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TOmi ET LE WRMISIS
AU XVI' SIÈCLE
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL
PAR
Adolphe HOCQUET
ARCHIVISTE DE LA VILLE DE TOURNAI
Devise : Plus est Palriae jacla
referre labor.
(Ovide, THsies.)
Couronné par la Classe des lellres et des sciences morales el puliliques, le 9 mai 1904.
Tome I. — Lettres, etc.
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m y.
AVANT-PROPOS
Il y a quatre ans, l'Académie royale de Belgique posa cette question :
« Tournai el le Tournaisis au XVI' siècle, au point de vue politique et
social » . Elle donnait deux ans pour rédiger le mémoire. C'était peu pour
scruter un siècle. Nous entreprîmes néanmoins celte tâche et, après avoir
consacré plus de dix-huit mois à la recherche el à l'examen des documents,
nous nous mimes à la rédaction du mémoire.
Cent soixante pages furent envoyées à l'Académie à l'expiration du délai
fixé, mais, cela va sans dire, notre étude était loin d'être complète.
En mai 1902, à la demande des trois rapporteurs, la question fui remise
au concours et un nouveau délai de deux ans fut accordé. Encouragé
par le bienveillant rapport du premier commissaire, M. Discailles, nous
avons poursuivi nos recherches, et c'est leurs résultats que nous donnons
aujourd'hui.
Le XVI" siècle est, pour le Tournaisis, parliculièremenl bien rempli. C'est
l'époque de la chute définitive du gouvernement de la France, après l'inter-
mède de l'occupation anglaise, et c'est surtout celle de la Réforme.
L'histoire de la Réforme, seule, comprendra un grand nombre de pages;
car si de nos jours l'Église protestante ne compte plus dans le Tournaisis
(ju'une petite troupe de fidèles, il n'en fut point toujours ainsi. Tournai,
4 AVANT-PROPOS.
avec Gand et Anvers, marcha un moment à Tavant-garde du protestantisme
dans nos contrées, et il ne dépendit point des Tournaisiens qu'à l'exemple
des provinces du Nord, les Pays-Bas méridionaux ne se détachassent à
jamais de l'Espagne.
Sans négliger le Tournaisis, nous avons plus particulièrement porté nos
regards sur la ville de Tournai; dans la petite province, dont elle était le
chef-ville, elle entraînait d'ailleurs tout à sa remorque. Nous avons cru,
du reste, en agissant ainsi, respecter mieux les intentions de l'Académie qui,
dans l'énoncé de sa question, semble mettre Tournai à l'avanl-plan.
Les archives générales du Royaume à Bruxelles, le dépôt des archives
de l'État à Mons, le dépôt départemental du Nord à Lille, les archives de
Saint-Amand, celles du chapitre de Notre-Dame à Tournai n'ont pas
échappé à nos investigations; mais nous avons surtout minutieusement
fouillé les archives de la ville de Tournai et elles nous ont fourni une
ample moisson de renseignements inédits.
Nous donnons en annexes les documents que nous ne pouvions point ne
pas éditer; quant aux autres, dont nous avons également fait usage, nous
nous contenterons de les signaler par une note en bas de page. Les imprimer
tous eut grossi démesurément ce mémoire, déjà assez volumineux.
Nous nous sommes très peu servi des historiens de Tournai; la plupart
d'ailleurs parlent très brièvement de la Réforme ou rapportent, en quelques
pages à peine, des faits plus ou moins authentiques. Hoverlant est indigeste
et mérite toujours un contrôle sérieux ; Poutrain, laconique ou aveuglé par
un parti pris évident, est souvent faux; quant à Chotin, il faudrait consacrer,
à rectifier ses erreurs, autant de pages qu'il en a écrites.
Pour nous, si une préface est vraiment l'exposé d'un programme indiquant
à la fois le but auquel on aspire et la voie qu'on a suivie pour y parvenir,
nous tenons à déclarer que nous avons fait notre étude sans autre préoccu-
AVANT-PROPOS. 5
pation que celle d'un constanl souci de rexaclitude et sans aucune aiilre
iiitenlion préconçue, si ce n'esl celle de dire la vérité. Nous avons surloul
cherché à répandre des notions exactes sur le rôle joué par les Tournaisiens
dans ces belles et difficiles luttes qu'affrontèrent nos pères pour la liberté
religieuse et à en faire connaître, au point de vue économique, les résultats
désastreux pour le Tournaisis en particulier.
Avant de terminer ce court avant-propos, nous exprimons toute notre
reconnaissance à notre ancien professeur d'histoire, M. Arthur Dutron, de
l'Alhénée de Tournai, qui a pris la peine de reviser nos épreuves, et à
M. le comte P. -A. du Chasiel de la Howarderie, à qui nous devons plus
d'un renseignement généalogique, intéressant et inédit.
DOCUMENTS ET TRAVAUX CONSULTÉS
Documents manuscrits.
Archives générales du Royaume a Bruxelles.
1" Cartulaires et manuscrit :
Registre n" 192.
2° Chambre des Comptes de Flandre :
Cartons n<" 19, 32, 33, 137 et 138.
3° Conseil d'État :
Registres n<" 7, 11 et 28.
i° Papiers d'État et de l'Audience :
Lettres et pièces diverses sur les événements de Tournai (1561-1568), registres
n«'351, 352, 353, 354 et 355.
Instructions pour les gouverneurs de provinces (1488-1693), registre n" 784.
Conseil des Troubles; justification des magistrats de Tournai et iMarquain sur les
troubles advenus à Tournai et à Marquain en 1566, registre n° 32.
Archives i>e l'État a Mons :
1° Fonds de l'évêché de Tournai. — Évêques de Tournai :
Documents n°' 1 à 184 et n"» 1708 à 1712. — Dossier n" 1828. — Cartulaires
n»^ 68, 71 et 72.
2" Archives du Bailliage de Tournai-Toumai^is :
Registre aux sentences criminelles de la Commission des Troubles (mars 1566-
15 juin 1569).
Archives du Chapitre de Notre-Dame a Tournai.
Décisions capitulaires (acta capitularia) de 1576 à 1581. 2 registres in-4"'.
DOCUMENTS ET TRAVAUX CONSULTÉS. 7
Archives de la ville de Tournai.
1° Registres de la Loi, 1510-1539; 1553-1568.
2° Registres des Consaux, 1495-1585.
3° Registre aux résolutions des Bannières, 1428-15i23.
4° Registres aux publications, 1512-1600.
5° Registres aux comptes généraux, 1500-1583.
6° Registres aux comptes de menues dépenses, dits comptes d'entremises (1500-1521).
Ils cessent d'exister à cette dernière année.
7° Comptes d'ouvrages. — Fortifications.
8° Dépenses pour la draperie, 1594-1597.
9° Registres des prévôts et jurés.
10» Registre 77, tout entier de la main de feu l'archiviste général du Royaume, Gachard,
intitulé : « Notes pour servir à l'histoire de Tournai-Tournaisis de 1557 à 1581,
extraites des registres des Etats du Tournaisis ». 1 vol. in-fol.
Archives départementales du Nord a Lille.
1° Série B, n° 2542. « Information et interrogatoire de témoins au sujet d'une pré-
tendue conspiration ayant pour but de faire passer la ville de Tournai sous la
domination du roi de France. » 1527.
2" Fonds du Bailliage de Tournai-Tournaisis. Comptes des confiscations. Premier
compte de Jean Gombault, receveur général des biens immeubles saisis et
dévolus à Sa Majesté à cause des troubles en la ville de Tournay et province du
Tournaisis, 1566-1568.
3° Même fonds. Deuxième compte du même receveur, 1569-1570.
4° Même fonds. Troisième compte du même receveur, 1571-1573.
5° Collection Errembault. Portefeuille n° 98. « Premier pourject et délinéation de la
police quy se poura garder en la ville et cité de Tournay sur le faict des pauvres. »
Bibliothèque de la ville de Tournai.
1° Histoire nouvelle de Tournay, capitale des Nerviens, par le R. P. François Gaullran.
(Ms. CLXXXV, 3 vol. in-fol.)
2° Annales de la ville de Tournay. (Ms. CLXXXVIl, 4 tomes en 3 vol. in-fol.)
3° Recueil d'extraits relatifs à Fliistoire de Tournay, par N. du Fief. (Ms. CXCVIIL in-4<').
4» Manuscrit CCXIV, lequel, au milieu d'un inventaire de documents d'archives de
la ville de Tournai, renferme une relation contemporaine du siège de cette ville
(1513). (Ms. in-fol. papier, XVi-^ siècle.)
DOCUMENTS ET TRAVAUX CONSULTÉS.
Documents et travaux imprimés cités le plus fréquemment.
A. Allard, Le premier Bailliage de Toiirnai-Tournaisis. Mons, 189o; in-8".
Altmeyeb, Les Précurseurs de la Réforme aux Pays-Bas. Bruxelles, 1886; 2 vol. in-8°.
Analectes pour servir à l'Histoire ecclésiastique de la Belgique. Louvain, 1872; in-8".
Annales de la Société historique de Gand.
d'Avenel, Histoire économique de la propriété, des salaires, etc. Paris, 1894; in-8°.
Pasqoier de la Barre, Mémoires, édit. Alex. Pinchart. Bruxelles, 18S9-186o; 2 vol. in-8°.
Calendar of letters and papers foreign an domestic o( the reign of Henry VIII. London,
1862; in-4°.
C'« P. -A. DU Chastel, Notices généalogiques toumaisiennes. Tournai, 1881-1887; 3 vol. in-8°.
Claessens, L'inquisition dans les Pays-Bas du passé. Turnhout, 1886 ; in-8°.
Commission royale d'histoire de Belgique- Recueil des Bulletins.
Cousin, Histoire de Tournai. Douay, 1620; 2 vol. in-4°.
DE CoussEMAKEK, Trotibks i-eligieux du XVI' siècle dans la Flandre maritime. Bruges, 1877;
4 vol. in-4°.
DiEGERiCK, Lettres inédites de Pierre de Melun. Tournai, 18S3; in-8°.
Discours sur les troubles et misères de ce temps et des moyens qu'il faut tenir pour les appaiser
et y mettre fin. Douay, Jean Bogard, 1579; in-8°.
Gachahd, Collection de documents inédits. Bruxelles, 1833-1835; 3 vol. in-8°.
Gachard, Ertraits des registres des Consaux de Tournai. Bruxelles, 1846, in-S".
Gachard, Lettre à l/.V. les Questeurs de la Chambre des Représentants. Bruxelles, 1841 ; in-8°.
Gachard, Correspondance de Guillaume le Taciturne. Bruxelles, 1847-1866; 6 vol. in-8°.
Gachard, Actes des Etats-Généraux des Pays-Bas (1376-1585). Bruxelles, 1861-1866,
2 vol. in-8°.
Gachard, Correspondance de Marguerite d'Autriche et de Philippe II. Bruxelles, 1867-1881 ;
3 vol. in-8°.
Gach.ard, La Bibliothèque nationale à Paris. Bruxelles, 1875-1877; 2 vol. in-4°.
Gachard, Correspondance de Philippe II.
Féry de Guyon, Mémoires (1524-1368) ; édit. de Robaulx de Soumoy. Bruxelles, 1858; in-8°.
DOCUMENTS ET TRAVAUX CONSULTÉS. 9
Paul Fredericq, Corpus documentorum Inquisitiunis haereticae pravitatis Neerlandicae.
Gand, 1889-1903; 4 vol. in-8''.
Henné, Histoire du rèf/ne de Charles- Quint en Belgique. Bruxelles, ■18S8-1860 ; 10 vol. in-8''.
A. d'Heubomez, Le Voyage de Philippe-Auguste à Tournay en 1187. (Revue des questions
HisToitiQUES iiE Pahis, 26' année, 1891.)
A. d'Herbomez, Géographie historique du Tournaisis. Bruxelles, 1892; in-8".
EuG. Hubert, De Charles-Quint à Joseph II. Bruxelles, 1882; in-8°.
EuG. Hubert, Le protestantisme à Tournai pendant le XVIW siècle. Bruxelles, 1903; in-4'>.
Kervyn de Lettenhove, La Flandre pendant les trois derniers siècles. Bruges, 187S; in-8''.
Kervyn de Volkaehsbeke et Diegerick, Documents inédits concernant les troubles des
Pays-Ras. Gand, 1847-1849; 2 vol. in-8".
L.-A. VAN Langebaad, Guido de Bray. Zierikzée, 1884; in-S".
Le Glay, Correspondance de l'Empereur Maxiinilien l" et de Marguerite d'Autriche. Paris,
1839; in-8».
LoTiiROP MoTLEY, La Révolution des Pays- Ras {1553- 1584), trad. de G. Joltrand et A. Lacroix.
Bruxelles, 1859-1860; 4 vol. in-S".
J. Du Mont, Corps universel diplomatique du droit des gens. Amsterdam, 1726.
DE Nény, Mémoires historiques et politiques sur les Pays-Bas autrichiens. Bruxelles, 1784;
2 vol. in-8°.
Recueil des Ordonnances des Pays-Ras; deuxième série, 1506-1700. Bruxelles, 1893-1902;
3 vol. in-fol.
Ch. Paillard, Histoire des troubles religieux de Valenciennes. Bruxelles, 1874-1876;
4 vol. in-8°.
Cil. Paillard, Considérations sur les causes des Troubles des Pays-Bas au XVl" siècle.
Bruxelles, 1874; in-8°.
(^ii. Paillard, Une page de l'histoire religieuse des Pays-Bas. Le procès de Pierre BruUy.
Bruxelles, 1878; in-8°.
PoNTUS Heuterus, Reruui Relgicarum libri quinque. Antwerpia, 1598.
Edm. Poullet, Histoire du droit pénal dans le duché de Rrabant, depuis l'avènement de
Charles-Quint jusqu'à la réunion de la Relgique à la France. Bruxelles, 1870; 1 vol.
in-4°.
Edm. Poullet, Origines, développements et transformations des institutions dans les anciens
Pays-Bas. Louvain, 1882-1892; 2 vol. in-8".
Tome T. — Lettres, etc. 2
10 DOCUMENTS ET TRAVAUX CONSULTES.
Edm. Polllet et Piot, Correspondance du Cardinal de Granvelle. Bruxelles, 1878-1896;
12 vol. in-4°.
PouTRAiN, Histoire de Tournai. La Haye, 17S0; 2 vol. in-8°.
W.-H. PiiESCOTT, Histoire du règne de Philippe 11. Trad. de Renson et Ithier. Bruxelles, 1860 ;
4 vol. in-8».
Pruvost, Histoire de Wattrelos. Tourcoing, 186o; in-8°.
Ch. Raulenbeck, Les villes protestantes de la Belgique, Tournai. Liège, 1854; in-8">.
Ch. Hahle.\beck, Les derniers rétlwriciens de Tournai. (Revue ue Belgique. Bruxelles, 1891 ;
in-8°.)
Henon iiE France, Histoire des causes de la désunion, révoltes et altérations des Pays-Bas
{15o3-'l392). Édit. de Piot. Bruxelles, 1886-1891; .3 vol. in-8°.
Bévue d' Histoire ecclésiastique. Louvain, 1900-1903; 3 vol. in-8°.
M.-A. DEL Rio, Mémoires [1576-1378). Édit. et trad. de A. Delvigne. Bruxelles, 1869-1871 ;
3 vol. in-8°.
Thomas Rymer, Foedera, conventiones, literae et cujuseumque generis acta publica intei- reges
Angliae et nlios quosvis imperatores, reges, pontifices, etc. Editio tertia. (Hagae comitis,
1739; 10 vol. in-foi.)
Société iiisToitiQUE et littéraire de Tournai. Bulletins, Mémoires et .Annales. Tournai, 184o-
1903; S7 vol. in-8».
Strada, Histoire de la guerre de Flandre. Trad. de Du Rier, a» édit. Paris, 1632.
FoppENS, Supplément à Vhistoire des guerres civiles en Flandre sous Philippe II, de Strada.
Amsterdam, 1729; 2 vol. in-12.
Ph. Warny DE WisENPiÈRE, Mémoircs sur le siège de Tournai (1381). Edit. de A. Chotin.
Bruxelles, 1860; in-8°.
TODRMI ET LE TOlia^AISIS
AU XVr SIECLE
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL
PREMIERE PARTIE
Conquête anglaise et Annexion du Tournaisis
aux Pays-Bas (1500-1521).
CHAPITRE PREMIER.
CONQUÊTE ANGLAISE.
Sommaire. — I. La France veut faire de Tournai une place forte de premier ordre, à cause
de la situation géographique du Tournaisis. — II. Conséquences de cette situation
géographique durant les luttes de la France avec les ducs de Bourgogne; traité de
1478. — m. Siège de 1513 et prise de Tournai par le roi d'Angleterre, Henri VIII.
I. Au mois de décembre H87, le roi Philippe-Auguste annexa à la
couronne de France le Tournaisis tout entier. Dès lors, durant plus de trois
siècles, celte pelile province de dix lieues de long sur trois ou quatre de large
12 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
lie cessa de faire partie intégrante dn royaume de France et fut toujours
rangée parmi les plus fidèles de ce pays (').
La Flandre la bornait au nord, à l'ouest et au sud, tandis que le Hainaul
la limitait à l'est et en partie au nord.
Sans aucun point d'attache avec la France, éloigné d'elle de plus de
vingt-deux lieues ("), le Tournaisis se trouvait dans la désavantageuse
situation d'un ilôt français perdu au milieu d'une mer d'accès difficile. Cette
position géographique n'était pas sans présenter de graves inconvénients;
on le vit d'ailleurs bien durant les nombreuses guerres de la France avec
les ducs de Bourgogne.
Par des traités de commerce très onéreux pour eux (^), les Tournaisiens
parèrent aux difficultés économiques que faisait naître le voisinage des Étals
bourguignons; mais pour obvier aux périls que leur créait la politique
extérieure de la France et surtout pour empêcher que leur ville, « la clef et
l'entrée du royaume » (*), ne tombât au pouvoir de l'ennemi, il leur fallut
faire de Tournai une redoutable forteresse, capable de résister à un coup de
main et même de repousser victorieusement tout assaut.
Rois et magistrats urbains avaient soigneusement veillé à cela durant un
espace de trois siècles.
A l'aurore du XVI« siècle, cette attitude du pouvoir royal était restée
immuablement la même, et c'est dans l'unique but de continuer la politi<|ue
adoptée par ses prédécesseurs, que l'on vit Louis XII autoriser le prélève-
ment d'impôts nouveaux sur la garance, les draps, les tapisseries d'or et de
(1) Voir à ce sujet : A. d'Herbomez, Le voyage de Philippe- AïKjustc à Tourmy en 1187
(Revue des QUEsnoNS historiques, 26« année, \^' octobre 1891, pp. 593-610); du même
auteur, également, Géographie historique du Tournaisis. Bruxelles, 1892.
(■i) Arcliives de Tournai, charte du 14 avril 1504, donnée à Blois.
(3) Du mois de mai 1424 à la Saint-Jean 1440, les Tournaisiens payèrent au duc de
Bourgogne 99,500 écus d'or et 6,500 salus d'or, soit environ sept millions de notre
monnaie, pour obtenir la liberté de commercer librement avec les États bourguignons
(voir Archives de Tournai, Chartrier, layette 1424).
(4) Archives de Tournai, charte du 21 mai 1502. Louis XII dit : « attendue... lesquelz
(—Tournaisiens) nous ont fait supplier que pour la seureté de nostre dicte ville, qui est
a clef et entrée de nostre Royaume... ».
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 15
soie, le cuir et d'autres objets fabricpiés, ainsi que rétablissement d'une sorte
de taille sur le revenu, sous la condition expresse (|ue l'argent ra|)|)oilé par
ces impôts serait seidenient employé à des travaux de consolidation des
remparts de Tournai (').
II. D'ailleurs, si la vigilance du roi de France eût un moment sommeillé,
la polili(|ue poursuivie à l'égard du Tournaisis par les ducs de Bourgogne
aurait bientôt réveillé l'attention de Louis XII et rappelé aux magistrats
lournaisiens la constante nécessité de maintenir en bon état les murailles de
leur ville.
Philip|)e le Bon, on le sait, était parvenu à placer sous son sceptre les
|)rincipales provinces des Pays-Bas méridionaux. Son œuvre eût été complète,
s'il avait pu réussir à annexer à ses États la petite province française du
Tournaisis, qui formait comme une tache au milieu de TArtois, de la
Flandre et du Hainaut.
En 14.63, il autorisa son fils, le comte de Charolais, à tenter un coup de
main sur Tournai (^), qui, du reste, ne réussit pas, et il mourut sans avoir
atteint son but.
Dès son avènement, Charles le Téméraire reprit pour son compte le projet
de son père, et pour forcer les Tournaisiens à convenir de la nécessité de
leur annexion, il commença par défendre l'imporlalion dans le Tournaisis
de vivres provenant soit de l'Artois, soit de la Flandre, soit du Hainaui.
Il s'aperçut néanmoins bientôt qu'il perdait sa peine. Aussi essaya-t-il
(1) Arcliives de Tournai, charte du 21 mai 1S02, donnée h Blois.
(2) Archives de Tournai, charte du 21 mai 'lo02, donnée à Blois, où Louis XII dit entre
autres choses : « veue par noz amez et féaulx conseillers les gens de nostre grant conseil,
la requeste h eulx présentée de la partie de nos chers et bien amez les bourgeois, nianans
et habitans de nostre ville et cité de Tournay, contenant comme ja piéça et dès l'an mil iiij'
soixante et trois, le feu lors conte du conté de Charolays et depuis duc de Bourgogne se
fust atforcé par force d'armes sustraire et mectre hors de l'obéyssance de feu nostre très
chier et très amé cousin le feu Boy Loys dernier décédé de ce nom que Dieu absoille, nos
dictes ville et cité de Tournay, pour obvier à laquelle entrcprinses leur avoit convenu payer
grans sommes de deniers et faire sur les frontières grosses fortifficacions, ou contemps et
en hayne desquelles leur ont esté par bien longue espace de temps inhibez et deffenduz
tous vivres et vitailles es pays dudit feu duc de Bourgongne... ».
14 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI^ SIÈCLE
d'atteindre les Toumnisiens dans leurs inlérêls économiques et interdit toute
transaction commerciale entre les pays bourituignons et le Tournaisis, pro-
nonça la confiscation des fiefs et biens nombreux possédés dans ses États
par des habitants de Tournai, fit procéder à l'arrestation de ceux d'entre
eux qui osaient s'aventurer avec des marchandises à quelque distance de
leur enceinte et les envoya prisonniers à Guines, à Ardres ou à Calais (').
Marie de Bourgogne ne changea rien aux procédés de son père, au point
qu'en 1478, décidé à mettre fin à une situation aussi intolérable, le Tour-
naisis sollicita du roi Louis XI l'autorisation de traiter avec elle.
Le Roi le permit secrètement ('), et, le 22 octobre, les Tournaisiens
obtinrent de Marie de Bourgogne et de Maximilien d'Autriche la recon-
naissance de leur neutralité en même temps que l'autorisation de comniercer
librement dans les États bourguignons, sous la condition expresse de ne
plus recevoir désormais dans leurs murs de garnison française (^).
C'était un double succès pour les Bourguignons; car en éloignant de
Tournai toute troupe française, on décapitait « la perle du Royaume », ainsi
(|ue rappelaient les conseillers de Louis XI ('), et l'on rendait possible la
réussite d'un coup de main qui devait préparer les voies à l'annexion du
Tournaisis aux Pays-Bas.
Les magistrats urbains se rendirent promptemenl compte que l'importante
concession à laquelle ils avaient dû consentir pour sauvegarder les inlérêls
économiques de leur cité, mettait en péril « leur loyauté envers le Roy ».
Aussi, ne voulant point posséder des remparts encore solides mais privés de
soldats, ils résolurent, aussitôt après la signature du traité, d'assurer eux-
mêmes la défense de leur ville.
Le guet, dont devaient faire partie tous les habitants mâles, fut organisé
(1) Voir à ce sujet Archives de Tournai, charte du 21 mai lo02.
(2) Bibliothèque de l'École des Chartes. Paris, t. LXlt, pp. 15-24.
(3) Société historique de Tournai, Annales, t. V, pp. 354-359, où l'acte est innprimé en
entier. — Pontcs Hegterls, Renim Belgicarum libri quinque. .Antwerpiae, 1598, p. 89, dit :
« Tornacences, Regio liberati praesidio, mense novenihri (sic) [1478] cum Maxaeliano
transigunl poilirentun|ue se Francicum amplius non admissuros militem... ».
(4) Bibliothèque de l'École des Chartes, t. LXIl, p. 20.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. IS
avec une discipline tonte militaire, et Ton veilla nuit el jour sur les rem-
parts ('). Des exercices souvent répétés aguerrirent les membres des serments,
et le roi Louis XII, de peur que sa ville de Tournai ne (ùt prise « par fanlte
de bonne garde », dispensa bourgeois et nobles lournaisiens de lui fournir
durant dix ans, le service mijilaire aui|uel lui donnaient droit des cliarles
séculaires (^).
Bref, au commencement du XVI* siècle, le Tournaisis relevait encore de
la couronne de France, et même alors la politique des ducs de Bourgogne à
l'égard de celle petite province française, subissant un moment d'apaise-
menl, semblait vouloii- surtout se confiner dans le domaine religieux. Phi-
lippe le Beau ne cherchait en ces temps qu'une seule chose : faire asseoir
sur le trône épiscopal de Tournai, un évèque à sa dévotion (^).
(-i) JoPKEN, Miettes paléoijrai)hiques, fasc. S. L'oryanisalion militaire de la commune de
Tournai {U24-1S24). Tournai, 1896, pp. IS et passim.
(2) Les obligations de la ville vis-à-vis du roi, dit M. E. Jopken, op. cit., p. 4, sont très
nettement définies dans ce passage de la charte de Philippe-Auguste (1211) : « Propter hoc
autem, quotiescumque servientes communiarum nostrarum in nostrum mittemus servi-
tiuni, homines Tornacenses in nostrum servitium milienl treceiitos pedites bene arniatos,
si praecepto nostro vel successorum nostrorum Reguiii Franciae fuerint inde requisiti. Si
vero versus Aroasiam cum exercitu venerimus nos vel successores nostri, Communia tota
Tornacensis nobis occurrere débet, si absque impediniento iUuc usque potuerit pervenire ».
Il en résulte que la ville avait à fournir sur réquisition trois cents fantassins bien équipés
chaque fois que le souverain se trouvait dans le cas de solliciter l'aide de ses communes. .
La force et la nature du contingent variaient avec les besoins du roi et avec les exigences
de ses opérations militaires (p. 5); mais il arriva parfois que ce contingent alla jusqu'à
atteindre un total de mille hommes de troupes (p. 6).
(3) Voici, en résumé, ce qui se passa entre la fin du XV" siècle et le commencement
du XVI", dans le monde religieux à Tournai. En 1483, l'évêque de Tournai Ferry de Cluny
mourut à Rome. Le pape Sixte IV y nomma Jean Monissart et le sacra lui-même le
18 octobre 1483. Philippe le Beau et le roi de France s'élevèrent contre cette nomination
qui avait été faite sans leur intervention. Le roi de France, par représailles, rétablit la
Pragmatique-Sanction supprimée par son père Louis XI et fit nommer son protégé Louis
Pot, alléguant que Tournai étant ville française et le Chapitre de la Cathédrale ayant omis
de procéder en temps utile à l'élection de l'évêque, la nomination appartenait au métro-
politain de Reims, dont l'évêché de Tournai était suffragant. Louis l'ot se rendit aussitôt
à Paris, y fit citer Jean Monissart afin de le faire comparaître devant le Parlement. Monissart
refusa d'obtempérer à la citation et Louis Pot fut déclaré évêque, sacré par l'évêque de
Paris, confirmé par le métropolitain de Reims et mis en possession des biens de toute la
i6 TOURNAI ET LE TOURNAISfS AU XW SIÈCLE
m. Toul changea néanmoins bienlôL Le 25 septembre 1506, Philippe
le Beau élanl mort inopiuémenl à Biirgos, Maximilien d'Aulriche fui investi
de la lulelle de son pelil-fils Charles; mais sollicité par d'aulres affaires et
parliculièrement par celles de TAIIemagne, TEmpereur abandonna vite la
lulelle et transmit la régence des Pays-Bas à sa fille ilarguerile ('), sans
cesser pour cela de veiller sur les inléréls du jeune prince comme sur les
destinées de ses États.
pariie franvaise de l'évêché de Tournai. Il y eut alors deux évêques de Tournai : l'un, Jean
-Monissart, fut nommé par le pape, l'autre, Louis Pot, choisi par le roi de France. Jean
Monissart étant mort assez tôt (1484), le pape Innocent Vllt nomma pour le remplacer
Antoine Pallavicini. Philippe le Beau et le roi de France ne le reconnurent pas; Charles VIII
maintint Louis Pot comme évèque de Tournai et Philippe le Beau s'opposa ù la prise de
possession de l'évêché par Pallavicini, mit le séquestre sur les biens épiscopaux situés en
Flandre et nomma comme administrateurs du diocèse Gilles Barbiers et Raphaël de Bour-
gogne. Il pressa ensuite le pape de pourvoir l'évêché de Tournai d'un prélat issu du pays.
Sur ses instances et avec l'agrément du Chapitre, le souverain pontife choisit Jean de
Lannoy, qui malheureusement mourut le jour fixé pour sa consécration. Philippe
désigna pour lui succéder l'abbé de Saint-Amand, Pierre Quick. Celui-ci se rendit à Rome,
y obtint de Pallavicini sa renonciation à l'évêché de Tournai, reçut l'investiture canonique
(1496), fut sacré dans la ville de Bruges et fixa sa résidence à Gand. A dater de 1497, le
diocèse de Tournai fut gouverné et administré par deux évêques : la partie française par
Louis Pot et la partie flamande par Pierre Quick. A la mort de Louis Pot (ISOo), le Chapitre
de la Cathédrale, pour complaire à Louis XII, ne voulut pas présenter comme évêque de
Tournai Pierre Quick, mais élut le maître des requêtes du roi de France, Charles du
Hautbois. Celte nomination amena des troubles religieux; les deux évêques s'excommu-
nièrent, lancèrent des interdits et provoquèrent des scandales « dont la connaissance n'est pas
de nature îi édifier les fidèles » (!), à ce que dit le vicaire général Voisin. Louis XII dépouilla
même Pierre Quick des biens et revenus de son abbaye de Saint-Amand. Pour mettre fin
à ce schisme local, le pape Altixandre VI offrit sa médiation. Elle fut acceptée. Un accord
approuvé par Louis XII et Philippe le Beau intervint, en vertu duquel Pierre Quick résigna
l'évêché de Tournai à Charles du Hautbois, mais rentra en possession des biens et revenus
de l'abbaye de Saint-Amand, et se vit en outre octroyer une pension annuelle (loOo). —
(Cousin, llisloire de Tournai. Uouay, 1620, liv. IV, pp. 2o7, 260, 266-267. — Syndnonoloyia
summorum pontificim ac episcoporum Tornacensium. Tornacensi, 1837. — Gallia Chrisliana.
Paris, 172u, t. III, p. 326. — Analecten pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique.
Louvain. t. IX, 2" livre, 1872, pp. 167 et seq.)
(1) Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, fille de Maximilien d'Autriche et
de Marie de Bourgogne, naquit à Gand en 1480 et mourut le i" décembre 1350. Promise
à Charles VIII, roi de France, (|ui lui préféra Anne de Bretagne, elle épousa successivement
Jean d'Aragon (1497) et Philibert 11, duc de Savoie (1501), qui mourut trois ans après
son mariage.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 17
Hanlé par la craiiile de la France, (oiijours il allirait raltenlion de sa
fille sur le danger d'enlre()rises françaises contre les Pays-Bas, lui recom-
mandail sans cesse de rassembler aux fronlières des troupes en nombre
sulfisani pour re[)ousser toute tentative d'agression ('). Il ne fut vérilablemeni
rassuré (|ue le jour où, par le traité de Maiines (avril loI3j, TEmpire, le
pape Léon X, Ferdinand d'Aragon, les Suisses et Henri Vlil s'engagèrent à
envabir simultanément la France de trois côtés à la fois, au nord, à Test et
au sud.
Ferdinand d'Aragon menace la France par la Navarre; les Suisses se
portent jus(|ue sous les murs de Dijon el, le 30 juin 1313, Henri VIII
débarque à Calais et fait irruption par le nord (-).
Le général anglais, Georges Talbot, comie de Scbrewsbury, se jette sur
Thérouanne, où le rejoignent bientôt Henri VHI, qui s'était reposé un
moment à (Valais, et Maximilien d'Autriche, amenant avec lui quatre raille
chevaux (^).
Cependani, Louis XII tente de faire lever le siège de Thérouanne, mais il
est battu à Guinegate, el la ville assiégée, n'espérant plus aucun secours du
Roi, est forcée de capituler. Henri VHI y fil mettre le feu.
Le roi d'Angleterre hésitait sur la direction à donner à son armée el ne
savait à quoi se résoudre. Enireprendrait-il le siège de iMontreuil, de Bou-
logne ou de Sainl-Quenlin ou se jelterail-il à l'assaut de Tournai (^)?
L'occasion parut trop belle à Maximilien pour la laisser échapper. Profitant
de l'indécision de Henri VIII, il l'incita à assiéger Tournai, dans l'espérance
que celte place n'étant d'aucune utilité pour les Anglais, il pourrait réaliser
(1) Voir à ce sujet dans Le Glay, Correspondance de l'empereur Maximilien l" el de
Marguerite d'Autriche. Paris, 1839, t. I, p. 71, une lettre du 16 juillet loOS.
C^) IUpin de Thoïhas, Histoire d'Anylcterre. La Haye, 1733, t. V, p. 68.
(3) LiNGAiiD, John, Histoire d'Angleteri'e, traduit par le chevalier de lioujoux. Louvain,
1827, t. VI, p. 24. On sait que par le traité de iMalines, Maximilien, sous prétexte de
respecter la neutralité des Pays-Bas, avait consenti à être un simple lieutenant de Henri Vtll,
qui lui accordait une solde de cent écus par jour. (Rïmer, Foedera et co7wentiones, édition
en 10 volumes, t. X, p. 176.)
{*) Annales de la Société historique el littéraire de Tournai, t. V, pp. 304-30S.
Tome 1. — Lettres, etc. 3
18 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
le projet séculaire de la maison de Bourgogne sur le Tournaisis et annexer
ce lambeau de terre française aux États de son petit-fils.
Henri VI il se laissa persuader et marcha sur Tournai.
Mais les Tournaisiens, prévenus par le roi de France, avaient utilement
employé le temps perdu par l'armée anglaise devant Thérouanne; dès le
12 juillet, ils avaient commencé à prendre leurs mesures en prévision d'un
siège que Louis XII leur avait prédit inévitable (').
Toutefois, voulant épaigner à leur cilé les conséquences toujours doulou-
reuses d'un blocus, les magistrats communaux n'hésitèrent point à envoyer
le 27 suivant, à Lille, une députation de fonctionnaires (-) à Marguerite
d'Autriche pour la prier d'intercéder auprès de l'Empereur, son père, et de
Henri VUl en faveur des Tournaisiens et de chercher à obtenir pour eux,
contre l'octroi d'une forte somme d'argent, la reconnaissance d'une neutralité
semblable à celle qui leur avait été garantie par le traité de 1478.
Le but que poursuivaient les Tournaisiens était trop contraire aux visées
de Maximilien pour qu'il put être atteint. Aussi l'ambassade n'obtint-elle
rien et, le 10 septembre, les Tournaisiens apprirent que l'Empereur campait
à Pont-à-Vendin, avec l'armée anglaise.
Devant l'imminence du siège, les campagnards et les gens du bailliage
se réfugièrent en toute hâte dans Tournai; on démolit les maisons près des
portes de la ville; les faubourgs sont incendiés et, avec eux, deux abbayes
extra muros : l'abbaye des Prés Porchins et la léproserie de la Bonne Maison
de le Val.
On use de toute espèce de précautions; on exige des habitants un nouveau
serment de fidélité au roi de France et on refuse l'entrée de la ville à ceux
qui se présentent aux portes, portant « la crois blanche et les estandars de
France », parce que les Anglais se sont vantés de pénétrer dans Tournai
à l'aide de ce subterfuge.
Le jour même où les Anglais avaient établi leur camp à Pont-à-Vendin,
(<) Archives communales de Tournai. Publications, Reg. n" 341, fol. 3 r°.
(2) Cette députation était composée de Jean Haccart, conseiller du roi au bailliage; de
Claude Dimenche, dit Le Lombard, juré, et de Michel Aleganibe, premier conseiller
pensionnaire de Tournai.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 19
Ferry Caroiulelet, protonolaire apostolique, archidiacre de Besançon et
conseiller de l'Empereur, s'élait présenté aux portes de Tournai, pour
s'enquérir, au nom de Maximilien et du roi d'Angleterre, sur le point de
savoir si celte cité « était ville royale ou impériale ».
Sans doute, iMaximilien en savait à ce sujet tout aussi long que les Tour-
naisiens, mais c'était, de sa part, une subtilité que de faire poser en ces
termes la question.
En effet, si la ville de Tournai se déclarait « ville impériale », elle relevait
alors de l'Empire, et Waximilien, sans coup férir, l'annexait aux Pays-Bas;
si, au contraire, elle se reconnaissait « ville royale française », l'Empereur
la sommait de voir en Henri VIII le roi de France et, en cas de refus, la
faisait prendre d'assaut par les troupes anglaises, avec le secret espoir (|ue
Henri VllI lui abandonnerait sa conquête (^).
Des deux façons, Maximilien s'imaginait arriver à ses fins.
Les événements se chargèrent de déjouer ses calculs.
Certes la partie aristocratique du magistral, dont les sympathies étaient en
majorité acquises à la Bourgogne, eût volontiers, pour sauvegarder ses inté-
rêts personnels ('), déclaré Tournai « ville impériale ».
Mais le peuple, dont les senliments furent toujours profondément fran-
çais (^), n'entendait point abandonner « la querelle du Roy » et, le 15 sep-
(1) On sait que depuis le 26 janvier 1340 jusqu'au commencement du XIX° siècle, les
rois d'Angleterre n'ont cessé de s'intituler « rois de France et d'Angleterre ». Voir à ce
sujet : PiRENNE, La première tentative faite pour reconnaître Edouard III d'Angleterre comme
roi de France {1328).
(2) Du Fief, en parlant du siège de 4513, dit, entre autres : « Le commun peuple estoit
passionément porté pour la couronne de France et ceulx qui manièrent les affaires
publi(|ues, préférant leur bien particulier aux intérestz de la généralité dissimulèrent de
scavoir ce qu'ils voioient visiblement : les uns avoient leurs rentes et revenues en Flandres,
les autres en tlaynauld, chacun craindoit d'y perdre, en résistant, ce qu'il possédoit paisi-
blement, n Bibliothèque publique de Tournai, manuscrit 198.
(>^) On sait qu'au milieu de la débâcle de la guerre de Cent Ans, la ville de Tournai
était restée française, alors que la plupart des villes du royaume s'étaient rendues aux
ennemis et que Charles VII était acculé dans sa cité de Bourges. M. A. d'Herbomez, dans
la Géographie historique du Tournaisis, p. 06, dit ; « On ne saurait se lasser de le répéter :
depuis la réunion de leur pays à la couronne, en 1187, les Tournai.siens n'ont cessé de se
montrer les plus Français des Français. Et leur attitude était d'autant plus méritoire que.
20 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
temhre, il fil connailre aux magistrats « que le commun était intentionné de
vivre et de mourir sous le Roi et que si l'Empereur consentait à laisser les
Tournaisiens en paix et à leur permettre de commercer librement avec les
pays voisins, il ne s'opposerait pas à ce qu'on offrit à Maximilien une forte
somme d'argent (') ».
Ce qu'il voulait, somme toute, c'était acheter la neutralité, ce que durant
le XV« siècle il avait si souvent obtenu des ducs de Bourgogne.
Le même jour, une députation de Tournaisiens se rendit à Lannoy pour
porter au camp impérial la réponse du peuple. Naturellement, elle ne satisfit
pas Maximilien.
Le lendemain, la députation revint à Tournai, gagna THôtel de ville et,
là, du haut du perron, après avoir fait part au peuple officiellement réuni
du résullal négatif de sa mission, elle laissa timidement entendre qu'il
serait préférable pour les Tournaisiens d'abandonner la cause du roi
Louis XH et de rendre la ville à l'Empereur. Mais aussitôt, une foule
d'artisans escaladèrent tumidtueusemenl les degrés de la Halle, bousculèrent
maf'istrats et fonctionnaires et se livrèrent à de telles violences que
placés comme ils l'étaient aux extrêmes frontières du royaume, ils avaient naturellement
plus que bien d'autres à souffrir des guerres qui, aux XIV" et XV" siècles surtout, furent à
peu près continuelles. Pour rester libres, pour rester Français, les Tournaisiens se
montrèrent prêts à tout : à souffrir dans leur commerce, dans tous leurs intérêts, à
fournir aux rois de France des soldats, des armes, des munitions, et même à payer aux
ducs de Bourgogne les plus lourds tributs. On conçoit si, dans ces conditions, les marques
de faveur dont les comblaient les rois de France étaient justifiées. »
(1) Dans le registre aux Publicalions des Archives de Tournai, n" 341, à la date du
16 septembre, on lit : « Et incontinent ce fait ledit maistre Michiel Alegambe remonslra
que environ iiij lieures du soir dudit jour debvoit venir à la porte Cocquerel ung héraull
dudit Empereur pour scavoir la responce finale à la première remonstrance, disant que
ensivanl l'advis et oppinion du peuple baillé à la dicte bretesque quant à la dicte responce
finale on diroit et responderoit audict hérault, s'il venoit, que le commun peuple de la
dicte ville estrc délibéré de vivre et de mourir soubz le Roy, mais s'il plaisoit audict
empereur les laissier paisibles et communicquicr amiablement avec les pays voisins,
comme ilz ont acoustumé, on oflroit deniers, fust pour une fois ou à pencion. A quoy le
peuple respondit que tel estoit leur oppinion et ainsy l'entendoyent. » La décision à prendre
sur la question de savoir si Tournai était « ville impériale ou royale » ne pouvait être
résolue que par le peuple, en vertu de la charte de 1424. Celui-ci s'assembla en ses comices
le 15 septembre et fit la réponse qui précède.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 21
Michel Ale|j;ambe, qui venait tie faire rapport sur Tainhassade, craignant un
instant pour la vie des magistrats communaux, cria à la foule ameutée :
« iMes enfants, faicles bonne chère, nous vivrons et mourrons avec vous en
la querelle du Roy (') » .
Immédiatement le timbre ou cloche d'alarme sonna lugubrement et
appela aux armes tous les hommes valides; les bannières furent distribuées
aux différents corps de métiers et, pour apprendre aux ennemis que
Tournai était et restait ville royale française, bientôt flollèrent au haut du
beffroi deux étendards, Tun aux armes de France, l'autre aux couleurs de
Tournai (').
Telle fut la réponse du peuple tournaisien à l'invitation de Ferry Caron-
delet (•').
Avait-il choisi le parti le plus sage? Comment osait-il espérer repousser
victorieusement les assauts des armées anglo-impériales, alors que la ville
n'avait pas de garnison française, possédait une artillerie défectueuse,
manquait de poudre (') et ne pouvait opposer aux troupes aguerries de
Henri VIII et aux reitres de Maximilien que les quatre serments dont les
(1) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du IS septembre 1513.
(2) Amiales de la Société historique de Tournai, t. V, pp. 364 et scq.
(3) Quand Ferry Carondelet se présenta le 16 à la porte Cocquerelle pour tenir la
réponse des bannières, il n'y trouva aucun magistrat et dut retourner sans rien savoir de
positif; cela résulte de la lecture du manuscrit 214 de la Bibliotiièque communale de
Tournai et de cet extrait des Consaux de cette ville. Consaux du 20 septembre 1513.
« De la remonstrance faicte par les chiefs de ce qui avoit esté fait touchant le siège qui à
présent est devant ceste ville, par les Englais et leurs adhérens jusques à vendredy darrain
passé, que lors les Consaulx ordonnèrent le tout remonstrer au peuple. Et à ce que on
avoit commenchié à besongnier, pluisieurs dudit peuple n'y volurent entendre, par quoy
fut délaissier. Le dit jour del après-disner vinrent au-devant de le porte Cocquerel quatre
héraulx tant de l'empereur que du Roy d'Angleterre et à ce que aucuns dépputez furent à
la porte Cocquerel pour communiquier avec les dépputtez desdits seigneurs, mais ne
peurent et widièrent la dite porte. Et se partirent les dits dépputez et héraulx. »
{i) Bibliothèque communale de Tournai, Ms. n" 214. « Ceulx de la ville quy n'estoient
guaires proveuz de pouldres ne d'artilleries, ne de gens pour en tirer et aussy que les alt'us
de l'artillerie de la ville estoient tant vieulx que à chascune fois qu'on liroit ung baston,
les affus et bendes de fer se rompoient. » (Voir Annales de la Société historique de Tournai,
t. V, p. 372.)
22 TOURNAI ET LE TOURiNAISIS AU XVI' SIÈCLE
effectifs ne s'élevaienl pas alors au chiffre de cinq cents hommes, et la
cohue des gens de métier, plus ou moins exercée à l'art de la guerre?
Quoi qu'il en soil, femmes et enfanis apportent sur les murailles les
matériaux nécessaires à la défense; les hommes surveillent les ennemis et
liraillenl de leur mieux; le 17 septembre, le lendemain de la réponse, les
portes de Valenciennes et Cocquerelle sont violemment canonnées; le 18,
la haute lour HIandinoise tombe en ruines et l'ennemi est prêt à tenter le
premier assaui !
La silualion est critique; une troupe française de quinze à seize cents
cavaliers qui marchait au secours de Tournai et à la tête desquels se
trouvaient Jean d'Estables (') et Nicolas d'Aubermont (-) n'a pu pénétrer
dans la place.
Que faire? Courir les risques d'un assaut? Le peuple se sent incapable
de supporter cet effort. Aussi, le 21 septembre, permit-il à ses magistrats de
tenter une nouvelle démarche près des alliés pour obtenir d'eux la neutralité
refusée le lo, ou pour traiter de la reddition de la ville dans les conditions
les moins onéreuses.
Mais une autre question se posa alors d'elle-même. Puisque Tournai
devait capituler, à qui se rendrait-il? A l'Empereur ou à Henri VIII?
Les Tournaisiens, sans aucun doute, auraient préféré passer sous le
sceptre de l'Empereur, et ils l'espéraient d'autant mieux que les Anglais ne
semblaient pas énormément tenir à la possession du Tournaisis; en outre,
cette solution avait l'avantage immense de mettre fin aux mille tracasseries
(1) Jean d'Estables, licencié es lois, deuxième conseiller pensionnaire de Tournai, fils
de Willeniet et de Laurence de Beringhes. tl mourut le 23 avril 1316 à Lyon. (Arctiives
communales de Tournai, Cartulaire de rentes de 1308, p. 206, et Compte général, avril 1516
et septembre 1517 )
(2) Colart ou Nicolas d'Aubermont, fils de Michel et de Jeanne Cottrel, seigneur del
Planque, de la Defilière, du Laibray, etc., né vers 1487-1488, était, en 1521, grand maire
de Saint-Amand-les-Eaux. On le trouve qualifié écuyer dés 1.508, gentilhomme de l'empe-
reur Charles V en 1534 et messire Nicolas d'Aubermont chevalier en 1533. Il épousa en
premières noces Marie Haneron ou Henneron, puis, en 1539, Jeanne de Gavre. [Bulletin de
la Société historique de Tournai, t. XXII, pp. 373-374.)
AU POINT DE VUE F>OLITIQUE ET SOCIAL. 23
d'autan auxquelles leur silualioii géographique les avait exposés de la pari
des Bourguignons.
Toutefois, il était dit que les Tournaisiens ne verraient aucune de leurs
espérances se réaliser. Un élément nouveau venait d'entrer en ligne en lu
personne de VV^olsey, et cet élément devait tout modifier.
Thomas Wolsey, simple chapelain de Henri VIII, qu'il accompagnait
d'ailleurs dans sa descente en France, convoitait les revenus de I evéché de
Tournai, ainiuel venait d'être promu Louis Guillard ('), qui n'avait pas
encore pris possession de son siège épiscopal.
Pour que Wolsey pût réussir, il fallait que Tournai et le Tourt)aisis
devinssent anglais. Aussi à l'entrevue qui eut lieu à .Maire ("^), à la villa des
iMotles (■^), le 24 septemhre, dès que les députés tournaisiens parlèrent de
faire leur souniission à Maximilien d'Autriche, les Anglais, stylés par
Wolsey, ripostèrent qu'il ne pouvait plus être « de présent question sy la
dicte ville se renderoil à l'Empereur ou non, mais au Roy (Henri VIII),
lequel, comme Roy de France, la demandoil comme mendjre dudit royaulme,
que Tournay estoit ville royale et qu'avions toujours eu nostre ressort en la
court de Parlement de Paris (*) » .
Forcés d'accepter les volontés de Henri VIII, les députés tournaisiens
arrêtèrent les clauses de la capitulation; le 22 septembre, les Consaux
firent connaître aux Bannières assemblées (|u'oulre l'aide annuelle de
6,000 livres tournois (|u'elle octroyait antérieurement aux souverains
français, la ville payerait à Henri VIII une contribution de guerre de
(■•) Louis Guillard, Parisien, fils de Charles, seigneur d'Espichelière, président à mortier,
et de Jeanne de Vignacourt, avait été nommé évéque de Tournai à la suite de la résignation
de Charles du Hautbois, peu avant la prise de cette ville par les Anglais. (Voir Le Maistre
d'Anstaing, Recherches sur l'histoire de l'église cathédrale de Tournai, t. II, pp. 97 et seq.)
(2) Maire, fief relevant du roi de France où le bailli avait, en 1369, sur l'ordre de
Charles V, transféré son tribunal, qu'il appela « siège royal ». Il y tint ses assises et en fit
une importante Cour royale (Cf. A. Allaro, Le premier Bailliaye de Tournai-Tournaisis,
p. 3). On dit encore de nos jours à Tournai « le faubourg de Maire ».
(3) Propriété actuelle de la famille Sacqueleu h Froyennes.
(■*) Cette décision du roi d'Angleterre fut une déception pour Maximilien d'Autriche,
et dès cet instant s'accentuèrent entre lui et Henri VIII les symptômes d'une mésintelli-
gence qui commençait à naître.
24 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
50,000 écus d'or au soleil ('), eJ peiulanl dix ans, une nouvelle aide
extraordinaire de 4,000 livres tournois.
Le traité de reddition fut ralille par le peuple le 23 septembre; le même
jour, les quatre chefs de la Loi (-') allèrent présenter les clefs de Tournai
à fleuri VIII, (|ui les attendait près du cliâieau de .Marlière ('), et quatre mille
fantassins anglais occupèrent les remparts de la ville. Le samedi 24, tous
les manans, réunis sur la Grand'Place, prêtèrent le serment de lidéliié au
nouveau souverain, et le lendemain, vers 10 heures du matin, Henri VIII
fil son entrée solennelle dans Tournai.
Tournai qui oncques n'avoit tourné, comme disaient alors les Tournaisiens,
tourna cette fois (').
(1) Celte contribution de guerre fut totalement payée à Robert Uymoli, trésorier de
Henri VIII, le 9 juin lol4, ainsi que le prouve la quittance reposant à Tournai. (Archives
communales, Chartrier, layette de lol4.)
(■-!) La Loi était formée par la totalité du magistrat; les chefs de la Loi se composaient
des deux prévôts, des deux mayeurs, des échevins, du mayeur et du sous-mayeur des
éwardeurs, du grand doyen et du grand sous-doyen des métiers, auxquels s'ajoutaient
dans les circonstances difficiles les conseillers pensionnaires. (Voir, aux .archives commu-
nales de Tournai, une charte de I4o3.)
(3) Le château de la Marlière appartient actuellement à M. .Auguste Crombez et est
situé sur la commune d'Orcq, près Tournai.
(*) .Après la capitulation de Tournai, les Français crièrent à la trahison et accusèrent
notamment le magistrat et les riches bourgeois d'avoir livré la ville ou à tout le moins
d'avoir mis obstacle à sa défense. (Voir Bibliothèque communale de Tournai, .Ms. n° 198,
dit Du Fief.) Y a-t-il eu trahison au sens propre du motï IS'ous ne le croyons pas ou du
moins nous n'avons connaissance de l'existence d'aucun document corroborant cette
opinion. Assurément, la partie aristocratique et commerçante du magistrat communal, avec
les marchands et bourgeois de Tournai, aurait préféré un traité de neutralité au siège. Car
ils devaient craindre que ce siège ne devînt le prétexte de l'entrée d'une garnison française
dans Tournai et par conséquent la cause de la violation du traité du 22 octobre 1478, ce
qui les exposait à la confiscation pure et simple des biens et rentes qu'ils possédaient en
•Artois, en Flandre et en Hainaut, ou à la prise des marchandises qu'ils envoyaient en ces
contrées. — Pour couper court une fois pour toutes à ce qu'on a pu conter sur « le long
séjour » de Henri ;\ Tournai, disons en passant qu'entré dans cette ville le 2o septembre,
il en sortit définitivement le 13 octobre suivant. (Voir .Archives communales de Tournai,
Consaux, séance du 13 octobre 1313.)
AU POINT DK VIE POLITIQUE ET SOCIAL. 23
CHAPITRE II.
RETOUR DU TOURNAISIS A LA FRANCE (1S18).
SoMMAiKE. — I. État des esprits après la prise de Tournai par Henri VIII. — II. Politique
de François I" à son avènement au trône. — III. Ambassade de Bonnivet à Londres et
traité de Londres du 14 octojjre 1S18.
I. Un Irailé, lil-on quelque pail, n'a jamais, du jour au lendemain, modifié
le3 senliments intimes d'un peuple. La conquête du Tournaisis par l'Angle-
terre en fournit la preuve.
Les Tournaisiens, habilués depuis des siècles au gouvernement paternel
des rois de France, se plièrent diflicilement à l'autoritarisme du roi Henri VIII.
.Mais la plus grande cause de la mésintelligence qui éclata entre eux et
le Gouvernement anglais, résulta de ce que le changemeni de nationalité
faisaii violence à leurs sentiments français. L'âme populaire tournaisienne
étail essentiellement française.
Déjà durant les pourparlers en vue de l'obtention de la neutralité, le
peuple, méprisant ses magistrats et exagérant son loyalisme, avait crié à la
Iraliison (^); plus lard, après la capitulation, il ne put comprendre la fiction
en vertu de laquelle Henri VIII administrait le Tournaisis comme roi
de France.
Pour lui, ce n'étaient plus ses anciens souverains, « ses naturels el droic-
luriers seigneurs » qui le gouvernaient, mais Henri VIII, un usurpatein".
Il ne veut pas s'accommoder du nouvel ordre des choses; les uns chan-
sonnenl le roi et ridiculisent Hein-i VIII et sa suite; d'autres (|uiHent leurs
foyers pour aller s'installer en France; un moment même, l'Anglais se
demande anxieusement s'il parviendra à conserver Tournai el le Tournaisis,
tanl est grande l'hostilité de la population (-).
(1) Bulletins de la Société historique de Tournai, t. IX, p. 359.
(2) Dans les Calendars oj' lelters and papers foreign... of tlie reiyn of llenri) VIII, on
trouve sous la date du 24 avril 1514 : « Spinelly to Henry VIII... The principal say tlie
king will not be abbe to keep Tournay three months... »
Tome I. — Lettres, etc. 4
26 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
Cepondant rien n'élait négligé pour faire comprendre aux Tournaisiens
l'inulililé de leurs espérances ou de leurs regrets.
Le gouverneur anglais Edward Ponyngnes (^), contrairement à un immé-
morial usage, prend lui-même sous sa garde les bannières des métiers, dont
il avait fait préalablement enlever les armoiries de la France dans la crainte
qu'elles ne devinssent cause « de plusieurs grands dangers et incon-
vénients Ç^) ». Des monuments publics, des portes de la ville, enfin de tous
les édifices, on gratte les armes des anciens rois, à seule fin de les remplacer
par le léopard anglais (^).
On ne se contente point de faire disparaître toute trace extérieure qui
rappelle la France; on veut aussi, par toute espèce de moyens, forcer la
conviction du peuple, lui faire croire que la France Tabandonne à toujours.
Le 2i novembre 1514, Ponyngnes annonce, en pleins Consaux, que par
le traité de Londres du 7 août précédent, le roi Louis XII renonçait défini-
tivement à Tournai et à son bailliage (^); quelques mois plus tard, le
(1) Edward Ponyngnes avait été laissé par Etenri VIII à son départ de Tournai, le
13 octobre 1313, comme gouverneur de la ville et commandant de la garnison.
(■■!) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 21 décembre 1313.
(3) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 3 juin 1516 : « De l'advertis-
sement fait par Mons. le Gouverneur de osier aux portes, murailles et autres lieux
publicques en ceste ville les armes de France et y mectre les armes du Roy notre sire ». —
En marge : « On est d'assens de obéyr aux bons plaisirs de mon dit sieur le Gouverneur ».
— Et cet autre extrait : « Le vendredy xi« jour de septembre l'an mil v« et xvi par l'ordon-
nance de niess"^' les chiefz de la Loy de ceste ville, les quatre Consaulx d'icelle furent
assamblez et leur fut déclaré que nions"' de Monjoy, lieutenant et gouverneur général du
Roy, notre sire, fut le jour d'hier es deux chambres d'artilleries d'icelle ville et en l'une
d'icelles chambres, il trouva aucuns pignons qui estoient semez de fleur de lis, disant que
on les lui envoyst... »
(4) La paix fut conclue à Londres le 7 août 1514, par un traité qui stipulait le mariage
de Louis XII avec Marie, sœur de Henri Vlll. — A. d'Herbomez, dans La géographie
historique du Touruaisis, p. 71, dit : « Il garda pendant presque cinq années cette conquête
(Tournai et leTournaisis); mais aucun acte diplomatique ne la lui confirma d'une manière
explicite. Toutefois, les traités de Londres du 7 août 1314 et de Westminster du S avril 1313,
passés entre la France et r.\ngleierre, stipulent tous deux, presque dans les mêmes termes,
que tant que ces traités auront leur valeur, aucun des contractants ne pourra aller à
rencontre des places tenues, occupées ou possédées {oppida habita, tenta, possessa ant
occupata) par l'autre. Ces traités, qui sont dans Rymer, reconnaissent donc, en quelque sorte
implicitement, la possession du Tournaisis au roi d'Angleterre. » (Voir Rymer, op. cit.,
t. I, p. 64.)
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 37
20 juillet 1545, ce sont des ambassadeurs anglais, en mission à Tournai
qui déclarent « que Louis XII ne se soucie plus des Tournaisiens et que
celui-ci refuserait même leur ville, s'ils parvenaient à la lui livrer ».
Cependant ces révélations intéressées ne produisirent pas l'elTet attendu-
elles ne changèrent point les dispositions du peuple lournaisien à l'égard de
l'Angleterre, ot s'il faut en croire Sampson (*), « toute la contrée continua
à être violemment exaspérée contre les Anglais » et les Consaux furent
toujours « de très bons Français et de très mauvais Anglais ». Sampson finit
un jour par avouer à Wolsey « que le roi de Franco avait plus de pouvoir
sur les Tournaisiens que Henri Vlll lui-même, et que ce qui indignait le
plus le Tournaisis, c'était précisément le changement de nationalité (')».
Le 21 novembre 1514, plus d'une année après la capitulation, le gouver-
neur constate lui-même que nombreux sont les Tournaisiens qui refusent de
prêter le serment de fidélité à l'Angleterre; les habitants d'IIelchin, de Saint-
Génois, de Bossuyl, etc., les imitent (•''), et ce mouvement devient si général
qu'en octobre 1515, Henri Vlll se crut dans l'obligation d'envoyer dans le
Tournaisis une commission de six personnes, avec charge spéciale de forcer
à un nouveau serment de fidélité la population tout entière, les magistrats
comme les simples particuliers (*).
Au reste, le régime français n'avait pas laissé des regrets que dans la
masse du peuple. Tel un chêne plusieurs fois séculaire, il avait poussé
(1) Ricliard Sampson, docteur in utroqtie jure, avait été ctiargé par Wolsey, lors de sa
nomination comme évoque de Tournai, de prendre soin, en son lieu et place, des intérêts
spirituels du diocèse. C'était un ami d'Érasme avec qui il entretint jusqu'à sa mort (1S5S)
une correspondance assez suivie.
(2) Dans les Calendars on trouve la preuve de ces faits. (Voir spécialement, à ce sujet, les
lettres de Sampson à Wolsey, datées du 23 septembre et du 6 novembre 1314.)
(3) Archives du Royaume à Bruxelles, Chambre des comptes de Flandre, carton 32,
n"20.
(*) Quoique les traités de Londres, du 7 août 1514 et de Westminster du 5 avril 1515,
aient implicitement reconnu la possession du Tournaisis au roi d'.\ngleterre, nous ne
pouvons voir dans l'envoi de cette ambassade extraordinaire, un des effets de ces deux
traités; l'obligation d'un nouveau serment de fidélité fut, à notre avis, imposée au roi
Henri Vlll par son manque de confiance dans les sentiments de la population tournaisiennc
à l'égard de l'Angleterre.
28 TOURNAI ET LE TOL'RNAISIS AU XVI' SIECLE
(le profondes racines aussi bien dans la riche bourgeoisie que dans la
noblesse du bailliage et le clergé.
Cinq mois après le renouvellement de la loi du 20 février 151 4, dix-neuf
magistrats municipaux, par sympathie pour la France, abandonnent leurs
fonctions communales et s'expatrient ('). D'autres Touruaisiens, et parmi
eux des magistrats du rang le plus élevé ou des membres de la noblesse, se
montrent plus hardis, ourdissent des complots contre TAnglelerre ("^); on
vil même Nicolas de Saint-Genoix, ancien grand prévôt f ), Jean d'Eslable,
second conseiller pensionnaire {*), Jean de Matines f ), François de la
Howarderie (") et d'autres conspirer contre Henri VIII.
(<) Archives communales de Tournai, Registre de la Loi de l'époque.
("^) Edward Ponyngne, gouverneur de Tournai, n'informe-t-il pas, le 1 1 septembre 1314,
Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, de la découverte d'une conjuration
formée pour rendre Tournai à la France? (Voir Lettres de Louis XII, t. IV, p, 333.)
(3) Nicolas de Saint-Genoix, chevalier, seigneur de Clairieu, de Haudion, etc.; bourgeois
de Tournai par relief du 14 février 1473, fit partie de la magistrature de cette ville comme
juré, éwardeur, second prévôt et souverain prévôt. Magistrat énergique, il jouit longtemps
d'une grande popularité, qu'il méritait par ses talents et son courage. En 1301, étant sou-
verain prévôt, il assiégea et prit la ville de Saint-Ainand, que défendait une garnison
bourguignonne; mais en 1302, lorsque son administration fut contrôlée, quarante mille
tlorins manquaient dans la caisse communale et les jurés le condamnèrent au bannissement
perpétuel. (D'après le Registre de la Loi, n" 143, de Saint-Genoix et son complice Desfar-
vaques ne furent condamnés qu'à la restitution de vingt-quatre mille florins. Voir plus
loin.) Ses biens furent confisqués et il dut quitter la ville précipitamment. Il se rendit
d'abord au château épiscopal de Wez, puis à -Mortagne, dont il fut nommé gouverneur
par le roi Louis XII, ce qui fait croire, dit M. le comte du Chastel, que son exil de
Tournai était plutôt dû aux intrigues austro-bourguignonnes, qu'au déficit signalé plus
haut. Voir C'« P. -A. du Chastel, ?>otices généalogiques tournaisieiines, t. III, pp. 426-427.)
Saint-Genoix était donc, malgré son bannissement, revenu habiter Tournai.
(•*) Jean d'Estable, licencié es lois, deuxième conseiller pensionnaire de Tournai, était le
fils de NVillemet et de Laurence de Beringhes. — D'après un Cartulaire de rentes de I50S,
fol. 216, reposant aux Archives communales de Tournai, il mourut à Lyon le 23 avril 1316.
(») Jean de Malines, fils de Simon et de Jeanne Potier; il épousa Jeanne Englebert.
{Mémoires de ta Société historique de Tournai, t. XXIII, p. 471.) Il occupait les fonctions de
juré le 21 mai loOl, mais le 23 février 1304 (n. s.), les Consaux le déclarèrent « non
ydoisnes » à être juré encore, parce qu'il avait été banni de Tournai. (Archives communales
de Tournai, Consaux, aux dates précitées.)
(6) François du Chastel, dit de la Howarderie, prénommé parfois Ferdinand, seigneur
de Montgobert et du Fontenil, (ils d'Antoine et de Claude de la Fleschière ou de la Fléchère.
Ses biens situés dans le Tournaisis furent confisqués vers 1514 par Henri VIII, dont il
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 29
D'auln; part, le clergé toiil entior épousa riocilemeni la (|uerolle de son
évê(|ue, Louis Guillard, lequel refusait de venir prendre possession de son
siège épiscopal pour ne point être forcé de prêter un serment de fidélité à
Henri VIH.
Bref, riiostilité contre TAngleterre devint tellement générale, que la gar-
nison crut un instant son exislence en danger et qu'elle alla s'abriter derrière
les murs d'une vaste citadelle que Henri VIII fil construire en 4 515, sur la
rive droite de l'Escaut (').
H. Telle était la situation des esprits dans le Tournaisis, quand François I*""
succéda à Louis XII ('■).
Le nouveau roi « ne supportait qu'impatiemment de voir une de ses |)lus
fidèles provinces en la main de l'étranger. Aussi le voit-on, dès que ses
relations avec Henri VMI ont pris une tournure plus amicale, négocier avec
ce prince la rétrocession du Tournaisis à la couronne de France (^) ».
Cependant ces premières négociations échouèrent, parce que Henri VUI
exigeait, en échange du Tournaisis, quelques places fortes dans les environs
de Calais, que la France, pour ne point consolider la situation des Anglais
autour de cette ville, ne voulut pas céder.
François 1"' s'aperçut facilement qu'il n'atteindrait pas son but, s'il ne
parvenait à vaincre l'opposition que lui faisait l'archevêque d'York, Thomas
Wolsey.
n'avait jamais été le vassal, pour cause de rébellion. (D'après P. -A. du Chastel, op. cit.,
t. I, p. 449.) Les biens de François du Chastel, ainsi que ceux de François de Basse
ne furent en réalité confisqués par Henri VIII, au profit de William Sampson, que le
12 août 1.518. (Voir Rymeh, op. cit., t. VI, p. 146, l'^ col.) Henri VIII frappa de bannisse-
ment et de confiscation des biens ces quatre conjurés, tandis qu'il pardonna aux autres
petits bourgeois tournaisiens qui avaient conspiré contre lui. (Voir dans Rvmer, op. cit.,.
t. VI, p. lOo, col. 2, une charte donnée à Westminster sous la date du 1" octobre 1513 )
(1) En parlant de la construction de cette forteresse, Polydore Vergii.e, Anglicae
Historiae libri viginti septem, p. 633, dit : « Sed cum Henricus in ea urbe arcem magnis
sumptibus condidisset, ut ne in populi invidiam inveniretur... » Pour plus de détails sur
la construction de cette citadelle, voir Annales de la Société historique de Tournai, t. V,
pp. .323-326.
(2) Louis XII mourut le 1*'' janvier 1313.
(•*) A. d'Heiirome/, Géographie Imtoriqiie du Tournaisis, p. 72.
30 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
Celui-ci, en effet, à seule fin d'avoir la jouissance des quatre-vingl mille
livres de revenus allaehées, dil-on, à levêché de Tournai, avait profilé de
ce que Louis Guillard refusait de jurer fidélilé à Henri VIII (') pour faire
déclarer cet évèché vacant en régale et se faire choisir comme évéque de
Tournai par le pape (■).
Aussi dès les premiers pourparlers de François I"" concernant la rétro-
cession du Tournaisis à la France, n'eul-il garde de conseiller à Henri VIH
d'abandonner Tournai.
Bien au contraire, afin de mieux s'assurer la conservation des quatre-vingl
mille livres de rentes, il engagea fortement François !•" à doter Louis
Guillard de quelque bon bénéfice, en compensalion de la perte que ce dernier
venait d'éprouver par sa deslilution de la diij;nilé épiscopale.
François i"""^ ne perdit pas courage; il circonvint le premier ministre de
Henri VIII, l'amusa par des promesses qu'il ne songeait nullement à tenir,
tandis qu'en même temps, il appuyait secrètemeni prés de la Cour de Rome
les instances réitérées de Guillard, qui réclamait du pape son rétablissement
à la tète de l'évêché de Tournai (^). D'autre pari, en bon politique, il solli-
citait ouvertement en faveur de Wolsey le chapeau de cardinal, afin de se
concilier les faveurs du ministre lout-puissanl de Henri VIII.
Le pape Léon X ne prêta d'abord pas grande attention aux sollicitations
de Louis Guillard; mais après que François I"' eut traversé les Alpes et
menacé le Milanais, il se crut en danger et s'empressa d'accorder au protégé
(1) Louis Guillard avait été nommé évêque de Tournai par acte de l'archevêque métro-
politain de lieinis en date du 11 septembre lol3. (Voir Archives de l'Etat à Mons, fonds
de l'évêché de Tournai, n" 84.)
(2) Thomas Wolsey avait été nommé évêque de Lincoln le 8 février 1314 et archevêque
d'York le o août de la même année. (Voir Ry.mer, op. cit., t. Vil, pp. 34 et 66. J Léon X mit
Wolsey à la tête de l'évêché de Tournai par bulle du 3 juin 1514. (Voir Archives du
Royaume ;"» Bruxelles, Chambre des comptes, cartons 32 et 33.) Il avait été d'autant plus
facile à Wolsey de se faire choisir comme évêque de Tournai, que Louis Guillard, l'évêque
en titre, refusait obstinément de venir prêter serment de fidélité à Henri VIH et ne prenait
point possession de son siège épiscopal.
(3) Strype's, Eccl. Memorials, t. 1, pp. 13 et seq. — Thomson's, Memoirs of the Court of
Henry the eighth, t. 1, pp. 200 et seq. — Rapin Thoyras, op. cit., t. V, pp. 98 et seq. —
Ryher, op. cit., t. X, p. 177. — Polyuore Vergile, op. cit., p. 646.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 31
de la Franco une bulle [)ar la(|uell(^ il le rétablissail sur le trône épisropal de
Tournai el lui permeltait môme d'en appeler au bras séculier, si quelqu'un
y mettail opposition (').
Henri VIII se sentit offensé de voir replacer à la tête du diocèse de
Tournai, un évoque qui avait refusé de lui jurer fidélité. Il en appela à la
Cour romaine el, en janvier 1318, il prescrivit à son ambassadeur à Rome,
Silveslre, évoque de Winchester, de protester énergiquement près du pape
au sujet de la réinslallation de Guillard (■^) en qualité d'évèque de Tournai, et
de faire principalement remarquer à Léon X que l'entrée dans le Tournaisis
du candidat de la France provoquerait, sans aucun doute, une sédiiion du
peuple contre l'administration anglaise.
Le pape était perplexe; peut-être même se préparait-il à révo(|uer la
malencontreuse bulle, quand il apprit que François 1'^'", après avoir battu
les Suisses à Marignan, s'était emparé de Milan et du Milanais.
Ce n'était point le moment d'arrêter le vainqueur; toutefois, pour
ménager la susceptibilité de Henri VIII, qui avait été et était encore son
allié, Léon X eut recours aux moyens dilatoires alors fort en usage à Rome,
et prit le parti de remettre Taiïaire, tout en donnant secrètement l'ordre
d'en différer le plus possible la solution, à l'examen de François, évêque
d'Albe, et d'Achille, cardinal du titre de Saint-Sixte (^).
Wolsey ne fut pas dupe et, exaspéré, il chercha à brouiller derechef la
France et l'Angleterre.
Avare et cupide (*), sans reconnaissance pour François I" à qui il devait
le cardinalat (4 516), il amena son maître à protester à nouveau près de
Léon X contre le rétablissement de Guillard à Tournai.
Le pape fut plongé dans de nouvelles hésitations; puis, abandonnant
totalement la France, il assigna Guillard à com|)araitre dans les quarante
jours devant les deux prélats qu'il avait chargés de l'examen de l'affaire et
(1) Rymer, op. cit., t. VI, p. 132, col. 1.
(■i) British Muséum, Collection harléienne, Ms. 29, fol. 59.
(3) Rapin Thoyras, op. cit., t. V, p. 100. — Rymer, o/i. cit.. i. Vi, p. 132, el t. X, p. 177.
(*) POLYDORE VeRGILE, 0)). Cit., p. 653.
32 TOURNAI ET LE TOUHNAISIS AU XVI SIÈCLE
réintégra en même temps VVolsey dans l'administration pleine et entière du
diocèse de Tournai (^).
Cela se passait le 17 avril 1518.
III. Un moment, François 1*=' songea à la guerre ('-); mais désirant
cependant épuiser, au préalable, toutes les ressources que lui offrait la
diplomatie, le 31 juillet 1518, il envoya Guillaume Goulïier, seigneur
de Bonnivet en ambassade extraordinaire, traiter à Londres même l'atTaire
de la rétrocession à la France, de Tournai et du Tournaisis (^).
Pour éblouir Henri VIII et sa cour, Bonnivet partit pour l'Angleterre
avec « vingt-cinq mulets de colTres barnacbez très-superbement e( les
couvertes toutes de velours cramoisy, avecques ses armes toutes en broderie
d'or et d'argent » (*); de l'or et des lettres de crédit devaient lui suffire pour
gagner le premier ministre NVolsey à la cause française.
Bonnivet sut plaire au roi et, après un entrelien avec NVolsey, il obtint
ce qu'il désirait du ministre anglais. On s'élonnera moins du subit cban-
gement d'atliiude du premier ministre de Henri VIII, quand on saura que
Bonnivet lui promit, de la part de François 1"', une pension annuelle et
viagère de douze mille écus d'or, s'il voulait consentir à renoncer au temporel
de l'évécbé de Tournai (').
(1) Rymer, op. cit., t. VI, p. 132, col. 2.
(!2) Thomson, op. cit., t. I, p. 199; Annales de la Société historique de Tournai, t. V,
p. 330, note 2; dans Gacharo, La Bibliothèque nationale, t. II, p. 44, on trouve une lettre
de l'ambassadeur de France, de la tSoche-Beaucourt, datée du lo mai 1518, qui contient
entre autres, ce qui suit : « qu'il (= Henri VIII) ne croit point que le roy de France lui
veuille faire la guerre et qu'il n'y a point de raison, et que, sy l'on voulait dire que ce feust
pour Tournay, qu'il ne le croit pas, car il a Tournay du consentement du roy Louis,
derrenier trespassé, qui l'a délaissé, avecques ce le pape s'y est consenly et qu'il exboni-
munye tous ceulx qui vont au contraire, et que depuis le roi l'a voulu achapter de luy par
plusieurs foys et encore dernièrement... »; à la page 79, on trouve encore : « que à l'heure
vous (= François 1") requîtes [Charles d'Autriche] de faire la guerre au roy d'Angleterre
pour ravoir la ville de Tournay, chose qu'il vous desconseilla et que vous laissastes à sa
requeste... »
(3) Rymer, op. cit., t. VI, p. 144.
(t) Brantôme, Vie des hommes illustres. Paris, 1822, t. II, p. 163.
(S) Kymer, op. cit., t. VI, p. 142.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 33
Rassuré au point de vue pécuniaire, VVolsey accepta les offres de
François I" et favorisa dès lors de tout son pouvoir la réalisation du projet
du roi de France. Henri Vlll se rendit aux arguments que Wolsey Ht valoir
en laveur de la cession de Tournai à la France ('). Sollicité en outre par le
jeune Charles d'Autriche de rendre à François l"' Tournai et son bailliage (^),
il consentit au retour du Tournaisis au domaine de la couronne française
aussi facilement qu'il en avait décidé l'annexion à ses propres États.
Des négociations entreprises à cet effet sortit le traité de Londres du
4 octobre 4318. Marie, fille unique de Henri VIH, — elle avait à peine
quatre ans — fut fiancée au jeune dau|)hin qui avait un an, et Tournai et
le Tournaisis devaient être rendus à la France contre le paiement, en termes
semestriels, d'une somme de six cent mille couronnes d'or, dont trois cent
trente-trois mille étaient promises au dauphin comme dot de Marie ('^).
(^) PoLYDORE Vergile, op. cU., p. 6S3. « Ilaque Volsaeus primo Henricum aggreditur,
docet quanti urbs redimanda sit, persuadet quod vult, deinde ad consilium rem defert,
argumenta proponit, quamobrem e republica sit, dimittere locum longe a finibus Anglicis
positum, qui régi nuiio unquam tempore, nisi Caroli Flandriae principis permissu, usai
esse possit, adeo ut ejus possessio precario quasi habeatur... »
(2) Gachard, op. cit., t. II, p. 39. En avril 1318, l'ambassadeur français à Madrid,
de la Roche-Beaucourt, fait connaître à son gouvernement que Charles-Quint envoie (au
roi Henri VIII) « le prévôt Carondelet, aussy pour remonstrer l'accident qui pourroit estre,
si caste guerre (entre la France et l'Angleterre) s'émouvoit et pour le faire condescendre à
rendre Tournay... ».
(3j Rymer, op. cit., t. VI, pp. ISl et ISS. — M. A. n'HERnoMEZ, Géographie historique du
Tournaisis, pages 7i2-7S, écrit : « Le traité de Londres du 4 octobre 1S18 est pour l'histoire
du Tournaisis un document capital. Un nous permettra donc d'en donner ici une analyse
détaillée, d'après le texte qu'en a publié Dumont.
Voici d'abord le passage capital de l'acte : « Conventum, concordatum et conclusum
est quod dictus rex Angliae... tradet seu tradi faciet, intraquadraginta diesconfirmationem
praesentis Iractatus proxime sequentes, Francorum régi civitatem Tornacensem cum
adjacenti suo territorio, Moritaniamque et S. Amandum et jurisdictionem, superioritatem,
ressortum, cum pertinentiis aliis universis ad summam sexcentorum millium coronarum
auri..., unaquaque corona valente in pecunia galiica iriginta quinque solidos turonenses... »
« 000,000 couronnes d'or représentaient au XVl" siècle une somme très considérable et
que l'on peut évaluer h plus de deux millions de notre monnaie, mais François I" ne
se voyait pas, en réalité, contraint de sortir toute cette somme de ses caisses pour récupérer
le Tournaisis. Une compensation, en etlet, était partiellement établie par notre traité de
Londres, entre ces 600,000 couronnes et les 333,000 promises au dauphin par Henri VIII
Tome I. — Lettres, etc. 3
34 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVb SIÈCLE
Le irailé ne lui cependant ratifié par Henri Vlll que le 9 novembre et par
François I"'" le 14 décembre, tandis que les Tournaisiens furent oflîciellement
informés de la reslilution de leur ville à la France le 20 novembre 1518 (^).
Le 13 janvier 1519, Gaspard de Coligny ("-) reçut de François I'^' l'ordre
de se rendre à Tournai, où l'attendaient les représentants du roi d'Angleterre
pour lui faire la remise de Tournai et de son bailliage.
Coligny arriva le 8 février (^) et fil le lendemain la réception de la ville;
le 10, Cluu-les, comte de Worcesler, releva les Tournaisiens de leur serment
de lidélilé à l'Anglelerie ('); l'évéque Louis Giiillard vint prendre possession
de son siège episcopal le 12 (''), et le 14 les Tournaisiens jurèrent fidélité
à la France Ç^).
pour la dot de sa fille Marie. Ea vertu de ce traité, le roi de France se substituait au
roi d'Angleterre comme débiteur de celte dot vis-à-vis du dauphin. 11 en résultait que
François 1'' ne payait que 266,000 (sic) couronnes d'or, la rétrocession du Tournaisis à la
France, mais qu'en vue de cette rétrocession, il s'obligeait à doter de 333,000 autres
couronnes d'or, la fille du roi d'Angleterre... »
A la reddition de leur ville aux Anglais, les Tournaisiens avaient dû accepter de payer
un tribut de 50,000 écus d'or au soleil ; on a vu, page 24, note 1, que cette somme avait
été lotalemunt acquittée le 1) juin 1514. Le traité du 4 octobre 1S18 dit cependant : « Con-
venlum... est tjuod cuin cives Tornacenses et cjusdem incolae et liabilatores, in traditione
dictac civitutis et territorii in manus praefati régis Angliae facta, promiserunt eidem
sumiiiain quinquayiiita uiilliuin corunarum ami soivendani eidem haeredibus aut succes-
soribus suis, certis locis et tenninis tune conventis; cujuMjuHtem summae certa porlio et
pars lesidua est et restât insolida; dictus Francorum rex de residuo dictae summae noiidum
solutae se debiturem raji Anyliae ejusque luieredilius et sticcessoribus coiistituit... » 11 s'agit
ici non des oO,000 écus d'or dont nous parlons plus haut, le traité est dans l'erreur,
mais de l'aide annuelle extraordinaire de 4,000 écus d'or à payer « l'espace de dix ans
durant », ce qui taisait en totalité 40,000 écus, desquels il restait dû, au moment de la
rétrocession de Tournai à la France, 23,000 écus. François I" remboursa immédiatement
cette somme à l'Angleterre et autorisa la ville de Tournai à lever un impôt nouveau sur le
brai pour acquitter cette avance. (Voir Ordonnances des Pays-Bas, t. 1, p. 679.)
(1) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 20 novembre 1318.
(2) Gaspard de Coligny, seigneur de Chatillon, maréchal de France, père de l'amiral
de Coligny. (Kymeii, op. cit., t. VI, p. 274, col. 2.)
(i) Archives communales de Tournai, R-'g. n" 39, dit de Cuir noir, fol. 222-223.
{*) Hymer, op. cit., l. VI, pars prima, p. 173, col. 1-2.
(5) Archives communales de Tournai, Keg. n" 39, dit de Cuir noir, fol. 224.
(lij Idem, Consaux, séance du 14 lévrier 1ÎJ18 la. s.,.
AU POINT DE VUE POLITrOUE ET SOCIAL. 35
Des lettres patentes datées du 16 février loi 9 confirmèrent tous les
privilèges des Tournaisiens, et ceux-ci saluèrent avec enlhousiasmc le retour
de leurs anciennes couleurs. Ils élaienl loin do se douter qu'avant peu elles
disparaîtraient définitivement de leurs murs (^).
(■>) Hennr, Histoire de Charles-QuiiH, t. II, p. 237. — Ordonnances des Pays-Bas, t. I,
pp. G72-673 Le 8 février 1519, Antoine, comte de Fauquemberglie, baron di! Ligne et de
Bailloel (Belœil), seigneur de Montreuii, de Tluilin, donne plein pouvoir ^ Jean de Hesdin,
écuyer, conseiller et maître d'hôte! de Marguerite de Bourgogne, douairière de Savoie,
pour faire la remise à Henri VIII de la ville, château, terre et seigneurie de Mortagne, qui
lui avaient été donnés comme fiefs. Le -10 février, Gaspard de Coligny donna l'ordre à
Louis de Proisy, bailli de Tournai et du Tournaisis, de se rendre à Mortagne ])our prendre
possession de cette place au nom de François I". (Rymer, op. cit., t. VI, pars prima, p. 175.)
Tournai et Tournaisis avaient cessé d'appartenir à l'Angleterre. (Voir sur l'opposition
montrée par le baron de Ligne, Mémoires de la Société historique de Tournai, t. IV, pp. 77
et seq.) Dans le but d'obtenir plus facilement la confirmation de tous leurs privilèges, les
Consaux avaient fait don à Gaspard de Coligny d'une somme de 2,000 écus d'or au soleil.
(Consaux du 21 juin 1519.)
56 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
CHAPITRE III.
ANNEXION DU TOURNAISIS AUX PAYS-BAS (1321).
Sommaire. — l. François 1" renoue les traditions séculaires de la France à l'égard de la
défense de Tournai. — II. La France suscite la guerre à Charles V. — III. Investissement,
puis siège de Tournai. — IV. Conspirations en faveur de la France Leur échec.
I. Aussitôt en possession du Tournaisis, François I", qui « n'avoit pas
prins tant de peine de ravoir Tournai pour le laissier perdre f ) » à nouveau,
pratiqua à l'égard de cette ville les traditions séculaires de la France et
voulut immédiatement la mettre en état de résister à tout assaillant.
Il envoya à Tournai son maître d'artillerie, Ghierrin Manghe, pour
présider à la fonte de trente-huit nouvelles bouches à feu que, sur sa
demande, Bannières et .Magistrat avaient décidé de faire confectionner à
leurs dépens (-), et donna en même temps les ordres les plus sévères pour
maintenir ou mettre en excellent étal les remparts de la ville.
Avant de se lancer dans la guerre qu'il méditait, avant que la France
fût aux prises avec son plus redoutable adversaire, il voulait que Tournai
fut prêt à faire face à n'importe quelle agression, ou tout au moins capable
d'arrêter longtemps autour de ses murs réfectionnés, une imposante armée
ennemie.
II. Mais il fut surpris par la rapidité des événements.
En août 154 9, à la mort de l'empereur Maximilien, il sévit préférer pour
le trône impérial d'Allemagne, son compétiteur, Charles d'Autriche, et
(1) Archives communales de Tournai, Consaux du 5 septembre 1521.
(2) Idem, Consaux du 13 mars 1319 (n. s.). « Du rapport du peuple de ceste ville et cité
le jourd'huy assemblé par Collèges de bannières, sur la remonstrance mise par devant eux
par M" les Consaux qui est tel que les xxxiiij collèges sont d'assens de faire faire chacun
une pièce d'artillerie selon leur pooir et puissance, et les deux autres collèges sont vray
povres gens non aiant puissance de riens faire. » En marge : « On se tient au dit rapport ».
Consaux, séance du 4 novembre 1519. « De savoir se on achètera des boullets de fer
pour les quatre engiens que la ville a fait faire. »
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 57
ressentit de cet échec une luimilialion si profonde, qu'il devint Tirréconci-
liable ennemi du nouvel empereur (').
François I""" lança contre Charles-Quint le jeune roi de Navarre, Henri
d'Albret, et Robert de la ^Marck.
Charles-Quint vainquit ce dernier et, par représailles, l'armée impériale
entra presque simultanément en France parla Champagne et leTournaisis('-).
III. En juillet 1521, le comte de Gavre, Jacques de Luxembourg (^),
avec mille chevaux, hin'l mille piétons et six pièces d'artillerie, investit
Tournai (*) et se livra dans le ïournaisis à des opérai ions militaires plus
actives.
Le château d'Helehin, résidence habituelle des évèques de Tournai, fut
bientôt pris; le 10 août, Antoine de Ligne s'empara de la place de Saint-
Amand; le 15, le château de VVez, propriété de levéque, tomba entre ses
mains et, le 5 septembre, Philippe de Croy, marquis d'Aerschol, gouverneur
du Hainaut, faisait le siège de Morlagne ("'), que le bailli de Tournai-
Tournaisis, Louis de Proisy, lui livra le 25 septembre contre une somme
de 4,236 livres («).
(<) Gachard, La Bibliothèque nationale, i. 11, p. 79. — On y trouve cet extrait d'un rapport
des ambassadeurs français, rapport adressé à François I" : « qu'après la mort du dict
empereur Maximilien, vous cherchastes tous deux f= François I" et Charles-Quint) d'avoir
l'empire, que ce fut ce luy (= Charles-Quint) semble, le commencement de vous mectre
en jalouzye l'un de l'aultre... ».
(2) Henné, op. cit., t. Il, p 378. — Lavisse et Rambaud, op. cit., t. IV, p. 98.
(3) Jacques de Luxembourg, baron de Fiennes, de Gavre, d'Armentièi-es, etc., chevalier
de la Toison d'or, époux de Marguerite van der Aa, dite de Bruges de la Gruuthuse, et tils
de Jacques et de Marie de Berlaymont. Il fut créé comte de Gavre en 1519 par Charles
d'Autriche.
(4) Henné, op. cit., t. Il, p. 387.
(5) Archives communales de Tournai, Consaux, 5 septembre 1521 : « ... que depuis
trois mois il n'entrait plus de vivres dans Tournai, que malgré la prise d'Helchin, Saint-
Amand, Wez et autres places-fortes, le siège de Mortagne... ».
(6) Louis de Proisy, chevalier, seigneur de Proisy, etc., fut, en récompense de services
rendus à Charles VIII et ensuite à Louis XII, créé gouverneur des ville et château de
Mortagne, le 18 juin 1498, et ensuite bailli et gouverneur de Tournai par lettres-patentes
du 17 mai 1500. Lors du retour du Tournaisis à la France, il reprit ses anciennes fonctions.
58 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU X\V SIÈCLE
La prise de ces positions autour de Tournai inquiéla enfin le Roi. Avec
les nombreuses troupes qu'il venait de réunir en Picardie, il se proposait de
marcher au secours de celte ville ('), quand Charles-Quinl leva promplement
quarante mille hommes en Flandre, les établit solidement autour de Valen-
ciennes et s'apprêta à barrer le passage à l'armée française (-).
François I", devant les dispositions menaçantes de Charles-Qnint, prit
peur; ses troupes n'osèrent attaquer l'armée impériale, et le comte de Gavre
profita de l'inaction des Français pour resserrer le cercle d'investissement
qui élreignait Tournai.
D'ailleurs, le roi de France était persuadé que la ville ne courait aucun
danger; l'assiéger, disait-il, « seroit temps perdu et jamais l'empereur ne
l'auroit par force, mais seulement par famine ('') ».
S'exagérant ainsi la puissance défensive de Tournai, il ne s'occupa plus
momentanément desTournaisiens, et porta tous ses efforts vers la Champagne,
pour forcer le comte de Nassau à lever le siège de iMézières.
Cependant François I*"" se trompait. En 1521, la place de Tournai n'était
pas capable de résister longuement.
En efTet, tout le côté sud-ouest de l'enceinte, le point le plus accessible
des remparts, était en pleine réfection. On consolidait tours et murailles et
certaines portes, comme celles de Saint-Martin et de Sainte-Fontaine,
étaient même en voie de reconstruction au moment où le comte de Gavre
investit Tournai (^).
L'artillerie, que l'on s'est toujours plu à reconnaître comme « la plus
formidable qu'il existât au monde (^) », était insuffisante. Tournai vivait
(<) Henné, op. Ht., t. II, p. 388.
(2) }Umoire.t de la Société Imtorique de Tournai, t. IV, p. 94. — Marguerite d'Autriche
écrivit le 20 octobre 1521 au Conseil de Flandre pour faire « mectre sus tant des villes
comme des chastellenies et aultres lieux du pays et comté de Flandre, le nombre de
XI."' combatans des meilleurs... pour partir soubz mon cousin le comte de Gavere... ».
(Voir aussi Gachard, Tronblea de Gand, p. 412.)
(3) Henné, op. cit., t. II, p. 391.
(*) Archives communales de Tournai. Publication du 20 septembre 1521 et surtout
Consaux, séance du 29 août 1521. dans laquelle le magistrat décide de demander aux riches
bourgeois d'intervenir par des dons particuliers dans la reconstruction des remparts.
(5) Henné, op. cit., l. 11, p. .391.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 39
comme un homme jadis riche, sur sa répulalion. Sans douie, eu 1402,
cent quatre pièces de canon hérissaient ses remparts; sans doute encore,
en 1424, cent quarante-trois canon.s et bombardes assuraient sa défense;
mais, en 1321, les choses étaient cliangées. La plus grande partie de cette
belle artillerie n'existait plus ou tombait de vétusté, et les trente-huit pièces
qu'était venu fondre Ghierrin Mangiie devaient à elles seules défendre les
remparts d'une ville dont l'enceinte mesurait plus d'une lieue de pourtour (').
Quant aux troupes royales, les seules ayant une valeur véritable, elles se
montaient au minime chiOVe de trois cents hommes, parce que le gouverneur
Hughes des Loges (-) avait jugé bon de détacher, pour les envoyer à Mortagne,
cent soldats des (juatre cents que la France avait mis en garnison à Tournai
au commencement de l'année 1519 (^).
Il convient cependant, pour être tout à fait exact, d'ajouter à ces trois
cents hommes, vingt et un soldais qui, lors de la prise de Saint-Amand par
("i) On a vu plus haut, page 36, que les Bannières et la ville avaient fait fondre trente-
huit pièces d'artillerie; on ne peut objecter que ces trente-huit pièces servirent d'appoint
à l'ancienne artillerie de la place, parce qu'une clause spéciale du traité de Londres du
4 octobre 1518 autorise Henri VllI, ce qu'il ne manqua pas de faire, à emporter toute
l'artillerie alors existant dans Tournai. On sait d'ailleurs que cette artillerie, à l'époque du
siège de 1313, ne valait rien (voir plus haut, p. 21, note 4). Au reste, une nouvelle preuve
du peu de valeur ou de la petite quantité de l'artillerie de la place de Tournai se trouve
dans un document des Archives du tîoyaume à Bruxelles, document portant sur le plat :
« Sur ce que le conte de Nassau, grand chambellan de l'Empereur... tant de soy que de la
part du s' des Loges, pour lui et ses gens de guerre estant présentement au (ihastel de
Tournay ». L'empereur Charles-Quint, d'après ce document, lors de la capitulation
de Tournai, ordonne à Charles de Lannoy « de retenir la dite artillerie (= l'artillerie par-
ticulière du gouverneur des Loges) et en furnir la juste valleur à ceulx auquelz elle auroit
appartenu ». Il est évident que si l'artillerie royale avait été jugée suffisante par Charles-
Quint au moment de la capitulation, celui-ci n'aurait point ordonné l'achat de l'artillerie
particulière de des Loges.
(2) Hughes des Loges, chevalier, seigneur de Chally, de la Boullaie, etc., gouverneur
de la ville et du château de Tournai, fut ensuite bailli d'Autun. 11 avait épousé Louise de
Babutin.
(3) La France avait mis, en février 1519, dans le château, quatre cents hommes de
garnison, sans protestation de la part de Charles d'Autriche, quoique cela fût une violation
du traité de 1478. (Voir Consaux, séance du 14 mai 1521, au sujet des cent hommes
détachés à Mortagne.)
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le baron de Liiriie, parvinrent à se réfugier à Tournai ('), ainsi que les
soixante-quinze canonniers bourgeois du serment de Saint-Antoine ("-), Il est
certain, en effet, qu'on ne peul ici faire enirer en ligne la mullilude plus
ou moins disciplinée du peuple des Trente-six Bannières, artisans habitués
à un service de police, mais manquant lolalemenl d'une éducation militaire
réelle et sérieuse (^).
Les Tournaisiens avaient d'ailleurs parfaitement conscience de leur
faiblesse. Aussi, quand ils surent Mortagne, Sainl-Amand, Wez et tous leurs
environs aux mains des ennenn's, prirent-ils peur et s'empressèrenl-ils
d'envoyer des émissaires au duc de Vendôme, gouverneur de la Picardie,
à Gaspard de Coligny et enfin au Roi lui-même, que leurs messagers rencon-
trèrent à Antun, en Bourgogne (*), afin de les informer du grand danger
auquel linsuffisance de soldats réguliers exposait leur ville.
François I" soutint le courage des Tournaisiens par d'habiles réponses.
Au commencement de septembre, il leur fit savoir par Jean Le Pourier « qu'il
voulait secourir Tournai et (ju'il y emploierait jusqu'au dernier homme de
son royaume »; quel(|ues semaines plus tard, il les informe à nouveau
« qu'après avoir livré bataille aux ennemis, qu'il viendra en personne faire
(1) Archives communales de Tournai, Compte général d'octobre lb21 à septembre 1522.
« A pluisieurs compaignons de guerre qui au mois d'aoust xv" xxj à la prinse de la ville de
S'-Amand se retirèrent en ceste dicte ville, lesquelz furent receuz aux gaiges de la dicte
ville... ausdiz compaignions en nombre de xxj pour leurs gaiges d'un mois finy le ix' de
novembre audit an... »
(2) Idem, même Compte général. « Aux canonniers de ceste dicte ville en nombre de
Ixxv personnes non estans aux gaiges d'icelle, pour avoir par l'espace de trois mois finis
le ix^ jour de décembre audit an mil vxxj esté continuellement sur la muraille de la dicte
ville tant de jour comme de nuyt pour la garde et detlence d'icelle ville... » On ne trouve
pas de pareille mention pour les autres serments.
(^) Bibliothèque communale de Tournai, Ms. n" 18o, t. lit, p. 1669. — Gaultran dit en
parlant du peuple des lianuières : « comme ils étoient alors plus adroits au commerce que
non pas à la guerre... ».
Il n'est donc pas douteux que Henné, op. cit., t. II, p. 391, à la suite de Chotin, Histoire
de Tournai, p. 110, se trompe en disant que Tournai, en 1521, « présentait de formidables
moyens de défense », en donnant à cette ville « la plus belle artillerie du monde » et en
portant au chiffre « de mille hommes » la garnison royale.
(*) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 5 septembre 1321.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. M
lever le siège de Tournai » ; le 3 octobre, il leur fait connaître que le siège
de Mézières vient d'être abandonné par le comte de Nassau, qu'il va reprendre
Mouzon et qu'ensuite il marchera au secours de Tournai (^). Le \ 1 du même
mois, il exhorte le gouverneur Hugues des Loges et le capitaine Champeroux,
qui avait pris le commandement de la garnison française de Tournai, à tenir
bon « parce qu'il sera bientôt près d'eux » (").
Les événements devancèrent ses desseins.
Le comte de Gavre avait grossi son armée des troupes que la levée du
siège de Mézières avait rendues libres, et il avait, dès lors, transformé en un
véritable siège le simple investissement commencé au mois de juillet précé-
dent (^).
En effet, jusqu'au début d'octobre, les Conférences de Calais ('), la
mauvaise situation sanitaire de l'armée impériale, le manque de munitions
même avaient empêché les soldats de Charles-Quint de faire autre chose
qu'un simple blocus. De part et d'autre, l'artillerie était pour ainsi dire restée
(1) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 21 septembre 1521. « Con-
saux... furent assemblez pour oyr le rapport de Regnault Gilleman lequel... avait esté
envoyé en France pour avoir ayde et secours et prestement y sont venus mons"' le gouverneur
et autres cappitaines du Koy... estans en ceste ville, lequel s' gouverneur à leu à mess'''' les
Consaulx les lettres... contenant les dites lettres en effect que de brief nous aurons secours
et ayde et... que le Roy, nostre sire, devoit cette semaine baillier la bataille à ses ennemis
et que ce fait, lui-meisnies en personne viendra es quartiers de pardechà. » — (lonsaux,
séance du 3 octobre 1521. « Consaulx assamblez pour oyr lecture des lettres que Mons"' de
Proisy a envoyées tant à Mons' le Gouverneur de ceste ville comme au prévostz, contenant
que le comte de Nassau devant iMasières est party..., que le Roy s'en va reprendre Moison
et d'illecq s'en vient à tout grosse puissance de gens d'armes ou pays de Hainaut et en
ceste sa ville et cité de Tournay... » On sait que le 30 septembre 1521, François !«'' força
le comte de Nassau à lever le siège de Mézières.
(-) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 18 octobre 1521. « Mess" les
quatre Consaulx de ceste ville furent assamblez pour veoir et oijr le contenu des lettres que
le très chrestyen Roy, nostre souverain, a envoyées à mons' des Loges et mons' de Cham-
peroux, dont la coppie a esté leue à Consaulx et s'ensuit la teneur : Mess" de Loges et
Champeroux, j'ay sceu de voz nouvelles par ce porteur et affin que sachiez des myennes,
je vous advertis que je seray biens tost devers vous. Et pour ce faictes bonne chière et tenez
bon. C'est de Crécy, ce xi* jour d'octobre. Signées, Franchois et de secrétaire, Robertet. »
(3) Henné, op. cit., t. II, p. 398.
(*) Des conférences avaient été ouvertes à Calais entre les députés de François I" et de
Charles-Quint, sur les instances de Wolsey, qui s'était flatté '< de rétablir la paix entre les
deux monarques ». Ces conférences n'aboutirent pas.
Tome I. — Lettres, etc. 6
42 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
silencieuse; on s'observait, et même l'Empereur était sur le point de renoncer,
malgré les exhortations des Flamands, à poursuivre le siège, quand le roi
de France se chargea de relever indireciemeni son espoir abattu (').
Conformément à la promesse anlérieuremenl faite aux Tournaisiens,
François I", quittant la Champagne, se mit à la tête d'une armée de quarante
mille hommes et se dirigea vers Tournai. Il passe l'Escaut à Denain (-) et
essaye de franchir la Scarpe à Marchiennes (•^). Deux fois il échoua dans
(1) D'après les Actenstûcke und Briefe, p. 4o3, Henné cite cet extrait des Instructions
pour Jean [laneton, 16 novembre, t. II, p. 417. « Combien que la place (= Tournai) fût
pressée et en quelque nécessité de vivres, n'étoit nécessité si grande qu'il y eût apparence
de l'avoir par famine ; quand à la prendre par force, la saison n'y étoit nullement disposée.
De plus, elle étoit si forte et tant munie d'artillerie (on sait ce qu'il en est!), joint que les
gens de l'empereur étoient tellement découragés que nul n'avoit cœur, ni volonté de rien
faire, qu'il étoit apparent que si les ennemis se mettoient en devoir de venir lever le siège,
la plupart des paysans sous le comte de Gavre se léveroient ou seroient rués juz et tout
l'artillerie perdue. Par quoi la pluspart des gens de bien, considérans ces dangers et incon-
véniens, étoient d'avis que pour ceste saison, l'on ne devoit continuer le siège. »
Dans les Mémoires de la Société historique de Tournai, t. IV, p. 94, on trouve une lettre
de Marguerite d'Autriche adressée aux Etats de Flandre (20 octobre 1321), dans laquelle
cette princesse dit : « Nous vous tenons adverty de la grant et puissante armée que le Roy
de France a amassée sur la frontière de Haynaut à intention de donner la bataille à l'empe-
reur et passer oultre pour secourir et avitailler la ville de Tournay, laquelle est fort pressée
et en grant nécessité de famine... Et pour ce que l'armée de l'empereur, obstant les
maladies qui y ont régné, dont la plupart sont mors ou malades, est tellement désemparée
et diminuée qu'elle n'est puissante de résister au roy de France... »
(2) Voici un extrait du décret de Charles-Quint du mois de février 1S22, portant
annexion de Tournai et du Tournaisis à la Flandre, qui prouve, contrairement à ce que
dit Hexne, op. cit., t. 11, p. 413, que l'armée française passa 1 Escaut à Denain et non à
Neuville : « Grand nombre de gens de ghuerre, de cheval et de pied et en aultres en
euissions ordonné une partye à l'environ de la ville de Tournay, tenant lors le party dudict
roy de France, pour garder les passaiges et que icelle ville de Tournay ne fust avitaillé,
secourue ne assisté de gens, de vivres, ne d'aultres choses; et après avoir résisté au dict
roy de France et toute sa puissance lequel en sa personne, avecq le nombre de trente-six
à quarante mil combatans et de deus à trois mil hommes d'armes et grosse munition et
suyte d'artillerye, estoit approchié la frontière de nos pays de par de ça et passé la rivière
d'Escauld au lieu de f)enain et ayant bruslé, gasté, pillié et destruit aulcunes villes et plui-
sieurs viilaigcs de nos contez d'Arthois et de Haynau, délibéré de venir avitailler et secourir
ladicte ville de Tournay, ce qu'il n'avoit peu ne sceu faire... »
Denain, commune du département du Nord, sur l'Escaut, à cinq lieues S. -E. de Douai.
(3) Henné, op. cit., t. H, p. 413. Marchiennes, commune du département du Nord, sur
la Scarpe, à IS kilomètres de Douai.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 43
cette tentative; bientôt même la rivière sortit de son lit et, couvrant de ses
eaux la contrée voisine, empêcha l'armée française de continuer sa marche
en avant.
L'heure de la retraite avait sonné ! Le roi de France se retira à Amiens,
licencia la plus grande partie de ses troupes et délivra ainsi Charles-Quint
du souci de devoir livrer une bataille dont l'issue pouvait paraître douteuse,
à cause de l'état de démoralisation de l'armée impériale,
La chute de Tournai était certaine. Néanmoins, afin de la prévenir,
François I" crut devoir recourir aux bons offices de l'Angleterre. A cet effet,
il tenta d'intéresser Wolsey à son sort. Le 19 novembre, il écrivit au cardinal
« qu'il avait fait tout ce qu'il pu pour secourir Tournai » et le pria d'inter-
céder en sa faveur auprès de Henri VIII pour que le Tournaisis ne fût pas
arraché à la France ('). En même temps, ou comptant sur l'efficacité de
l'intervention anglaise, ou ne voulant pas, ainsi qu'il le dit lui-même, la
ruine totale de Tournai, dont les habitants ont fait « tout ce qu'ils pouvaient
et devaient faire », il autorisa le Magistrat à traiter avec l'Empereur, si
endéans les quinze jours il n'était point parvenu à dégager la ville assiégée (^).
L'Angleterre ne fit rien ou n'aboutit à rien et le siège continua.
(■I) Henné, op. cit., t. II, p. 416.
(2) Voici, clans sa teneur, la lettre adressée par François I" aux Tournaisiens, le
19 novembre 1521 : « Très chiers et bien amez. Nous avons recçu les lettres que vous avez
escriptes et espérons toujours ou par vertu de ceste trêve qui se praticque comme savez ou
par quelque autre moyen, vous donner ayde et secours, nous nous sommes arrestez et
frumez icy jusqu'à à présent. Et pour ce que encores n'avons heu finalle responce de la
dicte trêve et que pour l'heure présente se trouve difficulté vous pooir secourir de vivres
en telle quantité que il serait requis, non vuellant votre perte, désolacion et ruyne de la
ville, avons esté et sommes contens que se endéans quinze jours, n'avez nouvelles de nous,
soit de la dicte trêve ou autre secours, vous puissiez faire quelque honneste composicion,
ou bien et repos d'entre vous et de la dicte ville et nous les aurons très aggréable, cong-
noissant que vous avez jusques icy fait ce que bons, vrays et loyaulx subgectz pooient et
dévoient faire et ferez toujours comme espérons.
» Très chiers et bien amez, nostre Seigneur vous ayt en sa garde.
» A Amiens ce xix" jour de novembre. »
Cette lettre a été extraite des Archives communales de Tournai, Registre n° .335, dit
des Bannières, fol. !290 v», réunion du peuple du 29 novembre 1521.
U TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
Antérieurement déjà, les canons s'étaient lait entendre, et ils n'avaient
depuis lors cessé de battre les remparts; la nuit du 27 octobre, les troupes
impériales avaient ouvert la tranchée, mais les pluies abondantes, la dysen-
terie, les maladies de tout genre avaient contrarié et ralenti les progrès des
assiégeants.
D'autre part, les assiégés n'avaient nullement perdu courage. Il semble
plutôt que la retraite de François 1*=', au lieu de les avoir plongés dans un
profond abatlemeni, n'ait fait que raviver leur énergie et leur désir de
défendre leur ville quand même. Car c'est dés lors qu'on les voit prendre
toutes les mesures en vue d'une résistance longue et vigoureuse. On forge
des monnaies obsidionales (^); on fait battre les quelques gerbes de blé
gardées précieusement en réserve (^); on menace de punitions sévères les
rares réfugiés qui cherchent à éluder le service du « guet »: on enrôle dans
les Bannières, pour les forcer à concourir à la défense de la ville, les laboureurs
de la banlieue et du bailliage qui avaient mis leur vie et leurs biens en
sûreté derrière les remparts de Tournai (^); on oblige toute la population
valide, même les femmes et les enfants, à transporter ou les matériaux
nécessaires à une promple mise en défense de tout le côlé sud-ouest de
l'enceinte, ou les pierres destinées à être violemment lancées contre les
assaillants C'); on arme toute la population mâle; les moulins à poudre
tournent et grincent dans toute la ville; bref, jusqu'à la dernière minute,
jusqu'au moment extrême de la capitulation, les Tournaisiens ne désespé-
rèrent point de vaincre par leur courageuse résistance et par leur stoïque
résignation, l'indomptable ténacité de l'empereur Charles-Quint.
Et cependant que pouvait, malgré toute son énergie, une petite armée de
quatre cents hommes contre vingt-quatre mille assiégeants munis d'une
puissante artillerie (■^)?
Il cùl été criminel de prolonger outre mesure une résistance qui devait.
(^) Archives communates de Tournai, Consaux, séance du 25 octobre 1521.
(•i) Idem, Publications, 24 octobre 1521.
(3) Idem, Publications, 24 novembre 1521.
(*) Idem, Publications, 28 novembre 1521.
(5) Idem, Consaux, séance du 29 novembre 1521.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 45
malgré tous les efl'oris, aboulir à la capiiiilaiioii. Aussi, avec l'assentimenf
du gouverneur Hugues des Lo;;es el des capitaines français commandant la
petite garnison lournaisienne, le 28 novembre, les magistrats communaux
envoyèrent une ambassade au comte de Nassau, lieutenant général des
armées de l'Empereur, pour traiter avec lui, non de la reddition, mais de la
paix sur la base d'une reconnaissance de la neutralité, comme elle avait
été naguère consentie par le grand-père de Charlos-Qninl lui-même, en
octobre 1478.
L'Empereur avait une trop belle occasion de réaliser le rêve de ses
ancêtres, l'annexion du Tournaisis à ses États, |)onr que les ouvertures faites
par les Tournaisiens pussent être favorablement accueillies. Aussi n'abou-
tirent-elles pas el le comte de Nassau se contenta-t-il de répondre à la
dépulation lournaisienne « que l'empereur avoil délibéré réduire Tournay
en son obéissance, et qu'il ne partiroil jusques à ce qu'il euisl ceste ville
en ses mains (') ».
(1) Archives communales de Tournai, Consaux. « Le joedi xxviii* jour de novembre
l'an mil v^etxxj... messeigneurs les quatre consaulx de la dicte ville furent assamblez,
aussi aucuns dépputez de messeigneurs de Chappitre, les officiers du Roy nostre sire en
ces bailliaiges et pluisieurs notables bourgois et manans de ceste ville, où pareillement sont
venus monseigneur le Gouverneur, monseigneur Champroulx et monseigneur de la Motte
et ce fait, a esté remonstré par monseigneur le gouverneur de ceste dicte ville les lettres
que le Roy nostre Sire a escript tant à nous Consaulx comme ausdiz seigneurs de Loges et
Champroulx contenans que puissons faire quelque honneste composicion au bien et repos
de nous et de ceste dicte ville avec noz ennemis, qu'il le aura très agréable, et leur ont esté
leues les dictes lettres et sur ce, es présences de mes disseigneurs les Consaulx et autres
dessusdiz, les diz cappitaines, dépputez de Chapitre, officiers du Roy et autres notables
personnaiges ont déclaré leurs oppinions qui est telle que veu les dictes lettres du Roy,
sont d'avis que de essayer au seigneur de Fiennes ou Nassou se on porroit parvenir à
aucun traittié. Et ce fait lesdiz consaulx se sont retirez en leurs collèges et à leur retour
ont rapporté ce qui s'ensuit, c'est assavoir qu'ils sont d'avis et oppinion de envoyer devers
le lieutenant général de l'empereur pour avoir sauf conduit de quatre personnaiges pour
envoyer devers lui, adfin que se aucuns accord se pourroit trouvés. » Le 29 novembre, les
députés font rapport aux Consaux et leur apprennent qu'ils ont obtenu un armistice
jusqu'au « jour de demain à xij heures de midy «. Les Consaux décident alors de
« remonstrer le tout au peuple de ceste ville par collèges de banières ». Voici, d'après le
Registre n° 33o, dit des Bannières, des Archives communales de Tournai, fol. 290-291,
comment l'atlaire fut présentée au peuple le 30 novembre : « Noz très chiers frères et amis
les bonnes gens de la communaulté de ceste ville et cité de Tournay. Nous les quatre
4G TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
Il ne restait plus (ju'une chose à faire : traiter. On traita.
Un armistice fut conclu jusqu'au 30 novembre à midi, pour permettre
aux trente-six Hannières de s'assembler et de décider, en dernier ressort, du
sort de la ville.
consaulx de la dicte ville et autres dépputez pour entendre aux affaires nous vous adver-
tissons comment par l'advis et délibération de nions'" le gouverneur et autres cappitaines
d'icelle ville avons le jourdhier envoyé vers mons''de Nassou, lieutenant général de l'empe-
reur devant ceste ville, aucuns noz commissaires adfin de lui remonstrer les traittiez de
neutralité parcydevani faiz entre delfunct l'archiducq d'Austriche, lors prince des pays
de pardectia, et nous, et comment par l'accord et reddicion falote de ceste dicte ville es
mains du Roy notre Sire lesdits traitiez de neutralité tiendront comme par avant et que
ce néantmoins l'empereur à présent nous faisoit la guerre qui estoit au contraire desdits
traittiez, parquoy lui requerroient que son bon plaisir fust tenir la main à l'entretenement
de la dite neutralité. Et pour ce que sur la dite requeste ledit comte de Nassou dit que
lesdits traittiez estoient piécha passez et que se Ion ne vouloit autre chose dire, l'on s'en
pooit bien retourner, mais se on lui vouloit autre cliose exposer que il estoit prest les
escouter et oyr, lui fut demandé par lesdits dépputez et requis savoir quele chose il
demandoit et pourquoy il fais(jit la guerre à ceste dite ville, à quoy aroit dit que l'empereur
avoit délibéré réduire ceste ville et cité en son obéissance et que à ce propos, il estoit avec
son armée envoyé devant icelle ville pour exécuter sa délibération, de où il ne partiroit
jusques à ce qu'il euist ceste dite ville en ses mains et que se ceulx de ceste dite ville se
vouloient monstrer bons serviteurs et subgectz de l'empereur, que il se monsteroit leur
bon seigneur et les traitleroit en telle sorte que on aroit cause de se loer d'icelui. El pour
ce que nosdits depputtez n'avoienl nulle charge de procéder plus avant, mais seulement
de savoir la dite cause de la guerre pour vous en advertir, fut requis avoir abstinence de
guerre pour ce temps pendant, vous advertir de leur dit rapport, ce qu'ilz ne ont peu
obtenir, synon jusques à ce jourd'huy douze heures à midi.... A ceste cause, mess" et pour
ce que par les dites lettres n'y a aucun espoir de secours, mais que mon dit s"" le gouverneur
et autres cappitaines nous conseillent widier le mieux que faire se puet, en eusuiant cer-
taines lettres qu'ilz ont receues du Roy, notre sire (allusion à la lettre de François I" du
19 novembre), ensemble considérant le dangier où sommes à présent constituez, avons
délibéré vous faire ceste remonstrance. Sy vous plaise sur ce délibérer et vos délibéracions
nous renvoyer pas escripts pour après en faire comme aurez ordonné... Le samedy darain
jour de novembre oudit an mil v^ xxj, sur ladite remonstrance faite par escript audit peuple
par collèges de banières, par la responce des doyens et soulzdoyens des mestiers qu'ilz ont
rapporté par escript leu ausdits consaulx, lesquelz sont d'avis et oppinion de rechargier
mons'- le gouverneur de ceste ville et autres cappitaines estans en icelle avec les dits
Consaulx et autres dépputez par lesdits collèges dénonmez en leurs rolles, de entendre à
quelque bon traittié à l'onneur de la ville et des manans d'icelle, pourveu que le chastel
y soit compris et que nous ayons noz corps et noz biens et entretenement de noz franchises
et privilèges. Et de tout ce qu'ilz auront concheu qu'ilz en fâchent leur rapport. »
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 47
Ce jour-là, les méliers volèrent la reddition de Tournai, pourvu (|ue « leur
vie, leurs biens, leurs priviléj^es fussent saufs ». Une nouvelle dépu-
talioii (*) fut envoyée au camp le 1^' décembre lo2i, et pour se concilier
la bienveillance des oiïiciers et fonctionnaires impériaux, elle leur fit des
présents : le comte de Nassau reçut 4,000 livres de quarante gros; le
comte de Gavres 6,000 livres; Charles de Lannoy, vice-roi de Naples,
4,000 livres et le conseiller de Cbarles-Quinl, Laurent du Blioul,
2,000 livres (-). Celte députalion négocia les conditions de la capitulation.
Le peuple les accepta : les Tournaisiens reconnaissaient Charles-Quint
comme souverain et celui-ci s'engageait, de son côté, à maintenir intacts
Ions les privilèges de la cité. On verra plus loin ce qui advinl de cette
promesse.
Le 3, le Magistrat alla à la Chartreuse de Chercq remettre les clefs de
la ville au comte de Nassau et jura fidélité à l'Empereur, au nom des corpo-
rations tournaisiennes (').
Dans Taprés-midi du 16, l'ancien gouverneur français, Hugues des Loges,
quitta le Château à la tête de sa petite troupe ('*); immédiatement après, le
(1) D'après une séance du 30 novembre 1521, Consaux, cette députation était composée
de Pierre Cottrel, vicaire de l'évêché, Jacques Bacheler, avocat royal, Guilleberl de Nieulies,
grand doyen des métiers, Nicolas Le Clers, maire des éctievins de Saint-Brixe et du Bruille,
Pasquier de Froitmont et Michel Cambry, licenciés es lois.
(2) Archives communales de Tournai, (Ihartrier, quittance du 22 juillet 1522.
(>^) Archives communales de Tournai, Publications, 3 décembre 1S21. « On vous fait
assavoir que ensuivant le conseil, advis et oppinion de mons'' le gouverneur de ceste dicte
ville et autres cappitaines estans en icelle ville, et en furnissant au traictyé fait avecq
mons"' le compte de Nassau ou nom de l'empereur, de l'accord de la communaulté de ceste
dicte ville, mess" les cbiefs de la loy d'icelle et autres dépputez de mess" les consaulx vont
présentement porter audit compte de Nassau les clefz des portes de ceste dicte ville ainsy
que permis a esté de faire. Et aussy de faire le serment de fidélité, dont vous advertissons. »
Consaux, mardi, 18 mars lo21 (a. s.). « De la requeste Guillebert de Nieulies... qui a obmis
de mectre en ses dits comptes le tafl'etaf gaune, blancq et rouge employé à fardeler et loyer
les clefz des portes de ceste ville présentez à mons' de Nassou au nom de l'empereur. »
(^) Le traité de capitulation du \" décembre avait permis à la petite garnison française
retirée dans le Château, d'attendre durant quinze jours un secours de François [". Passé
ce délai, si la France n'avait pu parvenir à la dégager, la garnison devait livrer le Château
au lieutenant de Charles-Quint, avec toute l'artillerie et les munitions de guerre y ren-
fermées. (Archives communales de Tournai, Chartrier, layette de 1521, document original
sur papier.)
48 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
comte de Nassau, escorté par le Magistrat et le peuple, fit son entrée dans
Tournai (*).
La soumission de Tournai entraîna celle de toute la province : le Tour-
naisis tout entier cessa d'appartenir définitivement à la France et suivit
désormais toutes les destinées des Pays-Bas.
La France n'avait de reproches à adresser qu'à elle-même; l'Iionneur des
Tournaisiens était sauf; Tournai avait vaillamment supporté un blocus de
trois mois, un siège de six semaines et passé par « de bien durs passages ».
« La fin de nos vivres approchait, écrit le vicaire général Pierre Cotirel à
l'évêque Louis Guillard le 4 5 décembre 4 321; depuis longtemps, on ne
mangeait plus qu'un pain fait d'orge, d'avoine et de petit blé, et au moment
de la reddition, l'ennemi devait monter à l'assaut de Tournai par trois points
différents. Et nous n'aurions pu résister à ces attaques nouvelles (-).
(<) Archives communales de Tournai, Publication du samedi 14 décembre 1521. « On
vous fait assavoir que très noble, très hault et très puissant prinche, mons'' le compte de
Nassau... a prétendu faire son entrée en ceste ville lundy prochain venant après-disner par
la porte sainte-fontaine... » L'entrée eut donc lieu le 16 décembre, et ce jour-là tout le
peuple assemblé sur la Grand'Place jura fidélité à l'Empereur, représenté par le comte de
Nassau. Charles-Quint ne ratifia le traité que le 12 février 1522.
(2) Voici en partie le texte de cette lettre intéressante : « ... Je vous asseurre, Mon-
seigneur, que avant estre venu jusques au poinct, que avons eu beaucop et de bien durs
passages à passer. Nous approchions très fort la fin de tous noz vivres en sorte que la plus
part de noz gens usoient et avoyent uzé de long tanips paravant de pain de soucrion,
avaine et autres grains meslez avec petit de blé. Et si estoient noz parties adverses prestes
à nous canonner, en trois lieux, délibérées nous assaillir tout d'un cop en chacun d'iceulx
et doublions beaucop que n'eussions sceu soustenir lesdits assaulx. Certes, c'estoit une
chose bien grosse et si infinie que l'artilerie qui estoit devant nous. Si vous eussiez esté
ycy, je ne scay si eussiez esté plus hardy que nous. Une chose me consolle merveilleusement
et sur touttes les autres et si me faict en partie oublier tous mes maulx et mes byen grosses
pertes, c'est qu'il me samble que noz nous sommes fort acquictez vers le Roy et autant que
bons subjectz peullent faire et que ne sommes partis de lui sans son bon gré, congé et
vollonté dont avons ses lettres du xix° de novembre, sans lesquelles eussions esté en gros
dangier de nostre toltalle perdition et ruyne, nous avyons bruslé tous noz faubours, déli-
bérez de soustenir. Quant à noz maisons des champs, la plus part a esté et est bruslé et
gasté par les ennemis, aussi sont tous noz biens estans es pays voisins tous confisquez,
quant aux levées, debtes et arriérages, vous povez bien penser en quel estât nous en
sommes à présent et serons encore pour deux autres années à venir. Dieu soit louvtré ! De
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 49
IV. Sembla blement à ce qui s'était passé a|)rès raunexioii du Tournaisis
au domaine de la couronne anglaise, quelques conspirations se tramèrent
après la capitulation de 4521.
La plus sérieuse fut celle de 1526-1327.
A ce moment-là, un corps de troupes français, prêt à un coup de main
sur les Pays-Bas, se trouvait massé à Guise, sous le commandement du
capitaine de Montbrun.
Des artisans tournaisiens, toujours fidèles à leurs sympathies françaises,
virent dans ce fait une occasion propice pour tenter de rendre Tournai à la
France.
Philippe Painlevé, condamné le 12 juillet 1526 à un voyage expiatoire
à Saint-Hubert en Ardennes(') pour coups portés à Jean Dufour, se rendit
à Guise près de Montbrun, au lieu de faire le voyage assigné. Là, il combina
avec le capitaine français l'exécution de sa tentative de trahison, puis revint
à Tournai, où il gagna à sa cause des gens de métiers, un chapelain de
Notre-Dame, Jean de Herselle, le curé de Ruuiegies, Jean Siret et d'autres.
La conspiration fut découverte par Michel de Gaest('^), capitaine impérial
tout vous en scaurez cy après plus au long ». (Archives de l'État à Mons, Fonds de l'évêclié
de Tournai, n° 93, fol. i r".)
Une preuve éclatante que la France ne conserva pas rancune aux Tournaisiens de leur
reddition à Ctiarles-Quint se trouve dans ce fait : Le 3 décembre 1521, la ville de Tournai
fit demander à François ï"' de ne point, selon l'usage jusqu'alors toujours suivi, prendre
prétexte de la capitulation de Tournai pour confisquer tiefs, rentes et arrérages que les
Tournaisiens possédaient nombreux en terre française. Le Roi accorda très volontiers ce
qui lui était demandé; mais voulant que les habitants du Tournaisis continuassent à être
traités « comme s'ils appartenaient toujours au royaume de France », il leur laissa ouvertes
les portes des universités françaises, sans qu'on pût de ce chef leur causer le moindre
dommage. (Voir Archives communales de Tournai, Compte général, octobre 1521 et
septembre 1522. — Recueil des Ordonnances des Pays-Bas, deuxième série, t. II, p. 12o.)
(1) Bulletins de la Société historique de Tournai, t. III, p. 16, note 1.
(-) Michel de Gaest, capitaine au service de l'Empereur, reçut de ce prince, le
15 février 1535, des lettres patentes de noblesse. Il avait épousé Antoinette Arande et
mourut à Tournai le 16 octobre 1555. (du Chastel, op. cit., t II, p. 87.) Il reçut une
somme de 100 carolus d'or pour sa dénonciation, ainsi que le prouvent les extraits sui-
vants (Archives communales de Tournai, Consaux du 3 septembre 1527) : « De la remons-
Irance par escript de noble homme Michiel de Castes, l'un des capitaines de la garnison de
Tome I. — Lettres, etc. 7
30 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
au Chàleau, au moineiU où dix à douze mille Français se préparaient à se
mellre en roule vers Tournai.
Philippe Painlevé fut exécuté, tandis que les autres conjurés subirent des
sorls dilïérents. Nicolas Fourneau et le curé Sirel furent bannis de Tournai
et virent tous leurs biens confisqués; Chrétien de Cambron eut la langue
percée d'un fer rouge, puis subit la fustigation de verges à chaque carrefour
de la ville, préalablement au bannissement et à la confiscation de ses biens;
Jean Deslailleurs fut banni pour dix ans et le chapelain Jean de Herselle se
vit consigné dans Tournai pendant deux ou trois ans.
Quant aux autres coupables, Jean Scot, Valérien Leblond, Laurent Lesec,
Jean de Deere, les archives nous apprennent (ju'ils subirent la torture
extraordinaire, mais ne nous renseignent pas autrement sur les châtiments
ultérieurs (|ui leur furent infligés (^).
Ce fut la dernière tentative sérieuse de la part des partisans de la France.
Au reste, ces conspirations étaient, dès leur conception même, vouées à
ravorlemenl. Outre que Charles-Quint ne semblait pas disposé à céder aux
préférences d'une partie de la population, ces mouvements populaires man-
l'Empereur, notre sire, en son chaslel en caste ville, qui a esté le premier advertissant
mons^ le gouverneur d'icelle ville de la très inique, perverse et misérable volunté que
avoient Philippot Painlevé, Arnould le Dècre et leurs adhérens touchant la trahison qu'ils
entendaient et vouloient conspirer 5 faire à rencontre de la très sacrée niajestée et sa ville
et cité pour la mecire et livrer es mains du Roy de France ». — Consaux du 4 février 1S28
(n. s.) : « Du rapport des chiefs sur la requeste nagaires faicte à messeigneurs les Consaulx
par Michiel de Castre, l'un des capitaines au chaste! de l'empereur nostre sire en ceste ville,
et (le la communication qu'ilz en ont heue avec monseigneur le gouverneur de ceste dicte
ville, sont d'avis de lui ordonner et accorder des deniers de la ville la somme de cent karolus
d'or ».
(1) Arctiives départementales du Nord, à Lille, série B, n" 2342. — Bulletins de la Société
historique de Tournai, t. III, pp. 12-16. — Nous ne savons d'où Alex. Henné, op. cit., t. IV,
p. 1S4, tient ses renseignements ; ils sont dans tous les cas erronés; Valérien, Jean Leblond
devient tout simplement Valérien Leblond, c'est-à-dire une seule personne; Cyprien de
Cambrai est Chrétien de Cambron; les frères Jean Scot ne font qu'une seule et même
personne, Jean Scot; quant au prévôt Jean Charnoi, qui, au dire d'Alex. Henné, aurait été
mêlé à la tentative de trahison, il n'était point prévôt alors. Pour les supplices infligés aux
conjurés, qu'on lise les preuves qu'Alex. Henné donne à la page 133 du tome IV de son
volumineux ouvrage; on verra qu'il ne les a pas comprises.
AU POINT DE VUE POLITFQUE ET SOCIAL. 51
quant d'unité, étaient par le fait même condamnés h un échec inévitaiile.
De-ci de-là, comme une étincelle jaillit parfois encore d'un feu mourant, des
manifestations hostiles à l'empereur éclateront puhli(|uemenl ('); mais elles
ne seront que l'expression des sentiments d'une minorité pauvre, parlant
sans influence.
L'élément aristocratique de la population et la bourgeoisie adonnée au
négoce trouvaient plus d'avantages que de mécomptes dans la situation
nouvelle. Aux uns, la suppression des droits politiques du peuple, depuis un
siècle le véritable maître de la cité, donnait une satisfaction suffisante; aux
autres, le nouvel état des choses n'apportait, momentanément du moins,
que des profits.
Quant aux classes laborieuses, les seules restées inébranlablement atta-
chées à la France, la jouissance eff"rénée d'un pouvoir sans limite, d'une
liberlé dégénérée vile en licence, la succession de deux sièges à huit ans
d'intervalle, le commencement de la décadence économique les avaient telle-
ment anémiées, qu'elles ne trouvèrent même plus un reste d'énergie pour
s'insurger, quand Charles-Quint leur enleva, comme on le verra plus loin (-),
l'usage des droits politiques que leur avaient conférés les rois de France.
Tous d'ailleurs semblent accablés de lassitude : l'évêque lui-même,
Louis Guillard, qui avait fait tant d'opposition à Henri VIII, prêchait
d'exemple. Le 12 décembre 1521, il se déclare prêt à jurer fidélité à
Charles-Quint (^), malgré ses attaches françaises ; à abandonner Tournai au
(1) Archives communales de Tournai, publication du 6 septembre 1527. « On vous fait
assavoir... que à certaine nuytëe en ceste prt'sente sepmaine aucuns menez de mauvaise
volunlë se sont avanchiez de balader en le grand rue S' Fiat en ceste ville en proférant
pluiseurs libelles diffamatoires et parolles injurieuses à la charge et deshonneur de mes-
seigneurs les commissaires de l'empereur noslre souverain seigneur, estans en ceste dicte
ville, au grand scandalle des sages et bons nianans d'icelle ville. »
Voir aussi dans le Registre de la Loi, n° 147, des condamnations prononcées notamment
en août 1S31 cl juillet 1S37, contre certains individus qui avaient traité des Tournaisiens
de « grisons Franchois » et de « chien et viliain Franchois », et dit à un autre « qu'il
n'estoit bon assés pour combatre un Bourguinion », etc.
(2) Voir plus loin, pp. 60 et seq.
(3) Archives de l'Etat à Mons, Fonds de l'évêché de Tournai, n" 84. Extrait d'une lettre
52 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
profil (le Gand ou de Bruges, pour finir par dire qu'en une franche soumission
du pays à l'empereur, résidaient « le bonheur, la paix, le repos et la pros-
périté des Tournaisiens (*) » .
Aussi la jïrande majorité se résigna-t-elle facilement, et elle parut s'in-
cliner devant l'arrêt de la fatalité.
Les Français n'acceptèrent pas aussi aisément la perle du Tournalsis.
Par le traité de Madrid du 44- janvier io26, François I", prisonnier
de Charles-Quint, acquiesça bien à une renonciation obligée de Tournai
et du Tournalsis ("-), mais il fallut encore que les traités de Cambray du
3 août 1.^29 ('), et de Crespy du 18 septembre 1544. vinssent confirmer
cette renonciation pour enlever définitivement aux Français tout espoir de
récupérer un jour Tournai et son bailliage.
Avec la prise de Tournai par les armées impériales, disparaît l'impor-
tance politique que l'on avait toujours attribuée à la possession de celte ville
de l'évêque Louis Guillard au vicaire général de Tournai, Pierre Cottrel. Paris, 12 décem-
bre 1521. « Je vous prye retirer par devers l'empereur ou bien mess" de Nansau, Fyennes
ou viconte de Gand me recommandant très humblement à la bonne grâce que entendu la
forme de votre appoinctement, chacun demeure en ses biens, tant gens d'église que aultres
et peult retourner qui vould, en faisant telz devoirs que de rayson, de moi je suis délibéré
du tout me retirer et déservir mon bénéfice, ne me mesler que de faire mon estât ainsi
que ay faict par cy devant, faire tel serment qu'il plaira à l'empereur, me tenir où bon luy
semblera soit Bruges, Gand, Tournay où ailleurs... »
(1) Même lettre. « Il me samble que c'est le soûlas de toute la ville d'estre en la main
de l'empereur, la paix, tranquilité et repos d'icelle, quelle en vauldra myeulx beaucoup en
marchandise... » Cependant, Charles-Quint n'accepta pas cette sorte de soumission de
Louis Guillard, et le 4 février lo22 (n. s.l, il commit le vicaire général Pierre Cottrel à
l'administration des biens de l'évêché de Tournai confisqués sur l'évêque Guillard « au
moyen de ce que l'évesque dudit Tournay est en France ».
(2) J. Du Mont, Corps diplomatique du droit des gens. Amsterdam. lo26, t. IV, 1" partie,
p. 402, col. 1, in fine. « IX. Pareillement renonce, quitte et transporte ledit Seigneur Roy
Tres-Chrestien, et aussi lesdifs Ambassadeurs, en vertu de ce point Traitté, pour luy, ses
Hoirs, Successeurs quelconques au profit dudit Seigneur Empereur comme Comte de
Flandre et d'Artois, pour luy, ses hoirs, successeurs et ayans cause, tout le droit que ledit
Roy Tres-Chrestien a et prétend, ou pourroit avoir et prétendre es Citez d'Arras, Tournay
et Tournésis, es lieux de Mortaigne et Sainct-Amand. »
(3) Du Mont, op. cit., t. IV, 2' partie, pp. 9-10. Extrait du traité de Cambrai du
5 août 1529. Le traité de Crespy réédite le même texte. « IX. Item, aussi iceluy seigneur
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 55
et son rôle inlornational prend fin. N'étaient les troubles religieux du
XVI'' siècle, qui lui rendirent un regain de notoriélé, le Tournaisis, après
1521, serait tombé dans le plus profond oubli, jusqu'à l'époque des guerres
de Louis XIV.
Roy Tres-Chrestien, tant pour luy que sesdits successeurs Roys de France, a renoncé, et
par cedit Traitté de Paix ladite Dame Duchesse d'Angoulmois sa mère, en vertu de sondit
pouvoir, derechef renonce, quite et transporte audit Seigneur Empereur, pour luy et ses
successeurs Comtes et Comtesses de Flandres, tout tel droit, tiltre, cause, raison et
action, que luy et sesdits successeurs Roys de France ont et pourroient avoir ci-après,
clamer et prétendre, demander et quereller en la Ville et cité de Tournay ou Bailliage de
Tournésis, es Villes de Mortaigne et Sainct-Amand ; consentant et accordant pour ledit
Seigneur Roy, et sesdits successeurs Roys de France, que iceluy seigneur Empereur et
sesdits successeurs Comtes et Comtesses de Flandres jouissent et possèdent perpétuellement
et à tousjours desdites Cité et Ville de Tournay, Railliage de Tournésis, Villes de Mortaigne
et de Sainct-Amand, en toutes prééminences, prérogatives, fruicts, profits, émoluments,
droits de régalie, de nomination aux évesché de Tournay, abbaye de Sainct-Amand,
Sainct-Martin audit Tournay et autres abbayes audit Tournésis et quelconques autres droits
sans aucune réservation, commes unis et incorporez par ledit Seigneur Empereur et ses
lettres patentes à la Cour de Flandres; sans jamais pouvoir aller au contraire par iceluy
Seigneur Roy et ses successeurs Roys de France. »
54 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
DEUXIEME PARTIE
Institutions.
CHAPITRE PREMIER.
INSTITUTIONS COMMUNALES DE TOURNAI.
Sommaire. — L La charte de 1424. — II. Ses principales dispositions. — III. Juridictions
prévotale et scabinale sous l'empire de cette charte. — IV. Abolition de cette charte. —
V. Modifications apportées par Charles-Quint au recrutement des magistrats. —
VI. Juridiction scabinale sous Charles-Quint. — VIL Juridiction prévotale sous
Charles-Quint.
I. Si certaines communes ont joui assez tôt d'une constitution démo-
cratique, si à Liège, à la suite de la paix d'Angleur (1313), si dès le
premier quart du XIV^ siècle, à DinanI, à Bruges, à Gand, à Louvain, les
corporations se firent octroyer de grands et larges privilèges qui leur assu-
rèrent une représentation directe dans la magistrature municipale, Bruxelles
et Tournai évoluèrent beaucoup plus lentement dans la voie de l'émanci-
pation démocralique.
Toutefois, à Tournai, si le triomphe de la démocratie fui d'un siècle en
retard sur les communes liégeoises et flamandes, il n'en fut, peut-on dire,
que plus complet, et plus qu'ailleurs il favorisa la marche ascendante des
classes laborieuses, provoqua l'avènement des corporations sur la scène
politique, assura la prépondérance des corps de métiers sur les grands
bourgeois et leur attribua une influence maîtresse sur la marche des afl'aires
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 55
locales ('), à tel point (|ue les corporations lournaisiennes furent, dès lors,
les seuls juges dans toutes les questions communales importantes.
Mais, avant d'en arriver là, la commune de Tournai subit, comme toutes
les autres du reste, une administration aristocratique qui condamna le monde
du travail manuel à un effacement complet dans la gestion des affaires
municipales. Point de magistrature si vous n'êtes bourgeois, tel était le
principe essentiel consacré dans les chartes de 1340 et de 1374, qui
réglaient l'élection des magistrats communaux ("). Pour les plébéiens, pour
les gens d'humble extraction, pour la plupart de ceux qui, du matin au soir,
peinaient à l'atelier ou chez eux, pour ceux qui, par leur dur labeur, con-
tiibuaienl à la prospérité de la commune, point de part dans l'admiaislralion
des affaires publiques. Elle était centralisée entre les mains de la riche
bourgeoisie ou même d'une oligarchie de la naissance et de la fortune qui
avait fini par considérer le Magistrat comme son patrimoine et dont les
membres se succédaient à tour de rôle, suivant une sorte de roulement
régulier.
Cette situation ne pouvait s'éterniser.
Le voisinage des Flamands, les fréquents rapports commerciaux des
Tournaisieiis avec la Flandre et surtout avec Gand, l'évolution même des
idées devaient inéluctablement amener un changement.
11 se produisit dans le premier quart du XV*' siècle, et à l'époque où les
métiers de Bruxelles se contentaient d'être seulement quelque chose ( '), ceux
de Tournai voulurent être tout dans leur cité.
La guerre de Cent-Ans sévissait alors avec fureur; la France démembrée,
presque tout entière aux mains des Anglais, ne parvenait point à étouffer
les querelles intestines qui l'affaiblissaient, el ses habitants étaient séparés
en deux camps mortellement ennemis.
(1) Edmond Poullet, Origines, développements el transformations des institutions dans les
anciens Pays-Bas, 2" édit., t. II, p. 63.
(2) La charte d'août 1340 et celle du 6 février 1371 contiennent toutes deux ce prin-
cipe : « il ne puist estre bourgois de Tournay, ne par conséquent estre en office de la ville ».
(3) Edmond Poullet, op. cit., t. II, p. 75.
56 TOURNA! ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
Tournai, comme le reste de la France, était divisé. Or, de ces dissensions,
de cette opposilion d'idées et de sentiments entre les patriciens — bour-
guignons — et les pléhéiens — armagnacs — que l'émancipation intellec-
tuelle des artisans et un certain ralentissement dans la prospérité économique
rendaient encore plus vive, naquit un mouvement populaire qui se traduisit
bientôt en revendications politiques.
En 1423, le peuple de Tournai avait envoyé des députés à Paris pour
s'enquérir de ce qui se passait en France.
A leur retour, quand les corporations apprirent qu'ils avaient, au nom de
la ville de Tournai, reconnu l'inique traité de Troyes (i420) et promis
obéissance au duc de Bedford, elles se réunirent tumultueusement sur la
Grand'Place et s'ameutèrent.
Les 8, 9 et 10 juin, une foule compacte d'artisans occupa nuit et jour
la place publique, conspuant magistrats et bourgeois, acclamant le nouveau
roi Charles VII, mais sans but bien déterminé.
Certains démocrates, comprenant le parti qu'ils pouvaient tirer d'une
pareille situation, prirent la tête du mouvement, organisèrent réunion sur
réunion, répartirent la population mâle en trente-six catégories ou ban-
nières (*), inscrivirent dans chacune d'elles tous les Tournaisiens âgés de
48 ans, firent procéder par chaque Bannière à l'élection d'un doyen et
d'un sous-doyen et élaborèrent une nouvelle constitution communale, dont
Charles VII, trop heureux de conserver Tournai à ce prix, s'empressa
d'autoriser la mise en application au mois de mars 1424 Ç^).
