Skip to main content

Full text of "Traité de la garance, et de sa culture. Avec la description des étuves pour dessécher cette plante, & des moulins pour la pulvériser"

See other formats


Digitized by the Internet Archive 
in 2009 with funding from 
University of Ottawa 


http://www.archive.org/details/traitdelagaran00duhauoîft 


LA 
N AT 


ÉUTA 


à RE 
pee sf au 


do 4 FR -domgosi ee 


TRATTÉE 
DE LA GARANCE, 


ET 
DE SA CUETURE. 


Avec la Defcription des Étuves 
pour deffécher cette Plante, G 


des Moulins pour la pulvérifer. 
NOUVELLE EDITION. 
Avec Figures en taille-douce. 


Par M. DUHAMEL DU MONCE AU, de l’Académie 
Royale des Sciences ; de la Société Royale de Londres ; 
de celle des Arts & du Commerce d'Angleterre; de 
la Société d'Edimbourg ; de l’Inflitur de Boulogne ; 
de l’Académie Impériale de Petershourg ; de celle 
Phyfico-Botanique de Florence, &'c. & de pluieurs 
Sociétés d'Agriculture ; Infpelteur Général de la 
Marine, 


X: PAR I 9 


Chez H.L. Guerin & L.F. DELcAToUs, 
rue S. Jacques, à S. Thomas d'Aquin, 


M'DEÉ EXT 
Avec Approbation & Privilege du Roi, 


DES ARTFICELES. 


a AITÉ de la Garance & de fa 


Culture , Page 1 
INTRODUCTION, Ibid. 
ArRTicee I, Des différentes efpeces de Garance, 6 
ART. Ii. Defcription de la Garance, Rubia Tin- 

Étorum fativa, C. B. e 
ART. 11, Des Terres propresa la Garance, 11 
ART. IV. Préparation de la Terre pour en faire 


une Garanciere , 13 
ART. V. Multiplication de la Garance par les 
Semences ; 14 
Arr. VI. Maniere de former une Garanciere avec 
de gros pieds bien pourvus de racines, 22 
ART. VII. Maniere de former une Garanciere avec 
des tronçons de Racines , 24 
ART. VIII, De la Mulriplication de la Garance par 
les Drageons enracinés , 2$ 


ART. IX. Culture dela Garance plantée par Tlan- 
ches & Plate-bandes ; avec la maniere de faire 
les Couchis , 33 

ART. X,. Récolre des Racines de Garance, 4I 

ART. XI. DuDefféchement de la Garance, 44 

ART.X II, Qu'on peur employer la Garance verte, 
fans la deffécher ni la pulvérifer , SI 

ART. XIII. Du choix de La Garance, 59 

ART. XIV. Maniere de faire un Effai de Teinrure 

_ avec la Garance, 64 

ART. XV. Maniere de deffécher & de puluérifer la 
Garance , 66 


pi TALLE DES ARTICLES. 


Arr. XVI. Culture de la Garance en Zélande &r en 
Hollande , : 69 
ArT. XVII, Arrêt du Confeil d'État du Rot du 


29 Février 1756, en faveur de ceux qui culri- 
veront. la Garance 73 

* DescRiPTION des Etuves pour def- 
fécher la Garance, & des Mou- 
lins pour la pulvérifer , 76 


ARTICLE Î. Defcription de l'EtuvedeLille, ibid. 
ART. II, Réflexions fur l'Etuve qu'on emploie à 


Lille , S4 
ART. III. Du fourneau de cette Etuve, 92 
ART. IV. De la Meule verticale, pour écrafer la 

Garance , 95 


ART. V. Defcription du Moulin à grapper la Ga- 
rance, tel qu'il ef} exécuté à Lille en Flandre , 96 
Arr. VI. Réflexions [ur la confiruttion du Moulin 


de Lille, 102 
ART. VII. Defcription du Moulin à puluérifer la 
Garance , conflruit a Corbeilles , 10$ 
OBSERVATIONS, 113 
EXPLICATION des figures du Moulin de Corbeil- 
les , 118 
CONCLUSION, 126 


Fin de la Table des Articles. 


NOT 4. 


L’Approbation & le Privilege du Roi fe trouvent 
dans les précédentes Editions, 


TRAITÉ 


TRAITÉE 
DE LA GARANCE, 


ET 


DE SA CULTÜRE. 


cé cr Li Ce Ce CO ci 


INTRODUCTION. 
| A RACINE DE LA GARANCE eft d’un 
ufage fort étendu pour la Teinture des 
Laines, du Coton & des Etoffes. Elle 
les teinten rouge : cette couleur, à la 
vérité, eft peu brillante; mais elle ré- 
fifte fans altération à l’a&tion de l’air, à 
celle des rayons du foleil, & à l'effet 
des ingrédients qu'on emploie pour 
éprouver fa ténacité. On l'emploie en- 
core pour donner de la folidité à plu- 
fieurs autres couleurs compofées, 


A 


3 CULTURE 

Ces avantages ont engagé le Minif- 
tere à encourager la culture d’une plan- 
te qui devient d’une fi grande impor- 
tance pour plufeurs Manufa@ures. Ce 
motif la porté à accorder en 1756 
des privileges diftingués en faveur de 
ceux qui entreprendroient de la cul 
tiver. J'ai été engagé à publier en 
3757, un Mémoire fur la Garance & 
fur fa culture. L’édition de ce petit 
ouvrage fe trouvant épuifée, & la con- 
fommation de cette plante étant de- 
venue plus confidérable que jamais, par 
létabliffement de quantité de Manu- 
fa@ures de Toiles peintes, on en a de- 
firé une réimpreflion. Mais comme la 
culture & l'emploi de la Garance fe font 
beaucoup perfe&ionnés depuis 1757; 
j'ai cru devoir faire des changements 
& des additions confidérables à mon 
premier Mémoire, pour le rendre plus 
utile au Public. Mon principal objet 
eft toujours Île même, celui d’inftruire 
Je Cultivateur préférablement au Tein- 
turier, qui probablement renonceradé- 


DE LA GARANCE. 3 
formais à tirer de l'Etranger la racine 
de cette plante, lorfqu’il verraque nos 
Provinces feront en état de lui en four- 
nir de très-bonne qualité , &au même 
prix que celle qu'il tire des Hollan- 
dois, des Zélandois , &c. 

La culture de la Garance n’eft point 
nouvelle en France : on enéleve de- 
puis long-temps aux environs de Lille 
en Flandre ; mais comme les Payfans 
de cette Province font toujours avides 
de jouir du bénéfice de leur récolte, ils 
arrachent les racines avant qu’elles 
aient eu le temps d’acquérir affez de 
groffeur , ce qui fait qu’elles ont peu 
de parenchyme, qui eft la partie qui 
contient principalement la fubftance 
colorante. C’eft pour cette raifon que 
la Garance de Flandre eft moins efti- 
mée que celle de Zélande. 

Nous ne penfons pas cependant que 
les plus groffes racines foient toujours 
les meilleures:1l ya en cela,comme en 
beaucoup d’autres chofes, un milieu à 
obferver. Des racines de cette plante 


À 1 


4 CULTURE 

qui auront refté très-long temps en 
terre , fe trouveront [ouvent avoir 
moins de parties colorantes que d’au- 
tres qui , par une bonne culture, fe- 
ront aflez promptement parvenues à 
une grofieur convenable. J’en ai ce- 
pendant vu de très-belles qui avoient 
été arrachées dans les bois & dans 
d’autres endroits où elles avoient crû 
naturellement ; & où probablement 
cette plante fubfftoit depuis long- 
temps. 

L’Azala ou Izari,qui eft une Garance 
que l’on cultive dans les plaines de 
Smyrne , féchée fans feu, eft la feule 
efpece de toutes celles qui entrent dans 
le Commerce qui donne au coton bien 
préparé ce rouge vif incarnat, que l’on 
appelle Rouge d’Andrinople , & qu'on 
imite fi bien maintenant en France, 
On l'envoie en nature à Marfeille : 
ceux qui en veulent faire ufage , la font 
pulvérifer. 

Cette Garance de Smyrne n’elt ce- 
pendant pas la feule qui donne un fi 


DE LA GARANCE. $ 
beau rouge. On eft parvenu à donner 
cette belle couleur au coton avec la 
Garancé des Provinces de Languedoc, 
de Poitou, du Gatinois, des environs de 
Rouen, & même avec celle qui croît 
fans culture au pied des haies. Il faut 
avoir foin de faire fécher cette racine, 
de maniere qu’elle ne contraéte aucune 
impreflion de fumée, & par une cha- 
leur modérée. Nous en parlerons dans 
Je cours de cet Ouvrage. 

Il eft étonnant qu’on abandonne 
aux Etrangers la culture d’une plante 
dont la plupart des Propriétaires des 
terres pourroient tirer un profit confi- 
dérable , en fe conformant aux inftru- 
&ions qu'ils pourront puifer dans ce 
petit Ouvrage. 


A ii 


6 CU EUMN EE SRE 


LL. 2 


A ROBE CL ERE 
Des différentes efpeces de Garance. 
EF y à plufieurs efpeces de Garance 


qui toutes fourniffent de la teinture. 
M. GueTrarp , de PAcadémie Royale 
des Sciences, a éprouvé que les Caille-lait, 
Gallium (PL. I. fig. 2), pourroient en four- 
nir; mais il ne dit point que ce rouge foit 
auffi intenfe , ni auffi beau que celui des 
garances ; d’ailleurs les racines de Gallium 
font très-menues. Il eft vrai que le Raye- 
de-chaÿe, ou Chayaver ( Hediotis herbacea 
Linn.), qu'on emploie pour la teinture 
rouge fur la côte de Coromandel, eft vrai- 
femblablement un caïille-lait 3 ce font des. 
plantes rubiacées qui fourniffent la teinture 
rouge : néanmoins M. d'AMBOURNEY , 
de la Société d'Agriculture de Rouen , ce 
zélé Citoyen , qui a fait plufieurs belles 
découvertes fur la garance , & que je 
citerai plufieurs fois à cette occafion, n’a 
pu jufqu à préfent tirer une belle couleur 
du gallium : les racines de cette plante font 
fi déliées qu’on peut négliger de l’em- 
ployer pour la teinture. 

Îl ÿ a encore une plante fort appro- 


DE LA GARANCE, "7 
chante de la garance , qu’on nomme Croi- 
fette | Cruciata ou Rubia quadrifolia vel 
latifolia levis. I. B. Cette plante ne dif- 
fere du Gallium que parce qu’elle n’a à 
chèque étage que quatre feuilles difpofées 
en croix. Je n’ai point examiné fi fes ra- 
cines donnent beaucoup de couleur , mais 
M. d’Ambourney a teint en beau rouge 
du coton, avec des racines fraîches de la 
Cruciata Lufitanica , latifolia glabra , 
flore albo : INsT. Il y a employé de ces ra- 
cines fraîches , au poids de fix fois celui 
du coton. Ce coton après avoir été teint, 
a bien réufñ à l’avivage , & a foutenu le 
débouilli du favon pendant dix minutes. 
Comme je fuis perfuadé que M. d’Am- 
bourney communiquera le détail de fon 
expérience à la Société d'Agriculture de 
Rouen , ilme fufht ici d’annoncer le fait. 

L’Azala ou Izari de Smyrne, que on 
emploie à Darnetal & à Aubenas pour faire 
les belles teintures incarnates fur le coton, 
à la façon d’Andrinople , eft une vraie 
garance : il en croît naturellement quel- 
ques efpeces dans les haies & dans les bois, 
dont les racines , lorfqw’elles font féchées 
avec précaution, fourniflent d’aufhi belle 
teinture que l’Azala de Smyrne. M. d’Am- 
bourney a cultivé une efpece de garance 


qui s’eft trouvée fur les rochers d’Oifel 
A iv 


8 Curfvreze 

en Normandie : les racines de cette plante 
lui ont donné une teinture du moins auffi 
belle que l'Azala. 

L’efpece qu’on cultive le plus ordinai- 
rement eft le Rubia Tinétorum fativa, C. B. 
C’eft cette même efpece dont on fait des 
plantations en Zélande & aux environs de 
Lille ; on la deffeche, on la pulvérife, & 
on envoie vendre en France fous le nom 
de Garance, Grappe de Hollande.( PL E, 
fig. 1). 

Il n’eft pas poffible de faire un auffi bel 
incarnat fur le coton , avec cette garance 
qu'avec l’azala de Smyrne, non plus qu’a- 
vec la garance d’Oifel ; mais je foupçonne 
que cette différence ne dépend pas parti- 
culiérement de l’efpece de garance, puif- 
que le rubia trinétorum fativa, qu’on a 
cultivé en plufieurs endroits du royaume, 
a donné à M. HELLOT, de l’Académie 
Royale des Sciences, une auffi belle tein- 
ture que l’azala. Nous ferons voir dans la 
fuite en quoi nous eftimons que confifte le 
défaut des garances de Zélande & de 
Lille : il faut, avanttout, donner la def- 
cription de la garance qu’on cultiveleplus 
communément. 


“br 


DE LA GARANCE. 9 


NRA EE" TE 


Defcription de la Garance , Rubia 
Tin£orum fativa , C. B. 


Carre PLANTE poufle des tiges lon- 
gues de 3 à 4 pieds, quarrées , noueufes, 
rudes au toucher ( PI. I. fig. 1) : elles fe 
foutiennent aflez droites : chaque nœud 
eft garni de cinq ou fix feuilles pofées 
dans le pourtour de la tige , ou , comme 
difent les Botaniftes,verticillees : ces feuil- 
les font longues , étroites, garnies à leurs 
bords de dents fines & dures qui s’atta- 
chent aux habits. 

Les fleurs 2,b,c,d , naïffent vers les 
extrémités des branches : elles font d’une 
feule piece, figurées en godet , percées 
dans le fond c, découpées par leurs bords 
en 4ou $ parties : leur couleur eft d’un 
jaune verdâtre : on apperçoit dans l’in- 
térieur quatre étamines & un piftil, formé 
d’un ftyle fourchu ee, porté fur un em- 
bryon qui fait partie du calice. Cet em- 
bryon devient un fruit compofé de deux 
baies fucculentes attachées enfemble. 
Quand les fruits font mûrs , chaque baie 
contient une femence prefque rondefg, 


10 CULTURE 

recouverte par une pellicule : les racines 
de cette plante font longues , rampantes : 
d’autres fois pivotantes, de la groffeur d’un 
tuyau de plume, quelquefois de celle du 
petit doigt , ligneufes , rougeâtres, & 
elles ont un goût aftringent : c’eft cette 
feule partie qu’on emploie pour les tein- 
tures. M. d’'Ambourney qui a cultivé la 
garance d’Oiffel, dit qu’elle pouffe plutôt 
au printemps que celle de Lille : il ajoute 
que fes tiges menues fe penchent jufqu’à 
terre, dès qu’elles fe font feulement éren- 
dues de la longueur d’un pied : les feuilles 
de cette efpece font plus étroites que celles 
de la garance de Lille : la principale dif- 
férence qui diflingue ces deux efpeces de 
garance eft , fuivant le même Amateur, 
que les racines de celle d’Oïffel font moins 
grofles, moins vives en couleur, moins 
garnies de nœuds & de chevelu , que celle 
de Lille. Comme elle à donné à la tein- 
ture une belle couleur qui a mieux réfifté 
au débouilli que celle de Lille, M. d’Am- 
bournay foupçonne que c’eft cette efpece 
de garance qu’on nomme Azala ou Izari ; 
car il dit que la graine qu’il a tirée de 
Smyrne lui a effectivement donné la même 
plante. Néanmoins la graine tirée du Le- 
vant fous le nom d’Azala, a produit , au 
Jardin du Roi, la même efpece de garance 


DE LA GARANCE. 17 
que celle de Lille. Quant à moi , je foup- 
çonne que la garance d’Oiffel eft le Rubia 
filveltris Monspefqulana major, J. B. 

Cette garance donne de la graine bien 
plus promptement, & en plus grande quan- 
tité que celle de Lille ; mais elle ne prend 
pas auffi aifément de drageons. 


MORT EC BP )/TIT 
Des Terres propres à la Garance. 


L: GARANCE fubfifte dans toutes fortes 
de terres ; mais elle ne fait pas égale- 
ment par-tout de belles produétions. J’ai 
éprouvé qu’elle ne fe plaît pas dans les 
terreins fecs , quoique bons pour le fro- 
ment: elle aime les terres fubftantieufes, 
douces & humides en deffous ; mais elle 
périt quand elle eft fubmergée , ou dans 
les terreins aquatiques : j’en ai vu bien 
réuflir dans un fable gras qui étoit aflis 
fur la glaife 3 & comme un fond de glaife 
empêche les racines de pénétrer beaucoup 
enterre , elles coulent, pour ainfi dire, 
fur ce fol qui retient l'humidité, elles s’y 
multiplient , y deviennent fort grofles , & 
font plus aifées à arracher que celles qui 
pivotent beaucoup; car il y a telle de ces 


12 CuzTusr 

racines qui s'étendent de quatre pieds eñ 
terre. On aflure que la garance qu’on cul- 
tive dans l'ile de Tergoés en Zélande , 
croit dans un terrein gras, argilleux & un 
peu falé. 

M. DE CoRBEILLES a cultivé de la 
garance avec fuccès dans un terrein qui 
eit une efpece de marais, plus inondé des 
eaux de pluie, qui reftent fur le fol, faute 
d'écoulement , que par les débordements 
du Fufain, petite riviere qui le traverfe. 
Quoi qu’il en foit, ce terrein eft rempli de 
groffes & mauvaifes herbes de marais; 
mais après avoir été bien défriché & tra- 
verfé de foffés , la garance y a reufi : on 
peut conclure d’après les fuccès que cette 
plante a eus dans une pareille pofition, 
que les marais defféchés font propres pour 
la garance. 

M. d’Ambourney a élevé;avec affez de 
fuccès , de la garance dans une argille 
jaune , alliée de fable , fous laquelle , à la 
profondeur d’un fer de bêche , fe trouvoit 
un banc de caïlloutrès-ferré: cette terre, 
comme onpenfe, n’étoit pas d’une bonne 
nature; mais elle étoit neuve,& M. d’Am- 
bournay apperçut , en arrachant cette 
garance , que fes racines avoient pénétré 
dans le gravier. 


DE LA GARANCE. 13 


AR TH OE E LV: 


Préparation de la Terre pour en faire 
une Garanciere. 


Quaxn on fe propofe d’établir une ga- 
ranciere dans une terre qui eft déja en va- 
Jeur , il fuffit, pour la difpofer ärecevoir 
cette plante, de lui donner quelques pro- 
fonds labours, comme fi on la deftinoit à 
produire du grain : les racines s’étendront 
d’autant mieux que la terre aura été ameu- 
blie à une plus grande profondeur. 

Si on veut planter de la garance dans 
une terre en friche , il faut détruire les 
mauvaifes herbes qui en rendroient la 
culture très-pénible , & mettre la terre en 
état de labour par les méthodes qui font 
indiquées dans les Eléments d'Agriculture, 
Chapitre des défrichements *; puis faire 
enforte qu’elle fe trouve bien divifée 
ayant d’y femer ou planter la garance dans 
les mois d'Avril , Mai & Juin. La terre 
ayant été bien ameublie , amendée &net- 
toyée d'herbes , ii ef néceflaire de fe 
pour voir de graine ou de plant, ainfi que 
nous l’allons dire. 


* Cet ouvrage eft en deux Volumes in-12 avec figurest 
i1fe vend chez Guerin & Delatour, rueS. Jacques, 


14 C CAR U'AUE 


À, KB ICT EME 
Multiplication de la Garance par 


les Semences. 


Ox PENSE aux environs de Lille que 
la garance qu’on y cultive, ne donne point 
de graine : quoique les fleurs de cette ef- 
pece foient plus fujetres à couler que celles 
de la garance d’Oiffel , & qu’elles en don- 
nent moins que celle-ci, néanmoins elles 
en donnent; & fi on n’en recueille pas à 
Lille, c’eft qu'on y eft dans lPufage de 
couper les tiges de cette plante avant que 
la graine foit mûre & bien formée. Il eft 
très-certain que la garance d’Oiflel, & celle 
qui croit naturellement en Poitou & en 
beaucoup d’autres Provinces , fourniflent 
quantité de graine, ainfi que l’Izari ou 
Azala de Smyrne. M. d’Ambourney ne 
cultive que ces efpeces qui donnent de la 
graine dès la premiere année. Dans la fe- 
conde , on recueille jufqu’à deux mille grai- 
nes fur un feul pied qui n’auroit pu fournir 
tout au plus que vingt ou trente boutures. 
Cette feule confidération fait fentir, com- 
bien il eft avantageux de multiplier la ga= 
rance par les femences, 


DE LA GARANCE. 15 
Quand on a peu de pieds de garance, 
la récolte des femences ef difficile , parce 
qu’on les cueille alors une à une dans la 
crainte de n’en point perdre ; mais quand 
on eft bien pourvu de plantes , on en 
fait couper les grappes aufli-1ôt que la plus 
grande partie de la graine eft mûre : les 
femmes de journée que l’on charge ordi- 
nairement de ce travail , mettent ces grap- 
pes dans leur tablier à mefure qu’elles les 
cueillent, enfuite elles les étendent fur des 
draps à l’expoftion du foleil. Au bout de 
deux ou trois jours,quand l’herbe eft fuff- 
famment feche, on bat le tout avec des 
baguettes,comme on bat la laine; la bonne 
graine fe fépare aifément d’avec les grains 
verds & les ordures, après quoi on la 
vanne. 

La graine eft réputée bien mûre, quand 
elle eff noire ou violette. On l’expofe une 
feconde fois au foleil jufqu’a ce qu’elle de- 
vienne fonore ; car fi la pulpe qui l’enve- 
loppe n’étoit pas parfaitement defféchée, 
elle fe moifiroit pendant Phyver , & le 
germe périroit. M. d’Ambourney compte 
abréger encore cette opération en faifant 
couper l’herbe avec la faux. 

Cette récolte fe fait dans le mois de 
Septembre. On conferve cette graine dans 
des facs que l’on tient fufpendus dans un 


16 CULTURE 
grenier jufqu'au temps qu’on fe propofe 
de la femer , car les rats & les fouris en 
font friands. Si on vouloit la femer fur le 
champ , fur une couche , alors on feroit 
difpenfé de la faire fecher , car l’humidité 
qu'elle contient, en favoriferoit la germi- 
nation. 
La garance donne donc des femences, 
de même que prefque toutes les plantes ; il 
en a même des efpeces qui en four- 
niflent beaucoup. Nous ferons voir dans 
peu , que ces femences procurent un 
moyen für de multiplier cette plante: voici 
les précautions qu’il faut y apporter. Si 
l'on a peu de femence, ou fi l'on veut par- 
venir à une prompte multiplication, il faut, 
fans balancer, femer cette graine fur cou- 
che, ainfi que M. d’Ambourney l’a pra- 
tiqué. Cette couche peut s'établir fans 
beaucoup d’embarras. On fait en terreune 
tranchée de deux pieds de profondeur, on 
la remplit de fumier de cheval, d'âne ou 
de mulet, nouvellement tiré de l’écurie ; 
on foule bien cette litiere, & on en rem- 
plit la tranchée de trois pouces plus haut 
que le terrein. Si le temps eft au hâle, on 
jette par-deflus quelques feaux d’eau , & 
on charge cette couche de terreau de 
vieille couche ou de terre légere, à Pépaif- 
feur de quatre à cinq pouces : on preffe un 
peu 


DÉ LA GARANCE. 17 
peu cette terre en appuyant deflus avec 
des mains ; on la drefle avec le rateau, 
& on laifle pañler la chaleur du fumier. On 
met dans un pot, lit par lit, de la terre &c 
de la graine qu’on veut femer ; puis on y 
donne un léger arrofement. Au bout de 7 
ou 8 jours, la graine eft germée , & en état 
d’être femée. [l fera bon d'établir cette 
couche le long d’une muraille à l’expofition 
du levant ou du midi, & avoir foin de la 
garantir des vents froids avec des paillaf- 
{ons , comme on fait pour les melonieres. 

