  et  29  novembre,  et  du  1"=''  décembre  1569.  —  Les 
Consaux  furent  informés  le  17  octobre,  par  le  gouverneur,  Jacques  Blondel,  seigneur 


190  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XYI^  SIÈCLE 

Le  duc  d'Albe  ne  respecta  pas  ses  propres  engagements.  Bien  qu'il  eût 
fixé  à  six  années  la  durée  des  charges  nouvelles,  le  31  juillet  1571,  deux 
ans  après  leur  établissement,  il  fit  paraître  un  édit  par  lequel  il  ordonnait  de 
lever  le  x*  et  le  xx''  denier. 

Cette  décision  inattendue  provoqua  dans  tout  le  pays  la  plus  légitime 
indignation.  Une  opposition  violente  se  manifesta.  Viglius  et  de  Noircarmes, 
dit-on,  dirigeaient  la  résistance  contre  le  projet  du  duc  d'Albe.  Les  princi- 
paux dignitaires  du  clergé,  entre  autres  les  évoques  de  Bruges,  de  Gand  et 
d'Ypres,  Driutius,  Jansenius  et  Rithove,  adressèrent  des  remontrances  au 
Gouverneur,  et  le  clergé  régulier,  principalement  les  Jésuites,  s'éleva  vive- 
ment contre  le  rétablissement  des  x*  et  xx"  deniers  ('). 

Des  représentations  furent  faites  par  les  diverses  assemblées  provinciales. 
Les  États  de  Tournai  furent  au  premier  rang  des  protestataires  et,  le 
1«^  septembre  1571,  ils  députèrent  leur  conseiller  Érasme  du  Chambge 
à  Bruxelles  pour  obtenir  le  maintien  de  la  quote  de  7,250  florins  (-). 

L'unanimité  des  réclamations  laissa  le  duc  d'Albe  inflexible  ;  il  n'écouta 
pas  plus  du  Chambge  que  les  députés  des  autres  provinces.  Le  délégué 
de  Tournai  en  informa,  le  11  septembre,  les  Consaux;  ceux-ci  lui  adjoi- 
gnirent alors  le  grand  prévôt,  Jean  Grenut,  afin  (|ue,  d'accord  avec  les 
autres  États,  ils  cherchassent  à  «  divertir  son  Excellence  de  lever  le  x«  et 
XX*  denier  »  (•^),  et  fissent  entendre  les  plaintes  particulières  des  Tournai- 
siens.  Jean  Grenut  avait  pour  mission  d'exposer  que  cette  contribution 
allait  amener  la  ruine  des  Pays-Bas  et  particulièrement  celle  de  Tournai, 
où  la  population  ne  vivait  que  de  l'industrie  locale  et  travaillait  surtout 
pour  l'exportation. 


de  Cuincliy,  de  la  décision  du  duc  d'Albe  de  remplacer  le  x*"  et  le  xx*  par  une  quote  de 
7,2S0  florins.  Ils  députèrent  pour  informer  le  duc  d'Albe  de  leur  consentement  le  conseiller 
Érasme  du  Chambi^e. 

(1)  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Piot,  t.  IV,  p.  155  et  note  1  ;  Revue  d'histoire 
ecclésiastique,  t.  11,  p.  833. 

(2)  Arctiives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  i"  septembre  1571. 

(•'')  Idem,  Consaux,  séance  du  11  septembre  1571.  Pièces  comptables,  farde  :  Voyages, 
quittance  donnée  par  Érasme  du  Chambge  en  date  du  2  septembre  1571. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  1«J1 

En  outre,  devait- il  ajouter,  si  le  duc  d'Albe  s'en  tenait  à  sa  première 
résolution,  s'il  mainlenail  la  taxe  de  10  °/o  sur  tout  ce  qui  s'exportait,  il 
vouait  par  le  fait  même  quantité  de  ménages  d'artisans  à  la  misère  et  la 
ville  de  Tournai  à  sa  perte  (^). 

Les  autres  Éiats  du  pays  durent  faire  entendre  des  plaintes  analogues,  car 
le  duc  d'Albe  «  voulani  faire  preuve  de  modération  »,  selon  sa  propre 
expression,  conseniil  à  ce  que  les  marchandises  exportées  payassent  le 
XXX*  denier  au  lieu  du  x*  ('^). 

Là  s'arrêtèrent  les  concessions. 

Le  Gouverneur  général  ordonna  bientôt  de  procéder  à  la  levée  des  impôts. 
A  Tournai,  le  20  octobre  io71,  on  publia  le  placard  commandant  de 
collecter  les  taxes  si  odieuses  el  le  Magistrat  lournaisien,  devant  la  stérilité 
des  efforts  de  sa  dépulalioii,  rappela  le  grand  prévôt,  ne  laissant  «  en 
Cour  »  (|ue  le  conseiller  du  Cliambge  «  pour  parachever  le  reste  de  sa  com- 
mission »  (■'). 

Malgré  Timpalience  dont  témoignait  le  Gouvernement,  la  ville  de  Tournai 
alleiidit  jusqu'au  14  novembre,  c'est-à-dire  trois  semaines  après  la  publi- 
cation du  ()lacard,  quand  le  gouverneur  de  Cuinchy  et  Jean  Gombaull, 
receveur  royal  au  quartier  de  Tournai,  eurent  été  invités  à  choisir  des 
collecteurs,  pour  autoriser  ces  «  personnages  exprès  »  à  remplir  leur 
mandat  ('). 

Au  contraire,  les  Étals  du  Tournaisis  dont  la  décision  du  duc  d'Albe 


(^)  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  farde  :  Voyages,  2  septem- 
bre 1571  et  10  novembre  1571.  Compte  général,  1571-1572,  fol.  60  r". 

(2)  Idem,  Pièces  comptables,  farde  :  Voyages,  10  novembre  1571.  Consaux,  séance  du 
26  octobre  1571. 

(^)  Idem,  Consaux,  séance  du  20  octobre  1571. 

(*)  Idem,  Consaux,  séance  du  14  novembre  1571,  et  reg.  n"  341,  Publication  de  même 
date.  —  Jean  Gombault,  seigneur  d'Archimont  (à  Velainesi,  des  Terraiges  [h  Camphin  en 
Pévèle),  de  Beaulieu  (aussi  h  Camphin),  mort  en  1599,  âgé  de  76  ans;  tils  de  Jean  Gom- 
bault, bourgeois  de  Tournai,  par  relief  fait  le  18  juin  1307,  et  de  Jeanne  des  Farvacques; 
il  épousa  Antoinette  de  Touwart,  dite  de  Thouars,  héritière  du  Manaing,  au  Saulchoir, 
pouvoir  de  Tournai  11  acheta  sa  bourgeoisie  pour  8  livres  Flandre,  le  28  mai  1568. 
(Voir  Annuaire  de  la  noblesse  de  Belgique,  1867,  p.  114.) 


192  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SFÈC[.E 

comblait  les  vœux,  avaient,  dès  le  18  août,  fait  percevoir  les"  x^  el 
xx^  deniers  ('). 

Là  semble  s'arrêter  la  participation  officielle  des  États  de  Tournai  au 
mouvement  de  protestation  contre  rétablissement  des  nouveaux  impôts.  Les 
registres  cl  documents  d'archives  ne  nous  donnent  plus  de  renseignements 
sur  des  missions  officielles  qui  auraient  |)u  être  confiées  à  des  délégués  tour- 
naisiens  En  fait,  cependant,  il  n'est  pas  douteux  que  les  États  de  Tournai 
coniinuèrenl  encore  durant  tout  un  temps  leur  opposition,  concurremment 
avec  les  aulres  États.  On  peut  dire  en  toute  assurance  que  le  26  novembre, 
le  conseiller  tournaisien  du  (ihambge  était  parmi  les  députés  du  Hainaut,  de 
la  Flandre  et  dos  autres  provinces  qui  se  lendirent  chez  le  duc  d'Albe  pour 
protester  à  nouveau,  mais  vainement,  contre  les  impôts  ("^). 

Sans  doute,  Tournai  et  le  Tournaisis  n'envoyèrent  pas  de  délégués  à 
iMadrid  près  du  Koi,  comme  le  Hainaut,  la  Flandre,  l'Artois,  le  Brabant, 
Douai,  Lille  et  Orchies;  sans  doute  Tournai  eût  bien  fait  de  poursuivre  en 
compagnie  des  Élals  des  autres  provinces,  la  lulle  qu'il  avait  entamée  en  vue 
de  l'aboliiion  des  impôls,  mais  les  Tournaisiens  avaient  d'autres  soucis  plus 
pressants.  Ils  avaient  à  veiller  sur  leurs  intérêts  particuliers  avant  de  songer 
au  bien  commun;  ils  avaient  à  se  défendre  contre  le  duc  d'Albe  qui  voulait 
augmenter  leur  garnison  de  quatre  compagnies  de  cavalerie  et  qui  l'augmenta, 
malgré  tout  (''). 

Quand  ils  eurent  vidé  cette  question,  il  était  trop  lard  pour  reprendre  une 
part  active  au   mouvement  général.    En  guise  de  protestation  contre  les 


(<)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  77,  fol.  (J7. 

(2)  Ce  qui  prouve,  à  notre  avis,  que  du  Chambge  s'unit  aux  autres  le  26  novembre, 
c'est  cette  laconique  mention  extraite  des  Consaux  de  Tournai  :  «  Consaulx  rassemblez 
le  xxvm*  jour  de  novembre  xv^  Ixxj  pour  entendre  le  contenu  des  lettres  de  maislre 
Érasme  du  Chambge,  conseiller  de  ceste  ville  estant  en  cour,  eit  dacte  du  xxvj'  de  ce  mois, 
desquelles  a  esté  faict  ouverture  et  lecture.  »  Le  registre  n'en  dit  malheureusement  pas 
plus  long. 

(3)  Voir  Archives  communales  de  Tourimi,  Consaux,  séances  des  11,  14,  15,  20,  22, 
24  novembre  1571,  et  beaucoup  d'autres  qui  suivent  et  qui  mettent  à  nu  les  démêlés  de  la 
ville  de  Tournai  et  du  duc  d'Albe,  à  propos  de  l'augnienlation  de  la  garnison. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  193 

impôts,  ils  s'obstinèrent  toutefois  à  refuser  toute  demande  d'emprunt  que  leur 
adressèrent  à  maintes  reprises  les  colonels  espagnols.  Ils  ne  consentirent  à 
une  légère  avance  «  pour  subvenir  à  la  nécessité  des  soldats  »,  que  quand 
le  colonel  Antonio  de  Tolède  les  eut  menacés  de  livrer  la  ville  au  pillage  et 
les  habitants  au  massacre  (*). 

Au  reste,  l'allilude  peu  énergique  de  leur  évêque  n'était  point  faite  pour 
encourager  les  Tournaisiens  à  suivre  les  autres  provinces  dans  la  voie  de  la 
résistance  ou  de  la  protestation.  Les  évêques  de  Bruges,  de  Gand,  d'Ypres 
conduisaient,  on  l'a  vu,  l'opposition  dans  les  Flandres.  Gilbert  d'Ongnies, 
1  évêque  de  Tournai,  jouait  un  rôle  beaucoup  plus  effacé  et  ne  méritait 
le  ressenlimenl  du  duc  d'Albe  que  parce  (|u'il  refusait  de  révoquer  le  curé  de 
Courtrai  qui  avait  prêché  contre  le  x''  denier  (-), 

11  semble  bien  que  la  démarche  des  Etats  à  Madrid,  n'ait  pas  été  complè- 
tement inutile.  Philippe  11  ne  se  rendit  pas  tout  de  suite  à  leurs  remontrances, 
mais  ropiniâtreté  d'une  résistance  que  le  duc  d'Albe  n'était  point  parvenu  à 
vaincre,  la  rébellion  simultanée  des  Gueux  de  mer  et  des  Gueux  de  bois,  la 
défection  de  Flessingue,  le  soulèvement  de  la  Hollande,  la  prise  de  Mons  par 
Louis  de  Nassau  eurent  raison  de  ses  hésitations.  Philippe  II  comprit  que  la 
politique  suivie  par  son  lieutenant  dans  les  Pays-Bas  était  contraire  aux 
intérêts  du  pays  comme  à  ceux  de  la  couronne,  et  il  céda  ( '). 

Le  7  juillet  1572,  le  gouverneur  de  Cuinchy  fil  connaître  en  ces  termes 
cet  heureux  événement  aux  États  de  Tournai  :  «  Son  Excellence,  du  con- 
sentement du  Roi,  a  aboli  le  x«  el  le  xx^  deniers  » .  Du  même  coup  la  quole 
antérieure  de  21,750  florins  se  trouva  rétablie,  et  le  même  jour,  le  Magistrat 
fit  publier  à  tous  les  carrefours  de  Tournai,  la  défense  «  de  lever  et  recep- 
voir  les  x«,  xx"  et  xxx«  »  (*). 

L'abolition  des  x^  et  xx*  deniers  mécontenta  le  duc  d'Albe;  il  y  vil  un 


(1)  Voir  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  particulièrement  la  séance  du 
31  décembre  1S71. 
(2j  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Piot,  l.  IV,  pp.  91,  99  et  160. 
(3)  Archives  conmiunales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  7  juillet  lo7:2. 
(■*)  Idem,  Publication  du  7  juillet  1S72;  reg.  n"  344,  fol.  o23. 

ToHE  L  —  Lettres,  etc.  25 


194  TOURNAI  ET  LE  TOURNA[SIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

désaveu  de  sa  conduite.  On  était  bien  près  d'être  délivré  de  sa  présence.  Les 
professeurs  de  l'Université  de  Louvain  en  liâlérent  le  moment.  Ils  adressèrent 
au  roi  une  lettre  confidentielle  datée  du  18  mai  1573,  lui  demandant 
«  qu'il  envoie  un  gouverneur  dont  on  puisse  espérer  qu'il  accordera 
réellement  et  efficacement  le  pardon  impatiemment  attendu  de  la  clémence 
royale  »  ('). 

Sept  mois  plus  tard,  en  décembre  1573,  le  duc  d'Albe  remettait  ses 
pouvoirs  entre  les  mains  de  don  Luis  y  Cuniga  de  Requeseiis  et  abandonnait 
définitivement  nos  provinces  pour  rentrer  à  Madrid. 


(<)  Voir  Revue  d'histoire  ecclésiastique,  t.  II,  pp.  838-839. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  19S 


QUATRIEME  PARTIE 


Suites     de     la     Réforme. 


CHAPITRE  PREMIER. 

LE  TOURNAISIS  ET  LES  ÉTATS-GÉNÉRAUX. 

Sommaire.  —  I.  Requesens;  le  Pardon.  —  II.  Le  Conseil  d'État  prend  les  rênes  du  Gouver- 
nement. —  III.  Furie  espagnole;  la  Pacification  de  Gand.  —  IV.  Nomination  de  Pierre 
de  Meleun  comme  gouverneur  de  Tournai;  ses  agissements  et  son  but.  —  V.  Union  de 
Bruxelles  et  Édit  perpétuel.  —  VI.  La  Paix  le  religion.  —  VII.  Confédération  d'Arras; 
Union  d'Utrecht.  —  VIII.  Scission  parmi  les  Etats  de  Tournai-Tournaisis. 

I.  «  [^es  cruautés  du  Conseil  des  Troubles,  dit  Bakhuizen  van  den 
Brink  ('),  faisaient  ardemment  désirer  une  amnistie  générale  ».  Le  départ 
du  duc  d'Âlbe  avait  rendu  la  chose  possible. 

D'ailleurs,  en  1570,  le  Gouvernement  avait  déjà  reconnu  l'absolue  néces- 
sité d'un  pardon  et,  le  14.  juillet,  il  avait  fait  proclamer  à  Anvers,  une 
amnistie  malheureusement  incomplète. 

Telle  qu'elle  était,  cependant,  elle  avait  fait  naître  tant  d'espérances  qu'on 
la  fêta  partout  avec  la  plus  vive  allégresse. 

A  Tournai,  dés  le  28  juillet  —  la  proclamation  ne  devait  s'y  faire  que 
le  30,  —  aussitôt  que  le  messager  d'Anvers,  Gilles  Lebeau,  eut  apporté  «  les 
bonnes  nouvelles  »,  le  Magistral  fit  dresser  sur  la  grand'place,  contre  la 


(1)  Messager  des  sciences  historiques  de  Gand,  t.  XVI,  p.  319. 


196  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI^  SIÈCLE 

«  maison  du  roi  (')  » ,  une  spacieuse  estrade  garnie  de  velours   rouge  et 
décorée  par  le  peinlre  Gilles  Legrand  ("). 

Ensuite,  pour  faire,  selon  sa  propre  expression,  «  démonstration  de  joie  et 
d'allégresse  »,  il  ordonna  d'allumer  des  feux  de  joie  à  chaque  carrefour  de 
la  ville,  tandis  que  trois  autres  brasiers  plus  grands  projetteraient  leurs 
vives  lueurs  devant  la  Halle  des  Consaux,  celle  de  Saint-Brice  et  celle  des 
doyens  et  sous-doyens  des  métiers. 

Dans  la  matinée  du  dimanche  30  juillet,  une  procession  générale  à 
laquelle  participèrent  les  Consaux,  les  damoiseaux  et  les  soixante-douze 
doyens  et  sous-doyens  des  métiers,  en  longue  robe  rouge  et  (lambeaux 
à  la  main,  parcourut  en  grande  pompe  les  rues  de  la  cité  (^). 

L'après-midi,  le  cortège  officiel  se  rendit  sur  la  grand'place  et  là,  du  haut 
de  l'estrade,  le  gouverneur  donna  à  la  foule  impatiente,  connaissance  des 
conditions  de  l'amnistie  tant  attendue.  Que  les  déceptions  furent  nombreuses, 
personne  n'oserait  le  nier,  et  durant  le  banquet  qui  termina  cette  journée, 
l'évêque  de  Tournai,  le  gouverneur,  son  lieutenant  et  les  autres  autorités 
locales  présentes  durent  échanger  de  bien  amers  propos  (*).  L'amnistie 
n'était  qu'un  leurre;  les  restrictions  nombreuses  et  calculées  qui  y  étaient 
apportées,  rendaient  nul  cet  acte  de  clémence  prétendue  (  '). 

Au  reste,  le  duc  d'Albe,  qui  n'avait  cessé  d'être  partisan  d'une  énergique 
répression,  n'était  point  homme  à  conseiller  une  mesure  véritablement  géné- 
reuse. Il  fallait  un  cœur  autrement  compatissant  que  le  sien,  et  ce  fut  au 
nouveau  gouverneur,  don  Luis  de  Requesens(^),  qu'appartint  le  mérite  de 
proclamer  une  réelle  amnistie.  Elle  vint  malheureusement  trop  tard. 


(1)  La  maison  du  roi  était  le  bâtiment  réservé  autrefois  au  bailliage;  elle  se  trouvait  au 
coin  du  réduit  des  Sions,  vers  la  Halle  aux  draps. 

C^)  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  d'ouvrages,  avril  à  septembre  1370,  mois 
de  juillet. 

(3)  Idem,  Consaux,  séances  du  28  juillet,  matin  et  après-midi. 

f+)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  28  juillet  1570;  Compte 
général  Io69-lo70,  fol.  53  r°. 

(5)  Voir  pour  les  restrictions  apportées,  .Motley,  op.  cit.,  t.  II. 

(6)  Don  Luis  de  Requesens  y  Cuniu;:V  grand  commandeur  de  Castille,  gouverneur  du 
Milanais;  arrivé  à  Bruxelles  le  17  novembre  1373,  il  prêta  le  29  du  même  mois,  le  serment 
de  gouverneur  général  des  Pays-Bas. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  197 

En  administrateur  habile,  en  homme  à  (|ui  répugnait  l'emploi  des  mesures 
violentes  de  l'ancien  capitaine  général,  Rcfiuesens  chercha  dés  l'abord  à  se 
concilier  par  la  douceur  l'atfection  des  populations  des  Pays-Bas. 

Il  ne  désespéra  jamais  d'y  parvenir,  même  après  s'être  aliéné,  à  cause  de 
certaines  mesures  illégales,  les  provinces  de  Hollande  et  de  Zélande('); 
toujours  il  persista  dans  sou  dessein  de  ramener  la  paix  dans  les  Pays-Bas, 
par  la  modération  de  son  gouvernement  et  par  la  proclamation  d'une  com- 
plète amnistie,  dont  Philippe  II  ne  voulait  pas  ("). 

Il  insista  tant  auprès  du  roi  qu'il  l'obtint  «  si  ample  qu'y  furent  compris 
les  états,  pays,  villes  ei  communes  qui  avaient  offensé  Dieu  et  Sa  Majesté, 
et  même  tous  les  particuliers,  encore  qu'ils  eussent  été  condamnés,  proscrits 
et  bannis  (^)  ».  Il  ne  fut  fait  exception  que  pour  quelques-uns. 

L'après-midi  du  (5  juin  1574,  Requesens  proclama  le  pardon  à  Bruxelles, 
en  présence  des  Étals-Généraux.  Immédiatement,  des  copies  authentiques  du 
texte  furent  envoyées  aux  provinces  pour  qu'on  l'y  publiât  avec  toute  la 
promptitude  possible.  A  chacune  de  ces  copies  était  jointe  la  liste  spéciale 
des  exclus (*).  Dix  Tournaisiens  ne  bénéficiaient  point  de  l'amnistie;  parmi 
eux  se  trouvaient  Jean  Tafïin,  ministre  du  culte  calviniste  (^),  Jacques 
Fouret,  ancien  maître  d'école,  Antoine  de  Lannoy,  seigneur  de  Bail- 
leul,  etc.  Ç'). 


(1)  Cor7-espondance  de  Granvelle,  t.  V,  pp.  xix  et  xxiu. 

(2)  Idem,  t.  V,  p.  IV. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  p.  88;  Gachakd,  Correspondance  de 
Philippe  //,  t.  III,  p.  530. 

(*)  Th.  Juste,  Histoire  de  la  Révolution  des  Pays-Bas  sons  Philippe  II.  Bruxelles,  1863, 
2»  partie,  t.  I,  p.  358. 

(5)  Jean  Taffin,  confident  intime  du  Taciturne.  11  était  le  tils  de  Denis,  docteur  es  droits, 
conseiller  pensionnaire  de  Tournai  et  frère  de  Nicolas  et  Jacques,  tous  ardents  calvinistes  ; 
sa  mère  était  Catherine  Alegambe.  Après  avoir  été  le  secrétaire  de  Granvelle,  il  devint 
ministre  protestant  à  Metz,  puis  plus  tard  en  Hollande.  (D'après  Renon  de  France,  édit.  Piot, 
t.  I,  p.  618,  note  1.) 

(6)  Les  autres  Tournaisiens  exclus  du  pardon  étaient  Balthazar  Wullz;  Christoffle 
Minchon;  Jean  de  Lannoy:  Jean  de  Levai;  Andrieu  Henné;  Pierre  Petit  dit  le  Diable  et 
Antoine  Jean.  Pour  le  Tournaisis,  seul  Louis  Desbonnetz  n'était  point  amnistié.  (Gacuard, 
Correspondance  de  Philippe  II,  t.  III,  p.  499.) 


i98  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVT»  SIÈCLE 

Ces  concessions  arrivaient  trop  tard  pour  qu'elles  pussent  avoir  encore 
un  effet  utile.  Le  peuple  n'osait  croire  à  la  sincérité  de  ce  pardon  et,  au 
dire  de  Morillon,  seuls  «  les  meurtriers  qui  ont  brûlé  les  prêtres  et  commis 
dix  mille  méchanceiés,  les  boutefeux  des  églises  et  monastères  »  en  profi- 
tèrent pour  rentrer  dans  la  ville  ('). 

Le  lendemain  de  la  proclamation,  Requesens  fil  part  aux  États-Généraux 
des  propositions  que  lui  avait  faites  le  roi.  Il  leur  annonça  que  «  pour 
pacifier  les  troubles  et  émotions  qui  étaient  en  iceux  pays  ('-)  »,  Philippe  II 
avait  aboli  le  dixième  et  le  vingtième  denier  et  les  avait  remplacés  par  une 
contribution  annuelle  de  deux  millions  de  florins,  durant  un  terme  de  six  ans, 
prenant  fin  le  13  août  1575,  à  l'expiration  duquel  il  serait  perçu  un  second 
centième.  Il  déclara,  en  outre,  que  le  roi  «  voulant  complaire  aux  provinces- 
belgiques  »  P),  supprimait  le  Conseil  des  Troubles  et  renvoyait  les  causes 
pendantes  aux  anciennes  juridictions  (*). 

Le  Gouverneur  agit  de  toute  son  influence  auprès  des  provinces  pour 
qu'elles  donnassent  le  plus  promptement  possible  leur  assentiment  aux 
propositions  royales. 

Mais  les  États  provinciaux  ne  leur  firent  pas  bon  accueil;  ceux  du  Tour- 
naisis  en  particulier,  se  firent  de  nouveau  tirer  l'oreille  pour  la  fixation  du 
chiffre  de  leur  quote-part.  Ils  persistèrent  à  n'offrir  que  huit  mille  florins 
quand  le  Gouverneur  en  réclamait  i  4,500  et  finirent,  à  l'exemple  du  Bra- 
bant  et  de  la  Flandre,  par  adopter  cette  attitude  redoutable  pour  le  Gouver- 
nement «  de  la  résistance  passive  »  aux  demandes  d'argent  (^). 


(«)  Correspondance  de  Granvelle,  t.  V,  p.  162. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  77,  fol.  88. 

(3)  Idem,  fol.  90. 

(+)  Idem,  fol.  85  à  91. 

(5)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  77,  fol.  92  et  seq.  ;  où  l'on  voit  claire- 
ment la  lutte  que  soutinrent  les  États  du  Tournaisis  contre  le  Gouvernement  pour  ne  pas 
accéder  aux  demandes  d'argent  ou  pour  diminuer  l'importance  de  ces  demandes.  Nous 
ne  pouvons  pas  étudier  le  rôle  des  États  de  Tournai  en  cette  circonstance,  les  documents 
d'archives  nous  faisant  défaut.  En  effet,  les  délibérations  des  Consaux  de  1373-1580, 
n'existent  plus;  les  publications  du  Magistrat  de  1573-1376  (novembre)  manquent  égale- 
ment, ainsi  que  le  compte  général  de  Tournai  d'octobre  1573  à  septembre  1576. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  199 

En  déliiiiiive,  Kecuiesens  n'avait  pas  réussi  à  ramener  le  calme  dans  le 
pays.  Les  Conférences  de  liréda  n'avaient  pas  abouti  ('),  les  esprits  étaient  très 
montés  à  cause  des  exactions  et  des  mutineries  de  la  soldatesque,  la  Hollande 
et  la  Zélande  luttaient  victorieusement  contre  les  troupes  royales,  quand  le 
Gouverneur  général  vint  à  mourir  prématurément  (5  mars  1576)  (-). 

11.  Celte  mort  inattendue  ne  lui  avait  point  laissé  le  temps  de  désigner  son 
successeur.  Le  pays  manquant  de  gouverneur,  le  Conseil  d'Etat  se  chargea 
provisoirement  du  gouvernement  des  Pays-Bas. 

Connaissant  les  volontés  du  peuple,  il  réclama  de  Philippe  11  la  suppres- 
sion sans  condition  du  Conseil  des  Troubles,  l'abolition  absolue  du  dixième 
et  du  vingtième  denier,  le  départ  des  soldats  étrangers  et  entin  la  convoca- 
tion des  Elats-Cénéraux. 

Mais  quoique,  le  8  avril  1576,  Philippe  11  eût  écrite  don  Juan  d'Autriche, 
qu'il  venait  de  désigner  comme  Gouverneur  général  des  Pays-Bas,  «  par  la 
douceur  vous  conquerrez  plus  de  cœurs  et  d'esprits  qu'on  ne  l'a  fait  avec 
toutes  les  forces  passées,  au  moyen  desijuelles  ou  en  a  gagné  si  peu  (^)  » ,  il 
refusa  catégoriquement  de  donner  satisfaction  au  Conseil  d'Etat.  Il  s'opposa 
à  la  convocation  des  Etats-Généraux  el  ne  voulut  pas  davantage  consentir 
au  départ  des  troupes  étrangères,  surtout  des  Espagnols.  Ceux-ci,  privés  de 
solde  (^j,  s'étaient  déjà  mutinés  plusieurs  fois  el  avaient  mis  à  sac  la  ville 
d'Alost.  Au  moment  où  Philippe  11  s'obstinait  à  refuser  leur  renvoi,  ils  se 
préparaient  à  marcher  «  sur  Anvers,  Bruxelles  et  iMalines  »  (^). 

Le  danger  était  grand.  Le  Conseil  d'État  crut  y  parer  en  déclarant,  par 
décret,  les  soldats  espagnols  traîtres  au  roi  et  ennemis  du  pays.  Mais  les 
événements  se  précipitent,  le  Conseil  d'Etat  lui-même  devient  suspect. 
Le  4  septembre,  à  l'instigation  du  prince  d'Orange,  le  bailli  du  Brabant 


(<)  Voir  sur  ces  conférences,  Revue  d'histoire  ecclésiastique,  t.  III,  pp.  36  et  seq. 

(2)  A.  DEL  Rio,  Mémoires,  édit.  A.  Uelvigne,  t.  1,  p.  71. 

(3)  Gachard,  Correspondance  de  Philippe  II,  t.  IV,  p.  40. 
{*)  A.  UEL  Rio,  Mémoires  cités,  l.  I,  p.  79. 

(6)  Idem.,  Ibid.,  t.  I,  p.  8S. 


200  TOURNAI  ET  LE  TOURINAISIS  AU  XVh  SIÈCLE 

walloi),  Jacques  de  Glynies,  avec  (|iiel(|ues  cenlaines  de  soldais,  arrête  en 
pleine  séance  les  membres  du  Conseil  d'Étal  (^). 

Alors  les  Étals  du  Hrabant  requièrent  ceux  des  autres  provinces  d'envoyer 
leurs  députés  à  Bruxelles,  pour  s'occuper  de  commun  accord  des  affaires 
urgentes  du  pays.  Le  Hainaut  et  la  Flandre  répondent  immédiatement  à 
leur  invitalion.  Le  20  septembre,  on  engage  les  Étals  d'Artois,  de  Lille,  de 
Malines,  de  Valenciennes,  de  Tournai  cl  du  Tournaisis  à  envoyer  leurs 
députés  aux  Élats-Généraux  que  les  États  de  BrabanI,  de  Flandre  el  de 
Hainaut  avaient  ouverts  à  Bruxelles,  sans  convocation  royale;  on  les  presse, 
en  ouire,  pour  lever  des  gens  de  guerre  en  vue  de  la  proleciion  du  BrabanI 
contre  les  mutineries  des  soldats  espagnols  Ç^).  Le  4-  octobre,  on  revient  à 
la  charge,  el  les  États  du  Tournaisis  qui  n'avaieni  eu  que  le  29  septembre, 
connaissance  de  la  letire  du  20,  s'empressèrent  de  décider  la  levée  de  gens 
de  guerre  ou  le  paiement  d'une  quote-parl  proportionnelle  à  celle  des  Étals 
de  Flandre,  «  pour  l'honneur  de  Dieu,  de  la  religion  catholique  el  le  service 
du  roi  et  pour  la  conservation  et  protection  de  leur  pauvre  patrie  ('^j  ». 

Quant  aux  députés  dont  on  réclamai!  l'envoi,  les  États  du  Tournaisis 
déléguèrent  à  Bruxelles  Jean  Cotirel,  seigneur  d'Esplechin  ('),  et  Martin 
Hulin,  leur  greffier',  tandis  que  Tournai  confiait  la  mission  de  le  représenter 
à  Louis  Âlegambe,  seigneur  de  Bassengliien  ('),  second   prévôt  de  la  com- 


(<)    A.  DEL  ItiO,  op.  Cit.,  t.   I,  |).  93. 

(2)  Gachaiîd,  Actes  des  {<^tals-Géneraux,  l.  1,  pp.  3-4,  n"  7.' —  Archives  communales  de 
Tournai,  reg.  n»  77,  foi.  127. 

(•i)  Idem,  Ibid..  t.  1,  p.  13,  n°  31.  —  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  77, 
fol.  131. 

(*)  Idem,  Ibid.,  t.  I,  p.  13,  n"  22,  et  p.  20,  n"  oo.  —  Archives  communales  de  Tournai, 
reg.  n°  77,  p.  131,  et  Pièces  comptables  :  Voyages,  31  août  1577.  —  Jean  Cottrel,  seigneur 
d'Esplechin,  de  Maugré,  de  Lestocquoy,  fils  de  Arnould  et  de  Bonne  de  Buillemonde, 
épousa  Marguerite  de  Courouble  ou  de  Carouble.  (D'après  C'=  du  Chastel,  Notices  généalo- 
giques tournai  siennes,  t.  1,  p.  578.) 

(•"')  Louis  Alegambe,  seigneur  du  Hamel,  de  Bassenghien,  etc.,  naquit  le  24  juin  1545; 
il  était  le  fils  de  Quentin  et  Marie  de  le  Cambe.  Il  épousa  en  premières  noces,  Isabeau 
de  Croix  et  en  secondes,  Livine  Snouck.  (D'après  Annuaire  de  la  noblense  belge,  t.  VI, 
p.  103.) 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  -2m 

mune  el  à  Erasme  du  Cliambge,  conseiller  pensionnaire.  Ils  rcçuicnt  jiour 
charge  «  d'aviser  sur  les  moyens  el  remèdes  que  nécessitail  la  pacificalion 
du  pays,  en  se  conformant  en  tout  à  l'avis  des  Élats  de  Flandre  ('). 

III.  Sans  attendre  l'arrivée  des  députés  des  autres  provinces  el  avec 
Taulorisalion  du  Conseil  d'État,  les  représenlanis  des  Étals  de  Bralnint, 
de  P^landre  et  de  Hainaut  avaient  entamé  des  négociations  avec  le  prince 
d'Orange  et  les  deux  provinces  calvinistes  de  Hollande  et  de  Zélande,  en  vue 
de  grouper  en  un  seul  faisceau  toutes  les  forces  vives  du  pays,  et  de  rétablir 
la  paix  dans  les  l^ays-Bas. 

Les  conférences  entre  les  plénipotentiaires  des  Étais  el  du  prince  d'Orange 
s'ouvrirent  le  19  octobre,  à  l'hôtel  de  ville  de  Gand;  le  30  du  même  mois 


3 


(1)  Voici  le  texte  de  leur  commission  et  de  la  décision  prise  par  les  États  de  Tournaisis 
à  propos  de  cette  affaire  :  «  Considérant  que  le  pays  de  Tournay,  Tournésis,  Mortaigne  sont 
par  leur  réduction  à  l'obéyssance  de  feu  S.  M.  1.  (impériale)  en  l'an  1521,  joinclz  et  uniz  au 
comté  de  Flandres  et  ne  s'en  veuillent  desjoindre,  les  Esialz  ont  unanimement  résolu  et 
advisé  et  à  ce  se  sont  accordez  de  se  conformer,  comme  par  cet  acte  ils  se  conforment 
avecq  les  Estatz  dudict  pays  de  Flandres,  suyvant  qu'ilz  sont  requis  par  les  susdites  lettres 
(^  la  lettre  du  Conseil  d'État),  entendant,  partant,  moyennant  que  la  dicte  ville  et  bailliage 
de  Tournay  et  du  Tournésis  soit  deschargé  de  trois  compagnies  de  haultz  Allemands  tenans 
garnison  audict  Tournay  (=  on  verra  plus  loin  ce  qui  est  résulté  de  la  présence  de  ces 
Allemands),  de  faire  lever  des  gens  de  guerre  ou  de  furnir  et  payer  leur  quota  à  l'advenant 
desdits  de  Flandres,  pour  estre  employé  suivant  que  lesdicls  de  Flandres  auront  advisé  en 
leur  endroict,  ou  que  par  commune  résolution  des  États-Généraux  de  par  deçà  sera  trouvé 
convenir,  ù  l'honneur  de  Dieu,  Religion  Calliolicquc,  Appostoilicque  et  Romaine,  service 
du  Roy,  protection  et  conservation  de  ceste  povre  patrye,  auquel  effect  lesdicts  des  Etats, 
pour  de  tout  poinct  fournir  et  satisfaire  aux  susdictes  lettres,  ont  aussy  advisé  envoyer 
certains  leur  commis  et  députez  à  Bruxelles,  assavoir  Jehan  Cottrel,  escuyer,  seigneur 
d'Esplechin,  et  Martin  Huttin,  greffier  de  leurs  Estatz  ;  auxquels  ils  ont  donné  plein  pouvoir 
et  authorité  d'estre  et  comparoir  en  leur  nom  en  l'assemblée  des  Estatz  de  Flandres  et 
aultres  adviser  sur  les  moyens  et  remèdes  à  la  pacification  et  tranquillitez  desdicts  pays  et 
au  surplus  en  tout  et  partout  se  conformer  à  l'advis  desdicts  de  Flandres.  Ainsy  faict,  etc..  » 
Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  77,  pp.  130-131.  —  Nous  avons  tenu  à  donner 
en  sa  teneur  entière,  le  texte  de  cet  acte  important,  qui  éclaire  toute  la  politique  suivie 
ultérieurement  par  les  États  de  Tournai-Tournaisis.  Ils  n'étaient  cependant  plus  «  joinctz 
el  unis  au  comté  de  Flandres  »,  ils  étaient  encore  moins  forcés,  comme  ils  le  firent  généra- 
lement, de  suivre  la  politique  de  cette  province.  Le  Tournaisis  s'était  de  lui-même  érigé  en 
province  séparée,  ce  qui  le  libérait  de  toute  attache  avec  la  Flandre. 

Tome  L  —  Lettres,  etc.  20 


202  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

un  projet  d'acte  d'union  était  rédigé;  le  2  novembre  il  fut  vpté  avec  cer- 
taines resirictions.  Les  députés  des  provinces  en  demandaient  la  ratification 
au  Conseil  d'Étal,  (|uand  éclata  la  Furie  espagnole. 

Anvers  fut  nns  à  sac  par  la  garnison  royale  qui  s'y  était  installée;  huit 
mille  personnes  subirent,  une  mort  affreuse,  et  pour  faciliter  le  pillage,  les 
Espagnols  allimièrent,  dit-on,  aux  (piatre  coins  de  la  ville  un  incendie  qui 
détruisit  plusieurs  (piartiers  avec  le  superbe  hôtel  de  ville  tout  neuf  (') 

Cet  acte  de  sauvagerie  fit  instanlanémenl  taire  certaines  oppositions  qui 
s'étaient  manifestées;  l'accord  de  tous  parut  plus  nécessaire,  et  comme 
seules  les  troupes  du  prince  d'Orange  étaient  capables  d'opposer  une  efficace 
résistance  à  la  soldatesque  espagnole  mutinée,  et  de  protéger  abbayes  et 
châteaux  (-),  les  membres  de  la  noblesse  et  du  haut  clergé,  revenant  sur 
leurs  hésitations  premières,  signèrent  avec  les  autres  députés,  le  8  no- 
vembre 1376,  quatre  jours  après  le  sac  d'Anvers,  l'acte  important  connu 
sous  le  nom  de  Pacification  de  Gand. 

Il  y  était  stipulé  l'oubli  et  le  pardon  des  injures  antérieures,  la  suspension 
provisoire  des  placards  contre  l'hérésie,  et,  en  attendant  le  règlement  défi- 
nitif de  la  question  religieuse,  le  maintien  exclusif  de  la  religion  catholique 
dans  quinze  provinces  Q);  enfin,  la  tolérance  provisoire  du  culte  calvi- 
niste en  Hollande  et  en  Zélande  (*).  Les  parties  contractantes  prenaient  en 
même  temps  l'engagement  de  s'assister  «  en  tout  temps  et  à  toutes  occu- 
rences  d'advis,  conseil  et  de  fait  » ,  pour  chasser  du  pays  les  soldats  espa- 
gnols et  autres  (^). 

IV.  Quelques  mois  avant  la  signature  de  ce  pacte,  en  mai  1576,  le  Con- 


(^)  Lavisse  et  Bambaud,  Histoire  générale,  t.  V,  p.  194.  —  Voir  aussi  Juste,  La  Pacifi- 
cation de  Gand  et  le  Sac  d'Anvers.  Bruxelles,  1876,  pp.  56  et  seq. 

C^)  Voir  Eugène  Hubert,  De  Charles- Quint  à  Joseph  II.  Bruxelles,  Lebègue,  1882,  p.  40. 

(3)  L'article  IV  de  la  Pacification  de  Gand. 

(*)  Les  articles  III  et  IV  de  la  Pacification  de  Gand. 

(S)  Voir  le  texte  complet  de  la  Pacification  de  Gand  dans  Juste,  La  Pacilîcntion  de  Gand 
et  le  Sac  dWnver.s,  in  fine;  voir  aussi  au  sujet  de  la  question  religieuse,  Revue  d'histoire 
ecclésiastique,  t,  III,  p.  .57;  p.  38,  note  1;  p.  61,  note  2,  et  p.  62,  note  2. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAI,.  205 

seil  d'État  avait  envoyé  à  Tournai  trois  compagnies  d'Allemands  pour 
remplacer  une  compagnie  de  chevau-légers  (|ui  allait  tenir  garnison  à 
Mortagne  (^). 

L'évêque,  les  États  du  Tournaisis,  les  Consaux  protestèrent  vainement 
contre  cette  augmentation  de  la  garnison  (-);  les  Allemands  s'établirent  à 
Tournai. 

Mais  les  Consaux  circonvinrent  ces  soldats  nouveaux  ;  ils  les  «  embobi- 
nèrent »  si  bien,  selon  la  pittoresque  expression  de  31orillon  (^j,  qu'ils  leur 
firent  promettre  «  de  tenir  pour  eux  contre  les  Espagnols  et  contre  le  gouver- 
neur de  la  ville  »  (*). 

Les  x\IIemands,  fidèles  à  leur  parole,  aidèrent  les  Tournaisiens,  en  octo- 
bre lo76,  à  s'emparer  du  Cbàteau,  à  se  saisir  de  la  personne  de  Jacques 
Blondel,  gouverneur  de  Tournai,  de  son  lieutenant  et  de  quelques  autres  per- 
sonnages. 

Tournai  n'avait  plus  de  gouverneur;  Pierre  de  Meleun  fut  choisi  par  le 
Conseil  d'État  en  cette  qualité  et  comme  grand  bailli  du  Tournaisis.  Il  reçut 
l'ordre  des  Étals-Généraux  de  débarrasser  la  ville  de  la  garnison  alle- 
mande (^).  Il  négocia  avec  elle;  toutefois,  comme  elle  tardait  à  partir,  il 
brusqua  les  choses  et,  durant  la  nuit  du  25  au  26  novembre,  fit  entrer  en 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  117. 

(2)  Idem,  reg.  n"  77,  foi.  117-118, 119.  —  La  Correspondance  de  Granvelle,  t.  VI,  p.  366, 
contient  une  lettre  curieuse  des  magistrats  de  Tournai  au  Conseil  d'État  pour  protester 
contre  l'arrivée  des  Allemands.  Les  Tournaisiens  disaient,  qu'en  dix  ans,  il  avaient  dépensé 
150,000  livres  tournois  pour  l'entretien  de  la  garnison  ;  qu'une  peste  qui  durait  encore, 
avait  diminué  la  population  de  7  à  8,000  âmes,  d'où  diminution  de  recettes  et  qu'on 
voulait  encore  mettre  dans  leur  ville  trois  compagnies  d'Allemands,  soit  huit  à  neuf  cents 
hommes  «  et  autant  de  femmes,  enfants  et  serviteurs  ».  Enfin  la  requête  faisait  remarquer 
les  dangers  qu'allait  courir  la  religion,  à  cause  des  Allemands  presque  tous  réformés. 

(3)  Correspondance  de  Granvelle,  t.  VI,  p.  143,  «  ils  ont  embabouiné  les  Allemandz 
dont  la  peur  a  esté  grand  à  Tournay,  jusque  ad  ce  que  le  sieur  Cuincy,  gouverneur  du 
Chasteau,  at  esté  prins  et  saisi  avec  son  lieutenant  et  quelques  auitres  ».  —  Voir  p.  204, 
note  1. 

{^)  Correspondance  de  Granvelle,  t.  VI,  p.  129. 

(•"•)  Annales  de  la  Société  d'émulation  pour  l'éttide  de  l'histoire  et  des  antiquités  de  la 
Flandre.  Bruges,  1902,  t.  Il,  p.  402. 


204  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

armes    au   Château   près    de    1,400   liabitants    de    Saint-Amand    et    des 
environs  (^). 

Les  Allemands  acceptèrenl  une  convention  aux  termes  de  laquelle  ils 
s'engageaient  à  quilter  immédiatement  Tournai,  pourvu  que  Tarriéré  de  leur 
solde,  soit  3,000  florins,  leur  fût  payé,  à  ne  pas  servir  durant  six  mois 
contre  les  Etats  et  à  laisser  en  otages  à  Tournai,  juscpi'à  leur  rentrée  en 
Allemagne,  six  gentilshommes  des  leurs  (^)  en  garantie  de  la  promesse  qu'ils 


(1)  Correspondance  de  Philippe  II,  t.  IV,  p.  434.  —  Extrait  d'une  lettre  du  Conseil  d'Étal 
au  roi,  en  date  du  17  octobre  137G.  «  Il  est  advenu  depuis  qu'estant  le  conte  de  M^'ghem 
venu  de  Gheldres  à  Charlemont  dont  il  est  gouverneur  et  capitaine,  les  estatz  ici  assamblez 
ont  esté  advertis  tant  par  les  vieulx  soldatz  de  la  girnison  dudict  Charlemont  que  par 
quelque  escripl  que  l'on  avoit  recouvert  que  ledict  conte  tramoit  quelques  choses  tendantes 
à  grandement  inquiéter  ces  pays  et  ont  requis  que  l'on  s'asseurast  de  sa  personne,  comme 
fu  faict,  ensemble  de  son  frère  de  Haultepenne...  Et  pour  samblables  indices  ou  soupeçons 
que  l'on  eust  du  seigneur  de  Cuinchy  et  de  son  lieutenant  et  quelque  autre  au  Chasteau  de 
Tournay,  lesdits  estatz  requirent  que  l'on  s'asseurant  d'icelluy  chasteau  comme  a  esté  faict 
et  des  personnes  dudict  lieutenant  et  d'ung  qui  s'appelle  Serra,  qui  dois  longtemps 
demeuroit  audict  chasteau  ■•  ayant  ledict  seigneur  de  Cuinchy  esté  renvoyé  à  sa  maison  sans 
toucher  aultrement  à  sa  personne,  et  le  sesnéchal  de  Haynnauls  mis  pour  avoir  soing 
de  gouvernement  et  bailliage  des  villes  et  chasteau  dudict  Tournay  et  Tournésis,  jusques 
à  aulire  ordonnance  de  Votre  Majesté.  «  —  Voir  aussi  Correspondance  de  Granvelle,  t.  VI, 
pp.  170-171,  cet  extrait  d'une  lettre  de  Morillon  à  Granvelle,  lettre  que  Piot  date  par  erreur 
«  vers  le  1o  novembre  ».  L'événement  dont  elle  fait  mention  ne  s'étant  passé  que  le  26  no- 
vembre, la  lettre  doit  forcément  être  postérieure  à  celle  date  :  «  Les  Allemans  que  sont  à 
Tournay  vouloient  faire  des  braves;  mais  Mons''  le  Sénesch;il  s'advisa  de  mander  une  belle 
nuicl  vostre  grand  maire  (=  de  Saint-.\mand)  au  Chasteau  avec  une  enseigne  ou  deux  de 
vos  subjeclz  qui  voulurent  aller  tous  ensemble  jusques  îi  xiiij'  dont  lesdicls  Allemands 
furent  si  estonnez,  qu'ilz  se  accommodarent  incontinent  à  tout  ce  que  l'on  voulut.  L'on  les 
al  conduict  comme  l'on  a  faict  de  ceux  de  Valenciennes,  jusques  pardelà  Namur  et  on  faict 
serment  de  ne  servir  de  six  mois  contre  les  Estatz.  Nos  Wallons  qui  les  conduisent  font 
plus  de  dommaige  que  eulx  ».  Voir  aussi  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces 
comptables. 

(-)  La  pièce  comptable  qui  suit  nous  donne  les  noms  des  six  otages  laissés  à  Tournai  ; 
11  décembre  1576,  «  Payez  à  Ghislain  le  Noir,  hostelent,  demourant  en  l'hostellerye  de 
l'éscus  de  France,  la  somme  de  409  livres  fl.  à  luy  deu  pour  la  despence  de  bouche  faicte 
en  sa  maison  par  Paulus  Welzer,  Gregorius  Crasse,  Baltazart  Sterck  van  Meissen,  Hans 
Ebrect  van  01m,  Han  Frits  van  01m  et  Georgius  Setel  van  Streel,  ayans  esté  ostaigiers  à 
ladicte  ville  pour  sceurelé  du  convoy  que  Artus  de  .Melun,  S' de  Fraesne,  lieutenant  général 
des  bailliages  deTournay  et  Tournésis,  auroit  donné  aux  trois  compagnies  d'Allemans  ayans 
tenus  garnison  en  ceste  ville  jusques  à  Bouillon  tenant  la  rivière  de  la  Meuze  ».  Archives 
communales  de  Tournai,  Pièces  comptables.  Voyages.) 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  205 

avaient  faile  de  ne  commettre  aucun  ravage  dans  les  provinces  qu'ils 
devaient   traverser  pour  retourner  en  Allemagne  ('). 

Leur  départ  s'elTeclua  le  26  novembre,  Arllmr  (h;  Meleiui,  seigneur  du 
Fresne,  frère  bâtard  du  gouverneur  de  Tournai  et  lieutenant  général  du  bail- 
liage, leur  servant  de  convoyeur,  les  conduisit  en  Allemagne  par  Namur, 
Rouillon  et  le  Luxembourg  Ç^). 

Débarrasse  des  troupes  étrangères,  Pierre  de  Meleun  favorisa  de  tout 
son  pouvoir  les  États-Généraux  de  qui  il  tenait  sa  nomination  de  gouverneur 
de  Tournai. 

Désintéressé  dans  ses  convictions,  méprisant  toute  recherche  d'honneurs, 
bannissant  toute  arriére-pensée  de  bénéfices,  il  s'efTorça  de  faire  des  Tour- 
naisiens  des  partisans  décidés  de  la  politique  des  Étals  (^). 

Patriote  ardent  autant  que  sincère,  il  était  prêt  «  à  perdre  la  dernière 
goutte  de  son  sang  pour  la  défense  et  la  liberté  de  la  patrie  »  (*).  Ni  les 
promesses  du  roi,  ni  les  supplications  de  sa  mère,  ni  la  perle  de  ses  biens 
n'ébranlèrent  ses  résolutions. 

A  peine  arrivé  à  Tournai,  il  se  mil  à  Poeuvre. 

Il  s'attaqua  aux  Etats  du  Tournaisis.  Pour  les  mettre  dans  une  dépen- 
dance plus  étroite  vis-à-vis  de  lui  et  les  empêcher  de  s'engager  dans  une 
voie  suspecte,  il  leur  interdit,  malgré  l'usage,  de  se  réunir  en  assemblées 
générales  sans  sa  permission  ("). 

Cherchant  ensuite  un  prétexte  pour  se  rendre  maître  de  la  caisse  de  ces 
mêmes  Etats,  en  1579,  il  ordonna  au  receveur  du  Tournaisis  de  payer  cer- 
taines dépenses  par  lui  indiquées.  Le  receveur  s'y  refusant,  il  le  fit  jeter  en 
prison  et  s'empara  de  la  caisse  et  des  livres.  Puis  il  chargea  une  commission 


(^)  Voir  Pièces  justificatives,  n°  XXVI. 

(2)  Arciiives  communales  de  Tournai,  Pit''cps  comptables,  Vonaiies,  2  janvier  1d77. 

(3)  Kervyn  de  Volkaeusbëke  et  Diegeuii;k,  Docmnenls  concernant  les  troubles  religieux  des 
Pays-Bas.  Gand,  1849,  t.  Il,  pp.  210-2H  ;  Mémoires  île  la  Société  historique  de  Tournai, 
t.  IV,  p.  293,  noie  1,  et  Bulletins  de  la  Commission  royale  d'histoire,  2"  sér.,  t.  IV,  p.  446. 

(■*■)  Kekvyn  de  Volkaehsbeke  et  Diegekick,  op.  cit.,  t.  Il,  j).  211. 
(3)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  132. 


206  TOURNAI  ET  LE  TOURNATSIS  AU  XVI=  SIÈCLE 

dont  il  fut  le  |)rési(ient,  de  vérifier  annuellement  les  comptes,  et  d'approuver 
ou  de  rejeter  toute  dépense  qui  lui  semblait  superflue  (^). 

Avec  la  ville  de  Tournai,  il  n'employa  pas  des  procédés  aussi  expéditifs. 
C'était  d'ailleurs  inutile,  car  la  charte  octroyée  en  1522  par  Charles-Quinl, 
lui  conterait  le  droit  de  présider  chaque  réunion  des  Consaux  ('^).  Il  s'érigea 
toutefois  en  commissaire-vérificateur  des  comptes  généraux  (•^),  de  telle 
sorte  qu'il  lui  véritablement  maître  de  l'emploi  des  fonds  de  toute  la 
province. 

Présidant  en  outre  les  assemblées  des  Étals  du  Tournaisis  comme  celles 
des  Consaux,  pesant  même,  quand  il  le  jugeait  nécessaire,  sur  les  décisions 
qui  devaient  y  être  prises  avec  l'autoritarisme  que  nous  dévoilent  ses  actes,  il 
mena  la  province  comme  il  le  voulut. 

Aussi  n'est-il  point  douteux  que  son  administration  n'ait  été  la  cause 
essentielle  de  la  politique  que  suivront  idtérieurement  les  Tournaisiens, 
quand  ils  se  sépareront  des  autres  Wallons  du  pays  et  courront  les  risques 
d'un  nouveau  siège. 

Il  est  toutefois  nécessaire  de  redire  que  Pierre  de  Meleun  crut  n'agir 
«  qu'en  vray  et  fidcl  patriote  »  (^),  et  qu'il  fut  pour  les  États-Généraux  un 
«  modèle  de  constance  et  de  fidélité  »  (^j. 

V.  La  Pacification  de  Gand  fut  accueillie  avec  joie  dans  tous  les  Pays- 
Bas;  la  suspension  des  placards  permit  aux  exilés  et  aux  bannis  de  rentrer 
dans  leurs  foyers.  Les  proscrits  revinrent  en  foule,  et,  rien  qu'à  Tournai, 
on  releva  une  immigration  de  plus  de  six  mille  réformés  (''). 


(<)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  77,  fol.  245,  247,  254  et  25S. 

(*)  Voir  plus  haut  le  chapitre  l'"^  de  la  2"  partie,  «  Les  Institutions  »,  p.  6i. 

(3)  Arctiives  communales  de  Tournai,  Comptes  généraux  de  1579-1581. 

(♦)  Gachakd,  Actes  des  États-Généraux,  t.  il,  p.  276,  n«  2049. 

(5)  Idem,  Ihid.,  t.  II,  p.  274,  n»  2045.  Les  Etats-Généraux,  dans  la  lettre  qu'ils  adressent 
au  prince  d'Espinoy,  sous  la  date  du  10  octobre  1579,  disent  qu'ils  se  ressentent  avec  toute 
la  patrie  «  de  sa  constance  et  fidélité,  laquelle  ung  chascun  voit  estre  érigée  pour  ung 
miroir  à  tous  seigneurs  et  princes  bien  nais  »,  etc. 

■(6)  Eiir.fiNE  HuitEBT,  Le  proiestantisme  à  Tournai  pendant  le  XVI 11'  siècle.  Bruxelles, 
1903,  1».  <i. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  20? 

Sur  ces  entrefaites  arrivait  à  Luxembourg,  le  nouveau  gouverneur  général 
des  Pays-Bas,  don  Juan  d'Autriche. 

Venu  sans  arme,  presque  sans  escorte,  le  représentant  de  Philippe  II 
comptait  loucher  par  cette  preuve  de  confiance,  le  creur  généreux  des  habi- 
tants des  Pays-Bas,  apaiser  leurs  susceptibilités  et  calmer  leurs  appréhen- 
sions. Mais  les  États-Généraux  ne  virent  en  cela  (ju'une  feinte.  A  peine  furent- 
ils  informés  de  l'arrivée  de  don  Juan,  qu'ils  envoyèrent  vers  lui  des  députés 
pour  lui  exposer  les  conditions  auxquelles  ils  le  recevraient  comme  gouver- 
neur général.  Ils  demandèrent  l'approbation  de  tout  ce  qui  avait  été  antérieu- 
rement fait,  aussi  bien  l'union  de  tous  les  États  provinciaux  des  Pays-Bas 
que  la  Pacification  de  Gand,  exigeaient  le  départ  des  soldats  espagnols,  le 
maintien  des  anciens  privilèges,  et  voulaient  en  outre  que  pour  la  direction 
des  affaires,  don  Juan  ne  f)rit  conseil  que  de  gens  du  pays  ('). 

Oaignant  (lue  la  Pacification  de  Gand  ne  dérogeât  à  la  religion  catholique, 
don  Juan  ne  voulut  pas  souscrire  immédiatement  à  ces  conditions  et  entama 
des  pourparlers  avec  les  États-Généraux  (-). 

Les  négociations  turent  laborieuses;  bientôt  même  certains  membres  des 
États,  se  défiant  de  don  Juan,  firent  conclure  entre  les  provinces  un  nouveau 
traité  qui  s'appela  ['Union  de  Bruxelles  (9  janvier  1577). 

Les  États  du  Tournaisis  furent  informés,  le  17  janvier,  de  ce  nouvel 
accord.  Après  avoir  entendu  les  explications  de  Barthélémy  Liebaert,  un  de 
leurs  députés  aux  Étals-Généraux,  ils  l'apprctuvèrent  unanimement  ('). 
L'Union  de  Bruxelles  n'était  d'ailleurs  qu'une  confirmation  de  la  Pacificalion 
de  Gand;  elle  n'eut  d'autre  but  que  de  resserrer  les  liens  qui  unissaietJt  les 
provinces,  et  elle  stipulait  l'union  de  tous  les  contractants  en  vue  de  l'expul- 
sion des  Espagnols,  la  conservation  de  la  religion  catholique  dans  quinze  des 
dix-sept  provinces,  cela  va  de  soi,  et  le  maintien  des  anciens  privilèges  (*). 


(■•)  Gachard,  Correspondance  de  Philippe  II,  t.  V,  p.  578. 

(2)  Idem.,  Ibid.,  t.  V,  la  lettre  de  don  Juan  au  roi,  en  date  du  22  décembre  lo76. 

(3)  Arctiives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  141-145,  où  l'on  trouve  le  texte 
complet  de  l'Union  de  Bruxelles. 

(*)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  143. 


208  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XV['  SIÈCLE 

Dans  le  pays,  l'Union  de  Bruxelles  fui  aussi  généralemenl  bien  accueillie. 
Il  en  fui  de  même  à  Tournai,  où  l'on  vit  le  Chapitre  de  Notre-Dame  ordonner 
une  procession  générale  el  le  Magistral  y  convier  les  habitants,  pour  remercier 
Dieu  de  veiller  avec  tant  de  soin  au  bien  des  Pays-Bas  (').  Cet  accord  du 
pays  rendit  même  don  Juan  plus  circonspect.  Il  signa  à  Marche-en-Famenne, 
le  42  février  1577,  VÉdit  perpétuel,  par  lequel  il  accordait  au  nom  du  roi 
une  amnistie  complèle,  l'élargissemcnl  des  prisonniers  faits  lors  des  troubles; 
consentait  à  la  réunion  des  Etats-Généraux,  au  renvoi  des  soldais  étrangers, 
au  maintien  des  anciens  privilèges  et  ratifiait  la  Pacification  de  Gand.  En 
revanche,  les  Élals-Généraux  promirent  «  sur  leurs  consciences,  foy  et  hon- 
neur, de  maintenir  en  tout  et  partout  la  sainte  foy  catholicque  (^)  ». 

Le  prince  d'Orange  jugea  cet  engagement  contraire  à  la  Pacification  de 
Gand.  Il  fil  adresser  des  représentations  aux  États-Généraux  par  les  députés 
des  Étals  de  Hollande  el  de  Zélande,  et,  ses  remontrances  n'ayant  pas  été 
accueillies,  il  inierdil  la  publication  de  l'Édit  perpétuel  dans  les  deux  pro- 
vinces calvinistes. 

La  paix  était  donc  loin  d'être  assurée.  Néanmoins  les  troupes  espagnoles 
sortirent  des  Pays-Bas,  el,  selon  l'édit  de  iMarche-en-Famenne,  don  Juan  fut 
reconnu  comme  Gouverneur  général  des  Pays-Bas.  Le  1*""  mai,  il  fit  son 
entrée  solennelle  à  Bruxelles  (');  le  4,  il  prit  possession  du  gouvernement 
du  pays. 

VL  Toutes  les  provinces,  le  Tournaisis  fut  du  nombre,  avaient  souscrit 
à  l'Édit  perpétuel;  seules  la  Hollande  el  la  Zélande,  au  grand  désappointe- 
ment de  don  Juan,  refusèrent  d'adhérer  à  ce  traité. 

De  là  résultèrent  de  nouvelles  négociations  entre  les  États-Généraux,  le 
prince  d'Orange  et  le  gouverneur.  La  défiance  reparut  bientôt;  don  Juan, 
croyant  sa  vie  en  danger,  s'empara  par  ruse  du  Château  de  Namur  el  rappela 


(<)  Archives  communales   de  Tournai,   Registre   aux  Publications,   Publication   du 
t9  janvier  H77. 

(2)  Renon  de  France,  Histoire  des  Troubles  des  Pays-Bas,  t.  II,  p.  121,  note  11. 

(3)  Voir  dans  Gachaiui,  Collection  de  documents  inédits.  Bruxelles,  1833,  t.  I,  pp.  3S8  et 
seq.,  des  détails  sur  leiiirée  de  don  Juan  à  Bruxelles. 


AU  POINT  UE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  209 

autour  de  lui  le  reste  des  troupes  élraiigères  qui  se  disposaient  à  partir 
(24  juillet  1377). 

Les  États-Généraux  s'empressèrent  de  donner  connaissance  au  pays  des 
agissements  du  gouverneur  général  (').  En  même  temps,  ils  réclamèrent  des 
États  provinciaux  une  aide  de  deux  millions  de  florins  pour  soutenir  la 
guerre  «  autant  cruelle  que  jamais  »  (-),  que  don  Juan  s'apprêtait  à  leur 
faire. 

Tournai  et  leTournaisis  payèrent  sans  lésiner  leur  quote  dans  celte  contri- 
bution extraordinaire,  comme  dans  tant  d'autres  qui  suivirent;  ils  sympa- 
thisaient à  n'en  pas  douter  avec  les  Étals-Généraux. 

Quand  ceux-ci  crurent  bon  d'appeler  au  gouvernement  des  Pays-Bas 
l'archiduc  Malhias,  neveu  de  Philippe  11  et  frère  de  l'empereur  Rodolphe  II, 
Tournai  et  le  Tournaisis  ne  firent  pas  d'opposition  et  reçurent  l'archiduc 
comme  gouverneur,  «  parce  que  la  défection  de  don  Juan  avait  décapité  le 
gouvernement;  parce  qu'ils  ne  voulaient  pas  que  ces  troubles  nouveaux  fussent 
pour  un  prince  voisin  l'occasion  de  s'emparer  du  pays,  et  parce  qu'ils 
n'entendaient  pas  porter  préjudice  à  la  religion  catholique  on  violer  l'obéis- 
sance due  au  roi  en  laquelle  ils  désiraient  persévérer  (^)  » .  On  sait  d'ailleurs 
que  l'archiduc  Mathias  n'avait  été  appelé  dans  les  Pays-Bas,  que  par  une 
fraction  des  États-Généraux  à  la  tète  de  laquelle  se  trouvait  le  ducd'Aerschot. 

Pour  ménager  les  opposants,  les  États-Généraux  firent  prêter  serment  à 


(1)  Les  Étals-Généraux,  dans  l'Instruction  donnée  au  gouverneur  de  Tournai,  disaient 
entre  autres  :  que  don  Juan,  malgré  la  Pacification  jurée,  avait  de  longue  main  levé  des 
gens  de  guerre;  qu'il  avait  cherché  à  gagner  par  tous  les  moyens  les  magistrats  des  villes, 
commandants  de  places,  jusqu'à  vouloir  leur  faire  prêter  un  serment  contraire  à  celui  prêté 
par  eux  auparavant  tant  au  roi  qu'aux  États  ;  qu'il  levait  des  troupes  en  Espagne,  en  Italie, 
en  Allemagne  it  dans  la  Bourgogne,  et  faisait  même  revenir  près  de  lui  celles  qui  en  vertu 
de  la  pacification,  avaient  évacué  les  Pays-Bas;  que  l'entreprise  faite  par  lui  sur  le  Château 
de  Namur  avait  dès  longtemps  été  conçue,  comme  on  pouvait  s'en  convaincre  par  les  lettres 
interceptées,  dont  les  originaux  étaient  en  possession  des  Etals...;  enfin,  qu'il  avait'déclaré 
vouloir  se  servir  des  Turcs  et  autres  barbares,  et  son  naturel  était  plus  enclin  à  mener  la 
guerre  que  de  gouverner  pacifiquement...  (Beg.  n°  77,  pp.  lëS-IbO.) 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  77,  fol.  166. 

(3)  Idem,  reg.  n"  77,  fol.  177-178,  Gacuard,  Actes  des  États- Généraux,  t.  I,  p.  29t. 
Tome  I.  —  Lettres,  etc.  27 


210  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

l'archiduc  comme  gouverneur  général,  mais  lui  donnèrent  comme  lieutenant 
le  prince  d'Orange  qu'ils  avaient  rappelé  à  Bruxelles,  et  nommé  ruweart  du 
Brabant. 

La  guerre,  régulièrement  déclarée  à  don  Juan,  commença  bientôt;  les 
troupes  des  États  s'avancèrent  contre  le  gouverneur  déchu  et  se  firent  battre 
à  Gembloux  (31  janvier  1578).  Louvain,  Diesl,  Tirlemont,  Nivelles  et 
d'autres  villes  tombèrent  successivement  au  pouvoir  des  troupes  royales. 

Cependant  cet  échec  n'eiïraya  ni  les  États-Généraux  ni  l'archiduc  Malhias. 
Celui-ci,  au  contraire,  par  des  lettres  particulières  adressées  aux  provinces, 
s'ingénia  à  ranimer  leur  espoir  ébranlé  et  à  leur  persuader  que  le  succès 
■leur  vaudrait  le  rétablissement  de  leurs  anciennes  libertés  (').  De  leur  côté, 
le  Conseil  d"État  et  les  États-Généraux  n'épargnaient  aucun  argument  dans 
le  but  d'obtenir  des  États  provinciaux  les  sommes  nécessaires  pour  équiper 
de  nouvelles  troupes,  et  empêcher  don  Juan  d'étendre  ses  conquêtes. 

Ils  demandèrent  la  perception  d'impôts  nouveaux,  insistant  auprès  des 
provinces  sur  les  conséquences  fâcheuses  qu'aurait  pour  le  pays  la  victoire 
de  don  Juan. 

Au  lieu  d'un  patard  comme  nous  vous  le  demandons  aujourd'hui,  écri- 
vaient-ils aux  États  du  Tournaisis,  les  Espagnols  nous  contraindront,  si  nous 
nous  laissons  réduire,  à  leur  en  donner  cent,  outre  noire  honneur,  nos  biens 
et  notre  vie;  ils  se  vantent  orgueilleusement  qu'ils  n'épargneront  personne; 
les  gens  d'église,  ils  les  dépouilleront  de  leurs  biens;  les  nobles,  ils  les  feront 
périr  par  le  glaive,  pour  distribuer  leur  terres  aux  partisans  des  Espagnols; 
quant  au  peuple,  ils  le  réduiront  en  esclavage,  «  le  marquant  le  visage  à  la 
morisque  »  (-). 

On  exagérait,  sans  doute,  mais  la  situation  l'exigeait. 

D'un  côté,  les  États-Généraux  avaient  à  faire  face  à  don  Juan  et  à  s'opposer 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  77,  fol.  183. 

(-)  Idem,  reg.  n''77,  fol.  185.  Les  Etats-()énéraux  demandaient  une  imposition  nouvelle 
de  huit  patards  par  semaine  sur  chaque  maison,  sans  exception;  un  patard  par  semaine 
sur  chaque  bonnier  de  terre  labourable,  prairie,  bois,  patûre,  etc.,  et  deux  patards  sur 
une  quantité  de  cent  pois  de  bière  vendus. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  211 

à  ses  onfreprises,  tandis  que  de  l'autre,  il  fallait  porter  remède  à  l'anarchie 
et  au  désordre  qui  avaient  envahi  certaines  villes  (*). 

En  eiïel,  «  pas  plus  (|ue  leurs  adversaires,  les  reformés  ne  comprenaient 
la  tolérance;  partout  où  ils  parvenaient  à  s'emparer  de  Tautorité,  ils  en 
faisaient  le  plus  déplorahie  usage;  ils  détruisaient  les  croix  des  cimetières, 
les  images  de  la  vierge  et  des  saints  et  pillaient  les  couvents.  A  Gand,  dans 
la  ville  même  où  avait  été  signée  la  Pacification,  Hembyse  et  llyhove  éta- 
blirent une  véritable  tyrannie  calviniste,  abolirent  le  culte  catholique  et 
donnèrent  à  leurs  adhérents  Fusage  exclusif  des  églises.  Le  28  juin  1578, 
six  religieux  furent  sur  leur  ordre  livrés  aux  flammes  du  bûcher. 

»  De  leur  côté,  des  magistrats  catholiques  imitaient  Finlolérance  des  cal- 
vinistes. En  Artois  et  dans  les  provinces  walloimes,  les  catholiques  molestaient 
les  protestants  comme  ceux-ci  en  Flandre  et  en  Brabant,  persécutaient  les 
catholiques  (").  » 

Le  comte  palatin  Jean-Casimir  était  venu  d'Allemagne  avec  des  soldats 
calvinistes  et  soutenait  les  Gantois;  le  duc  d'Alençon  négociait  avec  la  frac- 
tion catholique  des  États  et  se  montrait  tout  disposé  à  jouer  un  rôle  dans 
les  événements  qui  se  déroulaient  dans  notre  pays;  l'Artois  faisait  entendre 
une  voix  discordante,  réclamait  la  paix,  et  suppliait  les  autres  provinces 
wallonnes  de  se  joindre  à  elle  pour  engager  les  Étals-Généraux  «  à  ne  plus 
soutenir  une  guerre  inutile  »  ('). 

Telle  était  la  situation  quand,  de  commun  accord  avec  le  Conseil  d'État, 
le  22  juin  1578,  les  États-Généraux  élaborèrent  une  ordonnance  à  envoyer 
à  toutes  les  provinces. 

Cette  ordonnance,  qui  visait  à  assurer  l'égalité  aux  deux  communions  des 
Pays-Bas,  fut  publiée  le  12  juillet  suivant,  et  reçut  le  nom  de  Paix  de  reli- 
gion ou  de  Religionsfrid. 


(i)  Voir  sur  les  ennuis  causés  aux  États-Généraux  par  le  parti  calviniste,  notamment  à 
Gand,  Bulletins  de  la  Commission  rojiale  d'histoire,  3'  série,  t.  XI,  pp.  382  et  seq. 

f')  Eugène  Hubert,  De  Charles-Quint  à  Joseph  II,  pp.  43-44.  Voir  aussi  au  sujet  de 
Gand,  Bioijraphie  nationale,  t.  X,  article  Kéthulle. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  77,  fol.  88  et  195,  aux  dates  des  4  mars  et 
17  juillet  1578. 


212  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

Elle  proclamait  une  amnistie  plénière  pour  tous  les  délits  commis  en 
matière  religieuse  depuis  la  Pacificalion  de  Gand;  elle  décrétait  pleine  et 
entière  liberté  de  conscience,  «  chacun,  disail-elle,  demeurera  francq  et 
libre  touchant  les  religions  comme  il  en  voudra  respondre  devant  Dieu  », 
rétablissait  le  culte  catholique  en  Hollande  et  en  Zélande  et  dans  les  villes 
où  il  avait  été  aboli,  et  stipulait  que  «  Texercice  public  de  l'un  ou  de  l'autre 
culte  existerait  de  droil  partout  où,  dans  les  localités  imporianies,  ce  culte 
complerait  au  moins  cent  ménages  établis  depuis  un  an  révolu,  et  dans  les 
villages,  pourvu  que  la  majorité  des  habitants  y  établis  depuis  le  même 
espace  de  temps,  appartînt  à  ce  culte  (^)  » . 

Mais  par  le  fait  que  cette  Paix  de  religion,  comme  dit  M.  Eug.  Hubert, 
protégeait  également  les  deux  cultes  en  présence  et  défendait  toute  oppres- 
sion de  la  minorité  par  la  majorité,  elle  mécontenta  vivement  les  fanatiques 
qui  dominaient  sans  conteste  aussi  bien  parmi  les  protestants  que  parmi  les 
catholiques.  Quoique  les  États-Généraux  n'eussent  pas  imposé  leur  ordon- 
nance, mais  l'eussent  simplement  soumise  à  l'approbation  des  provinces  et 
des  villes  (^),  les  députés  du  Hainaut  et  du  Tournaisis  protestèrent  contre 
la  clause  concernant  la  liberté  de  religion  et  soutinrent  que  ceux  qui  dési- 
raient vivre  selon  la  Réforme,  devaient  s'adresser  aux  États  de  leurs  pro- 
vinces respectives  (■^). 

Aussi  quand,  le  14  juillet,  l'archiduc  Mathias  transmit  aux  États  du  Tour- 
naisis copie  des  articles  de  la  «  Religionsfrid  »,  en  les  priant  de  lui  faire 
connaître  «  s'ils  étaient  résolus  à  permettre  ou  à  prohiber  le  libre  exercice 
de  la  religion  réformée  »  (^),  ceux-ci  rappelèrent  à  l'archiduc  et  aux  Étals- 
Généraux  qu'ayant  juré  d'observer  la  Pacificalion,  l'Union  de  Bruxelles  et 


(<)  Nous  n'avons  fait  que  résumer  ici  dans  les  tn^s  grandes  lignes  et  d'après  M.  Eue. 
Hubert,  De  Charles-Quint  à  Joseph  II,  pp.  4i-48,  La  Paix  de  religion  d'Anvers.  A  ceux  qui 
voudraient  l'étudier  dans  tous  ses  détails,  il  serait  loisible  de  se  reporter  à  l'ouvrage  cité 
plus  haut,  où  ils  trouveront  aux  pp.  160-178  cette  Paix  in  extenso. 

(■^)  Eug.  Hubkrt,  De  Cliarles-Qnint  à  Joseph  II,  p.  48. 

(3)  Gaciiard,  Actes  des  États-Généraux,  t.  1,  p.  39o,  et  L.  Devillers,  Inventaire  des 
Archives  des  États  de  Hainaut.  Mons,  Maneeaux,  1884,  t.  l,  p.  195. 

(*)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  p.  198. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITrQUE  ET  SOCIAL.  213 

rÉdil  perpétuel  c|ui  avaient  maintenu  inviolable  le  point  concernant  l'exercice 
de  la  religion  callioliqne,  ils  «  voulaient  en  tout  et  |)arlout  tenir  leurs  pro- 
messes comme  respecter  leurs  sernienls,  et  avaient  unanimement  résolu 
d'interdire  dans  le  Tournaisis,  le  libre  exercice  de  la  religion  réformée  »  ('). 

Il  en  fut  de  même  des  Etals  de  Tournai.  Eux  aussi,  dans  l'intention  «  de 
se  conformer  en  tout  suivant  l'édil  de  Pacificaliou  fait  à  Gand  »,  ne  voulurent 
point  de  la  tolérance  religieuse  et  firent  immédiatement  interdire  l'exercice 
public  du  culte  calviniste  dans  leur  ville.  Pierre  de  Meleun  lui-même, 
conirairement  à  ce  que  l'on  pensait  jusqu'à  ce  jour,  insista  auprès  du  gou- 
verneur général  pour  l'engager  à  approuver  celte  inlerdiclion  (-). 

Cependant  la  fraction  calviniste  lournaisienne  n'admit  pas  la  chose  aussi 
allègrement.  La  publication  du  décret  refusant  la  profession  publique  du  culte 
réformé  se  fit  le  7  août  dans  la  matinée.  Elle  provoqua  immédiatement  des 
troubles.  Calvinistes  et  catholiques  en  vinrent  aux  mains,  et  il  fallut  un  nou- 
veau rappel  au  respect  de  la  Pacification  de  Gand  et  des  menaces  sévères, 
pour  rétablir  momentanément  le  calme  ("*). 

iMais  l'exemple  de  Gand  était  contagieux.  De  nouveaux  troubles  éclatèrent 
à  Tournai.  Les  calvinistes  s'assemblèrent  tumultueusement,  prétendant  que 


(1)  Voici  la  fin  de  la  réponse  des  États  du  Tournaisis  :  «  Veuillant  en  tout  et  partout 
satisffaire  à  nos  sermens  et  promesses  tant  de  fois  reytérées,  avons  unanimement  résolu 
de  ne  permettre  aucunement  in  Tournésiz  le  libre  exercice  de  la  dite  religion  prétendue 
réformée,  afin  de  ne  tomber  en  perjure  et  de  ne  point  condamner  nostre  bonne  cause  et 
déffcnse,  pour  justiffier  celle  de  l'ennemy  quy  spubz  le  prétexte  de  nouvelle  religion,  nous  a 
par  toute  la  Chrétienté  ditîamés  comme  hérétiques  et  rebelles  à  Dieu  et  à  nostre  Prince;  et 
à  l'endroit  de  l'Union,  nous  espérons  tellement  nous  reigler  que  nous  donnons  de  nostre 
part  occasion  de  reculler,  en  quoy  chacune  Province  se  doibt  évertuer,  craindans  que  par 
dessidence  ne  division,  ne  tombons  en  proye  à  la  miséricorde  de  nos  ennemys.  »  (Archives 
communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  199.)  En  somme,  le  Tournaisis  ne  voulait  pas  de 
la  liberté  des  cultes,  mais  il  n'est  pas  vrai  de  dire,  comme  le  chanoine  de  Schrevel  {Revue 
eccîésiastiqtie,  t.  111,  p.  337,  note  1)  :  «  Aussi  les  provinces  de  Hainaut,  d'Artois  et  du  Tour- 
naisis, indignées  des  violences  des  Gueux,  ne  voulurent-elles  à  aucun  prix  de  la  Paix  de 
Religion  et  se  séparèrent-elles  des  États-Généraux.  »  Les  États  du  Tournaisis  ne  se  déta- 
chèrent jamais  des  Etats-Généraux;  on  le  verra  d'autant  mieux  par  la  suite. 

2)  Voir  Pièces  justificatives,  n"  XXVK,  et  Archives  communales  de  Tournai,  Publication 
du  7  août  lo78,  reg.  n°  34o,  fol.  101. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  7  aoiit  1S78,  reg.  n°  345,  fol.  101. 


214  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

l'archiduc  Mathias  avait  permis  «  prêches  ou  autres  exercices  de  la  rehgion 
nouvelle  »,  et  réclamèrent  du  gouverneur  général,  avec  «  l'exercice  libre  de 
la  religion  prétendue  réformée  »,  des  temples  pour  procéder  aux  cérémonies 
de  leur  culte  (  ').  En  exécution  de  la  «  Religionsfrid  »  et  sur  ordre  de  Tarchiduc, 
Pierre  de  Meleun,  avant  d'accéder  à  le(n's  instances,  fit  faire  le  dénombre- 
ment des  familles  tonrnaisiennes  qui  réclamaient  l'exercice  du  nouveau 
culte,  et,  le  lendemain  30  septembre,  soit  à  cause  de  leur  petit  nombre  ('-), 
soit  pour  tout  autre  motif,  il  défendit  formellement  l'exercice  de  la  religion 
calviniste  (^).  L'archiduc  iMathias  confirma  cette  défense  par  lettre  du 
6  octobre  suivant  ('). 

Les  réformés  s'adressèrent  alors  au  Conseil  d'État.  Le  7  octobre,  leurs 
députés,  le  ministre  Taffin,  Hans  Opalfens,  Raspaille  et  un  des  Le  Maire, 
exposèrent  au  Conseil  d'Étal  les  vœux  de  leurs  coreligionnaires,  mais  ils 
n'obtinrent  point  gain  de  cause  Ç')  :  la  «  Religionsfrid  »  ne  fut  jamais  appliquée 
à  Tournai  ni  dans  le  Tournaisis. 

Elle  fut  d'ailleurs  rejelée  par  différentes  provinces,  entre  autres  le  Hainaut, 
l'Artois  et  la  Flandre  wallonne,  en  sorte  que,  loin  de  faire  cesser  les  luttes 
religieuses,  «  elle  ne  fut  qu'une  généreuse  utopie  repoussée  par  l'aveuglement 
et  le  fanatisme  des  contemporains  qui  la  déclaraient  contraire  à  la  Pacification 
de  Gand  («)  » . 

VII.  A  Gand  et  dans  toute  la  Flandre,  les  calvinistes  continuaient  à 
commettre  de  si  déplorables  excès,  qu'il  sembla  de  bonne  guerre  à  certains 


(!)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  i29  septembre  1578,  reg.  n»  345, 
et  lettre  de  l'archiduc  du  6  octobre  1578. 

(2)  Si  l'on  en  croit  Barthélémy  Liébart,  député  du  Tournaisis  aux  États-Généraux, 
le  nombre  de  ceux  «  qui  demandoyent  les  presches  s'élevait  à  huit  cents  personnes  ». 
[Bulletins  de  la  Commission  royale  d'histoire,  3"  série,  t.  XI,  p.  421.)  Cela  faisait,  en  prenant 
une  moyenne  de  cinq  personnes  par  ménage,  plus  de  cent  ménages  qui  demandaient 
l'exercice  du  culte  calviniste  !  ! 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  30  septembre  io78,  reg.  n»  345. 
(i)  Pièces  juslificatives,  n»  XXVIl,  Lettre  du  6  octobre  1578. 

(5)  Bulletins  de  la  Commission  royale  d'histoire,  3«  série,  t.  XI,  p.  421,  Barth.  Liébart  dit  : 
«  Les  aultres  qui  estoycnt  le  ministre  Taflfin,  assisté  de  ....  et  un  des  Maires  s'estans  tenuz 
près  de  Saint- Pierre  en  Tournay  »....  Serait-ce  le  navigateur  Isaac  Lemaîre? 

(6)  EuG.  Hubert,  De  Charles-Quint  à  Joseph  II,  p   49. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  215 

catholiques  du  Hainaut  et  de  l'Artois,  de  riposter  à  la  violence  par  la 
violence  (^). 

De  la  naquirent  les  Malcontenls,  et  l'on  put  voir  cette  armée  catholique, 
commandée  par  Emmanuel  de  Lalaing,  baron  de  Monligny,  répondre  aux 
brigandages  des  F'Iamands  par  des  débordements  tout  aussi  regrettables. 

D'autre  part,  les  États  de  Hainaut  et  d'Artois  qui  avaient  résolu  de  liguer 
entre  elles  toutes  les  provinces  pariageant  les  mêmes  aspirations  religieuses, 
pour  opposer  aux  calvinistes  flamands  toutes  les  forces  des  catholiques 
wallons,  essayèrent  d'altirer  à  eux  les  Tournaisiens. 

Le  18  octobre  1578,  les  dé[)utés  des  Étals  du  Toiirnaisis  reçurent  la  visite 
du  délégué  des  États  de  Hainaut.  C'élail  Josse  deCampene,  écuyer,  seigneur 
de  Sartpasteau,  Osiregnies  (^),  etc.  il  remit  aux  Étals  du  Tournaisis  son 
instruction  et  les  invita  à  délibérer  sur  son  contenu. 

Elle  portail  en  substance  qu'en  dépit  de  la  Pacification  de  Gand,  on  voyait 
de  tous  côtés  les  sectaires  «  faire  prêches  et  exercices  publics  de  leur 
religion  pestiférée,  ruiner  et  profaner  les  saints  sacrements,  cloîtres  et 
abbayes,  saccager  les  églises,  massacrer  gens  d'églises  et  bons  catholiques, 
surprendre  et  piller  monastères,  châteaux  ou  villes,  violer  les  religieuses, 
emprisonner  et  exécuter  évéques,  prélats  et  autres  personnages  honorables; 
et  jusqu'à  mener  des  trou()es  en  campagne  ».  Ces  sectaires,  continuait 
l'instruction,  s'attaquaient  avec  la  même  brutalité  à  la  noblesse  et  prouvaient 
ainsi  que  leur  but  était,  comme  d'ailleurs  les  principaux  d'entre  eux  l'avaient 
ouvertement  déclaré,  d'anéantir  religion  et  noblesse.  De  tels  débordements 
auraient  dû  être  châtiés  dès  le  principe,  mais  on  n'en  avait  rien  fait;  au 
contraire,  ils  allaient  croissants  et,  s'il  n'y  était  bien  vite  remédié,  ils  enlraî- 


(<)  Dans  un  pamphlet  assez  rare  et  contemporain,  portant  pour  titre  :  Discours  sur  les 
Troubles  et  misères  de  ce  temps,  et  des  moyens  qu'il  faut  tenir  pour  les  appaiser  et  y  mettre 
fin.  (Douay,  Jean  Bogard,  lo71r)),  on  lit  à  la  page  4  de  la  Préface  :  «  Sans  nous  laisser  plus 
abuser  de  ceste  hideuse  Chimère  de  «  Religion-frede  i>,  qu'on  tasche  de  nous  introduire  —  il 
nous  est  du  moins  autant  loisible  de  nous  deffendre  par  armes,  en  nostre  ancienne  posses- 
sion (de  la  religion  catholique),  comme  li  est  licite  aux  sectaires  de  nous  en  débouter  ».... 

('^)  Josse  de  Campene,  seigneur  de  Lanefl'e,  Ostreignies,  Sartpasteau,  Hossencourt,  etc., 
épousa  Marie  de  le  Mark  d'Arenberg;  sa  tille  Marie  épousa,  le  1''  février  1589,  Nicolas  de  la 
Neuveforge. 


216  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XV1«  SIÈCLE 

lieraient  les  plus  graves  désordres.  Prévoyant  que  l'inertie  des  Élals- 
Généraux,  la  dissimulation  et  les  secrètes  manœuvres  de  quelques-uns  de 
leurs  membres,  même  leur  peu  d'enthousiasme  pour  la  religion  caiholique 
pourraient  amener  une  catastrophe  générale,  les  Etals  de  Hainaut  avaient 
jugé  indispensable  que  les  provinces  qui  jusqu'alors  s'étaient  maintenues  sur 
le  pied  de  la  Pacification  de  Gand,  prissent  elles-mêmes  les  mesures  les  plus 
opportunes  non  pas  pour  attenter  chose  nouvelle  el  contraire  au  bien  de  la 
cause  commune,  mais  dans  le  dessein  bien  arrêté  de  se  maintenir,  suivant 
les  termes  de  la  dite  Pacification,  «  contre  la  plus  barbare  insolence, 
excédant  l'espagnole,  desdits  sectaires  et  de  leurs  adhérents,  et  d'obvier  à 
l'anéantissement  de  la  religion  catholique  » . 

Pour  ces  considérations  el  attendu  que  les  provinces  de  Hollande, 
Zélande,  Flandre,  Gueldre  et  autres  s'étaient  liiiiiées  pour  mal  faire  ('), 
il  était  urgent  que  les  provinces  catholiques  d'Artois,  Lille,  Douai  et  Orchies, 
Tournai,  Tournaisis,  Valenciennes  et  Hainaul,  à  l'exemple  de  ces  hérétiques, 
s'unissent  étroitement  pour  aviser  aux  moyens  de  conserver  leur  foi  et  de 
repousser  les  sectaires  ("'). 

Telles  étaient  les  principales  raisons  (|ue  faisaient  valoir  les  États  de 
Hainaut;  J.  de  Campene  devait  en  outre  insister  personnellement  auprès  des 
États  de  Tournai-Tournalsis,  pour  les  engager  à  entrer  dans  l'Union 
proposée  et  à  joindre  leurs  efforts  à  ceux  des  États  de  Hainaut  auprès  des 
autres  provinces  (^). 

Les  députés  du  Tournaisis,  devant  l'importance  de  la  proposition,  réso- 
lurent de  la  communiquer  aux  États. 

Le  23  octobre,  les  Étals  de  Tournai-Tournaisis  s'assemblèrent;  ils 
répondirent  aux  Hennuyers  «  qu'ils  persislaient  dans  le  maintien  de  la 
Pacification,  mais  qu'ils  jugeaient  cependant  nécessaire  qu'il  fût  mis  ordre 
aux  abus  el  aux  excès  visés  par  les  Étals  de  Hainaul,  à  condition  toutefois 


(')  Cela  n'est  pas  tout  à  fait  exact,  car  à  celte  date  ces  provinces  n'avaient  point  encore 
signé  l'Union  d'Utrecht. 

(■^)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  203  et  seq. 
(3)  Idem,  reg.  n«  77,  fol.  203-207. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  217 

que  l'archiduc  Mulinas  et  les  Élats-Généraux  s'en  chargeussent  seuls. 
A  celle  coiidilion,  ils  élaienl  préls  à  s'unir  aux  aulres  provinces  wallonnes 
pour  réclamer  l'observalion  de  la  Pacification  (')  ». 

Josse  de  Campene  n'avait  pas  réussi  dans  sa  mission;  la  province  de 
Tournai-Tournaisis  entendait  ne  point  se  séparer  de  la  généralité  du  pays  et 
restait  lidèle  aux  Etals-Généraux.  D'ailleurs  les  Tournaisiens,  en  demandant 
que  les  États-Généraux  lussent  chargés  de  la  répression  des  excès  calvinistes, 
se  doutaient  bien  (pie  celle  condition  ne  serait  point  admise  par  les  Étals 
scissionnaires.  Ils  en  élaienl  tellemenl  persuadés  (|ue,  (|uand  Tarcliiduc  el  les 
Élals-Généraux  leur  envoyèrent  le  pensionnaire  de  Bruges  pour  les  engager 
à  ne  tenir  aucun  compte  des  propositions  des  Étals  de  Hainaut,  ils  firent 
part  au  Gouverneur  général  «  de  la  boime  réponse  »,  selon  leur  propre 
expression,  qu'ils  avaient  ironi(|uemenl  l'aile  aux  Hennuyers  ('■). 

Mais  «  celte  bonne  réponse  »  eut  des  conséquences  fâcheuses  pour 
le  Tournaisis.  Par  représailles,  les  troupes  wallonnes  des  Malconlents 
dévastèrent  toute  la  partie  sud-ouest  de  la  contrée,  raLiconnèrenl  les 
habitants  et  s'emparèrent  même  de  Morlagne  (^),  une  des  localités  les  plus 
importantes  de  la  province. 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  77,  fol.  208. 

(2)  Idem,  reg.  n-  77,  fol.  208. 

(3)  Idem,  reg.  n°  77,  fol.  209.  Il  résulte  du  procès-verbal  de  la  séance  du  13  novembre 
1S78,  des  Étals  du  Tournaisis,  que  le  Sénéchal  de  Hainaut  avait  envoyé  de  Tournai  des  gens 
de  guerre  tournaisiens  pour  la  garde  el  la  défense  de  Morlagne,  et,  qu'arrivés  là,  ceux-ci  se 
trouvèrenl  combattus  par  des  gens  de  guerre  qui  se  saisirent  de  la  place,  après  avoir  tué 
ou  blessé  la  plupart  des  Tournaisiens.  D'après  le  Compte  général  de  Tournai,  du  l'-'  octobre 
1578  au  30  septembre  1589,  fol.  54  r".  Emmanuel  de  Lalaingne  rcnditMortagiieauSénéchal 
de  Hainaut  que  vers  le  15  février  1579.  Voici  le  document  :  «  A  Nicollais  Labis,  cappitaine 
d'une  compaignie  de  gens  de  pied  soubz  la  cherge  de  Mons''  de  Monligny  pour  dix  quesne 
de  vin  à  luy  présentées,  estant  arrivé  en  ceste  ville  le  xv«  de  febvrier  audict  an  (1579).  En 
marge  de  la  main  d'un  des  commissaires  nommés  par  le  (Jouvcrneur  de  Tournai  pour 
vérifier  les  comptes  :  Transeat,  actendu  qu'ycelles  luy  fusrenl  présentées  pour  occasion  des 
nouvelles  qu'il  apportoil  de  la  reddition  de  la  ville  de  Mortaigne  es  mains  de  son  Excellence, 
que  Monsieur  de  Monligny  tenoil  par  force  ».  I^es  Tournaisiens,  pour  empêcher  tout  nouveau 
coup  de  main  des  Malconlents,  mirent  le  16  février  une  troupe  de  cent  hommes  en  garni- 
son à  Morlagne.  (Voir  Archives  comnmnales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  226.)  On  sait  que 
Morlagne  faisait  alors  partie  du  Tournaisis,  de  même  que  Saint-Amand. 

Tome  L  —  Lettres,  etc.  28 


ils  TOURNAI  ET  I.E  TOURNAISIS  AU  XVh  SIÈCLE 

C'élail  là,  on  lavoiiera,  »in  singulier  moyen  d'allirer  les  Tournaisiens  dans 
Punion  projetée.  Néanmoins,  le  24-  novembre,  les  dépulés  des  Étals  de 
TAriois  ('),  insligués  par  ceux  de  HainanI,  n'hésitèrent  point  à  tenter  une 
nouvelle  démarche.  Introduits  près  des  Étals  ('■),  ils  leur  demandèrent 
s'ils  n'étaient  point  disposés  à  faire  partie  d'une  ligue  «  plus  étroite  contre  les 
infracteurs  de  la  Pacificalion  do  (iand  »,  ou,  s'ils  s'en  tenaient  toujours 
au  mainlion  de  la  dile  Pacilication,  d'envoyer  des  dépulés  à  Arras  pour  le 
1"  décembre  suivant  (*). 

Mais  aux  Artésiens  comme  aux  Hennuyers  les  Tournaisiens  firent  la  même 
réponse  :  ils  s'en  tenaient  à  la  Pacification  de  Gand  «  tant  solennellement 
jurée  »,  et  n'entendaient  nullemenl  «  se  départir  de  la  généralité  »,  attendu 
(|u'ils  avaient  fait  respecter  jusqu'à  ce  jour  cl  la  Pacificalion  de  Gand 
el  l'exercice  du  culte  calhoiique  dans  lout  le  Tournaisis,  malgré  les  efforts 
fails  par  les  calvinistes  pour  y  introduire  les  prêches  el  la  «  Religionsfrid  ». 

Quant  à  envoyer  des  dépulés  à  Arras,  ils  s'y  refusèrent  énergiquement, 
parce  que,  prélendaient-ils,  «  depuis  la  surprinse  de  Morlagne,  le  pillage  des 
campagnes  rendait  les  chemins  peu  siirs  ».  Façon  indirecte  el  adroite  de 
rendre  les  Étals  de  Hainaul  el  d'Artois  responsables  de  l'agression  injusli- 
liabie  faite  contre  les  Tournaisiens,  car,  en  fail,  les  roules  furent  suffisam- 
ment sûres  pour  permettre  au  bailli  de  Uumes,  Maihias  de  le  Gauchie,  de 
porter  par  écrit  à  Arras  même  la  réponse  ci-dessus  (*). 

Malgré  lout,  les  Étals  scissionnaires  ne  se  tinrent  pas  encore  pour  battus. 

Le  2  décembre,  l'.Arlois  adressa  une  nouvelle  ci  pressante  demande  aux 
Élals  du  Tournaisis,  à  la(|uelle  ceux-ci  ne  répondirent  point  (^). 


(1)  I^es  dépulés  artésiens  étaient  :  François  d'Ongies,  chevalier,  seigneur  de  Beaurepaire, 
Jean  de  Herglies,  s' de  Beluvve;  Jacques  Dùresmieulx,  échevin  de  la  ville  d'Arras,  et  Andrieu 
Doresmieulx,  second  conseiller  de  la  ville  de  Saint-Omer.  (Voir  Archives  communales  de 
Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  210.) 

(2)  Le  Chapitre  de  Noire-Dame  avait  délégué  à  cette  assemblée  des  États  du  Tournaisis 
le  doyen  Max.  Manarc  et  le  chanoine  Courouble.  (Voir  Archives  du  Chapitre  de  Notre- 
Dame,  Acta  capitularia,  lundi  24  novembre  lo78.) 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  77,  fol.  2tO-2H. 
(*)  Idem,  reg.  n"  77,  fol.  212-213. 

(3)  Idem,  reg.  n"  77.  fol.  213. 


Al]  POINT  L)F.  V[1E  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  âl!) 

On  passa  outre.  Le  6  janvier  4579,  l'Arlois,  le  Hainaut  et  la  ville  de 
Douai  consomnièient  la  désunion  des  provinces  des  Pays-Bas  el  lancèrent 
d'Arras  un  manifeste  par  le(|uel  ils  déclaraient  s'allier,  en  vue  de  rexéculion 
des  clauses  de  la  Pacilication  de  Gand,  ainsi  (|ue  pour  l'unique  conservation 
de  la  religion  callioli(|ue  et  le  niainlien  de  l'obéissance  due  au  roi  et  des 
privilèges  du  pays  ('). 

Cependant  le  10  janvier,  les  provinces  confédérées  tentèrent  près  des 
Tournaisiens  un  nouvel  eiïort  pour  les  attirer  à  elles,  et  les  prièrent  de 
joindre  des  députés  à  ceux  qu'elles  envoyaient  à  Bruxelles,  pour  exiger  du 
Gouvernement  l'exécution  de  la  Pacification. 

Les  Tournaisiens  refusèrent  de  nouveau.  Bien  plus,  irrités  de  voir  la 
charte  de  Gand  déchirée  en  ses  principaux  articles,  ils  firent  partir  pour 
Bruxelles  une  députation,  avec  mission  d'engager  farchiduc  iMalhias  à  lever 
des  soldats  et  à  entamer  la  lutte  contre  «  ceux  (|ui  voudraient  contraindre 
certaines  provinces  à  parjurer  leur  serment  on  à  consommer  la  désunion  Ç^)  » . 
El  ils  visaient  en  cela  aussi  bien  les  Flamands  que  les  Wallons,  les  uns  et  les 
autres  violant  la  Pacification  de  Gand,  suit  en  cherchant  à  diviser  le  pays, 
soit  en  appli(|uant  la  «  Beligionsfrid  ». 

En  dépit  de  cette  attitude,  cpiatre  jours  après,  le  20  janvier,  les  abbés  de 
i»aint-Vaast,  d'Hasnon  el  d'autres  délégués  des  Etats  d'Artois  et  de  Hainaut 
vinrent  à  Tournai,  pour  essayer  de  persuader  aux  habitants  qu'en  adhérant 
à  la  ligue  wallonne  «  on  ne  pouvait  les  accuser  de  vouloir  se  séparer  de  la 
généralité  (')  ». 

Ayant  échoué  comme  les  autres,  ils  prièrent  les  Tournaisiens  de  déclarer 


(1)  Gachaud,  Actes  des  États- Généraux,  t.  11,  p.  119. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  77,  fol.  218. 

(^1  Les  députés  des  Etats  de  l'Arlois  étaient  Jean  Sarrazin,  abbé  élu  do  l'abbaye  de 
Saint- Vaast  à  Arras;  le  S''  de  Tingry  et  Jean  Lemercliier,  éclievins  de  la  ville  d'Arras;  mais 
ils  étaient  accompagnés  de  députés  du  Hainaut,  parmi  lesquels  Jacques  Froye,  abbé 
de  Hasnon,  ainsi  que  le  constate  l'extrait  suivant  :  «  A  Kévérend  père  en  Dieu,  nions''  l'abbé 
de  Hanon  et  auttres  depputés  des  estatz  de  llaynault  pour  vingt  (|uesnes  de  vin  à  eulx  pré- 
sentées le  dit  jour  (=  21  janvier)  ».  Arcliives  communales  de  Tournai,  Compte  général, 
lo78-lo79,  fol.  S4,  r°.  Le  même  présent  devin  fut  fait  h  l'abbé  de  Saint-VaasI,  le  21  janvier 
1579.  (Voir  même  compte,  même  folio.. 


^20  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI<'  SIÈCLE 

ouveriemeni  leur  volonté  et  intention,  et  de  faire  une  réponse  prompte 
et  exempte  de  tous  subterfuges  «  qui  ne  pouvaient  être  que  périlleux  (^)  ». 

Celte  réponse,  les  Tournaisiens  la  leur  donnèrent  sans  ambages.  Le  21, 
les  délégués  des  Consaux  de  Tournai  et  des  litals  du  Tournaisis  se  réunirent 
au  Cbàteau,  résidence  habituelle  du  Gouverneur;  là,  à  l'unanimité,  ils  déci- 
dèrent de  nouveau  de  s'en  tenir  à  la  Pacification  de  Gand  qu'ils  avaient  juré 
de  respecter  inviolablement  (-). 

Ils  refusèrent  aussi  d'envoyer  à  Ârras,  le  6  février  suivant,  des  représen- 
tants pour  assister  à  une  nouvelle  réunion  des  États  wallons,  et  à  l'abbé  de 
Saint-VaasI,  un  des  députés  de  l'Artois,  qui  cberchail  à  obtenir  que  le 
Tournaisis  se  laissât  comprendre  dans  un  accord  projeté  entre  les  provinces 
wallonnes  et  Pbiiippe  il,  ils  répondirent  «  que  le  cas  échéant,  ils  verraient 
à  prendre  une  résolution  au  mieux  de  leurs  intérêts  (■')  ». 

C'était,  on  en  conviendra,  refuser  «  sans  subterfuge  »  leur  adhésion  à  la 
ligue  des  provinces  wallonnes. 

La  tentative  des  abbés  de  Saint- Vaast  et  d'Hasnon  fut,  comme  on  pouvait 
le  présumer,  le  dernier  essai  sérieux  des  États  dissidents  en  vue  de  détacher 
le  Tournaisis  du  parti  des  États-Généraux. 

Au  commencement  d'avril  1579,  une  nouvelle  députation  d'Artésiens 
était  partie  d'Arras  pour  Tournai,  mais  en  cours  de  roule,  on  jugea  sa 
mission  inutile  et  on  la  rappela  (^). 


(1)  Arcliives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  221-222. 

(2)  Idem,  reg.  n»  77,  fol.  222.  Les  députés  tournaisiens  furent  le  doyen  du  Chapitre, 
Maximilien  Manare,  chanoine  de  la  cathédrale  de  Tournai,  et  le  chanoine  Courouble, 
envoyés  par  le  Chapitre;  Nicolas  de  Formanoir,  seigneur  de  .Merlain;  iMathias  de  le 
Gauchie,  bailli  de  Rumes,  et  le  bailli  de  Warcoing,  représentant  la  noblesse.  Les  États  de 
Tournai-Tournaisis  résolurent  de  faire  cette  réponse  verbalement;  le  doyen  Manare  en 
fut  chargé,  mais  ils  se  refusèrent,  malgré  les  instances  de  l'abbé  de  Saint- Vaast,  de  donner 
acte  de  cette  réponse,  permettant  seulement  à  leur  greffier  d'en  remettre  une  copie  non 
signée. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  77,  fol.  223. 