L'élément démocialique eut, dès lors, une part et même une part prépon-
dérante dans la gestion des alïaires communales.
II. Antérieurement, en effet, l'administration municipale appartenait à
(1) Cliaque Tournaisien mâle, qu'il exerçât ou non un métier, devait se faire inscrire
sur le registre d'une corporation et appartenait par le fait même à une bannière, c'est-à-dire
à un de ces groupements factices, composés parfois de plusieurs corporations. Chacun de
ces groupements avait sa bannière propre, de là le nom de bannière qui leur fut donné.
(2) Société historique et archéologique de Tournai, Annales, t. V, pp. 6 à 13, ei Mémoires,
t. XVII, pp. ï29i et seq. — Voir aussi J.-J. de Smet, Hecueil den Chroniques de Flandre,
t. m, pp. 377 et seq.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 57
trois coiisisloires ou collèges, dans lesquels ne pouvaient entrer les hommes
du peuple, les artisans, s'ils n'élaienl viri hcrediiarii ou « chefs d'hôlel
héritiers », c'est-à-dire possesseurs d'un héritage ou d'un bien immeuble
quelconque.
Le premier de ces trois consistoires était celui des prévôts et jurés.
Composé de vingt personnes dont deux prévôts, ce collège constituait le
pouvoir exécutif local.
Les maïeurs et échevins, au nombre de quatorze, formaient le deuxième
collège, ils étaient plus particulièrement investis des fondions qui incombent
de nos jours aux notaires et aux juges de paix. Approbation de testaments,
passation d'actes de vente, de donation, de louage, de prêt, nomination de
tuteurs, vérification des comptes de tutelle ou de curatelle, telles étaient
leurs principales attributions.
Enfin, les trente éwarcleurs composaient le troisième collège et élisaient
le 20 février de chaque année les prévôts et jurés et les échevins. Ils avaient
eux-mêmes été choisis par le suffrage restreint de ceux qu'on appelait à
Tournai les « chefs d'hôlel ». Avec les membres des deux autres collèges,
ils constituaient l'administration communale et géraient les affaires de la
cité.
La nouvelle constitution laissa subsister ces trois rouages administratifs,
mais elle leur en adjoignit un autre, celui des doyens et sous-doyens des
métiers, qui, en fait, administra à lui seul la commune.
Ces doyens et sous-doyens des métiers n'étaient pas élus par le même
corps électoral que celui qui choisissait les autres organismes municipaux.
Chacun Tétait par « les chefs de ménage » qui composaient sa bannière, et
Ils devaient, pour être éligibles « exercer une profession manuelle ».
Par dérogation et en cas de force majeure seulement, pouvaient encore
être choisis comme doyen ou sous-doyen d'un métier, les chefs d'hôtel ne
travaillant point de leurs mains ou les étrangers riches, pourvu qu'ils eussent
sept années de résidence à Tournai.
Toutefois dans la pratique, cette dérogation au principe démocrali(|ue
consacré par la charte de 1424, n'avait aucune portée. Chaque Tournaisien
mâle devant faire partie d'une bannière, il s'ensuivait que dans chaque
Tome I. — Lettres, etc. 8
58 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
bannière, les artisans el les ouvriers élaienl plus nombreux que les bourgeois
et que le total des votes de réiément aristocratique était annihilé par le
chiffre des suffrages populaires. Aussi avons-nous constaté que jamais un
chef d'hôtel n'appartenant pas au monde des travailleurs manuels n'est
arrivé à se faire élire doyen ou sous-doyen, tandis qu'au contraire des doyens
et des sous-doyens sont parfois parvenus, ce qui était d'ailleurs autorisé
par la charte de 1424, à être ou grands prévôts, ou jurés, ou échevins (').
Réunis aux trois autres consistoires, ces soixanle-douze doyens et sous-
doyens des métiers s'occupaient avec eux de la gestion des affaires de la
ville. L'assemblée des quatre consistoires composait le Magistrat ou les
Consaux de Tournai.
Toute mesure d'intérêt général proposée aux Consaux devait, pour être
rendue exécutoire, avoir été votée par chacun des quatre collèges séparément.
La majorité absolue suffisait dans les trois premiers consistoires, tandis
que pour rendre illusoire toute coalition des éléments aristocratiques qui
auraient pu se glisser parmi les doyens, il fallait les deux tiers des voix
des doyens et sous-doyens ("^).
Mais il y avait dans la nouvelle charte constitutionnelle une stipulation
bien plus catégorique, qui montre clairement que l'essentiel souci des démo-
crates de 1423 fut de barrer le chemin à l'aristocratie et de rendre désormais
(<) Les éwardeurs nommés par paroisses et par les chefs d'hôtel bourgeois devaient
comprendre dans leurs rangs une majorité bourgeoise, d'opinion aristocratique, car par
un usage singulier, les paroisses riches, quoique moins peuplées, élisaient plus d'éwardeurs
que celles où dominait la classe ouvrière. Incorporés dans les bannières, ces chefs d'hôtel
se voyaient perdus dans la masse du peuple et leur vote était annihilé par celui des chefs
de ménage.
(2) Chaque Tournaisien, artisan ou non, devait, on le sait, se faire inscrire dans un
métier et était versé dans la bannière de laquelle dépendait ce métier. Il était loisible aux
bourgeois de se faire porter parmi les membres de telle ou telle corporation, de s'assurer
ainsi çà et là une majorité et de parvenir lors des élections des doyens à faire élire des
gens de leur parti. A noire avis, c'est pour déjouer ce calcul que la charte de 1424 exigea
les deux tiers des votes des doyens, car s'il est certain que l'élément aristocratique pouvait
arriver à faire nommer quelques-uns des siens au doyennat, il n'est pas davantage douteux
que jamais les bourgeois ne pouvaient réussir à faire élire par les bannières deux tiers de
doyens aristocrates.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 59
les artisans maîtres de rorientation politique et de Padminislration de leur
ville.
La voici. Si les quatre consistoires, après trois votes consécutifs, n'étaient
point parvenus à se meltre d'accord sur une question dont la gravité ou
l'importance même avait divisé les Consaux, l'afTaire devait être portée devant
le |)euple assemblé par bannières. Celles-ci, à la majorité des deux tiers,
prononçaient en dernier ressort et sans appel sur la suite à donner. On peut
donc affirmer que pendant tout le temps qu'a duré cette constitution, le
peuple fut véritablement le maîlre des destinées de Tournai (').
La démocratie s'était (ait reconnaître d'autres privilèges : un des deux
receveurs municipaux devait toujours êlre un doyen ou un sous-doyen; les
ordonnances de paiement n'étaient |)ayables que si elles étaient revêtues de
la signature de six doyens pour ce choisis; aucun impôt ordinaire ou extra-
ordinaire ne pouvait êlre levé sans l'assentiment de vingt-quatre bannières
au moins ; le scel de la ville était conservé dans un coffre dont six des sept
clefs étaient en la possession de doyens ou de sous-doyens; le jugement des
causes intéressant les métiers fut retiré aux prévôts et jurés pour être
attribué aux doyens et sous-doyens; défense absolue était faite au Magistrat
d'engager la ville dans un procès, sans le consentement des bannières, etc. (^).
IlL Outre leuis fonctions administratives, deux des quatre consistoires
avaient conservé les fonctions judiciaires dont ils étaient antérieurement
investis.
C'est ainsi que les prévôts et jurés se réunissaient certains jours de la
semaine pour juger crimes, homicides ou autres méfaits du ressort de
(') DE LA Change, De la politique des rois de France à Tournai. Tournai, Casterman,
1901. La charte de 1424 se trouve en entier éditée dans ce travail.
C-î) Nous aurions pu montrer, au lieu de nous borner à faire l'historique extérieur de
cette charte ou des rou.iges créés par elle, hommes et choses agissant; nous avons cru
pouvoh' nous en dispenser, parce que nous savons que M. Maurice Houtart est occupé à
étudier ce point intéressant, et surtout parce que cela nous eût entraîné hors de la
question posée par TAcadémie. D'ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que cette charte
ne fut appliquée durant le XVI« siècle, que pendant vingt et un ans, c'est-à-dire le quart
du siècle qui fait l'objet de notre étude.
60 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
la justice criminelle. Suivant la gravité des cas, ils prononçaient la peine
de mort, la perle d'un membre, le bannissement à temps ou à toujours, etc.
Leurs sentences étaient susceptibles d'appel devant le Parlement de Paris.
Le jugement des causes civiles continua à être réservé aux échevins.
Ceux-ci ne disposaient comme moyen répressif que de l'amende. On appelait
de leurs décisions devant la juridiction prévôtale.
IV. Cette constitution démocratique avait été, dès le principe, sagement
appliquée; mais ici, comme dans la plupart des démocraties, les éléments
avancés devinrent vite les maîtres de la situation politique et, de la charte
de 14-24 sortirent des effets désastreux pour la bonne administration de la
ville de Tournai. A côté de l'usage, il y a l'abus; c'est à l'abus que, pour
son malheur, la population tournaisienne se laissa entraîner. Les tempé-
raments apportés par la charte nouvelle à l'exercice de la liberté, les
garanties concernant « la sagesse et la capacité des candidats » furent peu
à peu abandonnés et, à l'aurore du XVI" siècle, les Tournaisiens qui s'étaient
débarrassés du régime de la ploutocratie depuis soixante-quinze ans, étaient
bien près de tomber dans la démagogie.
Des magistrats, au mépris de la Loi communale, occupaient leur charge
plus que le temps légal ('). Dès 1504, Louis XI! dut ordonner à son bailli
de Tournai de veiller à ce que les chefs de la Loi ne fussent en fonctions
qu'une fois en trois ans (-). La brigue régnait sans mesure dans la recherche
des fonctions électives et, en 1520, elle provoqua des plaintes amères de la
part du roi François \" (■').
(<! La charte de 1424 disait : « Item que les prévotz et mayeurs des esctierins de la ditte
ville qui auront esté par ung an en leurs diz offices ne pourront demourer en jceulz, par
quelque manière que ce soit, l'année ensuivant. »
(2i Archives communales de Tournai, Charte originale du mois d'octobre to04.
Les chefs de la Loi, qui composaient ce qui constitue de nos jours le collège échevinal,
comprenaient les deux prévôts, les deux maïeurs des échevins, le maïeur et le sous-maïeur
des éwardcurs, le grand doyen et le grand sous-doyen des métiers.
(3; Archives communales de Tournai, Consnux, séance du 1" février lol9 (a. s.). Les
commissaires royaux font entre autres connaître « que le Roy a chargé nous dire qu'il
est fort désirant que la chose publicque de ceste ville soit bien conduite et gouvernée et
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 61
On chercha à loul fairo rentrer dans l'ordre. De commun accord avec le
gouverneur français, des députés du Magistrat furent chargés de recliercher
les modificalions susceptibles d'être apportées à la charte de 1424; un
projet fui même rédigé, mais comme il devait atteindre dans sa mise à
exécution ceux qui cherchaient le plus à peser sur la volonté du peuple,
il fut rejeté par l'assemblée générale des Consaux (').
Cependant les patriciens, fatigués de ce régime, n'attendaient qu'une
occasion pour secouer le joug (|ue la démocratie tournaisieime faisait peser
sur eux. La reddition de Tournai à Charles-Quint la leur fournit.
Quelques semaines après la capitulation, ils sollicitèrent de l'empereur
l'abrogation de la constitution de 14.24 (-). Impatient de déférer à leur
désir, Charles-Quint se hâta d'envoyer à Tournai des commissaires chargés
d'examiner les privilèges de la cité.
L'affaire s'engageait mal pour la démocratie. Sans nul doute, un monarque
aussi porté au despotisme que l'était l'empereur, un prince aussi hostile ([ue
lui à l'autonomie communale, ne pouvait pas admettre les droits politiques
accordés par la France à la démocratie tournaisienne. Il devait se réjouir
de l'occasion inattendue qui s'offrait à lui d'abattre les libertés d'une ville
importante, et il ne manqua pas d'en profiter.
Aussi les commissaires impériaux qui connaissaient les sentiments de leur
que on ne procède à mectre au gouvernement d'icelle par brighes et lanternes. Et savons
l'inconvénient qui en est advenu dont aucuns d'icelle avoient esté cause. »
Dans le procès-verbal de la séance du 13 janvier iS21 (n. s.), on peut lire cette phrase
tout aussi significative : « que le principal point et moyen par lequel ceste présente ville
puet venir à estre mise et réduite à bon estât et ordre, est que en icelle, justice soit bien
ordonnée, faite et créé sans corrupcion, ambicion et poursieultes désordonnées et que pour
ce faire adfin de oster et abolir les brighes et lanternes ordinairement acoustumées et de
long temps entretenues en icelle ville... »
(1) Archives communales de Tournai, Consaux, 15 janvier 1521 (n. s.).
(5!) Idem, Consaux, séance du 31 décembre 1521. « Du rapport de mess" les dépputez
retournez de devers l'empereur notre prince et seigneur naturel. Item d'avoir lettres de
confirmation des droits, prévilèges, usaiges, franchises et libériez de ceste ville. A quoy a
esté respondu que lesdits commissaires verront les prévilèges, entenderont les usances et
coutumes desquelz on requiert confirmacion et en feront leur rapport à l'empereur lequel
leurs pourverra sur ce point... »
62 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
maître et qui les partageaient, proposèrent-ils aux Consaux de réduire le
nombre des mandats électifs et de permettre l'accession au doyennat des
métiers à d'anciens artisans n'exerçant plus, en d'autres termes, à d'anciens
ouvriers retirés des alTaires et vivant bourgeoisement en rentiers (').
Une telle proposition ne pouvait plaire au peuple, et il ne s'en préoccupa
point davantage.
Charles-Quint semblant accepter ce « non volumus » des démocrates
tournaisieus, approuva et confirma, le 12 février 1322, tous les privilèges
antérieurement accordés au peuple de Tournai par les rois de France.
Mais il était facile à des esprits clairvoyants de deviner par le texte
[i Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 16 janvier 1S22 (n. s.).
« Le joedi xvj'^ jour de janvier l'an mil v xxj par l'ordonnance des chiefs messeigueurs
les consaulx furent assamblez au commandement de messeigneurs les commissaires envoyez
en ceste ville par l'empereur nostre sire, et prestement sont venus en halle monseigneur le
grant (?), monseigneur le gouverneur et autres commissaires qui ont déclaré que avons seu
le charge et commission à eulx baillé par l'empereur sur les requestes par nous baillées
à noslre dit seigneur empereur comme le porte au long ladicte requeste, eulx qui sont dési-
rans le bien, prospérité et augmentacion de ceste ville de l'empereur et ont veu pluiseurs
previlèges que demandons estre confirmez, y à quatre consaulx qui sont grant nombre ou
aucunes fois puet avoir confusion, par non entendre les matières mises devant eulx et que
pour y parvenir y a eu des brighes, et aussi ont oy dire que es doyens on ne prend que
ceulx qui font actuellement le mestier dont ilz sont doyen combien que parcidevant y on
prenoit ceulx que parcidevant avoient fait le dit mestier qui sont mieulx entendus et
congnoissons de fait desdiz mestiers que josnes gens nouveaulx venus, et adfin que eulx
qui désirent le bien de ceste dicte ville comme nous ont requis que messeigneurs les
consaulx en vuellent parler et communiquier ensemble soit en diminuant le nombre desdiz
consaulx éviter aux brighes et autrement et eulx délivrer sur ce leur advis et oppinion pour
en faire et ordonner au bien, prouffit et honnour de ceste ville de l'empereur nostre sire,
comme ilz verront appartenir et sur ce, mesdis seigneurs les commissaires se sont retirez, et
ce fait, lesdiz consaulx se sont retirés en leurs collèges et délibéré de ladicte matière. Et à
leur retour ont rapporté ce qui s'ensuit, c'est assavoir de leur requérir délay jusques
à samedi prochain venant pour leur en bailler la responce et, pour besongnier en ladicte
matière, ont rcchargié les chiefs et avec eulx sire Henry de Quarmont, Jehan Querquefoeille,
jurez, sire Nicolas le Clerc, mayeur des eschevins de Saint Brixe et Jehan Fournier,
oschevin, sire Bauduin du Bar, sire Jehan Carnoye, Jehan de Laoultre, eswardeurs, Gilles
Joly, Nicolas Fourneau, Jehan Delehaye, Denis du Tilloel, doyens et Léon Lemaire, leur
greffier et de prendre aucuns notables personnes aval la ville pour débatre ladicte matière,
laquelle responce a esté déclaré à mesdis seigneurs les Consaulx qui ont accordé ledit
délay. »
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 63
même de celle charte que l'empereur manquait de sincérité et qu'il se
disposait à violer ses propres engagements. Il avait pris soin de faire ajouter
au protocole ordinaire de ce genre d'actes, ces quei(pies mois qui en disent
long sur sa pensée : « qu'en surplus, il fera dorénavant traiter et gouverner
les Tournaisiens en bonne justice et police (') ».
En ellel, conformément à cette déclaration, lui qui, le 12 février, avait
ratifié tous les privilèges, il expédia de Bruxelles, le 14, une charte nouvelle
par laquelle il supprimait tout droit politique aux artisans tournaisiens et
atteignait du même coup une partie de la bourgeoisie.
V. Énumérant les griefs qu'il avait à faire valoir contre la constitution
démocratique de l/^Si, il prétendait enire autres que les « chefs d'holel »,
lors de l'élection des éwardeurs et ceux-ci dans le choix des prévôts et jurés
et des échevins, avaient abusé de leurs droits électoraux, puis il trouvait
les privilèges conférés par cette constitution funestes aux bourgeois comme
aux gens de métiers, reprochait à ces derniers de négliger leurs occupations
journalières potu* la politique, déplorait de voir parmi les magistrats des
artisans « non sachans lire ne escripre », et n'admettant point (|ue le
Magistrat fut composé de tant de mandataires, il supprimai! les éwardeurs.
De même aux doyens et sous-doyens des métiers, il retira le droit de
faire encore partie du Magistrat, sous le mauvais prétexte qu'il n'était nulle-
ment question d'eux dans les chartes constitutionnelles de 1340 et de 1370,
Il feignait d'ignorer que la création de ces magistrats datait de 1424.
Enfin, s'attribuant le rôle séculaire des éwardeurs, Charles-Quint se
réserva le droit de nomination aux magislratin-es municipales, choisit lui-
même « parmi les plus notables bourgeois, plus vertueux, de meilleure
conscience et des plus riches el |)uissans et plus expérimentez » ceux qu'il
croyait dignes de faire partie des Consaux, el réduisit le Magistrat à deux
consistoires. Le premier de ces collèges fut composé de deux prévôts el de
douze jurés, soit quatorze membres au lieu de vingt; le second, de quatorze
maïeurs et échevins dont un maïeur et six échevins pour cha(|ue |)orlion
(1) Becueil des Ordonnances des Pays-Bas, 2« série, t. II, p. 141, où cette charte se trouve
reproduite en entier.
64 TOURNAI ET LE TOURNAiSIS AU XVI' SIÈCLE
du lerriloire de Tournai située sur la rive droite et sur la rive gauche de
l'Escaut. Prévôts, jurés, maïeurs et échevins restaient deux ans en charge
et étaient renouvelés par moitié tous les ans.
Réunis, ils formaient les Consaux de Tournai; par mesure de précaution,
l'empereur leur avait adjoint le gouverneur de la ville et le hailli, auxquels
il avait respectivement accordé trois et deux suffrages, en cas de vole (^).
Contrairement à ce que dit Gachard, les magistrats communaux se virent
dès lors allribuer un traitement fixe (").
Cha(|ue année, au mois de lévrier, des commissaires choisis par l'empe-
reur venaient « récréer la loi » et vérifier les comptes municipaux, qui de
semestriels devinrent annuels. Les sept clefs du coffre contenant le scel
de la commune furent confiées à la garde d'un des prévôts, de deux
jurés et de quatre autres magistrats municipaux « esleuz sur le fait des
finances (^) » .
En résumé, Charles-QuinI changea complètement le recrutement des
magistrats communaux et ne laissa aux artisans des trente-six bannières
que le seul droit de voler ou de rejeter les aides extraordinaires. Encore
est-il nécessaire d'ajouter, que si plus de douze bannières ne voulaient point
consentir à l'aide qu'il sollicilail, il ne se faisait aucun scrupule de passer
outre et de considérer l'aide refusée comme régulièrement accordée (*).
(^) Ordonnance du 4 août ISSl, en original aux Archives de Tournai.
(2) GACHAno, Documents inédils, t. 11, pp. 66-74. Compte communal, 1521-1522,
fol. 49 V».
(3) Archives communales de Tournai, séance du 24 mars 1S21 (a. s.). « Le dit jour
mesdisseigneurs les consaulx baillèrent les clefs, que soloient avoir les six esleuz servans
à faire ouverture du coffre où est le seel et conlreseel de la commune de ceste ville et cité,
c'est assavoir le prevost de la commune qui avoit la première clef le aura encore comme
ont heu les autres prévostz de la commune parcy devant, le seconde clef est mise et le aura
Sire Michel Cambry second prévost, le iij<' clef est mise en le garde et le aura Sire Nicole
de Preys, mayeur des eschevins de Tournay, le iiij« clef est mise en le garde et le aura
Sire Jehan Huland, juré, mayeur des iiij esleuz sur le fait des finances, le v clef est mise en
le garde de Jehan Fournier, eschevin, l'un desdiz iiij esleuz, le vj"= clef à Sire Henry de Quar
mont l'un desdiz iiij esleuz, et le vij" clef à Jehan Cambry aussi l'un des iiij esleuz su'
fait desdictes finances. »
'■*) Ordonnances des Pays-Bas, t. II, p. 367.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. (}">
VI. L'empereur modifia également le mode d'adminislralion de la justice.
Il laissa les maïeurs et échevins s'occuper encore des affaires civiles en
premier ressort, mais il leur inlerdit de rendre aucun jugement définitif, si
ce n'est en présence des prévôts et jurés. Il faisait de l'échevinal une sorle
de magisiralure mineure subordonnée aux prévois et jurés, et des échevins,
une espèce de juges d'instruction chargés d'étudier au préalable les causes
civiles, d'entendre les plaidoiries, de prononcer au besoin un jugement sur
l'affaire, sans qu'il pût être définitif en l'absence des prévôts et jurés (').
Les jugements ainsi rendus étaient susceptibles d'appel devant le Conseil
de Flandre, lequel n'avait à examiner que la question de droit. Était-ce bien
ou mal jugé, voilà sur quoi devait seulement porter l'appel interjeté à Gand,
devant la juridiction supérieure (-). En aucun cas, le procès ne pouvait être
recommencé devant les magistrats du Conseil de Flandre (■^).
Mais les prévois et jurés supportaient malaisément celle obligation de
s'adjoindre les échevins poiu" rendre la justice dans les causes civiles. Aussi
prirent-ils assez tôt l'habitude de ne déléguer au tribunal scabinal que
quelques-uns des leurs.
Néanmoins, par crainte qu'en cas d'appel le Conseil de Flandre ne cassât
ces jugements pour vice de forme, les magistrats municipaux réclamèrent
et obtinrent une ordonnance nouvelle (|ui permit aux échevins accompagnés
d'un des deux prévôts, de quatre jurés et d'un de leurs conseillers, déjuger
définitivement les affaires civiles (*).
Mais prévôts et jurés cherchaient avant tout une diminution de leurs
multiples attributions ('). Ils s'adressèrent de nouveau à Tempereur et, le
(^] Ordonnances des Pays-Bas, t. II, p. 361.
(2) Ordonnance du 10 décembre lo3J2. Ordonnances des Pays-Bas, t. II, p. 256-257.
(3) Idem, Ibid.
(i) Ordonnance du 18 mai 1525. Ihid., (. Il, p. 361.
(5) Les prévôts et jurés comme les échevins passaient beaucoup de temps au service de
la ville. Une ordonnance du 18 mai 1525 nous fait connaître l'emploi du temps d'un
échcvin : « mais que, pour ce que iceulx eschevins, <i raison de leurs dis estaz, sont occupez
les lundis et merquedi à entendre les requestes de ceulx qui ont affaire pardevant eulx
pour passer ventes d'héritages, testamens et autres actes, que le mardi, iceulx conjoin-
tement vaquent aux affaires communs de ladite ville et les jours de jeudi et samedi.
Tome I. — Lettres, etc. 9
66 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
31 janvier 1527, ils oblinrent (lue dans les procès civils, les arrêts pourraient
être rendus par les échcvins, pourvu qu'un prévôt, un juré, un conseiller
des jurés et un conseiller des échevins lussent présents (^).
VII. Par la même ordonnance du 1 4 février 1522, Charles-Quint changea
aussi la procédure criminelle, tout en laissant, comme antérieurement, à la
compétence des prévois et jurés, le jugement des crimes, homicides et autres
méfaits de ce genre. Il semble même qu'il voulut étendre les pouvoirs de
la justice prévôlale, car, de fait, il supprima le droit d'appel devant une
juridiction supérieure, alors que, sous Tadininistration française, les sentences
des prévôts et jurés étaient susceptibles d'appel devant le Parlement de
Paris.
Toutefois, pour éviter toute erreur que « par simplesse ou faulle d'expé-
rience » les prévôts et jurés auraient pu commettre, il exigea, quand il
y allait pour l'accusé ou de la vie ou de la perte d'un membre, que les
prévôts et jurés appelassent à leurs côtés, le bailli de Tournai ou son
lieutenant, les gens du Conseil du bailliage, les pensionnaires et les con-
seillers de Tournai, et qu'ainsi composée, cette cour prononçât le jugement
à la majorité.
Si l'entente n';ivait pu se faire sur la peine à infliger, un conseiller, un
juré ou un pensionnaire en son remplacement, devaient porter devant le
Conseil de Flandre le procès mis en écrit par le greftîer des prévôts, et la
sentence était alors rendue conformément à l'avis du Conseil ('^).
entendent à tenir les plaiz ordinaires, et, à ce moien, n'ont lesdiz eschevins que le vendredi
à tenir leur conseil sur la widenge des causes et procès qui sont pardevant eulx ». Comme
on le voit, toute la semaine y passait; aussi conçoit-on facilement que l'échevinat ait été
considéré par nos ancêtres comme une véritable charge. Les prévôts et jurés étaient de
même tenus toute la semaine : « auquel mesmes jours pour lesdis prevostz et jurez en
leur chambre tiennent leurs plaiz ordinaires ».
(') Recueil ries Ordonnances des Pays-lias, t. It, p. 427. Ordonnance du 31 janvier 1327.
(2) Voir Ordonnance du 14 février lo22. Ordonnances des Pays-Bas, t. tl, p. 142.
On le voit, l'appel des décisions des prévôts et jurés devant une juridiction supérieure
semble donc aboli, la sentence devenant détinitivc du moment où l'entente avait pu se
faire entre les prévôts et jurés et les officiers du bailliage ou bien après l'avis du Conseil
de Flandre.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 67
Mais cette ingérence des officiers du bailliage dans la justice communale,
jointe à rancieniie et toujours vivace jalousie qui n'avait cessé de régner
entre la justice royale et la justice prévôtale, à la lenteur que montrait le
bailli à se rendre aux convocations des prévôts, au mauvais vouloir que
témoignaient les fonctionnaires du gouvernement, força bientôt Charles-
Quint à modifier sa |)remière ordonnance et, le 12 décembre 1522, il
autorisa les prévôts et jurés à seniencier seuls, si le bailli et ses officiers ne
s'éiaient point rendus à une première convocation.
Il maintint toutefois la première procédure pour les causes complexes ou
embrouillées, au jugement par trop difficile (').
Les deux prévôts jouissaient encore individuellement du droit de con-
naître les causes civiles, quand l'amende à laquelle pouvait être condamné
le délinquant ne devait pas dépasser soixante sous tournois, à moins toute-
fois que le coupable n'eût demandé à comparaître devant ses juges naturels,
les échevins ('").
Pour ces fondions judiciaires spéciales, chaque prévôt tenait son tribunal
ouvert, le malin après la messe, à l'hôtel de ville, et l'après-midi, devant la
porte de sa demeure, le samedi excepté (■').
Les magistrats municipaux de Tournai étaient aidés dans leurs attribu-
tions administratives et judiciaires par de nombreux fonctionnaires. La ville
payait de ses propres deniers deux conseillers généraux (*), un conseiller
(<) Voir Ordonnance du 12 décembre 1322. Ordonnance des Pays-Bas, t. II, p. 262.
{^) Arcliivcs communales de Tournai, liegistre n" 8, fol. 80. « Le prévost de la commune
de la dite ville ou son compagnon second prévost et chacun d'eulx ont auctorité et pooir
de connaislre sommièrement et de plaiz de toutes actions personnelles non excédant la
somme de soixante sols tournois vaillables cincq livres deux solz Flandres. Toutetfois si
tels adjournez sommièrement requerroient estre renvoyez pardevant leurs juges ordinaires
ne dcbvra ledit prévost, ny son compaignon plus avant cognoistre, ains prestement debvera
faire le renvoy requis. »
(3) Archives communales de Tournai, Registre n" 8, fol. 80. « Que lesdits plaids sur
pied chacun desdits Prévosts est accoustumé tenir tous les jours en la halle du Conseil
après la messe y célébrée et de l'après-diné à quattre heures au devant de leurs maisons,
saulf que les jours de marchiez, iceulx plaids se doibvent tenir au devant de l'eschoppe
joingnant le belfroy, à deux heures après midy. »
(^) .M. Albert Allard détinit ainsi les fondions du conseiller général ou du premier de
«8 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
des échevins, deux greffiers, deux procureurs, un bailli spécial pour la terre
contentieuse d'Orcq, un procureur près de la cour spirituelle de Tournai,
un autre prés de celle de Cambrai; elle entretenait en outre près le Grand
Conseil de Salines et le Conseil de Flandre, un conseiller et un procureur
particulier. Plus tard même, elle porta de deux à trois le nombre de ses
conseillers locaux.
L'exécution des décisions judiciaires des prévôts et jurés et des échevins
était assurée par deux sergents « à verghe » et dix-sept sergents bâtonniers
ou agents de police (^).
ces conseillers : « Il donnait au magistrat son avis en toutes affaires. Il entendait les
plaidoiries, étudiait et visitait les procès pour en faire rapport aux prévôts et jurés.
Il plaidait pour la ville au bailliage royal et rédigeait les mémoires nécessaires dans les
causes pendantes devant le Parlement, où la commune était intéressée. »
(-1) Extrait du Compte général du 4"' octobre IS21 au 30 septembre iS22. Archives com-
munales de Tournai, fol. 49 v? et 50 r°. Chapitre des gages et salaires.
« A Jehan Hacart, premier conseiller... ; à Jehan de Preilz, conseillierdes eschevins...; à
Jehan du Puis, second conseillier... ; Rogier du Fief, premier greffier...; Eloy de le Rue,
procureur général...; Guillaume Haroult, second procureur...; Nicolas Leurion, second
greffier...: Pieres Mahieu, bailly de Mess'^» Prevostî et jurez de la terre contentieuse
d'Orcque...; Vinchent Martin et Jehan Ghotin, sergens 5 verghe...; Jehan Crassier et Jehan
de iMaulde, sergens bastonniers, Jehan Boulongue, OUivier Monnier, François Hehart,
sergens bastonniers...; au douze sergens bastonniers de la ville pour leurs gaiges...;
à Michiel Thourotte, procureur de la dicte ville en la court espirituelle d'icelle... »
Extrait du Compte général du 1"' octobre io22 au 30 septembre 4323, fol. 88 r».
« A maistre Daniel Tasse, licensié es loix, advocat et conseillier de ceste dicte ville en la
court souveraine de l'empereur nostre sire à Matines pour les gaiges à lui ordonnez...;
à maistre Philippe Doublet, procureur de ceste dicte ville en la dicte cour de Malines pour
les gaiges aussi à lui ordonnez...; h maistre Germain de Bèvres, licencié es loix aussy
conseillier de ceste dicte ville en la Chambre de Flandre pour ses gaiges d'un an...;
à maistre Jehan Wastiel, procureur d'icelle ville en la dicte Chambre de Flandre pour ses
gaiges. »
Extrait du Compte général du 4" avril 4543 (a. s.) au 34 mars 4544 (n. s.), fol. 68 r°.
« A Guillaume Hanneton, licencié es loix et tiers conseillier pour les gaiges par luy
déservys. »
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 69
CHAPITRE II.
INSTITUTIONS ROYALES ET INSTITUTIONS JUDICIAIRES ECCLÉSIASTIQUES.
LE BAILLIAGE ET LES Ol-FICIALITÉS.
Sommaire. — I. Le bailliage et sa compétence; ses fonctionnaires et leurs attributions.
IL Le bailliage sous Charles-Quint. — III. Les officialités et leur compétence.
I. En même lemps que la justice communale, fonctionnait aussi dans
Tournai et le Tournaisis la justice royale, s'exerçant au nom du pouvoir
souverain du roi el ayant dans ses altribulions le jugement des cas roi/aux
ou privilégiés. C'élail la justice baillivale.
Les principaux cas royaux étaient les « ports d'armes » (agression
préméditée en bande et à main armée), les contestations en matière de
conventions passées sous scel royal, les infractions commises par les bannis
du pays, les crimes de fausse monnaie et de lèse-majesté. Les juges royaux
avaient aussi la connaissance de tous « cas de prévention », c'est-à-dire
qu'ils retenaient les actions que l'on portait d'abord par-devant eux, même
si, par leur nature, ces actions étaient hors de leur compétence. Dans celte
hypothèse, la contestation passait alors au rang de cas royal. Ils avaient
encore dans leurs attributions le jugement des atlenlals contre la personne
Ju roi, contre les membres de sa famille et contre ses officiers (').
La justice royale était représentée par un bailli, qui souvent était en
même temps gouverneur de Tournai; par un procureur, un avocat et des
sergents. Le bailli jugeait, le procureur représentait le roi, l'avocat portail
la parole en son nom et six sergents étaient chargés de l'exécution des actes
et mandements judiciaires (^).
A ces officiers royaux, il faut encore ajouter un scelleur royal et deux
tabellions royaux. Ces deux derniers avaient pour mission de recevoir,
(^) Albert Allard, Le premier bailliage de Tournai-Tournaisis. Mons, Janssens, 1895,
in-S", p. 2, noie 1, et Journal des Tribunaux, 1892, n» 930, col. 1430.
(2) Albert Allard, op. cit., pp. 11-12.
70 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVT« SIÈCLE
moyennant la perception d'une certaine redevance au profil du roi, tout
contrat ou toute convention auxquels le scelleur, en apposant un sceau
spécial, donnait authenticité et valeur (').
II. Telle était l'organisation du siège de judicature royal sous l'admi-
nistralion française; elle subsista sous Henri VIII et elle ne paraît pas
avoir subi de changements notables durant le règne de Charles-Quint et de
Philippe II, sauf en ce qui concerne l'appel des décisions du bailli qui fui
retiré au Parlement de Paris, pour être attribué au Grand Conseil Jt
Mallnes (^).
Toutefois, l'animosité qui régnait entre les juridictions royale et com-
munale, animosité qui remontait à la création du bailliage de Tournai-
Tournaisis, en 1383, n'avait point cessé d'exister. Elle amenait même de si
fréquents conflits d'attributions entre le bailli et ses officiers et les magistrats
communaux, que par une ordonnance spéciale, datée du 7 octobre 1523,
Charles-Quint essaya d'y mettre fin. Dans ce but, il décida que tout
différend, en cas de doute sur la juridiction dont il relevait, serait porté
devant le Conseil de Flandre, si l'une des parties engagées était flamande;
si les parties étaient tournaisiennes, il pouvait être jugé soit par le
Conseil de Flandre, soit par le Grand Conseil de Malines, au choix des
intéressés. Dans cette dernière alternative, s'il y avait lieu à renvoi, celui-ci
ne pouvait se faire que devant le Conseil de Flandre (^).
III. Enfin l'organisation judiciaire du Tournaisis se complétait par deux
Cours ecclésiastiques : l'Ofiiciaiité de Tournai et l'Offîcialité de Cambrai,
lesquelles jugeaient les clercs et leurs délits, suivant qu'ils appartenaient aux
paroisses situées soit sur la rive gauche, soit sur la rive droite de l'Escaut (^).
(1) Ce scel n'était apposé que sur des documents d'ordre civil, comme des conventions
entre particuliers, etc.
('^) Ordonnances des Pays-Bas, t. II, p. 128.
(3) Ordonnances des Pays-Bas, t. II, p. 301. On sait que le bailliage de Tournai fut
supprimé en 1773, pour êlre remplacé par le Conseil provincial de Tournai-Tournaisis.
(♦) La ville de Tournai et le Tournaisis relevaient de deux évêchés; toute la rive
gauche de l'Escaut obéissait spirituellement à l'évéque de Tournai, et la rive droite, à celui
de Cambrai.
AU POINT DE VUE ï>OLITIQUE ET SOCIAL. 71
Ces Cours avaient aussi la connaissance des accusations d'hérésie, de sacrilège,
de majîie, de sorcellerie, de blasphème, d'usure notoire; elles réprimaient
les attentats contre les clercs, les crimes commis dans les lieux saints, le
concubinage, la violation du repos dominical, en un mot jugeaient toutes les
causes qui avaient pour objet direct, des infractions aux lois canoniques (').
(1) Albert A[,laud, L'organisation judiciaire, la compétence et la procédure en matière
répressive dans l'ancienne commune de Tournai (Journal des Tribunaux, 15 décembre 1892,
n° 930, col. 1430), et Chanoine Claessens, L'inquisition dans les Pays-Bas. Turntiout,
1886, p. S6.
72 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
CHAPITRE m.
LNSTITUTlOiNS PROVLNCIALES.
Sommaire. — 1. Origines de la formation de la province du Tournaisis.
11. Les Étals : leur composition; leur rôle; leurs prérogatives.
1. La conquête du Tournaisis, dit Ileniie, « doinia lieu à des contestalioiis
nées d'un élroil égoïsnie (^) » . En effel, lors de la réunion des Élals Généraux
à Gand, le 21 décenibie 1521, on ne parvint |)as à s'entendre sui- le
sort qu'on réserverait au Tournaisis. Les députés du Hainaut réclamaient
l'annexion du Tournaisis à leur comié, en basant leurs prétentions sur ce
« qu'une partie du territoire de la ville de Tournai avait jadis appartenu
au Hainaut (-) », tandis que ceux de la Flandre, de l'Artois et de la
chàlellenie de Lille auraient vu sans déplaisir la démolition de Tournai et
de ses remparts (^), afni de prévenir le retour des donunages que cette ville
leur avait causés (*).
Charles-Quint ne donna raison ni aux uns ni aux autres. Acquies^-ant aux
vœux exprimés par la population tournaisienne tout entière, |)ar les abbés
et moines de Saint-iMartin et de Saint-Médard, il décréta, en février 1522,
l'annexion à la Flandre de Tournai, Mortafiiie, Sainl-Amand avec leurs
appartenances (^), voulant que le Tournaisis formât « une branche du pays
(ij Henné, op. cit., t. Il, p. 423.
("^) La ville de Tournai avait en effet acquis en 1289 de Hugues de Ctiatillon, comte de
Saint-Pol, un territoire qu'elle avait incorporé dans ses lerres et qui relevait du Hainaut :
c'est le quartier des Chaufours ou de Saint-Jean avec ses annexes, Allain, Warchin,
Rumillies.
(3) Gachard, Lettre à MM. les Questeurs de la Chambre des Représentants. Bruxelles,
1841, in-8», p. 63.
(*) Henné, op. cit., t. Il, p. 423.
(S) Pièces justificatives, n" Vil. ^ous ne publions que lu leurc des maj,'istrats, les leltn >
des abbayes étant conçues dans les mêmes termes.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. tS
de Fliuiclrc et envoyai (lorcnavaiil des députés aux assemblées des Élals de
celte |)rovii)ce » (').
Il ne songeait donc pas, ainsi (|u'on Ta cru jusqu'aujourd'hui, à faire du
Tournaisis une piovince nouvelle (^), avec des Élals spéciaux el une orga-
nisation provinciale dislincte, comme la Flandre ou le Hainaul.
Son intention était crunir le Tournaisis à la Flandre et de le placer
vis-à-vis de cette |)rovince dans la même situation que les quartiers d'ÂlosI
ou de Termoiide ('). En d'autres termes, il augmentait la Flandre d'une
circonscri|)lion territoriale nouvelle, le Tournaisis, dont les habitants avaient
à intervenir proportionnellement à leur nombre et à leurs richesses dans la
réparliiion des aides extraordinaires imposées à la Flandre.
Aussi, dès le principe, les Tournaisiens envoyèrent-ils des députés aux
États de Flandre (*). iMais peu à peu, soit que cette espèce de sujétion envers
la Flandre leur déplût, soit qu'ils trouvassent cette organisation peu en
rapport avec l'idée qu'ils se faisaient de leur importance, ils abandonnèrent
cette coutume, et, se substituant au bailli, l'évêque, le chapitre de Tournai,
les principaux seigneiu-s et les abbayes, qui possédaient la presque totalité
des terres, se réunirent pour procéder à la répartition des tailles et impôts
demandés aux communautés ou villages du Tournaisis, s'érigèrent en corps
spécial d'État el créèrent par le fait même, une province nouvelle totalement
indépendante de la Flandre, le Tournaisis (^).
Il est à remarquer que cet événement ne se produisit qu'après 1555.
Peut-êlre les Tournaisiens s'aulorisérent-ils pour en agir ainsi de ce qu'en
août 1549, Philippe d'Espagne était venu chez eux se faire reconnaître
(<) Ordonnances des Pays-Bas, t. II, p. 138.
(2) Jean Cousin, Histoire de Tournai, livre IV, p. 278, et d'autres auteurs.
(^) Ordonnances des Pays-Bas, t. II, p. 139.
(*) Archives communales de Tournai, Compte général, octobre 1522-septenibre 1S23,
fol. 90 V». « A maistre Jehan du Puis, licencié es loix... et aussy pour estre présent avecq
les dépuiez desdits Consaulx aux estas qui se tinrent en la ville de Gand »...; fol. 91 r°.
A sire Nicolles de Preilz, mayeur des eschevins de Tournay et ledit maistre Jehan du Puis,
lesquelz par l'ordonnance desdils Consaulx se transportèrent en la ville de Malines pour et
ou nom de ceste dicte ville, comparoir à l'assamblée des estas du pays de Flandre, ainsy
que commandement avoit esté fait par Madame la Régente... »
(S) Bulletins de la Société historique de Tournai, t. l, p. 301.
TojiE I. — Lettres, etc. iO
74 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
comme successeur éventuel de Charles-Quint, ainsi qu'il Pavait fait dans les
autres provinces, et profitèrent-ils de l'avènemenl de Philippe II, pour se
déclarer indépendants de la Flandre! Cela expliquerait pourquoi la première
délibération prise par les Étals tournaisiens ne remonte pas au delà du
18 juillet 1556 {').
Aucun octroi du souverain n'autorisa celte usurpation de pouvoir, mais
comme aucun décret ne Tinlerdil, avec le temps l'usage servit de titre et le
Tournaisis subsista comme province distincte, jusqu'à la création du dépar-
tement de Jemappes (1795).
Le président Nény se trouvant devant le fait accompli et en face d'une
institution qui fonctionnait régulièrement depuis prés de deux siècles, ne
remonta point aux origines et commit une erreur en écrivant dans ses
célèbres mémoires politiques, que Charles-Quint « conserva à la ville de
Tournai son rang d'État particulier totalement indépendant des États de la
Flandre, avec les mêmes attributions et privilèges qui appartiennent à des
États plus considérables (") » .
Cela était vrai au moment où Nény écrivait, mais n'avait commencé à
l'être que dans la seconde moitié du XVI* siècle, sans que Charles-Quint
y fût pour quelque chose.
Avant 1522, comme longtemps après, le Tournaisis n'avait été qu'une
expression géographique désignant Tournai et soixante- quinze villages
soumis à la juridiction d'un même bailli royal ou im|)érial, mais dépourvus
de tout corps d'État provinciaux. C'est pour ce motif que, rigoureusement,
ra|)pellation « province du Tournaisis » ne devrait être employée qu'après
1556. Si nous avons nous-même fait un usage fréquent de cette appellation,
c'était pour la clarté du récit.
11. Quoi qu'il en soit, le Tournaisis était composé de la seigneurie de
Tournai et de celle du Tournaisis (^).
La seigneurie de Tournai comprenait le territoire de cette ville et de sa
(<) Archives communales de Tournai, reg. 77, fol. 1.
(2j C"= DE i\ény, Mémoires historiques et politiques des Pays-Bas autrichiens. Bruxelles,
1784, t. 11, p. 183.
(^J Gachard, Collection de documents inédits, t. 1, p. 50.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 75
banlieue. Elle possédait comme corps administratif les Consaux ou États de
Tournai.
Formés du Magistrat lournaisien, ces États ne pouvaient rien en matière
de subside, sans la participalion des trente-six bannières; ils devaient
aussi, lors(|u'il s'agissait de subsides extraordinaires, entendre les gens de
loi de la banlieue dont l'opinion, toutefois, n'était que consultative (').
La seigneurie du Tournaisis se composait de Mortagne et de Saint-Amand
avec leurs appartenances, ainsi que des autres localités et communautés de
la province, telles que Warcoing, Espierres, Pecq, Rumes, etc.
Les Étals étaient formés d'un député de l'évêque, du doyen de l'église
Notre-Dame, d'un député du chapitre de Notre-Dame, des abbés de
Saint-Martin et de Saint-Nicolas des Prés, dit de Saint-Mard, et des sei-
gneurs baut-jusiiciers de la province au nombre de quatre, savoir les
barons de Pecq, Rumes, Espierres et Warcoing Ces derniers s'y faisaient
presque toujours représenter par leurs baillis.
Lors des demandes d'aides et subsides, ces États appelaient les députés
des communautés ou villages, pour leur en donner communication et ouïr
leurs sentiments. Toutefois ils n'y avaient égard qu'autant qu'ils le voulaient.
Les mêmes députés assistaient aussi à la cérémonie de l'inauguration. A
cela se réduisaient les prérogatives du tiers-état ('-).
Ces États avaient encore dans leurs attributions le droit de connaître
des contestations relatives aux tailles et impôts de la province (^). Dans la
répartition totale des impôts extraordinaires demandés à la province de
Tournai-Tournaisis, la seigneurie de Tournai voyait souvent sa quote-part
fixée au tiers de la somme réclamée, la seigneurie du Tournaisis fournissant
les deux autres tiers (*).
Enfin, en cas de réunion des États Généraux, Tournai envoyait deux
députés, le Tournaisis également deux; à eux quatre, ils formaient la
députation des États de Tournai-Tournaisis.
(<) Gachahd, Collection de documents inédits, t. I, p. 5S.
(2) Idem, Ibid., même page.
(•*) Gachard, Collection de documents inédits, p. 75, note 1.
(*) Archives communales de Tournai, reg. 77. Délibération du 26 avril 1S59.
76 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
TROISIEME PARTIE
Après la Conquête. — La Réforme.
CHAPITRE PREMIER.
PREMIERS TEMPS DE LA RÉFORME.
Sommaire. — l. Impôts; mœurs du clergé. — II. Premières condamnations et exécutions
pour cause de religion. — lil. Organisation de l'Eglise réformée de Tournai; Pierre
Brully. — IV. Guy de Bray ; les premiers troubles (1361). — V. Nouveaux
troubles (1S63); suppression de l'École de rhétorique. — VI. Concile de Trente; com-
promis des Nobles; Floris de Montmorency. — VII. Les prêches; les Iconoclastes; leur
défaite à Marchiennes.
I. La réorganisation administrative el judiciaire terminée, le rôle histo-
rique de Tournai et du Tournaisis n'eul plus un bien grand éclat. Fière
autant que satisfaite d'occuper le pouvoir, la bourgeoisie chercha à faire
oublier les violences des luttes antérieures et à rétablir dans la commune
une paix féconde et réparatrice. D'autre part, accablé de lassitude, ayant
perdu l'espoir de jouer encore un rôle politique, le peuple acceptait avec
indifférence toutes les mesures que lui imposait le gouvernement el partageait
sa modeste existence entre un travail dur et pénible, le guel, les feux de
joie ou les processions que multipliaient les victoires de Charles-Quint sur
la France.
Du resle, le déclin de la puissance communale dont il notait les progrès
ne lui démonirail-il pas l'inutilité d'une résistance quelconque aux volontés
de Cbarles-Quint.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 77
Cependant il se lassa vile de sa passivité; il laissa percer son profond
méconlenlemenl et donna des preuves de la troublante inquiétude qui
l'agitait. L'annexion du Tournaisis aux Pays-Bas ne produisait pas pour la
classe pauvre les résultats qu'elle avait escomptés : l'industrie diminuait,
la décadence commerciale s'aggravait, les rues regorgeaient de mendiants,
les campagnes étaient pleines de vagabonds, bref, le paupérisme s'étendait
de jour en jour.
D'un autre côté, les guerres de l'empereur avec la France venaient encore
accroître le mal. Le trésor public se vidait rapidement, et pour faire face
aux dépenses chaque jour grandissantes, le gouvernement accablait d'impôts
nouveaux artisans et bourgeois.
Quotidiennement surgissaient de nouvelles et onéreuses demandes d'aides
que le peuple commençait à ne plus vouloir et à ne plus savoir payer.
En 1536, les Étals Généraux avaient accordé à Marie de Hongrie qui,
depuis six ans, remplaçait Marguerite d'Autriche dans le gouvernement des
Pays-Bas, une aide extraordinaire de quatre cent mille carolus. La Flandre
en devait payer le tiers. Bruges, Ypres et le Franc obéirent aux Élals ('),
mais une vive opposition se manifesta parmi les métiers de Gand qui, fina-
lement, refusèrent de voter la pari d'intervention de leur ville ('^).
Tournai imita les Gantois. Six mois durant, les trente-six bannières,
cédant aux instances des communicrs flamands (^), refusèrent de voter la
quote-part de la seigneurie de Tournai et, quand en mars 1S37, elles se
décidèrent à payer six mille carolus d'or, ce fut à condition que les privi-
légiés comme les autres, c'est-à-dire les nobles, les ecclésiastiques et les
(1) Këhvyn de Lettenhovr, op. cit., p. 39.
(2) On sait que Gand paya son opposition à celte levée d'impôts nouveaux par la perte
totale de ses libertés (tS39).
(>*) Les Gantois avaient en effet envoyé à Tournai et dans d'autres villes Guillaume
De Rlay, orfèvre « attin de les suborner et séduire à faire chescun en son quartier le
samblable et se joindre avec ceulx de Gand, à quoy il se emploia bien fort et en feist bien
ses devoirs vers ceulx qui estoient samblables à luy esdictes et ne tient point à luy que les
habitans d'icelles ne s'y joindirent ». (Gachard, Relation des troubles de Gand sous Cliarles-
Qidnt; Collection des documents inédits, p. 89. j
78 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
fonctionnaires royaux aussi bien que les bourgeois el les artisans acquitte-
raient les taxes créées en vue du recouvrement de la somme demandée (*).
Journellement, le peuple des Pays-Bas se trouvait dans cette alternative,
payer ou encourir la colère de rem|)ereur. Or, l'exemple des Gantois attestait
que le châtiment suivait de près la résistance.
Telle était la situation, quand se firent entendre les premiers grondements,
signes précurseurs de la Réforme.
Le peuple « qui murmurait contre les impôts écrasants, contre les excès
des soldais qui se dédommageaient de leur solde arriérée sur les paysans
sans défense, contre la violation des privilèges jurés (■) » , le peuple trouva
quelque allégement à sa souffrance dans les critiques que des moines eux-
mêmes se mirent à lancer contre les mœurs du clergé. Elles rencontrèrent
d'autant plus d'écho que le dérèglement des prêtres réguliers aussi bien que
séculiers s'étalait davantage. Partout on voyait des prêtres, pour la plupart
exempts d'impôts, vivre ouvertement avec des concubines, en avoir des
enfants, « dans un temps où l'Église prescrivait aux ecclésiastiques de ne
tenir dans leur maison que leurs mères, leurs sœurs ou leurs plus proches
parentes » (■^).
(1) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 19 mars 1536 (a. s.).
(2) Lavisse et Rambaud, Histoire générale du IV siècle à nos jours. Paris, t. V, p. 177.
(3) Altmeyer, Les Précurseurs de la Réforme aux Pays-Bas, t. 1, p. 230. Voir aussi au
sujet des dérèglements du clergé au XVI" siècle, Legroux, Summa slalutorum synodalium cum
praevia synopsi vitae episcoporum toriiacensium. Lille, 17:26, p. 196, § o et 6. Pour prouver
à l'évidence que le « peuple voyait partout autour de lui des prêtres vivre ouvertement avec
des concubines », il sutiira de donner quelques extraits, pris de ci de là, dans un compte
reposant aux archives de Tournai, registre n° 2769, et contenant les rentes vendues par la
ville pour acquitter les redevances annuelles au duc de Bourgogne, grâce auxquelles celui-ci
autorisait la lihre entrée des marchandises tournaisiennes dans ses Etats 1426-1473). —
En 1436 : « de sire Nicole Lantenoy, presbtre, fil Jehan demeurant en Tournay pour
VIII livres tournoiz de rente par an au pris de dix deniers le denier, aux vies de luy eagié
de Ij ans et de Gillette Lantenoy, sa fille inlégilime qu'il a de Jehenne le Faveresse ». —
En 1436 : « de Messire Chrestien Lefèvre, preshtre, ;\ présent doyen de chrestienneté de
Saint Brixe en Tournay et demeurant en la dicte ville pour douze livres tournois de rente
par an, aux vies de lui eagié de xlviij ans et de .\nne Lefèvre, sa fille inlégitisme qui a de
Marguerite Varniaux »...; en 147o : « de maisires Gilles Lapposlolle, archediaque de
Bruges, Nicoles Deswastines, ostelier et chanoines de l'église Nostre Dame de Tournay et
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 79
Il semble même que ces désordres étaient plus nombreux à Tournai et
dans le Tournaisis que dans le reste du pays.
N'est-ce pas à Tournai, en 1498, qu'un moine de l'ordre des Frères-
Mineurs, Jean Vitrier, s'élevant contre la dépravation des mœurs du clergé,
soutint qu'il valait mieux « couper la gorge à son enfant que de le mettre
en religion non réformée »; qu'il valait mieux « prendre son enfant, sa fille,
par la main et la mener au bourdeau que de la mettre en religion non
réformée » ? N'est-ce pas lui aussi qui prétendit que le roi n'avait point
donnée au chapiire de Noire-Dame l'exempiion de l'impôt sur les vins « pour
nourrir les paillardes des chanoines et des gens d'église (') » ?
S'il est vrai que rien ne vient de rien, si lout s'encliaine, ne fallait-il pas
que la réforme de l'Église fût devenue bien nécessaire pour que des prêtres
catholiques osassent publiquement formuler pareilles déclarations?
On n'attendait plus que l'homme assez audacieux pour entreprendre
pareille réforme, quand |)arut Luther.
Revenons à la doctrine de Jésus, prêchait l'Augustin; rejetons les inven-
sire Jetian Marescault, presbtre, grand vicaire en ladite église, exécuteurs du testament
de derreine voullenté de deflfunct maistre Denis de Montmorency, en son vivant doyen et
clianoine de la ditte église, accateurs pour Ixx livres tournois aux vies deColinet et Jacques
de Montmorency, frères, enifans naturelz dudit maistre Denis qu'il a eu de Jehenne
Queval »... « desdils exécuteurs pour aultres Ixx livres tournois aux vies de Colette et
Magdelaine de Montmorency, seurs, tilles naturelles dudit maistre Denis qu'il a eu de
ladite Jelienne Queval »...; en 1473 : « de Margueritte le Leure... demourant en Tournay
accatresse pour xxj livres tournois aux vies d'elle accatresse... et de Margotine Megnot, sa
fille naturelle qu'elle a eu de Damp Jetian Megnot, religieux... de ladite Margueritte
accatresse pour xiiij livres tournois aux vies de Ysabel Megnot religieuse à l'ospital de
Bruilte en Tournay et de Janette Megnot, sa seur, enfïans naturelz de ladite accatresse
qu'elle a tieu dudit damp Jetian Megnot, religieux »...; en 1475 : « de maistre Alard
de Touwart, presbtre, chanoine de l'église Notre-Dame de Tournay, accateur pour
xiiij livres tournois aux vies de Josne et Jannette de Touwart, frère et seur, enttans
naturelz dudit accateur qu'il a eu de Caterine Cousine »... « dudit maistre Alard de Touwart
accateur pour vij livres tournois à la vie de Simonnette de Touwart, tille naturelle dudit
accateur qu'il a eu de ladite Caterine Cousine »..., etc. N'est-ce pas Savonarole qui, en 1497,
s'écriait : « Autrefois, si les prêtres avaient destils, ils les appelaient leurs neveux; mainte-
nant on n'a plus de neveux; on a des tils tout court »... (Pastor, Histoire des Papes, trad.
Furcy Raynaud, Paris, t. VI, p. 14).
(1) Paul Frédéricq, Corpus documentorum inquisitionis haerelicae pravitaiis Neerlan-
dicae, t. 1, p. 490. — Altmeyek, op. cit., t. i, p. 237.
80 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI^ SIÈCLE
lions humaines, les pèlerinages, les jeûnes, les couvents, les indulgences, le
culte de la Vierge et des Saints, le Purgatoire el tout cet échafaudage de
dogmes qui oui obscurci la Sainte Parole (^).
II. Rapidement ces doctrines se répandirent dans les Pays-Bas; elles
éhranlèrenl dans leurs croyances prêtres et fidèles du Tournaisis et le curé
d'Oroq (-), Jean Le Grue, soutint publiqucmenl des « théories sentanl
l'hérésie ('^) » . En loi 7, à Tournai même, un clerc du nom de Gaspard
Fournier, osa prétendre que la châsse de saint Éleuthère ne renfermait
point les reliques du patron de la cité, mais « le corps d'un regnarl ».
Précurseur de Luther quant à la suppression du culte de la Vierge et des
Saints, il alla même jus(|u'à recommander aux fidèles rassemblés dans la
cathédrale, de réserver aux besoins de la vie un argent qu'ils dépensaient
pour l'achat de cierges que l'on brûlait devant l'image de Saints ou de la
Mère de Dieu (*).
On conçoit combien un pareil langage dans la bouche de gens revêtus
d'un caractère sacerdotal, dont la mission consistait à défendre et non à
attaquer l'Église, à propager la Foi el non à l'ébranler, devait bouleverser
l'âme des populations et les entraîner finalement dans le tourbillon des idées
nouvelles.
Vainement Charles-Quint multiplia les ordonnances contre l'hérésie, les
livres et les écrits luthériens (^), vamement il représenta Luther « non pas
comme un homme, mais comme un démon à forme d'homme et vêtu en
prêtre pour mieux conduire la race humaine à l'enfer et à la damnation ('') »,
(*) La\msse et Rambaud, op. cit., t. IV, p. 406.
(2) Orcq, petite commune de sept cents habitants, à 3 kilomètres de Tournai.
(3) Paul Frédéricq, op. cit., t. IV, p. 390, et t. V, pp. 22-27.
(♦) Idem, Ibid., t. IV, p. 295.
(S) La première ordonnance contre l'hérésie date du 20 mar.s 1321 ;n. s.) et se trouve
en entier dans les Ordonnances des Pays-Bas, t. II, p. 70. Elle prescrivait, dit Poullet, en
conformité de la bulle du pape Léon X et des déclarations des facultés de théologie
de Louvain et de Cologne, « de briiler tous les livres et écrits provenant de la secle héré-
tique d'un nommé Martin Luther, religieux de l'ordre de Saint-Augusliti, et d'en interdire
l'impression, la vente, l'achat, la conservation, la lecture, etc. ». (Voir Poullet, Histoire du
droit pénal dans le Brabant, p. 36.)
16) Ordonnances des Pays-Bas, l. 11, p. 77.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 81
vainement il défendit de loger, nourrir et héberger les ecclésiastiques qui
désertent l'Église, on vit hicntôl des |)rétres séculiers jeter le froc, des moines
abandonner leurs couvents, des religieuses quitter leurs cloîtres et se
marier ('), tandis (ju'arlisans et bourgeois adoptaient avec une ardeur de
néopliites les théories nouvelles.
A Tournai, Taugustin Henri de VVesl|)halie, natif de Clèves, avait aban-
donné la religion catholique pour se marier. Les inquisiteurs le firent
arrêter à Courtrai (").
Déclaré hérétique et apostat, le 13 juillet 1528 il subit la dégradation
dans la cour de Tévêché, puis fut brûlé vif aux Prés-Porchins (•^). On jeta
ses cendres dans les eaux de l'Escaut, de peur que « les assistants ne con-
servassent des reliques du martyr ('*) ».
Henri de Westphalie fui à Tournai le premier martyr de la Réfornje.
En même temps que l'apostasie se répandait dans les rangs du clergé,
Luther gagnait des adeptes parmi le peuple. Les gens de métiers traduisent
la Bible en langue vulgaire, soutiennent ou discutent en public les théories
du moine de Wittemberg, attaquent les dogmes, ne reconnaissent plus la
Vierge comme mère de Dieu, blasphèment journellement et se rient des
ordonnances impériales.
On sévit bientôt contre ceux qui ne craignent ni Dieu, ni l'Empereur;
Françoise Fouant, soupçonnée d'être vaudoise, se voit mettre « sur la tète
estoupes brûlant » ; Rasse d'Audenarde, Cornille Arians, Jacques Hespel
sont condamnés à une amende de vingt carokis et à la rétractation de leurs
propos blasphématoires; iMichel de Bourdeauduis doit se rendre en pèlerinage
(1) Ordonnances des Pays-Bas, t. Il, pp. 524-525,
(2) Paul Fuédéricq, op. cit., t. V, p. 343, n" 712.
(3) Près-Porchins, territoire de la banlieue de Tournai, hors la porte de Sainte-
Fontaine. — Voir le cérémonial de la dégradation d'un prêtre dans Van der Haeghen,
Martyrs protestants néerlandais, notes pour servir d'introduction à la bibliographie des
Martyrologes, M. 226, pp. 9-12. {BnsuoriiEcv Belgica.)
{*) Léa, Histoire de l'inquisition traduite par Reinach, t. I, p. 622; voir aussi au sujet
de la mort de Henri de Westphalie, Fuéoéiîicq, op. cit., t. V, pp. 337-339, et Archives
communales de Tournai, publication du 11 juillet 1528 et compte général d'octobre 1527
à septembre 1528, fol. 81 v° et 82 r".
Tome I. — Lettres, etc. 11
sa TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
de Tournai à Notre-Dame de Hal, « portant en mains un cierge ardent » .
D'autres, comme Jean Brocart, libraire, et Jac{|iies Robetle, sont punis pour
avoir fait imprimer à quatre cents exemplaires à Cambrai et distribuer dans
Tournai, sous le litre de « Nouvel Caton », un livret « contenant plusieurs
articles faux, sentant la lichen et doctrine île Martin Luther » ; le
29 décembre 1530, Pierrart le Gantier est condamné à la prison pour avoir
déclaré que la confession ne sauvait point l'ânie et que Peau bénite ne valait
pas plus qu'une autre eau prise « dans une carrière et mise en une quesne (')
de terre ("') ».
(^) Quesne, Kenne, mot local encore en usage, qui désigne un récipient assez grand,
en forme de pot. Ce récipient, généralement en cuivre, sert surtout aux laitiers.
(2) Voici quelques extraits du Registre de la Loi, n" 146, à l'appui de nos affirmations :
a Veu la poursieulte faite par devant nous bailly... etprévostz et jurez de la dicte ville...
à rencontre de Jehan Brocart, libraire et Jaques Robette, haultelicheur, prisonniers,...
pour raison de ce que puis nagaires lesdits demandeurs disoient et maintenoient ledit
Jaques Robette avoir baillié et délivré audit Jehan Brocart certain livres escript à la main
contenant pluiseurs articles faulx et erronnez contre la sainte foy chrestienne sentant la
lichon et doctrine de Martin Luther..., lequel livret ledit Jehan Brocart, libraire, avoit
depuis intitulé Nouvel Caton et fait imprimer en la ville de Cambray jusques au nombre de
quatre cens et que plus est les [a] vendu et distribué à pluiseurs personnes tant de ceste
ville que d'autres... Le merquedy iiij'' jour d'octobre l'an mil cincq cens vingt-cincq. »
« Veu la poursieulte... à rencontre de Basse d'Audenarde, sayeteur, Gornille Arians,
marchant et Jaques Hespel, bonnetier, prisonniers... pour ce que... les trois dessus-
nommez et chacun d'eulx avoit proposé et déclaré aucuns poins et articles faulx et erronnez
contre la sainte foy chrestienne sentant la lichon et doctrine de Martin Luther... et aucuns
d'eulx avoir livrés, molez, translatez de latin en franchois lesdits erreurs sur lesquelz ilz
fondoient leurs propos... Le venredy xix^ jour d'octobre, l'an mil cincq cens vingt-six. »
« Veu la poursieulte... à l'encontre de Jehan Fouant, cordewanier et Pierchon Webe-
ghorde, bonnetier... pour ce que... ledit Jehan Fouant... et tenu conventicule et assamblée
de gens suspectz de adhérer ausdictes erreurs en sa maison entre lesquelz y avoit esté ledit
Pierchon et avoient heu aucuns papiers et livretz contenant les dites erreurs sur lesquelz
ils fondoient leurs dis propos... Le merquedi darain jour d'octobre, l'an mil cincq cens
vingt-six. »
« Veu la poursieulte... à rencontre de Galyen Davian, laboureur... pour ce que... ledit
Galyen Davion... Sy comme de la vénéracion et adoracion de la sainte vraye croix et aussi
de l'oroison qui se chante chacun jour es églises de la très digne et glorieuse Vierge Marie
qui est de Salve Régina, disant que en la dite oroison y avoit aucuns mos qui ny dévoient
noint estre... Le vendredy m' jour du mois de janvier. L'an mil cincq cens vingt-six. »
« Veu la poursieulte... à l'encontre tant de Damien Delemotte, marchant merchier.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 83
Ces diverses condamnations, sanf la dernière, furent prononcées en vt-rlu
de Tordonnance du 4 7 juillet 4526, interdisant « toute réunion privée
même dans un but de dévotion, toute lecture des Écritures, toute discussion
à huis-clos concernant la foi, les sacrements, l'autorité du pape ou tout autre
point de matière religieuse, le tout sous peine de mort » (').
Ce fut surtout à la suite de l'ordonnance du 44 octobre 4 529, confirmant
et aggravant les peines comminées contre la lecture publique ou privée des
Ecritures, que commença la véritable persécution des hérétiques, l'ère des
condamnations à mort, des bannissements perpétuels et des confiscations des
biens ("'). Dès lors, sur la grand'place de Tournai où le peuple avait si
souvent célébré par des chants ses victoires politiques, artisans, bourgeois,
magistrats et nobles affronteront la mort, sans peur et sans défaillance, pour
l'aflranchissement de la conscience humaine et le triomphe de la liberté
religieuse.
Car, aussitôt après la publication de celte ordonnance, les magistrats riva-
lisèrent de zèle. Ils se livrent à des perquisitions insolentes, violent effronté-
ment les domiciles, y recherchent les livres intitulés : « Le Sermon de la
Montagne, Le Pater noster en français, Le Manuel des Chrétiens, Le Limon
des docteurs » , menacent les blasphémateurs du percement de la langue à
comme de Jetian Defrelye, haultelicheur... pour raison de ce que... aussi autres parolles
injurieuses et blasfemeuses contre lonneur de la sacrée Vierge, mère de Dieu et autres
sains et saintes de paradis et du saint siège apostolique... Le xxij° jour de novembre, l'an
mil cincq cens vingt-six. »
« Veu la poursieulte... à l'encontre de Andrien Rogé, sayeteur... pour raison de ce
que... et autres parolles injurieuses et blasphemeuses contre lonneur d'aucuns ymaiges de
sains... disant que ce nestoient que figures et synagryes et meismement contre l'onneur et
reverance du saint sacrement de l'autel disant et proférant publicquement quil tenoit
autant dudit saint sacrement de l'autel que d'un morseau de pain quil tenoit en la main...
Le vendredi xxj<= jour d'aoust, l'an mil cincq cens vingt-huit. »
Voir aussi pour Françoise Fouant, Archives communales de Tournai, Compte généra!,
octobre lo24 à septembre lo^S, fol. 85 v°.
(^) LoTHROP MoTLEY, La RévoluHon des Pays-Bas, traduit par G. Jottrand. Bruxelles,
18o9, t. I, p. 133, et Ordonnances des Pays-Bas, t. II, p. 402.
C^j Ordonnances des Pays-Bas, t. II, p. 578. Cet édit ordonnait la mort par le feu pour
les hérétiques obstinés, par le glaive pour les hommes et par l'enfouissement pour les
femmes.
84 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» STÈCLE
l'aide d'un fer roiiiri n blanc ou de la décapilation en cas de récidive, enfin
condamnent à inori par contumace Sulracq iIonnoi)erl et Jean Fonanl ('),
qu'ils accusaient d'avoir tenu des réunions où avaient été exposées et défen-
dues les idées de la Réforme.
Manquer à la messe devient un crime et, le 13 février 4533, Jean
de Bruyile et Jérôme Pye sont condamnés à l'amende parce qu'ils ont
été « trouvés encores couchiez au lict à unze heures devant disner sans
avoir oij messe », le jour de la Conception de la Vierge Ç^). Le 46 juil-
let 154.1, l'échafaud s'éleva pour la première fois sur la grand'place de
Tournai pour châlier l'hérésie; Jean Desprez, hautelisseur, en gravit les
marches : on lui reprochait notamment d'avoir soutenu « que la messe
n'avait pas été ordonnée et instituée par Dieu, mais par les prêtres pour
s'en faire de l'argent ». Un an après, le 44- juin lo42, on exécuta Domi-
nique le Gillon pour les mêmes motifs (■^).
IIL Cependant les exécutions capitales ne parviennent point à arrêter les
(<) Archives communales de Tournai, Kegistre de la Loi, n" 147. Condamnation du
17 mai 1331.
("-) Archives communales de Tournai, Registre de la Loi, n" 147. Condamnation du
13 février 1332 (a. s.j. Non cité dans Van dkr tlAEGHEN, Martyrs protestants néerlandais au
XVI' siècle, liste alplrabétique (Bibliotheca Bf.lgica).
(3) Idem, Condamnations des 16 juillet loi! et 14 juin 1342; voir aussi Mémoires de la
Société historique de Tournai, t. tX, pp. 368 et 370. Non cité dans Van deiî Haeghen, op. cit.
« Les édits, dit PouUet, vouaient en principe, à la mort par le feu, le glaive ou la fosse,
les hérétiques obstinés quels qu'ils fussent. Mais en Tpratiijue, on ne se montrait ordinai-
rement rigoureux (juà l'égard des anabaptistes et des sacramentaires. Les autres étaient
souvent eschavottés, fouettés, marqués, piloriés, mutilés, bannis au lieu d'être mis à mort...
Au surplus, les comptes des anciens officiers criminels sont extrêmement laconiques. Il est
même souvent difficile de savoir si le patient décapité ou corporel lement châtié, a été puni
pour le crime d'hérésie simple on pour le crime d'hérésie concourant avec une contra-
vention aux édits... » Poullet, Histoire du droit pénal dans te duché de Brabant, p. 68.
(Mémoires couronnés de l'Académie royale de Belgique, in-4", t. XXXV.) Nous nous inscri-
vons en faux contre cette opinion, du moins pour le Toiirnaisis. A Tournai, non seulement
les anabaptistes et les sacramentaires subissaient la peine capitale par le feu ou le glaive,
mais tous les hérétiques indistinctement, qu'ils fussent anabaptistes, hérétiques obstinés
ou simplement hérétiques, s'ils étaient eschavottés, piloriés, marqués, mutilés, cela ne
faisait que précéder la mort. Les Registres de la Loi ne laissent aucun doute à cet égard.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 85
proijrès de la religion nouvelle. Tons les jours l'hérésie gagne du terrain
dans Tournai, « où il y avait déjà, dit Charles de Tisnacq, un bien grand
nyd et compaignie d'hérétiques (') ». Des prédicateurs, nouveaux commen-
tateurs de l'Évangile, surgissent pour i-empiacer ceux qui, dénoncés ou
découverts, avaient pris soin d'échapper au bûcher par la fuite.
Dans leur enthousiasme religieux, des Tournaisiens s'improvisent mi-
nistres réformés et se chargent de prêcher à leur manière ce qu'ils croient
être « la vraie parole de Dieu » . Tels furent les Tafïîn, les Daniel Itero et
un autre du nom d'Antoine (^).
Mais ces pasteurs locaux furent vile jugés insutïîsants. Devant le nombre
toujours croissant des conversions comme aussi dans l'intérêt de leur con-
sistoire, les réformés tournaisiens sentirent la nécessité d'avoir auprès d'eux
un ministre versé dans la science Ihéologique et « surtout un administrateur
capable de leur donner forme et commencement d'Église pour l'avenir (^) » .
Ils le demandèrent à Martin Bucer (*), qui dirigeait à celle époque l'église
de Strasbourg.
Il est à remarquer qu'à Tournai comme dans tout le reste des Pays-Bas,
à un certain moment, la Réforme changea de caractère. Le luthéranisme,
indécis et expectanl, perdit peu à peu du terrain au profil du calvinisme
qui marcha plus délibérément à l'assaut des positions occupées par l'Église
catholique (^) et recruta de nombreux adhérents parmi les premiers parti-
(^) Une lettre du commissaire impérial Charles de Tisnacq en date du 30 décembre 1544
ù Louis Schore, président du Conseil privé à Bruxelles, lettre publiée dans les Mémoires
couronnés de l'Académie royale de Belgique, in-8", t. XXVIll. (Ch. Paillard, Le procès de
Pierre Brullij, pp. 52-53.)
(2) Ibid., p. 53.
(3) Ibid., p. 54.
(*) Martin Bucer, ministre protestant à Strasbourg, né à Schlestadt en 1491. En 1506,
il prit l'habit religieux de l'ordre des Dominicains, mais la lecture de plusieurs ouvrages
de Luther le fit changer de sentiment et de religion; en 1530 cependant il préféra la
doctrine de Zwingle h celle de Luther, il enseigna la théologie pendant vingt ans à Stras-
bourg, y fut ministre, mais sollicité par Crammer, archevêque anglican de Cantorbéry, il
passa en Angleterre où il mourut le 27 février 1551. (D'après iMohéki, Dictionnaire histo-
rique. Paris, 1759.)
(S) PouLLET, Correspondance de Granvelle, t. I, p. lvu.
86 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
sans de Lulher. De liUhérienne qu'elle avait été dans le principe, la Réforme
devint bientôt à Tournai franchement calviniste.
Bucer désii^na Pierre Brully, natif de Mercy-le-Haul « à six lieuwes de
Luxembourg et de Metz en Lorraine (') ».
Brully partit pour Tournai en septembre lo44-. Il arriva dans cette ville
en compagnie des délégués lournaisiens qui s'étaient rendus à Strasbourg.
Se mettant résolument à la lâche, il organisa TÉglise lournaisienne qui prit
le nom de « La Palme », prêcha nuitamment et en secret, tantôt chez l'un,
tantôt chez l'autre partisan de la religion nouvelle, et alla même évangéliser
à Lille, à Ârras et à V^alenciennes (^). Il prêcha encore la nuit du 1" et du
2 novembre, mais sa mission devait lot finir.
Informés de la présence d'un ministre calviniste, les magistrats de
Tournai, pleins de zèle, résolurent de s'en emparer. Ils promirent une
récompense de vingt carolus d'or à celui qui dévoilerait sa retraite et inter-
dirent en même temps la sortie de la ville à quiconque ne portait pas sur
le pouce un cachet de cire aux armes de Tournai, appliqué par un des
prévôts (^).
C'était le 3 novembre el Brully devait se rendre à Strasbourg. Il tenta
de franchir les portes de la ville, mais il ne le put, grâce aux précautions
prises par le Magistrat. La nuit venue, il se fit descendre du haut des
remparts. Assis par terre, il cherchait à se débarrasser de la corde qu'il
s'était nouée autour des reins, quand l'un de ses amis, se penchant sur les
créneaux de la muraille pour lui dire un dernier adieu, détacha involon-
tairement une pierre mal cimentée. En tombant, elle atteignit Brully el lui
brisa la jambe (^). Aux cris de douleur poussés par le blessé, le guet accourut
et le pasteur fut fait prisonnier {^).
La capture était précieuse, aussi Charles-Quint ne se contenta pas de la
(•») Mémoires de l'Académie royale de Belgique, in-8°, t. XXVIlt, p. 80. Paili.akd, Brully.
(*) Ihid., p. 49. Lettre de Charles-Quint au Gouverneur de Tournai.
(3) Ibid., p. lo.
(*j Ibid., p. 16.
(S) Nous croyons avec Paillard que la date de rarrestation de Brully doit être portée
dans la nuit du 3 au 4 novembre.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 87
juridiclion ordinaire. Le 23 décembre, il délégua Charles de Tisnacq, alors
conseiller et avocat liscal au Conseil de Bnibant, et Denis Van der Sare |)our
instruire, de concert avec les prévôts el jurés et les délégués du bailliage,
le procès du coupable (').
L'insiruction fut longue; Brully subit de nombreux inierrogatoires et ne
passa en jugement que le jeudi 19 février 154.3 : il fui « condempné d'estre
atachié à une eslaque sur le grand marchié de la dite ville et illecq (= là)
estre brusié et consumé en cendres ». L'exécution fut faite l'après-midi C-^).
L'emprisonnement du pasteur avait provoqué Tarreslalion de nombreux
calvinistes; quelques-uns précédèrent ou suivirent lîrully dans la mort.
Arnould Estallulîret, hautelisseur, fut brûlé vif le 30 janvier 1543,- Jean
de Bargibani, également hautelisseur, et Roland de Grimaupont, sayeteur,
furent décapités les 31 janvier et 5 février; Jacques de le Tombe subit la
même peine le 23, tandis que sa femme, Marie de le Pierre, « fut enfouie
tant que mort s'ensuive » sur la grand'place {^).
Toutefois, ces cruautés ne diminuèrent pas le zèle des réformés. Pour un
prédicant exécuté el « ars », d'autres, malgré le danger qui les menace,
prennent en mains les destinées de la jetme Église tournaisienne. Quentin
Thieffry, natif d'Alh, remplace Brully, prêche à Tournai et dans la banlieue
la religion réformée, attire à ses prédications « piuisieurs et grand nombre
de gens {^) » et, arrêté à son tour et condamné, i! monte sur le bûcher le
(1) Une pièce comptable des Archives communales de Tournai, farde Justice, en date
du 21 novembre 1344, fait connaître les noms de ceux qui arrêtèrent Brully et reçurent
la somme de 20 carolus promise dans la publication du 3 novembre; ce sont : Absalon
Doiilcy, Jean Caudron, Jean Derbauldrenghien dit de Boulongne, Jean Loucheau, Martin
Doulcy, Michel Marissal el Jean Desroelz.
(2) Mémoires de l'Académie royale de Belgique, in-8°, t. XXVIIl. Paillard, Brully,
pp. 79-81, et Archives communales de Tournai, Registre de la Loi, n" 147. Voir aussi
Van der Haeghen, op. cit., n° 97.
(3) Archives communales de Tournai, Registre de la Loi, n" 147, aux dates des condam-
nations. Voir aussi Van der Haeghen, op. cit., n'^'ooo; 66; ol6; il oublie cependant de
mentionner la décapitation de Roland de Grimaupont.
(■i) Archives communales de Tournai, Registre de !a Loi, n" 147, à la date du
24 décembre lo46. Exécuté non cité par Van der Haeghen, op. cit.
88 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI^ SIÈCLE
24 décembre 1 o4G : quelques jours après, Jean Lecomte, Jacques DelenioUe,
Jean Huglioi el Nicolas Scrabe, accusés d'avoir assisté à ses sermons, sont
décapités (').
Le bourreau ou l'officier criminel, comme on l'appelait alors, Jean Des-
gardins, ne reste jamais iiiactif; le 26 octobre 1549, il brûle Michel
Desloubequin,et de 4 532 à 1355, il fait subir la même mort à Jean Cappelte,
décapite comme hérétiques Godefroid de Hamal, Quenol Castelin, Thomas
Caulleberghe, enfonce dans les chairs des blasphémateurs un fer rougi à
blanc représentant les armes de Tournai, ou leur perce la langue à l'aide
d'un fer chaud (-).
Pourtant Charles-Quint n'étaii point parvenu à étoufTer la Réforme. Quoi-
que l'expérience eût dû lui montrer « que ce n'est pas par le glaive que l'on
fait passer la conviction dans les âmes (^) », il fit encore publier, quelques
mois avant son abdication, les placards des 31 janvier et i" février 1353,
par lesquels il confirmait la subordination, établie en février 1346, de la
juridiction civile aux pouvoirs des inquisiteurs (^), il adressa en même temps
aux évéques « une lettre où il les invitait à se faire informer par leurs
archidiacres, doyens ruraux et curés, de ceux qui étaient suspects d'hérésie
ou qui n'allaient pas à la messe, au sermon et à confesse, et de les signaler
aux inquisiteurs généraux qu'il avait fait établir par le Pape (") ». Charles-
Quint n'entendait donc point apporter d'atténuation dans la répression de
l'hérésie.
IV. Tel était l'état des choses, le 25 octobre 1555, au moment où il
abandonna à son fils Philippe le gouvernement des Pays-Bas.
(■•) Archives communales de Tournai, Registre de la Loi, n" 147, Condamnations des
24 décembre 1546 et 8 et 9 janvier 1347. Voir Mémoires de la Société historique de Tournai,
t. IX, pp. 374-375. Aucune de ces exécutions ne se trouve dans Vax dek Hakghen, op. cit.
(2) Archives communales de Tournai, Registre de la Loi, n" 147, passim. Mémoires de
la Société Imtorique de Tournai, t. IX. M. Van der Haeghen ne mentionne pas la mort
de Cappette et de Castelin.
(3) PouLLET, Histoire du droit pénal dans le duché de Brabant, p. S6.
(*) Gachahd, Correspondance de Philippe II, t. I, p. cxxi.
(5) Ibid., p. cxxii.
AU POINT DE VUK POLITIQUE ET SOCIAL. 89
Âvanl (le partir pour l'Espagne, il fil solennellemenl jurer à son fils de
ne changer en rion ses ordonnances contre riiérésie. Selon sa promesse,
Philippe II n'innova pas en matière d'édits et se conlenla de renouveler les
anciens décrets. Mais il semblait ignorer une chose : c'est que depuis le
20 mars 1521 ('), date de la première ordonnance contre les réformes, les
idées s'étaient transformées, que l'opinion publique acceptait la tolérance
religieuse et que si le gouvernement ne voulait point de la liberté de con-
science, le peuple avait un autre sentiment.
Au moment de l'abdication de Charles-Quint, « le peuple disait haute-
ment, écrit Gacbard, qu'il y avait tyrannie à violenter les consciences, qu'il
était barbare de punir de mort pour des opinions dont Dieu seul était
juge ('^) ». Les grands eux-mêmes ne cachaient point l'horreur que leur
inspirait la législation pénale de l'Empereur.
L'inutilité de la répression de l'hérésie, le nombre toujours croissant des
sectateurs de Calvin ou de Luther, les murmures du peuple, tout aurait dû
engager Philippe il à user de modération dans l'application des placards
de son père. Loin de là, le nouveau roi ordonna de redoubler de zèle dans
la recherche des hérétiques et d'user à leur égard d'une rigueur inflexible.
Telles furent les recommandations qu'il fit à Marguerite de Parme, sa
sœur naturelle (^), le 26 août 1539, quand, s'embarquanl à Flessingue,
il quitta les Pays-Bas pour n'y plus revenir.
Aussitôt après son départ, les didîcullés intérieures qui avaient signalé le
règne de Charles-Quint, recommencèrent avec d'autant plus de violence que
de nouvelles causes d'irritation s'étaient produites, telles le séjour prolongé
(<) La plupart des tiistoriens portent cette ordonnance à la date du 22 mars 1S21 ; nous
avons adopté la date du 20 mars, qui est celle donnée par les Ordonnances des Pays-Bas,
t. II, p. 70.
(2) Gachard, Correspondance de Philippe II, t. I, p. cxxvii.
(3) Marguerite d'Autriche ou de Parme, fille naturelle de Charles-Quint et d'une
servante d'Audenarde, Marie Van der Geynst, naquit en 1522 et épousa successivement le
duc de Florence, puis Octave Farnèse, duc de Parme. Elle fut appelée par Philippe 11 au
gouvernement des Pays-Bas le 8 août 15o9, et se démit de sa charge après l'arrivée du duc
d'Albe, le 13 octobre 1567.
Tome I. — Lettres, etc. 12
!)0 TOUn.NAI ET LE TOUHNAISIS AU \V[« SIÈCLE
des soldais espagnols, le méconlenlemenl des nobles et la création des
nouveaux évéchés.
Quoique la paix de Caleau-Cambrésis eût été signée en io59 entre la
France et TEspagne, Philippe s'éiail obstiné à laisser dans les Pays-Bas près
de deux mille sept cents hommes de troupes mercenaires.
Irrégulièrement payées par le gouvernement, elles se dédommageaient en
rançonnani les campagnes et en y commellant toute sorte d'exactions.
Le peuple murmura; mais, malgré les plaintes des États-Généraux, malgré
les menaces de refus de subsides des Élais provinciaux, malgré les demandes
réilérées de la duchesse de Parme, Philippe 11 ne voulait pas consentir au
départ des soldats espagnols. Il attendait qu'ils eussent, durant deux ans,
accumulé ruines sur ruines ('j.
La noblesse, elle, était niéconlenle et subissait, en frémissant, le joug des
étrangers dont Granvelle était le chef détesté (-).
Enfin, la création des nouveaux évéchés, quoique « nécessitée par les
intérêts vitaux de l'Église et du pays ("^) », devint une cause de vive irri-
tation. Les dix-sept provinces des Pays-Bas ne possédaient que trois évéchés :
Tournai, Arras et Ltrechl. « Le ressort du dernier était d'une étendue
démesurée; on y complaît prés de onze cents églises et plus de deux cents
villes fermées. Le diocèse de Touriiay, (pioique moins considérable, l'était
encore trop pour que son chef pût exercer une surveillance efficace sur le
peuple confié à ses soins. »
« Les inconvénients de cet ordre de choses étaient très graves. Les
évèques étrangers et leurs officiers se permetlaient souvent des abus de
pouvoir, au préjudice des droits des citoyens et des libertés nationales; des
conflits perpétuels s'élevaient cnlre eux et l'aulorilé publique; les préro-
gatives, la dignité du souverain elles-mêmes n'étaient pas toujours à l'abri
(') Paillard, Considérations sur les causes des troubles des Pays-Bas au XVI' siècle.
Bruxelles, 187 i, p. 39. Les troupes espagnoles ne quittèrent les Pays-Bas que le
11 janvier lo61.
(â) LAvissEel Kambaud, op. cit., t. V, pp. 182-183.
(3; Ed. Poullet, Correspondance de Granvelle, t. 1, p. liv.
AU POrNT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. !»|
de leurs alleintes. Sous le rapport des inlérêls de la religion, le mal élait
plus grand encore. L'étendue des diocèses mellait obstacle à ce que les
évè(|(ies dirigeassent et surveillassent convenablement leur clergé; les ecclé-
siastiques s'ac(|uittaient de leurs devoirs avec négligence; le relâcbenient
s'était introduit parmi eux, et c'était un argument dont les partisans des
innovations religieuses ne manquaient pas de tirer parti ('). »
Il jjaraissait absolument nécessaire de remédier à cet état de choses.
« Le projet d'érection des évêchés nouveaux n'était d'ailleurs pas neuf.
(Charles-Quint y avait déjà songé. Dès les premières années de son règne,
il s'était convaincu de la nécessité d'opérer une réforme dans l'organisation
ecclésiastique des Pays-Bas; et, chaque fois qu'une bonne intelligence avait
présidé à ses relations avec le Saint-Siège, il avait fait ouvrir des négocialions
à Rome pour cet objet (^). »
Philippe II ne faisait donc (pie réaliser un projet de son père.
iMais le peuple comprit mal ses intentions; il « s'obstina à voir dans l'éta-
blissement des nouveaux évéchés, un acheminement à l'introduction de
l'Inquisition d'Espagne (^) », en lien et place de l'Inquisition épiscopale.
D'un autre côté « les quatorze nouveaux évêchés eurent pour adversaires
les métro|)olilains et leurs sulTraganls, alors existant, (|ui prétendirent que
leur importance était amoindrie el leurs inlérêls lésés par la diminution de
leur ressort juridictionnel, les chefs d'abbayes et de prévôtés, dont les
monastères avaient été unis et incorporés aux nouveaux sièges épiscopaux
et dont quel(|ues-uns ne pouvaient plus par là même siéger dans les
assemblées nationales (*) ».
(1) Gachard, Correspondance de Philippe II, t. I, pp. xciv et xcv.
(2) Idem, Ibid., t. I, pp. xcv-xcvi.
(3) Gagiiaru, Philippe II, t. I, p. u.
(*) Chanoine Claessens, ImjnisiHon d(Uts les Pays-Ras du passé, p. 41. L'éreclion îles
nouveaux évêchés diminua dans d'assez grandes proportions la juridiction spirituelle et le
temporel de l'évêché de Tournai ; ce fut alors que les trois paroisses de la rive droite de
l'Escaut dans la ville furent rattachées au si^'ge de Tournai, tandis qu'elles avaient
jusqu'alors ressorti à l'évêché de Cambrai. C'était, dit l'évêque de Tournai, François Vilain
de Gand, dans un rapport adressé en 1648 au pape Innocent X, une légère compensation
î>2 TOURNAI ET LE TOL'RNAISfS M XVI» SIÈCLE
De même celle nouveauté mécontenta les nobles « qui voyaient exclure
des préiatures ecclésiastiques leurs cadets de famille, puisqu'on exigeait
dorénavant des aspirants à Tépiscopal le grade de docteur en théologie, et
qui s'indignaient de voir entrer à l'assemblée des États de petits théologiens
de Louvain, en leur qualité d'évèques (^) ».
En résumé, après quatre ans de règne, Philippe II était parvenu à s'aliéner
complètement toutes les classes de la population, le peuple, les nobles et le
clergé. Il ne fut pas sans s'en apercevoir; il craignit même un instant une
révolte générale ('-), avec d'aulanl plus de raison qu'aux autres causes de
désafTeclion, la misère publique, selon le témoignage do Marguerite de Parme
elle-même, apportait un élément nouveau (^).
Si dans certaines provinces l'émeute couvait seulement sous la cendre,
dans le Tournaisis, au contraire, où les prédications de Pierre Bruliy avaient
remué profondément le peuple, elle menaçait d'allumer un violent incendie.
Guy de Bray [*), le prédicateur monlois, à son retour de Suisse, avait
à la perte de cinq cents paroisses el plusieurs villes, partagées entre les diocèses de Bruges,
de Gand et d'Ypres.
Ce chiffre était quelque peu exagéré, car, en 1.562, Jacques Robert, chancelier, clianoine
de la catliédrale de Tournai, déclare que, par suite de l'érection des évéchés de Bruges et
de Gand, l'évêché de Tournai ne conserva plus que 207 paroisses sur 53o. (Archives de
l'Etat à Mons, fonds de l'évêché de Tournai, dossier n" 1828.) Analedes pour servir à
l'Histoire ecclésiastique de la Belgique, 18()4, t. I, 4'^ livr., p. 301.
(1) Lavisse et Kambald, Histoire générale, t. V, p. 183.
(«) Commission royale d'histoire de Belgique, t. I, p. 123.
(3) Gachard, Correspondance de Marguerite d'Autriche et de Philippe II, t. 1. p. 260.
Marguerite écrit ceci au roi : « Et ce que me met en plus de peine est que je crains que les
sectaires espanduz par tous les pays de par deçà, ne se viengnent ung jour eslever, prenans
l'audace es hardiesse plus grande, parce que la pauvreté... est si notoire »...
(*) Guy de Bray, prédicateur calviniste, né à Mons vers l'an lo23. mort à Valcnciennes
le 31 mai 1367. 11 fut un des plus célèbres pasteurs de l'Eglise réformée aux Pays-Bas.
Il exerça d'abord la profession de peintre-vitrier; son père était teinturier. Né de parents
fortement attachés à la religion catholique, il fut un croyant fervent jusqu'au jour où le
hasard ayant fait tomber une Bible entre ses mains, il se mit à la lire et à méditer sur son
contenu. Ses idées el ses croyances se modifièrent complètement et il embrassa, avec
ardeur, les idées de la Réforme. S'essayant d'abord sur sa famille A la prédication,
il parvint à convertir au protestantisme sa mère et sa sœur. Guy de Bray fut bientôt ronnu.
AU POrNT [)E VUF: POLFirOUE ET SOCIvr,. 93
repris vers 4559 la direclion de l'Église tournaisienne abandonnée, depuis
la mort de Brtdly, aux mains inhabiles ou inaptes de pasicurs locaux. Il
prêchait en secret dans les maisons d'artisans, d'ouvriers ou de liaulelisseurs.
Sa parole était si persuasive qu'elle enthousiasmait le peuple et faisait naître
chez lui un violent désir d'accomplir publiiiuement les cérémonies du culte
réformé. Les magistrals s'émurent de l'exallation [jopulaire, et crurent la
calmer en faisant repubiier l'ordonnance impériale du 25 septembre 1550,
en exigeant des étrangers venant se fixer à Tournai, exception faite pour
les marchands, un certificat d'orthodoxie émanant de leur curé et en
ordonnant aux Français (pi'on soupçonnait de fomenter la révolle, de déclarer
leurs noms, prénoms, qualités et domicile au greffier de la ville, s'ils vou-
laient être autorisés à résider dans Tournai (').
Cela ne servit de rien. Les seclateurs de Calvin ne craignent plus le
magistrat et ses défenses; en dépit des exhorialions de leur pasteur Guy de
Bray, ils se répandent audacieusement dans les rues et y chantent les
psaumes de David, que le poète Clément Marol a mis en rimes françaises.
Le 29 septembre i5(H, entre 8 et 40 heures du soir, au nombre de plus
de deux cents, et suivis « d'une grande turbe de toutes gens de divers
et la crainte des persécutions le décida à quitter son pays; le nouvel apùtre se réfugia en
Angleterre où il retrouva Valeran Poulain et d'autres réformés belges. Ce fut probablement
pendant son séjour à l'étranger qu'il se livra à l'étude et acquit des connaissances qui, de
simple ouvrier, rélevèrent au rang des plus célèbres pasleurs réformés. Peu après, voyant
que les Pays-Bas jouissaient d'un peu de tranquillité à la fin du règne de Charles-Quint,
il y revint en 1554 et se mit à prêcher, principalement à Mons, Valenciennes et Lille; il se
tixa quelque temps dans cette dernière ville. En 1535, Philippe II renouvela les édits contre
les hérétiques, les persécutions recommencèrent et Guy se réfugia à Gand. Il se rendit à
Lausanne et à Genève pour y faire de nouvelles études, il n'y séjourna, selon toute proba-
bilité, que neuf à dix mois. Il s'établit à Tournai à son retour de Suisse et de là fit de
fréquentes excursions dans les environs. En 1566, il fut nommé pasteur de l'Église
réformée de Valenciennes. Il se rendit ù son poste en passant par Tournai où il arriva le
8 août, venant d'Anvers. Il fut prié avant son départ de faire un prêche qui eut lieu le
lendemain 9 août. (Voir Biographie nationale, t. III, pp. 2-3.)
(<) Archives communales de Tournai, reg. n° .344. If) novembre 1360. et Gachard,
Ln Hihliolhèque iifilinnnlf, t. Il, p. 124.
f)| TOURNAI ET I.E TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
sexe (^) », ils parcourent, sous la conduite de Robert Dufour (^), les princi-
pales rues de Tournai, la tète du cortège entonnant le commencement de
versets (|ue conlinnail à pleine voix la foule suivant en une longue liiéorie (^).
Aussitôt le magistral de Tournai défendit ces manifeslalions sous peine de
punition exemplaire, promit vingt carolus d'or à ceux qui lui dénonceraient
les auteurs de ces désordres et expulsa tout étranger n'ayant qu'un an de
résidence ('). Le lendemain, il crut devoir interdire le port d'armes ou
de bâtons « invasifs », ordonna aux connétables de faire éclairer cbaque
rue, tontes les nuits de 9 heures du soir à 3 heures du malin (■') et défendit
aux Tournaisiens de sortir sans lumière après le coucher du soleil ('').
Mais le peuple avait une foi trop robuste dans la religion nouvelle, une
confiance trop sincère en la justice et la bonté de Dieu, une croyance trop
grande en une intervention divine et dans la victoire finale de la Réforme ('),
pour ne pas railler toutes les mesures prises à l'instigation du clergé {^) et
(1) Pièces justificatives, n" X. Rapport des commissaires envoyés à Tournai par Margue-
rite de Parme, daté du 14 octobre 1561.
(2) Dans le rapport du lo octobre, les commissaires décrivent ainsi Robert Dufour,
natif de Blandain : « bomme de petite statue, d'eaige de xxx ans, portant ordinaireineni
petite barbe blonde, vestu le plus souvent d'un manteau îi manches de gris de Tournay et
aucunes fois d'un noir, ayant chausses grises et le hault de cliamoix, portant aussy le plus
souvent un collet de cuyr »... (Voir Pièces justiticatives. n" X!.)
(3) Voir Pièces justificatives, n" X. Rapport du 14 octobre 1361.
{*) Archives communales de Tournai, reg. n" 344. Publication du 30 septembre 1361.
;S) Gachard, La Bibliothèque nationale, t. I, p. 3f<3.
(6) Archives communales de Tournai, reg. n" 344. Publication du i"' octobre 1561.
(1) Pièces justificatives, n' X. Rapport du 14 octobre 1S61, dans lequel on trouve ces
paroles de Robert Dufour, qui conduisait le cortège, prononcées sur la grand'place :
« Messieurs nous avons loué le Seigneur, partant que chascun se retourne en son logis
pour le remerchier qu'il nous a donné la grâce d'annuncher ainsy la vérité et sa parolle, en
luy priant aussy atfin qu'il nous donne bien persévérer et nous voeullo donner victoire »,
et Archives du Royaume à Bruxelles, Papiers d'Etat, reg. n" 3ol, fol. 77 i" : « Car Dieu
nous esttesmoing, combien nous craignons les troubles du peuple, pour cesle cause nous
les admonestons d'estre paiiens et de prier Dieu pour tous persécuteurs, actendant le
secours d'en llaull dont il nous est promis... » (Paroles de Guy de Bray), et L.-A. Van La.n-
GERAAD, Guido de Bray. Zierilizée, 1884, pp. 34-35.
f8) Archives du Royaume h Bruxelles, Papiers d'Étnt, reg. n" 3o4, fol. 76, où l'on trouve
ces paroles de Guy de Bray : « regardez ce que prétendent no/, adversaires et de quelle
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. ^r,
dans rutiiquc but d'empèclier la propagation de ce qu'il croyait être la vérilé
évaiigélique.
Nous ne pouvons plus arrèlor ni conlenir le peuple ('), s'écrie Guy de
Bray on s'adressanl aux magistrats; il a beau dire aux hérétiques « que
c'est mal d'avoir chanté dans les rues et qu'il pourrait leur en arriver
malheur C-^) », la foule est déchaînée, et chacun sait combien il est alors
difficile de la retenir! Le 30 septecnbre, vers 8 heures du soir, les calvi-
nistes s'assemblent à plus de huit cents sur la grand'place; par huit de front,
ils se répandent dans Tournai, qui retentit du chant des psaumes, éteignent,
pour ne pas être reconnus, les torches et les lumières de ceux qu'ils ren-
contrent et viennent jusque sous les fenêtres du coadjuteur de l'évê(|ue
Philippe Doignies et de son vicaire général, proférer « propoz, parolles et
blasphèmes ignomineuses (■*) » ou chanter certaines chansons dont les
Archives du Royaume nous ont conservé le spécimen suivant :
0 Seigneur vraye et fidèle,
Tes ditz nous volons accomplir
Par la gente perverse et cruelle
D'erreurs et faulsetez rempliz.
Car Hz ont detfendu les pseaulmes
Que tous chrestiens doibvent chanter,
Dont malgré toy voeuiient noz âmes
De faulse hérésie enchanter.
conscience ilz sont poussez, quanti ilz cryent sy furieusement à la mort et au feu contre les
pauvres innocentz. Ils ne cesseront point jusques ad ce qu'ilz ayent remply votre ville de
sang et de feu. Sy vous prestez encoires l'oreille, ilz feront une infinité de pauvres vefves
et orphelins, ils pilleront soulz umbre de l'inquisition de la foy, tous les biens de vos
pauvres subjectz »..., et Van Langehaad, op. cit., p. 33.
[i] Archives du Royaume à Bruxelles, Papiers d'État, reg. n" 3oi, fol. 77 r» : « nous ne
povons plus tenir le peuple soulz la discipline de patience, qu'il ne s'esleivc, voians que
ne cessez de traîner par chacun jour les gens de bien en voz prisons »... et Van Langeraad,
op. cit., p. 34.
(2) Idem, fol. 99 r° : « le dict Guy parla entre aultres choses que c'estoit mal faict d'avoir
chanté et que ce n'estoit faict de son admet (sic = advict) et qu'il en pourroit advenir du
mal »..., et Van Langehaad, op. cit., p. 38.
(3i Gachakd, Correupondance de .Marguerite d'.iutriche, t. I, p. 536, et Pièces justifi-
catives, n° X.
96 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XV[« SIÈCLE
Par leur faulx conseil deshonneste,
Contraire à ta majesté,
Ont toute ta grâce céleste
Mesprisé, blasmé, rejecté.
Tu scais, Seigneur, et vois leur raige !
Vœullez leur les jours abréger,
Car deffendant ton hommaige,
Hz font pierres et bois adorer.
Ces meschans paillars détestables
Enipeschent tous de te louer.
En faisant criz abominables
Pour nous de toy tout desvoyer.
Nous permectent chansons lubricques,
Propoz tous plains d'oisiveté.
Et nous menachent mectre en bricques,
Ces gens plains de lasciveté !
Par glaive, feu, corde et picque,
Vœullent ton troupeau dissiper;
Par leur responce et replicque
Pensans ton droict anticiper.
En Sorbonne, prebtre et moisne
Ne cessent point d'estudier
Faulse praticque inhumaine,
Pour tes edictz répudier.
Mais ton esperit qui nous console.
Par nous les redargue assez
Sans avoir esté à l'escole
De ces razez, tonduz, graiciz.
Mais tant plus fort te persécutent.
Et les liens mectant en prison,
Dont plussieurs à mort exécutent.
Contre justice et sans raison.
Hélas! Seigneur, venez au besoing
Secourir les pauvres caplifz.
Et de la cause prendre le soing
En saulvant tes enffans petitz.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 97
Nous ne sommes pas en leur relie,
Idolâtrant à tous propos.
Mais balaillans contre l'idolle
El i'Antliechrist et ses suspoz.
A telle (in que en union
L'évangilie se manifeste,
Puissions et sans rébellion
Pseaulmes et canticques chanter.
Seigneurs! tiends nous en ceste escolle,
Et repoussez tous cœurs meschans.
Par la vertu de la parolle,
Le glaive à deux costez trenchans.
Roy très chreslien, prince amiable,
Maintenez du hault Seigneur le nom,
Et soyés aux chrestiens favorables
Pour entretenir ton renom (*).
Les magislrals miiiiici|)atix n'osèrent point informer la Gouvernanle de
celle aiidacieiise manilestalion, mais ils prirent toute sorte de mesures pour
en empêcher le renouvellement. Les Serments mis sur pied ainsi que les
cinquante soldats de la garnison du Château gardèrent nuit el jour la
grand'place et les carrefours de la ville, on procéda au recensement général
des habitanis, on dressa une liste de tous les Français habitant Tournai
depuis 1559, année de l'arrivée de de Bray qu'à ce moment-là les autorités
croyaient Français, on en fil une autre de tous les étrangers fixés en ville
depuis dix ans, on modifia la composition du guet pour augrnenler son rôle
et sa force, on obligea les parents à mener à la messe, les dimanches el
jours de fête, leurs enfants, leurs pupilles et jusqu'à leurs domestiques,
sous peine d'un carolus d'amende ('"), elc.
Néanmoins, Marguerite de Parme ne tarda pas à apprendre quelle elïer-
(1) Arcliives du Royaume à Bruxelles, Papiers d'Etat, reg. n° Soi; 1361-1563, fol. 74
el 75.
(2) Archives communales de Tournai, reg. n° 344, fol. 135 v°. Publication du
10 janvier 1861.
Tome 1. — Lettres, etc. 15
98 TOURNAI ICT LE TODRNAISIS AU \\\' SIËCLK
vescence régnait à Tournai, et elle donna Tordre au gouverneur de celte
ville, Floris de Montmorency ('), de venir toute affaire cessante, la voir
à Bruxelles ('). Elle le cliargea de l'instruction des troubles concurremment
avec le conseiller privé Christophe d'Assonleville (') et Jean de Blasere,
conseiller de Flandre (*).
Arrivés au château de Tournai le 9 octobre (J"), les Commissaires se
mirent aussitôt à l'œuvre. Ils tirent jeter en prison cinquante-trois Tour-
naisiens C^); torturèrent les uns, pilorièrenl les autres, enfin, agirent avec
tant de cruauté envers ceux qu'ils soupçonnaient d'avoir pris part au cor-
tège, que Guy de Bray, indigné, leur reprocha leur odieuse conduite en des
lettres, que, durant la nuit du 1'^' au 2 novembre il jeta dans la première
enceinte du Château, en même temps que sa fameuse « Confession de
foy .. C).
« Ne comprenez-vous point, leur écrivait-il, que nous autres Calvinistes
nous préférons mourir ou endurer tous les tourments plutôt que de dire ou
(•<) Floris de Montmorency, seigneur de Montigny, baron de Leuze, etc., né en 1527,
chevalier de la Toison d'or depuis loo9, clief et capitaine d'une bande d'ordonnance,
gouverneur, capitaine et grand bailli de Tournai et du Tournaisis, fiils de Joseph, seigneur
de Nevele et d'Anne d'Egmont-Buren. Il était le frère puiné du comte de Hornes. Il
épousa le lo octobre 156o, à Antoing, Hélène de Melun, fille de feu Hugues de Melun,
prince d'Espinoy, sénéchal héréditaire du Hainaut. Il mourut en Espagne, assassiné par
ordre de Philippe H.
(2j Archives du lioyaume à Bruxelles, Papiers d'Etat, Correspondance de Tournai,
reg. n« 334, fol. 2.
(3) Christophe d'Assonleville, chevalier, docteur es droits, seigneur de Hauteville, plus
tard baron de Bouchant, né à Arras d'une famille noble du Cambrésis vers 1528, mort à
Bruxelles, le 10 avril 1607, époux de Marguerite Scheyve, fille de Jean, chancelier de
Brabanl. Il était, depuis le commencement du règne de Pl)ilippe II, conseiller et maître aux
requêtes du Conseil privé; il devint avec le temps trésorier de l'Ordre de la Toison d'or
et, par patente du 7 avril 1374, membre du Conseil d'Etat. (D'après Poullet, Correspon-
dance de Granvelle, t. I, p. 110.)
(*) Jean de Blasere, chevalier, natif de Gand, conseiller au Conseil de Flandre, puis
au Grand Conseil de .Malincs. Gachard, Correspondance de Marguerile (FAulriclie, t. I,
p. 537, et Archives du Royaume à Bruxelles, Carlulaires et mamiscrils, n" 192, fol. 10.
(ô) Voir Pièces justificatives, n" X. Rapport des commissaires en date du 14 octobre 1561.
(6) Archives du Royaume à Bruxelles, Papiers d'État, reg. n" 334, fol. 30 à 39.
{^1 Idem, reg. n» 334, fol. 50 et 31 r», et Van Lanoeraai), op. cil., p. 32.
AU POINT DE VUE l'OLUiUUE ET SOCIAL. 99
de faire des choses contraires à nos croyances, à nos conviciions religieuses?
Comment pouvez-vous espérer ramener à voire religion ceux (|ui aiment
mieux perdre la vie cpie de se rétracter ? N'écoulez point nos adversaires,
(juand ils vous poussent à nous mener au bûcher, à nous conduire à l'écha-
faud, à nous pendre au gibet, car si vous prêtez Toreille à leur conseils
perlides, ils vous feront remplir notre ville d'une infinité de pauvres veuves
et d'innocents orphelins. Sous prétexte d'in(|uisilion, ils pilleront les biens
de vos pauvres sujets; si vous les écoulez, il vous faudra anéantir et détruire
les trois quarts de Tournai et que ferez-vous alors de tant de milliers de
personnes de tout sexe et de tout âge, de tant de milliers d'hommes, de
femmes, de jeunes gens, déjeunes filles, de gentilshommes et de marchands?
Si vous les écoutez, les eaux de l'Escaut se changeront en sang et les
flammes des bûchers obscurciront la lumière du soleil. Que diront les Tour-
naisiens quand vous aurez exécuté qui un parent, qui un intime; (pie direz-
vous vous-mêmes quand vous devrez supplicier des gens de voire sa m;, des
membres de votre famille? Ayez au moins pitié de vous, si vous ne l'avez
de nous et, si vous persévérez dans vos rigueurs, comme on vous invite à le
faire, il faudra que Philippe II se résigne à régner sur des terres sans sujets.
« Il est maintenant trop tard pour arrêter la propagation de l'Évangile
et de la Vérité. De même que du bois n'a jamais éteint un feu, de même
les persécutions qui n'ont jamais rien su entraver, n'empêcheront point les
progrès de la Réforme. Si on n'use point de douceur envers le peuple, nous
craignons qu'il n'arrive une etTroyable catastrophe dans tous les Pays-Fias,
car nous ne pouvons plus maintenir les masses, ni arrêter leur élan, et
quand elles vous verront persister à traîner en prison de braves et honnêtes
gens, elles s'ameuteront. Ne comptez point pour les dompter sur vos soldats,
car eux-mêmes sont gagnés aux idées nouvelles et ils vous tourneront le
dos au moment où vous croirez pouvoir vous servir d'eux. Ayez donc pitié
du peuple (|ue vous avez mission de défendre et non de persécute!', et
repoussez toutes les excitations mauvaises par les(|uelles on cherche à vous
abuser (') » .
fi; Arrilives fin Royaume h Bruxelles, Papiers d'État, reg. ir 3,54, fol. 7(i el 77. et
Van Langkuaad, vp. cit., pp. 33, 34 et 33.
BIBUOTHECA
100 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCUE
Ces lettres, d'une admirable clairvoyance, qui dévoilaient si justement les
maux prêts à fondre sur les Pays-Bas, n'eurent d'autre résultat (|ue de pro-
voquer un redoublement de surveillance et de rigueur chez les commissaires
royaux.
Les recherches les plus minutieuses furent aussitôt ordonnées pour décou-
vrir la retraite du pasteur de l'Église de Tournai. Elles n'aboutirent pas et
(|Uoique, sur ordre de Marguerite de Parme, les magistrats communaux
eussent mis sa tète à prix, de Bray parvint à s'échapper et se réfugia à
Amiens (^).
Sa maison fui découverte le 10 janvier 1562, mais le jour où les oIRciers
du bailliage se [)ré»cnlèreiil pour y perquisitionner, le logis était en flammes.
Ainsi l'avait demandé Guy de Bray (^) . L'incendie éteint, on trouva parmi les
papiers à demi consumés, plus de deux cents exemplaires de sa « Confession
de foy des fidelles des Pais-Bas », ainsi que des ouvrages de Calvin, Luther,
Mélanchthon et une grande multitude de lettres, sermons, mémoires, tant
en français qu'en latin, entre autres, une lettre de Calvin datée de 4 356,
une de Pierre Dathenus, une autre de Jean Crespin de 15S9, etc. (^).
Après le dépari de Guy de Bray, les rigueurs continuèrent sans relâche.
Vingt-six Tournaisiens, sur simple soupçon d'hérésie, furent attraits er)
justice (*); 3Iichel Petit fut exécuté en place publique (') ; le 4 7 novem-
bre 1561, les flammes consumèrent .lean de Lannoy (''); bientôt après fui
rasée la maison de la veuve Baisse de Coron, parce (|ue celle-ci avait abrité
Jean de Lannoy durant « ses disputes sur l'Évangile Ç) ». Du mois de
(^) Van Langeraad, op. cit., p. S8. La duchesse de Parme avait donné le même ordre aux
magistrats de Mens, Valenciennes, Lille, Gand et Douay.
(2) Guy de Bray habitait à Tournai, dans la paroisse Sainl-Brice, une petite maison
attenante aux remparts. Il fut exécuté à Valenciennes, le 3i mai, à 6 heures du mutin. Voir
Van Langeraad, op. cit., p. 8i.
(3) Archives du Royaume à Bruxelles, Papiers d'État, reg. n" 354, fol. 136 v° et 139 r".
Van Langeuaad, op. cit., pp. 45 à 48.
(*) Idem, reg. n" 354, fol. 101.
(5) Idem, reg. n" 334, foi. 93. Exécution non mentionnée dans Van der Haeghen, up. cit.
(6) Idem, reg. n° 334, fol. 93. C'est par erreur que dans Van der Haeghen, op. cit.,
n" 446, on a porté cette exécution en l'année 1560.
T; Idem, reg. n» 3o4, fol. 80.
AU POINT DR VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 101
novembre 1561 à avril 1562, les commissaires royaux liaimirenl clnciuante-
ciiK] personnes, condannièreiit à rameiule trente et une aulres « pour le
faict (le chanteries, sectes ou conventicules », et mirent à prix la tête de
Jean du iMorlier, Robert Dul'our, Pasquier Dumelz, IMerrc de le Hue, Jean
et Guillaume Cornu, Jean de Grincourt, parce qu'ils étaient « pestes sy per-
nicieuses à la républicque (') ».
Une répression aussi sévère provoqua une accalmie. La régente s'y
trompa au point qu'elle écrivit au Roi le 21 mars 1362 : « Quaiil à Tournav,
l'on s'apperçoit bien fort du changement depuis que l'on y a pourveu et y
sont les églises, ceste quaresmes, plaines tant aux oUices qu'aux sermons,
la multitude desquelz servent beaucoup pour aulcunemenl contenir le
peuple ('") » .
V. Cette tranquillité n'était qu'à la surface. Un travail secret s'opérait.
Les idées nouvelles qui avaient tout d'abord pénétré dans la masse des
artisans envahissaient alors la bourgeoisie, s'infiltraient jus(|ue dans les
rangs des fonctionnaires royaux et municipaux. Nicolas Taffin, conseiller
pensionnaire de Tournai, Jean de Lattre, avocat au bailliage sont soupçonnés
d'hérésie, emprisonnés et définitivement révoqués (■^). La noblesse elle-
même accueille la Réforme et le gentilhomme Ârnould de Landas est bientôt
(1) Gachard, La Bibliothèque nationale, t. I, p. 370. Archives du Royaume à Bruxelles,
Papiers d'État, reg. n° 3o2, fol. H r°.
(2) Gachard, Correspondance de Marguerite (P Autriche, t. Il, p. 1S5.
(3) Archives du Royaume à Bruxelles, Papiers d'État, reg. n" 352, fol. 13 et 18 r" et
fol. 30 V", et reg. n° 3o4, fol. 140 v° et l'extrait suivant : « Quant est des otficiers qui est aussy
l'un des principaulx poincts de la matière présente, nous en trouvons beaucoup suspectz
si comme advocut, procureur et greffier du bailliaige et aucuns officiers et eschevins de la
ville. Et pour ce que les suspitions plus véhémentes estoient allencontre dudit advocat
(= de Lattre) et de l'un des pensionnaires de ceste ville nommé Taffin, aprez les avoir oy et
examiné sur leurs charges et qu'ils se trouvoient convaincu/, par leurs propres confessions
d'avoir contrevenu aux ordonnances et placcartz de Sa Majesté, les avons arresté et retenu
prisonniers en ce château et avons envoyé visiter leurs livres et pappiers pour veoir s'il y
avoit quelques livres ou escriptz suspectz ce que n'a esté encoires trouvé... » Extrait du
rapport des commissaires en date du 24 décembre 1561. (Archives du Royaume à Bruxelles,
Papiers d'Etat, reg. n° 334, fol. 123 v.)
IOi> TOURNAI ET IX TOLRNAISIS AU XVI' SIÈCLE
considéré comme héiéiique par les commissaires royaux ('). Les conven-
liciiles reprennent el se mulliplieiil tellement que le Chapitre de Notre-Dame
désespère de parvenir nn jour à extirper l'hérésie de Tournai (-). Bref, ce
calme des esprits «pii avait tant émerveillé Marguerite de Parme, fut si peu
durable que le bourreau dut reprendre sa lâche un instant interrompue. En
mai 1362, Roland Bellin, Jean Bacquin, Pierre Bourdeau, Jean Carlier el
Andrien Michel Curent décapités ou pendus (^); le 13 juillet, Guillaume Cornu
fut étranglé, puis brûlé; en septembre, Alexandre Deckre subit la peine
capitale au Château (').
La situation de Tournai empire de plus en plus. Malgré la peine de mort,
à laquelle s'exposent ceux qui prennent part aux « chanteries », celles-ci
avaient recommencé dans toute la cité el surtout dans les paroisses de la rive
droite de l'Escaut (^). Un mois à peine après la mort de Guillaume Cornu,
le peuple recommence à chansonner les ecclésiastiques, depuis le plus haut
dignitaire jusqu'au simple vicaire, placarde sur les maisons des « principaulx
personnaiges de l'église cathédrale, des libelles el escripts dilTamaloires »,
ou tient des propos indécents contre les prêtres Q. Marguerite de Parme
l'avoue elle-même, les sectaires reprennent « nouvel audace pour encom-
mencer nouveau tumidie (') ». Les réformés ne respectent pas davantage
les magistrats communaux. Le 23 juillet, ils placardent sur les principaux
bâtiments publics des lettres de menaces contre l'auiorilé municipale (■*) (|ue
la Régente taxe de tiédeur et accuse à torl de manquer à ses devoirs ('').
(1) Archives du Royaume à Bruxelles, Papiers d'État, reg. n" 332, fol. 13 r« et 18 r.
'2) idem, reg. n" 332. fol. 45.
(3) Archives communales de Tournai, Compte général d'octobre lo61 à septembre 1365,
fol. 72 r"; Registre de la Loi, n" 149, et Pièces comptables, tarde Justice, iS6i. Exécutions
non citées dans Van der Haeghex, op. cit., à l'exception de celle d'Andrien Michel.
(*; Archives du Royaume à Bruxelles, Papiers d'Etat, reg. n" 3o2, fol. 70 r\
(8) Gachard, La Bibliothèque nationale, t. I, p. 38o.
(6) Archives communales de Tournai, reg. n» 344, Publication du 16 avril 1362.
'^) Gachard, La Bibliothèque nationale, t. I, p. 371 ; Archives communales de Tournai,
reg. n° 344, Ordonnance du 23 juillet 1362.
(8) Archives communales de Tournai, reg. n" 344, Ordonnance du 25 juillet 1362.
1^1 Gachard, La Bibliothèque nationale, t. I, p. 374.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 105
Les « chaiilerics » se succèdenl, les prêches recommenceni surloul à lit
ciimpagiie. Les réformes s'y rendenl en si grand nombre que, sur ordre de
la duchesse de Parme, les magisirals les dimanches el jours de lele foni
fermer les portes de la ville, exigent de ceux qui veulent aller au dehors
qu'ils fasseni connaîlre le but et la cause de leur sortie et font battre les
bois environnants |)ar les agents de police et les soldats du Château (').
Il y a plus. Ils rendent la messe obligatoire et forcent les habitants,
surtout les gens mariés, de se rendre les dimanches el fêles à la messe
paroissiale el au sermon, à peine, s'ils s'absentent trois dimanches consécutifs,
d'être considérés comme hérétiques, en d'autres termes d'être exposés au
bannissement perpétuel, à la confiscation des biens el aux autres consé-
quences qu'entraînail la preuve d'hérésie Ç-^). Enfin, en exécution des pla-
cards, ils promettent cin(pianle livres à chaque campagnard qui dénoncerait
un « conveniicule » ou réunion illicite (^).
Cependant, ni les règlements de police, ni les encouragements aux dénon-
ciations salariées n'empêchèrent les réunions interdites par les placards et
les édits royaux. Les campagnes elles-mêmes adhéraient en masse à la
Réforme. Le 17 septembre, quatre à cinq cents personnes se réunissent au
(1) Gachard, La Bibliothèque nulionale, t. 1, pp. .376 et 380.
(2) luKM, Ibid., t. t, p. 382. Bulletins de la Commission royale d'histoire, 2" série,
t. XII, p. 88, Ordonnance du 5 octobre 1562. Poullet, Histoire du droit pénal dans le
duché de Brabant, pp. 66 et 71. « Si la simple profession d'opinions hérétiques ne con-
stituait pas un crime, elle produisait cependant des conséquences très graves au point de
vue séculier; les personnes qui avaient été convaincues et reconciliées ou même simple-
ment suspectes d'hérésie et poursuivies de ce chef étaient à perpétuité exclues de toute
charge ou état honorable dans les Pays-Bas et incapables d'entrer dans un éclievinage...
Enfin l'édit de 1540 et tous les édits subséquents déclarèrent que, du jour où un homme
tombait dans l'hérésie, il devenait incapable de disposer de ses biens. Ils annulaient, en
conséquence, toutes les aliénations, les dons, les cessions, les ventes, les transports, les
testaments, les actes de dernière volonté faits depuis cette époque... »
(3) (ïachari), La Bibliothèque nationale, t. 1, p. 381. Poullet, Histoire du droit pénal
dans le duché de Brabant, p. 73. « Celui qui mettait la justice sur la trace d'un conventicule
avait droit à la prime lorsqu'il était bien pensant et lorsqu'il n'avait pas lui-même assisté à
la réunion; lorsqu'il avait pris part à celle-ci, sa délation ne lui assurait que l'impunité,
et encore à condition qu'il promît de ne plus retomber dans ses fautes passées. »
104 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XV1« SIÈCLE
bois du Lieu (^) près de Tournai, chantent des psaumes, écoutent les prédi-
cations d'un pasteur local. Les Serments et une partie de la garnison du
Château avertis, se transportent en cet endroit et font quaranle-sept prison-
niers qu'on ramène en ville. Mais le peuple s'ameute et, bousculant magistrats
et soldais, délivre dix-sept des principaux réformés arrêtés (-).
Devant tant d'audace, la Régente et les magistrats sont aux abois; ils ne
savent plus quelles mesures prendre pour faire respecter les placards. Oe
commun accord avec le Chapitre de Notre-Dame, l'autorité communale fait
lever dans le Hainaul, à Ath et à Mons (^), soixante soldats nouveaux ('),
tandis que la Régente dirige sur Tournai, au lieu de l'envoyer à Bourbourg,
connue elle l'avait décidé, une compagnie d'infanterie sous les ordres de
Bernard de Mérode (^).
Rarement un jour se passe, sans que Marguerite de Parme ne donne au
Magistrat des informations plus ou moins fantaisistes, qui trahissent son
émoi. Elle fait savoir que deux hérétiques viennent de quitter Valenciennes
pour Tournai, chargés de cinquante barres de fer avec l'intention d'empêcher
(1) Le bois du Lieu était situé dans la banlieue de Tournai, entre Orcq et Marquain.
{■i) Gachard, Correspondance de Marguerite d'Autriche, t. II, p. 364, et Arctiives du
Royaume à Bruxelles, Papiers d'État, reg. n° 352, fol. 48.
(3) Gachard, Extraits des Consaux, p. 78, et Arctiives communales de Tournai, Compte
général d'octobre 1562 à septembre 1563, fol. 56 r" « à Jacques Gabry, orphèvre pour avoir
faict et livré une couppetasse d'argent pesante deux marcq et cincq estrelins et dedens
icelle esmaillés les armoiries tant de messieurs comme de madame de Moulebais, laquelle
coupe a esté faict présent à la dicte dame de Moulebais en réscompence et recongnoissance
du bon debvoir fais par le dict sieur de Moulebais son mary, pour et au nom de la dicte
ville, assavoir de soy estre transportez es villes de Mons et Ath et illecq recoeiller et faict
venir en ceste ville jusques au nombre de Ix soldats qui auroient estez l'espasse de cincq
mois logez au chasteau d'icelie ville, aians aussy durant le dict temps prins la peine d'estre
comme chiefs... Ixiij Ib. v s. ».
(*) Gachard, La Bibliothèque nationale, t. I, pp. 385-386, et Gachard, Extrait des Consaux
de Tournai, p. 78. Les frais d'entretien de ces soldais incombaient pour les deux tiers à la
ville de Tournai, l'autre tiers étant mis à la charge du Chapitre.
(5) Gachard, Extraits des Consaux, p. 78, et Archives communales de Tournai, Compte
général 1563-1564, fol. 41 r" « à Loys Doré, marchand vinier pour x quennes de vin
audict pris présenté à Bernard de Mérode, seigneur de Rument, lieutenant du conte
de Homes... x Ib. v s. ».
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAE. lo;;
rexéculion de réformes dclcnus ot de dépaver les rues (^) ; ou bien dans la
crainte que des luiguenols français ne se soient cachés dans Tournai ot ne
(omplolenl de livrer la ville à leurs coreligionnaires, elle fail p('r(|uisilionner
niinulieusemenl partout, chez les catholi(|ues comme chez les suspects, visiter
les hôtelleries et même les hôpitaux (-); ou bien encore, elle fait prendre
un tas de mesures plus ou moins ridicules qui dénotent un désarroi complet,
sinor) la puissance du parti calviniste à Tournai.
Sans doute, la situation était grave; mais le péril pour le Gouvernement
résidait surtout dans la transformation du mouvement ou des idées qui
agitaient alors les Pays-Bas. A Tournai, de religieux et réforn)ateur ipi'il
avait été comme partout dans le principe, ce mouvement devenait (piasi
révolutionnaire. On ne se contente plus d'adhérer aux doctrines nouvelles
en secret et à la faveur de la nuit, on enfreint ouvertement les placards du
Roi; on refuse obéissance aux ordres de Philippe 11; on murmure contre
les aides qu'exige l'épuisement du Trésor public; enfin la Réforme semble
vouloir recourir au seul moyen qui, selon Edgar Quinet, puisse anéantir une
ancienne religion, la force (^). On marche à grands pas vers la désorgani-
sation sociale, conséquence de tout mouvement révolutionnaire; on ne
respecte plus aucune autorité royale, ecclésiastique ou communale. La révolte
devient si menaçante, si violente, que la peur empêche les magistrats de
sortir de chez eux (*). On dégage par la force les prisonniers arrêtés aux
conventicules, ou bien on leur ouvre par la ruse les portes de leurs cachots (^);
(*) Paillard, Troubles de Valenciennes, t. tl, pp. 504-505, et Gachard, Consaux, p. 78.
(2) Gachard, Consaux, pp. 78 et 79. Gachard a omis de mettre la note marginale
complète; il faut la rétablir comme suit : « Résolu de faire arrêter tous étrangers étant dans
la ville, dans les liôtels comme dans les hôpitaux ».
(•^) Edgar Quinet, OEuvres complètes, t. V. Marnix de Sainte-Aldegonde. Paris, 1857,
pp. 77-81.
(*) Gachard, Correspondance de Marguerite d'Autriche, t. tt, p. 523.
(5) Idkm, Ibid., t. It, pp. 519-521, et Archives du Royaume à Rruxelles, Papiers d'Élat,
reg. n° 354, fol. 138. Le 17 avril 1563, quatre ou cinq Tournaisiens déguisés altendirenl
la sortie du concierge de la prison d(! la ville, puis s'étant fait renieltre les clefs des
cachots, délivrèrent Péronne Rousseau, âgée de 24 ans, et Isabelle Dumont, âgée de 30 ans,
hérétiques.
Tome I. — LiiriREs, etc. 14
1(K) TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLH:
on allaque les prèlres dans les rues el sur les routes, on les insulte, on les
jette dans les fossés qui bordent les chemins, on leur lance de la boue en
pleine poitrine ou des pierres au visage (^). Le peuple accueille son premier
magistral, le grand prévôt, par ces cris : « Voicy le tirant, le persécuteur de
nous autres, tuons-le, massacrons-le (-) » . La ville est en pleine sédition et
la situalion est d'autant plus grave que, d'après Floris de Montmorency,
« s'est tout le peuple (') » qui se rend aux prêches calvinistes. « On ne
nous veull soulTrir que chantions au bois, où ne empeschons personne; nous
chanterons doncques à la ville ; et si on nous mect mille hommes en gar-
nison, nous serons deux mil et plus (*) » .
Ce n'élail pas là une vaine fanfaronnade, car dans la nuit du 3 mai 1563,
plus de deux mille personnes s'assemblèrent sur la grand'place, déambu-
lèrent dans toute la ville de 8 heures à H heures du soir, chaulant des
psaumes, menaçant gens d'église el magistrats ou malmenanl le guet. Des
prêches se firent même en trois endroits différents et, pour la première fois,
se lerminérent publiquement par la cène (^).
Le lendemain, un plus grand nombre encore de raanifestanis se réunirent
au bois de Breuze ('). Ils y entendirent les nouvelles prédications de Guy
de Bray de retour à Tournay ('), de Gérard de Bailleul (**) et d'un autre
V Bulletins de la Comtnission royale d'histoire, t. Xll, p. 90, Publication du 20 jan-
vier 1562.
(2) Gachard, Correspondance de Marguerite d'Autriche, t. II. p. 321.
(3) Idem, Ibid., t. Il, p. 324.
(*) Idem, Ibid., t. II, p. 523.
(8) Ii.EM, Ibid., t. II, pp. 523 et 526.
6 Le bois de Breuze était situé dans la banlieue de Tournai et était à cette époque
ropriété de la ville.
(1) Quoique d'après les documents publiés par Paillard dans les Troubles religieux
de Valenciennes, t. II, pp. 94 et 142, il semble résulter que Gui de Bray avait en 1562
quitté définitivement notre pays, une condamnation à mort prononcée contre Nicaise
de le Tombe (Archives communales de Tournai, reg. n" 149, 5 novembre 1563), pour avoir
assisté aux prêches champêtres de Guy de Bray « soy aiant aultrement fait apeller
Jeromme de Bresse », prouve que ce pasteur était revenu à Tournai on juillet 1563. Nous
sommes d'ailleurs d'accord en cela avec Van Langeraad, op. cit., p. 52, et I\ahlenbeck.
Il y revint même encore en août 1366. (Voir de le Barre, Mémoires, t. 1, p. 124.)
(8) D'après le registre n" 149 des Archives communales de Tournai, à la date du
AU POINT l)l<: VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 107
prédicateur français ('), puis revinrent à plus d'un millier recommencer en
ville les scènes tumultueuses de la veille, en criant par dérision : « Où est
la justice maintenant? Que ne vient-elle! » (^).
Les Consaux, terrifiés, augmentent le guet, mettent simultanément sur
pied les quatre Serments, soit cinq à six cents hommes (''), republienl les
ordonnances anciennes, promettent des récompenses importantes aux déla-
teurs, mettent à prix la tète du célèbre pasteur calvinisie Théodore de Bèze,
dont la Régente, trompée par de faux renseignements, avait annoncé la pré-
sence à Tournai (*). Mais Floris de Montmorency attend de toutes ces
mesures si peu d'effet qu'il réclame instamment du gouvernement central
l'envoi « d'une bonne et grosse garnison », ainsi que celui de commissaires
royaux ('). Deux cents piétons venant de Philippeville, deux enseignes des
six nouvellement levées par Marguerite de Parme, et deux compagnies
d'hommes d'armes (cavalerie) entrent dans Tournai C^), suivies de près par
20 août 1563, Jacques de Bailleul, fils de Gérard, natif de Lille, fut condamné au
bannissement perpétuel après abjuration canonique, pour avoir assisté au prêche de son
père au bois de Breuze, le 4 mai, et y avoir après le prêche récité des prières.
(1) Dans une lettre du 7 mai 1S63, Marguerite de Parme décrit ce prédicant de cette
façon : « homme de petite stature, petite barbe blonde, porte manteau noir, ung petict
bonnet de velours noir et un grand chapeau de feutre noir ». Messager des sciences histo-
riques de Gand, t. tV, 1836, p. 363.
(•2) Messager des sciences historiques de Gand, t. IV, 1836, pp. 361-362.
(3) Ibid., t. IV, 1836, p. 362.
(*) Ibid., t. IV, 1836, pp. 443, 452 et 455.
(5) Gacuaiid, Correspondance de Marguerite d'Autriche, t. Il, p. 524. Floris de Monlmo-
rency réclamait de la Kégente l'envoi à Tournai d'une force d'au moins six cents hommes.
(Voir Messager des sciences historiques de Gand, t. IV, 1836, p. 365.)
(K) Gachard, Correspondance de Marguerite d'Autriche, t. III, p. 2. Immédiatement après
les troubles des 3 et 4 mai 1563, Marguerite de Parme envoya à Tournai deux compagnies
d'infanterie de cent hommes chacune sous les ordres des seigneurs de Beauvois et de
Dolhain, ainsi (|ue cinquante chevaux commandés par le capitaine Bacquin. Ces forces ne
parurent point suffisantes au Gouverneur, qui réclamait l'envoi de six cents hommes
de troupes; malgré les plainte^ du Magistrat qui trouvait la force armée en assez grande
((uaniité pour maintenir l'ordre, la Régente écouta le Gouverneur et envoya deux enseignes
des six qu'elle venait de lever pour les besoins des Pays-Bas, c'est-à-dire quatre cents
hommes. (Voir Messager des sciences historiques de Gand, t. IV, 1836, passim, pp. 360-376
et 441 ; Caciiaiui, CorrcsjHndancc de Marguerite d'Autriche, t. III, et (Consaux, !> juin 1563.)
108 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
les commissaires Pierre Asset, seigneur de Naves, président du Conseil
d'Artois, François Verlysen, procureur général au Grand Conseil de
iMalines (*), et Liévin Éveraeris, conseiller au même Grand Conseil ('^). Les
prisons regorgeaient de prévenus (^) ; les commissaires royaux ne Irouvèrent
d'aulre moyen de les vider qu'en prononçant de nombreux baiinissemenls;
en outre^ ils décapilèrenl, du 27 mai au 20 août, cinq Tournaisiens (') et
brûlèrent vif .Michel Robiilart, potier d'étain (^).
Après cette violente répression, une nouvelle accalmie se produisit; mais
quoique les Tournaisiens restassent momentanémenl « quoys, sans faire
nouveauté quelconque » ("), Marguerite de Panne n'avait plus ;'i leur égard
;i) Gachard, Correspondance de Marguerite d'Aulriche, t. II, p. S17, et Pièces justi-
ficatives, n° XIV.
(2) Idem, Ibid., t. III, p. 93, et Pièces justificatives, n» XV.
Messager des sciences historiques de Gand, 1836, pp. 370 et 378 et Archives communales
de Tournai, Compte général d'octobre lo6"2 à septembre 1363, fol. 388 r°. « .\ damoiseile
Catherine de le Hamedde, vefve de feu Henrj- Goud, pour et en récompense d'avoir par
lespasse de quatre mois et demy logé et reçeu en sa maison le procureur général du Grand
Conseil du Koy, nostre Sire, à Malines (= V'erleysenj et monsieur maistre Liévin Everard,
conseiller au dict Grand Conseil, commissaires de Sa Majesté sur le faict des tumultes
advenues en ceste dicte ville... »
Liévin Everarls, chevalier, natif de Gand, conseiller au Conseil de Flandre, puis au
Grand Conseil de Malines. Il mourut le 29 décembre 1S74. (Académie royale d'archéologie,
Annales, 4"= série, t. IV, p. 46"2.)
(3) Messager des sciences historiques de Gand, t. IV, 1836, p. 363.
(♦) Archives communales de Tournai, Registre de la Loi, n" 149. — 27 mai 1363. Jehan
Légier dit « Le Laquay », accusé d'avoir assisté à des conventicules. — 28 mai. Philippe
Lonwé dit « Kadis », pour s'être opposé à la republication des placards et avoir poussé des
cris séditieux. — 18 juin 1363. Jacques de la Garenne dit « Tarrara » accusé d'avoir assisté
aux conventicules des 3 et 4 mai au bois de Breuze; Jehan Prévost dit « Tout cousu »,
même accusation; Jehan Hourdon dit « Mason le Ligueur», accusé d'avoir assisté au conven-
licule du 4 mai au bois de Breuze. Les exécutions eurent lieu sur la grand'place, comme
d'ailleurs toutes celles qui précèdent ou celles qui suivront. Elles ne sont pas mentionnées
dans Van dku Hakghe.n, op. cit., sauf, peut-être, celle de Jacques de la Garenne dit
« Tarrara », si l'on veut identifier ce nom avec celui de « Barbara » donné au n" 50 de la
Table alphabétique du martyrologe protestant.
(3) Archives communalfs de Tournai, Kegistre de la Loi, n" 119, 20 août 1363. Michel
Robiilart, natif dWrras, accusé d'être détaché de l'Eglise catholique, depuis longtemps,
y est dit hérétique obstiné.
(6i Messager des sciences historiques de Gand, t. IV, 1836, p. 445.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. |0!)
sa confiance d'autrefois. Les confondant Ions dans une égale suspicion, elle
exigea, tant de la |)()|)ulalion civile que du clergé, un sermoni solennel à la
foi catholique. Elle voulut que les magistrats prèchasseni d'exemple et elle
leur lit jurer sur la Croix ou l'I^.vangile, de « persévérer en la saincle l'oy
caiholique et d'observer les édiclz allenconlre des sectes et hérésies » ('),
dùt-elle par semblable serment amener la ruine du commerce lournaisien.
Elle forçait, en effet, le Magistrat à sévir contre les marchands d'Anvers
ou de Francfort, clients habituels du marché de Tournai, presque tous luthé-
riens ou calvinistes, (|ui refuseraient le serment (-).
Quant aux ecclésiastiques, elle leur ordotina de jurer devant l'évêque de
Tournai ou, à son défaut, devant son vicaire général, de vivre selon les
prescriptions de la religion calholi((ue. On enregistra les noms des Tournai-
siens qui prêtèrent volontairement ce serment; on enjoignit à ceux qui le
refusèrent, de porter endéans vingt-quai re heures, leurs armes au gouver-
neur et on leur fit la défense de sortir de chez eux en cas de troubles, sous
peine d'être pendus ( ').
(ij 1! est vrai que les Augustins de Tournai, durant le carême de l'an 1S63, avaient
poussé le peuple vers la Kéforme, ainsi que l'atteste l'extrait suivant d'une lettre de
Marguerite de Parme à l'évêque de Tournai en date du 17 mars 1363. Archives du Royaume,
Papiers d'Etat, reg. n" 355, fol. 327 v. « Mon cousin, ayant entendu que durant ce
quaresme présent, votre vicaire et aultres officiaulx à Tournay ont appréhendé un augustin
du couvent de Tournay, qui soulz umbre de prescher la paroUe de Dieu enseignoit plus-
sieurs erreurs, ayant aussy esté trouvez en son cas quelques aultres. En quoy vos dits
officiers ont faict bon oHice et feront bien d'en l'aire une bonne correction canonicque et
exemplaire... » {Correspondance de Marguerite d'Autriche, t. 111, p. 278.)
('^) Gaciiard, Correspondance de Martiuerite d'Autriche, t. Ill, p. 21. Le serment lu
publiquement, chaque Magistrat devait à son tour « donner la main au seigneur de Montigny
et après baiser la croix ou Évangile qui sera sur le bureau en approbation desdictes
promesse et serment ». Si un magistrat s'avisait de refuser, vingt-quatre heures lui étaient
données pour réiléchir et, s'il persistait dans son refus, il devait quitter le pays dans les
quinze jours, en subissant la contiscation du tiers de ses biens pour servir à l'entretien des
troupes, sans préjudice de la peine de mort et de la confiscation totale des biens, pour
tout magistrat qui se déclarerait hérétique. (Voir Gachard, Correspondance de Marguerite
d'Autriche, t. lit, p. 22.)
f-i Gachard, Correspondance de Marguerite d'Autriche, t. III, p. 22.
no TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
Ces ordonnances vexaloires furent publiées à Tournai, les 27 juillet el
27 août lo63 (').