Vers la fin de Février, quand la grande 
chaleur de la couche eft pañlée, &r la graine 
germée , on fait des rigoles à trois pouces 
de diftance les unes des autres,& d’un pou- 
ce de profondeur, dans lefquelles on-ré- 
pand la graine germée mêlée avec la terre 
du pot. Nous confeillons de répandre cette 
graine par rangées , afin d’avoir plus de 
facilité à faire les farclages. Dans le temps 
de hâle, on donnera un léger arrofement 
à cette couche : fi pour cette premiere fois 
il furvenoit des gelées un peu fortes, il 
feroit bon de la couvrir pendant la nuit 
avec des paillaflons. On aura foin d’arra« 
cher de temps en tempsles mauvaifes her- 
bes. Les plantes fe montrent ordinaire- 
ment au bout de 4 ou $ jours. Si on a foin 
de les arrofer fréquemment , elles feront 


18 CurTunrrzr 

en état au mois d'Avril, d’être levées & 
d’être mifes en terre, comme nous le di- 
rons dans la fuite. 

Quand on jugera que les plantes font 
affez fortes pour pouvoir être bien-tôt ar- 
rachées,on mettra de nouvelle graine dans 
un pot,mêlée avec de la terre pour la faire 
germer comme la précédente, & on la 
répandra fur la même couche dès qu’elle 
aura été dégarnie du premier plant. Les 
cultures feront les mêmes que pour la pre- 
miere opération , excepté qu'on fera dif- 
penfé de prendre des précautions contre les 
gelées qui ne font pas alors tant a craindre. 
Ces fecondes plantes pourront être levées 
& tranfplantées vers la mi-Juillet ; mais on 
eft quelquefois obligé de différer cette 
opération,& de ne les replanter que lorfque 
la terre fe trouve humide , car cette cir- 
conftance eft abfolument néceffaire , fur- 
tout dans l’été. 

On peut encore faire germer de la 
graine pour la troifieme fois & en garnir 
la même couche ; mais rarement pourra- 
t-on la replanter dans la même année : on 
fera obligé de la laiffer fur la couche juf- 
qu'au commencement du printemps de 
Pannée fuivante. Ainfi on peut faire aifé- 
ment trois récoltes de plant fur une même 
couche. Si l’on donne à cette couche cinq 


DE LA GARANCE. 19 
pieds de largeur fur 30 ou 40 pieds de 
longueur , on aura beaucoup de plant, ce 
qui eft très-avantageux, parce qu’en éle- 
vant ainfi quantité de plant, on eff dif 
penfé de faire des couchis qui font moins 
avantageux, comme nous le dirons dans 
Ja fuite. 

Ces femis peuvent encore fe faire fur 
des planches de potager bien labourées & 
bien amendées: on couvrira les femences 
d'un pouce & demi ou de deux pouces de 
terreau. Au furplus , les arrofements , les 
farclages & les autres attentions doivent 
être les mêmes que pour les plants que l’on 
éleve fur couche. On ne peut femer en plei- 
ne terre avant le 10 ou le 12 d'Avril ; &il 
feroit difficile de femer deux fois fur les 
mêmes planches dans le courant de l’an- 
née : tout l'avantage qu’il y a, fe réduit à 
ce que ce plant qui aura refté cinq mois 
fur la planche , & qu’on ne replantera 
que vers la mi-Septembre, fera plus fort 
que celui que l’on aura élevé fur couche. 
Quand il fera queftion de lever ces diffé- 
rents plants, il faudra avoir une finguliere 
attention à ménager les racines, & à ne 
faire la tranfplantation que lorfque le temps 
fera difpofé à la pluie. 

M. d’Ambourney a encore réuffi à fe- 
mer cette graine germée dans la garanciere 


Bij 


20 CULTURE 

même ; mais il faut pour cela que la terre 
foit bien ameublie par les labours ; & avant 
de femer,on donne, avec une petite char- 
rue appellée binette , un labour léger & 
fuperficiel , afin que la femence nefetrouve 
pas trop enterrée : après avoir femé dans 
une raie, on en fait une autre dans la- 
quelle on ne répand point de femence, 
puis une troifieme que l’on feme, & ainfi 
alternativement dans toute l’étendue du 
champ. Si on vouloit fe fervir d’un femoir, 
il faudroit , après avoir bien herfé & bien 
uni la terre , répandre la femence avec le 
femoir , ce qui feroit d’une prompte exé- 
cution ; mais fur-tout il faut que la terre 
foit bien nette d’herbe , fans quoi on feroit 
néceffité à donner de fréquents labours,ce 
qui deviendroit bien à charge : cette pré- 
caution eft également néceffaire, & pour 
la garance qu’on replante , & pour celle 
que l’on feme en place. 

La vraie faifon pour femer en place 
cette graine après qu’on a eu foin de la 
faire germer , comme nous l'avons dit, eft 
celle du printemps, vers les derniers jours 
d'Avril : nous avertiflons que cette mé- 
thode confomme beaucoup de graine. Le 
moyen de s’en procurer abondamment eft 
de ne point arracher les plantes d’un 
champ où les racines feroient affez grofles 


DE LA GARANCE. 27 
pour qu'on put les employer à la tein- 
ture. Ces pieds vigoureux donneront cer- 
tainement beaucoup de graine , fans que 
l'intérêt du Propriétaire en fouffre ; car 
ceux que lon aura laiflé fubfifter une 
année de plus en terrre, fourniront une 
plus grande quantité de très - belles ra- 
cines. 

Quand on eft pourvu d’une grande 
quantité de beau plant élevé fur couche 
ou en planches, il faut le mettre en place. 
Pour ceteffet, la terre ayant été bien pré- 
parée & nettoyée de mauvaifes herbes, un 
Journalier entendu s’occupera à lever ce 
plant & à le mettre dans des corbeilles qu’il 
recouvrira avec de l’herbe ; on tranfpor- 
tera ces corbeilles à d’autres ouvriers qui 
planteront les pieds de garance avec la 
cheville. Pour diminuer les frais de ce 
travail & en accélérer l’opération, M, 
d’Ambourney faifoit arranger ce plant 
dans les fillons formés avec une charrue, 
par des femmes qu’il employoit à cet ou- 
vrage , & qui recouvroient avec la main 
les racines d’un peu de terre, en obfer- 
vant de laiffer fix pouces de diftance d’un 
pied à l’autre; elles appuyoient la fane ou 
la tige de la plante le long de Pados de 
la raie, de maniere qu’il y avoit au moins 
un étage de feuilles hors de terre : au 


22 CULTURE 

retour de la charrue, le verfoir achevoit 
de combler le fillon & d’enterrer le plant : 
on ne mettoit rien dans le fecond fillon, 
mais bien dans le troifieme : d’autres fem- 
mes fuivoient avec des rateaux, & perfe- 
“ionnoient le travail en garniffant de terre 
le collet de chaque plante. Selon cette 
méthode , il faut, au moins, 1$ ou 20 
milliers de plantes pour garnir un arpent. 
En mettant un bon pied de diftance entre 
chaque raie, on fe procure la liberté de 
donner avec plus de facilité deux légers 
labours , & de rechaufler les pieds quand il 
en eft befoin. 


AR, T:I CG LE: NL 


Maniere de former une Garanciere 
avec de gros pieds bien pourvus 
de racines. 


S 1 L’ox fe trouve dans une Province où 
la garance croît naturellement dans les 
bois, le long des haies ou dans les vignes, 
ce qui n’eft pas rare 3 ou fi l’on a un champ 
de garance qu’on veuille facrifier pour en 
former un plus étendu,on peut arracher des 
pieds de garance , en ménageant avec foin 
toutes les racines , & fur-toutles trainafles 


DE LA GARANCE. 23 
ou racines rampantes, qui s’étendent en- 
tre deux terres ; & on replantera ces pieds 
en entier , en obfervant d’étendre de côté 
& d’autre leurs racines rampantes. Si l’ona 
lattention que ces racines foient près de 
la fuperficie de la terre, la plupart pouffe- 
ront dans peu de nouvelles tiges, qui for- 
meront autant de bons pieds. Ce plant 
fournit beaucoup ,; de forte que quatre 
milliers fuffifent pour garnir un arpent. Ces 
gros pieds pouñlent ordinairement avec 
force , & ils donnent dès la premiere an- 
née beaucoup de graine, & encore plus à 
la feconde , fi c’eft de l’efpece d’Oifel. 

La garance fe peut replanter toute Pan- 
née, pourvu qu’on le fafle, comme nous 
Pavons déja dit, par un temps humide. 
Mais quand on eft le maître de choifir la 
faifon , on doit le faire vers la fin de Sep- 
tembre. Cette garanciere fe cultive de la 
même maniere que celle qui a été élevée 
de graine. 


AS 


E> 


24 Cru EEE 


ART C'L'ÉTNEE 


Maniere de former une Garanciere 
avec des tronçons de Racines. 


pr on arrache les racines de ga- 
rance pour les livrer aux Teinturiers, on 
peut , fans diminuer le profit qu’on en 
doit attendre, fe procurer beaucoup de 
plant ; car il eft d’expérience qu’un bout 
ou un tronçon de racine , pourvu qu’il foit 
garni d’un bouton & d’un peu de chevelu, 
produira un pied lorfqu’on le mettra en 
terre à une petite profondeur : ainfi quand 
on arrache une garanciere ; on peut fe 
ménager beaucoup de plant, qu’on met- 
tra en terre en automne ; parce que, fui- 
vant l’ufage ordinaire, c’eft Ja faifon d’ar- 
racher les racines de garance pour les pré 
parer & en faire la vente. Mais comme:l 
arrive prefque toujours qu’une partie de 
ces pieds périt, il eft bon de les planter un 
peu épais. M. d’Ambournay a planté avec 
beaucoup de fuccès des racines rampan- 
tes qu'il avoit coupées par tronçons , gar- 
nis chacun de deux nœuds. 


ARTICLE 


DE LA GARANCE. 2ÿ 
en 
BORTT ECDE VITE 


De la Mulriplication de la Garance 


par les Drageons enracinés. 


UAND on a de grandes pieces de terre 
en garance ,on peut fe procurer beaucoup 
de provins , fans faire un tort confidérable 
à la garanciere qu’on cultive pour ven- 
dre : voici comment il faut s'y prendre. 
Lorfque la garance a pouffé des tiges de 
8 ou 10 pouces de longueur, ce qui ar- 
rive ordinairement dans le cours des mois 
d'Avril, Mai ou Juin de l’année fuivante, 
on fait arracher ces tiges par des femmes, 
qui les faififfent près de terre, & les ar- 
rachent comme fielles cueilloient de l’herbe 
pour leurs vaches ; une partie des brins 
viennent avec de petites racines , & ceux- 
ci reprennent aifément , fur-tout s’il fur- 
vient un peu de pluie après qu’ils ont été 
replantés ; d’autres ne montrent qu’un peu 
de rouge vers le bas, & la reprife de ceux- 
là n’eft pas à beaucoup près aufli certaine : 
d’autres enfin n’ont que du verd & du 
jaune; ceux-là doivent être rejettés, parce 
qu’il n'en reprendroit qu’un très - petit 
nombre, a 


26 CULTURE 

M. d’Ambourney en avoit replanté qui 
avoient depuis 4 jufqu’à 8 pouces de ra- 
cines jaunes; il n’y en a eu que la dixieme 
partie qui ait repris; mais les provins dont 
le bas étroit brun & ligneux, ont réuñffi. 

Si , en fuivant la méthode de Lille , on 
a eu foin, en cultivant la garance, de 
coucher des tiges pour qu’elles forment 
des racines; la plupart des brins font des 
trainafles qui ne font pas fort enfoncées 
en terre 3 on les arrache avec les tiges 
quand la terre fe trouve légere , & atten- 
drie par la pluie, & cela fait tort à la ga- 
ranciere : au contraire, quand les terres 
font fortes & dures , la plupart des brins 
fe rompent au niveau de la terre, &c ils 
n’ont point de racine. Aiïnfi, pour avoir 
de bon plant, & pour ne point endom- 
mager une garanciere , le mieux eft de fe 
fervir d’un plantoir plat, large d’un pouce 
ou 15 lignes , qu’on enfonce en terre pour 
rompre les couchis, & foulever la terre, à 
mefure que de l’autre main on tire douce- 
ment les tiges. Comme cette opération re- 
tarde le travail, on évitera de s’en fervir 
quand le plant pourra s’arracher avec une 
fuffifante quantité de racines , fans faire 
tort aux pieds, Il ne faut pas lever une 
trop grande quantité de plant dans une 
garanciere : on courroit rifque de faire 


DE LA GARANCE. 27 
périr les vieux pieds, fi on ne leur laïfloit 
pas au moins le quart de leurs tiges. 

À mefure que les ouvriers levent du 
plant, il faut fehâter de le mettre enterre: 
je fuppofe que le champ que l’on veut 
établir en garanciere a été de longue main 
bien amélioré, & qu’il a été labouré & 
herfé. Comme, en plufieurs endroits , l’u= 
fage le plus commun eft de planter les ga- 
rancieres avec du provin femblable à ce- 
lui dont je viens de parler, je vais expli- 
quer fort en détail la façon de mettre en 
terre cette forte de plant; ce que nous 
dirons des autres plants en fera plus aifé 
à comprendre. 

Pendant que des ouvriers forment , avec 
la houe ou la mare, des fillons d’environ 
4 pouces de profondeur & tirés au cordeau, 
des femmes ou des enfants couchent les 
provins dans les rigoles , de forte qu’ils 
{oient à 3 pouces les uns des autres ; d’au- 
tres ouvriers enterrent le provin, en rem- 
plifant la rigole avec la terre qu’ils tirent 
en formant une nouvelle rigole , dans la- 
quelle les femmes arrangent du provin, de 
la maniere quenous venons de le dire. 

Cette feconde rigole eft remplie avec 
la terre qu’on tire en en formant une troi- 
fieme , dans laquelle on arrange encore du 
plant,comme on a fait aux deux premieress 


Ci 


28 CULTURE 

& cette derniere rangée eft comblée avec 
de la terre qu’on prend à Pendroit où doit 
{e trouver uñe plate-bande vuide. En fui- 
vant cette méthode, chaque planche n’eft 
formée que de quatre rangées de garance ; 
on met un pied d'intervalle entre les ran- 
gées, ainfi ces planches n’ont que trois 
pieds de largeur ; & on laiffe trois pieds 
de diftance d’une planche à l’autre pour 
former une plate-bande dans laquelle on ne 
met point de garance , mais qu’on laboure 
avec la charrue, pour avoir de la terre 
meuble à portée des planches, qui fervira 
à chauffer les pieds de garance , ce qui 
leur donne beaucoup de vigueur. On fait 
enfuite une feconde planche pareille à la 
premiere, fur laquelle on plante de la même 
maniere quatre rangées de garance, puis 
une plate-bande de trois pieds de largeur, 
& enfuite une planche de trois pieds ; ce 
qui fe répete dans toute l’étendue du ter- 
rein. En fuppofant qu’un tel terrein ait 
un arpent, ilfaudra 15 ou 20 milliers de 
provin pour le garnir. 

En Flandres , on donne 10 pieds de lar- 
geur aux planches, & on ne laïffe entr'el- 
les qu’un pied ou un pied & demi pour la 
plate- bande. On verra dans la fuite , 
qu'une aufh petite étendue de terrein vuide 
n'eft pas fuffifante pour fournir la terre nés 


DE LA GARANCE. 29 
ceffaire pour charger les plate-bandes , & 
qu’il eft pénible de tranfporter la terre à 
s pieds de diftance. Mais auffi, plus on 
met de plant dans l’étendue d’un terrein, 
plus on en retire de profit lorfqu’on vient 
à arracher la garance ; & fi l’on ne fe pro- 
poloit pas de faire des couchis, on feroit 
bien de mettre cinq rangées fur les plan- 
ches, & de réduire les plate-bandes à deux 
pieds de largeur. 

Quoi qu’il en foit , pour bien réuflr à 
la plantation de la garance , il faut que des 
femmes , dont on fe fert ordinairement , 
arrachent le provin , pendant que des ou- 
vriers font des rigoles , dans lefquelles 
d’autres femmes arrangent le provin que 
les premieres leur fournifient , & que d’au- 
tres ouvriers le recouvrent fur le champ: 
de terre. Comme nous avons dit plus haut 
qu’on arrachoit le provin dans les mois. 
d'Avril, Mai ou Juin, il s'enfuit que c’eft 
dans ces mêmes mois qu’on doit planter 
les garancieres; & comme on peut efpérer 
de trouver dans cette faifon une quinzaine 
de jours ou trois femaïnes d’un temps fa- 
vorable pour cette opération, on‘attendra 
à faire. cette plantation jufqu'a ce que le 
temps fe montre difpofé à la pluie, parce: 
que la reprife de cette plante en fera plus 
gertaine. Lorfqw’on met en plein champ 

Lo Ji 


30 Cuir Tr utrtr 

des plants de quelques légumes que ce foir, 
on a ordinairement foin d’avoir de l’eau 
dans des feaux pour y faire tremper le 
plant avant de le mettre en terre ; je crois 
que cette pratique feroit utile pour la ga- 
rance. 

Ce que nous venons dedire , ne regarde 
que le plant de provin ; car celui qui ef 
formé d’un tronçon de racine garni d’un 
bouton & de chevelu , étant choifi dans 
les racines qu’on arrache en automne , il 
faut le mettre en terre dans cette même 
faifon ; la reprife en eft plus certaine ; 
mais , à cette circonftance près, on peut 
faire les planches & les plate - bandes, 
comme pour le provin. | 

A l’égard des plants enracinés, on eft 
maître de les planter au printemps ou en 
automne, en fe conformant toutefois à ce 
que nous avons dit à l’occafion des pro- 
vins, excepté qu’alors on fait des rigoles 
plus larges & proportionnées à la groffeur 
du plant, pour pouvoir étendre les trai- 
naffes des racines, principalement fuivant 
la direction des rigoles, & que l’on doit 
avoir attention que ces racines traçantes ne 
foient recouvertes que d’un pouce ou un 
pouce & demi deterre, afin que les tiges 
puifflent percer & fe montrer plus facile- 
ment hors de terre. Rendons ceci plus 


DE LA GARANCE. 31 
clair. La garance eft une plante traçante; 
or les plantes qui tracent produifent des 
tiges par leurs racines , mais feulement 
quand elles ne font qu'à une petite pro- 
fondeur en terre; car celles qui font trop 
recouvertes de terre , ne peuvent pro+ 
duire detiges. Et dans le cas où Pon veut 
planter de gros pieds, & qu'il eft avanta- 
geux de fe procurer du plant, il eft fenfi- 
ble qu’il faut placer les racines traçantes 
près de la fuperficie de la terre. 

Suivant l’ufage de Lille , on arrache le 
provin dans le mois de Mai : on le prend 
dans un champ de vieille garance , & on 
le plante a la pioche dans le champ qu’on 
veut garnir. Les fillons font éloignés les 
uns des autres de 1$ pouces ; & les pieds, 
dans le fens des rangées , font à 3 pouces 
les uns des autres. On fait les planches de 
10 pieds; & elles font féparées par des 
fentiers de 12 à 1$ pouces de largeur. 

Comme la garance fe peut tranfplan- 
ter dans toutes les faifons de l’année , on 
fera bien de profiter d’un temps couvert 
& pluvieux , foit pour faire cette planta« 
tion, foit pour regarnir les endroits où le 
plant auroit manqué. Mais la faifon de 
l'automne eft préférable à touteautre;non- 
feulement parce que l'humidité de cette 
faifon eft plus favorable à la reprife ; mais 


Civ 


2 CULTURE 

encore parce que les provins qu’on leve 
alors pour cette opération , font mieux 
pourvus de racines que ceux qu’on leverois 
au printemps. 

J'ai dit que la garance, qui fe plaït dans 
une terre humide , périt quand elle eft 
inondée : on peut prévenir cette inonda- 
tion, en faifant les plate-bandes plus baf- 
fes que les planches ; & au contraire, file 
terrein étoit trop fec, on feroit bien de 
faire en forte que ces plate- bandes fuf- 
fent plus élevées que les planches. Il eff 
vrai que cette difpofition des plate-ban- 
des à l’égard des planches , ne pourra pas 
fubfifter long-temps, parce que, comme 
on va le voir, on fera obligé dans la fuite 
de creufer les plate-bandes pour charger 
les planches ; mais ce fera toujours quelque 
petit avantage pour les jeunes plantes. 

Il feroit poflible d'abréger beaucoup le 
travail de la plantation de la garance , en 
la faifant avec la charrue , comme nous l’a- 
vons dit plus haut. 


DE LA GARANCE. 33 


ARTICLE IX. 


Culture de la Garance plantée par 
Planches & Plare-bandes ; avec la 
maniere de faire les Couchis. 


S 1 LA GARANCE a été plantée en autom- 
ne , où doit fe contenter de donner de 
temps en temps quelques labours aux pla- 
te-bandes avec une charrue légere ; & 
comme ces labours n’ont pas tant pour ob- 
jet de donner dela vigueur à cette plante, 
que de préparer de La terre meuble à por- 
tée des planches pour les rechaufler, on 
doit avoit l’attention de ne les point faire 
quand la terre trop humide pourroit fe pé- 
trir. Ondoitauffi, avant les mois de Juin 
ou de Juillet, donner un labour aux pla: 
te-bandes des garancieres qui ont été plan- 
tées au printemps. 

À Lille, on donne à toutes les plantes 
un léger labour avec un inftrument fort 
étroit; & lors de cette culture , quelques- 
uns couchent de côté & d’autre les nou- 
velles pouffes qu’on recouvre d’une pe- 
tite épaifleur de terre. D’autres blâment 
cette méthode , & prétendent que les 
couchis ne donnent jamais de bonne 


34 Cu L'T'Ù RYE 
garance : jen parlerai bien - tôt. 

- Quand les poufles de la garance ont 
acquis un pied de longueur, on fait farcler 
les planches par des femmes ; puis la terre 
des plate-bandes étant bien labourée juf- 
qu’auprès des planches, ceux qui préten- 
dent que les couchis produifent de bonne 
garance , font coucher fur la terre des pla- 
te-bandes une partie des tiges de la pre- 
miere rangée, & ils les recouvrent d’un 
pouce & demi ou de deux pouces de terre 
meuble qu’ils prennent dans la même pla- 
te-bande : ceux qui ne font pas de cas des 
couchis, fe contentent de rechaufier les 
pieds, en chargeant les planches avec la 
terre meuble des plate-bandes. C’eft-là le 
grand avantage que MM. de Corbeilles 
ont trouvé à faire labourer à la charrue les 
plate-bandes , pour avoir fous la main une 
terre cultivée & ameublie , qui eft bien 
utile pour rechauffer les pieds de garance; 
ce qu’on ne pourroit faire que très-difh- 
cilement , fuivant l’ufage de Lille, ou 
même fi on laifloit la terre des plate-ban- 
des s’endurcir. 