(♦)  Idem,  reg.  n"  77,  fol.  234.  Alexandre  Farnèse  parle  de  l'envoi  de  cette  nouvelle 
députation  dans  une  lettre  qu'il  fit  parvenir  au  roi,  sous  la  date  du  17  avril  io79.  (Voir 
Bulletins  de  la  Commission  royale  d'histoire  de  Belgique,  2°  série,  t.  IV,  p.  i46.) 


AU  POINT  DK  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  221 

Et  Ton  fit  bien,  car  les  Toiirnaisiens  avaient  reçu  quel(|ucs  jours  aupa- 
ravant, (le  la  [)art  des  Élats-Généraux,  le  marquis  d'Havre  et  l'abbé  de 
Sainl-Beriiaril  qui  no  piircnl  (luc  les  encourager  à  persister  dans  leur 
première  atlilude  ('). 

Il  n'était  donc  plus  permis  de  compter  sur  l'adhésion  des  Tournaisiens  à 
la  ligue  wallonne.  Phili|)pc  II  lui-inétne  ne  parvint  pas  à  les  séparer  des 
Élats-Généraux,  et  il  eut  beau  leur  promettre  «  de  ratifier  tout  ce  dont  ils 
traiteraient  avec  rèvèipie  d'Arras  »,  rien  n'y  fit  {-).  Ils  dédaignèrent  les 
promesses  royales,  comme  ils  ne  voulurent  admettre  les  articles  de  paix 
débattus  à  (Pologne,  que  pour  autant  qu'ils  respectaient  la  Pacification  de 
Gand,  que  l'archiduc  Mathias  était  maintenu  comme  Gouverneur  général  des 
Pays-Bas,  et  Pierre  de  Meleun  comme  gouverneur  de  Tournai  (■'). 

D'un  autre  côté,  en  réponse  à  la  Confédération  d'Arras  du  6  janvier,  les 
calvinistes  des  provinces  septentrionales  des  Pays-Bas  avaient  conclu,  le 
29  janvier  1579,  ['Union  d'Utrecht  à  laquelle  souscrivirent  bientôt  Gand, 
Bruges,  Ypres,  Anvers  et  d'autres  villes. 

Tournai  refusa  encore  d'y  adhérer,  parce  que  cette  nouvelle  Union  en  vue 
«  du  repos  et  de  la  Irancpn'iilé  des  provinces  et  des  villes  »,  laissait  chaque 
Etat  libre  d'agir  à  sa  guise  stn*  le  point  de  la  religion.  On  eut  beau  prier  les 
Tournaisiens  de  se  joindre  aux  provinces  contractantes,  toujours  ils  rejetèrent 
ces  instances  et  airirmèreut  derechef  «  qu'ils  avaient  promis  et  juré  le 
maintien  de  la  religion  catholique  »,  qu'ils  identifiaient  du  reste  avec 
l'observation  rigoureuse  de  la  Pacification  de  Gand  et,  par  voie  de  consé- 
quence, avec  un  attachement  inébranlable  aux  Étals-Généraux. 


(^)  Gachard,  Actes  des  États-Généraux,  t.  Il,  pp.  476  et  S06.  Arcfiives  communales  de 
Tournai,  Compte  général,  d'octobre  1578-septembre  1S79,  fol.  54  v°.  «  A  Mons''  le  mar- 
((uis  de  Haveret  estant  aussy  arrivé  audit  chastel  le  dict  jour  (=8  avril  4579)  pour  douze 
quesnes  (de  vin)  à  luy  présentées  ».  Même  fol.  :  «  A  révérend  père  en  Dieu,  Mons''  l'abbé  de 
Saint-Bernard  pour  xn  quesnes  de  vin  h  luy  présentées,  estant  pareillement  arrivées  audit 
chastel  ». 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"77,  fol.  2'27.  La  lettre  de  Philippe  II,  en 
date  du  l^'  février  1579,  a  été  publiée  dans  Poutrain,  Histoire  de  Tournai.  La  Haye,  1730, 
t.  I,  p.  348. 

(3)  Gachard,  Actes  des  États-Généraux,  t.  Il,  p.  269.  Archives  communales  de  Tournai, 
reg.  n»  77,  fol.  242-243. 


2â2  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

Le  17  mai  1579,  les  catholiques  de  l'Arlois,  du  Haitiaut,  de  Lille,  Douai 
et  Orchies  pour  donner  plus  de  force  à  la  déclaration  publique  du  6  janvier 
précédent,  conclurent  VUnioii  d'Arras,  reconnurent  Alexandre  Farnése 
comme  gouverneur  et  se  replacèrent  sous  l'autorité  du  roi  d'Espagne. 

Les  Tournaisiens  restèrent  encore  en  dehors  de  ce  nouvel  accord. 
Répudiant  les  excès  du  sectarisme  flamand  comme  ils  désapprouvaient  la 
sécession  des  calholi{|ues  wallons,  ils  s'en  tinrent  résolument  à  la  Paci- 
fication de  Gand,  malgré  les  inévitables  dangers  que  créait  une  telle 
politique. 

Donc,  grâce  aux  agissements  du  Gouverneur  de  Meleun,  (|ui  les  poussa  el 
les  maintint  dans  la  voie  de  la  fidélité  à  outrance  envers  les  États-Généraux, 
grâce  à  l'influence  prépondérante  (|u'exercérent  pendant  tout  un  temps  dans 
les  assemblées  du  Tournaisis,  les  délégués  du  Chapitre  et  les  prélats  des 
grandes  abbayes  qui  ne  voyaient  de  salut  que  dans  la  Pacification  (*),  les 
Tournaisiens  s'entêtèrent  à  vouloir  respecter  un  pacte  d'union  que  tous 
foulaient  aux  pieds,  et  ils  se  mettaient  dans  cette  situation  à  tout  le  moins 
impolitique,  de  n'être  officiellement  ni  pour  les  dissidents  catholiques 
wallons,  ni  pour  les  calvinistes  flamands. 

Par  conséquent,  ils  se  mettaient  volontairement  en  guerre  avec  les  deux 
partis  qui  se  disputaient  les  Pays-Bas,  avec  les  réformés  comme  avec  les 
malcontents. 

VIII.  La  situation  n'était  pas  encore  suffisamment  crili(pie;  les  Tournai- 
siens trouvèrent  moyen  de  l'aggraver  en  entrant  en  rébellion  ouverte  contre 
Philippe  II. 

Jusqu'alors  l'accord  le  plus  parfait  n'avait  cessé  de  régner  entre  tous  les 
représentants  du  pouvoir  à  Tournai.  Autorités  civiles  comme  autorités 
ecclésiastiques  n'avaient  recherché  (|u'une  chose,  ne  jamais  laisser  enfreindre 


\}j  Dans  toutes  les  réunions  des  Etals  de  Touraai-Tournaisis,  les  délégués  du  Chapitre 
de  Notre-  Dame  s'étaient  montrés  partisans  convaincus  du  maintien  de  la  t*acification  de 
Gand.  Voir  notamment  dans  les  Àcta  caintutaria  la  séance  du  15  décembre  1378,  où  le 
Chapitre  ordonne  à  ses  représentants  «  de  ne  rien  répondre  ((ui  soit  directement  ou  indi- 
rectement contraire  à  la  Pacitication  de  Gand  ». 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  223 

la  Pacification  de  Gand.  Sans  doute  le  Chapitre  de  Notre-Dame  eut  préféré 
voir  le  Tournaisis  emboîter  le  pas  aux  provinces  dissidentes,  mais  les 
représentants  du  clergé  n'avaient  pas  encore  manifesté  d'opposition  ouverte, 
et  même  en  mai  1579,  le  Chapitre  tout  entier  avait  [)rété  le  serment  de 
fidélité  aux  États-Généraux. 

Cependant  le  A  janvier  1580,  la  fraction  ecclésiastique  donna  les  premiers 
signes  d'un  prochain  revirement.  L'archidiacre  Cottreau  (')  et  un  autre 
chanoine  demandèrent  au  gouverneur  de  Tournai  de  se  prêter  «  par  tous 
les  moyens  possibles  à  l'union  du  Tournaisis  avec  les  provinces  récon- 
ciliées (^)  » . 

Ce  ne  fut  néanmoins  (pi'en  mai  que  le  désaccord  apparut  manifestement. 
Le  18  de  ce  mois,  le  prince  d'Espinoy  (^)  avait  prié  les  États  du  Tournaisis 
de  nommer  des  députés  pour  aller  à  Anvers  représenter  les  Tournaisiens  à 
l'assemblée  des  États-Généraux,  et  prendre  conjointement  avec  les  délégués 
des  autres  provinces  restées  fidèles  aux  États,  une  décision  sur  des  propo- 
sitions que  devait  faire  le  prince  d'Orange. 

Ces  propositions,  on  le  sait,  consistaient  principalement  en  la  création 
d'un  Conseil  provincial,  où  aurait  été  représentée,  suivant  son  importance, 
chacune  des  provinces  soutenant  le  parti  des  États,  et  dans  l'élection  d'un 
chef  pour  te  pays  (''). 


(1)  Jean  Cotreau  naquit  à  Maintenon,  entre  Chartres  et  Versailles,  dans  la  première 
moitié  du  XVI«  siècle.  Il  fréquenta  les  cours  de  la  Sorbonne  et  prit  le  grade  de  docteur  en 
Itiéologie.  Renommé  par  son  talent  oratoire,  il  fut  invité  en  1567  par  Guilbert  d'Ongnies, 
évêque  de  Tournai,  à  prêcher  la  station  de  l'Avent  à  la  cathédrale.  Le  20  février  1568,  il 
obtint  la  prébende  canonicale  vacante  par  la  mort  de  Thierry  Cocquiel.  Il  prit  possession 
de  son  bénéfice  le  i^'  mars  suivant.  Le  20  juin  1577,  Jean  Cotreau  fut  promu  par  l'évêque 
Pintaflour  à  la  dignité  d'archidiacre  majeur;  en  1579,  l'archidiacre  remplit  la  charge  d'otti- 
cial.  Il  mourut  le  4  novembre  1592.  (Voir  Chanoine  Vos,  Les  Dignités  et  les  fonctions  de 
rancien  Chapitre  de  Notre-Dame  de  Tournai.  Bruges,  1898,  t.  I,  pp.  305-314.) 

(2)  Archives  du  Chapitre  de  Notre-Dame  à  Tournai,  Acta  capitularia,  séance  du  4  janvier 
1580. 

(3)  Le  gouverneur  de  Tournai,  Pierre  de  iVIeleun,  était  devenu  prince  d'Espinoy  à  la 
mort  de  son  frère,  Charles,  survenue  en  1579. 

(*)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  248.  Dans  ce  nouveau  rouage 
administratif,  Tournai  et  le  Tournaisis  auraient  eu  droit  à  deux  représentants,  comme  la 
Frise,  etc. 


224  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI-'  SIÈCLE 

Les  abbés  de  Saiiit-Marliii  el  de  Saiiil-Mcolas  s'opposèrent  à  l'envoi 
d'aucun  député,  tandis  que  les  représentants  du  Chapitre  de  Nolre-Daine,  en 
vertu  d'une  déh'bération  prise  la  veille,  prétendirent  que  «  leur  conscience, 
leur  religion  el  leur  lidéliié  au  roi  ne  leur  permettaient  pas  de  consentir  » 
à  ce  qu'on  attendait  d'eux.  Deux  jours  après,  le  Chapitre,  de  nouveau 
assemblé,  renouvela  son  opposition  ('). 

La  scission  était  imminenle;  l'éléraenl  civil  des  Étals  du  Tournaisis  la 
consomma  en  envoyant  à  Anvers,  des  députés  qu'il  autorisa  à  prendre  part 
au  vote  «  tant  sur  l'érection  dudit  Conseil  t|ue  sur  le  chef  à  élire  », 
tout  en  ne  tenant  compte  de  la  Pacilicalion  de  Gand  que  «  tant  que  faire 
se  pourra  (")  » . 

Les  Tournaisiens  reconnaissaient  enfin  que  leur  persistante  lidéliié  à  la 
Pacification  les  avait  poussés  dans  une  véritable  impasse  cl,  pour  en  sortir, 
à  l'exemple  des  provinces  du  nord,  ils  n'hésilaienl  plus  à  s'insurger  contre 
Philippe  11,  puisqu'ils  voulaient  avec  les  autres  réformés  le  remplacement 
du  roi  ('^). 

Sans  doule,  un  mois  |)lus  lard,  en  août,  les  mandataires  du  Tournaisis  aux 
Élats-Généraux  refuseront  de  reconnaître  le  duc  d'Anjou  comme  gouverneur 
de  notre  pays  (^),  el  ne  prendront  aucune  pari  à  l'élaboration  el  à  la  signa- 
lure  du  trailé  qui  avait  i)Our  bul  de  mettre  ce  prince  français  à  la  tête  des 


(»)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  77,  foi.  2o0,  et  Mémoires  de  la  Société 
historique  de  Tournai,  t.  IV,  pp.  293-294. 

("^)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  77,  fol.  2ol-2o2.  Ces  députés  furent 
Arnould  de  Gruneveldt,  grand-maire  de  Saint-Amand,  et  Florent  Bernard,  écuyer,  seigneur 
d'Esquelmes. 

(3)  On  nous  objectera  peut-être  qu'en  même  temps  que  l'autorisation  de  choisir  un  chef, 
les  déléguées  tournaisiens  à  Anvers  avaient  reçu  une  autre  commission  de  même  date,  leur 
interdisant,  en  cas  opportun,  de  s'occuper  de  l'élection  d'un  chef.  Cette  objection  n'est  pas 
pour  nous  embarrasser;  le  procédé  employé  par  les  Tournaisiens  entrait  dans  les  usages  de 
la  diplomatie  à  cette  époque.  Et  dans  ce  cas-ci  comme  souvent,  c't'St  une  simple  mesure  de 
prudence,  un  reste  de  précaution  dont  on  ne  peut  blâmer  les  magistrats  qui  en  ont  usé. 
(Voir  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  233-234,  et  Gachard,  Actes  des 
États-Généraux,  t.  Il,  pp.  339-340.) 

(*)  Gachaiid,  Extrait  des  Causaux,  p.  H2. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  2-28 

Pays-Bas  (^).  Mais  qu'on  ne  s'y  trompe  point,  les  Tournaisiens  adoplèrenl 
celle  conduite,  non  pas  par  égard  pour  Philippe  II,  mais  parce  qu'ils  vou- 
laient maintenir  comme  gouverneur  général  l'archiduc  Malhias  ("). 

Si,  jusqu'au  mois  de  mai  1580,  ils  furent  dans  la  situation  de  gens 
devenus  rebelles  un  peu  sans  s'en  douter  et  sûrement  sans  préméditation,  il 
est  certain  que,  par  après,  il  en  fut  tout  autrement,  el  que  la  rébellion  fut 
parfaitement  délibérée. 

Un  léger  effort  restait  à  faire  pour  obtenir  l'adhésion  publique  du  Tour- 
naisis  à  l'Union  d'Utrechl;  Pierre  de  Meleun  ne  le  fit  pas.  Il  lui  suffisait  de 
savoir  les  Tournaisiens  indissolublement  attachés  au  parti  des  États- 
Généraux. 

En  effet,  les  Tournaisiens  se  rallièrent  sans  réserve  au  programme  des 
Étals  et,  avec  etix,  ils  réclamèrenl  l'affranchissement  du  pays  du  joug 
espagnol,  malgré  les  divergences  qui,  au  point  de  vue  religieux,  n'avaient 
cessé  d'exister  entre  eux  el  les  provinces  septentrionales,  les  plus  fermes 
soutiens  des  États. 

Pas  plus  alors  qu'en  1578,  les  Tournaisiens  n'étaient  partisans  de  la 
tolérance  religieuse;  tout  en  se  déclarant  rebelles  au  roi,  ils  donnaient  asile 
aux  catholiques  flamands  qu'un  sectarisme  haineux  chassait  de  leur 
province  (^),  et  refusaient  obstinément  d'appliquer  la  «  Religionsfrid  »  dans 
toute  l'étendue  du  Tournaisis. 


(-•)  Gachard,  Actes  des  États-Généraux,  t.  II,  p.  363,  n°  2286.  Tournai  et  le  Tournaisis 
ne  figurent  pas  parmi  les  provinces  contractantes. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n°  77,  fol.  242. 

(3)  Renon  de  France,  op.  cit.,  t.  II,  p.  382. 


Tome  I.  —  Lettres,  etc.  i^y 


±m  TOURNAI  ET  Lli  TOURNAISIS  AU  XV!"  SIÈCLE 


CHAPITKK  il. 

SlEGli  DE  1581. 

So.MsiAiuE.  —  1.  Les  Malcontenls.  —  IL  Pierre  de  Meleun  est  nommé  superintendant 
de  Tournai-Tournaisis.  —  11 L  Situation  de  Tournai  au  point  de  vue  religieux.  — 
IV.  Pierre  de  Meleun  prend  l'otfensive.  —  V.  Le  siège  et  ses  suites.  —  VI.  Le  rôle  de 
la  princesse  d'Espinoy  et  le  vol  des  argenteries. 

I.  La  politique  suivie  par  le  Tournaisis  Tavail,  à  un  certain  moment,  rais 
en  élal  de  guerre  avec  les  .Malcontenls,  les  Réformés  flamands  el  ensuite  avec 
Ale.xandre  Farnése  lui-njême. 

Les  Flamands  cessèrent  leurs  hostilités  dès  qu'ils  considérèrent  les  Tournai- 
siens  comme  étant  des  leurs,  c'est-à-dire  après  Tenvoi  de  dépulés  à  Anvers, 
en  1580.  Quant  aux  Malcontents,  ils  continuèrent  à  ravager  les  campagnes 
du  sud-ouest  du  Tournaisis,  el  même  en  avril  1579,  ils  s'étaient  rendus 
maîtres  du  chàleau  de  Warcoing,  dans  le  nord  de  la  province  ('). 

Qiiei(|ues  mois  plus  tard,  les  mardi  et  mercredi  28  et  29  décembre, 
Montigny,  leur  chef,  vint  Caire  une  démonsiralion  devant  Tournai  et 
s'empara  ensuite  du  chàleau  d'Antoing,  résidence  seigneuriale  du  prince 
d'Espinoy. 

Le  lendemain,  un  de  ses  lieutenants,  le  comte  de  Mansfeld,  parut  avec  ses 
troupes  devant  Morlagne,  où  se  trouvaient  le  capitaine  Sohey  et  trois  compa- 
gnies envoyées  par  les  Éiats-Généraux,  enleva  de  vive  force  le  bourg  et  son 
château  el  passa  les  habitants  au  lil  de  l'épée  ('"). 


(1)  Mémoires  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  tV,  p.  71. 

(2)  On  sait  qu'en  novembre  lo78,  Monligny  avjil  pris  une  première  fois  .Mortagne,  mais, 
par  politique,  au  moment  où  les  Tournaisiens  étaient  en  buUe  à  de  nouvelles  sollicitations 
de  la  part  des  États  de  l'.Artois  et  du  Hainaut,  il  avait  abandonne  sa  conquête.  Plus  tard, 
quand  fut  perdu  tout  espoir  de  rallier  le  Tourn:iisis  ù  la  cause  des  provinces  méridionales, 
Montigny  ne  se  crut  plus  tenu  aux  mêmes  ménagements  et  fit  faire  à  nouveau  le  siège  de 
cette  place. 


AU  POINT  DE  VUE  l'OLITIQUE  ET  SOCIAL.  2^27 

Puis  se  dirigeant  droit  sur  Sainl-Amand  que  défendaient  Morgan  et  un 
délachemenl  d'Anglais  et  d'Écossais,  il  canonna  ht  pelite  ville  dont  la  popu- 
lation, craignant  le  sort  de  Morlagne,  se  rendit  «  ^  miséricorde  (^)  ». 

II.  De  Meleun  avait,  jusqu'alors,  laissé  les  callioliques  se  livrer  à  leurs 
déprédations  sans  rien  tenter  contre  eux,  bornant  sa  mission  à  melire 
Tournai  à  même  de  faire  face  à  une  sérieuse  atlaque  (-). 

Mais  dès  qu'il  fut  régulièrement  en  possession  de  son  mandai  de  super- 


{<)  Gachar»,  Actes  des  États-Généraux,  t.  II,  p.  3tT,  n<'2174,  et  p.  318,  n"' 217.5  et  2176. 
—  Renon  de  France,  Troubles  des  Pays-Bas,  édit.  Piot,  t.  Il,  p.  563,  note  1.  —  Emile 
Verstraete,  Histoire  militaire  du  territoire  actuel  de  la  Belgique.  Bruxelles.  1868,  t.  IV, 
p.  14. 

(2)  Pierre  de  Meleun  avait  en  effet  augmenté  les  forces  dont  il  disposait.  En  octobre  1578, 
il  accroît  la  garnison  du  Château  de  cent  fantassins  et  de  trente  cavaliers  (Archives  commu- 
nales de  Tournai,  rcg.  n"  77,  fol.  201);  en  novembre,  il  l'augmente  h  nouveau  de  deux  com- 
pagnies d'infanterie  de  deux  cents  hommes  chacune  et  en  donne  le  commandement  à 
Charles  de  Wingles,  seigneur  de  Moeuvres,  et  à  Charles  de  Martigny,  seigneur  de  Preux 
(cf.  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables.  Garnison,  20  décembre  1578). 
De  leur  côté,  les  Consaux  ne  prenaient  pas  moins  de  précaution.  En  août  1578,  ils 
ordonnent  la  continuation  durant  trois  nouveaux  mois,  de  la  levée  d'une  taxe  établie  pour 
subvenir  aux  frais  de  la  réfection  des  remparts,  surtout  ceux  du  sud-ouest  de  la  ville,  dont 
l'accès  n'était  pas  défendu  que  par  des  fossés  souvent  à  sec,  et  font  ériger  de  ce  côté-là,  une 
immense  plate-forme  pour  y  mettre  l'artillerie  (cf.  Archives  communales  de  Tournai, 
fîegistre  aux  publications,  n"  315,  foi.  102,  v",  et  Pièces  comptables.  Dépenses  extraordi- 
naires, mai  fi  juillet  1579).  En  septembre  1579.  ils  établissent  un  impôt  sur  le  blé  pour 
pouvoir  payer  les  frais  de  fonte  et  d'achat  de  nouveaux  canons  et,  le  9  du  même  mois,  les 
fondeurs  tournaisiens,  François  Legrand  et  Jacques  de  Hoorst,  leur  livraient  deux  doubles 
serpentines  et  deux  demi-canons  (cf.  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables. 
Dépenses  extraordinaires,  9  septembre  1o79).  En  avril  1580,  Claude  de  Visch  achetait  ;\  Gand 
pour  le  compte  de  la  ville  de  Tournai,  «  six  pièces  d'artillerie  «,  tandis  qu'en  janvier  1579, 
les  Tournaisiens  avaient  déjà  acquis  à  Audcnarde  six  autres  pièces,  et,  qu'en  octobre  1580, 
Jacques  de  Hoorst,  Jean  Van  Orcq,  François  Legrand,  fondeurs,  faisaient  remise  à  la  ville 
de  pièces  de  canons  ;'»  eux  commandées.  (Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  compta- 
bles. Dépenses  extraordinaires,  21  janvier  1579;  14  avril  1580  et  I  i  octobre  1580.)  Jusqu'au 
Chapitre  de  Notre-Dame  qui,  de  son  plein  gré,  paya  une  contribution  extraordinaire  pour 
concourir  à  la  mise  en  état  de  défense  de  la  place  de  Tournai  (cf.  Archives  du  Chapitre  de 
Notre-Dame,  Acta  capitularia,  séance  du  20  septembre  1578). 


228  TOURNA!  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

intendant  des  villes  de  Valencienncs,  ciladellc  de  Cambray,  Landrecies, 
Boiichain,  Tournai  et  Tournaisis  (*),  il  songea  à  prendre  l'offensive. 

Pour  savoir  au  préalable  à  quoi  s'en  tenir  sur  les  dispositions  des  habi- 
tants des  villes  placées  sous  son  autorité,  le  7  octobre  !o79,  accompagné  du 
prévôt  de  Tournai  et  escorté  de  dix  ou  douze  cavaliers,  il  se  présenta  devant 
Valenciennes,  après  avoir  laissé  en  embuscade,  à  quebpie  disiance  de  là, 
cent  cinquante  cbevaux  et  quatre  ou  cinq  enseignes  d'infanleric  ('). 

Grâce  à  l'intervention  du  prévôt  de  Tournai,  Valenciennes  lui  ouvrit  ses 
portes.  Mais  aussitôt  les  magistrats  le  firent  entourer  par  cinquante  arque- 
busiers et,  comme  il  voulait,  malgré  leur  opposition,  s'adresser  au  peuple,  ils 
firent  cerner  par  trois  enseignes  d'infanterie  la  maison  où  il  était  descendu. 
Le  .Magistrat  de  Valenciennes  ne  reconnaissait  pas  l'autorité  de  de  Meleun  el 
refusait  de  faire  cause  commune  avec  lui. 

Du  reste,  le  prince  d'E^pinoy  perdit  une  à  une  les  villes  qui  relevaient  de 
son  pouvoir  pour  ne  plus  conserver  que  Tournai  el  le  Tournaisis. 

Landrecies  ouvrit  ses  portes  le  23  octobre  lo79  aux  partisans  de  Farnèse; 
Bouchain  capitula  le  3  septembre  1580,  et  Cambrai,  en  traitant  avec  le  duc 
d'Anjou,  échappait  par  le  fait  à  l'autorité  du  sénéchal  de  Hainaut. 

III.  Il  est  vrai  que  le  Tournaisis  allait  à  lui  seul  lui  donner  suffisamment 
d'occupation. 

Le  calvinisme  n'y  était  point  mort  ;  l'arbre  avait  été  renversé,  mais  les 
racines  vivaient  encore  et  un  reste  de  sève  allait  faire  naître  une  dernière 
frondaison. 

Dès  que  la  scission  entre  les  provinces  calvinistes  du  Nord  et  les  provinces 
wallonnes  fut  devenue  définitive,  les  six  mille  réformés  qui  étaient  rentrés  à 
Tournai  à  la  suite  de  la  Pacification  de  Gand,  relevèrent  la  tête  el  devinrent 
plus  audacieux.   Ils  se  livrèrent  à   leurs  cérémonies  religieuses,  secrète- 


fi)  L'arclii(iuc  Matliias  l'avait  nommé,  à  ces  nouvelles  fonctions  par  commission  du 
13  septembre,  qui  fut  confirmée  par  les  Étals-Généraux,  le  23  octobre  lo79.  Voir  Gachard, 
Exlrnilsdes  Consaux,  pp.  H4-1 16.)  Voir  aussi  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  77, 
fol.  2ii,  lettres  de  l'Archiduc  et  des  États-Généraux,  en  date  du  23  octobre  1S79. 

(2)  Renon  np.  France,  op.  cit.,  t.  Ht,  pp.  348-330. 


AU  POINT  DK  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  229 

ment  ('),  ouvrirent  des  écoles  spéciales  pour  leurs  enfants  et  linrent  des 
prêches  clandeslins  un  peu  parloul,  notamment  non  loin  de  la  cathédrale, 
dans  la  maison  portant  pour  enseigne  «  A  la  Pomme  d'or  (^)  ». 

A  un  certain  moment,  ces  prêches  furent  si  nombreux  et  si  fréquentés 
que  le  Chapitre  de  Noire-Dame,  pour  en  neuiraliser  l'efTet,  se  vit  dans 
Tobligation  d'ordonner  des  sermons  dans  les  églises  de  Tournai,  à  différents 
jours,  et  d'insliUier  une  sorte  de  «  Commission  des  prêches  >>  qu'il  chargea 
de  lui  faire  connaître  les  endroits  où  se  tenaient  de  préférence  les  réunions 
calvinistes  ('^). 

Toutes  les  églises  restèrent  affectées  à  la  religion  catholique  (*)  ;  mais, 
malgré  le  prince  d'Espinoy,  son  lieutenant  ou  les  magistrats,  les  Réformés 
se  baptisent,  se  marient  ouvertement  à  la  façon  calviniste;  on  s'en  vante,  et 
on  inhume  les  morts  «  es  lieux  saints  »,  sans  passer  par  l'église  catho- 
lique (■'). 

On  imprime  des  pamphlets  contre  la  religion  catholique  ou  contre  ses 
prêtres,  et  on  pousse  l'audace  jusqu'à  en  dédier  un  au  prince  d'Espinoy,  lui 
qui  refusait  d'admettre  dans  Tournai  et  le  Tournaisis,  la  tolérance  reli- 
gieuse (•"}. 


(1)  L'interdiction  de  Vc\eTc\ce  public  du  culte  calviniste  fut  toujours  maintenue,  ainsi  que 
le  prouvent  les  Archives  capitulaires,  Acta  capitnlaria,  séance  du  17  septembre  1581.  Dans 
cette  séance  on  voit  que  l'archidiacre  Cottreau  et  le  chanoine  Ladeuze  rendirent  grâce  au 
prince  d'Espinoy,  d'avoir  conservé  le  libre  exercice  du  culte  catholique  et  la  jouissance  des 
églises. 

(2)  Archives  capitulaires,  Acta  capitularia,  séances  des  12  juin,  26  juin,  3  juillet,  S  juillet 
1580  et  21  avril  1381. 

(3)  Archives  capitulaires,  Acta  capitularia,  séance  du  20  juillet  1580. 

(+)  Dans  une  lettre  que  les  catholiques  de  Tournai  adressèrent  au  prince  de  Parme, 
après  le  siège,  on  peut  lire  :  «  ils  (catholiques)  auraient  fait  si  bons  debvoirs  que  ladicte 
religion  catholicque,  apostolicque  et  romaine  y  (à  Tournai)  aurait  esté  maintenue,  les 
églises,  cloistrez  et  chappelles  conservez  en  leur  enthicr,  et  le  sainct  service  continuée  jour- 
nellement, sans  intermission,  avec  bien  grande  et  fervente  dévotion  ».  Archives  commu- 
nales de  Tournai.  Chartrier,  layette  de  1582.  Original  sur  parchemin,  15  mai  1582,  émanant 
d'Alexandre  Farnèse. 

(5)  Archives  du  Chapitre  de  Notre-Dame,  Acta  capitularia,  séance  du  23  décembre  1580. 

(6)  Idem,  Ibid.,  séance  du  2  août  1380. 


210  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

Los  catholiques  ne  soni  pas  moins  intransigeants.  Le  curé  de  l'église 
Saint-Quentin  et  son  vicaire  refusent  rEucliarislie  à  un  soldat  malade 
réputé  calviniste  :  il  s'était  pourtant  confessé  ('). 

Un  religieux  pousse  à  la  guerre  civile.  Le  gardien  des  frères-mineurs,  le 
prêtre  Géry,  tonne  souvent  en  chaire  contre  les  sectateurs  de  Calvin,  les 
partisans  des  Etals-Généraux,  le  Gouverneur  lui-même  ou  son  lieutenant, 
François  de  Divion  (-).  Il  tient  un  langage  si  violent  qu'il  ameute  une  partie 
de  la  population,  déchaîne  catholiques  contre  calvinistes,  et  force  Pierre 
de  Meleun  à  réclamer  du  Chapitre  de  Notre-Dame  l'interdiction  pour  ce 
religieux  de  s'occuper,  dans  ses  sermons,  d'autre  chose  que  de  commenter  les 
saintes  écritures  ou  de  s'élever  contre  le  vice  ("^). 

On  se  croit  réciproquement  capable  des  plus  vilaines  actions  (*);  la 
suspicion  devient  générale  et  gagne  jusqu'aux  autorités  tant  civiles  que  reli- 
gieuses. Par  peur  du  lendemain,  le  Chapitre  de  Notre-Dame  cache  en  ville 
ou  au  dehors,  en  des  mains  sijros,  les  objets  du  culte  les  plus  précieux  (''). 
De  son  côté,  Pierre  de  Meleun  destitue  certains  magistrats  communaux  qu'il 
soupçonne  d'hostilité  envers  les  États-Généraux,  et  les  remplace  par  ceux 
qu'avait  révoqués,  en  1507,  Philippe  de  Noircarmes  C). 


(<)  Archives  du  Chapitre  de  Notre-Dame,  Acta  capitularia,  séances  des  2t  et  22  novem- 
bre 1580.  D'après  le  chanoine  Vos,  Paroisses  et  curés  du  diocèse  actuel  de  Tournai.  Bruges, 
1899,  t.  I,  p.  88,  le  curé  de  Saint-Quentin  se  nommait  Jean  Lescaillet,  qui  devint  en  1384, 
chanoine  de  la  cathédrale,  puis  plus  tard  archidiacre.  Il  mourut  le  11  janvier  I62i. 

[^1  Archives  du  Chapitre  de  Noire-Dame,  Acta  capitularia,  séance  du  7  juin  loSO. 
François  de  Divion,  écuyer,  baron  de  B;tyenghem,  seigneur  d'Estreelles,  de  Cantraine,  etc., 
mourut  à  Douai  le  27  octobre  1609.  H  avait  épousé  Yolande  de  Venduille,  dame  de  Gouver- 
nies,  etc.  (d'après  du  Chastel,  t.  I,  p.  6o6.) 

(3)  Archives  du  Chapitre  de  Notre-Dame,  Acta  capitularia,  séance  du  8  février  loSO. 

(4)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  34o,  Publication  du  24  décembre  1579, 
fol.  127  v». 

(5)  Archives  du  Chapitre  de  Notre-Dame,  Acta  capilularia,  séances  des  22  mai  et  2  juin 
1581. 

(6)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  29  novembre  l.'iSO.  A  la  place 
de  Melchior  du  Cardin  et  Jean  de  la  Chapelle,  destitués,  et  de  Josse  Bcrmude,  Chrétien 
Willocqueau  et  Pierre  Binois,  décédés,  il  nomma  Antoine  de  la  Fosse,  Jean  Le  Cocq,  Jean 
d'Ennetières,  Alexandre  Pourret  et  Adrien  Passet,  comme  jurés;  Toussaint  Lesage,  Noél 
Le  Bon  et  Antoine  Dcffarvacques,  remplacèrent,  comme  échcvins,  feu  Michel  Joseph  et 
d'autres. 


AU  POINT  DK  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  231 

La  situation  se  présenlait  donc  pour  le  prince  d'Espinoy  sous  deux  aspects 
diflérents.  A  Tinlérieur,  il  avait  à  contenir  l'audace  toujours  croissante  des 
calvinistes  et  à  empêcher  des  troubles  que  l'intransigeance  des  uns  et  des 
autres  rendait  imminents;  à  l'extérieur,  sa  mission  consistait  à  repousser 
et  au  besoin  à  prévenir  les  attaques  de  Farnèse  et  de  ses  alliés,  les  Wallons. 

IV.  L'ordre  fut  maintenu  dans  la  cité,  ainsi  que  l'atteste  une  délibération 
du  Chapitre  de  I\olre-Dame  en  date  du  15  septembre  1581  (').  Quant  au 
danger  extérieur,  Pierre  de  Meleun,  pour  montrer  aux  États-Généraux 
«  qu'il  avait  meilleure  envie  que  jamais  de  faire  la  guerre  aux  ennemis 
communs  (^)  »,  passa  de  la  défensive  à  l'olTensive. 

A  la  suite  de  la  prise  de  jMortagne  et  de  Sainl-Amand  par  les  iMalcontents, 
le  prince  d'Espinoy  réclama  du  secours  des  États-Généraux  (■^);  il  ne  reçut 
d'eux  que  quelques  troupes  anglaises  ou  françaises  (*).  Pour  courir  au  plus 
pressé,  il  lit  immédiatement  enrôler  sous  les  bannières  tous  les  habitants 
mâles,  tant  lournaisiens  qu'étrangers,  à  l'exception  des  ecclésiasti(|ues  (^). 

De  leur  côté,  les  États  de  Flandre  lui  envoyèrent  des  troupes,  d'abord  en 
mai  1580,  trois  compagnies  anglaises  ayant  pour  chefs  les  capitaines 
William  Pigotl,  Welles  et  Bouclers,  sous  le  commandement  supérieur  du 
colonel  John  Norris  ("),  ensuite,  au  mois  de  juillet,  quatre  nouvelles  compa- 
gnies C). 

Sur  les  remparts  régnait  la  plus  fiévreuse  activité;  on  réfectionna  les 
vieux   murs,  on  les  arma  [^)  d'artillerie,  et,  quand  on  s'aperçut  que   les 


(1)  Archives  du  Ctiapitre  de  Notre-Dame,  Acia  capilularia,  séance  du  13  septembre  lo8i. 
C^)  DiEGEiticK,  Lettres  inédites  de  Pierre  de  Meleun.  Tournai,  ISoi),  p.  9.  Lettre  du  11  mai 
1580. 

(•!)'^Gaciia[id,  Actes  des  États-Généraux,  t.  II,  p.  31S,  n»  2615. 

(•*)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  345,  fol.  128  v»,  et  130  r°. 

(5)  Idem,  reg.  n»  343,  fol.  128  r». 

(6)  Archives  conmiunales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  dépenses  extraordinaires, 
20  juin  1580;  Bulletins  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  V,  p.  52. 

C)  Gachaud,  Extraits  des  Consaux,  p.  111,  1"  juillet  1380. 

(8j  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,    dépenses  extraordinaires, 
22  octobre  et  10  novembre  lo8U. 


25â  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

bouches  à  feu  élaient  insuffisantes  pour  les  besoins  d'une  bonne  défense,  le 
Magistral  prescrivit  aux  habitants  de  vendre,  pour  fondre  des  canons,  tous 
les  objets  en  cuivre  qu'ils  possédaient  (').  A  Audenarde,  on  acheta  des 
piques,  des  arquebuses,  de  la  poudre  (^);  Anvers  fournit  de  la  poudre,  mais 
principalement  des  vivres  (^);  les  campagnards  du  Tournaisis  vinrent 
emmaganiser  leurs  blés  eu  ville  (*).  Le  Magistrat  fit  Tacquisition  des  vieilles 
ferrailles  pour  en  faire  des  balles  (^);  on  fixa,  à  l'aide  de  chaînes  dans 
l'Escaut,  non  loin  du  Pont  des  trous,  un  baleau  qu'on  aménagea  en  corps  de 
garde  (")  et,  pour  subvenir  aux  dépenses  nécessaires,  les  Tournaisiens 
consentirent  à  payer  un  nouveau  centième  sur  tous  leurs  biens  meubles  et 
immeubles,  le  quatrième  depuis  cette  innovation  fiscale  (")  ;  bref,  on  déploya 
une  si  belle  ardeur  que  les  Elats-Généraux  furent  émerveillés  «  des  bons 
devoirs  faits  contre  les  adversaires  »,  et  encouragèrent  les  Tournaisiens  à 
«  accroître  et  perpétuer  davantage  la  gloire  et  mémoire  immortelle  de  leurs 
faits  louables  el  magnanimes  (^)  » . 

Rassuré  sur  le  sort  de  la  ville  dont  il  avait  la  garde,  Pierre  de  Meleun 
résolut  de  reprendre  aux  ennemis  les  conquêtes  qu'ils  avaient  faites  dans  le 
Tournaisis.  Le  6  mars  1580,  étant  sorti  de  Tournai  avec  quatre  cents  arque- 
busiers et  trois  pièces  d'artillerie,  il  prit  d'assaut  les  châteaux  de  Wez, 
de  iMerlain,  de  Hollain  et  de  Templeuve.  Il  les  rasa  tous,  à  l'exception  de 
celui  de  Wez  «  qui  était  fort  et  tenable  (^)  ». 

Il  lui  suffit  de  pousser  une  reconnaissance  jusqu'à  Mortagne,  pour  que  les 
Malcontenis  abandonnassent  la  place  après  y  avoir  mis  le  feu  [^°). 


{*)  Arctiives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  34S,  Publication  du  10  juin  1580. 

(2)  idem,  Pièces  comptables,  dépenses  extraordinaires,  2î)  avril,  31  août,  3  septembre 
1580. 

(3)  Idem,  Ibid.,  7  octobre  1580. 

(♦)  Idem,  Ibid.,  23  décembre  1580. 

(5)  Idem,  Ibid.,  10  novembre  1580. 

(6)  Idem,  Ibid.,  31  décembre  1580. 
(1)  Idem,  Ibid.,  2  août  1580. 

(8)  Gachard,  Actes  des  États-Généraux,  t.  II,  p.  360,  n"  2279. 

(9)  Idem,  Ibid.,  t.  Il,  p.  332,  n"  2212.  —  Kervyn  de  Volkaersbeke  et  Diegerick,  op.  cit., 
L  II,  p.  74. 

(10)  Ideh,  Ibid.,  t.  II,  p.  332,  n»  2212.  —  Kervyn  ue  Volkaersbeiïe  et  Diegerick,  op.  cit., 
t.  11,  p.  75. 


AU  POINT  DE  VDK  l>OMTIQUE  ET  SOCIAL.  233 

Dans  riiileivallo,  les  VViillons  clierchaiil  à  corrompre  les  soldais  (|ue  les 
Éials  avaient  mis  dans  Tournai,  Valenlin  de  Pardieu  olTril,  de  la  part 
de  Philippe  II,  an  colonel  anglais  Thomas  iMorgan,  une  pension  viagère 
el  annuelle  de  6,000  florins,  s'il  parvenait  à  l'aire  repasser  la  ville  sous  le 
pouvoir  du  roi  ('). 

Le  prince  d'Espinoy  répondit  à  celle  vaine  tentative  de  corruption  par  un 
nouvel  exploit.  Ayant  appris  (pie  les  Malcontenis  s'étaient  mis  en  marche 
dans  le  but  de  surprendre  Menin  ou  Ypres,  il  résolut  d'en  profiter  pour 
s'emparer  de  Condé. 

La  nuit  du  24  novembre,  il  parut  devant  cette  ville,  et  le  lendemain 
matin,  elle  tombait  en  son  pouvoir  ('-). 

Mais  les  Malcontenis  avaient  rebroussé  chemin;  ils  vinrent  à  leur  tour 
assiéger  et  bombarder  Condé. 

Les  Tournaisiens,  manijuant  de  poudre  et  incapables  de  riposter,  foncèrent 
sur  les  rangs  ennemis  dans  la  soirée  du  25,  les  rompirent  et  purent  rentrer 
tous  dans  leurs  foyers,  hormis  les  quelques  traînards  qui  n'avaient  point 
voulu  renoncer  à  leur  trop  lourd  butin  ( '). 

En  mai  \  S81 ,  le  prince  d'Espinoy  marchait  sur  Lille,  quand,  arrivé  à  une 
lieue  à  peine  de  cette  ville,  il  fui  informé  que  ceux  qui  devaient  lui  faciliter 
son  coup  de  main  lui  feraient  défaut;  aussi  levinl-il  à  Tournai  «  sans  faire 
semblant  où  il  avait  eu  envie  de  marcher  (*)  ». 

A  son  tour,  un  banni  de  Valenciennes  réfugié  à  Tournai,  à  qui  le 
Magistral  avait  confié  le  commandement  d'une  petite  iroupe,  le  capitaine 


(^)  Archives  communales  de  Tournai,  Collection  Desmazière,  Lettre  inédite  de  Valentin 
de  Pardieu,  seigneur  de  la  Mothe,  en  date  du  t"  juin  ISSO. 

|2)  Kervyn  de  Volkaersbeke,  op.  cit.,  t.  IL  p.  184. 

(3)  Idem,  op.  cit.,  t.  II,  p.  183.  —  Versthaete,  op.  cit.,  t.  iV,  p.  18,  §  3,  et  p.  50,  §  3,  se 
trompe  quand  il  fait  prendre  et  reprendre  Condé  deux  fois  par  les  Tournaisiens  et  les  soldats 
royaux.  Condé  ne  fut  prise  qu'une  fois  par  les  Tournaisiens  et  ce  fut  en  novembre  lo80, 
ainsi  que  le  prouve  la  lettre  du  prince  d'Espinoy  des  25  et  27  novembre  1580.  (Kervyn  de 
Volkaersbeke,  t.  Il,  p.  183.) 

(*)  DiEGERicK,  op.  cit.,  p.  25. 

Tome  I.  —    Lettres,  etc.  30 


234  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

Pierre  Turcqueau  (*),  profilanl  de  ce  que  le  prince  de  Panne  avait  conconlré 
sous  Cambrai  toutes  les  forces  du  Hainaut,  essaya  d'entrer  par  surprise  dans 
la  petite  ville  de  Sainl-Ghislain. 

Il  partit  avec  un  détachement  de  troupes  régulières  et  des  Serments  de  la 
ville  et,  durant  la  nuit  du  7  au  8  septembre,  sa  colonne  s'approcha  de 
Sainl-Ghislain  et  s'embusqua  dans  les  environs.  Quelques  hommes  péné- 
trèrent dans  la  ville  par  la  Hair)e  et  réussirent  à  s'emparer  d'une  des  portes 
qu'ils  ouvrirent  au  reste  du  détachement  qui  se  jeta  dans  la  place,  où 
furent  commis  les  excès  ordinaires,  exactions  et  brutalités  de  toute  espèce. 

Toutefois  les  soldats  royaux  ne  lardèrent  point  à  se  venger.  Le 
13  septembre,  Alexandre  Farnèse  fit  investir  la  ville  et  batire  les  défenses 
par  ses  canons.  Les  Tournaisiens  y  avaient  laissé  trois  cents  hommes  et  une 
compagnie  de  cavalerie.  C'était  assez  pour  résister  quelques  jours,  mais  pas 
suffisant  pour  soutenir  un  assaut,  car  la  place  n'était  pas  tenable. 

Turcqueau  se  borna  à  sauver  l'honneur  des  armes  :  il  essuya  les  premières 
volées  de  mitraille,  puis  il  olîrit  de  capituler.  Alexandre  Farnèse  permit  à  la 
garnison  de  se  retirer  à  Tournai  avec  ses  armes,  mais  il  retint  Turcqueau 
prisonnier,  afin  de  savoir  de  lui  quels  étaient  les  moyens  de  défense  dont 
disposaient  les  Tournaisiens.  Ce  brave  soldat  refusa  de  rien  révéler  à 
l'ennemi  ;  mis  à  la  torture,  il  préféra  mourir  plutôt  que  de  commettre 
la  lâcheté  qu'exigeait  Farnèse  ("). 


(')  Turcqueau  commandait  une  partie  des  Huguenots  français  qui  s'emparèrent  de  Mons 
avec  Louis  de  Nassau.  (Kervyn  de  Lettenhove,  Huguenots  et  Gueux,  t.  Il,  p.  4oi);  c'était  un 
banni  de  Valenciennes  'Correspondance  de  Granvelle,  t.  IV,  p.  638);  jusqu'en  septembre  1S81 
il  ne  fit  que  harceler  l'ennemi  ;  il  commandait  à  Tournai  une  compagnie  forte  d'environ 
septante  hommes.  Voir  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  siège  de  1581 , 
compte  Michel  Liébaert.j 

C^)  Vekstraete,  op.  cit.,  t.  IV,  pp.  67-68.  —  Strada,  Guerre  de  Flandre,  trad.  Du  Rieu. 
Paris,  1632,  t.  Il,  p.  203.  —  Piot  (Correspondance  de  Granvelle,  t.  VIII,  p.  397,  note  4) 
place  la  prise  de  Saint-Ghislain  au  4  septembre  1381.  Il  est  assez  étonnant  de  ne  trouver 
aucune  allusion  h  ce  fait  dans  la  Correspondance  du  prince  d'Espinoy,  éditée  par  Diegerick. 
Il  n'en  est  incidemment  question  que  dans  une  lettre  que  Jean  Théron  adresse  aux  quatre 
Membres  de  Flandre.  (Voir  Diegerick,  op.  cit.,  pp.  67-68.)  —  Dans  la  Correspondance  du 
Taciturne,  édition  Gachard,  t.  IV,  pp.  320-321,  une  lettre  de  d'Eslrayelles  nous  fait  con- 
naître que  «  le  capitaine  Turcqueau  est  prisonnier  »  à  la  date  du  21  septembre  1381. 


AI)  POINT  [)K  VI'K  l»()|JT|QUE  KT  SOCIAL.  25;; 

Qiiol(|ues  jours  avanl  la  prise  de  Sainl-Ghislairi,  les  troupes  du  prince 
d'^spinoy  s'élaionl  rendues  niailresses  du  fort  de  VVarcoing. 

Les  Malconlenis  avaient  précédemment  occupé  ce  village  el  y  avaient 
laissé,  sous  le  commandement  de  Nicolas  de  la  Croix,  une  assez  forte  garnison 
qui  se  livrait  en  toute  impunité  à  des  dévastations  continuelles  en  Flandre  el 
en  Tournaisis. 

Pierre  de  Meleun  circonvini  Nicolas  de  la  Croix  el  celui-ci  traita 
avec  lui  de  la  reddition  du  furl  pour  le  commencement  du  mois  de 
septembre. 

Au  jour  fixé,  de  la  Croix  envoya  ses  troupes  à  la  maraude  et  les  Tour- 
naisiens  purent  ainsi  s'emparer  de  la  forteresse  sans  coup  férir. 

Ils  s'en  servirent  comuie  d'une  excellente  base  d'opération,  d'où  ils  rava- 
gèrent la  Flandre  gallicante  el  surtout  les  campagnes  des  environs  de  Lille  el 
parfois  celles  de  Douai  ('). 

V.  Farnèse  était  impatient  de  se  rendre  maître  de  ce  repaire  de  pillards 
qu'était  devenu  Tournai  ('-).  Il  n'attendait  qu'une  occasion  favorable;  elle  ne 
larda  guère  à  se  présenter. 

Les  événements  s'étaient  ()récipilés.  Les  États-Généraux  réunis  à  Anvers 
avaient,  le  26  juillet  1581,  prononcé  la  déchéance  de  Philippe  II  el  choisi 
comme  souverain  le  duc  d'Anjou.  A  la  têle  d'une  armée,  celui-ci  entra 
dans  les  Pays-Bas  el  débloqua  Cambrai  (|u'assiégait  le  prince  de  Parme. 

Contre  toute  attente,  le  duc  d'Anjou  borna  là  sa  campagne,  bien  que  les 
États,  comptant  sur  une  action  décisive  de  l'armée  française,  eussent  envoyé 
en  Flandre  pour  l'attendre  tout  ce  qu'ils  avaient  pu  réunir  de  troupes. 

Ils  en  confièrent  alors  le  commandement  au  prince  d'Espinoy  qui  l'accepta 
malgré  lui.  Le  14  septembre,  il  quitta  Tournai  avec  les  trois  compagnies 


(1)  Cf.  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  IMot,  t.  VIII,  p.  401  ;  VERSTnAKiE,  op.  cit.,  t.  IV, 
pp.  61  et  66,  et  surtout  Diegerick,  op.  cil.,  pp.  62,  63,  64.  —  Pierre  de  Meleun  avait  promis 
à  Nicolas  de  la  Croix,  «  de  nation  franchoise  »,  de  le  maintenir  dans  sa  charge  de  capitaine 
de  cent  cinquante  liommes  d'infanterie  et  de  lui  donner  une  cliaine  d'or  de  deux  mille 
écus. 

(2j  Strada,  op.  cit.,  t.  11,  p.  204. 


236  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

anglaises  en  garnison  dans  celte  ville  depuis  seize  mois  (')  el,  le  23,  il  était 
à  Dunkerque  à  la  lêle  de  l'armée  ('-). 

En  même  temps  que  le  gouverneur  de  Tournai  faisait  route  vers  la 
Flandre,  Farnèse  abandonnait  ses  canlonnemenis,  el,  à  la  léte  de  quelques 
corps  d'infanterie  et  de  toute  sa  cavalerie,  il  semblait  recbercher  l'occasion 
de  prendre  contact  avec  l'armée  des  Élals  pour  lui  livrer  bataille. 

Heureux,  le  prince  d'Espinoy  prenait  ses  dispositions  pour  recevoir  les 
troupes  royales,  quand  Farnèse  rebroussa  précipilamment  chemin  et  vint 
rejoindre  le  gros  de  son  armée  qui  déjà  apparaissait  sous  les  murs  de 
Tournai. 

Pierre  de  Meleun  élait  joué;  il  n'avait  pas  compris  que  Farnèse  avait 
voulu  par  sa  manœuvre  le  tenir  éloigné  de  cette  ville  ('). 

On  était  le  l*""  octobre. 

Ne  s'allendant  pas  à  voir  Tournai  si  brusquement  allaqué,  les  États- 
Généraux,  malgré  les  exhortations  du  prince  d'Orange,  n'y  avaient  laissé 
qu'une  modeste  garnison. 

Au  commencement  d'octobre  1581,  elle  comptait  au  plus  sept  cents 
hommes  de  troupes  régulières  (*)  ;  avec  les  quatre  Serments,  qui  formaient 


(■1)  Gachard,  Consaux,  p.  127,  à  la  date  du  12  septembre  1S81.  Gactiard  se  trompe 
quand  il  fait  une  seule  personne  de  Pigotlwels;  il  s'agit  ici  des  deux  capitaines  Pigott  et 
Welles,  àé'yk  mentionnc^s  plus  tiaut. 

(!2)  Voir  Bulletins  de  la  Sociélé  historique  de  Tournai,  Lettre  du  prince  d'Espinoy.  Le 
14  au  soir,  il  était  à  Menin,  le  IS  à  Ypres,  et  le  19  à  Dixmude.  Il  annonçait  alors  aux  États- 
Généraux  qu'il  allait  se  retirer  h  Bcrghes.  (Voir  Diegriuck,  op.  cit.,  pp.  67  et  69.  et  Bulletins 
de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  V,  p.  47.)  —  Dikijeiuck  i  Bulletins  de  la  Sociélé  histo- 
rique de  Tournai,  t.  V,  p.  47)  se  trompe  quand  il  dit  que  le  prince  d'Espinoy  ne  quitta 
Ypres  que  le  21  septembre,  car  il  était  avec  ses  troupes  à  Dixmude  dès  le  19. 

(3)  Voir  à  ce  sujet  sa  lettre  du  30  septembre  lo81  ;  elle  prouve  qu'il  ne  comprenait  rien 
à  ce  moment,  puisqu'il  informe  les  États  «  que  son  frère  avec  de  la  cavalerie  brassait  quelque 
chose  sur  Tournai  ou  une  autre  ville  ». 

(*)  En  quittant  Tournai,  le  prince  d'Espinoy  avait  pris  avec  lui  les  compagnies  anglaises 
de  Pigott,  Welles  et  Bouclers;  il  n'y  avait  donc  plus  à  Tournai  que  les  compagnies  de 
deMœuvreset  Preu,qui,  d'après  le  compte  de  Michel  Liébaert,  étaient  réduites  à  ItiO  hommes 
chacune,  el  celles  qu'on  continua  à  désigner  sous  le  nom  de  leurs  anciens  capitaines 
Turcqueau  etEdouart,  comptaient  chacune  70  soldats.  Tournai  possédait  encore  en  fait  de 
troupes  régulières  140  hommes  dont  40  cavaliers  levés  spécialement  pour  la  défense  du 


AU  POINT  DE  VUE  l'OLITIQUE  ET  SOCIAL.  237 

les  seules  forces  bourgeoises  militairemenl  oriranisées  el  vraimeut  aguer- 
ries ('),  les  Tournaisiens  ne  pouvaient  opposer  aux  assaillants  qu'un  petit 
millier  d'hommes. 

Sans  doute,  depuis  1578,  tous  les  habitants  mâles  de  18  à  60  ans, 
à  l'exception  des  ecclésiasti(|ues,  avaient  été  embrigadés  en  dix  compagnies 
urbaines.  Mais  pouvail-on  attendre  un  grand  secours  pour  des  travaux 
de  siège  souvent  difficiles,  de  celle  cohorte  militaire  formée  d'éléments  aussi 
disparates,  aussi  opposés.  Composée  d'ouvriers  el  de  bourgeois,  de  pauvres 
el  de  riches,  de  catholiques  et  de  calvinistes,  celte  troupe  manquait  de 
cohésion,  parce  qu'elle  n'avait  ni  communauté  de  but,  ni  conformité  de 
sentiments  el  d'aspirations. 

Aussi,  dans  ce  moment  critique  qui  exigeait  impérieusement  les  efforts  de 
tous,  on  ne  vit  accourir  que  les  calvinistes,  tandis  que  les  catholiques, 
groupés  autour  de  l'archidiacre  Collreau  el  du  frère-mineur  Ghéry,  cher- 
chèrent par  tous  les  moyens  à  énerver  la  défense  el  se  firent  les  meilleurs 
auxiliaires  du  lieutenant  de  Philippe  II  Ç^). 

L'artillerie  était  bonne  et  nombreuse,  mais  le  système  des  fortifications 
qui  enserraienl  la  ville  était  défectueux. 


Tournaisis,  plus  SO  hommes  affectés  à  la  garde  du  Château,  enfin  quelques  isolés,  environ 
60  hommes,  les  Pièces  comptables  disent  43,  les  Consaux  60  ou  66,  venant  du  fort  de  War- 
coing  et  d'Audenarde,  soit  un  total  de  690  soldats.  (Voir  Archives  communales  de  Tournai, 
Compte  de  Michel  Liébaert;  Pièces  comptables,  siège  de  1581,  et  Gachard,  Consaux, 
p.  128.) 

(1)  Les  Serments  à  ce  moment  comprenaient  au  grand  maximum  300  hommes,  car  celui 
des  canonniers,  qui  a  toujours  été  le  plus  nombreux,  comptait  dans  ses  rangs  S8  soldats. 
(Voir  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables.  Affaires  ordinaires,  6  octobre 
1580).  —  Les  Serments  avaient  prouvé  leurs  aptitudes  militaires  lors  de  la  prise  de  Condé 
et  de  Saint-Ghislain. 

(2)  On  ne  doit  pas  ignorer  qu'au  commencement  du  siège,  quand  le  canon  battait 
furieusement  les  murs,  quand  tous,  magistrats  et  calvinistes,  se  préparaient  à  lutter  coura- 
geusement, des  catholiques  se  firent  désarmer  et  jeter  en  prison  par  le  lieutenant  du  gou- 
verneur, parce  que,  par  leurs  menées,  ils  voulaient  forcer  d'Estrayelies  i  capituler,  à  rendre 
la  ville  aux  mains  de  Philippe  H.  C'était  le  troisième  jour  du  siège  1  Voir  Gaciiard,  Corres- 
pondance du  Taciturne,  t.  tV,  p.  333,  Lettre  du  11  octobre  1S81,  du  colonel  Traille  au 
prince  d'Orange. 


238  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

Tournai  irélait  |)as  aussi  inaccessible  qu'on  le  croyait.  La  ville  était 
toujours  délenilue  par  l'immense  citadelle  que  Henri  VIII  avait  fait  bâtir  sur 
la  rive  droite  de  l'Escaut,  ainsi  que  par  une  enceinte  flanquée  de  tours 
nombreuses,  un  fossé  large  et  profond,  et  par  des  ravelins  qu'y  avait  fait 
ajouter  Philippe  II.  Mais  celle  enceinte,  à  première  vue  formidable,  décelait 
ce|)endant  aux  yeux  d'un  homme  de  guerre  expérimenté  un  côlé  très  faible. 
Sa  partie  sud-ouest,  à  cause  de  l'élévation  du  terrain,  n'avait  que  des  fossés 
sans  eau;  en  outre,  comme  le  dit  très  bien  Verstraete,  une  faute  très  grave 
avait  été  commise  lors  de  l'appropriai  ion  des  remparts  :  «  le  côté  de  Tournai, 
qui  faisait  face  à  la  France,  et  dont  il  était  le  plus  facile  de  s'approcher,  le 
seul  qui  fût  commandé  par  une  éminence  extérieure,  était  le  plus  faiblement 
protégé  par  des  défenses  artificielles.  Non  seulement  l'assiégé  n'avait  pas  la 
faculté  d'y  noyer  les  fossés,  mais  encore  les  onze  ravelins  qu'on  avait 
construits  autour  de  l'ancienne  muraille  à  tours  pour  défendre  les  portes  et 
les  deux  issues  du  fleuve,  étaient  placés  de  façon  à  laisser  le  corps  de 
place  à  découvert  sur  presque  toute  l'étendue  qui  sépare  les  portes  de  Saint- 
Marlin  et  de  Valenciennes.  Les  deux  ouvrages  qui  couvraient  ces  sorties 
étaient  si  loin  l'un  de  l'autre  et  si  mal  disposés  aux  extrémités  d'une  courbe 
extérieure  formée  par  l'enceinte,  qu'il  était  tout  à  fait  inifiossible  qu'ils 
pussent  se  protéger  l'un  l'autre.  Par  contre,  on  avait  donné  un  grand  déve- 
loppement à  ces  importants  ouvrages.  Celui  qui  se  trouvait  à  gauche  de  la 
porte  de  Saint-Martin  ('),  surtout,  avait  des  dimensions  considérables.  Il  était, 
comme  tous  les  autres,  détaché  du  corps  de  place.  On  y  arrivait  au  moyen 
d'un  pont-levis  très  peu  masqué  par  les  flancs.  Le  fossé  du  côté  droit  était 
bien  défendu,  parce  que  les  flancs  du  raveliii  étaient  de  bonne  longueur  et 
perpendiculaires  à  l'enceinte.  La  demi-lune  qui  couvrait  la  porte  était 
d'ailleurs  peu  éloignée  de  cet  ouvrage.  Mais  du  côté  gauche,  la  forme  courbe 
du  fossé  donnait  un  angle  mort  où  pouvaient  aisément  loger  cinquante 
mineurs  sans  avoir  rien  à  craindre  des  batteries  flanquantes. 

I)  C'est  par  là  que  le  prince  de  Parme  voulait  entrer  dans  la  ville.  Pour 


(^)  C'est  à  sa  situation  topograptiique  qu'il  devait  le  nom  de  ravelin  de  Saint-Martin,  que 
beaucoup  d'iiistoriens  ont  confondu  avec  \a  porte  de  Saint- Marlin. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  239 

cela,  il  imporlail  de  se  rx'iulrc  maître  du  raveliii  de  Sainl-Mariin  d'où 
l'on  prenait  en  flanc  et  à  revers  les  Iroupcs  placées  sur  le  rempart  vers 
l'Escaut  (').  »     . 

Telles  élaient  la  situation  de  la  place  et  la  force  de  la  garnison  de  Tournai, 
quand  Farnèse  apparut  devant  cette  ville. 

L'investissement  comn)ença  le  5  octobre  et  fut,  dès  le  principe,  très 
rigoureux. 

Les  Coiisaux  instituèrent  immédiatement  un  Conseil  de  défense  de  treize 
membres.  D'Estrayelles,  le  lieutenant  du  prince  d'Es|)inoy,  le  présida  et,  aidé 
(lu  second  prévôt  de  la  commune,  Gérard  Bernard  et  d'autres,  il  s'occupa 
activement  de  la  résistance  à  opposer  au  prince  de  Parme  ('"). 

Le  9  octobre,  Farnèse  ouvrit  la  tranchée  entre  la  porte  de  Saint-.Marlin 
et  la  porte  del  Vigne;  et  en  même  temps,  dans  l'intention  d'inonder  la  ville, 
il  fit  obstruer  les  écluses  de  Maire. 

Cette  tentative  ne  réussit  pas,  car  Nicolas  Plucquet,  capitaine  d'une  com- 
pagnie urbaine  et  calviniste  avéré,  |)arvint  avec  quelques  soldats  d'élite 
à  détruire  le  barrage  et  à  rétablir  momentanément  du  moins  la  libre  circu- 
lation des  eaux  fluviales  (^). 

Ce[)endant  Farnèse  disposait  de  formidables  batteries  en  face  du  ravelin 
de  Saint-Martin  et  augmenta  encore  son  artillerie,  en  faisant  venir  de  Lille 
et  de  la  Flandre  d'autres  canons  (^). 

Le  12  conmiença  le  bombardement;  une  batterie  de  quatre  pièces  ouvrit 
le  feu  sur  Tournai.  Gaillardement  les  canon niers  de  la  défense  ripostèrent  et 
même  les  assiégés  se  jetèrent  sur  les  soldats  de  Farnèse  qui  travaillaient  aux 
tranchées  ("). 


(<)  Verstraete,  op.  cit.,  t.  IV,  pp.  74-72. 

(2)  Pour  les  noms  des  membres  du  Conseil  de  défense  et  les  mesures  prises,  voir 
Gachard,  Causaux,  pp.  128-129,  et  Chotix,  Mémoires  sur  le  siège  de  Tournai,  l.">81,  par 
Philippe  Warny  de  Wisempière.  Bruxelles,  1860,  pp.  36  et  seq. 

(3)  Warny  de  Wisemmère,  op.  cit.,  p.  4,  et  Archives  communales  de  Tournai,  Compte 
d'ouvrages,  du  14  au  21  octobre  1861,  et  Pièces  comptables,  siège  de  1381,  31  octobre  lo81. 

(*)  Gachard,  Correspondance  du  Taciturne,  t.  IV,  p.  334. 
(iij  Warny  de  Wisempière,  op.  cil  ,  p.  4. 


240  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

Le  lendemain,  de  8  heures  du  matin  à  3  heures  de  raprès-midi, 
Farnèse  fil  vomir  par  dix-neuf  de  ses  canons  le  fer  et  la  flamme  dans  la 
ville,  puis  profitant  du  désarroi  que  celle  canonnade  de  sept  iieurcs  avait 
occasionné,  il  lança,  le  soir  venu,  ses  troupes  à  l'assaut  du  ravelin  de  Saint- 
Marlin,  d'où  il  déloeea  les  Tournaisiens. 

Cependant  les  assiégés,  revenant  vigoureusement  à  la  charge,  tuèrent  un 
grand  nombre  de  soldais  royaux  qui  s'étaient  imprudemment  installés  dans 
celte  position  imporlanle  et  culbutèrent  les  autres  dans  le  fossé  :  le  ravelin 
était  repris. 

Pour  éviter  le  retour  de  pareille  surprise,  les  Tournaisiens  firent  flamber 
nuitamment  de  nombreux  cerceaux  enduits  de  bitume  et  accrochés  aux 
flancs  des  remparts,  ou  bien  ils  enflammèrent  d'immenses  tonneaux  de 
goudron  qui  projetaient  au  loin  d'énormes  lueurs  et  décelaient  l'approche  de 
l'ennemi  ('). 

Les  dégâts  faits  aux  remparts  par  les  boulets  furent  immédiatement 
réparés.  Maçons,  charpentiers  el  autres  ouvriers  travaillaient  à  l'envi, 
tandis  que  par  de  fréquentes  sorties  souvent  heureuses,  les  assiégés  entre- 
tenaient leur  ardeur  guerrière  et  énervaient  l'ennemi  ('^). 

La  population  civile  l'ut  ralionnée  pour  permettre  un  copieux  ravitail- 
lement des  combattants  el,  pour  suppléer  au  manque  d'argent,  le  Magistrat 
frappa  des  monnaies  obsidionales  avec  les  vaisselles  d'or  et  d'argent  qu'il 
réquisitionna  chez  l'habitant  (^). 

Tournai  ne  semblait  pas  près  de  capituler. 

Farnèse  voulut  essayer  des  moyens  de  conciliation.  Le  15  octobre,  il  fit 
faire  aux  Tournaisiens  les  ofl"res  les  plus  acceptables. 

Ceux-ci  les  refusèrent,  en  disant  qu'ils  ne  livreraient  point  leur  ville 
«  à  des  traîtres  et  à  des  faussaires  (*)  » . 


(<)  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  Siège,  du  23  au  29  novembre 
1S81,  Compte  d'ouvrages  ordinaires,  14  et  21  octobre  lo81. 

(2)  Warny  dk  WisEMPiKRE,  op.  cH.,  pp.  7,  8  et  seq.,  p.  4t. 

(3)  Idem,  op.  cil.,  p.  1^9  et  41. 
(♦)  luEM,  op.  cit.,  p.  (J. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  241 

Quatre  jours  après,  il  lour  envoya  un  Irompelle  porteur  des  plus  belles 
propositions. 

Les  Tournaisiens,  pour  toute  réponse,  lui  firent  savoir  qu'ils  étaient 
résolus  «  à  faire  bonne  guerre  et  à  mourir  aux  remparts  (')  ». 

Déçu  dans  ses  espérances,  le  [)rince  fil  recommencer  le  bombardement. 
De  8  beures  du  matin  à  5  beures  du  soir,  le  dimanche  22  octobre, 
ses  canons  battirent  à  nouveau  le  court  espace  compris  entre  le  ravelin  de 
Saint-Martin  et  la  porte  del  Vigne,  et  vomirent  plus  de  douze  cents  boulets. 
Cinq  tours  furent  abattues. 

Renouvelant  alors  sa  tactique  antérieure,  Farnèse  lança  son  infanterie 
contre  le  ravelin  où  quatre-vingts  de  ses  soldats  parvinreni  à  s'établir. 

Les  Tournaisiens  accoururent  en  force  et,  se  massant  sur  le  pont  qui 
reliait  cet  ouvrage  avancé  à  la  place,  en  cbassèrent  à  coups  de  canons 
et  d'arquebuses  les  soldats  royaux. 

L'ennemi  reparut  bientôt  plus  nombreux.  Il  reprit  le  ravelin  et  y  établit 
une  batterie  de  quatre  pièces  d'artillerie. 

Les  boulets  tombèrent  comme  grêle  sur  le  pont;  il  se  rompit  même  par 
endroits.  Redoutant  de  se  voir  couper  toute  communication  avec  la  ville, 
les  assiégés  abandonnèrent  définitivement  la  position  aux  soldats  de 
Farnèse  ('^). 

Cette  perte  était  importante  ;  elle  ne  découragea  cependant  ni  la  garnison 
tournaisienne,  ni  ceux  qui  dirigeaient  les  travaux  de  défense.  Hommes, 
femmes,  enfants,  tous  apportèrent  qui  des  sacs  remplis  de  terre,  qui  des 
ballots  de  laine,  qui  des  bottées  de  gravois  pour  boucher  les  trous  et 
remettre  les  remparts  en  état  de  supporter  un  nouvel  assaut.  Seuls  quelques 


(<)    WARNY  de  WlSEMPlÉRE,  Op.  cU.,  p.  9. 

(2)  Idem,  op.  cit.,  pp.  10-11,  et  Stuada,  Histoire  de  la  guerre  de  Flandre,  traduction 
P.  Du  Rier,  2«  édit.,  I^aris,  Aug.  Courbe,  lÔ.ii,  t.  II,  pp.  2O7--208.  —  D'après  une  lettre 
d'Olivier  vanden  Tympei  au  prince  d'Orange,  31  octobre  1381  (Gaciiard,  Correspondance  du 
Taciturne,  t.  IV,  p.  3o6),  l'ennemi  aurait  perdu  durant  cette  attaque  «  plus  rij*-'  (700)  sol- 
dats d'eslite  et  entre  iceuls  le  lieutenant  coronel  du  seigneur  de  Manui,  avec  trois  de  ses 
compagnies  toutes  taillées  en  pièces,  et  le  seigneur  de  Montigni  quelque  peu  blessé  en  une 
cuisse  ». 

l'oME  I.  —  Lettres,  etc.  31 


242  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

notables  catholiques  osèrent  parler  de  reddition;  ils  en  firent  même  la 
proposition  à  la  princesse  d'Espinoy,  la  femme  de  Pierre  de  Meleun  ;  niais 
fièrement  elle  leur  répondit  :  «  Je  me  ferai  plutôt  couper  en  morceaux  que 
de  me  rendre  aux  ennemis  (')  » . 

Au  reste,  le  moment  éiait  mal  choisi.  Le  duc  d'Anjou  venait  de  faire 
savoir  à  d'Estrayelles  et  aux  magistrats  qu'il  s'apprêtait  à  marcher  à  leur 
secours  «  avec  toutes  les  forces  dont  il  disposait  (^)  »,  et  cela  seul  eût  suffi 
à  remonler  le  courage  des  assiégés,  si  ceux-ci  en  avaient  eu  besoin. 

L'armée  française  ne  se  montra  pas,  mais  le  prince  d'Espinoy  reprit  le 
projet  du  duc  d'Anjou  et  fil  sortir  d'Audenarde,  un  des  derniers  jours 
d'octobre,  trois  cornettes  de  cavalerie  qu'il  envoya  vers  Tournai.  Elles 
étaient  arrivées  non  loin  du  village  de  Mont-Saint-Auberl,  quand  elles 
rencontrèrent  un  détachement  de  lanciers  et  d'arquebusiers  que  le  prince 
de  Parme  avait  envoyé  à  leur  découverte.  On  se  rua  l'un  sur  l'autre  et, 
après  un  vif  engagement,  les  soldats  du  prince  d'Espinoy  furent  mis  en 
déroute  ('^). 

Le  prince  de  Parme  eut  beau  exposer  sur  le  ravelin  de  Saint-Martin,  les 
enseignes  et  les  dépouilles  enlevées  aux  vaincus  pour  bien  prouver  aux 
Tournaisiens  qu'ils  n'avaient  plus  à  compter  sur  aucun  secours  extérieur, 
les  assiégés  ne  s'abandonnèrent  point  au  désespoir. 

Au  contraire,  ils  redoublèrent  d'efforts,  firent  refondre  des  balles  d'arque- 
buses dont  la  provision  était  épuisée,  recueillirent  les  boulets  que  l'arlil- 
lerie  ennemie  avait  lancés  dans  la  ville  et  s'en  servirent  contre  les  troupes 
de  Farnèse  (^),  construisirent  derrière  la  muraille  d'enceinte,  à  l'endroit  le 
plus  menacé,  un  formidable  cavalier  de  terre  et  de  gazon  (^)  et,  conservant 


(1)  Warny  de  Wisempikre,  op.  cit.,  p.  H. 

(2)  Voir  les  lettres  du  duc  d'Anjou  dans  les  Bulletins  de  la  Société  hislorique  de  Tournai, 
t.  V,  p.  32. 

(-*)  Warny  de  Wisempière,  op.  cit.,  p.  13.  —  Verstra.ete,  op.  cit.,  t.  IV,  p.  74. 

(*)  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  Siège  de  1581, 31  octobre  1S81 
et  16  novembre  1581. 

(S)  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  de  Denis  de  Prisme,  Siège  de  1581. 
Le  16  octobre,  217  ouvriers  travaillaient  le  jour  à  l'établissement  de  ce  second  mur,  la  nuit 
72;  le  nombre  des  ouvriers  alla  tous  les  jours  en  augmentant.  Voir  aussi  d'autres  Pièces 
comptables  dans  le  même  dossier. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  245 

malgré  tout  bon  espoir  dans  une  intervenlion  armée  du  prince  d'Espinoy,  Ils 
envoyèrenl  des  émissaires  et  parmi  eux  le  grand  prévôt  de  la  commune, 
Nicolas  de  Lannoy,  à  Gand  el  à  Audenarde,  pour  prévenir  le  gouverneur  de 
Tournai  de  la  situation  terriblement  critique  dans  laquelle  se  trouvait  la 
ville  O. 

Le  6  novembre,  Marguerite  de  Parme  écrivait  au  cardinal  Granvelle  que 
«  son  fils  avait  bon  espoir  d'emporter  bientôt  la  place  (-)  ». 

C'était  là  vaines  paroles,  Farnèse  devait  encore  s'armer  de  patience  avant 
d'entrer  en  vainqueur  dans  la  ville. 

Le  siège  conliimait.  Des  deux  côtés  on  avait  confiance  et,  tandis  que 
le  prince  de  Parme  faisait  miner  par  les  sapeurs  de  Mansfeld  la  partie  du 
rempart  entre  le  ravelin  et  la  porte  de  Saint-Martin,  d'Estrayelles  répondait 
par  des  contre-mines  qui  portaient  l'effroi  parmi  les  assiégeants. 

Le  8  novembre,  malgré  les  valeureux  efforts  des  assiégés,  les  troupes 
royales  parvinrent  à  s'emparer  d'une  des  tours  de  la  porte  del  Vigne  (^). 
Pouvant  dès  lors  croiser  leurs  feux,  elles  rendirent  intenable  la  position 
comprise  entre  les  portes  de  Saint-iMartin  et  del  Vigne. 

Ce  fut  le  moment  que  choisit  l'archidiacre  Cottreau  pour  parler  une 
nouvelle  fois  de  reddition. 

A  la  tête  des  notables  catholiques,  il  se  présenta  devant  les  Consaux 
assemblés,  réclamant  impérieusement  la  capitulation. 

Il  n'aboutit  pas  plus  qu'antérieurement;  les  Consaux  restèrent  «  tous 
muets  »,  selon  l'expression  de  Warny  de  Wisempière  ('*),  et  d'Estrayelles 
trouva  «  qu'on  n'estoit  encore  si  pressé  de  faire  la  paix  (")  » . 

Au  reste,  cette  fois  encore,  Coltreau  jouait  de  malheur.  Au  moment  où  il 
exposait  ses  vues  aux  magistrats,  ceux-ci  venaient  de  recevoir  du  duc 
d'Anjou,  la  promesse  —  qui  ne  fut  pas  tenue  d'ailleurs  —  d'un  secours  de 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables.  Siège  de  1S81,  4  et  17  novem- 
bre 1581. 

(2)  Correspondance  de  Granvelle,  édit.  Piot,  t.  VIII,  p.  43S. 

(3)  Warny  de  Wisempière,  op.  cU.,  p.  16. 
1*)  Idem,  op.  cit.,  p.  19. 

(o)  Idem,  op.  cit.,  pp.  18-19. 


244  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

douze  à  quinze  cents  arquebusiers  (^),  en  même  temps  que  le  prince 
d'Espinoy  leur  faisait  savoir  qu'il  serait  dans  cinq  jours  devant  Tournai  ("). 

Les  éléments  eux-mêmes  semblaient  vouloir  dissuader  les  Tournaisiens  de 
se  rendre.  L'automne  de  4581  fut  remar(|uablement  bumide;  la  pluie 
gênait  l'ennemi  et  causait  dans  le  camp  de  Farnèse  de  nombreuses  maladies 
qui  décimaient  les  combattants  (^). 

Résolu  à  en  finir,  le  19  novembre,  Farnèse  fit  braquer  toujours  sur  la 
même  partie  des  remparts  vingt  pièces  d'artillerie  et  canonna  les  murs  et  la 
ville  jusqu'au  soir.  Le  20,  le  canon  ne  cessa  de  tonner;  le  21,  à  la  pointe 
du  jour,  l'borrible  concert  recommença  et  dura  jusqu'à  1  heure  de  ra|)rès- 
midi.  Alors  le  prince  fit  mettre  le  l'eu  aux  mines  {|u'avait  préparées  Mansfeld. 
D'énormes  quartiers  de  murs  volent  en  éclats,  tuent  beaucoup  de  Tournai- 
siens  et  font  une  immense  trouée  dans  les  remparts  (^). 

L'assaut  est  ordonné.  L'armée  royale  s'avance  comme  à  la  parade  et 
marcbe  résolument  vers  la  brèche.  Le  canon  foudroie  par  files  «  ceulx  de 
Tournay  qui  se  présentaient  comme  gens  désespérés  à  la  bresche  ».  Les 
femmes  des  calvinistes  «  comme  forcenées  et  enragées  »  jetaient  du  haut  des 
rempart  d'énormes  pierres  sur  l'assaillant,  en  dépit  du  canon  qui  «  donnait 
coup  à  coup  à  travers  de  ceulx  de  Tournay.  La  terre  et  les  cailloux 
volaient  comme  gresle  en  terre,  emportant  à  l'un  la  teste,  le  bras  à  l'autre  ; 
c'estoit  grande  pitié  de  veoir  ces  pauvres  Heugenols  ainsi  emportés  à 
crédit  (")  ». 

Cependant  l'armée  du  prince  de  Parme  s'arrête.  Abrités  sous  un  immense 
cavalier  de  gazon  et  de  terre  qu'ils  avaient  construit  derrière  leurs  murs 


(<)  Gachard,  Consaux,  pp.  133-134. 

(2)  Warxy  dk  Wisempière,  op.  cit.,  p.  21.  Warny  place  par  erreur  cet  événement  à  la 
date  du  vendredi  17  novembre;  le  messager  du  prince  d'Espinoy  arriva  à  Tournai  vers  le 
12  novembre.  (Voir  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  Siège  de  lo81  ; 
12  novembre  1581.) 

(3)  Gachard,  Correspondance  du  Taciturne,  t.  IV,  p.  386. 

(*)  D'après  le  registre  aux  publications,  n"  345,  des  Archives  communales  de  Tournai, 
fol.  185,  Publication  du  9  août  1582,  on  peut  infërer  que  l'explosion  des  mines  abattit  un 
pan  de  muraille  de. 400  pieds  de  long,  et  cinq  tours. 

(S)  Warny  de  Wisemi'Ièrk,  op.  cit.,  pp.  23-24. 


AU  POINT  DE  VUE  POLIT[QUE  ET  SOCIAL.  24S 

désempares,  les  Tournaisiens  canardent  les  rangs  des  assaillants  et  y  jettent 
la  consternation. 

Sourdes  aux  commandements  comme  aux  supplications  de  leurs  chefs,  les 
troupes  wallonnes  restent  immobiles  et  elles  allaient  même  lâcher  pied, 
quand  leur  colonel  (it  demander  du  secours  à  Farnèse. 

Les  Allemands  accoururent,  mais  ils  ne  rendirent  point  le  courage  et 
l'audace  aux  régimenls  wallons  démoralisés.  Quand  ils  virent  Ponse  de 
Noyelles,  leur  colonel,  qui  combattait  courageusement  à  leur  têle,  tomber 
mortellement  blessé,  ils  s'enfuirent  en  déroule  ('). 

La  nuit  et  une  pluie  torrentielle  amenèrent  la  retraite  des  Allemands  et 
la  fin  du  combat. 

L'assaut  était  repoussé;  malgré  leurs  pertes  nombreuses,  les  défenseurs 
de  la  place  ne  laissaient  percer  aucun  découragement.  Au  contraire,  les 
diflficultés  du  siège  semblaient  augmenter  leur  ardeur  et  ranimer  leur  cou- 
rage. Sans  prendre  de  repos  et  malgré  une  vive  canonnade,  sous  la  direc- 
tion du  capitaine  Plucquei,  on  se  remit  à  l'ouvrage.  On  bouche  l'énorme 
trou  de  brèche  qu'ont  fait  les  boulets  et  la  mine,  on  élève  des  palissades 
à  l'aide  de  lourdes  planches  et  d'épais  madriers;  des  sacs  de  terre  ou  de 
fumier  comblent  les  vides,  et  les  femmes,  toujours  vaillantes,  dépavent  les 
rues,  apportent  les  grès  aux  soldais  qui  ferment  la  brèche  ou  bien  s'en 
servent  pour  écraser  les  soldats  de  Farnèse  qui  remplissent  les  fossés  (^).  La 


(1)  Du  côté  des  défenseurs,  on  ne  connaît  pas  le  nombre  de  morts  :  VVarny  de  Wisem- 
piÉRE,  op.  cit.,  p.  24,  dit  que  cent  vingt  Tournaisiens  périrent  quand  éclata  la  mine;  il  n'y 
en  eut  dans  tous  les  cas  pas  de  marquants,  autrement  Warny  de  Wisempière  se  serait 
empressé  de  les  faire  connaître;  pour  les  assaillants,  Strada  accuse  deux  cents  morts  parmi 
lesquels,  aux  dires  de  Morillon  (voir  Correspondance  de  Granvelle,  t.  VMI,  pp.  448-449),  le 
seigneur  de  Potelles,  Mons'  de  Glayon  (=  Philippe  de  Stavele).  Il  y  eut  beaucoup  de  nobles 
blessés,  «  le  marcquis  de  Varambon;  le  sieur  de  Billi  (=  Gaspard  de  Robles)  et  le  baron 
d'Aubignie  (=  Gilles  de  Lens)  que  sont  hors  de  dangier,  mais  non  pas  Mons"'  de  Bours 
(=  Ponse  de  Noyelles)  et  aulcuns  aultres  ».  Ces  autres,  c'étaient  des  volontaires  de  diffé- 
rentes nationalités  qui  se  trouvaient  avec  le  prince  de  Parme.  (Voir  Strada,  op.  cit.,  t.  II, 
p.  264.)  Le  comte  de  Bucquoy  ne  fut  tué  que  le  27  novembre,  d'un  coup  de  pierre.  (Voir 
Correspondance  de  Granvelle,  t.  VIII,  p.  449.)  Quant  à  Ponse  de  Noyelles,  seigneur  de  Bours, 
il  mourut  après  la  capitulation  de  Tournai. 

(2)  Warny  de  Wisempière,  op.  cit.,  p.  24,  et  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces 
comptables,  Siège  de  1S81,  23  novembre  1581. 


246  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

poudre  manque;  on  construit  des  moulins  pour  en  fabriquer (');  on  est  plein 
d'espoir;  on  attend  le  prince  d'Espinoy  que  Ton  sait  en  marche  vers  Tournai 
à  la  télé  d'un  corps  de  troupes. 

Dans  l'entre-temps,  le  prince  d'Espinoy  était  battu  à  Gravelines  ! 

Seul,  de  toute  l'armée,  le  colonel  Prestonne,  avec  cent  quarante  cavaliers, 
put  à  la  faveur  du  mot  d'ordre  qui  lui  avait  été  livré,  on  ne  sait  comment, 
traverser  nuitamment  le  camp  du  prince  de  Parme  et  entrer  dans  la  place  de 
Tournai  le  jeudi  23  novembre,  vers  3  heures  du  matin. 

La  joie  fut  délirante  chez  les  assiégés,  mais  elle  fut  aussi  de  courte  durée. 
Prestonne  leur  apprit  la  défaite  de  Gravelines  et  le  départ  du  duc  d'Anjou 
pour  l'Angleterre.  Il  leur  annonça,  en  outre,  que  tout  espoir  d'un  secours 
extérieur  était  à  jamais  perdu.  Tournai  n'avait  plus  qu'à  compter  sur  ses 
propres  forces. 

Le  lendemain,  l'ennemi  canonna  furieusement  la  brèche  restaurée  et  y 
fît  une  autre  ouverture  par  laquelle  pouvaient  passer  quarante  hommes 
de  front  (-}. 

Le  26,  les  Tournaisiens  et  les  troupes  de  Prestonne  firent  une  nouvelle 
sortie,  la  dernière,  mais  la  situation  n'en  restait  pas  moins  criticpie. 

Fallait-il  exposer  la  ville  aux  violences  trop  certaines  d'une  soldatesque 
qu'enivrerait  un  nouvel  et  victorieux  assaut,  ou  bien  devait-on  capituler? 
Telle  était  la  question. 

Deux  jours  entiers,  malgré  la  canonnade  la  plus  vive  de  l'artillerie 
de  Farnése,  les  Tournaisiens  calvinistes  restèrent  indécis,  tandis  que  les 
catholiques  réclamaient  la  paix  à  grands  cris  (^). 

Les  Consaux  s'assemblèrent  le  mardi  28  novembre  ;  le  procureur  fiscal 
Du  Fief  avait  convoqué  à  cette  réunion  la  Commission  de  défense,  les  capi- 


(<)  Arctiives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  Siège  de  1S81,  27  novembre 
lo8i. 

(2)  Warnt  de  Wisempière,  op.  cit.,  pp.  2o-26.  —  Archives  communales  de  Tournai, 
Pièces  comptables,  siège  de  1581,  24  novembre  1581;  certaines  quittances  reposant  aux 
Archives  communales  de  Tournai  portent  cette  signature  «  Edward  Prestonne  »  et  non 
«  Preston  ». 

[■))  Warny  de  Wisempière,  op.  cit.,  p.  28. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  247 

laines  des  compagnies  bourgeoises  el  les  noiables  de  Tournai.  Mais,  seuls  les 
chefs  calholi()ucs  assistèrent  à  cette  entrevue,  car  on  avait  intentionneile- 
menl  omis  d'y  convier  les  calvinistes  ('). 

En  présence  d'un  auditoire  ainsi  composé,  le  conseiller  Nicolas  du  Bois 
prit  la  |)arole  et  fit  le  tableau  de  la  situation.  Il  insista  sur  la  ruine 
des  remparts,  l'occupation  du  ravelin  el  des  fossés,  le  manque  de  munitions 
el  de  vivres,  el,  devant  l'impossibilité  de  prolonger  la  résistance,  il  demanda 
qu'on  traitât  de  la  paix. 

Tous,  Consaux,  notables  catholiques,  capitaines  des  compagnies  urbaines 
reconnurent  qu'il  était  impossible  de  continuer  la  défense  el  décidèrent  de 
prier  le  valeureux  d'Estrayelles  «  d'entrer  en  communication  avec  les 
ennemis  ». 

D'Estrayelles  réunit  en  Conseil  de  guerre  les  dilTérenls  olîiciers  qui  com- 
mandaient les  troupes  étrangères  en  garnison  à  Tournai.  Sur  leur  avis,  il 
consentit  à  traiter  le  29  novembre. 

La  résistance  avait  cessé.  Tournai  demandait  à  capituler,  après  deux  mois 
de  siège,  d'héroïsme  inutile  et  de  vaines  souffrances. 

Le  même  jour,  Philippe  Bernard,  seigneur  de  Baudegnyes  (^),  Florent 
Bernard,  seigneur  d'Esquelmes  (•^),  et  Nicolas  du  Bois,  allèrent  au  camp 
débattre  avec  Farnèse  les  conditions  d'un  traité. 

L'après-midi,  les  propositions  arrêtées  furent  lues  au  peuple  qui  n'y  fit  pas 
d'opposition.  Le  30  novembre,  les  députés  signèrent  le  traité  de  capitulation 
au  nom  de  la  ville  de  Tournai  (^). 

En  voici  les  principales  clauses  : 

\°  La  princesse  d'Espinoy  était  autorisée  à  sortir  de  la  ville  «  avecq  tout 
son  train  »  el  à  emporter  tous  les  biens  appartenant  à  son  mari,  à  elle  el  aux 
siens; 

2°  D'Estrayelles  pouvait  également  abandonner  Tournai  avec  sa  femme, 
ses  enfants,  sa  famille,  ses  armes,  ses  chevaux  et  ses  meubles  ; 


(')  Warny  de  Wisempiére,  op.  cit.,  p.  28. 

(2)  Il  était  mayeur  des  échevins  de  Saint-Brice. 

(3)  Idem,  de  Tournai. 

(■*)  Gachakd,  Consaux,  p.  36,  et  Warny  de  Wisempiére,  op.  cit.,  pp.  29-30. 


248  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

5°  Les  capitaines,  officiers  et  soldais,  «  Son  Âllèze  les  veuiliant  favora- 
blemenl  Iraicter  »  quitteraient  la  ville  avec  leurs  enseignes  sur  l'épaule,  leurs 
armes  mèche  allumée,  leurs  tambourins,  biens  et  bagages; 

4°  Une  amnistie  générale  était  proclamée; 

5°  Les  privilèges  de  la  cité  étaient  maintenus; 

6°  Les  Tournaisiens  qui  ne  voudraient  point  vivre  sous  le  régime  des 
placards  de  Philippe  II,  remis  en  vigueur,  pouvaient  se  retirer  où  ils 
l'entendaient  ; 

7"  La  ville  devait  acquitter  une  contribution  de  guerre  de  deux  cent 
mille  florins  ('). 

Ce  même  jour,  à  3  heures  de  Taprés-midi,  cinq  enseignes  d'infanterie, 
dont  trois  allemandes  et  deux  wallonnes,  entrèrent  dans  Tournai  par  la 
porte  de  Saint-Martin  et  prirent  possession  des  remparts  (").  Le  second 
prévôt,  Gérard  Bernard,  alla  porter  à  Farnèse  les  clefs  de  la  ville,  et  le 
vendredi  1"  décembre,  Theureux  vain(|ueur  lit  son  entrée  dans  la  cité  Ç^j. 

Le  30  novembre  déjà,  le  Chapitre  de  Notre-Dame  avait  chargé  l'archi- 
diacre Cottreau  et  le  chanoine  Ladeuze  d'aller  au  camp  de  l'ennemi  porter 
au  prince  de  Parme  les  félicitations  du  clergé  tournaisien  (*);  mais  le  jour 
de  l'entrée  du  lieutenant  de  Philippe  11,  tout  le  Chapitre,  l'archidiacre  en 
tête,  vint  processionnellement  saluer  le  prince  de  Parme  à  la  porte  de 
Saint-Martin,  et  l'accompagna  en  chantant  le  «  Te  Deum  laudamus  {^)  » . 

Philippe  de  Kecourt,  baron  de  Licques,  l'ut  nommé  gouverneur  (^)  ;  Jean 


(<)  I.e  traité  a  été  publié  en  entier  par  Gachard,  Analectes  Belgiques.  Bruxelles,  1830, 
i"  vol.,  pp.  369-373,  et  se  trouve  dans  VVarxy  de  Wisempiè«e,  édit.  Chotin,  pp.  46-49. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  10  décembre  1381.  —  Les 
Consaux  disent  six  enseignes  dont  quatre  allemandes  et  deux  wallonnes.  Farnèse  dit  cinq. 
(Bulletin  de  la  Commis.smi  royale  d'histoire,  3«  série,  t.  Xlll,  p.  71.) 

(3j  Archives  de  Notre-Dame.  Acta  Capitiilaria.  Séance  du  30  novembre  1581. 
(•*)  Warny  de  WisEJiPiÈRE,  rt/j.  cit.,  p.  32. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  général,  octobre  1381 -septembre  1382, 
fol.  56  r°.  —  Voir  sur  le  siège  de  Tournai  en  1381,  Boziére,  La  princesse  d'Espinoy  et  le 
siège  de  Tournai  en  iSSL  Tournai,  Delmée,  1863. 

C'J  Philippe  de  ftecourt  et  de  Licques,  chevalier,  seigneur  et  baron  de  Licques,  époux 
de  Jeanne  de  Witthem;  il  mourut  à  Bruxelles  le  jour  du  Vendredi-Saint  1388,  et  fut 
inhumé  dans  l'église  des  Cordeliers  à  Tournai. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  249 

de  Hannart,  seigneur  de  Biselingue,  prit  la  place  de  d'Eslrayelles  (^). 
Le  7  décembre,  Farnèse  destitua  le  Magistrat  el  le  remplaça  par  un  autre, 
qui  prouva  bientôt  sa  servilité  en  se  livrant  à  une  réaction  à  outrance,  à  des 
vengeances  [)ersonnelles,  à  des  mesquineries  aussi  odieuses  que  celles  qui 
marquèrent  l'entrée  de  Noircarmes  à  Tournai  ('^). 

La  princesse  d'Espinoy  rejoignit  le  l'^'"  décembre  son  mari  à  Gand; 
d'Estrayelles  la  suivit  à  la  lète  des  troupes  étrangères. 

Tournai  avait  repris  place  parmi  les  villes  soumises  à  Pbilippe  II  et  à  ses 
placards.  Le  Tournaisis  rentrait  dans  le  rang,  pour  ne  plus  êlre  à  l'avenir 
qu'une  des  plus  petites  et  des  plus  dociles  provinces  des  Pays-Bas  méri- 
dionaux, et  ses  habitants  n'eurent  plus  désormais  d'autre  ambition  que  de 
marcher  à  la  remorque  de  leurs  compatriotes.  Les  guerres  de  religion 
avaient  épuisé  à  jamais  la  source  d'énergie  que  les  vicissitudes  des  siècles 
antérieurs  n'avaient  su  tarir. 

A  cela  quoi  d'étonnant  ? 

Tournai,  que  la  répression  du  duc  d'Âlbe  avait  déjà  tant  affaibli,  vit  sa 
ruine  économique  consommée  par  de  nouveaux  malheurs. 

Profilant  de  la  latitude  à  eux  laissée  par  le  traité  de  capitulation,  de 
nombreux  artisans  que  n'avait  point  chassés  la  tourmente  antérieure, 
abandonnèrent  leurs  foyers  par  crainte  de  la  réaction  qu'inaugura  la 
magistrature  farnésienne. 


(1)  Arcliives  communales  de  Tournai,  Compte  général,  octobre  1581-septembre  1582, 
fol.  56  r".  —  Voir  sur  le  siège  de  Tournai  en  1581.  Bozièiie,  La  princesse  d'Espinoy  el  le 
siège  de  Tournai  en  1381.  Tournai,  Delmée,  1863;  Tii.  Juste,  Cliristine  de  Lalaing,  prin- 
cesse d'Espinoy.  Bruxelles,  Lacroix,  1861,  el  la  Princesse  d'Espinoy.  Tournai,  1861. 

('^)  Voici,  d'après  le  registre  n°  148  des  Archives  communales  de  Tournai,  les  noms  des 
magistrats  communaux  qui  remplacèrent  ceux  destitués  par  Farnèse  :  Arnould  de  Saint- 
Genoix,  grand  prévôt;  Louis  Alegambe,  second  prévôt;  Louis  de  Thouars;  Jacques 
d'Estrayelles;  ttermès  Le  Clcrcq  ;  Simon  Grenu;  Nicolas  Bourgeois;  Arnould  de  Viscre; 
Jacques  Gombault;  Charles  Manarre;  Nicolas  de  Caionne  ;  Séverin  Boyen;  Melcliior 
du  Gardin  et  Pierre  Polinchove,  jurés;  Jean  de  Préys;  Jean  de  la  Chapelle;  Simon  Simon; 
Jean  Moenens;  Jean  du  Chambge;  Gilles  Cocquiel,  Jean  Le  Grand,  échevins  de  Tournai; 
Gilles  de  Bassy;  Nicolas  Le  Clercq  ;  Jean  Haccart;  Nicolas  Bataille;  Mahieu  Vincquière; 
Nicolas  Le  Ricque  et  François  de  Bargibant,  comme  échevins  de  Saint-Brice  et  du  Bruili»^. 
Tome  1.  —  Lettres,  etc.  52 


m)  TOURINAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

Le  régime  de  1567,  l'odieux  régime  de  Noircarmes  et  du  duc  d'Albe,  revit 
le  jour.  En  dépit  du  traité  de  capitulation,  au  mépris  de  la  promesse 
de  l'ancien  Magistral  que  pas  un  Tournaisien  ne  pouvait  être  inquiété  «  pour 
fréquentation  des  prêches  ou  conventicules  et  autres  délits  commis  depuis 
Tan  1S66  (*)  »,  les  nouveaux  magistrats  se  livrèrent  à  l'espionnage  et  favo- 
risèrent la  délation. 

Comme  après  1566,  on  assiste  à  des  révocations  en  masse  de  fonction- 
naires accusés  de  calvinisme.  On  n'épargne  personne,  depuis  le  plus  grand 
salarié  de  la  commune,  le  conseiller  pensionnaire,  jusqu'au  simple  «  brouteur 
de  boire  (^)  » .  On  ordonne  des  enquêtes  pour  savoir  si  les  dénoncés  «  se  sont 
vertueusement  et  catlioliquement  comportés  pendant  les  derniers  troubles  »  ; 
on  décrète  l'expulsion  ou  l'emprisonnement  de  quelques  obscurs  soldats  qui 
ont  servi  sous  le  prince  d'Espinoy  et  qui  ne  sont  point  sortis  comme 
les  autres  de  Tournai  (^);  on  chasse  les  réfugiés  étrangers,  les  hommes  el 
ensuite  «  sous  peine  du  fouet  »  les  femmes  et  les  enfants  (^);  on  désarme 
les  Tournaisiens  calvinistes  qui  habitent  encore  la  cité  (^);  bref,  on  tire 
vengeance  de  tous  ceux  qui  ont  de  quelque  manière  que  ce  soit  concouru  à 
l'héroïque  et  glorieuse  défense  de  4581. 

Au  point  de  vue  religieux,  on  vit  se  reproduire  les  mêmes  scènes 
qu'en  1566.  On  réduisit  en  cendres  des  ouvrages  «  réprouvés  »  appartenant 
à  Louis  Broutin  (");  on  fustigea  à  chaque  carrefour  le  maître  de  la  monnaie. 


(^)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  30  novembre  1S81. 

(2)  Idem,  Consaux,  décembre  lS8i,  p.  234,  et  séance  du  2  janvier  lo82. 

(3)  Idem,  Consaux,  2  janvier  1.^82;  Publications  des  42  et  23  avril  1S82. 
(*)  Idem,  Publication  du  25  avril  1582,  reg.  n»  345,  fol.  172. 

(5)  Pour  arriver  à  ce  résultat,  le  prince  de  Parme  ordonna  d'abord  de  «  faire  receuil  de 
ceux  tenus  pour  catholiques  et  de  ceux  n'étant  pas  catholiques  »;  puis  le  16  mai,  il  fit 
désarmer  indistinctement  tous  les  Tournaisiens,  mais  le  29  du  même  mois,  il  fit  rendre  les 
armes  aux  catholiques  seulement.  On  défendit  même  aux  calvinistes  de  faire  la  garde  aux 
portes,  mais  comme  de  ce  fait  ils  étaient  exempts  d'une  corvée  imposée  aux  catholiques, 
on  leur  fil  payer  une  taxe  extraordinaire.  (Voir  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux, 
i'^'  mars  1582;  16  mai  1582;  29  mai  1382;  27  octobre  1582.) 

(6)  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  farde  :  Justice,  16  octobre 
1582. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  2HI 

Simon  de  Malines,  parce  (|u'il  élait  délenleur  de  «  livres  pernicieux  el  héré- 
tiques »,  qu'on  brûla  d'ailleurs  (').  Les  exéculions  recommencèrent,  mais  il 
semble  que  la  Justice  avait  peur  d'énoncer  le  vrai  motif  des  condamnations 
capitales  qu'elle  prononçait.  On  ne  pendait  plus  pour  contravention  aux 
placards,  on  ne  brûlait  plus  pour  crime  de  religion  les  malheureux  calvinistes 
qui  persistaient  à  vouloir  suivre  en  secret  les  rites  de  leur  religion.  On  les 
condamnait  à  mort,  parce  qu'ils  refusaient  «  de  renoncer  au  diable  » .  C'est 
la  sorcellerie  ([ui  servit  de  prétexte  pour  faire  périr  sur  le  bûcher  ou  sur  le 
gibet  des  citoyens  (|ui  persistaient,  malgré  tout,  à  ne  pas  croire  comme 
l'Église  le  voulait  et  comme  les  lois  l'ordonnaient.  Tel  fut  bien  le  motif 
pour  le(|uel  subirent  la  peine  capitale  Vincent  Robàtre,  Jean  Gervais, 
Jean  Pecquere,  Jean  David,  Henri  Lionnet  et  Antoinette  de  le  Barre, 
d'octobre  1582  à  septembre  lo83  f). 

Jusqu'en  1S90,  le  bûcher  consuma  cinq  femmes  accusées  de  sortilège  ('^), 
sans  compter  celles  et  ceux  dont  nos  Archives  ne  nous  ont  pas  conservé  le 
nom  (^). 


VI.  On  remarquera  que  dans  le  récit  du  siège  de  1581,  nous  n'avons 
fait  aucune  allusion  au  rôle  héroïque  si  souvent  attribué  à  la  femme  du 
gouverneur,  Philip|)e-Chrestienne  de  Lalaing,  princesse  d'Espinoy,  que  son 
époux  avait  laissée  à  Tournai,  lors  de  son  départ  pour  l'armée. 