Elles produisirenl peu d'effet; beaucoup de Tournaisiens continuèrent à
babiler la ville sans jurer ce qu'on exigeai!, ou bien s'expatrièrent (^).
Ceux-là même qui avaient promis « de vivre caiholiquement » inspiraient
si peu de confiance à la Régente qu'elle n'osa pas les enrôler dans les bandes
armées qu'elle levait pour maintenir l'ordre (^).
Voilà où l'on en était à Tournai el dans le Tournaisis à la fin du mois
d'août 1563!
Les commissaires royaux quittèrent la ville vers le 4 septembre (*).
Nicolas de la Hamaide, ancien grand prévôt (^), Jean Grenu, grand
prévôt C'), et Pierre Bacheler, conseiller du bailliage ('), les remplacèrent.
(ii Archives communales de Tournai, reg. n° 344, aux dates indiquées.
(2) Gachard, Correspondance de Marguerite d'Autriche, t. III, pp. 81 et 95.
(3) Idem, Ibid., t. III, p. 95.
(4) Idem, Ibid., t. III, p. 107.
(■^) Idem, Jhid., t. III, p. 107. Marguerite de Parme lui donne par erreur le [trénom de
Jacques ; il s'appelait Nicolas. (Archives communales de Tournai, Registre de la Loi, n» 147,
foi. 7 v°.)
Nicolas de la Hamaide, écuyer, puis chevalier, seigneur de Haudion, Haudionchel et
Mainvault (Hertain) et de Beaulieu (à Camphin, en Révèle), etc., bourgeois de Tournai par
achat fait pour 8 livres Flandres le 8 mai 1555, juré de Tournai en 1555 et 1558, échevin
en 1557, second prévôt en 1561, souverain ou grand prévôt en 1562, 1566 et 1567, lils
aîné de Robert de la Hamaide et de Marie de Landas; il épousa en premières noces Marie
d'Assonleville et en secondes Barbe de Vlieghe, fille du seigneur de la Gruerie(Templeuve,
en Pévèle). (Renseignements dus à l'obligeance de M. le comte du Chastel de la Howar-
derie.)
(6) Jean Grenu, né à Tournai le 21 mai 1529, de Gilles et de Jeanne de Preis; écuyer,
seigneur de Marcq, Ramegnies, Lhommoy, etc., bailli de la terre et seigneurie de Molem-
baix, lieutenant pour le roi des ville et château d'Ath, fut créé chevalier par Philippe II à
Gand, le 9 février 1559 ; maieur des échevins de Tournai et grand prévôt de celle ville, où
il fut de la magistrature à diverses reprises de 1562 l'i 1572; il épousa en juin 1550,
Madeleine de Witthem. (Voir C* uv Chastel, Notices généalogiques tournaisiennes, t. II.
p. 152.)
(') Pierre Bacheler, licencié es lois, conseiller du roi, lieutenant du bailli de Tournai
et Tournaisis, fils légitime de Jean Bacheler, receveur du temporel de l'abbaye de Saint-
Martin de Tournai, et de Jacqueline du Chambge. Son père, Jean Bacheler, était lils naturel
de Nicolas Bacheler, écuyer, si igneur de Courcelles-les-Lens, en Artois. [>ar achat, anobli
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 111
Ces juges nouveaux ne se monlrèrenl pas moins impiloyables que les
anciens. Ils commencèrenl par bannir sous divers prélexles plus de cin-
(|uanle persoinies.
Les unes avaient enfreint le serment ordonné (^), les autres détenaient
chez elles des ouvrages de Calvin, .^lélanchthon (-), etc.; celles-ci n'avaient
point rempli leurs devoirs de chrétiens à Pâques ou durant l'année, ou bien
encore ne s'étaient pas présentées au confessionnal depuis un certain
temps (^); celles-là avaient débité de la bière le dimanche à l'heure de la
messe {''). La plus intéressante de ces condamnations fut celle de Simon
TaHln, banni perpéluellemenl pour avoir ridiculisé l'Église et ses prêtres
dans deux pièces de vers (|u'il venait de lire au Puy de rhétorique (^).
En effet, quoi qu'en dise Rahlenbeck (''), après l'edit du 26 janvier
1560 0, interdisant absolument les représentations théâtrales dirigées
contre l'Eglise ou les croyances catholiques, les rhétoriciens de Tournai
n'avaient nullement cessé d'écrire à leur manière et suivant leurs goùls des
pièces de théâtre souvent satiriques, qu'ils faisaient représenter plus ou
moins secrètement sur des scènes privées, le théâtre officiel n'existant pas
encore.
par lettres du roi Charles VIII données à Moulins, en Bourbonnais, en février 1489 (a. s.).
Pierre Bacheler épousa en premières noces Jacqueline Cottrel, une des filles naturelles que
Nicolas Cottrel, prêtre, chanoine de la cathédrale de Tournai, avait eue de Béatrix
de le Grave et en secondes, Geneviève Dubois, fille de Jacques du Bois, seigneur
de la Chuynelde, massart de Tournai. (Renseignements dus à l'obligeance de M. le comte
du Chastel de la Howarderie.)
(^) Archives communales de Tournai, Registre de la Loi, n" 149. Condamnation du
S novembre 1S63.
i"^) Idem, Registre de la Loi, n" 149. Condanmation du 30 novembre IStiS.
(3) Idem, Registre de la Loi, n° 149. Condamnation du 10 janvier iS64 (n. s.).
(■*•) Idem, Pièces comptables, farde Pi-ocès, document du 10 janvier 1365 (n. s.).
(5) Idem, Registre de la Loi, n" 149. Condamnation du 23 décembre 1563. Nous ne
donnons qu'une preuve, quoique les condamnations de ce genre soient nombreuses dans
ce registre.
(6) Rahlenbeck, Les derniers rhétoriciens de Tournai. (Revue de Belgique, 1891, t. 1,
pp. 61 et seq.)
C) Ordonnanlie, staluten, edicten en placcaerten van Vlaendei'en. Antwerpen, 1662, t. I,
p. Slî).
112 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI^ SIÈCLE
Les Tournaisiens aimaient ces délassements et fréquemment, après leurs
labeurs quotidiens ou Taprès-niidi des jours de fête, ils se rendaient à « La
Teste d'or » ou ailleiu-s, voir les jeux, comme ils appelaient alors les repré-
sentations ihéâlrales.
D'un caractère jovial et bon enfant, railleurs et goguenards avec une
certaine pointe de scepticisme, ils excellaient à peindre sur la scène des
tableaux de mœurs souvent bien observés qui ne ménageaient personne, ni
prêtres, ni séculiers (^).
Prompt à découvrir les travers d'autrui, surtout ceux des grands, allant
facilement jusqu'à la licence dans son langage comme dans l'expression de
ses pensées, le Tournaisien moins que personne bésitait à flageller sur le
iboàlre, dans ses chansons ou dans ses écrits, les choses qu'il réprouvait dans
la vie des moines ou des prêtres; ils aimaient à transporter sur la scène
quelque aventure où le mauvais rôle était souvent donné à un clerc ou à
discuter en toute indépendance les dogmes et les pratiques de la religion
elle-mên)e.
Ces façons ne pouvaient convenir longtemps au gouvernement qui édictail
les placards contre la Réforme. Aussi l'École de rhétorique lournaisienne (")
fut-elle traquée avant toute autre, et voici comment elle disparut.
Au mois d'août 1563, le maître d'école Jacques Fourré avait, paraît-il,
vendu à un de ses jeunes élèves un livre interdit par les placards. Informé
de la chose, le gouverneur fit enquêtes sur enquêtes, perquisitioiuia chez
Fourré et s'empara de tous les livres que le magister possédait en son logis.
On trouva « un gros registre du puich d'escoles de rbétoricque ». Floris de
Montmorency le soumit à l'examen de quelques théologiens et les pièces
(1) Arcliives communales de Tournai, Consaux, séance du 29 décembre IfiSO. « De la
remonstrance de Monseigneur le Vicaire de Tournai qui dit que les joueurs de « La Teste
d'or », jouent jeux diffanians gens d'église et de la justice, pourquoy requiert que on leur
voeiiie faire cesser déjouer, aultrement seront constrains d'en adverlir le Roi. »
(2) La Bibliothèque communale de Tournai possède un manuscrit, n" CtV, qui renferme
toutes les compositions poétiques du Puy de rhétorique de Tournai durant te XV'' siècle.
La Société des bibliophiles de }]oiUi l'a édité, en partie, dans un de ses volumes. {Mons, 1837.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. Ilô
(|u'il conleiiail fiirenl jugées « malsentans, mauvaises el scliandaleuses »,
contraires à l'édit du 20 janvier 1560.
La duchesse saisit ce prétexte pour dissoudre la chambre de rhétorique
de Tournai le 1 1 août \ 563; elle ordonna en outre aux rhétoriciens d'assister
à l'incinération de leur « gros registre » et de toutes les pièces qu'ils
auraient pu avoir composées depuis lors, et de faire abjuration canonique
devant TOtlicial. Pasquier de la Barre, procureur du bailliage, fut révoqué
de ses fonctions, parce qu'il avait favorisé les rhéloriciens plutôt que de les
dénoncer ('). Le 21 aoùi, Jacques Barrât, l'officier criminel, réduisit en
cendres les compositions littéraires de nos poètes populaires (-).
Ainsi cessa d'exister le Puy de rhétorique de Tournai, dont la création
remontait à 1477.
Les magistrats ne se contentèrent pas de bannir, ils condamnèrent à la
peine capitale. Le 5 novembre 1563, Nicaise Deletombe fut brûlé vif; le
2 décembre, Roger Dumont subit le même sort (^); quelques mois après,
Marie Boisère, veuve d'Olivier de Rocq ('), fut pendue, puis brûlée; ensuite
ce fut le lour de Hugues Deslailleurs et Jean Picq, condamnés pour avoir
« esté trouvez pourmenans hors ceste ville un jour de dimenche durant que
la grand'messe se célébroit » (''). Ils avaient préalablement subi une délen-
(') Voir Pièces justificatives, n" XVI. Lettre des commissaires royaux du 4 août 1SG3 et
de la duchesse de Parme du H août. Pinchart, Mémoires de Pasquier de le Barre, t. I,
pp. 15 et 16.
("^) Archives communales de Tournai. Pièces comptables, farde Justice, document du
21 août 1563 : « Gilles du Rieu, massart, ordonné est que payez et délivrez à maistre Jacques
Barrât, officier criminel, la somme de xxij sols flandres pour avoir bruslé en cendres une
livre de l'escolle du puys de réloricque en ceste ville contenant aulcuns propos scandaleux
contre notre saincte foy catholicque... »
(3) Archives communales de Tournai, Registre de la Loi, n" 149, à la date.
(*) Idem, Registre de la Loi, n" 149, du 18 septembre 1564 et Pièces comptables, farde
Procès, document du 19 septembre 1564. Le Registre de la Loi précité la désigne ainsi ;
« Marie Roisière, vei've de feu Ollivier de Rocq, natifve de Courtray ». La supposition faite
par M. Van der Haeghen, Martyrs protestants néerlandais au XVP siècle. Liste alpha-
bétique, n" 84 (BiBLiOTHECA Belgica), quant à l'origine de la suppliciée, est donc vraisem-
blable.
(S) Archives communales de Tournai, Registre de la Loi, n» 149, à la date du
22 mars 1564 (a. s.) et Pièces comptables, farde Jtistice, 13 avril 1564 (a. s.).
Tome I. — Lettres, etc. 15
114 TOl]Ri\AI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
tiou l'un de qualre-vingl-dix-hiiit, l'autre de cent quarante-neuf jours dans
une de ces prisons que Floris de Montmorency lui-même trouvait « hor-
ribles, épouvantables et remplies de vermine •> (').
Cependant, loin de céder au découraiiement ou à la peur, les partisans de
la Réforme reprenaient de nouvelles forces pour les luttes futures ('). Ils
ne cessèrent point leur propagande, et s'ils agissaient avec plus de prudence,
leurs succès n'en étaient pas moins considérables. Le nombre de leurs
adhérents grossissait sans cesse, comme les événements ne tardèrent pas à le
montrer.
VI. Dans le but d'arrêter les progrès de la Réforme, l'Église avait con-
voqué un concile universel à Trente (lo4^o). Elle y affirma et précisa le
dogme catholique, proclama la suprématie du pape, condamna les doctrines
protestantes et édicta des mesures coercitives que beaucoup jugèrent con-
traires à l'autorité civile. Néanmoins, le 30 juillet 1364, Philippe II pres-
crivit à la Régente de publier dans les Pays-Bas les décisions du concile et
d'en assurer l'application rigoureuse par la force. Aussitôt une violente oppo-
sition se manifesta dans le pays; une partie du clergé, les universités, les
États provinciaux, travaillés par la Réforme, firent des remontrances (^); les
États de Brabant refusèrent même de publier les décréta tridendna. A
Tournai, on placarda sur la Halle de Saint-Brice, siège du second échevinal
de cette ville, et on répandit dans les rues des milliers d'affiches incitant le
peuple à empêcher, comme dans le Brabant, la publication de ces décrets qui
établissaient, disait-on, « l'Inquisition d'Espaingne » (*).
C) Arcliives du Royaume à Bruxelles, Papiers d'État, reg. n" 335, fol. 296. Lettre du
bailliage en date du 23 décembre 1363, à ceux du Conseil privé.
(2) « A fin de mieulx semer leur venin, ils (= les réformés^ se rassamblent en petites
troupes, l'une des fois faisant samblant de visiter unq raailade, ou de se cbauffer au feu,
l'aultre de jouer aux quartes ou passer le temps à quelque autre esbat sédentaire, à
l'intention de soy couvrir d'icelluy en cas de surprinse. » (Archives du Royaume à Bruxelles,
Papiers d'État, reg. n» 3oo, foi. 324.)
(3) Lavisse et Rambald, Histoire générale, l. V, p. 22.
(*j Gachard, Corresj^ondance de Philippe 11, t. I, p. 283.
AU POINT DE VUE POIJTIQUE ET SOClAr.. nr,
L'hostililc fut généralo d^^ns le pays, et elle donna à réfléchir à Marguerite
de Parme. Sur les instances du Conseil d'Élal, elle résolu! d'envoyer le
comte d'Kgmont en Espagne.
Le comte d'Egmont |)arlii le 5 février 4 565. Ses insiruclions étaient de
faire voir à Philippe li « les dangers auxquels l'exercice de l'Inquisition et
l'exécution des placards exposaieni le pays » (*), en même temps que l'épui-
senient complet des finances, la décadence profonde du sentiment religieux
et les symptômes caractérisli(pies de rébellion ouverte qui se faisaient jour
dans tout le peuple. Il devait en outre insister auprès du monarque pour
l'engager à se rendre en personne dans nos provinces. C'était, en eiïel, une
opinion générale parmi les membres du Gouvernemeni, que la présence du
roi aurait sulïi pour rétablir Tordre.
D'Ëgmonl revint plein d'illusions (-); mais bientôt après, |)ar ses fameuses
dépêches qu'il data du bois de Ségovie, les 17 et 20 octobre 1565, Phi-
lippe Il enjoignit à sa sœur d'exiger l'observation stricte des placards de
Charles-Quint et des siens, il voulait le maintien et l'exercice de l'Inqui-
sition « comme elle s'était faite jusqu'alors », et entendait que l'autorité
civile aidai les inquisiteurs dans l'exercice de leur ingrate mission (^).
La Gouvernante, elîrayée des conséquences désastreuses qu'allaient avoir
ces nouveaux décrets, resta longtemps dans la plus complète irrésolution.
Néanmoins, n'osant résister à la volonté du monaniue, elle finii par ordonner
aux gouverneurs des provinces d'observer et d'exécuter rigoureusement les
édits de l'empereur et du roi concernant la religion.
La noblesse entra dés lors ouvertement en scène. Prenant en mains les
inlérèls généraux des Pays-Bas, elle seconda le peuple dans la lutte (pi'il
avait entreprise pour la tolérance religieuse et la liberté de conscience.
Les nobles s'assemblèreni, signèrent le célèbre Compromis et vinrent à
Bruxelles (5 avril 1566), présenter à la Régenle une requête tendant à
l'abolition des placards et de l'Inquisition.
(') Gachaud, Correspondance de Philippe 11, l. I, p. 285.
C^) Voir à ce sujet Biographie nationale, t. XVII, pp. 263-264.
(■i) r.AciiAiui, Correspondance de Philippe II, t. 1, p. .'^73.
Ilfi TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
La Régente liésile, elle ne sait que faire! Enfin, elle prend sur elle
d'ordonner aux inquisiteurs d'apporter un très notable adoucissement à la
sévérité des chàliments et promet aux nobles d'envoyer en Espagne une
ambassade « pour advertir Sa Majesté plus amplement de Paparanle ruyne
et entière désolation desdils pays et adviser les moyens les plus comodes
pour y remédier » (').
Sur les ordres de Marguerite de Parme, Floris de Montmorency, gouver-
neur de Tournai, partit pour Madrid le 17 juin 1366 et fut rejoint en route
par le marquis de Berghes (^), qui devait l'accompagner.
On sait quel fut le sort de ces deux ambassadeurs. La mort surprit le
marquis de Bergbes à son arrivée en Espagne; quant à Floris de Montmo-
rency, il connut les affres d'une fin cruelle cl imméritée (^).
(i) Pasquier de le Barke, op. cit., t. I, p. 33. Les députés furent aussi chargés de
réclamer de Ptiilippe II l'abolition de rinquisition, l'adoucissement des édits portés contre
les tiérétiques, l'extension des attributions du Conseil d'État, la convocation des Etats
Généraux, etc.
(2) Jean de Glymes, marquis de Berg-op-Zoom, comte de Walhain, chevalier de la
Toison d'or, grand bailli et capitaine général du Hainaut, gouverneur de Valenciennes et
de Cambrai, épousa Marie de Lannoy, dame héritière de Molembaix et de Solre-le-
Château ; il mourut en Espagne le 21 mai lo67. (D'après F.V. Goethals, Dictionnaire
généalogique, t. II, p. 433.)
(3) Floris de Montmorency eut une mort affreuse. Retenu malgré lui en Espagne, par
ordre du roi, en une sorte de captivité déguisée, le Gouverneur de Tournai, dans la nuit
du 19 septembre 1367, dès qu'arriva à TEscurial la nouvelle de l'arrestation des comtes
d'Egmont et de Homes, fut arrêté comme un malfaiteur et conduit en prison à l'alcazar de
Ségovie. Il y séjourna près de deux ans et ne sortit de l^i que pour être jeté dans les cachots
du château de Simancas, où il fut mis au secret le plus absolu. Bientôt se répandit le bruit
qu'il était dangereusement malade et, pour rendre la chose plus vraisemblable, un
médecin, aux ordres de la Cour, se rendit fréquemment au château, portant ostensiblement
potions et bouteilles, apparemment destinées à Floris de Montmorency.
Le Gouverneur de Tournai subit pour la forme de multiples interrogatoires. Le samedi
■14 octobre 1370, à 10 heures du soir, l'alcade de Valladolid, don Alonso de Arellano, lui
donna lecture de la sentence de mort qui l'atteignait et de la façon dont elle serait mise à
exécution. Le dimanche suivant, de bonne heure, Floris se confessa; puis il entendit la
messe et reçut les sacrements. Il consacra le reste du jour et la nuit suivante à la prière,
les ordres royaux lui interdisant de faire un testament. On ne lui avait laissé que la faculté
d'écrire un mémorial des dettes qu'il désirait qu'on acquittât après sa mort; encore lui
avait-on prescrit de rédiger ce mémorial à la façon d'un homme malade sur le point de
1
AU POINT DR VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 117
Naturellement celte ambassade n'obtient rien; (oulefois Phili[)|)e l[, vou-
lant parallre accorder (]uel(|ue chose, feiirnil d'autoriser la Uégeiile à
adoucir la rigueur des placards et à faire cesser l'inquisition dans les pro-
vinces où elle avait élé inlroduiie, pourvu (|ue les évoques pussent exercer
librement leur juridiction ('), c'est-à-dire l'inquisition épiscopnle.
Ces concessions, trop tardives pour être sincères, ne trompèrent per-
sonne (^).
Elles navrèrent la Régente comme les magistrats des villes et accrurent
encore l'irritation du peuple qui s'attendait à la proclamation formelle de la
tolérance religieuse, non à de simples adoucissemeuls aux placards contre
les hérétiques.
L'émeute gronda bientôt dans les Pays-Bas. Dans beaucoup de villes et
particulièrement à Tournai, le mécontentement éclatait en toute occasion et
annonçait des troubles prochains. « A Tournai, écrit Morillon à Granvelle,
l'insolence esi si grande que les ecclésiasli(|ues ne peulvenl aller par les rues
sans être mocqués et peu y hantent maintenant l'église, se déclarant chacun
ainsi qu'il l'entend, soiilz l'espoir de la liberté de conscience (^). » La popu-
mourir, sans y laisser percer la moindre allusion à la triste tin qui l'attendait. Floris
recommanda au roi pour des gratifications dont il indiquait l'importance, plusieurs de ses
serviteurs et confia ;\ son confesseur deux anneaux qu'il avait reçus de sa femme et de sa
belle-mère, afin qu'on les leur remît.
Le lundi 16 octobre 1570, vers "2 heures du matin, le bourreau pénétra dans la cellule
qu'occupait le prisonnier, lui passa autour du cou un collier de fer, et tourna vivement des
deux bras la vis centrale. Ainsi mourut loin de son pays et de sa famille, le frère puiné du
comte de tlornes. On lui reprochait entre autres de n'avoir pas châtié avec assez de sévérité
les hérétiques tournaisiens. Les pages qui précèdent prouvent combien était fausse une
telle accusation. (Voir pour plus de détails sur la mort de Floris de Montmorency, Revue
des Deux Mondes, 1846, t. III, pp. 62 et seq. — Gachard, Don Carlos et Philippe U.
Bruxelles, 1863, t. II, pp. 337 et seq.; Bulletins de l'Académie royale de Belgique,
l"-" série, t. XIX.)
(^) Gachard, Correspondance de Philippe II, t. I, p. cxxxui, et Bulletins de P Académie
royale de Belgique, l"- série, t. XIX, p. Uo.
(2) Les Archives nous prouvent aujourd'hui que Philippe H se promettait bien
d'annuler ces concessions et de tirer des coupables une vengeance éclatante, dès que les
circonstances t'auraient mis en situation de le faire. (Gachard, Correspondance de Philippe II,
t. I, p. cxxxiii, et Bulletins de l'Académie royale de Belgique, l™ série, t. XIX, p. 116.)
(^) PouLLET, Correspondance de Granvelle, t. I, p. 248. Lettre du 12 mai 1566.
118 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
latioii s'y divisait en deux camps; on s'y traitait réciproquement de
« papistes, huguenots, gueux (*) ».
Les prêches ont une vogue nouvelle ei attirent en foule citadins et cam-
pagnards. Dans !;) nuit du vendredi 28 juin 1 S66, cinq à six mille personnes
se rendent près du pont d'Âniouville (^) pour y entendre le prédicateur
lournaisieu Ambroise Wille ('); le dimanche suivant, neuf à dix mille autres
vont à Pont-à-Rieu (') assister à la prédication de l'Évangile par un des
pasteurs de l'Église réformée de Valenciennes, Péregrin de la Grange, et
finissent le prêche par le chant des psaumes de David ('').
La situation était grosse de dangers. L'Autorité communale ne pouvait
point permettre de pareilles manifeslalions.
Pour supprimer les prêches, elle voulut en éloigner ceux qui formaient le
plus gros contingent d'auditeurs; dans ce but, elle ordonna aux (rente-six
Bannières de se mettre en armes, dès que « la cloche du timbre sonne-
rait (^) » .
Le peuple découvrit facilement l'expédient des magistrats communaux.
Aussi les Bannières refusèrent-elles d'obéir et onze Tournaisiens seulement.
(*) Archives communales de Tournai, Publication du 10 juin 1S66.
(2) Le pont d'Arnouville se trouve aux contins de Tournai, il'Orcq et de Kroyennes.
Les Consaux, dans leur lettre à la Régente en date du 29 juin, disent « quatre à cinq
mille personnes » ide le Barre, Mémoires, t. I, p. "290) et de même dans leur lettre du 30,
ils n'accusent pour le second prèclie« que quatre à cinq mille » assistants; nous préférons
prendre l'estimation de de le Barre, qui était mieux que personne en situation d'évaluer
approximativement le nombre de Tournaisiens fréquentant les prêches. D'ailleurs, les
Consaux, en amoindrissant le nombre des présents aux prêches, diminuaient leur respon-
sabilité auprès de la Régente.
(3) Ambroise Wille, fils de Jean, vit le jour à Tournai, alla faire ses études à Genève,
devint ministre de la religion nouvelle et prêcha celle-ci dans plusieurs endroits des
Pays-Bas, principalement dans sa ville natale, où il était soutenu par les nobles et une
partie du peuple. S'étant mis à la têle des iconoclastes, il fut banni par sentence du
Magistrat de Tournai (20 juin lo67i. (D'après Piot, Histoire des troubles des Pays-Bas, par
Renon de France, t, I, p. 147, note 6).
(*) Pont-à-Rieu, hameau de la ville de Tournai sur le rieu de Barges.
(3) Pasquier i)e le Barre, Mémoires, t. I, pp. 59 et 291-292.
(6) Archives communales de Tournai, Publications, reg. n° 344. Publication du
30 juin 1566, et Pasquiek de le Barre, Mémoires, t. I, p. 62.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 419
sur les quatre mille sept cents hommes dont elles se composaient, se ren-
(lirenl-ils le surlendemain à l'appel de la cloche (').
En présence d'une telle' attitude, le conseiller pensionnaire Jacques
Le Clercq (■^) court à Bruxelles informer la duchesse de la situation difficile
dans laquelle se trouvait le Magisiral, ei il en revient avec de nouveaux
ordres d'interdire, coûte (|ue coule, les prédicalions calvinistes (^). C'était là
chose impossible, l'Autorité était impuissante. Aussi les prêches se succé-
dèrent-ils sans discontinuer (''). Le 3 juillet, douze à treize mille Tournai-
siens, au nombre desquels se trouvaient « les plus grands riches et nobles
de la ville (^) », se rendirent de nouveau à une réunion à Pont-à-Rieu.
Guillaume de Landas, seigneur de Chin (''), avec de nombreux bourgeois,
armés de pistolets, d'arquebuses el d'armes de tout genre, entourent le pré-
dicant Ambroise Wille pour le défendre contre toule agression. Chose rare
jus(|u'alors, dans la foule présente, les fonctionnaires du gouvernement se
confondent avec ceux de la ville, les hommes des métiers coudoient les
riches marchands, les nobles se mêlent aux petits bourgeois, tous ne forment
qu'une seule masse el n'ont, suivant Morillon, qu'une seule et unique aspira-
lion, l'obtention de la liberté de conscience Ç).
Les Pierre d'Ennetiéres, écuyer, seigneur des Loges (*^), les Pierre Cottrel,
(1) PouLLET, Correspondance de Granvelle, t. I, p. 379. Lettre du 21 juillet 1566.
('^) Jacques le Clercq, licencié es lois, releva la bourgeoisie de Tournai le 18 mai 1S36 ;
il fut échevin et conseiller de Tournai ; il épousa Marguerite de Froidmont, lille de
Fasquier et de Catherine Descamps. 11 mourut avant le 9 mars 1378. (D'après du Cbastel,
op. cit., t. I, p. 516.)
(3) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 294.
(♦) Pièces justificatives, n° XVU, Rapport du Magistrat.
(o) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 67.
(6) Guillaume de Landas, écuyer, seigneur de Chin, fils d'Arnould et de Jacqueline
Henneron, fut arrêté à Tournai comme calviniste le IG septembre 1567. Quoique Nicolas
le Sauldoier le fasse mourir comme hérétique à Bruxelles, il serait, parait-il, mort à
Tournai le 20 juin 1580. Il avait épousé Éléonore de Langlée dite Wavrin. (du Chastel,
op. cit., t. I, p. 87.)
C) PouLLET, Correspondance de Granvelle, t. I, p. 248.
(8) d'Ennetiéres, Pierre, seigneur des Loges, licencié es lois, conseiller criminel au
bailliage de Tournai-Tournaisis, était fils de Pierre, seigneur du Doncq, lieutenant général
du bailliage de Tournai-Tournaisis, et d'Agnès de la Saulx ou del Sauch. (Voir Goethals,
Miroir des notabilités nobiliaires, t. I, p. 949.)
120 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVF» SIÈCLE
licencié es lois (^), les Pierre de Preys, seigneur de le Dalle (-), les Guy el
Nicolas Bernard, écuyers (^), les Antoine des Farvacques f*), les Jacques
Henneberl (°), receveur municipal, les Gérard Joseph, tabellion royal {^),
Jean de Latu-e et Nicolas Tafïîn, destitués de leurs fonctions lors des troubles
de 1563, tous ceux qui jusqu'alors s'étaient tenus à l'écart, forment la garde
d'honneur du pasteur Ambroise VVille.
Manquant de tout moyen de répression, le Magistrat fit prévenir la
(1) Cottrel, Pierre, licencié es lois, avocat, époux de Marie au Poch, fille de Gaspard au
Poch, écuyer, seigneur des Paqueaux (à Templeuve, en Dossemerj, etc., et de Marie
d'Estrayelie; c'était un des quatre enfants naturels et le seul fils de Nicolas Cottrel, prêtre,
chanoine de Tournai, etc., et de Béatrix de le Grave. Ses sœurs et lui paraissent avoir été
légitimés par l'empereur Charles-Quint. Pierre Cottrel laissa cinq enfants qui furent
Nicolas, Pierre, Jean, Barbe et Marguerite. Sa veuve, Marie au Poch, avait convolé en
secondes noces, avant lo83, avec Luc Clerbon, dont elle eut deux enfants, François el
Marie Clerbon. (.\rchives communales de Tournai, Testaments, Donation faite par Nicolas
Cottrel à ses enfants, 1" avril 1340; et chirographes, layette de 1S83, acte du 30 juillet.)
(2; de Preys, Pierre, écuyer, fils de Pierre, seigneur de Preys (à Herquegies), etc.,
conseiller dépositaire de l'empereur au bailliage de Tournai-Tournaisis, et de Madeleine
Villain de la Boucharderie, épousa à Tournai Hélène Dennetières. Il mourut en 1573.
(3) Bernard, Nicolas, écuyer, fils du grand prévôt sire Simon Bernard, seigneur de
Taintegnies, Florent, Baudignies, etc., et de Jeanne de Landas, damoiselle de Luchin.
Il mourut à Tournai, paroisse Saint-Jacques, le 6 août 1614; il avait épousé dans la même
paroisse, le 10 juin lo60, Barbe du Chastillon, morte aussi en cette paroisse le
4 novembre 1570, fille du grand prévôt sire Nicolas de Chastillon et d'Hélène Bouzin.
Bernard, Guy, écuyer, frère du précédent, marié vers 1562 avec Jeanne de Solbreucq,
damoiselle de Fromenteau (à Maulde, en Hainaut), fille unique et héritière de David
de Solbreucq, écuyer, et d'Antoinette Bacheler.
(*) des Farvaques, Antoine, écuyer, seigneur de le Loge (à Escanaffles) de Flékières, etc.,
non point bonnetier, comme le dit Pincliart{PASQLiERDELEBARRE, op. cit., 1. 1, p. 71, note 1),
bourgeois de Tournai par achat fait le 30 mai 1356, fut .Magistrat de cette ville de 1533
à 1576. Il était le troisième fils de noble homme sire Nicolas des Farvacques, grand prévôt
de Tournai, seigneur du Marct (à Blandain), conseiller et garde du sel de l'empereur pour
le bailliage de Tournai-Tournaisis, et de Jeanne de le Haye de Maulde. H épousa en
premières noces, Anna de Cat, morte à Tournai le 6 avril 1561, puis en secondes noces le
13 octobre 1561, Jeanne Joseph; il mourut à Tournai le 18 avril 1617. (Archives commu-
nales de Tournai, Consaux, reg. n" 201, date du 18 avril 1617.)
(5) Hennebert, Jacques, fils de Sidracq Hennebert et de Jeanne de Corbines, petit fils de
Jean Hennebert, grand prévôt de Tournai. Il fut membre de la magistrature tournaisienne
de 1555 à 1568.
(6) Joseph, Gérard, fils d'Adam Joseph et de N. Buissart, fut notaire au tabellion royal,
puis greffier du roi au bailliage de Tournai-Tournaisis.
AU POINT DE VUE POI-ITIQUE ET SOCIAL. l:>|
Réii;ente qu'il ne pouvait que laisser faire. Celle-ci lui répouciil |)ar des récri-
minations, l'accusa de défaillance dans sa mission, déplora l'insullisance
d'une garnison qu'elle avait en partie licenciée, disait-elle, sur les fausses
assurances de lran(|uillité qu'il lui avait données, se refusa à croire « que le
nombre des bons fui moindre que cestuy des mauvais (^) », et lui fit
envoyer le [)lacard général qui venait d'être promulgué le 31 juillet ('^).
Ce placard interdisait « tous conventicles ou assemblées illicites, secrettes
ou publicques tant es villes, villaiges et bourcqz que aux champs ou ailleurs,
et aussy toutes presohes contraires à l'anchienne foy et religion catholique
sur paine, à l'allenconlre des prescheurs, dogmatiseurs, ministres et sem-
blables séducteurs du peuple, du dernier supplice pai' la corde et de confis-
cation de tous leurs biens »; il décrétait aussi la peine de mort contre ceux
qui hébergeaient ou donnaient asile aux « dogmatiseurs et prescheurs (^) ».
Le Magistrat ne permit pas la publication immédiate de ce nouveau pla-
card, mais le marquis du Chasteler (^), empiétant sur les prérogatives
communales, passa outre et le publia (^).
Cependant, au mépris de ce placard, des milliers de calvinistes se ren-
dirent en armes le 7 juillet à un prêche aux Follais, près le bois de Breuze {'').
D'ailleurs, les prêches étaient devenus périodiques; ils se tenaient régulière-
ment à la campagne les dimanche et jeudi de chaque semaine, et se termi-
naient par des baptêmes et des mariages à la calviniste Ç).
(») Voir Pièces justificatives, n" XVII. Rapport du Magistrat, et Pasquier de le Barhe,
op. cit., t. I, p. 299.
(2) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, pp. 299-301. Lettre du 6 juillet 1566.
(3) Mémoires de l'Académie royale de Belgique, in-S", t. XXXItl. « Huit mois de la vie
d'un peuple », p. 141.
(*) Jean du Ctiasteler, chevalier, seigneur de Moulbaix, lieutenant du Gouverneur,
avait été chargé de la gouvernance de Tournai au départ de Floris de Montmorency pour
Madrid.
(S) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 80, et Pièces justificatives, n" XVII. Rapport
du Magistrat.
(8) Idem, Ibid., t. I, p. 86.
C) Idem, Ibid., t. I, pp. 89, 90, 96 et passim. — Poullet, Correspondance de Granvelle,
I. 1, pp. 248 et 357.
Tome L — Lettres, etc. 16
122 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
Ne sachant à quelle mesure recourir, le Magistrat convoqua en Halle
tous les bourgeois de la ville et les engagea à prendre les armes, afin
d'empêcher les prêches et évenluellement le pillage de leur cilé el de leurs
biens par les pauvres et les gens sans aveu (').
Les bourgeois, comme antérieurement les Bannières, répondirenl par un
refus aux propositions des Consaux. Us voulaient bien prêter aide el secours
aux magistrats pour éviter le sac de Tournai, mais ils n'estimaient point que
les prêches troublaient sutiisammenl la tramiuillité publique pour prendre
les armes (-).
Voyant « les bourgeois abandonner l'Église ('^) », l'Autorité communale,
le 12 juillet, (it assembler les Serments et les pria d'accepter la mission que
venaient de décliner les bourgeois. Même relus des Serments qui ne vou-
laient point, disaient-ils, être amenés à user de violence à l'égard de leurs
parents ou de leurs amis qui fréquentaient régulièrement les prêches. Les
canonniers, poussant plus loin l'audace, déclarèrent hautement qu'ils iraient
en armes aux sermons pour proléger les ministres protestants et ôler toute
envie à la petite garnison du Château d'avoir elle-même recours à la
force (*).
En résumé, Bannières, bourgeois, Serments, en un mot la grande majorité
de la population lournaisienne, les riches comme les pauvres, refusaient
énergiquement d'entraver les prédications calvinistes,
11 ne restait plus aux magistrats communaux qu'une seule ressource pour
exécuter les ordres de Philippe 11 et de la Régente : demander l'augmenta-
tion de la petite garnison royale. C'est ce qu'ils firent (').
Toutefois, ils ne cachèrent point à Marguerite de Parme que le « souverain
(1) Pasquier de le Barre, op. cit., 1. 1, p. 89, et Pièces justificatives, qoXVIL Rapport du
Magistrat.
C^) Idem.
(3j PioT, tÎENON UE France, Troubles des Pays-Bas, t. I, p. 148.
(*) Pasquiek de le Barre, op. cit., t. 1, pp. 93-93, el Pièces justificatives, n» XVII.
Rapport du Magistrat. Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 12 juil-
let 1366.
(5) Pièces justificatives, n» XVII, Rapport du Magistrat.
AU POINT DE VUE POUTIQUE ET SOCFAF, 12--
reniède pour obvier aux proches (^) », sérail l'envoi à Tournai de « queiciue
chevalier de l'Ordre ("), afïin que par sa présence et respect de sa seigneurie,
le peuple peust en eslre mieux contenu en obéissance (^) ».
Les Consaux insistèrent particulièrement sur l'envoi d'un chevalier de la
Toison d'or pour ne pas donner au peuple un nouveau sujet de méconten-
tement, une augmentation de garnison entraînant fatalement un accroisse-
ment d'impôts ('').
En outre, la population ouvrière el commerçante de Tournai ne voulait
pas d'une « nouvelle gendarmerie », parce que, comme ils l'avaient déclaré,
les marchands d'Anvers, de Francfort el d'ailleurs auraient profité de cela
pour s'abslenir de faire aucun achat à Tournai, ce qui eût été pour elle
une catastrophe.
Les notables, les marchands et les doyens en informèrent le Magistrat;
en leur nom, l'avocat Nicolas Taffin supplia les Consaux de refuser énergi-
quemenl toute troupe nouvelle, pour ne pas « allumer l'allumelte de la
sédition » (").
il serait fastidieux de narrer dans tous leurs détails les démêlés auxquels
donna lien entre la Gouvernante el les magistrats urbains, la question de la
garnison. Qu'il suffise de savoir que Marguerite de Parme n'envoya pas de
soldats.
A la suite de cette concession, car c'en était une, et à l'instar de ce qui
se faisait à Lille el à Valenciennes, les doyens des métiers proposèrent aux
Consaux, en vue d'assurer le maintien de l'ordre, d'embrigader le peuple en
huit enseignes ou compagnies. Ces huit compagnies auraient été placées
chacune sous le commandement d'un capitaine choisi par le Magistrat et
auraient prêté le serment « d'estre lidel au Roy el de garder ceste sa
ville el cité de Tournay soubz son obéissance ». Toutefois, « de crainte
(') Pièces justificatives, n» XVII. Rapport du Magistrat.
(2) Un chevalier de l'Ordre de la Toison d'or.
(3) Pièces justiticatives, n" XVII. Rapport du Magistrat.
(*j On sait que les impôts étaient payés par les artisans et tes bourgeois, ecclésiastiques
et nobles pu étant exemps.
(5) Voir Pièces justificatives, n" XVII. Rapport du Magistral.
124 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
d'une émeute » (^), les doyens ne voulurent pas qu'on exigeât de ces
compagnies rengagement de s'opposer par la violence aux prédications
calvinistes.
C'eût été folie, en effet, de prétendre disperser par la force des armes
des prêches qui réunissaient treize à (juatorze mille auditeurs (■). Ce que
voulaient les doyens, c'était qu'on tolérât ce qui était devenu impossible
d'empêcher, sans répandre à longs flots le sang du peuple.
Dat)S ces conditions, ils répondaient de l'ordre et ils en donnèrent l'assu-
rance formelle aux Consaux (^). Mais celte solution était contraire aux
intentions de la Régente et du roi Philippe II.
Tout au moins, avant de se résoudre à confier la garde de Tournai aux
huit compagnies populaires, qu'elle qualifie de « multitude effrénée et
lumultuée » (*), Marguerite exigea d'elles ce triple serment:
1° Garder la ville en l'obéissance du roi;
2° Empêcher toute sédition de même que le sac ou le pillage de la cité;
3° Interdire par la force tout prêche en ville.
Alors seulement, une garnison étrangère n'entrerait pas en Tournai et
les compagnies pourraient commencer leur service.
Les deux premiers points ne soulevaient aucune difBculté et furent jurés.
(<) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, pp. lOo, ilO, et Pièces justificatives, n" XVII.
Rapport du Magistrat.
(2) Pasqlier de le Barre, op. cit., t. I, pp. 10" et 334; t. II, p. 185. Les commissaires
disent quinze mille.
(3) C'est ainsi que le 2o juillet 1S66, à l'issue d'une réunion calviniste à laquelle avaient
assisté plus de quatorze mille personnes, treize à quatorze cents Tournaisiens, après avoir
fait paisiblement sur la grand'place « le iimeçon » (a), s'engagèrent devant les magistrats,
au nom du peuple, à faire respecter par tous l'ordre public, et s'en retournèrent par après
tranquillement dans leurs foyers « sans avoir faict quelque chant, ny clameurs ny tort à
personne » {b).
(+) Pasqlier de le Barhe, op. cit., t. I, p. 337. Les Consaux, sans attendre l'agréation
de iUarguerite de Parme, avaient, dès le 27 juillet, organisé militairement le peuple.
{a) Limevon, sorte de défilé fait avec des troupes rangées par files de S, 7, 9 et il hommes. (D'après
Pasquier de le Darre, op. cit., 1. 1, pp. 107 et passim.)
(6) Pasquier de le Barbe, op. cit., t. I, p. 333. Ce sont les propres termes du Magistrat lui-même:
Bulletins (k la Société historique de Tournai, t. XX. . -177.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. i25
Quant au Iroisième, il importe de remarquer que la Régente ne réclamait que
Tintcrdiction des prêches urbains et non celle des prêches ruraux. C'était
une nouvelle concession l'aile aux calvinistes.
Voilà pourquoi, bourgeois, marchands et artisans lournaisiens en s'enga-
geant à s'opposer à toute prédication dans l'intérieur de leur cité, récla-
mèrent « cerlein lieu désigné sur les rejets de la ville et hors d'icelle, pour
y construire quelque édifïice auquel la presche se poura faire à couvert, en
temps d'y ver et pluivieux (^) » .
Cela se passait le 2 août 1566.
Le 5 du même mois, Marguerite de Parme ratifia la création des huit
compagnies populaires, mais refusa obstinément la construction d'un ou de
plusieurs temples dans la banlieue de Tournai, hors des murs d'enceinte (^).
Dans l'intervalle, les Consaux avaient organisé militairement le peuple,
choisi les huit capitaines et donné à chaque compagnie fifres, tambourins et
jus(|u'à des enseignes aux couleurs de la ville.
Gabriel de Cambry (3) eut sous son commandement la compagnie composée
des bourgeois et ouvriers de la paroisse Saint-Quenlin avec une partie de
ceux de Notre-Dame; Etienne Gabry (^), le reste de Notre-Dame et les habi-
tants de la paroisse Saint-Pierre; Pierre de Hornut (^) fut misa la tête de
l'enseigne fournie par une partie de la paroisse Saint-Brice; Jacques Bulteau
commanda le reste de Saint-Brice et les paroissiens de Saint- Jean; Jean de
(<) Pièces justificatives, n" XVI!. Rapport du Magistrat.
(2) Pasquier de le Barre, op. cil., t. I, pp. .338-341.
(3) Gabriel de Cambry, créé chevalier en même temps que son père par Charles-Quint
le 9 août 4S49, fut seigneur du Bus et fît partie de la Magistrature tournaisienne de 13S0
à 1.d63; il fut décapité h Vilvorde comme hérétic|ue le 29 décembre lo68; il avait épousé,
en 1S49, Jeanne de Sonneville et était le tils de Guillaume et de Anne de Quarmont.
(Mémoires de la Société historique de Tournai, t. XXIII, p. 466.)
(■*) Etienne Gabry, marchand, fut exécuté pour cause de religion le 12 avril 1568. (Voir
Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 111, note 1.)
(«) Pierre de Hornut, écuyer, seigneur du Ponthois, de Bourbecq, etc., fils de Simon,
ancien grand prévôt de Tournai, et de Gerlrude le Louchier; il fut juré de Tournai, puis
échevin et grand prévôt de cette ville. II épousa Isabean Grenu. fVnir nu Chastel, Notices
ijénéalogiques tournaisiennes, t. II, p. 304.)
126 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
Cambry ('), les habitants de Saint-Nicaise et de Sainte-Mariruerite; Antoine
ide l;i Fosse (■), ceux des paroisses de la Madeleine et d'une partie de Saint-
Jacques; Nicolas Bernard ('^), le reste de la paroisse Saint-Jacques et enfin
Simon Bernard (^), ceux de Sainl-Piat et de Sainte-Catherine.
Le mercredi 7 août, Gabriel de Cambry et ses soldats furent appelés à
ijjrêler le triple serment.
Ils refusèrent de jurer le troisième point, parce que la Régente n'avait pas
autorisé la construction des temples exlra muros. Les autres compagnies,
successivement convoquées, les imitèrent; d'aucuns mêmes, plus audacieux,
déclarèrent ouvertement qu'ils se rendraient en armes aux prédications calvi-
nistes, ([ue celles-ci se fissent à l'intérieur ou à l'extérieur de la ville ('').
L'affaire s'arrangea néanmoins et, avec l'autorisation du représentant du
gouvernement à Tournai, le marquis du Chasteler, les Consaux n'exigèrent
des compagnies populaires que le serment suivant :
« Vous jurer Dieu, nostre Créateur, le péril et damnation de voslre âme
et sur la part que prétendez en paradis, que comme léal subget au roy,
nostre souverain et naturel seisneur, vous garderez ceste sa ville et cité de
Tournay au nom et pour Sa Majesté; garderez aussy la dicte ville et cité
de loultes séditions, révolte, sacq et |)illaige ; finablement que durant ce temps
(l'esté aidcunes presches ne se feront en icelle ville, n'estoit que on vous
empeschast les faire au flohors, ou (|ue les aultres villes de par-dechà durant
(<) Jean de Cambry, seigneur du Marelz ou Marest ià Btandain), fils de Jean, ancien
grand prévôt, et de Jeanne Liébart, avait épousé à Saint-Jacques, le 18 février lo6fi, Marie
des Farvacques, morte veuve dans la dite paroisse le 3 octobre 1o77. Il dut fuir de
Tournai, parce qu'on le soupçonn;iit d'tiérésie. [Mémoires de la Société historique tle Tournai,
t. XXlll, pp. 46-2-463.)
'■i Antoine de la Fosse dit Pilthem, seigneur de Robersart (à Douchy lez-Valenciennesj;
lit partie de la Magistrature de Tournai de ioo9 à lo64 et y épousa Caltierine Dare. It était
le fils de Jean et de Catherine de Guerry ou de Quévy. (Voir uu Chastel, iXolices généalo-
giques toumaisiennes, t. II, p. 73.)
(3) Nicolas Bernard, voir plus haut, p. 120, note 3.
* Simon Bernard, écuyer, seigneur du Mont.
(5) Voir Pièces justitiralives, n" XVII. liapport du Magistrat.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 127
le dil temps joyssenl de plus grand' liberté ou que sur la résolution des Estais
généraulx légiliesniemeiit assemblez, aulliemenl en soil ordonnez (^). »
Celait une nouvelle capilulalion de la part de l'Autorité centrale. !Von seu-
lement elle tolérait les prêcbes à la campagne, mais elle les autorisail.
De reculade en reculade, le Gouvernement cédait sur tous les points,
Enbardi parlant de faiblesse, le peuple se gêna de moins en moins et mani-
festa ouvertement ses croyances religieuses.
Désormais le serment de Saint-Georges s'abstient d'olîrir à la Vierge de
la paroisse du Chàleau, comme il le faisait cliaque année, un manleau
d'a|)parat et refuse de faire cbanter sa messe annuelle; les boucbers de la
grande boucberie su|)priment la messe bebdomadaire dans leur cbapelle et
enlèvent les ornements el vases sacerdotaux; la corporation des couturiers
abolit également sa messe Iradilionnelle el veut vendre au plus offrant les
objets du culte qui garnissent leur cbapelle (^).
Tel était l'état des es|)riis à Tournai, lorsque le 17 août se répandit la
nouvelle du sac et du pillage des églises à Tourcoing, Roubaix, Lers,
Mouvaulx, ainsi que dans diverses localités de la cbàlellenie de Lille el
même du Tourna isis ( '').
Cinq jours après, le jeudi 22 août, on apprenait que les mêmes scènes
s'étalent reproduites à Gand et à Anvers. On devine facilement l'effet de
pareilles nouvelles. Une violente effervescence gagna la multitude et, si le
Magistral ne s'était ce jour-là montré énergique, elle se sérail livrée aux
mêmes désordres que dans les deux villes flamandes (').
Déjà, on avait abattu une croix de bois dressée contre l'église Saint-
Pierre (^) et d'autres excès auraient été commis, si la compagnie de Gabriel
de Cambry, rassemblée sur-le-cbamp, n'avait réprimé l'agitation popu-
laire C^). Ce ne fut pas pour longtemps.
(^) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 129.
(2) Idem, ibid., t. I, pp. 127-128.
(^) Pièces justificatives, n° XVII. Happoi't du Maijislral.
(*) PaSQUIEU de le liARItE, op. cU., t. I, p. 134.
(3) Eglise aujourd'hui démolie, elle se trouvait autrefois sur la place de ce nom; elle
disparut en 1821.
(6j pASaUlEK DE LE BaRRE, op. cU., t. 1, p. 135.
128 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVh SIÈCLE
Le lendemain 23 aoùl, dès l'aulje, les calvinistes, grossis de tous ceux
« qui désiraient voler et piller (') », se répandirent hurlant dans la ville et
se livrèrent au saccagement des églises paroissiales et claustrales; la plus
petite chapelle ne fut pas épargnée et les iconoclastes, aux dires d'un contem-
porain, firent partout un « merveilleux dégast... (') ».
Ne respectant rien, ni les tableaux, ni les objets d'art, ni les orgues, ni
les autels, ils détruisirent avec une fureur aveugle les richesses artistiques
des temples, aussi bien que les objets du culte et les statues, ne laissant
debout que « les pilliers et principaux basiimens de la machonnerie » (^).
Leur rage n'avait d'égale que leur impuissance à ne savoir tout anéantir.
Dans les églises paroissiales de Saint-Pierre, de Sainte-Calherine, de Saint-
Piat, de Saint-Quentin, de Saint-Brice, de Saint- Jacques, les ornements, les
calices, les reliquaires, les aubes, les chasubles, les chapes, les croix, les
candélabres, les lampes, rien ne resta, tout fut brisé, arraché, détruit (*).
Monastères et cloîtres n'échappèrent point à leur fureur dévastatrice,
l'abbaye des Près-aux-Nonains {"') comme celle de Saint-Mard Ç^), le couvent
(1) PioT, Correspondance de Philippe 11, t. 1, p. 410.
(2) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 13o, et IHèces justificatives, n» XVll. Rapport
du Magistrat.
(3) Idem, Ibid.
(*) Pasquier de le Barre, op. cit., 1. 1, p. 135, et Archives de l'État à Mons. Registre aux
sentences criminelles, fol. 12, 17, 20, 21, 22, 46, 56, 59, etc.
(5) L'abbaye des Près-aux-Nonains était située dans la banlieue de Tournai, hors la
porte de Sainte-Fontaine. Voici tirés du Registre de la Loi, n" 149, des Archives commu-
nales de Tournai, quelques renseignements sur les dévastations qui y furent commises :
Jehan Le Bacre, hautelisseur « se seroit en compagnie de pluisieurs aultres sacaigeurs en
l'abaie dite Notre Dame des pretz aux nonains lez icelle ville, où estant entré en l'église
seroit panenu jusques à certain oratoire dite la chapelle de la confesse, auquel oratoire
icelluy Le Bacre et ses dits compagnons seroient aussy entrez et ayans illecq trouvé certain
coffres painct de vert avecq serrure et ferailes de cuyvre doré, ouquel reposoienl avec, uns
ossemens et reliquaires des onze mil vierges, ils auroient par ensamble rompu et brizé
icelluy cofret, marchans dessus par violence et impétuosité grande, tellement que lesdis
ossemens auroient par eulx esté réduis en pouldre. Sy auroient en oullre icelluy Le Bacre
et ses dits compaignons trouvés audit oratoire en ung tonneau tournant et servant certain
lieu de retraite près icelluy oratoire, deux chasses d'argent, une petite quièvre et une platine
d'argent servans ù ung calice dens l'une desquelles reposait la sainte ostie et précieux corps
AU POINT DE VUE POUTIQUE ET SOCIAL. 129
des Frères Mineurs ('), des Cliarlreiix {^), des Sœurs Noires (^), coinine celui
des Jésuites el jusqu'aux liôpilaux (*).
On ne respecta même |)as la dépouille dos moris. Aux Chartreux de
Cliercq, celle horde de sauvages viola le tombeau de Hugues de Melcun,
sénéchal de llainaut (■'), el, détail horrible, un misérable du nom de Jean
Ruyanl alla jusqu'à couper un bras au cadavre, le ()romena outrageu-
sement dans les rues de Tournai, puis le jeta dans l'Escaut (").
La cathédrale fut l'objet des mêmes profanations. Tout ftil brisé,
saccagé (J); tout fut souillé el violé jusqu'aux lombeaux des chanoines el
deNostre Seigneur Jhesus-Crist et dans l'aultre le saint cresme... lesquelles chasses auroient
par après esté conculquées et brisées avecq leur contenu »...
(6) de la page précédente. — L'abbaye de Saint-Mard ou de Saint-Nicolas-des-Prés, dont
il reste encore de nos jours quelques ruines, était située au faubourg de Valenciennes;
sa fondation remontait au Xll'= siècle.
(1) Les Frères Mineurs s'établirent à Tournai en 1240, dans la rue des Récollets, non
loin de la porte de Valenciennes; un vieux bâtiment, aujourd'hui occupé par les Clairisses,
subsiste encore de leur ancien couvent.
(2) Les Chartreux furent installés dans la commune de Chcrcq en 4375, par Jean
de Werchin, sénéchal de tlainaut, à l'endroit où s'élève aujourd'hui le château de Chercq,
propriété de M. Thorn-Carbonnelle.
(•i) Les Sœurs Noires se fixèrent à Tournai en 1240, non loin de la porte de Valen-
ciennes.
{*) Pasquirr de le Baiirr, op. cit., t. M, p. 241. Archives communales de Tournai,
Consaux, séances des 15, 21 et 22 novembre 1569.
(S) Hugues de Meleun, premier prince d'Espinoy, baron d'Antoing, etc., connétable
héréditaire de Flandre. Il avait épousé Yolende de Harbençon, dame de Werchin, Wallin-
court, Cysoing, Roubaix, héritière du titre de sénéchal de Hainaut, qui avait appartenu
longtemps à la famille de Werchin. Il était le fils de François, comte d'Espinoy, et de
Louise de Foix. (D'après Pinchart, I'asquier m: lk Baiirk, op. cit., t. I, p. 197, note 1.)
C») Pasquier de le Barre, op. cil., t. I, p. 196, et t. Il, p. 195. Pasquier de le Barre dit
le bras gauche, les commissaires le bras droit. Pasquier de le Barre ramène ce sacrilège
à cinq ou six jours en arrière, les commissaires le portent au 23 août.
(1) Archives de l'État à Mons, Registre aux sentences criminelles, fol. 47 v". « Franchois
Desnoettes, carlier, demeurant... estant le lendemain du saccagement des églises avecq
aultres par votre capitaine commis à la garde du grant portai de l'église Notre-Dame...
estes advanché pour acquérir bruict, garny d'un groz marteau de fer vous employer et
mectre en debvoir à rompre et de fait abbattre pluisieurs ymaiges de pierre blanche audict
portai... »
Tome I. — Lettres, etc. 17
l.->() TOURNAI ET LE TOURNAÏSIS AU XVI» SIÈCLE
(Faulres défunts. On arracha même de son tombeau le cadavre du duc
Adolphe de Gueldre('), inhumé dans la chapelle Sainl-Louis (').
La Trésorerie, où Ton gardait précieusement les châsses, reliquaires,
joyaux et pièces d'archives contre tout danger de guerre ou d'incendie (^),
fui mise au pillage. Les objets d'orfèvrerie, les chefs-d'œuvre de nos ciseleurs
du moyen âge furent réduits en pièces, sous les yeux des trois minisires
calvinistes (*), Ambroise Wille, Charles de Nielles et Etienne Marmier ('').
Et le lendemain, pour assouvir toute sa fureur, sur l'ordre même
d'Amhroise Wille C^), cetle tourbe ignominieuse mit le feu aux riches
archives du Chapitre de Noire-Dame, puis elle jeta la dépouille du duc
de Gueldre dans le brasier activé par la cire en fusion qui découlait des
Charles.
On avait détruit en quelques heures, sous un prétexte insensé C), des
(<) Adolphe de Gueldre, fils d'Anould, dans le désir de régner plus vile, fit emprisonner
son père. En 1477, il se mil à la tête des Gantois qui attaquaient les Tournaisiens et fut
tué ù Chin. Il fut inhumé dans la chapelle Saint-Louis, en l'église cathédrale. (Cousin,
Histoire de Tournai, t. IV, pp. 240, 243-246.)
(2) La chapelle Saint-Louis est celle que l'on a à sa droite, avant d'arriver au transept,
en entrant par le grand portail.
(3) I^ASQUIER DE LE BaRRE, 0}). Cit.. t. Il, pp. 367-368.
(*) Irem, Jbid., t. 1, p. 186.
(3) Idem, llnd., t. Il, p. 180. Le pasteur Marmier, communément appelé Haut-Bour-
guignon, avait épousé la fille de Wallerand de Willem qui lui avait apporté en dot dix à
onze cents livres de gros. 11 quitta Tournai à l'entrée de Noircarmes. (Bulletins de la Société
historique de Tournai, t. XX, p. 180.)
(6) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 137.
C) D'après Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 138, Ambroise Wille prétendait que
ce qu'il avait fait faire « étoit pour absouldre le roy et ceulx du magistrat de la ville du
serment qu'ilz avoient fait de garder et observer lesdis prévillèges, lequel serment estoil
renouvelle par chascun an pour ceulx dudict magistrat ». On sait que chaque année au
renouvellement de la Magistrature, les prévôts et jurés et les échcvins juraient les serments
suivants : Serment des prévôts et jurés à la chapelle de Saint-Vincent :
« Nous, prévôt et jurés de la ville et cité de Tournay, élus au gouvernement de la ville,
cité et communauté de Tournay jurons es saints évangiles de Dieu, pour nous et pour
ladite communauté, que nous garderons sûreté, fidélité en matière spirituelle et loyauté -h
Monseigneur l'évêque de Tournay, qui ores est et à ses successeurs évêques de Tournay que
pour le temps seront. Item, jurons que les immunités de la grande église et de toutes les
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 151
monuments d'un prix ineslimablc et l'Histoire venait de subir une perle
à jamais irréparable (').
églises de Tournay nous garderons et jamais nous les enfeindrons en aucune manière, au
péril de droit en cas d'infraction, et ce tant que lesdites immunités ne reçoivent change-
ment par puissance compétente. Ainsi Dieu nous aide et ses saints. »
Serment des mayeurs et échevins en la salle capiiulaire :
« Nous mayeur et échevins de la ville et cité de Tournai, jurons es saints évangiles de
Dieu que nous serons féaux à l'église de Tournay, et comme échevins garderons et conser-
verons les droits d'icelle et des autres églises de la dite ville. Ainsi nous aide Dieu et les
saints évangiles de Dieu et tous les saints. » (Vandenbkoeck, La Magistrature tournaisienne.
Tournai, Malo, 1870, p. 9.)
(1) Ch. Rahlenbeek et Lothrop Molley (a) ont cherché à amoindrir les responsabilités
de la Réforme, à atténuer le mal causé par les troubles du mois d'août 1566 et surtout à
innocenter Ambroise Wille, l'un des trois pasteurs calvinistes de Tournai, de l'accusation
d'avoir ordonné de brûler les archives du Chapitre. Ambroise Wille a-t-il donné l'ordre
de brûler? Oui, aucun doute ne peut subsister à cet égard. Il serait incompréhensible que
Pasquier de le Barre [b), procureur général à Tournai, magistrat partisan de la Réforme,
qui lui était tout dévoué et qui était mieux que personne en situation de savoir ce qui
se passait, osât lancer une telle affirmation, si elle n'était pas vraie (c). Si des œuvres
artistiques d'une valeur inestimable ont disparu dans cette tourmente (d), si des archives
précieuses sont à jamais perdues, ce sont les pasteurs calvinistes et surtout Ambroise Wille
qui en sont responsables. Sans doute, au milieu des calvinistes convaincus, s'étaient glissés
des gens sans aveu, des aventuriers et des vauriens ie) ; mais n'était-ce pas une raison de
plus pour les pasteurs de chercher à arrêter les calvinistes dans leurs dévastations?
On pourrait peut-être objecter que les pasteurs ne furent pas maîtres de la foule, mais ce
qu'on ne parviendra jamais à expliquer, c'est l'ordre donné sans nécessité bien prouvée,
par un pasteur, donc par un homme instruit, de brûler des archives. Pourquoi d'ailleurs
tenter de disculper un accusé qui avoue, Ambroise Wille se chargeant lui-même de faire
(o) Ch. Rahlenbeek, Les villes protestantes de la Belgique, Tournai. Liège, 18S4. — Lothrop Motley,
La révolution dex Pays-Bas au XVI' siècle. Bruxelles, 1859, t. II, p. 9o.
{b) Pasquier de le Barre naquit à Tournai en octobre 1.54.5, il fut nommé greffier des doyens et sous-
doyens des métiers ; il devint ensuite tabellion royal, procureur fiscal et enfin procureur général de
Tournai. 11 fut poursuivi comme hérétique, destitué de ses fonctions et e.xécuté à Vilvorde le
29 décembre 1S68 avec Jean Says et Gabriel de Cambry, Tournaisiens.
(c) PasOuier de le Barre, op. cit., 1. 1, p. 137, § 1.
(d) La cliàsse Saint-Éleuthère, ce splendide travail artistique que chacun peut admirer dans la cathé-
drale, fut sauvée du désastre « parce qu'elle fut cachée dans la grange des diraes, aujourd'hui la
Bibliothèque de la ville, sous des bottes de paille et de foin ». {Bulletins de la Société historique de Tournai,
t. XIII, p. 343, d'après un manuscrit de la Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.)
(«) Marguerite de Parme ne dit-elle pas : « Il y a ([uatre espèces de gens : ceux qui veulent la liberté
de conscience, ceux auxquels déplaisent la rigueur des placai'ds et l'inquisition, ceux qui voudraient
voler et piller; ceux enfin qui désireraient clianger de prince ». (GArHARn, Corres]>ondance de Philippr II,
t. I, p. 410.) ' ■
t5> TOUlîNAI I:T le TOimiNAISIS AU \\\' SII-ICLE
« On peut évaluer, dit le proteslanl Prescolt, les perles résullant du
pillage de h vaisselle d'or et d'argent; un habile architecte pouvait restaurer
les monuments si cruellement défigurés; mais qui pourrait estimer Tirrépa-
rahle dommage causé par la desiruclion des manuscrits, des statues et des
tableaux? On s'altriste en reconnaissant que partout les premiers efforts des
réformés ont élé dirigés contre ces monuments du génie, créés et perfec-
tionnés sous la généreuse protection du catholicisme ('). »
L'Âulorilé assista impuissante à ces profanations. Les compagnies popu-
laires refusèrent de lui prêler assistance, sous la spécieuse raison « qu'elles
avaient juré de préserver la ville et ses habitants de toute sédition, révolte
ou sac », mais non point de garantir les églises contre tout « cassement des
ymaiges et aultre outrage (-) », comme si les iconoclastes n'étaient pas un
danger pour l'ordre public!
Les jours suivants, des bandes de Tournaisiens se répandirent dans le
Hainaut et le ïournaisis, saccagèrent les églises de Kain, d'Obigies, de
MourcourI, de Néchin, de Pecq, d'Havines, d'Orcq, etc., y commettant les
mêmes sauvageries que dans celle de Tournai (^). Leurs déprédations
ne cessèrent que le jour où un homme énergique résolut d'y mettre un
terme.
De concert avec des calvinistes de Valenciennes, près de cinq cents habi-
connaître qu'il a commandé de mettre le feu aux arcliives du Chapitre (a). Nous n'irons
pas, comme certains autres, jusqu'à le rendre seul responsable des actes de vandalisme
commis dans la caili('drale et les autres églises, parce qu'il consacni cinq cents florins
des mille qu'il reçut de l'abbé de Saint-Martin, à abreuver les saccageurs ou à acquitter
les hôteliers chez lesquels ceux-ci avaient mangé le 24 août (fc) ; l'acte d'avoir fait brûler
les archives du Cha[)itre de Notre-Dame suffit îi sa mémoire.
(1) W.-H. PiiEscoTT, Histoire du règne de Philippe II, traduit de l'anglais par Flenson.
Paris, 1860, t. Il, p. 286.
(2) Pasquieii de le Bakhe, op. cil., t. H, p. 192, et Pièces justificatives, n° XVII. Rapport
du Magistrat.
(3) Idem, llnd., t. I, p. 139, et même page, note 6; Archives communales de Tournai,
Pièces comptables, farde : Voyages, 6 septembre lo66.
(a) Pasquier de le Bakre, op. cit., t. I, p. 138.
{b) Pièces justiticalivus, n» XVII. Rapport du Magistral.
AU POINT OK VUE POI.ITIOUK ET SOCIAL. I.î?;
taiits de Tournai oi «le Sainl-Amaiid s'élaienl livrés au pillage des abbayes
de Crespin, Vicogiie, Hasnon el Marcliienncs ('), ei ils se disposaient à irailer
de la même façon le monastère d'Anchin ('^).
Ferry de Guyon, bailli d'Anchin, informé de leurs exploits et de leur
dessein, rassembla à la hâle une troupe de sept ceiiis hommes, vint à leur
rencontre jusque dans .Marchiennes, les défit el leur tua seplanle à qualre-
viiigis hommes (26 aoùi).
Dans l'après-midi, vers deux heures, une nouvelle bande de quatre à
cinq cents Tournaisiens, sous la conduite de Guillaume Bresoul el de Gervais
Moncheau, arriva à Marchiennes (^) ; mais elle fui défaite à son tour par
Koberi de Longueval, seigneur de Warling, el abandonna sur le terrain
quatre-vingts des siens (*).
Tandis que ces combats se livraient sur les bords de la Scarpe, Ambroise
Wilie, le même jour, lançait les calvinistes sur la grande abbaye bénédictine
de Saint- .Martin el ne donnait Tordre de cesser le pillage (|ue quand l'abbé
lui eut promis une somme de mille (lorins carolus (^).
(M A Marchiennes se trouvait une rictie abbaye bénédictine sur la Scarpo; elle avait été
fondée au Vit'' siècle par saint Adalbert et sa femme sainte Rictrude. (Mémoires de Férij
de Guyon, éditeur Robaulx de Soumoy. liruxolles, 18n8, p. 146, note i. Histoire des troubles
de Valenciennes, même éditeur. Bruxelles, 1864, pp. 16 et 17.)
i"^) L'abbaye d'Anchin, nommée en latm Aquicinetum parce qu'elle était entourée par
les eaux de la Scarpe, avait été fondée en 1079, pour des bénédictins, par Wautier
de Sicher. L'abbaye d'Anchin ét;iit aussi riche et aussi importante que celle de Marchiennes.
(Féhy de Guyon, op. cit., p. 146, note 2.)
(3) Archives de l'État îi Mons, Registre aux sentences criminelles (1566-1369), fol. 32 v°.
« Pour ce que (iuiilaume Bresoul, marcimnt, manant de ceste ville et cité de Tournay,
vous... d'avantaige comme chief et conducteur avecq Gervais Moncheau estans tous deux à
cheval mené certaine grande trouppe de gens armez et embastonnez à enseigne dcsploiée
vers la ville de Marchiennes, ou le malin du meisme jour, avoit esté deffaicte par les
paysans une aultre bende de samblables gens. »
t^) Mémoires de Féry de Guyon, op. cit., pp. 145 à 150. Ces détails puisés dans un autre
écrivain, attestent la bonne foi de Pasquier de le Barre. Cet annaliste, dans le tome I"
de ses Mémoires, p. 139 (édition Pinchart), dit que les Tournaisiens laissèrent à Marchiennes
« bien cent et cinquante morts »; or, si nous additionnons les chiffres donnés par Féry
de Guyon, nous arrivons à ce total.
(S) Pasquier de le Barre, op. cit., t. II, p. 194.
154 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
CHAPITRE II.
APOGÉE DE LA KÉFORME.
SoMMAiiŒ. — L Arrivée à Tournai d'Eustaclie de Fiennes, seigneur d'Esquerdes, et de Jean
de Montigny, seigneur de Villers; leur mission. — IL Arrivée du comte de Hornes; il
autorise les prêches urbains et fait un compromis avec les calvinistes; il leur assigne
quelques endroits pour leurs prêches en ville. — III. Les calvinistes obtiennent
l'autorisation d'élever des temples et demandent de pouvoir se livrer à leurs rites
religieux. — IV. Départ du comte de Hornes; appréciation de sa conduite. — V. On
promet aux calvinistes la tolérance des magistrats concernant l'exercice public de leur
religion.
I. Les deux défaites de Marchieiines modérèrent l'ardeur des briseurs
d'images tournaisieiis. Ils n'osèrenl plus s'aventurer au dehors de leurs murs
el iravaillèrenl à rachèvemenl de l'organisation de l'Église réformée de
Tournai.
Les prêches champêtres furent abandonnés; on les fit en ville. Le mardi
27 août, les cérémonies du culle évangélique se célébrèrent publiquement
dans les trois églises paroissiales de Saint-Briie, de Saint-Jacques et de
Saint-Nicaise ('). D'aucuns môme, profilaiil de la slupeur générale qu'avaient
provoquée leurs exploit'^, se mirent à piller les maisons bourgeoises et à
voler leurs concitoyens (-).
La population catholi(|ue s'effraya. De nombreux exodes se produisirent ;
l'évéque s'était, dès le mois de juillet, réfugié à Lille Q. Après les troubles
(l'août, de nombreux prêtres rimilèrent, et il ne resta plus à Tournai que
trois chanoines pom- assurer la marche régulière des otïices de la callic-
drale (*).
(1) Pasquiku 1)1-; i,i£ liAUitc:, op. cit., t. Il, p. 244, et t. I, p. 4 40. Archives de l'État à Mons,
Registre aux sentences criminelles, fol. 22 r°.
C^) Archives communales de Tournai, Publication du 27 août 1566.
(3) PouLLKT, Correspundmwe de Granvelle, t. t, p. 279.
(*) Pasql'IER iiE i.E Bauiik, op. cit., t. 1, p. 337.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. I.îo
Comme les mêmes dévastations avaient été commises à Valenciennes, m
Gand, à Anvers et dans (Paiitres localités du pays, la Régente fnl plongée dans
la plus profonde consternation. Elle convoqua à Bruxelles les chevaliers de
la Toison d'or et reçut d'eux le conseil de céder aux circonstances, en
accordant aux seigneurs confédérés l'objet de la requête présentée par eux le
30 juilllel précédent (').
Aussi, le 23 aoùl, tout en déclarant qu'elle cédait à la force des choses,
Marguerite de F^arme faisait-elle délivrer aux nobles des lettres atleslanl que
« Sa iMajesIé était contente que l'Inquisition cessai; qu'elle consentait aux
réunions religieuses des réformés dans les endroits où elles avaient déjà eu
lieu et que le compromis ne serait pas imputé à crime aux nobles, à con-
dition qu'ils se conduisissent dorénavant comme de loyaux et fidèles
sujets C^) » .
De leur côté, par un acte du même jour, « les Reversales » , les Confédérés
prirent l'engagement d'être bons et loyaux vassaux du roi, de réprimer les
désordres, d'en punir les auteurs, « tant que tiendrait la sûreté qui leur était
garantie par la duchesse de Parme au nom du roi (''') ».
Les Confédérés envoyèrent à Tournai Eustache de Fiennes, seigneur
d'Esquerdes, et Jean de iMontigny, seigneur de Villers ('). Ils arrivèrent le
27 août et, le lendemain, se présentèrent devant les Consaux avec une copie
des concessions faites le 23 par Marguerite. Soit qu'ils se défiassent de ces
(^j Gachard, Correspondance de Philippe II, t. I, p. cxliv.
{'^) Pièces justificatives, n" XVIl. Rapport du Magistral.
(3) Gachard, Correspondance de Philippe II, t. I, p. cxlv ; Pasquier de le Barre, t. I,
p. 161.
(^) Eustactie de Fiennes, seigneur d'Esquerdes, tîls de Charles du Bois de Fiennes et de
Marie de Lannoy. à l'arrivée du duc d'Albe à Bruxelles, il se retira en Hollande avec
beaucoup de ses compagnons de la Confédération, il fut condamné au bannissement
perpétuel et à la confiscation des biens, le 17 août 1568, et excepté du pardon général
de 1574. En 1572, il se trouve dans l'armée française de Senlis chargée de délivrer Mons ;
en 1578, il revint à Arras où ses coreligionnaires essayèrent sans succès de le proposer
pour gouverneur. A partir de cette époque, on le perd de vue. (D'après PiOT, Renon
de France, t. I, p. 118, et de Coussemaker, Troubles du XYl-" siècle, t. II, pp. 218-220.) —
Jean de Montigny, seigneur de Villers, fut décapité à Bruxelles le 2 juin 1568.
136 TOURNAI KT LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
nouveaux venus, soil qu'ils ne voulussent pas croire aux concessions l'ailes
par le roi, les masislrals exigèrent, avant de publier l'accord intervenu entre
le Gouvernement et les Confédérés, que les seigneurs d'Esquerdes et de
Villers produisisser)l leur commission et leur mandat. Comme ils ne purent le
faire, prétextant la précipitation de leur départ, les Consaux « envoyèrent en
Cour » à Bruxelles, le second procureur de la ville pour connaître la vérité
à ce sujet (').
Dans l'intervalle, Eusiache de Fieiinesel Jean de .Montigny,. impatients de
pacifier les esprits, s'cmployèient résolumi^nt à tarir les deux sources d'où
pouvaient sourdre de nouveaux troubles, la misère du peuple et lanimosité
ou plutôt la défiance que les Tournaisiens calvinistes nourrissaient envers la
garnison espagnole enfermée dans le Château.
La misère était profonde à Tournai.
L'exécution rigoureuse des placards, la fréquence des |)rédi(,'alions calvi-
nistes, le concours empressé de la foule à ces réunions entretenaient dans le
peuple une exaltation religieuse préjudiciable à la vie économique (|ui
détournait de leurs occupations journalières la majorité des artisans.
En outre, la résolution d'enrégimenter le peuple en huit brigades, les
gardes (|uotidiennes qu'on inq)osait depuis plus d'un mois mettaient obstacle
au bon fonctionnement de l'industrie, entravaient la marche régulière
du commerce, empêchaient l'ouvrier de gagner le salaire indispensable à
l'entretien et à la subsistance de sa famille et favorisaient la crise économique
née avec le siècle, au point (pje Tournai semblait s'affaisser dans une irré-
médiable décadence.
Pour secourir la misère générale, les deux confédérés, Eustache de
Fiennes et Jean de Montigny, proposèrent aux Consaux de faire vendre tous
les objets d'or et d'argent détériorés provenant du sac de la cathédrale et des
autres églises et enfermés dans la Halle (^). La somme (ju'on en aurait
retirée aurait été distribuée parmi les artisans.
(1) Pasolieh de le Bahre, op. cil., t. I, pp. 140-141 ; i. Il, p. lUo, et Pièces justificatives,
n» XVtt. Kapport ilu .Magistrat.
(2) PAsyuiEti DE LE Bahre, Op. dt., t. Il, p. 196, et Pièces justificatives, n»XVlI. Rapport
du Mayistrat.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 117
Mais les Consaiix n'adoplérenl |)as celle proposilion qui leur paraissail
peul-êire sacrilège.
Le 30 aoùl, les délégués des seigneurs confédérés leur conseillèrent
comme « moyen prompt de remellre le peu()!e en labeur », d'entre-
prendre des travaux d'ulililé publique et aussi de demander en prêl au
Chapitre de Notre-Dame, aux abbayes et aux receveurs royaux une somme
d'argent qu'on partagerait entre les marchands empêchés de faire le com-
merce, parce que ceux d'Anvers refusaient de leur payer leurs créances (^).
Les Consaux acquiescèrent. Ils commencèrent par exiger d'Ambroise
Wille la restitution de la moitié des 1,000 florins qu'il avait reçus de l'abbé
de Saint-Martin; ils en ajoutèrent 1,000 autres qui leur furent prêtés par
Jean Gombauli (^), receveur du roi, ei Jacques Haccarl ('), dépositaire de
Philippe II. Les capitaines firent la répartition de ces sommes parmi les
citoyens les plus nécessiteux qui servaient sous leurs ordres (*), et l'on atténua
ainsi, momentanément du moins, le dénucmenl des classes laborieuses.
Mais la défiance que les Tournaisiens calvinistes ressentaient à l'égard de
la garnison du Château subsistait toujours.
La population tournaisienne, on l'a vu, avait embrassé la religion nouvelle
avec une ardeur qu'aucune résistance n'avait pu maîtriser ("). Seule, la petite
troupe casernée au Château s'obstinait à tenir tête au peuple et, prenant une
attitude manifestement hostile, avait braqué ses fauconneaux el autres pièces
(<) Pièces justificatives, n° XVH. Rapport du Magistrat.
(2) Jean Gombault, seigneur d'Archimont, né en 1S53, conseiller, receveur général des
domaines au quartier de Tournai-Tournaisis depuis 1559; il mourut vers 1397. (Pasquier
DE LE Barre, op. cit., t. I, p. 147, note 1.)
(3) Jacques Haccart, écuyer, membre de la Magistrature tournaisienne de 1319 à lî)o3,
puis dépositaire du roi au bailliage de Tournai-Tournaisis, fut anobli par lettres patentes
du 7 janvier 1589. 11 était fils de Léon et de Gertrude de Landas; il épousa Antoinette
de Galonné, (du Chastel, op. cit., t. Il, p. I,^i9, et t. III, p. 817.)
(*) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, pp. 147-148, et Pièces justificatives, n» XVII.
Rapport du Magistral.
(S) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 143, el Pièces justificatives, n" XVTI. Rapport
du Magistrat.
Tome I. — Lettres, etc. 18
158 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
d'artillerie vers les endroits où se tenaient d'ordinaire les réunions calvi-
nistes (').
Le peuple en avait conçu une irritation profonde. Le moindre soupçon
suffisait à provoquer un vif émoi. Ainsi, le 23 août, vers 41 heures du soir,
tout à coup des appels « aux armes » retentirent, le tocsin sonna l'alarme,
les tambours battirent la générale, les compagnies furent rangées en bataille,
face au Château, tout simplement parce que le pont-levis de la forteresse
donnant sur la ville avait été abaissé. Il s'agissait dans l'espèce de livrer
passage à deux femmes qui venaient quérir une accoucheuse dont les soins
étaient réclamés par une habitante du quartier ('^).
Pour faire cesser « cette difïîdence », Eustache de Fiennes et Jean
de iMontigny prièrent le lieutenant du gouverneur, Jean du Chasleler, de
promettre au peuple qu'il ne l'attaquerait pas avec ses troupes « tant que
l'ordre ne serait point troublé dans la ville », et de s'engager en même
temps à punir tout soldat qui insulterait un Tournaisien (^).
Jean du Chasteler promit, mais le 30 août, las et goutteux ('*), il autorisa
le capitaine Philippe de Lannoy (^), qui venait d'entrer au Château avec une
(1) I^ASQUiER DE LE Barre, op. cU., t. l, p. 143, et Pièces justificatives, n» XVII. Rapport
du Magistrat. — La garnison avait été augmenlce de cent cinquante recrues vers le
2o août.
(2) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 143.
(■<) Idem, op. cit., t. I, p. 146, et Pièces justificatives, n° XVII. Rapport du Magistrat.
— Les seigneurs d'Esquerdes et de Villcrs agissaient sans mandat régulier du gouver-
nement, mais au nom des seigneurs confédérés. Cependant, jamais Marguerite de Parme
ne les désavoua dans leur œuvre de pacification, tout en se refusant à reconnaître qu'ils
agissaient ofticiellement et tout en déclarant « n'estre besoing ny convenable de despêcher
commission aux seigneurs d'Esquerdes et de Villers ». {Rapport du Magistrat.) Il est
néanmoins étrange de voir ces deux gentilshommes, agissant sans mandat, faire office
presque de gouverneur, s'occuper des affaires de la ville et essayer loyalement de pacifier
les esprits, jusqu'à l'arrivée à Tournai du comte de llornes.
(*) Pasquier de le Barre, op. cit., t. Il, p. 383. — Lettre de Philippe de Lannoy à la
duchesse, 2 septembre l.%6. « Monsieur l'admirai et moy sommes d'avis que vostre Allèze
fusse servie d'ordonner quelque gentilhomme pour servir de secours au bonvieux seigneur
de MouU)és, tant à cause de son éage que mal de gravelie et colique quasi ordineire... »
(S) PxsoiiiER de le Barre, op. cit., t. II, pp. 373-375, lettre du 31 août du comte de
Homes à Marguerite de Parme.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 159
compagnie de deux cents hommes, à exiger d'Eustache de Fiennes qu'il fil
désarmer les huit compagnies urbaines et retirer de la grand'place et des
rues avoisinant le Château Tarlillerie que le peuple y avait placée, « si on
voulait que les troupes royales n'usassent point de violence » (^).
H. Heureusement pour la tranquillité publique, le soir même du jour où
Philip|)e de Lannoy se montrait si maladroit, arrivait à Tournai Philippe
de Montmorency, comte de llornes, envoyé par Marguerite de Parme comme
commissaire chargé de pleins |)Ouvoirs (-).
La réception que lui lit la population tournaisienne « tant catholi(|ue
qu'hérétique » (^J fut grandiose et digne. Six mille hommes rangés par fde
de cinq se portèrent à sa rencontre dans un ordre admirable (*) et l'escor-
tèrent jusqu'en la halle des Consaux où le Magistrat l'allendait à souper. Des
a|)parlemetits lui avaient été préparés dans la demeure d'un marchand calvi-
niste, Jean Says, habitant rue Saint-Marlin.
Dès le lendemain de son arrivée, le comte de Homes se mit sérieusement
à la besogne et, comme Eustache de Fiennes et Jean de Montigny, il chercha
avant tout à atténuer l'indigence des classes nécessiteuses. On vendit sur ses
conseils les châsses et les reliquaires brisés, les ciboires et autres objets
précieux que la tourmenle dernière avait mis hors d'usage.
L'argent que rapporta celte vente fut insuffisant; aussi la ville, pour
remédier efficacement à la misère publique, n'hésita-t-elle pas à emprunter
à des marchands d'Anvers 4,000 florins ("), plus 8,000 au Chapitre
(1) Arctiives du Royaume à Bruxelles, Papiers d'État, reg. n» 353, fol. lOS. — Strada,
Supplément à l'histoire des (jueires civiles en Flandre sous Philippe II. Amsterdam, 1729,
t. Il, pp. 372-373. — Il entra au Château dans la nuit du 30 au 31 août, venant de Condé.
(Pasquiek de le Barre, op. cit., t. II, pp. 372-373.) — Lettre du 31 aoiit de Jean
de Chasteler.
i'i) Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 151, note 4, et Pièces justificatives, n" XVII.
Rapport du Magistrat.
(3) Nicolas Soldoyer, dans Pasquier de le Barre, op. cit., t. II, p. 24o.
(4) Pasquier ue le Barre, op. cit., t. II, p. 374.
(5) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 19 novembre 15G6.
140 TOURNA! ET LE TOURiNAISIS AU XVl^ SIÈCLE
de Noire-Dame, à rembourser l'année suivante et à valoir sur le produit de
la vente des objets du culte (^).
Elle fit acheter par ses délégués, Hubert Durieu et Olivier Liébart,
les produits fabriqués qui n'avaient pas été vendus à cause des troubles, en
commanda d'autres et soulagea ainsi, pour quelque temps du moins, la
détresse de la population ouvrière (').
Le comte de Hornes songea alors à aborder le côté moral de la mission
qu'il avait reçue, la question des prêches.
Sans contredit, l'affaire était importante el délicate. Fallaii-il interdire les
prédications calvinistes ou bien devait-on les tolérer?
Avant de résoudre la question, le comte de Hornes voulut s'enquérir de
l'opinion des autorités administratives. Le l""" septembre, quoique la Régente
lui eût « expressément enjoint et commandé de faire cesser les prêches
urbains » Q^), il adressa cette demande aux Consaux el aux officiers du
bailliage : l'intérêt suprême de l'ordre public exige-t-il qu'on tolère les
prêches dans l'enceinte même de Tournai ou qu'on les proscrive rigoureu-
sement (*)?
Les réponses furent catégoriques. Les magistrats communaux et les fonc-
tionnaires royaux, malgré leurs profondes sympathies pour la religion
catholique (^), sacrifiant « toute affection particulière touchant le faict de la
{i) Archives communales de Tournai, Prévôts et jurés à la date du 8 décembre lo66, et
Pièces justificatives, n» XVII. — La vente rapporta cependant une assez belle somme, car
dès le 8 décembre lo66, les prévôts et jurés ordonnaient déjà à leur mayeur des finances
Adam Lecocq de remettre au Chapitre de Notre-Dame « tele somme qu'il peult avoir en
ses mains provenante de la vente des ymaiges et vaisseaulx d'or et d'argent de la dicte
église cathédrale excédante les huit mil florins que luy a esté ordonné garder » ; pour les
églises Saint Jacques et de Saint-Jean, cette vente produisit respectivement une somme de
1,467 livres 19 sols tournois de 40 gros et 431 livres 7 sols tournois. (Voir Archives com-
munales de Tournai, Prévôts et jurés, 6 décembre 15(i6, et Consaux, 19 septembre lot)6.)
Pour les autres églises, les renseignements manquent.
(2) Archives communales de Tournai, Consaux, 2-J octobre lb66.
(3) Pièces justificatives, n" XVII. Rapport du .)lagislrat.
(4) Idem, n" XVII. Rapport du Mngklrat.
(Si Pasqlier de le Bahre, op. cit., l. Il, p. 377. — Lettre du comte de Hornes à la
duchesse (1" septembre io66) : « Je ne veulx aussy obmectre à Vostre Altèze comme le
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 141
religion et prenant seulement égard à la [jaeificalion des troubles et à
la Iranquillilé |)ul)li(|ue » ('), suppiièrenl le comte de llornes d'autoriser les
prédications calvinistes dans la ville, non loin des portes de la cité, ils lui
demanilèrent loulel'ois d'inlerdire aux réformés racées des (|uelf|ues églises
paroissiales qu'ils s'élaient appropriées depuis les troubles du mois d'août.
Toute la population était d'accord pour autoriser les prêches urbains : les
(lonsaux avaient piis leur décision à une grande majorité, « par le plus de
voix », connne disent les documents du temps, et révéque de Tournai
lui-même admellait que si les prêches urbains n'étaient pas tolérés, « il
pourroit journellement succéder des inconvénients » ('^).
Phili[)pe de Montmorency n'avait pas à hésiter. Aussi lit-il immédiatement
publier à chai|ue carrefour de la ville, une ordonnance permettant aux
habitants, sans crainte « d'aucune répréhenlion », de fré(iuenter librement
les prêches, (|ui ne pourraient cependant avoir lieu (pie dans les endroits
indiqués par lui-même el hors des églises paroissiales (■^).
Les pasteurs et les marchands protestèrent; mais, passant outre, le comte
de Horncs pressa Marguerite de Parme de confirmer l'autorisation qu'il venait
d'accorder (').
C'était le 3 septembre.
Du 4 nu 10 du même mois, de Hornes écrit quolidieimement à la
duchesse, l'adjure de se rendre à ses prières ("). Le <», il l'informe que si
elle condescend à permettre les prêches en ville, il a bon espoir « d'accom-
moder le tout » et il se flatte même d'amener le consistoire tournaisien et
magistrat est du tout catliolicque et à la dévotion de l'évesque et gens d'esglisse, pour où
ne est nullement bien volu de ceulx de la nouvelle religion. »
(1) Pièces justificatives, n" XVII. Bapjwrt du .Magistrat.
(2) Stiuda, Supplément, t. tl, p. 393. — Lettre du 6 septembre 1SG6.
(3j Les réformés s'étaient emparés sur la rive droite de l'église Saint-Brice et sur la rive
gauche de celles de Saint-Jacques et de Sainl-Nicaise. Quant aux autres, elles étaient
fermées depuis les troubles. (Pasquieii de lr Baukk, op. cit., t. I, p. 140.)
(*) Ce fut toujours en vue de l'apaisement des esprits que le comte de flornes demanda
la liberté des prêches urbains; personnellement, il n'en était pas partisan. (Voir à ce sujet
dans SrisADA, Supplément, t. II, p. 390, une lettre ([u'il écrivit le 4 septembre au président
Viglius.)
(5) Voir à ce sujet Stkaua, op. dt., Supplément, t. Il, pp. 390 et seq.
142 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
ceux de la religion nouvelle à « porter toute révérence et honneur à
révéque et à gens d'église » ; bientôi, ajoute-l-ii, il pourra rendre au culte
catholique la cathédrale et les autres églises (^). La Kégente resta inébranlable
et s'obstina dans son refus.
De guerre lasse, de Hornes avertit les Consaux. Ceux-ci, à leur tour,
tentèrent de fléchir la duchesse et, le 10 septembre, envoyèrent à Bruxelles
le conseiller Érasme du Chambge pour exposer les nécessités du moment Ç^).
Mais les instances de du Chambge irourent pas plus de succès que les prières
de de Uornes, et, le 12 septembre, .Marguerite de Parme fit savoir que
puisque les calvinistes « sont contents d'avoir le lieu près des murailles,
dedans la ville auprès des portes, ce ne sera pour eux plus grand mal d'avoir
le lieu hors la porte, aussi près des fossés qu'ils trouveront bon » (^).
L'obstination de la Régente entretenait dans « ce peuple de Tournai si
soupçonneux » (*) une ombrageuse défiance (^), qui rendait extrêmement
difficile la mission du comte de Hornes.
Fort heureusement pour le Gouvernement, l'influence personnelle dont
Philippe de Montmorency jouissait auprès de la population tournaisienne ('')
(1) Straha, op. cit.. Supplément, t. II, pp. 393-394.
(2) Idem, Ihid., t. II, pp. 413-414, la lettre que le Magistrat adressa à ce sujet à Margue-
rite de Parme.
(3) Strada, op. cit., Supplément, t. 11, p. 421, lettre du 12 septembre.
(+) Idem, Ihid., t. II, p. 452. — Dans une lettre du 3 octobre 1566, de Hornes dit à
Marguerite de Parme en parlant des calvinistes tournaisiens : « car sont gens les plus
soupçonneux du monde et me desplait de ce que je ne les puis persuader à ce qu'ils se
contentassent de i'asseurance simple de Vostre Altesse »...
(5) Le Magistrat, pour expliquer les raisons pour lesquelles il demandait qu'on autorisât
les prêches urbains, ne disait-il pas « ... joinct que allant aux champs (= pour les prêches)
sera presque impossible de faire mettre les armes bas, de crainte qu'ils pourront conche-
voir que quelque prevost des mareschaux, gendarmerie ou aultres officiers de Sa Majesté,
estrangers, mesmes des aultres manans de ladicte ville catholicque quy à la despourveue
leur pouroient fermer les portes, piller leurs maisons ou faire aultre oultraige en vindi-
cation de ce quy s'est passé »... — Voir aussi Stuada, op. cit.. Supplément, t. II, p. 337, § 3,
et p. 381, § 1.
(6) Strada, op. cit., Supplément, t. II, p. 39t in fine, et t. Il, p. 484, une lettre du
président Viglius à Jean du Chasteler en date du 22 septembre 1566, dans laquelle il dit en
parlant de Ploris de Montmorency : « Veu le consentement et confiance que ceux de la
ville ont en lui »...
AU POINT DE VUE POfJTIQUE ET SOCIAL. 14Ô
vint allénucr la détestable impression que produisaient les refus réitérés de
Marguerite de Parme. Grâce à sa merveilleuse adresse, il réussit le
46 septembre à faire accepter par les calvinistes un compromis aux termes
duquel on diminuait des (piatre cinquièmes les effectifs des compajj;nies popu-
laires (') et on rouvrait aux catholiques les édifices de leur culte.
La cathédrale, les éiïlises paroissiales et conventuelles où depuis le
23 août aucun prêtre n'avait mis le pied, furent rouvertes. Les cloches des
églises s'ébranlèrent de nouveau, conviant les fidèles aux ofiices, et Texercice
du cuite se praliqua d'autant plus librement (-) qu'en vertu du compromis,
les calvinistes ne pouvaient « contrarier en rien le service divin ni aucune
cérémonie de la religion catholique, ni permettre (|u'une injure fut faite aux
ecclésiastiques » (•^). Mais on refusait, à Tapproche de l'hiver, à ceux qui
représenlaient les quatre cinquièmes de la population ('), de posséder « dans
la cloislure » de la ville, un refuge pour y faire leurs prêches!
Était-ce équitable ? Le comte de Homes ne le pensa pas (^).
Il prit sur lui d'apporter une dérogation temporaire aux ordres de la
duchesse et il accorda aux calvinistes « quelques places prophanes » (")
(1) Ces compagnies, il les laissa subsister au nombre de huit, mais la totalité de leurs
effectifs, qui se montaient à six mille hommes, fut réduite à douze cents hommes qu'ils
choisit dans l'élément modéré de la population, la bourgeoisie. — Strada, op. cit., t. II,
p. 426, et Pièces justificatives, n" XVII. Rapport du .Magistrat.
(2) L'église iSaint-Quentin fut rouverte le dimanche 15 septembre; celle de Saint-
Jacques le 22 et ù la cathédrale on chanta la messe pour la première fois depuis les
troubles, le 26 du même mois; les autres églises durent être rendues au culte à peu près
vers ce moment-là. (Pasquii-k de le Barre, op. cit., t. I, pp. 176-190; Straoa, op. cit.,
Supplément, t. II, pp. 433-437.)
(3) Pièces justificatives, n" XVII. Rapport du Magistrat.
(*) Pasquier de le Barre, op. cit., t. II, p. 370, où dans une lettre à la duchesse,
de Homes dit : Vostre Altèze se peut tenir seure que des cincq parties du peuple, les
quatre sont de la nouvelle religion »...
(3j Pasquier de le Barre, op. cit., t. II, p. 377 : d'après une lettre du comte de Bornes à la
duchesse (1''' septembre 1566), on voit que certains catholiques de Tournai n'auraient pas
trouvé e.vorbitanl que quelques églises fussent accordées aux calvinistes, « alléguant qu'elles
sont de présent toutes prophanées et qu'il y a quelques esglises où tous les communicquans
sont entièrement de la nouvelle religion »...
(6) Strada, op. cit., Supplément, t. Il, pp. 425-426; lettre du 18 septembre du comte
de Bornes à Marguerite de Parme.
144 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SFÈCLE
dans la villo, en allendani l'achévemenl de plusieurs temples dont la Régente
avait aulorisé la construction extra muros par lettre du 7 septembre (').
111. Les calvinistes apprécieront toule Timportance de la concession qui
leur était faile cl, s'enliardissanl, ils prétendirent faire élever leurs leniples
aux frais de la caisse communale. Ne formaient-ils pas « !a |)lus saine partie
du peuple »; ne payaient-ils pas tailles et impôts comme leurs concitoyens
catholiques, auxquels les magistrats avaient donné la libre jouissance de
nombreuses églises?
Aussi sollicitèrent-ils rétablissement d'un impôt général |)our fournir à la
ville les l'essources nécessaires à l'érection des édifices destinés à leur
culte Ç').
Le Magistrat n'admit pas leurs réclamations. Il refusa de prendre à sa
charge les frais de construction des temples, mais « atïin de donner conten-
tement à ceulx de la nouvelle relligion », il offrit 40 livres de gros et,
« pour éviter mises superflues et inutilles », il défendit d'ériger plus de deux
temples (^).
Quant à l'établissement d'une taille générale, il ne l'autorisa pas davan-
(^) Strada, op. cil., Supplémeiit, l. II, p. 407. — L'autorisation était à peine accordée,
qu'une délégation des Consaux alla visiter les abords des portes de Marvis, de Valenciennes
et Cocquerel, s'enquit si ces endroits désignés par le comte se prêtaient à l'édificalion de
t«mples et se rendit ensuite à l'hôpital Saint-Nicolas [a], en la « grange aux engins » où se
remisait l'artillerie démodée de la ville, et enfin sur le quai Taille-Pierres, en un endroit où
on emmagasinait les matériaux de démolition des propriétés communales, à la « grange
à cailloux », conmie le désignait le peuple (b). C'était dans ces locaux fort peu convenables,
on en conviendra, au milieu de vieux canons ou de poutres vétustés que, durant la
construction des temples, devaient se pratiquer les exercices d'un culte suivi par près des
quatre cinquièmes de la population tournaisienne.
(2) Voir Pièces justificatives, n° XVll. Rapport du Magistrat.
(3) Idem. — Le comte de Hornes ne voulait que deux temples, parce qu'il n'y avait à
Tournai que deux pasteurs, qui étaient alors Ambroise Wille et Marmier. (Voir Rapport du
Magistral.)
(o) L'hôpital Saint-Nicola? était situé rue Saint-Martin.
(b) Voir Pièces justificatives, n» XVII. Rapport du Magistrat, et Pièces comptables, 20 sep-
tembre 1.^.
AU POFNT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 145
tage. Il permit seulement que les réformés recueillissent en ville dos dons
volontaires en argent et chargea de cette mission les calvinistes Guillaume
de Tourcoing, Andrieu Merman, Jérôme du Pire et Simon Âimeries (').
L'argent ne manqua point; bienlôt les calvinistes achetèrent à Isabelle
Godanlt, veuve de Jean de Villers, un terrain sis hors la porte Cocque-
relle (") et, le 7 octobre, ils jetèrent les fondements de leur premier
temple ('^).
Les calvinistes avaient gain de cause.
Mais ils ne jugèrent pas leur triomphe complet. Ils allaient posséder, il
est vrai, des temples pour y faire leurs prêches; ils voulurent pouvoir
y célébrer les cérémonies de leur culte.
L'après-midi du 19 septembre, Nicolas Tatïîn, l'un des plus éloquents
défenseurs de la Réforme à Tournai, Jean Opalfens, Jérôme du Pire et les
pasteurs Wille et Marmier réclamèrent du comte de Hornes et des magistrats
réunis en la maison de Jean Says, une modification à un article du com-
promis, qu'au nom des calvinistes tournaisiens, ils avaient fait le 46 septembre
avec le Commissaire du Gouvernement (*).
L'article à modifier était ainsi conçu : « ils (les calvinistes) pourront
seulement les dimenches et festes faire l'exercice de leurs prêches et ne leur
sera nullement licite de porter aucunes armes tant en allant que retour-
nant » (°).
(i) Voir Pièces justificatives, n° XVII. Rapport du Magistrat.
(2) Archives communales de Tournai, Prévôts et jurés, reg. n" 3337, 3 octobre 1S66. —
Ce terrain avait une superficie de 12 à 13 ares.
(3) Idem. Pasquier de le Barre dit à propos de ce temple, f|ue la première pierre en fut
jetée le lundi 7 octobre 1566 et que les fondations furent constituées à l'aide « des
ymaiges de pierres quy avoient esté rompues et sacaigées es églises paroichiaies et cloistres
de la ville... quy estoit chose fort desplaisante aux catholicques... que de veoir les ymaiges
et simulacres des saincts et sainctes quy avoient esté sy hault esievez et tant honnorez et
révérendez et par sy longtemps, estre en un moment sy rabaissées que de servir aux
fondations d'un lieu que l'on entendoit aproprier au mépris et deshonneur d'icelles
ymaiges »... (Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, p. 192, § 2.)
(♦) Voir Pièces justificatives, n" XVII. Rapport du Magistrat. — On sait que c'est à la
suite de cette entente que les églises furent rendues au culte catholique.
(S) Voir Pièces justificatives, n° XVII. Rapport du Magistrat.
Tome I. — Lettres, etc. 19
146 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVl^ SIÈCLE
Nicolas Talïin voulut remplacer les mots « exercice de leurs presches »
par ceux-ci : « exercice de leur religion », et réclamait pour son culte
le droit de procéder librement à « radministration des sainclz sacremens »,
comme au baptême, à la bénédiction nu|)liale, à Pensevelissement des
morts, etc. ('}.
Le comte refusa de consentir à cette exigence nouvelle, et se voyant
incapable de satisfaire pleinement le peuple sans faire des concessions
dangereuses pour sa responsabilité ou coniraires aux intentions du Gouver-
nement, il n'eut plus qu'une idée, abandonner Tournai au plus tôt. « Je
supplirai, écrit-il à x"yjarguerite de Parme, sur le tout avoir briefve dépesche,
pour sortir de ce lieu où je suis le plus fâché que fut oncques gentilhomme
de ma qualité » (").
Sa lettre croisa une invitation de la Régente à se rendre en Cour (^).
Craignant que son départ précipité ne provoquât « quelque nouvelle altéra-
tion » (^) et redoutant « que sy les choses n'étoient pacifiées avant son
partement, durant son absence se pouroit engendrer quelque désordre » (^),
il ne quitta pas son poste et se remit à négocier avec les calvinistes au sujet
de l'exercice de la religion réformée.
Celte question traîna longtemps, et on n'en entrevoyait point encore la
solution, quand, le 13 octobre, un ordre formel de la Régente rappela
de Hornes à Bruxelles.
IV. Le 45 octobre, le comte quitta Tournai sans regret.
iMalgré tout l'ascendant qu'il exerçait sur le peuple, il sentait que la faveur
m
publique l'abandonnait C^) ; d'autre part, battu en brèche à la Cour et au
(<) Pièces justificatives, n" XVII. Rapport du Magistral.
{i) Strada, op. cit.. Supplément, t. II, p. 426.
(3) Idem, Ibid., t. II, p. 424. — La ducliesse lui écrivait : « Sitost que vous aurez mis
quelque ordre au plus nécessaire et que les affaires seront aucunement remédiez ou enclie-
minez en meilleurs termes, vous veullez vous trouver icy... »
{*) Stbada, op. cit.. Supplément, t. II, p. 427.
(5) Pièces justificatives, n° XVII. Rapport du Magistrat.
(6) Strada, op. cit., Supplément, t. II, p. 485.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. \i7
Conseil d'État par de calomnieux rapports de ses sous-ordres à Tournai, il
avait perdu tout crédit auprès de Marguerite de Parme, qui hypocritement
dénaturait ses moindres paroles, ses moindres gestes.
Le 24 septembre, elle approuvait tout ce qu'avait fait de Ilornes en vue
de la pacification des esprits à Tournai ('), mais dix jours auparavant, elle
avait secrètement (") fait prêter au lieutenant du comte, à Jean du Chasteler,
le serment de faire bonne garde au Château, pour le défendre au besoin
contre Philippe de Monlmoroncy cl les confédérés ( ').
La suspicion atteignait le Commissaire du gouvernement dans tous ses
actes.
Faisait-il venir au Château, [)our ses couches, sa belle-sœur Hélène
de Meleun, femme de Floris de iMontmorency ('), on l'accusait de trahir le
roi et sa cause. La présence de celte dame au Château occasionnant des
allées et venues de ditïérenis seigneurs, on lui imputait à crime ces visites et
on le soupçonnait de laisser ou mémo de faire étudier les défenses et les
abords de la forteresse pour en faciliter la conquête aux calvinistes.
Maximilien Morillon, le même qui plus fard devait être évéque de
("•) Sthada, iip. cit., Supplément, t. Il, p. 436.
(2) Idem, Ibid., t. Il, p. 441.
(3) Gachard, Correspondance de Philippe II, t. I, p. 467, lettre de la duchesse de
Parme au roi, le 27 septembre 1S6t) : « Elle fait prêter par Moulbais, lieutenant de
M. de Monligny, le serment qu'il ferait bonne garde au Château deTournay, craignant que
Ilornes et les confédérés ne voulussent s'en rendre maîtres; elle n'est pas encore hors de
tout soupçon à cet égard, parce que ledit comte a fait venir au Château la princesse d'Epinoy
et sa fille, épouse de iMontigny, pour que cette dernière y fasse ses couches et cela malgré
les représentations de la duchesse et son offre de recevoir iVI""= de Montigny au palais de
Bruxelles; Hornes, d'Esquerdes, Villers et les autres confédérés profitent de la présence
des deux dames au Château pour les y visiter et en même temps ils examinent les forti-
fications, ce qui peut avoir de grands inconvénients... » — Voir aussi Pasquier de le Barre,
op. cit., t. I, p. 344, lettre de Marguerite de Parme à Jean du Chasteler en date du
29 septembre.
(*) Hélène do Meleun était la femme de Floris de Montmorency, retenu par Philippe II
en captivité en Espagne. Elle était arrivée à Tournai en compagnie de sa mère, le
16 septembre. (Voir Pasquiek de le Barre, op. cit., t. I, p. 179, § 2.)
148 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
Tournai ('), va jusqu'à écrire à Granvelle que le comte de Hornes « s'est
fait payer par des marchands tournaisiens 3,000 francs qu'il devait à des
Anversois, qu'il a accordé aux calvinistes pour leurs prêches quatre églises
paroissiales, elc. » (").
Et ce sont de pareilles inepties qui servirent plus lard à étayer l'accu-
sation qu'on porta contre Philippe de Montmorency (■^) !
La seule chose qu'on pourrait peut-être reprocher au comte de Hornes,
c'est qu'il a autorisé momentanément les prêches urbains, malgré les ordres
de la duchesse. xMais encore ne faudrait-il point perdre de vue que tous,
magistrats, évêque, habitants, le poussaient h commettre celte infraction et
que la Gouvernante elle-même n'en sembla pas offusquée, puisqu'elle lui
écrivit le 24 septembre, « je ne vous dirai autre chose, sinon que en tout
ce que vous avez fait, il n'y a rien à redire » (').
(1) Maximilien Morillon, fils de Gui Morillon et de Charlotte de Mil, naquit à Louvain
en 1517. Sa famille était originaire de la Franche-Comté. Après avoir étudié à l'Université
de Louvain, il termina ses études à l'Université de Dole en 1S38. Licencié en droit, il prit
bientôt les premiers ordres sacrés et ne larda pas à se destiner à l'Eglise. Dès 1332,
Morillon était lié d'amitié avec Granvelle, qui devint son protecteur en même temps que
son ami. On le vit successivement devenir secrétaire de Granvelle, alors évêque d'Arras,
chanoine et écolâtre de la cathédrale d'Arras, chanoine de Saint-Rombaut à Malines
en 1344, chanoine de Saint-Bavon à Gand, chanoine de Sainte-Gudule à Bruxelles, prévôt
de Saint-Pierre à Aire en Artois en 1339, archidiacre et premier vicaire général pour le
diocèse de Malines en 156t, après que Granvelle eut été élevé à la dignité archiépisco-
pale, etc. En 1582, après le décès de Pierre Pintaflour, le roi nomma Morillon évêque de
Tournai. Il reçut la confirmation et l'institution canonique par bulle pontificale du
10 septembre 1383, fut consacré à Tournai le 16 octobre suivant et fit sa joyeuse entrée
dans sa ville épiscopale le 17. Il mourut subitement le 27 mars 1586, six mois avant
Granvelle qui était resté son protecteur, son ami et son confident. (Voir Correspondance de
Granvelle, édil. Poullet, t. I, p. 12, note 1.)
(2) Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, t. 1, p. 493, lettre du 22 septem-
bre 1566, de Morillon à Granvelle. — Ces renseignements donnés par Morillon sont faux.
11 n'y a, à notre connaissance, aucun document ni aucune allusion se rapportant à cette
atfaire des 3,000 florins; quant aux églises, comme on l'a vu plus haut, dès le
16 septembre elles étaient retirées des mains des calvinistes. (Voir Archives communales de
Tournai, Registre aux publications, publication du 16 septembre 1366.)
(3) Strada, op. cit.. Supplément, t. I, pp. 120 et seq.
(*) Idkm, Ibid., t. II, pp. 390, 392, 393, 413, 436. — On ne peut invoquer que la duchesse
n'avait pas reçu la lettre du 18 septembre, à elle adressée par le comte de Hornes et par
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 149
A la vérité, si quelqu'un a mérilé d'être blâmé, c'est Marguerite de Parme,
(|ui par sa conduite astucieuse et fourbe envers Philippe de Montmorency a
prouvé une fois de plus « quelle était restée cette femme en qui il était
interdit d'avoir foi » (').
Pour quiconque a lu les lettres que le comte de Hornes adresse soit
à Viglius, soit à son frère Floris, soit à son propre secrétaire, soit à
Philippe H lui-même, la pureté des intentions du Commissaire du gouver-
nement n'est point douteuse. On ne peut contester leur ton de siiicérilé et on
comprend la profonde douleur qu'il dut ressentir quand il s'aperçut que ses
meilleures intentions étaient suspectées, sinon dénaturées en projets
criminels ("').
A notre sens, peut-être de Hornes a-t-il eu des torts ailleurs, mais
à Tournai il n'en eut point et il y a rempli sa mission au mieux des intérêts
de tous, du roi comme des habitants.
V. Quelques jours après le départ de Philippe de Montmorency, Jean
du Chasteler, envers (|ui le peuple n'avait cessé de montrer de l'hostilité, fut
chargé du gouvernement de Tournai ; en même temps le secrétaire du
Conseil privé, Jacques de la Torre, reçut la mission de « maintenir la
concorde entre les catholiques et ceux de la religion nouvelle » (•^).
De la Torre arriva le 28 octobre à Tournai ; le 30, il voulut reprendre
la discussion avec les pasteurs et les marchands calvinistes sur la question
de l'exercice public de la religion réformée.
Les calvinistes, ne lui reconnaissant aucune qualité olïicielle, refusèrent
d'entrer en rapport avec lui. Enlin l'atTaire s'arrangea. Mais bientôt un
nouvel accroc survint. Los calvinistes prétendent avant tout faire changer les
laquelle celui-ci l'informait qu'il avait accordé « quelques places prophanes », car elle dit
dans sa lettre du 24 précitée : « Pour respondre à deux de vos lettres, la première du
18 et la seconde du 19 de ce mois... »
(ij Prescott, Le règne de Philippe II, t. 11, p. 308.
(2) Strada, op. cit.. Supplément, t. Il, pp. 409; 415-416; 466-467; 470-471; 482; 491 ;
493; 499; 304, etc.
(3j Pièces justificatives, n" XVII. Rapport du .Magistrat, p. 62.
ISO TOURiNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
termes « religion nouvelle » en « religion réformée » ; définissent ce qu'ils
entendent par « exercice de leur religion » ('); bref de la Torre subit un
échec complet et, craignant de perdre dans une aussi mauvaise affaire
la bienveillance de la duchesse, il préfère tout abandonner. Le 3 novembre,
il quille Tournai ('^).
Le 7 du même mois, la discussion fut reprise par les fonctionnaires du
bailliage, le Magistrat et le Gouverneur, et, comme il fallait en finir, Jean
du Chasteler mil les calvinistes en demeure d'avoir « à déclairer purement
et simplement s'ils acceploienl ou refusoienl iceux articles » (•^).
Nicolas Tafifin ergota à nouveau, réclama des explications complémen-
taires, donna les siennes el chercha à obtenir pour ceux de la nouvelle
religion une autorisation légale d'exercer publiquement leur culte (^).
On eul beau leur promettre de la pari du Conseil d'Étal, de la pari de
Viglius lui-même « la dissimulation et la connivence des magistrats el
officiers » de justice (^), ils n'en voulurent point. Il leur fallait un texte clair
et précis, leur permettant de professer publiquement les cérémonies de la
religion réformée. M Marguerite de Parme, ni le Conseil d'État, ni le
Gouverneur de Tournai ne consentirent à le leur accorder. Faites donc
comme en Flandre, en Brabanl et en Hollande, leur disaient-ils j là on n'a
permis rien de ce que vous prétendez obtenir ici; cependant les baptêmes,
les mariages el les ensevelissements des calvinistes s'y font selon les rites
réformés el sous l'œil indifférent de la justice (").
Les réformés persisiérenl dans leur refus et s'entêtèrent dans leur idée
d'arracher à l'Autorité ce qu'elle ne voulait pas leur accorder, malgré les
avertissements que leur prodiguaient les catholiques : « Prenez garde, leur
criait, durant la séance des Consaux du 22 novembre, le second conseiller
pensionnaire Jacques Le Clercq ; vous dédaignez la connivence de la Justice,
(1) Pièces justificatives, n° XVIL Rapport du Mayislrat.
(••!) Idem, Ibid.
(3) Idem, Ibid.
(4) Idem, Ibid.
(5) Idem, Ibid.
(6) Idem, Ibid.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 151
mais je vous le déclare, cueillez la branche tant (ju'elle est verle et vivace
encore, il vous sera sûrement moins accordé dans quinze jours » (').
A la fin, les calvinistes cédèrent !
Le 25 novembre une députalion composée des deux pasteurs et de cin(|
des principaux réformés lournaisiens (^) apporta aux Consaux radhésion
définitive des calvinistes au compromis du 16 septembre, mais en déclarani
(|ue l'Église évangélicpie de Tournai comptait sur la bienveillance de la
magistrature et que, dans leur pensée, le mot « prêche »> signifiait en général
« exercice de la religion » ('^).
(1) Pièces justificatives, n" XVII. Rapport du Magislrat.
(2) Cette députalion était composée des deux pasteurs Ambroise Wille <■! Marmicr, ainsi
que de Louis Says, Gilles des Espringalles, Jean Opalfens, Guillaume de Tourcoing et
Nicolas Gauche.
(3) Pièces justificatives, n° XVll. Rapport du Magislrat.
132 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
CHAPITRE III.
DÉCLIN DK LA RÉFORME.
Sommaire. — F. La réaction; Marguerite de Parme défend l'exercice de la religion réformée;
interdiction des prêches urbains. — II. Émotion populaire; arrivée de nonibreu.x
Flamands; pillage des abbayes; défaites de Wattrelos et de Lannoy. — III. Entrée
de Noircarmes à Tournai; ses ettels; départ de Noircarmes. — IV. Le duc d'Albe. —
V. Résistance au duc d'Albe : les Feuillars et l'opposition aux x*, xx« et c deniers.
I. Les calvinistes s'élaienl péniblement résignés à cette concession; il
leur peinait d'être à la merci de la complaisance de certains fonctionnaires
pour se livrer à l'exercice de leur culte. Se rappelant la faiblesse antérieure
du Gouvernement, ils auraient peut-être recouru à l'émeute pour oblenir la
tolérance religieuse qu'on leur refusail, quand la Cour de Bruxelles, voulant
redevenir maîtresse de la situation, provoqua par l'énergie de ses mesures de
nouvelles émotions populaires.
Comptant sur l'aide puissante des troupes récemment levées par elle en
Allemagne ('), la Régente voulut revenir en arrière et faire strictement
appliquer les placards.
Elle donna dans ce sens des instructions sévères à ses gouverneurs de
provinces et enjoignit entre autres à celui de Tournai, si le peuple de celte
ville refusait d'obéir, de fondre sur les habitants, de canonner la cité et d'y
mettre au besoin le feu aux quatre coins (^).
L'attitude énergique du Gouvernement ralluma l'ardeur de ses fonction-
naires et, le 28 novembre, trois jours après la promesse de la connivence de
la justice, le gouverneur du Chasteler défendit aux Tournaisiens de se rendre
à Valenciennes pour y célébrer la cène, s'ils ne voulaient point s'exposer
à voir leurs maisons incendiées ou canonnées par l'artillerie du Château ('^).
(^) Strada, Supplément, t. Il, pp. 51.5-518.
(2) Correspondance de Granvelle, t. II, p. 159, et Straha, Supplément, t. II, pp. 518-519.
(3) Strada, op. cit., t. Il, pp. 519-320. Archives communales de Tournai, reg. n» 344,
fol. 275 v°.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. t.iS
Le revirement se prépare!
Déterminée à retirer une à une les concessions qu'elle a laissé arraclier à
sa faiblesse, iVlargnerile de Parme défendit par lotire du 4- décembre, « tout
exercice de la nouvelle religion, sauf les précbes» , qu'elle autorisa provisoire-
meni, « pourvu que le peuple s'y rendît et s'y conduisît sans scandale » (').
Le Magistrat hésita et laissa passer quelques jours avant de publier cette
interdiction. Le 9 décembre dans la matinée, il avait réuni à cet effet les
principaux des calvinistes à la Halle des (lonsaux, (|unnd le peuple, ameulé,
pénétra en bandes tumultueuses dans l'Hôtel de Ville, s'opposa à la lecture
du décret et réclama impérieusement la mise en liberté des calvinistes
emprisonnés pour cause de religion.
Le Magistrat s'exécuta et croyant avoir momentanément calmé la foule par
cet acte de faiblesse, il remit à l'après-midi la communication de la lettre du
4. décembre.
Mais la multitude, plus nombreuse encore que le matin, fit de nouveau
irruption dans le prétoire des prévôts et jurés, se porta à des voies de fait
envers le grand prévôt et, pour résister à une agression de la milice
du (Ihâteau autant que pour s'opposer à l'arrivée d'une garnison nouvelle,
elle s'empara des « fusils », fauconneaux et autres pièces d'artillerie ap|)ar-
tenant à la ville et monta la garde dans les principales rues, surtout sur la
grand'place ("^).
[i) Pièces justificatives, n° XVII. Rapporl du Magistrat.
(2) Voir Pièces justificatives, n" XVII. Archives de l'Etat à Mons, tîegistre aux sentences
criminelles. Bailliage de Tournai-Tournaisis, fol. 12 v° et 13 r" : « Jean Drappier dict
Bourghuignon, monnier^rins le prévost de la commune d'icelle ville par le poing, luy
disant s'il consentoit que garnison estrangère entrist par le Château en icelle ville, qu'il
seroit le premier à quy on copperoit la gorge... » — Archives communales de Tournai,
Compte généi'al, 1.^66-1367, fol. 62 : « Audict maistre Jacques Leclercq pour soy avoir
transporté en la ville de Bruxelles... pour remonstrer à son Alteze les troubles et esmotions
populaires advenues pour la crainte que plusieurs sectaires avoit conçeu de la gendarmerie
estrangière qui s'eust peu envoyer en la dicte ville de Tournay et comment ils s'estoient
emparer des bastons à cro, fauiconneaux et aultrcs pièces d'artillerie d'icelle ville et icelles
mises en partie es mains des capitaines lors ordonnez et en partie aux emboucures du
grand marchié... » — Pasquier de le Barbe, op. cit., t. II, pp. 213-214.
Tome I. — Lettres, eti.. SJt>
154 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
Les Consaux purenl néanmoins se réunir sans encombre le lendemain, et
donner connaissance des ordres de la Régente aux principaux calvinistes.
Ceux-ci résolurent de ne point s'y soumettre. « Nous désirons, disaient-ils,
vivre selon la volonté de Philippe II et de Marguerite de Parme, mais nous
entendons que Pcxercice de noire religion ne nous soil pas interdit. » C'était
réclamer du roi la reconnaissance de la tolérance religieuse (').
Le Magistrat ne vil d'autre moyen pour sortir de celle dangereuse situation
que d'en référer à la Cour, el il envoya à Bruxelles le conseiller Jacques
Le Clercq. De leur côté, les calvinistes chargèrent ce même conseiller de
remettre à Marguerite une requête, dans lacjuelle ils exposaient clairement
quelles conséquences allaient résulter si le Gouvernement, s'obstinant dans son
parti pris de réaction, continuait à ne pas vouloir de la tolérance religieuse.
Nous n'avons nullement besoin, écrivaient-ils à la duchesse, d'une garnison
nouvelle qui ne commellra que vols et larcins comme à Saint-Amand,
Valenciennes el autres villes; celle du Château suffira pour maintenir
l'ordre; mais nous n'en voulons surtout pas, de ces nouveaux soldats, parce
que nous craignons d'être réduits par la violence « à l'observance de
l'anchienne religion » ; nous nous opposerons de toutes nos forces à l'entrée
de nouvelles troupes en ville, dùt-il s'ensuivre la ruine complète de Tournai.
Jusqu'à la prochaine réunion des Etals Généraux, laissez-nous user de nos
prêches, laissez-nous jouir des places qui nous ont été assignées pour
l'exercice de notre religion, et nous vous donnons l'assurance que grâce à
« la liberté de conscience » , notre ville verra renaître avec l'apaisement
général et la réconciliation de tous les Tournaisiens, la prospérité commer-
ciale el industrielle aujourd'hui disparue (").
Il ne fallait pas attendre du conseiller Le Clercq (ju'il s'employât à faire
admettre les vœux des calvinistes; catholique comme il l'était ou plutôt
conmie on l'était à celle épo(|ue, il trouvait sans doute que le Gouvernemenl
avait trop longtemps tergiversé, el devait se réjouir de le voir s'engager dans
{*) Voir l*ASQuiER DE I.E Barre, op. cU., t. I, pp. 271-272, et Pièces justificatives, n" XVII.
Rapport du Magistral.
(2) Voir Pièces justificatives, ii" XVII. Rapport du Magistral.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 13o
une voie nouvelle. Aussi introduit devant le Conseil d'Étal, il ne se lit pas
faute de dépeindre sous des couleurs sombres la situation laite à Tournai
« aux gens de bien », c'est-à-dire aux catholi(|ues, par les exigences des
adeptes de la Uéfornic. Pour empêcher la ruine de la ville, il ne préco-
nisa (ju'un moyen : y introdinre par le Cbàtcau sans tarder une forte
garnison (').
Le conseil était ingénieux. La forteresse bâtie par Henri VIII pour main-
tenir en respect le peuple lournaisien, englobait dans une vaste et formidable
enceinte tout un quartier de la cite, |)res(|ue un huitième de sa superficie
totale, l'isolait complètement et en faisait une place fortifiée dans la ville
même. Au sud, une solide tête de pont franchissant l'Escaut et pouvant
balayer du feu de ses canons la rue de la Tète d'argent, commandait loule
la partie haute de la ville; vers l'est, un fossé profond et d'épaisses murailles
bien armées séparaient celte forteresse des quartiers de la rive droite, tandis
(|u'au nord et à l'ouest, vers la campagne, la hauteur de ses tours comme la
solidité de ses murs rendaient la citadelle imprenable pour tout ennemi du
dehors ('^). De ces côtés donc, il eût élé facile à un capitaine habile et
entreprenant, ayant des intelligences dans la place, de jeter nuitamment
dans le (Château, sans que les Tournaisiens s'en aperçoivent, une ou plusieurs
enseignes d'infanterie.
Cependanl le Gouvernement ne crut pas devoir recourir à ce stratagème.
Il |)rélerail essayer d'enlever aux calvinistes, sans l'aide de l'armée, jusqu'à
la moindre des concessions qui lui avaient été arrachées.
Il venait de se refuser à tolérer désormais l'exercice de la religion
de Calvin; ce n'était là qu'une étape.
Frapper la Réforme au cœur, tel était son bul. Pour l'atteindre, il
'<) Pièces justificatives, n° XVli. ttapport du Magistral. Il demanda même que les
troupes royales abandonnassent le siège de Valenciennes et vinssent immédiatement
à Tournai.
(2) Voir pour la topographie de la citadelle, Atlas des villes de la Belgique au
XVI' siècle, par le géographe Jacques de Déventer; Bruxelles, Institut national de
géographie.
\m TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI<> SIÈCLE
ordonna, le 15 décembre, au seigneur de Moulbais de signifier aux membres
du Consistoire de la religion évaiigélique qu'ils avaient à dissoudre au
plus loi les associations antérieurement formées, à ne plus s'assembler à lilre
de colloque, conférence ou synode, et à s'ahslenir de prêcher la religion
nouvelle dans les villes, temples, églises, cimetières ou autres lieux saints.
Il ordonnait aussi de faire visiter les écoles tant publiques que privées, et
de fermer celles où sérail donné un enseignement contraire aux idées du
Gouvernement, un enseignement calviniste (^).
C'élail rendre impossible la moindre manifeslalion de la religion calvi-
niste. Les prêches champêtres n'étaient pas encore prohibés, mais interdire
« aux ministres, prédicants et aulires semblables gens de ne plus se
congréger, ny faire assemblée soit à lilre de colloque, conférence ou
synode » (^), sous menace de peine capitale, n'était-ce point par le fait
même empêcher tout fonctionnement de l'Église évangélique à Tournai, el
vouer celle-ci à la ruine?
II. Le peuple le comprit ainsi et, se voyant réduit à la soumission aux
ordres de la duchesse ou à la rébellion, il aima mieux lutter les armes à la
main pour la tolérance religieuse.
Huit jours durant, la cité fut en elTervescence. Partout retentissaient les
cris : «Vivent les gueux; vivent les mutins; vivent les libertins » (•^); puis
le 23 décembre, les Tournaisiens sortirent en masse de leur ville et allèrent
camper en armes non loin de l'abbaye de Saint-Nicolas-des-Prés, hors
la porte de Valenciennes, sur les rives de l'Escaut.
Selon la prédiction du pasteur 3Iarmier, qui avait prévenu les Consaux
« de la descente et esmotion des inhabitans du pays depuis la mer de la
(i) Voir Pasquier de le Barre, op. cit., t. I, pp. 346-350. — Gachard, Rapport sur les
Archives de Lille. Bruxelles, Hayez, 1841, p. 222, n° 31.
(2) Voir Pasql'iek de le Barre, op. cit., t. I, p. 348.
(3) Arctiives communales de Tournai, Registre de la Loi, n» 149, 20 décembre 1366.
Les nommés Jean Houbenne, Valenlin Ratel et Philippe Boutelier, accusés d'avoir poussé
ces cris, furent condamnés à être fustigés de verges, puis bannis à toujours de Tournai et
du Tournaisis.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 1S7
Basse-Flandre jusques au Chasiel en Catnl)rpsis » (*), de nombreux Flamands
d'Armenliéres, de Tourcoing, d'Ypres, de Lille et d'autres lieux encore,
vinrent grossir leurs rangs, avec d'aulanl plus d'empressement (pie les
ministres ou leurs émissaires, parmi les(|uels il faut [)arliculièrement ciler le
'l'ournaisien Robert Therret('-), leur avaient ccriifié « qu'ils trouveraient
à Tournai le comte d'Egmont el le seigneur de Dréderode à la tète de douze
mille chevaux » (').
La ville d'Armeutières à elle seule envoya à Tournai plus de trois cents
hommes; celte troupe se grossit le long du chemin qu'elle suivit par
Quesnoy-sur-Deule, Tourcoing, Waltrelos cl Templeuve (■*), si bien qu'à
sa première élapes à Quesnoy, elle comptait déjà plus de neuf cents
hommes (*).
Sur leur passage, les Flamands n'épargnérenl aucun temple, aucune
maison conventuelle. A Quesnoy, ils incendièrent l'église et etdevèrent du
château quelques pièces d'artillerie C^); à Tourcoing, à VVattrelos, ils mirent
en pièces les objets du culte Ç), et non loin de Tournai, à Templeuve, ils
s'emparèrent du château et des armes et armures qu'il renfermait, puis
« boulèrent le feu » au clocher de l'église, parce que le bailli du village s'y
était enfermé avec quelques catholiques, pour empêcher qu'on y brisât les
cloches (^).
Jean Huseman el Jean Taingtenier, maître d'école, s'étaient transportés à
(1) Pièces justificatives, n" XVll. Rapport du Magistrat.
f2) Voir £d. Dt: Coussemakeh, Troubles reliijieux duXVI" siècle dam la Flandre maritime.
Bruges, 1876, t. II, p. 262.
(3) Idem, Ibid., t. II, p. 260, et Archives de l'État k Mons, Registre aux sentences crimi-
nelles, fol. 20 r°.
(*) Idem, Ibid., t. Il, pp. 250-260; 263; 3o8-3o9, etc.
(3) Voir Pasquier de le Bakre, op. cit., t. II, p. 103. — Lettre des échevins de Lille à
Marguerite de Parme, 26 décembre 1566.
(6) Idem, Ibid., t. II, p. 103.
P) Idem, Ibid., t. Il, p. 103.
(8) Idem, Ibid., t. Il, pp. 7, 104 et 215. Archives de l'Étal i\ Mons, Registre aux sentences
criminelles, fol. 14 et 19.
158 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
Chin, tJans la maison du chanoine Jacques Robert ('), et y enrôlèrent sous
la bannière des gueux les calvinistes valides de Tournai ("').
Près de six mille hommes furent bientôt campés autour de l'abbaye de
Saint-Nicolas-dos-Prés (^), dans un espace (|ue limitaient les murs de la ville
d'un côté, l'Escaut à gauche et le rieu de Barges au front, dans une position
que Philippe de Sainte-Aldegonde jugeait presque imprenable (^).
Cette pelile armée fut répartie en dix ou onze enseignes qui eurent
chacune un étendard généralement de couleur bleue ("'). A la tète de ces
compagnies furent placés des bourgeois plus familiarisés avec le comptoir ou
le négoce qu'avec le métier des armes; tels furent Jean de Willem ("),
Mathieu d'Ennetières, brasseur du GriJïon, Jean Soreau, marchand de
lainages, Robert Therrel, Nicolas Ploucquet et d'autres ('). Des canonniers
assuraient le service des pièces d'artillerie.
Dès que tous les renforts attendus furent arrivés à Tournai, les calvinistes
levèrent l'élendard de la révolte. N'osant, malgré leur ardent désir, porter
(1) Jacques Robert était originaire de Tournai ; il possédait des maisons, des fermes et
des terres à Ctiin. Il remplit les fonctions d'official et de chancelier du Chapitre de Tournai
et mourut le 20 février 1573. (Voir Vos, Dignités de l'ancien Chapitre de Tournai, t. 1,
p. 298.)
(2) Archives de l'État à Mons, Registre aux sentences criminelles, fol. 26 v".
(3) Max. Vilain, baron de Kassenghien, gouverneur de Lille, les évalue à trois mille
hommes; Marguerite de Parme, de trois à quatre mille, et .Morillon, de six à sept mille
hommes. 'Voir Pasquier de le Bauke, op. cit., t. Il, p. 99; Correspondance de Philippe II,
t. I, p. 499; Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, t. II, p. 186.)
(♦) Voir Pasquier de le Barre, op. cit., t. II, p. 108.
(S) Archives du Royaume à Bruxelles. Archives de IWudience, Conseil des troubles,
reg. n" 32, fol. 168. — Une compagnie avait même cru bon de prendre un étendard
supplémentaire et elle avait acheté îi Jean Cuvelette, doyen de la corporation des couturiers,
pour le prix de 3 écus, la bannière en soie verte de ce métier. Archives de l'Etat à Mons,
Registre aux sentences criminelles, fol. 98 r" et 108 r°. — Pasquier de le Barre, op. cit.,
t. II, p. 320, note 2.)
(tj) Jean de Willem, fils de Wallerand de Willem, marchand de rubans, seigneur
de la Beurgherie, et de Jeanne VVilloqueau. Il était le beau-frôre du pasteur Pierre .Marmier
qui avait épousé sa sœur Guillemette. (Voir Archives de l'Étal à Mons, Registre aux
sentences criminelles, fol. 17; du Chastel, Notices généalogiques lournaisiennes, t. III,
p. 687, et Pasquier de le Barue, op. cit., t. II, p. 212.)
CJ Archives de l'État à Mons, Registre aux sentences criminelles, fol. 11, 14, IS, 17, 99.
AU POINT DE VUE I>0LITIQUE ET SOCIAL. loi»
secours aux calvinistes assiégés dans. Valenciennes par Philippe de Sainle-
Aidegonde ('), ces foules armées résolureni de dévaster les abbayes et
monastères (|ui environnaient Tournai (").
Le lundi 23 décembre, à minuit, le feu fui mis à Tabbave des
Prés-aux-Nonains; le 2b, le Saulcboir, les Chartreux, la maison de campagne
de l'ancien grand prévôt Jean Grenu, à Chercq, et jusqu'à la Bonne-Maison
de le Val brûlèrent à leur tour. Au Saulcboir, les mutins descendirent les
cloches pour les briser, en vendirent les morceaux à des marchands de
Tournai (^), tandis qu'à l'abbaye des Prés-aux-Nonains, ils réduisirent en
miettes les objets sacrés et les statues de saints que l'incendie semblait
vouloir respecter.
La Bonne-Maison de le Val, refuge de malheureux lépreux, fut pillée;
trois autels nouvellement érigés furent renversés, les cloches brisées, les
morceaux emportés et la chambre du receveur incendiée (*). Les églises des
villages d'Ere, de Wez, de Hollain, de Chercq, d'Orcq, de Marquain, reçurent
aussi la visite des révoltés et subirent les mêmes dévastations; ici on brisait
ou on s'appropriait les cloches; là on volait le plomb des gouttières ou les
bacs en métal des fonts baptismaux (^).
Les calvinistes se livrèrent à toute espèce d'excès, commirent des actes de
brigandage et agirent comme de véritables malfaiteurs. Ils extorquèrent
1,400 florins au « censier de Saint-Médard » contre la promesse, violée
d'ailleurs, de respecter son habitation. Non seulement ils déshonoraient par
(1) Cori-espondance de Granvelle, édit. Poullet, t. II, pp. 186-187.
(2) Pasquier de le Barre, op. cit., t. tt, p. 108.
(3) Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, t. II, pp. 186-187. — .4rctiives de l'État
ù Mons, Registre aux sentences orimineiles, fol. 89 r°. — Pasquier de le Barre, op. cit.,
t. II, pp. H et 215.
{*) Archives communales de Tournai, Registre de la Loi, n" 149. Condamnation du
8 avril 1567 (a. s.).
(S) Archives de l'État à Mons, Registre aux sentences criminelles, fol. 47 r» et 82 r". —
Pasquier de le Barre, op. cit., t. Il, pp. Il et 21o. — Archives communales de Tournai,
Registre de la Loi. Condamnalion du 8 avril 1567 (a. s.) et du 7 mai 1568.
160 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XV1« SIÈCLE
leurs excès la cause qu'ils voulaient défendre, mais la fureur détruisait chez
eux tout sentiment d'humanilé » (*).
Un malheureux que les documents désignent sous le nom de « messager
de Lille », mais dont nos recherches ne nous ont point fourni l'idenlité,
avait dû traverser le camp des rebelles. Aussilôl appréhendé et considéré
comme un traître, on le fit passer pour la forme devant un conseil de guerre.
Antoine Lagache, procureur de Lille, servit de clerc, rédigea la condam-
nation et Ton pendit haut et court, sous les yeux des calvinistes en délire,
ce pauvre inconnu, parce « qu'il avoit sur luy une lettre de son curé » (-).
Autour de la cité, églises, maisons conventuelles, chapelles, tout avait été
saccagé ou incendié; plus rien ne surexcitait la rage dévastatrice de ces
égarés, quand, le 28 décembre, une sinistre rumeur se répandit dans le
camp : des calvinistes flamands en marche vers Tournai, venaient d'êire
attaqués et battus à Wattrelos O, par Maximilien Vilain, baron de Rassen-
ghien, gouverneur de Lille.
La nouvelle n'était que trop vraie. Hondschoote (*), Rousbrugge (^),
Poperinghe avaient envoyé vers Tournai plus de quatre cents hommes sous
le commandement de Jean Denys (**). Le 25 décembre, cette troupe quittant
Menin, poursuivit sa route par Tourcoing et Wattrelos. Le Gouverneur de
Lille résolut de s'opposer à leur passage et, dans la nuit du 27, les attaqua à
Wattrelos ('). Les Flamands tinrent tête courageusement et solidement
(1) Archives de l'État à Mons, Registre aux sentences criminelles, fol. 11. — Pasqoier
DE LE Barre, op. cit., t. II, pp. 15, 215-216 et 253.
(2) Pasquier de le Barre, op. cit., t. 11, p. 10. — Archives de l'État à Mons, Registre aux
sentences criminelles, fol. 16 v">.
(3) Wattrelos, commune du département du Nord, non loin de Roubaix.
(*) Hondschoote, chef-lieu de canton du département du Nord, au sud-est de Dun-
kerque.
(3, Uousbrugge-Haringhe, commune de la Flandre occidentale, arrondissement admi-
nistratif d'Ypres.
(6) Jean Denys, ancien bailli de Rousbrugge, né dans les environs d'Ypres, chef mili-
taire de tous les mouvements de la Basse-Flandre, commanda les sectaires au combat de
Wattrelos, fut pris les armes à la main au combat d'Austruweel, près d'Anvers, et peu de
temps après condamné à mort et exécuté. (D'après la Corre.ipondance de GranveUe, édit.
Poullet, t. II. p. 26, note 1.)
i') Pasquier de le Barre, op. cit., t. 11, p. 100.
\U POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. KM
retnuichés derrière les murs du cimetière, opposèrent aux troupes royales une
opiniâtre résistance. Accablés sous les coups d'arquebuses, eux qui n'avaient
guère pour se défendre (|u'une pique ou une hallebarde, ils crurent
trouver leur salul dans l'église du village et s'y réfugièrent. Les troupes
royales en firent le siège et alors commença une défense acharnée.
Des fenêtres de la tour, les réformés flamands firent pleuvoir sur les
assaillants une grêle de pierres et de matériaux de toute espèce; quatre
heures durant les troupes de Rassenghien furent tenues en échec.
Désespérant de venir à bout de cette résistance, le Gouverneur de Lille
eut recours a un moyen infâme : il ordonna de mettre le feu à l'église.
Adblés, aveuglés par les flammes ou su(ïo(iués par une acre fumée,
les Flamands, plutôt que de se rendre, se jetèrent du haut du clocher, du
toit ou des fenêtres. II ne restait plus aux soldats du Roi ([u'à achever impi-
toyablement à coups de pique ces malheureux à demi carbonisés. Cinquante-
deux personnes périrent dans l'incendie, et la journée de Wattrelos coûta au
total la vie à trois cent cinquante-deux rebelles (').
Un long cri de rage accueillit la nouvelle de ce désastre. Les Flamands,
rassemblés autour de l'abbaye de Saint-Nicolas-des-Prés, décidèrent de
venger leurs frères tombés à Wattrelos, et entraînèrent facilement les autres
à leur suite ("). Le 28 décembre, le jour de la fêle des Innocents, tous les
rebelles levèrent le camp et se dirigèrent enseignes déployées, tambourin
(1) Correspondance de Granvelk, édit. Poullet, t. II, pp. 186-187. — Bulletins de la
Commission royale d'histoire, 4" série, t. V, p. 19; Pruvost, Histoire de Wattrelos. Tour-
coing, 1865, pp. 170-173; Becquart, Victor, Les communes de l'arrondissement de Lille.
Lille, 1879, p. 761. — L'incendie coûta la vie à cinquante-deux personnes et non à cent
cinquante, comme le dit le père Pruvost à la page 173 de son ouvrage; ces chiffres sont
d'ailleurs sutlisamment éloquents pour prouver la cruauté du Gouverneur de Lille; le père
Pruvost se trompe encore, comme d'ailleurs tant d'autres, en faisant battre le 27 décembre,
par Rassenghien la troupe des calvinistes partis rt'Armentières ; cette troupe arriva sans
encombre à Tournai dans la journée du 23 décembre, et elle fut passée en revue non loin
des Chartreux. D'ailleurs, une lettre du Gouverneur de Ijille en date du 26 décembre
prouve péremptoirement que ne furent défaits à Wattrelos que les calvinistes commandés
par Jean Denys. (Voir de Coussemaker, op. cit., t. Il, pp. 249-252; 262-263, etc.; Pasquier
DE LE Barre, op. cit., t. II, pp. 101-103.)