Il faut, dans cette opération, foit qu’on 
fafle des couchis ou non , avoir grande 
attention de ne pas recouvrir entiérement 
de terre les tiges de la plante ; leur ex- 
trémité doit fortir de terre, fans quoi celles 


DE LA GARANCE. 2$ 
qui feroient entiérement couvertes de ter- 
re , périroient immanquablement. 

J'ai éprouvé qu'après un certain temps, 
ces branches couchées fe convertiffent en 
racines qui contiennent de la fubftance co- 
lorante , mais jamais autant que les vraies 
racines , & elles reftent creufes ; c’eft 
pour cela que je confeille, lors même qu’on 
veut faire des couchis, de ne point cou- 
cher toutes les poufles, mais d’en confer- 
ver une bonne partie fur chaque pied , qui 
deviendra par ce moyen plus vigoureux, 
& qui produira de belles racines; car nous 
avons prouvé en plufieurs endroits de nos 
ouvrages , que les plantes pouflent en ra- 
cines proportionnellement à ce qu’elles 
produifent hors de terre. 

Quand on veut faire des couchis , les 
brins de la feconde rangée doivent être 
couchés entre les pieds de la premiere, 
comme nous venons de le dire ; ces cou- 
chis étant recouverts de deux pouces de 
terre, on couche les brins de la troifieme 
rangée entre les pieds de la feconde; puis 
ceux de la quatrieme , entre Îles pieds 
de la troifieme ; on les recouvre de terre; 
& par ce moyen la planche fe trouve élar- 
gie de deux pieds aux dépens de la plate- 
bande. 

Lorfqu’il n’y a que deux rangées plan- 


36 CuLrTURE | 
tées fur une planche, on couche l’une à 
droite, & l’autre à gauche ; ce qui élargit 
les planches de deux pieds , & rétrécit pro- 
portionnellement les plate-bandes. 

Pour faire promptement cette opéra- 
tion ; apres avoir donné un labour aux 
plate-bandes avec une charrue à verfoir , 
qui releve la terre du côté des planches, 
on formera de chaque côté & tout au bord 
des planches , un petit fillon , pour rece- 
voir les couchis, qu’on recouvrira d’un 
peu de terre avec la houe ; ce travail peut 
s’exécuter très-promptement. 

Quand les années font très-favorables 
à la garance, il arrive quelquefois que les 
tiges couchées fe font encore élevées d’un 
pied ; alors on peut répéter les opérations 
que nous venons de décrire, & les plan- 
ches fe trouvent une feconde fois élargies 
d’un ou de deux pieds aux dépens des pla- 
te-bandes. Il arrive rarement que l’on fe 
trouve dans une aufli.heureufe circonf- 
tance ; mais quand elle fe préfente, ilfaut 
laiffer à chaque couchis plufieurs brins qui 
s’élevent verticalement ; car il faut s’oc- 
cuper toujours de la perfeétion des raci- 
nes , qui eff la partie utile de cette plante; 
je veux dire, qu’il faut plus compter fur 
les racines que produifent les couchis que 
fur les branches qui deviennent rouges , 


DE LA GARANCE. 37 
après avoir refté un temps fuffifant en 
terre. C’eft le fentiment de MM. d’Am- 
BOURNEY & de LANGE, qui penfent 
que les couchis ne fourniflent pas à beau- 
coup près autant de teinture que les vraies 
racines ; en conféquence ils ne veulent 
pas qu'on fafle de couchis, mais qu’on 
plante les pieds beaucoup plus prèsles uns 
des autres. Je fuis maintenant de l’avis de 
ces Meffieurs ; mais je dis qu’il eft toujours 
utile, outre les petits binages qu’on eft 
obligé de donner de temps en temps, de 
chauffer les plantes avec la terre qui les en= 
vironne , ou, encore mieux, de charger 
les planches dans le mois de Mars , avant 
que les tiges foient forties de terre, ce qui 
oblige de ménager des plate-bandes de 
diftance en diftance. Cependant , je le 
répete , on peut les faire moins larges que 
nous l'avons dit. 

Enfin, pour ramener la culture de la 
garance à des pratiques aifées , auxquelles 
les Payfans font habitués , on peut la 
comparer à celle que Pon donne aux ha- 
ricots qui ont été femés par rangées; car il 
faut bien biner & chauffer la garance pré- 
cifément comme les haricots : cette com- 
paraïfon doit être certainement fenfible 
aux Payfans. Il eft, je crois, inutile que 
je dife qu’il faut abfolument interdire 


38 CuULTUR.E 
l’entrée des garancieres au bétail de quel- 
que efpece que ce foit. 

On ne doit point permettre d’arracher 
les tiges de la garance la premiere année ; 
comme les pieds de cette plante n’ont 
pas encore produit beaucoup de chevelu , 
on les arracheroit avec la fane : il eft vrai 
qu'on pourroit les couper ; mais il vaut 
mieux laifler périr cette herbe d’elle- 
même. 

À Lille, on eft dans l’ufage de fouiller 
au mois de Mars de la feconde année la 
terre des fentiers, jufqu’à un pied & demi 
ou deux pieds de profondeur, pour en 
charger les planches ; c’eft alors que les 
plate-bandes font bien commodes pour 
fournir amplement de la terre meuble. 

Dans les mois d'Avril, Mai ou Juin, 
fi l’on a befoin de plant, on arrache le 
provin, comme je l’ai expliqué plus haut ; 
après quoi l'entretien de la garanciere 
jufqu’au mois d’Août fe réduit à arracher 
les mauvaifes herbes , & à donner, avec 
la charrue, quelques labours aux plate- 
bandes ; mais on fera bien encore de don- 
ner un labour léger & à bras au milieu des 
planches, fur lefquelles on n’aura pas fait 
de couchis : cette culture fera très-avan- 
tageufe aux racines. 

Dans le mois de Septembre, on pourra 


DE LA GARANCE. 39 
faucher & faner l’herbe de la garance. 
À Lille, on la fauche dés le mois d’Août ; 
& c’eft pour cette raïfon que les Flamands 
affurent que la garance ne produit point 
de graine qu'on puifle femer. D'ailleurs 
M. d'Ambourney aflure que la garance 
de Lille ne produit point de bonne fe- 
mence dans la premiere année. L’herbe de 
la garance fournit un excellent fourrage: 
pour les vaches : l’ufage de cette nourri- 
ture leur procure beaucoup de lait , qui eft 
d’une couleur tirant un peu fur le rouge, 
& dont le beurre eft jaune & de bon goût. 

Si l’on a befoin de graine pour femer, 
on ne fauchera la garance que quand elle 
fera parfaitement mûre. 

Après ces petites récoltes, on fera bien 
de donner encore un labour à la charrue , 
aux plate-bandes feulement , pour entre- 
tenir la terre en façon, fuppofé qu’on fe 
propofe de planter de la garance à cet en- 
droit, pour y former les planches l’an- 
née fuivante. On pourra répandre un peu 
de terre meuble fur les planches, & ren- 
verfer de la terre des plate-bandes vers Je 
bord de ces planches ; parce que les plus 
beaux pieds de garance fe trouvant tou- 
Jours fur les bords, il eft bon de leur four- 
nir de la terre meuble dans laquelle les 
racines ne manqueront pas de s’étendre, 


40 CULTURE 

Ainfi , après que la récolte de la ga« 
rance a été faite , & quand le terrein eft 
yuide , on doit le labourer en entier pour 
y mettre de nouvelle garance comme la 
premiere fois ; & avoir l’attention de pla- 
cer les planches au milieu de l’efpace où 
étoient les plate-bandes , & pour le refte, 
fe conformer entiérement à ce qui a été dit 
ci-devant fur la premiere plantation. Dix- 
huit mois après, quand cette feconde ga- 
rance eft récoltée , fi l’on difpofe le même 
terrein à être femé en grain, on peut être 
afluré d’y faire d’abondantes récoltes ; 
car outre que la garance n’épuife pas la 
terre , les labours répétés qu’on a été obli- 
gé de lui donner , la difpofent admira- 
blement bien pour toutes fortes de pro- 
ductions. Cependant fi, après quelques 
années d'intervalle , on fe propofoit de 
remettre de la garance dans cette même 
terre , il faudroit fumer abondamment ce 
champ , Pannée qui précéderoit la plan- 
tation. 


L# 
Us 


ARTICLE 


DE LA GARANCE. 41 


À KR TICLE X. 


Récolte des Racines de Garance. 


Li RACINES font la partie vraiment 
utile de la garance ; ce font elles qui doi- 
vent dédommager le Propriétaire de tou- 
tes fes avances. La récolte s’en fait dans les 
mois d'Oûtobre ou de Novembre. 

On fe plaint que les Payfans des envi- 
rons de Lille en Flandre, trop preflés de 
jouir du fruit de leur travail, arrachent 
leur garance avant que les racines ayent 
eu le temps de groflir fuffifamment : les 
Zélandois laiffent prendre plus de groffeur 
à celles qu'ils cultivent. Il ne faut pas 
cependant tomber dans un excès oppofé 
au premier; car une vieille racine , quia 
long-temps refté en terre, donne moins de 
teinture qu’une jeune racine qui feroit de 
la groffeur du petit doigt, ou au moins de 
celle d’un gros tuyau de plume. Mais fi 
les racines fe trouvent trop menues, on 
aura plus de profit à différer d’une année 
cette récolte; car alors elles ne fourni- 
roient que du billon. En ce cas, il fau- 
droit, dans les mois de Février ou de 
Mars , avant que la garance gi pouffé ; 


42 CULTURE 

donner un labour aux planches , & les 
charger d’un peu de terre mêlée avec du 
crottin de brebis, ou un peu de fumier de 
pigeon. 

Le moyen le plus expéditif pour faire 
la récolte de cette racine , eft de refendre 
les planches par des traits d’un cultiva- 
teur qui n’ait point de coutre : des femmes 
qui fuivent , achevent d’arracher les ra- 
cines avec des crochets dont on fe fert 
pour curer les étables ; elles les mettent 
dans leur tablier, à mefure que des hom- 
mes rompent , avec des pioches, les mot- 
tes, pour que ces femmes puiflent plus ai- 
fément en tirer les racines. 

Un autre moyen qui exige plus de tra- 
vail, mais aufli qui endommage moins les 
racines , eft de renverfer avec une houe 
refendue , ou avec un crochet , la terre 
des planches dans les plate-bandes : s’il fe 
forme des mottes , les ouvriers les rompent 
avec la tête de leur houe , & les femmes 
ramaflent les racines dans des paniers ou 
dans leurs tabliers. Ces moyens peuvent 
fuffire quand le fond de la terre ne permet 
pas aux racines de la pénétrer à une grande 
profondeur. Mais fi laterreavoit beaucoup 
de fond , il faudroit commencer Penraya- 
güre , & fouiller la terre de tout le champ, 
à cette même profondeur. 


DE LA GARANCE. 43 

Je remarquerai , en pañlant, que les 
pieds de garance venus de graine, ontplus 
de difpofition à pivoter que ceux de provin, 
ou qui viennent de tronçons de racines. 

Si Pon fait cette récolte par un temps 
fec , les racines fe trouvent aflez nettes 
de terre, pour être difpenfé de les laver; 
mais lorfque la terre eft humide, on eft 
obligé de les laver, ce qu’il faut éviter le 
plus qu’il eft poffible; car on s’apperçoit 
bien à la couleur que l’eau contraéte , 
qu’elle a un peu diffout la partie colorante : 
il vaut mieux nettoyer ces racines avec les 
mains ; l'étuve & le fléau, comme nous le 
dirons dans la fuite , acheveront de les 
nettoyer fufhfamment. 

À mefure que les racines font ramaflées, 
on les étend fur un pré; car lorfqu’il fait 
du vent & du foleil, on fera bien d’en 
profiter pour commencer à les deffécher 
avant de les tranfporter à la maïfon. Pour 
ne rien perdre dans ce tranfport, on gar- 
nit de toile une charrette à ridelles , & 
on la remplit de racines. À mefure qu’elles 
arrivent , on les étend dans des greniers 
ou fous des hangards , & on fe hâte de les 
mettre à l’étuve pour achever de les def- 
fécher fuffifamment , afin qu’elles ne cou- 
rent plus le rifque de fermenter ni de fe 
corrompre. On diminueroit fans doute les 


Dij 


A4 Cor TU RTE 

frais de l’étuve , fi les racines étoient en 
partie defléchées fur le pré; mais pour cela 
11 feroit plus à propos de les tirer de terre 
au printemps , où le foleil a plus d’a&ion, 
que dans Pautomne. 


A:RTTCLE: XXE 


Du Deféchement de la Garance. 


Comme l'établiffement d’une étuve de- 
mande beaucoup de frais, & qu’il n’y a 
dans chaque canton que quelques Particu- 
liers qui puiflent en faire la dépenfe , ceux 
qui n’en ont point, vendent ordinairement 
les racines qu’ils recueillent aux Proprié- 
taires des étuves , qui, pour l’ordinaire ; 
taxent le prix de la garance verte fur un 
pied très modique. 

‘ La racine de garance eft bien difi- 
cile à deffécher : fon fuc eft vifqueux , & 
elle perd à l’étuve fept huitiemes de fon 
poids. 

Comme je me propofe de parler en 
détail de létuve, il fuffit pour le préfent, 
d’avertir qu’il faut l’échauffer aflez , pour 
qu’un Thermometre de M.de RÉAUMUR, 
placé au centre de l’étuve, marque 40 
ou 4$ degrés au-deflus de zéro. Je ne 


DE LA GARANCE. 45 
crois pas au refte qu’il y eût un grand 
inconvénient a excéder ce point; je foup- 
çonne même que les Zélandois pañlent de 
beaucoup ce degré de chaleur. Mais on 
peut pofer pour principe général , qu’il eft 
mieux de laifler plus long-temps la ga- 
rance dans l’étuve à une chaleur modérée , 
que de précipiter le defféchement par une 
chaleur trop vive : quelques effais faits en 
petit donnent lieu de croire que la qua- 
lité de la garance en feroit meilleure, 
f on pouvoit la deffécher entiérement au 
foleil ou même à l’ombre , & par la feule 
aétion du vent, comme on prétend qu’on 
le pratique à Smyrne, où Pair eft bien plus 
fec qu’en Flandre. 

Je crois que fi l’on arrachoïit la garance 
au printemps, on pourroit, dans cette fai- 
fon hâleufe , diffiper par le vent & le fo- 
leil une grande partie de l’humidité de 
cette racine ; & de cette façon on dimi- 
nueroit beaucoup les frais de l’étuve : 
le feul inconvénient qui s’y trouve , c’eft 
la difficulté d’avoir des ouvriers dans cette 
faifon. 

Je voudrois donc qu’aufli-tôt que les 
racines feroïient arrachées , on les tranf- 
portât , comme il a été dit ,auprès de l’é- 
tuve ; qu’on les étendit à une petite 
épaifleur fur une peloufe unie , fort ex= 


46 CULTURE 

pofée au vent & au foleil, & qu’on les 
retournât de temps en temps : il {eroit en- 
core néceflaire , dans le temps de pluie, 
& tous les foirs, de les retirer fous des 
hangards; & afin de n’être pas obligé d’a- 
voir des appentis d’une grandeur trop con- 
fidérable, on n’arracheroit point les ra-: 
cines toutes à la fois, mais par parties, & 
feulement ce qu’on en pourroit travailler 
dans les bâtiments dont on auroit la dif- 
pofition. C’eft pendant cette opération , 
que le Cultivateur fera bien de varier fes 
pratiques , fuivant les circonftances des 
faifons : fi le hâle & la fécherefle paroiffent 
devoir durer, il fera arracher beaucoup 
de garance , pour profiter d’une circonf- 
tance qui doit lui épargner bien des pei- 
nes & de la dépenfe : fi la faifon eft hu- 
mide , il n’en fera arracher que la quan- 
tité qu'il pourra ferrer dans fes bâtiments, 
& la fera étuver fans retard, 

M. d’Ambourney eft parvenu à faire 
deffécher au foleil de la garance , dont il 
a fait de très-belles teintures ; il approuve 
fort ce que nous venons de dire ; il penfe 
qu'il ne faut arracher dans lautomne que 
les racines qui font nécetaires pour plan 
ter, & qu’il convient de remettre à arra- 
cher au printemps celles qu’on deftine pour 
les Teinturiers , afin de profiter des vents 


DE LA GARANCE. 47 
häleux & de la chaleur du foleil, & dimi- 
nuer d’autant le fervice des étuves. 
Enfuivant Pufage ordinaire ,‘il ne fufht 
pas que la garance toit affez defléchée pour 
ne fe point gâter, il faut encore qu’elle 
puille fe pulvérifer , ou , comme Pon dit, 
fe grapper. 

n reconnoit que la garance eft fuffi- 
famment defféchée , quand elle fe rompt 
net en la pliant : mais il faut être averti 
qu'elle continue à fe deffécher, lorfqu’au 
fortir de l’étuve , on l’étend à une petite 
épaiffeur dans un grenier fec ; car l’humi- 
dité qui a été réduite en vapeurs, fe diffipe 
d’elle-même. | 

Avant que les racines foient entiére- 
ment refroidies , on les met fur des claies 
fort ferrées , & on les bat à petits coups 
de fléau ; puis on les vanne pour féparer 
les groffes racines d’avec le chevelu, & 
encore d’une partie de l’épiderme,& d’une 
portion de terre fine que Paétion de Pé- 
tuve rend aifée à détacher. Toutes ces ma- 
tieres qui pourroient rendre la teinture 
moins brillante , tombent fous les claies, 
ou au fond du van: les petites racines dé- 
pouillées en partie de leur épiderme peu- 
vent être rejettées comme inutiles , quoi- 
qu’en Hollande on ne les laiffe pas perdre 
car on les emploie pour des teintures coms 
munes, 


48 EVE TURE 

M. d’Ambourney nous a fait part du 
moyen fuivant pour rober la garance : il lui 
aété communiqué par M. PAyNEL de Dar- 
netal. On metlesracines de garance triées, 
épluchées & féchées dans un grand fac 
de toile rude ; on les y fecoue violemment: 
le frottement du fac, & celui des racines 
les unes contre les autres , détachent pref- 
que entiérement l’épiderme qui acheveen- 
fuite de fe féparer aifément au moyen du 
van:ona, par cette méthode, de belles 
racines de garance robée , dont leffet 
prévaut fur l’Azala, autant que celle-ci 
a l'avantage fur la plus belle garance de 
Hollande. Mais il ne faut faire cette pré- 
paration , qu'autant qu’il fe trouveroit des 
T'einturiers aflez curieux de leur art pour 
donner au Cultivateur un prix proportion- 
né aux dépenfes qu’il auroit faites. 

M. d’Ambourney aflure poftivement 
que fi l’on arrache les garances au prin- 
temps ; on aura l’avantage , pour peu que 
la faifon fuit favorable , de faire fécher 
cette racine au foleil affez parfaitement 
pour la pouvoir garder fans la faire pafler à 
Pétuve , ce qui épargne de grands frais. 

Je nai pas été à portée de faire des effais 
affez en grand pour vérifier cela ; & quand 
j'ai propofé de faire fécher la garance au 
foleil, ce n’a été que pour diminuer les 

frais 


DE LA GARANCE. 49 
frais de Pétuve , que je crois cependant 
très-néceflaire en plufieurs circonftances. 
M. d’Ambourney ajoute que , pour accé- 
lérer la deflication des racines , illes a fair 
étendre fur une efpece de plancher de bri- 
ques , ou encore mieux de plâtre; mais il 
convient aufhi qu'il faut pañler la garance 
par l’étuve pour la deffécher au point de 
pouvoir être pilée , lorfqu'on opere en 
grand. Cet habile Obfervateur compte 
exécuter encore d’autres expériences : fi 
elles réuflifent , le Public en fera informé, 
& ce fera une nouvelle obligation que nous 
aurons à ce généreux Patriote. Mais nous 
nous propofons de rapporter dans la fuite 
une autre découverte que nous croyons de- 
voir être encore plus utile. 

Les terres fubftantieufes & légeres don- 
nent de meilleures racines que les terreins 
fort gras & marécageux. Mais il ne fuffit 
pas qu’un terrein donne des racines de 
bonne qualité, il faut outre cela qu’il en 
fournifle affez abondamment pour procu- 
rer un profit raifonnable au Cultivateur. 
Selon une expérience faire aux environs 
de Tours, un arpent de 100 perches, (la 
perche de 22 pieds) , a produit huit mil- 
liers de racines vertes. 

Les premiers eflais de MM. de Cor- 
beilles ont donné un produit au moins auffi 


Le) EULTURE 
confidérable. En 1757, un demi-arpent 
a produit fur ce même pied , & a donné 
prefqu’autant de racines que 3 arpents & 
demi fitués en différents cantons. Mais 
communément il s’en faut de beaucoup 
qu’on recueille 8 milliers de racines frai- 
ches par arpent : l’un dans l’autre il ne faut 
gueres compter que fur 4, $ ou 6 milliers 
de garance verte. 

Si l'on fe propofe de grapper cette ra- 
cine , 1l faudra s'attendre à la voir réduite, 
par la chaleur de l’étuve, à un -huitieme 
de fon poids; de forte que 8 milliers de 
racines vertes ne produiront qu'un millier 
de racines féches; fans cela elles pourroient 
fe corrompre , & elles fe peloteroient fous 
les pilons du moulin. 

Au fortir de l’étuve, la garance eft en 
état d’être vendue aux Teinturiers : quel- 
ques-uns même préferent de l’acheter en 
racine, plutôt que grappée. Mais comme 
ces racines fe chargent aifément de l’hu- 
midité de l'air, il faut , fi-tôt qu’elles feront 
feches, les arranger le plus réguliérement 
& le plus preflé qu'il eft pofhble, dans des 
barrils qu’on enfonce enfuite. La garance 
peut être voiturée en cet état ju{qu’au lieu 
de fa deftination. Si l’on ne devoit pas la 
* tranfporter trop loin, on pourroit fe con- 
tenter de la mettre dans des facs. 


DE LA GARANCE. SI 

Ceux qui fe propofent de grapper ou 
pulvérifer leur garance, mettent les raci- 
nes , au fortir de l'étuve, fous les pilons; 
mais comme les moulins ne peuvent pas 
fuflire à moudre tout de fuite celles qui 
fortent des étuves, on enferme dans des 
facs celles qui font defféchées, & on Îles 
conferve dans un lieu chaud , par exem- 
ple, fous les arches de l’étuve , jufqu’à ce 
qu’on puifle les faire pañler fous les pilons 
ou fous la meule ; ce qu’il eft à propos de 


faire le plutôt poffible. 


ARTICLE. XKL 


Qu'on peut employer la Garance verte, 


fans la deffècher ni la pulvérifer. 