Cette  réserve  s'impose,  parce  que  nous  n'avons  découvert  aucun  document 
qui  nous  autorise  à  faire  figurer  la  princesse  d'Espinoy  dans  l'une  ou  l'autre 
sortie,  dans  l'un  ou  l'autre  combat. 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  farde  :  Juslice,  19  janvier  IS89. 

i'i)  Idem,  Compte  général,  1382-1383,  foi.  63  v. 

(3)  Idem,  Pièces  comptables,  farde  :  Juslice,  de  1382  à  1390. 

(+)  A  titre  de  renseignement,  voici  un  des  châtiments  qu'on  infligeait  aux  femmes 
convaincues  de  sorcellerie  «  ...  pour  son  sallaire  d'avoir  bruslé  des  estouppes  sur  la  teste 
de  Valentine  Hovyne,  puis  la  fustigé  de  verges  par  les  carresfours  sur  une  charrette  pour 
estre  chargée  d'esire  convaincue  de  sortilège  »...  (Archives  communales  de  Tournai,  Pièces 
comptables,  farde  :  Juslice,  19  mai  1390.) 


232  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

S'ensuit -il  nécessairement  qu'elle  n'ait  pas  d'une  façon  ou  d'une  autre 
coopéré  à  la  défense  de  la  cité?  Évidemment  non,  mais  il  faut  singulièrement 
redrosser  la  tradition. 

II  y  a  fjiiel(]uo  quarante  ans,  lorsque  a  surgi  l'idée  d'ériger  une  statue  à 
Chrestiennc  de  Lalaiug,  les  uns  voulant  honorer  la  courageuse  résistance 
qu'op|)osèrcnt  les  Tournaisiens  aux  soldats  callioli(|ues  de  Farnèse,  ont 
exagéré  le  rôle  de  la  princesse,  en  la  montrant  toujours  prête  à  la  lutte  et 
présente  à  tous  les  combats;  les  autres,  la  considérant  à  tort  comme  une 
calviniste  et  voyant  dans  cette  glorification  même  une  atteinte  à  leurs 
conviclions  religieuses,  ont  prétondu  qu'historiquement  elle  «  ne  méritait 
point  I  hommage  puhlic  qu'on  se  proposait  de  lui  décerner  (^)  ». 

Ici  comme  toujours,  la  vérité  se  trouve  dans  un  juste  milieu. 

Que  la  princesse  ait  combattu  à  la  tête  des  Serments,  des  calvinistes  tour- 
naisiens et  des  soldats  étrangers,  il  ne  peut  en  être  question.  C'est  là  une 
affumation  qui  ne  repose  sur  aucun  document  de  l'époque.  Mais  qu'elle  ait 
encouragé  par  sa  présence  sur  les  remparts  ou  dans  les  cantonnements,  les 
défenseurs  de  Tournai,  cela  ne  peut  être  révoqué  en  doute. 

Les  annalistes  catholiques  Strada  et  Bentivoglio  le  déclarent;  de  même  les 
écrivains  prolestants,  plus  sujets  à  caution,  sans  doute,  puisqu'ils  rangent  la 
princesse  parmi  leurs  héros  (-).  Il  y  a  plus,  notre  chroniqueur  Warny 
de  Wisempière,  vivant  à  Tournai  au  moment  du  siège,  y  exerçant  l'emploi 
de  sergent  bâtonnier  (^),  donc  bien  à  même  d'être  exactement  renseigné, 
ouire  cela,  catholique  dévoué  à  la  religion  et  au  prince  de  Parme,  atteste 
«  que  la  princesse  mil  elle-même  le  feu  à  un  canon  sur  les  remparts  C^)  ». 

Ces  témoignages  nous  semblent  décisifs. 


(1)  Voir  la  lettre  du  16  février  1861,  adressée  par  l'évêque  de  Tournai,  G.  Labis,  au 
Conseil  communal. 

(2)  Voir  entre  autres  Strada,  Guerre  de  Flandre.  Paris,  1662,  t.  Il,  p.  215  ;  Bentivoglio, 
Histoire  des  guerres  de  Flandre,  trad.  Loiseau.  Paris,  1770,  t.  tl,  pp.  391  et  393;  Emmanuel 
DE  Meteren,  L'Histoire  des  Pays-Bas.  La  Haye,  1618,  fol.  210  v»,  col.  2;  J.-F.  Le  Petit, 
Histoire  des  Pays-Bas.  Saint  Gervais,  1604,  t.  tl,  p.  24,  etc. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  24  décembre  1382. 
(♦)  Warny  ue  Wisempière,  op.  cit.,  p.  32. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  2S5 

D'ailleurs,  s'il  parail  peu  vraisemblable  que  Chreslienne  de  Lalaing  ail 
dirigé  aucune  allaque  —  Gaclinrd  a  déjà  fail  justice  de  la  blessure  préten- 
dùmenl  reçue  par  elle  duianl  le  siège  (')  — ,  on  peut  adirmer  qu'elle  élail 
déleruiince  à  ne  se  rendre  (pi'à  la  dernière  exlromilé.  Les  archives  du 
Chapiire  de  Nolre-Danie  nous  eu  fournissent  une  preuve  irréfutable. 

Le  15  octobre  1S81,  la  princesse  d'Espiiioy  perdit  son  fils  Malbias, 
né  l'année  précédente.  Le  mercredi  28,  l'archidiacre  Coltreau  alla  porter 
à  la  malheureuse  mère  les  condoléances  du  Chapitre  et  du  clergé  lour- 
naisien.  Il  recul  un  accueil  si  sympathique  qu'il  se  crut  permis  de  faire 
allusion  aux  malheurs  du  temps  et  d'engager  Chreslienne  de  Lalaing  à 
traiter  de  la  capitulation.  Il  n'alla  pas  loin  sur  ce  terrain,  car  brusquement 
interrompu  par  la  princesse,  il  reçut  d'elle  cette  fière  réponse  :  «  Tout  plutôt 
que  cela  (^)  » . 

C'était  là  une  attitude  courageuse,  et  nous  rendons  volontiers  hommage  à 
son  héroïsme,  sans  aller  toutefois  jusqu'à  voir  en  elle  une  nouvelle  Jeanne 
Hachette. 

S'il  est  quelqu'un  à  qui  notre  admiration  va  tout  entière,  c'est  au  lieute- 
nant du  gouverneur,  à  François  de  Divion. 

Dès  le  premier  jour  du  bombardement,  dès  le  12  octobre,  il  présida 
à  toutes  les  mesures  prises  en  vue  de  la  défense.  En  permanence  à  l'Hôtel 
de  ville,  se  contentant  de  maigres  repas,  y  passant  ses  nuits  et  ses  journées, 
quand  il  n'était  point  appelé  sur  les  remparts  par  les  nécessités  du  siège, 
veillant  à  tout,  préparant  tout,  il   fut  véritablement   l'organisateur  de   la 


(1)  On  a  prétendu  que  la  princesse  avait  été  blessée  au  bras  d'un  coup  de  feu  en  défen- 
dant les  remparts;  Gacharu,  dans  les  Bulletins  de  la  Commission  royale  d'histoire,  2'  série, 
t.  Il,  p.  238,  a  fait  justice  de  celte  assertion. 

(2)  Archives  du  Cliapitre  de  Notre-Dame,  Acta  capitularia.  Voici  la  partie  qui  nous 
intéresse  de  ce  document  :  «  Dominus  archiiliaconus  retulit  accessisse  dominam  princi- 
pissam  et  eam  consolasse  super  morte  filii  sui,  quod  accepit  in  bonam  partem...  ;  incipiebat 
illam  adhortari  ad  pacem  et  concordiam,  ipsa  interrumpens  sermonem,  dixit  se  potius 
qvevis  perpessuram.  »  —  Au  sujet  de  la  détermination  de  la  princesse  à  ne  se  rendre  qu'à 
la  dernière  extrémité,  voir  aussi  plus  haut,  page  242. 


234  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

résistance  et,  grâce  à  lui,  les  calvinistes  toiirnaisiens  purent  durant  deux  mois 
tenir  en  échec  Farnése  et  son  armée  ('). 

Pour  être  justes,  les  inspirateurs  du  mouvement  auraient  dû  associer  dans 
une  commune  reconnaissance  la  princesse  d'Espinoy  et  François  de  Divion. 
Si  l'une  fut  Pinspiratrice  de  la  défense  à  outrance,  l'autre  fut  le  bras, 
la  volonté  qui  organisa  tout  et  retarda  jusqu'à  l'extrême  limite  la  reddition 
de  la  place. 

On  a  aussi,  sur  la  foi  d'auteurs  dont  les  assertions  méritent  souvent  d'être 
contrôlées,  cherché  à  ternir  l'honneur  de  la  princesse. 

Après  Strada,  le  jésuite  Gaiiltran  et  l'historien  Poutrain  ont  accusé 
Chrestienne  de  Lalaing  d'avoir  emporté  dans  ses  bagages  «  les  argenteries 
de  la  cathédrale  et  des  autres  églises  de  Tournai  avec  ce  que  les  particuliers 
avaient  de  plus  précieux  ».  Ils  ajoutent  que,  sur  la  plainte  du  Chapitre  de 
Notre-Dame  et  du  Magistral,  Farnése  aurait  envoyé  de  la  cavalerie  arrêter 
les  bateaux  de  la  princesse  à  Warcoing,  sur  l'Escaut,  et  fait  rapporter 
à  Tournai  les  objets  précieux  dérobés  Ç^).  Pure  légende  ! 

Les  registres  des  Consaux  sont  muets  sur  ce  fait  ;  Warny  de  Wisempière 
n'en  souffle  mol  ;  le  chanoine  Cousin,  dans  sa  précieuse  Histoire  de 
Tournay  (^),  n'y  fait  pas  la  moindre  allusion.  Enfin,  aucun  document 
d'archives,  aucune  pièce  authentique,  que  nous  sachions,  ne  vient  prouver 
ce  manque  de  probité,  tandis  qu'il  en  existe  qui  infirment  les  dires  de 
Poutrain  et  autres. 

On  accuse  la  princesse  d'avoir  voulu  s'approprier  les  vaisselles  d'or  et 
d'argent  des  églises  et  bourgeois  de  Tournai  ! 


(<)  Voir  aux  Arcliives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  Siège  de  1581,  les 
nombreuses  preuves  du  rôle  important  joué  par  F.  de  Divion  durant  le  siège. 

(2)  Voici  ce  que  dit  Poutrain,  Histoire  de  la  ville  de  Tournai.  La  Haye,  Moetjens,  17S0, 
t.  l",  p.  3o2.  «  Comme  on  avoit  transporté  dans  le  Château  toute  l'argenterie  de  la  Cathé- 
drale et  des  autres  Eglises,  avec  ce  que  les  Particuliers  avoient  de  plus  précieux,  elle  avoit 
fait  emballer  dans  son  équipage,  et  chargea  le  tout  à  son  départ  sur  des  bateaux,  qui 
étoient  descendus  jusqu'à  Warcoin;  d'où  un  détachement  de  Cavailerie  courut  les  faire 
remonter  à  Tournai  par  ordre  du  Prince,  sur  les  plaintes  que  le  Chapitre  de  Notre-Dame 
et  le  Magistrat  lui  en  avaient  portées...  C'étoient  toutes  les  richesses  de  la  ville...  » 

(3)  Cousin,  Histoire  de  Tournay.  Douay,  1619,  2  vol.  in-4°  en  4  livres. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  255 

La  vaisselle  des  bourgeois!  Mais  le  15  octobre  1581,  une  ordonnance  du 
Magistrat  prescrivit  à  chacun  des  habitants  d'apporter  «  en  la  Halle  sans 
aucune  delîaulte  »,  tout  argent  non  monnayé  (|u'ils  avaient  en  leur  posses- 
sion pour  en  frapper  des  monnaies  obsidionales  (^);  le  23  novembre,  on  en 
frappa  de  nouvelles  de  la  même  façon  ('). 

Pouvait-on  le  30  novembre,  jour  du  dépari  de  la  princesse,  prendre  aux 
bourgeois  de  Tournai  ce  qu'ils  n'avaient  plus?  El  d'ailleurs,  où  furent 
transportées  ces  argenteries?  A  la  Halle  des  Consaux  et  non  au  Château, 
résidence  de  la  princesse;  chez  le  Magistrat  qui  en  prit  la  garde  et  non  chez 
la  Gouvernante  ! 

On  parle  aussi  des  argenteries  de  la  cathédrale  et  des  autres  églises.  Mais 
le  Chapitre,  durant  le  mois  de  mai  1381,  avait  caché  chez  des  particuliers 
les  objets  précieux  appartenant  à  la  cathédrale  (•^).  Quant  aux  richesses  des 
autres  églises,  elles  furent  ou  vendues  (')  ou  «  préservées  de  la  fureur  des 
hérétiques  »  par  la  belle-mère  de  Jean-Baptiste  Hoverlanl,  qui  les  mit  chez 
elle  à  l'abri  des  mains  indiscrètes  ('). 

Que  reste-t-il  donc  de  l'imputation  lancée  contre  la  princesse  d'Espinoy? 
Kien. 

Au  reste,  d'autres  preuves  viennent  encore  corroborer  notre  opinion. 


(1)  Warsy  de  Wisempière,  op.  cit.,  pp.  39-40. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  Carton  :  Pièces  comptables,  siège  de  1381. 

(3)  Archives  du  Chapitre  de  Notre-Dame.  .4fiu  capilularia  Séance  du  22  mai  1581.  — 
Cet  acte  a  été  publié  en  entier  dans  La  Princesse  d'Espinoy.  Tournai,  1861,  p.  17,  d'après 
les  registres  du  Chapitre. 

(i)  Archives  du  Chapitre  de  Notre-Dame.  Acta  capitularia.  Séance  du  26  mai  1581.  — 
Autorisation  donnée  par  le  Chapitre  de  vendre  les  argenteries  de  Saint-Piat,  excepté 
quelques-unes  {et  nonnulla  etiam  reservari). 

(3)  Lille.  Archives  du  Nord.  Catalog.  Il,  p.  413,  col.  i'^.  —  Reg.  B,  1677,  in-fol.  papier. 
—  Lettres  d'anoblissement  de  J.-B'"  d'Haverlande  (sic),  commis  au  fait  des  passeports  des 
marchandises  à  Tournay,  substitut  des  maîtres  généraux  des  monnaies  des  Pays-Bas, 
qui  après  la  pacirication  des  troubles  de  Tournay  est  rentré  dans  cette  ville  où  le  prince 
de  Parme  le  place  parmi  les  membres  du  Magistrat  {sic),  dont  la  mère  pendant  les  mêmes 
troubles  donna  asile  dans  sa  maison  aux  ecclésiastiques  persécutés,  cacha  les  ornements 
des  églises  et  les  préserva  de  la  fureur  des  hérétiques.  —  Voir  aussi  C'«  du  Chastel 
DE  LA  HowARDEBiE,  NoHces  génédogiques  tournaisiennes,  t.  II,  p.  307, 


236  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

Ainsi,  à  la  date  du  30  novembre  4  581,  Morillon,  qui  presque  quotidien- 
nement informait  Granvelle  de  ce  qui  se  passait  à  Tournai  et  dans  le  Tour- 
naisis,  écrivait  au  cardinal  :  «  la  garnison  doit  partir  ce  malin  avec  la 
princesse  d'Espinoy.  Dieu  veuille  qu'elle  n'emporte  les  reliquaires,  ornemenis, 
archives  et  livres  précieux  de  l'abbaye  de  Saint-Amand  (')  », 

Dans  les  lettres  subséquentes  de  celui  qui,  un  an  plus  tard,  fut  évê(|ue  de 
Tournai  (^),  on  ne  découvre  pas  la  plus  petite  allusion  ni  à  l'enlèvement  des 
reliquaires  de  Saint-Amand,  ni  au  détournement  des  objets  précieux  de  la 
cathédrale,  ni  à  la  saisie  des  bateaux  à  Warcoing. 

Les  registres  du  Chapitre  de  Notre-Dame  sont  tout  aussi  muets  relative- 
ment au  prétendu  vol  d'argenteries  (^). 

Or  si  ce  vol  avait  été  commis,  il  est  certain  que  Morillon  l'eût  relaté, 
que  les  chanoines  tournaisiens  n'auraient  pas  manqué  d'acter  une  protestation 
dans  leurs  registres  aux  procès-verbaux  et  de  s'enquérir  des  meilleurs 
moyens  de  récupérer  les  objets  dérobés. 

Il  n'y  a  donc  aucune  témérité  à  conclure  que  l'acte  malhonnête  si  souvent 
reproché  à  Chrestienne  de  Lalaing  est  une  invention  ;  c'est  une  légende 
issue,  d'après  nous,  du  fait  suivant. 

Le  5  décembre  1581,  Parnèse  envoya  à  Gand  deux  trom|)etles  réclamer 
les  clefs  des  caisses  et  des  coffres  laissés  par  le  prince  et  la  princesse 
d'Espinoy  au  Château  de  Tournai  (^).  Il  voulait  avant  d'autoriser  la  sortie  de 
ces  bagages  examiner  à  loisir  ce  qu'ils  renfermaient. 

Le  peuple,  toujours  enclin  à  exagérer,  y  vit  une  marque  de  défiance, 
grossit  démesurément  la  chose,  et,  Finterprélant  mal,  cria  au  vol. 

Cette  demande  de  Farnèse  n'était  cependant  que  très  naturelle  ;  elle  était 


(*)  CMirespondance  de  Granvelle,  édit.  Hiot,  t.  Vtll,  p.  449,  30  novembre  1581, 

(S)  Morillon  devient  êvêque  de  Tournai  en  lo82,  en  remplacement  de  Pintaflour,  mort 
au  mois  d'avril  1580. 

(3)  Nous  avons  dépouillé  les  registres  capitulaires  jusqu'à  la  fin  décembre  lo81,  et  il 
nous  a  été  impossible  d'y  découvrir  la  moindre  allusion  au  vol  d'argenteries  du  Chapitre 
et  des  églises  paroissiales  de  Tournai. 

(■*)  Tu.  Juste,  op.  cil.,  p.  43,  qui  cite  ce  fait  d'après  Vlaemsche  Kronycke. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  257 

la  conséquence  des  mesures  qu'avail  décrétées  l'Administration  communale 
du  temps. 

Pour  empêcher  que  les  nombreux  calvinistes  abandonnant  Tournai  ne 
fraudassent  le  fisc  municipal  en  se  soustrayant  au  droit  de  sortie,  au  droit 
d'escars,  comme  on  disait  alors,  proportionnel  à  la  valeur  des  meubles 
et  autres  objets,  les  magistrats  municipaux  avaient,  quelques  jours  après  la 
capilulalion,  charge  des  préposés  spéciaux  d'assister  à  tout  emballage  de 
meubles,  linge,  vaisselle,  etc.  La  princesse  d'Espinoy,  sortie  le  30  novembre, 
n'avait  pu  se  conformer  à  cette  formalité  ;  c'est  pourquoi,  quand  elle  voulut 
rentrer  en  possession  de  ses  biens  meubles  laissés  provisoirement  au  Château, 
elle  dut  subir  la  loi  commune,  la  visite  des  bagages;  d'où  la  réquisition  des 
clefs  des  coffres  laissés  à  Tournai  et  la  légende  du  vol. 


Tome  I.  —  Lettres,  etc.  53 


«258  TOURNAI  ET  LE  TOLRNAISIS  AU  XVI-  SIÈCLE 


CINQUIEME  PARTIE 


Situation    économique    et    sociale 


CHAPITRE  PREMIER. 

AVANT  L'AiXNEXION  DU  TOLRNAISIS  AUX  PAYS-BAS. 

Sommaire.  —  I.  Prospérité  du  Tournaisis  durant  les  XIV*  et  XV"  siècles.  —  II.  Commen- 
cement du  déclin  —  III.  Ses  causes.  —  IV.  Mesures  de  restauration.  —  V.  L'occupation 
anglaise. 

1.  Pendant  le  XIV"  siècle  et  jusqu'au  milieu  du  XV%  l'industrie  et  le 
commerce  tournaisiens  eurent  un  rayonnement  remar(|uable.  Une  grande 
intensité  de  vie  se  manifestait  dans  tous  les  domaines  de  l'activité  sociale  du 
Tournaisis.  En  dépit  des  charges  déjà  lourdes  qui  pesaient  sur  elle,  la  ville 
de  Tournai  était  en  pleine  prospérité,  ses  finances  étaient  riches,  ses  com- 
merçants hardis  et  entreprenants;  aussi  s'embellit-elle  alors  des  monuments 
qui  font  encore  aujourd'hui  son  orgueil  :  le  chœur  gothique  de  la  cathédrale, 
le  pont  des  trous  ('),  l'ancienne  halle  des  Consaux  dont  certains  dessins 
nous  ont  conservé  la  splendide  ordonnance  architecturale,  les  halles  des 
métiers,  etc.  Tournai  était  alors,  suivant  une  expression  pittoresque,  «  une 
ruche  en  plein  travail  (-)  ». 

La  haulelisse,  la  tapisserie  historiée,  la  draperie  se  trouvaient  dans  une 


(1)  On  construisit  les  arches  du  pont  des  trous  durant  les  années  1304-1340. 

(2)  E.  JoPKEN,  La  culture  de  la  vigne  à  Tournai  au  XV'  siècle,  p.  10. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  259 

siluation  des  plus  brillantes.  La  hautelisse  occupait  plus  de  cinq  cents 
niaiires,  la  tapisserie  d'art  en  comptait  plusieurs  centaines  et,  preuve  écla- 
tante de  sa  splendeur  ancienne,  tnètne  au  temps  de  sa  décadence,  au  milieu 
du  XVI*  siècle,  l'industrie  de  la  laine,  resiée  la  branche  principale  de  l'activité 
industrielle  de  Tournai,  fournissait  encore  plus  de  deux  mille  hommes  pour 
le  guet,  soit  près  de  la  moitié  du  contingent  total  levé  sur  la  classe  ouvrière  (^). 
Dans  la  campagne,  la  culture  de  la  garance  produisait  à  bon  compte  le  rouge 
nécessaire  à  la  teinture,  en  même  temps  que  celle  de  la  vigne  procurait  à 
d'autres  villageois  un  gain  rémunérateur. 

La  France,  les  Pays-Bas,  la  Bourgogne  étaient  alors  les  débouchés  ordi- 
naires de  Tournai,  véritable  entrepôt  commercial  du  Tournaisis.  Les  mar- 
chands lournaisiens  fréquentaient  assidûment  les  foires  d'Anvers  et  de 
Berg-op-Zoom  comme  celles  de  Paris  et  de  Lyon  ;  un  commerce  très  actif 
et  très  important  d'exportation  et  d'échanges  existait  entre  le  Tournaisis  et 
les  principaux  centres  manufacturiers  ou  |)roducleurs  de  ré|)oque,  Rouen, 
Abbeville,  Dijon,  Perpignan,  Gand,  Hiuges,  Douai  et  beaucoup  d'autres 
villes  (^). 

Le  Tournaisis  profitait  d'ailleurs  de  la  magnifique  efïlorescence  de  la 
Flandre. 

Quoique  le  Tournaisis  fût  politiquement  terre  française,  l'appartenance  au 
même  évêché  et  la  diversité  de  leurs  industries  devaient  faire  naître  entre  les 
deux  pays  de  multiples  occasions  de  négoce  et  de  nombreuses  relations 
d'alTaires,  de  même  que  les  nécessités  de  leur  commerce  et  leur  situation 
géographique  devaient  naturellement  provo(|uer  des  rapprochements  et  faire 
participer  les  Tournaisiens  à  celte  incomparable  richesse  qui  se  répandit  en 
Flandre  sous  les  ducs  de  Bourgogne. 

Le  Tournaisis  naît  à  la  vie  économique  quand  celle-ci  éclôt  en  Flandre  ; 


(1)  Publication  du  30  juin  1566. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  9  août  1519.  «  De  le  requeste 
Henry  Pipe,  Pierre  Bousin  et  autres  marchans  de  ceste  ville  hantans  les  fesles  tant  d'Anvers 
et  Berglics  que  de  Paris  et  de  Lion,  adfin  (ju'il  soit  ordonné  que  les  sayeteurs  de  celte  ville 
soient  tenus...  » 


260  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

Tournai  atteint  son  ajiogée  en  même  temps  que  la  Flandre  et  le  déclin  suit 
dans  les  deux  contrées  une  marche  parallèle. 

II.  En  Flandre,  dans  le  premier  quart  du  XV*  siècle,  la  draperie  perd  de 
son  importance;  dans  le  Tournaisis,  dès  14.23,  elle  cède  peu  à  peu  la  place 
aux  tisserands  de  toile  (*)  et,  d'autre  part,  en  1472,  les  hautelisseurs  ne 
craignent  pas  de  déclarer  «  que  enire  les  aullres  mestiers  et  industries  dont 
cesie  dicte  ville  estoit  principalement  soubstenue  »,  le  leur  «  y  estoit  gran- 
dement utile  et  pourfitable  comme  en  la  seulle  ville  en  laquelle  on  s'enlre- 
melloit  de  faire  et  composer  le  dist  meslier  (-)  » . 

Comme  en  Flandre,  la  décadence  de  la  draperie  tournaisienne  alarme  les 
magistrats;  de  part  et  d'autre,  ils  veulent  favoriser  Tinlroduction  de  nouvelles 
branches  d'activité,  et  Ton  voit  le  Magistrat  de  Tournai  proléger  par  toute 
espèce  de  mesures,  une  industrie  alors  naissante,  plus  tard  fameuse,  la 
tapisserie.  En  même  temps,  prenant  exemple  sur  les  villes  de  Mons,  Douay, 
Lille  et  surtout  Ârras,  il  favorise  l'établissement  dans  Tournai  de  la  sayel- 
lerie,  industrie  qui  avant  la  fin  du  XV«  siècle,  en  1484,  formait  avec  la 
hautelisse  la  principale  corporation  de  la  cité  (^). 

Malgré  tous  les  encouragements  qui  leur  furent  prodigués,  ces  industries 
nouvelles  entrèrent  rapidement  en  décadence,  à  tel  point  qu'à  partir  de  la 


(*)  Arctiives  communales  de  Tournai,  Fonds  des  métiers.  Tisserands  de  toile;  la 
première  ordonnance  de  ce  métier  porte  cette  date. 

("^)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  4232,  fol.  61  r". 

(3)  L'organisation  des  sayeteurs  en  corporation  spéciale  remonterait  en  1484,  d'après  le 
reg.  n°  4285,  fol.  1,  des  Archives  communales  de  Tournai.  Mais  en  lo09,  cette  industrie 
nouvelle  était  en  pleine  décadence,  car  le  21  mai  des  Tournaisiens  se  présentèrent  devant 
les  Consaux  et  leur  dirent  en  substance  ceci  :  «  Comme  ils  avaient  grand  désir  d'augmenter 
la  prospérité  de  Tournai  et  comme  on  avait  autrefois  désiré  implanter  l'industrie  de  la 
sayetterie,  à  l'exemple  d'Arras,  Lille,  Valenciennes,  Douay,  laquelle  avait  fabriqué  à 
Tournai  en  grande  abondance,  sayes  et  satins,  tandis  que  de  nos  jours  les  marchands 
devaient  se  rendre  à  l'étranger  pour  en  acheter,  parce  qu'on  en  fabriquait  presque  plus 
h  Tournai  »...  et  ils  continuent  en  demandant  au  moins  l'abolition  du  chef-d'œuvre  et 
l'obligation  pour  les  maîtres  de  prendre  des  apprentis.  »  Archives  communales  de  Tournai, 
reg.  n»  4232,  fol.  173-176. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  261 

seconde  moitié  du  XV'=  siècle,  le  déclin  commercial  et  industriel  du  Tour- 
naisis  s'affirma  par  les  faits  les  plus  significatifs. 

Dans  Pespoir  de  trouver  ailleurs  un  salaire  plus  rémunérateur,  ou  bien 
pour  s'exempter  des  charges  et  restrictions  corporatives  ou  échapper  aux 
corvées  du  guet,  de  nombreux  artisans  abandonnèrent  alors  leur  ville  pour 
la  campagne,  ou  leur  petite  province  pour  d'autres  plus  importantes. 

En  i4.86,  les  «  maistres  et  ouvriers  du  mestier  de  haulleliche  et  de  bour- 
gette  se  sont  elTorchiez  et  eflorchent  eulx  transporter  au  dehors  (')  »  ; 
en  \i9'2,  nombreux  sont  les  hautelisseurs  qui  «  se  sont  desdomicilyez  ei 
absentez  eulx  et  leurs  mesnages  et  allé  ouvrer  es  villaiges  voisins  (^)  »  ; 
d'autres  vont  jusqu'à  Amiens  implanter  la  hautelisse  ('^),  et  en  1499,  les 
drapiers  constatent  que  leur  corporation  est  si  amoindrie,  qu'elle  ne  parvient 
plus  à  fabriquer  au  maximum  que  deux  à  trois  mille  pièces  de  drap  par  an, 
tandis  qu'auparavant  elle  en  livrait  au  commerce  plus  de  huit  mille  (*). 

III.  Cette  décadence  de  l'industrie  tournaisienne  ne  nous  surprend  nulle- 
ment. Elle  procédait  de  causes  multiples  qui  la  rendaient  inévitable. 

D'abord  la  Flandre  subissait  la  même  crise.  Les  facteurs  d'ordre  général, 
comme  le  développement  de  l'industrie  drapière  en  Angleterre,  qui  avaient 
paralysé  l'activité  flamande  C),  avaient  eu  la  même  répercussion  sur  l'énergie 
et  la  résistance  de  la  classe  ouvrière  tournaisienne. 

A  cela  se  joignirent  d'autres  causes  locales. 

Durant  la  guerre  qui  sévissait  entre  la  France  et  la  Bourgogne,  le  Tour- 
naisis,  territoire  français,  ressentit  naturellement  le  contre-coup  de  celte 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  4232,  fol.  1  r". 

(2)  Idem,  reg.  n»  4233,  fol.  186,  16  janvier  1492. 

(3)  Eugène  Soil,  Les  tapisseries  de  Tournai,  p.  22. 

(*)  Arciiives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  4232,  fol.  114,  4  décembre  1499.  «  Veu 
les  remonstranches  à  nous  faictes  de  la  part  des  tisserans  et  foulons  de  draps,  affin  de 
résoudre  et  entretenir  le  stil  et  mestier  de  la  dite  drapperie  »,  constatant  que  «  la  dicte 
marchandise  a  esté  fort  reculée,  en  manière  que  à  présent  ne  s'en  font  et  composent  tout 
au  mieulx  en  ceste  dicte  ville  que  deux  à  trois  mil  [pièces]  au  lieu  de  sept  à  huit  mil  que 
anchiennement  se  faisoyent  et  composoyent...  » 

(8)  H.  PiRENNE,  Histoire  de  Belgique.  Bruxelles,  1903,  t.  Il,  pp.  386  et  seq. 


262  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

lutte,  car,  en  dépit  d'une  neutralité  politique  ('),  d'ailleurs  peu  respectée, 
accordée  contre  de  grosses  sommes  d'argent  |)ar  les  ducs  de  Bourgogne  aux 
Tournaisiens,  ceux-ci  subirent  dans  leurs  transactions  commerciales  avec 
l'Artois  et  la  Flandre  de  nombreux  et  graves  préjudices. 

Les  ducs  de  Bourgogne,  malgré  leurs  engagements,  traitèrent  les  Tour- 
naisiens en  ennemis.  Pour  les  punir  de  l'mébranlable  fidélité  qu'ils  témoi- 
gnaient à  la  France,  autant  que  dans  le  dessein  de  remédier  à  la  décadence 
économique  de  la  Flandre,  d'y  ranimer  la  draperie  et  d'empêcher  la 
concurrence,  ils  firent  arrêt  sur  les  marchandises,  saisirent  rentes  et  fiefs 
possédés  par  des  Tournaisiens  dans  leurs  provinces  et  interdirent  l'entrée 
dans  les  Pays-Bas  des  draps  fabriqués  à  Tournai,  comme  la  sortie  de 
la  Flandre  à  deslinatioii  du  Tournaisis,  des  laines  et  autres  matières  premières 
nécessaires  à  la  confeclion  de  ces  draps,  des  sayettes,  de  la  hautelisse,  etc. 
Les  Tournaisiens  eurent  beau  remontrer  au  duc  de  Bourgogne,  Philippe 
le  Beau,  «  que  les  estoffes  des  draps  qui  se  composoienl  en  Tournay  se  pren- 
droient  à  Bruges,  à  la  nation  d'Espagne  »,  ils  perdirent  le  marché  flamand, 
et  liireni  encore  privés  des  matières  premières  indispensables  à  la  fabrication 
des  étoffes  ('). 


(!)  On  sait  que  les  rois  de  France,  notamment  Louis  XI,  conseillèrent  aux  Tournaisiens 
d'essayer  d'obtenir  celte  neutralité  des  ducs  de  Bourgogne.  —  Voir  à  ce  sujet  :  Bibliothèque 
de  l'école  des  Chartes.  Pans,  Picard,  t.  LXII,  pp.  13-24. 

(2)  Arcliives  communales  de  Tournai,  Compte  général,  1'='  octobre  1497-31  mars  1498 
(n.  s.).  —  «  A  sire  Nicolas  de  Saint  Genoist,  chevalier,  seigneur  de  Clerieu,  mayeur  des 
eschevins  de  la  dicte  ville,  Jehan  Cambier,  grant  doyen  des  mestiers  de  ceste  dicte  ville  et 
maistrc  Adrien  Liébart,  second  conseiller  d'icelle  pour  avoir  esté  au  commandement  de 
messieurs  les  chiefs  de  ladicle  ville  en  la  ville  de  Brouxelles  vers  monseigneur  l'archiduc 
d'Auslrice  et  son  grand  conseil,  à  cause  de  certains  status  et  ordonnances  que  ledit  archiduc 
avoit  fait  publyer  en  ses  pays  et  seignouries  au  détriment  de  la  drapperie  de  ceste  dicte  ville 
et  au  grand  préjudice  d'icelle.  Cest  assavoir  que  nulz,  de  quelque  estât  ou  condition  quilz 
fussent,  ne  peult  estre  vestus,  ne  habilliez,  ne  porter  en  ses  pays,  ne  faire  robes  longhes, 
courtes  ou  manteauix  daultres  draps  de  laynes  que  ceuix  qui  seroient  fais  et  composés  en 
ses  pays  et  seignouries  et  ad  ce  propos,  lui  fait  pluisieurs  remonstrances  entre  aultres 
l'amiable  communication  que  ceulx  de  ceste  dicte  ville  avoient  tousjours  heu  en  sesdis 
pays  tant  du  tauips  de  ses  progéniteures  que  depuis  jusques  ladicte  publication,  aussy 
comment  les  estoffes  des  draps  qui  se  composoient  en  ceste  dicte  ville  se  prendoient  en 
sa  ville  de  Bruges  à  la  nation  Despaine  et  plusieurs  aultres  raisons  et  moyens  ad  ce 
servans.  » 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  2(i3 

Ajoutez  à  cela  que  rantagonisme  politi(|ue  entre  Taristocralie  lourriai- 
sienne,  partisan  de  la  Bourgogne,  et  le  peuple,  soutien  fidèle  de  la  France, 
allumait  la  guerre  entre  marchands  et  producteurs,  détournait  l'artisan  de 
sou  travail  quotidien  et  poussait  la  démocratie  tournaisienne  vers  la  déma- 
gogie, qui  rarement  accrut  la  prospérité  économique  d'un  Etat. 

Dès  les  premières  années  du  XVI«  siècle,  la  brigue  régnait  en  maîtresse 
dans  Tournai  et  il  s'y  rencontrait  des  magistrats  arrivés  par  la  corruption 
aux  plus  hautes  fondions  municipales,  livrant  sans  vergogne  les  finances 
publiques  au  pillage  le  plus  éhonté.  Ainsi  le  grand  prévôt,  Nicolas  de  Saiiit- 
Genoix,  le  second  prévôt,  Nicolas  Desfarvaques,  qui  avaient  eu  l'art  de  se 
faire  réélire  plusieurs  années  durani  par  la  faction  populaire,  volent  à  pleines 
mains  dans  la  caisse  municipale,  se  servent  des  deniers  publics  pour  se  payer 
des  villas  à  la  campagne  ou  des  propriétés  en  ville,  pour  donner  des  dots  à 
leurs  enfants;  ils  se  livrent  à  des  dépenses  exagérées  dont  la  ville  su|)porte 
les  frais  et  ils  dilapident  en  trois  années,  une  somme  estimée  à  24,000  florins, 
soit  près  de  700,000  francs  de  notre  monnaie  (*). 

El  dérision  cruelle,  alors  que  les  impôts  grevaient  déjà  lourdement 
l'industrie  et  le  commerce,  ces  magistrats  prévaricateurs,  à  court  d'argent, 
ne  craignent  pas  d'établir  de  nouveaux  droits  prohibitifs  sur  les  produits 
manufacturés  qui  sortaient  de  Tournai  comme  sur  les  matières  premières 
nécessaires  à  l'industrie,  auxquelles  une  paix  momentanée  avec  la  Bourgogne 
avait  rouvert  les  frontières  de  la  contrée. 

Ils  firent  imposer  les  laines,  les  soies,  les  fils  qui  s'importaient  dans 
Tournai,  comme  les  tapisseries  et  les  draps  qui  s'en  exportaient  ou  qui  se 
vendaient  à  l'intérieur  de  la  ville. 

Ils  augmentèrent  les  dettes  de  Tournai,  en  faisant  des  emprunts  onéreux 
sous  forme  de  ventes  de  rentes  héritières  et  viagères,  effrayèrent  les  rentiers 


(I)  Arctiives  communales  de  Tournai,  Registre  de  ia  I.oi,  n°  14o.  Condamnations  au 
bannissement  sans  rappel.  —  D'après  n'AvENEL,  Histoire  économique  de  la  propriété,  îles 
salaires,  etc.  Paris,  1894,  t.  I,  p.  47,  le  florin  valait  1  V4  'ivre  tournois  ;  donc  24,000  florins 
nous  donnent  30,000  livres  tournois,  ce  qui  permet,  en  estimant  au  commencement  du 
XVI»  siècle,  la  livre  tournois  à  23.20  de  nos  francs,  de  dire  qu'une  somme  de  696,000  francs 
fut  dérobée  de  la  caisse  communale  par  les  deux  prévôts. 


264  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

de  la  ville,  en  les  obligeant  à  payer  au  profit  des  finances  obérées  un  impôt 
calculé  sur  la  totalité  de  leurs  revenus;  bref,  ils  jetèrent  par  toutes  ces 
mesures  inconsidérées  et  maladroites  le  trouble  et  la  perturbation  dans  la 
situation  économi(|ue  de  Tournai,  déjà  si  précaire  et,  par  contre-coup,  dans 
celle  du  Tournaisis  ('). 

Par  une  conséquence  naturelle,  le  commerce  éprouva  les  effets  de  ce 
malaise.  L'adjudication  des  censés  se  fit  à  petits  deniers  ou  ne  se  fit  plus  du 
tout,  Pappauvrissement  général  devint  si  grand  que  Tournai  dut  pour  la 
première  fois  faire  des  distributions  de  blé  gratuites  ou  à  bas  prix  (^). 

Des  lors,  les  comptes  communaux  se  soldèrent  régulièrement  en  déficit  et 
à  l'expiration  du  premier  compte  semestriel  du  XVI*'  siècle,  le  receveur 
municipal  fut  contraint  d'avouer  qu'il  man(|uait  dans  sa  caisse  une  somme 
de  72,383  livres  tournois  «  qu'il  avait  plus  payée  que  reçue  Q  »,  soit  un 
déficit  de  près  de  4,700,000  francs  ('). 

On  marcbail  à  la  faillite! 

IV.  Le  roi  de  France,  Louis  XII,  s'émut  de  la  situation  pénible  dans 
laquelle  se  mourait  «  sa  bonne  ville  de  Tournai  »,  et  s'ingénia  à  y 
remédier. 

Pour  exonérer  les  Tournaisiens  de  la  perte  que  leur  occasionnait  le 
change,  il  leur  permit  de  se  servir  dans  les  transactions  commerciales  avec 
les  sujets  du  duc  de  Bourgogne  des  monnaies  de  Flandre,  d'Artois,  de 
Hainaut  ou  de  Brabant  (*);  en  même  temps,  pour  empêcher  autant  que 
possible  toute  nouvelle  concussion,  il  interdit  que  les  chefs  de  la  magistrature 
municipale  pussent  être  en  fonctions  plus  d'une  année  sur  trois  (^). 


'j  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  12o().  —  Archives  communales  de  Tournai, 
Chartrier;  charte  du  21  mai  1S02. 

^2j  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n»  12S6. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  général  d'octobre  loOl-mars  1502  (n.  s.). 

(*)  Exactement,  la  livre  valant  fr.  23.20,  ce  déticit  s  élevait  à  1,686,570  francs.  C'était  le 
paiement  arriéré  des  rentes  sur  la  ville  qui  formait  le  déficit,  c'est-à-dire  que  Tournai  ne 
savait  pas  payer  ses  dettes. 

(5)  Archives  communales  de  Tournai,  Chartrier  ;  charte  du  2  septembre  1501. 

(6)  Archives  commimales  de  Tournai,  Chartrier;  charte  d'octobre  1304  donnée  à  Bois- 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  26S 

Ces  mesures  bonnes  en  soi  n'étaient  guère  capables  de  réveiller  la  vie 
économique  dans  le  Tournaisis. 

Aussi  la  Magistrature  issue  de  nouvelles  élections  ('),  s'atlaqua-l-elle,  dès 
son  entrée  en  charge,  au  mal  qui  rongeait  Tournai.  C'était  d'autant  plus 
urgent  que  parmi  les  travailleurs  qui  avaient  fait  l'ancienne  prospérité  de  la 
ville,  les  uns,  poussés  par  la  misère,  continuaient  l'exode  commencé  durant 
les  dernières  années  du  siècle  précédent  et  allaient  «  quérir  leur  advcnlure 
en  autres  lieux  pour  trouver  leur  povre  vie  »,  tandis  que  ceux  qui  restaient, 
étaient  «  grandment  adminris  et  apovris  (^)  » . 

L'Administration  urbaine  s'adressa  au  roi. 

Elle  sollicita  de  Louis  XII  de  «  quiter  el  ausmoner  la  ville  pour  aucunes 
années  les  six  mil  francs  qui  par  icelle  ville  luy  soni  deuz  annuelle- 
ment (^)  ».  Elle  n'obtint  naliirellemenl  point  gain  de  cause  de  ce  côté-là.  Il 
fallut  trouver  autre  chose.  Elle  envoya  alors  à  Blois,  près  du  roi,  le  juré 
Claude  Dimenche  (*)  pour  demander  l'autorisation  de  vendre  le  bois  de 
Nemours  ('),  propriété  de  la  ville,  l'exemption  pour  tout  le  Tournaisis 
de  fournir  le  ban  el  l'arrière-ban  et,  conversion  fructueuse  si  elle  était 


Malestierbes.  —  Les  cliefs  de  la  Magistrature  municipale  de  Tournai  étaient  le  prévôt  de  la 
commune,  le  mayeur  des  échevins  de  Tournai,  le  mayeur  des  eswardeurs  et  le  grand 
doyen  des  métiers.  Une  de  leurs  attributions  consistait  en  la  vérification  des  comptes  com- 
munaux. 

(*)  Si  l'on  en  croit  le  compte  communal  du  1'='^  avril-30  septembre  1503,  cette  élection 
avait  fait  arriver  aux  fonctions  municipales  des  Tournaisiens  si  prt)bes  «  que  passé 
vingt  ans  ont  ne  avoit  veu  sy  notables  gens  en  la  loy  et  le  gouvernement  d'icclle  ». 

("^)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  des  Bannières,  n"  335.  Assemblée  du 
27  juin  1S03. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  général,  1"  avril-30  septembre  1S03. 
Dépenses  extraordinaires. 

(*)  Claude  Dimenche  dit  le  Lombard,  seigneur  de  Froyennes,  etc.,  fils  d'Arnould  et 
de  Claude  Bouchard,  épousa  Antoinette  de  Landas,  morte  en  1334;  il  mourut  avant  le 
2  juin  1539,  date  de  l'approbation  de  son  testament.  (C"=  du  Chastel,  Notices  généalogiques 
tournaisieiines,  t.  I,  p.  652.) 

(Sj  Partie  du  Bois  de  Breuze  dont  la  ville  de  Tournai  était  devenue  propriétaire  par 
l'acquisition  du  territoire  des  Chaufours  (paroisse  Saint-Jean)  en  1289.  (Voir  à  ce  sujet  : 
Arm.  d'Hkbbomez,  Comment  la  commune  de  Tournai  s'agrandit  aux  dé/jens  du  comté  de 
Hainaut  à  la  (in  du  Xllt  siècle.  Mons,  1892.) 

Tome  I.  —  Lettres,  etc.  34 


2«i(î  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

accordée,  la  vente  de  17,000  livres  de  rentes  héritières  à  consacrer  au 
rachat  de  rentes  viagères  dont  le  taux  d'intérêt  payé  par  la  ville  était 
exagéré  (^). 

Le  roi  accorda  tout  ('"). 

Mais  en  même  temps,  dans  leur  sincère  désir  de  remettre  les  finances  en 
étal  et  de  supprimer  les  charges  de  toute  nature  qui  paralysaient  le  commerce 
et  entravaient  riudustrie,  les  magistrats  réduisirent  le  jeton  de  présence  à  la 
Halle  de  Pédilité  municipale,  diminuèrent  les  traitements  des  fonctionnaires 
de  tout  rang,  conseillers,  procureurs,  greffiers,  etc.,  jusqu'au  «  ramonneur 
du  marchié  »,  qui  vit  son  salaire  annuel  réduit  de  22  à  12  livres  tour- 
nois, évitèrent  les  occasions  si  fréquentes  alors  de  hanquetcr  aux  frais  de 
la  commune,  aholirent  les  présents  de  vin  faits  annuellement  aux  serments 
et  à  certaines  congrégations  religieuses,  comme  les  Augustins,  les  Frères- 
mineurs,  les  Croisiers,  etc.,  décidèrent  touchant  les  fonctionnaires  que  la  ville 
entretenait  près  du  Parlement  de  Paris,  de  ne  plus  remplacer  ceux  qui  mou- 
raient de  façon  à  ne  plus  conserver  qu'un  solliciteur,  un  procureur  et  deux 
conseillers  pour  défendre  près  de  celte  haute  Cour  de  justice  les  intérêts 
tournaisiens,  prirent  enfin  d'autres  mesures  encore  qu'il  serait  trop  long 
d'énumérer  ici  Ç^). 

Cela  fil  naturellement  crier  ceux  qui  jouissaient  de  certaines  exemptions, 
comme  les  prêtres  et  les  nobles.  La  conversion  des  rentes  fut  surtout  mal  vue 
et  fit  naître  des  procès.  Le  Chapitre  de  Notre-Dame  et  les  grandes  abbayes 
cherchèrent  des  chicanes;  la  ville,  soutenue  par  le  roi,  porta  l'affaire  devant 
le  Parlement  de  Paris,  obtint  gain  de  cause  et  put  commencer  à  acquitter  ses 
dettes,  à  tel  point  qu'en  1305,  elle  paya  15,000  livres  d'arrérages,  tout  en 
clôturant  son  compte  annuel  par  un  boni. 

V.  Tournai  et  avec  lui  le  Tournaisis  étaient  entrain  de  se  refaire  douce- 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Compte  général,  1"  octobre  1503-30  avril  1S04. 
Dépenses  extraordinaires. 

(■-)  Voir  le  compte  renseigné  note  1,  même  chapitre  et  Archives  communales  de  Tournai, 
Chartricr,  deux  chartes  de  Louis  XII,  en  date  du  ii  avril  1504. 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  reg.  n"  176,  fol.  S61  et  seq. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  267 

ment,  les  plaintes  des  artisans  sont  moins  vives,  les  exodes  semblent  s'élre 
momenlanément  arrêtés  el  les  Tournaisiens  pouvaient  espérer  voir  relleurir 
sinon  la  splendeur  des  années  antérieures,  au  moins  une  |)rospérité  rela- 
tive, quand  éclata  la  guerre  de  la  France  avec  Maximillen  d'Autriche  et 
Henri  VIII. 

Le  Tournaisis  ressentit  immédiatement  les  effets  funestes  de  cette  nouvelle 
luHe.  L'invasion  ruina  les  campagnes  et  le  siège,  ses  pénibles  conséquences, 
la  contribution  extraordinaire  de  5,000  écus  d'or  une  lois  donnés,  l'impôt 
décennal  de  i,000  écus  d'or,  la  réfection  des  remparts  endommagés,  le 
paiement  par  la  ville  durant  six  mois  de  cent  ouvriers  occupés  à  la  construc- 
tion de  la  vaste  citadelle  du  Château,  annihilèrent  les  effets  des  mesures 
antérieurement  prises  et  provoquèrent  à  nouveau  le  départ  des  habitants  ('). 

Pour  comble  de  malheur,  en  juillet  1514,  une  peste  vint  frapper  à  coups 
redoublés  dans  la  population,  y  jeter  la  frayeur,  suspendre  tout  commerce 
el  toute  industrie,  el  favoriser  encore  vers  les  villes  non  contaminées  ce 
désastreux  mouvement  d'émigration  qui  appauvrissait  le  Tournaisis  toul 
entier. 

Henri  Vil!  comme  antérieurement  le  roi  de  France,  s'émut  de  celte 
situation.  Pour  entraver,  selon  sa  propre  expression,  «  la  ruine  totale  du 
peuple  qui  vil  en  grande  majorité  du  travail  de  la  laine  »,  il  autorisa  les 
Tournaisiens  à  commercer  librement  en  Angleterre  et  permit  l'entrée  des 
laines  anglaises  en  franchise  dans  le  Tournaisis. 


(<)  L'exode  volontaire  des  habitants  prit  de  telles  proportions,  que  Henri  Vlll  crut 
prudent  d'intervenir  et  recommanda  aux  Consaux  d'user  de  leur  influence  pour  faire  revenir 
à  Tournai  ceux  qui  avaient  abandonné  la  ville  et  [jour  engager  ceux  qu'ils  trouvent  prêts  à 
la  quitter,  à  y  demeurer  et  h  s'occuper  de  leur  métier.  Pour  obvier  à  ce  dépeuplement 
malencontreux,  les  Consaux  reprennent  le  droit  d'escarsaige  à  celui  à  qui  ils  l'avaient 
atl'ermé,  espérant  parvenir  par  une  application  plus  rigoureuse  des  mesures  concernant  la 
sortie  des  habitants,  à  enrayer  dans  une  certaine  mesure  celte  fuite  voulue  des  Tournai- 
siens ;  en  outre,  pour  faire  rentrer  de  France  les  Tournaisiens  qui  s'y  étaient  retirés,  ils  se 
l'ont  octroyer  par  Henri  Vlll,  le  19  mars  1514,  une  charte  libérant  la  ville  de  Tournai  du 
paiement  des  rentes  et  des  pensions  dues  à  des  Tournaisiens  qui  étaient  allés  habiter  les 
pays  hostiles  ù  l'Angleterre,  et  le  12  mai  suivant,  ils  obtiennent  de  Maximilien  d'Autriche 
l'autorisation  de  ne  plus  acquitter  les  arrérages  et  les  rentes  dont  ils  étaient  redevables 
envers  des  Tournaisiens  émigrés  dans  les  Pays-Bas. 


268  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XV1«  SIÈCLE 

Mais  l'industrie  manquait  de  bras  et  surtout  de  ressources;  de  plus,  le 
commerce  avec  la  France  était  suspendu  ou  nul,  non  pas  à  cause  de  Toccu- 
pation  anglaise,  mais  par  défaut  de  sécurité.  Les  Tournaisiens  réfugiés 
à  l'étranger  et  auxquels,  en  vertu  des  chartes  octroyées  par  Henri  VllI,  on 
ne  payait  plus  les  renies  arriérées,  faisaient  arrêt  sur  les  marchandises  de 
leurs  concitoyens  pour  se  dédommager  (').  Bientôt  Tournai  en  arriva  à 
ne  plus  savoir  payer  au  Trésor  royal  l'aide  décennale  extraordinaire  de 
4,000  couronnes  d'or,  à  laquelle  l'avait  obligé  le  traité  de  capitulation 
du  23  septembre  1513. 

Voilà  où  en  étaient  déjà  Tournai  et  le  Tournaisis  quand  François  I"' 
recouvra  sa  loyale  province. 

Au  point  de  vue  économique,  le  retour  du  Tournaisis  à  la  France  ne 
pouvait  rien  changer,  bien  au  contraire. 

Les  transactions  commerciales  avec  les  Pays-Bas,  qui  s'étaient  un  instant 
améliorées  quand  les  Anglais  occupaient  Tournai,  se  compliquèrent  de 
nouveau  et  la  ville  continua  à  se  débattre  dans  une  situation  inextri- 
cable C)' 


(1)  A  Abbeville,  à  Amiens,  des  draps  appartenant  à  un  marchand  de  Tournai,  Nicolas 
Meurisse,  sont  capturés,  saisis  et  vendus  au  profit  de  Jean  Coulombe,  à  qui  les  Tournaisiens 
doivent  des  rentes.  A  Lyon  et  dans  les  Pays-Bas  même,  à  Lille,  en  dépit  des  chartes,  des 
procédés  semblables  sont  employés. 

(2)  Ce  qui  le  prouve  péremptoirement,  ce  sont  toutes  les  mesures  prises  par  François  I" 
et  les  magistrats  de  Tournai  pour  remédier  à  cette  situation.  Le  \"  mai  lol9,  François  l" 
décharge  la  ville  de  Tournai  du  payement  des  arrérages  des  rentes  dues  à  des  Français 
depuis  la  prise  de  la  ville  par  Henri  VIII  jusqu'à  sa  restitution  au  roi  de  France  (voir 
Ordonnances,  t.  I,  p.  678);  le  9  mai  1S20,  dans  le  but  de  favoriser  le  commerce  tournaisien, 
il  défendit  aux  habitants  de  Tournai  d'acheter  des  rentes  sur  les  villes  voisines  (voir  Ordon- 
nances, t.  II,  p.  5):  le  17  avril  lo20,  il  interdit  dans  le  même  but  aux  Tournaisiens  et  à  ses 
autres  sujets  de  vendre  aux  étrangers  les  rentes  qu'ils  ont  sur  Tournai  et  de  saisir  les  mar- 
chandises que  les  Tournaisiens  envoient  en  France  (voir  Archives  communales  de  Tournai, 
Original  sur  parchemin,  scellé  en  cire  jaune,  s.  q.  (type  de  majesté!;  le  27  janvier  1520, 
la  majorité  des  bannières  est  d'avis  «  de  requérir  au  Iloy  qu'il  lui  plaise  faire  le  prest 
à  ceste  dicte  ville  de  cent  mille  escus  d'or  »  et  de  choisir  un  contrôleur  spécial  pour  les 
finances  (Consaux,  séance  du  27  janvier  1319;  voir  aussi  séance  des  Consaux  du  20  jan- 
vier 1521). 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  269 


CHAPITRE  II. 

APRÈS  L'ANNEXION  DU  TOURNAISIS  AUX  l'AYS-BAS. 

Sommaire.  —  I.  L'annexion  devient  une  nouvelle  cause  de  décadence;  les  aides;  la 
garnison.  —  II.  Mesures  prises  pour  remédier  5  la  décadence  économique;  séculari- 
sation de  la  bienfaisance.  —  III.  Organisation  de  l'enseignement  primaire  communal.  — 
IV.  Amélioration  de  l'hygiène  publique.  —  V.  Secours  pécuniaires.  —  VI.  Les  luttes 
religieuses  empêchent  ces  mesures  de  porter  leurs  fruits. 

I.  Après  que  Charles-Quinl  se  fut  emparé  de  Tournai,  les  choses  n'en 
allèrent  pas  mieux. 

L'annexion  du  Tournaisis  aux  États  des  ducs  de  Bourgogne  eût  certes  été 
une  excellenle  chose  à  la  fin  du  XIV''  siècle,  au  moment  de  la  splendeur 
économit|ue  de  la  Flandre;  mais  au  XVl"  siècle,  elle  ne  pouvait  plus  qu'être 
nuisible  aux  intérêts  généraux  des  Tournaisiens. 

La  Flandre,  alors  elle-même  en  pleine  décadence,  était  incapable  de 
régénérer  la  vitalité  industrielle  de  Tournai  el  ne  pouvait  que  l'entraîner 
dans  son  sombre  sillage. 

D'autre  part,  si  l'annexion  fil  tomber  les  barrières  commerciales  que 
l'hoslililé  ou  la  politique  protectionniste  des  ducs  de  Bourgogne  avaient 
dressées  contre  la  concurrence  de  Tournai,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue 
qu'elle  fut  aussi  la  cause  de  nouvelles  dépenses  qui  accélérèrent  la  ruine 
commencée. 

Le  Tournaisis  entrait  dans  les  Pays-Bas  au  moment  où  on  exigeait  du 
peuple  des  sommes  exorbiianles,  au  moment  où  Erasme  s'écriail  :  «  On 
réclame  du  peuple  des  sommes  énormes  el  la  demande  a  été  agréée  par  les 
grands  et  par  les  prélats,  c'est-à-dire  par  ceux  qui  seuls  ne  doivent  rien 
donner  »,  ou  bien  encore  «  les  exactions  accablantes  au  delà  de  toute 
mesure  sont  devenues  communes  à  tous  el  nous  les  supportons  d'autant  plus 
impatiemment  que  l'argent  qu'elles  produisent  est  porté  en  Allemagne  et  en 
Espagne  (')  ». 


(i)  Cité  par  Kervvn  de  Lettenhove,  La  Flandre  pendant  les  trois  derniers  siècles,  p.  39. 


270  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

Le  Toiirnaisis,  comme  les  autres  provinces  des  Pays-Bas,  inlervinl  propor- 
tionnellement à  sa  population  ('),  tandis  que  sous  le  régime  français,  il 
n'avait  été  astreint  qu'à  une  aide  ordinaire  annuelle  de  douze  mille  livres 
tournois,  dont  Tournai  payait  la  moitié  (-). 

Outre  ce  surcroit  de  dépenses,  il  y  eut  une  autre  circonstance  qui  ne  fut 
pas  moins  préjudiciable  à  la  prospérité  générale  du  Tournaisis  :  nous  voulons 
parler  de  la  présence  permanente  d'une  garnison  étrangère  dans  Tournai. 

Sous  le  régime  français.  Tournai  et  le  Tournaisis  ne  connurent  point 
cette  néfaste  sujétion.  La  France  n'y  mettait  des  soldats  que  passagèrement; 
encore  fallait-il  que  la  nécessité  l'y  contraignît.  On  a  même  vu  que  depuis 
1478,  les  Tournaisiens  ne  pouvaient  plus  recevoir  dans  leurs  murs  une 
garnison  française. 

Mais  la  réunion  du  Tournaisis  aux  Pays-Bas  modifia  la  situation. 

Dès  le  principe,  on  exigea  simplement  des  «  cannoniers  pour  aller  au 


{<)  Pour  donner  un  aperçu  des  ctiarges  exagérées  qui  pesèrent  sur  le  Tournaisis  dès  son 
accession  aux  Pays-Bas,  nous  donnons  ci-après  les  sommes  payées  à  titre  d'aides  extra- 
ordinaires par  la  ville  de  Tournai  seulement,  pendant  une  période  novennale,  que  nous 
avons  choisie  sans  préoccupation  «  d'argument  pour  la  thèse  ». 

En  15S1,  Tournai  paya  o,000  livres  flandres. 


sans  préjudice  d'une  autre  de  60,000  livres 
à  répartir  entre  Tournai  et  le  Tournaisis, 
soit  30,000  livres  pour  Tournai. 


—  soit  en  tout  150,500  livres  flandres  et,  en 

donnant  à  la  livre  une  valeur  de  9.33  de  nos  francs,  une  somme  approximative  d'un  million 
cinq  cent  soixante  mille  francs  versée  au  Trésor  public  par  Tournai,  indépendamment  de 
l'aide  ordinaire  annuelle  de  0,000  livres  tournois.  (Voir  pour  la  valeur  de  la  livre  flamande, 
D'AvENEL,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  47  et  481.) 

(2)  Il  importe  de  considérer  en  effet  que  depuis  le  traité  de  1478,  le  Tournaisis  avait 
obtenu  la  suppression  du  paiement  d'un  tribut  annuel  à  la  Bourgogne  en  même  temps  que 
la  neutralité  commerciale  avec  les  Pays-Bas,  à  condition  que  Tournai  ne  reçût  plus  doré- 
navant de  garnison  française. 


1552 

—    7,500 

1553 

—    15,000 

1554 

—    25,000 

1555 

—    10,000 

1556 

—    12,000 

1558 

—    49,000 

1559 

—    6,000 

AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  271 

service  de  l'Empereur,  aians  les  parures  de  la  ville  (')  » ,  alors  que  la  France 
avait  depuis  longiemps  renoncé  à  ce  droit  que  lui  conCéraienl  les  chartes 
constitutionnelles  de  Tournai.  Ensuite,  ce  fut  des  compagnies  espagnoles  et 
italiennes  que  le  Gouvernement  cantonna  dans  le  Tournaisis  et  particulière- 
à  Tournai  (-). 

Il  fallut  nourrir  et  héberger  ces  hôtes,  et  le  peuple,  dont  Texistence  était 
déjà  si  pénible,  dut  pourvoir  à  Penlretien  de  cette  soldatesque  étrangère.  On 
leva  de  nouveaux  impôts.  Pour  «  fournir  aux  charges  »  et  surtout  «  pour 
sublever  les  bourgeois  et  manaus  des  mises  qu'il  conviendront  de  supporter 
en  particulier  »,  Tournai  se  vit  un  jour  forcé  de  vendre  ses  joyaux  (^), 

Et  comment  ces  soldats  Iraitaienl-ils  les  habitants?  «  Les  povres  sul)jeclz 
disent  ouvertement,  écrit  à  Philippe  11  le  duc  de  Savoie,  que  au  lieu  d'estre 
defîenduz  et  protectez,  ils  sont  si  mal  traictez  qu'ilz  ne  scauraient  estre  pis, 
s'ils  fussent  à  l'ennemy  (  *)  » . 

Cette  situation  générale  pour  le  pays,  se  rencontrait  surtout  dans  le 
Tournaisis,  Il  ne  se  passait  pas  de  jour  sans  que  des  rixes  n'éclatassent  entre 
les  soldats  et  la  population,  sans  qu'un  habitant  ne  fût  ou  maltraité  ou 
tué  f  ). 

Méprisant  le  bourgeois,  Espagnols  ou  Italiens  exigeaient  de  lui,  la  menace 
aux  lèvres,  tout  ce  qu'ils  désiraient  et  se  considéraient  plus  de  la  njaison 
que  riiabilanl  lui-même.  Toutes  les  pièces  de  l'immeuble,  ils  les  voulaient  à 
leur  disposition  (^),  à  tel  point  que  si  on  n'y  avait  pris  garde,  le  Tournaisien 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  l*^"^  septembre  1523. 

(2)  On  sait  que  le  soldat  était  ordinairement  accompagné  d'une  femme  et  d'un  serviteur. 
(Voir  Arctiives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  garnison,  1S77.) 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  du  journal  des  prévôts  et  jurés,  24  sep- 
tembre 1570. 

(*)  Bulletins  (le  la  Commission  royale  d'histoire  de  Belgique,  2"  série,  t.  VIII,  p.  120. 

(S)  Bulletins  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  IV,  pp.  12  et  seq,  et  t.  XIV,  pp.  71 
et  seq. 

(fi)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  .3  février  1569  (a.  s.). 
«  Consaulx  rassamblez  le  vendredi  iij^  jour  de  febvrier  xv«  Ixix  pour  délibérer  et  résouldre 
comment  les  bourgeoys  et  manans  de  la  ville  se  debvroit  régler  vers  et  avecq  leurs  soldatz 
pour  leur  chauffer  et  cuire  leur  manger,  par  ce  que  pluisieurs  soldatz  s'advanchent  de 


272  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVP  SIÈCLE 

n'aurait  pu  user  de  sa  propre  demeure  qu'au  gré  du  soudard  qu'il  héber- 
geait. Ces  exigences  «  étaient  devenues  une  charge  tellement  insupportable 
aux  manans  »  que  la  nécessiié  d'un  accord  entre  l'autorité  civile  et  les 
capitaines  des  compagnies  s'imposa. 

H  fut  décidé  que  chaque  soldat  ne  pourrai!  plus  dorénavant  disposer  «  que 
d'une  chambre  et  d'un  licl,  d'une  nappe  et  deux  serviettes  blanches  par 
sepmaine;  d'une  paire  de  linchœulx  (draps)  blans  chaque  quinze  jours, 
comme  des  plats,  pots,  baneqs,  tables  et  aultres  ustensilles  et  choses  néces- 
saires dont  usait  le  patron  de  la  maison  »  ('). 

Quant  aux  vivres,  les  mercenaires  de  Philippe  II  se  les  procuraient  par 
des  moyens  analogues.  «  Ils  faisaient  oppression  aux  gens  du  plat  pays  », 
commettaient  toute  espèce  de  rapines,  allaient  journellement  piller,  voler 
poules,  victuailles  en  ville  comme  à  la  campagne,  «  sous  prétexte  que  le 
Gouvernement  ne  leur  payant  point  leurs  gages,  ils  ne  disposaient  d'autre 
moyen  de  vivre  que  le  pillage  »  (■).  Quand  ils  consentaient  à  payer,  encore 
fallait  il  que  le  marchand  leur  livrât  «  pain,  bière  et  chair  à  plus  grand  poix 
et  bas  prix  que  le  commun  »  (')  et  d'une  «  meilleure  qualité  que  pour  le 
commun  »  (*). 


occuper  journelement  les  sallettes  des  patrons,  y  chauffant  et  faisant  cuir  leurs  viandes, 
telemenl  que  toutes  commoditez  desdites  sallettes  est  ostée  susdits  patrons  et  leur  donne 
fort  grand  fascherye.  « 

(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  17  novembre  1571,  reg.  n"  344, 
fol.  502  V». 

(2)  Idem,  reg.  n»  77,  8  octobre  1567.  En  séance  des  Consaux  du  17  mai  1572,  les 
Consaux  constatent  que  pour  remédier  à  l'insuffisance  de  la  solde  et  empêcher  le  pillage,  ils 
ont  payé  aux  soldats  12,219  livres  4  sous  flandres. 

'3;  Idem,  Consaux,  séance  du  12  janvier  1569.  Les  Consaux  avaient  vendu  16,000  livres 
tournois  de  rente  «  pour  furnir  aux  portions  des  soldatz  hispagniolz  et  italians  qui  lors 
tenoient  garnison  en  la  dicte  ville.  Et  à  aultres  mises  provenantes  par  l'érection  des 
nouvelles  estables,  livraison  de  pain,  bierre  et  chair  à  plus  grand  poix  et  bas  prix  que  le 
commun  ». 

{*)  Idem,  Consaux,  séance  du  22  novembre  1571.  «  Consaulx  rassamblez  pour  résouldre 
sy  on  accordera  ou  reffusera  au  columnel  de  la  cavallerye  légère  tenant  garnison  en  ceste 
ville  de  luy  faire  livrer  pour  son  hostel  une  sorte  de  pain  plus  blan  que  le  pain  quy  se  livre 
journelement  aux  soldatz  de  ladicte  garnison  et  ce  à  l'advenant  du  pris  de  cestuy  quy  est 
moins  blan,  tellement  qu'il  pouroit  avoir  pour  dix  solz  six  deniers  flandres  ce  quy  couste- 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  273 

En  conséquence,  les  magistrats  urbains,  aux  dépens  de  l'intérêt  général, 
furent  forcés  de  «  bailler  récompense  aux  boullengiers  et  bouchiers  pour  le 
pain  et  la  chair  qu'ils  livraient  et  ont  livré  ausdiz  soldalz  à  plus  bas  prix  que 
que  le  commun  »  (*). 

L'entretien  de  ces  garnisons  étrangères  devint  une  charge  si  onéreuse, 
que  de  1567  à  mai  1572,  la  ville  de  Tournai  y  dépensa  dix-huit  cent  mille 
francs  (-).  De  leur  côté,  les  États  du  Tournaisis  avouèrent  en  deux  ans,  pour 
le  même  objet,  une  perte  de  129,260  livres  ('),  soit  plus  de  sept  cent 
cinquante  mille  francs,  tandis  qu'en  août  1567,  un  des  commissaires  du 
Gouvernement,  Jean  de  Blasere,  envoyé  à  Tournai  pour  enquêter  sur  les 
origines  des  troubles,  estima  le  dommage  pour  une  seule  année  à  plus  d'un 
million  (*). 


roit  aux  manans  de  la  ville  dis  huyt  solz,  ayant  requit  ledit  S"^  columnel  ce  luy  estre 
accordé,  sur  quoy  après  avoir  sur  ce  délibéré,  ont  les  diz  S"  Consaulx  esté  d'assens  de 
accorder  audit  S'  Columnel,  sadicte  requeste  et  de  faire  supporter  l'intérest  par  la  ville  afin 
d'éviter  que  icellui  columnel  ne  soit  par  trop  agravyé  de  se  voir  refusé  en  toutes  ses 
requestes,  protestation  toutefois  que  la  chose  ne  soit  tii'ée  en  conséquence  pour  aultres 
capitaines  et  officiers  quelconques.  » 

(1)  Arcliives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  17  mai  1572. 

(^)  Idem,  Consaux,  séance  du  17  mai  1572.  «  ...  les  Consaulx  auroient  trouvé  leur 
responce  contenant  en  substance  ne  leur  être  possible  de  continuer  en  iceulx  pretz,  qu'ils 
avoient  ja  preste  ausditz  soldatz  des  deniers  de  la  ville  xij"'  ij'=  xix  livres  iiij  sols  flandres..., 
joinct  que  ladicte  ville  et  les  manans  d'icelle  sont  réduitz  en  tele  povreté  et  extrémité  par 
la  longue  et  quasy  continuelle  garnison  quy  auroit  esté  en  icelle  ville...  qu'il  ne  leur  seroit 
possible  de  plus  avant  endurer,  icelle  ayant  respectivement  frayé  et  supporté  d'interrest 
plus  de  iij'^  xi"  v  livres  flandres,  sy  que  par  estât  particulier  que  l'hyvcr  passé  avoit  esté 
dressé  en  la  présence  dudit  commissaire  général...  » 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  77,  fol.  83,  séance  des  Étals  du  Tournaisis 
du  26  février  1573.  —  Il  était  arrivé  à  Tournai  des  Commissaires  envoyés  par  le  Comman- 
deur pour  informer  sur  les  foules,  dommages,  extorsions  qu'avait  supportés  le  bailliage  du 
Tournaisis  par  le  fait  des  gens  de  guerre  ayant  tenu  garnison  à  Tournai  ou  ayant  passé  par 
le  bailliage.  Les  Etals  décidèrent  qu'il  serait  fait  et  remis  aux  Commissaires  un  recueil  de 
ces  dommages.  Ce  recueil  fut  présenté  en  séance  du  3  mars.  Il  en  résultait  que  les  quatre 
compagnies  de  chevau-légers  qui  à  quatre  reprises  différentes  avaient  tenu  garnison  à 
Tournai,  du  23  septembre  1568  au  29  mai  1572,  durant  l'espace  de  deux  ans  environ, 
avaient  successivement  occasionné  une  perte  totale  pour  le  bailliage  d'une  somme  de 
129,260  1.  9  s.  5  d.  flandre  de  20  patars  la  livre. 

(■*)  Correspondance  de  Granvelle,  t.  II,  p.  556.  Morillon  à  Granvelle,  3  août  1567.  «  Les 
Tome  1.  —  Lettres,  etc.  55 


274  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

i>ialurellement  Timpôt  seul  pourvut  à  la  liquidation  de  ces  sommes. 

Voilà  à  quel  désastreux  régime  l'annexion  condamna  le  Tournaisis.  Aussi 
malgré  la  suppression  des  droits  prohibitifs  d'anlan,  les  bénéfices  qu'en 
retirèrent  le  commerce  et  l'industrie  ne  furent  point  assez  élevés,  pour 
compenser  les  pertes  qui  résultèrent  des  aides  extraordinaires  et  des  sommes 
incalculables  nécessitées  par  la  présence  permanente  d'une  garnison  d'étran- 
gers. El  s'il  est  vrai  que  l'augmentation  du  chifïre  des  habitants  est  un 
critérium  certain  de  la  prospérité  d'une  ville,  il  fallut  que  l'annexion  fût  très 
pernicieuse  au  bien-èlre  général  pour  que  Tournai,  qui  possédait  encore, 
en  1516,  une  population  de  36000  àmes('),  n'en  comptât  plus  que  25000 
en  4557  ('^),  au  moment  où  la  Réforme  était  loin  d'avoir  produit  ses 
pénibles  conséquences. 

II.  Pour  mettre  un  terme  au  dépérissement  de  leur  ville,  les  magistrats 
de  Tournai  commencèrent  par  travailler  au  rétablissement  de  ses 
finances  ("^). 


capitaines  et  soldatz,  là  et  à  Tournay,  ont  faict  grande  oppression  aux  gens  du  plat  pays 
sous  umbre  qu'ilz  estoient  sectaires  ».  Blasere  dit  qu'il  pense  que  «  le  dommaige  porte  plus 
de  cent  mille  florins  ». 

(1)  Annales  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  V,  p.  332,  note  3. 

(2)  Voici  l'extrait  de  la  séance  des  Consaux,  en  date  du  24  avril  lSo7,  «  en  Pasques  », 
qui  nous  a  fourni  ce  chiffre  de  population  :  «  Du  rapport  du  nombre  des  testes  des  manans 
estans  pour  le  présent  trouvez  en  ceste  ville,  porte  XXV  mil  deux  testes  ». 

(3)  Pour  diminuer  les  charges  financières  de  leur  ville,  ils  s'adressèrent  à  l'empereur 
Charles-Quint  et  obtinrent  de  lui,  le  4  novembre  lo22,  de  ne  plus  payer  «  aux  Français  et 
autres  tenans  parti  à  nous  contraire  tous  les  arriéraiges  d'icelles  rentes,  pour  les  convertir 
et  employer  au  plus  grand  prouffit  de  nostre  dicte  cité  »  (a)  ;  allant  plus  loin,  un  mois  après, 
l'empereur  rendit  les  Tournaisiens  «  quittes  et  deschargez  de  toutes  debtes  de  rentes  et  des 
arriéraiges  deues  par  la  ville  de  Tournay  à  ceulxqui  jusquesau  jour  de  la  réduction  en  son 
obéissance  tenoient  nostre  parti  »  {b)  ;  l'année  suivante,  les  Consaux  ne  méprisant  point  les 
petites  économies,  refusèrent  catégoriquement  aux  quatre  serments  les  subsides  qu'ils  leur 

(a)  Charte  du  4  novembre  1522  dans  les  Ordonnances. 

{b)  Idera,  du  10  décembre  l.')22.  Cela  n'empêcha  nullement  les  Hennuyers  et  Flamands  de  faire  arrêt 
sur  les  biens  des  Tournaisiens  en  Uainaut  et  en  Flandre.  (Compte  général,  1.526-1527,  fol.  84  r<>.) 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  275 

Cela  fait,  ils  essayèrent  de  donner  une  solution  plus  conforme  aux  intérêts 
de  la  généralité,  à  une  question  qui  de  nos  jours  encore  préoccupe  les 
pouvoirs,  nous  vouions  parler  de  la  bienfaisance  publique. 

La  misère,  dit  Altmeyer,  engendre  toujours  la  paresse;  là  où  elle  domine, 
on  trouve  la  singulière  anomalie  du  manque  de  travailleurs  à  côté  du 
développement  de  la  mendicité  et  du  vagabondage  (^). 

Dans  la  plus  grande  partie  des  Pays-Bas,  la  diminution  de  la  prospérité 
économique  avait  laissé  de  nombreux  artisans  sans  travail  et  augmenté 
considérablement  le  paupérisme. 

L'abaissement  des  salaires  et  la  cherté  des  vivres  obligeaient  de  nom- 
breux ouvriers  à  avoir  recours  à  la  mendicité,  ou  les  forçaient  à  solliciter 
du  curé  de  leur  paroisse,  des  congrégations  religieuses  ou  de  quelques  riches 
bourgeois  une  avilissante  aumône. 

Charles-Quint  voulut  combattre  cette  déplorable  tendance  et  fit  paraître 
sa  fameuse  ordonnance  du  7  octobre  1531,  par  laquelle  il  régla  l'organisa- 
tion des  secours.  «  Il  interdisait  la  mendicité,  instituait  une  auniônerie 
générale  ou  bourse  commune,  dans  laquelle  devaient  venir  se  concentrer 


accordaient  annuellement  pour  fêter  leur  patron  (a).  Se  servant  ensuite  d'un  moyen  dont 
on  avait  déjà  usé  et  qui  n'avait  pas  été  sans  produire  certains  effets,  ils  supprimèrent  les 
emplois  municipaux  devenus  inutiles  ou  diminuèrent  de  moitié  de  nombreux  traitements 
et  gages  à  des  salariés  par  la  commune  «  pour  aydier  à  furnir  le  payement  des  rentes 
naguères  vendues  »  et  parvenir  à  acquitter  les  aides  extraordmaires  réclamées  par 
Charles  V  {b).  Pour  distraire  le  moins  souvent  possible  les  artisans  de  leurs  occupations 
journalières,  pour  alléger  quelque  peu  le  service  militaire  qui  occasionnait  des  pertes  de 
temps  et  d'argent  «  à  la  classe  des  vendeurs  de  travail  (c)  »;  enfin  pour  favoriser  le  com- 
merce et  aider  l'industrie,  les  magistrats  urbains  diminuèrent  bientôt  «  le  nombre  des  gens 
de  sermens  »,  tant  étaient  nombreux  ceux  qui  pour  s'exempter  de  la  corvée  du  guet,  pesant 
si  lourdement  sur  le  bas  peuple,  s'étaient  fait  inscrire  dans  l'une  ou  l'autre  des  compagnies 
bourgeoises. 

(i)  Altmeyer,  Précurseur  de  la  Réforme,  t.  II,  p.  58. 

(a)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  13  mars  1526. 
(h)  Idem,  Ibid.,  du  17  juillet  1543. 

(c)  Idem,  Ibid.,  du  2  août  1524,  et  Archives  du  Royaume  à  Bruxelles,  Chambre  des  Comptes.  Cartons 
32  et  33. 


276  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

les  revetiiis  de  tous  les  élablissemenls  de  bienfaisance  et  loutes  lesauniônes; 
les  distribuliotis  ne  pouvaient  phis  se  faire,  en  règle  générale,  que  par  les 
commis  ()réposés  à  Tœuvre  de  la  charité  et  seulement  aux  pauvres  inscrits 
sur  les  registres  de  chaque  paroisse.  L'empereur  abandonnait  aux  adminis- 
trations communales  le  soin  de  compléter  par  des  règlements  particuliers 
cette  réforme  qui,  à  côté  du  principe  de  la  sécularisation  de  l'administration 
des  hospices  et  des  fondations,  posait  le  principe  de  la  centralisation  locale 
de  la  charité  publique. 

»  Conformément  à  ces  deux  principes,  les  villes  les  plus  importantes  du 
[)ays  prirent  différentes  mesures  et  adoptèrent  divers  règlements  en  vue  de 
la  meilleure  administration  des  secours  (').  » 

A  Tournai  plus  qu'ailleurs  peut-être,  cette  réglementation  était  devenue 
nécessaire.  L'assistance  publique  y  était  sans  organisation  sérieuse,  tout 
entière  au  pouvoir  du  clergé  tant  séculier  que  régulier;  le  contrôle  de 
l'autorité  civile  sur  l'administration  des  biens  et  l'emploi  des  revenus  des 
hôpitaux  et  autres  maisons  hospitalières  était  plutôt  fictif,  et  les  dons  et 
aumônes  remis  entre  les  mains  des  prêtres  paroissiaux  étaient  distribués  par 
eux  aux  pauvres  de  leurs  paroisses  qui  «  prenaient  l'enseigne  »,  suivant 
leurs  préférences  personnelles  {'). 

Les  rues  regorgeaient  de  mendiants,  de  «  brimbeux  » ,  comme  on  disait 
alors;  la  mendicité  était  devenue  presque  une  profession,  et  à  côté  des  moines 
des  ordres  mendiants,  vivaient  une  catégorie  d'individus  inoccupés  qui, 
abdiquant  toute  dignité,  quémandaient  du  bourgeois  riche  une  maigre 
«  caristade  »,  envahissaient  les  porches  des  églises,  assaillaient  couvents  et 
hôpitaux  plutôt  que  de  recourir  au  travail,  si  peu  rémunérateur  qu'il  fût. 
Alors  comme  aujourd'hui,  l'on  considérait  déjà  la  richesse  du  patrimoine  de 
la  bienfaisance  comme  une  prime  à  la  paresse  et  à  l'insouciance  de  certains 
ouvriers,  étouffant  le  sentiment  de  la  dignité,  abaissant  le  niveau  moral  du 


(i)  Discailles,  Les  Pai/s-i5as  .sous  le  règne  de  Marie-Thérèse.  Bruxelles,  1873,  p.  179. 

(2)  Les  pauvres  d'une  paroisse  qui  «  prennent  l'enseigne  »,  sont  cous  qui  dans  certaines 
circonstances,  décès,  mariage,  etc.,  d'un  riclie  bourgeois,  reçoivent  de  leur  curé  soit  un 
bon  pour  un  poids  de  pain,  soit  un  bon  pour  une  certaine  quantité  de  viande,  etc. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  277 

peuple  et  alliranl  dans  Tournai  «  un  grand  nombre  de  brimbeiirs,  avollez 
(gens  sans  aveu)  et  garçons  (misérables)  (')  ».  Aussi  les  magistrats  fureut-ils 
heureux  de  l'initiative  prise  par  l'empereur  Charles  V,  qui  ne  suivait  en  cela, 
il  faut  bien  le  dire,  (|ue  la  direction  préconisée  par  la  ville  d'Ypres  Ç'). 

Trois  mois  après  la  promulgation  de  l'ordonnance  impériale,  le  crieur 
public  alla  par  chacpie  carrefour  donner  connaissance  au  peuple  des  princi- 
pales dispositions  de  l'édil  de  l'empereur.  Le  22  mars  1532,  parut  le  règle- 
ment communal  concernant  la  distribution  des  aumônes  ou  plutôt  l'organi- 
sation de  l'assistance  publique  ( '). 

Il  fut  interdit  à  quiconque  «  tant  hommes  que  femmes  ne  enlTans  et  de 
quelque  eaige  qu'ilz  soient,  de  brimber,  mendier  ou  vivre  d'aulmosne  »,  s'il 
n'habitait  Tournai  depuis  un  an  et  un  jour.  Devançant  en  cela  Bruxelles  et 
la  Flandre  (*),  le  iMagistrat  ordonna,  en  outre,  à  chaque  mendiant  de  porter 
sur  «  le  dehors  de  l'un  des  bras,  emprès  et  en  bas  de  la  carnière  de  l'espaule, 
la  marque  et  enseigne  d'un  casleau  de  Tournay,  assis  et  cousu  sur  drap  ou 
autre  estoffe  rouge  » ,  à  l'exception  des  ordres  mendiants,  des  lépreux  de  la 
Bonne-iMaison  de  le  Val  et  des  pauvres  qui  ne  recevaient  que  l'enseigne  de 
leur  paroisse.  Le  Tournaisien  dont  la  femme  ou  les  enfants  seuls  mendiaient, 
fut  également  obligé  de  porter  sur  le  bras  la  marque  avilissante,  et  la  veuve 
qui  laissait  ses  enfants  se  livrer  à  la  mendicité,  n'en  fut  point  exemptée.  En 
outre,  l'accès  des  cabarets,  celui  des  porches  des  églises  paroissiales  et 
conventuelles  fut  interdit  à  ceux  qui  y  voulaient  mendier  (^). 


(1;  Extrait  du  deuxième  rapport  des  Commissaires  royaux  envoyés  à  Tournai  en 
octobre  lo61.  «  Mandannes  aussy  les  comptes  des  hôpitaux  de  ceste  ville  et  oijmes  sommie- 
rement  les  maistres  et  recteurs  avec  aucuns  officiers  de  la  ville  pour  nous  informer  du 
nombre  des  hospitaux,  à  quelz  usances  ils  esloient  ordonnez,  comment  gouvernez;  sur 
quoy  y  trouvons  le  désordre  que  meclrons  plus  amplement  par  escript,  de  manière  que 
iceulx  poeuvent  estre  cause  d'amasser  en  ceste  ville  grand  nombre  de  brimbeurs,  avollez  et 
garçons,  comme  V.  A.,  pourra  lors  veoir  plus  amplement.  »  —  Archives  du  Royaume 
à  Bruxelles,  Papiers  d'État,  reg.  n"  3o4,  fol.  25. 

(-)  On  sait  qu'en  132o,  le  Magistrat  d'Ypres  créa  «  La  Bourse  commune  «,  institution 
charitable  obligeant  les  indigents  valides  au  travail.  —  Voir  à  ce  sujet,  Vandenpeereboom, 
Ypriana.  Bruges,  t.  II,  pp.  300  et  seq. 

{^)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  23  janvier  lo33. 

(•*)  Annales  de  la  Société  d'histoire  de  Gand,  1900,  t.  III,  pp.  244-243. 

(S)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  22  mars  1533.  —  Ces  dispositions 


278  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

Mais,  soit  à  cause  de  I  elal  général  des  Pays-Bas,  soit  à  cause  de  l'affais- 
sement moral  du  peuple,  soit  à  cause  de  rop|)Osition  du  clergé  régulier  qui 
voyait  dans  les  théories  préconisées  par  Ypres  une  violation  «  des  lettres 
aposloli([ues  et  évangéliques  »  ('),  on  éluda  par  toutes  sortes  de  moyens 
l'exécution  de  ces  mesures  salutaires,  el  les  dispositions  prises  par  la  ville  de 
Tournai  pour  endiguer  la  mendicité,  ne  semblent  pas  avoir  produit  des 
résultats  appréciables. 

On  redoubla  alors  de  sévérité.  En  1334,  on  chassa  de  Tournai  les  men- 
diants étrangers  qui  y  résidaient  depuis  deux  ans  (^);  en  1542,  on  défendit 
à  (|uiconque  «  s'il  n'a  de  quoy  vivre  de  son  patrimoine,  de  vagabonder  dans 
la  ville  plus  de  trois  jours  continuelz,  à  peine  d'estre  mys  es  prisons  »  (^);  le 
23  avril  1543,  (juoiqu'on  les  en  eiit  exemptés  en  1532,  on  obligea  les 
pauvres  ne  recevant  que  l'enseigne  paroissiale,  à  porter  également  le  bras- 
sard, cet  insigne  infamant  qui  flétrissait  celui  qui  vivait  d'aumônes  ou 
dépendait  de  la  charité  (^).  On  combinait  les  remèdes  moraux  avec  les  moyens 
coercitifs. 

Enfin,  en  janvier  1557,  à  l'instigation  du  Gouvernement,  les  magistrats 
chassèrent  de  leur  ville,  tous  les  pauvres  qui  y  avaient  établi  leurs  pénates 
depuis  un  an  et  un  jour  (^). 

Mais  en  dépit  de  l'ordonnance  impériale  de  1531,  et  malgré  l'exemple 
donné  par  les  villes  d'Ypres,  liruxelles,  Lille,  Gand  et  plus  tard  Bruges  (''}, 


sont  en  concordance  avec  l'édit  impérial  du  7  octobre  1531,  mais  elles  sont  plus  sévères 
encore  que  celles  de  l'empereur. 

(^)  Annales  de  la  Société  d'histoire  de  Gand,  1900,  t.  III,  p.  243. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  l*ublication  du  3  octobre  1534. 

(3)  Idem,  Publication  du  24  février  1342. 

(*)  Idem,  Publication  du  23  avril  lo4o.  «  On  vous  faict  asscavoir  de  par  mess,  les 
Consaulx  de  ceste  ville  el  cité  quelz  ont  ordonné  que  doresnavant  tous  ceulx  et  celles 
auquelz  par  povreiez  seront  données  les  ensaignes  des  povres  des  paroiche  de  ceste  ville, 
seront  leuuez  tant  les  hommes  comme  les  femmes,  porter  pubiicquement  et  à  descouverte 
sur  leurs  manches,  robes  ou  manteaulx  une  ensaingne  d'une  pièce  de  drap  blanc  taillée  de 
la  forme  et  figure  d'un  Tournay  et  aussi  que  doresnavant  lesdicts  hommes,  femmes  ayant 
lensaigne  comme  dit  est  se  depportent  de  hanter  et  conserver  les  tavernes  et  cabarets  quelz 
qu'ilz  soient.  » 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  12  janvier  15S7  (n.  s.). 

(6)  Annales  de  la  Société  d'Imtoire  de  Gand,  t.  III,  p.  243. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  21^ 

ils  n'osèrent  pas  prendre  l'inilialive  de  la  création  d'une  «  bourse  commune  ». 

Ils  redoulaienl  pour  la  ville  les  conséquences  financières  de  cette  innova- 
tion (').  Cependani,  n'étant  pas  hostiles  au  principe  et  désirant,  avant  de 
prendre  position,  tenter  un  essai  partiel,  ils  s'en(|uirent  près  du  Chapitre  de 
Noire-Dame,  des  abhayes  de  Saint-Martin,  de  Saint-Nicolas,  du  Saulchoir  cl 
des  Près-porchains  ainsi  rpie  de  certains  riches  bourgeois  de  leur  ville 
«  pour  savoir  s'ils  voulaient  contribuer  par  des  dons  volontaires  et  hebdo- 
madaires au  soulagement  de  la  misère  du  (leuple  ('")  ». 

Abbayes  et  riches  bourgeois  acquiescèrent  el,  composant  avec  les  Consaux 
une  sorte  de  (-omité  mixte  de  charité,  ils  char;rèrenl  leurs  délégués,  Guillaume 
de  le  Fosse,  Guillaume  de  le  Guste  et  d'autres,  do  distribuer  à  l'artisan 
nécessiteux  des  secours  suffisants  «  pour  l'assister  à  vivre  »,  mais  non 
point  pour  le  dispenser  de  tout  travail  (^). 

Cette  organisation  mi -partie  civile,  mi-parlie  ecclésiastique,  fonctioima 
de  1557  à  1563. 

Mais  les  troubles  naissants,  la  disette  des  blés,  l'augmentation  du  nombre 
des  «  oyseulx  »  et  peut-être  aussi  la  pénurie  des  ressources,  attirèrent 
bientôt  de  nouveau  l'altenlion  des  magistrats  sur  les  prescriptions  impériales 
d'octobre  1531. 


(<)  Cet  extrait  d'une  publication  du  17  janvier  1364  le  prouve  :  Les  (Consaux  y  parlent 
de  l'organisation  d'une  bourse  commune  et  ajoutent  :  «  Ores  que  la  chose  ayl  peu  sembler 
du  commenchement  estre  en  soy  bien  ditficile  et  que  l'on  ayt  délayé  de  la  mectre  à 
exécution  jusques  au  temps  présent,  ce  néantmoiiis  de  tant  que  les  jours  passez  aulcuns 
gens  de  bien  et  meus  d'un  bon  zèle  et  affection  ont  prins  la  chose  à  coeur,  par  leur  dilli- 
gence...  l'on  est  venu  à  bout  de  telle  emprinse  ». 

('^)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  26  février  lo56.  «  Pour 
adviser  de  mectre  ordre  aux  pauvres.  Lesquelz  Consaulx  sont  d'advis  de  remonstrer  à 
Messeigneurs  de  Chappittre  la  nécessité  du  peuple  de  ceste  ville,  pour  savoir  qu'ilz  veullent 
donner  par  chascune  sepmaine,  ensemble  de  depputer  au(;uns  de  la  loy,  pour  aller  par 
leurs  paroiches  savoir  quelz  povres  gens  il  y  a  et  savoir  aussi  combien  les  aysiez  voldront 
donner  par  chascune  sepmaine...  Aussi  de  aller  à  Saint-Martin.  Saint-Nicolas,  le  Saulchoit 
et  Prez  porchains  pour  savoir  pareillement  qu'ilz  voldront  donner.  » 

(3)  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  farde  :  Justice,  19  jan- 
vier 15S8.  «  Payez  et  délivrez  à  Guillaume  de  le  Fosse  et  Guillaume  de  le  Guste  provi- 
seurs des  communs  povres  aval  ladicte  ville  pour  distribuer  ausdicts  communs  povres 
pour  les  assister  à  vivre  sieuvant  notre  ordonnance  dernièrement  fainte  par  ceste  sepmaine 
la  somme  de  cincquante  carolus  d'or,  vingt  pattard  pour  le  carolus...  » 


280  TOURNAI  ET  LE  TOURNÂISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

Voulant  user  de  leur  droit  de  contrôle,  les  Consaux  désignèrent,  le 
9  janvier  1563,  Jean  de  Cambry,  seigneur  de  Baudimont,  pour  exercer 
conjoinlemeni  avec  un  délégué  du  Chapitre  de  Notre-Dame,  la  haute 
surveillance  sur  «  ceux  qui  auroient  la  nianyance  et  la  distribution  des 
aumônes  »,  et  le  chargèrent  en  outre  de  la  vérification  des  comptes  des 
pauvriseurs  commis  à  la  distribution  des  secours  ('). 

En  même  ten)ps,  convaincus  par  les  résultats  qu'elle  donnait  ailleurs,  que 
la  sécularisation  de  la  charité  ne  présentait  pas  les  difficultés  qu'ils  redou- 
taient, ils  ordonnèrent  à  un  de  leurs  conseillers  pensionnaires,  Jacques 
Le  Clercq,  de  rédiger  un  projet  de  règlement  qui  donnerait  à  l'assistance 
des  pauvres  un  cachet  officiel,  et  remettrait  entre  les  mains  de  l'autorité 
civile  la  haute  direction  et  le  contrôle  supérieur  de  la  bienfaisance  publique. 

A  l'instar  de  Collard  de  Wuif,  le  conseiller  pensionnaire  de  la  ville 
d'Ypres  qui,  avant  \'ivès,  fut  le  promoteur  de  la  centralisation  et  de  la 
sécularisation  de  la  charité,  Jacques  Le  Clercq  préconisa  la  création  d'une 
bourse  commune  «  pour  subvenir  à  toutes  nécessitez  des  povres  tant  manans 
qu'estrangiers  » . 

Il  formula  ces  différentes  propositions  dans  un  préambule  qu'il  appela 
«  prothéorie  » .  Il  fit  suivre  cette  «  prothéorie  »  de  son  projet  qu'il  divisa  en 
cinq  chapitres.  En  voici  les  litres  :  «  I.  Des  officiers  commis  sur  le  faict  des 
pauvres  et  de  leur  conduite;  II.  De  la  manière  d'amasser  argent;  III.  D'abolir 
la  mendication  des  pauvres  et  comme  à  iceulx  sera  pourvu  et  ilz  auront  à 
se  renger;  IV.  Comme  l'on  doibl  aydier  aux  pauvres  estrangiers  et  traiter 
les  pèlerins;  V.  Des  escoles  et  maistres  qui  enseigneront  la  jeunesse.   » 

Quoique  le  projet  de  Le  Clercq  soit  la  reproduction  amplifiée  des 
doctrines  qui  avaient  prévalu  à  Ypres,  et  dont  l'application  était  recom- 
mandée par  l'ordonnance  impériale  du  7  octobre  4  531  ;  quoique  la  simple 
analyse  qui  précède  suffise  pour  faire  deviner  les  développements  que  le 
conseiller  pensionnaire  de  Tournai  entendait  donner  à  ses  propositions,  nous 
croyons   devoir   résumer  ici  les  principales  dispositions    du    projet,    pour 


(*)  Arctiives  communales  de  Tournai,  9  janvier  IS6i.   Document  extrait  du  Registre- 
Journal  (les  prévôts  et  jurés,  reg.  n°  3321,  fol.  11  r°. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  281 

montrer  que  si  la  ville  de  Tournai  entra  un  peu  tard  (^)  dans  le  mouvement 
qui  entraîna  toutes  les  grandes  villes  du  pays  vers  la  sécularisation  de  la 
bienfaisance  publique,  elle  le  fit  d'une  façon  d'autant  plus  radicale.  Chose 
d'ailleurs  bien  naturelle,  Tournai  profitant  de  l'expérience  que  les  autres 
villes  avaient  acquise  à  leurs  dépens. 

Le  Clercq  affectait  à  celle  bourse  commune  du  consentement  du  Magistrat 
et  de  «  Messieurs  de  l'Estat  ecclésiastic  »,  les  revenus  appartenant  aux 
pauvres  de  chaque  paroisse,  les  aumônes  qui  se  recueillaient  les  jours  de 
fêtes  et  dimanches  dans  les  églises,  le  produit  des  collectes  faites  un  jour  la 
semaine  chez  l'habitant  et  enfin,  les  rentes  qui  proviendraient  de  rabolilion 
de  «  tous  les  hospitaulx,  qui  sont  plusieurs  en  la  dicte  ville,  saulf  les  deux 
plus  amples  et  riches,  cestuy  de  Nosire-Dame  et  cesluy  de  Marvis  » ,  sous 
prétexte  que  la  mauvaise  répartition  des  revenus  de  ces  établissements,  créait 
une  «  occasion  d'oysiveté  à  plusieurs  gens  enclins  à  paresse  et  de  cœur 
abject  » . 

Les  ressources  de  la  bienfaisance  publique,  d'après  ce  règlement,  furent 
confiées  à  quatre  personnes  laïques,  choisies  par  «  Messieurs  de  l'État 
écclésiasticq  »  et  les  Consaux  de  Tournai.  On  leur  adjoignit  deux  ou  trois 
autres  personnes  par  paroisse. 

Ces  quatn;  personnages  ou  commis  généraux  se  réunissaient  chaque 
samedi  «  en  présence  de  l'un  des  prévosls  de  la  commune  ou  d'un  délégué  », 
pour  traiter  de  toute  matière  concernant  la  charité,  entendre  les  pauvres 
dans  leiu's  doléances  ou  s'assurer  de  l'exactitude  de  leurs  plaintes,  et  puiser 
dans  la  «  bourse  commune  »  les  sommes  nécessaires  au  soulagement  des 
misères  constatées  durant  la  huitaine.  Tous  les  six  mois,  devant  le  Magistral, 
ils  étaient  tenus  de  rendre  compte  de  l'emploi  des  fonds,  tandis  que  les 
commis  paroissiaux  le  faisaient  de  mois  en  mois  devant  les  commis 
généraux. 

La    mendicité  comme  la  charité  privée  était  interdite  ('^);  les  pauvres 


(1)  Bruges  n'élabora  son  règlement  sur  la  charité  qu'en  1562,  donc  un  an  seulement 
avant  Tournai. 

('^)  Voici  sur  quoi  portait  l'interdiction  de  la  ctiarité  privée  :  «  Pareillement  tous  manans 
Tome  I .  —  Lettres  etc.  '  36 


282  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI'  SIÈCLE 

«  aidés  de  l'aumône  commune  »  ne  pouvaient  fréquenter  ni  tavernes  ni 
autres  lieux  où  l'on  joue  et  où  l'on  boit,  à  peine  de  fustigation,  de  privation 
de  secours  ou  de  bannissement  (^). 

Les  mendiants  étrangers  qui  entraient  à  Tournai  avant  l'heure  de  midi 
recevaient  d'un  des  quatre  commis  généraux  «  un  pain  de  huit  deniers  », 
puis  étaient  immédiatement  reconduits  hors  des  murs  de  la  cité;  ceux  qui  y 
venaient  durant  l'après-midi,  pouvaient  être  admis  sur  autorisation  d'un  des 
commis  généraux,  dans  un  hôpital;  ils  n'y  séjournaient  qu'une  nuit  et  y 
recevaient  «  un  pain  de  quatre  deniers,  un  demi-lot  de  petite  bierre  et  pour 
quatre  deniers  de  beurre  ou  fromage,  feu,  potaige  et  le  coucher  à  l'accous- 
tumé  »,  à  moins  qu'ils  ne  fussent  notoirement  malades,  auquel  cas  ils  pou- 
vaient «  tarder  plus  longtemps  qu'une  nuict,  pour  estre  pensez  et  traictez 
comme  leur  indigence  le  requerrera  ». 

Les  commis  paroissiaux  avaient  pour  mission  de  veiller  à  ce  que  les 
enfants  pauvres  de  leur  quartier  apprissent  un  métier  dans  les  ouvroirs 
créés  par  la  ville  ou  chez  des  particuliers.  Ils  avaient  aussi  pour  devoir  de 
contraindre  les  parents  secourus  à  mettre  leurs  enfants  en  apprentissage  et 
à  les  laisser  à  l'atelier  le  temps  nécessaire  pour  devenir  d'excellents  ouvriers. 
Les  francs-maîtres  étaient  obligés  de  recevoir  les  enfants  que  leur  envoyaient 
les  commis  paroissiaux. 

La  ville  institua  en  même  temps  deux  écoles,  l'une  pour  garçons,  l'autre 
pour  filles,  en  faveur  des  enfants  des  pauvres  secourus  par  la  bourse  com- 
mune (-). 


de  ceste  ville  de  ([uel  estât,  qualité  ou  condition  qu'ilz  soient,  doresenavant  ne  pourront 
aulcunement  donner  aulmosnes  aux  mendians  en  publicq,  par  les  rues,  aux  portes  de  leurs 
maisons  ou  es  églises,  ains  leur  sera  loisible  seullement  de  secourir  aux  pauvres  honteux 
et  aultres  demeurans  en  leurs  maisons  que  ilz  trouveront  estre  à  faire.  » 

|i)  Voici  une  preuve  entre  raille  de  l'exécution  de  ces  pénalités  :  «  ordonné  payez... 
pour  avoir  convoie  jus  du  povoir  de  ladicte  ville  Guillaume  Flameng  demeurant  en  la  ville 
d'Anvers,  homme  aveugle  et  mendiant,  estant  banny  de  ceste  ville  et  cité,  povoir  et  banlieue 
d'icelle  le  terme  de  trois  ans  continuelz  et  ensuivants  l'un  l'aultre  à  peine  de  fustigation  de 
verghes  s'il  y  retournoit  avant  ledict  terme  expiré  pour  avoir  dissipé  prodigallement  en 
taverne  de  vin  les  aulmosnes  des  bonnes  gens...  » 

("-)  Voir  le  projet  complet  aux  Pièces  justificatives,  n°  XVIII.  Tournai  antérieurement  à 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  285 

Voilà  dans  ses  grandes  lignes  le  projet  du  conseiller  Le  Clercq.  Peut-êlre 
noire  organisation  de  la  bienfaisance  pourrait-elle  y  glaner  quelques  bonnes 
choses  ! 

m.  Comprenant  toutefois  que  pour  arrivera  une  rénovation  économique 
du  Tournaisis,  il  était  tout  aussi  nécessaire  de  relever  le  niveau  moral  du 
peuple  que  d'assurer  au  pauvre  une  équitable  répartition  des  secours  de  la 
Charité,  les  magistrats  de  Tournai  songèrent  aussi  à  tirer  la  jeunesse  pauvre 
de  l'ignorance  dans  laquelle  on  semblait  se  complaire  à  la  maintenir. 