(2) Pasquier de le Barre, op. cit., t. II, pp. 15, § 2 et 119.
Tome I. — Lettues, etc. 21
162 TOURiNAI ET I.E TOURNAISIS AU \\V SIÈCLE
battant et clairon sonnant, vers le lieu du massacre (^). Avant de partir, ils
réduisirent en ruines Timporlanle abbaye que durant cinq jours ils avaient
occupée (^), incendièrent, en passant non loin de la porte de Valenciennes,
la maison de campagne dite de Canteraine, propriété de l'olïîcial du
Chapitre de la cathédrale, Charles de Ladeuze (^); puis, sous la conduite de
Jean Soreau et de Robert Therret (*), ils s'engagèrent sur la route de
Froyennes dont ils dévastèrent Téglise. Traversant Ramegnies-Chin, Railleul,
Estaimbourg et Néchin, ils atteignirent bientôt Waltrelos, après s'être livrés
à leurs déprédations habituelles dans les villages qu'ils traversaient ou (|ui
se trouvaient à proximité de leur route (^).
A Wattrelos, les rebelles ne séjournèrent point longtemps; ils se replièrent
sur Lannoy, où ils comptaient trouver un excellent accueil de la part de la
population et une sûre position à l'abri de solides murailles. Mais les
habitants avaient fermé les portes et étaient prêts à en défendre l'accès par
les armes. Obligés de se retirer, Tournaisiens et Flamands étaient occupés
à reformer leurs rangs derrière une prairie marécageuse bordée d'un large
fossé, quand apparurent au loin de nombreuses troupes royales (^).
En efTet, Philippe de Saiote-Aldegonde ("), sur l'ordre qu'il en avait reçu
(<) Pasquier de le Barre, op. cit., t. II, p. 15, et Pièces justificatives, n° XVII. Rapport
du Magistrat.
(2) Ils ne laissèrent que des ruines de cette riche abbaye, ruines tellement lamentables
qu'on n'a jamais depuis lors songé à réédifier cette importante maison religieuse. Les
ruines existent encore de nos jours.
(3) Charles de Ladeuze naquit en 1S31 à Saint-Ghislain; il était le fils de Quentin et
d'Anne Benoit. Il fut nommé par l'évêque Charles de Croy, oflacial en looG, deux ans
plus tard chanoine et, le 23 mai 1S90, l'évêque Venduille le créa trésorier du Chapitre.
11 mourut le 14 mars 1612. (D'après Vos, Dignités de l'ancien Cliapitre de Tournai, t. 1,
pp. 395-402.)
(4) DE COUSSEMAKER, Op. CU., t. II, pp. 251-252.
(5) Voir pour plus de détails sur le saccagement des églises des communes rurales,
Archives de l'État à Mons, Registre aux sentences criminelles, fol. 14, 24, 25, 26, 28, 29,
39, 91, etc.
(6j Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, t. II, pp. 186-187.
(1) Philippe de Sainte-Aldegonde, chevalier, seigneur de Noircarmes, etc., commandeur
de l'ordre d'.\lcantara, fils de Jean et de Marie de Rubempré. Il avait épousé Bonne
de Lannoy, dame héritière de Maingoval, Bugnicourt, etc. Il mourut à Utrecht, le
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. ifiô
de iMarguerite de Parme, avait laissé la direction du siège de Valenciennes
à un de ses lieutenants et s'était mis à la poursuite des calvinistes (').
Le 28 décembre, à 40 heures du soir, le jour même où Tournaisiens et
Flamands avaient levé le camp ("), de Noircarmes, à la léte de onze
enseignes d'infanterie, de cin(| « compaijnies » de cavalerie et de cent arque-
busiers à cheval, sortit précipitamment de Condé pour rejoindre et alta(|uer
les rebelles.
Malgré les difficultés de la roule, il les atteignit le dimanche 29, vers
2 heures de l'après-midi. Il lança d'abord contre eux son lieutenant
Gaspard de Kobles avec l'avant-garde de ses troupes, mais la cavalerie ne
pouvant donner à cause des fossés et des marécages qui défendaient
l'approche des Tournaisiens, durant trois quarts d'heure le combat fut
indécis. Exaspéré, de Noircarmes se mit à la tête de son infanterie, chargea
les calvinistes et ceux-ci ne se débandèrent qu'après avoir laissé sur le
champ de bataille plus de six cents des leurs (^). Quant aux blessés, ils
furent si nombreux qu'à peine quatre cents hommes valides purent s'échapper
de la mêlée et s'enfuir de tous côtés ('). Un des capitaines, Jean Soreau, se
sauva à iMenin (").
Le bulin fut considérable, car, selon Gaspard de Robles C^), les calvinistes
auraient abandonné onze enseignes, cinq cent sept grandes arquebuses,
une énorme quantité de poudre ainsi que leur trésor contenant la solde
pour tout un mois Ç).
5 mars 1574, des suites d'une blessure reçue au siège d'Alkmaar. (D'après la Correspon-
dance de Granvelle, édit. Poullet, t. I, p. 18, note 1.)
(^) Pasquier de le Barre, op. cit., t. II, pp. IO0-IO6.
(2) Idem, Ibid., p. 121.
(3) Bulletins de la Commission royale d'histoire, 4« série, t. V, p. 19, et Pasquier
DE LE Barre, op. cit., t. Il, p. 122. — On dit sept à huit cents.
(*) Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, p. 188, note 1.
(5) DE COUSSEMAKER, Op. Cit., t. Il, p. 232.
(6) Gaspard de Robles, seigneur de Billy, gentilhomme portugais, un des officiers de
l'armée de Noircarmes.
(7) Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, t. Il, pp. 186-187 ; 188, 202, notes 1 et 2.
Pasquikr de le Barre, ap. cit., t. 11, pp. 122-125.
164 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
A Pannonce de ce nouveau désastre, le peuple de Tournai se souleva.
Il obligea le gardien du beffroi à sonner « le timbre » d'alarme el aux cris
de « aux armes! nous sommes trahis ! », il s'élança dans les rues, luant ou
blessant les soldats de la garnison qu'il rencontrait. Il s'empara de l'artillerie
de la ville et la braqua vers le Château ; dans les principales rues on éleva
des barricades faites de chariots renversés ou d'étaux de poissonniers; les
compagnies bourgeoises s'embusquèrent derrière elles, attendant les soldats
de la garnison. D'autre part, le gouverneur de Moulbais fit canonner la
ville, tandis que des artisans abrités derrière les murs des maisons du quai
des Salines, ripostèrent à coups d'arquebuses; bref, c'était la révolte.
111. De Noircarmes voulut profiter du désarroi produit par sa victoire
de Lannoy pour tenter d'introduire une garnison nouvelle dans Tournai.
Usant d'une feinte, le lendemain, dès l'aube, il reprit ostensiblement sa
route vers Valenciennes. Arrivé non loin de Mortagne ('), il accorda à ses
troupes fatiguées un jour de repos; puis dans la nuit du 1*"^ au 2 janvier de
l'an 1567, vers 2 heures du matin, profitant des ténèbres, il rebroussa
chemin el arriva à la tête de ses troupes en vue de Tournai.
Suivant de point en point le plan qu'avait jadis recommandé au Conseil
d'État le conseiller tournaisien Le Clercq, il prit le chemin du Château avec
onze enseignes d'infanterie et quelques guidons de cavalerie, entra dans la
citadelle grâce à la complicité du gouverneur de Moulbais qui lui en ouvrit
les portes, et vint occuper la tête de pont qui franchissait l'Escaut et donnait
accès sur la ville. Ensuite, il fil appeler le Magistrat, lui signifia qu'il avait
ordre d'introduire des soldats dans Tournai el lui accorda une heure el demie
pour livrer les clefs et loger les gens de guerre qu'il convenait au Roi
de mettre dans la cité.
La réponse ne tarda guère, il fallait bien nccepler le fait accompli. Ainsi
qu'ils le dirent eux-mêmes, les Tournaisiens « étaienl forcés de se ranger à
la raison » ('); or celte raison était colle du plus fort.
(1; l^ASQUIER DE LE Barre, 0}). cU., t. II, pp. 125 et 126.
(2) Idem, ibid., t. Il, pp. 129, 132.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 165
Le iMagistrat décida donc de commun accord avec les capitaines des
compagnies elles principaux calvinistes, « de recevoir la garnison pour obéir
au Roi et à Marguerite de Parme » ('). Il prévint ainsi le dessein qu'avait
de Noircarmes, parait-il, de mettre Tournai « à feu el à sang », si les habi-
tants avaient tenté de s'op[)oser à l'entrée de la garnison nouvelle. « C'eût été
fort fâcheux, dit Gaspard de Kobles, de ruiner une si grande ville, quoique,
ajoute-t-il, eu égard aux insolences de ses ministres et à la dévastation
de toutes les églises, elle méritait tout le mal et dommage qui put lui
advenir » ("").
De Noircarmes avait à peine installé ses soldats, qu'il ordonna la remise
sous peine de mort, endéans un jour, de toutes les armes, sauf l'épée ou la
dague, ainsi que des munitions de guerre et des enseignes qui avaient flotté
au vent lors du dernier soulèvement. Il exigea en outre le dépôi des rôles,
c'est-à-dire des listes sur lesquelles avaient été inscrits ceux qui s'étaient
assemblés autour de l'abbaye de Sainl-iVicolas-des-Prés, espérant par ce
moyen connaître facilement les noms des citoyens qui s'étaient exposés à sa
vengeance et à celle du Gouvernement (■*).
L'Autorité municipale montra l'exemple; elle lit ren)ettre aussitôt entre les
mains de Noircarmes son artillerie; quatorze ou (|uinze pièces de canon, de
nombreuses arquebuses, de grands tonneaux de poudre, de salpêtre ou de
soufre prirent le chemin du Château (*). iMais la population résistait.
Du 3 au 28 janvier, de Noircarmes renouvela sept fois son ordonnance;
le 28, il exigea même, malgré les vives réclamations des doyens des métiers,
les épées et les dagues, aussi bien des membres des Serments, des fonclion-
(■1) Pièces justificatives, n" XVIL Rapport du Magistrat.
(2) Pasquier de le Barre, op. cit., t. Il, p. -127. — Correspondance de Granvelle, édit.
PouLLET, t. II, p. 202, note 1.
(3| Bulletins de la Commission royale d'histoire de Belgique, 2' série, t. XII, pp. 99-100. —
L'éditeur des ordonnances publiées à Tournai dans les années 1360 à 1S67, au sujet des
troubles religieux qu'il y eut en cette ville, n'a pas su lire exactement la publication du
3 janvier io67; son point d'interrogation après le mot « colles » qu'il a lu, n'a pas sa raison
d'être; c'est « rolles » qu'il faut lire. (Voir Archives communales de Tournai, Registre aux
publications, n" 344, fol. 280 r".)
(i) Pasquiek de le Baiiuk, op. cit., t. II, p. 48.
166 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
naires royaux, municipaux et justiciers, que des simples particuliers. Tous
étaient confondus dans une commune suspicion (').
Les pasteurs réformés, comme jadis l'évèque, s'enfuirent et abandonnèrent
à leur infortune les malheureux qu'ils avaient endoctrinés ; les artisans
s'expatrièrent et allèrent implanter en Allemagne, dans les Provinces septen-
trionales des Pays-Bas et surtout en Angleterre, les industries qui avaient
fait la richesse et la renommée de leur cité; les marchands, craignant la
confiscation de leurs biens, vendirent leurs |)ropriélés à des catholiques et
éniigrérent vers des pays où n'était point interdit le libre exercice du calvi-
nisme ('-).
(■•) Pasquier de le Barre raconte à ce propos une anecdote que confirme le Registre du
Conseil des troubles des Arctiives de l'Etat à Mons, fol. 103. La voici : Les doyens et sous-
doyens des métiers ainsi que les principaux marchands avaient présenté une requête au
Magistrat, pour lui remontrer les multiples inconvénients qui pouvaient résulter pour eus
de la défense de posséder soit une épée, soit une dague, ne fût-ce qu'au point de vue de
leur protection personnelle. Le 28 janvier dans l'après-midi, les Consaux se rendirent près
du comte de Boussu, Maximilien de Hennin, qui remplaçait Noircarmes, momentanément
absent, lui exposèrent la manière de voir des doyens et des marchands et le prièrent de
surseoir à l'exécution de la partie de l'ordonnance visant épées ou dagues.
Le comte de Boussu refusa et les pria d'attendre le retour de Noircarmes; mais Hermès
du Bois, docteur en droit, conseiller au bailliage de Tournai-Toui'naisis, qui assistait
à l'entrevue, protesta vivement, trouva l'ordonnance « cruelle et tyrannique », ajoutant que
dans aucune ville, même à Gand, à l'époque de sa rébellion contre Charles-Quint, on
n'avait eu recours à de pareils moyens.
Ces propos ne pouvaient qu'irriter profondément le comte de Boussu ; aussi le lende-
main, au retour de Noircarmes, lors d'une nouvelle audience accordée aux Consaux et aux
fonctionnaires royaux, Hermès du Bois fut arrêté et jeté en prison au Château. Il y demeura
jusqu'au 2 mars 1569, jour où il paya du bannissement et de la confiscation de ses biens,
des critiques qu'une vivacité native n'avait pu l'empêcher d'émettre, et qui montrent
clairement quelle indignation ressentaient les Tournaisiens ; il ne faut pas, en effet, perdre
de vue que du Bois était un fonctionnaire du Gouvernement. (Voir Pasquier de le Barrw,
op. cit., t. 11, pp. ol-o5, et Archives de l'Etat à .Mons, Registre du Conseil des Troubles de
Tournai-Tournaisis, fol. 103.) — Le jeudi 16 janvier, pour arriver à avoir en sa possession
toutes les armes que possédaient les Tournaisiens, de Noircarmes fit simultanément fermer
toutes les portes de la ville, perquisitionner par ses soldats dans la plupart des maisons,
avec ordre d'en enlever toutes les armes et d'emprisonner au Château les malheureux qui
s'obstineraient îi ne point vouloir les leur remettre. (Pasquier de le Barre, op. cit., t. Il,
p. 45.)
(2 Gachard, Corresjondaïue (tu Taciturne, t. II, pp. 483, 486, etc.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. U>7
« L'or et Targent s'en vont dehors » s'écrie Morillon ('). En effol, ;"i lui
cerlain moment, l'exode des hommes et des capitaux devint si considérahle
que le iMagisIrat se vit forcé d'interdire aux artisans et surtout aux marchands
de (|uitler la ville, sous peine de confiscation des biens. Bien plus, dans
l'espoir de ramener les émigrés, il fit annoncer son intention de confisquer
les biens, meubles et immeubles, de ceux qui étaient partis, si dans la
huitaine ils n'étaient pas de retour {^).
Bien peu se décidèrent à revenir !
Les calvinistes, non point à tort, craignaient les représailles du Gouver-
nement ot de son représentant à Tournai. Ils n'avaient pas confiance dans les
promesses que ne cessait de prodiguer de Noircarmes et redoutaient sa
duplicité. Depuis le 2 janvier, il répétait avec insistance que conformément
à l'acte du 23 août 1366, passé entre les Confédérés et iMarguerile de Parme,
il n'entendait pas interdire les prêches champêtres (^), mais par toute espèce
de mesures indirectes, il mentait à ses promesses.
Il suffira de n'en citer qu'une, l'obligation pour tous ceux qui désiraient
assister aux prédications évangéliques, de se faire délivrer un passeport
signé par l'un des magistrats communaux et contresigné par son propre
secrétaire (*).
Beaucoup de calvinistes hésitèrent à remplir cette formalité dangereuse ;
aussi de Noircarmes put écrire lo 10 janvier à Marguerite de Parme « qu'à
Tournai, les prêches cessaient d'eux-mêmes » Ç"), et douze jours après,
« que le peuple commençait à s'excuser de ce qu'il avait fait et à baisser les
oreilles » ['^•).
(^) Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, t. II, p. 225.
(2) Archives communales de Tournai, Registre aux publications, n° 344. Publication
du 4 janvier lo67, fol. 281 r". — Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, t. I[,
pp. 223-225.
(3) Pièces justificatives, n" XVIt. Rapport du Magistrat, et Pasquier de le Barre, op. cit.,
t. H, p. 27.
(•*) Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, t. Il, p. 223, et pA.sQutRn de le Iîarre,
op. cit., t. II, p. 43.
(5) Gachard, Correspondance de Guillaume le Taciturne, t. Il, p. 4S7.
(fi) Pasquier de le Barre, up. cit., t. Il, pp. 170-171.
168 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
Pouvait-il en être aulrement?
Les artisans de Tournai avaient été désarmés, les campagnards à plus
forte raison, car, disait la Régente, « il est moins convenable que paysans
qui ne doivent se mêler que de la charrue, soient armés, que gens de
ville » ('); les Serments « fort infectés de calvinisme » (^) n'existaient
plus; les huit compagnies populaires s'étaient licenciées d'elles-mêmes et les
prêches n'étaient plus fréquentés, à cause des entraves qu'on leur suscitait.
Voilà le résultat de quelques semaines d'administration de Philippe de Sainte-
Aldegonde à Tournai.
(l'était le moment qu'il attendait pour pouvoir « avec toute assurance el
repos, châtier ceux qu'il trouverait l'avoir mérité » (^).
Dès lors, les arrestations se multiplient el les prisons regorgent de malheu-
reux qui ont participé « en quelque manière » aux troubles passés (*). Les
exécutions recommencent. Le 7 février, Pierre Degrez, dit le « Beau
Danseur », foulon de son métier, et le cordonnier Gérard de le Vingne sont
pendus en face de la Halle aux draps; le 22 du même mois, pour que les
Tournaisiens n'ignorent pas que le Gouvernement est décidé à agir avec une
rigueur impitoyable, Marguerite ordonne au iMagistrat de republier l'ordon-
nance qui a occasionné l'émeute de la Xoël 4566 (°). Elle enjoint en même
temps à de Noircarmes de procéder à la destitution des magistrats commu-
naux qui paraissent manquer de zèle pour la religion catholique (^).
De Noircarmes ne se fit point dire l'ordre une deuxième fois. Deux joiirs
après, pendant qu'aux sons du tambourin ses onze enseignes se rassemblaient
en bataille sur la grand'place et se préparaient au départ, il se rendit en la
Halle du Magistrat où il avait convoqué d'urgence les Consaux, et prononça
(<) Gachard, Correspondance de Granvelle, t. II, p. 479.
(2j Idem, Ibid., t. 11, p. 487.
(3) Pasquier de le Barre, op. cit., t. II, p. 138.
(*) Idem, ibid., t. 11, pp. 46-47; 162; 164; 169, etc.
(S) Pasquier de le Barre, op. cit., t. H, pp. 68 et 239. — Archives communales de
Tournai, Registre de ta Loi, W 149. Condamnation du 7 février 1566 (a. s.j — Pièces comp-
tables, farde Justice, même date. — Gachard, Consaux, p. lOo. (Voir plus haut, pp.loo-156.)
C) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 24 février 1566 (a. s.). —
Gachard, Extraits des Consaux, p. 105.
AU POINT DK VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 1(Î9
la desliUilion des jurés Adam Lecocq, Jean Villain, Michel Fiannefrère,
Philippe de Sueur; des échevins de Tournai, Jacques de Bambecque ('),
Antoine Deffarvacques et Jean Lecocq (-) ; de Jac(|ues Villain cl Toussaint
Lesage (^), échevins de Sainl-Brice; des commissaires aux finances François
Letebvre et Pierre du Cihambge ('), el enfin révoqua les fonctionnaires
Pasquier de le Barre (^), auteur des « Mémoires » auxquels nous avons eu si
souvent recours, el François Clément, respectivement premier et second
procureurs de Tournai ("); puis, à la tête de toutes ses troupes, il quitta
la ville et alla reprendre la direction du siège de Valenciennes qu'il
n'avait d'ailleurs abandonné que pour réduire à merci les Tournaisiens
(24 février). Ce même jour, sept enseignes d'infanterie entrèrent dans
Tournai et furent placées sous le commandement du colonel Jean de Croy,
comte du Rœulx, qui reçut en même lemps la commission de gouverneur de
la cité Ç).
(1) Jacques de Bambecque, seigneur des Annarts, épousa Agnès de Gauley. En 1553, il
était déjà juré et acheta alors sa bourgeoisie de Tournai comme membre du Serment de
Saint-Maurice. Il portait pour armoiries d'hermines au canton de gueules.
(2) Jean Lecocq, fils de Nicolas, marchand de drap de soie, et de Anne Mamuchet; il
épousa avant 1537, Anne Faulconuier. Celle-ci était sœur de Jehenne Faulconnier qui avait
épousé le frère de Jean, Adam Lecocq, lequel fut décapité comme hérétique le lundi
17 avril 1570.
(3) Toussaint Lesage, destitué par de Noircarmes, vint plus tard à résipiscence, car dans
son testament il déshérita son gendre Jean Hespel, sa fille Chrétienne Lesage et son
neveu Toussaint Lesage « pour la désobéissance et tourmenz qu'ilz me ont faict de eulx
avoir retiré de ces pays en aultre pays rebelle et ennemis à sa Majesté ». (Voir Archives
communales de Tournai, Testament de 1593.)
(*) Pierre du Chambge, fils de Érasme, second conseiller pensionnaire de Tournai et de
Catherine de Cordes. Il épousa en premières noces à Tournai, Catherine Duniont et en
secondes, Marie Deleforge.
(0) Pasquier de le Barre naquit à Tournai; en octobre 1545, il fut nommé greffier des
doyens et sous-doyens des métiers; en 1559, il devint tabellion royal, puis procureur du
roi au bailliage, et enfin, il fut nommé par la ville, malgré une vive opposition du Gouver-
nement, procureur général de Tournai. Destitué par de Noircarmes, il abandonna Tournai,
mais arrêté à Flessingue en décembre 1567, il fut ramené à Vilvordc oii il fut exécuté
comme hérétique le 29 décembre 1568.
(6j Gachard, Consaux, pp. 105-106.
C) Idem, Ihid., p. 105. — Jean de Croy, comte de Rœulx, seigneur de Beaurain.
Tome I. — Licrniiis, ktc;. 2:2
170 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI< SIÈCLE
IV. Quelques jours auparavanl, le 20 février (*), Jean de Blasere,
conseiller et maître des requêtes ordinaires de la Maison du Roi au grand
Conseil de Malines, et Robert du Cellier, conseiller ordinaire au Conseil de
Flandre, étaient arrivés à Tournai comme commissaires royaux, avec charge
d'instruire toutes les affaires concernant la religion. Le nouveau gouverneur,
Jean de Croy, auquel la Régente avait adjoint comme conseil Jacques Blondel,
seigneur de Cuinchy ('), présida cette commission d'enquête.
Ces commissaires s'empressèrent d'exécuter la mission qui leur avait été
confiée. Les arrestations succédèrent aux arrestations et dans les prisons
déjà encombrées, s'entassèrent une foule de misérables (^). Les cachots
officiels ne suffirent bientôt plus et, dérision cruelle ! avec le bois destiné à
l'achèvement du temple calviniste de la porte Cocquerel, les commissaires
firent construire des « caiges ou gayolles » et y incarcèrent le Irop-plein
des prisonniers sans abri au Château (*). Si nombreuses étaient les arresta-
tions, que ces geôles elles-mêmes furent insuffisantes, et l'on s'adressa à
certains particuliers, qui, pour un patar par jour, se chargèrent de main-
tenir sous clés, chez eux, les calvinistes qu'on leur confiait (").
Le plus petit soupçon d'hérésie suffisait pour faire fermer sur un malheu-
reux les lourdes portes d'un cachot. Le moindre geste servait de prétexte à
arrestation.
iMourir calviniste devint pour les commissaires royaux une tare inefl'a-
çable, au point qu'ils en oublièrent, eux aussi, le respect dû aux morts. Sous
prétexte « d'encourager les bons et intimider les méchants sectaires »,
ils avaient ordonné à l'exécuteur des hautes-œuvres, Jacques Barat, de
(^) Pasquier de le Barre, op. cit., t. II, p. 179.
(2) Idem, ibid., t. II, pp. 174-179. — Jacques Blondel, ctievalier, seigneur de Cuinchy,
fut, par lettres patentes du 23 juin 1568, créé gouverneur, capitaine et bailli des ville, cité,
château et bailliage de Tournai-Tournaisis. Il resia en fonctions jusqu'fn 1S76, époque
à laquelle les Elats-(îénéraux le remplacèrent par le prince d'Espinoy.
(ï,i Correspondance de Graiivclle, édit. Poli.i.et, t. II, p. 303. — Archives de l'État
à Mens, Commission des troubles de Tournai, 13 mars 1567 (n. s.).
(*) Ibid.
(S) Archives de l'Etat à Mons, Registre aux sentences criminelles du bailliage de
Tournai, fol. 3 r".
AU POINT DE VUK POLITIQUE ET SOCIAL. 171
s'emparer des cadavres de Tournaisieiis morts liérétiques el de les mener à
la voirie, « au lieu où l'on traîne les bestes mortes », comme ils le disent
impudemment eux-mêmes. Pins humain que les commissaires royaux, Barat
n'avait pas toujours obéi aux ordres reçus et, souvent, avait laissé aux
familles éplorées la douloureuse mais pieuse mission d'inhumer eux-mêmes
la dépouille de leurs chers défunts. On le sut. L'officier criminel fut rappelé
à l'ordre et il dut se résigner « sous peine d'être puni arbitrairement »,
à conduire lui-même ù la voirie, « sous l'éclatante lumière du jour et sur une
claie », les cadavres des calvinistes morts impénitents (').
Beaucoup de réformés avaient sauvé leur tête par l'émigration, mais les
commissaires n'entendaient pas que l'État perdit ses droits, et ils condamnent
par contumace au bannissement perpétuel ces exilés volontaires (-), puis
emprisonnent leurs femmes, parce qu'elles refusent de faire connaiire leur
situation de fortune ou de fournir leurs litres de propriété.
Sur ordre de la Régente, le Magistrat republie une ordonnance depuis
longtemps tombée en désuétude, interdisant de manger de la viande ou des
œufs en temps de Carême ( '). Tous les deux ou trois jours, pour « apaiser
la colère de Dieu el extirper les erreurs et hérésies journellement publ-
iantes », des processions générales auxquelles le Magistrat convie toute la
population tournaisienne, parcourent les rues en longues théories bigar-
rées (*).
La répression prend toutes les formes ; pour occuper le plus petit emploi.
{<) Archives de l'Étal h Mons, Registre aux sentences criminelles, fol. M v".
(2) Idem, Commission des Troubles de Tournai, 20 septembre 1567. — On sait que la
confiscation des biens accompagnait toujours le bannissement.
(3) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 24 février 1367 (n. s,). Des
condamnations furent même prononcées de ce chef, ainsi que l'atteste la preuve suivante :
Archives communales de Tournai, Pièces comptables, 24 mars 15G6 (a. s.), Justice « la
moictié de l'amende de six carolus en quoy ont esté condemnez Bertrand de le Vingne,
Jehan Deswatines et la vefve Michiel Baligan, boulengiers, pour avoir composé durant la
saincte quarantaine aucuns gasleaux avec des œufs, les exposé et mis à vente publicquement
en contrevenant à l'ordonnance de nostre mère saincte église et aullremcnt. Faict le
xxiiij"" jours de mars xv'' soixante six avant pasques ».
(♦) Archives communales de Tournai, Registre aux publications, n" 344, 16 mars 1567
(n. s.).
172 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
pour oblenii' le moindre secours de la charité publique, il faut avant tout
êlre jugé bon catholique ('').
Jean Fruict et Gaspard Rozu demandent à être reçus à la fondation hospi-
talière des Anciens bourgeois (-); lesConsaux s'informent avant tout « si les
requérants sont catholiques » f). On prive du logement et de la pitance
pécuniaire dont il jouissait à l'hôpital Saint-Jacques, en faveur « d'un catho-
lique », un malheureux aveugle, Nicolas Courtin, parce que n'assistant point
à la messe, il est soupçonné d'hérésie ('*); le 20 mars 1567, des bouchers
calvinistes, bien qu'ils aient offert au Magistral, pour les places qu'ils
occupent aux deux boucheries de la ville, un plus haut prix que les catho-
liques, se voient préférer ces derniers; les prévôts et jurés interdisent aux
bouchers de choisir comme doyen et sous-doyen de leur corporation des
calvinistes ; bien plus, ils leur défendent de recevoir à la maîtrise des gens
qui n'appartiendraient pas à la religion catholique ('').
La délation s'en mêle. Les registres officiels étalent complaisamment sous
les yeux un spectacle vraiment écœurant. On y voit des gens restés attachés
au catholicisme provoquer par de lâches insinuations, la révocation de
salariés des deniers publics, parce qu'ils convoitent leur emploi; on y voit
accuser des fonctionnaires d'appartenir ou d'avoir appartenu à la religion
calviniste, d'avoir fréquenté les prêches, et toujours le Magistrat confère aux
sycophantes les emplois occupés par les dénoncés. Des magistrats eux-mêmes
se livrent à ce honteux commerce, et l'échevin Nicolas de Galonné ('')
{<) Arcliives communales de Tournai, Consaux, séance du 15 juillet 1S67.
(■i) Idem, Consaux, séance du 23 février 1S67 (n. s.). Les Anciens bourgeois occupaient
rue de la Tèle d'or, un immeuble donné en 1272, par deux Tournaisiens, Jakemés Yvains et
Gontiers Li Sauvages, au profit des pauvres bourgeois « nés et noris de le citet de Tornai,
ki de boin non et de boine renomée ont estet et seront »... (Voir pour plus de détails :
Delannoï, Notice historique des divers hospices de la ville de Tournai. Tournai, Casterman,
1880, pp. 157 et seq.
(3) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 25 février 1567 (n. s.).
(*) Idem, Prévôts et jurés, reg. n" 3321, fol. 102 v°.
(5) Idem, Prévôts et jurés, reg. n» 3321, 20 mars 1567 (n. s.).
(6) Nicolas de Calonne, écuyer, seigneur de iMontifaux et de Tersain, fils de Jehan
de Calonne et de Françoise Petit; il épousa Marie de Landas, tille de Jacques et de Guille-
melte Hangouart. (Voir du Chastel, Notices généalogiques toumaisieimes, t. t, p. 336.)
AU POINT DE VUE POLITFQTIE ET SOCIAI-. 17.Î
detiiaiule el obtient les fonctions de commis à l'assis à la bière occupées par
Guillaume Martin, qu'il vient de l'aire destituer sur un simple soupçon
de calvinisme ('). On révoque des agents de police ('^), des gardes du bois
de Breuze ('). A clia(|ue séance des tonsaux, des destitutions sont prononcées.
Jac(|ues iMassis, receveur des bannissements, Nicolas du Bois, commis à la
recette générale, Louis le Grand, receveur de la Bonne Maison de le Val,
Gilles Brasseur, joueur de bautbois au beiïroi, Jean de Lattre, gielïier de
l'échevinage de Saint-Brice et père de l'avocat que nous avons vu révo(|uer
en 1563, n'échappent point au sort commun; Gilles Parlait, docteur en
médecine, el Jean iMoulon, apothicaire, sont privés des émoluments que
leur servait la ville de Tournai (*).
Aucun fonctionnaire n'est sur du lendemain et de nombreux employés
communaux, qui avaient ci-devant adhéré à la Béforme, préfèrent aban-
donner Tournai et aller ailleurs chercher une patrie moins rancunière ou
plus tolérante (^).
Bientôt les délateurs exploitent un autre champ d'action. Après la masse
du peuple et de la petite bourgeoisie, viennent les grands bourgeois et les
nobles. Le 16 septembre 1567, le procureur général Jean Hovine ("), qui
venait de remplacer Pasquier de le Barre, fait rayer du rôle des exempts des
impôts sur le vin el la bière, François d'Ennetières, seigneur de Beaumez,
parce (|ue celui-ci s'était montré « forl affectionné à suivre les prêches » Ç);
Louis du Bois, seigneur de Hauteval, Guillaume de Maulde, seigneur
(<) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 2 septembre 1567.
(2) Idem, Prévôts et jurés, reg. n» 3321, 22 juin 1567.
(3) Idem, Prévôts et jurés, reg. n° 3321, 23 juin 1567-15 juillet 1567, etc.
(*) Idem, Consaux, séance du 8 juillet 1567.
(o) Idem, Voir les registres des Consaux des mois de juillet, août et surtout septembre
1567.
(6) Jean Hovine, licencié es lois, fils de Jean et de Valentine Béghin, épousa en premières
noces, Jeanne Fourmanoir et en secondes, Françoise de Cambry. (Voir nu Chastel, Notices
généalogiques tournaisiennes, t. H, p. 321.)
P) François d'Ennetières, fils de Jérôme et de Marie Villain, épousa Barbe Boulenger.
Il mourut le 2 janvier 1580. (Voir Goethals, Miroir des notabilités nobiliaires. Bruxelles,
1857, t. I, p. 949.) — Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 16 sep-
tembre 1567.
174 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVT^ SIÈCLE
de Mansari, ancien grand prévôt ('), Antoine d'Aubermont (-), Hermès
de Landas (^) et d'aulres encore se virent enlever la même immunité à
laquelle d'anciens usages leur donnaient droit.
Leur crime? Toujours le même; ils ont assisté aux prêches! Pour
de 31aulde et dWuhermont, on y ajouta celui d'avoir signé l'acte de la Confé-
dération des nobles (*).
Pourquoi poursuivre cette énuméralion ? Qu'il nous suffise d'avoir montré
par quelques exemples puisés aux sources authentiques, que la réaction
contre le calvinisme atteignit des membres de toutes les classes de la société
tournaisienne.
Tandis que la population calholi(|ue se livrait à cette dégradante besogne
contre l'autre moitié de la cité, les de Croy, de Blasere et autres n'oubliaient
point la mission répressive que leur avait donnée le Gouvernement.
Le 5 avril 1567, ils font pendre sur la grand'place, Cyprien de Lespine,
charpentier (^); le même jour et au même endroit, ils ordonnent de couper
la main droite et la langue à Jean Visart, messager de Tournai à Bruges,
préalablement à son exécution par le feu («) ; le 47 mai, c'est Roland de Lers,
dit Rollu, savetier, Jean Wille, frère du prédicant Âmbroise, qu'ils livrent au
(i) Guillaume de Maultle, tils de Jean et de Marguerite de Vin- ; il fut créé ctievalier à
Gand, de la main de Philippe il, en août loo9; il avait épousé en loo3, Françoise T'Zevel
d'Osterel. Il soutint la cause nationale et dut émigrer en Hollande, où il mourut vers 1609.
(Voir DU Chastel, Notices généalogiques tournai siennes, t. II, p. S93.)
(2) Antoine d'Aubermont, seigneur du Uuesuoy et des Plancques, épousa en 1562
Geneviève Despars, fille de Jacques et de Barbe de Landas. Il était le fils de Nicolas et de
Marie Henneron. (Voir Annuaire de la noblesse de Belgique, par le baron de Stein d'Alten-
stein. Bruxelles, IStîb, pp. 54-55.)
(3) Hermès de Landas, écuyer, seigneur d'Estrun, épousa Catlierine Dennetières. Il
était (ils d'Arnouid et de Jacqueline Henneron. Il eut pour tils Charles de Landas, avocat
du comte d'Egmont qu'il défendit devant le Conseil des Troubles. (Voir Di Chastel,
op. cit., t. 1, p. 86.)
(*) Gacuard, Extrait des Consaux, p. 106.
(5) Archives de l'État à Mons, Registre aux sentences criminelles, fol. 9 r. — Pasquier
DE LE Barre, op. cit., t. Il, p. 265, et note 1, même page.
(6] Archives de VtlM ^ Mons. Registre aux sentences criminelles, fol. 9 r'\ — Pasquier
DE LE Barbe, op. cit., t. Il, p. 265, et note 2.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. l7o
gibet (^); le 20 juin, ils hannissenl par coiilumace cent sept personnes (-);
du 5 avril au 20 septembre, on procéda sur leur ordre à dix exécutions
capitales (').
V. Le règne de la Terreur ne faisait que conrimencer. Un homme devait
dépasser en cruauté tout ce qu on avait vu jusqu'alors. On raconte qu'en
apprenant les ravages exorcés par les calvinistes dans les églises et couvenis
des Pays-Bas, le roi Philippe II lui saisi d'une sainte colère et qu'il jura de
venger ces outrages. Il envoya dans nos provinces celui qu'il savait le plus
disposé à se l'aire le docile instrument de son dessein, Ferdinand Alvarez
de Tolède, duc d'Albe, général espagnol âgé de 60 ans, d'une dureté
de cœur et d'une inflexibilité de caractère que les années n'avaient en rien
amollies, bien au contraire. Mettre à mort tous les chefs du parti reformé,
tous les broiullons qui, à n'importe quel moment et de n'importe quelle
façon, avaient fait opposition au Gouvernement ou censuré ses actes; réor-
ganiser l'Inquisition sur les bases qu'on avait tenté de lui donner avant
l'explosion des troubles; appliquer le fameux édil contre l'hérésie, tel était
le plan que devait exécuter le duc d'Albe (*).
Arrivé à Bruxelles le 22 août 4 567, à la tète de dix mille hommes,
vétérans espagnols d'un courage que maintes batailles avaient mis à Tépreuve,
le duc entreprit méthodiquement l'exécution de son mandat en distribuant
entre les différentes villes du pays, les troupes qu'il destinait « a appuyer le
Gouvernement dans ses vues et à prévenir par leur présence le renouvel-
lement des tristes désordres qui s'étaient produits » (°). Tournai eut pour sa
part six guidons de cavalerie et trois compagnies d'infanterie (*').
(1) Archives de l'État à Mons, Registre aux sentences criminelles, fol. 40 r°. — PASQUiEn
DE LE Barre, op. cit., t. 1, p. 137, noie 1, et t. Il, p. 269, notes 1 et 2.
(2) Idem, fol. 10 à 32. — Pasquier de le Barre, op. cit., t. Il, p. 219.
(3) Idem, fol, 9 r« à 37 r».
(*) MoTLEY, Révolution des Pays-Bas, t. II, pp. 231-232; Correspondance de Philippe II,
t. I, p. 562.
(5) PouLLET, Droit pénal dans le duché de Brabant, p. 108.
(6) Archives communales de Tournai, Registre aux publications, fol. 309 et 310, et
Publications des 28 septembre et 9 octobre 1567. — Le peuple, par crainte des soldats du
duc d'Albe, vidait les maisons de leurs meubles et ustensiles pour les mettre en lieu sûr.
176 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVF^ SIÈCLE
Ensuite, le 9 septembre, pour s'assurer des juges à sa dévotion, il institua
un tribunal extraordinaire qu'il appela Conseil des Troubles, mais que le
peuple désigna sous le nom de « Tribunal de sang » ('). Ce nouveau
tribunal, en dépit des constitutions ou loys locales, prit illégalement Ç^)
la place des autres cours de justice. Toutes les juridictions sans exception,
depuis celle des magistrats municipaux jusqu'aux tribunaux provinciaux,
recurent défense de connaître d'aucun des délits commis en 1S66 et 4S67.
contre la religion et contre le Roi, ou des contraventions aux placards. Ainsi
par le fait même de cetle ordonnance, le droit séculaire des prévôts et jurés
tournaisiens, celui de juger les causes criminelles fui suspendu et, comme ces
magistrats persistaient malgré tout à user de leurs anciennes prérogatives
judiciaires, le duc d'Albe prit soin de le leur défendre formellement le
20 août t568 (^). Il est, en effet, à remarquer que jusqu'alors toutes les
condamnations pour hérésies ou contraventions aux placards avaient été
prononcées conformément à la procédure exposée plus haut. Ce furent
les prévôts et jurés, assistés du lieutenant du bailli, des conseillers du bail-
liage et aussi des commissaires royaux, quand le Gouvernement en envoyait
à Tournai, qui condamnèrent à mort les calvinistes dont nous avons cité les
noms dans les pages précédentes (^).
Sûr de ses juges, le jour même de l'institution du Conseil des Troubles,
le duc voulut frapper au cœur la Réforme et décréta d'arrestation ceux qu'il
croyait en être les chefs, les comtes d'Egmont et de Homes.
(1) Gachard, Notice sur le Conseil des Troubles, p. 9.
(2) Voir sur la question de la « légalité » du Conseil des troubles, Poullet, Histoire du
droit pénal du Brahant, pp. H8 et seq.
(3) Voir Renon de France, Histoire des Troubles des Pays-Bas, dans la collection des
Chroniques belges inédites, édit. Ch. Piot, t. 1, p. 31o.
(i) Voir plus haut, p. 66. — Les jugements commencent ordinairement de celte façon :
« Veu par nous les lieutenant de bailli et conseillers de l'empereur, nostre sire, es bail-
liaiges de Tournay et Tournesis, prévosts et jurez de la ville et cité de Tournay, la
poursieulte et callenge faicte par le procureur de l'empereur... » (Archives communales de
Tournai, Registre de la Loi, n° 147, année 1534.) — Quand il y avait des commissaires du
Gouvernement en ville, les noms de ces commissaires ouvraient le prononcé du jugement,
lequel continuait ensuite suivant la formule donnée plus haut.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 177
Grande, paraîl-il, fut la joie de Philippe II à la nouvelle de celle arresta-
lion, mais profonde fui la stupeur du peuple dans les Pays-Bas; tous
Irembiéient, call)oli(|ues et réformés. Ces derniers surtout craignirent pour
leur têie. Un seul moyen de salut leur restait, la fuite. Les émigrations
recommençèient. Un grand nombre de bourgeois riches ou aisés, la plupart
adonnés au commerce ou à l'industrie, quittèrent les Pays-Bas sans esprit de
retour et allèrent se lixer et en Allemagne et en Angleterre (*).
Ces exodes devinrent un véritable fléau pour nos contrées. Le Gouverne-
ment le comprit si bien que, pour y mettre obstacle, il donna Tordre de ne
plus laisser sortir personne du pays sans passeport, prohiba Texportalion des
objets de valeur et interdit à quiconque de quitter le territoire, à peine
d'être considéré comme fauteur des troubles (^), A Tournai, le iVlagislral
compléta ces instructions en défendant aux bateliers et aux charretiers
de transporter hors la ville « les meubles, marchandises, avoir des bourgeois,
marchands et manans », sans sa permission (').
Ces dilïérentes mesures n'empêchèrent rien. Les départs continuèrent et.
(1) [l est bon de ne pas perdre de vue que ces émigrés comptaient dans leurs rangs les
meilleurs éléments du pays. Renon de France, op. cit., édit. Plot, t. I, p. 315. « Et si
paravant plusieurs s'estoienl rendus fugitifs, leur nombre accrut merveilleusement, en
sorte que Allemagne et Angleterre se treuvèrent peuplez des gens de ce pays. » — Renon
de France ajoute encore, t. 1, p. 316 : « Par un dénombrement que la royne d'Angleterre
ordonna en son royaulme fut trouvé plus de cent cinquante mille personnes y réfugiez, de
toute qualité, principalement artisans et gens de mestier. » Ce ctiiffre de cent cinquante
mille réfugiés doit être fortement exagéré; car Granvelle, en 1573, constate que 60,000 habi-
tants des I*ays-Bas ont émigré en Angleterre. — La Revue de Belgique, 1880, t. tll, p. 131,
sous la signature de Rahlenbeck, dit « Ils (les émigrés flamands et wallons) sont vingt mille
en 1564, trente mille en 1566 et plus de cipquante mille moins de deux ans plus tard,
après l'arrivée en Belgique du duc d'Albe. Ils se dispersent, les marchands s'associent aux
gildes de Londres, les industriels se fixent à Norwich, à Colchester, à Sandwich, ailleurs
encore »... En Allemagne, les réfugiés se fixèrent particulièrement à Emdem, à Wesel, à
Hambourg, à Heidelberg, à Francibrt-sur-le-Mein, etc. (Voir à ce sujet Renon de France,
op. cit., t. I, p. 315, note 3.) — Archives de l'Etat à Mons, Commission des Troubles de
Tournai, 1566-1569, un acte en date du 13 juillet 1568.
(-) Correspondance de Granvelle, t. lit, pp. 27-28.
(3) Archives communales de Tournai, Registre aux publications, n" 344, Publication du
18 septembre 1567.
Tome L — Lettres, etc. 25
178 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
vers la fin de septembre ('), on arrêla enlre autres à Flessingue, prêts
à s'embarquer pour l'Anglelerre, neuf riches bourgeois et marchands de
Tournai, parmi lesquels se trouvaient Pasquier de le Barre, Jean Says et
Gabriel de Cambry (-).
Les expalriations volonlàires se généralisèrent tellement que pour y mettre
un terme, le duc d'Albe résolut de faire incarcérer le même jour dans loul
le pays, « tous ceulx que l'on trouveroit ministres, consisloriaux, briseurs des
images, ceulx ayans fait faire lesdits bris sacrilèges et aullres ayans porté
les armes contre le Roy » (^).
Les arrestations opérées à la suite de cet ordre furent nombreuses dans
tous les Pays-Bas, mais à Tournai, nous ne savons pour quelle raison, dans
la nuit du 3 mars 1368, c'élail la date fixée par le duc, quatorze bourgeois
seulement furent conduits en prison (*).
Les commissaires rachelèrent bien vite leur tiédeur et, se rabatlani sur
le petit peuple, ils firent avant la fin du mois de juin jeter plus de trois cents
(1) C'est en septembre et non en décembre, comme le dit Pinchart, dans Pasquier
DE LE Barre, op. cil., t. i, p. xxi, qu'eut lieu cette arrestation de Tournaisiens. (Voir à ce
sujet DE CoussEMAKER, of. cU., t. 11, p. 152.) Correspondance de Granvelle. t. III, p. 28.
(-j Bulletins de la Société historique de Tournai, t. XX, p. 187. — Parmi les Tournaisiens
arrêtés à Flessingue, on mentionne encore Jacques Bulteau, ancien capitaine d'une com-
pagnie bourgeoise, et Guillaume des Marels. Ils furent exécutés le 25 juin 1567 à Bruxelles,
tandis que Gabriel de Cambry, Pasquier de le Barre et Jean Says le furent à Vilvorde, le
29 décembre 1568. (tiulletins de la Société historique de Tournai, t. XX, pp. 187-188.) —
Voir plus haut, p. 125 et même page, note 3.
A la suite de ces arrestations, le Magistrat craignant d'être taxé de tiédeur par le duc
d'Albe, s'empressa de renouveler l'interdiction des expatriations et de rendre plus rigou-
reuse la visite des bateaux, chariots ou ballots de marchandises à destination de l'étranger.
Néanmoins le Gouvernement aima mieux prendre lui-même ce soin et chargea, le
13 juillet 1568, Ambrosius de Ribera, Jean Gombault et son gendre, Nicolas Sourdeau,
« d'empêcher qu'un grand nombre, tant marchands qu'autres manans » ne se retirent
secrètement de la ville, de « prendre soigneux regard de ceux et celles qui s'absentent de
Tournai ei du Tournaisis », et de saisir les biens des fugitifs.
i^) Archives du Royaume à Bruxelles, Fonds de l'Audience, Conseil des troubles,
reg. n° 32, fol. 79. — Cet ordre fui donné à Jean de Croy, pouije Tournaisis, par lettre en
date du 27 février 1568 (n. s.). (Voir Bulletins de l'Académie royale de Belgique, t. XVI,
2" partie, p. 61, et Correspondance de Granvelle, t. III, pp. v-vi.)
(*) Archives communales de Tournai, Pièces comptables, farde : Justice, 1568-1569.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 179
artisans dans les fers ('). Du même coup, les exécutions recommencent.
« Ce ne sont plus seulement les coupables que l'on frappe, remarque avec
indignation le baron Kervyn de Lettenhove (-), on condamne aussi les
suspects; on poursuit même ceux qui n'ont rien à se reprocher, si leurs
biens tentent l'avidité de ceux qui se plaisent à les dénoncer. La déca-
pitation devient une faveur. Les hommes périssent souvent par le feu, les
femmes par la fosse ! »
En effet, l'échafaud est dressé dés lors en permanence dans certaines villes
du pays. Aucun jour ne se passe sans qu'un citoyen soit ou pendu ou
décapité, ou brûlé ou mutilé. A Tournai en particulier, du mois d'avril à
la fin de décembre 1568, vinii;t-trois personnes subirent le cruel supplice
de l'autodafé, trente-trois furent pendues, dix-huit décapitées. L'année
suivante, vingt Tournaisiens montèrent sur le bûcher, le glaive en fil périr
trente et un et la pendaison deux. Bref, du mois de septembre 4567 à fin
novembre 1570, le duc d'Albe fit exécuter sur la grand'place de Tournai
cent cinquante-deux citoyens (").
(1) Archives communales de Tournai, Pièces comptables, farde : Justice, io68-1569.
États des nourritures fournis par les gardiens des prisons. — Le nombre des prisonniers
rendait la surveillance difficile ; il arriva même qu'un jour de mars ISeS (le 16), dix de ces
malheureux, incarcérés à la tour de France, s'échappèrent par l'ouverture de la fosse
d'aisances qui s'ouvrait dans le milieu de leur cachot et qui aboutissait dans un des
fossés des remparts. (Voir Archives du Royaume à Bruxelles, Fonds de l'Audience, Conseil
des troubles, reg. n° 32, fol. 81 v. — Archives de l'État à Mons, Registre aux sentences
criminelles, fol. 43 r".)
(2) Kervyn de Lettenhove, Les Huguenots et les Gueux. Bruges, 1884, t. Il, p. 150.
(3) Nous ne croyons pas devoir citer ici les noms de fous les malheureux qui furent
voués à une mort odieuse par le duc d'Albe. Le lecteur que ces détails pourraient inté-
resser trouvera, aux annexes, un tableau qui le renseignera amplement sur ce sujet.
Les chiffres que nous donnons sont basés sur des documents d'une authenticité inatta-
quable. Notre tableau indique d'ailleurs les sources. Nous sommes toutefois convaincu que
nous ne connaissons pas dans toute son exactitude, le nombre de ceux qui furent envoyés au
dernier supplice pour cause de religion; à notre avis, il y eut à Tournai plus de victimes
des luttes religieuses que celles dont nous faisons connaître les noms. Combien parmi
ceux en si grand nombre que, de lo67 à 1570, les pièces d'archives mentionnent comme
ayant été « exécutés pour leurs démérites », l'ont été parce qu'ils étaient hérétiques ou
transgresscurs des placards? Ceux-là, nous ne les avons pas cités dans notre tableau.
480 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
Les emprisonnements ne furent pas moins nombreux. Toul était devenu
matière à délits. La liberté individuelle, on ne la connaissait plus ! On rendit
la messe obli^aioire ; on contraignit les Tournaisiens, sous peiue d'une
punition laissée « à l'arbitraire des prévôts et jurés », à assister les
dimanches et jours de fête à une des messes de leur église paroissiale (^), et
pour aider à rexéciilion de cette mesure, on ferma les tavernes et on interdit,
sous peine de 1 florin carolus d'amende, le jeu de boules ou de paulmc! ou
bien la promenade dans les rues, aux beures où se célébraient les messes
dans les églises de Tournai (-).
Qu'on ne s'imagine point que c'était là une de ces sottes et inutiles prohi-
bitions, vaines menaces ou défenses inapplicables, ainsi qu'il en est tant sorti
de la manie de réglementation à outrance des siècles passés! Les pénalités
comminées furent appliquées et les amendes édictées furent infligées à des
paisibles bourgeois de Tournai, qui s'étaient cru le droit d'arpenter les rues
de leur ville en tout temps, même le dimanche aux heures des messes (^).
Les dimanches et jours de fête doivent être consacrés à Dieu. Ces jours-là,
tout travail est interdit; il n'est pas permis aux boulangers de cuire leurs
pains, aux brasseurs de livrer leur bière, aux meuniers de conduire leur
farine en ville, parce qu'ils violent « la sainteté du dimanche et des fêtes
solennelles » (*). Nos magistrats tournaisiens condamnent le sayeteur Pierre
Vaillant au bannissement perpétuel, parce qu'il a « été trouvé s'occupant de
son métier le jour de la Circoncision » , alors fête à garder (^).
f^) Archives communales de Tournai, Registre aux publications, n" 344, fol. 330 v»
et 334 r».
f2) Idem, fol. 308 v" et 309 r". — Cette ordonnance, en date du 2 janvier 4568 (n. s.),
stipulait que tout jeu et toute promenade étaient prohibés de 7 à 40 heures du matin, depuis
la fête de Pâques jusqu'au !"■ octobre, et pour le reste de l'année, de 7 heures à midi.
(3) Archives communales de Tournai, Pièces comptables, farde : Justice, 31 janvier 1368
(n. s.) : « L'amende en quoy a esté condemné Jean du Puich, tavernier, pour avoir admi-
nistré vivres à aucuns manans de ceste ville par jour de dimenche, durant la grand'messe,
et pour avoir pourmené [sur] le marchié durant les heures interdites... »
(*) Archives communales de Tournai, Registre aux publications, n» 344. Publication du
27 octobre 4S69.
(5) Idem, Publication du 13 avril 1568 (n. s.); Registre de la Loi, n" 149, 7 janvier 1S68
(n. s.), et Publication du 27 octobre 1569, reg. n» 344, p. 347.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. m
Malgré le tableau désolant que nous montre cette triste époque, on est
tenté de sourire de la pruderie au moins outrée de magistrats civils, comme
les prévôts et jurés de Tournai, qui vont jusqu'à défendre à leurs concitoyens
de se marier durant rAveiil, « pour mieux sanctifier le dit temps en s'absle-
nanl de toutes choses lubriques » (').
Un an plus tard, en octobre 1570, ces mêmes magistrats ne permettent
plus la louée habituelle des serviteurs et servantes le jour de la Toussaint,
sous prétexte que les campagnards qui venaient faire leur choix, commet-
taient « plusieurs dérisions et mo(|ueries » qui amusaient le peuple et
le retenaient loin des offices divins (^).
Le catéchisme devint obligatoire; les parents qui négligeaient d'envoyer
leurs enfants ayant l'âge requis au catéchisme dominical donné en l'église
Saint-Pierre, étaient frappés d'amende (^).
Pour être certain que les nouveau-nés seraient baptisés, le duc d'Albe
enjoignit au Gouverneur de Tournai, Jacques Blondel, seigneur de Cuinchy,
de veiller « à ce (|ue les sages-femmes fussent catholiques, de bonne renom-
mée, et qu'elles prêtassent le serment de dénoncer au curé de la paroisse
tout accouchement dans les vingt-quatre heures ».
Il ordonna en même temps aux magistrats municipaux de lui signaler
les Tournaisiens qui mourraient sans avoir reçu les sacrements de l'Église,
pour qu'il pût incontinent confisquer les biens de ces mécréants et faire
porter leur cadavre à la voirie.
Il fallait que l'on témoignât publiquement le plus grand respect pour le
sacrement de l'Extrême-Onction. L'indifférence à cet égard devenait un
crime qui méritait un sévère châtiment, et le Gouverneur général des
Pays-Bas commit des gens « pour être présents au port des sacrements tant
de l'Autel (|ue de l'Extrême-Onction, à l'effet de lui faire connaître ceux qui
(1) Archives communales de Tournai, Registre aux publications, n° 344, Publication du
16 novembre 1669.
f2) Iilem, Publication du 28 octobre 1570.
(3) Archives communales de Tournai, liegistre aux publications, n" 344, fol. 332. Cette
ordonnance du 19 février (n. s.) fut republiée le 18 avril 1570.
182 TOURNAI ET LE TOURNATSIS AU XVT« SIÈCLE
feraient quelques gestes irrévérencieux ou qui ne porteraient aux dits
sacrements révérence convenable, pour en provoquer punition exem-
plaire » (^).
Voilà à quel régime d'intolérance religieuse le duc d'Albe soumit Tournai
et le Tournaisis en particulier, les Pays-Bas en général.
VI. « La masse de la population n'a pas bougé », écrit Poullet (^)!
Quoi d'étonnant?
Frappés de stupeur et de crainte par l'inhumaine répression du duc,
condamnés pour leurs plus petits gestes, soupçonnés pour leurs moindres
paroles, comment nos pères n'auraient-ils pas subi une sorte d'affaissement
moral, eux qui vivaient dans une atmosphère d'abjection qui viciait jusqu'au
sentiment de la dignité humaine?
Mais si cette crise devait inévitablement se produire, si elle était fatale,
fatal aussi était le réveil de nos ancêtres.
De même que la bête se cabre sous les coups, de même la violence
prolongée de la répression poussa les populations des Pays-Bas à redresser
la tête et à lever le bras (^).
Sans doute, la lutte ne s'engagera plus sur le terrain de la tolérance
religieuse ; il s'agira avant tout de susciter au Gouverneur général des ennuis
qui l'useront à la tâche. De là deux mouvements séparés : une résistance
armée et populaire, ce sont les représailles des Gueux de bois et des Gueux
de mer, et une résistance officielle et constitutionnelle, c'est la lutte contre
les nouveautés fiscales du Gouvernement.
Ces mouvements furent généraux. Tandis que dans les autres provinces
des Pays-Bas se levaient les Gueux de bois, dans les campagnes du Tour-
naisis, de nombreux bannis que l'amour du clocher retenait non loin de leur
village ou des murs de Tournai, et que soudoyaient les quelques riches
(1) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 2 juin -1569, reg. n" 190,
p. 501.
(2) Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, t. III, pp. v-vi.
(3) Arcliives communales de Tournai, reg. n» 77, fol. 73, 21 juin 1572 ; 24 avril 1573.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 183
hourgeois qui n'avaienl point encore quitté la ville, se réunirent en
bandes années et se laissèrent entraîner à de violents mais compréhensibles
excès (').
Ces Feuiilars Ç^) — on les désignait ainsi parce qu'ils avaient l'habitude
de se tenir cachés dans les bois — s'attaquèrent aux maisons religieuses et
à leurs habilanls. La nuit, ils livraient au pillage et à l'incendie les
monastères, les églises, les chapelles; brisaient les objets du culte, maltrai-
taient ou mutilaient prêtres et moines, et dévalisaient les habilanls dont les
convictions papistes leur étaient connues ('').
Ils inspiraient une telle crainte, que les gens de la campagne n'osaient ni
les poursuivre, ni les dénoncer, et les justices ordinaires des villages n'étaient
point assez fortes pour s'opposer à leurs brigandages (*).
Dans ces conditions, les États du Tournaisis et ceux de Tournai, pour
tenter de mettre un terme à ces déplorables exploits, sollicilèrent du duc
d'Albe (16 juin 1571) l'autorisation de lever à leurs frais et dépens, une
compagnie de cinquante hommes originaires du pays. On exigerait d'eux la
connaissance topographique des villages du Tournaisis, des routes et des
sentiers, et leur principale mission consisterai! à prêter main forte aux
officiers de justice (').
Le Gouverneur général donna avec empressement, le 29 juin, son appro-
bation au projet (^).
("1) Voir Correspondance de Granvelle, l. IV, pp. 634-646. — On voit dans ces pages que
les bourgeois des villes contribuaient de leur argent à l'entretien et à la levée des bandes
de gueux de bois. Pour Tournai, la déposition d'un Antoine Douchet fait connaître
qu'entre autres Tournaisiens, Pol et Caron Mercliier, Gilles Bacquelans, Jacques Merchier,
François Merchier, Eleuthère Pelet, etc., tous marchands, subventionnaient les Feuiilars et
avaient de fréquents rapports avec Nicolas Taffin.
C^) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 14 novembre 1571.
(3) Idem, reg. n« 77, fol. 61, et Consaux, séance du 19 juin 1571 ; Pièces comptables,
larde : Voyages, 26 mai 1572 ; reg. n° 344, p. 502. — Archives du Royaume à Bruxelles,
Fonds de l'Audience, Conseil des troubles, reg. n° 32.
(*) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 61 ; 16 juin 1571.
(5) Idem, reg. n" 77, fol. 62.
(6) Idem, reg. n° 77, fol. 62.
184 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
Les Élats chargèrent le Gouverneur de Tournai, Jacques Blondel, de
l'enrôlement de ces nouveaux défenseurs de l'ordre public, lui laissèrent la
faculté de lever autant de soldats qu'il le jugerait bon, lui abandonnèrent
la nomination du comniandanl comme la répartition des escouades et déci-
dèrent de donner à chaque homme une solde (|uotidienne de 4- patars (^).
Jacques Blondel enrôla de cent à cent vingt hommes et plaça à leur tête
Hector Daverdun (^).
Mais ces soldats n'apportèrent point aux officiers de justice une aide bien
efficace; ils ne les assistaient qu'avec mauvaise grâce, refusant parfois ouver-
tement de concourir à l'arrestation des Feuillars. Aussi furent-ils bientôt
réduits à cinquante hommes. Vingt furent cantonnés au village de Rumegies
sous les ordres de Daverdun lui-même, dix à Mortagne, dix à Saiut-Amand
et dix à Tournai sous le commandement du procureur fiscal (^). L'indisci-
pline el la mauvaise volonté de ces singuliers gardiens de l'ordre furent
telles que les Étals finirent par les licencier et procédèrent à une nouvelle
levée de trente soldats, dont dix furent cantonnés à Tournai et vingt à
Saint-Amand (*).
Ce n'était certes pas le moyen de rendre les Feuillars moins audacieux.
Aussi le duc d'Albe répondit-il à cette réduction des effectifs par un ordre
formel au Gouverneur de Tournai de lever trois cents hommes pour veiller
à la garde el à la défense du Château comme à la protection des cam-
pagnes (^). Les Élats répondirent à cette injonction par le licenciement
complet de leurs trente hommes (^).
Cependant l'audace des Feuillars s'était à tel point accrue, que plus un seul
des officiers de justice ne pouvait s'aventurer dans la province sans être
(1) Archives communales de Tournai, reg. n* 77, fol. 62-63.
(2j Idem, reg. a" 77, fol. 64.
(3) Idem, reg. n» 77, fol. 69-70; 7 décembre lo71.
(i) Idem, Consaux, séance du 23 février 1562 (n. s.), et reg. n" 77, fol. 70.
(5) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 72. — La défense de la ville de
Tournai était assurée par quatre compagnies de chevau-légers que commandait Antoine
de Tolède. (Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 67.)
(6) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 72.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 183
rançonné ou meurtri, eU que « l'entière deslruclion des églises et £;ens
ecclésiastiques » paraissait inévitable avant peu, si un prompt remède n'était
apporté.
Les Feuillars avaient même, parait-il (*), conçu le projet de s'emparer du
Château de Tournai avec l'aide de calvinistes français.
Aussi quinze jours après le licenciement de leurs trente hommes, le
21 juin 1372, les États du Tournaisis décidèrent derechef « de lever,
équiper, nourrir et payer » vingt ou trente nouveaux soldats (-).
Malgré tout, les Feuillars n'en continuèrent pas moins à terroriser les
campagnes lournaisiennes et à créer des embarras au duc d'Âlbe (") jusqu'au
moment de son départ. Il ne fut plus que très rarement (|ueslion d'eux après
l'arrivée aux Pays-Bas du nouveau gouverneur général, don Requesens y
Cunigâ, et ils disparurent totalement vers le milieu de l'année 1574-, immé-
diatement après la suppression du Conseil des troubles, c'est-à-dire quand ils
n'eurent plus de raison d'être.
En même temps que les Feuillars, avait surgi une cause d'ennuis autre-
ment sérieuse pour le Gouvernement, la résistance qu'opposèrent certains
États provinciaux et grandes communes à rétablissement des impôts des x'' et
XX* deniers.
A certain moment, la situation du duc d'Albe fut très critique. L'exaspé-
ration était devenue générale; le prince d'Orange et son frère Louis
(ij Archives communales de Tournai, Compte général d'octobre -1372 à octobre 1S73,
fol. 49 v. — « A Biaise Denis, messagier du Chaslel en Cambresis, pour son sallaire de
soy avoir transporté dudit Chastel en Cambresis en ceste ville, apportant lettres du Chaslel
au magistrat d'icelle par lesquelles il les advertissoit de ce que plusieurs Franchois et gens
ramassiez estoient vers ledict Cambresis h intention, comme l'on présupposoit, de sur-
prendre quelcque ville du pays-bas, mesmemenl qui avoit esté rapporté audict Chastelein
qu'il avoient conclud de surprendre ceste ville de Tournai... vu Ib.
(2) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 73.
(3) Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, t. VIII, p. 392, note 6 : « Louis
de Blondel, chevalier, S"^ de Beauregard, reçut le 12 janvier 1S73 du duc d'Albe, une
commission pour lever une compagnie de gens de guerre pour la garde du Château de
Tournai. »
Tome I. — Lettres, etc. 24
i8(i TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
de Nnssaii, avaient levé des Iroupes en Allemagne el se préparaient à envahir
les Pays-Bas; les soldats espagnols, irréguliénimenl payés, mnrmuraieni; les
ressonrces de l'Espagne commençaient à tarir; les aides ordinaires el extra-
ordinnires jusqu'ici consenties par les États provinciaux avaient été dépen-
sées, el l'argent manquait dans les caisses de l'État, « par suite des grandes
dépenses qu'avait coûtées la conservation de la religion catholique » (^).
Pour l'aire face au\ urgentes nécessités dans lesquelles il se trouvait,
le duc d'Albe songea à recourir à des moyens exceptionnels, mais inconstitu-
tionnels.
En elïet, au milieu du naufrage de leurs libertés, les provinces avaient pu
SHuver un droit auquel personne n'avait jusque-là attenté, le vote des impôts
el subsides. Malgré son altière arrogance el son profond mépris des préro-
gatives nationales, le duc d'Albe avait dû périodiquement adresser ses
demandes d'argent à chacun des États. Il lui répugnait de devoir compter sur
la bienveillance de ces assemblées pour combler les vides du Trésor public.
Ne comprenant pas que le Souverain put se trouver sans cesse à la merci des
États, il songea à remplacer ces aides temporaires par un impôt permanent,
qui aurait fourni au Gouvernement un revenu lixe et perpétuel et (|ui le
dispenserait, à l'avenir, de solliciter à tout pro|)os le bon vouloir des repré-
sentants de la nation (-).
11 convoqua les États-Généraux à Bruxelles, le 19 mars 1569 (^) et, deux
jours après, leur demanda d'autoriser d"abord la perception d'une contri-
bution extraordinaire de 1 "/o sur tous les biens, meubles et immeubles,
« appartenant tant à gens d'église comme à séculiers » ('); ensuite de deux
taxes permanentes, l'une de 10 "/„ sur toute vente de meubles, de marchan-
(') Archives communales de Tournai, reg. n'' 77, foi. 33.
(2) Commission royale (Chistoire de Belfiique, Comptes rendus, i" série, t. XI, p. 308.
(3) Les États du Tournaisis avaient député à cette réunion Michel Désespringalles, bailli
de Warcoing et greffier des échevins de Tournai, tandis que ceux de Tournai y avaient
envoyé le grand prévôt, Jacques de Frayère, et le conseiller Le Clercq. (Archives commu-
nales de Tournai, reg. n"> 77, fol. 32, et Consaux, séance du "28 mars 1569 (n. s.).
(*) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 28 mars 1569 (n. s.).
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. \ft7
dises (^), de produits du sol ou de l'industrie qui s'exporteraient du pays;
l'autre de 5 "/o sur les ventes d'immeubles, à la charge du vendeur. Le roi,
ajoutait insidieusement le duc d'Alhe, serait d'autant plus porté à favoriser le
commerce des Pays-Bas, que les impôts rapporteraient davantage (-).
Ce projet rencontra la plus vive opposition. Peut-être les Étals-Généraux
auraient-ils cédé, mais les assemblées provinciales se montrèrent moins
traitahles, et quel(|ues-unes formulèrent des conditions et apportèrent des
modillcations au projet du duc d'AIbe.
Dans le Tournaisis, un certain antagonisme se fit jour à ce sujet entre les
prélats et les nobles, d'un côté, et la ville de Tournai, de l'autre.
Prélats et nobles dont la fortime consistait surtout en biens fonciers,
se montrèrent assez accommodants. Ils ne se trouvaient point trop lésés par
les exigences du Gouverneur général et, le 18 avril 4S69, ils se rallièrent
à ses propositions.
Mais au sein des Etals de Tournai, les Consaux, considérant les impo-
sitions nouvelles comme désastreuses pour le commerce de la cité, se mon-
trèrent récalcitrants; après avoir considté les trente-six Bannières, ils ne
consentirent à l'octroi du centième denier que si les autres États du pays,
sans exce|)lion, l'accordaient. Quant aux impôts permanents, ils réduisirent
le x" denier au quaranlième, soit 2 ^Iç, °/o de la valeur, et le xx« au cinquan-
tième, soit à 2 "/o (•^).
Il ne pouvait entrer dans les vues du duc de céder en quoi que ce fût ;
aussi rel'usa-t-il d'accepter les modifications proposées par les États de
Tournai. Ceux-ci « devant l'intimidation et la violence dont le duc s'était
(<) Une ctiose est à noter, c'est que le x« denier ou la taxe de 10 "/o, devait être
perçue sur tout ce qu'on entend de nos jours par biens et valeurs mobilières, les meubles,
les bijoux, les étottes, les titres de rente, etc. A voir particulièrement sur les x" et xx^ deniers
en général. Messager des sciences historiques de Gaiid, année 1849, pp. 28S-467, et
année 1849, p. 27; Commission royale d'histoire de Belgique, Comptes rendus, i» série, t. XI,
p. 307; Revue d'histoire ecclésiastique, t. II, p. 828. Louvain, 1901.
(2) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 32 à 40.
(3) Archives communales de Tournai, Consaux, séances des 28, 30 et 31 mars, et 4 et
5 avril 1569 (n. s.).
188 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
servi envers les Étals de Flandre el du Brabant » ('), devant « le consen-
tement des Étals du Hainaut et du Tournaisis » , prirent peur el, par crainte
« que leur ville ne tombât en l'indignation du roi » ('^), n'osèrent refuser
« ce que aultres Eslalz avaient tant volontairement consenti » (^). Ils réso-
lurent néanmoins d'en référer à Philippe II pour le prier de réduire les
impôts des x' et xx^ deniers aux quarantième el cinquantième (').
Si la perception du centième denier ne souleva pas de trop grandes récri-
minations C '), il n'en fut donc pas de même des impôts des x^ et xx" deniers.
Malgré les menaces plus ou moins dissimulées du duc d'Albe, « il n'y avait
pas, dit Piot, de ville tant soit peu importante en Brabant et en Flandre qui
ne protestât énergiquement contre l'établissement de l'impôt nouveau.
Bruxelles, Anvers, Malines, Douai, etc., manifestaient à chaque instant leur
mécontentement; le commerce disparaissait; le clergé lui-même s'y montra
opposé » C). Les Tournaisiens suivirent le mouvement imprimé par les villes
flamandes et brabançonnes et, ne se contentant pas de protester auprès du
duc d'Albe, ils portèrent leurs doléances jusque sur les marches du trône.
Ils devançaient en cela les Étals du Hainaut, de Flandre et d'autres provinces,
qui plus tard ne trouvèrent plus que ce moyen pour essayer de parvenir à
la suppression de ces impôts qu'ils « abhorraient », suivant l'expression du
duc d'Albe lui-même (').
(*) Revue d'histoire ecclésiastique, t. Il, p. 831.
(2) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 21 avril 1569.
(3) Idem, Consaux, séance du 21 avril 1369 (n. s.).
{*) Idem, Consaux, séance du 22 avril 1569 (n. s.). — Cette lettre des États de Tournai
au roi est introuvable. A-t-elle été écrite et envoyée? Nous n'en savons rien ; quoi qu'il en
soit, on peut mettre les Etats de Tournai dans la liste des États protestataires contre
l'établissement des impôts des x<' et xx^ deniers.
(») A Tournai, le 26 septembre 1569, une publication du magistrat ordonna de préparer
« les actes de Inuaiges el bail de censés » pour faciliter la perception du centième. — Voir
aux Archives communales de Tournai, Publication, reg. n» 344, fol. 34o.
(•î) Correspondance de Granvelle, édit. Poullet, t. IV, p. xvni.
C) a Tous les États abhorrent ledit moyen comme chose nouvelle » dit le duc d'Albe
dans une lettre du 12 octobre qu'il adressa au Gouverneur de Tournai. (Archives commu-
nales de Tournai, reg. n» 77, fol. 42.)
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. l«0
Toulefois, devant les murmures qui de tous côtés s'élevaient dans les
Pays-Bas, le Gouverneur général n'osa pas aller jusqu'au bout et prit le parti
de renoncer provisoirenieni à la levée du x" et du xx'- denier.
Le 12 octobre 1569, il proposa aux Étals de Tournai-Tournaisis, comme
il l'avait fait à ceux des autres provinces, de substituer à ces impôts impo-
pidaires une contribution annuelle de 2 millions de florins, pour inie
période de six années, et répartissable sur tous les Pays-Bas, plus un
second centième à l'expiration de ce terme. Tournai voyait sa quote-part
fixée à 7,250 florins à courir à dater du 13 août, tandis que les États
du Tournaisis auraient à en payer 14-, 500. C'était une somme totale de
21,750 florins que réclamait annuellement le Gouvernement (').
A n'en pas douter, le duc faisait une concession à l'opinion publique, mais
les États du Tournaisis ne le comprirent pas ainsi. Le \" et le xx" denier
leur semblaient moins onéreux; aussi après « plusieurs altercations et
disputes », ils firent savoir au duc « qu'il leur serait impossible de recouvrer
annuellement ces 14-, 500 florins » et ils offrirent au Gouvernement ut)e
somme de 8,000 écus au lieu des 14-, 500 demandés (-).
Sans contredit, ils étaient les seuls ou à peu près à réclamer le maintien
des impôls nouveaux ; mais on ne leur sut aucun gré de leur soumission
intéressée, car le duc d'Âlbe maintint leur quote au chiffre fixé précé-
demment (^).
Au contraire, les États de Tournai applaudirent à la résolution du Gouver-
neur général et, le 8 novembre 1569, consentirent à payer leur part
de 7,250 florins, tout en recommandant au dé|)uté (pj'ils envoyaient en
Cour, à Bruxelles, « d'escouter comment aultres Estatz du pays se condui-
ront en cest endroit, et d'en advertir les Consaux » (*).
(1) Archives communates de Tournai, Consaux, séance du 17 octobre 1569; reg. n" 77,
fol. 42.
i'i) Idem, reg. n" 77, fol. 46-47, 48 et 59.
(3) Archives communales de Tournai, reg. n» 77, fol. 59.
(!•) Idem, Consaux, séances des 8 et 29 novembre, et du 1"='' décembre 1569. — Les
Consaux furent informés le 17 octobre, par le gouverneur, Jacques Blondel, seigneur
190 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XYI^ SIÈCLE
Le duc d'Albe ne respecta pas ses propres engagements. Bien qu'il eût
fixé à six années la durée des charges nouvelles, le 31 juillet 1571, deux
ans après leur établissement, il fit paraître un édit par lequel il ordonnait de
lever le x* et le xx'' denier.
Cette décision inattendue provoqua dans tout le pays la plus légitime
indignation. Une opposition violente se manifesta. Viglius et de Noircarmes,
dit-on, dirigeaient la résistance contre le projet du duc d'Albe. Les princi-
paux dignitaires du clergé, entre autres les évoques de Bruges, de Gand et
d'Ypres, Driutius, Jansenius et Rithove, adressèrent des remontrances au
Gouverneur, et le clergé régulier, principalement les Jésuites, s'éleva vive-
ment contre le rétablissement des x* et xx" deniers (').
Des représentations furent faites par les diverses assemblées provinciales.
Les États de Tournai furent au premier rang des protestataires et, le
1«^ septembre 1571, ils députèrent leur conseiller Érasme du Chambge
à Bruxelles pour obtenir le maintien de la quote de 7,250 florins (-).
L'unanimité des réclamations laissa le duc d'Albe inflexible ; il n'écouta
pas plus du Chambge que les députés des autres provinces. Le délégué
de Tournai en informa, le 11 septembre, les Consaux; ceux-ci lui adjoi-
gnirent alors le grand prévôt, Jean Grenut, afin (|ue, d'accord avec les
autres États, ils cherchassent à « divertir son Excellence de lever le x« et
XX* denier » (•^), et fissent entendre les plaintes particulières des Tournai-
siens. Jean Grenut avait pour mission d'exposer que cette contribution
allait amener la ruine des Pays-Bas et particulièrement celle de Tournai,
où la population ne vivait que de l'industrie locale et travaillait surtout
pour l'exportation.
de Cuincliy, de la décision du duc d'Albe de remplacer le x*" et le xx* par une quote de
7,2S0 florins. Ils députèrent pour informer le duc d'Albe de leur consentement le conseiller
Érasme du Chambi^e.
(1) Correspondance de Granvelle, édit. Piot, t. IV, p. 155 et note 1 ; Revue d'histoire
ecclésiastique, t. 11, p. 833.
(2) Arctiives communales de Tournai, Consaux, séance du i" septembre 1571.
(•'') Idem, Consaux, séance du 11 septembre 1571. Pièces comptables, farde : Voyages,
quittance donnée par Érasme du Chambge en date du 2 septembre 1571.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 1«J1
En outre, devait- il ajouter, si le duc d'Albe s'en tenait à sa première
résolution, s'il mainlenail la taxe de 10 °/o sur tout ce qui s'exportait, il
vouait par le fait même quantité de ménages d'artisans à la misère et la
ville de Tournai à sa perte (^).
Les autres Éiats du pays durent faire entendre des plaintes analogues, car
le duc d'Albe « voulani faire preuve de modération », selon sa propre
expression, conseniil à ce que les marchandises exportées payassent le
XXX* denier au lieu du x* ('^).
Là s'arrêtèrent les concessions.
Le Gouverneur général ordonna bientôt de procéder à la levée des impôts.
A Tournai, le 20 octobre io71, on publia le placard commandant de
collecter les taxes si odieuses el le Magistrat lournaisien, devant la stérilité
des efforts de sa dépulalioii, rappela le grand prévôt, ne laissant « en
Cour » (|ue le conseiller du Cliambge « pour parachever le reste de sa com-
mission » (■').
Malgré Timpalience dont témoignait le Gouvernement, la ville de Tournai
alleiidit jusqu'au 14 novembre, c'est-à-dire trois semaines après la publi-
cation du ()lacard, quand le gouverneur de Cuinchy et Jean Gombaull,
receveur royal au quartier de Tournai, eurent été invités à choisir des
collecteurs, pour autoriser ces « personnages exprès » à remplir leur
mandat (').
Au contraire, les Étals du Tournaisis dont la décision du duc d'Albe
(^) Archives communales de Tournai, Pièces comptables, farde : Voyages, 2 septem-
bre 1571 et 10 novembre 1571. Compte général, 1571-1572, fol. 60 r".
(2) Idem, Pièces comptables, farde : Voyages, 10 novembre 1571. Consaux, séance du
26 octobre 1571.
(^) Idem, Consaux, séance du 20 octobre 1571.
(*) Idem, Consaux, séance du 14 novembre 1571, et reg. n" 341, Publication de même
date. — Jean Gombault, seigneur d'Archimont (à Velainesi, des Terraiges [h Camphin en
Pévèle), de Beaulieu (aussi h Camphin), mort en 1599, âgé de 76 ans; tils de Jean Gom-
bault, bourgeois de Tournai, par relief fait le 18 juin 1307, et de Jeanne des Farvacques;
il épousa Antoinette de Touwart, dite de Thouars, héritière du Manaing, au Saulchoir,
pouvoir de Tournai 11 acheta sa bourgeoisie pour 8 livres Flandre, le 28 mai 1568.
(Voir Annuaire de la noblesse de Belgique, 1867, p. 114.)
192 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SFÈC[.E
comblait les vœux, avaient, dès le 18 août, fait percevoir les" x^ el
xx^ deniers (').
Là semble s'arrêter la participation officielle des États de Tournai au
mouvement de protestation contre rétablissement des nouveaux impôts. Les
registres cl documents d'archives ne nous donnent plus de renseignements
sur des missions officielles qui auraient |)u être confiées à des délégués tour-
naisiens En fait, cependant, il n'est pas douteux que les États de Tournai
coniinuèrenl encore durant tout un temps leur opposition, concurremment
avec les aulres États. On peut dire en toute assurance que le 26 novembre,
le conseiller tournaisien du (ihambge était parmi les députés du Hainaut, de
la Flandre et dos autres provinces qui se lendirent chez le duc d'Albe pour
protester à nouveau, mais vainement, contre les impôts ("^).
Sans doute, Tournai et le Tournaisis n'envoyèrent pas de délégués à
iMadrid près du Koi, comme le Hainaut, la Flandre, l'Artois, le Brabant,
Douai, Lille et Orchies; sans doute Tournai eût bien fait de poursuivre en
compagnie des Élals des autres provinces, la lulle qu'il avait entamée en vue
de l'aboliiion des impôls, mais les Tournaisiens avaient d'autres soucis plus
pressants. Ils avaient à veiller sur leurs intérêts particuliers avant de songer
au bien commun; ils avaient à se défendre contre le duc d'Albe qui voulait
augmenter leur garnison de quatre compagnies de cavalerie et qui l'augmenta,
malgré tout ('').
Quand ils eurent vidé cette question, il était trop lard pour reprendre une
part active au mouvement général. En guise de protestation contre les
(<) Archives communales de Tournai, reg. n° 77, fol. (J7.
(2) Ce qui prouve, à notre avis, que du Chambge s'unit aux autres le 26 novembre,
c'est cette laconique mention extraite des Consaux de Tournai : « Consaulx rassemblez
le xxvm* jour de novembre xv^ Ixxj pour entendre le contenu des lettres de maislre
Érasme du Chambge, conseiller de ceste ville estant en cour, eit dacte du xxvj' de ce mois,
desquelles a esté faict ouverture et lecture. » Le registre n'en dit malheureusement pas
plus long.
(3) Voir Archives communales de Tourimi, Consaux, séances des 11, 14, 15, 20, 22,
24 novembre 1571, et beaucoup d'autres qui suivent et qui mettent à nu les démêlés de la
ville de Tournai et du duc d'Albe, à propos de l'augnienlation de la garnison.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 193
impôts, ils s'obstinèrent toutefois à refuser toute demande d'emprunt que leur
adressèrent à maintes reprises les colonels espagnols. Ils ne consentirent à
une légère avance « pour subvenir à la nécessité des soldats », que quand
le colonel Antonio de Tolède les eut menacés de livrer la ville au pillage et
les habitants au massacre (*).
Au reste, l'allilude peu énergique de leur évêque n'était point faite pour
encourager les Tournaisiens à suivre les autres provinces dans la voie de la
résistance ou de la protestation. Les évêques de Bruges, de Gand, d'Ypres
conduisaient, on l'a vu, l'opposition dans les Flandres. Gilbert d'Ongnies,
1 évêque de Tournai, jouait un rôle beaucoup plus effacé et ne méritait
le ressenlimenl du duc d'Albe que parce (|u'il refusait de révoquer le curé de
Courtrai qui avait prêché contre le x'' denier (-),
11 semble bien que la démarche des Etats à Madrid, n'ait pas été complè-
tement inutile. Philippe 11 ne se rendit pas tout de suite à leurs remontrances,
mais ropiniâtreté d'une résistance que le duc d'Albe n'était point parvenu à
vaincre, la rébellion simultanée des Gueux de mer et des Gueux de bois, la
défection de Flessingue, le soulèvement de la Hollande, la prise de Mons par
Louis de Nassau eurent raison de ses hésitations. Philippe II comprit que la
politique suivie par son lieutenant dans les Pays-Bas était contraire aux
intérêts du pays comme à ceux de la couronne, et il céda ( ').
Le 7 juillet 1572, le gouverneur de Cuinchy fil connaître en ces termes
cet heureux événement aux États de Tournai : « Son Excellence, du con-
sentement du Roi, a aboli le x« el le xx^ deniers » . Du même coup la quole
antérieure de 21,750 florins se trouva rétablie, et le même jour, le Magistrat
fit publier à tous les carrefours de Tournai, la défense « de lever et recep-
voir les x«, xx" et xxx« » (*).
L'abolition des x^ et xx* deniers mécontenta le duc d'Albe; il y vil un
(1) Voir Archives communales de Tournai, Consaux, particulièrement la séance du
31 décembre 1S71.
(2j Correspondance de Granvelle, édit. Piot, l. IV, pp. 91, 99 et 160.
(3) Archives conmiunales de Tournai, Consaux, séance du 7 juillet lo7:2.
(■*) Idem, Publication du 7 juillet 1S72; reg. n" 344, fol. o23.
ToHE L — Lettres, etc. 25
194 TOURNAI ET LE TOURNA[SIS AU XVI" SIÈCLE
désaveu de sa conduite. On était bien près d'être délivré de sa présence. Les
professeurs de l'Université de Louvain en liâlérent le moment. Ils adressèrent
au roi une lettre confidentielle datée du 18 mai 1573, lui demandant
« qu'il envoie un gouverneur dont on puisse espérer qu'il accordera
réellement et efficacement le pardon impatiemment attendu de la clémence
royale » (').
Sept mois plus tard, en décembre 1573, le duc d'Albe remettait ses
pouvoirs entre les mains de don Luis y Cuniga de Requeseiis et abandonnait
définitivement nos provinces pour rentrer à Madrid.
(<) Voir Revue d'histoire ecclésiastique, t. II, pp. 838-839.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 19S
QUATRIEME PARTIE
Suites de la Réforme.
CHAPITRE PREMIER.
LE TOURNAISIS ET LES ÉTATS-GÉNÉRAUX.
Sommaire. — I. Requesens; le Pardon. — II. Le Conseil d'État prend les rênes du Gouver-
nement. — III. Furie espagnole; la Pacification de Gand. — IV. Nomination de Pierre
de Meleun comme gouverneur de Tournai; ses agissements et son but. — V. Union de
Bruxelles et Édit perpétuel. — VI. La Paix le religion. — VII. Confédération d'Arras;
Union d'Utrecht. — VIII. Scission parmi les Etats de Tournai-Tournaisis.
I. « [^es cruautés du Conseil des Troubles, dit Bakhuizen van den
Brink ('), faisaient ardemment désirer une amnistie générale ». Le départ
du duc d'Âlbe avait rendu la chose possible.
D'ailleurs, en 1570, le Gouvernement avait déjà reconnu l'absolue néces-
sité d'un pardon et, le 14. juillet, il avait fait proclamer à Anvers, une
amnistie malheureusement incomplète.
Telle qu'elle était, cependant, elle avait fait naître tant d'espérances qu'on
la fêta partout avec la plus vive allégresse.
A Tournai, dés le 28 juillet — la proclamation ne devait s'y faire que
le 30, — aussitôt que le messager d'Anvers, Gilles Lebeau, eut apporté « les
bonnes nouvelles », le Magistral fit dresser sur la grand'place, contre la
(1) Messager des sciences historiques de Gand, t. XVI, p. 319.
196 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI^ SIÈCLE
« maison du roi (') » , une spacieuse estrade garnie de velours rouge et
décorée par le peinlre Gilles Legrand (").
Ensuite, pour faire, selon sa propre expression, « démonstration de joie et
d'allégresse », il ordonna d'allumer des feux de joie à chaque carrefour de
la ville, tandis que trois autres brasiers plus grands projetteraient leurs
vives lueurs devant la Halle des Consaux, celle de Saint-Brice et celle des
doyens et sous-doyens des métiers.
Dans la matinée du dimanche 30 juillet, une procession générale à
laquelle participèrent les Consaux, les damoiseaux et les soixante-douze
doyens et sous-doyens des métiers, en longue robe rouge et (lambeaux
à la main, parcourut en grande pompe les rues de la cité (^).
L'après-midi, le cortège officiel se rendit sur la grand'place et là, du haut
de l'estrade, le gouverneur donna à la foule impatiente, connaissance des
conditions de l'amnistie tant attendue. Que les déceptions furent nombreuses,
personne n'oserait le nier, et durant le banquet qui termina cette journée,
l'évêque de Tournai, le gouverneur, son lieutenant et les autres autorités
locales présentes durent échanger de bien amers propos (*). L'amnistie
n'était qu'un leurre; les restrictions nombreuses et calculées qui y étaient
apportées, rendaient nul cet acte de clémence prétendue ( ').
Au reste, le duc d'Albe, qui n'avait cessé d'être partisan d'une énergique
répression, n'était point homme à conseiller une mesure véritablement géné-
reuse. Il fallait un cœur autrement compatissant que le sien, et ce fut au
nouveau gouverneur, don Luis de Requesens(^), qu'appartint le mérite de
proclamer une réelle amnistie. Elle vint malheureusement trop tard.
(1) La maison du roi était le bâtiment réservé autrefois au bailliage; elle se trouvait au
coin du réduit des Sions, vers la Halle aux draps.
C^) Archives communales de Tournai, Compte d'ouvrages, avril à septembre 1370, mois
de juillet.
(3) Idem, Consaux, séances du 28 juillet, matin et après-midi.
f+) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 28 juillet 1570; Compte
général Io69-lo70, fol. 53 r°.
(5) Voir pour les restrictions apportées, .Motley, op. cit., t. II.
(6) Don Luis de Requesens y Cuniu;:V grand commandeur de Castille, gouverneur du
Milanais; arrivé à Bruxelles le 17 novembre 1373, il prêta le 29 du même mois, le serment
de gouverneur général des Pays-Bas.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 197
En administrateur habile, en homme à (|ui répugnait l'emploi des mesures
violentes de l'ancien capitaine général, Rcfiuesens chercha dés l'abord à se
concilier par la douceur l'atfection des populations des Pays-Bas.
Il ne désespéra jamais d'y parvenir, même après s'être aliéné, à cause de
certaines mesures illégales, les provinces de Hollande et de Zélande(');
toujours il persista dans sou dessein de ramener la paix dans les Pays-Bas,
par la modération de son gouvernement et par la proclamation d'une com-
plète amnistie, dont Philippe II ne voulait pas (").
Il insista tant auprès du roi qu'il l'obtint « si ample qu'y furent compris
les états, pays, villes ei communes qui avaient offensé Dieu et Sa Majesté,
et même tous les particuliers, encore qu'ils eussent été condamnés, proscrits
et bannis (^) ». Il ne fut fait exception que pour quelques-uns.
L'après-midi du (5 juin 1574, Requesens proclama le pardon à Bruxelles,
en présence des Étals-Généraux. Immédiatement, des copies authentiques du
texte furent envoyées aux provinces pour qu'on l'y publiât avec toute la
promptitude possible. A chacune de ces copies était jointe la liste spéciale
des exclus (*). Dix Tournaisiens ne bénéficiaient point de l'amnistie; parmi
eux se trouvaient Jean Tafïin, ministre du culte calviniste (^), Jacques
Fouret, ancien maître d'école, Antoine de Lannoy, seigneur de Bail-
leul, etc. Ç').
(1) Cor7-espondance de Granvelle, t. V, pp. xix et xxiu.
(2) Idem, t. V, p. IV.
(3) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, p. 88; Gachakd, Correspondance de
Philippe //, t. III, p. 530.
(*) Th. Juste, Histoire de la Révolution des Pays-Bas sons Philippe II. Bruxelles, 1863,
2» partie, t. I, p. 358.
(5) Jean Taffin, confident intime du Taciturne. 11 était le tils de Denis, docteur es droits,
conseiller pensionnaire de Tournai et frère de Nicolas et Jacques, tous ardents calvinistes ;
sa mère était Catherine Alegambe. Après avoir été le secrétaire de Granvelle, il devint
ministre protestant à Metz, puis plus tard en Hollande. (D'après Renon de France, édit. Piot,
t. I, p. 618, note 1.)
(6) Les autres Tournaisiens exclus du pardon étaient Balthazar Wullz; Christoffle
Minchon; Jean de Lannoy: Jean de Levai; Andrieu Henné; Pierre Petit dit le Diable et
Antoine Jean. Pour le Tournaisis, seul Louis Desbonnetz n'était point amnistié. (Gacuard,
Correspondance de Philippe II, t. III, p. 499.)
i98 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVT» SIÈCLE
Ces concessions arrivaient trop tard pour qu'elles pussent avoir encore
un effet utile. Le peuple n'osait croire à la sincérité de ce pardon et, au
dire de Morillon, seuls « les meurtriers qui ont brûlé les prêtres et commis
dix mille méchanceiés, les boutefeux des églises et monastères » en profi-
tèrent pour rentrer dans la ville (').
Le lendemain de la proclamation, Requesens fil part aux États-Généraux
des propositions que lui avait faites le roi. Il leur annonça que « pour
pacifier les troubles et émotions qui étaient en iceux pays ('-) », Philippe II
avait aboli le dixième et le vingtième denier et les avait remplacés par une
contribution annuelle de deux millions de florins, durant un terme de six ans,
prenant fin le 13 août 1575, à l'expiration duquel il serait perçu un second
centième. Il déclara, en outre, que le roi « voulant complaire aux provinces-
belgiques » P), supprimait le Conseil des Troubles et renvoyait les causes
pendantes aux anciennes juridictions (*).
Le Gouverneur agit de toute son influence auprès des provinces pour
qu'elles donnassent le plus promptement possible leur assentiment aux
propositions royales.
Mais les États provinciaux ne leur firent pas bon accueil; ceux du Tour-
naisis en particulier, se firent de nouveau tirer l'oreille pour la fixation du
chiffre de leur quote-part. Ils persistèrent à n'offrir que huit mille florins
quand le Gouverneur en réclamait i 4,500 et finirent, à l'exemple du Bra-
bant et de la Flandre, par adopter cette attitude redoutable pour le Gouver-
nement « de la résistance passive » aux demandes d'argent (^).
(«) Correspondance de Granvelle, t. V, p. 162.
(2) Archives communales de Tournai, reg. n° 77, fol. 88.
(3) Idem, fol. 90.
(+) Idem, fol. 85 à 91.
(5) Archives communales de Tournai, reg. n» 77, fol. 92 et seq. ; où l'on voit claire-
ment la lutte que soutinrent les États du Tournaisis contre le Gouvernement pour ne pas
accéder aux demandes d'argent ou pour diminuer l'importance de ces demandes. Nous
ne pouvons pas étudier le rôle des États de Tournai en cette circonstance, les documents
d'archives nous faisant défaut. En effet, les délibérations des Consaux de 1373-1580,
n'existent plus; les publications du Magistrat de 1573-1376 (novembre) manquent égale-
ment, ainsi que le compte général de Tournai d'octobre 1573 à septembre 1576.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 199
En déliiiiiive, Kecuiesens n'avait pas réussi à ramener le calme dans le
pays. Les Conférences de liréda n'avaient pas abouti ('), les esprits étaient très
montés à cause des exactions et des mutineries de la soldatesque, la Hollande
et la Zélande luttaient victorieusement contre les troupes royales, quand le
Gouverneur général vint à mourir prématurément (5 mars 1576) (-).
11. Celte mort inattendue ne lui avait point laissé le temps de désigner son
successeur. Le pays manquant de gouverneur, le Conseil d'Etat se chargea
provisoirement du gouvernement des Pays-Bas.
Connaissant les volontés du peuple, il réclama de Philippe 11 la suppres-
sion sans condition du Conseil des Troubles, l'abolition absolue du dixième
et du vingtième denier, le départ des soldats étrangers et entin la convoca-
tion des Elats-Cénéraux.
Mais quoique, le 8 avril 1576, Philippe 11 eût écrite don Juan d'Autriche,
qu'il venait de désigner comme Gouverneur général des Pays-Bas, « par la
douceur vous conquerrez plus de cœurs et d'esprits qu'on ne l'a fait avec
toutes les forces passées, au moyen desijuelles ou en a gagné si peu (^) » , il
refusa catégoriquement de donner satisfaction au Conseil d'Etat. Il s'opposa
à la convocation des Etats-Généraux el ne voulut pas davantage consentir
au départ des troupes étrangères, surtout des Espagnols. Ceux-ci, privés de
solde (^j, s'étaient déjà mutinés plusieurs fois el avaient mis à sac la ville
d'Alost. Au moment où Philippe 11 s'obstinait à refuser leur renvoi, ils se
préparaient à marcher « sur Anvers, Bruxelles et iMalines » (^).
Le danger était grand. Le Conseil d'État crut y parer en déclarant, par
décret, les soldats espagnols traîtres au roi et ennemis du pays. Mais les
événements se précipitent, le Conseil d'Etat lui-même devient suspect.
Le 4 septembre, à l'instigation du prince d'Orange, le bailli du Brabant
(<) Voir sur ces conférences, Revue d'histoire ecclésiastique, t. III, pp. 36 et seq.
(2) A. DEL Rio, Mémoires, édit. A. Uelvigne, t. 1, p. 71.
(3) Gachard, Correspondance de Philippe II, t. IV, p. 40.
{*) A. UEL Rio, Mémoires cités, l. I, p. 79.
(6) Idem., Ibid., t. I, p. 8S.
200 TOURNAI ET LE TOURINAISIS AU XVh SIÈCLE
walloi), Jacques de Glynies, avec (|iiel(|ues cenlaines de soldais, arrête en
pleine séance les membres du Conseil d'Étal (^).
Alors les Étals du Hrabant requièrent ceux des autres provinces d'envoyer
leurs députés à Bruxelles, pour s'occuper de commun accord des affaires
urgentes du pays. Le Hainaut et la Flandre répondent immédiatement à
leur invitalion. Le 20 septembre, on engage les Étals d'Artois, de Lille, de
Malines, de Valenciennes, de Tournai cl du Tournaisis à envoyer leurs
députés aux Élats-Généraux que les États de BrabanI, de Flandre el de
Hainaut avaient ouverts à Bruxelles, sans convocation royale; on les presse,
en ouire, pour lever des gens de guerre en vue de la proleciion du BrabanI
contre les mutineries des soldats espagnols Ç^). Le 4- octobre, on revient à
la charge, el les États du Tournaisis qui n'avaieni eu que le 29 septembre,
connaissance de la letire du 20, s'empressèrent de décider la levée de gens
de guerre ou le paiement d'une quote-parl proportionnelle à celle des Étals
de Flandre, « pour l'honneur de Dieu, de la religion catholique el le service
du roi et pour la conservation et protection de leur pauvre patrie ('^j ».
Quant aux députés dont on réclamai! l'envoi, les États du Tournaisis
déléguèrent à Bruxelles Jean Cotirel, seigneur d'Esplechin ('), et Martin
Hulin, leur greffier', tandis que Tournai confiait la mission de le représenter
à Louis Âlegambe, seigneur de Bassengliien ('), second prévôt de la com-
(<) A. DEL ItiO, op. Cit., t. I, |). 93.
(2) Gachaiîd, Actes des {<^tals-Géneraux, l. 1, pp. 3-4, n" 7.' — Archives communales de
Tournai, reg. n» 77, foi. 127.
(•i) Idem, Ibid.. t. 1, p. 13, n° 31. — Archives communales de Tournai, reg. n» 77,
fol. 131.
(*) Idem, Ibid., t. I, p. 13, n" 22, et p. 20, n" oo. — Archives communales de Tournai,
reg. n° 77, p. 131, et Pièces comptables : Voyages, 31 août 1577. — Jean Cottrel, seigneur
d'Esplechin, de Maugré, de Lestocquoy, fils de Arnould et de Bonne de Buillemonde,
épousa Marguerite de Courouble ou de Carouble. (D'après C'= du Chastel, Notices généalo-
giques tournai siennes, t. 1, p. 578.)
(•"') Louis Alegambe, seigneur du Hamel, de Bassenghien, etc., naquit le 24 juin 1545;
il était le fils de Quentin et Marie de le Cambe. Il épousa en premières noces, Isabeau
de Croix et en secondes, Livine Snouck. (D'après Annuaire de la noblense belge, t. VI,
p. 103.)
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. -2m
mune el à Erasme du Cliambge, conseiller pensionnaire. Ils rcçuicnt jiour
charge « d'aviser sur les moyens el remèdes que nécessitail la pacificalion
du pays, en se conformant en tout à l'avis des Élats de Flandre (').
III. Sans attendre l'arrivée des députés des autres provinces el avec
Taulorisalion du Conseil d'État, les représenlanis des Étals de Bralnint,
de P^landre et de Hainaut avaient entamé des négociations avec le prince
d'Orange et les deux provinces calvinistes de Hollande et de Zélande, en vue
de grouper en un seul faisceau toutes les forces vives du pays, et de rétablir
la paix dans les l^ays-Bas.
Les conférences entre les plénipotentiaires des Étais el du prince d'Orange
s'ouvrirent le 19 octobre, à l'hôtel de ville de Gand; le 30 du même mois
3
(1) Voici le texte de leur commission et de la décision prise par les États de Tournaisis
à propos de cette affaire : « Considérant que le pays de Tournay, Tournésis, Mortaigne sont
par leur réduction à l'obéyssance de feu S. M. 1. (impériale) en l'an 1521, joinclz et uniz au
comté de Flandres et ne s'en veuillent desjoindre, les Esialz ont unanimement résolu et
advisé et à ce se sont accordez de se conformer, comme par cet acte ils se conforment
avecq les Estatz dudict pays de Flandres, suyvant qu'ilz sont requis par les susdites lettres
(^ la lettre du Conseil d'État), entendant, partant, moyennant que la dicte ville et bailliage
de Tournay et du Tournésis soit deschargé de trois compagnies de haultz Allemands tenans
garnison audict Tournay (= on verra plus loin ce qui est résulté de la présence de ces
Allemands), de faire lever des gens de guerre ou de furnir et payer leur quota à l'advenant
desdits de Flandres, pour estre employé suivant que lesdicls de Flandres auront advisé en
leur endroict, ou que par commune résolution des États-Généraux de par deçà sera trouvé
convenir, ù l'honneur de Dieu, Religion Calliolicquc, Appostoilicque et Romaine, service
du Roy, protection et conservation de ceste povre patrye, auquel effect lesdicts des Etats,
pour de tout poinct fournir et satisfaire aux susdictes lettres, ont aussy advisé envoyer
certains leur commis et députez à Bruxelles, assavoir Jehan Cottrel, escuyer, seigneur
d'Esplechin, et Martin Huttin, greffier de leurs Estatz ; auxquels ils ont donné plein pouvoir
et authorité d'estre et comparoir en leur nom en l'assemblée des Estatz de Flandres et
aultres adviser sur les moyens et remèdes à la pacification et tranquillitez desdicts pays et
au surplus en tout et partout se conformer à l'advis desdicts de Flandres. Ainsy faict, etc.. »
Archives communales de Tournai, reg. n° 77, pp. 130-131. — Nous avons tenu à donner
en sa teneur entière, le texte de cet acte important, qui éclaire toute la politique suivie
ultérieurement par les États de Tournai-Tournaisis. Ils n'étaient cependant plus « joinctz
el unis au comté de Flandres », ils étaient encore moins forcés, comme ils le firent généra-
lement, de suivre la politique de cette province. Le Tournaisis s'était de lui-même érigé en
province séparée, ce qui le libérait de toute attache avec la Flandre.
Tome L — Lettres, etc. 20
202 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
un projet d'acte d'union était rédigé; le 2 novembre il fut vpté avec cer-
taines resirictions. Les députés des provinces en demandaient la ratification
au Conseil d'Étal, (|uand éclata la Furie espagnole.
Anvers fut nns à sac par la garnison royale qui s'y était installée; huit
mille personnes subirent, une mort affreuse, et pour faciliter le pillage, les
Espagnols allimièrent, dit-on, aux (piatre coins de la ville un incendie qui
détruisit plusieurs (piartiers avec le superbe hôtel de ville tout neuf (')
Cet acte de sauvagerie fit instanlanémenl taire certaines oppositions qui
s'étaient manifestées; l'accord de tous parut plus nécessaire, et comme
seules les troupes du prince d'Orange étaient capables d'opposer une efficace
résistance à la soldatesque espagnole mutinée, et de protéger abbayes et
châteaux (-), les membres de la noblesse et du haut clergé, revenant sur
leurs hésitations premières, signèrent avec les autres députés, le 8 no-
vembre 1376, quatre jours après le sac d'Anvers, l'acte important connu
sous le nom de Pacification de Gand.
Il y était stipulé l'oubli et le pardon des injures antérieures, la suspension
provisoire des placards contre l'hérésie, et, en attendant le règlement défi-
nitif de la question religieuse, le maintien exclusif de la religion catholique
dans quinze provinces Q); enfin, la tolérance provisoire du culte calvi-
niste en Hollande et en Zélande (*). Les parties contractantes prenaient en
même temps l'engagement de s'assister « en tout temps et à toutes occu-
rences d'advis, conseil et de fait » , pour chasser du pays les soldats espa-
gnols et autres (^).
IV. Quelques mois avant la signature de ce pacte, en mai 1576, le Con-
(^) Lavisse et Bambaud, Histoire générale, t. V, p. 194. — Voir aussi Juste, La Pacifi-
cation de Gand et le Sac d'Anvers. Bruxelles, 1876, pp. 56 et seq.
C^) Voir Eugène Hubert, De Charles- Quint à Joseph II. Bruxelles, Lebègue, 1882, p. 40.
(3) L'article IV de la Pacification de Gand.
(*) Les articles III et IV de la Pacification de Gand.
(S) Voir le texte complet de la Pacification de Gand dans Juste, La Pacilîcntion de Gand
et le Sac dWnver.s, in fine; voir aussi au sujet de la question religieuse, Revue d'histoire
ecclésiastique, t, III, p. .57; p. 38, note 1; p. 61, note 2, et p. 62, note 2.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAI,. 205
seil d'État avait envoyé à Tournai trois compagnies d'Allemands pour
remplacer une compagnie de chevau-légers (|ui allait tenir garnison à
Mortagne (^).
L'évêque, les États du Tournaisis, les Consaux protestèrent vainement
contre cette augmentation de la garnison (-); les Allemands s'établirent à
Tournai.
Mais les Consaux circonvinrent ces soldats nouveaux ; ils les « embobi-
nèrent » si bien, selon la pittoresque expression de 31orillon (^j, qu'ils leur
firent promettre « de tenir pour eux contre les Espagnols et contre le gouver-
neur de la ville » (*).
Les x\IIemands, fidèles à leur parole, aidèrent les Tournaisiens, en octo-
bre lo76, à s'emparer du Cbàteau, à se saisir de la personne de Jacques
Blondel, gouverneur de Tournai, de son lieutenant et de quelques autres per-
sonnages.
Tournai n'avait plus de gouverneur; Pierre de Meleun fut choisi par le
Conseil d'État en cette qualité et comme grand bailli du Tournaisis. Il reçut
l'ordre des Étals-Généraux de débarrasser la ville de la garnison alle-
mande (^). Il négocia avec elle; toutefois, comme elle tardait à partir, il
brusqua les choses et, durant la nuit du 25 au 26 novembre, fit entrer en
(1) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 117.
(2) Idem, reg. n" 77, foi. 117-118, 119. — La Correspondance de Granvelle, t. VI, p. 366,
contient une lettre curieuse des magistrats de Tournai au Conseil d'État pour protester
contre l'arrivée des Allemands. Les Tournaisiens disaient, qu'en dix ans, il avaient dépensé
150,000 livres tournois pour l'entretien de la garnison ; qu'une peste qui durait encore,
avait diminué la population de 7 à 8,000 âmes, d'où diminution de recettes et qu'on
voulait encore mettre dans leur ville trois compagnies d'Allemands, soit huit à neuf cents
hommes « et autant de femmes, enfants et serviteurs ». Enfin la requête faisait remarquer
les dangers qu'allait courir la religion, à cause des Allemands presque tous réformés.
(3) Correspondance de Granvelle, t. VI, p. 143, « ils ont embabouiné les Allemandz
dont la peur a esté grand à Tournay, jusque ad ce que le sieur Cuincy, gouverneur du
Chasteau, at esté prins et saisi avec son lieutenant et quelques auitres ». — Voir p. 204,
note 1.
{^) Correspondance de Granvelle, t. VI, p. 129.
(•"•) Annales de la Société d'émulation pour l'éttide de l'histoire et des antiquités de la
Flandre. Bruges, 1902, t. Il, p. 402.
204 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
armes au Château près de 1,400 liabitants de Saint-Amand et des
environs (^).
Les Allemands acceptèrenl une convention aux termes de laquelle ils
s'engageaient à quilter immédiatement Tournai, pourvu que Tarriéré de leur
solde, soit 3,000 florins, leur fût payé, à ne pas servir durant six mois
contre les Etats et à laisser en otages à Tournai, juscpi'à leur rentrée en
Allemagne, six gentilshommes des leurs (^) en garantie de la promesse qu'ils
(1) Correspondance de Philippe II, t. IV, p. 434. — Extrait d'une lettre du Conseil d'Étal
au roi, en date du 17 octobre 137G. « Il est advenu depuis qu'estant le conte de M^'ghem
venu de Gheldres à Charlemont dont il est gouverneur et capitaine, les estatz ici assamblez
ont esté advertis tant par les vieulx soldatz de la girnison dudict Charlemont que par
quelque escripl que l'on avoit recouvert que ledict conte tramoit quelques choses tendantes
à grandement inquiéter ces pays et ont requis que l'on s'asseurast de sa personne, comme
fu faict, ensemble de son frère de Haultepenne... Et pour samblables indices ou soupeçons
que l'on eust du seigneur de Cuinchy et de son lieutenant et quelque autre au Chasteau de
Tournay, lesdits estatz requirent que l'on s'asseurant d'icelluy chasteau comme a esté faict
et des personnes dudict lieutenant et d'ung qui s'appelle Serra, qui dois longtemps
demeuroit audict chasteau ■• ayant ledict seigneur de Cuinchy esté renvoyé à sa maison sans
toucher aultrement à sa personne, et le sesnéchal de Haynnauls mis pour avoir soing
de gouvernement et bailliage des villes et chasteau dudict Tournay et Tournésis, jusques
à aulire ordonnance de Votre Majesté. « — Voir aussi Correspondance de Granvelle, t. VI,
pp. 170-171, cet extrait d'une lettre de Morillon à Granvelle, lettre que Piot date par erreur
« vers le 1o novembre ». L'événement dont elle fait mention ne s'étant passé que le 26 no-
vembre, la lettre doit forcément être postérieure à celle date : « Les Allemans que sont à
Tournay vouloient faire des braves; mais Mons'' le Sénesch;il s'advisa de mander une belle
nuicl vostre grand maire (= de Saint-.\mand) au Chasteau avec une enseigne ou deux de
vos subjeclz qui voulurent aller tous ensemble jusques îi xiiij' dont lesdicls Allemands
furent si estonnez, qu'ilz se accommodarent incontinent à tout ce que l'on voulut. L'on les
al conduict comme l'on a faict de ceux de Valenciennes, jusques pardelà Namur et on faict
serment de ne servir de six mois contre les Estatz. Nos Wallons qui les conduisent font
plus de dommaige que eulx ». Voir aussi Archives communales de Tournai, Pièces
comptables.
(-) La pièce comptable qui suit nous donne les noms des six otages laissés à Tournai ;
11 décembre 1576, « Payez à Ghislain le Noir, hostelent, demourant en l'hostellerye de
l'éscus de France, la somme de 409 livres fl. à luy deu pour la despence de bouche faicte
en sa maison par Paulus Welzer, Gregorius Crasse, Baltazart Sterck van Meissen, Hans
Ebrect van 01m, Han Frits van 01m et Georgius Setel van Streel, ayans esté ostaigiers à
ladicte ville pour sceurelé du convoy que Artus de .Melun, S' de Fraesne, lieutenant général
des bailliages deTournay et Tournésis, auroit donné aux trois compagnies d'Allemans ayans
tenus garnison en ceste ville jusques à Bouillon tenant la rivière de la Meuze ». Archives
communales de Tournai, Pièces comptables. Voyages.)
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 205
avaient faile de ne commettre aucun ravage dans les provinces qu'ils
devaient traverser pour retourner en Allemagne (').
Leur départ s'elTeclua le 26 novembre, Arllmr (h; Meleiui, seigneur du
Fresne, frère bâtard du gouverneur de Tournai et lieutenant général du bail-
liage, leur servant de convoyeur, les conduisit en Allemagne par Namur,
Rouillon et le Luxembourg Ç^).
Débarrasse des troupes étrangères, Pierre de Meleun favorisa de tout
son pouvoir les États-Généraux de qui il tenait sa nomination de gouverneur
de Tournai.
Désintéressé dans ses convictions, méprisant toute recherche d'honneurs,
bannissant toute arriére-pensée de bénéfices, il s'efTorça de faire des Tour-
naisiens des partisans décidés de la politique des Étals (^).
Patriote ardent autant que sincère, il était prêt « à perdre la dernière
goutte de son sang pour la défense et la liberté de la patrie » (*). Ni les
promesses du roi, ni les supplications de sa mère, ni la perle de ses biens
n'ébranlèrent ses résolutions.
A peine arrivé à Tournai, il se mil à Poeuvre.
Il s'attaqua aux Etats du Tournaisis. Pour les mettre dans une dépen-
dance plus étroite vis-à-vis de lui et les empêcher de s'engager dans une
voie suspecte, il leur interdit, malgré l'usage, de se réunir en assemblées
générales sans sa permission (").
Cherchant ensuite un prétexte pour se rendre maître de la caisse de ces
mêmes Etats, en 1579, il ordonna au receveur du Tournaisis de payer cer-
taines dépenses par lui indiquées. Le receveur s'y refusant, il le fit jeter en
prison et s'empara de la caisse et des livres. Puis il chargea une commission
(^) Voir Pièces justificatives, n° XXVI.
(2) Arciiives communales de Tournai, Pit''cps comptables, Vonaiies, 2 janvier 1d77.
(3) Kervyn de Volkaeusbëke et Diegeuii;k, Docmnenls concernant les troubles religieux des
Pays-Bas. Gand, 1849, t. Il, pp. 210-2H ; Mémoires île la Société historique de Tournai,
t. IV, p. 293, noie 1, et Bulletins de la Commission royale d'histoire, 2" sér., t. IV, p. 446.
(■*■) Kekvyn de Volkaehsbeke et Diegekick, op. cit., t. Il, j). 211.
(3) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 132.
206 TOURNAI ET LE TOURNATSIS AU XVI= SIÈCLE
dont il fut le |)rési(ient, de vérifier annuellement les comptes, et d'approuver
ou de rejeter toute dépense qui lui semblait superflue (^).
Avec la ville de Tournai, il n'employa pas des procédés aussi expéditifs.
C'était d'ailleurs inutile, car la charte octroyée en 1522 par Charles-Quinl,
lui conterait le droit de présider chaque réunion des Consaux ('^). Il s'érigea
toutefois en commissaire-vérificateur des comptes généraux (•^), de telle
sorte qu'il lui véritablement maître de l'emploi des fonds de toute la
province.
Présidant en outre les assemblées des Étals du Tournaisis comme celles
des Consaux, pesant même, quand il le jugeait nécessaire, sur les décisions
qui devaient y être prises avec l'autoritarisme que nous dévoilent ses actes, il
mena la province comme il le voulut.
Aussi n'est-il point douteux que son administration n'ait été la cause
essentielle de la politique que suivront idtérieurement les Tournaisiens,
quand ils se sépareront des autres Wallons du pays et courront les risques
d'un nouveau siège.
Il est toutefois nécessaire de redire que Pierre de Meleun crut n'agir
« qu'en vray et fidcl patriote » (^), et qu'il fut pour les États-Généraux un
« modèle de constance et de fidélité » (^j.
V. La Pacification de Gand fut accueillie avec joie dans tous les Pays-
Bas; la suspension des placards permit aux exilés et aux bannis de rentrer
dans leurs foyers. Les proscrits revinrent en foule, et, rien qu'à Tournai,
on releva une immigration de plus de six mille réformés ('').
(<) Archives communales de Tournai, reg. n° 77, fol. 245, 247, 254 et 25S.
(*) Voir plus haut le chapitre l'"^ de la 2" partie, « Les Institutions », p. 6i.
(3) Arctiives communales de Tournai, Comptes généraux de 1579-1581.
(♦) Gachakd, Actes des États-Généraux, t. il, p. 276, n« 2049.
(5) Idem, Ihid., t. II, p. 274, n» 2045. Les Etats-Généraux, dans la lettre qu'ils adressent
au prince d'Espinoy, sous la date du 10 octobre 1579, disent qu'ils se ressentent avec toute
la patrie « de sa constance et fidélité, laquelle ung chascun voit estre érigée pour ung
miroir à tous seigneurs et princes bien nais », etc.
■(6) Eiir.fiNE HuitEBT, Le proiestantisme à Tournai pendant le XVI 11' siècle. Bruxelles,
1903, 1». <i.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 20?
Sur ces entrefaites arrivait à Luxembourg, le nouveau gouverneur général
des Pays-Bas, don Juan d'Autriche.
Venu sans arme, presque sans escorte, le représentant de Philippe II
comptait loucher par cette preuve de confiance, le creur généreux des habi-
tants des Pays-Bas, apaiser leurs susceptibilités et calmer leurs appréhen-
sions. Mais les États-Généraux ne virent en cela (ju'une feinte. A peine furent-
ils informés de l'arrivée de don Juan, qu'ils envoyèrent vers lui des députés
pour lui exposer les conditions auxquelles ils le recevraient comme gouver-
neur général. Ils demandèrent l'approbation de tout ce qui avait été antérieu-
rement fait, aussi bien l'union de tous les États provinciaux des Pays-Bas
que la Pacification de Gand, exigeaient le départ des soldats espagnols, le
maintien des anciens privilèges, et voulaient en outre que pour la direction
des affaires, don Juan ne f)rit conseil que de gens du pays (').
Oaignant (lue la Pacification de Gand ne dérogeât à la religion catholique,
don Juan ne voulut pas souscrire immédiatement à ces conditions et entama
des pourparlers avec les États-Généraux (-).
Les négociations turent laborieuses; bientôt même certains membres des
États, se défiant de don Juan, firent conclure entre les provinces un nouveau
traité qui s'appela ['Union de Bruxelles (9 janvier 1577).
Les États du Tournaisis furent informés, le 17 janvier, de ce nouvel
accord. Après avoir entendu les explications de Barthélémy Liebaert, un de
leurs députés aux Étals-Généraux, ils l'apprctuvèrent unanimement (').
L'Union de Bruxelles n'était d'ailleurs qu'une confirmation de la Pacificalion
de Gand; elle n'eut d'autre but que de resserrer les liens qui unissaietJt les
provinces, et elle stipulait l'union de tous les contractants en vue de l'expul-
sion des Espagnols, la conservation de la religion catholique dans quinze des
dix-sept provinces, cela va de soi, et le maintien des anciens privilèges (*).
(■•) Gachard, Correspondance de Philippe II, t. V, p. 578.
(2) Idem., Ibid., t. V, la lettre de don Juan au roi, en date du 22 décembre lo76.
(3) Arctiives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 141-145, où l'on trouve le texte
complet de l'Union de Bruxelles.
(*) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 143.
208 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XV[' SIÈCLE
Dans le pays, l'Union de Bruxelles fui aussi généralemenl bien accueillie.
Il en fui de même à Tournai, où l'on vit le Chapitre de Notre-Dame ordonner
une procession générale el le Magistral y convier les habitants, pour remercier
Dieu de veiller avec tant de soin au bien des Pays-Bas ('). Cet accord du
pays rendit même don Juan plus circonspect. Il signa à Marche-en-Famenne,
le 42 février 1577, VÉdit perpétuel, par lequel il accordait au nom du roi
une amnistie complèle, l'élargissemcnl des prisonniers faits lors des troubles;
consentait à la réunion des Etats-Généraux, au renvoi des soldais étrangers,
au maintien des anciens privilèges et ratifiait la Pacification de Gand. En
revanche, les Élals-Généraux promirent « sur leurs consciences, foy et hon-
neur, de maintenir en tout et partout la sainte foy catholicque (^) ».
Le prince d'Orange jugea cet engagement contraire à la Pacification de
Gand. Il fil adresser des représentations aux États-Généraux par les députés
des Étals de Hollande el de Zélande, et, ses remontrances n'ayant pas été
accueillies, il inierdil la publication de l'Édit perpétuel dans les deux pro-
vinces calvinistes.
La paix était donc loin d'être assurée. Néanmoins les troupes espagnoles
sortirent des Pays-Bas, el, selon l'édit de iMarche-en-Famenne, don Juan fut
reconnu comme Gouverneur général des Pays-Bas. Le 1*"" mai, il fit son
entrée solennelle à Bruxelles ('); le 4, il prit possession du gouvernement
du pays.
VL Toutes les provinces, le Tournaisis fut du nombre, avaient souscrit
à l'Édit perpétuel; seules la Hollande el la Zélande, au grand désappointe-
ment de don Juan, refusèrent d'adhérer à ce traité.
De là résultèrent de nouvelles négociations entre les États-Généraux, le
prince d'Orange et le gouverneur. La défiance reparut bientôt; don Juan,
croyant sa vie en danger, s'empara par ruse du Château de Namur el rappela
(<) Archives communales de Tournai, Registre aux Publications, Publication du
t9 janvier H77.
(2) Renon de France, Histoire des Troubles des Pays-Bas, t. II, p. 121, note 11.
(3) Voir dans Gachaiui, Collection de documents inédits. Bruxelles, 1833, t. I, pp. 3S8 et
seq., des détails sur leiiirée de don Juan à Bruxelles.
AU POINT UE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 209
autour de lui le reste des troupes élraiigères qui se disposaient à partir
(24 juillet 1377).
Les États-Généraux s'empressèrent de donner connaissance au pays des
agissements du gouverneur général ('). En même temps, ils réclamèrent des
États provinciaux une aide de deux millions de florins pour soutenir la
guerre « autant cruelle que jamais » (-), que don Juan s'apprêtait à leur
faire.
Tournai et leTournaisis payèrent sans lésiner leur quote dans celte contri-
bution extraordinaire, comme dans tant d'autres qui suivirent; ils sympa-
thisaient à n'en pas douter avec les Étals-Généraux.
Quand ceux-ci crurent bon d'appeler au gouvernement des Pays-Bas
l'archiduc Malhias, neveu de Philippe 11 et frère de l'empereur Rodolphe II,
Tournai et le Tournaisis ne firent pas d'opposition et reçurent l'archiduc
comme gouverneur, « parce que la défection de don Juan avait décapité le
gouvernement; parce qu'ils ne voulaient pas que ces troubles nouveaux fussent
pour un prince voisin l'occasion de s'emparer du pays, et parce qu'ils
n'entendaient pas porter préjudice à la religion catholique on violer l'obéis-
sance due au roi en laquelle ils désiraient persévérer (^) » . On sait d'ailleurs
que l'archiduc Mathias n'avait été appelé dans les Pays-Bas, que par une
fraction des États-Généraux à la tète de laquelle se trouvait le ducd'Aerschot.
Pour ménager les opposants, les États-Généraux firent prêter serment à
(1) Les Étals-Généraux, dans l'Instruction donnée au gouverneur de Tournai, disaient
entre autres : que don Juan, malgré la Pacification jurée, avait de longue main levé des
gens de guerre; qu'il avait cherché à gagner par tous les moyens les magistrats des villes,
commandants de places, jusqu'à vouloir leur faire prêter un serment contraire à celui prêté
par eux auparavant tant au roi qu'aux États ; qu'il levait des troupes en Espagne, en Italie,
en Allemagne it dans la Bourgogne, et faisait même revenir près de lui celles qui en vertu
de la pacification, avaient évacué les Pays-Bas; que l'entreprise faite par lui sur le Château
de Namur avait dès longtemps été conçue, comme on pouvait s'en convaincre par les lettres
interceptées, dont les originaux étaient en possession des Etals...; enfin, qu'il avait'déclaré
vouloir se servir des Turcs et autres barbares, et son naturel était plus enclin à mener la
guerre que de gouverner pacifiquement... (Beg. n° 77, pp. lëS-IbO.)
(2) Archives communales de Tournai, reg. n° 77, fol. 166.
(3) Idem, reg. n" 77, fol. 177-178, Gacuard, Actes des États- Généraux, t. I, p. 29t.
Tome I. — Lettres, etc. 27
210 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
l'archiduc comme gouverneur général, mais lui donnèrent comme lieutenant
le prince d'Orange qu'ils avaient rappelé à Bruxelles, et nommé ruweart du
Brabant.
La guerre, régulièrement déclarée à don Juan, commença bientôt; les
troupes des États s'avancèrent contre le gouverneur déchu et se firent battre
à Gembloux (31 janvier 1578). Louvain, Diesl, Tirlemont, Nivelles et
d'autres villes tombèrent successivement au pouvoir des troupes royales.
Cependant cet échec n'eiïraya ni les États-Généraux ni l'archiduc Malhias.
Celui-ci, au contraire, par des lettres particulières adressées aux provinces,
s'ingénia à ranimer leur espoir ébranlé et à leur persuader que le succès
■leur vaudrait le rétablissement de leurs anciennes libertés ('). De leur côté,
le Conseil d"État et les États-Généraux n'épargnaient aucun argument dans
le but d'obtenir des États provinciaux les sommes nécessaires pour équiper
de nouvelles troupes, et empêcher don Juan d'étendre ses conquêtes.
Ils demandèrent la perception d'impôts nouveaux, insistant auprès des
provinces sur les conséquences fâcheuses qu'aurait pour le pays la victoire
de don Juan.
Au lieu d'un patard comme nous vous le demandons aujourd'hui, écri-
vaient-ils aux États du Tournaisis, les Espagnols nous contraindront, si nous
nous laissons réduire, à leur en donner cent, outre noire honneur, nos biens
et notre vie; ils se vantent orgueilleusement qu'ils n'épargneront personne;
les gens d'église, ils les dépouilleront de leurs biens; les nobles, ils les feront
périr par le glaive, pour distribuer leur terres aux partisans des Espagnols;
quant au peuple, ils le réduiront en esclavage, « le marquant le visage à la
morisque » (-).
On exagérait, sans doute, mais la situation l'exigeait.
D'un côté, les États-Généraux avaient à faire face à don Juan et à s'opposer
(1) Archives communales de Tournai, reg. n° 77, fol. 183.
(-) Idem, reg. n''77, fol. 185. Les Etats-()énéraux demandaient une imposition nouvelle
de huit patards par semaine sur chaque maison, sans exception; un patard par semaine
sur chaque bonnier de terre labourable, prairie, bois, patûre, etc., et deux patards sur
une quantité de cent pois de bière vendus.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 211
à ses onfreprises, tandis que de l'autre, il fallait porter remède à l'anarchie
et au désordre qui avaient envahi certaines villes (*).
En eiïel, « pas plus (|ue leurs adversaires, les reformés ne comprenaient
la tolérance; partout où ils parvenaient à s'emparer de Tautorité, ils en
faisaient le plus déplorahie usage; ils détruisaient les croix des cimetières,
les images de la vierge et des saints et pillaient les couvents. A Gand, dans
la ville même où avait été signée la Pacification, Hembyse et llyhove éta-
blirent une véritable tyrannie calviniste, abolirent le culte catholique et
donnèrent à leurs adhérents Fusage exclusif des églises. Le 28 juin 1578,
six religieux furent sur leur ordre livrés aux flammes du bûcher.
» De leur côté, des magistrats catholiques imitaient Finlolérance des cal-
vinistes. En Artois et dans les provinces walloimes, les catholiques molestaient
les protestants comme ceux-ci en Flandre et en Brabant, persécutaient les
catholiques ("). »
Le comte palatin Jean-Casimir était venu d'Allemagne avec des soldats
calvinistes et soutenait les Gantois; le duc d'Alençon négociait avec la frac-
tion catholique des États et se montrait tout disposé à jouer un rôle dans
les événements qui se déroulaient dans notre pays; l'Artois faisait entendre
une voix discordante, réclamait la paix, et suppliait les autres provinces
wallonnes de se joindre à elle pour engager les Étals-Généraux « à ne plus
soutenir une guerre inutile » (').
Telle était la situation quand, de commun accord avec le Conseil d'État,
le 22 juin 1578, les États-Généraux élaborèrent une ordonnance à envoyer
à toutes les provinces.
Cette ordonnance, qui visait à assurer l'égalité aux deux communions des
Pays-Bas, fut publiée le 12 juillet suivant, et reçut le nom de Paix de reli-
gion ou de Religionsfrid.
(i) Voir sur les ennuis causés aux États-Généraux par le parti calviniste, notamment à
Gand, Bulletins de la Commission rojiale d'histoire, 3' série, t. XI, pp. 382 et seq.
f') Eugène Hubert, De Charles-Quint à Joseph II, pp. 43-44. Voir aussi au sujet de
Gand, Bioijraphie nationale, t. X, article Kéthulle.
(3) Archives communales de Tournai, reg. 77, fol. 88 et 195, aux dates des 4 mars et
17 juillet 1578.
212 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
Elle proclamait une amnistie plénière pour tous les délits commis en
matière religieuse depuis la Pacificalion de Gand; elle décrétait pleine et
entière liberté de conscience, « chacun, disail-elle, demeurera francq et
libre touchant les religions comme il en voudra respondre devant Dieu »,
rétablissait le culte catholique en Hollande et en Zélande et dans les villes
où il avait été aboli, et stipulait que « Texercice public de l'un ou de l'autre
culte existerait de droil partout où, dans les localités imporianies, ce culte
complerait au moins cent ménages établis depuis un an révolu, et dans les
villages, pourvu que la majorité des habitants y établis depuis le même
espace de temps, appartînt à ce culte (^) » .
Mais par le fait que cette Paix de religion, comme dit M. Eug. Hubert,
protégeait également les deux cultes en présence et défendait toute oppres-
sion de la minorité par la majorité, elle mécontenta vivement les fanatiques
qui dominaient sans conteste aussi bien parmi les protestants que parmi les
catholiques. Quoique les États-Généraux n'eussent pas imposé leur ordon-
nance, mais l'eussent simplement soumise à l'approbation des provinces et
des villes (^), les députés du Hainaut et du Tournaisis protestèrent contre
la clause concernant la liberté de religion et soutinrent que ceux qui dési-
raient vivre selon la Réforme, devaient s'adresser aux États de leurs pro-
vinces respectives (■^).
Aussi quand, le 14 juillet, l'archiduc Mathias transmit aux États du Tour-
naisis copie des articles de la « Religionsfrid », en les priant de lui faire
connaître « s'ils étaient résolus à permettre ou à prohiber le libre exercice
de la religion réformée » (^), ceux-ci rappelèrent à l'archiduc et aux Étals-
Généraux qu'ayant juré d'observer la Pacificalion, l'Union de Bruxelles et
(<) Nous n'avons fait que résumer ici dans les tn^s grandes lignes et d'après M. Eue.
Hubert, De Charles-Quint à Joseph II, pp. 4i-48, La Paix de religion d'Anvers. A ceux qui
voudraient l'étudier dans tous ses détails, il serait loisible de se reporter à l'ouvrage cité
plus haut, où ils trouveront aux pp. 160-178 cette Paix in extenso.
(■^) Eug. Hubkrt, De Cliarles-Qnint à Joseph II, p. 48.
(3) Gaciiard, Actes des États-Généraux, t. 1, p. 39o, et L. Devillers, Inventaire des
Archives des États de Hainaut. Mons, Maneeaux, 1884, t. l, p. 195.
(*) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, p. 198.
AU POINT DE VUE POLITrQUE ET SOCIAL. 213
rÉdil perpétuel c|ui avaient maintenu inviolable le point concernant l'exercice
de la religion callioliqne, ils « voulaient en tout et |)arlout tenir leurs pro-
messes comme respecter leurs sernienls, et avaient unanimement résolu
d'interdire dans le Tournaisis, le libre exercice de la religion réformée » (').
Il en fut de même des Etals de Tournai. Eux aussi, dans l'intention « de
se conformer en tout suivant l'édil de Pacificaliou fait à Gand », ne voulurent
point de la tolérance religieuse et firent immédiatement interdire l'exercice
public du culte calviniste dans leur ville. Pierre de Meleun lui-même,
conirairement à ce que l'on pensait jusqu'à ce jour, insista auprès du gou-
verneur général pour l'engager à approuver celte inlerdiclion (-).
Cependant la fraction calviniste lournaisienne n'admit pas la chose aussi
allègrement. La publication du décret refusant la profession publique du culte
réformé se fit le 7 août dans la matinée. Elle provoqua immédiatement des
troubles. Calvinistes et catholiques en vinrent aux mains, et il fallut un nou-
veau rappel au respect de la Pacification de Gand et des menaces sévères,
pour rétablir momentanément le calme ("*).
iMais l'exemple de Gand était contagieux. De nouveaux troubles éclatèrent
à Tournai. Les calvinistes s'assemblèrent tumultueusement, prétendant que
(1) Voici la fin de la réponse des États du Tournaisis : « Veuillant en tout et partout
satisffaire à nos sermens et promesses tant de fois reytérées, avons unanimement résolu
de ne permettre aucunement in Tournésiz le libre exercice de la dite religion prétendue
réformée, afin de ne tomber en perjure et de ne point condamner nostre bonne cause et
déffcnse, pour justiffier celle de l'ennemy quy spubz le prétexte de nouvelle religion, nous a
par toute la Chrétienté ditîamés comme hérétiques et rebelles à Dieu et à nostre Prince; et
à l'endroit de l'Union, nous espérons tellement nous reigler que nous donnons de nostre
part occasion de reculler, en quoy chacune Province se doibt évertuer, craindans que par
dessidence ne division, ne tombons en proye à la miséricorde de nos ennemys. » (Archives
communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 199.) En somme, le Tournaisis ne voulait pas de
la liberté des cultes, mais il n'est pas vrai de dire, comme le chanoine de Schrevel {Revue
eccîésiastiqtie, t. 111, p. 337, note 1) : « Aussi les provinces de Hainaut, d'Artois et du Tour-
naisis, indignées des violences des Gueux, ne voulurent-elles à aucun prix de la Paix de
Religion et se séparèrent-elles des États-Généraux. » Les États du Tournaisis ne se déta-
chèrent jamais des Etats-Généraux; on le verra d'autant mieux par la suite.
2) Voir Pièces justificatives, n" XXVK, et Archives communales de Tournai, Publication
du 7 août lo78, reg. n° 34o, fol. 101.
(3) Archives communales de Tournai, Publication du 7 aoiit 1S78, reg. n° 345, fol. 101.
214 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
l'archiduc Mathias avait permis « prêches ou autres exercices de la rehgion
nouvelle », et réclamèrent du gouverneur général, avec « l'exercice libre de
la religion prétendue réformée », des temples pour procéder aux cérémonies
de leur culte ( '). En exécution de la « Religionsfrid » et sur ordre de Tarchiduc,
Pierre de Meleun, avant d'accéder à le(n's instances, fit faire le dénombre-
ment des familles tonrnaisiennes qui réclamaient l'exercice du nouveau
culte, et, le lendemain 30 septembre, soit à cause de leur petit nombre ('-),
soit pour tout autre motif, il défendit formellement l'exercice de la religion
calviniste (^). L'archiduc iMathias confirma cette défense par lettre du
6 octobre suivant (').
Les réformés s'adressèrent alors au Conseil d'État. Le 7 octobre, leurs
députés, le ministre Taffin, Hans Opalfens, Raspaille et un des Le Maire,
exposèrent au Conseil d'Étal les vœux de leurs coreligionnaires, mais ils
n'obtinrent point gain de cause Ç') : la « Religionsfrid » ne fut jamais appliquée
à Tournai ni dans le Tournaisis.
Elle fut d'ailleurs rejelée par différentes provinces, entre autres le Hainaut,
l'Artois et la Flandre wallonne, en sorte que, loin de faire cesser les luttes
religieuses, « elle ne fut qu'une généreuse utopie repoussée par l'aveuglement
et le fanatisme des contemporains qui la déclaraient contraire à la Pacification
de Gand («) » .
VII. A Gand et dans toute la Flandre, les calvinistes continuaient à
commettre de si déplorables excès, qu'il sembla de bonne guerre à certains
(!) Archives communales de Tournai, Publication du i29 septembre 1578, reg. n» 345,
et lettre de l'archiduc du 6 octobre 1578.
(2) Si l'on en croit Barthélémy Liébart, député du Tournaisis aux États-Généraux,
le nombre de ceux « qui demandoyent les presches s'élevait à huit cents personnes ».
[Bulletins de la Commission royale d'histoire, 3" série, t. XI, p. 421.) Cela faisait, en prenant
une moyenne de cinq personnes par ménage, plus de cent ménages qui demandaient
l'exercice du culte calviniste ! !
(3) Archives communales de Tournai, Publication du 30 septembre io78, reg. n» 345.
(i) Pièces juslificatives, n» XXVIl, Lettre du 6 octobre 1578.
(5) Bulletins de la Commission royale d'histoire, 3« série, t. XI, p. 421, Barth. Liébart dit :
« Les aultres qui estoycnt le ministre Taflfin, assisté de .... et un des Maires s'estans tenuz
près de Saint- Pierre en Tournay ».... Serait-ce le navigateur Isaac Lemaîre?
(6) EuG. Hubert, De Charles-Quint à Joseph II, p 49.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 215
catholiques du Hainaut et de l'Artois, de riposter à la violence par la
violence (^).
De la naquirent les Malcontenls, et l'on put voir cette armée catholique,
commandée par Emmanuel de Lalaing, baron de Monligny, répondre aux
brigandages des F'Iamands par des débordements tout aussi regrettables.
D'autre part, les États de Hainaut et d'Artois qui avaient résolu de liguer
entre elles toutes les provinces pariageant les mêmes aspirations religieuses,
pour opposer aux calvinistes flamands toutes les forces des catholiques
wallons, essayèrent d'altirer à eux les Tournaisiens.
Le 18 octobre 1578, les dé[)utés des Étals du Toiirnaisis reçurent la visite
du délégué des États de Hainaut. C'élail Josse deCampene, écuyer, seigneur
de Sartpasteau, Osiregnies (^), etc. il remit aux Étals du Tournaisis son
instruction et les invita à délibérer sur son contenu.
Elle portail en substance qu'en dépit de la Pacification de Gand, on voyait
de tous côtés les sectaires « faire prêches et exercices publics de leur
religion pestiférée, ruiner et profaner les saints sacrements, cloîtres et
abbayes, saccager les églises, massacrer gens d'églises et bons catholiques,
surprendre et piller monastères, châteaux ou villes, violer les religieuses,
emprisonner et exécuter évéques, prélats et autres personnages honorables;
et jusqu'à mener des trou()es en campagne ». Ces sectaires, continuait
l'instruction, s'attaquaient avec la même brutalité à la noblesse et prouvaient
ainsi que leur but était, comme d'ailleurs les principaux d'entre eux l'avaient
ouvertement déclaré, d'anéantir religion et noblesse. De tels débordements
auraient dû être châtiés dès le principe, mais on n'en avait rien fait; au
contraire, ils allaient croissants et, s'il n'y était bien vite remédié, ils enlraî-
(<) Dans un pamphlet assez rare et contemporain, portant pour titre : Discours sur les
Troubles et misères de ce temps, et des moyens qu'il faut tenir pour les appaiser et y mettre
fin. (Douay, Jean Bogard, lo71r)), on lit à la page 4 de la Préface : « Sans nous laisser plus
abuser de ceste hideuse Chimère de « Religion-frede i>, qu'on tasche de nous introduire — il
nous est du moins autant loisible de nous deffendre par armes, en nostre ancienne posses-
sion (de la religion catholique), comme li est licite aux sectaires de nous en débouter »....
('^) Josse de Campene, seigneur de Lanefl'e, Ostreignies, Sartpasteau, Hossencourt, etc.,
épousa Marie de le Mark d'Arenberg; sa tille Marie épousa, le 1'' février 1589, Nicolas de la
Neuveforge.
216 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XV1« SIÈCLE
lieraient les plus graves désordres. Prévoyant que l'inertie des Élals-
Généraux, la dissimulation et les secrètes manœuvres de quelques-uns de
leurs membres, même leur peu d'enthousiasme pour la religion caiholique
pourraient amener une catastrophe générale, les Etals de Hainaut avaient
jugé indispensable que les provinces qui jusqu'alors s'étaient maintenues sur
le pied de la Pacification de Gand, prissent elles-mêmes les mesures les plus
opportunes non pas pour attenter chose nouvelle el contraire au bien de la
cause commune, mais dans le dessein bien arrêté de se maintenir, suivant
les termes de la dite Pacification, « contre la plus barbare insolence,
excédant l'espagnole, desdits sectaires et de leurs adhérents, et d'obvier à
l'anéantissement de la religion catholique » .