A vaxr de décrire la maniere de piler 
cette racine,je crois devoir rendre compte 
d’une découverte importante de M. d’Am- 
bourney qui ne pouvant faire fécher fans 
feu les racines qu’il avoit fait arracher 
vers le mois d’Oétobre , fe détermina à 
les employer toutes fraiches. Il commença 
par les faire laver, afin d’en ôter la terre; 
& comme il étoit prévenu que cette racine 
perd , en fe féchant , les fept huitiemes de 
fon poids , lorfqu’on veut la Epeer , il 
1] 


s2 CULTURE 
jugea qu'il convenoit d’employer 8 livres 
de racine verte pour un bain où l’on au- 
roit employé une livre de garance feche 
& moulue ; il pila dans un mortier cette 
garance fraîchement arrachée, & ayant 
employé un peu moins d’eau que de cou- 
tume, il teignit du coton fuivant le pro- 
cédé ordinaire. Ayant trouvé, après l’o- 
pération , que le bain étoit encore très- 
chargé de couleur , quoique le coton fût 
tellement imprégné de teinture, qu'il fal- 
lüt lui faire effuyer deux débouillis’ pour 
le dégrader jufqu’à la couleur d’ufage , 
il répéta fon épreuve qui lui fit connoîïtre 
que 4 livres de garance fraiche font le 
même effet qu’une livre de garance feche 
& réduite en poudre. D’où il a conclu 
que l’on pouvoit épargner une moitié 
de racine de garance : ce n’eit cependant 
pas là où fe borne cette économie. 

1°, On eft difpenfé d’établir des étuves 
pour fécher la garance,& deshangards pour 
la conferver quand le temps eft humide. 

2°, On ne court point le rifque que 
peut produire un defféchement trop confi- 
dérable & trop précipité. 

3°, On évite le déchet & les frais du 
robage & du grabelage : dans ces deux 
opérations , toutes les racines qui font de 
la groffeur d’un lacet, tombent en billon. 


- 


DE LA GARANCE. 53 

4°, On épargne les frais du moulin, 

le déchet & les fraudes qui peuvent en 

réfulter, & l’incommodité d’attendre que 
le moulin foit Hbre. 

s°, Enfin, on n’eft point expofé à ce 

ue les racines moulues s’éventent ou 
qu’elles -fermentent ; ce qui arrive quel- 
quefois lorfqu’on ne peut les employer fur 
le champ. 

Tous ces avantages réunis peuvent s’é- 
valuer à une économie de cinq huitiemes 
au moins. Le Cultivateur qui fauroit tein- 
dre, en pourroit jouir dès l’inftant qu'il 
pourroit avoir des racines aflez grofles 
pour être arrachées ; les Teinturiers par 
état feront peu-à-peu engagés d’en pro- 
fiter , & de partager le profit avec le Cul- 
tivateur , quand il fe trouvera des garan- 
cieres à leur portée ; ce qui doit naturel- 
lement être, puifque la garance doit être 
cultivée près des endroits où s’en fait la 
confommation; car comme il n’y a point 
de temps à choifir pour ka maturité, le La- 
boureur qui apportera une fomme de ra- 
cines fraîches au Teinturier, fera {ür de la 
vendre en cet état, fans être aflervi nià 
des foins qui, quoique peu confidérables 
en eux-mêmes , le rebutent par leur nou- 
veauté , ni à des dépenfes qui font au- 


deffus de fes forces. Le Teinturier pourra 
E üj 


$s4 CuLrTurer 

acheter la racine journellement & à pro- 
portion du befoin de fa confommation ; 
ou bien il prefcrira au Cultivateur la quan- 
tité de garance dont il aura beloin, & le 
temps où il faudra la lui fournir. 

Cette méthode,outre l’avantage qu’elle 
procure de diminuer lesfrais dela teinture, 
a encore celui d'établir dans le commerce 
extérieur nos étoffes à plus bas prix. 

M. d’Ambourney n’a publié le pro- 
cédé pour l’ufage de la garance verte 
qu'après s'être bien affuré de fon bon effet 
& de fa bonté. Tous les effais qui ont été 
faits en grand & en petit, & en fa pré- 
fence , {ur la teinture du coton , de la laine 
& de la toile ont réufi, & nous ofons af- 
furer qu’ils réuffiront toujours , pourvu 
que Pon fuive de point en point les pro- 
cédés qu’il a reconnus être indifpenfables ; 
favoir, 1°, que la racine ait au moins dix- 
huit mois; 2°, qu’elle foit parfaitement 
écrafée; 3°, qu’on diminue d’un quart pour 
une grande opération , & d’un tiers pour 
une petite, la quantité d’eau qu’on a cou- 
tume d'employer ; 4°, que le bain, quand 
on y abat l’étoffe, foit un peu plus chaud 
qu’à Pordinaire; $°, enfin, que le Tein- 
turier foit actif & patient. Les Teinturiers 
de Beauvais ont très-bien réufñi en grand; 
ceux chez qui M. d’Ambourney a fait fes 


DE LA GARANCE. ss 
expériences, ont été convaincus de tous 
les avantages qu’il leur avoit annoncés ; 5 
cependant l’embarras qu’ils trouvent à 
écrafer les racines , comparé à la facilité 
qu’ils ont de tirer d’une futaille cette même 
garance en poudre, mais plus quetout cela, 
leur routine ordinaire , les détermine à ne 
{e fervir que des racines féchées & grappes. 
Le fieur Abraham Pouchet chez lequel 
on imprime des toiles peintes, & quia 
fa Manufacture à une lieue de Rouen, a 
été prefque le feul qui ait fenti qu’une 
économie fi confidérable méritoit bien 
qu’on fe donnât la peine d’écrafer la ra- 
cine fraiche. H a employé la garance verte, 
qui lui a fi bien réufli, que le noir, les 
deux rouges & les deux violets de {es 
toiles ont eu autant de force & de briliant 
qu’auroit pu leur donner la plus belle ga- 
rance , grappede Hollande. Après l’expofé 
de ces faits , ceux qui difent qu’ils n’ont 
pu réuflir , s’expolent à être taxés de mal- 
adreffe ou de mauvaife volonté : opération 
d’écrafer la garance verte eft très-fimple & 
demande peu de frais; il s’agit de la faire 
pafler fous une meule verticale pour laré- 
duire en pâte prefque fans frais. Il feroit 
peu-être pofhble, quand la garancea fourni 
fa couleur au bain , de retirer du bain une 
partie du marc, foit avec une grande écu- 


Eiv 


s6 CULTURE 
moire , {oit en tranfvafant le bain d’une 
cuve dans une autre; mais,encore une fois, 
on préfere la routine ordinaire à ces petits 
foins,êc à quantité d’autres induftries que les 
habiles T'einturiers pourroient imaginer. 
Je ne puis voir fans chagrin la non- 
chalance des Artifans : au lieu de faïfir 
avec empreflement les moyens qu’on leur 
propofe pour perfetionner leur art; au 
lieu de fe prêter à reétifier ce qu’il peut y 
avoir de défe@tueux dans leurs méthodes 
en profitant des avis qu’on leur donne, 
aveuglés par leur routine & leurs prati- 
ques ordinaires en quoi confifte toute leur 
fcience , ils commencent par décider d’un 
ton abfolu, que ce qu’on leur propole , ne 
vaut rien. S’il arrive que quelqu'un d’eux 
plus docile & plus zélé fe prête à faire 
quelques effais, & qu’il ne réuflifle pas 
dans fes premieres tentatives, ce qui ar-. 
rive prefque toujours , auffi-tôt la méthode 
nouvelle eft abfolument profcrite, & tous 
la déclarent vicieufe. C’eft par ces mêmes 
raifons que le procédé de M. d’Ambour- 
ney n’a pas réuffi en plufieurs endroits. 
On auroit lieu de croire que les fuccès 
animeroient les Teinturiers , & qu'ils de- 
vroient fe reprocher de voir plufieurs de 
leurs confreres exécuter ce qu’ils affuroient 
être impoflible à pratiquer ; loin delà, & 


DE LA GARANCE. 57 
pour s’autoriler à perfifter toujours dans 
leur ancienne routine, ils font des objec- 
tions : les uns difent que c’eft une grande 
peine de réduire la garance verte en pâte. 
Quand cette opération feroit pénible, n’en 
feroient-ils pas bien dédommagés par l'é- 
conomie confidérable qui en réfulte ; ce 
travail, s'ils le vouloient faire, fe réduiroit 
à couper grofliérement les racines par pe- 
tits morceaux , les écrafer fous une groffe 
meule femblable à celle dont on fe fert 
pour faire l'huile ; ce qui les réduiroit en 
peu de temps en pâte. 

D’autres difent que comme la garance 
fermente facilement , il arrivera que ces 
racines vertes fe trouveront altérées avant 
qu’on ait pu les employer. Cette objec- 
tion fe réduit à rien , lorfque les Teintu- 
riers ont des garancieres à leur portée, 
puifqu’ils ne feroient alors arracher la ga- 
rance qu’autant & à mefure qu’ils en au- 
roient befoin. Maïs lorfque les garancieres 
font éloignées de leur attelier, M. d’Am- 
bourney leur fournit un moyen bien com- 
mode pour conferver ces racines : c’eft de 
faire dans un jardin une fofle de 3 ou 4 
pieds de profondeur, & de la remplir de 
racines pofées lit par litavec du fable, & 
de maniere qu’il n’y ait point de vuide. 
Javois prié M, d'Ambourney de m'en 


53 CULTURE 

voyer deux livres pefant de garance fraîche 
pour faire une épreuve de cette méthode, 
il m'a envoyé des racines qui étoient de- 
puis quatre mois dans une femblable foffe ; 
elles me font parvenues dans le meilleur 
état que l’on puifle defirer. Voilà donc 
un moyen bien aifé à pratiquer par les 
Teïnturiers pour avoir à leur portée des 
racines telles qu’ils les demandent. Au 
refte , quelques efforts que l’on faffe’, il ef 
d'expérience que les meilleures pratiques 
ne peuvent s'établir qu'avec le temps, & 
peu à peu. Si une pareïlle découverte nous 
venoit des Anglois , des Hollandois ou de 
la Chine, elle feroit faifie avec avidité : 
c’eft un Citoyen zélé qui la préfente gra- 
tuitement à la Patrie; on a de la répu- 
gnance à l’adopter. 

Après tout ce que je viens de rappor= 
ter en faveur de la garance verte, j’avoue- 
rai cependant , que comme il y a bien des 
cas où l’on eft dans la néceffité de faire 
deffécher la garance , quand il s’agit de la 
tranfporter au loin , je crois devoir ajou- 
ter ici les moyens de deffécher cette racine; 
mais je vais indiquer auparavant les fignes 
auxquels on peut connoître fi la garance en 
racine , ou mife en poudre , eft de bonne 
qualité, 


DE LA GARANCE. 59 


HR LICE, XIBE 


Du choix de la Garance. 


L Es MarcHANDSs & les Teinturiers 
doivent être fuffifamment iniftruits des 
marques qui diftinguent les bonnes raci- 
nes de garance d’avec celles qui font mau- 
vaifes. Cependant nous croyons devoir 
en donner ici la connoiffance en faveur des 
Culrivateurs , ne fût-ce que pour les met- 
tre à l’abri des reproches mal fondés que 
les acquéreurs pourroient faire fur cette 
marchandife , pour parvenir à fe la procu- 
rer à meilleur compte. 
Cette racine, qui, comme nous Pavons 
déja dit, eft un des meilleurs ingrédients 
qu’on puifle employer pour la teinture des 
laines & des étoffes , leur imprime un rou- 
ge, à la vérité , peu éclatant, mais qui 
réfifte fans altération à l’aGtion de Pair , à 
celle des rayons du foleil , & à l'épreuve 
des ingrédients qu’on emploie pour re- 
connoître la ténacité des couleurs. Elle 
contribue aufñ à procurer de la folidité à 
plufieurs autres couleurs compofées ; enfin 
on eft parvenu à faire prendre au coton 
une couleur incarnat très-agréable & très= 


6o (CD ?L T'UXRLE È 
folide. Toutes les parties de cette racine 
ne fourniflent pas le rouge qu'on défire; il 
y en a qui l’alterent, & d’autres qui font 
tout-à-fait inutiles. 

Quand on examine à la loupe une 
racine de garance bien conditionnée , 
on apperçoit fous l’épiderme & dans le 
parenchyme des molécules rouges qui 
fourniflent certainement la couleur que 
cette racine contient ; mais On voit Outre 
cela beaucoup d’une certaine fubftance 
ligneufe qui eft de couleur fauve ; & cette 
fubftance doit probablement altérer la pre- 
miere couleur. Suivant M. pe Tour- 
NIERE, cette couleur fauve n’eft pas d’un 
auffi bon teint que la rouge; & il croit 
que les leffives & l’avivage ne donnent 
de Péclat à la teinture de garance que 
parce qu’elles emportent ce fauve. Le f0- 
leil & la rofée produifent le même effet 
fur le fil teint en garance , quand on le 
met fur le pré. 

M. de Tourniere penfe encore que la 
partie qui fournit le rouge , eft dans [a ra- 
cine fraiche, difloute dans un fuc muci- 
lagineux; car l'écorce & les autres parties 
qui contiennent beaucoup de rouge, font 
auffi les plus fucculentes : en les deffé- 
chant à l’étuve , on leur fait perdre les fept 
huitiemes de leur poids , & néanmoins les 


DE LA GARANCE. 61 
racines ne font point parfaitement feches, 
car elles plient avant de fe rompre; elles 
s’écrafent fous le pilon au lieu de fe ré- 
duire en poudre ; cette poudre onétueufe 
au toucher , fe pelote aifément : il eft vrai 
que cette racine en vieilliffant , perd fon 
onétuofité , & qu’elle devient aride ; mais 
aufli la qualité des molécules rouges di- 
minue. Ces obfervations méritent bien de 
l'attention ; car elles nous font connoître 
que cette fubftance précieufe peut être al- 
térée par une chaleur trop vive ; peut-être 
que fi, la fuppofant onétueufe , elle étoit 
parfaitement defféchée , l’eau ne pourroit 
plus la difloudre ; enfin ces réflexions s’ac= 
cordent avec les procédés de M. d’Am- 
bourney, pour établir qu’il ya un avan- 
tage confidérable à employer la racine de 
garance fraiche. Mais il ne fera jamais 
poffible d'employer la garance verte, que 
dans le cas où les garancieres feront à por- 
tée des Teinturiers ; ainfi lorfqu’on fera 
obligé de tranfporter la garance au loin, 
on fera toujours dans la néceffité de la 
deffécher & de la pulvérifer. Je reviens 
à cet objet qu’il eft bon de ne pas perdre 
de vue. 

1°, Comme les racines de garance ont 
une grande difpofition à fermenter , il faut, 
quand on les achete en racine , examiner 


62 CULTURE 
avec attention fi elles n’ont point de ta- 
ches ou quelque odeur de moifi ; elles 
feroient à rejetter, fi parle progrès de la 
corruption, elles étoient devenues noires. 

2°, Les racines , pour fournir beau- 
coup deteinture, doivent être nouvelles ; 
il faut donc rebuter celles qui répandent 
de la poufliere quand on les rompt, & à 
plus forte raifon celles qui font cariées & 
piquées de vers : au contraire , on doit ef- 
timer celles qui ont une odeur forte tirant 
un peu fur celle dela régliffe ; la garance 
en poudre doit être onctueufe, & fe pe- 
loter quand on la manie entre les doigts. 

3°, Comme la garance fe vend au 
poids, il eft avantageux à Pacquéreur que 
les racines foient bien feches ; mais il doit 
prendre garde qu’elles n’ayent point été 
trop chauffées à Pétuve. Celles qui ont 
beaucoup d’odeur , font ordinairement 
exemptes de ce défaut : un defféchement 
trop précipité fait rider & fendre l'écorce; 
& comme alors elle fe détache aifément 
du bois, on perd la partie la plus utile; 
l'écorce doit donc être unie, entiere & 
adhérente à la partie ligneufe : il nefaut pas 
confondre l'écorce avec l’épiderme qui ne 

eut qu’altérer l’éclat du rouge. 

4°, Les plus groffes racines ne font pas 

toujours les meilleures ; affez fouvent elles 


DE LA GARANCE. 63 
font jaunes, & la partie rouge, qui feule 
fournit la couleur, y eft-peu abondante. 
Les racines fort menues ne font pas efti- 
mées , parce qu’elles ont trop de cet épi- 
derme qui ternit la couleur rouge ; mais 
celles qui peuvent être de bonne qualité, 
doivent avoir , depuis la groffeur d’un 
tuyau de plume a écrire, jufqu’à la groffeur 
de l’extrémité du petit doigt. 

5°; En rompant lesracines , on apper- 
çoit, comme je l'ai déja dit, deux fubf- 
tances aflez diftinétes l'une de l’autre; celle 
qui tire fur le jaune , ne fait qu’altérer la 
teinture ; celle qui eft d’un rouge foncé, 
eft la partie vraiment utile ; & par confé- 
quent on doit donner la préférence aux 
racines qui font hautes en couleur. 

Ce feroit une découverte bien utile que 
de trouver le moyen d’extraire la partie 
rouge fans aucun alliage de la partie jaune 
ou fauve : je crois que ces tentatives doi- 
vent être faites {ur des racines vertes , 
afin que la partie rouge, qui eft en diflo- 
lution , foit plus aifée à extraire. 

6°, Comme le moyen le plus für pour 
reconnoître la qualité de la garance , eft 
d’en faire quelques effais fur des mor- 
ceaux d’étoffe ; ceux qui cultivent beau- 
coup de garance, feront bien de s’accou- 
tumer à la foumettre à cette épreuve » 


64 Cu x:'AUISE 

afin d'être en état de prouver aux acqué- 
reurs la bonne qualité de leurs racines : 
en voici le procédé , extrait des ouvrages 


de M. HELLOT. 


À KR THE CH ELATVe 
Marniere de faire un Efai de Teinture 


avec la Garance. 


Ï L FAUT, pour teindre une livre de laine 
filée , faire un bain avec $ onces d’alun 
&une once de tartre rouge fondues dans 
fuflifante quantité d’eau : on imbibe bien 
dans ces fels la laine qu’on veut teindre : 
au bout de 7 à 8 jours , on jette une demi- 
livre de racine de garance en poudre dans 
de l’eau chaude , mais dans laquelle on 
puifle tenir la main fans fe brûler ; & après 
avoir mêlé cette poudre dans leau avec 
une fpatule de bois, on plonge la laine 
dans ce bain qu’on entretient chaud pen- 
dant une heure , ayant foin qu'il ne bouille 
pas, parce que s’il bouilloit , la couleur de 
la laine deviendroit terne : néanmoins: 
vers la fin de l’opération, on échauffe le 
bain jufqu’à le faire bouillir ; mais on retire 

Ja laine fur le champ. 
MM. de la Société d'Agriculture de 
Beauvais 


DE EA GARANCE. 6$! 
Beauvais, qui ont fi bien réuffi à teindre 
avec dela racine fraîche , marquent dans 
le procès - - verbal qu’ils ont dreflé de leur 
opération , qu’on peut , fans rifque, laïfler 
bouillir le bain de garance fraiche, fans 
qu’il en réfulte d’altération en brun, ni 
ce qu'on appelle coup de féu. 

Comme il ne faut que de très-légeres 
circonftances pour faire varier la beauté 
de la couleur , on fera bien de faire , 
dans le même temps & avec la même 
laine , deux opérations femblables ; l’une 
avec la garance qu’on a deflein d’éprou- 
ver, & l’autre avec la belle garance de. 
Zélande ou l’Azala : la beauté des éche- 
veaux teints décidera quelle eft la meil- 
leure de ces garances, 

Comme on peut faire aufli-bien ces 
effais fur deux ou quatre onces de laine , 
que far une livre, il faudra alors diminuer 
la dofe des fels & de la garance , propor- 
tionnellement à la quantité de laine qu’on 
voudra teindre, Je vais maintenant parler 
des moyens qu’on emploie pour deffécher 
& pulvérifer la garance. 


ETES 


66 CU L'T'U RE 


ARRETE CERN. 


Maniere de deffécher à de pulverifer 


la Garance. 


Nov: avons dit que.les racines fraiches 
étoient fujettes à s’altérer en peu de temps 
par la fermentation : il eft donc néceffaire, 
quand la garance doit être tranfportée au 
loin , d'employer les moyens propres à 
enlever la prodigieufe quantité d’humidité 
-qui occafionne cette altération. Il n’eft pas 
douteux que s’il arrive du vent, du foleil, 
en un mot , du hâle, on fera bien d’en 
profiter pour commencer le defféchement, 
& épargner la dépenfe du bois ; mais fi 
le temps étoit plus humide que hâleux , 
il faudroit étendre les racines fous un han- 
gard ou dans des greniers , & les remuer 
fouvent ; car fi on les mettoit en tas, el- 
les s’échaufferoient en peu de temps, & 
elles s’altéreroient plus ou moins, fuivant 
le degré de fermentation qu’elles auroient 
éprouvé: ces attentions ralentiflent bien 
la fermentation des racines; elles peuvent 
même , fuivant M. d'Ambourney , les 
mettre en état d’être confervées faines 
pendant quelque temps 3 mais elles ne 


| DE LA GARANCE. 67 
font pas aflez efficaces pour produire un 
defféchement fuffifant qui puifle préferver 
ces racines de toute: altération , & les 
mettre en état d'être pulvérifées. Il y a 
donc des circonftances où on ne peut fe 
difpenfer d’employer l’aétion d’une cha- 
leur artificielle, & emprunter le fecours des 
étuves. : 

Lorfqu’on ne fait que de petites ré- 
coltes, on peut employer la chaleur d’un 
four à cuire le pain, pourvu qu’elle n’ex- 
cede pas 45 à 50 degrés du Thermome- 
tre de M. de Réaumur. Mais ce moyen 
eft bien long , & il faudroit avoir des 
fours très-grands pour fuppléer aux étu- 
ves. Pour éviter la dépenfe de la conf- 
trution d'une étuve, je confeillerois de 
pratiquer un cabinet au - deflus de la 
motte d’un four , dans lequel les racines 
commenceroient à perdre une partie de 
leur humidité. Mais quand on cultive 
beaucoup de garance, il eft indifpenfable 
d’avoir une étuve dont la grandeur foit 
proportionnée à la quantité de garance 
qu’on aura à deflécher , foit de fes propres 
récoltes , foit de celles des payfans du voi- 
finage qui ne font pas en état de faire la 
dépenfe d’un pareil établiffement. 

On peut donner à ces étuves bien des 
formes différentes , dont plufieurs fe trou- 


Fi; 


68 CULTURE 

veront aufli bonnes les unes que les au: 
tres ; mais ceux qui feront dans le cas d’en 
faire conftruire une , doivent fe propofer 
pour objet, 1°, de faire en forte qu’elle 
contienne beaucoup de racines ; 2°, que le 
fervice en foit commode ; 3°, d’économi- 
{er , le plus qu’il fera poffible , les matieres 
combuftibles ; 4°, de la difpofer de façon 
qu’on puifle yentretenir une chaleur mo- 
dérée & égale. Pour faciliter ces moyens 
aux Cultivateurs , nous donnerons ci-après 
les plans & la defcription des étuves qu’on 
emploie depuis long-temps à Lille pour 
le defféchement des racines de garance ; 
nous ferons remarquer leurs défauts, ainfi 
que ceux de deux étuves qui ont été fuc- 
ceflivement conftruites à Corbeilles ; & 
nous rapporterons les tentatives que nous 
avons faites pour les corriger & les perfec- 
tionrier, 


DE LA GARANCE,. 69 


HR TIECUR EU XV 


Culture de la Garance en Zélande 
© en Holiande, 


Jivros defiré pouvoir me procurer 
des Mémoires plus circonflanciés fur la 
culture qui fe fait en Zélande de la garan- 
ce ; mais à ce défaut, j'ai cru devoir faire 
imprimer ce qui fe trouve déja imprimé 
dans le(Nouvellifte Economique & Lit- 
téraire, ne füt-ce que pour faire connoiître 
que la culture de cette plante en Zélande 
differe peu de celle que nous avons rap- 
portée dans ce Traité. 