Non  pas  que  les  rudiments  d'une  instruction  élémentaire  ne  fussent  plus 
ou  moins  enseignés  aux  enfants  d'artisans,  mais  le  clergé  aux  mains  duquel 
se  trouvait  alors  presque  tout  l'enseignement  négligeait  l'instruction  du 
peuple  ('),  pour  s'occuper  plus  spécialement  des  élèves  des  écoles  capitu- 
laires  que  les  Pierre  de  Vriendt,  les  Jacqiies  Cératinus  et  d'autres  prépa- 
raient aux  hautes  études. 

C'est  cette  lacune  que  les  magistrats  résolurent  de  combler.  Ils  commen- 
cèrent par  soutenir  contre  le  Chapitre  de  Notre-Dame  que  leur  premier 
conseiller  pensionnaire  avait  le  droit  d'intervenir  comme  chargé  de  la  police, 
dans  l'organisation  de  l'instruction.  Dès  lors,  l'écolàlre  partagea  avec  le 
représentant  de  la  ville  la  surveillance  des  écoles  et  de  l'enseignement  qui  y 
était  donné. 

Bientôt,  allant  plus  avant  dans  cette  voie,  les  magistrats  prétendirent 
avoir  leurs  écoles,  indépendamment  de  celles  qu'avaient  créées  à  Tournai 
soit  l'initiative  privée,  soit  certaines  communautés  religieuses,  et  ils  entre- 
prirent la  sécularisation  de  l'enseignement  avec  celle  de  la  Charité. 

Ils  voulurent  que  la  ville  eût  ses  maîtres  d'école;  qu'elle  les  payât  des 
deniers  |)ublics;  que  l'école  fût  logée  dans  une  propriété  communale  ou  dans 


l'élaboration  et  à  la  mise  en  application  de  ce  projet,  envoyait  déjà  aux  ateliers  les  enfants 
trouvés,  dont  la  ville  était  d'ailleurs  la  tutrice  légale  ;  elle  prenait  de  même  à  sa  charge 
les  enfants  abandonnés  par  leurs  pure  et  mère,  les  orphelins,  et  les  «  hébétés  d'enten- 
dement ». 

(<)  Mémoires  de  la  Société  des  sciences  du  Hainaut,  5"  série,  t.  XI,  p.  498. 


284  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI"  SIÈCLE 

un  élablissemenl  loué  par  la  commune;  que  les  maî(res  tinssent  leur  nomina- 
tion (le  la  ville;  en  résumé,  ils  entendirent  donner  à  l'Autorité  civile  la  haute 
main  sur  les  écoles  élémentaires  et  faire  de  renseignement  des  enfants 
pauvres  un  service  communal. 

Antérieurement  déjà,  au  lendemain  de  Pannexion  du  Tournaisis  aux 
Pays-Bas,  les  magistrats  de  Tournai  avaient  essayé  de  faire  un  premier  pas 
dans  la  voie  de  la  municipalisation  de  renseignement  public.  Le  3  février 
4  523,  quoique  François  I*""  eût  laissé  ouvertes  aux  Tournaisiens  les  portes 
de  rUniversité  de  Paris,  ils  avaient  accordé  à  «  maître  Robert  Césare  » 
rautorisation  de  venir  habiter  Tournai,  afin  d'y  jeter  les  bases  «  d'un 
commencement  d'université  »  et  d'y  organiser  les  trois  facultés  supérieures 
de  théologie,  de  droit  et  de  médecine. 

Mais  la  jalousie  de  l'Université  de  Louvain  et  les  craintes  qu'éveilla  chez 
le  Magistrat  louvaniste  la  création  à  Tournai  d'un  établissement  concurrent, 
firent  échouer  ce  projet. 

Le  8  octobre  1330,  par  ordonnance  impériale,  les  Tournaisiens  se 
virent  intimer  la  défense  de  continuer  à  payer  les  professeurs  qui  déjà 
avaient  commencé  à  donner  leurs  cours,  et  ils  furent  forcés  de  fermer  les 
portes  de  leur  université.  Louvain  avait  eu  gain  de  cause  contre  Tournai  (*). 

Cet  échec  n'était  pas  encourageant;  néanmoins,  s'appuyant  sur  l'ordon- 


(')  Voici,  brièvement  raconté,  i'iiistorique  de  cette  tentative  de  création  à  Tournai  d'un 
établissement  d'enseignement  supérieur.  Le  3  février  ^.^23  donc,  Robert  Césare  était  autorisé 
à  jeter  les  bases  d'une  université  à  Tournai;  le  10  mai  lo2o,  la  ville,  d'accord  avec  le  bailli 
de  Tournai-Tournaisis,  autorisa  Pierre  de  Pottre,  venant  de  l'Université  de  Louvain,  à 
s'associer  avec  Robert  Césare,  les  choisit  comme  professeurs  à  l'essai  pour  le  terme  d'un  an 
et  les  gratifia  d'un  traitement  annuel  de  100  florins.  Les  cours  commencèrent  le  5  juillet, 
mais  l'Université  de  Louvain  veillait  et,  craignant  la  concurrence  de  cette  rivale  nouvel- 
lement née,  elle  obtint  de  la  Régente,  Marguerite  d'Autriche,  l'interdiction  des  cours  de 
théologie,  de  droit  et  de  médecine  qui  se  donnaient  à  Tournai.  I.,es  cours  n'en  continuèrent 
pas  moins  cependant;  la  ville  de  Tournai,  se  basant  sur  l'illégalité  de  l'interdiction 
prononcée,  soutint  même  un  procès  près  du  Grand  Conseil  de  Malines,  mais  elle  le  perdit 
et  une  ordonnance  impériale  du  8  octobre  loSO  mit  fin  à  l'Université  de  Tournai.  (Voir 
Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  3  février  lo22  (a.  s.);  2  mai;  16  mai;5  juillet; 
21  juillet;  27  juillet;  29  août;  18  septembre  et  26  septembre  lu2o;  30  octobre  lo26.  i?ecMci/ 
des  ordonnances,  l.  lit,  pp.  37-60.) 


AU  POFNT  OK  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  285 

nance  impériale  d'octobre  1531,  les  magistrats  tentèrent,  trente  ans  après, 
un  nouvel  essai. 

Reconnaissant  que  beaucon[)  d'enfants  pauvres  ne  pouvaient  se  rendre 
aux  écoles  tenues  par  des  particuliers  les  jours  de  la  semaine,  et  voulant 
surtout  «  que  ces  enfants  aient  meilleur  moyen  à  l'avenir  de  gaiçner  leur 
vie  »  le  i  mai  1565,  ils  décidèrent  d'ouvrir  en  la  Halle  des  doyens  des 
métiers  la  première  école  dominicale  et  fériale  de  Tournai  (');  quelques 
mois  après,  ils  affeclèrenl  aux  mêmes  fins  ('),  une  des  salles  de  la  Halle  des 
Consaux  el,  trois  ans  |)lns  tard,  le  18  octobre  1568,  ils  ouvrirent  la  pre- 
mière école  élémentaire  coninjuiialeaux  enfants  du  peuple,  lesquels  pouvaient 
s'y  rendre  «  tous  les  jours  ouvriers  de  la  sepmaine  pour  y  estre  endoctrinez, 
sans  payer  aucun  sallaire  aux  maistres  à  ce  ordonnez,  de  huit  heures  du 
matin  jusques  à  unze  heures  et  depuis  une  heure  de  Taprès-disné  jusques  à 
quatre  heures  (•^).  »  Enfin  le  18  avril  1570,  les  magistrats  rendirent 
obligaloire  la  fréquentation  des  écoles  créées  par  eux  (*). 

Sans  doute,  le  concile  |)rovincial  de  Cambrai  de  1565  (^'),  et  les  recom- 
mandations de  la  Régente  ne  furent  pas  étrangers  à  ce  mouvement  en  faveur 
de  rinslructioii  du  peuple;  mais  nous  pensons  qu'il   faut  plutôt  voir  dans 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Publication  du  4  mai  lo65. 

f'i)  Idem,  Publication  du  2  décembre  156o. 

(3j  Idem,  Publication  du  18  octobre  lo68,  reg.  n"  344,  fol.  324. 

(*)  Idem,  Publication  du  18  avril  1370,  reg.  n"  344,  fol.  365  v°.  —  Outre  ces  écoles 
officielles  pour  garçons,  la  ville  en  ouvrit  aussi  pour  filles,  notamment  une  près  de  l'église 
Saint-Pierre,  dirigée  par  Quinte  Monnier.  M.  E.  Mathieu  [Mémoires  de  la  Société  des  sciences 
du  Hainaul,  o"  série,  p.  511)  se  trompe  quand  il  attribue  l'acquisition  du  local  de  cette 
école  à  la  libéralité  de  l'évêque  d'Oignies.  Quinte  Monnier  et  ses  deux  sœurs  Marie  et  Agnès, 
y  donnèrent  avec  quatre  autres  jeunes  personnes  l'instruction  à  des  jeunes  filles  pauvres  de 
Tournai,  mais  ce  fut  aux  frais  de  la  ville  qui  leur  fournissait  un  traitement  et  dans  une 
maison  qui  avait  appartenu  à  Léon  Lemaire,  prise  «  à  leuwaige  pour  trois  ans  »  depuis 
mai  1370,  au  prix  de  73  livres  tlandres  l'an.  (Voir  Archives  communales  de  Tournai, 
Compte  général,  1573-1574,  fol.  52  r".  Idem,  Pièces  comptables.  Dépenses  extraordinaires, 
30  avril  1374.) 

(S)  Le  Conseil  provincial  de  Cambrai  dont  Tournai  était  sutfragant,  se  tint  à  Mons 
en  1565.  et  décida  entre  autres  d'établir  des  écoles  dans  toutes  les  villes  et  bourgades  où  il 
n'en  existait  pas. 


286  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

l'empressement  que  témoignèrent  les  magistrats  à  séculariser  et  à  doter  leurs 
écoles  élémentaires,  le  souci  d'hommes  cherchant,  grâce  à  une  instruction 
plus  régulièrement  dispensée  par  des  maîtres  dépendant  de  la  ville,  à 
assurer  aux  classes  pauvres  «  un  meilleur  moyen  de  gagner  leur  vie  » 
cl  par  le  fait  même,  de  concourir  efficacement  au  relèvement  économique 
de  leur  cité. 

IV.  Les  magistrats  n'arrêtèrent  point  là  leurs  réformes.  A  la  sécularisa- 
tion de  la  Charité  et  de  l'enseignement,  ils  ajoutèrent  l'amélioration  de 
l'hygiène  publique. 

La  misère  des  classes  inférieures  engendre  les  contagions  et  les  maladies 
graves  qui  frappent  sans  distinction  de  fortime  tous  les  habitants  (')  el 
entravent  le  commerce  et  l'industrie  dans  leur  expansion. 

A  Tournai,  non  seulement  la  misère  occasionnait  de  nombreuses  maladies, 
mais  l'état  des  rues,  l'ordonnance  intérieure  des  maisons,  les  habitudes 
mêmes  d'une  grande  partie  du  peuple  offraient  à  la  peste  un  terrain  tout 
préparé.  Elle  faisait  parmi  les  indigents  d'immenses  hécatombes,  elle  enle- 
vait à  la  vie  économique  une  foule  de  bras  qui  lui  étaient  nécessaires. 

Les  porcs  erraient  librenienl  dans  les  rues,  parmi  des  tas  d'immondices 
ou  de  charognes,  que  l'incurie  administrative  laissait  pourrir  sur  la  voie 
publique  et  d'où  s'exhalaient  de  pestilentielles  senteurs  (-).  Point  d'égouts 
nulle  part;  les  rues  étaient  traversées  dans  leur  milieu  par  une  rigole  qui 
menait  au  fleuve  les  eaux  pluviales  comme  les  eaux  ménagères,  quand 
celles-ci  ne  croupissaient  point  en  d'infects  cloaques  aux  portes  mêmes  des 
habitations.  Souvent  aussi  à  l'extrémité  de  chaque  rue,  se  dirigeant  vers 
l'Escaut,  un  immense  «  wez  »  ou  abreuvoir,  aux  eaux  boueuses  et  sales, 
servait  de  réceptacle  à  toute  espèce  de  malpropreté;  enfin,  dans  les  quar- 
tiers populeux  qui  avoisinaient  les  remparts,  de  grands  tas  de  fumiers. 


(1)  Altmeyer,  op.  cit.,  t.  II,  p.  60. 

(-)  Archives  communales  de  Tournai,  Pièces  comptables,  Dépenses  extraordinaires, 
sergent  des  rues,  22  octobre  1572. 


AU  POINT  UK  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  â87 

autours  (lesquels  volaient  des  essaims  de  inouches  venimeuses,  étalaient  en 
félidés  monceaux  leurs  puanles  immondices. 

Le  Tournaisien,  pauvre  ou  besoirneux,  habitait  dans  des  rues  étroites,  de 
petites  maisons  privées  d'air  et  de  lumière,  couvertes  souvent  encore  en 
chaume,  manquant  pour  la  plupart  de  fosses  d'aisances  (^).  Insouciant,  rongé 
par  le  fisc,  l'artisan  dissipait  au  jeu,  ou  dépensait  à  boire  un  argent  avec 
lequel  il  aurait  pu  se  procurer  une  nourriture  plus  substantielle,  un  inté- 
rieur plus  confortable  ("). 

Grâce  à  une  situation  hygiéni(|ue  aussi  déplorable,  on  peut  dire  (|u'au 
XVI^  siècle,  la  peste  régnait  à  l'état  endémi(|ue  dans  Tournai.  Point  d'année 
sans  que  des  centaines,  voire  des  milliers  d'habitants,  ne  payassent  leur 
tribut  à  ce  minotaure.  De  1514  à  1516,  près  de  quatorze  mille  personnes 
lui  durent  la  mort  et,  en  1571,  ou  en  compta  sept  à  huit  mille  (^). 

Jusqu'au  milieu  du  XVh  siècle,  on  s'était  contenté  de  lutter  contre  la  peste 
à  coup  d'ordonnances  qu'on  appliciuait  rarement.  Dans  la  suite,  le  [Magistrat 
se  montra  plus  soucieux  de  la  santé  publique.  Pour  enrayer  la  déperdition 
de  travail  que  la  peste  occasionnait  chaque  année,  il  résolut  de  combattre 
énergiquement  ce  Iléau. 

En  1564,  toute  conunuiiication  avec  les  pesleux  fut  interdite,  sous  peine 
de  bannissement;  soitant  de  chez  eux,  —  et  cette  latitude  leur  était  sup- 
primée dès  7  heures  du  matin  —  ils  devaient  «  porter  blanches  verghes 
de  trois  piedz  de  long  »;  leurs  maisons  devaient  être  munies  à  leur  pre- 
mier étage  «  de  bouges  d'eslrain  de  deux  pongnies  et  de  deux  piedz  de 
long  »  et  avoir  leur  porte  barrée  (*).  La  circulation  des  porcs  fut  rigoureu- 
sement défendue,  et  tout  chien  trouve  errant  dans  les  rues  était  mis  à  mort 
par  le  sergent   «  tue-kien  ».   Des  préposés  commimaux,    «  les  sergens  à 


(<)  Archives  communales  fie  Tournai,  Ordonnance  du  4  mai  1561,  en  rappelant  une  du 
mois  d'octobre  1S44. 

(-)  Tous  ces  détails  ressortent  des  publications  faites  pendant  une  grande  partie  du 
XVI»  siècle. 

(3)  Correspondance  de  Granvelle,  t.  VI,  p.  366. 

(*J  Archives  communales  de  Tournai,  Registre  aux  publications  n°  344,  fol.  205  et  206. 
Publication  du  ti  août  loti4. 


288  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI«  SIÈCLE 

verdes  verghes  »,  furent  commis  «  pour  prendre  et  constituer  prisonniers  » 
les  pesleux  contrevenant  à  la  dite  publication,  tandis  que  d'aulres  à  «  rouges 
verghes  »  furent  chargés  de  veiller  à  la  propreté  des  rues  et  de  s'assurer 
de  Texéculion  de  cette  ordonnance. 

Malgré  leur  sévérité,  ces  prescriptions  ne  parurent  bientôt  plus  suffisantes 
aux  magistrats  communaux;  quelques  années  plus  lard,  ils  organisèrent  un 
véritable  service  de  prophylaxie  contre  la  peste. 

A  Tournai,  les  lépreux  étaient  soignés  dans  deux  établissements,  à  la 
Bonne-Maison  de  le  Val  ou  aux  Follais.  La  ville  voulut  de  même  hospitaliser 
les  pesteux  et,  pour  éviter  une  contagion  trop  facile,  elle  créa  des  lazarets 
extra  muros. 

En  août  1571,  elle  fit  bâtir  aux  Follais  des  maisonnettes  en  bois  et 
aménager  «  une  demi-douzaine  »  de  tours  des  remparts  pour  y  loger  les 
malheureux  que  cette  terrible  maladie  accablait;  elle  paya  des  médecins 
assermentés,  un  chapelain  et  un  personnel  spécial  qu'elle  logea  dans  «  neuf 
maisonnettes  séans  hors  la  porte  del  Vigne  »,  et  dont  l'unique  mission 
consistait  à  donner  des  soins  aux  pestiférés;  elle  organisa  même  pour  eux  un 
service  particulier  de  pompes  funèbres  et,  à  ceux  qui  venaient  à  décéder, 
elle  affecta  un  lieu  de  sépulture  distinct  (*). 

Pour  ceux  qui  ne  voulaient  ou  ne  pouvaient  élre  hospitalisés,  elle  créa 
un  service  officiel  de  distributions  de  secours  à  domicile  dont  voici  succinc- 
tement l'organisation. 

Toute  rue  à  Tournai  avait  son  connétable,  une  rue  un  peu  longue  en 
avait  deux,  quelquefois  trois  ou  quatre,  suivant  son  étendue. 

Le  connétable,  dont  la  mission  ordinaire  consistait  à  veiller  à  la  propreté 
de  sa  rue,  à  l'entretien  du  puits,  s'il  y  en  avait  un,  à  l'allumage  des  lan- 
ternes le  soir,  etc.,  devait,  en  cas  de  peste,  visiter  les  ménages  de  sa  circon- 
scription attaqués  par  le  fléau  et  leur  distribuer  les  secours  pécuniaires  que 
lui  accordait  le  receveur  communal. 


(*)  Arcliives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  des  30  juillet;  7  août  1571; 
20  mai  et  15  juillet  1372.  Compte  général,  1571-lo72,  fol.  48  i*.  Pièces  comptables, 
Dépenses  extraordinaires,  29  juillet  lo73  ;  1"  septembre  1573  el  14  août  1576. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  289 

Celui-ci  justifiait  l'emploi  de  Targenl  auprès  de  l'autorité  communale, 
après  que  les  connétables  lui  avaient  eux-mêmes  rendu  leur  compte  ('). 

V.  iMais  la  sécularisation  de  la  bienfaisance,  l'organisation  de  l'enseigne- 
ment, l'amélioration  de  l'hygiène  publique  restèrent  inefficaces.  Cependant 
les  magistrats  de  Tournai,  pour  «  veoir  la  ville  remise  une  fois  en  estât  et 
en  sa  fleur  anchienne  »  (■),  n'avaient  négligé  aucun  moyen,  aucun  effort. 

Pendant  qu'ils  travaillaient  à  l'amélioration  de  l'hygiène  et  de  la  bienfai- 
sance, ils  aménagèrent  l'ancienne  brasserie  de  «  La  Tombe  près  du  pont  de 
l'arche  »  pour  y  loger  gratuitement  des  ouvriers  drapiers,  tisserands,  foulons 
et  autres  qu'ils  firent  venir  de  l'étranger,  leur  achetèrent  des  métiers  à  filer 
la  laine,  des  cuves  à  fouler  le  drap  (^);  en  faveur  des  teinturiers,  ils  éri- 
gèrent des  moulins  à  garance  Ç*);  ils  ouvrirent  durant  trois  mois  les  corpo- 
rations à  tout  venant  «  nonobstant  qu'ils  n'ayent  faicl  leurs  années  d'appren- 
tissaige  »  ("),  accordèrent  la  maitrise  «  à  tous  drapiers  drapant  et  foulons  de 
draps  estrangiers  et  pareillement  à  tous  sayeteurs  »  ;  ils  obligèrent  tout  mar- 
chand détaillant  le  drap  à  faire  confectionner  annuellement  au  moins  deux 
pièces  par  les  ouvriers  du  terroir  C^);  et  s'immisçant  dans  le  ménage  inté- 
rieur des  corporations,  ils  leur  défendirent  d'entamer  aucun  procès,  avant 
que  «  demandeur  et  delïendeur  »  n'eussent  mis  sous  les  yeux  des  Consaux 
les  matières  du  débat.  Enfin,  pour  remédier  aux  «  despences  tant  excessives 
qu'inutiles  »  qui  obéraient  les  finances  corporatives  et  retombaient  en  der- 
nière analyse  sur  l'artisan  lui-même,  ils  firent  vérifier  les  comptes  de  chaque 
métier  par  des  préposés  communaux  Ç). 


(<)  Voir  à  ce  sujet,  aux  Arctiives  communales  de  Tournai,  reg.  n"  2782.  —  Les  secours 
accordés  aux  pesteux  provenaient  de  dons  faits  par  la  ville,  les  abbayes  et  de  collectes 
faites  dans  les  églises. 

(2)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  18  septembre  1582. 

(3)  Idem,  reg.  n""  2764  et  2763.  Comptes  de  la  draperie,  fol.  2  et  seq. 
(*)  Idem,  reg.  n"  1736,  fol.  1. 

(S)  Idem,  Publication  du  6  avril  1S88. 
(fi)  Idem,  Consaux,  séance  du  8  mai  1582. 

P)  Idem,  Consaux,  séance  du  10  juillet  1571  ;  voir  aussi  Publication  du  22  mai  1572. 
Tome  I.  —  Lettres,  etc.  57 


290  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

VI.  Ce  furent  là  des  expédients  inutiles. 

Les  luttes  religieuses  avec  leurs  tristes  conséquences  d'abord,  les  pro- 
scriptions, les  exodes  des  ouvriers  calvinistes,  les  exécutions,  les  confiscations 
et  ensuite  les  désastres  du  siège  de  4  581  avaient  achevé  d'épuiser  le  Tour- 
naisis  et  tellement  brisé  le  ressort  de  la  population,  qu'à  un  certain  moment, 
rien  que  dans  le  domaine  artistique,  Tournai  ne  compta  plus  ni  un  peintre 
de  talent,  ni  un  tapissier  de  renom,  ni  aucun  de  ces  artisans  qui  jadis  avaient 
fait  sa  gloire. 

Tournai,  qui  avait  vu  naître  et  travailler  dans  ses  murs  des  tapissiers  dont 
les  musées  nous  ont  conservé  les  admirables  productions,  fut,  en  1568, 
forcé  d'acheter  à  Audenarde  des  tapisseries  qu'il  désirait  offrir  à  son  gou- 
verneur le  comte  du  Rœulx  (')  ou  contraint  d'avoir  recours  aux  richesses 
artistiques  de  Madame  de  Rongy  pour  en  orner  la  Halle  des  Consaux,  lors 
du  renouvellement  de  la  magistrature  communale  (').  Celle  ville,  qui  a  pro- 
duit et  formé  dans  ses  ateliers  les  Roger  de  la  Pasture,  les  Jacques  Darei 
et  d'autres  peintres  dont  la  récente  Exposition  des  Primitifs  à  Bruges  a  fait 
voir  tout  le  talent,  était  réduite,  en  1369,  à  s'adresser  à  un  étranger  du  nom 
de  Pierre  VIerick  «  pour  restahlir  aux  églises,  abbayes  et  aultres  lieux  de 
la  dicte  ville  ayans  esté  saccagez,  tables  d'autelz,  tableaulx  et  aultres  pièces 
de  peinture  excellentes  »,  parce  que,  disent  les  prévôts  et  jurés,  «  les 
maislres  peintres  de  cette  ville  n'avaient  le  scavoir  de  composer  iceulx  (^)» . 

Tournai  manque  aussi  d'orfèvres,  et  c'est  Anvers  qui  fournit  aux  Magis- 
trats les  coupes  d'argent  doré  que  ceux-ci  veulent  offrir  au  colonel  comman- 
dant la  garnison  (^).  Tournai  manque  aussi  de  sculpteurs,  et  ce  fut  encore 
un  étranger.  Corneille  De  Vriendt,  dit  Floris,  beau-père  du  peintre  François 
Pourbus,  que  le  Chapitre  de  Notre-Dame  chargea  de  reconstruire  le  jubé 
de  l'église  cathédrale  détruit  en  1566,  par  les  calvinistes  (^). 


(1)  Archives  communales  de  Tournai,  Consaux,  séance  du  31  août  lo68. 

(2)  idem,  Compte  d'ouvrages,  avril  à  septembre  1570. 

(3)  Idem,  Registre-Journal  des  pré»ôts  et  jurés,  26  février  1569. 

(♦)  Idem,  Pièces  comptables.  Dépenses. extraordinaires,  10  novembre  1569. 
(3)  Bulletins  de  la  Société  historique  de  Tournai,  t.  XIV,  p.  290. 


AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  ET  SOCIAL.  29i 

La  pénurie  de  bons  ouvriers  dans  tous  les  corps  de  métiers  était  (elle 
que,  le  6  avril  iS85,  les  Gonsaux  «  désirant  l'augmentation  et  population 
des  stils  et  métiers  de  Tournai,  lesquels  à  cause  des  troubles  et  retraite  de 
nombreux  ouvriers  étaient  grandement  diminués  »  permettent  indéfiniinenl 
l'accès  des  métiers  aux  étrangers,  sans  leur  imposer  l'obligation  de  l'appren- 
tissage ou  du  chef-d'œuvre. 

Le  peuple  est  désespéré  et  près  de  mourir  de  faim;  voilà  comment, 
d'après  Morillon,  se  ferme  le  XVI*  siècle,  et  voilà  où  les  luttes  religieuses 
avaient  mené  Tournai  ('). 

Certes,  dés  la  fin  du  XV"  siècle,  s'annonçait  le  déclin  économique  du 
Tournaisis,  mais  il  n'est  point  douteux  que  l'intolérance  religieuse  de 
Charles-Quint  et  de  Philippe  II  fit  perdre  à  Tournai  «  son  sang  le  plus  actif, 
ses  bras  les  plus  vaillants  »,  des  milliers  de  ses  meilleurs  ouvriers,  et  que 
les  guerres  de  religion  portèrent  le  coup  final  à  la  prospérité  industrielle  et 
commerciale  du  Tournaisis,  en  empêchant  ceux  de  ses  habitants  qui 
«  n'avaient  point  déserté  le  giron  déchiré  de  la  mère  patrie  »,  de  réagir 
avec  toute  l'énergie  nécessaire  dès  l'apparition  des  premiers  symplômes  de 
la  décadence. 

Blessée  à  mort,  la  ville  de  Tournai  traîne  depuis  lors  une  existence  déses- 
pérément languissante. 

De  sa  prospérité  d'autrefois,  la  cité  aux  «  cheoncq  clotiers  »  n'en  garde 
qu'un  pieux  souvenir.  On  serait  même  tenté  de  croire,  tant  ont  été  vains 
les  efforts  accomplis  au  XVII''  et  surtout  au  XVIII*  siècle  par  le  Gouverne- 
ment et  la  commune  (-},  tant  de  nos  jours  encore,  il  parait  si  difficile  de 
donner  un  regain  de  vie  à  l'activité  débordante  d'autrefois,  que  Tournai  ne 
retrouvera  jamais  plus  son  ancien  éclat. 


(1)  Correspondance  de  Granvelle,  t.  IV,  pp.  144-145. 

(2)  Pour  se  convaincre  de  la  vanité  et  de  la  réalité  des  efforts  faits  par  les  magistrats 
communaux  de  Tournai  durant  ces  deux  siècles,  il  faut  entendre  les  cris  d'alarme 
poussés  par  eux  dans  les  registres  aux  rescriptions,  reposant  aux  Archives  communales  de 
Tournai. 


292  TOURNAI  ET  LE  TOURNAISIS  AU  XVI»  SIÈCLE 

Plaise  à  Dieu  qu'il  en  soit  autrement  !  C'est  le  vœu  sincère  que  formule 
un  Tournaisien  de  cœur  et  de  race,  qui  désire  ardemment  voir  sa  ville 
natale  reconquérir  l'importance  qu'elle  avait  autrefois  et  prendre  dans  le 
mouvement  économique  de  la  Belgique,  une  place  égale  à  celle  qu'elle  a 
occupée  sous  le  gouvernement  de  la  France. 


APPENDICE 


Liste  des  personnes  exécutées  à  Tournai  de  1561  à  1570 
pour  hérésie  ou  contravention  aux  placards. 


ABREVIATIONS 

EMPLOYEES  DANS  LA  COLONNE  REFERENCES  DU  TABLEAU  CI-COMP.F. 


B.  P.  E.  Bruxelles.  Archives  du  Royaume.  Papiers  d'Ëlat.  Reg.  n''  334. 

R.  L.  Archives  communales  de  Tournai.  Registre  de  la  loi,  n»  149. 

R.  C.  Registre  aux  sentences  criminelles,  lions.  Archives  de  l'Etal. 

P.  C.  Archives  communales  de  Tournai.  Pièces  comptables. 

P.  B.  Pasquier  de  le  Barre.  Édition  Pinchart.  Bruxelles,  18S9 

S.  Nicolas  le  Soldoyer. 


NoDi  et  prénoms  des  personnes  eiécutées  à  Tournai  «le  1561  à  1570 
pour  hérésie  ou  conlravenlion  aux  placards. 


Date 


Nom  et  prénoms. 


Profession. 


Genres 

DE    MORT 


RÉFÉRENCES. 


i 

2 

3 

i 

5 

6 

7 

8 

9 

10 

11 

12 

13 

14 

15 

16 

n 

18 
19 
20 
21 


1561. 
1561. 
1562. 
1562. 
1562. 
1562. 
1562. 
1.'562. 
1562. 
1562. 
1562. 
1563. 
1563. 
1563. 
1563. 
1563. 
1563. 
1563. 
1563. 
1564. 
1365. 


17  novembre. 

17  novembre 
22  mai. 

22  mai . 
22  mai. 
22  mai 
22  mai. 
13  juillet 
10  octobre . 
10  octobre. 
10  octobre 

27  mai . 

28  mai 

18  juin. 
18  juin. 
18  juin. 
20  août. 

5  novembre . 
2  décembre. 
18  septembre 
22  mars 


Delannoy,  Jean 

Petit,  Michel 

Michel,  Andrieu 

Bacquin,  Jean 

Bellin,  Rolland 

Bourdeau,  Pierre 

Carlier,  Jean.     ...... 

Cornu,  Guillaume 

Deere,  Alexandre 

Varlut,  François 

De  la  Leing,  Joachin    .... 
Léger  (Jean,  dit)     .  ... 

Lonwez.  Philippe,  dit  Radis  . 
de  la  Garenne,  dit  Tarara . 
Bourdon,  Jean,  dit  Mason  le  ligueur 
Prévost,  Jean,  dit  Tout  Cousu 

Robillart,  Michel 

Deletombe,  Nicaise 

Dumont,  Roger 

Boisère,  Marie  (') 

Destailleur,  Huifues     .... 


parmentier 


hôtelier 
potier  d'étain 


retordeur 


B.P.E.  f'>93. 

R.L. 
P.  C 


R.L. 
P.  B.  1-125. 

B.P.E. 
B.P.E.  f" 337. 

R.L. 


(>)  Ce  nom  est  mal  orthograptiié  par  Van  der  Uaeguen,  Martyrs  protestants  néerlandais,  XVI' siècle. 


296 


APPENDICE. 


Date. 


Nom  et  prénoms. 


Profession. 


Genres 

DE    MORT 


—    9 


Références. 


22 
23 
24 
25 
26 
27 
28 
29 
30 
31 
32 
33 
34 
35 
36 
37 
38 
39 
40 
41 
42 
43 
44 
45 
46 
47 
48 
49 


1565. 

1366. 

1567. 

1567. 

io67. 

1367. 

1367. 

1367. 

1367. 

1367. 

1567. 

1567. 

1567. 

1567. 

1567. 

1568. 

1368. 

1568 

1368. 

1368. 

1368. 

1568. 

1368. 

1368. 

1568. 

1568. 

ism. 

1568. 


22  mars 

10  décembre 
7  février 

7  février. 
5  avril . 

3  avril . 
17  mai 

17  mai 

23  mai . 

18  août. 

i  septembre. 

4  septembre . 
20  septembre. 
20  septembre. 
20  septembre. 
9  janvier. 

8  avril 
8  avril . 
8  avril . 
8  avril . 
12  avTil . 
12  avril. 
12  avril. 
12  avril. 
12  avril . 
7  mai. 

7  mai. 
7  mai. 


dit 


Pieq,  Jean    .     . 
Hughe,  Jean.     . 
Degretz,  Pierre . 
Delevingne,  Grart 
de  Lespine,  Gyprien 
Visart,  Jehan 
de  Lers,  Rolland,  dit  Rollu 
WiUe,  Jean  .     . 
Levallois,  Philippe 
de  Snytz,  Cornilles 
Bresoul,  Guillatime 
Moncheau,  Gervais 
Drappier,  .\rnould, 
Mol,  Jehan    .     . 
Legrain,  Jehan  . 
Delerue,  Gilles  . 
Davion,  Simon  . 
François,  Léon  . 
Dumaret,  Jean  . 
Deblas,  Léon     . 
Gabry,  Estienne 
Ayraery,  Simon. 
Du  Pire,  Jérôme 
Minutie,  Salomon 
Chuynne,  Jehan. 
Lefebvre,  Laurent,  dit  As 
Le  Bacre,  Jehan.    .     . 
Hughes,  Jacques     .     . 


Bourgui 
[gnon 


poix 


foulon 
couturier 
cordonnier 
charpentier 
messager 
savetier 
sayeteur 
tanneur 


marchand 

charpentier 

hôtelier 

boucher 

laboureur 


laboureur 

marchand 

cordonnier 

chaudronnier 

marchand 

marchand 

marchand 

marchand 

charpentier 

laboureur 

hauteUsseur 

hôtelier 


R.  L. 


R.  C.  f"9r«. 

R.  C.  f°9vo. 

R.  C.  f»10. 

» 

R.  L. 

» 

R.  c.f-sav». 

R.  c.  foSSr". 
R.  C.f»33r». 
R.C.  f<'36r'. 
R.  C.  f<>36v>. 
R    L. 


P.  B.  1-1 11  n»!. 
R.  C.fi>40r». 
R   C.f°41r\ 

» 

R.C.f»42r». 

R.L. 


•2M1 

Cd 

Genres 

ï 

1 

DE   MOR 

T 

P 

Date. 

Nom  et  prénoms. 

Profession.    _ 

—    Références. 

P 
o 

X 

i  '.2  ë 

■& 

o 

50 

1568.  7  mai. 

Duraont,  Guillaume 

boucher 

R.  L. 

51 

1568.  4  juin. 

Carlier,  Gérard 

.     — 

.    R.C.f°44r<'. 

52 

1568.  4  juin. 

Fontaine,  Jehan.     .          ... 

fossoyeur 

.    — 

.    R.C.f'>44v''. 

63 

1568.  4  juin. 

Lefebvre,  Paul 

marchand 

.    — 

0 

54 

1568.  4  juin. 

de  Bautegnies,  Antoine     .     .     . 

boulanger 

.    — 

.    R.  G.  f°45r<'. 

55 

1568.  4  juin. 

Waucquier,  Jehan       .... 

hôtelier 

.    — 

.    R.C.fo45vo. 

56 

1568.  4  juin. 

Desnoettes,  Jacques     .... 

retordeur 

.    — 

)> 

57 

1668.  22  juin. 

Hierre,  Jehan 

hautelisseur     . 

.    — 

.    R.  C.  fo46ro. 

58 

1568.  22  juin. 

Chindieu,  Jehan 

cuvelier 

.    — 

)> 

59 

1568.  22  juin. 

de  Coulongne,  Jehan    .... 

coutelier 

.    — 

•     R.  C.fo47r<'. 

60 

1568.  22  juin. 

Desnoettes,  François    .... 

carlier 

.    — 

•    R.C.f->47vo. 

61 

1568.  22  juin. 

Blauwel,  Gilles  .... 

bonnetier 

.    — 

■    R.  C.f°48r<'. 

62 

1568.  30  juin. 

Chamart,  Pierre 

marchand 

.    — 

» 

63 

1568.  30  juin. 

Mas,  Anthoine 

marchand 

.    — 

•    R.  C.  lo49r'>. 

64 

1568.  30  juin. 

d'Assegnies,  Thiery      .     .     . 

marciiand 

.    — 

■    R.  C.  f»49v°. 

65 

1568.  30  juin. 

du  Mortier,  Gilles        .... 

laboureur 

.    — 

•     R.  C.f»50r°. 

66 

1568.  30  juin. 

de  Lannoy,  Valentin    .... 

fossoyeur 

.    — 

•    R.  C.fo50vo. 

67 

1568.30  juin. 

Sanclielle,  Simon 

teinturier 

.    — 

•    R.  C.  f»  SI  v^ 

68 

1568.  .30  juin. 

de  la  Fosse,  Quintin,  al.  Convers  . 

sayeteur 

.    — 

■    R.C.f»52r». 

69 

1568.  7  juillet 

Desmarez,  Jehan     .... 

marchand      — 

•    R.C.fo52v'>. 

70 

1568.  7  juillet. 

Escrepont,  Simon 

laboureur      — 

•    R.C.fo53r<'. 

71 

1568.  7  juillet 

Robert,  Pierre 

sayeteur 

—    . 

■    R.C.f<>S4r<'. 

72 

1568.  7  juillet. 

Danglos,  Nicolas 

gantier        — 

•    R.  C.  fo55r». 

73 

1568.  7  juillet. 

Lenoble,  Grégoire 

hautelisseur    - 

•     R.  C.f''5ov'. 

74 

1568.  7  juillet. 

Sade, Jacques    

caucheteur    — 

•     R.C.f"56r°. 

75 

1568.  7  juillet. 

Briseraoutiers,  Jehan  .... 

hautelisseur    — 

•    R.  C.  fo  66  V». 

76 

1568.  7  juillet. 

Merel,  Jelienne 

—    . 

.    R.C.f"57 

77 

1568. 12  juillet. 

Leclercq,  Adrien,  dit  Lacanne     . 

.     .     .     .     - 

.          R.  L.  ■■" 

Toiifi  1.  —  Lettres,  etc. 


38 


298 


APPENDICE. 


Date. 


Nom  et  prénoms. 


Profession. 


Genres 

DE    MORT 


RÉFÉRENCES. 


78 

79 

80 

81 

82 

83 

84 

83 

86 

87 

88 

89 

90 

9i 

92 

93 

94 

93 

96 

97 

98 

99 

100 

101 

102 

103 

104 

103 


1368. 12  juUlet. 
1368. 12  juillet. 
1568.  12  juillet. 
1568.  12  juillet. 
1368.  30  jmllet. 
1368.  30juUlet. 
1568.  SOjuiUet. 
1368.  30  juillet. 
1368.  30  juillet. 
1.368.  30  juillet. 
1368.  30  juiUet. 
1368.  30  juillet. 
1568.  9  août. 
1668.  9  août. 
1668.  9  août. 
1568.  9  août. 
1568.  9  août. 
1568.  9  août. 
1668.  9  août. 
1568.  le'' septembre. 
1568. 1"  septembre. 
1368.  1"  septembre. 
1568.  10  novembre. 
1668. 10  noveraJjre. 
1568.  10  novembre. 
1568.  3  décembre. 
1568.  3  décembre. 
1568.  3  décembre. 


Fregeot,  Jehan  .... 

Ségard,  Simon,  dit  Pintelelle 

de  Waregny,  Pierre 

Hennecau,  Pierre 

Du  Bus,  Gilles   . 

De  le  Lys,  Gilles 

Fruyt,  Crespin  . 

Ricquart,  Jehan 

Harnesquiel,  Michel,  dit  le  Laquay 

Henneuse,  Estiennette 

Lefebvre,  François. 

Loyau,  François 

de  Lenglée,  Philippe 

Godault,  Estienne  . 

Bauldechon,  Estienne 

de  Beaumont,  Pierre 

de  Lannoy,  Jean 

de  Vrey,  Henri  .     . 

Macquet,  .\drien 

Carpréau,  Pierre     . 

Vivequin,  Regnauld 

Philipot,  Simon. 

Bourgeois,  Anthoine 

(le  Ballenghien,  Jean 

Legrand,  Catherine . 

Petit,  Antoine    .     . 

de  Villers,  Jehan     . 

Blondiau,  Sébastien 


aboureur 
cordonnier 

fileur 
laboureur 

marchand 
marchand 


charretier 
aboureur 
boulanger 


P.  C.  Justice. 


R.  G.  f  38V-. 
R.  C.  fo  59  r». 
R.C.f°59v. 
R.  C.  fo  60  v». 
R.  G.  f°  61  r». 
R.C.  f'>61v^. 
R.  C.  f»  62  r». 
R.  C.  f»  62  v«. 
P.  C.  Justice. 


R.G.  f»79. 
R.  C.  f»  80  ro. 
R.C.  f>80v.«. 


APPENDICE. 


â9@ 


Q 

s: 
o 
"q 


Date. 


Nom  et  prénoms. 


Profession. 


Genres 

DE    MORT 


(Ù 

'm 

o 

o 

CJ 

Kéférences. 


106 

107 

108 

109 

HO 

111 

112 

113 

114 

115 

116 

117 

118 

119 

120 

121 

122 

123 

124 

125 

126 

127 

128 

129 

130 

131 

132 

133 


1568.  IS  décembre. 
1S68.  16  décembre. 
1S68. 16  décembre. 
1568. 16  décembre. 
1568.  29  décembre. 

1568.  29  décembre. 

1569.  13  janvier. 
1569.  13  janvier. 
1569.  13  janvier. 
1569.  13  janvier. 
1569.  19  janvier. 
1569.  19  janvier. 
1569.  19  janvier. 
1569.  19  janvier. 
1569.  19  janvier. 
1569.  19  janvier. 
1569.  20  janvier. 
1569.  20  janvier. 
1569.  20  janvier. 
1569.  20  janvier. 
1569.  20  janvier. 
1569.  20  janvier. 
1569.  24  janvier. 
1569.  24  janvier. 
1.Ï69.  24  janvier. 
1569.  24  janvier. 
1569.  24  janvier. 
1569.  24  janvier. 


Carette,  Henri 

Dugardin,  Pasquier     ... 

Houart,  Jacques 

Lebrun,  Adrien 

Florin,  Jacques 

De  Bras,  Roland 

Loncle,  Rogier 

Leclercq,  Jacques 

du  yuesne,  Pierre,  alias  Le  Glan. 
AUard,  Simon    ...... 

Ternois,  Joachira 

du  Prys,  Louis 

Belys,  Martin 

de  le  Prée,  Gaspard     .     .     .     . 

du  Hamel,  Jacques 

Madou,  Christophe 

de  la  Thieullerie,  Jehan  .  .  . 
Wannet,  Claude,  dit  Macquaigne. 
Le  Louchier,  Hercule  .  .  .  . 
Guillaume,  Jehan,  dit  Manant.     . 

Hovine,  Arthur 

Lampol,  Louis 

Legrain,  Louis        

Rys,  Jehan         

Lagache,  Gervais 

Husseman,  Jehan 

du  Chastelet,  Nicolas  .  .  .  . 
de  Longhuehaye,  Robert  .     .     . 


savetier 
sayeteur 
laboureur 
laboureur 
tisserand 
tisserand 
hautelisseur 
cordonnier 


bonnetier 

retordeur 

hautelisseur 


hautelisseur 
charretier 


laboureur 
sayeteur 


P.C. 


K.C.  fo81vo. 
S.  p.  310. 
S.  p.  311. 


P.C. 


R.C.  f»82vo. 
R.C.  f°85r». 
R.  C.  f"  85  r». 
R.  C.  fo  86  r°. 
R.C.  f»86v<>. 
R.  C.  f»  87  r». 
R.  C.  f°  87  vo. 
R.C.  fû88r». 
R.  C.  fo  89  r». 
R.  C.  {"  90  r". 
R.C.  f" 91  r». 
R.C.  f»91  v». 


300 


APPENDICE. 


es 
a 

es 
o 
~a 


Date. 


Nom  et  prénoms. 


Profession. 


Genres 
DE  mort 


Références. 


134 
135 
136 
137 
138 
139 
140 
141 
142 
143 
144 
145 
146 
147 
148 
149 
150 
151 
152 
153 
154 
155 
156 
1.Ï7 
158 
159 
160 
161 


1569. 
1369. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1369. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 
1569. 


2  mars. 
2  mars. 
2  mars. 
2  mars. 
2  mars. 
2  mars. 
2  mars. 
2  mars. 
2  mars. 
2  mars. 
2  mars. 
2  mars. 
2  mars. 
26  avril. 
26  avril . 
26a\Til. 
26  avril . 
26  avril. 
26  avril. 
26  avril . 
26  avril. 
15  juin. 
15  juin. 
15  juin . 
7  juillet. 
22  août. 
13  octobre. 
28  novembre. 


de  Wannebausart,   .\rnould,  dit 

[Dieu  de  Lannoy . 

de  le  Haye,  Gérôme     .     .     .     . 


du  Fresnoy,  Godefroy,  S'deThun. 

Boutry,  David 

Finet,  Mare 

Descamps,  Jehan 

Sergant,  Pasquier 

Cuvelette.  Jehan 

Bouehier,  Augustin 

Leprince,  Jehan 

Deletombe,  Jehan 

Deleprée,  Jehan 

Souverain,  Robert 

Drappier,  Mahieu;  dit  bourguignon 

Heldebault,  Nicolas 

Loncle,  Claude 

Duquesne,  Nicolas 

Gombault,  Jactpjes 

De  Voz,  Gérart 

Delattre.  Jehan 

Descamp,  Éloi 

Pelet,  Pierre,  dit  Gaurin        .     . 

Le  Lièvre,  Liévin 

Flandras,  Jean 

Hornet,  Jacques 

Duveiller,  Jacques 

Soré,  Jean 

Jacques,  Robert 


couturier, 
hautelisseur. 

sayeteur. 

couturier. 

boucher. 

sayeteur. 
hautelisseur. 

marchand. 


meunier. 

mercier. 

coutelier. 

sayeteur. 

marchand. 

couturier. 

licencié  es  droits. 


R,  C.  f«  93  r». 


R.  C.  fo  96  v». 

R.  C.  f"  97  v°. 

R.  C.  f"  98  r°. 

R.  C.  f»  98  v. 

R.  C.  f»  99  r». 

n 

R.C.  f»100r\ 
R.C.MOOv». 
R-CfolOlr». 
R.C.f''102r<'. 

S.  p.  318. 
R.C  f'IOlr». 

R.C  f°106r". 
R.  C.  f"  106  v«. 
R.  C.  f»  107  v». 
R.C.  f''108r'. 
P.  B.  E.  £0  69. 
S.  p.  332. 


R.  C.  f»  109  v». 

R.C.MlOr». 

S.  p.  338. 

P   G. 


APPENDICE. 


301 


Genres 

i 

DE    MORT 

ed 

Date. 

Nom  et  prénoms. 

Profession. 

RÉFÉRENCES. 

-a 

CD 

'm 

3 

O 

CÛ 

O 

162 

1569.  28  novembre. 

Piemant,  Bauduin 

boulanger 



P.C. 

163 

1569.  28  novembre. 

de  Berlot,  ArnoukI 

. 

— 

» 

164 

1569.  28  novembre. 

d'Antoing,  Hiérome.     .     . 

— 

» 

16f) 

1570.    2  mars. 

Philippo,  Jean 

.     .     .     . 

— 

s.  p.  352. 

166 

1S70.    8  mars. 

Delesaux,  Baltazar       .          .     . 

— 

» 

167 

1570.    8  mars. 

Lelièvre,  Jaspard 

- 

)) 

168 

1570.    8  mars. 

Raphaël 

.     .     .     . 

— 

» 

169 

1570.  22  mars. 

Solon,  Jean 

.     .     .     . 

- 

S.  p.  354. 

170 

1570.  22  mars. 

Deswattines,  Jean        .... 

boulanger 

- 

» 

171 

1570.  22  mars. 

Le  Vaillant,  Charles     .     .     . 

. 

- 

)) 

172 

1570.  12  avril. 

Becq,  André 

- 

S.  p.  355. 

173 

1570.  12  avril. 

Poilu  Jacques   .... 

— 

S.  p.  356. 

174 

1570.  17  avril. 

Lecocq,  Adam         

raaïeur  des  finances 

- 

S.  p.  356. 

175 

1570.  17  avril. 

de  Guersem,  Roland         ... 

— 

S.  p.  .356. 

176 

I."i70.  17  avril. 

Arnould 

laboureur 

— 

S.  p.  356. 

177 

1570.  17  avril. 

Colrelle,  Philippe 

. 

— 

S.  p.  857. 

178 

1570. 17  avril. 

Un  jeune  homme  de  Thun.     .     . 

— 

.S.  p.  357. 

179 

1570.  17  avril. 

la  Fosse  (Mademoiselle)    .     .     . 

.     . 

- 

S.  p.  357. 

180 

1570.  21  avril. 

Gabriel 

censier 

— 

S.  p.  .357. 

181 

1570.  27  avril. 

Berte,  André,  dit  Drue  Delacroix . 

- 

P.  C.  Justice. 

182 

1570.  27  avril. 

Dare,  Catherine 

.     .     .     . 

— 

P.  C.  Justice. 

183 

1570.  27  novembre. 

Miette,  Henry 

.... 

— 

P.  C.  Justice. 

PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


(1) 


I(VII).  —   19  février  1522. 


Les  mngistrals  de  Tournai  deniandoiit  l'annexion  de  leur  ville 

à  la  Flandre. 

A  tous  qui  ces  présentes  verront.  Prevostz,  jurez,  mayeiirs  et  eschevins, 
eswardeurs  et  les  doyens  des  mestiers  représenlans  les  quatre  consaulx  et  avecq 
ce  pluisieurs  de  la  bourgeoisie  et  de  la  commiinaulté  des  ville  et  cité  de  Tournay, 
représenlans  le  corps  ei  communaullé  des  dictes  ville  et  cité  et  de  la  banlieue, 
deuenient  convoquiez  et  notablement  assamblez  en  halle  au  lieu  auquel  l'on  est 
acoustumé  faire  assemblées,  salut.  Comme  très  hault,  très  excellent,  très  puissant 
et  invincible  prince  Charles  par  la  divine  clémence  empereur  des  Komaias, 
cincquième  de  ce  nom,  Roy  calholicque  des  Espaignes,  archiduc  d'Austrice.  duc 
de  Bourgongue,  de  Brabant,  etc.,  conte  de  Flandres,  d  Artois,  de  Haynnau,  etc., 
nosire  vray,  droiclurier  prince  naturel  et  souverain  seigneur,  par  Monsi^de  Lannoy 
son  Chambellan,  gouverneur  et  capitaine  de  Tournay  et  de  Tournesis,  Laurens 
du  Blioul.  S''  du  Sart.  greffier  de  son  ordre,  et  Jehan  de  la  Croix,  son  receveur 
général  en  Haynnau,  tous  ses  conscilliers  et  par  lui  commis  et  depputez  au 
renouvellement  et  créacion  de  la  loy  desdictes  ville  et  cité  pour  l'année  prochaine 
et  pour  autres  affaires,  entre  autres  choses  nous  ait  fait  dire  que  pour  autant  que 
l'unyon  des  ville  et  chastel  de  Tournay,  du  Tournesis.  de  Mortaigne  et  Saint 
Amand  cl  leur  appendences,  et  des  subjectz  et  autres  y  manans  et  inhabitans  au 
corps  du  pays  et  conté  de  Flandres,  à  1  advis  et  opinion  de  pluisieurs  bons,  grans. 


(')  Conformément  au  vœu  exprimé  par  M5I.  les  Académiciens  examinateurs  de  notre  Mémoire,  nous 
n'avons  laissé  subsister  que  les  pièces  justificatives  absolument  indispensables.  .Mais,  comme  ces  preuves 
ont  été  renseignées  par  nous  dans  le  bas  des  pages  qui  précèdent  par  leur  ancien  numéro  d'ordre,  force 
nous  est  de  placer  à  côté  du  numéro  de  classement  actuel,  l'ancien. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  303 

saiges,  notables  et  expérimentez  personnaij!;es,  feust  et  seroit  la  fortifficalion. 
sceurelé  et  repoz  et  en  effect  le  commun  bien  dudit  pays  et  conté  de  Flandres  et 
de  Tournay,  du  Tournesis,  de  Morlaigne  el  Saint  Amand  et  leurs  appendcnces,  et 
aussy  des  subjectz,  nous  el  autres,  el  que  à  eesie  c;iuse  icellui  seigneur  leusl  enclin 
el  euist  assez  proposé  procéder  à  ladicle  union,  mais  (]ue  eeulx  du  pays  el  conté 
de  Haynnau  de  ce  advertiz,  lesquelz  dienl  et  mainliengnent  partie  de  la  cité  de 
Tournay  el  quelque  partie  du  Tournesis  en  temps  passé  avoir  esté  esclichiez  et 
séparez  dudil  pays  de  Haynnau,  soubz  ceste  couleur  ayent  prétendu  lesdicles 
ville  et  cité  de  Tournay.  l'entier  Tournesis.  Morlaigne  et  Saint  Amand  avec  leur 
appendence  par  la  raison  debvoir  plustost  cstre  unyz  audit  Haynnau  que  à  aultre 
pays,  el  ayenl  requis  ladicle  unyon,  et,  pour  le  moins  à  l'extrémité,  que  les  parties 
desdiz  Tournay  et  Tournesis  qui  auroyenl  esté  séparées  de  Haynnau  y  fussent 
restituées  el  réunyes,  et  que  l'empereur  noslredit  souverain  seigneur  usant  vers 
nous  de  clémence  et  bénignité,  pour  autant  que  ladicle  unyon  nous  louchasl, 
désirast  au  fait  dicelle  entendre  nostre  opinion  et,  de  sa  part,  nous  ayent  requis  la 
leur  déclarer,  savoir  faisons  que  nous  qui,  dèz  tosl  après  la  réduction  des  ville  et 
cité  de  Tournay,  du  Tournesis  et  leur  apperlenences  el  la  nostre  en  l'obéissance 
de  l'empereur,  noslredit  souverain  seigneur,  avons  oy  parler  de  l'unyon  que  dessus 
el  des  poursuites  qui  en  sont  esté  faites  de  divers  costez  et,  au  fait  dicelle,  avons 
entre  nous  heu  pluisieurs  conférences  et  communicacions,  et  deslors  el  tousjours 
puis  conlinuellemenl  jusques  ores  pour  pluisieurs  bons  regardz  nous  a  samblé 
comme  ancoires  samble  que  l'unyon  de  Tournay,  du  Tournesis,  de  Morlaigne  et 
Saint  Amand  el  de  leur  appendence  au  corps  du  ()ays  el  conté  de  Flandres  seroit 
nostre  notoire  el  évident  prouffil,  et  mesmes  que  ladicle  unyon  à  Flandres  nous 
seroit  plus  proppice  et  plus  commodieuze  que  à  autres  queizconcques  pays;  nous 
en  ceste  cognoissance,  pour  nous  el  tous  les  inhabilans  de  la  cité  de  Tournay  et 
de  la  banlieue,  d'un  commun  accord  et  vouloir  sans  contredit  en  la  présence  de 
iVIons''de  Beauforl,  grand  bailly  de  Tournay  el  du  Tournesis,  et  de  eeulx  du  conseil 
du  bailliaige,  les  quelz  se  sont  conformez  à  nostre  opinion,  pour  nostre  forliffi- 
cacion,  sceureté  et  repos  el  le  commun  bien,  notable  et  évident  proffit  de  la  cité 
de  Tournay,  du  Tournesis,  de  Morlaigne  et  Saint  Amand,  et  des  appertenances 
el  de  tous  les  subjectz,  manans  el  inhabitans  desdis  lieux,  nous  el  autres,  avons 
désiré  et  désirons  l'unyon  destlictes  parties  el  de  nous  au  corps  dudit  pays  et  conté 
de  Flandres  et  oultre  et  pardessus  nostre  consenlemenl,  lequel  nous  y  avons 
donné  et  donnons  à  ladicle  unyon,  nous  en  toute  humilité  avons  requis  et  supplié, 
et  par  cestes  requerrons  el  supplions  à  lempcreur,  noslre  dit  prince  naturel  et 
souverain  seigneur,  que  son  plaisir  soil  vouloir  procéder  à  l'effect  dicelle  unyon  et 
réallcmenl  el  de  fait  unyr  el  incorporer  la  ville  et  cité  de  Touruay,  le  Tournesis, 


304  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

iMortaigne  et  Saint  Amand  et  leur  apendence  et  nous  et  tous  autres  manans  et 
inhabilans  desdiz  lieux,  de  quelque  estât  et  condicion  qu'ilz  soient  au  corps  dudil 
pays  et  conté  de  Flandres  pour  perpétuellement  et  inséparablement  y  estre  et 
demeurer  branche  dudit  pays  et  de  semblable  ressort  que  sont  les  villes  d'Allost 
et  Tenremonde  el  leur  terrois.  Saulf  en  aultres  choses,  les  prévillèges,  droiz, 
franchises  el  libériez  de  ladicle  ville  et  cité.  En  lesmoing  de  ce  nous  avons  fait 
mectre  à  ces  présentes  lettres  le  seel  aux  causes  de  ladicte  ville  et  cité,  qui  furent 
faites  et  passées  le  dix  noefième  jour  du  mois  de  febvrier  l'an  mil  cincq  cens  et 
vingt  et  ung. 

Ainsi  signée  par  le  secrétaire.  R.  du  Fief. 

(Archives  générales  da  Royaume  à  Bruxelles.  Chambre 
des  comptes,  carton  n"  32.) 


II  (X).  —  14  octobre  1561, 


Les  Commissaires  royaux  font  leur  premier  rapport 
à  Marguerite  de  Parme. 

H  octobre  l.o6i. 

Suyvant  la  charge  et  commission  donnée  par  très  illustre  et  puissante  princesse 
Madame  la  dueesse  de  Parme,  etc..  Régente,  etc.,  à  nous  de  Montigny.  gouverneur 
de  Tournay.  Dassonleville  el  de  Riasere,  conseilliers  de  Sa  Majesté,  en  date 
du  vij<=  de  ce  préseni  mois  d'octobre  I.t()I,  sommes  partis  de  Bruxelles  le  viij  dudit 
mois,  et  le  lendemain  arrivez  au  chastau  dudit  Tournay,  ou  pour  inconlinenl 
satisfaire  à  l'ordonnance  de  Son  Alfeze,  avons  à  la  mesme  heure  mandé  les  grand 
et  pelit  prevoslz  avec  l'un  des  pensionaires  de  ladicte  ville,  et  aprez  leur  avoir 
déclairé  quelque  chose  des  causes  de  nostre  venue  illec  (sy  avant  que  pour  lors 
trouvions  convenir),  et  reprins  sommièremenl  la  faulte  que  ceulx  de  la  loy  avoienl 
faict  de  non  avoir  adverti  incontinent  Son  Alteze.  ny  mesmes  moy,  de  Montigny, 
gouverneur  de  ladicle  ville,  de  ce  qui  s'estoit  passé,  leur  avons  demandé  quelle 
chose  c'estoit  de  ces  assamblées  et  tumultes  advenuz  ces  jours  précédens  oudit 
Tournay,  en  qiielz  termes  les  affaires  se  retrouvoient  présentement,  quel  ordre  ilz 
y  avoienl  mis,  et  quelles  informations  ilz  en  avoient  faict,  ensamble  quelles 
personnes  ilz  avoienl  appréhendé. 


PIÈCES  JUSTIFiCATIVES.  505 

Surqiioy  nous  ont  respondu  que  le  jour  de  S*  Michiel,  xxjx*  de  septembre 
dernier,  quelques  personnes  rassemblées  de  divers  costez,  jusqiies  (corne  plussieurs 
estiment)  deux  cens  ou  environ,  se  seroient  sur  les  huict  heures  du  soir  mises  à 
aller  par  les  rues  el  circuyr  cha  et  là,  chantant  à  liaulle  voix  plussieures 
pseaulmes  de  David,  Iraduictz  en  ritme  françois,  lesquelz  chanteurs  estoient 
suyviz  par  une  p;randc  lurbc  de  toutes  gens  de  divers  sexe,  tant  hommes,  femmes 
que  enffans  discourantz  ainsy  par  la  ville,  de  manière  que  ceulx  He  la  loy 
s'estantz  le  lendemain  trouvez  ensemble  pour  remédier  à  ce  mal,  auroient  incon- 
tinent faici  deffences  bien  eslroicles  que  telles  assamblées  ny  cliantz  ne  fussent 
plus  faiclz,  mectant  pris  à  ceulx  quy  denunceroient  les  auteurs,  selon  qu'ilz  ont 
parliculièrement  adverli  Sa  dicte  Alleze,  mais  cela  ne  vallu  riens. 

Car  au  contraire  ledit  jour  fut  plus  grosse  assamblée  que  devant,  bien  en 
nombre  (corne  on  estime)  de  vj  à  vij<=  plus  ou  moins,  lesquelz  menoient  bruict  et 
chantoient  passant  par  les  rues,  et  continuant  jusques  les  dix  heures  en  la  nuict, 
que  lors  se  séparèrent  sur  le  grand  marchié  chascun  à  son  quartier,  crianiz 
aucuns  Sainct  Brixe,  aultres  Sainct  ÎNicaise,  qui  sont  paroisses  en  ladicte  ville. 

Quy  fut  cause  que  le  jour  suyvant,  premier  de  ce  mois,  lesdiz  de  la  ville  firent 
plus  rigoreux  édict  que  devant,  mesmemeut  dez  le  soir  ordonnarent  un  bon  ghuet 
par  le  marchié  et  aultres  advenues  dicelluy.  pour  réprimer  lesdiz  tumultes. 
Et  ainsy  que  l'on  asseoit  ledit  ghuet,  plussieurs  s'assemblarent  oudit  marchié,  ne 
scavent  à  quelle  intention,  néanlmoins  convint  deschasser  ladicle  assamblée  à 
coups  de  bastons  et  hallebardes,  à  l'assistence  aussy  d'aulcuns  soldartz  du  chastau, 
qu'ilz  avoient  demandé,  et  s'est  continué  ledit  ghuet  jusques  ad  présent,  de  sorte 
que  depuis  ce  temps  l'on  n  auroit  plus  faict  telles  assamblées  ny  chantz. 

Desquelles  émotions  el  lourbles  ilz  disoient  ceulx  de  ladicte  ville  avoir  prins 
informacions  pour  cognoistre  ceulx  qui  s'y  estoient  trouvez,  et  spéciallement 
scavoir  les  auteurs,  mais  pour  ce  qu'il  estoit  lors  nuict,  et  faisoil  fort  obscur,  avec 
ce  que  les  hommes  se  cachoient  les  visaiges  tant  de  leurs  robbes,  cappes.  man- 
teaux, comme  aucuns  de  masques,  aussy  les  femmes  esloienl  couvertes  de  l'ailles, 
demye  failles  el  aultres  choses  qu'elles  portoient  sur  leurs  testes,  ne  leur  a  esté 
possible  de  les  cognoistre,  tant  seullement  avoienl  appréhendé  quatre  ou  cincq 
qui  s'y  estoient  trouvez,  et  en  tenoient  encoires  deux  prisonniers,  et  les  deux 
aultres  l'un  nommé  Tallemant,  lilz  d'un  bourgeois  de  ceste  ville,  el  un  aultre 
vallel  du  fournicr,  avoient  esté  relaxez  par  caution. 

El  pour  ce  qu'ilz  nous  confessarenl  que  les  susnommez  avoienl  esté  présens, 

leur  ordonnasmes  pour  plussieures  raisons  d'eulx  asseurer  de  leurs  persones,  leur 

remonstrant  que   puis  qu'ilz  se  Irouvoient  avoir  esté   en  la  troppe,  qu'ilz  ne 

debvoienl  eslre  relaxez,  parquoy  regardassent  de  les  remectre  le  pluslot  que  faire 

Tome  I.  —  Lettres,  etc.  59 


306  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

pourroient  en  prison,  el  au  surplus  de  nous  apporter  lendemain  vij  heures  du 
malin,  les  informations  par  eulx  tenues  pour  les  visiter  et  examiner.  Ce  qu'ilz 
promirent  faire. 

Et  comme  ilz  dirent  que  ceulx  du  bailliaige  dudit  Tournay  et  Tournesis 
avoienl  aussy  prins  information,  mesmes  que  le  procureur  du  roy  s'estoit  mis 
secrètement  entre  eulx  pour  veoir  si!  n'en  pourroil  et  congnoislre  aucuns,  nous 
advisasmes  de  mander  pareillement  pour  le  lendemain  huict  heures  du  matin, 
lesdiz  officiers  pour  oyr  d'eulx  ce  qu'ilz  avoient  faict. 

Pareillement  délibérâmes  d'envoyer  vers  le  vicaire  de  Mons'  de  Tournay  affin 
qu'il  nous  vauloist  advertir  de  ce  que  ceulx  de  i'évesché  povoient  avoir  entendu, 
faict  el  besongné,  el  oyr  leur  opinion  de  cesl  affaire. 

Le  10  dudit  mois,  visitâmes  l'information  de  ladicte  ville,  où  il  y  avoit  bien  peu 
d'ordre  et  de  sens,  et  ne  trouvions  grandz  debvoirs  faictz  par  eulx,  néantmoins 
appercusmes  par  le  peu  que  c'estoit  qu'il  n  y  avoil  eu  propos  de  relaxer  lesdiz 
Tallemant  et  Fournier  (corne  dessus  dit  est).  Et  dicelle  information  nous  a  esté 
donné  le  double. 

Oultre  ce  le  mesmes  jour,  sont  aussy  venuz  les  bailly,  lieutenant,  conseilliers, 
advocat,  procureur  et  aultres  officiers  du  bailliaige  ausquelz  ont  esté  délivrées  les 
lettres  de  Son  Alteze  pour  le  regard  de  nostredil  négoce,  et  demande  de  l'advenue 
desdictes  émotions  et  tourbles,  aussy  du  remède  qui  y  avoil  esté  donné,  et  s'ilz 
n'en  avoienl  faict  informations. 

Surquoy  par  la  bouche  dudit  advocat  nous  déclairarenl  le  discours  dudit  affaire, 
en  conformité  assez  de  ce  que  avions  entendu  des  diz  prevostz.  el  jasoit  qu'ilz  en 
euissent  tenu  information,  sy  n'avoienl  ilz  sceu  advererle  cas  pour  l'obscurité  de 
la  nuict.  et  que  les  assistens  se  eachoienl  le  visaige,  mesmement  combien  que  le 
procureur  du  roy  se  fut  mis  entre  enlx  pour  scavoir  s'il  n'en  pourroil  recognoislre 
aucuns,  il  n'a  peu  ce  faire,  comme  ledil  procureur  nous  aussy  dit. 

Toutesfois  leur  avons  dit  de  nous  délivrer  copie  autenticque  de  leur  informa- 
tion pour  veoir  le  debvoir  qu'ilz  poeuvent  avoir  faict,  leur  remonstrant  l'impor- 
tance dudit  affaire  el  comment  en  ce  cas  d'assamblée  publicque  de  nuict  et  hors 
heures,  n'estoit  seullement  contrevenu  aux  placcarts  contre  les  sectaires,  mais 
aussy  que  c'estoient  choses  tendantes  à  manifester  séditions,  rebellions  et  tumultes, 
sentans  crisme  de  lèzc  majesté,  pourquoy  c'estoit  bien  à  eulx  d'en  avoir  prins,  doiz 
le  commenchement,  cognoissance  corne  de  cas  royal  et  priviliégé. 

Quoy  oyanl  par  eulx,  nous  feireni  plussieurs  doléances  en  quoy  ilz  disoienl 
estre  emprins  sur  la  justice  et  auctorité  du  roy  par  ceulx  de  la  ville,  tellement 
que  voions  assez  qu'il  y  a  entre  eulx  plussieurs  disputes  pour  leur  jurisdictiou,  sy 
nous  ont  dil  d'avoir  parcidevant  faict  plussieurs  debvoirs  par  le  bailliaige  dudit 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  307 

Tournesis  pour  contenir  les  subjectz  en  office  et  dévotion  de  l'anchienne  religion 
catliolicque,  lellemenl  qu'ilz  tiennent  le  plat  pays  assez  bien  refilé  en  ce  regard; 
néantmoins  nous  en  informerons  plus  amplement  de  tout,  et  du  debvoir  faict  par 
eulx  et  aultres  inférieurs  pour  en  donner  meilleur  compte  à  son  alteze. 

Le  mesmes  jour  à  i'aprez  disner,  comme  oïsnies  que  les  diz  du  bailliaige  nous 
avoient  faict  la  déclaration  susdicte  de  n'avoir  sceu  riens  adverer,  et  que  les  infor- 
mations des  diz  de  la  ville  estoient  fort  maigres,  commenchasmes  à  oyr  plussieurs 
lesmoings  telz  que  povions  entendre,  scavoir  à  parler  de  ladicte  assamblée  et  des 
circunstances,  recollans  aucuns  de  ceulx  qui  avoient  esté  oijr,  et  avons  continué 
ladicte  enqueste  le  lendemain  H*  dudit  mois,  et  continuons  présentement,  ayans 
dès  à  présent  oy  14  ou  <5  tesmoings. 

Par  lesquelz  appert  clairement  les  assamblées  illicites  avoir  esté  faictes  de  nuict 
ledit  jour  S*  Michiel  et  le  lendemain  derrain  passé,  en  bien  grand  nombre^  et 
qu'ilz  estoient  bien  le  nombre  de  cent  persones  que  homes,  femmes,  filles  et 
enlTaiis  quy  chanloient  tumultuairement  les  dix  commendemens  de  la  loy  et 
pseaulmes  de  David  en  la  translation  franchoise,  et  estoient  bien  suyvys,  asscdvoir 
la  première  fois  plus  de  vj<=  plus  ou  moins,  mais  y  avoit  certain  nombre  qui 
marclioit  devant  et  commenchoient  les  versetz  que  les  aultres  enssuyvoient. 

Entre  lesquelz  estoit  un  petit  home  noir,  portant  barbe  raise,  vestu  d'un  man- 
teau de  bougran  ou  cuyr,  qui  estoit  le  conducteur,  et  en  cest  estât  depuis  les 
vij  heures  du  soir  jusques  les  dix  heures  de  nuict,  continuarent  discourant  quasi 
toutes  les  principalles  rues  de  ladicte  ville,  faisant  aucunes  fois  stations,  si  comme 
devant  la  maison  du  coadjuteur  et  vicaire  de  Mons'  de  Tournay,  devant  les  Augus- 
tins,  à  8*  Piat,  et  au  grand  marchié  où  ils  se  séparent;  néantmoins  paravant  ce 
faire  se  mirent  en  couronne  et  ronde,  au  milieu  de  laquelle  se  mit  un  quidam 
portant  une  petite  barbe  rousse  lequel  osta  le  bonnet,  commcncha  haranguer  disant 
ces  motz,  ou  en  substance  :  «  Messieurs,  nous  avons  loué  le  Seigneur  partant  que 
chaseun  se  retourne  en  son  logis  pour  le  remerchier  qu'il  nous  a  donné  la  grâce 
d'annuncher  ainsy  la  vérité  et  sa  parolle,  en  luy  priant  aussy  affin  qu'il  nous 
donne  bien  persévérer,  et  nous  vœulle  donner  victoire  »,  ce  qui  fut  dit  partie  en 
ritme  françoise  partye  aultrement.  Sur  quoy  la  trouppe  ostant  aussi  le  bonnet 
respondit  ainsy  soit-il,  et  le  lendemain  dudit  S'  Michiel,  les  assamblées  se  sépara- 
rent  à  la  croix  S*  Piat,  aprez  avoir  chanté  et  donné  congié  par  luy  de  s'en  relhirer 
et  que  chaseun  eult  eryé  son  quartier.  Rt  estoit  apparence  qu'ilz  fussent  retourné 
le  lendemain,  ne  fut  l'ordre  du  renforchement  du  ghuet  mis  par  la  ville,  où  assis- 
tarent  aussy  quelques  soldars.  Encoires  ne  povoit  bien  le  magistrat  meclre  les  gens 
hors  du  marchié,  que  à  grandz  coups  de  basions  de  hallebardes,  corne  dit  est. 

Et  (|uant  aux  autiieurs  et  ehicfz  de  ladicte  émotion  et  cslevée  de  trouppe,  avons 


308  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

ja  commenché  descouvrir  que  furent  aucuns  jeunes  gens  de  cesle  ville  en  quelque 
nombre  qui  prindrent  ce  conseil,  ledit  jour  S'  Michiel  hors  la  porte  de  Lannoy, 
entre  lesquelz  esloil  par  le  dire  d'un  témoing  un  nommé  Pierre  Guillaume,  filz  de 
Jean,  retordeur  de  sayette,  que  avons  pensé  appréliender  dez  le  10"  <ie  ce  mois  au 
soir,  mais  il  s'est  enfuy  passé  huict  jours;  comme  aussy  trouvions  lesdiz  Talle- 
mant  et  le  varlet  du  fournier  eslargiz,  avoir  chanté  avec  les  aultres  et  estre  ledit 
varlet  coustumier  chanter  par  la  ville  lesdiz  pseaulmes  luy  seul  du  matin,  allant 
pour  commander  aux  bonnes  gens  de  faire  leur  pain. 

Ledit  1(1«  du  matin,  le  procureur  de  la  ville  est  venu  déclarer  comme  ceulx  de 
la  loy  avoient  faict  debvoir  d'appréhender  lesdiz  Tallcmant  et  boullengier,  mais 
qu'ilz  s'ostoicnt  absentez  et  enfuys  (chose  qui  leur  dcsplaisoit  fort),  parquoy 
avoient  appréhendé  les  pères  qui  estoient  caution  de  leurs  enffans,  surquoy  leur 
avons  bien  expressément  donné  à  entendre  la  faulte  par  eulx  commise. 

Nous  sommes  du  tout  aprez  pour  recognoistre  ledit  home  avec  le  manteau 
susdit,  qui  menoit  et  guidoit  les  chanteurs  et  celluy  qui  feit  la  harengue  en  la 
couronne  aussy  les  aultres  cbiefs. 

Trouvons  bien  qu'il  y  a  couru  une  grande  et  effrénée  multitude  de  gens  de  tout 
sexe,  si  jeusnes  et  ignorans  qui  ne  scavoient  ny  entendoient  ce  qui  se  faisoit,  et 
en  la  trouppe  y  avoit  quelques-uns  qui  leur  sambloient  François  meslez,  mais 
n'avons  cncoires  sceu  s'iiz  ont  esté  les  auteurs  ny  s'il  y  a  praticqué  avec  ceulx  de 
Vallenciennes,  que  ne  povons  cognoislre  sans  avoir  lesdiz  auteurs 

Ceulx  du  vicariat  à  l'assistence  des  soldars  du  chastau  que  moy  de  Montigny 
leur  ay  délivré,  ont  prins  à  nostredicte  arrivée  un  arbaleslrier  de  ceste  ville, 
qu'ilz'chargent  avoir  tenu  conventicules  et  avoir  esté  en  ceste  assamblée  avec  sa 
femme,  et  avoir  dit  que  si  ce  n'estoit  que  on  le  feit  ainsy,  que  jamais  on  en  vien- 
drait à  fin. 

Coramunicasmes  doiz  hier  cestuy  affaire  avec  ledit  coadjuteur  vicaire  général, 
s'estant  trouvé  en  ce  lieu,  et  aujourd'huy  debvons  aussy  traicter  tant  sur  cela  que 
autres  affaires  avec  Mons"^  de  Tournay,  qui  vint  hier  icy  en  ceste  ville  pour  scavoir 
ce  que  l'on  fera  dudit  prisonnier. 

(.\rchives  du  Royaume.  Correspondance  de  Tournai. 
Registre  n»  384,  fol.  12-15.) 


PIECES  JUSTiriCATFVES.  509 


III  (XI).    —   15  octobre   1561 


DeuxièiiK'  rappoil  «h'S  Coiniiiissaiips  à  la  Kégrnio. 

15  octobre  1561. 

Madame,  nous  avons  faict  telle  fliligence  pour  sonder  et  effonser  l'origine  de  ce 
mal,  que  nous  avons  à  cestc  heure  descouvert  l'une  des  principalles  maisons,  où 
les  priiieipauls  predicans  se  relhiroient  et  faisoient  leurs  eonvenlicules  et  assam- 
blées,  de  sorte  que  y  avons  trouvé  livres  de  Calvin  en  latin  et  françois.  ensamble 
de  plussieurs  aultres  hereziarques,  dont  le  catalogue  n'est  encoires  faict.  avec 
pUirsieurs  lettres  missives  et  extraictz  de  sermons,  une  parlije  pacquée  avec  les 
meubles,  livres  et  bardez  prestz  à  transporter.  Bien  est  vray  que  de  malheur 
eculx  qu'avons  envoyé  pour  empongner  un  prédicant  des  principaulx,  qui  s'est 
meslé  passé  longtemps  de  corrompre  les  aultres,  el  lequel  par  suspicion  est  celuy 
qui  a  faict  les  harangues  aux  assamblées  dernièrement  faietes  icy,  estoit  sorty 
ladicte  maison  peu  paravant,  et  comme  la  chose  est  descouverte  pour  avoir  veu 
les  soldars  en  sa  maison,  avons  faict  publier  que  quiconques  le  pourroit  renseigner 
il  aueroit  cincquante  carolus  et  impunité  de  son  melîaict,  laquelle  some  nous 
espérons  bien  trouver  des  biens  saisiz  et  davantaige,  ledit  home  s'appelle  Hobert 
du  Four,  natif  de  Blandin,  une  lieue  prez  de  ceste  ville,  est  home  de  petite  statue 
d'eaige  de  xxx  ans  portant  ordinairement  petite  barbe  blonde,  laquelle  il  a  présen- 
tement coppée,  vestu  le  plus  souvent  d'un  manteau  à  manches  de  gris  de  Tournay, 
el  aucunesfois  d'un  noir,  ayant  chauses  grises  et  le  hault  de  chamoix,  portant 
aussy  le  plus  souvent  un  collet  de  cuyr,  faict  à  présupposer  qu'il  soit  de  son 
premier  slil  sayeleur  ou  haulelisseur 

Oultre  ce.  Madame,  entendons  l'hoste  de  ladicte  maison  nommé  Jan  du  Mortier, 
nepveu  de  la  syrennc  de  ceste  ville,  parcidevant  sayeleur  et  adprésenl  haulelisseur, 
passé  huicl  jours  (comme  nous  a  dit  un  sien  serviteur, que  avons  appréhendé)  estre 
allé  en  Anvers  pour  querre  argent  d'un  nommé  Vander  Pippe,  filz  baslart  de  feu 
Vander  Pippe,  marchant  d'Anvers,  auquel  bastart  son  dit  père  a  donné  cent  livres 
de  gros  plus  ou  moins,  et  sont  tous  deux  audit  Anvers  ;  ledit  du  Mortier  est  homme 
de  trente  ans  ou  environ,  avec  barbe  blonde,  portant  un  manteau  et  chauses 
noires,  et  ledit  bastart  est  vestu  de  mesmes;,  en  la  maison  duquel  ledit  preseheur 
hantoit  aussy,  dont  incontinent  avons  trouvé  bon  advertir  Vostre  Alteze  à  celle 
fin  que  luy  plaise  ordonner  au  margraves  d'Anvers  qu'il  face  le  debvoir  de  les 


510  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

appréhender,  ensemble  ledit  petit  home  prescheur  si  de  fortune  il  venoit  là,  et 
aullres  ses  adhérans,  car  cest  un  grand  garçon  qui  gaste  les  aultres,  et  par  l'un 
diceulx  le  tout  se  pourra  enfifonser  entièrement. 

Nous  envolons  semblahlement  à  Voslre  Alteze  la  déposition  d'un  tesmoint;  icy 
enclose  affin  qu'il  plaise  à  icelle  ordonner  à  l'aman  de  Bruxelles  d'empongner  le 
personaige  mentionné  en  iadicte  déposition 

Nous  espérons  à  l'ayde  de  Dieu,  faire  telle  diligence  que  ces  tumultueux,  sédi- 
tieux et  perturbateurs  seront  dissipez  et  séparez.  Il  y  a  une  bonne  trouppe  qui  se 
sont  renduz  lugitifz  dont  ferons  faire  le  catalogue  Nous  en  avons  appréhendé 
deux  oultre  les  deulx  que  ceulx  de  la  ville  avoient.  ensamble  deux  aultres  que 
Mons'  de  Tournay  tient.  Le  mal  estant  entièrement  descouvert,  serons  aprez  pour 
trouver  les  remèdes  dont  préalablement  de  tout  advertirons  Vostre  Alleze,  et 
pour  ne  relarder  plus  longuement  ce  messagier.  avons  différé  plus  particulièrement 
escripvre  à  V .  A.  ce  que  avons  faict  depuis  noz  dernières,  dont  par  le  premier  luy 
en  donnerons  compte. 

iMadame,  aprez  avoir  baisé  en  toule  humilité  les  mains  de  V.  A.  nous  supplie- 
rons Dieu  donner  à  icelle  le  parfaict  de  ses  haultz  et  vertueux  désirs.  Du  chastau 
de  Tournay  ce  15  octobre  1561. 

De  V.  A.  Très  humbles  et  obéissans  serviteurs. 

F.  DE  Montmorency. 

D'ASSONLEVILLE.  D.    BlASERE. 

(Archives  du  Royaume.  Correspondance  de  Tournai. 
Kegistre  n"  3i>4,  fol.  16.) 


IV  (XVI).  —  4  août  1563. 


Ka|»porl  des  Coiiiinissaires  ropii.x  à  Iîi  H^^jjciilc;  L'école  <lc  rliélorique, 

4  août  1S63. 

Madame.  Depuis  noz  lettres  escriptes  à  Vostre  Alleze  du  \xvij«  de  juing,  n'ayans 
aultres  négoces  pour  avoir  achevé  ce  que  povons  faire  louchant  les  tumultes,  nous 
nous  sommes  appliqué  à  tenter  si  ne  scaurions  enfoncer  le  moyen  et  les  autheurs 
delarescouce  faicte  aux  Pasques  dernières  des  filles  sectaires  hors  des  prisons  de 
ceste  ville,  et  quelque  diligence  que  ayons  faict  de  oijr  et  examiner  plusieurs  per- 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  ."Il 

sonnes,  n'avons  peu  plus  avant  en  scavoir  que  en  est  porté  par  la  déposition  de 
Nicaise  Frappé,  mise  es  mains  de  nostre  confrère  porteur  de  cesle  avecque  aultres 
pièches  y  servant. 

Depuis  ayant  eu  quelque  advertence  que  ung  maistrc  Jacques  Fourré,  tenant 
escole  en  ceste  ville,  auroit  vendu  quelque  livre  prohibé  à  uuf!;  josne  filz  allant  à 
son  escole,  avons  mandé  ledit  josne  lilz  et  par  sa  déposition  trouvé  la  vente 
dudit  livre;  pourquoy  aurions  faict  visiter  la  maison  dudit  Fouré  et  apporter 
vers  nous  tous  livres  qui  auroit  en  sadictc  maison  et  le  faict  prendre  pri- 
sonnier, l'interrogué.  luy  confronté  ledit  josne  6lz  et  finablemeni  attainct  de  la 
vente  dudit  livre,  comme  Vostre  Alleze  pourra  entendre  par  le  rapport  de  noslre 
dit  confrère  ou  pièciies  qu'il  porte  avecq  lui,  si  besoing  est.  outre  les  livres  venans 
de  la  maison  dudit  Fouré  se  y  est  trouvé  ung  gros  registre  du  puich  d'escole  de 
retlioricque  dudict  Tournay,  lequel  avons  faict  visiter  par  théologiens  qui  ont 
trouvé  plusieurs  erreurs  et  pièches  aulcunes  malsentans,  aultres  mauvaises  et 
schandaleuses,  pourquoy  et  que  lesdictes  pièches  (ores  qu'il  n'y  eut  eu  erreur) 
estoient  contre  le  placcarl  de  l'an  ijx,  avons  faict  evocquer  tous  les  confrères  de 
ladicte  escole  et  les  interrogué  chascun  en  son  endroict,  selon  que  Vostre  AUeze 
voira  par  ung  sommaire  que  vous  envoyons  avecque  nostre  advis  sur  le  faict  de 
chascun  diceulx,  mesmement  de  ce  que  se  doibt  faire  dudict  registre,  et  aussy  de 
1  escole  pour  en  estre  ordonné  par  Vostre  Alleze  comme  de  raison. 

Pendant  ce  temps,  nous  avons  receu  les  lettres  que  a  pieu  à  Vostre  Alteze  nous 
eseripre  du  xij^  de  juillet,  lesquelles  le  S'  de  Montigni  nous  a  envoyé  le  xx»  dudit 
mois  avecque  la  résolution  menlionnée  par  icelle.  ausquelles  avons  satisfaict,  et 
en  tous  ses  points,  saulf  cestuy  qui  concerne  Robillart.  que  avons  différé  pourveoir 
s'il  se  poiroil  convertir;  s'il  persiste,  ferons  faire  l'exécution  para  vaut  nostre  par- 
lement. 

Nous  avons  faict  gehenner  Jacques  de  Bailleu,  filz  de  Guérard,  duquel  ne  s'est 
tiré  aulcune  chose  pour  les  complices  et  adhérens  du  père;  à  la  vérilé,  Tavons 
trouvé  homme  bien  simple  qui  est  apparant  n'avoir  esté  adhérent  à  sondit  père; 
il  est  fort  repentant,  pourquoy  Vostre  Alteze  poura  ordonner  en  son  regard  de  ce 
qui  luy  plaira  estre  faict. 

Quant  à  l'exécution  de  ladicte  résolution,  n'avons  peu  y  entendre  pour  l'absence 
dudit  S'  de  Montigni  qui  n'est  encores  de  retour,  ny  apparant  de  retourner  pour 
sa  maladie,  comme  entendons,  s'il  vient  ne  laisserons  besoingner  selon  icelle,  mais 
en  cas  de  tardement  pour  sa  maladie  et  que  sommes  icy  du  tout  sans  négoce, 
nous  supplions  Vostre  Alteze  y  donner  le  moien  que  nous  puissons  retirer  en  noz 
maisons,  en  regard  au  long  tamps  que  sommes  icy. 

Pour  ces  causes  et  avoir  plus  tost  résolution  sur  les  aultres  affaires  dont  présen- 


312  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

tement  advertissons  le  eonseillier  Evrard,  nostrcdit  confrère  porteur  de  cesles  et 
nous  avons  trouvé  besoing  que  se  trouva  vers  Voslre  Aiteze,  la  suppliant  de 
briefve  despesche. 

Suyvanl  aultres  lettres  queVostre  Alleze  nous  a  escript  du  xv«  de  juing  dernier, 
pour  les  différens  et  procès  de  Messieurs  de  chapitre  contre  les  curez  parocliiaulx 
de  Tournay  et  chappellains  des  haultes  fourmes,  nous  avons  aussy  accordé  icelles 
parties. 

Madame,  il  plaira  à  Vostre  Aiteze  nous  commander  ses  très  nobles  et  très 
vertueulx  désirs,  pour  iceulx  accomplir,  aydant  le  Créateur,  auquel  Madame, 
supplierons  donner  à  Voslre  Alleze  eti  sanlé  et  longue  vie  sa  grâce,  très  humble- 
ment suppliaiis  estre  recommandé  en  la  sienne.  Uo  Tournay  le  iiij"=  d'aoust  i5t)5 

De  Vostre  Aiteze,  Très  humbles  et  très  obéissans  serviteurs. 

Pierre  Asset.       Franchois  Verlysen. 

(Archives  du  Royaume.  Papiers  d'Éiat.  Reg.  n».S.ï2,  fol.  Hl.) 


V  [KVU).  -  1566. 


Hapiioil  du  illagisli'.it  «le  Touniai  sur  les  (roubles  de  1566. 

Bref  discours  des  choses  passées  à  Tournay  en  l'an  quinze  cens  soixante  six 
durant  les  presches  des  sectaires,  assamblées  illicites,  sacageniens  des  églises 
et  lieux  pieux,  troubles,  émotions  populaires  et  aultres  désordres  advenus 
en  icelle  ville. 

Comme  dès  la  fin  de  l'an  xv«  Ixv.  s'amonstroit  quelque  apparence  de  mulacion 
es  Pays-Bas  de  Sa  Majesté  tant  par  les  lighes  et  conspiracions  secrètes  que  plu- 
sieurs estrangers  et  subgectz  de  Sa  Majesté  se  sont  ingérez  faire,  dont  Son  Aiteze  a 
faict  adverlenir  au  magistrat  de  Tournay  par  ses  lettres  en  date  du  xxvj«  de  mars 
et  premier  d'apvril  audil  an,  pour  éviter  à  toute  surprinse,  comme  aussy  par  la 
requcste  du  ciiicquième  dudit  mois  d'apvril  lendente  à  fin  de  chambgement  des 
édiclz  et  abolition  de  l'inquisition  sur  le  faict  de  la  relligion,  seroil  advenu  que 
ledit  magistrat,  pendent  que  n'esloit  encoires  cognu  de  la  fin  à  laquelle  tcndoient 
les  sectaires,  auroil  donné  ordre  à  la  garde  de  la  ville  en  augmentant  le  guet 
ordinaire  dicelle  par  le  moyen  de  bon  nombre  de  gens  de  serment,  et  d'aultant 


PIÈCES  .lUSTFFFCATIVES.  513 

qu'au  partemcnl  du  S""  de  Montigny  pour  Espaignc.  vfrs  la  fin  du  mois  do  inay 

an  xv«lxvj,  les  gens  de  guerre  de  la  garnison  et  solde  de  ladiele  ville  furent  mis  au 

chastel  dicelle,  et  que  d'eulx  ne  convenoit  attendre  aucun  service  en  cas  d'esmo- 

tion,  tumulte  ou  envahie  d'ennemis  estrangers  dens  ladicte  ville,  ledit  magisirat 

trouva  expédient  de,  en  tous  eveniz,  comme  du  passé  avoit  esté  faict  en  tamps 

dangereux  eslablir,  quelque  forme  de  guet  d'effroy  pour  s'en  aider  au  besoing, 

telement  que  les  chefz  et  conseil  de  ladicte   ville  furent  députez  pour  adviser 

comme  aultresfois,  en  tel  cas  on  se  scroit  réglé  et  en  effecl  pour  arrester  quelque 

Project  dudit  guet  qui  eut  peu  servir  selon  l'apparence  du  tamps  lors  courant. 

Pendent  quoy  furent  ordonnez  aucuns  guetteurs  ordinaires  aux  gaiges  de  la  ville 

pour  prendre   esgard  aux  enirans  et  sortans  par  chacune  porle  dicelle    Or  les 

prevoslz  et  jurez  de  ladicte  ville  estans  advertis  que  les  xxvij  et  xxviij«  jour  de 

juing,  presclies  puhlieques  s'estoient  tenues  emprès  les  villes  d'Anvers,  Gand, 

Audenarde,  (pre,  en  la  chastellenie   de  Lille  et  quelque  sepmaine  auparavant 

emprez  Bethune,  mesmes  (jue  eeulx  de  Tournay  s'estoient  délibérez  d'assister  à 

quelque  presche  quy  se  debvoit  tenir  la  niiict  ensuivante,  le  vendredy  xxjx"  dudit 

mois,  non  loing  de  ladicte  ville  où  se  debvoienl  trouver  grand  nombre  de  paysans 

et  aultres  gens  des  villes  voisines,  pour  à  ce  obvier  ilz  dépu tarent  à  chacune  porte 

l'un  d'entre  eulx,  affin  d'empescher  la  sortie  des  raanans  de  ladicte  ville  voulans 

assister  à  ladicte  presche.  leur  remonstrant  le  danger  de  mort  auquel  ilz  se  mec- 

toient  par  se  trouver  en  teles  assemblées;  mais  nonobstant  toutes  remonslrances 

plusieurs  de  ladicte  ville,  faindans  aller  à  quelques  leurs  négoces  sortirent  la  ville 

et  se  trouvarent  en  la  presche  quy  fut  tenue  ladicte  nuict  auprès  du  pont  d' Arnou- 

ville,  termes  du  bailliai-e  du  Tournesis,  de  laquelle  presche  et  des  noms  et  soubz- 

nonis  des  personnages  quy  s'y  trouvarent.  comme  faisoit  à  présumer  par  les  avoir 

veu  le  lendemain  retourner  dans  ladicte  ville,  a  esté  faicte  note  et  déclaracion  par 

escript  comme  de  toutes  aultres  depuis  ensuivies,  jusques  à  la  tollérance  desdicles 

preselies  publiée  par  hault  et  puissant  seigneur  mcssire  Philippe  de  Montmorency, 

conte  du  Horon,  admirai  de  la  mer,  chevalier  de  Tordre,  ete  ,  commissaire,  etc. 

Quy  fut  cause  que  le  lendemain  pénultième  dudit  mois  de  juin,  les  Consaulx 

de  ladite  ville  se  rasserablarent  et  y  fut  délibéré  ce  quy  est  porté  par  la  note  quy 

en  a  esté  tenue  comme  s'ensuit. 

{^lonsaulx  rassemblez  le  sabmedy  pénultième  jour  de  juing  xv^lxvj,  pour  faire 
lecture  du  projeet  de  Messieurs  les  chiefz  sur  l'assiette  des  bannières  pour 
empescher  les  assemblées,  esniotions  populaires  et  surprinses  d'ennemis  estrangers, 
lequel  projeet  a  esté  leu  et  trouvé  bon.  ordonnant  d'en  faire  publication  aux 
bretesqucs,  sy  a  esté  advisé  de  renforcher  le  guet  des  portes  de  deux  hommes  de 
serment,  assavoir  par  chacun  jour  ung  homme  du  serment  Sainct  Anthonne  et 
Tome  1.  —  Lettres,  etc.  40 


314  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

uiig  aullro  (lu  sennenl  Sainct  George,  lesquelz  sermens  aians  faict  debvoir,  conl- 
mcnclicra  ung  aullre  serment  pour  empescher  les  sorties  de  la  ville  aux  manans 
et  inhabilans  el  aulx  eslrangers,  l'entrée,  n'est  qu'on  soit  appaisé  des  causes  de 
leur  venue.  Et  pour  ce  que  cesle  nuict  a  esté  tenue  quelque  presche  par  delà  le 
pont  d'Arnouville  sur  le  Tournesiz,  a  esté  advisé  d'envoier  incontinent  vers  ceulx 
de  Lille,  pour  scavoir  comment  ilz  se  sont  réglez  durant  le  temps,  quant  unes 
presclies  se  sont  tenues  illec. 

Lequel  guet  d'effroy  fut  en  ce  temps  trouvé  convenable  pour  aultant  que  l'on 
craindoit  surprinse  des  eslrangers  à  raison  de  la  conspiration  que  dessus,  dont  Son 
Allezc  avoit  rescript,  joinci  que  ledit  Seigneur  de  Monligny  avant  sondit  parte- 
nient  en  avoit  aussy  rescripl  particulièrement  au  Seigneur  de  Moulebais,  son 
lieutenant  au  gouvernement  de  ladicte  ville  et  du  chastel  d'icelle,  advertissant  que 
quelque  emprinse  secrète  auroit  esté  faicte  sur  ledit  chastel,  en  luy  commandant 
d'cstre  sur  sa  garde,  apparant  des  lettres  dudit  Seigneur  communiquées  à  plusieurs 
dudit  magistrat,  el  ce  considéré  que  pour  lors  aultre  moyen  ne  s'offrait  aiidicl 
magistral  que  de  s  aydcr  de  leurs  propres  manans  répartis  en  bannières  et  disaines 
comme  est  porté  par  le  project  dudit  guet.  Pour  aultant  que  les  presches,  troubles 
et  esmolions  s'esloient  desja  amonstrez  es  aultrcs  lieux  et  presque  généralement 
parla  plus  grande  partie  dudit  Pays-Bas,  et  que  suivant  ce  eusl  esté  difficil  de 
recouvrer  gens  ieaulx  cl  assceurement  bons  pour  le  service  de  Sa  iMajesté  et  la 
sccurelé  de  ladicte  ville,  obstant  les  menées  secrètes  desdictes  lighes  et  conspira- 
tions, et  mesmes  de  tant  plus  que  ores  que  l'on  eust  peu  lever  gens  de  guerre  par 
congé  de  Son  Alteze  en  quelque  quartier  du  pais,  des  habitans  duquel  Ton  eust  eu 
confidence  quant  à  la  relligion  catholieque,  ce  neantmoins  audit  temps  argent 
defailloit  pour  à  ce  furnir,  ladicte  ville  estant  à  l'arrière  de  la  some  de  vingt  cinq 
mil  florins  pour  la  perte  des  bicdz  achetez  pour  la  provision  durant  la  chereté 
dudit  an  xv^lxv,  estant  icelle  oultre  ce  en  faulte  de  bonne  assignation  promise  par 
Sa  .Majesté  pour  le  payement  du  cours  annuel  des  rentes  cy  devant  vendues  pour 
le  rccouvremenl  de  la  somme  de  cincquante  mil  florins  par  une  partie,  et  soixante 
mil  par  aultre,  ieelles  sommes  levées  par  Sa  Majesté,  ains  en  demeuroit  encoires 
deux  mil  quatre  cens  fleurins  de  court  que  ladicte  ville  avoit  plusieurs  fois  payé 
sy  estoil  encoires  apparente  de  payer  par  chascun  au  nom  de  Sadicte  Majesté,  de 
tant  qu'audit  mois  de  juing  poursieule  avoit  esté  faicte  en  la  court  pour  obtenir 
paiement  du  receveur  général,  sus  lequel  assignation  en  estoil  faicte,  lequel  auroit 
respondu  au  pensionnaire  de  ladicte  ville  de  n'avoir  moyen  de  payer,  et  que 
samblables  assignations  auroient  esté  faictes  sur  sa  recepte  quy  n'auroienl  esté 
payées  de  cincquante  ans  Sy  n'auroienl  les  chefz  trésorier  général  et  commis  aux 
finances  de  Sa  Majesté  trouve  moyen  de  aultrement  dresser  ladicte  ville,  combien 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  515 

que  à  ces  fins  leurs  seigneuries  en  eussent  esté  requises,  joinct  que  pour  mectre 
nouvel  impos  et  assis  sur  les  manans  de  ladicte  ville  eusl  esté  besoing  de  ras- 
sambler  iceux  par  collèges  et  d'obtenir  le  consentement  de  la  plus  grand  part 
d'iceulx,  à  quoy  l'on  n'eust  soeu  parvenir  obstant  l'abtercacion  desdiz  manans, 
lesquelz  se  commenchoient  dès  lors  à  esmouvoir  pour  le  faict  de  la  religion  comme 
des  auparavant  avoit  esté  faict  es  aultres  villes  susdictes    Et  au  regard  des  écclé- 
siaslicques  quy  eussent  bien  peu  secourir  d'argent  et  contribuer  aux  mises  néces- 
saires pour  l'assceurance  d'eulx  mesmes,  de  tous  bons  catholicques  et  de  la  religion, 
ny  avoit  apparence  d'obtenir  quelque  aide  d'eulx,  en  tant  que  l'impos  d'ung  i^ros 
au  lot  de  vin  et  de  iiij  gros  sur  chacun  lonnel  de  bierre  mis  sus  en  l'an  xv^lxiij, 
pour  le  payement  des  gens  de  guerre  levez  pour  le  faict  des  chantries  et  conven- 
ticlcs  tenus  es  bois,  avoit  duré  jusques  à  ce  temps  à  leur  grand  regret  et  mescon- 
tentement,  sy  avoienl  iceux  pour  ung  coup  refusé  au  partemenl  dudit  Seigneur 
de  Montigny,  de  plus  contribuer  au  payement  des  soldalz  estans  à  la  solde  de 
ladicte  ville  lors  mis  audit  cliastel,  combien  que  du  depuis  à  l'instante  poursieute 
dudit  Seigneur  de  Moulbais,  ilz   aient  consenty  de  faire    ladicte  contribution. 
D'aultre  part,  iceulx  requis  de  contribuer  au  paiement  des  guetteurs  commis  à  la 
garde  des  portes  que  dessus,  en  feirent  refus  tout  à  plat,  disans  n'eslre  subjectz  à 
la  garde  de  la  ville.  Et  là  où  cculx  de  ladicte  ville  avoient  consenty  que  des 
deniers  dudit  nouvel  impos  les  commis  surroghez  sur  le  faict  de  relligion  par  Sa 
Majesté  feussent  payez  de  leurs  vacacions,  ce  néantmoins  lesdiz  ecclésiasticques 
ny  voulurent  consentir  par  leur  quote  quy  esloit  bien  petite  au  regard  de  celle  de 
ladicte  ville,  avant  que  lesdiz  commis  eussent  à  grand  difficulté  à  cest  elïect  obtenu 
lettres  d'induction  de  Son  Alteze,  faisoit  aussy  à  considérer  que   plus  des  trois 
pars  des  manans  de  ladicte  ville  estoient  artisans  vivans  de  la  seulle  manufacture, 
l'entretenement  desquelz  dépend  d'aucuns  marchans  quy  leur  donnentàbesoingner, 
en  acheptent  leurs  ouvrages  pour  envoyer  la  pluspart  en  Anvers,  lesquelz  mar- 
chans en  ce  temps  faisoienl  courir  ung  bruit  par  la  ville,  que  advenant  qu'illz 
feussent  molestez  par  gens  de  guerre  en  leurs  maisons  ilz  cloroient  leurs  boutiques, 
ne  feroient  aucuns  achaplz  et  ne  donneroient  à  besoingner  ausdiz  artisans,  ce 
néantmoins  est  vray  que  ledit  guet  d'elïroy  n'auroit  esté  practicqué,  obstant  que 
avant  qu'ennemis  estrangers  se  soient  approchez  de  ladicte  ville  ou  que  sus  icelle 
ilz  aient  faict  quelque  envahie,  aultre  police  ait  esté  mise  à  la  garde  de  ladicte 
ville.  Kt  en  premier  lieu  pour  tenir  ladicte  ville  en  tranquillité,  contenir  la  popu- 
lace, et  éviter  à  pilleries,  fut  advisé  de  tenir  preslz,  armez  et  embastonnez,  les 
plus  notables  et  aisez  entre  les  habitans  de  ladicte  ville. 