Pour ces considérations el attendu que les provinces de Hollande,
Zélande, Flandre, Gueldre et autres s'étaient liiiiiées pour mal faire ('),
il était urgent que les provinces catholiques d'Artois, Lille, Douai et Orchies,
Tournai, Tournaisis, Valenciennes et Hainaul, à l'exemple de ces hérétiques,
s'unissent étroitement pour aviser aux moyens de conserver leur foi et de
repousser les sectaires ("').
Telles étaient les principales raisons (|ue faisaient valoir les États de
Hainaut; J. de Campene devait en outre insister personnellement auprès des
États de Tournai-Tournalsis, pour les engager à entrer dans l'Union
proposée et à joindre leurs efforts à ceux des États de Hainaut auprès des
autres provinces (^).
Les députés du Tournaisis, devant l'importance de la proposition, réso-
lurent de la communiquer aux États.
Le 23 octobre, les Étals de Tournai-Tournaisis s'assemblèrent; ils
répondirent aux Hennuyers « qu'ils persislaient dans le maintien de la
Pacification, mais qu'ils jugeaient cependant nécessaire qu'il fût mis ordre
aux abus el aux excès visés par les Étals de Hainaul, à condition toutefois
(') Cela n'est pas tout à fait exact, car à celte date ces provinces n'avaient point encore
signé l'Union d'Utrecht.
(■^) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 203 et seq.
(3) Idem, reg. n« 77, fol. 203-207.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 217
que l'archiduc Mulinas et les Élats-Généraux s'en chargeussent seuls.
A celle coiidilion, ils élaienl préls à s'unir aux aulres provinces wallonnes
pour réclamer l'observalion de la Pacification (') ».
Josse de Campene n'avait pas réussi dans sa mission; la province de
Tournai-Tournaisis entendait ne point se séparer de la généralité du pays et
restait lidèle aux Etals-Généraux. D'ailleurs les Tournaisiens, en demandant
que les États-Généraux lussent chargés de la répression des excès calvinistes,
se doutaient bien (pie celle condition ne serait point admise par les Étals
scissionnaires. Ils en élaienl tellemenl persuadés (|ue, (|uand Tarcliiduc el les
Élals-Généraux leur envoyèrent le pensionnaire de Bruges pour les engager
à ne tenir aucun compte des propositions des Étals de Hainaut, ils firent
part au Gouverneur général « de la boime réponse », selon leur propre
expression, qu'ils avaient ironi(|uemenl l'aile aux Hennuyers ('■).
Mais « celte bonne réponse » eut des conséquences fâcheuses pour
le Tournaisis. Par représailles, les troupes wallonnes des Malconlents
dévastèrent toute la partie sud-ouest de la contrée, raLiconnèrenl les
habitants et s'emparèrent même de Morlagne (^), une des localités les plus
importantes de la province.
(1) Archives communales de Tournai, reg. n° 77, fol. 208.
(2) Idem, reg. n- 77, fol. 208.
(3) Idem, reg. n° 77, fol. 209. Il résulte du procès-verbal de la séance du 13 novembre
1S78, des Étals du Tournaisis, que le Sénéchal de Hainaut avait envoyé de Tournai des gens
de guerre tournaisiens pour la garde el la défense de Morlagne, et, qu'arrivés là, ceux-ci se
trouvèrenl combattus par des gens de guerre qui se saisirent de la place, après avoir tué
ou blessé la plupart des Tournaisiens. D'après le Compte général de Tournai, du l'-' octobre
1578 au 30 septembre 1589, fol. 54 r". Emmanuel de Lalaingne rcnditMortagiieauSénéchal
de Hainaut que vers le 15 février 1579. Voici le document : « A Nicollais Labis, cappitaine
d'une compaignie de gens de pied soubz la cherge de Mons'' de Monligny pour dix quesne
de vin à luy présentées, estant arrivé en ceste ville le xv« de febvrier audict an (1579). En
marge de la main d'un des commissaires nommés par le (Jouvcrneur de Tournai pour
vérifier les comptes : Transeat, actendu qu'ycelles luy fusrenl présentées pour occasion des
nouvelles qu'il apportoil de la reddition de la ville de Mortaigne es mains de son Excellence,
que Monsieur de Monligny tenoil par force ». I^es Tournaisiens, pour empêcher tout nouveau
coup de main des Malconlents, mirent le 16 février une troupe de cent hommes en garni-
son à Morlagne. (Voir Archives comnmnales de Tournai, reg. n" 77, fol. 226.) On sait que
Morlagne faisait alors partie du Tournaisis, de même que Saint-Amand.
Tome L — Lettres, etc. 28
ils TOURNAI ET I.E TOURNAISIS AU XVh SIÈCLE
C'élail là, on lavoiiera, »in singulier moyen d'allirer les Tournaisiens dans
Punion projetée. Néanmoins, le 24- novembre, les dépulés des Étals de
TAriois ('), insligués par ceux de HainanI, n'hésitèrent point à tenter une
nouvelle démarche. Introduits près des Étals ('■), ils leur demandèrent
s'ils n'étaient point disposés à faire partie d'une ligue « plus étroite contre les
infracteurs de la Pacificalion do (iand », ou, s'ils s'en tenaient toujours
au mainlion de la dile Pacilication, d'envoyer des dépulés à Arras pour le
1" décembre suivant (*).
Mais aux Artésiens comme aux Hennuyers les Tournaisiens firent la même
réponse : ils s'en tenaient à la Pacification de Gand « tant solennellement
jurée », et n'entendaient nullemenl « se départir de la généralité », attendu
(|u'ils avaient fait respecter jusqu'à ce jour cl la Pacificalion de Gand
el l'exercice du culte calhoiique dans lout le Tournaisis, malgré les efforts
fails par les calvinistes pour y introduire les prêches el la « Religionsfrid ».
Quant à envoyer des dépulés à Arras, ils s'y refusèrent énergiquement,
parce que, prélendaient-ils, « depuis la surprinse de Morlagne, le pillage des
campagnes rendait les chemins peu siirs ». Façon indirecte el adroite de
rendre les Étals de Hainaul el d'Artois responsables de l'agression injusli-
liabie faite contre les Tournaisiens, car, en fail, les roules furent suffisam-
ment sûres pour permettre au bailli de Uumes, Maihias de le Gauchie, de
porter par écrit à Arras même la réponse ci-dessus (*).
Malgré lout, les Étals scissionnaires ne se tinrent pas encore pour battus.
Le 2 décembre, l'.Arlois adressa une nouvelle ci pressante demande aux
Élals du Tournaisis, à la(|uelle ceux-ci ne répondirent point (^).
(1) I^es dépulés artésiens étaient : François d'Ongies, chevalier, seigneur de Beaurepaire,
Jean de Herglies, s' de Beluvve; Jacques Dùresmieulx, échevin de la ville d'Arras, et Andrieu
Doresmieulx, second conseiller de la ville de Saint-Omer. (Voir Archives communales de
Tournai, reg. n" 77, fol. 210.)
(2) Le Chapitre de Noire-Dame avait délégué à cette assemblée des États du Tournaisis
le doyen Max. Manarc et le chanoine Courouble. (Voir Archives du Chapitre de Notre-
Dame, Acta capitularia, lundi 24 novembre lo78.)
(3) Archives communales de Tournai, reg. n° 77, fol. 2tO-2H.
(*) Idem, reg. n" 77, fol. 212-213.
(3) Idem, reg. n" 77. fol. 213.
Al] POINT L)F. V[1E POLITIQUE ET SOCIAL. âl!)
On passa outre. Le 6 janvier 4579, l'Arlois, le Hainaut et la ville de
Douai consomnièient la désunion des provinces des Pays-Bas el lancèrent
d'Arras un manifeste par le(|uel ils déclaraient s'allier, en vue de rexéculion
des clauses de la Pacilication de Gand, ainsi (|ue pour l'unique conservation
de la religion callioli(|ue et le niainlien de l'obéissance due au roi et des
privilèges du pays (').
Cependant le 10 janvier, les provinces confédérées tentèrent près des
Tournaisiens un nouvel eiïort pour les attirer à elles, et les prièrent de
joindre des députés à ceux qu'elles envoyaient à Bruxelles, pour exiger du
Gouvernement l'exécution de la Pacification.
Les Tournaisiens refusèrent de nouveau. Bien plus, irrités de voir la
charte de Gand déchirée en ses principaux articles, ils firent partir pour
Bruxelles une députation, avec mission d'engager farchiduc iMalhias à lever
des soldats et à entamer la lutte contre « ceux (|ui voudraient contraindre
certaines provinces à parjurer leur serment on à consommer la désunion Ç^) » .
El ils visaient en cela aussi bien les Flamands que les Wallons, les uns et les
autres violant la Pacification de Gand, suit en cherchant à diviser le pays,
soit en appli(|uant la « Beligionsfrid ».
En dépit de cette attitude, cpiatre jours après, le 20 janvier, les abbés de
i»aint-Vaast, d'Hasnon el d'autres délégués des Etats d'Artois et de Hainaut
vinrent à Tournai, pour essayer de persuader aux habitants qu'en adhérant
à la ligue wallonne « on ne pouvait les accuser de vouloir se séparer de la
généralité (') ».
Ayant échoué comme les autres, ils prièrent les Tournaisiens de déclarer
(1) Gachaud, Actes des États- Généraux, t. 11, p. 119.
(2) Archives communales de Tournai, reg. n» 77, fol. 218.
(^1 Les députés des Etats de l'Arlois étaient Jean Sarrazin, abbé élu do l'abbaye de
Saint- Vaast à Arras; le S'' de Tingry et Jean Lemercliier, éclievins de la ville d'Arras; mais
ils étaient accompagnés de députés du Hainaut, parmi lesquels Jacques Froye, abbé
de Hasnon, ainsi que le constate l'extrait suivant : « A Kévérend père en Dieu, nions'' l'abbé
de Hanon et auttres depputés des estatz de llaynault pour vingt (|uesnes de vin à eulx pré-
sentées le dit jour (= 21 janvier) ». Arcliives communales de Tournai, Compte général,
lo78-lo79, fol. S4, r°. Le même présent devin fut fait h l'abbé de Saint-VaasI, le 21 janvier
1579. (Voir même compte, même folio..
^20 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI<' SIÈCLE
ouveriemeni leur volonté et intention, et de faire une réponse prompte
et exempte de tous subterfuges « qui ne pouvaient être que périlleux (^) ».
Celte réponse, les Tournaisiens la leur donnèrent sans ambages. Le 21,
les délégués des Consaux de Tournai et des litals du Tournaisis se réunirent
au Cbàteau, résidence habituelle du Gouverneur; là, à l'unanimité, ils déci-
dèrent de nouveau de s'en tenir à la Pacification de Gand qu'ils avaient juré
de respecter inviolablement (-).
Ils refusèrent aussi d'envoyer à Ârras, le 6 février suivant, des représen-
tants pour assister à une nouvelle réunion des États wallons, et à l'abbé de
Saint-VaasI, un des députés de l'Artois, qui cberchail à obtenir que le
Tournaisis se laissât comprendre dans un accord projeté entre les provinces
wallonnes et Pbiiippe il, ils répondirent « que le cas échéant, ils verraient
à prendre une résolution au mieux de leurs intérêts (■') ».
C'était, on en conviendra, refuser « sans subterfuge » leur adhésion à la
ligue des provinces wallonnes.
La tentative des abbés de Saint- Vaast et d'Hasnon fut, comme on pouvait
le présumer, le dernier essai sérieux des États dissidents en vue de détacher
le Tournaisis du parti des États-Généraux.
Au commencement d'avril 1579, une nouvelle députation d'Artésiens
était partie d'Arras pour Tournai, mais en cours de roule, on jugea sa
mission inutile et on la rappela (^).
(1) Arcliives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 221-222.
(2) Idem, reg. n» 77, fol. 222. Les députés tournaisiens furent le doyen du Chapitre,
Maximilien Manare, chanoine de la cathédrale de Tournai, et le chanoine Courouble,
envoyés par le Chapitre; Nicolas de Formanoir, seigneur de .Merlain; iMathias de le
Gauchie, bailli de Rumes, et le bailli de Warcoing, représentant la noblesse. Les États de
Tournai-Tournaisis résolurent de faire cette réponse verbalement; le doyen Manare en
fut chargé, mais ils se refusèrent, malgré les instances de l'abbé de Saint- Vaast, de donner
acte de cette réponse, permettant seulement à leur greffier d'en remettre une copie non
signée.
(3) Archives communales de Tournai, reg. n» 77, fol. 223.
(♦) Idem, reg. n" 77, fol. 234. Alexandre Farnèse parle de l'envoi de cette nouvelle
députation dans une lettre qu'il fit parvenir au roi, sous la date du 17 avril io79. (Voir
Bulletins de la Commission royale d'histoire de Belgique, 2° série, t. IV, p. i46.)
AU POINT DK VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 221
Et Ton fit bien, car les Toiirnaisiens avaient reçu quel(|ucs jours aupa-
ravant, (le la [)art des Élats-Généraux, le marquis d'Havre et l'abbé de
Sainl-Beriiaril qui no piircnl (luc les encourager à persister dans leur
première atlilude (').
Il n'était donc plus permis de compter sur l'adhésion des Tournaisiens à
la ligue wallonne. Phili|)pc II lui-inétne ne parvint pas à les séparer des
Élats-Généraux, et il eut beau leur promettre « de ratifier tout ce dont ils
traiteraient avec rèvèipie d'Arras », rien n'y fit {-). Ils dédaignèrent les
promesses royales, comme ils ne voulurent admettre les articles de paix
débattus à (Pologne, que pour autant qu'ils respectaient la Pacification de
Gand, que l'archiduc Mathias était maintenu comme Gouverneur général des
Pays-Bas, et Pierre de Meleun comme gouverneur de Tournai (■').
D'un autre côté, en réponse à la Confédération d'Arras du 6 janvier, les
calvinistes des provinces septentrionales des Pays-Bas avaient conclu, le
29 janvier 1579, ['Union d'Utrecht à laquelle souscrivirent bientôt Gand,
Bruges, Ypres, Anvers et d'autres villes.
Tournai refusa encore d'y adhérer, parce que cette nouvelle Union en vue
« du repos et de la Irancpn'iilé des provinces et des villes », laissait chaque
Etat libre d'agir à sa guise stn* le point de la religion. On eut beau prier les
Tournaisiens de se joindre aux provinces contractantes, toujours ils rejetèrent
ces instances et airirmèreut derechef « qu'ils avaient promis et juré le
maintien de la religion catholique », qu'ils identifiaient du reste avec
l'observation rigoureuse de la Pacification de Gand et, par voie de consé-
quence, avec un attachement inébranlable aux Étals-Généraux.
(^) Gachard, Actes des États-Généraux, t. Il, pp. 476 et S06. Arcfiives communales de
Tournai, Compte général, d'octobre 1578-septembre 1S79, fol. 54 v°. « A Mons'' le mar-
((uis de Haveret estant aussy arrivé audit chastel le dict jour (=8 avril 4579) pour douze
quesnes (de vin) à luy présentées ». Même fol. : « A révérend père en Dieu, Mons'' l'abbé de
Saint-Bernard pour xn quesnes de vin h luy présentées, estant pareillement arrivées audit
chastel ».
(2) Archives communales de Tournai, reg. n"77, fol. 2'27. La lettre de Philippe II, en
date du l^' février 1579, a été publiée dans Poutrain, Histoire de Tournai. La Haye, 1730,
t. I, p. 348.
(3) Gachard, Actes des États-Généraux, t. Il, p. 269. Archives communales de Tournai,
reg. n» 77, fol. 242-243.
2â2 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
Le 17 mai 1579, les catholiques de l'Arlois, du Haitiaut, de Lille, Douai
et Orchies pour donner plus de force à la déclaration publique du 6 janvier
précédent, conclurent VUnioii d'Arras, reconnurent Alexandre Farnése
comme gouverneur et se replacèrent sous l'autorité du roi d'Espagne.
Les Tournaisiens restèrent encore en dehors de ce nouvel accord.
Répudiant les excès du sectarisme flamand comme ils désapprouvaient la
sécession des calholi{|ues wallons, ils s'en tinrent résolument à la Paci-
fication de Gand, malgré les inévitables dangers que créait une telle
politique.
Donc, grâce aux agissements du Gouverneur de Meleun, (|ui les poussa el
les maintint dans la voie de la fidélité à outrance envers les États-Généraux,
grâce à l'influence prépondérante (|u'exercérent pendant tout un temps dans
les assemblées du Tournaisis, les délégués du Chapitre et les prélats des
grandes abbayes qui ne voyaient de salut que dans la Pacification (*), les
Tournaisiens s'entêtèrent à vouloir respecter un pacte d'union que tous
foulaient aux pieds, et ils se mettaient dans cette situation à tout le moins
impolitique, de n'être officiellement ni pour les dissidents catholiques
wallons, ni pour les calvinistes flamands.
Par conséquent, ils se mettaient volontairement en guerre avec les deux
partis qui se disputaient les Pays-Bas, avec les réformés comme avec les
malcontents.
VIII. La situation n'était pas encore suffisamment crili(pie; les Tournai-
siens trouvèrent moyen de l'aggraver en entrant en rébellion ouverte contre
Philippe II.
Jusqu'alors l'accord le plus parfait n'avait cessé de régner entre tous les
représentants du pouvoir à Tournai. Autorités civiles comme autorités
ecclésiastiques n'avaient recherché (|u'une chose, ne jamais laisser enfreindre
\}j Dans toutes les réunions des Etals de Touraai-Tournaisis, les délégués du Chapitre
de Notre- Dame s'étaient montrés partisans convaincus du maintien de la t*acification de
Gand. Voir notamment dans les Àcta caintutaria la séance du 15 décembre 1378, où le
Chapitre ordonne à ses représentants « de ne rien répondre ((ui soit directement ou indi-
rectement contraire à la Pacitication de Gand ».
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 223
la Pacification de Gand. Sans doute le Chapitre de Notre-Dame eut préféré
voir le Tournaisis emboîter le pas aux provinces dissidentes, mais les
représentants du clergé n'avaient pas encore manifesté d'opposition ouverte,
et même en mai 1579, le Chapitre tout entier avait [)rété le serment de
fidélité aux États-Généraux.
Cependant le A janvier 1580, la fraction ecclésiastique donna les premiers
signes d'un prochain revirement. L'archidiacre Cottreau (') et un autre
chanoine demandèrent au gouverneur de Tournai de se prêter « par tous
les moyens possibles à l'union du Tournaisis avec les provinces récon-
ciliées (^) » .
Ce ne fut néanmoins (pi'en mai que le désaccord apparut manifestement.
Le 18 de ce mois, le prince d'Espinoy (^) avait prié les États du Tournaisis
de nommer des députés pour aller à Anvers représenter les Tournaisiens à
l'assemblée des États-Généraux, et prendre conjointement avec les délégués
des autres provinces restées fidèles aux États, une décision sur des propo-
sitions que devait faire le prince d'Orange.
Ces propositions, on le sait, consistaient principalement en la création
d'un Conseil provincial, où aurait été représentée, suivant son importance,
chacune des provinces soutenant le parti des États, et dans l'élection d'un
chef pour te pays ('').
(1) Jean Cotreau naquit à Maintenon, entre Chartres et Versailles, dans la première
moitié du XVI« siècle. Il fréquenta les cours de la Sorbonne et prit le grade de docteur en
Itiéologie. Renommé par son talent oratoire, il fut invité en 1567 par Guilbert d'Ongnies,
évêque de Tournai, à prêcher la station de l'Avent à la cathédrale. Le 20 février 1568, il
obtint la prébende canonicale vacante par la mort de Thierry Cocquiel. Il prit possession
de son bénéfice le i^' mars suivant. Le 20 juin 1577, Jean Cotreau fut promu par l'évêque
Pintaflour à la dignité d'archidiacre majeur; en 1579, l'archidiacre remplit la charge d'otti-
cial. Il mourut le 4 novembre 1592. (Voir Chanoine Vos, Les Dignités et les fonctions de
rancien Chapitre de Notre-Dame de Tournai. Bruges, 1898, t. I, pp. 305-314.)
(2) Archives du Chapitre de Notre-Dame à Tournai, Acta capitularia, séance du 4 janvier
1580.
(3) Le gouverneur de Tournai, Pierre de iVIeleun, était devenu prince d'Espinoy à la
mort de son frère, Charles, survenue en 1579.
(*) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 248. Dans ce nouveau rouage
administratif, Tournai et le Tournaisis auraient eu droit à deux représentants, comme la
Frise, etc.
224 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI-' SIÈCLE
Les abbés de Saiiit-Marliii el de Saiiil-Mcolas s'opposèrent à l'envoi
d'aucun député, tandis que les représentants du Chapitre de Nolre-Daine, en
vertu d'une déh'bération prise la veille, prétendirent que « leur conscience,
leur religion el leur lidéliié au roi ne leur permettaient pas de consentir »
à ce qu'on attendait d'eux. Deux jours après, le Chapitre, de nouveau
assemblé, renouvela son opposition (').
La scission était imminenle; l'éléraenl civil des Étals du Tournaisis la
consomma en envoyant à Anvers, des députés qu'il autorisa à prendre part
au vote « tant sur l'érection dudit Conseil t|ue sur le chef à élire »,
tout en ne tenant compte de la Pacilicalion de Gand que « tant que faire
se pourra (") » .
Les Tournaisiens reconnaissaient enfin que leur persistante lidéliié à la
Pacification les avait poussés dans une véritable impasse cl, pour en sortir,
à l'exemple des provinces du nord, ils n'hésilaienl plus à s'insurger contre
Philippe 11, puisqu'ils voulaient avec les autres réformés le remplacement
du roi ('^).
Sans doule, un mois |)lus lard, en août, les mandataires du Tournaisis aux
Élats-Généraux refuseront de reconnaître le duc d'Anjou comme gouverneur
de notre pays (^), el ne prendront aucune pari à l'élaboration el à la signa-
lure du trailé qui avait i)Our bul de mettre ce prince français à la tête des
(») Archives communales de Tournai, reg. n» 77, foi. 2o0, et Mémoires de la Société
historique de Tournai, t. IV, pp. 293-294.
("^) Archives communales de Tournai, reg. n° 77, fol. 2ol-2o2. Ces députés furent
Arnould de Gruneveldt, grand-maire de Saint-Amand, et Florent Bernard, écuyer, seigneur
d'Esquelmes.
(3) On nous objectera peut-être qu'en même temps que l'autorisation de choisir un chef,
les déléguées tournaisiens à Anvers avaient reçu une autre commission de même date, leur
interdisant, en cas opportun, de s'occuper de l'élection d'un chef. Cette objection n'est pas
pour nous embarrasser; le procédé employé par les Tournaisiens entrait dans les usages de
la diplomatie à cette époque. Et dans ce cas-ci comme souvent, c't'St une simple mesure de
prudence, un reste de précaution dont on ne peut blâmer les magistrats qui en ont usé.
(Voir Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 233-234, et Gachard, Actes des
États-Généraux, t. Il, pp. 339-340.)
(*) Gachaiid, Extrait des Causaux, p. H2.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 2-28
Pays-Bas (^). Mais qu'on ne s'y trompe point, les Tournaisiens adoplèrenl
celle conduite, non pas par égard pour Philippe II, mais parce qu'ils vou-
laient maintenir comme gouverneur général l'archiduc Malhias (").
Si, jusqu'au mois de mai 1580, ils furent dans la situation de gens
devenus rebelles un peu sans s'en douter et sûrement sans préméditation, il
est certain que, par après, il en fut tout autrement, el que la rébellion fut
parfaitement délibérée.
Un léger effort restait à faire pour obtenir l'adhésion publique du Tour-
naisis à l'Union d'Utrechl; Pierre de Meleun ne le fit pas. Il lui suffisait de
savoir les Tournaisiens indissolublement attachés au parti des États-
Généraux.
En effet, les Tournaisiens se rallièrent sans réserve au programme des
Étals et, avec etix, ils réclamèrenl l'affranchissement du pays du joug
espagnol, malgré les divergences qui, au point de vue religieux, n'avaient
cessé d'exister entre eux el les provinces septentrionales, les plus fermes
soutiens des États.
Pas plus alors qu'en 1578, les Tournaisiens n'étaient partisans de la
tolérance religieuse; tout en se déclarant rebelles au roi, ils donnaient asile
aux catholiques flamands qu'un sectarisme haineux chassait de leur
province (^), et refusaient obstinément d'appliquer la « Religionsfrid » dans
toute l'étendue du Tournaisis.
(-•) Gachard, Actes des États-Généraux, t. II, p. 363, n° 2286. Tournai et le Tournaisis
ne figurent pas parmi les provinces contractantes.
(2) Archives communales de Tournai, reg. n° 77, fol. 242.
(3) Renon de France, op. cit., t. II, p. 382.
Tome I. — Lettres, etc. i^y
±m TOURNAI ET Lli TOURNAISIS AU XV!" SIÈCLE
CHAPITKK il.
SlEGli DE 1581.
So.MsiAiuE. — 1. Les Malcontenls. — IL Pierre de Meleun est nommé superintendant
de Tournai-Tournaisis. — 11 L Situation de Tournai au point de vue religieux. —
IV. Pierre de Meleun prend l'otfensive. — V. Le siège et ses suites. — VI. Le rôle de
la princesse d'Espinoy et le vol des argenteries.
I. La politique suivie par le Tournaisis Tavail, à un certain moment, rais
en élal de guerre avec les .Malcontenls, les Réformés flamands el ensuite avec
Ale.xandre Farnése lui-njême.
Les Flamands cessèrent leurs hostilités dès qu'ils considérèrent les Tournai-
siens comme étant des leurs, c'est-à-dire après Tenvoi de dépulés à Anvers,
en 1580. Quant aux Malcontents, ils continuèrent à ravager les campagnes
du sud-ouest du Tournaisis, el même en avril 1579, ils s'étaient rendus
maîtres du chàleau de Warcoing, dans le nord de la province (').
Qiiei(|ues mois plus tard, les mardi et mercredi 28 et 29 décembre,
Montigny, leur chef, vint Caire une démonsiralion devant Tournai et
s'empara ensuite du chàleau d'Antoing, résidence seigneuriale du prince
d'Espinoy.
Le lendemain, un de ses lieutenants, le comte de Mansfeld, parut avec ses
troupes devant Morlagne, où se trouvaient le capitaine Sohey et trois compa-
gnies envoyées par les Éiats-Généraux, enleva de vive force le bourg et son
château el passa les habitants au lil de l'épée ('").
(1) Mémoires de la Société historique de Tournai, t. tV, p. 71.
(2) On sait qu'en novembre lo78, Monligny avjil pris une première fois .Mortagne, mais,
par politique, au moment où les Tournaisiens étaient en buUe à de nouvelles sollicitations
de la part des États de l'.Artois et du Hainaut, il avait abandonne sa conquête. Plus tard,
quand fut perdu tout espoir de rallier le Tourn:iisis ù la cause des provinces méridionales,
Montigny ne se crut plus tenu aux mêmes ménagements et fit faire à nouveau le siège de
cette place.
AU POINT DE VUE l'OLITIQUE ET SOCIAL. 2^27
Puis se dirigeant droit sur Sainl-Amand que défendaient Morgan et un
délachemenl d'Anglais et d'Écossais, il canonna ht pelite ville dont la popu-
lation, craignant le sort de Morlagne, se rendit « ^ miséricorde (^) ».
II. De Meleun avait, jusqu'alors, laissé les callioliques se livrer à leurs
déprédations sans rien tenter contre eux, bornant sa mission à melire
Tournai à même de faire face à une sérieuse atlaque (-).
Mais dès qu'il fut régulièrement en possession de son mandai de super-
{<) Gachar», Actes des États-Généraux, t. II, p. 3tT, n<'2174, et p. 318, n"' 217.5 et 2176.
— Renon de France, Troubles des Pays-Bas, édit. Piot, t. Il, p. 563, note 1. — Emile
Verstraete, Histoire militaire du territoire actuel de la Belgique. Bruxelles. 1868, t. IV,
p. 14.
(2) Pierre de Meleun avait en effet augmenté les forces dont il disposait. En octobre 1578,
il accroît la garnison du Château de cent fantassins et de trente cavaliers (Archives commu-
nales de Tournai, rcg. n" 77, fol. 201); en novembre, il l'augmente h nouveau de deux com-
pagnies d'infanterie de deux cents hommes chacune et en donne le commandement à
Charles de Wingles, seigneur de Moeuvres, et à Charles de Martigny, seigneur de Preux
(cf. Archives communales de Tournai, Pièces comptables. Garnison, 20 décembre 1578).
De leur côté, les Consaux ne prenaient pas moins de précaution. En août 1578, ils
ordonnent la continuation durant trois nouveaux mois, de la levée d'une taxe établie pour
subvenir aux frais de la réfection des remparts, surtout ceux du sud-ouest de la ville, dont
l'accès n'était pas défendu que par des fossés souvent à sec, et font ériger de ce côté-là, une
immense plate-forme pour y mettre l'artillerie (cf. Archives communales de Tournai,
fîegistre aux publications, n" 315, foi. 102, v", et Pièces comptables. Dépenses extraordi-
naires, mai fi juillet 1579). En septembre 1579. ils établissent un impôt sur le blé pour
pouvoir payer les frais de fonte et d'achat de nouveaux canons et, le 9 du même mois, les
fondeurs tournaisiens, François Legrand et Jacques de Hoorst, leur livraient deux doubles
serpentines et deux demi-canons (cf. Archives communales de Tournai, Pièces comptables.
Dépenses extraordinaires, 9 septembre 1o79). En avril 1580, Claude de Visch achetait ;\ Gand
pour le compte de la ville de Tournai, « six pièces d'artillerie «, tandis qu'en janvier 1579,
les Tournaisiens avaient déjà acquis à Audcnarde six autres pièces, et, qu'en octobre 1580,
Jacques de Hoorst, Jean Van Orcq, François Legrand, fondeurs, faisaient remise à la ville
de pièces de canons ;'» eux commandées. (Archives communales de Tournai, Pièces compta-
bles. Dépenses extraordinaires, 21 janvier 1579; 14 avril 1580 et I i octobre 1580.) Jusqu'au
Chapitre de Notre-Dame qui, de son plein gré, paya une contribution extraordinaire pour
concourir à la mise en état de défense de la place de Tournai (cf. Archives du Chapitre de
Notre-Dame, Acta capitularia, séance du 20 septembre 1578).
228 TOURNA! ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
intendant des villes de Valencienncs, ciladellc de Cambray, Landrecies,
Boiichain, Tournai et Tournaisis (*), il songea à prendre l'offensive.
Pour savoir au préalable à quoi s'en tenir sur les dispositions des habi-
tants des villes placées sous son autorité, le 7 octobre !o79, accompagné du
prévôt de Tournai et escorté de dix ou douze cavaliers, il se présenta devant
Valenciennes, après avoir laissé en embuscade, à quebpie disiance de là,
cent cinquante cbevaux et quatre ou cinq enseignes d'infanleric (').
Grâce à l'intervention du prévôt de Tournai, Valenciennes lui ouvrit ses
portes. Mais aussitôt les magistrats le firent entourer par cinquante arque-
busiers et, comme il voulait, malgré leur opposition, s'adresser au peuple, ils
firent cerner par trois enseignes d'infanterie la maison où il était descendu.
Le .Magistrat de Valenciennes ne reconnaissait pas l'autorité de de Meleun el
refusait de faire cause commune avec lui.
Du reste, le prince d'E^pinoy perdit une à une les villes qui relevaient de
son pouvoir pour ne plus conserver que Tournai el le Tournaisis.
Landrecies ouvrit ses portes le 23 octobre lo79 aux partisans de Farnèse;
Bouchain capitula le 3 septembre 1580, et Cambrai, en traitant avec le duc
d'Anjou, échappait par le fait à l'autorité du sénéchal de Hainaut.
III. Il est vrai que le Tournaisis allait à lui seul lui donner suffisamment
d'occupation.
Le calvinisme n'y était point mort ; l'arbre avait été renversé, mais les
racines vivaient encore et un reste de sève allait faire naître une dernière
frondaison.
Dès que la scission entre les provinces calvinistes du Nord et les provinces
wallonnes fut devenue définitive, les six mille réformés qui étaient rentrés à
Tournai à la suite de la Pacification de Gand, relevèrent la tête el devinrent
plus audacieux. Ils se livrèrent à leurs cérémonies religieuses, secrète-
fi) L'arclii(iuc Matliias l'avait nommé, à ces nouvelles fonctions par commission du
13 septembre, qui fut confirmée par les Étals-Généraux, le 23 octobre lo79. Voir Gachard,
Exlrnilsdes Consaux, pp. H4-1 16.) Voir aussi Archives communales de Tournai, reg. n» 77,
fol. 2ii, lettres de l'Archiduc et des États-Généraux, en date du 23 octobre 1S79.
(2) Renon np. France, op. cit., t. Ht, pp. 348-330.
AU POINT DK VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 229
ment ('), ouvrirent des écoles spéciales pour leurs enfants et linrent des
prêches clandeslins un peu parloul, notamment non loin de la cathédrale,
dans la maison portant pour enseigne « A la Pomme d'or (^) ».
A un certain moment, ces prêches furent si nombreux et si fréquentés
que le Chapitre de Noire-Dame, pour en neuiraliser l'efTet, se vit dans
Tobligation d'ordonner des sermons dans les églises de Tournai, à différents
jours, et d'insliUier une sorte de « Commission des prêches >> qu'il chargea
de lui faire connaître les endroits où se tenaient de préférence les réunions
calvinistes ('^).
Toutes les églises restèrent affectées à la religion catholique (*) ; mais,
malgré le prince d'Espinoy, son lieutenant ou les magistrats, les Réformés
se baptisent, se marient ouvertement à la façon calviniste; on s'en vante, et
on inhume les morts « es lieux saints », sans passer par l'église catho-
lique (■').
On imprime des pamphlets contre la religion catholique ou contre ses
prêtres, et on pousse l'audace jusqu'à en dédier un au prince d'Espinoy, lui
qui refusait d'admettre dans Tournai et le Tournaisis, la tolérance reli-
gieuse (•"}.
(1) L'interdiction de Vc\eTc\ce public du culte calviniste fut toujours maintenue, ainsi que
le prouvent les Archives capitulaires, Acta capitnlaria, séance du 17 septembre 1581. Dans
cette séance on voit que l'archidiacre Cottreau et le chanoine Ladeuze rendirent grâce au
prince d'Espinoy, d'avoir conservé le libre exercice du culte catholique et la jouissance des
églises.
(2) Archives capitulaires, Acta capitularia, séances des 12 juin, 26 juin, 3 juillet, S juillet
1580 et 21 avril 1381.
(3) Archives capitulaires, Acta capitularia, séance du 20 juillet 1580.
(+) Dans une lettre que les catholiques de Tournai adressèrent au prince de Parme,
après le siège, on peut lire : « ils (catholiques) auraient fait si bons debvoirs que ladicte
religion catholicque, apostolicque et romaine y (à Tournai) aurait esté maintenue, les
églises, cloistrez et chappelles conservez en leur enthicr, et le sainct service continuée jour-
nellement, sans intermission, avec bien grande et fervente dévotion ». Archives commu-
nales de Tournai. Chartrier, layette de 1582. Original sur parchemin, 15 mai 1582, émanant
d'Alexandre Farnèse.
(5) Archives du Chapitre de Notre-Dame, Acta capitularia, séance du 23 décembre 1580.
(6) Idem, Ibid., séance du 2 août 1380.
210 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
Los catholiques ne soni pas moins intransigeants. Le curé de l'église
Saint-Quentin et son vicaire refusent rEucliarislie à un soldat malade
réputé calviniste : il s'était pourtant confessé (').
Un religieux pousse à la guerre civile. Le gardien des frères-mineurs, le
prêtre Géry, tonne souvent en chaire contre les sectateurs de Calvin, les
partisans des Etals-Généraux, le Gouverneur lui-même ou son lieutenant,
François de Divion (-). Il tient un langage si violent qu'il ameute une partie
de la population, déchaîne catholiques contre calvinistes, et force Pierre
de Meleun à réclamer du Chapitre de Notre-Dame l'interdiction pour ce
religieux de s'occuper, dans ses sermons, d'autre chose que de commenter les
saintes écritures ou de s'élever contre le vice ("^).
On se croit réciproquement capable des plus vilaines actions (*); la
suspicion devient générale et gagne jusqu'aux autorités tant civiles que reli-
gieuses. Par peur du lendemain, le Chapitre de Notre-Dame cache en ville
ou au dehors, en des mains sijros, les objets du culte les plus précieux ('').
De son côté, Pierre de Meleun destitue certains magistrats communaux qu'il
soupçonne d'hostilité envers les États-Généraux, et les remplace par ceux
qu'avait révoqués, en 1507, Philippe de Noircarmes C).
(<) Archives du Chapitre de Notre-Dame, Acta capitularia, séances des 2t et 22 novem-
bre 1580. D'après le chanoine Vos, Paroisses et curés du diocèse actuel de Tournai. Bruges,
1899, t. I, p. 88, le curé de Saint-Quentin se nommait Jean Lescaillet, qui devint en 1384,
chanoine de la cathédrale, puis plus tard archidiacre. Il mourut le 11 janvier I62i.
[^1 Archives du Chapitre de Noire-Dame, Acta capitularia, séance du 7 juin loSO.
François de Divion, écuyer, baron de B;tyenghem, seigneur d'Estreelles, de Cantraine, etc.,
mourut à Douai le 27 octobre 1609. H avait épousé Yolande de Venduille, dame de Gouver-
nies, etc. (d'après du Chastel, t. I, p. 6o6.)
(3) Archives du Chapitre de Notre-Dame, Acta capitularia, séance du 8 février loSO.
(4) Archives communales de Tournai, reg. n" 34o, Publication du 24 décembre 1579,
fol. 127 v».
(5) Archives du Chapitre de Notre-Dame, Acta capilularia, séances des 22 mai et 2 juin
1581.
(6) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 29 novembre l.'iSO. A la place
de Melchior du Cardin et Jean de la Chapelle, destitués, et de Josse Bcrmude, Chrétien
Willocqueau et Pierre Binois, décédés, il nomma Antoine de la Fosse, Jean Le Cocq, Jean
d'Ennetières, Alexandre Pourret et Adrien Passet, comme jurés; Toussaint Lesage, Noél
Le Bon et Antoine Dcffarvacques, remplacèrent, comme échcvins, feu Michel Joseph et
d'autres.
AU POINT DK VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 231
La situation se présenlait donc pour le prince d'Espinoy sous deux aspects
diflérents. A Tinlérieur, il avait à contenir l'audace toujours croissante des
calvinistes et à empêcher des troubles que l'intransigeance des uns et des
autres rendait imminents; à l'extérieur, sa mission consistait à repousser
et au besoin à prévenir les attaques de Farnèse et de ses alliés, les Wallons.
IV. L'ordre fut maintenu dans la cité, ainsi que l'atteste une délibération
du Chapitre de I\olre-Dame en date du 15 septembre 1581 ('). Quant au
danger extérieur, Pierre de Meleun, pour montrer aux États-Généraux
« qu'il avait meilleure envie que jamais de faire la guerre aux ennemis
communs (^) », passa de la défensive à l'olTensive.
A la suite de la prise de jMortagne et de Sainl-Amand par les iMalcontents,
le prince d'Espinoy réclama du secours des États-Généraux (■^); il ne reçut
d'eux que quelques troupes anglaises ou françaises (*). Pour courir au plus
pressé, il lit immédiatement enrôler sous les bannières tous les habitants
mâles, tant lournaisiens qu'étrangers, à l'exception des ecclésiasti(|ues (^).
De leur côté, les États de Flandre lui envoyèrent des troupes, d'abord en
mai 1580, trois compagnies anglaises ayant pour chefs les capitaines
William Pigotl, Welles et Bouclers, sous le commandement supérieur du
colonel John Norris ("), ensuite, au mois de juillet, quatre nouvelles compa-
gnies C).
Sur les remparts régnait la plus fiévreuse activité; on réfectionna les
vieux murs, on les arma [^) d'artillerie, et, quand on s'aperçut que les
(1) Archives du Ctiapitre de Notre-Dame, Acia capilularia, séance du 13 septembre lo8i.
C^) DiEGEiticK, Lettres inédites de Pierre de Meleun. Tournai, ISoi), p. 9. Lettre du 11 mai
1580.
(•!)'^Gaciia[id, Actes des États-Généraux, t. II, p. 31S, n» 2615.
(•*) Archives communales de Tournai, reg. n" 345, fol. 128 v», et 130 r°.
(5) Idem, reg. n» 343, fol. 128 r».
(6) Archives conmiunales de Tournai, Pièces comptables, dépenses extraordinaires,
20 juin 1580; Bulletins de la Société historique de Tournai, t. V, p. 52.
C) Gachaud, Extraits des Consaux, p. 111, 1" juillet 1380.
(8j Archives communales de Tournai, Pièces comptables, dépenses extraordinaires,
22 octobre et 10 novembre lo8U.
25â TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
bouches à feu élaient insuffisantes pour les besoins d'une bonne défense, le
Magistral prescrivit aux habitants de vendre, pour fondre des canons, tous
les objets en cuivre qu'ils possédaient ('). A Audenarde, on acheta des
piques, des arquebuses, de la poudre (^); Anvers fournit de la poudre, mais
principalement des vivres (^); les campagnards du Tournaisis vinrent
emmaganiser leurs blés eu ville (*). Le Magistrat fit Tacquisition des vieilles
ferrailles pour en faire des balles (^); on fixa, à l'aide de chaînes dans
l'Escaut, non loin du Pont des trous, un baleau qu'on aménagea en corps de
garde (") et, pour subvenir aux dépenses nécessaires, les Tournaisiens
consentirent à payer un nouveau centième sur tous leurs biens meubles et
immeubles, le quatrième depuis cette innovation fiscale (") ; bref, on déploya
une si belle ardeur que les Elats-Généraux furent émerveillés « des bons
devoirs faits contre les adversaires », et encouragèrent les Tournaisiens à
« accroître et perpétuer davantage la gloire et mémoire immortelle de leurs
faits louables el magnanimes (^) » .
Rassuré sur le sort de la ville dont il avait la garde, Pierre de Meleun
résolut de reprendre aux ennemis les conquêtes qu'ils avaient faites dans le
Tournaisis. Le 6 mars 1580, étant sorti de Tournai avec quatre cents arque-
busiers et trois pièces d'artillerie, il prit d'assaut les châteaux de Wez,
de iMerlain, de Hollain et de Templeuve. Il les rasa tous, à l'exception de
celui de Wez « qui était fort et tenable (^) ».
Il lui suffit de pousser une reconnaissance jusqu'à Mortagne, pour que les
Malcontenis abandonnassent la place après y avoir mis le feu [^°).
{*) Arctiives communales de Tournai, reg. n" 34S, Publication du 10 juin 1580.
(2) idem, Pièces comptables, dépenses extraordinaires, 2î) avril, 31 août, 3 septembre
1580.
(3) Idem, Ibid., 7 octobre 1580.
(♦) Idem, Ibid., 23 décembre 1580.
(5) Idem, Ibid., 10 novembre 1580.
(6) Idem, Ibid., 31 décembre 1580.
(1) Idem, Ibid., 2 août 1580.
(8) Gachard, Actes des États-Généraux, t. II, p. 360, n" 2279.
(9) Idem, Ibid., t. Il, p. 332, n" 2212. — Kervyn de Volkaersbeke et Diegerick, op. cit.,
L II, p. 74.
(10) Ideh, Ibid., t. II, p. 332, n» 2212. — Kervyn ue Volkaersbeiïe et Diegerick, op. cit.,
t. 11, p. 75.
AU POINT DE VDK l>OMTIQUE ET SOCIAL. 233
Dans riiileivallo, les VViillons clierchaiil à corrompre les soldais (|ue les
Éials avaient mis dans Tournai, Valenlin de Pardieu olTril, de la part
de Philippe II, an colonel anglais Thomas iMorgan, une pension viagère
el annuelle de 6,000 florins, s'il parvenait à l'aire repasser la ville sous le
pouvoir du roi (').
Le prince d'Espinoy répondit à celle vaine tentative de corruption par un
nouvel exploit. Ayant appris (pie les Malcontenis s'étaient mis en marche
dans le but de surprendre Menin ou Ypres, il résolut d'en profiter pour
s'emparer de Condé.
La nuit du 24 novembre, il parut devant cette ville, et le lendemain
matin, elle tombait en son pouvoir ('-).
Mais les Malcontenis avaient rebroussé chemin; ils vinrent à leur tour
assiéger et bombarder Condé.
Les Tournaisiens, manijuant de poudre et incapables de riposter, foncèrent
sur les rangs ennemis dans la soirée du 25, les rompirent et purent rentrer
tous dans leurs foyers, hormis les quelques traînards qui n'avaient point
voulu renoncer à leur trop lourd butin ( ').
En mai \ S81 , le prince d'Espinoy marchait sur Lille, quand, arrivé à une
lieue à peine de cette ville, il fui informé que ceux qui devaient lui faciliter
son coup de main lui feraient défaut; aussi levinl-il à Tournai « sans faire
semblant où il avait eu envie de marcher (*) ».
A son tour, un banni de Valenciennes réfugié à Tournai, à qui le
Magistral avait confié le commandement d'une petite iroupe, le capitaine
(^) Archives communales de Tournai, Collection Desmazière, Lettre inédite de Valentin
de Pardieu, seigneur de la Mothe, en date du t" juin ISSO.
|2) Kervyn de Volkaersbeke, op. cit., t. IL p. 184.
(3) Idem, op. cit., t. II, p. 183. — Versthaete, op. cit., t. iV, p. 18, § 3, et p. 50, § 3, se
trompe quand il fait prendre et reprendre Condé deux fois par les Tournaisiens et les soldats
royaux. Condé ne fut prise qu'une fois par les Tournaisiens et ce fut en novembre lo80,
ainsi que le prouve la lettre du prince d'Espinoy des 25 et 27 novembre 1580. (Kervyn de
Volkaersbeke, t. Il, p. 183.)
(*) DiEGERicK, op. cit., p. 25.
Tome I. — Lettres, etc. 30
234 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
Pierre Turcqueau (*), profilanl de ce que le prince de Panne avait conconlré
sous Cambrai toutes les forces du Hainaut, essaya d'entrer par surprise dans
la petite ville de Sainl-Ghislain.
Il partit avec un détachement de troupes régulières et des Serments de la
ville et, durant la nuit du 7 au 8 septembre, sa colonne s'approcha de
Sainl-Ghislain et s'embusqua dans les environs. Quelques hommes péné-
trèrent dans la ville par la Hair)e et réussirent à s'emparer d'une des portes
qu'ils ouvrirent au reste du détachement qui se jeta dans la place, où
furent commis les excès ordinaires, exactions et brutalités de toute espèce.
Toutefois les soldats royaux ne lardèrent point à se venger. Le
13 septembre, Alexandre Farnèse fit investir la ville et batire les défenses
par ses canons. Les Tournaisiens y avaient laissé trois cents hommes et une
compagnie de cavalerie. C'était assez pour résister quelques jours, mais pas
suffisant pour soutenir un assaut, car la place n'était pas tenable.
Turcqueau se borna à sauver l'honneur des armes : il essuya les premières
volées de mitraille, puis il olîrit de capituler. Alexandre Farnèse permit à la
garnison de se retirer à Tournai avec ses armes, mais il retint Turcqueau
prisonnier, afin de savoir de lui quels étaient les moyens de défense dont
disposaient les Tournaisiens. Ce brave soldat refusa de rien révéler à
l'ennemi ; mis à la torture, il préféra mourir plutôt que de commettre
la lâcheté qu'exigeait Farnèse (").
(') Turcqueau commandait une partie des Huguenots français qui s'emparèrent de Mons
avec Louis de Nassau. (Kervyn de Lettenhove, Huguenots et Gueux, t. Il, p. 4oi); c'était un
banni de Valenciennes 'Correspondance de Granvelle, t. IV, p. 638); jusqu'en septembre 1S81
il ne fit que harceler l'ennemi ; il commandait à Tournai une compagnie forte d'environ
septante hommes. Voir Archives communales de Tournai, Pièces comptables, siège de 1581 ,
compte Michel Liébaert.j
C^) Vekstraete, op. cit., t. IV, pp. 67-68. — Strada, Guerre de Flandre, trad. Du Rieu.
Paris, 1632, t. Il, p. 203. — Piot (Correspondance de Granvelle, t. VIII, p. 397, note 4)
place la prise de Saint-Ghislain au 4 septembre 1381. Il est assez étonnant de ne trouver
aucune allusion h ce fait dans la Correspondance du prince d'Espinoy, éditée par Diegerick.
Il n'en est incidemment question que dans une lettre que Jean Théron adresse aux quatre
Membres de Flandre. (Voir Diegerick, op. cit., pp. 67-68.) — Dans la Correspondance du
Taciturne, édition Gachard, t. IV, pp. 320-321, une lettre de d'Eslrayelles nous fait con-
naître que « le capitaine Turcqueau est prisonnier » à la date du 21 septembre 1381.
AI) POINT [)K VI'K l»()|JT|QUE KT SOCIAL. 25;;
Qiiol(|ues jours avanl la prise de Sainl-Ghislairi, les troupes du prince
d'^spinoy s'élaionl rendues niailresses du fort de VVarcoing.
Les Malconlenis avaient précédemment occupé ce village el y avaient
laissé, sous le commandement de Nicolas de la Croix, une assez forte garnison
qui se livrait en toute impunité à des dévastations continuelles en Flandre el
en Tournaisis.
Pierre de Meleun circonvini Nicolas de la Croix el celui-ci traita
avec lui de la reddition du furl pour le commencement du mois de
septembre.
Au jour fixé, de la Croix envoya ses troupes à la maraude et les Tour-
naisiens purent ainsi s'emparer de la forteresse sans coup férir.
Ils s'en servirent comuie d'une excellente base d'opération, d'où ils rava-
gèrent la Flandre gallicante el surtout les campagnes des environs de Lille el
parfois celles de Douai (').
V. Farnèse était impatient de se rendre maître de ce repaire de pillards
qu'était devenu Tournai ('-). Il n'attendait qu'une occasion favorable; elle ne
larda guère à se présenter.
Les événements s'étaient ()récipilés. Les États-Généraux réunis à Anvers
avaient, le 26 juillet 1581, prononcé la déchéance de Philippe II el choisi
comme souverain le duc d'Anjou. A la têle d'une armée, celui-ci entra
dans les Pays-Bas el débloqua Cambrai (|u'assiégait le prince de Parme.
Contre toute attente, le duc d'Anjou borna là sa campagne, bien que les
États, comptant sur une action décisive de l'armée française, eussent envoyé
en Flandre pour l'attendre tout ce qu'ils avaient pu réunir de troupes.
Ils en confièrent alors le commandement au prince d'Espinoy qui l'accepta
malgré lui. Le 14 septembre, il quitta Tournai avec les trois compagnies
(1) Cf. Correspondance de Granvelle, édit. IMot, t. VIII, p. 401 ; VERSTnAKiE, op. cit., t. IV,
pp. 61 et 66, et surtout Diegerick, op. cil., pp. 62, 63, 64. — Pierre de Meleun avait promis
à Nicolas de la Croix, « de nation franchoise », de le maintenir dans sa charge de capitaine
de cent cinquante liommes d'infanterie et de lui donner une cliaine d'or de deux mille
écus.
(2j Strada, op. cit., t. 11, p. 204.
236 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
anglaises en garnison dans celte ville depuis seize mois (') el, le 23, il était
à Dunkerque à la lêle de l'armée ('-).
En même temps que le gouverneur de Tournai faisait route vers la
Flandre, Farnèse abandonnait ses canlonnemenis, el, à la léte de quelques
corps d'infanterie et de toute sa cavalerie, il semblait recbercher l'occasion
de prendre contact avec l'armée des Élals pour lui livrer bataille.
Heureux, le prince d'Espinoy prenait ses dispositions pour recevoir les
troupes royales, quand Farnèse rebroussa précipilamment chemin et vint
rejoindre le gros de son armée qui déjà apparaissait sous les murs de
Tournai.
Pierre de Meleun élait joué; il n'avait pas compris que Farnèse avait
voulu par sa manœuvre le tenir éloigné de cette ville (').
On était le l*"" octobre.
Ne s'allendant pas à voir Tournai si brusquement allaqué, les États-
Généraux, malgré les exhortations du prince d'Orange, n'y avaient laissé
qu'une modeste garnison.
Au commencement d'octobre 1581, elle comptait au plus sept cents
hommes de troupes régulières (*) ; avec les quatre Serments, qui formaient
(■1) Gachard, Consaux, p. 127, à la date du 12 septembre 1S81. Gactiard se trompe
quand il fait une seule personne de Pigotlwels; il s'agit ici des deux capitaines Pigott et
Welles, àé'yk mentionnc^s plus tiaut.
(!2) Voir Bulletins de la Sociélé historique de Tournai, Lettre du prince d'Espinoy. Le
14 au soir, il était à Menin, le IS à Ypres, et le 19 à Dixmude. Il annonçait alors aux États-
Généraux qu'il allait se retirer h Bcrghes. (Voir Diegriuck, op. cit., pp. 67 et 69. et Bulletins
de la Société historique de Tournai, t. V, p. 47.) — Dikijeiuck i Bulletins de la Sociélé histo-
rique de Tournai, t. V, p. 47) se trompe quand il dit que le prince d'Espinoy ne quitta
Ypres que le 21 septembre, car il était avec ses troupes à Dixmude dès le 19.
(3) Voir à ce sujet sa lettre du 30 septembre lo81 ; elle prouve qu'il ne comprenait rien
à ce moment, puisqu'il informe les États « que son frère avec de la cavalerie brassait quelque
chose sur Tournai ou une autre ville ».
(*) En quittant Tournai, le prince d'Espinoy avait pris avec lui les compagnies anglaises
de Pigott, Welles et Bouclers; il n'y avait donc plus à Tournai que les compagnies de
deMœuvreset Preu,qui, d'après le compte de Michel Liébaert, étaient réduites à ItiO hommes
chacune, el celles qu'on continua à désigner sous le nom de leurs anciens capitaines
Turcqueau etEdouart, comptaient chacune 70 soldats. Tournai possédait encore en fait de
troupes régulières 140 hommes dont 40 cavaliers levés spécialement pour la défense du
AU POINT DE VUE l'OLITIQUE ET SOCIAL. 237
les seules forces bourgeoises militairemenl oriranisées el vraimeut aguer-
ries ('), les Tournaisiens ne pouvaient opposer aux assaillants qu'un petit
millier d'hommes.
Sans doute, depuis 1578, tous les habitants mâles de 18 à 60 ans,
à l'exception des ecclésiasti(|ues, avaient été embrigadés en dix compagnies
urbaines. Mais pouvail-on attendre un grand secours pour des travaux
de siège souvent difficiles, de celle cohorte militaire formée d'éléments aussi
disparates, aussi opposés. Composée d'ouvriers el de bourgeois, de pauvres
el de riches, de catholiques et de calvinistes, celte troupe manquait de
cohésion, parce qu'elle n'avait ni communauté de but, ni conformité de
sentiments el d'aspirations.
Aussi, dans ce moment critique qui exigeait impérieusement les efforts de
tous, on ne vit accourir que les calvinistes, tandis que les catholiques,
groupés autour de l'archidiacre Collreau el du frère-mineur Ghéry, cher-
chèrent par tous les moyens à énerver la défense el se firent les meilleurs
auxiliaires du lieutenant de Philippe II Ç^).
L'artillerie était bonne et nombreuse, mais le système des fortifications
qui enserraienl la ville était défectueux.
Tournaisis, plus SO hommes affectés à la garde du Château, enfin quelques isolés, environ
60 hommes, les Pièces comptables disent 43, les Consaux 60 ou 66, venant du fort de War-
coing et d'Audenarde, soit un total de 690 soldats. (Voir Archives communales de Tournai,
Compte de Michel Liébaert; Pièces comptables, siège de 1581, et Gachard, Consaux,
p. 128.)
(1) Les Serments à ce moment comprenaient au grand maximum 300 hommes, car celui
des canonniers, qui a toujours été le plus nombreux, comptait dans ses rangs S8 soldats.
(Voir Archives communales de Tournai, Pièces comptables. Affaires ordinaires, 6 octobre
1580). — Les Serments avaient prouvé leurs aptitudes militaires lors de la prise de Condé
et de Saint-Ghislain.
(2) On ne doit pas ignorer qu'au commencement du siège, quand le canon battait
furieusement les murs, quand tous, magistrats et calvinistes, se préparaient à lutter coura-
geusement, des catholiques se firent désarmer et jeter en prison par le lieutenant du gou-
verneur, parce que, par leurs menées, ils voulaient forcer d'Estrayelies i capituler, à rendre
la ville aux mains de Philippe H. C'était le troisième jour du siège 1 Voir Gaciiard, Corres-
pondance du Taciturne, t. tV, p. 333, Lettre du 11 octobre 1S81, du colonel Traille au
prince d'Orange.
238 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
Tournai irélait |)as aussi inaccessible qu'on le croyait. La ville était
toujours délenilue par l'immense citadelle que Henri VIII avait fait bâtir sur
la rive droite de l'Escaut, ainsi que par une enceinte flanquée de tours
nombreuses, un fossé large et profond, et par des ravelins qu'y avait fait
ajouter Philippe II. Mais celle enceinte, à première vue formidable, décelait
ce|)endant aux yeux d'un homme de guerre expérimenté un côlé très faible.
Sa partie sud-ouest, à cause de l'élévation du terrain, n'avait que des fossés
sans eau; en outre, comme le dit très bien Verstraete, une faute très grave
avait été commise lors de l'appropriai ion des remparts : « le côté de Tournai,
qui faisait face à la France, et dont il était le plus facile de s'approcher, le
seul qui fût commandé par une éminence extérieure, était le plus faiblement
protégé par des défenses artificielles. Non seulement l'assiégé n'avait pas la
faculté d'y noyer les fossés, mais encore les onze ravelins qu'on avait
construits autour de l'ancienne muraille à tours pour défendre les portes et
les deux issues du fleuve, étaient placés de façon à laisser le corps de
place à découvert sur presque toute l'étendue qui sépare les portes de Saint-
Marlin et de Valenciennes. Les deux ouvrages qui couvraient ces sorties
étaient si loin l'un de l'autre et si mal disposés aux extrémités d'une courbe
extérieure formée par l'enceinte, qu'il était tout à fait inifiossible qu'ils
pussent se protéger l'un l'autre. Par contre, on avait donné un grand déve-
loppement à ces importants ouvrages. Celui qui se trouvait à gauche de la
porte de Saint-Martin ('), surtout, avait des dimensions considérables. Il était,
comme tous les autres, détaché du corps de place. On y arrivait au moyen
d'un pont-levis très peu masqué par les flancs. Le fossé du côté droit était
bien défendu, parce que les flancs du raveliii étaient de bonne longueur et
perpendiculaires à l'enceinte. La demi-lune qui couvrait la porte était
d'ailleurs peu éloignée de cet ouvrage. Mais du côté gauche, la forme courbe
du fossé donnait un angle mort où pouvaient aisément loger cinquante
mineurs sans avoir rien à craindre des batteries flanquantes.
I) C'est par là que le prince de Parme voulait entrer dans la ville. Pour
(^) C'est à sa situation topograptiique qu'il devait le nom de ravelin de Saint-Martin, que
beaucoup d'iiistoriens ont confondu avec \a porte de Saint- Marlin.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 239
cela, il imporlail de se rx'iulrc maître du raveliii de Sainl-Mariin d'où
l'on prenait en flanc et à revers les Iroupcs placées sur le rempart vers
l'Escaut ('). » .
Telles élaient la situation de la place et la force de la garnison de Tournai,
quand Farnèse apparut devant cette ville.
L'investissement comn)ença le 5 octobre et fut, dès le principe, très
rigoureux.
Les Coiisaux instituèrent immédiatement un Conseil de défense de treize
membres. D'Estrayelles, le lieutenant du prince d'Es|)inoy, le présida et, aidé
(lu second prévôt de la commune, Gérard Bernard et d'autres, il s'occupa
activement de la résistance à opposer au prince de Parme ('").
Le 9 octobre, Farnèse ouvrit la tranchée entre la porte de Saint-.Marlin
et la porte del Vigne; et en même temps, dans l'intention d'inonder la ville,
il fit obstruer les écluses de Maire.
Cette tentative ne réussit pas, car Nicolas Plucquet, capitaine d'une com-
pagnie urbaine et calviniste avéré, |)arvint avec quelques soldats d'élite
à détruire le barrage et à rétablir momentanément du moins la libre circu-
lation des eaux fluviales (^).
Ce[)endant Farnèse disposait de formidables batteries en face du ravelin
de Saint-Martin et augmenta encore son artillerie, en faisant venir de Lille
et de la Flandre d'autres canons (^).
Le 12 conmiença le bombardement; une batterie de quatre pièces ouvrit
le feu sur Tournai. Gaillardement les canon niers de la défense ripostèrent et
même les assiégés se jetèrent sur les soldats de Farnèse qui travaillaient aux
tranchées (").
(<) Verstraete, op. cit., t. IV, pp. 74-72.
(2) Pour les noms des membres du Conseil de défense et les mesures prises, voir
Gachard, Causaux, pp. 128-129, et Chotix, Mémoires sur le siège de Tournai, l.">81, par
Philippe Warny de Wisempière. Bruxelles, 1860, pp. 36 et seq.
(3) Warny de Wisemmère, op. cit., p. 4, et Archives communales de Tournai, Compte
d'ouvrages, du 14 au 21 octobre 1861, et Pièces comptables, siège de 1381, 31 octobre lo81.
(*) Gachard, Correspondance du Taciturne, t. IV, p. 334.
(iij Warny de Wisempière, op. cil , p. 4.
240 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
Le lendemain, de 8 heures du matin à 3 heures de raprès-midi,
Farnèse fil vomir par dix-neuf de ses canons le fer et la flamme dans la
ville, puis profitant du désarroi que celle canonnade de sept iieurcs avait
occasionné, il lança, le soir venu, ses troupes à l'assaut du ravelin de Saint-
Marlin, d'où il déloeea les Tournaisiens.
Cependant les assiégés, revenant vigoureusement à la charge, tuèrent un
grand nombre de soldais royaux qui s'étaient imprudemment installés dans
celte position imporlanle et culbutèrent les autres dans le fossé : le ravelin
était repris.
Pour éviter le retour de pareille surprise, les Tournaisiens firent flamber
nuitamment de nombreux cerceaux enduits de bitume et accrochés aux
flancs des remparts, ou bien ils enflammèrent d'immenses tonneaux de
goudron qui projetaient au loin d'énormes lueurs et décelaient l'approche de
l'ennemi (').
Les dégâts faits aux remparts par les boulets furent immédiatement
réparés. Maçons, charpentiers el autres ouvriers travaillaient à l'envi,
tandis que par de fréquentes sorties souvent heureuses, les assiégés entre-
tenaient leur ardeur guerrière et énervaient l'ennemi ('^).
La population civile l'ut ralionnée pour permettre un copieux ravitail-
lement des combattants el, pour suppléer au manque d'argent, le Magistrat
frappa des monnaies obsidionales avec les vaisselles d'or et d'argent qu'il
réquisitionna chez l'habitant (^).
Tournai ne semblait pas près de capituler.
Farnèse voulut essayer des moyens de conciliation. Le 15 octobre, il fit
faire aux Tournaisiens les ofl"res les plus acceptables.
Ceux-ci les refusèrent, en disant qu'ils ne livreraient point leur ville
« à des traîtres et à des faussaires (*) » .
(<) Archives communales de Tournai, Pièces comptables, Siège, du 23 au 29 novembre
1S81, Compte d'ouvrages ordinaires, 14 et 21 octobre lo81.
(2) Warny dk WisEMPiKRE, op. cH., pp. 7, 8 et seq., p. 4t.
(3) Idem, op. cil., p. 1^9 et 41.
(♦) luEM, op. cit., p. (J.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 241
Quatre jours après, il lour envoya un Irompelle porteur des plus belles
propositions.
Les Tournaisiens, pour toute réponse, lui firent savoir qu'ils étaient
résolus « à faire bonne guerre et à mourir aux remparts (') ».
Déçu dans ses espérances, le [)rince fil recommencer le bombardement.
De 8 beures du matin à 5 beures du soir, le dimanche 22 octobre,
ses canons battirent à nouveau le court espace compris entre le ravelin de
Saint-Martin et la porte del Vigne, et vomirent plus de douze cents boulets.
Cinq tours furent abattues.
Renouvelant alors sa tactique antérieure, Farnèse lança son infanterie
contre le ravelin où quatre-vingts de ses soldats parvinreni à s'établir.
Les Tournaisiens accoururent en force et, se massant sur le pont qui
reliait cet ouvrage avancé à la place, en cbassèrent à coups de canons
et d'arquebuses les soldats royaux.
L'ennemi reparut bientôt plus nombreux. Il reprit le ravelin et y établit
une batterie de quatre pièces d'artillerie.
Les boulets tombèrent comme grêle sur le pont; il se rompit même par
endroits. Redoutant de se voir couper toute communication avec la ville,
les assiégés abandonnèrent définitivement la position aux soldats de
Farnèse ('^).
Cette perte était importante ; elle ne découragea cependant ni la garnison
tournaisienne, ni ceux qui dirigeaient les travaux de défense. Hommes,
femmes, enfants, tous apportèrent qui des sacs remplis de terre, qui des
ballots de laine, qui des bottées de gravois pour boucher les trous et
remettre les remparts en état de supporter un nouvel assaut. Seuls quelques
(<) WARNY de WlSEMPlÉRE, Op. cU., p. 9.
(2) Idem, op. cit., pp. 10-11, et Stuada, Histoire de la guerre de Flandre, traduction
P. Du Rier, 2« édit., I^aris, Aug. Courbe, lÔ.ii, t. II, pp. 2O7--208. — D'après une lettre
d'Olivier vanden Tympei au prince d'Orange, 31 octobre 1381 (Gaciiard, Correspondance du
Taciturne, t. IV, p. 3o6), l'ennemi aurait perdu durant cette attaque « plus rij*-' (700) sol-
dats d'eslite et entre iceuls le lieutenant coronel du seigneur de Manui, avec trois de ses
compagnies toutes taillées en pièces, et le seigneur de Montigni quelque peu blessé en une
cuisse ».
l'oME I. — Lettres, etc. 31
242 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
notables catholiques osèrent parler de reddition; ils en firent même la
proposition à la princesse d'Espinoy, la femme de Pierre de Meleun ; niais
fièrement elle leur répondit : « Je me ferai plutôt couper en morceaux que
de me rendre aux ennemis (') » .
Au reste, le moment éiait mal choisi. Le duc d'Anjou venait de faire
savoir à d'Estrayelles et aux magistrats qu'il s'apprêtait à marcher à leur
secours « avec toutes les forces dont il disposait (^) », et cela seul eût suffi
à remonler le courage des assiégés, si ceux-ci en avaient eu besoin.
L'armée française ne se montra pas, mais le prince d'Espinoy reprit le
projet du duc d'Anjou et fil sortir d'Audenarde, un des derniers jours
d'octobre, trois cornettes de cavalerie qu'il envoya vers Tournai. Elles
étaient arrivées non loin du village de Mont-Saint-Auberl, quand elles
rencontrèrent un détachement de lanciers et d'arquebusiers que le prince
de Parme avait envoyé à leur découverte. On se rua l'un sur l'autre et,
après un vif engagement, les soldats du prince d'Espinoy furent mis en
déroute ('^).
Le prince de Parme eut beau exposer sur le ravelin de Saint-Martin, les
enseignes et les dépouilles enlevées aux vaincus pour bien prouver aux
Tournaisiens qu'ils n'avaient plus à compter sur aucun secours extérieur,
les assiégés ne s'abandonnèrent point au désespoir.
Au contraire, ils redoublèrent d'efforts, firent refondre des balles d'arque-
buses dont la provision était épuisée, recueillirent les boulets que l'arlil-
lerie ennemie avait lancés dans la ville et s'en servirent contre les troupes
de Farnèse (^), construisirent derrière la muraille d'enceinte, à l'endroit le
plus menacé, un formidable cavalier de terre et de gazon (^) et, conservant
(1) Warny de Wisempikre, op. cit., p. H.
(2) Voir les lettres du duc d'Anjou dans les Bulletins de la Société hislorique de Tournai,
t. V, p. 32.
(-*) Warny de Wisempière, op. cit., p. 13. — Verstra.ete, op. cit., t. IV, p. 74.
(*) Archives communales de Tournai, Pièces comptables, Siège de 1581, 31 octobre 1S81
et 16 novembre 1581.
(S) Archives communales de Tournai, Compte de Denis de Prisme, Siège de 1581.
Le 16 octobre, 217 ouvriers travaillaient le jour à l'établissement de ce second mur, la nuit
72; le nombre des ouvriers alla tous les jours en augmentant. Voir aussi d'autres Pièces
comptables dans le même dossier.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 245
malgré tout bon espoir dans une intervenlion armée du prince d'Espinoy, Ils
envoyèrenl des émissaires et parmi eux le grand prévôt de la commune,
Nicolas de Lannoy, à Gand el à Audenarde, pour prévenir le gouverneur de
Tournai de la situation terriblement critique dans laquelle se trouvait la
ville O.
Le 6 novembre, Marguerite de Parme écrivait au cardinal Granvelle que
« son fils avait bon espoir d'emporter bientôt la place (-) ».
C'était là vaines paroles, Farnèse devait encore s'armer de patience avant
d'entrer en vainqueur dans la ville.
Le siège conliimait. Des deux côtés on avait confiance et, tandis que
le prince de Parme faisait miner par les sapeurs de Mansfeld la partie du
rempart entre le ravelin et la porte de Saint-Martin, d'Estrayelles répondait
par des contre-mines qui portaient l'effroi parmi les assiégeants.
Le 8 novembre, malgré les valeureux efforts des assiégés, les troupes
royales parvinrent à s'emparer d'une des tours de la porte del Vigne (^).
Pouvant dès lors croiser leurs feux, elles rendirent intenable la position
comprise entre les portes de Saint-iMartin et del Vigne.
Ce fut le moment que choisit l'archidiacre Cottreau pour parler une
nouvelle fois de reddition.
A la tête des notables catholiques, il se présenta devant les Consaux
assemblés, réclamant impérieusement la capitulation.
Il n'aboutit pas plus qu'antérieurement; les Consaux restèrent « tous
muets », selon l'expression de Warny de Wisempière ('*), et d'Estrayelles
trouva « qu'on n'estoit encore si pressé de faire la paix (") » .
Au reste, cette fois encore, Coltreau jouait de malheur. Au moment où il
exposait ses vues aux magistrats, ceux-ci venaient de recevoir du duc
d'Anjou, la promesse — qui ne fut pas tenue d'ailleurs — d'un secours de
(1) Archives communales de Tournai, Pièces comptables. Siège de 1S81, 4 et 17 novem-
bre 1581.
(2) Correspondance de Granvelle, édit. Piot, t. VIII, p. 43S.
(3) Warny de Wisempière, op. cU., p. 16.
1*) Idem, op. cit., p. 19.
(o) Idem, op. cit., pp. 18-19.
244 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
douze à quinze cents arquebusiers (^), en même temps que le prince
d'Espinoy leur faisait savoir qu'il serait dans cinq jours devant Tournai (").
Les éléments eux-mêmes semblaient vouloir dissuader les Tournaisiens de
se rendre. L'automne de 4581 fut remar(|uablement bumide; la pluie
gênait l'ennemi et causait dans le camp de Farnèse de nombreuses maladies
qui décimaient les combattants (^).
Résolu à en finir, le 19 novembre, Farnèse fit braquer toujours sur la
même partie des remparts vingt pièces d'artillerie et canonna les murs et la
ville jusqu'au soir. Le 20, le canon ne cessa de tonner; le 21, à la pointe
du jour, l'borrible concert recommença et dura jusqu'à 1 heure de ra|)rès-
midi. Alors le prince fit mettre le l'eu aux mines {|u'avait préparées Mansfeld.
D'énormes quartiers de murs volent en éclats, tuent beaucoup de Tournai-
siens et font une immense trouée dans les remparts (^).
L'assaut est ordonné. L'armée royale s'avance comme à la parade et
marcbe résolument vers la brèche. Le canon foudroie par files « ceulx de
Tournay qui se présentaient comme gens désespérés à la bresche ». Les
femmes des calvinistes « comme forcenées et enragées » jetaient du haut des
rempart d'énormes pierres sur l'assaillant, en dépit du canon qui « donnait
coup à coup à travers de ceulx de Tournay. La terre et les cailloux
volaient comme gresle en terre, emportant à l'un la teste, le bras à l'autre ;
c'estoit grande pitié de veoir ces pauvres Heugenols ainsi emportés à
crédit (") ».
Cependant l'armée du prince de Parme s'arrête. Abrités sous un immense
cavalier de gazon et de terre qu'ils avaient construit derrière leurs murs
(<) Gachard, Consaux, pp. 133-134.
(2) Warxy dk Wisempière, op. cit., p. 21. Warny place par erreur cet événement à la
date du vendredi 17 novembre; le messager du prince d'Espinoy arriva à Tournai vers le
12 novembre. (Voir Archives communales de Tournai, Pièces comptables, Siège de lo81 ;
12 novembre 1581.)
(3) Gachard, Correspondance du Taciturne, t. IV, p. 386.
(*) D'après le registre aux publications, n" 345, des Archives communales de Tournai,
fol. 185, Publication du 9 août 1582, on peut infërer que l'explosion des mines abattit un
pan de muraille de. 400 pieds de long, et cinq tours.
(S) Warny de Wisemi'Ièrk, op. cit., pp. 23-24.
AU POINT DE VUE POLIT[QUE ET SOCIAL. 24S
désempares, les Tournaisiens canardent les rangs des assaillants et y jettent
la consternation.
Sourdes aux commandements comme aux supplications de leurs chefs, les
troupes wallonnes restent immobiles et elles allaient même lâcher pied,
quand leur colonel (it demander du secours à Farnèse.
Les Allemands accoururent, mais ils ne rendirent point le courage et
l'audace aux régimenls wallons démoralisés. Quand ils virent Ponse de
Noyelles, leur colonel, qui combattait courageusement à leur têle, tomber
mortellement blessé, ils s'enfuirent en déroule (').
La nuit et une pluie torrentielle amenèrent la retraite des Allemands et
la fin du combat.
L'assaut était repoussé; malgré leurs pertes nombreuses, les défenseurs
de la place ne laissaient percer aucun découragement. Au contraire, les
diflficultés du siège semblaient augmenter leur ardeur et ranimer leur cou-
rage. Sans prendre de repos et malgré une vive canonnade, sous la direc-
tion du capitaine Plucquei, on se remit à l'ouvrage. On bouche l'énorme
trou de brèche qu'ont fait les boulets et la mine, on élève des palissades
à l'aide de lourdes planches et d'épais madriers; des sacs de terre ou de
fumier comblent les vides, et les femmes, toujours vaillantes, dépavent les
rues, apportent les grès aux soldais qui ferment la brèche ou bien s'en
servent pour écraser les soldats de Farnèse qui remplissent les fossés (^). La
(1) Du côté des défenseurs, on ne connaît pas le nombre de morts : VVarny de Wisem-
piÉRE, op. cit., p. 24, dit que cent vingt Tournaisiens périrent quand éclata la mine; il n'y
en eut dans tous les cas pas de marquants, autrement Warny de Wisempière se serait
empressé de les faire connaître; pour les assaillants, Strada accuse deux cents morts parmi
lesquels, aux dires de Morillon (voir Correspondance de Granvelle, t. VMI, pp. 448-449), le
seigneur de Potelles, Mons' de Glayon (= Philippe de Stavele). Il y eut beaucoup de nobles
blessés, « le marcquis de Varambon; le sieur de Billi (= Gaspard de Robles) et le baron
d'Aubignie (= Gilles de Lens) que sont hors de dangier, mais non pas Mons"' de Bours
(= Ponse de Noyelles) et aulcuns aultres ». Ces autres, c'étaient des volontaires de diffé-
rentes nationalités qui se trouvaient avec le prince de Parme. (Voir Strada, op. cit., t. II,
p. 264.) Le comte de Bucquoy ne fut tué que le 27 novembre, d'un coup de pierre. (Voir
Correspondance de Granvelle, t. VIII, p. 449.) Quant à Ponse de Noyelles, seigneur de Bours,
il mourut après la capitulation de Tournai.
(2) Warny de Wisempière, op. cit., p. 24, et Archives communales de Tournai, Pièces
comptables, Siège de 1S81, 23 novembre 1581.
246 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
poudre manque; on construit des moulins pour en fabriquer ('); on est plein
d'espoir; on attend le prince d'Espinoy que Ton sait en marche vers Tournai
à la télé d'un corps de troupes.
Dans l'entre-temps, le prince d'Espinoy était battu à Gravelines !
Seul, de toute l'armée, le colonel Prestonne, avec cent quarante cavaliers,
put à la faveur du mot d'ordre qui lui avait été livré, on ne sait comment,
traverser nuitamment le camp du prince de Parme et entrer dans la place de
Tournai le jeudi 23 novembre, vers 3 heures du matin.
La joie fut délirante chez les assiégés, mais elle fut aussi de courte durée.
Prestonne leur apprit la défaite de Gravelines et le départ du duc d'Anjou
pour l'Angleterre. Il leur annonça, en outre, que tout espoir d'un secours
extérieur était à jamais perdu. Tournai n'avait plus qu'à compter sur ses
propres forces.
Le lendemain, l'ennemi canonna furieusement la brèche restaurée et y
fît une autre ouverture par laquelle pouvaient passer quarante hommes
de front (-}.
Le 26, les Tournaisiens et les troupes de Prestonne firent une nouvelle
sortie, la dernière, mais la situation n'en restait pas moins criticpie.
Fallait-il exposer la ville aux violences trop certaines d'une soldatesque
qu'enivrerait un nouvel et victorieux assaut, ou bien devait-on capituler?
Telle était la question.
Deux jours entiers, malgré la canonnade la plus vive de l'artillerie
de Farnése, les Tournaisiens calvinistes restèrent indécis, tandis que les
catholiques réclamaient la paix à grands cris (^).
Les Consaux s'assemblèrent le mardi 28 novembre ; le procureur fiscal
Du Fief avait convoqué à cette réunion la Commission de défense, les capi-
(<) Arctiives communales de Tournai, Pièces comptables, Siège de 1S81, 27 novembre
lo8i.
(2) Warnt de Wisempière, op. cit., pp. 2o-26. — Archives communales de Tournai,
Pièces comptables, siège de 1581, 24 novembre 1581; certaines quittances reposant aux
Archives communales de Tournai portent cette signature « Edward Prestonne » et non
« Preston ».
[■)) Warny de Wisempière, op. cit., p. 28.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 247
laines des compagnies bourgeoises el les noiables de Tournai. Mais, seuls les
chefs calholi()ucs assistèrent à cette entrevue, car on avait intentionneile-
menl omis d'y convier les calvinistes (').
En présence d'un auditoire ainsi composé, le conseiller Nicolas du Bois
prit la |)arole et fit le tableau de la situation. Il insista sur la ruine
des remparts, l'occupation du ravelin el des fossés, le manque de munitions
el de vivres, el, devant l'impossibilité de prolonger la résistance, il demanda
qu'on traitât de la paix.
Tous, Consaux, notables catholiques, capitaines des compagnies urbaines
reconnurent qu'il était impossible de continuer la défense el décidèrent de
prier le valeureux d'Estrayelles « d'entrer en communication avec les
ennemis ».
D'Estrayelles réunit en Conseil de guerre les dilTérenls olîiciers qui com-
mandaient les troupes étrangères en garnison à Tournai. Sur leur avis, il
consentit à traiter le 29 novembre.
La résistance avait cessé. Tournai demandait à capituler, après deux mois
de siège, d'héroïsme inutile et de vaines souffrances.
Le même jour, Philippe Bernard, seigneur de Baudegnyes (^), Florent
Bernard, seigneur d'Esquelmes (•^), et Nicolas du Bois, allèrent au camp
débattre avec Farnèse les conditions d'un traité.
L'après-midi, les propositions arrêtées furent lues au peuple qui n'y fit pas
d'opposition. Le 30 novembre, les députés signèrent le traité de capitulation
au nom de la ville de Tournai (^).
En voici les principales clauses :
\° La princesse d'Espinoy était autorisée à sortir de la ville « avecq tout
son train » el à emporter tous les biens appartenant à son mari, à elle el aux
siens;
2° D'Estrayelles pouvait également abandonner Tournai avec sa femme,
ses enfants, sa famille, ses armes, ses chevaux et ses meubles ;
(') Warny de Wisempiére, op. cit., p. 28.
(2) Il était mayeur des échevins de Saint-Brice.
(3) Idem, de Tournai.
(■*) Gachakd, Consaux, p. 36, et Warny de Wisempiére, op. cit., pp. 29-30.
248 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
5° Les capitaines, officiers et soldais, « Son Âllèze les veuiliant favora-
blemenl Iraicter » quitteraient la ville avec leurs enseignes sur l'épaule, leurs
armes mèche allumée, leurs tambourins, biens et bagages;
4° Une amnistie générale était proclamée;
5° Les privilèges de la cité étaient maintenus;
6° Les Tournaisiens qui ne voudraient point vivre sous le régime des
placards de Philippe II, remis en vigueur, pouvaient se retirer où ils
l'entendaient ;
7" La ville devait acquitter une contribution de guerre de deux cent
mille florins (').
Ce même jour, à 3 heures de Taprés-midi, cinq enseignes d'infanterie,
dont trois allemandes et deux wallonnes, entrèrent dans Tournai par la
porte de Saint-Martin et prirent possession des remparts ("). Le second
prévôt, Gérard Bernard, alla porter à Farnèse les clefs de la ville, et le
vendredi 1" décembre, Theureux vain(|ueur lit son entrée dans la cité Ç^j.
Le 30 novembre déjà, le Chapitre de Notre-Dame avait chargé l'archi-
diacre Cottreau et le chanoine Ladeuze d'aller au camp de l'ennemi porter
au prince de Parme les félicitations du clergé tournaisien (*); mais le jour
de l'entrée du lieutenant de Philippe 11, tout le Chapitre, l'archidiacre en
tête, vint processionnellement saluer le prince de Parme à la porte de
Saint-Martin, et l'accompagna en chantant le « Te Deum laudamus {^) » .
Philippe de Kecourt, baron de Licques, l'ut nommé gouverneur (^) ; Jean
(<) I.e traité a été publié en entier par Gachard, Analectes Belgiques. Bruxelles, 1830,
i" vol., pp. 369-373, et se trouve dans VVarxy de Wisempiè«e, édit. Chotin, pp. 46-49.
(2) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 10 décembre 1381. — Les
Consaux disent six enseignes dont quatre allemandes et deux wallonnes. Farnèse dit cinq.
(Bulletin de la Commis.smi royale d'histoire, 3« série, t. Xlll, p. 71.)
(3j Archives de Notre-Dame. Acta Capitiilaria. Séance du 30 novembre 1581.
(•*) Warny de WisEJiPiÈRE, rt/j. cit., p. 32.
(3) Archives communales de Tournai, Compte général, octobre 1381 -septembre 1382,
fol. 56 r°. — Voir sur le siège de Tournai en 1381, Boziére, La princesse d'Espinoy et le
siège de Tournai en iSSL Tournai, Delmée, 1863.
C'J Philippe de ftecourt et de Licques, chevalier, seigneur et baron de Licques, époux
de Jeanne de Witthem; il mourut à Bruxelles le jour du Vendredi-Saint 1388, et fut
inhumé dans l'église des Cordeliers à Tournai.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 249
de Hannart, seigneur de Biselingue, prit la place de d'Eslrayelles (^).
Le 7 décembre, Farnèse destitua le Magistrat el le remplaça par un autre,
qui prouva bientôt sa servilité en se livrant à une réaction à outrance, à des
vengeances [)ersonnelles, à des mesquineries aussi odieuses que celles qui
marquèrent l'entrée de Noircarmes à Tournai ('^).
La princesse d'Espinoy rejoignit le l'^'" décembre son mari à Gand;
d'Estrayelles la suivit à la lète des troupes étrangères.
Tournai avait repris place parmi les villes soumises à Pbilippe II et à ses
placards. Le Tournaisis rentrait dans le rang, pour ne plus êlre à l'avenir
qu'une des plus petites et des plus dociles provinces des Pays-Bas méri-
dionaux, et ses habitants n'eurent plus désormais d'autre ambition que de
marcher à la remorque de leurs compatriotes. Les guerres de religion
avaient épuisé à jamais la source d'énergie que les vicissitudes des siècles
antérieurs n'avaient su tarir.
A cela quoi d'étonnant ?
Tournai, que la répression du duc d'Âlbe avait déjà tant affaibli, vit sa
ruine économique consommée par de nouveaux malheurs.
Profilant de la latitude à eux laissée par le traité de capitulation, de
nombreux artisans que n'avait point chassés la tourmente antérieure,
abandonnèrent leurs foyers par crainte de la réaction qu'inaugura la
magistrature farnésienne.
(1) Arcliives communales de Tournai, Compte général, octobre 1581-septembre 1582,
fol. 56 r". — Voir sur le siège de Tournai en 1581. Bozièiie, La princesse d'Espinoy el le
siège de Tournai en 1381. Tournai, Delmée, 1863; Tii. Juste, Cliristine de Lalaing, prin-
cesse d'Espinoy. Bruxelles, Lacroix, 1861, el la Princesse d'Espinoy. Tournai, 1861.
('^) Voici, d'après le registre n° 148 des Archives communales de Tournai, les noms des
magistrats communaux qui remplacèrent ceux destitués par Farnèse : Arnould de Saint-
Genoix, grand prévôt; Louis Alegambe, second prévôt; Louis de Thouars; Jacques
d'Estrayelles; ttermès Le Clcrcq ; Simon Grenu; Nicolas Bourgeois; Arnould de Viscre;
Jacques Gombault; Charles Manarre; Nicolas de Caionne ; Séverin Boyen; Melcliior
du Gardin et Pierre Polinchove, jurés; Jean de Préys; Jean de la Chapelle; Simon Simon;
Jean Moenens; Jean du Chambge; Gilles Cocquiel, Jean Le Grand, échevins de Tournai;
Gilles de Bassy; Nicolas Le Clercq ; Jean Haccart; Nicolas Bataille; Mahieu Vincquière;
Nicolas Le Ricque et François de Bargibant, comme échevins de Saint-Brice et du Bruili»^.
Tome 1. — Lettres, etc. 52
m) TOURINAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
Le régime de 1567, l'odieux régime de Noircarmes et du duc d'Albe, revit
le jour. En dépit du traité de capitulation, au mépris de la promesse
de l'ancien Magistral que pas un Tournaisien ne pouvait être inquiété « pour
fréquentation des prêches ou conventicules et autres délits commis depuis
Tan 1S66 (*) », les nouveaux magistrats se livrèrent à l'espionnage et favo-
risèrent la délation.
Comme après 1566, on assiste à des révocations en masse de fonction-
naires accusés de calvinisme. On n'épargne personne, depuis le plus grand
salarié de la commune, le conseiller pensionnaire, jusqu'au simple « brouteur
de boire (^) » . On ordonne des enquêtes pour savoir si les dénoncés « se sont
vertueusement et catlioliquement comportés pendant les derniers troubles » ;
on décrète l'expulsion ou l'emprisonnement de quelques obscurs soldats qui
ont servi sous le prince d'Espinoy et qui ne sont point sortis comme
les autres de Tournai (^); on chasse les réfugiés étrangers, les hommes el
ensuite « sous peine du fouet » les femmes et les enfants (^); on désarme
les Tournaisiens calvinistes qui habitent encore la cité (^); bref, on tire
vengeance de tous ceux qui ont de quelque manière que ce soit concouru à
l'héroïque et glorieuse défense de 4581.
Au point de vue religieux, on vit se reproduire les mêmes scènes
qu'en 1566. On réduisit en cendres des ouvrages « réprouvés » appartenant
à Louis Broutin ("); on fustigea à chaque carrefour le maître de la monnaie.
(^) Archives communales de Tournai, Publication du 30 novembre 1S81.
(2) Idem, Consaux, décembre lS8i, p. 234, et séance du 2 janvier lo82.
(3) Idem, Consaux, 2 janvier 1.^82; Publications des 42 et 23 avril 1S82.
(*) Idem, Publication du 25 avril 1582, reg. n» 345, fol. 172.
(5) Pour arriver à ce résultat, le prince de Parme ordonna d'abord de « faire receuil de
ceux tenus pour catholiques et de ceux n'étant pas catholiques »; puis le 16 mai, il fit
désarmer indistinctement tous les Tournaisiens, mais le 29 du même mois, il fit rendre les
armes aux catholiques seulement. On défendit même aux calvinistes de faire la garde aux
portes, mais comme de ce fait ils étaient exempts d'une corvée imposée aux catholiques,
on leur fil payer une taxe extraordinaire. (Voir Archives communales de Tournai, Consaux,
i'^' mars 1582; 16 mai 1582; 29 mai 1382; 27 octobre 1582.)
(6) Archives communales de Tournai, Pièces comptables, farde : Justice, 16 octobre
1582.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 2HI
Simon de Malines, parce (|u'il élait délenleur de « livres pernicieux el héré-
tiques », qu'on brûla d'ailleurs ('). Les exéculions recommencèrent, mais il
semble que la Justice avait peur d'énoncer le vrai motif des condamnations
capitales qu'elle prononçait. On ne pendait plus pour contravention aux
placards, on ne brûlait plus pour crime de religion les malheureux calvinistes
qui persistaient à vouloir suivre en secret les rites de leur religion. On les
condamnait à mort, parce qu'ils refusaient « de renoncer au diable » . C'est
la sorcellerie ([ui servit de prétexte pour faire périr sur le bûcher ou sur le
gibet des citoyens (|ui persistaient, malgré tout, à ne pas croire comme
l'Église le voulait et comme les lois l'ordonnaient. Tel fut bien le motif
pour le(|uel subirent la peine capitale Vincent Robàtre, Jean Gervais,
Jean Pecquere, Jean David, Henri Lionnet et Antoinette de le Barre,
d'octobre 1582 à septembre lo83 f).
Jusqu'en 1S90, le bûcher consuma cinq femmes accusées de sortilège ('^),
sans compter celles et ceux dont nos Archives ne nous ont pas conservé le
nom (^).
VI. On remarquera que dans le récit du siège de 1581, nous n'avons
fait aucune allusion au rôle héroïque si souvent attribué à la femme du
gouverneur, Philip|)e-Chrestienne de Lalaing, princesse d'Espinoy, que son
époux avait laissée à Tournai, lors de son départ pour l'armée.
Cette réserve s'impose, parce que nous n'avons découvert aucun document
qui nous autorise à faire figurer la princesse d'Espinoy dans l'une ou l'autre
sortie, dans l'un ou l'autre combat.
(1) Archives communales de Tournai, Pièces comptables, farde : Juslice, 19 janvier IS89.
i'i) Idem, Compte général, 1382-1383, foi. 63 v.
(3) Idem, Pièces comptables, farde : Juslice, de 1382 à 1390.
(+) A titre de renseignement, voici un des châtiments qu'on infligeait aux femmes
convaincues de sorcellerie « ... pour son sallaire d'avoir bruslé des estouppes sur la teste
de Valentine Hovyne, puis la fustigé de verges par les carresfours sur une charrette pour
estre chargée d'esire convaincue de sortilège »... (Archives communales de Tournai, Pièces
comptables, farde : Juslice, 19 mai 1390.)
232 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
S'ensuit -il nécessairement qu'elle n'ait pas d'une façon ou d'une autre
coopéré à la défense de la cité? Évidemment non, mais il faut singulièrement
redrosser la tradition.
II y a fjiiel(]uo quarante ans, lorsque a surgi l'idée d'ériger une statue à
Chrestiennc de Lalaiug, les uns voulant honorer la courageuse résistance
qu'op|)osèrcnt les Tournaisiens aux soldats callioli(|ues de Farnèse, ont
exagéré le rôle de la princesse, en la montrant toujours prête à la lutte et
présente à tous les combats; les autres, la considérant à tort comme une
calviniste et voyant dans cette glorification même une atteinte à leurs
conviclions religieuses, ont prétondu qu'historiquement elle « ne méritait
point I hommage puhlic qu'on se proposait de lui décerner (^) ».
Ici comme toujours, la vérité se trouve dans un juste milieu.
Que la princesse ait combattu à la tête des Serments, des calvinistes tour-
naisiens et des soldats étrangers, il ne peut en être question. C'est là une
affumation qui ne repose sur aucun document de l'époque. Mais qu'elle ait
encouragé par sa présence sur les remparts ou dans les cantonnements, les
défenseurs de Tournai, cela ne peut être révoqué en doute.
Les annalistes catholiques Strada et Bentivoglio le déclarent; de même les
écrivains prolestants, plus sujets à caution, sans doute, puisqu'ils rangent la
princesse parmi leurs héros (-). Il y a plus, notre chroniqueur Warny
de Wisempière, vivant à Tournai au moment du siège, y exerçant l'emploi
de sergent bâtonnier (^), donc bien à même d'être exactement renseigné,
ouire cela, catholique dévoué à la religion et au prince de Parme, atteste
« que la princesse mil elle-même le feu à un canon sur les remparts C^) ».
Ces témoignages nous semblent décisifs.
(1) Voir la lettre du 16 février 1861, adressée par l'évêque de Tournai, G. Labis, au
Conseil communal.
(2) Voir entre autres Strada, Guerre de Flandre. Paris, 1662, t. Il, p. 215 ; Bentivoglio,
Histoire des guerres de Flandre, trad. Loiseau. Paris, 1770, t. tl, pp. 391 et 393; Emmanuel
DE Meteren, L'Histoire des Pays-Bas. La Haye, 1618, fol. 210 v», col. 2; J.-F. Le Petit,
Histoire des Pays-Bas. Saint Gervais, 1604, t. tl, p. 24, etc.
(3) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 24 décembre 1382.
(♦) Warny ue Wisempière, op. cit., p. 32.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 2S5
D'ailleurs, s'il parail peu vraisemblable que Chreslienne de Lalaing ail
dirigé aucune allaque — Gaclinrd a déjà fail justice de la blessure préten-
dùmenl reçue par elle duianl le siège (') — , on peut adirmer qu'elle élail
déleruiince à ne se rendre (pi'à la dernière exlromilé. Les archives du
Chapiire de Nolre-Danie nous eu fournissent une preuve irréfutable.
Le 15 octobre 1S81, la princesse d'Espiiioy perdit son fils Malbias,
né l'année précédente. Le mercredi 28, l'archidiacre Coltreau alla porter
à la malheureuse mère les condoléances du Chapitre et du clergé lour-
naisien. Il recul un accueil si sympathique qu'il se crut permis de faire
allusion aux malheurs du temps et d'engager Chreslienne de Lalaing à
traiter de la capitulation. Il n'alla pas loin sur ce terrain, car brusquement
interrompu par la princesse, il reçut d'elle cette fière réponse : « Tout plutôt
que cela (^) » .
C'était là une attitude courageuse, et nous rendons volontiers hommage à
son héroïsme, sans aller toutefois jusqu'à voir en elle une nouvelle Jeanne
Hachette.
S'il est quelqu'un à qui notre admiration va tout entière, c'est au lieute-
nant du gouverneur, à François de Divion.
Dès le premier jour du bombardement, dès le 12 octobre, il présida
à toutes les mesures prises en vue de la défense. En permanence à l'Hôtel
de ville, se contentant de maigres repas, y passant ses nuits et ses journées,
quand il n'était point appelé sur les remparts par les nécessités du siège,
veillant à tout, préparant tout, il fut véritablement l'organisateur de la
(1) On a prétendu que la princesse avait été blessée au bras d'un coup de feu en défen-
dant les remparts; Gacharu, dans les Bulletins de la Commission royale d'histoire, 2' série,
t. Il, p. 238, a fait justice de celte assertion.
(2) Archives du Cliapitre de Notre-Dame, Acta capitularia. Voici la partie qui nous
intéresse de ce document : « Dominus archiiliaconus retulit accessisse dominam princi-
pissam et eam consolasse super morte filii sui, quod accepit in bonam partem... ; incipiebat
illam adhortari ad pacem et concordiam, ipsa interrumpens sermonem, dixit se potius
qvevis perpessuram. » — Au sujet de la détermination de la princesse à ne se rendre qu'à
la dernière extrémité, voir aussi plus haut, page 242.
234 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
résistance et, grâce à lui, les calvinistes toiirnaisiens purent durant deux mois
tenir en échec Farnése et son armée (').
Pour être justes, les inspirateurs du mouvement auraient dû associer dans
une commune reconnaissance la princesse d'Espinoy et François de Divion.
Si l'une fut Pinspiratrice de la défense à outrance, l'autre fut le bras,
la volonté qui organisa tout et retarda jusqu'à l'extrême limite la reddition
de la place.
On a aussi, sur la foi d'auteurs dont les assertions méritent souvent d'être
contrôlées, cherché à ternir l'honneur de la princesse.
Après Strada, le jésuite Gaiiltran et l'historien Poutrain ont accusé
Chrestienne de Lalaing d'avoir emporté dans ses bagages « les argenteries
de la cathédrale et des autres églises de Tournai avec ce que les particuliers
avaient de plus précieux ». Ils ajoutent que, sur la plainte du Chapitre de
Notre-Dame et du Magistral, Farnése aurait envoyé de la cavalerie arrêter
les bateaux de la princesse à Warcoing, sur l'Escaut, et fait rapporter
à Tournai les objets précieux dérobés Ç^). Pure légende !
Les registres des Consaux sont muets sur ce fait ; Warny de Wisempière
n'en souffle mol ; le chanoine Cousin, dans sa précieuse Histoire de
Tournay (^), n'y fait pas la moindre allusion. Enfin, aucun document
d'archives, aucune pièce authentique, que nous sachions, ne vient prouver
ce manque de probité, tandis qu'il en existe qui infirment les dires de
Poutrain et autres.
On accuse la princesse d'avoir voulu s'approprier les vaisselles d'or et
d'argent des églises et bourgeois de Tournai !
(<) Voir aux Arcliives communales de Tournai, Pièces comptables, Siège de 1581, les
nombreuses preuves du rôle important joué par F. de Divion durant le siège.
(2) Voici ce que dit Poutrain, Histoire de la ville de Tournai. La Haye, Moetjens, 17S0,
t. l", p. 3o2. « Comme on avoit transporté dans le Château toute l'argenterie de la Cathé-
drale et des autres Eglises, avec ce que les Particuliers avoient de plus précieux, elle avoit
fait emballer dans son équipage, et chargea le tout à son départ sur des bateaux, qui
étoient descendus jusqu'à Warcoin; d'où un détachement de Cavailerie courut les faire
remonter à Tournai par ordre du Prince, sur les plaintes que le Chapitre de Notre-Dame
et le Magistrat lui en avaient portées... C'étoient toutes les richesses de la ville... »
(3) Cousin, Histoire de Tournay. Douay, 1619, 2 vol. in-4° en 4 livres.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 255
La vaisselle des bourgeois! Mais le 15 octobre 1581, une ordonnance du
Magistrat prescrivit à chacun des habitants d'apporter « en la Halle sans
aucune delîaulte », tout argent non monnayé (|u'ils avaient en leur posses-
sion pour en frapper des monnaies obsidionales (^); le 23 novembre, on en
frappa de nouvelles de la même façon (').
Pouvait-on le 30 novembre, jour du dépari de la princesse, prendre aux
bourgeois de Tournai ce qu'ils n'avaient plus? El d'ailleurs, où furent
transportées ces argenteries? A la Halle des Consaux et non au Château,
résidence de la princesse; chez le Magistrat qui en prit la garde et non chez
la Gouvernante !
On parle aussi des argenteries de la cathédrale et des autres églises. Mais
le Chapitre, durant le mois de mai 1381, avait caché chez des particuliers
les objets précieux appartenant à la cathédrale (•^). Quant aux richesses des
autres églises, elles furent ou vendues (') ou « préservées de la fureur des
hérétiques » par la belle-mère de Jean-Baptiste Hoverlanl, qui les mit chez
elle à l'abri des mains indiscrètes (').
Que reste-t-il donc de l'imputation lancée contre la princesse d'Espinoy?
Kien.
Au reste, d'autres preuves viennent encore corroborer notre opinion.
(1) Warsy de Wisempière, op. cit., pp. 39-40.
(2) Archives communales de Tournai, Carton : Pièces comptables, siège de 1381.
(3) Archives du Chapitre de Notre-Dame. .4fiu capilularia Séance du 22 mai 1581. —
Cet acte a été publié en entier dans La Princesse d'Espinoy. Tournai, 1861, p. 17, d'après
les registres du Chapitre.
(i) Archives du Chapitre de Notre-Dame. Acta capitularia. Séance du 26 mai 1581. —
Autorisation donnée par le Chapitre de vendre les argenteries de Saint-Piat, excepté
quelques-unes {et nonnulla etiam reservari).
(3) Lille. Archives du Nord. Catalog. Il, p. 413, col. i'^. — Reg. B, 1677, in-fol. papier.
— Lettres d'anoblissement de J.-B'" d'Haverlande (sic), commis au fait des passeports des
marchandises à Tournay, substitut des maîtres généraux des monnaies des Pays-Bas,
qui après la pacirication des troubles de Tournay est rentré dans cette ville où le prince
de Parme le place parmi les membres du Magistrat {sic), dont la mère pendant les mêmes
troubles donna asile dans sa maison aux ecclésiastiques persécutés, cacha les ornements
des églises et les préserva de la fureur des hérétiques. — Voir aussi C'« du Chastel
DE LA HowARDEBiE, NoHces génédogiques tournaisiennes, t. II, p. 307,
236 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
Ainsi, à la date du 30 novembre 4 581, Morillon, qui presque quotidien-
nement informait Granvelle de ce qui se passait à Tournai et dans le Tour-
naisis, écrivait au cardinal : « la garnison doit partir ce malin avec la
princesse d'Espinoy. Dieu veuille qu'elle n'emporte les reliquaires, ornemenis,
archives et livres précieux de l'abbaye de Saint-Amand (') »,
Dans les lettres subséquentes de celui qui, un an plus tard, fut évê(|ue de
Tournai (^), on ne découvre pas la plus petite allusion ni à l'enlèvement des
reliquaires de Saint-Amand, ni au détournement des objets précieux de la
cathédrale, ni à la saisie des bateaux à Warcoing.
Les registres du Chapitre de Notre-Dame sont tout aussi muets relative-
ment au prétendu vol d'argenteries (^).
Or si ce vol avait été commis, il est certain que Morillon l'eût relaté,
que les chanoines tournaisiens n'auraient pas manqué d'acter une protestation
dans leurs registres aux procès-verbaux et de s'enquérir des meilleurs
moyens de récupérer les objets dérobés.
Il n'y a donc aucune témérité à conclure que l'acte malhonnête si souvent
reproché à Chrestienne de Lalaing est une invention ; c'est une légende
issue, d'après nous, du fait suivant.
Le 5 décembre 1581, Parnèse envoya à Gand deux trom|)etles réclamer
les clefs des caisses et des coffres laissés par le prince et la princesse
d'Espinoy au Château de Tournai (^). Il voulait avant d'autoriser la sortie de
ces bagages examiner à loisir ce qu'ils renfermaient.
Le peuple, toujours enclin à exagérer, y vit une marque de défiance,
grossit démesurément la chose, et, Finterprélant mal, cria au vol.
Cette demande de Farnèse n'était cependant que très naturelle ; elle était
(*) CMirespondance de Granvelle, édit. Hiot, t. Vtll, p. 449, 30 novembre 1581,
(S) Morillon devient êvêque de Tournai en lo82, en remplacement de Pintaflour, mort
au mois d'avril 1580.
(3) Nous avons dépouillé les registres capitulaires jusqu'à la fin décembre lo81, et il
nous a été impossible d'y découvrir la moindre allusion au vol d'argenteries du Chapitre
et des églises paroissiales de Tournai.
(■*) Tu. Juste, op. cil., p. 43, qui cite ce fait d'après Vlaemsche Kronycke.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 257
la conséquence des mesures qu'avail décrétées l'Administration communale
du temps.
Pour empêcher que les nombreux calvinistes abandonnant Tournai ne
fraudassent le fisc municipal en se soustrayant au droit de sortie, au droit
d'escars, comme on disait alors, proportionnel à la valeur des meubles
et autres objets, les magistrats municipaux avaient, quelques jours après la
capilulalion, charge des préposés spéciaux d'assister à tout emballage de
meubles, linge, vaisselle, etc. La princesse d'Espinoy, sortie le 30 novembre,
n'avait pu se conformer à cette formalité ; c'est pourquoi, quand elle voulut
rentrer en possession de ses biens meubles laissés provisoirement au Château,
elle dut subir la loi commune, la visite des bagages; d'où la réquisition des
clefs des coffres laissés à Tournai et la légende du vol.
Tome I. — Lettres, etc. 53
«258 TOURNAI ET LE TOLRNAISIS AU XVI- SIÈCLE
CINQUIEME PARTIE
Situation économique et sociale
CHAPITRE PREMIER.
AVANT L'AiXNEXION DU TOLRNAISIS AUX PAYS-BAS.
Sommaire. — I. Prospérité du Tournaisis durant les XIV* et XV" siècles. — II. Commen-
cement du déclin — III. Ses causes. — IV. Mesures de restauration. — V. L'occupation
anglaise.
1. Pendant le XIV" siècle et jusqu'au milieu du XV% l'industrie et le
commerce tournaisiens eurent un rayonnement remar(|uable. Une grande
intensité de vie se manifestait dans tous les domaines de l'activité sociale du
Tournaisis. En dépit des charges déjà lourdes qui pesaient sur elle, la ville
de Tournai était en pleine prospérité, ses finances étaient riches, ses com-
merçants hardis et entreprenants; aussi s'embellit-elle alors des monuments
qui font encore aujourd'hui son orgueil : le chœur gothique de la cathédrale,
le pont des trous ('), l'ancienne halle des Consaux dont certains dessins
nous ont conservé la splendide ordonnance architecturale, les halles des
métiers, etc. Tournai était alors, suivant une expression pittoresque, « une
ruche en plein travail (-) ».
La haulelisse, la tapisserie historiée, la draperie se trouvaient dans une
(1) On construisit les arches du pont des trous durant les années 1304-1340.
(2) E. JoPKEN, La culture de la vigne à Tournai au XV' siècle, p. 10.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 259
siluation des plus brillantes. La hautelisse occupait plus de cinq cents
niaiires, la tapisserie d'art en comptait plusieurs centaines et, preuve écla-
tante de sa splendeur ancienne, tnètne au temps de sa décadence, au milieu
du XVI* siècle, l'industrie de la laine, resiée la branche principale de l'activité
industrielle de Tournai, fournissait encore plus de deux mille hommes pour
le guet, soit près de la moitié du contingent total levé sur la classe ouvrière (^).
Dans la campagne, la culture de la garance produisait à bon compte le rouge
nécessaire à la teinture, en même temps que celle de la vigne procurait à
d'autres villageois un gain rémunérateur.
La France, les Pays-Bas, la Bourgogne étaient alors les débouchés ordi-
naires de Tournai, véritable entrepôt commercial du Tournaisis. Les mar-
chands lournaisiens fréquentaient assidûment les foires d'Anvers et de
Berg-op-Zoom comme celles de Paris et de Lyon ; un commerce très actif
et très important d'exportation et d'échanges existait entre le Tournaisis et
les principaux centres manufacturiers ou |)roducleurs de ré|)oque, Rouen,
Abbeville, Dijon, Perpignan, Gand, Hiuges, Douai et beaucoup d'autres
villes (^).
Le Tournaisis profitait d'ailleurs de la magnifique efïlorescence de la
Flandre.
Quoique le Tournaisis fût politiquement terre française, l'appartenance au
même évêché et la diversité de leurs industries devaient faire naître entre les
deux pays de multiples occasions de négoce et de nombreuses relations
d'alTaires, de même que les nécessités de leur commerce et leur situation
géographique devaient naturellement provo(|uer des rapprochements et faire
participer les Tournaisiens à celte incomparable richesse qui se répandit en
Flandre sous les ducs de Bourgogne.
Le Tournaisis naît à la vie économique quand celle-ci éclôt en Flandre ;
(1) Publication du 30 juin 1566.
(2) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 9 août 1519. « De le requeste
Henry Pipe, Pierre Bousin et autres marchans de ceste ville hantans les fesles tant d'Anvers
et Berglics que de Paris et de Lion, adfin (ju'il soit ordonné que les sayeteurs de celte ville
soient tenus... »
260 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
Tournai atteint son ajiogée en même temps que la Flandre et le déclin suit
dans les deux contrées une marche parallèle.
II. En Flandre, dans le premier quart du XV* siècle, la draperie perd de
son importance; dans le Tournaisis, dès 14.23, elle cède peu à peu la place
aux tisserands de toile (*) et, d'autre part, en 1472, les hautelisseurs ne
craignent pas de déclarer « que enire les aullres mestiers et industries dont
cesie dicte ville estoit principalement soubstenue », le leur « y estoit gran-
dement utile et pourfitable comme en la seulle ville en laquelle on s'enlre-
melloit de faire et composer le dist meslier (-) » .
Comme en Flandre, la décadence de la draperie tournaisienne alarme les
magistrats; de part et d'autre, ils veulent favoriser Tinlroduction de nouvelles
branches d'activité, et Ton voit le Magistrat de Tournai proléger par toute
espèce de mesures, une industrie alors naissante, plus tard fameuse, la
tapisserie. En même temps, prenant exemple sur les villes de Mons, Douay,
Lille et surtout Ârras, il favorise l'établissement dans Tournai de la sayel-
lerie, industrie qui avant la fin du XV« siècle, en 1484, formait avec la
hautelisse la principale corporation de la cité (^).
Malgré tous les encouragements qui leur furent prodigués, ces industries
nouvelles entrèrent rapidement en décadence, à tel point qu'à partir de la
(*) Arctiives communales de Tournai, Fonds des métiers. Tisserands de toile; la
première ordonnance de ce métier porte cette date.
("^) Archives communales de Tournai, reg. n" 4232, fol. 61 r".
(3) L'organisation des sayeteurs en corporation spéciale remonterait en 1484, d'après le
reg. n° 4285, fol. 1, des Archives communales de Tournai. Mais en lo09, cette industrie
nouvelle était en pleine décadence, car le 21 mai des Tournaisiens se présentèrent devant
les Consaux et leur dirent en substance ceci : « Comme ils avaient grand désir d'augmenter
la prospérité de Tournai et comme on avait autrefois désiré implanter l'industrie de la
sayetterie, à l'exemple d'Arras, Lille, Valenciennes, Douay, laquelle avait fabriqué à
Tournai en grande abondance, sayes et satins, tandis que de nos jours les marchands
devaient se rendre à l'étranger pour en acheter, parce qu'on en fabriquait presque plus
h Tournai »... et ils continuent en demandant au moins l'abolition du chef-d'œuvre et
l'obligation pour les maîtres de prendre des apprentis. » Archives communales de Tournai,
reg. n» 4232, fol. 173-176.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 261
seconde moitié du XV'= siècle, le déclin commercial et industriel du Tour-
naisis s'affirma par les faits les plus significatifs.
Dans Pespoir de trouver ailleurs un salaire plus rémunérateur, ou bien
pour s'exempter des charges et restrictions corporatives ou échapper aux
corvées du guet, de nombreux artisans abandonnèrent alors leur ville pour
la campagne, ou leur petite province pour d'autres plus importantes.
En i4.86, les « maistres et ouvriers du mestier de haulleliche et de bour-
gette se sont elTorchiez et eflorchent eulx transporter au dehors (') » ;
en \i9'2, nombreux sont les hautelisseurs qui « se sont desdomicilyez ei
absentez eulx et leurs mesnages et allé ouvrer es villaiges voisins (^) » ;
d'autres vont jusqu'à Amiens implanter la hautelisse ('^), et en 1499, les
drapiers constatent que leur corporation est si amoindrie, qu'elle ne parvient
plus à fabriquer au maximum que deux à trois mille pièces de drap par an,
tandis qu'auparavant elle en livrait au commerce plus de huit mille (*).
III. Cette décadence de l'industrie tournaisienne ne nous surprend nulle-
ment. Elle procédait de causes multiples qui la rendaient inévitable.
D'abord la Flandre subissait la même crise. Les facteurs d'ordre général,
comme le développement de l'industrie drapière en Angleterre, qui avaient
paralysé l'activité flamande C), avaient eu la même répercussion sur l'énergie
et la résistance de la classe ouvrière tournaisienne.
A cela se joignirent d'autres causes locales.
Durant la guerre qui sévissait entre la France et la Bourgogne, le Tour-
naisis, territoire français, ressentit naturellement le contre-coup de celte
(1) Archives communales de Tournai, reg. n" 4232, fol. 1 r".
(2) Idem, reg. n» 4233, fol. 186, 16 janvier 1492.
(3) Eugène Soil, Les tapisseries de Tournai, p. 22.
(*) Arciiives communales de Tournai, reg. n" 4232, fol. 114, 4 décembre 1499. « Veu
les remonstranches à nous faictes de la part des tisserans et foulons de draps, affin de
résoudre et entretenir le stil et mestier de la dite drapperie », constatant que « la dicte
marchandise a esté fort reculée, en manière que à présent ne s'en font et composent tout
au mieulx en ceste dicte ville que deux à trois mil [pièces] au lieu de sept à huit mil que
anchiennement se faisoyent et composoyent... »
(8) H. PiRENNE, Histoire de Belgique. Bruxelles, 1903, t. Il, pp. 386 et seq.
262 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
lutte, car, en dépit d'une neutralité politique ('), d'ailleurs peu respectée,
accordée contre de grosses sommes d'argent |)ar les ducs de Bourgogne aux
Tournaisiens, ceux-ci subirent dans leurs transactions commerciales avec
l'Artois et la Flandre de nombreux et graves préjudices.
Les ducs de Bourgogne, malgré leurs engagements, traitèrent les Tour-
naisiens en ennemis. Pour les punir de l'mébranlable fidélité qu'ils témoi-
gnaient à la France, autant que dans le dessein de remédier à la décadence
économique de la Flandre, d'y ranimer la draperie et d'empêcher la
concurrence, ils firent arrêt sur les marchandises, saisirent rentes et fiefs
possédés par des Tournaisiens dans leurs provinces et interdirent l'entrée
dans les Pays-Bas des draps fabriqués à Tournai, comme la sortie de
la Flandre à deslinatioii du Tournaisis, des laines et autres matières premières
nécessaires à la confeclion de ces draps, des sayettes, de la hautelisse, etc.
Les Tournaisiens eurent beau remontrer au duc de Bourgogne, Philippe
le Beau, « que les estoffes des draps qui se composoienl en Tournay se pren-
droient à Bruges, à la nation d'Espagne », ils perdirent le marché flamand,
et liireni encore privés des matières premières indispensables à la fabrication
des étoffes (').
(!) On sait que les rois de France, notamment Louis XI, conseillèrent aux Tournaisiens
d'essayer d'obtenir celte neutralité des ducs de Bourgogne. — Voir à ce sujet : Bibliothèque
de l'école des Chartes. Pans, Picard, t. LXII, pp. 13-24.
(2) Arcliives communales de Tournai, Compte général, 1'=' octobre 1497-31 mars 1498
(n. s.). — « A sire Nicolas de Saint Genoist, chevalier, seigneur de Clerieu, mayeur des
eschevins de la dicte ville, Jehan Cambier, grant doyen des mestiers de ceste dicte ville et
maistrc Adrien Liébart, second conseiller d'icelle pour avoir esté au commandement de
messieurs les chiefs de ladicle ville en la ville de Brouxelles vers monseigneur l'archiduc
d'Auslrice et son grand conseil, à cause de certains status et ordonnances que ledit archiduc
avoit fait publyer en ses pays et seignouries au détriment de la drapperie de ceste dicte ville
et au grand préjudice d'icelle. Cest assavoir que nulz, de quelque estât ou condition quilz
fussent, ne peult estre vestus, ne habilliez, ne porter en ses pays, ne faire robes longhes,
courtes ou manteauix daultres draps de laynes que ceuix qui seroient fais et composés en
ses pays et seignouries et ad ce propos, lui fait pluisieurs remonstrances entre aultres
l'amiable communication que ceulx de ceste dicte ville avoient tousjours heu en sesdis
pays tant du tauips de ses progéniteures que depuis jusques ladicte publication, aussy
comment les estoffes des draps qui se composoient en ceste dicte ville se prendoient en
sa ville de Bruges à la nation Despaine et plusieurs aultres raisons et moyens ad ce
servans. »
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 2(i3
Ajoutez à cela que rantagonisme politi(|ue entre Taristocralie lourriai-
sienne, partisan de la Bourgogne, et le peuple, soutien fidèle de la France,
allumait la guerre entre marchands et producteurs, détournait l'artisan de
sou travail quotidien et poussait la démocratie tournaisienne vers la déma-
gogie, qui rarement accrut la prospérité économique d'un Etat.
Dès les premières années du XVI« siècle, la brigue régnait en maîtresse
dans Tournai et il s'y rencontrait des magistrats arrivés par la corruption
aux plus hautes fondions municipales, livrant sans vergogne les finances
publiques au pillage le plus éhonté. Ainsi le grand prévôt, Nicolas de Saiiit-
Genoix, le second prévôt, Nicolas Desfarvaques, qui avaient eu l'art de se
faire réélire plusieurs années durani par la faction populaire, volent à pleines
mains dans la caisse municipale, se servent des deniers publics pour se payer
des villas à la campagne ou des propriétés en ville, pour donner des dots à
leurs enfants; ils se livrent à des dépenses exagérées dont la ville su|)porte
les frais et ils dilapident en trois années, une somme estimée à 24,000 florins,
soit près de 700,000 francs de notre monnaie (*).
El dérision cruelle, alors que les impôts grevaient déjà lourdement
l'industrie et le commerce, ces magistrats prévaricateurs, à court d'argent,
ne craignent pas d'établir de nouveaux droits prohibitifs sur les produits
manufacturés qui sortaient de Tournai comme sur les matières premières
nécessaires à l'industrie, auxquelles une paix momentanée avec la Bourgogne
avait rouvert les frontières de la contrée.
Ils firent imposer les laines, les soies, les fils qui s'importaient dans
Tournai, comme les tapisseries et les draps qui s'en exportaient ou qui se
vendaient à l'intérieur de la ville.
Ils augmentèrent les dettes de Tournai, en faisant des emprunts onéreux
sous forme de ventes de rentes héritières et viagères, effrayèrent les rentiers
(I) Arctiives communales de Tournai, Registre de ia I.oi, n° 14o. Condamnations au
bannissement sans rappel. — D'après n'AvENEL, Histoire économique de la propriété, îles
salaires, etc. Paris, 1894, t. I, p. 47, le florin valait 1 V4 'ivre tournois ; donc 24,000 florins
nous donnent 30,000 livres tournois, ce qui permet, en estimant au commencement du
XVI» siècle, la livre tournois à 23.20 de nos francs, de dire qu'une somme de 696,000 francs
fut dérobée de la caisse communale par les deux prévôts.
264 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
de la ville, en les obligeant à payer au profit des finances obérées un impôt
calculé sur la totalité de leurs revenus; bref, ils jetèrent par toutes ces
mesures inconsidérées et maladroites le trouble et la perturbation dans la
situation économi(|ue de Tournai, déjà si précaire et, par contre-coup, dans
celle du Tournaisis (').
Par une conséquence naturelle, le commerce éprouva les effets de ce
malaise. L'adjudication des censés se fit à petits deniers ou ne se fit plus du
tout, Pappauvrissement général devint si grand que Tournai dut pour la
première fois faire des distributions de blé gratuites ou à bas prix (^).
Des lors, les comptes communaux se soldèrent régulièrement en déficit et
à l'expiration du premier compte semestriel du XVI*' siècle, le receveur
municipal fut contraint d'avouer qu'il man(|uait dans sa caisse une somme
de 72,383 livres tournois « qu'il avait plus payée que reçue Q », soit un
déficit de près de 4,700,000 francs (').
On marcbail à la faillite!
IV. Le roi de France, Louis XII, s'émut de la situation pénible dans
laquelle se mourait « sa bonne ville de Tournai », et s'ingénia à y
remédier.
Pour exonérer les Tournaisiens de la perte que leur occasionnait le
change, il leur permit de se servir dans les transactions commerciales avec
les sujets du duc de Bourgogne des monnaies de Flandre, d'Artois, de
Hainaut ou de Brabant (*); en même temps, pour empêcher autant que
possible toute nouvelle concussion, il interdit que les chefs de la magistrature
municipale pussent être en fonctions plus d'une année sur trois (^).
'j Archives communales de Tournai, reg. n» 12o(). — Archives communales de Tournai,
Chartrier; charte du 21 mai 1S02.
^2j Archives communales de Tournai, reg. n» 12S6.
(3) Archives communales de Tournai, Compte général d'octobre loOl-mars 1502 (n. s.).
(*) Exactement, la livre valant fr. 23.20, ce déticit s élevait à 1,686,570 francs. C'était le
paiement arriéré des rentes sur la ville qui formait le déficit, c'est-à-dire que Tournai ne
savait pas payer ses dettes.
(5) Archives communales de Tournai, Chartrier ; charte du 2 septembre 1501.
(6) Archives commimales de Tournai, Chartrier; charte d'octobre 1304 donnée à Bois-
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 26S
Ces mesures bonnes en soi n'étaient guère capables de réveiller la vie
économique dans le Tournaisis.
Aussi la Magistrature issue de nouvelles élections ('), s'atlaqua-l-elle, dès
son entrée en charge, au mal qui rongeait Tournai. C'était d'autant plus
urgent que parmi les travailleurs qui avaient fait l'ancienne prospérité de la
ville, les uns, poussés par la misère, continuaient l'exode commencé durant
les dernières années du siècle précédent et allaient « quérir leur advcnlure
en autres lieux pour trouver leur povre vie », tandis que ceux qui restaient,
étaient « grandment adminris et apovris (^) » .
L'Administration urbaine s'adressa au roi.
Elle sollicita de Louis XII de « quiter el ausmoner la ville pour aucunes
années les six mil francs qui par icelle ville luy soni deuz annuelle-
ment (^) ». Elle n'obtint naliirellemenl point gain de cause de ce côté-là. Il
fallut trouver autre chose. Elle envoya alors à Blois, près du roi, le juré
Claude Dimenche (*) pour demander l'autorisation de vendre le bois de
Nemours ('), propriété de la ville, l'exemption pour tout le Tournaisis
de fournir le ban el l'arrière-ban et, conversion fructueuse si elle était
Malestierbes. — Les cliefs de la Magistrature municipale de Tournai étaient le prévôt de la
commune, le mayeur des échevins de Tournai, le mayeur des eswardeurs et le grand
doyen des métiers. Une de leurs attributions consistait en la vérification des comptes com-
munaux.
(*) Si l'on en croit le compte communal du 1'='^ avril-30 septembre 1503, cette élection
avait fait arriver aux fonctions municipales des Tournaisiens si prt)bes « que passé
vingt ans ont ne avoit veu sy notables gens en la loy et le gouvernement d'icclle ».
("^) Archives communales de Tournai, Registre des Bannières, n" 335. Assemblée du
27 juin 1S03.
(3) Archives communales de Tournai, Compte général, 1" avril-30 septembre 1S03.
Dépenses extraordinaires.
(*) Claude Dimenche dit le Lombard, seigneur de Froyennes, etc., fils d'Arnould et
de Claude Bouchard, épousa Antoinette de Landas, morte en 1334; il mourut avant le
2 juin 1539, date de l'approbation de son testament. (C"= du Chastel, Notices généalogiques
tournaisieiines, t. I, p. 652.)
(Sj Partie du Bois de Breuze dont la ville de Tournai était devenue propriétaire par
l'acquisition du territoire des Chaufours (paroisse Saint-Jean) en 1289. (Voir à ce sujet :
Arm. d'Hkbbomez, Comment la commune de Tournai s'agrandit aux dé/jens du comté de
Hainaut à la (in du Xllt siècle. Mons, 1892.)
Tome I. — Lettres, etc. 34
2«i(î TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
accordée, la vente de 17,000 livres de rentes héritières à consacrer au
rachat de rentes viagères dont le taux d'intérêt payé par la ville était
exagéré (^).
Le roi accorda tout ('").
Mais en même temps, dans leur sincère désir de remettre les finances en
étal et de supprimer les charges de toute nature qui paralysaient le commerce
et entravaient riudustrie, les magistrats réduisirent le jeton de présence à la
Halle de Pédilité municipale, diminuèrent les traitements des fonctionnaires
de tout rang, conseillers, procureurs, greffiers, etc., jusqu'au « ramonneur
du marchié », qui vit son salaire annuel réduit de 22 à 12 livres tour-
nois, évitèrent les occasions si fréquentes alors de hanquetcr aux frais de
la commune, aholirent les présents de vin faits annuellement aux serments
et à certaines congrégations religieuses, comme les Augustins, les Frères-
mineurs, les Croisiers, etc., décidèrent touchant les fonctionnaires que la ville
entretenait près du Parlement de Paris, de ne plus remplacer ceux qui mou-
raient de façon à ne plus conserver qu'un solliciteur, un procureur et deux
conseillers pour défendre près de celte haute Cour de justice les intérêts
tournaisiens, prirent enfin d'autres mesures encore qu'il serait trop long
d'énumérer ici Ç^).
Cela fil naturellement crier ceux qui jouissaient de certaines exemptions,
comme les prêtres et les nobles. La conversion des rentes fut surtout mal vue
et fit naître des procès. Le Chapitre de Notre-Dame et les grandes abbayes
cherchèrent des chicanes; la ville, soutenue par le roi, porta l'affaire devant
le Parlement de Paris, obtint gain de cause et put commencer à acquitter ses
dettes, à tel point qu'en 1305, elle paya 15,000 livres d'arrérages, tout en
clôturant son compte annuel par un boni.
V. Tournai et avec lui le Tournaisis étaient entrain de se refaire douce-
(1) Archives communales de Tournai, Compte général, 1" octobre 1503-30 avril 1S04.
Dépenses extraordinaires.
(■-) Voir le compte renseigné note 1, même chapitre et Archives communales de Tournai,
Chartricr, deux chartes de Louis XII, en date du ii avril 1504.
(3) Archives communales de Tournai, Consaux, reg. n" 176, fol. S61 et seq.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 267
ment, les plaintes des artisans sont moins vives, les exodes semblent s'élre
momenlanément arrêtés el les Tournaisiens pouvaient espérer voir relleurir
sinon la splendeur des années antérieures, au moins une |)rospérité rela-
tive, quand éclata la guerre de la France avec Maximillen d'Autriche et
Henri VIII.
Le Tournaisis ressentit immédiatement les effets funestes de cette nouvelle
luHe. L'invasion ruina les campagnes et le siège, ses pénibles conséquences,
la contribution extraordinaire de 5,000 écus d'or une lois donnés, l'impôt
décennal de i,000 écus d'or, la réfection des remparts endommagés, le
paiement par la ville durant six mois de cent ouvriers occupés à la construc-
tion de la vaste citadelle du Château, annihilèrent les effets des mesures
antérieurement prises et provoquèrent à nouveau le départ des habitants (').
Pour comble de malheur, en juillet 1514, une peste vint frapper à coups
redoublés dans la population, y jeter la frayeur, suspendre tout commerce
el toute industrie, el favoriser encore vers les villes non contaminées ce
désastreux mouvement d'émigration qui appauvrissait le Tournaisis toul
entier.
Henri Vil! comme antérieurement le roi de France, s'émut de celte
situation. Pour entraver, selon sa propre expression, « la ruine totale du
peuple qui vil en grande majorité du travail de la laine », il autorisa les
Tournaisiens à commercer librement en Angleterre et permit l'entrée des
laines anglaises en franchise dans le Tournaisis.
(<) L'exode volontaire des habitants prit de telles proportions, que Henri Vlll crut
prudent d'intervenir et recommanda aux Consaux d'user de leur influence pour faire revenir
à Tournai ceux qui avaient abandonné la ville et [jour engager ceux qu'ils trouvent prêts à
la quitter, à y demeurer et h s'occuper de leur métier. Pour obvier à ce dépeuplement
malencontreux, les Consaux reprennent le droit d'escarsaige à celui à qui ils l'avaient
atl'ermé, espérant parvenir par une application plus rigoureuse des mesures concernant la
sortie des habitants, à enrayer dans une certaine mesure celte fuite voulue des Tournai-
siens ; en outre, pour faire rentrer de France les Tournaisiens qui s'y étaient retirés, ils se
l'ont octroyer par Henri Vlll, le 19 mars 1514, une charte libérant la ville de Tournai du
paiement des rentes et des pensions dues à des Tournaisiens qui étaient allés habiter les
pays hostiles ù l'Angleterre, et le 12 mai suivant, ils obtiennent de Maximilien d'Autriche
l'autorisation de ne plus acquitter les arrérages et les rentes dont ils étaient redevables
envers des Tournaisiens émigrés dans les Pays-Bas.
268 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XV1« SIÈCLE
Mais l'industrie manquait de bras et surtout de ressources; de plus, le
commerce avec la France était suspendu ou nul, non pas à cause de Toccu-
pation anglaise, mais par défaut de sécurité. Les Tournaisiens réfugiés
à l'étranger et auxquels, en vertu des chartes octroyées par Henri VllI, on
ne payait plus les renies arriérées, faisaient arrêt sur les marchandises de
leurs concitoyens pour se dédommager ('). Bientôt Tournai en arriva à
ne plus savoir payer au Trésor royal l'aide décennale extraordinaire de
4,000 couronnes d'or, à laquelle l'avait obligé le traité de capitulation
du 23 septembre 1513.
Voilà où en étaient déjà Tournai et le Tournaisis quand François I"'
recouvra sa loyale province.
Au point de vue économique, le retour du Tournaisis à la France ne
pouvait rien changer, bien au contraire.
Les transactions commerciales avec les Pays-Bas, qui s'étaient un instant
améliorées quand les Anglais occupaient Tournai, se compliquèrent de
nouveau et la ville continua à se débattre dans une situation inextri-
cable C)'
(1) A Abbeville, à Amiens, des draps appartenant à un marchand de Tournai, Nicolas
Meurisse, sont capturés, saisis et vendus au profit de Jean Coulombe, à qui les Tournaisiens
doivent des rentes. A Lyon et dans les Pays-Bas même, à Lille, en dépit des chartes, des
procédés semblables sont employés.
(2) Ce qui le prouve péremptoirement, ce sont toutes les mesures prises par François I"
et les magistrats de Tournai pour remédier à cette situation. Le \" mai lol9, François l"
décharge la ville de Tournai du payement des arrérages des rentes dues à des Français
depuis la prise de la ville par Henri VIII jusqu'à sa restitution au roi de France (voir
Ordonnances, t. I, p. 678); le 9 mai 1S20, dans le but de favoriser le commerce tournaisien,
il défendit aux habitants de Tournai d'acheter des rentes sur les villes voisines (voir Ordon-
nances, t. II, p. 5): le 17 avril lo20, il interdit dans le même but aux Tournaisiens et à ses
autres sujets de vendre aux étrangers les rentes qu'ils ont sur Tournai et de saisir les mar-
chandises que les Tournaisiens envoient en France (voir Archives communales de Tournai,
Original sur parchemin, scellé en cire jaune, s. q. (type de majesté!; le 27 janvier 1520,
la majorité des bannières est d'avis « de requérir au Iloy qu'il lui plaise faire le prest
à ceste dicte ville de cent mille escus d'or » et de choisir un contrôleur spécial pour les
finances (Consaux, séance du 27 janvier 1319; voir aussi séance des Consaux du 20 jan-
vier 1521).
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 269
CHAPITRE II.
APRÈS L'ANNEXION DU TOURNAISIS AUX l'AYS-BAS.
Sommaire. — I. L'annexion devient une nouvelle cause de décadence; les aides; la
garnison. — II. Mesures prises pour remédier 5 la décadence économique; séculari-
sation de la bienfaisance. — III. Organisation de l'enseignement primaire communal. —
IV. Amélioration de l'hygiène publique. — V. Secours pécuniaires. — VI. Les luttes
religieuses empêchent ces mesures de porter leurs fruits.
I. Après que Charles-Quinl se fut emparé de Tournai, les choses n'en
allèrent pas mieux.
L'annexion du Tournaisis aux États des ducs de Bourgogne eût certes été
une excellenle chose à la fin du XIV'' siècle, au moment de la splendeur
économit|ue de la Flandre; mais au XVl" siècle, elle ne pouvait plus qu'être
nuisible aux intérêts généraux des Tournaisiens.
La Flandre, alors elle-même en pleine décadence, était incapable de
régénérer la vitalité industrielle de Tournai el ne pouvait que l'entraîner
dans son sombre sillage.
D'autre part, si l'annexion fil tomber les barrières commerciales que
l'hoslililé ou la politique protectionniste des ducs de Bourgogne avaient
dressées contre la concurrence de Tournai, il ne faut pas perdre de vue
qu'elle fut aussi la cause de nouvelles dépenses qui accélérèrent la ruine
commencée.
Le Tournaisis entrait dans les Pays-Bas au moment où on exigeait du
peuple des sommes exorbiianles, au moment où Erasme s'écriail : « On
réclame du peuple des sommes énormes el la demande a été agréée par les
grands et par les prélats, c'est-à-dire par ceux qui seuls ne doivent rien
donner », ou bien encore « les exactions accablantes au delà de toute
mesure sont devenues communes à tous el nous les supportons d'autant plus
impatiemment que l'argent qu'elles produisent est porté en Allemagne et en
Espagne (') ».
(i) Cité par Kervvn de Lettenhove, La Flandre pendant les trois derniers siècles, p. 39.
270 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
Le Toiirnaisis, comme les autres provinces des Pays-Bas, inlervinl propor-
tionnellement à sa population ('), tandis que sous le régime français, il
n'avait été astreint qu'à une aide ordinaire annuelle de douze mille livres
tournois, dont Tournai payait la moitié (-).
Outre ce surcroit de dépenses, il y eut une autre circonstance qui ne fut
pas moins préjudiciable à la prospérité générale du Tournaisis : nous voulons
parler de la présence permanente d'une garnison étrangère dans Tournai.
Sous le régime français. Tournai et le Tournaisis ne connurent point
cette néfaste sujétion. La France n'y mettait des soldats que passagèrement;
encore fallait-il que la nécessité l'y contraignît. On a même vu que depuis
1478, les Tournaisiens ne pouvaient plus recevoir dans leurs murs une
garnison française.
Mais la réunion du Tournaisis aux Pays-Bas modifia la situation.
Dès le principe, on exigea simplement des « cannoniers pour aller au
{<) Pour donner un aperçu des ctiarges exagérées qui pesèrent sur le Tournaisis dès son
accession aux Pays-Bas, nous donnons ci-après les sommes payées à titre d'aides extra-
ordinaires par la ville de Tournai seulement, pendant une période novennale, que nous
avons choisie sans préoccupation « d'argument pour la thèse ».
En 15S1, Tournai paya o,000 livres flandres.
sans préjudice d'une autre de 60,000 livres
à répartir entre Tournai et le Tournaisis,
soit 30,000 livres pour Tournai.
— soit en tout 150,500 livres flandres et, en
donnant à la livre une valeur de 9.33 de nos francs, une somme approximative d'un million
cinq cent soixante mille francs versée au Trésor public par Tournai, indépendamment de
l'aide ordinaire annuelle de 0,000 livres tournois. (Voir pour la valeur de la livre flamande,
D'AvENEL, op. cit., t. I, pp. 47 et 481.)
(2) Il importe de considérer en effet que depuis le traité de 1478, le Tournaisis avait
obtenu la suppression du paiement d'un tribut annuel à la Bourgogne en même temps que
la neutralité commerciale avec les Pays-Bas, à condition que Tournai ne reçût plus doré-
navant de garnison française.
1552
— 7,500
1553
— 15,000
1554
— 25,000
1555
— 10,000
1556
— 12,000
1558
— 49,000
1559
— 6,000
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 271
service de l'Empereur, aians les parures de la ville (') » , alors que la France
avait depuis longiemps renoncé à ce droit que lui conCéraienl les chartes
constitutionnelles de Tournai. Ensuite, ce fut des compagnies espagnoles et
italiennes que le Gouvernement cantonna dans le Tournaisis et particulière-
à Tournai (-).
Il fallut nourrir et héberger ces hôtes, et le peuple, dont Texistence était
déjà si pénible, dut pourvoir à Penlretien de cette soldatesque étrangère. On
leva de nouveaux impôts. Pour « fournir aux charges » et surtout « pour
sublever les bourgeois et manaus des mises qu'il conviendront de supporter
en particulier », Tournai se vit un jour forcé de vendre ses joyaux (^),
Et comment ces soldats Iraitaienl-ils les habitants? « Les povres sul)jeclz
disent ouvertement, écrit à Philippe 11 le duc de Savoie, que au lieu d'estre
defîenduz et protectez, ils sont si mal traictez qu'ilz ne scauraient estre pis,
s'ils fussent à l'ennemy ( *) » .
Cette situation générale pour le pays, se rencontrait surtout dans le
Tournaisis, Il ne se passait pas de jour sans que des rixes n'éclatassent entre
les soldats et la population, sans qu'un habitant ne fût ou maltraité ou
tué f ).
Méprisant le bourgeois, Espagnols ou Italiens exigeaient de lui, la menace
aux lèvres, tout ce qu'ils désiraient et se considéraient plus de la njaison
que riiabilanl lui-même. Toutes les pièces de l'immeuble, ils les voulaient à
leur disposition (^), à tel point que si on n'y avait pris garde, le Tournaisien
(1) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du l*^"^ septembre 1523.
(2) On sait que le soldat était ordinairement accompagné d'une femme et d'un serviteur.
(Voir Arctiives communales de Tournai, Pièces comptables, garnison, 1S77.)
(3) Archives communales de Tournai, Registre du journal des prévôts et jurés, 24 sep-
tembre 1570.
(*) Bulletins (le la Commission royale d'histoire de Belgique, 2" série, t. VIII, p. 120.
(S) Bulletins de la Société historique de Tournai, t. IV, pp. 12 et seq, et t. XIV, pp. 71
et seq.
(fi) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du .3 février 1569 (a. s.).
« Consaulx rassamblez le vendredi iij^ jour de febvrier xv« Ixix pour délibérer et résouldre
comment les bourgeoys et manans de la ville se debvroit régler vers et avecq leurs soldatz
pour leur chauffer et cuire leur manger, par ce que pluisieurs soldatz s'advanchent de
272 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVP SIÈCLE
n'aurait pu user de sa propre demeure qu'au gré du soudard qu'il héber-
geait. Ces exigences « étaient devenues une charge tellement insupportable
aux manans » que la nécessiié d'un accord entre l'autorité civile et les
capitaines des compagnies s'imposa.
H fut décidé que chaque soldat ne pourrai! plus dorénavant disposer « que
d'une chambre et d'un licl, d'une nappe et deux serviettes blanches par
sepmaine; d'une paire de linchœulx (draps) blans chaque quinze jours,
comme des plats, pots, baneqs, tables et aultres ustensilles et choses néces-
saires dont usait le patron de la maison » (').
Quant aux vivres, les mercenaires de Philippe II se les procuraient par
des moyens analogues. « Ils faisaient oppression aux gens du plat pays »,
commettaient toute espèce de rapines, allaient journellement piller, voler
poules, victuailles en ville comme à la campagne, « sous prétexte que le
Gouvernement ne leur payant point leurs gages, ils ne disposaient d'autre
moyen de vivre que le pillage » (■). Quand ils consentaient à payer, encore
fallait il que le marchand leur livrât « pain, bière et chair à plus grand poix
et bas prix que le commun » (') et d'une « meilleure qualité que pour le
commun » (*).
occuper journelement les sallettes des patrons, y chauffant et faisant cuir leurs viandes,
telemenl que toutes commoditez desdites sallettes est ostée susdits patrons et leur donne
fort grand fascherye. «
(1) Archives communales de Tournai, Publication du 17 novembre 1571, reg. n" 344,
fol. 502 V».