Extrait du Nouvellifle Economique & Lit= 
téraire | imprime à la Haye ; Tome IV, 
page 110. 


» La garance eft la racine d’une plante 
» qui porte le même nom; cetteracine, 
» féchée, moulue &’ préparée, fert à une 
» teinture rouge. La garance ne pafle pas 
» pour une plante originaire de ce pays ; 
“on prétend qu'il y a quelques fiecles 
» qu’elle fut tranfportée des Indes dans la 


» Perfe , de ce pays à Venife, & delà par 


TO C:u Lux 

» l’'Efpagne &laFrance dans les Provinces- 
» Unies. On la cultive actuellement avec 
> beaucoup de fuccès en Zélande ; elle fe 
> trouve aufli en Hollande , & particulié- 
»rement au pays de Voorn près de la 
» Brille. C’eft une plante fort délicate, 
» dont l’accroiflement eft fouvent retardé 
» Ou entiérement arrêté par divers contre- 
» temps imprévus : ces variétés dans le 
» produit & dans le prix de cette racine 
+ enrichiffent ou ruinent ceux qui la cul- 
»tivent. C’eft des rejettons des vieilles 
> plantes qu'on en fait venir de nouvelles: 
» ces rejettons font féparés de la mere- 
» plante, & mis en terre au printemps vers 
» les mois d'Avril, de Mai, ou même de 
» Juin, felon que la faifon fe trouve plus ou 
» moins favorable. On prépare d’avance 
» Ja terre par deux ou trois labours, & 
» quelquefois davantage ; on la divife en- 
» fuite en lits plats & aflez longs , de deux 
» pieds de large : c’eft-là que l’on plante 
> lesrejettonsau nombre de quatre ou cinq 
» dans la largeur. On a foin d’arracher les 
» mauvaifes herbes, & de tenir la plante 
» auffi nette qu’il fe peut : on la laiffe deux 
» ansentetre, & même quelquefois trois 
# ouquatre; on a foin tous les hivers de 
» la bien couvrir de tèrre. Après ce temps 
# on latire de fon lit, &.on la porte dans 


DE LA GARANCE. 71 
» des étuves. Pour l’y faire fécher , on la 
» pofe fur un plancher léger fait de lattes 
» arrangées en forme de gril : ce plancher 
» eft placé au-deflus d’un four , dont le 
» feu eft entretenu par le moyen de tour- 
» bes de Frife, & dont la chaleur s’éleve 
» à la couche de la garance au travers de 
» diverfes ouvertures affez éloignées l’une 
» de Pautre. On porte enfuite cette racine 
» dans un appartément pareil à celui où on 
» fait fécher les grains pour la biere, & qui 
» peut avoir cinquante pieds de long ; on 
» l’étend fur un tiflu de crin, & elle acheve 
> de s’y fécher : delà on la porte dans une 
» aire,& on la nettoie avec foin de la terre 
æ & des peaux qui s’y font attachées. Enfin 
» On ia met dans un grand mortier de bois, 
>» pour y être pilée par le moyen de pilons 
» de bois garnis par deflous de lames de 
» fer, qu’on nomme couteaux ; ces pilons 
s agiflent par l’action d’un moulin que 
» trois chevaux font mouvoir. La garance 
»ainfi pilée fe tamife enfuite , & on la 
2 fépare en trois cuvettes différentes : la 
» premiere eft pour la groffiere , dite mule; 
» la feconde pour la commune , la troifieme 
» pour la ffne ou meilleure. Au fortir de 
» ces cuvettes , la garance fe mettoit au- 
» trefois dans des facs femblables à ceux 
» du houblon ; maison enremplit à préfent 


72 CE CL TÜUIRE 
» des tonneaux où l’on a foin de la biem 
» preffer. Des trois efpeces de garance, la 
» plus précieufe eft uniquement tirée du 
+ cœur de la racine ; la feconde, ou com- 
» mune, left de la fubftance qui envi- 
» ronne le cœur; là troifieme ou grofliere 
>» eft faite des peaux ou enveloppes exté- 
> rieures. Les deux premieres efpeces font 
» mêlées l’une avec l’autre; & quand il y 
» a deux parties de la premiere & une de 
» la feconde , on appelle un & deux. On 
» ne laifle poirit perdre ce qui refte fur le 
» plancher de l’étuve; mais ou l’on mêle 
» ce réfidu avec la troifieme forte , ou on: 
» en fait des paquets féparés. [1 en eft de 
» même de ce qui fe fépare au moulin, 
» Après que la garance a été mife dans les 
» tonneaux , elle eft examinée par des Inf- 
» pecteurs qui voyent fi elle a été bien 
» préparée , fi elle n’a point été brûlée en: 
» fe féchant, & s’il n’y a pas un trop grand: 
» mélange de terre. Les Edits font très- 
sféveres à tous ces égards , & ils font 
»>fur-tout exatement obfervés dans la 
os Ville de Zierikfée. El y a dans le domaine 
» feul de cette Ville dix-neuf fours à ga= 
» rance ; & l’on évalue le produit annuel 
» de chacun de ces fours à cent milliers 
» pefant. Il eft difficile d’eftimer au jufte 
æ la quantité de garance qu’une certaine 
| étendue 


DE LA GARANCE. 73 
#étendue de terrein peut porter, vu la 
» qualité différente de la terre & la diver- 
» fité d’accidents auxquels la récolte eft 
» expofée. En général cependant on tire 
» de chaque arpent , trois à fix censlivres 
» de garance ». 


2 2 << — "© —— —————— ———————— 


AR T-LC LE XVIL 


ARREST DUCONSEIL D'ETAT 
DU ROÏ, qui ordonne que ceux qui 
entreprendront de cultiver des plantations 
de Garance dans des marais & autres 
Lieux non cultivés , ne pourront pendant 
vingt années être impofés à la’ Taille, 
eux ni leurs employés à ladite exploira- 
tion , pour railon de la proprièté ou du 
profit à faire fur l'exploitation defdits 


marais © terres cultivées en Garance. 


Du 24 Février 175 6. 
Extrait des Regiftres du Confeil d’Etar. 


» Lx Ror étant informé que plufieurs 
»terreins en marais & inondés feroient 
#» propres à produire de la garance,que l’on 
» eft obligé de tirer des pays étrangers, & 
que quelques perfonnes s’offriroient à 
faire les frais néceflaires pour cultiver 


“cette plante & deflécher “ia marais ; 


C'E LDUu RE 

» s’il lui plaifoit les faire jouir de quelques 
»exemptions & privileges , & nommément 
»de ceux qui font attribués par Edit de 
» 1607,& la Déclaration de 1641, & au- 
otres Réglements fubféquents à ceux qui 
sfont le defléchement des marais jufques 
“alors incultes. À quoi voulant pourvoir: 
5 Oui le rapport du fieur Moreau de Sé- 
»chelles, Confeiller d’Etat ordinaire , & 
» au Confail royal , Contrôleur général ga 
» Finances ; LE Rox étant en fon Confeil, 

»a ordonné & ordonne que ceux qui vou- 
»droient entreprendre de cultiver des 
»plantations de Garance dans des marais 
® & autres lieux de pareille nature, qui ne 
o font point cultivés , ne pourront,pendant 
# vingt années, à compter du jour que 
» les defféchements & défrichements au- 
sront été commencés , être impofés à la 
» Taille, eux ni ceux qui feront employés 
» à bide exploitation, pour raifon de la 
» propriété ou du profit à faire fur l’ex- 
5 ploitation defdits marais & terres culti- 
» vées en garance : : Voulant Sa Majefté 
“qu'au cas qu'ils n’aient point été im= 
» pofés jufqu'’alors, & qu'ils ne foient point 
» dans le cas de l’être dans les Paroifles où 
s lefdits biens feront fitués , pour leurs au- 
stres biens, facultés 8c exploirations , is 
# 1e puiffent être compris dans les rôles 


DE LA GARANCE. 75 
» des Tailles ; & qu’au cas où ils feroient 
» d’ailleurs impofables , ils foient taxés 
»d’office par le fieur Intendant & Com- 
»miflaire départi : Ordonne Sa Majefté 
»qu’en outre ils jouiront de tous les pri- 
» vileges portés par l’Edit de 1607, & la 
» Déclaration de 1641 , en faveur des 
» Entrepreneurs des defféchements:comme 
»auffi qu’il leur foit permis de tenir , tant 
à Paris que dans les autres Villes & lieux 
»du Royaume, des Magafins de la ga- 
»rance provenant de leurs exploitations , 
» & de les vendre, tant en gros qu’en dé- 
tail, fans qu’ils puiffent y être troublés ni 
sinquiétés : Evoque Sa Majefté à Elle & à 
»fon Confeil, tous les procès , différends 
» & conteftations que ceux qui entrepren- 
» dront la culture defdites garances pour- 
#ront avoir, tant en demandant qu’en dé- 
»fendant , pendant le cours de cinq an- 
»nées , à compter du jour du préfent Ar- 
»rêt , pour raifon de leurs entreprifes & 
»privileges à eux accordés , & les a ren- 
»voyés & renvoie pardevant les fieurs In- 
»tendants & Commiffaires départis , pour 
»être par eux jugés en premiere inftance , 
» fauf l'appel au Confeil. Enjoint Sa Ma- 
»jefté auxdits fieurs [ntendants, de te- 


wnir la main à lexécution du préfent 
G ij 


76 CULTURE 

s Arrêt. Fait au Confeil d'Etat du Roi, 
» Sa Majefté y étant , tenu à Verfailles le 
» 24 Février 175 6. 


Signé, M.P. DE VoyxER D’ARGENSON, 


MTiiiiiitiititt. 


DESCRIPTION 
Des Eruves pour defécher la 
Garance, & des Moulins pour 
la pulvérifer. 


Ex 


A: RTIT GP ET 
Defcription de l'Etuve de Lille. 


ETTE étuve differe peu de celle que 
les Braffeurs emploient pour deflécher 
l'orge germé ou la dreche , & qu’on nom- 
me dans les brafleries Tourailles. Pour en 
donner une idée générale, il faut imagi- 
ner un fourneau dans lequel on allume un 
grand feu ; & que ce fourneau eft établi 
au fond d’un fouterrein : l’air chaud & la 
fumée s’élevent dans une tour à jour éta- 
blie au-deffus du fourneau : on la nomme 
dans les brafferies Truite. L’air chaud & 


DÉ LA GARANCE. pb À 
la fumée fe répandent dans un efpace for- 
mé en entonnoir ou en pyramide renver- 
fée, dont la bafe eft couverte par un plan- 
cher à jour, fur lequel on étend les raci- 
nes de garance. Voilà en gros en quoi 
confifte cette étuve ; mais en faveur de 
ceux qui voudroient en faire conftruire de 
femblables , je vais en donner tout le détail 
relatif aux figures que j’ai fait graver. 

La fig. 4 Pl: I. repréfente la coupe d'un 
bâtiment dans lequel eft pratiquée une étu- 
ve propre à fécher la garance. 

On diffingue dans ce bâtiment une cave 
KK, un rez-de-chauflée LL, & un nre- 
mier étage GG, qui fuppofe un grenier 
au-deflus H. L’étuve dans fon plein de mä- 
connerie eft fondée un peu au-deffous du 
niveau de la cave; fes murs fe terminent 
en voûte au niveau du plancher du pre- 
mier étage ; les murs de face du bâtiment 
fervent de pieds droits : on voit aufli que 
les voûtes de l’étuve font foutenues par 
des contre-forts qui aboutiffent dans les 
murs de face du même bâtiment. Tout 
ceci deviendra encore plus clair par Pex- 
plication des lettres de renvoi. 

A (PL I, fig. 4 ) Cendrier de deux 
pieds d'ouverture fur 3 + de profondeur , 
& 2 pieds 3 pouces de hauteur ; il reçoit 
les cendres des matieres qu’on brûle dans 


Gi 


78 CU E FT UMRE 

le fourneau. B, fourneau terminé en bas 
par un grillage de fer bb, fur lequel on 
pofe les matieres à brûler. C, ligne pon- 
étuée qui détermine le haut une porte 
fermant l’entrée du fourneau : cette entrée 
a 16 pouces de largeur fur 17 de hauteur. 
D, cheminée du fourneau : c,d, truitte 
où tourelle à jour qui reçoit la chaleur de 
ce fourneau , & la repand dans fon pour- 
tour par les trous où efpaces vuides co- 
tés iii, On remarquera que cette chemi- 
née eft entiérement couverte à fon cou- 
ronnement, pour empêcher qu’il ne puiffe 
rien tomber dedans. iii, trous de deux 
pouces en quarré, par lefquels fort la 
chaleur ; ils font faits en échiquier, comme 
on le voit, avec des briques pannereffes. 
F, F, elpace vuide dans lequel fe répand 
la chaleur qui fort de la truitte, avant de 
monter à Pétage fupérieur. GG, étage 
pavé de carreaux, fur lefquels on étend , 
à un pied & demi d’épaifleur, les racines 
qu’on veut fécher *. Ces carreaux font de 
terre cuite : ils ont 1$ pouces de longueur 
fur 10 & 11 de largeur & deux pouces 
d’épaiffeur : ils font percés d’outre en ou- 
tre de plufieurs trous de figure conique , 
comme ils font repréfentés dans la figure 6. 


* On remue de temps en temps la garance avec des 
fourches de fer, pour qu’elie feche égalemente 


DE LA GARANCE. 79 
HH, ouras ou tuyaux de 4 pouces d’ou- 
verture, par lefquels fort la fumée quand 
elle eft trop abondante , & par où def- 
cendent aufli les parcelles qui fe tamifent 
par les trous des carreaux du plancher G. 
Ces ouras font fermés par une petite porte 
de tôle qu'on ouvre quand la chaleur du 
fourneau eft trop grande. 

X ; cave qui fert aux approvifonne- 
ments pour l’entretien du feu de l’étuve. 
L, chambre où l’on retire les tonneaux 
de garance pilée , où elle fe conferve fé- 
chement. MM, &c, fommiers de fer de deux 
pouces d’épaiffeur, recouverts de barreaux 
en travers , fervants à porter les carreaux 
qui forment le plancher. N, tirants de fer 
attachés au fommier P, pour foutenir le 
poids du plancher G. P, fommier du fe- 
cond étage. Q , croifée ou fenêtre que 
Fon ouvre au commencement de chaque 
étuvée , pour laïfer diffiper la fumée. On 
ferme ces croifées quand la garance com- 
mence à fe fécher , pour mieux retenir la 
chaleur. Il y à encore au fecond plancher 
deux trapes qu’on ouvre pour laifler échap- 
per la fumée & les vapeurs. 

La figure $ repréfente le plan d’un 
fourneau d’étuve; ce fourneau a 16 pou- 
ces de largeur fur 3 pieds 7 pouces de 
profondeur ; les trois barres de fer qui le 

G iv 


80 Ci EXT UE 

traverfent , ont chacune 2 pouces + de lar- 
geur fur 6 lignes d’épaifleur ; elles font 
empattées de 3 pouces dans les murs : les 
barreaux de recouvrement ont un pouceen 
quarré, & font rivés en deflus & en deflous 
fur les barres. On a exprimé dans ce plan 
les deux ouras côtés H, pour faire connot- 
tre qu’ils traverfent l’étuve dans toute la 
largeur du fourneau. Ces ouras font très- 
utiles pour tranfmettre dans la touraille la 
chaleur du corps du fourneau. 

La figure 6 repréfente le plan de l’é- 
tage carrelé G, fur lequel on étend la ra- 
cine de garance pour a faire fécher ; il à 
16 pieds en quarré. On a donné ci-de- 
vant la conftruction des carreaux : il a été 
dit aufi qu’on ouvroit les fenêtres cotées 
Q ;, pour laïffer fortir la fumée ou vapeur 
que répandent les racines de garance à 
mefure qu’elles fe fechent , & qu’on les 
refermoir enfuite pour entretenir la cha- 
leur. 

Comme le fourneau que nous venons 
de décrire eft femblable aux tourailles des 
Braffeurs , jai voulu examiner comment 
elles agiflent pour deflécher le grain ger- 
mé, & j'ai remarqué que le grain qu’on 
y met à l’épaiffeur d'environ 9 pouces , eft 
très-chaud par deffous ; la liqueur du Ther- 
mometre de M. de Réaumur s’y eft élevée 


DE LA GARANCE. 87 
à plus de 20 à 22 degrés au-deflus de 
zero ; mais le deffus qui eft frappé par l'air 
extérieur, s’échauffe peu ; les vapeurs qui 
s’élevent des grains qui occupent les def- 
fous , étant condenfées à la fuperficie par 
lecontaét de l'air frais , fe réduifent en eau, 
& font que les grains de deflus font tou- 
jours très-mouillés ; ce qui oblige les Braf- 
feurs de remuer fréquemment les grains 
de leurs tourailles , pour expofer à la 
grande action du feu celui de deffus qui 
eft fort humide, & mettre à la fuperficie 
celui du deflous qui étoit fort chaud. 
Mais quand il vient à être échauffé, l’hu- 
midité qui en fort & qui fe réduit en va- 
peurs, humecte de nouveau le grain qu’on 
a mis à la fuperficie, & par conféquent le 
defféchement dela mafle totaleen eft confi- 
dérablement retardé. J’ai jugéqu’on pour- 
roit obvier à cet inconvénient, fi Pon pou- 
voit empêcher l’air frais de frapper la fu- 
perficie du grain : on y parviendroit fans 
doute , en établiffant une couverture fur 
toute cette fuperficie 3 & fi cette cou- 
verture pouvoit être placée à un pied au 
plus au-deflus du grain , il en pourroit ré- 
fulter un autre avantage que je vais ex- 
pliquer. | 
On fait en Phyfique que les vapeurs 
des corps qu’on expofe à la chaleur, ont. 


82 CULTURE 

une grande puiflance pour pénétrer & 
échauffer ces mêmes corps, lorfqu’onre- 
tient ces vapeurs , & qu’on les réverbere 
en quelque forte fur les corps qu’on veut 
échauffer ; c’eft fur ce principe qu’eft conf 
truite la machine de Papin , dans laquelle 
on parvient à difloudre les os des animaux; 
& l’on fait qu'a un degré égal de chaleur, 
Veau a huit cents fois plus d’aéivité que 
Pair : or les vapeurs contiennent beaucoup 
d’eau *, 

En partant de ce principe, nous avons 
jugé qu’il feroit très-avantageux de réver- 
bérer les vapeurs fur le grain des Braf- 
feurs & fur la racine de garance , par le 
moyen de la couverture dont nous venons 
de parler. M. ViccoTt, Marchand Braf- 
feur à Paris, qui faifit avec empreffement 
toutes les idées qui lui paroiïffent propres à 
perfectionner la biere qui fe fait chez 
lui, a tenté quelques épreuves conformes 
à ce que nous venons de dire, &il a eu 
quelque fuccès. Il ne s’agit plus que de 
trouver le moyen de faire ufage de ce prin- 
cipe pour une grande fabrique : nous y 
reviendrons dans la fuite. 


* Nous pourrions rap- } On peut confulter celles 
porter des expériences que | que nous avons rapportées 
nous avons faites en grand, | dans le cinquieme Volume 
pour attendrir des pieces de | du Traïté de la Culture des 
bois par La vapeur de l’eau. | Terres, page 355e 


is 
db Mot 
Ms 


_ Rubi 


DE LA GARANCE. 83 

Un des défauts de l’étuve de Lille eft 
que la fumée qui fe mêle avec l’air chaud, 
& qui traverfe les racines de garance, les 
charge de fuliginofités , qui alterent pro- 
bablement la partie colorante, & qui pro- 
duifent peut-être la différence qu’on re- 
marque entre les garances qui viennent du 
Levant & celles de Lille, celles-ci n’étant 
point propres, comme on l’a dit , à tein- 
dre les cotons à la maniere du Levant: 
de plus, on n’eft point maître de graduer 
convenablement le feu dans ces fortes de 
tourailles. On pourroit corriger ce défaut, 
en faifant la tour du milieu clofe, & en la 
terminant par un tuyau de fer fondu ou de 
forte tôle, qui porteroit la fumée dehors, 
à peu près comme on le voit dans la Plan- 
che II : on pourroit encore fe difpenfer 
de faire le plancher avec des barreaux de 
fer & des carreaux ; un plancher de bois 
latté, ou garni de claies & d’ungrillage de 
fil de fer, feroit fuffifant ; car une fois que 
la tour fera clofe & terminée par untuyau, 
on ne craindra point le feu. Pour qu’on 
puifle varier la conftruétion de ces étuves , 
nous allons joindre des réflexions & des 
obfervations qui ont été faites avec beau- 
coup de foin par M. pe LA LEvRIE quia 
préfidé à la conftruétion de deux étuves à 
Corbeilles, & décrire l’ufage qu’on en a fait 


84 CULTURE 

pour deffécher la garance ; cela nous a 
mis en état de connoitre les perfeétions 
qu’on peut donner à étuve de Lille. 


GER EDR EPS IEEE 
RMADI CAENIE 


Réflexions [ur l'Etuve quon emploie 
a Lille. 


Ï L eft bon de commencer par rapporter 
les expériences qu’on à faites avec deux 
étuves qui ont été conftruites l’une après. 
Pautre à Corbeilles , pour deffécher la ga- 
rance : on en comprendra mieux l’avan- 
tage de celle qu’on propofera enfuite. 