Le  dimenehe  derrenier  de  juin,  se  feit  une  assemblée  et  presche  auprez  du  Pont 
à  Kieu,  povoir  de  ladicte  ville.  Le  mercredy  iij>=  de  juillet,  s'en  feit  une  aultre 


516  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

audit  lieu,  desquelles  presches  et  de  eeulx  qui  y  onl  assisté  a  esté  faicte  noie  par 
le  procureur  de  la  ville,  à  quele  occasion  comme  le  jeudy  iiij»  dudit  mois  de 
juillet,  les  consiiulx  de  ladicte  ville  se  rassamblarent,  pour  oijr  la  lecture  des  lettres 
de  Son  Alleze  en  date  du  ij"  d'icelluy  mois,  par  lesquelles  estoit  commandé  d'era- 
pescher  icelles  |»resches  avec  adverteiice  de  lassistence  qui  en  cest  endroit  se 
debvoit  donner  par  le  souverain  de  Flandre  et  que  lesdiz  consaulx  redoubloient 
grandement  la  voye  de  faict  pour  la  multitude  de  gens  garnis  d'armes  et  bastons 
invasibles  quy  se  trouvoient  esdictes  presches.  fut  résolu  d'avertir  Son  Alteze  de 
leslablisscmenl  dudit  guet  d'effroy  comme  est  contenu  en  l'acte  sus  ce  faict,  qui 
est  tel  : 

Consaulx  rassamblez  le  jeudy  quatrième  jour  de  juillet  xv^lxvj,  pour  oijr  lec- 
ture des  lettres  de  Hladame  en  dacte  du  ij^  dudit  mois,  et  sur  icelles  résouidre  et 
délibérer.  Suyvant  quoy  a  esté  advisé  d'envoier  vers  Son  Alteze  Mons'  le  Clerc, 
conseiller,  avec  lettres  de  crédence,  pour  de  tout  ce  quy  s'est  passé  advenir  Sadite 
Alteze  et  comment  il  n'est  pas  possible  de  donner  empeschement  par  voye  de  faict 
à  ce  que  les  presches  se  facent,  pour  le  grand  nombre  de  peuple  y  confluant  de 
tous  costez. 

Le  sabmedy  sixième  dudit  mois  fut  reçeu  par  Mons'  de  Moulebais  certain 
placcart  de  Sa  .Majesté  par  lequel  les  presches  et  assemblées  furent  deffendues 

sur  peine  [ ]  avec  promesse  de  donner  pris  à  cestuy  qui   tueroit  le 

prédicant,  tellement  qu'à  l'occasion  de  la  publication  d'icelluy  tous  officiers  de  Sa 
Majesté  et  de  ladicte  ville  se  rassamblarent  et  fut  conclud  comme  est  porté  par 
l'acte  subséquent. 

Consaulx  rassamblez  avec  .Mons'  de  Moulbais  tenant  lieu  du  Gouverneur  et  les 
lieutenant  de  bailly  et  officiers  de  Sa  Majesté  au  bailliaige  de  Tournay  et  Tournesiz 
le  sabmedy  sixième  jour  dudit  mois,  pour  oijr  lecture  du  placcart  du  Roy  dressé 
contre  les  presches  et  assamblées  illicites  et  adviser  sur  ce  qu'il  sera  de  faire. 
Suvvanl  quov  a  esté  advisé  de.  suivant  l'opinion  de  .Mons'  de  Moulebais.  publier 
incontinent  ledit  placart.  jasoit  que  le  plus  grand  assens  portoit  de  retarder  ladicte 
publication  jusques  au  lundy  ensuyvant. 

Le  dimenche  septième  dudit  mois,  ledit  Le  Clercq  retourné  de  la  court  raporta 
lettres  de  Son  Alteze  par  lesquelles  icelle  reprenoil  ceulx  de  la  loy  de  défaillance  de 
cœur,  enhortoil  de  résister  hardiment  aux  presches  par  la  voye  de  vive  execucion 
dudit  placcart,  et  par  renforcer  la  justice  par  le  moyen  des  sermens,  bons  bour- 
geois et  aullres  gens  de  bien,  aiant  esté  dict  verballement  présent  Son  Alteze  audit 
Le  Clercq  que  en  ce  le  chastel  de  ladicte  ville  debvoit  conforter,  et  que  au  reste 
l'on  ne  croioil  que  en  ladicte  ville  le  nombre  des  bons  fut  moindre  que  cestuy  des 
mauvaix.  Susquoy  es  consaulx  tenus  ledit  jour,  fut  faict  et  résolu  ce  que  s'ensuit  : 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  317 

Consaulx  rassemblez  avec  Mons""  de  Moulebais  tenant  lieu  de  goiivenienr.  les 
lieutenant  général  et  olïieiers  du  bailiiaige  le  dinienche  septième  jour  diidil  mois 
de  juillet,  pour  oijr  la  lecture  des  lettres  de  Madame  et  le  raport  de  M"  Jacques 
Le  Clercq,  conseiller  retourné  de  la  court,  laquelle  lecture  a  esté  faicle  ensamblc 
de  la  missive  ce  jourd'huy  jectée  par  le  prédieanl  au  mitant  de  l'assemblée  estant 
à  la  presche;  suivant  quoy  a  esté  advisé  de  rescrire  à  IMadame  tout  le  discours  de 
tout  ce  quy  est  advenu  cejourd'huy  au  regard  de  ladicle  presche  et  assemblée  et 
de  renvoyer  vers  Son  Alteze  ledit  Le  Clercq,  aussy  des  lettres  dudit  prédicant 
rescripvant  à  Sadicle  Alteze.  que  n'avons  présentement  moyen  de  nous  m(  sme 
empescher  lesdicles  presches  et  assemblées,  partant  Mess'»  remettent  à  sa  pourveue 
discrétion  d'y  pourveoir  comme  icelle  advisera. 

Or  |)Our  aultanl  que  les  lettres  escriptes  à  Son  Alteze  par  lesdiz  consaulx  con- 
tiennent tout  le  discours  de  ce  quy  seroit  ensuivy  la  publication  dudit  piaeeart, 
la  copie  d'ieelles  sera  icy  joincte  et  de  celle  dudit  prédicant. 

Très  hadlte  et  trîîs  excf.llente  Princesse,  à  la  bonne  grâce 
de  Vostre  Alteze  supplions  humblement  eslre  recommandez. 

Madame,  Sabmedy  derrenier  jour  de  marché  en  cesle  ville,  environ  les 
dix  heures  du  malin,  fut  publié  aux  deux  bretesques  le  derrenier  placcart  décrété 
par  le  Hoy,  nostre  sire,  le  treizième  du  présent  mois,  prohibant  les  presches  et 
assemblées  illicites  tant  publicques  que  secrètes,  à  laquelle  publication  et  pour 
icelle  de  tant  plus  auctoriser  auroicnt  assisté  le  S'  de  .Moulbais,  lieutenant  de 
Mons'  le  Gouverneur  de  ladicte  ville  cl  chastel,  le  lieutenant  de  mondil  seigneur 
en  qualité  de  bailly  dudit  Tournay  cl  pays  du  Tournesis,  avec  les  deux  prevoslz 
dicelle  ville. 

Kt  jasoit  que  nous  espérions  bons  succès  de  ladicte  publication,  tellement  que 
pour  l'advenir  les  manans  de  ladicte  ville  se  deussent  déporter  de  hanter  les- 
dicles presches  et  assemblées  illicites,  néantmoins  lanlz  s'en  faull  qu'ilz  aient 
obtempéré  audit  placcart.  que  mesmes  au  contraire  contrevenant  à  icelluy,  le  jour 
d'hier  du  matin,  se  seroient  trouvez  en  plus  uranl  nombre  qu'ilz  n'avoient  faict 
auparavant  en  certaine  plaine  dite  le  lieu  des  Folais,  auprez  du  bois  de  lireuze, 
povoir  et  jurisdiclion  de  ladicle  ville  et  distant  dicelle  ung  quart  de  lieue,  où  la 
presche  se  seroit  faiete  depuis  les  sept  à  huit  heures  jusques  environ  les 
neuf  heures  et  demie  du  malin  par  Ambroise  Wille,  à  laquelle  presciie  se  seroient 
aussy  trouvez  avec  les  bourgeois  et  manans  de  ladicle  ville,  tant  d'estrangers  des 
villes  voisines  et  lieux  champaislres,  eslans  la  pluspart  armez  et  garnis  de 
liarquebouses,  pistolelz,  espieux,  espées  et  aullres  basions  invasibles,  si  que  le 


318  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

nombre  nous  a  esté  raporté  contenir  sept  à  huit  mil  testes,  entre  lesquelz  y  povoit 
avoir  cent  ou  cent  cincquante  chcvaulx  tant  de  gentilzhomraes,  bourgeois  et 
marchans  que  de  paysans,  et  seroient  lesdiz  de  la  ville  retournez  avec  leurs 
armes  et  les  aullres  chacun  en  leur  quartier.  En  oultre.  nous  a  aussy  esté  raporté 
que  k'dil  prédicant  faisant  sa  presche  seroil  advanché  de  dire  présumplueuse- 
menl  que  le  placcart  de  Sa  Majesté  le  jour  d'hier  publié  n'estoit  émané  de  Sadicte 
Majesté,  ains  estoit  une  chose  fabricquée  a  poste  par  le  magistrat  pour  empescher 
au  peuple  ce  qu'il  avoit  encheminé  pour  son  salut  induisant  par  tel  propos 
icelluy  peuple  de  n'obéyr  audit  placcart.  Plus  se  seroit  vanté  qu'il  espéroit  de 
endedans  quinze  jours,  avoir  le  povoir  et  moyen  de  faire  la  presche  dedans  la 
ville,  et  durant  ladicle  presche  ou  après  icelle,  auroit  jecté  au  mitant  de  l'assem- 
blée deux  missives  l'une  adressante  au  prevoslz  et  jurez  de  ceste  ville  et  l'aultre 
à  l'assemblée  estant  à  la  presche.  icelles  lettres  d"une  mesme  teneur  à  ce  que  l'on 
dit.  Et  sur  ce  qu'estions  rassamblez  le  jour  d'hier  après  mydy.  en  la  halle  du 
conseil  de  hidicte  ville,  pour  oijr  le  raport  de  nostre  pensionnaire  estant  de  retour, 
nous  auroit  ladicle  missive  esté  apportée  par  quelque  manant  de  ceste  ville, 
laquelle  après  avoir  veu,  avons  advisé  d'incontinent  l'envoyer  par  nostredit 
pensionnaire  pour  sur  icelles  et  le  contenu  de  ces  présentes  consulter  Voslre 
Alteze.  Madame,  après  avoir  entendu  le  contenu  des  derrenières  à  nous  envoyées 
par  Voslre  Alteze  et  le  rapport  de  nostredit  pensionnaire,  nous  n'avons  voulu 
faillir  d'advertir  icelle  des  debvoirs  qu'avons  faict  et  depuis  nos  derrenières.  quy 
sont  d'avoir  mandez  vers  nous  les  notables,  opulens  et  aisez  manans  de  ceste 
ville,  ausquelz  avons  remonslré  bien  et  au  long  Feslat  et  danger  en  icelle  ville  se 
retrouve  présentement,  les  admonestant  et  induisant  à  ceste  occasion  de  vouloir 
prendre  les  armes  et  eux  tenir  preslz,  sy  besoing  esloit,  pour  empescher  les 
presches  et  assemblées  illicites,  si  aucunes  l'on  se  voulait  ingérer  faire  dedens 
ladicte  ville,  ou  quelque  sedicion  ou  esmotion  populaire  lendenle  à  pilleries;  à 
quoy  ilz  auroienl  faict  responce  que  pour  empescher  lesdictes  presches  et  assem- 
blées tant  dedans  la  ville  que  dehors,  ilz  n'estoienl  aucunement  délibérez  user  de 
voye  de  faict,  ny  à  ce  propos  prendre  les  armes,  pour  cause  que  leurs  parens  et 
allez  pouroient  assister  ausdicles  presches  et  assemblées,  lesquelz  ils  ne  voul- 
droient  aucunement  oullrager.  mais  trop  bien  esloient  prestz  à  prendre  les  armes 
pour  empescher  toutes  séditions  et  esmotions  populaires  lendentes  à  pilleries,  ce 
qu'ilz  nous  onl  promis  de  faire  et  journelement  ad\  isons  de  les  ordonner  en 
disainnes  pour  le  cas  offert,  faire  tel  service  que  sera  requis.  Parquoy,  Madame, 
nous  ne  trouvons  à  présent  aucuns  moyen  de  nous  mesmes  empescher  icelles 
presches  et  assemblées  illicites,  désirans  grandement  que  Voslre  Alteze  ait  à  y 
pourveoir  selon  que  la  très   pourveue  discrétion  d'icelle  advisera    Assceurans 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  319 

Vosire  Alleze  qu'avons  faict  tous  debvoirs  à  nous  possibles  jusques  à  présent  de 
tenir  le  peuple  en  son  office  et  de  punir  des  paines  indicles  par  les  placcars  de 
Sa  Majesté  sur  le  faicl  de  la  relligion  ceulx  quy  y  ont  contrevenu  ^  à  quoy  per- 
sonne n'a  donné  obstacle  fors  depuis  dix  à  douze  jours  ença  que  lesdieles 
presches  et  assemblées  se  sont  commenché  tenir  allenlour  cesl(;  ville,  que  lors  les 
manans  d'icelle  ont  prins  audace  d'eulx  y  trouver  tant  pour  le  respect  de  la 
requeste  présentée  à  Vostre  Alteze  par  aucuns  seigneurs  et  genlilzhommes  pre- 
tendans  révocation  des  inquisition  et  placcars  ou  modération  diceulx.  que  pour 
cause  des  fréquentes  assemblées  et  presches  quy  se  sont  faictes  plusieurs  jours 
auparavant  par  noz  voisins,  asscavoir  auprez  de  Lille,  Auldcn;irde  et  ailleurs  ou 
entendons  icelles  avoir  été  continuels  depuis  jusques  à  maintenant,  laquelle 
contravention  généralle  et  multitude  des  estrangers  confluans  de  toutes  pars 
ausdictes  presches  a  esté  la  cause  motifvé  et  principalle  que  ceulx  de  ceste  ville 
s'y  sont  pareillement  l'ourez  en  tele  multitude  que  le  moyen,  si  que  dit  est.  nous 
est  osté  présentement  de  les  povoir  en  ce  empescher,  de  tant  mesmes  qu'il  puil 
sambler  qu'il  y  ait  quelque  port  en  leur  endroit,  et  que  par  lighes  secrettes  ilz  se 
soient  faictz  foriz,  comme  se  peult  tirer  des  lettres  jectées  par  ledit  prcdicant  icy 
enserrées,  joincl  que  ne  povons  aultrement  juger  fors  que  le  nombre  des  mauvais 
excède  cestuy  de  ceulx  quy  sont  prestz  à  faire  service  à  Sa  Majesté 

Très  excellente  Princesse.  Dieu  tout  puissant  veuille  maintenir  Vostre  Alteze 
en  foelicité.  De  Tournay  ce  viij«  en  juillet  anno  xv^lxvj. 

Copie  des  lettres  jectées  par  ledit  prédicant. 

Messeigneurs,  jasoit  que  ceulx  lesquelz,  au  passé,  par  crainte  des  adversaires 
se  sont  assemblez  secrètement  atBn  d'ouir  et  entendre  la  parolle  de  Dieu  ainsy 
comme  grâce  au  Seigneur  elle  est  preschée  el  annuncée  pour  le  jourd'hui  public- 
quement  en  plusieurs  endrois  de  ces  Pays-Bas,  aient  esté  tenus  el  réputez  pour 
séditieux  voires  pour  criminelz  de  leze  majesté,  sy  est  ce  que  finalement  nostre 
bon  Dieu  leur  a  ouvert  le  moyen  par  lequel  ilz  ont  de  quoy  faire  cognoistre  à 
ung  chacun  manifestement  qu'ils  ne  font  chose  resentans  riens  moins  que 
semblable  crime,  ains  au  contraire  leurs  actions  tesmoignèrent  tousjours  et 
devant  Dieu  et  devant  toutes  nations,  qu'ilz  sont  ennemis  à  séditions,  tumultes, 
rebellions  et  révoltes,  de  ce  feront  foy  leurs  prières  et  exhortations  ordinaires, 
leurs  conduictes  et  manière  de  vivre,  de  sorte  que  jusques  à  présent  ne  se  trou- 
verra  que  tumulte  ait  esté  causé  par  ceulx  de  l'assamblée.  zélateurs  de  la  parolle 
de  Dieu,  mais  par  aultres  adversaires,  lesquelz  tachent  de  charger  aultruy  de 
sédition,  pensans  par  ce  eux-mesmes  en  estre  exempts  et  avoir  matière  de  troubler 


320  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

tout.  S'il  est  question  d'en  remarquer  aucuns,  ung  soldat  du  chasteau  nommé 
Thurct.  et  avec  luy  ung  serrurier  demeurant  auprez  du  marché  au  poisson  et 
aultres.  desquelz  les  blasphèmes  et  menasses  séditieuses  sont  plus  cognues  et 
notoires  que  la  justice  et  punition  n'en  est  faicte  et  exécutée,  à  cause  de  quoy  au 
cas  advenant  que  n'en  faiks  bonne  justice,  nous  vous  advertissons  que  nous 
recourrons  à  plus  grand  maislre  que  vous,  quy  nous  fera  bien  faire  droit  et 
raison.  .Au  contraire  les  assistans  aux  assemblées  se  gardent  de  sonner  mot  à 
personne,  encoires  que  de  faict  et  de  parolles,  ilz  se  trouvent  souvent  irritez  telle- 
ment qu'il  y  a  doubte  qu'à  la  fin  la  patience  par  trop  blessée  ne  soit  chambgée 
et  convertie  en  couroux.  à  quoy  toutesfois  on  ne  cessera  de  faire  extrême  dcbvoir 
de  remédier  par  prières  et  exhortations  conlinuelcs.  en  manière  que  pour  le  dire 
de  rechef,  ils  seront  ceulx  lesquelz  endurreront  si  avant  que,  sy  jamais  il  se 
mettent  à  defîcnse.  chacun  pourra  dire  que  ce  sera  à  bon  droit  et  pour  juste 
querelle:  cependcnl,  mcsseigneurs,  nous  vous  supplions  au  nom  de  Dieu,  que 
veuillez  de  voslre  part  empeschcr  et  réprouver  telz  meutins  et  séditieux,  crain- 
dant  que  dun  repos  ne  tienne  trouble  et  de  paix  discord.  Quant  à  nous  nous 
avons  jusques  à  présent  enduré  et  endurrerons  tant  qu'il  nous  sera  possible, 
pourveu  que  la  prédication  de  la  parolle  de  Dieu  ne  nous  soit  ostée,  de  quoy 
nous  avons  bonne  confidence  de  la  grâce  et  miséricorde  de  nostre  bon  Dieu,  quoy 
qu'on  face  tout  elfort  d'y  donner  obstacle  par  placars,  deffences  et  edictz,  lesquclz 
ne  nous  scauroient  esbranler  du  courage  cl  désir  ardent  qu'avons  d'escouter  ce 
que  fermement  nous  croyons  estre  requis  pour  le  repos  et  assceurance  de  noz 
consciences,  de  sorte  qu'avons  trouvé  estrange  et  de  dangereuse  conséquence,  la 
publication  faicte  le  jour  d'hier,  principalement  de  ce  qu'il  semble  qu'elle  exhorte 
et  enflambe  ung  ehascun  à  nuire  au  ministre,  lequel  ne  faict  riens  qu'il  ne  se 
puisse  hardiment  vanter  de  en  ce  estre  advoué  d'aullres  supérieurs;  parquoy  vous 
vous  povez  assceurer  que  sy  l'on  s'advanche  de  l'offenser,  tous  ceulx  de  l'as- 
semblée mous  disons  tous  ceulx  quy  sont  touchez  de  bon  zèle  à  la  parolle  de 
Dieu)  se  sentiront  à  Tinslanl  offensez  et  seront  comme  eontrainctz  d'emprendre 
sa  protection  et  defl'ence.  dont  s'ensuivra  ung  désordre  et  apparente  sédition, 
considérez,  mcsseigneurs,  de  quoy  la  cause  et  source  en  sera  procédée.  Quant  à 
nous,  nous  protestons  et  protestera  nostre  postérité  devant  Dieu  et  devant  les 
hommes,  que  n'en  serons  aucunement  coulpables.  attendu  que  nostre  intention  et 
désir  est  de  procéder  en  toute  modestie.  Supplions  aussy  que  ne  prendcz  de  malle 
part  sy  aucuns  d'entre  nous  viennent  à  la  presche  munis  d'armes,  eslans  adverlis 
par  l'exemple  de  noz  voisins,  du  danger  auquel  aultrement  nous  serions  exposez, 
lesquelles  toutefois  nous  poserons  soudain,  qu'il  nous  sera  permis  d'ouyr  la 
parolle  de  Dieu  en  sccureté  et  sans  crainte  aucune  de  nos  ennemis   Et  d'aultant 


PrÈCES  JUSTIFICATIVES.  321 

que  l'on  prévoit  que  les  injures  et  menasses  qu'on  use  tant  contre  les  ministres 
comme  contre  ceulx  lesquelz  se  mettent  en  chemin  pour  aller  à  la  presche  ou  en 
reviennent,  donnent  matière  et  occasion  comme  inévitable  de  les  irriter,  nous 
vous  prions  qu'il  vous  plaise  de  tenir  la  main  aultant  que  désirez  le  bien  et  la 
transqUillité  pul)lic(|ue,  à  ce  que  à  l'advenir  ung  chacun  ait  à  soy  en  déporter.  Pt 
par  ainsy  sera  le  repos  public  gardé,  les  séditions  empeschées  et  vivra  ung  chacun 
soubz  l'obéissance  du  Roy  et  en  bonne  paix,  union  et  concorde  et  aura  moyen 
de  soy  acquiter  au  faict  de  la  relligion  ainsy  que  sa  conscience  luy  commande,  de 
laquelle  Dieu  seul  a  cognoissance  et  domination.  Finalement  nous  vous  prions 
que  désormais  vous  advisez  à  la  délivrance  de  ceulx  lesquelz.  passé  tant  de  temps, 
vous  tenez  prisonniers  pour  le  faict  de  la  religion  et  desquclz  la  constance 
inmuable  et  longue  patience  vous  debvrqit  amolir  les  cœurs,  veu  mesmes  que 
leur  emprisonnement  est  faict  pour  une  querelle,  laquelle  aujourd'hui  est  trouvée 
devant  gens  despouillez  de  toute  passion,  juste  et  innocente,  ou  du  moins  qu'il 
vous  plaise  les  soulager  jusques  à  ce  qu'aullrement  en  soit  ordonné  par  la  cour; 
en  quoy  faisant  nous  prierons  Dieu  pour  vostre  prospérité,  pour  le  maintien  de 
vostre  honneur  auquel  vous  estes  constitués. 

Voz  humbles  et  obéyssans  subjeclz  les  fidèles  de  Tournay 
qui  sont  rengez  en  l'église  de  Dieu  quy  est  réformée. 

Avant  que  Son  Alteze  fut  adverlie  des  choses  passées  le  vij«  dudit  mois,  lesdiz 
consaulz  receurent  lettres  par  lesquelles  Son  Alteze  commandoit  que  1  on  eust  à 
empescher  les  presches  soit  dehors  ou  dedens  la  ville,  lesquelles  lettres  furent 
lentes  l'onzième  dudit  mois  et  aullres  le  lendemain,  par  lesquelles  Son  Alteze 
exhortoit  messieurs  d'obvier  ausdictes  presches  et  à  tous  inconvéniens  esquelz 
ladicte  ville  eust  peu  tomber,  ne  délaissant  en  arrière  chose  quelconque  que  l'on 
eust  pu  imaginer  pour  la  conservation  du  propre  bien  des  manans  de  ladicte  ville, 
dont  note  a  esté  faicte  par  les  actes  subséquens. 

Consaulx  rassamblez  avec  les  lieutenant  de  gouvernement  et  de  bailly  et  des 
officiers  du  bailliage  le  jeudy  xj'=  jour  de  juillet  xv<=lxvj,  pour  oijr  la  lecture  des 
lettres  de  Madame  du  jx«  dudit  mois,  lesquelles  ouvertes  auroient  été  leues  et 
advisé  de  les  publier  à  son  de  trompe  aux  deux  bretesques,  aussy  d'atacher  le 
double  en  plusieurs  lieux  de  ladicte  ville. 

Consaulx  rassamblez  avec  Mons'  de  iVIouIbais,  lieutenant  du  Gouverneur  et  les 

conseilliers  du  Roy.  nostre  sire,  au  bailliaige  du  Tournesis  le  vendrcdy  douzième 

jour  de  juillet  xvlxvj,  pour  oijr  la  lecture  des  lettres  de  Madame  en  dacte  del  xj« 

dudit  mois,  rapportées  par  ledit  Le  Clercq  estant  de  retour  de  la  cour,  ce  qu'auroil 

Tome  1.  —  Lettres,  etc.  41 


522  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

esté  faict  et  sur  ce  advisc  d'attendre  que  ledit  S'^  de  Moulebais  aura  responce  par- 
ticulière de  Son  Alteze,  qu'il  attend  ce  jourd  huy  pour  oijr  ce  qu'elle  escripvera, 
sy  a  esté  advisé  de  prestement  mander  les  sermens  pour  les  admonester  et 
induire  à  prendre  les  armes  pour  empescher  les  presches,  selon  la  volunté  de  Son 
Alteze,  soit  dedens  la  ville  soit  dehors.  Après  lequoy  faict  et  leur  responce  oije 
sera  faict  advertenir  à  Son  Alteze  tant  dicelle  leur  responce.  comme  de  l'adver- 
tence  faicte  à  Mess™  louchant  la  volunté  qu'aucuns  de  l'assamblée  avoient  de 
mettre  à  délivre  les  prisonniers  pour  le  faict  de  la  relligion.  Sy  est  commis  le 
conseillier  du  Chambge  pour  soy  transporter  vers  Son  Alteze  avec  lettres  de  tout 
le  besongné  que  dessus. 

Ledit  jour  de  vendredy  xij«  dudit  mois,  Mess"  les  Consaulx  se  sont  rassamblez 
pour  remonstrer  à  ceul.v  des  sermens  le  danger  où  ceulx  de  la  ville  se  retrouvent 
présentement  à  l'occasion  des  presches  et  assemblées  illicites  quy  se  font  journe- 
lemenl  aussy  que  le  Roy,  nostre  Sire,  n'entend  aucunement  de  permettre  lesdictes 
presches  et  assemblées,  parquoy  ont  esté  admonestez  d'y  vouloir  par  force 
d'armes  donner  résistence  selon  le  contenu  des  lettres  que  lesdiz  S"  Consaulx  ont 
ledit  jour  receu  de  Son  Alteze.  tt  promplemeul  ceulx  du  Serment  Sainct  Michiel 
aians  oij  lesdictes  remonstrances  et  admonitions,  ont  déclairé  qu'ilz  sont  prestz 
d'eulx  mettre  en  armes  pour  le  service  de  Sa  Majesté  à  rencontre  do  ses  ennemis, 
mais  non  pour  empescher  les  presches  pour  l'inconvénient  quy  en  pouroit 
advenir,  par  ce  que  leurs  parens  et  amis  y  pourroient  assister,  contre  lesquelz  ny 
aultres  de  l'assemblée  estans  pesie  mesle,  ilz  ne  sont  délibérez  prendre  les  armes. 

Semblable  responce  ont  faict  ceulx  du  Serment  Madame  Saincte  Christienne. 

Ceulx  du  Serment  Mons"^  Sainct  Sébastian  pareille  responce. 

Ceulx  du  Serment  iVlons'  Sainct  iMaurice  pareille  responce  que  dessus. 

Ceulx  du  Serment  Mons'  Sainct  George  semblable  responce,  réservé  cinq  à  six. 

Ceulx  du  Serment  Monsieur  Sainct  Anthonne  ont  déclairez  qu'il  ne  sont  aucu- 
nement délibérez  de  prendre  les  armes  pour  empescher  les  presches  soit  dedens 
la  ville  soit  dehors,  mesmement  aucuns  deulx  ont  déclairé  qu'ilz  se  trouverront 
ausdictcs  presches  avec  leurs  armes  et  non  aultrement  pour  crainte  du  chasteau, 
ce  que  n'ont  les  villes  de  Lille  et  Vallenchiennes  où  semblables  presches  se  font, 
lesquelz  partant  se  tiennent  plus  facillement  sans  armes  esdictes  presches. 

Laquelle  responce  et  besoingné  que  dessus  a  été  rescript  à  Son  Alteze  avec 
déclairation  que  seroit  besoing  d'envoyer  grand  nombre  de  gens  de  pied  assceure- 
ment  bons  pour  assistence,  adjoustans  que  le  souverain  remède  pour  obvier  aux 
presche  seroit  dosler  le  port  sur  lequel  les  mauvais  se  fondent.  Sy  fut  requis  à 
Madame  de  vouloir  envoyer  en  Tournay  quelque  seigneur  chevalier  de  l'ordre 
pour  mieulx  entendre  au  faict  de  ladicte  ville  et  afïin  que  par  sa  présence  et 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 


323 


respect  de  sa  seigneurerie,  le  peuple  peust  estre  mieux  contenu  en  obéissance, 
dont  est  touché  en  cest  acte  : 

Consaulx  rassamblez  ledit  jour  avec  les  ofDciers  du  bailliaige  pour  adviser  de 
rescrire  à  Son  Alteze  tout  ce  quy  s'est  faict  et  passé,  asscavoir  comment  les  ser- 
mens  de  ceste  ville  ont  esté  convocquez,  et  admonestez  d'empescher  les  presches 
soit  dedans  ou  dehors  la  ville,  ce  qu'iiz  ont  déclairé  ne  vouloir  faire  pour  raison 
que  leurs  parens  et  amys  y  seroient  assistens.  Secondement  qu'il  n'y  a  moyen 
d'estre  secouru  du  chastau  pour  le  peu  de  soldalz  y  estans,  considéré  mesmes  que 
les  quarante  soldatz  qui  estoient  en  la  ville  à  la  solde  et  garde  d'icelle  y  ont  esté 
attirez  pour  le  secours,  parquoy  sera  besoing  de  remonslrcr  à  Son  Alleze  qu'il  n'y 
a  aultre  moyen  que  d'avoir  garnison  pour  la  plus  sceure  garde  de  la  ville.  Toutes- 
fois  ne  fauldra  faillir  d'advertir  Sadicle  Alteze  que  sy  garnison  y  est  mise,  l'entre- 
cours  de  marchandise  cessera,  par  oîi  le  menu  peuple  n'aura  moyen  de  gaingner 
sa  vie  dont  pouroit  procéder  esmotion  et  pillerie. 

Au  regard  des  prisonniers  détenus  pour  la  relligion  sera  Son  Alteze  pareille- 
ment advertie  que  l'on  a  menasse  les  mettre  à  délivre  par  forche,  sy  de  bref  le 
magistrat  ne  les  relâche,  au  moyen  de  quoy  sera  requis  de  les  povoir  relâcher 
soubz  caution. 

Sera  aussy  expédient  de  requérir  ung  chevalier  de  l'ordre,  comme  ledit 
Le  (>lercq  a  faict  rapport  d'avoir  esté  embouché  en  court. 

Le  mardy  seizième  dudit  mois  furent  receues  letlres  de  Son  Alteze  en  date  du 
xiiije  commandantes  d'emmener  tous  les  prisonniers  détenus  pour  le  faict  de  la 
relligion  au  chastel  et  le  lendemain  sus  ce  a  esté  résolu  comme  est  porté  par  cest 
acte  : 

Consaulx  rassemblez  le  mercredi  xvij"  jour  de  juillet  que  lors  lecture  a  esté 
faicte  des  lettres  de  Son  Alteze  et  advisé  de  rescrire  qu'il  n'est  possible  de  trans- 
porter au  chasteau  les  prisonniers  détenus  par  .\less"  les  prévostz  et  jurez  pour  le 
faict  de  la  religion,  pour  l'inconvénient  qui  en  pouroil  succéder  tant  par  la 
rescousse  d'eulx  en  les  menant,  tant  pour  ce  que  s'ilz  ne  sont  rescoux  le  peuple 
se  pouroit  adresser  au  magistrat,  lequel  avoit  promis  au  peuple  pour  luy  donner 
contentement  de  requérir  Son  Alteze  de  les  povoir  relâcher  soubz  caution,  et  pour 
présenter  lesdictes  lettres  à  Son  Alteze  et  de  tout  ce  qu'est  passé  l'advertir  verbal- 
lement  est  commis  Pasquier  de  le  Barre,  procureur  fiscal. 

Ledit  Du  Chambge  estant  de  rethoiir,  rapporta  lettres  en  date  du  dix  septième 
dudit  mois  par  lesquelles  Son  Alteze  rescripvoit  de  regarder  d'envoyer  renfort  au 
chasteau  et  quelque  compagnie  de  chevaulx.  commandant  de  les  accommoder  de 
vivres  et  mettre  taux  au  fourage,  pareillement  disoil  d'envoyer   ung  seigneur. 


324  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

chevalier  de  l'ordre,  pour  assister  Mess'*  d'auctorilé  et  regarder  avec  leur  bonne 
ayde  et  correspendence  de  pacifier  le  mieulx  qu'il  polroil  les  affaires 

Ledit  de  la  Barre  apporta  lettres  en  dacte  du  xjx*  (jg  juillet  par  lesquelles  Son 
Aiteze  ordonna  de  bannir  les  prisonniers  détenus  pour  le  faict  de  la  relligion  de 
tous  les  pays  de  pardecha  subjeclz  à  Sa  Majesté  avec  confiscation  de  leurs  biens 
dont  est  parlé  par  cest  acte  des  consaulx  : 

Consaulx  rassamblcz  le  dimenche  vinglunicme  jour  de  juillet  xv^lxvj,  pour 
oijr  lecture  des  lettres  de  Madame  apportées  tant  par  M»  Erasme  du  Chainbge. 
conseillier,  comme  par  le  procureur  fiscal  de  ladicte  ville,  laquelle  lecture  faicte 
tant  en  présence  de  iMons"  de  .Moulebais.  commis  au  gouvernement  de  la  ville,  etc. 
comme  des  officiers  du  bailliage  a  esté  advisé  suivant  les  dernières  lettres  de  Son 
Alleze  de  bannir  les  prisonniers  pour  le  faict  de  la  religion  de  tous  les  pays  de 
pardecha  à  Sa  .Majesté  appartenans  sur  paine  de  la  hart.  ce  que  prestement  a  été 
faict  et  leur  sentence  pronunchée  présens  lesdiz  consaulx,  S'  de  iMoulbais  et 
officiers  du  bailliage. 

Le  vinj^t-qualrième  dudit  mois  furent  recheues  lettres  de  Son  Altesse  en  date 
du  xxj«,  par  lesquelles  esloit  commandé  ou  nom  de  Sa  Majesté  d'incontinent 
communicquer  avec  les  principaulx  personnages,  gens  de  bien  et  mieulx  affec- 
tionnez à  la  reliijion  catholicque,  au  service  de  Sa  Majesté  et  au  bien  de  la  Patrie 
pour  par  ensemble  adviser  de  remédier  au  danger  éminent  et  assceurer  la  ville  de 
Tournay  pour  la  conservation  des  manans  et  de  leurs  biens  alleneontre  de  toute 
sédition,  tumulte,  sac  et  pillaige  tant  dedans  que  dehors,  mettant  par  tout  bon  guet 
et  garde  de  jour  et  de  nuict  et  répartissant  le  peuple  par  compagnies  et  quartiers 
comme  estoit  de  coustume,  pour  assceurance  et  garde  en  lamps  dangereux  et 
selon  que  seroil  trouvé  la  nécessité  et  importance  de  l'affaire  le  requérir,  faisant 
retirer  le  peuple  des  presches  partie  par  amour,  partie  par  forche  remonsfrant  les 
calamilez  quy  sont  toujours  suivie  le  chambgemcnt  de  la  relligion  tellement 
qu'aux  consaulx  fut  résolu  comme  est  contenu  en  l'acte  suyvant  la  requeste  et 
advis  icy  joinci. 

Copie  de  la  requeste  présenlée  aux  Consaulx  par  les  marchans  pour  intelli- 
gence de  l'occasion  pour  laquelle  icelle  auroit  esté  présentée.  Convient 
scavoir  que  la  rescription  desdiz  Consaulx  que  dessus  pour  avoir  bon 
nombre  de  qens  de  pied  fut  éventée  et  resceue  par  iceulx  requerrans. 

Alesseigneurs.  Suivant  l'obligacion  par  laquelle  naturelement  chacun  est  tenu 
et  lié  au  bien  et  repos  de  sa  patrie,  nous  vous  avons  en  particulier  faict  remons- 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  325 

Irer  quel  est  nostre  désir  et  soing  d'empescher  en  ces  temps  lant  lurhulenlz  et 
calamiteux  tous  troubles,  séditions  et  révoltes,  scachant  cerlainement  par 
l'exemple  de  nos  voisins  quelles  sont  comme  nécessairement  accompagnées  de 
tous  maux  et  cruaulez  inluimaines,  voircs  plus  que  barbares,  desquelles  semble 

que  soyons  menassoz  de n'est  que  Dieu  par  sa  bonté   et  miséricorde 

nous  face  ceste  prérogative  et  particulière  faveur  qu'il  nous  inspire  et  remette 
audevant  des  yeulx  les  moyens  par  lesquelz  l'on  y  pourra  aller  audevant  et 
totalement  les  divertir.  A  quoy  si  jamais  nous  parvenons,  toutes  villes  voisines 
seront  constrainles  de  grandement  louer  vostre  bon  acquit  et  debvoir  et  nous 
repuiez  heureux  d'avoir  soubz  vostre  conduite  et  gouvernement  esté  maintenus 
en  paix  entre  tant  de  feuz  alumez  pleins  de  séditions  et  tumultes.  Et  pour  en 
brief  dire  le  tout  fauldra  bien  que  nous  confessons  et  nostre  postérité  cy  après 
tesmoigne  que  nostre  Dieu  nous  aura  esté  plus  doux,  pitoiable  et  miséricordieux 
qu'il  n'a  esté  à  toute  aultre  nation  de  la  terre.  Estans  doncques  réduis  en  ung  sy 
extrême  desiroict  que  suivant  nostre  jugement  humain  et  naturel  nous  couche- 
rons en  nos  esprits  une  apparence  comme  inévitable  en  ces  quartiers  des  eala- 
mitcz  et  misères  advenues  en  Allemaingne,  Angleterre,  Escosse  et  fraiscliement  en 
France,  nous  avons  nostre  recours  et  refuge  à  Dieu  seul,  le  prians  et  t^émissans 
à  luy  afïin  qu'en  destournanl  son  yre  et  couroux  de  dessus  nous,  sa  face  débon- 
naire, clémente  et  miséricordieuse  reluise  sur  son  peuple  desja  comme  csperdu  et 
tout  estonné  de  crainte.  El  d'aullant  que  sommes  certeins  par  sa  promesse  véri- 
table, infallible  qu'il  subvient  aux  oppressez,  qu'il  soulage  les  affligez  et  exauce 
les  cœurs  tristes  et  désolez,  nous  nous  persuadons  et  asseurons  fermement  qu'il 
ne  nous  abandonnera  ny  permettra  que  nous,  noz  femmes  noz  enffans,  noz  biens 
soient  exposez  en  proye  et  à  la  rage  des  cnnemys  de  nostre  repos  et  tranquillité. 
.Ains  qu'il  nous  enseingncra  les  voies  et  instruira  les  adresses  que  debvons  ache- 
miner et  tenir  pour  en  estre  garantis  et  délivrez  quy  nous  donne  occasion  de  faire 
poix  à  ce  que  nous  esl  représenté  en  nostre  enlendemcnl  servant  à  cesl  effect  et 
d'en  faire  nostre  profil  sans  le  rejecter,  mesmement  nous  encourrage  et  donne 
hardiesse  de  le  vous  découvrir,  craindans  de  laisser  à  côté  et  par  ainsi  mespriser 
les  advertissemens  que  Dieu  nous  propose  pour  notre  plus  grand  bien,  joinct 
qu'estant  nostre  concept  examiné  et  balancé  par  vous  recepviez  ce  que  trouverez 
povoir  servir  à  propos,  et  s'il  advient  que  le  rejectez  du  tout,  du  moings  aurez 
vous  tesmoingnage  ouvert  que  tenons  la  main  et  veillons  au  bien,  paix  et  repos  de 
noz  compatriotes,  au  regard  de  (|uoy  il  nous  esl  advis.  lequel  nous  submetons  à 
vostre  correction,  que  sur  toute  chose  en  doibt  considérer  quele  est  la  source  et 
origine  dont  quelque  sédition  ou  révolte  pouroit  procéder,  car  après  avoir  décou- 


526  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

verte  et  sondée  la  cause  du  mal,  jasoit  qu'il  soit  grand,  sy  sera  il  aisé  d'y  trouver 
et  applicquer  les  remèdes.  On  scail  comme  chose  du  tout  notoire  que  la  noblesse 
a  depuis  quelques  mois  encha  présenté  requeste  à  Son  Alteze  contendant  par 
ieelle  et  pour  les  causes  y  contenues  à  l'anéantissement  et  révocation  de  l'inqui- 
sition et  des  placcarts  dressez  sur  le  faict  de  la  relligion,  le  fruit  de  laquelle 
requeste  a  esté  à  l'instant  embrassé  par  le  peuple  et  quy  plus  est  soy  dispensant 
del  effecl  de  la  surséance  accordée  au  regard  de  l'exécution  d'iceulx  placears,  il 
n'a  cessé  tant  que  hs  presches  se  soient  faictes  en  publicq  après  lesquelles  on  le 
voyoit  tellement  altéré  qu'il  semble  véritablement  (iiic  lu  mort  liiy  scroit  jdiis 
chère  et  (/(ji/réable  <jne  d'en  cstre  privé  pour  rudvenir,  d'uullre  part  nous  voyons 
et  scavons  que  les  presches  sont  tant  odieuses  et  plusieurs  qu'llz  sidlieitenl  et  font 
extrême  effort  de  les  empeseher,  roijres  sy  avant  que  royans  qu'édictz,  dejfences  et 
placcarts  ne  profitent  de  riens,  il  faict  à  craindre  qu'ilz  ne  vienynent  à  la  force  et 
qu'à  cest  effect  gendarmerie  ne  soit  introduite  es  villes  et  forteresses  proches  aux 
lieux  esfiuclz  les  presches  se  font,  pour  avec  occasion  ruer  sur  les  assistens,  lesquelz 
indtdntablement  se  mettront  à  deffence  dont  sourdra  une  guerre  civile,  mère, 
sou7Te  et  origine  de  l'enthière  ruyne  et  totale  désolation  des  villes  et  du  pays,  de 
sorte  que  de  nostre  part  nous  estimons  qu'admettant  et  recevant  gendarmerie  en 
ceste  ville  ou  au  chasleau,  oultre  et  pardessus  le  nombre  accoustumé,  ce  sera 
proprement  préparer  l'allumette  de  sédition  et  tumulte  et  par  conséquent  la  ruyne 
et  désolation  de  vous,  de  nous  et  de  toute  la  ville,  laquelle  aussy  quant  et  quant 
demeurera  destituée  de  tout  commerce  et  trafïic  de  marchandise  avec  les 
Anversois.  aians  ja  protesté  qu'ilz  feront  cesser  tous  négoces,  soubdain  qu'ilz 
auront  certeine  advertence  que  quelque  gendarmerie  sera  preste  à  soy  fourer 
céans,  quy  sulliroit  pour  faire  teumber  le  peuple  en  désespoir  et  s'adonner  au 
pillaige,  au  contraire  laissant  la  gendarmerie  en  la  garnison  ordinaire,  et  donnant 
ordre  que  soldatz  qu'on  pourroit  lever  de  nouveau  ne  se  fourrent  iey,  les  affaires 
se  conduiront.  Dieu  aidant,  avec  tele  modestie  qu'elles  se  sont  conduites  au  passé 
sans  tumulte  ou  sédition  quelconque  jusques  à  ce  que  par  Sa  Majesté  aultrement 
en  soit  ordonné.  Ce  pendant  pour  à  ce  cstre  tant  mieux  pourveu.  nous  trouvons 
expédient  qu'on  establisse  guet  aux  portes  en  nombre  d'hommes  compétent, 
lequel  prend  soing  que  quelque  soldat  geux  (comme  on  les  appelle)  ny  aullre 
n'entre  en  la  ville  pour  y  arresler,  ensamble  pour  avoir  regard  sur  ceulx  lesquelz 
ont  de  faict  ou  de  parolles  se  démonstreront  séditieux,  mesmes  les  faire  appré- 
hender pour  estre  par  vous  exemplairement  chastiez.  En  quoy  nous  olTrons  et 
prometons  de  nous  employer  à  certes  et  estimons  qu'il  n'y  aura  personne  refusant 
de  faire  le  semblable,   aclendu  que  cest  exploit  tend  à  la  conservation  de  voz 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  327 

personnes  et  générallemenl  de  tous  et  que  nous  ne  nous  voulons  formaliser  ny 
entrer  en  partialité  ny  pour  les  geux  ny  pour  aullres.  Mais  désirons  de  vivre  en 
paix,  union  et  concorde,  soubz  l'obéyssance  de  Dieu,  du  Roy  et  de  vous. 

Pour  aultant  que  ceste  requesle  ne  comprenoit  les  noms  des 
requérans  et  que  iM»  Nicollas  Tafïin  présentant  icelle  se 
seroit  vanté  qu'elle  estoit  advoué  par  les  doyens  et  souhz 
doyens  des  stilz  et  mestiers  de  lacdite  ville,  messeigneurs 
les  consaulx  ont  ordonné  de  la  leur  communiquer 

Copie  de  l'advis  des  doyens  et  soubzdoiens  des  stilz  sur  ladicte  requesle. 

Les  doyens  et  soubzdoiens  des  stilz  aiaiis  veu  la  rcqiieste  présentée  ee  jour- 
dhuy  xxiij"  du  présent  mois  de  juillet  xv^lwj,  à  nobles  et  honnourables  seigneurs 
IMess"  les  consaulx  de  ceste  ville  et  cité  de  Tournay  par  les  principaux  marchans 
d"icelle  et  donnans  sur  icelle  leur  advis  selon  le  bon  plaisir  de  mesdis  seigneurs, 
dient  que  pour  les  raisons  y  contenues  sans  les  vouloir  résumer  est  expédient 
d'obvier  à  toutes  occasions  desquelles  pouroil  sourdre  sédition  et  tumulte  d'autaul 
plus  que  le  peuple  est  réduit  à  tant  extrême  povrelé  que  la  mort  corporcle  luy 
est  non  moins  désirée  que  la  vie,  comme  peult  faire  foy  une  exemple  advenu 
depuis  deux  à  trois  heures  encha  et  de  quoy  porleroient  bon  tesmoingnage 
personnages  de  qualité  et  dignes  de  crédence,  sans  que  soit  besoing  les  rechercher 
hors  rhonnourable  compagnie  de  vous  IVIess'\  veu  que  Wons'  le  second  prévost, 
Mons'  de  Baudimont  et  aultres  d'entre  vous,  mesdis  seigneurs,  en  pouroient  faire 
plaine  foy  leur  ayant  manifesté  le  peuple  le  désespoir  qu'il  a  par  la  povreté  qu'il 
endurC:  quy  seroil  réduicte  à  toute  extrémité  sy  on  rechevoit  gendarmerie  en 
ceste  dite  ville,  en  tant  mesmes  que  par  le  moyen  dicelle  le  petit  gaingnepain 
restant  au  populaire  seroit  cnthièrement  tollu  et  anéanly  pour  les  raisons  conte- 
nues en  ladicte  remonstrance.  A  quoy  sy  nous  aimons  noz  femmes  et  enffans, 
nostre  famille,  patrie,  et  propre  personne  nous  debvons  obvier,  et  suyvant  ce,  par 
tous  moyens  légitimes  empescher  à  tous  soldatz  d'entrer  en  ceste  dicte  ville  pour 
y  arrester.  Ausquelles  fins  et  pour  nourir  tranquillité,  trouvent  lesdiz  doyens  et 
soubdoiens  expédient  d'establir  guet  aux  portes  et  à  chacune  d'icellcs  deux 
dizaines  d'hommes,  et  au  beiïroit  ung  semoncheur  de  survenans,  si  comme  se 
faict  es  villes  de  frontières,  et  sicomme  la  très  pourveue  discrétion  de  Mess" 
poura  adviser.  Et  surquoy,  sy  besoing  est,  l'on  poura  user  d'exemple  à  la  pollice 
gardée  es  villes  d'Anvers,  Valenchiennes  et  samblables. 

Consaulx  rassamblez  le  mercredy  xxiiij«  de  juillet  xv^lxvj,  pour  oijr  la  lecture 


528  PIÈCES  JUSTIFICATFVES. 

des  lettres  de  Madame  ledit  jour  recheues  en  date  du  xxj«  dudit  mois  et  aussy 
pour  délibérer  sur  la  requesle  des  marchans  et  advis  des  doyens  et  des  soubz- 
doiens  de  ceste  ville,  lesquelles  lettres,  requestc  et  advis  ont  esté  leus  et  sur  ce 
advisé  avant  d'en  rcsouidre  d'envoyer  tant  en  la  ville  de  Valeuchienncs  que  de 
Lille  pour  entendre  les  debvoirs  qu'ilz  ont  faict  au  regard  du  guet  et  aultrement 
pour  la  luilion  de  la  ville  et  des  manans  et  inhabitans  dicelle  et  s'ilz  ont  emprins 
d'empescher  les  presches  soit  dcdens  la  ville,  soit  dehors,  pour  lequoy  faire  sont 
députez  les  ij  proeureurs. 

Consaulx  rassaniblez  le  joeudy  vingt  cinquième  jour  dudit  mois  pour  oijr  le 
rapport  et  besongné  des  deux  procureurs  aians  esté  envoyez  es  villes  de  Valen- 
chiennes  et  Lille,  ce  qu'a  esté  faict.  mesniement  a  esté  leu  l'ordre  et  police  mise 
sur  le  faict  du  guet  tant  de  jour  que  de  nuict  esdictes  villes,  surquoy  pour  déli- 
bérer ce  que  sera  de  faire,  a  esté  advisé  de  demain  rassambler  les  consaulx  avec 
les  doyens  et  soubzdoiens  des  stilz  et  mesliers  de  ceste  ville  ensamble  les  mar- 
chans. 

Consaulx  rassemblez  le  vendredy  xxvj"  jour  dudit  mois  avec  ceulx  du  bailliaige 
pour  oijr  l'advis  des  doyens  et  soubzdoiens  ensamble  celuy  des  marchans, 
bourgeois  et  au I très  notables  sus  Tordre  et  pollice  quy  debvra  estre  mis  pour  la 
garde  et  tuition  de  la  ville  tant  contre  l'invasion  d'ennemis  estrangers  qu'esmotion 
populaire  suivant  le  contenu  des  lettres  de  Son  .Alleze  en  dacte  du  ocar/»  jour  de 
juillet  derrenier,  lequel  advis  estant  par  escript  a  esté  leut  et  à  icelluy  se  sont 
conformez  lesdiz  notables,  suivant  quoy  a  esté  advisé  de  rescripre  à  Son  Alteze 
tout  ce  quy  a  esté  besoingné  en  cest  endroit,  aussy  des  trois  presches  quy  se  sont 
faictes  asscavoir  les  deux  dimenche  et  lundy  auprez  du  bois  de  Breuze,  et  la 
troizièuie  aux  prelz  prochains  derrière  labbaye  le  tout  par  Charles  de  Nielle. 
natif  de  ceste  ville  et  que  esdictes  presches  y  a  eu  aucuns  baptesmes  et  mariaiges 
faictz  et  d'envoyer  vers  Son  Alteze  avec  lesdictes  lettres  M<=  Erasme  du  Chambge, 
tiers  conseillier  pensionnaire,  pour  luy  remonstrer  la  police  dressée  en  ceste  ville 
et  les  inconvéniens  quy  pouroient  advenir  en  cas  que  gendarmerie  fut  cy  mise 
en  garnison. 

Copie  desdiz  avis. 

Les  doyens  et  soubzdoiens  des  stilz  aians  veu  le  recueil  concernant  le  faici  de 
la  police  et  ordre  gardé  es  villes  de  Valenchiennes  et  Lille  au  regard  du  guet  tant 
de  nuit  comme  de  jour,  suivant  le  bon  plaisir  de  Messieurs  les  consaulx,  donnent 
leur  advis.  Semble  que  au  regard  du  guet  de  nuict  observé  en  ceste  ville  et  cité 
de  Tournay  comme  sulïissant  ny  convient  riens  innover.  Quant  au  guet  de  jour 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  329 

semble  suivant  aultre  leur  advis  donné  nagliaires  estre  expédient  d'establir  aux 
portes  i;uet  d'une  disaine  ou  plus  avec  ciiief  qui  se  poura  choisir  des  plus  notables 
de  la  ville,  lesquelz  auront  pareille  charge  et  à  eux  conduire  en  la  forme  et 
manière  observée  en  la  ville  de  Valenchiennes.  Et  pour  obvier  aux  tumultes, 
séditions  et  efTrois  que  pouroicnt  survenir  en  la  ville  et  aussy  aux  invasions 
d'ennemis,  semble  que  seroit  bon  de  diviser  le  peuple  de  la  ville  en  cincq,  six, 
sept  ou  huit  bandes,  en  joindani  les  paroisses  voisines  et  conliguës  l'une  à  l'aullre, 
leur  voullant  cnseingne  et  capitaine  et  ausquelz  seroit  faict  serment  d'estre  lidel 
au  Roy  et  de  garler  ceste  sa  ville  el  cité  de  Tournay  soubz  son  obéyssance,  sans 
toutesfois  entendre  d'empescher  les  presches  ny  ceulx  ayans  envye  d'y  assister, 
aflin  d'éviter  commotion,  submetlant  néantmoins  le  tout  au  bon  plaisir  des  con- 
saulx  susdiz. 

Ledit  vingt  sixième  de  juillet,  pardevant  Mess"'  les  consaulx  de  la  ville  et  cité 
de  Tournay.  ausquelz  consaulx  ont  assisté  Mons'  de  iVJoulebais.  gouverneur,  le 
lieutenant  de  Monsieur  le  bailly  et  ollieiers  du  bailiiaige,  sont  comparus  les 
marchants  et  aultres  notables,  lesquelz  par  la  bouche  de  M^  Nicolas  Talfin,  doc- 
teur, ont  declairé  qu'ilz  estoient  de  mesme  advis  avec  les  doyens  et  soubzdoyens. 

Consaulx  rassambkz  le  jeudy  premier  jour  d'aoust  quinze  cens  soixante  six, 
pour  oijr  lecture  des  lettres  de  Madame  daclées  du  xxx"  de  juillet,  et  le  rapport  de 
i\Ie  Erasme  du  Chanibge,  tiers  conseillier  de  la  ville,  retourne  de  court,  lesquelles 
lettres  ont  esté  leutes  et  advisé  de  mander  à  demain  matin  pardevant  Mess" 
les  consaulx,  les  doyens  et  soubzdoiens  des  stilz,  les  notables  bourgeois  de  la  ville 
et  les  marchans  ausquelz  sera  faicte  lecture  des  lettres  de  madame  el  entendu 
d'eulx  s'ilz  se  vouidront  faire  fort  d'empescher  presches  en  la  ville  et  tenir  icelle 
en  l'obbeyssance  de  8a  Majesté,  ce  qu'on  leur  fera  sii^ner  en  cas  qu'ilz  le  promet- 
tent pour  en  advenir  Son  Alteze. 

Faict  icy  à  noter  que  ledit  du  Chambge  rapporta  ausdiz  consaulx  de  luy  avoir 
esté  dit  de  bouche  en  la  court  que,  au  cas  que  lesdiz  marchans  persistassent  en 
leur  requesle  d'esire  exemptz  de  garnison,  seroit  besoing  qu'ilz  se  vinsent  à 
astraindre  de  garder  la  ville  de  sédition,  révolte,  sac  et  pillage;  de  n'y  souffrir 
dedans  presches  et  assamblées  illicites  et  tenir  icelle  en  l'obéyssanee  de  Sa  Majesté, 
dont  est  faict  mention  en  l'acte  suyvanl. 

Consaulx  rassamblez  le  vendredy  ij''  jour  d'aoust  xvlxvj,  pour  faire  lecture  des 
lettres  de  Son  Alteze  cy  dessus  mentionnées  et  remonsirer  aux  doyens  et  soubz- 
doyens, notables  et  marchans  de  eesle  ville,  suyvant  iccUes  lettres,  que  pour  estre 
deschargé  de  garnison  il  estoit  requis  de  garder  et  observer  trois  poins,  scavoir  est 
en  premier  lieu  de  garder  la  ville  en  l'obéyssanee  de  Sa  Majesté,  secondement  de 
garder  icelle  de  sédition,  révolte,  sac  et  pillaige.  et  finabiement  d'empescher  les 
Tome  I.  —  Lettres,  etc.  4il 


350  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

prc'sches  en  la  ville,  ce  qu'a  esté  remonstré  bien  el  mu  loing  et  requis  que  les 
dessus  nommez  le  vouizissent  ainsy  promcllrc  afiin  d'en  avertir  Son  Alteze,  s'ilz 
persistent  de  moyennant  ce  estre  descliargez  de  garnison,  sur  lesquelles  remons- 
trances  et  requestes  après  avoir  par  lesdiz  notables  el  marchans  relirez  en  la  halle 
de  gehine,  par  ensamble  communiqué  el  mesmemeiit  sus  le  contenu  esdictes 
leltres  quy  leur  avoienl  esté  délivrées,  ont  par  la  bouclie  de  M«  JNicoIas  ïaffîn, 
docteur  es  droiclz,  déclairé  iceulx  présens  que  quant  aux  deux  premiers  poins 
asscavoir  de  tenir  la  ville  en  i'obéyssancc  de  Sa  Majesté  et  empesclier  sédition, 
révolte,  sac  et  pillage,  ilz  promeloient  absolulement  de  les  entretenir,  garder  el 
observer,  el  au  regard  du  Iroizième  poinct  concernant  les  presches  en  la  ville,  ilz 
seroienl  aussy  preslz  de  l'observer  et  garder,  pourveu  que  sur  le  povoir  de  la 
ville,  en  lieu  que  leur  seroit  désigné,  ilz  peussent  pour  l'advenir  dresser  quelque 
édiflice  pour  eux  retirer  et  assister  ausdictes  presches,  d'autant  que  l'hyver  les 
menasse  et  que  voyans  le  peuple  fort  altéré  à  icelles  cl  la  diversité  du  temps 
d'yver.  bien  ditlicilemenl  ilz  scauroienl  aultremenl  empeseher  ledict  troisième 
poinct,  requerrans  (jue  Mess"  les  consaulx  vouizissent  sur  ce  supplier  Son  Alleze, 
promelans  pendent  ce  temps  d'esté  empeseher  lesdictes  presches  en  la  ville,  à 
quoy  a  esté  faict  responce  que  non  l'en  advertira.  Quant  aux  doyens  et  soubz- 
doiens  ilz  se  sont  retirez  à  part  el  ont  raporté  leur  advis  par  cscript  conforme  à 
ce  que  dessus,  quy  a  esté  leu  ausdiz  S»^*  consaulx  dont  la  teneur  s'ensuit. 

Les  doyens  et  soubzdoiens  des  slilz  et  mesticrs  de  ceste  ville  et  cité  de 
1  ournay  aians  oij  la  proposition  verballe  de  iMons'  iVJ.  Erasme  du  Chambge, 
eonseillier  de  ladicle  ville,  sont  d'advis  comme  aullresfois  de  par  tous  moyens  et 
voyes  légitimes  cl  convenables  alTm  d'éviter  que  gendarmerie  ne  soit  mise  en  ceste 
ville  eulx  obliger  de  garder  ceste  ville  soubz  l'obéyssance  du  Koi  nostre  Sire  el 
prendre  armes  contre  tous  ceulx  quy  vouidront  procurer  le  contraire,  aussy  de 
faire  le  samblabie  contre  toutes  séditions  el  esmotions  populaires  quy  pouroient 
survenir,  et  quant  au  troizième  concernant  rempeschement  des  presches  qu'on  se 
pouroil  advanccr  faire  dedans  la  ville,  trouvant  ledit  empesehement  de  dangereuse 
conséquence  pour  raisons  notoires,  selon  l'advis  el  résolution  des  notables  et 
marchans  de  ceste  dicte  ville  desja  donné,  moyennant  qu'il  pleusl  à  Son  Alleze 
d'accorder  et  lollerer  qu'il  y  eust  cerlein  lieu  designé  sus  les  rejecls  de  la  ville  el 
iiors  dieelle  pour  y  conslruir  quelque  éditrice  au(iiiel  la  presche  se  poura  faire  à 
couvert  en  temps  d'yver  cl  pluivieux,  ilz  seroienl  oudit  cas  pareillement  preslz  el 
appareillez  d'empescher  par  semblables  moyens  que  dessus  les  presches  que  n'on 
vouidroit  faire  en  la  ville  selon  et  pour  les  raisons  i)lus  amplement  proposées 
par  lesdiz  notables  el  marchans.  Ainsy  advisé  le  ij'  d'aoust  xv^lvxj  el  signé 
M.  Cocquiel. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  331 

Sus  lequel  point  ont  esté  recheues  lettres  de  Son  '^lteze  en  date  de!  onzième 
d'aoust.  responsives  à  celles  de  Mess"  les  eonsaulx.  eonlonantes  le  discours  de  ce 
que  dessus  en  dacte  du  cincquième  dudit  mois,  par  lesquelles  ses  lettres  madame 
approuve  le  besoingné  de  Mess"  au  rej?ard  des  trois  poinclz  proposez  verballement 
par  ledit  du  Chanibi^e.  loue  et  agrée  le  bon  office  de  mesdis  seigneurs  en  cest 
endroit  exhortlant  d'y  continuer,  mais  rejecte  la  requeste  desdiz  doyens  et 
marchans  prélendans  quelque  édifice  pour  y  faire  presches.  commandant  à 
Mess"  de  rejecler  promptement  semblables  requestes,  par  quy  qu'elles  puissent 
estre  présentées. 

Pour  effectuer  ce  que  dessus  par  Mess"  les  eonsaulx  ont  esté  ordonnées  huit 
compaignies  des  manans  de  la  ville  prinses  es  paroiches  des  plus  conjoinctes, 
huit  compaignies  et  huit  enseingnes  avec  fififres  et  tabourins  desquelz  capitaines 
les  noms  et  sermens  faictz  s'ensuivent. 

Consaulx  rassemblez  le  mercredy  septième  jour  d'aoust  quinze  cens  soixante 
six,  pour  rechevoir  le  serment  de  messire  Gabriel  de  Cambry,  chevalier  seigneur 

du  Bus l'un  des  capitaines,  et  de  ceulx  esfans  soubz  sa  charge,  lequel  serment 

auroit  esté  preste  par  ledit  seigneur  du  Bus  et  ceulx  de  sa  charge,  asscavoir  que 
comme  léaux  subgecfz  au  Roy  nostre  souverain  et  naturel  seigneur.  Hz  conser- 
vront  et  maintiendront  ceste  sa  ville  et  cité  de  Tournay  en  l'obéyssance  et 
subjection  de  Sa  Majesté,  garderont  ladicte  ville  et  cité  de  toute  sédition,  révolte, 
sac  et  pillaige,  finablement  que  durant  ce  temps  d'esté  aucunes  presches  ne  se 
feront  en  icelle  ville  et  ainsy  l'ont  promis  et  juré  par  serment  solemnel. 

Sy  sont  Mess"  d'assens  de  commenchcr  quelques  enseingnes  de  taffeta  à  cordes 
en  prenant  pour  chacune  enseingne  douze  aulnes  ou  environ. 

Consaulx  rassemblez  le  vendredy  jx»  jour  d'aoust  xvlxyj,  pour  prendre  le 
serment  d'Estiene  Gabry.  marchant,  choisy  pour  l'un  des  capitaines,  et  de  ceulx 
de  sa  compaignie  eslans  soubz  sa  charge  dénommez  au  rolle  sur  ce  faict  estans 
des  paroiches  Nostre-Dame  et  Saincf  Pierre,  lequel  serment  en  la  manière  couché 
cy  devant  au  besoingné  du  septième  dudit  mois  auroit  esté  preste  par  ledit 
Estiene  Gabry,  capitaine,  et  la  plusparf  de  ceulx  de  sa  compaignie.  moyennant 
toutesfois  l'esclarcissement  que  à  leur  requeste  a  esté  faict  par  Messieurs  les 
consaulx  qu'ilz  n'entendent  de  comprendre  pour  séditieux  ceulx  quy  assistent  aux 
presches,  jasoit  mesmes  que  pour  y  assister  ilz  ou  aucuns  d'eulx  feussent  trouvez 
pour  désobeyssans  à  leur  capitaine  en  ce  que  leur  auroit  commandé  de  faire  à 
l'heure  que  la  presche  se  feroit  qu'ilz  ne  pouroient  acomplir  sans  estre  empes- 
chez  d'aller  ausdictcs  presches.  pourveu  que  ce  que  leurdit  capitaine  leur  auroit 
lors  commandé  et  enjoinct  de  faire  ne  louche  aucunement  les  deux  premiers 
poinctz  dessus  mentionnés.   En  tant  que  leur  a  esté  déclairé  qu'ilz  sont  tenuz 


552  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

d'observer  et  garder  iceulx  deux  poinctz  estroicteraent  et  d'obéyr,  toutes  excuses 
cessantes  à  icelluy  leur  capitaine  pour  l'observance  d  iceulx  deux  poinctz  à  paine 
d'estre  aullrement  tenus  et  réputez  pour  séditieux  et  rebelles.  Quant  à  aultres 
dont  note  est  faicle  sur  ledit  rolle  ils  ont  seulleracnt  volu  jurer  lesdiz  deux 
premiers  poinctz  refusans  de  faire  serment  sur  le  troizième,  parce  que  là  où  la 
presche  se  feroil  soit  dedens  la  ville  ou  dehors,  ilz  ont  envye  eux  y  trouver  et  ne 
les  aucunement  empescher.  finalement  au  regard  d'aultres  ont  refusé  du  tout 
de  faire  ledit  serment  les  ungs  soubz  |)retext  d'avoir  meilleure  et  plus  grande 
interprélalion  diceliuy,  les  aultres  pour  ce  qu'ilz  ne  veullent  faire  chose  contraire 
à  la  gloire  de  Dieu,  voulans  inférer  quicelluy  serment  seroil  tel,  desquelz  refusans 
note  a  esté  faicte  sur  ledit  roUe  pour  en  estre  faict  comme  sera  advisé  par  Messei- 
gneurs. 

Le  sabmedy  dixième  jour  d'aousl  xv^Ixvj,  Mess'*  les  chiefz  et  conseil  de  ladite 
ville  eslans  assemblez  pour  la  vente  de  quelque  ofTicc,  seroient  comparus  parde- 
vant  eux  messire  Gabriel  de  Cambry,  chevalier,  seigneur  du  Bus,  et  Estiene 
Gabry,  deux  des  capitaines  du  peuple  enrollé,  lesquelz  apportèrent  ung  esclar- 
cissement  de  serment,  qu'eulx  et  ceulx  estans  soubz  leur  charge  entendoient 
d'avoir  preste,  ledit  esclarcissemenl  estoit  te!  que  s'ensuit,  asscavoir  que  comme 
léaux  subjetz  au  Roy  nostre  souverain  et  naturel  seigneur,  ilz  ont  promis  et 
promettent  garder  ceste  sa  ville  et  cité  de  Tournay  ou  nom  et  pour  Sa  Majesté, 
aussy  de  garder  ladicte  ville  et  cité  de  toute  sédition,  révolte,  sac  et  pillaige, 
finablement  que  durant  ce  temps  d'esté  aucunes  presches  ne  se  feront  en  ladicte 
ville,  n'estoit  qu'on  les  empeschat  faire  au  dehors  ou  que  les  aultres  villes  de 
pardecha  durant  b'dit  temps  feussent  joyssantes  de  plus  grand  liberté,  ou  bien  que 
sur  résolution  des  Estalz  Généraux  légitimement  assemblez  aullrement  en  soit 
ordonné,  ce  que  lesdiz  S'^  chiefz  ont  trouvé  bon  et  en  communiqueront  avec  les 
consaulx. 

Consaulx  rassemblez  le  lundy  douzième  jour  d'aoust  xvlxvj,  pour  prendre  le 
serment  de  sire  Pierre  de  Hornut,  escuier,  S"  de  Bourbeque,  capitaine  choisy 
pour  l'une  des  bandes  et  compaignies  du  peuple  enrollé.  estans  ceulx  de  sadicte 
compaignie  de  la  paroiche  Sainct  Brixe,  lequel  capitaine  et  ceulx  de  sa  charge 
aiiroient  sans  dilïiculté  preste  le  serment  cydevant  couché  selon  qu'il  auroit  esté 
esclarcy  et  approuvé  par  Mess"  les  chiefz  sabmedy  derrenier  dixième  dudit  mois. 

Du  raport  de  .Mons'  M"  Erasme  du  Chambge  aiant  esté  envoyé  vers  la 
seigneurie  de  iMons'  de  Moulebais  pour  scavoir  sy  le  serment  ayant  esté  esclarcy 
le  dixième  jour  d'aoust  derrenier  pour  estre  preste  par  le  peuple  seroit  à  son 
appaisement.  joinct  que  ledit  serment  avoit  esté  preste  le  jour  d'hier  par  sire 
Pierre   de    Hornut.   l'un   des  capitaines,  et  ceulz  de  sa  compaignie,  lequel  du 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  353 

Chambj^e  a  dôclairé  que  ledit  S""  de  Moulebais,  jasoit  que  de  prime  face  il  n'auroit 
voulu  advouer  ledit  esclarcissemcnt,  ains  se  tenoit  à  la  première  l'orme  de 
serment  que  ledit  du  Bus  avoit  preste  en  sa  présence  avec  ceulx  de  sa  eompaignie, 
auroil  par  après  déclairé  aianl  oij  icellui  du  Cliambge  qu'il  s'accorrtoit  à  ee  qu'il 
fut  preste  en  la  sorte  et  miiuièn'  qu'il  esloit  esclarey. 

Consaulx  rassamblez  ledit  jour  de  increredy  xiiij"  d'aoust,  pour  rcelievoir  le 
serment  de  Jean  Cambry,  S'  des  .Vlarès,  l'un  des  capitaines  du  peuple  enrollé  et 
ceulx  de  sa  compaii^nie.  estans  de  la  paroiche  Sainct  INicaise  et  Saincte  Marglie- 
rite,  lesquelz  oui  faict  et  preste  le  serment  selon  l'esclarcissement  du  x<=  d'aoust 
derrenier. 

Consaulx  rassemblez  le  vendredy  seizième  jour  d'aoust  xv^lxvj,  pour  rechevoir 
le  serment  de  Anlhonne  de  la  Fosse,  S-^  de  Robersart,  l'un  des  capitaines  prins  et 
choisy  pour  le  peuple  enrollé,  et  ceulx  de  sa  eompaignie  estans  de  le  paroiche  de 
la  Magdaleine  et  partie  de  la  paroiche  S*  Jacques,  lesquelz  ont  faict  et  preste  ledit 
serment  selon  l'esclarcissement  du  dixième  jour  d'aoust  derrenier 

Consaulx  rasemblez  le  sabmedy  dix  septième  jour  d'aoust,  pour  les  lettres  que 
l'on  a  receu  de  Sa  Majesté  ensemble  de  Son  Alteze  dont  lecture  a  esté  faicte  à 
laquelle  ont  assisté  ledit  seigneur  de  Woulebais,  les  lieutenant  de  bailly  et  officiers 
de  Sa  Majesté  au  bailliaige  etc.  contenans  lesdictes  lettres  de  Sa  Majesté  admoni- 
tions de  faire  tousjours  bon  debvoir  et  oITice  de  bons  subjectz  jusques  à  l'arrivée 
de  Sa  Majesté  quy  sera  bricfve.  lin  oultre  pour  ce  que  l'on  est  advcrty  que  le 
jour  d'hier  pluisieurs  eslrangiers  ont  abatu  les  ymages  aux  églises  et  pillé  les 
aornemens  et  relliquaires  y  estans  asscavoir  aux  villaiges  de  Tourcoing,  Mouvault, 
Roubais  et  ailleurs  en  la  cliastellenie  de  Lille,  Courtray  et  du  Tournesiz  et  que  le 
bruit  court  que  demain  à  la  presche  se  doibvent  trouver  plusieurs  estrangers, 
ausquelz  seroil  bon  d'empescher  l'entrée  de  la  ville  craindant  les  inconvéniens 
quy  en  pouroient  advenir,  a  esté  résolu  de  renforcher  le  guet  au  double  à 
chacune  porte  et  de  rescrire  à  Son  Alteze  ce  quy  s'est  passé  depuis  les  derrenières 
envoyées  à  Son  Alteze. 

Consaulx  rassamblez  le  hindy  xjx'  jour  d'aoust.  pour  rechevoir  le  serment  de 
Nicolas  Bernard,  escuier,  l'un  des  capitaines  prins  et  choisy  pour  le  peuple  enrollé, 
signament  de  ceulx  de  la  paroiche  Sainct  Jacques,  lequel  avec  ceulx  de  sadicte 
eompaignie  ont  preste  le  serment  comme  les  aultres  ont  faict. 

Consaulx  rassamblez  le  mardy  vingtième  jour  d'aoust.  pour  prendre  et  rechevoir 
le  serment  de  Simon  Bernard,  escuier,  S'^  du  Mont,  l'un  des  capitaines  prins  et 
choisy  pour  le  peuple  enrollé,  et  ceux  de  sa  eompaignie  estans  des  paroiches 
Sainct  Piat  et  Saincte  Catherine  lesquelz  comme  les  aultres  compaignies  ont 
faict  et  preste  le  serment  pertinent  saulf,  et  réservé  ledit  S'  du  Mont,  auquel  a 


33i  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

esté  déclairé  de  bouche  qu'il  sera  tenu  suivre  et  obéyr  à  Mess"  les  consaulx 
comme  son  chicf  et  souverain,  luy  a  esté  aussy  déclaré  que  par  le  serment  qu'il 
a  preste  il  est  seullement  tenu  de  conduire  et  renier  ceulx  de  sa  eompaisnie, 
sans  eslre  tenu  de  respondre  de  leurs  personnes,  et  que  à  son  mieulx  et  aussy 
avant  qu'il  luy  sera  possible  il  sera  seullement  tenu  s'employer  à  ce  que  cestedicte 
ville  soit  i^ardée  pour  le  Roy  nosire  sire,  aussy  que  sédition,  révolte,  sac  et 
pillaige  n'adviengne  en  icelle.  et  que  les  presches  ne  se  fâchent  en  icelle  jusques 
au  my  mois  de  septembre  prochain. 

Consaulx  rassemblez  le  vcndredy  xxiij*  jour  d'aoust  quinze  cens  soixante  six, 
pour  le  désordre  advenu  ledit  jour  par  l'abbat  des  ymages  et  autelz  et  desgat  des 
aornemens  et  relliquaires  faict  icelluy  jour  en  toutes  les  églises  et  cloistres  de  la 
ville  par  ceulx  de  la  secte  calviniste,  et  adviser  de  contenir  le  peuple  en  tranquil- 
lité ceste  nuict  prochaine  mesmes  pour  éviter  pillerie.  Surquoy  a  esté  advisé  de 
publier  à  son  de  trompe  par  les  carrefours  que  endedens  les  sept  heures  du  soir 
chacun  soit  rentré  en  sa  maison  sans  estre  trouvé  sur  rues,  à  paine  de  cincquante 
florins  carolus  d'or  d'amende  pour  chacune  personne  au  regard  de  ceulx  qui 
auront  puissance.  Et  quant  aux  impuissans,  ilz  seront  punis  à  la  discrétion  de 
Mess"  prevoslz  et  jurez,  sy  est  advisé  de  metire  sus  deux  compaignies  des  manans 
enrôliez  pour  la  garde  de  la  nuict  pour  faire  le  guet  toute  la  nuict  jusques  au 
jour  que  lors  y  aura  aultre  garde  commise. 

En  oultre  les  trois  ministres  estans  en  ceste  ville. asscavoir  M.  .Ambroise  Wille, 
iVI.  Charles  de  Nielle  et  ung  que  l'on  dict  hault  bourgoingnon  ont  demandé 
audience  à  Mess'*  les  consaulx,  pour  cause  des  trésors  trouvez  en  l'église  Nostre- 
Dame.  ce  que  leur  a  esté  accordé.  Et  sur  ce  qu'ilz  ont  remonsiré  que  le  peuple 
avoit  descouvert  grandz  trésors  en  ladicle  Église,  lesquelz  ilz  estoienl  prestz  de 
mettre  es  mains  de  Mess""*  les  consaulx  pourveu  qu'ilz  voussissent  respondre  de 
les  descharger  vers  le  peuple  et  d'en  user  comme  seroit  ordonné  par  les  princes 
qu'ilz  ont  dénommez,  asscavoir  les  prince  d'oronge,  conte  d'Rgmonl  et  conte  de 
Hornes,  estans  gouverneurs  du  pays,  et  en  la  protection  dosquelz  avec  la  noblesse, 
lesdiz  ministres  disent  estre.  Surquoy  a  esté  refusé  par  Mess'"  les  consaulx  de 
prendre  en  leur  garde  lesdiz  trésors  et  d'en  descliarger  iceulx  ministres,  n'estoit 
qu'ilz  en  peussent  user  come  Son  Alteze  en  ordonneroit,  ce  que  lesdiz  ministres 
n'ont  voulu  accepter,  et  voiant  qu'il  estoit  lard  a  esté  advisé  que  pour  en 
résouidre  demain  au  matin  à  sept  heures  l'on  .se  trouverra  en  cest  auditoire.  Et  ce 
pendent  pour  ceste  nuict  y  aura  la  compaignie  Mons''  du  Bus  pour  garder  lesdiz 
trésors  en  l'église  INostre-Dame.  D'aultre  part,  sur  ce  qu'a  esté  demandé  ausdiclz 
ministres  s'ilz  avoient  charge  desdiz  princes  de  faire  ce  qu'ilz  faisoient,  ont 
déclairé  que  non,  mais  neantmoins  soustenoient  qu'iceulx  princes  les  avoient  prins 
en  leur  protection  joincte  la  noblesse 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  335 

Consaulx  rassamblez  avec  ceulx  du  bailiiaige  le  sabmedy  xxiiij«  jour  d'aousl 
jour  de  saincl  Bartliolomy,  pour  adviser  ce  que  l'on  feroit  des  trésors,  privilèges 
et  leltriaiges  descouvers  en  l'église  calliedralle  de  ceste  ville  et  ad  ce  que  les 
minislres  seroionl  arrivez  pardevant  iMess'*  les  consaulx,  ilz  auroient  remonstré 
que  ce  jourd'huy  ilz  esloient  adverlis  que  i5on  Alteze  avoit  député  aucuns 
gentilliommes  et  entre  aultres  iMons'"d'Esquerdes  pour  donner  ordre  à  la  garde  de 
la  ville  et  entendre  aux  affaires  qui  se  sont  passées,  lesquelz  genlilzhommes 
seroient  icy  endedens  le  soir,  pourquoy  leur  sembloit  que  mieux  vauldroil  de 
laisser  les  choses  en  tel  estât  qu  elles  sont  jusques  à  leur  arrivée,  en  faisant  ce 
pendent  inventaire  desdiz  trésors,  ce  que  a  esté  trouvé  bon  par  Aless",  soubz 
promesses  que  lesdiz  minislres  feirent  de  laisser  garder  les  choses  au  mesme 
estai  sans  y  toucher,  pour  faire  lequel  inventaire  sont  commis  Mons'  du  Doncq, 
lieutenant,  Léon  de  la  Chappelle,  procureur  du  Roy  au  bailiiaige  du  Tournesiz, 
Adam  le  Cocq.  mayeur  des  (inanees  et  Nicolas  Robert,  jurez.  Uavantaige  a  esté 
advisé  de  rescripre  à  Son  Alleze  les  désordres  et  insolences  advenues  es  églises 
et  d'y  envoyer  le  conseiller  du  Chambge  avec  lettres  de  crédenee,  lesqueles  lettres 
ont  esté  prestement  despeschées  par  le  conseiller  Hanelon  et  lentes  à  Messieurs 
les  consaulx  qui  les  ont  trouvé  bonnes. 

Oullre  le  discours  de  ce  que  dessus  fut  rcscript  à  Son  Altcze  comme  les  pro- 
cureurs de  la  ville  et  aultres  auroient  apporté  en  la  maison  de  ladicle  ville  les 
pièches  desdiz  rclliquiaires,  calices,  croix,  fiertres,  candélabres  avec  aucuns 
deniers  monnoyés.  Et  combien  que  le  second  prevosl  de  ladicte  ville  acompagné 
du  procureur  et  d'aucuns  scrgeans  eust  taché  par  admonitions  et  prières  d'em- 
pcscher  ledit  oultrage,  toutcsfois  les  sacageurs  ny  auroient  aucunement  volu 
obéyr,  ny  entendre  avis  de  plus  en  plus  et  plus  grand  nombre  que  devant, 
auroient  continué  en  icelluy  leur  oullragCj  mesmes  sur  ce  qu'icelluy  prevost, 
pour  empescher  ledit  oullragc,  avoit  de  bonne  heure  faict  rassembler  certaine 
compaiiinic  et  bande,  laquelle  le  mercredy  auparavant  avoit  passé  monstre,  aiant 
icelle  compaignie  esté  rassamblée  sur  le  grand  marché  de  ladicte  ville  et  esté 
requise  de  par  leurs  armes  empescher  ledit  oultrage,  n'y  avoit  volu  entendre, 
disant  qu'ilz  avoient  tant  seullement  juré  de  garder  ladicte  ville  et  les  habitans 
dicellc  de  sédition,  révolte,  sac  et  pillage  et  non  point  de  garder  les  églises  de 
cassement  des  \  mages  ou  d'aultrc  oultrage,  à  cause  de  quoy  lesdiz  sacageurs 
n'estans  empeschcz  en  leur  niauvaix  vouloir  auroient  continué  leurdit  oultrage, 
depuis  le  matin  jusques  au  soir,  meclans  lesdictes  églises  en  pileulx  estât. 

Consaulx  rassamblez  avec  ceulx  du  bailiiaige  et  plusieurs  des  capitaines  le 
lundy  xxvje  jour  d'aoust  xv^lxvj,  pour  obvier  au  désordre  quy  se  commect  par 
plusieurs  mauvais  garnement  tendans  à  pilleric,  suyvant  quoy  a  esté  advisé  de 


356  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

publier  tant  par  I  auctorité  dcsdiz  seigneurs  consaulx  que  desdiz  eapilaines,  que 
l'on  delTend  à  tous  manans  et  habilans  de  ceste  ville  et  cslrangers  d'entrer  ny 
fusler  quelque  maison  tant  de  religion,  hospitaux  ou  aultre  maison  quelconque, 
pour  y  faire  quelque  désordre,  oultrage,  sédition  ou  pillerie  à  peine  d'estre  preste- 
ment exécutez  par  la  corde  sur  le  grand  marché,  présens  lesdictes  compaignies. 
En  ouitre  l'on  est  d'assens  de  rcclievoir  en  la  garde  de  la  ville  les  tlirésors  trouvez 
en  l'église  Noslre-Dame  en  recolanl  l'inventaire  présent  les  ministres,  de  laquelle 
inventaire  leur  sera  baillé  le  double  s'ilz  le  requièrent  et  ce  pour  relever  de  la 
fasclierie  cl  despence  que  l'on  a  de  la  garde  qu'il  convient  avoir  en  ladicte  église, 
ce  qu'ont  consenly  lesdiz  ministres  en  la  présence  de  Mess",  mesmes  testé  qu'ilz 
n'advooient  les  oultrages  et  desregles  quy  se  font  et  s'ingèrent  de  témérairement 
faire  plusieurs  garnimens  soubz  ombre  de  l'abat  des  ymages  qu'ilz  ont  ordonné  de 
faire  tant  es  maisons  de  religion  que  d'aucuns  particuliers  esquellcs  ils  main- 
tiennent y  avoir  aucuns  aornemens  d'église,  mesmes  de  bailler  toute  assistence 
pour  en  faire  punition  exemplaire. 

Consaulx  rassamblez  le  mercredy  xxviij' jour  d'aoust  xv^lxvj,  pour  entendre  la 
proposition  que  les  seigneurs  d'Esquerde  et  de  Villers  eux  disans  députez  par  la 
court  pour  ceste  ville  à  raison  des  troubles  y  advenus  vouldroyent  faire,  ce  que 
de  leur  part  a  esté  faict  et  ont  exhibé  le  double  d'aucuns  articles  décrétez  par 
Son  Alteze  pour  contenir  le  peuple  à  son  office  et  empescher  que  les  oultrages  et 
désordres  perpétrez  es  églises  et  monastères  de  ceste  ville  et  d'allentour  ne  soient 
plus  avant  continuez,  desquelz  articles  lecture  a  esté  faicte  en  la  présence  desdiz 
gi-ntilzhommes  et  de  Mess"  les  consaulx  y  estans  assistens,  ceulx  du  bailliaige  et 
les  huit  eapilaines  des  compagnies,  et  d'aullant  que  lesdiz  articles  nestoient 
autenlhicquez  pour  la  haste  qu'iceulx  gentilzliommes  disent  avoir  eu  de  partir  de 
Bruxelles  pour  cause  desdiz  troubles,  a  esté  advisé  de  à  toute  diligence  envoyer 
audit  Bruxelles  le  second  procureur  pour  avoir  lesdiz  articles  authentieqnez  par 
le  scel  de  Sa  Majesté  ou  du  nom  de  Son  Alteze,  pour  en  aprez  en  faire  la  publi- 
cation au  peuple,  affin  selon  ce  il  ayl  à  soy  régler. 

D'aullre  part  sur  ce  qu'a  esté  remonsiré  ausdiz  gentilzhommes  qu'il  estoit  bien 
requis  d'avoir  acte  de  leur  pooir.  ont  déelairé  que  Madame  n'a  voulu  loucher  aux 
gouvernemens  des  gouverneurs  des  pays,  mais  sy  avant  que  Mess"  du  magistral 
en  voulzissenl  requerre  Son  Alteze.  que  sur  leur  honneur  ny  auroit  faulte 
qu'icelluy  leur  scroil  envoyé.  Parquoy  a  esté  advisé  d'en  reserire  à  Son  Alteze 
pour  scavoir  ce  qu'en  estoit,  lesdiz  gentilzliomes  ont  déelairé  que  les  ministres 
sont  preslz  de  remettre  es  mains  du  magistrat  les  trésors  trouvez  en  l'église  iNostre 
Dame,  pourveu  que  les  ymages  d'or  ou  argent  en  quoy  principallemcnt  icelles 
consistent  et  desquelles  l'usage  seroit  osté  par  estre  la  forme  des  viaires  et  les 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  337 

mains  effacées  et  ostces  soient  emploiées  à  la  nécessité  du  pauvre  peuple  ou 
aultremenl  que  rien  ne  se  fera  et  que  Mess"  les  consaulx  n'en  lèveront  leurs 
mains,  n'est  avec  ordonnance  expresse  de  Madame  la  Ducesse  et  des  S"  du  Conseil 
d'Estiit  conjoinclcnipiil. 

Fut  mis  en  tennos  par  lesdiz  gcntilzhommcs  de  trouver  le  moyen  de  nourir 
amitié  entre  les  manans  de  la  ville  et  eculx  du  chasleau,  aHîn  d'osier  toute 
ditridence  de  requérir  le  Seigneur  de  iMoulbais  de  vouloii-  asseiurer  le  peuple  de 
ne  faire  envahie  sus  liiy  ny  moleste  quelconque  à  l'advenir,  si  avant  qu'il  se 
conduit  modestement. 

Pareillement  de  punir  tous  ceulx  qui  sonneroienl  quelques  propos  tendent  à 
sédition  et  mettroient  iceulx  en  avant  comme  les  ayant  oy  ou  entendu,  n'est  qu'il 
vinsse  denuneher  l'aulheur  dieeulx  au  magistral,  pour  ce  que  effectuer  lesdiz 
gentilhommes  se  transportarent  promptement  au  chastel  vers  ledit  Seigneur  de 
iVloulbais  et  avec  eux  aucuns  desdiz  S'*  consaulx  et  de  ceulx  du  conseil  de 
Sa  Majesté  au  bailliaige.  Que  lors  fut  faiet  relation  audit  S',  présens  plusieurs 
capitaines  dudit  chastel.  des  poinclz  que  dessus,  et  fut  trouvé  bon  par  ledit  S""  de 
faire  la  publication  mise  en  termes,  scavoir  que  les  soldatz  ne  pouroient  injurier 
en  manière  quy  fut  les  manans  de  la  ville  ny  iceulx  manans  les  soldalz.  respec- 
tivement déclairant  que  lesdiz  soldalz  du  chasleau  poiroient  librement  converser 
en  la  ville  pour  y  recouvrer  leurs  nécessitez.  Le  mesme  auroit  eslé  arresté  contre 
ceulx  quy  auroient  semé  quelque  propos  séditieux  sans  avoir  dénommé  leur 
aucteur.  lesquelles  publications  auroient  eslé  faictes  le  lendemain  xxjx"  dudit 
mois  tant  au  chastel  par  ledit  S""  de  Moulbais,  comme  en  la  ville  par  lesdiz  S" 
consaulx.  Mais  au  regard  de  l'asseeurance  requise,  ledit  S''  de  Moulebais  auroit 
respondu  que  combien  que  trouvra  bon  de  bailler  icelle,  ce  néantmoins  pour 
aultant  qu'il  n'estoil  à  ce  auctorisé  par  Son  Alteze,  auroit  déclairé  de  ne  le  vouloir 
faire,  sans  préalablement  en  avoir  adverty  Son  Alteze.  Ce  qu'il  proniist  de  faire, 
à  quele  occasion  mesdis  seigneurs  les  consaulx  le  tout  entendu  ordonnarenl  par 
après  d'en  rescrire  aussy  de  leur  part  à  Son  Alteze  et  de  la  supplier  de  vouloir 
accorder  ladicle  assceuranee. 

Consaulx  rassamblez  le  jeudy  vinglnoefième  dudit  mois  pour  oyr  lecture  des 
lettres  de  Madame  en  dacte  du  vingtsixième  jour  dicelluy  mois  desquelles  lettres 
la  lecture  a  eslé  faicte. 

Kt  par  icelles  lettres  Son  Alteze  rescripvoit  comme  Sa  Majesté  estoit  contente 
que  l'inquisition  cessast  et  que  se  feissent  placcars  nouveaux  sus  le  faict  des 
hérésies,  aianl  regard  que  la  saincte  foy  catholicque  et  l'auctorité  de  Sa  Majesté 
soient  gardées,  ne  s'estanl  résolue  si  ce  sera  par  voye  des  eslalz  généraulx  ou 
aultrement,  assceuranee  a  eslé  donnée  aux  gentilzhommes  consederez  que  riens 

Tome  I.  —  Lettres,  etc.  45 


338  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

ne  leur  sera  imputé  par  Sa  Majesté  ne  par  Son  Alleze  pour  raison  des  choses 
passées,  moyennant  qu'ilz  se  conduisent  doresnavant  comme  bons  et  loyaux 
subjeclz  et  vassaulx  de  Sa  Majesté,  et  sy  doibvent  tous  compromis  estre  nulz, 
cassez  el  aboliz  sy  longuement  que  ce  que  par  Son  Alteze  a  esté  permis,  ou  nom 
de  Sa  Majesté,  tiendra. 

Ledit  jour  de  jeudy  pour  ce  que  Mons""  le  lieutenant  général  de  Mons""  le  bailly 
de  Tournay-Tournesiz  a  receu  piaccart  du  Roy  par  lequel  entre  aullres  choses 
est  ordonné  de  mettre  bas  et  poser  les  armes,  a  esté  advisé  pour  ce  qu'il  y  a 
plusieurs  povres  mesnagers  quy  sont  enrôliez  soubz  les  capitaines  establis  sus  le 
peuple,  lesquelz  endurent  nécessité  par  n'avoir  peu  vacquer  à  leurs  labeurs  durant 
sept  à  huit  jours  que  ces  troubles  ont  duré,  de  faire  ung  rolle  de  tous  les  povres 
eslans  en  chacune  compagnie  pour  recompenser  iceulx  par  forme  d'aulmosne  du 
debvoir  de  guet  quilz  a\ oient  faicl  par  le  passé  et  par  ce  moyen  les  renvoyer  à 
leur  labeur,  en  leur  faisant  poser  les  armes. 

Consaulx  rassemblez  le  vendredy  pénultième  jour  d'aoust,  pour  oijr  lecture  des 
lettres  de  Madame  dactées  du  xxviij*  jour  dudit  mois  apportées  par  le  conseillier 
du  Chambge  et  pour  oijr  son  rapport,  lequel  a  esté  oij  et  lesdictes  lettres  leules. 
présens  les  Seigneurs  d'Esqucrdes  et  de  Villers.  pour  mettre  ordre  sur  les  troubles 
advenus,  lesquelz  ont  mis  plusieurs  poinctz  en  termes  pour  sus  lesquelz  adviser 
au  soulagement  du  peuple,  Mess"  les  consaulx  ont  délibéré  de  eulx  retrouver  en 
cest  auditoire  après  le  disner. 

Madame  rescripvoit  par  ses  lettres  et  ordonnoit  de  par  le  Roy  de  mettre  en 
exécution  le  piaccart  de  Sa  Majesté  édicté  sus  le  faict  des  sacagemens  bien  rigou- 
reusement selon  sa  forme  et  teneur  comme  Son  Alteze  disoit  s'estre  encommenché 
faire  en  aultres  villes;  ordone  que  aux  ministres  par  Mess"  soit  faict  commande- 
ment ou  nom  de  Sa  Majesté  de  mettre  es  mains  de  raesdis  seigneurs  tout  ce  qu'a 
esté  prins,  ravy  et  spolié  des  églises  pour  le  rendre  à  tous  ceulx  qu'il  appartiendra, 
à  payne  qu'iceulx  minisires  seroient  eux  mesmes  tenus  pour  larons  et  spoliateurs 
des  dictes  églises,  déclaire  Son  Alteze  avoir  esté  faicte  injure  aux  Seigneurs 
Frince  d'Oronge,  Contes  d'Egmonl  et  de  Hornes  par  les  propos  des  ministres 
susdiz  quy  n'avoient  voulu  rendre  les  trésors  des  églises  fors  par  l'adveu  desdiz 
seigneurs,  lesquelz  auroient  assceuré  Son  Alteze  que  la  chose  leur  auroil  tant 
despieu  qu'eux  mesmes  en  voldroient  faire  la  correction  et  justice  de  leur  propre 
main. 

Lesdiclz  Seigneurs  d'Esquerdes  et  de  Villers  avoient  conceuz  et  mis  par  cscript 
les  poinclz  que  dessus  avant  qu'ilz  eussent  oij  la  lecture  desdictes  lettres,  desquelz 
la  teneur  s'ensuit  : 

Trouver  moyen  prompt  de  remettre  le  peuple  en  labeur  el  ce  pendant  luy 
donner  quelque  contentement  tant  du  passé  que  du  présent. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  359 

A  ces  fins  proposer  la  réparation  de  la  ville  pour  son  aornemcnt.  Davantaijçe 
traiclcr  avec  les  chanoines,  abbayes,  hospitaliers  et  reclievcurs  pour  preslcr  aux 
marchans  quoique  bon  capital,  auquel  ilz  seront  tenus  rendre  compte  incontinent 
les  troubles  cessez,  sans  en  retirer  ou  prendre  quelque  profTit,  actendu  que  lesdiz 
marchans  ne  peuvent  retirer  aucuns  deniers  d'Anvers,  mesmes  leurs  propres 
deniers. 

Item  de  rassambler  tout  cuivre,  ferrailles,  plomb,  bosquailles  des  mortiers 
pafossiaux  et  les  vendre  au  plus  hault  offrant  au  prolïit  des  povres.  Quant  à 
l'argent  en  masse  estant  mis  entre  les  mains  des  égliseurs  ce  qu'il  en  sera  de  faire. 

Consaulx  rassamblez  ledit  pénultième  jour  d'aoust  del  après  disner,  pour 
résouidre  sur  les  poinctz  mis  en  termes  par  lesdiz  genlilzhommes,  surquoy  a  esté 
advisé  d'escripre  à  ceulx  du  magistral  de  la  ville  d'Anvers  pour  entendre  comment 
ilz  se  sont  conduictz  vers  le  peuple,  asscavoir  s'ilz  ont  posé  les  armes,  et  eux 
applicqiié  à  la  labeur,  sy  les  presches  se  font  en  la  ville  ou  dehors,  et  en  cas  qu'elles 
se  facent  en  la  ville,  sy  elles  se  font  es  églises  et  relligions  ou  aultres  lieux,  quelles 
choses  ilz  sont  faicl  des  relliquaires  et  aornemens  procédans  desdictes  églises,  sy 
aucuns  ilz  ont  eu  entre  mains,  et  quelle  punition  ilz  ont  faict  de  ceulx  quy  ont 
faict  le  cassement  des  ymages  et  aultres  oultrages  et  pilleries  es  églises,  mesmes 
d'envoyer  le  double  des  sentences  qu'ilz  peuvent  avoir  rendues,  pour  ce  que 
lesdiz  gentilzhommes  maintenoieut  que  le  placcart  quy  avoit  esté  le  jour  précédent 
publié  touchant  le  sacagement  ne  s'extendoit  aux  sacagemens  passez,  mais  bien 
pour  ceulx  quy  adviendroient  depuis  la  publication  dudit  placcart.  Pour  la 
responce  de  ceulx  d'Anvers  veue,  adviser  sur  lesdiz  poinctz  selon  raison,  suivant 
que  contiennent  en  général  les  lettres  de  Madame  du  xxviij'  dudit  mois;  plus  pour 
ce  qu'il  est  expédient  de  salarier  les  povres  manans  et  habitans  de  eesie  ville 
aians  depuis  huit  jours  continuelemenl  faict  le  guet  et  garde,  et  moyennant  ce 
renvoyer  à  leurs  labeurs,  et  que  Mons""  le  prélat  de  Sainct  Martin  a  promis  à 
M.  Ambroise  Wille,  l'un  des  ministres,  de  donner  mil  fleurins  carolus  pour  aul- 
mosner  aux  povres  et  indigens,  pourveu  que  moyennant  ladicte  somme  sa  maison 
fut  préservée  d'ultérieur  sacagement,  a  esté  adviser  de  mander  pardevers  Mess" 
les  consaulx  ledit  ministre  Wille  pour  entendre  comment  ladicte  some  se  pouroil 
répartir.  Ce  que  a  esté  faict  et  communiqué  avec  luy  en  la  présence  desdiz 
genlilzhomes.  et  ont  mesdis  seigneurs  les  consaulx  tellement  faict  vers  ledit 
minisire,  qu'il  auroil  consenty  qu'icelle  somme  seroit  reparlye,  asscavoir  cincq 
cens  florins  pour  sallaricr  lesdiz  povres  manans  s'estans  applicquez  au  guet  durant 
les  troubles,  et  aultres  cincq  cens  fleurins  qu'il  auroit  voulu  retenir  pour  en  faire 
à  sa  discrétion. 

Finablement  pour  ce  que  lesdiz  cinc  cens  fleurins  ne  jieuvent  satisfaire  à  la 


540  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

récompense  desdiz  povres  manans  ayant  faict  la  garde.  Jean  Goinbault.  S'  d'Archi- 
monl,  rcclieveur  de  Sa  Majesté,  s'est  offert  presler  à  la  ville  six  cens  fleurins  et 
Jacques  Haccarl.  dépositaire  de  Sadile  Majesté,  quatre  cens  Oeurins.  pour  tous 
Icsquclz  deniers  reclievoir  est  commis  .Adam  le  Coq.  et  d'en  faire  la  distribution 
aux  capitaines  selon  leurs  rolles  et  le  marcq  la  livre  quy  se  fera. 

Faict  icy  à  noter  que  ledit  ministre  Wille  eslaiil  lost  après  ung  jour  en  la  halle 
de  gehines  à  ce  que  l'on  pesoit  les  argentries  apportées  es  mains  de  Mess'»  les 
consaulx  provenantes  de  l'église  iNoslre  Dame,  pour  recoler  l'inventaire  comme 
dit  est  dessus,  auroit  confessé  d'avoir  fai(;t  faire  compte  et  estai  avec  les  hostcs 
et  laverniers  es  maisons  desque.lz  les  saca^eurs  au  jour  du  sacagcment  susdit 
avoient  souppé  et  d'y  avoir  ordonné  de  les  payer  et  satisfaire.  Kt  sur  ce  que  luy 
fui  lors  objecté  par  Ah  Jacques  le  Clercq,  conseillier.  que  par  ce  moyen  il  avoit 
assez  monstre  d'avoir  ordonné  ledit  sacagement.  en  récompensant  lesdiz  sacaj^eurs, 
iceikiy  feit  responce  qu'il  ne  convcnoit  taxer  personne,  et  qu'il  avoit  en  ce  pro- 
cédé par  compassion,  daultant  que  lesdiz  sacagcurs  qu'il  appeiloit  povres  ouvriers 
sesloient  venus  rendre  plainlifz  vers  luy  au  jour  dudit  sacagement  du  soir  de  ce 
qu'ilz  mouroient  de  fain.  là  où  néantmoins  ilz  avoient  ouvré  toute  la  journée,  par 
où  faict  à  conjecturer  que  les  cineq  cens  fleurins  que  dessus  retenus  par  ledit 
Wilie  auroient  esté  répartis  au  prolTit  desdiz  sacageurs. 

Consaulx  rassamblez  le  .«-abmcdy  derrenier  jour  d'aousl  quinze  cens  soixante 
six.  que  lors  liaull  et  puissant  seigneur  Messire  l^liilippes  de  Montmorency, 
chevalier  de  l'ordre,  admirai  de  la  mer.  etc  .  a  présenté  sa  commission  en  dacte 
du  xxjx"  dndit  mois,  par  laquelle  il  a  charge  de  Sa  Majesté  de  mettre  ordre  aux 
affaires  publicques  de  ceste  ville  et  pacilier  icelle  par  la  meilleure  voye  que  pos- 
sible sera,  laquelle  commission  a  esté  leute  et  suivant  icelle  Mess"  les  consaulx 
avec  ceulx  du  bailliaige  ont  tous  promis  de  luy  obéyr  en  ce  que  Son  Excellence 
leur  plaira  commander,  tenans  sa  commission  pour  sufTissante,  dont  la  teneur 
s'ensuit, 

Par  le  Rot, 

A  noz  amez  et  féaulx  le  S'  de  Moulebais.  lieutenant  de  nostre  chasteau  et 
bailliaige  de  Tournay  et  du  Tournesiz.  et  le  seigneur  de  Beauvoir  capitaine  d'une 
enseingne  de  gens  de  pied  tenans  présentement  garnison  audit  chasteau.  prévoslz. 
jurez,  mayeurs  et  eschevins  de  noslre  ville  et  cité  de  Tournay.  et  à  tous  aultres 
noz  justiciers,  officiers,  gens  de  loy  et  subjetz  du  bailliaige  et  plat  pays  dudit 
Tournay  et  du  Tournesiz  cui  ce  regardera  et  ces  présentes  seront  monstrées, 
.salul.  Comme  noslre  très  cher  el  féal  cousin,  chevalier  de  noslre  ordre,  conseillier. 