(2) Idem, reg. n» 77, 8 octobre 1567. En séance des Consaux du 17 mai 1572, les
Consaux constatent que pour remédier à l'insuffisance de la solde et empêcher le pillage, ils
ont payé aux soldats 12,219 livres 4 sous flandres.
'3; Idem, Consaux, séance du 12 janvier 1569. Les Consaux avaient vendu 16,000 livres
tournois de rente « pour furnir aux portions des soldatz hispagniolz et italians qui lors
tenoient garnison en la dicte ville. Et à aultres mises provenantes par l'érection des
nouvelles estables, livraison de pain, bierre et chair à plus grand poix et bas prix que le
commun ».
{*) Idem, Consaux, séance du 22 novembre 1571. « Consaulx rassamblez pour résouldre
sy on accordera ou reffusera au columnel de la cavallerye légère tenant garnison en ceste
ville de luy faire livrer pour son hostel une sorte de pain plus blan que le pain quy se livre
journelement aux soldatz de ladicte garnison et ce à l'advenant du pris de cestuy quy est
moins blan, tellement qu'il pouroit avoir pour dix solz six deniers flandres ce quy couste-
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 273
En conséquence, les magistrats urbains, aux dépens de l'intérêt général,
furent forcés de « bailler récompense aux boullengiers et bouchiers pour le
pain et la chair qu'ils livraient et ont livré ausdiz soldalz à plus bas prix que
que le commun » (*).
L'entretien de ces garnisons étrangères devint une charge si onéreuse,
que de 1567 à mai 1572, la ville de Tournai y dépensa dix-huit cent mille
francs (-). De leur côté, les États du Tournaisis avouèrent en deux ans, pour
le même objet, une perte de 129,260 livres ('), soit plus de sept cent
cinquante mille francs, tandis qu'en août 1567, un des commissaires du
Gouvernement, Jean de Blasere, envoyé à Tournai pour enquêter sur les
origines des troubles, estima le dommage pour une seule année à plus d'un
million (*).
roit aux manans de la ville dis huyt solz, ayant requit ledit S"^ columnel ce luy estre
accordé, sur quoy après avoir sur ce délibéré, ont les diz S" Consaulx esté d'assens de
accorder audit S' Columnel, sadicte requeste et de faire supporter l'intérest par la ville afin
d'éviter que icellui columnel ne soit par trop agravyé de se voir refusé en toutes ses
requestes, protestation toutefois que la chose ne soit tii'ée en conséquence pour aultres
capitaines et officiers quelconques. »
(1) Arcliives communales de Tournai, Consaux, séance du 17 mai 1572.
(^) Idem, Consaux, séance du 17 mai 1572. « ... les Consaulx auroient trouvé leur
responce contenant en substance ne leur être possible de continuer en iceulx pretz, qu'ils
avoient ja preste ausditz soldatz des deniers de la ville xij"' ij'= xix livres iiij sols flandres...,
joinct que ladicte ville et les manans d'icelle sont réduitz en tele povreté et extrémité par
la longue et quasy continuelle garnison quy auroit esté en icelle ville... qu'il ne leur seroit
possible de plus avant endurer, icelle ayant respectivement frayé et supporté d'interrest
plus de iij'^ xi" v livres flandres, sy que par estât particulier que l'hyvcr passé avoit esté
dressé en la présence dudit commissaire général... »
(3) Archives communales de Tournai, reg. n" 77, fol. 83, séance des Étals du Tournaisis
du 26 février 1573. — Il était arrivé à Tournai des Commissaires envoyés par le Comman-
deur pour informer sur les foules, dommages, extorsions qu'avait supportés le bailliage du
Tournaisis par le fait des gens de guerre ayant tenu garnison à Tournai ou ayant passé par
le bailliage. Les Etals décidèrent qu'il serait fait et remis aux Commissaires un recueil de
ces dommages. Ce recueil fut présenté en séance du 3 mars. Il en résultait que les quatre
compagnies de chevau-légers qui à quatre reprises différentes avaient tenu garnison à
Tournai, du 23 septembre 1568 au 29 mai 1572, durant l'espace de deux ans environ,
avaient successivement occasionné une perte totale pour le bailliage d'une somme de
129,260 1. 9 s. 5 d. flandre de 20 patars la livre.
(■*) Correspondance de Granvelle, t. II, p. 556. Morillon à Granvelle, 3 août 1567. « Les
Tome 1. — Lettres, etc. 55
274 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
i>ialurellement Timpôt seul pourvut à la liquidation de ces sommes.
Voilà à quel désastreux régime l'annexion condamna le Tournaisis. Aussi
malgré la suppression des droits prohibitifs d'anlan, les bénéfices qu'en
retirèrent le commerce et l'industrie ne furent point assez élevés, pour
compenser les pertes qui résultèrent des aides extraordinaires et des sommes
incalculables nécessitées par la présence permanente d'une garnison d'étran-
gers. El s'il est vrai que l'augmentation du chifïre des habitants est un
critérium certain de la prospérité d'une ville, il fallut que l'annexion fût très
pernicieuse au bien-èlre général pour que Tournai, qui possédait encore,
en 1516, une population de 36000 àmes('), n'en comptât plus que 25000
en 4557 ('^), au moment où la Réforme était loin d'avoir produit ses
pénibles conséquences.
II. Pour mettre un terme au dépérissement de leur ville, les magistrats
de Tournai commencèrent par travailler au rétablissement de ses
finances ("^).
capitaines et soldatz, là et à Tournay, ont faict grande oppression aux gens du plat pays
sous umbre qu'ilz estoient sectaires ». Blasere dit qu'il pense que « le dommaige porte plus
de cent mille florins ».
(1) Annales de la Société historique de Tournai, t. V, p. 332, note 3.
(2) Voici l'extrait de la séance des Consaux, en date du 24 avril lSo7, « en Pasques »,
qui nous a fourni ce chiffre de population : « Du rapport du nombre des testes des manans
estans pour le présent trouvez en ceste ville, porte XXV mil deux testes ».
(3) Pour diminuer les charges financières de leur ville, ils s'adressèrent à l'empereur
Charles-Quint et obtinrent de lui, le 4 novembre lo22, de ne plus payer « aux Français et
autres tenans parti à nous contraire tous les arriéraiges d'icelles rentes, pour les convertir
et employer au plus grand prouffit de nostre dicte cité » (a) ; allant plus loin, un mois après,
l'empereur rendit les Tournaisiens « quittes et deschargez de toutes debtes de rentes et des
arriéraiges deues par la ville de Tournay à ceulxqui jusquesau jour de la réduction en son
obéissance tenoient nostre parti » {b) ; l'année suivante, les Consaux ne méprisant point les
petites économies, refusèrent catégoriquement aux quatre serments les subsides qu'ils leur
(a) Charte du 4 novembre 1522 dans les Ordonnances.
{b) Idera, du 10 décembre l.')22. Cela n'empêcha nullement les Hennuyers et Flamands de faire arrêt
sur les biens des Tournaisiens en Uainaut et en Flandre. (Compte général, 1.526-1527, fol. 84 r<>.)
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 275
Cela fait, ils essayèrent de donner une solution plus conforme aux intérêts
de la généralité, à une question qui de nos jours encore préoccupe les
pouvoirs, nous vouions parler de la bienfaisance publique.
La misère, dit Altmeyer, engendre toujours la paresse; là où elle domine,
on trouve la singulière anomalie du manque de travailleurs à côté du
développement de la mendicité et du vagabondage (^).
Dans la plus grande partie des Pays-Bas, la diminution de la prospérité
économique avait laissé de nombreux artisans sans travail et augmenté
considérablement le paupérisme.
L'abaissement des salaires et la cherté des vivres obligeaient de nom-
breux ouvriers à avoir recours à la mendicité, ou les forçaient à solliciter
du curé de leur paroisse, des congrégations religieuses ou de quelques riches
bourgeois une avilissante aumône.
Charles-Quint voulut combattre cette déplorable tendance et fit paraître
sa fameuse ordonnance du 7 octobre 1531, par laquelle il régla l'organisa-
tion des secours. « Il interdisait la mendicité, instituait une auniônerie
générale ou bourse commune, dans laquelle devaient venir se concentrer
accordaient annuellement pour fêter leur patron (a). Se servant ensuite d'un moyen dont
on avait déjà usé et qui n'avait pas été sans produire certains effets, ils supprimèrent les
emplois municipaux devenus inutiles ou diminuèrent de moitié de nombreux traitements
et gages à des salariés par la commune « pour aydier à furnir le payement des rentes
naguères vendues » et parvenir à acquitter les aides extraordmaires réclamées par
Charles V {b). Pour distraire le moins souvent possible les artisans de leurs occupations
journalières, pour alléger quelque peu le service militaire qui occasionnait des pertes de
temps et d'argent « à la classe des vendeurs de travail (c) »; enfin pour favoriser le com-
merce et aider l'industrie, les magistrats urbains diminuèrent bientôt « le nombre des gens
de sermens », tant étaient nombreux ceux qui pour s'exempter de la corvée du guet, pesant
si lourdement sur le bas peuple, s'étaient fait inscrire dans l'une ou l'autre des compagnies
bourgeoises.
(i) Altmeyer, Précurseur de la Réforme, t. II, p. 58.
(a) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 13 mars 1526.
(h) Idem, Ibid., du 17 juillet 1543.
(c) Idem, Ibid., du 2 août 1524, et Archives du Royaume à Bruxelles, Chambre des Comptes. Cartons
32 et 33.
276 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
les revetiiis de tous les élablissemenls de bienfaisance et loutes lesauniônes;
les distribuliotis ne pouvaient phis se faire, en règle générale, que par les
commis ()réposés à Tœuvre de la charité et seulement aux pauvres inscrits
sur les registres de chaque paroisse. L'empereur abandonnait aux adminis-
trations communales le soin de compléter par des règlements particuliers
cette réforme qui, à côté du principe de la sécularisation de l'administration
des hospices et des fondations, posait le principe de la centralisation locale
de la charité publique.
» Conformément à ces deux principes, les villes les plus importantes du
[)ays prirent différentes mesures et adoptèrent divers règlements en vue de
la meilleure administration des secours ('). »
A Tournai plus qu'ailleurs peut-être, cette réglementation était devenue
nécessaire. L'assistance publique y était sans organisation sérieuse, tout
entière au pouvoir du clergé tant séculier que régulier; le contrôle de
l'autorité civile sur l'administration des biens et l'emploi des revenus des
hôpitaux et autres maisons hospitalières était plutôt fictif, et les dons et
aumônes remis entre les mains des prêtres paroissiaux étaient distribués par
eux aux pauvres de leurs paroisses qui « prenaient l'enseigne », suivant
leurs préférences personnelles {').
Les rues regorgeaient de mendiants, de « brimbeux » , comme on disait
alors; la mendicité était devenue presque une profession, et à côté des moines
des ordres mendiants, vivaient une catégorie d'individus inoccupés qui,
abdiquant toute dignité, quémandaient du bourgeois riche une maigre
« caristade », envahissaient les porches des églises, assaillaient couvents et
hôpitaux plutôt que de recourir au travail, si peu rémunérateur qu'il fût.
Alors comme aujourd'hui, l'on considérait déjà la richesse du patrimoine de
la bienfaisance comme une prime à la paresse et à l'insouciance de certains
ouvriers, étouffant le sentiment de la dignité, abaissant le niveau moral du
(i) Discailles, Les Pai/s-i5as .sous le règne de Marie-Thérèse. Bruxelles, 1873, p. 179.
(2) Les pauvres d'une paroisse qui « prennent l'enseigne », sont cous qui dans certaines
circonstances, décès, mariage, etc., d'un riclie bourgeois, reçoivent de leur curé soit un
bon pour un poids de pain, soit un bon pour une certaine quantité de viande, etc.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 277
peuple et alliranl dans Tournai « un grand nombre de brimbeiirs, avollez
(gens sans aveu) et garçons (misérables) (') ». Aussi les magistrats fureut-ils
heureux de l'initiative prise par l'empereur Charles V, qui ne suivait en cela,
il faut bien le dire, (|ue la direction préconisée par la ville d'Ypres Ç').
Trois mois après la promulgation de l'ordonnance impériale, le crieur
public alla par chacpie carrefour donner connaissance au peuple des princi-
pales dispositions de l'édil de l'empereur. Le 22 mars 1532, parut le règle-
ment communal concernant la distribution des aumônes ou plutôt l'organi-
sation de l'assistance publique ( ').
Il fut interdit à quiconque « tant hommes que femmes ne enlTans et de
quelque eaige qu'ilz soient, de brimber, mendier ou vivre d'aulmosne », s'il
n'habitait Tournai depuis un an et un jour. Devançant en cela Bruxelles et
la Flandre (*), le iMagistrat ordonna, en outre, à chaque mendiant de porter
sur « le dehors de l'un des bras, emprès et en bas de la carnière de l'espaule,
la marque et enseigne d'un casleau de Tournay, assis et cousu sur drap ou
autre estoffe rouge » , à l'exception des ordres mendiants, des lépreux de la
Bonne-iMaison de le Val et des pauvres qui ne recevaient que l'enseigne de
leur paroisse. Le Tournaisien dont la femme ou les enfants seuls mendiaient,
fut également obligé de porter sur le bras la marque avilissante, et la veuve
qui laissait ses enfants se livrer à la mendicité, n'en fut point exemptée. En
outre, l'accès des cabarets, celui des porches des églises paroissiales et
conventuelles fut interdit à ceux qui y voulaient mendier (^).
(1; Extrait du deuxième rapport des Commissaires royaux envoyés à Tournai en
octobre lo61. « Mandannes aussy les comptes des hôpitaux de ceste ville et oijmes sommie-
rement les maistres et recteurs avec aucuns officiers de la ville pour nous informer du
nombre des hospitaux, à quelz usances ils esloient ordonnez, comment gouvernez; sur
quoy y trouvons le désordre que meclrons plus amplement par escript, de manière que
iceulx poeuvent estre cause d'amasser en ceste ville grand nombre de brimbeurs, avollez et
garçons, comme V. A., pourra lors veoir plus amplement. » — Archives du Royaume
à Bruxelles, Papiers d'État, reg. n" 3o4, fol. 25.
(-) On sait qu'en 132o, le Magistrat d'Ypres créa « La Bourse commune «, institution
charitable obligeant les indigents valides au travail. — Voir à ce sujet, Vandenpeereboom,
Ypriana. Bruges, t. II, pp. 300 et seq.
{^) Archives communales de Tournai, Publication du 23 janvier lo33.
(•*) Annales de la Société d'histoire de Gand, 1900, t. III, pp. 244-243.
(S) Archives communales de Tournai, Publication du 22 mars 1533. — Ces dispositions
278 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
Mais, soit à cause de I elal général des Pays-Bas, soit à cause de l'affais-
sement moral du peuple, soit à cause de rop|)Osition du clergé régulier qui
voyait dans les théories préconisées par Ypres une violation « des lettres
aposloli([ues et évangéliques » ('), on éluda par toutes sortes de moyens
l'exécution de ces mesures salutaires, el les dispositions prises par la ville de
Tournai pour endiguer la mendicité, ne semblent pas avoir produit des
résultats appréciables.
On redoubla alors de sévérité. En 1334, on chassa de Tournai les men-
diants étrangers qui y résidaient depuis deux ans (^); en 1542, on défendit
à (|uiconque « s'il n'a de quoy vivre de son patrimoine, de vagabonder dans
la ville plus de trois jours continuelz, à peine d'estre mys es prisons » (^); le
23 avril 1543, (juoiqu'on les en eiit exemptés en 1532, on obligea les
pauvres ne recevant que l'enseigne paroissiale, à porter également le bras-
sard, cet insigne infamant qui flétrissait celui qui vivait d'aumônes ou
dépendait de la charité (^). On combinait les remèdes moraux avec les moyens
coercitifs.
Enfin, en janvier 1557, à l'instigation du Gouvernement, les magistrats
chassèrent de leur ville, tous les pauvres qui y avaient établi leurs pénates
depuis un an et un jour (^).
Mais en dépit de l'ordonnance impériale de 1531, et malgré l'exemple
donné par les villes d'Ypres, liruxelles, Lille, Gand et plus tard Bruges (''},
sont en concordance avec l'édit impérial du 7 octobre 1531, mais elles sont plus sévères
encore que celles de l'empereur.
(^) Annales de la Société d'histoire de Gand, 1900, t. III, p. 243.
(2) Archives communales de Tournai, l*ublication du 3 octobre 1534.
(3) Idem, Publication du 24 février 1342.
(*) Idem, Publication du 23 avril lo4o. « On vous faict asscavoir de par mess, les
Consaulx de ceste ville el cité quelz ont ordonné que doresnavant tous ceulx et celles
auquelz par povreiez seront données les ensaignes des povres des paroiche de ceste ville,
seront leuuez tant les hommes comme les femmes, porter pubiicquement et à descouverte
sur leurs manches, robes ou manteaulx une ensaingne d'une pièce de drap blanc taillée de
la forme et figure d'un Tournay et aussi que doresnavant lesdicts hommes, femmes ayant
lensaigne comme dit est se depportent de hanter et conserver les tavernes et cabarets quelz
qu'ilz soient. »
(3) Archives communales de Tournai, Publication du 12 janvier 15S7 (n. s.).
(6) Annales de la Société d'Imtoire de Gand, t. III, p. 243.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 21^
ils n'osèrent pas prendre l'inilialive de la création d'une « bourse commune ».
Ils redoulaienl pour la ville les conséquences financières de cette innova-
tion ('). Cependani, n'étant pas hostiles au principe et désirant, avant de
prendre position, tenter un essai partiel, ils s'en(|uirent près du Chapitre de
Noire-Dame, des abhayes de Saint-Martin, de Saint-Nicolas, du Saulchoir cl
des Près-porchains ainsi rpie de certains riches bourgeois de leur ville
« pour savoir s'ils voulaient contribuer par des dons volontaires et hebdo-
madaires au soulagement de la misère du (leuple ('") ».
Abbayes et riches bourgeois acquiescèrent el, composant avec les Consaux
une sorte de (-omité mixte de charité, ils char;rèrenl leurs délégués, Guillaume
de le Fosse, Guillaume de le Guste et d'autres, do distribuer à l'artisan
nécessiteux des secours suffisants « pour l'assister à vivre », mais non
point pour le dispenser de tout travail (^).
Cette organisation mi -partie civile, mi-parlie ecclésiastique, fonctioima
de 1557 à 1563.
Mais les troubles naissants, la disette des blés, l'augmentation du nombre
des « oyseulx » et peut-être aussi la pénurie des ressources, attirèrent
bientôt de nouveau l'altenlion des magistrats sur les prescriptions impériales
d'octobre 1531.
(<) Cet extrait d'une publication du 17 janvier 1364 le prouve : Les (Consaux y parlent
de l'organisation d'une bourse commune et ajoutent : « Ores que la chose ayl peu sembler
du commenchement estre en soy bien ditficile et que l'on ayt délayé de la mectre à
exécution jusques au temps présent, ce néantmoiiis de tant que les jours passez aulcuns
gens de bien et meus d'un bon zèle et affection ont prins la chose à coeur, par leur dilli-
gence... l'on est venu à bout de telle emprinse ».
('^) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 26 février lo56. « Pour
adviser de mectre ordre aux pauvres. Lesquelz Consaulx sont d'advis de remonstrer à
Messeigneurs de Chappittre la nécessité du peuple de ceste ville, pour savoir qu'ilz veullent
donner par chascune sepmaine, ensemble de depputer au(;uns de la loy, pour aller par
leurs paroiches savoir quelz povres gens il y a et savoir aussi combien les aysiez voldront
donner par chascune sepmaine... Aussi de aller à Saint-Martin. Saint-Nicolas, le Saulchoit
et Prez porchains pour savoir pareillement qu'ilz voldront donner. »
(3) Archives communales de Tournai, Pièces comptables, farde : Justice, 19 jan-
vier 15S8. « Payez et délivrez à Guillaume de le Fosse et Guillaume de le Guste provi-
seurs des communs povres aval ladicte ville pour distribuer ausdicts communs povres
pour les assister à vivre sieuvant notre ordonnance dernièrement fainte par ceste sepmaine
la somme de cincquante carolus d'or, vingt pattard pour le carolus... »
280 TOURNAI ET LE TOURNÂISIS AU XVI« SIÈCLE
Voulant user de leur droit de contrôle, les Consaux désignèrent, le
9 janvier 1563, Jean de Cambry, seigneur de Baudimont, pour exercer
conjoinlemeni avec un délégué du Chapitre de Notre-Dame, la haute
surveillance sur « ceux qui auroient la nianyance et la distribution des
aumônes », et le chargèrent en outre de la vérification des comptes des
pauvriseurs commis à la distribution des secours (').
En même ten)ps, convaincus par les résultats qu'elle donnait ailleurs, que
la sécularisation de la charité ne présentait pas les difficultés qu'ils redou-
taient, ils ordonnèrent à un de leurs conseillers pensionnaires, Jacques
Le Clercq, de rédiger un projet de règlement qui donnerait à l'assistance
des pauvres un cachet officiel, et remettrait entre les mains de l'autorité
civile la haute direction et le contrôle supérieur de la bienfaisance publique.
A l'instar de Collard de Wuif, le conseiller pensionnaire de la ville
d'Ypres qui, avant \'ivès, fut le promoteur de la centralisation et de la
sécularisation de la charité, Jacques Le Clercq préconisa la création d'une
bourse commune « pour subvenir à toutes nécessitez des povres tant manans
qu'estrangiers » .
Il formula ces différentes propositions dans un préambule qu'il appela
« prothéorie » . Il fit suivre cette « prothéorie » de son projet qu'il divisa en
cinq chapitres. En voici les litres : « I. Des officiers commis sur le faict des
pauvres et de leur conduite; II. De la manière d'amasser argent; III. D'abolir
la mendication des pauvres et comme à iceulx sera pourvu et ilz auront à
se renger; IV. Comme l'on doibl aydier aux pauvres estrangiers et traiter
les pèlerins; V. Des escoles et maistres qui enseigneront la jeunesse. »
Quoique le projet de Le Clercq soit la reproduction amplifiée des
doctrines qui avaient prévalu à Ypres, et dont l'application était recom-
mandée par l'ordonnance impériale du 7 octobre 4 531 ; quoique la simple
analyse qui précède suffise pour faire deviner les développements que le
conseiller pensionnaire de Tournai entendait donner à ses propositions, nous
croyons devoir résumer ici les principales dispositions du projet, pour
(*) Arctiives communales de Tournai, 9 janvier IS6i. Document extrait du Registre-
Journal (les prévôts et jurés, reg. n° 3321, fol. 11 r°.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 281
montrer que si la ville de Tournai entra un peu tard (^) dans le mouvement
qui entraîna toutes les grandes villes du pays vers la sécularisation de la
bienfaisance publique, elle le fit d'une façon d'autant plus radicale. Chose
d'ailleurs bien naturelle, Tournai profitant de l'expérience que les autres
villes avaient acquise à leurs dépens.
Le Clercq affectait à celle bourse commune du consentement du Magistrat
et de « Messieurs de l'Estat ecclésiastic », les revenus appartenant aux
pauvres de chaque paroisse, les aumônes qui se recueillaient les jours de
fêtes et dimanches dans les églises, le produit des collectes faites un jour la
semaine chez l'habitant et enfin, les rentes qui proviendraient de rabolilion
de « tous les hospitaulx, qui sont plusieurs en la dicte ville, saulf les deux
plus amples et riches, cestuy de Nosire-Dame et cesluy de Marvis » , sous
prétexte que la mauvaise répartition des revenus de ces établissements, créait
une « occasion d'oysiveté à plusieurs gens enclins à paresse et de cœur
abject » .
Les ressources de la bienfaisance publique, d'après ce règlement, furent
confiées à quatre personnes laïques, choisies par « Messieurs de l'État
écclésiasticq » et les Consaux de Tournai. On leur adjoignit deux ou trois
autres personnes par paroisse.
Ces quatn; personnages ou commis généraux se réunissaient chaque
samedi « en présence de l'un des prévosls de la commune ou d'un délégué »,
pour traiter de toute matière concernant la charité, entendre les pauvres
dans leiu's doléances ou s'assurer de l'exactitude de leurs plaintes, et puiser
dans la « bourse commune » les sommes nécessaires au soulagement des
misères constatées durant la huitaine. Tous les six mois, devant le Magistral,
ils étaient tenus de rendre compte de l'emploi des fonds, tandis que les
commis paroissiaux le faisaient de mois en mois devant les commis
généraux.
La mendicité comme la charité privée était interdite ('^); les pauvres
(1) Bruges n'élabora son règlement sur la charité qu'en 1562, donc un an seulement
avant Tournai.
('^) Voici sur quoi portait l'interdiction de la ctiarité privée : « Pareillement tous manans
Tome I . — Lettres etc. ' 36
282 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI' SIÈCLE
« aidés de l'aumône commune » ne pouvaient fréquenter ni tavernes ni
autres lieux où l'on joue et où l'on boit, à peine de fustigation, de privation
de secours ou de bannissement (^).
Les mendiants étrangers qui entraient à Tournai avant l'heure de midi
recevaient d'un des quatre commis généraux « un pain de huit deniers »,
puis étaient immédiatement reconduits hors des murs de la cité; ceux qui y
venaient durant l'après-midi, pouvaient être admis sur autorisation d'un des
commis généraux, dans un hôpital; ils n'y séjournaient qu'une nuit et y
recevaient « un pain de quatre deniers, un demi-lot de petite bierre et pour
quatre deniers de beurre ou fromage, feu, potaige et le coucher à l'accous-
tumé », à moins qu'ils ne fussent notoirement malades, auquel cas ils pou-
vaient « tarder plus longtemps qu'une nuict, pour estre pensez et traictez
comme leur indigence le requerrera ».
Les commis paroissiaux avaient pour mission de veiller à ce que les
enfants pauvres de leur quartier apprissent un métier dans les ouvroirs
créés par la ville ou chez des particuliers. Ils avaient aussi pour devoir de
contraindre les parents secourus à mettre leurs enfants en apprentissage et
à les laisser à l'atelier le temps nécessaire pour devenir d'excellents ouvriers.
Les francs-maîtres étaient obligés de recevoir les enfants que leur envoyaient
les commis paroissiaux.
La ville institua en même temps deux écoles, l'une pour garçons, l'autre
pour filles, en faveur des enfants des pauvres secourus par la bourse com-
mune (-).
de ceste ville de ([uel estât, qualité ou condition qu'ilz soient, doresenavant ne pourront
aulcunement donner aulmosnes aux mendians en publicq, par les rues, aux portes de leurs
maisons ou es églises, ains leur sera loisible seullement de secourir aux pauvres honteux
et aultres demeurans en leurs maisons que ilz trouveront estre à faire. »
|i) Voici une preuve entre raille de l'exécution de ces pénalités : « ordonné payez...
pour avoir convoie jus du povoir de ladicte ville Guillaume Flameng demeurant en la ville
d'Anvers, homme aveugle et mendiant, estant banny de ceste ville et cité, povoir et banlieue
d'icelle le terme de trois ans continuelz et ensuivants l'un l'aultre à peine de fustigation de
verghes s'il y retournoit avant ledict terme expiré pour avoir dissipé prodigallement en
taverne de vin les aulmosnes des bonnes gens... »
("-) Voir le projet complet aux Pièces justificatives, n° XVIII. Tournai antérieurement à
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 285
Voilà dans ses grandes lignes le projet du conseiller Le Clercq. Peut-êlre
noire organisation de la bienfaisance pourrait-elle y glaner quelques bonnes
choses !
m. Comprenant toutefois que pour arrivera une rénovation économique
du Tournaisis, il était tout aussi nécessaire de relever le niveau moral du
peuple que d'assurer au pauvre une équitable répartition des secours de la
Charité, les magistrats de Tournai songèrent aussi à tirer la jeunesse pauvre
de l'ignorance dans laquelle on semblait se complaire à la maintenir.
Non pas que les rudiments d'une instruction élémentaire ne fussent plus
ou moins enseignés aux enfants d'artisans, mais le clergé aux mains duquel
se trouvait alors presque tout l'enseignement négligeait l'instruction du
peuple ('), pour s'occuper plus spécialement des élèves des écoles capitu-
laires que les Pierre de Vriendt, les Jacqiies Cératinus et d'autres prépa-
raient aux hautes études.
C'est cette lacune que les magistrats résolurent de combler. Ils commen-
cèrent par soutenir contre le Chapitre de Notre-Dame que leur premier
conseiller pensionnaire avait le droit d'intervenir comme chargé de la police,
dans l'organisation de l'instruction. Dès lors, l'écolàlre partagea avec le
représentant de la ville la surveillance des écoles et de l'enseignement qui y
était donné.
Bientôt, allant plus avant dans cette voie, les magistrats prétendirent
avoir leurs écoles, indépendamment de celles qu'avaient créées à Tournai
soit l'initiative privée, soit certaines communautés religieuses, et ils entre-
prirent la sécularisation de l'enseignement avec celle de la Charité.
Ils voulurent que la ville eût ses maîtres d'école; qu'elle les payât des
deniers |)ublics; que l'école fût logée dans une propriété communale ou dans
l'élaboration et à la mise en application de ce projet, envoyait déjà aux ateliers les enfants
trouvés, dont la ville était d'ailleurs la tutrice légale ; elle prenait de même à sa charge
les enfants abandonnés par leurs pure et mère, les orphelins, et les « hébétés d'enten-
dement ».
(<) Mémoires de la Société des sciences du Hainaut, 5" série, t. XI, p. 498.
284 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI" SIÈCLE
un élablissemenl loué par la commune; que les maî(res tinssent leur nomina-
tion (le la ville; en résumé, ils entendirent donner à l'Autorité civile la haute
main sur les écoles élémentaires et faire de renseignement des enfants
pauvres un service communal.
Antérieurement déjà, au lendemain de Pannexion du Tournaisis aux
Pays-Bas, les magistrats de Tournai avaient essayé de faire un premier pas
dans la voie de la municipalisation de renseignement public. Le 3 février
4 523, quoique François I*"" eût laissé ouvertes aux Tournaisiens les portes
de rUniversité de Paris, ils avaient accordé à « maître Robert Césare »
rautorisation de venir habiter Tournai, afin d'y jeter les bases « d'un
commencement d'université » et d'y organiser les trois facultés supérieures
de théologie, de droit et de médecine.
Mais la jalousie de l'Université de Louvain et les craintes qu'éveilla chez
le Magistrat louvaniste la création à Tournai d'un établissement concurrent,
firent échouer ce projet.
Le 8 octobre 1330, par ordonnance impériale, les Tournaisiens se
virent intimer la défense de continuer à payer les professeurs qui déjà
avaient commencé à donner leurs cours, et ils furent forcés de fermer les
portes de leur université. Louvain avait eu gain de cause contre Tournai (*).
Cet échec n'était pas encourageant; néanmoins, s'appuyant sur l'ordon-
(') Voici, brièvement raconté, i'iiistorique de cette tentative de création à Tournai d'un
établissement d'enseignement supérieur. Le 3 février ^.^23 donc, Robert Césare était autorisé
à jeter les bases d'une université à Tournai; le 10 mai lo2o, la ville, d'accord avec le bailli
de Tournai-Tournaisis, autorisa Pierre de Pottre, venant de l'Université de Louvain, à
s'associer avec Robert Césare, les choisit comme professeurs à l'essai pour le terme d'un an
et les gratifia d'un traitement annuel de 100 florins. Les cours commencèrent le 5 juillet,
mais l'Université de Louvain veillait et, craignant la concurrence de cette rivale nouvel-
lement née, elle obtint de la Régente, Marguerite d'Autriche, l'interdiction des cours de
théologie, de droit et de médecine qui se donnaient à Tournai. I.,es cours n'en continuèrent
pas moins cependant; la ville de Tournai, se basant sur l'illégalité de l'interdiction
prononcée, soutint même un procès près du Grand Conseil de Malines, mais elle le perdit
et une ordonnance impériale du 8 octobre loSO mit fin à l'Université de Tournai. (Voir
Archives communales de Tournai, Consaux, 3 février lo22 (a. s.); 2 mai; 16 mai;5 juillet;
21 juillet; 27 juillet; 29 août; 18 septembre et 26 septembre lu2o; 30 octobre lo26. i?ecMci/
des ordonnances, l. lit, pp. 37-60.)
AU POFNT OK VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 285
nance impériale d'octobre 1531, les magistrats tentèrent, trente ans après,
un nouvel essai.
Reconnaissant que beaucon[) d'enfants pauvres ne pouvaient se rendre
aux écoles tenues par des particuliers les jours de la semaine, et voulant
surtout « que ces enfants aient meilleur moyen à l'avenir de gaiçner leur
vie » le i mai 1565, ils décidèrent d'ouvrir en la Halle des doyens des
métiers la première école dominicale et fériale de Tournai ('); quelques
mois après, ils affeclèrenl aux mêmes fins ('), une des salles de la Halle des
Consaux el, trois ans |)lns tard, le 18 octobre 1568, ils ouvrirent la pre-
mière école élémentaire coninjuiialeaux enfants du peuple, lesquels pouvaient
s'y rendre « tous les jours ouvriers de la sepmaine pour y estre endoctrinez,
sans payer aucun sallaire aux maistres à ce ordonnez, de huit heures du
matin jusques à unze heures et depuis une heure de Taprès-disné jusques à
quatre heures (•^). » Enfin le 18 avril 1570, les magistrats rendirent
obligaloire la fréquentation des écoles créées par eux (*).
Sans doute, le concile |)rovincial de Cambrai de 1565 (^'), et les recom-
mandations de la Régente ne furent pas étrangers à ce mouvement en faveur
de rinslructioii du peuple; mais nous pensons qu'il faut plutôt voir dans
(1) Archives communales de Tournai, Publication du 4 mai lo65.
f'i) Idem, Publication du 2 décembre 156o.
(3j Idem, Publication du 18 octobre lo68, reg. n" 344, fol. 324.
(*) Idem, Publication du 18 avril 1370, reg. n" 344, fol. 365 v°. — Outre ces écoles
officielles pour garçons, la ville en ouvrit aussi pour filles, notamment une près de l'église
Saint-Pierre, dirigée par Quinte Monnier. M. E. Mathieu [Mémoires de la Société des sciences
du Hainaul, o" série, p. 511) se trompe quand il attribue l'acquisition du local de cette
école à la libéralité de l'évêque d'Oignies. Quinte Monnier et ses deux sœurs Marie et Agnès,
y donnèrent avec quatre autres jeunes personnes l'instruction à des jeunes filles pauvres de
Tournai, mais ce fut aux frais de la ville qui leur fournissait un traitement et dans une
maison qui avait appartenu à Léon Lemaire, prise « à leuwaige pour trois ans » depuis
mai 1370, au prix de 73 livres tlandres l'an. (Voir Archives communales de Tournai,
Compte général, 1573-1574, fol. 52 r". Idem, Pièces comptables. Dépenses extraordinaires,
30 avril 1374.)
(S) Le Conseil provincial de Cambrai dont Tournai était sutfragant, se tint à Mons
en 1565. et décida entre autres d'établir des écoles dans toutes les villes et bourgades où il
n'en existait pas.
286 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
l'empressement que témoignèrent les magistrats à séculariser et à doter leurs
écoles élémentaires, le souci d'hommes cherchant, grâce à une instruction
plus régulièrement dispensée par des maîtres dépendant de la ville, à
assurer aux classes pauvres « un meilleur moyen de gagner leur vie »
cl par le fait même, de concourir efficacement au relèvement économique
de leur cité.
IV. Les magistrats n'arrêtèrent point là leurs réformes. A la sécularisa-
tion de la Charité et de l'enseignement, ils ajoutèrent l'amélioration de
l'hygiène publique.
La misère des classes inférieures engendre les contagions et les maladies
graves qui frappent sans distinction de fortime tous les habitants (') el
entravent le commerce et l'industrie dans leur expansion.
A Tournai, non seulement la misère occasionnait de nombreuses maladies,
mais l'état des rues, l'ordonnance intérieure des maisons, les habitudes
mêmes d'une grande partie du peuple offraient à la peste un terrain tout
préparé. Elle faisait parmi les indigents d'immenses hécatombes, elle enle-
vait à la vie économique une foule de bras qui lui étaient nécessaires.
Les porcs erraient librenienl dans les rues, parmi des tas d'immondices
ou de charognes, que l'incurie administrative laissait pourrir sur la voie
publique et d'où s'exhalaient de pestilentielles senteurs (-). Point d'égouts
nulle part; les rues étaient traversées dans leur milieu par une rigole qui
menait au fleuve les eaux pluviales comme les eaux ménagères, quand
celles-ci ne croupissaient point en d'infects cloaques aux portes mêmes des
habitations. Souvent aussi à l'extrémité de chaque rue, se dirigeant vers
l'Escaut, un immense « wez » ou abreuvoir, aux eaux boueuses et sales,
servait de réceptacle à toute espèce de malpropreté; enfin, dans les quar-
tiers populeux qui avoisinaient les remparts, de grands tas de fumiers.
(1) Altmeyer, op. cit., t. II, p. 60.
(-) Archives communales de Tournai, Pièces comptables, Dépenses extraordinaires,
sergent des rues, 22 octobre 1572.
AU POINT UK VUE POLITIQUE ET SOCIAL. â87
autours (lesquels volaient des essaims de inouches venimeuses, étalaient en
félidés monceaux leurs puanles immondices.
Le Tournaisien, pauvre ou besoirneux, habitait dans des rues étroites, de
petites maisons privées d'air et de lumière, couvertes souvent encore en
chaume, manquant pour la plupart de fosses d'aisances (^). Insouciant, rongé
par le fisc, l'artisan dissipait au jeu, ou dépensait à boire un argent avec
lequel il aurait pu se procurer une nourriture plus substantielle, un inté-
rieur plus confortable (").
Grâce à une situation hygiéni(|ue aussi déplorable, on peut dire (|u'au
XVI^ siècle, la peste régnait à l'état endémi(|ue dans Tournai. Point d'année
sans que des centaines, voire des milliers d'habitants, ne payassent leur
tribut à ce minotaure. De 1514 à 1516, près de quatorze mille personnes
lui durent la mort et, en 1571, ou en compta sept à huit mille (^).
Jusqu'au milieu du XVh siècle, on s'était contenté de lutter contre la peste
à coup d'ordonnances qu'on appliciuait rarement. Dans la suite, le [Magistrat
se montra plus soucieux de la santé publique. Pour enrayer la déperdition
de travail que la peste occasionnait chaque année, il résolut de combattre
énergiquement ce Iléau.
En 1564, toute conunuiiication avec les pesleux fut interdite, sous peine
de bannissement; soitant de chez eux, — et cette latitude leur était sup-
primée dès 7 heures du matin — ils devaient « porter blanches verghes
de trois piedz de long »; leurs maisons devaient être munies à leur pre-
mier étage « de bouges d'eslrain de deux pongnies et de deux piedz de
long » et avoir leur porte barrée (*). La circulation des porcs fut rigoureu-
sement défendue, et tout chien trouve errant dans les rues était mis à mort
par le sergent « tue-kien ». Des préposés commimaux, « les sergens à
(<) Archives communales fie Tournai, Ordonnance du 4 mai 1561, en rappelant une du
mois d'octobre 1S44.
(-) Tous ces détails ressortent des publications faites pendant une grande partie du
XVI» siècle.
(3) Correspondance de Granvelle, t. VI, p. 366.
(*J Archives communales de Tournai, Registre aux publications n° 344, fol. 205 et 206.
Publication du ti août loti4.
288 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI« SIÈCLE
verdes verghes », furent commis « pour prendre et constituer prisonniers »
les pesleux contrevenant à la dite publication, tandis que d'aulres à « rouges
verghes » furent chargés de veiller à la propreté des rues et de s'assurer
de Texéculion de cette ordonnance.
Malgré leur sévérité, ces prescriptions ne parurent bientôt plus suffisantes
aux magistrats communaux; quelques années plus lard, ils organisèrent un
véritable service de prophylaxie contre la peste.
A Tournai, les lépreux étaient soignés dans deux établissements, à la
Bonne-Maison de le Val ou aux Follais. La ville voulut de même hospitaliser
les pesteux et, pour éviter une contagion trop facile, elle créa des lazarets
extra muros.
En août 1571, elle fit bâtir aux Follais des maisonnettes en bois et
aménager « une demi-douzaine » de tours des remparts pour y loger les
malheureux que cette terrible maladie accablait; elle paya des médecins
assermentés, un chapelain et un personnel spécial qu'elle logea dans « neuf
maisonnettes séans hors la porte del Vigne », et dont l'unique mission
consistait à donner des soins aux pestiférés; elle organisa même pour eux un
service particulier de pompes funèbres et, à ceux qui venaient à décéder,
elle affecta un lieu de sépulture distinct (*).
Pour ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient élre hospitalisés, elle créa
un service officiel de distributions de secours à domicile dont voici succinc-
tement l'organisation.
Toute rue à Tournai avait son connétable, une rue un peu longue en
avait deux, quelquefois trois ou quatre, suivant son étendue.
Le connétable, dont la mission ordinaire consistait à veiller à la propreté
de sa rue, à l'entretien du puits, s'il y en avait un, à l'allumage des lan-
ternes le soir, etc., devait, en cas de peste, visiter les ménages de sa circon-
scription attaqués par le fléau et leur distribuer les secours pécuniaires que
lui accordait le receveur communal.
(*) Arcliives communales de Tournai, Consaux, séance des 30 juillet; 7 août 1571;
20 mai et 15 juillet 1372. Compte général, 1571-lo72, fol. 48 i*. Pièces comptables,
Dépenses extraordinaires, 29 juillet lo73 ; 1" septembre 1573 el 14 août 1576.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 289
Celui-ci justifiait l'emploi de Targenl auprès de l'autorité communale,
après que les connétables lui avaient eux-mêmes rendu leur compte (').
V. iMais la sécularisation de la bienfaisance, l'organisation de l'enseigne-
ment, l'amélioration de l'hygiène publique restèrent inefficaces. Cependant
les magistrats de Tournai, pour « veoir la ville remise une fois en estât et
en sa fleur anchienne » (■), n'avaient négligé aucun moyen, aucun effort.
Pendant qu'ils travaillaient à l'amélioration de l'hygiène et de la bienfai-
sance, ils aménagèrent l'ancienne brasserie de « La Tombe près du pont de
l'arche » pour y loger gratuitement des ouvriers drapiers, tisserands, foulons
et autres qu'ils firent venir de l'étranger, leur achetèrent des métiers à filer
la laine, des cuves à fouler le drap (^); en faveur des teinturiers, ils éri-
gèrent des moulins à garance Ç*); ils ouvrirent durant trois mois les corpo-
rations à tout venant « nonobstant qu'ils n'ayent faicl leurs années d'appren-
tissaige » ("), accordèrent la maitrise « à tous drapiers drapant et foulons de
draps estrangiers et pareillement à tous sayeteurs » ; ils obligèrent tout mar-
chand détaillant le drap à faire confectionner annuellement au moins deux
pièces par les ouvriers du terroir C^); et s'immisçant dans le ménage inté-
rieur des corporations, ils leur défendirent d'entamer aucun procès, avant
que « demandeur et delïendeur » n'eussent mis sous les yeux des Consaux
les matières du débat. Enfin, pour remédier aux « despences tant excessives
qu'inutiles » qui obéraient les finances corporatives et retombaient en der-
nière analyse sur l'artisan lui-même, ils firent vérifier les comptes de chaque
métier par des préposés communaux Ç).
(<) Voir à ce sujet, aux Arctiives communales de Tournai, reg. n" 2782. — Les secours
accordés aux pesteux provenaient de dons faits par la ville, les abbayes et de collectes
faites dans les églises.
(2) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 18 septembre 1582.
(3) Idem, reg. n"" 2764 et 2763. Comptes de la draperie, fol. 2 et seq.
(*) Idem, reg. n" 1736, fol. 1.
(S) Idem, Publication du 6 avril 1S88.
(fi) Idem, Consaux, séance du 8 mai 1582.
P) Idem, Consaux, séance du 10 juillet 1571 ; voir aussi Publication du 22 mai 1572.
Tome I. — Lettres, etc. 57
290 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
VI. Ce furent là des expédients inutiles.
Les luttes religieuses avec leurs tristes conséquences d'abord, les pro-
scriptions, les exodes des ouvriers calvinistes, les exécutions, les confiscations
et ensuite les désastres du siège de 4 581 avaient achevé d'épuiser le Tour-
naisis et tellement brisé le ressort de la population, qu'à un certain moment,
rien que dans le domaine artistique, Tournai ne compta plus ni un peintre
de talent, ni un tapissier de renom, ni aucun de ces artisans qui jadis avaient
fait sa gloire.
Tournai, qui avait vu naître et travailler dans ses murs des tapissiers dont
les musées nous ont conservé les admirables productions, fut, en 1568,
forcé d'acheter à Audenarde des tapisseries qu'il désirait offrir à son gou-
verneur le comte du Rœulx (') ou contraint d'avoir recours aux richesses
artistiques de Madame de Rongy pour en orner la Halle des Consaux, lors
du renouvellement de la magistrature communale ('). Celle ville, qui a pro-
duit et formé dans ses ateliers les Roger de la Pasture, les Jacques Darei
et d'autres peintres dont la récente Exposition des Primitifs à Bruges a fait
voir tout le talent, était réduite, en 1369, à s'adresser à un étranger du nom
de Pierre VIerick « pour restahlir aux églises, abbayes et aultres lieux de
la dicte ville ayans esté saccagez, tables d'autelz, tableaulx et aultres pièces
de peinture excellentes », parce que, disent les prévôts et jurés, « les
maislres peintres de cette ville n'avaient le scavoir de composer iceulx (^)» .
Tournai manque aussi d'orfèvres, et c'est Anvers qui fournit aux Magis-
trats les coupes d'argent doré que ceux-ci veulent offrir au colonel comman-
dant la garnison (^). Tournai manque aussi de sculpteurs, et ce fut encore
un étranger. Corneille De Vriendt, dit Floris, beau-père du peintre François
Pourbus, que le Chapitre de Notre-Dame chargea de reconstruire le jubé
de l'église cathédrale détruit en 1566, par les calvinistes (^).
(1) Archives communales de Tournai, Consaux, séance du 31 août lo68.
(2) idem, Compte d'ouvrages, avril à septembre 1570.
(3) Idem, Registre-Journal des pré»ôts et jurés, 26 février 1569.
(♦) Idem, Pièces comptables. Dépenses. extraordinaires, 10 novembre 1569.
(3) Bulletins de la Société historique de Tournai, t. XIV, p. 290.
AU POINT DE VUE POLITIQUE ET SOCIAL. 29i
La pénurie de bons ouvriers dans tous les corps de métiers était (elle
que, le 6 avril iS85, les Gonsaux « désirant l'augmentation et population
des stils et métiers de Tournai, lesquels à cause des troubles et retraite de
nombreux ouvriers étaient grandement diminués » permettent indéfiniinenl
l'accès des métiers aux étrangers, sans leur imposer l'obligation de l'appren-
tissage ou du chef-d'œuvre.
Le peuple est désespéré et près de mourir de faim; voilà comment,
d'après Morillon, se ferme le XVI* siècle, et voilà où les luttes religieuses
avaient mené Tournai (').
Certes, dés la fin du XV" siècle, s'annonçait le déclin économique du
Tournaisis, mais il n'est point douteux que l'intolérance religieuse de
Charles-Quint et de Philippe II fit perdre à Tournai « son sang le plus actif,
ses bras les plus vaillants », des milliers de ses meilleurs ouvriers, et que
les guerres de religion portèrent le coup final à la prospérité industrielle et
commerciale du Tournaisis, en empêchant ceux de ses habitants qui
« n'avaient point déserté le giron déchiré de la mère patrie », de réagir
avec toute l'énergie nécessaire dès l'apparition des premiers symplômes de
la décadence.
Blessée à mort, la ville de Tournai traîne depuis lors une existence déses-
pérément languissante.
De sa prospérité d'autrefois, la cité aux « cheoncq clotiers » n'en garde
qu'un pieux souvenir. On serait même tenté de croire, tant ont été vains
les efforts accomplis au XVII'' et surtout au XVIII* siècle par le Gouverne-
ment et la commune (-}, tant de nos jours encore, il parait si difficile de
donner un regain de vie à l'activité débordante d'autrefois, que Tournai ne
retrouvera jamais plus son ancien éclat.
(1) Correspondance de Granvelle, t. IV, pp. 144-145.
(2) Pour se convaincre de la vanité et de la réalité des efforts faits par les magistrats
communaux de Tournai durant ces deux siècles, il faut entendre les cris d'alarme
poussés par eux dans les registres aux rescriptions, reposant aux Archives communales de
Tournai.
292 TOURNAI ET LE TOURNAISIS AU XVI» SIÈCLE
Plaise à Dieu qu'il en soit autrement ! C'est le vœu sincère que formule
un Tournaisien de cœur et de race, qui désire ardemment voir sa ville
natale reconquérir l'importance qu'elle avait autrefois et prendre dans le
mouvement économique de la Belgique, une place égale à celle qu'elle a
occupée sous le gouvernement de la France.
APPENDICE
Liste des personnes exécutées à Tournai de 1561 à 1570
pour hérésie ou contravention aux placards.
ABREVIATIONS
EMPLOYEES DANS LA COLONNE REFERENCES DU TABLEAU CI-COMP.F.
B. P. E. Bruxelles. Archives du Royaume. Papiers d'Ëlat. Reg. n'' 334.
R. L. Archives communales de Tournai. Registre de la loi, n» 149.
R. C. Registre aux sentences criminelles, lions. Archives de l'Etal.
P. C. Archives communales de Tournai. Pièces comptables.
P. B. Pasquier de le Barre. Édition Pinchart. Bruxelles, 18S9
S. Nicolas le Soldoyer.
NoDi et prénoms des personnes eiécutées à Tournai «le 1561 à 1570
pour hérésie ou conlravenlion aux placards.
Date
Nom et prénoms.
Profession.
Genres
DE MORT
RÉFÉRENCES.
i
2
3
i
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
n
18
19
20
21
1561.
1561.
1562.
1562.
1562.
1562.
1562.
1.'562.
1562.
1562.
1562.
1563.
1563.
1563.
1563.
1563.
1563.
1563.
1563.
1564.
1365.
17 novembre.
17 novembre
22 mai.
22 mai .
22 mai.
22 mai
22 mai.
13 juillet
10 octobre .
10 octobre.
10 octobre
27 mai .
28 mai
18 juin.
18 juin.
18 juin.
20 août.
5 novembre .
2 décembre.
18 septembre
22 mars
Delannoy, Jean
Petit, Michel
Michel, Andrieu
Bacquin, Jean
Bellin, Rolland
Bourdeau, Pierre
Carlier, Jean. ......
Cornu, Guillaume
Deere, Alexandre
Varlut, François
De la Leing, Joachin ....
Léger (Jean, dit) . ...
Lonwez. Philippe, dit Radis .
de la Garenne, dit Tarara .
Bourdon, Jean, dit Mason le ligueur
Prévost, Jean, dit Tout Cousu
Robillart, Michel
Deletombe, Nicaise
Dumont, Roger
Boisère, Marie (')
Destailleur, Huifues ....
parmentier
hôtelier
potier d'étain
retordeur
B.P.E. f'>93.
R.L.
P. C
R.L.
P. B. 1-125.
B.P.E.
B.P.E. f" 337.
R.L.
(>) Ce nom est mal orthograptiié par Van der Uaeguen, Martyrs protestants néerlandais, XVI' siècle.
296
APPENDICE.
Date.
Nom et prénoms.
Profession.
Genres
DE MORT
— 9
Références.
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
1565.
1366.
1567.
1567.
io67.
1367.
1367.
1367.
1367.
1367.
1567.
1567.
1567.
1567.
1567.
1568.
1368.
1568
1368.
1368.
1368.
1568.
1368.
1368.
1568.
1568.
ism.
1568.
22 mars
10 décembre
7 février
7 février.
5 avril .
3 avril .
17 mai
17 mai
23 mai .
18 août.
i septembre.
4 septembre .
20 septembre.
20 septembre.
20 septembre.
9 janvier.
8 avril
8 avril .
8 avril .
8 avril .
12 avTil .
12 avril.
12 avril.
12 avril.
12 avril .
7 mai.
7 mai.
7 mai.
dit
Pieq, Jean . .
Hughe, Jean. .
Degretz, Pierre .
Delevingne, Grart
de Lespine, Gyprien
Visart, Jehan
de Lers, Rolland, dit Rollu
WiUe, Jean . .
Levallois, Philippe
de Snytz, Cornilles
Bresoul, Guillatime
Moncheau, Gervais
Drappier, .\rnould,
Mol, Jehan . .
Legrain, Jehan .
Delerue, Gilles .
Davion, Simon .
François, Léon .
Dumaret, Jean .
Deblas, Léon .
Gabry, Estienne
Ayraery, Simon.
Du Pire, Jérôme
Minutie, Salomon
Chuynne, Jehan.
Lefebvre, Laurent, dit As
Le Bacre, Jehan. . .
Hughes, Jacques . .
Bourgui
[gnon
poix
foulon
couturier
cordonnier
charpentier
messager
savetier
sayeteur
tanneur
marchand
charpentier
hôtelier
boucher
laboureur
laboureur
marchand
cordonnier
chaudronnier
marchand
marchand
marchand
marchand
charpentier
laboureur
hauteUsseur
hôtelier
R. L.
R. C. f"9r«.
R. C. f°9vo.
R. C. f»10.
»
R. L.
»
R. c.f-sav».
R. c. foSSr".
R. C.f»33r».
R.C. f<'36r'.
R. C. f<>36v>.
R L.
P. B. 1-1 11 n»!.
R. C.fi>40r».
R C.f°41r\
»
R.C.f»42r».
R.L.
•2M1
Cd
Genres
ï
1
DE MOR
T
P
Date.
Nom et prénoms.
Profession. _
— Références.
P
o
X
i '.2 ë
■&
o
50
1568. 7 mai.
Duraont, Guillaume
boucher
R. L.
51
1568. 4 juin.
Carlier, Gérard
. —
. R.C.f°44r<'.
52
1568. 4 juin.
Fontaine, Jehan. . ...
fossoyeur
. —
. R.C.f'>44v''.
63
1568. 4 juin.
Lefebvre, Paul
marchand
. —
0
54
1568. 4 juin.
de Bautegnies, Antoine . . .
boulanger
. —
. R. G. f°45r<'.
55
1568. 4 juin.
Waucquier, Jehan ....
hôtelier
. —
. R.C.fo45vo.
56
1568. 4 juin.
Desnoettes, Jacques ....
retordeur
. —
)>
57
1668. 22 juin.
Hierre, Jehan
hautelisseur .
. —
. R. C. fo46ro.
58
1568. 22 juin.
Chindieu, Jehan
cuvelier
. —
)>
59
1568. 22 juin.
de Coulongne, Jehan ....
coutelier
. —
• R. C.fo47r<'.
60
1568. 22 juin.
Desnoettes, François ....
carlier
. —
• R.C.f->47vo.
61
1568. 22 juin.
Blauwel, Gilles ....
bonnetier
. —
■ R. C.f°48r<'.
62
1568. 30 juin.
Chamart, Pierre
marchand
. —
»
63
1568. 30 juin.
Mas, Anthoine
marchand
. —
• R. C. lo49r'>.
64
1568. 30 juin.
d'Assegnies, Thiery . . .
marciiand
. —
■ R. C. f»49v°.
65
1568. 30 juin.
du Mortier, Gilles ....
laboureur
. —
• R. C.f»50r°.
66
1568. 30 juin.
de Lannoy, Valentin ....
fossoyeur
. —
• R. C.fo50vo.
67
1568.30 juin.
Sanclielle, Simon
teinturier
. —
• R. C. f» SI v^
68
1568. .30 juin.
de la Fosse, Quintin, al. Convers .
sayeteur
. —
■ R.C.f»52r».
69
1568. 7 juillet
Desmarez, Jehan ....
marchand —
• R.C.fo52v'>.
70
1568. 7 juillet.
Escrepont, Simon
laboureur —
• R.C.fo53r<'.
71
1568. 7 juillet
Robert, Pierre
sayeteur
— .
■ R.C.f<>S4r<'.
72
1568. 7 juillet.
Danglos, Nicolas
gantier —
• R. C. fo55r».
73
1568. 7 juillet.
Lenoble, Grégoire
hautelisseur -
• R. C.f''5ov'.
74
1568. 7 juillet.
Sade, Jacques
caucheteur —
• R.C.f"56r°.
75
1568. 7 juillet.
Briseraoutiers, Jehan ....
hautelisseur —
• R. C. fo 66 V».
76
1568. 7 juillet.
Merel, Jelienne
— .
. R.C.f"57
77
1568. 12 juillet.
Leclercq, Adrien, dit Lacanne .
. . . . -
. R. L. ■■"
Toiifi 1. — Lettres, etc.
38
298
APPENDICE.
Date.
Nom et prénoms.
Profession.
Genres
DE MORT
RÉFÉRENCES.
78
79
80
81
82
83
84
83
86
87
88
89
90
9i
92
93
94
93
96
97
98
99
100
101
102
103
104
103
1368. 12 juUlet.
1368. 12 juillet.
1568. 12 juillet.
1568. 12 juillet.
1368. 30 jmllet.
1368. 30juUlet.
1568. SOjuiUet.
1368. 30 juillet.
1368. 30 juillet.
1.368. 30 juillet.
1368. 30 juiUet.
1368. 30 juillet.
1568. 9 août.
1668. 9 août.
1668. 9 août.
1568. 9 août.
1568. 9 août.
1568. 9 août.
1668. 9 août.
1568. le'' septembre.
1568. 1" septembre.
1368. 1" septembre.
1568. 10 novembre.
1668. 10 noveraJjre.
1568. 10 novembre.
1568. 3 décembre.
1568. 3 décembre.
1568. 3 décembre.
Fregeot, Jehan ....
Ségard, Simon, dit Pintelelle
de Waregny, Pierre
Hennecau, Pierre
Du Bus, Gilles .
De le Lys, Gilles
Fruyt, Crespin .
Ricquart, Jehan
Harnesquiel, Michel, dit le Laquay
Henneuse, Estiennette
Lefebvre, François.
Loyau, François
de Lenglée, Philippe
Godault, Estienne .
Bauldechon, Estienne
de Beaumont, Pierre
de Lannoy, Jean
de Vrey, Henri . .
Macquet, .\drien
Carpréau, Pierre .
Vivequin, Regnauld
Philipot, Simon.
Bourgeois, Anthoine
(le Ballenghien, Jean
Legrand, Catherine .
Petit, Antoine . .
de Villers, Jehan .
Blondiau, Sébastien
aboureur
cordonnier
fileur
laboureur
marchand
marchand
charretier
aboureur
boulanger
P. C. Justice.
R. G. f 38V-.
R. C. fo 59 r».
R.C.f°59v.
R. C. fo 60 v».
R. G. f° 61 r».
R.C. f'>61v^.
R. C. f» 62 r».
R. C. f» 62 v«.
P. C. Justice.
R.G. f»79.
R. C. f» 80 ro.
R.C. f>80v.«.
APPENDICE.
â9@
Q
s:
o
"q
Date.
Nom et prénoms.
Profession.
Genres
DE MORT
(Ù
'm
o
o
CJ
Kéférences.
106
107
108
109
HO
111
112
113
114
115
116
117
118
119
120
121
122
123
124
125
126
127
128
129
130
131
132
133
1568. IS décembre.
1S68. 16 décembre.
1S68. 16 décembre.
1568. 16 décembre.
1568. 29 décembre.
1568. 29 décembre.
1569. 13 janvier.
1569. 13 janvier.
1569. 13 janvier.
1569. 13 janvier.
1569. 19 janvier.
1569. 19 janvier.
1569. 19 janvier.
1569. 19 janvier.
1569. 19 janvier.
1569. 19 janvier.
1569. 20 janvier.
1569. 20 janvier.
1569. 20 janvier.
1569. 20 janvier.
1569. 20 janvier.
1569. 20 janvier.
1569. 24 janvier.
1569. 24 janvier.
1.Ï69. 24 janvier.
1569. 24 janvier.
1569. 24 janvier.
1569. 24 janvier.
Carette, Henri
Dugardin, Pasquier ...
Houart, Jacques
Lebrun, Adrien
Florin, Jacques
De Bras, Roland
Loncle, Rogier
Leclercq, Jacques
du yuesne, Pierre, alias Le Glan.
AUard, Simon ......
Ternois, Joachira
du Prys, Louis
Belys, Martin
de le Prée, Gaspard . . . .
du Hamel, Jacques
Madou, Christophe
de la Thieullerie, Jehan . . .
Wannet, Claude, dit Macquaigne.
Le Louchier, Hercule . . . .
Guillaume, Jehan, dit Manant. .
Hovine, Arthur
Lampol, Louis
Legrain, Louis
Rys, Jehan
Lagache, Gervais
Husseman, Jehan
du Chastelet, Nicolas . . . .
de Longhuehaye, Robert . . .
savetier
sayeteur
laboureur
laboureur
tisserand
tisserand
hautelisseur
cordonnier
bonnetier
retordeur
hautelisseur
hautelisseur
charretier
laboureur
sayeteur
P.C.
K.C. fo81vo.
S. p. 310.
S. p. 311.
P.C.
R.C. f»82vo.
R.C. f°85r».
R. C. f" 85 r».
R. C. fo 86 r°.
R.C. f»86v<>.
R. C. f» 87 r».
R. C. f° 87 vo.
R.C. fû88r».
R. C. fo 89 r».
R. C. {" 90 r".
R.C. f" 91 r».
R.C. f»91 v».
300
APPENDICE.
es
a
es
o
~a
Date.
Nom et prénoms.
Profession.
Genres
DE mort
Références.
134
135
136
137
138
139
140
141
142
143
144
145
146
147
148
149
150
151
152
153
154
155
156
1.Ï7
158
159
160
161
1569.
1369.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1369.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
1569.
2 mars.
2 mars.
2 mars.
2 mars.
2 mars.
2 mars.
2 mars.
2 mars.
2 mars.
2 mars.
2 mars.
2 mars.
2 mars.
26 avril.
26 avril .
26a\Til.
26 avril .
26 avril.
26 avril.
26 avril .
26 avril.
15 juin.
15 juin.
15 juin .
7 juillet.
22 août.
13 octobre.
28 novembre.
de Wannebausart, .\rnould, dit
[Dieu de Lannoy .
de le Haye, Gérôme . . . .
du Fresnoy, Godefroy, S'deThun.
Boutry, David
Finet, Mare
Descamps, Jehan
Sergant, Pasquier
Cuvelette. Jehan
Bouehier, Augustin
Leprince, Jehan
Deletombe, Jehan
Deleprée, Jehan
Souverain, Robert
Drappier, Mahieu; dit bourguignon
Heldebault, Nicolas
Loncle, Claude
Duquesne, Nicolas
Gombault, Jactpjes
De Voz, Gérart
Delattre. Jehan
Descamp, Éloi
Pelet, Pierre, dit Gaurin . .
Le Lièvre, Liévin
Flandras, Jean
Hornet, Jacques
Duveiller, Jacques
Soré, Jean
Jacques, Robert
couturier,
hautelisseur.
sayeteur.
couturier.
boucher.
sayeteur.
hautelisseur.
marchand.
meunier.
mercier.
coutelier.
sayeteur.
marchand.
couturier.
licencié es droits.
R, C. f« 93 r».
R. C. fo 96 v».
R. C. f" 97 v°.
R. C. f" 98 r°.
R. C. f» 98 v.
R. C. f» 99 r».
n
R.C. f»100r\
R.C.MOOv».
R-CfolOlr».
R.C.f''102r<'.
S. p. 318.
R.C f'IOlr».
R.C f°106r".
R. C. f" 106 v«.
R. C. f» 107 v».
R.C. f''108r'.
P. B. E. £0 69.
S. p. 332.
R. C. f» 109 v».
R.C.MlOr».
S. p. 338.
P G.
APPENDICE.
301
Genres
i
DE MORT
ed
Date.
Nom et prénoms.
Profession.
RÉFÉRENCES.
-a
CD
'm
3
O
CÛ
O
162
1569. 28 novembre.
Piemant, Bauduin
boulanger
P.C.
163
1569. 28 novembre.
de Berlot, ArnoukI
.
—
»
164
1569. 28 novembre.
d'Antoing, Hiérome. . .
—
»
16f)
1570. 2 mars.
Philippo, Jean
. . . .
—
s. p. 352.
166
1S70. 8 mars.
Delesaux, Baltazar . . .
—
»
167
1570. 8 mars.
Lelièvre, Jaspard
-
))
168
1570. 8 mars.
Raphaël
. . . .
—
»
169
1570. 22 mars.
Solon, Jean
. . . .
-
S. p. 354.
170
1570. 22 mars.
Deswattines, Jean ....
boulanger
-
»
171
1570. 22 mars.
Le Vaillant, Charles . . .
.
-
))
172
1570. 12 avril.
Becq, André
-
S. p. 355.
173
1570. 12 avril.
Poilu Jacques ....
—
S. p. 356.
174
1570. 17 avril.
Lecocq, Adam
raaïeur des finances
-
S. p. 356.
175
1570. 17 avril.
de Guersem, Roland ...
—
S. p. .356.
176
I."i70. 17 avril.
Arnould
laboureur
—
S. p. 356.
177
1570. 17 avril.
Colrelle, Philippe
.
—
S. p. 857.
178
1570. 17 avril.
Un jeune homme de Thun. . .
—
.S. p. 357.
179
1570. 17 avril.
la Fosse (Mademoiselle) . . .
. .
-
S. p. 357.
180
1570. 21 avril.
Gabriel
censier
—
S. p. .357.
181
1570. 27 avril.
Berte, André, dit Drue Delacroix .
-
P. C. Justice.
182
1570. 27 avril.
Dare, Catherine
. . . .
—
P. C. Justice.
183
1570. 27 novembre.
Miette, Henry
....
—
P. C. Justice.
PIÈCES JUSTIFICATIVES
(1)
I(VII). — 19 février 1522.
Les mngistrals de Tournai deniandoiit l'annexion de leur ville
à la Flandre.
A tous qui ces présentes verront. Prevostz, jurez, mayeiirs et eschevins,
eswardeurs et les doyens des mestiers représenlans les quatre consaulx et avecq
ce pluisieurs de la bourgeoisie et de la commiinaulté des ville et cité de Tournay,
représenlans le corps ei communaullé des dictes ville et cité et de la banlieue,
deuenient convoquiez et notablement assamblez en halle au lieu auquel l'on est
acoustumé faire assemblées, salut. Comme très hault, très excellent, très puissant
et invincible prince Charles par la divine clémence empereur des Komaias,
cincquième de ce nom, Roy calholicque des Espaignes, archiduc d'Austrice. duc
de Bourgongue, de Brabant, etc., conte de Flandres, d Artois, de Haynnau, etc.,
nosire vray, droiclurier prince naturel et souverain seigneur, par Monsi^de Lannoy
son Chambellan, gouverneur et capitaine de Tournay et de Tournesis, Laurens
du Blioul. S'' du Sart. greffier de son ordre, et Jehan de la Croix, son receveur
général en Haynnau, tous ses conscilliers et par lui commis et depputez au
renouvellement et créacion de la loy desdictes ville et cité pour l'année prochaine
et pour autres affaires, entre autres choses nous ait fait dire que pour autant que
l'unyon des ville et chastel de Tournay, du Tournesis. de Mortaigne et Saint
Amand cl leur appendences, et des subjectz et autres y manans et inhabitans au
corps du pays et conté de Flandres, à 1 advis et opinion de pluisieurs bons, grans.
(') Conformément au vœu exprimé par M5I. les Académiciens examinateurs de notre Mémoire, nous
n'avons laissé subsister que les pièces justificatives absolument indispensables. .Mais, comme ces preuves
ont été renseignées par nous dans le bas des pages qui précèdent par leur ancien numéro d'ordre, force
nous est de placer à côté du numéro de classement actuel, l'ancien.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 303
saiges, notables et expérimentez personnaij!;es, feust et seroit la fortifficalion.
sceurelé et repoz et en effect le commun bien dudit pays et conté de Flandres et
de Tournay, du Tournesis, de Morlaigne el Saint Amand et leurs appendcnces, et
aussy des subjectz, nous el autres, el que à eesie c;iuse icellui seigneur leusl enclin
el euist assez proposé procéder à ladicle union, mais (]ue eeulx du pays el conté
de Haynnau de ce advertiz, lesquelz dienl et mainliengnent partie de la cité de
Tournay el quelque partie du Tournesis en temps passé avoir esté esclichiez et
séparez dudil pays de Haynnau, soubz ceste couleur ayent prétendu lesdicles
ville et cité de Tournay. l'entier Tournesis. Morlaigne et Saint Amand avec leur
appendence par la raison debvoir plustost cstre unyz audit Haynnau que à aultre
pays, el ayenl requis ladicle unyon, et, pour le moins à l'extrémité, que les parties
desdiz Tournay et Tournesis qui auroyenl esté séparées de Haynnau y fussent
restituées el réunyes, et que l'empereur noslredit souverain seigneur usant vers
nous de clémence et bénignité, pour autant que ladicle unyon nous louchasl,
désirast au fait dicelle entendre nostre opinion et, de sa part, nous ayent requis la
leur déclarer, savoir faisons que nous qui, dèz tosl après la réduction des ville et
cité de Tournay, du Tournesis et leur apperlenences el la nostre en l'obéissance
de l'empereur, noslredit souverain seigneur, avons oy parler de l'unyon que dessus
el des poursuites qui en sont esté faites de divers costez et, au fait dicelle, avons
entre nous heu pluisieurs conférences et communicacions, et deslors el tousjours
puis conlinuellemenl jusques ores pour pluisieurs bons regardz nous a samblé
comme ancoires samble que l'unyon de Tournay, du Tournesis, de Morlaigne et
Saint Amand el de leur appendence au corps du ()ays el conté de Flandres seroit
nostre notoire el évident prouffil, et mesmes que ladicle unyon à Flandres nous
seroit plus proppice et plus commodieuze que à autres queizconcques pays; nous
en ceste cognoissance, pour nous el tous les inhabilans de la cité de Tournay et
de la banlieue, d'un commun accord et vouloir sans contredit en la présence de
iVIons''de Beauforl, grand bailly de Tournay el du Tournesis, et de eeulx du conseil
du bailliaige, les quelz se sont conformez à nostre opinion, pour nostre forliffi-
cacion, sceureté et repos el le commun bien, notable et évident proffit de la cité
de Tournay, du Tournesis, de Morlaigne et Saint Amand, et des appertenances
el de tous les subjectz, manans el inhabitans desdis lieux, nous el autres, avons
désiré et désirons l'unyon destlictes parties el de nous au corps dudit pays et conté
de Flandres et oultre et pardessus nostre consenlemenl, lequel nous y avons
donné et donnons à ladicle unyon, nous en toute humilité avons requis et supplié,
et par cestes requerrons el supplions à lempcreur, noslre dit prince naturel et
souverain seigneur, que son plaisir soil vouloir procéder à l'effect dicelle unyon et
réallcmenl el de fait unyr el incorporer la ville et cité de Touruay, le Tournesis,
304 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
iMortaigne et Saint Amand et leur apendence et nous et tous autres manans et
inhabilans desdiz lieux, de quelque estât et condicion qu'ilz soient au corps dudil
pays et conté de Flandres pour perpétuellement et inséparablement y estre et
demeurer branche dudit pays et de semblable ressort que sont les villes d'Allost
et Tenremonde el leur terrois. Saulf en aultres choses, les prévillèges, droiz,
franchises el libériez de ladicle ville et cité. En lesmoing de ce nous avons fait
mectre à ces présentes lettres le seel aux causes de ladicte ville et cité, qui furent
faites et passées le dix noefième jour du mois de febvrier l'an mil cincq cens et
vingt et ung.
Ainsi signée par le secrétaire. R. du Fief.
(Archives générales da Royaume à Bruxelles. Chambre
des comptes, carton n" 32.)
II (X). — 14 octobre 1561,
Les Commissaires royaux font leur premier rapport
à Marguerite de Parme.
H octobre l.o6i.
Suyvant la charge et commission donnée par très illustre et puissante princesse
Madame la dueesse de Parme, etc.. Régente, etc., à nous de Montigny. gouverneur
de Tournay. Dassonleville el de Riasere, conseilliers de Sa Majesté, en date
du vij<= de ce préseni mois d'octobre I.t()I, sommes partis de Bruxelles le viij dudit
mois, et le lendemain arrivez au chastau dudit Tournay, ou pour inconlinenl
satisfaire à l'ordonnance de Son Alfeze, avons à la mesme heure mandé les grand
et pelit prevoslz avec l'un des pensionaires de ladicte ville, et aprez leur avoir
déclairé quelque chose des causes de nostre venue illec (sy avant que pour lors
trouvions convenir), et reprins sommièremenl la faulte que ceulx de la loy avoienl
faict de non avoir adverti incontinent Son Alteze. ny mesmes moy, de Montigny,
gouverneur de ladicle ville, de ce qui s'estoit passé, leur avons demandé quelle
chose c'estoit de ces assamblées et tumultes advenuz ces jours précédens oudit
Tournay, en qiielz termes les affaires se retrouvoient présentement, quel ordre ilz
y avoienl mis, et quelles informations ilz en avoient faict, ensamble quelles
personnes ilz avoienl appréhendé.
PIÈCES JUSTIFiCATIVES. 505
Surqiioy nous ont respondu que le jour de S* Michiel, xxjx* de septembre
dernier, quelques personnes rassemblées de divers costez, jusqiies (corne plussieurs
estiment) deux cens ou environ, se seroient sur les huict heures du soir mises à
aller par les rues el circuyr cha et là, chantant à liaulle voix plussieures
pseaulmes de David, Iraduictz en ritme françois, lesquelz chanteurs estoient
suyviz par une p;randc lurbc de toutes gens de divers sexe, tant hommes, femmes
que enffans discourantz ainsy par la ville, de manière que ceulx He la loy
s'estantz le lendemain trouvez ensemble pour remédier à ce mal, auroient incon-
tinent faici deffences bien eslroicles que telles assamblées ny cliantz ne fussent
plus faiclz, mectant pris à ceulx quy denunceroient les auteurs, selon qu'ilz ont
parliculièrement adverli Sa dicte Alleze, mais cela ne vallu riens.
Car au contraire ledit jour fut plus grosse assamblée que devant, bien en
nombre (corne on estime) de vj à vij<= plus ou moins, lesquelz menoient bruict et
chantoient passant par les rues, et continuant jusques les dix heures en la nuict,
que lors se séparèrent sur le grand marchié chascun à son quartier, crianiz
aucuns Sainct Brixe, aultres Sainct ÎNicaise, qui sont paroisses en ladicte ville.
Quy fut cause que le jour suyvant, premier de ce mois, lesdiz de la ville firent
plus rigoreux édict que devant, mesmemeut dez le soir ordonnarent un bon ghuet
par le marchié et aultres advenues dicelluy. pour réprimer lesdiz tumultes.
Et ainsy que l'on asseoit ledit ghuet, plussieurs s'assemblarent oudit marchié, ne
scavent à quelle intention, néanlmoins convint deschasser ladicle assamblée à
coups de bastons et hallebardes, à l'assistence aussy d'aulcuns soldartz du chastau,
qu'ilz avoient demandé, et s'est continué ledit ghuet jusques ad présent, de sorte
que depuis ce temps l'on n auroit plus faict telles assamblées ny chantz.
Desquelles émotions el lourbles ilz disoient ceulx de ladicte ville avoir prins
informacions pour cognoistre ceulx qui s'y estoient trouvez, et spéciallement
scavoir les auteurs, mais pour ce qu'il estoit lors nuict, et faisoil fort obscur, avec
ce que les hommes se cachoient les visaiges tant de leurs robbes, cappes. man-
teaux, comme aucuns de masques, aussy les femmes esloienl couvertes de l'ailles,
demye failles el aultres choses qu'elles portoient sur leurs testes, ne leur a esté
possible de les cognoistre, tant seullement avoienl appréhendé quatre ou cincq
qui s'y estoient trouvez, et en tenoient encoires deux prisonniers, et les deux
aultres l'un nommé Tallemant, lilz d'un bourgeois de ceste ville, el un aultre
vallel du fournicr, avoient esté relaxez par caution.
El pour ce qu'ilz nous confessarenl que les susnommez avoienl esté présens,
leur ordonnasmes pour plussieures raisons d'eulx asseurer de leurs persones, leur
remonstrant que puis qu'ilz se Irouvoient avoir esté en la troppe, qu'ilz ne
debvoienl eslre relaxez, parquoy regardassent de les remectre le pluslot que faire
Tome I. — Lettres, etc. 59
306 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
pourroient en prison, el au surplus de nous apporter lendemain vij heures du
malin, les informations par eulx tenues pour les visiter et examiner. Ce qu'ilz
promirent faire.
Et comme ilz dirent que ceulx du bailliaige dudit Tournay et Tournesis
avoienl aussy prins information, mesmes que le procureur du roy s'estoit mis
secrètement entre eulx pour veoir si! n'en pourroil et congnoislre aucuns, nous
advisasmes de mander pareillement pour le lendemain huict heures du matin,
lesdiz officiers pour oyr d'eulx ce qu'ilz avoient faict.
Pareillement délibérâmes d'envoyer vers le vicaire de Mons' de Tournay affin
qu'il nous vauloist advertir de ce que ceulx de i'évesché povoient avoir entendu,
faict el besongné, el oyr leur opinion de cesl affaire.
Le 10 dudit mois, visitâmes l'information de ladicte ville, où il y avoit bien peu
d'ordre et de sens, et ne trouvions grandz debvoirs faictz par eulx, néantmoins
appercusmes par le peu que c'estoit qu'il n y avoil eu propos de relaxer lesdiz
Tallemant et Fournier (corne dessus dit est). Et dicelle information nous a esté
donné le double.
Oultre ce le mesmes jour, sont aussy venuz les bailly, lieutenant, conseilliers,
advocat, procureur et aultres officiers du bailliaige ausquelz ont esté délivrées les
lettres de Son Alteze pour le regard de nostredil négoce, et demande de l'advenue
desdictes émotions et tourbles, aussy du remède qui y avoil esté donné, et s'ilz
n'en avoienl faict informations.
Surquoy par la bouche dudit advocat nous déclairarenl le discours dudit affaire,
en conformité assez de ce que avions entendu des diz prevostz. el jasoit qu'ilz en
euissent tenu information, sy n'avoienl ilz sceu advererle cas pour l'obscurité de
la nuict. et que les assistens se eachoienl le visaige, mesmement combien que le
procureur du roy se fut mis entre enlx pour scavoir s'il n'en pourroil recognoislre
aucuns, il n'a peu ce faire, comme ledil procureur nous aussy dit.
Toutesfois leur avons dit de nous délivrer copie autenticque de leur informa-
tion pour veoir le debvoir qu'ilz poeuvent avoir faict, leur remonstrant l'impor-
tance dudit affaire el comment en ce cas d'assamblée publicque de nuict et hors
heures, n'estoit seullement contrevenu aux placcarts contre les sectaires, mais
aussy que c'estoient choses tendantes à manifester séditions, rebellions et tumultes,
sentans crisme de lèzc majesté, pourquoy c'estoit bien à eulx d'en avoir prins, doiz
le commenchement, cognoissance corne de cas royal et priviliégé.
Quoy oyanl par eulx, nous feireni plussieurs doléances en quoy ilz disoienl
estre emprins sur la justice et auctorité du roy par ceulx de la ville, tellement
que voions assez qu'il y a entre eulx plussieurs disputes pour leur jurisdictiou, sy
nous ont dil d'avoir parcidevant faict plussieurs debvoirs par le bailliaige dudit
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 307
Tournesis pour contenir les subjectz en office et dévotion de l'anchienne religion
catliolicque, lellemenl qu'ilz tiennent le plat pays assez bien refilé en ce regard;
néantmoins nous en informerons plus amplement de tout, et du debvoir faict par
eulx et aultres inférieurs pour en donner meilleur compte à son alteze.
Le mesmes jour à i'aprez disner, comme oïsnies que les diz du bailliaige nous
avoient faict la déclaration susdicte de n'avoir sceu riens adverer, et que les infor-
mations des diz de la ville estoient fort maigres, commenchasmes à oyr plussieurs
lesmoings telz que povions entendre, scavoir à parler de ladicte assamblée et des
circunstances, recollans aucuns de ceulx qui avoient esté oijr, et avons continué
ladicte enqueste le lendemain H* dudit mois, et continuons présentement, ayans
dès à présent oy 14 ou <5 tesmoings.
Par lesquelz appert clairement les assamblées illicites avoir esté faictes de nuict
ledit jour S* Michiel et le lendemain derrain passé, en bien grand nombre^ et
qu'ilz estoient bien le nombre de cent persones que homes, femmes, filles et
enlTaiis quy chanloient tumultuairement les dix commendemens de la loy et
pseaulmes de David en la translation franchoise, et estoient bien suyvys, asscdvoir
la première fois plus de vj<= plus ou moins, mais y avoit certain nombre qui
marclioit devant et commenchoient les versetz que les aultres enssuyvoient.
Entre lesquelz estoit un petit home noir, portant barbe raise, vestu d'un man-
teau de bougran ou cuyr, qui estoit le conducteur, et en cest estât depuis les
vij heures du soir jusques les dix heures de nuict, continuarent discourant quasi
toutes les principalles rues de ladicte ville, faisant aucunes fois stations, si comme
devant la maison du coadjuteur et vicaire de Mons' de Tournay, devant les Augus-
tins, à 8* Piat, et au grand marchié où ils se séparent; néantmoins paravant ce
faire se mirent en couronne et ronde, au milieu de laquelle se mit un quidam
portant une petite barbe rousse lequel osta le bonnet, commcncha haranguer disant
ces motz, ou en substance : « Messieurs, nous avons loué le Seigneur partant que
chaseun se retourne en son logis pour le remerchier qu'il nous a donné la grâce
d'annuncher ainsy la vérité et sa parolle, en luy priant aussy affin qu'il nous
donne bien persévérer, et nous vœulle donner victoire », ce qui fut dit partie en
ritme françoise partye aultrement. Sur quoy la trouppe ostant aussi le bonnet
respondit ainsy soit-il, et le lendemain dudit S' Michiel, les assamblées se sépara-
rent à la croix S* Piat, aprez avoir chanté et donné congié par luy de s'en relhirer
et que chaseun eult eryé son quartier. Rt estoit apparence qu'ilz fussent retourné
le lendemain, ne fut l'ordre du renforchement du ghuet mis par la ville, où assis-
tarent aussy quelques soldars. Encoires ne povoit bien le magistrat meclre les gens
hors du marchié, que à grandz coups de basions de hallebardes, corne dit est.
Et (|uant aux autiieurs et ehicfz de ladicte émotion et cslevée de trouppe, avons
308 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
ja commenché descouvrir que furent aucuns jeunes gens de cesle ville en quelque
nombre qui prindrent ce conseil, ledit jour S' Michiel hors la porte de Lannoy,
entre lesquelz esloil par le dire d'un témoing un nommé Pierre Guillaume, filz de
Jean, retordeur de sayette, que avons pensé appréliender dez le 10" <ie ce mois au
soir, mais il s'est enfuy passé huict jours; comme aussy trouvions lesdiz Talle-
mant et le varlet du fournier eslargiz, avoir chanté avec les aultres et estre ledit
varlet coustumier chanter par la ville lesdiz pseaulmes luy seul du matin, allant
pour commander aux bonnes gens de faire leur pain.
Ledit 1(1« du matin, le procureur de la ville est venu déclarer comme ceulx de
la loy avoient faict debvoir d'appréhender lesdiz Tallcmant et boullengier, mais
qu'ilz s'ostoicnt absentez et enfuys (chose qui leur dcsplaisoit fort), parquoy
avoient appréhendé les pères qui estoient caution de leurs enffans, surquoy leur
avons bien expressément donné à entendre la faulte par eulx commise.
Nous sommes du tout aprez pour recognoistre ledit home avec le manteau
susdit, qui menoit et guidoit les chanteurs et celluy qui feit la harengue en la
couronne aussy les aultres cbiefs.
Trouvons bien qu'il y a couru une grande et effrénée multitude de gens de tout
sexe, si jeusnes et ignorans qui ne scavoient ny entendoient ce qui se faisoit, et
en la trouppe y avoit quelques-uns qui leur sambloient François meslez, mais
n'avons cncoires sceu s'iiz ont esté les auteurs ny s'il y a praticqué avec ceulx de
Vallenciennes, que ne povons cognoislre sans avoir lesdiz auteurs
Ceulx du vicariat à l'assistence des soldars du chastau que moy de Montigny
leur ay délivré, ont prins à nostredicte arrivée un arbaleslrier de ceste ville,
qu'ilz'chargent avoir tenu conventicules et avoir esté en ceste assamblée avec sa
femme, et avoir dit que si ce n'estoit que on le feit ainsy, que jamais on en vien-
drait à fin.
Coramunicasmes doiz hier cestuy affaire avec ledit coadjuteur vicaire général,
s'estant trouvé en ce lieu, et aujourd'huy debvons aussy traicter tant sur cela que
autres affaires avec Mons"^ de Tournay, qui vint hier icy en ceste ville pour scavoir
ce que l'on fera dudit prisonnier.
(.\rchives du Royaume. Correspondance de Tournai.
Registre n» 384, fol. 12-15.)
PIECES JUSTiriCATFVES. 509
III (XI). — 15 octobre 1561
DeuxièiiK' rappoil «h'S Coiniiiissaiips à la Kégrnio.
15 octobre 1561.
Madame, nous avons faict telle fliligence pour sonder et effonser l'origine de ce
mal, que nous avons à cestc heure descouvert l'une des principalles maisons, où
les priiieipauls predicans se relhiroient et faisoient leurs eonvenlicules et assam-
blées, de sorte que y avons trouvé livres de Calvin en latin et françois. ensamble
de plussieurs aultres hereziarques, dont le catalogue n'est encoires faict. avec
pUirsieurs lettres missives et extraictz de sermons, une parlije pacquée avec les
meubles, livres et bardez prestz à transporter. Bien est vray que de malheur
eculx qu'avons envoyé pour empongner un prédicant des principaulx, qui s'est
meslé passé longtemps de corrompre les aultres, el lequel par suspicion est celuy
qui a faict les harangues aux assamblées dernièrement faietes icy, estoit sorty
ladicte maison peu paravant, et comme la chose est descouverte pour avoir veu
les soldars en sa maison, avons faict publier que quiconques le pourroit renseigner
il aueroit cincquante carolus et impunité de son melîaict, laquelle some nous
espérons bien trouver des biens saisiz et davantaige, ledit home s'appelle Hobert
du Four, natif de Blandin, une lieue prez de ceste ville, est home de petite statue
d'eaige de xxx ans portant ordinairement petite barbe blonde, laquelle il a présen-
tement coppée, vestu le plus souvent d'un manteau à manches de gris de Tournay,
el aucunesfois d'un noir, ayant chauses grises et le hault de chamoix, portant
aussy le plus souvent un collet de cuyr, faict à présupposer qu'il soit de son
premier slil sayeleur ou haulelisseur
Oultre ce. Madame, entendons l'hoste de ladicte maison nommé Jan du Mortier,
nepveu de la syrennc de ceste ville, parcidevant sayeleur et adprésenl haulelisseur,
passé huicl jours (comme nous a dit un sien serviteur, que avons appréhendé) estre
allé en Anvers pour querre argent d'un nommé Vander Pippe, filz baslart de feu
Vander Pippe, marchant d'Anvers, auquel bastart son dit père a donné cent livres
de gros plus ou moins, et sont tous deux audit Anvers ; ledit du Mortier est homme
de trente ans ou environ, avec barbe blonde, portant un manteau et chauses
noires, et ledit bastart est vestu de mesmes;, en la maison duquel ledit preseheur
hantoit aussy, dont incontinent avons trouvé bon advertir Vostre Alteze à celle
fin que luy plaise ordonner au margraves d'Anvers qu'il face le debvoir de les
510 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
appréhender, ensemble ledit petit home prescheur si de fortune il venoit là, et
aullres ses adhérans, car cest un grand garçon qui gaste les aultres, et par l'un
diceulx le tout se pourra enfifonser entièrement.
Nous envolons semblahlement à Voslre Alteze la déposition d'un tesmoint; icy
enclose affin qu'il plaise à icelle ordonner à l'aman de Bruxelles d'empongner le
personaige mentionné en iadicte déposition
Nous espérons à l'ayde de Dieu, faire telle diligence que ces tumultueux, sédi-
tieux et perturbateurs seront dissipez et séparez. Il y a une bonne trouppe qui se
sont renduz lugitifz dont ferons faire le catalogue Nous en avons appréhendé
deux oultre les deulx que ceulx de la ville avoient. ensamble deux aultres que
Mons' de Tournay tient. Le mal estant entièrement descouvert, serons aprez pour
trouver les remèdes dont préalablement de tout advertirons Vostre Alleze, et
pour ne relarder plus longuement ce messagier. avons différé plus particulièrement
escripvre à V . A. ce que avons faict depuis noz dernières, dont par le premier luy
en donnerons compte.
iMadame, aprez avoir baisé en toule humilité les mains de V. A. nous supplie-
rons Dieu donner à icelle le parfaict de ses haultz et vertueux désirs. Du chastau
de Tournay ce 15 octobre 1561.
De V. A. Très humbles et obéissans serviteurs.
F. DE Montmorency.
D'ASSONLEVILLE. D. BlASERE.
(Archives du Royaume. Correspondance de Tournai.
Kegistre n" 3i>4, fol. 16.)
IV (XVI). — 4 août 1563.
Ka|»porl des Coiiiinissaires ropii.x à Iîi H^^jjciilc; L'école <lc rliélorique,
4 août 1S63.
Madame. Depuis noz lettres escriptes à Vostre Alleze du \xvij« de juing, n'ayans
aultres négoces pour avoir achevé ce que povons faire louchant les tumultes, nous
nous sommes appliqué à tenter si ne scaurions enfoncer le moyen et les autheurs
delarescouce faicte aux Pasques dernières des filles sectaires hors des prisons de
ceste ville, et quelque diligence que ayons faict de oijr et examiner plusieurs per-
PIÈCES JUSTIFICATIVES. ."Il
sonnes, n'avons peu plus avant en scavoir que en est porté par la déposition de
Nicaise Frappé, mise es mains de nostre confrère porteur de cesle avecque aultres
pièches y servant.
Depuis ayant eu quelque advertence que ung maistrc Jacques Fourré, tenant
escole en ceste ville, auroit vendu quelque livre prohibé à uuf!; josne filz allant à
son escole, avons mandé ledit josne lilz et par sa déposition trouvé la vente
dudit livre; pourquoy aurions faict visiter la maison dudit Fouré et apporter
vers nous tous livres qui auroit en sadictc maison et le faict prendre pri-
sonnier, l'interrogué. luy confronté ledit josne 6lz et finablemeni attainct de la
vente dudit livre, comme Vostre Alleze pourra entendre par le rapport de noslre
dit confrère ou pièciies qu'il porte avecq lui, si besoing est. outre les livres venans
de la maison dudit Fouré se y est trouvé ung gros registre du puich d'escole de
retlioricque dudict Tournay, lequel avons faict visiter par théologiens qui ont
trouvé plusieurs erreurs et pièches aulcunes malsentans, aultres mauvaises et
schandaleuses, pourquoy et que lesdictes pièches (ores qu'il n'y eut eu erreur)
estoient contre le placcarl de l'an ijx, avons faict evocquer tous les confrères de
ladicte escole et les interrogué chascun en son endroict, selon que Vostre AUeze
voira par ung sommaire que vous envoyons avecque nostre advis sur le faict de
chascun diceulx, mesmement de ce que se doibt faire dudict registre, et aussy de
1 escole pour en estre ordonné par Vostre Alleze comme de raison.
Pendant ce temps, nous avons receu les lettres que a pieu à Vostre Alteze nous
eseripre du xij^ de juillet, lesquelles le S' de Montigni nous a envoyé le xx» dudit
mois avecque la résolution menlionnée par icelle. ausquelles avons satisfaict, et
en tous ses points, saulf cestuy qui concerne Robillart. que avons différé pourveoir
s'il se poiroil convertir; s'il persiste, ferons faire l'exécution para vaut nostre par-
lement.
Nous avons faict gehenner Jacques de Bailleu, filz de Guérard, duquel ne s'est
tiré aulcune chose pour les complices et adhérens du père; à la vérilé, Tavons
trouvé homme bien simple qui est apparant n'avoir esté adhérent à sondit père;
il est fort repentant, pourquoy Vostre Alteze poura ordonner en son regard de ce
qui luy plaira estre faict.
Quant à l'exécution de ladicte résolution, n'avons peu y entendre pour l'absence
dudit S' de Montigni qui n'est encores de retour, ny apparant de retourner pour
sa maladie, comme entendons, s'il vient ne laisserons besoingner selon icelle, mais
en cas de tardement pour sa maladie et que sommes icy du tout sans négoce,
nous supplions Vostre Alteze y donner le moien que nous puissons retirer en noz
maisons, en regard au long tamps que sommes icy.
Pour ces causes et avoir plus tost résolution sur les aultres affaires dont présen-
312 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
tement advertissons le eonseillier Evrard, nostrcdit confrère porteur de cesles et
nous avons trouvé besoing que se trouva vers Voslre Aiteze, la suppliant de
briefve despesche.
Suyvanl aultres lettres queVostre Alleze nous a escript du xv« de juing dernier,
pour les différens et procès de Messieurs de chapitre contre les curez parocliiaulx
de Tournay et chappellains des haultes fourmes, nous avons aussy accordé icelles
parties.
Madame, il plaira à Vostre Aiteze nous commander ses très nobles et très
vertueulx désirs, pour iceulx accomplir, aydant le Créateur, auquel Madame,
supplierons donner à Voslre Alleze eti sanlé et longue vie sa grâce, très humble-
ment suppliaiis estre recommandé en la sienne. Uo Tournay le iiij"= d'aoust i5t)5
De Vostre Aiteze, Très humbles et très obéissans serviteurs.
Pierre Asset. Franchois Verlysen.
(Archives du Royaume. Papiers d'Éiat. Reg. n».S.ï2, fol. Hl.)
V [KVU). - 1566.
Hapiioil du illagisli'.it «le Touniai sur les (roubles de 1566.
Bref discours des choses passées à Tournay en l'an quinze cens soixante six
durant les presches des sectaires, assamblées illicites, sacageniens des églises
et lieux pieux, troubles, émotions populaires et aultres désordres advenus
en icelle ville.
Comme dès la fin de l'an xv« Ixv. s'amonstroit quelque apparence de mulacion
es Pays-Bas de Sa Majesté tant par les lighes et conspiracions secrètes que plu-
sieurs estrangers et subgectz de Sa Majesté se sont ingérez faire, dont Son Aiteze a
faict adverlenir au magistrat de Tournay par ses lettres en date du xxvj« de mars
et premier d'apvril audil an, pour éviter à toute surprinse, comme aussy par la
requcste du ciiicquième dudit mois d'apvril lendente à fin de chambgement des
édiclz et abolition de l'inquisition sur le faict de la relligion, seroil advenu que
ledit magistrat, pendent que n'esloit encoires cognu de la fin à laquelle tcndoient
les sectaires, auroil donné ordre à la garde de la ville en augmentant le guet
ordinaire dicelle par le moyen de bon nombre de gens de serment, et d'aultant
PIÈCES .lUSTFFFCATIVES. 513
qu'au partemcnl du S"" de Montigny pour Espaignc. vfrs la fin du mois do inay
an xv«lxvj, les gens de guerre de la garnison et solde de ladiele ville furent mis au
chastel dicelle, et que d'eulx ne convenoit attendre aucun service en cas d'esmo-
tion, tumulte ou envahie d'ennemis estrangers dens ladicte ville, ledit magisirat
trouva expédient de, en tous eveniz, comme du passé avoit esté faict en tamps
dangereux eslablir, quelque forme de guet d'effroy pour s'en aider au besoing,
telement que les chefz et conseil de ladicte ville furent députez pour adviser
comme aultresfois, en tel cas on se scroit réglé et en effecl pour arrester quelque
Project dudit guet qui eut peu servir selon l'apparence du tamps lors courant.
Pendent quoy furent ordonnez aucuns guetteurs ordinaires aux gaiges de la ville
pour prendre esgard aux enirans et sortans par chacune porle dicelle Or les
prevoslz et jurez de ladicte ville estans advertis que les xxvij et xxviij« jour de
juing, presclies puhlieques s'estoient tenues emprès les villes d'Anvers, Gand,
Audenarde, (pre, en la chastellenie de Lille et quelque sepmaine auparavant
emprez Bethune, mesmes (jue eeulx de Tournay s'estoient délibérez d'assister à
quelque presche quy se debvoit tenir la niiict ensuivante, le vendredy xxjx" dudit
mois, non loing de ladicte ville où se debvoienl trouver grand nombre de paysans
et aultres gens des villes voisines, pour à ce obvier ilz dépu tarent à chacune porte
l'un d'entre eulx, affin d'empescher la sortie des raanans de ladicte ville voulans
assister à ladicte presche. leur remonstrant le danger de mort auquel ilz se mec-
toient par se trouver en teles assemblées; mais nonobstant toutes remonslrances
plusieurs de ladicte ville, faindans aller à quelques leurs négoces sortirent la ville
et se trouvarent en la presche quy fut tenue ladicte nuict auprès du pont d' Arnou-
ville, termes du bailliai-e du Tournesis, de laquelle presche et des noms et soubz-
nonis des personnages quy s'y trouvarent. comme faisoit à présumer par les avoir
veu le lendemain retourner dans ladicte ville, a esté faicte note et déclaracion par
escript comme de toutes aultres depuis ensuivies, jusques à la tollérance desdicles
preselies publiée par hault et puissant seigneur mcssire Philippe de Montmorency,
conte du Horon, admirai de la mer, chevalier de Tordre, ete , commissaire, etc.
Quy fut cause que le lendemain pénultième dudit mois de juin, les Consaulx
de ladite ville se rasserablarent et y fut délibéré ce quy est porté par la note quy
en a esté tenue comme s'ensuit.
{^lonsaulx rassemblez le sabmedy pénultième jour de juing xv^lxvj, pour faire
lecture du projeet de Messieurs les chiefz sur l'assiette des bannières pour
empescher les assemblées, esniotions populaires et surprinses d'ennemis estrangers,
lequel projeet a esté leu et trouvé bon. ordonnant d'en faire publication aux
bretesqucs, sy a esté advisé de renforcher le guet des portes de deux hommes de
serment, assavoir par chacun jour ung homme du serment Sainct Anthonne et
Tome 1. — Lettres, etc. 40
314 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
uiig aullro (lu sennenl Sainct George, lesquelz sermens aians faict debvoir, conl-
mcnclicra ung aullre serment pour empescher les sorties de la ville aux manans
et inhabilans el aulx eslrangers, l'entrée, n'est qu'on soit appaisé des causes de
leur venue. Et pour ce que cesle nuict a esté tenue quelque presche par delà le
pont d'Arnouville sur le Tournesiz, a esté advisé d'envoier incontinent vers ceulx
de Lille, pour scavoir comment ilz se sont réglez durant le temps, quant unes
presclies se sont tenues illec.
Lequel guet d'effroy fut en ce temps trouvé convenable pour aultant que l'on
craindoit surprinse des eslrangers à raison de la conspiration que dessus, dont Son
Allezc avoit rescript, joinci que ledit Seigneur de Monligny avant sondit parte-
nient en avoit aussy rescripl particulièrement au Seigneur de Moulebais, son
lieutenant au gouvernement de ladicte ville et du chastel d'icelle, advertissant que
quelque emprinse secrète auroit esté faicte sur ledit chastel, en luy commandant
d'cstre sur sa garde, apparant des lettres dudit Seigneur communiquées à plusieurs
dudit magistrat, el ce considéré que pour lors aultre moyen ne s'offrait aiidicl
magistral que de s aydcr de leurs propres manans répartis en bannières et disaines
comme est porté par le project dudit guet. Pour aultant que les presches, troubles
et esmolions s'esloient desja amonstrez es aultrcs lieux et presque généralement
parla plus grande partie dudit Pays-Bas, et que suivant ce eusl esté difficil de
recouvrer gens ieaulx cl assceurement bons pour le service de Sa iMajesté et la
sccurelé de ladicte ville, obstant les menées secrètes desdictes lighes et conspira-
tions, et mesmes de tant plus que ores que l'on eust peu lever gens de guerre par
congé de Son Alteze en quelque quartier du pais, des habitans duquel Ton eust eu
confidence quant à la relligion catholieque, ce neantmoins audit temps argent
defailloit pour à ce furnir, ladicte ville estant à l'arrière de la some de vingt cinq
mil florins pour la perte des bicdz achetez pour la provision durant la chereté
dudit an xv^lxv, estant icelle oultre ce en faulte de bonne assignation promise par
Sa .Majesté pour le payement du cours annuel des rentes cy devant vendues pour
le rccouvremenl de la somme de cincquante mil florins par une partie, et soixante
mil par aultre, ieelles sommes levées par Sa Majesté, ains en demeuroit encoires
deux mil quatre cens fleurins de court que ladicte ville avoit plusieurs fois payé
sy estoil encoires apparente de payer par chascun au nom de Sadicte Majesté, de
tant qu'audit mois de juing poursieule avoit esté faicte en la court pour obtenir
paiement du receveur général, sus lequel assignation en estoil faicte, lequel auroit
respondu au pensionnaire de ladicte ville de n'avoir moyen de payer, et que
samblables assignations auroient esté faictes sur sa recepte quy n'auroienl esté
payées de cincquante ans Sy n'auroienl les chefz trésorier général et commis aux
finances de Sa Majesté trouve moyen de aultrement dresser ladicte ville, combien
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 515
que à ces fins leurs seigneuries en eussent esté requises, joinct que pour mectre
nouvel impos et assis sur les manans de ladicte ville eusl esté besoing de ras-
sambler iceux par collèges et d'obtenir le consentement de la plus grand part
d'iceulx, à quoy l'on n'eust soeu parvenir obstant l'abtercacion desdiz manans,
lesquelz se commenchoient dès lors à esmouvoir pour le faict de la religion comme
des auparavant avoit esté faict es aultres villes susdictes Et au regard des écclé-
siaslicques quy eussent bien peu secourir d'argent et contribuer aux mises néces-
saires pour l'assceurance d'eulx mesmes, de tous bons catholicques et de la religion,
ny avoit apparence d'obtenir quelque aide d'eulx, en tant que l'impos d'ung i^ros
au lot de vin et de iiij gros sur chacun lonnel de bierre mis sus en l'an xv^lxiij,
pour le payement des gens de guerre levez pour le faict des chantries et conven-
ticlcs tenus es bois, avoit duré jusques à ce temps à leur grand regret et mescon-
tentement, sy avoienl iceux pour ung coup refusé au partemenl dudit Seigneur
de Montigny, de plus contribuer au payement des soldalz estans à la solde de
ladicte ville lors mis audit cliastel, combien que du depuis à l'instante poursieute
dudit Seigneur de Moulbais, ilz aient consenty de faire ladicte contribution.
D'aultre part, iceulx requis de contribuer au paiement des guetteurs commis à la
garde des portes que dessus, en feirent refus tout à plat, disans n'eslre subjectz à
la garde de la ville. Et là où cculx de ladicte ville avoient consenty que des
deniers dudit nouvel impos les commis surroghez sur le faict de relligion par Sa
Majesté feussent payez de leurs vacacions, ce néantmoins lesdiz ecclésiasticques
ny voulurent consentir par leur quote quy esloit bien petite au regard de celle de
ladicte ville, avant que lesdiz commis eussent à grand difficulté à cest elïect obtenu
lettres d'induction de Son Alteze, faisoit aussy à considérer que plus des trois
pars des manans de ladicte ville estoient artisans vivans de la seulle manufacture,
l'entretenement desquelz dépend d'aucuns marchans quy leur donnentàbesoingner,
en acheptent leurs ouvrages pour envoyer la pluspart en Anvers, lesquelz mar-
chans en ce temps faisoienl courir ung bruit par la ville, que advenant qu'illz
feussent molestez par gens de guerre en leurs maisons ilz cloroient leurs boutiques,
ne feroient aucuns achaplz et ne donneroient à besoingner ausdiz artisans, ce
néantmoins est vray que ledit guet d'elïroy n'auroit esté practicqué, obstant que
avant qu'ennemis estrangers se soient approchez de ladicte ville ou que sus icelle
ilz aient faict quelque envahie, aultre police ait esté mise à la garde de ladicte
ville. Kt en premier lieu pour tenir ladicte ville en tranquillité, contenir la popu-
lace, et éviter à pilleries, fut advisé de tenir preslz, armez et embastonnez, les
plus notables et aisez entre les habitans de ladicte ville.
Le dimenehe derrenier de juin, se feit une assemblée et presche auprez du Pont
à Kieu, povoir de ladicte ville. Le mercredy iij>= de juillet, s'en feit une aultre
516 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
audit lieu, desquelles presches et de eeulx qui y onl assisté a esté faicte noie par
le procureur de la ville, à quele occasion comme le jeudy iiij» dudit mois de
juillet, les consiiulx de ladicte ville se rassamblarent, pour oijr la lecture des lettres
de Son Alleze en date du ij" d'icelluy mois, par lesquelles estoit commandé d'era-
pescher icelles |»resches avec adverteiice de lassistence qui en cest endroit se
debvoit donner par le souverain de Flandre et que lesdiz consaulx redoubloient
grandement la voye de faict pour la multitude de gens garnis d'armes et bastons
invasibles quy se trouvoient esdictes presches. fut résolu d'avertir Son Alteze de
leslablisscmenl dudit guet d'effroy comme est contenu en l'acte sus ce faict, qui
est tel :
Consaulx rassamblez le jeudy quatrième jour de juillet xv^lxvj, pour oijr lec-
ture des lettres de Hladame en dacte du ij^ dudit mois, et sur icelles résouidre et
délibérer. Suyvant quoy a esté advisé d'envoier vers Son Alteze Mons' le Clerc,
conseiller, avec lettres de crédence, pour de tout ce quy s'est passé advenir Sadite
Alteze et comment il n'est pas possible de donner empeschement par voye de faict
à ce que les presches se facent, pour le grand nombre de peuple y confluant de
tous costez.
Le sabmedy sixième dudit mois fut reçeu par Mons' de Moulebais certain
placcart de Sa .Majesté par lequel les presches et assemblées furent deffendues
sur peine [ ] avec promesse de donner pris à cestuy qui tueroit le
prédicant, tellement qu'à l'occasion de la publication d'icelluy tous officiers de Sa
Majesté et de ladicte ville se rassamblarent et fut conclud comme est porté par
l'acte subséquent.
Consaulx rassamblez avec .Mons' de Moulbais tenant lieu du Gouverneur et les
lieutenant de bailly et officiers de Sa Majesté au bailliaige de Tournay et Tournesiz
le sabmedy sixième jour dudit mois, pour oijr lecture du placcart du Roy dressé
contre les presches et assamblées illicites et adviser sur ce qu'il sera de faire.
Suvvanl quov a esté advisé de. suivant l'opinion de .Mons' de Moulebais. publier
incontinent ledit placart. jasoit que le plus grand assens portoit de retarder ladicte
publication jusques au lundy ensuyvant.
Le dimenche septième dudit mois, ledit Le Clercq retourné de la court raporta
lettres de Son Alteze par lesquelles icelle reprenoil ceulx de la loy de défaillance de
cœur, enhortoil de résister hardiment aux presches par la voye de vive execucion
dudit placcart, et par renforcer la justice par le moyen des sermens, bons bour-
geois et aullres gens de bien, aiant esté dict verballement présent Son Alteze audit
Le Clercq que en ce le chastel de ladicte ville debvoit conforter, et que au reste
l'on ne croioil que en ladicte ville le nombre des bons fut moindre que cestuy des
mauvaix. Susquoy es consaulx tenus ledit jour, fut faict et résolu ce que s'ensuit :
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 317
Consaulx rassemblez avec Mons"" de Moulebais tenant lieu de goiivenienr. les
lieutenant général et olïieiers du bailiiaige le dinienche septième jour diidil mois
de juillet, pour oijr la lecture des lettres de Madame et le raport de M" Jacques
Le Clercq, conseiller retourné de la court, laquelle lecture a esté faicle ensamblc
de la missive ce jourd'huy jectée par le prédieanl au mitant de l'assemblée estant
à la presche; suivant quoy a esté advisé de rescrire à IMadame tout le discours de
tout ce quy est advenu cejourd'huy au regard de ladicle presche et assemblée et
de renvoyer vers Son Alteze ledit Le Clercq, aussy des lettres dudit prédicant
rescripvant à Sadicle Alteze. que n'avons présentement moyen de nous m( sme
empescher lesdicles presches et assemblées, partant Mess'» remettent à sa pourveue
discrétion d'y pourveoir comme icelle advisera.
Or |)Our aultanl que les lettres escriptes à Son Alteze par lesdiz consaulx con-
tiennent tout le discours de ce quy seroit ensuivy la publication dudit piaeeart,
la copie d'ieelles sera icy joincte et de celle dudit prédicant.
Très hadlte et trîîs excf.llente Princesse, à la bonne grâce
de Vostre Alteze supplions humblement eslre recommandez.
Madame, Sabmedy derrenier jour de marché en cesle ville, environ les
dix heures du malin, fut publié aux deux bretesques le derrenier placcart décrété
par le Hoy, nostre sire, le treizième du présent mois, prohibant les presches et
assemblées illicites tant publicques que secrètes, à laquelle publication et pour
icelle de tant plus auctoriser auroicnt assisté le S' de .Moulbais, lieutenant de
Mons' le Gouverneur de ladicte ville cl chastel, le lieutenant de mondil seigneur
en qualité de bailly dudit Tournay cl pays du Tournesis, avec les deux prevoslz
dicelle ville.
Kt jasoit que nous espérions bons succès de ladicte publication, tellement que
pour l'advenir les manans de ladicte ville se deussent déporter de hanter les-
dicles presches et assemblées illicites, néantmoins lanlz s'en faull qu'ilz aient
obtempéré audit placcart. que mesmes au contraire contrevenant à icelluy, le jour
d'hier du matin, se seroient trouvez en plus uranl nombre qu'ilz n'avoient faict
auparavant en certaine plaine dite le lieu des Folais, auprez du bois de lireuze,
povoir et jurisdiclion de ladicle ville et distant dicelle ung quart de lieue, où la
presche se seroit faiete depuis les sept à huit heures jusques environ les
neuf heures et demie du malin par Ambroise Wille, à laquelle presciie se seroient
aussy trouvez avec les bourgeois et manans de ladicle ville, tant d'estrangers des
villes voisines et lieux champaislres, eslans la pluspart armez et garnis de
liarquebouses, pistolelz, espieux, espées et aullres basions invasibles, si que le
318 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
nombre nous a esté raporté contenir sept à huit mil testes, entre lesquelz y povoit
avoir cent ou cent cincquante chcvaulx tant de gentilzhomraes, bourgeois et
marchans que de paysans, et seroient lesdiz de la ville retournez avec leurs
armes et les aullres chacun en leur quartier. En oultre. nous a aussy esté raporté
que k'dil prédicant faisant sa presche seroil advanché de dire présumplueuse-
menl que le placcart de Sa Majesté le jour d'hier publié n'estoit émané de Sadicte
Majesté, ains estoit une chose fabricquée a poste par le magistrat pour empescher
au peuple ce qu'il avoit encheminé pour son salut induisant par tel propos
icelluy peuple de n'obéyr audit placcart. Plus se seroit vanté qu'il espéroit de
endedans quinze jours, avoir le povoir et moyen de faire la presche dedans la
ville, et durant ladicle presche ou après icelle, auroit jecté au mitant de l'assem-
blée deux missives l'une adressante au prevoslz et jurez de ceste ville et l'aultre
à l'assemblée estant à la presche. icelles lettres d"une mesme teneur à ce que l'on
dit. Et sur ce qu'estions rassamblez le jour d'hier après mydy. en la halle du
conseil de hidicte ville, pour oijr le raport de nostre pensionnaire estant de retour,
nous auroit ladicle missive esté apportée par quelque manant de ceste ville,
laquelle après avoir veu, avons advisé d'incontinent l'envoyer par nostredit
pensionnaire pour sur icelles et le contenu de ces présentes consulter Voslre
Alteze. Madame, après avoir entendu le contenu des derrenières à nous envoyées
par Voslre Alteze et le rapport de nostredit pensionnaire, nous n'avons voulu
faillir d'advertir icelle des debvoirs qu'avons faict et depuis nos derrenières. quy
sont d'avoir mandez vers nous les notables, opulens et aisez manans de ceste
ville, ausquelz avons remonslré bien et au long Feslat et danger en icelle ville se
retrouve présentement, les admonestant et induisant à ceste occasion de vouloir
prendre les armes et eux tenir preslz, sy besoing esloit, pour empescher les
presches et assemblées illicites, si aucunes l'on se voulait ingérer faire dedens
ladicte ville, ou quelque sedicion ou esmotion populaire lendenle à pilleries; à
quoy ilz auroienl faict responce que pour empescher lesdictes presches et assem-
blées tant dedans la ville que dehors, ilz n'estoienl aucunement délibérez user de
voye de faict, ny à ce propos prendre les armes, pour cause que leurs parens et
allez pouroient assister ausdicles presches et assemblées, lesquelz ils ne voul-
droient aucunement oullrager. mais trop bien esloient prestz à prendre les armes
pour empescher toutes séditions et esmotions populaires lendentes à pilleries, ce
qu'ilz nous onl promis de faire et journelement ad\ isons de les ordonner en
disainnes pour le cas offert, faire tel service que sera requis. Parquoy, Madame,
nous ne trouvons à présent aucuns moyen de nous mesmes empescher icelles
presches et assemblées illicites, désirans grandement que Voslre Alteze ait à y
pourveoir selon que la très pourveue discrétion d'icelle advisera Assceurans
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 319
Vosire Alleze qu'avons faict tous debvoirs à nous possibles jusques à présent de
tenir le peuple en son office et de punir des paines indicles par les placcars de
Sa Majesté sur le faicl de la relligion ceulx quy y ont contrevenu ^ à quoy per-
sonne n'a donné obstacle fors depuis dix à douze jours ença que lesdieles
presches et assemblées se sont commenché tenir allenlour cesl(; ville, que lors les
manans d'icelle ont prins audace d'eulx y trouver tant pour le respect de la
requeste présentée à Vostre Alteze par aucuns seigneurs et genlilzhommes pre-
tendans révocation des inquisition et placcars ou modération diceulx. que pour
cause des fréquentes assemblées et presches quy se sont faictes plusieurs jours
auparavant par noz voisins, asscavoir auprez de Lille, Auldcn;irde et ailleurs ou
entendons icelles avoir été continuels depuis jusques à maintenant, laquelle
contravention généralle et multitude des estrangers confluans de toutes pars
ausdictes presches a esté la cause motifvé et principalle que ceulx de ceste ville
s'y sont pareillement l'ourez en tele multitude que le moyen, si que dit est. nous
est osté présentement de les povoir en ce empescher, de tant mesmes qu'il puil
sambler qu'il y ait quelque port en leur endroit, et que par lighes secrettes ilz se
soient faictz foriz, comme se peult tirer des lettres jectées par ledit prcdicant icy
enserrées, joincl que ne povons aultrement juger fors que le nombre des mauvais
excède cestuy de ceulx quy sont prestz à faire service à Sa Majesté
Très excellente Princesse. Dieu tout puissant veuille maintenir Vostre Alteze
en foelicité. De Tournay ce viij« en juillet anno xv^lxvj.
Copie des lettres jectées par ledit prédicant.
Messeigneurs, jasoit que ceulx lesquelz, au passé, par crainte des adversaires
se sont assemblez secrètement atBn d'ouir et entendre la parolle de Dieu ainsy
comme grâce au Seigneur elle est preschée el annuncée pour le jourd'hui public-
quement en plusieurs endrois de ces Pays-Bas, aient esté tenus el réputez pour
séditieux voires pour criminelz de leze majesté, sy est ce que finalement nostre
bon Dieu leur a ouvert le moyen par lequel ilz ont de quoy faire cognoistre à
ung chacun manifestement qu'ils ne font chose resentans riens moins que
semblable crime, ains au contraire leurs actions tesmoignèrent tousjours et
devant Dieu et devant toutes nations, qu'ilz sont ennemis à séditions, tumultes,
rebellions et révoltes, de ce feront foy leurs prières et exhortations ordinaires,
leurs conduictes et manière de vivre, de sorte que jusques à présent ne se trou-
verra que tumulte ait esté causé par ceulx de l'assamblée. zélateurs de la parolle
de Dieu, mais par aultres adversaires, lesquelz tachent de charger aultruy de
sédition, pensans par ce eux-mesmes en estre exempts et avoir matière de troubler
320 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
tout. S'il est question d'en remarquer aucuns, ung soldat du chasteau nommé
Thurct. et avec luy ung serrurier demeurant auprez du marché au poisson et
aultres. desquelz les blasphèmes et menasses séditieuses sont plus cognues et
notoires que la justice et punition n'en est faicte et exécutée, à cause de quoy au
cas advenant que n'en faiks bonne justice, nous vous advertissons que nous
recourrons à plus grand maislre que vous, quy nous fera bien faire droit et
raison. .Au contraire les assistans aux assemblées se gardent de sonner mot à
personne, encoires que de faict et de parolles, ilz se trouvent souvent irritez telle-
ment qu'il y a doubte qu'à la fin la patience par trop blessée ne soit chambgée
et convertie en couroux. à quoy toutesfois on ne cessera de faire extrême dcbvoir
de remédier par prières et exhortations conlinuelcs. en manière que pour le dire
de rechef, ils seront ceulx lesquelz endurreront si avant que, sy jamais il se
mettent à defîcnse. chacun pourra dire que ce sera à bon droit et pour juste
querelle: cependcnl, mcsseigneurs, nous vous supplions au nom de Dieu, que
veuillez de voslre part empeschcr et réprouver telz meutins et séditieux, crain-
dant que dun repos ne tienne trouble et de paix discord. Quant à nous nous
avons jusques à présent enduré et endurrerons tant qu'il nous sera possible,
pourveu que la prédication de la parolle de Dieu ne nous soit ostée, de quoy
nous avons bonne confidence de la grâce et miséricorde de nostre bon Dieu, quoy
qu'on face tout elfort d'y donner obstacle par placars, deffences et edictz, lesquclz
ne nous scauroient esbranler du courage cl désir ardent qu'avons d'escouter ce
que fermement nous croyons estre requis pour le repos et assceurance de noz
consciences, de sorte qu'avons trouvé estrange et de dangereuse conséquence, la
publication faicte le jour d'hier, principalement de ce qu'il semble qu'elle exhorte
et enflambe ung ehascun à nuire au ministre, lequel ne faict riens qu'il ne se
puisse hardiment vanter de en ce estre advoué d'aullres supérieurs; parquoy vous
vous povez assceurer que sy l'on s'advanche de l'offenser, tous ceulx de l'as-
semblée mous disons tous ceulx quy sont touchez de bon zèle à la parolle de
Dieu) se sentiront à Tinslanl offensez et seront comme eontrainctz d'emprendre
sa protection et defl'ence. dont s'ensuivra ung désordre et apparente sédition,
considérez, mcsseigneurs, de quoy la cause et source en sera procédée. Quant à
nous, nous protestons et protestera nostre postérité devant Dieu et devant les
hommes, que n'en serons aucunement coulpables. attendu que nostre intention et
désir est de procéder en toute modestie. Supplions aussy que ne prendcz de malle
part sy aucuns d'entre nous viennent à la presche munis d'armes, eslans adverlis
par l'exemple de noz voisins, du danger auquel aultrement nous serions exposez,
lesquelles toutefois nous poserons soudain, qu'il nous sera permis d'ouyr la
parolle de Dieu en sccureté et sans crainte aucune de nos ennemis Et d'aultant
PrÈCES JUSTIFICATIVES. 321
que l'on prévoit que les injures et menasses qu'on use tant contre les ministres
comme contre ceulx lesquelz se mettent en chemin pour aller à la presche ou en
reviennent, donnent matière et occasion comme inévitable de les irriter, nous
vous prions qu'il vous plaise de tenir la main aultant que désirez le bien et la
transqUillité pul)lic(|ue, à ce que à l'advenir ung chacun ait à soy en déporter. Pt
par ainsy sera le repos public gardé, les séditions empeschées et vivra ung chacun
soubz l'obéissance du Roy et en bonne paix, union et concorde et aura moyen
de soy acquiter au faict de la relligion ainsy que sa conscience luy commande, de
laquelle Dieu seul a cognoissance et domination. Finalement nous vous prions
que désormais vous advisez à la délivrance de ceulx lesquelz. passé tant de temps,
vous tenez prisonniers pour le faict de la religion et desquclz la constance
inmuable et longue patience vous debvrqit amolir les cœurs, veu mesmes que
leur emprisonnement est faict pour une querelle, laquelle aujourd'hui est trouvée
devant gens despouillez de toute passion, juste et innocente, ou du moins qu'il
vous plaise les soulager jusques à ce qu'aullrement en soit ordonné par la cour;
en quoy faisant nous prierons Dieu pour vostre prospérité, pour le maintien de
vostre honneur auquel vous estes constitués.
Voz humbles et obéyssans subjeclz les fidèles de Tournay
qui sont rengez en l'église de Dieu quy est réformée.
Avant que Son Alteze fut adverlie des choses passées le vij« dudit mois, lesdiz
consaulz receurent lettres par lesquelles Son Alteze commandoit que 1 on eust à
empescher les presches soit dehors ou dedens la ville, lesquelles lettres furent
lentes l'onzième dudit mois et aullres le lendemain, par lesquelles Son Alteze
exhortoit messieurs d'obvier ausdictes presches et à tous inconvéniens esquelz
ladicte ville eust peu tomber, ne délaissant en arrière chose quelconque que l'on
eust pu imaginer pour la conservation du propre bien des manans de ladicte ville,
dont note a esté faicte par les actes subséquens.
Consaulx rassamblez avec les lieutenant de gouvernement et de bailly et des
officiers du bailliage le jeudy xj'= jour de juillet xv<=lxvj, pour oijr la lecture des
lettres de Madame du jx« dudit mois, lesquelles ouvertes auroient été leues et
advisé de les publier à son de trompe aux deux bretesques, aussy d'atacher le
double en plusieurs lieux de ladicte ville.
Consaulx rassamblez avec Mons' de iVIouIbais, lieutenant du Gouverneur et les
conseilliers du Roy. nostre sire, au bailliaige du Tournesis le vendrcdy douzième
jour de juillet xvlxvj, pour oijr la lecture des lettres de Madame en dacte del xj«
dudit mois, rapportées par ledit Le Clercq estant de retour de la cour, ce qu'auroil
Tome 1. — Lettres, etc. 41
522 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
esté faict et sur ce advisc d'attendre que ledit S'^ de Moulebais aura responce par-
ticulière de Son Alteze, qu'il attend ce jourd huy pour oijr ce qu'elle escripvera,
sy a esté advisé de prestement mander les sermens pour les admonester et
induire à prendre les armes pour empescher les presches, selon la volunté de Son
Alteze, soit dedens la ville soit dehors. Après lequoy faict et leur responce oije
sera faict advertenir à Son Alteze tant dicelle leur responce. comme de l'adver-
tence faicte à Mess™ louchant la volunté qu'aucuns de l'assamblée avoient de
mettre à délivre les prisonniers pour le faict de la relligion. Sy est commis le
conseillier du Chambge pour soy transporter vers Son Alteze avec lettres de tout
le besongné que dessus.
Ledit jour de vendredy xij« dudit mois, Mess" les Consaulx se sont rassamblez
pour remonstrer à ceul.v des sermens le danger où ceulx de la ville se retrouvent
présentement à l'occasion des presches et assemblées illicites quy se font journe-
lemenl aussy que le Roy, nostre Sire, n'entend aucunement de permettre lesdictes
presches et assemblées, parquoy ont esté admonestez d'y vouloir par force
d'armes donner résistence selon le contenu des lettres que lesdiz S" Consaulx ont
ledit jour receu de Son Alteze. tt promplemeul ceulx du Serment Sainct Michiel
aians oij lesdictes remonstrances et admonitions, ont déclairé qu'ilz sont prestz
d'eulx mettre en armes pour le service de Sa Majesté à rencontre do ses ennemis,
mais non pour empescher les presches pour l'inconvénient quy en pouroit
advenir, par ce que leurs parens et amis y pourroient assister, contre lesquelz ny
aultres de l'assemblée estans pesie mesle, ilz ne sont délibérez prendre les armes.
Semblable responce ont faict ceulx du Serment Madame Saincte Christienne.
Ceulx du Serment Mons"^ Sainct Sébastian pareille responce.
Ceulx du Serment iVlons' Sainct iMaurice pareille responce que dessus.
Ceulx du Serment Mons' Sainct George semblable responce, réservé cinq à six.
Ceulx du Serment Monsieur Sainct Anthonne ont déclairez qu'il ne sont aucu-
nement délibérez de prendre les armes pour empescher les presches soit dedens
la ville soit dehors, mesmement aucuns deulx ont déclairé qu'ilz se trouverront
ausdictcs presches avec leurs armes et non aultrement pour crainte du chasteau,
ce que n'ont les villes de Lille et Vallenchiennes où semblables presches se font,
lesquelz partant se tiennent plus facillement sans armes esdictes presches.
Laquelle responce et besoingné que dessus a été rescript à Son Alteze avec
déclairation que seroit besoing d'envoyer grand nombre de gens de pied assceure-
ment bons pour assistence, adjoustans que le souverain remède pour obvier aux
presche seroit dosler le port sur lequel les mauvais se fondent. Sy fut requis à
Madame de vouloir envoyer en Tournay quelque seigneur chevalier de l'ordre
pour mieulx entendre au faict de ladicte ville et afïin que par sa présence et
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
323
respect de sa seigneurerie, le peuple peust estre mieux contenu en obéissance,
dont est touché en cest acte :
Consaulx rassamblez ledit jour avec les ofDciers du bailliaige pour adviser de
rescrire à Son Alteze tout ce quy s'est faict et passé, asscavoir comment les ser-
mens de ceste ville ont esté convocquez, et admonestez d'empescher les presches
soit dedans ou dehors la ville, ce qu'iiz ont déclairé ne vouloir faire pour raison
que leurs parens et amys y seroient assistens. Secondement qu'il n'y a moyen
d'estre secouru du chastau pour le peu de soldalz y estans, considéré mesmes que
les quarante soldatz qui estoient en la ville à la solde et garde d'icelle y ont esté
attirez pour le secours, parquoy sera besoing de remonslrcr à Son Alleze qu'il n'y
a aultre moyen que d'avoir garnison pour la plus sceure garde de la ville. Toutes-
fois ne fauldra faillir d'advertir Sadicle Alteze que sy garnison y est mise, l'entre-
cours de marchandise cessera, par oîi le menu peuple n'aura moyen de gaingner
sa vie dont pouroit procéder esmotion et pillerie.
Au regard des prisonniers détenus pour la relligion sera Son Alteze pareille-
ment advertie que l'on a menasse les mettre à délivre par forche, sy de bref le
magistrat ne les relâche, au moyen de quoy sera requis de les povoir relâcher
soubz caution.
Sera aussy expédient de requérir ung chevalier de l'ordre, comme ledit
Le (>lercq a faict rapport d'avoir esté embouché en court.
Le mardy seizième dudit mois furent receues letlres de Son Alteze en date du
xiiije commandantes d'emmener tous les prisonniers détenus pour le faict de la
relligion au chastel et le lendemain sus ce a esté résolu comme est porté par cest
acte :
Consaulx rassemblez le mercredi xvij" jour de juillet que lors lecture a esté
faicte des lettres de Son Alteze et advisé de rescrire qu'il n'est possible de trans-
porter au chasteau les prisonniers détenus par .\less" les prévostz et jurez pour le
faict de la religion, pour l'inconvénient qui en pouroil succéder tant par la
rescousse d'eulx en les menant, tant pour ce que s'ilz ne sont rescoux le peuple
se pouroit adresser au magistrat, lequel avoit promis au peuple pour luy donner
contentement de requérir Son Alteze de les povoir relâcher soubz caution, et pour
présenter lesdictes lettres à Son Alteze et de tout ce qu'est passé l'advertir verbal-
lement est commis Pasquier de le Barre, procureur fiscal.
Ledit Du Chambge estant de rethoiir, rapporta lettres en date du dix septième
dudit mois par lesquelles Son Alteze rescripvoit de regarder d'envoyer renfort au
chasteau et quelque compagnie de chevaulx. commandant de les accommoder de
vivres et mettre taux au fourage, pareillement disoil d'envoyer ung seigneur.
324 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
chevalier de l'ordre, pour assister Mess'* d'auctorilé et regarder avec leur bonne
ayde et correspendence de pacifier le mieulx qu'il polroil les affaires
Ledit de la Barre apporta lettres en dacte du xjx* (jg juillet par lesquelles Son
Aiteze ordonna de bannir les prisonniers détenus pour le faict de la relligion de
tous les pays de pardecha subjeclz à Sa Majesté avec confiscation de leurs biens
dont est parlé par cest acte des consaulx :
Consaulx rassamblcz le dimenche vinglunicme jour de juillet xv^lxvj, pour
oijr lecture des lettres de Madame apportées tant par M» Erasme du Chainbge.
conseillier, comme par le procureur fiscal de ladicte ville, laquelle lecture faicte
tant en présence de iMons" de .Moulebais. commis au gouvernement de la ville, etc.
comme des officiers du bailliage a esté advisé suivant les dernières lettres de Son
Alleze de bannir les prisonniers pour le faict de la religion de tous les pays de
pardecha à Sa .Majesté appartenans sur paine de la hart. ce que prestement a été
faict et leur sentence pronunchée présens lesdiz consaulx, S' de iMoulbais et
officiers du bailliage.
Le vinj^t-qualrième dudit mois furent recheues lettres de Son Altesse en date
du xxj«, par lesquelles esloit commandé ou nom de Sa Majesté d'incontinent
communicquer avec les principaulx personnages, gens de bien et mieulx affec-
tionnez à la reliijion catholicque, au service de Sa Majesté et au bien de la Patrie
pour par ensemble adviser de remédier au danger éminent et assceurer la ville de
Tournay pour la conservation des manans et de leurs biens alleneontre de toute
sédition, tumulte, sac et pillaige tant dedans que dehors, mettant par tout bon guet
et garde de jour et de nuict et répartissant le peuple par compagnies et quartiers
comme estoit de coustume, pour assceurance et garde en lamps dangereux et
selon que seroil trouvé la nécessité et importance de l'affaire le requérir, faisant
retirer le peuple des presches partie par amour, partie par forche remonsfrant les
calamilez quy sont toujours suivie le chambgemcnt de la relligion tellement
qu'aux consaulx fut résolu comme est contenu en l'acte suyvant la requeste et
advis icy joinci.
Copie de la requeste présenlée aux Consaulx par les marchans pour intelli-
gence de l'occasion pour laquelle icelle auroit esté présentée. Convient
scavoir que la rescription desdiz Consaulx que dessus pour avoir bon
nombre de qens de pied fut éventée et resceue par iceulx requerrans.
Alesseigneurs. Suivant l'obligacion par laquelle naturelement chacun est tenu
et lié au bien et repos de sa patrie, nous vous avons en particulier faict remons-
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 325
Irer quel est nostre désir et soing d'empescher en ces temps lant lurhulenlz et
calamiteux tous troubles, séditions et révoltes, scachant cerlainement par
l'exemple de nos voisins quelles sont comme nécessairement accompagnées de
tous maux et cruaulez inluimaines, voircs plus que barbares, desquelles semble
que soyons menassoz de n'est que Dieu par sa bonté et miséricorde
nous face ceste prérogative et particulière faveur qu'il nous inspire et remette
audevant des yeulx les moyens par lesquelz l'on y pourra aller audevant et
totalement les divertir. A quoy si jamais nous parvenons, toutes villes voisines
seront constrainles de grandement louer vostre bon acquit et debvoir et nous
repuiez heureux d'avoir soubz vostre conduite et gouvernement esté maintenus
en paix entre tant de feuz alumez pleins de séditions et tumultes. Et pour en
brief dire le tout fauldra bien que nous confessons et nostre postérité cy après
tesmoigne que nostre Dieu nous aura esté plus doux, pitoiable et miséricordieux
qu'il n'a esté à toute aultre nation de la terre. Estans doncques réduis en ung sy
extrême desiroict que suivant nostre jugement humain et naturel nous couche-
rons en nos esprits une apparence comme inévitable en ces quartiers des eala-
mitcz et misères advenues en Allemaingne, Angleterre, Escosse et fraiscliement en
France, nous avons nostre recours et refuge à Dieu seul, le prians et t^émissans
à luy afïin qu'en destournanl son yre et couroux de dessus nous, sa face débon-
naire, clémente et miséricordieuse reluise sur son peuple desja comme csperdu et
tout estonné de crainte. El d'aullant que sommes certeins par sa promesse véri-
table, infallible qu'il subvient aux oppressez, qu'il soulage les affligez et exauce
les cœurs tristes et désolez, nous nous persuadons et asseurons fermement qu'il
ne nous abandonnera ny permettra que nous, noz femmes noz enffans, noz biens
soient exposez en proye et à la rage des cnnemys de nostre repos et tranquillité.
.Ains qu'il nous enseingncra les voies et instruira les adresses que debvons ache-
miner et tenir pour en estre garantis et délivrez quy nous donne occasion de faire
poix à ce que nous esl représenté en nostre enlendemcnl servant à cesl effect et
d'en faire nostre profil sans le rejecter, mesmement nous encourrage et donne
hardiesse de le vous découvrir, craindans de laisser à côté et par ainsi mespriser
les advertissemens que Dieu nous propose pour notre plus grand bien, joinct
qu'estant nostre concept examiné et balancé par vous recepviez ce que trouverez
povoir servir à propos, et s'il advient que le rejectez du tout, du moings aurez
vous tesmoingnage ouvert que tenons la main et veillons au bien, paix et repos de
noz compatriotes, au regard de (|uoy il nous esl advis. lequel nous submetons à
vostre correction, que sur toute chose en doibt considérer quele est la source et
origine dont quelque sédition ou révolte pouroit procéder, car après avoir décou-
526 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
verte et sondée la cause du mal, jasoit qu'il soit grand, sy sera il aisé d'y trouver
et applicquer les remèdes. On scail comme chose du tout notoire que la noblesse
a depuis quelques mois encha présenté requeste à Son Alteze contendant par
ieelle et pour les causes y contenues à l'anéantissement et révocation de l'inqui-
sition et des placcarts dressez sur le faict de la relligion, le fruit de laquelle
requeste a esté à l'instant embrassé par le peuple et quy plus est soy dispensant
del effecl de la surséance accordée au regard de l'exécution d'iceulx placears, il
n'a cessé tant que hs presches se soient faictes en publicq après lesquelles on le
voyoit tellement altéré qu'il semble véritablement (iiic lu mort liiy scroit jdiis
chère et (/(ji/réable <jne d'en cstre privé pour rudvenir, d'uullre part nous voyons
et scavons que les presches sont tant odieuses et plusieurs qu'llz sidlieitenl et font
extrême effort de les empeseher, roijres sy avant que royans qu'édictz, dejfences et
placcarts ne profitent de riens, il faict à craindre qu'ilz ne vienynent à la force et
qu'à cest effect gendarmerie ne soit introduite es villes et forteresses proches aux
lieux esfiuclz les presches se font, pour avec occasion ruer sur les assistens, lesquelz
indtdntablement se mettront à deffence dont sourdra une guerre civile, mère,
sou7Te et origine de l'enthière ruyne et totale désolation des villes et du pays, de
sorte que de nostre part nous estimons qu'admettant et recevant gendarmerie en
ceste ville ou au chasleau, oultre et pardessus le nombre accoustumé, ce sera
proprement préparer l'allumette de sédition et tumulte et par conséquent la ruyne
et désolation de vous, de nous et de toute la ville, laquelle aussy quant et quant
demeurera destituée de tout commerce et trafïic de marchandise avec les
Anversois. aians ja protesté qu'ilz feront cesser tous négoces, soubdain qu'ilz
auront certeine advertence que quelque gendarmerie sera preste à soy fourer
céans, quy sulliroit pour faire teumber le peuple en désespoir et s'adonner au
pillaige, au contraire laissant la gendarmerie en la garnison ordinaire, et donnant
ordre que soldatz qu'on pourroit lever de nouveau ne se fourrent iey, les affaires
se conduiront. Dieu aidant, avec tele modestie qu'elles se sont conduites au passé
sans tumulte ou sédition quelconque jusques à ce que par Sa Majesté aultrement
en soit ordonné. Ce pendant pour à ce cstre tant mieux pourveu. nous trouvons
expédient qu'on establisse guet aux portes en nombre d'hommes compétent,
lequel prend soing que quelque soldat geux (comme on les appelle) ny aullre
n'entre en la ville pour y arresler, ensamble pour avoir regard sur ceulx lesquelz
ont de faict ou de parolles se démonstreront séditieux, mesmes les faire appré-
hender pour estre par vous exemplairement chastiez. En quoy nous olTrons et
prometons de nous employer à certes et estimons qu'il n'y aura personne refusant
de faire le semblable, aclendu que cest exploit tend à la conservation de voz
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 327
personnes et générallemenl de tous et que nous ne nous voulons formaliser ny
entrer en partialité ny pour les geux ny pour aullres. Mais désirons de vivre en
paix, union et concorde, soubz l'obéyssance de Dieu, du Roy et de vous.
Pour aultant que ceste requesle ne comprenoit les noms des
requérans et que iM» Nicollas Tafïin présentant icelle se
seroit vanté qu'elle estoit advoué par les doyens et souhz
doyens des stilz et mestiers de lacdite ville, messeigneurs
les consaulx ont ordonné de la leur communiquer
Copie de l'advis des doyens et soubzdoiens des stilz sur ladicte requesle.
Les doyens et soubzdoiens des stilz aiaiis veu la rcqiieste présentée ee jour-
dhuy xxiij" du présent mois de juillet xv^lwj, à nobles et honnourables seigneurs
IMess" les consaulx de ceste ville et cité de Tournay par les principaux marchans
d"icelle et donnans sur icelle leur advis selon le bon plaisir de mesdis seigneurs,
dient que pour les raisons y contenues sans les vouloir résumer est expédient
d'obvier à toutes occasions desquelles pouroil sourdre sédition et tumulte d'autaul
plus que le peuple est réduit à tant extrême povrelé que la mort corporcle luy
est non moins désirée que la vie, comme peult faire foy une exemple advenu
depuis deux à trois heures encha et de quoy porleroient bon tesmoingnage
personnages de qualité et dignes de crédence, sans que soit besoing les rechercher
hors rhonnourable compagnie de vous IVIess'\ veu que Wons' le second prévost,
Mons' de Baudimont et aultres d'entre vous, mesdis seigneurs, en pouroient faire
plaine foy leur ayant manifesté le peuple le désespoir qu'il a par la povreté qu'il
endurC: quy seroil réduicte à toute extrémité sy on rechevoit gendarmerie en
ceste dite ville, en tant mesmes que par le moyen dicelle le petit gaingnepain
restant au populaire seroit cnthièrement tollu et anéanly pour les raisons conte-
nues en ladicte remonstrance. A quoy sy nous aimons noz femmes et enffans,
nostre famille, patrie, et propre personne nous debvons obvier, et suyvant ce, par
tous moyens légitimes empescher à tous soldatz d'entrer en ceste dicte ville pour
y arrester. Ausquelles fins et pour nourir tranquillité, trouvent lesdiz doyens et
soubdoiens expédient d'establir guet aux portes et à chacune d'icellcs deux
dizaines d'hommes, et au beiïroit ung semoncheur de survenans, si comme se
faict es villes de frontières, et sicomme la très pourveue discrétion de Mess"
poura adviser. Et surquoy, sy besoing est, l'on poura user d'exemple à la pollice
gardée es villes d'Anvers, Valenchiennes et samblables.