La premiere de ces étuves avoit 21 
pieds de long , 12 de large, 10 de hau- 
teur : elle étoit garnie dans le pourtour 
de trois rangs de claies en forme de ta- 
biettes de 4 pieds de largeur , qui étoient 
à diftance de 20 pouces l’une de l’autre ; 
le premier rang étoit à $ pieds de terre : 
c’éroit fur ces tablettes qu’on mettoit la 
garance fraiche à 8 pouces environ d’é- 
paifleur. [1 y avoit au plancher fupérieur 
une trappe qu’on ouvroit pour laiffler ex- 
baler l'humidité de la racine. Le fourneau, 
qui m’étoit pas fans défaut, éroit faillane 
d'environ 3 pieds dans l’étuve ; on le fer= 


DE LA GARANCE. 8$ 
voit par dehors ; il étoit garni intérieure- 
ment de tuyaux de fonte qui circuloient 
entre deux feux ; ces tuyaux recevoient 
par un bout l’air extérieur qu'ils rendoient 
en dedans très-chaud , par une ouverture 
placée à 2 pieds de terre. Voici l’effet de 
cette étuve : les trois étages ayant été gar- 
nis de racines, celles qui étoient fur l’é- 
tage le plus élevé , féchoient fuffifamment 
pour pouvoir être portées au moulin. Elles 
féchoient lentement à la vérité, parce que 
Pévaporation, quoique peu confidérable, 
qui fe faifoit fur les deux étages inférieurs, 
fournifloit par-deffous les claies du troi- 
fieme rang une humidité qui retardoit 
 Popération. La chaleur , qui n’avoit pas 
aflez de force pour réduire en vapeurs 
toute l’humidité contenue dans la racine 
de la garance des deux premiers étages, 
en avoit aflez pour la faire fuer au point 
que le deflous des claies étoit rempli de 
gouttes d’eau grofies comme le bout du 
doigt , & qui tomboient de la feconde 
tablette fur la premiere , où elles mouil- 
loient la racine ; celles de la premiere ta- 
blette tomboient à terre. On ne voyoit 
que trés-peu de ces gouttes d’eau à la ta- 
blette d’en haut; mais feulement & im- 
médiatement après qu’on avoit regarni l’é- 
tuve de nouvelles racines , parce qu’au 


86 CULTURE 

haut de l’étuve la chaleur fe répandoit 
bien plus également & y étoit toujours 
très-forte, pendant qu’au bas , & vers la 
terre il failoit froid. On avoit mis à chaque 
étage un thermometre de M. de Réau- 
mur : après quatre jours d’un feu conti- 
nuel, le plus bas montoit à peine à 18 
degrés ; le fecond , un peu plus haut ; le 
plus élevé n’a jamais pañlé 27 degrés , 
chaleur qu’on croit prefque fufhfante lorf- 
qu'on n'aura pas une évaporation infé- 
rieure qui retarde l'effet de la chaleur qui 
fe porte en haut. Ce qui le prouve , c’eft 
qu'après avoir porté au moulin la racine 
fufifamment féchée, on tranfportoit fur le 
troifieme étage celle du fecond deja ef- 
forée ; fur celui-ci celle du premier, en- 
core molle ; enfin l’on metttoit fur le 
premier étage de la racine fraiche : alors 
le thermometre d’en bas defcendoit au- 
deffous de 14 degrés, & le plus haut au- 
près de zéro. Cela fit prendre le parti de 
fécher tout ce qu’on mettoit dans l’étuve, 
avant que de remettre de nouvelles ra- 
cines; maisil falloit toujours faire le tranf- 
port des étages d’enbas au plus élevé, où 
la derniere rangée féchoit plus vite que les 
autres. Comme cette manœuvre étoit 
longue & pénible , on prit le parti de 
détruire cette étuve, & d’en conftruire 
une nouvelle qui a fervi depuis. 


DE LA GARANCE. 87 

Cette feconde étuve avoit même lon- 
gueur & même largeur que la précédente ; 
mais les claies fur lefquelles on étendoit 
la garance n’étoient élevées qu’à 6 pieds 
de terre , & les ouvertures du fourneau, 
qui donnoient l’air chaud , étoient à raze 
terre : d’ailleurs on avoit continué à fe 
p'évenir du faux avantage de tripler la 
fuperficie pour faire tenir une plus grande 
quantité de racines , en faifant, comme 
dans autre , trois étages de tablettes. Il 
eft vrai que les racines y féchoient plus 
vite , parce que le fourneau y donnoit plus 
de chaleur ; mais cette chaleur fe diftri- 
buoit très-inégalement dans les différentes 
hauteurs , & dans les différentes parties 
de la longueur de l’étuve , parce que les 
mêmes inconvénients fubfifloient , ayant 
établi, comme à l’autre, plufieurs étages 
les uns au-deflus des autres, & que l’on 
avoit donné à l’étuve une forme longue, 
fans en avoir fait parcourir toute l’étendue 
au fourneau. On avoit encore mis le plan. 
cher du premier étage trop près du feu; 
mais cela n’étoit pas fans remede , puif 
qu’on pourroit fupprimer ce plancher, & 
ne fe fervir que du fupérieur , qui fe trou- 
veroit à 1$ pieds du bas de lPétuve, & 
qui en comprendroit toute l’étendue : alors 
la chaleur s’étendroit plus également dans 


88 CU L Ty RL+E 

toute fa longueur. On mettroit la racine 
fur 15 ou 18 pouces d’épaifleur, & on la 
foigneroit avec plus de facilité que fur 
les tablettes , dont le fervice eft extrême- 
ment pénible : on pourroit auffi mettre un 
fourneau à chaque bout de l’étuve , & faire 
ramper les tuyaux dans toute fa longueur. 

De tous ces faits , il réfulte que pour 
deflécher une pareille plante qui contient 
beaucoup d’humidité , on ne gagnera ja- 
mais rien à faire une étuve à trois étages, 
dont l’un nuira toujours à l’autre ; puifque 
la chaleur gagnant néceffairement le plus 
haut, on fera obligé d’y tranfporter la ra- 
cine des étages inférieurs ; ce qui ne fe 
peut faire fans peine , fans perte de temps 
& fans dépenfe ; au lieu qu’on pourra fé- 
cher la même quantité en moins de temps 
fur un feul plancher élevé de 18 ou 20 
pieds au-deflus du fourneau. 

Il eft für qu’en fuivant de bonnes inf- 
tructions , un payfan qui cultivera fa terre 
en garance ,en tirera toujours meilleur parti 
que tout autre particulier qui la fera culti- 
ver par des gens de journée; mais le payfan 
ne fera les frais ni d’une étuve , ni d’un 
moulin ; ce feront des particuliers aifés 
qui cultiveront en grand , & qui font plus 
en état de faire de la dépenfe : ainfi on 
préfume que les payfans feront obligés, 

ou 


DE LA GARANCE. 89 
our de vendre leurs racines toutes fraiches 
aux Teinturiers, ou de les arracher dans: 
le printemps, pour les faire fécher au fo- 
leil , ou de les mettre dans leurs fours 
quand ils n’en recueillent qu’une petite 
quantité, ou enfin de porter leurs racines 
à l’étuve , commeils font tranfporter leurs 
raifins au prefloir. On croit cependant 
qu'il eft toujours avantageux , dès qu’on 
a le deflein d'engager à une culture peu 
connue en France, de préfenter aux Cul- 
tivateurs des idées fimples , & qui tendent 
à la moindre dépenfe poffble. 

L’étuve de Lille, quoique conftruite 
fur le bon principe qu’on vient d'établir , 
ne fe préfente pas fous un coup d’œil d’é- 
conomie convenable à tout établiffiement 
nouveau. Îl faut de fortes murailles pour 
foutenir la pouflée des voûtes, des arc- 
boutants intérieurs , de la brique pour 
conftruire ces voütes. Il y a telles campa- 
gnes où on ne trouvera pas de Maçons qui 
fachent voûter en brique. Il faut beaucoup 
de gros fer pour le plancher. D’un autre 
côté , une étuve de la figure d’un quarré 
long, telle que celie de Corbeilles,ne chauf- 
fera jamais bien également dans toute fa 
longueur , à moins qu’on n’y établifle des 
tuyaux dans lefquels on fafle circuler la. 
fumée avant qu’elle fe rende dans la che- 


H 


90 CULTURE 

minée, ou bien qu’on y place un four- 
neau à chaque bout. Tout cela eft de dé- 
penfe, & fujet à des inconvénients. 

On penfe qu’une étuve dans le goût d'une 
touraille de Braffeur (PI. IT) , eft plus que 
fuffifante , & pourra être confiruite par- 
tout à peu de frais : une pareille étuve 
fera aflez grande en la faifant quarrée de 
18 pieds fur toutes les faces ; de 18 à 20 
pieds de hauteur du rez-de-chauflée juf- 
qu’au plancher. On formera deffous ce 
plancher une pyramide renverfée un peu 
tronquée par en bas, pour l’emplacement 
qu’il faut laiffer au fourneau qui doit 
échauffer l’air dans l’intérieur de la pyra- 
mide: cette efpece de hotte renverfée fera 
faite comme celle des Braffeurs de Paris, 
avec des chevrons lattés & revêtus de plâ- 
tre , ou de mortier, ou de torchis , ou de 
blanc en bourre , fuivant la commodité 
du pays. Îl ne faut pas un fourneau im- 
menfe pour échauffer ce lieu,quife trouvera 
réduit prefqu’à un tiers de fa capacité La 
nouvelle étuve de Corbeilles en contient 
bien davantage depuis le fecond plancher 
jufqu’en bas, & on n’a pas laiflé d’y por- 
ter la chaleur jufqu’a plus de 45 degrés. 
On fera le plancher de la touraille avec 
des folives de 6 & quatre pouces, pofées 


fur le champ de pied en pied, & ce plan- 


DE LA GARANCÉ. oi 
cher fera couvert de lattes, ou d’échalas 
de Treillageurs, ou fimplement de clayon- 
nage, comme on a fait à Corbeilles , où 
ils ont duré plus de fix ans. 

On élevera deux pignons , (voyez PI. 
IT), & fur les deux autres faces des murs ou 
pans pour porter le bout des chevrons, 
& on y établira deux fenêtres Q Q. On 
fera un plancher plafonné H, à 8 ou 
9 pieds au-deflus du clayonnage GG, & on 
y pratiquera une ou plufieurs trappes DD, 
qui font plus utiles pour l’exhalaifon des 
vapeurs, que les fenêtres ; enfin on lam- 
briffera les chevrons apparents. Il y a lieu 
de croire qu’une pareille étuve coûtera 
peu, & fera tout l’effet defiré. On a oublié 
de dire que fur le plancher de clayonnage 
GG , qui porte la garance EE, il feroit bon 
d'étendre une grofle toile fort claire, ou 
une haire de crin , comme les Braffeurs le 
pratiquent , & dont tout le pourtour fera 
recouvert par des efpeces de foubaflements 
de toile , arrêtés tout autour & cloués d’ef- 
pace en efpace ; ce qui fera fur-tout fort 
utile quand on fera fécher en particulier 
les menues racines , & pour empêcher qu'il 
n’en tombe à travers les claies. À un pied 
au - defflus des racines, on pourra met- 
tre des traverfes de bois, fur lefquelles on 
déroulera des nattes de paille piquées fur 


Hi; 


92 C'U' LT U 41€ 
de la toile : cette couverture fervira à re+ 
tenir les vapeurs , ce qui fera avantageux, 
comme nous l’avons dit plus haut. | 
Au reite , certte étuve ef fimple , & on: 
peut en varier la conftru@ion , fuivant la 
commodité, ou la nature des matériaux qui. 
fe trouvent le plus communément dans 
chaque Province. 


A RFC C'E Es FPE 


Du Fourneau de cette Etuve. 
[ fourneaux de l’étuve de Lille & 


ceux de l’étuve de Zélande ne font certai- 
nement pas bons pour le défléchement de 
la garance, non plus que ceux des rourail- 
les des Braffeurs ; ils ont tous le même 
défaut , en ce qu'ils rempliflent l’étuve 
d’une fumée qui ne peut fe difliper qu’a- 
près avoir traver{é la racine, & lui avoir 
imprimé un enduit de biftre fort nuifible 
à la teinture ; c’eft cet inconvénient qui 
a donné lieu à rechercher la façon d'en 
conftruire un qui, en donnant beaucoup 
de chaleur , n'eût point cette incommo- 
dité *, [i paroït probable qu'on y pourra 
réufflir en plaçant , au lieu de la truitte, une 


* MM. HELLOT & d’Am- ] zala, lorfque la racine n’a- 
BOURNEY ont fait, avec | voit pas reçu l’imprefñon 
la garance de Lille, d’auffi | de la fumées 
belle rcinture qu'avec l’A- 


DE LA GARANCE. 9% 
tour fermée f d, d’où partiroient des tuyaux 
ée qui circuleroient fous la garance avant de 
porter la fumée au dehors par le tuyau hh ; 
on augmenteroit encore beaucoup la cha- 
leur en faifant circuler d’autres tuyaux en- 
tre deux feux , pour répandre dans l’étuve 
un air chaud qui feroit tiré de dehors , & 
qui fe répandroit continuellement dans l’é- 
tuve , fuivant le fyfième du fourneau qui 
eft décrit dans le Traité de la confervation 
des grains. 

J'ai fait une épreûve d’un pareil four 
neau , & j'avoue que je n’en ai pas obtenu 
une chaleur fuffifante : il auroit fans doute 
été néceflaire de rendre mon fourneau plus 
fpacieux ; mais on eft fouvent arrêté par la 
dépenfe , qui refte toujours en pure perte 
pour celui qui fait des recherches pour le 
Public, & qui n’eft pas dans le cas d’en 
faire une application qui lui foit utile. Je 
terminerai donc ce qui me refte à dire fur 
les étuves à deffécher la garance, par con- 
clurre que la touraille des Brafleurs me pa- 
roit fort bonne ; mais qu'il faut trouver un 
moyen d’empêcher que la fumée ne tra- 
verfe les racines. 

Peut-être que le mieux feroit d'établir 
au bas de la touraille, au lieu d’une truitte, 
un fourneau f d(P1. ID), pareil à celui que les 
Rafineurs mettent dans leurs étuves; ce qui 


ç4 CU LOTERIE 

feroit avantageux , fur-tout dans le cas où 
Von pourroit le chauffer comme eux avec 
du charbon de terre, 

La bonne maniere de conduire l’étuve 
feroit de mettre les racines, déja en partie 
defféchées par le vent & par le foleil , fur 
la touraille en EE, d’allumer enfuite le 
fourneau, de fermer les trappes D D au- 
deflus de la touraille , & même de couvrir 
les racines avec des nattes, jufqu’a ce 
qu'on vit l'humidité réduite en vapeurs ; 
alors on ôteroit les nattes, on ouvriroit 
les trappes , & on augmenteroit le feu pour 
faciliter la diffipation des vapeurs. 

La garance fufhifamment defféchée & 
mondée de fon billon, comme nous la- 
vons dit plus haut, peut être vendue en 
cet étataux Teinturiers ; mais fi on veut 
la réduire en poudre, ou, comme dijent 
les Teinturiers, la grapper , il faudra être 
pourvu de moulins femblables à ceux dont 
nous allons donner la defcription. Ainfi il 
faut que celui qui entreprend de cultiver 
la garance, commence par fe pourvoir 
d’une étuve , afin qu’elle foit feche , lorf- 
quon ne fera pas en état de l’employer 
verte; mais il peut fe difpenfer de faire 
conftruire un moulin , puifque le Proprié- 
taire trouvera à vendre fa garance en ra- 
cines fans être moulue, Néanmoins pour 


ence PI I Fage 94. 


Ga 


Garence PI I Page 94. 


DE LA GARANCE. 9$ 
ne laifler rien à defirer fur tout ce qui re- 
garde la garance, nous allons parler des 
moyens qu'on emploie pour réduire cette 
racine en poudre. 


AR E TO ES EY: 


De la Meule verticale , pour écrafer 
la Garance. 


Dis plufieurs endroits on pulvérife 
la racine de garance avec une meule ver- 
ticale , femblable à celle qu’on emploie 
pour écrafer les olives ou les pommes, ex- 
cepté qu'il faut que cette meule foit très- 
pelante. On commence par couper ou 
rompre la racine par petits morceaux ; 
enfuite on la met fous la meule qu’on 
fait tourner par le moyen de l’eau, ou 
avec un cheval. Cette meule étant en 
mouvement , il faut qu’une ou deux fem- 
mes foient continuellement occupées à 
pouffer la racine fous la meule : enfuite on 
la pafle par un crible fin , & on remet fous 
Ja meule ce qui eft refté fur le crible. 

Cette meule feroit afflurémenttrès-bonne 
pour broyer la garance verte, dans le 
cas où les Teinturiers lemploieroient en 
cet état, 


96 Cru :r TITRE 


AR TI CEE 


Defcription du Moulin à grapper la 
Garance, tel qu’il ef} exécuré à 


Lille en Flandre. 


L A Figure 1 , Planche IIT, repréfente le 
développement des parties d’un moulin 
propre à piler la racine de garance. Ce 
moulin eft ifolé, & couvert feulement d’un 
toit de chaume , porté par une charpente 
fort légere. | 

Les Figures 2, 3,4, $ & 6 font des 
additions à la précédente : on ñe peut fe 
difpenfer d’y avoir recours pour l’intelli- 
gence des pieces qui entrent dans la conf- 
truction de ce moulin ; & c’eft pour cela 
que l’on s’eft fervi des mêmes lettres pour 
toutes les figures : on a repréfenté les 
principales pieces par autant de figures par- 
ticulieres. 

À, levier de 9 pieds 8 pouces de lon- 
gueur , fur 6 à 4 de groffeur *. 

B, arbre de la roue , de 6 pieds 4 pou- 
ces 6 lignes de hauteur fur 9 à 10 de grof- 
feur. C, liens ou arcboutants de 4 pieds 
6 pouces de hauteur fur 4à $ de grof- 


* Un cheval, taille de Dragons, fait mouvoir très— 
aïfément ce moulin, 


{eur, 


DE LA GARANCE. 67 
feur. D ( PI. III. fig. 1) , roue dentée de 
3 pieds 1 pouce 6 lignes de rayon, armée 
de 57 dents. 

Les courbes de cette roue ont 8 & 4 
pouces de grofleur : on voit qu’elles font 
liées par des molles-bandes de fer. Les 
traverfes formant l’affemblage, font de 6 
à 4 pouces de groffeur , boulonnées & 
clavetées ; les dents qui font de pommier , 
faillent de 3 pouces 3 lignes ; elles ont 2 
pouces + fur 2 à leur racine , fe terminant 
à 2 pouces + {ur 1; de même elles ont 2 
pouces de queue fur 1 + d’équarriffage : 
elles mordent dans les fufeaux de la lan- 
terne d’un pouce & demi. Les chevilles 
qui les retiennent, font aufi de bois de 
pommier. 

E , poutre de 12 pouces d’équarriflages 
F, lanterne de 13 pouces de rayon, gar- 
nie de 18 fufeaux d’un pied de longueur 
chacun , & de 2 pouces de diametre. Les 
fonds de cette lanterne ont 2 pouces + d’é- 
paifleur ; ils font cerclés de fer. On a em- 
ployé aufli deux molles - bandes de fer, 
boulonnées de même, qui empattent les 
joints du bois. 

GGG , arbre qui porte les cames ou 
leves. Il a dix-huit pieds fix pouces fix 
lignes de longueur , 10 & 10 de grof- 
{eur , à l’endroit où il traverfe la lanterne, 


93 CULTURE 

& quatorze pouces de diametre dans fa 
partie octogone. H , leves ou cames de 
4 pouces 9 lignes de longueur fur $ pou- 
ces de face & 2 pouces 6 lignes d’épaifieur. 
On voit ici que Parbre eft hériflé de 
quinze leves pour cinq pilons , parce que 
trois leves fervent à chaque pilon. A cet 
effet , on a eu attention de numéroter d’un 
même chiffre les leves, les mentonnets & 
les pilons , ce qui fera encore expliqué 
plus bas, 

. K, balanciers ou volants de 4 pieds $ 
pouces de longueur chacun, fur 4 & 4 pou- 
ces de groffeur : ils font chargés de plomb 
à leur extrémité. L, mentonnets qui font 
relatifs aux leves H; ils faillent de $ pou- 
ces 9 lignes,& ont $ pouces de face fur 2 + 
d’épaiffeur, 

MM , autres mentonnets aflemblés dans 
l’épaifleur des pilons NN, & qui répon- 
dent aux leviers Q Q. Ces pilons ont 10 
pieds 4 pouces de longueur fur 4 & 4 pou- 
ces de groffeur. Ils font arrondis à leur ex- 
trémité vers les mortiers , & armés d’un fa- 
bot de fer de 4 pouces de diametre, repré- 
fenté en X dans la Figure 6. On a numéroté 
les pilons 1,4,2, $, 3, (fig.1), 
pour faire connoître dans quel ordre ils 
battent quand la machine eft en mouve- 


DE LA GARANCE. 99 
ment (* ). O, amoifes de 6 & 4 pouces de 
groffeur , qui foutiennent les charnieres P. 

P, charnieres de 8 pouces de longueur 
fur 6 de largeur & 4 d’épaifleur. Ces char- 
nieres font traverfées d’un boulon de fer 
claveté , auquel répond un levier mobile 
Q ;, qui fait effort contre le mentonnet M, 
quand on veut foutenir le pilon Nen l’air. 
Q, leviers de 2 pieds 3 pouces 6 lignes 
de longueur fur 3 & 4 de groffeur, fai- 
fants effort contre les mentonnets M, pour 
foutenir les pilons en l’air. 

RR, prifons de 6 & 8 de groffeur, qui 
contiennent les pilons , & empêchent qu’ils 
ne fe dérangent. S, poteaux montants de 
4 & 4 de groffeur, qui affemblent les amoi- 
fes & les prifons. TT, &’c, mortiers creu- 
fés dans une feule piece de bois de 16 fur 
16 de groffeur : chacun de ces mortiers eft 
creufé de 11 pouces ; leur plus grand dia- 
metre eft de 7: on a atention que leur 
fond foit garni de plomb de 3 à 4 lignes 
d'épaiffeur (? ). 

V , auget pour la manutention , fur le= 


“Il ya cinq pilons: cha- [ racine. Après quelques 


cun d’eux étant armé, doit 
pefer environ 112 ou 120 
livres : leur armure eft un 
fabot de fer à lames tran- 
chantes, 

b Chaque mortier con- 
tient environ 6 livres de 


coups donnés, on retire la 
racine , & on la pafle pour 
ôter le billon. On a éprou- 
vé qu’un moulin dirigé par 
un feul homme , peut pi- 
ler $0O pefant de garance 
en 24 heures. 


I 1 


100 C'o EU Tr 0 RTE 
quel on étend une toile attachée à la pri- 
fon , pendant que le moulin travaille, 
pour empècher la diffipation de la poudre 
la plus fine. 

Ÿ , poutre de 12 pouces d’équarriflage : 
cette poutre & celle de l’autre extrémité, 
cotée E , repofent fur les fablieres de la 
charpente qui afiemblent le toit. Les cra- 
paudines & tourillons font repréfentés 
d’une maniere fi fenfible, qu’on n’a pas 
cru néceffaire de les indiquer par des let- 
tres de renvoi ; j'ajouterai feulement que 
les crapaudines font de fonte, & les tou- 
rillons d’acier. 

On a évité de coter chaque dimenfion , 
pour ne pas trop charger les figures ; mais 
il fera aifé d'exécuter cette machine relati- 
vement à notre defcription, dont les dé- 
tails font juftes. 

Aufi-tôt que la garance eft fortie de 
l’étuve, on la porte au moulin : quand elle 
eft pilée, on la pañle fur le champ au ta- 
mis , pour qu'elle foit à peu-près comme de 
la fciure de bois, & on l’enferme tout de 
fuite dans des barrils bien fermés, qu'il faut 
avoir foin de tenir dans un lieu fec. 

Les tamis à paffer la garance , ont en- 
viron 2 pieds + de diametre fur un pied de 
hauteur ; ils font faits en forme de boîtes 
cylindriques de trois pieces , & reflcm- 


DE LA GARANCE. 1OI 
blent à une caiffe de tambour ; ils font re- 
couverts de peau par -deflus & par-def- 
fous , pour empêcher la diffipation de la 
poudre fine. Les toiles de ces tamis font 
de crin ; elles font plus ou moins fines, 
felon la qualité qu’on veut donner à la ga- 
rance. Je crois qu’en quelques endroits on 
emploie des bluteaux en place de ces 
tamis. 