PifiCF.S  .lUSTinCATIVES.  U\ 

chambcllain  cl  admirai  ?;énéral  de  la  mer,  messirc  Philippe  do  Montmorency, 
conte  de  Hornes.  se  Iransporle  présenicment  par  charge  de  noslrc  très  cher  et 
très  aimée  sciir  la  diioossc  de  Parme  et  de  Plaisance,  pour  nous  rcgcnic  et  gon- 
vernanlc  en  noz  pays  de  pardccha,  vers  noslrc  dicte  ville  de  Tournay,  pour  de 
noslrc  part  poiirvooir  et  donner  ordre  tant  à  la  garde,  sceurtc  et  dcITcnce  de  noslrc 
ditchasleau.  ville  et  cité  de  Tournay,  que  pour  pacifier  les  troubles  et  csmotions 
y  estant  à  présent,  et  mcsmes  pour  la  direction  de  toutes  choses  concernantes 
noslrc  service,  bien.  rc|)os  et  traiiqiiiililc  de  ladicte  ville  et  du  plat  pays  à  l'envi- 
ron.  et  qu'il  importe  grandement  potu-  nostrc  dit  service  qu'il  soit  obcy  et  respecté 
en  tout  ce  que  sera  rctiuis  pour  cITeetuer  ssdiclc  charge,  pour  ce  est-il  que  vous 
mandons,  commandons  cl  expressément  enjoingnons  et  à  chacun  de  vous  endroit 
soy  et  sy  comme  à  luy  appcriicndra,  que  à  nostre  dit  cousin  le  conte  de  Hornes, 
comme  supcrinlendcnt  desdiz  ciiasteaii,  ville  et  eilé  de  Tournay  et  du  Tourucsiz, 
ayez  à  obeyr  en  tout  ce  qu'il  vous  commandera  pour  noslrc  service,  garde, 
sccurlé  et  delTencc  desdiz  cliasteau,  ville  et  cité,  pour  la  pacification  desdiz 
troubles,  bien,  repos  et  tranquillité  de  ladicte  ville  et  du  plat  pays  à  l'environ. 
durant  le  temps  qu'il  séjournera  cellepart,  et  au  surplus  luy  portez  tout  honneur 
et  respect  et  donnez  toute  aydc,  faveur  et  assistence  requise  pour  le  meilleur 
elTcet  de  saditc  charge,  sans  aucun  refus,  contrediet  ou  dilïiculté,  car  ainsy  nous 
plaist-il.  Donné  en  noslrc  ville  de  Bruxelles,  soubz  nostre  contrcsecl  cy  mis  en 
placcart  le  vingtnoefièmc  jour  d'aoust  quinze  cens  soixante  six,  ainsy  soubseript 
par  le  Roy  et  signé,  d'Overloepe. 

Suivant  quoy  pour  eommencher  à  donner  ordre  aux  inconveniens  advenus  et 
empeseher  que  au  futur  ilz  ne  voyent  en  pis.  Son  Excellence  auroit  proposé  trois 
poinclz  les  plus  urgens  sus  lesquelz  l'assemblée  susdictc  auroit  à  adviser  comme 
seroil  le  plus  expédient  d'en  déterminer,  desquelz  poinclz  le  premier  esloit  de 
scavoir  la.sowrce  et  cause  principale  quy  auroit  engendré  aux  habitans  de  ladite 
ville  une  appréhension,  sinistre  crainte  et  défiance  des  lieutenant  de  gouverneur 
et  gens  de  guerre  tenans  garnison  au  chastel  de  ladicte  ville  et  comme  le  tout  se 
pouroit  appaiser.  Le  second  poincl  concernoit  de  demonstrer  la  diligence  dont  les 
magistralz,  capitaines  el  gens  de  guerre  estaiis  à  la  garde  de  ladite  ville  peuvent 
avoir  usé  à  obvier  à  l'abbal  et  sacogcmcnt  des  ymagcs.  relliquiaires  et  vasseanx 
députez  au  service  divin  trouvez  es  églises,  hospitauix  et  aullres  lieux  pieux 
de  ladicte  ville  et  dont  ce  seroil  procédé.  Le  tiers  point  esloit  de  trouver  moyen 
à  remettre  le  menu  populaire  à  la  besoingne  à  fin  de  délaissant  les  armes  et  toute 
oysivelé,  le  conduire  à  gaigner  sa  vie  par  artifice  el  manufacture  comme  il  a  faicl 
du  passé. 

Convient  iey  entendre  que  le  dimanche  xxv»  dudit  mois  d'aoust  cl  le  mardy 


342  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

ensuivant  avanl  la  venue  dudit  S'  admirai,  s'estoient  csmeuz  quelques  troubles 
en  la  ville,  l'un  de  jour  l'aullrc  de  nuict,  pour  la  crainte  que  les  sectaires  avoient 
de  quelque  envahie  de  ceulx  du  ehasteau. 

Sy  est  vray  que  le  jour  [ ]  le  S'  de  Beaunoir  arriva  audit  chastel  avec 

sa  compagnie  lequel  conjoinctement  avec  le  S''  de  Moulebais  et  aullres  capitaines 
diidil  chaslcl  nonobstant  l'arrivée  dudit  S^  admirai  en  ladicle  ville,  auroit  enchargé 
et  proposé  de  faire  (|uel(|ue  eniprinse  et  envahie  sus  les  manans  de  ladite  ville 
tellement  que  lettres  furent  escriples  de  leur  part  aux  S"  d'Esquerdes  et  de 
Villers  susdiz.  par  lesquelles  ilz  leur  signilioient  qu'ilz  l'eussent  à  retirer  prompte- 
menl  hors  la  ville  et  qu'ilz  vonloient  exécuter  ou  exploicter  en  icelle  ce  qu  ilz 
avoient  de  charge;  lesquelles  recheues  iceulx  S"  d'Esquerdes  et  de  Yillers  en 
feirent  part  audit  S'  amiral,  lesquelles  leues,  icelluy  S  fui  fort  aggraviat  que 
lesdiz  capitaines  du  chastel  luy  avoient  porté  tant  peu  de  respect,  que  de  ne  luy 
avoir  faict  scavoir  tele  emprinse,  attendu  que  son  arrivée  en  ladicte  ville  estoit 
toute  notoire,  et  de  faict  manda  aucuns  du  magistral  avant  se  trouver  en  la 
maison  de  la  ville  pour  leur  monstrer  le  danger  auquel  la  ville  avoit  esté  exposée 
et  leur  feit  lecture  de  la  copie  desdicles  lettres  quyauroient  esté  signées  de  Lannoy, 
de  Moulbais  et  d'EspIcchin. 

Ce  que  considéré  ladicte  assambléc  aiant  meurement  délibérez  sur  le  premier 
desdiz  poins.  auroit  tenu  par  commun  advis  que  la  crainte  et  deffiance  y  men- 
tionnée auroit  prins  son  origine  de  ce  que  la  plus  grande  part  des  manans  de 
ladicte  ville  prenans  exemple  à  cculx  de  Béthune,  Lille,  Ypre,  Anvers  et  aultres, 
et  mesmesdu  pays  plat,  se  seroient  trouvez  es  presches  cncoires  pour  lors  illicites 
el  inhibées  par  les  ediclz  de  Sa  .Majesté. 

Ce  que  faisant  iceulx  manans  auroient  assez  sceu  et  entendu  que  leur  emprinse 
ne  pooil  estre  aultre  que  desplaisante  à  Sa  Majesté  dont  seroit  advenu  ([u'ilz 
auroient  conccu  une  peur  d'eslre  surprins  par  les  ofliciers  dicelle  Sa  Majesté  et 
spécialement  desdiz  lieutenant  de  gouverneur  et  gens  de  guerre  estans  audit 
chastel,  de  tant  quiceulx,  à  la  veue  d'un  chascun  se  seroient  fortiliez  de  muni- 
tions de  guerre,  auroient  prins  de  nouvel  à  leurs  secours  quelque  nombre  d'infan- 
terie, augmentans  par  tel  moyen  leur  guel  et  garde  et  à  quelque  fin  doubteux 
ausdiz  manans,  auroient  mis  sus  les  rcnipars  dudit  chastel  grande  quantité 
d'arlillcrie,  aux  endrois  Undens  vers  les  liiux  où  lesiiictes  presches  se  sont  tenues 
el  aullres,  par  lesquelles  grand  domage  |iouroit  eslre  faict  à  ladite  ville  laquelle 
peur  se  seroit  d'aultanl  plus  augmentée  que  ores  que  les  S"  d'Esquerdes  et  de 
Villers  fussent  venus  en  ladicte  ville  pour  appaiser  le  malentendu.  Ce  néant- 
moins  de  nouvel  seroit  arrivée  audit  chastel  la  compaignie  du  seigneur  de 
Beauvoir.  Or  pour  sespir  ladicte  déliancc,  peur  et  mescontentement,  à  ladicte 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  543 

assemblée  aiiroit  semblé  expédient  que  Son  Excellence  feroit  très  bien  d'ordonner 
audit  Seij^neiir  de  Beauvoir  do  faire  sortir  sa  compagnie  dudit  cbastel  et  l'envoyer 
hors  dieeiluy  et  de  ladite  ville.  Kt  en  après  que  fut  donné  assceurance  par  ledit 
lieutenant  de  gouverneur  ausdiz  manans  de  non  les  molester  ou  aggresser  comme 
que  ce  soit  pour  le  faiet  de  leurs  presches,  mesmes  que  Son  Kxcellence  feit 
|)ar(ille  assceurance  au  regard  de  lous  capitaines,  prevoslz  des  maréchaulx  et 
aullres  ofTiciers  de  Sa  Majesté  quy  pouroient  descliendre  d'aultre  quartier. 

Fault  icy  noter  que  ledit  S'  admirai  avant  que  mesdisseigneurs  advisassent, 
mit  luy  mesme  en  terme  ce  que  dessus  au  regard  de  faire  partir  du  cliaNteau  la 
compagnie  du  S'  de  Beauvoir,  commandant  néanlmoins  de  ne  faire  note  en  l'acte 
quy  s'en  feroil,  pour  aultant  qu'il  enlendoit  envoyer  icelluy  à  Son  Alteze. 

Au  regard  du  second  poinct,  ladicte  assamblée  trcuvc  que  plusieurs  malveil- 
lans.  oultre  la  mauvaise  opinion  qu'ilz  avoient  des  cérémonies  de  la  religion 
calholicque,  auroient  esté  esmeuz  des  sacagement  et  abbat  des  ymages  qu'ilz 
avoient  entendu  estre  advenus  en  Anvers  et  aullres  lieux,  de  commectre  le 
délict  mentionné  en  icelluy  second  point,  mais  comme  ilz  faisoicnt  leurs  aprestes 
de  procéder  à  leurs  ententes,  le  jeudy  xxij"  de  ce  mois  d'aoust  quinze  cens 
soixante  six,  du  soir,  par  renforchement  du  guet  à  l'ordonnance  du  magistrat, 
l'abbat  et  saccagement  des  ymages  et  reliquiares  qu'ilz  s'estoient  dèslors  ingérez 
d'encommenchcr  faire  en  l'église  Saint  Pierre,  avoit  esté  empesché. 

A  quoy  auroit  esté  tenu  la  main  par  ledit  guet  toute  la  nuit  es  aullres  églises 
et  lieux  pieux,  ce  que  le  vendredy  venu,  l'on  n'auroit  estimé  de  grand  matin  ledit 
guet  levé  se  debvoir  reprendre,  combien  que  dès  l'aube  du  jour  ung  grand 
nombre  de  gens  de  ladite  ville  et  aullres  ineognus  se  seroient  en  compagnie 
trouvez  es  églises  de  Saincte  Catherine,  Saincl  Piat,  Sainct  Brixe,  des  Cordeliers, 
collège  des  Jliésuistes  et  hospital  Sainct  Jacques,  où  ilz  auroient  faiet  le  sacage- 
ment et  abbat  des  ymages,  avant  que  oncques  compagnie  aucune  eust  peu 
prendre  les  armes,  pour  y  donner  ordre,  aians  pour  lors  esté  mesprisez  et  ville- 
pendez  par  les  sacageurs  les  commandemens  et  exhortations  de  désister  que  à 
l'instant  auroient  faici  les  prevost,  procureurs  et  aullres  du  magistrat,  mesmes  le 
S'  du  Bus.  ca|)itaine,  s'eslant  trouvé  esdiz  lieux.  Ce  néantmoins  est  vray  que 
pour  empeschcr  que  le  pareil  ne  se  feit  es  aullres  églises  de  ladite  ville  et 
signament  en  celle  de  Nosire-Dame,  quy  est  la  cathédralle,  ledit  S'  prevost  auroit 
faiet  diligence  de  soy  trouver  au  squadron  de  la  compagnie  du  S'  du  Bus,  laquelle 
s'estant  mise  en  bon  équipage  comme  ayant  seule  passé  monstre,  il  auroit  requis 
de  par  tous  moiens  à  eulx  possibles  empescher  lesdiz  sacagemens,  ce  que  ledit 
S'  du  Bus  et  aultres  de  ladicte  compagnie  auroit  respondu  icelle  compagnie  ne 
vouloir  emprendre.  tant  alin  de  n'engendrer  plus  grand  inconvénient  en  la  ville 


su  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

par  occision,  brusler  ou  brigandaige,  que  comme  n'ayant  faict  le  serment  à  ce 
pertinent.  Et  comme  Icsdiz  saeageurs  entrarenl  violenlement  en  ladite  église 
Nostre-Uame  pour  faire  le  mal  y  advenu,  plusieurs  du  magistral  de  ladicte  ville 
et  desdiz  conseiliiers  et  olliciers  de  Sa  .Majesté  se  trouvarenl  en  personne  en  ieelle 
église  aftin  d'y  empescher  le  sacagenient.  A  quoy  néantmoins  ilz  n'aiiroient  sceu 
parvenir,  ains  auroient  esié  eonsirains  soy  relirer  obslant  la  Irop  grande  mullilude 
et  furie  desdiz  saeageurs.  iMais  voyant  qu'ilz  ne  povoieiit  donner  ordre  ausdiz 
.saeagemens.  ordonnarent  lesdiz  du  magistrat  par  publication  que  tous  eeulx  quy 
avoient  emporté  quelque  matériaux  provenant  desdiz  sacagemens.  les  eussent  à 
promplement  raporler  à  la  maison  de  la  ville  à  peine  d'eslre  pendus  et  eslranglez 
au  iiibet  à  ces  lins  dressé  en  plain  marché. 

Quant  est  du  tiers  point  que  l'on  a  advisé  de  rassambler  les  habilans  de  chacune 
paroiche  de  ladicte  ville  allin  de,  tant  par  certain  escript  quy  se  dressera  comme 
par  la  présence  d'aucuns  députez  du  magistrat  leur  remonstrer  la  povi'clé  et  faulte 
de  gaignagc  ou  besoingne  en  laquelle  plusieurs  se  relreuvent  pour  la  diffieullé 
du  temps  présent,  et  par  ung  mesme  moyen  les  induire  à  consentir  que  les  maté- 
riaulx  d'or,  d'argent,  d'arain,  cuyvre,  bois  et  aultres,  des  choses  appertenans  à  leur 
éi;lise  respectivement  quy  se  trouverronl  brisées  et  cassées  par  le  saeagemenl  sus- 
dit soient  vendues  et  aliénées  au  plus  hault  pris  que  faire  se  pourra,  alTm  d'en 
tirer  quelque  bon  capital  pour  ieelluy  en  après  eslre  mis  es  mains  de  certains 
commis,  quy  dieeulx  en  acheteroient  la  manufacture  des  povres  à  pris  raisonnable 
et  leur  donneroient  à  besoingaer.  Sy  promelroient  ieeulx  commis  de  endedens 
six  mois  depuis  la  recheption  dudit  capital  en  faire  plaine  restitution  et  de  ce 
donner  bonne  et  sulïissanle  caution  à  l'appaisemenl  de  .Mess"  les  prévostz  et 
jurez:  pour  à  quoy  nn'eux  procéder  ladicte  assamblée  auroit  Iraielé  avec  les 
marehans  de  ladicte  ville  et  sur  ce  oij  leur  advis.  lequel  est  tel  que  lesdiz  commis 
soient  gens  bien  faniez  non  exerceans  Iraffleq  de  marchandise,  lesquelz  aient 
puissance  de  choisir  quelque  adjoincl  si  besoing  est  qui  fut  cognoissanee  au  faict 
de  marchandise,  lesquelz  commis  et  adjoinet  aehetroient  les  ouvrages  des  povres 
avec  discrétion  et  regard  tel  que  les  artisans  facteurs  soient  satisfaictz  des  estoffes 
et  contentez  raisonnablement  de  leur  travail  quy  se  pourra  praetiquer  tant  en 
la  haulteliehe  et  sayetrie  comme  en  tous  aultres  mestiers.  par  quel  moyen 
chascun  sera  incité  à  se  mettre  au  travail,  et  les  marehans  ordinaires,  pour  leur 
gaing  particulier,  seront  pressez  à  semblablemenl  négotier  avec  les  povres  pour 
acheter  la  manufacture  au  pris  que  lesdiz  commis  les  achèteront:  dont  adviendra 
que  de  bref  toutes  choses  se  remetront  en  leur  premier  estât,  lequel  advis  a  esté 
délivré  à  l'excellence  de  mondit  seigneur. 

CoDsaulx  rassamblez  le  dimanche  premier  de  septembre  quinze  cens  soixante 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  345 

six  avec  ceulx  du  bailliaige  en  la  présence  de  Monseigneur,  iMons'  l'admirai  conte 
de  Hornes,  lequel  après  avoir  receu  par  escript  l'advis  de  Mess"  sus  les  trois 
poinctz  premièrement  mis  en  termes  par  Son  Excellence,  aiiroit  proposé  que 
Son  Aiteze  luy  auroii  expressément  enjoincl  et  commandé  de  fain;  cesser  les 
presches  en  la  ville,  ce  que  toulesfois  il  sestoit  réservé  de  faire  tant  et  jusques  à 
ce  qu'il  auroit  cognn  l'honneur  du  peuple  et  appaisé  l'esmotion  et  trouble  estant 
entre  eulx,  et  avant  de  faire  quelque  ordonnance  sur  ce  que  dessus,  auroit  advisé 
de  demander  l'opinion  desdiz  S'~  consaulx  et  officiers  du  bailliaige,  asscavoir  s'ilz 
trouverroient  bon  de  coniinuer  lesdictes  presches  en  la  ville  ou  les  faire  au  dehors, 
surquoy  en  sa  présence,  auroit  esté  projecté  de  demander  parliculièremenl  les 
voix  par  t;on  Excellence,  non  point  pour  en  résouldre  absolument  présentement, 
mais  délaissant  ce  jusques  au  demain  matin,  tellement  que  pour  la  plus  saine 
partie  pour  plusieurs  raisons  par  eulx  alléghées.  signament  pour  plus  facillement 
amener  le  peuple  à  poser  les  armes  et  obvier  à  plus  grand  inconvénient  que 
celluy  passé,  trouvoienl  le  meilleur  que  les  presches  se  tollérassent  durant  cesl 
yver  dcdens  la  ville,  et  d'en  supplier  Son  Aiteze  jusques  à  ce  que  aultremenl  en 
seroit  ordonné. 

Consaulx  rassemblez  le  ij"  jour  de  septembre  xv°  ixvj,  pour  entendre  à  la 
résolution  finale  et  absoiute  de  iVIess"  les  consaulx  et  officiers  du  bailliaige  sus 
le  faict  des  presches,  scavoir  sy  l'on  trouverra  bon  que  les  presches  continuassent 
en  la  ville  ou  dehors;  surquoy  a  esté  advisé,  comme  le  jour  d'hier,  que  pour  leur 
advis  leur  a  semblé  le  meilleur  de  continuer  et  tollérer  par  leur  forme  de 
provision  lesdictes  presches  en  la  ville  et  non  dehors,  moyennant  que  les  églises 
parochialles  en  soient  délivrées,  et  que  soient  advisez  et  choisis  aucuns  lieux 
abstraictz  ou  prochains  des  portes,  où  icelles  presches  se  feroicnt:  de  quoy  a  esté 
formé  quelque  acte  contenant  les  raisons  bien  et  au  loing  pour  la  délivrer  à  Son 
Excellence  dont  la  copie  ensuit  : 

Sur  ce  que  hault  et  puissant  Seigneur,  Messire  Philippes  de  Montmorency, 
conte  de  Hornes,  admirai  de  la  mer,  chevalier  de  l'Ordre,  ete  .  le  premier  de 
septembre  auroit  proposé  et  adverty  aux  consaulx  de  Tournay,  lieutenant  de 
baill}.  conseilliers  et  officiers  de  Sa  Majesté  audit  Tournay  et  pays  du  Tournesiz, 
comme  Son  Aiteze  luy  avoit  donné  charge  expresse  de,  à  sa  première  venue  en 
ladicte  ville,  d'inhiber  et  deffendre  à  tous  de  faire  presches  aucunes  en  icelle  ville, 
à  quoy  néanlmoins  n'auroil  encoires  esté  procédé,  pour  aultanl  en  premier  lieu 
pour  parvenir  à  la  pacification  des  manans  de  ladite  ville  et  les  remettre  en 
leur  première  tranquillité,  chose  à  laquelle  convenoil  entendre  principalement, 
il  estoil  expédient  de  cognoislre  de  Testât  de  ladicte  ville  en  particulier  et  mesmes 
de  l'honneur  et  afTection  de  la  plusparl  des  manans  dicelle.  afin  de  en  leur  endroit 
Tome  1.  —  Lettres,  etc.  44 


546  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

faire  teles  ordonnances  que  pour  à  l'advenir  les  exécuter  et  garder,  lesdiz 
consaulx.  lieutenant,  conseilliers  et  oCaciers  rassemblez  collégialement  ont  esté 
requis  par  Son  Excellence  de  vouloir  délibérer  et  adviser  sur  le  faict  desdictes 
presches,  et  de  la  vouloir  advenir  par  escripl  du  lieu  auquel  icelles  prescbes  se 
pouroient  tollérer.  scavoir  est  dans  la  ville  ou  dehors,  et  que  ce  faisant  ilz  eussent 
à  posiposcr  toute  atrcclion  particulière  touchant  le  faict  de  la  relligion.  prenans 
seullement  esgard  à  la  pacification  des  troubles  advenus  en  ladite  ville  et  au  bien, 
repos  et  Iransquillité  publicque  d'icelle.  A  quele  occasion  ladicte  compaignie  eu 
esgard  seullement  à  ladicte  pacification,  combien  qu'en  leur  particulier  ils  eussent 
mieux  aymé  que  toutes  presches  feussent  abolyes.  loutesfois  par  le  plus  de  voix 
ont  trouvé  le  plus  convenable,  atïïn  d'éviter  tout  inconvénient  de  tolérer,  lesdicles 
presches  au  clos  de  ladicte  ville  en  quelque  lieu  voisin  des  portes  et  remeu  du 
plus  commun  accès  du  peuple,  et  nuilemenl  des  églises  parochialles  pour  le 
jourd'huy  empic  ttées  par  les  sectaires  ou  aultrcs  qu'ilz  pourroient  désirer  leur 
estre  accordées,  dont  ladicte  compagnie  a  bien  voulu  faire  advertence  à  Son 
Excellence  par  forme  de  responce  sur  son  requis,  mesmes  de  déclairer  les  raisons 
et  moyens  quy  les  peuit  avoir  esmeu  de  à  ce  condescendre,  qui  sont  telz.  Premiè- 
rement faict  à  considérer  que  la  saison  est  à  présent  tant  advanchée  que  de  brief 
l'on  ne  doibvc  journellement  attendre  aultre  temps  que  plain  de  pluyes.  wyncs, 
ventz  et  aullres  lempestes  quy  pourront  molester  les  assistens  ausdictes  presches, 
de  sorte  qu'ilz  s'en  pouroient  fascher  et  mesconlenler  tellement  que  pour  exciter 
troubles  nouveaulx  et  iterativement  occupper  quelque  lieu  à  la  couverte  en  la 
ville,  joinct  que  allant  aux  champs  sera  presque  impossible  de  les  faire  mettre 
les  armes  bas.  de  crainte  qu'ilz  pouront  conchevoir  de  quelque  prévost  des 
niarescbaux.  gendarmerie  ou  aultres  ofBciers  de  Sa  Majesté  estrangers,  mesmes 
des  aultres  manans  de  ladicte  ville  catholicque  quy  à  la  despourveue  leur 
pouroient  fermer  les  portes,  piller  leurs  maisons  ou  faire  aultre  oullraige,  en 
vindication  de  ce  quy  s'est  passé,  du  contraire  duquel  ilz  pouroient  estre 
assceurez  demeurans  en  la  ville.  Par  quel  moyen  oullre  ce  seroil  donné  empes- 
chement  aux  paysans  et  aultres  estrangers  d'entrer  en  la  ville  pour  se  trouver 
esdictes  presches,  ordonneront  qu'es  Jours  ei  heures  dicelles.  les  portes  feussent 
fermées  là  ou  quand  icelles  presches  se  font  es  fauxbourgs  et  lieux  conlagus  aux 
murailles  de  ladicte  ville,  lesdis  paysans  et  estrangers  s'y  treuvent  et  abordent 
de  toutes  pars  cntrans  et  revenans  par  le  clos  dicelle  ville,  chose  très  dangereuse 
pour  rliyver  prochain,  pendent  les  nuictz  bien  longhes  duquel  hyver,  dommaige 
polroit  estre  faict  à  ladicte  ville  par  lesdiz  estrangers  en  la  compagnie  desquelz  se 
pouroient  trouver  larrons,  brigans,  voleurs  et  sacageurs  des  lieux  saincts,  quy 
donneroieul  occasion  à  nouveaux  troubles.  Mais  quant  est  de  tollérer  que  lesdiz 


PIÈCES  JUSTIFICATFVES.  547 

sectaires  demeurent  es  églises  parochiailes  par  eulx  occupées,  lesdiz  consauix  et 
aultres  treuvent  que  ce  soit  chose  inlollérable,  de  tant  que  ce  soient  lieux  de  tout 
temps  dédiez  à  y  faire  le  service  divin  et  toutes  cérémonies  de  la  relligion  calho- 
licque  et  romaine,  ausquelles  églises  ilz  entendent  qu'à  présent  sont  commis  et  se 
commectront  à  l'advenir  bons  pasteurs  et  prédicateurs,  lesquelz  par  leurs  sermons, 
exercice  de  la  relligion  et  bonne  vie  pourront  retirer  des  presches  et  opinions 
erronnées  la  bonne  part  des  mannans  et  simple  peuple  de  ladicte  ville,  quy  s'est 
desvoyé  par  enhort  d'aucuns  quy  les  ont  attirez  à  eulx  durant  les  troubles  par 
bailler  à  besoingner,  ou  le  dénier  en  cas  de  non  se  trouver  es  presches.  Aultrement 
faict  aussy  à  respecter  qu'accordant  lesdictes  églises  aux  sectaires,  seroit  faicte 
chose  tendente  à  la  diminution  de  la  relligion  catholicque,  laquelle  néantmoins 
Sa  Majesté  entend  de  maintenir  en  tout  et  partout,  desquelles  choses  lesdiz 
consauix,  conseilliers  et  officiers  advertissent  Son  Excellence  pour,  le  tout 
entendu,  adviser  sus  le  faict  desdictes  presches  comme  elle  trouvera  convenir. 

Consauix  rassamblez  ledit  jour  de  lundy  ij«  de  septembre  del  après  disner,  pour 
les  lettres  (')  que  l'on  a  incontinent  receu  de  Son  Alleze  par  lesquelles  elle 
envoyoit  imprimé  l'appointement  d'entre  Son  Alteze  au  nom  de  Sa  Majesté  et  les 
gentilzhommes  aians  présenté  la  requeste  tendente  à  ce  que  l'inquisition  ne  fut 
mise  sus  et  que  les  placcars  sus  le  faict  de  la  relligion  feussent  modérez,  ce  qu'a 
esté  délibéré  de  publier  pour  en  advertir  ledit  peuple  et  le  contenir  en  modestie. 

Consauix  rassamblez  le  mercredy  jiij"  jour  de  septembre  Ixvj,  pour  oijr  la 
lecture  des  lettres  de  ceulx  du  magistrat  de  la  ville  d'Anvers  responsives  à  celles 
à  eulx  envoyées  par  Mess"  les  consauix,  pour  entendre  l'ordre  qu'ilz  tiennent 
durant  ces  troubles  et  quele  punition  ilz  ont  faict  d'aucun  des  sacageurs, 
lesquelles  lettres  ont  esté  lentes  et  ordonné  les  communiquer  à  Mons""  l'admirai, 
sy  a  esté  leut  le  project  d'une  publication  ordonnant  d'apporter  es  mains  du 
magistrat  les  aornemens  et  meubles  ayans  esté  robez  es  églises  et  aultres  lieux 
pieux,  comme  est  plus  amplement  porté  par  l'acte  de  publication. 

Consauix  rassemblez  ledit  jour  pour  oijr  lecture  de  deux  requestes  présentées 
à  leurs  seigneuries,  assavoir  l'une  par  les  ministres  et  consistoire  et  l'aultre  par 
les  marclians  prétendans  par  icelles  de  pouvoir  continuer  les  presches  es  églises, 
lesquelles  requestes  ont  esté  renvoyées  à  Mons""  l'admirai  eu  apostallant  dessus 
que  bien  convint  aux  supplians  s'adresser  à  l'exellence  dudit  Seigneur. 

Consauix  rassemblez  le  me.sme  jour  pour  oyr  le  rapport  du  conseillier  du 
Chambge,  aiant  déclairé  que  Mons""  l'admirai  estoil  d'advis  et  ordonnoit  de  casser 


(1)  l.a  IcUrc  a  été  publiée  par  P.  de  i.e  Barre,  Mémoires,  1. 1",  pp.  155  cl  seq. 


Ô48  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

les  compagnies  eslablies  sur  ceste  ville,  en  retenant  néantmoins  quatre  capitaines 
aians  chacun  d'euix  cent  cinequantc  hommes  soubz  leur  charge:  et  pour  en 
adviser  a  esté  ordonné  que  les  consaulx  se  rassambleront  après  le  disner  en  la 
présence  des  capitaines  pour  entendre  ceulx  quy  volontairement  se  voldroienl 
déporter. 

Consaulx  rassemblez  icelluy  jour  en  la  présence  des  capitaines,  excepté  le  S'  du 
Bus,  lequel  est  hors  de  la  ville,  pour  délibérer  sur  le  cassement  desdictes  compa- 
gnies et  retenir  aucuns  desdiz  capitaines,  suivant  quoy  aians  oijz  lesdiz  capitaines 
a  esté  advisé  de  casser  les  compaignics  de  Jean  Cambry.  S"^  des  Mares,  Anthonne 
de  la  Fosse,  S'  de  Robersart.  Estiene  Gabry  et  Jacques  Bulteau.  et  ce,  de  leur 
consenlement.  retenant  pour  quatre  capitaines  les  S"  du  Bus.  du  Mont  et  de 
Bourbeque,  et  Nicolas  Bernard,  escuier,  lesquelz  choisiront  en  leurs  compagnies 
et  aultres  cassées  les  plus  noiables  et  apparans  manans  jusques  au  nombre  de 
cent  cincquante  chacun,  qui  auront  moyen  de  faire  la  garde,  quant  besoing  sera, 
sans  les  despens  de  la  ville  et  par  ainsy  seront  exemptz  du  guet  ordinaire,  comme 
aussy  seront  les  quatre  capitaines  licenliez  durant  le  temps  que  l'on  s'aydera 
desdicles  compagnies. 

Consaulx  rassamblez  le  jeudy  cincquièmc  jour  dudit  mois,  pour  oijr  l'intention 
de  Monseigneur  l'admirai  sus  le  faict  des  capilaines  et  compagnies,  l'excellence 
duquel  S'  a  mis  en  termes  de  retenir  les  huit  capitaines  et  que  chacun  d'iceulx 
auroit  à  sa  charge  cent  cincquante  hommes,  et  après  que  ledit  Seigneur  se  seroit 
retiré  auroit  sur  ce  esté  advisé  es  présences  desdiz  capitaines,  asscavoir  de  les 
tous  retenir  en  la  manière  advisée  par  icelluy  Seigneur,  ce  que  iceulx  capitaines 
auroient  accepté  pour  prendre  les  plus  noiables  et  apparans  manans  de  leurs 
compaignics  pour  faire  la  garde,  asscavoir  cent  cincquante  pour  une  nuict  et  dix  à 
chacune  porte  par  jour,  en  prenant  chacune  compagnie  ung  sergeant  de  bande, 
ung  porte  enseigne  et  ung  ou  deux  labours  et  fiffres. 

Leilres  ont  esté  receues  par  Messieurs  les  lieutenant  de  bailly.  conseilliers  et 
officiers  de  Sa  Majesté  et  les  consaulx.  par  lesquelles  Son  .\lteze  rescripl  n'esire 
besoing  ny  convenable  de  despescher  commission  aux  Seigneurs  d'Ksquerdes  et 
de  Villers,  actendu  que  Mons'  l'admirai  estoit  envoyé  à  Tournay  pour  remédier 
aux  affaires,  adjouslant  néantmoins  que  bien  se  pourra  ledit  Seigneur  Conte  servir 
et  assister  desdiz  genlilzhommes  comme  il  trouverra  convenir  pour  le  service  de 
Sa  Majesté.  Et  au  regard  de  retenir  pour  l'usage  que  dessus  les  argentries  des 
lieux  sacrez  (s'il  semble  bon),  que  l'on  ayt  à  en  traicter  avec  l'evesqne  et  ceulx  du 
ciiapitre  et  aultres  qu'il  apperlient,  en  leur  donnant  bonne  et  suffissante  obligation 
à  leur  conlentcmenl.  ce  que  Son  .Mieze  accorde  de  pouvoir  faire.  Et  quant  à 
l'assceurance  qu'aucuns  de  la  ville  demandent  contre  le  chastau,  Son  Alteze 


PiftCES  JUSTIFICATIVES.  549 

diffère  de  donner  responce  sur  ce  poinct  jusques  à  ce  qu'elle  ail  entendu  ce  que 
dont  le  dit  S''  le  pourra  iidverlir  de  ce  qu'il  aura  trouvé  audit  Touniay,  et  de 
l'ordre  qu'il  y  aura  mis  lesdicles  lettres  en  date  du  premier  de  septembre. 

Consaulx  rassamblez  le  dixième  jour  de  septembre  xv;  Ixvj,  pour  adviscr  s'y  on 
trouverroit  bon  d'envoyer  a  dilligence  en  court  l'un  des  conseilliers  avec  quelque 
missive  dressée  vers  Son  Alteze  sus  le  nom  des  consaulx.  pour  l'adviser  des  incon- 
véniens  et  dangers  qui  pourront  procéder  en  cas  que  Sadicle  Alleze  veuille 
ordonner  que  lesdiz  de  la  relligion  nouvelle  fâchent  leurs  presches  hors  de  la  ville 
et  non  dedans  el  en  lieu  où  ilz  pouroient  ériger  quelque  temple  à  leurs  despens, 
comme  ja  Wons""  l'admira!  a  adverty  Mons''  le  prévost  et  aucuns  des  consaulx 
qu'icelle  Son  Alteze  est  délibérée  de  faire;  suyvanl  ce,  a  esté  leute  la  minute  de 
ladicle  missive  formée  par  le  eonseillier  le  Clercq,  laquelle  a  esté  trouvée  bien 
faicte,  et  pour  la  porter  grossoyée  et  aulhenlicquée  et  de  tant  mieux  informer 
Son  Alleze  a  esté  député  le  conseillier  du  Chambije  qtiy  incontinent  s'e!>t  party 
à  diligence,  lequel  a  raporlé  lettres  en  dacle  du  quinzième  de  septembre,  par 
lesquelles  Son  Alteze  ordonne  de  se  régler  sur  ce  poinct.  comme  avoit  esté 
rescript  à  Mons'  l'admirai  par  lettres  en  dacte  du  septième  dudit  mois. 

Consaulx  rassamblez  le  lundy  seizième  jour  de  septembre  xv'^  Ixvj,  pour  oijrla 
lecture  d'aucuns  articles  conceus  par  \lons''  l'admirai,  Conte  de  liornes,  pour 
contenir  le  peuple  en  son  ollice  et  pacifier  tant  les  catliolicques  que  ceulx  de  la 
nouvelle  relligion,  mesmement  mettre  ung  ordre  et  pollice  au  regard  des  presches, 
à  scavoir  des  lieux  où  elles  se  tiendront  et  es  jours  de  dimenelies  el  festes  solem- 
nelles,  aussy  le  jeudy  de  la  sepmaine  lors  qu'il  n'y  aura  quelque  feste. 

Copie  desdiz  articles. 

Atfin  que  tous  troubles  ou  dissentions  esmeues  à  cause  de  la  relligion  en  ceste 
ville  de  Tournay,  puissent  cesser  et  esire  emp.osehez  et  tous  bourgeois  et  habilans 
dicelle  d'ores  en  avant  vivre  ensamble  en  une  bonne  paix  et  concorde,  et  la  négo- 
ciation de  marchandise  el  aullres  mesliers  remis  en  leurs  premiers  cours  et  estai, 
il  a  semblé  bon  à  Mons'  ladmiral  Conte  de  Hoorn.  etc.,  que  ceulx  de  la  nouvelle 
relligion  s'obleigeronl  d'observer  el  entretenir  et  faire  observer  el  eiitrelenir 
inviolablemenl  de  point  en  point  ce  que  s'ensuit,  et  ce  par  provision  jusques  ad 
ce  que  par  le  Koy  avec  l'advis  des  eslatz  généraulx  de  pardecha  aultrement  en 
sera  ordonné. 

Premiers, 

Qu'ilz  n'empesclieront  le  service  divin  n'y  aultre  cérémonies  de  la  religion 
calholicque  romaine  de  tout  temps  observée,  ny  aussy  permetront,  tant  qu'en  eulx 


.^50  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

est.  que  aucun  empeschement,  trouble  ou  injure  soit  faiet  aux  personnes  ecclé- 
siastiques ou  layes  par  voye  directe  ou  indirecte. 

Qu'ilz  s'abstiendront  de  faire  aucunes  presches  dedens  la  ville  ny  aucunes 
églises  dehors,  mais  se  contenteront  de  prescher  aux  lieux  que  leur  seront 
désignez  par  ledit  S'  conte  et  magistrat,  lesquelz  seront  prez  de  la  ville  et 
commode. 

AusquelJes  places  ilz  pourront  seullement  les  dimenches  et  festes  faire  l'exer- 
cice de  leurs  presches  et  ne  leur  sera  nullement  licite  de  porter  aucunes  armes, 
tant  en  allant  que  retournant. 

Et  en  cas  qu'il  n  y  eust  feste  en  la  sepmaine.  ilz  pouront  prescher  le  jeudy, 
mais  y  ayant  feste.  n'auront  presche  ledit  jeudy  et  ce  à  cause  de  ne  pas  distraire 
le  commun  peuple  de  son  ouvrage,  n'estoit  que  par  le  magistrat  leur  fut  permis. 

Il  est  aussy  requis  scavoir  le  nombre  des  ministres  et  semble  audit  S'  Conte 
que  suffira  de  deux  ministres,  y  adjoingnant  deux  aultres  pour  prescher  en  cas 
que  lesdiz  ministres  feussent  malades  ou  mal  dispos.  Bien  entendu  que  tous  les 
ministres  seront  vassaulx  et  subgectz  de  8a  .Majesté  et  seront  tenus  avant  estre 
admis  à  povoir  prescher  de  faire  serment  es  mains  du  magistra  d'estre  obéissaiis 
et  subgectz  en  toutes  choses  politicques  durant  leur  résidence,  n'usans  en  leurs 
presches  d'aucuns  propos  séditieux  ou  scandaleux. 

Que  en  toutes  choses  ilz  obéiront  au  magistrat  et  supporteront  les  communes 
charges  et  impositions  comme  les  aultres  bourgeois  et  habitans,  et.  sy  besoing  est, 
assisteront  au  magistrat  avec  corps  et  biens  à  la  conservation  de  ce  que  dessus, 
et  à  ceste  cause  admonesteront  diligeamment  le  peuple  en  leurs  presches  de 
prester  toute  révérence  et  obéyssance  au  magistrat  et  de  se  contenir  en  toute 
modestie  et  bon  ordre,  alfin  que  toute  bonne  police  puist  estre  mieux  observée. 

Que  personne  ne  sera  receu  à  la  nouvelle  religion  qu'il  ne  soye  obligé  d'entre- 
tenir les  articles  cy  devant  proposez  et  pour  le  présent  seront  obligez  par  aucuns 
députez  par  ceulx  de  la  nouvelle  religion  promettre  et  jurer  de  les  entretenir,  sur 
paine  d'estre  reputez  et  chastiez  comme  faulsaires  contrevenant  à  ce  que  s'y 
solemuellement  ilz  ont  promis  et  juré. 

Et  pour  la  sceurté  et  repos  desdiz  de  la  relligion  nouvelle,  le  gouverneur 
ensamble  le  magistrat  de  ceste  ville  en  conformité  du  recès  et  accord  faict  entre 
Son  Alteze,  gouvernante  générale,  et  les  gentilzhommes  confédérez  en  dactt  du 
XXV8  d'aoust  quinze  cens  soixante  six,  les  assceurera  que  en  l'exercice  de  leurs 
presches  nul  empeschement,  invasion  ou  trouble  leur  sera  faicte  ny  à  cause 
d'icelle  personne  recherché  ny  molesté  et  le  tout  par  forme  de  provision  jusques 
à  ce  que  par  Sa  Majesté  avec  l'advis  des  Eslatz  généraulx,  sur  ce  aultrement  en 
sera  ordonné  comme  dit  est. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  .351 

L'on  poiira  aussy  adviser  s'il  sera  requis  prendre  quelque  sceureté  de  l'evesque 
el  gens  d'église  ensemble  des  catholicques,  affin  que  toutes  promesses  et  sceurtez 
soient  reeiprocques. 

Kt  quant  à  ceulx  qui  seront  dénommez  de  la  pari  de  coulx  de  la  nouvelle  reli- 
gion pour  contracter  el  signer  lesdiz  accordz  et  appointemens,  ne  pourront 
pour  ce  faict  à  l'advenir  estre  recherchez  ny  moleslez  par  voye  directe  ou 
indirecte. 

Et  pour  mieulx  effectuer  le  tout  et  retenir  ce  peuple  en  l'obéyssance  et  tran- 
quillité affîn  que  n'y  advint  sur  aucuns  poinctz  que  dessus  quelque  difficulté  ou 
double  sur  renlendemenl  ou  interprétation  d'aucuns  poins  ou  aullres,  lesdiz 
députez  du  consistoire  ne  pouronl  faire  ladicte  interprétation  ne  de  faict  attempter 
quelque  chose  nouvelle,  sans  premièrement  conférer  avec  le  magistrat  pour  le 
wider  par  ensemble  ou,  sy  besoing  fut  et  ne  se  peuissent  accorder,  en  advertiront 
la  Cour. 

Consaulx  rassamblez  le  mercredy  xviije  jour  de  septembre  xv<=lxvj.  pour  oijr  ce 
que  de  la  part  de  Mons''  ladmiral  conte  de  Hoorn.  etc.,  seroit  proposé.  Surquoy 
Son  Excellence  a  mis  en  termes  de  faire  quelque  edict  par  lequel  soit  prohibé  à 
cculx  de  la  religion  catholique  injurier  do  faicl  ou  de  parolles  ceulx  de  la  religion 
nouvelle,  et  au  conlraire  ceulx  de  ladicte  relligion  nouvelle,  les  calliolicques, 
y  apposant  tele  paine  que  sera  advisé,  mesmes  de  ordonner  aux  habitans  de  la 
ville  voiantz  aucuns  s'entrebatlre  ou  injurier  de  parolles,  qu'ilz  seront  tenus  d'y 
mettre  le  bien  à  paine  de  correction  arbitraire.  Son  Excellence  a  déelairé  que 
suivant  l'ordonnance  de  Son  Alteze.  il  avoil  prohibé  et  deffendu  à  l'advenir 
à  ceulx  de  la  nouvelle  religion  de  faire  presches  es  églises  et  leur  auroit  com- 
mandé de  dresser  aucuns  temples  dehors  la  ville,  mais  pendent  le  temps  que 
lesdiz  temples  se  dresseront  en  cas  que  le  temps  fut  pluvieux,  seroit  bon  d'adviser 
de  choisir  lieu  en  la  ville  pour  à  secq  y  faire  lesdictes  presches;  surquoy  Mess" 
les  cliiefz  sont  députez  tant  pour  aller  veoir  les  lieux  dehors  la  ville  ou  lesdiz 
temples  se  pouront  dresser,  comme  la  grange  des  engiens  et  la  grange  à  cailloux, 
pour  cognoistre  sy  elles  seront  trouvées  propices  à  faire  lesdictes  presches  durant 
ledit  tamps  pluvieux. 

Consaulx  rassamblez  le  jeudy  xjx^  jour  dudit  mois,  pour  deliber[er)  sur  la 
demande  des  marchans  quy  ont  demandé  que  les  trois  temples  qu'ilz  ont  advisé 
de  dresser  pour  y  faire  presches  soient  érigez  aux  despens  de  la  ville,  aclendu  que 
la  plus  saine  partie  du  peuple  (quy  est  de  la  nouvelle  relligion  à  ce  qu'ilz  dient) 
contribue  aux  impos  et  assizes  de  ladicte  ville  ou  pour  le  moins  qu'ilz  peussent 
faire  assiete  capitale  et  généralle  sur  tous  les  manans  de  ladicte  ville,  aussy  bien 
sur  les  catholicques  que  sur  ceulx  de  la  nouvelle  relligion;  sy  ont  aussy  requis 


352  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

lesdiz  marchans  que  le  magistrat  voizist  emprendre  la  charge  de  faire  ériger  iesdiz 
templts  pour  conduire  la  chose  plus  Iranquilement,  surquoy  a  esté  advisé  et 
suivant  ledit  advis  déclairé  aux  marchans  que  la  ville  n'esloit  en  estât  de  povoir 
faire  la  mise  convenable  à  l'éreclion  desdiz  temples,  pour  estre  fort  à  l'arrière  par 
l'achat  des  grains  de  l'an  passé:  toulesfois  aifln  de  donner  contentement  à  ceulx 
de  la  nouvelle  rellia;ion  et  que  les  choses  se  puissent  Iraicter  par  bon  moyen  et 
que  promptement  ilz  sortissent  des  églises,  a  esté  offert  la  somme  de  xl  livres  de 
gros  des  deniers  de  la  ville  à  l'advanchement  desdiz  temples,  à  payer  après  que 
lesdiz  temples  seront  achevez,  et  moyennant  ce  se  debvrout  contenter  de  ne  faire 
quelque  taux  ou  assielte  capitalle  sus  les  manans  de  la  ville  y  comprenans  les 
calholicques,  lesquelz  pouronl  estre  assez  chargez  par  dévotion  et  bonne  volunlé 
de  réparer  les  églises  sacagées,  mais  trop  bien  pouront  ceulx  dicelle  religion 
nouvelle  faire  quelque  pourchas  entre  eulx  pour  recouvrer  le  surplus  des  deniers 
requis  à  l'érection  desdiz  temples,  lesquels  .Mess"  les  consaulx  ont  trouvé  bon  de 
réduire  au  nombre  de  deux  au  lieu  de  trois  tant  pour  éviter  mises  superflues  et 
inulilles.  come  à  raison  que  par  certain  article  du  projet  dressé  par  Mons' 
l'admirai  y  doibl  avoir  seullemenl  deux  ministres  acluelemcnt  faisant  presches. 

Quant  est  d'emprendre  la  charge  par  le  magistrat  de  faire  ériger  lesdiz  temples 
a  esté  faicl  response  ausdiz  marchans  que  ceulx  du  magistrat  nont  de  ce  faire 
aucune  auctorité  et  ne  le  vouidroient  emprendre  sans  ordonnance  expresse  de  la 
court,  de  tant  que  lesdictes  presches  et  ne  se  font  fors  par  tollérance  de  son  Alteze 
tant  que  aultrement  par  Sa  Viajesté  en  sera  ordonné,  el  atHn  de  scavoir  s'il  plaira 
à  Sadicte  Alleze  de  ce  faire  les  auctorizer  et  pour  aullres  poinctz  dependens  du 
faict  de  la  religion.  Mons'  l'admirai  ensamble  Mesdisseigneurs  les  consaulx  ont 
advisé  d'envoyer  vers  icelle  Son  Alteze  le  conseiller  du  Chambge. 

Au  surplus  en  la  présence  desdiz  S'^'  consaulx  aussy  des  ministres,  capilaines  et 
marchans  ont  esté  leuz  plusieurs  articles  vque  dessus i  advisez  par  .Mons""  I  admirai 
pour  tenir  paix  et  concorde  entre  ceulx  de  la  nouvelle  religion  et  les  catholicques 
qui  ont  esté  trouvez  bons,  saulf  aucunes  exceptions  et  esclarcissemens  donnez  sur 
aucuns  articles  par  ceulx  de  ladite  nouvelle  relligion  qui  se  bailleront  par  escript 
par  M*  Nicolas  Taftin.  Finalement  a  esté  résolu  par  Mesdisseigneurs  les  consaulx 
de  sur  tout  communiquer  avec  ledit  S'  admirai  après  le  disner.  pour  suivant 
ladicte  communication  et  délibération  sur  icelle,  despesclier  ledit  conseiller  du 
Chambge  vers  Son  Alteze  affin  d'avoir  ordonnance  pour  selon  icelle  soy  régler. 

Tellement  que  par  ordonnance  desdiz  S'*  consaulx  après  le  midy  se  trouvarent 
vers  ledit  S'  admirai  alBn  de  faire  relation  à  Son  Excellence  de  ce  qu'avoit  traicté 
et  requis  par  lesdiz  de  la  relligion  nouvelle  ensemble  ce  que  leur  auroit  esté 
respondu. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  553 

Sire  Jacques  de  Frayeres,  S'  de  Beiizin,  second  prévost,  M"  Jacques  le  Clcrcq 
et  Erasme  du  Chambge,  conseilliers,  et  Jehan  de  Canibry.  S'  de  Baudimont.  juré, 
lesquelz  vindrent  trouver  icelluy  S'  admirai  en  la  salle  de  devant  du  logis  Jean 
Sais,  marchant,  en  hiquelle  icelluy  S'  prenoit  ordinairement  sa  réfection,  auquel 
lieu  vindrent  par  charge  dudil  S'  les  predicans  Merimer  et  Wilie,  M«  Nicolas 
Taffln,  Jean  Opall'ens  et  Jhéromme  du  Pire,  tellement  que  subit  icelluy  S'  vint 
assoir  au  bout  de  la  table  sus  laquelle  il  avoit  disné  du  coslé  des  rues  et  commanda 
audit  prévost  et  aultres  ses  assistens  de  s'assoir  emprez  luy  et  ausdiz  predicans  et 
aullres  de  l'aultrc  costé  de  ladicle  table  à  l'opposite;  ce  que  faict  comme  le 
S'  de  Villers,  l'un  des  conféderez  aiant  esté  à  Valenchiennes,  nommé  .Mons''  Dau- 
dregnyes,  le  S'  de  Bailleul,  le  S'  de  le  Dalle  et  .Mons'  de  Rebremettes,  maistre  des 
comptes  à  Lille,  avoient  disné  avec  ledit  S'  et  pour  lors  estoient  encoires  en  ladite 
salle,  icelluy  S'  les  feit  demeurer  et  assoir  du  costé  de  la  cheminée  prez  ladicte 
table,  disant  les  vouloir  retenir  pour  luy  servir  de  conseil,  de  manière  que  chacun 
estant  assis,  ledit  le  Clercq  par  charge  dudit  Seigneur  commcncha  à  faire  rapport 
des  diffieullez  esquelles  l'on  s'esloit  trouvé  ledit  jour  du  matin  en  l'assamblée 
susdicte.  Et  comme  pour  lors  lesdis  ministres  et  Taffln  tachoient  d'obtenir  dudit 
Seigneur  quelque  ordonnance  pour  faire  contribuer  les  catholicques  à  la  despence 
du  bastiment  des  temples,  ilz  insistarent  bien  longtemps  sur  ce  poinct,  sy  meirent 
de  rechef  en  terme  de  faire  collecte  ou  mettre  impôs  et  assize  sur  tout  le  peuple 
de  la  ville  pour  recouvrer  deniers  et  furnir  à  ladicte  despence,  allegans  (comme 
du  matin)  que  leurs  adhérens  estoient  la  plus  saine  partie  du  peuple,  lesquelz 
estoient  privez  des  églises  parochialles,  qui  néantmoins  leur  debvoient  mieux 
appcrlenir  qu'aux  catholicques  estans  en  bien  petit  nombre;  dequoy  fut  soustenu 
le  contraire  par  ledit  le  Clercq  et  remonstra  comme  les  églises  n'appertenoient 
au  peuple  de  Tournay  ny  à  aullre  quelconque,  ains  qu'iceiles  estoient  dédiées  à 
Dieu  et  à  son  sainct  service  tel  que  noz  devanchiers  suivant  la  religion  catho- 
licque  anchienne  et  romaine  auroienl  de  lout  temps  observé  et  que  comme  choses 
sacrées  icelles  n'appertenoient  à  personne,  comme  est  porté  par  le  §  sacre  res 
inslit.  de  rerum  dinis.  Pareillement  que  le  nombre  desdiz  catholiques  n'esloit  tant 
petit  comme  ilz  mainlenoient  et  que  nullement  ilz  ne  pouvoient  sousienir  leurs 
adhérens  faire  la  plus  saine  partie  de  la  ville,  obstant  le  grand  nombre  des  plus 
notables  qui  tenoient  ladicte  religion  anchienne,  en  oultre  que  le  plus  grand 
nombre  du  peuple  n'estoil  fourelos  de  l'usage  dcsdicles  églises  moyennant  qu'il 
n'en  abusast  faisant  choses  contraires  à  la  religion  y  acoustumée,  sy  estoit 
d'aultant  plus  duignc  de  persister  à  ladicte  contribution  et  pour  la  despense  des 
temples,  que  lesdictes  églises  avoient  esté  sacagées  et  du  tout  désemparer  par  gens 
prenans  le  manteau  de  ceulx  de  la  nouvelle  relligion;  linablemenl  ledit  S'  admirai 
Tome  1.  —  Lettkes,  etc.  4o 


I 


554  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

veyant  assez  que  la  soustenue  desdiz  ministres  et  Talïîn  n'avoil  apparence  quel- 
conque, ordonna  qu'impos  ou  laille  aucune  ne  serait  mise  sus,  obstant  que 
l'oclroy  à  ces  fins  requis  ne  se  pouroil  obtenir  de  la  Cour,  et  que  en  soy  la  chose 
esloil  desraisonnable  au  regard  des  calholicques.  suivant:  quoy  s'arresta  à  ce  que 
comme  il  disoit  avoir  veu  user  en  divers  quartiers  d'Allemaigne,  aucuns  députez 
par  Icsdiz  de  la  religion  nouvelle  iroient  faire  quesles  et  pourchas  par  toutes  les 
maisons  de  ladicte  ville  tant  des  catholicques  quaultres  pour  recbevoir  ce  que 
chacun  donneroil  volunlairement.  ayans  à  ces  fins  iceux  députez  des  boistes  fer- 
mées à  la  clef.  Lequel  pourchas  fut  faict  par  Guillaume  de  Torcoing.  Andrieu 
Merman.  Jhcrome  du  Pire,  Simon  Aimeries,  mais  non  avec  boistes  closes,  ains 
avec  quelques  escuiclles  ou  lasses  d'argent.  Et  comme  le  bruit  commun  estoit 
qu'ilz  escrivoient  les  noms  de  ceulx  qui  ne  vouloient  riens  donner  et  que  par  ce 
moyen  ilz  donnoient  terreur  aux  catholicques  d'estre  notez  et  remarquez  pour  de 
tant  niifuix  tirer  d'eulx  quelques  deniers  craindant  quelque  mal  traictement,  les 
prévoslz  et  jurez  feirent  deffence  aux  susdiz  de  uescrire  les  noms  de  ceulx  quy  ne 
vouloient  rien  donner  et  estans  mandez  deniarent  d'avoir  escript  ou  faict  note  des 
refusans.  mais  trop  bien  des  absens  de  leurs  maisons  pour  de  tant  mieux  et  après 
avoir  mémore  d'y  retourner. 

Ce  que  ainsy  arresté,  1  on  vint  à  débalre  le  iij^  desdis  articles  projeclez  par  ledit 
S'  admirai  faisant  mention  de  l'exercice  des  presches,  et  comme  lesdiz  ministres 
et  TafBn  insisloieut  fort  sur  ce  qu'icelluy  article  fut  chambgé  et  que  au  lieu 
desdiz  termes  «  exercice  de  leurs  presches  »  y  feussent  couchez  ceulx  ychy  : 
«  exercice  de  leur  religion  ».  ledit  Seigneur  dit  qu'il  scavoit  asceurement  que  tel 
article  ne  passeroit  en  la  cour  en  cesle  sorte  et  qu'ilz  se  debvoient  bien  contenter 
dudit  article  en  la  forme  qu'il  estoit  couché,  attendu  que  le  conte  d'Egmond 
iraictant  avec  ceulx  de  Gand  avoit  seulement  mis  de  faire  les  presches.  A  quoi 
fut  replicqué  par  lesdiz  ministres  que  la  chose  n'avait  esté  suffissamment  esclar- 
chie  par  icelluy  Seigneur  d'Egmont.  et  que  besoing  auroit  esté  à  ceulx  dudit 
Gandt  de  venir  trouver  icelluy  Seigneur  à  Courlray  après  son  département  dudit 
Gand.  auquel  lieu  ilz  auroient  obtenu  déclaration  de  Son  Excellence  par  laquelle 
il  leur  dit  que  combien  qu'il  eust  seullement  parlé  des  presches  par  les  articles 
qu'il  avoit  capitulé  avec  eulx.  ce  néantinoins  il  entendoit  que  l'exercice  de  ladicte 
relligion  leur  estoit  permise.  A  quoy  fut  respondu  par  ledit  S'  admirai  que  ledit 
conte  d'Egmont  avoit  besoigné  en  Flandres  estant  lieu  de  son  gouvernement, 
comme  il  avoit  estimé  estre  convenable  pour  l'appaisement  des  troubles  et  le 
service  de  Sa  Majesté,  mais  quant  à  luy  il  ne  povoil  faire  le  semblable  en  tant  qu'il 
n'estoit  gouverneur  de  Tournay.  ains  sensiblement  commissaire  e(  que  l'accord 
desdiz  articles  ne  se  ferait  par  luy  mesmes.  ains  que  le  tout  se  debvroit  renvoyer 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  3:i3 

vers  Son  Alteze  pour  en  avoir  son  ordonnance,  de  sorte  que  finablemenl  après 
longues  disputes  et  instances  faictes  par  lesdiz  minisires  et  Taffin,  ledit  S'  admirai 
condescendit  à  ce  que  audit  article  iij^  seroit  adjousié  après  le  mot  presches  cette 
clause  :  conformément  à  celles  quy  se  font  es  villes  de  Brabant  et  Flandres 
esquelles  icelles  presclics  sont  tolérées.  Quant  est  desdiz  prévostz  et  aullres  du 
magistral,  ne  scavoienl  sy  n'avoient  oncques  oij  à  parler  auparavant  de  l'énergie 
et  efficace  de  ceste  phrase  :  exercice  de  la  religion.  Et  partant  laissèrent  débatre 
et  arrester  d'icelluy  point  par  lesdiz  S'  admirai,  ministres  et  Tafïin,  les  aullres 
articles  passèrent  sans  grand  débat;  suyvant  quoy  icelluy  feit  promettement 
mettre  au  net  le  projet  desdiz  articles  rescri|)vant  à  Son  Alteze  pour  l'auctorisa- 
lion  diceulx  et  fut  son  pacquet  porté  en  Cour  par  ledit  du  Chambge. 

Or  avant  que  ladite  compagnie  se  partit,  come  l'on  s'estoit  levé  de  table,  le<lit 
S'  admirai  fut  adverly  par  ledit  le  Ciercq  comme  du  matin  dudit  jour  lesdiz 
ministres  avoient  esté  mandez  pardevanl  Mess'^  les  consaulx  par  sa  charge,  pour 
entendre  d'eulx  l'interprétation  des  propos  par  eulx  proférez  le  xxiij"  du  mois 
d'aoust,  quand  ilz  ne  voulurent  mettre  es  mains  du  magistra  les  reliquiaires  et 
vaisseaulx  d'or  et  d'argent  appertenant  à  l'église  cathédrale  pour  le  rendre  à 
l'ordonnance  de  Son  Alteze,  ains  seullement  à  celle  des  trois  S"^'  dessus- 
nom  mez  en  l'acte  faict  sus  l'advenue  dudit  jour.  Suivant  quoy  que  iceulx 
ministres  auroienl  déclaré  d'entendre  que  les  gentilzhommes  confoederez  les 
avoient  prins  en  leur  protection,  et  que  iceulx  confoederez  avoient  esté  prises 
en  la  protection  desdiz  Seigneurs,  et  que  partant  leurs  actions  se  debvoient 
référer  à  iceux  usans  de  ces  propos  ou  semblables  en  substance,  de  laquelle  leur 
responce  ilz  auroient  dit  de  vouloir  eux  mesmes  faire  ung  escript  pour  exhiber 
à  Son  Excellence,  ce  que  entendu  icelluy  Seigneur  admirai  s'adressa  ausdiz 
ministres  parlant  à  eux  à  part  et  recheupt  de  leurs  mains  quelques  escript. 

En  après  lesdiz  prévostz,  le  Ciercq  et  Baudimont  prinrent  congé  dudit 
Seigneur  et  s'acheminarent  pour  retourner  chascun  en  leurs  maisons.  Et  comme 
ledit  le  Ciercq  sortoit  le  derrcnier,  advint  qu'il  fut  arresté  en  la  cour  dudit 
Jean  Sais  par  Adrien  Boixée,  ceppier  des  prisons  de  la  tannerie,  lequel  l'ad- 
verlil  que  luy  avoit  esté  tenu  quelque  propos  par  aucuns  se  renommans  dudit 
Seigneur  admirai  de  relâcher  et  mettre  à  délivre  de  prison  ung  nommé  Arnoul 
Martin  dit  Hoyau  lequel  avoit  esté  saisy  par  la  charge  dudit  S",  pour  quelques 
vantises,  menasses  et  insolences  faictes  allencontre  du  chastel  dudit  Tournav;  à 
quoy  icelluy  le  Ciercq  respondit  qu'il  n'en  feit  riens,  jusques  à  ce  que  sur  ce 
poinct  il  auroit  entendu  la  volunté  et  ordonnance  expresse  dudit  S",  en  tant 
qu'icelluy  Hoyau  estoit  chargé  d'aultre  crime  que  cestuy  pour  lequel  il  avoit  esté 
saisy,  lelement  que  ledit  le  Cicrccj  promptement  remonta  en  haull  et  déclaira 


3o6  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

audit  S'  comme  information  avoit  esté  tenue  par  les  prévostz  et  jurez  sur  ce 
qu'icelluy  Hoyau  avoit  esté  l'ung  des  conducteurs  priucipaulx  de  ceulx  quy 
avoienl  sacagé  en  l'abbaye  du  Satilclioit.  es  églises  de  Kain,  iMourcourt  etaultres. 
qu'il  auroit  emprunté  le  nom  de  la  ducesse,  allant  saca^é  d'un  costé  et  d'aviltre, 
qu'il  auroit  esté  reprins  de  justice  en  Tan  quinze  cens  soixante  trois  par  les  pré- 
sidents d'Arthois  et  aultres  commisssaires  de  Sa  Majesté  lors  envoyez  audit 
Tournay  pour  le  faict  des  chantries  et  assemblées,  presches  et  conventicules  tenus 
es  bois  lez  icelle  ville,  pour  avoir  assisté  à  iceulx  conventicles  et  avoir  ordinaire- 
ment conduit  et  guidé  le  prédicant  par  lesdiz  bois,  tellement  que  sans  pardon  et 
grâce  à  luy  faicte  par  Sa  Majesté  il  avoit  dès  lors  encourru  peine  de  mort,  et 
suivant  ladite  grâce  aurait  esté  condemné  de  faire  amende  honnourable  en  drap 
linge,  la  teste  et  piedz  rmdz.  portant  une  longhe  torche  es  mains  et  ainsy  mené 
sur  ung  eschaffault  dressé  au  mitant  du  grand  marché  de  ladite  ville.  Ce  que 
entendu  icelluy  S'  admirai  parlementa  avec  les  S""  de  Bailleul  et  de  le  Dalle, 
lesquelz  pour  avoir  toujours  esté  proches  audit  S'  avoient  assez  entendu  les 
propres  dudit  le  Clercq,  tellement  qu'après  quelque  communication  ledit  S'  feil 
aprocher  ledit  le  Clercq  et  luy  dit  que  ledit  Hoyau  estoit  fort  porté  par  ceulx  de 
la  religion  nouvelle,  que  sa  punition  pouroit  engendrer  quelque  altération  et 
trouble  en  la  ville,  et  oultre  ce  que  Son  Alteze  n'entendoit  faire  faict  des  saca- 
gemens  passez,  ains  que  le  placcart  sentendoit  des  sacagemens  futurs  et  qu'il 
convenoit  garder  icelluy  en  toute  righeur.  Et  comme  icelluy  le  Clercq  répliquoil 
que  ledit  Hoyau  se  seroit  de  loingtemps  montré  homme  fort  pernicieux  à  la  répu- 
blicque  por  avoir  conduit  et  iiuidé  lesditz  prédicans.  ledit  de  le  Dalle  s'advanchoit 
de  dire  que  personne  ne  povoit  plus  cstre  recherché  pour  le  faict  de  la  relligion, 
de  mander  que  ledit  S'  admirai  déclaira  de  se  tenir  à  son  ordonnance  de  faire 
eslargir  de  prison  ledit  Hoyau.  ce  que  en  après  fut  faict  par  Mons'  M"  Pierre 
Dennetières,  lieutenant  de  Bailly,  lequel  print  la  promesse  dudit  Hoyau  de 
retourner  à  toutes  journées  qu'il  seroit  mandé,  à  paine  d'estre  concaineu  des 
charges  contre  luy  milititanles.  lequel  Hoyau  à  ces  fins  bailla  certains  plesges  el 
cautions  de  lobligalion  desquclz  ledit  S'  lieutenant  pourra  respondre.  Hl  suivant 
eslargil  ledit  Hoyau  sans  y  appeller  lesditz  prevoolz  et  jurez,  depuis  ledit  Hoyau 
pour  aultres  insolences  par  luy  faictes  contre  ledit  cliaslel.  joinct  le  sacagement 
que  dessus,  estant  fugitif,  auroit  esté  appelle  par  lesdiz  provostz  et  jurez  aux 
droiclz  de  la  ville,  contumace  et  banny  criminelemenl  sur  peine  de  mort,  déclai- 
rant  tous  ses  biens  confisquez;  de  laquelle  ordonnance  dudit  S'  admirai  ledit  le 
Clercq  feit  relation  le  lendemain  ;uisdiz  prévostz  et  jurez,  et  depuis  déclaira  ledit 
S'  admirai  par  plusieurs  et  diverses  fois  qu'il  n'entendoit  que  l'on  deubt  punir 
ceulx  quy  avoienl  sacagc  avant  la  publication  dudit  placcart,  là  où  toutefois  dès 


PIÈCKS  JUSTIFICATIVES.  .l-ST 

sa  première  arrivée  en  ladite  ville  il  avoil  délibéré  de  faire  punir  deux  à  trois 
desdiz  saeageurs  des  plus  vilz  et  mal  famez  on  aians  aultrefois  estre  reprins  de 
jusliee,  tellement  <|ne  pour  à  ee  furnir  par  lesdiz  prévostz  et  jure/,  en  furent  saisis 
aucuns,  scavoir  est  Guillaume  de  le  Vallée  dit  Willequin  et  Jean  Rivaut,  contre 
lesquelz  conjoinctenK  nt  avec  les  ofTiciers  du  hailliaiie  furent  intentées  procédures 
criniineles,  mais  (Inableinenl  ledit  Willequin  auroit  esté  relâchez  de  prison  sans 
punition,  metlant  son  cas  en  surséance  et  sur  promesse  de  retourner,  par  ordon- 
nance dudil  S'  admirai,  déclairant  de  n'entendre  faire  punition  de  ceulx  quy 
avoient  sacagé  avant  la  publication  dudit  placcart,  quy  fut  cause  que  Ton  ne 
procéda  à  faire  aultres  informations  contre  lesdiz  sacaij;eurs  suivants  les  defenccs 
sur  ce  faictes  par  icelluy  S',  aflln  de  n'engendrer  nouveaux  troubles. 

Ledit  conscillier  du  (>hambge  à  son  rethour  de  la  Cour  rapporta  lettres  de 
Son  Allezc  audit  S'  admirai  sur  le  faict  desdiz  articles  qui  semblarent  obscurs 
audit  Seigneur,  de  fachon  qnil  fut  constraint  de  rescripre  par  plusieurs  fois  à 
Son  Alteze.  et  en  fm  ne  sceul  obtenir  aiiltre  auclorizalion  desdiz  articles  fors  que 
Son  AKeze  approuvoil  ce  que  icelluy  Seigneur  avoit  capitulé  avec  ceulx  de  la 
relligion  nouvelle  en  Tournay,  en  tant  qu'est  conforme  à  l'accord  faicl  avec 
les  gentilzhommes  confoederez,  usant  Son  Alteze  de  ces  propos  ou  semblables  en 
substance,  par  lesquelles  lettres  icelluy  S'  fut  diverses  fois  remandé  de  venir  en 
Cour,  ce  qu'il  délaya  de  faire  quelque  temps,  obstant  qu'il  prevooil  assez  que  sy 
les  choses  n'esloient  pacifiées  avant  son  partement.  durant  son  absence  se  pouroit 
engendrer  quelque  désordre. 

Consaulx  rassamblez  le  vingthuilième  jour  de  septembre  xv<^  soixante  six,  pour 
le  faicl  du  povoir  des  eapilaines  lequel  leur  auroil  esté  accordé  par  advis  com- 
munication préalable  et  en  la  présence  dudil  S'  admirai  en  la  forme  que  s'ensuit  : 

iNous  Jean  de  Chasteler,  chevalier.  S"^  de  Moulebais,  d'Audegnies,  etc.  et 
commis  au  gouvernement  des  ville  et  chastel  de  Tournay  et  'lournesiz,  prévoslz, 
jurez,  mayeurs  et  eschevins  dicelle  ville,  à  nostre  ehier  et  bien  amé  N.  Salut 
Comme  depuis  aucuns  mois  encha.  le  temps  apparant  fort  turbulent,  aions  advisé 
du  gré  et  adveu  de  très  haulle  cl  très  excellente  Princesse,  Madame  la  dnccsse 
de  Parmes.  Plaisance,  etc.  Hégente  et  gouvernante  des  pays  de  pardecha,  de 
répartir  et  diviser  les  plus  notables  el  npparans  manans  et  habilans  deceste  ville 
en  huit  bandes  et  compaignies  et  sur  chacune  dicelles  commettre  capitaines,  atfin 
de  par  ce  moyen  csire  plus  assccurez  que  ladite  ville  et  cité  seroit  maintenue  en 
l'obéyssance  du  Roy,  nostre  souverain  et  naturel  Seigneur,  et  préservée  de  toute 
sédition,  révolte,  sac  el  pillaige.  et  pour  aultres  considérations  lors  militantes, 
mesmes  que  naghaires  lesdicles  compaignies  aient  esté  réduictes  au  nombre  de 
douze  cens  hommes  des  plus  aisez  de  la  ville  par  hault  et  puissant  Seigneur 


558  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

Messire  Philippes  de  .Montmorency,  conte  de  Iloorn.  admirai  de  la  mer.  chevalier 
de  rOrdre.  etc..  commissaire  député  par  Sa  Majesté  alTin  d'entendre  à  la  paciflca- 
lion  des  troubles  advenus  en  la  ville,  le  tout  pour  soulager  les  plus  povres  et 
indigens.  et  ne  les  divertir  de  leur  manufacture  acouslumée.  nous  pour  à  ce 
furnir  et  donner  ordre  estans  deuement  acertenez  de  l'idonéité  et  suffisance 
dudil  N..  avons  icelluy  par  ces  présentes  commis  et  estably.  commetons  et  esta- 
blissons  capitaine  pour  régir  et  gouverner  l'une  desdictes  compagnies  comprenant 
les  manans  de  la  paroiche  de  >'.:  sy  avons  donné  et  donnons  audit  N.  après  le 
serment  ordonné  par  ledit  S'  admirai  par  luy  faict,  pooir  et  auctorité  de  faire 
prester  icelluy  serment  à  tous  ceulx  de  sa  compaignie,  de  commettre  et  establir 
lieutenants   et  aultres    chiefz  et    ofDciers,   porte    enseingne,   prévost.   sergeant, 
escadres,  diseniers.  flffre  et  tabourin.  iceulx  ajuste  occasion  desmettre  et  déporter 
et  chascun  de  ceulx  de  sadite  compagnie,  de  faire  rassambier  sadite  compaj^nie 
quand  son  tour  de  garde  eschera.  et  à  chascune  fois  qu'il  voira  en  estre  de 
besoing  pour  la  conservation  de  ladite  ville,  repos  et  tranquillité  des  habitans 
dici  lie,  aussy  constraindre  par  toutes  voies  deues  et  raisonnables  leurs  soldatz  à 
eux  armer  selon  leur  faculté  et  puissance,  en  oultre  poira  icelluy  .N.  donner  congé 
et  passeport  quand  requis  sera  à  ceulx  de  sa  compaignie  et  non  à  aultres,  de 
sortir  la  ville  pour  leurs   urgens  atïaires  et  pour  tele  espace  de  temps  qu'il 
trouvera  bon.  Pareillement  il  poura  faire  appréhender  et  mettre  en  noz  prisons 
ceulx  de  sa  compagnie  qui   seront  défaillans  de  se  trouver  en  leur  guet  et  y 
commettront  par  yvrongnerie  ou  aultremcnt  quelque  insolence,  désobeyssance  ou 
faulte,  pour  en  faire  par  luy  tele  punition  qu'il  trouvera  au  cas  appertenir  par 
l'advis  de  sesdiz  lieutenans,  porte  enseingne.  sergeants,  esquadres  ou  capitaines 
d'aultres  compai;nies,  saulf  que  à  eesluy  quy  aura  esté  condemné  sera  loisible 
d'appeller  pardevant  nous  prévostz  et  jurez  et  Seigneur  de  Moulebais.  comme 
gouverneur  et  capitaine  de  cesle  ville  et  chastel  estant  en  icelles  et  coronel 
desdictes    compagnies,   mais  ne  sera  déféré  audit   appel   n'est  qu'en    cas  que 
l'appellant  fut  condemné  tenir  prison  il  soit  préalablement  constitué  prisonnier,  et 
en  cas  que  ladite  condemnation  concerne  quelque  amende  ou  mulcte  pécuniaire 
qu'il  ait  nampty  la  somme  à  laquelle  porteroit  ladite  mulcte  es  mains  de  son 
capitaine  ou  son  lieutenant.  Et  ce  faict  ledit  appellant  pourra  le  relever  sondit 
appel  et  procéder  sur  icelluy  selon  que  la  voye  de  justice  le  requerra.  Et  au 
regard   d'aullres   délictz  et  crimes  qui  pouront  estre  commis  par  lesdiz  de  sa 
compagnie  ou  aultres  habitans  de  ladiete  ville,  la  cognoissance.  en  appertiendra 
en  premier  lieu  à  nous  prévostz  et  jurez,  réservé  que  l'appréhension  se  poura 
faire  par  la  charge  dudit  N.  auquel  il  sera  tenu  de  promptement  en  faire  advertir 
l'un  de  nous  prévostz,  finablement  avons  donné  et  donnons  par  ces  présentes 


PIÈCES  JUSTFhlCATIVES.  339 

audit  N.  en  général  tout  pooir  pertinent  et  convenable  pour  lexercite  dudit  estât 
de  capitaine  es  choses  susdictes  et  dépendences  dicellcs,  enjoindant  et  ordonnant 
expressément  à  tous  ceulx  de  sadile  compai^iiie  et  aullres  habilans  de  ladite  ville 
d'obéyr  à  icelluy  et  à  ses  liculenans  et  commis  comme  à  nous  mesmes.  En 
tesmoing  de  quoy  nous  a\ons  faict  mettre  à  ces  présentes  le  seel  aux  causes  de 
ladite  ville  et  cité.  Quy  furent,  etc. 

Ledit  jour  vingihuitième  de  septembre  le  serment  cy  dessubz  couché  auroit 
esté  faict  et  preste  par  les  capitaines  (excepté  Sire  Pierre  de  liornu,  esciiier. 
Seigneur  de  Bourbeque,  eslant  lors  absent)  es  mains  de  Messire  Jean  de  Chasteler. 
chevalier,  S'  de  Moulebais,  etc.,  commis  au  gouvernement  des  ville  et  chastel  de 
Tournay  et  de  Sire  Nicolas  de  ie  Hamaide,  escuier.  S"^  de  Haudion.  prévost  de  bi 
commune  de  ladite  ville,  en  la  présence  de  hault  et  puissant  Seigneur  Messire 
Philippes  de  Montmorency,  conle  de  Hoorn.  admirai  de  la  mer.  chevalier  de 
l'Ordre,  etc. 

Serment  preste  par  les  capitaines. 

Premièrement  qu'ilz  seront  bons  et  fidelz  subjectz  de  Sa  Majesté,  et  qu'ilz 
obéyront  à  tout  ce  que  par  ie  gouvei-neur  ou  magistrat  leur  sera  commandé  pour 
le  service  de  Sa  Majesté,  bien,  repos  et  tranquillité  de  la  ville. 

Aussy  que  ceulx  qui  sont  aux  compagnies  auront  à  porler  toute  obéissance  à 
leurs  capitaines  en  ce  qu'il  leur  commanderont  pour  le  service  de  Sa  Majesté, 
bien,  repos  et  conservation  de  la  ville. 

Peu  de  jours  après  ce  que  dessus,  ledit  S'  admirai  aiant  receu  quelques  lettres 
de  Son  Alteze,  déclaira  ausdiz  prévostz  et  jurez  qu  il  s'esloit  résolu  de  partir  et 
s'acheminer  vers  la  Cour. 

Ce  qu'estant  venu  à  la  cognoissance  desdiz  de  la  religion  nouvelle,  ilz  se 
trouvarent  par  plusieurs  fois  vers  ledit  S'  admirai  pour  luy  faire  quelques 
requestes,  desqueles  l'une  estoit  de  pooir  tenir  leurs  presches  en  plain  marché  en 
la  halle  où  se  tient  à  présent  le  cors  de  garde,  l'aultre  qu  icelluy  S'  admirai 
eust  à  tant  faire  vers  ledit  S""  de  Moulbais  gouverneur  qu'il  eust  à  luy  pro- 
mettre qu'il  ne  rechevroil  gens  de  guerre  dans  le  chastel  de  Tournay  pendant 
les  quatre  à  cincq  jours  quicefluij  S''  admirai  larderait  à  faire  son  voyage  en 
Cour. 

A  laquelle  première  requeste  obviarent  lesdiz  prévostz  et  jurez  comme  ilz 
avoient  faict  quelque  aultre  fois  auparavant,  tellement  que  ledit  S'  admirai  ny 
voulut  pour  lors  entendre. 

Au  regard  de  la  seconde  requeste  ledit  S'  de  Moulebais  remonstra  audit  S'' 
admirai  que  luy  estoit  impossible  de  promettre  ce  que  lesdiz  de  la  religion  nou- 


560  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

velle  requerroient,  pour  cause  qu'il  ne  povoit  aultrement  que  d'obéjT  à  toule 
heure  aux  eommandemens  de  Son  Alleze,  laquelle  pouvoit  renforeher  de  gens  de 
guerre  la  garde  du  ehaslel  quand  bon  luy  sembleroit.  Ledit  S'  admirai  tacha  par 
plusieurs  raisons  amener  ledit  S'  de  Moulebais  à  ladicle  promesse,  et  de  faict  entre 
eulx  y  eubl  quelque  dillîeullé,  de  fachon  que  ledit  S'  admirai  s'advisa  d'envoier 
promplemenl  vers  Son  Alteze  et  lui  rescrire  sus  le  faict  de  ladicte  requesle,  ce 
qu'il  feit  envoyant  en  court  son  maislre  d'hostel  nommé  La  Haye,  et  lost  après  se 
relira  de  ladite  ville  de  Tournay  à  Anihoing.  auquel  lieu  au  relhour  dudit 
La  Haye,  il  recheupt  lettres  de  Son  Alteze,  et  ledit  S'  de  .Moulebais  pareillement, 
par  lesquelles  elle  déelairoit  d'eslre  contente  quiceiluy  S'  de  Moulebais  feil  les 
|)romesses  que  dessus,  liéclairant  néantmoins  qu'icelluy  Seigneur  de  Moulebais 
avoit  faict  bon  office  de  n'avoir  voulu  faire  ladite  promesse  sans  cstre  auelorisé: 
pour  ce  que  donner  à  cognoistre  ledit  S'  admirai  manda  dudit  .Anthoing  les  deux 
prévostz  et  deux  eonseilliers  où  se  Irouvarent  aussy  plusieurs  raarehaux  et  aultres 
de  la  religion  nouvelle.  El  après  lesdietes  lettres  leues,  ledit  S'  de  Moulbais  feit  les 
promesses  que  dessus  suivant  le  contenu  dieelles  lettres,  pareillement  à  l'impor- 
tune pourtsietile  desdiz  de  ta  relligion  nouvelle,  ledit  S'  admirai  leur  accorda 
de  faire  les  presches  en  la  halle  nus'iicle  sus  le  grand  marché,  contbien  que 
pour  à  ce  obvier  furent  alléghées  plusieurs  raisons  au  contraire,  par 
Mons'  Haneton  conseillier  et  aultres,  que  lors  icelluy  Seigneur  déciaira  que 
lesdietes  presches  se  feroient  audit  lieu  jusques  ad  ce  que  Son  Alleze  auroit 
mandé  le  contraire. 

Ledit  S'  admirai  ce  faict,  se  partit  et  achemina  vers  Bruxelles  en  donnant 
charge  ausdiz  prévoslz  de  faire  eslargir  soubz  caution  (qu'olfroit  faire  le  S'  de 
Bailleul)  Gilles  Blauel,  natif  de  Blandain,  chargé  d'avoir  sacagé  après  la  publica- 
tion dudit  placcart,  réservant  la  punition  dicelluy  et  d'un  Jean  Harnesquel  après 
que  l'accord  de  la  pacification  seroit  faict. 

Consaulx  rassaniblez  le  vendredy  onzième  jour  d'octobre  xv<=ixvj,  pour  délibérer 
sy  on  escripvra  à  Son  Alteze  et  sy  Ion  envoyera  l'un  des  eonseilliers  vers  Sadite 
Alteze  pour  le  requérir  de  vouloir  renvoyer  en  cesle  ville  Mons'  l'admirai  le 
pluslosl  que  faire  se  pourra  pour  achever  et  arrester  des  poinctz  encommenchez 
pour  la  pacilîcalion  d'entre  les  calholieques  et  ceulx  de  la  nouvelle  relligion,  de 
tant  que  l'on  entend  ledit  S'  admirai  cstre  rcmandé  par  Son  .\leze.  suivant  quoy 
a  esté  trouvé  bon  d'escrire  à  la  fin  que  dessus  et  d'envoyer  le  conseillier  du 
Chambge. 

Le  vingthuitième  d'octobre,  ledit  du  Chambge  estant  retourné  de  la  court 
déciaira  par  son  raporl  que  Son  .'\lteze  a  despesché  le  secrétaire  de  la  1  orre  pour 
promettre  les  assceurances  accordées  par  Son  Alieze  pour  maintenir  en  concorde 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  361 

les  catholicques  et  ceulx  de  la  religion  nouvelle,  et  à  ce  propos  a  apporté  lettres 
dicelle  Son  Alteze  quy  ont  esté  leutes,  a  aussy  apporté  lettres  de  Mons'  l'admirai, 
par  lesquelles  s'excuse  de  retourner  en  la  ville  pour  les  négoces  tant  de  Sa  Majesté 
que  de  celles  quy  hiy  louchent  en  particulier,  quy  ont  aussy  esté  leutes;  Madame 
ordonne  par  lesdictes  lettres  à  Mess''  de  soy  régler  selon  que  Mons"^  de  Moulebais 
leur  diroit  et  ordonneroit  pour  le  service  de  Sa  Majesté. 

Coiisaulx  rassemblez  ledit  jour  pour  oijr  la  commission  du  Secrétaire  delà 
Torre,  ce  qu'a  esté  faict,  asscavoir  ont  esté  leutes  lettres  de  Son  Alteze  adres- 
santes à  Mons'  de  Moulebais,  commis  par  provision  au  gouvernement  de  la  ville, 
cité  et  chastel,  icelluy  S'  de  Moulebais  présent,  ont  aussy  esté  leuz  les  articles 
ordonnez  pour  vivre  en  repos  et  tranquillité  par  les  catholicques  et  ceulx  de  la 
religion  nouvelle,  tant  qu'aultrement  par  Sa  Majesté  avec  les  Kstatz  généraulx  en 
sera  ordonné,  suivant  ce  a  esté  advisé  de  mander  pour  demain  ceulx  de  ladite 
nouvelle  relligion  pour  leur  communiquer  lesdiz  articles. 

Consaulx  rassemblez  le  pénultième  jour  d'octobre  xv  Ixvj,  où  auroient  assisté 
Mons'  de  Moulebais,  commis  au  gouvernement  de  Tournay  et  Mons'  le  Secrétaire 
de  la  Torre,  commissaire  député  par  Son  Alteze,  où  seroient  comparus  les  deux 
minisires  avec  les  députez  de  ceulx  de  la  nouvelle  religion  en  la  présence  desquelz 
ont  esté  leuz  les  lettres  de  Son  Alteze  envoyées  tant  audit  S'  de  Maulebais  comme 
ausdiz  consaulx  avec  les  articles,  pour  lesquelz  communiquer  par  lesdiz  ministres 
et  députez  avec  ceulx  de  leur  consistoire  et  y  donner  responce  leur  a  esté  accordé 
délay  jusques  à  sabmedy  prochain,  second  jour  de  novembre,  au  matin. 

Copie  desdiz  articles. 

Affin  que  tous  troubles  ou  dissentions  esmeuz  à  cause  de  la  religion  en  ceste 
ville  de  Tournay  puissent  cesser  et  eslre  empeschez  et  tous  bourgeois  et  habitans 
dicelle  dores  en  avant  vivre  ensemble  en  bonne  paix  et  concorde  et  la  négociation 
de  marchandise  et  aultres  mestiers  remis  en  leurs  cours  et  eslat,  ceulx  de  la  nou- 
velle religion  se  sont  obligez  d'observer  et  entretenir  et  faire  observer  inviolable- 
ment  de  point  en  pointée  que  s'ensuit,  et  ce  par  provision,  jusques  ad  ce  que  par 
le  Roy  avec  l'advis  des  Eslatz  généraulx  aultrement  eu  sera  ordonné. 

Premiers, 

Qu'ilz  n'empescheront  le  service  divin  ny  aultre  exercice  de  la  religion  catho- 
licque  de  tout  leuips  observée,  ny  aussy  permetroiit  tant  qu'en  eulx  est  que 
aucun  empeschement,  trouble  ou  injure  soit  faict  aux  personnes  ecclésiasticques 
ou  layes  par  voye  directe  ou  indirecte. 

Tome  I.  —   Lettres,  etc.  46 


362  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

Qu'ilz  s'abstiendront  de  faire  aucunes  presches  ou  assemblées  dedans  la  ville  ny 
aucunes  églises  dehors,  mais  se  contenteront  de  presches  aux  lieux  quy  ja  sont 
désii^nez  hors  la  ville. 

Ausquelles  places  ilz  pouroni  seullement  les  dimences  et  festes  faire  leurs 
presches  et  ne  leur  sera  nullement  licite  de  porter  aucunes  armes  tant  en  allant 
que  retournant. 

Qu'ilz  ne  pouront  avoir  pour  ung  temps  plus  de  deux  minisires  ou  prescheurs 
y  adjoingnans  deux  aultres  pour  prescher  en  cas  que  lesdiz  minisires  feussent 
malades  ou  mal  disposez.  Bien  entendu  que  tous  lesdiz  ministres  seront  vassaulx 
et  subjectz  de  Sa  Majesté,  et  seront  tenus  avant  estre  admis  à  povoir  prescher  de 
faire  serment  es  mains  de  magistrat  d'estre  obéyssans  et  subjectz  en  toute  chose 
de  justice  et  politiques  durant  leur  résidence,  n'usans  en  leurs  presches  d'aucuns 
propos  séditieux  ou  scandaleux. 

Qu'en  toutes  choses  ilz  obéyront  au  magistrat  et  supporteront  les  communes 
charges  et  impositions  comme  les  aultres  bourgeois  et  habitans,  et  si  besoing  est 
assisteront  aux  magistratz  avec  corps  et  biens  à  la  conservation  de  tout  ce  que 
dessus,  repos  et  bien  publicq,  et  à  ceste  cause  admonesteront  diligeameni  le 
peuple  en  leurs  presches  de  prester  toute  révérence  et  obéyssance  au  magistrat  et 
de  se  contenir  en  toute  modestie  et  bon  ordre,  afBn  que  toute  bonne  police  puisl 
mieux  estre  observée. 

Que  personne  sera  receu  à  la  nouvelle  relligion  qu'il  ne  soit  obligé  d'entretenir 
les  articles  cy  devant  proposez. 

Oultre  les  députez  de  la  nouvelle  religion  jureront  pardevant  ledit  gouverneur 
et  magistrat  solemnelement  et  de  bonne  foy  d'entretenir  et  observer  tous  et 
chascun  les  poincfz  susdiz,  sur  peine  d'estre  reputez  et  chastiez  comme  faulsaires 
contrevenant  à  ce  que  sy  solemnellement  ilz  ont  promis  et  juré. 

Et  pour  la  sceurté  et  repos  desdiz  de  la  religion  nouvelle,  ledit  gouverneur 
ensambic  le  masiistrat  de  ceste  ville  en  conformité  du  recès  et  accord  faicl  entre 

cl 

Son  Alteze  gouvernante,  etc.  et  les  genlilzhomes  confoedezez  en  dacte  du  vingt- 
cincquième  d'aoust  xv  Ixvj,  les  assceureront  qu'en  leurs  presches  nul  empesche- 
ment,  invasion  ou  trouble  leur  sera  faict,  ny  à  cause  dicelles,  personne  recherché 
ny  molesté,  le  tout  par  forme  de  provision  jusques  à  ce  que  par  Sa  Majesté 
avec  l'advis  des  Estatz  généraulx  sur  ce  aultrement  en  sera  ordonné  comme 
dit  est. 

El  quant  à  ceulx  quy  seront  dénommez  de  la  part  de  cculx  de  la  nouvelle 
religion  pour  contracter  et  signer  le  diz  accordz  et  appoinclemens  ne  pouront 
pour  ce  faicl  à  l'advenir  estre  rechtrciiez  ny  molestez  par  voye  directe  ou  indi- 
recte. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  363 

El  pour  mieulx  effectuer  le  tout  et  retenir  le  peuple  en  obéyssance  et  tran- 
quillité affin  qu'il  n'y  advint  sur  aucuns  poins  que  dessus  quelque  dilficullé  ou 
double  sur  l'entcndemenl  ou  inlerprétation  d'aucuns  poinclz  ou  articles  par  ceulx 
de  la  religion  nouvelle,  ne  pouront  faire  ladicte  interprétation  ny  de  faict  allempler 
quelque  chose  nouvelle,  sans  premièrement  conférer  avec  lesdiz  gouverneur  et 
magistrat  pour  la  wuidier  par  ensamble,  ou  sy  besoing  fui  ou  ne  se  puissent 
accorder,  en  advcrtir  la  Cour. 

Consaulx  rassamblez  le  sabmedy  second  jour  de  novembre  xv"  Ixvj,  présens 
Mons"^  de  Moiilebais,  commis  au  gouvernement,  etc.  et  Mons'  de  la  Torre,  com- 
missaire, pour  oijr  le  rapport  des  députez  de  ceulx  de  la  religion  nouvelle  sur  la 
communication  qu'ilz  pouvoyent  avoir  eu  des  lettres  de  Madame  envoyées  audit 
Seigneur  de  .Moulebais  et  ausdiz  Seigneurs  consaulx  aussy  des  lettres  envoyées  à 
iceulx  Seigneurs  consaulx  par  Mons'  l'admirai  Conte  de  Hoorn,  etc.  avec  lesdiz 
articles  dont  le  double  de  tout  leur  avoit  esté  délivré,  lesquelz  députez  par  la 
bouche  de  M"  iNicolas  Taffln,  docteur  es  droictz,  ont  déclairé  qu'ilz  ne  lenoienl  la 
commission  desdiz  S"  de  Moulebais  et  de  la  Torre  et  du  magistrat  pour  sufflssante 
pour  vacquer  à  la  communication  et  Iraicter  desdiz  articles,  d'aultant  mesmesque 
les  lettres  de  Son  Alteze  adressées  audit  S''  de  .VIoulbais  et  aux  Consaulx  ne  com- 
prenoient  et  ne  faisoient  mention  des  otHciers  du  bailliaige.  lesquelz  avoient 
principalement  la  cognoissance  mesmes  prévention  contre  les  prévoslz  et  jurez 
sur  la  contravention  des  placars  dressez  sur  le  faict  des  hérésies.  D'aultre  pari  que 
par  ladicte  commission  ceulx  du  magistrat  avec  lesdiz  S"  de  Moulebais  et 
de  la  Torre  n'esloienl  auctorizez  d'entrer  en  communication  sur  lesdiz  articles, 
plusieurs  desquelz  se  trouvoyent  altérez  depuis  le  premier  project  faict  et  accordé 
par  ceulx  de  la  relligion  nouvelle  en  présence  de  Monsieur  l'admirai.  Au  moien 
de  quoy  jusques  à  ce  que  ladicte  commission  fui  amplifiée,  lesdiz  dépuiez  déclai- 
roient  que  ceulx  du  consistoire  avoient  résolu  n'entrer  en  ladicte  communication, 
et  sur  ce  que  de  la  part  dudit  magistrat  a  esté  remonstré  ausdiz  députez  que  sur 
la  prétendue  insulTissance  de  ladicte  commission  ilz  ne  debvoient  dilTérer  d'entrer 
en  ladicte  communication  et  traicter  d'iceulx  articles  pour  sy  avant  que  de  leur 
part  y  seroit  trouvée  aucune  altération  sur  quelque  partie  desdiz  articles  et 
consultez  Son  Alteze  et  requérir  icelle  par  ung  mesme  volume  d'avoir  ladicte 
commission  plus  ample. 

Iceulx  députez  après  avoir  loingtemps  insisté  sur  ce  qu'ilz  ne  debvoient  et  ne 
pouvoienl  bonnement  aller  plus  avant,  actendu  que  ce  auroit  aussy  esté  arresté  en 
leurdit  consistoire  auroienl  accordé  de  faire  rassembler  icelluy  del  après  disner 
|)our  avec  aucuns  notables  résouidrc  sy  nonobstant  insulTissance  de  ladicte  com- 
mission ilz  passeroienl  oullre  et  traicteroient  desdiz  articles  ou  non,  et  d'en  donner 
responce  endedens  les  trois  heures  del  après  disner  du  jourd'huy. 


564  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

Consaiilx  rassamblez  avec  Mons""  de  Moulbais,  Mons'  de  la  Torre.  les  lieutenant 
général  et  conseilliers  du  Roy  en  son  bailliaige  de  Tournay  et  Tournesiz  le 
sabmedy  second  jour  de  novembre  xv«  Ixvj,  del  après  disner,  pour  oijr  et  entendre 
le  rapport  des  députez  de  ceulx  de  la  religion  nouvelle  sur  le  besoingné  aujourd'huy 
matin,  li'squelz  députez  estans  comparus  avec  quelque  bon  nombre  de  peuple 
anroient  déclairé  qii'ilz  estoient  prestz  d'entrer  en  communication  sur  les  articles 
projectez  sus  le  faict  de  la  religion  pour  la  pacification  et  repos  de  la  commu- 
naulté  de  ladicle  ville,  à  protestation  de  recognoistre  seulement  ledit  Seigneur 
(le  Moulebais  pour  gouverneur  et  ledit  magistrat  pour  magistrat  et  non  pour 
suffissant  commis  par  Son  Alteze  pour  entendre  à  ladicte  communication  pour 
les  raisons  aultresfois  déduites,  soubz  laquelle  protestation  l'on  auroit  en  leur 
présence  commenché  à  faire  lecture  lesdiz  articles,  ce  qu'estant  faict  en  premier 
lieu  sur  la  préface  auroient  faict  la  protestation  suivante  : 

Par  ce  que  Son  Alteze  par  ladite  préface  use  de  ces  termes  «  ceulx  de  nouvelle 
religion  se  sont  obligez  ».  etc.,  lesdiz  députez  ont  prolesté  que  ceulx  que  l'on 
appelle  de  la  religion  nouvelle  ne  sont  pour  introduire  et  susciter,  comme  aussy 
ilz  ne  veullent  introduire  ny  susciter  religion  nouvelle,  ains  plustost  encheminer 
ce  qui  a  esté  faict  et  introduict  par  les  apostres,  maintenants  que  leur  religion  a 
trop  bien  esté  réformée  et  qu'ilz  se  peuvent  appeller  de  la  religion  réformée  et 
non  aultrement. 

Sur  le  premier  desdiz  articles  ilz  ont  requis  que  samblable  promesse  et 
assceurance  que  celle  y  couchée  leur  soit  faicte  et  donnée  par  les  personnes 
ecclésiasticques  et  ceulx  qui  se  dient  de  la  religion  calholicque,  telement  qu'ilz 
puissent  librement  faire  leurs  presches  et  exercice  de  leur  religion,  lequel  exercice 
a  prestement  esté  exprimé  et  déclairé  par  le  menu  par  le  ministre  Merimer  en 
ceste  forme  ; 

Premièrement  la  prédication  de  la  parole  de  Dieu  avec  le  chant  des  Pseaulraes 
en  la  crainte  et  révérence  du  S%  tant  en  public  comme  en  particulier; 

L'administration  des  sainctz  sacremens  quy  sont  le  baptesme  et  la  cène; 

La  bénédiction  du  niariaige; 

La  Visitation  des  malades; 

La  sépulture  des  mors; 

L'observation  de  la  discipline  et  police  de  l'Église  ; 

.Assembler  consistoires; 

Collocques  ; 

Synodes  selon  la  nécessité  du  temps  et  des  affaires  quy  se  présenteront; 

Item  calheciser  soit  en  publicque  ou  particulier  pour  instruction  du  peuple,  et 
à  cest  effect  avoir  escolles  pour  instruire  la  jeunesse  en  la  crainte  de  Dieu,  libre 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  565 

d'avoir  toutes  sortes  de  livres  en  langue  vulgaire  soit  ceulx  de  Fescripture  sainclc 
ou  des  fideiz  docteurs  quy  les  ont  exposez. 

Estant  le  second  des  articles  susdiz  leul.  lesdiz  députez  déclairèrcnt  qu'ilz 
naxoicnt  passé  plus  onllrc  pour  l'cntasmement  de  ladite  communication,  à 
hKjuelle  ilz  estoicnt  presfz  d'entendre  de  jour  à  aultrc  au  bon  plaisir  de  Mess" 
n estoit  quon  leur  vousist  accorder  delay  jusques  à  vendrcdy  prochain  les  neuf 
heures  du  matin,  pour  rapporter  par  escript  leur  responce  sur  chacun  article,  ce 
que  leur  estant  ledit  délay  accordé,  ils  promettent  de  faire  et  confians  medis- 
seigneurs  qu'ilz  n'y  feront  fauite  leur  ont  accordé  icelluy  délay. 

Ledit  de  la  Torre  voyant  le  peu  d'apparence  qu'il  y  avoit  de  s'acorder  avec 
lesdiz  de  la  religion  nouvelle  se  résolut  présent  Mess"  de  partir  le  lendemain  vers 
la  court  pour  de  tout  advenir  Son  Alteze  ce  qu'il  feit  et  depuis  ne  retourna. 

Consauix  rassamblez  avec  les  olïicicrs  du  bailliaige  le  Jeudy  septième  jour  de 
novembre  xv^lxvj,  pour  veoir  la  requeste  que  ceulx  de  la  nouvelle  religion  ont 
requis  de  povoir  présenter  ausdiz  consauix  pour  le  bien  et  repos  de  la  chose 
publique  de  ceste  ville,  laquelle  requeste  a  esté  présentée,  et  par  icellc  ilz  ont 
requis  que  certaine  aultre  requesie  qu'ilz  ont  faict  lire  ausdiz  consauix  adressée  à 
Sa  Majesté  fut  présentée  à  Son  Alteze  par  homme  député  du  magistrat  pour  en 
après  estre  envoyée  à  Sa  Majesté,  suyvani  quoy  a  esté  advisé  de  rescrire  aux  villes 
d'Anvers,  Gand  et  .Audenarde  pour  scavoir  comme  ilz  se  sont  réglez  sur  semblables 
requestes  que  ceulx  de  ladicte  religion  nouvelle  disent  avoir  esté  présentées  aux 
magistratz  desdicles  villes,  et  que  lesdiz  magistralz  avoyent  (sy  qu'ilz  disoient),  ja 
envoyé  à  Son  Alteze,  ceulx  de  la  religion  nouvelle  par  ladicte  requeste  promcloient 
trois  miiions  de  fleurins  à  Sa  Majesté  pour  obtenir  grâce  de  pouvoir  vivre  en 
liberté. 

Consauix  rassamblez  avec  les  officiers  dudit  bailliaige  le  vendrcdy  huitième  de 
novembre  xvc  Ixvj.  pour  reehevoir  la  responce  de  ceulx  de  la  nouvelle  religion  sur 
tous  les  articles  envoyez  par  Son  Alteze  pour  la  pacification  des  troubles  advenus 
pour  la  religion  en  ceste  ville,  lesquelles  responces  ont  esté  présentées  et  leules  en 
présence  de  Mesdisseigneurs  et  des  députez  de  ceulx  de  ladite  nouvelle  religion, 
ausquelz  a  esté  déclairé  que  Ton  communiequcra  lesdicles  responces  à  Mons'  de 
Moulebais  commis  au  gouvernement  de  ceste  ville,  cité  et  chastel. 

Copie  des  responces  faictes  adsdiz  articles. 

Responce  au  premier  article. 

On  l'accorde  sans  préjudicier  toutefois  à  la  religion  réformée  de  laquelle  nous 
faisons  profession  soubz  prelext  de  ces  motz  couchez  audit  article  :  religion  catho- 


366  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

licque  de  tout  temps  observée  etc.  ou  d'aultres  samblables,  à  condition  que  de  la 
pari  du  clerf;é  nous  soient  faicles  et  données  samblabics  promesses  et  réciproeques, 
scavoir  est  qu'il  ne  nous  empeschcront  ny  permeclront  autant  qu'en  eulx  est,  qu'il 
nous  soit  faici  par  voye  directe  ou  indirecte  molcsle  trouble  ny  empeschement  en 
l'exercice  de  nostre  religion  et  de  tout  ce  quy  en  dépend. 

Responce  au  deuxième  article. 

Accordé,  bien  entendu  que  durant  le  temps  que  les  bastimcns  des  temples  se 
parferont,  il  nous  soit  permis  jouyr  des  places  désignées  dens  la  ville. 

Responce  au  troisième  article. 

Accordé,  a  condition  que  durant  icelles  presehes  soit  commise  aux  portes 
ouvertes  garde  suffisante  pour  nostre  sceurté.  esclarcissant  au  surplus  ce  mot 
«  presehes  »  tellement  que  l'exenàce  de  nostre  relligion  et  tout  ce  quy  en  dépcndt 
soit  comprins  et  que  soubz  la  detîence  de  port  d'armes,  espées  et  daghes  soient 
exclues,  adjoustant  aussy  que  les  presehes  se  feront  les  dimenches.  mardy  et 
jeudy  seuUement. 