Consaulx rassamblez le mercredy xxiiij« de juillet xv^lxvj, pour oijr la lecture
528 PIÈCES JUSTIFICATFVES.
des lettres de Madame ledit jour recheues en date du xxj« dudit mois et aussy
pour délibérer sur la requesle des marchans et advis des doyens et des soubz-
doiens de ceste ville, lesquelles lettres, requestc et advis ont esté leus et sur ce
advisé avant d'en rcsouidre d'envoyer tant en la ville de Valeuchienncs que de
Lille pour entendre les debvoirs qu'ilz ont faict au regard du guet et aultrement
pour la luilion de la ville et des manans et inhabitans dicelle et s'ilz ont emprins
d'empescher les presches soit dcdens la ville, soit dehors, pour lequoy faire sont
députez les ij proeureurs.
Consaulx rassaniblez le joeudy vingt cinquième jour dudit mois pour oijr le
rapport et besongné des deux procureurs aians esté envoyez es villes de Valen-
chiennes et Lille, ce qu'a esté faict. mesniement a esté leu l'ordre et police mise
sur le faict du guet tant de jour que de nuict esdictes villes, surquoy pour déli-
bérer ce que sera de faire, a esté advisé de demain rassambler les consaulx avec
les doyens et soubzdoiens des stilz et mesliers de ceste ville ensamble les mar-
chans.
Consaulx rassemblez le vendredy xxvj" jour dudit mois avec ceulx du bailliaige
pour oijr l'advis des doyens et soubzdoiens ensamble celuy des marchans,
bourgeois et au I très notables sus Tordre et pollice quy debvra estre mis pour la
garde et tuition de la ville tant contre l'invasion d'ennemis estrangers qu'esmotion
populaire suivant le contenu des lettres de Son .Alleze en dacte du ocar/» jour de
juillet derrenier, lequel advis estant par escript a esté leut et à icelluy se sont
conformez lesdiz notables, suivant quoy a esté advisé de rescripre à Son Alteze
tout ce quy a esté besoingné en cest endroit, aussy des trois presches quy se sont
faictes asscavoir les deux dimenche et lundy auprez du bois de Breuze, et la
troizièuie aux prelz prochains derrière labbaye le tout par Charles de Nielle.
natif de ceste ville et que esdictes presches y a eu aucuns baptesmes et mariaiges
faictz et d'envoyer vers Son Alteze avec lesdictes lettres M<= Erasme du Chambge,
tiers conseillier pensionnaire, pour luy remonstrer la police dressée en ceste ville
et les inconvéniens quy pouroient advenir en cas que gendarmerie fut cy mise
en garnison.
Copie desdiz avis.
Les doyens et soubzdoiens des stilz aians veu le recueil concernant le faici de
la police et ordre gardé es villes de Valenchiennes et Lille au regard du guet tant
de nuit comme de jour, suivant le bon plaisir de Messieurs les consaulx, donnent
leur advis. Semble que au regard du guet de nuict observé en ceste ville et cité
de Tournay comme sulïissant ny convient riens innover. Quant au guet de jour
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 329
semble suivant aultre leur advis donné nagliaires estre expédient d'establir aux
portes i;uet d'une disaine ou plus avec ciiief qui se poura choisir des plus notables
de la ville, lesquelz auront pareille charge et à eux conduire en la forme et
manière observée en la ville de Valenchiennes. Et pour obvier aux tumultes,
séditions et efTrois que pouroicnt survenir en la ville et aussy aux invasions
d'ennemis, semble que seroit bon de diviser le peuple de la ville en cincq, six,
sept ou huit bandes, en joindani les paroisses voisines et conliguës l'une à l'aullre,
leur voullant cnseingne et capitaine et ausquelz seroit faict serment d'estre lidel
au Roy et de garler ceste sa ville el cité de Tournay soubz son obéyssance, sans
toutesfois entendre d'empescher les presches ny ceulx ayans envye d'y assister,
aflin d'éviter commotion, submetlant néantmoins le tout au bon plaisir des con-
saulx susdiz.
Ledit vingt sixième de juillet, pardevant Mess"' les consaulx de la ville et cité
de Tournay. ausquelz consaulx ont assisté Mons' de iVJoulebais. gouverneur, le
lieutenant de Monsieur le bailly et ollieiers du bailiiaige, sont comparus les
marchants et aultres notables, lesquelz par la bouche de M^ Nicolas Talfin, doc-
teur, ont declairé qu'ilz estoient de mesme advis avec les doyens et soubzdoyens.
Consaulx rassambkz le jeudy premier jour d'aoust quinze cens soixante six,
pour oijr lecture des lettres de Madame daclées du xxx" de juillet, et le rapport de
i\Ie Erasme du Chanibge, tiers conseillier de la ville, retourne de court, lesquelles
lettres ont esté leutes et advisé de mander à demain matin pardevant Mess"
les consaulx, les doyens et soubzdoiens des stilz, les notables bourgeois de la ville
et les marchans ausquelz sera faicte lecture des lettres de madame el entendu
d'eulx s'ilz se vouidront faire fort d'empescher presches en la ville et tenir icelle
en l'obbeyssance de 8a Majesté, ce qu'on leur fera sii^ner en cas qu'ilz le promet-
tent pour en advenir Son Alteze.
Faict icy à noter que ledit du Chambge rapporta ausdiz consaulx de luy avoir
esté dit de bouche en la court que, au cas que lesdiz marchans persistassent en
leur requesle d'esire exemptz de garnison, seroit besoing qu'ilz se vinsent à
astraindre de garder la ville de sédition, révolte, sac et pillage; de n'y souffrir
dedans presches et assamblées illicites et tenir icelle en l'obéyssanee de Sa Majesté,
dont est faict mention en l'acte suyvanl.
Consaulx rassamblez le vendredy ij'' jour d'aoust xvlxvj, pour faire lecture des
lettres de Son Alteze cy dessus mentionnées et remonsirer aux doyens et soubz-
doyens, notables et marchans de eesle ville, suyvant iccUes lettres, que pour estre
deschargé de garnison il estoit requis de garder et observer trois poins, scavoir est
en premier lieu de garder la ville en l'obéyssanee de Sa Majesté, secondement de
garder icelle de sédition, révolte, sac et pillaige. et finabiement d'empescher les
Tome I. — Lettres, etc. 4il
350 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
prc'sches en la ville, ce qu'a esté remonstré bien el mu loing et requis que les
dessus nommez le vouizissent ainsy promcllrc afiin d'en avertir Son Alteze, s'ilz
persistent de moyennant ce estre descliargez de garnison, sur lesquelles remons-
trances et requestes après avoir par lesdiz notables el marchans relirez en la halle
de gehine, par ensamble communiqué el mesmemeiit sus le contenu esdictes
leltres quy leur avoienl esté délivrées, ont par la bouclie de M« JNicoIas ïaffîn,
docteur es droiclz, déclairé iceulx présens que quant aux deux premiers poins
asscavoir de tenir la ville en i'obéyssancc de Sa Majesté et empesclier sédition,
révolte, sac et pillage, ilz promeloient absolulement de les entretenir, garder el
observer, el au regard du Iroizième poinct concernant les presches en la ville, ilz
seroienl aussy preslz de l'observer et garder, pourveu que sur le povoir de la
ville, en lieu que leur seroit désigné, ilz peussent pour l'advenir dresser quelque
édiflice pour eux retirer et assister ausdictes presches, d'autant que l'hyver les
menasse et que voyans le peuple fort altéré à icelles cl la diversité du temps
d'yver. bien ditlicilemenl ilz scauroienl aultremenl empeseher ledict troisième
poinct, requerrans (jue Mess" les consaulx vouizissent sur ce supplier Son Alleze,
promelans pendent ce temps d'esté empeseher lesdictes presches en la ville, à
quoy a esté faict responce que non l'en advertira. Quant aux doyens et soubz-
doiens ilz se sont retirez à part el ont raporté leur advis par cscript conforme à
ce que dessus, quy a esté leu ausdiz S»^* consaulx dont la teneur s'ensuit.
Les doyens et soubzdoiens des slilz et mesticrs de ceste ville et cité de
1 ournay aians oij la proposition verballe de iMons' iVJ. Erasme du Chambge,
eonseillier de ladicle ville, sont d'advis comme aullresfois de par tous moyens et
voyes légitimes cl convenables alTm d'éviter que gendarmerie ne soit mise en ceste
ville eulx obliger de garder ceste ville soubz l'obéyssance du Koi nostre Sire el
prendre armes contre tous ceulx quy vouidront procurer le contraire, aussy de
faire le samblabie contre toutes séditions el esmotions populaires quy pouroient
survenir, et quant au troizième concernant rempeschement des presches qu'on se
pouroil advanccr faire dedans la ville, trouvant ledit empesehement de dangereuse
conséquence pour raisons notoires, selon l'advis el résolution des notables et
marchans de ceste dicte ville desja donné, moyennant qu'il pleusl à Son Alleze
d'accorder et lollerer qu'il y eust cerlein lieu designé sus les rejecls de la ville el
iiors dieelle pour y conslruir quelque éditrice au(iiiel la presche se poura faire à
couvert en temps d'yver cl pluivieux, ilz seroienl oudit cas pareillement preslz el
appareillez d'empescher par semblables moyens que dessus les presches que n'on
vouidroit faire en la ville selon et pour les raisons i)lus amplement proposées
par lesdiz notables el marchans. Ainsy advisé le ij' d'aoust xv^lvxj el signé
M. Cocquiel.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 331
Sus lequel point ont esté recheues lettres de Son '^lteze en date de! onzième
d'aoust. responsives à celles de Mess" les eonsaulx. eonlonantes le discours de ce
que dessus en dacte du cincquième dudit mois, par lesquelles ses lettres madame
approuve le besoingné de Mess" au rej?ard des trois poinclz proposez verballement
par ledit du Chanibi^e. loue et agrée le bon office de mesdis seigneurs en cest
endroit exhortlant d'y continuer, mais rejecte la requeste desdiz doyens et
marchans prélendans quelque édifice pour y faire presches. commandant à
Mess" de rejecler promptement semblables requestes, par quy qu'elles puissent
estre présentées.
Pour effectuer ce que dessus par Mess" les eonsaulx ont esté ordonnées huit
compaignies des manans de la ville prinses es paroiches des plus conjoinctes,
huit compaignies et huit enseingnes avec fififres et tabourins desquelz capitaines
les noms et sermens faictz s'ensuivent.
Consaulx rassemblez le mercredy septième jour d'aoust quinze cens soixante
six, pour rechevoir le serment de messire Gabriel de Cambry, chevalier seigneur
du Bus l'un des capitaines, et de ceulx esfans soubz sa charge, lequel serment
auroit esté preste par ledit seigneur du Bus et ceulx de sa charge, asscavoir que
comme léaux subgecfz au Roy nostre souverain et naturel seigneur. Hz conser-
vront et maintiendront ceste sa ville et cité de Tournay en l'obéyssance et
subjection de Sa Majesté, garderont ladicte ville et cité de toute sédition, révolte,
sac et pillaige, finablement que durant ce temps d'esté aucunes presches ne se
feront en icelle ville et ainsy l'ont promis et juré par serment solemnel.
Sy sont Mess" d'assens de commenchcr quelques enseingnes de taffeta à cordes
en prenant pour chacune enseingne douze aulnes ou environ.
Consaulx rassemblez le vendredy jx» jour d'aoust xvlxyj, pour prendre le
serment d'Estiene Gabry. marchant, choisy pour l'un des capitaines, et de ceulx
de sa compaignie eslans soubz sa charge dénommez au rolle sur ce faict estans
des paroiches Nostre-Dame et Saincf Pierre, lequel serment en la manière couché
cy devant au besoingné du septième dudit mois auroit esté preste par ledit
Estiene Gabry, capitaine, et la plusparf de ceulx de sa compaignie. moyennant
toutesfois l'esclarcissement que à leur requeste a esté faict par Messieurs les
consaulx qu'ilz n'entendent de comprendre pour séditieux ceulx quy assistent aux
presches, jasoit mesmes que pour y assister ilz ou aucuns d'eulx feussent trouvez
pour désobeyssans à leur capitaine en ce que leur auroit commandé de faire à
l'heure que la presche se feroit qu'ilz ne pouroient acomplir sans estre empes-
chez d'aller ausdictcs presches. pourveu que ce que leurdit capitaine leur auroit
lors commandé et enjoinct de faire ne louche aucunement les deux premiers
poinctz dessus mentionnés. En tant que leur a esté déclairé qu'ilz sont tenuz
552 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
d'observer et garder iceulx deux poinctz estroicteraent et d'obéyr, toutes excuses
cessantes à icelluy leur capitaine pour l'observance d iceulx deux poinctz à paine
d'estre aullrement tenus et réputez pour séditieux et rebelles. Quant à aultres
dont note est faicle sur ledit rolle ils ont seulleracnt volu jurer lesdiz deux
premiers poinctz refusans de faire serment sur le troizième, parce que là où la
presche se feroil soit dedens la ville ou dehors, ilz ont envye eux y trouver et ne
les aucunement empescher. finalement au regard d'aultres ont refusé du tout
de faire ledit serment les ungs soubz |)retext d'avoir meilleure et plus grande
interprélalion diceliuy, les aultres pour ce qu'ilz ne veullent faire chose contraire
à la gloire de Dieu, voulans inférer quicelluy serment seroil tel, desquelz refusans
note a esté faicte sur ledit roUe pour en estre faict comme sera advisé par Messei-
gneurs.
Le sabmedy dixième jour d'aousl xv^Ixvj, Mess'* les chiefz et conseil de ladite
ville eslans assemblez pour la vente de quelque ofTicc, seroient comparus parde-
vant eux messire Gabriel de Cambry, chevalier, seigneur du Bus, et Estiene
Gabry, deux des capitaines du peuple enrollé, lesquelz apportèrent ung esclar-
cissement de serment, qu'eulx et ceulx estans soubz leur charge entendoient
d'avoir preste, ledit esclarcissemenl estoit te! que s'ensuit, asscavoir que comme
léaux subjetz au Roy nostre souverain et naturel seigneur, ilz ont promis et
promettent garder ceste sa ville et cité de Tournay ou nom et pour Sa Majesté,
aussy de garder ladicte ville et cité de toute sédition, révolte, sac et pillaige,
finablement que durant ce temps d'esté aucunes presches ne se feront en ladicte
ville, n'estoit qu'on les empeschat faire au dehors ou que les aultres villes de
pardecha durant b'dit temps feussent joyssantes de plus grand liberté, ou bien que
sur résolution des Estalz Généraux légitimement assemblez aullrement en soit
ordonné, ce que lesdiz S'^ chiefz ont trouvé bon et en communiqueront avec les
consaulx.
Consaulx rassemblez le lundy douzième jour d'aoust xvlxvj, pour prendre le
serment de sire Pierre de Hornut, escuier, S" de Bourbeque, capitaine choisy
pour l'une des bandes et compaignies du peuple enrollé. estans ceulx de sadicte
compaignie de la paroiche Sainct Brixe, lequel capitaine et ceulx de sa charge
aiiroient sans dilïiculté preste le serment cydevant couché selon qu'il auroit esté
esclarcy et approuvé par Mess" les chiefz sabmedy derrenier dixième dudit mois.
Du raport de .Mons' M" Erasme du Chambge aiant esté envoyé vers la
seigneurie de iMons' de Moulebais pour scavoir sy le serment ayant esté esclarcy
le dixième jour d'aoust derrenier pour estre preste par le peuple seroit à son
appaisement. joinct que ledit serment avoit esté preste le jour d'hier par sire
Pierre de Hornut. l'un des capitaines, et ceulz de sa compaignie, lequel du
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 353
Chambj^e a dôclairé que ledit S"" de Moulebais, jasoit que de prime face il n'auroit
voulu advouer ledit esclarcissemcnt, ains se tenoit à la première l'orme de
serment que ledit du Bus avoit preste en sa présence avec ceulx de sa eompaignie,
auroil par après déclairé aianl oij icellui du Cliambge qu'il s'accorrtoit à ee qu'il
fut preste en la sorte et miiuièn' qu'il esloit esclarey.
Consaulx rassamblez ledit jour de increredy xiiij" d'aoust, pour rcelievoir le
serment de Jean Cambry, S' des .Vlarès, l'un des capitaines du peuple enrollé et
ceulx de sa compaii^nie. estans de la paroiche Sainct INicaise et Saincte Marglie-
rite, lesquelz oui faict et preste le serment selon l'esclarcissement du x<= d'aoust
derrenier.
Consaulx rassemblez le vendredy seizième jour d'aoust xv^lxvj, pour rechevoir
le serment de Anlhonne de la Fosse, S-^ de Robersart, l'un des capitaines prins et
choisy pour le peuple enrollé, et ceulx de sa eompaignie estans de le paroiche de
la Magdaleine et partie de la paroiche S* Jacques, lesquelz ont faict et preste ledit
serment selon l'esclarcissement du dixième jour d'aoust derrenier
Consaulx rasemblez le sabmedy dix septième jour d'aoust, pour les lettres que
l'on a receu de Sa Majesté ensemble de Son Alteze dont lecture a esté faicte à
laquelle ont assisté ledit seigneur de Woulebais, les lieutenant de bailly et officiers
de Sa Majesté au bailliaige etc. contenans lesdictes lettres de Sa Majesté admoni-
tions de faire tousjours bon debvoir et oITice de bons subjectz jusques à l'arrivée
de Sa Majesté quy sera bricfve. lin oultre pour ce que l'on est advcrty que le
jour d'hier pluisieurs eslrangiers ont abatu les ymages aux églises et pillé les
aornemens et relliquaires y estans asscavoir aux villaiges de Tourcoing, Mouvault,
Roubais et ailleurs en la cliastellenie de Lille, Courtray et du Tournesiz et que le
bruit court que demain à la presche se doibvent trouver plusieurs estrangers,
ausquelz seroil bon d'empescher l'entrée de la ville craindant les inconvéniens
quy en pouroient advenir, a esté résolu de renforcher le guet au double à
chacune porte et de rescrire à Son Alteze ce quy s'est passé depuis les derrenières
envoyées à Son Alteze.
Consaulx rassamblez le hindy xjx' jour d'aoust. pour rechevoir le serment de
Nicolas Bernard, escuier, l'un des capitaines prins et choisy pour le peuple enrollé,
signament de ceulx de la paroiche Sainct Jacques, lequel avec ceulx de sadicte
eompaignie ont preste le serment comme les aultres ont faict.
Consaulx rassamblez le mardy vingtième jour d'aoust. pour prendre et rechevoir
le serment de Simon Bernard, escuier, S'^ du Mont, l'un des capitaines prins et
choisy pour le peuple enrollé, et ceux de sa eompaignie estans des paroiches
Sainct Piat et Saincte Catherine lesquelz comme les aultres compaignies ont
faict et preste le serment pertinent saulf, et réservé ledit S' du Mont, auquel a
33i PIÈCES JUSTIFICATIVES.
esté déclairé de bouche qu'il sera tenu suivre et obéyr à Mess" les consaulx
comme son chicf et souverain, luy a esté aussy déclaré que par le serment qu'il
a preste il est seullement tenu de conduire et renier ceulx de sa eompaisnie,
sans eslre tenu de respondre de leurs personnes, et que à son mieulx et aussy
avant qu'il luy sera possible il sera seullement tenu s'employer à ce que cestedicte
ville soit i^ardée pour le Roy nosire sire, aussy que sédition, révolte, sac et
pillaige n'adviengne en icelle. et que les presches ne se fâchent en icelle jusques
au my mois de septembre prochain.
Consaulx rassemblez le vcndredy xxiij* jour d'aoust quinze cens soixante six,
pour le désordre advenu ledit jour par l'abbat des ymages et autelz et desgat des
aornemens et relliquaires faict icelluy jour en toutes les églises et cloistres de la
ville par ceulx de la secte calviniste, et adviser de contenir le peuple en tranquil-
lité ceste nuict prochaine mesmes pour éviter pillerie. Surquoy a esté advisé de
publier à son de trompe par les carrefours que endedens les sept heures du soir
chacun soit rentré en sa maison sans estre trouvé sur rues, à paine de cincquante
florins carolus d'or d'amende pour chacune personne au regard de ceulx qui
auront puissance. Et quant aux impuissans, ilz seront punis à la discrétion de
Mess" prevoslz et jurez, sy est advisé de metire sus deux compaignies des manans
enrôliez pour la garde de la nuict pour faire le guet toute la nuict jusques au
jour que lors y aura aultre garde commise.
En oultre les trois ministres estans en ceste ville. asscavoir M. .Ambroise Wille,
iVI. Charles de Nielle et ung que l'on dict hault bourgoingnon ont demandé
audience à Mess'* les consaulx, pour cause des trésors trouvez en l'église Nostre-
Dame. ce que leur a esté accordé. Et sur ce qu'ilz ont remonsiré que le peuple
avoit descouvert grandz trésors en ladicle Église, lesquelz ilz estoienl prestz de
mettre es mains de Mess""* les consaulx pourveu qu'ilz voussissent respondre de
les descharger vers le peuple et d'en user comme seroit ordonné par les princes
qu'ilz ont dénommez, asscavoir les prince d'oronge, conte d'Rgmonl et conte de
Hornes, estans gouverneurs du pays, et en la protection dosquelz avec la noblesse,
lesdiz ministres disent estre. Surquoy a esté refusé par Mess'" les consaulx de
prendre en leur garde lesdiz trésors et d'en descliarger iceulx ministres, n'estoit
qu'ilz en peussent user come Son Alteze en ordonneroit, ce que lesdiz ministres
n'ont voulu accepter, et voiant qu'il estoit lard a esté advisé que pour en
résouidre demain au matin à sept heures l'on .se trouverra en cest auditoire. Et ce
pendent pour ceste nuict y aura la compaignie Mons'' du Bus pour garder lesdiz
trésors en l'église INostre-Dame. D'aultre part, sur ce qu'a esté demandé ausdiclz
ministres s'ilz avoient charge desdiz princes de faire ce qu'ilz faisoient, ont
déclairé que non, mais neantmoins soustenoient qu'iceulx princes les avoient prins
en leur protection joincte la noblesse
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 335
Consaulx rassamblez avec ceulx du bailiiaige le sabmedy xxiiij« jour d'aousl
jour de saincl Bartliolomy, pour adviser ce que l'on feroit des trésors, privilèges
et leltriaiges descouvers en l'église calliedralle de ceste ville et ad ce que les
minislres seroionl arrivez pardevant iMess'* les consaulx, ilz auroient remonstré
que ce jourd'huy ilz esloient adverlis que i5on Alteze avoit député aucuns
gentilliommes et entre aultres iMons'"d'Esquerdes pour donner ordre à la garde de
la ville et entendre aux affaires qui se sont passées, lesquelz genlilzhommes
seroient icy endedens le soir, pourquoy leur sembloit que mieux vauldroil de
laisser les choses en tel estât qu elles sont jusques à leur arrivée, en faisant ce
pendent inventaire desdiz trésors, ce que a esté trouvé bon par Aless", soubz
promesses que lesdiz minislres feirent de laisser garder les choses au mesme
estai sans y toucher, pour faire lequel inventaire sont commis Mons' du Doncq,
lieutenant, Léon de la Chappelle, procureur du Roy au bailiiaige du Tournesiz,
Adam le Cocq. mayeur des (inanees et Nicolas Robert, jurez. Uavantaige a esté
advisé de rescripre à Son Alleze les désordres et insolences advenues es églises
et d'y envoyer le conseiller du Chambge avec lettres de crédenee, lesqueles lettres
ont esté prestement despeschées par le conseiller Hanelon et lentes à Messieurs
les consaulx qui les ont trouvé bonnes.
Oullre le discours de ce que dessus fut rcscript à Son Altcze comme les pro-
cureurs de la ville et aultres auroient apporté en la maison de ladicle ville les
pièches desdiz rclliquiaires, calices, croix, fiertres, candélabres avec aucuns
deniers monnoyés. Et combien que le second prevosl de ladicte ville acompagné
du procureur et d'aucuns scrgeans eust taché par admonitions et prières d'em-
pcscher ledit oultrage, toutcsfois les sacageurs ny auroient aucunement volu
obéyr, ny entendre avis de plus en plus et plus grand nombre que devant,
auroient continué en icelluy leur oullragCj mesmes sur ce qu'icelluy prevost,
pour empescher ledit oullragc, avoit de bonne heure faict rassembler certaine
compaiiinic et bande, laquelle le mercredy auparavant avoit passé monstre, aiant
icelle compaignie esté rassamblée sur le grand marché de ladicte ville et esté
requise de par leurs armes empescher ledit oultrage, n'y avoit volu entendre,
disant qu'ilz avoient tant seullement juré de garder ladicte ville et les habitans
dicellc de sédition, révolte, sac et pillage et non point de garder les églises de
cassement des \ mages ou d'aultrc oultrage, à cause de quoy lesdiz sacageurs
n'estans empeschcz en leur niauvaix vouloir auroient continué leurdit oultrage,
depuis le matin jusques au soir, meclans lesdictes églises en pileulx estât.
Consaulx rassamblez avec ceulx du bailiiaige et plusieurs des capitaines le
lundy xxvje jour d'aoust xv^lxvj, pour obvier au désordre quy se commect par
plusieurs mauvais garnement tendans à pilleric, suyvant quoy a esté advisé de
356 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
publier tant par I auctorité dcsdiz seigneurs consaulx que desdiz eapilaines, que
l'on delTend à tous manans et habilans de ceste ville et cslrangers d'entrer ny
fusler quelque maison tant de religion, hospitaux ou aultre maison quelconque,
pour y faire quelque désordre, oultrage, sédition ou pillerie à peine d'estre preste-
ment exécutez par la corde sur le grand marché, présens lesdictes compaignies.
En ouitre l'on est d'assens de rcclievoir en la garde de la ville les tlirésors trouvez
en l'église Noslre-Dame en recolanl l'inventaire présent les ministres, de laquelle
inventaire leur sera baillé le double s'ilz le requièrent et ce pour relever de la
fasclierie cl despence que l'on a de la garde qu'il convient avoir en ladicte église,
ce qu'ont consenly lesdiz ministres en la présence de Mess", mesmes testé qu'ilz
n'advooient les oultrages et desregles quy se font et s'ingèrent de témérairement
faire plusieurs garnimens soubz ombre de l'abat des ymages qu'ilz ont ordonné de
faire tant es maisons de religion que d'aucuns particuliers esquellcs ils main-
tiennent y avoir aucuns aornemens d'église, mesmes de bailler toute assistence
pour en faire punition exemplaire.
Consaulx rassamblez le mercredy xxviij' jour d'aoust xv^lxvj, pour entendre la
proposition que les seigneurs d'Esquerde et de Villers eux disans députez par la
court pour ceste ville à raison des troubles y advenus vouldroyent faire, ce que
de leur part a esté faict et ont exhibé le double d'aucuns articles décrétez par
Son Alteze pour contenir le peuple à son office et empescher que les oultrages et
désordres perpétrez es églises et monastères de ceste ville et d'allentour ne soient
plus avant continuez, desquelz articles lecture a esté faicte en la présence desdiz
gi-ntilzhommes et de Mess" les consaulx y estans assistens, ceulx du bailliaige et
les huit eapilaines des compagnies, et d'aullant que lesdiz articles nestoient
autenlhicquez pour la haste qu'iceulx gentilzliommes disent avoir eu de partir de
Bruxelles pour cause desdiz troubles, a esté advisé de à toute diligence envoyer
audit Bruxelles le second procureur pour avoir lesdiz articles authentieqnez par
le scel de Sa Majesté ou du nom de Son Alteze, pour en aprez en faire la publi-
cation au peuple, affin selon ce il ayl à soy régler.
D'aullre part sur ce qu'a esté remonsiré ausdiz gentilzhommes qu'il estoit bien
requis d'avoir acte de leur pooir. ont déelairé que Madame n'a voulu loucher aux
gouvernemens des gouverneurs des pays, mais sy avant que Mess" du magistral
en voulzissenl requerre Son Alteze. que sur leur honneur ny auroit faulte
qu'icelluy leur scroil envoyé. Parquoy a esté advisé d'en reserire à Son Alteze
pour scavoir ce qu'en estoit, lesdiz gentilzliomes ont déelairé que les ministres
sont preslz de remettre es mains du magistrat les trésors trouvez en l'église iNostre
Dame, pourveu que les ymages d'or ou argent en quoy principallemcnt icelles
consistent et desquelles l'usage seroit osté par estre la forme des viaires et les
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 337
mains effacées et ostces soient emploiées à la nécessité du pauvre peuple ou
aultremenl que rien ne se fera et que Mess" les consaulx n'en lèveront leurs
mains, n'est avec ordonnance expresse de Madame la Ducesse et des S" du Conseil
d'Estiit conjoinclcnipiil.
Fut mis en tennos par lesdiz gcntilzhommcs de trouver le moyen de nourir
amitié entre les manans de la ville et eculx du chasleau, aHîn d'osier toute
ditridence de requérir le Seigneur de iMoulbais de vouloii- asseiurer le peuple de
ne faire envahie sus liiy ny moleste quelconque à l'advenir, si avant qu'il se
conduit modestement.
Pareillement de punir tous ceulx qui sonneroienl quelques propos tendent à
sédition et mettroient iceulx en avant comme les ayant oy ou entendu, n'est qu'il
vinsse denuneher l'aulheur dieeulx au magistral, pour ce que effectuer lesdiz
gentilhommes se transportarent promptement au chastel vers ledit Seigneur de
iVloulbais et avec eux aucuns desdiz S'* consaulx et de ceulx du conseil de
Sa Majesté au bailliaige. Que lors fut faiet relation audit S', présens plusieurs
capitaines dudit chastel. des poinclz que dessus, et fut trouvé bon par ledit S"" de
faire la publication mise en termes, scavoir que les soldatz ne pouroient injurier
en manière quy fut les manans de la ville ny iceulx manans les soldalz. respec-
tivement déclairant que lesdiz soldalz du chasleau poiroient librement converser
en la ville pour y recouvrer leurs nécessitez. Le mesme auroit eslé arresté contre
ceulx quy auroient semé quelque propos séditieux sans avoir dénommé leur
aucteur. lesquelles publications auroient eslé faictes le lendemain xxjx" dudit
mois tant au chastel par ledit S"" de Moulbais, comme en la ville par lesdiz S"
consaulx. Mais au regard de l'asseeurance requise, ledit S'' de Moulebais auroit
respondu que combien que trouvra bon de bailler icelle, ce néantmoins pour
aultant qu'il n'estoil à ce auctorisé par Son Alteze, auroit déclairé de ne le vouloir
faire, sans préalablement en avoir adverty Son Alteze. Ce qu'il proniist de faire,
à quele occasion mesdis seigneurs les consaulx le tout entendu ordonnarenl par
après d'en rescrire aussy de leur part à Son Alteze et de la supplier de vouloir
accorder ladicle assceuranee.
Consaulx rassamblez le jeudy vinglnoefième dudit mois pour oyr lecture des
lettres de Madame en dacte du vingtsixième jour dicelluy mois desquelles lettres
la lecture a eslé faicte.
Kt par icelles lettres Son Alteze rescripvoit comme Sa Majesté estoit contente
que l'inquisition cessast et que se feissent placcars nouveaux sus le faict des
hérésies, aianl regard que la saincte foy catholicque et l'auctorité de Sa Majesté
soient gardées, ne s'estanl résolue si ce sera par voye des eslalz généraulx ou
aultrement, assceuranee a eslé donnée aux gentilzhommes consederez que riens
Tome I. — Lettres, etc. 45
338 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
ne leur sera imputé par Sa Majesté ne par Son Alleze pour raison des choses
passées, moyennant qu'ilz se conduisent doresnavant comme bons et loyaux
subjeclz et vassaulx de Sa Majesté, et sy doibvent tous compromis estre nulz,
cassez el aboliz sy longuement que ce que par Son Alteze a esté permis, ou nom
de Sa Majesté, tiendra.
Ledit jour de jeudy pour ce que Mons"" le lieutenant général de Mons"" le bailly
de Tournay-Tournesiz a receu piaccart du Roy par lequel entre aullres choses
est ordonné de mettre bas et poser les armes, a esté advisé pour ce qu'il y a
plusieurs povres mesnagers quy sont enrôliez soubz les capitaines establis sus le
peuple, lesquelz endurent nécessité par n'avoir peu vacquer à leurs labeurs durant
sept à huit jours que ces troubles ont duré, de faire ung rolle de tous les povres
eslans en chacune compagnie pour recompenser iceulx par forme d'aulmosne du
debvoir de guet quilz a\ oient faicl par le passé et par ce moyen les renvoyer à
leur labeur, en leur faisant poser les armes.
Consaulx rassemblez le vendredy pénultième jour d'aoust, pour oijr lecture des
lettres de Madame dactées du xxviij* jour dudit mois apportées par le conseillier
du Chambge et pour oijr son rapport, lequel a esté oij et lesdictes lettres leules.
présens les Seigneurs d'Esqucrdes et de Villers. pour mettre ordre sur les troubles
advenus, lesquelz ont mis plusieurs poinctz en termes pour sus lesquelz adviser
au soulagement du peuple, Mess" les consaulx ont délibéré de eulx retrouver en
cest auditoire après le disner.
Madame rescripvoit par ses lettres et ordonnoit de par le Roy de mettre en
exécution le piaccart de Sa Majesté édicté sus le faict des sacagemens bien rigou-
reusement selon sa forme et teneur comme Son Alteze disoit s'estre encommenché
faire en aultres villes; ordone que aux ministres par Mess" soit faict commande-
ment ou nom de Sa Majesté de mettre es mains de raesdis seigneurs tout ce qu'a
esté prins, ravy et spolié des églises pour le rendre à tous ceulx qu'il appartiendra,
à payne qu'iceulx minisires seroient eux mesmes tenus pour larons et spoliateurs
des dictes églises, déclaire Son Alteze avoir esté faicte injure aux Seigneurs
Frince d'Oronge, Contes d'Egmonl et de Hornes par les propos des ministres
susdiz quy n'avoient voulu rendre les trésors des églises fors par l'adveu desdiz
seigneurs, lesquelz auroient assceuré Son Alteze que la chose leur auroil tant
despieu qu'eux mesmes en voldroient faire la correction et justice de leur propre
main.
Lesdiclz Seigneurs d'Esquerdes et de Villers avoient conceuz et mis par cscript
les poinclz que dessus avant qu'ilz eussent oij la lecture desdictes lettres, desquelz
la teneur s'ensuit :
Trouver moyen prompt de remettre le peuple en labeur el ce pendant luy
donner quelque contentement tant du passé que du présent.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 359
A ces fins proposer la réparation de la ville pour son aornemcnt. Davantaijçe
traiclcr avec les chanoines, abbayes, hospitaliers et reclievcurs pour preslcr aux
marchans quoique bon capital, auquel ilz seront tenus rendre compte incontinent
les troubles cessez, sans en retirer ou prendre quelque profTit, actendu que lesdiz
marchans ne peuvent retirer aucuns deniers d'Anvers, mesmes leurs propres
deniers.
Item de rassambler tout cuivre, ferrailles, plomb, bosquailles des mortiers
pafossiaux et les vendre au plus hault offrant au prolïit des povres. Quant à
l'argent en masse estant mis entre les mains des égliseurs ce qu'il en sera de faire.
Consaulx rassamblez ledit pénultième jour d'aoust del après disner, pour
résouidre sur les poinctz mis en termes par lesdiz genlilzhommes, surquoy a esté
advisé d'escripre à ceulx du magistral de la ville d'Anvers pour entendre comment
ilz se sont conduictz vers le peuple, asscavoir s'ilz ont posé les armes, et eux
applicqiié à la labeur, sy les presches se font en la ville ou dehors, et en cas qu'elles
se facent en la ville, sy elles se font es églises et relligions ou aultres lieux, quelles
choses ilz sont faicl des relliquaires et aornemens procédans desdictes églises, sy
aucuns ilz ont eu entre mains, et quelle punition ilz ont faict de ceulx quy ont
faict le cassement des ymages et aultres oultrages et pilleries es églises, mesmes
d'envoyer le double des sentences qu'ilz peuvent avoir rendues, pour ce que
lesdiz gentilzhommes maintenoieut que le placcart quy avoit esté le jour précédent
publié touchant le sacagement ne s'extendoit aux sacagemens passez, mais bien
pour ceulx quy adviendroient depuis la publication dudit placcart. Pour la
responce de ceulx d'Anvers veue, adviser sur lesdiz poinctz selon raison, suivant
que contiennent en général les lettres de Madame du xxviij' dudit mois; plus pour
ce qu'il est expédient de salarier les povres manans et habitans de eesie ville
aians depuis huit jours continuelemenl faict le guet et garde, et moyennant ce
renvoyer à leurs labeurs, et que Mons"" le prélat de Sainct Martin a promis à
M. Ambroise Wille, l'un des ministres, de donner mil fleurins carolus pour aul-
mosner aux povres et indigens, pourveu que moyennant ladicte somme sa maison
fut préservée d'ultérieur sacagement, a esté adviser de mander pardevers Mess"
les consaulx ledit ministre Wille pour entendre comment ladicte some se pouroil
répartir. Ce que a esté faict et communiqué avec luy en la présence desdiz
genlilzhomes. et ont mesdis seigneurs les consaulx tellement faict vers ledit
minisire, qu'il auroil consenty qu'icelle somme seroit reparlye, asscavoir cincq
cens florins pour sallaricr lesdiz povres manans s'estans applicquez au guet durant
les troubles, et aultres cincq cens fleurins qu'il auroit voulu retenir pour en faire
à sa discrétion.
Finablement pour ce que lesdiz cinc cens fleurins ne jieuvent satisfaire à la
540 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
récompense desdiz povres manans ayant faict la garde. Jean Goinbault. S' d'Archi-
monl, rcclieveur de Sa Majesté, s'est offert presler à la ville six cens fleurins et
Jacques Haccarl. dépositaire de Sadile Majesté, quatre cens Oeurins. pour tous
Icsquclz deniers reclievoir est commis .Adam le Coq. et d'en faire la distribution
aux capitaines selon leurs rolles et le marcq la livre quy se fera.
Faict icy à noter que ledit ministre Wille eslaiil lost après ung jour en la halle
de gehines à ce que l'on pesoit les argentries apportées es mains de Mess'» les
consaulx provenantes de l'église iNoslre Dame, pour recoler l'inventaire comme
dit est dessus, auroit confessé d'avoir fai(;t faire compte et estai avec les hostcs
et laverniers es maisons desque.lz les saca^eurs au jour du sacagcment susdit
avoient souppé et d'y avoir ordonné de les payer et satisfaire. Kt sur ce que luy
fui lors objecté par Ah Jacques le Clercq, conseillier. que par ce moyen il avoit
assez monstre d'avoir ordonné ledit sacagement. en récompensant lesdiz sacaj^eurs,
iceikiy feit responce qu'il ne convcnoit taxer personne, et qu'il avoit en ce pro-
cédé par compassion, daultant que lesdiz sacagcurs qu'il appeiloit povres ouvriers
sesloient venus rendre plainlifz vers luy au jour dudit sacagement du soir de ce
qu'ilz mouroient de fain. là où néantmoins ilz avoient ouvré toute la journée, par
où faict à conjecturer que les cineq cens fleurins que dessus retenus par ledit
Wilie auroient esté répartis au prolTit desdiz sacageurs.
Consaulx rassamblez le .«-abmcdy derrenier jour d'aousl quinze cens soixante
six. que lors liaull et puissant seigneur Messire l^liilippes de Montmorency,
chevalier de l'ordre, admirai de la mer. etc . a présenté sa commission en dacte
du xxjx" dndit mois, par laquelle il a charge de Sa Majesté de mettre ordre aux
affaires publicques de ceste ville et pacilier icelle par la meilleure voye que pos-
sible sera, laquelle commission a esté leute et suivant icelle Mess" les consaulx
avec ceulx du bailliaige ont tous promis de luy obéyr en ce que Son Excellence
leur plaira commander, tenans sa commission pour sufTissante, dont la teneur
s'ensuit,
Par le Rot,
A noz amez et féaulx le S' de Moulebais. lieutenant de nostre chasteau et
bailliaige de Tournay et du Tournesiz. et le seigneur de Beauvoir capitaine d'une
enseingne de gens de pied tenans présentement garnison audit chasteau. prévoslz.
jurez, mayeurs et eschevins de noslre ville et cité de Tournay. et à tous aultres
noz justiciers, officiers, gens de loy et subjetz du bailliaige et plat pays dudit
Tournay et du Tournesiz cui ce regardera et ces présentes seront monstrées,
.salul. Comme noslre très cher el féal cousin, chevalier de noslre ordre, conseillier.
PifiCF.S .lUSTinCATIVES. U\
chambcllain cl admirai ?;énéral de la mer, messirc Philippe do Montmorency,
conte de Hornes. se Iransporle présenicment par charge de noslrc très cher et
très aimée sciir la diioossc de Parme et de Plaisance, pour nous rcgcnic et gon-
vernanlc en noz pays de pardccha, vers noslrc dicte ville de Tournay, pour de
noslrc part poiirvooir et donner ordre tant à la garde, sceurtc et dcITcnce de noslrc
ditchasleau. ville et cité de Tournay, que pour pacifier les troubles et csmotions
y estant à présent, et mcsmes pour la direction de toutes choses concernantes
noslrc service, bien. rc|)os et traiiqiiiililc de ladicte ville et du plat pays à l'envi-
ron. et qu'il importe grandement potu- nostrc dit service qu'il soit obcy et respecté
en tout ce que sera rctiuis pour cITeetuer ssdiclc charge, pour ce est-il que vous
mandons, commandons cl expressément enjoingnons et à chacun de vous endroit
soy et sy comme à luy appcriicndra, que à nostre dit cousin le conte de Hornes,
comme supcrinlendcnt desdiz ciiasteaii, ville et eilé de Tournay et du Tourucsiz,
ayez à obeyr en tout ce qu'il vous commandera pour noslrc service, garde,
sccurlé et delTencc desdiz cliasteau, ville et cité, pour la pacification desdiz
troubles, bien, repos et tranquillité de ladicte ville et du plat pays à l'environ.
durant le temps qu'il séjournera cellepart, et au surplus luy portez tout honneur
et respect et donnez toute aydc, faveur et assistence requise pour le meilleur
elTcet de saditc charge, sans aucun refus, contrediet ou dilïiculté, car ainsy nous
plaist-il. Donné en noslrc ville de Bruxelles, soubz nostre contrcsecl cy mis en
placcart le vingtnoefièmc jour d'aoust quinze cens soixante six, ainsy soubseript
par le Roy et signé, d'Overloepe.
Suivant quoy pour eommencher à donner ordre aux inconveniens advenus et
empeseher que au futur ilz ne voyent en pis. Son Excellence auroit proposé trois
poinclz les plus urgens sus lesquelz l'assemblée susdictc auroit à adviser comme
seroil le plus expédient d'en déterminer, desquelz poinclz le premier esloit de
scavoir la.sowrce et cause principale quy auroit engendré aux habitans de ladite
ville une appréhension, sinistre crainte et défiance des lieutenant de gouverneur
et gens de guerre tenans garnison au chastel de ladicte ville et comme le tout se
pouroit appaiser. Le second poincl concernoit de demonstrer la diligence dont les
magistralz, capitaines el gens de guerre estaiis à la garde de ladite ville peuvent
avoir usé à obvier à l'abbal et sacogcmcnt des ymagcs. relliquiaires et vasseanx
députez au service divin trouvez es églises, hospitauix et aullres lieux pieux
de ladicte ville et dont ce seroil procédé. Le tiers point esloit de trouver moyen
à remettre le menu populaire à la besoingne à fin de délaissant les armes et toute
oysivelé, le conduire à gaigner sa vie par artifice el manufacture comme il a faicl
du passé.
Convient iey entendre que le dimanche xxv» dudit mois d'aoust cl le mardy
342 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
ensuivant avanl la venue dudit S' admirai, s'estoient csmeuz quelques troubles
en la ville, l'un de jour l'aullrc de nuict, pour la crainte que les sectaires avoient
de quelque envahie de ceulx du ehasteau.
Sy est vray que le jour [ ] le S' de Beaunoir arriva audit chastel avec
sa compagnie lequel conjoinctement avec le S'' de Moulebais et aullres capitaines
diidil chaslcl nonobstant l'arrivée dudit S^ admirai en ladicle ville, auroit enchargé
et proposé de faire (|uel(|ue eniprinse et envahie sus les manans de ladite ville
tellement que lettres furent escriples de leur part aux S" d'Esquerdes et de
Villers susdiz. par lesquelles ilz leur signilioient qu'ilz l'eussent à retirer prompte-
menl hors la ville et qu'ilz vonloient exécuter ou exploicter en icelle ce qu ilz
avoient de charge; lesquelles recheues iceulx S" d'Esquerdes et de Yillers en
feirent part audit S' amiral, lesquelles leues, icelluy S fui fort aggraviat que
lesdiz capitaines du chastel luy avoient porté tant peu de respect, que de ne luy
avoir faict scavoir tele emprinse, attendu que son arrivée en ladicte ville estoit
toute notoire, et de faict manda aucuns du magistral avant se trouver en la
maison de la ville pour leur monstrer le danger auquel la ville avoit esté exposée
et leur feit lecture de la copie desdicles lettres quyauroient esté signées de Lannoy,
de Moulbais et d'EspIcchin.
Ce que considéré ladicte assambléc aiant meurement délibérez sur le premier
desdiz poins. auroit tenu par commun advis que la crainte et deffiance y men-
tionnée auroit prins son origine de ce que la plus grande part des manans de
ladicte ville prenans exemple à cculx de Béthune, Lille, Ypre, Anvers et aultres,
et mesmesdu pays plat, se seroient trouvez es presches cncoires pour lors illicites
el inhibées par les ediclz de Sa .Majesté.
Ce que faisant iceulx manans auroient assez sceu et entendu que leur emprinse
ne pooil estre aultre que desplaisante à Sa Majesté dont seroit advenu ([u'ilz
auroient conccu une peur d'eslre surprins par les ofliciers dicelle Sa Majesté et
spécialement desdiz lieutenant de gouverneur et gens de guerre estans audit
chastel, de tant quiceulx, à la veue d'un chascun se seroient fortiliez de muni-
tions de guerre, auroient prins de nouvel à leurs secours quelque nombre d'infan-
terie, augmentans par tel moyen leur guel et garde et à quelque fin doubteux
ausdiz manans, auroient mis sus les rcnipars dudit chastel grande quantité
d'arlillcrie, aux endrois Undens vers les liiux où lesiiictes presches se sont tenues
el aullres, par lesquelles grand domage |iouroit eslre faict à ladite ville laquelle
peur se seroit d'aultanl plus augmentée que ores que les S" d'Esquerdes et de
Villers fussent venus en ladicte ville pour appaiser le malentendu. Ce néant-
moins de nouvel seroit arrivée audit chastel la compaignie du seigneur de
Beauvoir. Or pour sespir ladicte déliancc, peur et mescontentement, à ladicte
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 543
assemblée aiiroit semblé expédient que Son Excellence feroit très bien d'ordonner
audit Seij^neiir de Beauvoir do faire sortir sa compagnie dudit cbastel et l'envoyer
hors dieeiluy et de ladite ville. Kt en après que fut donné assceurance par ledit
lieutenant de gouverneur ausdiz manans de non les molester ou aggresser comme
que ce soit pour le faiet de leurs presches, mesmes que Son Kxcellence feit
|)ar(ille assceurance au regard de lous capitaines, prevoslz des maréchaulx et
aullres ofTiciers de Sa Majesté quy pouroient descliendre d'aultre quartier.
Fault icy noter que ledit S' admirai avant que mesdisseigneurs advisassent,
mit luy mesme en terme ce que dessus au regard de faire partir du cliaNteau la
compagnie du S' de Beauvoir, commandant néanlmoins de ne faire note en l'acte
quy s'en feroil, pour aultant qu'il enlendoit envoyer icelluy à Son Alteze.
Au regard du second poinct, ladicte assamblée trcuvc que plusieurs malveil-
lans. oultre la mauvaise opinion qu'ilz avoient des cérémonies de la religion
calholicque, auroient esté esmeuz des sacagement et abbat des ymages qu'ilz
avoient entendu estre advenus en Anvers et aullres lieux, de commectre le
délict mentionné en icelluy second point, mais comme ilz faisoicnt leurs aprestes
de procéder à leurs ententes, le jeudy xxij" de ce mois d'aoust quinze cens
soixante six, du soir, par renforchement du guet à l'ordonnance du magistrat,
l'abbat et saccagement des ymages et reliquiares qu'ilz s'estoient dèslors ingérez
d'encommenchcr faire en l'église Saint Pierre, avoit esté empesché.
A quoy auroit esté tenu la main par ledit guet toute la nuit es aullres églises
et lieux pieux, ce que le vendredy venu, l'on n'auroit estimé de grand matin ledit
guet levé se debvoir reprendre, combien que dès l'aube du jour ung grand
nombre de gens de ladite ville et aullres ineognus se seroient en compagnie
trouvez es églises de Saincte Catherine, Saincl Piat, Sainct Brixe, des Cordeliers,
collège des Jliésuistes et hospital Sainct Jacques, où ilz auroient faiet le sacage-
ment et abbat des ymages, avant que oncques compagnie aucune eust peu
prendre les armes, pour y donner ordre, aians pour lors esté mesprisez et ville-
pendez par les sacageurs les commandemens et exhortations de désister que à
l'instant auroient faici les prevost, procureurs et aullres du magistrat, mesmes le
S' du Bus. ca|)itaine, s'eslant trouvé esdiz lieux. Ce néantmoins est vray que
pour empeschcr que le pareil ne se feit es aullres églises de ladite ville et
signament en celle de Nosire-Dame, quy est la cathédralle, ledit S' prevost auroit
faiet diligence de soy trouver au squadron de la compagnie du S' du Bus, laquelle
s'estant mise en bon équipage comme ayant seule passé monstre, il auroit requis
de par tous moiens à eulx possibles empescher lesdiz sacagemens, ce que ledit
S' du Bus et aultres de ladicte compagnie auroit respondu icelle compagnie ne
vouloir emprendre. tant alin de n'engendrer plus grand inconvénient en la ville
su PIÈCES JUSTIFICATIVES.
par occision, brusler ou brigandaige, que comme n'ayant faict le serment à ce
pertinent. Et comme Icsdiz saeageurs entrarenl violenlement en ladite église
Nostre-Uame pour faire le mal y advenu, plusieurs du magistral de ladicte ville
et desdiz conseiliiers et olliciers de Sa .Majesté se trouvarenl en personne en ieelle
église aftin d'y empescher le sacagenient. A quoy néantmoins ilz n'aiiroient sceu
parvenir, ains auroient esié eonsirains soy relirer obslant la Irop grande mullilude
et furie desdiz saeageurs. iMais voyant qu'ilz ne povoieiit donner ordre ausdiz
.saeagemens. ordonnarent lesdiz du magistrat par publication que tous eeulx quy
avoient emporté quelque matériaux provenant desdiz sacagemens. les eussent à
promplement raporler à la maison de la ville à peine d'eslre pendus et eslranglez
au iiibet à ces lins dressé en plain marché.
Quant est du tiers point que l'on a advisé de rassambler les habilans de chacune
paroiche de ladicte ville allin de, tant par certain escript quy se dressera comme
par la présence d'aucuns députez du magistrat leur remonstrer la povi'clé et faulte
de gaignagc ou besoingne en laquelle plusieurs se relreuvent pour la diffieullé
du temps présent, et par ung mesme moyen les induire à consentir que les maté-
riaulx d'or, d'argent, d'arain, cuyvre, bois et aultres, des choses appertenans à leur
éi;lise respectivement quy se trouverronl brisées et cassées par le saeagemenl sus-
dit soient vendues et aliénées au plus hault pris que faire se pourra, alTm d'en
tirer quelque bon capital pour ieelluy en après eslre mis es mains de certains
commis, quy dieeulx en acheteroient la manufacture des povres à pris raisonnable
et leur donneroient à besoingaer. Sy promelroient ieeulx commis de endedens
six mois depuis la recheption dudit capital en faire plaine restitution et de ce
donner bonne et sulïissanle caution à l'appaisemenl de .Mess" les prévostz et
jurez: pour à quoy nn'eux procéder ladicte assamblée auroit Iraielé avec les
marehans de ladicte ville et sur ce oij leur advis. lequel est tel que lesdiz commis
soient gens bien faniez non exerceans Iraffleq de marchandise, lesquelz aient
puissance de choisir quelque adjoincl si besoing est qui fut cognoissanee au faict
de marchandise, lesquelz commis et adjoinet aehetroient les ouvrages des povres
avec discrétion et regard tel que les artisans facteurs soient satisfaictz des estoffes
et contentez raisonnablement de leur travail quy se pourra praetiquer tant en
la haulteliehe et sayetrie comme en tous aultres mestiers. par quel moyen
chascun sera incité à se mettre au travail, et les marehans ordinaires, pour leur
gaing particulier, seront pressez à semblablemenl négotier avec les povres pour
acheter la manufacture au pris que lesdiz commis les achèteront: dont adviendra
que de bref toutes choses se remetront en leur premier estât, lequel advis a esté
délivré à l'excellence de mondit seigneur.
CoDsaulx rassamblez le dimanche premier de septembre quinze cens soixante
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 345
six avec ceulx du bailliaige en la présence de Monseigneur, iMons' l'admirai conte
de Hornes, lequel après avoir receu par escript l'advis de Mess" sus les trois
poinctz premièrement mis en termes par Son Excellence, aiiroit proposé que
Son Aiteze luy auroii expressément enjoincl et commandé de fain; cesser les
presches en la ville, ce que toulesfois il sestoit réservé de faire tant et jusques à
ce qu'il auroit cognn l'honneur du peuple et appaisé l'esmotion et trouble estant
entre eulx, et avant de faire quelque ordonnance sur ce que dessus, auroit advisé
de demander l'opinion desdiz S'~ consaulx et officiers du bailliaige, asscavoir s'ilz
trouverroient bon de coniinuer lesdictes presches en la ville ou les faire au dehors,
surquoy en sa présence, auroit esté projecté de demander parliculièremenl les
voix par t;on Excellence, non point pour en résouldre absolument présentement,
mais délaissant ce jusques au demain matin, tellement que pour la plus saine
partie pour plusieurs raisons par eulx alléghées. signament pour plus facillement
amener le peuple à poser les armes et obvier à plus grand inconvénient que
celluy passé, trouvoienl le meilleur que les presches se tollérassent durant cesl
yver dcdens la ville, et d'en supplier Son Aiteze jusques à ce que aultremenl en
seroit ordonné.
Consaulx rassemblez le ij" jour de septembre xv° ixvj, pour entendre à la
résolution finale et absoiute de iVIess" les consaulx et officiers du bailliaige sus
le faict des presches, scavoir sy l'on trouverra bon que les presches continuassent
en la ville ou dehors; surquoy a esté advisé, comme le jour d'hier, que pour leur
advis leur a semblé le meilleur de continuer et tollérer par leur forme de
provision lesdictes presches en la ville et non dehors, moyennant que les églises
parochialles en soient délivrées, et que soient advisez et choisis aucuns lieux
abstraictz ou prochains des portes, où icelles presches se feroicnt: de quoy a esté
formé quelque acte contenant les raisons bien et au loing pour la délivrer à Son
Excellence dont la copie ensuit :
Sur ce que hault et puissant Seigneur, Messire Philippes de Montmorency,
conte de Hornes, admirai de la mer, chevalier de l'Ordre, ete . le premier de
septembre auroit proposé et adverty aux consaulx de Tournay, lieutenant de
baill}. conseilliers et officiers de Sa Majesté audit Tournay et pays du Tournesiz,
comme Son Aiteze luy avoit donné charge expresse de, à sa première venue en
ladicte ville, d'inhiber et deffendre à tous de faire presches aucunes en icelle ville,
à quoy néanlmoins n'auroil encoires esté procédé, pour aultanl en premier lieu
pour parvenir à la pacification des manans de ladite ville et les remettre en
leur première tranquillité, chose à laquelle convenoil entendre principalement,
il estoil expédient de cognoislre de Testât de ladicte ville en particulier et mesmes
de l'honneur et afTection de la plusparl des manans dicelle. afin de en leur endroit
Tome 1. — Lettres, etc. 44
546 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
faire teles ordonnances que pour à l'advenir les exécuter et garder, lesdiz
consaulx. lieutenant, conseilliers et oCaciers rassemblez collégialement ont esté
requis par Son Excellence de vouloir délibérer et adviser sur le faict desdictes
presches, et de la vouloir advenir par escripl du lieu auquel icelles prescbes se
pouroient tollérer. scavoir est dans la ville ou dehors, et que ce faisant ilz eussent
à posiposcr toute atrcclion particulière touchant le faict de la relligion. prenans
seullement esgard à la pacification des troubles advenus en ladite ville et au bien,
repos et Iransquillité publicque d'icelle. A quele occasion ladicte compaignie eu
esgard seullement à ladicte pacification, combien qu'en leur particulier ils eussent
mieux aymé que toutes presches feussent abolyes. loutesfois par le plus de voix
ont trouvé le plus convenable, atïïn d'éviter tout inconvénient de tolérer, lesdicles
presches au clos de ladicte ville en quelque lieu voisin des portes et remeu du
plus commun accès du peuple, et nuilemenl des églises parochialles pour le
jourd'huy empic ttées par les sectaires ou aultrcs qu'ilz pourroient désirer leur
estre accordées, dont ladicte compagnie a bien voulu faire advertence à Son
Excellence par forme de responce sur son requis, mesmes de déclairer les raisons
et moyens quy les peuit avoir esmeu de à ce condescendre, qui sont telz. Premiè-
rement faict à considérer que la saison est à présent tant advanchée que de brief
l'on ne doibvc journellement attendre aultre temps que plain de pluyes. wyncs,
ventz et aullres lempestes quy pourront molester les assistens ausdictes presches,
de sorte qu'ilz s'en pouroient fascher et mesconlenler tellement que pour exciter
troubles nouveaulx et iterativement occupper quelque lieu à la couverte en la
ville, joinct que allant aux champs sera presque impossible de les faire mettre
les armes bas. de crainte qu'ilz pouront conchevoir de quelque prévost des
niarescbaux. gendarmerie ou aultres ofBciers de Sa Majesté estrangers, mesmes
des aultres manans de ladicte ville catholicque quy à la despourveue leur
pouroient fermer les portes, piller leurs maisons ou faire aultre oullraige, en
vindication de ce quy s'est passé, du contraire duquel ilz pouroient estre
assceurez demeurans en la ville. Par quel moyen oullre ce seroil donné empes-
chement aux paysans et aultres estrangers d'entrer en la ville pour se trouver
esdictes presches, ordonneront qu'es Jours ei heures dicelles. les portes feussent
fermées là ou quand icelles presches se font es fauxbourgs et lieux conlagus aux
murailles de ladicte ville, lesdis paysans et estrangers s'y treuvent et abordent
de toutes pars cntrans et revenans par le clos dicelle ville, chose très dangereuse
pour rliyver prochain, pendent les nuictz bien longhes duquel hyver, dommaige
polroit estre faict à ladicte ville par lesdiz estrangers en la compagnie desquelz se
pouroient trouver larrons, brigans, voleurs et sacageurs des lieux saincts, quy
donneroieul occasion à nouveaux troubles. Mais quant est de tollérer que lesdiz
PIÈCES JUSTIFICATFVES. 547
sectaires demeurent es églises parochiailes par eulx occupées, lesdiz consauix et
aultres treuvent que ce soit chose inlollérable, de tant que ce soient lieux de tout
temps dédiez à y faire le service divin et toutes cérémonies de la relligion calho-
licque et romaine, ausquelles églises ilz entendent qu'à présent sont commis et se
commectront à l'advenir bons pasteurs et prédicateurs, lesquelz par leurs sermons,
exercice de la relligion et bonne vie pourront retirer des presches et opinions
erronnées la bonne part des mannans et simple peuple de ladicte ville, quy s'est
desvoyé par enhort d'aucuns quy les ont attirez à eulx durant les troubles par
bailler à besoingner, ou le dénier en cas de non se trouver es presches. Aultrement
faict aussy à respecter qu'accordant lesdictes églises aux sectaires, seroit faicte
chose tendente à la diminution de la relligion catholicque, laquelle néantmoins
Sa Majesté entend de maintenir en tout et partout, desquelles choses lesdiz
consauix, conseilliers et officiers advertissent Son Excellence pour, le tout
entendu, adviser sus le faict desdictes presches comme elle trouvera convenir.
Consauix rassamblez ledit jour de lundy ij« de septembre del après disner, pour
les lettres (') que l'on a incontinent receu de Son Alleze par lesquelles elle
envoyoit imprimé l'appointement d'entre Son Alteze au nom de Sa Majesté et les
gentilzhommes aians présenté la requeste tendente à ce que l'inquisition ne fut
mise sus et que les placcars sus le faict de la relligion feussent modérez, ce qu'a
esté délibéré de publier pour en advertir ledit peuple et le contenir en modestie.
Consauix rassamblez le mercredy jiij" jour de septembre Ixvj, pour oijr la
lecture des lettres de ceulx du magistrat de la ville d'Anvers responsives à celles
à eulx envoyées par Mess" les consauix, pour entendre l'ordre qu'ilz tiennent
durant ces troubles et quele punition ilz ont faict d'aucun des sacageurs,
lesquelles lettres ont esté lentes et ordonné les communiquer à Mons"" l'admirai,
sy a esté leut le project d'une publication ordonnant d'apporter es mains du
magistrat les aornemens et meubles ayans esté robez es églises et aultres lieux
pieux, comme est plus amplement porté par l'acte de publication.
Consauix rassemblez ledit jour pour oijr lecture de deux requestes présentées
à leurs seigneuries, assavoir l'une par les ministres et consistoire et l'aultre par
les marclians prétendans par icelles de pouvoir continuer les presches es églises,
lesquelles requestes ont esté renvoyées à Mons"" l'admirai eu apostallant dessus
que bien convint aux supplians s'adresser à l'exellence dudit Seigneur.
Consauix rassemblez le me.sme jour pour oyr le rapport du conseillier du
Chambge, aiant déclairé que Mons"" l'admirai estoil d'advis et ordonnoit de casser
(1) l.a IcUrc a été publiée par P. de i.e Barre, Mémoires, 1. 1", pp. 155 cl seq.
Ô48 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
les compagnies eslablies sur ceste ville, en retenant néantmoins quatre capitaines
aians chacun d'euix cent cinequantc hommes soubz leur charge: et pour en
adviser a esté ordonné que les consaulx se rassambleront après le disner en la
présence des capitaines pour entendre ceulx quy volontairement se voldroienl
déporter.
Consaulx rassemblez icelluy jour en la présence des capitaines, excepté le S' du
Bus, lequel est hors de la ville, pour délibérer sur le cassement desdictes compa-
gnies et retenir aucuns desdiz capitaines, suivant quoy aians oijz lesdiz capitaines
a esté advisé de casser les compaignics de Jean Cambry. S"^ des Mares, Anthonne
de la Fosse, S' de Robersart. Estiene Gabry et Jacques Bulteau. et ce, de leur
consenlement. retenant pour quatre capitaines les S" du Bus. du Mont et de
Bourbeque, et Nicolas Bernard, escuier, lesquelz choisiront en leurs compagnies
et aultres cassées les plus noiables et apparans manans jusques au nombre de
cent cincquante chacun, qui auront moyen de faire la garde, quant besoing sera,
sans les despens de la ville et par ainsy seront exemptz du guet ordinaire, comme
aussy seront les quatre capitaines licenliez durant le temps que l'on s'aydera
desdicles compagnies.
Consaulx rassamblez le jeudy cincquièmc jour dudit mois, pour oijr l'intention
de Monseigneur l'admirai sus le faict des capilaines et compagnies, l'excellence
duquel S' a mis en termes de retenir les huit capitaines et que chacun d'iceulx
auroit à sa charge cent cincquante hommes, et après que ledit Seigneur se seroit
retiré auroit sur ce esté advisé es présences desdiz capitaines, asscavoir de les
tous retenir en la manière advisée par icelluy Seigneur, ce que iceulx capitaines
auroient accepté pour prendre les plus noiables et apparans manans de leurs
compaignics pour faire la garde, asscavoir cent cincquante pour une nuict et dix à
chacune porte par jour, en prenant chacune compagnie ung sergeant de bande,
ung porte enseigne et ung ou deux labours et fiffres.
Leilres ont esté receues par Messieurs les lieutenant de bailly. conseilliers et
officiers de Sa Majesté et les consaulx. par lesquelles Son .\lteze rescripl n'esire
besoing ny convenable de despescher commission aux Seigneurs d'Ksquerdes et
de Villers, actendu que Mons' l'admirai estoit envoyé à Tournay pour remédier
aux affaires, adjouslant néantmoins que bien se pourra ledit Seigneur Conte servir
et assister desdiz genlilzhommes comme il trouverra convenir pour le service de
Sa Majesté. Et au regard de retenir pour l'usage que dessus les argentries des
lieux sacrez (s'il semble bon), que l'on ayt à en traicter avec l'evesqne et ceulx du
ciiapitre et aultres qu'il apperlient, en leur donnant bonne et suffissante obligation
à leur conlentcmenl. ce que Son .Mieze accorde de pouvoir faire. Et quant à
l'assceurance qu'aucuns de la ville demandent contre le chastau, Son Alteze
PiftCES JUSTIFICATIVES. 549
diffère de donner responce sur ce poinct jusques à ce qu'elle ail entendu ce que
dont le dit S'' le pourra iidverlir de ce qu'il aura trouvé audit Touniay, et de
l'ordre qu'il y aura mis lesdicles lettres en date du premier de septembre.
Consaulx rassamblez le dixième jour de septembre xv; Ixvj, pour adviscr s'y on
trouverroit bon d'envoyer a dilligence en court l'un des conseilliers avec quelque
missive dressée vers Son Alteze sus le nom des consaulx. pour l'adviser des incon-
véniens et dangers qui pourront procéder en cas que Sadicle Alleze veuille
ordonner que lesdiz de la relligion nouvelle fâchent leurs presches hors de la ville
et non dedans el en lieu où ilz pouroient ériger quelque temple à leurs despens,
comme ja Wons"" l'admira! a adverty Mons'' le prévost et aucuns des consaulx
qu'icelle Son Alteze est délibérée de faire; suyvanl ce, a esté leute la minute de
ladicle missive formée par le eonseillier le Clercq, laquelle a esté trouvée bien
faicte, et pour la porter grossoyée et aulhenlicquée et de tant mieux informer
Son Alleze a esté député le conseillier du Chambije qtiy incontinent s'e!>t party
à diligence, lequel a raporlé lettres en dacle du quinzième de septembre, par
lesquelles Son Alteze ordonne de se régler sur ce poinct. comme avoit esté
rescript à Mons' l'admirai par lettres en dacte du septième dudit mois.
Consaulx rassamblez le lundy seizième jour de septembre xv'^ Ixvj, pour oijrla
lecture d'aucuns articles conceus par \lons'' l'admirai, Conte de liornes, pour
contenir le peuple en son ollice et pacifier tant les catliolicques que ceulx de la
nouvelle relligion, mesmement mettre ung ordre et pollice au regard des presches,
à scavoir des lieux où elles se tiendront et es jours de dimenelies el festes solem-
nelles, aussy le jeudy de la sepmaine lors qu'il n'y aura quelque feste.
Copie desdiz articles.
Atfin que tous troubles ou dissentions esmeues à cause de la relligion en ceste
ville de Tournay, puissent cesser et esire emp.osehez et tous bourgeois et habilans
dicelle d'ores en avant vivre ensamble en une bonne paix et concorde, et la négo-
ciation de marchandise el aullres mesliers remis en leurs premiers cours et estai,
il a semblé bon à Mons' ladmiral Conte de Hoorn. etc., que ceulx de la nouvelle
relligion s'obleigeronl d'observer el entretenir et faire observer el eiitrelenir
inviolablemenl de point en point ce que s'ensuit, et ce par provision jusques ad
ce que par le Koy avec l'advis des eslatz généraulx de pardecha aultrement en
sera ordonné.
Premiers,
Qu'ilz n'empesclieront le service divin n'y aultre cérémonies de la religion
calholicque romaine de tout temps observée, ny aussy permetront, tant qu'en eulx
.^50 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
est. que aucun empeschement, trouble ou injure soit faiet aux personnes ecclé-
siastiques ou layes par voye directe ou indirecte.
Qu'ilz s'abstiendront de faire aucunes presches dedens la ville ny aucunes
églises dehors, mais se contenteront de prescher aux lieux que leur seront
désignez par ledit S' conte et magistrat, lesquelz seront prez de la ville et
commode.
AusquelJes places ilz pourront seullement les dimenches et festes faire l'exer-
cice de leurs presches et ne leur sera nullement licite de porter aucunes armes,
tant en allant que retournant.
Et en cas qu'il n y eust feste en la sepmaine. ilz pouront prescher le jeudy,
mais y ayant feste. n'auront presche ledit jeudy et ce à cause de ne pas distraire
le commun peuple de son ouvrage, n'estoit que par le magistrat leur fut permis.
Il est aussy requis scavoir le nombre des ministres et semble audit S' Conte
que suffira de deux ministres, y adjoingnant deux aultres pour prescher en cas
que lesdiz ministres feussent malades ou mal dispos. Bien entendu que tous les
ministres seront vassaulx et subgectz de 8a .Majesté et seront tenus avant estre
admis à povoir prescher de faire serment es mains du magistra d'estre obéissaiis
et subgectz en toutes choses politicques durant leur résidence, n'usans en leurs
presches d'aucuns propos séditieux ou scandaleux.
Que en toutes choses ilz obéiront au magistrat et supporteront les communes
charges et impositions comme les aultres bourgeois et habitans, et. sy besoing est,
assisteront au magistrat avec corps et biens à la conservation de ce que dessus,
et à ceste cause admonesteront diligeamment le peuple en leurs presches de
prester toute révérence et obéyssance au magistrat et de se contenir en toute
modestie et bon ordre, alfin que toute bonne police puist estre mieux observée.
Que personne ne sera receu à la nouvelle religion qu'il ne soye obligé d'entre-
tenir les articles cy devant proposez et pour le présent seront obligez par aucuns
députez par ceulx de la nouvelle religion promettre et jurer de les entretenir, sur
paine d'estre reputez et chastiez comme faulsaires contrevenant à ce que s'y
solemuellement ilz ont promis et juré.
Et pour la sceurté et repos desdiz de la relligion nouvelle, le gouverneur
ensamble le magistrat de ceste ville en conformité du recès et accord faict entre
Son Alteze, gouvernante générale, et les gentilzhommes confédérez en dactt du
XXV8 d'aoust quinze cens soixante six, les assceurera que en l'exercice de leurs
presches nul empeschement, invasion ou trouble leur sera faicte ny à cause
d'icelle personne recherché ny molesté et le tout par forme de provision jusques
à ce que par Sa Majesté avec l'advis des Eslatz généraulx, sur ce aultrement en
sera ordonné comme dit est.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. .351
L'on poiira aussy adviser s'il sera requis prendre quelque sceureté de l'evesque
el gens d'église ensemble des catholicques, affin que toutes promesses et sceurtez
soient reeiprocques.
Kt quant à ceulx qui seront dénommez de la pari de coulx de la nouvelle reli-
gion pour contracter el signer lesdiz accordz et appointemens, ne pourront
pour ce faict à l'advenir estre recherchez ny moleslez par voye directe ou
indirecte.
Et pour mieulx effectuer le tout et retenir ce peuple en l'obéyssance et tran-
quillité affîn que n'y advint sur aucuns poinctz que dessus quelque difficulté ou
double sur renlendemenl ou interprétation d'aucuns poins ou aullres, lesdiz
députez du consistoire ne pouronl faire ladicte interprétation ne de faict attempter
quelque chose nouvelle, sans premièrement conférer avec le magistrat pour le
wider par ensemble ou, sy besoing fut et ne se peuissent accorder, en advertiront
la Cour.
Consaulx rassamblez le mercredy xviije jour de septembre xv<=lxvj. pour oijr ce
que de la part de Mons'' ladmiral conte de Hoorn. etc., seroit proposé. Surquoy
Son Excellence a mis en termes de faire quelque edict par lequel soit prohibé à
cculx de la religion catholique injurier do faicl ou de parolles ceulx de la religion
nouvelle, et au conlraire ceulx de ladicte relligion nouvelle, les calliolicques,
y apposant tele paine que sera advisé, mesmes de ordonner aux habitans de la
ville voiantz aucuns s'entrebatlre ou injurier de parolles, qu'ilz seront tenus d'y
mettre le bien à paine de correction arbitraire. Son Excellence a déelairé que
suivant l'ordonnance de Son Alteze. il avoil prohibé et deffendu à l'advenir
à ceulx de la nouvelle religion de faire presches es églises et leur auroit com-
mandé de dresser aucuns temples dehors la ville, mais pendent le temps que
lesdiz temples se dresseront en cas que le temps fut pluvieux, seroit bon d'adviser
de choisir lieu en la ville pour à secq y faire lesdictes presches; surquoy Mess"
les cliiefz sont députez tant pour aller veoir les lieux dehors la ville ou lesdiz
temples se pouront dresser, comme la grange des engiens et la grange à cailloux,
pour cognoistre sy elles seront trouvées propices à faire lesdictes presches durant
ledit tamps pluvieux.
Consaulx rassamblez le jeudy xjx^ jour dudit mois, pour deliber[er) sur la
demande des marchans quy ont demandé que les trois temples qu'ilz ont advisé
de dresser pour y faire presches soient érigez aux despens de la ville, aclendu que
la plus saine partie du peuple (quy est de la nouvelle relligion à ce qu'ilz dient)
contribue aux impos et assizes de ladicte ville ou pour le moins qu'ilz peussent
faire assiete capitale et généralle sur tous les manans de ladicte ville, aussy bien
sur les catholicques que sur ceulx de la nouvelle relligion; sy ont aussy requis
352 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
lesdiz marchans que le magistrat voizist emprendre la charge de faire ériger iesdiz
templts pour conduire la chose plus Iranquilement, surquoy a esté advisé et
suivant ledit advis déclairé aux marchans que la ville n'esloit en estât de povoir
faire la mise convenable à l'éreclion desdiz temples, pour estre fort à l'arrière par
l'achat des grains de l'an passé: toulesfois aifln de donner contentement à ceulx
de la nouvelle rellia;ion et que les choses se puissent Iraicter par bon moyen et
que promptement ilz sortissent des églises, a esté offert la somme de xl livres de
gros des deniers de la ville à l'advanchement desdiz temples, à payer après que
lesdiz temples seront achevez, et moyennant ce se debvrout contenter de ne faire
quelque taux ou assielte capitalle sus les manans de la ville y comprenans les
calholicques, lesquelz pouronl estre assez chargez par dévotion et bonne volunlé
de réparer les églises sacagées, mais trop bien pouront ceulx dicelle religion
nouvelle faire quelque pourchas entre eulx pour recouvrer le surplus des deniers
requis à l'érection desdiz temples, lesquels .Mess" les consaulx ont trouvé bon de
réduire au nombre de deux au lieu de trois tant pour éviter mises superflues et
inulilles. come à raison que par certain article du projet dressé par Mons'
l'admirai y doibl avoir seullemenl deux ministres acluelemcnt faisant presches.
Quant est d'emprendre la charge par le magistrat de faire ériger lesdiz temples
a esté faicl response ausdiz marchans que ceulx du magistrat nont de ce faire
aucune auctorité et ne le vouidroient emprendre sans ordonnance expresse de la
court, de tant que lesdictes presches et ne se font fors par tollérance de son Alteze
tant que aultrement par Sa Viajesté en sera ordonné, el atHn de scavoir s'il plaira
à Sadicte Alleze de ce faire les auctorizer et pour aullres poinctz dependens du
faict de la religion. Mons' l'admirai ensamble Mesdisseigneurs les consaulx ont
advisé d'envoyer vers icelle Son Alteze le conseiller du Chambge.
Au surplus en la présence desdiz S'^' consaulx aussy des ministres, capilaines et
marchans ont esté leuz plusieurs articles vque dessus i advisez par .Mons"" I admirai
pour tenir paix et concorde entre ceulx de la nouvelle religion et les catholicques
qui ont esté trouvez bons, saulf aucunes exceptions et esclarcissemens donnez sur
aucuns articles par ceulx de ladite nouvelle relligion qui se bailleront par escript
par M* Nicolas Taftin. Finalement a esté résolu par Mesdisseigneurs les consaulx
de sur tout communiquer avec ledit S' admirai après le disner. pour suivant
ladicte communication et délibération sur icelle, despesclier ledit conseiller du
Chambge vers Son Alteze affin d'avoir ordonnance pour selon icelle soy régler.
Tellement que par ordonnance desdiz S'* consaulx après le midy se trouvarent
vers ledit S' admirai alBn de faire relation à Son Excellence de ce qu'avoit traicté
et requis par lesdiz de la relligion nouvelle ensemble ce que leur auroit esté
respondu.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 553
Sire Jacques de Frayeres, S' de Beiizin, second prévost, M" Jacques le Clcrcq
et Erasme du Chambge, conseilliers, et Jehan de Canibry. S' de Baudimont. juré,
lesquelz vindrent trouver icelluy S' admirai en la salle de devant du logis Jean
Sais, marchant, en hiquelle icelluy S' prenoit ordinairement sa réfection, auquel
lieu vindrent par charge dudil S' les predicans Merimer et Wilie, M« Nicolas
Taffln, Jean Opall'ens et Jhéromme du Pire, tellement que subit icelluy S' vint
assoir au bout de la table sus laquelle il avoit disné du coslé des rues et commanda
audit prévost et aultres ses assistens de s'assoir emprez luy et ausdiz predicans et
aullres de l'aultrc costé de ladicle table à l'opposite; ce que faict comme le
S' de Villers, l'un des conféderez aiant esté à Valenchiennes, nommé .Mons'' Dau-
dregnyes, le S' de Bailleul, le S' de le Dalle et .Mons' de Rebremettes, maistre des
comptes à Lille, avoient disné avec ledit S' et pour lors estoient encoires en ladite
salle, icelluy S' les feit demeurer et assoir du costé de la cheminée prez ladicte
table, disant les vouloir retenir pour luy servir de conseil, de manière que chacun
estant assis, ledit le Clercq par charge dudit Seigneur commcncha à faire rapport
des diffieullez esquelles l'on s'esloit trouvé ledit jour du matin en l'assamblée
susdicte. Et comme pour lors lesdis ministres et Taffln tachoient d'obtenir dudit
Seigneur quelque ordonnance pour faire contribuer les catholicques à la despence
du bastiment des temples, ilz insistarent bien longtemps sur ce poinct, sy meirent
de rechef en terme de faire collecte ou mettre impôs et assize sur tout le peuple
de la ville pour recouvrer deniers et furnir à ladicte despence, allegans (comme
du matin) que leurs adhérens estoient la plus saine partie du peuple, lesquelz
estoient privez des églises parochialles, qui néantmoins leur debvoient mieux
appcrlenir qu'aux catholicques estans en bien petit nombre; dequoy fut soustenu
le contraire par ledit le Clercq et remonstra comme les églises n'appertenoient
au peuple de Tournay ny à aullre quelconque, ains qu'iceiles estoient dédiées à
Dieu et à son sainct service tel que noz devanchiers suivant la religion catho-
licque anchienne et romaine auroienl de lout temps observé et que comme choses
sacrées icelles n'appertenoient à personne, comme est porté par le § sacre res
inslit. de rerum dinis. Pareillement que le nombre desdiz catholiques n'esloit tant
petit comme ilz mainlenoient et que nullement ilz ne pouvoient sousienir leurs
adhérens faire la plus saine partie de la ville, obstant le grand nombre des plus
notables qui tenoient ladicte religion anchienne, en oultre que le plus grand
nombre du peuple n'estoil fourelos de l'usage dcsdicles églises moyennant qu'il
n'en abusast faisant choses contraires à la religion y acoustumée, sy estoit
d'aultant plus duignc de persister à ladicte contribution et pour la despense des
temples, que lesdictes églises avoient esté sacagées et du tout désemparer par gens
prenans le manteau de ceulx de la nouvelle relligion; linablemenl ledit S' admirai
Tome 1. — Lettkes, etc. 4o
I
554 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
veyant assez que la soustenue desdiz ministres et Talïîn n'avoil apparence quel-
conque, ordonna qu'impos ou laille aucune ne serait mise sus, obstant que
l'oclroy à ces fins requis ne se pouroil obtenir de la Cour, et que en soy la chose
esloil desraisonnable au regard des calholicques. suivant: quoy s'arresta à ce que
comme il disoit avoir veu user en divers quartiers d'Allemaigne, aucuns députez
par Icsdiz de la religion nouvelle iroient faire quesles et pourchas par toutes les
maisons de ladicte ville tant des catholicques quaultres pour recbevoir ce que
chacun donneroil volunlairement. ayans à ces fins iceux députez des boistes fer-
mées à la clef. Lequel pourchas fut faict par Guillaume de Torcoing. Andrieu
Merman. Jhcrome du Pire, Simon Aimeries, mais non avec boistes closes, ains
avec quelques escuiclles ou lasses d'argent. Et comme le bruit commun estoit
qu'ilz escrivoient les noms de ceulx qui ne vouloient riens donner et que par ce
moyen ilz donnoient terreur aux catholicques d'estre notez et remarquez pour de
tant niifuix tirer d'eulx quelques deniers craindant quelque mal traictement, les
prévoslz et jurez feirent deffence aux susdiz de uescrire les noms de ceulx quy ne
vouloient rien donner et estans mandez deniarent d'avoir escript ou faict note des
refusans. mais trop bien des absens de leurs maisons pour de tant mieux et après
avoir mémore d'y retourner.
Ce que ainsy arresté, 1 on vint à débalre le iij^ desdis articles projeclez par ledit
S' admirai faisant mention de l'exercice des presches, et comme lesdiz ministres
et TafBn insisloieut fort sur ce qu'icelluy article fut chambgé et que au lieu
desdiz termes « exercice de leurs presches » y feussent couchez ceulx ychy :
« exercice de leur religion ». ledit Seigneur dit qu'il scavoit asceurement que tel
article ne passeroit en la cour en cesle sorte et qu'ilz se debvoient bien contenter
dudit article en la forme qu'il estoit couché, attendu que le conte d'Egmond
iraictant avec ceulx de Gand avoit seulement mis de faire les presches. A quoi
fut replicqué par lesdiz ministres que la chose n'avait esté suffissamment esclar-
chie par icelluy Seigneur d'Egmont. et que besoing auroit esté à ceulx dudit
Gandt de venir trouver icelluy Seigneur à Courlray après son département dudit
Gand. auquel lieu ilz auroient obtenu déclaration de Son Excellence par laquelle
il leur dit que combien qu'il eust seullement parlé des presches par les articles
qu'il avoit capitulé avec eulx. ce néantinoins il entendoit que l'exercice de ladicte
relligion leur estoit permise. A quoy fut respondu par ledit S' admirai que ledit
conte d'Egmont avoit besoigné en Flandres estant lieu de son gouvernement,
comme il avoit estimé estre convenable pour l'appaisement des troubles et le
service de Sa Majesté, mais quant à luy il ne povoil faire le semblable en tant qu'il
n'estoit gouverneur de Tournay. ains sensiblement commissaire e( que l'accord
desdiz articles ne se ferait par luy mesmes. ains que le tout se debvroit renvoyer
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 3:i3
vers Son Alteze pour en avoir son ordonnance, de sorte que finablemenl après
longues disputes et instances faictes par lesdiz minisires et Taffin, ledit S' admirai
condescendit à ce que audit article iij^ seroit adjousié après le mot presches cette
clause : conformément à celles quy se font es villes de Brabant et Flandres
esquelles icelles presclics sont tolérées. Quant est desdiz prévostz et aullres du
magistral, ne scavoienl sy n'avoient oncques oij à parler auparavant de l'énergie
et efficace de ceste phrase : exercice de la religion. Et partant laissèrent débatre
et arrester d'icelluy point par lesdiz S' admirai, ministres et Tafïin, les aullres
articles passèrent sans grand débat; suyvant quoy icelluy feit promettement
mettre au net le projet desdiz articles rescri|)vant à Son Alteze pour l'auctorisa-
lion diceulx et fut son pacquet porté en Cour par ledit du Chambge.
Or avant que ladite compagnie se partit, come l'on s'estoit levé de table, le<lit
S' admirai fut adverly par ledit le Ciercq comme du matin dudit jour lesdiz
ministres avoient esté mandez pardevanl Mess'^ les consaulx par sa charge, pour
entendre d'eulx l'interprétation des propos par eulx proférez le xxiij" du mois
d'aoust, quand ilz ne voulurent mettre es mains du magistra les reliquiaires et
vaisseaulx d'or et d'argent appertenant à l'église cathédrale pour le rendre à
l'ordonnance de Son Alteze, ains seullement à celle des trois S"^' dessus-
nom mez en l'acte faict sus l'advenue dudit jour. Suivant quoy que iceulx
ministres auroienl déclaré d'entendre que les gentilzhommes confoederez les
avoient prins en leur protection, et que iceulx confoederez avoient esté prises
en la protection desdiz Seigneurs, et que partant leurs actions se debvoient
référer à iceux usans de ces propos ou semblables en substance, de laquelle leur
responce ilz auroient dit de vouloir eux mesmes faire ung escript pour exhiber
à Son Excellence, ce que entendu icelluy Seigneur admirai s'adressa ausdiz
ministres parlant à eux à part et recheupt de leurs mains quelques escript.
En après lesdiz prévostz, le Ciercq et Baudimont prinrent congé dudit
Seigneur et s'acheminarent pour retourner chascun en leurs maisons. Et comme
ledit le Ciercq sortoit le derrcnier, advint qu'il fut arresté en la cour dudit
Jean Sais par Adrien Boixée, ceppier des prisons de la tannerie, lequel l'ad-
verlil que luy avoit esté tenu quelque propos par aucuns se renommans dudit
Seigneur admirai de relâcher et mettre à délivre de prison ung nommé Arnoul
Martin dit Hoyau lequel avoit esté saisy par la charge dudit S", pour quelques
vantises, menasses et insolences faictes allencontre du chastel dudit Tournav; à
quoy icelluy le Ciercq respondit qu'il n'en feit riens, jusques à ce que sur ce
poinct il auroit entendu la volunté et ordonnance expresse dudit S", en tant
qu'icelluy Hoyau estoit chargé d'aultre crime que cestuy pour lequel il avoit esté
saisy, lelement que ledit le Cicrccj promptement remonta en haull et déclaira
3o6 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
audit S' comme information avoit esté tenue par les prévostz et jurez sur ce
qu'icelluy Hoyau avoit esté l'ung des conducteurs priucipaulx de ceulx quy
avoienl sacagé en l'abbaye du Satilclioit. es églises de Kain, iMourcourt etaultres.
qu'il auroit emprunté le nom de la ducesse, allant saca^é d'un costé et d'aviltre,
qu'il auroit esté reprins de justice en Tan quinze cens soixante trois par les pré-
sidents d'Arthois et aultres commisssaires de Sa Majesté lors envoyez audit
Tournay pour le faict des chantries et assemblées, presches et conventicules tenus
es bois lez icelle ville, pour avoir assisté à iceulx conventicles et avoir ordinaire-
ment conduit et guidé le prédicant par lesdiz bois, tellement que sans pardon et
grâce à luy faicte par Sa Majesté il avoit dès lors encourru peine de mort, et
suivant ladite grâce aurait esté condemné de faire amende honnourable en drap
linge, la teste et piedz rmdz. portant une longhe torche es mains et ainsy mené
sur ung eschaffault dressé au mitant du grand marché de ladite ville. Ce que
entendu icelluy S' admirai parlementa avec les S"" de Bailleul et de le Dalle,
lesquelz pour avoir toujours esté proches audit S' avoient assez entendu les
propres dudit le Clercq, tellement qu'après quelque communication ledit S' feil
aprocher ledit le Clercq et luy dit que ledit Hoyau estoit fort porté par ceulx de
la religion nouvelle, que sa punition pouroit engendrer quelque altération et
trouble en la ville, et oultre ce que Son Alteze n'entendoit faire faict des saca-
gemens passez, ains que le placcart sentendoit des sacagemens futurs et qu'il
convenoit garder icelluy en toute righeur. Et comme icelluy le Clercq répliquoil
que ledit Hoyau se seroit de loingtemps montré homme fort pernicieux à la répu-
blicque por avoir conduit et iiuidé lesditz prédicans. ledit de le Dalle s'advanchoit
de dire que personne ne povoit plus cstre recherché pour le faict de la relligion,
de mander que ledit S' admirai déclaira de se tenir à son ordonnance de faire
eslargir de prison ledit Hoyau. ce que en après fut faict par Mons' M" Pierre
Dennetières, lieutenant de Bailly, lequel print la promesse dudit Hoyau de
retourner à toutes journées qu'il seroit mandé, à paine d'estre concaineu des
charges contre luy milititanles. lequel Hoyau à ces fins bailla certains plesges el
cautions de lobligalion desquclz ledit S' lieutenant pourra respondre. Hl suivant
eslargil ledit Hoyau sans y appeller lesditz prevoolz et jurez, depuis ledit Hoyau
pour aultres insolences par luy faictes contre ledit cliaslel. joinct le sacagement
que dessus, estant fugitif, auroit esté appelle par lesdiz provostz et jurez aux
droiclz de la ville, contumace et banny criminelemenl sur peine de mort, déclai-
rant tous ses biens confisquez; de laquelle ordonnance dudit S' admirai ledit le
Clercq feit relation le lendemain ;uisdiz prévostz et jurez, et depuis déclaira ledit
S' admirai par plusieurs et diverses fois qu'il n'entendoit que l'on deubt punir
ceulx quy avoienl sacagc avant la publication dudit placcart, là où toutefois dès
PIÈCKS JUSTIFICATIVES. .l-ST
sa première arrivée en ladite ville il avoil délibéré de faire punir deux à trois
desdiz saeageurs des plus vilz et mal famez on aians aultrefois estre reprins de
jusliee, tellement <|ne pour à ee furnir par lesdiz prévostz et jure/, en furent saisis
aucuns, scavoir est Guillaume de le Vallée dit Willequin et Jean Rivaut, contre
lesquelz conjoinctenK nt avec les ofTiciers du hailliaiie furent intentées procédures
criniineles, mais (Inableinenl ledit Willequin auroit esté relâchez de prison sans
punition, metlant son cas en surséance et sur promesse de retourner, par ordon-
nance dudil S' admirai, déclairant de n'entendre faire punition de ceulx quy
avoient sacagé avant la publication dudit placcart, quy fut cause que Ton ne
procéda à faire aultres informations contre lesdiz sacaij;eurs suivants les defenccs
sur ce faictes par icelluy S', aflln de n'engendrer nouveaux troubles.
Ledit conscillier du (>hambge à son rethour de la Cour rapporta lettres de
Son Allezc audit S' admirai sur le faict desdiz articles qui semblarent obscurs
audit Seigneur, de fachon qnil fut constraint de rescripre par plusieurs fois à
Son Alteze. et en fm ne sceul obtenir aiiltre auclorizalion desdiz articles fors que
Son AKeze approuvoil ce que icelluy Seigneur avoit capitulé avec ceulx de la
relligion nouvelle en Tournay, en tant qu'est conforme à l'accord faicl avec
les gentilzhommes confoederez, usant Son Alteze de ces propos ou semblables en
substance, par lesquelles lettres icelluy S' fut diverses fois remandé de venir en
Cour, ce qu'il délaya de faire quelque temps, obstant qu'il prevooil assez que sy
les choses n'esloient pacifiées avant son partement. durant son absence se pouroit
engendrer quelque désordre.
Consaulx rassamblez le vingthuilième jour de septembre xv<^ soixante six, pour
le faicl du povoir des eapilaines lequel leur auroil esté accordé par advis com-
munication préalable et en la présence dudil S' admirai en la forme que s'ensuit :
iNous Jean de Chasteler, chevalier. S"^ de Moulebais, d'Audegnies, etc. et
commis au gouvernement des ville et chastel de Tournay et 'lournesiz, prévoslz,
jurez, mayeurs et eschevins dicelle ville, à nostre ehier et bien amé N. Salut
Comme depuis aucuns mois encha. le temps apparant fort turbulent, aions advisé
du gré et adveu de très haulle cl très excellente Princesse, Madame la dnccsse
de Parmes. Plaisance, etc. Hégente et gouvernante des pays de pardecha, de
répartir et diviser les plus notables el npparans manans et habilans deceste ville
en huit bandes et compaignies et sur chacune dicelles commettre capitaines, atfin
de par ce moyen csire plus assccurez que ladite ville et cité seroit maintenue en
l'obéyssance du Roy, nostre souverain et naturel Seigneur, et préservée de toute
sédition, révolte, sac el pillaige. et pour aultres considérations lors militantes,
mesmes que naghaires lesdicles compaignies aient esté réduictes au nombre de
douze cens hommes des plus aisez de la ville par hault et puissant Seigneur
558 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Messire Philippes de .Montmorency, conte de Iloorn. admirai de la mer. chevalier
de rOrdre. etc.. commissaire député par Sa Majesté alTin d'entendre à la paciflca-
lion des troubles advenus en la ville, le tout pour soulager les plus povres et
indigens. et ne les divertir de leur manufacture acouslumée. nous pour à ce
furnir et donner ordre estans deuement acertenez de l'idonéité et suffisance
dudil N.. avons icelluy par ces présentes commis et estably. commetons et esta-
blissons capitaine pour régir et gouverner l'une desdictes compagnies comprenant
les manans de la paroiche de >'.: sy avons donné et donnons audit N. après le
serment ordonné par ledit S' admirai par luy faict, pooir et auctorité de faire
prester icelluy serment à tous ceulx de sa compaignie, de commettre et establir
lieutenants et aultres chiefz et ofDciers, porte enseingne, prévost. sergeant,
escadres, diseniers. flffre et tabourin. iceulx ajuste occasion desmettre et déporter
et chascun de ceulx de sadite compagnie, de faire rassambier sadite compaj^nie
quand son tour de garde eschera. et à chascune fois qu'il voira en estre de
besoing pour la conservation de ladite ville, repos et tranquillité des habitans
dici lie, aussy constraindre par toutes voies deues et raisonnables leurs soldatz à
eux armer selon leur faculté et puissance, en oultre poira icelluy .N. donner congé
et passeport quand requis sera à ceulx de sa compaignie et non à aultres, de
sortir la ville pour leurs urgens atïaires et pour tele espace de temps qu'il
trouvera bon. Pareillement il poura faire appréhender et mettre en noz prisons
ceulx de sa compagnie qui seront défaillans de se trouver en leur guet et y
commettront par yvrongnerie ou aultremcnt quelque insolence, désobeyssance ou
faulte, pour en faire par luy tele punition qu'il trouvera au cas appertenir par
l'advis de sesdiz lieutenans, porte enseingne. sergeants, esquadres ou capitaines
d'aultres compai;nies, saulf que à eesluy quy aura esté condemné sera loisible
d'appeller pardevant nous prévostz et jurez et Seigneur de Moulebais. comme
gouverneur et capitaine de cesle ville et chastel estant en icelles et coronel
desdictes compagnies, mais ne sera déféré audit appel n'est qu'en cas que
l'appellant fut condemné tenir prison il soit préalablement constitué prisonnier, et
en cas que ladite condemnation concerne quelque amende ou mulcte pécuniaire
qu'il ait nampty la somme à laquelle porteroit ladite mulcte es mains de son
capitaine ou son lieutenant. Et ce faict ledit appellant pourra le relever sondit
appel et procéder sur icelluy selon que la voye de justice le requerra. Et au
regard d'aullres délictz et crimes qui pouront estre commis par lesdiz de sa
compagnie ou aultres habitans de ladiete ville, la cognoissance. en appertiendra
en premier lieu à nous prévostz et jurez, réservé que l'appréhension se poura
faire par la charge dudit N. auquel il sera tenu de promptement en faire advertir
l'un de nous prévostz, finablement avons donné et donnons par ces présentes
PIÈCES JUSTFhlCATIVES. 339
audit N. en général tout pooir pertinent et convenable pour lexercite dudit estât
de capitaine es choses susdictes et dépendences dicellcs, enjoindant et ordonnant
expressément à tous ceulx de sadile compai^iiie et aullres habilans de ladite ville
d'obéyr à icelluy et à ses liculenans et commis comme à nous mesmes. En
tesmoing de quoy nous a\ons faict mettre à ces présentes le seel aux causes de
ladite ville et cité. Quy furent, etc.
Ledit jour vingihuitième de septembre le serment cy dessubz couché auroit
esté faict et preste par les capitaines (excepté Sire Pierre de liornu, esciiier.
Seigneur de Bourbeque, eslant lors absent) es mains de Messire Jean de Chasteler.
chevalier, S' de Moulebais, etc., commis au gouvernement des ville et chastel de
Tournay et de Sire Nicolas de ie Hamaide, escuier. S"^ de Haudion. prévost de bi
commune de ladite ville, en la présence de hault et puissant Seigneur Messire
Philippes de Montmorency, conle de Hoorn. admirai de la mer. chevalier de
l'Ordre, etc.
Serment preste par les capitaines.
Premièrement qu'ilz seront bons et fidelz subjectz de Sa Majesté, et qu'ilz
obéyront à tout ce que par ie gouvei-neur ou magistrat leur sera commandé pour
le service de Sa Majesté, bien, repos et tranquillité de la ville.
Aussy que ceulx qui sont aux compagnies auront à porler toute obéissance à
leurs capitaines en ce qu'il leur commanderont pour le service de Sa Majesté,
bien, repos et conservation de la ville.
Peu de jours après ce que dessus, ledit S' admirai aiant receu quelques lettres
de Son Alteze, déclaira ausdiz prévostz et jurez qu il s'esloit résolu de partir et
s'acheminer vers la Cour.
Ce qu'estant venu à la cognoissance desdiz de la religion nouvelle, ilz se
trouvarent par plusieurs fois vers ledit S' admirai pour luy faire quelques
requestes, desqueles l'une estoit de pooir tenir leurs presches en plain marché en
la halle où se tient à présent le cors de garde, l'aultre qu icelluy S' admirai
eust à tant faire vers ledit S"" de Moulbais gouverneur qu'il eust à luy pro-
mettre qu'il ne rechevroil gens de guerre dans le chastel de Tournay pendant
les quatre à cincq jours quicefluij S'' admirai larderait à faire son voyage en
Cour.
A laquelle première requeste obviarent lesdiz prévostz et jurez comme ilz
avoient faict quelque aultre fois auparavant, tellement que ledit S' admirai ny
voulut pour lors entendre.
Au regard de la seconde requeste ledit S' de Moulebais remonstra audit S''
admirai que luy estoit impossible de promettre ce que lesdiz de la religion nou-
560 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
velle requerroient, pour cause qu'il ne povoit aultrement que d'obéjT à toule
heure aux eommandemens de Son Alleze, laquelle pouvoit renforeher de gens de
guerre la garde du ehaslel quand bon luy sembleroit. Ledit S' admirai tacha par
plusieurs raisons amener ledit S' de Moulebais à ladicle promesse, et de faict entre
eulx y eubl quelque dillîeullé, de fachon que ledit S' admirai s'advisa d'envoier
promplemenl vers Son Alteze et lui rescrire sus le faict de ladicte requesle, ce
qu'il feit envoyant en court son maislre d'hostel nommé La Haye, et lost après se
relira de ladite ville de Tournay à Anihoing. auquel lieu au relhour dudit
La Haye, il recheupt lettres de Son Alteze, et ledit S' de .Moulebais pareillement,
par lesquelles elle déelairoit d'eslre contente quiceiluy S' de Moulebais feil les
|)romesses que dessus, liéclairant néantmoins qu'icelluy Seigneur de Moulebais
avoit faict bon office de n'avoir voulu faire ladite promesse sans cstre auelorisé:
pour ce que donner à cognoistre ledit S' admirai manda dudit .Anthoing les deux
prévostz et deux eonseilliers où se Irouvarent aussy plusieurs raarehaux et aultres
de la religion nouvelle. El après lesdietes lettres leues, ledit S' de Moulbais feit les
promesses que dessus suivant le contenu dieelles lettres, pareillement à l'impor-
tune pourtsietile desdiz de ta relligion nouvelle, ledit S' admirai leur accorda
de faire les presches en la halle nus'iicle sus le grand marché, contbien que
pour à ce obvier furent alléghées plusieurs raisons au contraire, par
Mons' Haneton conseillier et aultres, que lors icelluy Seigneur déciaira que
lesdietes presches se feroient audit lieu jusques ad ce que Son Alleze auroit
mandé le contraire.
Ledit S' admirai ce faict, se partit et achemina vers Bruxelles en donnant
charge ausdiz prévoslz de faire eslargir soubz caution (qu'olfroit faire le S' de
Bailleul) Gilles Blauel, natif de Blandain, chargé d'avoir sacagé après la publica-
tion dudit placcart, réservant la punition dicelluy et d'un Jean Harnesquel après
que l'accord de la pacification seroit faict.
Consaulx rassaniblez le vendredy onzième jour d'octobre xv<=ixvj, pour délibérer
sy on escripvra à Son Alteze et sy Ion envoyera l'un des eonseilliers vers Sadite
Alteze pour le requérir de vouloir renvoyer en cesle ville Mons' l'admirai le
pluslosl que faire se pourra pour achever et arrester des poinctz encommenchez
pour la pacilîcalion d'entre les calholieques et ceulx de la nouvelle relligion, de
tant que l'on entend ledit S' admirai cstre rcmandé par Son .\leze. suivant quoy
a esté trouvé bon d'escrire à la fin que dessus et d'envoyer le conseillier du
Chambge.
Le vingthuitième d'octobre, ledit du Chambge estant retourné de la court
déciaira par son raporl que Son .'\lteze a despesché le secrétaire de la 1 orre pour
promettre les assceurances accordées par Son Alieze pour maintenir en concorde
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 361
les catholicques et ceulx de la religion nouvelle, et à ce propos a apporté lettres
dicelle Son Alteze quy ont esté leutes, a aussy apporté lettres de Mons' l'admirai,
par lesquelles s'excuse de retourner en la ville pour les négoces tant de Sa Majesté
que de celles quy hiy louchent en particulier, quy ont aussy esté leutes; Madame
ordonne par lesdictes lettres à Mess'' de soy régler selon que Mons"^ de Moulebais
leur diroit et ordonneroit pour le service de Sa Majesté.
Coiisaulx rassemblez ledit jour pour oijr la commission du Secrétaire delà
Torre, ce qu'a esté faict, asscavoir ont esté leutes lettres de Son Alteze adres-
santes à Mons' de Moulebais, commis par provision au gouvernement de la ville,
cité et chastel, icelluy S' de Moulebais présent, ont aussy esté leuz les articles
ordonnez pour vivre en repos et tranquillité par les catholicques et ceulx de la
religion nouvelle, tant qu'aultrement par Sa Majesté avec les Kstatz généraulx en
sera ordonné, suivant ce a esté advisé de mander pour demain ceulx de ladite
nouvelle relligion pour leur communiquer lesdiz articles.
Consaulx rassemblez le pénultième jour d'octobre xv Ixvj, où auroient assisté
Mons' de Moulebais, commis au gouvernement de Tournay et Mons' le Secrétaire
de la Torre, commissaire député par Son Alteze, où seroient comparus les deux
minisires avec les députez de ceulx de la nouvelle religion en la présence desquelz
ont esté leuz les lettres de Son Alteze envoyées tant audit S' de Maulebais comme
ausdiz consaulx avec les articles, pour lesquelz communiquer par lesdiz ministres
et députez avec ceulx de leur consistoire et y donner responce leur a esté accordé
délay jusques à sabmedy prochain, second jour de novembre, au matin.
Copie desdiz articles.
Affin que tous troubles ou dissentions esmeuz à cause de la religion en ceste
ville de Tournay puissent cesser et eslre empeschez et tous bourgeois et habitans
dicelle dores en avant vivre ensemble en bonne paix et concorde et la négociation
de marchandise et aultres mestiers remis en leurs cours et eslat, ceulx de la nou-
velle religion se sont obligez d'observer et entretenir et faire observer inviolable-
ment de point en pointée que s'ensuit, et ce par provision, jusques ad ce que par
le Roy avec l'advis des Eslatz généraulx aultrement eu sera ordonné.
Premiers,
Qu'ilz n'empescheront le service divin ny aultre exercice de la religion catho-
licque de tout leuips observée, ny aussy permetroiit tant qu'en eulx est que
aucun empeschement, trouble ou injure soit faict aux personnes ecclésiasticques
ou layes par voye directe ou indirecte.
Tome I. — Lettres, etc. 46
362 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Qu'ilz s'abstiendront de faire aucunes presches ou assemblées dedans la ville ny
aucunes églises dehors, mais se contenteront de presches aux lieux quy ja sont
désii^nez hors la ville.
Ausquelles places ilz pouroni seullement les dimences et festes faire leurs
presches et ne leur sera nullement licite de porter aucunes armes tant en allant
que retournant.
Qu'ilz ne pouront avoir pour ung temps plus de deux minisires ou prescheurs
y adjoingnans deux aultres pour prescher en cas que lesdiz minisires feussent
malades ou mal disposez. Bien entendu que tous lesdiz ministres seront vassaulx
et subjectz de Sa Majesté, et seront tenus avant estre admis à povoir prescher de
faire serment es mains de magistrat d'estre obéyssans et subjectz en toute chose
de justice et politiques durant leur résidence, n'usans en leurs presches d'aucuns
propos séditieux ou scandaleux.
Qu'en toutes choses ilz obéyront au magistrat et supporteront les communes
charges et impositions comme les aultres bourgeois et habitans, et si besoing est
assisteront aux magistratz avec corps et biens à la conservation de tout ce que
dessus, repos et bien publicq, et à ceste cause admonesteront diligeameni le
peuple en leurs presches de prester toute révérence et obéyssance au magistrat et
de se contenir en toute modestie et bon ordre, afBn que toute bonne police puisl
mieux estre observée.
Que personne sera receu à la nouvelle relligion qu'il ne soit obligé d'entretenir
les articles cy devant proposez.
Oultre les députez de la nouvelle religion jureront pardevant ledit gouverneur
et magistrat solemnelement et de bonne foy d'entretenir et observer tous et
chascun les poincfz susdiz, sur peine d'estre reputez et chastiez comme faulsaires
contrevenant à ce que sy solemnellement ilz ont promis et juré.
Et pour la sceurté et repos desdiz de la religion nouvelle, ledit gouverneur
ensambic le masiistrat de ceste ville en conformité du recès et accord faicl entre
cl
Son Alteze gouvernante, etc. et les genlilzhomes confoedezez en dacte du vingt-
cincquième d'aoust xv Ixvj, les assceureront qu'en leurs presches nul empesche-
ment, invasion ou trouble leur sera faict, ny à cause dicelles, personne recherché
ny molesté, le tout par forme de provision jusques à ce que par Sa Majesté
avec l'advis des Estatz généraulx sur ce aultrement en sera ordonné comme
dit est.
El quant à ceulx quy seront dénommez de la part de cculx de la nouvelle
religion pour contracter et signer le diz accordz et appoinclemens ne pouront
pour ce faicl à l'advenir estre rechtrciiez ny molestez par voye directe ou indi-
recte.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 363
El pour mieulx effectuer le tout et retenir le peuple en obéyssance et tran-
quillité affin qu'il n'y advint sur aucuns poins que dessus quelque dilficullé ou
double sur l'entcndemenl ou inlerprétation d'aucuns poinclz ou articles par ceulx
de la religion nouvelle, ne pouront faire ladicte interprétation ny de faict allempler
quelque chose nouvelle, sans premièrement conférer avec lesdiz gouverneur et
magistrat pour la wuidier par ensamble, ou sy besoing fui ou ne se puissent
accorder, en advcrtir la Cour.
Consaulx rassamblez le sabmedy second jour de novembre xv" Ixvj, présens
Mons"^ de Moiilebais, commis au gouvernement, etc. et Mons' de la Torre, com-
missaire, pour oijr le rapport des députez de ceulx de la religion nouvelle sur la
communication qu'ilz pouvoyent avoir eu des lettres de Madame envoyées audit
Seigneur de .Moulebais et ausdiz Seigneurs consaulx aussy des lettres envoyées à
iceulx Seigneurs consaulx par Mons' l'admirai Conte de Hoorn, etc. avec lesdiz
articles dont le double de tout leur avoit esté délivré, lesquelz députez par la
bouche de M" iNicolas Taffln, docteur es droictz, ont déclairé qu'ilz ne lenoienl la
commission desdiz S" de Moulebais et de la Torre et du magistrat pour sufflssante
pour vacquer à la communication et Iraicter desdiz articles, d'aultant mesmesque
les lettres de Son Alteze adressées audit S'' de .VIoulbais et aux Consaulx ne com-
prenoient et ne faisoient mention des otHciers du bailliaige. lesquelz avoient
principalement la cognoissance mesmes prévention contre les prévoslz et jurez
sur la contravention des placars dressez sur le faict des hérésies. D'aultre pari que
par ladicte commission ceulx du magistrat avec lesdiz S" de Moulebais et
de la Torre n'esloienl auctorizez d'entrer en communication sur lesdiz articles,
plusieurs desquelz se trouvoyent altérez depuis le premier project faict et accordé
par ceulx de la relligion nouvelle en présence de Monsieur l'admirai. Au moien
de quoy jusques à ce que ladicte commission fui amplifiée, lesdiz dépuiez déclai-
roient que ceulx du consistoire avoient résolu n'entrer en ladicte communication,
et sur ce que de la part dudit magistrat a esté remonstré ausdiz députez que sur
la prétendue insulTissance de ladicte commission ilz ne debvoient dilTérer d'entrer
en ladicte communication et traicter d'iceulx articles pour sy avant que de leur
part y seroit trouvée aucune altération sur quelque partie desdiz articles et
consultez Son Alteze et requérir icelle par ung mesme volume d'avoir ladicte
commission plus ample.
Iceulx députez après avoir loingtemps insisté sur ce qu'ilz ne debvoient et ne
pouvoienl bonnement aller plus avant, actendu que ce auroit aussy esté arresté en
leurdit consistoire auroienl accordé de faire rassembler icelluy del après disner
|)our avec aucuns notables résouidrc sy nonobstant insulTissance de ladicte com-
mission ilz passeroienl oullre et traicteroient desdiz articles ou non, et d'en donner
responce endedens les trois heures del après disner du jourd'huy.
564 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Consaiilx rassamblez avec Mons"" de Moulbais, Mons' de la Torre. les lieutenant
général et conseilliers du Roy en son bailliaige de Tournay et Tournesiz le
sabmedy second jour de novembre xv« Ixvj, del après disner, pour oijr et entendre
le rapport des députez de ceulx de la religion nouvelle sur le besoingné aujourd'huy
matin, li'squelz députez estans comparus avec quelque bon nombre de peuple
anroient déclairé qii'ilz estoient prestz d'entrer en communication sur les articles
projectez sus le faict de la religion pour la pacification et repos de la commu-
naulté de ladicle ville, à protestation de recognoistre seulement ledit Seigneur
(le Moulebais pour gouverneur et ledit magistrat pour magistrat et non pour
suffissant commis par Son Alteze pour entendre à ladicte communication pour
les raisons aultresfois déduites, soubz laquelle protestation l'on auroit en leur
présence commenché à faire lecture lesdiz articles, ce qu'estant faict en premier
lieu sur la préface auroient faict la protestation suivante :
Par ce que Son Alteze par ladite préface use de ces termes « ceulx de nouvelle
religion se sont obligez ». etc., lesdiz députez ont prolesté que ceulx que l'on
appelle de la religion nouvelle ne sont pour introduire et susciter, comme aussy
ilz ne veullent introduire ny susciter religion nouvelle, ains plustost encheminer
ce qui a esté faict et introduict par les apostres, maintenants que leur religion a
trop bien esté réformée et qu'ilz se peuvent appeller de la religion réformée et
non aultrement.
Sur le premier desdiz articles ilz ont requis que samblable promesse et
assceurance que celle y couchée leur soit faicte et donnée par les personnes
ecclésiasticques et ceulx qui se dient de la religion calholicque, telement qu'ilz
puissent librement faire leurs presches et exercice de leur religion, lequel exercice
a prestement esté exprimé et déclairé par le menu par le ministre Merimer en
ceste forme ;
Premièrement la prédication de la parole de Dieu avec le chant des Pseaulraes
en la crainte et révérence du S% tant en public comme en particulier;
L'administration des sainctz sacremens quy sont le baptesme et la cène;
La bénédiction du niariaige;
La Visitation des malades;
La sépulture des mors;
L'observation de la discipline et police de l'Église ;
.Assembler consistoires;
Collocques ;
Synodes selon la nécessité du temps et des affaires quy se présenteront;
Item calheciser soit en publicque ou particulier pour instruction du peuple, et
à cest effect avoir escolles pour instruire la jeunesse en la crainte de Dieu, libre
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 565
d'avoir toutes sortes de livres en langue vulgaire soit ceulx de Fescripture sainclc
ou des fideiz docteurs quy les ont exposez.
Estant le second des articles susdiz leul. lesdiz députez déclairèrcnt qu'ilz
naxoicnt passé plus onllrc pour l'cntasmement de ladite communication, à
hKjuelle ilz estoicnt presfz d'entendre de jour à aultrc au bon plaisir de Mess"
n estoit quon leur vousist accorder delay jusques à vendrcdy prochain les neuf
heures du matin, pour rapporter par escript leur responce sur chacun article, ce
que leur estant ledit délay accordé, ils promettent de faire et confians medis-
seigneurs qu'ilz n'y feront fauite leur ont accordé icelluy délay.
Ledit de la Torre voyant le peu d'apparence qu'il y avoit de s'acorder avec
lesdiz de la religion nouvelle se résolut présent Mess" de partir le lendemain vers
la court pour de tout advenir Son Alteze ce qu'il feit et depuis ne retourna.
Consauix rassamblez avec les olïicicrs du bailliaige le Jeudy septième jour de
novembre xv^lxvj, pour veoir la requeste que ceulx de la nouvelle religion ont
requis de povoir présenter ausdiz consauix pour le bien et repos de la chose
publique de ceste ville, laquelle requeste a esté présentée, et par icellc ilz ont
requis que certaine aultre requesie qu'ilz ont faict lire ausdiz consauix adressée à
Sa Majesté fut présentée à Son Alteze par homme député du magistrat pour en
après estre envoyée à Sa Majesté, suyvani quoy a esté advisé de rescrire aux villes
d'Anvers, Gand et .Audenarde pour scavoir comme ilz se sont réglez sur semblables
requestes que ceulx de ladicte religion nouvelle disent avoir esté présentées aux
magistratz desdicles villes, et que lesdiz magistralz avoyent (sy qu'ilz disoient), ja
envoyé à Son Alteze, ceulx de la religion nouvelle par ladicte requeste promcloient
trois miiions de fleurins à Sa Majesté pour obtenir grâce de pouvoir vivre en
liberté.
Consauix rassamblez avec les officiers dudit bailliaige le vendrcdy huitième de
novembre xvc Ixvj. pour reehevoir la responce de ceulx de la nouvelle religion sur
tous les articles envoyez par Son Alteze pour la pacification des troubles advenus
pour la religion en ceste ville, lesquelles responces ont esté présentées et leules en
présence de Mesdisseigneurs et des députez de ceulx de ladite nouvelle religion,
ausquelz a esté déclairé que Ton communiequcra lesdicles responces à Mons' de
Moulebais commis au gouvernement de ceste ville, cité et chastel.
Copie des responces faictes adsdiz articles.
Responce au premier article.
On l'accorde sans préjudicier toutefois à la religion réformée de laquelle nous
faisons profession soubz prelext de ces motz couchez audit article : religion catho-
366 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
licque de tout temps observée etc. ou d'aultres samblables, à condition que de la
pari du clerf;é nous soient faicles et données samblabics promesses et réciproeques,
scavoir est qu'il ne nous empeschcront ny permeclront autant qu'en eulx est, qu'il
nous soit faici par voye directe ou indirecte molcsle trouble ny empeschement en
l'exercice de nostre religion et de tout ce quy en dépend.
Responce au deuxième article.
Accordé, bien entendu que durant le temps que les bastimcns des temples se
parferont, il nous soit permis jouyr des places désignées dens la ville.
Responce au troisième article.
Accordé, a condition que durant icelles presehes soit commise aux portes
ouvertes garde suffisante pour nostre sceurté. esclarcissant au surplus ce mot
« presehes » tellement que l'exenàce de nostre relligion et tout ce quy en dépcndt
soit comprins et que soubz la detîence de port d'armes, espées et daghes soient
exclues, adjoustant aussy que les presehes se feront les dimenches. mardy et
jeudy seuUement.
Responce au quatrième.
Accordé, pourveu que ce qu'on veult que les ministres soyent vassaulx et
subjectz de ^a Majesté, soit extendu aussy à ceulx losquelz sont subjeclz de
Sa Majesté par bourgeoisie, pourveu pareillement que ce qui concerne la doctrine
ou l'exercice de nostre religion et la répréhension des meurs et abus ne soit tenu
pour propos scandaleux ou séditieux.
Responce au cincquième.
Accordé, moyennant que ceulx de la religion romaine soient subjeclz aux
mesmes charges et chastoy au cas de contravention aux articles de retraicte qui les
touchent et concernent.
Responce au sixième.
Accordé, soubz les conditions, déclairacions et esclarcissemens cy dessus
couchez.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 567
Responce au septième.
Accordé, moyennant promesse reciprocque de la part des ecolésiasticques et du
clergé.
Responce au huitième.
Accordé, à condition que les promesse d'assceurance se feront par le gouverneur
tant en qualité de gouverneur que comme capitaine du chasteau, estant aussy
entendu ce mot de presches joinct avec l'exercice de nostre religion comme dict
est, prometant davantaige le gouverneur es qualités avant dites pour nostre plus
grand sceurlé et contentement des habitans de cesto ville, de ne permettre
qu'aucune gendarmerie soit de pied ou de cheval soit mise dedans le chasleau ny
dedans la ville, oullre que celle qu'est pour le présent estant icelle suflissanle pour
la garde de ladicte ville et du chasteau.
Responce au noefième.
Accordé
Responce au dixième.
Accordé.
Oultre ce que lesdiz responce estoient en soy très absurdes, ledit Seigneur de
IVloulebais,icelles veiies,déclaira aux députez desdiz prevostz et jurez et officiers du
bailliaige qu'il avoit recheu lettres de Son Alteze par lesquelles il estoit chargé de
mander aucuns de ladite religion nouvelle pour scavoir d'eulx purement et sim-
plement s'ilz cntendoienl refuser ou accepter lesdiz articles, ce que fut résolu de
faire pour après disner et furent mandez aucuns de ladicte religion nouvelle, à
quoy néantmoins ilz n'obéyrent, ores que l'heure leur fut assignée et que ceulx du
magistrat et du bailliaige s'y feussent trouvez, et ce soubz prétext que ledit jour
estoit ordinaire pour l'achat de leur marchandise.
Le lendemain matin noefième de novembre, se trouvarent aucuns députez de
ladite religion nouvelle vers ledit S' de Moulebay, présens aucuns dudit magistrat
et du bailliaige, et après que leur fut dict de la part dudit Seigneur qu'ilz eussent
à déclairer purement et simplement s'ilz acceptoient ou refusoient iceux articles,
dirent qu'ilz n'estoient auctorisez pour donner responce, ains qu'il en falloit com-
muniquer avec ceulx de la relligion, pour à quoy fournir leur fut «cordé terme
jusques à lundy xj« dudit mois à midy.
368 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Ledit jour de lundy avant midy, aucuns de ladite religion nouvelle se trou-
varent vers les prévoslz et jurez en leur auditoire disans d'avoir résolu de leur
responce et qu'ilz la bailleroient par escript pour la porler audit S' de Mouiebais
après le niydy, ce que fut faict par >!•= Nicolas Tatïin, lequel exhiba audit
S"' de Mouiebais certain escript ne contenant pure et simple responce sur l'accep-
tation ou dénégation dcsdiz articles, mais aultres modérations non tant débor-
dantes de raison que celles que dessus dont la teneur s'ensuit
Responce au premier article.
Accordé, à condition que les ecclésiastiques prometroiil qu'ilz n'cnipescheront
ny feront aucune moleste à ceulx de la nouvelle religion en leurs presches ny en
leurs personnes directement ou indirectement.
Besponce au deuxième.
Accordé. Bien entendu que durant le temps que les bastimens des temples se
parferont, il leur soit permis de jouyr des places désignées dans la ville, consen-
tans qu'il y ait commissaire député par le magistrat pour faire haster et diligenter
iceulx bastimens.
Responce au troisième.
Accordé à condition que durant icelles presches soit commise garde aux portes
ouvertes pour leur sceurté et que soubz la delTcnce de port d'armes, espées et
daghes ne soient comprinses. lesquelles pourront porter seullement les soldalz et
cculx k'squelz sont acoustumez d'en porler, adjousiant aussy que les presches
se feront le dimcnche, mardy et jeudy seullement.
Responce au quatrième.
Accordé moyennant que ce qu'on veult que les ministres soient natifz subjeclz
de Sa Majesté soit exlendu aussy à ceulx lesquelz seront subjeclz par bourgeoisie,
pourveu pareillement que ce quy concerne la doctrine de leur religion et la
réprélienlion des meurs .... et abus ne soit tenu pour [)ropos séditieux ou scan-
daleux et se garderont au surplus de tout propos dépileux contre le magistrat ou
cculx de la religion catholicque.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 369
Responce au cincquième.
Accordé, moyennant que cculx de la religion romaine soient subjeetz aux
mesmes charges.
Responce au vj'\
Accordé, soubz les conditions, déclairations et esclarcissemens cy dessus faictz.
Responce au septième.
Acordé, pourveu que les calholicques et ceulx du clergé facent le mesme par
leurs députez et que les conlrevenans ores qu'ilz n'ayent esté du nombre des
députez soient punis comme faulsaires.
Responce au huitième.
Accordé à condition que les promesses dassceurance se feront par les
magislratz tant de la ville comme des bailliages de Tournay et Tournesiz, scavoir
est par le bailly ou son lieutenant et officiers liscaulx. ensamble par le gouverneur
tant en qualité de gouverneur que come capitaine du chasteau auctorizé spécia-
lement à ces fins.
Au surplus daultant que la diffîdence d'entre le peuple et ceulx du chasteau
procède de renfort faict depuis ces troubles et d'aultre qu'on polroit faire à l'ad-
venir, ilz supplient en toute humilité Son Alteze que aultre renfort de gens ne
soil mis dans le chasteau ny dans la ville que cestuy lequel y est à présent.
Le mardy douzième dudit mois de novembre es consaulx ordinaires lesdictes
deuxièmes responce furent leutcs et résolu de les envoyer à Son Alteze, le requé-
rant d"y prendre regard pour la transquillilé de la ville, advertissant néantmoins
Son Alteze que ceulx de la nouvelle religion ont déelairé qu'ilz protesteront
(lesdiz articles accordez) que par le simple mot de presche couché en iceulx
articles, ilz entendent de comprendre l'exercice de leur religion, afin que sur ce
soit advisé par Son Alteze ce que à sa très pourveue discrétion sera trouvé bon
et pour ce faire y est commis M" Jacques le Ciercq, conseiller de ladicte ville.
Consaulx rassemblez avec les officiers du bailliaige le jeudy xxje jour de
novembre xv^lxvj, pour oijr et entendre le raport de M» Jacques Le (Ciercq, con-
seillier retourné de la Cour, et l'on s'est tenu au raport d'icelluy. Sy a esté ordonné
Tome 1. — Lettres, etc. 47
370 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
mander à ceulx de la religion nouvelle qu'ilz aient à eulx rassanibier pour com-
mectre et députer quelque dix à douze personnages d'entre eulx, affin de se trouver
demain malin en la halle de Mess" les prévostz et jurez, pour oijr et entendre ce
que par la bouche dudit conseillier Le Clercq sera verballemenl proposé, pour ce
faiet eux transporter au chasleau avec quelques ungs que iMesdisseigneurs les
eonsaulx pouront commectre d'entre eulx, aCQn d'oijr la lecture de certaines lettres
missives naghères envoyées audit S"^ de Moulebais, commis au Gouvernement
dudit chastel par Son Alleze.
Consaulx rassemblez le xx^j»-" jour de novembre xv^lxvj, que lors ledit
Le Clercq aiant eu charge en cour d'induire lesdiz de la religion nouvelle à
l'aception desdiz articles par les moyens à luy déclairez particulièrement par les
Président Yiglius, conseillers Brexella et d'Assonleville, auroit proposé ausdiz de
la religion nouvelle plusieurs raisons par lesquelles pooit apparoir qu'ils se
debvoient contenter de la grâce que leur avoit esté faiete par Son Alteze accor-
dant les articles envoyez de sa part et apportez par ledit secrétaire de la Torre.
Et en premier lieu au regard de l'exercice de leur religion dont n'avoit esté
louché par lesdiz articles, déclaira ieelluy Le Clercq luy avoir esté dict qu'en cest
endroit la ville de ïournay ne seroil de pire condition qu'aultres semblables de
pardecha, mais que comme aux aullres pouroient de faict advenir baptesmes.
mariaiges et aultres choses dépendentes dudit exercice, le mesme pouroit advenir
en Tournay, non pas que Madame l'eust ainsy accordé ou l'accordât présentement
ainsy le faire en lieu qui fut, mais seullement estant ce passé soabz dissiniuta-
tiou et connivence des magistratz et officiers des lieux jtisques ad ce qu'aiil-
trement en scroit ordonné. Car soit en Flandre, soit en Brabant, Hollande, Zcel-
lande, soit où que ce soit Son Alleze n'avoit consenty ou accordé l'exercice de
ladite religion nouvelle et sy en quelque lieu en avoit esté dict et accordé nom-
meement chose aucune, ce seroit esté faict par les gouverneurs des pays en qualité
de gouverneurs ou aultres députez à la pacification, sans que Son Alteze en eust
prins cognoissauce aucune ou a ce donné coumiission pertinente, ce que néant-
moins elle n'avoit réelcmeut révocqué ny déclairé nul, ains auroit le tout passé
jusques à aullre ordonnance, de manière que sy en la ville de Tournay y eust eu
gouverneur quy eust faict quelque accord, la chose fust demeurée faiete, mais
puisque ny Mons"^ l'admirai ny aultre n'avoyent ainsy besoingné. de sorte qu'auroit
convenu avoir recours à Madame, Son Alleze n'auroit pour une ville seuUe voulu
excéder l'accord faict avec les eonféderez quy ne |)arle que des presches et non
de l'exercice de la religion, tellement que comme aultres ilz s'eussent bien deu
contenter d'une connivence seulle, aclendu mesmes que Madame ne pouvoit
disposer des choses quy sont nuemcnt de la jurisdiction ecclésiastique, estans les
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 571
mariaiges et baptesmes cas especiaulx, enquoy ilz ne seroieiil moins respectez
que ceulx de Valencliienncs, lesquelz esloyent mesmes en pire condition entant
que les presches esloient seullemcnt accordées jusques au rappel de Sa Majesté,
sans y eslre requis I advis des Eslatz généraulx. là où Madame leur permetoit
leurs presches et aullres poinctz jusques à ce que Sa Majesté avec fadvis des
Eslatz généraulx aullrenient en seroit ordonné, quy estoit ung accord non tant
facil à révocquer. Et se pouvoient reposer sur ladicte connivence entant que le
Roy, nostre Sire, estoit sy avoit tousjours esté prince clément et bening, sans que
oneques il eust usé de trop grand rigueur ou criiaulté vers ses subjectz, et parlant
de sa part ne convenoit craindre surprince, comme n'estant Sa Majesté désirant
l'effusion du sang de ses subjectz, de faclion que les choses ne debvoient prendre
aultre estât, n'esloit moyennant advertence préalable et commandement ou ordon-
nance pertinente; d'aultre part, quant à ce qu'ilz requerroient oultre le contenu
es articles envoyez par Son Alteze que les ecclésiasticques promissent de ne donner
empeschement au faict de leur religion, disoit icelluy Le Clercq que Madame
n'enlendoit que diceulx l'on deust attendre quelque promesse en tel endroit,
attendu qu'ilz n'avoient le moyen de leur nuire cstans destituez de toutes forches
par estre décliassez et fugitifz du lieu de leur résidence, leurs églises estantes
sacagées, destruites et désemparées tellement que la cathédralle restoit encoires
non restablie ny accommodée pour y faire le sainct service divin, joinct qu'ilz
n'avoient meffaict à aucuns de la relligion nouvelle là où iceulx au contraire
s'estoienl emparez desdicles églises et y avoient tenu leurs presches et assemblées,
en donnant empeschement et obstacle au service divin y acoustumé. Et n'estoit
raisonnable que les ecclésiastiques de Tonrnay feussenl plus subjectz à promesse
aucune que ceulx de Valenchiennes ou aullres villes ausquelles les choses s'estoienl
pacifiées sans leur moyen, combien que pour ung mieux Messieurs les consaulx
esloient bien résolus de tenir la main à ce que nulz prédicateurs de la relligion
catholicque n'usassent de propos séditieux ou scandaleux en leurs sermons, et que
lesdiz ecclésiastiques ne viendroienl injurier ou molester lesdiz de la religion
nouvelle de faict ou de projios. En oullre au regard du temple encommenché
pour y faire les presches hors la ville, Mesdisseigneurs les consaulx les accom-
moderoient de quelque temps raisonnable, mais lesdicles presches ne se pouroient
faire aullres jours que les dimenches et f estes. alTin de garder unifornité au temps
que chacun vaqueroit à sa religion et par tel moyen couper le pied à toutes
pugnes, haines et mocqueries deslors encomnienchées par la populace à l'occasion
que l'un besoingnoit quant l'aultre cessoit. joinct que par Ici moyen l'artisant
seroit contenu en sa manufacture, la marchandise auroit meilleur cours, et seroit
obvié à la povreté de |)lusieurs. Sy ne dcbvoit estre trouvé estrange d'aller à la
372 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
presche ung jour de feste. de tant que ce faisant la fesle ne seroit plus gardée que
quand la presche se tieadroit ung jour prophane, au surplus touchant les
ministres qui debvoient estre subgectz de Sa Majesté, estoit impertinent, abusif
et malentendu de requérir de les povoir rendre subjectz par bourgeoisie, de tant
qu'un estrangier faict bourgeois de quelque ville de pardecba ne soit pourtant
subject de Sa Majesté, sy seroit son bien en tamps de guerre aullant subject à
confiscation que s'il n'estoit bourgeois, par ce qu'un estrangier ne puit aultrement
estre faict subject de Sa Majesté que par lettres de naturalization. lesquelles Sa
Majesté peult accorder. Lesquelles choses considérés, lesdiz de la religion nouvelle
pooient de facil remarquer la grâce que Son Alteze leur faisoit en accordant les
poinctz et articles aultresfois envoyez, ausquelz absolutement elle ne vouloil
adjoustez chose quy fut, et que partant Hz s'eussent à s'adviser pendenle que
la verge estoit verte et croissante encoires, afjîn qu'elle ne fut coeiUée pour eulz
par demeurer seulz entre aultres villes de pardecba ne se voulans accorder et
venir à la raison, adjoustant que s'ilz ne se conlentoient, à l'advenir telle occasion
ne leur seroit plus offerte, et leur seroit moins accordé dans xv jours après
que pour lors, actendu qu'il ne leur appartenoit de marchander avec leur prince.
Ce que proposé et ayant ledit Le Clercq mis fin à son dire, lesdiz de la religion
nouvelle se seroienl retirez de l'auditoire desdiz consaulx par leur congé pour
adviser de leur response et depuis estant retournez, aiiroient déclaré ausditz
consaulx de n'estre auctorisez suffissameni pour arrester chose quy fut. Et comme
la tranquillité et paix générale de la ville requerroit bien que les principaulx et
plus notables manans feussent advertis des moyens pour parvenir à icelle paix,
ilz requirent que lesdiz consaulx voulzissent donner grâce de les faire rassembler
en leur nom, ce que leur fut accordé, ordonnant nomméement de députer aucuns
de leur consistoire pour besoigner audit accord et en donner leur response au
lundy lors prochainement suivant du matin, pour en advertir Mons'^de Moulbais,
gouverneur.
Consaulx rassemblez avec les officiers du bailliaige le lundy vingt-cincquième
jour de novembre xv^lxvj, pour oijr et entendre la délibération et responce des
notables et ceulx du consistoire de la nouvelle religion suivant la charge que
leur auroit esté donnée par Mesdisseigneurs les consaulx le vingt-deuxième du
présent mois, de respondre aux lettres envoyées par Son Alleze au Seigneur de
Moulebais, par lesquelles leur estoit cnjoinct de purement et simplement accepter
ou refuser lesdiz articles d'accord envoyez par Son Alteze. suyvant quoy après
que lesdiz notables et aucuns dudit consistoire auroient esté à ceste fin rassemblez
en la salle du Pourcelet suivant la semonce à ces fins faicte, aucuns du nombre
desdiz notables seroient comparus pardevant lesdiz consaulx, déclairans qu'ilz se
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
0/.Ï
tcnoiont ausdiz articles soubz les protestations et conditions contenues en certeine
foeille de papier escriple et délivrci; ausdiz consaulx par les mains de /!/« Pierre
Collrel disant icelluy lesdiz notables se vouloir arresler ausdiz articles et
protestations, ores que ceulx du consistoire feissent encoircs dilliculté d'y consen-
tir, à quelle occasion a esté ordonné de faire rassembler ceulx du consistoire de
la relligion nouvelle pour scavoir et entendre s'ilz se conformeroient audit
accord.
Copie desdictes protestations.
Messire Jean de Chasteler, chevalier, S"" de Moulebais, etc., commis au gouver-
nement de Chasteau, ville et cité de Tournay. prévoslz, jurez, mayeurs et
eschevins de ladicte ville, M« Pierre Dennetières, escuier, S' du Doncq. lieutenant
de bailly, conseiliiers et officiers de Sa Majesté ordonnez en ladite ville et pays
du Tonrnesiz, à tous ceulx qui ces présentes lettres voyeront ou oyeront, salut.
Scavoir faisons que pardevant nous comparurent
procureurs sullissamcnt fondez et eslabliz par les ministres anciens et consistoire
de la religion appelée nouvelle, qui dirent et remonstèrent audit nom et pour
tous ceulx de ladite religion que désirans une bonne paix et concorde et de vivre
en repos d'esperit et de conscience, sur certcins articles à eulx proposez, aiïin de
les observer et entretenir par provision jusques à ce que par le Roy nostre Sire
avec l'advis des estatz généraulx aultrement en seroit ordonné, pour aullant qu'ils
auroient trouvez iceulx articles obscurs, incertains ou pour le moins mal esclarchis
pour oster tous debatz et allercations quy en pouroicnt sourdre cy après auroient
grandement désiré d'en avoir ampliation et interprétation de l'Alleze de Madame
la régente et gouvernante, à quoy toutesfois son plaisir n'auroit esté de condes-
cendre ains auroit par mondit Seigneur le Gouverneur pressée lesdiz de la religion
appellée nouvelle de bailler pur et simple responce sur ehascun desdiz articles, ce
qu'ilz ne veulent refuser (combien que l'afraire soit de poix et conséquence bien
grande), ains comme fidelz vassaulx et serviteurs du Roy et de Saditc Alteze sont
prestz et appareillez d'accepter lesdiz articles, soubz les protestations qui s'en-
suivent et que lesdiz comparans font présentement pardevant nous. Et premiers,
ilz protestent qu'ilz ne veullenl introduire une religion nouvelle, ains qu'ilz
désirent de tout leurs cœurs force et puissance, s'unir et cslre membres de l'église
de Jhésu Christ et selon qu'est contenu aux livres canonicques du viel et nouveau
testament, disans que combien que les promesses et assceurances que Son Alteze
veult estre baillée aux ccelésiasticques et clergé deussent en raison estre reei-
procques, toutesfois par ce qu'elle ne les veult de ce charger, protestent lesdiz
su PIÈCES JUSTIFICATIVES.
comparans oudit nom que leurs promesses concernantes ledit clergé cesseront si
avant que lesiliz du clergé et soubdain que p.ir voy directe ou indirecte, ilz leur
feront moleste, trouble ou empeschement on oc qui seroit dépendent de l'exercice
de leurdicle religion et Iranquillilé dudil accord futur. Quand au second point et
article Iraictant dabstincnce d'assemblées, protestent lesdiz comparans ledit mot
d'assemblée se debvoir entendre d'assemblées populaires et illicites et partant non
point pour la congrégation du consistoire. Kt quant est de prescher es lieux
désignez hors la ville, on y condescendra aussy soubz confidence de la promesse
faicte par iMcss" les consaulx d'avoir et accommoder terme compétent et raison-
nable pour parachever préalablement le temple encom mendié; au troizième
article et aultres esquelz est traicté des presches, protestent lesdiz comparans
que soubz ledit terme de presches est comprins tout l'exercice de la religion et
par especial des sacremens, scavoir est du baptesme et saincle cène, d'aullanl
mesnics que dés le troisième de septembre dernier passé, ledit exercice auroit
esté permis et accordé par proclamation publique faicte aux bretesques de ceste
ville, de l'auctorité de hault et puissant Seigneur Messire Philippes de Montmo-
rency, conte de Hoorn, admirai de la mer, chevalier de l'ordre, etc., commissaire
député par Leurs Majesté et Allcze es présence des Seigneurs d'Esquerdes el de
Vilers. aussy de Messieurs les consaulx de ccste ville, les lieutenant de bailly,
couseilliers et officiers de Sa Majesté en ladite ville et Tournesis. tellement que
fut lors de la part des dessus nomez deiïendu très expressément tant à ceulx de la
religion que l'on appelle nouvelle que aullres qui suivront la romaine, de non
injurier l'un l'anllre de faict ou de parollcs ne donner empeschement aucun à
l'exercice de leur religion, ains de laisser chascun joyr paisiblement de la liberté
et tollérauce que Sa Majesté leur a permise. Prcnans aussy lesdiz comparans à
proffil la déclairation quy leur a esté faicte de la part de Mons"" le conseillier
M« Jacques Le Clercq. de la connivence de Son Altesse, et mesmes que cesie dicte
ville en ce regard ne sera de pire condition que les aultres semblables de pardecha
et que l'on se peult asseurer et reposer sur tele connivence sans craindre sur-
prinse et que les choses ne prendront aullre estai sans adverlence préalable,
protestant parlant que Mons"^ le gouverneur et susdit magistral de ceslc ville et
du bailliaigc persisteront en ladicte connivence sans donner empeschement ou
destourbier oudit exercice, lequel desdiz comparans oudil nom enlendent faire es
jours de dimenches et (estes scullemcnl. saulf que s'il n'y avoil feste en la
sepmaine protestent que la presche se poura faire le jeudy. selon qu'auroit accorde
ledit S"" conte et que s'observe en aullres lieux et ce qui doibt tenir el valoir tant
qu'aullrement sera ordonné, selon le raport dudil conseillier Le Clercq et comme
plus amplement est contenu en l'acte el lettre sur ce faicles que tenons tant pour
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 575
ce point qu'aultrcs y contenus ychy pour resonnez, en prolestant que soubz la
deffence de port d'armes ne seront comprinses espées et daghes. louchant l'article
quatrième deffendant aux ministres d'user en leurs presches de propos séditieux
ou scandaleux, protestent lesdiz comparans que soubz ce ne sera comprinsc la
répréhcnlion des meurs et vices et ce qui concerne la doctrine de la relligion,
ains se garderont de tous propos despiteux contre le magistrat ou ceulx de la
religion catholicqne. En tesmoing de quoy je dessus nommé de Moulbais, etc.