La garance grappée fe diftingue en ga- 
rance robée & non robée : la robée a con- 
fervé fon épiderme ; l’autre, qui eft la plus 
précieufe , en eften partie dépouillée. Pour 
la rober , on retire la garance du moulin 
après qu'elle à reçu quelques coups de 
pilon ; en la tamifant groffiérement on 
emporte une partie de l’épiderme, & on 
Ja remet enfuite au moulin pour achever 
de la pulvérifer ; mais il faut prendre gar- 
de d’emporter avec l'épiderme la partie 
colorante qui eft la plus précieufe. 

J’avois fait venir les plans de ce moulin 
pour en aider MM. de Corbeilles ,qui vou- 
loient en faire conftruire un ; M. de la 
Levrie , qui voulut bien diriger cette 
conftruction, ne tarda pas à appercevoir 
les défauts du moulin de Lille ; il les a 
corrigés, & en a fait conftruire un à Cor- 
beilles, qui fatisfait à tout ce qu'on en peut 
attendre. Ce Monfieur a bien voulu me 


E ii 


102 CU EL T/UXRLE 

donner les dimenfions de ce moulin , & 
en corriger les defleins. Néanmoins je n’ai 
pas cru devoir fupprimer les plans du 
moulin de Lille, par la raifon qu’il eft 
établi, & qu’il y fert à piler la garance; 
mais nous y Joignons le plan & les pro- 
portions de celui de Corbeilles, qui eft bien 
fupérieur au premier. 


ART LCL ETNE 


Réflexions [ur la conffruéfion du 
Moulin de Lille. 


D: TOUS les moulins à pilons qu’on 
peut conftruire , celui de Lille paroît le 
moins propre à piler la racine de garance : 
il avoit été fait en premier lieu pour piler 
le tabac, & on s’eft contenté d’en changer 
l’ufage fans y faire les correétions nécef- 
faires pour le nouvel objet. 1°, Les pilons 
de 10 pieds de haut ne peuvent pas pefer 
112 livres, d’autant que le pied cube de 
chêne fec ne pefe que 60 livres: les 10 
pieds de 4 pouces quarrés ne pefent que 
66 livres £: fion y ajoute 10 livres pour 
la pefanteur du fabot & des deux menton- 
nets , le tout ne pefera pas 77 livres : on 
voit que c’eft trop peu pour pulvérifer la 


DE LA GARANCE. 103 
garance *. 2°, La fuperficie du quarré de 
4 pouces, réduite à cee d’un cercle de 
même hauteur , n’eft plus que 12 $ de 
pouce; ce qui ne fait pas tout à fait 63 
pouces pour la fuperficie des cinq pilons. 
3°, Ajoutez que les fabots des pilons étant 
garnis de couteaux trop courts, la matiere 
doit s’y empâter, & dès-lors elle ne fe 
broie plus. 4°, Il eft aifé de voir, par le 
rapport de la lanterne au rouet, que cha- 
que pilon ne peut battre que 28 coups + par 
minute. $°, On fait qu’une livre de ga- 
rance bien foulée tient un volume égal à 
une pinte d'eau , qu’on fuppofe de 48 
pouces cubes ; mais elle tient bien plus de 
place quand elle eft en poudre non foulée, 
comme elle eft dans les mortiers, éparpillée 
par les couteaux & rertombée fur elle-mé- 
me ; fuppofant encore qu’elle n’occupe 
que moitié en fus, ce fera 72 pouces cu 
bes. On prétend qu’on met 6 livres de ra- 
cine à la fois dans chaque mortier , qui 
feroient 432 pouces cubes ou + de pied 
cube de matiere dans un mortier rond de 
11 pouces de haut, dont le plus grand 
diametre n’eft que de 7 pouces , le plus 
petit dans le fond 4 pouces +, & celui 
de l’entrée de $ pouces ; & files mortiers 


* Ileft vrai qu’on les a chargés de plomb; mais on 
fera mieux de s’en pafñler, : 
Liv 


104 CULTURE 

étoient pleins, quelle force auroît la chûte 
des pilons ? 6° ,Les leviers qui fervent à 
lever les pilons & à les arrêter en l'air, 
pendant qu’on vuide les mortiers, font 
tout-à-fait mal imaginés ; il faut une grande 
force pour en faire ufage ; encore faut-il 
faifir le moment où le hériflon a élevé les 
pilons à leur plus grande hauteur. 7°, Le 
volant eft une piece fuperflue , incommo- 
de, même dangereufe pour ceux qui fer- 
vent le moulin; c’eft un fardeau inutile qui 
ne peut fervir qu’a augmenter le frotte- 
ment de l'arbre fur les tourillons: d’ail- 
leurs il ne peut faire d’effet pour entretenir 
Vuniformité du mouvement, qu’autant 
qu’il eft attaché à un arbre qui tourne très- 
vite ; ce n’eft pas le cas, puifque l'arbre du 
hériflon ne fait pas 10 tours par minute. 
8° , On ne dit rien de l’inégalité de la ré- 
fiflance, caufée par la figure droite des le- 
ves du hérifon , ni du frottement confidé- 
rable des pilons dans leurs prifons, occa- 
fionné par la longueur de leurs menton- 
nets, parce quil s’en faut beaucoup que 
la puiffance foit chargée de tout le poids 
qu’elle pourroit mouvoir ; mais cette puif- 
fance étant un cheval dont on connoït la 
force, pourquoi ne la pas employer ? Je 
crois en avoir aflez dit pour faire fentir les 
défauts du moulin de Lille : la comparai- 


DE LA GARANCE. 10$ 
fon qu’on en pourra faire avec celui de 
Corbeilles, dont je vais donner la defcrip- 
tion, y fera trouver d’autres imperfec- 
tions fur lefquelles il feroit fuperflu de 
m'étendre. 


AR TI CILE VE 


Defcriprion du Moulin à pulvérifer 


la Garance, conffruit à Corbeilles. 


[Ë N’EST pas néceflaire de faire le détail 
du rouage de ce moulin, qui eft le même 
que celui de Lille; il fufht de donner les 
proportions des parties qui le compofent. 
Le timon ou levier, depuis le centre de 
Parbre du rouet jufqu’au point où eft at- 
tachée la chaîne du palonnier, a 9 pieds; 
le rouet a s pieds de rayon, & porte 72 
dents ; la lanterne, 10 pouces de rayon 
jufqu’au centre des fufeaux , & 12 fu- 
feaux ; ainf elle fait fix tours contre un du 
rouet ; le cheval faifant 3 pieds de chemin 
par feconde , fait trois tours & demi par 
minute , & la lanterne 20. Le hériflon 
ayant dans fa circonférence trois leves 
pour chaque pilon , chaque pilon frappe 
60 coups par minute, & les quatre 240 
dans le même temps. Le quarréfur lequel 


106 CULTURE 

eft chauflée la lanterne , eft pris fur un 
arbre qui a $ pouces de rayon, plus gros 
dans toute la longueur du hériflon, où il 
a 7 pouces de rayon. Il lui faut cette 
grofleur , afin que les tenons des leves 
aient une longueur & une épaiffeur qui leur 
donnent de la fclidité : on le laifle rond 
plutôt que de le faire à pans ; parce qu’il 
eft plus aifé d’y percer réguliérement 
les mortaifes , en fe fervant d’un calibre 
que les Menuifiers appellent un guide-âne , 
qui leur fert à enfeigner aux apprentifs à 
percer une mortaife à plomb *: les leves 
ont 12 pouces de rayon, c’eft-à-dire, 
qu'il y a 12 pouces depuis le centre de 
Varbre du hériflon jufqu’au point qui tou- 
che les pilons pour les élever; ce qui indi- 
que un cercle de deux pieds de diametre : 
la face fupérieure de ces leves eft coupée 
felon une courbe qui les alonge , dont tous 
les rayons font des tangentes à la circon- 
férence de ce cercle. La plus. grande de 
ces tangentes a 12 pouces ; elle détermine 
la plus grande levée des pilons : il réfulte 
de cette coupe , qu’à quelque élévation 
que foient les pilons , la réfiftance eft tou- 
jours uniforme , puifqu’ils font toujours 
pris par les leves à la même diftance de 


* ]] faut que les tourillons de cet arbre tournent fur 
des paliers de cuivre. 


DE LA GARANCE. 107 
leur centre de gravité. Comme dans la 
longueur du hériflon il y a 12 leves fur 
plans , elles forment entr’elles des angles 
de 30 degrés , en les fuppofant vues l’une 
derriere l’autre comme fur un même plan; 
-ce qui fait que quand le premier pilon eft 
à la moitié de fon élévation , le fecond eft 
prêt à être élevé ; le premier échappant, 
le troifieme eft au moment d’être éle- 
vé , &c. Je dis, au moment, parce qu’il 
eft à remarquer que les leves avancent 
fous les mentonnets, ou fous ce qui en 
tient lieu, de $ ou 6 lignes; que la plus 
grande tangente de la courbe étant de 12 
pouces , eft plus petite de près de 7 lignes 
que la fixieme partie de la circonférence 
du cercle , & donne le temps au premier 
pilon d’échapper avant queletroifieme pi- 
Jon foit pris ; ce qui eftnéceffaire pour que la 
puiflance ne foit jamais chargée de plus 
de deux pilons. 

On appelle le devant de la batterie, 
la face devant laquelle eft le hériffon : la 
batterie eft compofée de deux folins de 10 
pieds de long , de 8 pouces d’équarriffa- 
ge , liés à chaque bout par une entre-toife 
de 6 & 4, celle de devant arrafée aux 
feuillures pouffées en dedans de cette par- 
tie des folins, de 15 lignes de hauteur fur 
un pouce de largeur, pour fervir à porter 


108 C'v 5 Tux 

un plancher : au milieu de la longueur & 
de la largeur de deux folins s’élevent deux 
montants , qui font mortaifés & chevillés ; 
ils ont 12 pieds 8 pouces de hauteur, non 
compris leurs tenons, 14 pouces de large 
fur 6 pouces d’épaiffeur , foutenus cha- 
cun par un lien mortaifé par - devant à 
deux pieds de hauteur, & un derriere à 4 
pieds +. Entre ces deux montants eft la 
pile fur laquelle battent les pilons : elle eft 
faite d’une piece d’orme-tortillard bien 
fec , de 4 pieds de long entre les mon- 
tants , avec lefquels elle eft affemblée par 
une languette de 2 pouces de large fur 
autant de profondeur ; elle a 20 pouces 
de hauteur fur 18 de largeur ; elle pofe 
des deux bouts de toute fa largeur fur le 
bord des folins , & dans l'intervalle far 
trois pieces de bois également efpacées , 
calées fur un maflif de maçonnerie qui 
fupporte le tout. La longueur de la pile 
eft partagée en deux par une cloifon de 
deux pouces d’épaifleur , parallele aux 
montants & de même largeur , arrêtée 
dans la pile par deux tenons, & une rai- 
nure de toute fon épaiffeur , de même en 
haut dans la partie de derriere de la pri- 
fon qui eft fixe ; fon prolongement jufqu’à 
Ja prifon d’en haut eft arrêté par un affem- 
blage pareil : cette cloifon divife la lon- 


DE LA GARANCE. 109 
gueur de la pile en deux auges de 26 
pouces de long chacune, formées par deux 
planches en pente, de façon que les auges 
ont 4 pouces + intérieurement dans le 
fond , fur 11 pouces + d’ouverture, & 12 
pouces de hauteur perpendiculaire ; & 
pour empêcher que la poudre volatile qui 
s’éleve en pilant ne fe perde , la diftance 
du bord des auges à la premiere prifon eft 
fermée par des fonds, dont ceux de der- 
riere, ainfi que cette partie des auges , 
font aflemblés à demeure, à rainures & 
languettes, dans les montants & la cloi- 
fon ; ceux de devant fe levent à coulifle 
comme un chaflis, & s'arrêtent de même 
avec des tourniquets ; on leve & on Ôte 
tout-à-fait le devant des auges ; on tire 
toute la racine pilée avec une cuiller de 
bois & un balai de plumes, & on la fait 
tomber fur une table qui eften avant, dont 
les rebords ont 4 pouces de hauteur ; on 
remet le devant des auges ; &e on les re- 
garnit de racines en bâtons, on baïfle les 
couliffes, on laiffe tomber les pilons qu’on 
avoit arrêtés pendant cette manœuvre qui 
s’exécute facilement & promptement, & 
le moulin continue de travailler pendant 
qu’on ramañle la racine , & qu’on Îa pañle 
au bluteau ou au tamis. Il y a deux pri- 
fons ; qui fervent à guider les pilons : le 


+10 Cv LTuaR!r 

deffous de la premiere eft à 3 pieds; le 
deffous de la feconde à 10 pieds du deflus 
de la pile ; elles ont 3 pouces + d’épaifleur : 
la premiere eft arrafée par-devant aux joues 
intérieures des rainures , afin que les cou- 
lifles y foient appliquées lorfqu’elles font 
fermées , & qu’elles gliffent contre quand 
on les leve. Chaque prifon eft de deux 
pieces , dont celles de derriere font affem- 
blées & chevillées avec les montants, & 
entretiennent folidement les clojfons ; cel- 
les de devant peuvent s'ôter & fe remet- 
tre, fuivant le befoin : elles coulent dans 
les rainures d’un pouce de profondeur , 
& de leur épaifieur , qui font aux mon- 
tants , & qui font entaillées à mi-bois avec 
les cloifons : de plus, elles ont deux clefs 
qui entrent dans les mortaifes qui font 
aux parties fixes où on les arrête avec des 
chevilles. Les pilons ont par le bas 1 2 pou- 
ces de face, 18 pouces de hauteur, & 
pouces d’épaiffeur , ce qui leur donne à la 
bafe 48 pouces quarrés ; les queues ont 8 
pieds + de hauteur , 4 pouces de largeur , 
fur 3 pouces d’épaiffeur ; ainfi ils ont en 
tout 10 pieds de haut, non compris les 
couteaux qui ont 4 pouces, & qui font 
faits comme un fermoir de Menuifier ; les 
tranchants ont 2 pouces = de large & les 
foies 3 pouces ; de long ; il y en a 17 à 


DE LA GARANCE. III 
chaque pilon. On a fupprimé les menton- 
nets, parce que les leves du hérifion les 
prenant par le bout , toujours au même 
éloignement de $ pouces du centre de 
gravité des pilons , la réfiftance du frotte- 
ment de leur queue dans les prifons auroit 
été confidérable. Pour éviter cet inconvé- 
nient, on a fait dans la face de la queue 
des pilons une mortaife de 25 pouces de 
long fur 3 pouces de large, fortifiée des 
deux côtés par des joues de 2 pouces, 
prolongées de 6 à 7 pouces au-delà de 
chaque bout des mortaifes qu’on a laiffées 
de la même piece que les queues. Le haut 
des mortaifes eft à 6 pieds au-deffus de la 
pile, c’eft-à-dire , à la même hauteur que 
le centre du hériflon : cette partie éft gar- 
nie d’une platine de cuivre de 2 lignes d’é- 
paiffeur bien écrouie , polie & arrondie par 
le bord , pour faciliter l’échappement des 
leves. On a mis fur le côté des queues des 
pilons , & à 16 pouces du deflous de la 
prifon d’en haut , des mentonnets d’un 
bon pouce d’épaiffeur , de 2 pouces de 
hauteur fur 4 de faillie , pour tenir les pi- 
lons élevés pendant qu’on vuide les auges. 
Les leviers qui fervent à cet ufage font 
placés derriere, & portés fur des cheva- 
lets aflemblés dans une piece de bois qui 
l’eft elle-même par les deux bouts dans 


112 Cru -L'T'UNALE 
deux corbeaux mortaifés & chevillés dans 
les montants ; ces pieces ont 6 pouces d’é- 
quarriflage : il y a des youffets fous les 
corbeaux. Les leviers font pris dans des 
pieces de bois de 6 pouces & +, ainfi que 
les leves du hériffon. La face fupérieure 
du petit bras eft taillée comme les leves, 
fuivant une courbe développée du cercle 
générateur , dont le rayon eft l'intervalle 
du milieu du mentonnet au centre du 
mouvement du levier , qui doit être fur le 
même alignement que le deffous du men- 
tonnet. Le rayon de ce cercle, ainfi que 
le plus grand de la courbe, doit être de 
15 pouces, afin que le pilon élevé de 13 
ou 14 pouces n’échappe pas. Pour con- 
ferver la force des leviers , il faut que le fil 
du bois fe trouve droit dans toute la lon- 
gueur,paffant par le centre du mouvement, 
dans lequel on arrêtera quarrément une 
barre de fer faillante de 2 pouces de chaque 
côté; cette faillie arrondie en tourillons 
fe placera fur des chevalets dans des 
fentes garnies, pour le mieux, de coufi- 
nets de fonte. On attache une corde au 
bout des petits bras , & l’on accroche 
cette corde à des crochets de fer ; on a des 
chevilles de bois qui font derriere la pile, 
pour tenir les leviers un peu plus bas que 
les mentonnets quand les pilons travail- 
lent. 


DE LA GARANCE. 113 
lent. Les grands bras font diminués de 
largeur infenfiblement jufqu’à leur bout, 
où ils font réduits au quarré de leur épaif- 
eur; il ya à cet endroit une autre corde 
qu’on accroche aux mêmes chevilles de la 
pile pour retenir les pilons en l'air. 


QzsERVATIONS. 


Les pilons de ce moulin ne pefent que 
100 livres avec leur armure, peut-être 
quelques livres de plus , qu'on peut fup- 
primer en diminuant quelques pouces fur 
la partie d’en bas: il n’y a jamais que deux 
pilons en Pair, qui pefent enfemble 200 li- 
vres , lefquelles fe réduifent à un effort de 
133 livres + pour la puiffance. On compte 
ordinairement qu’un cheval de moyenne 
taille peut employer 189 livres de fa force 
pour mouvoir une machine, en travaillant 
quatre heures de fuite, & faifant 1800 
toifes de chemin par heure : il va fonvent 
plus vite ; mais c’eft fur ce pied que ce mou- 
lin a été calculé : il refte donc 46 livres = 
pour vaincre la réfiftance des frottements : 
ils’en faut beaucoup qu’ils aillent à cela dans 
cette machine; on peut mêmedire qu’ils font 
moindres que dans tout autre moulin de 
cette efpece. Un cheval peut d’autant 
mieux réfifter à ce travail, qu’à chaque pi- 
lage qui dure $ ou 6 minutes, il en a deux 


114 CG'USÉ TYUMWE 

ou trois de repos pendant qu'on vuide les 
auges & qu'on les regarnit. Ce moulin de 
Corbeilles n°a jamais pilé que 200 livres de 
racines par jour,parce que l’étuve n’a jamais 
fourni à une plusgrande exploitation ; mais 
1a durée de ce travail fait juger qu'il pileroit 
aifément 480 & même $00 , s’il étoit 
fourni. On prétend que le moulin de Lille 
peut piler $0o livres dans vingt heures : 
on a peine à le croire , d’autant qu’on ne 
juge pas qu’il FRE CH la nuit ; ainfiilne 
Jui faut (OPpOe que dix heures de travail, 
comme à celui de Corbeilles. Quoi qu’il en 


{oit ; Pexploitation de ces deux moulins 


doit être en raïfon compofée de la pefan- 
teur de leurs pilons , du nombre des coups 
qu’ils frappent par minute, & de la fuper- 
ficie choquée , ou ce qui MI ME cho- 
fe, de leurs bafes ; c’eft-à-dire , que le 
moulin de Corbeilles eft à celui de Lille com- 
me 400 livres , poids de quatre pilons 
multiplié par 240 ; nombre des coups 
qu’ils battent par minute , le produit par 
192, fuperficie de 4 pilons, eft a 385$, 
poids de cinq pilons multiplié par 142 +, 
nombre des coups qu’ils battent par mi- 
nute, le produit par 63, fuperficie des 
cinq pilons ; ou après la réduétion , com- 
me 16 eft à 3 ; partant, le moulin de Cor- 
beilles pilant s 00 livresen12 heures de tra- 


DE LA GARANCE. 11S 
vail, celui de Lille n'en doit pas ren- 
dre 100. 

On ne peut ici s'empêcher de blämer 
lindifférence où l’on paroîït être en Flan- 
dre fur l’emplacement des étuves & des 
moulins ; ils font , dit-on, dans des bà- 
timents féparés & qui n’ont point de com- 
munication : il n’y a rien de moins conve- 
nable. Ona l’expérience à Corbeilles, que la 
racine qu’on piloit ci-devant dans un petit 
moulin à bras, placé dans une grange à $ 
ou 6 toifes de l’étuve, dont il ne pouvoit 
recevoir aucune impreflion de chaleur , re- 
prenoit de l'humidité & s’empâtoit fous 
les couteaux , ce qui lui faifoit beaucoup 
de tort. Comme cette manœuvre fe fait 
toujours en hiver , & il n’eft guere poffible 
de faire autrement , il faut donc fe précau- 
tionner contre les brouillards de cette 
faifon. 

L’étuve propofée peut contenir 4 mil- 
liers de garance fraîche , qui en rendront 
500 livres de feche après y avoir refté 
deux fois vingt-quatre heures : le moulin 
peut piler cette quantité dans une journée. 
Si l’on avoit une récolte confidérable , pas 
exemple , de 400 milliers qui pourroient 
produire so milliers de feche, ( c’eft tour 
ce que ce moulin pourroit exploiter pen- 
dant les quatre mois d'hiver en travaillant 


Ki 


116 CULTURE 

tous les jours ) il faudroit néceffairement 
deux étuves. Voici à-peu-près comme on 
pourroit difpofer les bâtiments pour les 
étuves & le moulin. On feroit un bâtiment 
de 63 pieds de long fur 21 de large, avec 
un plancher à 20 ou 22 pieds du rez-de- 
chauffée , qui feroit un grenier fur lequel 
on étendroit une partie de la racine frai- 
che. On pourroit faire ce plancher avec 
un grillage ou avec des claies , afin que 
les racines qu’on mettroit deflus , & qu’on 
fouleveroit le plus qu’il feroit pofhble, 
puflent , en recevant de l’air par - tout, 
commencer à fe deflécher au lieu de s’é- 
chauffer : le deffous feroit occupé par le 
moulin & fa batterie , de façon qu’il ref- 
teroit à chaque bout un efpace de 18 
pieds jufqu’aux murs des extrémités : au 
milieu de cet efpace on feroit les ouvertu- 
res des fourneaux pour chauffer les étuves, 
qu’on placeroit de façon que les planchers 
des tourailles feroient de niveau avec celui 
du grenier : on pourroit ménager des 
trappes au plancher du grenier, pour Jet- 
ter en bas les racines étuvées ; & comme 
H convient de les tenir féchement en at- 
tendant qu’on les mette au moulin, on les 
entafleroit tout autour du fourneau fous 
Pévafement des pyramides renverfées des 
tourailles , où les racines fe conferve- 


DE LA GARANCE. 117 
roient fainement pendant qu’on les pileroit 
& qu’on les tamiferoit ; car elles ne doi- 
vent point fortir d’auprès du fourneau 
jufqu’à ce qu’elles aient été mifes en ton- 
neaux. 