Responce  au  quatrième. 

Accordé,  pourveu  que  ce  qu'on  veult  que  les  ministres  soyent  vassaulx  et 
subjectz  de  ^a  Majesté,  soit  extendu  aussy  à  ceulx  losquelz  sont  subjeclz  de 
Sa  Majesté  par  bourgeoisie,  pourveu  pareillement  que  ce  qui  concerne  la  doctrine 
ou  l'exercice  de  nostre  religion  et  la  répréhension  des  meurs  et  abus  ne  soit  tenu 
pour  propos  scandaleux  ou  séditieux. 

Responce  au  cincquième. 

Accordé,  moyennant  que  ceulx  de  la  religion  romaine  soient  subjeclz  aux 
mesmes  charges  et  chastoy  au  cas  de  contravention  aux  articles  de  retraicte  qui  les 
touchent  et  concernent. 

Responce  au  sixième. 

Accordé,  soubz  les  conditions,  déclairacions  et  esclarcissemens  cy  dessus 
couchez. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  567 


Responce  au  septième. 

Accordé,  moyennant  promesse  reciprocque  de  la  part  des  ecolésiasticques  et  du 
clergé. 

Responce  au  huitième. 

Accordé,  à  condition  que  les  promesse  d'assceurance  se  feront  par  le  gouverneur 
tant  en  qualité  de  gouverneur  que  comme  capitaine  du  chasteau,  estant  aussy 
entendu  ce  mot  de  presches  joinct  avec  l'exercice  de  nostre  religion  comme  dict 
est,  prometant  davantaige  le  gouverneur  es  qualités  avant  dites  pour  nostre  plus 
grand  sceurlé  et  contentement  des  habitans  de  cesto  ville,  de  ne  permettre 
qu'aucune  gendarmerie  soit  de  pied  ou  de  cheval  soit  mise  dedans  le  chasleau  ny 
dedans  la  ville,  oullre  que  celle  qu'est  pour  le  présent  estant  icelle  suflissanle  pour 
la  garde  de  ladicte  ville  et  du  chasteau. 

Responce  au  noefième. 
Accordé 

Responce  au  dixième. 
Accordé. 

Oultre  ce  que  lesdiz  responce  estoient  en  soy  très  absurdes,  ledit  Seigneur  de 
IVloulebais,icelles  veiies,déclaira  aux  députez  desdiz  prevostz  et  jurez  et  officiers  du 
bailliaige  qu'il  avoit  recheu  lettres  de  Son  Alteze  par  lesquelles  il  estoit  chargé  de 
mander  aucuns  de  ladite  religion  nouvelle  pour  scavoir  d'eulx  purement  et  sim- 
plement s'ilz  cntendoienl  refuser  ou  accepter  lesdiz  articles,  ce  que  fut  résolu  de 
faire  pour  après  disner  et  furent  mandez  aucuns  de  ladicte  religion  nouvelle,  à 
quoy  néantmoins  ilz  n'obéyrent,  ores  que  l'heure  leur  fut  assignée  et  que  ceulx  du 
magistrat  et  du  bailliaige  s'y  feussent  trouvez,  et  ce  soubz  prétext  que  ledit  jour 
estoit  ordinaire  pour  l'achat  de  leur  marchandise. 

Le  lendemain  matin  noefième  de  novembre,  se  trouvarent  aucuns  députez  de 
ladite  religion  nouvelle  vers  ledit  S'  de  Moulebay,  présens  aucuns  dudit  magistrat 
et  du  bailliaige,  et  après  que  leur  fut  dict  de  la  part  dudit  Seigneur  qu'ilz  eussent 
à  déclairer  purement  et  simplement  s'ilz  acceptoient  ou  refusoient  iceux  articles, 
dirent  qu'ilz  n'estoient  auctorisez  pour  donner  responce,  ains  qu'il  en  falloit  com- 
muniquer avec  ceulx  de  la  relligion,  pour  à  quoy  fournir  leur  fut  «cordé  terme 
jusques  à  lundy  xj«  dudit  mois  à  midy. 


368  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

Ledit  jour  de  lundy  avant  midy,  aucuns  de  ladite  religion  nouvelle  se  trou- 
varent  vers  les  prévoslz  et  jurez  en  leur  auditoire  disans  d'avoir  résolu  de  leur 
responce  et  qu'ilz  la  bailleroient  par  escript  pour  la  porler  audit  S'  de  Mouiebais 
après  le  niydy,  ce  que  fut  faict  par  >!•=  Nicolas  Tatïin,  lequel  exhiba  audit 
S"'  de  Mouiebais  certain  escript  ne  contenant  pure  et  simple  responce  sur  l'accep- 
tation ou  dénégation  dcsdiz  articles,  mais  aultres  modérations  non  tant  débor- 
dantes de  raison  que  celles  que  dessus  dont  la  teneur  s'ensuit 

Responce  au  premier  article. 

Accordé,  à  condition  que  les  ecclésiastiques  prometroiil  qu'ilz  n'cnipescheront 
ny  feront  aucune  moleste  à  ceulx  de  la  nouvelle  religion  en  leurs  presches  ny  en 
leurs  personnes  directement  ou  indirectement. 

Besponce  au  deuxième. 

Accordé.  Bien  entendu  que  durant  le  temps  que  les  bastimens  des  temples  se 
parferont,  il  leur  soit  permis  de  jouyr  des  places  désignées  dans  la  ville,  consen- 
tans  qu'il  y  ait  commissaire  député  par  le  magistrat  pour  faire  haster  et  diligenter 
iceulx  bastimens. 

Responce  au  troisième. 

Accordé  à  condition  que  durant  icelles  presches  soit  commise  garde  aux  portes 
ouvertes  pour  leur  sceurté  et  que  soubz  la  delTcnce  de  port  d'armes,  espées  et 
daghes  ne  soient  comprinses.  lesquelles  pourront  porter  seullement  les  soldalz  et 
cculx  k'squelz  sont  acoustumez  d'en  porler,  adjousiant  aussy  que  les  presches 
se  feront  le  dimcnche,  mardy  et  jeudy  seullement. 

Responce  au  quatrième. 

Accordé  moyennant  que  ce  qu'on  veult  que  les  ministres  soient  natifz  subjeclz 
de  Sa  Majesté  soit  exlendu  aussy  à  ceulx  lesquelz  seront  subjeclz  par  bourgeoisie, 
pourveu  pareillement  que  ce  quy  concerne  la  doctrine  de  leur  religion  et  la 
réprélienlion  des  meurs  ....  et  abus  ne  soit  tenu  pour  [)ropos  séditieux  ou  scan- 
daleux et  se  garderont  au  surplus  de  tout  propos  dépileux  contre  le  magistrat  ou 
cculx  de  la  religion  catholicque. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  369 

Responce  au  cincquième. 

Accordé,  moyennant  que  cculx  de  la  religion  romaine  soient  subjeetz  aux 
mesmes  charges. 

Responce  au  vj'\ 
Accordé,  soubz  les  conditions,  déclairations  et  esclarcissemens  cy  dessus  faictz. 

Responce  au  septième. 

Acordé,  pourveu  que  les  calholicques  et  ceulx  du  clergé  facent  le  mesme  par 
leurs  députez  et  que  les  conlrevenans  ores  qu'ilz  n'ayent  esté  du  nombre  des 
députez  soient  punis  comme  faulsaires. 

Responce  au  huitième. 

Accordé  à  condition  que  les  promesses  dassceurance  se  feront  par  les 
magislratz  tant  de  la  ville  comme  des  bailliages  de  Tournay  et  Tournesiz,  scavoir 
est  par  le  bailly  ou  son  lieutenant  et  officiers  liscaulx.  ensamble  par  le  gouverneur 
tant  en  qualité  de  gouverneur  que  come  capitaine  du  chasteau  auctorizé  spécia- 
lement à  ces  fins. 

Au  surplus  daultant  que  la  diffîdence  d'entre  le  peuple  et  ceulx  du  chasteau 
procède  de  renfort  faict  depuis  ces  troubles  et  d'aultre  qu'on  polroit  faire  à  l'ad- 
venir,  ilz  supplient  en  toute  humilité  Son  Alteze  que  aultre  renfort  de  gens  ne 
soil  mis  dans  le  chasteau  ny  dans  la  ville  que  cestuy  lequel  y  est  à  présent. 

Le  mardy  douzième  dudit  mois  de  novembre  es  consaulx  ordinaires  lesdictes 
deuxièmes  responce  furent  leutcs  et  résolu  de  les  envoyer  à  Son  Alteze,  le  requé- 
rant d"y  prendre  regard  pour  la  transquillilé  de  la  ville,  advertissant  néantmoins 
Son  Alteze  que  ceulx  de  la  nouvelle  religion  ont  déelairé  qu'ilz  protesteront 
(lesdiz  articles  accordez)  que  par  le  simple  mot  de  presche  couché  en  iceulx 
articles,  ilz  entendent  de  comprendre  l'exercice  de  leur  religion,  afin  que  sur  ce 
soit  advisé  par  Son  Alteze  ce  que  à  sa  très  pourveue  discrétion  sera  trouvé  bon 
et  pour  ce  faire  y  est  commis  M"  Jacques  le  Ciercq,  conseiller  de  ladicte  ville. 

Consaulx  rassemblez  avec  les  officiers  du  bailliaige  le  jeudy  xxje  jour  de 
novembre  xv^lxvj,  pour  oijr  et  entendre  le  raport  de  M»  Jacques  Le  (Ciercq,  con- 
seillier  retourné  de  la  Cour,  et  l'on  s'est  tenu  au  raport  d'icelluy.  Sy  a  esté  ordonné 
Tome  1.  —  Lettres,  etc.  47 


370  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

mander  à  ceulx  de  la  religion  nouvelle  qu'ilz  aient  à  eulx  rassanibier  pour  com- 
mectre  et  députer  quelque  dix  à  douze  personnages  d'entre  eulx,  affin  de  se  trouver 
demain  malin  en  la  halle  de  Mess"  les  prévostz  et  jurez,  pour  oijr  et  entendre  ce 
que  par  la  bouche  dudit  conseillier  Le  Clercq  sera  verballemenl  proposé,  pour  ce 
faiet  eux  transporter  au  chasleau  avec  quelques  ungs  que  iMesdisseigneurs  les 
eonsaulx  pouront  commectre  d'entre  eulx,  aCQn  d'oijr  la  lecture  de  certaines  lettres 
missives  naghères  envoyées  audit  S"^  de  Moulebais,  commis  au  Gouvernement 
dudit  chastel  par  Son  Alleze. 

Consaulx  rassemblez  le  xx^j»-"  jour  de  novembre  xv^lxvj,  que  lors  ledit 
Le  Clercq  aiant  eu  charge  en  cour  d'induire  lesdiz  de  la  religion  nouvelle  à 
l'aception  desdiz  articles  par  les  moyens  à  luy  déclairez  particulièrement  par  les 
Président  Yiglius,  conseillers  Brexella  et  d'Assonleville,  auroit  proposé  ausdiz  de 
la  religion  nouvelle  plusieurs  raisons  par  lesquelles  pooit  apparoir  qu'ils  se 
debvoient  contenter  de  la  grâce  que  leur  avoit  esté  faiete  par  Son  Alteze  accor- 
dant les  articles  envoyez  de  sa  part  et  apportez  par  ledit  secrétaire  de  la  Torre. 
Et  en  premier  lieu  au  regard  de  l'exercice  de  leur  religion  dont  n'avoit  esté 
louché  par  lesdiz  articles,  déclaira  ieelluy  Le  Clercq  luy  avoir  esté  dict  qu'en  cest 
endroit  la  ville  de  ïournay  ne  seroil  de  pire  condition  qu'aultres  semblables  de 
pardecha,  mais  que  comme  aux  aullres  pouroient  de  faict  advenir  baptesmes. 
mariaiges  et  aultres  choses  dépendentes  dudit  exercice,  le  mesme  pouroit  advenir 
en  Tournay,  non  pas  que  Madame  l'eust  ainsy  accordé  ou  l'accordât  présentement 
ainsy  le  faire  en  lieu  qui  fut,  mais  seullement  estant  ce  passé  soabz  dissiniuta- 
tiou  et  connivence  des  magistratz  et  officiers  des  lieux  jtisques  ad  ce  qu'aiil- 
trement  en  scroit  ordonné.  Car  soit  en  Flandre,  soit  en  Brabant,  Hollande,  Zcel- 
lande,  soit  où  que  ce  soit  Son  Alleze  n'avoit  consenty  ou  accordé  l'exercice  de 
ladite  religion  nouvelle  et  sy  en  quelque  lieu  en  avoit  esté  dict  et  accordé  nom- 
meement  chose  aucune,  ce  seroit  esté  faict  par  les  gouverneurs  des  pays  en  qualité 
de  gouverneurs  ou  aultres  députez  à  la  pacification,  sans  que  Son  Alteze  en  eust 
prins  cognoissauce  aucune  ou  a  ce  donné  coumiission  pertinente,  ce  que  néant- 
moins  elle  n'avoit  réelcmeut  révocqué  ny  déclairé  nul,  ains  auroit  le  tout  passé 
jusques  à  aullre  ordonnance,  de  manière  que  sy  en  la  ville  de  Tournay  y  eust  eu 
gouverneur  quy  eust  faict  quelque  accord,  la  chose  fust  demeurée  faiete,  mais 
puisque  ny  Mons"^  l'admirai  ny  aultre  n'avoyent  ainsy  besoingné.  de  sorte  qu'auroit 
convenu  avoir  recours  à  Madame,  Son  Alleze  n'auroit  pour  une  ville  seuUe  voulu 
excéder  l'accord  faict  avec  les  eonféderez  quy  ne  |)arle  que  des  presches  et  non 
de  l'exercice  de  la  religion,  tellement  que  comme  aultres  ilz  s'eussent  bien  deu 
contenter  d'une  connivence  seulle,  aclendu  mesmes  que  Madame  ne  pouvoit 
disposer  des  choses  quy  sont  nuemcnt  de  la  jurisdiction  ecclésiastique,  estans  les 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  571 

mariaiges  et  baptesmes  cas  especiaulx,  enquoy  ilz  ne  seroieiil  moins  respectez 
que  ceulx  de  Valencliienncs,  lesquelz  esloyent  mesmes  en  pire  condition  entant 
que  les  presches  esloient  seullemcnt  accordées  jusques  au  rappel  de  Sa  Majesté, 
sans  y  eslre  requis  I  advis  des  Eslatz  généraulx.  là  où  Madame  leur  permetoit 
leurs  presches  et  aullres  poinctz  jusques  à  ce  que  Sa  Majesté  avec  fadvis  des 
Eslatz  généraulx  aullrenient  en  seroit  ordonné,  quy  estoit  ung  accord  non  tant 
facil  à  révocquer.  Et  se  pouvoient  reposer  sur  ladicte  connivence  entant  que  le 
Roy,  nostre  Sire,  estoit  sy  avoit  tousjours  esté  prince  clément  et  bening,  sans  que 
oneques  il  eust  usé  de  trop  grand  rigueur  ou  criiaulté  vers  ses  subjectz,  et  parlant 
de  sa  part  ne  convenoit  craindre  surprince,  comme  n'estant  Sa  Majesté  désirant 
l'effusion  du  sang  de  ses  subjectz,  de  faclion  que  les  choses  ne  debvoient  prendre 
aultre  estât,  n'esloit  moyennant  advertence  préalable  et  commandement  ou  ordon- 
nance pertinente;  d'aultre  part,  quant  à  ce  qu'ilz  requerroient  oultre  le  contenu 
es  articles  envoyez  par  Son  Alteze  que  les  ecclésiasticques  promissent  de  ne  donner 
empeschement  au  faict  de  leur  religion,  disoit  icelluy  Le  Clercq  que  Madame 
n'enlendoit  que  diceulx  l'on  deust  attendre  quelque   promesse  en  tel   endroit, 
attendu  qu'ilz  n'avoient  le  moyen  de  leur  nuire  cstans  destituez  de  toutes  forches 
par  estre  décliassez  et  fugitifz  du  lieu  de  leur  résidence,  leurs  églises  estantes 
sacagées,  destruites  et  désemparées  tellement  que  la  cathédralle  restoit  encoires 
non  restablie  ny  accommodée  pour  y  faire  le  sainct  service  divin,  joinct  qu'ilz 
n'avoient  meffaict  à  aucuns  de  la  relligion  nouvelle  là  où  iceulx  au  contraire 
s'estoienl  emparez  desdicles  églises  et  y  avoient  tenu  leurs  presches  et  assemblées, 
en  donnant  empeschement  et  obstacle  au  service  divin  y  acoustumé.  Et  n'estoit 
raisonnable  que  les  ecclésiastiques  de  Tonrnay  feussenl  plus  subjectz  à  promesse 
aucune  que  ceulx  de  Valenchiennes  ou  aullres  villes  ausquelles  les  choses  s'estoienl 
pacifiées  sans  leur  moyen,  combien  que  pour  ung  mieux  Messieurs  les  consaulx 
esloient  bien  résolus  de  tenir  la  main  à  ce  que  nulz  prédicateurs  de  la  relligion 
catholicque  n'usassent  de  propos  séditieux  ou  scandaleux  en  leurs  sermons,  et  que 
lesdiz  ecclésiastiques  ne  viendroienl  injurier  ou  molester  lesdiz  de  la  religion 
nouvelle  de  faict  ou  de  projios.  En  oullre  au  regard  du  temple  encommenché 
pour  y  faire  les  presches  hors  la  ville,  Mesdisseigneurs  les  consaulx  les  accom- 
moderoient  de  quelque  temps  raisonnable,  mais  lesdicles  presches  ne  se  pouroient 
faire  aullres  jours  que  les  dimenches  et  f estes.  alTin  de  garder  unifornité  au  temps 
que  chacun  vaqueroit  à  sa   religion   et  par  tel   moyen   couper   le  pied  à  toutes 
pugnes,  haines  et  mocqueries  deslors  encomnienchées  par  la  populace  à  l'occasion 
que  l'un   besoingnoit  quant  l'aultre  cessoit.  joinct  que  par  Ici  moyen  l'artisant 
seroit  contenu  en  sa  manufacture,  la  marchandise  auroit  meilleur  cours,  et  seroit 
obvié  à  la  povreté  de  |)lusieurs.  Sy  ne  dcbvoit  estre  trouvé  estrange  d'aller  à  la 


372  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

presche  ung  jour  de  feste.  de  tant  que  ce  faisant  la  fesle  ne  seroit  plus  gardée  que 
quand  la  presche  se  tieadroit  ung  jour  prophane,  au  surplus  touchant  les 
ministres  qui  debvoient  estre  subgectz  de  Sa  Majesté,  estoit  impertinent,  abusif 
et  malentendu  de  requérir  de  les  povoir  rendre  subjectz  par  bourgeoisie,  de  tant 
qu'un  estrangier  faict  bourgeois  de  quelque  ville  de  pardecba  ne  soit  pourtant 
subject  de  Sa  Majesté,  sy  seroit  son  bien  en  tamps  de  guerre  aullant  subject  à 
confiscation  que  s'il  n'estoit  bourgeois,  par  ce  qu'un  estrangier  ne  puit  aultrement 
estre  faict  subject  de  Sa  Majesté  que  par  lettres  de  naturalization.  lesquelles  Sa 
Majesté  peult  accorder.  Lesquelles  choses  considérés,  lesdiz  de  la  religion  nouvelle 
pooient  de  facil  remarquer  la  grâce  que  Son  Alteze  leur  faisoit  en  accordant  les 
poinctz  et  articles  aultresfois  envoyez,  ausquelz  absolutement  elle  ne  vouloil 
adjoustez  chose  quy  fut,  et  que  partant  Hz  s'eussent  à  s'adviser  pendenle  que 
la  verge  estoit  verte  et  croissante  encoires,  afjîn  qu'elle  ne  fut  coeiUée  pour  eulz 
par  demeurer  seulz  entre  aultres  villes  de  pardecba  ne  se  voulans  accorder  et 
venir  à  la  raison,  adjoustant  que  s'ilz  ne  se  conlentoient,  à  l'advenir  telle  occasion 
ne  leur  seroit  plus  offerte,  et  leur  seroit  moins  accordé  dans  xv  jours  après 
que  pour  lors,  actendu  qu'il  ne  leur  appartenoit  de  marchander  avec  leur  prince. 

Ce  que  proposé  et  ayant  ledit  Le  Clercq  mis  fin  à  son  dire,  lesdiz  de  la  religion 
nouvelle  se  seroienl  retirez  de  l'auditoire  desdiz  consaulx  par  leur  congé  pour 
adviser  de  leur  response  et  depuis  estant  retournez,  aiiroient  déclaré  ausditz 
consaulx  de  n'estre  auctorisez  suffissameni  pour  arrester  chose  quy  fut.  Et  comme 
la  tranquillité  et  paix  générale  de  la  ville  requerroit  bien  que  les  principaulx  et 
plus  notables  manans  feussent  advertis  des  moyens  pour  parvenir  à  icelle  paix, 
ilz  requirent  que  lesdiz  consaulx  voulzissent  donner  grâce  de  les  faire  rassembler 
en  leur  nom,  ce  que  leur  fut  accordé,  ordonnant  nomméement  de  députer  aucuns 
de  leur  consistoire  pour  besoigner  audit  accord  et  en  donner  leur  response  au 
lundy  lors  prochainement  suivant  du  matin,  pour  en  advertir  Mons'^de  Moulbais, 
gouverneur. 

Consaulx  rassemblez  avec  les  officiers  du  bailliaige  le  lundy  vingt-cincquième 
jour  de  novembre  xv^lxvj,  pour  oijr  et  entendre  la  délibération  et  responce  des 
notables  et  ceulx  du  consistoire  de  la  nouvelle  religion  suivant  la  charge  que 
leur  auroit  esté  donnée  par  Mesdisseigneurs  les  consaulx  le  vingt-deuxième  du 
présent  mois,  de  respondre  aux  lettres  envoyées  par  Son  Alleze  au  Seigneur  de 
Moulebais,  par  lesquelles  leur  estoit  cnjoinct  de  purement  et  simplement  accepter 
ou  refuser  lesdiz  articles  d'accord  envoyez  par  Son  Alteze.  suyvant  quoy  après 
que  lesdiz  notables  et  aucuns  dudit  consistoire  auroient  esté  à  ceste  fin  rassemblez 
en  la  salle  du  Pourcelet  suivant  la  semonce  à  ces  fins  faicte,  aucuns  du  nombre 
desdiz  notables  seroient  comparus  pardevant  lesdiz  consaulx,  déclairans  qu'ilz  se 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 


0/.Ï 


tcnoiont  ausdiz  articles  soubz  les  protestations  et  conditions  contenues  en  certeine 
foeille  de  papier  escriple  et  délivrci;  ausdiz  consaulx  par  les  mains  de  /!/«  Pierre 
Collrel  disant  icelluy  lesdiz  notables  se  vouloir  arresler  ausdiz  articles  et 
protestations,  ores  que  ceulx  du  consistoire  feissent  encoircs  dilliculté  d'y  consen- 
tir, à  quelle  occasion  a  esté  ordonné  de  faire  rassembler  ceulx  du  consistoire  de 
la  relligion  nouvelle  pour  scavoir  et  entendre  s'ilz  se  conformeroient  audit 
accord. 

Copie  desdictes  protestations. 

Messire  Jean  de  Chasteler,  chevalier,  S""  de  Moulebais,  etc.,  commis  au  gouver- 
nement de  Chasteau,  ville  et  cité  de  Tournay.  prévoslz,  jurez,  mayeurs  et 
eschevins  de  ladicte  ville,  M«  Pierre  Dennetières,  escuier,  S'  du  Doncq.  lieutenant 
de  bailly,  conseiliiers  et  officiers  de  Sa  Majesté  ordonnez  en  ladite  ville  et  pays 
du  Tonrnesiz,  à  tous  ceulx  qui  ces  présentes  lettres  voyeront  ou  oyeront,  salut. 
Scavoir  faisons  que  pardevant  nous  comparurent 

procureurs  sullissamcnt  fondez  et  eslabliz  par  les  ministres  anciens  et  consistoire 
de  la  religion  appelée  nouvelle,  qui  dirent  et  remonstèrent  audit  nom  et  pour 
tous  ceulx  de  ladite  religion  que  désirans  une  bonne  paix  et  concorde  et  de  vivre 
en  repos  d'esperit  et  de  conscience,  sur  certcins  articles  à  eulx  proposez,  aiïin  de 
les  observer  et  entretenir  par  provision  jusques  à  ce  que  par  le  Roy  nostre  Sire 
avec  l'advis  des  estatz  généraulx  aultrement  en  seroit  ordonné,  pour  aullant  qu'ils 
auroient  trouvez  iceulx  articles  obscurs,  incertains  ou  pour  le  moins  mal  esclarchis 
pour  oster  tous  debatz  et  allercations  quy  en  pouroicnt  sourdre  cy  après  auroient 
grandement  désiré  d'en  avoir  ampliation  et  interprétation  de  l'Alleze  de  Madame 
la  régente  et  gouvernante,  à  quoy  toutesfois  son  plaisir  n'auroit  esté  de  condes- 
cendre ains  auroit  par  mondit  Seigneur  le  Gouverneur  pressée  lesdiz  de  la  religion 
appellée  nouvelle  de  bailler  pur  et  simple  responce  sur  ehascun  desdiz  articles,  ce 
qu'ilz  ne  veulent  refuser  (combien  que  l'afraire  soit  de  poix  et  conséquence  bien 
grande),  ains  comme  fidelz  vassaulx  et  serviteurs  du  Roy  et  de  Saditc  Alteze  sont 
prestz  et  appareillez  d'accepter  lesdiz  articles,  soubz  les  protestations  qui  s'en- 
suivent et  que  lesdiz  comparans  font  présentement  pardevant  nous.  Et  premiers, 
ilz  protestent  qu'ilz  ne  veullenl  introduire  une  religion  nouvelle,  ains  qu'ilz 
désirent  de  tout  leurs  cœurs  force  et  puissance,  s'unir  et  cslre  membres  de  l'église 
de  Jhésu  Christ  et  selon  qu'est  contenu  aux  livres  canonicques  du  viel  et  nouveau 
testament,  disans  que  combien  que  les  promesses  et  assceurances  que  Son  Alteze 
veult  estre  baillée  aux  ccelésiasticques  et  clergé  deussent  en  raison  estre  reei- 
procques,  toutesfois  par  ce  qu'elle  ne  les  veult  de  ce  charger,  protestent  lesdiz 


su  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

comparans  oudit  nom  que  leurs  promesses  concernantes  ledit  clergé  cesseront  si 
avant  que  lesiliz  du  clergé  et  soubdain  que  p.ir  voy  directe  ou  indirecte,  ilz  leur 
feront  moleste,  trouble  ou  empeschement  on  oc  qui  seroit  dépendent  de  l'exercice 
de  leurdicle  religion  et  Iranquillilé  dudil  accord  futur.  Quand  au  second  point  et 
article  Iraictant  dabstincnce  d'assemblées,  protestent  lesdiz  comparans  ledit  mot 
d'assemblée  se  debvoir  entendre  d'assemblées  populaires  et  illicites  et  partant  non 
point  pour  la  congrégation  du  consistoire.  Kt  quant  est  de  prescher  es  lieux 
désignez  hors  la  ville,  on  y  condescendra  aussy  soubz  confidence  de  la  promesse 
faicte  par  iMcss"  les  consaulx  d'avoir  et  accommoder  terme  compétent  et  raison- 
nable pour  parachever  préalablement  le  temple  encom mendié;  au  troizième 
article  et  aultres  esquelz  est  traicté  des  presches,  protestent  lesdiz  comparans 
que  soubz  ledit  terme  de  presches  est  comprins  tout  l'exercice  de  la  religion  et 
par  especial  des  sacremens,  scavoir  est  du  baptesme  et  saincle  cène,  d'aullanl 
mesnics  que  dés  le  troisième  de  septembre  dernier  passé,  ledit  exercice  auroit 
esté  permis  et  accordé  par  proclamation  publique  faicte  aux  bretesques  de  ceste 
ville,  de  l'auctorité  de  hault  et  puissant  Seigneur  Messire  Philippes  de  Montmo- 
rency, conte  de  Hoorn,  admirai  de  la  mer,  chevalier  de  l'ordre,  etc.,  commissaire 
député  par  Leurs  Majesté  et  Allcze  es  présence  des  Seigneurs  d'Esquerdes  el  de 
Vilers.  aussy  de  Messieurs  les  consaulx  de  ccste  ville,  les  lieutenant  de  bailly, 
couseilliers  et  officiers  de  Sa  Majesté  en  ladite  ville  et  Tournesis.  tellement  que 
fut  lors  de  la  part  des  dessus  nomez  deiïendu  très  expressément  tant  à  ceulx  de  la 
religion  que  l'on  appelle  nouvelle  que  aullres  qui  suivront  la  romaine,  de  non 
injurier  l'un  l'anllre  de  faict  ou  de  parollcs  ne  donner  empeschement  aucun  à 
l'exercice  de  leur  religion,  ains  de  laisser  chascun  joyr  paisiblement  de  la  liberté 
et  tollérauce  que  Sa  Majesté  leur  a  permise.  Prcnans  aussy  lesdiz  comparans  à 
proffil  la  déclairation  quy  leur  a  esté  faicte  de  la  part  de  Mons""  le  conseillier 
M«  Jacques  Le  Clercq.  de  la  connivence  de  Son  Altesse,  et  mesmes  que  cesie  dicte 
ville  en  ce  regard  ne  sera  de  pire  condition  que  les  aultres  semblables  de  pardecha 
et  que  l'on  se  peult  asseurer  et  reposer  sur  tele  connivence  sans  craindre  sur- 
prinse  et  que  les  choses  ne  prendront  aullre  estai  sans  adverlence  préalable, 
protestant  parlant  que  Mons"^  le  gouverneur  et  susdit  magistral  de  ceslc  ville  et 
du  bailliaigc  persisteront  en  ladicte  connivence  sans  donner  empeschement  ou 
destourbier  oudit  exercice,  lequel  desdiz  comparans  oudil  nom  enlendent  faire  es 
jours  de  dimenches  et  (estes  scullemcnl.  saulf  que  s'il  n'y  avoil  feste  en  la 
sepmaine  protestent  que  la  presche  se  poura  faire  le  jeudy.  selon  qu'auroit  accorde 
ledit  S""  conte  et  que  s'observe  en  aullres  lieux  et  ce  qui  doibt  tenir  el  valoir  tant 
qu'aullrement  sera  ordonné,  selon  le  raport  dudil  conseillier  Le  Clercq  et  comme 
plus  amplement  est  contenu  en  l'acte  el  lettre  sur  ce  faicles  que  tenons  tant  pour 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  575 

ce  point  qu'aultrcs  y  contenus  ychy  pour  resonnez,  en  prolestant  que  soubz  la 
deffence  de  port  d'armes  ne  seront  comprinses  espées  et  daghes.  louchant  l'article 
quatrième  deffendant  aux  ministres  d'user  en  leurs  presches  de  propos  séditieux 
ou  scandaleux,  protestent  lesdiz  comparans  que  soubz  ce  ne  sera  comprinsc  la 
répréhcnlion  des  meurs  et  vices  et  ce  qui  concerne  la  doctrine  de  la  relligion, 
ains  se  garderont  de  tous  propos  despiteux  contre  le  magistrat  ou  ceulx  de  la 
religion  catholicqne.  En  tesmoing  de  quoy  je  dessus  nommé  de  Moulbais,  etc. 

Faict  icy  à  noter  la  sinistre  interprétation  que  sectaires  font  ordinairement  de 
tous  propos  et  escriptures  de  tant  que  par  le  rapport  dudil  Le  Ciercq  n'ait  esté 
touché  de  persister  en  connivence  aucune  sans  donner  empeschement  ou  deslour- 
bier  à  l'exercice  de  la  religion  nouvelle,  ains  le  contraire  avoit  esté  assez  dénoté  par 
avoir  esté  dict  que  les  choses  ne  prendroient  aullre  estât  jusques  à  aullre  ordon- 
nance et  adverlence  préalable,  joinct  que  l'acte  de  ladicte  protestation  première- 
ment exhibé  ausdiz  consaulx  estoit  tellement  couché,  comme  sy  Ton  eust  raporté 
que  Madame  eust  promis  expressément  de  conniver  qui  auroit  esté  reinonstré 
audit  Cottrel  et  protnpletnenl  corrigé.  Davanlaige  parla  publication  mentionnée 
en  ladicte  protestation  n'a  esté  permis  de  faire  l'exercice  de  la  religion  nouvelle 
tel  que  prétendoient  lesdiz  sectaires  et  suivant  qu'a  esté  déclairé  cy  dessus  par  le 
prédicant  iVIerimer  au  besoingné  du  sabmedy  second  jour  de  novembre,  ains  a 
esté  seullcmenl  parlé  en  sa  clause  dispositive  de  ladite  publication  de  se  pouvoir 
trouver  es  presches  que  font  les  minisires  de  la  religion  nouvelle,  ce  que  a  esté 
assez  déclairé  mesmes  à  Son  Alteze  par  certain  acte  envoyé  à  icelle  par  comman- 
dement dudit  Seigneur  admirai  en  ceste  clause;  et  quant  à  ce  qu'en  la  clause 
ûnale  de  ladicte  publication  auroit  esté  usé  de  ces  termes  ;  que  nulz  de  noz  manans 
n'eussent  à  injurier  l'un  l'aultre  de  faict  ou  de  parolles  ne  donner  aucun  empes- 
chement à  l'exercice  de  leur  religion,  par  tele  clause  auroit  esté  entendu,  sy  ne 
doibl  eslre  aultement  prins,  fors  qu'avoit  esté  permis  à  ceulx  de  la  religion 
nouvelle  l'exercice  dicelle  leur  religion  en  tele  sorte  et  manière  qu'ilz  avoient  usé 
en  leurs  presches  auparavant  faicles  en  Tournay  et  aultres  lieux  voisins,  comme 
se  peult  assez  tirer  de  ce  que  par  ladicte  publication  en  la  clause  contenant  la 
liberté  que  leur  a  esté  déclaré  estre  lollérée  par  Sa  Majesté,  a  esté  seullemcnt 
parlé  de  se  trouver  es  presches,  comme  aussy  est  assez  évidamment  démonstré 
par  les  termes  linaulx  de  ladicte  publication  telz,  ains  laisseront  chascun  jouyr  de 
la  liberté  et  tolérance  que  Sa  Majesté  leur  a  permise,  quy  se  doibt  référer  à  la 
liberté  et  tollérance  des  presches  dont  auparavant  avoit  esté  touché.  En  tesmoing 
de  ce  que  dessus,  avons  à  ces  présentes  lettres  faict  mettre  et  appendre  le  seel  aux 
causes  de  ladite  ville  et  cité  le  viij»  jour  de  septembre  1566. 

Dont  se  peult  voir  par  ladite  protestation  icelle  publication  avoir  esté    mal 


376  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

interprétée  pour  s'extendre  à  la  tollérance  de  la  cène  et  aultres  poinctz  cy  dessus 
particularisez  comme  dépendans  de  l'exercice  de  la  religion  nouvelle,  en  tant  que 
le  tout  n'avoit  esté  practiqué  es  presches  advenues  avant  ie  jour  de  ladite 
publication  quy  fut  le  iije  jour  de  septembre. 

Consaulx  rassamblez  avec  les  officiers  du  bailliaige  ledit  jour  vinjït-cincquième 
du  mois  de  novembre  après  midy,  pour  oijr  et  entendre  l'intention  du  consistoire 
de  la  religion  nouvelle  sur  l'accord  et  appointements  que  prélendoient  faire  les 
notables  de  ladite  religion  leur  ayant  esté  délivré  par  escript,  surquoy  estans  les 
ministres  et  aultres  dudit  consistoire  comparus  pardevant  Mesdisseigneurs  les 
consaulx  auroient  déclairé  qu'ils  se  eonformoienl  audit  accord  aux  devises,  condi- 
tions et  protestacion  y  contenues,  suplians  néantmoins  lesdiz  S"  consaulx  vouloir 
procéder  de  bref  à  la  délivrance  des  prisonniers  pour  le  faict  de  la  religion  ou  du 
moins  de  les  soulager  et  mettre  en  prisons  plus  doulces,  raisonnables  et  amiables, 
surquoy  fut  ordonné  que  de  tout  ce  que  dessus  seroit  escript  à  Madame;  de  quoy 
faire  est  cliargé  M»  Jacques  Le  Clercq,  conseillier,  sy  est  député  pour  porter  les 
lettres  et  de  tout  advertir  Son  Alteze. 

Consaulx  rassamblez  le  troisième  de  décembre  xv^  Ixvj.  Ledit  Le  Clercq 
retourné  de  la  Court  raporta  lettres  de  Son  Alteze  en  dacte  du  premier  de 
décembre  quy  ont  esté  leutes  aux  consaulx,  par  lesquelles  Madame  rescripvoit  de 
résolutivement  ne  vouloir  consentir  aultre  chose  que  ce  qui  estoit  contenu  en 
l'accord  envoyé  pour  passer  avec  les  sectaires  et  ceulx  de  la  nouvelle  religion  à 
Tournay,  comme  estant  en  effect  le  mesme  qu'elle  avoit  consenly  aux  aultres.  Et 
si  en  quelque  lieu  se  faisoit  exercice  de  ladite  religion  nouvelle  ce  n'estoit  de  son 
adveu  ny  consentement,  ains  par  connivence  et  dissimulation  des  officiers  et 
magistratz,  à  quoy  elle  estoit  près  d'y  donner  ordre  en  général.  Et  quant  aux 
protestations  et  interprétations  n'en  vouloit  veoir  aucunes  sy  ne  convenoit  que 
les  subjectz  en  usassent  allendroit  du  Roy  ou  d'elle  comme  gouvernante. 

Consaulz  rassamblez  avec  les  officiers  du  bailliaige  le  sixième  de  décembre,  pour 
oijr  la  teneur  des  lettres  de  Madame  la  ducesse  de  Parmes.  etc.,  en  dacte  du 
iiij«  de  décembre,  lesquelles  ont  esté  leutes  ausdiz  consaulx  et  par  icelles  esloit 
inhibé  tout  exercice  de  la  nouvelle  rellicjion  saulf  les  presches,  alendroit 
desquelles  s'en  adverlissoit  d'avoir  esté  forcée  de  déclairer  que  pourveu  que  le 
peuple  s'abstint  d'armes,  se  maintenant  sans  faire  désordre  ny  scandai,  elles  ne 
feroit  user  de  force  ny  voie  de  faict  contre  les  allans,  venans  et  retournans  des- 
dictes presches  es  lieux  où  elles  se  faisoient  lors  de  faict,  moyennant  toutesfois 
l'observance  desdieles  conditions  et  d'aullres  lors  déclairées  aux  confœderez, 
defjend  nommeemenl  la  cène,  etc. 

Sy  a  esté  ordonné  mander  pour  demain  malin  douze  à  quinze  de  ceulx  de  la 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  377 

religion  nouvelle  pour  les  itdverlir  du  contenu  des  lettres  en  date  du  premier  de 
décembre  apportées  par  le  conseillier  Le  Qercq,  comme  est  porté  par  l'acte  des 
consaulx  du  iij"  d'icelluy  mois. 

('onsaulx  rassamblez  avec  les  officiers  du  bailliaige  du  Tournesiz  pour  advertir 
aucuns  des  notables  de  ceste  ville  et  de  la  reliji;ion  nouvelle  à  ces  fins  rassamblez 
du  contenu  desdictes  lettres  envoiées  par  Son  Alteze  à  Mesdisseigneurs  lis 
consaulx  en  date  du  premier  de  décembre,  la  lecture  desquelles  lettres  auroit  esté 
faicte  présens  lesdiz  de  la  religion  nouvelle,  lesqnelz  auroienl  déclairé  qu'ilz 
n'estoient  sufflsantz  de  respondre  ausdictes  lettres  par  ce  qu'ilz  n'estoient  en 
nombre  compétent  pour  ce  faire,  requerrans  qu'il  pleut  à  Mesdisseigneurs  les 
consaulx  de  vouloir  faire  assembler  plus  grand  nombre  desdiz  notables  à  tel  jour 
qu'il  plairoit  à  Mesdisseigneurs.  Surquoy  a  esté  ordonné  de  rassambler  pour 
lundy  malin  en  la  salle  noefve  et  de  crime  de  ceste  ville,  grand  nombre  desdiz 
notables  pour  à  icelles  lettres  et  intention  de  Son  Alteze  donner  responee.  ordon- 
nant .Mesdissigneurs  délivrer  copie  desdites  lettres  ausdiz  de  la  religion  nouvelle, 
s'ilz  le  requierrent. 

Mesdisseigneurs  les  consaulx  se  trouvoyent  en  perplexité  pour  le  contenu  des 
lettres  en  date  du  iiij"  de  décembre,  que  dessus  de  tant  qu'ilz  prévoyoient  qu'estant 
entendu  le  contenu  dicelles  par  eeulx  de  la  religion  nouvelle,  accord  aucun  ne  se 
feroit  pour  la  tranquillité  et  pacification  de  la  ville.  Joinct  que  faisoit  à  craindre 
quelque  esmotion,  quy  fut  occasion  que  fut  arresté  de  rassambler  les  capitaines 
ordonnez  sur  le  peuple  de  la  ville  enrollé  afin  de  leur  communiquer  icelles  lettres 
et  adviscr  comme  l'on  polroit  procéder  pour  faire  scavoir  le  contenu  dicelles  à 
ceulx  de  la  religion  nouvelle. 

Consaulx  rassamblez  avec  les  officiers  du  bailliaige  de  Tournay  le  vije  dudit 
mois  après  midy,  pour  communiquer  aux  capitaines  la  teneur  desdictes  lettres  à 
eux  envoiées  par  Son  Alteze  en  date  du  iiij«  de  décembre,  lesquelles  ont  esté  leutes 
ausdiz  consaulx  présens  lesdiz  capitaines;  surquoy  a  esté  ordonné  que  l'on  fera 
scavoir  le  contenu  desdictes  lettres  aux  notables  et  ceulx  de  la  religion  nouvelle 
lundy  proebainement  venant,  que  lors  pour  respondre  aux  lettres  précédentes  de 
Son  Alteze  lesdiz  de  la  nouvelle  religion  se  trouveront  en  la  halle  de  crime  ou  la 
nouvelle  salle  de  la  maison  de  la  ville.  Et  pour  l'après  midy  dudit  jour  de  lundy, 
ordonné  est  que  lesdiz  ministres  se  trouverront  esdictes  halles  pour  entendre  la 
teneur  desdictes  lettres. 

Consaulx  rassamblez  avec  les  officiers   du  bailliaige  dudit  Tournesiz  le  lundy 

jx»  jour  de  décembre  xv<=lxvj,  pour  oijr  la  responee  des  notables  et  ceulx  de  la 

nouvelle  religion  ausquelz  se  debvoit   faire  lecture  des  lettres  ausdiz  consaulx 

envoiées  par  Son  Alteze,   à  quoy    n'auroit  esté  besotigné   a   raison   que  grand 

Tome  I.  —  Lettres,  etc.  48 


378  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

nombre  d'artisans  et  gens  de  basse  condition  se  seroient  fourez  en  l'auditoire  de 
Messieurs  les  prévostz  et  jurez  et  de  la  halle  de  crieme.  en  laquelle  halle  l'assam- 
blée  desdiz  notables  se  debvoir  faire,  qui  auroit  eausé  désordre  et  tumulte  entre 
eux.  Sur  quoy  auroit  esté  ordonné  faire  retirer  tant  les  notables  que  les  artisans, 
ce  que  iceulx  artisans  ne  voulurent  faire  ne  fui  en  leur  délivrant  les  prisonniers 
détenus  pour  le  faict  de  la  religion,  ee  quy  fut  faicl  pour  éviter  à  plus  i>rand 
inconvénient.  Et  ee  faict  fut  advisé  par  lesdiz  consaulx  de  rescripre  à  Son  Alteze 
l'advenue  du  cas  et  y  envoyer  le  conseillier  Le  Clercq. 

Consaulx  rassamblez  avec  les  officiers  du  bailliaige  ledit  jour  jx'=  de  décembre  de 
l'après  disner.  pour  faire  lecture  desdictes  lellres  aux  minisires  et  ceulx  du  con- 
sistoire de  la  nouvelle  relligion,  à  quoy  n'auroil  esté  procédé  parce  que  grand 
nombre  de  peuple  se  seroit  mis  en  trouppe  au  devant  de  la  halle  de  ladicle  ville, 
requerrans  les  basions  à  crocq  de  la  munition  dicelie  en>amble  l'artillerie  et 
pouldre  à  canon  leur  estre  délivrée,  qui  auroit  causée  grand  désordre.  Pour  raison 
de  quoy  la  plusparl  desdiz  consaulx  ne  se  seroit  trouvée  es  halles  et  la  chose 
remise  au  lendemain  matin. 

Consaulx  rassemblez  avec  les  officiers  du  bailliaige  le  dixième  jour  de  décembre 
xv«=  soixante  six.  pour  faire  lecture  aux  ministres  et  ceulx  du  consistoire  de  la 
nouvelle  religion  des  lettres  derrenièrement  envoyées  par  Sou  Alteze  ausdiz  con- 
saulx en  dacte  du  iiij^  de  décembre,  ensamble  pour  ad\iscr  quel  ordre  on  raet- 
troit  pour  remédier  au  tumulte  quy  se  pouroil  à  l'advénir  eslever  en  la  ville  par 
les  artisans  ou  aultres  manans  dicelie.  comme  estoit  advenu  le  jour  d'hier, 
lesquelles  lettres  auroient  esté  leutes  présens  ceulx  de  la  religion  nouvelle  cl 
minisires  dicelie.  ausquelles  lellres  par  la  bouche  de  l'un  des  minisires  de  ladicle 
religion  auroit  esté  rcspondu  que  ceulx  dicelie  religion  enlenduienl  vivre  selon 
le  bon  plaisii  de  leurdkle  Majesté  et  Alleze,  si  avant  que  l'exercice  de  leur 
dicte  religion  ne  leur  (ut  aucunement  enipeschée  Pour  de  laquelle  responce 
ensemble  de  ce  qui  s'est  passé  en  cesle  ville  advertir  Son  .Mleze.  auroit  esté 
conmiis  maisire  Jacques  Le  Clercq.  conseillier  dicelie  ville,  el  ordonner  de  rescrire 
lellres  à  bon  Alleze  louchant  ce  que  dessus,  remonstranl  par  ic<  Ile  le  péril  el 
danger  éminent  ouquel  se  retrouvent  journelement  tant  les  ecclésiastiques  comme 
ceulx  qui  tiennent  la  religion  calholicque  par  les  agyressions  el  invasions  que 
se  sont  vantez  leur  faire  ceulx  de  ludictf  nouvelle  religion  si  avant  que 
gendarmerie  esirangère  fut  mise  dans  ladicle  ville,  comme  est  contenu  pai'  la 
requesle  desdiz  de  la  religion  nouvelle,  enserrée  aux  lettres  en\oyées  à  Son  .\lteze. 
Pareillement  fut  résolu  de  supplier  Son  Alteze  de  vouloir  envoler  en  Tournay  le 
Conte  d  Aigmont,  comme  gouverneur  des  Flandres,  ouquel  pays  la  ville  de 
Tournay  est  unye,  ou  quelque  aullre  Seii^nciir  par  la  |>réseiice  duquel  le  peuple 
peust  eslre  contenu  en  obéyssence. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  579 


Copie   de  ladicfp  reqiieste. 

Remonstrenl  Iiiinihlement  piiisiVurs  i;pnlilzhnmes,  bourgeois,  marohans  ol 
aullros  liabilans  de  la  ville  et  eilé  de  Tournay,  comme  eejourd'hui  jx«  de  décembre, 
ilz  aiiroient  esté  sonnez  par  le  magistrat  alïin  d'oijr  la  lecture  de  quelque  lettre 
eseripte  par  Voslre  Alleze,  auquel  commandement  les  remonslrans  ont  obéy  et  de 
faiel  se  sont  Innivez  au  lieu  à  eux  désigné  lequel  ilz  ont  trouvé  préoccupé  par 
grand  nombre  de  peuple  soubz  prétexte  que  le  bruit  eouroit  que  l'assemblée  se 
faisoit  |)oin-  reebevoir  dans  la  ville  gendarmerie  eslraiigère.  de  quoy  il  est  teumbé 
en  altération  telle  qu'aucuns  esmeus  des  outrages  et  pilleries  faictes  naghaires  à 
SaincI  \mand  et  es  environs  de  Valcnehiennes  et  partout  ailleurs  où  que  ladicte 
gendarmerie  prend  place  eraindans  le  semblabb'  Aultres  se  persuadans  que  peu  à 
peu  estant  la  gendarmerie  introduite  dans  la  ville,  ilz  np  soient  réduictz  par  force 
à  l'obserxiance  de  l'anchienne  reliqion  faict  démonstration  ouverte  de  s'y  opposer 
de  manière  que  les  remonslrans  se  treuvent  menassez  d'un  inconvénient  comme 
inévitable;  qu'estant  Voslre  Altcze  résolue  d'introduire  gendarmerie  estrangère  en 
cesle  ville  suivra  la  lofale  et  enthière  désolation  et  ruine  tant  des  remonslrans  que 
de  Ions  aultres  habitans  d'icelle,  d'aultant  mesmes  que  oullre  le  zèle  de  la  religion 
à  laquelle  ce  peuple  est  fort  ardant.  le  commerce  de  marcbandise  cesse  et  les  mes- 
tiers  desquelz  le  maintien  du  corps  de  eeste  ville  dépend,  sont  discontinuez,  quy 
faict  que  le  peuple  réduit  à  povrelé.  de  laquelle  il  se  sent  ja  extrêmement  oppressé, 
leumbera  en  désespoir  et  par  ninsv  s'attachera  de  léger  au  premier  qui  se  pré- 
sentera, sans  dislinclion  ou  esgard  de  religion  d'estat  ou  de  qualité,  néantmoins 
impossible  est  et  ne  voient  (?^  les  remonstrans  aucun  moyen  d'y  remédier  sans 
grande  effusion  de  sang  laquelle  se  pouroit  exlendre  aux  plus  lidelz  et  meilleurs 
subjeclz  de  Sa  Majesté.  laquelle  chose  Sa  Majesté  et  Vostre  Alteze  a  tousjours  eu 
en  horreur,  n'est  que  voslre  plaisir  soit  prendre  et  choisir  ce  seul  et  unicq  moyen 
deffendant  que  gendarmerie  ne  soit  mise  en  ccste  ville,  estant  celle  quy  est  dressée 
suffisante  pour  l'empescher  de  toutes  foulles  et  oppressions  quy  pouroient 
advenir  tant  par  le  dehors  que  par  le  dedans.  Accordant  au  surplus  par  forme  de 
provision  et  jusques  aux  Kstalz  généraulx  les  presches.  plaches  assignées  avec  franc 
et  libre  exercice  de  la  religion  faisant  loix  et  status  sur  ce.  nécessaires  pour  par 
punition  rigoureuse  estre  corrigez  les  contrevenans.  à  l'exécution  de  quoy  les 
remonstrans  promettent  de  tenir  la  main,  tellement  que  vivant  chacun  en  liberté 
et  sceurelé  de  conscience  et  y  estans  maintenus  soubz  l'obéissance  de  Sa  Majesté, 
ilz  espèrent  qu'en  brief.  toute  dilfidence  ostée.  la  marchandise  prendra  son  cours, 
les  mestiers  seront  mis  en  estai  et  la  transquillité  restituée,  au  contentement  et 


580  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

maintien  des  subjects  de  Sa  Majesté,  lesquelz  seront  induictz  jouyssant  du  fruit 
dicelle,  de  prier  Dieu,  nostre  créateur,  pour  sa  prospérité  et  la  vosire 

Du  contenu  de  laquelle  requeste  tendente  à  la  fin  de  tollérance  de  l'exercice 
de  la  reliqioii  nouvelle  se  peuit  assez  venir  que  ceulx  du  consistoire  estans 
adverlis  du  contenu  desdietes  lettres  en  daclo  du  iiij»  de  décembre,  les  pareilles 
desquelles  avoieni  esté  desjà  recheues  en  plusieurs  aultres  villes  du  pays  avant 
que  le  magistrat  de  Tournay  les  eubt  receus,  auroient  induit  et  incité  la  populace 
à  faire  l'esmolion  dudit  jour  de  lundy  jx^  dudil  mois,  aflin  dVmpescher  que  les 
articles  susdiz  ne  feussent  acceptez.  Et  quant  à  ce  que  la  populace,  sans  parler 
dudit  exercice  auroit  prins  occasion  de  s'esmouvoir  soubz  pretext  de  quelque 
gendarmerie  que  le  magistral  eut  voiu  mettre  en  lernie  de  requérir  de  la  Court, 
faict  assez  à  conjecturer  que  lesdiz  du  consistoire  leur  auroient  mis  en  termes 
que  tele  matière  se  debvroit  délibérer  par  ceulx  quy  cstoient  mandez  pour  oijr  la 
lecture  desdictes  lettres  de  crainte  qu'ilz  avoient  que  ladite  gendarmerie  cstran- 
gère  ne  fut  envoyée  pour  les  conslraindre  à  se  déporter  dudit  exercice. 

Lesqueles  choses  considérées,  ledit  i.e  Clercq  remonstra  bien  et  au  long  à  ceulx 
du  Conseil  de  Son  Alleze  à  quele  fin  tendoieni  lesdiz  du  consistoire,  le  danger 
auquels  se  retrouvoient  tous  gens  de  bien  de  ladite  ville  et  la  ruine  dicelle  appa- 
rente, ne  fut  qu'à  diligence  y  feussent  envoyez  gens  de  guerre  quy  pouroient 
facillement  y  entrer  par  le  moyen  du  chasieau,  estant  requis  de  mettre  ordre 
aux  affaires  de  Tournay  avant  s'arrester  plus  longtemps  à  la  réduction  de 
f^alenchiences  en  l'obéissance  de  Sa  Majesté  pour  par  ce  moyen  couper  le  pied 
à  la  descente  et  esmolion  des  inhabitans  du  pays  de  depuis  la  mer  de  la  basse 
Flandre  jusques  au  chastel  en  Cambrésis.  dont  avoit  faict  les  menasses  le  prédi- 
cant  Merimer  présent  le  magistrat  de  ladicte  ville,  prédisant  grande  effusion  de 
sang  au  cas  que  empeschemenl  fut  donné  à  l'exercice  de  la  religion  nouvelle,  main- 
tenant icellc  avoir  esté  accordé  avec  les  prcsches  comme  chose  du  tout  connexe, 
unie  et  nécessairement  dependente.  Suyvant  quoy  hault  et  puissant  S'  Messire 
Philippes  de  Saincte  Aldegonde,  S""  de  Noircarmes,  etc.,  vint  en  la  Cour  environ 
le  vingtième  de  décembre,  et  le  xxiij  dicelluy  mois,  la  charge  de  mettre  garnison 
en  ladicte  ville  de  Tournay  luy  fut  donnée.  Par  quel  moyen  en  icclle  a  esté  pré- 
servée de  ruine,  les  bons  garantis  contre  les  meschants  et  les  emprises  et  conspi- 
rations des  sectaires  avec  toutes  leurs  forces  abolies. 

Or  pendent  que  l'on  esloit  en  termes  de  donner  ladicte  charge  audit  S'  de  Noir- 
carmes  et  que  ieelluy  donnoit  ordre  à  son  entreprinse,  advint  que  le  peuple  de 
Tournay  par  faulte  de  besongne  fut  réduit  à  grande  povreté,  de  sorte  que  faisoit 
à  craindre  qu'aucuns  ne  se  meissent  à  piller  ou  aultrement  malfaire  soubz  pretext 
de  po\reté  à  faulte  d'ouvraige,  à  quelle  occasion  Mess"  les  eonsaulx  advisareni 


PrÈCES  JUSTIFICATIVES.  381 

de  leur  en  donner,  actendu  que  le  marchant  s'en  déporloil,  prévoianl  assez  le 
trouble  apparant  ou  scacliant  ce  quy  povoil  estre  conclud  entre  les  sectaires  au 
regard  de  la  levée  des  {cens  de  guerres  et  i)ort  d'armes  depuis  ensuy  vis  aux  champs 
contre  les  gens  de  Sa  Majesté,  pour  à  quoy  pourveoir  fut  ordonné  comme  appert 
par  l'acte  subséquent. 

Consaulx  rassainblcz  le  sabmcdy  xiiij»  jour  de  décembre  xv^lxvj,  pour  délibérer 
sur  les  aulniosnes  (juc  l'on  a  advisé  de  faire  premiers  entre  chascun  de  Mess'*  les 
eonsaulx,  pour  pourveoir  à  la  nécessité  des  povres.  Surquoy  lesdiz  JS"  consaulx 
se  sont  comprins  eux  mosmes  voluntairement  d'aulmosner  par  sepmainc  s  chascun 
les  sommes  recœillées  par  certain  escript  et  ce  pour  l'espace  de  deux  mois  ou 
pour  tel  temps  que  l'on  voyra  la  nécessité  durer  D'aullre  part,  a  esté  advisé  de 
mander  pour  après  le  disner  les  notables  et  aultrcs  pour  les  amener  à  accorder 
quelque  somme  à  la  fin  que  dessus  et  pour  le  tout  recluvoir  est  commis  le 
massart.  En  oultre  a  aussy  esté  advisé  de  m(  tire  en  œuvre  les  plus  pauvres  et 
indigens  manans  et  habitans  de  eesie  ville  aians  demeuré  an  et  jour  en  icellc,  si 
comme  à  les  faire  botter  à  la  réparation  de  quelque  chemin  vers  le  bois  de  Breuze 
et  aultres  lieux  alentour  de  la  ville,  sy  est  commis  pour  les  payer  à  rat  de  cinc 
gros  par  jour  ou  en  dessoubz,  selon  la  qualité  des  personnes,  le  mayeur  des 
finances  et  le  rcjecleur,  iesquelz  prendront  à  serment  lesdiz  manans,  pour  scavoir 
s'ilz  ont  demeuré  an  et  jour  en  la  ville. 

Du  mardy  xxiiij"  de  décembre. 

De  pourvoir  à  ce  que  (jrand  nombre  d'estrangivs  en  armes  Iesquelz  ont  ja 
commeuché  à  bousier  l'abbaye  des  pretz  à  nonnains  et  aultres  églises  ne 
viennent  (aire  quelque  joulle  à  cesle  ville. 

L'on  est  d'assens  ensemble  les  capitaines  de  mettre  sus  de  chascune  compagnie 
deux  à  trois  x"^«  pour  les  mettre  en  divers  quartiers  de  la  ville,  afflii  de  tenir  par- 
tout bon  ordre  et  éviter  arrièrre  sacagement,  mesmement  de  eeulx  de  la  ville  sans 
toutesfois  sonner  le  tabourin,  craindant  que  lesdiz  estrangers  ne  se  vinsent  à 
esmouvoir.  Oultre  cela  a  encoires  esté  advisé  que  \lons'  du  lius,  capitaine,  tiendra 
ce  jourd'huy  sa  compagnie  preste  sur  le  marché. 

Consaulx  rassamblez  le  dimence  xxjx"  dudit  mois  avec  les  officiers  du  bail- 
liaige  pour  entendre  le  ra|)port  de  Messieurs  les  prévost  et  conseillier  sur  la 
communication  des  lettres  de  Madame  en  date  du  xxvij"  dudit  mois.  a\ec  la 
seigneurie  de  Mons"^  de  Moulbais,  par  lequel  rapport  a  este  dict  que  tant  ledit 
S' de  Moulbais  que  les  dépuiez  ont  trou\é  bon  de  rescrire  à  Son  Alteze  qu'il 
luy  plaise  d'envoyer  quelque  seigneur  de  réputation  et  auctorité  pour  tenir  le 


382  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

peuple  en  son  offiee,  veu  les  esmolions  qui  journelemeni  survienneni  et  qu'ilz 
n'onl  trouvé  meilleur  moyen.  Ce  que  pareillement  ont  trouvé  bon  .Mess"  les 
consaulx.  En  oultre  sera  eseript  à  Son  Alteze,  commeni  la  troupe  de  estrangers 
aiani  faiet  les  pilleries  et  brusié  d  s  églises  et  eloistres  allentour  de  eeste  ville,  se 
sont  retirez  le  jotir  d'hier,  aians  mis  le  feu  à  S'  Nieolas  aux  pretz.  à  la  maison  do 
Caniberine  appertenani  à  .Monsieur  l'odieial  et  en  la  maison  de  .Mons  de  Marques 
finalement.  Sur  la  doléance  des  capitaines  qu'ilz  ne  sont  aueunement  obéys 
mesmemeni  d'aucuns  de  leurs  gens  qui  se  rendent  désobeissans  et  quant  la 
populace  se  vient  à  esmouvoir  par  faulte  d'avoir  aucuns  soldalz  promplz  auprez 
d'eulx.  ny  scaveni  donner  ordre,  a  esté  arresié  que  chacun  capitaine  aura  six  balle- 
bardiers,  asscavoir  quatre  pour  liiy  et  deux  pour  son  lieulenanl  aux  gaiges  de 
quatre  palars  par  jour  qu'ilz  pouront  prendre  et  choisir  et  pareillement  députer 
comme  ilz  trouvcrront  convenir,  lesquelz  seront  subjectz  en  tout  ce  qu'il  leur 
commanderont,  mesmcs  de  les  suyvre  sur  rues  pour  donner  promptement  ordre 
à  toutes  esmotions  de  la  populace  et  d'esire  lard  it  tempre,  audevant  des  huis 
desdiz  capitaines  et  alentour  à  relTecI  que  dessus. 

Consaulx  rassemblez  le  lundy  pénultième  jour  de  décembre  avec  les  ofïiciers 
du  bailliaige  pour  entendre  le  rapport  de  Mess"  les  prévoslz,  de  .Mons"^  le  lieute- 
nant, M"  Guilame  Haneton.  eonseillier  et  de  deux  capitaines  aians  esté  vers 
Mons''  de  Moulhais  par  charge  de  Mess"  les  consaulx  pour  communiquer  avec  Sa 
Seigneurie  tant  sur  l'ordre  et  pollice  que  l'on  aura  à  mettre  pour  obvier  aux 
esmotions,  que  pour  scavoir  sy  Sa  Seigneurie  trouvera  bon  d'envoyer  en  la  (^ourl 
aucuns  députez  mis  en  ject.  Suyvant  quoi  a  esté  par  ledit  raport  entendu  que 
sadicte  S"  ne  vciilt  aucunement  nuire  à  la  ville  ny  aux  manans  dicelle.  sy  ne 
demande  qu'amitié  avec  eulx,  jasoit  que  à  l'occasion  d'aucuns  trais  d'arquebouses 
qu'ont  faicl  ses  soldatz  sur  lesdiz  manans  ci  qu  aucuns  d'icculx  aient  esté  blessé, 
les  susdiz  manans  se  .soieni  for!  esmc  uz.  telement  qu'à  cesie  cause  ilz  aient 
homicide,  le  jour  d'hier,  l'un  des  soldatz  du  chasteau  estant  en  la  ville,  lesquelz 
Irais  à  pouldre  Sa  Seigneurie  di>nit  avoir  esté  faiclz  contre  son  gré  et  n'a^oit  sceu 
bonnement  contenir  sesdiz  soldatz.  Tanl  y  a  que  pour  l'advenir  afTin  de  garder 
amitié  entre  ceulx  de  la  ville  et  du  chastau.  prometoil  ne  tirer  canonades  et  que 
ne  seroit  arqucbousé  après  lesdiz  manans  n'esloil  à  juste  occasion  causée  par  le 
désordre  et  desrègle  que  lesdiz  manans,  pouroienl  faire  vers  ledit  chasteau  ou 
aucuns  des  soldalz  y  estans.  Sy  a  esté  Sa  S''"  d'advis  d'envoyer  en  la  Court  le 
eonseillier  Du  (.haujbgc.  finablemcnt  a  esté  advisé  par  Mess"  avec  les  huit  capi- 
taines de  dresser  quelque  publications  à  son  de  trompe,  delTendant  par  icelle  au 
|)opulaire  de  la  ville  de  soy  fourer  dedans  les  compagnies  ny  alentour  dicelles, 
estans  à  leur  garde  ou  aultrement  sur  les  rues  pour  mettre  ordre  aux  esmotions 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  383 

qui  bien  souvent  advienneiit,  à  paine  do  fustigation  ou  d'eslre  aullromonl  puny  à 
la  discrélion  des  Messieurs  les  prévoslz  cl  jurez.  Et  quant  à  ladite  populace  audit 
cas  d'esmolion,  se  dcbvra  trouver  sur  la  muraille  ciiaeuu  du  costé  de  sa  demeure, 
asscavoir  ceulx  de  Sainel  Brixe  el  Saiiict  Jean  aux  rcmpars  eslans  dudit  costé 
et  ceulx  de  pardecha  l'eau  semhiablemeiit  ou  aullrenienl  pouront  demeurer  en 
leurs  maisons  sans  eux  trouver  sur  rues,  excepté  le  magistrat  de  la  ville  et  les 
oniciers  du  bailliaige  qui  pour  donner  ordre  ausdictes  esmolions  se  debvront 
trouver  à  ehiieuiie  fois  en  la  halle  du  conseil  de  ladicte  ville;  d'aultrepart  pour 
ce  que  durant  les  csmotioiis  passées  aucuns  malings  espris  se  sont  ingérez  sonner 
le  tymbre  en  forme  d'alarmes,  tellement  que  lesdicles  émotions  en  ont  esté  de 
tout  plus  augmentées  et  plusieurs  manans  tant  femmes  que  aultres  fort  espovantez. 
mesmes  aucunes  fenmies  enceinles  en  dangicr  de  leur  vie  et  de  perdre  leur  fruict, 
pour  y  remédier  sera  prohibé  et  delTendu  à  toutes  personnes  de  quelque  qualité 
quelles  soient  de  eux  ingérer  de  sonner  ou  faire  sonner  le  timbre  quelque  esmo- 
tion  quy  adviengne,  ii'esloit  de  l'auctorilé  et  consentement  du  magistrat  ou 
dbsdiz  capitaines  ou  l'un  d'eulx,  sur  paine  de  la  mort  sans  déport. 

Consaulx  rassamblez  avec  les  officiers  du  bailliaige  et  les  capitaines  pour  oijr 
lecture  des  lettres  de  Madauie  la  ducesse  datées  du  xxiij«  jour  de  décembre 
xV^lxvj,  lesquelles  ordonnent  de  reehevoir  garnison  et  à  ce  propos  est  arrivé  au 
chasteau  ce  jourd  huy,  Mons'  de  Noircarmes  avec  onze  eiiseiii(/nes  de  piétons  ei 
aucuns  yuidons  de  chcvaulx,  lequel  S'  de  i\oircarmes  auroil  auss}  déclairé 
verballement  à  >lessieiirs  les  consaulx  et  aucuns  des  capitaines  qu  il  ne  venoit 
pour  dér.  ger  à  l'accord  faict  avec  les  conféderez,  et  que  Son  Alteze  ratitïioit  les 
articles  d  accord  aultresfois  envoyez,  surquoy  Messieurs  les  consaulx  aians  con- 
voequé  plusieurs  de  la  nouvelle  relligion  el  aultres  bourgeois  el  manans  de  ladicte 
ville  auroicnt  advisé  el  résolu  avec  lesdiz  capitaines  et  notables  de  reehevoir  ladicte 
garnison  pour  obéyr  à  Sa  Majesté  et  à  Son  Alteze.  ce  que  a  esté  rapporté  à  la 
S''«  dudit  Sr  de  r^oircarmes  quy  a  accepté  ladicte  responee  et  suivant  icelle,  mis 
en  la  ville  ladicte  garnison  le  ij  de  janvier  xv'lxvj. 

Consaulx  rassamblez  le  lundy  sizième  de  janvier  xvlxvj,  pour  oijr  la  lecture 
des  lettres  envolées  par  Son  Alteze  à  Mons--  de  Moulebais  en  date  du  xv«  de 
décembre,  lequel  double  a  esté  leu  à  ceulx  de  la  nouvelle  relligion,  sy  ont  esté 
admonesté  d'eulx  conduire  et  régler  selon  le  contenu  dicellcs  el  ayans  oijz  ladicte 
lecture,  se  sont  relirez  el  dudepuis  Mesdisseigneurs  les  consaulx  ont  trouvé  bon 
affin  que  personne  ne  prélendit  cause  d'ignorance  d'extraire  du  contenu  des 
lettres  de  Son  Alteze  eu  dacte  du  iiij"  de  décembre  et  de  celles  du  xv^  dudit  mois, 
tous  les  poins  et  articles  y  mentionnez  el  en  faire  quelque  forme  de  publication, 
laquelle  monslrée  audit  S'  de  iNoirearmes  auroit  esté  envolée  en  la  Court  par 


384  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

iceliuy  S"",  où  après  avoir  esté  visitée  auroit  esté  rendue  ausdiz  consaulx  et  à  eux 
promis  de  la  faire  publier  aux  brelesques  de  iadicte  ville,  ce  qui  a  esté. 

Le  discours  et  advenue  des  choses  que  dessus  a  esté  tenu 
pour  véritable  par  le  cors  de  ceulx  de  la  loy  et  officiers  de 
la  ville  de  Tournay  de  l'an  xvlxvj.  Tesmoing  le  sein^  du 
greffier  dicelle  ville  icv  mis. 

(..) 

Déclaration  dex  noms  et  soubznoms  des  personnes  qui/  se  sont  trouvez  en  corn- 
paiynie  des  ministres,  ceulx  du  consistoire,  ou  en  assemblée  de  ceulx  quij  se  sont 
déclarez  tenir  la  rclifiion  nouvelle  es  communications  quilz  ont  eu  avec  le 
magistrat  de  la  ville  de  'Imirnafi,  les  lirutena)it  de  haillij,  conscilliers  et  officiers 
de  Su  Majesté  au  Intilliaige  de  lournesis,  tant  présent  liault  et  puissant 
Seigneur  Messire  Pliilippes  de  Montmorency ,  admirai  de  la  mer,  chevalier  de 
l'ordre,  commissaire,  etc.,  Messire  Jean  de  Cliasteler,  chevalier.  S'  de  Mon- 
Icbais,  d'Audegmjes,  etc.,  le  commissaire  de  la  lorre,  que  aultrement. 

Le  personnage  quy  apporta  les  lettres  du  prédicant  dont  est  touché  es  lettres 
envoyées  à  Son  Altczc  couchées  après  le  besoingne  du  septième  du  mois  de 
juillet,  s'apelloit  Jean  Masure,  bouchier,  iceliuy  estant  bouchier  de  son  slil. 

Les  personnages  du  serment  Sainct  Anihonne  mentionnez  au  besoinjj;né  du 
douzième  de  juillet  sont  Anthonne  Le  (iry  et  Jean  Boursier,  que  lors  aussy  feirent 
de  grandes  exclamasses  en  déclairant  ne  vouloir  prendre  les  armes  pour  empescher 
les  presehes,  le  filz  dudit  Le  Gry  et  ung  [     ]  Carnoye  dit  Engrand. 

Les  menasses  de  mettre  au  délivre  les  prisonniers  détenus  pour  le  faict  de  la 
relligion  dont  est  touché  par  le  second  acte  des  consaulx  tenus  ledit  jour,  ont  esté 
f.n'cles  par  certaines  lettres  missives  quy  ont  esté  délivrées  à  Sire  Jacques 
Deffrayères,  S'  de  Beusin,  second  prévost. 

Le  personnage  qui  présenta  le  requeste  sur  le  nom  des  marchans  mise  après  la 
note  du  xxiiij«  dudit  mois,  fut  M«  Nicolas  Taffin. 

Pour  furnir  au  cinquième  article  de  Mons"^  le  fonte,  faict  à  noter  que  les  per- 
sonnages quy  acompaignoient  les  ministres  quand  ilz  proférarent  les  propos 
touchant  les  trois  S"  mentionnez  au  hesoingné  du  xxiij'^  d'aoust.  estoient  Mons' 
de  le  Dalle,  Nicolas  Cauche,  Jean  Rombort,  Gnilame  de  Torcoing,  Hans  Opalfens, 
Jherommc  du  Poie.  Jehan  Wille,  et  pariarent  tous  les  ministres,  mais  Amhroise 
W'ille  le  plus  et  proféra  les  parolles  touchani  d'estrc  en  la  protection  des 
seigneurs 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  383 

Sur  le  vingtquatrième  d'aoust,  les  assistens  aux  ministres  esloient  Mons""  dv  le 
Oaile,  ^icolas  (Jauche,  Jehan  Kombort,  Guilame  de  Torcoing,  Hans  Opalfens, 
Jherome  du  Pirre.  Jehan  V\  ille. 

Le  dixnopfièm(;  jour  de  septembre  comparurent  pardevant  les  eonsaulx 
Ambroise  Wille,  Estienne  Marinier,  prédicanx.  acompagnez  de  M^  [Nicolas  Tafïin 
portant  les  parolles  Guilame  de  Torcoing,  Jean  Sais,  Jean  Opalfens.  Jean 
Romborg,  Jean  Talleman,  Andrieu  Mcrman,  Nicolas  Cauche.  ung  que  l'on  disoil 
frère  d'Alexandre  Decque,  exécuté  cy  devant  au  chasteau,  Jheromme  du  Pirre. 
Simon  Aymery,  Franchois  le  Febvre,  Jean  Wille.  Nicolas  Ploucquet,  Pierre 
Chamart.  Gilles  des  Kspringalles,  Roland  Petit  et  Jean  Fourmenl. 

Sur  le  besoingné  du  pénultième  jour  d'octobre,  ceulx  quy  se  disoient  députez 
delà  nouvelle  religion  estoienl  les  ministres  Wille  et  JMeriraer,  M»  Nicolas  Talïïn. 
Jehan  Opalfens,  Jheromme  du  Pirre.  Guilame  de  Torcoing,  Jean  Sais,  Le  S''  de 
le  Dalle,  Andrieu  Merman,  Jean  Rombort,  Nicolas  Cauche,  Jean  Wille.  Simon 
Aymery.  Gilles  des  Espringalles.  Franchois  le  Febvre,  Loys  Sais. 

Sur  la  note  du  second  jour  de  novembre  xv«lxvj,  comparurent  les  deux 
ministres,  M«  Nicolas  TafHn,  M«  Pierre  Cottrel,  lVI«  Gilles  le  Clercq,  le  S'  de 
Beaumez,  le  S""  de  le  Dalle,  Loys  Duboys,  S'  de  Hauleval,  le  8'  de  Hautmez, 
Guilame  de  Torcoing,  Jheromme  du  Pirre,  Symon  Aymeries,  Jean  Rombort, 
Jean  \\  ille,  Gilles  des  Espringalles,  Franchois  le  Febvre,  Loys  Says,  Jean  Opal- 
fens, Amand  Telier,  Laurens  Darre,  Franchois  Loyau,  Guilame  Bresoul,  Andrieu 
Merman,  Nicolas  Cauche.  ung  que  l'on  disoit  frère  d'Alexandre  Decque,  Philippes 
Olivier.  Guy  et  Nicolas  Bernard,  iVieolas  Ploucquet.  Pierre  Chamart.  Jean  Says, 
Jean  Talleman  et  plusieurs  aultres,  et  portarent  les  parolles  lesdiz  Taffln  et 
le  Clercq. 

Ledit  jour  après  midy  comparurent  pardevant  lesdiz  S"  eonsaulx  lesdiz  deux 
ministres  avec  tous  les  dessusnommez  et  aultres,  iceulx  estoient  Jehan  Soreau, 
Loys  de  Calonne,  Jean  Fourment,  Guilame  Thieulier,  Gérard  Joseph,  Roland 
Petit,  Jean  des  Mares,  marchant,  Franchois  le  Febvre,  Nicolas  Moreau,  Salomon 
Minite,  Jaspard  le  Brun,  Loys  Sais,  Jacques  Simon,  Jean  Picq  et  son  filz,  Franchois 
de  Hame,  Jean  Cambry,  S"^  des  iVlarés.  Hermès  de  le  Chapelle,  Jacques  le  Febvre 
dit  Descammain,  Pierre  Fauconnier.  Laurent  Darre  et  grand  nombre  de  menu 
peuple  tel  qu'est  acoustumé  s'en  trouver  en  l'auditoire  de  Messieurs  les  prévostz 
et  jurez,  quand  quelque  sentence  de  mort  se  pronunche. 

Sur  ce  septième  de  novembre,  sont  à  noter  M«  Nicolas  Tafiin.  M«  Gilles  le  Clercq 
lequel  par  charge  d'aullres  voulut  lire  la  requeste  imprimée  adressée  à  Sa  Majesté, 
estoient  présens  Jean  Sais,  Johanes  Deffresnes,  Jean  de  le  Prée,  Loys  du  Boys, 
Tome  1.  —  Lettres,  etc.  ■iy 


386  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

S'  de  Hauteval,  Gilles  des  Espriugalles,  Monsieur  de  Beaumez,  Simon  Aymery, 
Mons'  de  le  Dalle,  Mons'  du  Haultmez  et  plusieurs  aultres  susnomez. 

Le  huitième  de  novembre,  quand  les  responees  de  ceulx  de  la  nouvelle  religion 
furent  apportées  aux  consaulx,  comparurent  M"  Micolas  Taffln,  M«  Gilles  le  Clercq, 
Gilles  des  Espringalles,  Jheromme  du  Pire,  Simon  Aymery,  lesquelles  responees 
furent  délivrées  par  M»  Nicolas  Tatïin. 

Sur  le  noefième  de  novembre,  comparurent  Hans  Opalfens,  Simon  Aymery, 
Jheromme  du  Pire,  Estienne  Gabry. 

Le  vingt-deuxième  de  novembre,  comparurent  M«  Pierre  Cotrel,  Simon 
Aymery,  Jean  Opalfens,  Mons'  de  Beaumez,  Jean  Romborg,  Loys  du  Bois,  S""  de 
Hauteval,  Jaspart  le  Brun,  Mons'  du  Hautmez.  Jean  Sais,  Jean  Soreau.  Jacques 
le  Febvre  dit  Descammain. 

Sur  le  vingtcincquième  de  novembre  avec  M*  Pierre  Cotrel  ayant  présenté 
quelque  protestation  par  escript.  comparurent  en  qualité  de  notables  (à  ce  qu'ilz 
ont  déclairé)  Messire  Guilame  de  Maulde,  (chevalier,  Seigneur  de  Manssart. 
Anthonne  de  Lannoy,  S'  de  Bailleul.  Loys  du  Bois,  escuier,  S'  de  Hauteval, 
Simon  Bernard,  escuier,  S'  du  Mont,  Francbois  Dennetières,  S'  de  Beaumez, 
Pierre  de  Preys,  S'  de  le  Dalle.  Sire  Jacque  du  Bois,  Anthonne  de  la  Fosse, 
Nicolas  Bernard,  Laurens  Darre. 

Ledit  jour  vingtcincquième  de  novembre  après  midy.  pardevant  Messieurs  les 
consaulx,  comparurent  comme  estans  du  consistoire  des  deux  ministres,  Loys 
Says,  Gilles  des  Espringalles,  lequel  apporta  la  responce  du  consistoire  escrite  de 
sa  main,  Jehan  Opalfens,  Guilame  de  Torcoing,  Nicolas  (fauche; 

Sur  le  besoingné  du  noefième  de  décembre  du  matin,  a  esté  exhibée  l'infor- 
mation. Sv  estoient  présens  comme  notables  le  S'  de  Beaumez  et  de  le  Dalle. 
.\1«  Pierre  Cottrel.  Jaspart  le  Brun.  Jean  Opalphens,  Anthonne  de  la  Fosse, 
Eluthere  Pelé,  Pierre  de  Vilers.  orfebvre,  Jean  Drappier  dit  Bourgoingne,  lesquelz 
pouront  déposer  de  ce  quy  s'est  passé  ledit  jour  pour  furnir  à  l'article  viij  dudit 
S'  Conte 

Sur  l'advenue  dudit  jour  de  l'après  midy,  information  a  esté  tenue,  sy  est 
exhibée. 

Sur  le  dixième  de  décembre,  avec  les  deux  ministres  comparurent  pardevant 
les  consaulx  Simon  Aymery.  Jean  Bombort.  (îilles  des  Espringalles,  Jean 
Opalfens,  Mcohis  (fauche.  Jean  Soreau.  l>oys  de  Calonne,  Loys  Sais,  que  lors 
lesdiz  minisires  déclairarent  ausdiz  consaulx  qu'il  adviendroil  grande  effusion  de 
sang,  le  cas  advenant  que  l'exercice  de  leur  religion  leur  fut  empeschée.  mainte- 
nans  icelle  leur  avoir  esté  accordée  par  les  presches  comme  unie  et  nécessaire- 
ment dépendante  dicelles. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  387 

Et  audit  jour,  (iilles  des  Espringalles  porta  la  requeste  faicte  sur  le  nom  de 
plusieurs  gentilzliommes,  bourgeois,  raarchaas  et  aultres.  Le  jour  de  diinenche 
advint  la  deffaite  emprez  Lannoy  et  le  lendemain  se  feirent  deux  effrois  en 
Tournay,  et  sont  chargez  d'avoir  sonné  le  timbre  ou  assisté  à  faire  sonner  icelluy, 
le  bastar  de  Adrien  Pertris,  justice  de  l'eschevinagc  de  Tournay,  Franchois  le 
Febvre.  Nicolas  Gauche,  ung  de  son  stil  savattier  et  pastinier  en  la  Chaingle, 
Gilles  [  ]  et  sa  femme,  Jean  [  ]. 

La  déclaration  que  dessus  a  esté  tenue  pour  véritable  par 
record  de  ceulx  de  la  loy  et  otîiciers  de  la  ville  de  Tournay 
de  l'an  xv«lx|vj|.  Tesmoing  le  seing  du  grefiBer  dieelle  ville 
icy  mis. 

(s.)   LiEBART. 

(Archives  du  Royaume,  Conseil  des  Troubles,  Reg.  n"  32.) 


VI  (XVIII).  —  1564-1565. 


Projet  de  règlement  pour  rorganisaliou  de  la  bietilaisaiice  à  Tournai  ('). 


PREMIER  POURJECT  ET  DÉLIÉNATION  DE  LA  POLICE  QUY  SE  POURA  GARDER 
EN  LA  VILLE  ET  CITÉ  DE  TOURNAY  SUS  LE  FAICT  DES  PAUVRES. 


Prothéorie. 

Pour  donner  ordre  ou  faict  des  pauvres,  par  le  mauvais  gouvernement  et  oysi- 
veté  desquelz  sont  advenus  par  le  passé  plusieurs  inconvéniens  et  choses  scanda- 


(')  Voici  deux  extraits  qui  prouvent  que  ce  projet  d'organisation  de  la  bienfaisance  publique  est  dû  au 
conseiller  pensionnaire  de  Tournai,  Jacques  Le  Clereq  : 

A  Monsieur  Maistre  Jacques  Leclercq,  second  conseillier  de  ceste  ville,  pour  avoir  formé  et  ordonné  le 
premier  jectz  concernant  le  police  que  Ion  poura  garder  sur  les  faictz  des  paovres  en  ceste  ville.  .  .  vilb. 

(Archives  communales  de  Tournai,  Compte  général  de  iS64-lotf5,  fol.  49  r".) 

De  scavoir  sy  on  publyera  à  son  de  trompe  le  project  faict  par  Monseigneur  maistre  Jacques  Le  Clereq, 
second  conseillier  et  pensionnaire  de  la  ville,  four  induire  les  manans  de  ceste  ville  à  faire  quelque  aulmosne 


388.  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

leuses  en  la  ville  et  cité  de  Tournay,  Messieurs  de  l'élat  ecclésiaslicque,  prévoslz. 
jurez  et  conseil  dicelle  ville  et  les  otlîciciers  du  bailliaige  de  Tournesis  par 
plusieurs  fois  rassemblez  es  premiers  jours  des  mois  de  janvier,  april.  juillet  et 
octobre,  ont  flnalement  conclu  et  arreslé  après  avoir  debatu  les  raisons  et  moyens 
quy  faisoient  en  tel  cas  à  considérer,  que  ung  tant  bon  œuvre  se  pourroit  effectuer, 
sy  Ion  esloit  aulhorisé  d'establir  et  meclre  sus  de  nouvel  une  bourse  commune 
ou  thrésor.  quy  serviroit  à  subvenir  à  toutes  nécessitez  des  paouvres  tant  manaus 
qu'estrangiers,  sans  admectre  ny  tolérera  l'advenir  mendication  quelconque.  Pour 
à  quoy  parvenir  fust  trouvé  expédient  d'abolir  tous  les  liopitaulx  qui  sont  plu- 
sieurs en  ladicte  ville,  saulf  les  deux  plus  amples  et  riches,  cestuy  de  Nostre-Dame 
et  cestuy  du  .Vlarvy,  comme  estant  baillée  occasion  d'oysiveté  à  plusieurs  gens 
enclins  à  paresse  et  de  ceur  abject,  par  estre  les  biens  de  iceulx  hospilaulx  mal 
répartis  et  distribuez,  tellement  que  le  revenu  annuel  de  telz  lieux  à  abolir  seroit 
le  premier  fondement  et  dotation  de  ladicte  bourse  commune,  y  estant  joint  le 
bien  appertenant  aux  pauvres  par  fondation  ancienne  en  chascune  paroice,  le 
tout  par  ensemble  montant  a  six  mil  sept  cens  florins  ou  environ,  après  les 
charges  de  chaque  lieu  sufDsamment  furnies.  Et  pour  autant  que  à  subvenir 
auxdiz  pauvres  sans  mandier,  il  conviendroit  que  ladicte  bourse  eust  en  revenu 
annuel  la  somme  de  24000  fleurins  ou  mieulx,  comme  est  apparu  par  le  pourject 
quy  a  esté  faict  pour  scavoir  à  peu  près  la  somme  en  tel  cas  requise,  Ion  a  advisé 
de  trouver  moyen  du  commencement  de  flner  bonne  quantité  de  deniers,  d'em- 
pescher  la  confluence  des  estrangiers  et  de  comraectre  certains  officiers  à  l'admi- 
nistration des  biens  de  ladicte  bourse,  qui  entendront  aussy  au  gouvernement  et 
conduicte  des  pauvres,  et  en  somme  d'enclierger  quelcun  de  pourjecter  une  forme 
de  police  quy  se  pouroit  garder  en  tel  endroit,  ce  quy  a  esté  faicl  estant  le  tout 
comprins  soubz  cincq  chapitres  qui  sont  telz  :  I.  Des  officiers  commis  sus  le  faict 
des  pauvres  et  de  leur  conduicte;  II.  De  la  manière  d'amasser  argent;  III.  D'abolir 


par  sepmaim  et  icelles  continuer  à  l'advenir  pour  establir  une  bourse  commune  pour  subvenir  à  La  nécessité 
des  povres. 

On  est  d'assens  Je  faire  publyer  ledit  project  lequel  a  esté  lut  à  Messeigneurs  les  consaulx,  suyvant  lequel 
ont  esté  commis  pour  induire  lesdiz  manans  à  faire  lesdictes  aulraosnes  et  en  faire  acte,  assavoir  pour  la 
paroiche  S'  Brixe,  le  prévost  de  la  commune  et  le  mayeur  de  S'  Brixe,  pour  la  paroiche  S'  Jacques,  le 
second  prévost  et  le  mayeur  des  finances,  pom-  la  parroiche  S'  Quentin,  le  mayeur  Le  Coeq  et  maistre 
Nicolas  l>iébart,  pour  la  paroiche  Noslre  Dame,  Marcq  Mamuchel  et  le  conseiller  Hanneton,  pour  la 
paroiche  S>  Piat,  Allard  Bourgeoys  et  le  Seigneur  Dufay,  pour  la  paroiche  S'«  .Marglierite,  Jacques  de 
Cambry  et  Rasse  de  Bucquet,  pour  S'  Xicaise,  Jehan  de  Uechem  et  Thomas  le  Maire,  pour  la  Magdeleine, 
La  Fosse  et  Dennetière,  pour  S'  Piat,  Jelian  Vangermès  et  Jehan  Villain,  pour  la  paroiclie  S'  Jehan,  Léon 
du  Prêt  et  Toussaint  le  Saige  ;  pour  S'"  Catherine,  Rogier  Godebrye  et  Simon  de  Hornul. 

(Archives  communales  de  Touraai,  Cousaui,  séance  du  llijanvier  1S64.) 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  389 

la  niendicalion  des  pauvres  et  comme  à  ieeulx.  sera  pourveu  et  ilz  auront  à  se 
renier;  III I.  (lomme  l'on  doibl  ayder  aux  pauvres  eslrangiers  et  Irai  1er  les  pèle- 
rins; V.  Des  escoles  et  maislres  qui  enseigneront  la  jeunesse. 

I.    Des  officiers  commis,  etc. 

Seront  esleuz  quatre  personnages  par  Messieurs  de  Testât  ecclésiastique  et  les 
consaulx  de  la  ville,  ausquelz  la  charge  et  superintence  généraile  de  subvenir  aux 
pauvres  sera  donnée,  a  l'assislence  desquelz  en  pourront  estre  députez  deux  ou 
trois  aultres  par  cliacque  paroice.  quy  feront  les  pourchas  des  aulmosnes  des 
bonnes  gens  es  églises  et  maisons  et  visiteront  les  pauvres  au  lieu  de  leur  demeure, 
pour  sinformer  de  leur  estât  et  juste  nombre,  adfin  d'en  advertir  les  généraulx  et 
adviser  par  ensemble  de  subvenir  à  chascun  selon  son  indigence.  Pour  à  quoy 
parvenir,  ieeulx  commis  ordonneront  et  feront  administrer  vivres,  vestemens  et 
aultres  choses  nécessaires  à  tous  en  la  forme  et  manière  que  à  leur  arbitraige  sera 
trouvée  le  plus  expédient,  eu  esgard  aux  qualitez,  gouvernement  et  inclinations 
des  personnes,  à  quelle  fin  se  dresseront  certains  billietz  d'ordonnance  contenants 
lestât  de  chascun  qui  ne  poura  estre  excédé,  n'est  du  consentement  exprès  des 
généraulx  après  rcmonstrance  à  eulx  faicte.  Pareillemenl,  lesdiz  oITiciers  admo- 
nesteront les  vagabondes  et  inulilles  à  bien  vivre  et  se  gouverner  comme  à  gens 
de  bien  apperlient,  et  silz  aperçoivent  qu'aulcuns  persistent  en  vie  dissolue,  en 
pouront  advertir  Mess"  les  prévostz  et  jurez  pour  de  par  eulx  y  estre  pourveu 
comme  de  raison,  et  conlrainderont  les  robustes  et  bien  dispostz  à  gaigner  leur  vie 
en  tra veillant  et  chascun  faisant  sa  besongne.  mesmes  choisiront  les  jeusnes  enfans 
pour  envoyer  aux  escolles  et  estudes,  silz  ont  lesprit  adonné  aux  lettres,  et  aux 
rudes  feront  apprendre  ung  mestier. 

Daultre  part,  ieeulx  commis  généraulx  et  particuliers  se  rassembleront  le 
samedy  après  midy,  présens  lung  de  Messieurs  les  prévostz,  aultres  dépputez  de  la 
loy  et  quelque  grelïier,  pour  illec  traictier  de  toutes  matières  concernantes  le  faici 
des  pauvres,  pugnir  les  Iransgresseurs  des  ordonnances  sur  ce  édictées,  ouvrir  les 
boittes  quy  auront  servy  à  la  queste  de  la  sepmaine,  y  eslans  mises  les  aulmones 
des  bonnes  gens,  faire  note  des  sommes  recheues  et  prendre  dicelle  bourse  quelque 
quantité  de  deniers  requises  pour  subvenir  aux  pauvres  de  chascune  paroiscbe 
selon  Testât  et  distribution  à  garder  par  les  conunis  particuliers.  Etsil  y  a  quelque 
mesnage  devenu  malade  ou  teumbë  en  fortune,  Ion  prendra  aulcuns  deniers  pour 
les  secourre,  dont  se  fera  nolte  au  chapitre  des  mises  et  ce  sur  la  remonslrance 
quy  sen  pourra  faire  audit  jour  par  ceulx  quy  s(î  vouldront  présenter,  comme  aussy 
sera  loisible  à  touls  pauvres  de  venir  déclairor  et  remonslrer  leur  indigence,  alUn 


390  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

d'à  iceulx  eslaniz  ouys  et  informacion  tenue  sur  leur  donné  à  entendre,  les  aul- 
mosnes  estre  augmentées  selon  que  sera  trouvé  convenir. 

Pour  à  quoj  donner  bon  ordre  se  feront  trois  registres,  lung  contenant  le 
revenu  annuel  et  certein  du  bien  propre  à  la  bourse  commune  des  pauvres, 
laultre  de  l'argent  reçeu  du  pourehas.  dons  testamentaires,  contributions  des 
cloistres  et  abbayes,  amendes  adjugées  aux  pauvres  et  toutes  aullres  aulmosnes  à 
iceulx,  et  le  tiers  contiendra  les  mises  et  dispence  à  soustenir.  —  Finallement  pour 
éviter  toute  soupçon  de  tromperie  ou  lareein  au  faict  de  telles  receptes,  les 
commis  généraulx  renderont  compte  de  l'argent  reçeu  et  exposé  pour  les  pauvres 
en  publicq  présent  le  magistrat,  et  ce  de  six  mois  en  six  mois,  et  les  particuliers 
de  mois  en  mois  pardevant  les  généraulx  et  aultres  rassemblez,  le  susdit  jour  de 
sabmedy  seullement. 

De  la  manière  d'amasser  argent. 

Pour  furnir  aux  frais  qu'il  fauldra  soustenir  à  lalimentation  des  pauvres,  sera 
besoing  d'instituer  un  thrésor  ou  bourse  commune  quy  se  pourra  du  commence- 
ment funder  des  deniers  et  revenus  revenus  appertenans  aux  communs  pauvres 
de  chascune  paroice  et  aulcuns  hospitaulx,  estans  prouveu  à  leurs  charges.  En 
après  sera  augmentée  par  les  aulmosnes  quy  se  pourcliasseront  les  jours  de  fesles 
et  dimenches  es  églises  durant  le  sainct  service  à  la  recomiuandacion  des  prédi- 
cateurs en  leurs  sermons,  et  ung  jour  par  sepmaine  par  les  maisons  de  chaseun 
manant.  Et  se  fera  ieelluy  pourehas  par  gens  ad  ce  députez,  aians  une  boitte  serrée 
à  deux  cleflz,  dans  laquelle  chaseun  nieltera  à  sa  discrétion.  Seront  aussy  establis 
troncqs  es  esglises  pour  recepvoir  les  aulmosnes  de  ceulx  quy  y  auront  leur 
dévotion,  davantaig(;  seront  mis  en  icclle  bourse  tous  legatz,  dons  testamentaires 
et  généralleraent  toutes  aulmones  qui  se  poulront  faire  par  ijens  affectionnez  aux 
pauvres.  —  Sy  queleun  se  treuve  décéder  jouyssant  de  quelques  biens  sans 
délaisser  enfans,  sur  iceulx  biens  se  poura  répéter  la  somme  quy  luy  aura  esté 
délivrée  du  bien  des  pauvres  par  succession  de  temps  durant  sa  vie.  laquelle  sera 
remise  en  la  bourse,  le  tout  selon  la  note  quy  en  aura  esté  faiete  sur  le  registre, 
à  quelle  fin  se  venderont  par  haulce  et  renchère  les  biens  dellaissez  par  lesdiz 
deffunclz,  après  les  avoir  inventoriez  el  ce  jusques  à  la  somme  par  luy  receue. 
assistens  à  telle  vente  et  inventoire  les  commis  particnliers  de  la  paroische  dont 
ilz  renderont  compte  et  estai  pardevant  les  généraulx. 

D'abolir  la  mendicalion,  etc. 
Sera  inhibé  et  deffendu  que  nul  quel  quil  soit,  homme  ou  femme,  natif  de  la 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  391 

ville  ou  cstranger  malade,  impotent,  ou  sain  et  bien  dispost,  s'advance  de  mendier 
son  pain  tant  aux  églises,  eemytières,  leurs  entrées  et  portailz  comme  aval  la  ville 
es  rues  ou  maisons,  afin  que  par  tel  moyen  la  multitude  des  gens  oyseux  et 
inulilles.  quy  emprcnncnt  lousjours  sur  la  commune  sans  y  apporter,  soit  cnthiè- 
rement  extirpée  comme  iceux  se  trouvans  indignes  désire  aidez  ou  pourveus 
d'alimens  par  ne  voulloir  Iraveiller  et  ce,  sus  peine  d'esire  le  contrevenant  mis 
huict  jours  au  pain  et  à  leau  pour  la  première  fois,  pour  la  seconde  destre  fouetté 
publicquement  et  pour  la  tierce  désire  banny  de  ceste  ville  et  cité,  pooir  et 
banlieue  diceile  Icspace  de  trois  ans  continueiz.  —  Ce  néantmoings,  les  personnes 
malades,  boyteux,  aveugles  ou  aultrement  impotenset  n'aians  la  force,  puissance 
ou  moyen  de  gaigner  leur  vie,  tenus  pour  manans  de  eeste  ville,  pouront 
remonstrer  leur  pauvreté,  indigence  et  misère  aux  maisfres  et  commis  sur  le  faict 
des  pauvres  sans  pouvoir  aulcunement  mendier,  et  se  tiendra  la  main  à  ce  que 
telle  manière  de  gens  ne  soit  de  facil  receue  en  la  ville.  —  Pareillement,  tous 
manans  de  ceste  ville  de  quel  estai,  qualité  ou  condition  quilz  soient,  dores  en 
avant  ne  pourront  aulcunement  donner  aulmones  aux  mendians  en  publicq,  par 
les  rues,  aux  portes  de  leurs  maisons  ou  es  églises,  ains  leur  sera  loisible 
seullement  de  secourir  au\  pauvres  honteux  et  aultres  demeurans  en  leurs 
maisons  que  ilz  trouveront  estre  à  faire. 

Que  les  pauvres  aidez  de  aulmones  de  la  bourse  commune  seront  tenus,  durant 
le  temps  quilz  en  seront  pourveuz,  de  porter  quelque  enseigne  ou  marque,  quy  à 
ce  s'establira,  et  ne  se  distribueront  aulmosnes  aux  deffaillans  de  la  porter,  à  peine 
de  les  recouvrer  sur  les  eomuns  quy  en  ce  se  seroient  oubliez.  —  Ceux  quy 
diront  ne  scavoir  trouver  ouvrage,  seront  tenus  de  se  représenter  pardevanl  les 
commis  de  leur  paroice  pour  estre  adressez  à  en  recouvrer  et  en  faulte  de  ce  on 
les  pourvoiera  d'aulmosnes. 

Sera  faicte  inhibition  que  nulz  hosleleus.  taverniers,  carbaretiers  ou  maistres 
des  hospilaulx  ne  s'advancent  d'allimcnter  de  vivres  ou  loger  en  leurs  maisons 
pour  longhcs  traicte  de  temps,  gens  vagabondes  et  n'exerçans  slil  aulcun  en 
ladictc  ville,  ains  les  pouront  recepvoir  seullement  une  nuiet,  et  ce  sy  avant 
qu'ilz  soient  passantz  et  estrangiers. 

Que  personne  aulcune  estant  aydée  de  l'aulmosne  commune  ne  se  treuve  es 
tavernes,  bouloires  ou  lieux  députez  à  telz  estatz  et  hasetz,  esquelz  Ion  sy  adonne 
à  ivrongner  ou  haseter  les  dimenches,  fesles  ou  jours  ouvriers,  sus  peine  de 
fustigation,  privation  d'aulmosnes,  banissement  hors  de  la  ville  ou  aultrement,  à 
la  discrétion  de  Messieurs  les  prévostz  et  jurez.  Sy  ne  poulront  les  dis  osteleus, 
taverniers  ou  carbartiers  accorder  assietes  ou  plaehes  à  boire,  jouer  et  haseter  à 
aulcuns  vivans  desdicles  aulmosnes,  sus  peine  de  dix  earolus  d'or,  pour  chascune 
contravention  applicable  à  la  bourse  commune. 


392  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

Que  personne  n'accroye  aux  pauvres  vivres  et  despens  de  bouche  pour  plus 
loniitemps  que  de  deux  jours,  à  peine  de  neslre  paie  le  créditeur  par  lesdiz 
commis. 

Par  provision,  neslant  encoires  la  bourse  suffîssanle  à  alimenter  tous  pauvres, 
aulcuns,  ausquelz  ne  sera  secouru  pouroit  mendier  ayaniz  ung  petit  bulelin  ou 
enseignement  à  eulx  octroie  par  les  commis,  moiennant  lequel  iiz  pouront  men- 
dier aux  portes  des  maisons  seullemont.  —  Que  cestuy  quy  s'advancera  d'aban- 
donner son  mcsnage.  soy  confiant  en  ce  que  à  icelluy  sera  secouru  par  aulmosne 
de  la  bourse  commune,  sera  appelle  et  par  contumache  banny  de  ceste  ville. 

Comme  l'on  doiht...  etc. 

Ceulx  qui  viendront  avec  leur  famile  pour  demeurer  en  la  ville  à  intention 
d'estre  nourys  et  sustentez  de  la  bourse  commune,  ne  seront  point  receuz  fors 
ceux  qui  seront  en  nécessite  extrême,  comme  par  guerre,  péril  de  mer.  par  feu 
ou  aullres  grands  accidens,  afin  que  le  noml)re  des  pauvres  ne  viegne  à  exéder 
leur  revenu.  A  quelle  occasion,  deffense  sera  faicte  aux  ciloiens  de  la  ville  de  non 
louer  maisons  aux  estrangiers  sans  le  consentement  du  magistrat,  de  tant  qu'ilz 
soit  plus  expédient  de  ne  recepvoir  aulcuns  estrangers  que  de  permectre  ceulx 
qui  sont  de  la  ville  et  bien  cogneuz  vivre  en  indigence,  estant  icelluy  injuste, 
quy  nayme  mienlx  aider  à  ceulx  qu'il  co^noit  qu'aux  estrangers  quand  il  ne  peult 
ayder  à  tous. 

Les  pauvres  passans  et  estrangiers  impotens  ou  sains  et  disposlz  venus  en  la 
ville  avant  mydy  ou  peu  après,  se  trouveront  en  la  maison  d'ung  des  commis 
particuliers  pour  de  par  luy  à  chascun  estre  donné  ung  pain  de  viij  deniers  plus 
ou  moins  à  sa  discrétion,  duquel  estant  repus  et  sustenté  icelluy  passant  se 
retirera  soubdain  hors  de  la  ville.  Mais  ceulx  quy  viendront  en  ladicte  ville  après 
midy  sus  les  '2  ou  .5  heures,  se  trouveront  pareillement  vers  l'ung  desdiz  commis, 
lequel  leur  baillera  certain  plommel,  affln  de  moiennant  icelluy.  estre  recheu  en 
quelque  hospilal  pour  une  nuict  seullement,  sans  que  nulz  estrangers  soient 
recheuz  en  telz  lieux  par  aultre  voye,  et  ny  pouront  retourner  de  la  en  avant  fors 
qu'au  bout  d'un  mois,  sus  peine  dVstre  pugnys  depiiin  et  eau  l'espace  de  huict  jours 
eontinuelz.  —  Bien  entendu  toutesfois  que  lesdiz  commis  s'informeront  deuement 
de  la  cause  du  parlement  des  passaniz  et  estrangiers.  du  lieu  de  leur  résidence  et 
selon  que  luy  en  sera  aparu,  par  certification  du  curé  ou  principal  officier  dudit 
lieu  et  à  son  arbitrage  les  poura  ponrveoir  en  la  manière  susdicle  ou  promptemenl 
renvoyer  hors  ladicte  ville  comme  vagabondes  et  indignes  désire  alimentez,  adfin 
d'éviter  la  concurence  de  telles  gens,  lesquelz  considéré  le  Iraiclement  quy  leur 
pouroit  estre  faict  se  trouveroient  en  ceste  ville  à  propos  et  en  bon  nombre. 