Faict icy à noter la sinistre interprétation que sectaires font ordinairement de
tous propos et escriptures de tant que par le rapport dudil Le Ciercq n'ait esté
touché de persister en connivence aucune sans donner empeschement ou deslour-
bier à l'exercice de la religion nouvelle, ains le contraire avoit esté assez dénoté par
avoir esté dict que les choses ne prendroient aullre estât jusques à aullre ordon-
nance et adverlence préalable, joinct que l'acte de ladicte protestation première-
ment exhibé ausdiz consaulx estoit tellement couché, comme sy Ton eust raporté
que Madame eust promis expressément de conniver qui auroit esté reinonstré
audit Cottrel et protnpletnenl corrigé. Davanlaige parla publication mentionnée
en ladicte protestation n'a esté permis de faire l'exercice de la religion nouvelle
tel que prétendoient lesdiz sectaires et suivant qu'a esté déclairé cy dessus par le
prédicant iVIerimer au besoingné du sabmedy second jour de novembre, ains a
esté seullcmenl parlé en sa clause dispositive de ladite publication de se pouvoir
trouver es presches que font les minisires de la religion nouvelle, ce que a esté
assez déclairé mesmes à Son Alteze par certain acte envoyé à icelle par comman-
dement dudit Seigneur admirai en ceste clause; et quant à ce qu'en la clause
ûnale de ladicte publication auroit esté usé de ces termes ; que nulz de noz manans
n'eussent à injurier l'un l'aultre de faict ou de parolles ne donner aucun empes-
chement à l'exercice de leur religion, par tele clause auroit esté entendu, sy ne
doibl eslre aultement prins, fors qu'avoit esté permis à ceulx de la religion
nouvelle l'exercice dicelle leur religion en tele sorte et manière qu'ilz avoient usé
en leurs presches auparavant faicles en Tournay et aultres lieux voisins, comme
se peult assez tirer de ce que par ladicte publication en la clause contenant la
liberté que leur a esté déclaré estre lollérée par Sa Majesté, a esté seullemcnt
parlé de se trouver es presches, comme aussy est assez évidamment démonstré
par les termes linaulx de ladicte publication telz, ains laisseront chascun jouyr de
la liberté et tolérance que Sa Majesté leur a permise, quy se doibt référer à la
liberté et tollérance des presches dont auparavant avoit esté touché. En tesmoing
de ce que dessus, avons à ces présentes lettres faict mettre et appendre le seel aux
causes de ladite ville et cité le viij» jour de septembre 1566.
Dont se peult voir par ladite protestation icelle publication avoir esté mal
376 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
interprétée pour s'extendre à la tollérance de la cène et aultres poinctz cy dessus
particularisez comme dépendans de l'exercice de la religion nouvelle, en tant que
le tout n'avoit esté practiqué es presches advenues avant ie jour de ladite
publication quy fut le iije jour de septembre.
Consaulx rassamblez avec les officiers du bailliaige ledit jour vinjït-cincquième
du mois de novembre après midy, pour oijr et entendre l'intention du consistoire
de la religion nouvelle sur l'accord et appointements que prélendoient faire les
notables de ladite religion leur ayant esté délivré par escript, surquoy estans les
ministres et aultres dudit consistoire comparus pardevant Mesdisseigneurs les
consaulx auroient déclairé qu'ils se eonformoienl audit accord aux devises, condi-
tions et protestacion y contenues, suplians néantmoins lesdiz S" consaulx vouloir
procéder de bref à la délivrance des prisonniers pour le faict de la religion ou du
moins de les soulager et mettre en prisons plus doulces, raisonnables et amiables,
surquoy fut ordonné que de tout ce que dessus seroit escript à Madame; de quoy
faire est cliargé M» Jacques Le Clercq, conseillier, sy est député pour porter les
lettres et de tout advertir Son Alteze.
Consaulx rassamblez le troisième de décembre xv^ Ixvj. Ledit Le Clercq
retourné de la Court raporta lettres de Son Alteze en dacte du premier de
décembre quy ont esté leutes aux consaulx, par lesquelles Madame rescripvoit de
résolutivement ne vouloir consentir aultre chose que ce qui estoit contenu en
l'accord envoyé pour passer avec les sectaires et ceulx de la nouvelle religion à
Tournay, comme estant en effect le mesme qu'elle avoit consenly aux aultres. Et
si en quelque lieu se faisoit exercice de ladite religion nouvelle ce n'estoit de son
adveu ny consentement, ains par connivence et dissimulation des officiers et
magistratz, à quoy elle estoit près d'y donner ordre en général. Et quant aux
protestations et interprétations n'en vouloit veoir aucunes sy ne convenoit que
les subjectz en usassent allendroit du Roy ou d'elle comme gouvernante.
Consaulz rassamblez avec les officiers du bailliaige le sixième de décembre, pour
oijr la teneur des lettres de Madame la ducesse de Parmes. etc., en dacte du
iiij« de décembre, lesquelles ont esté leutes ausdiz consaulx et par icelles esloit
inhibé tout exercice de la nouvelle rellicjion saulf les presches, alendroit
desquelles s'en adverlissoit d'avoir esté forcée de déclairer que pourveu que le
peuple s'abstint d'armes, se maintenant sans faire désordre ny scandai, elles ne
feroit user de force ny voie de faict contre les allans, venans et retournans des-
dictes presches es lieux où elles se faisoient lors de faict, moyennant toutesfois
l'observance desdieles conditions et d'aullres lors déclairées aux confœderez,
defjend nommeemenl la cène, etc.
Sy a esté ordonné mander pour demain malin douze à quinze de ceulx de la
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 377
religion nouvelle pour les itdverlir du contenu des lettres en date du premier de
décembre apportées par le conseillier Le Qercq, comme est porté par l'acte des
consaulx du iij" d'icelluy mois.
('onsaulx rassamblez avec les officiers du bailliaige du Tournesiz pour advertir
aucuns des notables de ceste ville et de la reliji;ion nouvelle à ces fins rassamblez
du contenu desdictes lettres envoiées par Son Alteze à Mesdisseigneurs lis
consaulx en date du premier de décembre, la lecture desquelles lettres auroit esté
faicte présens lesdiz de la religion nouvelle, lesqnelz auroienl déclairé qu'ilz
n'estoient sufflsantz de respondre ausdictes lettres par ce qu'ilz n'estoient en
nombre compétent pour ce faire, requerrans qu'il pleut à Mesdisseigneurs les
consaulx de vouloir faire assembler plus grand nombre desdiz notables à tel jour
qu'il plairoit à Mesdisseigneurs. Surquoy a esté ordonné de rassambler pour
lundy malin en la salle noefve et de crime de ceste ville, grand nombre desdiz
notables pour à icelles lettres et intention de Son Alteze donner responee. ordon-
nant .Mesdissigneurs délivrer copie desdites lettres ausdiz de la religion nouvelle,
s'ilz le requierrent.
Mesdisseigneurs les consaulx se trouvoyent en perplexité pour le contenu des
lettres en date du iiij" de décembre, que dessus de tant qu'ilz prévoyoient qu'estant
entendu le contenu dicelles par eeulx de la religion nouvelle, accord aucun ne se
feroit pour la tranquillité et pacification de la ville. Joinct que faisoit à craindre
quelque esmotion, quy fut occasion que fut arresté de rassambler les capitaines
ordonnez sur le peuple de la ville enrollé afin de leur communiquer icelles lettres
et adviscr comme l'on polroit procéder pour faire scavoir le contenu dicelles à
ceulx de la religion nouvelle.
Consaulx rassamblez avec les officiers du bailliaige de Tournay le vije dudit
mois après midy, pour communiquer aux capitaines la teneur desdictes lettres à
eux envoiées par Son Alteze en date du iiij« de décembre, lesquelles ont esté leutes
ausdiz consaulx présens lesdiz capitaines; surquoy a esté ordonné que l'on fera
scavoir le contenu desdictes lettres aux notables et ceulx de la religion nouvelle
lundy proebainement venant, que lors pour respondre aux lettres précédentes de
Son Alteze lesdiz de la nouvelle religion se trouveront en la halle de crime ou la
nouvelle salle de la maison de la ville. Et pour l'après midy dudit jour de lundy,
ordonné est que lesdiz ministres se trouverront esdictes halles pour entendre la
teneur desdictes lettres.
Consaulx rassamblez avec les officiers du bailliaige dudit Tournesiz le lundy
jx» jour de décembre xv<=lxvj, pour oijr la responee des notables et ceulx de la
nouvelle religion ausquelz se debvoit faire lecture des lettres ausdiz consaulx
envoiées par Son Alteze, à quoy n'auroit esté besotigné a raison que grand
Tome I. — Lettres, etc. 48
378 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
nombre d'artisans et gens de basse condition se seroient fourez en l'auditoire de
Messieurs les prévostz et jurez et de la halle de crieme. en laquelle halle l'assam-
blée desdiz notables se debvoir faire, qui auroit eausé désordre et tumulte entre
eux. Sur quoy auroit esté ordonné faire retirer tant les notables que les artisans,
ce que iceulx artisans ne voulurent faire ne fui en leur délivrant les prisonniers
détenus pour le faict de la religion, ee quy fut faicl pour éviter à plus i>rand
inconvénient. Et ee faict fut advisé par lesdiz consaulx de rescripre à Son Alteze
l'advenue du cas et y envoyer le conseillier Le Clercq.
Consaulx rassamblez avec les officiers du bailliaige ledit jour jx'= de décembre de
l'après disner. pour faire lecture desdictes lellres aux minisires et ceulx du con-
sistoire de la nouvelle relligion, à quoy n'auroil esté procédé parce que grand
nombre de peuple se seroit mis en trouppe au devant de la halle de ladicle ville,
requerrans les basions à crocq de la munition dicelie en>amble l'artillerie et
pouldre à canon leur estre délivrée, qui auroit causée grand désordre. Pour raison
de quoy la plusparl desdiz consaulx ne se seroit trouvée es halles et la chose
remise au lendemain matin.
Consaulx rassemblez avec les officiers du bailliaige le dixième jour de décembre
xv«= soixante six. pour faire lecture aux ministres et ceulx du consistoire de la
nouvelle religion des lettres derrenièrement envoyées par Sou Alteze ausdiz con-
saulx en dacte du iiij^ de décembre, ensamble pour ad\iscr quel ordre on raet-
troit pour remédier au tumulte quy se pouroil à l'advénir eslever en la ville par
les artisans ou aultres manans dicelie. comme estoit advenu le jour d'hier,
lesquelles lettres auroient esté leutes présens ceulx de la religion nouvelle cl
minisires dicelie. ausquelles lellres par la bouche de l'un des minisires de ladicle
religion auroit esté rcspondu que ceulx dicelie religion enlenduienl vivre selon
le bon plaisii de leurdkle Majesté et Alleze, si avant que l'exercice de leur
dicte religion ne leur (ut aucunement enipeschée Pour de laquelle responce
ensemble de ce qui s'est passé en cesle ville advertir Son .Mleze. auroit esté
conmiis maisire Jacques Le Clercq. conseillier dicelie ville, el ordonner de rescrire
lellres à bon Alleze louchant ce que dessus, remonstranl par ic< Ile le péril el
danger éminent ouquel se retrouvent journelement tant les ecclésiastiques comme
ceulx qui tiennent la religion calholicque par les agyressions el invasions que
se sont vantez leur faire ceulx de ludictf nouvelle religion si avant que
gendarmerie esirangère fut mise dans ladicle ville, comme est contenu pai' la
requesle desdiz de la religion nouvelle, enserrée aux lettres en\oyées à Son .\lteze.
Pareillement fut résolu de supplier Son Alteze de vouloir envoler en Tournay le
Conte d Aigmont, comme gouverneur des Flandres, ouquel pays la ville de
Tournay est unye, ou quelque aullre Seii^nciir par la |>réseiice duquel le peuple
peust eslre contenu en obéyssence.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 579
Copie de ladicfp reqiieste.
Remonstrenl Iiiinihlement piiisiVurs i;pnlilzhnmes, bourgeois, marohans ol
aullros liabilans de la ville et eilé de Tournay, comme eejourd'hui jx« de décembre,
ilz aiiroient esté sonnez par le magistrat alïin d'oijr la lecture de quelque lettre
eseripte par Voslre Alleze, auquel commandement les remonslrans ont obéy et de
faiel se sont Innivez au lieu à eux désigné lequel ilz ont trouvé préoccupé par
grand nombre de peuple soubz prétexte que le bruit eouroit que l'assemblée se
faisoit |)oin- reebevoir dans la ville gendarmerie eslraiigère. de quoy il est teumbé
en altération telle qu'aucuns esmeus des outrages et pilleries faictes naghaires à
SaincI \mand et es environs de Valcnehiennes et partout ailleurs où que ladicte
gendarmerie prend place eraindans le semblabb' Aultres se persuadans que peu à
peu estant la gendarmerie introduite dans la ville, ilz np soient réduictz par force
à l'obserxiance de l'anchienne reliqion faict démonstration ouverte de s'y opposer
de manière que les remonslrans se treuvent menassez d'un inconvénient comme
inévitable; qu'estant Voslre Altcze résolue d'introduire gendarmerie estrangère en
cesle ville suivra la lofale et enthière désolation et ruine tant des remonslrans que
de Ions aultres habitans d'icelle, d'aultant mesmes que oullre le zèle de la religion
à laquelle ce peuple est fort ardant. le commerce de marcbandise cesse et les mes-
tiers desquelz le maintien du corps de eeste ville dépend, sont discontinuez, quy
faict que le peuple réduit à povrelé. de laquelle il se sent ja extrêmement oppressé,
leumbera en désespoir et par ninsv s'attachera de léger au premier qui se pré-
sentera, sans dislinclion ou esgard de religion d'estat ou de qualité, néantmoins
impossible est et ne voient (?^ les remonstrans aucun moyen d'y remédier sans
grande effusion de sang laquelle se pouroit exlendre aux plus lidelz et meilleurs
subjeclz de Sa Majesté. laquelle chose Sa Majesté et Vostre Alteze a tousjours eu
en horreur, n'est que voslre plaisir soit prendre et choisir ce seul et unicq moyen
deffendant que gendarmerie ne soit mise en ccste ville, estant celle quy est dressée
suffisante pour l'empescher de toutes foulles et oppressions quy pouroient
advenir tant par le dehors que par le dedans. Accordant au surplus par forme de
provision et jusques aux Kstalz généraulx les presches. plaches assignées avec franc
et libre exercice de la religion faisant loix et status sur ce. nécessaires pour par
punition rigoureuse estre corrigez les contrevenans. à l'exécution de quoy les
remonstrans promettent de tenir la main, tellement que vivant chacun en liberté
et sceurelé de conscience et y estans maintenus soubz l'obéissance de Sa Majesté,
ilz espèrent qu'en brief. toute dilfidence ostée. la marchandise prendra son cours,
les mestiers seront mis en estai et la transquillité restituée, au contentement et
580 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
maintien des subjects de Sa Majesté, lesquelz seront induictz jouyssant du fruit
dicelle, de prier Dieu, nostre créateur, pour sa prospérité et la vosire
Du contenu de laquelle requeste tendente à la fin de tollérance de l'exercice
de la reliqioii nouvelle se peuit assez venir que ceulx du consistoire estans
adverlis du contenu desdietes lettres en daclo du iiij» de décembre, les pareilles
desquelles avoieni esté desjà recheues en plusieurs aultres villes du pays avant
que le magistrat de Tournay les eubt receus, auroient induit et incité la populace
à faire l'esmolion dudit jour de lundy jx^ dudil mois, aflin dVmpescher que les
articles susdiz ne feussent acceptez. Et quant à ce que la populace, sans parler
dudit exercice auroit prins occasion de s'esmouvoir soubz pretext de quelque
gendarmerie que le magistral eut voiu mettre en lernie de requérir de la Court,
faict assez à conjecturer que lesdiz du consistoire leur auroient mis en termes
que tele matière se debvroit délibérer par ceulx quy cstoient mandez pour oijr la
lecture desdictes lettres de crainte qu'ilz avoient que ladite gendarmerie cstran-
gère ne fut envoyée pour les conslraindre à se déporter dudit exercice.
Lesqueles choses considérées, ledit i.e Clercq remonstra bien et au long à ceulx
du Conseil de Son Alleze à quele fin tendoieni lesdiz du consistoire, le danger
auquels se retrouvoient tous gens de bien de ladite ville et la ruine dicelle appa-
rente, ne fut qu'à diligence y feussent envoyez gens de guerre quy pouroient
facillement y entrer par le moyen du chasieau, estant requis de mettre ordre
aux affaires de Tournay avant s'arrester plus longtemps à la réduction de
f^alenchiences en l'obéissance de Sa Majesté pour par ce moyen couper le pied
à la descente et esmolion des inhabitans du pays de depuis la mer de la basse
Flandre jusques au chastel en Cambrésis. dont avoit faict les menasses le prédi-
cant Merimer présent le magistrat de ladicte ville, prédisant grande effusion de
sang au cas que empeschemenl fut donné à l'exercice de la religion nouvelle, main-
tenant icellc avoir esté accordé avec les prcsches comme chose du tout connexe,
unie et nécessairement dependente. Suyvant quoy hault et puissant S' Messire
Philippes de Saincte Aldegonde, S"" de Noircarmes, etc., vint en la Cour environ
le vingtième de décembre, et le xxiij dicelluy mois, la charge de mettre garnison
en ladicte ville de Tournay luy fut donnée. Par quel moyen en icclle a esté pré-
servée de ruine, les bons garantis contre les meschants et les emprises et conspi-
rations des sectaires avec toutes leurs forces abolies.
Or pendent que l'on esloit en termes de donner ladicte charge audit S' de Noir-
carmes et que ieelluy donnoit ordre à son entreprinse, advint que le peuple de
Tournay par faulte de besongne fut réduit à grande povreté, de sorte que faisoit
à craindre qu'aucuns ne se meissent à piller ou aultrement malfaire soubz pretext
de po\reté à faulte d'ouvraige, à quelle occasion Mess" les eonsaulx advisareni
PrÈCES JUSTIFICATIVES. 381
de leur en donner, actendu que le marchant s'en déporloil, prévoianl assez le
trouble apparant ou scacliant ce quy povoil estre conclud entre les sectaires au
regard de la levée des {cens de guerres et i)ort d'armes depuis ensuy vis aux champs
contre les gens de Sa Majesté, pour à quoy pourveoir fut ordonné comme appert
par l'acte subséquent.
Consaulx rassainblcz le sabmcdy xiiij» jour de décembre xv^lxvj, pour délibérer
sur les aulniosnes (juc l'on a advisé de faire premiers entre chascun de Mess'* les
eonsaulx, pour pourveoir à la nécessité des povres. Surquoy lesdiz JS" consaulx
se sont comprins eux mosmes voluntairement d'aulmosner par sepmainc s chascun
les sommes recœillées par certain escript et ce pour l'espace de deux mois ou
pour tel temps que l'on voyra la nécessité durer D'aullre part, a esté advisé de
mander pour après le disner les notables et aultrcs pour les amener à accorder
quelque somme à la fin que dessus et pour le tout recluvoir est commis le
massart. En oultre a aussy esté advisé de m( tire en œuvre les plus pauvres et
indigens manans et habitans de eesie ville aians demeuré an et jour en icellc, si
comme à les faire botter à la réparation de quelque chemin vers le bois de Breuze
et aultres lieux alentour de la ville, sy est commis pour les payer à rat de cinc
gros par jour ou en dessoubz, selon la qualité des personnes, le mayeur des
finances et le rcjecleur, iesquelz prendront à serment lesdiz manans, pour scavoir
s'ilz ont demeuré an et jour en la ville.
Du mardy xxiiij" de décembre.
De pourvoir à ce que (jrand nombre d'estrangivs en armes Iesquelz ont ja
commeuché à bousier l'abbaye des pretz à nonnains et aultres églises ne
viennent (aire quelque joulle à cesle ville.
L'on est d'assens ensemble les capitaines de mettre sus de chascune compagnie
deux à trois x"^« pour les mettre en divers quartiers de la ville, afflii de tenir par-
tout bon ordre et éviter arrièrre sacagement, mesmement de eeulx de la ville sans
toutesfois sonner le tabourin, craindant que lesdiz estrangers ne se vinsent à
esmouvoir. Oultre cela a encoires esté advisé que \lons' du lius, capitaine, tiendra
ce jourd'huy sa compagnie preste sur le marché.
Consaulx rassamblez le dimence xxjx" dudit mois avec les officiers du bail-
liaige pour entendre le ra|)port de Messieurs les prévost et conseillier sur la
communication des lettres de Madame en date du xxvij" dudit mois. a\ec la
seigneurie de Mons"^ de Moulbais, par lequel rapport a este dict que tant ledit
S' de Moulbais que les dépuiez ont trou\é bon de rescrire à Son Alteze qu'il
luy plaise d'envoyer quelque seigneur de réputation et auctorité pour tenir le
382 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
peuple en son offiee, veu les esmolions qui journelemeni survienneni et qu'ilz
n'onl trouvé meilleur moyen. Ce que pareillement ont trouvé bon .Mess" les
consaulx. En oultre sera eseript à Son Alteze, commeni la troupe de estrangers
aiani faiet les pilleries et brusié d s églises et eloistres allentour de eeste ville, se
sont retirez le jotir d'hier, aians mis le feu à S' Nieolas aux pretz. à la maison do
Caniberine appertenani à .Monsieur l'odieial et en la maison de .Mons de Marques
finalement. Sur la doléance des capitaines qu'ilz ne sont aueunement obéys
mesmemeni d'aucuns de leurs gens qui se rendent désobeissans et quant la
populace se vient à esmouvoir par faulte d'avoir aucuns soldalz promplz auprez
d'eulx. ny scaveni donner ordre, a esté arresié que chacun capitaine aura six balle-
bardiers, asscavoir quatre pour liiy et deux pour son lieulenanl aux gaiges de
quatre palars par jour qu'ilz pouront prendre et choisir et pareillement députer
comme ilz trouvcrront convenir, lesquelz seront subjectz en tout ce qu'il leur
commanderont, mesmcs de les suyvre sur rues pour donner promptement ordre
à toutes esmotions de la populace et d'esire lard it tempre, audevant des huis
desdiz capitaines et alentour à relTecI que dessus.
Consaulx rassemblez le lundy pénultième jour de décembre avec les ofïiciers
du bailliaige pour entendre le rapport de Mess" les prévoslz, de .Mons"^ le lieute-
nant, M" Guilame Haneton. eonseillier et de deux capitaines aians esté vers
Mons'' de Moulhais par charge de Mess" les consaulx pour communiquer avec Sa
Seigneurie tant sur l'ordre et pollice que l'on aura à mettre pour obvier aux
esmotions, que pour scavoir sy Sa Seigneurie trouvera bon d'envoyer en la (^ourl
aucuns députez mis en ject. Suyvant quoi a esté par ledit raport entendu que
sadicte S" ne vciilt aucunement nuire à la ville ny aux manans dicelle. sy ne
demande qu'amitié avec eulx, jasoit que à l'occasion d'aucuns trais d'arquebouses
qu'ont faicl ses soldatz sur lesdiz manans ci qu aucuns d'icculx aient esté blessé,
les susdiz manans se .soieni for! esmc uz. telement qu'à cesie cause ilz aient
homicide, le jour d'hier, l'un des soldatz du chasteau estant en la ville, lesquelz
Irais à pouldre Sa Seigneurie di>nit avoir esté faiclz contre son gré et n'a^oit sceu
bonnement contenir sesdiz soldatz. Tanl y a que pour l'advenir afTin de garder
amitié entre ceulx de la ville et du chastau. prometoil ne tirer canonades et que
ne seroit arqucbousé après lesdiz manans n'esloil à juste occasion causée par le
désordre et desrègle que lesdiz manans, pouroienl faire vers ledit chasteau ou
aucuns des soldalz y estans. Sy a esté Sa S''" d'advis d'envoyer en la Court le
eonseillier Du (.haujbgc. finablemcnt a esté advisé par Mess" avec les huit capi-
taines de dresser quelque publications à son de trompe, delTendant par icelle au
|)opulaire de la ville de soy fourer dedans les compagnies ny alentour dicelles,
estans à leur garde ou aultrement sur les rues pour mettre ordre aux esmotions
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 383
qui bien souvent advienneiit, à paine do fustigation ou d'eslre aullromonl puny à
la discrélion des Messieurs les prévoslz cl jurez. Et quant à ladite populace audit
cas d'esmolion, se dcbvra trouver sur la muraille ciiaeuu du costé de sa demeure,
asscavoir ceulx de Sainel Brixe el Saiiict Jean aux rcmpars eslans dudit costé
et ceulx de pardecha l'eau semhiablemeiit ou aullrenienl pouront demeurer en
leurs maisons sans eux trouver sur rues, excepté le magistrat de la ville et les
oniciers du bailliaige qui pour donner ordre ausdictes esmolions se debvront
trouver à ehiieuiie fois en la halle du conseil de ladicte ville; d'aultrepart pour
ce que durant les csmotioiis passées aucuns malings espris se sont ingérez sonner
le tymbre en forme d'alarmes, tellement que lesdicles émotions en ont esté de
tout plus augmentées et plusieurs manans tant femmes que aultres fort espovantez.
mesmes aucunes fenmies enceinles en dangicr de leur vie et de perdre leur fruict,
pour y remédier sera prohibé et delTendu à toutes personnes de quelque qualité
quelles soient de eux ingérer de sonner ou faire sonner le timbre quelque esmo-
tion quy adviengne, ii'esloit de l'auctorilé et consentement du magistrat ou
dbsdiz capitaines ou l'un d'eulx, sur paine de la mort sans déport.
Consaulx rassamblez avec les officiers du bailliaige et les capitaines pour oijr
lecture des lettres de Madauie la ducesse datées du xxiij« jour de décembre
xV^lxvj, lesquelles ordonnent de reehevoir garnison et à ce propos est arrivé au
chasteau ce jourd huy, Mons' de Noircarmes avec onze eiiseiii(/nes de piétons ei
aucuns yuidons de chcvaulx, lequel S' de i\oircarmes auroil auss} déclairé
verballement à >lessieiirs les consaulx et aucuns des capitaines qu il ne venoit
pour dér. ger à l'accord faict avec les conféderez, et que Son Alteze ratitïioit les
articles d accord aultresfois envoyez, surquoy Messieurs les consaulx aians con-
voequé plusieurs de la nouvelle relligion el aultres bourgeois el manans de ladicte
ville auroicnt advisé el résolu avec lesdiz capitaines et notables de reehevoir ladicte
garnison pour obéyr à Sa Majesté et à Son Alteze. ce que a esté rapporté à la
S''« dudit Sr de r^oircarmes quy a accepté ladicte responee et suivant icelle, mis
en la ville ladicte garnison le ij de janvier xv'lxvj.
Consaulx rassamblez le lundy sizième de janvier xvlxvj, pour oijr la lecture
des lettres envolées par Son Alteze à Mons-- de Moulebais en date du xv« de
décembre, lequel double a esté leu à ceulx de la nouvelle relligion, sy ont esté
admonesté d'eulx conduire et régler selon le contenu dicellcs el ayans oijz ladicte
lecture, se sont relirez el dudepuis Mesdisseigneurs les consaulx ont trouvé bon
affin que personne ne prélendit cause d'ignorance d'extraire du contenu des
lettres de Son Alteze eu dacte du iiij" de décembre et de celles du xv^ dudit mois,
tous les poins et articles y mentionnez el en faire quelque forme de publication,
laquelle monslrée audit S' de iNoirearmes auroit esté envolée en la Court par
384 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
iceliuy S"", où après avoir esté visitée auroit esté rendue ausdiz consaulx et à eux
promis de la faire publier aux brelesques de iadicte ville, ce qui a esté.
Le discours et advenue des choses que dessus a esté tenu
pour véritable par le cors de ceulx de la loy et officiers de
la ville de Tournay de l'an xvlxvj. Tesmoing le sein^ du
greffier dicelle ville icv mis.
(..)
Déclaration dex noms et soubznoms des personnes qui/ se sont trouvez en corn-
paiynie des ministres, ceulx du consistoire, ou en assemblée de ceulx quij se sont
déclarez tenir la rclifiion nouvelle es communications quilz ont eu avec le
magistrat de la ville de 'Imirnafi, les lirutena)it de haillij, conscilliers et officiers
de Su Majesté au Intilliaige de lournesis, tant présent liault et puissant
Seigneur Messire Pliilippes de Montmorency , admirai de la mer, chevalier de
l'ordre, commissaire, etc., Messire Jean de Cliasteler, chevalier. S' de Mon-
Icbais, d'Audegmjes, etc., le commissaire de la lorre, que aultrement.
Le personnage quy apporta les lettres du prédicant dont est touché es lettres
envoyées à Son Altczc couchées après le besoingne du septième du mois de
juillet, s'apelloit Jean Masure, bouchier, iceliuy estant bouchier de son slil.
Les personnages du serment Sainct Anihonne mentionnez au besoinjj;né du
douzième de juillet sont Anthonne Le (iry et Jean Boursier, que lors aussy feirent
de grandes exclamasses en déclairant ne vouloir prendre les armes pour empescher
les presehes, le filz dudit Le Gry et ung [ ] Carnoye dit Engrand.
Les menasses de mettre au délivre les prisonniers détenus pour le faict de la
relligion dont est touché par le second acte des consaulx tenus ledit jour, ont esté
f.n'cles par certaines lettres missives quy ont esté délivrées à Sire Jacques
Deffrayères, S' de Beusin, second prévost.
Le personnage qui présenta le requeste sur le nom des marchans mise après la
note du xxiiij« dudit mois, fut M« Nicolas Taffin.
Pour furnir au cinquième article de Mons"^ le fonte, faict à noter que les per-
sonnages quy acompaignoient les ministres quand ilz proférarent les propos
touchant les trois S" mentionnez au hesoingné du xxiij'^ d'aoust. estoient Mons'
de le Dalle, Nicolas Cauche, Jean Rombort, Gnilame de Torcoing, Hans Opalfens,
Jherommc du Poie. Jehan Wille, et pariarent tous les ministres, mais Amhroise
W'ille le plus et proféra les parolles touchani d'estrc en la protection des
seigneurs
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 383
Sur le vingtquatrième d'aoust, les assistens aux ministres esloient Mons"" dv le
Oaile, ^icolas (Jauche, Jehan Kombort, Guilame de Torcoing, Hans Opalfens,
Jherome du Pirre. Jehan V\ ille.
Le dixnopfièm(; jour de septembre comparurent pardevant les eonsaulx
Ambroise Wille, Estienne Marinier, prédicanx. acompagnez de M^ [Nicolas Tafïin
portant les parolles Guilame de Torcoing, Jean Sais, Jean Opalfens. Jean
Romborg, Jean Talleman, Andrieu Mcrman, Nicolas Cauche. ung que l'on disoil
frère d'Alexandre Decque, exécuté cy devant au chasteau, Jheromme du Pirre.
Simon Aymery, Franchois le Febvre, Jean Wille. Nicolas Ploucquet, Pierre
Chamart. Gilles des Kspringalles, Roland Petit et Jean Fourmenl.
Sur le besoingné du pénultième jour d'octobre, ceulx quy se disoient députez
delà nouvelle religion estoienl les ministres Wille et JMeriraer, M» Nicolas Talïïn.
Jehan Opalfens, Jheromme du Pirre. Guilame de Torcoing, Jean Sais, Le S'' de
le Dalle, Andrieu Merman, Jean Rombort, Nicolas Cauche, Jean Wille. Simon
Aymery. Gilles des Espringalles. Franchois le Febvre, Loys Sais.
Sur la note du second jour de novembre xv«lxvj, comparurent les deux
ministres, M« Nicolas TafHn, M« Pierre Cottrel, lVI« Gilles le Clercq, le S' de
Beaumez, le S"" de le Dalle, Loys Duboys, S' de Hauleval, le 8' de Hautmez,
Guilame de Torcoing, Jheromme du Pirre, Symon Aymeries, Jean Rombort,
Jean \\ ille, Gilles des Espringalles, Franchois le Febvre, Loys Says, Jean Opal-
fens, Amand Telier, Laurens Darre, Franchois Loyau, Guilame Bresoul, Andrieu
Merman, Nicolas Cauche. ung que l'on disoit frère d'Alexandre Decque, Philippes
Olivier. Guy et Nicolas Bernard, iVieolas Ploucquet. Pierre Chamart. Jean Says,
Jean Talleman et plusieurs aultres, et portarent les parolles lesdiz Taffln et
le Clercq.
Ledit jour après midy comparurent pardevant lesdiz S" eonsaulx lesdiz deux
ministres avec tous les dessusnommez et aultres, iceulx estoient Jehan Soreau,
Loys de Calonne, Jean Fourment, Guilame Thieulier, Gérard Joseph, Roland
Petit, Jean des Mares, marchant, Franchois le Febvre, Nicolas Moreau, Salomon
Minite, Jaspard le Brun, Loys Sais, Jacques Simon, Jean Picq et son filz, Franchois
de Hame, Jean Cambry, S"^ des iVlarés. Hermès de le Chapelle, Jacques le Febvre
dit Descammain, Pierre Fauconnier. Laurent Darre et grand nombre de menu
peuple tel qu'est acoustumé s'en trouver en l'auditoire de Messieurs les prévostz
et jurez, quand quelque sentence de mort se pronunche.
Sur ce septième de novembre, sont à noter M« Nicolas Tafiin. M« Gilles le Clercq
lequel par charge d'aullres voulut lire la requeste imprimée adressée à Sa Majesté,
estoient présens Jean Sais, Johanes Deffresnes, Jean de le Prée, Loys du Boys,
Tome 1. — Lettres, etc. ■iy
386 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
S' de Hauteval, Gilles des Espriugalles, Monsieur de Beaumez, Simon Aymery,
Mons' de le Dalle, Mons' du Haultmez et plusieurs aultres susnomez.
Le huitième de novembre, quand les responees de ceulx de la nouvelle religion
furent apportées aux consaulx, comparurent M" Micolas Taffln, M« Gilles le Clercq,
Gilles des Espringalles, Jheromme du Pire, Simon Aymery, lesquelles responees
furent délivrées par M» Nicolas Tatïin.
Sur le noefième de novembre, comparurent Hans Opalfens, Simon Aymery,
Jheromme du Pire, Estienne Gabry.
Le vingt-deuxième de novembre, comparurent M« Pierre Cotrel, Simon
Aymery, Jean Opalfens, Mons' de Beaumez, Jean Romborg, Loys du Bois, S"" de
Hauteval, Jaspart le Brun, Mons' du Hautmez. Jean Sais, Jean Soreau. Jacques
le Febvre dit Descammain.
Sur le vingtcincquième de novembre avec M* Pierre Cotrel ayant présenté
quelque protestation par escript. comparurent en qualité de notables (à ce qu'ilz
ont déclairé) Messire Guilame de Maulde, (chevalier, Seigneur de Manssart.
Anthonne de Lannoy, S' de Bailleul. Loys du Bois, escuier, S' de Hauteval,
Simon Bernard, escuier, S' du Mont, Francbois Dennetières, S' de Beaumez,
Pierre de Preys, S' de le Dalle. Sire Jacque du Bois, Anthonne de la Fosse,
Nicolas Bernard, Laurens Darre.
Ledit jour vingtcincquième de novembre après midy. pardevant Messieurs les
consaulx, comparurent comme estans du consistoire des deux ministres, Loys
Says, Gilles des Espringalles, lequel apporta la responce du consistoire escrite de
sa main, Jehan Opalfens, Guilame de Torcoing, Nicolas (fauche;
Sur le besoingné du noefième de décembre du matin, a esté exhibée l'infor-
mation. Sv estoient présens comme notables le S' de Beaumez et de le Dalle.
.\1« Pierre Cottrel. Jaspart le Brun. Jean Opalphens, Anthonne de la Fosse,
Eluthere Pelé, Pierre de Vilers. orfebvre, Jean Drappier dit Bourgoingne, lesquelz
pouront déposer de ce quy s'est passé ledit jour pour furnir à l'article viij dudit
S' Conte
Sur l'advenue dudit jour de l'après midy, information a esté tenue, sy est
exhibée.
Sur le dixième de décembre, avec les deux ministres comparurent pardevant
les consaulx Simon Aymery. Jean Bombort. (îilles des Espringalles, Jean
Opalfens, Mcohis (fauche. Jean Soreau. l>oys de Calonne, Loys Sais, que lors
lesdiz minisires déclairarent ausdiz consaulx qu'il adviendroil grande effusion de
sang, le cas advenant que l'exercice de leur religion leur fut empeschée. mainte-
nans icelle leur avoir esté accordée par les presches comme unie et nécessaire-
ment dépendante dicelles.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 387
Et audit jour, (iilles des Espringalles porta la requeste faicte sur le nom de
plusieurs gentilzliommes, bourgeois, raarchaas et aultres. Le jour de diinenche
advint la deffaite emprez Lannoy et le lendemain se feirent deux effrois en
Tournay, et sont chargez d'avoir sonné le timbre ou assisté à faire sonner icelluy,
le bastar de Adrien Pertris, justice de l'eschevinagc de Tournay, Franchois le
Febvre. Nicolas Gauche, ung de son stil savattier et pastinier en la Chaingle,
Gilles [ ] et sa femme, Jean [ ].
La déclaration que dessus a esté tenue pour véritable par
record de ceulx de la loy et otîiciers de la ville de Tournay
de l'an xv«lx|vj|. Tesmoing le seing du grefiBer dieelle ville
icy mis.
(s.) LiEBART.
(Archives du Royaume, Conseil des Troubles, Reg. n" 32.)
VI (XVIII). — 1564-1565.
Projet de règlement pour rorganisaliou de la bietilaisaiice à Tournai (').
PREMIER POURJECT ET DÉLIÉNATION DE LA POLICE QUY SE POURA GARDER
EN LA VILLE ET CITÉ DE TOURNAY SUS LE FAICT DES PAUVRES.
Prothéorie.
Pour donner ordre ou faict des pauvres, par le mauvais gouvernement et oysi-
veté desquelz sont advenus par le passé plusieurs inconvéniens et choses scanda-
(') Voici deux extraits qui prouvent que ce projet d'organisation de la bienfaisance publique est dû au
conseiller pensionnaire de Tournai, Jacques Le Clereq :
A Monsieur Maistre Jacques Leclercq, second conseillier de ceste ville, pour avoir formé et ordonné le
premier jectz concernant le police que Ion poura garder sur les faictz des paovres en ceste ville. . . vilb.
(Archives communales de Tournai, Compte général de iS64-lotf5, fol. 49 r".)
De scavoir sy on publyera à son de trompe le project faict par Monseigneur maistre Jacques Le Clereq,
second conseillier et pensionnaire de la ville, four induire les manans de ceste ville à faire quelque aulmosne
388. PIÈCES JUSTIFICATIVES.
leuses en la ville et cité de Tournay, Messieurs de l'élat ecclésiaslicque, prévoslz.
jurez et conseil dicelle ville et les otlîciciers du bailliaige de Tournesis par
plusieurs fois rassemblez es premiers jours des mois de janvier, april. juillet et
octobre, ont flnalement conclu et arreslé après avoir debatu les raisons et moyens
quy faisoient en tel cas à considérer, que ung tant bon œuvre se pourroit effectuer,
sy Ion esloit aulhorisé d'establir et meclre sus de nouvel une bourse commune
ou thrésor. quy serviroit à subvenir à toutes nécessitez des paouvres tant manaus
qu'estrangiers, sans admectre ny tolérera l'advenir mendication quelconque. Pour
à quoy parvenir fust trouvé expédient d'abolir tous les liopitaulx qui sont plu-
sieurs en ladicte ville, saulf les deux plus amples et riches, cestuy de Nostre-Dame
et cestuy du .Vlarvy, comme estant baillée occasion d'oysiveté à plusieurs gens
enclins à paresse et de ceur abject, par estre les biens de iceulx hospilaulx mal
répartis et distribuez, tellement que le revenu annuel de telz lieux à abolir seroit
le premier fondement et dotation de ladicte bourse commune, y estant joint le
bien appertenant aux pauvres par fondation ancienne en chascune paroice, le
tout par ensemble montant a six mil sept cens florins ou environ, après les
charges de chaque lieu sufDsamment furnies. Et pour autant que à subvenir
auxdiz pauvres sans mandier, il conviendroit que ladicte bourse eust en revenu
annuel la somme de 24000 fleurins ou mieulx, comme est apparu par le pourject
quy a esté faict pour scavoir à peu près la somme en tel cas requise, Ion a advisé
de trouver moyen du commencement de flner bonne quantité de deniers, d'em-
pescher la confluence des estrangiers et de comraectre certains officiers à l'admi-
nistration des biens de ladicte bourse, qui entendront aussy au gouvernement et
conduicte des pauvres, et en somme d'enclierger quelcun de pourjecter une forme
de police quy se pouroit garder en tel endroit, ce quy a esté faicl estant le tout
comprins soubz cincq chapitres qui sont telz : I. Des officiers commis sus le faict
des pauvres et de leur conduicte; II. De la manière d'amasser argent; III. D'abolir
par sepmaim et icelles continuer à l'advenir pour establir une bourse commune pour subvenir à La nécessité
des povres.
On est d'assens Je faire publyer ledit project lequel a esté lut à Messeigneurs les consaulx, suyvant lequel
ont esté commis pour induire lesdiz manans à faire lesdictes aulraosnes et en faire acte, assavoir pour la
paroiche S' Brixe, le prévost de la commune et le mayeur de S' Brixe, pour la paroiche S' Jacques, le
second prévost et le mayeur des finances, pom- la parroiche S' Quentin, le mayeur Le Coeq et maistre
Nicolas l>iébart, pour la paroiche Noslre Dame, Marcq Mamuchel et le conseiller Hanneton, pour la
paroiche S> Piat, Allard Bourgeoys et le Seigneur Dufay, pour la paroiche S'« .Marglierite, Jacques de
Cambry et Rasse de Bucquet, pour S' Xicaise, Jehan de Uechem et Thomas le Maire, pour la Magdeleine,
La Fosse et Dennetière, pour S' Piat, Jelian Vangermès et Jehan Villain, pour la paroiclie S' Jehan, Léon
du Prêt et Toussaint le Saige ; pour S'" Catherine, Rogier Godebrye et Simon de Hornul.
(Archives communales de Touraai, Cousaui, séance du llijanvier 1S64.)
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 389
la niendicalion des pauvres et comme à ieeulx. sera pourveu et ilz auront à se
renier; III I. (lomme l'on doibl ayder aux pauvres eslrangiers et Irai 1er les pèle-
rins; V. Des escoles et maislres qui enseigneront la jeunesse.
I. Des officiers commis, etc.
Seront esleuz quatre personnages par Messieurs de Testât ecclésiastique et les
consaulx de la ville, ausquelz la charge et superintence généraile de subvenir aux
pauvres sera donnée, a l'assislence desquelz en pourront estre députez deux ou
trois aultres par cliacque paroice. quy feront les pourchas des aulmosnes des
bonnes gens es églises et maisons et visiteront les pauvres au lieu de leur demeure,
pour sinformer de leur estât et juste nombre, adfin d'en advertir les généraulx et
adviser par ensemble de subvenir à chascun selon son indigence. Pour à quoy
parvenir, ieeulx commis ordonneront et feront administrer vivres, vestemens et
aultres choses nécessaires à tous en la forme et manière que à leur arbitraige sera
trouvée le plus expédient, eu esgard aux qualitez, gouvernement et inclinations
des personnes, à quelle fin se dresseront certains billietz d'ordonnance contenants
lestât de chascun qui ne poura estre excédé, n'est du consentement exprès des
généraulx après rcmonstrance à eulx faicte. Pareillemenl, lesdiz oITiciers admo-
nesteront les vagabondes et inulilles à bien vivre et se gouverner comme à gens
de bien apperlient, et silz aperçoivent qu'aulcuns persistent en vie dissolue, en
pouront advertir Mess" les prévostz et jurez pour de par eulx y estre pourveu
comme de raison, et conlrainderont les robustes et bien dispostz à gaigner leur vie
en tra veillant et chascun faisant sa besongne. mesmes choisiront les jeusnes enfans
pour envoyer aux escolles et estudes, silz ont lesprit adonné aux lettres, et aux
rudes feront apprendre ung mestier.
Daultre part, ieeulx commis généraulx et particuliers se rassembleront le
samedy après midy, présens lung de Messieurs les prévostz, aultres dépputez de la
loy et quelque grelïier, pour illec traictier de toutes matières concernantes le faici
des pauvres, pugnir les Iransgresseurs des ordonnances sur ce édictées, ouvrir les
boittes quy auront servy à la queste de la sepmaine, y eslans mises les aulmones
des bonnes gens, faire note des sommes recheues et prendre dicelle bourse quelque
quantité de deniers requises pour subvenir aux pauvres de chascune paroiscbe
selon Testât et distribution à garder par les conunis particuliers. Etsil y a quelque
mesnage devenu malade ou teumbë en fortune, Ion prendra aulcuns deniers pour
les secourre, dont se fera nolte au chapitre des mises et ce sur la remonslrance
quy sen pourra faire audit jour par ceulx quy s(î vouldront présenter, comme aussy
sera loisible à touls pauvres de venir déclairor et remonslrer leur indigence, alUn
390 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
d'à iceulx eslaniz ouys et informacion tenue sur leur donné à entendre, les aul-
mosnes estre augmentées selon que sera trouvé convenir.
Pour à quoj donner bon ordre se feront trois registres, lung contenant le
revenu annuel et certein du bien propre à la bourse commune des pauvres,
laultre de l'argent reçeu du pourehas. dons testamentaires, contributions des
cloistres et abbayes, amendes adjugées aux pauvres et toutes aullres aulmosnes à
iceulx, et le tiers contiendra les mises et dispence à soustenir. — Finallement pour
éviter toute soupçon de tromperie ou lareein au faict de telles receptes, les
commis généraulx renderont compte de l'argent reçeu et exposé pour les pauvres
en publicq présent le magistrat, et ce de six mois en six mois, et les particuliers
de mois en mois pardevant les généraulx et aultres rassemblez, le susdit jour de
sabmedy seullement.
De la manière d'amasser argent.
Pour furnir aux frais qu'il fauldra soustenir à lalimentation des pauvres, sera
besoing d'instituer un thrésor ou bourse commune quy se pourra du commence-
ment funder des deniers et revenus revenus appertenans aux communs pauvres
de chascune paroice et aulcuns hospitaulx, estans prouveu à leurs charges. En
après sera augmentée par les aulmosnes quy se pourcliasseront les jours de fesles
et dimenches es églises durant le sainct service à la recomiuandacion des prédi-
cateurs en leurs sermons, et ung jour par sepmaine par les maisons de chaseun
manant. Et se fera ieelluy pourehas par gens ad ce députez, aians une boitte serrée
à deux cleflz, dans laquelle chaseun nieltera à sa discrétion. Seront aussy establis
troncqs es esglises pour recepvoir les aulmosnes de ceulx quy y auront leur
dévotion, davantaig(; seront mis en icclle bourse tous legatz, dons testamentaires
et généralleraent toutes aulmones qui se poulront faire par ijens affectionnez aux
pauvres. — Sy queleun se treuve décéder jouyssant de quelques biens sans
délaisser enfans, sur iceulx biens se poura répéter la somme quy luy aura esté
délivrée du bien des pauvres par succession de temps durant sa vie. laquelle sera
remise en la bourse, le tout selon la note quy en aura esté faiete sur le registre,
à quelle fin se venderont par haulce et renchère les biens dellaissez par lesdiz
deffunclz, après les avoir inventoriez el ce jusques à la somme par luy receue.
assistens à telle vente et inventoire les commis particnliers de la paroische dont
ilz renderont compte et estai pardevant les généraulx.
D'abolir la mendicalion, etc.
Sera inhibé et deffendu que nul quel quil soit, homme ou femme, natif de la
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 391
ville ou cstranger malade, impotent, ou sain et bien dispost, s'advance de mendier
son pain tant aux églises, eemytières, leurs entrées et portailz comme aval la ville
es rues ou maisons, afin que par tel moyen la multitude des gens oyseux et
inulilles. quy emprcnncnt lousjours sur la commune sans y apporter, soit cnthiè-
rement extirpée comme iceux se trouvans indignes désire aidez ou pourveus
d'alimens par ne voulloir Iraveiller et ce, sus peine d'esire le contrevenant mis
huict jours au pain et à leau pour la première fois, pour la seconde destre fouetté
publicquement et pour la tierce désire banny de ceste ville et cité, pooir et
banlieue diceile Icspace de trois ans continueiz. — Ce néantmoings, les personnes
malades, boyteux, aveugles ou aultrement impotenset n'aians la force, puissance
ou moyen de gaigner leur vie, tenus pour manans de eeste ville, pouront
remonstrer leur pauvreté, indigence et misère aux maisfres et commis sur le faict
des pauvres sans pouvoir aulcunement mendier, et se tiendra la main à ce que
telle manière de gens ne soit de facil receue en la ville. — Pareillement, tous
manans de ceste ville de quel estai, qualité ou condition quilz soient, dores en
avant ne pourront aulcunement donner aulmones aux mendians en publicq, par
les rues, aux portes de leurs maisons ou es églises, ains leur sera loisible
seullement de secourir au\ pauvres honteux et aultres demeurans en leurs
maisons que ilz trouveront estre à faire.
Que les pauvres aidez de aulmones de la bourse commune seront tenus, durant
le temps quilz en seront pourveuz, de porter quelque enseigne ou marque, quy à
ce s'establira, et ne se distribueront aulmosnes aux deffaillans de la porter, à peine
de les recouvrer sur les eomuns quy en ce se seroient oubliez. — Ceux quy
diront ne scavoir trouver ouvrage, seront tenus de se représenter pardevanl les
commis de leur paroice pour estre adressez à en recouvrer et en faulte de ce on
les pourvoiera d'aulmosnes.
Sera faicte inhibition que nulz hosleleus. taverniers, carbaretiers ou maistres
des hospilaulx ne s'advancent d'allimcnter de vivres ou loger en leurs maisons
pour longhcs traicte de temps, gens vagabondes et n'exerçans slil aulcun en
ladictc ville, ains les pouront recepvoir seullement une nuiet, et ce sy avant
qu'ilz soient passantz et estrangiers.
Que personne aulcune estant aydée de l'aulmosne commune ne se treuve es
tavernes, bouloires ou lieux députez à telz estatz et hasetz, esquelz Ion sy adonne
à ivrongner ou haseter les dimenches, fesles ou jours ouvriers, sus peine de
fustigation, privation d'aulmosnes, banissement hors de la ville ou aultrement, à
la discrétion de Messieurs les prévostz et jurez. Sy ne poulront les dis osteleus,
taverniers ou carbartiers accorder assietes ou plaehes à boire, jouer et haseter à
aulcuns vivans desdicles aulmosnes, sus peine de dix earolus d'or, pour chascune
contravention applicable à la bourse commune.
392 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Que personne n'accroye aux pauvres vivres et despens de bouche pour plus
loniitemps que de deux jours, à peine de neslre paie le créditeur par lesdiz
commis.
Par provision, neslant encoires la bourse suffîssanle à alimenter tous pauvres,
aulcuns, ausquelz ne sera secouru pouroit mendier ayaniz ung petit bulelin ou
enseignement à eulx octroie par les commis, moiennant lequel iiz pouront men-
dier aux portes des maisons seullemont. — Que cestuy quy s'advancera d'aban-
donner son mcsnage. soy confiant en ce que à icelluy sera secouru par aulmosne
de la bourse commune, sera appelle et par contumache banny de ceste ville.
Comme l'on doiht... etc.
Ceulx qui viendront avec leur famile pour demeurer en la ville à intention
d'estre nourys et sustentez de la bourse commune, ne seront point receuz fors
ceux qui seront en nécessite extrême, comme par guerre, péril de mer. par feu
ou aullres grands accidens, afin que le noml)re des pauvres ne viegne à exéder
leur revenu. A quelle occasion, deffense sera faicte aux ciloiens de la ville de non
louer maisons aux estrangiers sans le consentement du magistrat, de tant qu'ilz
soit plus expédient de ne recepvoir aulcuns estrangers que de permectre ceulx
qui sont de la ville et bien cogneuz vivre en indigence, estant icelluy injuste,
quy nayme mienlx aider à ceulx qu'il co^noit qu'aux estrangers quand il ne peult
ayder à tous.
Les pauvres passans et estrangiers impotens ou sains et disposlz venus en la
ville avant mydy ou peu après, se trouveront en la maison d'ung des commis
particuliers pour de par luy à chascun estre donné ung pain de viij deniers plus
ou moins à sa discrétion, duquel estant repus et sustenté icelluy passant se
retirera soubdain hors de la ville. Mais ceulx quy viendront en ladicte ville après
midy sus les '2 ou .5 heures, se trouveront pareillement vers l'ung desdiz commis,
lequel leur baillera certain plommel, affln de moiennant icelluy. estre recheu en
quelque hospilal pour une nuict seullement, sans que nulz estrangers soient
recheuz en telz lieux par aultre voye, et ny pouront retourner de la en avant fors
qu'au bout d'un mois, sus peine dVstre pugnys depiiin et eau l'espace de huict jours
eontinuelz. — Bien entendu toutesfois que lesdiz commis s'informeront deuement
de la cause du parlement des passaniz et estrangiers. du lieu de leur résidence et
selon que luy en sera aparu, par certification du curé ou principal officier dudit
lieu et à son arbitrage les poura ponrveoir en la manière susdicle ou promptemenl
renvoyer hors ladicte ville comme vagabondes et indignes désire alimentez, adfin
d'éviter la concurence de telles gens, lesquelz considéré le Iraiclement quy leur
pouroit estre faict se trouveroient en ceste ville à propos et en bon nombre.
PIÈCKS JUSTIFICATIVES. 593
Et les demcurans à coucher en la ville n'auront pour leur soupper que ung
pain de quatre deniers, ung demy lot de petite bierre et pour qualtre deniers de
heure ou fromage, feu, potaige el le coucher à lacouslumé, n'estoit qu'ilz fussent
notoirement malades, que lor.'î ilz |)ouront tarder plus longtemps qu'une nuict
pour estre pensez et Iraiclez comme leur indigence le requcrrera, ce quy aura
lieu es aullres dcstruiclz par guerre, feu ou aultre danger, dont ils feront deue-
ment apparoir par certification.
Des escoles et maislres quy enseigneront la jeunesse.
On érigera de nouvel deux eseolles où journellement seront enseignez les
jeunes enffans des pauvres estans secourus de la bourse commune et ce tant es
lettres vulgaires que bonnes meurs, desquelles l'une servira aux garsons, l'aultre
aux nilelles. Ht quant aux jeusnes, quy se sont des']a mis à besongner de sorte
que aux jours ouvriers ilz ne ont bonnement le loysir et comodilé de se trouver
esdictes escoles pour y eslrc endoctrinez, ilz auront leur recouvrer les festes et
dimenehes après le service divin achevé, que lors lesdiz maistres seront tenus
d'entendre à euls.
Pareillement, icculx maistres tiendront la main à ce que leurs disciples aillent
à la messe et sermons chascun jour de dimenehes et festes, les faisant à ces fins
rassembler et conduire en ordre à heure compétente.
Les commis particuliers cstablis en chascune paroisehe tiendront registres des
pauvres enfans de leur quartier pour iceulx faire apprendre quelque stilz, s'ilz
sont en âge capable, et les louer el obliger à demeurer aux mestiers à tel temps
qu'il sera advisé par les commis gériéranlx et aultres députez, lesquelz reeepvoir
(sans prendre aultre chose que l'obligation) seront constraiiiclz les maistres es
mestiers de ceste ville par toute voie deue et raisonnable.
Mesmes les pères ayans enfans capables à apprendre quelque sliz seront cons-
Irains par les commis à faire lesdieles obligations, silz se Ireuvent négligens de
les faire apprendre. Lesdis maistres seront salariez des deniers venans de la
bourse commune et seront eslablis ou destituez à l'arbitraige des commis et
aullres députez.
(Archives déparlementales du INord, à Lille, fonds Errenibault, n" 98,
pièce n° 85. — Document sur papier, 13 f"* in-4<>.)
Tome I. — Lettres, etc. SO
394 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
VII (XXVI). — 26 novembre 1576.
Convcnlioii cnlic Pierre de Meleuii et la garnison allemande.
Poinlz et articles convenu?, et accordez entre Monseigneur le Seneschal de
Haynn.uilt, Gouverneur et Bailly des ville, chaslel et bailliaige de Tournesiz
dune part et le S' baron de Kindsich. lieutenant coronel du baron de Frausberg
et les S" capitaines Jean Jacques Welser et Chrisloffle Belhem pour leur retraiclre
et des soldalz ayons tenu garnison soulz leur cherge en la dite ville de Tournay,
jusques le xxvje du mois de novembre soixante seize.
Premiers que les dits seigneurs capitaines et soldalz sortiront prestement de ia-
dicte ville moyennant le reste du secours du mois passé portant environ trois mil
florins, reste de trois mil escus de secours par mois, en quictant Messieurs des
Estatz et pays du surplus que leur pouroit cstre deu de leur solde et gaiges.
Que lesdits trois mil florins leur seront comptez prestement leur retraicle, pro-
mectant de payer tout ce qu'ilz peuvent debvoir et ont accreu aux bourgeois et
manans de ladite ville, sur le premier payement qu ilz obtiendront de Sa Majesté,
sur lequel sera faict discompt et donneront à ces fins chacun desdils capitaines
leur cédulles et obligation pour leurs compagnies respectivement.
Et affin que le pays plat soit moins foullé et que ne soit besoing leur donner
compaignies pour leur faire convoy lesdits capitaines délaisseront en ceste dite
ville en oslaige six gentilzhommes de leur dite compaignies, lesquelz par après
seront sceurement conduit jusques aux frontières d'AIlemaigne, prestement que
le commissaire qui aura conduiet lesdites compaignies sera de retour en ceste
ville et à ces fins sera obtenu passeport et saulfconduict tant par mesdits Seigneurs
des Estatz que ledit Seigneur Seneschal.
En oultre pour aullant que ledit Seigneur baron de Frausberg suyt de présent le
parliz des Espaignolz mutinez, debvront lesdits capitaines et soldatz presler
serment par devant et es mains du S' Seneschal de ne servir ausdits Espaignolz,
ni aultrcs contraires an Roy notre Sire et Estatz de ce pays, endéans demy an,
à compter de ce jour et sortiront le chinieau (?) estainct.
Ainsy capitulé, traicté et accordé entre ledit S' Seneschal et capitaines les jour,
et an susdits; tesmoings leurs seings ci mis soubsignés : Pierre de Werchin, Mar-
girardt Freichi zùr Himgsegh. Hans Jacop Welser, zùrSleperg, Christolïle Behem.
Et plus bas estoil cscript collationner et trouvé accorder à l'acte originel par moy
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 595
greffier civil de 'lournay soubsigné ce xxvj« en novembre 1376: soubsignc, De
Landas.
(Archives départementales du Nord à Lille. Registre intitulé :
« Documents d'intérêt général, Troul)les religieux des Pays-Bas.
Article B. Ancien T 48, n» 59 ». — Ce document est une copie
collationnée par le greffier de Tournai, De Landas, sous la date
du 26 novembre 1579.)
VIII (XXVII). — 6 octobre 1578.
L'archiduc Malhias défend l'exorcice du culte calviniste dans Tournai
et le Touinaisis.
Mattbias, par la grâce de Dieu archiduc d'Auslrice, duc de Bonrgoigne, Styrie,
Carinthie, Carniole. Wirlenbcrg. etc., comte de Habsburcb, Tirol. etc.. gouver-
neur el capitaine général des pays de pardeça,
A noz très chiers et bien amez gouverneur, prévost, jurez, maycur. esche-
vins et consaulx et tous aultres justiciers et officiers de Tournay et Tournesis
quy ces présentes verront, salut. Comme sur diverses requestes à nous présen-
tées par les bourgeois, manans et habitans de ladicte ville protestans désirer
vivre selon la réformation de l'évangille, estans requis de permectre ' enthier
et libre exercice de leur religion el à ce leur faire assigner lieux capables el con-
venables, ayons (auparavant l'accorder ou retîuser) trouvé bon d"i;n avoir l'advis
de vous susdiz gouverneur el magistratz de Tournay et sur tout que à ce
peult servir nous informer et que ne trouvons convenable de légièreraent admettre
nouvellitez et •hnngement d'exercice de l'anchienne religion, pour plusieurs causes
et raisons dont sommes informez, pour ce est il que désirans ung chascun main-
tenir en repos et tranquililé el pour pluiseurs raisons ne trouvans convenir
d'admeclre ledit exercice publicq de ladite religion dite réformée, ny d'assigner
les places requises en ladicte ville et baillage, avons pour le lieu que tenons,
interdit el detTendu. interdisons et deffendons à tous manans et habitans de ladicte
ville cité et pays de Tournay et Tournesis. de quele qualité ilz soient, d'exercer
ladicte religion dite réformée au dehors et aullrement que porté et permis est par
ladiele paciffication de Gand et déclairacion et asseurance ensuivie du x« de
décembre xv^ soixanle-dixsept. Sy vous ordonnons chascun respectivement au
district de son office faire bien eslroictement garder et entretenir icelles en tous
leurs pointz et articles el punir les contraventeurs des peines y comminées à
596
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
l'exemple d'aultres. et. afïin que personne n'en puist prétendre ignorance, vous
ordonnons, chascnn endroit soy et sy coaie à luy appertiendra, que ceste présente
déclaration, deflence et ordonnance publiez et faictes publier chascun es mectes de
voslre jurisdiclion où l'on est acoustumé faire criz et publications, et que l'entre-
tenez et observez selon sa forme et teneur, car ainsy convient pour le service et
repos du pays. Faicl en Anvers le vj« jour du mois d'octobre xv<^ soixante-dix-
huyt. Soubsigné Matthias, et plus bas estoit escript, par ordonnance de Son
Alteze et signé M. Gille et cachetée du cachet de Sa Majesté.
(Archives communales de Tournai, registre n" 345, f^- 107.)
COMPLÉMENT A L'APPENDICE (').
i
a
a
o
Dates.
Nom et prénoms.
Profession.
Genres
DE JIORT
RÉFÉRENCES.
a
ai
1
y,
-y.
O
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
H
12
1568. U avril.
1568. 18 juin.
1568. 18 juin.
1568. 21 juillet.
1568. 21 juillet.
1568. 21 juillet.
1368. 21 juillet.
1368. 29 septembre.
1568. 29 septembre.
1368. 8 novembre.
1568. 8 novembre.
1568. 8 novembre.
Desmilecamps, Arnould . . .
de Lobleau, Pierre
de le Grange, Chrétien, dit Bon
[Chrétien.
Broucq, Claude
Castellain, Pierre ....
Glorieux, Jehan
Mas, Simon
Fiefvet, Pierre
Notet, Jacques
Bleuzet, Hector ....
Turut, Jehan
Leseroart, Jehan
laboureur
bouvier
carlier
laboureur
laboureur
laboureur
laboureur
couturier
carlier
hautelisseur
hautelisseur
—
F" 122 T".
F» 122 V».
Fo 123 yo.
F" 124 r°.
F» 124 V".
F" 123 V».
F» 126 ro.
F» 1-J6 V».
Fo 127 r».
F" 128 r».
Fo 129 r».
F» 130 r".
(Archives du Royaume. Papiers d'État et de l'Audience. Reg. n"5.30,
aux folios indiqués dans la colonne Références.)
(*) Nous devons ces renseignements complémentaires à l'obligeance de M. Jean Meyhoffer.
TABLE DES MATIERES
Pages.
Préface 3
Documents et travaux consultés
PREMIERE PARTIE
Conquête anglaise et annexion du Tournaisis aux Pays-Bas.
CHAPITRE PREMIEH.
CONQUÊTE ANGLAISE.
I. La France veut faire de Tournai une place forte de premier ordre, à cause de la
situation géographique du Tournaisis. — H. Conséquences de celte situation
géographique durant les luttes de la France avec les ducs de Bourgogne; traité
de 1478. — III. Siège de 1513 et prise de Tournai par le roi d'Angleterre,
Henri VIII H
CHAPITRE II.
RETOUR DU TOURNAISIS A LA FRANCE (1S18).
1. Etat des esprits après la prise de Tournai par Henri VIII. — II. Politique de
François I"'' à son avènement au trône. — III. Ambassade de Bonnivet à Londres
et traité de Londres du 14 octobre 1518 23
CHAPITRE m.
ANNEXION DU TOURNAISIS AUX PAYS-BAS (1S2I).
I. François I""' renoue les traditions séculaires de la France à l'égard de la défense
de Tournai. — II. La France suscite la guerre ;\ Cliarles-Quint. — 111. Investis-
sement, puis siège de Tournai. — IV. Conspirations en faveur de la France.
Leur échec 30
398 TABLE DES MATIÈRES.
DEUXIÈME PARTIE
Institutions.
CHAPITRE PREMIER.
INSTITUTIONS COMilUNALES DE TOURNAI.
Pages
I. La charte de 1424. — IL Ses principales dispositions. — III. Juridictions prévô-
tale et scabinale sous l'empire de cette charte. — IV. Abolition de cette charte.
— V. Modifications apportées par Charles-Quint au recrutement des magistrats.
— VI. Juridiction scabinale sous Charles-Quint. — VIL Juridiction prévôtaJe
sous Charles-Quint 54
CHAPITRE II.
INSTITUTIONS ROYALES ET INSTITUTIONS JUDICIAIRES ECCLÉSIASTIQUES.
LE BAILLIAGE ET LES OFFICIALITÉS.
I. Le bailliage et sa compétence; ses fonctionnaires et leurs attributions. — IL Le
bailliage sous Charles-Quint. — III. Les ofiicialités et leur compétence. ... 69
CHAPITRE III.
INSTITUTIONS PROVLNCLALES.
I. Origines de la formation de la province du Tournaisis. — IL Les États : leur
composition; leur rôle; leurs prérogatives 72
TROISIE.ME PARTIE
Après la Conquête. — La Réforme.
CHAPITRE PREMIER.
PREMIERS TESIPS DE LA RÉFORME.
1. Impôts; mœurs du clergé. — IL Premières condamnations et exécutions pour
cause de religion. — III. Organisation de l'Eglise réformée de Tournai; Pierre
Brully. — IV. Guy de Bray; les premiers troubles (ly61). — V. Nouveaux
troubles (L'îeS); suppression de l'École d: i) étorique. — VI. Concile de Trente ;
compromis des Nobles; Floris de Montra ncncy. — VIL Les prêches; les Icono-
clastes ; leur défaite à Marchiennes 76
TABLE DES MATIÈRES. 399
CHAPITRE II.
APOGÉE DE LA RÉFORME.
Piges.
1. Arrivée à Tournai d'Eustache de Fiennes, seigneur d'Esquerdes, et de Jean de
Montigny, seigneur de Viilers; leur mission. — II. Arrivée du comte de Bornes;
il autorise les prêches urbains et fait un compromis avec les calvinistes; il leur
assigne quelques endroits pour leurs prêches en ville. — III. Les calvinistes
obtiennent l'autorisation d'élever des temples et demandent de pouvoir se
livrer à leurs rites religieux. — IV. Départ du comte de Hornes; appréciation
de sa conduite. — V. On promet aux calvinistes la tolérance des magistrats
concernant l'exercice public de leur religion 134
CHAPITRE m.
DÉCLIN DE LA RÉFORME.
1. La réaction; Marguerite de Parme défend l'exercice de la religion réformée; inter-
diction des prêches urbains. — II. Émotion populaire ; arrivée de nombreux
Flamands; pillage des abbayes; défaites de Wattrelos et de Lannoy. —
III. Entrée de Noircarmes à Tournai; ses effets; départ de Noircarmes. —
IV. Le duc d'Albe. — V. Résistance au duc d'Albe : les Feuillars et l'opposition
aux x«, xx= et c* deniers 1S2
QUATRIÈME PARTIE
Suites de la Réforme.
CHAPITRE PREMIER.
LE TOURNAISIS ET LES ÉTATS-GÉNÉRAUX.
I. Requesens; le Pardon. — II. Le Conseil d'Etat prend les rênes du Gouvernement.
— m. Furie espagnole; la Pacification de Gand. — IV. Nomination de Pierre
de Meleun comme gouverneur de Tournai ; ses agissements et son but. —
V. Union de Bruxelles et Édit perpétuel. — V[. La Paix de religion. —
VII. Confédération d'Arras; Union d'Utrecht. — VllI. Scission parmi les Etats
de Tournai -Tournaisis 193
CHAPITRE IL
SIÈGE DE 1581.
I. Les Malcontents. — 11. Pierre de Meleun est nommé superintendant de Tournai-
Tournaisis. — III. Situation de Tournai au point de vue religieux. — IV. Pierre
de Meleun prend l'offensive. — V. Le siège et ses suites. — VI. Le rôle de la
princesse d'Espinoy et le vol des argenteries 226
400 TABLE DES MATIÈRES.
CINQUIÈME PARTIE
Situation économique et sociale
CHAPITRE PREMIER.
AVANT L'iLNXEXIO.N^ DU TOLRXAISIS AUX PAYS-BAS.
Pages.
I. Prospérité du Tournaisis durant les XIV'^ et XV« siècles. — II. Commencement
du déclin. — III. Ses causes. — IV. Mesures de restauration. — V. L'occupation
anglaise 2o8
CHAPITRE II.
APRÈS L'AiMSTlXION DU TOURiS'AISIS AUX PAYS-BAS.
I. L'annexion devient une nouvelle cause de décadence; les aides; la garnison. —
II. .Mesures prises pour remédier k la décadence économique; sécularisation
de la bienfaisance. — III. Organisation de l'enseignement primaire communal. —
IV. Amélioration de l'hygiène publique. — V. Secours pécuniaires. — VI. Les
luttes religieuses empêchent ces mesures de porter leurs fruits 269
Appendice. — Liste des personnes exécutées à Tournai de lo61 à lo70 pour hérésie
ou contravention aux placards 293 et 396
PIÈCES JUSTIFICATIVES
I (VU). — 19 février 1322. — Les magistrats de Tournai demandent l'annexion de
leur ville à la Flandre 302
II (X). — 14 octobre lo61. — Les Commissaires royaux font leur premier rapport
i'i Marguerite de Parme 304
III (XI). — 15 octobre lo61. — Deuxième rapport des Commissaires à la Régente. . 309
IV (XVI). — 4 août 1363. — Rapport des Commissaires à la Régente; L'école de
rhétorique 310
V (XVII). — 1366. — Rapport du Magistrat de Tournai sur les troubles de 1366 . . 312
VI (XVIII). — 1364-1363. — Projet de règlement pour l'organisation de la Bienfai-
sance à Tournai 387
VU (XXVI). — 26 novembre 1576. — Convention entre Pierre de Meleun et la
garnison allemande 394
Vin XXVII). — 6 octobre 1378. — L'archiduc Mathias défend l'exercice du culte
calviniste dans Tournais et le Tournaisis 39o
Index alphabétique 401
INDEX ALPHABÉTIQUE
Abbeville, "259,268 11.1.
Achille (cardinal de Saint-Sixte), 31.
Aerschot (duc d'), 209.
Airaeries (Simon), 143.
Albe (Ferdinand Alvarez de Tolède, duc d'), 135 n. /i-,
173, 176, 178, 178 n. 2, 179, 179 n. 3, 181, 182,
183, 184, 183, 185 n. 3, 186, 187, 188, 188 n. 7,
189, 189 n. 4, 190, 191, 192, 192 n. 3, 193, 194,
195, 196, 203, 249.
Albret (Henri d'), 37.
Alegambe (Catherine), 197 n.5.
Alegambe (Louis), 200, 200 n. 4, 249 n. 2.
Alegambe (Michel), 18 n. 2, 20 n. 1, 21.
Alen(.-on(ducd'), 211, 286.
Alexandre VI, 15 n. 3.
Allain, 72n.2.
AUard (Albert), 8. 23 n. 2, 67 n. 4, 69 n. 1, 69 n. 2,
71 n. 1.
Allard (Simon), 299.
Allemagne, 16, 36, 152, 166, 174, 204, 205.
Alost, 73, 199.
Altmeyer, 8, 78 n. 3, 79 n. 1, 275, 275 n. 1, 286 n. 1.
Amiens, 43, 100, 261, 268 n. 1.
Anchin, 133, 133 n. 2.
Anciens bourgeois (fondation hospitalière des), 172.
Angleterre, 26 n. 4, 27, 27 n. 4, 28, 29, 31, 32, 33
n. 2, 33 n. 3, 35 n. 1, 85 n. 4, 166, 177, 178, 246,
261, 267.
Angleur (Paix d'), 54.
Anjou (duc d"), 224, 228, 235, 241, 243, 246.
Antoine, 85.
Antoing, 226, 366.
Antoing (Hiérôme d'), 301.
Tome I. — Lettres, etc.
Anvers, 4, 127, 135, 188, 195, 199, 202, 204, 226,
232, 259, 290, 309, 310, 314, 327, 341, 343, 363.
Anvers (église N.-D. à), 75.
Aragon (Ferdinand d'), 17.
Aragon (Jean d'), 16 n. 1.
Arande (Antoinette), 49 n. 2.
Ardres, 14.
Arellano (Alonso de), 116 n. 3.
Arians (Cornille), 81, 82 n. 2.
Armentières, 158.
Arnould, 301.
Arnouville (pont d'), 118, 118 n. 2, 313.
Arras, 86, 90, 218, 220, 260.
Arras (Confédération d'), 221.
Arras (église Saint-Vaast à), 75.
Arras (église N.-D. à), 75.
Arras (Union d'), 222, 223, 224, 225, 226.
Artois, 13, 24 n. 4, 42 n. 2, 70, 192, 200, 211, 214,
215, 216, 218, 219, 219 n. 3, 222, 226, 262. 264.
Asset (Pierre), 109, 312.
Assegnies (Thiéry d'), 297.
Assonleville (Christophe d'), 98, 98 n. 3.
Assonleville (Marie d'), 110 n. 3.
Alh, 87, 104, 110 n. 6.
Aubermont (Antoine d'), 174, 174 n. 2.
Aubermont (Michel d'), 22 n. 2.
Aubermont (Nicolas d'), 22, 22 n. 2.
Audenarde, 227 n.2, 231, 232, 241, 243, 290, 312,
319, 365.
Audenarde (Rasse d'), 81, 82 n. 2.
Augustins, 239, 253.
Autriche (Charles d'), 32 n. 2, 33, 36, 37 n. 3,
39 n. 3.
Autriche (don Juan d'), 207, 208, 209. 210.
51
402
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Autriche (Marguerite d'), 16, 16 n. 1, 18, 28 n. 2,
38n.2, 42n.l, 77, 284n.l.
Autriche (Maxirailien d'), 14, 16, 16 n. 1, 17, 17 n. 3,
18, 19, 21, 23, 23 n. 4, 36, 37 n. 1, 267.
Autun, 39 n. 2, 40.
Avenel(d'), 8,263 n. 1,270 n.l.
Aymery (Simon), 296, 385, 386.
Bacheler (Jacques), 47 n. 1.
Bacheler (Pierre), 110, 110 n. 7.
Bacquelans (Gilles), 183 n. 1.
Bacquin (Jean), 102, 295.
Bailleul, 162.
Bailleul (Jacques de), 311.
Bailleul (Gérard de), 106, 106 n. 8.
Bakhui/.en van den Brinck, 195.
Baligan (Michiel), 171 n. 3.
Ballenghien(Jean de), 298 .
Bambecque (Jacques de), 169, 169 n. 1.
Bar (sire Bauduin du), 62 n. 1.
Barbiers (Gilles), IS n. 3.
Barges (rieu de), 158.
Bargibant (François de), 249 n. 2.
Bargibant (Jean de), 87.
Barat (Jacques), 113, 113 n. 2, 170, 171.
Barre (Antoinette de le), 251.
Barre (Pasquier de lei, 8, 113, 116 n. 1, 118 n. 1,
118 n. 3, 119 n. 5, 120 n. 4, 121 n. 1, 122 n. 1,
124 n. 1, 125 n. 1, 127 n. 1, 128 n. 2, 129 n. 4,
130 n. 3, 131 n. 1, 132 n. 2, 133 n. 4, 134 n. 1,
135 n. 3, 136 n. 1, 137 n. 2, 138 n. 1, 139 n. 1,
140 n. 5, 141 n. 2, 143 n. 2, 145 n. 3, 147 n. 3,
153 n. 2, 154 n. 1, 156 n. 1, 157 n. 1, 162 n. 1,
162 n. 2, 164 n. 1, 165 n. 2, 166 n. 2, 167 n. 3,
168 n. 2, 169 n. 5, 170 n. 1, 173, 174 n. 4, 175
n. 1, 178, 178 n. 1, 178 n. 2, 323, 324.
Basse-Flandre, 157.
Bassenghien (S' de), 200, 200 n. 4, 249 n. 2.
Bassy (GiUes de), 249 n. 2.
Bataille (Nicolas), 249 n.l.
Battele (Jacques van), 76.
Baudegnyes (S^ de), 247.
Bauldechon (Estienne), 298.
Bautegnies (Antoine de), 297.
Beaumont (Pierre de), 298.
Beauraez (S-- de), 385, 386.
Beaurain (S-' de), 169, 169 n. 7, 170, 174, 178 n. 3.
Becq (André), 300.
Becquart (Victor), 161 n. 1.
Bedfort (duc de), 56.
Béghin (Valentine), 295.
Bellin (Roland), 102.
Bélys (Martin), 298.
Bentivoglio, 252, 252 n. 2.
Berg-op-Zoora, 259.
Berghes (Jean de), 218 n. 1.
Berghes (marquis de), 116, 116 n. 2.
Béringhes (Laurence de), 22 n. 1, 28 n. 4.
Berlaymont (Marie de), 37 n. 3.
Bermude (Josse), 230 n, 6.
Bernard (Florent), 247.
Bernard (Gérard), 239, 248.
Bernard (Gui), 120, 120 n. 3, 385.
Bernard (Nicolas), 120, 120 n. 3, 126, 126 n. 3, 333,
348, 385.
Bernard (Philippe), 247.
Bernard (Simon), 120 n. 3. 126, 333, 386.
Berte (André), 301.
Besançon, 19.
Bethem (Christoffle), 394.
Béthune, 313.
Bèvres (Germain de), 68 n. 1.
Bèze (Théodore de), 107.
Binois (Pierre), 230 n. 6.
Biselingue (S^ de), 249.
Blandinoise (tour), 22.
Blandain, 309.
Blasere (Jean de), 98, 98 n. 4, 170, 174, 273, 304.
Blauwet (Gilles), 297, 360.
Bleuzet (Hector), 396.
Blioul (Laurent du), 47, 302.
Blois, 12 n. 2, 13 n. 1, 13 n. 2, 265.
Blondel (Jacques', S'^ de Cuincliy, 170, 170 n. 2, 181,
184, 189 n. 4, 191, 193, 203, 203 n. 3, 204 n. 1, 260.
Blondel (Louis de), 185 n 3.
Blondiau (Sébastien), 298.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
403
Bois (Hermès du), 106 n. I.
Bois (Louis du), 173, 385, 386.
Bois(Nicolasdu), 173, 247.
Boisère (Marie), 113, 113 n. 4, 295.
Boixée (Adrien), 35S.
Bonnivet (S' de), 32.
Bossuyt, 27.
Bouchain, 228.
Boucliier (Augustin), 3(X).
Bouclers, 231.
Bouillon, 205.
Boulanger (Barbe), 173 n. 7.
Boulogne, 17.
Boulongne (Jehan), 68 n. 1.
Bourbourg, 104.
Bourdeau (Pierre), 29S, 102.
Bourdeauduis (Michel de), 81.
Bourgeois (Allard), 387 n. 1.
Bourgeois (Antoine), 298.
Bourgeois (Simon), 249 n. 2.
Boiirgeoys (Allard), 387 n. 1.
Bourges, 19 n. 3.
Bourgogne, 19, 40, 259, 261, 263, 264. 269 n. 2.
Bourgogne (ducs de), 11, 12, 12 n. 1, 13, 13 n. 1,
13, 19 n. 3, 20, 263, 264.
Bourgogne (Marie de), 14, 16, 16 n. 1, 35 n. 1.
Bourgogne (Raphaël de), IS n. 3.
Boursier (Jean), 384.
Bousin (Pierre), 259 n. 2.
Boussu (comte de), 166 n. 1.
Boutry (David), 300.
Boyen (Séverin), 249 n. 2.
Bozière, 248 n. 5,249 n.l.
Brabant, 150, 188, 192, 211, 264.
Brabant (Conseil de), 87.
Brabant (États de), 188, 198, 200, 201.
Brantôme, 32 n. 4.
Brasseur (Gilles), 173.
Bray (Guy de), 92, 92 n. 4. 93, 94 n. 8, 95, 97, 98,
100, 100 n. 2, 106, 106 n. 7.
Bréda (Conférences de), 199.
Bréderode (S' de), 158.
Bresoul (Guillaume), 133, 133 n. 3, 296, 385.
Bretagne (Anne de), 16 n. 1.
Breuze (bois de), 106, 106 n.6, 173, i^i n. 4, 381.
Brisemoutiers (Jehan), 296.
Brocart (Jean), 82, 82 n. 2.
Broucq (Claude), 396.
Broutin (Louis), 250.
Bruges, 15 n. 3, 52, 54, 77, 173, 239, 278.
Bruges (Exposition des Primitifs', 290.
Bruges (église N.-D. à), 73.
Bruges (église Saint-Donat à), 75.
Bruille, 40 n. 2.
Brully (Pierre), 86, 87, 87 n. 1. 92, 93.
Bruxelles, 4, 6, 54, 33, 63, 98, 119, 135, 142, 146,
152, 134, 175, 184, 188, 189, 197. 199, 208, 210,
219, 277, 278, 304, 310, 360.
Bruxelles (Conseil privé de), 85 n. 1, 142.
Bruxelles (Union de), 207, 208, 212.
Bruylle (Jean de), 84.
Bucer (Martin), 85, 83 n. 4, 86.
Bucquet (Rasse de), 387 n. 1
Buillemonde (Bonne de), 200 n. 4.
Bulteau(Jaccnies), 125, 178 n. 1, 348.
Burgos, 16.
Calais, 14, 17, 29, 41 n. 4.
Calais (Conférence dei, 41.
Calonne (Antoinette de), 137 n. 3.
Calonne (Loys de), 385, 386.
Calonne (Nicolas de), 172, 172 n. 6, 249 n. 2.
Calvin, 89, 93, 100, 111.
Cambe (Marie de le), 200 n. 3.
Cambier (Jehan), 262 n. 2.
Cambrai, 68, 82, 228, 23S.
Cambrai (Cyprien de), 50 n. 1.
Cambrai (Ottieialité de), 71.
Cambrai (traité de), 52, 52 n. 3.
Cambron (Chrétien de), 50, 50 n. 1.
Cambry (Jehan), 64 n. 3.
Cambry (Françoise de), 125, 125 n. 3, 127, 173 n.
Cambry (Gabriel de), 178, 178 n. 1, 331, 332.
Cambry (Jacques de), 387 n. 1.
Cambry (Jean de), 126, 126 n. 1, 385.
404
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Carabry (Michel), 47 n. 1, 64 n. 3.
Campene (Josse de), 215, 213 n. % 216. 217.
Cantorbéry, 85 n. 4.
Cappella (Jean), 88.
Carette (Henri , 299.
Cartier (Gérard). 297.
Carlier (Jean), 102, 295.
Carnoye (sire Jehan), 62 n. 1, .384.
Carondelel (Ferry). 19, 21, 21 n. .3, 32 n. 2.
Caroline (la charle), 277.
Carpréau (Pierre), 298.
Casimir (comte), 214.
Castellain (Pierre), 396.
Castelin (Quenot), 88.
Castre (Michiel de), 49 n. 2.
Cal (Anna de) 120 n. 4.
Cateau-Cambrésis (Paix de), 90.
Cauche (.Xicolas), 151 n. 2, 384, .385, 386, 387.
Cauchie (Mathias de le), 218, 220 n. 2.
Caudron (Jehan), 85 n. 1.
Cauldron (Haquinel), 298.
Caulleberghue (Thomas), 88.
Cellier (Robert du), 170.
Ceratinus (Jacques), 283.
Césare (Robert), 284, 284 n. 1.
Chamart (Pierre), 297, 385.
Chambge (Erasme duK 142, 189 n. i, 190, 190 n. 3,
191. 192, 192 n.2, 201, 323,324. 329,330, 331,
332, 335, 338, 349, 353, 337, 360.
Chambge (Catherine du), 110 n. 7.
Chambge (Jean du), 249 n. 2.
Chambge (Pierre du), 169, 169 n.4.
Champagne, 37, 38, 42.
Champeroux, 41, 41 n. 2, 45 n. 1.
Chapitre de Notre-Dame à Tournai, 4, 15 n. 3, 45
n. 1, 73, 104, 104 n. 4, 130, 137, 140, 140 n. 1,
162, 208, 218 n. 2, 222 n. 1, 223, 224, 227 n. 2,
230, 230 n. 1, 231, 248, 254, 255, 256, 266, 279,
280, 283, 290.
Charlemont, 204 n.l.
CharlesV, 22n.2, 23n.2.
Charles VII, 19 n. 3, 36.
Charles VIII, 15 n. 3, 16 n. 1, 37 n. 6.
Charles le Téméraire, 13.
Charles-Quint, 33 n.2, 37, 37 n. 1, 38, 41, 41 n.4,
42 n.2, 43, 44, 45. 47, 47 n. 4, 48 n. 1, 48 n.2, 50,
51, 52, .i2 n.l, 61, 62, 63, 64, 66, 67, 70, 72, 74,
76, 80, 86, 86 n. 2. 88, 89, 89 n. 3, 91, 115, 206,
227 n. 2, 269, 275. 279, 291, 302.
Charles, corale de Worcester, 34.
Charnoi (Jean). 50 n. 1.
Charolais (comte de), 13.
Charolais (comlé de), 13 n. 1.
Chartreux de Chercq, 47, 129, 129 n. 2, 159.
Chastel en Cambrésis, 158, 183 n.l.
Chastel de la Howarderie (comte P. A., du), 5, 8,
28 n.3, HO n. 6, 119 n.6, 158 n.6, 173, n.6, 174
n. 1, 230 n.2, 236 n. 5, 265 n.4.
Chastel, dit de la Howarderie (François du), 28 n.6.
Chasteler (Jean, marquis du), 121, 121 n.4, 126, 138,
142 n.6, 147, 147 n.3, 149, 152,357, 3.59.
Chastillon (Barbe du), 120 n. 3.
Châtillon (Hugues de), 72 n.2
Chaufours, 72 n. 2.
Chercq, 159.
Chin, 119, 158.
Chindieu (Jehan I, 297.
Chotin, 4, 40n.3,239n.2.
Chotin (Jehan), 297.
Chuyne (Jean), 296.
Claessens, 8, 91 n.4.
Clerbon (Luc), 120 n. 1
Clèves, 81.
Cluny (Ferry de), 15 n.3.
Cocquerelle (Porte), 22, 144 n. 1.
Cocquiel (M.), 330.
Cocquiel (Gilles), 249 n. 2.
Coligny (Gaspard de), 34, 34 n.2. 35 n.l, 40.
Cologne, 80 n. 5, 221.
Compromis des nobles, 115.
Condé, 233.
Conseil d'État, 115, 199, 201, 203, 210, 214.
Conseil des Troubles, 175, 195, 198.
Coquereile (Porte) à Tournai, 21 n. 3, 22, 143.
Corbines (Jeanne de), 120 n. 5.
Cordes (Catherine de) 169 n.4.
Cornu (GuiUaume), 101, 102, 295.
Cornu (Pierre), KM.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
4fm
Coron (Raisse de), iOO.
Oossart (Jean), 388.
Cottreau (archidiacre), 223, 223 n. 1, 229 n. 1, 237,
243, 248, 233.
Cottrel (Jean), 200, 200 n. 4, 201 n. 1.
Cottrel (Nicolas), 120 n. 1.
Cottrel (Pierre), 47 n. i, 48, 31 n. 3, 52 n. 1, 119,
120n. 1,200,383, 386.
Cottrelle (Philippe), 301.
Coulombe, 168 n. 1.
Coulongne (Jean de), 247.
Courouble (chanoine), 218 n. 2, 220 n. 2.
Courouble (Marguerite de), 200 n. 4.
Courtin (Nicolas), 172.
Courtrai, 333.
Cousaert (Jean), 76.
Cousseraaker (de), 8, 161 n. 1, 162 n. 4.
Cousin, 8, 13 n. 3.
Cousine (Catherine), 78 n. 3.
Crammer, 83 n. 4.
Crassier (Jehan), 68 n. 1.
Crécy, 41 n. 2.
Grespin (abbaye de>, 133.
Crespin (Jean), 100.
Crespy (traité de), 52.
Croix (Jean de la), 302.
Croix (Isabeau del, 200 n. 5.
Crombez (Auguste), 24 n. 3.
Croy (Jean de), 169, 169 n. 7, 170, 174, 178 n. 3.
Croy (Philippe de), 37.
Cuinchy (S' de), 170, 170 n. 2, 181, 184, 189 n. i,
191, 193, 203, 203 n. 3, 204 n. 1, 260.
Cuvelette (Jehan), 138 n. 5, 300.
Dalle (Mons' de le), 384, 385, 386.
Danglos (Nicolas), 290.
Dare (Catherine), 301.
Daret (Jacques), 290.
Darre (Laurent), 385. 386.
Dathenus (Pierre), 100.
Daverdun (Hector), 184.
Davian (Gabriel), 82 n. 2, 296.
David (Jean), 251.
De Berlot (Arnould), 301.
Deblas (Léon), 296.
De Bras (Roland), 299.
Dècre (Alexandre), 293.
Dccre (Arnould le), 49 n. 2.
Deckre (Alexandre), 102.
Deckre (Jean de), 50.
Decque (Alexandre), 383.
Deftarvacques Antoine), 169, 230 n. 6.
Deffrayères (Jacques), 384.
Deifresnes (Johanes), 385.
Defrelye(Jehan),82n.2.
Degretz (Pierre), 168, 296.
Delachapelle (Jean), 230 n. 6, 383.
Delachapelle (Léon), 233.
Delannoy (Jehan), 293.
Deleforge (Marie), 169 n. 4.
Delehaye (Gérôme), 300.
Delehaye (Jehan), 62 n. 1.
Delonghuehaye (Robert), 299.
Delemotte (Damien), 82 n. 2.
Delemotte (Jacques), 88.
De le Pierre (Marie), 87.
Deleprée (Gaspard), 299.
Deleprée (Jehan), 300, 383.
Delerue (Éloy), 68 n. 1.
Delerue (GiUes), 296.
Delerue (Pierre), 101.
Delesaux (Baltazar), 301.
Deletombe (Jehan), 300.
Deletombe (Nicaise), 106 n. 7, 113, 293.
Delevallée (Guillaume, dit VVillequin), 357.
Delevingne (Grart), 296.
Denain, 42, 42 n. 2.
Denis (Biaise), 183 n. 1.
Denys (Jean), 160, 160 n. 6.
Derbauldrenghien (Jean), 87 n. 1.
Desbonnetz (Louis), 197 n. 6.
Descamps (Éloi), 300.
Descamps (Jehan), 300.
Desespringalles (Michel), 186 n. 3.
Desgardins (Jean), 83.
406
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Desmarez (Jehan), 297, 385.
Desmet, 56.
Desmilecamps (Arnould), 396.
Desnoettes (François), 129 n. 7, 297.
Desnoettes (Jacques), 297.
Despars (Geneviève), 174, n. 2.
Desprez (Jean), 84.
Destailleur (Jean), 50.
Destailleurs (Hugues), 113, 295.
Destoubequin (Michel), 88.
Desroelz (Jean), 87 n.l.
Desvpatines (Jehan), 171 n. 3.
Deswattines (Jean), 301.
Deswalines (Nicolas), 78 n. 3.
Deventer (Jacques de), 165 n. 2.
de Villers (Pierre), 385.
De Vos (Gérart), 300.
Diegerick, 8, 9, 205 n. 3, 233 n. i, 234 n. 2, 235 n. i,
236 n. 2.
Diest, 210.
Dijon. 17, 259.
Diraenche (Claude), 18 n. 2, 265, 263 n. 4.
Dinant, 54.
Discailles (Ernest), 3, 276 n. 3.
Divion (François de), 230, 230 n. 2, 253, 254.
Doignies (Philippe), 95.
Doncq (S^ du), 333.
Doresmieulx (Jacques), 218 n. 1.
Doresmieulx (Andrieu), 218 n. 1.
Douai 100 n.l, 188, 192. 216, 219, 222, 233, 259,
260.
Doublet (Philippei, 68 n.l.
Douchet (Antoine), 183 n. 1.
Doulcy (Absalon), 87 n. 1.
Douley (Martin), 87 n.l.
Drappier (Arnould), 206.
Drappier (Jean), 132 n. 2, 386.
Drappier (Mahieu), 300.
Driutius, 190.
Dubus (Gilles), 298.
Dufay (S' du), 387 n. 1.
Dufour (Jean), 49.
Dufour (Robert), 94 n. 2, 101, 194, 309.
Du Gardin (Melchior), 230 n. 6, 249 n. 2.
Du Gardin (Pasquier), 299.
Du Guersem (Roland), 301.
Dumaret (Jean), 296.
Dumetz (Pasquier), 101.
Dumont (J.-Q.), 33 n. 3, 52 n. 2, 52 n. 3.
Duraont (Catherine), 169 n. 4.
Dumont (GuiUaume), 297.
Dumont (Roger), 113, 295.
Dumortier (Gilles), 297.
Duraortier (Jean), 101, 309.
Dutron (A.), 5.
Dunkerque, 236.
Dupire (Jérôme), 145, 296, 384. 383, 386.
Dupret (Léon), 387 n. 1.
Duquesne (Nicolas), 299.
Duquesne (Pierre), 299.
Durieu (Gilles), 113 n. 2.
Durieu (Hubert), 140.
Duveiller, 300.
Dymok (Robert). 24 n. 1.
E
Édit perpétuel, 208, 213.
Egmont (comte d'), ll.'i, 158, 174 n. 3, 176, 334, 378.
Englebert (Jeanne), 28 n. 5.
Ennetières (Catherine d'), 174 n. 2.
Ennetières (François d'i, 173, 173 n 7, 386.
Ennetières (Mathieu d'), 158.
Ennetières (Pierre d'), 119, 119 n. 8, 3S6.
Érasme, 27 n.l, 269.
Ère, 159.
Escrepont (Simon), 297.
Espagne, 89, 90, 115, 269, 312.
Espierres, 75.
Espringalles (Gilles des), 151 n. 2, 385, 386, 387.
Esquelmes {&' du), 247.
Esquerdes (d'). 335, 338, 348, 349.
Estables (Jean d"), 22. 22 n. 1, 28, 28 n. 4.
Estables (Willemet d'), 22 n. 1, 28 n. 4.
Estaimbourg, 162.
Estrayelles (Jacques d'), 249 n. 2.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
407
EstrayeUes (d'), 239, 241, 243, 247, 249.
États-Généraux, 72, 75, 77, 90, 154, 186, 187, 197,
198, 199, 200, 203, 203 n. 2, 204, 204 n. 1, 205,
206, 207, 208, 209, 209 n. 1, 210, 211, 212, 216,
217, 221, 223, 224, 225, 226, 230, 231, 232, 235,
236, 350.
Everaerts (Liévin), 108, 108 n. 2.
Evrard, 312.
Farnèse (Alexandre), 220 n.2, 222, 226, 229 n. 4,
231, 234, 235, 236, 238, 239, 240, 243, 244, 245,
246, 247, 248, 250 n. 5, 252, 254, 256.
Farnèse (Octave), 89 n. 3.
Farvacques (Jeanne des), 191 n. 4.
Farvacques (Antoine des), 120, 120 n. 4.
Farvacques (Nicolas des), 120 n. 4, 263.
Fauconnier (Pierre), 385.
Faulconnier (Anne), 169 n. 2.
Faulconnier (Jehenne), 169 n. 2.
Faveresse (Jehenne le), 78 n. 3.
Féry de Guyon, 133 n. 4.
Feuillars, 183, 183 n. 1, 184, 185.
Fief(N. du), 7, 19n.2, 24n. 4.
Fief(Rogierdu), 68.
Fiefvet (Pierre), 396.
Fiennes (S"- de), 45n. 1.
Fiennes (Eustache de), 135, 135 n. 4, 136, 138, 139.
Finet (Marie), 300.
Flandre, 12, 13, 15 n. 3, 19 n. 2, 24 n. 4, 38, 38 n. 2,
42 n. 2, 55, 72, 73, 74, 77, 150, 192, 200, 201, 211,
214, 216, 259, 260, 261, 263, 264, 269, 277, 303.
Flandre (Conseil de), 65, 66, 70, 71.
Flandre (État de), 42 n. 1, 73, 74, 188, 198, 201,
231.
Flandres (Jean), 300.
Fleschière (Claude de la), 28 n. 6.
Flessingue, 89, 177, 178 n. 1, 493.
Florence (duc de), 89 n. 3.
Florin (Jacques), 298.
Follais, 121, 288.
Foppens, 10.
Fontaine (Jehan), 297.
Formanoir (Nicolas de), 220 n. 2.
Fosse (Antoine de la), 126, 230 n. 6, 333, 348, 386.
Fosse (Quintin de la), 297.
Fosse (Guillaume de le), 273.
Fouant (Françoise), 81, 82 n. 2.
Fouant (Jean), 82 n. 2, 84.
Fouant (Jacques), 112.
Fouret (Jacques), 197.
Fourraanoir (Jacques) 173 n. 6.
Fourraent (Jean), 385.
Fourneau (Nicolas), 50, 62 n. 1.
Fournier, 306.
Fournier (Gaspard), 80.
Fournier (Jehan), 62 n. 1, 64 n. 3.
Fourré (Jacques), 112, 311.
France, 3, 11, 12, 13, 17, 18, 19 n. 2, 21, 22, 25,
26, 26 n. 4, 28, 28 n. 2, 29, 30, 31. 33, 33 n. 2, 33
n. 3, 34. 36, 37, 37 n. 6, 39 n. 3, 41 n. 1, 47 n. 4,
48, 50, 52 n. 1, 65. 56, 61, 76, 259. 261, 263, 267,
268,269,271.
François I", 29, 30, 31, 32, 32 n.2, 33 n. 3, 34, 35
n. 1, 36 37, 3 7n. 1, 38, 40, 41 n. 1, 41 n. 2, 41 n. 4,
42, 43, 43 n. 2, 44, 47 n. 4, 48 n. 2, 52, 60, 284.
François, évéque d'Albe, 31.
François (Léon), 296.
Frausberg (baron de), 394.
Frayère (Jacques de), 186, n. 3, 353.
Frédericq (P.), 9, 79 n. 1, 80 n. 3, 81 n. 2, 81 n. 4.
Frères-mineurs, 129, 129 n. 1.
Fregeot (Jehan), 298.
Fresnoy (Godefroid du), seigneur de Thun, 300.
Froilmont (Pasquier de), 47 n. 1.
Froye(Jean), 219n. 3.
Froyennes, 23 n. 3.
Fruict (Jean), 172.
Fruyt, 298.
Furie espagnole, 202.
Fyennes (comte de), 61 n. 2.
Gabriel, 301.
Gabry (Estienne), 125, 125 n. 4, 296, 331, 332, 348,
386.
408
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Gachard, 8. 32 n. 2, 33 n. 2, 37 n. 1, 38 n. 2, 64,
6i n. 2, 74 n. 3, î.ï n. 1, 75 n. 3, 88 n. 4, 89, 89 n. 2,
91 n. 1, 91 n. 3. 92 n. 4, 94 n. 5, 95 n. 3, 98 n. 5,
100 n. 1, 100 n. 2, 102 n. 5, 103 n. 1, 104 n. 4,
105 n. 2, 106 n. 2, 108 n. 1, 109 n. 2, 110 n. 2,
114 n. 4, 113 n. 1, 113 n. 3, 116 n. 3, 117 n. 1,
133 n. 1, 147 n. 3, 166 n. 2, 167 n. 4, 168 n. 1,
169 n.6, 174 n. 4, 176 n. 1, 197 n. 3, 197 n. 6,
199 n. 3, 206 n. 4, 207 n. 1, 208 n. 3, 209 n. 3,
212 n. 3, 221 n. 1, 225 n. 1, 227 n. 1, 231 n. 3,
232 n. 8, 236 n. 1, 237 n. 2, 239 n. 2. 247 n. 4,
248n. 1,253, 253 n.l.
Gaest (Michel iie\ 44, 49 n. 2.
Gand, 4, 15 n. 3, 16 n. 1, 52, 54, 55, 72, 77, 77 n. 2,
77 n.3, 127, 135, 201, 211, 213. 214, 243, 256.
259, 278, 313, 365
Gand (Vicomte de), 57 n. 1.
Gantier (Piérart le), 82.
Garenne (Jacques de la), 108 n. 4, 295.
Gauley (Agnès de), 169 n. 1 .
Gaultran (R. P. François), 254.
Gavre (comte de), 38, 38 n. 2, 40 n. 3, 41, 42 n. 1,
47, 254.
Gavre (Jeanne de), 22 n. 2.
Geynst (Marie Van der), 115 n. 1.
Gembloux, 210.
Gheldres, 204 n. 1.
Ghéry (frère-mineur), 237.
Gilleman (Regnault), 41 n. 1.
Gillon (Dominique le), 84.
Glorieux (Jelian), 396.
Glymes (Jacques de), 200.
Godault (Estienne), 298.
Godault (Isabelle I, 145.
Godebrie (Jean), 48.
Godebrye (Rogier), 387 n. 1.
Goethals, 119n.8, 173n. 7.
Gombault (Jean), 137, 137 n. 2, 179 n. 2, 191,
191 n. 4, 340.
Gombault (Jacques), 249 n. 2, 300.
Gouffier (Guillaume), S' de Bonnivet, 32.
Grange (A. de la), 59 n.l.
Grange (Péregrin de la), 118.
Grange (Chrétien de le), 396.
Granvelle, 90, 117, 148 n. 1, 117 n. 1, 197 n. 3,
204 n.l, 243, 255.
Grave (Béatrix de le), 120 n. 1.
Gravelines, 246.
Grenu (Jean), 110, 110 n. 6, 159, 190.
Grenu (Simon), 249 n. 2.
Grimaupont (Roland de), 87.
Grincourt (Jean de), 101.
Gueldre, 216.
Gueldre (Adolphe de), 130, 130 n. 1.
Guillard (Charles), 23 n. 1.
Gaillard (Louis), 23. 23 n. 1, 29, 30, 30 n. 1, 31, 34,
48,31,31 n. 3, 52 n.l.
Guillaume (Jehan), 299.
Guillaume (Pierre), 308.
Guinegate, 7.
Guines, 14.
Guise, 49.
Guste (Guillaume de lei, 283.
Hacart (Jehan), 68 n. 1.
Baccard (Jacques), 137, 137 n. 3, 340.
Haccart (Jean), 18 n. 2, 249 n. 2.
Hainaut. 12. 13, 19 n. 2, 24 n. 4, 42 n. 1, 42 n. 2,
72, 73, 104, 192, 200, 214, 216, 219, 264.
Hainaut (États de), 187, 188. 201, 213, 216, 226.
Hal (N.-D. de), 82.
Hamaide (Nicolas de la), 110, 110 n. S, 357.
Hamal (Godefroid de), 88.
Hamedde (Catherine de le), 108 n. 2.
Hame (Franchois de), 385.
Hamel (Jacques du), 299.
Haneton (Jean), 32 n. 1.
Haneron (Marie), 22 n. 2.
Hannart (Jean de), 249.
Hannefrère Michel), 169.
Hanneton (Guillaume), 68 n. 1, 382.
Harnesquiel (Michel), 298.
Harnesquiel (Jean), 360.
Harouet (Guillaume), 68 n. 1.
Hasnon (abbé d'). 133, 219, 220, 221.
Ravines, 132.
Havre (marquis d'), 221.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
409
Hautbois (Charles du), IS n. 3, 23 n. i.
Hauteval (S' de), 383, 386.
Hautmez (S-- de), 38.'5, 386.
Haye de Maulde (Jeanne de le), 120 n. i.
Hehart (François), 68 n. •! .
Helchin, 27, 37, 37 n. S.
HeldebauU (Marie), 300.
Hembyse, 211.
Henné, 9, 35n. 1, 37 n. 2, 37 n. 4, 38 n. 1, 38 n.5,
40 n. 3, 41 n. 3, 42 n. 1, 42 n. 2, 50 n. 1, 72, 72 n. 1.
Henné (Andrien), 197 n. 6.
Hennebert (Jacques), 120, 120 n. 5.
Hennebert (Sydracq), 84.
Henneceau (Pierre), 298.
Henneuse (Estiennette), 298.
Hennin (Maximilien de), 166 n. 1.
Hennei'on (Jacqueline), 119 n. 6, 173 n. 3.
Henneron (Marie), 174 n. 3.
Henri VIII, 17, 17 n.3, 18, 19, 21, 22, 23, 23 n.4,
24, 24 n. 4, 25, 25 n. 2, 26 n. 4, 27, 27 n. 4, 28,
28 n. 6, 29, 30, 30 n. 2, 31, 32, 32 n. 2, 33, 33 n. 2,
34, 35 n. 1, 39 n. 1, 43, 51, 70, 151, 267, 268.
Herbomez (A. d'), 9, 12 n. 1, 19 n. 3, 26 n. 4, 29 n. 3,
33 n. 3, 265 n. 5.
Herselle (Jean de), 49, 50.
Hertoghe (Josse de), 78.
Hesdin (Jean de), 35 n. 1.
Hespel (Jacques), 81, 82 n. 2.
Hespel (Jean), 169 n. 3.
Hierre (Jehan), 297.
Hollain, 159, 197 n. 5, 237.
Hollande, 150, 193, 199, 201, 202, 208, 212, 216.
Hondschote, 160, 160 n. 4.
Hongrie (Marie do), 77.
Hoorst (Jac(iues de), 227 n. 2.
Hôpital (Marvis), 285.
Hôpital (N. D.), 285.
Hornet (Jactpies), 300.
Hornut (Pierre de), 125, 123 n. 3.
Hornut (Simon de), 387 n. 1.
Houart (Jacques), 299.
Houbenne (Jean), 156 n. 3.
Houtart (M.), .39.
Hourdon (Jehan), 108 n. 4, 295.
Tome I. — Lettres, etc.
Hoverlant (l'historien), 4.
Hoverlant (Jean-Baptiste), 253, 233 n. 5.
Hovine (Arthur), 299.
Hovine (Jeam, 173, 173 n. 6.
Hovyne (Valentine), 231 n. 4.
Howarderie (François de la), 28, 28 n. 6.
Hubert (Eug.), 9, 202 n. 2, 206 n. 6, 211 n. 3, 212.
212 n. 2, 214 n. 6.
Hughe (Jean), 296.
Hughes (Jacques), 296.
Hughot (Jean), 88.
Huland (sire Jehan), 64 n. 3.
Huseman (Jean), 137, 158, 299.
Butin (Martin), 200, 201 n. 1.
Innocent VIII, 15 n. 3.
Innocent X, 91 n. 4.
Inquisition, 97, 114, 115, 133, 175.
Itero (Daniel), 85.
Ithier, 10.
Jacques (Robert), 300.
Jansénius, 190.
Jean (Antoine), 197 n. 6.
Jean (Casimir), comte palatin, 211.
Jemappes (département de), 74.
Jésuites (collège des), 129, 191.
Joly (Gilles), 62 n. 1.
Jopken (E.), 15 n. 1, 15 n. 2, 258 n. 2.
Joseph (Gérard), 120, 383.
Joseph (Michel), 230 n. 6.
Jottrand(G.), 9, 83n. 1.
Juste (Th.), 197 n. 4, 200 n. 3, 248 n. 1, 235 n. 4.
Kain, 132.
Kervijn de I.ettenhove, 9, 77 n. 1, 179, 179 n. 2, 205
n. 3,232 n. 9, 2.34 n. 1,269 n. 1.
Kervijn de Volkaersbeke, 20S n. 4, 232 n. 2.
Kindsich (baron de), 394.
410
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Labis (Nicolas), 217 n. 3.
Lacroix (A.), 9.
Ladeuze (chanoine), 229 n. 1, 248.
Ladeuze (Charles de), 162, 162 n. 3.
Lafosse (Mademoiselle), 301.
Lagache (Antoine), 160.
Lagache (Gervais), 299.
Lalaing (Emmanuel de), baron de Montigny, 215,
Lalaing (Mathias de), 253.
Lalaing (Philippe de), 227,
Lalaing (Philppe-Clirétienne de), princesse d'Espi-
noy, 147 n. 3, 242, 247, 249, 251, 252, 253. 254,
255, 256, 257.
Lampol (Louis), 299.
Landas (Arnould de), 101.
Landas (Charles de), 174 n. 3.
Landas (Gertrude de», 137 n. 3.
Landas (Guillaume de), 119.
Landas (Hermès de), 174, 174 n. 3.
Landas (Jeanne de), 120 n. 3.
Landas (Marie de), 110 n. 3, 172 n. 6.
Landrecies, 288.
Langeraad (L.-A. Van), 9.
Lannoy, 20, 162, 387.
Lannoy (Antoine de), 197, 386.
Lannoy (Bonne de), 162 n. 7.
Lannoy (Charles de), 39 n. 1, 47, 47 n. 1, 302.
Lannoy (Jean de), 15 n. 3, 100. 197 n, 6, 298.
Lannoy (Marie de), 126 n. 2, 135 n. 4.
Lannoy (Nicolas de), 243.
Lannoy (Philippe de), 138, 138 n. 4, 139.
Lannoy (Valentin de), 297.
Lantenoy (Gillette), 78 n. 3.
Lantenoy (Nicole), 78 n. 3.
La Palme, 86.
Lappostolle (Gilles), 78 n. 3.
Laoultre (Jehan de), 62 n. 1.
Lattre (Jean de), 101, 120, 173.
Lavisse, 37 n. 2, 78 n. 2, 80 n. 1, 90 n. 2, 92 n. 1,
114n.3, 200n.l.
Léa, 81 n. 4.
Le Bacre (Jehan), 296.
Lebeau (Gilles), 195.
Leblond (Valérien), 50, 50 n. 1.
Le Bon (Noël), 230 n. 6.
Lebrun (Adrienl, 299.
Lebrun (Jaspard), 385, 386.
Leclercq (Adrien), 297.
Leclercq (Gilles), 385, 386.
Leclercq (Hermès), 249 n. 2.
Leclercq (Jacques), 119, 119 n. 2, 1.50, 133 n. 2, 154,
164, 186, 280, 281, 316, 317, 321, 323, 340, 349,
353, 355, 336, 377, 378, 380, 383, 387 n. 1.
Leclercq (Jacques), 299.
Leclercq (Nicolas), 62 n. 1, 249 n. 2.
Le Glers (Nicolas), 47 n. 1.
Lecocq (Adam), 169, 169 n. 2, 301, 335, 340, 387 n. 1 .
Lecocq (Jean), 169, 169 n. 2, 230 n. 6.
Lecomte (Jean), 88.
Lefebvre (Laurent), 296.
Lefebvre (François!, 169, 298, 385, 387.
Lefebvre (Jacques), 385, 386.
Lefebvre (Paul), 297.
Lefèvre (Anne), 78 n. 3.
Lefèvre (Chrestien), 78 n. 3.
Léger (Jean), 295.
Legier (Jehan), 108 n. 4.
Le Glay, 9, 17 n. 1.
Legrain (Jehan), 196.
Legrain (Louis), 299.
Legrand (Catherine), 298.
Legrand (François), 227 n. 2.
Legrand (Gilles), 173, 196.
Legrand (Jean), 249 n. 2.
Legrand (Louis), 230.
Legrue (Jean), 80.
Leguy (.'Vnthonne), 384.
Leing (Joachim de la), 295.
Le Lièvre (Jaspard), 301.
Le Lièvre (Liévin), 300.
Le Louchier (Hercule), 299.
Le Maire, 214, 214 n. 5.
Le Maire (Lion), 62 n. 1, 285 n. 4.
Le Maire (Thomas), 387 n. 1.
Leraerchier (Jean), 219 n. 3.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
411
I.englée (Philippe de), 298.
Le Neult des Lolars (Jean), 35 n. 1.
Lenoble (Grégoire), 297.
Le Noir (Ghislain), 204 n. 2.
Léon X, 17, 30, 31, 80 n. 5.
Leprince (Jelian), 300.
Le Ricque (Nicolas), 249 n. 2.
Lers, 127.
Lers (Roland de), 174, 296.
Lesage (Chrétienne), 169 n. 3.
Lesage (l'oussain), 169, 169 n. 3, 230 n. 6, 387 n. 1.
Lescaillet (Jehan), 230 n 1.
Leseioart (Jehan), 396.
Lesec (Laurent), oO.
Lespine (Cyprien de), 296.
Leure (Marguerite le), 78 n. 3.
Leurion (Nicolas), 68 n. 1.
Levai (Jean de), 197 n. 6.
Levallois (Philippe), 296.
Levaillant, 301.
Liébaert (Adrien), 262 n. 2.
Liébaert (Barthélémy), 207, 214 n. 2, 214 n. 5.
Liébart (Nicolas), 387, 387 n. 1.
Liébaert (Olivier), 140.
Liège, 50.
Lieu (Bois du), 104, 104 n.l.
Ligne (Antoine de), 3S n. 1, 37.
Ligne (baron de), 40.
Lille, 4, 7, 18, 72, 86, 123, 127, 134, 192, 200, 216,
222, 223, 236, 239, 260, 268 n.l, 278, 319, 322,
328, 333.
Lille (église St-Pierre), 74.
Lincoln, 30 n. 2.
Lingard (John), 17, n. 3.
Lionnet (Henri), 17 n. 3.
Li Sauvages (Gontiers), 172 n. 2.
Lobleau (Pierre de), 396.
Loges (Hugues des), 39, 39 n. 1, 39 n. 2, 40, 41 n. 2,
45,47.
Lombard (Claude Diraenche dit Le). 18 n. 2.
Loncle (Claude), 300.
Loncle (Rogier), 299. .
Londres, 32.
Londres (traité de), 26, 26 n. 4, 27 n. 4, 33 n. 3.
Longueval (Robert de), 133.
Lonwez (Philippe), 104 n. 4, 295.
Lorraine, 86.
Lothrop (Motley), 9, 83 n. 1, 131 n. 1.
Loucheau (Jehan), 87 n. 1.
Louis XI, 14, 15 n. 3.
Louis XII, 12, 12 n. 4, 13, 13 n. 2, 15. 16 n. 3, 18, 20,
26, 27, 28 n. 3, 29, 29 n. 2, 32 n. 2, 37 n. 6, 60,
264, 266.
Louis XIV, 53.
Louvain, 54, 80 n. 5, 210.
Louvain (Université), 194, 284, 284 n. 1.
Loyau (François), 298, 386.
Luther, 80, 80 n. 5, 81, 82, 82 n. 2, 86 n.4, 86, 89,
100.
Luxembourg, 86, 206, 207.
Luxembourg (Jacques de), comte de Gavres, 37 n. 3.
Lyon, 22 n.l, 269, 268 n.l.
Lys (Gilles de le), 298.
M
Macquet (Adrien), 298.
Madrid (traité de), 52.
Madrid, 33 n. 2, 116, 192, 193, 194.
Madou (Christophe), 299.
Mahieu (Pierre), 68 n. 1.
Maire, 23, 23 n. 2.
Maistre d'Anstaing (Le), 23 n. 1.
Malcontents. 215, 217, 232, 233, 235.
Malines, 17, 17 n. 3, 188, 199, 200, 226.
Malines (Conseil de), 68, 70, 284 n. 1.
Malines (Jean de), 28, 28 n, 5.
Malines (Simon de), 28 n. 5.
Mamuchet (Anne), 169 n. 2.
Mamuchet (Marcq), 387 n. 1.
Manarre (Charles), 218 n. 2.
Manarre (Max.), 218 n. 2.
Manghe (Ghierrin), 36, 39, 220 n. 2.
Mansfeld (comte de), 226, 243, 244.
Marck(Robertdela), 37.
Marche-en-Famenne, 208.
Marchiennes, 42, 42 n. 3, 133, 133 n. 1. 134.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Marescault (Jehan), 78 n. 3.
Marets (Guillaume des), 178, n. i.
Marie, fille d'Henri VIII, 33, 33 n. 3.
Marignan, 31.
Marissal (Michel), 87 n. 4.
Marlière (Château de la;, 2-4, "U n. 3.
Marmier (Etienne) ou Meriraer, 130, 130 n. 5, 144
n. 3, 145, 150 n. 2, 136, 340, 353, 385, 386.
Marmier (Pierre), 1.58 n. 6.
Marot (Clément), 93.
Marquain, 159.
Martigny (Charles de), 227 n. 2.
Martin (Arnoul), dit Hoyau, 355, 336.
Martin (Guillaume), 173.
Martin (Vinchent), 68 n. 1.
Marvis (porte), 144 n. 1.
Mas (Antoine), 297.
Mas (Simon), 396.
Masières, 41 n.l.
Massis (Jacques), 173.
Masure (Jean), 384.
Mathias (Archiduc), 209, 210, 212, 214, 217, 219, 221,
225, 227 n. 2.
Maulde (Guillaume de), 173, 174 n. 1, 386.
Maulde (Jehan de), 68 n. 1.
May (Guillaume de), 77 n. 3.
Meghem (Comte de), 100, 111.
Megnot (Jeannette), 78 n. 3.
Megnol (Jehan), 78 n. 3.
Megnot (Margotine), 78 n. 3.
Megnot (Isabelle), 78 n. 3.
Jlélanchton, 100, 111.
Meleun (Arthur de), 203.
Jleleun ^Hélène de), 147, 147 n. 4.
Meleun (Hugues de), 169, 169 n. 5.
Meleun (Pierre de), prince d'Espinoy, 203. 203, 206,
206 n. 5, 213, 214, 221, 222, 223, 223 n. 3, 223,
227, 227 n. 2, 228, 229, 229 n. 1, 230, 231, 232,
233, 233, 233 n. 1, 236, 236 n. 2, 241, 244, 246.
250, 394.
Menin, 160, 233.
Merchier (Caron), 183 n. 1.
Merchier (François), 183 n. 1.
Herchier (Jacques), 183 n 1.
Merchier (Fol), 183 n.l.
Mercy-le-Haut, 86.
Merel (Jehennei, 297.
Merlain, 232.
Merman (Andrieu), 145, 385.
Mérode (Bernard de), 104.
Meurisse fNicolas), 268 n. 1.
Metz, 86, 197 n. 5.
Mézières, 38,41,42.
Meyhoffer (Jean), 396.
Michel (Adrieu), 102, 102 n. 3, 293.
Miette (Henry), 301.
Mil (Charlotte de), 148 n. 1.
Milan, 31.
Milanais, 31.
Minehon (Christophe), 197 n. 6.
Minutte (Salomon), 296, 385.
Moenens (Jean), 249 n. 2.
Moison, 41 n.l.
Mol (Jehan), 296.
Moncheau (Gervais), 133, 133 n. 3, 296.
Monissart (Jean), 15 n. 3.
Monnier (Agnès), 285 n. 4.
Monnier (Marie), 285 n. 4.
Monnier (Olivier), 68 n. 1.
Monnier (Quinte), 283 n. 4.
Mons, 4, 6, 26 n. 3, 92 n. 4, 104, 135 n. 4, 193,
234 n. 1,260.
Mons (église Sainte-Waudru), 74.
Montbrun (capitaine de), 49.
Montigny (Jean de), 135, 135 n. 4, 136, 138, 139,
147 n. 3, 304, 308, 313.
Montmorency (Colinet), 78 n. 3.
Montmorency (Denis), 78 n. 3.
Montmorency (Floris de), 98, 98 n. 1, 106, 107, 112,
114, 116 n, 3, 142 n. 7, 147, 147 n. 4.
Montmorency (Jacques), 78 n. 3.
Montmorency (.Madeleine), 78 n. 3.
Montmorency (Philippe de), comte de Homes,
138 n. 3, 138 n. 5, 139, 140, 141, 142, 143, 143
n.3, 145, 146, 147, 147 n. 3, 148, 148 n. 4, 149,
176, 314, 334, 340, 341, 342, 345, 348, 349, 331,
358, 363.
Montreuil, 17.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
415
Mont-Saint-Aubert, 241.
Moreau (Nicolas), 385.
Morgan (Thomas), 'i-îl, 232.
Morillon (Gui), 148 n. 1.
Morillon (Maximilien), 117, 119, 147, 147 n. l,lo8
n. 3, 167, 198, 203, 204 n. 1, 256, 2.56 n. 2, 291.
Morlagne, 28 n. 3, 37, 37 n. 5, 37 n. 6, 39, 39 n. 3,
40, 72, 75, 164, 184, 203, 217, 217 n. 3, 218, 226,
226 n. 2, 231, 232, .302, 303, 304.
Motte (capitaine de la), 47.
Mottes (villa des), 23.
Moulbais (seigneur de), 147 n. 3, 156, 164, 314. 316,
317, 321, 324, 329, 333, 337, 340, 360, 361, 363,
364, 367, 368, 381, 382, .383, 384.
Mourcourt, 132.
Mouton (Jean), 173.
Mouvaulx, 127, 333.
Mouzon, 41.
N
Namur, 205, 208.
Naples, 47.
Nassau (comte de), 38, 39 n. 1, 40, 41 n. 1, 45 n. 1,
47, 47 n. 2, 48, 48 n. 1.
Nassau (Louis de), 186, 193, 234 n. 1.
Navarre, 17, 37.
Naves (S^ de), 109, 312.
Néchin, 132, 162.
Nemours (bois de), 265.
Nény (de), 9, 74, 74 n. 2.
Neuville, 42 n. 2.
Nielles (Charles de), 130, 334.
Nieulles (Guillebert de), 47 n. 1, 47 n. 2.
Nivelles, 210.
Noircarmes (S' de), 158, 159, 162, 162 n. 7, 163,
164, 165, 167, 168, 190, 2,30, 250, 380, 383.
Notet (Jacques), 396.
Notre-Dame (église) à Tournai, 75, 125, 129 n. 7,
335, 337, m, 344.
Norris (Johni, 231.
Noyelles (Pense de), 245.
Obigies, 132.
Olivier (Philippe), 385.
Ongies (François d'), 218 n. 1.
Ongnies (Gilbert d'), 193.
Opalfens (Jean), 14."i, 151 n. 2, 214, 353, 384, 38.ï,
386.
Orange (Prince d'), 185, 197 n. S, 199, 201, 202, 208,
210, 223, 236, 334.
Orchies, 192, 216, 222.
Orcq, 24 n. 3, 68, 80 n. 2, 132, 159.
l'acilioation de Gand, 202, 206, 207, 208, 211, 212,
213, 214. 216, 218, 220, 221, 222, 222 n. 1, 223,
224, 228, 394.
Paillard (Ch.), 9, 85 n. 1, 86 n. 5, 87 n. 2, 90 n. 1,
105 n.l.
Painlevé (Philippe), 49, 49 n. 2, 50.
Paix de Religion (Religionsfrid) , 211, 214, 218,
219.
Pallavicini (Antoine), 15 n. 3.
Pardieu (Valentin de), 233.
Parfait (Gilles), 173.
Paris, 15 n. 3, 56, 259
Paris (Parlement de), 23, 70, 266.
Paris (Université de) 284.
Parme (Marguerite de), 89, 89 n. 3, 90, 92, 92 n. 2,
97, 100, ^02, 103, 104, 106, 106 n. 1, 106 n. 6,
108, 109 n.l, 110 n.2, 115, 116, 122, 123, 125,
135, 141, 142, 142 n. 4, 143, 143 n. 6, 146,147,
147 n. 3, 148 n. 4, 149, 150, 153, 154, 158 n. 3,
163, 166, 167, 168, 243, 304, 357.
Pasture (Roger de la), 290.
Pecq, 75, 132.
Pecquere (Jean), 251.
Pelet (Éleuthère), 183 n. 1, 386.
Pelel (Pierre), 300.
Perpignan, 259.
Pertris (Adrien), 387.
Petit (Antoine), 298.
Petit (Françoise), 172 n. 6.
Petit (Michel), 100, 295.
Petit (Pierre), 266 n. 1.
Petit (Roland), 385.
Petitkeux (Jean), 73.
Philibert II (duc de Savoie), 16 n. 1.
4U
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Philipot (Simon), 298.
Philippe-Auguste, 14, 12 n. 1, 15 n. 2.
Philippe le Beau, 13, IS n. 3. 16, 262.
Philippe le Bon, 13.
Philippe II, 70, 73, 74, 88, 89, 89 n. 3, 90, 91, 92. 99,
100,102, m, 114, 115, 117, 117 n.l, 122. 124,
147 n. 4, 149, 154, 174 n. 1, 173, 177, 188, 193,
197, 198, 199, 221, 222, 224. 225, 232, 233, 269,
291.
Philippo, 301.
Picq(Jean), 113,296.
Picardie, 38, 40, 42.
Pieraant (Bauduin), 301.
Pigott (William), 231.
Pinehart, 178 n. 1.
Pintafiour, 256 n. 2.
Piot, 10, 122 n. 3, 128 n. 1, 133 n. 4, 193 n. 2, 233
n. 1, 236 n, 1.
Pipe (Henn), 236 n. 2.
Pire (Jérôme du), 145, 233, 254.
Pirenne, 19, 261 n. 5.
Plucquet ou Ploucquet (.Nicolas), 138, 239, 243, 383.
Poch (Marie au:, 120 n. 1.
Polinchove (Pierre), 249 n. 2.
Poilu (Jacques), 301.
Pont-à-Rieu, 118, 118 n. 4, 119.
Pont-k-Vendin. 18.
Pontus (Heuterus), 9, 14 n. 3.
Ponyngnes (Edward, S' de Monjoy), 26. 26 n. 1, 26
n. 3, 28 n. 2.
Poperinghe, 160.
Pot (Louis), 13 n. 3.
Potier (Jeanne), 28 n. 3.
Pottre (Pierre de), 284 n. 1.
Poulain (Valeran), 120 n. 1.
Poullel, 9, 10, 55 n. 1, 53 n 3, 80 n. 5, 84 n. 3,
85 n. 5, 88 n. 3, 90 n. 1, 103 n. 2, 117 n. 3, 119 n. 1,
134 n. 3, 139 n. 3, 161 n. 1, 164 n. 4, 170 n. 3,
175 n. 5, 176 n. 2. 182, 185 n. 3.
Pourbus (François), 290.
Pourier (Jean le), 40.
Pourret (Alexandre), 230 n. 6.
Poutrain, 4.
Pragmatique-Sanction, 15 n. 3.
Preis (Jeanne de), 110 n. 6.
Prescott (W.-H.), 10, 132, 132 n. 1, 149 n. 1.
Prés-aux-Nonains (abbaye des), 128, 128 n. 5, 159.
Prés-Porchins (abbave des), 18, 81, 81 n. 3, 128 n. 5,
279.
Prestonne (Edward), 246.
Prévost (Jehan), 108 n. 4, 293.
Preys (Jean de), 68 n. 1, 249 n. 2.
Preys (Nicoles de), 64 n. 3.
Preys (Pierre de). 120, 120 n.2.
Proisy (Louis de), 35 n. 1, 37, 37 n. 6.
Pruvost, 10, 161 n. 1.
Puich (Jean du), 180 n. 3.
Puis (Jean du), 68 n.l.
Puy de rhétorique, 111, 113.
Pye (Jérôme), 84.
Quarmont (Henri de), 62 n. 1, 64 n. 3.
Querquefoeille (Jehan), 62 n. 1.
(juesnoy-sur-Deule, 137.
Queval (Jehenne), 78 n. 3.
Quick (Pierre), 15 n. 3.
Quinet (Edgar), 103, lOo n. 3.
Rabutin (Louise de), 39 n. 2.
Rahlenbeck(Ch.), 10, 111, 116 n. 6, 131 n. 1, 177 n. 1.
Ramegnies-Chin, 162.
Rapin de Thoyras, 17 n 2, 30 n. 3, 31 n. 3.
Raphaël, 301.
Raspaille, 214.
Rasse (François de), 28 n. 6.
Rassenghien (baron de), 161.
Ratel (Valentin), 156 n. 3.
Rechem (Jehan de), 3S7 n. 1.
Recourt (Philippe de), 248, 248 n. 6.
Reims (Archevêque de), 15 n. 3, 30 n. 1.
Reinach, 81 n 4.
Renon de France, 10. 122 n. 3, 176 n. 2, 177 n. 1,
197 n. 5.
Requesens, 183, 194, 196, 196 n. 6, 197, 198.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
415
Ribera (Ambrosius de), 178 n. 2.
Ricquart (Jehan), 298.
Rio (M.-A. del), 10, 199 n. 2, 199 n. 4.
Rithove, 190.
Rivaut (Jean), 357.
Robiltre (Vincent), 251.
Robert (Jacques), 158, 158 n. 1.
Robert (Nicolas), 339.
Robert (Pierre), 297.
Robertet, H n. 2.
Robette (Jacques), 82, 82 n. 2.
Robillart (Michel), 108, 108 n. 5, 295.
Robles (Gaspard de). 163, 163 n. 6, 165.
Roche-Beaucourt (de la), 32 n. 2, 33 n. 2.
Rocq (Olivier de), 113.
Rogé (Andrien), 82 n. 2.
Romborl(Jeani, 384, 385,386.
Rome, 15 n. 3, 30, 31,91.
Rongy (M"' de), 290.
Roubaix, 127, 133.
Rousbrugghe, 160, 160 n. 5.
Rozu (Gaspard), 172.
Rubempré (Marie de), 162 n. 7.
Rumegnies, 49.
Rumes, 75.
Rumillies, 72 n. 2.
Ruyant (Jean), 129.
Ryraer (Thomas). 10, 17 n. 3, 26 n. 4, 28 n. 6, 30 n. 2,
30 n. 3, 31 n. 1, 32 n. 5, 33 n. 3, 3i n. 4, 35
n.l.
Sacqueleu, 23 n. 3.
Sade (Jacques), 297.
Sainte-Aldegonde (Philippe de), 158, 159, 162, 162
n. 7, 163, 164, 165, 167, 168, 190, 230, 250, 380,
383.
Saint-Amand, 4, 22 n. 2, 28 n. 3, 37, 37 n. 5, 39, 40,
40 n. 1, 72, 74, 154, 164, 184, 204, 227, 231, 302,
303, 304, 379.
Saint-Amand (abbaye de), 15 n. 3, 255.
Saint-Antoine (serment), 40, 313, 322.
Saint-Bernard (abbé de), 221.
Saint-Bertin (église de), à Saint-Omer, 7S.
Saint-Brice (église de), 126, 134, 343.
Sainte-Catherine (église de), 128, 343.
Sainte-Chrétienne (serment), 322.
Saint-Éleuthère (châsse de), 80.
Sainte-Fontaine (porte de la), 38.
Saint-Génois, 27.
Saint-Genoix (Arnould de), 249 n. 2.
Saint-Genoix (Nicolas de), 28, 28 n. 3, 262 n. 2, 263,
264.
Saint-Georges (serment), 127, 313, 322.
Saint-Ghislain, 234, 235.
Saint-Hubert en Ardennes, 49.
Saint-Jacques (église de), 128, 134, 141 n. 3, 143 n. 2,
343.
Saint-Jacques (hôpital), 172.
Saint-Jean (église), 125.
Saint-Louis (chapelle), 130.
Saint-Martin (abbaye), 72, 75, 133, 137, 224, 279.
Saint-Martin (porte), 38, 238, 238 n. 1, 239, 240, 241,
242, 243, 248.
Saint-Maurice (serment), 322.
Saint-Médard (abbaye de), 72, 126, 179.
Saint-Michel (serment), 322.
Saint-Nicaise (église), 134, 141 n. 3.
Saint-Nicolas (hôpital), 144 n. 1.
Saint-Nicolas-des-Prés (abbaye de), 75, 128, 128 n. 6,
156, 157, 159, 161, 165, 224, 278,
Saint-Piat (croix), 307.
Saint-Piat (église), 128, 343.
Saint-Pierre (église), 127, 128, 284 n. 4.
Saint-Quentin, 17.
Saint-Quentin (église), 125, 128, 143 n. 2, 230.
Saint-Sébastien (serment), 322.
Saint- Vaast (abbé de), 186, 219, 220, 221.
Sampson, 27, 27 n. 1, 27 n. 2, 28 n. 6.
Sanchelle (Simon), 297.
Sarrazin (Jean), 219 n. 3.
Sauldoier (Nicolas le), 119 n. 6.
Saulchoir (abbaye du), 159, 279.
Savoie (duc de), 16 n. 1, 271.
I Savonarole, 78 n. 3.
416
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Says (Jean), 139, 14S, 178 n. 1, 353, 353, 386.
Says (Louis), 151 n. 2, 385, 386.
Scarpe, 42, 133.
Schlestadt, 85 n. i.
Schrewsbury (comte de), 17.
Schore (Louis), 85 n. 1.
Scot(Jean), 50, 50n. 1.
Scrabe (Nicolas), 88.
Ségard (Simon), 298.
Ségovie (bois de), 115, 116.
Senlis, 135 n. 4.
Sergant (Pasquier), 300.
Silveslre (évêque de Winchester), 31.
Simon (Jacques), 385.
Simon (Simon), 249 n. 2.
Siret (Jean), 49, 50.
Sixte IV, 15 n. 2.
Snoucli (Livine), 200 n. 5.
Snytz (Cornille), 296.
Sœurs noires, 129, 129 n. 3.
Sohey, 226.
Soil (E.), 261 n. 3.
Solon (Jean), 31.
Soré (Jean), 300.
Soreau (Jean), 158, 162, 163, 385, 386.
Sourdeau (Nicolas), 178 n. 2.
Souverain (Robert), 300.
Strada, 10, 139 n. 1, 141 n. 2, 143 n. 1, 144 n. 1,
146 n.2, 147 n. 1. 148 n. 3, 149 n. 2, 152 n 1,
234 n. 2, 233 n 2, 252, 232 n. 2, 254.
Strasbourg, 85, 85 n. 4, 86.
Strypé, 30 n. 3.
Sueur (Philippe de), 169.
Suisse. 92, 92 n. 4.
Taffin, 85.
Taffin (Jean), 197, 197 n. 5.
Taffin (le ministre), 214.
Taffin (Nicolas), 101, 120, 123, 145, 146, 150, 183 n.l,
326, 329, 330, 353, 3.'>4, 363, 368, 384, 383, 386.
Taffin (Simon), 111.
Taingtenier (Jean), 157, 158.
Talbot (Georges), 17.
Talleraant, 303, 306, 308, 38S.
Tasse (Daniel), 68 n. 1.
Telier (Amand), 385.
Templeuve, 157, 237.
Termonde, 73.
Ternois (Joachim), 298.
Teste d'or (maison de la), 112
Thérouanne, 17, 18.
Therret (Robert), 137, 158, 162.
Thieulier (Guillaume), 385.
Thieffry (Quentin), 87.
Thieullerie (Jehan de la), 299.
Thomson, 30 n. 3, 32 n. 2.
Thorn-Carbonnelle, 129 n. 2.
Thouars (Louis de), 249 n. 2.
Tilloel(Denisdu), 62n.l.
Tingry (le seigneur de), 219 n. 3.
Tirlemont, 210.
Tisnacq (Charles de), 85, 83 n. 1, 87.
Tolède (Antoine de), 184 n. 5, 193.
Tombe (Jacques de le), 87.
Terre (Jacques de la), 149, 150, 363, 364, 365.
Tourcoing, 127, 133, 157.
Tourcoing (Guillaume de), 145, 150 n. 1, 384, 383,
386.
Touwart (Alard de), 78 n. 3.
Touwart (Antoinette de), 191 n. 4.
Touwart (Jeannette de), 78 n. 3.
Touwart (Josne de), 78 n. 3.
Touwart (Simonette de), 78 n. 3.
Trente (Concile de), 114.
Troyes (traité de), 56.
Turcqueau (Pierre), 234, 234 n. 1.
Turut (Jehan), 396.
T'Zevel d'Osterel (Françoise), 174 n. 1.
U
Utrecht, 90.
Ltrecht (Union d'), 221, 225.
INDEX ALPHABÉTIQUE.
417
Vaillant (Pierre), 180.
Val (Bonne Maison de le), d8, 4S9, 173, 288.
Valenciennes. 38, 86, 92 n. 4, 104, 118, HS, 132,
135, 152, l.'iS, l.'i9, 162, 164, 200, 216, 228, 233,
322. 327, 328, 329, 333, 379.
Valenciennes (Porte de), à Tournai, 156, 162, 168.
Van den Broeck, 130 n. 7.
Van der Aa (Marguerite), 37 n. 3.
Van der Geynst (Marie), 89 n. 3
Van der Haeghen, 81 n. 3, 83 n. 3, 87 n. 2, 87 n. 3,
87 n. 4, 88 n. 1, 88 n. 2, 100 n. 5, 108 n. 4, 113
n.4,295n. 1.
Van der Pippes, 309.
Van der Sare (Denis), 87.
Vangermès (Jehan), 388 n. 1.
Van Langeraad, 94 n. 4, 94 n. 8.
Varniaux (Marguerite), 78 n. 3.
Vendôme (duc de), 40.
Venduille (Yolande de), 230 n. 2.
Vergile(Polydore). 29, 30 n. 3, 31 n. 4, 33 n. 1.
Verlysen (François), 109, 312.
Verstraete, 233 n. 3, 234 n. 2, 235 n. 1, 239 n. 1.
Vicogne (abbaye de), 133.
Viglius, 142 n. 6, 149, 150, 190.
Vignacourt (Jeanne de), 23 n. 1.
Vigne (Porte del), 238, 239, 241, 243.
Vilain de Gand (François), 91 n. 4.
Vilain (Maximilien), 138 n. 3, 160.
Vilers (Pierre de), 386.
Villain (Jacques), 169.
ViUain(Jean), 169, 387n. 1.
Villain de la Boueharderie (Madeleine), 120 n. 2.
Villain (Marie), 173 n. 7.
Villers (Jehan de), 298.
Villers (S' de), 135, 135 n. 4, 136, 138, 139, 147 n. 3,
304, 308, 313.
Vilvorde, 178 n. 2.
Vincquière (Mahieu), 249 n. 2.
Vingne (Bertrand de le). 171 n. 1.
Vingne (Gérard de le), 168.
Viry (Marie de), 174 n. 1.
Tome I. — Lettres, etc.
Visart (Jean), 174, 296.
Visch (Claude de), 227 n. 2.
Viscre (Arnould de), 249 n. 2.
Vitrier (Jean), 81.
Vivequin (Regnault), 298.
Vlerick (Pierrej, 290.
Vlieghe (Barbe de), 110 n. 3.
Voisin, 15 n. 3.
Vrey (Henri de), 298.
Vriendt (Corneille de), 290.
Vriendt (Pierre de), 283.
■w
Wannebausart (Arnould de), 300.
Wannet (Claude), 299.
Warchin, 72 n. 2.
Warcoing, 76, 226, 233, 254.
V^faregny (Pierre de), 298.
Warling (S' de), 1.33.
Warny de Wisempière (Ph.), 10, 239 n. 2, 240 n. 2,
241 n. 2, 242 n. 3, 243, 243 n. 3, 244 n. 2, 243
n. 1, 246 n. 2, 247 n. 1, 248 n. 1, 252, 252 n. 4,
254, 255n.l.
Walrelos, 157, 160, 160 n. 3, 161, 162.
Wauequier (Jehan), 297.
Webeghorde (Pierchon), 82 n. 2.
Welles, 231.
Welser (Jean-Jacques), 394.
Werchin (Jean de), 129 n. 2.
Werchin (Pierre de), 394.
Westminster (traité de), 26 n. 4, 27 n. 4.
Westphalie (Henri de), 81, 81 n. 4.
Wez, 28 n. 3, 37, 37 n. 3, 40, 232.
VVille (Ambroise), 118, 118 n. 3, 119, 120, 130, 130
n. 7, 131 n. 1, 133, 137, 143 n. 3, 144 n. 4, 145,
150 n. 2, 317, 334, 339, 340, 333, 384, .385, 386.
Wille (Jean), 174, 296, 384, 385, 386.
Willem (Jean de), 158, 158 n. 6.
Willocqueau (Chrétien), 230 n, 6.
Willoqueau (Jeanne), 158 n. 6.
53
418
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Winchester, 31.
Wittemberg, 81.
Witthem (Jeanne de), 248 n. 6.
Witthem (Marie de), HO n. 6.
Wolsey (Thomas), 23, 27, 27 n. 1,
n. 2,^31, 32, 33, 41 n. 4, 43.
Worcester (comte Charles de), 34.
Wulf(Collardde,280.
Wutz (BaJthazar), 197 n. 6.
27 n. 2, .30, 30
Ypres, 77, 157, 233, 278, 280, 313.
Yvains (Jakemès), 172 n. 2.
Zélande, 197, 199, 201, 202, 208, 212, 216.
Zwingle, 85 n. 4.
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