En fuppofant qu’on pût exploiter le 
produit de 400 milliers de racine dans les 
quatre mois d'hiver , il faudroit être pour- 
vu d’un lieu affez étendu pour la confer- 
ver en bon état, jufqu’à ce que la derniere 
aille à Pétuve ; car on ne peut pas con- 
ferver la garance en tas, elle s’y échauffe- 
roit & pourriroit : il faut qu’elle foit éten- 
due fur une épaiffeur tout au plus de 2 
pieds , afin qu’on puiffe la retourner tous 
les jours à la fourche. On eftime, d’après 
une expérience faite, que 8 pieds cubes 
de cette racine fraîche pefent 100 livres. 
La fuperficie du grenier fera de 1323 
pieds quarrés qui , divifés par quatre, don- 
nent 320 quintaux + ou 33075 livres; 
c’eft bien loin de 400 milliers. On croit 
que le mieux feroit d’avoir quelques grands 
bâtiments que l’on éleveroit de quatre ou 
cinq étages de claies ; & les côtés pour- 
roient être entiérement à jour, comme font 
les féchoirs des papeteries : tous ces gre- 
niers pourroient contenir enfemble au 
moins douze fois autant de racines que le 
grenier qu'on vient de donner pour exem- 


118 Cu: L'TC URUE 

ple; mais on épargneroit cette dépenfe, fion 
pouvoitnetirer lagarance de terre que peu-à- 
peu pendant l’automne, l'hiver & une partie 
du printemps ; ce qui me paroit très-pofli- 
ble ; & je fuis très - perfuadé que les raci- 
nes qu’on arracheroit en Mai, Juin & Juil- 
let, pourroient être en grande partie defé- 
chées fur le champ , en les fanant comme 
le foin , à moins qu’il ne furvint des pluies, 
auquel cas, on les étendroit dans les gre- 
niers à jour dont je viens de parler : elles 
s’y deffécheroient aflez pour ne fe point 
corrompre : dans tous ces cas, Pétuve ne 
{erviroit qu’à achever la defication , pour 
mettre la garance en état d’Ctre pulvérifée. 


ExPz1rcarTzron des Figures du 
Moulin de Corbeilles. 


La Figure 7, Planche IV, repréfente 
la batterie vue par-devant : la figure 8 
fait voir la même batterie par un bout, 
dont on a Ôté tout l’afflemblage du mon- 
tant, avec fon folin. 

À, (fig. 7), folins de 8 pouces d’équar- 
riflage , vus parles bouts : 4( fig. 8 )lon- 
gueur d’un feul qui eft de 10 pieds. 

B , entre-toifes qui afflemblent les folins, 
dont un eft vu dans fa longueur (fig. 7): 
ils font vus tous deux par le bout { fig. 8 ) 3 
ils ont 6 pouces fur 4. 


DE LA GARANCE. 119 

C, Plancher pafé devant fur les feuil- 
lures des folins & fur l’entre-toile. 

D, montants affemblés dans les folins , 
vus par leur épaifleur dans la figure 7: 
on ne voit que le haut d’un de ces mon- 
tants dans la figure 8 , au-deflus de la fe- 
conde prifon N; & la largeur du bas eft 
. défignée par les deux lignes ponétuées qui 
font fur le bout de la pile qui le couvre, 
comme le refte qui eft couvert par la cloifon 
du milieu. Ces montants ont #2 pieds 8 
pouces de hauteur, 6 pouces d’épaiffeur , 
14 pouces de large depuis le bas jufqu’aà la 
hauteur du hériflon , réduits au - deflus à 
10 pouces : leur rétréciflement eft marqué 
dans la figure 8 par une portion de cercle 
ponctuée , tracée du centre de l’arbre du 
hériflon. 

E , Liens qui aflurent les montants fur 
les folins : ceux du devant font mortaifés 
à la hauteur de 2 pieds , ceux de derriere 
à 4 pieds +. Îls ont 6 pouces fur 4. 

F', pile fur laquelle battent les pilons : 
elle eft de bois d’orme de 4 pieds + de long 
entre les montants, & de 20 pouces de 
haut fur 18 de large ; elle a à chaque bout 
une languette de 2 pouces d’épaifeur fur 
2 pouces de faillie , qui entre dans les rai- 
nures , qui font aux montants, On voitune 


de ces rainures X (fig. 8 ). 


120 CULTURE 

G(fig.7 & 8), table arrafée au -deflus 
de la pile , de même longueur , de 12 pou- 
ces de largeur, de 2 pouces d’épaifleur , 
ayant un rebord de 4 pouces de hauteur : 
elle pofe fur une feuillure prife fur le bord 
de la pile & fur les goufiets H. 

TITI ( fig. 7),trois pieces de bois qui fup- 
portent la pile : on en voit les bouts par. 
deflous l’entre-toife. On en voit une dans 
fa longueur, qui eft de 2 pieds, (fig. 8). 4 

K , mañlif de maçonnerie fur lequel pofe 
la batterie, 

L, ( fig.7) cloïfon qui partage la longueur 
de la pile en deux ; elle regne depuis la pile 
jufqu’à la prifon d’en haut ; elle a 2 pou- 
ces d’épaifleur , même largeur & même f- 
gure que les montants; elle a fur le bord 
de devant & fur les faces qui regardent les 
montants , des rainures qui montent juf- 
qu’à l’étrécifflement; il y en a de pareilles 
aux montants. Cette cloifon eft en deux 
parties dans fa hauteur : celle d’en bas eft 
afflemblée dans la pile à rainure & lan- 
guette de fon épaiffeur, & de même en haut 
avec un tenon, qui eft de plus chevillé 
dans la partie de derriere de la premiere 
prifon qui eft fixe : l’autre partie eft affem- 
blée de même fur la premiere prifon & 
fous la feconde : elles entrent à rainure 
dans toute la largeur des parties de de- 

vant 


DE LA GARANCE. 121 
want des prilons, qui font mobiles. 

M fig. 7), auges dans lefquelles on met 
la racine : ellesont au fond 4 pouces + de 
large , 11 pouces + d'ouverture , & 12 
pouces de hauteur perpendiculaire. Elles 
font formées par deux planches cen pente 
devant & derriere ( fig 8 ); l’efpace de- 
puis leur bord jufqu'à la premiere prifon 
eft fermé par des fonds : le tout eft d’un 

ouce d’épaifleur. La partie de derriere c 
eft affemblée à demeure, à räinure & lan- 
guettes dans les montants & la cloifon : 
les fonds de devant d forment deux cou- 
lifles qu’on leve par deux boutons f, com- 
me on le voit en un des côtés dela figure 7. 
Le devant des auges s’enleve tout-à-fait: 
on a repréfenté dans la figure 7 l'ange ou- 
verte au-deflous de la coulifle qui ef le- 
vée, par où on voit le fond & la fermeture 
du derriere de l’auge , & deux pilons , 
dont lun eft levé entiérement & l’autre à 
moitié : on a repréfenté dans la figure 8 
cette auge de côté , appuyée contre le 
montant D : f, boutons pour leverles cou- 
lifles & ôter le devant des auges. 

NN, (fig.7 & 8) prifons de 3 pouces + 
d’épaiffeur ; elles font de deux pieces dans 
leur largeur : celles de derriere font affem- 
blées de toute leur épaifleur avec un tenon 
chevillé à chaque bout , dans des rainures 


122 CULTURE 

d’un pouce de profondeur , faites aux mon- 
tants D : la cloifon y eft affemblée dans 
le miliéu ,; comme on l’a dit : elles ont 
7 pouces de large , font échancrées de 
la demi-épaifleur des queues des pilons 
aux endroits où elles pañlent : les deux au- 
tres pieces s’Otent quand on veut , & font 
échancrées de même pour le paflage des 
pilons ; elles ont chacune deux clefs de 4 
pouces de large, de 4 pouces de long, 
d’un pouce d’épaiffeur , qui entrent dans 
les mortaifes qui font aux parties fixes entre 
les queues des deux pilons de chaque auge, 
où on les arrête avec de fortes chevilles. 
La prifon d’en bas N a 6 pouces de large, 
afin que les coulifles puiffent glifler contre: 
celle d’en haut a 4 pouces de large , & 
par conféquentun pouce de faillie , & elle 
eft arrondie par les bouts. Le deflous de la 
premiere prifon eft à 3 pieds au-deflus de 
la pile, le deflous de la feconde eft à 10 

eds. | 

. Ofig.7 68), pilons de 10 piedside 
hauteur : ils ont 12 pouces de large par le 
bas jufqu’à la hauteur de 18 pouces, 4 
pouces d’épaifleur , 8 pieds + de queue de 
4 pouces de large fur 3 pouces d’épaiffeur. 
À un pouce au-defflus de la premiere pri 
fon, on les a laiflés de7 pouces de large 
dans une hauteur de 37 à 38 pouces, 


DE LA GARANCE. 123 
pour y pratiquer une grande mortaile k h 
de 2$ pouces de longueur & de 3 pouces 
de large. Le hautde ces mortaifes eft garni 
d’une lame de cuivre de 2 ou 3 lignes d’é- 
paifleur , repliée fur la face, & langle eft 
arrondi. À 16 pouces au-deflous de la fe- 
conde prifon , & fur le côté des queuesil 
y a des mentonnets ii, de 2 pouces de 
hauteur , d'un pouce d’épaifleur & de 4 
pouces de faillie. Le bas des pilons eft 
fortifié par une ceinture de fer m d’un 
pouce & demi de large {ur 4 lignes d’épaif- 
feur, & eft garni par le bout de dix-fept 
couteaux 7. On en voit l’arrangement WF 
( fig.10) & la forme de chacun Y ( fig. 11). 

P (fig. 8), corbeau de 6 pouces d’é- 
quarriflage avec fon gouñlet, Pun & l’au- 
tre mortaifés & chevillés dans le montant. 
Il y en a un pareil à l’autre montant ; on ne 
peut pas le voir dans la figure 7. 

Q ( fig. 7); piece de 6 pouces d’é- 
querriflage affemblée dans les corbeaux. 
On Pauroit pu marquer par le bout dans 
la figure 8 ; mais on ne l’a pas deffinée 
pour éviter la confufion.. 

RR ( fig.7 & 8), chevalets affemblés 
& chevillés dans la piece Q , refendus eno 
(fig. 7), pour pañer les leviers , & en p 
(Jig- 8 ) pour recevoir leurs tourillons. 

S( fig. 8), leviers qui fervent àlever les 

L ji 


124 CUETURE 

pilons, &à les arrêter pendant qu’on vuide 
les auges : ils font portés par les chevalets 
R , où ils ont leur jeu : ils font faits d’une 
piece de bois de fil, de 6 pouces de large 
fur 2 pouces + d’épaiffeur. La face fupé- 
rieure du petit bras eft taillée fuivant une 
courbe développée d’un cercle , dont le 
rayon de 1$ pouces détermine la longueur 
de ce petit bras. Le plus grand rayon de 
cette courbe a aufli 15 pouces ; le grand 
bras a quatre fois cette longueur. On n’a 
point déterminé la longueur des cor- 
beaux , parce qu'elle dépend de la lon- 
gueur du petit bras du levier, qu’on peut 
augmenter , fi l’on veut , en donnant au 
grand bras telle longueur qu’on voudra, 
pourvu qu’on ait aflez de force pour lever 
les pilons. Le centre des tourillons doit 
être à la même hauteur que le deffous des 
mentonnets. Les extrémités des grands 
bras font réduites au quarré de leur épaif- 
feur, où l’on attache une corde q ( fig. 8), 
qu’on arrête à des chevilles r, qui font à 
la pile, quand on a élevé les pilons de 
12 à 14 pouces. Le plus près des extré- 
mités qu’on peut des petits bras, on at- 
tache une autre corde f; qu’on arrête aux 
mêmes chevilles r, quand les pilons tra- 
vaillent. 


T (fig. 8 & 9 }), arbre du hériflon vu 


DE LA GARANCE. 12ÿ 
par le bout ( fig. 8), & de face ( fig.9 )3 
ileftrond & de 14 pouces de diametre ; il 
eft garni de 12 leves fur quatre plans , ef- 
pacés de façon qu'étant en place, les le- 
ves fe trouvent vis-à-vis les mortaifes 
(fig. 7), où elles doivent entrer pour le- 
ver les pilons fans toucher aux joues : on 
les voit toutes ( fig. 8). Celles qui font 
fur le même plan , fe voient marquées des 
mêmes chiffres 1,2,3,4, & elles font 
cotées des mêmes chiffres ( fg. 9); elles 
font taillées dans des pieces de bois de 
pouces de largeur fur 2 + d’épaiffeur:leurs 
tenons ont 2 pouces + {ur 2 pouces , & 
font de toute la longueur qu’ils peuvent 
porter,pourvu qu'ils ne fe touchent pas,au 
centre de l’arbre. Du centre de l’arbre au 
point où les leves touchent le deflous des 
mortaifes k des pilons pour lesélever, il ya 
12 pouces; ce point avance fous les mor- 
tailes de $ à 6 lignes; c’eft le cercle qui 
pafle par ces points qui eft générateur 
d’une courbe qui en eft la développée, 
& qui donne la forme à la face fupérieure 
des leves. Le plus grand rayon de cette 
courbe eft auffi de 12 pouces. La face in- 
férieure eft coupée droite, & eft tangente 
dun cercle dont le rayon auroit un demi- 
pouce de moins que le cercle générateur 
de la courbe, afin qu’au moment que fa 


126 CULTURE 

pointe un peu arrondie échappe , rien n’ems 
pêche le pilon de defcendre. Il faut avoir 
attention que les tenons des leves foient 
bien de fil. 

VV (Fig. 10), bafe d’un pilon vu par le 
bout , pour faire comprendre l’arrange- 
ment des couteaux qui font repréfentés 
par les traits noirs , comme fi on n’en 
voyoit que les tranchants : les lignes pon- 
étuées marquent la divifion de cette fur- 
face pour les placer. 

Y (Fig. 11), un de ces couteaux mar- 
qué n dans la Figure 7 ; la hauteur du 
deffus du talon au tranchant , eft de 4 pou- 
ces ; la foie a 3 pouces +; la bafe un demi- 
pouce en quarré ; le talon environ 18 li- 
ghes dediametre ; les tranchants, 27 lignes 
de large: ils doivent êtreacérés & courts. 
Les Figures 10 & 11 font fur une 
échelle quadruple de celles des trois pre- 
mieres , afin qu’on en apperçoive mieux 
le détail. 


CO. N. GE US TON. 


Après ce que nous avons dit fur la cul- 
ture de la garance , fur la conftruction des 
étuves, & fur celle des moulins à meule 
verticale ou à pilons , il y a lieu d’efpérer 
que les Cultivateurs intelligents réufliront 
à multiplier une plante qui doit les dé- 


DE LA GARANCE. 127 
dommager des avances qu’ils auront fai- 
tes, & des peines qu’ils fe feront données: 
ils doivent de plus être engagés à furmon- 
ter les difhicultés qui fe préienteront, par 
les privileges que le Roi leur accorde en 
vertu de l’Arrêt du Confeil du 24 Février 
1756; mais ce qu'ils doivent encore re- 
garder comme un point très-avantageux , 
c'eft que la garance n’épuife point la terre, 
& que les labours que cette plante exige, 
difpofent cette terre à produire en abon- 
dance toutes fortes de grains : nous allons 
le prouver par quelques expériences. 

Dans les paysoüelle fe cultive,les terres 
portent une année du feigle ou de lé- 
peautre , l’autre année de l’orge ou de l’a- 
voine, la troifieme elles reftent en jachere, 
Dans le même efpace de trois ans, on 
peut faire une récolte de garance & une 
de grain. Une année, ayant fait femer de 
Pépeautre fur un arrachis de garance , ce 
grain, qui avoit été femé à la herfe, refta 
fix femaines fans paroïtre , à caufe que la 
terre étoit fort feche ; il n’en parut même 
après ce temps qu’une petite quantité 3 
néanmoins ;, à la moiflon , ce champ fournit 
autant de gerbes que les autres du pays; 
mais la paille avoit 6 pieds de longueur au 
lieu de 4, & les épis étoient une fois plus 
longs que ceux des autres champs, 


‘128 CULTURE 

Une autre année, ayant fait femer du 
blé de Mars fur un arrachis de garance, 
on récolta à raïfon de 20 douzaines de 
gerbes par arpent, tandis que les autres 
champs n’en donnerent que huit à neuf. 
Enfin , une autre année, ayant femé de 
Pavoine fur une terre d’où on venoit de 
tirer la garance, elle rendit quarante dou- 
zaines par arpent, & chaque douzaine fai- 
foit cinq boiffleaux : les terres ordinaires 
navoient produit cette année que cinq à 
6 douzaines. Aiïnfi on peut efpérer de la 
culture de la garance plufieurs avantages 
confidérables. 

1°, Un profit honnète par la vente de 
la racine. 

2°, Une amélioration confidérable des 
terres médiocres. 

3°, La fatisfaction de pouvoir occuper 
par ce moyen & donner à vivre à beaucoup 
de femmes & d’enfans. 

Ce font ces motifs qui ont engagé le 
Confeil à donner l’Arrêt que nous venons 
de citer. 

Mais en fuivant la méthode de M.d’Am- 
bourney, l'avantage fera encore plus con- 
fidérable , puifqu’on pourra fe pañler d’é- 
tuve , enemployant les racines toutes ver- 
tés pour la teinture. G 


CE CU EE À 


28. 


ee... 


Gxrence PLAT Poe 7 


x — 
> 
. À * de 
K 


Di comen on ; 
er. stat 


IN [M NIUE 
{ll qi fl! qi) Î tu |! I] “ 
ê NS 


AA 


Li. 


1 


= ———- ——— 


nr 


A 


Echelle pour 


TU 


Ag. 1. 


os a DA 


Garence PLIT Paz e128. 


Garence PI Î7 Pao. 128. 


LL) 


l 


WU 


Garence Pl I] Pa0, 128 


[ll 


ANA 
Er: 
AL AN AIN ù 
pu L 


il 


d 


LE 


ADDITION.: 


Jar dit dans le Traité de la Garance, que 14 
acinture rouge réfidoit principalement dans l’é= 
corce de la racine , & que le bois qui en conte- 
noit beaucoup moins, fournifloit une teinture 
jaune qui donnoit à la teinture rouge un œil 
orangé. J'ai ajouté que je croyois que ce jaune 
étoit de mauvais teint, & qu’il pouvoit s’'empor- 
ter promptement par les débouillis ou fur le pré = 
cependant les Teinturiers exigent que les garan- 
ces-grappes qu'ils achetent aient cet œil jaune qui 
ne peut venir que du bois de la racine. Pour ef 
fayer de connoitre fi j'étois dans l'erreur, &:fi 
les Teinturiers avoient raifon de donner la pré= 
#érence aux garances qui ont un œil jaune , j'ai 
pris de la garance fraichement arrachée , j'en ai 
aifément détaché l’écorce que j'ai fait fécher à 
part. J’ai auffi fait fécher le bois ; & ayant pul- 
vérifé l’un & l’autre, l'écorce m'a fourni une 
poudre tres-rouge, & le bois une poudre d’un 
rouge pale tirant fur le jaune. : 

J'ai teint avec l’une & l’autre poudre, féparé- 
ment,de petits écheveaux de laine blanche alunée. 
Le bain fait avec l'écorce étoit fort rouge ; 4a 
laine teinte avec ce bain a pris une couleur rouge 
foncée ; & ayant mis égoutter cet écheveau, ka 
liqueur qui en tcmboit étoit fort rouge. 

Le bain fait avec le bois étoit d’un rouge pâle 
ou beaucoup moins foncé que l’autre ; cependant 
la laine a pris plus de couleur que je ne croyois, 
moins à la vérité que celle qui avoit été teinte 
avec l'écorce, Ayant mis égoutter cet écheveau ; 

Garance. NM 


ñzo ADDITION. 


la liqueur que je recevois dans une jatte n’étoit 
point rouge ; mais jaune comme le fafran, 

N'étant pas bien verfé dans l’art du Teinturier , 
je n’ai pas eu beaucoup deconfiance àmon épreu- 
ve ; ce qui m'a déterminé à envoyer à M. & Am- 
bourney de la poudre du bois , & de la poudre de 
#’écorce , le priant d’éprouver l’un & l’autre. Il 
€n a fait l'épreuve , & voici ce qu'il me marque 
à ce fujet. 

« J'ai pris une petite quantité de coton, de la 
mpréparation duquel j'étois bien afluré. Je l’ai fait 
» deyider en deux écheveaux qui, étant bien fecs, 
“ont été pelés; l’un contre deux fois fon poids 
» de la partie ligneufe , autre aufli contre deux 
» fois fon poids du parenchyme. Je les ai teints 
» en même temps dans deux baflins de cuivre, & 
> j'ai remarqué comme vous, Monfeur , que le 
»bain de parenchyme a toujours été beaucoup 
» plus fort que celui du bois qui s’eft maintenu 
» long-temps d’un jaune de fafran, & eft enfin 
m devenu citron. L'opération finie , l’écheveau 
»teint en parenchyme avoit beaucoup plus de 
» fond que l’autre qui cependant étoit fort bon. Je 
les a fait paffer enfemble dans un avivage très- 
» fort, & un éébouilli de dix minutes dans le fa- 
» von : tous deux y ont bien réfifté, mais ils y ont 
» pris des nuances inépales, L’écheveau teintavec 
# le bois y a acquis le ton convenable pour l’em- 
» ployer en tiflu ; celui teint avec le narenchyme 
5 étant beaucoup plus foncé , je lui ai fait éprou- 
» ver un fecond débouilli pareil au premier,qui l’a 
» amené au ton de couleur de l’écheveau teint 
mavec le bois ». 

I! réfulte de cette expérience , 1°, que le pa- 
renchyme donne une couleur plus forte que le 
bois : 2°, Que le bois la donne plus gaie : 3°, 
Que tout eft bon dans la garance , & que l’épi- 


ADDITION. ir 
derme étant enlevé , le bois & l'écorce font bien 
enfemble : 4° , Que le préjugé des Confomma- 
teurs en faveur de la garance en poudre la plus 
jaune , oblige de la rober, pour qu’elle ait cette 
couleur jaune qui vient du bois; de forte que celle 
qui eft eftimée la plus belle eft précifément pa- 
reille à la poudre du bois dépouillé de parenchy- 
me: $°, La poudre du parenchyme feule ne fe- 
roit point eftimée dansle Commerce, quoiqu’elle 
fourniffe plus de rouge & plus beau, Nous avons 
cru que le détail de ces expériences feroit utile à 
ceux qui cultivent la garance , ainfi qu’à ceux qui 
en font ufage, 


FI N. 


à 25 l si mire e) a) : 
à ju sE stbnoq #8 Ar 
j (sn pEre ALU 
#f Tia: aup/2 0) : a res 
x Gi sg FASellsd Qui sis 
icimgqah à 3 ns ‘haré -d'ébehue 
re SOU SU 212169 uhienbaseg k 
‘(els bou como) slsasl SG 
“ao ts ayohL. sa3d: lg 3 °y:reqlisulés 
LSehgu | # PE 292 AIRES en a ès | 


er 
PA DRE À 10 liaia es CPE: 


5 MT 
DRE 
ALES D TO 
N Ÿ 


NÉ 


SB Duhamel du Monceau, Henri 


237 Louis 

M3D8 Traité de la garance 
Nouvelle ed. 

Biological 

& Medical 


PLEASE DO NOT REMOVE 
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET 


UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY 


D 


COTES 


en pue pe 


DELL: 
CRT 


er, 


CL gees 


+ 
0 
& 
. 
1 


DCE 
Ci 


nue 


sin 


se 
CUS 
FOIE 


ii 
St een 
ii 
FIN NTI 
RER