PIÈCKS  JUSTIFICATIVES.  593 

Et  les  demcurans  à  coucher  en  la  ville  n'auront  pour  leur  soupper  que  ung 
pain  de  quatre  deniers,  ung  demy  lot  de  petite  bierre  et  pour  qualtre  deniers  de 
heure  ou  fromage,  feu,  potaige  el  le  coucher  à  lacouslumé,  n'estoit  qu'ilz  fussent 
notoirement  malades,  que  lor.'î  ilz  |)ouront  tarder  plus  longtemps  qu'une  nuict 
pour  estre  pensez  et  Iraiclez  comme  leur  indigence  le  requcrrera,  ce  quy  aura 
lieu  es  aullres  dcstruiclz  par  guerre,  feu  ou  aultre  danger,  dont  ils  feront  deue- 
ment  apparoir  par  certification. 

Des  escoles  et  maislres  quy  enseigneront  la  jeunesse. 

On  érigera  de  nouvel  deux  eseolles  où  journellement  seront  enseignez  les 
jeunes  enffans  des  pauvres  estans  secourus  de  la  bourse  commune  et  ce  tant  es 
lettres  vulgaires  que  bonnes  meurs,  desquelles  l'une  servira  aux  garsons,  l'aultre 
aux  nilelles.  Ht  quant  aux  jeusnes,  quy  se  sont  des']a  mis  à  besongner  de  sorte 
que  aux  jours  ouvriers  ilz  ne  ont  bonnement  le  loysir  et  comodilé  de  se  trouver 
esdictes  escoles  pour  y  eslrc  endoctrinez,  ilz  auront  leur  recouvrer  les  festes  et 
dimenehes  après  le  service  divin  achevé,  que  lors  lesdiz  maistres  seront  tenus 
d'entendre  à  euls. 

Pareillement,  icculx  maistres  tiendront  la  main  à  ce  que  leurs  disciples  aillent 
à  la  messe  et  sermons  chascun  jour  de  dimenehes  et  festes,  les  faisant  à  ces  fins 
rassembler  et  conduire  en  ordre  à  heure  compétente. 

Les  commis  particuliers  cstablis  en  chascune  paroisehe  tiendront  registres  des 
pauvres  enfans  de  leur  quartier  pour  iceulx  faire  apprendre  quelque  stilz,  s'ilz 
sont  en  âge  capable,  et  les  louer  el  obliger  à  demeurer  aux  mestiers  à  tel  temps 
qu'il  sera  advisé  par  les  commis  gériéranlx  et  aultres  députez,  lesquelz  reeepvoir 
(sans  prendre  aultre  chose  que  l'obligation)  seront  constraiiiclz  les  maistres  es 
mestiers  de  ceste  ville  par  toute  voie  deue  et  raisonnable. 

Mesmes  les  pères  ayans  enfans  capables  à  apprendre  quelque  sliz  seront  cons- 
Irains  par  les  commis  à  faire  lesdieles  obligations,  silz  se  Ireuvent  négligens  de 
les  faire  apprendre.  Lesdis  maistres  seront  salariez  des  deniers  venans  de  la 
bourse   commune  et  seront  eslablis  ou  destituez  à  l'arbitraige  des  commis  et 

aullres  députez. 

(Archives  déparlementales  du  INord,  à  Lille,  fonds  Errenibault,  n"  98, 
pièce  n°  85.  —  Document  sur  papier,  13  f"*  in-4<>.) 


Tome  I.  —  Lettres,  etc.  SO 


394  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 


VII  (XXVI).   —  26  novembre  1576. 


Convcnlioii  cnlic  Pierre  de  Meleuii  et  la  garnison  allemande. 

Poinlz  et  articles  convenu?,  et  accordez  entre  Monseigneur  le  Seneschal  de 
Haynn.uilt,  Gouverneur  et  Bailly  des  ville,  chaslel  et  bailliaige  de  Tournesiz 
dune  part  et  le  S'  baron  de  Kindsich.  lieutenant  coronel  du  baron  de  Frausberg 
et  les  S"  capitaines  Jean  Jacques  Welser  et  Chrisloffle  Belhem  pour  leur  retraiclre 
et  des  soldalz  ayons  tenu  garnison  soulz  leur  cherge  en  la  dite  ville  de  Tournay, 
jusques  le  xxvje  du  mois  de  novembre  soixante  seize. 

Premiers  que  les  dits  seigneurs  capitaines  et  soldalz  sortiront  prestement  de  ia- 
dicte  ville  moyennant  le  reste  du  secours  du  mois  passé  portant  environ  trois  mil 
florins,  reste  de  trois  mil  escus  de  secours  par  mois,  en  quictant  Messieurs  des 
Estatz  et  pays  du  surplus  que  leur  pouroit  cstre  deu  de  leur  solde  et  gaiges. 

Que  lesdits  trois  mil  florins  leur  seront  comptez  prestement  leur  retraicle,  pro- 
mectant  de  payer  tout  ce  qu'ilz  peuvent  debvoir  et  ont  accreu  aux  bourgeois  et 
manans  de  ladite  ville,  sur  le  premier  payement  qu  ilz  obtiendront  de  Sa  Majesté, 
sur  lequel  sera  faict  discompt  et  donneront  à  ces  fins  chacun  desdils  capitaines 
leur  cédulles  et  obligation  pour  leurs  compagnies  respectivement. 

Et  affin  que  le  pays  plat  soit  moins  foullé  et  que  ne  soit  besoing  leur  donner 
compaignies  pour  leur  faire  convoy  lesdits  capitaines  délaisseront  en  ceste  dite 
ville  en  oslaige  six  gentilzhommes  de  leur  dite  compaignies,  lesquelz  par  après 
seront  sceurement  conduit  jusques  aux  frontières  d'AIlemaigne,  prestement  que 
le  commissaire  qui  aura  conduiet  lesdites  compaignies  sera  de  retour  en  ceste 
ville  et  à  ces  fins  sera  obtenu  passeport  et  saulfconduict  tant  par  mesdits  Seigneurs 
des  Estatz  que  ledit  Seigneur  Seneschal. 

En  oultre  pour  aullant  que  ledit  Seigneur  baron  de  Frausberg  suyt  de  présent  le 
parliz  des  Espaignolz  mutinez,  debvront  lesdits  capitaines  et  soldatz  presler 
serment  par  devant  et  es  mains  du  S'  Seneschal  de  ne  servir  ausdits  Espaignolz, 
ni  aultrcs  contraires  an  Roy  notre  Sire  et  Estatz  de  ce  pays,  endéans  demy  an, 
à  compter  de  ce  jour  et  sortiront  le  chinieau  (?)  estainct. 

Ainsy  capitulé,  traicté  et  accordé  entre  ledit  S'  Seneschal  et  capitaines  les  jour, 
et  an  susdits;  tesmoings  leurs  seings  ci  mis  soubsignés  :  Pierre  de  Werchin,  Mar- 
girardt  Freichi  zùr  Himgsegh.  Hans  Jacop  Welser,  zùrSleperg,  Christolïle  Behem. 
Et  plus  bas  estoil  cscript  collationner  et  trouvé  accorder  à  l'acte  originel  par  moy 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  595 

greffier  civil  de  'lournay  soubsigné  ce  xxvj«  en  novembre  1376:  soubsignc,  De 
Landas. 

(Archives  départementales  du  Nord  à  Lille.  Registre  intitulé  : 
«  Documents  d'intérêt  général,  Troul)les  religieux  des  Pays-Bas. 
Article  B.  Ancien  T  48,  n»  59  ».  —  Ce  document  est  une  copie 
collationnée  par  le  greffier  de  Tournai,  De  Landas,  sous  la  date 
du  26  novembre  1579.) 


VIII  (XXVII).   —  6  octobre  1578. 


L'archiduc  Malhias  défend  l'exorcice  du  culte  calviniste  dans  Tournai 

et  le  Touinaisis. 

Mattbias,  par  la  grâce  de  Dieu  archiduc  d'Auslrice,  duc  de  Bonrgoigne,  Styrie, 
Carinthie,  Carniole.  Wirlenbcrg.  etc.,  comte  de  Habsburcb,  Tirol.  etc..  gouver- 
neur el  capitaine  général  des  pays  de  pardeça, 

A  noz  très  chiers  et  bien  amez  gouverneur,  prévost,  jurez,  maycur.  esche- 
vins  et  consaulx  et  tous  aultres  justiciers  et  officiers  de  Tournay  et  Tournesis 
quy  ces  présentes  verront,  salut.  Comme  sur  diverses  requestes  à  nous  présen- 
tées par  les  bourgeois,  manans  et  habitans  de  ladicte  ville  protestans  désirer 
vivre  selon  la  réformation  de  l'évangille,  estans  requis  de  permectre  '  enthier 
et  libre  exercice  de  leur  religion  el  à  ce  leur  faire  assigner  lieux  capables  el  con- 
venables, ayons  (auparavant  l'accorder  ou  retîuser)  trouvé  bon  d"i;n  avoir  l'advis 
de  vous  susdiz  gouverneur  el  magistratz  de  Tournay  et  sur  tout  que  à  ce 
peult  servir  nous  informer  et  que  ne  trouvons  convenable  de  légièreraent  admettre 
nouvellitez  et  •hnngement  d'exercice  de  l'anchienne  religion,  pour  plusieurs  causes 
et  raisons  dont  sommes  informez,  pour  ce  est  il  que  désirans  ung  chascun  main- 
tenir en  repos  et  tranquililé  el  pour  pluiseurs  raisons  ne  trouvans  convenir 
d'admeclre  ledit  exercice  publicq  de  ladite  religion  dite  réformée,  ny  d'assigner 
les  places  requises  en  ladicte  ville  et  baillage,  avons  pour  le  lieu  que  tenons, 
interdit  el  detTendu.  interdisons  et  deffendons  à  tous  manans  et  habitans  de  ladicte 
ville  cité  et  pays  de  Tournay  et  Tournesis.  de  quele  qualité  ilz  soient,  d'exercer 
ladicte  religion  dite  réformée  au  dehors  et  aullrement  que  porté  et  permis  est  par 
ladiele  paciffication  de  Gand  et  déclairacion  et  asseurance  ensuivie  du  x«  de 
décembre  xv^  soixanle-dixsept.  Sy  vous  ordonnons  chascun  respectivement  au 
district  de  son  office  faire  bien  eslroictement  garder  et  entretenir  icelles  en  tous 
leurs  pointz  et  articles  el  punir  les  contraventeurs  des  peines  y  comminées  à 


596 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 


l'exemple  d'aultres.  et.  afïin  que  personne  n'en  puist  prétendre  ignorance,  vous 
ordonnons,  chascnn  endroit  soy  et  sy  coaie  à  luy  appertiendra,  que  ceste  présente 
déclaration,  deflence  et  ordonnance  publiez  et  faictes  publier  chascun  es  mectes  de 
voslre  jurisdiclion  où  l'on  est  acoustumé  faire  criz  et  publications,  et  que  l'entre- 
tenez et  observez  selon  sa  forme  et  teneur,  car  ainsy  convient  pour  le  service  et 
repos  du  pays.  Faicl  en  Anvers  le  vj«  jour  du  mois  d'octobre  xv<^  soixante-dix- 
huyt.  Soubsigné  Matthias,  et  plus  bas  estoit  escript,  par  ordonnance  de  Son 
Alteze  et  signé  M.  Gille  et  cachetée  du  cachet  de  Sa  Majesté. 

(Archives  communales  de  Tournai,  registre  n"  345,  f^-  107.) 


COMPLÉMENT    A    L'APPENDICE  ('). 


i 

a 

a 

o 

Dates. 

Nom  et  prénoms. 

Profession. 

Genres 

DE   JIORT 

RÉFÉRENCES. 

a 

ai 

1 

y, 
-y. 

O 

1 

2 

3 

4 

5 

6 

7 

8 

9 

10 

H 

12 

1568.  U  avril. 
1568.  18  juin. 
1568.  18  juin. 
1568.  21  juillet. 
1568.  21  juillet. 
1568.  21  juillet. 
1368.  21  juillet. 
1368.  29  septembre. 
1568.  29  septembre. 
1368.  8  novembre. 
1568.  8  novembre. 
1568.  8  novembre. 

Desmilecamps,  Arnould    .     .     . 

de  Lobleau,  Pierre 

de  le  Grange,  Chrétien,  dit  Bon 

[Chrétien. 

Broucq,  Claude 

Castellain,  Pierre    .... 

Glorieux,  Jehan 

Mas,  Simon 

Fiefvet,  Pierre  

Notet,  Jacques 

Bleuzet,  Hector .... 

Turut,  Jehan 

Leseroart,  Jehan 

laboureur 
bouvier 

carlier 

laboureur 

laboureur 

laboureur 

laboureur 

couturier 

carlier 

hautelisseur 

hautelisseur 

— 

F"  122  T". 

F»  122  V». 
Fo  123  yo. 
F"  124  r°. 
F»  124  V". 
F"  123  V». 
F»  126  ro. 
F»  1-J6  V». 
Fo  127  r». 
F"  128  r». 
Fo  129  r». 
F»  130  r". 

(Archives  du  Royaume.  Papiers  d'État  et  de  l'Audience.  Reg.  n"5.30, 
aux  folios  indiqués  dans  la  colonne  Références.) 


(*)  Nous  devons  ces  renseignements  complémentaires  à  l'obligeance  de  M.  Jean  Meyhoffer. 


TABLE    DES    MATIERES 


Pages. 

Préface   3 


Documents  et  travaux  consultés 


PREMIERE    PARTIE 

Conquête  anglaise  et  annexion  du  Tournaisis  aux  Pays-Bas. 


CHAPITRE  PREMIEH. 

CONQUÊTE  ANGLAISE. 

I.  La  France  veut  faire  de  Tournai  une  place  forte  de  premier  ordre,  à  cause  de  la 
situation  géographique  du  Tournaisis.  —  H.  Conséquences  de  celte  situation 
géographique  durant  les  luttes  de  la  France  avec  les  ducs  de  Bourgogne;  traité 
de  1478.  —  III.  Siège  de  1513  et  prise  de  Tournai  par  le  roi  d'Angleterre, 
Henri  VIII H 

CHAPITRE  II. 

RETOUR  DU  TOURNAISIS  A  LA  FRANCE  (1S18). 

1.  Etat  des  esprits  après  la  prise  de  Tournai  par  Henri  VIII.  —  II.  Politique  de 
François  I"''  à  son  avènement  au  trône.  —  III.  Ambassade  de  Bonnivet  à  Londres 
et  traité  de  Londres  du  14  octobre  1518 23 

CHAPITRE  m. 

ANNEXION  DU  TOURNAISIS  AUX  PAYS-BAS  (1S2I). 

I.  François  I""'  renoue  les  traditions  séculaires  de  la  France  à  l'égard  de  la  défense 
de  Tournai.  —  II.  La  France  suscite  la  guerre  ;\  Cliarles-Quint.  —  111.  Investis- 
sement, puis  siège  de  Tournai.  —  IV.  Conspirations  en  faveur  de  la  France. 
Leur  échec 30 


398  TABLE  DES  MATIÈRES. 

DEUXIÈME  PARTIE 

Institutions. 


CHAPITRE  PREMIER. 
INSTITUTIONS  COMilUNALES  DE  TOURNAI. 


Pages 


I.  La  charte  de  1424.  —  IL  Ses  principales  dispositions.  —  III.  Juridictions  prévô- 
tale  et  scabinale  sous  l'empire  de  cette  charte.  —  IV.  Abolition  de  cette  charte. 

—  V.  Modifications  apportées  par  Charles-Quint  au  recrutement  des  magistrats. 

—  VI.  Juridiction  scabinale  sous  Charles-Quint.  —  VIL  Juridiction  prévôtaJe 
sous  Charles-Quint 54 

CHAPITRE  II. 

INSTITUTIONS  ROYALES  ET  INSTITUTIONS  JUDICIAIRES  ECCLÉSIASTIQUES. 
LE  BAILLIAGE  ET  LES  OFFICIALITÉS. 

I.  Le  bailliage  et  sa  compétence;  ses  fonctionnaires  et  leurs  attributions.  —  IL  Le 

bailliage  sous  Charles-Quint.  —  III.  Les  ofiicialités  et  leur  compétence.     ...       69 

CHAPITRE  III. 
INSTITUTIONS  PROVLNCLALES. 

I.  Origines  de  la  formation  de  la  province  du  Tournaisis.  —  IL  Les  États  :  leur 

composition;  leur  rôle;  leurs  prérogatives 72 


TROISIE.ME  PARTIE 

Après  la  Conquête.  —  La  Réforme. 


CHAPITRE  PREMIER. 

PREMIERS   TESIPS   DE   LA   RÉFORME. 

1.  Impôts;  mœurs  du  clergé.  —  IL  Premières  condamnations  et  exécutions  pour 
cause  de  religion.  —  III.  Organisation  de  l'Eglise  réformée  de  Tournai;  Pierre 
Brully.  —  IV.  Guy  de  Bray;  les  premiers  troubles  (ly61).  —  V.  Nouveaux 
troubles  (L'îeS);  suppression  de  l'École  d:  i)  étorique.  —  VI.  Concile  de  Trente  ; 
compromis  des  Nobles;  Floris  de  Montra  ncncy.  —  VIL  Les  prêches;  les  Icono- 
clastes ;  leur  défaite  à  Marchiennes 76 


TABLE  DES  MATIÈRES.  399 

CHAPITRE  II. 

APOGÉE   DE   LA   RÉFORME. 

Piges. 

1.  Arrivée  à  Tournai  d'Eustache  de  Fiennes,  seigneur  d'Esquerdes,  et  de  Jean  de 
Montigny,  seigneur  de  Viilers;  leur  mission.  —  II.  Arrivée  du  comte  de  Bornes; 
il  autorise  les  prêches  urbains  et  fait  un  compromis  avec  les  calvinistes;  il  leur 
assigne  quelques  endroits  pour  leurs  prêches  en  ville.  —  III.  Les  calvinistes 
obtiennent  l'autorisation  d'élever  des  temples  et  demandent  de  pouvoir  se 
livrer  à  leurs  rites  religieux.  —  IV.  Départ  du  comte  de  Hornes;  appréciation 
de  sa  conduite.  —  V.  On  promet  aux  calvinistes  la  tolérance  des  magistrats 
concernant  l'exercice  public  de  leur  religion 134 

CHAPITRE  m. 

DÉCLIN   DE   LA   RÉFORME. 

1.  La  réaction;  Marguerite  de  Parme  défend  l'exercice  de  la  religion  réformée;  inter- 
diction des  prêches  urbains.  —  II.  Émotion  populaire  ;  arrivée  de  nombreux 
Flamands;    pillage   des   abbayes;   défaites    de   Wattrelos   et   de    Lannoy.   — 

III.  Entrée  de  Noircarmes  à  Tournai;  ses  effets;  départ  de  Noircarmes.  — 

IV.  Le  duc  d'Albe.  —  V.  Résistance  au  duc  d'Albe  :  les  Feuillars  et  l'opposition 

aux  x«,  xx=  et  c*  deniers 1S2 

QUATRIÈME  PARTIE 

Suites  de  la  Réforme. 


CHAPITRE   PREMIER. 

LE  TOURNAISIS  ET  LES  ÉTATS-GÉNÉRAUX. 

I.  Requesens;  le  Pardon.  —  II.  Le  Conseil  d'Etat  prend  les  rênes  du  Gouvernement. 
—  m.  Furie  espagnole;  la  Pacification  de  Gand.  —  IV.  Nomination  de  Pierre 
de  Meleun  comme  gouverneur  de  Tournai  ;  ses  agissements  et  son  but.  — 
V.  Union  de  Bruxelles  et  Édit  perpétuel.  —  V[.  La  Paix  de  religion.  — 
VII.  Confédération  d'Arras;  Union  d'Utrecht.  —  VllI.  Scission  parmi  les  Etats 
de  Tournai -Tournaisis 193 

CHAPITRE  IL 

SIÈGE  DE  1581. 

I.  Les  Malcontents.  —  11.  Pierre  de  Meleun  est  nommé  superintendant  de  Tournai- 
Tournaisis.  —  III.  Situation  de  Tournai  au  point  de  vue  religieux.  —  IV.  Pierre 
de  Meleun  prend  l'offensive.  —  V.  Le  siège  et  ses  suites.  —  VI.  Le  rôle  de  la 
princesse  d'Espinoy  et  le  vol  des  argenteries 226 


400  TABLE  DES  MATIÈRES. 

CINQUIÈME  PARTIE 

Situation  économique  et  sociale 


CHAPITRE  PREMIER. 

AVANT  L'iLNXEXIO.N^  DU  TOLRXAISIS  AUX  PAYS-BAS. 

Pages. 

I.  Prospérité  du  Tournaisis  durant  les  XIV'^  et  XV«  siècles.  —  II.  Commencement 
du  déclin.  —  III.  Ses  causes.  —  IV.  Mesures  de  restauration.  —  V.  L'occupation 
anglaise 2o8 

CHAPITRE  II. 

APRÈS  L'AiMSTlXION  DU  TOURiS'AISIS  AUX  PAYS-BAS. 

I.  L'annexion  devient  une  nouvelle  cause  de  décadence;  les  aides;  la  garnison.  — 
II.  .Mesures  prises  pour  remédier  k  la  décadence  économique;  sécularisation 
de  la  bienfaisance.  —  III.  Organisation  de  l'enseignement  primaire  communal.  — 
IV.  Amélioration  de  l'hygiène  publique.  —  V.  Secours  pécuniaires.  —  VI.  Les 
luttes  religieuses  empêchent  ces  mesures  de  porter  leurs  fruits 269 


Appendice.  —  Liste  des  personnes  exécutées  à  Tournai  de  lo61  à  lo70  pour  hérésie 

ou  contravention  aux  placards 293  et  396 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

I  (VU).  —  19  février  1322.  —  Les  magistrats  de  Tournai  demandent  l'annexion  de 

leur  ville  à  la  Flandre 302 

II  (X).  —  14  octobre  lo61.  —  Les  Commissaires  royaux  font  leur  premier  rapport 

i'i  Marguerite  de  Parme 304 

III  (XI).  —  15  octobre  lo61.  —  Deuxième  rapport  des  Commissaires  à  la  Régente.     .     309 

IV  (XVI).  —  4  août  1363.  —  Rapport  des  Commissaires  à  la  Régente;  L'école  de 

rhétorique 310 

V  (XVII).  —  1366.  —  Rapport  du  Magistrat  de  Tournai  sur  les  troubles  de  1366  .     .     312 

VI  (XVIII).  —  1364-1363.  —  Projet  de  règlement  pour  l'organisation  de  la  Bienfai- 

sance à  Tournai 387 

VU  (XXVI).  —  26  novembre  1576.  —  Convention  entre  Pierre  de  Meleun  et  la 

garnison  allemande 394 

Vin  XXVII).  —  6  octobre  1378.  —  L'archiduc  Mathias  défend  l'exercice  du  culte 

calviniste  dans  Tournais  et  le  Tournaisis 39o 

Index  alphabétique 401 


INDEX  ALPHABÉTIQUE 


Abbeville,  "259,268  11.1. 

Achille  (cardinal  de  Saint-Sixte),  31. 

Aerschot  (duc  d'),  209. 

Airaeries  (Simon),  143. 

Albe  (Ferdinand  Alvarez  de  Tolède,  duc  d'),  135  n.  /i-, 
173,  176,  178,  178  n.  2,  179,  179  n.  3,  181,  182, 
183,  184,  183,  185  n.  3,  186,  187,  188,  188  n.  7, 
189,  189  n.  4,  190,  191,  192,  192  n.  3,  193,  194, 
195,  196,  203,  249. 

Albret  (Henri  d'),  37. 

Alegambe  (Catherine),  197  n.5. 

Alegambe  (Louis),  200,  200  n.  4,  249  n.  2. 

Alegambe  (Michel),  18  n.  2,  20  n.  1,  21. 

Alen(.-on(ducd'),  211,  286. 

Alexandre  VI,  15  n.  3. 

Allain,  72n.2. 

AUard  (Albert),  8.  23  n.  2,  67  n.  4,  69  n.  1,  69  n.  2, 
71  n.  1. 

Allard  (Simon),  299. 

Allemagne,  16,  36,  152,  166, 174,  204,  205. 

Alost,  73,  199. 

Altmeyer,  8,  78  n.  3,  79  n.  1,  275,  275  n.  1,  286  n.  1. 

Amiens,  43,  100,  261,  268  n.  1. 

Anchin,  133,  133  n.  2. 

Anciens  bourgeois  (fondation  hospitalière  des),  172. 

Angleterre,  26  n.  4,  27,  27  n.  4,  28,  29,  31,  32,  33 
n.  2,  33  n.  3,  35  n.  1,  85  n.  4,  166,  177,  178,  246, 
261,  267. 

Angleur  (Paix  d'),  54. 

Anjou  (duc  d"),  224,  228,  235,  241,  243,  246. 
Antoine,  85. 
Antoing,  226,  366. 
Antoing  (Hiérôme  d'),  301. 

Tome  I.  —  Lettres,  etc. 


Anvers,  4,  127,  135,  188,  195,  199,  202,  204,  226, 
232,  259,  290,  309,  310,  314,  327,  341,  343,  363. 
Anvers  (église  N.-D.  à),  75. 

Aragon  (Ferdinand  d'),  17. 

Aragon  (Jean  d'),  16  n.  1. 

Arande  (Antoinette),  49  n.  2. 

Ardres,  14. 

Arellano  (Alonso  de),  116  n.  3. 

Arians  (Cornille),  81,  82  n.  2. 

Armentières,  158. 

Arnould,  301. 

Arnouville  (pont  d'),  118,  118  n.  2,  313. 

Arras,  86,  90,  218,  220,  260. 

Arras  (Confédération  d'),  221. 

Arras  (église  Saint-Vaast  à),  75. 

Arras  (église  N.-D.  à),  75. 

Arras  (Union  d'),  222,  223,  224,  225,  226. 

Artois,  13,  24  n.  4,  42  n.  2,  70,  192,  200,  211,  214, 
215,  216,  218,  219,  219  n.  3,  222,  226,  262.  264. 

Asset  (Pierre),  109,  312. 

Assegnies  (Thiéry  d'),  297. 

Assonleville  (Christophe  d'),  98,  98  n.  3. 

Assonleville  (Marie  d'),  110  n.  3. 

Alh,  87, 104, 110  n.  6. 

Aubermont  (Antoine  d'),  174,  174  n.  2. 

Aubermont  (Michel  d'),  22  n.  2. 

Aubermont  (Nicolas  d'),  22,  22  n.  2. 

Audenarde,  227  n.2,  231,  232,  241,  243,  290,  312, 
319,  365. 

Audenarde  (Rasse  d'),  81,  82  n.  2. 

Augustins,  239,  253. 

Autriche  (Charles  d'),  32  n.  2,  33,  36,  37  n.  3, 

39  n.  3. 
Autriche  (don  Juan  d'),  207,  208,  209.  210. 

51 


402 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


Autriche  (Marguerite  d'),  16,  16  n.  1,  18,  28  n.  2, 

38n.2,  42n.l,  77,  284n.l. 
Autriche  (Maxirailien  d'),  14,  16,  16  n.  1,  17,  17  n.  3, 

18,  19,  21,  23,  23  n.  4,  36,  37  n.  1,  267. 
Autun,  39  n.  2,  40. 
Avenel(d'),  8,263  n.  1,270  n.l. 
Aymery  (Simon),  296,  385,  386. 


Bacheler  (Jacques),  47  n.  1. 
Bacheler  (Pierre),  110,  110  n.  7. 
Bacquelans  (Gilles),  183  n.  1. 
Bacquin  (Jean),  102,  295. 
Bailleul,  162. 
Bailleul  (Jacques  de),  311. 
Bailleul  (Gérard  de),  106,  106  n.  8. 
Bakhui/.en  van  den  Brinck,  195. 
Baligan  (Michiel),  171  n.  3. 
Ballenghien(Jean  de),  298  . 
Bambecque  (Jacques  de),  169,  169  n.  1. 
Bar  (sire  Bauduin  du),  62  n.  1. 
Barbiers  (Gilles),  IS  n.  3. 
Barges  (rieu  de),  158. 
Bargibant  (François  de),  249  n.  2. 
Bargibant  (Jean  de),  87. 
Barat  (Jacques),  113,  113  n.  2, 170, 171. 
Barre  (Antoinette  de  le),  251. 
Barre  (Pasquier  de  lei,  8,  113,  116  n.  1,  118  n.  1, 
118  n.  3,  119  n.  5,  120  n.  4,  121  n.  1,  122  n.  1, 
124  n.  1,  125  n.  1,  127  n.  1,  128  n.  2,  129  n.  4, 
130  n.  3,  131  n.  1,  132  n.  2,  133  n.  4,  134  n.  1, 
135  n.  3,  136  n.  1,  137  n.  2,  138  n.  1,  139  n.  1, 
140  n.  5,  141  n.  2,  143  n.  2,  145  n.  3,  147  n.  3, 
153  n.  2,  154  n.  1,  156  n.  1,  157  n.  1,  162  n.  1, 
162  n.  2,  164  n.  1,  165  n.  2,  166  n.  2,  167  n.  3, 
168  n.  2,  169  n.  5,  170  n.  1,  173,  174  n.  4,  175 
n.  1, 178, 178  n.  1, 178  n.  2,  323,  324. 
Basse-Flandre,  157. 

Bassenghien  (S'  de),  200,  200  n.  4,  249  n.  2. 
Bassy  (GiUes  de),  249  n.  2. 
Bataille  (Nicolas),  249  n.l. 
Battele  (Jacques  van),  76. 
Baudegnyes  (S^  de),  247. 
Bauldechon  (Estienne),  298. 


Bautegnies  (Antoine  de),  297. 

Beaumont  (Pierre  de),  298. 

Beauraez  (S--  de),  385,  386. 

Beaurain  (S-'  de),  169,  169  n.  7,  170,  174,  178  n.  3. 

Becq  (André),  300. 

Becquart  (Victor),  161  n.  1. 

Bedfort  (duc  de),  56. 

Béghin  (Valentine),  295. 

Bellin  (Roland),  102. 

Bélys  (Martin),  298. 

Bentivoglio,  252,  252  n.  2. 

Berg-op-Zoora,  259. 

Berghes  (Jean  de),  218  n.  1. 

Berghes  (marquis  de),  116,  116  n.  2. 

Béringhes  (Laurence  de),  22  n.  1,  28  n.  4. 

Berlaymont  (Marie  de),  37  n.  3. 

Bermude  (Josse),  230  n,  6. 

Bernard  (Florent),  247. 

Bernard  (Gérard),  239,  248. 

Bernard  (Gui),  120,  120  n.  3,  385. 

Bernard  (Nicolas),  120,  120  n.  3,  126,  126  n.  3,  333, 

348,  385. 
Bernard  (Philippe),  247. 
Bernard  (Simon),  120  n.  3.  126,  333,  386. 
Berte  (André),  301. 
Besançon,  19. 
Bethem  (Christoffle),  394. 
Béthune,  313. 

Bèvres  (Germain  de),  68  n.  1. 
Bèze  (Théodore  de),  107. 
Binois  (Pierre),  230  n.  6. 
Biselingue  (S^  de),  249. 
Blandinoise  (tour),  22. 
Blandain,  309. 

Blasere  (Jean  de),  98,  98  n.  4,  170, 174,  273,  304. 
Blauwet  (Gilles),  297,  360. 
Bleuzet  (Hector),  396. 
Blioul  (Laurent  du),  47,  302. 
Blois,  12  n.  2, 13  n.  1,  13  n.  2,  265. 
Blondel  (Jacques',  S'^  de  Cuincliy,  170,  170  n.  2, 181, 

184, 189  n.  4, 191, 193,  203,  203  n.  3,  204  n.  1,  260. 
Blondel  (Louis  de),  185  n  3. 
Blondiau  (Sébastien),  298. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


403 


Bois  (Hermès  du),  106  n.  I. 

Bois  (Louis  du),  173,  385,  386. 

Bois(Nicolasdu),  173,  247. 

Boisère  (Marie),  113, 113  n.  4,  295. 

Boixée  (Adrien),  35S. 

Bonnivet  (S'  de),  32. 

Bossuyt,  27. 

Bouchain,  228. 

Boucliier  (Augustin),  3(X). 

Bouclers,  231. 

Bouillon,  205. 

Boulanger  (Barbe),  173  n.  7. 

Boulogne,  17. 

Boulongne  (Jehan),  68  n.  1. 

Bourbourg,  104. 

Bourdeau  (Pierre),  29S,  102. 

Bourdeauduis  (Michel  de),  81. 

Bourgeois  (Allard),  387  n.  1. 

Bourgeois  (Antoine),  298. 

Bourgeois  (Simon),  249  n.  2. 

Boiirgeoys  (Allard),  387  n.  1. 

Bourges,  19  n.  3. 

Bourgogne,  19,  40,  259,  261,  263,  264.  269  n.  2. 

Bourgogne  (ducs  de),  11,  12,  12  n.  1,  13,  13  n.  1, 

13, 19  n.  3,  20,  263,  264. 
Bourgogne  (Marie  de),  14, 16,  16  n.  1,  35  n.  1. 
Bourgogne  (Raphaël  de),  IS  n.  3. 
Boursier  (Jean),  384. 
Bousin  (Pierre),  259  n.  2. 
Boussu  (comte  de),  166  n.  1. 
Boutry  (David),  300. 
Boyen  (Séverin),  249  n.  2. 
Bozière,  248  n.  5,249  n.l. 
Brabant,  150, 188, 192,  211,  264. 
Brabant  (Conseil  de),  87. 
Brabant  (États  de),  188,  198,  200,  201. 
Brantôme,  32  n.  4. 
Brasseur  (Gilles),  173. 
Bray  (Guy  de),  92,  92  n.  4.  93,  94  n.  8,  95,  97,  98, 

100,  100  n.  2, 106,  106  n.  7. 
Bréda  (Conférences  de),  199. 
Bréderode  (S'  de),  158. 
Bresoul  (Guillaume),  133,  133  n.  3,  296,  385. 


Bretagne  (Anne  de),  16  n.  1. 

Breuze  (bois  de),  106,  106  n.6,  173,  i^i  n.  4,  381. 

Brisemoutiers  (Jehan),  296. 

Brocart  (Jean),  82,  82  n.  2. 

Broucq  (Claude),  396. 

Broutin  (Louis),  250. 

Bruges,  15  n.  3,  52,  54,  77,  173,  239,  278. 

Bruges  (Exposition  des  Primitifs',  290. 

Bruges  (église  N.-D.  à),  73. 

Bruges  (église  Saint-Donat  à),  75. 

Bruille,  40  n.  2. 

Brully  (Pierre),  86,  87,  87  n.  1.  92,  93. 

Bruxelles,  4,  6,  54,  33,  63,  98,  119,  135,  142,  146, 

152,  134,  175,  184,  188,  189,  197. 199,  208,  210, 

219,  277,  278,  304,  310,  360. 
Bruxelles  (Conseil  privé  de),  85  n.  1,  142. 
Bruxelles  (Union  de),  207,  208,  212. 
Bruylle  (Jean  de),  84. 
Bucer  (Martin),  85,  83  n.  4,  86. 
Bucquet  (Rasse  de),  387  n.  1 
Buillemonde  (Bonne  de),  200  n.  4. 
Bulteau(Jaccnies),  125,  178  n.  1,  348. 
Burgos,  16. 


Calais,  14,  17,  29,  41  n.  4. 

Calais  (Conférence  dei,  41. 

Calonne  (Antoinette  de),  137  n.  3. 

Calonne  (Loys  de),  385,  386. 

Calonne  (Nicolas  de),  172, 172  n.  6,  249  n.  2. 

Calvin,  89,  93, 100,  111. 

Cambe  (Marie  de  le),  200  n.  3. 

Cambier  (Jehan),  262  n.  2. 

Cambrai,  68,  82,  228,  23S. 

Cambrai  (Cyprien  de),  50  n.  1. 

Cambrai  (Ottieialité  de),  71. 

Cambrai  (traité  de),  52,  52  n.  3. 

Cambron  (Chrétien  de),  50,  50  n.  1. 

Cambry  (Jehan),  64  n.  3. 

Cambry  (Françoise  de),  125, 125  n.  3,  127,  173  n. 

Cambry  (Gabriel  de),  178,  178  n.  1,  331,  332. 

Cambry  (Jacques  de),  387  n.  1. 

Cambry  (Jean  de),  126,  126  n.  1,  385. 


404 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


Carabry  (Michel),  47  n.  1,  64  n.  3. 

Campene  (Josse  de),  215,  213  n.  %  216.  217. 

Cantorbéry,  85  n.  4. 

Cappella  (Jean),  88. 

Carette  (Henri ,  299. 

Cartier  (Gérard).  297. 

Carlier  (Jean),  102,  295. 

Carnoye  (sire  Jehan),  62  n.  1,  .384. 

Carondelel  (Ferry).  19,  21,  21  n.  .3,  32  n.  2. 

Caroline  (la  charle),  277. 

Carpréau  (Pierre),  298. 

Casimir  (comte),  214. 

Castellain  (Pierre),  396. 

Castelin  (Quenot),  88. 

Castre  (Michiel  de),  49  n.  2. 

Cal  (Anna  de)  120  n.  4. 

Cateau-Cambrésis  (Paix  de),  90. 

Cauche  (.Xicolas),  151  n.  2,  384,  .385,  386,  387. 

Cauchie  (Mathias  de  le),  218,  220  n.  2. 

Caudron  (Jehan),  85  n.  1. 

Cauldron  (Haquinel),  298. 

Caulleberghue  (Thomas),  88. 

Cellier  (Robert  du),  170. 

Ceratinus  (Jacques),  283. 

Césare  (Robert),  284,  284  n.  1. 

Chamart  (Pierre),  297,  385. 

Chambge  (Erasme  duK  142,  189  n.  i,  190,  190  n.  3, 
191.  192,  192  n.2,  201,  323,324.  329,330,  331, 
332,  335,  338,  349,  353,  337,  360. 

Chambge  (Catherine  du),  110  n.  7. 

Chambge  (Jean  du),  249  n.  2. 

Chambge  (Pierre  du),  169,  169  n.4. 

Champagne,  37,  38,  42. 

Champeroux,  41,  41  n.  2,  45  n.  1. 

Chapitre  de  Notre-Dame  à  Tournai,  4,  15  n.  3,  45 
n.  1,  73,  104,  104  n.  4,  130,  137,  140,  140  n.  1, 
162,  208,  218  n.  2,  222  n.  1,  223,  224,  227  n.  2, 
230,  230  n.  1,  231,  248,  254,  255,  256,  266,  279, 
280,  283,  290. 

Charlemont,  204  n.l. 

CharlesV,  22n.2,  23n.2. 

Charles  VII,  19  n.  3,  36. 

Charles  VIII,  15  n.  3, 16  n.  1,  37  n.  6. 

Charles  le  Téméraire,  13. 


Charles-Quint,  33  n.2,  37,  37  n.  1,  38,  41,  41  n.4, 
42  n.2,  43,  44,  45.  47,  47  n.  4,  48  n.  1,  48  n.2,  50, 
51,  52,  .i2  n.l,  61,  62,  63,  64,  66,  67,  70,  72,  74, 
76,  80,  86,  86  n.  2.  88,  89,  89  n.  3,  91,  115,  206, 
227  n.  2,  269,  275.  279,  291,  302. 

Charles,  corale  de  Worcester,  34. 

Charnoi  (Jean).  50  n.  1. 

Charolais  (comte  de),  13. 

Charolais  (comlé  de),  13  n.  1. 

Chartreux  de  Chercq,  47,  129,  129  n.  2, 159. 

Chastel  en  Cambrésis,  158,  183  n.l. 

Chastel  de  la  Howarderie  (comte  P.  A.,  du),  5,  8, 
28  n.3,  HO  n.  6, 119  n.6,  158  n.6,  173,  n.6,  174 
n.  1,  230  n.2,  236  n. 5,  265  n.4. 

Chastel,  dit  de  la  Howarderie  (François  du),  28  n.6. 

Chasteler  (Jean,  marquis  du),  121, 121  n.4, 126, 138, 
142  n.6, 147,  147  n.3, 149,  152,357,  3.59. 

Chastillon  (Barbe  du),  120  n.  3. 

Châtillon  (Hugues  de),  72  n.2 

Chaufours,  72  n.  2. 

Chercq,  159. 

Chin,  119,  158. 

Chindieu  (Jehan I,  297. 

Chotin,  4,  40n.3,239n.2. 

Chotin  (Jehan),  297. 

Chuyne  (Jean),  296. 

Claessens,  8,  91  n.4. 

Clerbon  (Luc),  120  n.  1 

Clèves,  81. 

Cluny  (Ferry  de),  15  n.3. 

Cocquerelle  (Porte),  22,  144  n.  1. 

Cocquiel  (M.),  330. 

Cocquiel  (Gilles),  249  n.  2. 

Coligny  (Gaspard  de), 34,  34  n.2.  35  n.l,  40. 

Cologne,  80  n.  5,  221. 

Compromis  des  nobles,  115. 

Condé,  233. 

Conseil  d'État,  115,  199,  201,  203,  210,  214. 

Conseil  des  Troubles,  175, 195, 198. 

Coquereile  (Porte)  à  Tournai,  21  n.  3,  22, 143. 

Corbines  (Jeanne  de),  120  n.  5. 

Cordes  (Catherine  de)  169  n.4. 

Cornu  (GuiUaume),  101, 102,  295. 

Cornu  (Pierre),  KM. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


4fm 


Coron  (Raisse  de),  iOO. 

Oossart  (Jean),  388. 

Cottreau  (archidiacre),  223,  223  n.  1,  229  n.  1,  237, 

243,  248,  233. 
Cottrel  (Jean),  200,  200  n.  4,  201  n.  1. 
Cottrel  (Nicolas),  120  n.  1. 
Cottrel  (Pierre),  47  n.  i,  48,  31  n.  3,  52  n.  1,  119, 

120n.  1,200,383,  386. 
Cottrelle  (Philippe),  301. 
Coulombe,  168  n.  1. 
Coulongne  (Jean  de),  247. 
Courouble  (chanoine),  218  n.  2,  220  n.  2. 
Courouble  (Marguerite  de),  200  n.  4. 
Courtin  (Nicolas),  172. 
Courtrai,  333. 
Cousaert  (Jean),  76. 

Cousseraaker  (de),  8, 161  n.  1, 162  n.  4. 
Cousin,  8,  13  n.  3. 
Cousine  (Catherine),  78  n.  3. 
Crammer,  83  n.  4. 
Crassier  (Jehan),  68  n.  1. 
Crécy,  41  n.  2. 
Grespin  (abbaye  de>,  133. 
Crespin  (Jean),  100. 
Crespy  (traité  de),  52. 
Croix  (Jean  de  la),  302. 
Croix  (Isabeau  del,  200  n.  5. 
Crombez  (Auguste),  24  n.  3. 
Croy  (Jean  de),  169,  169  n.  7,  170,  174, 178  n.  3. 
Croy  (Philippe  de),  37. 
Cuinchy  (S'  de),  170,  170  n.  2,  181,  184,  189  n.  i, 

191,  193,  203,  203  n.  3,  204  n.  1,  260. 
Cuvelette  (Jehan),  138  n.  5,  300. 


Dalle  (Mons'  de  le),  384, 385,  386. 
Danglos  (Nicolas),  290. 
Dare  (Catherine),  301. 
Daret  (Jacques),  290. 
Darre  (Laurent),  385.  386. 
Dathenus  (Pierre),  100. 
Daverdun  (Hector),  184. 
Davian  (Gabriel),  82  n.  2,  296. 


David  (Jean),  251. 

De  Berlot  (Arnould),  301. 

Deblas  (Léon),  296. 

De  Bras  (Roland),  299. 

Dècre  (Alexandre),  293. 

Dccre  (Arnould  le),  49  n.  2. 

Deckre  (Alexandre),  102. 

Deckre  (Jean  de),  50. 

Decque  (Alexandre),  383. 

Deftarvacques  Antoine),  169,  230  n.  6. 

Deffrayères  (Jacques),  384. 

Deifresnes  (Johanes),  385. 

Defrelye(Jehan),82n.2. 

Degretz  (Pierre),  168,  296. 

Delachapelle  (Jean),  230  n.  6,  383. 

Delachapelle  (Léon),  233. 

Delannoy  (Jehan),  293. 

Deleforge  (Marie),  169  n.  4. 

Delehaye  (Gérôme),  300. 

Delehaye  (Jehan),  62  n.  1. 

Delonghuehaye  (Robert),  299. 

Delemotte  (Damien),  82  n.  2. 

Delemotte  (Jacques),  88. 

De  le  Pierre  (Marie),  87. 

Deleprée  (Gaspard),  299. 

Deleprée  (Jehan),  300,  383. 

Delerue  (Éloy),  68  n.  1. 

Delerue  (GiUes),  296. 

Delerue  (Pierre),  101. 

Delesaux  (Baltazar),  301. 

Deletombe  (Jehan),  300. 

Deletombe  (Nicaise),  106  n.  7,  113,  293. 

Delevallée  (Guillaume,  dit  VVillequin),  357. 

Delevingne  (Grart),  296. 

Denain,  42,  42  n.  2. 

Denis  (Biaise),  183  n.  1. 

Denys  (Jean),  160,  160  n.  6. 

Derbauldrenghien  (Jean),  87  n.  1. 

Desbonnetz  (Louis),  197  n.  6. 

Descamps  (Éloi),  300. 

Descamps  (Jehan),  300. 

Desespringalles  (Michel),  186  n.  3. 

Desgardins  (Jean),  83. 


406 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


Desmarez  (Jehan),  297,  385. 

Desmet,  56. 

Desmilecamps  (Arnould),  396. 

Desnoettes  (François),  129  n.  7,  297. 

Desnoettes  (Jacques),  297. 

Despars  (Geneviève),  174,  n.  2. 

Desprez  (Jean),  84. 

Destailleur  (Jean),  50. 

Destailleurs  (Hugues),  113,  295. 

Destoubequin  (Michel),  88. 

Desroelz  (Jean),  87  n.l. 

Desvpatines  (Jehan),  171  n.  3. 

Deswattines  (Jean),  301. 

Deswalines  (Nicolas),  78  n.  3. 

Deventer  (Jacques  de),  165  n.  2. 

de  Villers  (Pierre),  385. 

De  Vos  (Gérart),  300. 

Diegerick,  8, 9,  205  n.  3,  233  n.  i,  234  n.  2,  235  n.  i, 

236  n.  2. 
Diest,  210. 
Dijon.  17,  259. 

Diraenche  (Claude),  18  n.  2,  265,  263  n.  4. 
Dinant,  54. 

Discailles  (Ernest),  3,  276  n.  3. 
Divion  (François  de),  230,  230  n.  2,  253,  254. 
Doignies  (Philippe),  95. 
Doncq  (S^  du),  333. 
Doresmieulx  (Jacques),  218  n.  1. 
Doresmieulx  (Andrieu),  218  n.  1. 
Douai  100  n.l,  188,  192.  216,  219,  222,  233,  259, 

260. 
Doublet  (Philippei,  68  n.l. 
Douchet  (Antoine),  183  n.  1. 
Doulcy  (Absalon),  87  n.  1. 
Douley  (Martin),  87  n.l. 
Drappier  (Arnould),  206. 
Drappier  (Jean),  132  n.  2,  386. 
Drappier  (Mahieu),  300. 
Driutius,  190. 
Dubus  (Gilles),  298. 
Dufay  (S' du),  387  n.  1. 
Dufour  (Jean),  49. 
Dufour  (Robert),  94  n.  2,  101,  194,  309. 


Du  Gardin  (Melchior),  230  n.  6,  249  n.  2. 

Du  Gardin  (Pasquier),  299. 

Du  Guersem  (Roland),  301. 

Dumaret  (Jean),  296. 

Dumetz  (Pasquier),  101. 

Dumont  (J.-Q.),  33  n.  3,  52  n.  2,  52  n.  3. 

Duraont  (Catherine),  169  n.  4. 

Dumont  (GuiUaume),  297. 

Dumont  (Roger),  113,  295. 

Dumortier  (Gilles),  297. 

Duraortier  (Jean),  101,  309. 

Dutron  (A.),  5. 

Dunkerque,  236. 

Dupire  (Jérôme),  145,  296,  384.  383,  386. 

Dupret  (Léon),  387  n.  1. 

Duquesne  (Nicolas),  299. 

Duquesne  (Pierre),  299. 

Durieu  (Gilles),  113  n.  2. 

Durieu  (Hubert),  140. 

Duveiller,  300. 

Dymok  (Robert).  24  n.  1. 

E 

Édit  perpétuel,  208,  213. 

Egmont  (comte  d'),  ll.'i,  158, 174  n.  3,  176,  334,  378. 

Englebert (Jeanne),  28  n.  5. 

Ennetières  (Catherine  d'),  174  n.  2. 

Ennetières  (François  d'i,  173,  173  n  7,  386. 

Ennetières  (Mathieu  d'),  158. 

Ennetières  (Pierre  d'),  119, 119  n.  8,  3S6. 

Érasme,  27  n.l,  269. 

Ère,  159. 

Escrepont  (Simon),  297. 

Espagne,  89,  90, 115,  269,  312. 

Espierres,  75. 

Espringalles  (Gilles  des),  151  n.  2,  385,  386,  387. 

Esquelmes  {&'  du),  247. 

Esquerdes  (d').  335,  338,  348,  349. 

Estables  (Jean  d"),  22. 22  n.  1,  28,  28  n.  4. 

Estables  (Willemet  d'),  22  n.  1,  28  n.  4. 

Estaimbourg,  162. 

Estrayelles  (Jacques  d'),  249  n.  2. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


407 


EstrayeUes  (d'),  239,  241,  243,  247,  249. 

États-Généraux,  72,  75,  77,  90,  154,  186,  187,  197, 
198,  199,  200,  203,  203  n.  2,  204,  204  n.  1,  205, 
206,  207,  208,  209,  209  n.  1,  210,  211,  212,  216, 
217,  221,  223,  224,  225,  226,  230,  231,  232,  235, 
236,  350. 

Everaerts  (Liévin),  108, 108  n.  2. 

Evrard,  312. 


Farnèse  (Alexandre),  220  n.2,  222,  226,  229  n.  4, 
231,  234,  235,  236,  238,  239,  240,  243,  244,  245, 
246,  247,  248,  250  n.  5,  252,  254,  256. 

Farnèse  (Octave),  89  n.  3. 

Farvacques  (Jeanne  des),  191  n.  4. 

Farvacques  (Antoine  des),  120,  120  n.  4. 

Farvacques  (Nicolas  des),  120  n.  4,  263. 

Fauconnier  (Pierre),  385. 

Faulconnier  (Anne),  169  n.  2. 

Faulconnier  (Jehenne),  169  n.  2. 

Faveresse  (Jehenne  le),  78  n.  3. 

Féry  de  Guyon,  133  n.  4. 

Feuillars,  183,  183  n.  1, 184,  185. 

Fief(N.  du),  7,  19n.2,  24n.  4. 

Fief(Rogierdu),  68. 

Fiefvet  (Pierre),  396. 

Fiennes  (S"- de),  45n.  1. 

Fiennes  (Eustache  de),  135,  135  n.  4, 136, 138,  139. 

Finet  (Marie),  300. 

Flandre,  12,  13,  15  n.  3, 19  n.  2,  24  n.  4,  38,  38  n.  2, 
42  n.  2,  55,  72,  73,  74,  77,  150,  192,  200,  201,  211, 
214,  216,  259,  260,  261,  263,  264,  269,  277,  303. 

Flandre  (Conseil  de),  65,  66,  70,  71. 

Flandre  (État  de),  42  n.  1,  73,  74,  188,  198,  201, 
231. 

Flandres  (Jean),  300. 

Fleschière  (Claude  de  la),  28  n.  6. 

Flessingue,  89, 177,  178  n.  1,  493. 

Florence  (duc  de),  89  n.  3. 

Florin  (Jacques),  298. 

Follais,  121,  288. 

Foppens,  10. 

Fontaine  (Jehan),  297. 


Formanoir  (Nicolas  de),  220  n.  2. 

Fosse  (Antoine  de  la),  126,  230  n.  6,  333,  348,  386. 

Fosse  (Quintin  de  la),  297. 

Fosse  (Guillaume  de  le),  273. 

Fouant  (Françoise),  81,  82  n.  2. 

Fouant  (Jean),  82  n.  2,  84. 

Fouant  (Jacques),  112. 

Fouret  (Jacques),  197. 

Fourraanoir  (Jacques)  173  n.  6. 

Fourraent  (Jean),  385. 

Fourneau  (Nicolas),  50,  62  n.  1. 

Fournier,  306. 

Fournier  (Gaspard),  80. 

Fournier  (Jehan),  62  n.  1,  64  n.  3. 

Fourré  (Jacques),  112,  311. 

France,  3,  11,  12,  13,  17,  18,  19  n.  2,  21,  22,  25, 
26,  26  n.  4,  28,  28  n.  2,  29,  30,  31.  33,  33  n.  2,  33 
n.  3,  34.  36,  37,  37  n.  6,  39  n.  3,  41  n.  1,  47  n.  4, 
48,  50,  52  n.  1,  65.  56,  61,  76,  259.  261,  263,  267, 
268,269,271. 

François  I",  29,  30,  31,  32,  32  n.2,  33  n.  3,  34,  35 
n.  1,  36  37,  3  7n.  1,  38,  40,  41  n.  1,  41  n.  2, 41  n.  4, 
42,  43,  43  n.  2,  44,  47  n.  4,  48  n.  2,  52,  60,  284. 

François,  évéque  d'Albe,  31. 

François  (Léon),  296. 

Frausberg  (baron  de),  394. 

Frayère  (Jacques  de),  186,  n.  3, 353. 

Frédericq  (P.),  9,  79  n.  1,  80  n.  3,  81  n.  2,  81  n.  4. 

Frères-mineurs,  129, 129  n.  1. 

Fregeot  (Jehan),  298. 

Fresnoy  (Godefroid  du),  seigneur  de  Thun,  300. 

Froilmont  (Pasquier  de),  47  n.  1. 

Froye(Jean),  219n.  3. 

Froyennes,  23  n.  3. 

Fruict  (Jean),  172. 

Fruyt,  298. 

Furie  espagnole,  202. 

Fyennes  (comte  de),  61  n.  2. 


Gabriel,  301. 

Gabry  (Estienne),  125,  125  n.  4,  296,  331,  332,  348, 

386. 


408 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


Gachard,  8.  32  n.  2,  33  n.  2,  37  n.  1,  38  n.  2,  64, 
6i  n.  2,  74  n.  3,  î.ï  n.  1,  75  n.  3,  88  n.  4,  89,  89  n.  2, 
91  n.  1,  91  n.  3.  92  n.  4,  94  n.  5,  95  n.  3,  98  n.  5, 
100  n.  1,  100  n.  2,  102  n.  5,  103  n.  1,  104  n.  4, 
105  n.  2,  106  n.  2,  108  n.  1,  109  n.  2,  110  n.  2, 
114  n.  4,  113  n.  1,  113  n.  3,  116  n.  3,  117  n.  1, 
133  n.  1,  147  n.  3,  166  n.  2,  167  n.  4,  168  n.  1, 
169  n.6,  174  n.  4,  176  n.  1,  197  n.  3,  197  n.  6, 
199  n.  3,  206  n.  4,  207  n.  1,  208  n.  3,  209  n.  3, 
212  n.  3,  221  n.  1,  225  n.  1,  227  n.  1,  231  n.  3, 
232  n.  8,  236  n.  1,  237  n.  2,  239  n.  2.  247  n.  4, 
248n.  1,253,  253  n.l. 

Gaest  (Michel  iie\  44,  49  n.  2. 

Gand,  4,  15  n.  3,  16  n.  1,  52,  54,  55,  72,  77,  77  n.  2, 

77  n.3,  127,  135,  201,  211,  213.  214,  243,  256. 

259,  278,  313,  365 
Gand  (Vicomte  de),  57  n.  1. 
Gantier  (Piérart  le),  82. 
Garenne  (Jacques  de  la),  108  n.  4,  295. 
Gauley  (Agnès  de),  169  n.  1 . 
Gaultran  (R.  P.  François),  254. 
Gavre  (comte  de),  38,  38  n.  2,  40  n.  3,  41,  42  n.  1, 

47,  254. 
Gavre  (Jeanne  de),  22  n.  2. 
Geynst  (Marie  Van  der),  115  n.  1. 
Gembloux,  210. 
Gheldres,  204  n.  1. 
Ghéry  (frère-mineur),  237. 
Gilleman  (Regnault),  41  n.  1. 
Gillon  (Dominique  le),  84. 
Glorieux  (Jelian),  396. 
Glymes  (Jacques  de),  200. 
Godault  (Estienne),  298. 
Godault  (Isabelle  I,  145. 
Godebrie  (Jean),  48. 
Godebrye  (Rogier),  387  n.  1. 
Goethals,  119n.8,  173n.  7. 
Gombault   (Jean),    137,  137   n.  2,   179  n.  2,  191, 

191  n.  4,  340. 
Gombault  (Jacques),  249  n.  2,  300. 
Gouffier  (Guillaume),  S'  de  Bonnivet,  32. 
Grange  (A.  de  la),  59  n.l. 
Grange  (Péregrin  de  la),  118. 
Grange  (Chrétien  de  le),  396. 
Granvelle,  90,  117,  148  n.  1,  117  n.  1,  197  n.  3, 

204  n.l,  243,  255. 


Grave  (Béatrix  de  le),  120  n.  1. 

Gravelines,  246. 

Grenu  (Jean),  110,  110  n.  6,  159,  190. 

Grenu  (Simon),  249  n.  2. 

Grimaupont  (Roland  de),  87. 

Grincourt  (Jean  de),  101. 

Gueldre,  216. 

Gueldre  (Adolphe  de),  130,  130  n.  1. 

Guillard  (Charles),  23  n.  1. 

Gaillard  (Louis),  23.  23  n.  1,  29,  30,  30  n.  1,  31,  34, 

48,31,31  n.  3,  52  n.l. 
Guillaume  (Jehan),  299. 
Guillaume  (Pierre),  308. 
Guinegate,  7. 
Guines,  14. 
Guise,  49. 
Guste  (Guillaume  de  lei,  283. 


Hacart  (Jehan),  68  n.  1. 

Baccard  (Jacques),  137, 137  n.  3,  340. 

Haccart  (Jean),  18  n.  2,  249  n.  2. 

Hainaut.  12.  13,  19  n.  2,  24  n.  4,  42  n.  1,  42  n.  2, 

72,  73, 104, 192,  200,  214,  216,  219,  264. 
Hainaut  (États  de),  187,  188.  201,  213,  216,  226. 
Hal  (N.-D.  de),  82. 

Hamaide  (Nicolas  de  la),  110, 110  n.  S,  357. 
Hamal  (Godefroid  de),  88. 
Hamedde  (Catherine  de  le),  108  n.  2. 
Hame  (Franchois  de),  385. 
Hamel  (Jacques  du),  299. 
Haneton  (Jean),  32  n.  1. 
Haneron  (Marie),  22  n.  2. 
Hannart  (Jean  de),  249. 
Hannefrère  Michel),  169. 
Hanneton  (Guillaume),  68  n.  1,  382. 
Harnesquiel  (Michel),  298. 
Harnesquiel  (Jean),  360. 
Harouet  (Guillaume),  68  n.  1. 
Hasnon  (abbé  d').  133,  219,  220,  221. 
Ravines,  132. 
Havre  (marquis  d'),  221. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


409 


Hautbois  (Charles  du),  IS  n.  3,  23  n.  i. 
Hauteval  (S' de),  383,  386. 
Hautmez  (S--  de),  38.'5,  386. 
Haye  de  Maulde  (Jeanne  de  le),  120  n.  i. 
Hehart  (François),  68  n.  •! . 
Helchin,  27,  37,  37  n.  S. 
HeldebauU  (Marie),  300. 
Hembyse,  211. 

Henné,  9,  35n.  1,  37  n.  2,  37  n.  4,  38  n.  1,  38  n.5, 
40  n.  3,  41  n.  3,  42  n.  1,  42  n.  2,  50  n.  1,  72,  72  n.  1. 
Henné  (Andrien),  197  n.  6. 
Hennebert  (Jacques),  120, 120  n.  5. 
Hennebert  (Sydracq),  84. 
Henneceau  (Pierre),  298. 
Henneuse  (Estiennette),  298. 
Hennin  (Maximilien  de),  166  n.  1. 
Hennei'on  (Jacqueline),  119  n.  6,  173  n.  3. 
Henneron  (Marie),  174  n.  3. 

Henri  VIII,  17,  17  n.3,  18,  19,  21,  22,  23,  23  n.4, 

24,  24  n.  4,  25,  25  n.  2,  26  n.  4,  27,  27  n.  4,  28, 

28  n.  6,  29,  30,  30  n.  2,  31,  32,  32  n.  2,  33,  33  n.  2, 

34,  35  n.  1,  39  n.  1,  43,  51,  70, 151,  267,  268. 

Herbomez  (A.  d'),  9, 12  n.  1,  19  n.  3,  26  n.  4,  29  n.  3, 

33  n.  3,  265  n.  5. 
Herselle  (Jean  de),  49,  50. 
Hertoghe  (Josse  de),  78. 
Hesdin  (Jean  de),  35  n.  1. 

Hespel  (Jacques),  81,  82  n.  2. 

Hespel  (Jean),  169  n.  3. 

Hierre  (Jehan),  297. 

Hollain,  159,  197  n.  5,  237. 

Hollande,  150,  193,  199,  201,  202,  208,  212,  216. 

Hondschote,  160, 160  n.  4. 

Hongrie  (Marie  do),  77. 

Hoorst  (Jac(iues  de),  227  n.  2. 

Hôpital  (Marvis),  285. 

Hôpital  (N.  D.),  285. 

Hornet  (Jactpies),  300. 

Hornut  (Pierre  de),  125,  123  n.  3. 

Hornut  (Simon  de),  387  n.  1. 

Houart  (Jacques),  299. 

Houbenne  (Jean),  156  n.  3. 

Houtart  (M.),  .39. 

Hourdon  (Jehan),  108  n.  4,  295. 

Tome  I.  —  Lettres,  etc. 


Hoverlant  (l'historien),  4. 

Hoverlant  (Jean-Baptiste),  253,  233  n.  5. 

Hovine  (Arthur),  299. 

Hovine  (Jeam,  173,  173  n.  6. 

Hovyne  (Valentine),  231  n.  4. 

Howarderie  (François  de  la),  28,  28  n.  6. 

Hubert  (Eug.),  9,  202  n.  2,  206  n.  6,  211  n.  3,  212. 

212  n.  2,  214  n.  6. 
Hughe  (Jean),  296. 
Hughes  (Jacques),  296. 
Hughot  (Jean),  88. 
Huland  (sire  Jehan),  64  n.  3. 
Huseman  (Jean),  137,  158,  299. 
Butin  (Martin),  200,  201  n.  1. 


Innocent  VIII,  15  n.  3. 
Innocent  X,  91  n.  4. 
Inquisition,  97,  114,  115,  133,  175. 
Itero  (Daniel),  85. 
Ithier,  10. 


Jacques  (Robert),  300. 

Jansénius,  190. 

Jean  (Antoine),  197  n.  6. 

Jean  (Casimir),  comte  palatin,  211. 

Jemappes  (département  de),  74. 

Jésuites  (collège  des),  129,  191. 

Joly  (Gilles),  62  n.  1. 

Jopken  (E.),  15  n.  1, 15  n.  2,  258  n.  2. 

Joseph  (Gérard),  120,  383. 

Joseph  (Michel),  230  n.  6. 

Jottrand(G.),  9,  83n.  1. 

Juste  (Th.),  197  n.  4,  200  n.  3,  248  n.  1,  235  n.  4. 


Kain,  132. 

Kervijn  de  I.ettenhove,  9,  77  n.  1,  179,  179  n.  2,  205 

n.  3,232  n.  9,  2.34  n.  1,269  n.  1. 
Kervijn  de  Volkaersbeke,  20S  n.  4,  232  n.  2. 
Kindsich  (baron  de),  394. 


410 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


Labis  (Nicolas),  217  n.  3. 

Lacroix  (A.),  9. 

Ladeuze  (chanoine),  229  n.  1,  248. 

Ladeuze  (Charles  de),  162, 162  n.  3. 

Lafosse  (Mademoiselle),  301. 

Lagache  (Antoine),  160. 

Lagache  (Gervais),  299. 

Lalaing  (Emmanuel  de),  baron  de  Montigny,  215, 

Lalaing  (Mathias  de),  253. 

Lalaing  (Philippe  de),  227, 

Lalaing  (Philppe-Clirétienne  de),  princesse  d'Espi- 

noy,  147  n.  3,  242,  247,  249,  251,  252,  253.  254, 

255,  256,  257. 
Lampol  (Louis),  299. 
Landas  (Arnould  de),  101. 
Landas  (Charles  de),  174  n.  3. 
Landas  (Gertrude  de»,  137  n.  3. 
Landas  (Guillaume  de),  119. 
Landas  (Hermès  de),  174, 174  n.  3. 
Landas  (Jeanne  de),  120  n.  3. 
Landas  (Marie  de),  110  n.  3,  172  n.  6. 
Landrecies,  288. 
Langeraad  (L.-A.  Van),  9. 
Lannoy,  20, 162,  387. 
Lannoy  (Antoine  de),  197,  386. 
Lannoy  (Bonne  de),  162  n.  7. 
Lannoy  (Charles  de),  39  n.  1,  47,  47  n.  1,  302. 
Lannoy  (Jean  de),  15  n.  3,  100.  197  n,  6,  298. 
Lannoy  (Marie  de),  126  n.  2,  135  n.  4. 
Lannoy  (Nicolas  de),  243. 
Lannoy  (Philippe  de),  138,  138  n.  4,  139. 
Lannoy  (Valentin  de),  297. 
Lantenoy  (Gillette),  78  n.  3. 
Lantenoy  (Nicole),  78  n.  3. 
La  Palme,  86. 

Lappostolle  (Gilles),  78  n.  3. 
Laoultre  (Jehan  de),  62  n.  1. 
Lattre  (Jean  de),  101,  120,  173. 
Lavisse,  37  n.  2,  78  n.  2,  80  n.  1,  90  n.  2,  92  n.  1, 

114n.3,  200n.l. 
Léa,  81  n.  4. 
Le  Bacre  (Jehan),  296. 


Lebeau  (Gilles),  195. 
Leblond  (Valérien),  50,  50  n.  1. 
Le  Bon  (Noël),  230  n.  6. 
Lebrun  (Adrienl,  299. 
Lebrun  (Jaspard),  385,  386. 
Leclercq  (Adrien),  297. 
Leclercq  (Gilles),  385,  386. 
Leclercq  (Hermès),  249  n.  2. 

Leclercq  (Jacques),  119, 119  n.  2,  1.50, 133  n.  2, 154, 
164,  186,  280,  281,  316,  317,  321,  323,  340,  349, 
353,  355,  336,  377,  378,  380,  383,  387  n.  1. 

Leclercq  (Jacques),  299. 

Leclercq  (Nicolas),  62  n.  1,  249  n.  2. 

Le  Glers  (Nicolas),  47  n.  1. 

Lecocq  (Adam),  169, 169  n.  2, 301, 335,  340,  387  n.  1 . 

Lecocq  (Jean),  169, 169  n.  2,  230  n.  6. 

Lecomte  (Jean),  88. 

Lefebvre  (Laurent),  296. 

Lefebvre  (François!,  169,  298,  385,  387. 

Lefebvre  (Jacques),  385,  386. 

Lefebvre  (Paul),  297. 

Lefèvre  (Anne),  78  n.  3. 

Lefèvre  (Chrestien),  78  n.  3. 

Léger  (Jean),  295. 

Legier  (Jehan),  108  n.  4. 

Le  Glay,  9, 17  n.  1. 

Legrain  (Jehan),  196. 

Legrain  (Louis),  299. 

Legrand  (Catherine),  298. 

Legrand  (François),  227  n.  2. 

Legrand  (Gilles),  173,  196. 

Legrand  (Jean),  249  n.  2. 

Legrand  (Louis),  230. 

Legrue  (Jean),  80. 

Leguy  (.'Vnthonne),  384. 

Leing  (Joachim  de  la),  295. 

Le  Lièvre  (Jaspard),  301. 

Le  Lièvre  (Liévin),  300. 

Le  Louchier  (Hercule),  299. 

Le  Maire,  214,  214  n.  5. 

Le  Maire  (Lion),  62  n.  1,  285  n.  4. 

Le  Maire  (Thomas),  387  n.  1. 

Leraerchier  (Jean),  219  n.  3. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


411 


I.englée  (Philippe  de),  298. 

Le  Neult  des  Lolars  (Jean),  35  n.  1. 

Lenoble  (Grégoire),  297. 

Le  Noir  (Ghislain),  204  n.  2. 

Léon  X,  17,  30,  31,  80  n.  5. 

Leprince  (Jelian),  300. 

Le  Ricque  (Nicolas),  249  n.  2. 

Lers,  127. 

Lers  (Roland  de),  174,  296. 

Lesage  (Chrétienne),  169  n.  3. 

Lesage  (l'oussain),  169,  169  n.  3,  230  n.  6,  387  n.  1. 

Lescaillet  (Jehan),  230  n  1. 

Leseioart  (Jehan),  396. 

Lesec  (Laurent),  oO. 

Lespine  (Cyprien  de),  296. 

Leure  (Marguerite  le),  78  n.  3. 

Leurion  (Nicolas),  68  n.  1. 

Levai  (Jean  de),  197  n.  6. 

Levallois  (Philippe),  296. 

Levaillant,  301. 

Liébaert  (Adrien),  262  n.  2. 

Liébaert  (Barthélémy),  207,  214  n.  2,  214  n.  5. 

Liébart  (Nicolas),  387,  387  n.  1. 

Liébaert  (Olivier),  140. 

Liège,  50. 

Lieu  (Bois  du),  104,  104  n.l. 

Ligne  (Antoine  de),  3S  n.  1,  37. 

Ligne  (baron  de),  40. 

Lille,  4,  7,  18,  72,  86,  123,  127,  134,  192,  200,  216, 

222,  223,  236,  239,  260,  268  n.l,  278,  319,  322, 

328,  333. 
Lille  (église  St-Pierre),  74. 
Lincoln,  30  n.  2. 
Lingard  (John),  17,  n.  3. 
Lionnet  (Henri),  17  n.  3. 
Li  Sauvages  (Gontiers),  172  n.  2. 
Lobleau  (Pierre  de),  396. 
Loges  (Hugues  des),  39,  39  n.  1,  39  n.  2,  40,  41  n.  2, 

45,47. 
Lombard  (Claude  Diraenche  dit  Le).  18  n.  2. 
Loncle  (Claude),  300. 
Loncle  (Rogier),  299.  . 
Londres,  32. 


Londres  (traité  de),  26,  26  n.  4,  27  n.  4,  33  n.  3. 

Longueval  (Robert  de),  133. 

Lonwez  (Philippe),  104  n.  4,  295. 

Lorraine,  86. 

Lothrop  (Motley),  9,  83  n.  1,  131  n.  1. 

Loucheau  (Jehan),  87  n.  1. 

Louis  XI,  14, 15  n.  3. 

Louis  XII,  12,  12  n.  4, 13,  13  n.  2,  15. 16  n.  3, 18,  20, 

26,  27,  28  n.  3,  29,  29  n.  2,  32  n.  2,  37  n.  6,  60, 

264,  266. 
Louis  XIV,  53. 
Louvain,  54,  80  n.  5,  210. 
Louvain  (Université),  194,  284,  284  n.  1. 
Loyau  (François),  298,  386. 
Luther,  80,  80  n.  5,  81,  82,  82  n.  2,  86  n.4,  86,  89, 

100. 
Luxembourg,  86,  206,  207. 

Luxembourg  (Jacques  de),  comte  de  Gavres,  37  n.  3. 
Lyon,  22  n.l,  269,  268  n.l. 
Lys  (Gilles  de  le),  298. 

M 

Macquet  (Adrien),  298. 

Madrid  (traité  de),  52. 

Madrid,  33  n.  2, 116, 192,  193,  194. 

Madou  (Christophe),  299. 

Mahieu  (Pierre),  68  n.  1. 

Maire,  23,  23  n.  2. 

Maistre  d'Anstaing  (Le),  23  n.  1. 

Malcontents.  215,  217,  232,  233,  235. 

Malines,  17, 17  n.  3, 188,  199,  200,  226. 

Malines  (Conseil  de),  68,  70,  284  n.  1. 

Malines  (Jean  de),  28,  28  n,  5. 

Malines  (Simon  de),  28  n.  5. 

Mamuchet  (Anne),  169  n.  2. 

Mamuchet  (Marcq),  387  n.  1. 

Manarre  (Charles),  218  n.  2. 

Manarre  (Max.),  218  n.  2. 

Manghe  (Ghierrin),  36,  39,  220  n.  2. 

Mansfeld  (comte  de),  226,  243,  244. 

Marck(Robertdela),  37. 

Marche-en-Famenne,  208. 

Marchiennes,  42,  42  n.  3, 133,  133  n.  1. 134. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


Marescault  (Jehan),  78  n.  3. 

Marets  (Guillaume  des),  178,  n.  i. 

Marie,  fille  d'Henri  VIII,  33,  33  n.  3. 

Marignan,  31. 

Marissal  (Michel),  87  n.  4. 

Marlière  (Château  de  la;,  2-4,  "U  n.  3. 

Marmier  (Etienne)  ou  Meriraer,  130,  130  n.  5,  144 
n.  3,  145,  150  n.  2,  136,  340,  353,  385,  386. 

Marmier  (Pierre),  1.58  n.  6. 

Marot  (Clément),  93. 

Marquain,  159. 

Martigny  (Charles  de),  227  n.  2. 

Martin  (Arnoul),  dit  Hoyau,  355,  336. 

Martin  (Guillaume),  173. 

Martin  (Vinchent),  68  n.  1. 

Marvis  (porte),  144  n.  1. 

Mas  (Antoine),  297. 

Mas  (Simon),  396. 

Masières,  41  n.l. 

Massis  (Jacques),  173. 

Masure  (Jean),  384. 

Mathias  (Archiduc),  209,  210,  212, 214,  217, 219, 221, 
225,  227  n.  2. 

Maulde  (Guillaume  de),  173,  174  n.  1,  386. 

Maulde  (Jehan  de),  68  n.  1. 

May  (Guillaume  de),  77  n.  3. 

Meghem  (Comte  de),  100,  111. 

Megnot  (Jeannette),  78  n.  3. 

Megnol  (Jehan),  78  n.  3. 

Megnot  (Margotine),  78  n.  3. 

Megnot  (Isabelle),  78  n.  3. 

Jlélanchton,  100, 111. 

Meleun  (Arthur  de),  203. 

Jleleun  ^Hélène  de),  147, 147  n.  4. 

Meleun  (Hugues  de),  169, 169  n.  5. 

Meleun  (Pierre  de),  prince  d'Espinoy,  203.  203,  206, 
206  n.  5,  213,  214,  221,  222,  223,  223  n.  3,  223, 
227,  227  n.  2,  228,  229,  229  n.  1,  230,  231,  232, 
233,  233,  233  n.  1,  236,  236  n.  2,  241,  244,  246. 
250,  394. 

Menin,  160,  233. 

Merchier  (Caron),  183  n.  1. 

Merchier  (François),  183  n.  1. 

Herchier  (Jacques),  183  n  1. 


Merchier  (Fol),  183  n.l. 

Mercy-le-Haut,  86. 

Merel  (Jehennei,  297. 

Merlain,  232. 

Merman  (Andrieu),  145,  385. 

Mérode  (Bernard  de),  104. 

Meurisse  fNicolas),  268  n.  1. 

Metz,  86,  197  n.  5. 

Mézières,  38,41,42. 

Meyhoffer  (Jean),  396. 

Michel  (Adrieu),  102, 102  n.  3,  293. 

Miette  (Henry),  301. 

Mil  (Charlotte  de),  148  n.  1. 

Milan,  31. 

Milanais,  31. 

Minehon  (Christophe),  197  n.  6. 

Minutte  (Salomon),  296,  385. 

Moenens  (Jean),  249  n.  2. 

Moison,  41  n.l. 

Mol  (Jehan),  296. 

Moncheau  (Gervais),  133, 133  n.  3,  296. 

Monissart  (Jean),  15  n.  3. 

Monnier  (Agnès),  285  n.  4. 

Monnier  (Marie),  285  n.  4. 

Monnier  (Olivier),  68  n.  1. 

Monnier  (Quinte),  283  n.  4. 

Mons,  4,  6,  26  n.  3,  92  n.  4,  104,  135  n.  4,  193, 

234  n.  1,260. 
Mons  (église  Sainte-Waudru),  74. 
Montbrun  (capitaine  de),  49. 

Montigny  (Jean  de),  135,  135  n.  4,  136,  138,  139, 
147  n.  3,  304,  308,  313. 

Montmorency  (Colinet),  78  n.  3. 

Montmorency  (Denis),  78  n.  3. 

Montmorency  (Floris  de),  98,  98  n.  1,  106,  107,  112, 
114,  116  n,  3,  142  n.  7,  147,  147  n.  4. 

Montmorency  (Jacques),  78  n.  3. 

Montmorency  (.Madeleine),  78  n.  3. 

Montmorency  (Philippe  de),  comte  de  Homes, 
138  n.  3,  138  n.  5,  139,  140,  141,  142,  143,  143 
n.3,  145,  146,  147,  147  n.  3,  148,  148  n.  4,  149, 
176,  314,  334,  340,  341,  342,  345,  348,  349,  331, 
358,  363. 

Montreuil,  17. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


415 


Mont-Saint-Aubert,  241. 

Moreau  (Nicolas),  385. 

Morgan  (Thomas),  'i-îl,  232. 

Morillon  (Gui),  148  n.  1. 

Morillon  (Maximilien),  117,  119,  147,  147  n.  l,lo8 

n.  3,  167,  198,  203,  204  n.  1,  256,  2.56  n.  2,  291. 
Morlagne,  28  n.  3,  37,  37  n.  5,  37  n.  6,  39,  39  n.  3, 

40,  72,  75,  164,  184,  203,  217,  217  n.  3,  218,  226, 

226  n.  2,  231,  232,  .302,  303,  304. 

Motte  (capitaine  de  la),  47. 

Mottes  (villa  des),  23. 

Moulbais  (seigneur  de),  147  n.  3,  156,  164,  314.  316, 

317,  321,  324,  329,  333,  337,  340,  360,  361,  363, 

364,  367,  368,  381,  382,  .383,  384. 

Mourcourt,  132. 
Mouton  (Jean),  173. 
Mouvaulx,  127,  333. 
Mouzon,  41. 

N 

Namur,  205,  208. 
Naples,  47. 

Nassau  (comte  de),  38,  39  n.  1,  40,  41  n.  1,  45  n.  1, 
47,  47  n.  2,  48,  48  n.  1. 

Nassau  (Louis  de),  186,  193,  234  n.  1. 

Navarre,  17,  37. 

Naves  (S^  de),  109,  312. 

Néchin,  132, 162. 

Nemours  (bois  de),  265. 

Nény  (de),  9,  74,  74  n.  2. 

Neuville,  42  n.  2. 

Nielles  (Charles  de),  130,  334. 

Nieulles  (Guillebert  de),  47  n.  1,  47  n.  2. 

Nivelles,  210. 

Noircarmes  (S'  de),  158,  159,  162,  162  n.  7,  163, 

164,  165,  167,  168, 190,  2,30,  250,  380,  383. 
Notet  (Jacques),  396. 

Notre-Dame  (église)  à  Tournai,  75,  125,  129  n.  7, 

335,  337,  m,  344. 
Norris  (Johni,  231. 
Noyelles  (Pense  de),  245. 


Obigies,  132. 

Olivier  (Philippe),  385. 


Ongies  (François  d'),  218  n.  1. 

Ongnies  (Gilbert  d'),  193. 

Opalfens  (Jean),  14."i,  151  n.  2,  214,  353,  384,  38.ï, 
386. 

Orange  (Prince  d'),  185,  197  n.  S,  199,  201,  202,  208, 

210,  223,  236,  334. 
Orchies,  192,  216,  222. 
Orcq,  24  n.  3,  68,  80  n.  2,  132, 159. 


l'acilioation  de  Gand,  202,  206,  207,  208,  211,  212, 
213,  214.  216,  218,  220,  221,  222,  222  n.  1,  223, 
224,  228,  394. 

Paillard  (Ch.),  9,  85  n.  1,  86  n.  5,  87  n.  2,  90  n.  1, 
105  n.l. 

Painlevé  (Philippe),  49,  49  n.  2,  50. 

Paix  de  Religion  (Religionsfrid) ,  211,  214,  218, 

219. 
Pallavicini  (Antoine),  15  n.  3. 
Pardieu  (Valentin  de),  233. 
Parfait  (Gilles),  173. 
Paris,  15  n.  3,  56,  259 
Paris  (Parlement  de),  23,  70,  266. 
Paris  (Université  de)  284. 

Parme  (Marguerite  de),  89,  89  n.  3,  90,  92,  92  n.  2, 
97,  100,  ^02,  103,  104,  106,  106  n.  1,  106  n.  6, 
108,  109  n.l,  110  n.2,  115,  116,  122,  123,  125, 
135,  141,  142,  142  n.  4,  143,  143  n.  6,  146,147, 
147  n.  3, 148  n.  4,  149,  150,  153,  154,  158  n.  3, 
163,  166,  167, 168,  243,  304,  357. 

Pasture  (Roger  de  la),  290. 

Pecq,  75,  132. 

Pecquere  (Jean),  251. 

Pelet  (Éleuthère),  183  n.  1,  386. 

Pelel  (Pierre),  300. 

Perpignan,  259. 

Pertris  (Adrien),  387. 

Petit  (Antoine),  298. 

Petit  (Françoise),  172  n.  6. 

Petit  (Michel),  100,  295. 

Petit  (Pierre),  266  n.  1. 

Petit  (Roland),  385. 

Petitkeux  (Jean),  73. 

Philibert  II  (duc  de  Savoie),  16  n.  1. 


4U 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


Philipot  (Simon),  298. 

Philippe-Auguste,  14,  12  n.  1,  15  n.  2. 

Philippe  le  Beau,  13,  IS  n.  3.  16,  262. 

Philippe  le  Bon,  13. 

Philippe  II,  70,  73,  74,  88,  89,  89  n.  3,  90, 91,  92.  99, 
100,102,  m,  114,  115,  117,  117  n.l,  122.  124, 
147  n.  4,  149,  154,  174  n.  1,  173,  177,  188,  193, 
197,  198,  199,  221,  222,  224.  225,  232,  233,  269, 
291. 

Philippo,  301. 

Picq(Jean),  113,296. 

Picardie,  38,  40,  42. 

Pieraant  (Bauduin),  301. 

Pigott  (William),  231. 

Pinehart,  178  n.  1. 

Pintafiour,  256  n.  2. 

Piot,  10,  122  n.  3,  128  n.  1,  133  n.  4,  193  n.  2,  233 
n.  1,  236  n,  1. 

Pipe  (Henn),  236  n.  2. 

Pire  (Jérôme  du),  145,  233,  254. 

Pirenne,  19,  261  n.  5. 

Plucquet  ou  Ploucquet  (.Nicolas),  138,  239,  243,  383. 

Poch  (Marie  au:,  120  n.  1. 

Polinchove  (Pierre),  249  n.  2. 

Poilu  (Jacques),  301. 

Pont-à-Rieu,  118,  118  n.  4,  119. 

Pont-k-Vendin.  18. 

Pontus  (Heuterus),  9, 14  n.  3. 

Ponyngnes  (Edward,  S'  de  Monjoy),  26.  26  n.  1,  26 
n.  3,  28  n.  2. 

Poperinghe,  160. 

Pot  (Louis),  13  n.  3. 

Potier  (Jeanne),  28  n.  3. 

Pottre  (Pierre  de),  284  n.  1. 

Poulain  (Valeran),  120  n.  1. 

Poullel,  9,  10,  55  n.  1,  53  n  3,  80  n.  5,  84  n.  3, 
85  n.  5,  88  n.  3,  90  n.  1, 103  n.  2,  117  n.  3, 119  n.  1, 
134  n.  3,  139  n.  3,  161  n.  1,  164  n.  4,  170  n.  3, 
175  n.  5, 176  n.  2. 182,  185  n.  3. 

Pourbus  (François),  290. 

Pourier  (Jean  le),  40. 

Pourret  (Alexandre),  230  n.  6. 

Poutrain,  4. 

Pragmatique-Sanction,  15  n.  3. 


Preis  (Jeanne  de),  110  n.  6. 

Prescott  (W.-H.),  10,  132,  132  n.  1,  149  n.  1. 

Prés-aux-Nonains  (abbaye  des),  128,  128  n.  5,  159. 

Prés-Porchins  (abbave  des),  18,  81,  81  n.  3, 128  n.  5, 
279. 

Prestonne  (Edward),  246. 

Prévost  (Jehan),  108  n.  4,  293. 

Preys  (Jean  de),  68  n.  1,  249  n.  2. 

Preys  (Nicoles  de),  64  n.  3. 

Preys  (Pierre  de).  120,  120  n.2. 

Proisy  (Louis  de),  35  n.  1,  37,  37  n.  6. 

Pruvost,  10,  161  n.  1. 

Puich  (Jean  du),  180  n.  3. 

Puis  (Jean  du),  68  n.l. 

Puy  de  rhétorique,  111,  113. 

Pye  (Jérôme),  84. 


Quarmont  (Henri  de),  62  n.  1,  64  n.  3. 

Querquefoeille  (Jehan),  62  n.  1. 
(juesnoy-sur-Deule,  137. 
Queval  (Jehenne),  78  n.  3. 
Quick  (Pierre),  15  n.  3. 
Quinet  (Edgar),  103,  lOo  n.  3. 


Rabutin  (Louise  de),  39  n.  2. 

Rahlenbeck(Ch.),  10, 111, 116  n.  6, 131  n.  1, 177  n.  1. 

Ramegnies-Chin,  162. 

Rapin  de  Thoyras,  17  n  2,  30  n.  3,  31  n.  3. 

Raphaël,  301. 

Raspaille,  214. 

Rasse  (François  de),  28  n.  6. 

Rassenghien  (baron  de),  161. 

Ratel  (Valentin),  156  n.  3. 

Rechem  (Jehan  de),  3S7  n.  1. 

Recourt  (Philippe  de),  248,  248  n.  6. 

Reims  (Archevêque  de),  15  n.  3,  30  n.  1. 

Reinach,  81  n  4. 

Renon  de  France,  10.  122  n.  3,  176  n.  2,  177  n.  1, 

197  n.  5. 
Requesens,  183, 194, 196, 196  n.  6, 197,  198. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


415 


Ribera  (Ambrosius  de),  178  n.  2. 

Ricquart  (Jehan),  298. 

Rio  (M.-A.  del),  10, 199  n.  2, 199  n.  4. 

Rithove,  190. 

Rivaut  (Jean),  357. 

Robiltre  (Vincent),  251. 

Robert  (Jacques),  158,  158  n.  1. 

Robert  (Nicolas),  339. 

Robert  (Pierre),  297. 

Robertet,  H  n.  2. 

Robette  (Jacques),  82,  82  n.  2. 

Robillart  (Michel),  108,  108  n.  5,  295. 

Robles  (Gaspard  de).  163, 163  n.  6,  165. 

Roche-Beaucourt  (de  la),  32  n.  2,  33  n.  2. 

Rocq  (Olivier  de),  113. 

Rogé  (Andrien),  82  n.  2. 

Romborl(Jeani,  384,  385,386. 

Rome,  15  n.  3,  30,  31,91. 

Rongy  (M"'  de),  290. 

Roubaix,  127, 133. 

Rousbrugghe,  160,  160  n.  5. 

Rozu  (Gaspard),  172. 

Rubempré  (Marie  de),  162  n.  7. 

Rumegnies,  49. 

Rumes,  75. 

Rumillies,  72  n.  2. 

Ruyant  (Jean),  129. 

Ryraer  (Thomas).  10,  17  n.  3,  26  n.  4,  28  n.  6,  30  n.  2, 

30  n.  3,  31  n.  1,  32  n.  5,  33  n.  3,  3i  n.  4,  35 

n.l. 


Sacqueleu,  23  n.  3. 

Sade  (Jacques),  297. 

Sainte-Aldegonde  (Philippe  de),  158,  159,  162, 162 

n.  7, 163,  164, 165, 167,  168,  190,  230,  250,  380, 

383. 
Saint-Amand,  4, 22  n.  2,  28  n.  3,  37,  37  n.  5,  39,  40, 

40  n.  1,  72,  74, 154,  164,  184,  204,  227,  231,  302, 

303,  304,  379. 
Saint-Amand  (abbaye  de),  15  n.  3,  255. 
Saint-Antoine  (serment),  40,  313,  322. 


Saint-Bernard  (abbé  de),  221. 

Saint-Bertin  (église  de),  à  Saint-Omer,  7S. 

Saint-Brice  (église  de),  126,  134,  343. 

Sainte-Catherine  (église  de),  128,  343. 

Sainte-Chrétienne  (serment),  322. 

Saint-Éleuthère  (châsse  de),  80. 

Sainte-Fontaine  (porte  de  la),  38. 

Saint-Génois,  27. 

Saint-Genoix  (Arnould  de),  249  n.  2. 

Saint-Genoix  (Nicolas  de),  28,  28  n.  3,  262  n.  2,  263, 

264. 
Saint-Georges  (serment),  127,  313,  322. 
Saint-Ghislain,  234,  235. 
Saint-Hubert  en  Ardennes,  49. 
Saint-Jacques  (église  de),  128, 134, 141  n.  3, 143  n.  2, 

343. 
Saint-Jacques  (hôpital),  172. 
Saint-Jean  (église),  125. 
Saint-Louis  (chapelle),  130. 
Saint-Martin  (abbaye),  72,  75,  133,  137,  224,  279. 
Saint-Martin  (porte),  38,  238,  238  n.  1,  239,  240,  241, 

242,  243, 248. 
Saint-Maurice  (serment),  322. 
Saint-Médard  (abbaye  de),  72,  126,  179. 
Saint-Michel  (serment),  322. 
Saint-Nicaise  (église),  134,  141  n.  3. 
Saint-Nicolas  (hôpital),  144  n.  1. 
Saint-Nicolas-des-Prés  (abbaye  de),  75, 128, 128  n.  6, 

156, 157,  159, 161, 165,  224,  278, 
Saint-Piat  (croix),  307. 
Saint-Piat  (église),  128,  343. 
Saint-Pierre  (église),  127, 128,  284  n.  4. 
Saint-Quentin,  17. 

Saint-Quentin  (église),  125, 128,  143  n.  2,  230. 
Saint-Sébastien  (serment),  322. 
Saint- Vaast  (abbé  de),  186,  219,  220,  221. 
Sampson,  27,  27  n.  1,  27  n.  2,  28  n.  6. 
Sanchelle  (Simon),  297. 
Sarrazin  (Jean),  219  n.  3. 
Sauldoier  (Nicolas  le),  119  n.  6. 
Saulchoir  (abbaye  du),  159,  279. 
Savoie  (duc  de),  16  n.  1,  271. 
I  Savonarole,  78  n.  3. 


416 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


Says  (Jean),  139,  14S,  178  n.  1,  353,  353,  386. 

Says  (Louis),  151  n.  2,  385,  386. 

Scarpe,  42, 133. 

Schlestadt,  85  n.  i. 

Schrewsbury  (comte  de),  17. 

Schore  (Louis),  85  n.  1. 

Scot(Jean),  50,  50n.  1. 

Scrabe  (Nicolas),  88. 

Ségard  (Simon),  298. 

Ségovie  (bois  de),  115,  116. 

Senlis,  135  n.  4. 

Sergant  (Pasquier),  300. 

Silveslre  (évêque  de  Winchester),  31. 

Simon  (Jacques),  385. 

Simon  (Simon),  249  n.  2. 

Siret  (Jean),  49,  50. 

Sixte  IV,  15  n.  2. 

Snoucli  (Livine),  200  n.  5. 

Snytz  (Cornille),  296. 

Sœurs  noires,  129,  129  n.  3. 

Sohey,  226. 

Soil  (E.),  261  n.  3. 

Solon  (Jean),  31. 

Soré  (Jean),  300. 

Soreau  (Jean),  158, 162, 163,  385,  386. 

Sourdeau  (Nicolas),  178  n.  2. 

Souverain  (Robert),  300. 

Strada,  10,  139  n.  1,  141  n.  2,  143  n.  1,  144  n.  1, 
146  n.2,  147  n.  1.  148  n.  3,  149  n.  2,  152  n  1, 
234  n.  2,  233  n  2,  252,  232  n.  2,  254. 

Strasbourg,  85,  85  n.  4,  86. 

Strypé,  30  n.  3. 

Sueur  (Philippe  de),  169. 

Suisse.  92,  92  n.  4. 


Taffin,  85. 

Taffin  (Jean),  197, 197  n.  5. 

Taffin  (le  ministre),  214. 

Taffin  (Nicolas),  101, 120, 123,  145, 146, 150,  183  n.l, 

326,  329,  330,  353,  3.'>4,  363,  368,  384,  383,  386. 
Taffin  (Simon),  111. 


Taingtenier  (Jean),  157,  158. 

Talbot  (Georges),  17. 

Talleraant,  303,  306,  308,  38S. 

Tasse  (Daniel),  68  n.  1. 

Telier  (Amand),  385. 

Templeuve,  157,  237. 

Termonde,  73. 

Ternois  (Joachim),  298. 

Teste  d'or  (maison  de  la),  112 

Thérouanne,  17, 18. 

Therret  (Robert),  137,  158,  162. 

Thieulier  (Guillaume),  385. 

Thieffry  (Quentin),  87. 

Thieullerie  (Jehan  de  la),  299. 

Thomson,  30  n.  3,  32  n.  2. 

Thorn-Carbonnelle,  129  n.  2. 

Thouars  (Louis  de),  249  n.  2. 

Tilloel(Denisdu),  62n.l. 

Tingry  (le  seigneur  de),  219  n.  3. 

Tirlemont,  210. 

Tisnacq  (Charles  de),  85,  83  n.  1,  87. 

Tolède  (Antoine  de),  184  n.  5,  193. 

Tombe  (Jacques  de  le),  87. 

Terre  (Jacques  de  la),  149,  150,  363,  364,  365. 

Tourcoing,  127,  133,  157. 

Tourcoing  (Guillaume  de),  145,  150  n.  1,  384,  383, 

386. 
Touwart  (Alard  de),  78  n.  3. 
Touwart  (Antoinette  de),  191  n.  4. 
Touwart  (Jeannette  de),  78  n.  3. 
Touwart  (Josne  de),  78  n.  3. 
Touwart  (Simonette  de),  78  n.  3. 
Trente  (Concile  de),  114. 
Troyes  (traité  de),  56. 
Turcqueau  (Pierre),  234,  234  n.  1. 
Turut  (Jehan),  396. 
T'Zevel  d'Osterel  (Françoise),  174  n.  1. 


U 


Utrecht,  90. 

Ltrecht  (Union  d'),  221,  225. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


417 


Vaillant  (Pierre),  180. 

Val  (Bonne  Maison  de  le),  d8,  4S9,  173,  288. 

Valenciennes.  38,  86,  92  n.  4,  104,  118,  HS,  132, 

135,  152,  l.'iS,  l.'i9,  162,  164,  200,  216,  228,  233, 

322.  327,  328,  329,  333,  379. 
Valenciennes  (Porte  de),  à  Tournai,  156, 162, 168. 
Van  den  Broeck,  130  n.  7. 
Van  der  Aa  (Marguerite),  37  n.  3. 
Van  der  Geynst  (Marie),  89  n.  3 
Van  der  Haeghen,  81  n.  3,  83  n.  3,  87  n.  2,  87  n.  3, 

87  n.  4,  88  n.  1,  88  n.  2, 100  n.  5,  108  n.  4,  113 

n.4,295n.  1. 

Van  der  Pippes,  309. 

Van  der  Sare  (Denis),  87. 

Vangermès  (Jehan),  388  n.  1. 

Van  Langeraad,  94  n.  4,  94  n.  8. 

Varniaux  (Marguerite),  78  n.  3. 

Vendôme  (duc  de),  40. 

Venduille  (Yolande  de),  230  n.  2. 

Vergile(Polydore).  29,  30  n.  3,  31  n.  4,  33  n.  1. 

Verlysen  (François),  109,  312. 

Verstraete,  233  n.  3,  234  n.  2,  235  n.  1,  239  n.  1. 

Vicogne  (abbaye  de),  133. 

Viglius,  142  n.  6,  149,  150, 190. 

Vignacourt  (Jeanne  de),  23  n.  1. 

Vigne  (Porte  del),  238,  239,  241,  243. 

Vilain  de  Gand  (François),  91  n.  4. 

Vilain  (Maximilien),  138  n.  3, 160. 

Vilers  (Pierre  de),  386. 

Villain  (Jacques),  169. 

ViUain(Jean),  169,  387n.  1. 

Villain  de  la  Boueharderie  (Madeleine),  120  n.  2. 

Villain  (Marie),  173  n.  7. 

Villers  (Jehan  de),  298. 

Villers  (S'  de),  135,  135  n.  4, 136, 138,  139, 147  n.  3, 

304,  308,  313. 
Vilvorde,  178  n.  2. 
Vincquière  (Mahieu),  249  n.  2. 
Vingne  (Bertrand  de  le).  171  n.  1. 
Vingne  (Gérard  de  le),  168. 
Viry  (Marie  de),  174  n.  1. 

Tome  I.  —  Lettres,  etc. 


Visart  (Jean),  174,  296. 
Visch  (Claude  de),  227  n.  2. 
Viscre  (Arnould  de),  249  n.  2. 
Vitrier  (Jean),  81. 
Vivequin  (Regnault),  298. 
Vlerick  (Pierrej,  290. 
Vlieghe  (Barbe  de),  110  n.  3. 
Voisin,  15  n.  3. 
Vrey  (Henri  de),  298. 
Vriendt  (Corneille  de),  290. 
Vriendt  (Pierre  de),  283. 


■w 


Wannebausart  (Arnould  de),  300. 

Wannet  (Claude),  299. 

Warchin,  72  n.  2. 

Warcoing,  76,  226,  233,  254. 

V^faregny  (Pierre  de),  298. 

Warling  (S'  de),  1.33. 

Warny  de  Wisempière  (Ph.),  10,  239  n.  2,  240  n.  2, 
241  n.  2,  242  n.  3,  243,  243  n.  3,  244  n.  2,  243 
n.  1,  246  n.  2,  247  n.  1,  248  n.  1,  252,  252  n.  4, 
254,  255n.l. 

Walrelos,  157, 160, 160  n.  3,  161, 162. 
Wauequier  (Jehan),  297. 
Webeghorde  (Pierchon),  82  n.  2. 
Welles,  231. 

Welser  (Jean-Jacques),  394. 
Werchin  (Jean  de),  129  n.  2. 
Werchin  (Pierre  de),  394. 
Westminster  (traité  de),  26  n.  4,  27  n.  4. 
Westphalie  (Henri  de),  81,  81  n.  4. 
Wez,  28  n.  3,  37,  37  n.  3, 40,  232. 

VVille  (Ambroise),  118,  118  n.  3,  119,  120,  130,  130 
n.  7,  131  n.  1,  133,  137,  143  n.  3,  144  n.  4,  145, 
150  n.  2,  317,  334,  339,  340,  333,  384,  .385,  386. 

Wille  (Jean),  174,  296,  384,  385,  386. 

Willem  (Jean  de),  158, 158  n.  6. 

Willocqueau  (Chrétien),  230  n,  6. 

Willoqueau  (Jeanne),  158  n.  6. 

53 


418 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


Winchester,  31. 

Wittemberg,  81. 

Witthem  (Jeanne  de),  248  n.  6. 

Witthem  (Marie  de),  HO  n.  6. 

Wolsey  (Thomas),  23,  27,  27  n.  1, 

n.  2,^31,  32,  33,  41  n.  4,  43. 
Worcester  (comte  Charles  de),  34. 
Wulf(Collardde,280. 
Wutz  (BaJthazar),  197  n.  6. 


27  n.  2,  .30,  30 


Ypres,  77,  157,  233,  278,  280,  313. 
Yvains  (Jakemès),  172  n.  2. 


Zélande,  197,  199,  201,  202,  208,  212,  216. 
Zwingle,  85  n.  4. 


BIBLIOTKECA 
Oftcvlan»'*- 


MonioJr'cs.  'roiiic  I   <  Lclli'cs  1 


A  llo<'<iuel ...  Toiii-Jiai  et  loToiirnaisis  aii  XXI*^  siècle. 


.•;.••..■ 
•.  • .  •  '  •  • 


T3' 


.  O   , 


-  ••rïv  •.'.•;:■.  •:::?^^  -^^fl.  V  •'.••  r 

.  .■  •■•cû-  ■..•.•  «■.  •-  •  -. .S  .  •  >:•  . ,  •,  i  t; 

*i  •' .       •       •       •••..•.  •   ■       •    •    "w       ••    .      .    'I  v. 


•    •:   • 


Si-        .'     • 


S 


Echelle  appi'oximative  de 


^.^ 


->:A. 


Y 

O 


I 


McnioiiTS.  ToiiM'  1  (LcUi'Cs) 


*\.Hocquet._  Tournai  et  IcTonrnaisis  au  iWl?  siècle. 


DU 


H      A      I      N     A     U      T 


•;.t^- 

•; 

•■  c 

•  ce,  • 

l  '.3.  ■ 

•  *  •  • 

•  ' 

/.'S 

.■=." 

.  •  * 

•  • 

• 

•  -te;  • 

'• 

*.7S 

•'Si. 


iù'liolle  aj)j)roxiiniitivo  de   iio.ooo 


'•'f '••  •; 
'.ss;'':.' 


La  Bibliothèque 

Université  d'Ottawa 

Échéance 


The  Librory 

University  of  Ottawa 

Date   due 


X 


„„,j.«.. i.iJ 

13^003  000850882b 


CE  AS   0242 
.B326  VOOl/2  1906 
COO   HCCQUET,  ADO 
ACC)^  10068Ç8 


TCURNAJ  ET  L 


U  D'  /  OF  OTTAWA 


COLL  ROW  MODULE  SHELF   BOX  POS   C 
333    09       13        03      05    07    7 


^mç: 


\  ■■■•  :  ■'■:##?!